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Full text of "Biographie universelle, ancienne et moderne; ou, Histoire"

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BIOGRAPHIE 

UNIVERSELLE, 

ANCIENNE  ET  MODERNE 
SUPPLÉMENT. 


PRA  —  REU. 


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Iiiiprinicris  d'E.  Di  vkrker,  ru«  dt  Vorncuil,  n.  4. 


BIOGRAPHIE 

•  UNIVERSELLE, 

ANCIENNE  ET  MODERNE. 
SUPPLEMENT, 


SUITE  DE  l'BISTOIBE  ,  PAR  ORDRE  ALPHABÉTIQUE  ,  DE  LA  VIE  PCBLIQLE 
ET  PRIVÉE  DE  TOUS  LES  HOMMES  QUI  SE  SONT  FAIT  REMARQUER  PAR 
LEURS  ECRITS  ,  LEURS  ACTIONS  ,  LEURS  TALENTS ,  LEDBS  VERTUS  OD 
LEURS    CRIMES. 

OUTKAGK    CirriÈREMEilT    ITECK, 

RÉDIGÉ  PAR  UNE  SOCIÉTÉ  6e  GENS  DE  LETTRES  ET  DE  SAVANTS. 


Oa  doit  des  égards  aax  TiTants;oD  oe  doit  aax  morts 
que  la  Térilé.  (Volt.,  premiin  Lettre  sur  OEdipe.) 


TOME  SOIXAINTE-DIX-HLITIÈ.ME. 


A  PARIS, 
CHEZ  L.-G.  MICHAUD,  ÉDITEUR, 


RUE    DE   LA.  JUSSIENNE,  8. 

1846. 


m 


ftfium 


;  H 


SIGNATURES  DES  AUTEURS 


DU  SOIXANTE-DIX-HLITIÈME  VOLUME. 


MM. 


MM. 


A— D. 

Abtadd. 

G— T— b. 

Gauthier. 

A.  P. 

PÉKicADD  aîné  (Ant.). 

G-Y. 

Gley. 

A-T 

H.  Addiffret. 

L. 

Lefebvbe-Caijcbt. 

A— V. 

Alby  (René). 

L— c— J. 

Lacatte-Joltbois. 

Az— 0. 

AZARIO. 

L — M — X 

J.  Lamodbecx. 

B— D— E. 

Badichb. 

L— p— E. 

Hippolyte  de  la  Pobte. 

B— H— D. 

Bebnhabd. 

L— s— D. 

Lesoukd  (Louis). 

B— ÉE. 

BOULLÉB. 

L—T. 

Lécuy. 

B— F— S. 

Bonafous. 

M-D.  j. 

MicHAUD  jeune. 

B— L— M. 

Blumm. 

M-É. 

De  Monmerqué. 

B— N— T. 

Brun  ET  (Gustave). 

M— G— N. 

Magmn. 

B— P. 

De  Beacchamp. 

M— LE. 

Mentei.le. 

B-0. 

Beadlieu. 

M— ON. 

Marron. 

C— AU. 

CaTIEAU-C  ALLE  VILLE. 

OZ— M. 

OZANAM. 

C-L-B. 

De  Combette-Labodre- 

P.  L—T. 

Prosper  Levot. 

LIE. 

P-OT. 

Parisot. 

c— L— T. 

Collombet. 

P— rt. 

Philbebt. 

C.  M.  p. 

PiLLET. 

P-S. 

PÉBlèS. 

C— T— p. 

Chateaonedf. 

P— V— T. 

Prévost. 

c.  T-Y. 

Coql'ebebt  de  Taizy. 

R— D— N. 

Renacldin. 

D—B— s. 

Ddbois  (Louis). 

R— F— G. 

De  Reiffenberg. 

D—És. 

Després. 

St— T. 

De  Stassart. 

D-G. 

Depping. 

S-y. 

De  Salaberby. 

D— H— E. 

Dehèque. 

T— D. 

Tabaraud. 

D-S— E. 

Dassance. 

V— VE. 

Villenave. 

D— z— s. 

Dezos  de  la  RogUETTE. 

V.  s.  L. 

Vincens-Saint-Laurent. 

E-s. 

E  Y  RIES. 

V.  D'A, 

Viblet  d'Aoust. 

F.  P— T. 

Fabien  Pillet. 

W— R. 

Walckenaer. 

F-T-E. 

De  la  Fontenblle. 

W— s. 

Weiss. 

G— 6— Y. 

De  Grégory. 

Z. 

Anonvme. 

BIOGRAPHIE 

UNIVERSELLE. 
SUPPLÉMENT. 


P. 


PRADIIER  (Louis-Barthélemi), 
compositeur  et  pianiste  distingué, 
naquit  à  Paris  le  16  décembre  1782. 
Fils  d'un  violoniste  très-renommé 
par  son  talent  pour  l'accompagne- 
ment ,  attaché  à  l'orchestre  de  l'O- 
péra, et  mort  vers  1810;  neveu  de  la 
célèbre  Dug4zon  Ivoy.  LXIll,  77),  et 
de  son  frère  Lefebrre  qui  fut  long- 
temps chef  d'orchestre  de  l'Opéra- 
Comique;  enfin  beau-frère  de  M. 
Louis  Séjan  qui,  comme  organiste, 
a  presque  obtenu  la  réputation  de 
son  père  Nicolas  Séjan,  il  n'a  rien 
manqué  à  Pradher  pour  voir  sa  vie 
entière  sous  l'influence  d'une  atmos- 
phère musicale.  En  effet,  dès  l'âge 
de  18  ans,  il  avait  épousé  M"«Phili- 
dor,  fille  de  l'un  des  plus  anciens 
compositeurs  de  l'Opéra  -  Comique 
{voy.  Philidor,  XXXIV,  57);  et, 
veuf  de  sa  première  femme,  il  se  ma- 
ria en  secondes  noces,  en  1820,  avec 
M"«  More  que  ses  charmes  et  ses  ta- 
lents ont  fait  vivement  regretter,  lors 
de  sa  retraite  prématurée  de  l'Opéra- 
Comique.  Dès  l'âge  de  huit  ans,  élève 
de  son  oncle  Lefebvre,  puis  de  Go- 
bert,  à  l'École  royale  de  musique, 
supprimée  dans  les  premières  an- 
nées de  la  révolution,  Pradher  fut 
un  des  deux  élèves  auxquels  M*^  de 
rxxviu. 


Montgeroult  donna  ses  soins  par  or- 
dre du  gouvernement.  Après  l'éta- 
blissement du  Conservatoire,  sous  le 
nom  d'Institut  de  musique,  en  1794, 
Pradher  y  fut  admis,  reçut  encore 
des  leçons  de  Gobcrt,  et  remporta, 
dans  les  deux  premiers  concours,  le 
premier  et  le  second  prix  de  piano. 
A  seize  ans  il  prenait  déjà  rang  par- 
mi les  meilleurs  pianistes  de  la  ca- 
pitale, et  il  apprit  ensuite  l'harmonie 
sous  Berton  et  le  contre- point  sous 
Méhul.  Ayant  quitté  le  Conservatoire 
à  l'époque  de  son  premier  mariage, 
il  y  rentra  un  an  après,  à  la  suite 
d'un  brillant  concours,  où  il  avait 
exécuté  à  la  première  vue  des  fu- 
gues manuscrites  d'une  extrême  dif- 
ficulté. Il  fut  alors  nommé  professeur 
de  piano,  à  la  place  d'Hyacinthe  Ja- 
din,  son  ami,  décédé  en  1801,  et  il 
conserva  cette  place  jusqu'en  1815. 
Sa  classe  fut  toujours  fort  suivie,  et 
il  en  est  sorti  plusieurs  élèves  dis- 
tingués. Comme  il  était  très- bon  ac- 
compagnateur, le  célèbre  chanteur 
Carat  l'avait  choisi  pour  son  pianiste, 
dans  les  concerts  publics  et  de  so- 
ciété. Il  ne  manquait  plus  à  Pradher 
que  de  joindre  à  sa  brillante  et  gra- 
cieuse exécution  le  talent  de  compo- 
siteur dramatique.  Il  avait  déjà  pu- 
4 


2  PRA 

blié  un  grand  nombre  d'œuvres  de 
musique ,  notamment  treize  recueils 
de  romances,  parmi  lesquelles  il  faut 
citer  celle  qui  commença  sa  réputa- 
tion, en  1798,  le  Bouton  de  Roscj 
paroles  de  M™*  Pipelet,  depuis  prin- 
cesse deSalm-Dyck  {voy.  ce  nom,  au 
Snppl.),  le  Printemps,  etc.,  des  sona- 
tes de  piano  avec  ou  sans  accom- 
pagnement de  violon  obligé,  des 
rondos  de  chant,  un  concerto  de  pia- 
no, deux  pots-pourris ,  des  varia- 
tions sur  la  romance  d/Héléna^  une 
fantaisie  sur  celle  du  Point  du 
jour,  etc.  Pradher  a  été  moins  heu- 
reux dans  ses  compositions  drama- 
tiques, dont  souvent  lesuccès  tient 
plus  au  mérite  du  poème  qu'au  ta- 
lent du  musicien.  Il  a  donné  à  l'O- 
péra-Comique  six  ouvrages  :  (  avec 
son  cousin  Gustave  Dugazon)  h  Che- 
valier d'industrie,  en  un^acte,  paroles 
de  Saint-Viclor,  1804  5  (seul)  la  Folie 
musicale,  ou  le  Chanteur  prisonnier^ 
en  un  acte,  paroles  de  Francis  Dal- 
larde,  1807;  (avec  Berton)  Jeune  et 
Vieille,  en  un  acte,  paroles  de  Cha- 
zet,  1811;  (seul)  VEmprunt  secret, 
en  un  acte,  paroles  de  M.  Planard, 
1812;  le  Philosophe  en  voyage,  en 
troisactes,  paroles  de  M.  Paul  deKock, 
1821  \Jenny  la  bouquetière^  en  deux 
actes,  paroles  de  Bouilly  et  Pain, 
1823.  Dans  la  composition  de  ces 
deux  derniers  ouvrages  qui  réussi- 
rent plus  que  les  premiers,  Pradher 
eut  pour  collaborateur  Fréd.  Kreubé; 
mais  dans  ses  autres  opéras  on  avait 
applaudi  aussi  plusieurs  morceaux. 
L'exécution  de  cet  artiste  sur  ïe  pia- 
no était  à  la  fois  gracieuse ,  expres- 
sive, brillante  et  vive.  Il  joignait  à 
ses  talents  tous  les  agréments  de  la 
ligure,  de  la  taille,  de  l'esprit,  des 
belles  manières  et  du  bon  ton.  Il 
suppléa  temporairement  Boïeldicu  au 
Conservatoire,  de  1802  h  1807.  Main- 


PRA 

tenu  dans  son  emploi  de  professeur 
de  piano,  lorsqu'en  1815  le  Conser- 
vatoire fut  remplacé  par  l'École 
royale  de  musique  et  de  déclama- 
tion ;  chevalier  de  la  Légion-d'Hon- 
neur  en  1825,  pianiste  de  Charles  X 
et  directeur  de  la  musique  de  Made- 
moiselle en  1827  ,  il  n'en  fut  pas 
moins  un  des  douze  professeurs  ré- 
formés, en  1828,  par  M.  Sosthèncs  de 
la  Rochefoucauld,  pour  payer  les  ho- 
noraires d'un  seul  professeur  italien. 
Pradher  a  été  aussi  maître  de  musi- 
quedes  enfants  du  roi  Louis-Philippe. 
On  a  encore  de  lui  d'autres  roman- 
ces, nocturnes,  sonates,  etc.  Menacé 
de  phthisie  pulmonaire,  après  avoir 
donné  avec  sa  femme  des  concerts 
dans  la  Belgique  et  dans  diverses  par- 
ties de  la  France,  il  s'était  retiré  dans 
le  midi  pour  rétablir  sa  santé,  et  il 
résida  long-temps  à  Toulouse,  où  son 
talent  ne  fut  pas  moins  apprécié  qu'à 
Paris.  Pendant  l'été,  il  allait  respi- 
rer un  air  plus  frais  dans  une  pro- 
priété qu'il  avait  acquise  à  Gray.  C'est 
là  qu'il  mourut,  vers  la  fin  d'oct. 
1843,  dans  les  bras  de  sa  femme,  qui, 
depuis  1835,  avait  quitté  le  théâtre 
avec  une  pension,  pour  suivre  et  soi- 
gner son  mari.  Il  n'a  laissé  de  son 
premier  mariage  qu'un  lîls  qui,  après 
avoir  été,  avec  un  de  ses  cousins,  Phi- 
lidor,  à  la  tête  d'une  maison  de  joail- 
lerie ,  tient  aujourd'hui  un  emploi 
honorable  dans  les  finances  de  la  pré- 
fecture de  la  Seine.  A — t. 

PRADO  (Blas  bel),  peintre,  né 
à  Tolède  en  1498,  fut  élève,  selon 
les  uns,  du  Berruguelte,  et,  selon 
d'autres,  de  Comontcs.  Quoi  qu'il  en 
soit,  Prado  se  fit  connaître  par  un 
véritable  talent  dans  tous  les  genres 
de  peinture,  et  le  roi  Philippe  II  l'en- 
voya à  l'empereur  de  Maroc,  qui  lui 
avait  demandé  un  artiste  habile  pour 
faire  le  portrait  d'une  de  ses  filles, 


PRA 


PRA 


et  pour  exécuter  divers  embellisse- 
ments dans  ses   palais.  Prado    fat 
reçu  avec  distinction  par  l'empereur 
qui  le  combla  de  présents.  Après  un 
séjour  de  peu  de  durée  en  Afrique , 
il  revint  dans  sa  patrie,  où,  par  une 
bizarrerie  qui  tenait  à  la  tournure  de 
son  esprit,  il  conserva  jusqu'à  la  fln 
de  ses  jours  le  costume  et  la  manière 
de  vivre  des  Orientaux.  Il  est  connu 
par  les  travaux  de  restauration  qu'il 
a  faits  à  un  grand   nombre  de  ta- 
bleaux précieux,  ainsi  que  par  plu- 
sieurs tableaux  de  sa  composition 
qui  lui  assignent  un  rang  éminent 
parmi  les  artistes  de  son  pays.  On 
cite  entre  autres  un  Saint  Biaise  en 
habits  pontificaux,  une  Présentation 
au  Tetnple,  une  Sainte  famille,  mais 
surtout  la  Descente  de  croix  et  la 
Vierge  et  Sainte  Catherine  qui  exis- 
tent à  Madrid,  et  que  Ton  regarde , 
avec  raison,  comme  des   ouvrages 
d'un  véritable  mérite.  Ce  qui  en  fait 
le  caractère  distinclif,  c'est  la  pureté 
du  dessin,  le  grandiose  des  formes  et 
la  simplicité  de  la  composition,  il 
existe  aussi,  dans  la  chapelle  de  Té- 
vêque  de  Placentia  à  Madrid,  un  fort 
beau  paysage  qui  prouve  son  talent 
supérieur  dans   ce  genre  de  pein- 
ture. Il  peignait  avec  un  égal  suc- 
cès les  fleurs,  les  fruits,  qu'il  ne  co- 
piait jamais  que  d'après  nature,  et  il 
en    faisait  des  guirlandes   dont,  à 
l'exemple  de  Seghers  et  de  Deheem, 
il  enrichissait  ses  compositions.  II 
mourut  à  Madrid  en  1557.    P — s. 
PRADO  (le   P.  JÉRÔME).  Voy. 

ViLLALPAND,  XLVUI,  497,  UOtC  1. 

PRADT  (Dominique  Dufour  de), 
l'un  des  écrivains  politiques  les  plus 
féconds  de  notre  époque,  naquit  dans 
le  village  d'Allanches  en  Auvergne 
le  23  avril  1759,  unique  fruit  d'une 
mésalliance.  Son  père  était  roturier 
et  sa  mère  se  prétendait  de  la  fa- 


mille des  La  Rochefoucauld,  ce  qui 
n'est  pas  aussi  prouvé  que  la  parenté 
du  maréchal  Duroc,  un  peu  moins 
illustre,  mais  dont  il  tira  bon  parti, 
comme  on  le  verra  plus  tard.  Des- 
tiné de  bonne  heure  à  l'état  ecclé- 
siastique, il  devait  parcourir  cette 
carrière  avec  de  grands  avantages. 
Après  avoir  fait  de  bonnes  études  qui 
furentachevées  au  séminaire,  il  entra 
fort  jeune  dans  les  ordres ,  et  fut 
nommé,  peu  de  temps  avant  la  révo- 
lution,grand-vicaire  du  cardinal  delà 
Rochefoucauld,  archevêque  de  Rouen. 
S'étant  fait  remarquer  dans  cette  place 
par  son  esprit  et  par  son  dévoue- 
ment à  la  cause  de  la  religion  et 
de  la  monarchie,  il  fut  nommé,  en 
1789,  député  du  clergé  de  la  pro- 
vince de  Normandie  aux  États-gé- 
néraux, où  il  montra  beaucoup  de 
zèle  pour  les  intérêts  de  son  ordre,  et 
signa  toutes  les  protestations  de  la 
minorité  contre  les  innovations  révo- 
lutionnaires, se  réunissant  en  cela 
constammentaux  Cazalès,  aux  Haury- 
Montant  rarement  à  la  tribune,  il  par- 
lait souvent  de  sa  place,  et  se  conten- 
tait d'attaquer  ses  adversaires  par  de 
brusques  interruptions,  des  sarcas- 
mes ou  des  saillies  toujours  vives  et 
spirituelles.  Sa  motion  la  plus  impor- 
tante fut  celle  qu'il  fit  très-inutile- 
ment, comme  toutes  celles  du  même 
genre,  pour  que  les  religieux,  auto- 
risés à  rester  dans  leur  cloître  après 
la  suppression,  y  conservassent  du 
moins  l'usage  de  leur  mobilier.  Ar- 
rivé à  la  fin  de  la  session  sans  s'être 
démenti,  l'abbé  de  Pradt  figurait  au 
premier  rang  des  défenseurs  de  la 
mouarchie,  et  comme  tel  il  comprit 
qu'il  n'y  avait  plus  en  France  pour 
lui  ni  sûreté  ni  fortune.  Se  voyant 
privé  de  son  emploi  de  grand-vicaire 
par  suite  de  la  constitution  civile  du 
clergé,  à  laquelle  ni  lui  ni  son  arche- 
1. 


PRA 


vêque  n'adhérèrent,  il  se  décida  a 
quitter  son  ingrate  patrie,  et  se  ren- 
dit en  Belgique,  où  venait  de  se  ter- 
miner une  révolution  moins  contraire 
au  clergé,  mais  où  il  fut  néanmoins 
réduit  à  toutes  les  misères  de  l'émi- 
gration. Ne  trouvant  de  dédommage- 
ment à  son  infortune  que  dans  la  so- 
ciété de  quelques  émigrés  distingues 
par  leur  esprit  et  leurs  opinions  mo- 
narchiques, tels  que  Rivarol  et  Panât, 
il  se  lia  intimement  avec  eux.  Bientôt 
obligé  de  quitter  ce  pays,    envahi 
par  Dumouriez  dans  le  mois  de  nov. 
1792,  il  se  retira  en  Westphalie,  d'où 
il  revint  à  Bruxelles  lorsque  le  prince 
de  Cobourg  y  rentra  l'année  suivante, 
après  la  bataille  de  Nerwinde.  L'abbé 
de  Pradt  passa  encore  plusieurs  mois 
dans  cette  ville,  s'occupant  beaucoup 
de  politique,  et  voyant  fréquemment 
le  comte  de  Mercy-Argenteau,  ancien 
ambassadeur  d'Autriche  à  Versailles 
{voy.  Meecy-Abgenteau ,   LXXIII, 
468),  qui  était  alors  chargé,  ainsi  que 
le  comte  de  Trauttmansdorff,  des  né- 
gociations secrètes  entre  le  fameux 
comité  de  salut  public  et  la  cour  de 
Vienne.  On  sait  de  quelle  influence 
furent  ces  négociations  sur  les  desti- 
nées du  monde.  Sans  être  initié  dans 
tous  les  secrets  de  cette  grande  affaire, 
de  Pradt  avait  trop  d'esprit  et  de  sa- 
gacité pour  n'en  pas  pénétrer  les  plus 
importants.  Nous   l'avons  entendu 
plus  d'une  fois  raconter  avec  sa  gaîté 
ordinaire  ce  qu'il  en  avait  appris  de 
la  bouche  même  du  diplomate  autri- 
chien, qui  lui  disait  sérieusement  que 
le  gouvernement  de  monsieur  de  Ro 
bespierre  inspirait  assez  de  conliance 
à  sa  cour  pour  qu'il  lui  parût  conve- 
nable de  traiter  avec  lui.  On  ne  peut 
plus  douter  aujourd'hui  que  ce  ne 
soit  par  suite  de  cette  confiance  in- 
spirée au  cabinet  de  Vienne  par  won- 
■vcur  de  Robespierre  que  les  armées 


PRA 

de  la  coalition,  victorieuses  et  maî- 
tresses de  nos  plus  fortes  places,  se 
soient  tout  à  coup  arrêtées  sur  notre 
frontière,  et  qu'elles  aient  évacué  la 
Belgique.  {Yoy.  Kilmaine  ,  LXVlll , 
517.)  Ces  négociations  de  Bruxelles 
eurent  encore  d'autres  résultats  im- 
portants, et  de  Pradt  en  a  parlé  dans 
plusieurs  de  ses  écrits,  notamment 
dans  la  Belgique  depuis  1789  jus- 
qu'en 1794.  On  est  même  fonde  à 
croire  que  les  notions  qu'il  y  puisa 
eurent  quelque  influence  sur  le  suc- 
cès de  son  Antidote  au  congres  dô 
Rastadt.  Lorsque,  en  conséquence  de 
ces  négociations,  laBelgiquefut  éva- 
cuée une  seconde  fois  par  les  armées 
de  l'Autriche  en  1794,  l'abbé  de  Pradt 
et  ses  amis  se  réfugièrent  a  Ham- 
bourg, et  il  continua  à  s'occuper  pen- 
dant plusieurs  années,  avec  Baudus, 
Rivarol  et  quelques  autres,  d  intri- 
gues et  de  publications  politiques. 
Il  eut,  dit-on,  une  grande  part  à  la 
Biographie  des  hommes  de  la  révo- 
lution, 3  vol.  in-8o,  publiée  dans  cette 
ville  en  1800  et  qui  fut  le  type  ou 
le  modèle  de  bien   d'autres,  ainsi 
qu'au  Spectateur  du  Nord  dont  Bau- 
dus était  le  principal  rédacteur.  Il  lit 
insérer  dans  ce  journal  quelques  ar- 
ticles militaires  qui  furent  remarques, 
et  même  attribués  par  beaucoup  de 
personnes  à  un  ancien  général  ;  ce  qui 
lui  donna  des  prétentions  à  la  science 
de  la  guerre,  et  lui  fit  concevoir  la 
pensée  d'en  écrire  l'histoire  contem- 
poraine -,  mais  il  y  renonça  bientôt, 
persuadé  que  son  titre  d'abbé  suftirait 
pour  en  empêcher  le  succès.  C'est 
aussi  dans  ce  temps  qu'il  s'occupa  de 
son  ouvrage   le    plus  remarquable, 
VAntidote  au  congrès  de  Rastadt, 
dont  le  succès  fut  prodigieux  dans 
toute  l'Europe.  Comme  il  n'y  avait 
pas  mis  son  nom,  beaucoup  de  lec- 
teurs l'attribuèrent  à  l'autour  des 


PRA 


PRA 


Considératians  sur  la  France,  ou- 
vrage également  important,  et  qui 
venait   de  paraître.  On   Jes   rëunit 
même  tous  deux  dans  un  seul  volume 
qui  fut  imprimé  clandestinement  à 
Paris  en  1798,  sous  la  rubrique  de 
Londres,  avec  le  nom  de  de  Mais- 
tre.  II  y  en  eut  dans  la  même  année 
plusieurs  autres  éditions  en  Suisse , 
en  Allemagne,  en  Angleterre;  et  les 
hommes  de  tous  les  partis,  de  toutes 
les  opinions,  le  lurent  avec  le  plus 
vif  intérêt.  Tous  les  journaux  en  par- 
lèrent avec  admiration,  et  nous  n'a- 
vons pas  oublié  les  articles  remarqua- 
bles que  lui  consacra  le  Journal  des 
hommes  libres  rédigé  par  Antonelle, 
celui  des  écrivains  qui  montrait  alors 
le  plus  d'exaltation  démagogique.  Ce 
journal  déclara  hautement  que  c'était 
laproduction  la  plus  redoutable  qu'eût 
imaginée  \e.géniedela  contrerétolu- 
tion.  Mallet  du  Pan,  l'un  despenseurs 
les  plus  profonds  de  notre  époque,  en 
fut  aussi  frappé  d'admiration,  et  il  en 
cita  de  longs  fragments  dans  son  Mer- 
cure britannique.  «IN'ous  regrettons, 
«  dit-il,  deue  pouvoir  transcrire  tout 
«  entier  le  dernier  chapitre  écritavec 
«  une  vigueur  de  raison ,  une  préci- 
«  sion  de  vérité  qu'il  est  peu  aisé  de 
«  rendre  dans  un  extrait.  L'auteur  y 
«  examine  et  y  bat  en  ruines  le  sys- 
«  tème  de  défensive  adopté  par  les 

•  puissances  au  moment  où  il  ecri- 
«  vait,  et  auquel  il  n'est  pas  certain 
«  qu'elles  veuillent  renoncer.  Il  dé- 
«  mêle  très-bien  les  intentions,  les 
«  intrigues,  le  but,  les  folles  illusions 
«  qui  les  ont  occupées  dans  l'origine 
«  et  depuis  le  traité  de  Campo-For- 
«  mio...  Au-dessus  des  préjugés  de 

•  nation,  de  condition  et  de  parti, 
'  il  paraît  unir  à  la  vigueur  de  carac- 
«  1ère  celle  d'un  esprit  étendu  et 

•  cette  capacité  si  rare,  qui  s'apphque 
■  aux  différentes  branche*  de  l'iii- 


«  telligence  humaine.  «Lorsqu'il  par. 
lait  ainsi  de  ce  livre  prodigieux,  Mal- 
let du  Pan  n'en  connaissait  pas  l'au- 
teur, car  de  Pradt  continuait  à  se  te- 
nir caché,   redoutant  également  le 
ressentiment  des  puissances,   dont 
le  premier  il  avait  révélé  la  hon- 
teuse politique,  et  celui  des  révolu- 
tionnaires, dont  il  dévoilait  aussi  les 
projets  funestes.  Après  un  demi-siô- 
cle  nous  venons  de  relire  cet  ouvrage, 
et  nous  y  avons  encore  trouvé  de  nou 
veaux  motifs  d'étonnement  et  d'ad- 
miration. Une  grande  partie  de  ce 
qui  s'est  fait  en  1814  y  est  expliquée 
et  prévue.  Les  exhortations  qui  y  sont 
adressées  aux  puissances  pour  les  dé- 
cider à  se  coaliser  contre  la  révolu- 
tion sont   appuyées  sur  les  mêmes 
motifs  qui  les  portèrent  plus  lard  à 
se  coaliser  contre  Napoléon  ;  enlin  l.i 
restauration  et  les  divisions  de  ter- 
ritoire que  l'abbé  de  Pradt  indiquait 
en  1798  sont  fondées  sur  les  mêmes 
bases  et  les  principes  de  légitimité  et 
d'équilibre  européen  qui  furent  adop- 
tés par  les  traités  de  Paris  et  le  con- 
grès de  Vienne.  On  doit  remarquer 
seulement  qu'à  cette  dernière  époque 
les  uiaitres  de  nos  destinées,  les  rois 
coalisés,  furent  moins  grands,  moins 
généreux   que  l'abbé    de  Pradt    ne 
l'avait  prévu,  ou  qu'il  n'avait  osé  le 
dire.  Certes  il  u'avait  pas  pensé  que 
la  monarchie  de  Louis  XIV  dût  être 
rétablie  sur  des  bases  aussi  frêles, 
et  bien  moins  encore  que  tous   les 
torts,  tous  les  crimes  de  la  révolution 
dussent  être  non-seulement  pardon- 
nes, oubliés,   mais  honorés  et  ré- 
compensés. Après  ce  grand  ouvrage, 
qui  est  resté  le  plus  remarquable  de 
ses  écrits,  l'abbé  de  Pradt  fit  paraître 
dans  le  même  système,  mais  toujours 
sous  le  voile  de  i'anonyme,  la  Prusse 
et  sa  neutralité,  où  se  trouvent  en- 
core des  pages  d'un  sens  très-pro- 


«  PRA 

fond;  mais  les  circonstances  le  favo- 
risèrent moins  que  V Antidote.  La  coa- 
lition était  dissoute  lorsque  ce  second 
ouvrage  fut  publié.  D'un  autre  côté, 
la  révolution   du  18  brumaire,  qui 
avait  rendu  Bonaparte    maître   du 
pouvoir,  diminuait  considérablement 
les  chances  de  succès  pour  les  roya- 
listes 5  enfin  la  Prusse  avait  plus  de 
raisons  que  jamais  de  persister  dans 
sa  neutralité.  Ce  livre  fit  donc  peu 
de  sensation,  et  on  le  connut  à  peine 
en  France  où  il  ne  fut  pas  réimprimé. 
Quels  que  fussent  le  mérite  et  le  suc- 
cès des  écrits  que  publia  dans  ce  temps- 
là  l'abbé  de  Pradt,  il  continuait  de 
rester  un  obscur  émigré,  vivant  dans 
la  gêne,  dans  les  privations  de  l'exil, 
avec  de  faibles  secours  qu'il  rece- 
vait par  intervalle  des  princes  frères 
de  Louis  XVI.  Peu  fait  pour  ce  genre 
de  vie  et  n'en  voyant  pas  le  terme 
hors  de  France,  il  songea  sérieuse- 
ment à  y  revenir.  Profitant  de  la  tolé- 
rance que  legouvernement  consulaire 
montrait  pour  le  plus  grand  nornbre 
des  émigrés,  il  écrivit  à  Louis  XVIII, 
résidant  alors  à  Mittau,  qu'il  allait 
rentrer  en  France  pour  mieuœ  servir 
sa  cause;  et  il  se  rendit  en  effet  à  Pa- 
ris, où  nous  l'avons  v-u   arriver  au 
commencement  de  l'année  1802,  dans 
un  état  véritablemenl  pitoyable,  'et 
réduit  à  se  loger  au  quatrième  étage 
d'une  chétive  maison  de  la  rue  des 
Canettes,  non  loin  de  l'église  de  Saint- 
Sulpice,  où  un  peu  plus  tard  il  devait 
être  sacré  évoque  par  le  souverain 
pontife.  C'est  là  que  nous  reçûmes  de 
ses  mains  le  manuscrit  de  ses  Trois 
âges  des  colonies,  dont  nous  fîmes  la 
première  édition.  L'ouvrage  eut  peu 
de  succès-,  c'était  un  sujet  tout  à  fait 
nouveau  pour  de  Pradt,  et  d'un  assez 
médiocre  intérêt  pour  la  France.  He- 
coimaissant  lui-même  qu'une  grande 
partie  en  rff ait  empruntée  à  Raynal , 


PRA 

il  s'est  vanté  d'y  avoir  prévu  beau- 
coup de  choses  qu'on  a  vues  se  réaliser 
depuis;  mais  on  peut  dire  sans  exagé- 
ration que  la  plupart  de  ces  prédic- 
tions étaient  faciles,  et  qu'il  n'y  avait 
pas  grand  mérite  à  les  faire.  Toujours 
actif  et  s'occupant  de  vingt  objets  à 
la  fois,  de  Pradt  voyait  alors  beau- 
coup de  monde,  et  il  se  liait  avec  des 
hommes  de  tous  les  rangs  et  de  tous 
les  partis.  Nous  n'oserions  pas  aflir- 
mer  qu'il   remplit  fort  exactemeiït 
l'engagement  qu'il  avait  pris  envers 
Louis  XVIII,  de  ne  rentrer  en  France 
que  pour  servir  sa  cause.  Cependant 
nous  devons  déclarer  qu'il  profes- 
sait assez  hautement  les  opinions  les 
plus  monarchiques ,  les  plus  contre- 
révolutionnaires.  Et  ce  qui  est  fait 
pour  étonner,  c'est  que  dans  le  même 
temps  il  voyait  des  gens  de  la  nouvelle 
cour,  tels  que  Talleyrand  son  ancien 
collègue.  Madame  de  la  Rochefou- 
cauld et  surtout  Duroc,  qui  le  pré- 
senta à  son  maître,  et  parla  si  bien 
de  l'esprit  et  des  vues  politiques  de 
son  cousin,  que  le  consul  voulut  aus- 
sitôt l'attacher  à  sa  personne,  et  qu'il 
ne  tarda  pas  à  en  faire  son  aumônier. 
Admis  ainsi  dans  la  plus  grande  fa- 
veur ,  de  Pradt  assista  au  sacre  im- 
périal qui  se  fit  par  le  pape  dans  la 
cathédrale  de  Paris ,  au  mois  de  déc. 
1 804.  Nous  l'y  avons  vu  se  prosterner 
humblement   devant    l'homme  que 
quelques  mois  auparavant  nous  l'a- 
vions entendu  accuser  et  censurer 
de  la  manière  la  plus  amère.  Le  nou- 
vel empereur  fut  si   content  de  lui 
dans  cette  occasion  ,  qu'il  le  nomma 
évêqiie  de  Poitiers ,  le  créa  baron  et 
lui  donnaune  gratification  de  40  mille 
francs.  Le  pauvre  abbé  parut  en  vé- 
rité étourdi  de  tant  de  félicité,  et  l'on 
crut  qu'il  allait  on  perdre  la  tète. 
Montrant  k  chaiiue  instant  une  ma- 
gnifique tabatière,  qui  avait  accom- 


PRA 


PRA 


pagné  la  faveur  impériale,  il  disait 
il  tout  venant  qae  ce  n'était  que  la 
préface  d'un  livre  beaucoup  plus  con- 
sidérable ;  qu'il  était  devenu  l'aumô- 
nipr  du  dieu  Mars,  enfin  que  l'uni- 
vers avait  changé  de  maître...  Et  ce 
délire  augmenta  encore  lorsqu'il  lui 
[ut  ordonné  d'accompagner  Napoléon 
k  Milan,  où  le  nouvel  empereur  se  fit 
sacrer  le  26  mai  1805,  comme  roi  d'I- 
talie, par  le  cardinal  Caprara,  le  pape 
n'ayant  pas  consenti  à  s'y  rendre.  Ce 
fut  l'évèque  de  Poitiers  qui  officia  pon- 
tificalement  à  la  cérémonie.  Il  suivit 
encore  son  maître  à  Gênes,  et  partout 
il  eut  avec  lui  de  longues  conversa- 
tions, qui  parurent  intéresser  le  mo- 
narque. Enfin  de  Pradt  jouit  alors  de  la 
plus  haute  faveur  et  il  fut  admis  dans 
lous  les  secrets  de  la  politique  impé- 
riale, notamment  à  Bayonne  où  Napo- 
léon le  mit  dans  la  confidence  de  tous 
ses  projets  contre  la  famille  royale 
d'Espagne.  Le  prélat-aumônier  a  bien 
dit  pinstard,  dans  ses  Mémoires  sur  la 
révolution  de  ce  pays,  qu'il  fil  tous  ses 
efforts  pour  l'en  détourner,  mais 
nous  regardons  cette  assertion  comme 
d'autant  moins  vraie  que  de  Pradt 
reçut  aussitôt  après  une  gratification 
de  50  mille  francs ,  et  qu'il  ne  tarda 
pas  à  être  nommé  archevêque  de  Ma- 
lines  et  grand-officier  de  la  Légion- 
d'Honueur.  Certes  l'on  sait  assez  que 
ce  n'est  pas  ainsi  que  Napoléon  trai- 
tait ceux  qui  avaient  le  courage  de  le 
contrarier  dans  ses  projets.  Mais  au 
reste  comment  le  vaniteux  abbé  au- 
rait-il pu  ne  pas  se  plier  aux  volontés 
de  celui  qui  venait  de  conclure  le 
traité  de  Tilsitt,  de  celui  qui  avait 
partagé  le  monde  avec  l'empereur 
Alexandre!  L'archevêque  deMalines 
donna  dans  ce  temps-là  plusieurs 
mandements  dans  lesquels  il  invo- 
qua la  miséricorde  divine  pour  son 
auguste  bienfaiteur,  avec  non  moins 


de  zèle  et  d'hnmilité  que  les  autres 
prélats.  Dans  les  démêlés  avec 
Pie  VII  qui  survinrent  bientôt,  il 
montra  encore  beaucoup  de  dévone- 
ment,  et  fut  envoyé  à  Savoneen  1811, 
avec  trois  autres  prélats,  pour  y  né- 
gocier un  raccommodement;  mais  ce 
message  eut  p«u  de  succès  (roy. 
Pie  vit,  LXXVII,  134),  et  le  pontife 
ne  consentit  qu'à  de  faibles  conces- 
sions. De  Pradt  s'est  néanmoins  vanté 
d'avoir  alors  donné  à  Napoléon  de 
très-bons  avis ,  et  surtout  de  l'avoir 
décidé  à  faire  ouvrir  an  concile.  Ce- 
pendant il  est  bien  sûr  qu'à  cette 
époque  il  éprouva  un  moment  de  dis- 
grâce et  qu'il  lui  fut  enjoint  de  se 
rend  re  dans  son  diocèse,  parce  que,  lui 
dit  Napoléon,  les  évéques  doivent  ré- 
sider. C'était  assurément  ce  qui  pou- 
vait arriver  de  plus  fâcheux  à  l'impa- 
tient et  mobile  prélat.  Il  s'y  résigna 
pourtant  ;  mars  il  fut  bientôt  tiré  de 
celte  espèce  d'exil  par  l'empereur 
lui-même,qui,  parlant  en  1812  pour 
sa  guerre  de  Russie,  le  fit  venir  en 
toute  hâte  à  Dresde,  afin  de  lui  don- 
ner les  instructions  d'ambassadeur 
en  Pologne.  Il  a  rapporté  d'une  ma- 
nière fort  intéressante  dans  l'His- 
toire de  cette  ambassade,  ses  con- 
versations avec  le  grand  empereor, 
alors  à  l'apogée  de  sa  gloire  et  de  sa 
puissance  {voy.  Napoléon,  LXXV, 
193) ,  et  le  récit  de  son  passage  à  Varso- 
vie, après  la  désastreuse  retraite  de 
Moscou,  n'est  pas  moins  curieux  et  pi- 
quant. Napoléon  a  dit  lui-même,  dans 
ses  causeries  de  Sainte-Hélène,  que 
cet  ouvrage .  était,  avec  le  livre  du 
Prussien  Waldbonrg-Truchsess,  ce- 
lui qui  lui  avait  nui  le  plus  dans 
l'opinion  publique.  On  lui  fait  encore 
dire  dans  les  mêmes  compilations 
que  ce  fut  à  la  fin  de  cette  dernière 
entrevue,  et  en  présence  de  de  Pradt 
lui-même, qu'il  écrivit  l'ordre  de  sa 


B 


PRA 


révocation  ;  mais  ce  fait  n'est  ni  vrai 
ni  vraisemblable.  Ce  fut  en  traver- 
sant l'Allemagne  qu'il  eut  la  pensée 
fort  raisonnable  d'éloigner  de  la  Po- 
logne un  ambassadeur  tombé  dans  le 
plus  grand  discrédit,  et  dont  les  sui- 
tes de  la  retraite  de  Moscou  allaient 
rendre  la  position  tout  à  fait  insoute- 
nable. Il  donna  en  conséquence  à  Ma- 
ret,  de  Dresde,  où  il  s'arrêta  quelques 
minutes,  l'ordre  de  le  renvoyer  en 
France.  Cette  disgrâce  causa  à  de  Pradt 
un  grand  mécontentement,  et  nous 
pensons  qu'il  ne  l'ajamais  pardonnée. 
Toutefois ,  avant  de  quitter  Varsovie , 
il  songea  à  tirer  le  meilleur  parti  des 
circonstances.  D'abord  il  se  fit  payer 
avec  une  extrême  rigueur  tout  l'ar- 
riéré des  contributions  de  guerre , 
ensuite   il   fit  vendre  à  son  profit 
tout  le  mobilier  de  l'ambassade  qui 
était  considérable,  et  ne  dédaigna  pas 
d'assister  lui-même   à  cette  espèce 
d'encan    dont   notre    collaborateur 
Gley,  qui  en  fut  témoin,  a  fait  un  ta- 
bleau très-piquant  dans  son  Voyage 
en  Allemagne.  Le  Polonais  Morski 
en  a  aussi  parlé,  avec  beaucoup  d'a- 
mertume, dans  une   Lettre  à  Vabbé 
de  Pradt  ^  où  il  traite  fort  mal  le 
prélat-diplomate  sur  toutes  les  cir- 
constances de  son  ambassade.  A  son 
arrivée    à   Paris ,  ,;de  Pradt  trouva 
une  espèce  de  lettre  de  cachet  qui  le 
rélégua  dans  son  diocèse.  Cette  nou- 
velle disgrâce  lui  fut  d'autant  plus 
sensible  que^  n'étant  pas  reconnu 
par  le  pape,  il  lut  très-mal  reçu  par 
le  chapitre  de  Malines,  et  que  sa  po- 
sition dans  cette  ville  devint  extrê- 
mement  embarrassante.  Cependant 
il  fallut  y  rester,  et  à  son  grand  re- 
gret il  passa  toute  l'année  1813  dans 
ce  triste  séjour.  Dès  qu'il  vit  appro- 
cher les  armées  de  la  coalition,  (jui, 
dans  ce  moment  envahissaient  la  Hol- 
lande et  la  Belgique,  il  accourut  ii  Pa- 


PRA 

ris,  et  s'y  mit  en  rapport  avec  tous  les 
mécontents,  surtout  a\iec  Talleyrand, 
qui  ne  Taimait  point,  mais  qui  recru- 
tait alors  dans  tous  les  rangs  et  tous 
les  partis,  ceux  qu'il  pouvait  associer 
à  ses  intrigues.  Le  ministre  de  la 
police  Savary  raconte  dans  ses  Mé- 
moires que,  les  ayant  vus  à  cette 
époque  dans  un  mystérieux  tête-à- 
tête,  il  ne  douta  point  qu'ils  ne  fus- 
sent occupés  de  conspirer.  Cependant 
ce  ministre  ne   fit  rien   contre  eux 
comme  c'eût  été  son  devoir,  et  nous 
avons  remarqué  que,  dans  plusieurs 
passages  de  ses  écrits  ,  de  Pradt  a 
parlé  de  Savary  avec  une  bienveil- 
lance   véritablement    suspecte.   Au 
reste  l'on  peut  être  assuré  que  s'il 
conspirait  contre  Napoléon ,  c'était 
avec  beaucoup  de  circonspection  et 
de  timidité.  Nous  l'avons  vu  nous- 
même  à  cette  époque,  après  avoir  ex- 
cité,  provoqué  le  zèle  de  quelques 
royalistes,  quand  il  crut  leur  parti 
tout  près  de  triompher,  s'éloigner 
d'eux  subitement,  à  la  nouvelle  d'une 
victoire  de  Napoléon,  puis  repren- 
dre ses  intrigues  dès  qu'il  le  vit  en- 
core une  fois  vaincu  et  tout  près  de 
sa  chute.  Il  ne  se  dessina  bien  fran- 
chement royaliste  bourbonnien  que 
dans  la  journée  du  31  mars,  lorsqu'il 
vit  les  alliés  entrer  triomphants  dans 
la  capitale.  C'est  dans  le  Récit  histo- 
rique qu'il  a  publié  de  ce  grand  évé- 
nement qu'on  peut  voir  tout  ce  qu'il 
lit  ce  jour-là,  et  qu'on  peut  juger  de 
quelle  influence  furent  ses  avis  et  ses 
opinions  sur  les  décisions  des  monar- 
ques réunis  dans  un  conseil  où  il  a  pré- 
tendu qu'on  lui  lit  l'honneur  de  le  con- 
sulter. C'est  là  qu'il  dit  avoir  dicté  les 
bases  de  la  fameuse  déclaration  paria- 
quelle  Napoléon  fut  en  quelque  façon 
mis  hors  de  la  loi  des  nations,  et  les 
Bourbons  indiqués  aux  Français  com- 
me leur  seule  planche  de  salut.  11  est 


PRA 

bien  yrai  que  l'on  a  contesté  l'influeu- 
ce du  prélat  dans  celte  circonstance  et 
que  nous-même,  qui  fûmes  chargé  de 
l'impression  de  cette  importante 
pièce ,  ,en  avions  reçu  le  manus- 
crit, non  dans  l'antichambre  de  Tal- 
leyrand  où  nous  n'allâmes  jamais, 
mais  à  notre  domicile,  et  des  mains  du 
secrétaire  du  gouvernement  provi- 
soire qui  nous  l'apporta  le  31  mars 
avant  midi,  et  non  à  trois  heures  où 
de  Pradt  prétend  l'avoir  dictée  (1). 
Ce  qu'il  y  a  de  sûr,  c'est  qu'il  se 
donna  beaucoup  de  mouvement  dans 
cette  grande  journée,  et  qu'il  ne  dé- 
pendit pas  de  lui  que  ia  monarchie 
des  Bourbons  ne  fût  rétablie  sur  des 
bases  moins  fragiles.  Il  ne  pensait 
guère  alors  au  système  de  constitu- 
tion et  de  libéralisme  qu'on  l'a  vu 
plus  tard  avec  tant  de  surprise  van- 
ter et  préconiser  dans  ses  écrits.  Il  se 
flattait  sans  doute  en  ce  moment, 
avec  quelque  raison ,  d'avoir  part  à 
la  distribution  des  empldis  et  des 
honneurs.  Nous  pensons  même  que 
ce  fut  un  tort  des  meneurs  de  l'épo- 
que, et  surtout  de  Talleyrand ,  de  ne 
pas  l'avoir  admis  au  partage  de  cette 
espèce  de  butin.  Certes,  comme  hom- 
me d'État  et  comme  écrivain  poli- 

(i)  La  rédaction  de  cette  pièce  mémora- 
ble avait  été  arrêtée  dès  le  matia  du  3r 
mars,  entre  Talleyrand  et  M.  de  Nesselrode 
venu  exprès  de  Bondi.  Le  manuscrit  por- 
tait le  titre  de  proclamation ,  que  noBs 
BOUS  permîmes  de  chaDger  eu  celui  de  ài- 
claraiion,  beaucoup  plus  conrcnable,  ce  que 
Talleyr  jud  approuva  sur  la  première  épreuve 
que  nous  lui  soumîmes  vers  une  heure 
après  midi.  Il  fallut  lui  en  apporter  succes- 
siTement  trois,  et  sur  la  dernière,  quî  ne  fut 
lue  qu'à  sept  heures  du  soir  par  l'empereur 
Alexandre, ce  monarque  y  ajouta  cette  phrase 
importante  :  «  Les  alliés  respactcront  l'iaté- 
«  grité  de  l'ancienne  France  telle  qu'elle  a 
«  existé  sons  se»  rois  légitimes;  ils  peuvent 
«même  faire  plus ,  parce  qu'ils  professent 
«  toujours  le  principe  que,  pour  le  bonheur 
«  de  rEurope,îl  faut  que  laFrance  soit  grande 
"  et  forte..,.  »  Nous  igaoroos  ce  que  le  gou- 


PRA  9 

tique ,  il  offrait  beaucoup  plus  de  ga- 
rantie ,  il  méritait  plus  de  contiance 
qu'aucun  de  ceux  qui  tirent  partie  du 
gouvernement  provisoire,  où  Talley- 
rand sembla  vouloir  ne  s'entourer 
que  de  nullités  et  de  gens  équivo- 
ques (2).  On  donna  donc  à  de  Pradt, 
qui  eut  la  maladresse  de  l'accepter, 
une  place  tout  à  fait  hors  de  sa 
sphère ,  celle  de  commissaire ,  puis 
de  grand-chancelier  de  la  Légiou- 
d'Honneur.  Les  rapports  que  cet  em- 
ploi l'obligea  bientôt  d'avoir  avec 
les  chefs  de  l'année  furent  extrê- 
mement pénibles,  et  l'on  peut  dire 
que  la  nomination  d'un  prêtre  à  des 
fonctions  qui  ne  convenaient  qu'à 
un  vieux  guerrier  fut  une  des  pre- 
mières fautes  de  la  Restauration. 
On  ne  s'en  aperçut  qu'au  bout  de 
quelques  mois,  et,  alors,  sous  pré- 
texte d'irrégularités  survenues  dans 
l'administration  de  la  maison  de 
Saint-Cyr,  il  fut  remplacé  par  un 
maréchal.  Aucun  dédommagement 
ne  lui  fut  accordé,  et  l'on  ne  se 
donna  pas  même  la  peine  d'adou- 
cir sa  disgrâce  par  une  de  ces  for- 
mules ou  de  ces  politesses  qu'on  pro- 
diguait à  beaucoup  de  gens  qui  va- 
laient   moins  que  lui.   Dissimulant 

vernement  de  la  restauration  a  fait  plus 
tard  pour  profiter  de  cette  bieaveill  inte  ad- 
dition, qui  nous  obligea  de  recommencer 
l'impression,  mais  il  est  évident  qu'elle  a  été 
oubliée  d'uue  manière  bien  fâdiense  pour 
la  France,  dans  les  traités  qui  ont  suivi. 

(2^  On  sait  que  dans  la  jonrnée  du  3t 
mars  iSi4>  lorsque  ce  fameux  diplomate  se 
vit,  par  l'extrême  conllance  des  alliés,  à  peu 
près  maîtredes  destinées  de  la  France,  et  qu'il 
n'eut  pins  qu'à  designer  les  membres  d'un 
gouvernement  provisoire  qui  eût  l'air  de 
gouverner  sous  sa  direction,  quelqu'uu  lui 
avant  demandé  qui  il  ferait  nommer,  il  répon- 
dit avec  l'airdédaigneux  de  ïjrand  seigneur 
qn'onloia  connu:  Ceseramon  visk.  EtMM.de 
Dalberi»,  Jaucourt,  Beurnonville,  Monte^- 
qniou,  qui  avaient  l'honneur  de  faire  ton 3  les 
soirs  la  partie  du  prince  deBcnévent,  furent 
nommes. 


10 


PRA 


PRA 


son  dépit ,  il  se  retira  «ns  mot  dire 
dans  une  terre  qu'il  venait  d'acheter 
en  Auvergne ,  disant  gaînient  à  ses 
amis  qu'il  avait  suivi  le  précepte  de 
Berchoux  : 


Ayez  un  bon  château  dans  l'Auvergne  ou  la 
Bresse. 


Il  vivait  dans  les  délices  de  cette 
belle  propriété  lorsque  Bonaparte 
s'échappa  de  l'île  d'Elbe  en  1815.  On 
doit  penser  qu'à  cette  nouvelle  la 
peur  du  prélat  fut  grande,  et  l'on 
sait  qu'il  se  hâta  d'envoyer  une  très- 
humble  soumission  qui  fut  reçue  par 
le  dieu  Mars  avec  un  peu  de  mépris. 
Cependant  il  n'avait  encore  rien  pu- 
blié contre  son  ancien  maître  ;  car 
ce  ne  fut  qu'en  1815,  après  la  bataille 
de  Waterloo  .  qu'il  fit  paraître  l'Hù- 
toire  de  l'ambassade  dans  le  grand- 
duché  de  Varsovie.  Cet  ouvrage  eut 
un  succès  qu'il  faut  surtout  attribuer 
aux  circonstances  dans  lesquelles  il 
parut ,  ainsi  qu'à  un  grand  nombre 
d'anecdotes,  de  traits  satiriques  sur 
les  hommes  du  gouvernement  qui 
venait  de  tomber,  surtout  contre  Na- 
poléon qu'il  peignait  d'une  manière 
fort  piquante,  et  auquel  il  y  donna  le 
surnom  bizarre  de  Jupiter  Scapin.ll 
en  fut  publié  neuf  éditions,  beaucoup 
de  contrefaçons ,  et  l'on  peut  dire  que 
l'auteur  gagna  à  la  vente  de  son  ma- 
nuscrit presque  autant  qu'à  l'encan 
de  Varsovie.  Le  prélat-ambassadeur 
faisait  argent  de  tout ,  car  ce  fut  alors 
qu'il  se  désista  de  ses  droits  à  l'arche- 
vêché deMalines,  devenus  fort  incer- 
tains par  les  refus  du  pape,  moyen- 
nant une  rente  viagère  de  douze  mille 
francs.  Celte  pension  lui  a  été  payée 
pendant  plusieurs  années;  mais  le 
gouvernement  des  Pays-Bas,  peu  fa- 
vorable aux  prélats  catholiques,  mf- 
me  lors<|u'ils  ne  sont  pas  approuvés 


par  le  pape,  s'en  lassa  dans  les  der- 
niers temps.  Après  la  mort  de  de 
Pradt,  ses  héritiers  ont  voulu  recou- 
vrer les  sommes  qui  lui  avaient  été 
ainsi  refusées  ;  mais  leur  prétention 
a  été  repoussée  par  les  tribunaux.  Le 
succès  des  brochures  que  de  Pradt 
fit  ensuite  paraître  sur  le  congrès  de 
Vienne  et  sur  celui  de  Carisbad  ne 
fut  pas  aussi  brillant  que  celui  de 
l'Histoiie  de  l'ambassade.  Ce  n'est 
pas  sans  surprise  qu'on  y  vit  l'ancien 
royaliste,  le  favori  de  Napoléon,  con- 
seiller aux  rois  et  à  tous  les  souve- 
rains de  donner  des  constitutions  à 
leurs  peuples,  avec  une  assurance  et 
un  ton  de  conviction  auxquels  il  était 
difficile  d'ajouter  foi  de  la  part  de 
l'auteur  de  V Antidote  au  congrès  de 
Rastadt.  Il  essuya  de  vives  critiques 
de  ses  anciens  amis  ;  et  les  journaux 
du  libéralisme  lui  prodiguèrent  des 
éloges  qui  le  placèrent  décidément 
dans  leur  parti.  C'est  alors  qu'il  fit 
paraître  tant  de  brochures  et  de  pam- 
phlets ,  où  il  ne  craignit  pas  d'ex- 
primer des  doctrines  et  des  principes 
tout  à  fait  différents  de  ceux  qu'il 
avait  manifestés  jusque-là.  Il  écri- 
vait tous  les  jours  et  sur  toutes  les 
questions,  se  donnant  à  peine  le  temps 
de  relire  ses  écrits  et  y  accumulant 
des  fautes,  des  erreurs  de  toute  es- 
pèce en  géographie ,  en  chronologie, 
etc.  On  sait  par  combien  de  critiques 
cps  publications  d'un  transfuge  du 
parti  royaliste  furent  accuellies.  Le 
journaliste  Hoffmann  surtout  fut  un 
de  ses  plus  redoutables  adversaires. 
De  Pradt  ne  parut  pas  déconcerté 
de  ces  attaques,  mais  nous  pensons 
qu'au  fond  il  en  éprouva  beaucoup 
de  chagrin.  Cependant  il  eut  bientôt 
à  supporter  une  peine  plus  grande 
encore  :  celui  de  ses  ouvrages  où 
ce  scandale  éclata  davantage  est  sa 
brochure  sur    la  loi  «les  éleclious, 


PRA 


PRA 


11 


qu'il  publia  dans  les  circonstances 
les  plus  fâcheuses ,  peu  de  temps 
après  la  mort  du  duc  de  Berri.  Le 
prélat  pamphlétaire  alla  si  loin 
dans  cet  écrit  véritablement  scan- 
daleux, que  le  ministère,  qui  n'avait 
contre  lui  aucun  autre  moyen  de 
répression,  le  déféra  aux  tribunaux, 
et  qu'on  vit  un  archevêque  sur  les 
bancs  de  la  cour  d'assises  à  côté  d'un 
escroc  et  d'une  fille  publique.  Cette 
affaire  nous  paraît  d'une  si  haute 
importance ,  que  nous  croyons  de- 
voir rapporter  textuellement  les  pa- 
ges d'un  journal  royaliste  qui  eut  à 
en  rendre  compte.  On  trouve  d'ail- 
leurs, dans  ce  récit,  des  anecdotes  et 
des  faits  qui  compléteront  le  tableau 
que  nous  avons  à  faire.  •  Deux  ou 
«trois  citations,  dit  le  journaliste 
«  Martainville,    seront     suffisantes 

■  pour  montrer  de  quelle  frénésie 
"  libérale  est  atteint  l'auteur  ,  et  à 
'  quels  déplorables  excès  l'homme 
.  peut  s'abandonner  lorsqu'il  a  pu 
<«  oublier  une  fois  que ,  hors  de  la  li 

«  gne  des  convenances,  il  n'y  a  dans 

•  la  célébrité  que  déception  et  souil- 

•  lure.  La  représentation  nationale, 

•  dit-il,  a  été  violée  par  le  plus  in- 
'  fàmeguet-apens;  de  vils  assassins 
'  ont  osé  porter  la  main ,  vomir  les 
'  plus  dégoûtants  outrages,  les  me- 
«  naces  les  plus  horribles  contre  les 
'  représentants  dupeuple  !  L'enceinte 
«  de  la  Chambre  des  députés  n'est-elle 

•  donc  pas  aussi  sacrée  que  le  palais 
«  des  Tuileries  peut  Vétre  ?—  Faut-il 
«  répondre  à  ces  misérables  décla- 
«  mations,  dit  énergiqnement  le  jour- 

•  nal  royaliste ,  qui  ne  tendent  à  rien 
«  moins  qu'a  dénoncer  le  gouverne- 

■  ment  du  roi ,  comme  un  gouverne- 

■  mentassassin,  avide  de  massacres  et 
«  souillé  du  sang  de  l'innocence?  Pa- 
«  ris  a  vu  la  révolte,  sourde  à  la  voix 

•  des  magistrats  ,  niéconnaKre  l'in- 


•  dépendance  de  ce  qne  M.  de  Pradt 
«  appelle  la  représentation  nationale, 
«  couvrir  de  masses  séditieuses  les 
«  approches  da  lieu  de  ses  séances , 
«  proclamer  ou  plutôt  hurler  aux 

•  portes  de  la  Chambre  l'ordre  de 
«maintenir,  sans  discussion,  une 

•  loi  sur  laquelle  les  députés  étaient 
«légalement    et   constitutionnelle- 

•  ment  appelés  à  délibérer.  Paris  a 

•  vu  des  furieux  se  porter  en  foule 

•  vers  le  château  royal ,  s'arrêter  en 

•  face  du  malheur  pour  l'outrager, 

•  faire  retentir  de  sinistres  vocifé- 
«  rations  l'asile  du  veuvage  ,  pour- 
«  suivre  le  sang  de  nos  rois  jusque 
«  dans  ce  sein  éploré,  où  le  germe 
«  de  la  vie  se  développe  douloureu- 

•  semeut  à  côté  des  images  de  la 
«  mort.  Et  pourtant  il  s'est  trouvé 
«  parmi  nous  un  homme,  un  ecclé- 
'  siastique,  un  ministre  de  la  religion 
«  d'amour  et  de  miséricorde ,  qui ,  au 
«  lieu  de  joindre  ses  prières  à  celles 
«  des  chrétiens  ,  et  de  demander  au 
«  Dieu  de  saint  Louis  des  consolations 
«  pour  une  veuve  désolée  ,  n'a  élevé 
«  la  voix  que  pour  appeler  de  nou- 
«  velles  fureurs  sur  les  victimes.  Un 
«  prince  de  l'Église  ose  absoudre  ceux 
«  qui  se  mirent  en  œuvre  pour  arra- 
«  cher  du  5ein  maternel  cette  dernière 
«  goutte  du  sang  royal  î  Le  sang 
«  français ,  s'écrie-t-il ,  a  coulé  dans 
«  Paris,  où  s'arrêtera  cette  hoirible 
«  libation!  Hélas  î  il  n'est  que  trop 
«  vrai ,  le  sang  le  plus  noble  ,  le  plus 
«  pur  de  notre  France  a  coulé  !  On  l'a 
«  versé  sous  nos  yeux,  sous  les  vôtres , 

•  et  votre  plume  est  restée  muette 
«  sur  un  cercueil  qui  renferme  tant 
«  de  charité  perdue  pour  les  pauvres 
»  de  Jésus-Christ,  tant  de  vertus  tran- 

•  chées  en  un  moment  par  un  couteau 
«  que  la  révolution  avait  béni.  Oui  , 

•  une  horrible  libation  a  été  faite.  11 
«  nous  en  soHvient  :  ce  jour-là  un 


12 


PRA 


«  athée  était  le  grand  sacrificateur, 
.  et  nous  savons  à  quelle  divinité  il 
«  offrait  son  holocauste.  Dites-nous, 
«  dites,  si  vous  l'osez ,  à  cette  France 
«  dont  vous  ne  craignez  pas ,  dans  les 
«  ridicules  paroxysmes  d'un  orgueil 
«'désordonné,    de  vous   proclamer 
«  vous-même  le  régulateur  infailli- 
«  ble ,  dites  pourquoi  vous  ne  fîtes 
«  point  entendre  alors  le  cri  de  la  dou- 
«  leur  et  de  l'indignation ,  vous  que 
«  l'on  voit  en  toutes  circonstances 
«  déployer  à  la  face  de  la  terre  tout  le 
«  charlatanisme  de  je  ne  sais  quelle 
«  humanité  furibonde  qui  caresse  les 
«  assassins  et  déchire  les  victimes  i 
«  Ce  prince  si  brave ,  si  franc  ,  si 
«  généreux,  si  charitable ,  ce  prince 
u  qui  descendit  de  sa  voiture  pour  y 
«  faire  monter  un  homme  souffrant  ; 
a  ce  prince  qui  pansait  de  sa  main  les 
«  blessures  de  ses  ennemis,  quipos- 
«  sédait  plus  de  vertus  peut-être  que 
«  n'en  a  pu  souffrir  le  siècle  que  vous 
«  nous  avez  fait ,  il  valait  bien ,  sans 
«  doute ,  que  votre  sensibilité  s'émût 
«  quand  un  long  gémissement  vint 
«  vous  apprendre  sa  fin  déplorable  ; 
«  il  méritait  vos  regrets  aussi  bien 
.  que  les  deux  hommes  qui  périrent 
«  naguère  victimes  de  leurs  propres 
«  égarements....  Cependant qu'avez- 
«  vous  dit  alors  ?  qu'avez-vous  écrit? 
«  Dans  quelle  page  de  vos  nombreuses 
«  productionsavez-vous exprimé  vo- 
«  tre  douleur?  Eh  quoi  !  cette  mort 
.  si  cruelle,  si  funeste  à  votre  patrie, 
«  n'a  été  pour  vous  qu'un  accident 
«  inaperçu  !  Le  crime  de  Louvel  n'a 
«  pu  vous  inspirer  qu'uneindignation 
«  froide    et   circonspecte?  L'infâme 
.  tentative  de  Gravier  n'a  pu  éveiller 
«  votre  zèle  pour  la  défense  de  l'op- 
«  priujé  ;  et  parce  (juc  deux  hommes 
«  ont  clé  frappés  au  milieu  de  ces 
«  bacchanales  révolutionnaires,  dont 
«  Paris  a  frémi  d'épouvante  pendant 


PRA 

a  dix  jours,  votre  cerveau  s'exalte, 
.  votre  sensibilité  s'irrite ,  et  votre 
«  humanité  appelle  des  vengeances 
•  sur  le  gouvernement  le  plus  débon- 
«  naire  qui  fut  jamais,  sur  une  troupe 
«  qu'une  armée  n'insulterait  pas  im- 
«  punément    et    dont  une  poignée 
«  d'extravagants  a  vainement  excité 
-  la  colère  et  tenté  le  ressentiment  ! 
a  II  faut  avoir  le  cerveau  renversé , 
«  ou  bien  être  calomniateur  jusqu'à 
a  la  rage,  imposteur  jusqu'à  la  dé- 
«  mcnce,  pour  ne  pas  avouer  haute- 
«  ment  qu'on  a  tout  fait  dans  la  vue 
«  d'épargner  des  coupables,  digues 
.  peut-être  d'un  châtiment  plus  sé- 
«  vère.  Et  M.  de  Pradt  ose  écrire, 
«  imprimer  que  les  citoyens  ont  été 
«  assaillis  par  la  garde  du  prince  y 
«  assassinés  par  ceux  qu'ils  paient 

«  POUR  LES  DÉFENDUE  !...  »  Quoi  dC 

«  plus  ridicule  quede  voir  cet  homme 
«  qui  ne  fut  rien ,  qui  n'est  rien ,  , 
«  et  qui  ne  sera  jamais  que  l'objet 
«  des  risées  de  son  propre  parti ,  cn- 
«  fier  sa  petite  trompette  et  s'écrier  : 
.  J'ai  droit  de  parler  de  la  Restau- 
.  ration  j  j'ai  pris  trop  de  part  à  ce 
«  grand    événement   pour  que  son 
.  résultat  ne  m'affecte  pas  plus  qu'un 
.  autre.  J'ai  eu  à  sacrifier  des  affec- 
«  tions  si  chères ,  fai  reçu  tant  de 
«  reproches  à  cet  égard  ,  que  je  dois 
«  prendre  mes  sûretés  avec  l'histoire. 
.  La  Restauration ,  contre  sa  nature , 
«  a  si  mal  réussijusqu'àcejour,que 
a  je  crois  devoir  à  Vhonneur  démon 
«  nom  de  publier  que,  depuis  ma  sor- 
.  tie  du  conseil  des  souverains  dans 
.  lequel  fut  décidée  cette  Restau ra- 
.  tion ,  fai  été  éloigné  des  affaires. 
.  Je  désire  bien  que  l'on  sache  qu'à 
«  partir  de  ce  jour,  31  mars  1814 ,  je 
•  n'ai  pas  cessé  de  gémir  sur  ce  que 
.  je  voyais  faire ,  d'en  prédire  les  ré- 
.  sultats.  De  tout  ce  qui  a  été  fait  de- 
.  puis  cette  époque ,  je  ne  connais  pas 


PRA 

•  trois' actes  auxquels  j'eusse  youlu 

•  donner  mon  approbation ,  et  en- 
«  core  moins  ma  signature.  » —  «  M. 
de  Pradt  a  reçu  des  reproches  '.  cela 
s'entend;  M.  de  Pradt  a  fait  de  gran- 
des choses  ;  il  a  changé  la  face  du 
monde;  son  ge'nie  a  renversé  Bona- 
parte et  donné  des  couronnes  ;  c'est 
lui  qui  a  replacé  le  sceptre  aux  mains 
du  petit-fils  de  Louis  XIV;  sans  M.  de 
Pradt  point  de  Restauration,  et  l'Eu- 
rope se  serait  vainement  ébranlée  tout 
entière  !  Mais  ce  n'est  pas  tout  :  M.  de 
Pradt  doit  prendre  ses  sûretés  avec 
l'histoire  ;  M  de  Pradt  doit  à  l'hon- 
neur de  son  nom  1...0  vanitas  vani- 
tatum  !  A  quel  degré  de  ridicule  un 
homme  peut  -  il  descendre ,  quand 
l'orgueil  lui  ferme  les  yeux  et  lui 
bouleverse  la  cervelle.  »  —  11  y  a 
bien ,  il  faut  en  convenir ,  un  peu 
d'amertume    et   d'exagération  dans 
cette   attaque  du  journaliste,  mais 
il  faut  aussi  reconnaître  que  le  scan- 
dale avait  été  bien  grand,  et  que  tous 
les    partisans    de    la    Restauration 
étaient  indignés  de  voir  un  prélat, 
leur  ancien  ami,  tout  à  coup  les  atta- 
quer, insulter  à  leur  fidélité,  à  leurs 
principes  qu'il  avait  si  long-temps 
partagés.  C'était  une  monstruosité 
sans  exemple.  Et  ce  gouvernement 
de  la  Restauration    était  lui-même 
dans  un  état  de  faiblesse  et  d'impuis- 
sance si  déplorable  qu'il   ne  trouva 
rien  de  mieux,  pour  arrêter  un  pareil 
scandale  ,  que  de  traduire  le  prélat 
en  cour  d'assises,  où  dans  une  séance 
publique,  soutenu  par  le  parti  révo- 
lutionnaire alors  tout-puissant,  il  fut 
acquitté  aux  applaudissements  d'un 
auditoire  très-nombreux  ei  qui  ne 
manqua  aucune  occasion  de  honnir 
le  gouvernement  royal ,  de  persifler 
les  juges.  Ce  fut  M.  de  Vatisménil 
qui  soutint  l'accusation.  De  Pradt 
parut  en  grand  costume,  avec  tous  les 


PRA 


13 


insignes  de  la  prélature  et  le  grand- 
cordon  de  la  Légion-d'IIonneur  ;  il 
parla  avec    beaucoup    d'assurance, 
de  confiance  en  lui-même,  de  mépris 
pour  ses  adversaires,  sortit  au  mi- 
lieu d'une  foule  qui  l'applaudit  com- 
me le  chef  d'une  émeute  et  à  la- 
quelle il  répondit  dans  son  enthou- 
siasme que  c'était  le  plus  beau  jour 
de  sa  vie.  Tous  les  assistants  eurent 
ordre,  de  la  part  de  la  faction  libé- 
rale, de  tenir  le  chapeau  bas  sur  son 
passage,  et  il   fut  reconduit  triom- 
phant jusqu'à  sa  voiture  aux  cris  de 
Vive  l'archevêque.  Dès  ce  moment 
de  Pradt  figura  au  premier  rang  de 
l'opposition  libérale  qui  s'occupa  d'en 
faire  un  de  ses  représentants  à  la 
Chambre  des  députés.  Ce  ne  fut  ce- 
pendant qu'en  1827  que  les.électeurs 
du  Puy-de-Dôme  l'envoyèrent  à  cette 
Chambre.  Dès  son  arrivée  il  alla  s'as- 
seoir à  côté  des  Foy,   des   Benjamin 
Constant,  et  sur  toutes  les  questions 
il  vota  comme  ces  chefs  de  l'opposi- 
tion; mais  on  sait  que,  doué  de  quel- 
que talent  d'écrire  et  de  parler  dans 
un  salon,  il  ne  porta  jamais  bien  haut 
celui  de  parler  en  public  (3).  D'un  au- 
tre côté,  les  meneurs  de  l'opposition 
lui  accordèrent  peu  de  confiance,  et, 
dans  plusieurs  de  leurs  réunions  il  fut 
assez  rudement  apostrophé  par  des 
gens  qui  ne  pouvaient  croire  au  li- 
béralisme d'un  prêtre  et  d'un  ancien 
royaliste.  Il  ne  prit  pas  une  seule 
fois  la  parole  dans  cette  assemblée 
alors  si  agitée,  et  il  paraît  même  qu'il 
eut  à  peine  vu  de  près  ce  parti  deco- 

(3)  Nons  avons  assisté  à  nn  sermon  prê- 
clié  par  lui  le  jour  de  la  fête  de  ?fapoléon  , 
dans  l'église  de  Sainte-Gudule  de  Bruxelles 
en  i8ii.  Peut-être  l'esprit  d'adulationnaa- 
séabonde  qui  respirait  dans  cette  bomé'ie, 
a-t-il  influé  sur  notre  jugement;  mais  nous 
ne  nons  rappelons  pas  avoir  entendu  un 
orateur  ^aeré  plus  ennoyeux  et  plus  diffus. 
L— ?i — X. 


u 


PRA 


médiens^  comme  ils  se  sont  eux-mê- 
mes appelés,  qii'j  I  conçut  pour  eux  un 
profond  mépris  et  qu'il  revint  inté- 
rieurement à  ses  anciennes  opinions; 
ce  que,  par  pur  amour-propre,  il  n'osa 
pas  encore  manifester.  Cependant  il 
eut  assez  de  caractère  pour  donner 
sa  démission  de  député  et  se  retira 
sans  mot  dire,  en  1829,  à  sa  terre  de 
Breuil,  où  son  ennui  et  son  impa- 
tience de  ne  plus  se  mêler  des  affai- 
res d'État  percèrent  encore  trop  sou- 
vent dans  des  articles  qu'  il  envoya 
à  quelques  journaux  et  surtout  à  la 
Gazette  d'Auvergne,  qu'il  ne  signait 
point ,  mais  où  l'on  reconnut  sans 
peine  son  style,  sa  manière  et  ses  an- 
ciens principes  religieux  et  monarchi- 
ques. U  venait  passer  les  hivers  à  Pa- 
ris et  il  y  revoyait  ses  anciens  amis, 
n'ayant  plus  aucun  rapport  avec  le 
parti  révolutionnaire.  C'est  dans  ces 
dispositions  que  nous  l'avons  encore 
entendu,  au  dernier  temps  de  sa 
vie,  parler  de  politique,  de  religion 
d'une  manière  très -convenable  et 
digne  de  l'auteur  de  l'Antidote.  C'é- 
tait l'un  des  hommes  de  France  qui 
savaient  le  mieux  l'histoire  contem- 
poraine, et  l'on  ne  peut  nier  que  sa 
conversation  ne  fût  sous  ce  rapport 
extrêmement  curieuse  et  piquante.  Il 
s'était  trouvé  dans  des  positions  si  di- 
verses ,  il  avait  vu  de  près  tant  de 
choses,  de  si  grands  personnages, 
et  sa  mémoire  était  telle  que  dans  ses 
moindres  récits  il  y  avait  beaucoup 
à  gagner.  Il  mourut  d'une  attaque  de 
paralysie  dans  un  de  ses  voyagesà  Pa- 
ris, le  18  mars  1837,  avec  fies  senti- 
ments de  piété  fort  édifiants,  et  ayant 
conservé  sa  présence  d'esprit  jusqu'à 
ses  derniers  moments.  Les  secours 
spirituels  lui  furent  donnés  par  l'ar- 
chevêque, de  Quélen,  assisté  du  curé 
et  du  pr»n)ier  vicaire  de  la  Madeleine, 
sa  paroisse,  et  il  désavoua  en  pré- 


PRA 

sence  de  ce  prélat  tout  ce  que  sa  con- 
duite et  ses  écrits  avaient  pu  avoir 
de  contraire  à  l'enseignement  et  à 
la  discipline  de  l'Église.  Il  était  alors 
occupéde  réuniret  de  coordonner  les 
matériaux  d'une  histoire  de  laRestau- 
ration.  Ses  funérailles  se  firent  avec 
une  grande  solennité.  Par  ses  dis- 
positions testamentaires  il  fit  plu- 
sieurs legs  pieux,  entre  autres  celui 
d'une  partie  de  ses  biens  aux  inva- 
lides de  la  succursale  d'Avignon,  et 
celui  d'une  somme  nécessaire  à  la 
dot  de  vingt  filles  devenues  orpheli- 
nes par  la  bataille  de  Waterloo.  Ses 
écrits  publics  sont:I.  L'Antidote  au 
congrès  de  Rastadt,  ou  Plan  d'un 
nouvel  équilibre  en  Europe^  Londres 
(Hambourg),  1798,  in-S».  II.  La 
Prusse  et  sa  neutralité^  Londres 
(Hambourg),  1800,  in-S".  Ces  deux 
ouvrages  ont  été  réunis  et  réimpri- 
més à  Paris,  1817,  in-8°.  III.  Les 
Trois  âges  des  colonies,  ou  De  leur 
état  passé,  présent  et  à  venir,  Paris, 
1802,  3  vol.  in-8o.  1\.  De  l'état  de  la 
culture  en  France,  et  des  améliora- 
tions dont  elle  est  susceptible,  Paris, 
1802,  2  vol  !n-8°.  V.  Voyage  agro- 
nomique en  Auvergne,  précédé  d'ob- 
servations générales  sur  la  culture 
de  quelques  départements  du  centre 
de  la  France,  Paris,  1803,  in-S"; 
nouvelle  édition,  augmentée  du  Ta- 
bleau des  améliorations  introduites 
et  des  établissements  formés  depuis 
quelques  années  dans  l'Auvergne, 
Paris,  1828,  in-8".  VI.  Histoire  de 
l'ambassade  dans  le  grand-duché  de 
Varsovie  en  1812,  Paris,  1815,  in- 
8°.  Six  éditions  furent  publiées  dans 
la  même  année;  la  9*  est  de  182G. 
Le  comte  Morski,  Polonais,  que  l'au- 
teur avait  peu  ménagé,  lui  répon- 
dit sur  le  même  ton  par  une  Let- 
tre à  jjf.  l'abbé  de  Pradt,  Paris, 
1815,  in-8". VII.  Du  congrès  devienne. 


PRA 

Paris,  1815,  2  vol.  in-8o;  2*  édition , 

1816,  2  vol.  in-S";  trad.  en  anglais, 
Londres,  1816,  in-8°.VlII.  Mémoires 
historiques  sur  la  révolution  d'Es- 
pagne, Paris,  18IC,  in  8°,  trois  e'di- 
tions  dans  la  même  année  ;  trad.  en 
espagnol,  Bayonne,  1816  ,  in-8°.  IX. 
Récit  historique  sur  la  restauration 
de  la  royauté  en  France^  le  31  mars 
1814,  Paris,  1816,  in-8°;2,  édil., 
1822.  in-8°.  X.Des  colonies  et  de  laré- 
volution  actuelle  de  tÂmérique, 
Paris,  1817,  2  vol.  in-S";  trad.  en 
espagnol ,  Bordeaux ,  1817  ,  2  vol. 
in-8°. M.  Fauchât  a  publié  àesObser- 
vaiions  sur  cet  ouvrage ,  ainsi  que 
sur  les  Trois  derniers  mois  de  l'A- 
mérique méridionale  (indiqués  ci- 
après,  n''XIV),  Paris,  1817,  in-8o. 
XI.  Lettre  à  un  électeur  de  Paris, 

1817,  in-8^  XII.  Préliminaire  de  la 
session  de  1817,  Paris,  in-8°.  XIII. 
Des  progrés  du  gouvernement  repré- 
sentatif en  France,  Paris,  1817,  in-S". 
XIV.  Des  trois  derniers  mois  de  l'A- 
mérique méridionale  et  du  Brésil, 
suivis  des  personnalités  et  des  inci- 
vilitçf  de  la  Quotidienne  et  du  Jour- 
nal des  Débats  ,  Paris,  1817,  in-8°, 
deux  éditions  ;  3«  édit.,  1825, in-S"; 
trad.  en  espagnol ,  Bordeaux,  1817  , 
in-8°.  XV.  Pièces  relatives  à  Saint- 
Domingue  et  à  l'Amérique  ,  Paris  et 
Bruxelles,  1818,  in-8».  XVI.  Les  six 
derniers  mois  de  l'Amérique  et  du 
Brésil^  Paris,  1818,  in-8».  XVII.  Im 
Quatre  concordats ,  suivis  de  con- 
sidérations sur  le  goucernemmt  de 
l'Église  en  général,  et  sur  l'Église 
de  France  en  particulier  depuis  15 15, 
Paris,  1818,  2  vol.  iu-8'.  M.  Clausel 
de  Montais  (  aujourd'hui  évéque  de 
Chartres),  a  publié  une iîepon^eaua: 
Quatre  concordats  de  M.  de  Pradt, 
Paris,  1819,  in-8°  ;  dom  Énard  [vay. 
ce  nom,  LXIII,  3C1  )  en  a  fait  aussi 
la   critique;   enfln  on   trouve  des 


PRA 


15 


notes  de  Napoléon  sur  cet  ouvrage, 
dans  les  Mémoires  écrits  à  Sainte- 
Hélène  par  les  généraux  Gourgaud 
et  Montholon  (  voyez  NAroLÉON , 
LXXV,  294).  XVIII.  Congrès  de 
Carlsbad.  Paris,  1819,  2  parties  , 
in-So.XIX.  L'Europe  après  le  congrès 
d'Aix-la-Chapelle,  faisant  suite  au 
Congrès[de  Vienne,  Paris,  1819,  in-8  ; 
trad.  en  espagnol ,  par  Marchena 
{voy.  ce  nom,  LXXIII,  73),  Mont- 
pellier, 1820,  in-12.  XX.  Suite  des 
Quatre  concordats,  Paris,  1820,  in-8 '. 
XXI.  Petit  catéchisme  à  l'usage  des 
Français  sur  les  affaires  de  leur 
pays^  Paris  et  Rouen,  1820,  in-8°, 
deux  éditions.  XXII.  De  la  révoln- 
tion  actuelle  de  VEspagne  et  de  ses 
suites.  Paris  et  Rouen,  1820,  in-8°. 
Le  comte  de  Lusi  a  publié  des  ^é- 
flexions  critiques  sur  cft  ouvrage, 
Berlin,  1820,  in-8°.  XXIII.  De  Vaf- 
faire  de  la  loi  des  élections ,  Paris  et 
Rouen,  1820,in-8''  ;  deux  éditions.  Cet 
écrit  ayant  été  déféré  aux  tribunauj:, 
comme  nous  l'avons  rapporté,  donna 
lieu  à  la  publication  suivante,  qui  est 
de  de  Pradt  lui-même  :  Procès  coiv. 
plet  deM.de  Pradt ,  ancien  archevê- 
que de  Matines,  contenant  une  intro- 
duction, V instruction  préparatoire , 
Varrêt  de  renvoi  devant  la  cour  d'as- 
sises et  les  passages  inculpés  ;  les 
délais,  les  réquisitoires  de  M.  l'a- 
vocatgénérali  les  discours  de  M.  de 
Pradt ,  le  plaidoyer  et  la  réplique 
de  M.  Dupin  aîné,  avocat  de  M.  de 
Pradt;  le  plaidoyer  et  la  réplique  de 
M.  Moret,  avocat  de  M.  Béchet  (  le 
libraire-éditeur  )  ;  la  déclaration  dm 
jury  et  l'ordonnance  d'acquittement, 
Paris  et  Rouen,  1820,  in-8°.  XXIV. 
De  la  Belgique  depuis  1789  jusqu^n 
1794,  Pans  et  Rouen,  1820,  in-ii". 
XXV.  L'Europe  et  l'Amérique  depuis 
le  congrès  d'Aix-la-Chapelle,  Paris 
et  Rouen,  1328,  m-8\  XXVI.  Rap- 


16 


PRA 


pel  de  quelgues  prédictions  sur  VI- 
talie,  extraites  du  CongrèsdeVienne^ 
en  1815,  Paris  et  Rouen,  1821,  in-8». 
XX VII.  L'Europe  et  l'Amérique  en 
1821,  Paris,  1822,2v.in-8o.  Il  existe 
trois  traductions  de  cet  ouvrage  en 
espagnol  :  une  par  madame  de  Zéa , 
Paris,  1822,2  vol.  in-S»  ;  une  par 
un  anonyme ,  Bordeaux,  1822, 2  vol. 
in-8°;  une  autre  enfin  parD.  J.  A.  L., 
Bordeaux,  1822, 2  vol.  in-12.  XXVIII. 
Eœamen  du  plan  présenté  aux  Cortès 
pour  la  reconnaissance  de  l'indépen- 
dance de  V  Amérique  espagnokj,  Paris, 
J822,  in-8";  trad.  en  espagnol,  Pa- 
ris, 1822,  in-S";  autre  traduction, 
Bordeaux  ,  1822,  in-12. XXIX.  De  la 
Grèce  dans  ses  rapports  avec  l'Eu- 
rope,Pâtis,  1822,  in-8'',  deux  édi- 
tions. XXX.  Parallèlede  lapuissance 
anglaise  et  russe  relativement  à  l'Eu- 
rope, suivi  d'un  aperçu  sur  la  Grèce, 
Paris,  1823,  in-B»;  2^  édit.,  1824, 
in-8o. XXXI.  L'Europe  et  V Amérique 
en  1822  et  1823,  Paris,  1824,  2  vol. 
in-8o. XXXII.  La  France,  l'Emigra- 
tion et  les  Colonies,  Paris,  1824, 
2  V.  in-8°.  XXXIII.  Examende  l'ex- 
posé des  motifs  de  la  loi  relative  à 
Vindemnité  des  émigrés,  lu  dans  la 
séance  du  4  janvier  1825 ,  Paris , 
1825,  in-S".  XXXIV.  Vrai  système  de 
l'Europe  relativement  à  l  Amérique 
ci  à  la  Grèce,  Paris,  1825,  in-B"  ; 
trad.  en  espagnol  par  Biczma  Guer- 
rero ,  Paris,  1825,  2  vol.  in-12. 
XXXV.  Congrès  de  Panama  ,  Paris, 
1825,  in-8";  trad.  en  espagnol,  par 
M.  D.-J.-C.  Pages,  interprète  royal, 
Paris  ,  1825,  in-18  ;  autre  traduc- 
tion par  M.  A.  Naucot  ,  Bordeanx 
et  Paris,  1825,  in-12.  XXXVI.  Lu 
Jésuitisme  ancien  et  moderne  ,  Pa- 
ris, 1825,  in-S";  2*=  édition,  182C  , 
in-8°.  XXXVIl.  L'Europe  par  rap- 
port à  la  Grèce  et  à  la  réfor- 
mation de  la  Turquie,  Paris,  1820  , 


PRA 

in-8o.  XXXVIII.  Concordat  de  l'An 
mérique  avec  Rome,  Paris,  1827, 
in-8° ;   trad.   en  espagnol ,  Paris  , 

1827,  2  vol.  in-12;  autre  traduction, 
par  don  M.  V  .M.,  Paris,  1827,  in-12. 
XXXIX.  Garanties  à  demander  à 
VEspagne,  Paris,  1827,  in-8°.  XL. 
Remarques  philologiques  sur  le  psau- 
me ex  (  109  de  la  Yulgate) ,  Paris , 

1828  ,  in-S".  XLI.  Du  système  per- 
manent de  l'Europe  à  l'égard  de  la 
Russie  et  des  affaires  d'Orient,  Paris, 

1828,  in-S".  XLII.  Statistique  des 
libertés  de  l'Europe  en  1829 ,  Paris  , 

1829  ,  in-8».  XLIII.  Un  chapitre  iné- 
ditsurla  légitimité,  Paris, ISSOjin-S». 
Sur  le  verso  du  faux-titre  est  écrit  : 
«  Le  chapitre  qu'on  va  lire  a  été  re- 
tranché d'un  ouvrage  de  l'auteur  par 
l'effet  de  la  censure.  •  XLIV.  Appel 
à  l'attention  de  la  France  sur  sa 
marine  militaire,  Paris,  1832,  in-S". 
XLV.  Du  refus  général  de  l'impôt, 
Clermont-Ferrand  et  Paris,  1832, 
in-80.  XLVI.  De  l'esprit  actuel  du 
clergé  frawpms,  Paris, 1834,  in-S".  De 
Pradt  a  fourni  divers  articles  aux  Ar- 
chives littéraires  de  l'Europe, des  Let- 
tres au  Spectateur  du  Nord  ,  et  plus 
tard  des  articles  au  Constitutionnel 
et  au  Courrier  Français.  On  a  en- 
core de  lui  un  Portrait  de  l'abié 
Maury,  à  la  suite  des  Confessions  du 
cardinal  Fcsch  (I8I6);  des  notes  et 
remarques  dans  la  traduction  des 
Considérations  politiques  sur  l'état 
actuel  de  l'Allemagne,  par  Fischer 
(  1821)  ;  une.  préface  en  tête  des  Ex- 
traits de  l'Introduction  à  l'Histoire 
de  Charles-Quint ,  traduits  de  l'an- 
glais de  Robertson  {voy.  ce  nom, 
XXXV11I,229,  note  3),  par  MM.  Du 
fauet  Guadet  (1823).  On  lui  attribue: 
Eclaircissements  historiques  et  im- 
partiaux sur  les  causes  secrètes  et  les 
effets  publics  de  la  révolution  de  il i9 
(anonyme),  1790,  in-S».      M-d  j. 


PRA 

PRAET  (Josei'H-Basile-Bernard 
van),  savant  bibliographe,  né  le  29 
juillet  1754,  à  Bruges,  où  son  père, 
Joseph  Van  Praet,  exerçait,  avec  dis- 
tinclion ,  la  profession  d'impritneur- 
libraire,  puisa  dans  ses  traditions  de 
famille  l'amour  et  les  premières  con- 
naissances de  la  bibliographie.  En- 
voyé, à  l'âge  de  quinze  ans,  au  col- 
lège de  la  ville  d'Arras,  nous  le  voyons 
acheter  de  ses  petites  épargnes  d'éco- 
lier le  Catalogue  de  la  bibliothèque 
de  M.  Gaignat,  publié  cette  année 
(1769)  par  de  Bure,  auteur  de  la 
Bibliographie  instructive,  dont  ce 
Catalogue  forme  le  supplément  (coy, 
Deblre,  X,  627).  Rentré  dans  la  mai- 
son paternelle,  le  jeune  Van  Praet 
parut  vouloir  se  fixer  à  Bruges,  où  il 
se  fit  recevoir,  en  1772,  dans  la  con- 
frérie des  arbalétriers  du  noble  che- 
valier Saint-Georges,  confrérie  origi- 
nairement militaire  ,  mais  alors  pu- 
rement civile.  Apres  sept  ans  passés 
à  étudier  l'histoire  et  leà  langues  du 
nord  de  l'Europe,  il  vint  à  Paris, 
chez  le  libraire  Desaint,et  peu  après 
entra  dans  la  maison  de  Guillaume 
de  Bure,  cousin -germain  de  l'au- 
teur de  la  bibliographie  instruc- 
tive et  excellent  bibliographe  lui- 
même.  A  cette  époque  figuraient  au 
premier  rang  dans  cette  science  dom 
Mangerard  de  Metz,  Tabbé  Mercier 
de  Saint-Léger,  les  deux  de  Bure  et 
l'habile  et  irascible  abbé  Rives.  Van 
Praet  marqua  sa  place  à  côté  de  ces 
maîtres,  en  publiant  (février  17S0), 
dans  VEsprit  des  journaux,  recueil 
mensuel  qui  s'imprimait  à  Liège,  des 
Recherches  ingénieuses  et  savantes 
sur  la  vie,  les  écrits  et  les  éditions 
de  Colard  Mansion,  le  plus  ancien 
des  imprimeurs  de  Bruges.  Ces  ^e- 
cherches  furent  d'autant  mieux  ac- 
cueillies qu'elles  complétaient  celles 
que  Mercier  de  Saint-Léger  avait  fait 
Lxxvni. 


PRA 


17 


paraître  sur  ce  sujet  dans  le  voluinc 
de  nov.  1779  du  même  recueil.  Com- 
me suite  à  ce  premier  essai.  Van  Praet 
inséra,  dans  le  volume  d'octobre  1 780, 
une  Notice  abrégée  d'un  manuscrit 
de  la  Bibliothèque  du  roi,  relatif  au 
tournoi  célèbre  frappé  à  Bruges,  le  1 1 
mars  1392,  par  Jean,  seigneur  de  la 
Grutuyse.  En  1489,  Louis  de  Bruges, 
fils  de  Jean,  zélé  promoteur  de  l'im- 
primerie dans  sa  patrie,  et  généreux 
protecteur  de  Colard  Mansion,  qui 
dansladédicaced'undeseslivrcsl'ap- 
pelle  familièrement  son  compère,  fit 
décrire  et  peindre  ce  tournoi  dans  un 
splendide  manuscrit  orné  des  plus 
belles  miniatures  et  l'offrii  au  roi 
Charles  VIII.  Van  Praet  a  montré  dans 
la  description  de  ce  précieux  ouvrage, 
outre  toutes  les  qualités  du  biblio- 
graphe, un  talent  de  polémique, 
dont  il  n'a  fait  usage  que  cette  fois, 
en  réfutant  d'une  manière  vive  et 
serrée  l'opinion  de  l'abbé  Ghesquière 
qui  contestait  ù  Colard  Mansion  l'hon- 
neur d'avoir  introduit  l'imprimerie  à 
Bruges,  et  en  reportait  le  mérite 
au  calligraphe  J.  Britou.  Ces  deux 
opuscules  sont  le  germe  de  deux  ou- 
vrages plus  iraporlauîs  et  plus  com- 
plets, que  Van  Praet  mit  au  jour  cm- 
quaute  ans  plus  tard,  et  dont  nous 
parlerons  plus  loin.  L'année  suivante 
(janvier  1781  ),  l'Esprit  des  journaux 
s'enrichit  d'une  nouvelle  communica- 
tion de  Van  Praet  sur  des  chansons 
françaises  et  flamandes,  composées 
au  xiii*  siècle  par  les  ducs  de  Bra- 
bant,  Henri  lil  et  Jean  II.  Dans  ce  i  rop 
court  mémoire,  le  jeune  critique  fit 
connaître  aux  amateurs,  alors  moins 
nombreux  qu'aujourd'hui,  de  notre 
ancienne  poésie,  quelques  couplets 
inédits  de  Henri  IH.  Le  duc  de  La  Val- 
lière,  mort  au  mois  de  nov.  1780, 
avait  laissé  une  des  plus  maguiliques 
bibliothèques  qu'ua  particulier  tùl 
2 


18 


PRA 


encore  possédées  en  France.  La  vente 
de  ses  manuscrits  et  de  ses  livres  les 
plus  précieux  fut  confiée  par  sa  iille 
et  son  héritière,  la  duchesse  de  Châ- 
tillon,  à  Guillaume  de  Bure  qui  as- 
socia Van  Praet  k  la  rédaction  du  ca- 
talogue, publié  en  trois  vol.  in-8°, 
en  1783.  «Ce  catalogue,  dit  Peignot, 
dans  son  Répertoirebibliographique, 
fait  le  plus  grand  honneur  à  M.  Guil- 
laume de  Bure  et  à  M,  Van  Praet,  qui 
a  traité  la  partie  des  manuscrits.  » 
Ce  beau  travail  n'en  fut  pas  moins 
l'occasion  des  seules  attaques  pas- 
sionnées dont  Van  Praet  ait  eu  à  souf- 
frir. L'abbé  Rives,  ancien  bibliothé- 
caire du  duc  de  La  Vallière,  blessé  de 
n'avoir  pas  été  choisi  pour  dresser  le 
catalogue  de  cette  collection,  se  livra 
contre  les  rédacteurs  aux  plus  violen- 
tes injures  dans  un  pamphlet  qui  pa- 
rut sous  forme  de  prospectus.  Six 
ans  plus  tard,  le  vindicatif  abbé  re- 
nouvela et  multiplia  ses  invectives 
dans  un  ouvrage  qui,  purgé  de  ces 
grossières  diatribes,  aurait  pu  offrir 
de  l'intérêt,  la  Chasse  aux  biblio- 
graphes et  aux  antiquaires  mal-avi- 
sés, Londres,  1789,  in-8°.  Ces  criti- 
ques pleines  d'emportement  et  de 
fiel,  que  M.  Paulin  Paris  ajustement 
comparées  aux  aménités  du  père  Ga- 
rasse, ne  firent  de  tort  qu'à  leur  au- 
teur. Les  premiers  travaux  de  Van 
Praet  attirèrent  sur  lui  l'attention  pu- 
blique, et  lui  ouvrirent  les  portes  de  la 
Bibliothèque  du  roi.  L'abbé  des  Aul- 
nays,  alors  garde  des  livres,  le  dé- 
signa au  choix  de  Le  Noir,  deverm 
(  ce  qui  peut  paraître  bizarre  )  de 
lieutenant-général  de  police,  biblio- 
thécaire du  roi,  et,  comme  on  disait 
encore ,  maître  de  la  librairie  de  Sa 
Majesté,  intendant  du  cabinet  des 
livres,  manuscrits,  médailles,  estam- 
pes, etc.  Le  1"  juillet  178i,  sans 
autre  protection  que  son  mérile,  Van 


PRA 

Praet  fut  appelé  à  la  Bibliothèque  du 
roi,  avec  le  titre  de  premier  écrivain 
attaché  au  dépôt  des  livres.  Il  pré- 
féra cette  position  modeste  aux  offres 
plus  brillantes  qui  lui  avaient  été 
faites  par  un  des  gardes  de  la  Biblio- 
thèque impériale  de  Vienne,  l'abbé 
Strattmann,  qu'avait  attiré  à  Paris  la 
vente  du  duc  de  La  Vallière.  Ce  ne  fut 
que  sept  ans  plus  tard,  en  déc.  1791, 
que  Van  Praet  fut  nommé  second 
commis  par  M.  d'Ormesson,  succes- 
seur de  Le  Noir.  Après  la  journée  du 
10  août  1792,  la  Bibliothèque  du  roi 
devint  de  fait  et  de  nom  la  Biblio- 
thèque nationale.  Chamfort,  nommé 
bibliothécaire  par  le  ministre  Ro- 
land, confia  à  Van  Praet  les  fonc- 
tions de  sous-garde  des  livres  impri- 
més, l'abbé  des  Aulnays  conservant 
le  titre  de  garde.  Mais  la  tourmente 
révolutionnaire  allait  bientôt  boule- 
verser cet  asile  des  paisibles  études. 
Au  mois  d'août  1793 ,  un  infâme 
délateur  ,  Tobiesen  Duby ,  employé 
secondaire  de  l'établissement,  dé- 
nonça comme  aristocrates  et  sus- 
pects, dans  le  Journal  de  la  Monta- 
gne, Chamfort,  l'ardent  patriote,  ei 
plusieurs  autres  citoyens  attachés  à 
la  Bibliothèque  nationale.  Ces  ci- 
toyens suspects  étaient  l'illustre  abbé 
Barthélémy,  son  neveu,  l'abbé  de 
Courçai ,  les  iuoffensifs  des  Aulnays, 
Capperounier,  Joly ,  et  le  jeune  et 
studieux  Van  Praet.  Chamfort  adres  - 
sa,  les  septembre  1793,  uneéoergiqiie 
réponse,  en  ce  qui  le  concernait,  au 
citoyen  Laveaux,  rédacteur  du  Jour 
nal  de  la  Montagne.  Cependant  les 
hommes  de  lettres  dénoncés  avaient 
été  arrêtés  et  enfermés  aux  Madelon- 
nettes,  à  l'exception  de  Van  Praet,  qui 
sut  tromper  la  surveillance  de  ses  gar- 
des, et  demeura  caché  {itïndant  deux 
mois  chez  un  libraire  de  Paris,  M.Théo- 
phile Barrois,  beau-frère  de  de  Bure. 


PRA 

Au  mois  de  décembre,  les  proscrits  de 
la  Bibliothèque  ayant  été  rendus  à 
cet  établissement,  Van  Praet  vint  re- 
prendre ses  fonctions  de  sous-garde 
des  imprimes,  auxquelles  plusieurs 
suppressions  d'emplois  le  forcèrent 
d'ajouter  celles  de  secrétaire,  de  con- 
cierge et  de  trésorier.  Il  eut  bientôt 
le  regret  de  se  séparer  de  l'abbé  des 
Aulnays,  qui,  à  peine  hors  de  prison, 
crut  prudent  de  se  retirer  dans  son 
pays,  à  Lannion,  en  Bretagne,  d'où 
jusqu'à  sa  mort,  arrivée  en  1810,  il 
n'a  cessé  d'être  en  correspondance 
avec  Van  Praet.  La  place  de  l'abbé 
des  ÂuInays  passa  à  un  inconnu , 
nommé  Mancel.  Nous  remarquerons 
qu'alors  jusqu'à  l'organisation  de 
1795 ,  les  fonctions  de  garde  des  im- 
primés et  de  garde  des  manuscrits 
lurent  réunies  dans  les  mêmes  mains. 
Cette  fusion  momentanée  servit  beau- 
coup à  augmenter  les  connaissances 
déjà  si  étendues  et  si  variées  de  Van 
Praet. Cependant  Chamfort,  à  peine 
rendu  à  la  liberté,  fut  menacé  d'nne 
nouvelle  arrestation.  On  sait  avec 
quelle  énergie  déplorable  il  voulut 
échapper,  par  le  suicide,  à  la  tyrannie 
démagogique.  Lefebvre  de  Villebru- 
ne,  helléniste  et  traducteur  médiocre, 
hérita  de  sa  place  de  bibliothécaire. 
Ctmprenant  d'une  manière  étrange 
les  devoirs  de  ses  hautes  et  libérales 
fonctions,  il  dénonça,  en  avril  1794, 
au  comité  de  la  section  Lepelletier, 
plusieurs  de  ses  collaborateurs,  no- 
tamment Van  Praet,  qu'il  accusait 
d'être  Belge  et  de  n'avoir  qu'un  ci- 
visme douteux.  Heureusement  Van 
Praet  comptait  beaucoup  d'amis  dans 
la  section.  La  dénonciation ,  au  lieu 
d'être  envoyée  aux  autorités  révo- 
lutionnaires,  fut  remise  entre  les 
mains  du  dénoncé,  et  demeura  sans 
résultat.  La  soirée  du  19  août  1794 
fut  sigQaîée    par  une    catastrophe 


PRA 


f9 


bien  faneste  aux  lettres.  La  riche 
bibliothèque  de  l'antique  abbaye  de 
Saint-Geroiain-des-Prés,  auprès  de 
laquelle  on  avait  imprudemment 
établi  des  magasins  de  salpêtre ,  fut 
la  proie  d'un  incendie  (l).  Pendant 
plusieurs  mois  Van  Praet  passa  tou- 
tes ses  après-midi  dans  les  caves  hu- 
mides où  l'on  avait  jeté  pèle  mêle 
ce  qu'il  avait  été  possible  d'arracher 
aux  flammes.  H  parvint  ainsi,  avec  le 
savant  et  vénérable  dom  Poirier,  à 
exhumer  un  grand  nombre  de  livres 
et  de  manuscrits  que  le  feu  et  l'eau 
des  pompes  n'avaient  que  faiblement 
endommagés.  Au  mois  de  novembre 
de  la  même  année ,  il  fut  nommé , 
avec  son  collègue  Capperctinier , 
garde  par  intérim  des  livres  impri- 
més ,  fonctions  qu'un  des  derniers 
décrets  rendus  par  la  Convention  na- 
tionale (  3  brumaire  an  IV)  conféra 
détinitivemeat  à  l'un  et  à  l'autre, 
après  qu'une  loi,  mûrement  préparée 
par  le  comité  d'instruction  publique, 
eut  donné  à  cet  immense  musée ,  ou 
plutôt  à  cette  réunion  de  musées, 
î'urganisatiuu  puissante  et  libérale 
qui  a  taut  contribué  à  sa  splendeur , 
et  que  le  pouvoir,  dans  ces  deruiers 
temps,  n'a  pas  assez  respectée.  Alors 
s'accomplit  dans  le  régime  des  bi> 
bliothèques  de  France,  et  surtout 


(i)  Il  n'y  eut,  cepeadant,  ancune  explo- 
sion, et  nous  ignorons  d'où  M.  le  baron  de 
Reiffeoberg  a  tiré  les  détails  suivauts: 
«  D.ins  la  soirée  du  ig  août  1794,  une  délo- 
nution  épouvantable  ébranle  Paris  jusqu'en 
ses  fondements  et  éveille  les  «cbos  de  ses 
catacombes.  On  eût  ,dit  qu'un  volcan  long- 
temps CHché  venait  de  faire  éruption  au 
centre  de  celte  capitale.  Lès  quinze  milliers 
de  salpêtre  avaient  sauté  «t  ave«  eux  la  bi- 
bliothèque. »  M.  de  Reiffeuberg  a  saus  doute 
confondu  cette  date  du  19  août  avec  celle 
du  3l,  époque  de  l'explosion  de  la  pou- 
drière de  Grenelle.  Voy.  Notice  biographique 
sur  J.-B.'B.  Fan  Praet,  lue  dans  la  séance 
de  l'Académie  royale  des  sciences  et  belles* 
lettres  de  Bruxelles,  le  16  déc.  tSik^ 


2. 


20 


PRA 


de  Paris,  une  révolution    dont   ne 
peuvent  avoir   une  idée  ceux   qui 
n'ont  pas  été  témoins  du  régime  an- 
térieur. Au  lieu  de  n'être,  comme  par 
le  passé ,  que  des  propriétés  particu- 
lières ,  monastiques  ou  royales ,  ou- 
vertes à  quelques   gens  de  lettres 
par  la  munificence  des  fondateurs 
ou  la  libéralité   des  propriétaires  , 
pendant  une  ou  deux  heures,  et  une 
ou  deux  fois  par  semaine  (2),  les  bi- 
bliothèques Mazarine,  de  Sainte-Ge- 
neviève, du  marquis  de  Paulmy  ou 
de  l'Arsenal,  et  surtout  la  grande  Bi- 
bliothèque devinrent  la  propriété  de 
tous,  s'ouvrirent  à  tous,  pendant  qua- 
tre heures  chaque  jour.  L'usage  de 
ces   richesses   nationales    ne    reçut 
d'aatres  limites  que  celles  qu'impo- 
saient les  besoins  de  l'ordre  et  de  la 
conservation.  Cependant  rien  n'était 
préparé  pour  ce  brusque  passage  de 
la  demi-clôture  à  l'ouverture  libre  et 
quotidienne.  Van  Praet  a  contribué 
plus  que  personne  à  rendre  possible 
la  transformation  que  le  nouvel  état 
de  choses  appelait.  Avec  son  activité 
sans  pareille,  sa  mémoire  prodigieuse, 
son  érudition  prévenante  et  expan- 
sive,  il  l'ut  l'homme  de  cette  révolu- 
tion ;  et  c'est  à  lui  aussi  que  revint 
long-temps,  et  avec  justice,  la  recon- 
naissance qu'a  excitée ,  au  comn)en- 
cement  du  siècle,  le  bienfait  de  la 
publicité  des  bibliothèques.  Les  cir- 
constances n'augaientèrent  pas  seu- 
lement le  nombre  des  lecteurs  dans 
les  galeries  de  la  rue  de  Richelieu  ; 
elles  y  multiplièrent,  dans  nue  pro- 
portion plus  graudc  encore,  les  ob- 
jets d'études,  livres,  manuscrits,  mé- 

(2)  Nous  uvous  i-ulcndu  dire  à  M.  Dau- 
uou  que  tlaus  lu  IJibliollicque  de  Suiut-Vie- 
tor,  la  plus  iiiiLicuneiiicut  publique  de  Pa- 
ri*, on  ne  cDiuiuuuiqu.iit  aux  Icelouis  iiou 
le.oiniuandé»  que  de»  ouviagis  iu-folio, 
(I:ins  la  uuiulc  des  souslimlious, 


PRA 

dailles,  etc.  Le  chiffre  des  livres  im- 
primés qui  montait  k  peine,  en  1792, 
à  cent  mille  volumes,  était  plus  que 
doublé  vers  l'année  1800.  Cet  accrois- 
sement rapide  provint  de  deux  sour- 
ces. La  première,  que  Van  Praet  n'au- 
rait certes    pas   souhaité  d'ouvrir, 
mais  dont  il  fit  largement  profiter  la 
Bibliothèque,  fut  la  suppression  des 
couvents  et  la  création  des  dépôts 
provisoires,  où  s'accumulèrent    les 
dépouilles,  plus  ou  moins  précieuses, 
des  corporations   supprimées.    Van 
Praet  alla  long-temps  lui-même  choisir 
dans  ces  nécropoles   littéraires  les 
ouvrages  qu'il  croyait  manquer  à  la 
Bibliothèque  nationale.  La  seconde 
source  d'accroissement  fut,  à  la  ha 
de  la  république  et  sous  le  consu- 
lat, la  direction  scientifique,  donnée 
à  nos  conquêtes.  Van  Praet,  souvent 
consulté  par  les  agents  du  pouvoir, 
indiquait  les  ouvrages  qu'il  importait 
de  recueillir  dans  les  pays  soumis  par 
nos  armes.  «  J'ai  eu  sous  les  yeux,  eu 
1798,  dit  Dauuou,  plusieurs  des  no-* 
tes  que  Van  Praet  adressait  aux  agents 
du  gouvernement,  et  qui  supposaient 
la  plus  exacte  connaissauce  de  Tétat 
des  bibliothèques  étrangères.  C'est 
ainsi  que  notre  grand  dépôt  natio- 
nal, déjà  si  riche,  lui  a  dû,  jusqu'en 
1813,  des  accroissements  dont  il  se- 
rait fort  difticilede  mesurer  l'éten- 
due. »  Aussi  fut-elle  profonde  la  dé- 
solation du  docte  et  zélé  bibliothé- 
caire ,  lorsqu'en  1815  les  réclama- 
tions  de  l'Europe  coalisée  vinrent 
ressaisir  la  meilleure  partie  de  ces 
conquêtes  intellectuelles.  Van  Praet 
fit,  dans  cette  circonstance,  tout  ce 
qu'il  était  possible  de  faire  :  il  atté- 
nua par  d'heureux  et  habiles  échan- 
ges des  dommages  inévitables.  L'au- 
teur de  la  I  ie  des  Estienne  a  blâmé 
Van  Praet  d'avoir  restitué  avec  trop 
de  facilité  ces  fruits  de  nos  vicloues. 


PRA 

M.  Renouard,  en  éme'.tant  cette  opi- 
nion, a  trop  jugé  sur  les  apparen- 
ces. Van  Praet,  au  contraire,  a  dé- 
fendu les  intérêts  de  l'établissement 
qui  lui  était  contié  avec  toute  la  pas- 
sion, toute  la  ténacité  d'un  biblio- 
phile, on  pourrait  dire  la  dextérité 
d'un  diplomate    consommé.  Ce  fut 
d'ailleurs  la  seule  circonstance  de  sa 
vie  où  il  déploya    cette  sorte  d'a- 
dresse, dont  il  était  naturellement 
dépourvu,  surtout  quand  il  s'agissait 
de  ses  intérêts  personnels.  Les  évé- 
nements de  1814  ne  lui  furent  pas 
moins  douloureux,  en  détachant  la 
Belgique   de  la  France  et  en  sépa- 
rant ses  deux  patries,  qui  lui  étaient 
également  chères.  Des  lettres  de  na- 
turalité,  qu'il  obtint  en  1815,  le  rat- 
tachèrent à  la  France,  sans  lui  faire 
oublier  la  Belgique.  Le  gouvernement 
français  lui  demanda,  à  diverses  re- 
prises, le  concours  de  son  zèle  et  de 
ses  lumières,  pour  l'amélioration  de 
plusieurs  services  qui  avoisinaient  le 
sien.  En  1827  et  1831,  il  fut  appelé 
par  le  garde  des  sceaux  à  faire  partie 
de  la  commission  chargée  de  perfec- 
tionner  les  types    de    l'imprimerie 
royale.  Plusieurs  fois  il  fut  nommé 
membre  du  jury  d'examen  des  pro- 
duits de  l'indusirie  nationale,  en  ce 
qui  concernait  la  typographie  et  la  re- 
liure. Du  commencement  de  1829  à 
la  fin  de  1832,  il  occupa,  par  élection, 
le  fauteuil  de  vice-président  et  de  pré- 
sident du  conservatoire  de  la  Biblio- 
thèque royale.  Tant  de  soins  et  de  de- 
voirssi  ponctuellement  remplis  le  for- 
cèrent à  suspendre,  pendant  bien  des 
années ,  ses  propres  travaux.  Entre 
1784  et  1821  ,  il  ne  put  que  com- 
mencer   l'impression  de  deux   ou- 
vrages qui  demeurèrent  inachevés  ; 
ce  sont  :  1°  Essai  d'un  catalogue  des 
livres  imprimés  sur  vélin ,  1805,  in- 
lolio  de  21  pages  ;  2«  Catalogue  (par 


PRA 


21 


ordre  chronologique)  des  livres  im- 
primés sur  vélin  avec  date,  depuis 
Hbl  jusqu'à  1472;  Ire  partie,  1813, 
un  vol.  in-folio ,  non  publié.  Ce  fut 
seulement  entre  les  années  1822  et 
1828,  qu'il  parvint  à  donner  à  ce 
travail  de  toute  sa  vie  le  dévelop- 
pement complet  et  la  forme  défini- 
tive que  nous  lui  voyons.  Ce  beau 
monument  de  la  science  bibliogra- 
phique parut  enfin  sous  ce  titre  ; 
Catalogue  des  livres  imprimés  sur 
vélin  qui  se  trouvent  à  la  Bibliothè- 
que du  roi  et'.dans  les  autres  biblio- 
thèques, tant  publiques  que  par- 
ticulières, 10  vol.  in-8'. —Arrivé  à 
l'âge  où  l'homme  a  droit  de  se  reposer. 
Van  Praet  reprit  et  perfectionna  deux 
des  premiers  essais  de  sa  jeunesse.  Il 
réimprima,  en  1823,  avec  de  nom- 
breuses et  utiles  additions,  sa.  Notice 
sur Colard 31ansion.En  1 83 1 , i l  com- 
pléta son   ancien  travail  sur  Jean  et 
Louis  de  Bruges  ,  et  en  fit  un  livre 
tout  à  fait  nouveau  ,  qu'il  intitula  : 
Recherches  sur  Louis  de  Bruges ,  sei- 
gneur de  la  Grtituyse,  suivies  de  la 
notice  des  manuscrits  qui  lui  ont  ap- 
partenu et  dont  la  plus  grande  partie 
se  conserve  à  la  Bibliothèque  du  roi  ; 
un  vol.  in  8°.  Il  employa  les  années 
suivantes  à  la  composition  d'un  ou- 
vrage qui  parut  en  1836.  Mais,  déjà 
octogénaire  et  atteint  d'une  maladie 
qui  rendait  non  pas  sa  mémoire,  mais 
sa  vue  et  sa  main  moins  sûres,  il  dut 
accepter  ,  pour  surveiller  la  fin  de 
cette  publication,  l'assistance  d'un  de 
ses  amis  intimes,  M.  Parison  ,  qui 
partageait  ses  goûts  bibliographiques 
et  littéraires.  Ce  dernier  travail  est 
intitulé  :  Inventaire  ou   Catalogue 
des  livres  de  l'ancienne  bibliothèque 
du  Louvrty  fait  en  l'an  i373par  Gil- 
les Mallet ,  précédé  de  la  dissertation 
de  Boivin  le  jeune,  sur  la  même  bi- 
bliothèque; lia  fort  vol.  in-S".  Ces 


22 


PRA 


divers  ouvrages,  imprimés  par  M. 
Crapelet ,  furent  mis  en  vente  chez 
MM.  de  Bure  frères,  ses  amis  depuis 
soixante  ans.  En  retour  de"  tant  de 
services,  Van  Praet  a  joui  pendant 
un  demi-siècle  de  la  considération  la 
plus  étendue  et  la  mieux  méritée.  La 
Restauration  le  créa  chevalier  de  la 
Légion-d'Honneur.  Il  fit  partie,  depuis 
sa  fondation,  de  l'Académie  Celtique, 
devenue  la  Société  des  antiquaires  de 
France ,  ainsi  que  de  la  Société  aca- 
démique des  Sciences.  Les  Pays-Bas, 
à  peine  érigés  en  royaume  ,  s'em- 
pressèrent de  lui  offrir  une  place  dans 
leur  Institut.  L'Académie  des  arts  et 
sciences  d'Utrecht ,  la  Société  d'ému- 
lation de  Cambrai ,  l'Académie  des 
sci  ences  et  belles-lettres  de  Bruxelles, 
la  Société  des  antiquaires  de  Nor- 
mandie, et  plus  tard  celle  des  anti- 
quaires de  la  Morinie,  s'honorèrent 
de  le  compter  parmi  leurs  membres. 
Enfin ,  le  19  mars  1830 ,  il  fut  appelé 
(  c'est  le  mot  exact)  dans  le  sein  de 
l'Académie  des  inscriptions  et  belles- 
lettres.— Van  Praet,  comme  plusieurs 
bibliographes  célèbres,  ne  possédait 
pas  de  bibliothèque.  Il  n'avait  réuni, 
àgrand'peine  et  à  grands  frais,  qu'un 
petit  nombre  de  livres  sortis  des  pres- 
ses de  Colard  Mansion.  Par  un  testa- 
ment dicté  la  veille  de  sa  mort,  arrivée 
le  5  février  1 837,  il  fit,  non  sans  émo- 
tion, le  partage  de  cette  peu  nombreuse 
et  riche  collection,  entre  les  deux 
établissements  qu'il  affectionnait  le 
plus,  lu  bibliothèque  royale  de  France 
et  la  bibliothèque  de  la  ville  de  Bru- 
ges. L'une  et  l'autre  lui  ont  voté  cha- 
cune un  buste  de  marbre.  Plusieurs 
hommages  publics  ont  été  rendus  à 
ce  Tuodè'le  des  bibliothécaires  ,  qui 
mil ,  avec  tant  de  dévouement ,  pen- 
dant cinquante-quatre  ans  ,  ses  con- 
naissances cncyclopëdiqvtes  au  service 
d»'  <out  vciiaiil.  l.'('l()p,M'   auquel  on 


PRiE 

peut  assurer  qu'il  aurait  été  le  plus 
sensible,  est  celui  que  son  éloquent 
et  vénérable  contemporain  Daunou 
prononça,  comme  secrétaire-perpé- 
tuel de  l'Académie  des  inscriptions 
et  belles-lettres,  dans  la  séance  pu- 
blique du  9  août  1839.  Van  Praet  fut 
encore  dignement  loué,  cette  même 
année,  par  M.  le  baron  de  ReifFen- 
berg,  devant  l'Académie  royale  de 
Bruxelles  et,  enfin,  par  un  de  ses 
jeunes  confrères  de  la  Société  des 
antiquaires  de  France,  M.  Paulin  Pa- 
ris, dans  le  XV»  volume  des  Mé- 
moireê  de  cette  Société.     M— g— n. 

PR^TORIUS  (Jean),  savant  ma- 
thématicien, né  à  Joachimsthal  en 
1537,  fit  ses  études  à  l'université  de 
Wittemberg  où  il  prit  le  grade  de 
maître  es  arts.  S'étant  rendu  à  Vienne 
en  1569,  il  fut  choisi  par  l'empereur 
Maximilien  JI  pour  lui  enseigner  les 
mathématiques.  L'année  suivante  il 
accompagna  André  Dudith  {voy.  ce 
nom,  XII,  130),  que  ce  prince  avait 
chargé  d'une  mission  en  Pologne.  A 
son  retour  en  1571 ,  il  obtint  une 
chaire  de  mathématiques  à  Wittem- 
berg, d'où  il  passa,  en  1576,  comme 
professeur  de  la  même  science,  à  Al- 
torf.  U  mourut  le  27  décembre  1616. 
C'était  un  homme  également  versé 
dans  les  langues,  la  littérature,  les 
sciences  et  les  arts.  Keppler  recon- 
naît lui  devoir  une  partie  de  ses  pro- 
grès dans  les  mathématiques  5  de 
Thon  le  consultait  sur  des  points 
d'histoire,  et  Selhus  Calvisius  [voy. 
ce  nom,  VI,  584)  profita  souvent  de 
ses  vastes  conuaissances  en  chrono- 
logie. Prœtorius  inventa  plusieurs 
instruments  géoniétriques.  Il  avait 
écrit  un  grand  nombre  de  disserta- 
tions sur  les  mathématiques  et  l'as- 
tronomie, dont  la  plu|<art  sont  restées 
manuscrites  dans  la  bibliothèque  de 
l'université  d'AKorf.  Parmi  celles  qui 


PRA 

ont  été  imprimées ,  nous  citerons  : 
De  cometis  ;  problema ,  quod  jabet 
ex  quatuor  redis  lineis  datis  qua- 
drilateriumfieri,  quod  fit  in  circula, 
aliquot  modis  explicatum.  On  lui 
doit  encore  une  édition,  avec  des 
notes ,  du  traité  de  la  chasse  au  fau- 
con de  l'empereur  Frédéric  II  {voy. 
ce  nom,  XV,  551),  d'après  un  ma- 
nuscrit qu'il  avait  acquis  de  Joachim 
Camerarius,  auquel  il  joignit  la  Fau- 
connerie d'Albert-le-Grand,  sous  ce 
titre  :  Reliqua  Ubrorum  Friderici  II 
de  arte  venandi  cum  avibus,  cum 
Manfredi  régis  addit.^  accedit  Al- 
bertuê  magnus  de  Falconibus,  etc., 
Augsbourg,  1596,  in-S»,  Cette  édition 
est  très-rare.  — 11  ne  faut  pas  le  con- 
fondre avec  Jean  Pretorics ,  pro- 
fesseur de  philosophie  à  Leipzig, 
mort  le  25  décembre  1680,  dont  on 
a  aussi  plusieurs  ouvrages  sur  l'as- 
tronomie, et  même  sur  l'astrologie, 
la  chiromancie,  etc.  T — d. 

PRASLIX  (le  duc  Antoine-César- 
FÉLix-CeoiSEUL  de),  né  en  1776,  fils 
du  duc  de  Praslin,  qui  fut  député  de 
la  noblesse  d'Anjou  aux  États-géné- 
raux de  1789,  où  il  se  réunit  au  parti 
révolutionnaire ,  se  fit  lui-même  re- 
marquer, dès  le  commencement  de  la 
révolution,  comme  partisan  des  in- 
novations. Il  n'émigra  point  et  tra- 
versa sans  beaucoup  de  périls  les 
jours  les  plus  malheureux.  Entré  à 
l'École  polytechnique  dès  la  fonda- 
tion en  1795,  il  y  fit  d'assez  bonnes 
études.  Son  père  était  mort  lorsque 
Bonaparte  s'empara  du  pouvoir  au 
18  brumaire.  Voué  par  tradition  de 
famille  à  la  puissance  défait,  M.  de 
Praslin  montra  dès  lors  un  grand 
zèle  pour  le  nouveau  gouvernement, 
et  fut  en  conséquence  comblé  de 
ses  faveurs.  Nommé  d'abord  séna- 
teur, il  fut  créé  chambellan  en  1805, 
puis  comte  de  l'empire.  Enfin  il  pré- 


PRA 


23 


sida  le  collège  électoral  du  dépar- 
tement de  Seine-et-Marne  en  1811, 
et  fit  en  cette  qualité  à  l'empereur, 
sur  la  naissance  de  son  fils,  un  long 
discours  où,  parmi  beaucoup  de  pla- 
tes adulations,  on  remarqua  les  pa- 
roles suivantes  :  «  Quelle  allégresse 
«  a  pénétré  vos  sujets  en  apprenant 
«  qu'ils  allaient  avoir  un  rejeton  du 
«plus  grand,  du  plus  illustre  des 
«  monarques!...  Puissent  nos  petits- 
«  enfants  jouir  encore  long-temps  du 
«  bonheur  d'être  gouvernés  par  lui , 

•  et  lui  répéter  comme  à  vous  :  Vice 

*  à  jamais  le  grand  Napoléon!  » 
Dans  le  mois  de  janvier  1813,  au  mo- 
ment où  Bonaparte  cherchait  à  ré- 
parer les  désastres  de  sa  campagne 
de  Russie,  M.  de  Praslin,  lui  «yant 
été  présenté  à  la  tête  d'une  députa- 
tion,  lui  offrit,  au  nom  du  départe- 
ment de  Seine-et-Marne,  un  nombre 
de  cavaliers  armés  et  équipés,  ce  qui 
était  assurément,  dans  de  pareilles 
circonstances,  la  plus  belle  offre  qu'il 
pût  faire.  Aussi  fut-il  nommé  au  com- 
mencement de  1814,  chevalier  de 
la  Légion -d'Honneur,  puis  chef  de 
la  1^^  légion  de  la  garde  nationale  de 
Paris,  à  la  tête  de  laquelle  on  le  vit 
combattre  le  30  mars,  lorsque  les 
alliés  s'approchèrent  de  cette  ville. 
Son  zèle'pour  le  gouvernement  im- 
périal était  tel  qu'on  l'entendit,  le 
lendemain,  s'écrier  en  présence  d'un 
groupe  de  royalistes  qui  s'étaient  hâ- 
tés de  prendre  la  cocarde  blanche  et 
qui  criaient  :  Vive  le  roi  !  vivent  les 
Bourbons!  «  Vous  n'êtes  que  des  in- 
«  dividUs^  ce  n'est  pas  là  le  sentiment 
'  général;  vous  feriez  mieux  d'aller 
«  auxbarrières  relecer  les  blessés...» 
Cependant  quand  il  vit  la  chute  de 
Bonaparte  assurée  ,  M.  de  Praslin 
parut  s'amender.  Voulant  racheter 
par  des  manifestations  d'un  autre 
genre  le  tort  des  premières,  il  fut  un 


PRA 


PRA 


de  ceux  qui  proposèrent  une  sou- 
scription pour  le  rétablissement  de 
la  statue  de  Henri  IV  sur  le  Pont- 
Neuf,  et  le  18  avril  il  fit  afficher  sur 
tous  les  murs  de   la   capitale   une 
longue  exhortation  adressée  à  ce  su- 
jet aux   habitants.   Quelques  jours 
après,  admis  en  présence  deMonsieur, 
depuis  Charles  X,  il  s'exprima  dans 
les  termes  de  la  soumission  et  du 
dévouement  les  moins  équivoques, 
ce  qui  lui  valut,  le  4  juin  suivant, 
d'être  compris  dans  la  Chambre  des 
pairs  que  créa  Louis  XVIll.  Il  perdit 
néanmoins  le  commandement  de  la, 
1"  légion  de  la  garde  nationale  de 
Paris,  qui  lui  avait  été  donné  par 
Napoléon;  mais  il  le  recouvra  dès 
que  celui-ci  fut  revenu  de  l'île  d'Elbe 
au  mois  de  mars  1815.  Alors  le  duc 
de  Prasiin  fil  de  nouveau  éclater  son 
zèle  pour  le  système  impérial,  et 
le  6  juillet,  au  moment  où  Louis  XVIII 
allait  rentrer  dans  sa  capitale  ,  il  si- 
gna le  premier  une  déclaration  des 
chefs  de  légion  de  la  garde  nationale 
en  faveur  du  drapeau  tricolore.  On  a 
lieu  de  penser  que  cette  adhésion  fut 
la  principale  cause  de  son  expulsion 
de  la  Chambre  des  pairs,  par  l'ordon- 
nance royale  du  24  juillet  suivant. 
Il  y  rentra  néanmoins  en  1817  avec 
la  fournée  des  soixante  opérée  parle 
ministre  Decaze.  Dès  lors  cherchant 
à  s'effacer,  il  prit  peu  de  part  aux 
délibérations  de  la  Chambre,  et  vota 
constamment  avec  le  parti  libéral.  Il 
mourutà  Paris, le  28 juin  1839,à  l'àgc 
de  (>li  ans.  Selon  ses  dernières  volon- 
tés, ses  funérailles  furent  très-mo- 
destes,et  ses  restes  transportés  au  châ- 
teau dePraslin  près  de  Melun.  M— Dj. 
PRATZ  (Le  Page  du),  voyageur 
français,  fut  d'abord  militaire  et  fit 
la  guerre  en  Allemagne.  A  la  paix  il 
alla  chercher  fortune  en  Amérique. 
Ayant  obtenu  une   concession    de 


terres  à  la  Louisiane,  il  partit  de  la 
Rochelle  h.  la  fin  de  mai  1718  sur  un 
navire    expédié  par    la  compagnie 
d'Occident,  et,  après  avoir  touché  à 
Saint-Domingue,  il  altérit,  le 25  août, 
àl'îleDauphine  ou  Mussane,  au  nord- 
ouest  de  l'embouchure  du  Mississipi. 
Bientôt  il  gagna  la  Nouvelle-Orléans, 
et  fut  mis  en  possession  du  terrain  qui 
lui  avait  été  concédé ,   au    Boyou- 
Tchoupik ,  à  peu  près  à  une  derai- 
lieue  de  cette  capitale-,  il  s'établit 
avec  ses  ouvriers  dans  ce  lieu  alors 
inhabité.  Les  craintes  fondées  qu'il 
conçut  de  l'insalubrité  de  ce  canton 
le  décidèrent  à  quitter  son  habitation, 
oùcependantil  se  plaisait.  Il  se  trans- 
porta donc,  en  1720,  aux  Natchez,  à 
cent  lieues  plus   haut,  sur  la  rive 
droite  du  Mississipi.  Charmé  de  sa 
nouvelle  possession,  il  demeura  d'a- 
bord dans  une  cabane  achetée  d'un 
Indien.  Ses  gens  en  construisirent 
une  autre  tout  à  côté,  •  de  sorte,  dit- 
«  il,  que  je  me  trouvai  logé  à  peu 
«  près  comme  les  biicherons  en  Fran- 
«ce,  lorsqu'ils  travaillent  dans  les 
«  bois.  »  Du  Pratz  avait  fait  une  ex- 
cursion vers  les  terres  de  Biloxi, 
lorsque  vers  la  fin  de  1723  éclata  la 
première  guerre  avec  les  Natchez  ; 
elle  ne  dura  que  quatre  jours;  plu- 
sieurs Français  furent  tués.  Sa  mai- 
son, où  il  s'était  barricadé,  ne  fut  pas 
attaquée  ;  lorsqu'il  la  quitta,  pour  se 
retirer  sous  le  fort,  avec  les  autres 
habitants,  elle  fut  brûlée.  Le  village 
avec  lequel  on  était  en  hostilité  lui 
envoya  le   calumet  de   paix  ;  tout 
s'arrangea,  et  les  Indiens  préparèrent 
des   matériaux   pour  lui  bâtir  une 
nouvelle  habitation.  Le  couunerce  se 
rétablit,  et  la  paix  fut  ratifiée  par 
le  gouverneur  de  la  Louisiane.  Du 
Pratz  ayant  entrepris  un  voyage  dans 
le  nord  et  dans  l'ouest,  afin  de  recon- 
naître les  rivières  qui  versent  leurs 


PRA 

eaux  dans  le  Mississipi ,  ne  choisit 
que  des  Indiens  pour  l'accompagner, 
aGn  d'éviter  les  malheurs  qui  e'taient 
arrivés  à  La  Salle  (voy.  ce  nom,  XL, 
177)  et  à  d'autres  aventuriers.  11  se 
re'jouit  beaucoup  d'avoir  découvert 
un  gisement  de  plâtre  et  ailleurs  un 
autre  de  cristal  de  roche,  enfln  une 
mine  de  plomb  et  une  de  houille,  ce 
qui  montre  qu'il  était  parvenu  au 
delà  du  pays  baigné  par  l'Arkansàs, 
et  même  plus  loin  que  le  Missouri  ;  il 
nomme  ces  deux  rivières.  Après  huit 
ans  de  séjour,  saisi  d'une  forte  en- 
vie de  quitter  le  poste  des  Natchez  , 
il  vendit  ce  qu'il  y  possédait  et  vint 
à  la  Nouvelle- Orléans  avec  le  pro- 
jet de  repasser  en  France;  mais  le 
gouverneur  et  le  commissaire -or- 
donnateur le  pressèrent  si  vivement 
de  se  charger  de  la  régie  de  l'habi- 
tation de  la  compagnie ,  qui  peu 
de  temps  après  devint  celle  du  roi, 
qu'il  accepta  cette  proposition.  Il 
remarqua  que  cette  habitation  res- 
semblait alors  à  une  forêt  à  moitié 
défrichée.  Ce  changement  de  de- 
meure lui  sauva  la  vie,  car  les  Nat- 
chez massacrèrent  tous  les  Français 
établis  chez  eux.  DuPratz  avait  beau- 
coup amélioré  l'état  de  l'habitation, 
lorsqu'en  1734  une  économie  mal 
entendue  en  lit  décider  la  suppres- 
sion. Le  10  mai,  il  s'embarqua,  et 
le  25  juin  il  entra  dans  le  port  de  la 
Rochelle.  Il  mourut  en  1775.  On  a 
de  lui  :  Histoire  àe  la  Louisiane  con- 
tenant la  découverte  dece  vastepays^ 
sa  description  géographique ,  un 
voyage  dans  les  terres,  l'histoire  na- 
turelle, les  inœurs,  coutumes  et  reli- 
gion des  naturels  avec  leurs  origi- 
nes, deux  voyages  dans  le  nord  du 
Nouveau- Mexique ,  dont  Tun  jus- 
qu'à la  mer  du  Sud;  ornée  de  deux 
cartes ,  et  de  40  planches  en  taille- 
douce,  Paris,  1758,  3  vol.  m- 12.  Le 


PRA 


25 


contenu  de  cet  ouvrage  répond  aux 
promesses  du  titre  ;  il  offre  des  no- 
tions très-détai liées  sur  tous  les  ob- 
jets dont  il  traite.  C'est  surtout  des 
Natchez  que  l'auteur  s'occupe.  Les 
deux  voyages  qu'il  mentionne  sont 
ceux  d'un  chef  indien.  Ce  livre  a 
été  souvent  cité  par  les  auteurs  qui 
de  nos  jours  ont  écrit  sur  la  Loui- 
siane; ils  ont  rendu  justice  à  son 
exactitude.  Les  cartes  sont  conformes 
aux  idées  que  l'on  avait  à  l'époque  où 
elles  furent  publiées;  les  planches 
représentent  généralement  des  ar- 
bres et  des  plantes  du  pays  ;  les  au- 
tres concernent  les  Indiens  et  les 
bêtes  sauvages.  L'histoire  des  éta- 
blissements successifs  des  Français 
est  bonne  à  consulter.  L'auteur  la 
continue  jusqu'après  J740,  époque  à 
laquelle  la  sage  politique  de  Vau- 
dreuil  termina,  sans  frais  et  sans 
avoir  exposé  la  vie  d'un  seul  homme, 
une  guerre  avec  les  Indiens.  E— s. 

PRAULT  (L.-Laubent),  libraire 
à  Paris  ,  mort  vers  1803  dans  un  âge 
très-avancé ,  était  un  homme  aimable 
et  un  bibliographe  instruit.  II  a  publié 
sous  l'anonyme  :  I.  Pensées  de  J.-J. 
Rousseau ,  avec  une  préface  de  l'abbé 
de  la  Porte,  Amsterdam  (Paris), 
1763,  in-l2.  II.  L'esprit  de  Henri 
IV,  ou  Anecdotes  les  plus  intéres- 
santes, traits  sublimes,  reparties 
ingénieuses  et  quelques  lettres  de 
ce  prince^  Paris,  1770,  1775,  in-S'; 
réimprimé  à  la  suite  des  Mémoires  de 
Sully,  édition  de  Londres,  1778, 
10  vol.  in-12  {voy.  Écluse  des  Loges, 
XII,  470);  enfin  il  en  a  paru  une 
nouvelle  édition,  augmentée  de  TÉ- 
loge  de  Henri  IV  ,  par  La  Harpe ,  et 
d'une  préface  avec  des  notes,  par  Le- 
breton,  Paris,  1814,  in-12,  avec  por- 
trait, m.  Pensées  de  milord  Boling- 
broke,  sur  différents  sujets  d'histoire, 
de  philosophie  ,  de   morale ,  etc.  , 


26 


PRA 


PRE 


Amsterdam  et  Paris,  1771  ,  in-12. 
Grimoard,  qui  a  publié  les  Lettres  de 
Bolingbroke, dit, dans  son  avertisse- 
ment, que  l'éditeur  des  Pensées  de  ce 
philosophe  lui  en  a  prêté  un  grand 
nombre  qu'oa  ne  retrouve  pas  dans 
ses  ouvrages,  et  qu'il  en  a  altéré 
d'autres  qui  contrariaient  les  prin- 
cipes de  la  religion  catholique 
{COy.  BOUNGBROKE,  V,  59).  IV.  UÈs- 
prit  de  M.  Necker,  Londres  et  Paris, 
1788,  in-12,  —  Prault,  père  du  pré- 
cédent, exerça  aussi  le  commerce  de 
la  librairie,  et  publia,  en  1744  et  an- 
nées suivantes ,  une  jolie  édition  in- 
12  des  poètes  Italiens.  On  lui  at- 
tribue le  Code  voiturin,  Paris,  1748, 
2  vol.  in-4°.  Les  livres  qu'il  a  fait  im- 
primer sont  généralement  remarqua- 
bles par  la  netteté  des  caractères ,  la 
beauté  du  papier,  et  la  correction  ty- 
pographique. Nous  ne  rappellerons 
pas  ici  les  mauvais  calembours  que 
le  marquis  de  Bièvre  s'était  permis  de 
faire  sur  la  famille  Prault.  Ceux  qui 
ne  les  connaissent  pas  pourront  les 
trouver  dans  le  Bièvriana.  L— m — x. 
PRAXÉAS ,  hérésiarque ,  né  en 
Phrygie  dans  le  deuxième  siècle , 
adopta  les  erreurs  des  Montanistes  ; 
puis,  ayant  quitté  leur  parti,  se  ren- 
dit à  Rome ,  et  engagea  le  pape  Clé- 
ment à  révoquer  les  lettres  de  com- 
munionque,  trompé  par  ces  sectaires, 
le  pontife  leur  avait  accordées.  Mais 
bientôt  Praxéas  tomba  lui-même 
dans  uneerreur  capitale  sur  le  dogme 
de  la  Trinité.  Il  ne  reconnaissait  en 
Dieu  qu'une  seule  personne  à  laquelle 
on  donne  trois  noms  différents , 
n'admettant  ainsi  qu'une  Trinité  no- 
minale, et  disant  que  le  Père,  comme 
le  Fils, avait  été  crucifié.  Ayant  passé 
de  Rome  en  Afrique  ,  pour  y  ré- 
pandre .ses  opinions,  il  fut  réfuté  par 
Tertullicu  ,  alors  Monlauiste  ,  qui 
écrivit  un  traité  contre  \\i\(voy.  Teiî- 


TDLLiEN  ,  XLV,  198).  Enfin,  après 
être  rentré  plusieurs  fois  dans  le  sein 
de  l'Église ,  Praxéas  mourut  dans 
l'hérésie.  Ses  erreurs  furent  renou- 
velées, au  troisième  siècle,  par  Noet 
et  Sabellius,  chefs  des  Noétiens  et 
des  Sabelliens.  P — rt. 

PREBLE  (Edouard),  commodore 
de  la  marine  des  États-Unis  d'Amé- 
rique, né  au  mois  d'août  1761,  était 
iils  du  brigadier- général  Jedediah 
Preble,  mort  en  1784  à  l'âge  de  77 
ans.  Preble  entra  dans  la  carrière 
maritime;  il  était  en  1779  midship- 
man  sous  le  capitaine  Williams. 
Nommé  bientôt  après  lieutenant,  il 
continua  de  servir  en  cette  qualité  à 
bord  d'un  sloop  de  guerre  commandé 
par  le  capitaine  Little  jusqu'à  la  paix 
de  1783.  Ce  fut  k  cette  époque  qu'à 
la  tête  d'un  petit  nombre  d'hommes 
il  s'empara  d'un  navire  beaucoup 
plus  fort  que  celui  qu'il  montait, 
dans  le  havre  de  Penobscot,  malgré 
la  furieuse  canonnade  des  batteries 
et  un  feu  incessant  de  mousqueterie. 
En  1801  il  commanda  la  frégate 
Essex,  et  fit  un  voyage  aux  Indes- 
Orientales  pour  protéger  dans  ces 
parages  le  commerce  de  sa  patrie. 
Deux  ans  plus  tard  il  fut  placé,  en 
qualité  de  commodore,  à  la  tête  de 
sept  voiles,  avec  lesquelles  il  se  ren- 
dit dans  la  Méditerranée  afin  d'y 
mettre  à  la  raison  le  dey  de  Tripoli. 
Il  força  d'abord  l'empereur  de  Maroc 
à  conclure  la  paix  avec  les  États- 
Unis,  malgré  la  perte  de  la  frégate 
Phtladelphia,  échouée  et  brûlée  par 
Decatur,  se  procura  ensuite  à  Na- 
pies  un  certain  nombre  de  canonniè- 
res, et  se  dirigeant  sur  Tripoli,  atta- 
qua vivement  cette  place.  Quoiqu'il 
ne  parvint  pas  k  s'en  emparer,  il  ohli 
gea  né.mmoins  le  pacha  de  cet  état  à 
faire  la  pai.v  à  des  termes  honorables. 
Le  commodore  Preble  mourut  le  25 


PRE 

août  1807,  n'étant  encore  âgé  que 
de  45  ans.  D— z— s. 

PRÉCY  (Pierre  de)  était  neveu 
du  comte  de  Précy  (roy.  ce  nom, 
XXXVI,  30),  qui  commanda  Lyon 
pendant  le  siège  de  cette  ville  en 
1793,  et  dout  il  partagea  toujours  les 
sentiments  monarchiques.  Ayant 
reçu  une  éducation  soignée,  il  se  li- 
vra avec  ardeur  à  la  culture  des  let- 
tres, surtout  à  la  poésie,  et  consacra 
particulièrement  sa  plume  à  des  su- 
jets religieux.  On  a  de  lui  un  poèn^ 
en  quatre  chants,  intitulé:  les  Mar- 
tyrs ,  dont  VAmi  de  la  Religion  a 
rendu  compte  dans  le  tome  XXXI , 
p.  95 ,  de  sa  collection.  C'est  le  seul 
des  ouvrages  de  Précy  qui  ait  été  im- 
primé. Ses  autres  productions,  tant 
en  prose  qu'en  vers,  sont  restées  iné- 
dites ;  il  en  a  indiqué  lui-même  plu- 
sieurs, dans  une  note  placée  à  la  fin 
de  son  poème  des  Martyrs  :  1  un 
poème  historique  du  monde;  2»  un 
poème  sur  les  Stuarts;  3"  des  tra- 
ductions en  vers  français  de  VOdys- 
sée,  de  VÂnti-Luo'èce  du  cardinal  de 
Polignacdu  poème  d'^  bel  de  Gessner, 
du  Prœdium  rusticum  de  Vanière  , 
des  Psaumes;  i^  une  Démonstration 
évangélique  ,  d'après  le  plan  de  Fé- 
nelon  ^  5°  un  livre  de  VInfluence  du 
christianisme  sur  la  civilisation  des 
peuples,  etc.  Précy  mourut  à  Spmur 
en  Brionnais  (Saône-et-Loire),  le 
•29  juin  1822.  Il  avait  épousé  Chris- 
tine Duryer,  arrière-petite-fiHe  d'An- 
dré Duryer  {voy.  ce  nom,  XII,  386), 
consul  de  France  à  Alexandrie,  dont 
on  a  une  traduction  française  de 
VAlcoran.  P — rt. 

PRÉCY,  auteur  de  la  Pipée.  Voy. 
Perri>-  de  Précy,  LXXVI,  496. 

PRÉFAT  (Ulric)  de  Wilkanova, 
gentilhomme  bohémien,  né  en  1523 
a  Prague,  en  partit  le  jour  de  la  Fête- 
I>ieu,  1546,  pour  aller  dans  la  Terre- 


PRE 


27 


Sainte ,  d'où  il  revint  le  lundi  avant 
Pâques,  1 547.  Il  a  publié  son  Itinera- 
rium  Praga  Venetias,  et  inde  per 
mare  in  Palestinam.  id  est,  Judœam 
et  Terram  Sanctam  Hierosolymam 
ad  Sepulchrum  Domini ,  Prague , 
1548,  et  ensuite  1563,  qu'il  dédia  à 
Wenceslas  de  Hazmbourg,  chevalier 
de  Saint-Iean  de  Jérusalem,  dont  le 
père,  comme  un  autre  Ulysse,  avait 
parcouru  les  terres  et  les  mers ,  et 
dont  Préfat  dit  avoir  trouvé  les  ar- 
mes dans  plusieurs  de  ses  voyages. 
Les  deux  éditions  de  cet  ouvrage  , 
où  l'on  trouve  des  détails  intéres- 
sants sur  les  lieux  qu'avait  vus  l'au- 
teur, furent  soignées  à  ses  dépens. 
Il  dit  à  la  fin  qu'il  n'a  pas  dépensé 
pour  tout  le  voyage  plus  de  cent  du- 
cats de  Hongrie,  et  cite  la  relation  du 
voyage  de  Kabatnik.  G — Y. 

PRÉFOXTAIXE  (le  chevalier 
de),  ancien  commandant  à  la  Guiane, 
a  public  un  ouvrage  intitulé  :  Mai- 
son rustique,  à  Vusage  des  habitants 
de  la  partie  de  la  France  équinoxiale 
connue  sous  le  nom  de  Cayenne , 
Paris,  1763,  in-8°.  On  trouve  dans 
ce  volume  un  Dictionnaire  galibif^t 
un  Essai  de  grammaire,  par  La  Salle 
de  l'Étang ,  opuscules  qui  n'ont  pas 
été  mentionnés  à  son  article  [voy. 
Salle,  XL,  182).  Déjà  Ant.  Biet 
{voy.  ce  nom,LVin.  245)  avait 
donné,  à  la  suitp  de  son  Voyage  de  la 
France  équinoxiale ,  un  Diction- 
naire de  la  langue  galibi ,  dont 
celui  de  La  Salle  n'est  qu'une  repro- 
duction plus  étend!ie.  Z. 

PREGLIASCO  (Jacques),  archi- 
tecte italien,  né  en  1757  dans  le  Pié- 
mont, et  mort  à  Turin  le  26  décembre 
1825,  s'était  surtout  distingué  par  son 
talent  pour  l'arfchitecture  théâtrale 
et  l'art  de  former  les  jardins  suivant 
le  goût  anglais.  On  remarque,  parmi 
ses  ouvrages,  le  parc  de  la  princesse 


28 


PRE 


PRE 


de  Lorene  Carignano  ;  la  restauraliou 
du  grand  théâtre  de  la  Canobiana,  à 
Milan;  la  plupart  des  décorations 
pour  les  ballets  mythologiques  de  Vi- 
gano  et  de  Gioja  ;  enlin  la  nouvelle 
construction  du  grand  théâtre  de  Na- 
ples,  etde  celui  de  la  cour  de  Milan,  à 
Monza.  On  voit  aussi  en  Piémont  plu- 
sieurs jardins  et  théâtres  qu'il  a  des- 
sinés et  bâtis,  tous  remarquables  par 
l'originalité  et  la  perfection  du  goût. 

Z. 
PllîîIGNEY  (Luc-JosEPîi  Mathe- 
IJOT,  plus  connu  sous  le  nom  de  l'abbé 
de),  ingénieur  physicien  à  qui  l'on 
doit  plusieurs  découvertes  utiles,était 
né  vers  le  commencement  du  18®  siè- 
cle, à  Dole,  d'une  famille  patricienne. 
Pourvu  de  bonne  heure  d'un  cano- 
nicat,  il  employa  ses  loisirs  à  l'étude 
de  la  physique  et  fit  un  grand  nombre 
d'expériences,  principalement  sur  la 
lumière.  En  1744  il  soumit  à  l'Aca- 
démie des  sciences  le  modèle  de  lan- 
ternes à  réverbères  qu'il  proposait 
de  substituer  à  celles  dont  on  se  ser- 
vait alors  pour  éclairer  les  rues  de 
Paris.  L'Académie  déclara  que  les  lan- 
ternes de  l'abbé  de  Preigney  étaient 
très-supérieures  à  tout  ce  que  l'on 
connaissait  en  ce  genre;  mais  il  ne 
put  pas  déterminer  l'administration 
de  la  ville  de  Paris  à  faire  l'essai  des 
réverbères  {voy.  Boui?GEOis,  de  Cha- 
telblanc,  t.  LIX ,  p.  118).  Cependant 
les  nouvelles  lanternes  occupèrent 
quelque  temps  les  Parisiens.  Valois 
d'Orville  les  célébra  dans  un  poème, 
174G,  in-8"  ;  et  Dreux  du  Radier, 
érudit  laborieux  qui  avait  le  tort  de 
se  croire  plaisant,  profita  de  cet  en- 
gouement passager  pour  publier  son 
Essai  sur  les  lanternes^  Dole,  Luc- 
NOPHiLE,  1755,  in-8°(t30j/.  Dreux  du 
RADiEK,XlI,2C).Dans  cette  facétie  as- 
sez triste,  quoique  l'auteur  ait  tâché  de 
la  rendre  guie,  l'inventeur  des  lanter- 


nes à  réverbères  est  traité  d'une  ma- 
nière peu  décente.  Au  lieu  des  encou- 
ragements qu'il  méritait,  on  propose 
de  l'établir  grand-ianfermer  de  la  ca- 
lotte (uoî/.Margon,XXVII,15).  L'ab- 
bé de  Preigney, poursuivant  ses  utiles 
travaux,  avait,  dès  1748,  présenté  à 
l'Académie  des  sciences  son  chande- 
lier à  huile;  il  le  perfectionna  depuis 
et  en  donna  la  description,  accompa- 
gnée de  deux  planches, dans  le/îccueif 
des  machines  approuvées  par  l'Aca- 
démie, Vil,  395.  Ce  chandelier  n'est 
autre  chose  que,  la  lampe  à  pompe 
dont  l'usage  est  devenu  si  commun, 
sans  que  personne  se  soit  encore  oc- 
cupé d'en  restituer  l'invention  à  sou 
auteur.  Le  gouvernement  avait  ré- 
compensé l'abbé  de  Preigney  en  lui 
donnant  l'abbaye  de  Saint-Chéron  ; 
mais  il  jouit  peu  de  temps  de  ce  béné- 
fice qui  devait  le  mettre  à  même  de 
tenter  de  nouveaux  essais.  Une  mort 
prématurée  l'enleva  en  1758.  W-s. 
PREÏSLEIl  (JoACUiM- Daniel), 
acteur  et  écrivain  danois,  fils  de  Jean- 
Martin  Preisler,  célèbre  graveur  al- 
lemand, mort  à  Copenhague  en  1794 
(voy.  ce  nom,  XXXVI,  38),  naquit 
dans  cette  capitale  le  10  nov.  1755. 
Après  avoir  fait  de  bonnes  études,  il 
embrassa  la  carrière  du  théâtre  et 
devint  en  1778  comédien  ordinaire 
du  roi.  Dix  ans  plus  tard  il  lit  par 
ordre  de  son  souverain,  en  France 
et  en  Allemagne,  un  voyage  dramati- 
que dont  il  publia  la  relation  à  son 
retour.  Quoiqu'il  eût  quitté  la  scène 
en  1792,  on  voit  qu'il  exerça  les  fonc- 
tions de  souffleur  en  1800,  mais  pen- 
dant très-peu  de  temps.  11  mourut  eu 
1808.  On  a  de  Preisler:  I.  Les  Raco- 
leurs {Uververne),  comédie  de  Sté- 
phanie la  jeune  {den  Yungerc),  tra- 
duite en  danois,  Copenhague,  1783, 
imprimée  dans  le  l.  Vlil  de  la  ccd- 
Icction  de  pièces  de  théâtre  de  Gyl- 


PRE 


PRE 


29 


dendal.  H.  Journal  d'unvoyage  fait 
en  France  et  en  Allemagne  pendant 
l'année  1788,  Copenhague,  17^9,  2 
vol.  in-8°  (en  danois).  111.  Ferdi- 
nand Braun.  le  Goth^  biographie 
romantique,  Copenhague,  1802,  in- 
8o.  IV.  Les  Invalides,  ou  le  Triom- 
phe du  2  avril,  drame  (en  allemand), 
Copenhague,  1802,  in- 8°.  V.  l'iti- 
matum  à  ce  que  N.  T.  L.  Ganne- 
rus  appelle  la  vérité,  Copenhague, 
1807.  D— z^s. 

PRESCOTT  (William),  colonel 
américain  qui  ligura  avec  distinc- 
tion dans  les  guerres  de  la  révolu- 
tion, naquit  en  1725  à  Groton  dans 
le  Massachussets.  Son  père  était  mem- 
bre du  conseil  de  cet  état,  et  son 
grand-père  maternel,  Thomas  Oliver, 
exerça  long-temps  les  mêmes  fonc- 
tions. Il  hérita  de  ses  parenls  une 
grande  fortune,  et  entra  lie  bonne 
heure  dans  la  carrière  militaire.  S'é- 
tant  fait  connaiire  avantageusement 
par  sa  conduite  pendant  la  conquête 
de  la  Nouvclle-Écosse,  où  il  servit  sous 
le  major-général  Winslow,  on  lui  con- 
fia eu  1775  le  commandement  des  trou- 
pes qui  s'emparèrent,  dans  la  soirée  du 
16  juin,  des  fortifications  de  Bunker- 
hill.  H  se  distingua  aussi  pendant 
la  bataille  qui  se  donna  le  lendemain. 
Prescott  accompagna  ensuite  Was- 
hington à  New-York,  et  servit  plus 
tard  sous  le  général  Gates,  lors  de  la 
capture  du  général  Burgoyne.  Il  mou- 
rut le  13  octobre  1795.  — Prescott 
{Olivier),  frère  du  précédent,  né  le 
27  avril  1731,  se  lit  recevoir  médecin 
après  avoir  terminé  ses  études  au  col- 
lège d'Harvard ,  obtint  une  grande  ré- 
putation et  par  suite  une  nombreuse 
clientèle.  Lorsque  les  colonies  amé- 
ricaines se  révoltèrent  contre  l'An- 
gleterre, Prescott  abandonna  la  car- 
rière de  la  médecine  et  entra  dans 
l'armée.  Il  était  brigadier-gûiéral  de 


la  milice  en  177C,  et  rendit  en  cette 
({ualité  d'importants  services  pendant 
le  temps  que  les  Anglais  occupèrent 
Boston.  De  1777  à  1779,  période  du- 
rant laquelle  il  n'y  eut  ni  gouver- 
neur ni  sous-gouverneur,  il  exerça 
les  fonctions  de  membre  du  conseil, 
et  depuis  1779  jusqu'à  sa  mort,  arri- 
vée à  Groton  le  17  novembre  |80i, 
il  fut  juge  pour  la  vérification  des 
testaments.  —  Prescott  (  Olivier), 
son  second  fils,  né  le  4  avril  1762,  fut 
élevé  comme  son  père  au  collège 
d'Harvard,  et  comme  lui  embrassa  la 
carrière  de  la  médecine.  Il  s'y  Ut  dis- 
tinguer par  sou  grand  savoir,  et 
mourut  le  26  septembre  1827,  de  la 
fièvre  typhoïde,  à  Newburyport,  où  il 
s'était  établi.  Il  a  publié  différents 
articles  dans  le  Journal  de  Médecine, 
entre  autres  une  Dissertation  sur 
l'ergot,  qui  a  élé  réimprimée  à  Lon- 
dies  ainsi  qu'en  France  et  en  Alle- 
magne. D— z— s. 

PRESSIGN'Y  (  GABniEL  Cortols 
D»),  archevêque  de  Besançon  et  pair 
de  France,  naquit  le  11  décembre 
1745,  à  Dijon,  d'une  famille  qui  a 
produit  plusieurs  hommes  distingués 
dans  la  magistrature,  dans  les  armts 
et  dans  l'épiscopat.  Élevé  sous  la  di- 
rection de  son  oncle  Corlois  de 
Quiucey,  évèque  de  Belley,  il  ter- 
mina ses  études  avec  succès  au  sé- 
minaire de  Saint-Sulpice.  Dès  qu'il 
eut  reçu  les  ordres,  M.  de  La  Luzerne, 
nommé  récemment  à  l'évêché  de 
Langres,  le  choisit  pour  un  de  ses 
grands -vicaires.  En  1780,  il  fut 
pourvu  de  l'abbaye  de  Saint-Jacques, 
diocèse  de  Béziers,  et  il  assista  la 
même  année  à  l'assemblée  du  clergé 
qui  l'élut  un  de  ses  commissaires  pour 
le  temporel.  Évêque  de  Saint-Mdo 
en  1785,  il  fit  en  celte  qualité  partie 
des  États  de  Bretagne ,  et  il  y  déve- 
loppa des  vues  utiles  sur  les  diver- 


30 


PRE 


ses  branches  de  l'administration  de 
cette  province.  En  1787,  il  prononça 
le  discours  d'ouverture  de  l'assem- 
blée du  clergé  qui   devait  être   le 
dernier.  Il  adhéra ,  comme  son  frère 
aîné  Gortois  de  Balore ,  évêque  de 
Nîmes,  à  l'exposition  des  principes 
souscrits    par   les   prélats    du  côié 
droit  de  l'assemblée  nationale.  Par 
une  lettre  pastorale  datée  de  Quin- 
cey  le  24  avril  1791,  il  invita  ses 
diocésains   à  ne   point  reconnaître 
les  pasteurs  intrus.  Sorti  de  France 
quelques  jours  après,  avec  son  frère 
aîné,  il  se  retira  d'abord  àChambéry. 
Le  6  avril  1792 ,  il  adressa  de  cette 
ville  une  lettre  aux  curés  et  vicaires 
de  son  diocèse,par  laquelle  il  leur  en- 
joignit de  donner  toute  la  publicité 
possible  au  bref  du  pape  Pie  VI ,  du 
(i  mars  précédent,  concernant  les  af- 
faires  de   l'Église.  A   l'entrée    des 
troupes  françaises   en   Savoie,  les 
deuxfrères,quine  se  séparèrent  point 
pendant  toute    la  durée  de    l'émi- 
gration, se  réfugièrent  à  Constance, 
puis  à  Landshut  en  Bavière,  d'où  ils 
revinrent  en  France  à  la  tin  de  1800. 
Us  donnèrent  la  démission  de  leurs 
sièges  à  l'époque  du  concordat  de 
1801,  et  refusèrent  d'en  accepter 
d'autres.  Après  la  Restauration,  Cor- 
tois    de    Pressigny,    nommé    par 
Louis  XVlil  son  ambassadeur  a  Ro- 
me, partit  au  mois  de  juillet  1814 
pour  se  rendre  à  son  poste.  L'appro- 
che des  troupes  napolitaines  en  1815 
ayant  décidé  le  pape  à  se  retirer  à 
Gênes  ,  il  y  suivit  le  souverain  pon- 
tife, et  revint  avec  lui  dans  ses  états. 
Pendant  sou  séjour  à  Rome,  il  s'était 
lait  aimer  et  respecter.  Si  les  négo- 
ciations n'<ivancèrent  pas  beaucoup , 
ce  fut  moins  la  faute  du  gouverne- 
ment pontifical,  que  celle  du  gouver- 
nement français ,  qui  réservait  à  un 
autre  négociateur  le  soin  de  cette  af- 


PRE 

faire.  Rome  sut  apprécier  le  caractère 
de  M.  de  Pressigny,  qui  était  géné- 
reux et  franc,  et  elle  était  disposée  à 
donner  le  chapeau  à  ce  prélat  -,  mais 
des  rivalités  qu'il  ne  voulut  pas  com- 
battre l'emportèrent  dans  le  conseil 
des  ministres.  Remplacé  auprès  de  Sa 
Sainteté  par  le  duc  de  Blacas ,  Pres- 
signy entra,  en  avril  1816,  à  la  Cham- 
bre des  pairs.  11  fut,  en  1817,  nommé  à 
l'archevêché  de  Besançon  vacant  par 
la  mort  de  Lecoz,  mais  il  ne  reçut  qu'en 
1819  son  institution  canonique.  A  la 
Chambre  il  prit  part  à  l'opposition 
des  évêques  contre  le  système  adopté 
par  le  ministère.  Dans  la  discussion 
du  projet  de  loi  sur  les  délits  de  la 
presse,  il  appuya  l'amendement  du 
duc  de  Fitz-James,  tendant  à  faire 
punir  les  outrages  a  la  religion  chré- 
tienne des  peines  portées  contre  leai 
outrages  à  la  morale  publique ,  et 
signa,  le    10  mai,  une  protestation 
contre  le  rejet  de  cet  amend  m  nt.  Il 
fut,  en  1821 ,  nommé  rapporteur  du 
projet  de  loi  relatif  aux    pensions 
ecclésiastiques,  et  dans  la  même  ses- 
sion il  paya  un  juste  hommage  à  la 
mémoire  du  cardinal  de  La  Luzerne, 
son  ami.  Consulté  sur  le  prêt  à  inté- 
rêt par  un  membre  de  la  Chambre 
des  députés,  il  fit  imprimer  sa  ré- 
ponse sous  ce  titre:  le  placement 
de  l'argent  à  intérêt  distingué  de 
l'usure,  Lyon,  1821,  in-8°  de  21  p. 
11  s'y  déclare  pour  la  légitimité  de 
l'intérêt  renfermé  dans  les  bornes 
légales.  C'est  aussi  l'opinion  du  car- 
dinal de  La  Luzerne  dans  les  Disserta- 
tions sur  le  prêt  de  commerce ,  dont 
Cortoi«   de   Pressigny  fut   l'éditeur 
(ooy.  La  Luzerne,  LXIX,  532).  L'o- 
bligation où  il  était  de  résider  à  Pa- 
ris pendant  la   session  des  Cham- 
bres et  l'affaiblissement  de  sa  sauté 
lui    firent    désirer    un  coadjuteur. 
Mais  sou  absence  ne  diminua  rien  de 


PRE 


PRE 


31 


l'intérêt  qu'il  prenait  à  son  dioeèse.  Il 
y  multiplia  les  écoles  ecclésiastiqufs 
et  y  fonda  plusieurs  établissements 
de  charité  auxquels  il  abandonnait 
la  plus  grande  partie  de  ses  revenus, 
ne  se  réservant  que  le  strict  néces- 
saire pour  son  entretien  et  celui 
de  sa  maison  plus  que  modestes. 
Suivant  l'usage,  pour  quelques  dis- 
penses accordées  par  révèché,  les  im- 
pétrants devaient  acquitter  de  légers 
droits  i  M.  de  Pressigny,  ne  pou- 
vant supprimer,  appelait  secrètement 
auprès  de  lui  les  paysans  qui  les 
avaient  payés,  et  les  leur  rembour- 
sait généreusement  de  ses  propres 
deniers.  Ce  prélat  mourut  à  Paris 
le  2  mai  1823.  L'un  des  directeurs 
nés  de  l'Académie  de  Besançon  ,  il  lut 
dans  une  de  ses  séances  un  Mémoire 
sur  le  tribunal  secret,  si  redoutalile 
en  Allemagne  au  moyeu-âge,  qui  doit 
être  conservé  dans  sa  famille  avec  ses 
autres  uianuscnts-  Son  Éloge  par  Bé- 
chet  est  imprimé  dans  le  Recueil  de 
la  même  académie  pour  1S24.  Le  con- 
seil municipal  de  Besançon  a  fait  exé- 
cuter le  buste  de  ce  prélat  que  l'on 
voit  à  la  Bibliothèque  de  la  ville.  Son 
oraison  funèbre,  prononcée  par  M. 
Tharin,  l'un  de  ses  grands-vicaires, 
a  été  imprimée.  Il  existe  un  portrait 
de  Pressigny,  gravé  à  l'eau-forte,  par 
M.  Ingres ,  et  qui  n'a  été  tiré  qu'à  un 
petit  nombre  d'exemplaires.  Ce  por- 
trait est  d'une  ressemblance  frap- 
pante, et  il  rappelle  exactemeni  la 
belle  figure  et  les  traits  'uobles  du 
préiat.  C'est  le  seul  travail  de  M.  In- 
gres en  ce  genre.  A — o. 

PKESSY  (  François-Gasto.v  de 
Partz  de),  né  en  1712  au  château 
d'Esquire  dans  le  diocèse  de  Boulo- 
gne, fut  envoyé  à  Paris  où  il  ht  ses 
études  théologiques  avec  beaucoup 
de  succès  au  séminaire  de  Saint-Sul- 
pice,  maison  pour  laquelle  il  con- 


serva toujours  la  plus  vive  affection. 
Nommé  à  l'évêché  de  Boulogne  sous 
le  ministère  du  cardinal  de  Fleury, 
il  fut  sacré  le  11  août  1743.  Rarement 
il  s'absenta  de  son  diocèse,  où  il  don- 
na des  preuves  multipliées  de  cha- 
rité, consacrant  des  sommes  considé- 
rables au  rachat  des  chrétiens  captifs 
chez  les  iulidèles,  et  envoyant  des 
secours  aux  missions  étrangères.  11 
se  fit  également  remarquer  par  sa 
piété,  sa  régularité  et  son  zèle  pour 
les  intérêts  de  la  religion.  Il  publia 
des  statuts  synodaux  et  un  rituel, 
fonda  un  petit  séminaire,  institua 
pour  son  clergé  des  retraites  ecclé- 
siastiques qu'il  présidait  lui-même, 
et  adressa  aux  fidèles  de  fréquentes 
instructions.  En  1752,  lorsque  les 
parlements  sévissaient  contre  le  re- 
fus des  sacremeuis  aux  appelants  de  la 
hii\leUnigenitus,?tessY  adhéra  à  une 
lettre  que  plusieurs  évèques  réuni.s 
il  Pans  présentèrent  à  Louis  XV,  et 
dans  laquelle  ils  combattirent  avec 
beaucoup  de  force  les  prétentions  de 
la  magistrature.  Un  mandement  que  U' 
prélat  donna  peu  de  temps  après  smlo 
même  sujet  fut  supprimé.  Cette  con- 
duite ne  manqua  pas  de  lui  susciter 
des  ennemis,  qui  l'accusèrent  mémo 
d'avoir  employé  des  moyens  veiutoi- 
res  contre  plusieurs  de  ses  curés.  En 
1760, il  assista  à  l'assemblée  du  cler- 
gé et  s'associa  aux  efforts  qu'elle  iil 
pour  arrêter  lesprogiesderinc:;-  ' 
lité.  Entre  autres  institutions  \n 
il  établit  la  fête  du  Sacré-Cœur  et  i  a 
doratioa  perpétuelle  un  Saiui-Sacr^j- 
ment.  Il  procéda  aussi  à  des  infor- 
mations sur  la  vie  du  vénérable  Be- 
noît-Joseph Labre, né  dans  le  diocèsf. 
de  Boulogne,  et  dont  on  sollicitait  la 
béatification  {voy.  Labue  ,  XXlll, 
38).  Pressy  ne  fit  qu'entrevoir  les 
orages  de  la  révolution,  étant  mort 
au  mois  d'octobre  1789.  Il  était  alors 


32 


PRE 


un  des  doyens  de  l'épiscopat  français, 
et  il  eut  pour  successeur  Asseline 
{voy.  ce  nom ,  LVl,  498),  que  la  per- 
sécution força  bientôt  de  quitter  la 
France.  Outre  un  grand  nombre  de 
mandements,  on  a  de  ce  prélat  :  I.  Des 
Statuts  synodaux,  m6.lhRituel  du 
diocèse  de  Boulogne,  IISO,  in-4°.  III. 
Lettre  à  M.  le  procureur- général  au 
parlement  de  Paris,  m-i"  et  in-12. 
IV.  Une  suite  AHnstructions  pasto- 
rales et  de  dissertations  théologi- 
ques sur  l'accord  de  la  foi  et  de  la 
raison  dans  les  mystères  considères 
en  général  et  en  particulier,  réunies 
en  2  vol.  in-4°.  Les  différents  traites 
dont  se  compose  cette  collection  an- 
noncent un   profond  savoir  et  un 
grand  talent  pour  la  discussion  -,  mais 
îe  style  en  est  diffus,  et  l'on  a  re- 
proché à  l'auteur  quelques  opinions 
peu  exactes.  V.  Un  livre  de  prières  en 
français,  sous  le  titre  ù'Heures,  im- 
priiné  à  Lille.  1820,in-18.       P-RT. 
FUESTREAU,  régent  de  la  qua- 
trième classe  au  collège  de  Genève, 
naquit  à  Nîmes ,  de  parents  protes- 
tants, vers  le  milieu  de  la  première 
moitié  du  xviii^  siècle.  Il  reçut  une 
éducation  soignée  dont  il  profita  fort 
bien ,  du  moins  pour  l'instruction. 
Les  leçons  de  morale  n'eurent  pas  le 
même  succès  :  sa  jeunesse  fut  très-ora- 
geuse, et  les  embarras  où  le  jetèrent 
ses  écarts  le  portèrent,  dans  un  mo- 
ment de  désespoir ,  à  se  faire  char- 
treux; mais  celte  vocation  avait  une 
cause  trop  suspecte  pour  être  de  du- 
rée. Il  se  dégoûta  bientôt  du  cloître , 
parvint  à  s'en  échapper,  et  se  réfugia 
à  Genève  où  ,  rentré  dans  le  sein  de 
l'Église  réformée,  il  chercha  une  res- 
source dans  l'enseignement  public. 
Les  dernières  épreuves  par  lesquelles 
il  avait  passé  avaient  calmé  le  tu- 
multe de  ses  passions,  et  il  ne  s'est 
Vasmoins  fuit  coissi'lérer  depuis  lors 


PRE 

par  sa  conduite  que  par  son  savoir.  Il 
a  publié  un  ouvrage  estimé,  intitulé  : 
Principes  raisonnes  de  la  langue 
grecque  par  demandes  et  par  répon- 
ses, Genève,  1767,  in-8".       V.  S.  L. 
PRETEXTAT  (saint)  ,  évêque  de 
Rouen  dans  le  sixième  siècle,  assista 
au  troisième  concile  de  Paris  (557), 
et    au  deuxième  concile   de  Tours 
(567).  Sigebert,  roi  d'Austrasie,  ayant 
été  assassiné,  en  .576,  par  les  ordres 
de  Frédégonde,  troisième  femme  de 
son  frère  Chilpérie  1",  roi  de  Sois- 
sons,  celui-ci  résolut  de  s'emparer 
du  Poitou,  et  chargea  de  cette  expé- 
dition son  tils  Mérovée,  qu'il  avait 
eu  d'un  premier  mariage  {voy.  MÉ- 
KOVÉE,  XXVIII,  386).  Le  jeune  prince 
partit;  mais  il  se  rendit  secrètement 
à  Rouen ,  où  était  reléguée  sa  tante 
Brunehaut,  veuve  de  Sigebert,  pour 
laquelle  il  avait  conçu  une  violente 
passion.  Prétextât ,  qui  redoutait  le 
scandale  et  les  résultats  d'un  com- 
merce illicite,  bénit  leur  union,  quoi- 
qu'elle fût  prohibée  par  les  lois  de 
l'Église,  et  bientôt  se  vit  cité  devant 
un  "concile  assemblé  à  Paris,  sur  les 
instances  de  Chilpérie,  dont  le  ma- 
riage de  Mérovée  contrariait  d'ail- 
leurs les  projets  ambitieux.  De  son 
côté,  Frédégonde,  implacable  enne- 
mie deBrunehaut,  conservait  un  pro- 
fond ressentinicnt  contre  Prétextât, 
qui,  plusieurs  fois,  l'avait  reprise  de 
ses  cruautés  et  de  ses  dissolutions. 
Non-seulement  il  fut  accusé  d'avoir 
enfreint  les  règles  canoniques,  mais 
encore  d'avoir  conspiré  avec  Méro- 
vée contre  Chilpérie  S.  Grégoire  de 
Tours,  l'un  des  pères  du  concile,  prit 
hautement  la  défense  de  l'évêque  de 
Rouen ,  à  qui  cependant  on  insinua 
nu'il  avait  tort  de  contredire  le  roi, 
et  que,  s'il  avouait  la  faute  qu'on  lui 
imputait,  il  obtiendrait  immédiate- 
ment sa  grâce.  Cédant  à  ces  conseils 


PRE 

perfides,  Prétextât  se  reconnut  cou- 
pable d'un  crime  qu'il  n'avait  pas 
commis  et  fut  en  conséquence  con- 
damné par  le  concile,  puis  exilé  par 
Chilpéric  dans  une  île  duCotentin, 
où  il  expia  sa  faiblesse  en  se  livrant 
à  une  rigoureuse  pénitence.  Un  in- 
trus, nommé  Mélaine,  occupa  son 
siège  épiscopal.  En  584,  après  l'assas- 
sinat de  Chilpéric ,  Prétextât  fut  re- 
placé à  la  tête  de  son  troupeau  ;  mais 
Frédégonde,  soutenant  qu'il  avait  été 
canoniquement  déposé,  il  vint  à  Pa- 
ris, auprès  de  Contran,  roi  d'Or- 
léans, et  le  pria  de  faire  examiner 
sa  cause.  L'évèque  de  Paris,  qui  avait 
assisté  an  concile  tenu  sous  Chilpé- 
ric, et  qui  même  s'y  était  montré  un 
des  principaux  adversaires  de  Pré- 
textât, déclara,  au  nom  de  tous  les 
prélats,  que  l'évêqne  de  Rouen  avait 
seulement  été  mis  en  pénitence,  et 
non  déposé.  Dès  lors  il  ne  fut  plus 
troublé  dans  la  possession  de  sou  siè- 
ge. En  585,  il  se  rendit  an  deuxième 
concile  de  Mâcon,  et  s'y  fit  remarquer 
par  son  zèle  pour  le  maintien  de  la 
disciplineecclésiastique.  Revenu  dans 
son  diocèse,  il  continua  d'instruire 
les  fidèles  par  ses  prédications,  et  de 
les  édifier  par  ses  exemples.  Il  adressa 
même  de  vives  exhortations  à  Frédé- 
gonde, qui  résidait  à  Rouen,  espérant 
lui  inspirer  le  repentir  de  ses  crimes; 
mais  cette  méchante  femme,  impor- 
tunée des  avertissements  du  saint 
évêque,  résolut  de  s'en  défaire.  Un 
scélérat  qu'elle  avait  aposté  le  poi- 
gnarda pendant  qu'il  chantait  matines 
avec  son  clergé,  un  dimanche,  25  fé- 
vrier 588.  Prétextât  mourut  quelques 
heures  après.  Plusieurs  auteurs  pla- 
cent sa  mort  au  jour  de  Pâques,  14 
avril  586.  Son  nom  est  iuscrit  dans  le 
Martyrologe  romain  et  dans  ceux  de 
France  au  24  février,  jour  où  l'Église 
honore  sa  mémoire.  P— bt. 

I.XXVIII. 


PRE  33 

PRETI  (JÉRÔME),  poète  italien, 
né  en  1582,  dans  la  Toscane,  fut  d'a- 
bord page  d'Alphonse  II,  duc  d?  Fer- 
rare,  puis  attaché,  en  qualité  de 
gentilhomme ,  au  prince  de  Melfi  à 
Gênes.  Son  père,  chevalier  de  Saint - 
Etienne,  le  destinant  au  barreau,  lui 
avait  fait  étudier  le  droit;  mais,  en- 
traîné par  un  penchant  irrésistible, 
le  jeune  homme  abandonna  bientôt 
la  jurisprudence  pour  la  littérature. 
Ses  compositions  poétiques  lui  valu- 
rent d'honorables  suffrages,  et  plu- 
sieurs académies  l'admirent  au  nom- 
bre de  leurs  membres.  S'étant  rendu 
à  Rome,  il  y  trouva  de  généreux  pro- 
tecteurs, entre  autres  le  cardinal 
François  Barberino ,  qui ,  ayant  été 
nommé  légat  du  saint-siége  en  Es- 
pagne, le  prit  pour  secrétaire  et 
l'emmena  avec  lui;  mais,  arrivé 
dans  ce  pays,  Preti,  dont  la  santé 
était  très-faible,  tomba  malade  et 
mourut  à  Barcelone  le  6  avril  1626. 
On  a  de  lui  des  discours  académiques, 
des  épîtres  et  un  grand  nombre  de 
poésies  qui  eurent  beaucoup  de  suc- 
cès et  furent  traduites  en  différentes 
langues.  Son  idylle  intitulée  Salmacit 
est  regardée  comme  sa  meilleure  pro- 
duction. Ses  œuvres  ont  été  réunies 
et  imprimées  en  1666,  iiil2.— Preti 
{François-Marie),  mathématicien  et 
architecte,  né  en  1701,  à  Castel-Fran- 
co  dans  fe  Trévisan,  mourut  en  cette 
ville  le  23  décembre  1774.  Entre  au- 
tres édifices,  il  construisit  plusieurs 
églises  dont  il  avait  lui-même  tracé 
les  plans.  Ses  travaux  se  distinguent 
par  une  ordonnance  sage  et  régulière, 
par  un  caractère  approprié  à  la  des- 
tination du  monument.  Preti  avait 
écrit  sur  la  théorie  de  son  art.  On  a 
de  lui  un  ouvrage  posthume,  intitulé: 
Éléments  d'architecture  (en  italien), 
Venise,  1780,  in-4'',  enrichi  à*nne 
préface  composée  par  le  comte  Jour- 
3 


34 


PRE 


dain  Riçcati,  compatriote  <le  Preti  et 
qui  se  livrait  aussi  à  l'étude  de  l'ar- 
chitecture {voy.  RiccATi,  XXXVII, 

512).  P-»'"-    , 

PRETYMAN-Tomfme  (le  très-re- 

vérend  sir  George),  prélat  anglican, 
né  en  1753,  d'un  commerçant  deBu- 
ry-Saint-Edmund,  comté  deSuffolk, 
acheva  ses  études  dans  l'université 
de  Cambridge,  où  il  eut  des  succès 
en  diverses  branches  de  la  science, 
notamment  en  mathématiques,  et  où 
il  exerça  un  emploi  dans  l'enseigne- 
ment. Une   circonstance   heureuse 
pour  lui  fut  d'être  appelé  à  diriger 
l'éducation  d'un  enfant  destiné  à  être 
un  jour  un  des  plus  grands  hommes 
d'État.  Son  élève,  l'illustre  Will.Pitt, 
devenu  en  1782  chancelier  de  l'échi- 
quier, se  l'attacha  en  qualité  de  se- 
crétaire, et  trouva  une  grande  res- 
source dans  sa  merveilleuse  aptitude 
pour  les  calculs;  il  le  garda  ainsi 
jusqu'en  1787,  que  lui-même  fut  élevé 
au  poste  de  premier  lord  de  la  tré- 
sorerie. Pretyman ,  déjà  gratifié  de 
quelques  sinécures  et  prébendes,  de- 
vint alors  évêque  de  Lincoln  et  doyen 
de  Saint-Paul.  11  justifia  son  éléva- 
tion par  son  zèle  pour  la  religion  an- 
glicane qu'il  tenait  particulièrement 
à  dégager  de  toute  affinité  avec  le 
calvinisme.  L'évêque  de  Lincoln  pu- 
blia en  1799  un  de  ses  principaux ou- 
vra"-es,  les  Éléments  de  théologie 
c/irétimne,  2  vol.  in-8»,qui,  bien  que 
composés  expressément  pour  l'usage 
des  étudiants  en  théologie,  pouvaient 
être  lus  avec  profit  même  par  les  gens 
du  monde  ;  aussi  l'université  à  la- 
quelle Pretyman  était  agrégé  fit-elle 
imprimer  eu  1803  un  abrégé  de  ce 
livre,  du  au  révérend  Samuel  Cla- 
pham.  Cependant  le  livre  original 
n'en  fut  pas  moins  attaqué  avec  vi- 
vacité par  William  Frend  dans  une 
siùte  de  lettres  adressées  à  l'auteur. 


PRE 

Celui-ci  avait  été  admis  dans  la  so- 
ciété royale  en  1785.  Eu  18i3,révc- 
ché  de  Londres  lui  ayant  été  oiîert, 
il  le  refusa;"  et  après  avoir,  pendant 
plus  de  trente  années,  occupé  le  siège 
de  Lincoln,  il  accepta  en  1820  celui 
de  Winchester.  Se  trouvant  déjà  dans 
une  belle  position  pour  les  dignités 
et  la  fortune,  il  vit  encore  son  opu- 
lence et  ses  honneurs  s'accroître  par 
quelques  legs  importants  qui  lui  fu- 
rent faits.  En  1803,  Marraaduke-Tom- 
line,  esq.  de  Rigby-grove  en  Lin- 
colnshire,  avec  lequel  il  n'avait  au- 
cune parenté,  lui  légua  une  vaste 
propriété,  à  la  condition  qu'il  pren- 
drait le  nom  de  Tomline,  sous  lequel 
il  a  été  généralement  connu  depuis. 
En  1811  l'évêque  Tomline  publia  une 
Réfutation  de  l'imputation  de  calvi- 
nisme adressée  à  la  religion  anglicane, 
laquelle  fut  lue  avec  avidité,  et  dont 
il  y  eut  plusieurs  éditions.  Les  deux 
ouvrages  que  nous  venons  de  citer, 
et  quelques  mandements  {charges) 
composent  à  peu  près  toutes  ses  œu- 
vres théologiques.  Il  s'occupait  de- 
puis long-temps  de  la  rédaction  d'un 
ouvrage  bien  différent  :  la  vie  du  cé- 
lèbre ministre  dont  il  avait  été  le  se- 
crétaire confidentiel,  avec  lequel  il 
avait  continué  d'avoir  des  communi- 
cations jusqu'à  sa  mort,  et  dont  tous 
les  papiers  avaient  passé  sous  ses 
yeux,  comme  étant  un  de  ses  léga- 
taires universels.  Les  Mémoires  de 
la  vie  du  très-honorahle  William  PUl 
parurent  en  1821,  2  vol.  in-4»,  et 
furent  d'abord  favorablement  accueil- 
lis du  public ,  bien  qu'ils  aient  été 
jugés  très-diversement.  On  y  recon- 
nut les  mérites  de  la  modération  et 
d'un  style  conveuable  ;  quant  à  l'im- 
partialité de  l'écrivain,  elle  a  été  con- 
testée, et  de  plus  un  des  auteurs  de 
la  Revue  d'Édimiourg  a  témoigné 
son  étonncmcut  de  ce  qu'ayant  tant 


PRE 

d'avantages  de  position  et  tant  de 
moyens  d'information  sur  le  sujet 
qu'il  arait  à  traiter,  l'auteur  n'ait 
guère  produit  qu'un  livre  tait  à  coups 
de  ciseaux  où  il  n'y  a  pas  plus  de 
douze  pages  qui  lui  appartiennent. 
Au  reste,  les  deux  volumes  ia-4°  qui 
ont  été  réimprimés  en  trois  in-S** 
s'arrêtent  à  l'époque  (1793)  où  la 
France  révolutionnaire  déclara  la 
guerre  à  la  Grande-Bretagne,  C'est 
dans  la  partie  subséquente  que  Tom- 
line  devait  s'occuper  surtout  de  la 
vie  privée  de  son  protecteur,  mais 
nous  ne  savons  si  cette  continuation 
a  été  donnée  au  public.  George  Pre- 
tyman-Tomline,  marié  en  17t4,  eut 
de  cette  union  trois  fils ,  dont  deux 
entrèrent  dans  la  carrière  ecclésias- 
tique, et  l'autre  fut  membre  de  la 
chambre  des  communes.  H  perdit  sa 
femme  en  1826,  et  ne  lui  survécut 
que  jusqu'au  1 4  novembre  1 827,  ayant 
/  atteint  l'âge  de  77  ans.  L. 

PREUILLY  d'Humières  ( le  mar- 
quis )  s'était  déjà  fait  remarquer 
par  une  mission  dans  le  Levant,  en 
1672,  sur  le  vaisseau  le  Diamant, 
mission  qui  avait  déterminé,  au  mois 
de  déc.  t673,  sa  promotion  au  grade 
de  chef  d'escadre,  lorsqu'il  se  distin- 
gua plus  particulièrement  au  combat 
livré  par  Duquesne.le  8  janvier  1676, 
devant  l'île  de  Stromboli.  Dans  ce 
combat  opiniâtre,  qui  dura  depuis 
ueuf  heures  du  matin  jusqu'à  deux 
heures  de  l'après-midi,  l'avantgarde, 
commandée  par  Preuilly  ,  chargea  si 
vivement  les  Hollandais  que  leur  pro- 
pre avant- garde  ,  après  avoir  perdu 
son  chef,  fut  bienlôt  mise  en  désordre 
et*forcée  de  plier.  La  vigueur  de  l'at- 
taque de  Preuilly  contribua  puis- 
samment au  succès  de  l'action  ,  et 
favorisa  ainsi  l'entrée  de  la  flotte  fran-, 
çaise  daus  le  port  de  Messine.  C'est 
1  l'occasion  de  la  manière  dont  cette 


PRE 


35 


action  fut  engagée  qiieRuyter  écrivit 
aux  États-généraux  qu'il  n'avait  ja- 
mais tu  de  circonstances  qui  fussent 
arrivées  en  tneilleur  ordre ,  et  que  de 
sa  vie  il  ne  s'était  trouvé  àun  plus 
rude  combat.  Ce  fut  encore  à  Preuilly 
que  le  duc  de  Vivonne  conGa  le  com- 
mandement de  l'avant- garde  de  l'ar- 
mée navale  de  France  dans  le  combat 
qu'elle  livra  devant  Palerme,  le  2 
juin  1676,  aux  flottes  espagnole  et 
hollandaise.  Vivonne,  à  son  ar- 
rivée, trouva  l'armée  combinée  ran- 
gée en  bataille  sur  une  seule  ligne, 
ayant  le  môle  à  sa  gauche,  le  fort  de 
Castellamare  derrière  elle  ,  et  une 
grosse  tour  armée  de  canons  à  sa 
droite.  Elle  était  composée  de  27  vais- 
seaux, 19  galères  et  4  brûlots.  Quel- 
que danger  qu'il  y  eût  à  l'attaquer 
dans  cette  position,  Vivonne  n'hésita 
pas.  Il  prescrivit  à  Preuilly  d'atta- 
quer la  tête  de  la  ligne  avec  les 9  vais- 
seaux, les  7  galères  et  les  5  brûlots 
qu'il  commandait.  Dès  que  cette  divi- 
sion fut  à  portée  de  canon,  tout  le  fea 
se  dirigea  sur  elle.  La  division  fran- 
çaise attendit  pour  riposter  qu'elle 
fût  parvenue  à  une  encablure  des 
vaisseaux  ennemis,  et  mouillée  sur 
ses  bonées.  Une  si  grande  audace 
les  intimida.  EtlVayés  de  la  vigueur 
avec  laquelle  on  les  attaquait  dans 
une  position  qu'ils  croyaient  inex- 
pugnable, ils  coupèrent  leurs  càbks  et 
allèrent  s'échouer  sur  le  mole.  Les 
brûlots,  profitant  du  désordre,  abor- 
dèrent trois  vaisseaux  qu'ils  luceji- 
dièrent.  Le  reste  de  l'armée  suivit 
l'exemple  de  Preuilly,  et  le  succès  fut 
tel  que  l'armée  combinée  perdit  trois 
mille  hommes,  12  vaisseaux,  6  galères 
et  4  brûlots.  Fait  lieutenant-gcnérai 
le  30  décembre  -de  la  même  ^lUiÇe, 
Preuilly  fut  ensuite  chargé  d,e  .plu- 
sieurs missions,  et  mourut  à.^rest 
le  5  juin  1688.  P.L^.T. 

3. 


36 


PRE 


PRE 


PRÉVALAYE  (Pierre-Bernardin, 
marquis  de  la),  né  vers  1714,  entra 
au  service  de  la  marine  en  1728,  par- 
courut les  divers  grades  de  son  arme 
jusqu'à  celui  de  chef  d'escadre,  com- 
manda la  marine  à  Brest,  fut  dé- 
coré du  cordon  rouge,  et  mourut  en 
1786.  —  Prévalaye  {Pierre- Dimas, 
marquis  de  la),  son  fils,  né  en  1745, 
entra  dans  la  marine  à  14  ans.  Il  fit 
plusieurs  campagnes^  puis,  devenu  ca- 
pitaine de  vaisseau  et  décoré  de  la 
croix  de  Saint-Louis,  il  fut  chargé  de 
porter  en  Amérique  le  traité  de  paix 
concluen  1783.  Là, en  récompense  des 
services  qu'il  avait  rendus  à  la  cause 
de  l'indépendance,  on  lui  conféra  l'or- 
dre de  Cincinnatus.  Appelé  ensuite 
sous  le  ministère  de  La  Luzerne,  à 
faire  partie  du  conseil  de  marine  éta- 
bli à  Paris,  il  y  siégea  jusqu'au  com- 
mencement de  la  Révolution.  Ayant 
alors  émigré,  il  servit  comme  capo- 
ral à  l'armée  des  princes.  Rentré  en 
France  sous  le  consulat,  il  vécut  re- 
tiré dans  sa  terre  de  la  Prévalaye,  près 
Rennes,  où  il  s'occupa  d'agriculture 
jusqu'à  la  fin  de  sa  vie.  Nommé  con- 
tre-amiral lors  de  la  Restauration,  il 
voulut  encore  servir  ;  mais  son  grand 
âge  et  ses  infirmités  y  mirent  obstacle. 
Il  mourut  à  la  Prévalaye,  le  28  juillet 
1816.  Il  avait  été  membre  de  l'Aca- 
démie royale  de  la  marine  à  Brest,  qui 
le  choisit,  huit  fois,  pour  secrétaire. 
Les  archives  de  cette  compagnie  ren- 
ferment plusieurs  de  ses  mémoires  ; 
en  voici  les  principaux  :  1°  Les  mots 
arc  de  vaisseau  et  architecture  na- 
vale, composés  pour  le  dictionnaire  ; 
2°  Mémoire  sur  sa  campagne  de  Bos- 
ton, en  1778,  27  pag.  in-fol  ;  3°  Mé- 
moire sur  une  machinepropreàfaire 
connaître  à  tout  moment  la  différence 
de  tirant  d'eau.  Sur  le  rapport  de 
MM.de  Bougainvillc  et  Duval-Leroy, 
Cf)mmissaircs  chargés  de  l'examen  de 


ce  mémoire,  l'Académie  fit  immédia- 
tement exécuter  la  machine  proposée. 
Chargé  ensuite  'par  l'Académie  de 
s'aboucher  avec  M.  le  comte  d'Hector, 
au  sujet  de  l'observatoire  qu'on  avait 
l'intention  de  construire  à  Brest  sur 
le  terrain  du  petit  couvent  près  le 
cours  d'Ajot ,  il  rédigea  un  mémoire 
dont  les  conclusions,  adoptées  en 
1781,  amenèrent,  l'année  suivante, 
Texécution  de  cet  édifice,  remplacé 
ensuite  par  celui  qui  occupe  le  pavil- 
lon central  des  casernes  de  la  ma- 
rine. P.  L— T. 

PREVIDELLI  (JÉRÔME),  juris- 
consulte, né  à  Reggio,  vers  la  fin  du 
XV^  siècle,  était  fils  d'un  tailleur  de 
pierres,  ce  qui  ne  l'empêcha  pas  de 
faire  d'excellentes  études.  Il  s'ap- 
pliqua surtout  à  la  jurisprudence  qu'il 
professa  ensuite  avec  succès.  Gré- 
goire Casali  {voy.  ce  nom,  VII,  252), 
dans  la  famille  duquel  il  avait  exercé 
l'emploi  de  précepteur,  ayant  été 
chargé  par  Henri  VIII,  roi  d'Angle- 
terre, de  négocier  l'alFaire  de  son  di- 
vorce à  Rome,  y  appela  Pievidelli. 
Celui-ci  avait  pour  adversaireBernard 
de'  Santi,  avocat  de  Ricti,  défenseur 
de  la  reine  Catherine  d'Aragon.  Plu- 
sieurs consultations  furent  données 
de  part  et  d'autre  ;  des  plaidoiries 
eurent  lieu  en  présence  du  pape  Clé- 
ment VII  et  du  consistoire.  Previ- 
delli  publia  pendant  le  cours  du  pro- 
cès :  1°  Consiliumpro  invictissimo 
rege  Angliœ,  una  cum  rcsponsione 
ad  consilium  D.  Bernardi  Reatini^ 
pro  illustrissima  regina  editum , 
Bologne,  1531,  in-4»,  dédié  à  Gré-  } 
goire  Casali;  2°  Prima  disceptatio 
pro  illustrissimo  rege  Angliœ  in  sa- 
cra publico  consistorio  coram  SS.D. 
Clémente  VII  et  sacro  ejus  senatu 
habita  die  décima  mensis  aprilis 
1532  ,•  Secunda  disceptatio  habita 
die  n  mensis  aprilis  1532;  Tertia 


PRE 

allegatio  prîvatim  dicta  die  27  men- 
sis  maii  1532;  Rome,  in-4°.  Ces  diffé- 
rentes pièces  se  retrouvent  dans  le 
recueil  de  consultations  imprimé  à 
Francfort  en  1571.  Malgré  tous  les 
efforts  de  Previdelli  pour  obtenir  la 
cassation  du  mariage  de  Henri  VIII 
avec  Catherine  d'Aragon,  cette  union 
fut  déclarée  valide  par  sentence  pon- 
tificale du  23  mars  1534.  Alors  il 
quitta  Rome  et  alias'établiràBologne, 
où  il  continua  d'enseigner  le  droit  et 
d'exercer  la  profession  d'avocat.  Char- 
gé plus  tard  de  la  défense  d'un  habi- 
tant de  Reggio  accusé  de  meurtre, 
il  s'attira  la  haine  de  l'accusateur 
contre  lequel  il  avait  lancé,  dans  son 
plaidoyer,  des  paroles  injurieuses. 
Cet  homme,  ne  respirant  que  la  ven- 
geance, le  fit  assassiner  en  1540.  Pre- 
videlli survécut  peu  de  jours  à  cet 
attentat.  Outre  les  ouvrages  que  nous 
avons  déjà  cités,  on  a  de  lui  :  I.  De 
teste  et  ejus  privilegiis^  Bologne, 
1523  et  1528.  II.  De  consanguinitate 
et  affinitate,  Pérouse,  in-8°.  Enfin 
on  lui  doit  une  édition  des  OEuvres 
du  jurisconsulte  Charles  Ruini,  son 
compatriote.  P — rt. 

PREVOST  de  Saint-Cyr,  nom 
d'une  ancienne  famille  de  Blois,  qui 
avait  acquis  en  1442  la  terre  de  Saint- 
Cyr-du  Gaud  en  Touraine,  et  qui  joi- 
gnit ce  nom  à  celui  dePrevost, qu'elle 
conserva  depuis,  ayant  possédé  cette 
terre  de  père  en  fils  pendant  plus  de 
trois  cents  ans.  Cette  famille  donna  à 
la  haute  magistrature  un  de  ces  hom- 
mes rares  qui  marquent  dans  l'histoire 
de  leur  siècle.  Ce  fut  Bernard  Pré- 
vost de  Morsan^  né  en  1517,  prési- 
dent à  mortier  du  parlement  de  Paris. 
Sa  compagnie,  dont  il  était  l'honneur 
et  le  guide,  le  députa  souvent  vers 
les  rois  Charles  IX  et  Henri  III.  L'un 
des  magistrats  qui  refusèrent  de  si- 
gner la  ligue  en  1577,  il  ne  voulut 


PRE 


37 


pas  même  adopter  les  restrictions 
avec  lesquelles  le  président  de  Thou 
et  quelques  autres  la  signèrent.  Sa 
mort,  arrivée  le  12  sept.  1585,  fut 
un  sujet  de  deuil  pour  sa  compa- 
gnie. Ce  magistrat  ne  porta  jamais 
le  nom  de  Saint-Cyr,  étant  cadet  de 
sa  maison,  et  ce  surnom  étant  réser- 
vé aux  aînés.  C'est  de  son  frère,  Jean 
Prévost,  que  descendent  MM.de  Saint- 
Cyr,  dont  l'un  se  rendit  auprès  des 
princes  français  en  1790.  Hippolyte 
de  Saint-Cyr,  son  fils,  alla  aussi  àCo- 
blentz,  et  quoique  encore  enfant,  il 
s'offrit  en  otage  pour  le  roi  Louis  XVI. 
On  peut  voir  sur  cette  famille  la  Ga- 
zette de  Paris,  du  1"^  déc.  1791 .  M-d  j. 
PRÉVOST  (Jean),  poète  drama- 
tique, était  né,  vers  1580,  à  Dorât 
dans  la  Basse-Marche ,  d'une  famille 
honorable,  mais  pauvre.  H  embrassa 
la  profession  d'avocat ,  et  chercha 
dans  la  culture  des  lettres  un  délas- 
sement aux  travaux  du  cabinet.  Une 
jeune  personne  qu'il  était  sur  le  point 
d'épouser  tomba  malade  et  mourut 
après  l'avoir  institué  son  héritier.  Le 
testament  fut  cassé  pour  défaut  de 
formes,  et  le  malheureux  Prévost, 
n'ayant  pu  payer  les  frais  du  procès, 
fut  mis  en  prison.  Abel  de  Sainte- 
Marthe,  son  ami,  auquel  il  a  dédié 
sa  tragédie  iVHercule,  vint  à  son  se- 
cours, et  finit  par  le  tirer  d'em- 
barras ;  mais  Prévost  ne  tarda  pas  à 
s'y  replonger  en  contractant  un  ma- 
riage d'inclination.  Il  mourut,  encore 
jeune,  à  Paris,  le  13  mars  1622,  lais- 
sant une  veuve  et  plusieurs  enfants 
dans  la  misère.  On  a  de  lui  :  I.  Les 
imprécations  et  furies  contre  le  par- 
ricide commis  en  la  personne  de  Hen- 
ri lY.  trad.  du  latin  de  Nicol.  Bour- 
bon, dans  le  Recueil  publié  par 
G.  Dupeyrat,  1611,  in-4°.  IL  Apo- 
théose du  très-chrétien  roi  de  France 
et  de  Navarre  Henri  IV,  à  la  reine 


38  PRE 

régente^  Poitiers,    1613,   in -12. 
III  Tragédies  et  autres  ceuvres  poé- 
tiques, Poitiers,  1614  et  I6t8  in-12. 
Ce  recueil  contient  quatre  tragédies  : 
OEdipe,  Turnus,  Hercule  ei  Clotilde. 
Les  trois  premières  sont  imitées  des 
anciens;  la  quatrième  est  moins  l'his- 
toire de  la  reine  Clotilde  que  celle 
de  l'établissement  de  la  ville  de  No- 
blat,  qui  reconnaît  saint  Léonard  pour 
son  fondateur  et  son  patron.  Dans 
la  dédicace,  l'auteur  déclare  avoir 
composé  cette  pièce  à  la  demande  de 
quelques  habitants  de  cette  ville  qui, 
«désirant,  dit-il,  de  conserver  leurs 
.  privilèges,  en  ont  voulu  perpétuer  la 
»  mémoire  par  mes  écrits ,  s'il  ont 
»  pouvoirde  parvenir  à  la  postérité.» 
L'abbé  Oroux,  dans  son  Histoire  de 
saint  Léonard  (Paris,  1760,  m-12), 
ne  porte  pas  un  jugement  favorable 
de  la  tragi-comédie  de  Clotilde,  dont 
il  trouve   le  sujet    mal  exposé   et 
les  détails  ridicules.  Il  y  a  une  courte 
analyse  des  tragédies  de  Prévost  dans 
V Histoire  du  théâtre  franfais,t.lV, 
p.  198-202  ;  et  dans  la  Biblioth.  du 
théâtre  français  attribuée  au  duc  de 
La  Vallière,  I,   454-58.  Les  autres 
productions  de  Prévost  sont  le  Dau- 
phin couronné^  trad.  du  latin   du 
p.  Vital  Théron,  jésuite-,  des  sonnets, 
des  épigrammes,  des  odes,  des  épî- 
.  très ,  parmi  lesquelles  on  distingue 
une  Ode  à  Bacchus  et  une  épître  de 
Phylis  à  Démophon,  imitée  d'Ovide  -, 
VEloge  de  l'Ane,  etc.  M.  Joulliéton 
a   donné   une   notice  sur   l'auteur 
dans     VHistoire  de    la    Marche^ 
11,103.  W-s. 

PREVOST  (Jean),  médecin ,  né 
le  i  juillet  1585  à  Dilsperg,  près  de 
Baie,  lit  ses  éludes  au  collège  des  jé- 
suites de  Dole,  puis  alla  suivre  des 
cours  de  philosophie  à  Molsheim  et 
à  Dillingen  où  il  reçut,  en  1003,  le 
degré  de  maître  es  arts.  L'urcliiduc 


PRE 

d'Autriche  Léopold,  évêque  de  Stras- 
bourg, l'ayant  pris  sous  sa  protec- 
tion, résolut  de  l'envoyer  en  Espagne 
étudier  la  théologie,  et  se  chargea 
de  tous  les  frais  de  son  éducation. 
Parti  en  1604  pour  aller  s'embarquer 
à  Gênes,  Prévost  visita  en  route  plu- 
sieurs villes  d'Italie,  s'arrêta  à  Pa- 
doue  et  y  fréquenta  ks  cours  de 
l'université,  notamment  ceux  de  mé- 
decine du  savant  professeur  Hercule 
Sassonia.  Renonçant  dès  lors  au  pro- 
jet de  suivre  la  carrière  ecclésiasti- 
que, il  n'eut  plus  d'autre  désir  que  de 
cultiver  la  science  médicale;  mais 
cette  détermination  le  priva  des  bien- 
faits de  l'évêque  de  Strasbourg.  Il  se 
créa  des  ressources  en  donnant  des 
leçons  particulières  de  philosophie  et 
de  belles-lettres-,  bientôt  un  riche 
seigneur  de  Padoue  le  logea  génereu- 
sèment  chez  lui.  Tandis  qu'il  s'appli- 
quait avec  ardeur  à  la  médecine,  il 
apprenait  les  mathématiques  sous  le 
célèbre  Galilée.  Enfinses  progrès  dans 
l'art  d^  guérir  furent  si  rapides,  qu'il 
reçut  le  bonnet  de  docteur  en  1607 
et  obtint  beaucoup  de  succès  dans  la 
pratique.  Devenu  médecin  de  la  na- 
tion allemande,  c'est-à-dire  des  étu- 
diants allemands  de  l'université  de 
Padoue,  en  1612,  il  fut  nomme  l'an- 
née suivante  interprète  d'Avicenne , 
occupa  plus  tard  une  chaire  de  mé- 
decine pratique,  et  succéda,  en  1017, 
à  Prosper  Alpini  {voy.  ce  nom,  1, 
C34)  dans  les  fonctions  de  professeur 
de  botanique  et  de  directeur  du  jar- 
din des  plantes.  On  voulut  l'attirer 
à  Bologne  en  lui  olVrant  des  appoin- 
tements considérables,  mais  jI  refusa 
de  quitter  sa  patrie  adoptive.  Ccpen- 
dant  la  peste  s'étant  déclarée  i  la- 
douc  en  1631 ,  Prévost  se  retira  avec 
sa  famille  dans  une  maison  de  cam- 
pagne où  il  perdit  quatre  de  ses  en- 
fants. Le  chagrin  <iu'il  eu  conçut  Un 


PRE 

causa  ane  fièvre  riolente  dont  il  mou- 
rut quelques  jours  après,  le  3  août 
le  la  même  année  :  il  n'était  âgé  que 
le  46  ans.  Pour  honorer  la  mémoire 
lie  ce  savant  professeur,  la  nation  al- 
lemande des  artistes  fit  placer  l'ins- 
cription suivante  dans  l'école  de  mé- 
decine de  Padoue  : 

JOAN!KI  PBEVOTIO  RaUBACO  , 

Philosopha  ac  medico  insigni, 

Practicœ  extraordinarùB  professori 

prmario, 

Civi  et  doctori  desideratissimo, 

Katio  Germana  artislarum 

Posuitanno  1634. 

On  a  de  lui  :  1.  De  reinediorum  eum 
êimplicium  tum  eompositorum  ma- 
ieria,  Venise,  1611,  in-12.   11.   De 
Uthotomia.,  seu  calculi  vesicœ  sec- 
tione,  eonsrtltatio,  Ulm.  1618,  in-4*; 
Leyde,  1638,  in-4°.  On  a  joint  à  la 
première  édition  les  Observations 
médicinales  de  Grégoire  Horst,  et  à 
la  seconde  le  traité  De  calculo  de 
BeverR7ck.    III.   Uedicina  paupe- 
mm,   etc.;    huic   adjungitur  ejus- 
âem  autoris  libellus  aureus  de  vene- 
nis  et  eorum  alexipharmacis,  Franc- 
fort, 1641,  in-12;  Lyon,  1643,  in-!2-, 
Paris,    1654,    in-24;    Pavie,   1660, 
in-12:  ibid.  1718,  in-S**.  IV.  De  cotn- 
positione  medicamentorum  libellus, 
Rintpin,  1649,  in-12;  Francfort,  1656, 
în-12;  Amsterdam,  1665,  in-12;  Pa- 
done,  1666,  in-12.  V.  Opéra  medica 
posthuma,  Francfort,   1651,  in-12; 
ibid.,  1656,  in-12;  Hanau,  1666,  in- 
12.  Ce  recueil  contient  la  plupart  des 
écrits  que  nous  venons  de  mention- 
ner, ainsi  que  le  Cosmetice  de  Jean 
Stefani,  médecin  de  Venise.  VI.  Se- 
meiofice,  sive  de  signis  medicis  en- 
chiridion.  Accessit  de  componendo- 
rum  medicaminum  ratione,  necnon 
de  mensuris  et  ponderibus  medicis 
^ynlajma,  Venise,  1654,  in-2l.  VII. 


PRE 


39 


Selectiora'liremedia  rmWpUci  usu 
eomprobata,  Francfort,  1659,  in-12; 
et,  sous  ce  titre  :  UortuUis  medicut, 
Padoue,  1666,  in-12:  ibid.,  1681,  in- 
12.  VIII.  De  urinis  traetatus,  Pa- 
doue et  Francfort,  1667,  in-12  et  in- 
8".  IX.  De  morbosis  uteri  passioni- 
bus  tractatio,  Padoue  et  Francfort, 
1669,  in-S".  X.  Consilia  medica, 
avec  les  Curationes  exoticœ  de  Geor- 
ges-Jérôme Welsch,  Ulm,  1676,  in-4o. 
Les  nombreuses  éditions  des  di  fférents 
ouvrages  de  Prévost  prouvent  la  ré- 
putation que  l'auteur  s'était  acquise 
et  l'estime  que  l'on  faisait  de  ses 
écrits,  dont  quelques-uns  ont  été  mis 
à  contribution  et  publiés  par  lé  sa- 
vant Welsch,  dans  son  livre  inlitolé: 
Sylloge  eurationum  et  obsertatio- 
nutn  medicinalium  centuriœ  F/, 
Ulm,  1668,  in-4».  —  Pp.Evosjr  {Nico- 
las), médecin,  né  à  Tours  ou  il  exer- 
çait son  art,  vers  la  fin  du  xv*  siè- 
cle, est  auteur  d'aune  pharmacopée  gé- 
nérale, dans  laquelle  il  réunit  toutes 
les  formules  usitées  jusqu'alors.  Son 
ouvrage,  imprimé  à  Lyon  en  1505, 
sous  le  titre  de  Grand  antîdotaire, 
fiit  le  premier  de  ce  genre,  imprimé 
en  France  et  très-probablement  en 
Europe,  car  nous  n'en  connaissons' 
aucun  publié  dans  le  xv«  siècle. 
— Il  ne  faut  pas  le  confondre  avec  un 
autre  Nicolas  Pretvost,  né  à  Or- 
léans en  1641,  bénédictin  de  l'ab- 
baye de  Noyers,  en  Touraine,  dont 
il  existe  en  latin  deux  ourrages  ma- 
nuscrits, l'un  sur  les  abbés,  l'autre 
sur  les  bienfaiteurs  de  cette  abbaye. 
R— D— s. 
PREA'OST.  (Claude -Joseph),  ju- 
risconsulte, né  à  Paris  le  7  oct.  1671, 
fut  reçu  très-jeune  avocat  au  parle- 
ment, et  acquit  beaucoup  de  réputa- 
tion par  ses  profondes  connaissances 
eu  droit,  soit  dans  le^  matières  civi- 
les et  criminelles,  soit  dans  les  ma- 


40 


PRE 


ticrcs  ecclésiastiques.  H  devint  un 
des  avocats  de  l'université  et  avocat 
du  roi  à  la  capitainerie  des  chasses 
de  Vincennes.  En  1731  il  partagea  la 
disgrâce  de  dix  de  ses  confrères,  et 
fut  exilé  pendant  quelques  mois  à 
Mayenne,  par  suite  des  contestations, 
alors  si  fréquentes,  entre  les  parle- 
ments et  le  clergé.  11  fut  élu  bâton- 
nier de  son  ordre  en  1741,  et  mourut 
octogénaire  à  Paris,  le   28  janvier 
1753.  Outre  plusieurs  mémoires  et 
consultations,  on  a  de  lui,  sous  le 
voile  de  l'anonyme  :  I.  Lettre  d'un 
avocat  dS  province  à  un  avocat  au 
parlement  de  Paris,  au  sujet  de  la 
prétention  du  substitut  qui  servait 
pendant  les  vacations,  1721.  II  (avec 
J.  Meslé).  Règlements  sur  les  scellés 
et  inventaires,  tant  en  matière  civile 
que  criminelle^  Paris,   1734,  1756, 
in-4o.  III.  (avec  le  même).  De  la  ma- 
nière de  poursuivre  les  crimes  dans 
les  différents  tribunaux  du  royaume, 
avec  les  lois  criminelles  de  la  Fran- 
ce, Paris,   1739,   2  vol.   iM".   IV. 
Principes  dé  jurisprudence  sur  les 
visites  et  rapports,  judiciaires   des 
médecins,  chirurgiens,  apothicaires 
et  sages-femmes,  ouvrage  posthume, 
publié  par  Duchemin,  avocat,  .avec 
un  avertissement  contenant  quel- 
ques détails  sur  la  vie  de  l'auteur, 
Paris,  1753,  in-12.  Prévost  a  com- 
posé la  Préface  du  Mémorial  alpha- 
bétique des  tailles  ;  on  croit  qu'il  a 
eu   part  aux    Observations  sur  le 
Traité  des  contrats  de  mariage^  et 
qu'il  a  été  le  collaborateur  de  Jean 
Meslé  pour  le  Traité  des  minorités, 
tutelles  et  curatelles  ;  des  gardes  et 
gardiens^  clc,  avec  tes  règlements 
et  arrêts  intervenus  sur  ce  sujet,  Pa- 
ris, 1752,  in-4''  i  une  nouvelle  édi- 
tion ,  augmentée,  a  été  publitc  en 
1785,  in-i"  {voy.  Mesliï,  XXVlll, 
407).  1*-*^ 


PRE      • 

PREVOST  (Pierre-Robert  Le), 
né  à  Rouen  en  1675,  embrassa  l'état 
ecclésiastique  et  se  fit  remarquer  par 
son  talent  pour  la  prédication.  Dési- 
rant se  perfectionner  dans  l'éloquence 
de  la  chaire,  il  vint  à  Paris  entendre 
les  orateurs  célèbres  de  l'époque,  et 
y  obtint  lui-même  de  brillants  suc- 
cès. En  1705,  il  prononça  le  panégy- 
rique de  saint  Louis  à  la  chapelle  du 
Louvre,  en  présence  des  membres  de 
l'Académie  française,  selon  l'usage 
alors  suivi  par  cette  compagnie.  Il 
prêcha  aussi  plusieurs  fois  à  Versail- 
les, devant  la  cour,  et  fut  chargé  de 
la  station  de  l'Âvent  en  1714  et  1727, 
et  de  celle  du  carême  en  1718;  ce  qui 
lui  valut  le  titre  de  prédicateur  du 
roi.  Nommé  à  un  canonicat  de  l'église 
de  Chartres  en  1718,  il,  soutint  digne- 
ment la  réputation  qu'il  s'était  déjà 
acquise  dans  cette  ville,  où  il  mou- 
rut en  1730.  Son  éloge,  composé  par 
le  chanoine  Cheret,  son  confrère,  qui 
fut  depuis  curé  de  Saint-Roch  à  Pa- 
ris, se  trouve  dans  le  Mercure  de 
France  du  mois  d'octobre  1736.  Ou- 
tre ses  sermons,  on  a  de  Le  Prévost 
quatre  oraisons  funèbres,  qui  ont  été 
imprimées  séparément  :   1°  celle  du 
cardinal  de  Furstcmberg,  évêquc  de 
Strasbourg,   prononcée    en  1704  à 
l'abbaye  deSaint-Germain-des-Prés  à 
Paris  ;  Fléchier  en  parle  avec  éloge 
dans  ses  lettres  ;  s»  celle  de  Godet 
des  Marais,  évêque  de  Chartres,  pro- 
noncée, en  1710,  dans  la  cathédrale 
de  cette  ville  ;  3»  celle  de  Louis  XIV, 
prononcée  en  1715,  à  Beauvais  et  à 
Rouen  ;  4»  celle  du  duc  de  Bcrry,  pro- 
noncée à  l'abbaye  de  Saint  -  Denis. 
Elles  ont  été  réunies  et  publiées  sous 
le  titre  de  Recueil  des  oraisons  funè- 
bres  de   labbé  Le  Prévost,  Paris, 
17û5,iu-12.  Ce  volume  coulicut  aussi 
le  Panégyrique  de  saint  Louis.  L'é-, 
ditcur,  A  -M.  Lottiii  {voy.  ce  nom. 


PRE 


PRE 


41 


XXV,  86),  y  a  joint  un  précis  de  la 
vie  de  l'anteur  et  nne  notice  en  tête 
de  chaque  oraison  funèbre.  —  Pré- 
vost {Jean  Le)  naquit  à  Arras  vers 
1570,  entra  dans  la  compagnie  de  Jé- 
sus, et  professa  long-temps  la  philo- 
sophie et  la  théologie  scolastique  à 
Douai  et  à  Louvain.  Il  reçut  le  docto- 
rat en  I6t7,  etmourutàMonsleS  juin 
1634.  On  ade  lui  des  Commentaires, 
en  latin,  sur  la  Somme  de  saint  Tho- 
mas, imprimés  à  Douai,  1629,  1631, 
in-fol,  —  PREVOST  (Jean  Le),  né  en 
1600.  fut  d'abord  curé  de  la  paroisse 
de  Saint-Herbland,  puis  chanoine 
et  bibliothécaire  de  la  cathédrale  de 
Rouen,  où  il  mourut  en  1648. 1!  s'était 
beaucoup  occupé  des  antiquités  de  sa 
province,  et  il  laissa  en  manuscrit  une 
Histoire  ecclésiastique  de  Norman- 
die, et  des  Recherches  sur  la  Nor- 
mandie. Il  est  auteur  du  Calendrier 
historique,  imprimé  en  tète  du  rituel 
de  Rouen,  1640,  et  de  la  liste  des  ar- 
chevêques de  Rouen  {séries  archie- 
piscoporum  Rothomagensium),  im- 
primée dans  le  recueil  des  statuts  sy- 
nodaux du  diocèse  de  Rouen,  1653,  in- 
8".  Enfin  Le  Prévost  a  donné,  avec 
deux  de  ses  confrères,  Georges  Ridel 
et  Jacques  Malet,  une  édition  du  livre 
De  officiis  ecclesiasticis  de  Jean  de 
Bayeux,  évêque  d'Avranches,  puis 
archevêque  de  Rouen,  enrichie  de 
notes,  Rouen,  1642,  in-8°.  Lebfun- 
Desmarettes  {voy.  ce  nom<  XXIII, 
503)  en  a.  publié  une  nouvelle  édi- 
tion, à  laquelle  il  a  joint  aussi  des 
notes,  en  conservant  celles  des  pre- 
miers éditeurs,  Rouen,  1679,  in- 
8».  P  — ET. 

PRÉVOST  (Pierre),  céîèbre  phy- 
sicien et  littérateur,  naquit  àGenève 
le  3  mars  1751,  fils  d'Abraham  Pré- 
vost, qui,  ministre  protestant,  fut  ré- 
gent de  la  première  classe,  peu  après 
pasteur  de  la  ville,  et  plus  tard  prin- 


cipal du  collège.  Pierre  Prévost  n*€ut 
qu'un  frère,  qui  suivit  la  carrière 
du  droit  et  devint  conseiller  d'État  ; 
lui-même,  destiné  d'abord  à  l'état  ec- 
clésiastique, fit  trois  ans  et  demi  de 
théologie;  mais  il  renonça  à  cette  car- 
rière, entra  dans  la  faculté  de  droit,  et 
fut,  d'après  un  usage  alors  assez  gé- 
néral à  Genève,  reçu  avocat  et  docteur 
en  droit  (1773).  Son  goût  le  portant 
à  l'enseignement,  il  accepta  une  place 
d'instituteur  en  Hollande,  qu'il  quitta 
au  bout  d'une  année,  pour  aller  faire 
un  voyage  de  quelques  mois  en  An- 
gleterre. A  son  retour  il  entra  comme 
instituteur  dans  la  famille  Delessert, 
avec  laquelle  il  conserva  toujours  des 
relations  d'amitié.  C'est  à  cette  épo- 
que qu'il  eut  occasion  de  connaître 
à  Paris  Jean-Jacques  Rousseau.  Il  ai- 
mait à  se  rappeler  ses  conversations 
avec  cet  homme  célèbre,  et,  par  suite 
de  cette  liaison,  il  donna  plus  tard 
(1780),  à  l'édition  posthume  des  œu- 
vres d*  cet  écrivain,  un  fragment  sur 
VAlcette  de  Gluck,  et  en  1804,  aux 
Archives  littéraires,  une  lettre  sur 
J.-J.  Rousseau.  Pendant  son  séjour  à 
Paris,  il  s'occupa  aussi  de  sa  traduc- 
tion d'Euripide,  qui  fut  publiée  en 
1778  et  1782  (1),  puis  insérée  dans  le 
Théâtre  des  Grecs  de  l'édition  de  Cus- 
sac  (1785).  Cet  ouvrage  mérite  à  son 
auteur  un  rang  honorable  parmi  les 
philologues,  et  il  passe  encore  pour 
une  des  meilleures  traductions  do 
Théâtre  Grec.  Plus  lard,  il  publia 
dans  les  Archives  littéraires  (1805), 
trois  fragments  sur  la  philosophie 
d'Euripide.  Pendaut  ces  années   de 


(i)  h'Orette  seul  fut  public  en  1778.  Le 
IV  Tol.  de  l'édition  de  17S2,  fut  imprimé 
a  l'ituu  de  l'auteur  sur  desmaouscritsincoin. 
plets;  mais  Prévost  remplit  ces  lacunes  dans 
l'édition  de  Cussjc ,  où  sa  traduction  d'Eu- 
ripide se  trouve  du  t.  yr,  p.  3o3,  au  t.  X, 
p.  l'iS. 


42 


PRE 


travail,  Prévost  refusa  quelques  offres 
honorables  qui  lui  avaient  été  adres- 
sées d'Angleterre  et  d'Allemagne  -, 
mais,  en  1780,  le  roi  de  Prusse,  Fré- 
déric II,  lui  fit  proposer  deux  places 
qu'il  accepta  :  celle  de  membre  de  l'a- 
cadémie des  sciences  de  Berhn ,  et  celle 
de  professeur  de  philosophie  dans  l'a- 
cadémie des  nobles.  Pendant  les  qua- 
tre années  qu'il  passa  dans  cette  ca- 
pitale, Prévost  vécut  dans  l'intimité 
de  Bitaubé,  ce  qui  fut  pour  lui  un 
nouveau  motif  de  cultiver  la  littéra- 
ture grecque.  Il  s'occupa  aussi  de  phi- 
losophie avec  Mérian  et  de  chimie  avec 
Lagrange,  qui  cherchait  alors,  dans 
l'étude  de  cette  science,  une  diver- 
sion à  ses  travaux  mathématiques. 
A  cette  époque  Prévost  publia  plu- 
sieurs mémoires  scientifiques,  entre 
autres  une  lettre  sur  les  aérostats.  A 
son  entrée  dans  l'académie  de  Berlin, 
il  avait  donné  une  dissertation  inti- 
tulée  Économie   des  anciens   gou- 
.  vernements,  comparée  à celledésmo- 
dernes(Berlin,1783,in-8o),oiiil  mon- 
trait déjà  une  grande  aptitude  aux 
recherches  d'économie  politique.il  ne 
connut  qu'un  ou  deux  ans  plus  tard 
l'ouvrage  d'Adam  Smith  sur  la  Ri- 
chesse des  nations,  qui  ouvrit  un 
nouveau  champ    à  ses  méditations. 
Dans  la  suite  il  traduisit  de  l'anglais 
l'écrit  de  Benjamin  Bell  sur  la  disette, 
180i,  in-8%  et  l'e.ssai  de    Malthus 
Sur  le  principe  de  population.  Il  pu- 
blia aussi  divers   mémoires    d'éco- 
nomie politique  dans  la  Bibliothèque 
universelle  de  Genève  et  dans  d'autres 
journaux.-  En  1784,  il  fut  ramené 
dans  sa  patrie  par  le  désir  de  revoir 
son  père  qu'il  trouva  mourant.  Mal- 
gré les  sollicitations  les  plus  flat- 
teuses du  roi  de  Prusse  et  dequelqnes 
amis,  il  ne  put  résister  au  bonheur 
de  vivre  dans  sa/amille,  et  il  quitta 
Berlin  pour  accepter  la  |>lace  do  |>ru- 


PRE 

fesseur  de  belles-lettres  à  Genève.'  Il 
prononça,  à  la  cérémonie  des  promo- 
tions, un  discours  latin  sur  le  Prin- 
cipe des  beaux-arts  et  particulière- 
ment de  la  poésie,  discours  qu'il  re- 
mania et  inséra  ensuite  dans  les  mé- 
moires de  l'académie  de  Berlin.  Appelé 
à  Paris  en  1785,  pour  donner  ses  soins 
à  l'édition  des  classiques  grecs  de  Cus- 
sac,  il  s'y  livra  en  même  temps  à  son 
penchant  pour  les  études  de  physique 
et  de  philosophie,  et  il  renonça  à  la 
chaire  de  belles-lettres  dans  l'acadé- 
mie de  Genève.  A  son  retour  dans  cette 
ville,  il  se  livra  avec  ardeur  àdivers  su- 
jets d'études  ;  il  inséra  un  grand  nom- 
bre d'articles  dans  une  feuille  hebdo- 
madaire qui  paraissait  alors  sous  le  ti- 
tre de  Journal  deGenève,  1787-1792, 
in-4», ainsi  quedans  plusieurs  recueils 
scientifiques    ou    académiques.    En 
1788,  il  publia  son  livre  sur  V Origine 
des  forces  magnétiques, nn  vol.  in-8% 
qui  commença  à  lui  donner  rang  par- 
mi les  physiciens.  Ce  fut  dans  cette 
même  année  qu'il  épousa  M»"  Louise- 
Marguerite  Marcel  ;  mais  leur  union 
ne  fut  pas  de  longue  durée,  car  sa 
jeune  épouse  mourut  des  suites  de  sa 
première  couche,  laissant  un  fils  qui 
porte  aujourd'hui  son  nom  d'une  ma- 
nière honorable.—  Prévost  était  de- 
venu membre  du  conseil  des  deux- 
cents  en  1786  ;  il  s'y  occupa  souvent 
d'affaires  publiques  sans  perdre  de 
vue  les  lettres  et  la  philosophie.  En 
1793,  il  se  présenta  à  un  concours 
ouvert  pour  la  chaire  de  philosophie, 
et  il  obtint  la  place  à  la  suite  d'épreu- 
ves soutenues  avec  distinction.  Dans 
la  même  année,  le  vœu  de  ses  con- 
citoyens l'appela  à  faire  partie  de 
l'assemblée  nationale.  I!  aurait  vou- 
lu tempérer,  par  sa  modération,  l'ar- 
deur souvent  trop  grande  de  cette  as- 
semblée, et  y  soutenir  les  élablisse- 
meiilh  d'instruction  publique^  mais. 


PRE 

voyant  ses  efforts  infructueui,  il  don- 
na sa  démission  au  bout  de  quatre 
mois,  et  resta  dès  lors  étranger  aux 
affaires  publiques.  L'année  suivante, 
il  se  trouva  compris  dans  les  arresta- 
tions révolutionnaires.  Rendu  à  la  li- 
berté, après  vingt  jours  de  détention, 
il  reprit  ses  fonclious  académiques,  et 
se  rendit  très-utile  en  1798,  comme 
membre  de  la  commission  qui  régla 
les  conditions  de  la  réunion  de  Ge- 
nève à  la  France.  Quand  Prévost  fat 
nommé  professeur  de  philosophie,  il 
se  trouva  être  le  collègue  de  son  ami 
Pictet.dans  la  faculté  des  sciences^ 
et,  d'après  un  ancien  usage  de  l'a- 
cadémie de  Genève,  il  partagea  avec 
lui  l'enseignement  de  quelques  bran- 
ches des  sciences  physiques.  Il  s'ap- 
pliqua surtout  à  développer  d'une 
manière  élémentaire  les  lois  de  ^a 
pesanteur  et  de  l'attraction,  celles  de 
l'optique,  et  quelques  autres  points 
de  physique  générale.  En  1810,  il  fut 
nommé  professeur  de  physique  gé- 
nérale. Quant  à  la  philosophie  pro- 
prement dite  (qu'on  désignait  à  Ge- 
nève sous  le  nom  de  philosophie  ra- 
tionnelle), il  donnait  un  soin  parti- 
culier à  l'exposition  de  la  logique, 
qu'il  savait  rendre  fort  intéressante 
en  enrichissant  ses  leçons  d'un  grand 
nombre  d'exemples  tirés  de  diverses 
sciences.  Il  embrassait  toutes  les  bran- 
ches de  celte  étude  immense,  en  ré- 
duisant toutefois  à  de  courtes  dimen- 
sions celles  qui  ont  peu  d'applications 
pratiques  ou  qui  tendent  à  repaître 
l'esprit  des  jeunes  gens  d'hypothè- 
ses hasardées,  ou  de  théories  qui  se 
renversent  les  unes  les  autres.  Ses 
Essais  de  philosophie,  ou  Étude  de 
Vesprit  ftumain,publiés  en  1804, sont 
im  résumé  clair  de  l'enseignement 
qu'il  donnait,  mais  on  en  regrette 
la  brièveté.  Ce  que  cet  ouvrage 
ne  peut  faire  suffisamment  oompren- 


PRE 


43 


dre,  c'est  la  manière  précise  el  inté- 
ressante avec  laquelle  Prévost  sa- 
vait se  mettre  à  la  portée  de  jeu- 
nes élèves  souvent  trop  inattentifs. 
Il  aimait  à  employer,  dans  cet  ensei- 
gnement familier,  une  méthode  qui 
se  rapprochait  de  la  méthode  socra- 
tique; il  rendait  ses  élèves  actifs  dans 
leurs  études,  en  leur  faisant  débattre 
entre  eux  des  points  de  doctrine  sous 
forme  de  thèse,  et  en  leur  faisant 
rendre  compte  des  leçons  précédentes 
avec  une  précision  qui  les  accou- 
tumait à  l'appréciation  de  la  vé- 
rité. Il  s'intéressait  à  eux  comme  un 
père,écoutait  et  sollicitait  même  leurs 
observations,  répondait  à  leurs  ob- 
jections avec  une  patience  inaltéra- 
ble, et  fiaisait,  en  un  mot,  de  son  en- 
seignement une  étude  pratique  de 
logique.  Il  avait  particulièrement 
porté  son  attention  sur  les  questions 
les  plus  importantes  de  la  physique 
générale ,  ce  qu'il  dut  en  partie  à  ses 
relations  avec  G.-L.  Le  Sage,  dont  il 
avait  reçu  les  leçons  dans  sa  première 
jeunesse  et  dout  il  était  devenu  l'ami. 
On  trouve  dans  plusieurs  de  ses  tra- 
vaux sur  la  physique  des  traces  sen- 
siblesde  l'mfluence  que  ce  savant  avait 
exercée  sur  son  esprit.  En  1791  Pré- 
vost inséra  dans  le  Journal  de  physi- 
que un  mémoire  très-remarquable 
sur  VÈquilibre  du  feu^  et,  l'année 
suivante ,  il  publia  ses  Recherches  sur 
la  chaleur.  Cet  ouvrage,  écrilbien  des 
années  avant  que  les  expériences  de 
Rumford  et  de  Leslie  eussent  enri- 
chi la  science  d'un  grand  nombre  de 
faits  précieux ,  offre  cela  de  remar- 
quable, qu'avec  le  peu  de  faits  pré- 
cis que  l'on  connaissait  alors,  et  par 
les  seuls  efforts  d'une  imagination 
active ,  dirigée  par  une  logique  ser- 
rée, Prévost  sut  établir  les  principes 
et  pressentir  les  lois  que  les  expérien- 
ces sont  ensuite  venues  confirmer; 


PRE 


exemple  mémorable  dans  l'histoire 
des  sciences,  et  qui  montre  la  sagacité 
avec  laquelle  il  savait  déduire  d  im- 
portantes conséquences  de  faits  peu 
nombreux  encore,  et  qu'il  avait  un 
des  premiers  tenté  de  coordonner. 
Plus  tard,  lorsque  les  expériences  eu- 
rent confirmé  ses  prévisions,  il  donna 
son  ouvrage  sur  le  Calorique  rayon- 
nant (1809),  et  son  Exposition  du 
principes  de  la  chaleur  rayonnante 
(1832),  qui  restent  parmi  les  ouvra- 
ges de  physique  les  plus  appréciés 
des  savants.  U  traita  aussi  plusieurs 
points  particuliers  de  cette  théorie 
dans  des  mémoires  spéciaux,  et  s'oc- 
cupa d'en  faire  des  applications  à  di- 
vers phénomènes  naturels.  D'autres 
ont  suivi  cette  direction,  et  l'on  peut 
citer  les  travaux  d'Uiells  sur  la  rosée, 
comme  une  des  belles  conséquences 
de  la  théorie  de  Prévost.  Au  mdieu 
de  ces  travaux  relatifs  aux  sciences 
physiques ,  il  ne  négligeait  pas  ses 
études  philosophiques.  En  1799,  il 
obtint  l'accessit  d'un  prix  propose  par 
l'Institut  de  France  sur  Vlnfluence 
des  signes  relativement  à  la  forma- 
tion des  idées,  et  cette  société  l'ad- 
mit l'année  suivante  au  nombre  de 
ses  correspondants.  En  1802,  Prévost 
lut,  aux  promotions  scolastiques  de 
Genève,  des  Remarques  sur  l'âme 
humaine,  suivies    de    l'explication 
d'un  passage  du  Timée.  Peu  d'années 
auparavant,  il  avait  lu  à  la  même 
cérémonie  un  discours  sur  les  Causes 
qui  ont  favorisée  Genève  les  établis- 
sements d'instruction  publique.  Il  a, 
dans  diverses  biographies,  rendu  un 
tribut  d'hommages  à  quelques-uns 
de  ses  devanciers  ou  de  ses  contem- 
porains. Ainsi  en  1805  il  fit  paraître 
une  notice  sur  la  vie  et  les  écrits  de 
G.-L.  Le  Sage,  qui  était  mort  l'année 
précédente  sans  avoir  public  ses  re- 
cherches sur  la  cause  de  l'attraction. 


PRE 

Cette  notice,  enrichie  de  plusieurs 
observations  scientifiques,  suppléa 
en  partie  à  ce  que  Le  Sage  n'avait  pu 
taire  lui-même,  et  plus  tard  (  1818  ) 
Prévost  rendit  un  nouvel  hommage  à 
son  ami  en  publiant  un  traité  inédit 
de  Le  Sage  sur  la  physique  mécani- 
que, qu'il  fit  suivre  d'un  second  traité 
sur  le  même  sujet,  dont  il  était  l'au- 
teur. Il  a  donné  aussi  les  biographies 
du  docteur  Odier ,  son  ami ,  et  de 
Bénédict  Prévost,  son  parent  {voy. 
Odier,  XXXI,    502,  et  Prévost, 
XXXVI,  59)  ;  enfin  des  notes  biogra- 
phiques sur  Young-Coraï  et  Dugald 
Stewart.  La  manière  dont  il  étudiait 
la  philosophie  ressemblait  beaucoup 
à  la  méthode  écossaise.  U  traduisit  la 
première  partie  des  Éléments  de  phi- 
losophie de  Dugald  Stewart,  avec  qui 
il  entretenait  une  correspondance  ac- 
tive,bienqu'il  ne  l'eût  vu  qu'une  seule 
fois  en  1792.  Même  sous  le  rapport 
littéraire ,  il  aimait  à  se  rapprocher 
de  celte  école,  comme  le  prouve  le 
soin  qu'il  a  pris  de  traduire  le  Cours 
de  rhétorique  de  Blair,  traduction 
qui  a  eu  deux  éditions.  Eu  1795, 
Prévost  avait  épousé  Jeanne-Louise 
Marcel,    parente    de    sa    première 
femme,  et  dont  il  eut  trois  fils.  Sa  vie 
fut  dès  lors  partagée  entre  les  tra- 
vaux scientifiques ,  les  soins  qu'exi- 
geait l'éducation  de  ses  iils  et  les 
devoirs  que  lui  imposaient  ses  fonc- 
tions académiques,  dont  il  s'acquitta 
toujours  avec  zèle.  A  la  renaissance 
de  la  république  de  Genève  en  1814, 
il  fut  appelé  à  faire  partie  du  conseil 
représentatif,  où  il  se  distingua  par 
sa  modération  et  par  son  dévoue- 
ment. Ses  discours ,  en  général  sim- 
ples et  sans  apparat  oratoire ,  exer- 
çaient  une    action   prononcée   sur 
ses   collègues^  il    y   maniait   avec 
calme,  mais  avec  habileté,  les  armes 
d'une  dialectique  serrée ,  et  il  savait 


PRE 

les  allier  quelquefois  avec  une  légère 
teinte  d'ironie  douce,  fine  et  toujours 
polie, qui  le  rendait  un  jouteur  redou- 
table dans  l'escrime  de  la  discussion, 
en  même  temps  que  lahaute  considéra- 
tion dont  il  jouissait  lui  conciliait  les 
opinions.  Ayant  atteint  Page  de  72 
ans,  il  crut  devoir  quitter  les  fonc- 
tions de  l'enseignement  et  peu  après 
les  conseils  dont  il  faisait  partie.  Sa 
force  intellectuelle  était  cependant 
encore  dans  toute  sa  vigueur,  mais 
il  ne  voulait  pas  s'ei poser  au  ris- 
que de  la  moindre  déchéance.  Il  con- 
tinua des  travaux  analogues  à  ceux 
qui  avaient  occupé  sa  vie ,  et  il  se 
tint  toujours  au  courant  du  progrès 
des  sciences.  A  un  âge  où  la  plupart 
des  hommes  ne  cherchent  tfue  le  re- 
pos, il  publia  plusieurs  mémoires 
originaux  dans  la  Bibliothèque  uni" 
verselle  de  Genève,  dans  les  Annales 
de  Phyinque  et  de  Chimie  et  dans  le 
Recueil  des  Mémoires  de  la  société 
de  physique  de  Genève.  Ses  habitudes 
d'observation  psychologique  ne  l'a- 
bandonnèrent point  dans  son  extrême 
vieillesse.  11  étudiait  la  lente  dimi- 
nution de  ses  facultés  physiques,  et 
même  celle  de  ses  facultés  intellec- 
tuelles, avec  le  sang-froid  d'un  ob-- 
servateur  et  comme    s'il    eût    été 
question   d'un    autre.    Notant  lui- 
même  comment  peu  à  peu  les  idées 
de  temps  et  d'espace  s'affaiblissaient 
dans  sa  tête ,  il  étonnait  ses  amis 
par  la  clarté  avec  laquelle  il  obser- 
vait et  analysait  les  légères  atteintes 
que    l'âge    apportait  à  la    lucidité 
de  son  esprit.  Le  26  nov.  1828,  il  fit 
une  chute  qui  le  força  de  garder  le 
lit,  et  au  bout  de  quatre  mois  il  fut 
encore  atteint  d'une  sorte  de  fluxion 
de  poitrine  attachée  à  la  vieillesse,  et 
qui  le  conduisit  au  tombeau  le  8  avril 
1 839. 11  était  âgé  de  88  ans  accomplis, 
correspondant  de  l'Institut  de  France, 


PRE 


45 


membre  de  l'Académie  de  Berlin,  des 
sociétés  royales  de  Londres  et  d'E- 
dimbourg. Réunissant  à  un  degré  re- 
marquable deux  qualités  qui  se  con- 
cilient rarement,  la  variété  et  la  pro- 
fondeur des  connaissances ,  Prévost  a 
exercé  son  intelligence  dans  des  étu- 
des très  disparates,  la  philologie,  la 
philosophie,  l'économie  politique,  la 
physique,  et  il  a  laissé  dans  chacune 
de  ces  sciences  des  travaux  impor- 
tants. Outre  les  ouvrages  que  nous 
avons  cilés,ce  savant  a  publié  un  grand 
nombre  de  mémoires  dans  différents 
recueils  scientifiques  ou  littéraires; 
on  peut  en  voir  la  nomenclature  com- 
plète dans  la  France  littéraire,  de  M. 
Quérard.  On  trouve  une  notice  sur 
Pierre  Prévost  dans  la  Bibliothèque 
universelle  de  Genève  (1839,  section 
des  sciences),  par  M.  deCandolle,  qui 
avait  été  son  élève;  elle  nous  a  fourni 
la  plupart  des  détails  que  nous  ve- 
nons de  donner.  A — y. 

PRÉVOST  (AcGDSTi.N),  comédien 
et  auteur  dramatique,  né  à  Paris  en 
1753,  était  filTeul  ou  peut-être  même 
fils  naturel  du  dernier  prince  de 
Conti,  qui  en  avait  eu  plusieurs  au- 
tres ,  et  qui  prit  soin  de  son  éduca- 
tion. Il  est  assez  probable  que  Pré- 
vost était  fils  d'une  comédienne,  et 
que  la  nature  eut  plus  d'influence 
que  Téducation  sur  sa  destinée.  Donc 
il  se  fit  comédien ,  et  après  avoir  joué 
pendant  plusieurs  années,  sur  divers 
théâtres  de  province,  où  il  ne  put 
acquérir  ni  talent  ni  réputation ,  il 
revint  à  Paris  et  s'y  chargea,  en  1795, 
de  la  direction  de  l'un  des  théâtres  du 
boulevart  du  Temple.  Ce  théâtre 
fondé  en  1774,  sous  le  titre  de  Théâ- 
tre des  Associés,  avait  pris,  en  1792, 
letitrederAéâfre  Patriotique,  sous 
la  direction  de  Salé,  qui  avait  obtenu 
d'y  faire  jouer  tous  les  chefs-d'œu- 
vre de  nos  grands  auteurs,  sans  que 


46 


PRE 


cette   concurrence 'portât  ombrage 
aux  comédiens  français,  car  ils  s'amu- 
saient à  venir  y  voir  parodier  leur 
répertoire  et  leur  jeu.  Prévost  fut 
le  successeur  de  Salé,  qui  venait  de 
mourir,  et  il  prit  humblement   le 
titre  de  directeur  du  Théâtre  sans 
Prétention,  où  il  était  en  même  temps 
auteur,  acteur,  régisseur,  répétiteur, 
souffleur,   décorateur,   machiniste, 
buraliste,  etc.;  sa  femme  comptait 
parmi  les  acteurs  qu'il  payait  réguliè- 
rement trois  fois  la  semaine.  Prévost 
y  a  donné  plusieurs  pièces  très-mé- 
diocres, mais  dans  lesquelles  il  lirait 
vanité,  malgré  son  extrême  modestie, 
d'avoir  respecté  les  mœurs  :  Victor, 
ou  l'Enfant  de  la  forêt,  comédie  his- 
torique en  5  actes  et  en  prose,  1793, 
2^  édition,  1803-,  VVtiliié  du  Divorce, 
comédie  en  3  actes,  en  prose,  1 798- 
i802-,le  J  acobin  espagnol,  coméditen 
i  actes,  en  prose,  1798  ;  la  Ven- 
geance inattendue.on  le  Triomphe  de 
la  Vertu,  tragi-comédie  héroï-comi- 
queenS  actes,  en  prose,  1799-1802; 
le  Gras  et  le  Maigre,  folie- vaudeville, 
farce-comique,  caricature  ou  tout  ce 
qu'on  voudra,  en  un  acte,  en  prose, 
(sans  date);  les  Femmes  duellistes,  ou. 
Tout  pour  V  Amour,  comédie  en  trois 
actes,  en  prose,  1800;  Repentir  etGé- 
nérosité,  drame  en  5  actes,  en  prose, 
1802  ;  le  Retour  d'Astrée ,  ou  la  Cor- 
rection des  Mœurs,  pièce  allégorique 
et  mythologique,  en  1  acte,  en  prose, 
1802;  les  Veux  Contrats,  ou  les  Men- 
teurs ,  comédie  en  1  acte  ,  en  prose, 
iS02  ;  Ribotte  le  Savetier,  comédie 
en  2  actes,  en  prose,  1802  ;  le  Valet  à 
trois  maîtres,  ou  les  Deux  fous  rai- 
sonnables, corn,  enâact.,  en  prose, 
1802;  les  Victimes  de  l'ambition, 
drame  en  5  act.,  en  prose,  1802;  l'Ai- 
mable Vieillard,  comédie  en  3  actes, 
en  prose,  1803;  la  Marchande  d'ama- 
dou et  fa  Marchande  de  gâteaux 


PRE 

de  Nanterre,  folie-parade,  caricature 
du  jour,  en  un  acte,  en  prose,  mêlée 
de    vaudevilles   grivois,  1804;    la 
Cranomanie,  ou  le  Docteur  Mani- 
crâne  à  Paris,  comédie  -  vaudeville 
en  1  acte,  en  prose,  1805  ;  Un  tour 
de  Carnaval,  on  la  Moitié  du  monde 
joue  l'autre,  comédie  en  un  acte, 
en  prose,  1806.  On  lui  attribue  aussi, 
peut-être  à  tort,  une  comédie  de  Ca- 
det-Roussel en  1  acte, en  prose,  1802. 
Prévost  détestait  la  secte  des  philo- 
sophes, les  impies  et  les  athées,  se 
moquait  de  Voltaire  et  de  Jean-Jac- 
qaes  Rousseau,  et  se  félicitait  de  n'a- 
voir pas  à  faire  amende  honorable, 
au  lit  de  la  mort,  comme  La  Harpe. 
Il  se   roidissait  contre  la  censure  et 
avait  son  franc-parler  contre  la  li- 
berté et  contre  le  despotisme.  Lors- 
qu'en  1807,  son  théâtre  sans  préten- 
tion eut  été  compris  dans  le  fameux 
décret  impérial  qui  fermait  la  ma- 
jeure partie  des  petits  spectacles  de 
Paris,  Prévost  en  fut  inconsolable  et 
disait   de  Napoléon  :  •  Cet  homme 
m'a  bien  trompé  ;  nous  verrons  où 
le  conduira  le  grand  coup  d'État  qu'il 
vient  de  taire.  •  Quant  à  lui,  toujours 
honnête  homme  ,  il  lit  placarder  sur 
les  murs  de  Paris  une  invitation  aux 
créanciers  de  son  théâtre  de  se  pré- 
senter à  sa  caisse  tous  les  jours,  de 
midi  à  quatre  heures.  Ruiné  complè- 
tement, il  montrait  une  petite  lan- 
terne magique  au  jardin  Marbeuf, 
en  1820,  et  la  seconde  légion  de  la 
garde  nationale  lit  pour  lui  une  col- 
lecte, à  l'occasion  de  la  naissance  du 
duc  de  Bordeaux.  Il  mourut  dans  la 
plus  profonde  misère,  à  l'âge  de  77 
ans ,  le  l^'  août  1830,  et    non  pas 
en  1825,  comme  l'a  dit  Brazier.  Son 
théâtre,  devenu  en  1809  café  d'A- 
pollon, puis  eu   181G,  théâtre  des 
Acrobates ,  lorsqu'il  fut  concédé  à  la 
famille  Saqui ,  a  passé,  vers  1«32,  à 


PRE 

M.  Dorsay,  son  successeur,  et  a  reçu 
le  nom  de  Théâtre  du  Temple.  A—  r. 
PREVOST  (George), général  an- 
glais, né  en  1767,  entra  dès  sa  jeu- 
nesse dans  la  carrière  des  armes  au 
service  d'Angleterre,  et  fit  toutes  les 
guerres  de  la  révolution  française 
sur  le  continent  et  en  Amérique.  Ce 
fut  lui  qui  commanda  en  1809,  par- 
ticulièrement, avec  iord  Maitland, 
l'attaque  de  la  Martinique,  où  il 
déploya  un  grand  courage  en  s'era- 
parant,  avec  l'avant-garde,  déShau- 
teurs  de  Sourière.  En  sept.  1812, 
il  était  lieutenant  -  général  gouver- 
neur des  possessions  anglaises  de 
l'Amérique  septentrionale,  et  il  fit 
en  cette  qualité  un  rapport  au  mi- 
nistère britannique  sur  la  capitu- 
lation du  fort  américain  de  Michil- 
limackinac,  dans  le  Canada,  dont  les 
troupes  anglaises  s'étaient  emparées. 
H  l'informa  ensuite  de  la  reddition 
du  fort  Détroit  et  de  différents  succès 
obtenus  par  les  généraux  Brock  et 
Bull,  qui  étai^t  sous  ses  ordres.  Dans 
le  mois  de  novembre  suivant,  son 
aide-de-camp,  le  capitaine  Fulton, 
vint  annoncer  une  nouvelle  victoire 
des  troupes  anglaises,  qui  avaient  re- 
poussé une  invasion  des  Américains 
dans  le  Haut-Ciinada.  Neuf  cents  des 
leurs  avaient  été  faits  prisonniers  ; 
mais  les  Anglais  y  avaient  perdu  le 
major  général  Brock,  lue  sur  le 
champ  de  bataille.  Plus  tard,  ces  suc- 
cès furent  suivis  de  plusieurs  revers, 
notamment  à  Plattsbourg  oii,  vive- 
ment poursuivi  par  les  Américains , 
Prévost  fut  obligé  d'abandonner  ses 
blessés  et  son  artillerie.  Cet  échec 
lui  fit  perdre  son  commandement 
dans  l'Amérique  du  Nord.  Un  procès 
lui  fut  même  intenté ,  mais  il  tomba 
malade  avant  qu'on  l'eût  commencé, 
et  mourut  à  Londres  dans  le  mois 
de  janvier  1816.  M— Dj. 


PRI 


47 


PRICE  (Guillaume),  orientaliste 
anglais,  né  en  1780 ,  fit  de  très- 
bonnes  études,  et  entra  dès  sa  jeu- 
nesse au  service  de  la  Compagnie 
des  Indes,  où  il  eut  le  grade  de  capi- 
taine. En  1810,  il  fut  attaché,  en 
qualité  d'interprète  et  de  secrétaire- 
adjoint,  à  l'ambassade  de  sir  Gore 
Ouseley,  en  Perse,  et  profitant  de  la 
fréquentation  de  l'ambassadeur  Mirza 
Aboul-flaçan-Khan  (u.  LVI,  39),  que 
l'on  ramenait  dans  sa  patrie,  il  apprit 
de  lui  la  prononciation  correcte  de  la 
langue  persane.  Pendant  qu'il  était 
à  Chiraz,  il  s'occupa  surtout  à  dé- 
chiffrer et  à  expliquer  les  carac- 
tères cunéiformes,  ou  à  tètes  de 
clous,  dont  se  composent  les  inscrip- 
tions gravées  sur  les  célèbres  ruines 
de  Persépolis.  L'étude  spéciale  qu'il 
avait  faite  des  tangues  orientales  du- 
rant un  long  séjour  en  Asie,  lui  per-^ 
mit,  à  son  retour  en  Angleterre,  de 
se  livrer  à  la  composition  de  plusieurs 
ouvrages  qu'il  publia  successivement 
en  anglais  :  I.  Dialogues  et  gram- 
maire de  la  langue  persane,  Wor- 
cester,1822,  in-4^  ll.Grammaire  des 
trois  principales  langues  de  l'Orient, 
VHindoustani,  le  Persanet  r  Arabe, 
rédigée  sur  un  plan  entièrement  neuf 
et  très-facile,  à  laquelle  est  jointe  une 
suite  de  dialogues  persans,  composés 
exprèspour  l'auteur, par  MirzaMo- 
hammed  Salehde  Chiraz,  et  accom- 
pagnés d'une  traduction  anglaise, 
Londres.  1823,  pet.  in-4°.  III.  Voyage 
de  l'ambassade  anglaise  en  Perse, 
avec  fig.,  1825,  2  vol.  in -4°;  on  y 
trouve  deux  Mémoires  sur  les  anti- 
quités de  Persépolis  et  sur  celles  de 
Babylone,,  qu'il  en  a  extraits  depuis 
et  qu'il  a  publiés  séparément,  2  vol. 
in-4°.  11  ne  paraît  pas  que  les  expli- 
cations superficielles  que  Price  y  a 
données  des  fameuses  inscriptions  de 
Persépolis  soient  regardées  comme 


48 


PRÎ 


plus  claires,  plus  complètes  et  plus 
savantes  que  les  divers  systèmes  emis 
par  tous  les  antiquaires  qui,  avant  et 
après  lui,  ont  entrepris  de  les  tradui  re. 
lY.  Éléments  de  la  langue  sanshnte, 
ou  Guide  facile  des  langues  de  Vlnde, 
Londres,  i827,  in-4^  V.  iVou«ei/e 
grammaire  de  la  langue  hmdous- 
tani,  suivie  d'extraits  des  meilleurs 
auteurs ,  de  phrases  familières  et  de 
dialogues  en  caractères  originaux, 
avec  la  traduction  anglaise,  Londres, 
1828    in-i".  VL  Husn-ou-Dil,  ou 
Beauté  et  bon  cœur,  allégorie  agréa- 
ble en  onze  chapitres,  composée  par 
Al-Fethah  de  Nichabour,  et  tra- 
duite du  persan  en  anglais,  Londres, 
1828,  in-4''.  VIT.  Chlutru  PruMsch, 
notice  biographique  deChluiruSchal, 
radjah  de  Boundelkend ,  par  Lal- 
Kury,  ouvrage  écrit  en  bridjbhacha 
et  publié  parW.  Priée, Calcutta,  1829, 
in -8».  Ylll.  Dialogues  persans  et 
français. U.Dialogues persans  et  an- 
glais. Tous  ces  dialogues  sont  tires 
de  sa  Grammaire  des  trois  principales 
langues  de  l'Orient.  Price  travaillait 
depuis  long-tempsaun  grand  ouvrage 
sur  la  littérature  orientale.  Dans  l'in- 
tention d'en  soigner  lui-même  la  pu- 
blication ,  il  avait  fait  fondre  les  ca- 
ractères d'imprimerie  qui  lui  étaient 
nécessàires,et  il  avait  établi  une  presse 
dans  sa  maison  de  campagne  de  Meng- 
Man's-Hill,prèsdeWorcester,lorsqu'à 

peine  âgé  de  50  ans,  il  fut  enlevé  dans 
cette  résidence,  au  commencement  de 
juin  1830,  par  une  mort  prématurée. 
Sa  bibliothèque  dont  la  vente  fut  com- 
mencée, le  19  mai  1812,  se  composait 
principalement  de  livres  sur  l'Orient 
et  de  manuscrits  persans,  arabes, 
turcs,  hindoustanis,  syriaques,  armé- 
niens, chinois,  japonais,  /xnd  (ancien 
persan) ,  et  de  cartes  et  plans  ori- 
ginaux de  diverses  contrées  et  de 
monuments  de  l'Orient.  On  vendit 


PRÎ 

aussi  son  imprimerie  en  caractères 
orientaux ,  ainsi  qu'un  grand  nom- 
bre d'exemplaires  de  ses  ouvrages. 
Price  était  membre  de  la  Société  royale 
de  Londres,  de  celle  de  Calcutta,  etc., 
mais   il  n'a  point  figuré  parmi  les 
membres  étrangers  de  la  Société  asia- 
tique de  Paris.  C'est  sans  doute  pour 
cela  que  son  ijom  ne  se  trouve  pas 
dans   les    tables   alphabétiques  du 
Journal  de  cette  société,  et  qu'il  y  est 
assez  mal  traité  dans  un  article  de 
feu  Jacquet.  Il  est  vrai  aussi  qu'en 
rendant  compte  de  sa  Grammaire  des 
trois  principales  langues  de  l'Asie, 
dans  le  Journal  des  Savants  de  1 824, 
Silvestre  de  Sacy  a  dit  avec  raison 
qu'elle  était  incomplète,  insuffisante, 
erronnée  pour  ce  qui  concerne  l'a- 
rabe-, que  l'auteur  aurait  dû  ranger 
parmi  ces  principales  langues  le  chi- 
nois, le  sanskrit,  le  tartare,  etc.  ;  que 
son  prétendu  nouveau  plan  ne  con- 
siste guère  qu'à  avoir  mis  à  la  fin 
ce  qui  devait  être  au  commencement, 
et  qu'enfin  les  dialogues  qui  forment 
la  moitié  de  son  ouvrage  en  sont  la 
partie  la  plus  recommandable.  A-t. 
PRICE  (David),   orientaliste, 
écuyer  et  major  au  service  de  la  Com- 
pagnie anglaise  dans  les  Indes-Orien- 
tales ,    après  avoir  fait  une  longue 
résidence  dans  divers  comptoirs  de 
la  Turquie  Asiatique,  de  la  Perse  et 
de  l'Inde,  mit  à  profit  les  connais- 
sances qu'il  y  avait  acquises  sur  l'his- 
toire et  les  langues  de  l'Orient.  Il  a 
publié  en  anglais  :  I.  TaUeau  chro- 
nologique.on  Mémoires  sur  les  prin- 
cipaux événements  de  l'Histoire  ma- 
hométane ,  depuis  la  mort  du  Légis- 
lateur des  Arabes  jusqu'à  Vélablisse- 
ment  de  Vempire  Moghol  dans  l'In- 
doustan,  et  à  l'avènement  de  Vempe- 
reur  Akbar,  d'après  des  auteurs  per- 
sans originaux,    Londres,    1811   î^ 
1821,  3 1.  ou  4  parties,  ni-4".  II.  F.s- 


PRT 

gai  sur  l'histoire  d'Arabie  aidant  M  a 
homet,  arrangé  d'après  le  Tarikh 
Thabary  et  autres  sources  authenti- 
ques, Londres,  1824,  in-4^ III.  3Ié- 
moires  de  \Djihanghir,  empereur  de 
l'Indoustan ,  écrits  par  lui-même  et 
traduits  d'après  un  manuscrit  persan, 
Londres,  1828,  in-é".  Les  ouvrages 
de  David  Price  sont  estimés.  Il  a  ter- 
miné ses  jours  vers  1835  ;  mais  nous 
ignorons  le  lieu  et  la  date  précise  de 
sa  mort.  A — t. 

PUICR  (James),  docteur  en  mé- 
decine et  membre  de  la  Société  royale 
de  Londres,  naquit  en  1752.  Il  fit 
beaucoup  d'expériences  de  chimie, 
et  répéta  les  procédés  curieux  inven- 
tés p;ir  divers  chimistes  allemands.  Il 
fut  à  ce  sujet  en  correspondance  avec 
sir  Joseph  Banks  et  d'autres  savants. 
En  janvier  1783,  il  montra  une  som- 
bre inquiétude  d'esprit,  se  retira  de 
toute  société,  et  se  mit  à  distiller  une 
grande  quantité  d'eau  de  laurier  rose, 
qu'il  réduisit  enCn  à  une  pinte.  Puis 
ayant  écrit  sou  testament,  il  but  la  li- 
queur qu'il  venait  de  faire,  et  expira 
peu  de  temps  après. —  Owen  Price, 
né  dans  le  comté^de  Montgommery, 
tint,  au  xvii<=  siècle,  école  à  Oxford  et 
dans  d'autres  villes  d'Angleterre ,  et 
publia  divers  ouvrages  sur  l'ortho- 
graphe de  la  langue  anglaise.  Il  mou- 
rut en  1671.  D— G. 

PRIE  (René  de)  naquit  en  Tou- 
raine,  en  1451,  d'Antoine,  seigneur 
de  Busançais,  grand-queux  de  France, 
et  de  Marguerite  d'Amboise.  Il  entra 
dans  l'état  ecclésiastique,  devint  suc- 
cessivement abbé  de  Bourgueil-en- 
Vallée  et  de  la  Prée ,  évêque  de  Lec- 
toure ,  de  Bayeux  et  de  Limoges.  En 
1507,  il  fut  fait  cardinal ,  du  titre  de 
Sainte-Sabine,  par  le  pape  Jules  II, 
et  reçut  le  chapeau  à  Lyon  ,  eu  pré- 
sence de  Louis  XII ,  de  la  main  du 
cardinal  d'Amboise,  son  cousin-ger- 

LX  XVIII. 


PRI 


49 


main ,  qui  avait  aidé  beaucoup  à  son 
avancement.  Mais  de  Prie,  ayant  as- 
sisté au  concile  de  Pise  convoqué 
par  le  roi  de  France,  Jules  II  le  dé- 
posa de  sa  dignité  et  l'excommunia, 
ainsi  que  plusieurs  de  ses  collègues. 
A  la  mort  de  ce  pape,  ils  furent  tous 
rétablis  dans  leurs  dignités.  Le  car- 
dinal de  Prie  mourut  le  9  sept.  1519, 
et  fut  enterré  dans  l'abbaye  de  la  Prée, 
près  Issoudun,  en  Berri.  —  Prie 
{Aymar d  de),  chevalier,  seigneur 
de  Monpoupon,  était  frère  puîné  du 
précédent.  En  1495,  il  accompagna 
Charles  VIII,  dont  il  était  le  cham- 
bellan, à  la  conquête  de  Naples,  qui 
fut,  comme  on  sait,  une  expédition 
prompte  et  sans  résultat.  En  revenant, 
il  se  distingua  tellement  à  la  journée 
de  Fornoue,  qu'il  fui  fait  chevalier 
sur  le  champ  de  bataille,  de  la  main 
duroi.Ilsetrouva,  en  1501,  à  la  prise 
de  Capoue,  et  fut  envoyé,  en  1513,  à 
la  défense  de  Thérouenne.  Aymard  de 
Prie  fut  nommé,  en  1523,  grand-mai- 
tre  des  arbalétriers  de  France,  place 
qui  était  restée  vacante  pendant  plus 
d'un  demi-siècle,  et  qui  fut  éteinte  à 
sa  mort.  Il  était  aussi  gouverneur  du 
Pont-Saint-Esprit.  F— T— E. 

PRIE  (Berthelot  de  Pi.éneuf, 
marquise  de),  née  à  Paris  en  1704, 
fille  d'un  traitant  enrichi  dans  l'entre- 
prise des  vivres,  fut  élevée  par  une 
mère  belle  et  galante,  ce  qui  est  la  pire 
des  éducations.  A  treize  ans  elle  lui 
disputa  ses  amants;  de  là  une  antipa- 
thie et  des  querelles  où  les  hommes, 
suivant  l'usage ,  donnaient  toujours 
raison  h  la  plus  jeune.  La  mère,  pour 
être  aimée  sans  partage,  et  le  mari , 
afin  d'avoir  la  paix  chez  lui,  la  mariè- 
rent au  marquis  de  Prie,  qui  l'emmena 
dans  son  ambassade  à  Turin.  A  son 
retour  elle  traita  sa  mère  comme 
une  bourgeoise.  L'impuissance  de  lui 
nuire  lui  fit  tourner  sa  fureur  contre 
4 


50 


PRl 


Leblanc,  amant  de  M™®  de  Pléneuf, 
et  secrétaire  d'État  au  département 
de  la  guerre.  Le  duc  de  Bourbon,  ap- 
pelé Monsieur  leDuG  {voy.  Bourbon, 
Louis-Henri,  V,  349),  était  premier 
ministre  de  Louis  XV  depuis  la  mort 
du  régent  (1723).  Ce  jeune  prmce, 
alors  chef  de  la  maison  de  Condé, 
avait  des  défauts;  mais  sa  libéralité  et 
un  courage  digne  de  son  nom  lui  fai- 
saient pardonner  son  emportement 
et  sa  fierté.  Duclos  prétend  que  la 
marquise  de  Prie  avait  entrepris  d'a- 
bord de  plaire  au  régent;  mais  elle 
trouva  qu'il  ne  donnait  pas  à  ses  maî- 
tresses de  part  dans  les  affaires  :  l'i- 
vresse même  ne  lui  arrachait  pas  une 
indiscrétion.  Elle  se  rabattit  sur  le  duc 
de  Bourbon ,  arrangea  une  de  ces  ren- 
contres qui  irritent  d'abord  un  désir 
curieux.  Après  l'avoir  agacé,  sous  le 
masque,  au  bal  de  l'Opéra,  elle  l'inté- 
ressa en  laissant  voir  tout  son  esprit  et 
un  ou  deux  charmes  entre  mille  qu'elle 
cachait.  Au  second  rendez-vous,  elle 
fut  un  peu  moins  sévère;  au  troisième, 
le  masque  fut  levé.  Le  duc,  séduit, 
quitta  toutes  ses  maîtresses;  aucune 
n'égalait  la  marquise  en  beauté ,  en 
licence  et  dans  cet  art  de  la  volupté 
qu'elle  avait  appris  des  dames  ita- 
liennes. Le  bon  mari,  sans  jalousie, 
se  vanta  dans  le  monde  des  bontés  du 
prince.  «C'est  au  point,  disait-il,  que 
son  altesse  vient,  sans  façon,  man- 
ger ma  soupe  et  coucher  chez  moi.  » 
L'inimitié  de  M"'*  de  Prie  et  de  sa  mère 
en  vint  à  un  tel  oubli  des  bienséances 
qu'elles  se  reprochèrent  en  public 
leur  genre  dévie  et  leurs  infidélités;  la 
mère  en  avait  fait  quelques-unes  à 
Leblanc,  ministre  de  la  guerre,  et  la 
fille  en  faisait  tous  les  jours  à  M.  le 
duc.  Ces  deux  dames  se  disputaient 
alors  le    beau   marquis  d'Angênes; 
mais  il  avait  de  l'ambition,  il  resta  à 
la  fille.  On  fit  des  chansons  horribles 


PRI 

contre  elle  et  M.  le  duc;  elle  en  ac- 
cusa Leblanc,  dévoila  ses  profusions 
dans  la  maison  de  Mme  de  Pléneuf,  et 
quoiqu'il  eût  été  absous  par  le  parle- 
ment, elle  jura  qu'il  pourrirait  à  la 
Bastille  ;  et  il  y  fut  retenu  pendant 
huit  mois.  Enfin  elle  le  fit  exiler  en 
province.  On  assure  qu'elle  tenta  de 
se  délivrer  de  lui  par  un  duel  con- 
fié k  un  spadassin,  puis  par  le  poison. 
Mme  de  Prie  avait  deviné  que  M.  le 
duc  aurait  la  place  du  régent,  menacé 
d'apoplexie,  et  à  peine  fut-il  en  effet 
nommé,  qu'elle  s'empara  de  l'esprit 
des  ministres  et  des  commis.  Bre- 
teuil,  ministre  de  la  guerre  depuis  la 
disgrâce  de  Leblanc  {voy.  ce  nom, 
LXXI,  26),  eut  l'adresse  de  la  rendre 
infidèle,  ce  qui  le  fit  conserver.  Dodun , 
ministre  des  finances,  qui  vit  dans  Pa- 
ris-Duverney  un  rival  dangereux, 
s'accoutuma  près  de  la  favorite  aux 
fonctions  de  valet  de  chambre.  Tous 
étaient  les  créatures  de  Dubois,  et  le 
régent  les  avait  fait  parodier  dans  des 
proverbes  qu'on  jouait  à  huis  clos, 
M"»»  de  Prie  choisit  les  quatre  frères 
Paris  pour  former  le  comité  des  fi- 
nances, et  voulut  que  tout  se  concer- 
tât chez  elle  avant  d'être  présenté  à 
M.  le  duc.  Les  Paris  laissaient  à  ajou- 
ter, à  corriger,  afin  que  la  maîtresse 
pût  faire  admirer  sa  sagacité  à  l'a- 
mant. En  attendant  mieux,  elle  se  fit 
donner  la  pension  de  quarante  mille 
livres  sterling  que  l'Angleterre  avait 
payée  au  cardinal  Dubois  pour  les 
sacrifices  secrets  qu'il  faisait  au  mi- 
nistreWalpole.  Le  cardinal  deFleury, 
depuis,  ne  fut  pas  moins  favorable 
aux  Anglais,  mais  il  ne  se  fit  pas 
payer.  Le  duc  d'Orléans,  fils  du  ré- 
gent, n'aimait  point  que  M.  le  duc 
le  dominât;  il  croyait  être  «on  supé- 
rieur par  le  rang,  l'esprit  et  l'éduca- 
tion   qu'il   devait  au   savant   abbé 
Mongault.  Le  prince  son  père,  qui 


PRI' 

savait  trop  quels  intrigants  se  glis- 
sent dans  les  cours,  jugeant  à  mer- 
veille la  probité  de  son  fils  et  son 
goût  délicat  et  classique  (deux  ob- 
stacles aux  grandes  affaires) ,  lui  dit 
un  jour:  •  Sachez,  mon  fils,  que 
«  vous  ne  serez  jamais  qu'un  honnête 
«  homme.  »  Malgré  la  prédiction,  le 
jeune  duc  ne  fut  pas  moins  ferme 
sur  ses  droits  de  premier  prince 
du  sang  ;  il  laissa  à  son  parent 
le  pouvoir,  mais  il  le  força  de  se 
ployer  aux  égards  qu'il  devait  à  l'hé- 
riiier  présomptif  de  la  couronne, 
au  point  de  l'amener  à  venir  lui  ap- 
prendre qu'il  était  premier  ministre. 
M"'  de  Prie  imagina  une  grande 
promotion  de  chevaliers  des  ordres 
et  de  maréchaux  ;  à  défaut  d'estro- 
piés à  la  guerre,  elle  choisit  des  sei- 
gneurs sans  mérite  et  contrefaits. 
Le  nombre  des  chevaliers  fui  si  grand 
«jue  personne  ne  se  tint  honoré.  Du- 
clos,  réservé  avec  les  grands  parce 
qu'il  était  reçu  dans  leurs  familles, 
avoue  que  plusieurs  de  ces  élus 
étaient  d'assez  mauvais  aloi.  Le  pu- 
blic continua  d'être  ingrat  et  satiri- 
que. M.  le  duc  vit  les  trois  factions, 
du  parlement,  de  Fleury  et  du  duc 
d'Orléans ,  prêtes  à  se  réunir  con- 
tre son  ministère.  La  marquise  di- 
sait à  son  amant,  affligé  des  troubles 
de  l'État .:  «  C'est  l'usage  des  Fran- 
•  çais,quand  ils  sont  trop  bien.»  Elle 
approuva  des  rigueurs  contre  les 
protestants,  quoiqu'elle  fût  philoso- 
phe ,  au  moins  autant  que  Voltaire. 
En  1725,  on  promena  la  châsse  de 
sainte  Geneviève.  «  Le  peuple  est  fou, 
«  dit-elle;  ne  sait-il  pas  que  c'est  moi 
«  qui  fais  la  pluie  et  le  beau  temps?  » 
Elle  crut  que  rien  ne  mortifierait 
plus  le  duc  d'Orléans  que  le  mariage 
du  roi  Louis  XV  avec  M" «de  Verman- 
dois,  sœur  de  son  amant.  Cette 
princesse,  élevée  à  Fonte vrault,  était 


PRI 


51 


spirituelle,  belle  et  «  très-capable, 
«  dit  Voltaire,  de  donner  des  enfants 
«  à  l'État.  >  Mais  il  était  important  de 
démêler  si,  dans  le  caractère,  il  y 
aurait  quelque  indice  qu'elle  aimât 
la  domination.  M™»  de  Prie  partit 
pour  Tours,  déguisée,  avec  les  lettres 
de  M.  le  duc.  Tout  la  charma  dans 
M"'  de  Vermandois,  mais  elle  eut  la 
curiosité  d'apprendre  ce  qu'on  disait 
dans  le  couvent  d'une  marquise  de 
Prie,  en  grande  faveur  près  de  M.  le 
duc. «Oh!  madame,  répondit  l'ingé- 

•  nue  princesse,  je  connais  trop  bien 
«  cette  méchante  créature. C'est  d'elle 
>  qu'on  médit  le  plus  dans  cette  sainte 
«  retraite.  Qu'il  est  fâcheux  que  mon 
«  frère  ait  près  de  lui  une  personne 
«  qui  seule  le  fait  détester  de  toute  la 
«  France  !  Pourquoi  ses  bons  amis  ne 

•  lui  conseillent-ils  pas  de  l'éloigner 
«  de  sa  personne?  •  M™*  de  Prie,en  sor- 
tant, s'écria  avec  fureur  :  «Voilà  donc 
«  mon  arrêt!  mais  tu  ne  le  prononceras 
«  qu'ici.  Va,  tu  ne  seras  point  reine  de 

•  France.»  A  son  retour,  elle  dissimula 
avec  M.  le  duo.  il  fallait  persuader  à 
Pàris-Duverney,  qui  gouvernait  les 
plus  grandes  affaires  d'État,  qu'après 
ce  mariage  il  aurait  cinq  maîtres  au 
lieu  d'un ,  et  que  le  plus  absolu  se- 
rait la  jeune  reine.  M.  le  duc  tourna 
les  yeux  vers  d'autres  maisons.  D'à 
bord  il  ne  voulut  pas  d'une  Lorraine, 
elle  était  alliée  de  trop  près  au  duc 
d'Orléans;  la  Portugaise  parut  sortie 
d'un  sang  redoutable  aux  maris; 
l'Allemande,  avec  des  taches  dans  la 
famille,  avait  de  médiocres  domaines; 
la  naissance  de  la  fille  de  la  czarine 
était  équivoque,  sa  conduite  suspecte, 
et  sa  nation  encore  barbare.  Où  trou- 
ver une  princesse  propre  à  se  laisser 
gouverner  par  la  favorite  ?  Pàris-Du- 
verney  proposa  la  fille  de  Stanislas, 
roi  de  Pologne  détrôné.  Elle  devait  à 
la  nature  des  vertus  confirmées  par 


52 


PRI 


l'infortune.  Son  auguste  père,  appre- 
nant cette  nouvelle,  s'évanouit  ;  «  Je 
.  n'ai  quelquefois  désiré  ,  dit-ii ,  de 
.remonter  sur  le  trône  qu'ahn  de 
„plaQermafdle-,jen'ysonge  pUis; 
«ce  mariage  passe  mes  vœux.  «On 
forma  la  maison  de  la  reine  Le  sage 

Fleury  demanda  à  M.  le  duc  de  ne  ta- 
voriserquela  vertu,  et  le  prévint 

nue  la  tille  de  Stanislas  se  trouble- 
rait à  la  vue  des  dévergondées  de  la 
réeence:  recommandation  plaisante  a 
un  prince  qui  avait  pis  que  MH- de 

Parabère  et  la  Phalaris.  Entre  des 
choix  assez  bons,  et  plusieurs  don- 
îXw.le  duc  glissa  M- dePnee 

quelques  autres  qu'il  ne  connaissait 
pas  pour  cruelles.  Des  goûts  de  pas- 
sage font  croire  aux  princes,  et  même 
aux  autres  hommes  qui  ne  sont  pas 
moins  vains,  qu'ils  doivent  pardon- 
XM'V  des  faiblesses  qui  n'ont  ete  com- 
mises qu'une  fois,  et  pour  eux.  Fleury 
rêva  une  semaine  au  tour  qu  on  pren- 
drait pour  instruire  le  roi  du  devoir 

de  mari.  U  l'avait  élevé  dans  la  crainte 
des  femmes  ;lejour  de  l'arrivéed  une 

infante  qu'on  lui  destinait,  ce  jeune 
prince  avait  pleuré  comme  éperdu,  a 
l'idée  que  le  même  soir  on  le  force- 
rait de  coucfter  avec  elle.  Un  valet 

de  chambre  le  surveillait  la  nuit,  et, 
pendant  le  jour,  il  était  confie  a  des 
personnes  attentives  h  prolonger  son 
innocence.  Fleury  imagina  de  placer 
-       dans  la  chambre  de  cet  enfant  douze 
tableaux  erotiques  avec  des  inscrip- 
tions analogues.  De  son  côté,  M">'=de 
Prie  partit  en  poste  pour  Strasbourg 
avecun  but  plus  profond  que  celui  d  i- 
nitier  une  jeune  reine  aux  mystères 
de  l'hymen-,  c'était  de  la  mettre  en 
garde  contre  les  ennemis  qu'elle  allait 
trouver  à  la  cour.  Ces  ennemis,  on  le 
devine,  ne  pouvaient  être  que  ceux 
de  M'"«  de  Prie,  a  qui  la  princesse  de- 
vait ce  brillant  mariage,  mol  qui  Im 


PRl 

fat  assez  répété  -,  et  comme  les  dons 
soumettent  les  cœurs  par  la  recon- 
naissance, surtout;  si  elle  est  mêlée  . 
d'un  peu  de  honte,  la  marquise  donna 
jusqu'à  des  chemises  à  la  reine  future 
et  au  vertueux  Stanislas,  qui  en  avait 
moins  qu'un  bourgeois  de  Versailles 
depuis  qu'il  avait  perdu  sa  couronne. 
Trois  frères  Paris  créaient  ou  chas- 
saient les  ministres,  et  ils  dédai- 
gnaient de  l'être.  Leur  origine  et  leur 
histoire  sont  très-piquantes,  {voy. 
Pabis-Duvernev,  XXXII,  572).  M- 
de  Prie,  pour  avoir  plus  d'argent, 
supposa  un  déficit,  et  menaça  d'une 
guerre.  Les  Paris  trouvèrent  le  mot 
de  cinquantième  pour  ne  pas  effrayer 
les  contribuables  •,Dodun,  ministre 
des  finances,  assuraque  l'Etat  devait 
cinquante-sept  millions  d'arrérages, 
et  que  le  cinquantième  n'en  paierait 
pas  la  moitié.  Le  témoignage  d'un 
ministre  entraînait  alors  le  conseil, 
qui  ne  connaissait  ni  les  dépréda- 
tions ni  les  besoins  de    l'Etat.  La 
favorite  ne  pouvait  se  soutenir  qu'en 
répandant    l'or   à    pleines    mains. 
Voyant  Fleury  tout  près  de  supplanter 
M.  le  duc,  elle  résolut  d'opposer  la 
puissance  royale  au  clergé  et  au  par- 
lement, et  fit  affirmer  par  Dodun 
qu'à  la  mort  du    régent   il  s'était 
trouvé  dix-neuf  cents  millions  cin- 
quante mille  livres  de  capitaux  de 
rent*e.  Remarquez  que  Louis  XIV  y 
était  pour  les  trois  quarts  ;  le  fameux 
Law,  assez  puni,  était  comptable  du 
reste.  M'"«  de  Prie  aurait  dû  s'atten- 
dre que  le  fils  et  la  veuve  du  régent 
repousseraient  cette  attaque.  Con- 
foiuiue,  haïe  et  méprisée,  elle  lutta 
contre  tous  les  corps  de  la  nation  ; 
l'impôt  fut  résolu,  et  les  baïonnettes 
escortèrent  ledit  de  justice.  Cette 
furie  fit  courir  le  bruit  que  le  roi, 
comme  Louis  XIV,  montrerait  son 
louctau  parlement,  et  qu'à  la  moin- 


mi 


'PRI 


S3 


dre  résistance  ce  corps  serait  exilé. 
Toutes  les  cours  tirent  des  remon- 
trances respectueuses  que  la  de  Prie 
ne  lisait  jamais  jusqu'au  bout.  «  Cela 
«  sentait  la  province,  disait-elle,  c'é- 

•  tait  pitoyablement  écrit.  «M.  le  duc, 
qui  avaitdes  monvements  vers  le  bien 
qu'elle  savait  réprimer,  apporta  un 
matin  à  sa  toilette,  où  elîe  tenait  une 
cour,  les  remontrances  de  deux  parle- 
ments, et  lui  dit  :  •  Qu'avez-vous  à  ré- 

•  pondre  à  des  faits,  à  des  raisons  qui 
«  ont  touché  le  conseil? — Ils  me  tou- 
■  cheront aussi,»  interrompit-elle,  et 
d'un  geste  très-significatif  elle  envoya 
ces  remontrances  à  sa  garde -robe. 
Le  pain  ayant  manqué  vers  la  fin  de 
l'été  ;  le  peuple  menaça  le  cousin  de 
M""* de  Prie,  nommé  d'Ombreval,  lieu- 
tenant de  police  ;  il  voulait  le  pendre 
avec  le  prévôt  des  marchands,  accusé 
aussi  d'accaparement.  L'issue  fut  le 
rejet  de  l'impôt  du  cinquantième. 
Alors  M.  le  duc  retraucha  les  pensions 
de  Louis  XIV,  du  régent,  et  réduisit 
à  la  moitié  celles  que  le  roi  majeur 
avait  données.  Tout  le  bruit  se  passa 
à  Versailles,  séjour  moins  dangereux 
que  Paris  pour  les  ministres.  Fleury 
n'était  pas  avide  d'argent ,  comme 
Dubois,  Samuel  Bernard  et  les  Paris. 
Son  ambition  s'accordait  avec  le  bien 
de  l'État  ;  premier  ministre,  il  éloi- 
gnait la  marquise.  Pour  commencer 
cette  guerre  de  cour,  elle  essaya  d'un 
stratagème  :  la  reine  fut  engagée  à 
faire  venir  le  roi  chez  elle.  On  l'y  oc- 
cupa long-temps  pendant  que  la  porte 
était  fermée  au  cardinal.  Mais  l'adroit 
ministre  connaissait  son  empire  sur 
son  élève;  il  partit  pour  Issy.LouisXV, 
affligé,  demanda  à  tous    les   courti- 
sans son  précepteur,  qui  avait  laissé 
une  lettre  ferme  avec   du  respect, 
jime  jg  pf  jg  ^  encore  plus  légère  que 
rusée,  ne  s'était  pas  rap|>elé  les  pleurs 
du  prince  quand  le  précepteur  suivit 


Villeroi ,  exilé  par  le  régent.  Fleury 
seul  s'en  souvint,  et  ne  se  trompa 
point  en  jouant  la  même  comédie. 
Cejjendant  personne  n'avait  osé  ren- 
dre sa  lettre  au  roi.  Le  duc  de  Morte- 
mart,  le  moins  timide  entre  les  cour- 
tisans, la  remit,  et  à  la  rue  des  larmes 
du  roi  :  «Votre  majesté,  lui  dit-il, 

•  n'est-elle  pas  le  maître  de  rappeler 

•  son  précepteur?  Je  déclare,  sire, 

•  que,  si  vous  me  l'ordonniez,  j'irais 

•  le  reprendre  ù  Issy,  et  je  le  met- 

•  trais  dans  mon  carrosse.  Je  ferais 

•  plus  encore,  j'irais  dire  à  M.  le  duc 

•  lui-même,  mais  toujours  de  la  part 
«  de  votre  majesté,  qu'elle  lui  or- 

•  donne  d'envoyer  sur-le-champ  un 
«  courrier  à  M.  de  Fleury  pour  lui 
«  mander  de  revenir.»  Le  roi  prononça 
le  mot /ordonne  de  son  propre  mou- 
vement. Mortemart  partit  à  l'instant 
pour  le  signifier  à  M.  le  duc,  qui  ré- 
pondit :   •  Vous  vous  êtes  chargé 

•  d'une  mauvaise  commission.  »  Ce- 
pendant il  la  fit  exécuter.  Si  l'on  en 
croit  les  lettres  du  marquis  de  Silly, 
le  goiit  de  Louis  XV  pour  la  reine 
commençait  à  n'être  que  marital; 
il  ne  regardait  pas  M™®  de  Prie,  à 
moins  qu'il  ne  lui  défendît  de  donner 
son  avis.  Il  l'accusait ,  avec  Samuel 
Bernard  et  les  Paris,  de  consommer 
la  ruine  du  peuple  en  se  rendant  maî- 
tres du  crédit ,  du  numéraire  et  du 
gouvernement.  La  marquise  s'exila 
presque  de  la  cour.  Écrivant  au  duc 
de  Richelieu  que  la  duchesse  de  *** 
s'arrachait  les  cheveux  par  suite  d'une 
infidélité,  et  que  deux  rivales  s'étaient 
décoiffées  dans  un  salon ,  elle  ajoutait  : 

•  Je  viens  d'éprouver  les  dernières  hor- 
«  reurs  par  ceux  que  j'avais  le  mieux 
«  servis.  Je  n'ai  d'autre  consolation 

•  que  celle  devoir  mes  ennemis  raen- 

•  tir  pour  me  nuire.  Je  ferais  plus  île 
«cas  d'une  retraite;  en  n'excitant 
"  plus  l'envie ,  ou  ne  verra  que  les 


w 


PRI 


/•faits  existants  dans  ma  conduite; 
«j'obtiendrai    bientôt   l'estime  des 

•  honnêtes  gens  et  la  justice  qui 
«  m'est  due;  j'aurai  de  plus  la  tran- 
«  quillité  et  le  repos;  on  ne  m'im- 
«  putera  plus  de  gouverner  des  gens 
«  qui  ne  sont  pas  d'humeur  à  l'être. 
«  Je  ne  veux  pas,  lorsque  leur  gloire 
«  a  toujours  fait  mon  unique  objet, 
«  me  trouver  aujourd'hui  le  prétexte 
«  dont  on  la  veut  affaiblir.  Je  veux 
«  bannir  tout  ce  qu'il  y  a  de  forcé 

•  dans  mon  état,  et  n'en  réserver  que 
■  ce  qui  est  naturel  à  une  femme  de 
«  condition  qui  ne  veut  se  mêler  de 
«  rien ,  et  qui  n'est  pas  faite  pour 
«  qu'on  lui  demande  deux  fois  compte 
«  d'une  conduite  oii  elle  n'a  rien  à  se 
u  reprocher  qu'une  négligence  folle 
«  pour  tous  ses  intérêts.  M.  le  duc  est 
«  trop  éclairé,  trop  ferme,  et,  j'ose 
«  dire,  trop  entêté  pour  avoir  suivi 
«  mes  conseils  avec  la  moindre  com- 
«  plaisance.  Je  n'ai  jamais  rien  vu  de 
«  si  noir,  de  si  bas,  de  si  faux,  de  si 
«  méprisable  que  tout  ce  que  je  vois 
«  à  la  cour;  M.  le  duc  seul  paraît  di- 
«  gne  de  ma  vénération;  la  fermeté, 
«  la  vivacité  avec  laquelle  il  agit  sur 
«mon  chapitre,  le  rendent  à  jamais 
«  maître  de  ma  vie,  que  je  donnerais 
«  avee  joie  pour  son  service.  Le  pau- 
«  vre  Voltaire  me  fait  pitié;  il  a  fait 
«  une  étourderie  qui  n'est  pas  excu- 
«  sable.ll  n'avait  qu'à  ne  pas  se  mon- 
«  trer  à  Paris,  il  n'aurait  pas  été  pris 
«  ailleurs.  Il  a  la  Bastille  pour  prison 
«  et  il  voit  ses  amis.  »  (1725.)  Après 
avoir  lu  cette  lettre,  qui  ne  s'écrie- 
rait :  «  Non,  ce  n'est  pas  là  une  mé- 
chante femme  !  »  L'honnête,  mais  rusé 
Fleury,  jugeant  le  moment  favorable, 
se  jeta  aux  pieds  du  roi  pour  accuser 
M.  le  duc  des  malheurs  publics.  «  Vous 
«  n'êtes  plus  un  enfant,  sire,  lui  dit- 
«  il.  montrez-vous;  il  est  leiiips  de 

•  gouverner  vous-même.  »  Ces  mots 


PRI 

furent  suivis  d'une  petite  leçon  dans 
l'art  de  dissimuler,  que  tant  de  par- 
ticuliers pratiquent  et  ne  pardonnent 
jamais  aux  grands.  Louis  XV,  au  mo- 
ment de  partir  pour  Rambouillet,  dit 
à  M.  le  duc  qu'il  l'y  attendrait  pour 
une  partie  de  plaisir,  et  il  l'avait  déjà 
exilé!  La  veille  ils  s'étaient  promenés 
en  calèche  ;  le  roi  avait  affecté  l'air 
serein.  Charost  suivit  M.  le  duc  dans 
son  cabinet;  il  avait  deux  lettres, 
l'une  fort  douce  oîi  le  roi  disait  qu'il 
voulait  gouverner,  qu'il  supprimait 
la  charge  de  premier  ministre,  et 
qu'il  désirait  que  M.  le  duc  allât  pas- 
ser quelque  temps  à  Chantilly.  Dans 
le  second  billet,  le  roi  parlait  en  maî- 
tre ;  il  ne  devait  être  remis  que  dans 
le  cas  où  la  lettre  polie  ne  produirait 
point  son  effet.  Le  duc  de  Charost, 
étourdiment  ou  à  dessein,  présenta 
d'abord  la  plus  dure.  M.  le  duc,  ému, 
mais  avec  dignité,  répondit  «  qu'ac- 

•  coutume  à  donner  l'exemple  de  la 
«soumission  à  sa  majesté,  il  était 
»  surpris  qu'elle  lui  transmît  ses  or- 
«  dres  avec  ce  ton  peu  ordinaire.  » 
Et  il  partit  sur-le-champ  pour  Chan- 
tilly (1726).  Le  cardinal  courut  porter 
la  nouvelle  à  la  reine,  qui  pleura.  Le 
roi  soupa  très-gaîment.  Le  duc  de 
Bourbon  écrivit  à  sa  mère  qu'il  re- 
gardait sa  disgrâce  comme  le  com- 
mencement de  son  repos.  Le  duc  de 
Richelieu  attribua  la  perte  du  pre- 
mier ministre  à  Pâris-Duverney,  qui 
avait  ruiné  les  finances.  •  11  est  bien 
«  rare,  écrivit-il,  detrouver  un  bour- 
«  geois  capable  de  penser  dans  le 

•  grand,  et  qui  ait  la  connaissance 
«  d'une  cour.  Le  pauvre  garçon  n'en 
«  avait  pas  même  l'idée.  Il  s'imaginait 
«  qu'en  gagnant  tous  les  valets  du 
«  roi,  il  en  serait  le  maître  ;  il  y 
«  avait  mis  toute  son  habileté,  sans 
«  croire  ce  que  je  lui  avais  dit  tant 
■  de  fois,  qu'il  était  bien  vrai  que  les 


PRI 

«  valets  l'avertiraient  de  tout  ce  qui 
«  se  passerait ,  mais  que  ce  serait  les 
«  seigneurs  qni  le  perdraient,  et  que 
«  tant  qu'il  n'en  aurait  point  pour 
«  prendre  son  parti,  et  justifier  les 

■  sujets  de  prise  qu'il  pouvait  donner 
«  contre  sa  conduite,  tout  son  petit 
«  manège  ne  servirait  qu'à  l'instruire 

•  de  sa  perte  quelques  jours  avant 
«  qu'elle  arrivât.  Je  me  suis  trompé 

•  en  ce  seul  point,  car  il  l'ignorait  la 
«  veille.  »  11  n'y  a  dans  cette  lettre 
à  reprendre  que  l'orgueil  du  duc, 
oubliant  qu'il  descendait  de  Vigne- 
rot,  joueur  de  luth.  On  sait  que  le 
parlement  de  Paris  et  Louis  XV  l'en 
Grent  souvenir.  (Voy.  les  Maisont 
historiques^  tome  I".)  Le  cardinal  de 
Fleury  fut  petit  dans  ses  vengeances, 
au  point  d'inventer  un  prétexte  qui 
interdît  la  chasse  à  M.  le  duc  dans  sa 
retraite.  Ce  prince  ne  put  goûter  de  dé- 
lassement que  dans  ses  laboratoires  de 
chimie  et  dans  son  cabinet  d'histoire 
naturelle.  11  commença  une  collection 
perfectionnée  depuis  par  Valmont  de 
Bomare.  La  brillante  marquise  Venait 
de  faire  admirer  son  adresse  sur  le 
psaltérion  au  concert  de  la  reine, 
lorsqu'on  y  annonça  la  disgrâce  de 
son  amant.  Sa  fureur  l'égara;  elle  re- 
procha à  cette  princesse  de  n'avoir 
ni  prévu  ni  empêché  la  catastrophe. 

■  SouflFrirez-vous ,  madame ,  lui  dit- 
«  elle,  l'injustice  qu'on  fait  à  51.  le 
«  duc,  vous  qui  lui  devez  la  couronne? 
n  Partez  de  ce  moment,  madame,  al- 
«  lez  demander  au  roi ,  et  à  genoux 
«  s'il  est  nécessaire ,  le  retour  de  ce 
«  prince ,  à  qui  vous  avez .  comme  à 
«  moi.  la  plus  grande  des  obligations. 
«  Souvenez-vous  que  nous  vous  avons 
«  faite  reine;  voici  l'occasion  d'enté- 
«  moigner  une  juste  reconnaissance.» 
Mais  le  lendemain  un  officier  des 
ganles  du  corps  vint  lui  annoncer 
qu'il  allait  la  conduire  dans  sa  terre 


PRI 


55 


de  Coorbépine,  près  de  Bernay.  La 
marquise  supporta  son  malheur  avec 
élévation  pendant  huit  jouri  ;  elle  y 
chercha  une  diversion  en  reprenant 
sa  correspondance  intime  avec  Riche- 
lieu; ils  avaient  eu  un  amour  de  pas- 
sage, et  ils  s'étaient  pardonné  des  in- 
fidélités mutuelles,  o  Je  suis  plus  près 
«  du  bonheur,  lui  disait-elle,  que  je  ne 
«  l'ai  été  depuis  huit  ans.  Je  n'ai  rien 
«  à  nwreprocftcr.Je  n'ai  rien  non  plus 
«  à  regretter  dans  un  pays  que  je  n'ai 
«  jamais  aimé.Je  serai  débarrassée  de 
«  la  peine  de  me  défier  de  ceux  avec 
«  qui  je  vivrai,  ce  qui  était  un  des 
«  plus  grands  malheurs  de  ma  situa- 

•  tion.  »  Enfin,  étant  fatiguée  d'un  an 
de  solitude,  et  Fleury  ne  la  craignant 
plus,  il  lui  fut  permis  d'aller  aux  eaux 
de  Forges,  rendez-vous  de  beaucoup 
de  maladies  et  d'intrigues  de  cour.Elle 
y  négocia  le  rappel  de  M.  le  duc,  mais 
enlaidie  par  le  chagrin  et  la  colère , 
elle  ne  séduisit  ni  les  jeunes  ni  les 
vieux  courtisans.  A  son  retour,  triste 
et  sans  espoir  de  place  et  de  pensions 
pour  ses  appas,  elle  essaya,  dans  son 
village ,  d'aimer  un  simple  gentil- 
homme du  nom  de  Brévédent.  L'am- 
bition chez  les  femmes  passionnées 
fait  taire  l'amour  physique  ;  il  faut 
qu'il  soit  excité  par  l'or  et  la  vanité. 
La  marquise,  autrefoissi  prompte  à  of- 
frir ses  faveurs,  fit  de  ce  Normand  un 
esclave  qui  devait  les  attendre  de  son 
respect.  Un  matin  (1727),  ayant  ^té 
long-temps  agitée,  elle  le  fit  appeler  : 
«  Mon  ami,  lui  dit-elle,  j'ai  passé  une 
«  bien  mauvaise  nuit ,  donnez  -  moi 
«  cette  fiole. -Elle  but  et  ajouta:  «Je 

•  vais  être  affranchie  des  chagrins  de 

•  ce  monde.  •  Brévédent  devine  que 
c'est  du  poison,  se  jette  à  genoux,  et 
la  supplie  d'en  arrêter  les  progrès. 
Elle  n'avoue  rien ,  et  lui  commande 
le  silence  devant  le  curé  du  village , 
qu'elle  vient  de  mander.  Elle  se  con- 


S6 


PRl 


fesse  et  reçôitdessacrements  profanés 
par  un  suicide  ;  mais  elle  était  ferme 
en  athéisme  comme  dans  son  mépris 
pour  la  mort.  Ses  douleurs  durèrent 
trois  jours  ^  ses  hurlements  furent 
entendus  à  plus  de  trois  cents  toi- 
ses dans  les  chaumières  consternées. 
Voltaire,  qui  louait  les  maîtresses 
des  premiers  ministres  et  des  rois , 
sans  que  cela  tirât  à  conséquence^ 
accordait  àM'"«  d^Prie,  en  1725, 

Un  esprit  juste,  gvacieiii, 

Solide  (l;ins  le  sérieux. 

Et  rhiiiujant  daus  les  liyga telles. 

Dans  le  nicme  temps  il  lui  dédia  sa 
comédie  de  V Indiscret,  acte  charmant 
où  nous  avons  vu  Mole  avec  ses  grâces 
légères  imitées  des  petits- maîtres  de 
la  cour.  Il  faudrait  avoir  plus  de 
soixante  ans, pour  goûter  l'Indiscret 
sur  la  scène;  la  simplicité  de  l'intri- 
gue et  du  style,  qui  était  si  fort  du 
goût  des  anciens,  serait  taxée  de  froi- 
deur par  les  romantiques  et  les  petits 
néologues.  Voici  les  plus  jolis  vers  de 
l'épître  de  Voltaire  : 

Si  rhéroïue  de  la  jtiècc, 

De  Prie,  eût  eu  votre  beauté, 

Ou  excuserait  la  faiblesse 

Qu'il  eut  de  s'être  un  peu  vantcl 

Quel  amant  ne  serait  tente 

De  parler  de  telle  maîtresse 

Par  un  excès  de  vanité, 

Ou  par  un  excès  de  tendresse? 

Eu  1760,  duns  sa  prose  plus  sérieuse, 
il  peignait  cette  favorite  légère,  intri- 
gante, ne  songeant  jamais  aux  con- 
se'quences,  et  M.  le  duc  son  amant 
comme  n'élant  pas  politique.  C-t-f. 
PiUËUR  de  la  Marne,  Vmi  des 
premiers  et  des  plus  ardents  provo- 
cateurs de  la  révolution,  était  au- 
paravant un  avocat  fort  accrédité , 
en  Champagne,  où  il  avait  vu  le 
jour  en  17C0.  On  sait  que  dans  toute 
la  France  ce  fut  sur  de  tels  hommes 
que  tombèrent  les  choix  du  tiers-état 
pour  les  États-généraux  de  l76'J. 


PRI 

Prieur  fut  élu  par  celui  de  Châlons. 

Dès  les  premières  séances,  il  y  mani- 
festa ,  pour  les  innovations  de  tous 
les  genres,  un  zèle  qui,  même  alors, 
parut  excessif.  Siégeant  à  l'extrême 
gauche  au  milieu  d'un  groupe  de 
trente  députés  que  dominait  Robes- 
pierre, et  que  Mirabeau  apostropha 
plus  d'une  fois  du  ton  le  plus  mépri- 
sant, Prieur  faisait  sans  cesse  reten- 
tir sa  voix  criarde  et  monotone,  se 
bornant  à  de  courtes  et  injurieuses 
déclamations  contre  les  aristocrates 
et  surtout  contre  le  clergé ,  dont  il 
se  montra  dès  le  commencement  un 
des  plus  fougueux  adversaires.  Dans 
le  discours  qu'il  prononça,  le  9  avril 
1790,  pour  appuyer  la  proposition  de 
Chasset,  il  ne  dissimula  point  les  mo- 
tifs de  la  spoliation  que  son  collègue 
avait  proposée.  Ce  discours  carac- 
térise assez  bien  ce  député,  comme 
aussi  les  plans  et  le  système  de  cette 
époque,  pour  que  nous  croyions  de- 
voir le  citer  :  «  Vous  vous  trouvez 
«  dans  un  moment  des  plus  intéres- 
«  sauts  pour  la  chose  publique.  Le 
«  royaume  est  dans  un  état  pénible. 
«  Si  vous  faites  une  opération  bien 
«  calculée,  demain  il  se.touvera  dans 
«  l'état  le  plus  florissant.  La  France 

•  en  un  jour  va  changer  de  face... 

•  Vous  vous  proposez  de  décréter 

•  400  millions  d'assignats  portant  iu- 
«  térét.  Si  l'hypothèque  est  certaine, 
«  chacun  se  les  disputera...  Avecquoi 

•  voulez-vous  payer  des  intérêts  et  le 

•  remboursement?  avec  les  revenus 
»  du  clergé,  avec  les  biens  du  clergé? 
«  mais  ne  manquera-t-on  pas  decon- 

•  iiance  en  cette  hypothèque,  tant  que 

•  ces  biens  ne  seront  pas  à  votre 
«entière  disposition?  M.  Chasset  a 

•  fait  un  rapport  qui  a  mérité  vos 
«  applaudissements  et  vous  a  tracé 

•  la  marche  que  vous  devez  suivre. 

•  11  faut  suas  déplacement  en  décré- 


PRI 

«  (er  les  trois  premiers  articles.  C'est 
«  d'eux  que  dépend  le  salut  de  l'État; 

•  ils  contiennent  les  bases  de  la  con- 

•  fiance...  ils  rappelleront  le  numé- 

•  raire  ;  ils  assureront  voire  liberté  ; 
«  ils  peuvent  seuls  vous  sauver...  »  On 
ne  peut  pas  douter  que  ce  ne  soit 
d'après  de  si  puissants  moti/s  que  le 
décret  ait  été  inmiédiatement  rendu. 
Quelques  jours  après  cette  dernière 
proposition,  la  demande  d'un  emprunt 
de  400  millions  sur  le  clergé  ayant  été 
renouvelée ,  Prieur  s'écria  que  •  ne 
«  possédant  plus  rien, il  ne  pouvait  plus 

•  rien  offrir.»  Voulant,  toutefois,  dans 
cette  importante  affaire,  se  donner 
quelque  apparence  de  modération,  il 
demanda  que  la  pension  des  religieux 
d'un  âge  plus  avancé,  même  celle  des 
jésuites  qui  vivaient  encore,  fût  aug- 
mentée. Il  est  vrai  que  plus  tard,  par 
une  sorte  de  compensation,  il  crut  de- 
voir parler  pour  la  réduction  du  trai- 
tement des  évèques.  Pendant  la  lon- 
gue session  de  cette  assemblée  dite 
constituante,  Prieur  s'occupa  beau- 
coup  de  l'organisation    des  tribu- 
naux, et  il  prit  une  grande  part  à 
l'institution  des  avoués,  destinés  à 
remplacer  les  procureurs.  C'était  sa 
spécialité,  et  il  fit  preuve,  dans  ces 
discussions,  de  sens  et  de  savoir.  Nous 
n'en  dirons  pas  autant  des  opinions 
qu'il  manifesta  contre  les  émigrés, 
dont  il  fut  un  des  premigrs  à  propo- 
ser la  spoliation,  et  que,  dans  la  séance 
du  28  février  1791,  il  traita  de  lâches 
et  de  factieux,  il  ne  montra  pas  moins 
de  violence  et  d'exaltation  lors  de  la 
fuite  du  roi,  dans  le  mois  de  juin  IT'J  i , 
et,  après  avoir  accusé  ce  prince  de 
trahison  ,  il  demanda  sa  déchéance 
et  le  remplacemeul  de  MM.  de  Bonnay 
etde  Sérent,  ses  collègues,  qui  avaient 
refusé  de  prendre  part  aux  délibéra- 
tions en  l'absence  du  monarque.  Ce 
fut  encore  lui  qui  lit  décréter  l'urres- 


PRl 


ST 


tation  de  MM.  de  Choiseul,  de  Damas 
et  de  tous  ceux  qui  avaient  concouru 
à  ce  fatal  voyage.  11  voulut  même  que 
Monsieur,frère  du  roi,  qui  avait  réussi 
à  se  sauver ,  fût  mis  en  jugement.  Nous 
ne  parlerons  pas  d'autres  motions  de 
peu  d'importance  qu'il  fil  contre  les 
ministres,  puis  en  faveur  de  Bonjour, 
de  Latude,  et  qui  toutes  furent  em- 
preintes de  l'esprit  de  révolution  le 
plus  exalté,  il  fut,  à  la  même  époque 
(1791),  président  de  la  société  des  Ja- 
cobins, où  il  ne  se  fit  pas  moins  remar- 
quer par  l'exagération  de  ses  prin- 
cipes. Après  la  session  de  l'assem- 
blée, il  fut  élu  vice-président  du  tri- 
bunal criminel  de  Paris,  et  il  en  exer- 
ça les  fonctions  jusqu'au  mois  de  sept. 
1792,  où  il  fut  élu  député  à  la  Cou- 
ventiop  nationale  par  le  département 
de  la  Marne  en  même  teujps  que  le 
fameux  Drouet  et  l'ignoble  Armou- 
vilie  {voy.  ces  deux  noms,  LVi,  4o7, 
et  LXII,  590).  Dès  l'ouverture  de  la 
session,  on  l'envoya  comme  commis- 
saire à  l'armée  de  Dumouriez,  qui  oc- 
cupait alors  une  partie  de  son  dépar- 
tement, et  il  fut  avec  Sillery  et  Carra 
l'un  des  négociateurs  de  l'évacuatiun 
du  territoire  par  les  Prussiens.  Re- 
venu à  l'assemblée,  il  eut  à  y  voter 
dans  le  procès  de  Louis  XVI,  et  quoi- 
qu'il sût  très-bien  ce  qui  avait  été 
promis  au  roi  de  Prusse  {voy.  Du- 
mouriez, LXIII,  161)  ,  il  n'hésita 
poiut  à  le  condamner.  «  Le  peuple 
■  entier,  dit-il,  l'a  accusé  de  conspi- 

•  ratiun  contre  sa  liberté  et  sa  sou- 

•  veraineté.  La  Convention  l'a  dé- 
«  ciaré  convaincu;  la  loi  a  fait  le 

•  reste,  en  prononçant  la  mort  contre 

•  les  conspirateurs.  Je  prononce  cet- 
«  te  peine  à  re^^rei;  mais,  comme  or- 

•  gane  impassible  de  la  loi,  je  pro- 
«  nonce  la  mort.  •  Il  vota  ensuiio 
contre  l'appel  au  peuple  et  le  sursis 
à  l'exéculiou.  T'.'ujuurs  lié  avec  le 


58 


PRI 


parti  le  plus  extrême,  il  se  montra 
dans  toutes  les  occasions  favorable 
aux  assassins  de  septembre,  et  de- 
manda positivement  ,  le  8  février 
1793,  qu'on  rapportât  le  décret  qui 
ordonnait  leur  poursuite.  Dans  le 
mois  de  mars  suivant,  Bre'ard  ayant 
refusé  de  se  charger  des  fonctions 
de  commissaire  de  la  Convention 
près  l'horrible  tribunal  révolution- 
naire dont  Fouquier-Tainville  était 
l'accusateur  public.  Prieur  les  accepta 
sans  peine;  et  il  les  remplit  pendant 
plusieurs  mois  jusqu'à  son  entrée  au 
comité  de  salut  public,  qui  eut  lieu 
dans  le  mois  de  juin  1794.  Sans  avoir 
une  grande  influence  dans  ce  gou- 
vernement de  la  terreur,  on  ne  peut 
pas  douter  qu'il  n'y  ait  joué  un  rôle 
important.  D'abord  envoyé  comme 
commissaire  aux  armées  du  Nord, 
des  Ardennes  et  du  Rhin,  il  se  rendit 
ensuite  danslaVendée;  et,  après  avoir 
assisté  à  la  victoire  qui  fut  remportée 
sur  les  royalistes  au  Mans,  il  se  trouva 
au  massacre  de  Savenay,  où  tous  les 
prisonniers  furent  si  impitoyablement 
égorgés.  Prieur  ne  se  montra  ce- 
pendant pas  toujours  impitoyable,  et 
l'on  a  même  prétendu  qu'il  donna  des 
conseils  d'humanité  à  Carrier,  qui, 
loin  de  les  suivre,  lui  dit  qu'en  ré- 
volution il  n'était  qu'un  imbécile. 
Mais  cette  impertinente  réponse  n'é- 
tant établie  nulle  part,  nous  en  dou- 
tons autant  que  de  l'avis  très-louable 
qui  y  aurait  donné  lieu.  Prieur  de  la 
Marne  ne  fut  que  peu  de  temps,  au 
comité  de  salut  public,  le  collègue  de 
Carnot  et  de  Robespierre;  mais  après 
la  chute  de  celui-ci  il  y  rentra  en  oc- 
tobre 1794,  et  fut  dans  le  même  mois 
président  de  la  Convention  nationale. 
Bientôt  effrayé  de  la  réaction  qui  sui- 
vit le  0  thermidor,  il  revint  à  ses 
premières  opinions,  et  lors  de  l'in- 
surrection démagogique  du  12  f^cr- 


PRÏ 

minai  (!«'  avril  1795),  il  fit  quelques 
propositions  en  faveur  de  la  révolte, 
demandant  entre  autres  la  liberté  des 
patriotes  détenus  depuis  la  chute  de 
Robespierre.  Accusé  pour  celapar  An- 
dré Dumont,  il  donna  à  ses  expres- 
sions un  sens  favorable ,  et  réussit  à 
conjurer  l'orage.  Moins  heureux  dans 
la  révolte  du  l®""  prairial  (20 mai  1795) 
à  laquelle  il  avait  également  pris  part, 
et  dont  il  avait  même  été  nommé  l'un 
des  chefs,  sous  le  titre  de  membre  de 
la  commission  extraordinaire  des- 
tinée à  remplacer  le  comité  de  salut 
public,  il  fut  décrété  d'accusation 
après  la  défaite  de  son  parti.  Lorsque 
pendant  la  nuit,  un  corps  de  troupes 
vint  pour  s'emparer  de  la  salle  que 
les  insurgés  avaient  abandonnée ,  il 
essaya  vainement  de  l'arrêter  en  s'é- 
criant  :  «  A  moi,  sans-culottes!  »  Les 
sans-culottes  n'étant  pas  venus,  il 
fut  obligé  de  se  sauver,  et  se  tint  ca- 
ché jusqu'à  l'amnistie  de  brumaire 
an  IV  (oct.  1795).  Alors  rentré  pour 
toujours  dans  la  vie  privée  et  resté 
sans  fortune,  il  prit  le  parti  de  suivre  le 
barreau  de  Paris,  et  vécut  ainsi  fort 
obscurément  jusqu'à  l'époque  de  la 
Restauration,  où  il  fut  banni  comme 
régicide  (1816).  S'élant  réfugié  à 
Bruxelles,  il  y  mourut  en  mai  1 827,  au 
moment  où  une  nouvelle  révolution 
ne  devait  pas  tardera  le  faire  rentrer 
dans  sa  patrie.  Prieur  avait  fait  à 
l'assemblée  nationale,  en  1791,  un 
long  rapport  sur  rétablissement  des 
sourds-muets,  qui  fut  imprimé  in-4°, 
dans  la  même  année.  M — d  j. 

P RIEU R- Du  uernofs,  ou  de  la 
Côte-d'Or  (Claude-Antoine),  député 
conventionnel ,  né  à  Auxonno ,  le 
22  décembre  1763,  fils  d'un  receveur 
des  finances,  fut  dès  sa  jeunesse  des- 
tiné à  lacarrière  du  génie  militaire, 
et  comme  Carnot,  son  compatriote  et 
Sun  ami ,  termina  ses  études  à  l'école 


PRI 

(le  Mézières.  Il  était  déjà  officier 
lorsque  la  révolution  commença ,  et 
il  s'était  fait  quelque  réputation  par 
l'application  des  sciences  physiques 
à  l'agriculture,  aux  arts  et  à  l'indus- 
trie. En  1790,  M.  de  Bonnay  le  cita 
honorablement  à  la  tribune  de  l'as- 
semblée constituante  comme  auteur 
d'un  mémoire  fort  remarquable  qu'il 
avait  adressé  au  comité  de  commerce  et 
d'agriculture,  et  qui  fut  imprimé  par 
ordre  de  l'assemblée.  Ayant  adopté 
avec  beaucoup  d'enthousiasme  les 
principes  de  la  révolution,  il  fut 
nommé,  en  1791,  député  du  départe- 
ment de  la  Côte-d'Or  à  l'assemblée 
législative,  où  il  siégea  dès  le  com- 
mencement avec  les  plus  ardents  ré- 
volutionnaires. 11  parla  peu  néan- 
moins à  la  tribune,  travaillant  beau- 
coup dans  les  bureaux  et  les  co- 
mités. Après  le  renversement  du  trône 
au  10  août  1792,  il  fut  chargé  d'aller 
porter  les  nouvelles  de  cette  révolu- 
tion à  l'armée  du  Rhin,  et  d'y  prendre 
des  mesures  pour  en  assurer  le  suc- 
cès. Réélu  député  à  la  Convention 
nationale  par  le  m^me  département, 
il  y  vota  la  mort  de  Louis  XVI,  sans 
appel  au  peuple  et  sans  sursis  à  l'exé- 
cution. Après  la  révolution  du  31 
mai  1793,  il  fut  envoyé  avec  Romme 
à  la  poursuite  des  débris  de  la 
Gironde  qui  s'étaient  réfugiés  en 
Normandie.  Ce  parti  ayant  d'abord 
obtenu  quelque  succès.  Prieur  et  son 
collègue  furent  mis  en  prison  àCaen. 
C'est  là  que  vint  les  trouver  un  agent 
de  Danton,  nommé  Desforges,  chargé 
de  pacifier  ces  contrées  par  des  moyens 
pé«uniaires,  et  qui  promit  aussitôt 
d'opérer  leur  délivrance ,  laquelle  en 
effet  ne  tarda  pas  à  s'effectuer.  Ce 
négociateur  secret  révéla  depuis,  à 
Prieur  et  à  Romme,  qu'une  somme  de 
250  mille  francs  qu'il  avait  adroite- 
ment distribuée  n'.ivait  pas  peu  con- 


PRI 


59 


tribué  au  succès  des  troupes  conven- 
tionnelles à  Vernon.  Revenu  à  Paris, 
Prieur  entra  dans  le  comité  de  salut 
public  en  même  temps  que  Carnot,  et 
on  l'y  chargea  surtout  de  surveiller 
la  fabrication  des  armes,  de  la  poudre 
et  de  tout  le  matériel,  tandis  que  sou 
ami  dirigeait  le  personnel  et  traçait 
les  plans  de  campagne  {voy.  Carnot, 
LX,  182).  Prieur  fut  occupé  jusqu'à  la 
révolution  du  9  thermidor  de  ces  tra- 
vaux importants.  Menacé  alors  par  le 
parti  qui  avait  renversé  Robespierre 
comme  complice  des  crimes  de  la 
terreur,  il  eut,  ainsi  que  Carnot,  beau- 
coup de  peine  à  se  défendre,  et  ne 
fut  à  la  fin  sauvé  que  lorsque  ses  ad- 
versaires se  virent  obligés  d'avouer 
qu'il  avait  aussi  concouru  à  organi- 
tcr  la  victoire.  Ce  fut  dans  ce  temps- 
là  que,  de  concert  avec  Carnot,  il  con- 
çut l'idée  de  cette  École  polytechnique 
qui  ne  tarda  pas  à  être  fondée,  et  qui 
a  eu  pour  la  France  de  si  beaux 
résultats.  Il  eut  encore  à  cette  époque 
quelque  part  à  la  création  de  l'Insti- 
tut, dont  cependant  il  ne  fut  pas 
membre.  Après  la  dissolution  de  la 
Convention  nationale ,  Prieur  passa 
par  le  sort  au  conseil  des  Cinq-Cents, 
où  il  s'occupa  beaucoup  du  nouveau 
système  des  poids  et  mesures.  Il  avait, 
dès  1790,  publié  des  mémoires  sur  la 
nécessité  et  les  moyens  de  rendre  uni- 
formes dans  le  royaume  toutes  les  me- 
sures d'étendue  et  de  pesanteur;  idée 
mère  ,  dictée  par  le  même  esprit  qui 
avait  demandé  l'abolition  des  diver- 
ses coutumes  de  la  France,  et  leur 
remplacement  par  une  méthode  uni- 
forme ;  mais  idée  beaucoup  plus 
grande  que  la  première,  qui  n'est  en 
quelque  sorte  que  locale  ;  idée  bien 
plus  vaste  dans  ses  développements, 
puisque  l'application  devient  une  loi 
physique  et  mathématique ,  indiquée 
par  les  lois  mêmes  de  la  nature, et  qui 


ao 


PRI 


se  réfère  à  leur  type  primitif.  En  1795, 
il  publia  une  Instruction  sur  le  cal- 
cul décimal,  et  fit  un  rapport  sur  les 
moyens  préparés  pour  établir  défini- 
tivement cette  uniformité  des  poids 
et  mesures  qui  a  prévalu,  et  qui  fut 
si  habilement  dirigée  plus  tard  par 
son  compatriote  et  son  ami  Gattey 
(voy.  ce  nom,  LXV,  169).  Lorsqu'il 
sortit  du  conseil  des  Cinq-Cents  en 
1798,  Prieur  sembla  prendre  en  dé- 
goût la  carrière  des  fonctions  publi- 
ques. Il  refusa  de  rentrer  dans  l'ar- 
me du  génie,  où  il  avait  depuis  plu- 
sieurs années  le  grade  de  chef  de  ba- 
taillon 5  et  il  établit  en  Bourgogne  une 
fabrique  de  papiers  peints  qui  eut  le 
plus  grand  succès  et  qui  assura  son  in- 
dépendance. C'est  dans  cette  position 
qu'il  a  passé  les  dernières  années  de 
sa  vie.  Il  avait  été  membre  de  l'aca- 
démie de  Dijon,  qui  le  rejeta  de  son 
sein  lors  du  remaniement  qui  se  fit 
sous  la  Restauration,  de  même  que 
Guyton  de  Morveau,  Monge  et  Car- 
not.  Comme  il  n'avait  rempli  aucune 
fonction  publique,  depuis  qu'il  avait 
cessé  d'être  législateur,  Prieur  ne  fut 
point  exile  en  1816  par  la  loi  contre 
les  régicides.  Il  mourut  à  Dijon ,  le 
11  août  1832,  laissant  toute  sa  fortune 
à  un  M.Menet,ancien  notait  e, qui  dans 
le  cours  de  la  révolution  avait  mani- 
festé les  mêmes  principes  et  les 
mêmes  opinions.  Prieur  ne  fut  pas 
seulement  un  des  fondateurs  de  l'É- 
cole polytechnique,  il  concourut  aussi 
à  l'établissement  du  télégraphe,  à  ce- 
lui du  bureau  des  longitudes,  du  con- 
servatoire des  arts  et  métiers,  etc.  11 
a  lu  ii  la  tribune  des  deux  assemblées 
dont  il  fut  membre  beaucoup  de  rap- 
ports et  de  mémoires  pour  plusieurs 
établissements  utiles  ;  enfin  il  a  in- 
séré un  grand  nombre  d'articles  dans 
les  Annales  de  Chimie  et  le  Journal 
de  l 'École  polytechnique.   M— d  j. 


PRI 

PRIMI-AMMONIO  (Jean  -  Bai»  - 
tiste),  comte  de  Saint-Majole,  était 
Mis  d'un  bonnetier  de  Bologne,  où  il 
naquit  vers  1G40.  Doué  d'une  belle 
figure,  d'un  esprit  agréable,  d'un 
grand  talent  pour  l'intrigue  et  la 
mystification,  il  vint,  comme  beau- 
coup de  ses  compatriotes,  chercher 
eu  France  une  de  ces  fortunes  dont  le 
sort  du  malheureux  Concini  n'étouila 
pas  l'ambition.  S'éiant  rendu  à  Lyon, 
il  y  prit  le  coche  pour  venir  à  Paris , 
et  fit  en  route  la  connaissance  d'un 
homme  d'esprit,  nommé  Du  Val.  Ils 
s'amusèrent  tous  deux  à  mystifier  un 
de  leurs  corapagnonis  de  voyage.  Du 
Val,  comme  beaucoup  de  gens  de  ce 
temps-là,  croyait  que  les  Italiens 
avaient  le  don  de  lire  dans  l'avenir, 
et  que ,  pour  une  si  importante  af- 
faire, il  leur  suffisait  d'avoir  sous 
leurs  yeux  une  pièce  de  l'écriture  de 
l'individu  sur  lequel  il  était  question 
de  prononcer.  L'abbé  Primi ,  car  il 
étaitccclésiastique,  mit  dans  les  ques- 
tions que  Du  Val  lui  adressa  sur  ce 
sujet  tant  de  réserve  calculée  et 
d'apparente  modestie,  que  celui-ci  se 
décida  à  lui  montrer  de  son  écriture. 
Primi  l'examina  avec  une  grande  at- 
tention ,  et  fit  une  énumération  aussi 
détaillée  que  curieuse  d'événements 
et  d'aventures  qui  confirmèrent  Du 
Val  dans  l'idée  qu'il  s'était  faite  des 
facultés  extraordinaires  de  son  compa- 
gnon de  voyage.  D'autres  voyageurs 
succèdent  au  questionneur  Du  Val , 
et  reçoivent  tant  sur  leur  passé  que 
sur  leur  avenir  une  foule  de  réponses 
qui  augmentent  leur  admiration.  Du 
Val,  de  plus  en  plus  charmé  des  ta- 
lents de  Primi,  l'assura  qu'il  ferait 
une  fortune  rapide  s'il  voulait  se 
confier  à  ses  conseils.  C'était  tout 
ce  que  désirait  l'ilalicu  :  aussi  s'aban- 
donua-t-il  à  son  ami  qui  était  bien 
venu  dans  le  grand  monde.  Arrives 


PR! 

k  Paris,  Du  Val  le  présenta  à  cetfab- 
bé  de  La  Baume ,  qui  devint  arche- 
vêque d'Embrun  et  qui  n'était  alors 
connu  que  par  ses  relations  avec  de 
grandes  dames,  auprès  desquelles  il 
réussissait  par  l'amabilité  de  son  es- 
prit et  la  beauté  de  sa  figure.  La  ren- 
contre de  Frirai  fut  pour  l'abbé  une 
véritable  bonne  fortune  :  il  s'en  em- 
para, et,  jugeant  tout  le  parti  qu'il 
pouvait  tirer  d'un  tel  homme,  il  le 
renferma  pendant  six  semaines  chez 
lui,  où  Primi  ne  vit  que  le  duc  deVen- 
dôme  et  le  grand-prieur  de  France. 
Ils  mirent  si  bien  à  prolit  cette  re- 
traite que  l'habile  Italien  fut  bieatôt 
au  courant  des  généalogies,  des  aven- 
tures galantes ,  des  histoires  scanda- 
leuses ,  des  haines ,  des  liaisons  et 
des  rapports  de  tout  genre  de  la  ville 
et  de  la  cour.  Quand  il  fut  bien  ca- 
pable de  jouer  son  rôle ,  l'abbé  de  La 
Baume,  qui  connaissait  M"^  Hen- 
riette d'Angleterre,  répandit  le 
bruit  qu'il  avait  eu  le  bonheur  de 
faire  la  connaissance  d'un  prêtre  ita- 
lien pour  qui  rien  du  passé  et  de  l'ate- 
nir  des  personnes  n'était  caché, pour 
peu  qu'il  vît  quelques  mots  de  leur 
écriture.  A  cette  époque  de  crédu- 
lité, grâce  à  l'adresse  comme  à  la 
circonspectioa  et  surtout  aux  con- 
naissances acquises  de  Primi,  la  cour 
et  la  ville,  les  plus  belles  dames, 
les  plus  grands  personnages  accou- 
rus chez  lui,  revenaient  enthousias- 
més de  son  habileté,  jugeant  de  ses 
prédictions  pour  l'avenir  d'après  ses 
révélations  du  passé.  Recherché, 
protégé  par  la  comtesse  de  Soissons, 
il  eut  beaucoup  de  succès  auxquels 
elle  ne  fut  pas  étrangère.  Madame 
même  voulut  voir  l'abbé  Primi  (car 
ce  nom  était  celui  qu'il  avait  alors 
adopté)  qui  l'étonna  par  tout  ce  qu'il 
Im  dit;  on  assure  qu'il  ne  garda  pas 
même  le  silence  devant  elle  sur  les 


ï>Ri 


61 


liaisons  qu'elle  avait  avec  le  comte 
de  Guiche.  Cette  princesse  fut  tel- 
lement émerveillée  de  son  pro- 
phète qu'elle  en  parla  à  Louis  XIV 
comme  d'un  homme  extraordinaire, 
et  le  pressa  de  donner  aussi  de  son 
écriture  à  examiner.  Le  roi  se  fit  un 
peu  prier,  et  remit  à  Madame  ua 
billet  qui  paraissait  écrit  de[sa  main. 
La  pièce  pseudographe  passa  bien- 
tôt sous  les  yeux  de  Primi,  qui  s'a- 
perçut de  la  supercherie  sans  le  té- 
moigner. «  Cette  écriture,  dit-il,  est 
celle  d'un  vieil  avare,  d'un  fesse-ma- 
thieu,  d'un  homme  enfin  absolument 
incapable  de  jamais  rien  faire  de  boa 
ni  de  remarquable.»  A  cette  réponse 
.Madame  fut  grandement  surprise  de 
voir  que  son  prophète  était  cette  fois 
en  défaut;  elle  ne  lui  cacha  pas  qu'elle 
était  convaincue  qu'il  avait  commis 
une  lourde  bévue;  mais  l'abbé  insista 
sur  la  véracité  de  sa  décision,  et  n'en 
voulut  rien  rabattre.  .Madame  rendit 
au  roi  le  billet  examiné  et  la  réponse 
du  prophète  qu'elle  vanta  un  peu 
moins  qu'auparavant.  Le  roi  fut 
étonné,  au  contraire,  d'une  habileté 
qu'il  avait  d'abord  révoquée  en  doute. 
L'écriture  qu'il  avait  envoyée  à  l'exa- 
men n'était  autre  que  celle  du  prési- 
dent Rose,  qui  en  effet  ne  passait  pas 
pour  un  esprit  élevé  ni  pour  un  cœur 
généreux. Ce  président,  secrétaire  du 
cabinet,  avait  l'habitude  et  le  talent 
de  contrefaire  l'écriture  de  Louis 
XIV,  qui  se  servait  quel<îuefois  de  la 
main  de  Rose  pour  répondre  à  cer- 
taines choses,  dans  le  cas  oii  il  voulait 
qu'on  crût  que  c'était  son  écriture. 
Tout  autre  que  l'abbé  italien  y  eût 
été  pris  ;  mais,  instruit  par  le  duc  de 
Vendôme ,  Primi  ne  fut  pas  dupe 
du  roi,  et  prononça  sur  le  président 
en  connaissance  de  cause.  Surpris  de 
la  réponse,  le  monarque  chargea  Bon- 
temps,  son  premier  valet  de  cham- 


62 


PRI 


PRI 


brc,  de  lui  amener  l'Italien  le  lende- 
main. «Primi,lui  dit-il  dès  l'abord, 
«  je  n'ai  que  deux  mots  à  vous  dire  : 
«  votre  secret,  que  je  paierai  avec 
«  deux  raille  livresdcpension;sinon, 
«  pendu .  »  L'abbé  avait,  comme  on 
s'en  doute ,  beaucoup  trop  d'esprit 
pour  hésiter  long-temps  :  il  préféra 
comme  de  raison  la  pension  de  deux 
mille  livres,  et  fit  aussitôt  au  mo- 
narque un  récit  très-circonstancié  et 
très-agréable  de  ses  diverses  aventu- 
res, de  son  voyage,  de  ses  liaisons  à 
Paris,  de  sa  retraite  de  six  semaines. 
Le  roi  émerveillé  passa  chez  les  rei- 
nes ,  et,  en  présence  de  la  cour ,  il 
leur  dit  :  «  J'ai  enfin  succombé  au 
«  désir  de  voir  Primi;  je  sors  d'avec 
«  cet  homme  extraordinaire ,  et 
«  j'avoue  qu'il  vient  de  me  dire  des 
«  choses  que  jamais  être  de  son  es- 
«  pèce  n'avait  dites  à  qu  i  qiie  ce  soit.  » 
On  sent  bien  qu'une  telle  communi- 
cation ne  fit  qu'ajouter  à  la  bonne 
opinion  qu'on  avait  du  devin.  Ses 
espérances  de  fortune  ne  firent  aussi 
que  s'accroître  avec  la  facilité  de  les 
réaliser.  Après  s'être  faufilé  à  la  cour 
du  plus  grand  roi  du  monde  par  des 
artifices  de  charlatanerie ,  l'abbé 
voulut  s'y  maintenir  par  des  moyens 
plus  graves  et  plus  honnêtes.  Il  se 
mit  en  tête  d'écrire  l'histoire  du  roi, 
et  de  succéder  à  Victor  Siri  dans 
l'emploi  d'historiographe  italien  : 
c'étaient  trois  mille  francs  d'appoin- 
tements qu'il  s'agissait  sinon  de  ga- 
gner, du  moins  d'obtenir.  Lié  avec 
Dangeau,  et  même  avec  Rose,  bonnes 
gens  sans  rancune  et  sans  beaucoup 
d'esprit,  il  avait  aussi  fait  la  connais- 
sance de  l'abbé  de  Choisy,  qui  s'était 
chargé  de  traduire  en  français  l'ita- 
lien de  Primi.  Ce  fut  dans  cette  cir- 
constance que  Louvois  lui  permit  de 
suivre  en  1G72  l'armée  qui  devait 
conquérir  la  Hollande.  Cette  campa- 


gne fut  écrite  et  même  imprimée.  En 
voici  le  titre:  Historia délia giierra 
d'OlandaneW  anno  1672.  InParigi, 
166î,  t  vol.  in-12.  La  traduction 
française  parut  la  même  année,  dans 
la  même  ville  et  du  même  format  que 
l'original.  Long-temps  après  on  en  fit 
une  traduction  en  anglais  qui  fut  in- 
sérée dans  le  recueil  des  Traités  de 
politique,  tom.  V";  Londres,  1705,  in- 
folio.  Cet  opuscule  en  deux  livres,  et 
quine  contientque  l'histoire  du  com- 
mencement de  la  campagne  de  Hol- 
lande, ne  fut  tiré  qu'à  un  petit  nombre 
d'exemplaires  .-  67  de  l'ouvrage  ita- 
lien, et  88  de  la  traduction,  qui  furent 
débités.  On  ne  s'en  souvient  guère  que 
parce  qu'il  servit  à  une  intrigue.  Char- 
les 11,  roi  d'Augleterre,  qui  pendant 
douze  ans  avîiit  assez  bien  gagné  par 
sa  docilité  anti-britannique  l'argent 
qu'il  touchait  de  Louis  XIV,  s'avisa  de 
céder  à  d'autres  inspirations  un  peu 
plus  morales.  Le  cabinet  de  Versailles, 
voyant  avec  dépit  ce  changement, 
imagina  un  moyen  de  chagriner  le 
monarque  anglais  :  on  répandit  quel- 
ques exemplaires  de  la  traduction 
française  de  l'ouvrage  historique  de 
Primi ,  qui  donnait  des  détails  fort 
clairs  sur  la  négociation ,  le  traité 
secret,  et  le  voyage  de  Madame  à 
Douvres  en  1600.  Cette  intrigue,  con- 
fiée à  Louvois,  ne  l'avait  pas  été  à 
M.  de  Croissy,alors  ministre  des  affai- 
res étrangères ,  qui,  ayant  vu  le  livre 
au  mois  de  juillet  1682,  lors  de  son 
apparition  ,  et  d'ailleurs  pressé  par 
Preston ,  ambassadeur  d'Angleterre , 
se  hâta  de  l'aller  porter  au  con- 
seil. Le  roï  feignit  d'être  surpris,  et 
prescrivit  de  mettre  Primi  à  la  Bas- 
tille et  de  saisir  ses  papiers.  Après 
celte  démonstration  plus  éclatante 
que  loyale ,  Primi  ne  resta  pas  long- 
temps en  prison  ,  car  dès  le  mois  de 
décembre  il  avait  ol)tenu  sa  liberté  et 


PRI 

une  gratiûcation  considérable.  On 
trouve  à  ce  sujet  de  curieux  détails 
dans  les  mémoires  de  Dairymple  qui 
nousa  conservé  la  correspondance  de 
milord  Preston.  Ce  fut  après  ces  évé- 
nements que  l'abbé  Primi  changea  de 
nom  ;  il  prit  celui  de  Primi  Visconti, 
comte  de  Saint-Majole ,  et  ensuite 
d'Ammonio.  11  paraît  que  ses  intri- 
gues, ses  liaisons ,  les  faveurs  de  la 
cour  et  l'attention  du  roi  ne  servi- 
rent guère  à  réaliser  à  un  haut 
degré  les  espérances  de  fortune  bril- 
lante qu'il  avait  conçues.  11  fallait 
aussi  qu'il  ne  fût  pas  fort  avancé  dans 
les  ordres  ecclésiastiques,  car  il  épou- 
sa la  fille  de  Frédéric  Léonard  ,  cé- 
lèbre imprimeur  à  Paris.  J.-B.  Rous- 
seau, qui  avait  une  haute  opinion  des 
talents  financiers  de  Primi ,  dit  à  pro- 
pos d'une  direction  de  finance  qu'il 
obtint  et  sur  laquelle  on  le  compli- 
mentait : 

Pal  TU  l'élève  de  Clio, 
SidtnUm  in  telenio. 
Combiner,  calculer,  rabattre  ; 
Sur  une  rente  au  denier  quatre 
Discourir  mieux  qu'Âmmonio. 

Primi-Ammonio  mourut  en  1714,  à 
Paris,  bien  revenu  de  la  vanité  de  pré- 
dire à  la  cour,  et  très-accoutumé  à  la 
vie  privée  des  bourgeois  de  la  rue  des 
Noyers,  où  il  demeurait.     D— b— s. 

PRIMO>'(CHARLES-FRÉDÉRIc),écri- 

vain  et  traducteur  danois,  né  à  Schles- 
wig,  le  13  août  1763,  termina  ses  étu- 
des à  Odensée,  dans  l'île  de  Fionie, 
en  1781,  fut  nommé  traducteur  royal 
en  1799,  et  mourut  en  1812,  On  a  de 
lui  :  i.  Middags  Posten,  feuille  heb- 
domadaire, Copenhague,  1793,  que  S. 
Poulsen  a  traduite,  prol^ablement,  du 
danois  en  allemand.  II.  Sur  les  éta- 
blissements charitables  àHambourg, 
traduit  de  laliemand  en  danois,  Co- 
penhague, 1795.  III.  Met  fantaisies 
{Mine  Lunn-),  Copenhague,  1797. 


PRI 


6S 


IV.  Nok  en  Dosis  om  det  Hollandske 
Document  og  Notarii-publici-Embe- 
det ,  Copenhague.  1798.  V.  Avis  au 
public,  par  l'auteur  du  Nok  en  Dosis, 
Copen.,  1798.  VI.  Relation  authen- 
tique de  la  guerre  entre  le  Danemark 
et  l'Angleterre,  Copenhague,  1801 
(en  allemand).  VII.  La  science  du  Bon- 
homme Richard  pour  devenir  riche 
et  heur  eus,  de  Franklin,  traduit  en 
danois.  Le  Borgervennen  a  rendu 
compte  de  cette  traduction  en  1801 
dans  son  n"  48.  VIII.  Sur  la  visite  des 
navires  neutres,  traduit  en  danois  de 
l'allemand  de  M.  H.  Borneman,  Co- 
penhague, 1801.  ÏX.  Description  d'un 
nouveau  poêle,  traduit  en  danois  de 
l'allemand  de  Floberg,  Copenhague 
1802.  X.  Étrennes  pour  tout  le  monde, 
Copenhague,  1804.  XI.  Petits  Con- 
tes d  la  manière  de  La  Fontaine,  Co- 
penhague ,  1805.  XII.  Fronts  Wil- 
burg,  roman  original,  Copenhague, 
1805.  XIII.  Nouveau  Livre  de  lec- 
ture, etc.,  Étrennes  aux  enfants, 
Copenhague,  1806.  XIV.  Diction- 
naire de  tous  les  mots  ou  expres- 
sions étrangères  qu'on  rencontre  fré- 
quemment dans  la  langue  danoise, 
avec  la  traduction  et  la  prononcia- 
tion, d'après  le  Worterbuch  der 
Fremde?i  AusdbGcke  tie  Campe,  Co- 
penhague, 1807.  XV.  Livre  de  con- 
versation, etc.,  à  l'usage  des  person- 
nes de  tous  les  états,  traduit  du  fran- 
çais, Copenhague,  1807.  XVI.  Livre 
de  lecture  allemande  de  Salzman,  ou 
Abécédaire  et  petit  livre  de  lecture 
de  Conrad  Kiefer,  avec  des  explica- 
tions en  danois  sur  les  mots  les  plus 
importants  de  la  langue  allemande, 
Copenhague ,  1808.  XVII.  Exercices 
de  style  pour  les  Danois ,  Copenha- 
gue, 1808.  XVIII.  Guide  par  Vile  de 
Sélande  et  par  la  Suède ,  contenant 
des  avis  stir  les  routes  de  la  poste  et 
des  voyageurs,  des  descriptions  abré- 


04 


PRI 


géendes  villes  principales,  etc., Co- 
penhague, 1808  (en  français).  XIX. 
Gioconda^  événement  arrivé  pendant 
la  guerre  des  Français  en  Italie,  tra- 
duction, Copenhague,  1809.  Primon 
a  inse'ré  plusieurs  pièces  de  vers  dans 
la  Minerva ,  et  dans  l'Iris  des  mé- 
langes en  prose  et  en  vers;  il  a  prêté 
son  concours  au  lexique  danois-alle- 
mand de  Keisler,  ainsi  qu'à  la  feuille 
hebdomadaire  Folkevennen  (  l'Ami 
du  peuple),  D — z — s. 

PRINA  (le  comte  Joseph),  minis- 
tre des  finances  du  royaume  d'Italie, 
naquit  à  Novare,  en  1768,  d'une  fa- 
mille honorable  et  aisée.  Après  avoir 
fait  son  cours  de  collège  à  Pavie,  il 
alla  étudier  le  droit  à  l'université  de 
Turin,  puis  entra  au  bureau  du  pro- 
cureur général  à  la  chambre  des 
comptes.  Nommé  substitut  en  1790, 
il  fut,  l'année  suivante,  chargé  par  le 
roi  Victor-Amédée  de  fixer  les  nouvel- 
les limites  entre  les  états  du  roi  de  Sar- 
daigne  et  la  France,  d'après  le  traité 
de  Cherasco.  Il  était  collatéral  de  la 
Chambre  des  comptes  lo  rsqu'il  fut  ap- 
pelé en  1798  à  l'intendance  générale 
des  iinances,  qui  se  trouvaient  dans 
le  plus  grand  désordre,  par  suite  de 
l'émission  d'une  immense  quantité 
d'assignats  et  de  monnaies  de  billon, 
d'une  valeur  fictive.  Pour  remplir  ce 
déficit,  Prina  ne  trouva  rien  de  mieux 
que  de  soumettre  à  l'impôt  tons  les 
biens  du  clergé.  Le  roi  Charles-Emma- 
nuel IV  ayant  été  forcé  d'abdiquer  le 
8  déc.  de  la  même  année,  et  de  quit- 
ter SCS  états  de  terre  ferme,  Prina 
fut  maintenu  dans  ses  fonctions  par 
le  gouvernement  provisoire ,  avec 
le  titre  de  ministre  des  finances.  Il 
fit  rendre  un  décret  qui  réduisait  le 
papier-monnaie  des  deux  tiers  de  sa 
valeur,  et,  par  un  impôt  extraordi- 
naire sur  la  propriété  inmiobilière,  il 
pourviit  aux  besoins  les  plus  urgents, 


PRt 

surtout  aux  exigences  des  généraux 
français,  alors  arbitres  du  Piémont. 
Cette  mesure  lui  attira  la  haine  de  la 
noblesse,  qui,  à  cette  époque,  comptait 
presque  tous  les  grands  propriétaires. 
Il  dut  se  soustraire  par  la  fuite  à  leur 
vengeance,  lorsque  les  Autrichiens 
occupèrent  le  Piémont  en  1799.  Après 
la  bataille  de  Marengo,  il  rentra  au 
département  des  finances,  mais  il  ne 
le  conserva  que  peu  de  temps,  par- 
ce que  le  Piémont  fut  annexé  à  la 
France  et  divisé  en  départements. 
Prina  se  rendit  alors  à  Milan,  capi- 
tale de  la  république  cisalpine,  dont 
dépendait  le  territoire  de  Novare.  En 
1802  il  fit  partie  de  la  consulte  ex- 
traordinaire rassemblée  à  Lyon,  et 
s'y  montra  un  des  plus  chauds  parti- 
sans de  Bonaparte.  Dans  la  dernière 
séance, après  la  lecture  de  la  nouvelle 
constitution  de  la  république  ita- 
lienne, Prina,  dont  le  nom  figurait 
parmi  les  74  membres  du  corps  lé- 
gislatif italien,  demanda  la  parole  et 
lit  sentir  combien  on  avait  droit  d'es- 
pérer qu'une  constitution  fondée  sur 
les  intérêts  et  la  situation  de  la 
cisalpine  lui  permît  d'atteindre  ra- 
pidement aux  belles  destinées  qui  lui 
étaient  promises.  «  Si  la  main  qui 
«  nous  a  créés  et  défendus,  ajouta-t- 
«  il,  veut  bien  se  charger  de  nous 
«  guider  vers  ce  but,  aucun  obstacle 
«  ne  peut  nous  arrêter,  et  notre  con- 
«  iiancc  doit  être  égale  à  l'admiration 
«  que  nous  inspire  le  héros  à  qui 
«  nous  devons  notre  bonheur.»  Cer- 
tes un  tel  langage  n'était  pas  d'un 
républicain,  et  le  souverain  le  plus 
absolu  en  eût  été  satisfait;  aussi, 
•'i  peine  arrivé  h  Milan,  Prina  fut 
nonnné  ministre  dos  finances,  place 
dans  laquelle  il  fut  confirmé  lors  de 
la  formation  du  royaume  d'Italie. 
Nous  ne  pouvons  mieux  faire  appré- 
cier son  ailministratiou  qu'en  citant 


PRI 

nne  page  des  Mémoires  tirés  des  pa- 
piers d'un  homme  d'état  (  tome  VIII, 
p.  430).  «  Prina,  y  est-il  dit,  souple 
«  instrument  des  exigences  de  Na- 
«  poléon,  torturait  son  génie  pour 
«  trouver  les  moyens  de  pressurer  un 

■  pays  auquel  on  avait  solennellement 

■  promis  tant  de  prospérité,   et  il 

•  acquérait  la  faveur  de  son  insalia- 
«  bie  maître  au  prix  de  la  haine  gé- 
«  nérale,  ce  qui  devait  plus  tard  le 
«  faire  tomber  sous  les  coups  d'une 

•  populace  furieuse  et  déchaînée.  Les 
«  projets  de  ce  ministre,  qui  fut  pour 

•  rilalie  ce  que  le  trop  célèbre  abbé 

•  Terray  avait  été  jadis  pour  la  Fran- 
«  ce,  n'étaient  soumis  à  aucun  genre 
'  de  contrôle  ;  Napoléon  voulait,  il 
«  fallait  obéir.  Cependant  toutes  les 
«  ressources  de  son  habileté  tortion- 
«  naire  se  trouvaient  épuisées  avant 
«  qu'on  renonçât  à  y  recourir  pour 
«de  nouvelles  exactions;  les  amé- 
«  liorations  imaginaires  pompeuse- 

•  ment  combinées  afin  de  couvrir 
«  tant  d'oppression  réelle,  et  publiées 
«  dans  les  gazettes  comme  une  preuve 
«  des  soins  paternels  du  monarque 
«  français,  étaient  pour  la  plupart  ou 
«  suspendues  ou  abandonnées,  d'au- 
«  tant  plus  que,  de  leur  côté,  les  géné- 
«  raux  français  employaient  tous  les 

•  moyens  en  leur  pouvoir  d'épuiser 

•  le  pays  pour  accroître  leur  propre 
^«  fortune.  »  Grâce  à  cette  condescen- 
dance pour  toutes  les  volontés  du 
maître,  Prina  obtint  les  plus  grandes 
faveurs.  Napoléon  le  créa  successi- 
vement membre  du  sénat,  grand-aigle 
de  la  Légion-d"Honneur,  grand-digni- 
taire de  la  Couronne-de-fer  et  comte 
de  Hempire. Lorsque  des  revers  inouïs 
eurent  succédé  k  des  triomphes  pius 
incroyables  encore,  la  ville  de  Milan 
fut  une  des  premières  où  la  réaction 
se  manifesta.  Dégarnie  de  troupes 
par  le  prince  Eugène,  qui  avait  à 

LXX\1II. 


PRI 


65 


combattre  non  «seulement  Parmée 
autrichienne,  déjà  bien  supérieure 
en  nombre,  mais  encore  le  roi  de 
Naples,  Joachim  Murât,  qui  venait  de 
se  joindre  à  la  coalition,  cette  ville 
fut  pendant  plusieurs  jours  livrée 
aux  désordres  de  rauarclue.  Tandis 
qu'on  discutait  au  sénat  le  parti  à 
prendre  dans  ces  conjonctures  extrê- 
mes, que  les  uns  proposaient  d'offrir 
la  couronne  d  Italie  à  un  prince  de 
la  maison  d'Autriche,  et  que  d'autres, 
en  plus  grand  nombre,  proposaient 
d'envoyer  uue  deputalion  aux  sou- 
verains allies,  afin  d'obtenir  le  prince 
Eugène  pour  roi,  les  républicains 
agissaient  sur  la  multitude  par  tous 
les  moyeos  en  leur  pouvoir.  A  eux 
se  joignirent  ceux  qui  avant  tout 
voulaient  l'indépendance  de  l'Italie 
sous  une  forme  de  gouvernement 
quelconque.  Parmi  ces  derniers  figu- 
raient le  général  Pinu,  les  comtes 
Goufdlonieri,  Boromei,  Trivulzi,  Fa- 
gudui,  etc.,  qui  se  réuiiireut  de  leur 
propre  autorité  en  cornue  directeur, 
et  signèrent  uue  deiibératiou  par  la- 
quelle les  collèges  électoraux  furent 
convoqués.  Ennemis  d'Eugène  Beau- 
harnais,  lis  voulaient  surtout  empê- 
cher la  députatiou  d'aller,  au  nom 
du  sénat,  demander  ce  prince  pour 
roi.  Aussi,  lorsque,  le  20  avril  1814, 
les  membres  de  cette  députation 
furent  nommés,  il  se  forma  des  ras- 
semblements considérables  autour  du 
palais  où  se  tenaient  les  séances. 
Guidés  par  Frédéric  Gonfalonieri,  les 
conspirateurs  font  bientôt  irruption 
dans  la  salle,  crient,  menacent,  pré- 
sentent au  président  Veueri  la  déli- 
bération prise  le  jour  précédent  par 
le  comité,  exigent  la  convocaiion  des 
collèges  et  le  rappel  de  la  députatioD. 
Les  sénateurs eflrayés  accordeuttout, 
et  l'assemblée  est  dissoute.  A  peine 
ont-ils  quitté  leurs   fauteuils,  que 


66 


PRÏ 


Grtnfalonieii  se  jette  sur  ]e  por- 
trait (le  NapoUîOU,  le  déchire  à  coups 
(le  parapluie,  tandis  que  la  populace, 
enhardie  par  cet  exemple,  brise  les 
meubles  et  les  lance  par  la  croisée.  Ce 
premier  exploit  accompli,  la  foule 
sort  en  tumulte,  et  quelques  voix 
ayant  crié  Melzi^  Melzil  elle  se 
dirigeait  déjà  vers  la  demeure  de 
ce  dernier,  lorsque,  pour  détourner  le 
danger,  un  de  ses  amis  cria  Prina, 
Prina!  A  ce  nom  bien  plus  détesté, 
on  se  dirigea  par  une  pluie  battante 
vers  la  demeure  du  ministre,  qui  ce 
jour-là  n'avait  pas  assisté  à  la  séance 
du  sénat,  et  qui,  prévoyant  ce  qui 
devait  arriver,  se  préparait  à  partir 
pour  Novare,  où  il  possédait  des  biens 
considérables.  Averti  du  danger,  Pri- 
na se  cache  dans  un  cabinet;  mais  il 
est  bientôt  découvert  par  ces  fu- 
rieux, malgré  les  efforts  du  général 
Peyre;  et,  tandis  que  les  uns  pillent 
sa  maison,  les  autres  le  dépouillent, 
le. frappent  et  l'entraînent,  une  cor- 
de au  cou,  par  la  rue  del  Marino, 
sous  les  yeux  des  douaniers  que  la 
frayeur  rendimmobiles.  Un  marchand 
de  vins  seul  a  pitié  de  l'infortuné 
ministre,  et,  saisissant  un  moment 
favorable,  l'arrache  tout  sanglant  aux 
mains  des  assassins,  et  le  fait  entrer 
dans  son  magasin.  Alors  les  canni- 
bales hurlent  et  menacent  d'incen- 
dier la  maison  ;  ce  que  voyant,  Prina 
se  livre  à  eux  en  disant  :  «  Assouvis- 
«  sez  votre  rage  sur  moi,  puisque 
■  vous  m'avez  déjà  immolé  en  quel- 
«  que  sorte,  mais  que  je  sois  votre 
«  seule  victime.  »  A  peine  avait-il  fini 
ces  mois,  qu'il  fut  terrassé  et  mis  eu 
pièces  à  coups  de  parapluie.  C'était 
le  20  avril  vers  quatre  heures  après 
midi.  Son  cadavre  fut  accablé  d'ou- 
trages, et  traîné  dans  les  rues  à  la 
lueur  des  torches.  Telle  fut  la  lin  mi- 
sérable de  ce  nunistro,  coupable  scu- 


lement  d'un  dévouement  aveugle  et 
sans  bornes  pour  Napoléon  et  l(» 
prince  Eugène.  Cet  attentat  ne  fut 
pas  même  l'objet  d'une  enquête,  et 
les  auteurs  en  restèrent  impunis. 
Prina  était  célibataire  et  n'avait 
qu'un  frère ,  qui  hérita  de  toute  sa 
fortune.  A— y  et  G— g— y. 

PRINCE  ou  plutôt  PRENCE 
(Thomas),  néen  Angleterre  vers  1601, 
quitta  son  pays  natal  en  1021  pour  se 
rendre  dans  les  colonies  de  l'Améri- 
que Septentrionale.  En  1C34,  trois 
ans  après  son  arrivée  dans  la  colonie 
de  Plymouth ,  il  en  fut  nommé  gou- 
verneur, poste  qu'il  conserva,  à  quel- 
ques intervalles  près,  jusqu'en  1672. 
Distingué  par  son  impartialité  comme 
magistrat,  Thomas  Prince,  se  faisait 
remarquer  par  un  zèle  ardent  contre 
tous  ceux  qui  ne  partageaient  par  ses 
opinions  religieuses,  et  qu'il  confon- 
dait dans  une  même  dénomination 
([''hérétiques.  Mais  c'était  surtout  eu- 
vers  les  quakers  qu'il  manifestait  une 
violente  antipathie.  Il  avait  été  l'un 
des  premiers  colons  de  Nausset  oh 
Eastham,  et  mourut  à  Plymouth  au 
mois  de  mars  1673.  —  Prince  (Tho- 
mas), d'une  autre  famille  que  le  pré- 
cédent, était  petit-fils  d'Elder  John, 
prince  de  Hull,  qui  vint  dans  les  co- 
lonies anglaises  de  l'Amérique  Sep- 
tentrionale en  1633.  Néà  Sandwich,  le 
15  mai  1687,  Thomas  Prince  fut  élevé 
au  collège  d'Harvard  et  embrassa 
la  carrière  ecclésiastique.  En  1709  il 
se  rendit  en  Angleterre  et  obtint  de 
tels  succès  par  ses  prédications,  qu'on 
lesollicitavivementàs'établirdansce 
pays;  mais  le  désir  de  revoir  sa  patrie 
le  porta  à  refuser  toutes  les  offres 
qui  lui  furent  faites.  Peu  (rann(Vs 
après  son  retour  en  Amérique,  il  fut 
nommé  pasteur  de  l'église  de  Boston 
(1718),  fonctions  qu'il  exerça  jusqu'à 
sa  mort,  arrivée  le  22  octobre  1758. 


PRl 

Thomas  Prince  est  représenté  comme 
un  homme  laborieux  et  e'rudit,  très- 
versé  dans  la  connaissance  des  lan- 
gues anciennes.  Depuis  1703,  lors- 
qu'il était  encore  au  collège,  jusqu'en 
1754,  il  avait  formé  sur  l'histoire  ci- 
vile et  religieuse  de  la  Nouvelle-An- 
gleterre une  collection  de  documents 
précieux  qui  ont  été  brûlés  par  les 
Anglais  pendant  la  dernière  guerre. 
Outre  un  grand  nombre  de  sermons, 
dont  six  ont  été  publiés  après  sa  mort 
par  les  soins  du  D''  Jean  Erskine  d'E- 
dimbourg, on  doit  à  Thomas  Prince  : 
I.  Mémoire  sur  la  première  appari- 
tion de  l'aurore  boréale.  II  Histoire 
chronologique  de  la  Nouvelle-Angle- 
terre, en  forme  d'annales.  Il  n'a  paru 
que  le  tom.  l^"",  1736,  in-12,  et  en 
1755  les  trois  premiers  numéros  du 
tom.  II.  L'auteur  se  proposait  de  don- 
ner un  récit  sommaire  de  tous  les 
événements  qui  se  sont  passés  depuis 
la  découverte  de  Gosnold,  en  1602, 
jusqu'à  l'arrivée  du  gouverneur  Bel- 
cher,  en  1730*,  mais  il  n'a  pu  amener 
sa  narration  qu'à  l'année  1633.  Dans 
son  introduction  il  fait  remonter  son 
ouvrage  à  la  création  du  monde.  III. 
Histoire  du  rétablissement  de  la  re- 
ligion à  Boston,  1744.  IV.  Livre  des 
Psaumes  de  la  Nouvelle-Angleterre., 
revu  et  amélioré,  n^S.  Ces  deux  ou- 
vrages ont  été  insérés  dans  V Histoire 
chrétienne^  publiée  en  1744,  2  vol. 
in-S",  par  Thomas  Prince,  son  fils, 
mort  au  mois  d'oct.  1748,  à  peine  âgé 
de  28  ans.  Le  Livre  des  Psaumes  a  été 
réimprimé  plusieurs  fois.  —  Prince 
(Nathan),  frère  du  précédent,  étudia, 
comme  lui,  au  collège  d'Harvard;  puis, 
étant  entré  dans  les  ordres,  fut  d'abord 
ministre  à  Boston,  ensuite  aux  Indes- 
Occidentales,  où  il  mourut  à  Ratlan, 
en  1748.  On  a  de  lui  xiue  Notice  de  la 
constitution  et  du  gouvernement  du 
collège  d'Harvard.,  depuis  sa  fonda- 


PRl 


67 


tlon  en  1636,  jusqu'à  Van  1742,  qu'il 
publia  au  sujet  d'une  bourse  qu'on  lui 
avait  accordée  dans  ce  collège  et  qui 
lui  fut  retirée,  sans  doute  à  cause  de 
son  opposition  à  l'église  épiscopale. 
Nathan  Prince,  qui  paraît  avoir  fait  de 
grands  progrès  dans  les  mathémati- 
ques et  laphilosophie,a  publié,  outre 
l'ouvrage  qui  vient  d'être  mentionné, 
un  Essai  sur  la  solution  des  difficul- 
tés relatives  à  la  résurrection,  nu. 
D— z— s. 
PRIXCE(JoB?i),  théologien  et  bio- 
graphe anglais,  né  à  Axminster,  dans 
le  comté  de  De  von,  fut  vicaire  de  Ber- 
ney  et  membre  de  la  Société  des  Anti- 
quaires. Il  s'était  donné  beaucoup  de 
peine  pour  composer  une  biographie 
limitée  à  la  province  où  il  avait  reçu 
le  jour,  et  il  en  publia,  en  1701  ,  le 
premier  volume  in-folio;  mais  cet  ou- 
vrage fut  si  froidement  accueilli  que 
l'auteur  ne  crut  pas  devoir  donner  le 
second  tome,  bien  qu'il  fût  préparé 
pour  l'impression.  Cette  indifférence 
du  public  a  valu  à  J.  Prince  une  men- 
tion dans  les  Infortunes  des  littéra- 
teurs (Calamities  of  authors),  d'Is- 
raeli.  Prince  étant  mort  en  1720,  son 
livre,  intitulé  :  Les  grands  hommes  du 
comté  de  Devon  (the  Worthies  of  De- 
vonshire),  devenu  extrêmement  rare, 
fut  recherché,  mis  à  très-haut  prix  , 
et  enfin  réimprimé  avec  des  additions 
et  des  figures,  Londres,  1809,  in-4o. 
On  a  de  lui  plusieurs  sermons  et  d'au- 
tres écrits,  notamment  celui  qui  porte 
ce  titre  singulier  :  De  l'imprudence  et 
de  la  déraison  des  raisons  de  pruden- 
ce alléguées  pour  l'abolition  des  lois 
pénales:  et  Lettre  à  un  jeune  théolo- 
gien, contenant  quelques  courtes  in- 
structions pour  la  composition  et  le 
débit  des  sermens.  —  Prince  {Da- 
niel), libraire  anglais,  né  vers  1710, 
dirigea  l'imprimerie  de  l'université 
d'Oxford,  et  mourut(}ans  cette  villeen 


m 


PRI 


PRI 


t796.  C'était  un  homme  très-inslruit 
et  nn  habile  typographe.  On  hti  doit 
de  belles  (éditions  d'ouvrages  impor- 
tants, entre  autres  :  Marmara  Oxo- 
niensia  (les  Marbres  d'Arundel)  par 
Rich.  Chandler,  Oxford,  1763,  in-fol.', 
les  Commentaires  de  Guill.  Blaks- 
tone  sur  les  lois  d' Angleterre  ,  1765 
et  années  suivantes,  4  vol.  in-i"  ;  la 
Biile  hébraïque  àe.  Kennicott,  1776- 
1780,  2  vol.  in-fol.,  etc.  L. 

PIIINSEP  (  James)  ,  savant  an- 
glais, non  moins  célèbre  comme  litté- 
rateur que  comme  numismate,  archéo- 
logue et  orientaliste,  naquit  en  1800, 
dans  une  famille  nombreuse.  Après 
avoir  achevé  ses  études  scolastiques, 
il  semblait  vouloir  consacrer  sa  vie 
aux  sciences  physiques  et  naturelles; 
mais  envoyé,  dès  l'âge  de  vingt  ans, 
dans  le  Bengale,  il  obtint  un  emploi  à 
l'hôtel  des  monnaies  de  Benarès.  Il  se 
prit  bientôt  d'une  telle  passion  pour 
les  antiquités  indiennes,  qu'il  étudia 
les  monumentsde  cette  ville  sainte  ries 
sectateurs  de  Brahma:  il  les  mesura, 
les  dessina  et  employa  les  soins  les 
plus  actifs  afin  d'en  assurer  la  con- 
servation, et  les  moyens  mécaniques 
les  plus  hardis  pour  restaurer  les 
minarets  de  la  mosquée  musulmane 
que  l'empereur  mogol  Aureng-Zeyb 
(tjoy.  ce  nom,  m,  78)  y  avait  fondée 
dans  le  but  d'insulter  les  Hindous. 
Prinsep  publia  plus  tard  le  résultat 
de  sesrecherches  et  de  ses  opérations 
sous  le  titre  à^ Illustrations  de  Be- 
narès. Appelé  à  Calcutta,  il  y  rem- 
plaça connue  maître  de  la  monnaie, 
enl831,M.H.Wilsonquivenaitdere- 
tourneren  Europe,  etii  recueillit  son 
héritage  littéraire  en  lui  succédant, 
la  même  année,  dans  la  place  dese- 
crétairede  la  société asiiitique<le  Cal- 
cutta, dont  il  était  un  des  membres  les 
plus  distingués,  il  remplit  avec  au- 
tant dcKèle  que^e  ponctualité  les  de- 


voirs de  ces  doubles  fonctions,  dont 
les  premières  étaient  sous  sa  respon- 
sabilité. L'état  des  finances  de  cette 
société  ayant  arrêté  la  continuation 
des  Asiatic  Researches  qu'elle  pu- 
bliait (iiepnis  plusieurs  années,  Prin- 
sep fonda,  à  ses  frais,  le  Journal  de 
la  société  asiatique  du  Bengale,  re- 
cueil neuf  et  intéressant  où  s'enre- 
gistrent toutes  les  découvertes  qui, 
depuis  quelques  années,  ont  enrichi 
les  sciences  naturelles  et  historiques, 
à  la  culture  desquelles  la  rare  sou- 
plesse de  l'esprit  de  Prinsep  lui  per- 
mettait de  se  livrer  tout  à  la  fois.  Il  se 
chargea  de  la  nombreuse  et  pénible 
corresp»ndance  qu'exigeait  cette  en- 
treprise, ainsi  que  de  la  rédaction 
des  articles  les  plus  importants  des 
Mémoires  sur  la  géographie,  l'his- 
toire naturelle  et  les  antiquités  de 
l'Orient.  On  y  trouve  les  résultats 
de  ses  beaux  travaux  sur  les  ancien- 
nes inscriptions  indo-scythiques,et 
bactriennes,  que  personne  avant  lui 
n'avait  pu  déchilfrer,  et  par  le  moyen 
desquelles  il  est  parvenu  à  assigner 
une  date  à  un  grand  nombre  de  mo- 
numentsd'une  haute  antiquité.  Ce  re- 
cueil est  un  des  meilleurs  qui  aient  ja- 
miiis  paru.  Prinsep  y  a  gravé,  de  ses 
propres  mains,  plusieurscentaines  de 
planches  dont  il  l'a  enrichi,  et  qui 
représentent  des  monnaies,  des  anti- 
quités, etc.  Ce  journal  devint  bientôt, 
en  quelque  sorte,  le  iimsée  de  l'In- 
de; car  il  réunit  en  deux  années  plus 
de  matériaux  historiques  que  les 
Asiatic  Researches  n'en  avaient  re- 
cueilli pendant  40  ans;  un  tel  succès 
répondit  au  zèle  de  Prinsep.  En 
1834,  le  général  Allard  vint  somnet- 
tre  à  la  société  asiatique  de  Calcutta 
la  collection  de  médailles  que  le  gé- 
néral Ventura  et  lui  avaient  rassem- 
blées dans  les  états  du  roi  de  La- 
hor.  Prinsep,  qui  s'était  livré  avec 


PRI 

ardeor  et  succès  à  l'étude  de  la  nu- 
mismatique bacirienne  et  indo-scy- 
thique ,  et  qui  e'tait  parvenu  à  ré- 
soudre sur  cette  matière  un  grand 
nombre  de  diflicultés,  mit  en  ordre 
la  collection  des  deux  généraux 
qu'il  avait  rendue  plus  complète,  au 
moyen  de  quelques  échanges  faits 
avec  eux,  et  il  y  joignit  un  catalogue 
sommaire  destiné  à  servir  d'index 
pour  les  recherches  et  la  classification 
systématique  des  pièces.  On  doit  re- 
gretter que  sa  modestie  l'ait  empêché 
d'en  rédiger  un  catalogue  niimisina- 
tiquecompletetanalytiqiie.Enl834et 
1836,  il  publia,  en  2  vol.  in-S",  les  Ta- 
bles du  Journal  de  la  société  asiatique 
de  Calcutta,  contenant  les  nionnaies> 
poids  et  mesures  de  l'Inde  britan- 
nique, avec  la  chronologie  et  les 
généalogies  de  toutes  les  dynasties  de 
l'Inde  ancienne  et  moderne,  ouvrage 
fort  utile  à  tous  ceux  qui  s'occupent 
de  recherches  historiques  sur  l'O- 
rient (1).  En  remerciant  la  société 
asiatique  d(»  Paris  qui,  eu  1835,  l'a- 
vait nommé  un  de  ses  membres  asso- 
ciés étrangers,  Prinsep  lui  annonça 
l'envoi  de  Vindex  des  18  volumes  des 
Transactions  de  la  société  asiatique 
du  Bengale,  pour  celle  de  Paris,  et  du 
Kaghyour ,  compilation  des  livres 
sacrés  des  bouddhistes.  En  1836,  il  ne 
se  contenta  pas  de  donner,  comme 
secrétaire,  ses  soins  assidus  à  la 
publication  des  chefs-d'œuvre  des 
liitéiatures  sanscrite,  arabe  et  per- 
sane, et  surtout  aux  éditions  du 
Mahdbharata ,  épopée  classique  des 
Hmdous,  en  sanscrit,  et  du  Radja- 

(i)  On  en  trouve  l'analyse  d;ias  !e  Journal 
asiatique  de  Paris,  dout  la  table  des  matières 
a  cuufoiiJu  l'auttur  avei-  H. -TU  Priusep, 
anfr«*  orienfifliste  anglais,  auteur  d'une  Bio- 
grapliie  d' Amir- Khan,  nabab  de  Seroudj,  Cal- 
cutta, iS32,  in-.S'-';  et  d'un  ouvjajjesur  VOri- 
L'ine  de  la  puissance  des  S»iks  et  la  Vie  poli- 
tique de  Randjit-Singh,  Calcnila,  i83i,  iii-8" 


PRI 


69 


tarangini,  célèbre  chronique  du 
Cachemire,  qui  avaient  été  ordon- 
nées par  la  société  asiatique  de  Cal- 
cutta. Le  gouvernement  de  l'Inde  an- 
glaise ayant  cessé  d'accorder  des  Tjuds 
d'encouragement  pour  ces  publica- 
tions, Prinsep  s'engagea  personnel- 
lement pour  50  mille  francs,  et  se 
chargea  de  tous  les  ouvrages  com- 
mencés. 11  continua  d'en  payer  tontes 
les  dépenses  jusqu'en  1830.  Alors  la 
Cour  des  directeurs  alloua  une  sub- 
vention pour  les  frais  des  impressions 
orientales  et  pour  la  liquidation  de 
ceux  qui  avaient  été  faits  jusqu'à  ce 
jour.  Dans  l'intervalle  ,  la  société 
asiatique  de  Paris  ayant  offert  à  celle 
de  Calcutta  de  contribuer  à  ces  dé- 
penses, et  de  faciliter  le  placement 
et  le  débit  des  ouvrages  orientaux 
imprimés  dans  l'Inde,  Prinsep,  par 
sa  lettre  du  7  janvier  1837,  adressa 
des  remercîments  au  nom  de  ses 
co-sociétaires,  et  annonça  l'envoi  de 
8  caisses  de  livres  expédiés  à  Paris, 
tant  pour  la  société  asiatique  de 
cette  ville  que  pour  y  être  vendus  au 
compte  de  celle  de  Calcutta.  Le  15 
octobre  de  la  même  année,  il  écrivit 
àM.Troyer,  agent  de  la  société  asia- 
tique du  Bengale  auprès  de  celle  de 
Paris,  pour  qu'il  l'informât  qu'on 
s'occupait  à  Calcutta  de  la  copie,  de- 
mandée par  les  orientalistes  parisiens, 
des  Vedas  ou,  en  sanscrit,  Weï-tho 
(discours  de  sciences),  bases  de  la  re- 
ligion de  Brahma.  Prinsep  n'était 
pas  moins  recommandable  par  ses 
qualités  morales  et  par  la  bonté  de 
son  caractère  que  par  ses  talents  et 
son  érudition.  Toujours  actif,  désin- 
téressé, exemjit  de  jalousie  et  de  va- 
nité, il  aidait  de  ses  lumières,  de  ses 
recommandations  et  de  ses  mt)yens 
les  savants  de  toutes  les  nations  qui 
voyageaient  dan»  l'Inde,  ainsi  qm.  les 
orientalistes,  entre  autres  îc  \evno 


70 


PRl 


Jacquet  (voy.  ce  nom,  LX  VIII,  49).For- 
ce  par  une  grave  maladie  d'interrom- 
pre les  travaux  qui  l'avaient  illustré, 
et  d'abandonner  un  poste  qu'il  occu- 
pait si  dignement,  il  tomba  dans  un 
état  de  langueur  de'plorable,  en  1839. 
Il  s'embarqua  précipitamment  pour 
aller  respirer  l'air  de  l'Europe  5  mais  il 
fut  frappé  de  paralysie  sur  le  vaisseau, 
et  y  mourut  le  20  avril  1840,  avant 
d'avoir  accompli  sa  40°  année.  Son 
corps  fut  ramené  à  Calcutta  où  une 
foule  immense  assista,  le  30  juillet, 
à  ses  obsèques.  Une  souscription  pro- 
duisit une  somme  considérable  pour 
lui  ériger  un  monument.  C'est  auzèle 
et  à  l'infatigable  persévérance  de 
Prinsep,  pour  les  progrès  de  la  litté- 
rature orientale  en  Europe  et  en  Asie, 
que  la  société  asiatique  de  Paris  doit 
la  continuation  des  ouvragessanscrits 
dont  la  publication  avait  été  commen- 
cée, puis  abandonnée  par  le  gouverne- 
ment anglais.  Elle  a  reçu  des  dignes 
successeurs  de  ce  savant  environ  70 
volumes  de  copies  des  Vedas  et  des 
écrits  qui  s'y  rapportent,  et  qui  appar- 
tiennent aujourd'hui  à  la  Bibliothè- 
que royale  de  Paris.  On  y  trouve  un 
spécimen  de  la  copie  du  texte  et  du 
commentaire  de  Rigveda,  sur  lequel 
Prinsep  avait  désiré  connaître  l'opi- 
nion de  la  société.  A— T. 

PRIOCCA  (le  chevalier  Clément 
Damianode)  naquit  à  Turin  le  23  fé- 
vrier 1749.  Son  père  était  chevalier 
<le  l'ordre  suprême  de  l'Aniionciade, 
et  sa  mère  appartenait  à  la  noble  fa- 
mille des  Furni,  dont  une  branche, 
établie  en  Espagne,  a  la  grandessede 
première  classe.  Quoique  les  familles 
nobles  du  Piémont  préférassent,  à 
cette  époque,  de  faire  suivre  à  leurs 
enfants  la  carrière  militaire, on  des- 
tina le  jeune  Priocca  à  la  magistra- 
ture. Reçu  avocat  à  l'université  do  Tu- 
rin, il  en  l'ut  nommé  recteur.  D'abord 


PRI 

référendaire  au  conseil  d'état,  il  fut, 
peu  de  temps  après,  élevé  au  rang  de 
sénateur.  Il  se  montra  magistrat 
éclairé,  et  défenseur  zélé  des  droits 
du  souverain ,  ce  dont  il  fut  récom- 
pensé par  sa  nomination  de  ministre 
à  Rome,  où  il  réussit  à  rétablir  la 
bonne  harmonie  entre  les  deux  cours. 
La  révolution  française  ayant  éclaté 
et  menaçant  l'Italie,  Charles-Emma- 
nuel, qui  en  redoutait  l'influence  pour 
son  peuple,  voulut  former  une  coali- 
tion italienne.  Le  souverain  pontife  et 
le  roi  de  Naples  répondirent  à  ses 
vœux;  mais  Venise,  lâche  ou  corrom- 
pue, rejeta  toutes  ses  prières.  Le  roi 
de  Sardaigne  soutint  une  lutte  de 
quatre  ans.  Délaissé  par  tous  ses  al- 
liés, il  signa  l'armistice  de  Cherasco 
(24  avril  1796)  qui  fut  suivi  du  traité 
de  paix  du  25  mai  suivant.  Le  calme 
se  rétablit  en  apparence,  mais  le  Di- 
rectoire français  ne  cessa  de  miner  la 
puissance  royale  en  Piémont.  Des  sé- 
ditions éclatèrent  bientôt  sur  plu- 
sieurs points,  et  les  généraux  français 
les  favorisèrent  par  tous  les  moyens, 
dans  le  temps  môme  où  ils  faisaient 
des  protestations  contre  les  insurgés. 
Charles-Emmanuel  n'était  pas  dupe 
de  ces  manèges;  il  appela  au  ministère 
le  chevalier  de  Priocca,  et  nomma  le 
comte  de  Balbi  son  ambassadeur  à 
Paris.  Si  le  Piémont  eût  pu  élra  sau- 
vé ,  ces  deux  hommes  seuls  étaient 
capables  de  le  faire.  Mais  les  insurrec- 
tions se  multipliant,  le  Directoire  dé- 
clara de  nouveau  la  guerre  au  roi  de 
Sardaigne,  quand  déjà  les  généraux 
français  s'étaient  emparés  de  la  capi- 
tale, et  le  monarque  se  vit  forcé  de 
fuir.  Alors  Priocca  publia  au  nom 
de  son  maître  la  déclaration  du  7  dé- 
cembre 1798,  où,  après  avoir  (létri  les 
actes  du  gouvernement  français,  il 
dit  hautement  :  •  Le  roi  sait  qu'il  a 
«  rempli  tous  ses  devoirs;  fidèle  à  ses 


PRI 

•  amis,  père  (le  son  peuple,il  veut  que 
«  to«t  le  inonde  sache  que  sa  conduite 
«  a  toujours  été  loyale  et  sincère , 
«qu'il  n'a  nullement  provoqué  le 
«  Directoire ,  et  qu'il   est  étranger 

■  aux  malheurs  qui  frappent  ses  su- 

•  jets.  •  Cette  noble  conduite  excita 
l'admiration  de  tous  les  souverains 
de  l'Europe  et  la  haine  des  ennemis 
de  Priocca.  On  l'accusa  plus  tard 
de  ne  pas  avoir  conseillé  au  roi  de 
continuer  la  guerre,  mais  voici  ce 
qu'il  écrivait  lui-même  à  l'historien 
Denina  :  •  Persuadé  que  la  défense 

■  était  inutile,  je  lis  la  déclaration  du 

■  7  décembre  1798.  Sur  le  principe  : 
«  tout  est  perdu  hors  l'honneur,  pour 
■•  sauver  l'honneur  du  roi,  il  n'y  avait 
->  qu'à  donner  uu  démenti  solennel 
«  aux  accusations  qu'on  portait  cou- 

•  tre  lui.  On  l'appelait  traître ,  on  le 
«  disait  intidèle  ,à  ses  engagements. 
«  Devais-je  laisser  déchirer  sa  répu- 
«  talion?  devais-je  souffrir  qu'un  in- 

•  nocent  fût  victime  de  sa  bonne  foi? 
-•  Mourons  si  Dieu  le  veut,  me  disais- 
«  je  eu  moi-même,  mais  au  moins  ne 
«  méritons  pas  d'être  appelés  lâches; 
«  éloignons  de  nous  le  soupçon  d'avoir 
«  sacrifié  les  intérêts  du  peuple. Qu'on 

•  connaisse  la  vérité,  et  advienne  ce 
«  qu'il  pourra. La  rédaction  de  madé- 
«  claraticyi  est  une  preuve  positive  de 
a  ce gue j'avance.  «Au  grand  étonne- 
ment  de  tous  ses  sujets  le  roi, obsédé, 
renonça  alors  au  trOne ,  et  désap- 
prouva la  conduite  de  sou  ministre. 
Son  dernier  acte  d'autorité  fut  d'or- 
donner au  chevalier  de  Priocca  d'alicr 
s'enfermer  dans  la  citadelle  de  Turin, 
et  d'y  rester  comme  otage  de  la  pa- 
role qu'il  avait  donnée  de  renoncer  à 
la  couronne.  Le  chevalier  obéit:  il  se 
livra  aux  Français  et  aux  républi- 
cains piémontais.ses  ennemis  décla- 
rés. Après  deux  ans  de  détention,  où 
il  fut  plusieurs  fois  menacé,  on  l'en- 


PRI 


71 


voya  à  Grenoble,  puis  à  Dijon.  Ayant 
obtenu  la  permission  de  passer  en 
Espagne,  il  demeura  pendant  quel- 
que temps  à  Barcelone  et  s'y  embar- 
qua pour  aller  rejoindre   Charles- 
Emmanuel  ,  revenu  en  Toscane.  Il 
en  fut  bien  accueilli,  et  reçut  un  bre- 
vet pour  une  pension,  qu'il  refusa, 
bien  qu'il  n'eût  point  alors  de  for- 
tune. Après  la  bataille  de  Marengo, 
qui  renversa  les  espérances  des  roya- 
listes. Priocca  alla  s'établir  à  Pise,  et 
il  ne  revint  il  Turin  que  vers  1810.  H 
mourut  dans  cette  ville  le  5  février 
1813,  lorsque  le  retour  de  son  souve- 
rain ne  devait  pas  tarder  à  combler 
ses  vœux.  Le  chevalier  de  Priocca  est 
l'auteur  1°  d'une  lettre  qui  fut  pu- 
bliée par  le  comte  Napione  à  la  tête 
de  sa  traduction  italienne  des  Quœs- 
tiones  Tusailanœ  ;  2"  d'une  préface 
et  de  quelques  notes  sur  la  disser- 
tation publiée  par  le  même  Napione 
sur   la  patrie  de  Christophe    Co- 
lomb. Il  fut  lié  avec  tous  les  savants 
et  les  littérateurs  piémontais  ses  con- 
temporains. Le  professeur  Boucheron 
a  fait  son  éloge  dans  le  livre  intitu- 
lé :  De  Clémente  Damiano  Priocca 
narratio,  ad  V.  A.  Prosperum  Bal- 
bum.  Turin,  1815.  Le  plus  bel  éloge 
de  cet  homme  d'état  est  celui  qu'on 
trouve  dans  VHistoire  d'Italie,  par 
Charles  Botta,  qui  y  déclare  quil  se 
fait  gloire  d'être  le  eoneitoyen  de 
Priocca.  Az — o.    ' 

PRISCL'S  (lÏELViDius),  sénateur 
romain,  gendre  de  Thraséas  {voy.  ce 
nom  ,  XLV,  537-38) ,  fut  enveloppé 
dans  la  persécutic^n  de  son  beau-père 
etbanni  sous  le  règne deKéron, après 
la  mort  duquel  il  revint  à  Rome  et 
reprit  sa  place  au  sénat.  Mais .  élevé 
dans  les  principes  de  l'école  stoïcien- 
ne, il  poussa  trop  loin  les  idées  d'in- 
dépendance, et  sa  conduite  à  l'égard 
de  Vespasieu  dégénéra  en  in.^ultf. 


72 


PRI 


Ce  prince  crut  voir  dans  ces  attaques 
les  indices  d'un  complot:  Priscus  fut 
arrêté,  mis  en  jugement  et  condamné 
d'abord  à  la  déportation;  plus  tard 
on  arracha  de  l'empereur  l'ordre  de 
le  tuer,  ce  qui  eut  lieu  vers  l'an  75 
(voy.  Vespasien,  XLVIII,  316,  321- 
22).  —  Priscus  {Helvidius),  fils  du 
précédent,  s'attira  la  haine  de  Domi- 
tien  par  un  poème  allégorique  dans  le- 
quel, sous  les  noms  de  Paris  et  d'OE- 
none,  il  faisait  la  satire  du  divorce  de 
Tempereur.  Accusé  de  haute  trahison 
devant  le  sénat ,  traîné  en  prison  par 
un  de  ses  collègues,  il  fut  mis  à  mort 
l'an  94,  et  son  livre  fut  briilé  publi- 
quement. Un  écrivain  qui  avait  parlé 
avec  éloge  de  Thraséas  et  d'Helvidius 
le  père  subit  le  même  sort  {voy. 
DoMiTiEN,  XI,  533).  —Un  chevalier 
romain,. nommé  Lutorius  Priscus, 
fut  décapité  sous  le  règne  de  Tibère, 
pour  avoir  composé  des  vers  sur  la 
mort  de  Drusus,  fils  de  l'empereur. 
Ce  jeune  prince  était  dangereusement 
malade ,  mais  il  guérit,  et  l'action  du 
poète  fut  présentée  comme  un  crime 
de  lèse-majesté  {voy.  Tibère,  XLVI, 
.11).  ^  Priscus,  frère  de  l'empereur 
Philippe    (voy.    ce    nom,  XXXIV, 
87),  futnommé  par  lui  gouverneur  de 
Syrie;  mais  son  administration  op- 
pressive excita  un  soulèvement  dans 
cette   province,   et  il   fut  rappelé. 
L'empereur  lui  confia  cependant  en- 
core le  gouvernement  de  la  Macé- 
doine, qui  ne  tarda  pas  à  être  ravagée 
par  les  Gotjis.  Aussitôt  que  Priscus 
eut  appris  la  mort  de  son  frère,  en 
249,  il  se  joignit  aux  barbares;  et,  à 
l'exeuiple  de  Marinus,  de  Pacatien 
{voy.  ces  noms,XXVH,  170,  XXXII, 
.324),  il   prit    le  litre   d'empereur; 
mais  Dèce  était  déjà  reconnu  àRouie, 
et  Priscus,  déclaré  ennemi  de  la  pa- 
trie  par  un  sénatus-cousulte ,  lut  tué 
peu  de  temps  après.  —  Priscus  ,  in- 


PRI 

génieur  célèbre,  résidait  à  Byzance 
en  Thrace,  lorsque  cette  ville  fut  prise 
l'an  196  par  les  troupes  de  l'empe- 
reur Septime-Sévère  {voy.  ce  nom, 
XLII,  168).  Ce  prince,  irrité  de  la 
longue  résistance  des  assiégés , 
abusa  cruellement  de  la  victoire  :  il 
ordonna  de  mettre  à  mort  tous  les 
soldats  et  les  magistrats  ;  les  mu- 
railles et  les  monuments  publics  fu- 
rent renversés ,  les  biens  des  habi- 
tants confisqués  et  vendus.  La  répu- 
tation de  Priscus  le  préserva  de  cette 
spoliation  générale.  Sévère  se  l'atta- 
cha, tira  parti  de  ses  talents ,  et  lui 
témoigna  toujours  beaucoup  de  bien- 
veillance. —  Priscus,  rhéteur  et  so- 
phiste, surnommé  Panites.,  parce 
qu'il  était  de  Panium  en  Thrace ,  fut 
envoyé,  l'an  447,  avec  d'autres  dé- 
putés, par  Théodose  II,  auprès  d'At- 
tila ,  roi  des  Huns,  qui,  ayant  envahi 
plusieurs  provinces  de  l'empire  d'O- 
rient ,  menaçait  Constantinople ,  et 
dont  on  ne  put  arrêter  la  marche 
qu'en  souscrivant  à  des  conditions 
aussi  humiliantes  qu'onéreuses  (roy. 
Attila,  II,  629).  Priscus  mourut  en 
471.  Outre  des  épîtres  et  des  décla- 
mations, il  avait  composé  une  histoire 
de  Constantinople ,  dans  laquelle  il 
rendait  compte  de  sa  mission  auprès 
du  roi  des  Huns.  Il  n'en  reste  que  des 
fragments  conservés  dans  le  livfe  des 
ambassades  {Eclogœ  Legationum) , 
attribué  à  l'empereur  Constantin 
Porphyrogencte,  et  dont  David  Hœs- 
chel  donna  une  édition  en  grec  , 
Augsboiirg,  1603 ,  in-4°.  Ch.  Cante- 
clair  en  publia  une  traduction  latine, 
avec  des  notes,  Paris,  1609,  in-8". 
Cette  version  se  retrouve  dans  les 
Excerpta  de  Legationibus ,  avec  les 
notes  de  Henri  de  Valois  et  le  Pro- 
trepticon  de  scriptoribtu  byzantinis 
du  P.  Labbe,  Paris,  1648 ,  in-fol.  — 
Plusieurs  autres  personnages  du  nom 


PRI 

de  Priicut  ont  reiipli  dÏTerses  fonc- 
tions dans  les  armées  ou  dans  la  ma- 
gistrature romaine.  L'histoire  men- 
tionne encore  un  Pkiscls,  philosophe 
platonicien,  que  l'eiiipereur  Julien 
appela  à  sa  cour,  et  avec  lequel ,  au 
rapport  d'Ammien  Marcellin,  il  s'en- 
tretint ,  dans  ses  derniers  moments , 
sur  l'immortalité  de  l'àme.  Ayant 
éprouvé  des  désagréments  sous  le  rè- 
gne de  Valens,  Priscus  retourna  dans 
la  Grèce ,  sa  patrie ,  où  il  vécut  jus- 
qu'à l'âge  de  90 ans.  On  prélend  qu'il 
fut  tué  par  les  Goths,  lorsque  ,  con- 
duits par  Alaric,  leur  roi,  ils  dévas- 
tèrent cette  contrée,  vers  l'an  396. — 
Un  des  généraux  de  l'empereur  Mau- 
rice, nommé  Priscus,  dont  la  dureté 
et  l'imprudence  causèrent  une  insur- 
rection dans  l'armée,  a  été  confondu 
par  quelques  biographes  avec  Cris- 
pu»,  gendre  de  Phocas ,  au  renverse- 
ment duquel  il  contribua  {voy.  Mao- 
BicB,  XXVII,  553,  et  Phocvs,  XXXI  V- 
211).  P— RT. 

PR1SSE(  Louis-François-Joseph, 
jurisconsulte,  né  à  Avf sues  le  2  mars 
1760,  fut  destiné  par  ses  parents  à 
l'état  ecclésiastique,  pour  lequel  il 
n'avait  aucune  vocation,  et  préféra 
la  carrière  du  barreau.  Il  fit  ses  élu- 
des au  collège  de  Douai,  et  reçut  son 
diplôme  d'avocat  à  l'université  de  la 
même  ville.  Après  avoir  prêté  le  ser- 
ment au  parlement  de  Flandre,  il 
exerça  successivement  les  fonctions 
de  notaire  à  Givet,  d'avocat  à  la  pré- 
vôté d'Agiraont,  ensuite  à  Rocroi  où 
il  fut  iiomuié,  le  16  juin  1790,  secré- 
taire de  i'admiuisiraiiun  du  d;-6trict, 
et  le  4  nov.  1791,  membre  du  direc- 
toire. C'est  dans  ces  fonctions  et  par 
des  rapports  lumineux,  qu'il  tit  con- 
naître et  développa  toute  la  profon- 
deur de  ses  talents  administrutjfe.  11 
fut  ensuite  juge  au  tribunal  du  même 
district ,  puis  nommé,  par  les  repré- 


PRI 


73 


Sentants  du  peuple  Hentz  et  Laporte, 
commissaire  pour  l'organisation  judi- 
ciaire du  district  de  Couvin,  réuni  à 
la  France  par  décret  du  8  mai  1793. 
Le  tribunal  de  Rocroi  ayant  été 
supprimé.  Prisse  fut  nommé  juge  au 
nouveau  trittunal  du  département,  le 
15  déc,  1795.  C'est  alors  qu'ayant 
éprouvé  quelques  persécutions,  il 
offrit  sa  démission.  Merlin,  qui  était 
ministre  de  la  justice,  ne  l'accepta 
pas,  et  lui  proposa  un  des  premiers 
emplois  de  son  ministère,  ce  que 
Prisse  refusa.  Persistant  à  se  démet- 
tre, il  se  contenta  de  la  place  de 
deuxième  substitut  du  commissaire 
du  gouvernement,  qu'il  conserva  jus- 
qu'à ^  suppression  en  1798.  Revenu 
à  Rocroi  après  la  suppression  du  tri- 
bunal du  département,  il  y  reprit  son 
ministère  d'avocat  ;  et ,  par  décret 
du  12  décembre  1806,  il  y  fut  nom- 
mé magistral  de  sûreté.  Cette  place 
ayant  été  supprimée,  il  fut  nommé 
juge  d'instruction,  puis  procureur  im- 
périal, procureur  du  roi,  et  sur  la  fia 
deses  jours  encore  une  fois  juge  d'ins- 
truction. A  une  vaste  érudition  Prisse 
joignait  une  mémoire  extraordinaire 
et  un  jugement  sain  et  droit.  Il  avait 
une  connaissance  profonde  du  droit 
ancien  et  nouveau  et  du  droit  cano- 
nique. Une  piété  sincère,  une  vive 
sensibilité,  le  portaient  à  adoucir 
la  sévérité  des  lois  ;  enlin  sa  pro- 
bité était  passée  en  proverbe.  Sa- 
vant juriscousulte,  il  fournit  à  .Mer- 
lin, en  1789,  un  travail  important 
sur  l'admini^itration  de  la  justice  et 
la  vénalité  des  charges,  dont  déjà 
on  connaissait  les  abus.  •  Je  suis 
«  très  -  reconnaissant  de  l'offre  que 
•  vous  me  faites  (  lui  écrivait  Mer- 
<  lin  le  31  niai  1789)  du  fruit  de 
«  vos  travaux  et  de  vos  recherches 
«  relativement  à  l'administration  de 
«  la  justice  et  à  la  vénalité  des  char- 


74 


PRl 


«  gcs  ;  j'en  profiterai  avec  un  grand 
«  plaisir  lorsque  le  moment  sera 
«  venu  ;  malheureusement  nous  som- 
«  mes  encore  loin  de  là.  La  divi- 
«  sion  qui  règne  entre  les  trois  or- 
«  dres  ne  nous  a  pas  permis  de 
•  nous  occuper  de  la  moindre  cho- 
«  se.  »  Prisse  avait  aussi  fourni  à 
Merlin,  sur  les  coutumes  des  pays  de 
Lie'ge  et  de  Hainaut,  plusieurs  arti- 
cles savamment  rédigés,  et  qui  ont 
été  insérés  dans  le  Répertoire  de  ju- 
risprudence de  cet  auteur  (1).  H  a 
laissé  en  outre  divers  manuscrits  sur 
les  coutumes  anciennes  et  une  notice 
statistique  des  arrondissements  de 
Piocroi  et  de  Dinant  sous  le  rapport  ju- 
diciaire. Sa  sensibilité  était  telle  que, 
voyant  un  jour  entrer  chez  lui  le  fa- 
meux terroriste  Lécole,  de  Givet, 
qui  venait  réclamer  son  appui,  il  fut 
si  ému  à  l'aspect  de  cet  affreux  per- 
sonnage, qu'il  en  lit  une  grave  ma- 
ladie. Cette  extrême  susceptibilité  lui 
faisait  rechercher  la  retraite  et  fuir 
le  monde  5  c'est  par  ce  motif  qu'il 
refusa  une  mission  en  Belgique,  qui 
lui  fut  offerte  par  les  représentants 
Briés  et  Haussmann,  et,  à  plusieurs 
reprises,  la  place  de  conseiller  à  la 
cour  royale  de  Metz.  Il  mourut  le  20 
sept.  1832,  des  suites  d'une  chute 
qu'il  avait  faite  plusieurs  années  au- 
paravant, et  par  laquelle  il  avait  eu 
l'épaule  fracturée.  Il  fut  vivement  re- 
gretté des  habitants  de  cette  contrée, 
où  il  avait  pendant  plus  de  40  ans  di- 
rigé l'administration  de  la  justice 
avec  une  probité  et  un  zèle  dignes 
d'être  proposés  pour  modèle.  M— D  j. 
PIIITZ  (Jean-Gf.orges),  en  latin 
Pritius,  théologien  luthérien,  né  le 

(i)  Merlin,  aussi  hou  s]iôciilati'iir  que 
jurisconsulte,  a  grossi  son  Héperloire  de  ce 
grand  nombre  (l'urlidcs  (Icvi-n lis  ù  peu  près 
inutiles  sur  les  coutumes  do  l''l;inclre  et  du 
Haiuaut.  L — m — x. 


PRl 

22  septembre  166a<à  Leipzig,  fit  ses 
études  dans  cette  ville  dont  le  sénat 
le  nomma ,  en  1G90 ,  prédicateur  de 
l'église  de  Saint-Nicolas.  Quelques 
années  plus  tard,  il  reçut  le  doctorat, 
et  alla  professer  la  théologie  et  la 
métaphysique  à  Zerbt  ,  puis  il  de- 
vint surintendant  à  Schlaitz  et  cha- 
pelain du  comte  de  Reuss.  En  1707, 
au  retour  d'un  voyage  qu'il  avait  fait 
en  Hollande  et  en  Angleterre  ,  il  ob- 
tint une  chaire  de  théologie  à  l'uni- 
versité de  Gripswald  ;  et,  en  1711,  il 
fut  appelé  à  Francfort-  sur-le-Mcin  , 
pour  y  être  placé  à  la  tète  du  minis- 
tère ecclésiastique.  C'est  là  qu'il  mou- 
rut le  24  août  17,32.  Pritz  avait  tra- 
vaillé aux^lcifaeruditorujiide  Leipzig. 
Outre  des  sermons  et  des  écrits  de 
dévotion,  on  a  de  lui,  en  allemand, 
des  Essais  d'éloquence,  lant  en  prose 
qu'en  vers,  Leipzig,  1702,  in-l2  ;  la 
Doctrine  delaprédeslination ,  Franc- 
fort, 1712,  in-8".  Parmi  les  ouvrages 
qu'il  a  composés  en  latin  ,  nous  cite- 
rons :  I.  De  contemptu  divitiarum 
atque  facultatum  apud  antiquos  phi- 
losophos^  Leipzig,  1693,  in-4''.  IL 
Dissertatio  de  atheismo,  et  inse  fœdo 
et  humano  generi  noxio,  Leipzig, 
1G95,  in-l".  m.  De  prœrogativa 
sexus  masculini  prœ  (cmineo,  Leip- 
zig, in-4".  IV.  Dissertatio  de  quœs- 
tione:  quantum  conférât  erudiiio  ad 
felicitatemhumanam,  Leipzig,  1G97, 
in-C-  V.  Iniroduclio  in  lectionem 
NoviTestamenti,Leip7.ïg^  1704,1722, 
1714,  in-8".  VI.  De  amorc  Dei  puro 
in  causa Fenelonii, in-4".  Wl.Dispu- 
tatio  de  enthusiasmo  Malehranchii, 
1710,  in-4".  Pritz  a  tra(hiit  de  l'an- 
glais en  allemand  :  1"  Voyage  de 
Suisse ,  d'Italie  et  de  quelques  en- 
droits d'Allemagne  et  de  France,  par 
Gilbert  Burnet,  avec  une  préface  sur 
le  Quiétisme,  Leipzig,  1093,  in-12; 
2°  Essai  historique  et  politique  sur 


PRl 

la  vie  de  Marie  II,  reine  d'Angle- 
terre, par  le  même,  Leipzig,  1696  , 
in- 12.  Z<>  V Immortalité  des  hommes 
sur  la  terre,  par  Jeaa  Asgill  {voy.ce 
nom,  II,  574) ,  Leipzig,  1702,  in-12. 
Pritz  en  publia  une  réfutation  sous 
ce  titre  :  De  immortalitate  hominis 
contra  Asgilum,  in-4<',  et  composa 
sur  le  même  sujet  :  De  translatione 
in  vitam  œternam  sine  transitu  per 
morlem,  iu-4°.  Il  a  aussi  traduit  du 
français  en  latin  l'ouvrage  de  Huet 
sur  la  situation  duparadis  terrestre, 
Leipzig,  1694,  ia-12,  et  à  la  suite  de 
la  Demonstratio  êvangelica ,  impri- 
mée la  même  année  à  Leipzig,  in-4°. 
Enfin  il  a  donué  des  éditions  de  plu- 
sieurs ouvrages,  entre  autres  des 
Lettres  latines  de  Milton,  Cromwell, 
etc.,  adressées  à  ditlérents  princes  de 
l'Europe,  Leipzig,  1699  ,  in-12;  des 
OEuvres  de  saint  Macaire  d'Egypte, 
en  grec  et  en  latin,  Leipzig,  1698, 
1699,  2  vol.  in-8'^;du  Nouveau  Testa- 
ment, en  grec,  avec  cartes  géogra- 
phiques ,  etc.,  Leipzig,  1702,  1709 , 
1714,  in-12.  P— BT. 

PRIVAT  (Jean-François),  géné- 
ral français,  était  sous-ofticier  dans 
un  régiment  d'infanterie  avant  la  ré- 
volution. 11  en  adopta  les  principes 
avec  beaucoup  d'ardeur,  devint  of- 
ficier, puis  aide-de-camp  du  général 
Hoche,  et  enfin  général  de  brigade 
et  général  de  division.  Il  fit  en  ces 
différentes  qualités,  avec  beaucoup 
de  distinction ,  les  guerres  d'Alle- 
magne, de  rOuest,  d'Espagne  et  de 
Russie.  Il  était  inspecteur- général 
dans  la  place  de  Torgau  eu  1814, 
lorsqu'il  y  mourut  le  6  mars  de  cette 
année,  par  suite  de  la  contagion  dont 
fut  atteinte  la  garnison  de  cette  ville. 
Privât  est  auteur  des  ouvrages  sui- 
vants :  I.  Demonville,  ou  les  Ven- 
déens, drame  en  deux  actes  et  en 
vers,  Rennes,  an  V  (1797],  in-8";  ré- 


PRO 


75 


imprimé  à  Perpignan,  sans  date.  H. 
Notes  historiques  sur  la  vie  morale, 
politique  et  militaire  du  général  Ho- 
che, Strasbourg,  an  VI  (1798),  in-8''; 
Metz,  an  VI,  in  18  de  96  pages.  Z. 
PROCHASKA  (Jean,  baron  de), 
lieutenant-général  au  service  d'Au- 
triche, né  à  Vienne  le  3  juillet  1760, 
se  fit  recevoir  le  8  mars  1779  simple 
canonnier.   Comme    il    était    très- 
instruit  ,  il  avança  rapidement.  Eu 
1787,  il  fut  nommé  premier  lieu- 
tenant dans  le  corps  des  pionniers, 
que  l'on  avait  organisé  au  commen- 
cement de  la  guerre  contre  lesTurcs. 
En  1789,  placé  par  le  général  Laudon 
à  l'état-major-général,  il  reçut  ordre 
de  se  rendre  au  corps  d'armée  que 
l'Autriche  formait  aux  frontières  de 
la  Moravie  et  de  la  Silésie.  En  1790, 
il  fut  envoyé  dans  les  Pays-Bas  pour 
servir  à  l'état-major  du  général  Beau- 
lieu.  En  1794,  il  se  distingua,  sous 
les  yeux  de  l'empereur,  dans  les  at- 
taques qui  eurent  lieu  au  mois  d'avril 
sur  Landrecies,  Guise  et  Saint-Quen- 
tin. Au  mois  de  janvier  1795,  il  sui- 
vit les  mouvements  de  l'armée  au- 
trichienne, que  les  généraux  Piche- 
gru  et  Jourdan  poussaient  vers  le 
Rhin.  Recommandé  par  ses  chefs,  le 
prince  de  Cobourg  et  le  général  Al- 
vinzi,  il  fut  en  1796  nommé  lieute- 
nant-co!onel,  chevalier  de  l'ordre  de 
Marie-Thérèse,  et,  au  mois  de  juin , 
chef  d'état-major  près  le  général  La- 
tour.  L'armée  autrichienne  fut  d'a- 
bord repoussée  par  Moreau,  mais  le 
prince  Charles  s'étanî  jeté  sur  Jour- 
dan, et  Moreau,  découvert  sur  sa  gau- 
che ayant  été  forcé  de  se  retirer,  le 
général  Latour,  chargé  de  poursuivre 
l'armée  du  Rhin,  fut,  le  24  août  1795, 
pressé  près  de  Friedberg,  où  il  ne  se 
soutint  qu'après  avoir  fait  des  efforts 
extraordinaires  de  valeur.  Dans  son 
rapport  à  l'empereur,  il  assure  que 


'm  PRo 

c'est  aux  excellentes  dispositions  de 
Prochaska  qu'il  doit  les  succès  obte- 
nus dans  cette  journée.  Lorsque  Mo- 
reau  passa  le  Rhin  le  20  avril  1797, 
Prochaska  se  trouvait  de  nouveau 
près  du  général  Latour,  comme  chef 
d'ëtat-major.  Il  fit  tout  ce  qui  dépen- 
dait de  lui  pour  repousser  l'ennemi  ; 
iiiaisil  fut  mal  secondé.  Moreau,  ayant 
mis  l'armée  autrichienne  en  fuite, 
s'avança  jusqu'au  pied  de  la  forêt 
Noire.  Pendant  l'armistice  qui  ter- 
mina cette  campagne,  Prochaska  fut 
chargé  par  l'archiduc  Charles  de 
tracer  nne  ligne  pour  défendre  la 
forêt  Noire.  En  1799,  placé  près  du 
général  Bellegarde,  comme  chef  d'é- 
tat-major, il  fut  blessé  à  l'affaire  du 
20  juin  sur  la  Bormida,  et  peu  après 
nommé  colonel.  En  1801, il  fut  chargé 
par  l'empereur  d'organiser  le  corps 
que  les  Anglais  faisaient  lever  en  Alle- 
magne. Le  3  avril,  il  en  avait  formé 
un  de  sept  mille  hommes  de  pied  et 
de  600  chevaux,  et  le  6  sept,  un  autre 
de  douze  mille  hommes  de  pied  et  de 
1200  chevaux.  Le  1"  sept.  1805,  il 
fut  envoyé  comme  major-général  à 
l'armée  d'Italie.  La  campagne  étant 
terminée,  il  vint  à  Salzbourg  avec 
sa  brigade  d'infanterie,  dont  il  garda 
le  commandement  jusqu'au  1<"^  mars 
1809,  époque  où  il  reçut  ordre  d'al- 
ler près  du  prince  Charles,  pour  y 
remplir  de  nouveau  les  fonctions  de 
chef  d'état  -  major.  Le  27  mai , 
l'empereuï-,  qui  s'était  rendu  à  l'ar- 
mée, le  nomma  lieutenant-général 
et  commandant  d'une  division  de 
grenadiers.  Le  6  juillet,  il  se  dis- 
tingua à  Aderkiea,  où  il  repoussa  une 
attaque  faite  avec  fureur.  La  bataille 
de  Wagram  rendit  inutiles  Ions  ses 
efforts.  Après  la  paix  de  Vienne,  il 
fut  envoyé  en  Moravie  comme  ins- 
pecteur d'infanterie.  En  ISraet  1813, 
il  prit  CM  r.allicie  une  part activcaux 


PRO 

mouvements  qui  précédèrent  et  sui- 
virent la  campagne  de  Moscou,  Les 
alliés  se  disposant  à  passer  le  Rhin, 
l'empereur  le  nomma  infendant-gé- 
néral des  armées  autrichiennes.  L'or- 
dre du  prince,  daté  de  Francfort,  le 
chargeait  non-seulement  de  fournir 
aux  différentes  parties  de  l'armée, 
quelque  direction  qu'elles  pussent 
prendre,  les  vivres  et  subsistances, 
mais  de  surveiller  tout  ce  qui  tenait 
au  matériel.  L'empereur,  se  trouvant 
à  Paris  au  mois  d'avril  1814,  envoya 
à  Prochaska  en  témoignage  de  sa  sa- 
tisfaction, la  grande  décoration  de 
Saint-Léopold,  le  nomma  membre  du 
conseil  de  guerre,  et,  au  mois  de  jan- 
vier 1815,  colonel  du  régiment  d'in- 
fanterie n**  38.  Les  monarques  alliés 
lui  donnèrent  également  des  marques 
de  leur  estime.  Au  mois  dedéc.  1813, 
il  reçut  à  Francfort,  de  l'empereur 
Alexandre,  la  décoration  de  Sainte- 
Anne,  première  classe;  du  roi  de 
Prusse,  la  grand'croix  de  l'Aigle- 
Rouge,  et  enfin  du  roi  de  Bavière,  la 
grand'croix  de  son  ordre.  Pendant  la 
guerre  des  Cent-Jours,  en  1815,  il 
remplit  les  fonctions  d'intendant-gé- 
néral ;  et  lors  de  l'évacuation  il  adres- 
sa au  ministre  de  la  guerre  une  lettre 
deremercîment  pour  les  soins  prodi- 
gués à  ses  troupes.  Au  mois  d'oct., 
après  le  traité  de  Paris,  il  reçut  ordre 
de  se  rendre  à  Vienne  pour  y  remplir 
ses  fonctions  au  conseil  de  guerre. 
A  son  passage  par  Carlsruhe,  le 
grand-duc  de  Bade  lui  donna  la 
grand'croix  du  Lion.  Le  6  août  1818, 
l'empereur  par  un  billet  autograph»*, 
le  nomma  chef  du  grand  quartier- 
général  impérial,  et  le  26  nov.  1819, 
conseiller  intime.  Prochaska,  honoré 
par  tant  de  marques  de  confiance, 
mourut  à  Vienne  en  1823.  G— y. 
PROCULITS  (  Titus  JEiavs  )  na- 
quit à  Albenga  eu  Ligurie,  vers  le 


milieu  da  3*  siècle.  Il  était  redevable 
de  rinimense  fortune  quMl  possédait, 
et  qui  consistait  surtout  en  esclaves 
et  en  troupeaux ,  aux  pirateries  de 
ses  ancêtres.  Dès  sa  plus  tendre  jeu- 
nesse, il  avait  embrassé  le  parti  des 
armes  :  parvenu  au  grade  de  tribun 
de  plusieurs  légions  romaines ,  il  se 
distingua  par  des  traits  de  bravoure. 
Comme  les  plus  petites  particularités 
de  la  vie  d'un  homme  qui  appartient 
à  l'histoire  ne  sont  pas  indifférentes 
pour  le  lecteur,  il  faut  bien  se  garder 
d'en  taire  une  dont  il  tirait  vanité,  et 
qui  se  trouve  consignée  dans  la  lettre 
suivante  qu'il  écrivit  à  Métianus,  son 
parent,  et  dont  nous  nous  contente- 
rons de  donner  le  texte  :  Pbocdlus 
Metiaso  affini  S,  D.  —  Centutn  ex 
Sarmatiatirgines  cepi.  Ex  his  una 
nocte  deccm  inivi:  omties  lamen  quod 
in  me  erat^  mulieres  inira  die»  XY 
reddidi  (t).  Toutefois,  l'ambition  de 
Proculus  ne  se  borna  pas  à  de  pareils 
exploits,  car  il  conçut  le  projet  de 
S'asseoir  sur  le  trône  des  Césars,  qui, 
dans  les  temps  d'anarchie  et  de  dé- 
cadence, était  souvent   la  proie  du 
premier  occupant    On  croit  que  sa 
femme  appelée  Sampso,  qui  avait  d'a- 
bord porté  le  nom  de  Viturgie,  l'en- 
gagea dans   celte   téméraire  entre- 
prise. Cette  femme  était  d'un  courage 
au-dessusdesonseie;et  la  fortune. qui 
semble  favoriser  les  ambitieux,  four- 
nit bientôt  à  son  mari  l'occasi  on  d'exé- 
cuter son  projet.  Un  jour  il  avait  as- 
sisté à  un  festin  donné  à  Lyon,  l'an 
280,  à  de  nombreux  convives.  Après 
le  repas  ,  il  joua  aux  petits  toldats, 
espèce  de  jeu  de  dames  ou  d'échecs, 


(l)YoT.  let  Divtrttt  Lteont  d'Antoine  du 
Verdier,  l.v.  4«,  eh.  XXXIV.  —  KabcIaJs  . 
IJT.  III,  ch.VI,  et  Corn.  Agrippa.  De  vanitatt 
»cienfjar.,Lh;ip.LXlII,  n'ont  pas  manqué  de 
citer  Proculus  parmi  ceux  qui  ont  été  le 
plu  rehommés  pour  leur  TÎgaeur. 


PRO 


77 


on,  en  vertu  d'nne  règle  établie,  on 
saluait  empereur  celui  qui  obtenait 
l'avantage.  H   gagna  dix  parties  de  *" 
suite.  Tout  à  coup,  un  homme  de 
l'assemblée  qui  avait  quelque  crédit, 
trouvant  ceilp  circonstance  singu- 
lière, ou  bien  peut-être  étant  d'ac- 
cord avec  Proculus,  s'écria,  en.  s'a- 
dressant  à  lui  :  Je  te  salue.,  Auguste  l 
Puis  apportant  un  manteau  de  pour- 
pre ,  il  le  lui  mit  sur  les  épaules  avec 
les  démonstrations  du  respect  le  plus 
religieux;  enfin  il  lui  rendit  tous  les 
honneurs  dus  au  rang  suprême.  11 
n'en  fallut  pas  davantage  pour  déter- 
miner les  assistants,  et  ensuite  la  mul- 
titude à  imi  ter  l'exemple  de  cet  homme 
hardi  (2).  Au  reste,  la  légèreté  natu- 
relle aux  Gaulois  contribua  singuliè- 
rement à  l'élévation  de  Proculus;  il 
fut  surtout  secondé  par  la  haine  que 
ces  peuples  avaient  vouée  à  l'empe- 
reur Probus,  qui  ré.gnait  alors,  et  qui 
se  conduisait  avec  une  excessive  sé- 
vérité. Proculus,  pour  s'assurer  l'em- 
pire, lit  prendre  sur-le-champ  les  ar- 
mes à  deux  mille  de  ses  esclaves  :  il 
parvint  bientôt,  à  l'aide  de  ses  com- 
plices ,  a  gagner  toute  l'armée.  Pen- 
dant son  usurpation,  il  se  rendit  utile 
aux  Gaulois  ;  car.  s'en  tenant  toujours 
k  la  petite  guerre,  il  finit  par  triom- 
pher avec  gloire  des  Germains,  qui 
ava:ent  envahi  une  partie  des  Gau- 
les. Cependant  il  ne  sut  pas  se  main- 


(•î)  Eulrope,  Aiirelins-Victor  et  Vopisru» 
{Vi'f  de  Probes)  donneot  à  entendre  que  lê- 
lecliun  de  Proculus  se  iit  a  Cologne,  et  Crr- 
vier  a  adopté  «-ette  Tersion.  Cependant  nous 
persistons  a  croire  qae  sa  proclama tiou  eut 
lieu  a  Lyon,  ce  qui  noui  semble  résulter  in- 
coute^tablementdu  texte  de  Vopiscus,  oii  on 
lit  {Vit  d*  Procu/uf)  :  HortanliAus  Lugduaensi- 
but.  Tillemont,  Histoire  det  empereurs,  place 
B  Lyon  la  Scène  du  festin  et  uc  la  partie  du 
Jeu  d'ecbecs.  Pour  tout  concilier,  on  pour- 
rait admettre  quf  c'est  a  l.von  que  Proculus 
usurpa  la  pourpre,  et  que  c'est  à  Cologne 
qu'il  «Ubiit  le  siège  de  son  capire. 


78 


pno 


tenir  dans  le  rang  que  le  hasard  lui 
avait  procuré  :  les  débauches  aux- 
■^  quelles  il  ne  cessait  de  se  livrer  de- 
vaient nécessairement  précipiter  sa 
chute. Dans  son  aveuglement,il  s'était 
flatté  d'associer  à  l'empire  son  fils, 
qui  se  nommait  Herennianus,  dès 
que  cet  enfant  aurait  atteint  sa  cin- 
quième année.  Probus  ne  lui  donna 
pas  le  temps  d'accomplir  ce  dessein  ; 
il  lui  livra  bataille ,  et  le  vainquit. 
L'usurpateur,  ayant  pris  la  fuite , 
chercha  en  vain  une  retraite  chez  les 
Francs,  dont  il  prétendait  tirer  son 
origine,  et  sur  lesquels  il  croyait  pou- 
voir compter;  mais  ces  peuples,  pour 
qui  trahir  leur  foi  n'était  qu'un  badi- 
nage ,  le  livrèrent  à  son  ennemi,  qui 
le  fit  mettre  à  mort.  Sous  Dioclétien, 
les  descendants  deProculus  existaient 
encore.et  disaient  en  plaisantant  qu'ils 
n'auraient  jamais  la  fantaisie  de  deve- 
nir pirates  ou  empereurs  [sibi  non 
placere  esse  principes  vel  latrones). 
Après  la  mort  de  Procuius,  on  frap- 
pa à  Lyon  une  médaille  où  l'on  voit 
la  tête  de  cet  aventurier  attachée  à 
un  croc  5  au-dessus  est  le  buste  de 
Probus  devant  nneVictoire  \  on  y  voit 
encore  les  lettres  P.  T.,  qui  signifient 
sansdouteProcwfws  tyrannus;  l'autre 
face  de  la  médaille  offre  l'image  du 
Génie  de  Lyon,  tenant  d'une  main  une 
corne  d'abondance ,  et  de  l'autre  un 
gouvernail.  La  gravure  de  cette  mé- 
daille ,  dont  le  P.  Menestrier  possé- 
dait un  exemplaire ,  se  trouve  dans 
VUist.  consulaire  de  ce  savant  jé- 
suite, p.  142.  Voy.  Flavius  Vopiscus 
{Jlist.  Ju^r.);  Picot  {Hist.  des  Gau- 
lois) ,  et  VArt  de  vérifier  les  dates , 
1. 1«%  p.  384.  A.  P. 

PROISY  â'Eppes  (le  comte  Ck- 
SAU  de),  littérateur,  né  le  1*'  avril 
1788, à  Eppes  (Aisne), d'une  ancienne 
famille  du  Soissonnais,  mourut  le 
ii  octobre  1830,  ù  Marie-Galaude, 


PRO 

l'une  des  Antilles,  où  il  exerçait  des 
fonctions  de  magistrature.  On  a  de 
lui  :  l.  Le  Danger  d'un  premier 
amour,  suivi  de  Thélaïre  de  Vernille 
et  de  V Inconduite,  contes  moraux, 
Paris,  1813,  2  vol.  in-12.  II.  Vergy, 
ou  l'Interrègne  depuis  i792  jusqu'à 
1814  ,  époque  du  retour  de  Louis 
XVIII  à  Paris  et  de  la  restauration 
de  la  monarchie  française,  poème  en 
douze  chants, Paris,  1814,  in-8».  Peu 
de  temps  après  la  publication  de  cet 
ouvrage,  l'auteur  lui-môme  détruisit 
presque  toute  l'édition  ,  ce  qui  en  a 
rendu  les  exemplaires  fort  rares.  De- 
visme  {Manuel  historique  du  dépar- 
tement de  l'Aisne)  dit  que  Proisy 
d'Eppes  a  composé  un  premier  poème, 
imprimé  en  1812,  où  il  a  célébré  la 
Conquête  de  Moscou.  Ul. Dictionnaire 
des  Girouettes,  ou  nos  Contemporains 
peints  d'après  eux-mêmes,  ouvrage 
dans  lequel  sont  rapportés  les  dis- 
cours, proclamations,  extraits  d'ou- 
vrages, écrits  sous  les  gouvernements 
qui  ont  eu  lieu  en  France  depuis 
25  ans,  etc.  ;  par  une  société  de  Gi- 
rouettes, Paris,  1815,  in-8°, trois  édi- 
tions dans  la  même  année.  Il  ne  faut 
pas  le  confondre  avec  un  nouveau 
Dictionnaire  des  Girouettes,  ou  nos 
Grands  hommes  peints  par  eux-mê- 
mes; par  une  Girouette  inamovible^ 
Paris,  1831,  in-12  et  in-8°  (anonyme). 
IV.  Des  articles  insérés  dans  le  Nain 
rose,  le  Journal  de  Paris,  le  Mer- 
cure, le  Journal  des  Arts;  des  ro- 
mances et  des  poésies  dans  différents 
recueils  littéraires.  V,  Le  Mari  prêt  d 
se  mar/cr,  comédie  jouée  en  1815, 
non  imprimée.  On  lui  attribue  les 
trois  pièces  suivantes  qui  ont  paru 
sous  le  nom  de  Victor  :  Palmerin,  ou 
le  Solitaire  des  Gaules ,  mélodrame 
en  trois  actes,  1813,  1810,  in-80; 
Pharamond,  ou  V Entrée  des  Francs 
dans  les  Gaules,  mélodrame,  1813, 


PRO 

in-8«;  la  Folle  Intrigue,  ou  le  Qui- 
proquo, comédie  en  trois  actes  et  en 
vers,  1814,  in-S».  Z. 

PROLIAXUS    ou    PROUAXO 

(Christian),  astronome,  était  né  dans 
le  XV*  siècle  à  Balbano,  aujourd'hui 
jCltomonte,  petite  ville  de  la  Calabre. 
Dans  une  épitre  en  vers  adressée  à 
Petruccio,  secrétaire  de  Ferdinand, 
roi  de  Naples,  il  nous  apprend  que  ce 
prince  lui  avait  fourni  les  moyens  de 
cultiver  son  goiit  pour  les  sciences. 
Celte  pièce,  que  Lorenzo  Giustiniani 
a  réimprimée  dans  la  Tipografia  del 
regm  di  Xapoli^  p.  66,  se  trouve 
au-devant  du  seul  opuscule  que  l'on 
connaisse  de  Prolianus  :  De  Àstrolo- 
gia,  seu  de  totiusorbis  divisione,  de 
sphœra,  deplanetarum  //tcorica,  Na- 
ples, 1477,  in-i".  Cet  opuscule,  de  42 
f. ,  est  rare.  Van  Praet  a  donné  une  no- 
tice de  cette  édition  dans  le  catalo- 
gue de  La  Vallière,  I,  526.  \V— s. 
PROXY  (Gaspard-Clair -Fban- 
çois-Maeie  riche,  baron  de),  ingé- 
nieur français,  naquit  le  11  juillet 
1755,  àChamelet  dans  le  Lyonnais, 
•d'une  des  meilleures  familles  bour- 
geoises du  pays,  bien  que  sa  fortune 
n'y  fût  pas  considérable.  Son  père 
avait  été  membre  du  parlement  de 
Dombes.  Cependant  l'aptitude  que 
laissait  percer  le  jeune  homme  pour 
les  travaux  d'art  força  cet  ancien  ma- 
gistrat de  songer  pour  son  fils  à  une 
autre  carrière ,  et  il  fut  décidé,  non 
sans  difficulté,  qu'il  serait  ingénieur. 
Il  n'en  fit  pas  moins  d'un  bout  à 
l'autre  toutes  ses  études  classiques, 
puis  après  un  an  et  demi  consacré 
pins  spécialement  aux  mathémati- 
ques, il  fut  admis  à  l'école  des 
Ponts-et-Chaussées  (5  avril  1776). 
Son  assiduité,  ses  progrès  lui  valurent 
plusieurs  prix.  Ses  bonnes  manières, 
sa  douceur,  qui  tranchait  avec  la  fou- 
gue juvénile  de  i)eaucoup  de  ses  ca- 


PRO 


r9 


marades,  n'y  gâtaient  rien ,  et  il  avait 
eu  l'art  de  se  rendre  açréable  à  Per- 
ronnet ,  alors  directeur  de  l'établis- 
sement. Nous  ne  pensons  point  que 
cet  administrateur  prédit  alors  que  ^ 
Riche  serait  un  jour  son  successeur, 
mais  le  fait  est  que  l'élève  lyonnais 
sortit  de  l'école  sous  les  auspices  les 
plus  favorables,  et  regardé  comme  un 
des  meilleurs  sujets  qu'elleeût  encore 
formés.  Plusieurs  missions,,  tantôt 
dans  l'une,  tantôt  dans  l'autre  des  pro- 
vinces françaises,  occupèrent  d'abord 
le  jeune  homme,  qui  fit  en  1 779  la  cam- 
pagne des  Sables  d'Olonne,  et  qui, 
l'année  suivante,  reçut  son  brevet  de 
sous-ingénieur.  Bourges,  Argentan, 
Dourdaii ,  Lagny,  le  virent  en  cette 
qualité  présider  à  la  confection  de 
plusieurs  travaux.  Bientôt  il  eut  le 
bonheur  de  se  voir  rappeler  a  Paris 
par  le  ministre,  à  la  demande  même 
de  Perronnet  (1783).  Trop  vieux  dé- 
sormais pour  déployer  l'énergie  et 
l'activité  nécessaires, au  milieu  de  tant 
déjeunes  gens,  et  imparfaitement  se- 
condé par  l'inspecteur-général  De 
Chézy,  dont  l'âge  était  à  peu  près  le 
sien,  il  avait  senti  le  besoin  d'avoir 
auprès  de  lui  un  aide  à  qui  s'en  re- 
mettre du  soin  des  détails.  Prony  (car 
dès  ce  moment  nous  lui  donnons  ce 
nom  qu'il  ne  tarda  point  à  prendre, 
laissant  celuideRicheà  un  frère  plus 
jeune  que  lui,  et  qui  était  en  train  de 
se  signaler  dans  les  sciences  natu- 
relles quand  la  mort  vint  l'enlever), 
Prony,  disons-nous,  était  précisé- 
ment l'homme  qu'il  fallait  au  chef  de 
l'école  des  Ponts-et-Chaussées.  Il 
acheva  de  s'en  concilier  l'amitié,  et 
de  consolider  sa  position  en  se  posant 
le  défenseur  du  pont  de  Neuilly.  Cette 
construction  de  Perronnet  venait  d'ê- 
tre l'objet  de  critiques  sévères  et  mal- 
heureusement assez  spécieuses,  dans 
un  mémoire  présenté  à  l'Académie  des 


80 


PRO 


PRO 


sciences,  où  il  n'avait  pasétë  sans  pro- 
duire quelque  sensation.  Prony  prit 
avec  succès  la  de'fense  de  son  maître. 
Plusieurs  savants  et  même  plusieurs 
membres  de  l'Académie  se  trouvaient 
intéressés  à  la  question  comme  ayant 
concouru  au  plan  du  pont  ou  l'ayant 
sanctionné  de  leur  approbation.  On 
sut  donc  gré  en  général  à  l'apolo- 
giste; et  Monge  voulut  lui  témoigner 
sa  satisfaction  en  l'initiant  lui-même 
aux  parties  les  plus  ardues  de  l'ana- 
lyse dont  cbaqne  jour  alors  il  s'occu- 
pait de  reculer  les  limites  par  des 
découvertes.  C'est  Prony  qui  eut  la 
part  principale  à  la  restauration  du 
port  de  Dunkerque  (1785),  bien  que 
Perronnet  ait  ofliciellement  présidé 
à  cet  ouvrage  ;  et,  se  trouvant  alors 
au  bord  de  la  Manche,  il  fit  un  voya- 
ge en  Angleterre.  11  fut  de  même 
pour  beaucoup  dans  les  travaux  du 
joli  pont  de  Sainte  -  Maxenee  sur 
l'Oise.  Il  était  aussi  du  uonibre  de 
ceux  auxquels  avaient  été  confiées  les 
études  pour  le  pont  Louis  XVI  ;  et 
ces  études  terminées  il  fut  admis  avec 
voix  délibérative  à  la  discussion  qui 
eut  lieu  aux  Ponts  -  et -Chaussées, 
puis  employé  à  la  construction  avec 
le  brevet  d'inspecteur  (23  mars  1787). 
Perronnet  vécut  encore  quatre  ans  : 
Prony  les  passa  ainsi  auprès  de  lui, 
cumulant  les  avantages  de  sa  position 
à  l'école  et  les  appointements  d'in- 
specteur. Il  n'eu  fut  plus  de  même 
quand  Perronnet,  succombant  à  la 
maladie  et  il  làge,  fut  remplacé  par 
Chézy;  et  si  Prony  resta  encore  quel- 
que temps  à  l'école,  ce  fut  sans  titre 
ofûciel  el  sans  rétribution.  Mais  peu 
de  temps  après  il  fut  nommé  ingé- 
nieur en  chef  du  département  des 
Pyrénées-Orientales  (21  août  1791). 
Malheureusement,  et  bien  que  déjà 
la  tourmente  révolutionnaire  devînt 
menaçante,  s'éloigner  de  Paris  n'était 


rien  moins  qu'agréable  à  Prony,  et 
s'en  éloigner  pour  aller  à  Perpignan 
l'était  bien  moins  encore.  Il  mit  tout 
en  œuvre  pour  éviter  cette  extrémité. 
L'assemblée  constituante  venait  de 
voter  le  cadastre  général  de  laFrance; 
il  réussit  à  se  faire  nommer  (5  oct. 
1791)  directeur  du  cadastre.  Familier 
de  longue  main  avec  toutes  les  opé- 
rations de  la  trigonométrie ,  ne  recu- 
lant devant  aucun  labeur,  sachant 
distribuer  les  travaux  et  réunir  les 
résultats,  Prony,  en  effet,  possédait 
les  qualités  nécessaires  pour  mettre 
en  voie  de  réalisation  l'idée  de  ce 
grand  toisé  du  sol  de  la  France.  Il 
en  posa  très-largement  les  bases,  trop 
largement  même  au  dire  de  quelques- 
uns,  et  surtout  trop  lentement  aux 
yeux  de  ceux  qui  voyaient  par-dessus 
tout  dans  le  cadastre  un  moyen  d'as- 
seoir l'impôt  foncier  de  manière  à  lui 
faire  rendre  le  plus  possible.  Il  n'en 
garda  pas  moins  très-longtemps  ce 
poste  bien  rétribué  et  qui  donnait  de 
l'influence,  et  il  traversa  ainsi  sans 
grand  encombre  les  plus  rudes  pério- 
des déjà  révolution,  bien  qu'il  fût  loin 
d'être  ardent  révolutionnaire,  bien 
même  que  sa  femme,  élevée  aux  Inva- 
lides dans  l'intimité  de  M"*^  de  Gui- 
bert  d'abord  ,  puis  de  M""  de  Som- 
breuil,  eût  sauvé  au  10  août  le  comte 
de  Pluvier.  Avec  les  travaux  du  cadas- 
tre il  faisait  marcher  de  front,  depuis 
1792  la  confection  des  gigantesques 
tables  logarithmiques  à  quatorze, 
dix-neuf  et  vingt-cinq  décimales  qui 
existent  manuscritesù  l'Observatoire, 
et  qui  depuis  cinquante  années  n'ont 
cessé  de  rendre  des  services  inappré- 
ciables au  calcul  astronomique.  Ce 
qu'il  y  a  de  singulier  dans  l'exécu- 
tion de  cet  énorme  travail,  c'est  qu'il 
fut  mené  à  bien  en  deux  ans,  c'est 
aussi  que  l'habile  constructeur  des 
tables  y  eut  presque  exclusivenicut 


PRO 


PRO 


81 


pour  collaboratears  nombre  de  coif- 
feurs que  la  révolution,  aussi  funeste 
à  ceux-ci  qu'à  l'état  social,  avait  je- 
tés sur  le  pavé.  En  homme  habitué  à 
répartir  les  tâches  entre  des  travail- 
leurs subalternes  chargés  chacun 
d'opérer  toujours  de  même  dans  un 
cercle  restreint  et  moyennant  des 
procédés  faciles,  puis  à  coordonner 
les  résultats  des  travaui,ou  peut-être, 
comme  il  avait  la  modestie  de  le  ré- 
péter, sous  l'impression  des  pages  si 
ingénieuses  où  Adam  Smith  a  expliqué 
le  mécanisme  et  les  avantages  de  la 
division  du  travail ,  Prony  conçut 
plus  forioment  qu'un  autre  la  dis- 
tinction des  deux  différentes  sortes 
de  calculs  à  opérer  pour  avoir  les  ta- 
bles, les  calculs,  dont  pouvaient  seuls 
s'acquitter  des  mathématiciens  et 
ceux  auxquels  suffit  un  peu  d'arith- 
métique; et,  ceux-ci  étant  de  beaucoup 
les  plus  considérables,  il  réduisait 
la  plus  grande  partie  de  l'opéra- 
tion à  un  travail  manufacturier  qu'il 
était  possible  d'avoir  à  bon  marché 
et  d'accélérer  à  volonté.  Les  dix-sept 
gros  volumes  in-folio  qui  contiennent 
au  delà  de  2,000,000  de  logarithmes 
tant  trigonométriques  que  numéri- 
ques furent  donc,  nous  ne  dirons  pas 
bâclés,  car  on  ne  trouve  rien  à  y  re- 
prendre, mais  improvisés-,  et  cette  ex- 
trême célérité  n'est  pas  un  des  traits 
les  moins  curieux  de  l'époque  de  la 
terreur.  C'est  en  quelque  sorte  le  mil- 
lésime de  1793.  Prony  voyait  appro- 
cher la  fin  de  sa  table  quand,  en  1794, 
fut  créée  l'École  Polytechnique.  La- 
grange  et  Prony  furent  dès  l'origine 
chargés  en  commun  de  renseigne- 
ment de  la  mécanique;  mais  ce  fut 
Prony  qui  occupa  le  plus  souvent  la 
chaire,  et  il  y  donna  le  modèle  de 
cette  admirable  exposition  surpassée 
depuis,  et  si  remarquable  alors,  qui 
a  tant  contribué,  dans  les  cinquante 

TXXYIII. 


dernières  années,  à  populariser  la 
culture  des  sciences.  Les  cours  que 
fit  Prony  devinrent  pour  lui  l'oc- 
casion d'une  série  d'ouvrages  aux- 
quels l'instruction  spéciale  a  dû  beau- 
coup. Vers  le  même  temps  fut  recon- 
stituée l'Académie  des  sciences  comme 
partie  de  l'Institut  :  Prony  en  fut 
nommé  membre  des  l'origine ,  et  suc- 
cessivement il  en  devint  secrétaire , 
puis  président.  Il  fut  aussi  avec  Cu- 
vier  et  Vicq  d'Azyr  un  des  premiers 
fondateurs  de  la  Société  philomati- 
que.  En  un  mot,  son  nom  était  entouré 
d'un  grand  éclat  scientifique  quand 
(1797)  Bonaparte  revint  de  sa  cam- 
pagne d'Italie  et,  comme  on  sait,  se 
plut  à  paraître  à  l'Institut,  et  surtout 
à  la  classe  des  sciences.  Il  rechercha 
Prony;  et  M™®  Prony  {voy.  son  ar- 
ticle à  la  fin  de  celui-ci),  que  sa  nais- 
sance et  l'éducation  avaient  toujours 
tenue  en  relation  avec  la  noblesse, 
fut  accueillie  avec  distinction,  avec 
amitié  par  Joséphine.  Si  Prony  alors 
avait  été  bieniuspiré ,  il  se  serait  lié 
plus  fortement  qu'il  ne  le  fit  à  la  for- 
tune de  l'ambitieux  général,  et  il  l'eîlt 
suivi  en  Egypte.  Bonaparte  n'eût  pas 
mieux  demandé  que  de  l'emmener;  il 
le  lui  proposa  même  et  y  mit  ou  y 
fit  mettre  quelque  insistance.  Mais 
Prony  n'avait  point  le  caractère  aven- 
tureux et  il  déclina  les  ouvertures. 
Il  pensait  d'ailleurs  que  d'un  jour  à 
l'autre  la  place  de  directeur  de  l'école 
des  Ponts-et-Chaussées  pouvait  venir 
à  vaquer,  et  il  eût  regardé  comme  une 
folie  de  préférer  aux  nombreuses 
chances  qu'il  avait  de  succéder  à  Cbt^ 
zy  des  éventualités  dans  les  brouil- 
lards du  Nil.  Chézy  mourut  en  effet 
dans  l'intervalle  du  départ  au  retour 
de  Bonaparte  (13  vendém.  an  VU. 
i  oct.  1798),  et  c'est  Prony  qui  le 
remplaça.  Mais  l'événement  prou- 
va qu'il  avait  mal  calculé.  Bonaparte 

C 


82 


PRO 


revenu  de  l'Orient,  Bonaparte  maî- 
tre de  la  France  et  de  l'Europe  n'ou- 
blia jamais  son  refus  de  graviter  au- 
tour de  lui,  en  ce  temps  où  il  y  avait 
bien  quelque  risque  à  le  faire,  et  de 
courir  les  mêmes  chances  mauvaises 
ou  bonnes.  Comme  il  était  l'homme 
des  impressions  une  fois  reçues,  il  ne 
cessa  point  d'avoir  pour  lui  la  même 
estime  et  de  le  regarder  comme  une 
rare  et  utile  spécialité  ;  mais  l'affec- 
tion n'y  était  pas.  H  lui  donna  dès 
l'institution  le  ruban  de  la  Légion- 
d'Honneur,  mais  il  ne  le  comprit  pas 
avec  tant  d'autres  savants  parmi  les 
membres  richement  dotés  de  son  sé- 
nat. Il  laissait  Joséphine  recevoir  tant 
qu'elle  le  voulait  M™'^  de  Prony  et  lui 
envoyer  des  fleurs  rares  de  la  Malmai- 
son, mais  toute  demande  sérieuse  en 
faveur  du  mari  aurait  été  éludée  ,  à 
moins  d'un  art  extrême  ou  de  cette 
persistance  qu'aucun  moyen  ne  fait 
rougir,  et  la  pauvre  Joséphine  le  sen- 
tait si  bien  qu'elle  ne  demandait  rien. 
Il  fallait  bien  avoir  recours  au  direc- 
teur des  Ponts-et-Chaussées  quand 
quelque  longue  et  rude  tâche  requé- 
rait la  présence  d'un  intrépide  tra- 
vailleur-, et  c'était  dans  la  bouche  du 
maître  un  mot  proverbial ,  on  dirait 
presque  une  marotte,  que  cette  ré- 
ponse aux  gens  qui  demandaient  un 
pont,  un  canal,  une  route  :  «  Je  vous 
enverrai  Prony.  »  C'est  ainsi  qu'en 
août  1808  Prony  alla  en  compagnie  de 
Sgansin  visiter  le  département  de  la 
Vendée,  à  l'effet  d'étudier  les  mesures 
à  prendre  pour  dessécher  les  marais 
de  la  contrée,  pour  canaliser  les  ri- 
vières susceptibles  de  devenir  aptes  à 
la  navigation ,  et  pour  améliorer  les 
ports.  Avant  et  après  cette  excursion 
en  Vendée,  Napoléon  l'avait  chargé 
de  semblables  missions  à  l'étranger, 
notamment  en  Italie  ofj  Prony  i  ut 
faire   trois  voyages  ;  le  premier' en 


'       PRO 

1805  pour  inspecter  le  cours  du  Pô 
et  pour  exécuter  plusieurs  travaux  au 
port  de  Gênes  et  au  golfe  de  la  Spez- 
zia,  le  second  en  1806  pourTainélio- 
ration  des  ports  d'Ancône,  de  Venise 
et  de  Pola,  le  troisième  en  1810  et 
1811  pour  l'assainissement  de  la  ré- 
gion occupée  par  les  marais  pontins. 
La  première  de  ces  expéditions  fut  si- 
gnalée par  l'arrestation  de  Prony  sur 
le  territoire  autrichien.  Se  confiant  à 
l'état  de  paix  il  s'était  avisé  de  passer 
du  royaume  d'Italie,  alors  borné  par 
le  Pô ,  dans  les  anciennes  provinces 
vénitiennes  et  à  Venise  même.  Il 
était  accompagné  d'un  officier  supé- 
rieur (1)  autorisé  à  le  suivre  dans  sa  vi- 
site des  bords  du  Pô.  A  peine  les  deux 
étrangers  ont  mis  le  pied  dans  l'an- 
tique cité  des  doges  que  les  agents 
de  la  police  autrichienne  les  mandent 
l'un  et  l'autre,  leur  font  subir  un 
minutieux  interrogatoire,  examinent 
leurs  papiers,  où  ils  ne  trouvent  rien 
qui  puisse  faire  naître  l'ombre  d'un 
soupçon,  et  n'en  finissent  pas  moins 
par  leur  déclarer  qu'ils  sont  aux  ar- 
rêts (10  juillet).  En  vain  le  commis- 
saire-général des  relations  commer- 
ciales veut  intervenir.  On  lui  notifie 
que  sa  visite  même  au  domicile  des 
deux  suspects  est  irrégulière,  et  que 
leur  domicile  doit  être,  dès  ce  mo- 
ment, réputé  prison  autrichienne, et 
par  cela  même  est  fermé  au  commis- 
saire français.  Celui-ci  ne  se  tint  pas 
pour  battu,  et  ne  pouvant  avoir  rai- 
son de  Bissingen  (c'était  le  nom  du 
chef  de  la  police),  il  s'adressa  au 
général  en  chef,  De  Bellegarde ,  qui, 
trouvant  ridicules  celle  violence  et 
ces  soupçons,  leva  les  arrêts.  Maisdé- 
Jà,  pendant  ce  temps,  la  nouvelle  de 
l'accident  étant  venue  à  Paris,  Napo- 

(i)  Il  su  lioiiwuuit  Costanzo  et  atuit  le  titre 
d<;  riief  dn  Ijataillon  du  génie. 


PRO 


PRO 


83 


léon,  sans  attendre  un  moment,  avait 
fait  arrêter  un  conseiller  aulique  de 
Vienne,  qui  se  trouvait  là  par  hasard, 
et  il  ne  le  relâcha  que  quand  on  sut  la 
délivrance  de  Prony.  Un  article  du 
Moniteur  (10  thermidor  an  Xlil,  ou  29 
juillet  1805) ,  qui  contenait  la  décla- 
ration de  ces  faits,  se  terminait  par 
la  phrase  suivante  :  «  Cette  circon- 
«  stance  aura  un  double  avantage  : 

•  elle  fera  connaître  à  M.  de  Prony 
«  tout  l'intérêt  que  lui  portent  les 
«  gens  éclairés  -,  et  elle  manifestera  en 
«  même  temps  la  ferme  intention  où 
«  est  le  gouvernement  de  ne  pas  souf- 
«  frir  qu'on  attente  au  droit  des  gens 
«  dans  la  personne  des  citoyens  fran- 

•  çais  et  de  mettre  constamment  en 
«  usage  le  droit  de  représailles.  » 
Prony,  pendant  son  dernier  voyage 
en  Italie,  poussa  très-loin  ses  études 
sur  la  question  qui  lui  avait  été  sou- 
mise, et  recueillit  une  infinité  de  do- 
cuments tant  sur  Thistorique  des 
tentatives  faites  pour  dessécher  les 
marais  que  sur  les  éléments  du  pro- 
blème. Il  se  fit  même  dès  lors  un  sys- 
tème sur  les  mesures  qu'il  eût  été 
utile  d'adopter  ponr  mettre  un  terme 
à  l'état  de  choses  dont  PieVI  avait  en 
vain  voulu  débarrasser  le  Patrimoine 
de  S.  Pierre  et  qu'il  n'avait  pu  qu'at- 
ténuer. Mais  les  événements  politi- 
ques de  plus  en  plus  graves,  en  face 
desquels  le  gouvernement  impérial 
se  trouva  depuis  1812,  ne  permi- 
rent pas  d'entamer  l'exécution  de 
ces  plans ,  et  probablement  les  idées 
de  Prony  sur  la  dessiccation  du  ter- 
ritoire qu'il  s'agissait  de  rendre  en 
même  temps  à  la  culture  et  à  la  sa- 
lubrité auraient  été  perdues  s'il  n'eût 
jugé  à  propos,  quand  la  chute  de  Na- 
poléon eut  remis  à  bien  loin  la  réa- 
lisation de  son  projet  comme  de  mille 
autres,  de  consigner  dans  un  écrit 
spécial  le  résultat  de  ses  observations 


et  de  ses  recherches.  Si  le  pape  alors 
régnant,  Léon  XII,  ne  fit  pas  mettre 
immédiatement  la  main  à  l'œuvre,  au 
moins  sut-il  comprendre  la  justesse 
et  la  beauté  des  vues  de  Prony,  au- 
quel il  témoigna  sa  satisfaction  par 
une  lettre  (  l  )  et  par  une  médail  le  d'or. 
C'était  en  1823.  Il  y  avait  neuf  ans  alors 
que  l'empire  français  avait  cessé  d'ê- 
tre. Les  événements  de  1814,  en  tant 
qu'ils  ôtaient  le  pouvoir  à  Bonaparte  et 
ramenaient  les  Bourbons,  n'avaient 
pas  profondément  affligé  Prony,  sen- 
sible pourtant  aux  prospérités  de  sa 
patrie,  et  bien  moins  encore  sa  femme. 
La  Restauration  d'ailleurs  le  fit  officier 
delaLégion-d'Honneur  (5  août  1814) 
et  chevalier  de  Saint-Michel  (1816)  ; 
et  il  garda  la  direction  de  l'école  des 
Ponts-et-Chaussées.  11  cessa,  il  est 
vrai,  de  professer  à  l'École  Polytech- 
nique ;  mais  son  âge  commençait  à 
lui  défendre  les  fatigues  du  profes- 
sorat, et  d'ailleurs  il  devint   exa- 
minateur   permanent  des  candidats 
pour  cette  École.  Parmi  diverses  mis- 
sions  qu'il  eut  à  remplir  pendant 
les  seize  ans  du  gouvernement  de  la 
branche  aînée,  on  doit  remarquer  sur- 
tout le  voyage  qu'il  fit  en  1827  dans 
le  département  du  Rhône,  pour  avi- 
ser au  moyen  de  sauver  des  ravages 
du  tleuve  la  contrée  qu'il  parcourt. 
Il  n'avait  été  qne  trop  familiarisé,  dès 
l'enfance,  avec  les  tableaux  de  déso- 
lation qui  se  reproduisent  si  fréquem- 
ment dans  ces  parages.  11  ne  réussit 
pas  mieux  pourtant  que  les  autres  à 
en  rendre  le  retour  impossible,  ou 
plutôt  il  n'y  vit  de  remèdes  que  nioyen- 


(i)  Elapii  Umpons  mora,  disait  Sa  Sainteté, 
nostrit  erga  le  semibus  ri:n  addidit  potius  quam 
delraiit;  «o»  enim  plane  tibi  grales  profitemur 
quod  ad  retlitvitndam  assertnUamqua  amplij— 
tinio  ditiouis  noitrce  agro  infeila  paUuUbuJob- 
siio,  fertâitcUem  et  salubrilatem  egrtgia  stu- 
dia  laboraçue  tuo*  eontulerit. 

6. 


84 


PRO 


naut  tics  d(?penses  si  fortes  qiio  le 
<li!])ai  tenient,  le  gouverneuient  et  les 
villes  reculaient  devant  ces  gros  chif- 
fres; puis,  quand  le  désastre  estpassé, 
que  les  victimes  ne  crient  plus,  par- 
ce qu'elles  ne  sont  plus  ou  qu'elles 
gémissent  seulement,  on  oublie  si 
vite!  Aussi,nialgré  de  fréquentes  inon- 
dations depuis  le  voyage  de  Prony,  en 
sommes-nous  précisément  au  même 
pointqu'en  1828.  Peu  de  temps  après 
sou  retour  Prony  fut  créé  baron  (25 
juin  1828).  Il  avait  depuissix  ans  per- 
du sa  femme,  que  cette  distinction  evit 
•  comblée  de  joie.  Fût-il  jamais  arrive 
sous  Charles  X  à  la  pairie  comme  il  y 
parvintsous  le  gouvernement  de  juil- 
let, en  1835?  On  peut  en  douter.  Mais 
c'était  nntitrebien  vainquecelui  qui 
lui  était  conféré  à  quatre-vingts  ans 
et  dont  l'éclat  ne  pouvait  même  re- 
jaillir sur  un  héritier  ,  car  il  n'a- 
vait pas  d'enfant.  On  comprend  que 
la  sphère  d'activité  de  Prony  au 
Luxembourg  dut  être  fort  restreinte. 
En  1837,  cependant,  c'est  lui  qui  fut 
le  rapporteur  de  la  commission  char- 
gée de  l'examen  du  projet  de  loi  re- 
latif àla  reconstruction  des  sept  ponts. 
II  survécut  encore  deux  ans  à  cette 
époque  de  sa  vie  ;  mais  dès  le  com- 
mencement de  1839  sa  santé  donna 
de  graves  inquiétudes.  Seule  sa  vi- 
gueur d'esprit  lui  resta  fidèle.  Jus- 
qu'à ses  derniers  moments  en  quelque 
sorte, il  prit  part  aux  délibérations  du 
conseil  des  Ponts-et-Chaussées.  Il 
demeurait  en  dernier  lieu  à  l'hôtel 
fie  Carnavalet  j  et  c'est  dans  cette  an- 
cienne habitation  de  M'"''  de  Sévigné, 
probablement  c'est  dans  le  cabinet 
môme  où  la  mère  de  M"'"  de  Grignan 
a  écrit  tant  de  lettres  délicieuses, 
qu'il  combina  ses  dernières  équa- 
lions,  et  c'est  aussi  là  qu'il  a  composé 
plusieurs  articles  de  cette  Biographie 
univertellc.  Il  mourut  le  29  juillet 


PRO 

1839.  Trois  discours  furent  pronon- 
cés à  ses  obsèques  (  3  août)  par  MM, 
Arago,  Fontaine  et  Tarbé  de  Vaux- 
clair.  Prouy  était  depuis  1833  mem- 
bre du  Bureau  des  longitudes  enqua- 
lité  de  géomètre,  et  commandeur  de 
la  Légion-d'Honneur.  Il  faisait  partie 
aussi  delà  plupart  des  grandes  acadé- 
mies d'Europe.  Ce  n'était  point  pour- 
tant un  esprit  du  premier  ordre,  et  à 
peine  même  pourrait-on  dire  du  se- 
cond ;  mais  c'était  dans  toute  la  for- 
ce du  terme  une  spécialité.  Il  sa- 
vait bien  ses  mathématiques ,  sa 
mécanique ,  son  hydraulique,  pas- 
sablement sa  physique  ;  il  était  pra- 
tique surtout  ;  il  ne  reculait  devant 
aucun  travail ,  et  s'il  semblait  par- 
fois labourer  son  sillon,  du  moins 
le  sillon  était  profond,  était  droit  et 
bien  tracé.  Mais  une  fois  tiré  de  ses 
triangulations,  de  ses  ponts-et-chaus- 
sées,  vous  vous  aperceviez  aisément 
de  ses  limites.  Bien  que  nécessaire- 
ment, comme  directeur  de  l'École  et 
comme  chef  de  service,  il  vît  et  beau- 
coup d'hommes  et  beaucoup  de  cho- 
ses, qu'il  dût  par  conséquent  embras- 
ser des  ensembles,  il  ne  dominait 
que  médiocrement  les  sujets  ;  mais  il 
les  dominait  un  peu.  Son  caractère 
était  analogue  à  son  esprit  ;  il  était 
modéré,  tenace  pourtant,  et  ne  don- 
nait jamais  au  hasard.  Il  ne  manquait 
pas,  sinon  de  charlatanisme,  au  moins 
de  certaine  vanité,  et  il  avait  grand 
soin  de  faire  sonner  et  d'énumérer 
tous  ses  titres.  Du  reste  il  était  bon, 
probe  et  franc.  A  coup  sûr  le  commis- 
saire autrichien,  à  Venise,  se  mépre- 
nait lourdement  en  le  prenant  pour 
un  esprit  soit  diplomatique,  soit  mi- 
litaire; Prony  était  certes  le  dernier 
homme  que  Bonaparte  eût  choisi 
pour  de  pareilles  missions.  Le  nom- 
bre de  ses  ouvrages  est  très-grand; 
«juoiquc  de  fort  inégale  importance, 


PRO 


.   PRO 


85 


la  plupart  ont  quelque  chose  qui  se 
recommande  aux  yeux  des  hommes 
du  métier.  Nous  les  indiquerons  donc 
presque  tous,  n'omettant  que  des  ba- 
gatelles absolument  insignifiantes,  et 
conformément  à  un  ordre  métho- 
dique qui,  parlant  des  mathématiques 
pures  et  après  l'indication  d'un  seul 
travail  astronomique  et  de  quelques 
petits  travaux  géodésiques,  nous  amè- 
nera par  la  mécanique  à  l'hydraulique 
et  aux  constructions  de  terre  ferme. 
Seulement  nous  réserverons  pour  les 
donner  en  bloc  et  hors  rang  plusieurs 
opuscules,  notices  ou  rapports  sur 
des  objets  divers,  et  l'indication  des 
articles  fournis  à  plusieurs  recueils. 
I,  Exposition  d'une  méthode  pour 
construire  les  équations  déterminées 
qui  se  rapportent  aux  sections  coni- 
ques, à  L'usage  des  ponts-et-chaus- 
sées,  Paris,  1790,  gr.  in-4",  2  pi.  11. 
JS'ouvelle  méthode  trigonométrique  , 
Paris, 1823, in-i". La  méthode  qu'expo- 
se ici  Frony  et  qui  lui  était  propre  (il 
l'avait  imaginée  en  Italie,  dans  le 
temps  où  il  s'occupait  des  marais  Pon- 
tins)  avait  un  double  but,  d'une  part 
obtenir  une  précision  plus  satisfai- 
sante, de  l'autre  se  garantir  de  l'iu- 
fluence  d'une  atmosphère  empoison- 
née. Ce  mémoire  se  lie  donc  à  sa 
grande  Description  hydrographique 
et  historique  des  marais  Pontins,oii 
déjà  il  avait  présenté  un  aperçu  de  sa 
méthode, mais  ici  l'exposition  est  plus 
développée.  111.  Notice  sur  les  gran- 
des tables  logarithmiques  et  trigo- 
nométriques  adaptées  au  nouveau 
système  métrique  et  décimal,  Paris, 
1824,  in-4°.  11  a  été  parlé  plus  haut 
de  la  rapide  confection  de  ces  tables; 
disons  un  mot  à  présent  de  ce  qu'el- 
les contiennent.  Ce  sont,  d'une  part, 
les  logarithmes  de  1  à  200,000,  les 
10,000  premiers  nombres  calculés  à 
dix-neuf  décimales,  et  les  suivants  à 


quatorze  avec  cinq  colonnes  de  dif- 
férences; de  l'autre,  2,000,000  et  quel- 
ques raille  de  logarithmes  de  lignes 
trigonométriques ,  plus  exactement 
10.000  sinus  en  nombres  naturels  cal- 
culés à  25  décimales  avec  7  ou  8  co- 
lonnes de  différences;  2,000,000  de 
logarithmes  tant  sinus  que  tangentes 
calculés  à  quatorze  décimales  avec 
quatre  colonnes  de  différences;  et  en- 
iin  10,000  logarithmes  relatifs  aux 
rapports  des  sinus  et  tangentes  aux 
arcs,  pour  faciliter  l'interpolation 
dans  les  calculs  relatifs  aux  petits  an- 
gles, à  quatorze  décimales  conuDc  les 
précédents  et  avec  trois  colonnes  de 
différences.  Ce  simple  énoncé  suflit 
pour  voir  combien  ces  tables  l'empor- 
tent sur  toutes  celles  qui  existent,  im- 
primées ou  manuscrites,  sans  en  ex- 
cepter même  celles  de  l'observatoire 
de  Vienne  ;  et  l'on  ne  saurait  douter 
qu'aux  mains  des  hommes  habiles 
auxquels  on  en  a  coulié  le  dépôt  ces 
tables  n'aient  déjà  rendu  à  l'astro- 
nomie et  à  la  géographie  des  services 
éminents,  et  n'aient  contribué  à 
l'exactitude,  à  la  précision  de  beau- 
coup de  déterminations  modernes. 
Toutefois,  il  faut  le  dire,  leur  utilité 
ne  peut  être  sensible  que  dans  une 
sphère  trop  restreinte.  Il  est  vrai- 
ment à  regretter  qu'elles  soient  res- 
tées et  probablement  qu'elles  doi- 
vent rester  long-temps  manuscrites, 
monopohsées  en  quelque  sorte  par 
quelques  heureux  qui  se  trouvent 
avoir  ainsi  pour  eux  non  -  seule- 
ment la  su(iériorité  de  connais- 
«ances  et  de  talent,  mais  aussi  In 
supériorité  de  ressources,  et  de  celles 
même  de  ces  ressources  qui  pour- 
raient être  communes  à  tons.  Le 
gouvernement  révolutionnaire,  au- 
quel du  moins  on  ne  saurait  dénier 
celte  gloire  d'avoir  eu  toujours,  au 
milieu  de  ses  préoccupatious  poli- 


86 


PRO 


tiques,  un  vif  désir  de  faire  marcher 
les  sciences,  avait  passé  un  marché 
avec  la  maison  F.  Didot  pour  l'im- 
pression de  ces  tables  ;  mais  le  Di- 
rectoire, toujours  à  court  d'argent, 
n'était  pas  apte  à  réaliser  un  vœu 
aussi  dispendieux.  Napoléon,  en  dé- 
pit de  l'engouement  qu'il  affectait  et 
parfois  éprouvait  (par  exemple  lors- 
qu'il venait  de  se  heurter  aux  idéolo- 
gues) pour  les  sciences  exactes,  ne 
fut  jamais  pressé  de  donner  à  l'im- 
primerie impériale  ordre  de  livrer  à 
2  ou  3,000  exemplaires  les  grandes 
tables  logarithmiques  de  l'observa- 
toire ;  il  eût  fallu  que  Prony  lui 
eût  parlé  de  logarithmes  au  bord 
du  Nil ,  entre  un  Mamelouk  et  un 
boulet  de  canon  :  dans  ce  cas,  un 
jour  peut-être,  à  Schœnbrunn  ou 
au  Kremlin ,  il  s'en  serait  souvenu 
et  il  aurait  lancé  pour  l'impression 
de  Prony  un  de  ces  décrets  comme  il 
aimait  à  en  faire.  La  Grande-Bre- 
tagne, au  reste,  avait  offert  un  mo- 
ment de  contribuer  pour  moitié  des 
frais  à  cette  publication  :  la  négo- 
ciation resta  en  route  comme  tant 
d'autres.  C'eût  été  un  curieux  spec- 
tacle sans  doute  que  cette  association, 
mais  le  rôle  n'eût  pas  été  assez  beau 
pour  nos  voisins  :  la  France  aurait 
fourni  le  génie,  le  travail  ;  l'Angle- 
terre n'aurait  contribué  que  pour 
quelques  mille  livres  sterl.  IV.  Mé- 
moire sur  le  calcul  des  longitudes  et 
des  latitudes,  Paris,  1806,  in-4°;  V. 
Rapport  sur  les  expériences  faites 
avec  un  instrument  français  et  un  ins- 
trument anglais,  pour  déterminer  le 
rapport  du  mètre  et  du  pied  anglais, 
et  pour  comparer  entre  eux  les  étalons 
originaux  des  mesures  appartenant  d 
l'Institut  rtational  de  France  {\e.  15 
nivôse  an  X,  1802),  in-^o.  VI.  Ana- 
lyse du  système  du  monde  de  La- 
plaei,  Paris,  1801.  Ce  résumé  se  rc- 


PRO 

commande  par  une  heureuse  dispo- 
sition et  par  une  grande  netteté.  Il  est 
à  la  portée  des  gens  du  monde  qui 
savent  un  peu  de  géométrie  ou  qui ,  du 
moins,  ont  assez  d'instinct  mathé- 
matique pour  suivre  des  conceptions 
déjà  un  peu  au-dessus  du  très-facile, 
mais  peu  compliquées  encore  pour- 
tant et  clairement  présentées.  VII. 
Description  des  moyens  employés 
pour  mesurer  la  base  du  Hounslow- 
Heath  dans  la  province  de  Middle- 
sex ,  traduit  de  l'anglais  du  général 
Roy,  Paris,  1787,  in-4°.  VIII.  Des- 
cription des  opérations  faites  en  An- 
gleterre pour  déterminer  les  positions 
respectives  des  observatoires  de 
Greenwich  et  de  Paris ^  Paris,  1795, 
in-4''.  IX.  Mécanique  philosophique, 
on  Analyse  des  diverses  parties  de  la 
science  de  l'équilibre  et  du  mouve- 
menf,  Paris,  anVlIl(1800),  in-4°.Bien 
que  ce  traité  ne  soit  qu'un  morceau 
tiré  à  part  du  Journal  de  l'École  Po- 
lytechnique, nous  le  classons  ici  tant 
à  cause  de  son  importance  que  de  sa 
dimension.  L'auteur  pourtant  ne  l'a 
point  achevé;  l'ouvrage  entier  devait 
se  composer  de  cinq  parties  et  d'iui 
tableau  synoptique  de  toutes  les  par- 
ties de  la  mécanique.  Seules  les  trois 
premières  parties  sont  comprises  dans 
la  pubhcation  de  l'an  VIII.  Il  se  re- 
commande surtout  par  une  grande 
clarté,  par  de  bons  tableaux  synop- 
tiques, par  la  méthode.  X.  Leçons 
de  mécanique  analytique  données  d 
VÉcole  royale  polytechnique,  Paris, 
1815,  2  vol.  (on  deux  parties),  in-4°. 
C'est  encore  un  ouvrage  inachevé. 
Deux  parties  seulement,  la  statique  et 
la  dynamique,  s'y  trouvent  traitées-, 
il  manque  encore  l'hydrostatique  et 
l'hydrodynamique,  que  Prony  avait 
promises  et  auxquelles  mOuie  il  de- 
vait joindre  des  applications,  ce  qui 
eût  donné  lieu  à  une  cinquième  par 


PRO 

lie.  XI.  Analyse  raiionnée  du  cours 
de  mécanique  de  M.  de  Prony,  Paris. 
anIX(t801),  in-4°.  Cette  récapitula- 
tion, moins  importante  sans  doute 
que  les  ouvrages  qid  précèdent,  a  ceci 
de  précieux  qu'elle  «mbrasse  l'ensem- 
ble et  qu'elle  trace  le  tableau  entier 
de  la  science.  XII.  Sommaire  des  Lois 
sur  le  mouvement  des  eorpâ  solides^ 
l'équilibre  et  le  mouvement  des  flui- 
des donnés  à  l'École  Polytechnique 
en  1809. Paris.  1809,  in-4o.  XIII.  Ré- 
sumé de  la  théorie  des  formules  fon- 
damentales relatives  au  mouvement 
de  l'eau  dans  les  tuyaux  et  les  ca- 
naux, Paris,  1825,  in-4»,  5  tableaux. 
Cet  excellent  morceau  présente  réu- 
nis les  résultats  des  meilleures  expé- 
riences faites  dans  toute  l'Europe  sur 
ce  sujet.  XI  V.fia/)port«urieménJOtre 
de  Ducros  sur  les  quantités  d'eau 
qu'exigent  les  canaux  de  naviga- 
tion, Paris,  an  IX  (1801).  in-8°.  XV. 
Recherches  physico-mathématiques 
sur  la  théorie  des  eaux  courantes, 
Paris,  an  XII  (1804),  in-4».  Bien  que 
de  dimensions  moins  volumineuses 
que  quelques-unes  «les  précédeutes 
publications,  les  Recherches  physico- 
mathématiques sont  un  des  beaux 
titres  deProny.  11  y  a  là  beaucoup  de 
recherches,  d'expériences,  de  solu- 
tions, de  formules  qui  lui  sont  pro- 
pres, et  l'on  peut  dire  sans  exagéra- 
tion qu'il  a  contribué  à  enrichir,  à 
former  la  théorie  fies  eaux  courantes. 
XVI.  Mémoire  sur  les  variations  de 
la  pente  totale  de  la  Seine  dans  la 
traversée  de  Paris,  avec  la  détermi- 
nation de  la  valeur  absolue  de  cette 
pente  par  chaque  jour  des  années 
1788,  1789,  1790.  avec  un  rapport 
fait  à  l'Académie  des  sciences  par 
MM.  Lavoisier,Lapiaceet  Coulomb, 
1806,  iu-to.  XVIl.  Mémoire  sur  le 
jaugeage  d'eaux  courantes  qui  doi- 
vent eUimenter  le  bassin  de  passage 


PRO 


87 


du  canal  de  Saint-Quentin,  Paris, 
an  X  (1802),  in-4».  XVIII.  Nout>elle 
architecture  hydraulique ,  etc.,  etc., 
Paris,  1790 et  1796, 2 vol.  in-4»,  54  pi. 
Conformément  au  litre  très-déve 
loppé  dont  nous  venons  de  donner 
les  premiers  mots  seulement,  ce  grand 
ouvrage  contient  tout  ce  que  l'on 
savait  à  la  Gn  du  siècle  dernier  sur 
l'art  d'élever  l'eau  par  le  moyen  de 
diflFérenles  machines,  de  construire 
dans  ce  fluide,  de  le  diriger,  et  géné- 
ralement de  l'appliquer  de  diverses 
manières  aux  besoins  de  la  société. 
Le  premier  volume  pose  les  b;ises 
de  cet  art,  en  exposant  les  principes 
de  la  mécanique,  de  manière  à  en 
rendre  la  C'  i-e  la  plus  utile 

possible  au  V  ;  ours  de  tous  les 

genres  et  même  a  ious  les  artistes  en 
général.  Le  tome  deuxième  offre  la 
description  détaillée  des  machiues  à 
feu.  Prony  avait  promis  de  compléter 
son  ouvrage  par  une  troisième  partie 
contenant  la  description  de  toutes  les 
machines  à  élever  l'eau,  mais  ce  pro- 
jet ne  fut  jamais  réalisé.  XIX.  Des- 
cription hydrographique  et  statis- 
tique des  marais  Pontins;  relief  du 
sol,  cadastre  détaillé  intérieur,  etc  ; 
analyse  raisonnée  des  principaux 
projets  pour  le  dessèchement,  histoire 
critique  des  travaux  exécutés  depuis 
ces  projets,  état  actuel  du  sol  Pontin 
(juill.  181 1),  projet  ultérieur  pour  son 
dessèchement  général  et  complets  avec 
l'exposition  des  principes  fondés  sur 
la  théorie  et  l'expérience  qui  ont  servi 
de  base  à  ces  projets  rédigés  d'après 
les  renseignements  recueillis  sur  les 
lieux  par  l'auteur  ;  examen  détaillé 
des  marais  où  il  a  séjourné  ^t  qu'il 
a  visités  et  parcourus plusimrs  fois, 
et  les  opérations  de  jaugeage,  nivel- 
lement, etc.,  qu'il  a  faites  pendant  les 
années  1811,  1812,  Pans,  1822,  iuip. 
royale;  1823,  iu-i»,  atl.  de  39  pi. 


88  PRO 

in-fol.  Cet  ouvrage  est  un  beau  titre 
à  la  fois  pour  Prony  et  pour  la  France, 
pour  la  France  en  montrant  quelles 
transformations  elle  entendait  exé- 
cuter dans  les  pays  sujets,  pour  Prony 
en  faisant  éclater  ce  qu'on  savait  au 
reste  déjà,  son  infatigable  ardeur,  la 
sagesse  comme  la  souplesse  de  ses 
méthodes,  son  attention  à  tenir  comp- 
te de  tous  les  éléments,  sa  netteté  de 
jugement  pour  choisir  et  coordonner 
les  remèdes.  Les  trois  premières  par- 
ties de  l'ouvrage  (1"  Description  et 
cadastre  du  bassin  pontin  ;  2"  état  en 
1777,  analyse  et  histoire  des  projets  ; 
3"  état  en  1811)  sont  tracées  de  main 
de  maître  et  présentent  une  foule  de 
particularités  du  plus  haut  intérêt. 
Sur  la  quatrième,  qui  traite  la  ques- 
tion elle-même,  il  est  possible  de  dif- 
férer d'avis  avec  Prony,  mais  l'on  ne 
saurait  méconnaître  d'une  part  que 
tout  ce  qu'il  a  dit  auparavant  sur  la 
nature  ,  du    bassin    et  sur  les  cau- 
ses de  la  présence  des  eaux  stagnan- 
tes, sur  la  distinction  des  eaux  pro- 
venant de  sources  intérieures  et  des 
eaux  supérieures,  sur  la  puissance 
de  l'évaporalion  qui  fait  retourner 
partie  des  eaux  à  l'atmosphère,  et 
enfin  sur  les  insuffisances  et  sur  les 
fautes  des  ingénieurs  ses  prédéces- 
seurs, donne  un  peu  de  force  à  tout 
ce  qu'il  propose,  de  l'autre  que  la 
théorie  semble  j  ustifier  complètement 
les  moyens  qu'il  adopte.  Contraire- 
ment à  Fossombroni,  et  en  général 
aux  Italiens  qui  se  sont  occupés  des 
marais  Pontins,il  repousse  le  système 
des  colmate,  et  opinant  qu'il  faut  se 
rendre  maître  des  eaux  supérieures 
avant   qu'elles    arrivent  sur  le  sol 
nuunc  des  marais,  il  demande  des  ca- 
naux de  ceinture  qui  les  portent  h  la 
mer  en  les  soutenant  dans  tout  leur 
cours  au-dessus  des  terrains  dont  on 
veut  la  dessiccation.  Quaut  aux  eaux 


PRO 

intérieures,  que  des  pluies  ou  des 
sources  soient  leur  origine  (et  elles 
sont  dues  à  ces  deux  causes  simulta- 
nément), elles  doivent,  selonlui,  avoir 
pour  excipient  un  canal  central  ayant 
pour  axe  central  la  ligne  de  plus 
prompt  écoulement,  ligne  dont  on 
peut  toujours  trouver  la  direction 
moyennant  un  nivellement  exact  du 
sol.  L'ordre  du  travail,  ajoute-t-il, 
est  de  commencer  par  les  canaux  de 
ceinture;  et  il  le  prouve.  Suivent  des 
détails  précieux  sur  les  moyens  d'exé- 
cution et  notamment  sur  la  possibi- 
lité, à  certaines  conditions,  d'utiliser 
pour  le  creusement  et  le  curage  de  di- 
vers canaux  les  machines  employées 
pour  le  curage  des  ports  de  Venise  et 
d'Ancône.  II  choisit  pour  canal  cen- 
tral le  cours  de  la  Ninfa,  qui  est  l'axe 
principal  d'écoulement  et  qu'il  ne 
s'agit  que  de  modifier  convenable- 
ment; puis  pour  canal  de  ceinture 
le  Fiume-Sisto,  qui  peut  facilement 
être  rendu  capable  de  recevoir  en 
totalité,  indépendamment  des  eaux 
supérieures  qu'il   réunit  déjà ,   les 
eaux  du  canal  de  la  Ninfa  (il  suffit 
pour  cela   qu'il  débite    508   m.  c. 
par  seconde).  Il  veut  surtout  que 
toutes  les  eaux  arrivent  à  la  mer  par 
une  seule  embouchure,  le  Portatore 
di  Badino;  car  dans  cette  hypothèse  il 
devient  possible  d'y  établir  un  port, 
parce  qu'un  courant  plus  considéra- 
ble repoussera  la  barre  qui  obstrue 
cette  embouchure.  Du  reste  il  adopte 
pour  divers  détails,  notamment  pour 
les  deux  canaux  auxiliaires  delà  Scac- 
chia  et  de  la  Selcella,  les  idées  deain- 
génieurs  italiens .  Enfin  il  termine  par 
l'évaluation  en  argent  des  divers  ou- 
vrages qu'il  propose.  XX.  Mémoire 
sur  tes  poussées  des  voûtes^  Paris, 
1783,  iu-i».  XXI  ctXXII.  Recherches 
sur  les  poussées  des  terres  et  sur  la 
forme  et  la  dimension  à  donner  aux 


PRO 

murs  de  revêtement,  Paris,  1802,  iu- 
i°;  puis  Instruction  pratique  sur  la 
méthode  pour  déterminer  la  dimen- 
sion des  tnurs  de  revêtement  en  se 
servant  de  la  méthode  (la  formule 
graphique)  de  A.  de  Prony,  Paris, 
an  X  (1802),  in-4°.  Cet  opuscule,  qui 
est  anonyme,  fait  suite  au  précédent 
et  en  est  comme  le  supplément.  XXllI. 
Divers  rapports  et  opuscules  soit  sur 
des  inventions  nouvelles,  soit  sur 
des  mémoires.  Nous  plaçons  en  tête 
ceux  qui  furent  lus  à  l'Institut.  !• 
Notice  des  expériences  faites  à  l'oc- 
casion d^une  règle  anglaise  étalonnée 
sur  celle  qui  a  servi  à  la  grande 
opération  trigonométrique  du  géné- 
ral Roy  apportée  à  Paris.,  etc.  (lue  le 
10niv.anX),etabrégéde  cette  notice 
(lu  29  niv.  même  année).  2°  Résultats 
des  expériences  faites  au  Panthéon 
français  depuis  le  mois  de  fructidor 
an  VI  jusqu'au  mois  de  vendémiaire 
an  X  sur  cinq  perpendicules  métal- 
liques placés  dans  cet  édifice,  et  des- 
tinés à  indiquer  et  à  mesurer  les 
mouvements  verticaux  et  horizon- 
taux tant  de  la  coupole  que  des  pi- 
liers qui  la  supportent  (lus  15  vend, 
an  X).  Prouy  avait  fait  ces  expérien- 
ces avec  une  commission  chargée 
trois  à  quatre  ans  auparavant,  d'exa- 
miner les  dégradations  du  Panthéon, 
d'en  rechercher  les  causes  et  de  s'oc- 
cuper des  moyens  de  réparer  et  de 
consolider  ce  monument.  Le  résultat 
del'examen  fut  qu'il  n'y  avait  eu  d'en- 
tassement sensible  depuis  trois  ans  ni 
dans  la  coupole  ni  dans  les  supports 
du  Panthéon,  et  que,  quelles  que  pus- 
sent être  les  fentes  ou  lézardes  re- 
marquées antérieurement  aux  expé- 
riences, les  causes  de  ces  dégradations 
n'avaient  produit  aucun  mouvement 
général  dans  la  masse  de  l'édifice. 
3°  Rapport  sur  un  mémoire  de  M. 
Lepère  relatif  à  l^ancienne  coinmu- 


PRO 


89 


nication  de  la  mer  des  Indes  à  la 
Méditerranée  par  la  mer  Rouge  et 
Visthme  de  Suez  (lu  le  23  janv.  1815 
à  l'Ac  d.  se;  mais  fait  d'abord  au  con- 
seil-général des  ponts-et-chaussées, 
lédéc.  1814).  Ce  rapport  approuvait 
en  tout  les  mesures  de  l'auteur  du 
mémoire  relativement  aux  niveaux 
des  deux  mers,  admettait  ainsi  que 
lui  cette  conclusion,  qu'établir  un 
canal  de  communication  était  possi- 
ble, et  enfin  prononçait  que  de  tous 
les  moyens  Jusqu'alors  proposés  pour 
la  réalisation  de  cette  grande  et  utile 
idée,  celui  de  l'ingénieur  français 
était  le  meilleur.  4°  Rapport  sur 
la  nouvelle  et  l'ancienne  machine  à 
vapeur  établie  à  Paris  au  Gros- 
Caillou.  Paris,  1826,  in-8%  3  pi. 
5°  Rapports  sur  les  verres,  plans  à 
faces  concaves,  par  les  procédés  de 
Riche  père  et  fils  (ou  plutôt  analyse 
du  rapport  de  M.  Arago  sur  ce  sujet 
dans  le  Moniteur),  1816,  p.  858. 
C'est  un  morceau  très-intéressant. 
6"»  Instruction  sur  les  ponts  à  bascu- 
les, Paris,  in-4o,  1  pi-  7o  Rapport  sur 
les  inventions  de  J.-P.  Droz  relati- 
vement à  Vart  du  monnayage  (fait  à 
la  commission  des  sciences  math,  et 
ph.  de  rinst.),  1803,  in-4'',  4  pi.  S» 
Description  et  usage  du  comparateur 
de  Lenoir,  dont  À.  Prony  s'est  servi 
pour  faire  des  expériences  sur  la  di 
latation  des  métaux  et  pour  compa- 
rer les  divers  étalons  de  mesures  de 
l'Institut  national,  tant  entre  eux 
qu'avec  d'autres  étalons  de  mesures 
nationales  et  étrangères. Paris,  in-4°. 
9°  Instruction  sur  le  thermomètre  mé- 
tallique de  MM.  Ureguet  père  et  fils 
et  sur  les  moyens  d'établir  sa  corres- 
pondance avec  d'autres  inslrutnents 
thermométriques.,  1821,  in-i».  lûo In- 
struction élénientaire  sur  les  moyens 
de  calculer  les  intervalles  musicaux 
en  prenant  pour  unité  ou  terme  de 


90 


PRO 


comparaison  Voctave  ou  la  douzième 
d'octave  j  formules  analytiques  pour 
calculer  les  logarithmes  acoustiques 
d'un  nombre  d'uve  des  variations; 
progression  mécanique;  autres  for- 
mules relatives  à  l'acoustique  musi- 
cale, avec  des  applications  aux  in- 
struments de  musique  et  détermina- 
tion des  sons  fixes,  Pàris^iSsi  ^\a-4°, 2 
tab.  Parmi  les  recueils  qui  possèdent 
des  morceaux  de  Prony,  le  premier 
est  celui  de  l'Institut,  mais  il  n'en 
contient  que  trois.  Ce  sont  :  l"  une 
Notice  sur  la  vie  et  les  œuvres  de  Pin- 
gré{tomeldesMém.del'Inst.,n98); 
2"  un  Mémoire  sur  les  moyens  de 
convertir  le  mouvement  circulaire 
continu  en  mouvement  rectiligne  al- 
ternatif dont  les  allées  et  venues 
soient  d'une  grandeur  arbitraire  (2 
planch.,  1799);  3°  Mémoire  sur  le 
rapport  de  la  mesure  moderne  appe- 
lée pouce  de  fontainier  avec  l'once 
d'eau  romaine  moderne  et  le  guinaire, 
et  sur  la  détermination  d'une  nou- 
velle unité  de  mesure  pour  la  distri- 
bution des  eaux  adaptées  au  système 
métrique  français.  {Mém.  de  l'Ae. 
des  se..,  II,  1817,  imp.  1819).  Ce  mé- 
moire, lu  le  23"de'c.  1816,  est  inté- 
ressantà  divers  titres.  Historiquement 
il  relève  plusieurs  faits  peu  connus  et 
précise  un  détail  d'antiquités  grave  ; 
scientifiquement  et  pour  le  praticien, 
il  jette  la  base  de  Ctilculs  plus  commo- 
des en  faisant  sentir  la  nécessité  d'a- 
jouter aux  unités  du  système  métrique 
une  unité  particulière  relative  au  dé- 
bit des  liquides  par  un  orifice.  Les  ha- 
biles inventeurs  du  système  métri- 
que n'y  avaient  pas  songé.  L'unité 
moderne  dite  pouce  de  fontainier  ne 
pouvMitsubsister,  soitd'abord  à  cause 
de  rimpossibilitéde  la  mettre  en  ac- 
cord avec  les  autres  unités  du  systè- 
me décimal,  soit  à  cause  de  son  im- 
précision en  elle-même  et  des  fausses 


PRO 

habitudes  de  ceux  qui  l'employaient. 
L'unité  que  Prony  veut  substituer  h 
cet  ancien  point  de  départ,  il  la  nom- 
me module  d'eau  :  l'usage  en  a  été 
adopté  par  les  savants.  A  la  suite  du 
mémoire,  appuyé  de  tableaux  fort 
utiles  et  fort  commodes,  se  trouve 
un  supplément  composé  en  grande 
partie  de  la  traduction  d'un  passage 
capital  du  traité  de  Frontin  de  Aquœ- 
ductibus  urbis  Romœ.  Les  Annales 
des ponts-et-chaussées  lui  doivent  au 
moins  les  trois  morceaux  qui  suivent: 
1°  Examen  relatif  au  projet  de  bar- 
rage sur  la  Seine  dans  les  environs 
du  Havre  (1831);  2°  Formule  pour 
calculer  les  hauteurs  des  remous  oc- 
casionnés soit  par  des  rétrécisse- 
ments, soit  par  des  barrages  avec 
écoulement  des  fluides  pratiques  dans 
les  lits  des  eaux  courantes:  applica- 
tion à  des  projets  de  grands  travaux 
hydrauliques  (1835);  3°  Note  sur  les 
inflexions  qu'avaient  subies,  après 
un  laps  de  vingt  années,  des  lignes 
droites  tracées  sur  le  plan  des  télés 
de  Varche  du  milieu  du  pont  Louis 
XVJ  avant  son  décintrcment  ;  consé- 
quences relatives  à  la  résistance  des 
ciments  comprimés  /  formules  et  ta- 
bles pour  le  calcul  des  changements 
que  le  tassement  fait  éprouver  à  une 
voûte  en  arc  de  cercle  (1832).  Ces 
trois  articles  ont  été  tirés  à  part.  Aux 
Annales  des  mines  il  a  donné  :  1» 
Examen  de  la  manivelle  à  manège 
(t.  1, 1795);  2o  Rapport  sur  un  moyen 
de  mesurer  la  vitesse  initiale  des 
projectiles  lancés  par  des  bouches  à 
feu  dans  des  directions  tant  horizon- 
tales quinclinces  (t.  XVI,  1804);  3o 
Expériences  .mr  les  machines  d  va- 
peur. Ces  expériences,  quicuretit  lieu 
à  propos  d'une  invitation  que  lui 
adressa  la  cour  royale  de  Pans,  l'a- 
menèrent à  découvrir  un  nouveau 
moyen  de  mesurer  les  elfets  de  ces 


PRO 


PRO 


91 


machines.  La  société  d'encourage- 
ment de  Mulhouse  fut  si  charmée  de 
ce  résultat  pratique,  qu'elle  lui  dé- 
cerna une  médaille  d'or.  Dans  les 
premiers  volumes  du  Journal  de 
VÉcole  Polytechnique^  son  nom  se 
retrouve  à  tout  instant  ;  et  indépen- 
damment de  sa  Mécanique  philoso- 
phique qui  en  forme  le  3«  et  le  7*  ca- 
hier, on  y  trouve  de  lui  :  1°  Cours 
d'analyse  appliquée  à  la  mécanique^ 
2  parties  (1,  1794);  2»  Essai  expéri- 
mental et  analytique  sur  les  lois  de 
la  dilatation  des  fluides  élastiques 
et  sur  celle  de  la  force  expansive  de 
la  vapeur  de  l'eau  et  de  la  vapeur  de 
Valcool  à  différentes  températures^ 
Paris,  1797,  in-40  (avec  2  tabl.  et  9 
pi.);  3°  Notice  sur  un  cours  élémen- 
taire d'analyse  fait  par  Lagrange 
(1, 1794);  40  Cours  de  mécanique  de 
Van  V  (1795);  S»  Éloge  de  Lamblar- 
die  (même  année)  :  on  sait  que  c'est  cet 
homme  remarquable  qui  eut  le  pre- 
mier l'idée  de  l'École  Polytechnique; 
6»  Sur  le  principe  des  vitesses  vir- 
tuelles et  la  décomposition  des  mou- 
vements circulaires  (1795);  7©  Intro- 
duction au  ccntrs  d'analyse  pure  et 
d'analyse  appliquée  à  la  mécanique 
(II,  1795);  8°  Théorie  des  mouve- 
ments autour  d'un  axe  libre  de  ro- 
tation d'un  corps  de  figure  invaria- 
ble sollicité  par  des  puissances  quel- 
conques, avec  2  pi.  (II,  1795);  9o 
Note  sur  l'application  de  la  théorie 
des  solutions  particulières  d'équa- 
tions différentielles  à  des  questions 
qui  intéressent  la  pratique  de  Vart 
de  Vingénieur,  avec  9  pi.  (IV,  1810); 
lOo  Extrait  des  recherches  de  M.  de 
Prony  sur  le  système  hydraulique  de 
l'Italie,  avec  9  pi.  (IV,  1810);  llo 
Analyse  détaillée  des  différentes 
questions  qui  se  rapportent.au  mou- 
vement d'un  corps  sollicité  par  des 
puissances  quelconque»,  avec  2   pi 


(IV,  1810);  120  ifotice  sur  la  nou- 
velle écluse  de  M.  de  Bétancourt,  avec 

I  pi.  (VIII,  1809).  On  doit  encore 
à  Prony  beaucoup  d'articles,  la  plu- 
part remarquables,  dans  la  Biogra- 
phie universelle,  entre  antres  ceux 
de  Rannequin,  Riche.  Sauveur,  etc. 

II  a  donné  au  Dictionnaire  deseaux  et 
forêts  un  article  sur  la  cubature  des 
bois,  tiré  ensuite  à  part  sous  le  titre 
iVJmtruction  sur  l'ouvrage  de  Sept- 
Fontaines  et  sur  la  cubature  des  bois 
en  général  (in-40  sans  lieu  ni  date). 
Enfin  il  a  laissé  placer  son  nom  en 
t^te  du  Manuel  des  logarithmes  qui 
fait  partie  de  la  Bibliothèque  popu- 
laire d' k']asson  de  Grandsagne,  Paris, 
1836.  Il  avait  traduit  le  traité  des 
Aqueducs  de  la  ville  de  Rome  par 
Frontin,  mais  l'annonce  de  la  traduc- 
tion de  Rondelet  lui  fit  garder  son  tra- 
vail en  portefeuille;  seulement  nous 
avons  vu  qu'il  s'en  trouve  un  extrait 
dans  le  supplément  de  sonMémoire  sur 
/«modu^etTeau  lu  àl'lnstitut  en  1816. 
—  M"«  DE  Pronv,  née  Lapoix  de  Fré- 
minville,  était  l'aînée  de  son  mari, 
dont  au  reste  elle  était  presque  com- 
patriote (en  effet  elle  était  née  à  Lyon 
en  1754).  Elle  avait  vingt  ans  à  peu 
près  lorsque  son  oncle  paternel,  tré- 
sorier aux  Invalides  ,  l'appela  auprès 
de  lui  :  elle  l'entoura  de  ces  soins  pieux 
qui  ailoucissent  la  souffrance  et  pro- 
longent la  vie,  et  s'acquit  l'estime,  l'a- 
mitié même  de  tout  ce  qui  l'environ- 
nait. Les  jeunes  filles  de  M.  deGui- 
bert,  le  gouverneur  des  Invalides 
qui  précéda  M.  de  Sombreuil,  la  rece- 
vaient intimement  dans  leur  société, 
distinction  que  justifiaient  suffisam- 
ment l'excellence  de  son  caractère , 
ses  manières  et  ses  talents;  elle  se  mê- 
lait de  poésie  sans  exiger  qu'on  la  trai- 
tât en  dixième  Muse.  Elle  était  snrtout 
remarquable  musicienne,  non  toute- 
fois comme  exécutante,  mais  comme 


92 


PRO 


laissant  tomber  parfois  sur  le  clavier 
d'heureuses  et  suaves  mélodies.  Ce- 
pendant elle  approchait  de  trente  ans 
et  nul  mari  ne  s'e'tait  encore  offert  qui 
eût  semble'  un  parti  sortable  au  mo- 
ment où  il  se  présentait.  Elle  en  re- 
grettait plus  d'un  peut-être  quand 
Prony,  le  mathématicien  ,  parut ,  ne 
s'elFrayant  point  du  chiffre  des  dizai- 
nes 5  et  M"'=  Lapoix  j»e  Fréminville,  à 
son  tour,  rabattit  de  ses  prétentions. 
Ils  eurent  tous  deux  raison.  Leur 
union  qui  duradetrente-septàtrente- 
huit  ans  (178G-1822)  fut  généralement 
heureuse.  Amie  de  M"''  de  Sombreuil , 
soutien  de  Riche,  son  beau-frère  {voy. 
Riche,  t.  XXXVFII,  p.  1),  libératrice 
du  comte  de  Pluvier,  consolatrice  de 
Vicq  d'Azyr,  hypocondre  et  plus  ma- 
lade d'esprit  que  de  corps,  M™"  de 
Prony  traversa  honorablement  la  ré- 
volution.Vers  1795  elle  se  trouva  liée 
avec  Joséphine,  ce  qui  n'a  rion  d'é- 
tonnant si  l'on  pense  que  tout  ce  qui 
restait  alors  en  France  de  débris  de 
l'ancienne  noblesse,  se  recherchait, 
se  rapprochait  naturellement.  Il  ne 
tint  pas  à  elle  que  cette  liaison  ne  de- 
vînt pour  Prony  l'origine  de  hautes 
destinées.On  a  vu  plus  haut  comment 
il  manqua  l'occasion  et  quelles  minces 
indemnités  les  deux  époux  reçurent 
de  la  faible  impératrice.  Ils  étaient  ce- 
pendant loin  d'être  à  plaindre,  la  place 
de  Prony  étant  au  contraire  de  celles 
qu'on  envie.  L'humeur  deM'"«  de  Pro- 
ny étant  plus  douce  qu'ambitieuse, 
leur  cercle  était  un  des  plus  aimables 
de  Paris.  Long-temps  on  y  vit  Grétry 
qui  appréciait  singulièrement  son  ta- 
lent musical.  Elle  accueillait  et  pairo- 
nait. peut-être  avec  un  peu  trop  d'en- 
gouement les  jeunes  gens  aux  ma- 
nières élégantes. Sa  convcr.satioii  avait 
un  parfum  de  poésie  un  peu  maladive 
Cl  de  bonté  dévouée.  Les  soins  (|u'elle 
avait  donnés  si  long-temps  à  son  ou- 


PRO 

cle  avaient  pris  sur  sa  santé ,  et  en 
1792  et  93  elle  avait  failli  mourir  au 
bourg  d'Asnières,  où  on  l'avait  trans- 
portée pour  suivre  un  régime.  Elle 
ne  devint  jamais  robuste  et  souvent 
elle  souffrait  de  cruelles  tortures,mais 
dont  elle  gardait  le  secret  vis-à-vis 
de  ses  amis.  En  1822 ,  son  médecin 
lui  ordonna  les  eaux  de  Vichy.  Mais 
les  eaux  deVichy  ne  se  prennent  point 
impunément.  Elles  n'améliorèrent  pas 
la  santé  de  M"'»  de  Prony,  c'est  dire 
qu'elles  l'enipirèrent.  Les  chaleurs 
excessives  de  lasai-son  y  contribuèrent 
peut-être.  Saisie  d'une  fièvre  inflani- 
matoire  elle  expira  aux  environs  de 
Moulins,  loin  de  son  mari  et  de  sa 
sœur,  le  5  août  1822.         P— ot. 

PROPIAC  (Catherine  -  Joseph- 
Ferdinaind  Gihabd  de) ,  littérateur, 
né  vers  1760  en  Bourgogne,  d'une 
famille  noble,  lit  de  très-bonnes  étu- 
des, et  cultiva  surtout  avec  beau- 
coup de  succès,  l'art  musical.  C'est 
lui  qui  composa  la  musique  des 
Trois  déesses  rivales^  de  la  Fausse 
paysanne  et  des  Saî;oî/ardcs,  opéras- 
comiques  de  Piis ,  joués  au  Théàtre- 
Favart  en  1788  et  1789  {voy.  Pus, 
LXXVIII,207).  Ayant  émigré  en  1791 , 
il  prit  du  service  dans  l'armée  des 
princes,  et  après  le  licenciement  se  re- 
tira à  Hambourg,  où  il  résida  long- 
temps. Rentré  eu  France  ii  l'époque  du 
18  brumaire,  il  fut  nommé  garde  des 
archives  de  la  préfecture  de  la  Seine, 
par  la  protection  de  Frochot,  son 
compatriote,  et  il  publia  un  grand 
nombre  d'ouvrages  élémentaires, 
dont  la  plupart  ne  sont  que  des  com- 
pilations ou  des  traductions.  H  était 
membre  du  comité  de  lecture  du 
thé;\tre  de  la  Gaîté.  En  18J5  il  rf- 
çut  la  croix  de  Saint-Louis,  et  mou- 
rut d'une  attaque  d'apoplexie  fou- 
droyante, le  t"  nov.  1823.  Se  li- 
vrant dès  su  jeunesse  à  la  passiuu  du 


PRO 

jeu,  il  vécut  toujours  dans  la  gêne  et 
fut  souvent  obligé  de  se  mettre  au 
service  des  libraires  pour  des  tra- 
vaux sans  gloire  et  sans  honneur,  lien 
éprouva  néanmoins  de  grandes  fa- 
tigues qui  altérèrent  profondément 
sa  santé.  C'était  du  reste  un  excel- 
lent homme,  un  littérateur  instruit 
et  possédant  plusieurs  langues.On  a 
de  lui  :  I  (en  société  avec  M.  J.-B.  Du- 
bois). Plutarqui,  ou  Abrégé  des  vie$ 
des  hommes  illustres  de  ce  célèbre  écri- 
vain, avec  des  leçons  explicatives  de 
leurs  grandes  actions,  Paris,  1803, 
1805 , 2  vol.  in-12  (ces  deux  éditions 
sont  anonymes)^  tdid.,  1811.  1823, 
1825,  5*édit.,2  vol.  in-12.  H.  Le 
Plutarque  desjetines  demoiselles,  ou 
Abrégé  des  vies  des  femmes  illuatres 
de  tous  lespays,  avec  des  leçons  expli- 
catives de  leurs  actions  et  de  leurs  ou- 
vrages^ Paris,  1806, 1810,  in-12;  t6,, 
1821,  1825,  2  vol.  in-12,  avec  tig.  la 
V^  édition  était  anonyme.  111.  Dic- 
tionnaire d'amour^  Paris,  1807,  in- 
12,  avec  une  gravure  (anonyme).  Il 
y  a  des  exemplaires  dont  le  frontis- 
pice porte  la  date  de  1808,  et  les  mots: 
seconde  édition,  revue  et  considéra- 
bletnent  augmentée  ;  mais  le  nombre 
de  pages  est  toujours  le  même.  IV. 
Histoire  de  France  à  Vusage  de  la 
jeunesse.  Paris,  1807, 1808,  in-12  (ces 
deux  éditions  étaient  anonymes):  ib., 
1812,  1820,  1822  ,  2  vol.  in-12  avec 
15  gravures.V.  Histoire  sainte  à  Vu- 
sage  de  la  jeunesse,  depuis  le  com- 
mencement du  monde  jusqu'à  la  des- 
truction de  Jérusalem  par  l^ite ,  Pa- 
ris, 1810,  1822,  2  vol.  in-12,  iig.  VI. 
Beautés  de  l'histoire  sainte,  ou  Choix 
des  traits  les  plus  remarquables  et 
des  passages  les  plus  éloquents  conte- 
nus dans  l'Ancien  et  le  Nouveau  Tes- 
tament, Paris,  1811,  1823,  1823, 
iu-12,  Gg.  VII.  Le  Plutarque  fran- 
çais, ou  Abrégé  des  vies  des  1u)mmes 


PRO 


93 


illustres  dont  la  France  s'honore , 
Paris,  1813,  2  vol.  in-12-,  ibid., 
1825,  3  vol.  in-12,  avec  portraits. 

VIII.  Beautés  de  l'histoire  mili- 
taire, ancienne  et  moderne,  etc.,  Pa- 
ris, 1814,  in-12,  fig.  Cet  ouvrage, 
qui  contient  de  grands  éloges  de  Na- 
poléon, était  imprimé  au  moment  où 
le  gouvernement  impérial  tomba;  et 
l'auteur  en  suspendit  la  publication. 

IX.  Beautés  de  l'histoire  de  la  Suisse, 
depuis  Vépoque  de  la  confédération 
jusqu'à  nos  jours,  Paris,  1817, 1823  , 
in-12,  Iig.  X.  Histoire  d'Angleterre, 
à  l'usage  de  la  jeunesse,  depuis  Vin- 
vasion  de  Jules-César  dans  cette  île, 
Paris,  1818,  1823,  2  vol.  in-12.  XI. 
Dictionnaire  d'émulation,  à  l'usage 
de  la  jeunesse,  Paris,  1820,  in-12.  MI. 
Les  Merveilles  du  monde,  ou  les  plus 
beaux  ouvrages  de  la  nature  et  des 
hommes^  répandus  sur  toute  la  sur- 
face de  la  terre  .  Paris,  1820 ,  1823, 
1824,2vol.  in-12,avec  Gg.;  ouvrage 
traduit  en  grande  partie  de  l'anglais. 
XllI.  Petit  Tableau  de  Paris  et  des 
Français  aux  principales  époques  de 
la  monarchie,  contenant  une  Descrip- 
tion des  monuments  les  plus  remar- 
quables de  la  capitale,  etc.,  orné  d'un 
plan  de  Paris  et  de  costumes  coloriés, 
Paris,  1820,  in-12;  reproduit  sous  le 
titre  de  Beautés  historiques,  chrono- 
logiques^ politiques  et  critiques  de  la 
ville  de  Paris ,  depuis  le  commence- 
ment de  la  monarchie,  Paris,  1821 , 
2  vol.  in-12.  XIV.  Les  vceux  de  la 
mère  Poisson,  marchande  de  marée 
à  la  halle,  pour  S.  A.  R.  le  duc  de 
Bordeaux,  Paris,  1821 ,  in-8".  XV. 
La  Sceur  de  Sainte-Camille,  ou  la 
Peste  deBarcelone,  roman  historique, 
Paris,  1822,  2  vol.  in- 12,  Gg.  XVI.  Le 
La  Harpe  de  la  jeunesse,  ou  l'Art  de 
raisonner,  de  parler  et  d'écrire  ;  ex- 
trait du  Cours  de  littérature  de  ce 
célèbre  auteur,  Paris,  1822, 4  vol.  in- 


m 


PRO 


1 2.  XVII.  Beautés  de  la  morale  chré- 
tienne, ou  Choix  de  morceaux  publiés 
par  les  prédicateurs  les  plus  célèbres 
et  les  philosophes  chrétiens  les  plus 
illustres^  etc.,  Paris,  1822,  in-12. 
XVIII.  Les  Curiosités  universelles  , 
faisant  suite  aux  Merveilles  du  Mon- 
de, Paris,  1823,  2  v.  in-12,  (ig.  XIX. 
Beautés  de  Vhistoire  du  Pérou ,  ou 
Tableau  des  événements  qui  se  sont 
passés  dans  ce  grand  empire;  son  ori- 
gine, etc. ,  Paris  ,  1824  ,  in-12 ,  fig. 
(ouvrage  posthume).  XX.  Plutarque 
moraliste,  ou  Choix  des  principaux 
sujets  de  morale  du  premier  des  écri- 
vains de  l'antiquité;  avec  des  Déve- 
loppements  appliqués  aux  défauts 
et  aux  ridicules  de  la  société  actuelle, 
tirés  de  chacune  des  moralités  de  Plu- 
tarque, par  M.  L.  M.  B***  (Lemaître- 
Bonitleau),  Paris,  1825,  2  vol.  in-12 
(ouvrage  posthume).  Propiac  a  tra- 
duit de  l'allemand  :  1"  (avec  M.  J.-B. 
Dubois  )  l'Année  la  plus  remarqua- 
ble de  ma  vie ,  par  Kotzebue,  Paris , 
1802,  2  vol.  in-8<>,  fig.;  2«  édit.,  sous 
ce  titre  :  Une  année  mémorable  de  la 
vie  d'Aug.  Kotzebue,  Paris,  1802,  2 
vol.  in-12  et  in-18 ,  fig.  2»  (avec  le 
même)  les  Bijoux  dangereux,  imi- 
tation du  roman  de  Kotzebue,  Paris, 
1802,  2.  vol.  in-18,  fig.  {voy.  Kotze- 
bue, LXIX,  97  et  100).  3°  Contes  mo- 
raux d'Auguste  Lafontaine,  Paris, 
1802,   1803,    2  vol.  in-12.  4°  les 
deux  Fiancées,  roman  du  même,  Pa- 
ris, 1810,  5  vol.  in-12  {voy.  Lafon- 
taine, LXIX,  423  et  424).  5«  His- 
toire de  Gustave  Wasa,  roi  de  Suède^ 
par  Archenholz  {voy.  ce  nom,  LVI, 
399),    Paris,    1803,  2  vol.  in-8°.  6o 
(avec  M.  J.-B.  Dubois)  Voyage  d'Al- 
muza  dans  l'île  de  la  Vérité,  roman 
de  Bouterweck  {voy.  ce  non» ,  LIX  , 
149),  Paris,  1804,  in-12.  Le  cheva- 
lier de  Propiac  a  publié  la  i^  édition 
des  Époques.,  ou  Beautés  de  Vhistoire 


PRO 

de  France,  par  Durdent  (voy.  ce  nom, 
LXIII,  231),  Paris,  1822,  in-12. 11  a        a 
été  collaborateur  de  cette  Biographie       I 
universelle,  à  laquelle  il  a  donné,  en- 
tre autres  articles,  celui  du  chevalier 
d'Éon.  P— RT. 

PROST  (Claude-Charles),  con- 
ventionnel, doit  uniquement  à  ce 
titre  la  place  qu'il  occupe  dans  les 
Biographies  contemporaines.  Fils 
d'un  huissier  au  bailliage  de  Dôle, 
après  avoir  achevé  son  cours  de  droit 
à  l'université  de  Besançon,  il  revint 
exercer  la  profession  d'avocat  dans 
sa  ville  natale.  Plus  tard  il  acquit  la 
charge  de  lieutenant  particulier  de 
la  maîtrise  des  eaux  et  forêts  •,  mais 
il  se  vit  bientôt  forcé  de  s'en  défaire 
à  cause  de  ses  malversations.  Sans 
fortune,  il  végéta  long-temps  dans 
des  emplois  subalternes,  et  contracta 
des  dettes  qu'il  ne  put  payer.  Pour- 
suivi par  ses  créanciers  avec  la  der- 
nière rigueur,  lorsque  la  révolution 
arriva,  il  n'y  vit  qu'un  moyen  de 
sortir  d'embarras,  et  parvintà  se  faire 
élire  député  de  l'arrondissement  de 
Dôle  à  la  Convention,  où  il  siégea  dès 
le  principe  avec  les  républicains  les 
plus  exagérés  (1).  Dans  les  débats 
qui  précédèrent  le  procès  de  l'infor- 
tuné Louis  XVI,  Prost  prononça  deux 
discours  dont  l'assemblée  ordonna 
l'impression,  et  qui  ont  été  recueillis 
dans  Le  Pour  et  le  Contre  (2).  Le  pre- 
mier est  une  déclamation  dans  le 
style  de  l'époque  contre  le  principe 


(i)  Il  n'avait  pus  toujours  professé  les 
mêmes  principes;  en  17S2,  l'Académie  d« 
Bssaurou  ayant  mis  au  concours  cette  ques- 
tion: «Que /m  r'erfuj;)afrioti<;u«/i*m'entj'ejr«r. 
ctravec  autant  d'éclat  dans  les  monarchies  que 
dans  les  républiques,  •  Prost  f(it  un  des  <on- 
ciirrents  ;  et  il  termina  son  discours  en  dé- 
clarant que,  «sons  un  monarque  vertueux  et 
bienfaisant  (Louis  XV1>,  les  Français  n'a- 
vaient rien  à  envier  aux  républiques!  » 

(2)  Le  Pour  et  le  Contre  sur  le  procès  de 
Louis  XVI,  Paris,  1793,  7  vol.  io-8". 


PRO 


PRO 


95 


de  l'inviolabilité  du  monarque.  Dans 
le  second  il  discute  le  mode  de  pro- 
céder de  la  Convention  transformée 
en  tribunal,  et  propose  que  les  dé- 
putés, appelés  l'un  après  l'autre  à  la 
tribune,  soient   tenus  de   ré|>ondre 
à  chaque  question  par  oui  ou  par 
non.  11  vota  la  mort,  sans  appel  et 
sans  sursis.  Zélé  montagnard,  après 
le  31  mai  il  fut  envoyé  commissaire 
avec  Bassal  dans  les  départements 
de  l'est  pour  y  établir  le  régime  ré- 
volutionnaire {voy.  BEcnET,  LVII, 
432,  et  BccHOT,  LIX,  415).  Quoique 
d'un  caractère   assez   doux  (1) ,    il 
abusa  de  ses  pouvoirs  pour  exercer 
des  vengeances  personnelles,  et  des- 
titua tous  les  membres  du  tribunal 
de  Dôle,  sous  prétexte  qu'ils  parta- 
geaient les  opinions  des  girondins, 
mais  en  effet  parce    qu'ils  avaient 
lancé  jadis  contre  lui  un  décret  de 
prise  de  corps.  Sa  conduite  devint 
si  révoltante  qu'elle  fut  dénoncée  par 
le  club  même  de  Dôle  à  la  société  des 
jacobins  de  Paris;  mais  Robespierre 
le  jeune  prit  la  défense  de  Prost  ab- 
sent, et  fit  ajourner  la  discussion. 
Cependant,  pour  donner  une  espèce 
de  satisfaction  aux  Dôlois,  on  l'en- 
voya dans  le  département  des  Bou- 
ches-du-Rhône.  Après  la  session,  il 
fut  du  nombre  des  conventionnels  qui 
passèrent  au  conseil  des  Cinq-Cents. 
En  terminant  sa  carrière  législative, 
il  revint  à  Dôle  plus   pauvre  qu'il 
n'en  était  sorti,  et  s'adressa  vaine- 
ment à  ses   anciens  collègues  pour 
obtenir  un  modeste  emploi  qui  lui 


(i)  Le  spirituel  auteur  de  la  Phjrsiologie 
dag'oôf.BrilUt-Savarin,  obligé  d'aller  à  Dôle 
deinauder  un  «aaf-couduit  a  Prost  ,  nous  a 
laissé  quelques  détails  sur  sa  londaite.  i  Je 
crois,  dit-il,  que  cet  bomme  u'ctait  pas  mé- 
i-baot;  mais  il  avait  peu  de  capacité,  et  ne 
savait  que  faire  du  pouvoir  redoutable  qui 
lai  avait  été  confié  :  c'était  nn  enfant  armé 
de  U  massae  d'Hercule  (U,  40).  » 


fournît  les  moyens  de  subsister  avec 
sa  famille.  Enfin  il  venait  d'être 
nommé  par  le  gouvernement  impé- 
rial juge  au  tribunal  de  Prum,  dé' 
parlement  de  ta  Sarre,  lorsqu'il  mou- 
rut à  Dôle  le  10  déc,  1804,  à  l'âge  de 
62  ans.  W— s. 

PROST  (P.-A.),  médecin,  né  dans 
le  département  du  Rhône,  mort  à  Pa- 
ris en  avril  1832,  a  publié  :  I.  Coiup 
d'oeil  sur  la  folie,  par  A.  G**,  Paris, 
1800,  in-8".  II.  La  médecine  éclairée 
par  l'observation  et  l'ouverture  des 
corps,  Paris,  1804,  2  vol.  in-8®.  III. 
Essai  physiologique  sur  la  sensibi- 
lité, Paris,  1805,  in  8".  IV.  Deuxième 
Coup  d'ceil  sur  la  folie.  Paris,  1807, 
in-8°.V.  La  science  de  l'homme  mise 
enrapport  avec  les  sciences  physiques^ 
ou  la  Philosophie  de  la  nature,  d'a- 
près l'état  des  sciences  au  XIX®  siècle, 
Paris,  IS'22,  6  vol.  in -8".  VI.  3/c- 
moire  présenté  à  V Institut  de  France 
en  faisant  hommage  de  Vouvrage 
ayant  pour  titre  :  La  Science  de  l'hom- 
me, etc.,  Paris,  1822,  in-8"  de  6*  pag. 
VII.  Traité  du  choléra-morbus,  con- 
sidéré sous  les  rapports  physiologi- 
que .^  anatomico-pathologique ,  thé- 
rapeutique et  hygiénique,  contenant 
l'analyse  critique  de  ce  que  tous  les 
auteurs  anciens  et  modernes  ont  écrit 
sur  le  choléra-morbus,  Paris,  1831, 
in -8**.  VIII.  Sommaire  analytique 
du  Traité  précédent,  Paris,  1832,  in- 
8°.  Z. 

PROUDBON  (Jeas-Baptiste-Vic- 
tor),  savant  jurisconsulte,  naquit  le 
1"  février  1758,  au  village  de  Cha- 
nans  (département  du  Doubs),  d'une 
famille  de  cultivateurs  qui ,  quoique 
chargés  de  sept  enfants,  firent  don- 
ner à  chacun  d'eux  une  éducation 
convenable.  Le  jeune  Proudhon  re- 
çut l'instruction  primaire  chez  le 
maître  d'école  de  >'ods ,  et  ce  ne  fut 
qu'après  la  mort  de  son  père  qu'il  put 


98  PRO 

étudier  le  latin.  Jugé  peu  propre  à 
une  carrière  civile,  il  avait  été  d'abord 
choisi  par  ses  parents  comme  celui 
qui  devait  les  remplacer  dans  leurs 
modestes   travaux   agricoles ,    mais 
à  l'âge  de  19  ans  il  alla  étudier  la 
philosophie  au  collège  de  Besançon , 
puis  il  prit  la  soutane  et  tit  quatre  ans 
et  demi  d'études  théologiques  en  qua- 
lité d'interne  au  séminaire.  Parmi  ses 
maîtres  on  nomme  l'abbé  Jacques,  sa- 
vant théologien  qui  professait  à  l'u- 
niversité. Au  moment  de  s'engager 
dans  les  ordres,  Proudhon  y  renonça 
tout  à  coup;  mais  les  vastes  connais- 
sances qu'il  avait  acquises  en  théolo- 
gie ne  furent  point  perdues  pour  lui. 
Elleseurent  la  plusheureuse  influence 
sur  tout  le  cours  de  sa  laborieuse  car- 
rière. Plus  tard,  il  montrait  avec  une 
sorte  d'orgueil  les  nombreuses  notes 
qu'il  avait  recueillies  sur  la  Somme 
des  conciles  en  18  volumes  in-folio , 
et  il  disait  que  c'était  au  séminaire 
qu'il  avait  commencé  à  devenir  juris- 
consulte. En  renonçant  à  la  carrière 
ecclésiastique,  Proudhon  ne  renonça 
point  aux  sentiments  religieux.  Ses 
croyances  s'étaient  nlï'ermies  pour  ja- 
mais par  des  études  approfondies  et 
faites  sans  arrière-pensée,  avec  sim- 
plicité et  bonne  foi.  Il  resta  le  frère 
de  ceux  dont  il  avait  été  près  de  par- 
tager les  vœux  ;  il  leur  offrit  un  asile 
dans  des  temps  malheureux,  et  ne 
craignit  pas  d'élever  la  voix  pour  les 
défendre.  Après  avoir  étudié  le  droit 
à  l'université  de  Besançon,  pendant 
six  ans,  il  fut  reçu  docteur  le  7  août 
1789.    Parmi    ses    maîtres    étaient 
Courvoisier,  le  père  du  ministre,  et 
Séguin,  auteur  d'uu  ouvrage  élémen- 
taire sur  les  Institutes,  dont  Prou- 
dhon,encore  élève,  composa  leProœ- 
mium   ou   préface.   Cependant   ses 
habitudes  d'étudiant ,  quoique  labo- 
rieuses, avaient  été  moins  régulières 


PRO 

et  moins  paisibles  qu'auparavant.  Il 
avait  pris  goût  aux  distractions  de 
son  âge  et  semblait  ne  différer  en  rien 
de  ceux  de  ses  condisciples  qui  don- 
naient plus  de  temps  au  plaisir  qu'à 
l'étude.  Mais  Proudhon  savait  conci- 
lier l'un  et  l'autre.  Il  avait  coutume 
de  régler  pendant  ses  vacances  le  tra- 
vail de  l'année,  et  il  le  distribuait  de 
manière  à  laisser  du  temps  en  réserve 
pour  les  maladies  et  les  accidents  im- 
prévus. Jamais  il  ne  lui  est  arrivé  de 
se  coucher  sans  avoir  achevé  la  tâ- 
che de  la  journée.  Ainsi,  dans  la  pre- 
mière année  de  droit,  il  apprit  par 
cœur  Vinnius  tout  entier,  et  ses  pro- 
fesseurs le  dispensèrent  de  tout  exa- 
men. Il  fit  moins  de  progrès  dans  l'é- 
ducation du  monde  5  il  demeura  tel 
que  la  nature  l'avait  formé,  et  ne  put 
jamais  se  plier  aux  manières  des  sa- 
lons. A  peine  imaginait-il  en  quoi  elles 
différaient  des  siennes,  et  il  ne  com- 
prenait point  qu'il  fût  nécessaire  de 
les  adopter.   En   1789  il  concourut 
pour  une  chaire  de  droit  à  l'universi- 
té de  Besançon,  et  eut  pour  compéti- 
teur Grappe,  qui  l'emporta.  L'année 
suivante,  il  fut  élu  juge  au  tribunal 
de  Pontarlier,  et  en  août  1791 ,  dé- 
puté suppléant  à  l'Assemblée  législa- 
tive. Déjà  la  Constituante  l'avait  con- 
sulté sur  la  constitution  civile  du  cler- 
gé. Il  fut  d'avis  qu'elle  ne  portait  au- 
cune atteinte  à  la  religion  et  que  l'as- 
semblée avait  droit  de  la  décréter. 
Cependant ,  dans   ses  fonctions  de 
juge,  il  se  montra  constamment  fa- 
vorable aux  prêtres  insermentés  qui 
furent  traduits  devant  le  jury  d'ac- 
cusation ,'  dont    il  était    directeur. 
Ainsi  dans  la  cause  des  deux  prêtres 
Jannin  et  Pichot,  prévenus  d'avoir 
excité  des  troubles  dans  leurs  parois- 
ses en  alarmant  les  consciences,  et 
en  cherchant  à  apporter  des  obsta- 
cles   h  l'exécution  des  lois  sur  la 


PRO 

oonstitutiou  civile  du  clergé,  Prou- 
dhon,  qui,  en  sa  qualité  de  directeur 
du  jury,  devait  exposer  l'objet  de 
l'accusation  et  l'expliquer  aux  jurés, 
prononça ,  le  13  mars  1792 ,  un  dis- 
cours dans  lequel  il  ne  craignit  pas  de 
dire  :  «...Ce  nesontpas  là  les  seuls  pré- 
jugés dont  vous  devez  vous  garan- 
tir dans  l'affaire  présente;  il  en  est 
encore  un  autre,  le  plus  dangereux 
de  tous,  parce  qu'il  paraît  accrédité 
par  l'opinion  du  vulgaire;  c'est  l'idée 
fausse  qu'on  s'est  formée  en  général 
de  tous  les  prêtres  qui  n'ont  pas  fait 
leur  serment  civique,  et  que  l'igno- 
rance grossière  du  peuple  confond 
par  celte  seule  raison  avec  les  en- 
nemis de  la  patrie.  L'homme  ne  doit 
compte  de  sa  religion  qu'à  Dieu  ; 
quel  que  soit  le  mode  du  culte  qu'il 
adopte,  il  ne  fait  aucune  injure  à  ses 
concitoyens,  pourvu  qu'il  ne  cher- 
che point  à  troubler  leur  repos;  et 
si  ceux-ci  s'en  offensent  mal  à  pro- 
pos, ce  sont  eux  qui  deviennent  in- 
justes à  son  égard.  Loin  de  vous  la 
haine  absurde  conçue  contre  une 
classe  d'hommes  entière  par  cette 
foule  populaire,  aussi  aveugle  que 
passionnée ,  qui ,  ne  jugeant  de 
l'homme  que  d'après  l'habit  dont 
if  est  revêtu,  ne  montre  aux  yeux 
des  hommes  sensés  que  son  irréli- 
gion déguisée  sous  le  masque  d'un 
faux  patriotisme....  Je  dois  encore 
vous  avertir  d'une  chose  qui  pour- 
rait vous  jeter  dans  quelque  mé- 
prise, si  vous  n'en  étiez  prévenus  : 
elle  est  relative  aux  témoins  que 
vous  allez  entendre.  Plusieurs  peut- 
être  déposeront  de  faits  passés  en 
confession  avec  les  prêtres  sur  la 
conduite  desquels  ils  ont  à  porter 
leur  témoignage;  si  cela  arrive, 
vous  ne  pouvez  faire  aucune  atten- 
tion à  leurs  dires....  Le  pénitent 
qui  recherche  pour  se  confesser  un 

tXXVIII. 


PRO 


97 


•  preire  non  ronformisle  doit  .s'at- 

•  tendre  à  recevoir  de  lui  des  répons»^ 

•  et  des  avis  sur  les  querelles  de  culte 
«  qui  nous  divisent,  conformes  k  ses 

•  opinions  religieuses;  il  faut  donc, 

•  ou  qu'il  ne  s'approche  pas  de  son 

•  tribunal,  ou  qu'il  évite  de  devenir 
«  traître  et  parjure,  en  violant  la  foi 
<  des  conditions  sous  lesquelles  il  y 
«  fut  admis.  »  Ce  discours  remarqua- 
ble fut  imprimé  presque  aussitôt  (Pon- 
tarlier,  chez  Faivre)et  6t  peut-êtreex- 
clure  Proudhon  du  tribunal  dans  le.<; 
élections  qui  eurent  lieu  peu  de  temps 
après.  Il  fut  dédommagé  de  la  perte  de 
cette  place  parcelle  déjuge  de  paix  du 
canton  de  Nods,  son  pays  natal.  Prou- 
dhon s  était  d'abord  laissé  éblouir  par 
les  principes  de  1789,  mais  lorsque  la 
révolution  eut  ensanglanté  sa  cause, 
ilvoulutunir  sa  voixàcelledes  hom- 
mes courageux  qui  espéraient  oppo- 
ser une  digue  au  torrent.  Pour  cela , 
il  composa  un  livre  sur  les  inconvé- 
nients des  grandes  villes  et  le  danger 
d'agglomérer  dans  les  mêmes  murs 
des  populations  trop  nombreuses;  il 
signalait  les  moyens  d'y  porter  re- 
mède et  de  disséminer  la  population 
parisienne,  corrompue  par  toutes  les 
passions  et  par  tous  les  vices.  Ce  livre 
était  aciievé  lorsque  93  amena  la  ter- 
reur; Proudhon  se  laissa  intimider  et 
il  jeta  son  manuscrit  au  feu.  Mais 
quelle  que  fût  la  prudence  de  sa  con- 
duite à  cette  époque ,  il  n'en  fut  pas 
moins  destitué  le  2ocl.  1793  (Il  ven- 
démiaire an  II),  par  arrêté  du  con- 
ventionnel Bernard  de  Saintes.  Cette 
destitution  le  plaçait  de  plein  droit 
dans  la  catégorie  des  suspects,  et  de  là 
à  la  prison  et  k  l'échafaud  la  pente 
était  rapide.  Pour  sortir  de  cette  po- 
sition, Proudhon  tenta  une  démarche 
hardie  qui  devait  en  hâter  la  crise  ou 
la  rendre  impossible.  Décidé  à  solli- 
citer sa  réintégration  près  du  non- 

7 


98 


PRO 


veau  commissaire  de.  la  Cou\npntion, 
il  se  rendit  à  Pontarlier  le  jour  même 
où  l'on  célébrait  l'installation  du  re- 
présentant Prost  {voy.  ce  nom,  ci- 
dessus),  et  il  s'invita  chez  un  ami 
qui  lui  donnait  à  dîner.  Placé  a  côte 
du  conventionnel ,  il  se  lit  remar- 
^      quer  par  ses  prévenances  et  son  em- 
pressement à    lui    parler.    Celui-ci 
le  comprit.   «Citoyen,   lui  dit  -il, 
«  tu  as  une  grâce  à  me  demander?— 
«  Non  pas  une  grâce  ,  répond  Prou- 
.  dhon,  mais  la  réparation  d'une  m- 
.  justice.  J'étais  juge  de  paix  du  can- 
.  tondeNods,  et  j'ai  été  destitué  sans 
«  motifs.  Je  demande  k  être  rétabli 
«  dans  ma  place.  ~  C'est  une  chose 
«  impossible  ,  réplique  sèchement  le 
«  conventionnel;  me  crois-tu  ici  pour 
.  réformer  les  actes  de  mon  prédé- 
.  ccsseur?-Tu  es  ici,  reprend  Prou- 
«  dhon  avec  fermeté ,  pour  défendre 
.  les  patriotes  calomniés  parles  mau- 
.  vais  citoyens.  Je  m'attache  à  tes  pas, 
«  etjusqu'à  ce  que  lu  m'aies  rendu  jus- 
.  lice,  je  t'importunerai  de  mesplain- 
«  tes.»  Proudhon  tint  parole  et  fit 
tant  que  le  conventionnel  ne  vit  rien 
de  mieux  que  de  se  l'adjoindre  dans 
^    son  travail  de  tournée.  De  retour  à 
Pontarlier,au  bout  de  huit  jours,Prou- 
dhon  redoubla  d'instances  auprès  de 
son  étrange  patron.  Il  invoqua  le  té- 
moignage des  onze  communes  du  can- 
ton de  Nods,  qui,  disait-il,  exprimaient 
le  désir  de  le  voir  rappelé  aux  fonc- 
tions de  juge  de  paix.  «  Eh  bien, 
«répondit  Prost,  je  consens  à  te  sa- 
•  tisfaire,  mais  à  condition  que  tu  su- 
.  biras  l'épreuve  d'un  jugement  pu- 
«  blic.  Viens  avec  moi  à  la  société 
.  populaire  et  demande  ta  réintégra- 
.  tion.  Si  personne  ne  sVilève  contre 
.  toi,  tu  reprends  tes  fonctions;  mais 
«  prends-y  garde:  si  une  voix  t'accuse, 
«  jo  l'envoie  au  tribunal  révohition- 
«  flaire.»  Malgré CCttP. terrible alter- 


PRO 

native,  Proudhon  se  rend  h.  la  société 
populaire ,  monte  à  la  tribune ,  parle 
avec  chaleur  de  son  dévouement  au 
pays ,  et  redemande  une  place  où  il 
peut  ajouter  de  nouveaux  services  à 
ceux  qu'il  a  déjà  rendus.  Personne  ne 
l'ayant  contredit,  il  descendait  triom- 
phant, lorsqu'un  ancien  procureur 
prend  la  parele  :  «  Citoyen,  lui  dit-il, 
«  parmi  lés  preuves  de  civisme,  tu  en 
.  as  omis  une.  Te  souviens-tu,  quand 
.  tu  étais  juge  de  paix  à  Pontarlier, 
.  d'avoir  annulé  une  saisie  faite  par 
-  la  douane  d'une  caisse  d'argente- 
.  rie  adressée  à  des  émigrés  ?  '  Le 
fait  était  vrai ,  mais  Proudhon  ne  se 
laissa  pas  déconcerter,il  remonta  aus- 
sitôt à  la  tribune,  et  au  lieu  de  répon- 
dre à  cette  question,  il  accusa  et  con- 
vainquit le  dénonciateur  lui-même  de 
prévarications  constantes  dans  l'exer- 
cice de  sa  charge.  Son  langage  fut  si 
incisif,  si  caustique,  que  tout  l'audi- 
toire éclata  bientôt  en  huées  contre 
le  procureur  confondu.Réintégrédans 
sa  place,  Proudhon  osa  faire  empri- 
sonner deux  membres  du  comité  ré- 
volutionnaire qui,  spéculant  sur  la 
peur,  avaient  indignement  pillé  les 
habitants  de  leur  village.  Il  ne  resta 
pas  long-temps  juge  de  paix,  car  en 
l'an  111(1795)  il  fut  appelé  au  di- 
rectoire du  département  du  Doubs 
par  le  représentant  du  peuple  Sala- 
din.  Les  élections  de  l'année  suivante 
le  portèrent  au  tribunal  civil  de  Be- 
sançon dont  il  présida  plus  tard  la 
seconde  section,  et  enfin,  le  22  fri- 
maire an  V  (12  décembre  1796),  nn 
arrêté  du  département  confirma  la  dé 
cision  unanime  du  jury  d'instruction 
qui  l'avait  nommé  professeur  de  légis- 
lation à  l'école  centrale  du  Doubs; 
Proudhon  se  livrait  avec  ardeur  à  ren- 
seignement ,  lorsque  les  événements 
du  18fructidor(4sept.l797),en  ame- 
nant de  nouvelles  proscriptions ,  lui 


PRO 


PRO 


«9 


tournirent  l'occasion  de  faire  acte  de 
courage.  Une  commission  militaire 
venait  de  s'établir  en  permanence  à 
Besançon  pour  juger  et  fusiller  les 
émigrés,  et,  assimilant  à  ceux-ci  un 
grand  nombre  de  prêtres,  elle  en  en- 
voyait chaque  jour  à  la  mort.  Prou- 
dhon  compose  à  la  hâte  un  mémoire 
pour  démontrer  l'indignité  et  l'illé- 
galité de  ces  sanglantes  condamna- 
lions,  le  fait  imprimer,  le  répand  dans 
la  ville,  le  porte  lui-même  aux  com- 
missaires.et  le  jour  même  lesangcesse 
de  couler.  Il  envoya  ensuite  son  mé- 
moire au  Directoire  et  à  plusieurs 
membresduCorps-Législatif.  En  voici 
le  titre  :  Opinion  d'un  jurisconsulte  de 
Besançon  sur  la  question  de  savoir 
si  un  prêtre  inscrit  sur  la  liste  des 
émigrés ,  dans  le  cours  de  sa  dépor- 
tation, peut  être  considéré  et  traité 
comme  émigré  (Besançon,  Félix  Char- 
naet,  février  1798,  in-8°).  Ce  zèle  pour 
des  prêt  res.  à  une  époque  où  tout  culte 
était  proscrit,  valut  à  Proudhon  d'ho- 
norables persécutions.  On  l'accusa 
d'être  favorable  à  la  religion  catholi- 
que et  de  s'attacher  plutôt  à  l'ensei- 
gnement de  l'ancien  droit  civil  qu'à 
celui  de  la  nouvelle  législation.  Sur 
le  premier  point ,  Proudhon  ne  crut 
pas  devoir  se  justifier,  car  il  était  sin- 
cèrement religieux  et  il  n'avait  jamais 
cessé  de  se  montrer  tel  ;  quant  au  se- 
cond ,  il  y  répondit  par  un  mémoire 
adressé,  en  août  1798,  à  l'admiuistra- 
tion  centrale  du  Doubs,  dans  lequel 
il  faisait  ressortir  tout  le  ridicule  de 
l'imputation  dont  son  enseignement 
était  l'objet.  L'issue  de  cette  accusa- 
tion est  racontée  dans  un  mémoire 
que  Proudhon  écrivit  en  1815  pour 
repousser  des  dénonciations  d'un  au- 
tre genre.  •  Le  ministre  de  l'intérieur. 

•  dit-il,  me  demanda  mes  cahiers;  je 
«  les  lui  fis  parvenir.  11  approuva, 

•  même  avec  éloges,  ma  manière  d'en- 


•  seigner. Un  commissaire,  envoyé  se- 
«  crètement  à  Besançon  par  le  Direc- 

•  toire  ,  pour  prendre  des  informa- 
«  lions  sur  divers  objets ,  avait  été 
«  spécialement  chargé  de  contrôler 

•  mon  cours ,  et  suivit  mes  leçons 
«  sans  être  connu  pendant  plus  de  six 

•  semaines.  Sur  le  point  de  retourner 

•  à  Paris,  il  vint  me  trou  ver  dans  mon 

•  cabinet,  me  fit  connaître  l'article  de 

•  sa  mission  qui  tne  concernait,  et  me 

•  témoigna  toute  son  estime  et  sa  satis- 

•  faction  (l).  •  Proudhon  cessa  alors 
d'être  inquiété.  L'>rsqn'en  1802  les 
écoles  centrales  furent  supprimées,  à 
la  prière  des  conseils-généraux  des 
trois  départements  du  Jura,  de  la 
Haute-Saône  et  du  Doubs.  il  continua 
d'enseigner  seul  toutes  les  parties  de 
la  législation  sans  recevoir  ni  des  ho- 
noraires de  l'état,  ni  une  rétribution 
des  élèves  ;  il  ne  demanda  à  l'admi- 
nistration qu'une  salle,  qui  lui  fut 
accordée  (î).  Tant  que  dura  cet  état  de 
choses,  c'est-à-dire  de  1803  k  1806, 
il  eut  soin,  pour  suppléer  à  l'absence 
de  registres  puMics  et  d'inscriptions, 
d'ouvrir  un  registre  particulier  qu'il 
faisait  coter  et  parapher  annuellement 
par  l'autorité  municipale ,  et  sur  le- 
quel il  inscrivait  lui-même  les  noms 
des  jeunes  gens  assidus  à  ses  leçons. 
Ceux-ci,  grâce  à  la  prévoyance  du 
professeur,  purent,  lors  du  rétablis- 
sement de  l'Université,  obtenir  la  dé- 
livrance de  leur  diplôme.  Par  un  dé- 
cret impérial,  daté  de  Munich,  le  17 


(i)  L«  commtMaire  da  Directoire  propo- 
sa même,  dit-oa,  a  Proadbon  de  faire  de>ti- 
tuer  ses  sccusaleors,  qui  étajenf  fonction- 
Dsires  publics.  Mais  il  n'jitrepta  pat  celle 
offre  et  ré|ioDJit  qoe  la  leogemce  o'était 
rien  jxmr  lui,  qu'il  nf  «îrma-i.îait  que  la 
tranquillité. 

{■i)  6a  repotatioa  était  tellemeat  répan- 
due qoe  des  proriaces  les  plus  éloig oée»  oa 
aci.-ourait  à  ses  leçoos,  er-qoe  des  étudiants 
Tinrent  d'A'lemagne  pofir  l'entendre   D-z-s. 


100 


PRO 


janvitu- 1806,  Proudlion  fut  investi  de 
la  première  chaire  du  code  civil  h  l'é- 
cole de  Dijon.  Cette  nomination  eut 
cela  de  remarquable  que  Napoléon 
biffa  de  sa  propre  main,  sur  la  liste 
qui  lui  fut  présentée,  le  nom  qui 
précédait  celui  de  Proudhon  ,  pour 
y  substituer  le  sien.  Nommé,  le4  avril 
suivant,directeur  delà  nouvelle  école, 
il  pi*nonça,  en  cette  qualité,  le  jour 
de  l'inauguration  (21  noT.  1806),  on 
discours  éloquent  qui  pourrait  servir 
d'introduction  à  l'étude  du  droit  et 
qui  fut  imprimé  dans  le  procès-ver- 
bal de  la  séance.  En  1809,  le  gouver- 
nement lui  conféra  le  titre  de  doyen. 
Indifférent  aux  événements,Proudhon 
n'eut  jamais  d'autre  souci  que  de  vi- 
vre en  paix  avec  le  pouvoir  établi.  Ce 
fut  grâce  à  cette  ligne  de  conduite 
qu'il  traversa  sans  encombre  toutes 
les  vicissitudes  de  la  république  et  de 
rempire,  et  que  la  première  Restau- 
ration le  conserva  dans  sa  chaire. 
Lorsque  la  nouvelle  du  débarquement 
de  Napoléon  à  Cannes  se  fut  répan- 
due, les  étudiants   de  Dijon  ayant 
manifesté  leur  sympathie  pour  l'em- 
pereur, Proudhon  réunit,  le  11  mars 
1815,  tous  les  professeurs  à  l'école 
de  droit,  afin  de  les  avertir  des  dispo- 
sitions des  jeunes  gens  et  de  se  con- 
certer pour  les  maintenir  dans  le  de- 
voir. «  Le  chef  d'un  gouvernement, 
«  disait-il ,  serait  dans  une  position 
«  bien  malheureuse  s'il  pouvait  être 
..  trahi  par  ceux  qui  se  sont  engagés 
.  à  le  servir.  Nous  sommes  tous  fonc- 
.  tionnaires  de  Louis  XVlll,  et  non- 
.  seulement  nous  ne  devons  pas  le 
.  trahir  personnellement,  mais  nous 
«  uedevonspastolérerdansnosélèves 
.  une  conduite  qui  pourrait  être  con- 
.  Uaire  à  sa  cause.  •  Cependant,  lors- 
(jue  l'empereur  parut  être  de  nouveau 
alVermi  sur  le  ti  ône,Proudhon,  lidèle  à 
.sonsystèmc,prononça,lel2avrilï81.'i, 


PRO 

un  discours  devant  le  buste  du  héros 
que  les  étudiants  avaient  solennelle- 
ment rétabli  à  l'école  de  droit.  Ce 
discours  fut  imprimé  dans  le  jour- 
nal de  la  Côte-d'Or  et  valut  à  l'au- 
teur une  éclatante  disgrâce  lors  du 
second  retour  de  Louis  XVllI.  Le  9 
octobre  1815,  un  arrêté  de  la  com- 
mission d'instruction  publique  de  Pa 
ris  lui  enleva  le  décanat  et  le  suspen- 
dit de  ses  fonctions  de  professeur  (3). 
Proudhon  se  rendit  alors  à  Paris  pour 
se  justifier;  il  adressa  à  la  commission 
un  mémoire  dont  nous  avons  déjà 
parlé ,  et  grâce  à  la  bienveillance 
de  Frayssinous,  ainsi  qu'aux  démar- 
ches du  corps  enseignant  de  Dijon 
et  du  clergé  de  Besançon,  il  fut  réin- 
tégré dans   sa   chaire   le   14   sept. 
1816  ;  mais  ce  ne  fut  que  deux  ans 
plus  tard  qu'on  lui  rendit  le  titre  de 
doyen.  Élu  bâtonnier  de  l'ordre  des 
avocats  en  1H19,  il  fut  confirmé  pen- 
dant dix   ans  consécutifs  dans  ces 
fonctions,  qu'il  avait  exercées  mo- 
mentanément en  1815.  Les  tracasse- 
ries auxquelles  il  avait  été  en  butte 
s©us  la  Restauration,  jointes  à  des  me- 
sures de  rigueur  prises  par  le  gouver- 
uement  envers  plusieurs  étudiants 
de  Dijon  qu'il  voulut  en  vain  dé- 
fendre, lui  firent  voir  de  bon  œil  les 
événements  de  1830.  Nommé,  le  12 
mars  1831,  chevalier  fte  la  Légion- 
d'Honneur,  il  fut  élevé,  le  <)  juin  1837, 
au  grade  d'officier.  Atteint  d'infirmi- 
tés douloureuses,  Proudhon  ne  pou- 
vait plus  tenir  la  plume  dans  les  der- 
niers temps  de  sa  vie.  C'est  à  peine 
s'il  pouvait  signer  son  nom.  Il  mou- 


Ci)  Aucun  .1«  »«»  toU.- gnw  ne  vonlut  èU» 
doyco  à  .a  pl«co.  et  M.  PoUcet  ,.rofcs,eur 
de  procéaurc,  ioicc  d'accepter  !<•  titre  de 
doyen  prooisoire,  ue  coû.oUlit  a  en  lo.i.her 
1,.,  omoluments  que  pcir  les  trans.neUre  a 
J>r(ii|dlioD.  ''      '■     '■ 


PRO 

rut  le  20  nov.  18:i8  (4).  Depuis  un 
grand  nombre  d'années  il  remplis- 
sait, avec  la  plus  scrupuleuse  exacti- 
tude, tous  ses  devoirs  de  religion. 
Il  n'en  inclinait  pas  moins  vers  des 
opinions  contraires  à  la  doctrine 
de  l'Église  sur  le  divorce,  les  empê- 
chements du  mariage  et  les  vœux. 
Ces  opinions  faillirent  empécherqu'il 
ne  fût  réintégré  dans  sa  chaire.  Prou- 
dhon  avaitélé  nommé,  le  1er  fructidor 
an  X  (19  août  1802),  membre  afiilié 
de  l'académie  de  législation  de  Paris  ; 
le  16  février  1809,  membre  associé  de 
celle  de  Besançon  i  enlin  le  30  novem- 
bre 1833 ,  membre  correspondant  de 
l'Institut  royal  de  France,  académie 
des  sciences  morales  et  politiques , 
pour  la  section  de  législation.  Il  avait 
épousé,  en  1T99,  une  demoiselle  Do- 
ney,  fille  d'un  lieutenant  particulier 
au  bailliage  d'Ornans,  et  il  était  de- 
venu veuf  en  1829.  Cinq  enfants  na- 
quirent de  ce  mariage,  quatre  garçons 
et  une  fdie.  Celle-ci  s'est  faite  reli- 
gieuse. Parmi  les  garçons,  l'atné  est 
juge  de  tribunal,  l'autre  avocat  à  Di- 
jon, et  le  plus  jeune  officier  de  ma- 
rine. Us  ont  eu  l'heureuse  inspira- 
tion de  ne  faire  graver  sur  sa  tombe 
qu'une  croix  avec  ces  mots  :  •  Prou- 
«  dhon,  20  novembre  1838.  •  Les  prin- 
cipaux ouvrages  de  Proudhon  sont  : 
I.  Cours  de  législation  et  de  juris- 
prudence françaises  sur  Vétat  des 
personnes,  Besançon,  an  VII  (1799), 
2  forts  vol.  in-80.  Ce  traité,  resté 
incomplet,  devait  embrasser  les  di- 
verses matières  du  droit.  Fondé  tout 
à  la  fois  sur  les  lois  de  la  révolution, 
les  ordonnances,  les  coutumes  et  le 


(4)  Il  avait  ce«sé  de  faire  son  cours  quel- 
que temps  avant  a  mort.  Il  monta  cepen- 
dant en  chaire  lorsqu'aa  mois  d'août  i838 
M.  Dapiu  vint  inspecter  l'école  de  droit  de 
Oijon,  mais  to  !ut  sculeiuetit  dan»  cette  oc- 
cdsioa  soleunulle.  U — z — s, 


PRO 


101 


droit  romain,  il  a  pour  objet  les  qua- 
lités et  les  droits  civils  des  personnes 
et  des  corps  moraux.  La  distribution 
générale  des  matières  est  à  peu  près 
la  même  que  celle  qui  fut  adoptée 
depuis  dans  le  premier  livre  du  code 
civil.  Chacune  d'elles  est  précédée 
d'un  rapide  aperçu  historique  et  phi- 
losophique destiné  à  faire  connaître 
son  origine  dans  le  droit  naturel  ou 
civil,  les  différentes  révolutions  qu'el- 
le a  subies,  les  conséquences  qui  en 
résultent  pour  la  civilisation  et  les 
mœurs,  et  surtout  à  prévenir  la  cou- 
fusion  et  l'erreur,  si  faciles  parmi  tant 
de  lois  transitoires.  C'est  dans  cet 
ouvrage  qu'on  trouve  pour  la  pre- 
mière fois  l'exposition  si  remarqua- 
ble des  doctrines  de  l'auteur  sur  une 
matière  obscure  et  immense,  celle 
des  statuts.  Les  jurisconsultes  con- 
venaient des  principes  généraux,  mais 
ils  variaient  dans  les  conséquences. 
Proudhon  endécouvrit  la  véritableap- 
plication  en  les  associant  aux  maxi- 
mes du  droit  public  qui  sont  la  base 
de  la  matière.  II.  Cours  de  droit 
français  sur  l'état  des  personnes^ 
Dijon,  1809,  2  vol.  in-8o;  2«  édit., 
1810.  Ce  traité  est  aussi  resté  inache- 
vé. III.  Traité  des  droits  d'usufruit, 
d'usage,  d'habitation  et  de  superficie, 
Dijf.n,  1823-25,  9  vol.  in-8o  ;  2,  édit., 
1836,  augmentée  de  commentaires 
sur  les  droits  d'usage,  par  M.  Curas- 
son.  Cet  ouvrage,  le  chef-d'œuvre  de 
Proudhon,  est  considéré  par  tous  les 
jurisconsultes  comme  un  des  plus 
beaux  monuments  de  la  science  du 
droit.  Un  juge  compétent,  Touiller, 
devenu  l'ami  de  Proudhon  sans  l'a- 
voir jamais  vu,  lui  écrivait  dès  l'ap- 
parition du  1"  volume  :  «  C'est  un 
«  ouvrage  consommé,  qu'on  ne  sur- 
«  passera  point,  et  qui  surpasse  tous 
•  ceux  qui  oui  paru  sur  la  même  ma- 
«tière- »  IV.  Du  domaine  public,  ou 


102 


PRO 


PRO 


de  la  distinction  des  biens  considé- 
rés principalement  par  rapport  au 
domaine  public,  Dijon,  1833,  5  vol. 
in-8o.  Tracer  le  caractère  du  domaine 
public  ;  la  distinction  entre  les  objets 
qui  le  composent  et  les  immeubles 
productifs  qui  forment  le  domaine 
de  propriété  de  l'état  et  des  com- 
munes ;  la  ligne  séparative  du  pou- 
voir administratif  et  du  pouvoir  ju- 
diciaire; les  règles  concernant  les 
établissements  et  les  édifices  publics, 
les  routes  royales  et  départementales, 
les  chemins  vicinaux  et  les  voies 
agraires  ;  l'usage  des  eaux  depuis  la 
mer  et  les  grands  fleuves  jusqu'aux 
ruisseaux,  tel  est  l'objet  de  ce  traité 
qui  est  destiné  à  servir  un  jour  de 
guide  pour  la  rédaction  du  code  ad- 
ministratif. Proudhon  avait  fait  mar- 
cher de  front  ses  recherches  sur  le 
domaine  public  et  la  composition 
d'un  autre  travail  sur  le  domaine 
privé^  qui  ne  put  être  ])ublié 
qu'après  sa  mort.  Il  a  pour  titre  : 
V.  Du  domaine  de  propriété,  ou  de  la 
distinction  des  biens  considérés  prin- 
cipalement par  rapport  au  domaine 
privé,  Dijon,  1839,  3  vol.  in-8".  Il  a 
été  publié,  par  les  soins  de  M.  C. 
Proudhon,  fils  de  l'auteur  et  juge 
d'instruction  au  tribunal  civil  de  Be- 
sançon. U Éloge  de  M-  Proudhon  a 
été  prononcé  à  l'académie  des  scien- 
ces, arts  et  belles-lettres  de  Besan- 
çon, par  M.  Curasson  père,  et  à  la 
conférence  de  l'ordre  des  avocats  de 
Dijon,  par  M.  Firmin  Lagier.  Cette 
dernière  notice  est  fort  complète,  et 
nous  y  renvoyons  ceux  de  nos  lec- 
teurs qui  désireraient  des  notions  plus 
étendues.  On  peut  aussi  consulter 
l'éloge  de  Proudliou  pronrjucé  par  M. 
Félix  Tenaille,  le  i  déc.  1841,  dans  la 
séance  d'ouverture  de  la  conférence 
desnvoc.its  à  la  cour  royale  de  Paris, 
iuipriméaux  frais  de  l'ordre.  A— y. 


PROUST(JosEPH-LotJis),chimiste, 
né  en  1761 ,  se  fit  connaître  en  18Ô8 
par  sa  découverte  du  sucre  de  raisin. 
Lorsque  Napoléon  invita  tous  les  chi- 
mistes à  rechercher  une  substance  qui 
pût  remplacer  la  denrée  colonialedont 
le  commerce  était  alors  intercepté  par 
la  guerre,  Proust  inventa  un  procédé 
pour  la  fabrication  du  sirop  de  raisin, 
dont  il  obtint  un  sucre  concret.  Le 
ministre  de  l'intérieur,  Montalivet, 
en  rendit  compte  à  l'empereur  dans 
un  rapport  très-avantageux  à  la  suite 
duquel  l'inventeur  reçut  une  somme 
de  cent  mille  francs  à  titre  d'encoura- 
gement, et  qu'il  dut  employer  à  la 
perfection  de  son  procédé.  Les  jour- 
naux anglais  tournèrent  en  ridicule 
cette  découverte.qui  ne  trouva  même 
en  France  que  très-peu  de  partisans. 
Cependant  en  1816  Proust  fut  admis 
à  Plnslitut  (Académie  des  sciences, 
section  de  chimie) ,  oii  il  remplaça 
Guyton  deMorveau.  Il  mourut  le5  juil- 
let 1826  On  a  de  lui  :  l.  Différentes 
observations  de  chimie  ,  imprimées 
dans  le  tome  I"  des  Savants  étran- 
gers de  l'Institut  (1805).  II.  Mémoire 
sur  le  sucre  de  raisin,  Paris,  1808, 
in-8°.  lit.  Sûr  une  analogie  remar- 
quable entre  les  eaux  de  quelques  par- 
ties du  golfe  de  Californie  et  celles  des 
lacs  de  Sodome  et  d'Urmia  en  Perse. 

IV.  Sur  l'existence  vraisemblable  du 
mercure  dans  les  eaux  de  fOcéan. 
Cet  écrit  et  le  précédent  ont  été  insé- 
rés dans  le  tome  VII  des  mémoires  du 
Muséum  d'Histoire  naturelle  (1821). 

V.  Essai  sur  une  des  causes  qui  peu- 
vent amener  la  formation  du  calcul, 
Angers.  1824,  iu-S".  Z. 

PIIOVAISA  (André)  ,  amiral  pié- 
nioutais,  naquit  eu  1511,  au  village 
de  Loiuy,  dont  sou  père  étaitseigneur, 
et  reçut  une  éducation  toute  militaire. 
Il  avait  atteint  un  grade  supérieur 
dans  l'armée  lorsqu'il  suivit,  en  Allé- 


PRO 

magne,  le  duc  Emmanuel-Philibert, 
que  son  père,dépouillé  de  sesÉtats  pâl- 
ies Français,  avait  envoyé  servir  dans 
les  arme'es  de  Charles-Quint,  sous  la 
direction  de  Provana,  de  Hugues  Mi- 
chaud  et  d'autres  hommes  distingués, 
qui  eurent  une  si  grande  part  à  la 
gloire   de  ce  jeune   prince.   André 
Provana,  combattant  les  protestants 
à  côté  de  lui,  se  trouva  aux  batailles 
de  Nordlingen,  de  Mulberg  ,  dHes- 
din  et  de  Bapaume   Envoyé  ensuite 
dans  le  comté  de  Nice,  qui  avait  seul 
résisté  à  l'invasion  étrangère,  il  com- 
manda le  fort  de  Villelranche ,  où 
il  eut  bientôt  occasion  de  déployer 
son    habileté  et   son    courage.    En 
1537,  une  escadre  franco-turque  pa- 
rut dans   les  eaux  de   Nice,    mais 
avant  d'investir  cette  ville  le  reis 
voulut  s'assurer  du  fort  de  Ville- 
franche.  A  cet  effet,  il  se  mita  la  tète 
de  six  galères  et  tenta  une  descente. 
Mais  Provana  l'avait  prévenu  en  en- 
voyant trois  compagnies  d'infanterie 
s'embusquer  à  la  pointe  du  port.  Déjà 
le  reis  s'apprêtait  à  débarquer  son 
monde  malgré  le  feu  des  batteries  du 
fort,  lorsqu'il  eu  fut  empêché  par  le 
comte  de  Tende,  qui  l'accompagnait 
et  qui  avait  aperçu  les  soldats  em- 
busqués. Au  même  instant  un  boulet 
atteignit  le  vaisseau  amiral  même,  et 
y  tua  plusieurs  hommes.  Cet  accueil 
vigoureux  décida  le  reis  à  s'éloigner. 
Après  la  paix  de  Cateau-Cambresis, 
Provanaalla  en  Provence  au-devant  du 
ducquivenaitd'épouserMargueritede 
France,  sœur  de  Henri  II,  et  rentrait 
triomphant  dans  ses  États.  Il  fut  alors 
nommé  capitaine-général  des  galères 
ducales.  En  1563,  deux  seigneurs  pié- 
montais  ayant  été  surpris  dans  une 
promenade  en  mer  par  des  corsaires 
turcs,  le  duc  de  Savoie  fut  obligé  de 
les  racheter  ;  mais  pour  venger  cette 
injure  il  ordonna  à  Provana  d'aller 


PRO 


lus 


user  de  représailles  dans  l'Archipel. 
L'amiral  s'en  acquitta  avec  beaucoup 
de  zèle,  ce  qui  excita  les  plaintes-du 
gouvernement  de  Venise,  lequel,  pré- 
tendant avoir  été  lésé  dans  ses  inté- 
rêts, demanda  et  obtint  une  indem- 
nité en  faveur  de  quelques-uns  de  ses 
sujets.  Revenu  à  Nice ,  Provana  fut 
chargé  de  conduire  eu  Espagne  les  ar- 
chiducs Rodolphe  et  Ernest,  fils  lie 
Maximilien,  roi  des  Romains,  et  petits- 
fils  de  l'empereur  Ferdinand,  qui  tra- 
versèrent lePiémout  en  1564,  se  ren- 
dant auprès  de-leuruncle  Philippe  II. 
Celui-ci,  ayant  appris  le  débarque- 
ment des  princes,  demanda  le  con- 
cours des  galères  ducales  pour  une 
expédition  contre  le  Pegnon  di  Vêlez, 
repaire  de  pirates  sur  la  côte  d'Afri- 
que. Provana  revint  à  Villefranche 
pour  s'armer  en  guerre,  se  rendit  en- 
suite dans  le  port  de  Malaga ,  ou  de- 
vaient se  rallier  tous  les  bâtiments 
composant  l'expédition,  et  contribua 
puissamment  au  succès.  L'année  sui- 
vante il  prit  le  commandeuient  de 
trois  galères  qui  se  joignirent  à  la 
flotte  espagnole  commandée  par  don 
Garzia  de  Tolède,  vice-roi  de  Sicile, 
et  destinée  à  secourir  la  ville  de 
Malte ,  qu'assiégeait  Soliman.  Les  ga- 
lères ducales  formèrent  Tavant-garde 
et  s'emparèrent,  à  la  hauteur  du  pro- 
montoire de  Pachino,  d'un  grand  bâ- 
timent de  Raguse,  chargé  de  comes- 
tibles pour  l'armée  turque.  Eu  1567, 
Provana  épousa  Catheriue  Spiuoia,  et 
devint ,  par  ce  mariage,  comte  de  Fruz 
zasco.  Il  fut  peu  après  créé  chevalier 
de  l'ordre  suprême  de  l'Annonciade, 
et   l'année  suivante  on  le    chargea 
d'accompagner  en  Espagne  l'archi- 
duc Charles,   frère    de  l'empereur 
Maximilien.   Le  pape    Pie   V  ayant 
invité  les  principales  puissances  ma- 
ritimes à  se  liguer  contre  les  Turcs, 
le  duc  de  Savoie  envova  k  la  flotte 


104 


PKO 


coalisée  trois  galères  qui,  sous  les  or- 
dres de  Provana,  prirent  une  part  glo- 
rieuse à  la  célèbre  bataille  de  Lépante, 
Une  d'elles  soutint  pendant  plusieurs 
heures  le  choc  de  deux  galères  enne- 
mies, et  perdit  presque  tout  son  mon- 
de. Provana,  lui-même,  fut  blessé  d'un 
coup  de  feu  à  la  tête,  et  resta  évanoui 
durant  une  demi -heure,   ce  qui  ne 
l'ertipêcha  pas  de  reprendre  aussitôt 
après  le  commandement.  Le  combat 
fini,  il  se  retira  dans  le  port  de  Petala, 
puis  vogua  avec  le  reste  de  la  Hotte 
chrétienne  vers  l'île  de  Corfou,  où  il 
se  rétablit  de  sa  blessure.  Il  profila 
de  chacune  de  ces  stations  pour  adres- 
ser à  son  souverain  le  récit  de  ce  qui 
s'était  passé,  dans  deux  lettres  qui  ont 
été  conservées  par  l'historien  Giof- 
fredo  {Storia  ddle  Âlpi  Mariltime). 
La  part  que  ses  galères  avaient  eue  à 
la  victoire  de  Lépante  décida  Emma- 
nuel-Philibert à  donner  plus  de  déve- 
loppement à  sa  marine  en  la  confiant 
à  un  ordre  religieux  et  militaire,  celui 
de  Saint-Maurice  et  de  Saint-Lazare 
dont  Provana  fut   dès  l'institution 
(nov.  1572)  créé  amiral.  Après  avoir 
contribué  à  la  cession  d'Oneille,  faite 
par  la  famille  Doria  au  duc  de  Savoie, 
il  accompagna,  en  1581,  Charles-Em- 
manuel 1*%  qui  allait  épouser,  k  Sara- 
gosse,  Catherine  d'Autriche,  fille  ca- 
dette de  Philippe  II.  Lorsqu'une  dé- 
putation  eut  oflert,  en  1590,  le  titre 
de  comte  de  Provence  au  duc  de  Sa- 
voie, Provana  prit  une  part  fort  ac- 
tive à  toutes  les  négociations  qu'ame- 
na cet  événement,  et  il  fut  chargé 
d'aller  sonder  les  dispositions  du  roi 
d'Espagne  j  mais,  n'ayant  pas  obtenu 
de  résultat  satisfaisant ,  il  revint  en 
Piémont  et  décida  Charles-Enunanucl 
à  se  rendre  en  personne  auprès  de  son 
beau-père.  Ce  prince  s'embarqua  avec 
Jeaiinin   {voy.  ce  nom,  XXI,  511)), 
envoyé  par  le  duc  de  Mayenne,  avec 


PKO 

un  ambassadeur  du  duc  de  Lorraine 
et  André  Provana,  qui  était  l'âme  de 
toute  cette  intrigue.  Mais  les  événe- 
ments ayant  pris  en  Provence  une 
tournure  peu  favorable,  le  duc  ne  put 
rien  obtenir  de  Philippe  II,  et  trouva 
à  son  retour  les  affaires  plus  em- 
brouillées que  jamais.  Provana  mou- 
rut à  Nice  peu  de  temps  après  ce 
voyage,  le  29  mai  1592,  et  fut  in- 
humé à  Villefranche  auprès  de  son 
épouse.  «  Le  seigneur  de  Leiny  , 
«  comte  de  Fruzzasco,  dit  Gioffredo , 
«■  dans  V Histoire  déjà  citée,  était  un 
«  homme  de  beaucoup  de  jugement, 
«  de  sagacité  et  d'expérience,  mais  il 
«  était  vers  la  lin  de  ses  jours  univer- 
«  sellement  haï ,  parce  qu'on  croyait 
«  qu'il  avait  poussé  le  duc  au  voyage 
•  de  Proveuce,source  de  tant  de  désas- 
«  très  et  de  dépenses  inutiles.  •  (  Yoy.  ' 
Savoie  {Charles-Emmanuel  1"^  duc 
de),  XL,  548.)  A— Y. 

PROVANCHÈRES  (Babthélemi 
de),  né  à  Langres,  dans  la  seconde 
moitié  du  XVI„  siècle,  d'une  famille 
considérée,  était  frère  puîné  de  Si- 
méon  de  Provauchères(î;o?/.  cenom, 
XXXVI,  156).  Celui-ci,  médecin  dis- 
tingué, s'étant  fixé  à  Sens,  où  il 
avait  fait  un  mariage  avantageux,  ap- 
pela ses  frères  près  de  lui.  L'un  d'eux 
exerça  la  profession  d'avocat,  et  mou- 
rut jeune  ;  Barthélemi  embrassa  l'é- 
tat ecclésiastique,  et,  par  le  crédit  de 
son  aîné,  obtint  une  place  de  cha- 
noine et  celle  de  trésorier  du  chapitre 
à  la  cathédrale  de  Sens.  Mais  c'est 
à  d'autres  titres  qu'il  mérite  d'être 
tiré  de  l'oubli  où  tous  les  diction- 
naires historiques  l'ont  laissé.  Daus 
plusieurs  occasions  solennelles,  il  fut 
appelé  à  prononcer  des  oraisons  fu- 
nèbres qui  firent  quelque  sensation, 
et  qui,  publiées  d'abord  à  Sens,  le  fu- 
rent ensuite  à  Paris.  On  y  entrevoit 
des  lueurs  de  talent  oratoire,  qui 


PRO 

brillent  surtout  dans  les  passages  où 
le  panégî'riste  cherche  à  établir  une 
corrélation  providentielle  entre  les 
desseins  de  la  divine  majesté  et  la 
destinée  des  puissants  de  la  terre. 
Cette  idée,  qu'il  caresse  sous  plusieurs 
formes,  lui  dicte  quelques  mouve- 
ments heureux,  mais  jamais  pathé- 
tiques. Il  n'est  pas  besoin  de  dire 
qu'il  sacriGe  au  mauvais  goût  du 
temps,  par  l'abus  de  l'antithèse,  l'em- 
ploi de  métaphores  outrées  et  dis- 
parates (1),  les  citations  multipliées 
de  personnages  mythologiques,  des 
poètes  et  des  philosophes  de  l'anti- 
quité, etc.  Barthélemi  de  Provan- 
chères  survécut  à  son  frère  Siméon, 
qui  mourut  en  t617,  mais  on  ignore 
pendant  quel  nombre  d'années  Ou  a 
de  lui  :  1.  Oraison  funesbre  sur  le 
îrespas  de  Henry  leGrand,  II II  du 
nom  très  chrestien,  roy  de  France  et 
de  Navarre,  prononcée  en  l'église  de 
Sens,  le  iùjuin  1610,  Sens,  George 
Niverd,  1610,  in-S".  On  ne  trouve 
pas  cette  pièce  mentionnée  dans  la 
Bibliothèque  historique  de  la  France 
du  P.  Lelong,  ni  dans  les  additions 
de  Fevret  de  Fontette.  II.  Discours 
funèbre  sur  le  trespas  de  haulte  et 
puissante  dame,  madame  Catherine 
de  Lorraine,  duchesse  de  Nevers, 
prononcé  en  l'église  de  Sens,  le  tren- 
te-uniesme  may  mil  six  cent  dix- 
huict,  Sens,  1618,  in-S»  de  41  p., 
sans  i'épître  dédicatoire  au  duc  de 


(i)  On  poarrait  ajouter  «ax  exemples  de 
comparaijous  ridicules  qui  ont  été  relevés 
tlaus  les  orateurs  du  XV* et  du  XVF  siètle  ce 
passage  du  Dittturtfunibre  lurle  trttpatdila 
duchesse  de  Severs,  pag.  Ç)  :  •  La  mort  est  i.e 
"  monstrueux  bouc  qui  de  ses  cornes  lieurte 
«  les  quatre  auglesde  la  terre;  avec  5:1  grande 
«<  corne  elle  va  toucher  les  grands  et  abattre 
«  les  sceptres,  les  couronnes,  les  diadèmes, 
«■  les  mitres  et  tiares  ;  et  avec  sa  petite,  elle 
•  ne  déddigiie  pas  de  frapper  les  petits  et 
"  heurter  le  vulgaire.  • 


PRO 


10  j 


Nivernois.  Cediscours  a  été  réimprimé 
la  même  année,  à  Paris,  in-4°,  sous 
le  litre  ù'Oraison  funèbre,  etc.  111. 
Oraison  funèbre  de  Jacques  Davy, 
cardinal  du  Perron,  Sens  et  Paris, 
1618,  in-80.  L— M— X. 

PROVERA  (le  marquis  de),  géné- 
ral autrichien  né  à  Pavie  vers  1740, 
de  l'une  des  plus  anciennes  familles 
de  la  Lombardie,  entra  au  service 
fort  jeune  et  fit  les  campagnes  coîitre 
les  Turcs  sous  le  maréchal  Laudoii. 
11  était  chevalier  de  Marie-Thérèse  et 
feld-maréchal-lieutenant,  lorsque  lu 
guerre  de    la  révolution    française 
commença.  Employé  d'abord  k  l'ar- 
mée des  Pays-Bas,  il  s'y  fit  peu  re- 
marquer et  passa  en   1796  à  celle 
d'Italie,  oîi  il  commanda  une  division 
sous  Beaulieu,  puis  sous  Alvinzi.  A 
la  bataille  de  Millesimo,  se  voyant 
coupé  et  pressé  de  fort  près  par  Au- 
gereau,  il  se  réfugia  dans  le  vieux 
château  de  Cosseria,  où  il  se  défen- 
dit pendant  trois  jours  avec  beaucoup 
de  vigueur,  et  fut  enfin  obligé  de  ca- 
pituler. Plus  heureux   le    12   nov. 
suivant,  il  obtint  un  avantage  im- 
portant sur  l'aile  droite  des  Français 
près  de  Soave.  Deux  mois  plus  tard, 
ayant  été  chargé  de  conduire  au  se- 
cours deMantoue  un  magnifique  corps 
d'armée  où  se  trouvaient  les  volontai- 
res de  Vienne,  dont  l'impératrice  avait 
brodé  de  ses  mains  le  drapeau,  il  fut 
entouré  par  plusieurs  corps  français  et 
encore  une  fois  obligé  de  capituler. 
«  Jamais  d'habiles  chasseurs,  dit  l'his- 
«  torien  Jomini.  ne  mirent  plus  d'ar- 
«  deur  et  d'intelligence  à  traquer  une 
«  bèie  fauve,  que  les  généraux  français 
•  n'en  déployèrent  pour  compléter  la 
«  ruine  du  corps  de  Provcra.  •  Wurm- 
ser,  quiétait  alors  enfermédans  Man- 
toue,  tenta  en  vain  une  sortie  pour 
venir  à  son  secours.  Entouré  et  atta- 
qué sunullauémeut  par  les  généraux 


t06 


PR 


Victor,  Dugua,  Lannes  et  Augereau, 
Proverase  rendit  prisonnier  avec  six 
mille  hommes  et  vingt  pièces  de  ca- 
non. Ce  revers  fit  une  grande  sen- 
sation à  Vienne,  et  lorsqu'il  se  pré- 
senta à  la  cour,  quelques  jours  après, 
l'empereur  refusa  de  le  recevoir,  et 
il  fut  mis  à  la  retraite  avec  une  très- 
faible  pension.  Cette  disgrâce  toute- 
fois dura  peu,  car  dès  le  mois  de 
septembre  de  la  même  année,  l'em- 
pereur l'envoya  à  Rome  sur  la  de- 
mande du  pape,  qui  voulut  qu'un 
général  autrichien  commandât  ses 
troupes.  Joseph  Bonaparte,  qui  se 
trouvait  alors  dans  cette  ville  comme 
ambassadeur  de  la  république  fran- 
çaise, ayant  protesté  contre  cette  no- 
mination, Provera  fut  obligé  de  re- 
tourner en  Autriche.  Il  se  rendit  en- 
suite à  Naples  sans  fonctions  osten- 
sibles, puis  à  Pavie  où  il  passa  les 
dernières  années  de  sa  vie  et  où  il 
mourut  vers  1804.  Ce  général  ne  man- 
quait ni  de  bravoure  ni  d'habileté; 
Bonaparte  lui-même  lui  a  rendu  cette 
justice ,  tout  en  blâmant  son  extrême 
facilité  à  capituler,  qu'il  n'eût  pas 
laissée  impunie  si  Provera  eût  été 
placé  sous  ses  ordres.       M— d  j. 

PRUDIIOMME  (Louis -Marie), 
fameux  révolutionnaire,  était  né, 
comme  la  plupart  des  gens  de  son 
espèce,  dans  la  plus  basse  classe  du 
peuple.  Il  vit  le  jour  en  1752  à  Lyon, 
et  fut  d'abord  garçon  de  magasin  chez 
un  libraire  de  cette  ville,  puis  à  Paris 
et  ensuite  à  Meaux,  où  il  se  fit  relieur, 
il  s'était  établi  dans  la  capitale  depuis 
plusieurs  années  lorsque  la  révolution 
éclata,  etdéjii  ils'y  était  fait  remarquer 
par  la  publication  d'un  grand  nom- 
bre d'écrits  révolutionnaires.  Déjii, 
quelle  que  fût  la  tolérance  du  gouver- 
nement de  cette  époque,  il  avait  été 
arrêté  plusieurs  fois  par  suite  de  ces 
publications.  II  a  dit  lui-même  <(uc  , 


PRU 

dans  le  court  intervalle  qui  s'écoula 
entre  les  premiers  troubles  du  parle- 
ment, en  1787,  et  le  14  juillet  1789, 
il  mit  au  jour  plus  de  quinze  cents 
pamphlets  ,  tous  destinés  à  préparer 
les  événements.  Ses  Litanies  du  tiers- 
état,  et  son  Avis  aux  gens  de  livrée 
sur  leurs  droits  politiques  (Paris, 
1788),  furent  distribués  à  plus  de  cent 
mil  le  exemplaires  dans  les  rues  et  dans 
les  carrefours.  Enfin,  après  avoir  usé 
toutes  les  plumes  des  écrivains  des 
greniers  (car  il  ne  fut  jamais  capable 
d'écrire  lui-même),  Prudhomme  don- 
na, au  commencement  de  1789,  unRé- 
sumé  général  de  cahiers  et  doléances 
des  bailliages ,  pour  les  députés  des 
trois  ordres  aux  États-Généraux, 
écrit  tellement  séditieux  qu'il  fut  saisi 
par  la  police,  dans  un  temps  où  les 
plus  audacieux  pamphlets  rÊStaient 
impunis.  L'ouvrage  est  de  Laurent 
de  Mézières ,  et  le  discours  prélimi- 
naire de  Rousseau  {voy.  ce  nom, 
XXXIX,  158),  qui  est  mort  séna- 
teur. La  révolution  du  14  juillet  vint 
mettre  ses  instigateurs  à  l'abri  de 
toute  espèce  de  poursuites  et  d'en- 
traves* Prudhomme  publia,  dès  le 
lendemain  ,  le  i"  numéro  de  son 
journal  des  Révolutions  de  Paris  , 
avec  cette  épigraphe  :  Les  Grands  ne 
nous  paraissent  grands  que  parce 
quenous  sommes  à  genoux  ....  Le- 
vons-nous!... Il  en  paraissait  un  ca- 
hier tous  les  huit  jours,  avec  une 
gravure  ;  la  collection  entière,  du  12 
juillet  1789  au  24  février  1794,  forme 
17  vol.  in-8o.  Ce  fut  Loustalot  [voy- 
ce  nom,  XXV,  270)  qui  en  composa 
Vintroduction  ;  les  autres  rédacteurs 
étaient  Sylv.  Maréchal,  Fabre  d'K- 
glantiiie,  Chauinelte,  e(c.  Dès-lors, 
Prudhomme  ne  garda  plus  de  mesure. 
Dénonçant  indistinctement  tons  les 
;iartis,il  harcelait  sansce.sse  lrs;igents 
de  l'autcrilé,  attaquait  toutes  les  iu- 


PRU 

stitutions.Enl790,ilfitaffichers«rles 
murs  de  Paris,  sous  le  titre  de  :  Prvd- 
hommé  à  totis  les  peuples  de  la  terre, 
une  annonce  ainsi  conçue  :  •  J'aver- 
-  tis  que  je  publierai  incessamment 
«  les  crimes  de  tous  les  potentats  de 

•  l'Europe,  des  papes,  empereurs, 
«rois  d'Espagne,  de  Naples,  etc.. 

•  Le  premier  besoin  d'un  peuple  qui 

•  veut  ^tre  libre,  est  de  connaître  les 

•  crimes  de  ses  rois.  Malgré  la  vi- 

•  gilance  des  despotes,  j'en  répan- 

•  drai  des  millions  d'exemplairesdans 

•  leurs  États,  sous  ma  devise:  Li- 
■  berté  de  la  presse,  ou  la  mort.  • 
On  le  vit  ensuite  presser  le  juge- 
ment de  Louis  XVI,  sommer  le  gou- 
vernement de  faire   célébrer,  cha- 
que année,  au  14  juillet,  la  fête  des 
piques,  et  d'ordonner  que  ce  jour- 
là  toutes  les  fenêtres  fussent  ornées 
d'une  de  ces  armes  révolutionnaires. 
Cependant  la  tyrannie  de  Robespierre, 
et  la  vue  du  sang  dont  ses  feuilles 
avaient  tint  de  fois  préparé  l'effusion, 
semblèrent  ouvrir  les  yeux  de  l'édi- 
teurdes  Révolutions  de  Paris;  il  atta- 
qua franchement  les  hommes  qui  le 
faisaient  répandre,  et  il  ne  tarda  pas  à 
se  brouiller  avec  ses  anciens  amis. 
Chose  bizarre,  Prudhomme  fut  em- 
prisonné comme  royaliste  au  milieu 
de  la  terreur  de  1793,  et  poursuivi 
pour  une  mission  qu'il  avait  remplie 
en  Champagne  avec  Billaud- Varen- 
ne.  Mais  son  crédit  révolutionnaire 
fut  plus  fort  que  ses  ennemis,  et  il 
recouvra  la  liberté.  Cependant  il  ne 
recommença  pas  son  journal;  il  s'é- 
loigna même  de  Paris,  avec  sa  famille, 
jusqu'à  la  chute  de  Robespierre  ;  ce 
qui  probablement  le  sauva  de  l'écha- 
faud.  En  1797,  ne  voulant  pas  re- 
noncer à  la  qualité  d'historien  des 
Crimes,  il  publia  VHistoire  générale 
cl  impartiale  des  erreurs,  des  fautes, 
''t  des  crimes  commis  pendant  la  ré- 


PRU  ior 

volution  (6  vol.  in-8o),  compilation 
très- informe,  mais  où  l'on  trouve 
des  documents  précieux  sur  les  atro- 
cités de  cette  époque.  Lorsqu'il  eut 
formé  le  plan  de  cette  entreprise  , 
Prudhomme  l'annonça  par  tous  les 
moyens  qui  étaient  en  son  pouvoir, 
et  il  sollicita  des  renseignements  qui 
lui  furent  envoyés  de  tontes  parts, 
qu'il  reçut  sans  examen,  et  qu'il  pu- 
blia sans  méthode  ni  discernement. 
Il  est  résulté  de  tout  cela  un  ouvrage 
quelquefois  bon  à  consulter,  mais  in- 
cohérent et  sans  aucune  liaison ,  ni 
rapport  de  couleurs  et  de  principes. 
Deux  de  ces  six  volumes  sont  consa- 
crés à  un  dictionnaire,  où  chaque  vic- 
time se  trouve  inscrite  à  sa  lettre  al- 
phabétique ,  avec  son  nom,  prénom , 
âge,  lieu  de  naissance,  qualité,  domi- 
cile, profession,  date  et  motif  de  con- 
damnation, jour  et  lieu  de  l'exécution. 
On  y  trouve,  parmi  les  guillotinés, 
18,613  victimes  ainsi  réparties: 

Ci-(!cvant  noWei 1.2?^ 

Femmes.,  .id T^o 

Femmes  de  labonrevrs  et   d'arti- 
sans   1 .467 

Religieuses 3do 

Prêtres I.l35 

Homaie*   et  non  nobles  de  divers 

états l3,6i3 

i8,6i3 

Femmes  mortes  par  suite  de  cou- 
ches prématurées 3,4oo 

Foiumes  enceintes  et  en   couches  878 

Femmes  tuées  dans  la  Vendée.. . .  l5,0OO 

Enfants.  .  .  .id a3,OOU 

Morts  dans  la  Vendée. 900,000 

Victimes   sous   le  procoasulat    de 

Carrier  de  Nantes 32,000 

Enfants  fusillés Sou 

Id.  noyét i,5oo 

Noble»  noyé» i,4oo 

Femmes  fusillées 264 

Id.  noyées 460 

.\rtisans  noyés 5,3ao 

Victimes  de  Lyon.. .  , 3 1,000 

Dans  ces  nombres  ne  sont  pas  com- 
pris les  massacrés  à  Versailles  ,  aux 
Carmes,  à  TAbbave,  à  Bicêtre,  à  la 


108 


tRti 


glacière  d'Avignon  ;  les  fusillés  de 
Toulon  et  de  Marseille  après  les  siè- 
ges de  ces  deux  villes,  et  les  e'gorgès 
de  la  petite  ville  de  Bédouin,  dont  la 
population  périt  tout  entière  {voy. 
Maignet,  LXXII,  356).  Un  des  traits 
les  plus  bizarres  de  cette  compilation, 
c'est  que  l'homme  qui  se  montra  l'en- 
nemi si  acharne  de  l'ancienne  monar- 
chie fait  à  l'Assemblée  des  notables 
im  reproche  fondé,  mais  fort  éton- 
nant de  sa  part ,  celui  d'avoir  re- 
fusé à  Louis  XVI  des  moyens  indis- 
pensables pour  soutenir  sa  couron- 
ne :  «  Leur  lâche  insouciance  » ,  dit-il 
en  parlant  des  notables ,  «  perdit  la 
•  cour  et  laissa  le  champ  libre  à  tous 
«  les  excès;  la  postérité  leur  doit 
«  son  mépris  et  son  indignation... 
«  Malédiction  sur  eux!...  •  Ce  qu'on 
doit  remarquer,  c'est  que  c'est  sur- 
tout à  Monsieur,  frère  du  roi,  et  depuis 
Louis  XVIII,  que  s'adressaient  ces 
reproches.  Toutes  les  peines  que 
Prudhorame  se  donne  dans  le  même 
ouvrage  pour  justifier  ses  liaisons 
avec  Camille  Desmoulins ,  Danton  , 
etc.,  pour  prouver  qu'il  n'approuva 
jamais  les  massacres  et  les  proscrip- 
tions, ne  s»nt  pas  ce  qui  s'y  trouve 
de  moins  curieux.  Cet  ouvrage,  qui 
parut  dans  un  temps  oii  la  France 
était  encore  gouvernée  par  les  au- 
teurs de  ces  crimes,  fut  saisi  par  la 
police  du  Directoire  5  mais  la  saisie, 
ftiite  par  des  confrères  et  d'anciens 
amis,  n'empêcha  pas  l'éditeur  d'en 
débiter  plus  tard  la  presque  totalité. 
En  1799,  Prudhomme  devint  un  des 
directeurs  des  hôpitaux  de  Paris,  et 
s'établit  ensuite  imprimeur-libraire. 
Kn  1810,  il  acheta  de  Chaudon  {voy. 
ce  nom,  LX,  5.5'l)ctdu  libraire  Brny- 
set  le  droit  de  faire  une  édilidu  do  leur 
dictionnaire,  et  il  prétendit  aussitôt 
user  de  ce  droit  pour  interdire  à  tout 
autre  la  faculté  de  faire  un  diclion- 


PRU 

naire  historique  quelconque.  C'était  à 
cette  époque  que  se  commençait  notre 
Biographie  universelle;  Prudhomme, 
soutenu  par  le  directeur  de  la  librai- 
rie, Pommereul(«oi/.cenom,XXXV, 
281),  nous  traduisit  audacieusement 
devant  les  tribunaux,  et  il  voulut  éta- 
blir qu'un  ouvrage  rédigé  par  tout  ce 
que  les  sciences  et  les  lettres  offraient 
de  plus  distingué  n'était  qu'une  con- 
trefaçon de  son  Dictionnaire  histori- 
que, fait  par  un  ecclésiastique  estima- 
ble sans  doute,  mais  étranger  à  pres- 
que tous  les  objets  dont  il  avait  parlé, 
et  que,  dans  son  édition,  le  nouvel 
éditeur  avait  encore  altérés  et  défi- 
gurés par  une  maladroite  précipita- 
tion. Les  éditeurs  de  la   Biographie 
universelle    triomphèrent    de    cette 
attaque  ridicule,  mais  il  leur  fallut 
subir  trois  degrés  de  juridiction.  Pru- 
dhomme continua  le  commerce  de  la 
librairie  jusqu'à  sa  mort.  Ce  qui  est 
assez  digne  de  remarque,  c'est  qu'en 
1814  il  se  montra  favorable  à  la  Res- 
tauration et  qu'on  le  vit  pendant  plu- 
sieurs jours  publier  un  journal  où  il 
manifesta  hautement  cette  opinion.  H 
avait; annoncé  des  Mémoires  secrets 
depuis  17G7  avec  des  prédictions  jus- 
gu'c»  1850, lesquels  devaient  être  com- 
posés de  4  vol.  in-S".  Le  prospectus 
parut  en  1829  ;  mais  la  mort  de  l'au- 
teur, survenue  en  janvier  1830,  en 
empêcha  la  publication.  Outre  ceux 
que  nous  avons  cités,  on  a  de  Pru- 
dhomme les  ouvrages  suivants,  soii 
comme  auteur,  soit  comme  éditeur:  I. 
Géographie  de  la  république  fran- 
çaise en  120  départements^  1795,  2 
vol.  in-8".  H.  Voyage  à  la  Guianecl 
à  Caycnne^  fait  en  1789  et  années 
suivantes,   Paris,   1798,  in-8".    IH. 
Dictionnaire  universel  géographi- 
que, statistique,  historique  et  poli- 
tique delà  France^  Paris,  1804-180:., 
5  vol.  ia-4MV.  Miroir  de  l'ancien 


PRl 

et  du  nouveau  Paris,  1805,  2  vol. 
iii-I8,  avec  plan  et  gravures;  réim- 
jii  imé  trois  fois  sous  le  titre  de  Voya- 
ge descriptif  de  l'ancien  et  du  nou- 
veau Paris,  2  vol.  iu-18, 1814,  1821, 
1825.  V.  De  la  propriété  littéraire, 
ou  les  Contrefacteurs  et  les  plagiai- 
res démasqués,  Paris,  chez  l'auteur, 
1812,  brochure in-S".  VI.  L'E>i/^er  dfA- 
hommes  d'état  et  le  Purgatoire  des 
peuples,  histoire  abrégée  et  chro- 
nologique de  la  fin  tragique  des 
personnages  célèbres,  etc.,  depuis 
les  temps  les  plus  reculés  jusqu'au  30 
mars  1814,  Paris,  1815  ,  in-12.  L'ou- 
vrage devait  avoir  5  vol.,  mais  il  n'a 
pas  été  continué.  VII.  L'Europe  tour- 
mentée par  la  révolution  en  France, 
ébranlée  par  dix-huit  années  de  pro- 
menades militaires  et  meurtrières  de 
Napoléon  Bonaparte,  avec  un  ta- 
bleau du  nombre  d'hommes  qui  ont 
péripendant  la  révolution,  et  lesmil- 
liards  partagé*  par  un  petit  nombre 
d'individus  qui  ont  prêté  tous  les  ser- 
ments depuis  1789,  Paris,  1816,2  vol. 
in-12.  Prudhouime  professe  dans  cet 
ouvrage  le  plus  profond  mépris  pour 
le  gouvernement  de  Bonaparte  et 
pour  toute  la  noblesse  de  sa  création, 
parmi  laquelle  il  voyait  un  grand 
nombre  de  ses  anciens  confrères  les 
sans-culottes.  VIII.  Nouvelle  des- 
cription des  ville,  château  et  parc  de 
Versailles,  du  Grand  et  Pelit-Tria- 
non  ,  Paris,  1620,  1821, 1824,  in-12, 
avec  gravures.  IX.  Description  des 
statues,  groupes,  etc.,  qui  ornent 
les  jardins  des  Tuileries  et  du 
Luxembourg ,  Paris  ,  1821 ,  in-18 , 
avec  gravures.  \. Chronique  des  évé- 
nements politiques,  civils  et  militai- 
res, etc.,  de  tous  les  peuples,  depuis 
l'ère  chrétienne  jusqu'en  1822,  Paris, 
1822,  G  vol.  in-8°  avec  1100  portraits 
en  méilaillons.  XI.  Histoire  impar- 
tiale des  révolutions  de  France,  de- 


PRL 


109 


puis  la  mort  de  Louis  TF,  Paris , 
1824-182.1,  12  vol.  in-12.  Xll.  «<•'- 
pertoire  universel ,  historique,  bio- 
graphique des  femmes  célèbres,  mor- 
tes ou  vivantes,  depuis  les  temps  les 
plus  reculés  jusqu'à  nos  jours ,  par 
une  société  de  gens  de  lettres,  auteurs 
du  Dictionnaire  universel,  Paris, 
1826-1827,  4  vol.  in-8''.  Ersch  attri- 
bue à  Prudhonime  :  1°  les  Crimes  des 
reines  de  France,  1792,  in-8'',  dont 
certainement  il  n'est  pas  l'auteur 
(voy.  KÉP.ALio,  LXVni,  493)-,  2»  les 
Crimes  des  papes,  1792,  in-S",  dont 
l'auteur  est  La  Vicomterie  qui  a  fait 
aussi  les  Crimes  des  rois  de  Fran- 
ce (l);  3"  les  Crimes  des  empereurs 
d'Allemagne,  1793,  in-8°,  qui  sont  du 
même  auteur.  On  attribue  à  Prud- 
homme,  avec  plus  de  raison,  les  Cri- 
mes de  Marie- Antoinette  d'Autriche, 
dernière  reine  de  France,  avec  les  piè- 
ces justificatives  de  son  procès,  Pa- 
ris, au  bureau  des  Révolutions  de  Pa- 
ris, anll,  1793,  \n-8°,  et  les  Crimes  de 
la  Convention,  avec  la  Liste  des  in- 
dividus envoyés  à  la  mort  pendant  la 
révolution,  et  particulièrement  sous 
le  rè^ne  de  la  Convention,  i79Ci~5 
vol.  in-8°.  Il  a  été  éditeur  des  Céré- 
monies religieuses  de  tous  les  peu- 
ples, 1810,  13  vol.  iu-fol.  (voy.  Ber- 
nard, IV,  296);  de  VArt  de  connaître 
les  hommes  par  laphysionomie,  ISO.'i- 
1809, 10  vol.  ia-4"  et  in-»"  {voy.  La- 
VATER,  XXIII,  458).  M— D  j. 

PRUD'HON  (Pierke-Pall),  pein- 
tre français,  né  le  6  avril  1760,  à 
Clun\ ,  en  Bourgogne,  était  le  13^  en- 
fant d'un  maître  maçon ,  qui  mourut 
à  im  âge  peu  avancé.  Resté  à  la  charge 
de  sa  mère,  dont  la  piété  et  l'indigence 
excitalentdanslavilleunvifintérêt,le 

(i)  Les  ouvrages  qui  ont  paru  en  t83o 
et  l83r,  sous  les  titres  de  Crimts  des  rois  rfi- 
France  et  Crimes  de!  reines  de  France,  sont 
différeots  de  cenx  qae  nous  ritons  ici. 


ÏIO 


PRII 


jeune  orphelin  fut  admis  graluiteinenl 
à  l'éftole  que  tenaient  les  moines  de 
Cluny,  et  sa  conduite  sage  lui  valut, 
avec  l'ainilié  de  ces  bons  religieux, 
la  protection  de  l'évèque  de  Mâcon 
(M.  Moreau),  qui,  voyant  les  heureu- 
ses dispositions  de  cet  enfant  pour  le 
dessin,  le  plaça  à  Dijon  chez  François 
Devosges,  peintre  distingue. Prud'hon 
justifia  cette  faveur  par  de  rapides 
progrès ,  et.  peu  d'années  après,  ob- 
tint le  grand  prix  de  peinture  fondé 
par  les  états  de  Bourgogne.  On  rap- 
porte à  ce  sujet  une  anecdote  qui  mé- 
rite d'être  conservée.  A  côté  de  la  loge 
où  il  était  entré  pour  concourir,  se 
trouvait  immédiatement  celle  d'un  de 
ses  camarades  qui,  désespérant  de 
pouvoir  traiter  le  sujet  donné,  se  li- 
vrait à  un  violent  chagrin.  Touché 
des  plaintes  de  cet  élève,  Prud'hon 
détache  une  des  planches  qui  le  sépa- 
rent de  son  voisin,  et  travaille  avec 
ardeur  au  tableau  de  celui-ci,  qui, 
grâce  à  ce  généreux  secours,  obtient 
le  prix  d'une  voix  unanime.  Quoique 
dupe  de  sa  bonne  action  ,  Prud'hon 
se  résigne  à  garder  le  silence  ;  mais 
le  jeune  concurrent ,  qu'il  a  obligé 
avec  tant  de  désintéressement ,  ne 
peut  consentir  à  tromper  les  juges 
du  concours,  et  il  leur  découvre  toute 
la  vérité.  L'erreur  est  aussitôt  réparée 
que  détruite,  et,  après  avoir  été  porté 
en  triomphe  par  ses  camarades,  Pru- 
d'hon, nommé  pensionnaire  des  états 
de  Bourgogne  à  Rome,  se  hâte  de  par- 
tir pour  cette  capitale.  Ses  études  l'y 
retinrent  jusqu'en  1789 ,  époque  dé 
.son  retour  en  France.  Arrivé  à  Paris, 
où  il  n'était  point  encore  connu,  il  fut 
obligé  d'y  faire  à  bas  prix  des  por- 
traitsau  pastel  et  en  miniature. Cespre- 
mières  productions,  et  phisieurs  des- 
sins annonçant  de  l'imagination  ,  at- 
tirèrent sur  lui  l'attention  de  quel- 
ques connaisseurs;  mais  sa  réputation 


PRU 

ne  prit  un  accroissement  sensible 
qu'en  1808,  année  où  fut  exposé  au 
Salon  son  tableau  de  la  Justice  et 
de  la  Vengeance  divine  poursuivant 
le  crime.  Cette  belle  allégorie ,  qui 
lui  avait  été  commandée  par  le  préfet 
de  la  Seine ,  Frochot,  son  ami  et  son 
protecteur,  décora  long-temps,  au 
Palais  de  Justice,  la  salle  de  la  Cour 
criminelle;  mais,  à  l'époquede  la  Res- 
tauration ,  on  l'en  retira  pour  faire 
place  à  un  grand  crucifix  qu'on  y  voit 
encore.  Elle,  lut  alors  transportée  au 
Musée  du  Luxembourg  et  de  là  à  celui 
du  Louvre.  Le  succès  de  ce  beau  ta- 
bleau valut,  en  peu  de  temps,  à  l'au- 
teur.la  décoration  de  la  Légion-d'Hon- 
neur,  une  place  à  Plnstitut  (dans  l'A- 
cadémie des  Beaux-Arts)  et  l'honneur 
d'enseigner  le  dessin  à  l'impératrice 
Marie- Louise.  Encouragé  par  ces  ré- 
compenses, il  fit  successivement  pa- 
raître aux  expositions  publiques  un 
grand  nombre  de  tableaux,  dont  la 
plupart  lui  avaient  été  commandés 
par  le  gouvernement  et  par  le  comte 
de  Sommariva,  riche  protecteur  des 
beaux-arts.  Ce  qu'il  y  avait  d'original 
dans  sa  manière  de  peindre  et  dans 
l'esprit  de  ses  compositions  ne  tarda 
pas  à  faire  de  lui  le  chef  d'une  école 
nouvelle,  tout  à  fait  différente  de  celle 
de  David  ,  alors  dominante,  et  il  eut 
une  foule  d'imitateurs,  parmi  lesquels 
on  ne  put  guère  remarquer  que  M, 
Lordon,  M"«  Mayer  et  M.  Ch.  de  Bois- 
fremont.  Généralement  aimé  et  re- 
cherché ,  Prud'hon  semblait  devoir 
être  content  de  son  sort,  mais  le  ma- 
riage qu'il  avait  imprudemment  con- 
tracté, étant  jeune,  avec  une  femme 
dont  l'humeur  et  l'incondiiite  étaient 
intolérables,  le  rendit  tellement  mal- 
heureux, qu'il  se  trouva  réduit  à  la 
triste  nécessité  de  divorcer.  Cette  cir- 
constance de  sa  vie  l'affecta  au  point 
qu'il  ne  lui  fallnt  pas  moins,  pour 


PRU 

calmer  sa  mélancolie,  que  les  soins 
empressés  et  le  tendre  atlachemenl 
de  son  élève.  M"'  Mayer,  dont  nous 
avons  parlé  pîàs  haut.  Mais  cette  liai- 
son, si  bien  assortie  et  si  heureuse 
pendant  quelques  années,  devait  elle- 
même  finir  d'une  manière  bien  déplo- 
rable. Au  moment  où  les  artistes  lo- 
gés dans  les  bâtiments  de  laSorbonne 
reçurent  l'ordre  de  déménager,  Pru- 
d'hou,  qui  y  demeurait  avec  sou  amie, 
annonça  à  celle-ci  la  difficulté  de  trou- 
ver ailleurs  un  appartement  qui  leur 
fût  commun;  et  il  n'en  fallut  pas  da- 
vantage à  l'infortunée  pour  tomber 
ilans  le  désespoir.  Frappée  de  l'idée 
que  Prud  hoD  méditait  une  rupture  , 
elle  se  coupa  la  gorge  avec  un  rasoir, 
et  périt  baignée  dans  son  sang.  A  par- 
tir de  cette  douloureuse  époque  (1821) 
'a  santé  de  Prud'hon  s'atiaiblit  de  jour 
;i  jour,  et  après  deux  ans  (le  16  fév. 
1823)  il  succumba  à  une  sombre  con- 
somption, effet  de  son  violent  chagrin. 
Cet  artiste  était  d'un  caractère  doux 
et  modeste.  H  ne  cherchait  point  à 
se  répandre  dans  le  monde,  et  c'était 
seulement  parmi  ses  connaissances 
les  plus  intimes  qu'il  savait  faire  ap- 
précier les  qualités  de  son  esprit. 
Son  tableau  de  la  Justice  et  la 
Vengeance  est  avec  raison  considéré 
comme  son  chef-d'œuvre.  Quelques 
incorrections  de  dessin  et  un  léger  dé- 
faut de  perspective,  qui  sembleprêter 
:  la  victime  de  l'assassin  une  taille 
iémesurée,  furent  a  peine  remarqués 
ians  ce  grand  et  bel  ouvrage,  tant 
1  ette  scène  nocturne  et  l'aspect  vrai- 
ment romantique  de  la  composition 
raient  d'un  effet  saisissant.  Aussi, 
t»,  morceau,  généralement  admiré, 
-t-il  été  gravé  plus  d'une  fois  par 
iihabiles  artistes:  en  premier  lien, 
par  feu  Roger,  intime  ami  de  l'auteur, 
et,  il  y  a  environ  deux  ans,  par  M. 
Antoine  Gelée  (pour  la  Société  des 


PRU 


111 


Anus  des  Arts).  Parmi  les  autres  pro- 
ductions de  Prud'hon ,  il  en  est  qui , 
sans  avoir  toute  l'importance  du  ta- 
bleau dont  nous  venons  de  parler, 
n'obtinrent  pas  moins  de  succès  dans 
les  exposition»  publiques.  De  ce  nom- 
bre sont  les  suivants:  Pxyché  enle- 
vée par  les  Zéphirs  (  1808)  ;  le  Zi- 
phire  se  balançant  au-dessus  de  Veau 
(même  année)  ;  le  Portrait  du  roi  de 
Rome,  Vénus  et  Adonis  (1810);  Ân- 
dromogu« (1817);  l'Assomption  delà 
Vierge  (1819);  la  Famille  désolée 
(1822):  le  Christ  sur  la  croix  (exposé 
après  la  mort  de  i'aotenr,  en  1824,  et 
terminé,  dit-on,  par  M.  de  Boisfre- 
mont)  ;  le  plafond  du  Musée,  repré- 
sentant Diane:  des  portraits;  quel- 
ques tableaux  de  genre  ;  des  têtes 
d'études  et  des  dessins,  achetés  dans 
le  temps,  par  MM.  Jacques  Laffitte  et 
Sommariva.  —  Le  talent  de  Prud'hon 
était  moins  sévère  que  gracieux,  et  il 
V  a  lieu  de  supposer  que,  durantson 
séjour  à  Rome,  cet  artiste  avait  plus 
étudié  la  touche  d'Antonio  Allegri 
(le  Corrège)  que  le  style  de  Raphaël  ; 
on  croit  le  reconnaître,  du  moins,  à 
l'expression  voluptueuse  de  ses  têtes, 
à  son  empâtement  de  couleurs,  à  ia 
suavité  de  son  pinceau,  à  ses  con- 
tours ondoyants  et  moelleux,  dont 
l'indécision  même  n'est  pas  dépour- 
vue de  charme.  Tout  eu  reconnais- 
sant que  ce  peintre,  doué  d'une  ima- 
gination poétique,  possédait  au  plus 
haut  degré  le  talent  de  plaire,  on  ne 
peut  se  dispenser  d'observer  qu'il 
laisse  à  désirer  un  dessin  plus  ferme 
et  plus  savant;  qu'il  outre  souvent  la 
diaphanéité  de  ses  tons  de  chair,  au 
point  d'en  détruire  toute  la  consis- 
tance, et  qu'en  général,  sa  couleur  a 
plus  de  fraîcheur  que  de  vérité.  Ces 
tons  flous,  ce  sfumato,  convenables 
dans  les  fictions  allégoriques  et  my- 
thologiques, qui  admettent  jusqu'à 


Ï12 


PRU 


PRZ 


un  certain  point  l'inimatérialitt^  des 
('ormes,  sont  moins  motivés  clans  les 
sujets  terrestres,  qui  exigent,  avant 
tout,  un  dessin  correct,  une  touche 
large  et  ferme,  et  une  solide  imita- 
tion de  la  nature  humaine  \  aussi,  à 
l'exception  des  trois  élèves  de  Pru- 
d'hon  que  nous  -avons  nommés,  ses 
imitateurs  n'ont-ils  laissé  que  de  fai- 
bles ouvrages  dont  on  ne  parle  plus. 
On  aurait  ton,  néanmoins,  de  croire 
que  par  ces  observations  nous  vou- 
lons rabaisser  le  mérite  d'un  artiste 
dont  s'honore,  ajuste  titre,  notre 
école  moderne.  Prud'hon  sera  tou- 
jours considéré  comme  le  peintre  des 
grâces  ;  et  si ,  par  la  nature  de  son 
talent ,  il  s'éloigne  un  peu  trop  du 
grand  style,  il  est  assez  glorieux  pour 
lui  d'avoir  mérité,  par  la  délicatesse 
de  son  pinceau,  le  surnom  ùç,Corrège 
français.  Tel  est  le  charme  attaché  à 
ses  productions,  qu'elles  sont  tou- 
jours au  nombre  de  celles  qu'on  re- 
cherche le  plus  dans  les  ventes.  Sur 
trente-huit  tableaux  de  maîtres  qui 
furent  vendus  le  20  février  1839,  à 
l'hôtel  de  Sommariva,  un  seul  fut 
payé  plus  de  20,000  francs,  et  ce 
fut  le  Zéphirc,  de  Prud'hon,  dont 
M""  Didier  avait  fait ,  en  1827,  une 
charmante  copie  sur  porcelaine.  Di- 
verses notices  ont  été  publiées 
sur  l'auteur  de  la  Justice  et  la 
Vengeance  poursuivant  le  Crime -^ 
l'une  par  M.  Quatremère  de  Quincy, 
qui  en  lit  lecture  à  l'Académie  des 
Beaux-Arts,  le  4  octobre  1824  ;  une 
autre  par  M.  Voïart,  professeur  de 
dessin  -,  et  une  troisième  par  M.  Ch. 
Blanc,  auteur  d'une  Histoire  despein- 
1  res  français  au  XIX"  siècle.  F.  P — T. 
PUUKEAU  de  Pommegorge^yoya- 
geur  français,  s'embarqua  en  I752,et 
visita  la  côte  d'Afrique,  la  Guinée,  la 
Nigritie  et  les  différents  établisse- 
menls  de  l'auciennc  compagnie  des 


Indes.  Nommé  membre  dn  eonseil 
souverain  du  Sénégal,  il  fut  ensuite 
commandant  du  fort  Saint-Louis  de 
Gregoy  au  royaume  dxî  Juda.  De  re- 
tour en  France  après  une  absence  de 
vingt-deux  ans,  il  obtint  la  place  de 
gouverneur  de  la  ville  de  Saint-Dié- 
sur- Loire,  et  mourut  vers  1802  dans 
un  âge  très-avancé.  Il  a  publié  la  rela- 
tion de  ses  voyages  sous  le  titre  de 
Description  de  la  Nigritie^  Amster- 
dam et  Paris,  1789,  in-S",  avec  cartes; 
trad.  enallemand, Leipzig, 1 790,in-8". 
Pruneau  de  Pommegorge  convenait 
volontiers  que  Sedaine,  de  l'Académie 
française,  l'avait  aidé  dans  la  rédac- 
tion de  cet  ouvrage,  et  c'est  sans  doute 
par  reconnaissance  qu'il  le  lui  dédia. 
On  trouve  à  la  fin  un  petit  Diction- 
naire des  mots  et  des  phrases  les  plus 
usités  chez  les  lolofs,  dont  la  langue, 
dit  l'auteur,  est  une  des  plus  jolies  de 
la  Nigritie,  11  donne  des  notions  inté- 
ressantes sur  ces  peuples  et  sur  la  na- 
tion des  Foulahs,  en  fait  connaître  les 
mœurs ,  les  costumes ,  le  gouverne- 
ment ,  l'agriculture ,  le  commerce  , 
surtout  celui  des  esclaves.  11  rapporte 
qu'il  a  vu  vendre  un  cheval  arabe  à 
un  roi  nègre,  moyennant  cent  captifs, 
cent  bœufs  et  vingt  chameaux.  11  parle 
des  albinos  ou  nègres  blancs;  il  dé- 
crit le  royaume  de  Beniu,  le  pays  de 
Dahomé,et  entre  dans  des  détails  fort 
curieux  sur  les  îles  dn  Prince,  de  San- 
Thomé  et  d'Annobon.  Cependant , 
quoique  Pruneau  de  Pommegorge 
traite  assez  sévèrement  les  voyageurs 
qui  ont  exploré  avant  lui  la  Nigritie, 
sa  propre  relation  n'est  pas  aussi  éten- 
due qu'elle  aurait  pu  l'être.  E — s. 

l>RZIPCOVIUS  (Samuel),  écri- 
vain socinien ,  né  vers  1592  en  Po- 
logne, étudia  à  Altdorf  jusqu'au  mo- 
ment où  son  adhésion  au  socinianisme 
l'obligea  de  se  réfugier  à  Leyde.  Dès 
l'Age  de  dix-huit  ans  il  lit  paraître  un 


9M 

traité  de  la  paix  Pl  de  la  concorde  avec 
l'f,glise,etpeudetemps  après  une  ré- 
futation du  livre  d'Heinsius  intitulé  : 
Cras  credo,  hodie  nihil.  A  son  retour 
en  Pologne  il  occupa  plusieurs  em- 
plois honorables,  et  usadeson  influen- 
ce pour  propager  le  sociniauisme  et 
établir  des  églises  dans  le  royaume. 
Il  écrivit  à  cette  époque  une  Histoire 
des  églises  sociniennes  qui  se  perdit, 
lorsqu'en  1658  ses  disciples  furent 
bannis  de  la  Pologne.   Przipcovius 
partagea  leur  sort,  et  fut  obligé  de 
fuir  sa  patrie.  Il  obtint  un  asile  dans 
les  États  d  e  l'électeur  de  Brandebourg, 
qui  le  nomma  son  conseiller  privé. 
En  1GG3,  un  synode  des  unitaires 
le    chargea   de    correspondre   avec 
leurs    frères  établis  dans  les    au- 
tres pays,  alin   de   propager   leurs 
principes.  Przipcovius,  qui  ne  suivait 
pas  en  tout  les  sentiments  de  Socin, 
eut  à  repousser  de  vigoureuses  atta- 
ques de  la  part  des  partisans  de  ce 
sectaire.  11  mourut  le  l©  juillet  1690, 
âgé  de  près  de  80  ans.  Ses  ouvrages 
ont  été  publiés  en  1692,  en  un  vol. 
in-foi-iqui  peut  être  considéré  comme 
le  septième  de  la  collection  intitulée  : 
Bibliotheca  Fratrum  polonorutn.  Ce 
volume  est  précédé   d'une    vie  de 
Przipcovius.  G— Y- 

PRZYBYLSKI  (Hyacinthe),  tra- 
ducteur  et  poète  polonais,  naquit  à 
Craco\ne  en  1756,  et  fut  successive- 
ment professeur  et  bibliothécaire  à 
l'université  de  cette  ville.  Il  mourut 
en  1819,  après  avoir  publié  un  grand 
nombre  d'ouvrages  qui  ont  tous  été 
imprimés  à  Cracovie.  Nous  citerons 
entre  autres  les  traductions  :  i°  de 
la  Mort  d'Abel,  de  Gessner,  1787; 
2°  des  Lusiades,  de  Camoens,  1790  ; 
3»  des  OEuvres  d'Hésiode,  1790;  4o 
de  V Iliade  ;  5°  du  Paradis  perdu,  de 
Milton-,  6"  du  Paradis  retrouvé,  du 
ni?me;  7''des0^ui'r<,5qn'Ovi(ie  écri- 

LXXVIII. 


PSA 


i  I  *> 


vil  dans  l'exil,  1803;  8°  des  Œuvres 
de  Quintus  Calaber  i  g*'  des  Lamen- 
tations de  Jérémie.  1803;  lOo  de 
VArt  poétique  d'Horace,  180;»;  ilo 
de  VOdyssée  ;  »  2"  de  la  Batrachomyo- 
machie\  13°  des  Géorgiques,  de  Vir- 
gile, 1813;  14'  de  VÈnéide;  15"  de 
la  Clef  de  l'ancien  monde,  pour  ser- 
vir à  l'intelligence  d'Homère  et  de 
Quintus  Calaber,  1816.  Z. 

PSACHE  (Etienne),  membre  cor- 
responJantde  la  Société  des  Antiquai- 
res de  France,  plus  connu,  dit  Nodier, 
par  les  circonstances  tragiques  de  sa 
mort  que  par  V infatigable  patience 
de  ses  recherches  (l) ,  naquit  k  Coni- 
mercy  le  21  février  1769.  Quoique 
fils  d'un  simple  tanneur,  il  prétendait 
être  arrière-neveu  du  célèbre  rsicolas 
Psaume,  évêque  de  Verdun,  l'un  <les 
secrétaires  du  concile  de  Trente.  Des- 
tiné à  l'état  ecclésiastique, il  était  clerc- 
niinoré  lorsque  la  révolution  éclata, 
lien  embrassa  les  principes  avec  toute 
l'ardeur  de  la  jeunesse,  entraîné  sur- 
tout par  l'espérance  de  quitter  une 
profession  dont  les  devoirs  rigoureux 
n'auraient  pu  se  concilier  avec  l'im- 
pétuosité de  ses  penchants.  Appelé 
aux  fonctions  d'administrateur  et  de 
procureur-syndic  du  district  de  Com- 
uiercy,il  se  lit  un  grand  nombre  d'en- 
nemis par  la  roideur  de  son  caractère. 
Aussi ,  quoiqu'on  rendît  justice  à  sa 
probité,  les  suffrages  de  ses  conci- 
toyens s'éloignèrent  de  Ini  et  ils  "ne 
le  réélurent  à  aucune  fonction  publi- 
que. Après  la  journée  du  31  mai,  ses 
aû'ections  pour  le  parti  de  la  Gironde 
lui  suscitèrent   quelques     persécu- 
tions, mais  il  fut  protégé  par  le  sou- 
venir récent  de  ses  sentiments  répu- 
blicains exagérés.  Perdant  toute  es- 


(i)  Article  sur  le  Manuel  du  Ubraire ,  àe 
M.  Bruaet,  inséit;  dans  U  Temps,  no  du  l5 
ff'vrier  i834  (feuilleton). 


ni 


PSA 


PSA 


pérance  de  reconquérir  la  faveur  po- 
pulaire, et  moins  disposé  encore  à  des 
actes  de  soumission  envers  les  puis- 
sances du  jour,  il  se  lit  successivement 
libraire,  avocat  et  journaliste.  Mais 
n'ayant  réussi  dans  aucune  de  ces  pro- 
fessions, il  prit  le  parti  le  plus  sage, 
celui  de  se  retirer  dans  sa  ville  na- 
tale, où  il  vécutau  milieu  d'une  biblio- 
thèque composée  surtout  d'ouvra- 
ges rares  et  curieux,  qu'il  avait  re- 
cueillis lors  de  la  vente  des  livres  des 
maisons  religieuses  de  la  province  et 
sur  les  quais  de  la  capitale  (2).  Après 
la  Restauration,  il  fit  de  fréquents 
voyages  à  Paris,  et  crut  que  sa  haine 
pour  le  despotisme  lui  tiendrait  lieu 
de  titres  près  du  gouvernement.il  sol- 
licita donc  la  place  de  juge  de  paix  de 
son  canton,  mais  il  se  vit  préférer  un 
militaire  du  train  des  équipages.  Au 
surplus,  les  discussions  politiques  te- 
naient beaucoup  trop  de  place  dans  la 
distribution  de  son  temps  ;  et  comme 
il  les  soutenait  dans  les  iieux  pu- 
blics et  même  sous  le  balcon  des  Tui- 
leries, avec  un  air  courroucé  et  d'une 
voix  stridente,  on  le  fuyait  générale- 
ment. 11  ne  trouvait  pas  même  le  re- 
pos au  sein  de  sa  famille.  De  deux 
unions, qu'il  avait  contractées,  la  pre- 
mière avait  été  brisée  par  la  mort  pré- 
maturéede  son  épouse  ;  il  ne  recueil- 
lit que  des  tribulations  dans  un  second 
mariage,  et  hnit  par  être  victime 
de  la  haine  et  de  la  cupidité  deCa- 
bouat  et  Simon,  ses  gendres  (3),  qui 


(a)  Celte  lilbliothèquc,  coii^posée  d«;  ])lus 
de  io,ooo  volumes,  a  étp  aclK^tôn  par  M.  Té- 
diener,  libraire  à  Paris,  qui  débutait  alors 
dans  ia  carriore  qu'il  a  piin-ourue  depuis 
ayer.  tant  il'cdat,  soit  par  l'activitp  (l(!  ses 
relîitlortà,  soif  par  l'importance  et  In  inuiti- 
|>licité  des  publications  que  son  zèle  pour 
les  progrès  de  la  seieuce  liibiiogiapliiqiie 
lui  a  iuit  entreprendre. 

;  (!)  Après  une  loiigne  prof'édure,  cos  deii'x 
•  cL'lt'ruts  iurcut   (-ondauiiiw  a  tnoit  par  ta 


l'assassinèrent  à  coups  de  bâton 
dans  la  forêt ,  près  de  Couunercy , 
le  27  octobre  1828.  On  doit  à  Psau- 
me :  I.  Réponse  aux  objections  des 
monarchistes  contre  la  possibilité 
d'une  république  en  France,  Paris, 
Rainville,  1793,  in-8°  de  37  pag.  (4). 
Cet  écrit,  dont  le  préambule  égale 
presque  en  virulence  les  Crimes  des 
rois  de  La  Vicomterie,  manque  de  so- 
lidité ,  même  au  point  de  vue  de  l'o- 
pinion républicaine,  et  décèle,  par 
son  ton  déclamatoire,  l'inexpérience 
de  l'écrivain  et  du  publiciste.  On  le 
caractérisera  suffisamment  en  disant 
que  Louis  XVI  y  est  traité  de  Néron 
moderne.  «Il  y  a  eu,  dit-il,  soixante- 
»  deux  rois  en  France,  et  ces  soixante- 
«  deux  rois  n'ont  été  que  soixante- 
«  deux  scélérats  ;  je  n'en  excepte  pas 
«  même  Charlemagne,  Louis  IX, 
»  Charles  V,  Louis  XII  et  Henri  IV, 
«  malgré  que  la  flatterie  et  la  bas- 
«  sesse  des  hommes  les  aient  élevés 
«  jusqu'aux  nues,  malgré  que  deux 
«  de  ces  porte-couronnes  aient  été 
«  honorés  de  l'apothéose  par  la  prê- 
«  traille,  etc.  (p.  6).  »  II.  Lettre  au 
citoyen  Mollevaux  père,  président 
de  la  société  des  sciences,  lettres  et 
arts  de  Nancy,  Nancy,  an  XI  (1803), 

cour  d'assises  de  la  Meuse,  le  ii  juillet 
1829,  et  exéeutés  à  Saiut-Mihiel  1«  i4  sep- 
tembre suivant.  Un  bomme  d'esprit  s'est 
avisé  de  composer  à  ce  snjet  une  Grande 
complainte  sur  l'horrible  et  èpouvanlabU  tts- 
sassinat  commis  avec  préméditation  et  guet- 
apens  sur  la  personne  de  M.  Etienne  Psaume, 
en  ton  vivant  avocat  et  homme  de  lettres,  1821), 
in-S"  de  lâ  pug.  Les  amateurs  de  <:es  sortes 
d<;  facéties  la  rediercbent  beaucoup,  parce 
qu'elle  rend  un  compte  assez  piquant  des 
débats  de  la  <;our  d'assises  et  des  faits  qui 
ont  précédé  le  crime. 

(4)  On  lit  dans  le  Journal  dé  l'imprimerie 
et  de  la  librairie,  n"  5  du  3o  janvier  i83o, 
p.  79,  une  courte  notice  des  ouvrages  de 
Psaïuite,  i:omposée  par  M.  Lerouge,  soti 
cuinpalriotc  et  son  aiui.  Il  ne  donne  par  er- 
reur que  1 7  pages  à  la  Ripçni*  auf  objittions 
(les  nçnarthistts. 


PSA 

in- 8'.  C'est  une  censure  dn  règle- 
ment de  la  société,  qui  admettait  des 
membres  honoraires  ;  on  y  relève  en 
outre  l'omission  de  plusieurs  noms 
recommandables,  dans  la  liste  des 
membres  titulaires  et  associes.  III. 
Éloge  de  M.  l'abbé  Lionnois,  ci-de- 
vant principal  du  collège  de  tuni- 
versité  de  Nancy,  Nancy.  1806,  in- 8". 
L'abbé  Lionnois  {voy.  ce  nom,  XXV, 
535),  après  avoir  consacré  sa  longue 
carrière  à  l'instruction  de  la  jeunesse, 
avait  publié,  de  1803  à  1807,  VHis- 
toire  des  villes  vieille  et  neuve  de 
Nancy ^  3  vol.  in-8».  Cet  éloge  fut 
composé  pour  être  mis  à  la  suite  du 
troisième  volume,  pendant  l'impres- 
sion duquel   l'abbé   Lionnois   avait 
cçssé  de  vivre.  IV.  Éloge  de  M.  Au- 
bry,  ancien  prieur  bénédictin ,  Pa-  ^ 
ris,  1809,  in-8».  L'auteur  avait  été 
l'ami  de  dom  Aubry  :  peut-être,  à  ce 
titre,  s'est-il  un  peu  exagéré  le  mé- 
rite des  œuvres  métaphysiques  du 
bénédictin  ;  mais  si  l'on  ne  peut  ad- 
mettre, sans  restriction,  l'apprécia- 
tion trop  favorable  qu'il  en  fait,  on 
doit,    applaudir   à   l'hommage  qu'il 
rend  aux  vertus  simples  et  modes- 
tes de  leur  auteur.  V.   Un  patriote 
à  Napoléon  sur  tÀcte  additionnel 
aux  constitutions  de  l'empire,  Pa- 
ris ,  24  avril  1815,  in-8°.    L'oppo- 
sition   de  Psaume    aux  envahisse- 
ments du  pouvoir  impérial  remon- 
tait plus    haut.  Déjà  il  avait  émis 
tin  vote  négatif   lorsque  la  nation 
avait  été  consultée  sur  la  proposi- 
tion d'élever  un  trône  pour  le  pre- 
mier consul.  Dans   ces  remontran- 
tes sur  l'Acte  additionnel,  il  fait  en- 
tendre de  dures  vérités,  qui  ne  par- 
vinrent sans  doute  pas  jusqu'à  l'o- 
reille de  l'empereur.  Il  lui  dit,  entre 
autres  aménités,  que  cet  Acte  a  mé- 
contenté les  bons  citoyens,  qu'il  n'a 
plu  à  aucun  parti,  et  a  répandu  une 


PSA 


115 


consternation  universene.  VI.  No- 
tice sur  feu  M.  l'abbé  Georgel,  an- 
cien grand-vicaire  de  M.  le  cardinal 
de  Rohan,  Paris,  1817,  in-8».  Cette 
notice,  placée  à  la  tête  des  Mémoires 
de  l'abbé  Georgel,  a  été  tirée  à  part. 
Psaume  avait  fourni  pour  cette  pu- 
blication des  notes  plus  ou  moins 
piquantes,  qui  furent  supprimées  ou 
altérées  par  Baudouin  père,  à  la  révi- 
sion duquel  l'éditeur  Eymery  les 
avait  soumises.  VU.  Mémoire  pour 
M  Etienne  Psaume,  avocat^  contre 
le  sieur  Bougeât,  second  adjoint  du 
maire  de  Commercy,  Nancy,  1826, 
in  -  8'.  «  Quatre  incendies  ,  fruit 
«  de  la  malveillance  la  plus  auda- 
«  cieu<e  et  la  plus  criminelle,  ont 
«  éclaté  successivement  à  Commercy 
«  dans  la  maison  de  M.  Psaume... 

•  Peut- on  s'imaginer  qu'il  se  soit 
«  trouvé  un  homme  assez  auda- 
«  cieux,  assez  pervers ,  ou  assez 
«  insensé   pour  avoir  osé  accuser, 

•  hautement  et  en  face,  M.  Psaume 

•  et  ses  enfants  d'avoir  mis  le  feu  à 
«  leur  maison  ?  Cet  homme  est  le 
«  sieur  Bougeât.  •  Tel  est  le  début 
de  ce  mémoire,  qui,  selon  l'usage  de 
l'auteur,  est  écrit,  d'un  bout  à  l'au- 
tre, du  même  style  virulent  et  inju- 
rieux. L'adjoint  du  maire  n'avait 
rempli  que  son  devoir  en  prenant 
les  mesures  nécessaires  pour  préve- 
nir un  cinquième  incendie,  quand 
surtout  la  clameur  publique  accu- 
sait, non  Psaume,  mais  ses  filles, 
d'être  les  auteurs  des  quatre  pre- 
miers. VIII.  Un  petit  mot  à  M.  le 
rédacteur  du  Constitutionnel  sur  les 
jésuites  Guéret  et  Guignard,  Paris, 
1826,  in-8''.  Psaume  prouve  que  le 
P.  Guéret  n'a  pas  été  mis  à  mort 
comme  le  dit  le  Constitutionnel,  mais 
quil  a  été  seulement  banui  à  perpé- 
tuité. Quant  au  P.  Guignard,  il  fut 
pendn,  en  effet,  pour  avoir  Conser- 

8. 


116 


PSA 


vé  chez  lui  des  manuscrits  où  le 
meurtre  de  Henri  III  était  glorilié  et 
qui  provoquaient  aussi  à  l'assassi- 
nat de  Henri  IV.  M.  Psaume  trouve 
cette  condamnation  un  peu  sévère, 
surtout  pour  la  première  fois.  IX. 
Dictionnaire  bibliographique,  ou 
Nouveau  manuel  du  libraire  et  de 
l'amateur  de  livres ,  etc. ,  Paris  , 
1824,  2  vol.  in-8°.  Cet  ouvrage, 
tombé  justement  en  discrédit,  n'est 
qu'une  contre- épreuve,  ou  plu- 
tôt une  contrefaçon  du  Dictionnaire 
bibliographique  de  Fournier.  On  y  a 
fondu,  sans  trop  de  discernement, 
un  certain  nombre  d'articles  addi- 
tionnels, puisés  dans  la  troisième 
e'dition  du  Manuel  du  libraire  de 
M.  Brunet,  auquel  on  a  dérobé  même 
le  titre  de  son  livre.  Ces  torts  ne 
furent  sans  doute  pas  ceux  de  Psaume,  '' 
qui  passait  pour  un  honnête  homme  ; 
ils  doivent  plutôt  être  imputés  aux 
éditeurs  peu  scrupuleux  de  cette 
publication.  Ce  qui  appartient  en 
propre  à  Psaume  se  compose  surtout 
d'un  Essai  élémentaire  sur  la  biblio- 
graphie, qui  a  été  loué  par  Nodier. 
«  C'est  une  analyse  bien  faite  de  la 
«  science  bibliographique,  où  il  n'y 
«  a  presque  rien  de  nouveau  à  ap- 
■  prendre  pour  ceux  qui  ont  appris, 

•  mais  où  rien  d'essentiel  n'est  omis 

•  pour  ceux  qui  apprennent  (5).  » 
Il  ne  faut  pas  omettre,  dans  le  contin- 
gent fourni  par  Psaume,  un  assez 
grand  nombre  de  notes  très-acrimo- 
nieuses dirigées  contre  les  écrivains 
dont  il  ne  partageait  pas  les  opinions, 
tels  que  Bonald,  de  Maislre,  Fer- 
rand,  etc.  Le  premier,  par  exemple, 
est  traité  de  «  ténébreux  écrivain, 
«  que  l'on-  a  surnommé  avec  juste 

•  raison  le  Lycophron  de  la  politi- 
'  que\  ses  productions  n'ont  eu  un 

(^)  Feuilleton  du  Temps  cite  plus  !i;iiit. 


PUB 

«  peu  de  vogue  que  parce  que  cer- 
«  tains  valets  de  plume  de  la  tyrau- 
«  nie  avaient  fait  autrefois  à  leur  au- 
«  teur  un  immense  trousseau  de 
«  réputation  (6).  »  Psaume  a  fourni 
d'ailleurs  beaucoup  d'articles  poli- 
tiques ou  littéraires  aux  journaux  de 
la  capitale,  au  Narrateur  de  la  Meuse, 
au  Journal  de  la  Meurthe,  etc.  Il 
fut  l'un  des  collaborateurs  de  la  Bio- 
graphie moderne,  3  vol.  in-8o,  pu- 
bliée en  1817  par  Alexis  Eymery,  qui 
n'était  guère  qu'une  copie  de  la  Bio- 
graphie moderne,  imprimée  à  Leip- 
sick  (Paris)  en  1806,  4  vol.  in -8",  Il 
se  proposait  de  composer  une  biblio- 
graphie révolutionnaire  ,  pour  la- 
quelle il  avait  déjà  recueilli  de  nom- 
breux matériaux;  mais,  craignant 
d'attirer  sur  lui  les  rigueurs  du  pou- 
voir, il  prit  le  parti  de  renoncer  à 
cette  entreprise.  L— m — x. 

PUBLICIUS  (Jacques),  littéra- 
teur, est  compté  parmi  les  savants 
qui  ranimèrent  le  goût  des  bonnes 
études  en  Italie,  dans  le  XV«  siècle. 
Fossi  pense  que  c'est  son  nom  acadé- 
mique. Il  était  de  Florence,  et  l'on 
peut  conjecturer  qu'il  y  professa  les 
belles-lettres  avec  une  assez  grande 
réputation.  On  a  de  lui:  Artis  orato- 
ricB  cpitome  ;  Ars  epistolaris  ;  Ars 
memoriœ,  Venise,  1482,  in-4°.  Ces 
trois  opuscules  ont  été  réimprimés 
par  Erh.  Raldolt,  Venise,  1485,  et 
Augsbourg,  1490,  in-4''.  L'édition  de 
1482  est  décrite  par  Fossi  dans  le 
Catal.  codic.  impressor.  bibl.  moglia- 
becch.,  Il,  421-,  celle  de  1485  est  cotée 
dans  le  Calai.  delaBib.  dît Tîoi,  bel- 
les-lettres, X,  2097.  Le  manuel  épis- 
tolaire  de  Publicius  a  reparu  séparé- 
ment sous  ce.  titre:  Ars  couficiendi 
epistolas  tulliano  more,   Devcnter, 

((■))  Dittionnair»  bibliographique,  torn.  I"', 


MîG 


PUG 


117 


1 488,  in-  4o  ;  Leipzig,  sans  date,  in-4o. 
Panzer  en  cite  une  seconde  édition 
de  Leipzig,  1501.  Son  traité  de  mné- 
monique ;iclé  reproduit  sous  le  titre 
d'^rs  memorativa,  sans  date,  in-4». 
Les  bibliograpliesattribuent  cette  édi- 
tion à  Jean  Guldenschaft,  de  Mayence, 
imprimeur  à  Cologne.  Elle  est  ornée 
de  figures  sur  bois  représentant  les 
signes  bizarres  qui  s<»rvent  aux  mné- 
monistes  à  se  rappeler  les  dates  ou 
les  événements  qu'ils  veulent  fixer 
dans  leur  mémoire.  Ces  mêmes  figu- 
res se  trouvent  déjà  dans  l'édition  de 
Venise,  1482,  décrite  par  Fossi  ;  et  il 
est  très-vraisemblable  qu'elles  ont  été 
reproduites  dans  toutes  les  éditions 
de  cet  opuscule.  Le  R.  Dibdinen  a 
donné  des  fac-similé  dans  le  Catal. 
delà  bibl.  Spencer,  III,  475.  W — s. 
PrGET,  marquis  de  liariantane 

{  PAL'L-FnANÇOIS  -  UlL.VRION-BlE>VE- 

Nu),  général  français,  né  à  Paris 
en  1751,  d'une  famille  ancienne  et  ri- 
che ,  reçut  une  éducation  soignée  et 
principalement  dirigée  vers  les  scien- 
ces militaires-,  mais,  doué  d'un  esprit 
enclin  à  la  méditation  ,  il  montra 
plus  de  goût  {K)ur  toutes  les  scien- 
ces qui  ont  la  métaphysique  pour 
base,  et  s'occupa  tour  à  tour  de 
philosophie,  de  droit  public  et  de  lé- 
gislation. Entraîné  par  les  illusions 
de  son  siècle,  il  devint  un  des  plus 
ardents  admirateurs  de  Voltaire  et 
de  Rousseau,  et  ce  fut  surtout  dans 
les  œuvres  de  ce  dernier  qu'il  puisa 
les  principes  qui  devaient  régler  ses 
opinions  et  sa  conduite.  Le  zèle  avec 
lequel  il  se  livra  à  ses  études  fut  tel 
que  sa  santé  s'en  trouva  sérieusement 
compromise  et  qu'elle  ne  put  jamais 
depuis  se  rétablir  complètement.  Ce 
n'est  pas  toutefois  qu'il  lui  manquât 
des  occasions  de  se  distraire  ;  appar- 
tenant à  une  famille  où  l'on  remar- 
quait plusieurs  femmes  des  plus  à  la 


mode,  il  lîit  de  bonne  heure  lancé 
dans  un  tourbillon  de  plaisirs,  au  mi- 
lieu duquel  on  admirait  la  reine  Ma- 
rie-Antoinette ,  douée  de  tous  les 
charmes  de  la  jeunesse,  de  l'esprit  et 
de  la  beauté  ;  et  cette  cour  avait  d'au- 
tant plus  d'attraits,  que  l'étiquette  s'y 
était  fort  relâchée,  que  les  princes  et 
princesses  vivaient  avec  leur  entou- 
rage dans  une  familiarité  qui  fut  avec 
raison  considérée  comme  un  oubli 
des  convenances  et  qui  contribua , 
plus  qu'on  ne  pense  peut-être,  à  l'ex- 
plosion de  89.  Le  marquis  de  Barban- 
tane  rapporte  dans  ses  Mémoires 
qu'à  un  bal  de  la  cour  il  fut  invité  à 
danser  par  la  reine,  et  que  cette  prin- 
cesse poussa  la  complaisance  jusqu'à 
lui  enseigner  les  figures  de  contre- 
danse. Malgré  toutes  ces  séductions, 
il  se  sentait  à  la  cour,  dit-il ,  comme 
une  plante  étrangère,  et  ne  cessait 
de  rêver  après  un  changement  qui, 
selon  ses  propres  paroles ,  devait 
amener  «  un  gouvernement  sage  et 
-  fondé  sur  de  bonnes  institutions  : 

•  l'indépendance  des  tribunaux,  Te'- 
■  galité  des  citoyens  devant  la  loi,  le 

•  triomphe  de  la  raison  et  le  règne 

•  de  la  vertu.  ■  Ce  changement  tant 
désiré  par  lui  eut  lieu  en  effet,  et  il 
put  apprécier,  à  leur  juste  valeur,  ses 
beaux  rêves  et  ses  espérances  ;  mais 
telle  était  la  trempe  de  son  caractère 
et  son  entêtement  pour  des  opi- 
nions une  fois  formulées,  qu'il  ne 
fut  nullement  ébranlé  par  la  longue 
anarchie  qui  désola  la  France,  où  au- 
rait dû  cependant  triotnpher  la  rai- 
son et  régner  la  vertu  Malgré  ses 
principes  d'égalité,  le  jeune  marquis 
n'avait  pas  laissé  de  profiler  de  tous 
les  avantages  attachés  à  sa  naissance, 
et  de  marcher  à  pas  de  géant  dans 
la  carrière  militaire.  Colonel  dès 
avant  1789,  il  se  trouvait  à  cette 
époque  eu  jiarnison  à  Aire,  avec  le 


1|8  PUG 

régiment  d'Aunis,  qu'il  commandait 
et  qui  le  premier  prit  la  cocarde  tri- 
colore, décrétée  par  l'Assemblée  na- 
tionale. Ce  régiment  fut  un  de  ceux 
qui  vers  le  même  temps  furent  en- 
voyés en  Vendée,  et  y  apaisèrent  des 
troubles,  lesquels,  plus  tard,  devaient 
exiger  bien  d'autres  efforts.  Cette  mê- 
me année,  Puget  se  présenta  à  l'assem- 
blée du  bailliage  de  Senlis.  Avec  les 
opinions  qu'on  lui  connaît  déjà  ,  on 
n'est  pas  étonné  qu'il  se  soit  joint 
à  Charles  de  Lameth,  et  qu'il  l'ait 
secondé  de  tout  son  pouvoir.  Bien- 
tôt après,  il  fut  nommé  député  sup- 
pléant par  l'assemblée  électorale  de 
Paris  ,  et  commença  à  manifester 
ses  opinions  avec  un  enthousiasme 
outré.  Un  jour,  au  sortir  de  l'as- 
semblée ,  dont  il  suivait  assidû- 
ment les  travaux,  il  alla  dîner  avec 
Mirabeau  et  l'abbé  Sieyès;  on  parla 
politique,  et  Mirabeau  ayant,  dans  le 
coursde  la  conversation,  laissé  échap- 
per cette  exclamation  :  -Si  jamaisvous 
«mevoyezencréditauprcsduroi,poi- 
«  gnardez-moi,  car  je  saurais  lui  ren- 
•  dre  sa  toute-puissance;  ■  Puget  se 
leva  avec  vivacité ,  et ,  saisissant  un 
couteau ,  il  le  brandit  en  disant  : 
«  Mirabeau,  le  poignard  serait  tout 
«  prêt.»  Après  avoirété  pendant  quel- 
que temps  colonel  en  second  du  régi- 
ment de  Royal-marine,  il  fut,  à  la  fin 
de  1791,  nommé  à  l'ancienneté  maré- 
chal-dt-camp.  Il  fut  alors  destiné  par 
le  ministre  de  la  guerre  à  com- 
mander 15,000  gardes  nationaux  qui 
devaient  couvrir  Paris,  mais  l'état  de 
sa  santé  ne  lui  permettant  plus  d'ha- 
biler  un  pays  froid  et  humide,  il  sollici- 
taet  obtint  le  cotumandement.de  la  8® 
division  utilitaire,  qui  C()mp»»-en;iit  les 
départements  des  Bouches-tlii-Uhône 
et  du  Var.Toiit  le  midi  se  trou  viiiMi  vré 
àdegrand«'sagitatîonsv'etint<>roiicon- 
ire  entre  les  royalistefs  <it  1*8  révolu- 


PUG 

tionnaires  était  imminente.  Bien  que 
profondément  attaché  à  la  cause  de  ces 
derniers,  Puget  de  Barbantane  ne  les 
favorisa  point  ouvertement,  et  s'ap- 
pliqua surtout  à  maintenir  la  tran- 
quillité et  le  bon  ordre.  Sa  modéra- 
tion fut  bientôt  mise  à  une  cruelle 
épreuve.  Le  26  février  1792,  une  co- 
lonne de  Marseillais  armés  et  traî- 
nant à  leur  suite  six  pièces  de  canon 
se  montra  sur  la  route  d'Aix ,  oii 
le  régiment  suisse  d'Ernest  formait 
toute  la  garnison.  Si  Puget  avait  bien 
compris  son  devoir,  ou  voulu  le  faire, 
il  aurait  dû,  en  apprenant  l'approche 
des  Marseillais,  prendre  immédiate- 
ment les  mesures  nécessaires  pour 
leur  interdire  l'entrée  de  la  ville. 
Mais  il  se  contenta  d'en  référer  au 
directoire  du  départcmeni  et  au  corps 
municipal,  qui,  étant  diamétralement 
opposés  entre  eux  de  sentiments  et 
d'intentions,  ne  pouvaient  point  s'en- 
tendre. Pendant  des  pourparlers  inu- 
tiles, les  Marseillais  avançaient,  et 
lorsque ,  le  lendemain,  le  général  se 
fut  enhn  décidé  à  employer  la  force 
contre  eux,  il  n'en  était  plus  temps, 
car  déjà  ils  étaient  maîtres  des  portes 
de  la  ville,  grâce  à  la  connivence 
d'une  partie  de  la  population.  Tout 
le  rôle  de  Puget  se  borna  à  empêcher 
que  les  Marseillais  n'en  vinssent  aux 
mains  avec  le  régiment  suisse,  qui 
était  sorti  eu  armes  d'après  ses  or- 
dres. Mais  se  montrant  d'autant  plus 
arrogants  qu'ils  se  sentaient  appuyés 
par  la  populace  et  qu'on  leur  témoi- 
gnait plus  de  déférence,  les  Mar- 
seillais exigèrent  d'abord  que  le  ré- 
giment rentrai  dans  sa  caserne,  puis 
qu'il  déposât  les  armes  et  se  préparât 
à  rcioin'uer  en  Suisse.  Puget  de  "Bar- 
haiitane,  ouldiant  »loi^  tout  à  fait  sa 
dignité  de  chef,  ««rvit  d«  parlemen- 
taire entre  les  deu5t:pail.is,  et  consu- 
ma sa  joiirucc^cM  allées  et  venues. 


PDG 


PUG 


119 


Les  Suisses  voulaient  bien  s'éloigner, 
«nais  avec  tons  les  honneurs  de  la 
guerre,  c'est-à-dire  avec  leurs  armes 
et  bagages, et  tambours  en  tête.  Il  fal- 
lut toute  l'insistance  du  général,  qui 
ne  manqua  pas  de  faire  ressortir 
l'imminence  du  danger  et  de  l'exagé- 
rer encore,  pour  que  le  commandant 
de  ce  régiment  se  décidât  à  subir  une 
pareille  humiliation.  Enfin  il  fit  poser 
les  armes,  et  les  Suisses  sortirent 
d'Aix  au  milieu  des  hourras  de  la 
multitude.  Cette  affaire  fit  une  vive 
impression  sur  Louis  WI  :  les  mi- 
nistres en  rejetèrent  tout  le  tort  sur 
Puget  de  Barbantan*",  qui  fut  suspen- 
du de  ses  fonctions  et  envoyé  devant 
un  conseil  de  guerre.  La  cho<:e  n'eut 
cependant  pas  de  suite,  et  soit  fai- 
blesse du  gouvernement,  soit  que  le 
général  eût  réussi  à  justifier  sa  con- 
duite, qui,  il  faut  l'avouer,  n'avait 
{las  moins  été  dictée  pir  les  cir- 
constances qti'elle  n'était  conforme 
à  ses  sympathies,  Puget  de  Barban- 
lane  fut,  dès  le  3  avril,  réintégré 
dans  son  emploi,  et  chargé  en  outre 
d'organiser  le  corps  d'armee'atîendu 
sur  le  Var.  La  réunion  du  comtat 
venaissin  a  la  France  avait  été  décré- 
tée par  l'Assemblée  constituante,  en 
1791,  mais  les  commissaires  envoyés 
alors  pour  l'effectuer  rencontrèrent 
bien  des  obstacles  ;  enfin  Puget  fut 
chargé  par  le  général  Montesquiou  de 
!a  réorganisation  de  ce  pays,  et  par- 
vuit  à  y  maintenir  Tordre  et  la  tran- 
quillité. Étant  allé  ensuite  se  reposer 
pendant  quelque  temps  dans  sa 
terre  de  Barbantane,  qui  n'est  qu'à 
une  lieue  d'Avignon,  il  y  reçut  sa 
nomination  au  grade  de  lieutenant- 
général.  Biron  ayant  été  nommé, 
en  février  1793,  général  en  chef 
de  l'armée  d'Italie,  rétabht,  par 
ordre  exprèsdu  ministre  de  la  guerre, 
Pncret  de  Barbantane  dans  le  rom- 


manderaent  de  la  8®  division;  mais, 
devenu  l'objet  des  soupçons .  ce- 
lui-ci sentit  que ,  nial?ré  tout  ion 
dévouement  à  la  république,  l'inté- 
rieur de  la  France  n'était  plus  tena- 
ble  pour  un  ci-devant  marquis.  En 
conséquence,  il  donna  sa  démission, 
•lemanda  H  obtint  de  l'emploi  dans 
l'armée  des  Pyrénées-Orientales.  Il  y 
arriva  le  20  mars  1793  et  fut  mis 
à  la  tête  d'une  division.  Le  17 
juillet,  il  secourut  le  général  Dag«»- 
bert ,  qui  s'était  témérairement  en- 
gagé contre  des  troupes  foi;  supé- 
rieures en  nombre.  Ce  succès  a  été 
faussement  attribué  par  quelques  bio- 
graphes au  général  Péngnon,  qui  n'é- 
tait encore  que  chef  de  bataillon. 
Après  la  mort  du  général  Deflers,  Pu- 
get eut  provis<jireinent  le  comniao- 
deaient  en  chef,  sauva  Perpignan  par 
l'activité  qu'il  mita  organiser  an  nou- 
veau corps  d'armée  à  Salces,  se  dis- 
tingua dans  un  engagement  à  Peyres- 
îortes  et  empêcha  l'ennemi  de  péné- 
trer dans  l'mtérieur  de  la  France. 
Destitué  comme  ci-devant  noble  par 
le  comité  de  salut  public ,  il  fut  mê- 
me arrêté  à  Toulouse;  mais  il  ne 
tarda  pas  à  recouvrer  sa  liberté  et 
profita  de  ses  loisirs  p«iur  venir  k 
Paris .  où  il  suivit  atteutivement  la 
lutte  des  partis  et  épousa  la  cause  des 
Girondins.  Un  jour  qu'il  «e  promenait 
sur  la  terrasse  des  Tuileries,  il  fut  re- 
marqué par  Robespierre,  qui  demanda 
qui  il  était,  et  ordonna  à  l'instant  son 
arrestation.  Conduit  à  la  prison  de 
Saint-Lazare,  Puget  fut  porté,  par 
Fouqmer-TaJnville,  sur  la  liste  des 
malheureux  qui  devaient ,  te  7  ther- 
uii  '  r  dans  la  fatale  charrette, 

ma  ,tés  du  Midi  interviiiTent 

heureusement  et  firent  rayer  son  nom. 
Cinq  jours  plusiard  il  recouvra  sa  ii- 
be  rié.et  obtint  successivement  celle  de 
-'•îi  père  et  «le  sa  femuie,  bien  que  ses 


120 


PLG 


PUG 


opinions  l'eussent  depuis  lonj-tenips 
brouillé  avec  eux.  Après  être  resté 
dans  la  retraite,  à  Passy,  jusqu'au  13 
vendémiaire  an  111,  il  alla  offrir  ses 
services  à  son  compatriote  Barras  et 
obtint  de  nouveau  le  commandement 
de  la  8^  division.  Destitué  en  1797, 
au  moment  où  il  allait  prendre  part 
aux  opérations  de  l'armée  d'Italie,  il 
rejoignit,  k  Milan,  le  général  en  chef 
Bonaparte,  avec  lequel  il  s'était  trouvé 
chez  Barras  lors  des  événements  du 
13  vendémiaire,  et  sollicita  son  inter- 
vention auprès  du  Directoire.  Toutes 
ces  démarches  ayant  été  sans  effet,  il 
revint  à  Barbantane,  d'où  il  ne  cessa, 
pendant  deux  ans,  de  fatiguer  les  hom- 
mes du  pouvoir,  afin  d'obtenir  de  l'em- 
ploi, par  des  demandes  qui  restèrent 
sansréponse.  Après  le  18  brumaire,  il 
revint  à  Paris,  espérant  encore  profiter 
de  ses  anciens  rapports  avec  le  pre- 
mier consul.  Toutefois,  l'amilié  de  ce- 
lui-ci, déjà  fort  refroidie  à  cause  de  la 
ténacité  d'opinions  qu'il  connaissait 
au  général,  se  changea  tout  à  coup  en 
haine,  et  voici  pourquoi  :  Puget  avait 
connu,  pendant  le  cours  de  la  révolu- 
tion, le  sculpteur  Topino-Lebrunet  il 
le  recevait  quelquefois  chez  lui.  Un 
jour  le  jeuneartiste  lui  parla  de  Bona- 
parte conmie  d'un  dictateur,  et  après 
plusieurs  conversations  sur  ce  sujet  il 
lui  découvrit  des  plans  d'assassinat,  et 
lui  révéla  même  le  secret  de  plusieurs 
tentatives  de  ce  genre  qui  avaient  lieu 
presque  tous  les  jours.  A  cette  étrange 
confidence,  Puget,  s'il  faut  l'en  croi- 
re, regarde  fixement  Topino,  et  lui 
dit  :  «  Je  ne  crois  pas  que  vous  et 
«  vos  complices  puissiez  être  des  Bru- 
«  tus  et  des  Cassius  ;  mais  vous  m'a- 
«  vez  parlé  autrefois  du  désir  d'aller 
«  porter  vos  talents  en  Danemark,  et 
•  je  vous  donne  bien  sincèrement  le 
"  conseil  de  prendre  ce  parti.  -Cette 
réponse  n'était  guère  en  harmonie 


avec  celle  qu'il  avait  faite  autrefois  à 
Mirabeau  et  que  nous  avons  citée.  Les 
visites  de  Topino-Lebrun  étaient  con- 
nues de  la  police,  et  la  maison  de  Pu- 
get était  surveillée  nuit  et  jour.  Il 
finit  par  s'en  apercevoir,  mais  ne  put 
se  décider  à  raconter  ce  qu'il  savait 
que  quand  Topino-Lebrun  eut  été  ar- 
rêté. Ce  retard  ôta  tout  mérite  à  ses 
révélations  et  il  fut  assez  mal  reçu  par 
Fouché  qui,  pour  toute  réponse  à  ses 
excuses  et  à  ses  protestations,  lui  dit 
sèchement  qu'il  avait  mai  fait  de  ne 
pas  le  prévenir.  Sentant  alors  que  le 
séjour  de  Paris  pouvait  lui  attirer  de 
graves  désagréments,  il  se  retira  à 
Barbantane,  renonçant  à  l'activité  de 
service  que  l'état  de  sa  santé  ren- 
dait d'ailleurs  impossible.  Napoléon 
n'oublia  jamais  les  rapports  que  le 
général  avait  eus  avec  le  conspirateur, 
et  il  le  lui  fit  sentir  durement  en 
1811.  Puget  étant  revenu  dans  la  ca- 
pitale pour  voir  son  père  malade,  et 
désirant  s'y  arrêter  quelque  temps, 
demanda  au  ministre  de  la  guerre  l'au- 
torisation de  recevoir  à  Paris  la  solde 
de  retraite  qu'il  touchait  dans  le  dé- 
partement des  Bouches-du-Rhône.  Sa 
demande  fut  soumise ,  par  le  duc  de 
Feltre,  à  l'empereur,  qui  écrivit  en 
marge  de  sa  propre  main  :  «  Le  lais- 
'  ser  chez  lui,  étant  inutile  à  Paris.' 
Force  fut  donc  k  Puget  de  retourner 
dans  sa  terre,  et  il  ne  la  quitta  plus 
jusqu'en  1815.  A  l'époque  de  l'assas- 
sinat du  maréchal  Brune,  il  courut 
lui-même  quelque  danger.  Des  pay- 
sans pris  de  vin  et  armés  de  fusils 
pénétrèrent  un  dimanche  dans  sou 
cabinet  où  il  était  seul  et  sans  armes, 
menaçant  de  le  tuer  s'il  ne  faisait 
pas  enlever  le  drapeau  blanc  qu'il 
avait  arboré  couiiiic  tout  le  monde. 
L'un  de  ces  furieux  le  coucha  en  joue, 
mais  un  domestique  arriva  assez  à 
temps  pour  détourner  le  coup,  Celte 


PUG 


PUG 


121 


circonsfance  lui  fit  prendre  la  re'solu- 
tion  de  quitter  Barbantane;cepeadaDl 
il  s'y  trouvait  encore  au  moment  du 
retour  de  Napoléon  de  l'île  d'Elbe,  et 
ce  fut  de  là  qu'il  adhéra  à  l'Acte  addi- 
tionnel en  ces  termes  :  «  Moi,  Hila- 

•  riou  Puget-Barbantane,  lieutenant- 

•  général  des  armées  en  retraite,  après 

•  la  lecture  des  constitutions  de  l'em- 

-  pire  conservées,  et  celle  de  l'Acte 

•  additionne],  nie  bornant  à  l'examen 
■  des  droits  civils  et  politiques  qui  y 
«  sont  renfermés,  droits  sans  lesquels 

•  il  ne  peut  exister  de  bonheur  as- 

-  sure  pour  les  nations  ,  je  dis  oui  si 

•  les  autorités  reconnues  observent, 

•  chacune  dans  ses  attributions,  les 

•  droits  précités.  •  On  voit  qu'il  n'y 
faisait  aucune  mention  de  la  famille 
des  Bourbons,  et  que  les  restrictions 
mises  à  son  acceptation  étaient  celles 
d'un  homme  bien  persuadé  que  Na- 
poléon triomphant  reprendrait  le 
pouvoir  absolu.  Après  la  seconde  Res- 
tauration, Puget  vint  définitivement 
se  fixer  à  Paris,  et,  bien  que  restant 
en  dehors  des  affaires,  il  suivit  avec 
attention  la  marche  des  événements, 
appelant  de  tous  ses  vœux  le  retour 
de  la  république,  qu'il  regardait  com- 
me le  gouvernement  le  plus  favorable 
au  bonheur  des  peuples.  Il  mourut  le 
27  mars  1828.  L'année  précédente,  il 
avait  publié  un  volume  de  Mémoi- 
res (l),  où  il  s'attache  à  se  justifier 
des  attaques  dont  il  avait  été  l'objet 
à  l'occasion  du  désarmement  du  ré- 
giment d'Ernest,  et  à  faire  voir  que 
ses  principes  furent  toujours  invaria- 
bles et  à  l'épreuve  de  toutes  les  séduc- 
tions comme  de  tous  les  événements. 

{t)  Mémoires  du  général  Puget-Barbanta»e , 
publiés  par  lui-même,  Paris,  i  vol.  ia-S"  de 
36o  pages.  C'est  sans  doute  par  soite  de  ses 
opinions  démocratiques  qo'il  a  affecté  sur 
le  frontispice  de  ne  pas  prendre  lu  titre  de 
marquis. 


Quant  à  nous,  nous  croyons  que  cette 
fidélité  fut  parfaitement  secondée  par 
la  répulsion  de  Bonaparte,  et  que  sans 
cette  répulsion  et  sans  le  mauvais  état 
de  sa  santé,  Puget  aurait  fini ,  ainsi 
que  tant  d'autres,  par  apostasier  en 
échange  d'un  titre  ou  d'un  grade 
plus  élevé.  Si,  pendant  le  consulat 
et  l'empire,  il  resta  dans  l'inactivité, 
ce  ne  fut  pas  quoi  qu'il  ait  pu  dire, 
par  l'effet  de  sa  volonté,  mais  par  la 
force  des  circonstances,  conjme  le 
prouvent  plusieurs  passages  de  ses 
Mémoires.  Ce  livre  se  divise  en  trois 
parties:  les  deux  premières  contien- 
nent tout  ce  qui  est  relatif  à  la  bii»- 
graphie  de  l'auteur;  dans  la  troisième, 
qui  a  pour  litre  Réflexions  sur  les 
circonstances  actuelles,  il  examine 
rapidement  les  différents  ministères 
de  la  Restauration  et  s'attaque  sur- 
tout à  celui  de  M.  de  Villèle.  Le  ta- 
bleau qu'il  en  trace  semble,  en  vérité, 
avoir  été  écrit  vingt  ans  plus  tard  et 
pour  d'autres  circonstances.  «C'est, 
«  dit-il,  à  la  faveur  de  la  compression 
«  de  la  France  par  le  régime  arbi- 

•  traire  appliqué  spécialement  à  tous 
«  les  hommes  connus  par  leurs  prin- 
«  cipes  généreux,  par  leur  amour  du 
«  pacte  fondamental,  que  nous  avons 

•  vu  le  ministère  violer  la  liberté  des 

•  élections  par  la  corruption  et  par 
«  la  force,  écarter  tous  les  candidats 
«  constitutionnels,  peupler  la  cham- 

•  bre  de  ses  créatures  et  se  rendre 
«  maître  annuellement  des  députés, 
«  comme  il  l'avait  fait  des  électeurs, 
«  par  des  promesses  et  des  faveurs 
«  de  tous  les  genres.  Il  suffit  de  comp- 
«  ter  le  nombre  de  fonctionnaires 

•  que  renferme  la  chambre  des  dé- 
«  pûtes  et  de  suivre  la  progression 
«  des  récompenses  d'avancement 
«  qu'ils  reçoivent  sans  cesse,  direc- 
«  tement  ou  indirectement,  pour  ju- 
«  ger  que  leur  conscience  doit  être 


122 


PUG 


«  merveillensement  docile  aux  inspi- 
•  rations  du  ministère,  ou  leurs  opi- 
«  nions  dans  une  étrange  harmonie 
«  avec  ses  fatales  mesures.  »  Dans  le 
résumé  de  sa  vie,  on  verra  qu'il  ne 
s'épargne  pas  les  éloges,  et  qu'en 
toute  occasion  sa  conduite  fut  irré- 
prochable. «  Noble,  j'ai  sacrifié  sans 
«  peine  tous  les  préjugés,  tous  les 
"  privilèges  de  ma  caste;  placé  de 
«  manière  k  profiter  de  toutes  les  (a- 
«  veurs  de  l'ancien  régime,  je  ne  les 
«  ai  point  recherchées.  J'ai  salué 
«  avec  joie  l'aurore,  de  la  Révolution, 
«  parce  que  j'avais  puisé  ses  princi- 
'•  pes  dans  les  livres  des  philosophes 
"  et  dans  la  société  de  quelques-uns 
«  d'entre  eux,  tels  que  Mably  et  au- 
«  très.  J'ai  commencé  ma  carrière 
«  politique  par  le  rôle  de  conciliateur 
«  dans  l'assemblée  électorale  du  bail- 
«  liage  de  Sentis  ;  avec  des  opinions 
«  constitutionnelles  très-énergique- 
«  ment  prononcées,  mais  toujours 
«  dominées  par  un  sentiment  dejus- 
«  tice,  d'équité,  et  par  mon  esprit  de 
«  conciliation,  j'.ii  continué  ce  rôle 
«  au  milieu  dis  passions  les  plus  ar- 
«  dentés,  des  partis  les  plus  acharnés 
«  l'un  contre  l'autre.  C'est  ainsi  que 
«  j'ai  sauvé  le  régiment  suisse  d'Er- 
«  nest  d'une  perte  certaine  et  que 
«j'ai  préservé  la  ville d'Aix  d'un  af- 
«  freux  malheur,  qui  pouvait  la  con- 
«  duire  jusqu'à  être  saccagée,  pendant 
«  la  nuit,  au  milieu  d'une  action  ter- 
"  rible.  En  assurant  la  vie  des  soldats 
«  d'une  puissance  amie,  j'ai  détourné 
«  de  ma  patrie  la  responsabilité  mo- 
"  raie  d'un  crime  qui  aurait  toujours 
«  pesé  sur  elle.  La  légèreté  du  mi- 
«  nistre  Narbonne,  dans  son  pre- 
«  mier  jugement  sur  ma  con(luite,est 
«  évidente.  Dumouriez ,  absent  de 
«  France,  et  sans  doute  ayant  perdu 
"  le  souvenir  des  faits,  a  oublié,  en 
'  m'accusant  dans  ses    mémoires, 


PUG 

«  qu'il  avait  écrit  lui-même  ma  jus- 
«  tification  pendant  qu'il  tenait  le 
"  portefeuille  des  affaires  étrangères. 
«  M.deClermont-Gallerande,  entraî- 
«  né  par  la  nature  de  se  opinions,  a 
«  blâmé  ma  conduite  sans  connais- 
«  sauce  de  cause.  Enfin,  tout  le  midi 

•  a  témoigné  en  ma  faveur,  et  le  roi 
«  a  déclaré  mon  innocence,  en  me 
«  conférant  de  nouveau  le  commau- 
«  dément  de  la  huitième, division  mi- 
«  litaire.  Après  avoir  fait  cesser  l'effu- 

•  sion  du  sang  dans  le  comtat  venais- 
«  sin,  je  suis  parvenu  à  opérer  sa 
«  réunion  avec  la  France  sans  aucun 
«  moyen  violent,  sans  être  réduit, 

•  comme  tant  d'autres,  à  la  cruelle 
«  nécessité  de  voir  des  crimes  sans 
«  pouvoir  les  empêcher.  La  Révolu- 
«  tion  m'avait  enlevé  toute  ma  for- 
«  tune;  je  ne  lui  ai  pas  demandé  de 
«  récompense.  La  terreur  me  priva 
«  de  ma  liberté,  me  réduisit  à  un 
«  dénûment  presque  absolu,  mit  mes 

•  jours  dans  le  plus  grand  danger  ; 
«  je  ne  cessai  point  d'aimer  la  ré- 
«  formec(institutionnellede89.  Après 
«  le  9  thermidor,  j'ai  de  nouveau  pa- 
«  cifié  le  midi,  en  me  dévouant  sans 
«  réserve  à  l'établissement  du  gou- 
«  vernement  constitutionnel.  L'in- 
«  justice  et  la  rigueur  du  Directoire 
«  nem'oiit  pas  rendu  infidèle  à  la  cause, 
«  que  j'avais  embrassée  :  j'ai  défendu 
R  le  Directoire  ingrat ,  comme  j'avais 
«  couru  au  secours  de  la  Convention 
«  qui  m'avait  jeté  dans  les  fers,  et 
«  je  n'ai  jamais  ni  sollicité  ni  reçu 
«  de  l'une  ou  l'autre  de  ces  aulo- 
«  rites  aucun  prix  «le  mon  zèle  et  de 
«  mes  services.  Je  n'ai  pas  montré 
«  moins  de  <lé.sintéressement  sous  le 
«  Consulat  et  l'Empire.  J'avaisfoniié, 
«■  !c  13  vendémiaire,  une  espèce  d'in- 
«  timilé  avec  Bonaparte;  elle  allait 
«  jusqu'à  nous  tutoyer.  Général  en 
-  ihcf,   il  me  fit  les  oUrcs  les  plus 


PUG 

•  obligeantes,  ponr  réparer,  autant 
«  qu'il  était  en  lui,  les  torts  du  Direc- 

•  toireàmon  égard;  premier  consul, 

•  il  voulut  me  rattacher  à  son  gou- 
«  vernement.Avecun  peu  d'ambition, 

•  j'aurais  pu  profiter  de  mes  rapports 
«  avec  une  famille  parvenue  au  plus 
«  haut  degré  d'élévation  ;  mais,  forcé 
«  par  ma  santé  de  renoncer  au  com- 
«  mandement  d'une  division. à  l'ar- 
«  mée,  je  ne  pus  me  résoudre  à  servir 
«  dans  l'intérieur,  parce  que  je  li- 
«  sais  trop  clairement  dans  l'avenir. 
«  Je  me  condamnai  à  l'obscurité  pour 
«  rester  tidèle  à  mes  principes.  > 

A-Y. 

PUGET  DE  LA  Serre.  Yoy.  Serre, 
XLll,  88. 

PUGHE  (Owen),  célèbre  lexico- 
graphe, mort  à  Dolyddy-Can  (Talil- 
lyn)  le  4  juin  1835,  dans  un  âge 
avancé,  fut  surnommé  le  Johnson  du 
pays  de  Galles,  pour  le  beau  diction- 
naire (\u'\[  publia  en  anglais  et  gal- 
lois, avec  une  excellente  grammaire 
de  cette  dernière  langue.  Il  a  traduit 
en  ancien  anglais  le  Paradis  perdu  de 
Milton,  et  presque  achevé,  de  concert 
avec  Owen  Jones,  un  recueil  des  an- 
ciennes romances  de  la  Grande-Bre- 
tagne. Il  a  encore  publié  VÀrchéo- 
logie  du  pays  de  Galles,  3  vol.  in-4°, 
ouvrage  iuiportaut  et  fort  estimé. 
C'était  un  homme  très-modeste,  qua- 
lité assez  rare  parmi  les  érudits,  et 
qui  a  laissé  un  beau  nom  dans  les 
lettres.  Z. 

PUGIN  (Auguste),  architecte,  né 
en  1769  en  France,  mais  qui  passa 
la  plus  grande  partie  de  sa  vie  en  An- 
gleterre, vint  fort  jeune  encore  dans 
ce  pays,  et,  s'étant  l'ail  distinguer  par 
son  talent  pour  le  dessin,  fut  employé 
par  Nash  et  par  divers  libraires, entre 
autres  par  Ackerniann,  pendant  plu- 
sieurs années.  C'est  surtout,  et"  si 
Fou  ne  lieut  pas  comple'de  ses  pre- 


PUG 


123 


mières  années  à  Londres,  c'est  exclu» 
sivement  à  la  reproduction  des  mo- 
numents d'architecture  par  le  crayon 
qu'il  consacrait  ses  talents.  Il  eut  une 
part  considérable  aux  dessins  du  Mi- 
crocosme de  Londres,  Londres,  1808- 
11,  3  vol  in-4°.  Il  publia  en  1813  une 
Suite  de  Tues  d'Islington  et  Penton- 
ville^  avec  un  texte  par  Brayley.  En- 
suite parurent  lesÉcftaiWj7/ori«  (spea- 
mens)  d^ architecture  gothique,  choi- 
sis parmi  les  vieux  édifices  de  l'An- 
gleterre, etc. ,  avec  des  textes  de  divers 
auteurs,  mais  principalement  d'E.-J. 
Wilson,  1821-23,  2  vol.  in-4",  le  1" 
de  60  planches,  le  2'  de  54.  Ce  bel 
ouvrage,  presque  indispensable  pour 
bien  connaître  les  différents  styles  de 
l'architecture  du  moyen  âge  en  An- 
gleterre, contient  des  plans,  des  hau- 
teurs, des  coupes;  presque  tous  les 
sujets  sont  empruntés  au  comté  de 
Lincoln.  L'année  1824  vit  paraître  2 
nouveaux  volumes,  non  moins  remar- 
quables, d'Aug.  Pugin,  intitulés  :  Il- 
lustrations architecturales  des  mo- 
numents publics  de  Londres.  Les 
Échantillons  des  antiquités  d'archi- 
tecture nortnande  suivirent  de  près, 
1825.  in-4<>  ;  s'il  n'exécuta  pas  tous 
les  dessins,  il  en  dirigea  l'exécution. 
Enfin  le  livre  intitulé  Paris  et  ses 
environs,  Londres,  1829,  signala  en- 
core son  infatigable  activité.  Le  texte 
de  tous  ces  ouvrages  est  en  anglais. 
Pugin  préparait  une  nouvelle  série 
de  dessins  pour  illustrer  Sleaford  et 
le  pays  aux  alentours,  lorsqu'il  mou- 
rut à  Bloomsbury,  le  19  déc  1832.  Il 
était  membre  honoraire  de  la  So- 
ciété des  antiquaires  de  Normandie. 

P— OT. 

PUGXET  (Jean  -  François  -  Xa- 
vier), l'un  des  médecins  les  plus  ha- 
biles de  l'armée  française,  uaqait  à 
Lyon,'  le  16  janvier  1765.  Distingué 
pur  de  bonnes  éludes  et  par  uu  dé- 


124 


PUG 


but  très-brillant  dans  la  carrière  mé- 
dicale, il  prit  du  service,  et  fut  nommé 
médecin  ordinaire  à  l'arméede  la  Médi- 
terranée, le  14  avril  1798.  Revenu  en 
France  après  l'expédition  d'Egypte, 
sa  san(('  se  trouva  tellement  dérangée 
qu'il  sollicita  un  congé  de  convales- 
cence, durant  lequel  il  se  retira  dans 
sa  l'amille.  Cet  intervalle  de  repos  fut 
consacré  à  la  rédaction  des  observa- 
tions qu'il  avait  faites,  sur  le  sol  in- 
salubre de  l'antique  patrie  des  Pha- 
raons, et  dont  il  publia  bientôt  le  ré- 
sultat. Appelé,  le  2 juin  1802,  en 
qualité  de  médecin  ordinaire  à  Sainte- 
Lucie,  Piignct,  après  un  court  séjour 
dans  cette  île,  fut  pris  par  les  Anglais, 
De  retour  en  France,  il  obtint,  le  27 
février  1804,  de  rentrer  dans  son 
grade  à  l'armée  des  côl(!s  de  l'Océan; 
ladireclion  de  l'hôpital  dcDunkerque 
lui  fut  confiée,  et  il  conserva  cet  em- 
ploi jusqu'au  15  mai  1821. 11  fut  alors 
admis  à  une  retraite  que  de  longs  ser- 
vices et  une  constitution  délicate  lui 
rendaient  nécessaire.  Fixé  à  Dunker- 
que,  où  il  avait  fait  pendant  si  long- 
temps sa  résidence,  il  y  partagea  ses 
loisirs  entre  l'exercice  de  la  médecine 
et  les  travaux  du  cabinet.  Il  y  mourut 
vers  1830.  Pugnet  est  un  des  méde- 
cins militaires  qui  on!  examiné  avec 
le  plus  de  ^oin  les  contrées  où  les 
hasards  de  la  guerre  l'ont  appelé. 
La  nature  du  sol,  les  productions  vé- 
gétales et  animales;  la  chaleur,  la 
sécheresse  ou  l'humidilé  de  l'atmos- 
phère; le  tempérament,  les  habitu- 
des, les  mœurs,  les  maladies  des  ha- 
bitants ont  été  les  objets  habituels 
(le  ses  remarques  <îl  de  ses  médita- 
lions.  Nous  avons  (le  lui  deux  ouvra- 
ges qui  portent  au  plus  haut  degrt; 
l'empreinte  de  l'esprit  observateur. 
I.  Mémoires  sur  les  fièvres  pcslilen- 
iielles  cl  insidieuses  du  Levant,  avec 
um  Aperçu  physique  et  médical  du 


PUG 

Sayd,  Lyon  cl  Paris,  1802,  iu-8°. 
Dans  ce  travail,  l'auteuv  fait  connaître 
la  véritable  nature  des   Demaouïe, 
ou  fluxion  cérébrale,  qui,  assez  rare 
au  Caire,  devient  d'autant  plus  com- 
mune et  plus  terrible  que  Ton  avance 
davantage    dans    la    Haute-Égyptc. 
Cette  affection  paraît  exclusivement 
produite  par  le  soleil  brûlant  de  cette 
contrée.  Pugnet  démontre  par  des 
faits  concluants  que   la  peste,  loin 
d'être  importée  dans  la  belle  Egypte, 
y  est  endémique  et  dépend  de  la  vase 
fangeuse  et  chargée  de  matières  vé- 
gétales et  animales  qui  se  putrélient 
et   corrompent  l'air,  après  chaque 
inondation  du  Nil,  sous  l'influence     J 
d'une  température  élevée.  11  décrit     l 
avec  exactitude  les  phénomènes  de 
cette  maladie  terribic,  et  donne  les 
détails  les  plus  importants  sur  les  lé- 
sions qu'elle  laisse  après  elle  sur  les 
cadavres.  Enfin  l'ouvrage  de  Pugnet 
est  terminé  par  un  essai  lumineux  et     J 
intéressant  sur  le  Dem-il-Monia,  ou     | 
fièvrepernicieuse fréquenteen  Egyp- 
te, et  dont  Prosper  Alpini  avait  déjà 
donné  la  description.  II.  Topogra-     i 
phie  de  Sainte- Lucie,  Paris,  1804,      ■ 
in-S".  Cet  opuscule  est  spécialement 
consacré  k  la  recherche  des  causes  de 
l'insalubrité  des  pays  où  règne  la  fiè- 
vre jaune,  ainsi  qu'à  rex[)osilion  des 
phénomènes  de  cette  maladie,  des  dé- 
sordres organiques  qu'elle  produit, 
et  des  moyens  que  l'on  pourrait  em- 
ployer  pour   prévenir    son    retour 
et  ses   ravages.   Les  écrits  de  Pu- 
gnet tiendront  toujours  une  place 
distinguée  parmi  ceux  des  médecins 
qui  ont  le  mieux  observé  et  décrit 
les  maladies  du  Levant  et  des  Antil- 
les. Les  deux  ouvrages  que  nous  ve- 
nons de  citer  ont  été  réunis  et  réim- 
primés à  Lyon,  en  1805,  1  vol.  in-8°, 
dédié  à  l'empereur.   On  lui  doit  en- 
core les    Institutions  physiologi- 


PUT 


PU! 


125 


ques  de  Blnnienbach,  traduites  du 
iatin,  Lyon  et^aris,  1797,  in-12,avec 
gravures.  Oz— m. 

PUILLOX  DE  BOBLAYE  (Emi- 
le Le),  savant  ingénieur,  plus  connu 
dans  la  science  par  ses  travaux  géo- 
désiques,  géologiques  et  géographi- 
ques, sous  le  nom  de  Boblaye,  naquit 
le  16  nov.1792.  à  Pontivy (Morbihan j, 
où  sa  famille  jouit  depuis  long-temps 
d'une  considération  méritée.  Le  goût 
des  hautes  études  scienliliques,  com- 
me celui  des  vertus  patriarcales  (l) 
y  semble  héréditaire;  car  elle  a  déjà 
fourni  six  élèves  distingués  à  TÉ- 
cole  polytechnique.  Le  Puillon  de 
Boblaye  père,  qui  avait  été  membre  de 
la  chauibre  des  comptes  de  Bretagne, 
est  mort  enl838,président  du  tribunal 
de  première  instance  de  Pontivy.Uui 
aune  femme  d'un  haut  mérite,  M"«  Le 
Dissez  de  Penanrun,  il  en  eut  six  en- 
tants, deux  filles  et  quatre  lils.  Ma- 
dame de  Boblaye,  sachant  combien 
les  premières  impressions  de  l'eu- 
fauce  influent  sur  le  caractère  et  sur 
l'avenir  des  hommes,  ne  voulut  point 
confier  à  d'autres  qu"à  elle-même 
la  première  .éducation  de  ses  enfants, 
à  qui  elle  sut  communiquer  son  goût 
pour  rétu'le,  et  surtout  inspirer  cet 
amour  filial  et  fraternel  qui  fait  le 


(r)  M.  Le  Dissez  de  Penanrun,  séncclial 
de  Lnruballe  et  directeur  de  la  réforme  des 
Étars  de  Penthièvre.  .-ivait  acLeté  ,  pour  les 
rendre  à  leurs  propriétaires,  le  château  elles 
anliÏTes  de  la  principauté  de  Lnmhnlle,  ven- 
dus à  l'époque  de  la  terreur  révoliitioonaire 
comme  propriétés  nationales.  Eu  i8or, avant 
de  mourir,  M.  Le  Dissez  réunit  autour  de  lui 
'es  enfants  et  >es  petits-enfants,  MM.  de  Bo- 
liLiVP,  et  les  pria  de  se  couformer  à  ses  inten- 
tions. En  l8l4,  Mme  de  Boblaye  et  M.  Le 
Disiez  de  Penanrun,  son  frère,  fidèles  à  leur 
promesse,  s'empressèrent,  suivant  le  désir  de 
leur  père,  de  faire  .i  Mme  Louise-Marie-Adé- 
l.iïde  de  Bourbon,  duchesse  douairière  d'Or- 
léans, mère  du  roi  actuel,  la  remise,  sans  au- 
cune coRdition  ,  de  cette  belle  propriété  ;  ce 
qui  leur  valut  des  remercîment»! 


bonheur  des  familles.  Entre  au  col- 
lège de  Pontivy,  Emile  de  Boblaye 
y  révéla  dès  lors  cette  rectitude  d'es- 
prit qui  signala  plus  tard  ses  tra- 
vaux scientifiques  (2).  Ses  parents, 
encouragés  par  les  succès  qu'il  ob- 
tenait chaque  année,  l'envoyèrent 
terminer  ses  études  au  collège  de 
RoiieU;  d'où  il  sortit  en  nov.  I81t, 
pour  entrer  à  TÉcole  polytechnique  ; 
il  y  fut  admis  le  neuvième.  Nommé 
le  25  sept.  1813  sous-lieutenant  au 
corps  impérial  des  ingénieurs  géo- 
graphes militaires,  il  était  à  peine 
depuis  six  mois  à  l'école  d'applica- 
tion de  ce  corps,  lorsque  les  rever.s 
de  uos  armées  amenèrent  l'Europe 
coalisée  sous  les  murs  de  Paris.  Tout 
le  monde  connaît  le  dévouement  du 
bataillon  de  l'École  polytechnique, 
auquel  la  défense  de  la  barrière  du 
Trône  fut  confiée.  Emile  de  Boblaye, 
emporté  par  sou  courage  et  son  pa- 
triotisme autant  que  par  l'attache- 
ment qu'il  portait  à  son  frère  Théo- 
dore, qui  faisait  partie  de  ce  batail- 
lon, courut  se  joindre  à  lui  pour 
partager  ses  dangers,  et  mérita  par 
sa  belle  conduite  la  part  de  gloire 
que  l'École  polytechnique  s'acquit 
dans  cette  mémorable  et  inutile  dé- 
fense. Lorsque  la  paix  fut  rétablie, 
le  gouvernement  eut  l'heureuse  idée 
d'employer  les  ingénieurs  géogra- 
phes à  l'exécution  d'une  grande  carte 
topographique  de  la  France,  destinée 
à  remplacer  celle  de  Cassini,  dont 


{pi)  n  existait  alors  à  Pontivy  un  ancien 
professeur,  M  Couvin,  ami  cîè  la  famille  Le 
Puillon  de  Boblaye,  qui  était  trè»-passionné 
pour  la  minéralogie.  11  sut  iuspirer  ses  goûts 
au  jeune  Emile  et  a  ses  frères;  et  des  richesses 
minéralogiqnes  recueillies  pat  cliacuo  d'eux 
dans  les  différentes  ]>érégrinatiuus  que,  pen- 
dant les  vacances,  le  vieux  professecr  leur 
faisait  faire,  ils  formèrent  une  collection  eu- 
rieuse  qui  existe  à  Pontivy  et  dont  M.  Hip- 
polyte  de  BoMàye  est  resté  le' conserva  leur. 


126 


PUI 


PUI 


le  temps  avait  fait  reconnaître  l'in- 
suffisance, et  qui  ne  se  trouvait  plus 
d'ailleurs  à  la  hauteur  de  la  science. 
Boblaye,  ayant  été  attaché  à  la  partie 
géodésique  de  ce  grand  travail,  prit 
part,  comme  adjoint  du  colonel  -Bon- 
ne, à  1,1  mesure  de  la  perpendiculaire 
de  Brest  à  Strasbourg,  sur  laquelle 
on  fit  à  la  fois  des  observations  géo- 
désiques  et  astronomiques,  pour  ser- 
vir à  la  détermination  de  la  forme 
générale  de  la  terre.  Pendant  celte 
mission  qui  le  ramena  plusieurs  an- 
nées de  suite  au  milieu  de  sa  chère 
Bretagne,  le  jeune  Boblaye  eut  l'oc- 
casion de  se    livrer  de  nouveau   à 
ses   goûts  de  prédilection,  et  dans 
les  intervalles  que  laissent  souvent 
aux  géographes  les  caprices  du  temps, 
il  put  étudier  la  géologie,  encore  peu 
connue,  de  cette  partie  de  la  France. 
Le  résultat  de  ses  études  a  donné 
lieu  à  un  travail  aussi  remarquable 
par  la  clarté  et  la  méthode  que  par 
le  nombre  de  faits  nouveaux  qui  y 
sont  consignés.  Il  a  été  publié  en 
1827  dans  le  tome  XV  des  Mémoires 
du  M<iséum  d'histoire  naturelle,  sous 
le  titre  d^ Essai  sur  la  configuration 
géologique  de  la  Bretagne,  avec  une 
carte  coloriée.  Dans  le  premier  cha- 
pitre de  ce  travail,  qui  sera  toujours 
consulté  avec  fruit  toutes  les  fois 
qu'on  voudra  écrire  sur  cette  pro- 
vince, il  fait  connaître  la  configura- 
tion du  sol,  dont  les  cartes  ne  don- 
naient qu'une  idée  très-inexacte;  11 
y  montre  (idée  tout  à  fait  neuve) 
comment  une  méthode  naturelle,  fon- 
dée sur  les  grandes  divisions  géo- 
gnosliques,  peut  et  doit  donner  les 
l)ases   de    la  description    physique 
d'une  contrée  (3).  Le  Puillon  de^o- 


(3)  L'uD  des  résultats  les  plus  remarqiia- 
iiles  (!t  le»  plus  heurenx  pour  l'iudu-strie 
des  forgus  du  la  BrttagDe,  d&  à  res  vxplura- 


blaye,  envoyé  ensuite  dans  le  nord 
de  la  France,  y  continua  ses  études 
favorites,  avec  trop  d  ardeur  peut- 
être,  car  il  y  fut  atteint  d'une  fié 
vre  cérébrale  dont  sa  forte  consti- 
tution triompha.  Le  résultat  de  ses 
nouvelles  recherches  fut  son  Mé- 
moire sur  la  formation  jurassique 
dans  le  nord  de  la  France^  inséré 
dans  le  tome  XVII  des  Annales  des 
sciences  naturelles.  Dans  ce  Mé- 
moire, dont  les  ouvrages  de  géologie 
français  et  étrangers  ont  reproduit  de 
longs  extraits ,  Boblaye  établit  les 
caructères  de  la  région  naturelle  oc- 
cupée par  la  formation  jurassique 
dans  les  départements  des  Ardennes 
et  de  la  Meuse,  et  montre  la  corres- 
pondance de  ses  divers  groupes  avec 
ceux  de  la  même  formation  en  Angle- 
terre. Depuis  long-temps  il  avait 
compris  l'importance  d'un  cours  de 
géologie  pour  les  officiers  d'état- 
major,  et  il  avait  rédigé  un  travail 
propre  à  en  démontrer  la  nécessité,  La 
chaire  fut  créée  ;  cependant  Boblaye, 
peut-être  alors  le  seul  officier  de  son 
arme  qui  connût  la  géologie,  beau- 
coup trop  modeste  pmir  demander 
lui-même  ce  qui  aurait  dû  lui  reve- 
nir de  droit,  ne  fut  pas  nommé  à  cette 
chaire  :  c'est  qu'il  ne  se  doutait  pas 
que,  pour  réussir  dans  ceslemps-ci,  il 
ne  suffit  pas  toujours  d'èire  savant. 
Lors  de  l'expédition  de Morée,  La  Puil- 
lon de  Boblaye  fut  désigné  pour  faire, 
de  concert  avec  M.  Peytier,  déjà  en 
mission  en  Grèce,  la  triangulation  de 

lions,  u  été  ccitaiiienient  la  déoouverte,  dans 
la  forêt  de  Lorgos,  d'uu  minerai  de  fer  par- 
ticulier, eonnu  en  minéralogie  .sous  le  nom 
de  chamoisiie.  Ce  minerai,  qui  a  fait  la  for- 
tune du  proprict^ire  du  sol  (M.  de  Cboi- 
scul),  a  l'avantage  de  donner  des  fontes  de 
qualité  supérietin-  et  des  fers  plus  ductiles. 
Plu»  tard  M.  de  Bohlaye  a  en»  ore  .signalé 
ce  même  minerai  à  Frosuay-le-Comte  (Sar- 
tbe)  et  à  Sainte-Brigitte  près  Foutivy. 


PUI 

la  Morée;  il  partit  en  conséquence 
avec  la  commission  scieutifique  qui  y 
fut  envoyée.  Dans  toute  autre  circon- 
stance une  semblable  mission  aurait 
été  accueillie  par  lui  avec  enthou- 
siasme, mais  son  ordre  de  partir  venu 
au  moment  oix  un  jeune  frère  (4), 
qui  partageait  plus  particulièrement 
ses  goûts  pour  la  géologie,  se  trou- 
vait dans  un  état  désespéré ,  fut  une 
cruelle  épreuve  que  le  s'intiment  de 
ses  devoirs  put  seul    loi  faire  sur- 
monter. Bien  qu'en  partant  il  laissât 
son  frère   mourant  aux  soins  d'un 
autre  frère,  accouru  pour  le  rem- 
placer, la  séparation  fut  des  plus  dou- 
loureuses, car  il  pressenlait  qu'elle 
devait  être  éternelle;  et  nous  avions 
à  peine  mis  le  pied  sur  le  bâtiment 
qui  devait  nous  emmener  vers  les 
rivages  de  l'Hellénie  qu'eu  elTel  la 
nouvelle  de  la  mort  de  sou  frère  ar- 
riva. Ce  lot  pour  lui  un  coup  terri- 
ble, dont  les  nombreux  travaux  aiut- 
quels  il  se  livra  pendant  seize  oPis 
(le  séjour  en  Mi  rét',  de  concert  avec 
l'auteur  de  cette  notice,  parvinrent  à 
peine  à  le  distraire.  La  similitude  de 
nos  giiûts  et  de  n;)S  travaux  nous  eut 
bientôt  liés  d'une  amitié  étroite; aussi, 
après  Sun  retour  en  France,  ayant  été. 
sur  mes  vives  instances,  attaché  à  la 
rédaction  du  grand  ouvrage  publié 
sous  les  auspices  du  gouvernement 
et  sous  la  direction  de  .M.  le  colonel 
Bory  de  Saint-Vincent,  nous  rédi- 
geâmes de  concert  la  partie  géolo- 
gique et  urinéralogique  de  cet  ou- 
vrage dont  nous  nous  étions  partagé 
le  travail.  M.  Boue,    dans  son   sa- 

1^4}  Cliarlesi-Eogrne-Goiiïulve  I^  PuiUou 
de  Boiilaye  ,  né  a  Pontivy,  !c  7  juin  i 7y8  , 
mort  a  Piiris,  le  it~  jiinvier  iSacj.  é^ait  atta- 
ché a  l'adniinistration  i-eulrale  de  r<-nr«-gis- 
trement  en  qualité  de  vérificateiir.  Ou  lai  floit 
la  découverte  de  trilobùts  aux  eu-^iroué  de 
rjain',(IUe-et-ViIaine),à  répoqne  où  il  y  ré- 
sidait comme  recevear. 


PUI 


127 


vant  Résumé  des  progrès  des  scien- 
ces géologiques  pendant  l'année  1833, 
lu  à  la  société  géologique  de  France, 
s'exprime  ainsi  à  l'occasion  de  cette 
publication  :  «  Poussé  par  ce  désir 
«  extraordinaire  de  civilisation  qui 
«  envahit  l'Europe ,  la  Grèce  secoue 
«  ses  lourdes  chaînes,  et  engage  avec 

•  ses  stupides  conquérants  une  guerre 

•  à  mort.  Aux  acclamaii(jns  de  tous 
«  les  cœurs  généreux,  la  France  ne 
o  se  couteuie  pas  d'envoyer  de  l'or, 
«  mais  ses  enfants  rendent  aux  Hel- 
.  lènes  une  patrie  ;  à  l'Europe  et  à 

•  la  civilisation  uue  intéressante 
«  contrée,  pour  ébranler  plus  tard 
«  l'Orient,  et  lui  rendre  son  ancienne 
«  splendeur.  Comme  jadis  l'Egypte 
«  avait  vu  la  science  s'allier  à  la 

•  guerre,  de  même  une  cominission 
«  scientifique  fut  envoyée  eu  Grèce. 
«  Cette  mission,  si  honorable  pour 
«  ceux  qui  la  conçurent,  nous  a  mis 
«  tout  d'un  coup  au  fait  de  la  géo- 
«  logie  d'une  grande  partie  de  la 
«  Grèce.  Vos  confrères,  M.M.Boblaye 

•  et  Virlet  ne  sauraient  être  trop  ré- 

•  co\upensés  de  ce  précieux  présent 

•  fait  à  la  science  au  détriment  de 
«  leur  sauté.  Ctst  sans  contredit  le 
«  plus  important  ouvrage  de  géologie 
«  descriptive  que  j'aie  à  analyser.  » 
En  eôét,  il  ne  consacre  pas  moins  de 
40  pages  à  l'analyse  des  observations 
géologiques  faites  en  Morée,  et  il 
pense  qu'où  lui  en  saura  gré,  d'abord 
parce  que  c'est  le  travail  conscien- 
cieux de  deux  de  ses  confrères  les 
plus  disiingués,  ensuite  parce  que 
tout  est  nouveau  dans  ces  récits,  eic. 
indépendamment  des  articles  publiés 
eu  commun,  il  y  en  a  plusieurs  qui 
sont  particuliers  à  chacun  des  auteurs; 
ceux  qui  appartiennent  en  propre  à 
Boblaye  sont  :  V Introduction ,  où , 
dit  M.  Boue ,  ou  reconnaît  la  touche 
d'un  habile  géographe  et  d'un  géo- 


tfS 


PUI 


loguc,  qui  recherche  avant  tout  la 
vérité  avec  le  calme  d'un  mathémati- 
cien -,  Recherches  sur  les  roches  dési- 
gnées par  les  anciens  sous  le  nom  de 
marbre  lacédémonien  :  Description 
du  terrain  secondaire  en  Laconie; 
Description  des  phénomènes  récents: 
Carte  de  la  Morée  et  des  Cyclades, 
exposant  les  principaux  faits  de  la 
géographie  ancienne  et  de  la  géogra 
phie  naturelle,  coloriée  géologique- 
ment,  de   concert  avec  M.  Virlet. 
Bobiaye  a  accompagné    cette   carte 
d'un  très-grand  travail  intitulé  :  Re- 
cherches géographiques  sur  les  rui- 
nes de  la  Morée,  résultat  d'immensse 
recherches  pour  lesquelles  il  a  eu  à 
dépoui  1 1er  tous  les  géographes  anciens 
et  modernes.  Cette  œuvre  remarqua- 
ble, où  se  trouvent  réunis  tous  les 
travaux  des  membres  de  la  commis- 
sion scientitique,  et  publiée  dans  leur 
grand  ouvrage,  lui  aurait  certaine- 
ment ouvert  les  portes  de  l'Académie 
des  inscriptions  et  belles-lettres,  si 
la  mort  ne  l'eût  pas  enlevé  bien  jeune 
encore  à  la  science.  A  cette  occasion 
l'empereur  de  Russie,  lui  en  ayant  fait 
demander  par  son  ambassadeur  à  Pa- 
ris un  exemplaire,  lui  envoya,   en 
témoignage  de  satisfaction,  une  très- 
belle  bague  ornée  de  diamants.  Bo- 
biaye a  encore  publié  séparément, 
en  1831,  dans  les  Annales  des  scien- 
ces naturelles ,  des  Observations  sur 
la  constitution  gcognostique  de  la 
Morée ,  qui  sont  un  aperçu  rapide 
des  principaux  résultats   consignés 
plus  tard  tians  le  grand  travail  men- 
tionné ci-dessus.  Description  del'île 
d'Ègine,àa.i\s  le  même  recueil  (1835). 
Triangulation  de  la   Morée,   par 
MM.   Peytier,   Bobiaye  et  Servier. 
Les  résultats  en  sont  consignés  dans 
la  Connaissance  des  temps  pour  1832, 
et  dans  la  partie  géographique  de 
ï'oiivrage  do  l.i  conunission  de  Mo- 


PUI 

rée.  Notice  sur  les  altérations  des 
roches  calcaires  du  littoral  de  la 
Méditerranée^  1830.  Note  sur  la  né- 
cessité de  tenir  compte  de  Vépaisseur 
de  l'écorce  terrestre  dans  les  calculs 
relatifs  au  soulèvement  des  monta- 
gnes. Ces  trois  derniers  mémoires 
ont  été  insérés  dans  les  Bulletins  de 
la  Société  géologique.  Mé^noire  sur 
les  dépôts  épigéiques  ou  formés  sur 
les  surfaces  émergées.  Annales  des 
mines,  3*  série,  tom.  Il,  1833.  En 
1834,  ayant  été  nommé  secrétaire  de 
la  Société  géologique  de  France,  il 
fut  chargé  de  faire  le  rapport  sur  les 
travaux  de  1833.  En  cela,  comme 
dans  tout  ce  qu'il  entreprenait,  il 
s'acquitta  de  sa  tâche  d'une  manière 
fort  remarquable.  Nous  emprunte- 
rons une  partie  des  détails  qui  sui- 
vent à  une  notice  déjà  publiée  par 
M.  Rozet.  A   la  réunion  extraordi- 
naire d'Alençon,  en   1837,  Bobiaye 
présenta  une  carte  géologique   de§ 
ej/virons  de  cette  ville  à  l'échelle  de 
^„,  sur  laquelle  il  avait  inscrit  les 
altitudes  des  points  de  contact  des 
diverses  formations.  Cette  carte, qu'il 
remit  plus  tard  à  M.  le  général  Pelet, 
directeur  du  dépôt  de  la  guerre,  était 
accompagnée  d'une  feuille  de  coupes, 
indiquant  la  disposition  relative  de 
ces  formations  et  la  conliguration  du 
sol  i  il  est  à  regretter  que  ce  travail 
n'ait  pas  été  publié.  C'est  à  la  clôture 
de  la  réunion  d'Alençon  que  le  célè- 
bre géologue  Buckland,  en  adres- 
sant ses  remercîments  au  bureau  de 
la  Société,   exprima  toute  l'estime 
que  lui  et  ses  compatriotes  les  An- 
glais avaient  pour  les  travaux  géo- 
logiques de  Bobiaye.  Depuis  plusieurs 
années ,  une  question  intéressante  , 
celle   du    métamorphisme   des  ro- 
ches., occupe  et  divise  les  géolo- 
gues.   Bobiaye    est  venu   apporter 
des  preuves  bien  convaincantes  et 


PUI 

bien  puissantes  à   l'appui  de  cette 
ttléorie,  en  démontrant  que  les  schis- 
tes n>aclifères  des   Salles  -  Rohan , 
qu'on  avait  classés  dans  les  roches 
primitives ,  appartiennent  aux  ter- 
rains de  sédiment,  puisqu'ils  renfer- 
ment avec  des  mâcles  des  déhris  de 
corps  organisés  comme  des  orthis 
et  des  trilobites  qu'il  y  a  découverts 
avec   son  frère  Hippolyte  ;  et  il  a 
adressé  à  M.  Éiie  de  Beauniunt ,  à 
l'occasioa  de  cette   découverte ,  en 
1838,  au  moment  de  repartir  i)Our 
l'Afrique  ,  une  note  sur  les  modifi- 
cations de  certaines  roches  de  sédi- 
ment par  le  voisinage  de  roches 
ignées,  qui  a  été  insérée  dans  les 
comptes  -  rendus  de  l'Académie  des 
sciences.  En  Afrique,  où  il  venait  de 
recevoir  l'ordre  de  se  rendre  pour 
trianguler  les  parties  nouvellement 
conquises  de  la   province  de  Con- 
stantine,  comme  en  Grèce,  il  s'occupa 
avec  ardeur  d'histoire  naturelle,  de 
géographie  et  d'archéologie.  Revenu 
en  France  au  commencement  de  1 839, 
il  annonça  à  la  Société  géologique, 
dans  la  première  séance  de  février, 
qu'une  grande  partie  du  sol  de  cette 
province  présente  un  terrain  crétacé, 
avec  des  Catillus  et  des  Inoceramus 
de  mêmes  espèces  que  ceux  de  la 
craie  de  Valogne  ;  que  ce  terrain  sup- 
porte une  puissante  assise  calcaréo- 
marneuse ,  riche  en  fossiles ,  devant 
appartenir  à  l'étage  inférieur  du  ter- 
rain tertiaire.  De  ce  fait  important  il 
concluait  que   les    formations  ter- 
tiaires doivent  s'échelonner,  par  rap- 
port au   bassin  méditerranéen,  d€ 
la  même  manière  dans  le  Sud  que 
dans  le  Kord.  Nommé  membre  de  la 
commission  scientifique  de  l'Algérie, 
en  août  1839  (5),  il  repartit  pjur 

(5)  Â  l'époque  de  l'orgauUution  de  la  coin- 

miïiiiou  :>cieutifique  dt-  i  Algérie ,  Leaucoup 

«*  ni<>in)>res  de  l'iu^iitut   iiianifestt-ieut  le 

I.XXVIII. 


PUI 


129 


l'Afrique.  Au  mois  de  novembre  de  la 
même  année ,  il  accompagna  le  duc 
d'Orléans  dans  l'expédition  des  Por- 
tes de  Fer.  Ce  jeune  prince,  dit  M.  Ro- 
zet ,  n'eut  pas  besoin  de  voir  long- 
temps notre  collègue  pour  apprécier 
sa  haute  capacité ,  son  courage  et  la 
noble  franchise  dont  il  lui  donna  plu- 
sieurs preuves  dans  cette  campagne. 
Il  lui  parlait  souvent  de  géologie  et 
d'archéologie;  et  ces  beaux  escarpe- 
ments de  l'Atlas,  ces  masses  de  co- 
quilles marines  entassées  sur  un  grand 
nombre  de  points,  les  restes  des  voies 
romaines,  les  ruines  des  cités,  des 
forts  et  des  arcs  triomphaux  élevés 
par  les  anciens  maîtres  de  l'Afrique, 
exaltaient  sa  jeune  imagination  :  il 
demandait  à  Boblaye  des  renseigne- 
ments et  son  avis  sur  tant  de  mer- 
veilles, et  la  profonde  instruction 
dont  notre  confrère  fit  preuve  dans 
ses  réponses  lui  attira  l'estime  et  l'a- 
mitié du  prince,  qui,  au  retour,  lui 
donna  une  tabatière  ornée  de  son  chif- 
fre. Le  28  février  1840,  il  fut  nommé 
chef  d'escadron  d'état-major,  après  27 
ans  de  grade  d'officier .  Rentréen  Fran- 
ce à  la  U  u  de  1 839,  fatigué  de  la  vie  er- 
rante qu'il  avait  menée  jusqu'alors, 
il  pensa  enfin  au  repos,  et  se  maria  le 
10  février  1840.  Mais  bientôt  il  fut 
obligé  de  s'arracher  à  ses  nouvelles 
affections  :  la  section  topographique 
de  l'armée  d'Afrique  avait    besoin 
d'un  chef  savant  et  courageux  ;  le 
6  mars ,  il  quittait  de  nouveau  Pa- 

désir  de  -ïoir  Boblaye  placé  k  sa  tète  ;  ik 
est  proliable  qu'il  eu  uuiiiit  été  iioniiui'  di- 
recteur, si  le  ministre  de  la  guerre,  moioï 
lent  à  exécuter  de$  promesses  faites  depuM 
loug-teuips,  l'eût  uommé  plus  tôt  cLef  d'esca* 
droD,eD  sorte  que,  malgré  la  grande  confiance 
qu'inspirait  an  mérite  bien  reconnu  ,  on  ne 
crut  pas  devoir  le  mettre  ,  lui ,  simple  capi- 
taine alors,  à  la  tête  d'uue  commission  scieu- 
titiquc,  organisée  sur  le  pied  militaire  et 
composée  en  grande  j>artie  d'officiers  de 
difféqpntes  .irmes  et  de  même  grade  qiie  lui, 

9 


130 


PUI 


ris  pour  repasser  la  Méditerranée! 
Dans  les  deux  campagnes  précé- 
dentes, la  santé  du  commandant,  dé- 
ià  affaiblie  par  les  fièvres  de  la  Grèce, 
avait  reçu  de  graves  atteintes -,  les 
fatigues  de  celle-ci  développèrent 
bientôt  chez  lui  une  maladie  scorbu- 
tique qui  le  força  de  rentrer  en  Eu- 
rope pour  se  faire  traiter.  Se  croyant 

guéri,  il  reprit  son  poste  à  la  carte 
deFrancç,oùil  resta,  comme  chef 
d'une  section    topographique,  jus- 
qu'en 1842.  A  cette  époque,  l'estime 
que  ses   compatriotes   faisaient  de 
ses  hautes  connaissances,  la  con- 
fiance que  leur  inspirait  son  carac- 
tère franc  et  loyal,  le  firent  nom- 
mer député  de  l'arrondissement  de 
Pontivy.  A  partir  de  ce  moment,  une 
nouvelle    série   d'idées  vint    s'em- 
parer de  son  esprit,  et  il  délaissa  la 
géologie.  Ayant  accepté  un  mandat 
politique,  il  croyait  que  tous  ses 
instants  appartenaient  à  son  pays  : 
ceux  que  l'examen  des  projets  de  loi, 
les  travaux  des  commissions  de  la 
Chambre,  et  ceux  que  les  besoins  et 
les  exigences  de  ses  commettants  lui 
laissaient  libres,  il  les  consacrait  à 
l'étude  de  l'administration  des   fi- 
nances nationales.  En  1843 ,  il  pu- 
blia un  curieux  et  important  tableau 
synoptique  des   revenus,   des    dé- 
penses, de  la  dette  et  du  crédit  pu- 
blic en  France.  Ce  tableau  devait  être 
suivi  de  plusieurs  autres,  dont  tous 
les  éléments  étaient  déjà  réunis.  Mais 
les  terribles  attaques  que  sa  santé 
avait  eu  à  soutenir,  depuis  1827, 
avaient  altéré  sa  forte  constitution  -, 
néanmoins  l'activité  de  son  esprit, 
son  amour  pour  l'étude  l'empêchaient 
de  s'apercevoir  des  progrès  du  mal  et 
de  se  rendre  aux  avis  de  ses  amis  qui 
lui    conseillaient   le  repos.    L'année 
derihière,  dit  M.  Rozet,  voulant  ter- 
miner une  grande  carte  géologique 


PUI 

de  Bretagne,  commencée  depuis  long- 
temps, il  partit  pour  cette  province 
et  prit  part  aux  évolutions  du  camp 
de  Plélan,  près  de  Rennes.  Là,  il  se  fa- 
tigua trop  et  revint  à  Paris  très-souf- 
frant. Bientôt  les  germes  de  la  mala- 
die qu'il  avait  contractée  en  Grèce 
et  en  Afrique  se  développèrent  avec 
une  telle  force  qu'il  ne  fut  plus  pos- 
sible d'en  arrêter  les  progrès.  Il  ren- 
dit le  dernier  soupir  le  4  déc.  1843. 
Le  6,  son  frère,  chef  d'escadron  d'ar- 
tillerie ,  ses  amis ,  ses  collègues  de 
la  Chambre  des  Députés,  des  Sociétés 
géologique,  géographique  et  philo- 
matique  de  Paris,  allèrent  placer  sa 
dépouille  mortelle  auprès  des  restes 
de  son  jeune  frère  mort  en  1829. 
.  Deux  fois  notre  confrère,  dit  en  ter- 
«  minant  l'auteur  de  la  notice ,  avait 
.  eu  l'honneur  d'être  porté  sur  la  liste 
«des  candidats    à    l'Académie  des 
«  sciences  pour  une  place  dans  la  sec- 
«tion  de  géologie,  et  il  avait  des 
»  chancesd'êtreéluà  la  prochaine  va- 
.  cance.-  Indépendamment  des  socié- 
tés scientifiques  qui  viennent  d'être 
citées,  Boblaye  était  encore  membre 
correspondant  des  Sociétés  géologi- 
que de  Londres,  d'histoire  naturelle 
d'Athènes,  polymalique  du  Morbi- 
han, linnéenne  de  Normandie,  de 
l'Academia  givenia,  etc.  Il  avait  été 
successivement  décoré  des  ordres  de 
la  Légion-d'Honneur  et  du  Sauveur 
grec  Parmi  les  nombreuses  notes 
sur  la  Grèce  et  l'Afrique  laissées  par 
Boblaye,  se  trouve  un  itinéraire  fort 
curieux  de  son  voyage  en  Laconie  et 
dans  le  Magne,  qu'il  projetait  de  pu- 
blier. Son  frère  Théodore  (6) ,  qui 


(6^  C'est  ce  frère,  «ujourd'bui  .hcf  <res- 
cadroD,  qui  se  trouvait  commander  «a  i83o 
la  section  d'artillerie  chargée  d  accompa- 
l„er  le  malheureux  Charles  X  jusqu'à  Cher- 
bourK.  et  qui  résista  avec  énergie  aux  in- 
yZuous  In    peu  brnUle,   da    maréchal 


PUI 

lai  succéda  à  la  Chambre  des  députés, 
se  propose  de  remplir  à  ce  sujet  ses 
intentions.  Les  courses  multipliées 
qu'il  avait  faites  dans  ses  dernières 
années,  en  Bretagne,  lui  avaient  in- 
spiré l'idée  de  recommencer  son  pre- 
mier travail  sur  la  géologie  de  celte 
province  ;  il  en  parlait  souvent  et 
voulait,  disait-il,  se  réserver  cette 
besogne  pour  le  moment  de  la  re- 
traite après  laquelle  il  aspirait  sans 
cesse.  Son  projet  était  de  l'accompa- 
gner d'une  carte  géologique ,  et  de 
compléter  ce  travail  par  un  examen 
comparatif  de  la  géographie  actuelle 
avec  celle  du  temps  des  Romains  et 
du  moyen-âge.  Mais  son  esprit  tou- 
jours actif  ne  songeait  qu'à  s'ouvrir 
de  nouveaux  champs  d'exploration, 
sans  penser  que  la  mort  allait  dé- 
truire en  un  jour  tons  ces  beaux  rê- 
ves de  la  science.  Quant  «ux  notes  sur 
l'Afrique  ,  elles  doivent  être  remises 
à  M.  Renou,  aussi  membre  de  la 
commission  scientifique  de  l'Algérie, 
qui  est  chargé  de  la  partie  géolo- 
gique. C'est  encore  Le  Puillon  de 
Boblaye  qui  a  établi  l'existence  de 
trois  terrains  tertiaires  dans  la  pro- 
vince d'Alger  :  le  tertiaire  intérieur  à 
Medéah  et  à  Milianah-,  à  Alger,  le  ter- 
rain subapennin  déjà  indiqué  par 
U.  Rozet,  et  un  troisième  terrain,  re- 
trouvé par  M.  Renou,  tout  le  long  de 
la  côte,  et  qui  y  joue  un  rôle  assez  im- 
portant. Indépendamment  de  beau- 
coup de  communications  faites  suc- 

Maitoo,  l'un  des  commissaires  do  gouver- 
nement provisoire,  et  refusa  de  revenir  à 
Paris  sans  an  ordre  signé  du  roi.  Charles  X, 
témoin  de  la  acèae,  voulut,  en  témoignage 
de  reconoaissance,  remettre  lui-même  à  cet 
officier  la  décoration  de  la  Légion-d"Hoii- 
oeur.  Pour  conserver  son  brevet,  dernier 
■cteduroi  eTilé.M.  Théodore  de  Boblaye  ne 
fit  pas,  comme  on  le  lui  proposa  eusuile, 
confirmer  cette  nomination.  Il  eut,  du  reste, 
liientôt  occasion  d'obtenir  d« nouveau  vette 
dittioclioa  lor«  du  ciége  d'Anvers. 


PUI 


131 


cessivement  à  la  Société  géologique 
de  France  et  à  la  Société  de  géogra- 
phie. Le  Puillon  de  Boblaye  a  encore 
publié  plusieurs  bons  articles  de  géo- 
logie dans  le  Dictionnaire  pittores- 
que des  Sciences  naturelles  et  dans 
le  journal  r//i<fi7uf.  Sa  timidité  l'a 
toujours  empêché  de  parler  à  laCham- 
bre  des  députés;  mais,  dans  les  com- 
missions et  dans  les  bureaux,  ses  re- 
parties vives  et  pleines  d'aperçus  ju- 
dicieux donnèrent  souvent  un  grand 
poids  à  ses  opinions.  Y.  d'A. 

PCISAYE  (Joseph,  comte  de), 
l'un  des  chefs  du  parti  royaliste  dans 
l'Ouest  pendant  la  révolution,  né  vers 
1755  à  Mortagne,  d'une  famille  d'an- 
cienne noblesse,  et  qui  occupait  la 
charge  héréditaire  de  grand-bailli  du 
Perche  vfut  destiné  à  l'état  ecclé^iasti 
que,  comme  étant  le  plus  jeune  de 
quatre  frères.  Envoyé  à  Paris  au  sémi- 
naire de  Saint-Sulpice,  il  y  fit  de  bon- 
nes études;  mais  à  dix-huit  ans,  sa  vo- 
cation pour  les  armes  l'emportant 
sur  les  vues  de  sa  famille,  il  postula 
et  obtint  nue  sous-lieutenançe  dans 
le  régiment  de  Conti,  cavalerie, d'où 
il  passa  dans  un  régiment  de  dragons 
eu  qualité  de  capitaine  a  la  suite. 
Peu  satisfait  d'une  perspective  qui 
ne  flattait  point  son  ambition,  il  se 
retira  dans  sa  famille,  recueillit  l& 
succession  de  son  père,  et  acheta 
une  charge  dans  les  Cent-Suisses  de 
la  maison  du  roi  ;  ce  qui  lui  valut 
un  brevet  de  colonel,  et,  peu  de 
temps  après,  la  croix  de  Saint-Louis, 
Eu  1788,  il  épousa  la  fille  unique  du 
marquis  de  Mesnilles,  riche  proprié- 
taire en  Normandie.  Nommé,  l'année 
suivante,  député  de  la  noblesse  du 
Perche  aux  Éials-Généraux,  il  se  ran- 
gea du  côié  de  la  uiinorité  de  cet 
ordre,  signa  la  protestation  du  19 
juiu  en  faveur  des  iuuuv&tious,  se 
réunit  au  tiers,  et  siégea  toujours 
9. 


132 


PUI 


au  côté  gauche  tle  l'Assemblée  natio- 
nale, où  du  reste  il  se  lit  peu  remar- 
quer. Promu  en  1791  au  grade  de 
niaréchal-de-camp,  il  se  retira  après 
la  session  dans  sa  terre  de  Mesnilles, 
et  fut  mis  à  la  tête  de  la  garde  natio- 
nale du  district  d'Évreux.  Quoique 
partisan  de  la  révolution  et  surtout 
grand  admirateur  de  la  constitution 
britannique,  il  se  montra  de  bonne 
henre  l'adversaire  des  démagogues, 
et  projeta  même,  en  1792,  de  lever 
une  armée  en  Normandie  pour  déli- 
vrer Louis  XVI.  La  journée  du  lO 
août  l'ayant  fait  renoncer  à  ce  projet, 
il  fut  entraîné,  par  son  activité  in- 
quiète et  par  le  désir  de  jouer  un 
rôle,  à  briguer  la  place  de  chef  d'é- 
tat-major du  général  Wimpfen,  dans 
l'armée  départementale  de  l'Eure, 
destinée  à  marcher  contre  la  Conven- 
tion nationale.  Il  commanda  l'avant- 
garde  de  cette  armée,  qui  fut  battue, 
dans  le  mois  de  juin  1793,  à  Pacy- 
siir-Eure,  par  les  troupes  de  la  Con- 
vention -,  et  sa  tête  ayant  été  mise  à 
prix,  il  se  réfugia  en  Bretagne.  Là, 
bravant  une  multitude  de  dangers, 
il  rallia  et  réorganisa,  dans  le  dépar- 
tement d'IUe-et-Vilaine,  les  débris 
du  parti  de  la  chouannerie,  auquel 
les  frères  Chouan   (  voy.    t.   LXI , 
p.  52)  avaient  donné  leur  nom.  Il 
déploya  alors  beaucoup   de  talents 
et   d'activité ,    se   mit  en    rapport 
avec  d'autres  chefs,  créa  un   con- 
seil militaire,  émit  un  papier-mon- 
naie, envoya  des  émissaires  à  Lon- 
dres,  reçut   des   secours  de  l'An- 
gleterre, et  des  pouvoirs  du  comte 
d'Artois.  Enfin,  redoublant  d'efforts 
pour  devenir  le  régulateur  de  la  con- 
fédération royaliste  de  Bretagne,  il 
publia  des  proclamations  ;  et,  quoi- 
qu'il ne  fut  pas  reconnu  par  la  lota- 
lilé  des  autres  chefs,  on  iinit  par  le 
regarder  comme  l'âme  du  parti  roya- 


PUI 

liste  dans  ce  pays,  parce  qu'il  rece- 
vait directement  les   dépêches   du 
gouvernement  anglais,  et  qu'il  en 
obtenait  des  secours  en  armes  et  en 
argent.  Convaincu  que  le  royalisme 
armé  dans  l'Ouest  ne  pouvait  se  sou- 
tenir que  par  l'Angleterre,  il  subor- 
donna toutes  ses  opérations  et  ses 
démarches  à  cette  pensée  ;  ce  qui  lui 
valut  le  reproche,  trop  fondé  et  sou- 
vent répété  depuis,  d'être  dévoué  au 
gouvernement  britannique.  Au  mois 
de  septembre  1794,  il  passa  secrète- 
ment en  Angleterre,  où  il  fut  dès  lors 
environné  de  préventionset  de  haine. 
Les  émigrés  le  regardaient  généra- 
lement comme  un  faux-frère,  et  mê- 
me comme  un  agent  de  la  Convention 
nationale.  Puisaye  se  lia,  a  Londres, 
avec  le  comte  de  Botherel  et  avec  La 
Marche,  évêque  de  Saint-Pol  de  Léon. 
Ayant  obtenu  du   comte   d'Artois, 
alors   à  Edimbourg,    des  pouvoirs 
inimités,  il  captiva  la  confiance  des 
ministres  Pitt,  Windham,  Dundas, 
et  les  décida  à  ordonner  un  armement 
pour  agir  sur  les  côtes  de  Bretagne. 
Telle  fut  l'origine  de  la  malheureuse 
expédition  de   Quiberon  ,  qui  ,  au 
lieu   d'être  confiée  à  un  chef  uni- 
que, en  eut  deux  à  la  fois  :  d'Hervilly, 
chargé  du  commandement  des  régi- 
ments  d'émigrés,    et  Puisaye,    qui 
devait  commander  les  royalistes  de 
l'intérieur.  De  là  une  rivalité  funeste. 
Le  plan  de  Puisaye  consistait  à  mar- 
cher aussitôt  après  le  débarquement, 
dans  l'intérieur  de  la  Bretagne,  pour 
généraliser    l'insurrection.    D'IIer 


villy,  au  contraire,  hésita  et  se  con- 
fina dans  la  presqu'île  de  Quiberon, 
en  attendant  des  renforts.  L'habileté 
du  général  Hoche  déconcerta  sa 
prudence  et  déjoua  les  plans  de 
Puisaye,  qui  se  réfugia  sur  l'escadre 
anglaise  avec  une  célérité  qu'on  pour- 
rait qualifier  autrement,  dans  le  mo- 


PLI 

ment  où  les  émigrés  mettaientbas  les 
armes.  (Voy.  Hoche  et  (I'Hervilly, 
tome  XX,  p.  312  et  438.)  La  catastro- 
phe fut  terrible,  etl'opinion  publique 
rendit  Puisaye  responsable  delà  mal- 
heureuse issue  d'une  expédition  qu'il 
avait  provoquée.  Ses   ennemis  dé- 
chaînés lui  prodiguèrent  les  épithè- 
tes  les  plus   outrageantes.   Dès   ce 
moment  les  royalistes  du  dehors  et 
de  l'intérieur  ne  virent  plus  en  lui 
qu'un  traître  et  un  lâche.  C'étaient, 
disaient-ils,  la  perfidie,  le  défaut  de 
courage  ou  l'incapacité  qui  domi- 
nait dans  sa  conduite,  S'étant  fait 
débarquer  de  nouveau  en  Bretagne, 
dans  des  circonstances  aussi  peu  fa- 
vorables, il  y  courut  les  plus  grands 
dangers  ;  et  malgré  sa  persévérance 
il  ne  put  jamais  recouvrer  l'ascen- 
dant auquel  avait  aspiré  sou  ambi- 
tion. Suspect  à  son  parti,  il  lui  fut 
plus  facile  en  quelque  sorte  de  se 
garantir  des  pièges  que  lui  tendaient 
les   républicains  que    des  rivalités, 
des  préventions  des  royalistes.  Ac- 
coutumé à  vouloir  tout  diriger,   à 
être  le  centce  des  opérations,  il  sup- 
porta impatiemment  la  perte  de  son 
influence  et  le  poids  des  accusations 
dirigées  contre  lui.  Sa  morgue  et  sa 
hauteur  avec  ses  ennemis,  son  ai- 
greur dans   toutes   les  discussions 
qu'il  eut  avec  ses  adversaires,  ses 
violents  démêlés  avec  les  agents  du 
roi  dans  l'intérieur,  et  surtout  avec 
d'Âvaray,  ministre  de  Louis  XVllI, 
euUn  la  ruine  de  son  parti  après  la 
pacification  de  Hoche,  en  1797,  le 
forcèrent  de  donner  sa  démission  et 
d'abandonner  à  jamais  les  départe- 
ments de  rOuest.  U  repassa  à  Lon- 
dres, obtint  des  ministres  un  éta- 
blissement dans  le  Canada  avec  une 
somme  d'argent  pour  son  exploita- 
tion, «t  y  fut  suivi  d'une  partie  des 
officiers  qui  lui  étaient  restés  atta- 


PUI 


1S3 


chés.  Après  la  paix  d'Amiens,  il  re- 
vint en  Angleterre,  où  il  trouva  les 
esprits  toujours  prévenus  contre  lui. 
Il  les  irrita  encore  davantage   par 
la  publication  de  ses  Mémoires,  où  il 
établissait  sa  justification  aux  dépens 
de  ses  adversaires,  qu'il  traitait  avec 
une  extrême  dureté,  mais  presque 
toujours  avec  injustice.  Ces  Mémoi- 
res parurent  à  Londres,  en  1803, 
sous  ce  titre  :  Mémoires  du  comte 
J.  de  Puisaye,  etc.,  qui  pourront 
servir  à  l'histoire  du  parti  royaliste 
français.,  durant  la  dernière  révo- 
lution, 6  vol.  in-8i:  et  ils  furent 
réimprimés  à  Paris  en  1803-1806, 
6  vol.  in-8'.  Ils  ont  été  combattus 
en  Angleterre,  dans  quelques  bro- 
chures et  dans  des  ouvrages  pério- 
diques, et  l'on  en  a  annoncé  des  ré- 
futations plus  complètes  qui  n'ont 
pas  paru.  Quoi  qu'il  en  soit,  on  ne 
peut  nier  que  Puisaye  n'ait  montré 
dans  plusieurs  occasions   un  sang- 
froid,  une  prudence,  un  courage  ad- 
mirables. A  la  vérité,   ces   mêmes 
qualités    ont    semblé   l'abandonner 
dans  d'autres  affaires  décisives  ;  ce 
qui  a  fait  dire  qu'il  avait  pins  de 
capacité  et  de  talent  dans  le  cabinet 
que  sur  le  champ  de  bataille.  On  croit 
généralement  que  c'est  parce  qu'il 
s'était  attiré  la  disgrâce  du  roi  et 
de  Monsieur  qu'il  ne  rentra  pas  en 
France  après  la  Restauration  et  qu'il 
coutinua  de  vivre  en  Angleterre,  où 
il  recevait  une  pension  considérable 
du  ministère,  mais  où  il  avait  con- 
tre lui  tous  les  Français  émigrés,  à 
l'exception    de   Bertrand -Moleville 
(L'o»/.cenom,LVllI,169).llmourulà 
Blythe-House  près  Hammersmith,  le 
13  sept.  1827.  On  a  encore  de  Pui- 
saye :  Réfutation  d'un  libelle  diffa- 
matoire public  par  M.  Heziade  d'A- 
varay sons  le  titre  de  :  Rapport  à 
S.  M.  très- chrétienne,  avec  sa  par- 


lél'  pui 

mission,  suivi  d'une  réponse  à  M.  le 
comte  Joseph  de  Puisaye,  Londres, 
1809  ,  in  -  80.  —  PuisAYE  (  Antoine- 
Charles- André- René,  marquis  de), 
frère  du  précédent,  né  à  Mortagiie 
en  1751,  entra  comme  officier  dans 
le  régiment  d'Angoulôme,  fut  nommé 
capitaine  de  dragons  en  1779,  et  dé- 
coré de  la  croix  de  Saint-Louis.  En 
1789,  il  présida  les  trois  ordres  de 
la  province  du  Perche  en  qualité 
de  grand-bailli.  Dévoué  au  parti  du 
roi,  il  fut  désigné  en  1795  pour 
commander  sa  province  et  pays  ad- 
jacents ;  mais ,  forcé  par  le  désastre 
de  Quiberon  de  ne  plus  travailler 
qu'en  secret  à  l'organisalion  roya- 
liste, il  fut  arrêté  sous  le  gouver- 
nement impérial  comme  agent  des 
Bourbons.  Rendu  à  la  liberté,  il  ne 
reparut  qu'en  1815,  et  il  essaya  en- 
core d'organiser  son  parti  en  Nor- 
mandie. Nommé  à  cette  époque  mem- 
bre de  la  Chambre  des  députés  qui 
fut  qualifiée  d'introuvable,  il  y  siégea 
avec  la  majorité  royaliste,  et  fut  nom- 
mé grand-prévôt  de  la  Haute-Vienne. 
Après  la  suppression  des  cours  pré- 
vôtales  en  1818,  il  se  retira  dans  son 
pays  natal,  et  c'est  là  qu'il  mourut 
vers  1830.  B— p. 

Pl'ISET  (Hugues,  sire  du),  vi- 
comte de  Chartres,  comte  de  Saphe, 
vécut  sous  les  règnes  de  Philippe  l^^ 
et  de  Louis-le-Gros.  H  fut  toujours 
en  bonne  intelligence  avec  le  pre- 
mier, parce  qu'il  favorisa  les  rela- 
tions de  ce  monarque  avec  Bertrande 
de  Monlfort,  et  à  leur  instigation  lit 
même  emprisonner  dans  son  château 
du  Puiset  l'évêque  de  Chartres,  Yves, 
qui  avait  refusé  le  concours  de  son 
autorité  spirituelle  à  leur  union  illé- 
gitime {voy.  Yves  (sainl),  LI,  5ti). 
On  poussa  la  vengeance  jusqu'à  lais- 
ser le  saint  évêfjue  manquer  de  pain. 
Les  Char(r;iins,   indignés,  avaieni 


PUI 

formé  le  dessein  d'aller  le  délivrer  ; 
mais  Yves  les  en  détourna  par  une 
lettre  admirable  (l)  qui  nous  a  été 
conservée.  En  1108,  le  sire  du  Puiset 
leva  l'étendard  de  la  révolte  contre 
Louis-le-Gros,  successeur  de  Philippe. 
Mais  le  roi  lui-même  investit  le  châ- 
teau du  Puiset,  se  saisit  de  la  per- 
sonne de  Hugues  et  le  retint  prison- 
nier. Celui-ci  n'obtint  sa  délivrance 
du  Château-Landon,  où  il  avait  été 
enfermé,  qu'en  cédant  à  son  vain- 
queur le  comté  de  Corbeil,  dont  il 
devait  être  l'héritier.  Aidé  du  comte 
de  Blois,  le  sire  du  Puiset  recom- 
mença ses  hostilités,  mais  il  ne  fut 
pas  plus  heureux  dans  cette  nouvelle 
agression.  Louis  assiégea  le  château 
du  Puiset,  battit  complètement  le 
comte  de  Blois,  lequel  s'était  avancé 
pour  secourir  la  place  qui  fut  em- 
portée et  rasée  ensuite  jusqu'à  ses 
fondements.  Dans  un  des  combats 
qui  eurent  lieu  entre  les  troupes 
royales  et  les  vassaux  révoltés,  le 
sire  du  Puiset  avait  tué  de  sa  propre 
main  Anselme  de  Garlande,  sénéchal 
et  favori  du  monarque,  ce  qui  avait 
accru  les  ressentiments  de  celui-ci 
contre  un  vassal  félon.  Ne  se  croyant 
plus  en  sûreté  sur  les  terres  de 
France,  Hugues  prit  le  parti  de  se 
rendre  dans  la  Palestine,  mais  il 
mouruten  chemin.  Tels  sont  les  prin- 
cipaux faits  que  les  annales  nous 
aient  transmis  sur  le  sire  du  Puiset. 
11  semble  n'avoir  mérité  qu'en  partie 
le  titre  de  fameux,  que  lui  a  décerné 
l'un  de  nos  savants  collaborateurs 
qui  avait  promis  de  lui  consacrer  un 


(i)  Yfonis  carnotensii  epittolœ.  Pari*, 
i')85,  iii-.',°,  feuillet  97,  lettre  loo.  On  y  rv 
in.Trqiie  ce  pnssage  :  <<  Nec  enim  decens  tst  ut 
«  qui  armit  bellicis  ad  episcopatum  non  vtni , 
"  arinis  bellicis  recuperam,  quod  non  est  pas- 
«  toris  ttd  invasorii...  et  nolilc  tribulationtm 
"  meam  itlitna  cumulait  mistria,  » 


PUI 

article  et  dont  nous  acquittons  au- 
jourd'hui la  dette.         L— M— X. 

PUISSANT  (Louis),  habile  mathé- 
maticien français,  naquit  le  22  septem- 
bre 1769  à  la  ferme  de  laGastellerie, 
près  du  Châtelet,  en  Champagne.  Il 
était  encore  en  bas  âge  quand  il  eut 
le  malheur  de  perdre  et  son  père  et 
sa  mère,  petits  cultivateurs  qui  ne 
lui  laissèrent  en  quelque  sorte  au- 
cune fortune;  mais  il  rencontra  un 
protecteur  dans  le  receveur  de  Châ- 
teau-Thierry, FournierDu  Pont,  qui 
avait  eu  avec  ses  parents  des  rela- 
tions intimes,  et  qui  le  recueillit.  Son 
éducation  fut  peu  coûteuse  et  peu  lon- 
gue; il  resta  deux  ou  trois  années 
dans  nn  petit  pensionnai  à  Château- 
Thierry,  puis  alla  s'inilier  au  latin 
près  d'un  vénérable  curé  des  en- 
virons. On  comptait  alors  le  faire 
entrer  un  peu  plus  tôt,  un  plus  tard 
au  petit  séminaire;  mais,  de  très- 
bonne  heure,  Puissant  laissa  percer 
une  autre  vocation,  et,  dès  l'âge  de 
13  ans,  il  fut  placé  chez  un  notaire 
arpenteur  de  Château-Thierry.  Non- 
seulement  il  s'y  rompit  en  peu  de 
temps  à  la  pratique  des  calculs  usuels, 
mais  ses  dispositions  pour  les  ma- 
thématiques se  révélèrent  à  lui,  et  il 
sentit  plus  vivement  le  besoin  de 
connaître  la  science  par  principes. 
Animé  par  le  désir  d'y  parvenir,  il 
réussit  à  se  procurer  quelques  ou- 
vrages élémentaires,  mais  il  lui  fallut 
renoncer  à  se  faire  enseigner  par  un 
maître,  et  il  étudia  tout  seul,  bien 
que   ses  progrès    ne  fussent  point 
assez  marqués  pour  lui  permettre  de 
se  sufBre  à  lui-même,  et  qu'il  eût 
encore  au  bout  de  quatre  ans  des  in- 
quiétudes sur  son  avenir,  inquiétudes 
qui  influèrent  fortement  sur  son  hu- 
meur, et  lui  laissèrent  toujours  une 
teinte  de  mélancolie.  L'ingénieur  des 
ponts-et-chanssées  d'Agen.  Lomet, 


PUI 


135 


remarqua  son  aptitude,  ie  prit  en 
amitié  (1786),  et,  se  chargeant  de  lui 
donner  les  moyens  d'instruction  aux- 
quels le  jeune  homme  aspirait,  il 
rattacha  aux  opérations  géodésiqucs 
et  autres  qui  formaient  l'objet  de  ses 
fonctions.  Puissant,  dans  cette  nou- 
velle position,  non-seulement  put  se 
perfectionner  par  une  pratique  plus 
élevée,  plus  compliquée  et  plus  va- 
riée, qui    le  familiarisait  avec  les 
meilleurs  instruments  et  les  meil- 
leurs procédés;  il  put  aussi  lire  et 
méditer  les   ouvrages   scientifiques 
de   la  bibliothèque  de  son  patron. 
Après   quatre  ans  ainsi   passés,  il 
était  véritablement  fort  habile   en 
mathématiques,  et  Lomet  se  plaisait 
à  reconnaître   que  son   second    en 
savait  plus  que  lui.  Cependant  la  ré- 
volution  était  venue  et  toutes  les 
existences  étaient  remises  en  ques- 
tion. Lomet  se  vit  obligé  de  quitter 
le  service  civil  pour  entrer  dans  les 
cadres  militaires,  et  Puissant,  ne  pou- 
vant guère  faire  autrement  que  de 
suivre  son  exemple,  prit  parti  de 
même  à  l'armée  des  Pyrénées-Orien- 
tales, et  obtint  une  commission  d'in- 
génieur géographe  qui  l'attachait  à 
l'état-major.  Quatre  à  cinq  ans  s'é- 
coulèrent ainsi  pour  lui  et,  comme 
on  sait,  les  années  les  plus  critiques 
de  la  révolution.  Quand  en  1795  la 
paix  de  Bâie  eut  fait  poser  les  armes 
entre  la  République  française  et  l'Es- 
pagne ,  il  fut  appelé  au  dépôt  de  la 
guerre ,  et  quelque  temps  il  suivit  le 
cours  d'analyse  transcendante  de  La- 
grange  et  de  Fourier,  après  quoi  il 
concourut  pour  une  place  de  profes- 
seur de  mathématiques  à  l'école  cen- 
trale de  Lot-et-Garonne.  Ses  efforts 
furent  couronnés  de  succès  et,  avant 
la  fin  de  cette  même  année  1 795,  Agen 
le  voyait  dans  la  chaire  <i"'ii  ->^  'il 
ambitionnée.  Sa  position 


u$ 


PLI 


des  loisirs.  11  s'empressa  de  prou- 
ver aux  géomètres  par  un  premier 
ouvrage  qu'il  les  consacrait  à  l'étude  ; 
et  c'est  ainsi  que  parurent  ses  Pro- 
positions de  géométrie  résolues  et 
démontrées  par  Va  'alyse  algébrique^ 
connues,  depuis  sous  le  titre  de  Géo- 
métrie de  Puissant.  Cet  essai  le  classa 
de  prime  abord  au  nombre  des  hom- 
mes les  plus  habitués  aux  formules 
et  aux  procédés  de  la  trigonométrie  ; 
et  lorsqu'en  1802  les  écoles  centrales 
cessèrent  d'exister,  non-seulement  il 
fut  placé  derechef  au  bureau  de  la 
guerre,  mais  encore  il  fut  envoyé  à 
l'île  d'Elbe  pour  lever  la  carie  de 
cette  nouvelle  dépendance  de  la  Répu- 
blique française,  atin  de  la  rattacher 
au  continent  et  à  la  Corse,  et  pour 
en  dessiner  différentes  vues.  11  s'ac- 
quitta de  cette  mission  à  son  honneur, 
et  en  s'y  livrant  il  approfondit  les 
théories  d'astronomie  et  de  géodésie, 
bases  de  ses  opérations,  et  prépara 
d'importants  matériaux  pour  ces  deux 
sciences.  De  l'île  d'Elbe  il  passa  la 
même  annéeà  Milan,  pour  y  travailler 
à  la  triangulation  de  la  République 
cisalpine.  Des  rapports  avantageux 
faits  sur  la  manière  dont  il  effectua 
sa  double  tâche  lui  valurent  en  1803 
le  grade  de  chef  d'escadron  au  corps 
des  ingénieurs  géographes  avec  la  per- 
mission de  rrtouriier  en  France.  Mais 
l'organisation  de  ce  corps  n'étant 
encore  rieii  moins  quedélinitive,c'est 
eu  vain  (ju'il  souhaita  une  position  a 
Paris  même  -,  il  fallut  qu'il  se  con- 
tentât de  la  chaire  de  mathématiques 
k  l'école  militaire  de  Fontainebleau 
(1804).  Enfin,  au  bout  de  cinq  ans, 
il  put  revenir  dans  la  capitale.  Le 
corps  des  ingénieurs  géographes 
avait  été  reconstitué  militairement; 
il  y  rentra,  toujours  avec  l'épaulettc 
de  chef  d'escadron,  et  fut  nonmu; 
professeur  de  géodésie  et  chef  des 


PUl 

études  à  l'école  d'application  de  ce 
corps,  fonctions  qu'il  exerça  plus  de 
vingt  années,  soit  avec  ce  grade,  soit 
avec  celui  de  lieutenant-colonel.  Il  y 
rendit  des  services  essentiels  en  coo- 
pérant à  la  formation  de  ce  grand 
nombre  d'hommes  spéciaux  pour  la 
géodésie  que  la  France  montre  avec 
orgueil  aux  étrangers;  et  tout  en  va- 
quant il  ces  travaux  d'obligation,  il 
ne  cessa  de  faire  d'utiles  publications, 
soit  en  rééditant  des  livres  qu'il  met- 
tait au  niveau  des  connaissances  du 
jour,  soit  en  communiquant  au  pu- 
blic ses  propres  recherches  ou  en 
rédigeant  des  traités  méthodiques  et 
complets  de  la  science.  Depuis  long- 
temps ces  divers  ouvrages  avaient 
préparé  son  entrée  à  l'Académie  des 
sciences,  lorsque  le  3  nov.  1828  il  y 
fut  appelé  pour  succéder  à  Laplace, 
et  bientôt  il  devint  membre  et  se- 
crétaire du  comité  du  dépôt  de  la 
guerre,  et  de  la  commission  royale 
de  la  nouvelle  carte  de  France.  Sa 
vie  depuis  ce  moment  ne  présente 
d'autre  incident  que  le  débat  qu'il 
souleva  en  1836  à  propos  de  la  me- 
sure de  l'arc  du  méridien  entre  Paris 
et  Formentera,  en  annonçant  qu'elle 
présentait  une  inexactitude  d'environ 
100  toises.  Malgré  la  résistance  de 
l'éloquent  secrétaire  de  l'Académie, 
c'est  à  Puissant  que  demeura  l'avan- 
tage. Cet  habile  géomètre  mourut  le 
11  janvier  1843.  Il  était  chevalier  de 
Saint-Louis  et  officier  de  la  Légion- 
d'Honneur.  Il  fut  remplacé  à  l'Acadé- 
mie par  M.  Lamé  et  au  bureau  de  la 
carte  de  France  paj*  M.  Corabœuf,  avec 
lequel  il  avait  fait  quelques  travaux. 
Puissant  avait  l'humeur  un  peu  taci- 
turne etmélaiicolique,  et  il  n'était  pas 
difficile  de  reconnaître  en  lui  l'hom- 
me incessamuu'ul  préoccupé  de  cal- 
culs et  (le  mesures.  Mais  il  était  la 
loyauté,  la  probité  même.  Il  délestai  I 


PUl 

lecharlatanisme.Oadoit  avouer  qu'il 
ne  brillait  pas  par  la  parole,  et  qu'il 
n'affichait  pas  des  prétentions  ency- 
clopédiques. C'était  danstoute  la  force 
du  terme  une  spécialité  réunissant 
tous  les  avantages  et  toutes  les  imper- 
feciionsdes  spécialités.  On  a  de  lui  : 
I.  Traité  de  géodésie,  ou  Expofition 
des  méthodes  trigonométriques  et 
astronomiques  relatives  soit  à  la 
memre  de  la  terre,  soit  à  la  confection 
des  canevas  des  cartes  et  des  plant 
topographiques,  Paris,  1805,  ^-4", 
2«  éd.,  I8iy,  2  vol.  in-4°,  13  pi.  Cet 
ouvrage,  qui  fut  reçu  dès  son  appa- 
rition avec  un  applaudissement  uni- 
versel et  qui  obtint  une  mention  ho- 
norable dans  le  rapport  sur  les  prix 
décennaux,  est  demeuré  le  manuel 
de  tous  ceux  qui  s'occupent  de  la 
science  dont  Puissant  expose  et  coor- 
donne les  principes.  On  y  trouve  no- 
tamment la  théorie  complète  des  pro- 
jections. H  faut  y  joindre  le  Supplé- 
ment au  Traité  de  géodésie,  contenant 
de  nouvelles  remarques  sur  plusieurs 
questions  de  géographie  mathémati- 
que et  sur  f  application  de  mesures 
géodésiques  et  astronomiques  à  la  dé- 
termination de  la  figure  de  la  terre, 
Paris,  1827,  in-4»,  11.  Traité  de  topo - 
graphie,  d'arpentage  et  de  nivelle- 
ment,  Paris,  1807,  in-4''  (auquel  il 
faut  joindre  le  Supplément  au  2'  livre 
du  Traité  de  topographie  contenant 
la  théorie  de  la  projection  des  cartes, 
1810,  in-4°),  2*  édit.  (tant  du  Traite 
que  du  Supplément),  Paris,  1820, 
in-4',  9  pi.  11  en  est  de  cet  ouvrage 
comme  du  précédent.  Mentionné  très- 
honorablement  par  les  rapporteurs 
des  prix  décennaux,  il  est  encore 
pour  l'arpenteur  ce  que  le  Traité 
de  géodésie  est]  pour  le  topogra- 
phe, m.  Recueil  de  diverses  propo- 
sitions de  géométrie^  résolues  et  dé- 
montrées par  l'analyse  algébrique, 


PDI 


137 


1801,  3,  édit.,  1824,  in-8o,  6  pi.  On 
a  dit  ci-dessus  que  ce  fut  son  pre- 
mier ouvrage.  Il  s'y  trouve  plusieurs 
solutions  très-élégantes  et  très-re- 
marquables, et  au  total  c'est  un  des 
écrits  les  plus  propres  à  donner 
des  habitudes  mathématiques.  C'est 
ce  que  l'on  appelle  vulgairement 
la  Géométrie  de  Puissant.  IV.  Cours 
de  mathématiques  rédigé  pour  l'u- 
sage des  écoles  militaires,  2'  éd., 
revue  et  augmentée,  Paris,  1813, 
3*  éd.  1832,  in-8°  (en  société  avec 
Allaize,  BoudrotetBilly,  professeurs 
de  mathématiques  à  St-Cyr).  C'est  en 
1809  que  ce  Cours  fut  rédigé ,  et  c'est 
encore  un  des  traités  élëmeotaires 
que  l'on  étudie  avec  le  plus  de  fruit. 

V.  Trigonométrie  appliquée  au  lever 
des  plans,  suivie  d^un  recueil  de  pro- 
positions de  géométrie  démomtt^es  par 
l'analyse,  Paris,  1809,  in-8°.  6  pi. 

VI.  Description  géométrique  de  la 
France  (3  vol .  in-4'>  formant  les  tomes 
VI,  Vil  et  \1I  bis  du  Ménwrial  du 
dépôt  de  la  guerre).  Cegrand recueil, 
qui  peut  être  regardé  comme  l'ex- 
pression la  plus  complète  des  travaux 
de  la  science  géodésique  en  France, 
contient  de  nombreux  exemples  d'ir- 
régularités qui  rendent  sensible  com- 
bien la  terre  diffère  d'un  ellipsoïde. 
Bien  que,  naturellement,  il  faille  sur- 
tout y  voir  un  beau  monument  à  la 
gloire  de  l'état-major  de  l'armée  fran- 
çaise, le  plus  instruit  de  l'Europe,  et 
que  Puissant  n'en  ait  guère  été  que  le 
rédacteur,  il  faut  remarquer  sa  pré- 
face qui  à  elle  seule  est  un  ouvrage, 
plus  quelques  mesures  qui  sont  com- 
munes à  M.  Corabœuf  et  à  lui.  VII. 
Mémoire  sur  une  nouvelle  méthode 
analytique  pour  déterminer  les  ef- 
fets de  l'aberration  sur  les  positions 
des  astres  (tom.  X  dn  Journal  de  VÉ- 
cole  polytechnique).  Vlll.  Trois  mé- 
moires dans  iQRecuùl  de  V Académie 


138 


PUI 


PUI 


des  Se,  savoir  :  1*"  Nouvel  essai  de 
trigonométrie  sphérique;  application 
du  calcul  des  probabilités  à  la  me- 
sure précise  d'un  grand  nivellement 
irigonométriqus  (tom.  X,  1831). 
2°  Second  mémoire  sur,  Vapplica- 
tion  du  calcul  des  probabilités  aux 
mesures  géodésiques  itom.  XI,  1832). 
3"  Nouvelle  délimitation  de  la  dis- 
tance moyenne  de  Montjouy  à  For- 
mentera,  dévoilant  l'inexactitude  de 
celle  dont  est  fait  mention  dans  les 
bases  du  système  métrique  décimal 
(tome  XVI  de  l'Acad.  des  Se,  1839).- 
C'est  dans  ce  morceau,  lu  le  18  mai 
1836,  qvfe  Puissant  annonça  que  les 
auteurs  de  la  grande  mesure  fran- 
çaise de  l'arc  du  méridien  compris 
entre  Dunkerque  et  l'île  de  Fermen- 
tera avaient  commis  l'inexactitude  de 
101  toises  à  laquelle  il  a  été  fait  al- 
lusion plus  haut.  L'erreur,  il  est 
vrai,  ne  portait  point  sur  la  partie  de 
Dunkerque  à  Paris,  qui  était  calculée 
par  deux  voies  différentes  (sur  la 
base  de  Melun  par  les  géomètres 
français  et  sur  celle  d'Anzin  par  le 
major  Roy,  auteur  d'une  prolongation 
de  l'arc  français  jusqu'à  Greeuwich); 
mais  de  Paris  à  Montjouy  il  y  avait  33 
toises  d'erreur  ,  et  de  Montjouy  à 
Fermentera  l'inexactitude  allait  jus- 
qu'à 68  toises.  Ce  résultat,  ainsi 
qu'on  peut  le  penser,  fit  grand  bruit, 
surtout  parce  que  les  deux  savants 
auxquels  est  due  la  triangulation  de 
Montjouy  à  Formentera  sont  encore 
vivants  et  que  l'un  d'eux  est  secré- 
taire de  l'Académie.  Après  des  dé- 
bats assez  animés ,  après  avoir  re- 
marqué que  l'erreur  pouvait  être  due 
non  aux  auteurs  de  la  mesure,  mais 
aux  calculateurs  qui  avalent  opéré  à 
Paris  sur  la  même  base,  mais  après 
avoir  reconnu  aussi  que  ces  calcula- 
teurs, au  nombre  de  trois,  Bouvard, 
Mathieu    cl   Burkhardl.  ayant   ira 


vaille  séparément,  avaient  obtenu 
des  résultats  identiques,  on  convint 
que  les  calculs  qui  avaient  servi  de 
base  à  la  mesure  seraient  refaits  par 
le  Bureau  des  longitudes,  et  M.  Lar- 
geteau ,  qui  fut  chargé  de  ce  difficile 
travail ,  se  servit  à  dessein  de  la  mé- 
thode diagonale  de  Delambre,  la- 
quelle, par  cela  qu'elle  différait  des 
deux  méthodes  que  Puissant  avait 
employées  de  son  côté,  était  la  plus 
propre  à  contrôler  le  nouveau  cal- 
cul. Il  reconnut  ainsi  qu'en  effet 
deux  causes  d'erreur  avaient  vicié  la 
mesure  primitive  ;  d'une  part ,  la  va- 
leur inexacte  de  l'azimuth  donné  par 
Delambre  ;  de  l'autre,  Tomission  vo- 
lontaire et  peu  réfléchie  de  l'angle 
compris  entre  les  méridiens  de  deux 
stations  éloignées  l'une  de  l'autre 
d'envir(^  1  degré.  Il  est  et  demeure 
ainsi  acquis  à  la  science  que  l'obser- 
vation de  Puissant  est  juste,  et  que 
conséquemment  le  quart  de  méridien, 
au  lieu  d'être  évalué  à  5,131,111.  4  t., 
comme  on  le  faisait  après  la  prolon- 
gation à  Greenwich  et  la  correction 
de  16  t.  par  degré  apportée  à  la  me- 
sure de  l'arc  faite  au  Pérou  par  Bou- 
guer,  doit  être  portée  à  5,131,658; 
que  le  mètre,  au  lieu  de  contenir 
443.295  lignes,  eu  contient  443.  37 
ou  {-^  en  sus  du  mètre  légal  ;  et  enfin 
queVaplatissement  de  la  terre,  décla- 
ré jadis  jjz  «près  la  mesure  de  Bou- 
guer  et  La  Condamine,  puis  j^  après 
la  correction  de  Delambre,  arrive, 
après  celle  de  Puissant,  à  5^,  chiffre 
bien  voisin  de  celui  de  j^  que  don- 
nait la  Métrologie  universelle  de 
1834.  On  a  encore  de  Puissant  les 
mémoires  et  opuscules  suivants  ,  la 
plupart  relatifs  à  la  confection  scien- 
tifique des  cartes:  i"  Méthode gcné 
raie  pour  obtenir  le  résultat  moyen 
d'une  série  d'observations  astrouo- 
niiques  faite»  avec  le  cercle  répéli- 


PUI 

ieur  de  Borda.  Paris,  1823,  in-4-. 
20  Mémoire  sur  la  projection  de  Cas  ■ 
sini,pour  servir  de  supplément  à  la 
théorie  des   projections    des  cartes 
géographiques^  Paris,  1812,  10-4». 
30  Principes  du  figuré  du  terrain  et 
du  lavis  sur  les  plans  et  cartes  topo- 
graphiques,  susceptibles  de  servir 
à  l'enseignement  du  bureau  dans  les 
écoles  de  service  public,  et  comparai- 
son des  différents  modes  proposés  à 
ce  sujet,  suivis  de  nouvelles  cartes 
géodésiques  relatives  à  la  construc- 
tion des  cartes^  1826,  in-4^  1°  et 
5°  Tableaux  pour  faciliter  le  calcul 
des  différences  de  niveau  dans  les 
opérations  topographiques ,  et  nou- 
velles tables  pour  calculer  les  diffé- 
rences de  niveau  (imprimés  par  ordre 
du    ministre  de  la  guerre),  1827, 
in-4°.  6"  et  70  Observations  sur  di- 
verses manières  d'exprimer  les  re- 
liefs du  terrain  dans  les  cartes  to- 
pographiques, suivies  d'une  réfuta- 
tion du  mémoire  de  M.  le  chevalier 
Bonne,  sur  le  même  sujet.  Paris, 
1815,  in-8°i  et  Observations  sur  la 
méthode  adoptée  en  topographie  pour 
figurer  le  terrain,,  Paris  ,  1817,  in-8°  ; 
8°  Instruction  sur  l'usage  des  ta- 
bles de  projection  adoptées  pour  la 
construction  du  canevas  de  la  nou- 
velle carte  de    la  France,    Paris, 
t821  ,   in -4»,    avec    une  planche. 
y"  Rapport  et  notice  sur  les  travaux 
géographiques  et  historiques  de  M. 
Denaix,  1833,  in-8°.  —  Ou  trouve 
encore  divers  articles  et  notices  de 
Puissant  dans  le  Bulletin  de  la  So- 
ciété philomatique,  dans  la  Connais- 
sance desTemps.  11  ne  faut  pas  oublier 
non  plus  qu'il  enrichit  d'additions 
importantes  la  jolie  édition  du  Traité 
de  la  sphère  et  du  calendrier  de  Ri- 
vard.  Enfin  on  lui  doit,  outre  ses  ou- 
vrages, un  instrument  de  perspec- 
iive  dit  le  Panorograpke .  à  l'aide 


PUJ 


139 


duquel  ii  est  possible  de  tracer  ri- 
goureusement sur  un  plan  un  déve- 
loppeniput  cylindrique  de  la  perspec- 
tive linéaire  de  tous  les  objets  qui 
environnent  l'horizon  du  spectateur. 
Cet  instrument,  applicable  à  la  con- 
struction de  tous  les  panoramas  et 
qu'approuva  l'Académie  des  Scien- 
ces, a  été  décrit  dans  le  tom.  IV  du 
Bulletin  de  la  Société  de  géogra- 
phie. P — OT. 

PUJADES  (le  Dr  JÉRÔME  (GfTo- 
fit'mo),  chroniqueur  catalan,  né  à 
Barcelone  le  30  sept.  1568  ,  était  tils 
du  D'  Michel  Pujades,  célèbre  juris- 
consulte de  la  ville  de  Figuères  (1). 
Après  avoir  terminé  sa  première  édu- 
cation avec  beaucoup  de  succès,  Jé- 
rôme Pujades  fut  envoyé  en  1585  à 
l'université  de  Lerida  pour  y  étudier 
le  droit  civil  et  canonique.  Reçu  en 
1591  boursier  au  collège  de  la  Con- 
ception de  la  même  ville,  il  y  obtint 
le  grade  de  docteur  dans  les  deux  fa- 
cultés, et  se  rendit  à  Barcelone,  où  i! 
fut  nommé  professeur  de  droit  cano- 
nique. Il  épousa  peu  après  une  fille  de 
Bernard  Puig,  auditeur  de  l'audience 
royale,  et  obtint  enfin  l'emploi  de  juge 
ordinaire  ou  assesseur  et  procureur- 
général  du  comté  d'Ampurias  qu'il 
remplit  jusqu'à  sa  mort  arrivée  vers 
1650.  Pendant  plus  de  quarante  an- 
nées, Pujades  consacra  tous  les  in- 
stants dont  ses  fonctions  lui  permet- 
taient de  disposer  à  visiter  les  archi- 
ves et  les  bibliothèques  publiques  et 
particulières,  surtout  celles  des  plus 


(i)  Le  D''  Michel  {Uiguel)  Pujades,  né  à 
Figuères,  originaire  de  Saiut-Felin  de  Gui- 
xoîs,  embrassa  la  carrière  du  barreau  après 
avoir  fait  d«  boones  études  à  l'uniTersité  de 
Barcelone,  où  il  fut  l'élèTc  du  savant  D''Cos- 
me  Damian  Hortola.  Ou  a  de  lui,  en  idiome 
catalan,  un  Traite  du  droit  de  préséance  (Trv- 

lADO    DE    LAS   PROCfDLItTlAS ,  etc.)    dej  toit 

d'Àmgon  tontre  lt>  roii  dt  Franct,  qu'il  tcii- 
^il  en  iSiô. 


140 


PUJ 


PUJ 


anciens  monastères,  afin  d*y  recueillir 
des  mate'riaux  pour  une  histoire  de  la 
Catalogne,  qu'il  avait  toujours  eu  le 
de'sir  de  publier.  Ce  fut  par  suite  de 
ses  laborieuses  et  longues  investiga- 
tions qu'il  parvint  k  réunir  enfin  une 
collection  extrêmement  riche  de  do- 
cuments historiques,  dont  quelques- 
uns  étaient  peu  connus  et  d'autres 
tout  à  lait  ignorés.  Ces  documents, 
la  plupart  originaux  et  inédits,  lui 
servirent  à  composer  la  Chronique 
universelle  de  Catalogne^  dont  la 
première  partie,  qui  contient  les  faits 
arrivés  depuis  les  temps  les  plus  re- 
culés jusqu'en  719,  écrite  en  catalan 
et  publiée  dans  le  même  idiome  à 
Barcelone,  forme  un  volume  in-fol. 
Les  secondes  et  les  troisièmes  par- 
ties, qui  s'étendent  jusqu'à  l'an  1162, 
ont  été  écrites  en  langue  castillane, 
ainsi  que  les  matériaux  nécessaires 
pour  les  continuer  jusqu'au  temps 
où  vivait  l'auteur.  A  la  mort  de  Pu- 
jades,  tous  les  manuscrits  restés  en 
la  possession  de  sa  femme  et  de  ses  fils 
furent  confiés  au  célèbre  Pierre  de 
Marca  (2),  envoyé  en  Catalogne  par 
Louis  XIV  en  qualité  d'intendant  de 
cette  province,  où  il  séjourna  depuis 
le  mois  d'avril  1644  jusqu'en  1651. 
{voy.  Mabca,  XXVI,  580).  Suivant  les 
écrivains  espagnols,  ce  prélat  les  ap- 


(a)  Le  père  Jayrtie  Yillanueva  «lit  dans  son 
Voyage  littéraire  det  églises  d'Espagne,  t.  VI, 
lettre  5o,  que  de  Marca  avait  obtenu  les  ma- 
nuscrits de  Pujades  lui-même,  qu'il  les  ap- 
j)orfa  a  Paris  et  y  prit  la  plupart  des  faits 
qu'il  racoute  non-senlemetit  sans  faire  con- 
uaitre  la  source  où  il  les  avait  puisés,  mais 
en  laissant  supposer  qu'il  avait  visité  lui- 
même  tous  les  lieux  dont  Pujades  fait  raen- 
tif)n.  On  vcrr.i  dans  la  note  suivante  qu'il 
n'est  pas  certain  que  de  Marca  ait  apporté 
en  France  les  manuscrits  originaux  de  Pu- 
jades; quant  au  reproche  fait  à  de  Marca,  il 
ne  nous  parait  point  fonde,  car  ce  n'est  pas  ce 
prélat,  mais Balu/.c,  son  secrétaire,  qui  a  ré- 
digé et  publié  ses  ouvrages  sur  hi  Catalogne. 


portaen  Fraiiceavecun  grand  nombre 
de  documents  précieux,  provenantdes 
archives  de  plusieurs  monastères  et 
églises  de  Catalogne,  et  quelques-uns 
mêmequi  lui  avaientété  communiqués 
par  l'archiviste  royal  de  la  couronne 
d'Aragon.  Il  n'est  pas  douteux  que  de 
Marca  y  a  puisé  d'utiles  informations 
pour  sa  Marca  hispanica,  son  His- 
toire du  Béarn  et  ses  Recherches  sur 
le  monastère  de  Monserrat.  Les  mê- 
mes écrivains  s'étonnent  avec    rai- 
son de  ce  que  de  Marca  n'a  pas  men- 
tionné avec  éloge  les  travaux  du  sa- 
vant et  modeste  Catalan,  dont  il  a  ce- 
pendant tant  profité,  et  ils  reprochent 
à  Etienne  Baluze,  son  secrétaire  et 
son  éditeur,  d'avoir  appelé  Pujades 
ignorant,  k  cause  de  quelques  légè- 
res négligences  que  ce  dernier  aurait  i 
commises,  sans  faire   attention  aTi 
temps  où  ce  chroniqueur  écrivait  et 
sans  rendre  hommage  à  son  admira- 
ble candeur.  Dalmases  prétend  avoir 
vu  en  1700,  dans  la  bibliothèque  de 
l'archevêque  de  Rouen,  le  manuscrit 
de  la  Chronique  de  Pujades,  qui  y 
aurait  été  déposé  après  la  mort  de 
de  Marca  (1662)-,  et  don  Félix  Torres 
Amat  pense  que  ce  même  manuscrit 
a   passé  ensuite  dans  la   bibliothè- 
que royale  de  Paris.  Nous  croyons 
devoir  indiquer  dans  nue  note    les 
causes  qui  ont  pu  induire  en  erreur 
les  deux  savants  catalans    (3).  En 

(3)  Il  paraît  que  de  Marc.T  apporta  en 
France  non,  ainsi  que  le  suppose  le  savant 
évèque  d'Astorga,le  manuscrit  original  delà 
Chronique  de  Pujades,  écrite  par  ce  dernier, 
en  partie  du  moins,  en  idiome  catalan,  mais 
seulement  la  traduction  de  cette  Chronique 
cil  lanp;uc  castillane.  On  ne  trouve  en  effet 
à  la  lîihliothcque  royale  de  Paris  que  trois 
exemplaires  manus<;rits  de  la  Chronique  de 
Pujades,  tous  trois  eu  espagnol.  Le  pre- 
mier, formant  quatre  volume»  in-fol.,  est 
eelul  que  de  Marca  légua  en  mourant 
(irt6?.),  avec  ses  autres  manuscrits,  i«  Kticnnc 
iialuze.  Il  fut  acquis  par  le  roi  à  la  mort  de 


PCJ 

1715  ,  don  Juan  de  Taberner  y  Dar- 
<!ena,  alors  chanoine  de  l'église  de 
Barcelone  et  depuis  évêque  de  Girone, 
se  trouvant  en  France  pour  des  af- 
faires de  famille,  par  suite  des  guer- 
res de  la  succession,  obtint,  entre 
autres  grâces,  du  roi  Louis  XIV,  la 
permission  de  prendre  une  copie  de 
la  Chronique  de  Pujades;  elle  formait 
i  vol.  in- fol.,  dit  Pedro  Serra  y  Pos- 
tias  (4),  qui  l'a  vue  en  1720  à  Bar- 
celone. En  1777 ,  don  Angel  Tara- 
zona,  chargé  à  celte  époque  du  Dia- 
rio  de  Barcelona,  publia  dans  un 
journal  hebdomadaire  la  traduction 
faite  par  !ui  en  castillan  de  la  pre- 
mière partie  de  la  Chronique,  qui  fut 


PUJ 


141 


Baluze  (1718",  et  porte  Us  no»  i68  à  171  du 
fonds  dit  de  Baluie  et  le  uo  10,010  (a,'J,4'.3) 
de  la  Bibliotb.  roy.  Il  est  précédé  d'uue  espèce 
d'introductioQ  da  traducteur  qui  ne  donne 
pas  son  nom,  mais  fait  connaître  seulement 
qu'il  était  Catalan  et  ué  à  Barcelone  :  Cata- 
lan fn*  nutitro  grau  poeta  Uoicom  .  y  Barce- 
lontscomo  jo,  etc.;  cette  introduction  a  pour 
titre  :  Quitn  tradaxo  la  Obra  al  Ltctor.  Cet 
exemplaire  comprend  ies  événements  depuis 
le  commencement  du  monde   jusqu'à  Tan 
n6i  de  J.-C.   Le  2*  exemplaire,  quoique 
composé  de  douze  Tolnmes,  ne  renferme  pas 
plus  de  matière  que  le  précédent,  dont  il 
est  la  copie  textuelle,  faite  d'après  les  ordres 
de  Coli>ert  et  pour  sa  bibliothèque  particu- 
lière, dont  Baluze  était  à  cette  époque  le 
bibliothécaire.  Il  porte  le«  d^  318  à  229,  du 
fonds  dit  de  Colbtrt  et  les  nos  10,010  A  jus» 
qu'à  M  de  la  Bibliothèque  royale.  Cest  pro- 
bablement cette  copte  que  Dalmases  à  vue 
en  1700  dans  la  bibliothèque  du  frère  de 
Colbert,  alors  archevêque  de  Rouen,  et  qui 
avait  hérité  des  livres  et  des  manuscrits   de 
sou  frère.  Pnjades  y  est  toujours  appelé  Pu- 
jadas.  Le  3'  exemplaire  enfin  .  composé  de 
quatre  volumes  in-foL,  n'est  qu'une  copie 
incomplète  de  la  copie  faite  pour  Colbert, 
car  elle  s'arrête  à  l'an  417-  Les  4  Toliunes 
portent  les  1,0»  1007  à  loio.  On  est  surpris 
de    l'omi^stoQ    commise    par     M.   Eugène 
Ochoa,  qui  ne  cite  pas  rtiemplaire  de  la 
Chronique  dePujades  en  donze  volumes,  dans 
soa  Calalogo  rvsonada  dé  lot  manutcriiot  »• 
panoles  ezisteutet    en   la  Biblioteca    real  de 
Pjris,  imprimé  en  1844  à  notre  imprimerie 
royale. 

{^)  Fàtesvs  de  foi  AnftUs,  p.  3r-. 


imprimée  en  6  vol.  in-8»,  avec  privi- 
lège royal  (5).  Cette  traduction,  quoi- 
que faite  avec  beaucoup  de  précipita- 
lion  et  remplie  d'erreurs,  eut  un  grand 
succès  en  Espagne  ;  mais  elle  a  cessé 
d'être  recherchée  depuis  la  publica- 
tion faite  au  commencement  de  ce 
siècle  par  le  savant  et  consciencieux 
don  Felii  Torres  .Vmat,  évêque  d'As- 
torga,  avec  le  concours  de  don  Al- 
berto Pujol,  chanoine  de  Santa-Anna, 
et  de  don  Prospero  Bofarull,  archi- 
viste royal  de  la  couronne  d'Aragon. 
Les  savants  espagnols  qui  ont  parlé 
de  la  Chronique  de  Pujades,  tout  en 
reconnaissant  que  son  style  est  né- 
gligé et  qu'il  manque  quelquefois  de 
critique,  rendent  justice  à  son  ex- 
trême bonne  foi  et  à  sa  rare  exac- 
titude.  Aucun    écrivain    n'a ,   sui- 
vant eux,  réuni  autant  de  matériaux 
pour  une  histoire  de  la  Catalogne  ;  et 
ils  regrettent  tous  que  Mariana,  Mas- 
deu  et  les  autres  historiens  ne  les 
aient  pas  eus  à  leur  disposition,  car 
ils  auraient  évité  beaucoup  d'erreurs 
et  d'équivoques.  «  C'est,  au  juge- 
ment de  l'Académie  royale  d'histoire 
de  Madrid,  une  mine  extrêmement 
riche,  que  tous  les  historiens  fu- 
turs de  l'Espagne  exploiteront  avec 
fruit.  Le  père  Marcillo,  dans  sa  Cri- 
sis  de  Cataluûa,  dit  qu'on  doit  à 
Pujades  un  Discours  sur  l'assistance 
des  conseillers  de  Barcelone  et  les 
syndics  de  la  généralité  de  Catalogne, 
imprimé  dans  celle  ville  en  1621  eu 
1  vol.  in-4''.  On  a  aussi  de  lui  quel- 
ques poésies  parmi  lesquelles  on  cite  : 
I.  El  pastor  deRemolar,  écrit  eu  ca- 
talan à  l'occasion  de  la  canonisa- 
tion de  sainte  Thérèse.  II.  Un  son- 
net en  castillan  en  l'honneur  de  don 

(5)  On  voit  par  la  note  3  qne  cette  tra- 
doctioa  était  déjà  faite  depuis  loBg-tenps  ; 
il  n'j  avait  tout  au  |ilus  qu'a  la  revoir  et  a 
l'imprimer  en»nite. 


142 


PUJ 


Jayme  Tristany,  auteur  de  VEnrichi- 
dion,  et  de  sa  patrie.  III,  Les  Inscrip- 
tions qu'il  composa  sur  la  demande 
deColoma,évêque de  Barcelone,  pour 
être  place'es  au  bas  des  portraits  de 
ses  prédécesseurs.  Notre  respectable 
et  savant  ami  don  Félix  Terres  Amat, 
évêque  d'Astorga,  membre  des  diffé- 
rentes académies  d'Espagne,  a  con- 
sacré une  notice  à  Pnjades  dans  ses 
Memorias  para  ayudar  à  formar  un 
Diccionario  critico  de  los  escritores 
Catalanes,  dont  il  a  eu  la  bonté  de 
nous  envoyer  un  exemplaire;  elle 
nous  a  servi  à  rédiger  cet  article. 
D— z— s. 
PUJOL  (Alexis),  médecin,  naquit 
au  Poujol,  près  Béziers,  le  lO  oct. 
1739.  Son  père,  avocat  au  parlement 
de  Toulouse,  le  .destinant  à  l'état  ec- 
clésiastique, l'envoya  dans  cette  ville 
pour  terminer  ses  humanités  et  pour 
étudier  la  théologie;  mais  le  jeune 
élève,  entraîné  vers  une  autre  carriè- 
re, suivit  des  cours  de  médecine,  prit 
le  grade  de  docteur  en  1762,  et  se 
rendit  ensuite  à  Montpellier,  afin  de 
perfectionner  ses  connaissances  mé- 
dicales. Après  avoir  exercé  son  art  à 
Bédarrieux,  il  fut  appelé  à  Castres 
par  l'évêque  diocésain  à  qui  il  avait 
donné  des  soins  aux  bains  de  Lama- 
Ion.  Déjà  connu   avantageusement, 
Pujol  obtint  le  titre  de  médecin  du 
roi  à  rhôpital  de  Castres  ;  il  coucou- 
t-ut  pour  les  prix  proposés  par  la  So- 
ciété royale  de  médecine  de  Paris,  et 
en  remporta  plusieurs.  En  1786,  l'a- 
cadémie d'Ârràs  le  reçut  au  nombre 
de  ses  membres.  Il  mourut  à  Castres, 
le  15  sept.  1804.  Ses  écrits  consistent 
en  mémoires,  dissertations  et  obser-. 
valions  sur  diverses  sortes  de  mala- 
dies. L'auteur  les  avait  réunis  et  pu- 
bliés àCastres,1802, 4  vol.  in-S"  ;  mais 
celte  édition,  imprimée  en  province, 
eut  peu  de  succès.  M.  le  docteur  Bois- 


PUJ 

seau  en  a  donné  une  nouvelle,  sous 
le  titre  d'OEuvres  de  médecine  prati- 
que de  Pujol,  avec  une  notice  sur  la 
vie  et  les  travaux  de  l'auteur,  et  des 
additions,  Paris,  1823,  4  vol.  in-8°. 
Cette  réimpression  fut  accueillie  fa- 
vorablement, et  Broussais,  en  l'an- 
nonçant dans  ses  Annales  de  la  mé- 
decine physiologique  (janv.   1823), 
parla  avec  éloge  de  Pujol  et  de  son 
éditeur.    Les   principaux   opuscules 
composant  cette  collection  sont  :  Dis 
sertation  sur  les  maladies  de  la  peau 
relativement  à  l'état  du  foie,  cou- 
ronnée par  la  Société  royale  de  mé- 
decine de  Paris  en  1786;  Essai  sur 
le  vice  scrofuleux,  qui  obtint  l'acces- 
sit en  1786;  Dissertation  sur  l'art 
d'exciter  et  de  modérer  les  fièvres 
pour  la  guérison  des  maladies  chro- 
niques, couronnée  en  1787;  Mémoire 
sur  la  nullité  médicale  des  amulettes 
d'Âimont  et  l'utilité  du  magnétisme 
minéral  employé  comme  remède,  ap- 
prouvé par  la  Société  royale  de  mé- 
decine, en  1787,  pour  être  imprimé 
sous  son  privilège  ;  Essai  sur  les  ma- 
ladies héréditaires,  mentionné  hono- 
rablement en  1790;  Essai  sur  les 
maladies  propres  à  la  lymphe  et  aux 
voies   lymphatiques ,  couronné  en 
1790  ;  Essai  sur  les  inflammations 
chroniques  des  viscères,  ouvrage  im- 
portant pour  lequel  Pujol  obtint  une 
médaille  d'or  en  1791,   et  où  l'on 
trouve  une  doctrine  analogue  à  celle 
que  Broussais  a  développée  dans  son 
Histoire  des  phlegmasies  ;  Essai  sur 
la  nature  du  vice  rachitique  et  sur 
les  indications  essentielles  et  acces- 
soires que  ce  vice  offre  à  remplir,  en- 
voyé à  la  Société  royale  de  médecine, 
peu  de  temps  avant  la  suppression 
des  sociétés  académiques  ;  c'est  un 
des  meilleurs  systèmes  publiés  jusqu'à 
présent  sur  le  rachitisme.  On  doit 
encore  à  Pujol  un  opuscule  intéres- 


PUL 

sant  et  devenu  rare,  qui  n'a  pas  été 
compris  dans  la  collection  de  ses  œu- 
vres; il  est  intitulé:  Essai  sur  la 
maladie  de  la  face  nanwiée  le  tic  dou- 
loureux y  avec  quelques  réflexions  sur 
le  raptus  caninus  de  Ccelius  Aurelia- 
nus,  Paris,  1787,  in-12.  Z. 

PULAWSIvI   (Joseph),    célèbre 
patriote  polonais ,  l'auteur  premier 
de  la  confédération  de  Bar,  naquit 
vers  1705.    Il  était  d'assez  chéiive 
noblesse,  et  les  biens  dont  il  hérita 
étaient  grevés  d'hypothèques  ei  de 
procès  qui  en  réduisirent  considé- 
rablement le  revenu.  Heureusement 
il  était  doué  à  un  rare  degré  de  l'esprit 
des  affaires  :  souple,  pénétrant  et 
subtil ,  ayant  de  plus  à  son  service 
une  admirable  mémoire,  il  s'appliqua 
au  droit,  prélude  obligé  de  plusieurs 
des  carrières  libérales  et  réservées 
aux  nobles ,  et  il  devint  peut-être 
l'homme  de  la  république  le  plus 
habile  à   manœuvrer  au  milieu  du 
dédale  des  lois  polonaises.   Il  com- 
mença par  mener  à  bien  ses  propres 
affaires  ;  et,  plus  à  l'aise  de  ce  côté, 
il  essaya  pour  celles  des  autres  ce 
qu'il  avait  fait  pour  les  siennes  :  il 
acheta  souvent  à  prix  minime  tantôt 
des  créances,  tantôt  des  droits  de 
propriété  menacés  par  les  créanciers, 
et  des  procès  qu'il  se  rendait  ainsi 
personnels,  neuf  sur  dix  étaient  jugés 
en  sa  faveur.  Nous  ne  prétendrons 
pas  qu'au  choix  de  ces  affaires  liti- 
gieuses présidât  toujours  la  dernière 
délicatesse,  mais  il  ne  faudrait  pas 
non   plus  accueillir  comme  incon- 
testables les  exagérations   en  sens 
contraire,  lesquelles  viennent  de  ses 
ennemis  et  que  Ton  ne  saurait  guère 
vérifier  aujourd'hui.  Ce  qu'il  y  a  de 
certain,  c'est  qu'il  s'acquit  graduelle- 
ment par  ces  moyens  uue  très-belle 
fortune  et  qu'il  acheta  la  starosliede 
NVarka.  Beaucoup  de  riches  seigneurs 


PUL 


145 


au  reste  lui  remirent  aussi  la  con- 
duite de  leurs  procès  et  s'en  trou- 
vèrent bien.  C'est  ainsi  que  pendant 
un  temps  il  eut  pour  clients  les  Czar- 
toryski.  Ceux-ci,  dit-on,  eurent  à 
se  plaindre  de  lui ,  et  ils  lui  retirèrent 
leur  confiance  avec  des  formes  qui 
témoignaient  un  très -vif  mécontente- 
ment. De  là  peut-être   la  haine  de 
Puldwski    contre   Stanislas-.4uguste 
qui,  comme  un  le  sait,  était  neveu 
des  Czartoryski,  et  ses  liaisons  avec 
le  parti  des  républicains  (  Radziwil , 
Mokranowski,  etc.).  On  lui  repro- 
chait de   manquer  de  bravoure  et 
d'opposer  un  calme  presque  inalté- 
rable à  des  outrages  dont  il  était 
l'objet,  à  tel  point  qu'on  regardait 
celte  impassibilité  comme  un  cynique 
étalage  de  lâcheté.  .Mais  les  évène 
ments   postérieurs  out  mis  trop  au 
jour  le  courage  de  Pulawski  pour 
qu'il  ne  soit  pas  évident  qu'en  géné- 
ral les  injures  dont    on    parle  ici 
venaient  de  personnes  engagées  dans 
des  débâts  judiciaires  contre  lui,  et 
qu'il   ne  voulait  pas  compromettre 
sur  ce  terrain  un  succès  dont  il  était 
à  peu  près  sûr  devant  les  tribunaux. 
On  a  même  prétendu  que,  partisan  de 
Stanislas  Leszcziiiski ,  lors  de  la  se- 
conde élection  de  ce  monarque  eu 
1733,  il  combattit  pour  lui  avec  un 
corps  de  milices  de  famille  jusqu'à 
ce  que  le  triomphe  d'Auguste  UI  fût 
assuré  :  le  fait  n'a  ritn  d'impossible  ; 
^  mais  il  serait  absurde  d'admettre  que 
ce  corps  eût  été  levé  à  ses  dépens  et 
montât  à  quatre  ceuts  hommes,  car 
à  coup  sûr  il  était  loin,  à  celte  épo- 
que ,  de  posséder  les  ressources  qui 
eussent  été  indispensables  puur  faire 
face,nefût-ce  que  trois  niois,à  l'entre- 
tien de  cette  troupe.  Dans  l'inter- 
règne du  1*'  octobre  1763  au  17  sep- 
tembre   1764,  Pulawski  se  montra 
très-opposé,  mais  sans  caractère  offi- 


Ui 


PUL 


ciel,  aux  candidatures  qui  tenaient 
plus  ou  moins  directement  à  la  mai- 
son Czartoryski,  c'est-à-dire  à  celle 
d'Adam  Czartorysky  (le  fils  du  prince 
Auguste),  à  celle  de  son  cousin  Ponia- 
towski  (Stanislas  II),  à  celles  d'O- 
ginskiet  de  Lubomirski,  gendres  des 
deux  oncles  dece  dernier.  Quand,  en 
1767,  se  forma, sous  le  grand-référen- 
daire Podoski,  la  confédération  des 
]\lalcontents,  dont  le  but  tendait  au 
renversement  de  Stanislas  ,  et  que 
Catherine,  dans  les  commencements, 
favorisait  en  secret ,  il  en  fit  partie  à 
titre  de  nonce  ;  et  quand  plus  tard 
cette  réunion  de  180  confédérations 
particulières  fut  transférée  de  Radom 
à  Varsovie,  conformément  aux  ordres 
du  prince  Repnine,  il  l'y  suivit.  Mais 
déjà  Catherine  avait  changé  et  ne 
voulait  plus  que  Stanislas  fût  détrôné; 
dès  lors  évidemment  les  coalisés  de 
Radom,  que  leur  séjour  dans  Var- 
sovie tendait  à  soumettre  aux  in- 
fluences russes  ,  ne  pouvaient  plus 
guère  espérer  d'atteindre  leur  but. 
Aussi  leur  opposition  aux  idées  de 
Repnine  fut-elle  flagrante  dès  l'ou- 
verture de  la  diète  de  1767.  Pulaws- 
ki,  jusqu'à  ce  moment,  avait  à  peine 
été  remarqué  de  Repnine,  qui,  s'il  en 
avait  entendu  parler,  ne  voyait  en  lui 
qu'un  avocat,  c'est-à-dire  un  parleur. 
Cependant  comme  l'évêque  de  Craco- 
vie ,  Gaétan  Soltyk ,  le  logeait  dans 
son  palais  et  lui  témoignait  grande 
confiance,  il  soupçonna  que  la  dexté- 
rité de  cet  adroit  légiste  pourrait  de- 
venir redoutable.  11  chercha  l'occa- 
siou  de  l'humilier.  Un  jour  qu'il  lui 
parlait,  il  se  couvrit.  Pulawski  l'i- 
mite  à  l'instant.   Repnine   fait  un 
mouvement   pour  le  frapper,  mais 
sans  se  livrer  à  cette  première  im- 
pulsion.   Pulawski  garda  de  cette 
entrevue  un  ressentiment  profond. 


PUL 

auquel  du  reste  il  n'avait  pas  besoin 
d'être  excité.  Il  continuait  toujours 
ses  services  auprès  de  Soltyk,  notam- 
ment pour  les  relations  que  ce  prélat 
entretenait  avec  l'évêque  de  Kami- 
niec,  le  vénérable  Krasinski,  et  avec 
celui  de  Kiev,  Joseph-André  Zaluski 
(voy.  ce  nom,  LU,  62).  On  sait  qu'il 
y  avait  entre  Krasinski  et  ses  deux 
collègues  cette  différence  que  ces  der- 
niers faisaientde  l'opposition  ouverte, 
tandis  que  celle  de  l'évêque  de  Kami- 
niec  était  sourde.  Quand  Soltyk  et 
Zaluski  eurent  été  enlevés  pour  être 
conduits  en  Sibérie ,  Krasinski  de- 
vint le  chef  du  parti  patriote ,  et  Pu- 
lawski, fidèle  à  la  cause  polonaise, 
se  trouva  un  de  ses  agents  directs. 
Mais  il  n'en  subordonna  pas  plus  ses 
vues  à  celles  de  l'évêque ,  et  l'on 
aperçut  toujours  en  lui  l'homme,  de 
l'opposition  avancée  et  téméraire. 
En  effet ,  Krasinski  ne  voulait  d'in- 
surrection ,  de  confédération ,  que 
lorsque  les  Russes  auraient  évacué 
la  Pologne;  et,  bien  que  ceux-ci 
n'eussent  aucune  envie  de  s'en  reti- 
rer, il  était  rationnel  de  penser  que 
la  peur  d'une  guerre  avec  la  Porte 
devait  les  y  amener  (en  effet,  Cathe- 
rine en  donna  l'ordre  au  commence- 
ment de  1768).  Mais  Pulawski  regar- 
dait ces  ménagements  comme  inutiles 
et  même  comme  funestes,  d'une  part 
à  cause  des  pillages,  des  excès  de 
toute  nature  sans  cesse  commis  par 
les  Russes  en  pleine  paix,  de  l'autre 
parce  qu'il  pensait  que,  sous  un  pré- 
texte ou  sous  un  autre,  les  Russes 
perpétueraient  leur  séjour  dans  le 
royaume,  peut-être  enfin  parce  qu'il 
voyait  dans  l'insurrection  de  la  Po- 
logne contre  les  Russes  le  moyen  le 
plus  simple  de  mettre  fin  aux  tergi- 
versations du  sultan,  et  de  le  déter- 
n)iuer  à  faire  1;)  fiierre  nu  ozar  en 


PUL 

d^pit  de  SOS  ministres  vendus  et  de 
son  raoufti  gagne  aux  vues  de  la 
Russie.  Il  résolut  en  conséquence  de 
former  une  nouvelle  confédération 
ayant  le  même  but  que  celle  de  Ra- 
dom,  et  il  lui  destina  pour  chef  su- 
prême et  définitif  le  prince  Radziwil, 
alors  absent  et  proscrit,  pour  chef 
provisoire  le  comte  Krasinski,  frère 
de  l'évêque.  Ce  comte  avait  de  la 
fortune,  de  l'influence,  du  dévoue- 
ment, un  beau  nom,  et  n'était  pas 
difficileà  gouverner  :  Pulawski, même 
à  la  seconde  place,  n'en  devait  pas 
moins  être  l'âme  de  la  confédération. 
Muni  de  quelques  sommes  d'argent 
de  nobles  Polonais  auxquels  il  s'était 
ouvert  de  ses  projets  à  Varsovie, 
des  billets  de  crédit  de  quelques  au- 
tres sur  les  administrateurs  de  leurs 
biens,  et  surtout  des  signatures  qui 
lui  étaient  nécessaires  pour  que  les 
Turcs,  suivant  leur  promesse  à  l'é- 
vêque de  Raminiec,  avançassent 
100,000  ducats  à  la  republique,  il 
quitta  la  capitale  du  royaume  avec 
ses  trois  fils  et  son  neveu,  conjoin- 
tement avec  Krasinski  ;  et  après  être 
allé,  dans  une  de  ses  terres  aux  en- 
virons, faire  ses  adieux  à  sa  femme 
et  obtenir  d'elle  la  disposition  de 
tout  ce  qu'elle  avait  de  fortune  en 
propre,  il  se  rendit  à  Léopol,  dans 
la  Russie  polonaise  (aujourd'hui  la 
Galicie).  Dans  celte  ville  où  cha- 
que grand  de  la  Pologne  avait  son 
hôtel,  des  hommes  d'affaires  et  des 
régisseurs ,  il  trouva  beaucoup  de 
faveur  pour  ses  projets  :  l'archevê- 
que seconda  ses  démarches  ;  il  y  eut 
des  dames  qui  engagèrent  leurs  bi- 
joux pour  concourir  à  la  délivrance 
de  leur  patrie.  Mais  le  commandant 
de  Léopol  était  dévouéà  Poniatowski. 
Il  s'alarma  de  la  présence  simultanée 
de  Pulawski,  de  Krasinski,  et  des 
allées  et  venues  perpétaelles  du  pre- 

TXXVIII. 


PLL 


t45 


mier.  Les  deux  patriotes  alors  se  di- 
rigèrent vers  la  petite  ville  de  Bar 
en  Podolie,  à  cinq  lieues  de  Kaminiec, 
à  sept  des  frontières  turques,  et  ils  y 
posèrent  les  fondements  de  la  confé- 
dération de  Bar  (29  fév.  17G8).  Le 
manifeste  par  lequel  ils  se  déclarè- 
rent ainsi  eu  hostilité  armée  avec  le 
gouvernement  n'eut  d'abord  que 
huit  signataires,  dont  les  cinq  Pu- 
lawski et  Krasinski.  Conformément 
à  ce  qui  a  été  noté  plus  haut,  ce  der- 
nier reçut  le  titre  ostensible  de  maré- 
chal de  la  confédération,  tandis  qu'en 
réalité  les  confédérés  réservaient 
la  suprême  autorité  à  Radziwil,  et  ne 
voyaient  dans  Krasinski  que  son  sub- 
stitut (1).  Pour  Joseph  Pulawski,  il 
fut  chargé  des  fonctions  de  maréchal 
des  troupes  (2).  Le  but  de  cette  con- 


(i)  L'acte  qni  conférait  le  inarcchalat  aa 
prioce  Radziwil  fut  tenu  extrêmement  secret. 
C'est  par  un  a*  acte,  seul  de.^tiné  à  la  publi- 
cité, que  Krasinski  et  Pulawski  reçurent  cha- 
cun aussi  le  titre  de  maréchal.  Un  manifeste 
paraissait  en  même  temps,  dans  lequel  on  in- 
sistait particulièrement  sur  les  nombreuses 
TÏolutions  du  droit  des  gens,  commises  par 
Repnine,  sur  les  attentats  flagrants  portés  par 
lui  à  l'indépendance  et  à  la  souveraineté  de 
l'Etat,  et  sur  cette  étrange  garantie  que  la 
Russie  donnait  par  la  iKiucliede  cet  ambas- 
sadeur à  la  perpétuité  des  lois  nouvelles 
qui,  n'eussent-cUes  pas  été  imposées  et  ex- 
torquées par  la  violence,  n'en  auraient  pas 
moins  été  modifialiles  et  révocables,  si  la  na- 
tion polonaise,  dûment  réunie  et  i-eprésen- 
tée,  eût  entendu  les  révoquer  ou  les  modifier 
(voy.  la  pièce  u"  XXXII  annexée  comme  ap- 
pendice au  Manifeste  dt  la  république  conf'.- 
déréedu  rojraume  de  Pologne,  du  iSaovembre 
1769)- 

(a)  Dans  VHitloire  anonyme  des  rvvolutions 
de  Pologne  ,  au  commencement  du  livre  IV 
(tome  II,  pages  6  et  8},  il  est  fait  double 
emploi  du  nom  et  de  la  qualité  de  Pu- 
lawski En  effet,  il  est  question  d'une  con- 
fédératiou  de  Podolie,  ayant  pour  maréchal 
Pulawski,  staroste  de  Warech  (p.  S),  et  plu» 
haut,  page  6,  il  est  parlé  de  confédérés  (ler- 
taiuement  les  mêmes,  bien  que  l'auteur  ne 
le  précise  pas  suffisamment),  confédérés 
excités,  est-il  dit,  par  le  staroste  Wareski  et 
le  prince  Martin  Lubormiski.  Or,  "Wareski 
n'est  que  la  défiguralion  de  ladjectif  équi. 

10 


146  PUL 

fédération  était,  suivant  les  huit  chefe, 
la  rénovation  de  la  confédération  de 
Radom.  Sur  sa  bannière  était  un  aigle 
blessé  avec  ces  mots,  Aut  vincere  aut 
mori,  et  Pro  religione  et  libertate. 
La  religion,  en  effet,  était  aussi  en 
cause.  On  sait  que  la  majorité  de 
la  nation  polonaise  non  -  seulement 
était  catholique  romaine,  mais  into- 
lérante à  l'égard  des  dissidents,  et 
que  c'était  au  nom  de  ceux-ci  et  de 
la  tolérance  que  la  Russie  intervenait 
dans  les  affaires  intérieures  de  la 
Pologne.  Le  moine  Marc,  réputé  saint 
par  la  population,  prêchait  avec  en- 
thousiasme en  faveur  des  confédérés 
et  ralliait  beaucoup  de  monde  à  leur 
cause  par  son  éloquence  (3).  Pulawski 


valant  à  de  JVarha.  Le  premier  de  ces  mêmes 
passages  contient  une  autre  erreur  grave  eu 
admettant  les  confédérations  en  Podolie  , 
ayant  pour  maréchal  l'une  Pulawski,  l'autre 
Krasinski  (tandis  que  tous  deux  étaient  ma- 
réchaux de  la  même),  et  la  liage  7  y  met  le 
comble  eu  distinguant  encore 'la  confédéra- 
tion de  Bar  composée  de  8,odo  hommes  et 
obéissant  au  comte  Potoçki:  cette  faute  pro- 
vient de  ce  que  plus  tard,  en  effet,  la  confé- 
dération obéit  à  Potoçki  et  à  Krasinski  (ro/. 
la  fin  du  présent  article);  mais  ce  n'en  est 
pas  moins  la  même  confédération  de  Bar  qui 
eut  d'abord  pour  maréchal  des  troupes  Jo- 
seph Pulawski. 

(3)  Ce  moine  Marc  mourat  prisonnier  des 
Husses,  auxquels  du  reste  il  sut  imposer  par 
son  caractère  de  sainteté,  et  dont  beaucoup 
forent  persuadés  qu'il  faisait  des  miracles. 
«  Les  géuéraux  ordonnèrent  sa  mort,  dit 
«  Rulliière  (III,  87^,  les  soldats  se  proster- 
u  nèrent  eu  lui  demandant  sa  bénédiction. 
«  Il  se  mit  à  leur  faire  des  prophéties.  Il  leur 
«  annonça  que  sa  mort  serait  la  fin  de  leur 
«  empire  :  ils  le  gardèrent  avec  uu  respect 
«  infini,  et  ils  ne  tardèrent  pas  à  raconter  des 
«  prodiges  arrivés  dans  sa  prison.  Il  avait 
«  été  pris  dans  une  sortie  qu'il  conduisait  et 
«  où,  assure-t-OD,  étaient  portées  en  première 
«  ligne  des  images  de  saints  et  des  hosties 
u.  consacrées.  On  ne  saurait  au  reste  nier  son 
«  courage  et  souvent  son  bon  sens.  Il  ne  «es- 
«  sait  ile  rcpéier  aux  confédérés  que  leurs 
«  divisions  les  perdraient;  et  en  effet  les 
<<  commandants  ne  commandaient  pas,  ou  du 
«  moins  ue  trouv;iiunt  pas  d'obciâMiiice:  tout 
»  camp  était  Coin  m  (    nnc  (liélinc.  ff  les  plus 


PUL 

crut  aussi  pouvoir,  par  une  procla- 
mation adressée  au  détachement  russe 
de  Winnicza,  inviter  les  officiers  de 
tout  rang,  Livoniens,  Cosaques,  etc., 
à  faire  cause  commune  avec  les  Po- 
lonais, comme  alliés  dans  la  foi.  Au- 
cun, on  le  pense  bien,  ne  fut  tenté 
de  se  rendre  à  cette  invitation,  et 
même  en  fait  de  Polonais,  les  deux 
maréchaux  ne  virent  d'abord  sous 
leurs  drapeaux  que  300  hommes, 
dont  moitié  était  venue  des  terres  de 
Krasinski,  et  moitié  des  domaines  de 
Pulawski.  Mais  ce  premier  noyau  se 
grossit  rapidement  :  attaqués  en  ap- 
parence par  les  hommes  de  Krasinski 
et  de  Pulawski,  plusieurs  gentils- 
hommes se  défendirent  peu  vaillam- 
ment à  dessein,  et  s'adjoignirent, 
comme  de  force,  aux  premiers  confé- 
dérés. Les  garnisons  de  quelques  pe- 
tites places  se  rendirent  également; 
le  régimentaire  de  Podolie  ayant 
marché  à  eux  avec  3,000  hommes,  en 
feignant  de  vouloir  s'unir  à  eux,  et 
ayant  tenté  de  les  surprendre  et  de 
les  faire  prisonniers,  vit  une  partie 
de  ses  troupes  exécuter  ce  qu'il  avait 
frauduleusement  promis,  et  passer 
aux  confédérés.  Le  khan  des  Tartares 
permit  qu'il  fût  fait  des  levées  dans 
sa  principauté,  et  les  patriotes  ré- 
pandirent le  bruit  que  déjà  il  était  à 
Budziac  avec  20,000  hommes  pour 
leur  porter  secours  (4).  Par  tous  ces 
moyens,  leur  nombre  monta  bien  vite 
à  1,200  à  2,000,   et  enfin  à  8,000. 


«  sages  étaient  ceux  qui  disaient  qa'il  fallait 
«  se  concerter  avec  ses  chefs  ;  mais  à  aller 
«  demander  et  recevoir  des  ordres,  jamais.  » 
(4)  Selon  toutes  les  apparences,  il  y  eut 
même  un  pacte  signé  entre  le  grand-seignenr 
et  la  confédération  de  Bar,  et  l'on  assure  que 
cette  dernière  consentait  à  céder  la  Podolie 
et  la  Volhinie  aux  Turcs,  en  ce  sens  que  les 
deux  proviuces  deviendraient  des  principna- 
tés  80U«  suzeraineté  turque,  comme  la  Vala> 
rliie  et  la  Moldavie, 


PUL 

Bientôt  iis  occupèrent  le  couvent, 
la  forteresse  et  la  ville  de  B^rdichef; 
mais  vainement  ils  pensèrent  à  s'em- 
parer de  Kaminiec,  ce  qui  eût  ouvert 
les  hostilités  avec  beaucoup  d'avan- 
tage, et  déterminé  des  adhésions  en 
plus  grand  nombre,  ce  qui  aussi  au- 
rait permis  aux  patriotes  de  se  livrer 
Dioins  fréquemment  au  pillage  sur 
les  terres  des  nobles  non  encore  ral- 
liés. La  précipitation  avec  laquelle 
Pulawski  avait  levé  l'étendard  fut 
la  cause  principale  qui  empêcha  ce 
résultat  ;  le  célèbre  comte  Zamoyski, 
auquel  il  offrit  la  direction  suprême 
et  que  même  on  regardait  à  la  cour 
de  Varsovie  comme  le  moteur  invi- 
sible de  ce  qui  se  passait  à  Bar,  re- 
fusa de  faire  cause  commune  avec 
les  insurgés;  et  l'évêque  de  Kaminiec 
improuva  publiquement  cette  prise 
d'armes  inopportune.  Toutefois,  puis- 
que enfin  c'était  uu  fait  accompli,  il 
l'accepta  et  se  mit  immédiatement 
à  visiter  les  oours  de  Dresde,  de 
Vienne,  de  Versailles,  pour  les  dé- 
terminer a  seconder  le  mouvemeut 
des  Polonais.  Catherine,  au  contraire, 
jeta  le  masque  :  très-peu  de  temps 
avant,  elle  avait  donné  ordre  de  re- 
tirer de  la  Pologne  les  troupes  russes 
qui  y  vivaient  à  discrétion  ;  quand  une 
fois  la  confédération  de  Bar  eut  donné 
le  signal  de  la  résistance  armée,  non- 
seulement  Repnine  reçut  contre-or- 
dre ,  mais  encore  sept  régiments  de 
ligne  russes  et  cinq  raille  Cosaques 
arrivèrent  avec  une  forte  artillerie. 
Cependant  ils  n'attaquèrent  pas  pour 
commencer  :  ils  se  contentèrent  d'a- 
vancer de  plus  en  plus  pour  resserrer 
les  confédérés  et  leur  couper  la  com- 
munication des  palatinats  voisins.  Ils 
manœuvrèrent  si  bien  en  effet  que  les 
insurges  n'avaieut  plus  les  mouve- 
ments hbres  que  du  côté  de  la  Turquie. 
Mais  alors  ceux-ci  marchèrent  aux 


PUL 


U7 


Russes  et  engagèrent  plusieurs  com- 
bats où  force  leur  resta,  et  dont  le  ré- 
sultat fut  de  rompre  le  cordon  sur  plu- 
sieurs points.  C'est  après  ces  premiè- 
res escarmouches  que  Pulawski  pu- 
blia sa  fameuse  proclamation  qui  com- 
mence par  ces  mots  :  «Enfin,  grâce  à 
•  vous,  braves  Polonais,  les  perfides 
«  alliés  de  ta  Pologne  en  deviennent 
«  les  ennemis  déclarés,  etc.  (5)  •  Ces 


(5)  La  proclamation,  ou,  si  l'on  rent,  le  ma- 
nifeite,  qae  publia  Pula'wskl  à  cette  époque, 
contient ,  aa  luiliea  de  quelques  puérilités 
déclamatoires  et  d'injures  pea  diplomati- 
ques, soit  contre  la  nation  ru&se  en  général, 
soit  contre  Catherine  en  particulier,  beau- 
coup de  traits  Téritablemeot.éloqueuts,  et 
n'est  pas  absolument  dépoarrue  de  sagesse. 
Noos  trouToiu  assez  ridicule,  par  exemple, 
la  passage  où,  rappelant  la  supériorité  qu'a- 
Tait  jadis  la  Pologne  sur  la  Russie,  Palawtki 
s'écriait  :  «  Quel  est  ce  peuple  insolent  qui 
«nous  brave?  Rappelons  -  nous  ,  il  en  est 
«  temps ,  que  ce  vil  peuple  a  toujours  fui 
«  devant  nos  ancêtres...  »  Et  il  y  a  peut-être 
autant  d'odieux  que  de  jactance  a  vanter 
ainsi  qu'il  suit  la  barbarie  avec  lacjnelle 
les  Polonais,  forcés  d'évacaer  Mo&kou  en 
l6l3,  V  mirent  le  feo...  -  Rappelons  -  nous 
«  que  de  simples  gentilshommes  polonais  as- 
"  semblèrent  leur»  troupes  domestiques..-,  et 
'<  mirent  en  fuite  le  tsar  et  ses  armées;  que 
"  peu  d'années  après  ,  queiques-ons  de  nos 
«  pères,  appelés  dans  cette  coor  perfide  ,  j 
u  soutinrent  tons  Us  efforts  de  ce  pcaple 
«  entier  mutiné  contre  eux  et  n'en  sortveat 
«  qu'après  avoir  réduit  cette  capitale  en  cen- 
«  dres.  »  Pions  n'approuvons  pas  beaucoup 
non  plus  cette  autre  phrase  souvent  répétée  : 
•  Aacon  des  Rosses  ne  sait  ce  qu'il  vent  de 
••  nous  ;  ils  exécntent  de  raint  projets  tramtàt 
«  daiu  les  alcovts  et  dont  les  Ixtùts  d'uM«/emm* 
«  parricide  et  toIuplueuM  qui  les  gouverne  ; 
«  iutimaux  dociles  et  féroces  qui...,  etc.  a  Mais 
il  y  a  de  la  justesse  dans  l'exposition  des 
griefs  qui  réduisent  la  nation  polonaise  à 
faire  appel  aux  armes.  «  Depuis  soixante  ans, 
«  dit  le  manifeste,  une  guerre  sourde  et  plus 
»  dangereuse  que  de  sanglantes  hostilités 
«  affaiblit  et  désole  notre  infortunée  patrie. 
«  Un  peuple  exécrable,  qui  ne  peut  être  dé- 
«  sarmé  par  la  justice,  fléchi  par  la  soamis- 
<'  sion,  touché  par  les  bienfaits,  rassasié  par 
<<  le  pillage,  a  entrepris  de  nous  suiijogner... 
«  Un  état  souveraiu  mis  soos  le  joug,  la  jus— 
<<  tice  qn'on  offrait  de  nous  rendre  derenue 
'  un  pié^e,  le  droit  des  cens  foulé  anx  pied?, 

10. 


148  put 

légers  avantages,  que  rattitnde  sim- 
plement défensive  des  Russes  rendait 
plus  frappants,  devaient,  réunis  à  la 
justice  de  la  cause  dont  Pulawski  ve- 
nait de  se  poser  le  défenseur  et  à  la 
nécessité  pour  la  Pologne  de  se  dé- 
barrasser de  l'oppression  russe  si  elle 
voulait  exister  comme  nation,  donner 
à  la  manifestation  de  Bar  un  immense 
retentissement.  Le  roi  même  tout  sub- 
jugué, tout  surveillé  qu'il  était  par 
Repuine,  restait  indécis  et  l'eût  été  en- 
corebien  plus  si  les  confédérés  eussent 
proclamé  suffisamment  haut  qu'ils 
ne  voulaient  pas  son  renversement, 
mais  sa  délivrance.  Le  sénat,  à  plus 
forte  raison,  ne  désapprouva  qu'en 
termes  modérés  la  levée  de  boucliers 

«  nos  sénateurs  enchaînés!...  Si  les  nations 
«  les  plus  serviles  éprouvaient  du  souverain 
<c  le  plus  légitime  tant  d'injastiies  et  tant 
.   d'outrages,   l'univers   entier  applaudirait 
..  aux  efforts  de  leur  rébellion;  et  nous  avons 
«  supporté  ce  qui,  dans  les  pays  les  plus  as- 
«  sujettis,  justilierait  les  séditions  et  les  ré- 
"  voUes.  »  11  y  a  du  bon  sens  dans  l'éuuiné- 
ration  qu'il  fait  des  princij  es  de  la  force  des 
troupes  russes,  et  dans  la  précaution  qu'il 
prend  de  nioutrer  aux  siens  combien  leur 
tentative  est  dangereuse.  «  Il  ne  faut  pas, 
«  dit-il,  nous  laisser  abuser  par  un  vain  sou- 
«  venir  de  gloire  et  nous  dissimuler,  en  cora. 
c<  mencant   une   si  généreuse   entreprise,  les 
«  avantages  que  les  troupes  moscovites  ont 
«  à  présent  sur  tious    Ues  officiers  expéri- 
««  inentés,  des  soldats  aguerris,  une  discipline 
«  sévère,  une  artillerie  nombreuse,  voilà  une 
«  supériorité  effrayante  1  »  Pulawski  avouait 
ensuite  que  la  Pologne  ne  pouviiit  compter 
sur   aucun   secours  sérieux    <les  ])uissances 
étrangères,  que  désormais  la  balance  euro- 
péenne était  un  vaiu  mot,  que,  malgré  cet 
abandon,  reconquérir  ou  plutôt  préserver 
l'indépendan<.e  iiatiouale  était  possible  en- 
core, et  il  s'appliquait  à  mettre  eu  saillie  les 
traits  capitaux  de  son  ]ilan  :  i»  Concours  cer- 
tain de  la  noblesse.  «  L'iie  nombreuse  no- 
<<  blesse,  propre  aux  armes  et  prodigieuse- 
«  meut  augmentée  dans  lu   trauquillitc  des 
«  deux  règnes,  est  prête  à  vous  joindre.. .Dis- 
«  persée,  elle  attend  avec  une  généreuse  im- 
«  p;itience  que  nous  allions  nous  joindre  à  ses 
«  efforts."  a^Raisons  qui  eut  faitcboisirlaPo- 
dolie  comme  point  dedépartde  l'insurrection. 
•  C'mI  parce  que  nous  étions  les  plus  cloi- 


PUL 

des  Podoliens,  et  consentit  à  entrer 
en  conférence  avec  les  chefs  des  con- 
fédérés. Mokranovski,  l'auteur  même 
de  la  motion  adoptée,  partit  accompa- 
gné de  plusieurs  commissaires  pour 
s'aboucher  avec   eux.    Ce   résultat 
était  grave,  car  en  droit  les  hostilités 
étaient  suspendues  pour  tout  le  temps 
que  dureraient  les  conférences,  et  la 
confédération  de  Bar  devenait  légale 
suivant  la  vicieuse  constitution  de  Po- 
logne, qui  autorisait  en  certains  cas, 
et  moyennant  certaines  formes,  ces 
démonstrations  armées.  Les  Russes, 
au  mépris  de  l'armistice  et  de  la  léga- 
lité, affectant  de  ne  voir  dans  les  con- 
fédérés que  des  brigands,  prirent  tout 
à  coup  l'offensive  (c'est  bien  ce  que 


<t  gnés  de  l'œil  vigilant  des  tyrans  qui  la  tien- 
«  nent  désarmée.  »  3°  Marche  que  suivra  l'io- 
surrectioii.  «Le  premier  objet  que  nous  ayons 
«  à  nous  proposer,  c'est  d'appuyer  partout  les 
't  confédérations  particulières  ;  c^e&t  de  faire 
«  éclater  tous  les  districts  de  proche  en  pro- 
«  elle  ,  et  ceux  qui  se  seroftt  confédérés  prê- 
«  tant  ensuite  la  main  à  ceux  de  leur  voisi» 
«  nage  pour  leur  réunion,  uous  parviendrons 
«  ainsi  à  confédérer  tout  le  royaume.  »  ',  ' 
Convenance  d'une  guerre  de  partisans.oCom- 
«  roençons  une  guerre  où  tous  les  avantaget^ 
K  des  Russes,  leurs  magasins,  leur  artillerie» 
«  leur  nombreuse  armée,  leur  sévère  disci- 
«  pline  ,  deviennent  pour  eux  autant  d'em- 
«  barras,  autant  d'obstacles!  combattons  as- 
«  sez  pour  les  faire  souvenir  de  leurs  an- 
<c  ciennes  défaites  !  dispersons-uous  assez  tAl; 
«  pour  éluder  tous  ces  prétendus  avantage», 
«  et  qu'en  mar(!liaut  aiusi  de  fausses  victoire;» 
«  en  fausses  victoires.affaiblis,  épui.sésct  dé- 
«  truits,  ils  retrouvent  partout  la  iirèrac- 
«  guerre  et^partout  les  mêmes  ennemis!  ><■ 
Mallieiircusemeut,  ce  qui  peut  être  vrai  d'un 
p.'vs  comme  l'Kspague  ne  l'est  jias  ou  ne 
l'est  que  difficilement  d'une  contrée  sans 
frontières  naturelles  ,  sans  montagnes  à 
l'intérieur,  et  en  conséquence  ouverte  par- 
tout. A  ces  idées  sur  la  stratégie  à  suivre  con- 
tre l'ennemi,  Pulavrski  en  ajoutait  une  autre 
qu'il  regardait  comme  non  moins  essentielle, 
c'était  de  se  défier  de  la  diplomatie  russe,  de 
ne  pas  prêter  l'oreille  à  des  offres  (l'accom- 
modement. «  Ces  offres,  disait-il,  ne  sont  que 
■<  des  pièges:  leurs  propositions  sont  plus  à 
••craindre  pour  nous  que  leurs  nttaques; 
"  plus  de  traités  entre  eux  et  nous!  " 


PUL 

Pulawski  avait  prédit  lorsqu'il  aver- 
tissait ses  amis  que  ies  négociations 
ne  seraient  que  des  pièges),  tombè- 
rent sur  les  Polonais,  leur  tuèrent 
beaucoup  de  monde  par  surprise, 
saccagèrent  Terespol  et  couvrirent 
non-seulement  la  Podolie,  mais  une 
foule  de  districts,  de  sang  et  de  rui- 
nes, puis  appelèrent  les  Cosaques 
Zaporovski  pour  achever  leur  ouvra- 
ge (6).  Le  bruit  courut  même  que  les 
trois  tils  de  Pulawski  étaient  restés 
sur  un  des  champs  de  bataille  pen- 
dant les  petits  engagements  qui  eu- 
rent lieu  ;  mais  aucun  ne  périt.  Tout 
l'acharnement  que  déployaient  les 
Russes  dès  ce  moment  n'empêcha 
pas  qu'il  ne  se  formât  sur  l'entrefaite 
une  deuxième  confédération  à  Pcd- 

(6)  Voici  l'ordre  que  l'hetmau  des  Zapo- 
rovski (Kosezowy)donna  au  colonel  ZelazniU. 
de  mettre  à  fea  et  à  sang  la  l'olotrne.  On  y 
remarquera  la  franchise  avec  laquelle  le  Co- 
saque préobe  une  guerre  d'exterminatiou  et 
l'hypocrisie  on  le  fanatisme  arec  lequel  il 
affecte  de  mêler  ensemble,  comme  les  ideo- 
tifiant,  les  Polonais  et  les  Juifs.  «  Par  ordre 
••  de  S.  M.rimi>ératriic  Catherine  Alexiew 
•t  na ,  souveraÏDL-  de  toutes  les  Russies  : 
«  Comme  nous  voyons  clairement  avec  quel 
«  mépris  et  quelle  honte  dods  tommes  trai- 
«  tés,  ainsi  que  notre  religion  par  les  Polo- 
«  nais  et  les  Juifs,  les  défen$eur5  de  notre  rc- 
«  ligion  grecque  étant  persécutés,  opprimés 
«  et  punis  de  mort;  pour  ces  raisons,  ne  pou- 
«  vant  plus  souffrir  de  pareils  outrages  ,  de 
•«  semblables  ignominies,  et  cette  persécu- 
.«  tion,  uniquement  pour  uotre  sainte  reli- 
«  gion  méprisée,  nous  donnons  cet  ordre  et 
"  nous  enjoignons  à  Maximilieu  Zeiaznik.  de 
«  la  terre  de  Tvmoszov  ,  colonel  et  cora- 
■  mandant  dans  nos  terres  du  bas  Za- 
«  porow,  d'entrer  sur  les  terres  de  Pologne, 
«  prenant  encore  quelques  troupes  de  nos 
n  armées  russes,  des  Cosaques  du  Don,  pour 
«  extirper  et  abattre,  avec  l'aide  de  Dieu,  tous 
«  les  Polonais  et  les  Juifs  blasphémateurs  de 
«  notre  sainte  religion.  Par  ce  moyen...  nous 
«  ordonnons  donc,  qa'ea  traversant  la  Polo- 
o  gne,  on  extirpe  leur  nom,  et  que  leur  mé- 
«  moire  splt  anéantie  pour  la  postérité. Mais... 
«  nous  défendons,  sous  les  plus  rigoureuses 
•~  |>eines,  tîe  molester  o*  d'inquiéter  les  mar- 
»  «faands  tuics,  etc.  »  Quant  a  regarder  ces 
horteui's  comme  n'appartenant  qu'au  Cosa- 


PUL 


149 


haicz,  pour  tout  le  pays  de  Ualicz, 
sous  le  comte  Marien  Potoçki  (7). 
Pulawski,  sur  sa  demande  et  mal- 
gré la  résolution  sage,  mais  irréalisa- 
ble, prise  dans  les  premières  assem- 
blées, de  se  défier  des  grandes  famil- 
les, lui  fit  accorder  par  les  confédérés 
de  Bar  le  brevet  de  régimentaire. 
Malheureusement  les  troupes  de  cette 
confédération  furent  mises  en  dé- 
route par  les  Russes.  Podhaicz  tomba 
aux  mains  de  l'ennemi,  et  Potoçki  se 
vit  réduit  à  chercher  un  refuge  en 
Moldavie.  Pulawski  alla  recueillir 
leurs  débris.  C'est  en  ce  moment  que 
tout  à  coup  les  Cosaques  Zaporovski, 
à  l'instigation  des  Russes,  fondirent 
sur  la  Podolie  qu'ils  dévastèrent,  et 
dont    la    population  fut   massacrée 

que  et  non  au  gouvernement  de  Catherine, 
c'est  ce  qui  n'est  guère  possible  lorsqu'on 
pèse  ces  deux  lignes  qui  viennent  en  tète  : 
«  Par  ordre  de  S.  M.,  etc.;  »  mais  tout  doute 
est  levé  quand  on  lit  an  bas  de  cette  pièce  : 
«  Pour  plus  grande  foi,  nons  confirmons  cet 
«  ordre  et  cette  permission.  Donné  à  Péters» 
-  bourg,  s?ellé  de  nos  armes  et  signé  de  no- 
«  tre  propre  main,  le  20  juin  l'Ck^.  » 

(7)  Le  manifeste  de  cette  confédération 
(voy.  Mam/esie  de  la  république  eo»fèàirée  de. 
Poloene  du  i5  nov.  i*(>9,  trad.  du  pol.  en 
franc..  1770,  aux  pièces  XXIX)  est  du  17 
in^ii  et  postérieur  par  conséquent  il  l'orga- 
nisation d'an  moins  denx  autres  confédéra- 
tions, celle  de  Lublin  et  celle  de  Chelm,  qui 
existaient  à  la  date  du  23  avril.  La  première 
n'eut  qu'une  existence  éphémère  comme  con- 
fe'dération  particalière.  et  fnt  réunie  pour  la 
première  fois,  a  ce  qu'il  semble,  ce  même  33 
avril  dans  le  voisinage  de  Lublia,  sous  un 
certain  Rozewski,  inconnu  Du  reste,  elle 
entra  dans  la  ville  pour  y  faire  prêter  ser- 
ment de  fidélité  aux  confédérés  par  1rs  ma- 
gistrats. Mais  les  Russes,  c.impés  non  loin  de 
la  ,  commencèrent  a  bombarder  la  ville;  et 
les  habitants,  craignant  de  voir  saccager  lenr 
cité,  obtinrent  des  confédérés  qu'ils  se  reti- 
rassent. Ils  sortii'<;ut  par  la  porte  opposée  à 
celle  que  menaçaient  les  Russes,  et  allèrent 
se  réunir  à  la  noblesse  du  district  de  Chelm, 
confédérée  pareillement.  La  Podiaquie  en 
vit  une  cinquième  qui  se  forma  irpoutanémenl 
à  la  vue  des  ravages  exercés  par  les  Russe- 
dans  une  terre  du  comte  Potoçki  :  la  no- 
blesse prit  Us  armes  et  courut  aux  Rnssc 


150 


PUL 


presque  tout  entière,  sans  distinction 
de  sexe  ni  d'âge.  Bar  aussi  fut  pris. 
Ses  faibles  fortifications  ne  purent, 
malgré  le  courage  de  ses  défenseurs, 
résister  à  l'immense  supériorité  du 
nombre.  Berdichef,  en  vain  défendu 
plusieurs  semaines  avec  héroïsme  par 
Casimir,  fils  de  Pulawski,  tomba  de 
même.  Tant  de  graves  échecs  ne  dé- 
couragèrent point  l'énergique  vieil- 
lard, qui  se  réfugia  en  Moldavie  pour 
y  rallier  un  noyau  de  troupes  et  repa- 
raître au  premier  instant  sur  le  sol 
polonais.  Les  Russes,  qui  le  redou- 
taient toujours,  lui  transmirent  des 
offres  très-flatteuses  par  ce  même  fils 
qui  était  resté  leur  prisonnier.  Pu- 
lawski n'y  répondit  que  par  un  iné- 
branlable refus.  Malheureusement 
les  confédérés  étaient  bien  loin  de 
lui  rendre  tous  justice.  L'ambitieux 
Potoçki,  décidé  à  s'emparer  de  tout 
le  pouvoir  et  à  qui  la  vacance  du 
trône  regardée  comme  prochaine  (car 
de  toutes  paris  on  parlait  de  la  dé- 
chéance de  Stanislas- Auguste  comme 
d'une  mesure  nécessaire)  ouvrait  le 
champ  le  plus  vaste,  voyait  avec 
chagrin  Pulawski  commander  les 
troupes  et  acquérir  de  l'autorité  en 
même  temps  qu'un  grand  renom  mi- 
litaire ;  et  en  conséquence  il  n'épar- 
gnait rien  pour  le  rendre  odieux  et 
suspeot.  Déjà  il  s'était  appliqué  à  le 
présenter  comme  un  exagéré,  dont 
la  précipitation  et  l'étourderie  avaient 
compromis  la  cause  commune  en  se 
prononçant  trop  tôt.  A  présent,  s'il 
eût  fallu  l'en  croire,  le  père  et  le  fils 
étaient  d'accord  avec  les  Russes  pour 
trahir  leurs  concitoyens.  La  vie  en- 
tière du  prétendu  défenseur  des  Po- 
lonais n'avait -elle  pas  été  remplie 
d'actes  indélicats,  tous  commis  en  vue 
de  gains  peu  légitimes?  Et  dès  lors 
comment  douttn'  ([u'il  ne  fut  près  de 
uiême  à  l'aire  trafic  du  sang  polonais , 


PUL 

à  vendre  la  cause  dont  il  se  présentait 
comme  le  champion?  Ces  calomnieu- 
ses imputations  n'empêchèrent  pas 
que  bientôt  après  tous  deux  ne  re- 
commençassent leurs  incursions  con- 
tre les  Russes  et  ne  se  rendissent 
maîtres  d'une  grande  partie  du  pays. 
Pulawski  y  préparait  avec  un  grand 
zèle  des  magasins  pour  la  subsistance 
de  l'armée,  quand  le  séraskier  tatar 
qui  commandait  sur  ces  frontières 
lui  manda  de  venir  le  trouver  pour 
qu'ils  avisassent  ensemble  à  faire 
disparaître  la  zizanie  qui  divisait  les 
confédérés.  Mais  cet  ordre  cachait 
une  perfidie  ourdie  de  concert  avec 
le  parti  Potoçki.  En  effet  Pulawski 
fut  arrêté,  chargé  de  chaînes  et  ri- 
goureusement gardé.  Quelques  mois 
plus  tard,  le  séraskier  le  remit  aux 
nouveaux  chefs  de  cette  confédération 
de  Bar  formée  par  lui-même  impru- 
demment peut-être,  mais  certes  avec 
des  vues  généreuses  et  que  l'histoire 
impartiale  ne  saurait  qu'honorer.  11 
fut  resserré  plus  que  jamais,  et  bien- 
tôt il  mourut  dans  sa  prison  après 
avoir  écrit  à  ses  fils,  s'il  faut  en  croire 
Rulhière  qui  brillante  toujours  un  peu 
trop  les  héros  de  ses  affections,  de  ne 
jamais  songer  qu'à  la  patrie  et  d'im- 
moler tous  leurs  ressentiments  à  cette 
sainte  cause.  Nous  verrons  plus  bas 
que  d'autres  prières  encore  que  celles, 
de  leur  père  mourant  furent  néces- 
saires pour  les  déterminer  à  ce  sacri- 
fice. L'âge ,  les  faRgues,  en  provo- 
quant une  maladie,  furent,  selon  les 
amis  des  incarcérateurs,  les  seules 
causes  de  cette  fin  douloureuse  du  mo- 
teur de  la  confi'dération  de  Bar;  mais 
des  bruits  plus  graves  coururent 
dans  le  temps,  et  l'on  ne  peut  s'en 
étonner.  On  comprend  qu'au  milieu 
du  bouleversement  et  de  la  desorga- 
nisation universelle  auxquels  la  Po- 
logne était  livrée,  ils  n'aient  jamais 


PUL 

pa  être  vérifiés.  Mais  la  vraisemblance 
de  ces  sinistres  rumeurs  ne  saurait 
guère  être  sérieusement  révoquée  en 
doute.  Ainsi  les  amis  de  l'indépen- 
dance polonaise  faisaient  mourir  dans 
l'ombre  des  cachots  le  plus  ardent 
d'eux  tous,  celui  qui  leur  avait  à  tous 
servi  de  modèle  ;  et  les  Russes  pou- 
vaient sourire  en  voyant  les  Polonais 
leur  épargner  la  peine  de  mettre  hors 
de  combat  leurs  ennemis.  Tel  est  le 
lot-desétatsanarchiques:ilsdéciment 
à  plaisir  le  nombre  de  ceux  qui  les 
défendent,  et  ils  accélèrent  une  ruine 
presque  inévitable  déjà.  Ainsi  que  le 
disait  Vergniaud  aux  révolutionnaires 
français  de  1793:  «Les  révolutions, 

•  comme  Saturne,  dévorent  leurs  en- 

•  fanis.  t  La  mort  de  Pulawski  eut  lieu 
au  plustard  dans  les  commencements 
de  1 769.  Cette  triste  fin  demande  grâce 
pour  les  taches  de  sa  vie,  s'il  est  vrai, 
comme  nous  le  croyons,  qu'elle  en  ait 
présenté.  Quels  qu'aient  été  les  antécé- 
dents de  Pulawski,  on  ne  saurait  nier 
qu'il  n'aimât  sincèrement  sa  patrie  ; 
et  s'il  ne  montra  long-temps  d'autres 
talents  qu'un  esprit  retors,  subtil  et 
rompu  à  tous  les  faux-fuyants  de  la 
chicane,on  doit  convenir  qu'au  moins, 
dans  une  matière  importante,  il  allait 
droit  au  but  et  sans  biaiser.  A  coup 
siir  les  Polonais  avaient  le  droit  de 
rester  indépendants  comme  nation|; 
à  coup  sûr  leurs  absurdes  Pacta  con- 
venta  leur  permettaient  la  révolte 
sous  le  nom  de  rokos  ou  confédéra- 
tion. Mais  la  résistance  avait-elle 
des  chances  raisonnables  de  succès  ? 
Et  au  cas  où  elle  serait  vaincue, 
n'est-il  pas  clair  que  leur  sort  serait 
pire  que  dans  l'hypothèse  d'une  sou- 
mission complète? Plus  on  examine 
la  question,  plus  on  voit  du  pour  et 
du  contre  ;  et  finalement  on  s'aper- 
çoit qu'elle  est  insoluble.  Mais  ce 
qui  est  sûr,  c'est  qu'une  nation  iu- 


PUL 


m 


dépendante  ne  saurait  malgré  ses 
torts  (et  nous  eu  reconnaissons  deux 
de  la  dernière  gravité  à  la  Pologne, 
son  anarchie  et  son  intolérance  à  l'é- 
gard des  dissidents)  se  laisser  ravir 
l'existence  politique,  sans  faire  appel 
aux  armes  pour  savoir  si  elle  périra 
ou  si  elle  restera  debout  ;  et  celui  qui 
dans  cette  question  suprême  com- 
mence sa  protestation  h.  main  armée 
est  toujours  un  noble  cœur  et  un 
brave  dont  le  nom  doit  survivre  dans 
la  postérité.  P— oi. 

PULAWSKI  (Casimir),  un  des 
fils  du  précédent,  est  le  plus  renommé 
de  tous.  Il  naquit  le  4  mars  1748,  à 
Winiary,  près  Czersk,  et  commença 
par  être  attaché  au  duc  Charles 
de  Courlande ,  qui  l'employa  au  pa- 
lais de  Mittau,  où  il  passa  tout  le  temps 
pendant  lequel  cet  édifice  fiit  assiégé 
par  les  Russes.  Les  mouvements ,  les 
exercices  de  ces  troupes  bien  discipli- 
nées commencèrent  à  lui  donner  des 
notions  d'art  militaire,  et  il  y  fit  plus 
tard  preuve  de  bravoure,  comme 
officier,  bien  que  nous  ne  croyions  pas 
qu'il  y  commandât  1,200  hommes, 
ainsi  que  le  prétend  Rulhièrc  (1). 
De  retour  en  Pologne,  il  fut  nom- 
mé maréchal  de  la  terre  de  Lom- 
za  dans  le  palatinat  de  Mazovie 
(1768).  Il  partit  la  même  année  de 
Varsovie  avec  son  père  (voy.  l'art, 
précédent),  ses  frères  et  son  cousin  ; 
puis  alla,  sur  les  terres  de  sa  famille, 
lever  150  Cosaques  qui ,  avec  les 
150  de  Krasinski,  devaient  former  le 
noyau  de  l'insurrection.  Il  rejoignit 
son  père,  non  à  Léopol,  mais  à  Bar, 
où  il  fut  un  des  huit  premiers  signa- 
taires de  la  confédération.  Dans  plu- 
sieurs des  nombreux  combats  que  les 

(i)  Cet  historien  dit  qu'il  défeudit,  à  l;i 
tète  de  1,200  hommes,  un  poste  que  Tinrent 
dttaquer  snccessivemeat  l,aoo,  |>ab  a,OOU, 

jiuii  tufiu  n.ijiK)  Russes. 


152 


PUL 


PUL 


Russes,  au  mépris  de  l'armistice,  li- 
vrèrent aux  conféde'rés  pendant  la 
mission  confiée  à Mokranowski  par  le 
sénat ,  il  déploya  un  courage  qui  le 
lit  remarquer  parmi  les  plus  braves. 
Un  peu  plus  tard,  lors  de  la  dévasta- 
tion de  la  Podolie  par  les  Cosaques 
Zaporovski,  il  s'enferma  avec  1300 
hommes  dans  le  monastère  deBerdi- 
chef,  renommé  par  les  richesses 
qu'y  avait  entassées  la  piété  de  plu- 
sieurs siècles ,  célèbre  aussi  comme 
dépôt  de  tout  ce  que  la  noblesse  des 
environs  avait  de  plus  précieux.  La 
défense  dura  plusieurs  semaines ,  et 
ce  ne  fut  que  lorsque  le  renfort  sur 
lequel  les  assiégés  comptaient  pour 
être  secourus  eut  péri,  et  qu'il  en 
eut  la  nouvelle  certaine ,  que  Pu- 
lawski  consentit  enfin  à  capituler,  en 
stipulant  que  toute  sa  troupe  serait 
libre!  Lui  seul,  dit-on,  demeura 
prisonnier  de  guerre.  Le  fait  est-il 
exact?  Nous  en  doutons  sans  le  nier, 
car  bientôt  on  l'envoya  porter  à  son 
père  des  propositions  ,  des  promes- 
ses pompeuses,  à  condition  que  les 
confédérés  poseraient  les  armes.  On 
a  vu  plus  haut  quel  cas  celui-ci  lit 
des  ouvertures  russes  ;  bien  certai- 
nement c'eût  été  en  pure  perte  que 
Casimir  l'eût  sollicité  d'y  accéder. 
Mais  évidemment  il  ne  le  fit  pas. 
Loin  d'engager  son  père  à  mettre  fin 
à  l'insurrection ,  il  avait  écrit  à 
Repnine,  dès  qu'il  s'était  vu  libre, 
qu'il  n'exhorterait  point  les  défen- 
seurs de  la  patrie  à  déserter  cette 
sainte  cause,  et  que  lui-même  non- 
seulement  il  porterait  les  armes  con- 
tre les  Russes,  mais  encore  qu'il  comp- 
tait conduire  quelque  jour  les  Po- 
lonais en  Russie.  Nous  pensons  que 
si  Casimir  écrivait  dans  ces  termes, 
c'est  qu'en  réalité  il  n'était  pas  con- 
sidéré comme  prisonnier,  mais  qu'il 
avait  été  retenu,  à  dessein  d'être 


renvoyé  porteur  de  propositions,  et 
qu'on  ne  lui  avait  pas  demandé  sa 
parole  qu'il  reviendrait.  Quoi  qu'il 
en  soit,  tandis  que,  peut-être,  les 
Russes  l'accusaient  de  manquer  à  la 
parole  qu'il  leur  avait  donnée,  beau- 
coup de  Polonais ,  grâce  aux  sourdes 
manœuvres  des  agents  du  comte  Ma- 
rien  Potoçki ,  étaient  tentés  de  voir 
en  lui  un  agent  des  Russes.  Impa- 
tienté de  ces  calomnies ,  Casimir  de- 
manda un  détachement  à  son  pèr.e , 
et,  franchissant  le  Dniester,  tomba 
inopinément  sur  quelques  troupes 
russes  qu'il  battit ,  et  revint  au  camp 
avec  des  vivres ,  des  prisonniers  et 
du  butin.  Il  remporta  plus  tard  un 
autre  avantage  ;  car  il  put  entrer  en 
Pologne  et  s'y  établir  dans  un  poste 
avantageux  où  son  père  vint  le 
joindre.  On  approchait  alors  de  la 
fin  de  1768.  Ce  fut  peu  de  temps 
après  que  le  vieux  Pulawski  se  ren- 
dit en  Ukraine  et  y  fut  retenu  prison- 
nier. Ses  enfants  ne  devaient  plus  le 
revoir;  mais  ils  l'espéraient  encore, 
bien  qu'une  lettre  du  courageux  sexa- 
génaire, en  leur  enjoignant  de  persé- 
vérer dans  la  résistance  et  en  leur  re- 
commandant d'être  tranquilles  sur 
son  innocence ,  annonçât  qu'il  avait 
fait  le  sacrifice  de  sa  vie.  Désireux 
d'être  plus  voisin  de  sa  prison  ,  et 
d'ailleurs  ne  pouvant  tenir  au  milieu 
de  la  Pologne  traversée  en  tous  sens 
par  des  nuées  de  Russes,  Casimir  al- 
la se  poster  avec  ses  deux  frères  sur 
la  rive  droite  ou  occidentale  du 
Dniester,  à  Okopé  et  à  Zvaniec. 
C'était  un  lieu  parfaitement  choisi , 
soit  comme  voisin  de  la  frontière  tur- 
que, soit  conmie  pouvant  faciliter 
aux  Ottomans,  lorsqu'ils  entreraient 
en  campagne ,  le  passage  du  fleuve. 
Casimir  en  personne  défendait  Oko- 
pé. Malheureusement  les  Turcs,  bien 
que  résolus  à  la  guerre,  se  laissèrent 


PUL 


PUL 


US 


gagner  de  vitesse  par  les  Busses,  qui, 
dès  le  commencement  du  printemps, 
filèrent  en  grand  nombre  vers  le 
Dniester  pour  s'emparer  du  passage. 
Le  plus  jeune  des  trois  Puîawski  de- 
vint leur  prisonnier.  François,  le  se- 
cond, hors  d'état  de  protéger  Zvaniec, 
se  hâta  de  traverser  le  fleuve,  et  d'al- 
ler, dans  Choczim,  qui  est  située  vis- 
à-vis,  demander  du  renfort  au  pa- 
cha de  cette  ville  ;  mais  en  vain  (2)  ; 
et  Casimir,  après  un  combat  déses- 
péré ,  qui  se  prolongea  jusque  dans 
la  nuit,  et  que  les  Russes  éclairèrent 
en  mettant  le  feu  à  la  ville  de  Zva- 
niec (3) ,  n'ayant  plus  que  200  hom- 
mes de  600  auxquels  il  avait  com- 
mandé ,  dut  renoncer  à  défendre  les 
redoutes  élevées  sur  la  pente  des 
collines  d'Okopé.  Il  était  même  ex- 
trêmement douteux  que  les  200  ca- 
valiers survivants  pussent  venir  à 
bout  d'échapper,  car  ils  se  trouvaient 
dans  une  petite  plaine  d'un  quart  de 
lieue  en  tout  sens ,  environnés  par 
les  Russes,  par  des  précipices,  par 
des  marais  et  par  le  fleuve.  11  ne  res- 
tait qu'un  sentier  étroit,  à  peine  visi- 
ble,praticableencoremoins,surlacrê- 
tedurocheràpic  quibordaitle  fleuve. 
Grâce  à  sa  présence  d'esprit,  au  bruit 
des  flots  qui  charriaient  des  glaçons, 
à  l'obscurité  que  dissipaient  mal  les 
restes  des  feux  des  incendies,  il  par- 
vint miraculeusement  à  faire  échap- 


(a)  Le  pacha  de  Chnczim  avait  reçu  da 
graad-vùir  ordre  de  se  horoer  à  veiller  à  la 
tûreté  de  la  place  sans  donner  aucun  ren- 
fort aux  Polonais;  et  comme  les  Russes,  d'au- 
tre part,  appuyaient  de  leurs  dons  l'injouc- 
tion  du  graod-visir ,  on  comprend  que  le 
pacha  restât  immoliile.  Cependant  on  verra 
plus  bas  que  quarante  janissaires  du  district 
de  Choi-zirase  mirent  comme  volontaires  à  la 
saite  de  François  PulawskJ. 

(3)  Les  Polonais,  de  leur  coté  ,  iucendiè- 
reut  quelques  maisons  d'Okopé,  afin  d'éclai- 
rer le  front  des  Russes,  et  l'on  combattit 
ainsi  à  la  luear  de  deux  ioceodie.'. 


per  tout  son  monde  et  à  s'échapper 
lui-même  par  une  route  si  difticile. 
Cette  fuite  audacieuse  ajouta  au  re- 
nom qu'il  avait  déjà.  Les  Russes  s'at- 
tachèrent à  le  poursuivre  ;  et  tout 
en  déjouant  leurs  lembùches ,  tan- 
tôt par  le  courage,  tantôt  par  l'a- 
dresse, il  recueillit  les  débris  de  di- 
verses confédérations  battues.  D'au- 
tre part,  il  y  avait  des  chefs  polonais 
qui,  le  regardant  ou  affectant  de  le 
regarder  comme  suspect,  voulaient 
l'attaquer  ou  lui  enlever  ses  troupes. 
Ceux-ci  en  furent  aussi  pour  leurs 
peines;  finalement,  il  fallut  bien 
qu'on  l'acceptât,  et  ceux  même  qui 
avaient  voulu  débaucher  ses  soldats 
en  vinrent  à  concerter  leurs  plans 
avec  lui  contre  les  Russes.  Quelque 
temps  après,  il  fit  ses  dispositions 
pour  emporter  Sambor,  qui  appar- 
tenait au  roi.  Quelle  fut  sa  surprise 
d'y  retrouver  François,  son  frère, 
qu'il  avait  cru  mort  dans  l'incendie 
de  Zvaniec,  comme  celui-ci  à  son 
tour  croyait  que  son  aîné  avait  péri 
à  l'affaire  d'Okopé!  Tous  deux  alors 
prirent  la  résolution  d'aller  former 
des  confédérations  dans  la  Lithua- 
nie,  qui,  depuis  la  défaite  du  prince 
Radziwil ,  était  roduite  à  l'inertie , 
et  servait  de  passage  aux  Russes. 
Ils  envoyèrent  les  équipages  et  les 
hommes  les  moins  valides  de  leur 
troupe  sur  les  frontières  de  Hon- 
grie, et  arrivèrent  par  des  routes  in- 
connues en  Lithuanie,  où,  malgré 
les  soupçons  répandus  contre  eux , 
et  qui  empêchèrent  Radziwil  lui- 
même  de  leur  confier  ses  troupes , 
ils  vinrent  à  bout  de  leur  dessein. 
Ayant  rallié,  chemin  faisant,  300 
hulans  lithuaniens,  ils  se  tirent  cé- 
der par  les  châteaux  leurs  troupes 
domestiques,  et  décidèrent  la  for- 
mation d'une  première  confédéra- 
tion, qui  s'organisa  soleuneljemcnt 


154 


PUL 


à  Brzesc  -  Litewski  devant  le  pala- 
tin de  la  province,  et  eut  pour  ma- 
réchal le  jeune  prince  Sapieha,  époux 
d'une  des  nièces  du  grand -géné- 
ral Branicki.  Mille  Russes  accouru- 
rent aussitôt ,  et  l'attaquèrent  en 
avant  de  Brzesc.  Il  leur  tua  200  hom- 
mes, et  après  les  avoir  poursuivis,  les 
força  de  mettre  bas  les  armes,  exigeant 
d'eux  la  promesse  qu'ils  ne  serviraient 
plus  contre  les  confédérés.  A  la  nou- 
velle de  cette  victoire,  des  confédéra- 
tions particulières  se  formèrent  sur 
plusieurs  points,  et  la  troupe  des  Pu- 
lawski  fut  bientôt  une  petite  armée.  Il 
s'agissait  de  former  la  confédération 
générale  de  la  Lithuanie.  Dans  ce  but 
on  marcha  vers  Slonim,  route  de 
Grodno  ;  et  là  encore  Casimir,  par 
les  positions  qu'il  sut  prendre  entre 
des  marais,  des  rivières  et  des  bois, 
fit  perdre  beaucoup  de  monde  aux 
Russes  qu'il  attira dansdes marécages. 
Il  désirait  ensuite  marcher  aux  diffé- 
rents corps  ennemis,  qui  arrivaient 
dans  la  province,  et  les  battre  avant 
qu'ils  eussent  le  temps  de  se  réunir  ; 
mais  tous  les  autres  chefs  s'y  opposè- 
rent, et  voulurent  qu'on  se  tînt  disper- 
sé, inactif,  jusqu'au  moment  où  appro- 
cherait la  grande  armée  turque,  mais 
prêt  à  marcher  dès  qu'elle  paraîtrait. 
Conformément  à  cet  avis,  Pulawski 
se  détourna,  pour  s'avancer  vers  le 
nord  de  la  Lithuanie,  puis  il  se  ra- 
battit sur  les  bois  d'Augustowo,  non 
loin  des  frontières  de  Prusse.  Il  avait 
été  suivi  durant  cette  marche  labo- 
rieuse par  3,000  Russes,  la  plu- 
part d'infanterie,  mieux  discipli- 
nés et  plus  aguerris  que  les  4,000 
hommes  auxquels  il  connnandait,  et 
chaque  jour  voyait  un  nouvel  enga- 
gement, bien  qu'il  cherchât  à  les  évi- 
ter. La  confédération  générale  s'or- 
ganisa pendant  ce  temps  ;  les  Lithua- 
niens n'en  furent  pas  plus  décidés 


PUL 

à  lui  donner  un  commandement  par- 
mi eux  (la  loi  constitutive  de  l'union 
de  la  Lithuanie  et  de  la  Pologne 
était  formelle  sur  ce  point,  mais 
c'eût  peut-être  été  le  cas  d'y  déro- 
ger). Quoi  qu'il  en  soit,  Pulawski 
résolut  de  conduire  ce  qu'il  avait 
de  troupes  à  Teschen ,  sur  les  fron- 
tières de  Hongrie,  oij  se  rassemblait 
le  noyau  des  forces  qui  allaient  agir 
contre  les  envahisseurs  de  la  Pologne. 
Il  n'avait  plus  alors  que  600  hommes 
au  lieu  de  4,000  :  les  combats,  les 
privations,  les  fatigues  lui  avaient 
enlevé  les  uns;  les  autres,  comme 
troupes  domestiques,  avaient  rega- 
gné les  châteaux,  pour  la  défense  des- 
quels on  les  avait  levés.  Malheu- 
reusement, Casimir  commit  la  faute 
de  prendre  sa  route  vers  Wladowa,  par 
un  pays  ouvert,  au  lieu  de  se  glisser 
entre  des  rivières,  des  marais  et 
des  bois,  comme  il  l'avait  fait  pour 
arriver;  et  bientôt  il  eut  sur  les  bras 
trois  détachements  russes  qui  l'atta- 
quèrent simultanément.  Se  plaçant  à 
la  tête  de  l'arrière-garde,  il  ordonna 
au  reste  des  troupes  de  filer  en  avant, 
et  s'efforça  d'arrêter  l'ennemi  avec 
ce  qu'il  gardait  d'hommes  déterminés 
autour  de  lui.  Mais  il  avait  affaire  à 
trop  forte  partie,  et  les  Russes,  d'ail- 
leurs supérieurs  en  nombre,  met- 
taient à  profiter  de  l'occasion  un 
acharnement  sans  égal  ;  la  petite 
troupe  des  Polonais  s'édaircissait  à 
vue  d'œil,  et  il  y  eut  un  moment  où 
Pulawski  entouré  faillit  être  fait  pri- 
sonnier. Son  frère  François  crut 
même  qu'il  l'était,  et  revint  sur  les 
Russes  avec  le  reste  du  détachement. 
Mais  ce  fut  trop  tard  ;  presque  tous 
les  Polonais  périrent,  ou  furent  mis 
hors  (le  combat,  on  restèrent  prison- 
niers. François  lui-même  ne  reparut 
plus,  et  probablement  périt  sur  le 
champ  «le  bataille  {voy.  l'art,  sui- 


PUL 

vaut).  Casimir  échappa  suiri  de  dix 
hommes  seulement,  et  parvint  aux 
frontières  de  Hongrie  à  l'endroit  où 
les  équipages  avaient  eu  ordre  de  se 
rendre.  H  passa  l'hiver  entier  au 
milieu  des  monts  Krapaks,  tantôt  en 
Hongrie,  tantôt  en  Pologne,  presque 
toujours  dans  des  défilés  ou  sur  des 
sommets  de  rochers  inaccessibles,  et 
quelquefois  dans  des  retranchements 
de  glace  et  de  neige.  A  défaut  de 
chausse-trapes,  il  avait  fait  placer, 
les  pointes  en  l'air,  sur  les  avenues 
les  plus  accessibles  de  son  camp,  un 
grand  nombre  de  râteaux  de  fer 
rassemblés  de  tous  les  villages  où  il 
pouvait  étendre  ses  incursions,  et  la 
neige  les  ayant  recouverts,  plus  d'une 
fois  la  cavalerie  ennemie  était  ventie 
s'y  briser.  Sa  troupe  alors  était  peut- 
être  la  plus  faible  par  le  nombre  qu'il 
y  eût  dans  toute  la  Pologne,  mais  c'é- 
tait la  plus  redoutée.  Tombant  du 
haut  des  montagnes,  son  asile,  il  enle- 
vait des  vivres,faisaitdes  prisonniers, 
imposait  des  rançons  ou  proposait  des 
échanges,  et  bien  que  les  Russes  af- 
fectassent de  le  traiter  de  brigand  (4), 

(4)  Il  faut  avouer  que  maintes  fois  les  Po- 
lonais (abstraction  faite  du  plus  ou  moius  de 
justice  de  leur  cause  et  de  la  résistance  qu'ils 
opposaient  au  roi  de  fait,  et  a  la  Russie  pro- 
tectrice ostensible  de  ce  roi  >  se  compor- 
taient en  Toleurs  de  grand  chemiu  et  en 
brigands,  d'abord  à  Tégard  des  luthériens, 
des  grecs  non-unis  et  des  juifs,  qu'ils  fai- 
saient profession  de  détester,  et  qui  n'é- 
taient pas  sans  torts  à  l'égard  de  leur  patrie, 
quoique  la  patrie  se  fût  montrée  iujuste  et 
oppressive  pour  eux;  a  l'égard  aussi  de  ceux 
qui  soutenaient  Poniatowski  ou  même  des 
neutres:  puis  trop  souvent  enfin  à  l'égard 
des  Polonais  de  leur  parti.  On  n'a  qu'à  mé- 
diter le  livre  8  des  Mèmoirti  de  Dumouriez  , 
et  le  tom.  II  de  VBiit.  anonyme  d*t  rèvol, 
de  Pologne  depuis  176!},  même  en  faisant  la 
part  des  exagérations  et  en  se  tenant  en  garde 
contre  le  penchant  des  auteurs  a  mal  juger 
les  Polonais,  pour  demeurer  persuadé' du 
fait,  qui  est  d'aillenrs  dans  la  nature  des 
choses,  une  fois  admis  les  éléments  dont  se 
rompusaient  et  la  Pologne  en  géoéral  et  la 
oufédéiation  en  particulier. 


PUL 


155 


il   les   forçait  d'observer  avec   lui 
le  droit  de  la  guerre.   Son  exem- 
ple electrisait  la  jeunesse  qui  s'était 
attachée  à  sa  fortune,  et  il  n'y  avait 
parmi  les  siens  personne  qui  ne  se 
fîit  signalé  par  quelque  exploit  fabu- 
leux. Presque  tous  ses  officiers  avaient 
été  arrachés  par  lui  un  jour  ou  l'au- 
tre à  d'imminents  périls,  et   recon- 
naissaient lui  devoir  ou  la  liberté  ou  la 
vie.  Aussi  tous  lui   étaient-ils  extrê- 
mement attachés  ;  et  avec  l'exagéra- 
tion familière  à  ceux  qui  courent  les 
mêmes  aventures  et  qui  fraternisent 
au  milieu  du  danger,  ils  élevaient 
ses  succès  au-dessus  des  hauts  faits 
de  Sobieski.  Son  affabilité  qui  con- 
trastait avec  sa  fierté  hautaine  à  l'é- 
gard des  ennemis  et  des  rivaux ,  sou 
esprit  de  conciliation,  son  humeur 
généreuse  et  franche  achevaient  de 
charmer.  Et  cependant,  malgré  ces 
qualités,  il  cédait  moins   fréquem- 
ment peut-être  que  tout  autre  aux 
volontés  des  chefs  subalternes ,  et  il 
combinait  seul  tous  ses  plans,  sans  en 
communiquer  le  secret  à  personne, 
sans   même  prendre  de  conseils.   Il 
n'aimait  pas  à    lever  de  contribu- 
tions, et  peut-être  sous  ce  rapport 
poussa-t-il    le    scrupule  trop  loin, 
car   ses  hommes  n'en   étaient    que 
plus  pillards  et  par  suite  plus  indis- 
ciplinés.  Ce  n'était    vraiment    que 
l'absolue  nécessité  qui    pût  l'y  dé- 
terminer. Une  de  ses  dépenses  prin- 
cipales, dès  qu'il  lui  rentrait  un  peu 
d'argent  (5),  c'était  de  payer  des  es- 


(5^  Cétait  à  peu  près  l'époque  à  laquelle 
Dumouriez  venait  remplacer  le  chevalier 
de  Taules  à  Epériès  comme  agent  secret  de 
la  cour  de  Versailles.  Il  était  parti  de  Paris 
en  juillet  et  s'était  arrêté  k  'Vienne  auprès  de 
Durand,  résident  français  en  cette  ville.  C'est 
lui  qui  était  chargé  de  remettre  aux  confé- 
dérés les  6,000  ducats  par  mois  que  leur 
payait  la  France,  et  dont  il  parait  qu'il  lui  ro- 
tait soavent  quelque  cho!ie  au  bout  des  doigts. 


156 


PUL 


pions,  car  autant  il  mettait  de  soin  à 
cacher  sa  situation  aux  ennemis,  au- 
tant il  tenait  et  en  géne'ral  réussissait 
àêtreinstruitde  ia  leur. C'est  par  ces 
moyens  que  si  souvent  il  surprenait 
à  propos  les  forces  russes,  et  leur 
causait  de  grosses  pertes ,  tandis 
que  lui-même  ne  perdait  que  peu  de 
monde.  Du  reste  il  avait  l'humeur 
volage  et  mobile,  il  ignorait  les  fi- 
nesses de  la  guerre  ;  il  ne  se  faisait 
pas  plus  d'idée  de  l'importance  des 
places-fortes  que  la  plupart  de  ses 
compatriotes,  et  il  ne  voulait  se  sou- 
mettre à  aucune  autorité.  Après  des 
lenteurs  qui  prirent  encore  tout  le 
printemps  et  une  partie  de  l'été  de 
1769,  la  confédération  générale  par- 
vint à  se  former  à  Biala ,  sous  les 
chefs  Krasinski,  Potoçki  et  Pac,  Or, 
d'une  part,  on  avait  offensé  griè- 
vement et  la  famille  de  Pulawski 
et  lui-même  :  on  en  concluait 
qu'il  devait  garder  rancune  aux 
notabilités  de  la  confédération,  et 
il  est  très-présumable  que  Dumou- 
riez  (Mém  ,  liv.  I,  chap.  7)  a  tout-à- 
fait  raison  de  le  représenter  comme 
s'obstinant  à  ne  pas  reconnaître  la 
confédération,  jusqu'à  ce  qu'enfin  la 
comtesse  dcMniezech,  si  connue  par 
ses  intrigues  et  sa  beauté,  du  reste 
un  peu  sur  son  déclin  à  celte  époque, 
sût  le  décider  à  faire  le  sacrifice  de  ses 
impressions  particulières  au  bien 
général.  De  l'autre  part  on  craignait 
qu'il  ne  devînt  trop  puissant;  de  là 
des  paroles,  des  mesures  vraiment 
hostiles  contre  lui.  Si  on  ne  le  re- 
gardait plus  comme  vendu  aux  Rus- 
ses, du  moins  était-ce  un  exagéré,  un 
boute-feu,  un  de  ces  fougueux  parti- 
sans dont  il  faut  restreindre  la  valeur 


Nous  ne  savons  trop  si  c'est  vraiment  à  ses 
instigHtions  que  fut  due  la  forinaliua  du  lu 
(.'uurcdûrutlou  gcacralc. 


PUL 

et  réprimer  les  prétentions.  On  en  vint 
à  mettre  sous  le  commandement  de 
Mosinski,  jusqu'alors  un  de  ses  of- 
ficiers, et  que  cet  arrangement  rendit 
son  égal,  lune  partie  des  troupes  qui 
l'avaient  suivi,etqui,  en  prenant  cette 
détermination, avaient  été  mues  prin- 
cipalement par  le  désir  de  servir  sous 
Casimir  Pulawski.  Mais  à  mesure 
qu'on  lui  retirait  des  partisans,il  en  re- 
crutait d'autres, et  toute  l'année  1770, 
il  ne  cessa  de  s'augmenter.  L'ennemi 
le  reconnaissait  bien,  et  lui  rendait  k 
sa  façon  plus  de  justice:  il  n'était  per- 
sonne parmi  les  chefs  polonais  qu'il 
redoutât  à  l'égal  de  Pulawski.  Du- 
mouriez  aussi,  jugeant  bien  le  parti 
qu'on  pouvait  en  tirer,  lui  promit  de 
contenir  dans  des  bornes  convena- 
bles ce  mauvais  vouloir  patent.  Tel 
était  l'état  'des  choses  quand ,  vers 
la  fin  d'août  1770,  il  sortit  des  mon- 
tagnes et,  s'établissant  dans  les  plai- 
nes méridionales  de  la  Pologne,  il 
simula  un  mouvement  sur  Varso- 
vie. Les  Russes  alors  se  portèrent 
vers  cette  ville  pour  la  couvrir,  lais- 
sant à  peu  près  dégarnie  et  la  route 
de  Cracovie  et  Cracovie  même,  où 
toutefois  il  restait  un  régiment  de 
cavalerie  polonaise  et  un  régiment 
des  gardes  du  roi,  plus  des  détache- 
ments russes.  Pulawski,  à  la  suite 
d'une  marche  précipitée,  arrive  de- 
vant l'antique  capitale  de  la  Pologne, 
enlève  la  grand'garde  russe,  pénètre 
jusque  dans  le  faubourg,  surprend  et 
paralyse  le  régiment  royal ,  qui  bientôt 
passe  sous  ses  drapeaux  et  prête  ser- 
mentà  la  confédération.  Mais  il  ne  put 
de  même  se  rendre  maître  de  la  ville. 
En  vain, ilest  vrai,  ledétachement  rus- 
se qui  l'occupait  voulut  le  chasser  du 
faubourg,  il  s'y  maintint,  mais  là  se 
borna  son  succès.  Les  jours  suivants 
divers  détachements  russes  se  rappro- 
chèrent de  Cracovie;  il  eut  avec  eux  des 


PLL 

engagements  et  quelques  avantages 
sur  la  route  de  l'une  à  l'autre  des  ca- 
pitales ;  mais  finalement,  compre- 
naut  qu'il  ne  pouvait  demeurer  dans 
Cracovie,  il  réunit  tout  son  monde 
€t ,  par  le  conseil  de  Dumouriez , 
alla  s'établir  au  monastère  de  Czens- 
tocliow,  également  célèbre  comme 
un  des  sanctuaires  les  plus  vénérés 
de  la  Pologne,  et  par  sa  forte  situation 
naturelle  fortifiée  encore  par  l'art.  Les 
religieux  de  ce  riche  couvent  avaient 
dessein  de  s'y  maintenir  indépen- 
dants des  Russes  et  des  confédérés, 
et  ils  étaient  assiégés  par  le  colonel 
russe  Drewits,  quand  Pulawski ,  en  ap- 
prochant, détermina  ce  chef,  plus  fa- 
meux par  sa  cruauté  que  par  ses  ta- 
lents et  sa  bravoure  (G),  à  partir,  en 


(6)  Les  croantés  de  Drevrits  furent  nommé- 
méat  dénoncées  à  l'iodignation  de  l'Earope 
et  de  la  postérité  par  VUnivertal  du  maré- 
chal du  palatioat  de  Cracovie  (Joach.  Czer- 
ni,  du  4  juillet  1769):  «  Nous,  etc.,  prenons 
«  pour  juges  tons  les  <4ilcier«  suj>érieurs  et 
"  snbalternes  des  différentes  troupes  de  l'Eu- 
«  rope,  et  nous  leur  demandons  si  la  cruauté 
«  aTeo  laquelle  l'armée  rasse  traite  ses  pri- 
"  sonnicrs  s'accorde  avec  les  lois  de  la  guerre 
a  et  les  usages  reçus  parmi  les  nations  poli- 
o  cées.  Que  le  héros  du  Nord,  qui  n'a  jamais 
«  pris  les  armes  que  pour  sa  gloire  (é^ldem- 
«  ment  Frédéric  II),  veuille  bien  nous  juger! 
«  Quel  honneur  peut  acquérir  une  armée  qui, 
«  après  avoir  dépouillé  ses  prisonniers  ,  les 
«<  fait  courir  uus  «ous  prétexte  qu'ils  cache- 
«  ront  leur  nudité  dans  leur  fuite  et  les  fait 
"  poursuivre  par  des  gens  à  cheval  qui  les 
«  percent  avec  leurs  lances  comme  des  bêtes 
«  féroces?  Telle  est  la  conduite  du  colonel 
«  Dréwits...Dréwiti  a  fait  tirer  de  sang-froid 
«  sur  jilusieurs  prisonniers  désarmés.  Ces 
«  horreurs  sont  peu  de  choses  pour  lui  :  il 
><  a  eu  U  barbarie  de  faire  écorcher  les  bras 
«  de  plusieurs  Polonais,  et  de  nouer  la  peau 
u  derrière  le  dos,  comme  les  manches  de  leur 
«  habit...  Le  sort  des  armes  n  fait  tomber  en 
«  nos  mains  plusieurs  prisonniers  russes  : 
«  nous  pouvons  nommer  Lopotin  ,  officier 
•c  du  corps  du  général  Apraxin,  Bercboitz , 
«  Paukratoff ,  etc.  Kous  les  traitons  selon 
«  leur  état  et  leur  rang.  Quoique  nous  sa- 
«  chions  vaincre,  nous  n'ignorons  pas  les 
"  égards  que  l'on  dàit  aux  Taincus...  Nous 
a  sommes  prêts  à  échanger  nos  prisonniers 


PUL  157 

exigeant  tootefois  des  moines ,  sous 
peine  d'incendie,  trois  mille  ducats 
de  contribution.  Mais,  non  con- 
tent d'avoir  éloigné  les  Russes.  Pu- 
lawski,  auquel  il  fallait  une  place  d'ar- 
mes, un  point  d'appui,  pour  l'exécu- 
tion de  ses  desseins,  s'empara  par 
surprise  du  monastère  où  il  établit  son 
quartier-général,  et  ayant  réussi  à  se 
faire  bien  accueillir  du  nonce  da 
pape ,  qui  se  trouvait  par  hasard  en 
ce  moment  à  l'abbaye,  il  vit  en  quel- 
que sorte  une  sanction  religieuse  ra- 
tifier son  entreprise.  Non-seulement 
le  nonce  contint  le  premier  mécon- 
tentement des  religieux,  mais  il  don- 
na solennellement  en  partant  sa  bé- 
nédiction à  la  troupe  de  Pulawski,  et 
cette  nouvelle  fit  une  impression  ex- 
traordinaire sur  les  esprits  en  Polo- 
gne. Du  reste,  il  eut  soin  de  ne  point 
toucher  au  trésor  du  monastère,  et  il 
le  laissa  sous  le  scellé  et  sous  la 
garde  des  moines.  Il  s'occupa  ensuite 
de  faire  entrer  à  Czenstochow  tout  ce 
qui  serait  de  première  nécessité  pour 
supporter  un  long  siège  ;  car  on  ne 
doutait  pas  que  les  Russes  ne  vinssent 
incessamment  en  forces  pour  s'em- 
parer de  ce  point  important.  Se  con- 
certant alors  avec  Zaremba ,  qui 
commandait  pour  la  confédération 
les  troupes  de  la  Grande-Pologne,  et 
avec  lequel  déjà  plus  d'une  fois  il 
avait  combiné  ses  manœuvres ,  il  se 
lança  sur  la  roule  de  Poznauie  (ou 
Posen),  feignant  de  vouloir  se  rendre 
maître  de  cette  ville,  et  bientôt  il  fut 
devant  ses  murs.  Drewits  accourut, 
et  Zaremba,  tandis  que  ce  Russe  s'é- 


«  contre  nos  compatriotes  qui  gémissent 
«  dans  les  fers.  Les  Kusses  n'ont  qu'a  le  tou- 
<■  loir,  et  ils  verront  que  nous  n'exerçons  au- 
<<  cune  cruauté  sur  ceux  qui  tombent  entre 
«  nos  mains,  et  que  nous  leur  fournissons  les 
«  aliments  nécessaires,  tandis  que  les  prisou- 
"  niers  polonais  périssent  chez,  eux  de  faim 
«  e(  de  mbère.  » 


158 


PUL 


loignait ,  put  approvisionner  Czens- 
tochow  et  y  faire  entrer  toutes  sortes 
de  convois.  Pulawski,  durant  cet  in- 
tervalle, était  livré  à  lui-même,  mais 
y  restait  plus  long- temps  abandonné, 
et  par  sa  témérité  courait  plus  grand 
risque  que  Tonne  devait  s'y  attendre, 
d'après  le  plan  convenu  entre  Za- 
remba  et  lui.  Suivant  ce  plan,  en  ef- 
fet, il  ne  s'agissait  pas  sérieusement 
d'emporter  Poznanie ,  et  la  démons- 
tration faite  sur  cette  ville  n'avait 
pour  but  que  de  nettoyer  les  abords 
de  Czenstochow,  en  amenant  les  Rus- 
ses sur  un  autre  point.  Mais  Pu- 
lawski, en  se  mettant  à  l'entre- 
prise, y  prenait  goût;  il  déclarait  pos- 
sible de  prendre  Poznanie ,  et  il  ten- 
ta par  ses  propres  forces  d'y  réussir. 
Il  lui  fallut  plusieurs  essais  infruc- 
tueux pour  s'apercevoir  que  cette  tâ- 
che était  au-dessus  de  son  pouvoir. 
De  retour  à  Czenstochow,  il  envoya 
Kosakowski  avec  un  fort  détache- 
ment de  cavalerie  pour  insurger  de- 
rechef la  Lithuanie  ;  il  construisit  de 
nouvelles  fortifications,  et  répara  les 
anciennes  ;  il  reçut  même  de  Varso- 
vie un  convoi  de  poudre  et  de  plomb. 
On  peut  s'étonner  que  les  Russes  lui 
donnassent  le  temps  de  faire  tous  ces 
préparatifs-  Ce  n'est  pas  qu'ils  n'eus- 
sent senti  parfaitement  combien  il 
était  important  pour  eux  de  ne  pas 
laisser  l'ennemi  se  consolider  sur  ce 
point  et  de  cette  manière.  Ils  avaient 
même  déclaré  qu'ils  écraseraient  le 
monastère  sous  leurs  bombes  ,si  Pu- 
lawski ne  l'évacuait.  Mais,  d'une  part, 
ils  étaient  dépourvus  d'artillerie  de 
siège,  puis  il  leur  fallait  du  temps  , 
soit  pour  en  faire  venir,  soit  pour 
remplacer  par  des  renforts  suffisants 
les  détachements  qui  formeraient 
l'armée  assiégeante  5  de  l'autre,  ceux 
des  sénateurs  qui  se  trouvaient  à 
Varsovie ,  et  même  le  roi ,  à  leur  sol- 


PUL 

licifation,  avaient  envoyé  une  dépu- 
tation  à  l'ambassadeur  et  au  général 
russes  pour  les  prier  d'épargner  le 
sanctuaire  de  la  nation ,  et  ceux-ci, 
n'osant  rien  prendre  sur  eux,  avaient 
écrit  à  la  czarine.  Les  intentions  de 
cette  dernière  ne  pouvaient  être  dou- 
teuses; toutefois  l'ordre  d'attaquer 
Czenstochow  ne  fut  pas  immédiate- 
ment donné.  On  commença  par  for- 
mer des  cordons  sanitaires  autour  de 
Varsovie,  sous  prétexte  de  peste  (7), 
et,  en  peu  de  temps,  les  Russes,  à  l'ai- 
de de  ce  moyen,  fortifièrent  Varsovie 
et  s'en  arrogèrent  à  peu  près  seuls  la 
garde ,  tandis  que ,  de  leur  côté ,  les 
puissances  étrangères,  l'Autriche ,  la 
Prusse ,  saisissant  de  même  cette  oc- 
casion d'assembler  des  troupes  sur 
la  frontière,  empiétaient  sur  celle  de 
la  Pologne.  Peu  à  peu  le  masque  tom- 
bait. Frédéric  II ,  qui  jusque-là  s'é- 
tait prescrit  des  apparences  de  neu- 
tralité, et  qui  affectait  encore  de 
prendre  le  titre  de  pacificateur,  prê- 
tait aux  Russes  des  canons  de  siège  et 
douze  mortiers.  On  comprend  bien 
que,  en  présence  de  tels  faits,  la  con- 
fédération générale  se  soit  laissé  en- 
traîner à  déclarer  le  trône  vacant, 
en  d'autres  termes,  à  proclamer  la 
déchéance  de  Stanislas  Poniatowski 
(9  avril  1770).  Qu'un  tel  acte,  dans 
les  constitutions  du  royaume  de  Po- 
logne, ne  fût  pas  absolument  illégi- 
time, on  pourrait  le  soutenir  sans 
doute,  si  l'on  se  référait  aux  circon- 
stances qui  accompagnèrent  l'élec- 
tion de  1764,  et  abstraction  faite  de 


(7)  Le  fait  d'une  maladie  épidérnique  n'é- 
tuit  au  reste  que  trop  réel,  mai»  cette  promp- 
titude des  puissances  à  s'emparer  de  ce  pré- 
texte n'eu  est  pas  motus  un  trait  curieux  , 
surtout  si  on  le  rapproche  de  beaucoup 
de  traits  analogues,  qui  ont  eu  lieu  dans 
d'autres  circonstances  et  notamment  de  nos 
jours. 


PUL 

la  reconnaissance  de  Stanislas  par 
les  puissances  étrangères  ;  mais  était- 
ce  un  acte  de  saine  et  clairvoyante 
politique?  rien  n'est  plus  douteux, 
bien  que  le  cabinet  de  Versailles  eût 
laissé  le  conseil  général  maître  de 
décider  la  question.  Vers  la  fin  de 
1770,  Drewits  revint,  à  la  tête  de 
4,000  hommes ,  assiéger  le  couvent 
de  Czenstochow,  déterminé ,  suivant 
les  ordres  qu'il  avait  reçus ,  à  le  ré- 
duire en  cendres  si  l'on  s'obstinait 
à  s'y  défendre.  Le  bombardement  com- 
mença le  3  janvier  1771.  Tous  les  par- 
tis belligérants  avaient  l'œil  sur  ce 
siège;  on  se  persuadait  que  du  sort 
de  Czenstochow  allait  dépendre  ce- 
lui de  la  Pologne.  Pulawski ,  malgré 
l'extrême  danger  que  courait  le  mo- 
nastère et  que  sans  doute  il  ne  se 
dissimulait  pas  à  lui-même  ,  avait 
toujours  semblé  rempli  de  confiance, 
^  sa  confiance  en  inspirait  aux  autres. 
Soit  par  suite  de  ce  besoin  de  témoi- 
gner qu'il  ne  redoutait  point  les  évé- 
nements, soit  afin  de  lier  indissolu- 
blement les  moines  à  sa  cause  par  la 
communauté  du  risque ,  il  s'était  op- 
posé ,  en  dépit  des  ordres  venus  de  la 
confédération  générale ,  et  eu  d,épit 
aussi  du  vœu  des  religieux,  à  ce  que 
le  trésor  du  couvent  fût  évacué  sur 
la  Silésie  ou  la  Hongrie  ;  et  cepen- 
dant il  continua  so»  système  de  ne 
point  mettre  la  main  sur  ce  riche  dé- 
pôt. En  revanche,  il  ne  se  fit  point 
scrupule ,  atn  d'éclaircir  les  appro- 
ches, de  détruire  (malgré  la  ré- 
sistance des  moines  qui  en  étaient 
propriétaires)  la  ville  neuve  de 
Czeustochow,  bâtie  sous  les  murs  du 
couvent.  Au  reste,  on  n'a  pas  d'idée 
du  dénûment  où  en  était  la  gar- 
nison. Les  soldats  qui  manquaient 
de  vêtements  se  prêtaient  tour  à 
tour  quelques  misérables  équipe- 
ments pour  aller  monter   la  garde. 


PUL  159 

et  combattaient  en  chemise.  Ils  at- 
tendaient l'assaut  pour  avoir  de  quoi 
s'habiller,  et,  en  effet,  à  la  fin  du  siè- 
ge, ils  portèrent  presque  tous  des  uni- 
formes russes.  L'artillerie  des  assié- 
geants ne  put  faire  brèche  ;  leurs 
bombes  eurent  plus  de  succès,  et 
deux  fois  le  feu  prit  à  la  forteresse, 
mais  de  prompts  secours  l'éteigni  - 
rent.  Plusieurs  sorties  hardiment 
faites  et  bien  condiytes  par  Pulawski 
en  personne  coûtèrent  encore  aux 
Russes  un  bon  nombre  de  batteries. 
Enfin,  trois  escalades  tentées,  par 
ceux-ci  furent  repoussées  avec  'une 
perte  considérable.  Des  bandes  nom- 
breuses de  confédérés  pendant  ce 
temps  empêchaient  qu'on  ne  vînt 
renforcer  les  assiégeants.  Zaremba 
dans  la  Grande -Pologne,  un  mou- 
vement partiel  de  quelques  braves 
sur  Cracovie,  de  continuelles  atta- 
ques qui,  ordonnées  et  dirigées  par 
Pulawski,  déconcertaient  de  plus  eu 
plus  les  projets  des  Russes;  et  le 
bruit,  alors  si  adroitement  répandu 
de  la  déchéance  de  Poniatowski,  tout 
cela  fit  que  Drewits*  réduit  à  lui- 
même,  perdit  autant  de  son  ardeur 
que  de  ses  forces  numériques.  Enfin 
il  reçut  l'ordre  de  lever  le  siège,  et 
il  partit  en  frémissant,  laissant  douze 
cents  morts  au  milieu  des  neiges.  Les 
pieuses  populations  de  la  Pologne  vi- 
rent dans  cette  délivrance  un  miracle, 
et  les  pèlerins  affluèrent  de  toutes 
parts,  les  offrandes  à  la  main,  bien 
que  cruellement  appauvris  par  les 
désastres  d'une  guerre  sans  pitié. 
Si  la  France  eût  alors  fait  sérieuse- 
ment un  effort  pour  l'indépendance 
polonaise,  indubitablement,  malgré 
des  désastres  a  jamais  déplorables, 
la  cause  des  confédérés  aurait  triom- 
phé, et  il  eût  encore  fallu  que  les 
trois  paissants  voisins  de  la  Pologne 
ajournassent  leurs  projets  de  démeni- 


160 


PUL 


brement(8).  Mais  le  ministère  Choi- 
seul  venait  de  tomber  (24  déc.  1770); 
le  contre-coup  ne  tarda  pas  à  s'en 
faire  sentir  en  Pologne.  Dumouriez 
resta  sans  instructions  et  bientôt  il 
fût  remplacé  par  Vioménil,  sous 
qui  les  secours  aux  Polonais  devin- 
rent moindres  de  jour  en  jour  et  fi- 
nirent par  être  absolument  nuls  (9). 

(8)  Il  est  (le  fait  que  les  affaires  des  con- 
fédérés, au  commencement  de  1771,  avaient 
pris  assez  bonne  tournure  pour  que  la  Russie 
offrît  amnistie  à  ceux  d'entre  eux  qui  vou- 
draient poser  les  armes  La  preuve  s'en  trouve 
notamment  dans  la  Déclaration  de  S.  M.  I. 
de  toutes  les  Russies  adressée  aux  Polonais,  eu 
date  du  14  mai  177 1  (n°  26  des  pièces  just. 
des  Rév.  de  Pol.,  t.  II,  p.  4i4,  etc.)  ;  l'arti- 
cle 7  porte  textuellement:  «  Chacun  de  ceux. 
«  mêmes  qui  ont  porté  les  armes  pour  aug- 
«.  menter  les  malheurs  de  leur  patrie,  et  qui, 
<•  désormais,  voudraient  rester  tranquilles 
-<  dans  leurs  maisons  ,  s'abstenir  de  toute 
«  hostilité ,  sont  sûrs  de  n'être  point  poùr- 
«  suivis  ni  inquiétés  par  lesj  troupes  de 
.<  S.  M.  I.  » 

(9)  Le  cabinet  de  Versailles  ne  changea 
pas  de  marche  sur-le-champ,  mais  au  fond 
le  changement  était  complet.  La  faction 
d'Aiguillon  avait  mis  en  tête  à  Louis  XV 
qui,  au  moyen  de  sa  correspondance  se- 
crète, se  croyait  un  grand  politique,  qu'a- 
près avoir  eu  la  gloire  d'être  uu  graud  con- 
quérant, il  devait  rechercher  celle  de  devenir 
un  roi  pacifique,  et  que  la  confiance  de 
toutes  les  cours  lui  déférait  le  rôle  d'arbitre 
de  toutes  les  querelles  et  du  sort  de  l'Eu- 
rope. Quanta  d'Aiguillon  lui-même,  son  plan 
était  de  tromper  et  les  puissances  avec  les- 
quelles il  traitait,  et  son  propre  agent  qu'il 
comptait  sacrifier  pour  jeter  du  ridicule  non- 
seulement  sur  le  choix,  mais  sur  le  système 
de  l'ex-rainistre.  Il  écrivit  coiiséqucmment 
en  termes  pleins  d'obligeance  à  la  confédé- 
ration qui  quelque  temps  en  fut  la  dupe,  et 
Dumouriez  reçut  aussi  de  lui  une  lettre  rem- 
plie d'éloges  et  de  protestations  que  le  chan- 
gement de  ministre  n'en  apportait  aucun 
au  système  adopté  relativement  à  la  confé- 
dération polonaise.  On  l'exhortait  donc  à 
continuer.  «  Mais  en  même  temps,  ajoute  Du- 
X  mouriez  (il/f m. ,1.  I,  ch.  8) ,  il  (d'Aiguillon) 
«  fit  passera  l'ambassade  de  Venise  le  baron 
.<  de  Zuckmantel ,  lieutenant-général ,  célè- 
«  bre  par  la  défense  de  Ziegenhayn,  dans  la 
•<  guerre  de  Sept-Ans,  ami  de  Dumouriez, 
"  ministre  de  France  à  Dresde,  qui  s'était 
«  chargé  de  presser  la  levée  du  contingent 


Ï>UL 

Cet  intervalle  de  huit  mois  (  janv.  h 
sept.  1771  )  fut  décisif  pour  les  affaires 
de  la  confédération.  C'était  le  moment 
de  se  tenir  unis,  d'agir  de  concert, 
de  sacrifier  les  griefs  particuliers  et 
les  petites  vanités,  d'établir  sérieuse- 
ment la  discipline,  la  tenue  des  trou 
pes  régulièrement  organisées  de  l'Eu- 
rope moderne,  et  en  particulier  de  la 
Russie;  mais,  il  faut  le  dire,  les  Polo- 
nais ne  comprirent  jamais  cette  né- 
cessité, ou  n'eurent  pas  la  force  de  s'y 
astreindre.  Si  l'on  en  excepte  parmi 
les  militaires  Walewski,  kquel  tenait 
sa  troupe  un  peu  en  ordre,  et  parmi  les 
conseillers  Wibranowski,  dont  la  mo- 
dération égalait  la  sagesse,  Dumou- 
riez trouvait  toujours  on  ne  peut 
moins  maniables  les  hommes  dont 
l'obéissance  et  l'accord  auraient  été 
nécessaires  pour  réussir.  La  patience 
d'ailleurs  lui  échappait  parfois  à  lui- 
même  ;  et  quelque  délié,  quelque  in- 
sinuant qu'il  fût,  il  laissait  fréquem- 
ment apercevoir  à  quel  point  il  trou- 
vait les  Polonais  arriérés  et  pour  les 
habitudes  et  pour  l'art  militaire. 
Comme  représentant   d'une  grande 


c<  saxo-courlandais;  il  ne  lui  donna  point  de 
«  successeur  et  il  prit  des  mesures  pour  faire 
«  manquer  le  contingent.  Il  fit  avertir  sou» 
«  main  le  conseil  de  guerre  de  Vienne  d'un 
et  achat  que  les  confédérés  avaient  fait  de 
«  i3,ooo  fusils  de  l'armement  des  comitat» 
«  de  Hongrie,  sur  lesquels  on  avait  payé 
«  1,000  ducats  d'avance  :  les  fusils  furent 
«  arrêtés  et  l'argent  perdu.  Il  défendit  au 
«  comte  de  Folard  de  suivre  le  marché  de 
«  22,000  fusils  bavarois,  et  il  priva  les  Polo- 
«  nais  de  cette  ressource  précieuse  et  assu- 
«  rée...  »Un  i)cu  plus  bas  (p.  2i2deréd.  Bau- 
douin, 1822)  Dumouriez,  après  avoir  dit 
«qu'il  rendit  compte  de  tout  au  ministre  dans 
«  deux  ou  trois  dépêches,  demandant  fou- 
«  jours  d'être  relevé  et  annonçant  que,  rem- 
«  placé  ou  non,  il  partirait  le  11  septembre, 
«  parce  qu'alors  la  confédération  tirerait  à 
«sa  fin,  »  ajoute  très-spirituelIcmcnt ,  et 
malheureusement  avec  autant  de  vérité  que 
d'esprit:  «  Leduc  d'Aiguillon  trouva  que 
<•  tout  allait  bien,  car  tout  empirait,  etc.  ■> 


PUL 


PUL 


161 


puissance ,  il  prenait  avec  tous  ces 
gentilshommes  républicnins  des  airs 
de  hauteur.  Chargé  de  l'emploi  des 
subsides,  dont  une  partie  seulement 
était  donnée  aux  chefs  pour  eux  et 
leurs  troupes,  tandis  que  le  reste  de- 
yait  passer  en  achats  d'objets  de  guer- 
re et  en  dépenses  secrètes,  il  refusait 
de  l'argent  plus  souvent  qu'il  n'en 
donnait.  Pulawski  n'était  pas  plus  rai- 
sonnable que  les  autres,  ou  pent-étre 
l'était  moins.  Il  avait  d'abord  été  assez 
d'accord  avec  lui,  parce  que  Dumou- 
riez  l'avait   soutenu,  comme  nous 
l'avons  vu,  contre  le  mauvais  vouloir 
des  meneurs  de  la  confédération  gé- 
nérale, et  depuis  lui  avait  promis  le 
commandement  de  la  Podolie,  où  il 
pourrait  se  conduire  en  chef  à  peu 
près  indépendant  de  la  confédération. 
En  avril  encore  il  le  seconda,  lors  du 
commencement  d'exécution  du  plan 
qu'avait  formé   le  colonel  français, 
pour  faire  reculer  les  Russes  au  delà 
de  la  Vislule,  et  s'ouvrir  des  commu- 
nications avec  la  Grande-Pologne.  Il 
partit  deCzenstochow  avec  10  pièces 
de  canon,  300  hommes  d'infanterie, 
4000  de  cavalerie  ;  et  tandis  que  Za- 
remba  se  portait  de  Posen  sur  Radom 
|Mir  Rawa,  tandis  que  Walewski  avec 
1600  hommes  marchait  de  Biala  sur 
Bobreck.  tandis  que  Schûtz,  forçant 
le  défilé  de  Kente,  allait  masquer  Os- 
wieczym,  Miacziiiski,  à  la  tête  de 
4000  cavaliers  et  300  fantassins,  de- 
vait forcer  le  passage  de  Kalvary  et 
marcher  sur  Scavina  ;  lui-même  s'a- 
vança par  Severin  et  Lipowice,  et 
força  le  passage  de  la  Vistule  à  Bo- 
breck. Les  Russes,  à  son  appariliun, 
s'enfuirent  presque  sans  combattre, 
ainsi  que  devant  Walewski,  et  !e  29 
avril  au  matin  il  n'en    restait  pas 
un  sur  la  rive  droite  de  la  Vistule- 
Mais  quelques  jours  après  le  succès, 
dft  pourtant  encore  plus  à  l'habile  di- 

IXWIII. 


rection  de  Dnmonriez  qu'aux  talents 
particuliers  de  chaque  chef,  Pulawski 
était  en  complète  hostilité  avec  l'a- 
droit commissaire  français.  D'abord 
il  voulait  voir  toujours  des  hommes  à 
lui  dans  Czenstochow,  que  Dumouriez 
au  contraire  voulait  ravoir  et  être  à 
même  de  remettre  à  la  confédération, 
tandis  que  Pulawski  s'avancerait  en 
Podolie.  Toujours    trop    indulgent 
pour  ses  troupes,  et  toujours  prêt  à 
les  défendre  contre    les  reproches 
qu'un  étranger  leur  ferait,  il   vit 
avec  le  plus  grand  courroux  Dumou- 
riez faire  condamner  à  mort  trois 
Towaricz  pour  un  viol,  et  qui  plus  est, 
faire  exécuter  le  jugement  sur  le  plus 
coupable  des  trois,  en  le  prenant,  lui 
Pulawski  et  Miaczinski,  pour  otages. 
Enfin  il  s'était  vantéd'enlever  Dumou- 
riez, de  le  conduire  à  Czenstochow, 
de  le  forcer  à  donner  de  l'argent  ;  et  k 
ce  propos  Dumouriez  lui  avait  dit  en 
plein  conseil  :  •  Pulawski ,   ne  vous 
«  avisez  pas  de  faire  une  pareille  ten- 
«  tative  !  je  vous  brûlerais  la  cervelle 
«  à  la  tête  de  vos  Towaricz.  •  Mai  et 
moitié  de  juin  se  passèrent  dans  ces 
querelles ,  tandis  que  Souvarow  ma- 
nœuvrait pour  regagner  le  terrain 
perdu,  et  reprendre  la  rive  droite  de 
la  Vistule.  Dumouriez  probablement 
serait  venu  à   bout  de  déjouer  ses 
plans,  si  l'insubordination  des  chefs 
polonais  n'eût  fait   échouer  toutes 
ses  mesures.  Pulawjki  surtout  mé- 
rite, en  cette  occasion,  de  graves  re- 
proches, soit  pour  la  tiédeqr  avec 
laquelle  il  se  mit  en  disposition  d'exé- 
cuter des  mouvements  de  la  dernière 
importance,soit  pour  la  désobéissance 
formelle  qui  courouita  sa  première 
faute,  et  que  Dumouriez  ne  balance 
point  à  nommer  défection.  Celui-ci 
avait  chargé  Pulawski  de  se  tenir  sur 
la  Dojanec  pour  surveiller  l'ennemi, 
déjà  à  droite  de  la  Vistule,  et  l'empê- 

11 


162 


PUL 


cher  de  passer  l'affluent.  Pulawski 
lui  manda  bientôt  qu'il  n'y  avait  pas 
un  Russe  à  droite  de  la  Vistule,  du 
côté  de  la  Dojanec,  et  que  cette  ri- 
vière, ordinairement  basse,  continuait 
d'être  en  ce  moment  haute  et  inguéa- 
ble.  Les  Russes  trouvèrent  un  gué 
pourtant, et  passèrent. Pulawski  alors 
écrivit  au  chef  français  que,  voyant 
l'ennemi  traverser  la  Dojanec,  il  se 
résolvait  à  gagner  les  défilés  pour 
les  tourner  par  derrière.  En  vain  Du- 
mouriez  le  conjura  par  trois  messa- 
ges différents  de  revenir  sur  ses  pas, 
en  vain  il  courut  lui-même  à  cheval 
cinq  lieues  sur  la  piste  de  Pulawski. 
Finalement,  il  reçut  une  lettre  datée 
deRabko,  à  tOlieues  de  Landskron, 
où  celui-ci   déclarait  formellement 
qu'il  n'avait  aucun  ordre  à  recevoir 
d'un  étranger,  que,  s'il  voulait  le  sui- 
vre, il  n'avait  qu'à  venir  à  Zamoscet 
à  Léopol.  Ainsi  privé  du  concours  de 
près  de  6000  hommes,  Dumouriez 
quelques  jours  plus  tard  (22  juin), 
après  avoir  été  coupé  par  les  déta- 
chements russes,  perdait,  à  la  tête 
de  1,200  hommes,  contre  ce  même 
Souvarow,  la  bataille  de  Landskron, 
qu'il  eût  gagnée,  dit-il  (10),  malgré 


(lo)Voici  commeutDuinouriezracoute  les 
faits  essentiels  de  la  bataille  (cbap.  vill  du 
tom.  l  de  la  T^ie  de  Dumouriez,  par  lui-même, 
Hamb.,  1795, in.8°)... «Son  champ  de  bataille 
«  dominait  une  hauteur  qui  lui  faisait  face, 
«  où  le  canon  du  château  de  Landscron  dou- 
<«  nait  en  plein;  celui  des  Russes,  d'un  plus 
«  faible  caliljre,  n'arrivait  qu'à  deux  cents 
«  pas  en.avantde  la  ligne  des  Polonais.  — 
«€  Suwarof  fit  uu  mouvement  qui  devait  le 
..  faire  battre.  Il  avait  environ  3,ooo<hevaux 
«  et  2,5oo  hommes  d'infanterie.  11  laisse  son 
«  infanterie  sur  la  hauteUr  et  fait  descendre 
€<  sa  cavalerie  dans  le  ravin,  (lour  remonter 
»  ensuite  dans  la  forêt  de  sapins.  Dumouriez 
«  envoya  dire  a  ses  cha8^eur8  de  s'aplatir  dans 
«<  le  bois,  de  laiiseï-  passer  cette  cavalt-rie.qui 
«  allait  monter  dispersée,  et  de  ne  pas  tirer. 
«  Il  annonce  aux  Polonais  que  la  victoire  est 
•<  a  eux;  que  dès  que  cettf  i-.ivalfrii-  arrivera 


PUL 

l'extrême  infériorité  du  nombre,  s'il 
eût  été  secondé  par  les  Polonais  et 
si  les  Lithuaniens  et  les  hussards  de 
Schiitz  n'eussent  fait  preuve  d'une  lâ- 
cheté sans  égale.  Dumouriez,  dans  le 
besoin  de  se  Justifier,  n'a-t-il  pas  pal- 
lié ici  ses  fautes  aux  dépens  de  ceux 
avec  lesquels  il  agissait  ?  C'est  possi- 
ble^ mais  il  est  sûr  qu'il  en  voulait 
particulièrement  à  Pulawski ,  soit 
pour  des  motifs  avouables,  soit  parce 
que  dans  la  répartition  des  ducats 

«  sur  la  hauteur,  ils  n'ont   qu'à  la  charger 
»  sans  lui  donner  le  temps  de  se  former.  Ils 
«  lui  promettent  des  merveilles.  Deux  super- 
«  bes   régiments    russes,    Saint-Pétersbourg 
ce  et   Astracan,  paraissent  :  ils   étaient   tout 
<c  débandés.  II  (Dumouriez)  veut  se  mettre  à 
«  la  tête  des  Lithuaniens  d'Orsewsko  avec 
«  le  prince  Sapieha.   Ces  lâches  fuient,  mas- 
«  sacrent  eux-mêmes  Sapieha ,  jeune  prince 
«  plein  de  courage  ;  Orsewsko   et  quelques 
«  autres  sont  tués.  Il  court  aux  hussards  de 
«  Schiitz,  qui,  au  lieu  de  sabrer,  font  une 
<•  décharge  de  carabines  et  prennent  la  fuite. 
«  Les  Russes,  étonnés  eux-mêmes  de  leurs 
«  succès,  n'avançaient  pas  et  étaient  occupés 
«  à  se  former.  Miaczinski  furieux  rallie  quel- 
le ques  braves  Towaricz,  se  jette  au  milieu  des 
«  Russes,  est  démonté,  blessé  et  pris.  Walew- 
«  ski,  qui  fermait  la  gauche,  se  retire  en  bon 
«  ordre  derrière  Landscron.  Tout  le  reste  se 
«  débande.  Les  Cosaques  poursuivent  pen- 
«  dant  plus  d'une  demi-lieue  cette  cavalerie, 
c<  qui  ne  tue  pas  quatre  hommes  aux  Russes, 
«  et  qui  en  perd  trois  cents  tués ,  blessés  ou 
«  pris.  Resté  seul  sur  le  champ  de  bataille 
«  avec  son  petit  escadron  frauçais.Dumouriez 
«  se  garde  bien  de  se  jeter  dans  le  troupeau 
«  de  fuyards...  A    Sucha,  il  trouve  le  régi- 
«  ment  de  hussards  de  Schiitz,  qui  n'avait 
«  pas    beaucoup    souffert.    Cependant    les 
«  chasseurs  français  avaient  tourné   par  les 
«  bois,  et  s'étaient  jetés  dans  Landscron,  qui 
<c  se  mit  à  canonuer  vivement  la  cavalerie 
«  ennemie.  Celle-ci  fut  obligée  d'abandou- 
«  ner  bien  vite  ce  champ  de  bataille  dange- 
«  reux,  emmenant  ses  prisonniers  et  les  deux 
«  pièces  de  canon  qui,  après  avoir  tiré  quel- 
«  ques  coups  presque  à  bout  portant,  furent 
■<  abandonnées,  l'officier  n'ayant  pas  eu  l'es- 
«  prit  de  les  précipiter  dans  le  ravin.  Voilà 
«  ce  que  les  Russes  et  les  Polonais  appelè- 
«  reut  alors  la  bataille  de  Landscron  :  elle 
<<  dura  une   demi-heure,  et   les  Russes  ne 
perdirent  du  monde  qu'à  leur  retraite  par 
le  canon  de  Landscron,  etc.  » 


PUL 

mensuels,  plus  d'une  fois  il  avait 
trouvé  peu  de  flexibilité  chez  le  dé- 
fenseur de  Czenstochow.  S'il  parla 
de  le  faire  passer  devant  un  conseil 
de  guerre,  c'étaient  peut-être  alors, 
et  en  un  tel  pays,  de  vaines  paroles, 
mais  à  coup  sûr  avec  un  tout  autre 
gouvernement  la  mesure  n'aurait  été 
que  légitime,  et  Pulawski  n'eût  point 
échappé  à  de  trop  justes  reproches , 
non  pas  de  lâcheté,  c'est  là  une  de 
ces  imputations  auxquelles  il  eût  été 
impossible  d'ajouter  foi,  et  que  Du- 
mouriez,  au  reste,  n'adresse  point  à 
Pulawski  (quoi  qu'en  dise  Rulhière), 
mais  d'insubordination.  Ce  qu'il  y  a 
de  certain,  c'est  que  la  bataille  de 
Landskron  fut  d'autant  plus  funeste 
pour  la  cause  polonaise,  que  1,200 
hommes  de  cavalerie  de  la  couronne 
qui  se  seraient  joints  aux  confédérés, 
s'ils  eussent  été  vainqueurs,  restèrent 
avec  le  grand-général  Branicki  et  vin- 
rent masquer  Biala.  Pulawski  lui- 
même  s'était  fait  battre  à  Cartenow 
aux  environs  de  Léopol.  La  fortune 
y  fut  long- temps  flottante  et  varia- 
ble. Les  Russes  enlevèrent  d'abord 
l'artillerie  polonaise;  Pulawski  la  re- 
prit ensuite,  s'avança  jusqu'à  la  ri- 
vière de  Som,  la  traversa  et  la  fit  tra- 
verser à  la  nage  partout  son  monde,  et 
culbuta  140  hommes  qui  défendaient 
la  rive  opposée;  mais,  engagé  en- 
suite par  de  faux  avis  dans  de  péril- 
leuses manœuvres,  il  perdit  beaucoup 
de  monde  et  fut  contraint  de  se  re- 
tirer. Alors  il  tâcha  de  surprendre 
Zamosc;  mais  cette  ville  refusa  de  lui 
ouvrir  ses  portes.  Il  repassa  le  long 
des  montagnes  par  Kente  et  par  Bo- 
breck,  et,  après  cent  cinquante  ligues 
qui  n'avaient  eu  pour  résultat  que  de 
la  fatigue,  de  grosses  pertes,  la  défaite 
de  Dumouriez  et  sa  propre  défaite,  il 
revint  à  Czenstochow,  honteux  et 
repentant.  Bientôt  même  il  dut  aban- 


PUL 


163 


donner  les  défilés  qu'il  occupait  en 
avant  de  Czenstochow,  sur  la  route  de 
Varsovie,  et  il  ramena  ses  débris  dans 
le  monastère;  sa  retraite,  du  reste, 
fiit  habilement  conduite,  et  Souva- 
row  en  a  parlé  avec  éloge,  ainsi  que 
des  combats  qui  l'avaient  précédée. 
Les  deux  ou  trois  mois  qui  suivirent 
se  passèrent  sans  autres  événements 
que  d'insignifiantes  escarmouches 
entre  Pulawski  et  les  Russes,  mais  les 
affaires  de  la  confédération  allaient 
baissant  :  la  campagne  des  Turcs  en 
1770  avait  été  aussi  désastreuse  que 
la  précédente.  On  sait  combien  l'a- 
pathie de  Louis  XV,  plus  absorbé 
que  jamais  par  la  Dubarry,  secondait 
l'antipathie  systématique  de  d'Aiguil^ 
Ion  contre  les  plans  laissés  en  voie 
d'exécution  par  Choiseul.  Les  trois 
puissances  s'étaient  mises  d'accord 
pour  le  démembrement,  quoique  Ca- 
therine, toujours  supérieure  en  hypo- 
crisie comme  en  décision  et  en  science 
de  gouverner,  protestât  toujours  au 
roi  de  Prusse  et  au  jeune  empereur 
Joseph  II,  qu'elle  ne  voulait  rien  pour 
elle  (elle  qui  pourtant  avait  affriandé 
le  prince  Henri  en  laissant  tomber 
devant  lui  comme  par  hasard  ce  mot 
appétissant  :  •  11  semble  que  dans 
«  cette  Pologne,  il  n'y  ait  qu'à  se 
«  baisser  et  en  prendre  !•  ) .  C'est  alors 
que  Pulawski  se  résolut  enfin  à  faire 
ou  à  laisser  faire  un  coup  d'éclat  qui 
déjà  lui  avait  été  proposé,  mais  au- 
quel il  avait  jusque-là  refusé  de  don- 
ner les  mains.  Il  s'agissait  de  l'enlè- 
vement du  roi  Stanislas  Poniatowski, 
au  milieu  même  de  sa  capitale,  et  de  sa 
translation  à  Czenstochow,  au  milieu 
des  confédérés.  Dans  le  cas  oii  cette 
audacieuse  entreprise  aurait  réussi, 
ce  prince  qui  jusqu'alors,  gardé  à  vue 
en  quelque  sorte  par  les  Russes, 
quoique  en  apparence  il  eût  ses  pro- 
pres gardes,  n'avait  donné  d'or- 
11. 


164 


PUL 


dres  que  par  ordre  de  KaiserUng,  de 
Repniue,  de.  Wolkonski ,  de  Sal- 
dern,  mais  dont  le  nom  lég.lima.t 
dans  sa  forme  tout  ce  qui  se  faisait 
contre  les  confédérés,  se  serait  trouvé 
prêtant  à  ceux-ci  l'appui  de  son  nom 
qui  si  iong-lemps  leur  avait  été  tata  , 
ou  du  moins  il  fût  devenu  impossible 
de  s'appuyer  de  lui  contre  ses  sujets. 
C'est,  à  ce  qu'il  paraît,  de  la  confédé- 
ration de  Zakroczym  que  vint  la  pre- 
mière idée  de  ce  hardi  projet.  Le  tait 
est  probable,  si  l'on  se  ligure  bien  e 

genre  d'opérations  des  membres  de 
celte  confédération  (11).  Ayant  pour 
centre  de  réunions  une  île  de  la  Vis- 


riiK'estsurtoutcette  bande  deZakroozym 
qi'd^lait  le  parti  russe    fll^ena.^^^^^ 
alarme  les  environs  immédiats  de  Salde  h. 
n  Lt  voir  dans  la  Déclarauon  de  lambassa. 
deur  de  Russie  contre  les  confédérés,  du  a6  ju m 
f,"i,  à  quel   point  les  menaces  contre  la 
sûr'etédesrelatioasexaspéra.entlesRusses 
TLes  lâches  voleurs  de  grands  chemins,  dit- 
:  n!  secrètemeut  domiciliés  dans  le  sem  de 
.  la  capitale  même  s'y  trouvent  a  »  abri  de 
„    oute  perquisition,  puisque  ..,  etc.  Il  ne  se 
nasse  pas  de  jours  sans  qu'on  n'apprsnne 
„  Le  ces   misérables   ont  attaque    es   pas- 
„  ,auts,  exercé  leurs  rapines  et  vole  impu- 
..  ornent.  Tout  cela  autour  de  la  résidence 
dont  personne  n'ose  s'éloigner  d'nue  demi- 
"lieue  sans   s'exposer  aux  insultes  des  cr- 
:rneb.]NoncUntsdecela,.btuen 

on  noient,  ou  dévalisent  les  postillons,  les 
«courriers,  les   estafettes  ,  de  sorte  que  la 
,.  sûreté  pul>lique  et  la  correspondance  des 
.  ministres  qui  résident  ic,  est  devenue  dan- 
..  gereuse  et  même  interrompue    Cest  don.. 
!  ces  causes,  et  dans  l'état  de  l'.narch.e  af- 
.<  freuse  auquel  mo.  et  tons  les  mmistres  des 
„  têtes  couronnées  qui  résident  ici  sommes  h- 
..  vrés  que  je  déclare,  au  nome,  de  la  part  de 
S   M  impériale  de  toutes  les  Russies,  que 
1  tous  les  chefs  et  commandants  de  ses  trou- 
..  „es  auront  ordre  de  porter  toute  leur  at- 
,.  tention  a  délivrer  les  grands  chemins  et  les 
..  environs  de  la  capitale  de  cotte  troupe  de 
„  scélérats,  et  nommément  de  ceux  qu.  sont 
„  à  deux  lieues  de  Varsovie.  Les  même»  or- 
„  drés  s'étendront  sur  tous  les  cours  des  pos- 
<.  tes  et  spécialement  sur  celu.  qui  conduit 
„  à  Willembcrg,  Tunique  chemiu  auquel    es 
„  ministres  ont  recours  pour  se  servir  des 
:  !  oniriers  que  S-  M.  I.  fournit  ,.  genereu- 
.<  sereent  au  pul'lf,  «'t'-  " 


PUL 

tule,  leuïs  conférences  échappaient  a 
toutes  les  recherches  ;  ils  se  réunis- 
saient et  s'éparpillaient  à  volonté  ^  ils 
se  montraient  fréquemment  dans  Var- 
sovie, où  personne,  à  moins  d'être 
dans  le  secret,  ne  pouvait  se  douter 
du  rôle  qu'ils  jouaient  éloignés  de  la 
ville  où  on  les  voyait  résider.  Trouver 
moyen  de  surprendre  le  roi  et  de  Ten- 
lever  ne  leur  était  donc  pas  très-diffi- 
cile. Mais  le  tenir  sous  sûre  garde  une 
fois  qu'ils  l'auraient  en  leur  posses- 
sion, là  commençait  la  difficulté,  et  ils 
devaient  le  sentir.  Un  d'eux  alors,  le 
Lithuanien  Strawinski,  alla  proposer 
à  Pulawski  (Tamener  le  monarque  à 
Czenstochow.  Une  telle  idée  ne  pou- 
vait que  sourire  à  un  chef  aventureux. 
Mais  sa  position,  par  cela  même  qu'elle 
le  mettait  trop  en  vue,  lui  comman- 
dait des  ménagements  tant  que  le  suc- 
cès n'aurait  pas  légitimé  l'eutreprise. 
Amener  si  loin  le  roi  n'était  pas  facile. 
Czenstochow  est  à  250  kilomètres  de 
Varsovie,  et  la  route  était  couverte  de 
Russes.  Quelque   temps    donc    Pu- 
la'wski,  soit  qu'il  regardât  comme  im- 
possible d'échapper  pendant  un  si 
long  trajet  aux  rencontres  fâcheuses, 
soit  qu'il  vît  dans  Strawinski  un  exal- 
té se  faisant  illusion  sur  les  obsta- 
cles, se  refusa  positivement  à  ces 
ouvertures.  U  fallut  que  cet  homme 
courageux  lui  dit: -Eh!  mou  Dieu  î 

.  si  je  n'avais  voulu  que  tuer  le  roi, 
«  vingt  fois  je  l'ai  eu  à  la  portée  de 
.  mon  sabre,  en  étant  à  même  encore 
a  de  me  sauver!  Mais  non,  ce  que  je 
.  veux,  c'est  Je  prendre.  »  H  fallut 
aussi  qu'il  entrât  dans  les  détails  les 
plus  circonstanciés  sur  la  manière 
dont^il  prétendait  exécuter  son  dou- 
ble plan  d'enlèvement  et  de  conduite 
jusqu'à  Czenstochow.  Seulement  il 
demandait  que  Pulawski  trouvât 
moyen,  par  des  diversions,  d'attirer 
les  Russes  sur  d'autres  points  que  U 


PUL 

route  de  Varsovie  au  monastère  ,  et 
poussât  lui-même  des  postes  avancés 
aussi  loin  que  possible  sur  la  route  de 
cette  capitale.  Pulawski  en  vint  bien- 
tôt à  lui  accorder  ces  facilités,  et  de 
plus  lui  remit  50  ducats  pour  les  dé- 
penses. Mais  Strawinski  voulait  une 
autorisation  qui  lui  permît  aussi  de 
se  faire  reconnaître  des  amis  de  Pu- 
lawski,  s'il  eu  reuconlrait  et  s'il  avait 
besoin  de  leur  concours.  Finalement, 
Pula^vski  la  lui  donna.  Ce  fut  un  tort. 
Mais  il  la  donna  en  termes  vagues  in- 
diquant seulement  que  Strawinski 
était  chargé  d'une  entreprise  qui  de- 
vait s'exécuter  le  3  novembre.  Ce 
n'est  point  ici  le  lieu  de  nous  appe- 
santir sur  les  détails  du  coup  de  main 
de  ce  hardi  partisan,  qui  parvint  ef- 
fectivement à  enlever  et  à  faire  sortir 
Foniatowski  de  Varsovie .  mais  qui 
ne  put  effectuer  la  seconde  partie  de 
son  plan,  en  amenant  son  prisonnier 
à  Pulawski.  On  peut  en  lire  les  détails 
à  l'art.  Stanislas  11  (t.XLIII,p.  455). 
Ce  que  nous  de  votis  examiner  ici,  c'est 
si  Pulawski  voulait  qu'on  tuât  le  roi. 
Dans  les  commencements,  on  répéta 
fréquemment  cette  imputation  qui , 
prise  dans  un  sens  absolu ,  tombe 
d'elle-même,  puisque  les  conjurés, 
pendant  une  heure  environ  que  le 
roi  fut  en  leurs  mains,  étaient  à  mê- 
me de  lui  ôter  la  vie ,  si  tel  eût  été 
leur  dessein.  Faut-il  en  conclure  que 
le  chtf  des  conjurés  devait,  au  cas 
où  il  résisterait,  au  cas  où  il  sem- 
blerait présumable  qu'il  fût  déli- 
vré, le  tuer  plutôt  que  de  le  lais- 
ser échapper  ?  Les  amis  des  confédé- 
rés ne  posent  pas  cette  question, 
et,  si  on  l'eût  posée,  ils  eussent  sans 
doute  répondu  uégativeuie&t.  A  nos 
yeux,  il  s'en  faut  de  beaucoup  que 
cette  réponse  puisse  être  acceptée 
avec  confiance;  et  jusqu'ici  les  élé- 
ments qu'on  a   pu  réunir  pour  la 


PUL 


165 


solution  de  cette  question  ue  per- 
mettent pas  de  prononcer,  et  proba- 
blement on  ne  le  pourra  jamais.  A 
notre  avis  ,  il  n'est  pas  sûr  que  l'es- 
prit dfs  instructions  données  par  Pu- 
lawski pût  se  résumer  par  ces  mots  : 
«  Ou  amener  le  captif  à  Czenstochow, 
ou  le  tner:  »  mais  c'est  hautement 
probable.  Le  plus  désirable  certaine- 
ment pour  leà  confédérés  était  de  l'a- 
voir vivant  en  leurs  mains;  mais  ne 
plus  être  embarrassés  de  son  exis- 
tence et  pouvoir  choisir  un  autre 
roi  était  bien  quelque  chose  aussi.  Il 
ne  faut  pas  oublier  non  plus  que 
l'acte  deBiala  avait  déclaré  l'inter- 
règne, et  que  la  mort  de  Poniatowski, 
en  rendant  de  fait  le  trône  vacant,  eût 
rendu  superflues  toutes  les  discus- 
sions auxquelles  ou  se  livrait  depuis 
six  ans  sur  la  validité  de  l'élection  de 
1764.  Cette  considération  anssi  doit 
être  mise  en  ligne  de  compte,  si  l'on 
veut  rechercher  ce  qui  aurait  pu  ré- 
sulter de  la  présence  de  Poniatowski 
parmi  les  confédérés.  Puisqu'ils  a- 
vaient  déclaré  sa  déchéance,  n'eùl-cc 
pas  été  se  démentir  que  de  s'appuyei- 
de  lui,  des  actes  qu'ils  lui  eussent 
dictés  ?  Et  ce  démenti  qu'ils  se  fussent 
donné  à  eux-mêmes  eût-il  été  utile  à 
leur  cause?  C'est  plus  que  douteux. 
L'effet  de  cette  capture  n'eût  donc 
guère  été  que  négatif  :  c'eût  été  de 
retirer  aux  ennemis  de  la  Pologne  un 
instrument,  une  force  ;  mais  ce  n'eût 
point  été  de  conférer  aux  patriotes 
polonais  une  force  nouvelle.  Toute- 
fois comme  Pulawski  avait  toujours 
été  dévoré  du  désir  d'agir  indépen- 
damment de  la  conféiiération  géné- 
rale, il  est  très-possible  qu'il  se  fût 
fait  un  plaisir  de  devenir  le  souiien 
en  même  temps  que  le  dominateur 
du  roi  de  fait  qu'il  aurait  eu  entre 
ses  mains,  et  de  l'opposer  aux  préten- 
tions des  r'jto<;ki  ou  autres,  qui  rc- 


166 


PUL 


vaient  pour  eux-mêmes  la  royauté. 
C'eût  même  été  pour  lui  un  coup  de 
maître.  On  voit  donc  quelles  inex- 
tricables difficultés  s'opposent  à  ce 
qu'on  trouve  jamais,  à  coup  sûr,  le 
mot  de  cette  énigme.  Du  reste,  quand 
l'entreprise,  bien  conduite  au  de- 
dans de  Varsovie,  mais  mal  conduite, 
il  faut  le  dire,  une  fois  qu'on  en  fut 
hors,  eut  été  manquée,  et  fut  ainsi  de- 
venue une  véritable  échauffourée , 
l'effet  moral  en  fut  on  ne  peut  plus 
préjudiciable  à  la  cause  de  l'indépen- 
dance, et  fournit  un  prétexte  à  la 
France  pour  abandonner  totalement 
un  pays  dont  les  défenseurs  donnaient 
matière  à  des  imputations  de  régicide. 
Cependant  les  confédérés  ne  laissè- 
rent pas  ces  accusations  sans  répon- 
se. Pulawski,  publia  une  déclara- 
tion (janv.  1772) ,  où  l'on  remarquait 
entre  autres  passages...  :  «Voici  la 
«  première  calomnie  que  j'essuie,  pu- 

•  bliée  dans  les  gazettes  de  l'ennemi 
«  qui  m'y  nomme  l'auteur  d'une  con- 
«  spiralion  particulière  exécutée  à 
«  Varsovie.  J'ai  gardé  le  silcncesur  les 
«  reproches,  convaincu  que  l'ennemi 
«  cherche  à  noircir  par  la  plume  ceux 

•  qui  lui  résistent  par  les  armes.  Mais 
«  l'exemple  de  la  déclaration  publiée 
«  par  les  états  confédérés  m'entraîne; 
«  el  puisque  je  me  suis  proposé  de  ne 

•  venger  qu'à  main  armée  la  défense 
^  de  Dieu  et  de  la  patrie,  je  veux  bien 

•  pour  cette  fois  me  servir  de  la 
«  plume.  Je  proteste  devant  Dieu,  de- 
«  vant  la  république  de  Pologne  et 
«  devant  toutes  les  puissaucesde  l'Eu- 
«  rope  que  mon  cœur  est  bien  loin  du 
«  crime  :  mes  pensées  et  mes  actions 
«  n'auronljumais  d'autre  but  que  celui 
>  du  patriotisme.Jen'ai jamais penséà 

•  attenter  à,  la  vied'uue  personne  qui  a 
«  su  s'approprier  de  quelque  façon  que 
«  ce  soit  le  gouvernement  de  la  uation> 
«  etjeuemeproposedela  poursuivre 


«  que  par  la  guerre  ouverte,  etc.  »  Oo 
a  reproché  à  Pulawski  de  s'être  abaissé 
à  mentir  en  déclinant  toute  partici- 
pation au  complot.  Il  ne  décline, 
comme  on  voit,  que  la  pensée  de  ré- 
gicide. Dans  une  autre  pièce  même,  il 
avoue  (12),  et  l'on  ne  voit  pas  que  cet 
aveu  soit  arraché  par  la  contrainte, 
que  Strawinski  et  Kosinski  étaient 
venus  lui  faire  leurs  offres,  qu'il  leur 
avait  représenté  toute  l'importance 
d'un  profond  secret,  qu'il  leur  avait 
donné  de  l'argent  et  une  lettre  pour 
le  capitaine  Lukawski,  etc.  (13).  Il  n'y 


(la)  C'est  une  lettre  qui  est  datée  de  jan- 
«  vier  i'772. La  voici: «J'avoue que Strawius- 
«  ki  et  Kosinski  se  sont  rendus  à  Czensto- 
«  chow  et  m'ont  demandé  une  somme  de  mille 
«  ducats  ,  eu  m'offrant  de  me  livrer  le  roi 
«  de  Pologne,  mort  ou  vif.  Je  leur  représen- 
«  tai  que  l'eulreprise  était  dangereuse  et 
«  même  téméraire.  Comme  la  réussite  dé- 
K  pendait  du  secret,  je  ne  pouvais  m'expli- 
«  quer  avec  eux  sur  une  affaire  aussi  im- 
cc  portante  avant  qu'ils  se  fussent  enga- 
«  gés  par  serment  à  garder  fidèlement  le 
«  secret;  ils  se  rendirent  ensuite  à  la  cha- 
«  pelle  et  l'y  prêtèrent,  suivant  la  formule 
«  que  je  leur  prescrivis.  Après  quoi  je  leur 
«  donnai  sur  le  bon  succès  cinquante  du- 
«  cats,  avec  une  lettre  pour  le  capitaine  de 
«  cavalerie  Lukawski ,  qui  devait  secourir 
«  Strawinski  diins  cette  l'oininission.  Le  co- 
<<  lonel  Nowiecki  leur  enseigna  le  moyen 
«  d'avoir  accès  an  château  et  à  d'autres  pa- 
•  lais  dans  la  ville  de  Varsovie.  Cette  entre- 
"  prise,  imaginée  par  ceux  mêmes  qui  de- 
«  vaient  l'exécuter  et  dont  le  risque  était 
«  pour  chacun  d'eux,  paraissait  être  de  na- 
«  ture  a  n'avoir  qn'une  issue  très-dcuteuse, 
«  etc.,  etc.  M 

(i3)  L'ordre  du  capitaine  Lukawski  était 
conçu  en  ces  termes  :  «  La  présente  vous 
«  servira  d'un  ordre  absolu  et  irrévocable  , 
«  si  celui  que  je  vous  ai  expédié  par  une  au- 
.<  tre  voie  ne  jmrvient  p.is  eu  vos  mains. 
<4  Vous  devez  seconder  de  tout  votre  monde 
c<  Strawinski,  dont  la  commission  est  de  la 
«  dernière  importance  et  dont  le  succès  dé- 
«  pend  du^ecret  et  du  courage  dans  l'exé- 
c<  cution.  Quant  à  la  patente  ou  à  la  pro- 
i<  motion  au  rang  de  colonel  que  vou»  me 
<<  demandez,  je  ne  puis  vous  la  faire  tenir, 
..  parce  que  la  commission  de  guerre  qui  se 
..  tient  à  Teschen  s'est  réservé  le  droit  de 
u  ïiguer  le»  brevets  do  i  olonels.  Neauinoin! 


POL 

a  rien  dans  tout  cela  qui  veuille  dire 
qu'il   n'était  absolument  pour  rien 
dans  celte  entreprise;  il  atténue  la 
part  qu'il  y  a  eue,  voilà  tout  ;  et  pour- 
tant si  sa  part  y  eût  été  plus  grande, 
s'il  en  eût  eu  l'initiative,  il  nous  sem- 
ble que  l'imparliale  histoire  n'y  ver- 
rait qu'un  trait  de  plus  de  nature  à 
faire  honneur  à  un  chef  de  partisans. 
Nous  avons  même  indiqué  en  quoi 
cette  mesure  pouvait  être  hautement 
politique  de   la  part  de   Pulawski. 
Quoi  qu'il  en  soit,  le  moment  appro- 
chait où  la  confédération  allait  à  peu 
près  être  anéantie.  La  reddition  de  la 
ville  et  du  château  de  Cracovie,  où 
vainement  se  défendirent  avec  hé- 
roïsme les  Français  qui  s'en  étaient 
emparés,  en  fut  le  signal.  Pulawski, 
assiégé  à  son  tour  dans  Czenstochow 
par  des  forces  trop  supérieures  en 
nombre,  fut  obligé  de  céder  (1772). 
après  une  vigoureuse  mais  évidera- 
uient  inutile  résistance.   11  avait  été 
condamné  à    mort    par  contumace 
comme  complice  de  Strawinski,  et  de 
plus  les  deux  puissances,  qui  s'ap- 
prêtaient à  partager  la  Pologne  avec 
Catherine,  avaient  d'avance  déclaré 
que  Pulawski  ne   pourrait  trouver 
asile  dans  leurs  États.  11  vint  en  con- 
séquence chercher  un  refuge  en  Fran- 
ce. Un  peu  plus  lard,  et  quand  la 
guerre  entre  l'Angleterre  et  ses  colo- 
nies éclata,  il  passa  en  Amérique,  tou- 
jours épris  de  ces  noms  de  liberté, 
d'indépendance  pour  lesquels  il  avait 
si  laborieusement  lutté  pendant  qua- 
tre ans.  11  y  fut  revêtu  du  titre  de  com- 
mandant, et  périt  au  siège  de  Savan- 
nah  en  1778,  n'ayant  encore  que  31 
ans,  maisayant  déjà  conquis  un  grand 
nom  par  son  intrépidité.  Malgré  cette 
célébrité  réelle,jusqu'ici  la  biographie 

•■  je  ne  manquera]  pas  de  toos  eoTOjer  la 
■'  TAtre  50US  ane  qaiozaine  de  jours.  Signé 
•'  PtrtAWSKI.  »  ' 


PUL 


167 


de  Pulawski  n'avait  pas  été  faite.  Ni  le 
nom  du  père,  ni  celui  du  fils  aîné  ne 
figurent  dans  les  recueils,  dans  les 
dictionnaires  le  plus  en  renom.  C'est 
une  nouvelle  preuve  à  joindre  à  tant 
d'autres  de  la  frivolité  légère  avec 
laquelle  on  a  toujours  traité  en  France 
les  affaires  de  la  Pologne.  Le  roman 
peut-être  a  été  moins  oublieux  que 
l'histoire,  et  le  nom  de  Pulawski  re- 
tentit au  milieu  des  joyeuses  pages  de 
Faublas  avec  un  éclat  qui  donne  en- 
vie à  l'homme  le  moins  soucieux  des 
matières  historiques  de  savoir  ce  qu'a 
été  en  réalité  ce  chef.  Au  reste,  il  se- 
rait difficile  de  reconnaître  si  c'est 
du   père  ou  bien   du  fils  qu'il  est 
question  dans  ce  récit,  chose  d'ail- 
leurs assez  indifférente  au  vulgaire 
des  lecteurs  de  Louvet.  Parmi  di- 
vers opuscules  auxquels  les  aven- 
tures de  Pulawski  ont  donné  occa- 
sion, on  peut  remarquer  l'écrit  an- 
glais qui  a  pour  titre  :  Pulaicskijusti- 
fié  d'une  imputation  dénuée  de  preu- 
ves^  Baltimore,   1824,   in-S".  Son 
portrait  se  trouve  en  tête  d'une  édi- 
tion des  Chants  de  Jean  (Piesni  Ja- 
niisza),  Paris,  1833,  in-18.  —  Fran- 
çois Pulawski,  deuxième  fils  de  Jo- 
seph, partit  de  Varsovie  avec  son 
père,  ses  frères  et  son  cousin  ;  mais, 
ainsi  que   Casimir,   fut    envoyé  en 
avant,  et  tandis  que  son  aîné  s'occu- 
pait de  lever  les  150  Cosaques  avec 
lesquels  il  voulait  déployer  l'éten- 
dard de  la  confédération,  François  alla 
s'entendre  avec  les  gentilshommcj* 
des  contrées   qui   devaient  être  le 
théâtre  de  cette  prise  d'armes,  et  sol- 
liciter leur  concours  en  hommes  et 
en  argent.  Dès  ce  temps,  et  malgré  sa 
jeunesse,  François  se  montra  particu- 
lièrement apte  aux  affaires;  et  il  est 
clair  qu'il  avait  hérité  de  l'esprit  sou- 
ple et  insinuant  de  son  père.  1!  fut 
aussi  un  des  premiers  signataires  de  I« 


168 


PUL 


carilotlejiition  de  Bar. Non  moins  brave 
qu'adroit,  il  se  battit  avec  courage 
lors  des  engagements  livres  pendant 
les  conférences  avec  Mokranowski  ; 
et  l'on  a  vu  plus  haut  qu'à  la  suite  de 
ces  combats  il  passa  pour  mort  au 
champ  d'honneur,  ainsi  que  ses  deux 
frères.  II  participa  probablement  aux 
incursions  de  Casimir  au  delà  du 
Dniester  et  en  Pologne,  après  la  prise 
de  Berdichef  ;  et  nous  le  retrouvons 
positivement  sur  la  rive  occidentale 
du  fleuve  à  la  lin  de  1768  el  au  com- 
mencement de  1769.  C'est  lui  qui  oc- 
cupait Zwaniec.  Ne  pouvant  s'y  dé- 
fendre avec  une  poigne'e  d'hommes, 
il  alla  solliciter  du  pacha  de  Choc- 
zim  des  renforts  que  celui-ci  avait 
ordre  de  refuser,  et  que  d'ailleurs 
il  n'eût  donnés  qu'à  contre -cœur, 
car  il  était  vendu  aux  Russes.  Aussi 
François  ne  ramena-t-il  qu'une  qua- 
rantaine de  janissaires  qui,  indignés 
de  l'abandon  où  on  laissait  ces  jeu- 
nes héros,  bravèrent  pour  le  sui- 
vre la  défense  du  pacha,  et  rentrèrent 
avec  lui  au  point  du  jour  dans  le  châ- 
teau de  Zwaniec,  où  tenaient  encore 
les  troupes  polonaises;  tous  ensem- 
ble ils  firent  une  sortie  impétueu- 
se, et  opérèrent  ainsi  leur  retraite, 
abandonnant  un  poste  que  l'inaction 
des  Turcs  rendait  inutile  désormais, 
puis  allèrent  s'établir  sous  le  canon 
de  Choczim  dans  un  village,  attendant 
le  moment  favorable  pour  rentrer  en 
Pologne.  Malgré  la  faiblesse  des  dé- 
bris qui  l'entouraient,  François  tira 
vengeance  du  traître  pacha,  auquel 
les  Polonais  avaient  à  reprocher  tant 
de  tiédeur  pour  leur  cause.  Il  dé- 
couvrit qu'un  Juif,  espion  russe, 
avait  remis  à  ce  musulman  une  som- 
me en  or,  et  il  lui  en  arracha  l'a- 
veu ,  après  quoi  il  l'envoya  aux 
chefs  de  l'armée  turque.  Divers  gé- 
néraux de  celle  armée  se  rendirent 


PUL 

alors  en  force  dans  Choczim,  sous 
prétexte  d'y  tenir  conseil,  et  le  pacha 
fut  massacré.  H  en  résulta  que  les 
Russes,  qui  se  croyaient  sûrs  de  la 
surprise  et  de  l'occupation  de  cette 
place,  se  hâtèrent  trop  d'en'publier 
la  nouvelle,  et  qu'on  célébrait  des 
fêtes  à  Saint-Pétersbourg  pour  cet 
événement,  taudis  que  l'on  en  était 
encore  à  préparer  un  assaut  qui  ne 
réussit  pas,  et  qui  ne  tarda  point  à 
être  suivi  d'une  ret  raite  assez  confuse. 
Peu  de  temps  après,  François  reparut 
en  Pologne  ayant  à  sa  suite  400  Turcs 
environ.  Mais  ces  auxiliaires  féroces 
et  avides  lui  commandaient  plus 
qu'ils  n'obéissaient ,  et  déshono- 
raient plus  qu'ils  ne  servaient  sa 
cause;  c'étaient  les  villages  polonais 
qu'ils  brûlaient,  les  femmes  et  les 
enfants  des  Polonais  qu'ils  rédui- 
saient en  esclavage  et  allaient  ven- 
dre, les  têtes  de  paysans  polonais 
qu'ils  coupaient  et  allaient  se  faire 
payer  à  Choczim  comme  tcîes  de 
paysans  russes.  Las  de  ces  horreurs, 
il  ne  garda  auprès  de  lui  que  150 
hommes  de  cette  troupe,  et  naturel- 
lement les  plus  dociles  et  les  plus 
humains.  Secondé  par  eux,  il  battit 
les  Russes  dans  une  petite  affaire 
sous  les  murs  de  Koti.  Cent  Turcs  le 
quittèrent  après  ce  combat,  et  il  ne 
lui  en  resta  plus  que  40  et  ses  Polo- 
nais, pour  se  mouvoir  au  unlieu  de 
très-nombreux  partis  russts.  Il  par- 
vint à  leur  échapper  et  à  s'empa- 
rer de  Sambor,  où  bientôt  il  fit, 
comme  on  l'a  vu  plus  haut,  sa  jonc- 
tion avec  son  frère.  Il  se  rendit  avec 
lui  en  Lithuanie,  en  juin  1769,  et  y 
développa  de  nouveau  son  talent  de 
parole  et  de  persuasion  :  c'est  lui  qui 
conduisait  toutes  les  négociations 
entreprises  pour  son  fière.  11  eut  part 
aussi  à  l'aftaire  de  Brzesc-Litewski,  à 
la  marche  bur  Slouini ,  et  ciitin  aux 


PUL 

Inarches  et  contre- marches  qui  tini- 
rent  par  amener  leur  petite  armée 
dans  les  bois  d'Augustowo.  Il  redes- 
cendit ensuite  avec  lui  au  sud,  afin 
d'aller  gagner  les  frontières  de  Hon- 
grie, mais  il  ne  les  atteignit  point. 
Il  est  à  croire  qu'il  périt  à  la  funeste 
journée  qui  anéan'it  le  détachement 
dans  les  plaines  de  W  ladowa.  Mar- 
chant en  avaut  avec  le  gros  de  sa  trou- 
pe, tandis  que  Casimir  avec  l'arrière- 
garde  soutenait  le  choc  des  Russes, 
il  avait  déjà  gagné  beaucoup  d'avance 
quand  le  bruit  se  répandit,  àtort,que 
son  frère  venait  d'être  fait  prisonnier. 
Il  revint  alors  sur  ses  pas  avec  les 
siens  pour  Icdégager,  et  se  précipita 
sur  l'ennemiavec  fureur.  Mais  tout  son 
monde  futdispersé,  lui-même  ne  repa- 
rut plus  et  probablement  fut  tué  sur 
le  champ  de  bataille.  C'est  au  moins 
ce  qu'il  faut  conclure  d'une  procla- 
mation où  Casimir  Pulawski  en  1771 
dit  qu'un  de  ses  frères  a  péri  •  sous 
«  ses  yeux.  »  Ce  qui  est  sûr,  c'est  que 
quelques  jours    plus   tard  ses  ha- 
bits sanglants  et    déchirés   étaient 
mis  en  vente  dans  une  ville  voisine. 
—  Le   plus  jeune  des  trois  frères 
PuLwvsKi,  né  en  1750,  n'avait  que 
seize  ans  lorsque  l'acte  de  Bar  donna 
le  signal  de  la  résistance.  Il  fut  un  des 
huit  premiers   souscripteurs   de  la 
confédération  et  prit  part  à  nombre 
d'escarmouches.  Naturellement,  vu 
son  âge ,  il  s'éloigna  moins  de  son 
père  que  Casimir  et  François.  Toute- 
fois il  ne  le  suivit  pas  en  Ukraine,  et 
il  était  avec  ses  frères  sur  la  rive  po- 
lonaise du  Dniester  pendant  l'hiver 
de  1 768  à  1769.  Lorsque  les  Russes  s'a- 
vancèrent vers  le  fleuve  et  formèrent 
un  cordon  à  quelques  milles,  il  eut 
le  malheur  de  tomber  entre  leurs 
mains.  On  l'envoya  prisonnier  à  Ka- 
san.  11  y  était  encore  quand  cette  ville 
fut  menacée  par  une  insurrection  de 


PUL 


169 


paysans  armés  contre  la  noblesse ,  et 
il  contribua  par  sa  présence  d'esprit 
et  son  intrépidité  à  préserver  Ka- 
san. —  Enfin,  le  cousin  des  trois  frè- 
res, le  neveu  de  Joseph  périt  en  Li- 
tbuanie  dans  un  des  combats  livrés 
en  1769.  P— OT. 

PULCI  (Bëbnardo),  l'aîné,  mais 
non  pas  le  plus  célèbre  de  cette  fa- 
mille de  poètes  qui  secondèrent  avec 
tant  de  zèle  les  efforts  de  Laurent  de 
Médicis  pour  le  rétablissement  et  les 
progrès  de  la  poésie  italienne ,  na- 
quit à  Florence  vers  1425.  \\  se  fit 
d'abord  connaître  par  dextx  élégies, 
l'une  consacrée   à   la  mémoire   de 
Cosme  de  Médicis,  et  l'autre  sur  la 
mort  de  la  belle  Simonetta,  maîtresse 
de  Julien.  Le  premier  des  poètvs  ita- 
liens il  s'exerça  dans  le  genre  pasto- 
ral. On  lui  doit  une  traduction  des 
Bucoliques  de  Virgile,  qui  conserve 
encore   des  partisans.   Antonia,  sa 
femme,  avait  aussi  legoiîtdes  lettres; . 
elle  a  composé  quelques  pièces  dra- 
matiques dont  le  sujet  et  la  forme 
rappellent  nos  mystères,  et  qui  fu- 
rent représentées.  11  est  probable  que 
Bernardo  retouchait  les  essais  de  sa 
femme,  puisqu'il  avait  travaillé  lui- 
même  pour  le  théâtre.  En  1487,  il 
remplissait  les  fonctions  de  curateur 
de  l'académie  de  Pise.  H  vivait  en- 
core en  1494,  mais  on  ignore  la  date 
de  sa  mort.  Tous  les  ouvrages  de 
Bernardo  sont  rares,  recherchés ,  et 
l'on  ne  sera  pas  fâché  d'en  avoir  ici 
la  liste  :  I.  La  Bucolica  di  Yirgilio, 
Florence,  1481;  ibid.,  1484,  in-4o.  On 
trouve   dans  le  même  volume  des 
Ègloçiues  de  Franc.  Arsocchi,  Jérôme 
Benivieni  et  Jacq.  Buoninsegni.  II. 
La  passione  di  Nostro  Signor  Gesu 
Cristo;  con  la  sua  resnrrezione  e 
scesa  al  liinbo  :  e  la  vendetta  chc 
feceTito  Vtspasiano  contro  i  Giudei, 
Bologne,  1489,  m-4",  première  édi- 


J70 


PUL 


tion  de  ces  trois  petits  poèmes.  LaPas- 
Sîoneaéte' réimprimée, Florence, 1490, 
in-4°,  et  il  en  existe  une  troisième  édi- 
tion (sans  date).  La  Vendetta  fut  re- 
produite, ibid.,  1491,  in-4».  Gingiiené 
dit,  en  parlant  de  la  Pasêione  :  l'au- 
teuramisjplus  de  poésiedansson  style 
que  le  sujet  ne  semble  le  permettre. 
III.  Rappresentazione  di  Barlaam 
e  Giosafat  (sans  date),  in-4".  Cette 
pièce  de  Bernardo  se  trouve  ordinai- 
rement réunie  à  celles  d'Antonia,  sa 
femme  :  Rappresentazione  di  san 
Francesco, — disantaDomitma,~di 
santa  Guglielma  (sans  date),  in-4o;ce 
recueil  est  très-rare. — PuLCi(tMca), 
frère  cadet  de  Bernardo,  n'est  connu 
que  par  ses  ouvrages  ;  il  vivait  à  la 
cour  de  Laurent  de  Médicis.quile  com- 
bla de  bienfaits,  et  il  mourut  avant 
1490.  On  a  de  lui  :  I.  Giostra  di  Lo- 
renzo  de'  Medici  messa  in  rima.  Ces 
stances,  dans  lesquelles  il  décrit  le 
fameux  tournoi  de  1468,  sont  une  de 
ses  moindres  productions.  II.  Epis- 
tole,  Florence,  1481,  ibid.,  1488, 
in-4o.  C'est  un  recueil  de  dix-huit 
épîtres  dans  le  genre  de  celles 
d'Ovide.  La  littérature  italienne  n'a- 
vait encore  rien  produitdesemblable. 
m.  Il  Driadeo  d'amore ,  Florence, 
1479,  in-4'',  1«  éd.,  très-rare;  ibid., 
1481,  1483, 1487,  et  réimprimé  dans 
le  XVI"  siècle.  C'est  un  poème  pas- 
toral en  quatre  chants  in  ottava 
rima.  Quelques  bibliographes  l'attri- 
buent par  erreur  à  Louis  Pulci,  frère 
cadet  de  Luca,  et  si  fameux  par  son 
4  Morgante{voy.  Pulci,  XXXVI,  310). 
On  reproche  k  l'auteur  d'y  avoir  fait 
un  emploi  surabondant  de  la  mytho- 
logie. IV.  Giriffo  cavalneo  ed  il  po- 
vero  adveduto.,  Florence,  sans  date, 
in-4",  ibid.,  1505,  et  Milan,  1518, 
in-4'',  trois  éditions  très-rares.  C'est 
une  de  ces  épopées  romanesques  dont 
les  Italiens  possèdent  un  si  grand 


PUL 

nombre.  Le  Giriffo,  tiré  d'un  roman 
du  XIII®  siècle,  est  regardé  comme 
leur  premier  essai  dans  ce  genre  de 
composition.  Luca  étant  mort  sans 
avoir  terminé  cet  ouvrage,  Bernardo 
Giambullari  fut  chargé  par  Laurent 
de  Médicis  de  le  continuer,  et  y  ajou- 
ta trois  parties.  Cette  continuation 
de  Giambullari  se  trouve  dans  l'édi- 
tion du  Giriffo.,  Venise,  1535,  in-4»  ; 
mais  celle  de  Florence,  1572,  ne  con- 
tient que  la  première  partie,  divisée 
en  sept  chants  suivis  des  stances  sur 
le  tournoi  de  Florence,  et  des  épîtres 
ou  héroïdes.  Il  paraît  que  Louis  eut 
quelque  part  à  ce  poème  ;  mais  ce 
n'était  pas  une  raison  de  le  lui  attri- 
buer tout  entier,  comme  on  l'a  fait 
dans  plusieurs  catalogues.  L'Histoire 
littéraire  d'Italie,  par  Gingueué,  con- 
tient d'excellentes  analyses  des  deux 
poèmes  de  Luca  Pulci,  le  Driadeo  et 
le  Giriffo  ou  le  Ciriffo.  Ce  dernier 
ouvrage  et  les  Épîtres  de  Pulci  ont 
été  supprimés;  sans  doute  par  la  con- 
grégation de  l'îndea?,  mais  c'est  ce  que 
ne  nous  apprend  pas  Capponi,  à  qui 
nous  devons  cette  particularité  (voy. 
son  Catalogo.,  314).         W— s. 

PULLY  (Charles -Joseph  Ran- 
DON  de),  général  français,  naquit  en 
1751  d'une  famille  noble,  et  fut,  dès 
qu'il  eut  achevé  ses  études,  officier 
dans  le  régiment  de  hussards  de  Ber- 
chignyoïi  il  devint  capitaine.  S'étant 
montré  partisan  de  la  révolution,  il 
n'émigra  point  comme  ses  camarades 
et  obtint  un  avancement  rapide.  Il 
fut  nommé,  en  1790,  lieutenant-colo- 
nel du  régiment  de  cavalerie  de 
Royal-Cravalte,  et  en  devint  colonel 
le  5  février  1792.  Envoyé,  dans  le 
courant  de  la  même  année,  k  l'armée 
de  la  Moselle,  sous  Kellermann,  il  le 
suivit  en  Champagne  lors  de  l'inva- 
sion des  Prussiens.  Employé  nussilflt 
après  entre  la  Sarre  et  la  Moselle , 


PUL 


PUR 


^71 


sous  le  coiQinandement  de  Beurnon- 
ville,  il  contribua,  à  la  tête  de  la  se- 
conde colonne  d'attaque,  à  l'occupa- 
tion des  hauteurs  de.Waren,  et  fut 
nommé  ge'néral  de  brigade.  11  se  dis- 
tingua encore  le  15  déc,  en  s'empa- 
rant ,  avec  douze  cents  hommes ,  de 
la  montagne  de  Ham,  qui  était  héris- 
sée de  canons  et  défendue  par  trois 
mille  Autrichiens.  Promu  au  grade 
dégénérai  de  division  le  8  mars  1793, 
il  fut  chargé,  en  cette  qualité,  du 
commandement  du  corps  des  Vosges. 
On  l'accusa  peu  de  temps  après,  à  la 
Convention  nationale,  d'avoir  aban- 
donné le  camp  d'Hornbach,  dans  l'in- 
tention d'éraigrer  ;  mais  il  prouva 
facilement  la  fausseté  de  cette  incul- 
pation, et  fut  néanmoins  privé  de  son 
emploi  jusqu'à  l'époque  du  18  bru- 
maire (nov.  1799),  où  il  fut  nommé 
commandant  d'une  division  de  l'ar- 
mée d'Italie,  sous  le  général  Macdo- 
nald.  Il  franchit,  à  la  tête  de  cette 
troupe ,  le  Splugen  dans  le  mois  de 
frimaire  an  ix  (déc.  ISOO)  ;  remplaça, 
le  10  nivôse  (janvier  1801),  à  Storo, 
lu  division  du  général  Rochambeau  ; 
concourut  à  la  prise  de  Sant' Alberto, 
et  marcha  ensuite  sur  Trente,  avec  la 
division  du  général  Lecchi.  Un  armis- 
tice ayant  suspendu  les  hostilités, 
Pully  fut  placé  dans  une  partie  du 
Tyrol  italien.  Employé  de  nouveau 
dans  la  campagne  de  1805,  il  se  dis- 
tingua, à  la  tête  des  cuirassiers,  au 
passage  du  Tagliamento.  En  1809 ,  il 
commandait  une  division  contre  l'Au- 
triche. Il  fut  nommé  comte  en  avril 

1813,  avec  le  titre  de  colonel  du  i^'' 
régiment  des  gardes-d'honneur  qui 
s'organisait  à  Versailles.  A  la  nou- 
velle des  événements  du  mois  d'avril 

1814,  il  envoya  au  gouvernement 
provisoire  l'adhésion  de  son  corps  à 
la  déchéance  de  Bonaparte  ,  se  diri- 
gea lui-même  sur  Paris  presque  aussi  - 


tôt,  et  reçut  du  roi  la  croix  de  Saint- 
Louis  et  le  titre  de  grand-officier  de 
la  Légion-d'Honneur.  Mis  à  la  re- 
traite, le  4  sept.  1815,  à  cause  de  son 
âge,  il  mourut  vers  1840.      M— D  j. 

PULZOA'E  (Scipion),  peintre  ita- 
lien, né  à  Gaëte  en  1550,  fut  élève  de 
Jacob  dei  Conte.  Quoiqu'il  soit  mort 
jeune,  il  a  laissé  une  grande  réputa- 
tion par  l'excellence  de  ses  portraits. 
Ceux  qu'il  fit  du  pape  et  de  plusieurs 
grands  seigneurs  de  son  temps  lui  ac- 
quirent le  nom  de  Van  Dyck romain; 
mais  il  est  plus  travaillé,  ou  ce  que  les 
Italiensappellent/eccafo.et  se  fait  sur- 
tout remarquer  par  l'extrême  fini  des 
détails.  Les  sujets  historiques  qu'il  a 
traités  ont  les  mêmes  qualités,  ou, si 
l'on  veut,  les  mêmes  défauts.  On  cite 
son  Crucifix  dans  le  Vallicella  et 
l'Assomption  dans  Saint-Sylvestre,  au 
Monte-Cavallo,  ouvrage  d'un  dessin 
correct,  de  teintes  gracieuses  et  d'un 
effet  suave.  Le  palais  Borghèse  et  la 
galerie  de  Florence  possèdent  deux 
tableaux  de  ce  maître.  Ses  tableaux 
de  cabinet  sont  aussi  rares  que  pré- 
cieux. Puizone  mourut  en  1588,  à 
peine  âgé  de  38  ans.  P— s. 

PURCELL  (Henri)  ,  célèbre  mu- 
sicien anglais,  dont  le  père  et  l'oncle 
étaient  geutilhommes  de  la  chapelle 
royale  à  l'époque  de  la  restauration 
de  Charles  II,  naquit  en  1658.  Il 
montra  de  bonne  heure  de  grandes 
dispositions  pour  la  musique,  et  fut 
organiste  de  Vir'estminster ,  n'étant 
âgé  que  de  dix-huit  ans.  En  1682  il 
devint  l'un  des  organistes  de  la  cha- 
pelle royale.  L'année  suivante  il  pu- 
blia douze  sonates  pour  deux  violons, 
et  une  basse  pour  l'orgue  et  le  clave- 
cin ;  il  dit  dans  la  préface  qu'il  a  cher- 
ché à  ioiiter  les  plus  célèbres  maîtres 
italiens.  D'après  la  structure  de  ces 
compositions,  il  n'est  pas  improbable 
que  les  sonates  de  Bassani  et  peut- 


172 


PUR 


PUT 


être  celles  d'autres  maîtres  italiens 
lui  aient  servi  de  modèle.  En  tête  de 
cet  œuvre  se  trouve  un  portrait  de 
Purcell,  qui  ne  ressemble  en  aucune 
manière  à  celui  que  Cîostermann  a 
fait  pour  VOrpheus  hritannicus  dont 
nous  parlerons  bientôt.  Comme  Pur- 
cell avait  reçu  son  éducation  dans 
une  école  de  chœur,  il  n'est  pas  éton- 
nant qu'il  se  soit  attaché  surtout  à  la 
musique  d'église,  il  s'est  fait  distin- 
guer plus  particulièrement  par  ses 
antiennes  ;  on  cite  celles  qu'il  com- 
posa en  1687  à  l'occasion  de  la  gros- 
sesse de  la  reine,  épouse  de  Jacques  II, 
et  du  danger  qu'avaient  couru  le  roi 
et  le  duc  d'York  dans  une  partie  mu- 
sicale qu'ils  avaient  faite  sur  mer. 
Parmi  les  Lettres  de  Tom  Brown, 
il  y  en  a  une  écrite  par  le  docteur 
Blow  à  Henri  Purcell,  qui  avait  été  son 
élève,  danslaquelleil  lui  fait  observer 
en  plaisantant  que  les  personnes  de 
leur  profession  sont  sujettes  à  une 
égale  attraction  de  l'église  et  du  théâ- 
tre, et  se  trouvent  en  conséquence 
dans  une  situation  semblable  à  celle 
de  la  tombe  de  Mahomet,  suspendue, 
dit-on,  entre  le  ciel  et  la  terre.  Cette 
remarque  s'applique  parfaitement  à 
Purcell  qui  était  à  peine  connu  que 
son  temps  fut  partagé  à  peu  près 
également  entre  l'église  et  le  théâtre. 
Un  pamphlet  intitulé  Rosciusangli- 
canus,  ou  Vue  historique  du  théâtre, 
écrit  par  Downes,  le  souffleur, et  pu- 
blié en  1708,  fait  connaître  phisieurs 
pièces  de  théâtre  et  divertissements 
dont  la  musique  a  été  composée  par 
Purcell.  En  IfiOl  ce  musicien  publia 
l'opéra  de  Dioclélien,  avec  une  dé- 
dicace à  Charles  duc  de  Somerset, 
dans  laquelle  il  dit  qut^  la  musique  est 
encore  dans  son  enfance  en. Angle- 
terre, mais  qu'on  peut  espérer  qu'elle 
y  fera  des  progrès  lorsque  ses  maîtres 
obtiendront  plus  d'encouragement. 


Il  ajoute  qu'il  apprend  maintenant 
l'italien  qui  est  le  meilleur  maître, 
et  qu'il  étudie  l'air  français  pour  lui 
donner  un  peu  plus  de  gaîté,  etc.  Le 
vaste  génie  de  ce  nmsicien,  dit  le  D"" 
Burney  (dans  son  Histoire  de  la 
musique) ,  embrassait  avec  un  égal 
succès  toute  espèce  de  composition, 
et  il  se  fit  également  distinguer,  soit 
qu'il  écrivît  pour  l'église  ou  pour  le 
théâtre.  Dans  ses  sonates ,  ses  odes, 
ses  cantates,ses  chansons  ou  ses  balla- 
des, il  a  laissé  bien  loin  derrière  lui 
tous  les  compositeurs  qui  l'avaient 
précédé.  Il  est  malheureux  pour  le 
goût  et  l'honneur  national ,  ajoute  le 
même  écrivain,  qu'Orlanûo  Gib- 
bons, Pelham  Humphrey  et  Henry 
Purcell, les  trois  meilleurs  composi- 
teurs anglais  du  XVII' siècle,  n'aient 
pas  eu  le  temps  de  former  une  école, 
étant  morts  tous  les  trois  dans  un  âge 
peu  avancé;  le  premier  en  1625 à  4i 
ans,  le  second  eu  1674  à  l'âge  de  27  ans, 
et  enfin  Purcell  le  21  novembre  1695 
n'en  ayant  que  37.  Ses  amis  et  sa 
veuve,  ayant  réuni  ses  meilleures  com- 
positions, les  publièrent  en  1698  au 
moyen  d'une  souscription  sous  le  titre 
à''Orpheus  hritannicus ,  avec  une 
dédicace  à  lady  Howard,  qui  avait  été 
son  amie  et  son  écolière.  Le  produit 
en  fut  consacré  au  monument  qu'on 
lui  érigea  dans  l'abbaye  de  West- 
minster et  sur  lequel  fut  gravée  une 
inscription  latine.  D-z-s. 

1>  U  T H  O  D  de  Maison  -  Rouge 
(FBANçois-MAniE),  né  à  Mâcon  en 
1757,  fut  destiné  à  l'état  militaire  et 
entra  dans  la  gendarmerie  du  roi^ 
mais,  après  quelques  années  de  ser- 
vice, se  relira,  afin  de  se  livrer  exclu- 
sivement à  son  goût  pour  la  poésie. 
Quelques  pièces  de  peu  d'importauce 
le  tirent  admettre  à  l'Académie  de 
Villefranche,  en  Beaujolais,  et  à  celle 
des  Arcades  de  Borne.   Il  fut  moins 


PUT 

henrcnx  dans  ses  tentative?  pour 
Otre  reçu  dans  d'autres  sociétés  lit- 
téraires ,  qui  ne  regardèrent  pas 
comme  des  titres  suffisants  son  madri- 
gal intitulé  Mon  premier  soupir  et  le 
Bac<:ommodem«i<,insérés.le  premier 
dans  le  Mercure  de  France ,  et  l'au- 
tre dans  le  Journal  encyclopédique. 
Reconnaissant  alors  qu'un  ouvrage 
folide  en  prose  (ce  sont  ses  propres 
expressions)  deviendrait  un  moyen 
plus  efficace  de  réussiie,  il  composa 
un  discours  sur  cette  question:  Quelle 
est  la  voie  la  plus  sûre  pour  bien  ju- 
ger du  mérite  d'un  ouvrage,  celle  de 
la  discussion  ou  bien  celle  du  senti- 
ment? Ce  discours,  qui  ne  parait  pas 
avoir  été  imprimé,  ne  fut  pas  goûté 
plus  favorablement  que  ses  poésies.  Il 
se  recommande  à  nos  souvenirs  par 
un  autre  genre  de  mérite.  Puthod  fut 
le  premier,  après  la  révolution  de 
1789,  qui  éveilla  l'attention  publi- 
que sur  la  nécessité  de  conserver  et 
de  décrire  les  monuments  des  arts, 
que  la  suppression  des  monastères  et 
d'un  grand  nombre  d'églises  pouvait 
exposer  à  des  chances  de  destruction. 
Il  avait  présenté  à  l'Assemblée  natio- 
nale une  pétition  pour  la  prier  d'avi- 
ser aux  moyens  de  connaître  et  de 
décrire  tous  les  monuments  du 
royaume  (1)  relatifs  aux  sciences  et 
aux  arts,  et  de  veiller  à  leur  conser- 
Tation.  L'Assemblée,  frappée  de  l'uti- 
lité de  cette  proposition,  rendit,  le  4 
octobre  1790,  un  décret  ordonnant 
la  formation  d'une  commission  qui 
devait  s'occuper  de  cet  objet  impor- 
tant. Les  savants  les  plus  distingués 
de  l'époque,  MM.  de  Bréquigny,  Da- 
cier,  l'abbé  Barthélémy,  les  peintres 


PIT 


173 


(i)  M.  Mabul  {Anmmaire  nécrologique,  i" 
année,  iSso,  p.  176)  a  ('ominis  une  erreur 
en  ilisant  que  cette  pétition  avait  pour  Lut 
de  (ieranoder  Tiiutorisation  de  recueillir  le» 
inscriptions  et  les  archives  de»  cooTeals. 


David  et  Doyen,  les  sculpteurs  Boizot 
et  Pajou,  etc..  furent  appelés  à  faire 
partie  de  cette  commission,  à  laquelle 
on  adjoignit  Puthod  de  Maison-Rouge, 
promoteur  de  la  mesure.  Pendant 
trois  années,  ces  commissaires  rendi- 
rent les  plus  grands  services.  Leurs 
opérations  furent  néanmoins  atta- 
quées,^ 28frimairean  11(18  novembre 
1793),  par  le  comité  d'instruction  pu- 
blique de  la  Convention,  qui  fit  pro- 
noncer la  suppression  de  cette  com- 
mission. Presque  inculpée  dans  son 
honneur,  elle  crut  devoir  répondre  au 
rapport  (lu  comité,  et  publia  le  Conj;)fc 
rendu  à  la  Convention  nationale  par 
la  commission  supprimée  des  monu- 
ments. Pans,  an  11—1793,  in  8'\  Cet 
écrit  intéressant,  et  devenu  rare,  à  la 
rédaction  duquel  Puthod  de  Maison- 
Rouge  eut  beaucoup  de  part,  donne 
des  renseignements  curieux  sur  la 
direction  des  travaux  de  la  commis- 
sion et  sur  un  grand  nombre  d'ob- 
jets de  prix  qn'elle  arait  sauvés  de 
la  destruction.  Retiré  dans  sa  ville 
natale  après  les  orages  de  la  révolu- 
tion ,  Puthod  de  Maison-Rouge  lit 
partie  du  conseil  municipal,  et, 
sous  la  Restauration ,  fut  nommé 
héraut  d'armes  honoraire.  Il  mourut 
à  Mâcon,  dans  le  mois  d'avril  1820. 
On  a  de  lui  :  I.  Les  Monuments,  ou 
le  Pèlerinage  historique.  Pw  ri  s.  1 79 1 , 
in-8',  ouvrage  périodique  dont  il  de- 
vait paraître  uu  numéro  par  semaine, 
mais  qui  ne  put  se  soutenir,  à  raison 
de  l'indifférence  des  esprits  pour 
tout  ce  qui  n'était  pas  politique.  H. 
Mémoire  sur  Vea^amtn  et  la  conser- 
vation des  monuments  destinés  à  un 
usage  public,  Paris,  1791,  in-8°.  III. 
Géographie  de  nos  villages,  ouDic- 
tionnaire  maçonnais ,  pour  faire 
suite  aux  gcographies  et  dictionHai- 
res  de  la  France,  Màcon  et  Paris; 
1800.  in-12.   Putho<l   de    Maison- 


174 


PUT 


Rouge  est  l'auteur  de  la  partie  mili- 
taire du  Traité  des  droits,  fonctions, 
franchises ,  etc. ,  publié  par  Guyot , 
en  1788.  Il  devint  capitaine  de  chas- 
seurs dans  la  garde  nationale  pari- 
sienne au  commencement  de  la  ré- 
volution. C'est  à  tort  qu'on  a  dit  qu'il 
fut  ensuite  adjudant-général  ;  on  l'a 
confondu,  sous  ce  rapport,  avec  le 
général  Puthod  dont  l'article  suit. 
L — M — X. 
PUTHOD  (  Jacques-Pierre- Ma- 
KIE-Louis) ,  général  français ,  parent 
éloigné  du  précédent,  était  fils  d'un 
ancien  officier  de  milice  qui  se  di- 
sait petit-neveu  de  Bayard  et  qu'on 
appelaitàBourg-en-Bresse,  où  il  s'é- 
tait retiré,  le  Capitaine  Tempête.  Ce 
fut  là  qu'un  matin  ,  dans  un  accès  de 
folie ,  il  se  jeta  par  la  fenêtre  d'un 
troisième  étage  et  mourut  sur-le- 
champ.  Le  général  Puthod,  son  troi- 
sième fils,  naquit  en  1769  dans  la 
même  ville,  où  il  fit  des  études  fort 
incomplètes,  puis  s'engagea,  comme 
simple  soldat,  dans  un  régiment  d'in- 
fanterie où  il  ne  resta  que  peu  de 
temps,  ayant  été  racheté  par  sa  fa- 
mille. 11  devint  sous-lieu  tenant  dans  le 
1"  régiment  d'infanterie  en  1791,  prit 
part  à  la  campagnede  1792,  et  coucou- 
rut  à  la  défense  de  Lille ,  qui  fut  alors 
assiégée  par  les  Autrichiens.  Nommé 
adjoint  aux  adjudants-généraux,  il  fit 
en  cette  qualité  les  campagnes  de  la 
Belgique,  et  fut  ensuite  employé  à  Di- 
jon pour  le  recrutement  des  300  mille 
hommes.  Adjudant-général  en  1794,  il 
servit  dans  l'intérieur,  puis  en  1799, 
k  l'armée  d'Italie  où  il  se  distingua 
dans  la  division  Montrichard,  qui  fut 
très-maltraitée  sur  la  Trébia.  Le  gé- 
néral Puthod  passa  ensuite  à  l'aruiée 
du  Rhin,  commanda  avec  distinction 
une  brigade  sous  Moreau ,  en  1801, 
lit  la  campagne  de  1806  contre  l'Au- 
triche, et  commanda  ,  en  1807,  i'a- 


PUT 

vant-garde   du  corps    d'armée  qui 
combattit  près  de  Dieschau.  11  s'em- 
para de  cette  ville,  se  distingua  au 
siège  de  Dantzig ,  et  fut  nommé  gé- 
néral de   division   le  16  novembre 
1808.  Employé  en  Espagne ,  il  y  sou- 
tint sa  réputation;  revint  en  France, 
et  Tut  pendant  quelques  années  com- 
mandant de  Maestricht.  Il  fit  la  cam- 
pagne de  1813  dans  le  5«  corps  d'ar- 
mée ;  combattit,  le  31  mai,  la  garde 
royale  prussienne  qui  couvrait  Bres- 
lau ,  et  la  força  d'évacuer  cette  ville 
qui  se  rendit  le  lendemain.  Après 
plusieurs  combats  livrés  les  19,  21 
et  23  août  suivants  dans  les  envi- 
rons de  Goldberg,  le  général  Puthod 
fut  contraint  par  les  mouvements  de 
l'armée  de  se  retirer  sur  le  Bober, 
dans  la  nuit  du  26  au  27,  et  il  essaya 
en  vain  de  passer  ce  torrent,  subite- 
ment accru  par  la  pluie.  Il  se  défen- 
dit   encore    pendant    deux   jours; 
mais,   hors  d'état    de   résister,   et 
n'ayant  plus  que  trois  mille  hom- 
mes, il  se  rendit  prisonnier  le  29  à 
Lawenberg.  Rentré  en  France  après 
la   chute  de  Napoléon ,  Puthod  se 
soumit  un  des  premiers   au  gou- 
vernement de  la  Restauration,  qui 
le  nomma  chevalier  de  Saint-Louis 
et   inspecteur  -  général  d'infanterie 
dans  la  5e  division,  à  Neuf-Brisach, 
où  il  organisa  le  104^  régiment  de 
ligne.   Au  retour  de  Bonaparte  en 
1815,  il  n'hésita  point  à  se  soumet- 
tre, et  fut  employé  à  Lyon.  Mis  à 
la  demi-solde,  lors  du' licenciement 
de  l'armée,  en  1815,  il  vécut  long- 
temps à  Colmar  où  il  s'était  marié, 
puis  il  alla  habiter    le  département 
de  la  Gironde  où  il  avait  des  pro- 
priétés, et   mourut  à  Libourue  en 
1837.  Voici  comment  le  curé  Char- 
riez rendit  compte  de  ses  derniers 
moments  dans  le  journal   de  cette 
ville,  du  9  avril  18S7.  Ces  détails 


PUT 

sont  d'autant  plus  curieux  qu'ils  oui 
beaucoup  de  rapport  avec  les  der- 
niers moments  du  guerrier  le  plus 
remarquable  de  notre  siècle  {voy. 
Napoléon  ,  LXV,  276)  :  «  Un  mois 
avant  sa  mort,  le  général,  sentant 
s'aggraver  son  mal,  me  fit  spontané- 
ment appeler  auprès  de  lui  et  me 
demanda  du  premier  abord  l'assis- 
tance de  mon  ministère ,  avec  cette 
foi,  cette  franchise  et  ce  courage 
qui  lui  étaient  propres,  et  qui  ne  se 
sont  pas  démentis  un  seul  instant 
pendant  le  cours  de  sa  maladie.  Je  ne 
le  quittai  point  ce  jour-là  que  je 
n'e^jsse  satisfait  à  son  pieux  désir. 
Cependant  son  état  s'étant  un  peu 
amélioré,  et  lui  faisant  concevoir  l'es- 
pérance d'un  entier  rétablissement, 
il  me  dit  un  jour  (c'était  pendant  la 
semaine  sainte  )  :  «  Quoique  je  sois 
«  mieux,  ne  croyez  pas  que  je  veuille 

•  renoncer  à  remplir  un  devoir  au- 

•  quel  tout  chrétien  est  obligé  en  ce 
«  saint  temps  ;  je  veux  aller  à  l'église 
«  afin  de  m'en  acquitter  publique- 

•  ment.  Quand  je  vous  ai  fait  appe- 

•  1er,  on  a  peut-être  cru  que  c'était 

•  une  faiblesse  :  on  saura  que  cette 
«  détermination  m'était  commandée 
«  par  mes  convictions.»  Je  continuai 
à  le  voir  assidûment  ;  mais ,  ayant 
suspendu  mes  visites  pendant  deux 
ou  trois  jours ,  il  me  fit  appeler  de 
nouveau  ;  c'était  la  veille  de  sa  mort. 
M'apercevant  des  progrès  qu'avait 
faits  sa  maladie  .  et  connaissant  par- 
faitement la  force  et  le  courage  de 
son  âme,  je  n'hésitai  pas  à  l'éclairer 
sur  le  danger  de  son  état*,  il  réclama 
les  derniers  sacrements.  Après  l'a- 
voir disposé  à  les  recevoir,  je  lui  an- 
nonçai que  le  lendemain  matin ,  à 
six  heures,  je  lui  apporterais  le  saint 
viatique.  «  A  six  heures!  me  repar- 

•  tit-il  vivement  ;  c'est  trop  tôt  :  on 

•  dirait  que  je  me  cache.   Non  !  je 


PUT 


175 


«  veux  remplir  ce  devoir  en  plein 
«  jour  ;  il  faut  que  tout  le  monde  sa- 
«  che  que  je  suis  mort  en  chrétien.  » 
Après  que  je  me  fus  retiré,  il  ordon- 
na lui-même  les  préparatifs  de  la  cé- 
rémonie, et  dit  à  un  des  amis  dévoués 
qui  l'entouraient  et  qui  me  l'a  rap- 
porté :  •  M.  le  curé  roulait  m'appor- 
■  ter  les  sacrements  de  grand  matin  ; 
«  j'ai  voulu  que  ce  fût  plus  tard;  je 
•  ne  veux  pas  plus  transiger  avec  les 
«  sacrements  qu'avec  l'honneur.  » 
Cependant  le  mal  faisant  des  progrès 
plus  rapides,  il  reçut  ce  jour-là  même 
le  viatique  et  l'extrême-onction  avec 
les  sentiments  de  la  foi  la  plus  vive. 
Telle  a  été  la  fin  du  général  Puthod. 
Il  était  digne  d'un  petit-neveu  dn 
chevalier  sans  peur  et  sans  repro- 
che ,  de  terminer  une  vie  pleine  d'ex- 
ploits guerriers  par  une  mort  fran- 
chement chrétienne.  «  —  Son  frère 
aîné ,  qui  avait  servi  dans  la  gendar- 
merie de  Lunéville  ,  s'enrôla  ,  en 
t791,  dans  le  3*  bataillon  des  volon- 
taires de  l'Ain,  où  il  fut  nommé  ca- 
pitaine et  fit  les  campagnes  de  I79î 
et  1793 ,  aux  armées  du  Rhin  et  de  la 
Moselle,  il  fut  tué  d'un  coup  de  ca- 
non ,  à  la  tète  de  sa  compagnie,  sur 
le  champ  de  bataille  de  Kaisers-Lau- 
tern,  en  déc.  1793.  C'était  un  excel- 
lent officier  et  qui  eût  sans  doute 
fourni  une  brillante  carrière.  M — Dj. 
PUTIATIN  ou  PouTiATTN  (Nico- 
las), prince  russe,  naquit  vers  1750. 
Bien  que  sa  famille  possédât  des  pro- 
priétés considérables  dans  la  Russie 
méridionale,  il  n'avait  reçu  qu'une 
éducation  très-imparfaite;  mais  il  y 
avait  suppléé  par  ses  dispositions 
naturelles.  En  1776  il  visita  l'Ita- 
lie et  la  France,  donnant  surtout 
son  attention  à  l'architecture  et  à 
l'arrangement  des  jardins.  A  Paris 
il  fréquenta  la  société  des  écrivains 
célèbres,  à   qui  il  plut  par  l'origi- 


17« 


PUT 


nalité  de  ses  pensées,  souvent  para- 
doxales et  quelquefois  bizarres.  De 
retour  dans  sa  patrie ,  il  s'attacha  à 
la  cour  de  l'impératrice  Catherine  11, 
qui  goûta  également  la   conversa- 
tion piquante  de  cet  esprit  fantasque, 
et  occupa  le  prince  dans  l'intendance 
des  bâtiments  de  la  couronne.  Après 
la  mort  de  Catherine,  Putiatin  se 
rendit  en  Livonie ,  s'y  maria ,  et  alla 
s'établir  en  Saxe ,  abandonnant  pour 
toujours  la  Russie.  U  eut  de  son  ma- 
riage une  lille  qui  épousa  dans  la 
suite  un  comte  saxon.  Cette  union 
ne  fut  pas  heureuse  ;  la  fille  de  Pu- 
tiatin mourut  dans  la  Heur  de  l'âge, 
et  son  père  ayant  été  charmé,  dans  un 
voyage  fait  à  Dessau,  du  nouveau  ci- 
metière au  parc  de  Wcerlitz,  y  fit 
transporter  sa  fille,  et  construire  un 
tombeau  pour  elle  et  pour  toute  sa 
famille.  Il  avait  l'ait  graver  le  dessin 
de  cette  sépulture,  et  il  gratifiait  vo- 
lontiers ses  amis  etconnaissances  d'un 
exemplaire  de  la  gravure.  Quelque 
temps  après  avoir  perdu  sa  fille,  ce 
prince   menacé  de  perdre  aussi  sa 
femme,  atteinte  de  phthisie,  suivit  le 
conseil  des  médecins ,  qui  espéraient 
quelque  soulagement  pour  la  malade 
de  son  séjour  dans   une  étable  de 
campagne.  Aceteffetil  fit  l'acquisition 
d'une  ferme  au  village  de  Zschack- 
witz  auprès  de  l'Elbe,  vis-à-vis  du 
château  de  Pillnitz.  Mais  il  ne  fut  pas 
long-temps  dans  cette  propriété  ru- 
rale sans  la  transformer  en  un  séjour 
de  luxe.  Des  pignons,  des  clochetons 
et  une  tour  gothique  s'élevèrent  par 
ses  ordres  sur  la  ferme  ;  l'étable  à 
vaches  se  transforma  en  salle  à  man- 
der, et  la  basse  cour  en  boulingrin 
orné  d'une  fontaine.    Des   galeries 
couvertes  conduisirent  à  des  cabinets 
particuliers  dont   les   murs    furent 
tapissés  de  gravures  enlevées  à  des 
ouvrages  pittoresques.   Bref,   l'an- 


ϻUT 

cienne  ferme  devint  une  maison  de 
campagne  d'un  aspect  fort  original, 
qu'on  citait  parmi  les  objets  curieux 
des  environs  de  Dresde.  11  faut  ajou- 
ter que  le  propriétaire  mit  partout 
des  inscriptions   d'un   sens  moral , 
de  sa  composition,  et  qu'il  ouvrit  un 
registre  dans  lequel   les    visiteurs 
durent  consigner  leurs  noms  et  leurs 
sentiments.  Il  y  en  eut  assez  pour 
déterminer  dans  la  suite  le  prince  à 
faire  imprimer  ce  registre.  11  avait 
sa  maison   d'hiver  à  Dresde,  et  se 
distinguait  de  tout  le  monde  par  ses 
singularités.  On  dit  que  pendant  le 
froid  il  portait  un  masque  avec  des 
verres  à  la  place  des  yeux ,  et  dans  le 
mauvais  temps  il  avait  un  parapluie 
vitré.  Ses  voitures  étaient  des  cages 
à  verre  avec  des  sofas  ,  et  un  appa- 
reil chauffai  t  ses  t  raîneaux.  Il  co  u  v  rait 
le  papier  de  ses  idées  non  moins  sin- 
gulières que  ses  manières,  et  expri- 
mées, dit-on,  en  un  français  étrange, 
fréquemment    interrompu    par  des 
points  d'exclamation.  A  la  fin  il  y  en 
eut  presque  un  ballot.  Putiatin  prit 
alors  un  écrivain  moraliste  nommé 
Tappe,  pour  en  extraire  ce  qui  lui 
paraîtrait  le    plus  intéressant.    Cet 
éditeur,  agissant  sobrement,  en  fit  un 
extrait  qui    parut  en   allemand,  à 
Dresde,  en  1824,  sous  le  titre  ambi- 
tieux de  Paroles  du  livre  des  livres, 
ou  Pensées  sur  le  monde  et  les  hom- 
mes.  L'ouvrage   n'eut  pas  de  suc- 
cès, et  l'auteur  s'en  prit  à  l'éditeur 
qu'il  accusa  d'avoir  falsifié  ses  idées. 
Putiatin  mourut  à  Dresde  le  13  jan- 
vier 1830,  et  fut  enterré  dans  sa 
tombe  chérie  de  Dessau,  où  on  lit  une 
épitaphe  de  sa  façon.  11  a  laissé  un 
petit-fils,  le  baron  d'Yxbull.    D— g. 
PlTïTLlTZ  (Frédéric-Louis,  ba- 
ron de),  militaire  prussien,  né  en 
1751  dans  la  province  de  la  Marche, 
entra  en  1770  dans  le  régiment  du 


PUT 

prince  Ferdinand  ;  mais,  ayant  vaine- 
mant  attendu  de  l'avancement ,  il 
quitta,  après  la  campagne  de  1778,  le 
service  prussien  ,  pour  entrer  dans 
celui  de  Hollande  ;  puis,  plus  me'con- 
tent  encore  de  celui-ci ,  il  profiu  de 
la  formation  d'un  nouveau  re'giment 
prussien,  eu  1780,  pour  rentrer  au 
service  de  sa  patrie  avec  le  grade  de 
capitaine.  Il  fit  les  campagnes  de  1792, 
1793  sur  le  Rhin,  et  y  fut  blessé  griè- 
vement à  l'assaut  du  fort  de  Bitche.  En 
1797  il  fut  nommé  major.  Lors  de  la 
guerre  entre  la  France  et  la  Prusse 
enl806,Puttlitz  fit  partie  des  troupes 
chargées  de  la  défense  des  frontières 
de  la  Silésie,  et  particulièrement  du 
comté  de  Glatz  ;  mais  le  camp  prus- 
sien ayant  été  surpris,  il  ne  dut  son 
salut  qu'au  dévouement  d'un  sub- 
alterne. Dans  la  seconde  guerre,  en 
1808  et  t809,ileut  le  commandement 
du  bataillon  des  tirailleurs  silésiens, 
et  fut  nomme  plus  tard  général.  En 
1813  enfin,  lorsque  la  Prusse  fit  les 
plus  grands  efiForts  pour  repousser 
le  joug  de  Napoléon,  le  roi  le  mit  à  la 
tête  de  la  landwehr  des  Marches, 
avec  ordre  de  se  porter  sur  le  bas 
Elbe,  et  de  surveiller  la  forteresse  de 
Magdebourg  où  s'était  enfermé  le 
général  français  Gérard.  Puttlitz  ten- 
ta vainement  de  bloquer  cette  place. 
Après  les  combats  de  Gubs  et  Kœnig- 
sborn,  il  fut  obligé  de  se  retirer  sur 
Brandebourg.  Ayant  opéré  sa  jonction 
avec  le  général  de  Hirschfeld,  il  at- 
taqua les  Français  à  Haveisberg,  et 
resta  maître  du  champ  de  bataille; 
mais  dans  ce  combat  meurtrier  il 
fit  une  chute  de  cheval  et  se  cassa 
la  jambe.  Dès  le  mois  de  sept,  sui- 
vant v,  on  le  vit  reparaître  devant 
Magdebourg  dont  la  garnison  avait 
reçu  des  renforts,  entre  autres  2  ba- 
taillons espagnols  du  régiment  du  roi 
Joseph.  Une  partie  de  ces  troupes 

I.\XVITI. 


PL  Y 


177 


passa  dans  la  nuit  du  côté  des  Prus- 
siens. Puttlitz  repoussa  les  attaques 
du  général  Lemoine.  En  janvier  1814 
il  reçut  ordre  de  céder  le  commande- 
ment des  troupes  devant  Magdebourg 
au  général  de  Jeannert,  pour  mettre 
le  blocus  devant  la  place  de  Wesel 
qui  était  défendue  par  le  général  fran- 
çais Bourke.  Ce  blocus  dura  jusqu'à 
la  fin  d'avril,  lorsque  les  ordres  en- 
voyés de  Paris  par  le  nouveau  gou- 
vernement enjoignirent  aux  Français 
d'évacuer  cette  place.  En  allant  au 
rendez -vous  assigné  par  Bourke, 
Puttlitz  faillit  être  tué  par  les  avant- 
postes  prussiens  qui  n'avaient  pas  été 
prévenus.  Après  la  guerre,  il  eut  le 
commandement  de  Glogau.  En  1815 
il  obtint  le  grade  de  lieutenant-géné- 
ral et  fut  mis  à  la  retraite.  Il  s'y  li- 
vra à  son  goût  pour  l'étude,  particu- 
lièrement de  la  numismatique,  dans 
laquelle  il  était  très-versé.  Il  mourut 
le  16  mars  1828.  D— g. 

PUYCIBOT  ou  PUICIBOT  (ACBEIT 
DE).  Voy.  AUBKET,  III,  3. 

PITYLAUREKS  (Guillaume  de) 
naquit  au  commencement  du  XIII* 
siècle  dans  la  ville  dont  il  portait  le 
nom  et  dont  sa  famille  probablement 
possédait  la  seigneurie.  Il  entra  dans 
l'état  ecclésiastique  et  devint  chape- 
lain de  Raymond  VII,  comte  de  Tou- 
louse ,  auquel  il  fut  toujours  très-at- 
taché, et  dont  il  partagea  la  mauvaise 
comme  la  bonne  fortune.  Ce  prince 
l'envoya,  en  1243,  à  Rome,  en  qua- 
lité d'ambassadeur,  afin  d'y  solliciter 
les  dispenses  dont  il  avait  besoin 
pour  épouser  Marguerite  de  La 
Marche.  Après  la  mort  du  comte,  Puy- 
laurens  passa  dans  la  maison  de  la 
comtesse  Jeanne,  sa  fille,  et  lui  sur- 
vécut long-temps,  car  il  ne  cessa  de 
vivre  qu'en  1295.  Témoin  et  presque 
acteur  dans  les  guerres  des  Albigeois, 
il  en  fut  aussi  rhistorien.  Il  compo- 
1? 


178 


PUY 


sa  une  chronique  qui  est  vantée  pour 
sa  sincérité  et  qui  mérite  une  entière 
confianee.  Catel  la  fit  imprimer  dans 
son  Histoire  des  comtes  de  Toulouse. 
Elle  fait  partie  du  tome  cinquième 
des  Historiens  de  France ,  par  Du- 
chesne.  M.  Guizot  l'a  placée  dnris  sa 
Collection  des  mémoires  relatifs  k 
l'Histoire  de  France,  édition  de  1824. 
Celte  chronique  est  écrite  assez  pu- 
rement en  latin.  C— L— B. 

PUYMAIGRE  (Jean -François- 
Alexandre  BouDET,  comte  de),  pré- 
fet et  geuulhomme  de  la  chambre 
du  roi  sous  la  Restauration,  naquit 
à  Metz  le  5  oct.   1778.    Issu  d'une 
ancienne  famille  du  Berry,  et  des- 
tiné à  l'état  militaire,  il  émigra  en 
1791  avec  son  père  qui  avait  reçu  le 
commandement  d'une  brigade  de  ca- 
valerie noble  à  l'armée  de  Condé,  et 
lui  procura  une  sous  lieutenance  dans 
le  COI  ps  des  clievalif  rs  de  la  couronne, 
où  il  ht  d'une  manière  distinguée 
sept  pénibles  campagnes.  Il  eut  un 
cheval  tué  sous  lui  à  l'affaire  de  Bi- 
berach.  Au  licenciement  de  l'armée 
de  Condé ,  il  rentra  en  France  et  ob- 
tint une  commission  de  contrôleur 
principal  des  drôits-réuuis  à  Briey, 
puis  à  Spire,  et  devint  ensuite  in- 
specteur dans  la  même  administration 
à  Hambourg.  li  prit  part,  en  1813,  à 
la  défense  de  Cl  tte  ville  ,  en  qualité  de 
chef  d'un  bataillon  de  volontaires.  Dé- 
gagé de  ses  serments  envers  l'empe- 
reur, il  salua  avec  joie  la  Restaura- 
tion, et  fut  nommé,  en  1815,  capitaine 
des  grenadiers  royaux.  Frappé  d'un 
bannissement  à  l'époque  des  Cenl- 
Jours,  il  revint  en  France  à  la  secon- 
de rentrée  de  Louis  XVIII,  et  fut  placé 
à  Niort,  puis  à  Metz,  comme  direc- 
teur  des   droits-réunis.    En    1820, 
il  obtint ,  par  la  médiation  de  M.  de 
Serre,  garde  des  sceaux,  avec  qui 
IHinissait  une  ancienne  amitié ,  la 


PUY 

préfecture  du  Haut-Rhin.  Ce  dépar- 
tement était  alors  agité  par  les  in- 
trigues des  révolutionnaires,  et  l'un 
de  ceux  sur   lesquels  les   meneurs 
de  ce  parti  comptaient  le  plus.  Dms 
ces  circonstances  dilticiles,  le  comte 
de  Puymaigre  fit  également  preuve 
de  fermeté  et  de  modération.  La  con- 
spiration de  Béfort  venait  à  peiné 
d'être  réprimée    lorsque   le  lieute- 
nant colonel  Caron  essaya  d'entraî- 
ner plusieurs  sous-officiers  à  la  ré- 
volte.   Puymaigre,  que  l'esprit  de 
parti  a  long-temps  accusé  d'avoir 
coopéré  aux  provocations  adressées 
à  cet  oflicier,  n'en  fut  réellement  in- 
formé que  par  les  communications 
verbales  de  l'autorité  militaire  à  qui 
avait  été  exclusivement  dévolue  la 
direction  de  cette  affaire.  Voici  en 
quels  termes  s'exprime  à  cet  égard 
un  historien  qu'on  ne  saurait  suspec- 
ter de  complaisance  pour  les  hommes 
de  la  Restauration  :  •  Je  crois  pou- 
voir établir  comme  un  fait  certain, 
dit  M.  Lacretellc,  que  l'invention  du 
piège  dressé  à  Roger  et  à  Caron  ap- 
partient au  ministère,  et  que  les  au- 
torités militaires  reçurent  la  triste 
mission  de  l'exécution.  »  (  Histoire  de 
France  depuis  la  Restauration,  tome 
III ,  p.  247.  )  En  1824 ,  le  comte  de 
Puymaigre  passa  à  la  préfecture  de 
l'Oise»  et  en  1827  à  celle  de  Saône- 
et-Loire.  Ce  futk  Mâcon  que  le  sur- 
prirent  les  événements    de  juillet 
1830.  M"«  la  dauphine,  dont  l'estime 
particulière  et  presque  affectueuse  le 
soutenait  depuis  long-temps  au  mi- 
lieu  des  plus  dures  épreuves,   se 
trouvait  chez  lui  quand  la  catastro- 
phe éclata.  Il  a  raconté  les  détails  de 
ce  triste   épisode  et    de    quelques 
autres  non  moins  importants  de  sa 
vie  politique  dans  des  fraguieuts  àe 
mémoires  que  la  mort  l'a  empêché 
de  terminer,  et  qui  ont  été  insérés 


PUY 

dans  la  Gazette  de  Metz  ,  dans  la  Re- 
vue d'Âuêtrasie  et  dans  VÈcho  fran- 
çais. Ces  articles  sont  d'un  grand  in- 
térêt historique.  Après  avoir  accom- 
pagné la  princesse  jusqu'aux  derniè- 
frs  limites  de  son  département ,  le 
comte  de  Puymaigre  revint  à  Màcon 
où    l'efFervescence  était  déjà   très- 
grande.  Tel  était  cependant  l'ascen- 
dant qu'il  exerçait  sur  If  s  masses  par 
la  bienveillante  politesse  de  ses  ma- 
nières ,  la  chaleur  de  sa  parole  et  la 
loyauté  de  son  caractère,  que  son 
retour  fut  accueilli  avec  respect  et 
presque  avec  joie.  Il  ue  quitta  la  ville 
qu'après  avoir  réorganisé  la  garle 
nationale  et  désigné  le  fonctionnaire 
qui  devait  le  remplacer  par  intérim. 
La  population  lui  donna  encore  dans 
celte  circonstance  une  preuve  dVs- 
time  et  d'affection  bien  frappante  ;  elle 
ne  plaça  le  «irapeau  tricolore  sur  l'hô- 
tel de  la  préfi'cture  que  lorsque  la  fa- 
mille du  préfet,  demeurée  qi»elques 
jours  après  lui,  l'eut  quitté.  Df  puis  la 
révolution  de  juillet  1830,  Puymai- 
gre ne  cessa  d'habiter  la  campagne, 
à  Inglange  près  de  Thionville,  jus- 
qu'à sa  mort,  arrivée  le  19  mai  1813. 
Durant  cette   retraite ,  il    s'adonna 
presque  exclusivement  à  des  travaux 
littéraires  et  composa  les  mémoires 
dont  nous  ayons  parlé.       B— ée, 

PIIYMATRIX  (Nicolas -Joseph 
DE  Marcasscs,  baron  de),  d'une  fa- 
mille originaire  de  Moissac,  qui  était 
allée  se  tixer  à  Toulouse,  vers  la  6n 
du  XVli*  siècle,  naquit  dans  celte 
ville  en  1718,  quelques  années  avant 
que  son  père  reçût  de  Louis  XV  le 
titre  de  baron,  à  cause,  disent  les 
lettres-patentes,  du  grand  service 
qu'il  a  rendu  à  l  État  en  établissant 
dans  l'année  1700  deux  manufactu- 
res royales  de  di  aps,  dont  la  supé- 
riorité a  détruit  dans  le  Levant  la 
concurrence  des  draps  anglais.  A 


PUY 


179 


peine  âgé  de  vingt-deux  ans,  Puy- 
maurin  parcourut  l'Italie  et  y  déve- 
loppa son  goût  pour  Ifs  arts.  Pein- 
tre et  musicien,  il  fut  un  des  pre- 
miers associt'sde  rAcailémie  de  pein- 
ture, sculp  ure  et  architecture  de 
Toulouse,  et  chargé  avec  Mundraa 
d'en  rédiger  les  statuts.  Les  arts 
lui  durent  de  puissants  encourage- 
ments. Passiouné  pour  la  musique 
italienne,  il  avait  apporté  de  Rome 
l'opéra  de  Pergolèse  intitulé  la  Serva 
padrona,  et  eu  avait  fait  la  traduc- 
tion de  concert  avec  6aurans,«  vou« 

•  lant,  disait-il,  porter  un  coup  mur- 

•  tel  à   la  muNique   française.  •    II 
fournit  les  moyens  de  se  produire  à 
deiixanistes  de  talent.  Gamelin,  pein- 
tre, et  Raymond,  architec'e,  qui  l'un 
et  l'autre  devinrent  dans  la  suite  pen- 
sionnaires de  l'Académie  de   R'>me. 
(  Voy.  Gameum,LX V.87, et  Raymond, 
dans  ce  vol.)  Lorsque  le  célèbre  Ola- 
viJé  vint  chercher  en  France  un  refu- 
ge contre  les  poursuites  de  l'inquisi- 
tion espagnole,  ce  fut  le  baron  de  Puy- 
maurin  qui  lui  donna  une  hospitalité 
aussi  cordiale  qu'efficace  {voy.  Ola- 
viDE, XXXI, 550)  Aprèsavoir rempli, 
à  la  grande  satisfaction  de  ses  admi- 
ni>trés,  les  fonctions  de  syndic-géué- 
raldela  province  de  Languedoc,  il  fut 
nommé  membre  du  comité  de  com- 
merce de  Paris.  Rapporteur  d'un  pro- 
jet tendant  à  monopoliser  les  postes, 
les   messageries,    et   à   établir  des 
droits  sur  les  marchandises,  avec  des 
barrières  pour  les  acquitter  sur  tous 
les  chemins  du  royaume,  il  se  mon- 
tra fort  hostile  à  ces  mesures,  et  ne 
craignit  pas  de  se  mettre  en  opposi- 
tion ouverte  avec  M.  de  Calonne,  qui 
les  avait  proposées.  Le  baron  de  Puy- 
maurin  mourut  à  Toulouse  en  1791. 
Il  avait  écrit  pour  rAcatiéiiiie   des 
sciences  de  Toulouse,  dont  il  était 
membre,  un  grand  nombre  de  rap- 

12. 


180 


T^UY 


ports  et  (luelques  éloges^  parmi  les- 
quels nous  citerons  celui  du  prési- 
dent Riquet.  A— Y. 
PUYMAURIN  (Jean-PierRE-Ca- 

siMin  DE  M  AKCASsus,  baron  de),  fils  du 
précédent,  naquit  àToulouse  le  5  (iéc. 
1757,  et  reçut  son  éducation  au  collè- 
ge de  cette  ville.  Il  dirigea  de  bonne 
heure  ses  études  vers  la  chimie  dans 
son  application  aux  arts,  et  introdui- 
sit ea  France,  en  1 787  J'art  de  graver 
sur  verre  par  l'acide  fluoriqne.  Pen- 
dant toute  la  période  révolutionnaire, 
il  vécut  retiré  dans  une  de  ses  pro- 
priétés où  il  s'occupait  de  travaux 
d'économie  rurale,  évita  ainsi  de 
preu'ire  part  aux  troidiles,  et  échappa 
aux  proscriptions  qui  en  étaient  le 
résultat.  Il  ne  parut  sur  la  scène  po- 
litique qu'après  l'établissement  du 
gouvernement  consulaire,  el  fut  alors 
nommé  membre  du  conseil-général 
de  la  Ilauie-Garonne,  puis,  en  1805, 
candidat  au  Corps-Législatif,  où  il  fut 
l'année  suivante  appelé  par  le  sénat, 
puis  rééiu  en  1811.  Peu  de  temps 
après,  il  fixa  de  nouveau  l'attention 
du  monde  savant  par  une  découverte 
importante.  Ayant  perfectionné  l'art 
d'extraire  l'indigo  de  l'isatis-pastel, 
il  indiqua  les  moyens  de  faire  cette 
opération  en  grand  avec  avantage,  et 
d'en  obtenir  une  substance  colorante 
susceptible  de  produire,  pour  les 
matières  végétales  et  animales,  une 
couleur  aussi  solide  qne  celle  qu'on 
tire  de  l'indigo  du  Bengale  et  de 
Guatimala.  Pendant  la  session  de 
1814,  il  prit  une  part  active  aux  dis- 
cussions qui  s'agitèrent,  au  sein  du 
corps  législatif,  sur  l'importation  des 
l'ers  étrangers,  les  douanes  et  l'ex- 
portation (les  grains.  Royaliste  de 
cœur,  le  baron  de  Puymauriu  avait 
manifesté  hautement  la  joie  que  lui 
causa  le  retour  des  Bourbons;  aussi 
lut-il   obligé  de  se  tenir  à   l'écart 


PUV 

pendant  les  Cent -Jours,  pour  évi- 
ter le  courroux  de  Napoléon,  qui 
l'avait  mis  en  surveillance  dès  le 
commencement  de  1814.  Après  la 
seconde  Restauration,  il  fut  nommé 
membre  de  la  chambre  des  députés 
par  le  département  de  la  Hante-Ga- 
ronne, puis  directeur  de  la  monnaie 
des  médailles,  place  dont  il  se  dé- 
mit vers  1825,  en  faveur  de  son  fils 
qui  lui  était  adjoint  depuis  long- 
temps. Pendant  sa  longue  carrière 
parlementaire,  il  avait  eu  souvent 
occasion  de  prendre  la  parole  et  de 
faire  apprécier  tout  ce  qu'il  y  avait 
d'élévation  dans  ses  sentiments  et 
de  justesse  dans  son  esprit.  Son  af- 
fabiliié  lui  avait  même  concilié  l'a- 
mitié de  plusieurs  membres  de  l'op- 
position. Lorsque  la  chambre  des  dé- 
putés s'occupa,  au  mqis  de  janvier 
1816,  d'un  monument  à  élever  à  lit 
mémoire  de  Louis  XVI,  ce  fut  lui  qui 
proposa  et  fit  adopter  l'inscription 
suivante  : 

Ludovîco  decimo  sexto 

A  scelestis  impie  obtruncato 

Gallia  liberata,  rediviva 

^  Mœrens 
Hoc  luciûs  inonumentum 
consecrat 

En  1820,  lors  de  la  discussion  de  Itf 
loi  sur  les  complots  contre  l'Ktat,  il 
appuya  la  rédaction  ministérielle,  et 
s'exprima  d'une  manière  qui  impres- 
sionna vivement  l'assemblée.  «  .Te 
«demande,  ditil,  le  maintien  de 
«  l'article  premier,  tel  que  le  minis- 
«  tère  l'a  présenté;  je  le  considère 
«  comme  essentiel  à  la  considér.itioii 
«  de  la  dynastie.  Les  complots  contre 
«  l'État  dans  une  monarchie  entraî- 
•  uent  néces'^airement  la  chute  du 
n  monarque;  on  ne  peut  donc  les- 
«  séparer  de  ceux  contre  la  personne 
«  du  roi  et  de»  augustes  membres  dç- 


pr\ 


pm 


Ï81 


•  sa  famille.  Les  compluts  dn  10  août 

•  entraînèrent  la  chnte  de  Louis  XVI 
«  et  l'affreuse  catastrophe  qui  ter- 
«  mina  ses  jours.  Si  cet  iufortuné 
«  mouarque  avait  pu  user  d'une  loi 
«  préventive,  cette  conspiration  au- 
«  rait  été  arrêtée  à  son  origine,  et 
«  l'impie  assassinat  de  Louis  XVI 
«  n'aurait  pas  souillé  nos  annales. 
«  Nous  sommps  actuellement  dans  la 
■  même  position  où  était  le  gouver- 

•  nement  royal  en  1792.  C'est  contre 
-  lui  qu'a  été  dirigé  l'horrible  atten- 
«  tat  (l'assassinat  du  duc  de  Berry) 

•  qui  nous  coûte  tant  de  larmes.  Je 

•  craindrais  d'être  complice  de  nou- 
«  veaux  Louvel  si  je  votais  l'article 
«  tel  qu'il  a  été  mutilé  par  la  com- 

•  mission.  »  Fidèle  à  ses  principes 
politiques  et  religieux,  ce  député 
voulait  qu'on  rendît  aux  émigrés 
leurs  biens  en  nature,  quoiqu'il  fût 
lui-même  détenteur  de  quelques-uns 
de  ces  biens  (  i  ),  et  il  vota  la  loi  du  sa- 
tnlége.  Apres  de  tels  antécédents, 
le  baron  de  Puymaurin  ne  pouvait 
être  bien  venu  des  nouveaux  gouver- 
nants en  «830  II  se  relira  dans  sa  ville 
natale,  où  il  mourut  le  14  février  184 1 . 
Il  était  commandeur  de  Tordre  de  la 
Légion-d'Honneuret  membre  de  plu- 
sieurs sociétés  savantes,  entre  autres 
de  l'Académie  de  Stockholm  etdf  l'A- 
cadémie des  sciences  de  Toulouse.  On 


(i)  Dans  la  discussion  sur  les  bieos  qu'il 
s'agissait  de  rendre  aux  émigrés,  enntivé 
d'entendre  argumenter  sDr  la  diflérence  des 
mots  rendre  et  reiUtuer,  il  s'écria  viTement, 
arec  son  accent  méridional  :  «  Je  ne  sais 
««  qn'ane  chose,  c'est  que,  qoard  on  a  Tolé, 
««  il  faut  REHDRs!  »  Une  autre  fois,  comme 
il  était  em  ore  a  la  tribiiae,  La  qualificatiou 
de  frères  j^oromùij.qa'il  donnait  aux  frères 
delà  doctrine  chrétienne,  ayant  excité  les  m- 
mears  du  côté  gauche,  il  «'écria  avec  rébé- 
mence  :  <«  Eh  bien,  oui,  parce  qu'ils  ignorent 
.,  tout  ce  que  >ous  ..jvcz  tro;»  et  si  mal,  vos 
-  fautes,  vos  erreurs,  vo»  détectables  pen- 
,.  sée»,  »o»  projets  peut-être  1.  » 


a  de  lui  :  î.  Mémoires  sur  différente 
sujets,  relatifs  aux  sciences  et  aux 
arts,  1811,  in-S".  If.  Opiniotisur  le 
budget  des  dépenses  du  ministère  de 
la  marine,  Paris,  1819,  in-8°.  111. 
Notice  historique  sur  la  piraterie, 
extraite  de  plusieurs  auteurs,  Paris. 
1819,  18-25,  iu-8».  IV.  Mémoires  sur 
les  procédés  les  plus  convenables 
pour  remplacer  le  cuivre  par  le  bron- 
ze davs  la  fabrication  des  médailles: 
précédés  des  rapports  faits  à  l'Aca- 
démie des  sciences  et  à  celle  des  in- 
scriptions et  belles-lettres ,  Paris  , 
1823,  in-S".  V.  Notes  à  l'appui  de  la 
pétition  des  propriétaires  de  vigno- 
bles de  la  Gironde,  Paris,  1828.  in-8o. 
On  trouve,  dans  la  collection  de  l'A- 
cadémie de  Toulouse,  quelques  mé- 
moires dus  à  la  plume  de  Puymau- 
rin :  1»  Sur  les  moyens  de  rendre  tes 
ciments  indestructiùles.  2"  Sur  un 
nouveaurouleau  à  battre  les  grains. 
3»  Sur  les  causes  de  (a  conservation 
des  corps  dans  le  ca  ceau  des -Cor  de- 
liers  de  Toulouse.  Enlin  il  a  Iraduit 
de  l'anglais  de  Bo\s  den  :  De  la  pour- 
riture sèche  (dryrul)  qui  détruit  les 
bois  employés  pour  ta  comiruction 
des  vaisseaux,  tnotUins,  etc..  Pans, 
1819,  in-S».  — PuYMAlBiN  (Aimé  de 
Marcassus  de),  tils  du  précédent,  lui 
succéda  dans  la  place  de  directeur  de 
la  monnaie  des  médailles,  fonctions 
qu'il  exerça  jusqu'à  la  révolution  de 
1830.  Retiré  à  Toulouse  ,  il  est  mort 
en  cette  ville,  depuis  quelques  an- 
nées, dans  un  âge  peu  avancé  :  il  était 
chevalier  de  la  U'gion-d'Honnenr.  On 
a  de  lui  les  deux  opuscules  suivants  : 
1*  Mémoiresur  les  applications  dans 
l'éconofHie  doinesiique  de  la  gélatine 
extraite  des  os  au  moyen  de  la  va- 
peur, laà  la  Société  d'encouragement, 
Paris,  1829,  in-8»  avec  3  pi.;  2**  Mé- 
moire sur  iapplicaUon  de  ce  procédé 
à  la  noitrrtture  des  vutriers  de  lu 


182 


PUY 


monnaie,  imprimé  à  la  suite  des  Re- 
cherches sur  les  substances  nutri- 
tives que  renferment  le»  os,  etc.,  par 
M.  d'Arcet,  Paris,  1829,  in-S»  avec  5 
planches.  A— Y, 

PrYS  (Benoît),  docteur  en  the'o- 
logie,  chanoine  et  secrétaire  de  l'é- 
glise de  Sainl-Nizier  de  Lyon,  passa 
dans  sa  jeunesse  quatre  ou  cinq  mois 
chez  les  Chartreux,  et  en  sortit  pour 
cause  de  santé.  Il  se  mêla  vivement 
à  une  discussion  sur  l'assistance  à  la 
messe  de  paroisse  et  les  privilèges 
des  ordres  religieux  en  ce  qui  con- 
cernait ce  point  de  discipline  ecclé- 
siastique.  Il   publia  donc  le  Théo- 
phile paroissial  de  la  messe  de  pa- 
roisse, pan..  B.  p.  B.  B.  c.  p.  {lerév. 
P.  Basséan  ou  de  la  Bdssée,  capucin 
prédicateur);  traduction  du  latin  de 
l'auteur,  Lyon,  1649,  in-8°.  Le  P.Albi, 
jésuite,  combattit  le  chanoine  dans 
un  livre  intitulé  :  V Anti-Théophile 
paroissial,  Lyon,  1649,   in  12  de 
94  pages.  Benoît  Puys  publia  alors 
sa    JResponse    chrétienne   à    l' Anti- 
Théophile, Lyon,  1649,  in-8°,  dé- 
diée au  clergé  de  France.  Le  P.  Al- 
bi  revint  à  la  charge  et  lit  paraître 
son  Apologie  pour  l' Anti-Théophile 
paroissial  contre  la  réplique  inju- 
rieuse et  les  plaintes  injustes    de 
M.  Benoît  Puys,  Lyon,  1649,  iu-12. 
Cet  ouvrage  parut  sous  le  pseudo- 
nyme de   Paul  de  Cabriac,  prêtre 
séculier.  On  a  encore  de  Benoit  Puys 
la  Science  du  salut,  etc.,  Lyon,  1C34, 
pet.  in-8",  dédiée  au  cardinal  Alphon- 
se-Louis du  Plessis  de  Richelieu,  ar- 
chevêque (le  Lyon.  C — l— T. 

l'lJY?>ɻiUll(AittAND  Marie-Jac- 
ques DE  Chastenet  ,  marquis  île)., 
d'uite  (les  plus  anciennes  maisons  de 
la  Guyenne,  était  pelir-lils  du  uwré- 
chal  (le  ce  nom  (voy.  XXXVl,  333).  11 
naquit  eu  1752,  et  entr(i,en  1768,  dans 
l'artillerie  où  l'avancement  par  rang 


PUY 

d'ancienneté  n'avait  lieu  qu'avec  une 
extrême  lenteur.  L'intérêt  que  pre- 
n-iieiit  à  sa  famille  le  maréchal  et  le 
comte  de  Br^iglie   le   fit  sortir  de 
bonne  heure  de  la  lisçne  ordinaire. 
Pour  ne  pas  violer  l'ordre  établi  dans 
son  arme,  on  lui  donna  le  brevet  de 
colonel,  sans  fonctions  ni  insignes 
extérieurs.  11  avait  alors  vingt-sept 
ans  ;  on  était  convenu  qu'il  passerait 
un  certain  nombre  d'années  à  com- 
pléter son  instruction  dans  tous  les 
emplois  et  grades  militaires.  Il  prit 
part ,  en  1783  ,  à  la  campagne  d'Es- 
pagne, et  remplit  l'office  de  major  de 
tranchée  au  siège  de  Gibraltar.  Léga- 
lement placé,  en  1786,  à  la  tête  du 
régiment  de  Strasbourg,  il  se  trouva 
être  le  plus  ancien  des  colonels  de  ce 
corps  si  bien  famé,  devint  maréchal- 
de-camp,   commandant   de    l'école 
d'artillerie  de  La  Fère,  et  quitta  le 
service  volontairement  en  1792.  H 
avait  cependant  été  séduit  par  les 
idées  de  réforme  qui  avaient  conduit 
à  la  révolution  de  1789  ;  mais,  hom- 
me de  mœurs  les  plus  douces  et  mo- 
déré par  caractère,  il  fut  bientôt  ré- 
volté de  la  direction  politique  pleine 
de  passions  de  nos  assemblées  légis- 
latives ,  et  se  retira  dans  sa  terre  de 
Buzancy,  près  Soissons,  où  il  se  li- 
vra plus  que  jamais  à  des  travaux  de 
cabinet.  S'il  sortait  de  chez  lui ,  c'é- 
tait pour  arracher  des  victimes  aux 
bourreaux;  il   fallait  pour  cela  qu'il 
fréquentât  quelquefois  les  hommes 
de  cette  époque,  que  sa  belleâme,que 
sa  sensibilité  profonde  repoussaient 
iniérieuremeni,  et  c'est  là  surtout  ce 
qui  a  fait  supposer  une  certaine  com- 
munauté (te  penst'es  entre  eux  el  lui. 
Il  fut  bienlôl  accuséde  correspondre 
avec  deux  fi ères  émigrés  dont  il  était 
l'aidé,  et  eu  conséquence  retenu  en 
prison  peudaut  deux  ans  à  Soissuns, 
avec  sa  femme  et  ses  enfants.  PI  as 


PDY 

tard,  il  mit  un  entier  dévouement 
à  être  utile  aux  membres  de  sa  fa- 
mille qui  revenaient  successivement 
des  "pays  étrangers.  Après  avoir  ra- 
cheté une  partie  notable  du  patrimoi- 
ne de  ses  pères,  il  le  partagea  avec  ses 
parents,  coimiie  si  ce  patrimoine  n'a- 
vait pas  été  frappé  de  la  confiscation 
révoiutifinnaire.  Il  donna  aussi  asile 
à  plusieurs  de  ceux  qui  étaient  eu 
butte ,  dans  l'intérieur  de  la  France, 
à  des  persécutions  politiques,    en- 
tre autres  à  Fiévée,  qui  romposacbez 
cet  hôie  si  bon,  si  noble,  et  de  la 
plus  aimable  société,  le  joli  roman 
de  la  Dot  de  Suzette.  Nommé  maire 
de  S.issons,  après  le  18  brumaire, 
Puységur  se  déuiit  de  cette  place  en 
1805.  Depuis,  il  ne  cessa  de  se  li- 
vrer à  l'étude  du  magnétisme,  scien- 
ce   qui    éprouve   aujourd'hui    tant 
d'oppositiou  de  la  part  des  savants, 
et  qui ,   à  travers  le  dédain  des  uns, 
les  satires  des  autres,  n'est  pas  en- 
core jugée  en  dernier  ressort.  Émule 
plutôt  que  disciple  de  Mesmer  et  pre- 
mier observateur  du  somnambulisme 
magnétique  ,    Puységur    avait ,   dès 
1784,  publié  un  ouvrage  historique 
sur  cette  science.    Il  y  donna  une 
suite,  fruit  de   recherches   nouvel- 
les faites  depuis  1805.    Avant  d'en 
venir  à  la  nomenclature  de  ses  ou- 
vrages,  il  est    bon    de  dire  qu'é- 
poux de  M"«  de  Saint-James,  fille 
du  trésorier-général  de  la  marine,  et 
ayant  reçu  de  son  beau-père  la  dot 
promise  qui  était  de  1,200,000  fr.,il 
se  hâta  de  la  rapporter   à  la  masse 
aussitôt  que   l'énorme  banqueroute 
de  ce  financier  eut  éclaté.  On  a  de 
lui  :  1.  Bfémoires  pour  servir  à  l'his- 
toire et  à  fétabliisement  du  magné- 
tisme animal,  1784.  Il  y  en  a  eu  en- 
core deux  éditions.  II.  Suite  auxdits 
mémoires,  1805,  in-8°.  III.  Dufna- 
gnetisme  animal ,  considère  dans  $es 


PUY 


m 


rapports  avec  diverses  branches  de 
la  physique,  1807-1809,  in-8°.  IV. 
Recherches  ,  expériences  et  observa- 
tions  physiologiqws  sur  l'homme  y 
dans  l'état  du  somnambulisme  natu- 
rel et  dans  le  somnambulisme  proco- 
qué  par  l'acte  magnétique,  1811, 
in-8''.  V.  Les  vérités  cheminent;  tôt 
ou  tard  elles  arrivent,  1814 ,  in-8**. 
Le  marquis  de  Puységur  est  aussi 
auteur    de    diff '•rentes   productions 
dramatiques.  Il  avait  composé  et  fait 
représenter,  pendant  le  plus  fort  do 
régime  révolutionnaire ,  une  pièce 
intitulée  V Intérieur  d^un  ménage  ré- 
publicain qui  fut  imprimée  sous  le 
nom  du  citoyen  Chastenet.  Cette  pe> 
tite  comédie,  écrite  avec  esprit,  ne  fut 
considérée  que  comme   un  acte  de 
faiblesse,  et  nuisit  à  la  réputation  de 
l'auteur. Il  voulut  plus  tard  ridiculiser 
les  nouveaux  riches,  mais  les  comé- 
diens eurent  peur  de  se  les  rendre 
défavorables  ;  la  pièce  fut  refusée.  Plas 
heureux  en  1799,  il  donna  à  l'Odéon 
le  Juge  bienfaisant^  où  il  mit  en  scène 
une  anecdote  tirée  de  la  vie  du  res- 
pectable lieutenaiit-civil  Angran  d"Al- 
leray  qui,  obligé  d'envoyer  en  prison 
un  homme  honnête  et  insolvable,  al- 
la, sous  un  charitable  déguisement, 
payer  lui-même  la  dette  de  ce  mal- 
heureux  Le  marquis  He  Puységur  ne 
reçut,  au  retour  des  Buiirb  >ns  et 
pendant  toute  la  Restauration,  au- 
cune de  ces  distinctions  qu'il  lui  était 
permis  d'espérer.  Seulement ,  de  ma- 
réchal-de-camp  il  fut  fait  tout  natu- 
rellement lieutenant-général  par  an- 
cienneté.   A   l'époque  du  sacre   de 
Charles  X,  il  eut  l'idée  de  s'établir, 
pendant  toute  la  durée  du  séjour  de 
ce  monarque  a  Reims,  sur  une  pro- 
menade publique  de  la  ville ,  et  de 
coucher  sous  la  même  tente  qui  avait 
servi  à  son  père,  lors  de  la  bataille 
de  Fontenov,  ce  qui  était  annonce 


184 


PlJY 


PUY 


'par  une  inscription,  invitant  le  pu- 
blic à  venir  la  visiter.  Cette  honora- 
ble fantaisie  contribua  beaucoup , 
en  raison  de  l'extrême  humidité  du 
lieu,  à  l'alte'ration  de  sa  santé,  et  le 
conduisit  au  tombeau ,  dans  sa  terre 
de  Buzancy,  le  1"  août  1825.  Il  lais- 
sait une  famille  digne  de  lui  en  tout 
point.  Un  de  ses  frères  puînés,  connu 
sous  le  nom  de  comte  de  Chastenet , 
etdonti'articlese  trouve  tom. XXXVI, 
p.  335,  était  mort  en  1809.  Un  autre 
survit,  et  un  fils  du  marquis  soutient 
avec  honneur  le  nom  de  Chastenet- 
Puységur.  L — P — E. 

PUYV ALLÉE  (Philippe-Jacques 
DE  Bengï  de),  né  à  Bourges,  le  l®*" 
mai  1743,  appartenait  à  une  famille 
qui,  depuis  plusieurs  siècles,  se  dis- 
tinguait dans  la  magistrature  et  dans 
les  armes  {voy.  Bengi,  IV,  161).  11 
entra  lui-même  comme  sous-lieute- 
nant dans  le  régiment  de  la  Vieille- 
Marine,  en  1763,  année  oh  le  traité 
de  Paris  mit  fin  à  la  guerre  de  Sept- 
Ans.  Cependant  son  régiment  fit  par- 
tie de  l'expédition  envoyée  pour  sou- 
mettre l'île  de  Corse  que  la  républi- 
que de  Gênes  avait  cédée  à  la  France 
(1768)  ;  mais  cette  campagne  fut  très- 
courte,  et  ne  fournit  d'ailleurs  à  Puy- 
vallée  aucune  occasion  de  se  signa- 
ler. II  quitta  le  service  en  1775  et  se 
maria.  Dès  lors  il  consacra  ses  loisirs 
à  l'étude,  et  se  livra  en  même  temps 
a  l'exploitation  de  ses  propriétés  ru- 
rales, où  il  essaya  d'améliorer  diffé- 
rents procédés  agricoles.  En  1778  il 
fut  nommé  l'un  des  administrateurs 
de  l'Hôtel-Dieu  de  Bourges,  et  en 
1789  la  noblesse  du  Berry  l'élut  dé- 
puté aux  États-Généraux.  Fortement 
attaché  aux  principes  religieux  et 
monarchiques, il  siégea  au  cuté  droit, 
dans  l'Assemblée  constituante;  opina 
en  faveur  du  veto  absolu,  demanda 
que  le  droit  de  pfliix  et  de  guerre  fût 


dévolu  au  roi,  que  les  apanages  des 
enfants  de  France  fussent  considérés 
comme  domaines  privés;  enfin,  par 
respect  pour  l'ancien  ordre  de  choses, 
combattit  la  division  territoriale  de 
la  France  en  départements.  Après  la 
session,  il  rejoignit,  dans  l'étranger, 
les  princes  français  dont  il  fut  parfai- 
tementaccueilli*,  mais  son  âge  avancé 
et  le  peu  d'union  qu'il  remarqua  entre 
les  puissances  coalisées  le  détermi- 
nèrent à  revenir  en  France  dès  1792. 
Son  nom  n'en  figura  pas  moins  sur 
la  liste  des  émigrés;  ses  biens  furent 
séquestrés  et  eu  partie  vendus.  Lui- 
même  n'échappa  à  la  mort  qu'en  se 
cachant  pendant  plusieurs  années,  et 
^ous  divers  déguisements,  chez  des 
personnes  assez  généreuses  pour  lui 
donner  asile  au  péril  de  leur  vie.  H 
était  parvenu,  sous  le  Directoire,  à 
se  faire  rayer  de  la  fatale  liste,  lui  et 
son  fils  aîné;  mais,  par  les  manœu- 
vres d'ennemis  acharnés,  ils  y  furent 
replacés  et  reçurent  bientôt  l'ordre 
de  sortir  de  France  dans  dix  jours, 
sous  peine  d'être  fusillés.  Puyvallée 
résidait  alors  à  Paris.  11  demande  un 
passeport  à  sa  municipalité  ,  puis  au 
ministère  de  la  police,  et  ne  peut  l'ob- 
tenir; cependant  le  temps  presse,  et 
un  refus  si  obstiné  semble  attester 
que  sa  perte  est  jurée.  Dans  cette 
perplexité,  il  se  met,  comme  habi- 
tant de  Paris,  sous  la  protection  des 
députés  de  la  capitale,  auxquels  il  a 
le  bonheur  d'inspirer  de  l'intérêt. 
Guyot  des  Herbiers  {voy.  ce  nom, 
LX  VI,  326),  l'un  d'eux,  qui  était  l'ami 
de  Merlin  de  Douai,  alors  membre  du 
Directoire,  fait  en  faveur  de  Puy- 
vallée plusieurs  démarches  d'abord 
infructueuses;  mais  il  déclare  avec 
indignation  que,  si  l'on  ose  atten- 
ter à  la  vie  du  proscrit ,  il  dénon- 
cera au  Corps-Législatif  une  atrocité 
aussi  révoltante;  et  le  passeport  est 


PYC 

aocordé.  Sous  le  consulat,  Puy val- 
lée, ainsi  que  la  plupart  des  émi- 
grés, put  revoir  sa  patrie  ;  mais,  fidèle 
à  ses  opinions,  il  ne  sollicita  aucun 
emploi  auprès  du  nouveau  gouverne- 
ment: le  seul  qu'il  accepta  fut  celui 
de  membre  de  la  commission  admi- 
nistrative des  hospices  de  Bourges, 
dont  il  continua  d'exercer  les  fonc- 
tions sous  la  Restauration.  En  t8l4, 
Louis  XVlll  lui  donna  la  croix  de 
Saint-Louis,  avec  le  grade  de  capi- 
taine, et  le  nomma,  en  1820,  prési- 
dent du  colége  électoral  du  Cher,  où 
son  lils  aîné  fut  élu  député  (1).  Ap- 
pelé au  conseil -général  du  même  dé- 
partement, il  le  présida  pendant  les 
cinq  dernières  années  de  sa  vie;  et  la 
société  d'agriculture  établie  à  Bour- 
ges le  choisit  pour  son  président. 
Il  mourut  dans  celte  ville  ie  3  oct. 
1823,  âgé  de  80  ans.  On  a  de  lui  : 
I.  Réflexions  politiques  sur  le  cadas- 
tre, considéré  sous  ses  véritables  rap- 
ports avec  la  propriété  territoriale, 
Paris,  1818,  )n-8''.  IL  Essai  sur  l'é- 
tat de  la  société  religieuse  en  Fran- 
ce^ et  sur  ses  rapports  avec  la  société 
politique,  depuis  l'établissement  de  la 
monarchie  jusqu'à  nos  jours,  Paris, 
1820,  in-8°.  111.  Plusieurs  mémoires, 
dont  un,  fort  important,  sur  la  carie 
des  6/és,  insérés  dans  les  Bulletins  de 
la  société  d'agriculture  du  Cher. 
M.  Girard  de  Viliesaison  a  lu,  dans 
la  séance  de  cette  société,  du  22  nov. 
1823 ,  une  Notice  historique  sur 
Bengy  de  Puyvallée,  qui  a  été  impri- 
mée, in  8°  avec  portrait.  On  en  trouve 
un  extrait  dans  le  Moniteur  du  21 
avril  1824.  P— BT. 

PYCKE  (Léonabd),  né  en  1781  à 
Meulebeke,  village  de  la  chàtellenie 
de  Courlrai,  en  Flandre,  fit  ses  pre- 


(l)  M,  Quéraid  [France  littéraire  ,  t.  l*"", 
[j.  X73)  a  confondu  le  père  avec  le  fils. 


PYC 


ISo 


mières  études  au  collège  de  Mo!,  dans 
la  Campine,  et  acheva  à  Bruxelles 
sou  cours  de  droit  qu'il  avait  com- 
mencé à  Paris.  En  1808,  il  s'établit 
à  Courtrai  comme  avocat,  et  ne  tarda 
pas  à  s'y  faire  une  nombreuse  clien- 
tèle. Il  fut  aussi  mêlé  aux  aiTaires 
publiques,  et  après  la  création  du 
royaume  des  Pays-Bas  il  devint  mem- 
bre des  États  Généraux.  Pycke.  qui 
portait  en  lui  le  véritable  type  du 
caractère  flamand,  y  montra  une  fr.in- 
chise  et  une  fermeté  qui  furent  pour 
lui  une  source  de  disgrâces  et  de  per- 
sécutions subies  avec  calme  et  di- 
gnité. Sa  nomination  de  maire  de 
Courtrai,  nom  qu'on  échangea  bien- 
tôt en  celui  de  bourgmestre,  remonte 
au  25  juillet  1817,  et  fut  comme  le 
signal  d'ime  suite  de  tracasseries. 
Une  dénonciation  anonyme,  contre 
une  partie  de  la  régence,  fut  faite  au 
gouvernement,  et  l'on  envoya  Pycke 
devant  la  cour  d'assises  de  Bruges, 
comme  prévenu  d'un  délit  prévu  par 
l'article  175  du  code  pénal.  L'arrêt 
de  renvoi  portait  qu'il  y  avait  des 
charges  suffisantes  pour  établir  que 
Léonard  Pycke  avait  fourni  des  bri* 
ques  pour  la  reconstruction  de  la 
halle  et  la  construciion  de  deux  au- 
bettes  dans  la  ville  de  Courtrai,  et 
ce  dans  le  temps  où  il  était  bourg- 
mestre de  la  vi  I  le  et,  comme  tel,  char- 
gé d'en  ordonnancer  le  payement  ou 
de  faire  la  liquidation.  Emprisonné 
au  mois  de  juin  1822,  il  choisit  pour 
défenseurs  deux  avocats  avec  lesquels 
il  était  lié  depuis  long -temps.  On 
employa  d'abord  les  moyens  de  cas- 
sation contre  l'arrêt  rendu  par  la 
chambre  de  mise  en  accusation,  et, 
de  concert  avec  deux  coopérât eurs, 
Pycke  publia  ses  moyens  dans  une 
brochure  de  27  pages  in-4\  Ce  mé- 
moire, remarquable  par  sa  lucidité 
et  sa  logique  serrée,  démontre  lin- 


186 


PYC 


PYO 


nocence  du  prévenu.  Les  moyens  de 
cassation  furent  cependant  rejetés, 
et  l'inculpe'  parut  devant  la  cour  de 
Bruges,   pre'side'e  par  M.  Van  der 
Velde,au  mois  de  de'c.  1822.  L'acquit- 
tement suivit  la  défense,  et  Pycke  fut 
mis  en  liberté.  Cette  persécution  l'a- 
vait vivement  affecté,  et  privé  de  son 
énerj^ie  naturelle;  mais  elle  ne  lui 
avait  laissé  aucun  fiel  contre  le  gou- 
vernement légitime.  Dès  qu'il  vit,  en 
1830,  éclater  la  tempêie,  fruit  de  l'o- 
ragequi  venait  de  ravager  la  France,  il 
se  rendit  à  La  Haye, et  quand  la  révo- 
lution fut  consommée,  il  revint  dans 
ses  foyers,  et  renonça  à  la  carrière 
politique.  L'étude  du  droit  absorbait 
tous  les  instants  que  lui  laissaient 
les  affiiires  publiques,  et  sans  doute 
ses  écrits  auraient  été  plus  nombreux 
si  l'accomplissemtnt  de  ses  devoirs 
aux  Éi;)ts-Généraux  lui  avait  donné 
plus  de  loisir.   En  1829,  il    fut  ad- 
mis à  l'Académie  royale  de  Bruxel- 
les, et  les  travaux  qu'il  fournit  à 
cette    société   lui    ont    acquis    une 
place  dans  l'histoire.  I.  Mémoire  sur 
l'état  de  la  législation  et  des  tri- 
bunauor,   ou  Cour»  de  justice  dans 
les   Pays-Bas    autrichiens,  avant 
l'invasion  des  armées  françaises^  et 
sur  les  changements  que  la  révolu- 
tion française  et  la  réunion  de  ces 
provinces  à  la  France,  pendant  près 
de  vingt  ans^  ont  opérés  dans  la  lé- 
gislation et  l'administration  de  la 
justice  civile  et  criminelle.  Ce  mé- 
moire fut  couronné  en  1822,  à  l'épo- 
que même  où  une  haine  ministérielle 
lui  suscita  le  procès  dont  nous  avons 
parlé  et  dont  retentit  toute  la  Belgi- 
que. 11.  Mémoire  en  réponse  à  cette 
question:  En  quel  temps  les  corpo- 
rations connues  sous  le  nom  de  Mé- 
tiers (neeringen  en  ambachten)  se 
sont-elles  établies  dans  les  provinces 
desPays-B(U!?Quels étaient  les  droits, 


privilèges  et  attributions  de  ces  cor- 
porations ?  Par  quels  moyens  pou- 
vait-on y  être  reçu  et  en  devenir  mem- 
bre effectif?  En  1 827,  ce  mémoire  fut, 
ainsi  que  le  précédent,  récompensé 
par  la  médaille  d'or.  Ces  deux  écrits 
se  trouvent  dans  les  recueils  de  l'A- 
cadémie royale    de    Bruxelles,  qui 
avait  proposé  pour  le  concours  de 
1833   une  question    sur   les   attri- 
butions politiques  dont  jouissaient 
les  anciens  États  de  ces  provinces, 
sous  le  triple  rapport  de  la  souve- 
raineté, de  la  législature  et  de  l'ad- 
ministration publique  et  provinciale. 
Celte  question,  quoique  ayant  un 
véritable  intérêt  local,  dut  être  re- 
tirée, et  Pycke,  qui    avait  proposé 
de  la  retirer,  qui  d'ailleurs,  en  qua- 
lité de  membre  de  l'Académie  et  de 
juge  du  concours,  ne  pouvait  y  par- 
ticiper, prit  l'engagement  de  la  trai- 
ter drtus  un  travail    spécial.   Deux 
ans  après,  cette  composition  était  dé- 
jà très-avancée  ;  Pycke  exposa  à  ses 
collègues  leplan  qu'il  comptait  suivre 
dans  l'exécution,   mais  l'affaiblisse- 
ment de  sa  santé  et  la  perte  progres- 
sive de  ses  facultés  intellectuelles  ne 
lui   permirent  pas  de  l'achever.   Il 
mourut  à  Courirai  le  8  fév.   1842. 
M.  A.  Quételel  et  M.  l'abbé  Van  der 
Fuite  lui  ont  consacré  des  notices, 
l'un  dans  l'annu  lirede  l'Académie  de 
Bruxelles,  l'autre  dans  les  Annales 
de  la  Société  d'émulation  de  la  Flan- 
dre occidentale.  B — d — E. 

PYOT  (Iean-Jacq«es-Richard), 
médecin  français,  naquit  le  6  nov. 
1792  à  Isonies-sous-Mont  Sougeon, 
département  de  la  HantelVlarne,  d'une 
famille  originaire  de  Clairvaux.  Dès 
sa  plus  tendre  enfance,  il  témoigna 
le  désir  de  suivre  la  carrière  médi- 
cale. Quoique  sans  fortune,  son  père 
fit  tous  les  sacrifices  pour  lui  don- 
ner une  bonne  éducation;  mais,  dé- 


nuë  d'argent  et  de  protections,  Pyot 
eut  bpsoin  de  persévérance  et  fie  tra- 
vail pour  surmon'er  les  obstacles  qui 
s'accumulaient  sous  ses  pas.  Il  em- 
pruntait les  livres  inilispeusables,  et 
les  copiait  en  dérobant  la  nuit  au  som 
meil.  Il  n'avait  point  lerniiné  sesétu- 
des  lorsque, bien  jeune  encore,  il  fut 
appelé  au  service  de  l'armée  comme 
chirurgien  sous-aide  ;  ce  fut  en  cette 
qualité  qu'il  partagea  les  fatigues  et 
les  misères  de  la  malheureuse  campa- 
gne de  Russie.  A  son  retour  en  Fran- 
ce, il  reprit  ses  études,  se  fit  recevoir 
docteur  à  la  faculté  de  Strasbourg,  le 
4  avril  1818,  et  exerça  ensuite  son 
art  avec  beaucoup  de  succès  à  Lons- 
le-Sauluier  et  àClairvaux.  En  1822, 
il  adressa  à   la  Soci«'té  d'émulation 
du  département  du  Jura  im  méuioire 
ayant  p'-ur  titre  :  Coup  d'œil  philo- 
sophique sur  ^influence  des  passions, 
et  particulièremint  de  l'amour  sur 
la  santé;  et  l'année  suivante  il  sou- 
mit à  la  m^ine  Société  une  Sotict  sur 
le  cornouiller  sanguin^  à  laquelle  il 
lit  succéder  une  Obsertation  médi- 
cale d'un  empoisonnement  causé  par 
l'usage  de  cette  stmence  dangereuse. 
Admis  en  1824  dans  cette  société,  il 
en  devint  l'un  des  membres  les  plus 
actifs.  Médecin  des  douanes  et  des 
épidémies,  chargé  par  le  comité  su- 
périeur de  rinspeciion  des  écoles  pri- 
maires du  canton,  il  consacrait  tous 
ses  moments  à  des  travaux  utilt-savec 
un  rare  désintéressement.  Sujet  de- 
puis   long-temps    à   une   névralgie 
chronique,  qui  devait  lui  devenir  fu- 
neste d'iiprès  ses  prévisions  médi- 
cales, il  nVn  continua  pas  moins  de 
remplir  les  nombreux  devoirs  qu'il 
s'était  imposés.  Eutin  en  1841  il  dut 
suspendre  ses  travaux,  mais  ce  fut 
trop  tard,  il  était  mortellement  frap- 
pé. Peu  d  instants  avant  sa  mort,  il 
indiqua  Je  moment  précis  où  il  de« 


PYO 


18T 


vait  rendre  le  dernier  soupir,  et  en 
se  rejetant  en  arrière  il  dit  :  «  Ah  ! 
•  voilà  le  dernier.  »  11  expira  pres- 
que aussitôt.  Outre  les  ouvrages  dé- 
jà cités,  adressés  tous  à  la  Société 
d'émulation  du  Jura,  on  doit  au  doc- 
teur Pyot  :  I.  Mémoire  sur  la  suette 
miliaire,  1830.  11.  Recherches  phi- 
losophiques et  critiques  sur  l'état  ac- 
tuel de  la  vaccine,  1831.  111.  Re- 
cherches historiques  et  médicales  sur 
le  choléra,   1831,  IV.   Histoire  du 
cholera-morbus  ,  ou  Tableau  synop- 
tique du  choléra  oriental  et  du  cho- 
léra indigène  en  Europe,  1831.  V. 
Considérations  historiques  et  philo- 
sophiques sur  l'art  de  guérir,  1832. 
VI.  Recherchrs  historiques   sur  la 
ville  et  la  baronie  de  Clairtaux. 
VII    Tables  jurassiennes  ^  compre- 
nant dans  la  première   partie  l'his- 
toire abrégée  du  comté  de  Bourgo- 
gne, et  dans  la  seconde  la  descrip- 
tion topographique  des  trente-deux 
cantons  qui  composent  le  départe- 
ment du  Jura  Ayant  appris  qu'on  lui 
reprochait  de   n'avoir  pas  compris 
l'ancienne  province  qui  compose  le 
ressort   de  l'Académie  de  Besançon 
dans  un  seul  et  même  ouvrage .  il  pu- 
blia :VIII.  La  Franche-Comté  ou 
Comté  de  Bourgogne,  ses  souverains, 
ses  hommes  illustres  et  sa  géogra- 
phie.  On  a  blâmé   l'auteur  d'avoir 
omis  plusieurs    anciennes  illustra- 
tions jurassiennes,  et  d'avoir    été 
un  peu  tri'p  favorable  aux  illustra- 
tions contemporaines.  IX.  Statisti- 
que du  département  du  Jura. Dans  les 
huit  divisions  dont  se  compose  cette 
statistique,' 'nvragecapilaldii  docteur 
Pyot,  imprimé  aux  frais  de  la  Société 
d'émulation  qui  lui  décerna  à  ce  su- 
jet   une  médaille  d'or,   il   parcourt 
l'aspect  général  du  pays ,  son  origine 
et  ses  subdivisions,  sa  population, 
son  agriculture,  son  industrie  et  son 


188 


l'YP 


'    PYP 


coinuieice,  les  différentes  branches 
d'administration ,  l'état  politique ,  et 
donne  enfin  les  renseignements  re- 
latifs à  chaque  commune.  X.  Statisti- 
que des  incendies  et  les  moyens  de  s'en 
préserver  et  de  les  rendre  moins  fré- 
quents; mémoire  auquel  la  Société 
d'émulation    accorda    une   médaille 
d'argent.  M.  Houry  a  lu,  en  1843,  à  la 
Société  d'émulation  du  Jura,  une  no- 
tice biographique  sur  le  docteur  Pyot, 
imprimée  dans  les  comptes  rendus  des 
travaux  de  la  Société,  et  qui  nous  a 
servi  à  rédiger  cet  article.    D— z— s. 
PYPERS  (Pierre),  poète  et  auteur 
dramatique  hollandais,  naquit  le  14 
décembre  1749,  à  Amersfoort,  dans  la 
province  d'Utrecht.  Ses  parents  le 
destinaient  à  l'état  ecclésiasiique  et 
lui  tirent  donner  une  éducation  ana- 
logue. Cependant  le  jeune  Pypers  ne 
se  semait  aucune  vocation  pour  cette 
carrière,  et,  ne  pouvant  obtenir  de  sa 
famille  d'en  choisir  une  autre  plus 
conforme  à  ses  goûts,  il  quitta  brus- 
quement sa  ville  natale,  où  il  avait 
déjà  étudié  pendant  quelque  temps 
la  théologie ,  et  alla  à  Amsterdam 
pour  entrer  dans  une  maison  de  com- 
merce. Dans  ses  moments  de  loisir  il 
publia  quelques  poésies,  et  fit  rece- 
voir au  théâtre  de  celte  capitale  plu- 
sieurs pièces  qui  n'étaient  guère  que 


des  traductions  ou  des  imitations  du 
français.   Le    succès  qu'elles  obtin- 
rent lui  valut  une  espèce  de  popu- 
larité, et  flatta  ses  concitoyens  qui , 
aussitôt   après    les    événements   de 
1795,  l'admirent  dans  leur  munici- 
palité.   Pypers  fut   ensuite   nommé 
membre  des  États  Provinciaux  d'U- 
trecht, puis  député  aux  États-Géné- 
raux, qu'il  présida  momentanément. 
Il  n'était  cependant  ni  orateur,  ni 
homme  d'État,  mais  il  était  animé  au 
plus  haut  degré  de  l'amour  du  bien 
public.  Plein  de  désintéressement  et 
sans  ambition,   il  se  contenta  dans 
la  suite  d'un  emploi  de  contrôleur 
des  douanes  à  Amsterdam.  Il  était 
aussi  membre  de  la  municipalité  de 
cette  ville.  En  1805,  il  se  démit  de 
ses  fonctions  pour  cause  de  santé  et 
se  retira  dans  une  maison  de  campa- 
gne qu'il  possédait  aux  environs  de 
sa  vilic  natale:,  mais  il  ne  jouit  pas 
long-temps  de  sa  retraite,  car  il  mou- 
rut le  20  juin  de  la  même  année.  Outre 
quelques  drames  et  opéras,  on  a  de 
lui  :  l.six  tragédies  :  Lausus  et  Lydie, 
la  Veuve  du  Malabar;  Etienne,  pre- 
mier martyr;  Adélaïde  de  Hongrie; 
Nephté,  reine  d'Egypte;  Jphigénie  en 
Aulide.  II.  Les  Amis  de  collège,  con\t- 
die.  III.  Poésies  champêtres,  1803, 
2  vol.  in-8'.  M— ON. 


OUA 


OUA 


m 


Q 


QUARKSIMA  (Valems),  prêtre 
sicilien,  se  fit  remarquer  par  ses  con- 
naissances litte'raires  autant  que  par 
son  e'rudition  dans  les  sciences  sa- 
crées et  profanes.  On  a  de  lui  :  I.  Con- 
vivium  quadragesimale ,  Naples, 
15T2,in-8^  II.  Discorsi  de'  tignificati 
délie  testi,  atti,  gesti  ed  altre  ceri- 
nioniede//amcwa,Naples,1572,in-8°; 
ibid.,  1576,  in -12;  Mantoue,  1578, 
in-12. —  QuAr.ESiMA,  en  latin  Qla- 
BESMiNL'S  [François),  né  à  Lodi,  dans 
le  Milanais,  entra  dans  l'ordre  des 
cordeliers,  où  il  fut  lecteur  de  théo- 
logie. Employé  ensuite  dans  les  mis- 
sions du  Levant,  il  devint  gardien  du 
couvent  du  Sainl-Sépulcre  à  Jérusa- 
lem, commissaire  de  la  Terre-Sainte, 
et,  à  son  retour,  provincial  de  Milan, 
et  procureur-général  de  son  ordre. 
11  mourut  vers  1650.  On  a  de  lui,  en- 
tre autres  écrits  :  I.  Jerosolymœ  a{- 
flictœ  et  hnmiliatœ  deprecatio  ad 
Philippum  IV,  regem  catholicum,  ut 
îibertatem  ex  Turcarum  tyrannide 
assequatur.  Milan,  1631.  II.  Eluci- 
ûatio  Terrœ  Sanctœ  histcrica,  theo- 
iogica  et  moralis,  Anvers,  1639,  2 
vol.  in-fol.  On  trouve  des  détails  in- 
téressants dans  cette  description  de 
la  Terre-Sainte.  Z. 

QUARLES  (Francis)  poète  an- 
glais, né  en  1592  à  Steward,  en 
Ess-x,  était  fils  de  James  Quarles, 
qui  fut  surintendant  maritime  sous 
le  règne  d'Élisubeth,  et  mourut  en 
1642.  11  fit  ses  études  au  collège 
du  Christ  (université  de  Ca-nbridge), 
à  Lincoln's  Inn,  dans  Londres,  et 
fut  quelque  temps  échanson  d'Elisa- 
beth, fille  (le  .lacqresl*"",  électrice  pa- 


latine et  reitié  de  Bohême.  S'étant 
rendu  ensuite  en  Irlande,  il  y  fut 
attaché  à  l'archevêque  Usher  en  qua- 
lité de  secrétaire.  La  rébellion  qui 
éclata  en  1641  l'obligea  d'aller  cher- 
cher en  Angleterre  un  abri  qui  ne  fut 
pas  long-temps  sûr.  La  cause  triom- 
phante se  vengea  sur  ses  propriétés 
des  opinions  exprimées  dans  ses  vers. 
Mais  le  coup  le  plus  sensible  fut  le 
pillage  de  ses  livres  et  de  quelques 
manuscrits  qu'il  avait  préparés  pour 
l'impression.  On  présume  que  ce 
chagrin  hâta  sa  mort,  arrivée  en  sept. 
1644.  Francis  Quarles  occupait  l'em- 
ploi, maiutendnt  supprimé,  de  chro- 
niqueur {chronologer)  de  la  cité  de 
Londres,  et  recevait  une  pension  de 
Charles  1*"^.  Il  est  auteur  d'un  grand 
nombre  de  poèmes  où  l'on  admire 
un  génie  vraiment  poétique  et  la  ri- 
chesse de  l'imagination,  mais  aux- 
quels manquent  un  heureux  choix 
de  sujets  et  parfois  la  justesse  du  ju- 
gement. Ces  poèmes  ont  eu  de  leur 
temps  beaucoup  de  popularité.  On  y 
retrouve  tout  le  sentiment  religieux 
dont  l'auteur  était  pénétré  ;  il  sem- 
blait, a  dit  un  de  ses  compatriotes, 
qu'il  eût  bu  les  eaux  du  Jourdain 
au  lieu  de  celles  d'Hélicoii.  Quelques 
critiques, notamment  Headiey  et  Jack- 
son, ont  essayé  de  nos  jours  de  faire 
sortir  ces  ouvrages  de  l'oubli.  I.  Em- 
blèmes^ Londres,  1653.  pet.  in-8», 
avec  des  gravures  de  Marshall  et  de 
Simpson.  On  croit  que  Quarles  prit 
l'idée  de  ces  emblèmes  de  ceux  que 
Herman  Hugo  avait  publiés  peu  d'an- 
nées auparavant.  Ce  dernier  avait  été 
pins  mystique,  Qnarles  fn»  plus  évan- 


190  QUA 

gélique.  Ausurplus,  tous  deux  avaient 
été  devancés  par  Alciat.  II.  Festin  (a 
Feast) /)our /es  vers  de  terre,  histoire 
déjouas  mise  en  vers.  J6*20,in-4°.  III. 
Pentalogia,  ou  Quintessence  de  la 
méditation.  IV.  Hadassa,  ou  VHis- 
toire  d'Esther^Loniires,  1621. V.  Job 
militant,  avec  dés  méditations  reli- 
gieuses et  morales.  1624,  in-é»  VI. 
Argalus  et  Parthenia,  puème,  1631, 
in-4o.  VII.  Histoire  de  Sampson, 
1631,  in-4°.  VIII.  Anniversaires, 
1654,  in-40.  IX.  Enchiridion  de  mé- 
ditations religieuses  et  morales  (en 
prose),  1654.  X.  La  Veuve  vierge,  co- 
médie, 1649,  in-40.  XI.  Divine  fan- 
cies, etc., ppigrammes,  médiiations  et 
observations,  1033,  in-i».  XII.  Les 
Oracles  du  berger,  énoncés  en  églo- 
gues,  1646,  in-40.  XUI.  Poèmes  reli- 
gieux, conieniint  Jonas,  Esther,Job, 
Élégies, elc,  1630,  in-8'>;  réimprimés 
avec  des  gravures  en  1674.  XIV.  Ré- 
tractation de  Salomon^  réimprimée 
enl739  —  FrancisQuarlesavait(ude 
sa  femme  dix-huit  enfants  ;  un  d'eux, 
John  QcABLES,  né  en  Essex  en  1624 
et  élevé  à  Oxford,  porta  les  armes 
pour  la  défense  de  Charles  l*"",  et 
parvint  au  grade  de  CHpitaine.  Après 
les  désastres  de  la  cause  qu'il  servait, 
il  se  retira  dans  Londres,  où  il  fut 
réduit  à  vivre  de  sa  plume.  Comme 
son  père,  il  cultivait  la  poésie. 
Pleurant  les  infortunes  de  ceux  qu'il 
n'avait  pu  sauver,  il  célébra  la  gloire 
de  ses  malheureux  compagnons  d'ar- 
mes. Ayant  voyagé  sur  le  continent, 
John  Qiiarles  revint  à  Londres,  et 
y  mourut  de  la  peste  en  1665.  On 
cite  de  lui  :  I.  Regale  lectum  mi- 
seriœ,  ou  le  Lit  royal  de  misère, 
contenant  un  rêve,  une  élégie  sur  le 
martyre  de  Charles,  naguère  roi 
d'Angleterre,  d'henreus-'  mémoire, 
et  une  autre  sur  le  très-honoré  lord 
Capel,  avec  une  malédiction  contre 


QUA 

les  ennemis  de  la  paiXj'et  les  adieux 
de  l'auteur  à  l'Angleterre,  etc.,  Lon- 
dres, 1649,  in-8°,  2e  édit.  II.  Fons 
lacrymarum,  ou  la  Fontaine  de  lar- 
mes, paraphrase  des  Lamentations 
de  Jérémie,  avec  une  élégie,  sur  le 
valeureux  Charles  Lucas,  1648,  in-S". 
m.  Tyrannie  des  Hollandais  à  l'é- 
gard des  Anglais,  1653,  in-8»,  récit 
en  prose.  IV.  Continuation  de  VHis- 
toire  d' Argalus  et  Parthenia,  1659, 
in- 12.  V.  Tarquin  banni,  ou  la  Ré- 
compense de  la  Convoitise,  suite  à 
VEnlèvement  de  Lucrèce,  de  Shaks- 
peare,  1655,  in  80.  VI.  Méditations 
religieuses  sur  plusieurs  sujets,  1679, 
in-80,  ouvrage  posthume  sans  doute, 
comme  le  suivant.  VII.  Le  Triomphe 
de  la  chasteté,  ou  Combat  de  Joseph 
avec  lui-même,  \6Si,  iu-so.     L. 

QUATREx^ÈKE (Nicolas  ETIEN- 
NE), célèbre  marchand  de  draps  à 
Paris,  exerça  comme  stm  père  cette 
profession  avec  tant  de  distinction  et 
de  probité, qu'il  reçut,en  1780,  du  roi 
Louis  XVI,  ainsi  que  son  frère  puîné, 
Quatreuière  de  VÉpine,  père  de  Qua- 
tremère-Disjonval  et  de  Quatreuière 
de  Quincy,  des  lettres  de  noblesse  et 
le  cordon  de  Saint-Michel,  ce  qui 
était  alors  une  faveur  d'autant  pius 
rare  pour  des  commerçants,  que  son 
fils  aîné  (Marc-Êtitnne)  fut  autorisé 
à  continuer  le  même  commerce  sans 
déroger.  11  le  continua  en  effet  avec 
non  moins  de  disiiuctiou  que  ses  an- 
cêtres. En  1789  ce  dernier  fut  nom- 
mé l'un  des  premiers  ofliciers  muni- 
cipaux de  la  capitale.  Après  avoir 
rempli  honorablement  ces  fonctions 
pendant  deux  ans,  dans  les  circon- 
stances les  plus  dilliciles,  il  donna  sa 
démission  5  mais  plus  tard  il  (ut  dé- 
noncé pour  les  acies  qui  lui  faisaient 
le  pins  d'honneur,  c'est-à-dire  pour 
des  aumônes  si  abondautes  qu'on  le 
soup<;onna  d'être  plus  riche  qu'il  ne 


QUA 

l'était  réellement,  ce  qui  était  un 
grand  tort  à  cette  époque  et  ce  qui  lui 
attira  toute  la  haine  des  Jacobins.  In* 
carcéré  vers  la  fin  de  1793,  il  fut  tra- 
duit au  tribunal  révolutionnaire  et 
comlamné  à  mort,  comt-e  convaincu 
de  complicité  avec  des  fournisseurs 
iiifî<ièles  et  pour  avoir  cherché  à  hu- 
milier le  peuple  par  se$  bienfaits.  Il 
fut  exécuté  le  2t  janvier  179»,  pre- 
mier anniversaire    du    supplice    dé 
Louis  XVI,  que  l'on  célébrait  en  ce 
moment-là  même,  place  de  la  Réro- 
luMon,  où  la  Convention  nationale  en 
masse  était  confondue,  sur  la  motion 
de  Billaud-Varenne,  avec  ses  frères  tes 
Jacobins,  qui  chantaient  un  hymne 
patriotique,  au  pied  de  la  statue  de  la 
Liberté,  près  de  l'échafaud  où  Qudtrt- 
mère  périssait.  Tous  ses  biens  furent 
confisqués,  et  ce  ne  lut  qu'après  la 
chute  de  Bobespierre,  et  à  la  suite 
d'une  démarche  honorable  faite  à  la 
Convention  parla  section  des  Marchés 
tout  entière,  que  sa  famille  obtint  la 
restitution  d'une  faible  partie.  Marc- 
Étirnne  Qiiatremère  joignait  à  toutes 
les  Vfrtus  chrétiennes  une  instruc- 
tion aussi  solule  que  variée.  Il  avait 
beaucoup  écrit,  principalement  sur 
les  matières  religieuses.  Tous  ses  pa- 
piers ayant  été  brilles  à  IHôlel-de- 
Ville,  par  les  Jacobins,  sou  fils,  au- 
jourd'hui membre  de  TAcadéuiie  des 
Inscriptions  et  Belles-Lettres,  n'a  pu 
en  recueillir  que  des  fragments  in- 
formes. M— D  j. 

QUATRE.MÈRE  (Anne-Char- 
lotte Boubjot),  femme  ue  Nicolas- 
Êtienne  et  mère  de  Marc-Êtienne 
dont  les  articles  précèdent,  naquit  à 
Paris,  en  1732,  d'une  famille  distin- 
guée dans  le  commerce,  et  fut  l'ainée 
de  sept  filles  et  deux  tils,  qui  eurent 
pour  précepteur  l'abbé  Raciue.  Anue- 
Charlotte  se  fit  remarquer  dès  l'en- 
fance par  son  esprit,  ses  vertus  et  les 


QUA 


191 


bons  exemples  qu'elle  donnait  à  ses 
compagnes.  S'étant  livrée  avec  trop 
d'ardeur  aux  privations  du  carême, 
elle  mit  en  p«Tit  sa  santé  naturelle- 
ment fa  ble.  On  la  maria  néanmoins 
à   l'âge  de  18  ans.   D'une   humeur 
très-égale  et  d'un  caractère  doux  et 
stable,  il  lui  fut  aisé  de  remplir  tous 
ses  devoirs  d'épouse  et  de  mère,  sans 
négliger  ses  exercices  de  piété.  Pres- 
que  toujours    souffrante,   accablée 
par  de  fréquentes  grossesses,  car  elle 
eni  dix  enfants,  on  la  voyait  monter 
chaque  jour  et  en  tous  temps  par  d'é- 
troits escaliers,  même  par  des  échel- 
les, à  des  sixièmes  étages,  pour  visi- 
ter des  indigr-nts,  soigner  des  mala- 
des, convenir  des  protestants  ou  des 
juifs,  en  effet,  sa  charité  s'étendait 
aux  pauvres  de  tous  les  âges,  de  tou- 
tes les  sectes.  Comme  elle  allait  ra- 
rement dans  le  moude,  qu'elle  s'oc- 
cupait peu  de  sa  toilette  et  faisait 
tourner  ses  privations  volontaires  au 
profit  des  malheureux,  eiie  visitait 
souvent  les  hospices  et  les  prisons  j 
mais  ayant  été  avertie  des  dangers 
qu'elle  courait  ai«si ,  surtout  peu- 
dani  ses  grosses>es,  elle  y  reuonça. 
Alors ,  pour  suppléer  à  sa  présence, 
elle  y  envoyait  jusqu'à  3  ou  40u  che- 
mises par  an;  el  e.le  n'en  avait  que 
quatre  pour  son  usage,  avec  troiS  ou 
quatre  robes.  Elle  avait  vendu  ses 
ajustements,  ses  dentelles  et  la  plus 
grande  partie  de  ses  bijoux.  En  1767, 
elle  fut  agrégée  à  la  compaguie  des 
dames  de  chanté  de  sa  paro.sse;  deux 
ans  après,  elle  y  fut  irésonère  des  pau- 
vres, et  elle  s'acquitta  de  ces  péni- 
bles fonctions  avec  tant  de  zèle  qu'on 
la  réélut  tous  les  trois  ans  jusqu'à  la 
fin  de  sa  vie.  Quel  que  lùt  son  état 
valétudinaire,  elle  .ssisiaii  tous  les 
huit  jours  aux  séances.  Comme  elle 
laissait  entrer  chez  elle  tous  les  mal- 
heureux que  ses  soaffraaces  l'empê- 


192 


QUA 


lîhaient  de  visiter,  elle  les  recevait 
dans  son  salon,  les  faisait  asseoir  sur 
ses  fauteuils,  et  partageait  même  avec 
eux  son  dîner.  Son  vestibule,  son  es- 
calier ne  désemplissaient  pas,  et  l'on 
y  déposait  souvent  des  enfants  trou- 
vés. Il  lui  venait  des  pauvres  de  tous 
les  quartiers,  même  de  la  province. 
L'incendie  de  l'Hôtei-Dieu  en  1772, 
l'hiver  rigoureux  et  la  disette  de  1789, 
tirent    surtout   éclater   le   zèle    de 
M"^^  Quatremère.  Elle  augmenta  ses 
distributions.  Tant  d'actes  de  bien- 
faisanceetdecharitélui  avaient  acquis 
un  grand  crédit  chez  les  personnages 
les  plus  importants,  tels  que  l'arche- 
vêque de  Beauujont,  le  duc  de  Duras, 
le   lieutenant  de  police  Lenoir,  le 
lieutenant  civil  Angran   d'Alleray, 
en  présence  duquel  elle  réconcilia 
si  heureusement  une  mère  et  son 
fiis,  les  ministres  Turgot  et  Nec- 
ker,  la  princesse  de  Chimay,  etc.  Elle 
usait  de  son  crédit  pour  entrer  dans 
les  prisons,  où  elle  procurait  la  liberté 
aux  détenus  pour  de  petites  dettes 
qu'elle  payait  souvent.  Ce  fut  à  sa  re- 
commandation que  l'archevêque  de 
Paris,  levant  l'interdit  dont  il  avait 
frappé  le  P.  Géry,  abbé  de  Sainte-Ge- 
neviève, l'autorisa  à  prêcher  pour  la 
cérémonie   du   baptême  d'un  juif, 
qu'elle  lit  élever  dans  une  pension 
par  elle  fondée  aux  Vertus,  près  de 
Paris.  Elle  accueillit  un  père  et  sa  fille 
prolestants,  qui   s'étaient  brouillés 
avec  leur  famille,  parce  qu'ils  vou- 
laient se  faire  catholiques,  et  il  en  fut 
de  même  de  deux  jeunes  orphelines 
dont  elle  dota  et  maria  l'aînée.  Pour 
ramener  des  tilles  débauchées  k  la  ver- 
tu, elleen  prenait  dans  sa  maison,  oii 
elles  étaient  vêtues  et  nourries  jus- 
qu'à ce  qu'elle  leur  eût  obtenu  des 
places,  ou  qu'elle  eût  payé  leur  entrée, 
leur  lit  et  leur  trousseau  au  Bou-Pas- 
tour  on  aux  Filles  Repenties  du  Sau- 


QUA 

veur.  La  réputation  de  M">*  Quatre- 
mère avait  pénétré  dans  plusieurs 
provinces  de  France,  d'où  on  lui  en- 
voyait des  fonds  dont  elle  pouvait 
disposer.  Mais  tant  de  fatigues  et  de 
privations,  surtout  le  vendredi  saint, 
où  elle  ne  rentrait  qu'à  9  ou  10  heures 
du  soir,  harassée,  exténuée,  achevè- 
rent de  ruiner  sa  santé.  Elle  mourut 
à  Paris  le  16  mars  1790.  Une  foule 
immense  assista  à  ses  funérailles.  On 
disait  que  c'était  moins  une  cérémo- 
nie funèbre  qu'une  translation  de 
reliques.  Suivant  ses  intentions,  400 
pains  de  quatre   livres   furent  dis- 
tribués ce  jour-là.  Parmi  ses  nom- 
breux legs,  elle  en  laissa  un  de  3,000 
francs  pour  les  pauvres  de  la  paroisse. 
En  reconnaissance  de  ce  bienfait,  les 
dames  de  charité  firent  célébrer  ,  en 
l'honneur  de  leur  sainte  trésorière, 
un  service  auquel  assistèrent  des  per- 
sonnages de  toutes  les  conditions. 
Le  vieux  maréchal  de  Mouchy  dit  en 
sortant  qu'il  y  était  venu  invoquer 
la  délùnte  et  non  pas  prier  pour  elle. 
Louis  XVI  témoigna  au  curé  ses  re- 
grets sur  la  mort  de  cette  vertueuse 
femme.  La  reine  qui,  à  chacune  de 
ses  couches,  lui  avait  envoyé    600 
francs,  n'en  parlait  qu'avec  les  plus 
touchants  éloges.  Le  duc  de  Penthiè- 
vre,  qui  était  alors  dans  ses  terres, 
écrivit  à  son  mari  une  lettre  de  con- 
doléance. Sa  Fie,  imprimée  en  1791, 
in-12,  sans  nom  d'auteur,   est  de 
dom  Labat,  bénédictin,  et  ne  figure 
point  dans  les  Dictionnaires  des  ano- 
nymes de  Barbier  ni  de  Demanne.  A-T. 
QUATREMÈIlE-/ioîSsy  (  Jean- 
ISicoLAs),  frère  de  Marc-Étienne(«oy. 
ci-dessus),  naquit  à  Paris  le  3  juillet 
1754,  fut  reçu  conseiller  au  Chàte- 
let  en  1782,  et  eut  le  malheur,  en 
1790,  d'être  rapporteur  dans  l'affaire 
de  Besenval  et  surtout  dans  celle  de 
Favras  {voyc:-  ces  noms,  IV,  :i87. 


ou  A 

*t  XIV,  221;,  où  il  manqua  de  Vé- 
nergje  qu'il  eût  fallu  pour  résister 
aux  clameurs  de  la  populace  qui  de- 
mandait du  sang.Quatreaière-Roissy 
qui,  au  fond,  était  un  homme  debien, 
a  passé  sa  vie  à  déplorer  cette  cruelle 
nécessité  où  il  s'était  trouvé.  H  dut 
peut-être  à  ce  sacrifice  fait  a  la  révo- 
lution, de  n'avoir  pas  été  emprisonné 
sous  le  régime  de  la  terreur;  mais  il 
fut  expulsé  ùe  Paris,  comme  noble,  se 
retira  à  Rue!  et  ne  rentra  dans  la  capi- 
tale qu'après  le  9  thermidor.  S'étaut 
alors  fait  remarquer  dans  le  parti  de  la 
réaction,  il  fut  en  1795,  à  l'époque  du 
13  vendémiaire,  secrétaire  de  la  sec- 
tion de  la  Fontaine  de  Grenelle.  Il  ne 
s'occupa  plus  ensuite  que  de  littéra- 
ture, et  concourut  à  la  rédaction  de 
cette  Biographie  universelle,  à  la- 
quelle il  a  fourni  plusieurs  articles, 
notammentceiui  de  Brutus,  mutilé  ri- 
diculement par  la  censure  impériale, 
qui  ne  voulait  pas  que  l'on  montrât 
au  public  un  empereur  assassiné. 
Quatremère-Roissy  mourut  à  Paris 
en  1831.  Ou  a  de  lui  :  1.  Recherches 
sur  la  vie  et  les  écrits  d'Homère, 
trad.  de  l'anglais  de  Th.  Blackwell 
{voy.  ce  nom,  IV,  547),  Paris,  1799, 
in-8o,  II.  Londres  pittoresque^  1S19, 
in-18.  III.  Adélaïde,  fiction  morale, 
1820,  in- 18.  IV.  Les  defUx  solUai- 
rw,  conte  moral,  1821,  in-18.  V. 
L'ermite  écossais,  conte,  1821,  in-18. 

VI.  Henriette  et  Julie,  coûte ^  1822. 

VII.  Edouard  de  Belval  et  Sophie, 
conte,  1823,  in-18.  VllI.  Madame  de 
La  Vallière,  duchesse  et  carmélite, 
1823,  in-18.  IX.  Vie  de  Ninon  de 
Lenclos  etde  iïadame  Cornuel,  1824, 
in-18.  X.  Les  n^alheurs  d'Henriette, 
roman,  1824,  in-18.  XI.  Histoire 
d'Agnès  Sorel  et  de  la  duchesse  de 
Chdteauronx.  1825,  in-18.  XII.  5Ia- 
rie-Thérèse  d'Autriche,  et  Marie- 
Thérèse  de  France,  I825.in-I8.xin. 

r.xxviîi. 


QUA 


m. 


Régne  de  Louis  SIV,  i826,  ic-S". 
XIV.  Jeanne  d'Arc,  1827,  in-S".  XV. 
Tablettes  poétiques,  ou  Série  de  vers 
latins,  soufi  chacun  desquels  est  une 
traduction  neuve  en  vers  français, 
1829,  1831,in-8°.  M— Dj. 

QUATÏlE3IÈRE-/)j.<;onpai  (De- 
nis-Bernard), savant  aussi  bizarre 
que  politique  extravagant,  avait  ce- 
pendant l'honneur  d'appartenir  à  des 
parents  non  moins  distingués  par  leur 
savoir  que  par  la  sagesse  de  leurs  prin- 
cipes et  la  régulariié  de  leurs  mœurs. 
Né  à  Paris  le  4  août  1754,  frère  aîm* 
de  l'illustre  académicien  Quatremère 
de  Quincy,  il  fut  élevé  de  ia  manière 
la  plus  brillante  au  milieu  de  cette 
opulente  famille.  Ses  études,  dirigées 
vers  les  sciences  physiques,  obtin- 
rent d'abord  un  très-grand  succès, 
et  dès  l'âge  de  vingt  deux  ans  il  par- 
tagea le  prix  proposé  par  r.\cadémie 
sur  l'analyse  chimique  de  l'indigo  et 
l'examen  des  phénomènes  que  pré- 
sente cette  fécule  dans  les  arts.  Pro- 
filant ensuite  de  ce  triomphe,  il  lut 
au  sein  de  cette  assemblée  une  ana- 
lyse du  paslel  et  un  examen  du  rôle 
que  joue  dans  les  cuves  d'iudigo 
cette  substance  végétale,  que  l'on  est 
obligé  de  lui  adjoiudre  pour  teiudre 
les  étoiles  de  laine.  Ce  mémoire,  ainsi 
qu'un  autre,  couronné  en  1780 
par  rAcadéniie  de  Rouen,  sous  le  ti- 
tre iV Analyse  des  terres  calcaires^ 
ajouta  beaucoup  à  sa  réputation.  Ce 
fut  dans  le  même  temps  que,  s'efFor- 
çant  de  produire  du  nitre  et  du  sel 
marin  de  magnésie,  constammenlcris 
tailisé,  il  découvrit  les  sels  triples^ 
ce  qui  le  flt  admettre  à  l'Académie 
des  sciences,  malgré  l'opposition  de. 
la  classe  de  chimie,  qui  avait  peu  de 
foi  en  ses  découvertes.  Voulant  faire 
taire  les  réclamations,  il  se  présenta  au 
concours  ouvert  par  la  classe  de  bo- 
tanique sur  cette  question  :  Examl- 
^9, 


194  QUA 

ner  les  caractères  qui  distinguent  les 
cotons  des  diverses  parties  du  monde, 
ainsi  que  les  différences  qui  en  résul- 
tent pour  leur  emploi  darfs  les  arts, 
et  joignit  à  son  mémoire  (imprimé  à 
Paris,  1784,  in-4°),  un  modèle  en 
cuivre,  par  le  moyen  duquel  tout 
le  monde  peut  filer.  Cette  machine 
est  reste'e  dépose'e  au  Conservatoire 
des  arts  et  métiers,  où  personne  n'est 
tenté  d'en  faire  usage.  Quatremère- 
Disjon  val  essaya  encore  dans  ce  temps- 
là  de  perfectionner  la  filature  des 
laines  par  l'invention  de  divers  ou- 
tils, et  aussi  par  l'éducation  des  trou- 
peaux, leur  séjour  en  plein  air,  et 
surtout  le  croisement  des  races.  Ayant 
fait  alors  de  grandes  et  nombreuses 
opérations  de  Commerce  sur  les  lai- 
nes et  là  fabrication  des  draps,  comme 
associé  dans  la  manufacture  de  son 
père  à  Sedan,  il  obtint  du  gouverne- 
ment le  privilège,  pour  son  compte, 
d'une  manufacture  royale  à  Château- 
Duparc  dans  le  Berri;  mais  il  y  dé- 
pensa des  sommes  si  considérables, 
qu'il  ne  put  y  suffire  et  fut  contraint 
de  se  mettre  en  faillite  (1786).  Pour- 
suivi par  ses  créanciers,  il  se  réfugia 
en  Espagne,  puis  en  Hollande,  où  il 
se  jeta  avec  l'effervescence  de  son  ca- 
ractère dans  la  révolution  qui  venait 
d'y  éclater.Enveloppé  presque  aussitôt 
dans  la  délaitedu  parti  démocratique, 
il  tomba  ailx  mains  des  troupes  prus- 
siennes et  fut  emprisonné  à  Utrecht, 
où  il  resta  sept  ans  dans  un  cachot. 
C'est  là  que,  livré  à  toute  l'exaltation 
de  ses  idées  révolutionnaires,  il  futat- 
teiat  d'aliénation  mentale.  Il  était  un 
peu  remis  de  cette  funeste  maladie, 
lorsque  les  Français  envahirent  la 
Hollande  en  1795.  Cet  événement  lui 
rendit  la  liberté  et  le  transporta  de 
joie.  11  entra  aussitôt  dans  la  carrière 
des  armes,  et  fut  successivement  of- 
ficier de  cavalerie  et  du  génie  mili- 


QUA 

taire.  On  voit  qu'il  n'avait  pas  une 
médiocre  idée  de  ses  talents  et  de 
son  influence,  dans  une  rpître  dé- 
dicatoire  adressée  aux  représen- 
tants du  peuple  à  l'armée  du  Nord, 
dans  laquelle  il  s'exprime  en  ces 
termes  :  «  C'est  vous  qui  avez  eu 
«  les  premiers  la  gloire  de  planter 
«  l'étendard  de  la  liberté  sur  les  ri- 
«  ves  de  la  mer  Baltique  :  c'est  moi 
«  qui  ai  eu  le  mérite  de  vous  en 
«  frayer  huit  années  auparavant  la 
«  la  route.  «  Comme  autrefois  Pelis- 
son,  dans  une  position  analogue, 
Quatremère  avait  adouci  la  rigueur 
de  sa  captivité  en  se  livrant  à  l'étude 
et  à  des  observations  sur  différents 
sujets.  11  »y  depuis,  consigné  celles 
qu'il  fit  sur  les  araignées,  dans  un 
petit  ouvrage,  où,  à  travers  quelques 
paradoxes  et  un  style  bizarre,  ou 
trouve  des  idées  piquantes  et  de  vé- 
ritables découvertes ,  entre  autres 
celle  des  araignées  comparées  à  l'hy- 
gromètre. Elle  a  été  le  sujet  d'une 
lettre  adressée  au  Journal  de  Pa- 
ris^ par  Mercier,  qui  donne  les  plus 
grands  éloges  à  son  auteur,  auquel  il 
ne  tint  pas  qu'on  ne  criit  que  c'était 
aux  prédictions  de  ses  araignées  qu'on 
devait  la  conquête  de  la  Hollande. 
Profitant  bientôt  de  la  liberté  qu'il 
avait  recouvrée,  il  rentra  en  France, 
et  dès  le  18  avril  1796  il  se  trouvait 
au  Havre  lorsque  l'amiral  Sidney- 
Smith  tomba  au  pouvoir  des  Fran- 
çais {voy.  Sidney-Smith,  au  Sup.),  et 
il  prétendit  avoir  eu  beaucoup  de  part 
à  cet  événement.  Revenu  à  Paris  dès" 
l'année  suivante,  il  se  jeta  avec  une 
nouvelle  ardeur  dans  le  mouvement 
révolutionnaire.  En  1799,  il  était  un 
des  orateurs  du  club  du  Manège,  et 
il  y  dénonça  Talleyrand,  Noël  et 
Schimmelpenninck,  qu'il  accusa  de 
vouloir  rétablir  le  stathoudérat.  Cette 
dénonciation  n'eut  point  de  suite  i 


OUA 

mais  étant  retourné  en  Hollande  et 
«'étant  niis  à  frun(l«'r  les  opérations 
du  gouvernement,  il  fut  arrêté  et 
conduit  parla  gendarmerie  en  France, 
où  le  parti  démocratique  alors  domi- 
nant le  mit  en  liberté  et  lui  fit  don- 
ner un  emploi  II  était  adjudant-com- 
mandant à  l'armée  de  ré>erve  lors  du 
passage  des  Alpes  sous  Bonaparte, 
qui  le  jugea  au  premier  aspect  et 
n'eut  jamais  la  moindre  confiance  en 
cet  idéologue,  couime  il  l'appelait. 
Le  consul  aurait  même  pu  alors  le 
désigner  avec  plus  de  sévérité,  car 
on  ne  peut  pas  douter  qu'il  ne  fût 
encore  une  fois  atteint  de  démence. 
On  eu  voit  la  preuve  dans  une  cor- 
respondance qu'il  eut  avec  Berthier, 
ministre  de  la  guerre,  et  dans  un 
procès-verbal  où  il  prétendit  éta- 
blir sérieusement  que  le  passage  du 
Saint-Gothard  avait  été  pronostiqué 
par  ses  araignées.  Il  tenta  ensuite  le 
passage  du  Simplon  en  qualité  de 
chef  d'état-major  d'une  division  or- 
ganisée à  cet  effet,  et  l'on  peut  dire 
que  le  succès  qu'il  y  obtint  fut  le 
prélude  de  la  route  exécutée  depuis, 
et  dont  le  plan  fut  dès  lors  envoyé 
au  ministère.  La  lettre  de  Quatre- 
raère-Disjonval  au  préfet  du  Léman 
sur  rencaissement  du  RlWine,  daie  de 
la  même  époque,  ainsi  que  sa  voiture 
hydraulique  contre  les  incendies,  et 
aussi  une  grue  propre  à  arracher  et 
à  enlever  les  arbres.  Ces  différentes 
inventions  ne  sont  pas  dépourvues 
d'utilité,  et  elles  ont  donne  lieu  à  de 
bonnes  découvertes.  Nous  n'en  di- 
rons pas  autant  des  idées  de  Qua- 
tremère  sur  le  besoin  d'eau,  auquel 
il  attribue  toutes  les  inventions  de 
l'esprit  humain,  noiamment  l'archi- 
tecture, sur  les  langues  qui,  d'après 
lui,  ne  furent  d'abord  qu'une  imita- 
tion du  son  des  instruments  à  l'aide 
desquels  on  se  procure  de  l'eau  et  du 


QUA 


f95 


cri  des  animaux,  enfin  sur  les  signes  de 
la  musique,  de  l'alphabet,  de  l'arith- 
méiiqtie,  qui  ne  sont  que  les  linéa- 
ments des  machines  putéales.  H  pré- 
tend que  l'application  de  ces  signes 
fut  d'abord  tout  hiéroglyphi'jue.  C'est 
la  langue  grecqiiequ'ilreg^rdecomme 
la  plus  ancienne  ei  la  plus  hiérogly- 
phique de  toutes.  Admis  à  faire  des 
expositions  de  son  système  au  collège 
des  Irlandais-Uuis  il  y  réunit  bientôt 
un  grand  nombre  d'auditeurs  par  ses 
bizarreries  et  la  hardiesse  de  ses  opi- 
nions politiques,  qu'il  ne  manquait 
jamais  de  mêler  à  ses  leçons.  La  po- 
lice en  fut  inforuiée,  et  il  lui  fut  signi- 
fié de  les  Ui.>cuntiiiuer.  Alors  il  alla 
remplir  en  Bollaude  l'emploi  d'ins- 
pecteur des  corderies  de  la  uiai  ine,  et 
il  y  u]it  en  praiiijue  le  nouveau  rouis- 
sage de  Bralle.  Revenu  en  France,  il 
alla  établir  à  Saint -Denis  une  école 
d  enseignement  mutuel,  auquel  il  ne 
manqua  pas  de  joindre  ses  théories 
politiques,  ce  qui  le  lit  encore  arrê- 
ter. Après  une  détention  de  que  que* 
mois,  il  fut  mis  en  surveillance  à  qua- 
rante lieues  de  Paris,  et  c'est  dans 
cette  position  qu'il  resta  jusqu'à  la 
Restauration  de  1814.  A  cette  époque 
ii  parcourut  les  départements  méri- 
dionaux et  se  rendit  successivement 
de  Marseille  à  Bordeaux  sans  que  l'on 
siît  dans  quel  but.  il  mourut  dans 
cette   dernière  ville  en  1830.  Qua- 
tremère-Disjonval  a  publié  :  I.  Ana- 
lyse et  examen  chimique  de  l'indigo, 
pièce  couronnée  par  l'Académie  des 
sciences,  1 777,  in-S"  et  in-4°;  traduite 
eu  allemand,  Weimar,  1778,  in-8°;en 
danois,  par  Vilborg  .   Copenhague, 
1778.  II.  Théorie  des  couleurs  et  de  la 
vision;  traduiiede  l'anglais  de  G.  Pal- 
mer,  Pans,  1777, 111-8".  III.  Recher- 
ches expérimtn Iules  sur  la  cause  des 
changements  des  couleurs  dans  let 
corps  opaques^  et  naturellement  colo- 

13. 


196 


OUA 


rés  ;  traduites  de  l'anglais  de  Hussey- 
Delaval,  1778,  in-S".  IV.  Collection 
de  mémoires  chimiques  et  physiques^ 
dont  plusieurs  ont  été  couronnés  par 
l'Académie  des  sciences,  Paris,  1784, 
în-4°  ;  traduite  en  allemand,  Leipzig, 
1785.  C'est  par  erreur  que  Erscii  at- 
tribue ces  ou  vragesàunautre.V. iVou- 
veau  calendrier  aranéologique,  dans 
lequel  les  phases  lunaires  sont  recti- 
fiées et  disposées  conformément  aux 
véritables  rapports  de  la  lune  avec 
les  vicissitudes  atmosphériques,  les 
crises  des  maladies  et  le  travail  ou 
le  repos  des  araignées,  La  Haye,  1795, 
in-S";  Liège,  1799,  in-i6.  Vf.  Sur 
la  découverte  du  rapport  constant 
entra  V apparition  et  la  disparition, 
le  travail  ou  le  non-travail,  le  plus 
ou  le  moins  d'étendue  des  toiles  ou 
des  fils  d'attache  des  araignées,  etc. 
(avec  la  traduction  en  hollandais,  par 
Boddaert),  La  Haye,  1795,  in-8°;  ou- 
vrage refondu  et  réimprimé  sous  le 
titre  de  i'Aranéologie,  Paris,  1797, 
in-S".  VII.  Lettre  au  général  Ber- 
thier  sur  le  passage  du  Simplon, 
1800,  in-4°.    VIII.   Lettre   au  cit. 
d'Eymar,  préfet  du  Léman,  sur  l'en- 
caissement du  Rhône  et  l'exploita- 
tion de  quelques  espèces  particulières 
de  bois,  depuis  le  mont  Simplon  jus- 
qii'au  lac  de  Genève,  Genève,  1801, 
in-S".  IX.  L'Objetprimitif{VeAu)  sub- 
stitué au  monde  primitif  de  Court  de 
Gebelin  et  à  VOrigine  des  cultes  de 
Dupuis,    Paris,    sans    date,  in-8». 
C'est    l'introduction    d'un   ouvrage 
qui  n'a  pas  paru.  X.  Cours  d'idéolo- 
gie démontrée,  servant  d'introduc- 
tion  à   rétude   des    trois   langues 
orientales.  C'fSt  le  programme  du 
cours  que  Quatremère  commença  en 
1803  au  collège  des  Irlandais-tliiis, 
mais  qu'il  ne  put  achever,  comme 
nous  l'avons  dit.  XI.  Nouvelles  ob- 
servations et    attestations  sur  '  In 


QUE 

transcendant  du  bois  de  mélèze  dans 
les  constructions,  tant  de  mer  que  de 
terre,  Dordreeht,  1803,  in-8",  avec 
la  traduction  en  hollandais,  par  Mar- 
ron {voy.  ce  nom,  LXXIII,  204).  XII. 
Manuel  sur  les  moyens  de  calmer  la 
soif  et  de  prévenir  la  fièvre.^  Châlons- 
sur-Marne,  1808,  in-8o.  Outre  les 
traductions  de  l'anglais  que  nous 
avons  citées,  Quatremère-Disjonval 
a  traduit  du  hollandais  les  écrits  sui- 
vants de  Camper  (voy.  ce  nom,  VI, 
640)  :  i"  Dissertation  physique  sur 
les  différences  réelles  que  présentent 
les  traits  du  visage  chez  les  hommes 
de  différents  pays  et  de  différents 
âges,  Utrecht  (Paris),  1791 ,  in-4'',avec 
10  pi.  2°  Proposition  d'une  nouvelle 
méthode  pour  dessiner  toutes  sortes 
de  têtes  humaines,  ibid.,  1791 ,  in-4o, 
lig.  3"  Discours  sur  le  beau  physique, 
ibid.,  1792,  in-4'',iig.  4o  Discours  sur 
le  moyen  de  représenter  d'une  manière 
sûre  les  diverses  passions  qui  se  ma- 
nifestent sur  le  visage,  etc.,  ibid., 
1792,  in-io.  —  Quiilremère-Disjonval 
avait  un  fils  qui,  étant  entré  dans  la 
carrière  des  armes,  était  devenu  chef 
de  bataillon.  Il  est  mort  à  Paris  vers 
1840.  M— Dj. 

QUATRESOUX  de  Parctelaink. 
Voy.  Parctei.aine,  LXXVI,  290. 

Qt'ELEN  (HvAciNTHE-Louis,comte 
de),  archevêque  de  Paris,  naquit  le  8 
oci.1778,  à  Paris,  d'une  illustre  fa- 
mille de  Bretagne  alliée  aux  Quiiitin, 
aux  Kergolay  et  aux  Clisson.  Sa  vie 
se  divise  en  deux  époques  bien  dis- 
tinctes. Dans  la  première, qui  répond 
aux  jours  calmes  de  la  Restauration, 
il  se  lit  remarquer  par  l'aménité  de 
ses  mœurs,  par  l'élégance  de  ses  ma- 
nières, par  une  piété  douce  et  affec- 
tuf  use,  par  l'éciai  qu'il  répandait  sur 
les  cérémonies  religieuses  et  par  un 
zèle  assidu  à  tous  les  devoirs  de  son 
état.  Plus  grand  encore  depuis  l*s 


Q0t 

terribles  épreuves  auxquelles  le  sou- 
mit la  révolution  de  1830,  il  retraça, 
dans  la  seconde  e'poque,  au  sein  de  sa 
pauvreté'  glorieuse,  les  merveilles 
d'une  charité  qui  rappelait  ce. le  de 
saint  Vincent  de  Paul,  et  une  mort 
pure  et  sainte,  qui  désarma  jusqu'à  la 
haine  et  la  prévention,  couronna  di- 
gnement les  travaux  et  les  vertus  de 
son  épiscopat.  Il  fit  ses  premières  étu- 
des dans  la  célèbre  maison  de  Navarre, 
et  de  bonne  heure  un  attrait  irrésis- 
tible l'entraîna  vers  le  ministère  ecclé- 
siastique. C'est  au  moment  où  la  fou- 
dre grondait  sur  le  trône  et  sur  l'auf  el 
que  le  jeune  de  Quelen  demanda  à 
ses  parents  et  en  obtint  d'être  ton- 
suré :  noble  et  généreuse  résolution 
qui  allait  si  bien  à  ses  sentiments  de 
Breton  et  de  chrétien!  H  se  retira 
pendant  le  règne  de  la  terreur  à  Ver- 
sailles, où  l'abbé  de  Sanibucy,  au- 
jourd'hui chanoine  de  Paris,  lui  lit 
continuer  ses  études  qui  embrassè- 
rent les  humanités,  la  rhétorique,  la 
philosophie  et  l'Écriture  sainte.  Bien- 
tôt l'horizon  devint  plus  serein;  et 
l'abbé  Émery  réunit  quelques  jeunes 
gens  dont  la  vocation  courageuse 
n'était  point  ébranlée  par  les  orages 
précédents,  se  hâtant  de  remplir  ainsi 
les  vides  effrayants  du  sanctuaire.  Dé- 
positaire des  saines  traditions  et  dos 
doctrines  de  l'Église  de  France,  nul 
n'était  plus  propre  que  lui  à  cette 
œuvre  de  réparation,  et  Sfuis  sa  main 
ferme  et  habile  le  séminaire  de  Saint- 
Sulpice  reprit  son  ancien  écla?.  Ce 
fut  un  bonheur  pour  l'abbé  de  Quelen 
de  pouvoir  se  préparer  nu  sncenJoce 
sous  la  conduite  de  ce  vénérable  ec- 
clésiastique dont  iSapoloon  a  fait  à 
M.  Mole  ce  bel  éloge.»  Voilà,  lui  dit- 
•  il  un  jour,  la  première  fois  que  je 
-  rencontre  un  homme  doué  d'un  vé- 
'  ritable  pouvoir  sur  les  hommes,  et 
auquel  je  ne  demande  aucun  compte 


QUE  197^ 

«  de  l'usage  qu'il  en  fera.  Loin  de  là, 
«  je  voudrais  qu'il  me  fût  possible  de 
«  lui  confier  toute  notre  j^^unesse  :  je 
«  mourrais  plus  rassuré  sur  l'avenir.» 
Napoléon  n'éprouvait  pas  pour  l'in- 
fluence du  clergé  la  même  terreur  que 
nos  hommes  d'etai  actuels.  — Parmi 
les  ecclésiastiques  qui  s'étaient  as- 
sociés aux  travaux  de  l'abbé  Émery, 
le  jeune  de  Quelen  fit  choix  d'un  di- 
recteur ,  depuis  supérieur  du  sémi- 
naire de  Saint-Sulpice ,  l'abbé  Du- 
claux,  vers  lequel  l'attirail  une  heu- 
reuse conformité  de  goûts  et  de  sen- 
timents. L'élève  ne  se  lassait  poitit 
d'admirer  l'aimable  simplicité  et  l'i- 
naltérable douceur  du  pieux  sulpi- 
cien  ;  de  son  côté ,  le  maître  avait 
Toué  un  tendre  attachement  k  celui 
qui  venait  se  placer  sous  sa  disci- 
pline, et  qui  déjà  faisait  pressentir 
l'heureux  mélange  de  force  et  de  gràcf 
qu'il  devait  déployer  plus  lard  dans 
des  moments  difficiles  ou  dans  des 
temps  plus  prospères. Ordonné  prêtre 
lel4mars  ISOTparl'évèque  de  Saint- 
Brienc,  Caffarelli,  il  fit  quelques  mois 
après  un  voyage  à  Paris,  où  son  di- 
recteur lui  dit  ces  paroles  qui  restè- 
rent profondément  gravées  dans  sa 
mémoire  :  -  Vous  voilà  prêtre,  fai- 
'  tes-vous  une  bonne  réputation,  et 
»  comme  l'agrément  du  style  et  les 

•  soins  du  discours  y  contribuent,  ne 
<=  les  négligez  point  ;  c'est  à  ce  prix  que 

•  vous  pourrez  utilement  travailler 
«  dans  le  saint  ministère.  •  Déjà  l'ab- 
bé de  Quelen,  en  s'exerçant  aux  mo- 
destes fonctions  de  catéchiste  de  la 
paroisse  de  Saint-Sulpice,  avait  ac~ 
quis  une  grande  fiicilité  de  pirler  et 
d'écrire  avec  autant  de  goût  que  d'élé- 
gance et  d'onction. Le  cardinal  Fesch 
désirait  s'eutourer  de  quelques  jeunes 
ecclésiastiques  de  talent  et  de  piété . 
et  il  avait  «'birgé  l'ai'bé  Émerv  de 
faire  ce  rhoix.  M.  de  0"*'«n  ^^t  '< 


^198 


QUE 


premier  porté  sur  la  liste.  Le  cardi- 
nal, charmé  du  bon  air,  de  la  physio- 
nomie douce,  du  langage  modeste  du 
jeune  prêlre  de  Saint  -  Brieiic,  l'in- 
terrogea sur  ses  premières  études , 
sur  son  pays  et  sur  les  commence- 
ments de  sa  carrière.  «  Éminence,  ré- 
«  pondit  l'abbé  deQuelen,  je  suis  né  à 
a  Paris,  mais  d'origine  bretonne.  J'ai 
«  fait  mes  preniières  classes  au  col- 
«  lége  de  Navarre.  Mes  parents  ne 
«  tardèrent  pas  à  m'en  retirer  ;  la  ré- 
'  volulion  les  ayant  forcés  de  quitter 
"Paris,  je  les  suivis  dans  leur  re- 
«. traite.  Là,  je  continuai  à  étudier  et 
'  à  prier. —  Sainte  disposition  au  mi- 
«  nistcre  évangélique  ,  répliqua  le 
•  cardinal;  j'aime  les  hommes  qui 
«  étudient  et  qui  prient;  ce  sont  ceux- 
'  là  que  je  cherche,  Dieu  a  des  vues 
«  sur  eux  ;  en  attendant,  venez  chez 
«  moi  ;  nous  prierons  et  étudierons 
«  ensemble  ;  "  et  il  lui  conlia  le  soin 
de  former  sa  maison.  L'abbé  de  Que- 
len,sans  être revêiu  d'aucun  titre  par- 
ticulier, fut  chargé  d'une  partie  de  sa 
correspondance  et  de  la  distribution 
de  ses  aumônes.  H  fut  surtout  utile 
aux  pauvres  et  aux  malheureux  de 
son  pays,  lorsque  le  cardinal  Fesch 
alla  présider  le  collège  électoral  de 
Rennes  pour  le  choix  des  candidats 
au  sénat  conservateur.  Plus  d'une  fois 
il  lui  donna  d'utiles  conseils,  princi- 
palement à  l'époque  du  concile  de 
1811  ;  et  lorsque  Napoléon,  irrité  de 
la  résistance  de  son  oncle,  l'eut  ren- 
voyé à  Lyon,  l'abbé  de  Quelen  ne 
voulut  pas  l'abandonner.  Tonte  sa  vie 
il  fut  reconnaissant  (lu  tendre  intérêt 
que  lui  avait  témoigne  le  cardinal. 
On  le  vit  môme,  en  1825,  dans  un 
voyage  qu'il  lit  à  Rome,  nonobstant 
les  représentations  d'une  |)oli tique 
pusill.inime,  visiter  son  ancien  pro- 
tecteur et  le  remercier  de  ses  bien- 
fait». Il  refusa,  en  1812,  d'être  cha- 


QUE 

pelain  de  la  mère  de  l'empereur,  p!ac« 
que  lui  avait  proposée  l'abbé  de  Pradt. 
Retiré  à  Paris,  auprès  de  sa  tante, 
madame  Hocquart,  femme  d'une  émi- 
nente  piété  et  tout  adonnée  aux 
bonnes  œuvres,  l'abbé  de  Quelen 
passa  les  derniers  jours  de  l'empire 
dans  la  retraite,  où  il  se  livra  avec 
ardeur  à  la  lecture  des  saints  Pères, 
des  écrivains  religieux  du  grand  siè- 
cle, et  d'oii  il  n'aimait  à  sortir  que 
pour  aller  présider  les  modestes  fêtes 
des  catéchismes  de  Saint-Snipice.  ou 
pour  porter  ses  pieuses  instructions 
dans  les  conmiunautés  et  les  pension- 
nats. Doué  d'un  talent  particulier 
pour  la  direction  des  consciences,  par 
les  accents  touchants  de  son  âme 
religieuse  et  sensible,  par  sa  connais- 
sance profonde  du  cœur  humain,  plus 
d'une  fois  il  fit  couler  les  larmes  du 
repentir  et  descendre  la  sérénité  dans 
des  cœurs  flétris  ou  désolés.  Suivant 
ce  que  rapporte  M.  Heiirion,  auteur 
de  sa  Vie,  l'abbé  deQuelen  aurait  eu 
un  entretien  avec  Napoléon  au  sujet 
de  ses  démêlés  avec  le  pape.  Dans  le 
feu  de  son  courroux,  le  fier  conqué- 
rant déclare  au  jeune  ecclésiastique 
ses  projets  de  schisme  C'est  la  double 
autocratie  de  Saint-Pétersbourg  qu'il 
veut  introniser  à  Paris;  il  parle  de 
Charlemagne,  de  Louis  XIV,  dont  il 
prétend  imiter  la  politique. «Eh  bien! 
«  reprend  avec  une  généreuse  fer- 
«  meté  l'abbé  de  Quelen,  si  leur  po- 
«  litique  est  la  vôtre,  elle  doit  s'ap- 
«  puyer  sur  le  Saint-Siège.  Charle- 
«  magne  ne  fut  si  grand  que  parce 
«  qu'il  donna  pour  base  à  son  pouvoir 
«  le  respect  de  la  religion.  Se  séparer 
«  de  son  chef,  ce  serait  vous  is..ler  de 
«  presque  tous  les  Français.  Vos  pré- 
«  dtcesseur.*  sur  le  trône  s'honoraient 
«  d'être  les  fils ainésde  l'Église,  pour 
«  les  imiter  et  pour  affermir  votre 
«  pouvoir,  il  faut  vous  rapprocher  du 


QUE 

.  pape.  '  Ce  trait  a  été  rapporté  en 
1824  par  l'archevêque  de  Paris  lui- 
même  à  un  de  ses  amis,  et  c'est  de 
la  bouche  de  cet  ami  que  l'historien 
de  sa  vie  l'a  recueilli.  Quand  l'inva- 
sion de  1814  ramena  sous  les  murs 
de  Paris  nos  armées  si  iung-temps  vic- 
torieuses, l'abbé  de  Quelen,  quoique 
malade,  court  dans  les  hôpitaux  oflVir 
les  secours  et  les  consolations  de  son 
ministère  aux  mourants  et  aux  bles- 
sés. Cependant  le  typhus  se  déclare  et 
cause  d'effrayants  ravages.  Rien  ne 
peut  lui  faire  abandonner  son  poste 
d'honneur.et,selonlabelleexpre.*sion 
de  M.  Mule  dans  son  discours  de  récep- 
tion  à  l'Académie  française,  «  il  fait 

•  parmi  les  victimes  du  typhus,  l'ap- 
«  prentissage  des  vertus  dont  la  Pro- 
«  vidence  lui  réservait  de  donner  les 

•  plus  sublimes    exemples  dans  les 

•  jours  affreux  du  choléra.»  —  Bien- 
tôt, les  Bourbons  remontent  sur  le 
trône  aux  applaudissements  de   la 
France,  remplie  de  joie  et  de  bon- 
heur par  un  événement  si  inattendu. 
L'abbé   de   Quelen   partagea  l'allé- 
gresse publique,  et  il   put  espérer 
que  les  plaies  de  l'Église  allaient  se 
fermer  sous  le  règne  de  la  légitimité  et 
des  lois.  Au  mois  de  juin  1811,  il  pro- 
nonça l'oraison  funèbre  de  Louis  XVI 
dans  l'église  de  Saint-Sulpicc.Un  an 
plus  tard,  le  9  février  1815,  il  la  re- 
disait encore  à  Sainte- Elisabeth,  à 
Toccasion  d'un  service  funèbre  que 
iordre  de  Malte  lit  célébrer  pour  Tin- 
fortuné  monarque.  11  parhit  devant  la 
fille  de  la  royale  victime,  qui  jugea  le 
discours  digue  de  ses  douleurs.  M. 
Frayssinous,qui  avait  voulu  entendre 
l'orateur,  aurait  désiré  plus  d'éclat 
et  d'élévation,  quelques  coups  de  pin- 
ceau plus  fiers,  et  il  disait  en  sortant 
que  c'était  uo  très-bon  discours  dans  le 
genre  tempéré.  Au  commencement  de 
la  Restauration,  l'abbé  de  Quelen  fut 


QUE 


199 


mis  en  rapport  avec  le  grand-aumô- 
nier de  France,  Talleyraml-Périgord, 
par  M.  de  Girac,  ancien  évèque  de 
Rennes, et  par  madame  de  Lézeau,  su- 
périeure des  maisons  royales  qui  dé- 
nudaient de  la  grande-aumônerie. 
Le  cardinal  de   Périgord    avait  été 
chargé  par  Louis  XVIll  de  la  direc- 
tion des  affaires  ecclésiastiques.  Un 
des  derniers  modèles  de  cette  poli- 
tesse exquise  et  de  cette  douce  ma- 
jestéqui  distinguaient  l'ancien  clergé, 
ce  prélat  attachait  un  grand  prix  à 
ces  formes  aimables  qui,  réunies  à 
de  solides  vertus,  exercent  toujours 
une  heureuse  influence.  11  les  remar- 
qua bien  vile  en  l'abbé  de  Quelen  ;  il 
le  nomma  vicaire  général  de  la  gran- 
de-aumôuerie.  et  lors  des  discussions 
tlu  concordat  de  1817,  il  eut  à  se  féli- 
citer du  choix  d'un  tel  coopérateur. 
Désigné  pour  prêcher  à  la  cour  l'A  vent 
de  cette  même  année,  M.  de  Quelea 
ne  put  remplir  cette  station,  parce 
qu'il  avait  été  nommé  dans  l'inter- 
valle suffragant  de  Paris  et  évêque  m 
partibut  de  Sain>>sate.  11  se  fit  rem- 
placer dans  la  chapelle  royale  par 
M   Frayssinous,  qui  y  obtint  d'una- 
nimes suffrages.   Il   fut  sjcré  dans 
l'ancienne  église  des  Carmes  de  la 
rue  de  Yaugirard,  le  28  oct.    1817, 
par  M.  Cortois  de  Pressigny,  arche- 
vêque de  Besançon.  On  se  flattait 
alors  que  l'exécution  du  encordai 
n'éprouverait  aucune  difficulté.  Déjà 
les  archevêques  nommés  avaient  re- 
çu le  paUiàm  du  souverain  Pontife  ; 
à  l'ouverture  des  chambres,  le  roi 
avait  annoncé  la  conclusion  du  traité 
avec  le  Saint-Siège,  les  deux  cham- 
bres avaient  accueilli  favorablement 
la  communication  qu'avait   laite  la 
couronne.    Mais    aussitôt    parurent 
contre  le  concordat  une  foule  de  bro- 
chures et  de  pamphlets  ;  des  cris  d'a- 
larme «f^  firt^nt  fiifpndre.  selon  l'ex- 


200 


gti: 


pression  (Je  M.  Frayssinous,  connue  à 
l'aspect  d'un  ennemi  qui  viendrait  en- 
vahir nos  provinces,  et  le  ministère 
qui  avec  un  peu  de  fermeté  eut  fait 
taire  toutes  ces  clameurs,  recula  de- 
vant ce  simulacre  d'opinion  publique. 
Pendant  cet  intervalle,  le  zèle  et  les 
talents  de  l'évêque  de  Samosate  trou 
vcrent  plusieurs  occasions  de  s'exer- 
cer. On  le  vit,  tour  à  tour,  assister  à 
des  réunions  d'évêques ,  rédiger  des 
actes  et  des  mémoires  sur  les  affai- 
res ecclésiastiques  du  temps,  prêcher 
dans  des  assemblées  de  charité,  s'ac- 
quitter de  tous  les  devoirs  d'adminis- 
trateur et  de  gouverneur  général  des 
Quinze-Vingts,  présider  aux  céré- 
monies religieuses  qui  l'appelaient 
dans  plusieurs  églises.  Enfin  le  veu- 
vage de  l'église  de  Paris,  privée  de- 
puis dix  ans  de  premier  pasteur,  cessa 
en  1819,  et  le  cardinal  de  Périgord 
prit  possession  du  siège  archiépis- 
copal. Le  24  septembre,  Louis  XVIII 
agréa  pour  la  coadjutorerie  de  Paris, 
avec  future  succession,  l'évéque  de 
Samosate,  qui  fut  en  même  temps  ins- 
titué par  le  pape  archevêque  de  Tra- 
janople,  et  il  lui  dit  en  riant  :  «  J'es- 
«  père  bien,  monsieur  le  coadjuteur, 
«  que  vous  n'imiterez  pas  votre  pré- 
«  décesseur,  le  cardinal  de  Retz.  — 
•  Au  moins,  sire,  je  vous  promets  de 
«  ne  jamais  changer  de  bréviaire.  » 
Réponse  qui  plut  beaucoup  au  roi.  Ce 
fut  M.  de  Quelen  qui  engagea  le  car- 
dinal de  Périgord  à  appeler  dans  son 
conseil  les  ecclésiastiques  les  plus 
distingués  du  clergé  de  Pari.*!,  MM. 
Frayssinous,  Duclaux,  Desjardins, 
Borderies.  11  lut  aussi  l'auteur  du 
beau  mandement  d'installation  du 
cardinal,  où  la  religion  parlait  un 
langage  si  noble,  si  modéré  et  si 
affectueux.  Quelques  mois  après,  il 
eut  il  gémir  sur  la  mort  déplorable 
d'un  prince  franrajs.  Le  1*  février 


QtlÈ 

1820,  le  duc  de  Berri  tombait  sous 
le  poignard  d'un  assassin,  et  le  coad- 
juteur fut  choisi  pour  payer  un  tri- 
but de  regrets  à  la  royale  victime. 
On  avait  pensé  d'abord  que  plu- 
sieurs oraisons  funèbres  seraient  pro- 
noncées, et  on  désignait  l'évêque 
de  ïroyes,  M.  de  Boulogne,  pour 
Saint-Denis;  l'abbé  de  Lamennais 
pour  le  Tenq)le;  M.  Frayssinous  pour 
Saint-Rocb  ;  M.  de  Quelen  pour  iNotre- 
Dame ,  quand  Louis  X  VllI  régla,  d'a- 
près l'avis  de  M.  de  Cazes,  qu'il  n'y 
aurait  qu'une  seule  oraison  funèbre, 
et  que  M.  de  Quelen  la  prononcerait 
à  Saint-Denis,  le  14  mars.  Cette  orai- 
son, qui  subit  une  censure  de  la  part 
du  ministère,  ne  répondit  pas,  il  faut 
le  dire,  à  l'attente  du  public.  Elle 
était  cependant  écrite  avec  beaucoup 
de  mesure  et  d'élégance,  empreinte 
d'une  sensibilité  religieuse  et  tou- 
chante; mais  il  semble  que  des  ac- 
cents d'une  plus  fièreénergiedevaient 
retentir  sur  la  tombe  du  prince,  et 
que  cette  mort  d'un  héroïsme  chré- 
tien révélait  de  plus  hautes  et  de 
plus  sévères  leçons.  A  la  veille  de  de- 
venir titulaire  du  siège  de  Paris,  M.  de 
Quelen  s'honora  par  l'oflre  d'un  su- 
blime dévouement  qui,  certes,  était 
dans  son  cœur,  et  qu'aucun  de  ceux 
qui  l'ont  connu  n'osera  révoquer  eu 
doute.  Napoléon  avait  demandé,  en 
1820,  au  gouvernement  français  un 
prêtre  qui  l'aidât  à  mourir.  Le  minis- 
tre du  roi  confie  son  erubarras  ii  M.  de 
Quelen,  qui  lui  répond  :«  J'irai,  moi, 
«  je  m'offre  volontiers  pour  gagner 
«  cette  âme  à  Jésus-Christ.  •  Le  mi- 
nisire  admira  cette  généreuse  réso- 
lutiim;  mais  il  n'eut  garde  de  priver 
le  diocèse  de  Paris  d'un  prélat  dont 
les  talents  et  les  services  («taicnt  im- 
périeusement réclamés  par  le  grand 
âge  et  les  infirmités  du  rardiiia!  de 
Périgord.  Celui-ci  en  effet  p;ant  à 


QUE 

peine  sur  son  nouveau  siège;  il  mou- 
rut le  20  octobre  1821,  et  M.  de  Que- 
len  annonça  à  ses  diocésains  la  perte 
qu'ils  venaient  de  fHire  par  un  man- 
dement,  où  il  louait  son  pre'dt'ces- 
seuf  avec  effusion  et  sans  restriction. 
Les  diverses  classes  de  la  société  le 
virent  avec  plaisir  monter  sur  le  siège 
éminent   de    la   capitale-,  quelques 
vieux  royalistes  seulement  se  plai- 
gnirent qu'il  ne  fût  pas  assez  noble, 
et  qu'il  eût  accepté  des  emplois  dans 
la  maison  du  cardinal  Fesch  ;  oubliant 
sans  doute  qu'il  ne  fallait  ni  avoir 
été  absent  du  royaume  ni  avoir  été 
tenu  à  l'écart  pour  bien  connaître  la 
situation  de  la  religion  et  de  l'Église 
en  France,  et  pour  appliquer  aux 
maux  les  remèdes  convenables.  Le 
premier  soin  du  nouvel  archevêque 
fut  de  commencer  la  visite  générale 
de  son  diocèse  que  son  prédécesseur 
avait  annoncée  p.jr  un  mandement 
du  9  octobre  1821,  jour  anniversaire 
de  sa  prise  de  possession.  Les  instruc- 
tions et  les  cérémonies  religieuses, 
dirigées    par    les    missionnaires   de 
France,  opérèrent  d'heureux  résul- 
tats, mais  en  même  temps  des  tenta- 
tives coupables  eurent  lieu  pour  em- 
pêcher le  bien ,  et  on  se  souvient 
encore  des  scènes  scandaleuses  dont 
l'église  des  Petits-Pères  fut  le  théâtre. 
L'archevêque  de  Paris  ne  llochil  point 
devant  l'orage;  l'autorité  elle-même  ne 
céda  pas,  cette  fois  du  moins,  aux  exi- 
gences d'une  foule  ameutée;  des  mesu- 
res sévèresfurent  prises,  et  les  exerci- 
ces religieux  purent  être  continués  au 
milieu  d'une  affitience désormais  pai- 
sible et  recueillie.  — M.  Fray-^sinous 
avnit  rappelé  avec  beaucoup  de  déli- 
catesse, dans  son  oraison  funèbre  du 
cardinal  de  Périgord,  le  désir  que 
ce  prélat  avait   manifesté  plusieurs 
fois  de  voir  consacrée   au  culte  de 
sainte  Geneviève  l'église  fondée  par 


201 

LouisXV  tu  son  honneur .  LouisXVUl 
réalisa  le  vœu  du  pieux  cardinal,  et 
M.deQuelen  fit  l'ouverture  l'église.  A 
cette  époque  il  publia  une  nouvelle 
e'dilion  du  bréviaire  de  Paris  avec  des 
modifications    et  des  additions  qui 
avaient  été  arrêtées,  sous  sou  prédé- 
cesseur, par  le  conseil  de  l'archevê- 
ché et  par  le  chapitre,  et  en  l'adres- 
sant à  son  clergé,  il  lui  dit  avec  vé- 
rité que  ce  n'était  point  un  présent 
qu'il  lui  offrait,  «  mais  plutôt  un  hé- 
-  ritage  que  le  meilleur  des  pères 
«  l'avait  chargé  de  lui  transmettre.  « 
Le  31  octobre  1822.  une  ordonnance 
royale  le  nomma  membre  de  la  cham- 
bre des  pairs.  Les  intérêts  de  la  reli- 
gion et  de  la  charité  trouvèrent  tou- 
jours en  lui  ini  défeuseur  zélé.  Il  fixa 
l'atlenlion  publique  surtout  en  deux 
occasions  principales,  la  première  fois 
qu<iud  il  parla  sur  la  loi  dite  du  sa- 
crilège, dont  on  a  voulu  faire  un 
grief  k  la  Restauration,  et  qui  déuo 
tait  plutôt  l'esprit  de  pusillanimité 
qui   présidait    trop    souvent    à  ses 
actes.  On  doit  se  rappeler  que  dans 
ce  projet  de  loi  le  mot  sacrilège  n'é- 
tait pas  énoncé,  et  qu'on  n'y  par- 
lait que  des  vols  commis  dans  les 
édifices  consacrés  à  la  religion  de 
VÊtat  ou  aux  autres  cultes  reconnus 
en  France.  Cette  loi ,  en  paraissant 
menacer  le  sacrilège  de  peines  sévè- 
res, en  assurait  l'impunité,  puisque 
l'article  11  ne  déc'amit  profanation 
que  toute  voie  de  fait,  commise  vo- 
lontairement, et  par  haine  oumépris 
de  la  religion,  sur  les  vases  sacm. 
et  qu'il  éiait  facile  aux  voleurs  de 
soutenir  qu'ils  avaient  vol"  les  vases 
sacrés  par  amour  pour  les  vases  sa- 
crés, et  non  par  haine  pour  la  reli- 
gion. L'archevêque  de  Paris  protesta 
contre  l'exclusion  du  mot  de  sacri- 
lège, et  il  domgnda  à  la  chambre  Ih 
permission  de  s'abstenir  d'un  vote 


202 


QUE 


qui,  s'il  ne  pouvait  s'assimiler  à  un 
jugement  capital,  s'en  rapprochait 
cependant  sous  certains  rapports,  «le 
manière  à  inspirer  aux  évêqiies  le 
désir  de  n'y  point  participer.  Nous 
ne  dissimulerons  pas  que  certains 
esprits  ardents  de  l'époque  repro- 
chèrent à  l'archevêque  de  Paris  de 
n'avoir  point  fait  ressortir  avec 
assez  de  vigueur  tout  ce  que  cette  loi 
renff-rmait  de  bizarre  et  d'impratica- 
ble. Sur  la  question  de  la  conversion 
des  rentes,  l'opinion  de  M.  de  Quelen 
eut  la  plus  grande  influence,  et  ses 
paroles  aussi  habiles  que  mesurées, 
contribuèrent  beaucoup  a  faire  reje- 
ter la  fameuse  loi  de  M.  d*  Villèle. 
M.  de  Chateaubriand  a  dit  dans  son 
Congrès  de  Vérone:  «M.  l'archevêque 
«  de  Paris  peut  justement  passer 
■  pour  avoir  le  plus  ébranlé  la  loi, 
«  lorsqu'il  se  prononça  contre  la 
«  conversion,  par  un  esprit  de  com- 
«  miséralion  chrétienne,  en  faveur 
«  d(^s  rentiers  et  de  la  ville  de  Paris; 
«  il  leur  sauva  à  peu  près  12  millions 
«  de  rentes.  •  On  peut  ne  pas  ap- 
prouver M.  de  Quelen  sous  le  point 
de  vue  politique,  mais  il  faut  conve- 
nir que  le  projet  de  loi  frappait  plus 
particulièrement  les  petits  rentiers, 
les  pauvres  de  son  diocèse,  et  le  de- 
voir d'un  évêque  est  de  plaider  la 
cause  des  malheureux.  11  se  borna  à 
présenter  un  amendement  qui  ten- 
drait à  excepter  de  la  mesure  les  ren- 
tes au-dessous  de  1,000  francs,  et 
celles  qui  déjà  auraient  subi  la  ré- 
duction, avec  cette  réserve  que  toute 
transmission  de  ces  rentes,  soit  à  des 
étrangers,  soit  en  ligne  collatérale, 
les  ferait  rentrer  dans  la  loi  générale. 
M.  de  Quelen  nous  a  allirmé  plu- 
sieurs fois  qu'il  était  monté  à  la  tri- 
bune sans  s'être  concerté  avec  qui 
que  ce  lût,  et oniquementpour  obéir 
à  sa  conscience,  sans  savoir  le  moins 


QUE 

du  monde  ce  que  pensait  la  majorité 
des  pairs  Le  discours  n'en  fut  pas 
moins  goûté  par  la  chambre  hérédi- 
taire, il  respirait  la  modération,  la 
justice  et  la  charité  semées  de  quel- 
ques traits  piquants  à  l'adresse  des 
ministres,  et  que  l'évêque  d'Her- 
mopolis  appelait  des  malices  breton- 
nes. Au  sortir  de  la  chambre,  le  peu- 
ple accueillit  son  archevêque  avec 
de  grands  applaudissements,  il  détela 
ses  chevaux,  et  le  ramena  en  triom- 
phe dans  ce  même  palais  qu'il  devait 
quelques  années  plus  tard  démolir 
avec  une  fureur  sauvage.  Louis  X  VIII 
ne  parut  pas  mécontent  de  laconduite 
qu'avait  tenue  l'archevêque  de  Paris 
à  la  chambre  des  pairs  ;  car,  quelques 
jours  après,  celui-ci  s'étant  présenté 
au  château,  il  fut  accueilli  avec  une 
faveur  qui  surprit  le  prélat  lui-même. 
Depuis  1821,1'archevèqueavait  enga- 
gé avec  le  prince  de  Croy,  grand-au- 
mônier de  France,  une  lutte  qui  ne 
njanqua  point  de  vivacité.  Persuadé 
que  son  consentement  et  ses  pouvoirs 
étaient  nécessaires  pour  vali<ier  les 
actes  du  grand-aumônier,  qui  ne  les 
demandait  pas  et  qui  entendait  exer- 
cer de  plein  droit,  il  rédigea,  sous 
forme  de  munition  canonique  adres- 
sée au  clergé  et  aux  iideles  de  son 
diocèse,  une  déclaration  en  date  ûu 
21  dec.  1821,  par  laquelle  il  défend 
«  à  toute  personne  ecclésiastique,  de 
«  quelque  dignité  qu'ellesoit  revêtue, 
»  sous  quelque  prétexte  que  ce  soit, 
«  de  quelque  titre  dont  elle  se  pré- 
•  vale,  tels  que  protectorat  et  patro- 
«  nage,  dans  quelque  lieu  que  ce  soit 
«  de  son  diocèse,  même  dans  les  égli- 
«  ses,  chiipelies  et  maisons  royales, 
«  de  f.iire  les  actes  qui  appartien- 
«  nentàla  juridiction.  «Le  prince  de 
Croy  eût  voulu  «pie  la  querelle  lût  sans 
délai  examinée  à  fond  et  jugée  d'une 
manière  positive;  mais,  par  respect 


QUE 

pour  le  dësir  du  roi,  il  se  prêta  à  une 
transaction  qui  ne  termina  point  le 
différend.  Le  grand-aumônier  ayant 
adressé,  au  commencement  du  carê- 
me de  1823,  un  mandement  anx  au- 
môniers de  rarme'e,  ceux  di-s  régi- 
ments en  garnison  à  Paris  reçurent, 
au  moment  même  de  la  messe  mili- 
taire où  ils  en  devaient  faire  la  lec- 
ture, défense  par  l'arche vèque  d'y 
procéilersous  peine  d'interdit.  Le  car- 
dinal de  Bausset  e'crivit  un  projet 
d'accomodement  que  sa  mort  empê- 
cha de  proposer.  M.  de  Vil  èle  char- 
gea al»rs  le  cardinal  de  La  Fare  d'exa- 
miner la  contestation  élevée  entre  le 
grdud-auniônier  et  l'archevêque  de 
Paris,  et  un  projet  fut  rédigé  par  ce 
prélat,  sons  le  titre  de  Cnncordance 
des  attributions  du  grandanmônier 
de  France  avec  la  juridiction  de  l'or- 
din.iire.  Ce  ne  fut  qu'en  1826  qu'un 
règlement  du  roi,  concerté  par  M. 
d'Hermopolis  avec  M.  de  Qnelen, 
sans  la  participation  du  prince  de 
Croy,  fit  cesser  le  conflit  entre  l'ar- 
chevêché et  la  grunde-aumùnerie 
dont  il  restreignait  les  attributions, 
en  favorisant  pleinement  la  juridic- 
tion de  l'ordinaire.  Pendant  le  cours 
de  ces  négociations  qui  durèrent  plu- 
sieurs années;  bien  des  lettres  furent 
échangées,  plusieurs  mémoires  rédi- 
gés, des  protestations  constatées,  et 
aux  yeux  du  public  étranger  au  véri- 
table état  d'une  question  si  complexe 
et  si.  délicate,  le  bon  droit  parut  être 
du  côté  du  prince  de  Croy,  qui  pré- 
tendait ne  vouloir  que  ci-n^erver  les 
règlements  tracés  par  M.  de  Quelen, 
alors  qu'il  était  vicaire  général  de  la 
graude-iuuiônerie.  Aussi  celui-ci,  un 
peu  presse  par  les  arguments  de  son 
dveisdire,  lui  écrivait-il  :  «  Quand 
-  par  une  concession  momentanée, 
«  je  conviendrais  que,  dans  un  temps, 
•  j'avais  cru  que  le  grand-aumônier 


QUE 


203 


«  pouvait  valideraent  exercer  une  ju- 
«  ridiction  spirituelle,  telle  que  je  la 
«  récîame  pour  moi  en  qualité  d'ar- 
«  che\  êque,  qne  pourrait  cet  aveu 
«  Cintre  les  principes  qui  établissent 
■  d'une  manière  indubitable  la  juri- 
«  diction  de  l'ordinaire?  Ou  bien  en- 
«  core,  si  je  vous  accordais  qne,  forcé 

•  d'examiner  de  p'us  près  des  ma- 

•  tières  qui  m'intéressaient  davaur 
«  tage,  de  nouveaux  devoirs,  des  rcr 

•  marqnes  nouvelles,  des  discussioas 

•  plus   approfondies,   des  autorités 

•  plus  décisives,  m'rmt  enfin  déirom- 
«  pé,  aurais  je  perdu  pour  cela  le 
«  droit  à  une  juridiction  dont  le  plus 
«  solennel  de  mes  serments  m'inter- 
«  dit  de  faire   jamais  un  abandon 

•  inaliénable  ?•  On  nous  permettra  de 
rapporter  ici  les  paroles  que  M.  de 
Quelen  nous  a  répétées  plusieurs 
fois  :  «  J'ai  fait  une  guerre  franche 

•  au  grand-aumônier,  parce  que  je 
«  voulais    mettre   les  droites  et  les 

•  prérogatives  de  l'archevêque  à  cou- 

•  vert  de  toutes  les  prétentions  ul- 
«  térieures.  Je  voyais  un  prince  du 

•  sang  royal  qui  avait  une  nombreuse 
<  famille,  et  la  dignité  de  grand-au- 

•  môiiier  pouvait  le  tenter  pour  un 
o  de  ses  eufdUts.  Je  pensais  à  l'ave- 
«  nir.  >  11  parait  que  l'avenir  n'avait 
pas  révélé  à  l'archevêque  de  Paris 
que  ce  prince  songeait  à  d'autres  des 
tinées  pour  ses  enfants.  A  l'occasion 
de  la  mort  de  Louis  XVllI,  ce  conflit 
agita  assez  vivement  Tupinion  publi- 
que. Le  clergé  de  Pans  n'avait  point 
paru  aux  funérailles  de  ce  prince; 
on  s'en  prenait  tour  à  tour  augrand- 

""aumônierià  l'archevêque;  des  bruits 
calomnieux  circulèrent  même  sur  les 
derniers  moments  de  L<juis  XVIII. 
L'archevêque  se  contenta  de  répoudre 
pour  sa  justification:  «  Je  n'ai  pas  reçu 

•  un  seul  mot  d'avis,  et  l'on  n'aurait 
«  pas  manque  de  m'accuser  encore 


204 


QliE 


«  d'usurpation  si  je  m'étais  présenté 
«  avec  mon  clergé  pour  présider  au 
«  transport.  »  L'Académie  française 
s'honora  en  appelant  dans  son  sein 
un  prélat  doué  d'un  esprit  si  aimable 
et  dont  les  écrits,  didés  par  les  de- 
voirs de  son  état,  respiraient  une 
heureuse  facilité  et  une  onction  tou- 
chante. Il  y  remplaça  le  cardinal  de 
Bausset,  et  il  fut  reçu  dans  la  séance 
du  25  nov.  1824.  L'aréopage  litté- 
raire jugea   le  discours  écrit  avec 
autant  de  pureté  que  de  goût  et  de 
noblesse,  et  il  l'interrompit  par  de 
fréquents  applaudissements.  Le  jour- 
nal le  Consiitutionnel,  toujours  fi- 
dèle à  son  système  de  dénigrer  tout 
ce  qui  sortait  d'une   plume  ecclé- 
siastique, affirma  seul  que  le  dicours 
du   récipiendaire  avait    l'air    d'une 
homélie.  Sa  mauvaise  humeur  ne  fut 
pas  même   adoucie   par  cette   pro- 
sopopée  brillante   qui  déplut  à   la 
cour  et  qui  renfermait  un  éloge  de 
M.  de  Chateaubriand ,  appartenant 
alors  à  l'opposition:  "  Salut,  ô  génie  du 
"  christianisme  !  toi  qui  comptas  tou- 
«  jours  au  nombre  de  tes  pins  belles 
«  conquêtes  le  royaume  de  Clovis,  de 
«  Oharlemagne  et  de  saint  Louis,  et 
"  qui,  après  tant  de  fautes,  après  tant 
«  de  dispersions  et  de  discordes,  re- 
«  parus  de  nos  jours  pour  réconcilier 
«  les  lettres ,  les  sciences  et  les  arîs 
«  avec  la  religion ,  connue  tu  as  en- 
«  suite  réconcilié  la  France  avec  la 
"  monarchie!  C'est  toi  qui  dictas  à 
"  un  noble  chevalier  ces  pages  élo- 
«  quentes,  qui  préparèrent  deux  res- 
«  laurations, monument  dnrabled'une 
«  gloire  que  toutes  les  fiveurs  de  la 
«•  fortune  et  tontes  ses  rigueurs  ne 
"  sauraient  ni  éclipser,  ni  affaiblir  : 
«  salut!  Achève  maintenant  Ion  ou  ■ 
"  vrage,  couronne  atijourd'hni  nos 
»  vœux  et  nos  espérances,  étends  sur 
-  iioub  Ion  double  sceptre,  celui  de 


«  la  science  et  de  la  morale.  »  Le 
récipiendaire  avait  pris  pour  sujet  de 
son  discours  l'alliance  delà  religion 
avec  les  lettres,  les  sciences  et  les  arts, 
et  comme  ce  sujet  souriait  médiocre- 
ment à  la  presse  libérale,  elle  ne  tint 
aucun  compte  de  la  pureté  du  style 
et  de  l'élévation  des  idées.Après  avoir 
assisté  au  sacre  de  Charles  X  à  Reims, 
et  reçu  ce  prince  à  Notre-Dame ,  où 
un  Te  Deum  solennel  fut  chanté,  M.  de 
Quelen  résolut  de  s'éloigner  un  mo- 
ment de  son  diocèse  et  de  visiter  l'I- 
talie. On  fit  courir  dans  le  temps  les 
bruits  les  plus  ridicules  sur  ce  voya- 
ge :  tantôt  c'était  un  exil  momenlané 
que  lui  infligeait  la  cour,  et  il  était 
inconsolable  d'avoir  encouru  la  dis- 
grâce de  la  famille  royale;  tantôt  la 
politique  n'était  pas  étrangère  à  son 
excursion,  et  une  mission  secrète  de 
la  pins  hante  importance  lui  était 
confiée.  Parmi  tons  les  motifs  qu'on 
alléguait,  on  oubliait  le  plus  simple  et 
le  seul  vrai,  l'intérêt  de  h  santé  de 
rarchevêque,gravementcomproniise; 
et  il  était  naturel  qu'il  se  décidât  à 
diriger  ses  pas  vers  Rome,  au  moment 
où  le  jubilé  réunissait  de  tous  h-s  cô- 
tés, dans  la  ville  sainte,  l'affliience 
des  pieux  fidèles.  Le  pape  voulut  qu'il 
fût  logé  au  palais  de  \  Apollinaire  et 
défrayé  aux  frais  du  gouvernement 
ponîiiical.  Dans  une  des  audiences 
qu'il  lui  accorda,  il  lui  dit  avec  bonté 
qu'il  ne  fallait  pas  qu'il  oubliât  de 
voir  l'illumination  de  Saint-Pierre 
et  surtout  le  feu  d'artifice  du  châ- 
teau Saint  -Ange.  "  Monseigneur, 
"  vous  quittez  Reims,  vous  en  avez 
..  vu  la  cathédrale;  nous  avons  or- 
"  donné  de  vous  la  faire  voir  encore  : 
•■■  avant  la  girandole,  les  décorations 
»  du  loii  représenteront  la  façade  de  la 
..  cathédrale  de  Reims;  nous  en  avons 
■  donné  nous-méme  une  gravure  pour 
'  que  les  artistes  ne  négligeassent  au- 


(>U£ 

^  f.m détail.-  LejourdelaSainl-Pierro 
on  voulait  qu'il  fût  assistant  au  irôno 
pontiOcal  ;  rarchevêque  de  Paris  dé- 
clina cet  honneur,  et  il  se  rendit  à  la 
tribune  diplomatique  où  le  duc  de  La- 
val lui  avait  réservé  une  place.  L'am- 
bassadeur de  France  lui  ayant  deman- 
dé s'il  se  proposait  de  visiter  le  car- 
dinal Fesch,  il  répondit  :  «  Comme 

-  Français,  je  suis  venu  voir  le  npré- 
"  sentantdu roi; comme prêtreetcoin- 
«  me  évoque,  ma  première  visite  dans 

-  Rome  est  pour  le  souverain  pontife; 

-  en  quittant  l'audience  de  sa  Saiu- 
tet*^,  la  reconnaissance  me  conduira 

-  chez  le  cardinal  k  qui  j'ai  tautd'o- 
'  bligatioiis.  '<  Il  visita  Naples,  obtint 
ensuite  une  nouvelle  audience  de 
Léon  XII,  qui,  en  témoignage  de 
bienveillance,  lui  tit  remettre  deux 
bustes  de  saint  Pierre  et  de  saint 
Paul,  semblables  à  ceux  qui  ornent 
l'église  de  Saint-Jean-de-Latran.  Ces 
deux  bustes  furent  confiés  à  la  garde 
du  chapitre  dans  le  trésor  de  Notre- 
Dame  de  Paris.  Le  duc  de  Laval  vou- 
lut accompagner  l'archevêque  de  Pa- 
ris dans  cette  dernière  audience  du 
pape,  qui  les  accueillit  avec  une  sin- 
cère cordialité.  On  parla  des  mauvais 
livres  qui  partaient  de  la  France  com- 
me d'un  foyer.  Le  pape,  après  avoir 
déploré  les  m  ilheurs  du  temps,  s'in- 
terrompit et  dit  :  "  Mais,  messieurs, à 

-  côté  des  mauvais  livres,  empêche-t- 
«  on  de  publier  les  bons?  —  Non,  très- 
"  saint-père. — Eh  bien,  messieurs, 
«  rendons  grâces  k  Dieu,  le  mal  ainsi 
«  se  neutralise.  Il  y  a  des  époques  où 
«  les  mauvais  livres  paraissent  seuls 
»  sans  qiife  les  bons  puissent  se  repro- 

-  duire.  »  M.  de  Quelen  laissa  k  Rome 
le  souvenir  le  plus  aimable  de  la  dou- 
ceur cl  des  agréments  de  sa  société, 
en  même  temps  qu'il  enchanta  le  sa- 
cré Collège  et  les  personnages  de  dis- 
liuction  qui  affinent  dans  cette  ville, 


OLE 


305 


par  la  noblesse  de  ses  manières  et  la 
dignité  de  son  caractère.  Les  Romains 
prétendent  qu'un  évêque,  quelque  cé- 
lèbre qu'il  soit,  est  peu  remarqué  à 
Rome,  et  que  la  pourpre  seule  y  jette 
de  l'éclat.  Un  personnnge  émineut  le 
rappelait,  il  y  a  quelques  années,  à 
un  Français  qui  se  permit  de  lui  ré- 
pliquer :  «  Monseigneur  de  Quelen  a 

-  donc  passé  ici  inaperçu! — Oh!  non, 

-  seul  il  nous  a  prouvé  qu'on  pouvait 
"  faire  sensation  k  Rome  sans  être 

<  cardinal ,  mais  aussi  quelle  gran- 
"  deur,  quelle  élégance  parfaite!  Le 
"  peuple  se  rangeait  sur  son  passage 
"  et  le  montrait  au  doigt  en  s'écriant  : 

•  l'arcivescovo  di  Parigi  !  »  En  quit- 
tant Rome,  pour  regagner  son  dio- 
cèse ,  l'archevêque  s'arrêta  k  Flo- 
rence, où  il  arriva  le  24  juillet  1825, 
et  le  surlendemain  M"*  de  Feuchères 
écrivait  au  duc  de  Bourbon  :  »  L'ar- 

•  chevêque,  qui  a  refusé  de  venir  en 
«  votre  palais,  parce  que  j'y  étais,  est 

<  venu  me  voir  en  se  rendant  k  Paris 

-  pour  la  fête  du  1.'»  août  et  a  été  fort 
•'  aimable  avec  moi.  Dans  les  vingt- 
.■  quatre  heures  de  son  séjour  ici ,  il 

-  nous  a  fait  une  seconde  visite  ,  te- 

•  nant  k  la  main  un  bouquet  qu'il 
«  nous  a  laissé  comme  un  petit  sou- 
«  venir.  "  L'avocat  de  M"'*  de  Feu- 
chères  lut  cette  lettre  en  1831 ,  en 
pleine  audience,  k  l'occasion  du  tes- 
tament du  duc  de  Bourbon,  et  il  l'in- 
voqua comme  une  justification  victo- 
rieuse de  la  conduite  et  de  la  position 
de  sa  cliente.  L'archevêque  voulut  ré- 
tablir les  faits  dans  toute  leur  vérité 
par  unelettre  qu'il  adressa  à  M.  Debel- 
leyme,  président  du  tribunal  devant 
lequel  avaient  lieu  les  débats.  C'était 
M"*®  de  Choulot,  nièce  de  son  prédé- 
cesseur, le  cardinal  dePérigord,  kqui 
il  avdii  rendu  la  visite  qu'elle  lui  avait 
faite  la  première.  Chez  elle  il  trou- 
va M"""  de  Feuchères,  et  l'histoire  dn 


306 


QUE 


bouquet  et  celle  des  autres  particulari- 
tésn'étaientqiiedepureinveniion. En- 
tre lesalMgations  de  M™"  de  Feuchè- 
res  et  la  dénégation  formelle  de  M.  de 
Quelen,  l'incertitude  ne  pouvait  con- 
tinuer :  la  prévention  la  plus  aveu- 
gle eût  seule  pu  admettre  un  doute 
injurieux.  A  son  retour  d'Italie,  le- 
prélat  perdit  sa  tante,  M'"*  la  prési- 
dente Hocquart,  par  un  affreux  évé- 
nement. Elle  était  allée  au-devant  de 
lui,  quand  sa  voiture  versa,  la  jeta 
sur  le  pavé  et  lui  brisa  la  tête. —  Les 
évêques  qui  avaient  assisté  au  sacre, 
s'étant  réunis  à  Paris,  résolurent  de 
demander  à  Charles  X  l'érection  d'une 
maison  de  hautes  études.  Ils  formu- 
lèrent leur  vœu  dans  un  mémoire 
présentéau  roi,  et  à  la  suite  duquel  pa- 
rut une  ordonnance  du  20  juillet  1825, 
contre-signée  par  l'évêque  d'Her- 
mopolis.  La  commission  termina  ses 
opérations  au  mois  de  juin  de  l'année 
suivante.  Mais  la  question  de  juridic- 
tion s'étant  représentée,  l'archevêque 
de  Paris  déclara  qu'il  n'appartenait 
qu'à  lui  de  nommer  aux  emplois.  La 
commission  contesta  cette  prétention 
ù  l'unanimité.  Enfin,  après  un  échange 
de  raisons  et  de  rélntations  diverses, 
l'archevêque  notitia  que,  défenseur 
des  droits  de  son  siège,  il  n'accorde- 
rait pas  les  pouvoirs  sacerdotaux  aux 
prêtres  qui  seraient  employés,  s'ils 
étaient  nommés  par  d'autres  que  par 
lui,  et  la  conmiission  ainsi  arrêtée, 
fut  obligée  de  se  séparer  sans  orga- 
niser l'école;  le  projet  même  fut  to- 
talement abandonné. C'était  l'époque 
OÙ  la  presse  libérale  évoquait  le  fan- 
tôme du  parti-prêtre  pour  ♦■ffrayer 
les  imaginations  faibles.  Affectant  de 
confondre  tout  le  clergé  avec  quel- 
ques disciples  aidents  de  M.  de  La- 
mennais séduits  par  sa  brillan-fe 
éloquence,  elle  signalait  avec  effroi 
des  maximes  ultramontaines  et  des 


QUE 

intrigues  vastes  et  ténébreuses  qui 
devaient  niellre  en  péril  la  monar- 
chie et  l'indépendance  nationale.  A 
toutes  ces  craintes  hypocrites,  les 
évêques  répondirent  par  une  décla- 
ration intitulée  :  Exposé  des  senti- 
ments des  évêques  qui  se  trouvent  à 
Paris,  sur  l'indépendance  des  rois 
dans  l'ordre  temporel.  Là  ils  réprou- 
vaient «  les  injurieuses  qualilications 
«  par  lesquelles  on  a  essayé  de  flétrir 
«  les  maximes  et  la  mémoire  de  leurs 
«  prédécesseurs  dans  l'épiscopat  ;  « 
et  ils  ajoutaient  qu'ils  «  demeuraient 
«  inviolablement  attachés  à  la  doc- 
«  trine  telle  qu'ils  la  leur  avaient 
«  transmise,  sur  les  droits  des  sou- 

•  verains,  et  sur  leur  indépendance 
«  pleine  et  absolue,  dans  l'ordre  tem- 
«  porel,  de  l'autorité,  soit  directe, 
«  soit  indirecte  de  foute  puissance 
«  ecclésiastique.  »  Si  la  signature  de 
M.  de  Quelen  ne  se  lisait  point  au  bas 
de  la  déclaration,  c'est  qu'il  ne  par- 
tageait pas  l'opinion  de  ses  collègues 
sur  l'opportunité  d'une  démarche 
collective,  et  qu'il  se  croyait  surtout, 
comme  archevêque  de  Paris,  appelé  à 
présider  les  réunions  d'évêques  te- 
nues dans  son  diocèse,  présidence 
que  ne  lui  avaient  pas  déférée  les 
auteurs  de  la  déclaration.  Cepen- 
dant le  6  avril  1826,  il  écrivit  k 
Charles  X  la  lettre  suivante  :  •  Sire, 

•  les  cardinaux,  archevêques  et  évê- 
«  ques  qui  se  trouvent  en  ce  moment 
«  à  Paris,  ont  cru  qu'il  était  bon  de 
«  rédiger  collectivement  un  exposé 
«  de  leurs  sentiments  sur  l'indépen- 
«  dance  de  la  puissance  temporelle 
«en  matière  purementcivile.  Quoi- 
a  que  cet  expose  ne  porte  point  uja  si- 
«  gnature,  je  n'en  professe  pis  moins 
«  la  même  opinion,  et  je  prie  Votre 
o  Majesté  de  ine  permettre  d  en  ilé- 
«  poser  entre  ses  mains  le  témoignage 
«  par  écrit,  comme  j'ai  eu  l'honneur 


QHE 

«  de  lui  en  faire  la  déclaration  de 
«  vive  voix.  Les  considérations  que 
■  j'ai  soumises  au  coi,  et  dans  les- 
«  quelles  la  réflexion  n'a  fait  que  me 

•  confirmer  davantage,  ont  pu  seules 
«  m'empêcher  de  signer  un  acte  qui 
«  renferme,  touchant  les  Jjornes  de 
«  l'autorité  spirituelle,  des  principes 
«  sur  lesquels  j'ai  eu  plus  d'une  fois 
«  l'occasion  de  m'expliquer.  même  en 
«  public,  et  au  sujet  desquels  je  ne 

•  Connais  point  de  discordance  parmi 

•  les  pasteurs  et  le  clergé  de  mon 
«  diocèse.  •  Lorsqu'il  fut  question  en 
1826  de  poser  sur  la  place  Louis  XV 
la  première  pierre  du  monument  ex- 
piatoire à  Louis  XVI,  l'archevêque 
écrivit  à  M.  de  Villèie  que  M"*  la 
dauphine  devrait  présenter  à  Char- 
les X  une  demande  d'anmistie  en 
faveur  des  régicides,  amnistie  qui 
serait  sigm'e  par  le  roi  sur  la  place 
même.  Comme  le  ministre  craignait 
de  rouvrir  les  plaies  encore  saignantes 
de  la  fille  de  Louis  XVI,  le  prélat 
insista  avec  force  et  développa  tout 
f  e  que  cet  acte  héroïque  aurait  d'heu- 
reux pour  le  trône  qu'il  aurait  raf- 
lermi,  et  de  favorable  à  la  religion 
dont  il  exprimait  si  bien  l'esprit; 
mais  le  ministre  ne  se  sentit  pas  le 
courage  d'en  parler  à  M™^  la  dau- 
•îhine,  et  le  vœu  de  l'archevêque,  ue 
tut  pas  accueilli.  Au  reste,  sacorres- 

'ondance  avec  M.  de  Villèie  sur  cette 
ifaire  doit  se  trouver  dans  les  cartons 
lu  ministère,  et  nul  doute  que  si  elle 
était  publiée,  elle  ne  fut  une  nouvelle 
preuve  que  M.  de  Quelen  s'est  tou- 
jours montré  le  digne  ministre  d'un 
Dieu  qui  a  prié  pour  ses  persécuteurs 
et  qui  est  mort  en  leur  pardonnant. 
Son  zèle  parut  redoubler  pendant  les 
exercices  du  jubilé;  il  donna  à  son 
clergé  les  conseils  et  les  avis  les  plus 
sages.  Les  esprits  étaient  si  suscep- 
tibles et  si  faciles  à  se  prévenir  ou  k 


QUE  Î07 

s'irriter,  qu'il  recommandait  sans 
cesse  d'opposer  la  douceur  à  la  vio- 
lence et  «  de  mettre  en  œuvre  cette 

•  charitéplusfortequelamortet  plus 
«  invincible  que  l'enfer,  dont  les  ad- 
«  mirables  inventions  ramènent  quel- 
«  quefois  l'impie,  le  désarment  sou- 
«  vent,  ou  parviennent  du  moins  à 

•  calmer  les  accès  de  sou  chagria  et  de 
o  ses  emportements.  »  Au  mois  d'août, 
il  fit  un  voyage  en  Savoie,  et  il  pré- 
sida dans  la  villed'Annecy  à  la  trans- 
lation des  reliques  de  saint  François 
de  Sales.  En  sortant  de  cette  ville  il 
voulut  voir  Genève,  et  la  nouvelle 
église  de  Ferney  érigée  par  les  soins 
de  l'évêque  de  Belley.  II  parcourut 
ensuite  une  partie  de  la  Suisse,  re- 
cueillant partout  sur  sou  passage  des 
témoignages  d'honneur  et  de  respect. 
Sa  sauté  se  fortifia  dans  ce  voyage  ; 
mais  un  nouveau  malheur  arrivé  dans 
sa  famille  l'affecta  profondément.  En 
rentrant  en  France,  il  apprit  la  mort 
presque  subite  de  son  frère,  le  comte 
Auguste  de  Quelen,  auquel  il  était 
tendrement  attaché.  En  même  temps, 
instruit  par  les  journaux  que  Talma 
était  dangereusement  malade,  il  se 
présenta  chez  lui  pour  le  rappeler  à 
des  sentiments  chrétiens  et  pour  lui 
faire  entendre  la  voix  de  la  religion  ; 
mais  il  ne  put  parvenir  jusqu'au  ma- 
lade qui,  dit-on,  n'était  pas  en  état 
de  le  recevoir.  Il  y  retourna  le  lende- 
main sans  plus  de  Succès.  Cependant, 
le  tragédien  averti  par  Dupuytrendes 
visites  du  prélat,  parut  touché  de 
ces  marques  d'intérêt  ;  son  neveu, 
Amédée  Talma,  déclara  même  peu 
après  au  célèbre  chirurgien  que  si 
l'archevêque  se  présentait  il  serait 
reçu  sans  md  doute,  et  qu'on  pouvait 
l'instruire  des  dispositions  de  son 
oncle.  L'archevêque  s'empressa  d'ac- 
courir ;  mais  il  essuya  de  nouveau  an 
refus  inattendu.  Dupuytreo  expri- 


?08 


(^L£ 


luanl  son  tHonncment  à  cet  «gard, 
Amédée  Talma  répondit  que  c'('tait 
un  malentendu,  et  qu'en  annonçant 
que  l'archevêque  serait  reçu,  il  avait 
compris  seulement  que  l'archevêque 
serait  reçu  par  lui,  Ame'de'e  Talma. 
«  On  sent,  disait  Dupuytren  dans  une 
«  lettre  adressée  au  Moniteur,  que  je 
«  n'avais  pas  de  réponse  à  faire  à  une 

•  pareille  explication,  et  je  laisse  au 
«  public   le  soin  d'en   apprécier  la 

•  valeur.  -L'archevêque  fut  phis heu- 
reux auprès  de  Caulaiticourt,  duc  de 
Vicence,  qui  lui-même  exprima  le 
désir  de  le  voir  à  ses  derniers  mo- 
ments, et  qui  en  effet  reçut  de  lui  les 
secours  de  l'Église.  Il  fut  aussi  ap- 
pelé au  lit  de  mort  du  comte  de  Sèze, 
de  Lally-ToUendal  ;  et  le  noble  pair 
et  le  courageux  défenseur  du  roi- 
martyr  moururent  consolés  par  les 
accents  de  sa  piété.  On  a  toujours  re- 
gardé la  dissolution  de  la  garde  na- 
tionale de  Paris,  en  1827,  comme  une 
des  plus  grandes  fautes  de  la  Restau- 
ration. L'évêque  d'Hermopolis  s'était 
opposé  dans  le  conseil  du  roi  à  cet 
acte  impolitique,  et  M.  de  Quelen  pen- 
sait comme  lui,  qu'il  fallait  se  con- 
tenter de  frapper  le  bataillon  qui  avait 
proféré  des  cris  séditieux.  Quelques 
jours  après,  comme  il  entrait  dans  le 
cabinet  du  roi,  le  prince  alla  au-de- 
vant de  lui  et  lui  serrant  forlement 
la  main,  il  lui  demanda  son  opinion 
sur  la  mesure  qu'on  venait  d'adopter. 

•  Sire,  dit-il,  je  lis  dans  l'Écriture 
«  que,  quand  le  Seigneur  frappe  le 
«  pasteur,  les  brebis  sont  dispersées. 
«  Le  Seigneur  a  frappé  tes  brebis,  le 
«  pasteur  est  dans  la  désolation.— Pas 
«  plus  que  moi,  repartit  Charles  X  ; 
«  pas  plus  que  moi,  mon  cher  arche- 
«  vêque.  Cela  n'est  que  pour  vous; 
«  car  si  on  le  savait,  Charles  X  pas- 
-  serait  pour  un  pauvre  roi.  »  Ce  fut 
peiit-clre  une  autre  faute  de  In  RIS- 


QUE 

lauration  (jue  la  dissolution  de  la 
chambre  des  députés  de  1827;  les 
élections  furent  hostiles  à  la  royauté, 
et  une  opposition  systématique  s<i 
forma  plus  redoutable  que  jamais 
contre  tous  les  actes  qui  émanaient 
du  ministère.  Le  pressentiment  d'un 
grave  danger  se  manifesta  dans  le 
mandement  que  l'archevêque  publia 
à  cette  occasion,  il  veut  qu'on  porte 
«  ses  regards  et  ses  vœux  vers  cette 
«  Providence  éternelle  qui  tient  en 
«sa  main  le  sort  des  nations,  qui 
«  prépare  elle-même  et  dirige  tous  les 
"  événements  selon  ses  desseins,  qui 
«  sait  employer  à  l'accomplissement 
«  de  ses  volontés  des  instruments 
«  souvent  aveugles,  et  qui  peut  faire 
«  servir  les  passions  les  plus  redou- 
«  tables  des  hommes  à  la  manifesta- 
«  tiou  de  ses  plus  grands  bienfaits.  • 
Pendant  le  ministère  Martignac,  la 
presse  ne  cessa  d'envenimer  toutes 
les  questions  religieuses ,  et  de  pour- 
suivre de  sa  haine  les  membres  les 
plus  influents  du  clergé.  Ne  trou- 
vant ni  dans  les  actes  administra- 
tifs, ni  dans  les^Jaroles  du  pasteur 
à  son  troupeau,  rien  qui  pût  le  com- 
promettre, elle  supposa  une  dissi- 
dence entre  l'archevêque  de  Paris 
et  son  chapitre;  mais  une  déclara- 
tion signée  des  vicaires  généraux 
et  de  tous  les  chanoines  de  Notre- 
Dame,  un  seul  excepté,  alors  à  l'ago- 
nie, détruisit  cette  calomnieuse  sup- 
position, et  constata  solennellement 
sa  profonde  vénération  et  son  respec- 
tueux dévouement  à  la  personne  de 
l'archevêque.  Le  nouveau  cabinet,  en 
prenant  la  direction  des  aflaires,  vou- 
lut satisfaire  les  exigences  de  l'opi- 
nion. Un  rapport  adressé  au  roi  par 
M.  Portails,  et  dans  lequel  on  expo- 
sait la  situation  de  l'instruction  pu- 
blique et  la  nécessité  d'un  examen 
approfondi  de  la  constitution  dos  éco- 


QUE 

les  secondaires  ecclésiastiques,  dési- 
gnait une  commission  spéciale  com- 
posée de  M.  l'archevêque  de  Paris, 
MM.  Laine,  Séguier,  Meunier,  Alexis 
de  Noailles,  i'évêqiie  de  Beauvais 
(Feutrier),  de  LaBourdonnaie,  Dupin 
aîné  et  de  Courville,  chargée  d'as- 
surer dans  toutes  les  écoles  ecclé- 
siastiques du  royaume  l'exécution 
des  lois,  et  de  faire  coordonner  toutes 
les  mesures  nécessaires  à  prendre 
avec  la  législation  et  le  droit  public 
des  Français.  M.  de  Quelen  fut  nom- 
mé président  de  celte  commission, 
et,  grâce  à  l'habileté  avec  laquelle 
il  dirigea  les  délibérations,  1^  ma- 
jorité se  déclara  pour  une  opinion 
conservatrice.  Un  rapport,  favorable 
à  l'existence  des  jésuites  dans  les 
diocèses  où  ils  étaient  établis,  et 
à  la  liberté  d'enseignement  dans  les 
petits  séminaires,  fut  adopté  par  cinq 
voix  contre  quatre.  Par  une  transac- 
tion pleine  de  sagesse,  on  y  accordait 
quelques  points  à  l'université,  afin 
d'en  obtenir  d'autres  dans  l'intérêt 
de  la  religion  et  du  clergé.  Mais  le 
ministère  n'adopta  pas  les  conclu- 
sions de  la  majorité,  et  bientôt  pa- 
rurent les  ordonnances  du  16  juin 
1828  qui  expulsaient  les  jésuites, 
limitaient  le  nombre  des  élèves  des 
petits  séminaires  à  un  maximum  de 
20,000,  et  contenaient  d'autres  me- 
sures prohibitives.  Charles  X,  avant 
de  signer  les  ordonnances,  voulut 
avoir  l'avis  del'évèque  d'Hermopolis, 
etil  le  chargea  de  former  une  réunion 
d'ecclésiastiques  composée  de  lui, 
des  archevêques  de  Paris  et  de  Bor- 
deaux, et  de  l'abbé  Desjirdins,  vi- 
caire-général du  diocèse.  Le  résultat 
de  la  délibération  fut  à  l'unanimité  : 
1°  que  l'ordonnance  leur  paraissait 
avoir  plus  d'inconvénients  que  d'a- 
vantages; 2»  qu'aucun  d'eux  ne  vou- 
drait prendre  sur  lui  de  la  contre-si- 

LXWIII. 


QUE 


309 


gner  ;  3°  que  le  roi  voyait  les  choses 
de  plus  haut  qu'eni  :  qu'il  était  juge, 
par  sa  qualité  de  roi,  de  la  position 
politique  de  son  gouvernement  ;  que 
si,  pour  des  motifs  puisés  dans  un 
ordre  supérieur,  dans  la  nécessité, 
il  croyait  devoir  prendre  cette  mefure, 
ils  n'oseraient  prononcer  qu'elle  est 
condamnable.  L'archevêque  aurait 
désiré  que  l'évêque  d'Hermopolis  ne 
dît  rien  au  roi  du  troisième  article 
de  la  décision  convenue.  La  chos« 
était  impossible,  c'eût  été  taire  au 
roi  précisément  ce  qu'il  lui  importait 
de  savoir.  M.  de  Quelen,  croyant  que 
sa  pensée  avait  été  mal  rendue,  écri- 
vit au  roi  une  lettre  que  ce  priuce 
s'empressa  de  communiquer  à  l'évê- 
que d'Hermopolis.  Celui-ci  protesta 
qu'il  avait  rapporté  fidèlement  ce 
qui  avait  été  convenu  unanimement 
dans  la  réunion.  Les  ordonnances 
n'en  furent  pas  moins  signées.  Uo 
mémoire  fut  présenté  alors  au  roi 
par  le  cardinal  de  Clermont-Ton- 
nerre,  qui  le  signa  au  nom  de  l'épis- 
copat  français,  dont  il  était  le  doyen  ; 
il  était  aisé  d  y  reconnaître  la  touche 
ferme,  noble  et  mesurée  de  l'arche- 
vêque de  Paris.  Une  note  adressée 
de  Rome  par  le  cardinal  Bernetti  à 
l'archevêque  de  Reims,  dans  laquelle 
on  disait  qu'il  fallait  se  confier  en  la 
sagesse  du  roi,  modifia  un  peu  les 
sentiments  des  évêques  de  France. 
C'est  à  cette  note  que  l'archevêque 
de  Paris  fit  allusion  quand  il  di- 
sait avec  un  grand  bonheur  d'expres- 
sions qui  fut  remarqué,  dans  sa  lettre 
pastorale  du  11  nov.  1828  :  «  Les  au- 
«  gustes  chefs  de  l'Église  et  de  l'État 
«  se  sont  communiqué  leurs  pensées 
«et  leurs  désirs;  le  Seigneur,  in- 

•  clinant  vers  lui  ces  deux  volontés 
<  suprêmes,  les  a  réunies  dans  en 
«  même  esprit  de  sagesse  et  de  con- 

•  ciliation  ;  enfin,  l'épiscopat  fraO' 

U 


210  QUE 

«  çais,  presque  unanime  cette  fois 
«  comme  la  première,  malgré  les  ob- 
«  scurités  qui  enveloppaient  une  af- 
«  faire  si  délicate  et  si  pénible,  s'est 
«  cru  suffisamment  autorisé  à  se  sou- 
«  mettre  à  des  mesures  que,  d'un 
•  côté ,  l'intervention   pacifique  et 
«  persuasive  du   vicaire  de  Jésus- 
«  Christ,  et,  de  l'autre,  la  noble  et 
«  pieuse  condesceniiance  du  fils  de 
«  saint  Louis,  paraissent  avoir  ren- 
«  dues  désormais  tolérables  à  la  con- 
«  science.  »  Il  connaissait  la  profonde 
sagesse  de  Léon  Xll,  et  devant  une 
parole  qu'on  disait  émanée  du  Saint- 
Siège,  il  fil  taire  toutes  ses  répugnan- 
ces. Quand  ce  pape  mourut,  il  lui 
paya  un  juste  tribut  de  regrets  et  de 
vénération,  tandis  qu'il  prémunit  en 
même  temps  les  fidèles  contre  l'es- 
prit de  système  qui  menaçait  l'Église 
d'une  guerre  intestine.   L'abbé  de 
Lamennais  se  reconnut  aux  paroles 
du  mandement,  et  il  fit  paraître  deux 
lettres  à  l'archevêque  de  Paris,  em- 
preintes d'une  ironie  amère  et  de  con- 
seils pleins  de  fierté  et  de  dédain. 
M.  de  Quelen  ne  voulut  pas  compro- 
mettre la  dignité  de  son  ministère  en 
engageant  une  polémique  avec  le  fou- 
gueux écrivain  qui  oubliait  toutes  les 
règles  de  subordination  et  les  lois  de 
la  plus  siOiple  convenance.  Il  se  tut  et 
il  pardonna.  Il  était  alors  occupé  à 
honorer,  par  un  acte  public  et  solen- 
nel, la  mémoire  de  saint  Vincent  de 
Paul  si  cher  à  la  France  el  à  l'huma- 
nité. On  n'a  pas  oublié  quelles  furent 
la  pompe  et  la  magnificence  de  la 
translation  des  reliques  du  saint  dans 
la  nouvelle  église  des  Lazaristes  de 
la  rue  de  Sèvres  ;  mais  tandis  que 
la  religion  applaudissait  à  ces  hon- 
neurs éclatants  rendus   à   un  prê- 
tre qui  avait  couvert  la  France  en- 
tière des  monuments  de  sa  charité, 
la  pç^sse  irréligieuse  faisait  entendre 


QUE 

ses  clameurs  et  se  permettait  d'indi- 
gnes railleries  sur  cette  expression 
admirable  de  la  piété  et  de  la  recon- 
naissance publiques.  Dès  lors  on  put 
prévoirqu'une  terre  d'où  s'exhalaient 
ces  dérisions  et  ces  calomnies  contre 
un  saint  qui  fut  l'ami  de  tous  les  mal- 
heureux était  menacée  de  quelque 
grande  catastrophe  :  au  temps  de  Di- 
derot et  de  D'Alembert  on  eût  mieux 
apprécié  celte  cérémonie,  non  moins 
nationale  que  religieuse.  Toutefois, 
cette  translation  solennelle  fut  une 
éloquente  protestation  contre  l'indif- 
férence du  siècle  ;  elle  servit  à  réveil- 
ler la  foi  dans  quelques  cœurs;  elle 
manifesta   les  sentiments  qui   ani- 
maient le  clergé  français  pour  celui 
qui  fut  l'honneur  du  sacerdoce  ;  el  le 
prélat,  dont  la  généreuse  piété  con- 
tribua le  plus  à  l'éclat  de  cette  belle 
cérémonie,  parut  puiser,  sur  les  cen- 
dres de  saint  Vincent  de  Paul,  cette 
charité  sublime  qu'il  devait  déployer 
plus  tard  dans  les  jours  affreux  du 
choléra.  On  prétend  qu'à  cette  épo- 
que MM.  de  Polignac  et  de  La  Bour- 
donnaie  lui  offrirent  le  portefeuille 
des  affaires  ecclésiastiques.  Il  était 
trop  clairvoyant  pour  se  faire  illusion 
sur  les  difficultés  qu'allait  rencontrer 
à  chaque  pas  l'administration  nou- 
velle :  sa  présence  au  conseil  eût  été 
un  embarras  de  plus,  et  il  refusa. 
Quoique  contrarié  par  ce  refus,  le 
ministère  ne  lui  eu  fit  pas  moins  don- 
ner, au  mois  de  mai,  le  cordon  de  l'or- 
dre du  Saint-Esprit.  Il  se  souviut  que, 
deux  mois  auparavant,  M.  de  Que- 
len avait  présenté  au  roi  le  contrat 
d'acquisition  du  domaine  de  Cham- 
bord,  «qu'une  ingénieuse  pensée  vou- 
«  lut  dédier  au  fils  de  la  Restauration 
«  en  mémoire  du  bonheur  de  sa  nais- 
«  sance,  >  disait  le  prélat  au  nom  de 
la  commission  dont  il  était  président. 
Après  la  prise  d'Alger,  il  partageai» 


QUE 

joie  de  tous  les  bons  Français  sur  les 
glorieux  succès  de  nos  armes,  et  il 
e'pancha  ses  sentiments  dans  un  man- 
dement qu'il  publia  à  cette  occasion. 
Quand  le  roi  Cliarles  X  se  rendit  à  No- 
tre-Dame, l'archevêque  lui  adressa  ce 
discours  qui  lit  jeter  des  cris  de  fureur 
à  touie  la  presse  libérale,  et  qui  le  lit 
accuser  d'être  uu  des  fauteurs  des  or- 
donnances de  juillet,  ou  au  moins  d'ê- 
tre ddus  lacoubdence  des  projets  que 
tramait  la  couronne  contre  la  liberté' 
du  peuple.  Le  bon  sens  va  en  décider  : 

■  Sire,  ,que  de  grâces  en  une  seule; 
«  quel  sujet  plus  digne  de  notre  re- 
«  connaissance  aussi  bien  que  de  no- 
«  tre  admiration  que  celui  qui  amené 
«  aujourd'hui  Votre  Majesté  dans  le 
•>  temple  de  Dieu  et  au  pied  des  au- 
«  tels  de  Marie  !  La  France  vengée, 
«  apprenant  encore  une  fois  quelle 

■  peut  se  reposer  sur  vous  du  soin 
«  de  sa  gloire  comme  de  son  bonheur; 

•  l'Europe  alfrduchie  d'uu  odieux  tri- 

•  but,  béuissaut  votre  sagesse  et  vo- 
«  tre  puissance  ;  la  mer  purgée  de 
<  piraies,  abaissant  sous   vos  voiles 

■  ses  tluts  pdisibies  ;  le  cumuierce  sa- 

■  luaniavtc  amour  votre  pavillon  res- 

•  pecté;  l'humanité  triomphant  de  la 

■  barbarie  ;  la  croix  victorieuse  du 

•  croissant  ;  les  déserts  de  l'Afrique 

■  retentissant  des  hymues  de  la  foi  ; 
u  la  religion  long-temps  captive  sur 
«  une  terre  désolée,  vous  proclamant 

•  son  hberaieur  !!!  Fils  de  saint 
«  Louis,  quel  motif  plus  légitime  de 
«  consolation, dejoie  pour  votre  cœur 
«noble  et  généreux;  et  pour  nous, 

•  vos  fidèles  sujets,  quelle  juste  cause 
«  d'allégresse  et  de  transports  !  Ainsi 

•  le  Tout- Puissant  aide  au  roi  très- 
«  chrétien  qui  réclame  son  assistance. 
«  Sa  main  est  avec  vous,  Sire  ;  que 

•  votre  grande  àme  s'affermisse  de 
«  plus  en  plus;  votre  confiance  dans 
«  le  divin  secours  et  dans  la  protec- 


QUE 


211 


>  tien  de  Marie,  mère  de  Dieu,  ne 
«  sera  pas  vaine.  Puisse  Votre  Majesté 
«  en  recevoir  bientôt  encore  une  nou- 
«  velle  récompense!  Puisse- 1- elle 
«  bientôt  venir  encore  remercier  le 
«  Seigneur  d'autres  merveilles  non 
■  moins  douces  et  non  moins  écla- 
«  tantes!  ■  Ces  dernières  paroles  de 
l'archevêque  servirent  de  prétexte  à 
tous  les  outrages  et  à  toutes  les  per- 
sécutions que  lui  fit  subir  l'efferves- 
cence populaire.  On  ne  lui  pardon- 
nait point  d'avoir  exprimé  le  désir 
que  Charles  X  pût  venir  remercier  le 
Seigneur  d'autres  merteiltes  non 
moins  douces  et  non  moins  éclatan- 
tes. Mais  l'autorité  n'était-elle  pas 
avilie  chaque  jour  par  des  écrits,  par 
des  bruits,  par  des  caricatures,  par 
tous  les  moyens  que  pouvait  imaginer 
la  haine?  Ne  poussait-on  point  la 
royauté  dans  un  défilé  d'où  elle  ne 
pouvait  sortir  que  par  un  coupd'Eiat? 
Ce  fut  à  peu  près  à  cetie  e'poque, 
quelques  jours  avant  les  ordonnances 
dejuillet,  que  le  prince  de  Talleyrand, 
étant  venu  voir  M.  de  Quelen  à  l'ar- 
chevêché, lui  dit  ces  graves  paroles  : 
«  Tenez  bon,  monseigneur,  ceci  est 
«  plus  ferme  (en  montrant  Notre- 
«  Dame)  que  les  Tuileries.  »  L'arche- 
vêque tint  bon,  et  la  révolution  de 
1830  ne  fit  que  donner  un  nouveau 
relief  à  sa  grandeur  et  à  ses  vertus 
épiscopales.  Le  lundi  26  juillet,  il 
était  venu  de  Conflans  à  Paris  pour 
présider  son  conseil,  et,  ayant  vu 
dans  le  Moniteur  les  ordonnances  de 
la  veille,  il  u'it  à  ses  grands-vicaires  : 

•  Tout  cela  est  bon  sur  le  papier, 

•  mais  tenons  bien  nos  têtes.  »  Pen- 
dant que  l'insurrection  éclatait  sur 
tous  les  points  de  Paris,  et  que  l'é- 
meute se  ruait  sur  l'archevêché  où 
elle  pillait  et  dévastait  tout,  le  prélat 
était  à  Conflans,  sans  se  douter  le 
moins  du  monde  que  sa  vie  courait 

14. 


212 


OLE. 


le  plus  grand  danger.  M.  Caillard, 
<;oti  ami,  médecin  de  l'Hôtel-Dieii, 
qui  avait,  entendu  les  cris  de  mort 
qu'une  foule  en  délire  poussait  contre 
son  pasteur,  accourut  en  toute  hâte 
auprès  de  lui  et  le  conjura  de  se  sau- 
ver au  plus  vite.  L'archevêque  vou- 
lut se  rendre  à  Paris,  au  milieu  de 
son  troupeau.  M.  Gaillard  lui  avait 
promis  de  le  cacher  à  l'Hôtel  Dieu-, 
mais  à  la  vue  des  rassemblements 
formés  de  tous  les  côtés,  le  prélat  fut 
obligé  de  se  réfugier  à  la  Salpètrière. 
Cet  asile  compromettait  encore  trop 
sa  sûreté,et  il  se  retira  chez  M.  Serres, 
médecin  de  la  Pitié,  qui  le  traita  avec 
tous  les  égards  dus  à  sa  position  et 
à  son  caractère.  M.  Lisfranc  partagea 
les  soins  généreux  de  son  confrère. 
Déjà  la  retraite  de  l'archevêque  chez 
M.  Serres  était  connue,  on  parlait 
de  rouler   sa  tête  au  peuple  pour 
l'empêcher  d'en  demander  d'autres. 
M.   Geoffroy-Saint- Hilaire  le  retira 
alors  chez  lui,  et  le  prélat  resta  près 
de  quinze  jours  dans  celte  maison, 
entouré  des  soins  les  plus  délicats  et 
les   plus  respectueux,   passant  ses 
soirées  à  faire  de  la  charpie  pour  les 
blessés  avec  la  famille  de  M.  Geof- 
froy. Après  le  9  août,  l'archevêque 
alla  remercier  la  reine  de  la  sollici- 
tude avec  laquelle  elle  avait  pourvu 
k  sa  sûreté.  La  princesse  le  supplia 
de  ne  pas  abandonner  son  diocèse, 
sa  présence,  ajouta-t-elle,  étant  plus 
que  jamais  nécessaire  à  la  religion, 
et  le  roi  étant  dans  l'intention  de  la 
protéger  de  tout  son  pouvoir.  L'ar- 
chevêque répondit  que  jamais  il  n'a- 
vait songé  à  quitter  son  poste,  et  qu'il 
y  mourrait   au  besoin.   A  quelques 
jours  de  là,  M.  de  Qiielen  eut  une  en- 
trevue avec  le  nouveau  roi  des  Fran- 
çais, et  dans  la  conversation  le  prince 
exposa  ses  sentiments  et  ses  projets 
ultérieurs,  que  les  circonstances  ne 


QUE 

lui  ont  pas  sans  doute  permis  de  réa- 
liser. Le  roi  Louis- Philippe  l'invita  à 
envoyer  quelqu'un  à  Rome  pour  con- 
sulter Pie  VIII  sur  les  questions  qui 
faisaient  alors  naître  parmi  le  clergé 
les  plus  vives  inquiétudes.  Dans  un 
moment  oii  le  clergé  était  l'objet  de 
tant  de  préventions,  le  départ  d'un 
ecclésiastique  n'eût  pas  été  sans  in- 
convénients. M.  Gaillard,  qui  avait  ac- 
compagné le  prélat  au  Palais-Royal, 
fut   celui  qu'on   destina  à  faire  le 
voyage  de  Rome  *,  il  était  porteur  pour 
le  saint-père  d'une  lettre  écrite  par  la 
reine  Marie-Amélie  et  d'une  lettre  de 
M.  de  Quelen.  M.  Gaillard  a  consigné, 
dans  la  Chronique  de  juillet  1830 
par  Rozet,  la  relation  de  son  voyage 
à  Rome.  Celte  relation  est  curieuse-, 
on  y  voit  l'ami  dévoué  de  l'archevê- 
que, l'homme  à  convictions  religieu- 
ses, mais  aussi  quelquefois  le  libéral 
préoccupé  de  vues,  de  tendances  po- 
litiques, qui  confond  sa  religion  et 
son  amitié  avec  ces  vues  et  ces  ten- 
dances, et  qui  malheureusement,  se- 
lon la  judicieuse  observation  de  M. 
Artaud,  a  essayé  de  faire  prévaloir 
ces  dernières,   sous  le  prétexte  de 
sa  mission.    Il  faut  lire  cette  re- 
lation  annotée   par    l'historien    de 
Pie  VllI.  On  y  rend  hommage  aux 
bellesqualitésqu'a  déployées  M.  Gail- 
lard, en  même  temps  qu'on  y  critique 
avec  une  grâce  parfaite  plusieurs  de 
ses  inexactitudes  et  de  ses  assertions 
erronées.  M.  Gaillard  était  chargé  de 
consulter  le  pape  sur  le  serment  de 
iidélité  et  sur  les  prières  pour  le  chef 
actuel  de  l'État.  Non  content  d'ex- 


poser de  vive  voix  ses  raisons,  il 
rédigea,  pendant  la  nuit  même  qui 
suivit  son  entretien  avec  le  pape,  un 
méri»oire  dans  lequel  il  expliquait 
l'objet  et  la  nature  de  sa  mission  et 
l'état  des  partis  en  France,  tel  qu'il 
le  concevait  à  son  point  de  vue.  Il 


QUE 

le  dicta  à  uû  de  ses  élèves  qui  rac- 
compagnait, le  fit  remettre  le  lende- 
main au  souverain  pontife,  et  se  ren- 
dit k  Naples  pendant  qu'on  Texa- 
ininait  et  qu'on  prenait  un  parti  sur 
sa  demande.  Ce  mémoire  décèle  l'a- 
gent poliiique  plus  que  l'envoyé  de 
M.  de  Quelen  ;  il  y  a  çà  et  là  des  pa- 
roles assez  pressantes  et  peut-être 
même  indiscrètes,  comme  le  recon- 
naît M.  Caillard  à  la  fin  de  son  récit. 
Le   pape  fit  inviter  l'archevêque  à 
prêter  le  serment,  s'il  lui  était  de- 
mandé :  c'était  un  conseil  et  non  pas 
un  ordres  ensuite  le  pape  engageait 
le  prélat  à  donner  «a  démission  de 
la  pairie,  sur  ce  motif  que  dans  l'état 
des  choses  sa  pairie  ne  pouvait  être 
d'aucune  utilité  ni  pour  lui  ni  pour 
la  religion.  Ce  serment,  suivi  d'une 
démission,  était  sans   dignité;   on 
croit  qu'il  avait  été  indiqué  par  les 
peureux  de  Paris.  Le  cardinal  Albani 
l'avait  approuvé,  et  Pie  VIII  ne  fai- 
sait là  que  répéter  un  avis  de  son 
conseil  ou  de  quelque  congrégation 
effrayée  par  les  événements.  M.  Gail- 
lard, retournant  en  France  à  petites 
journées,  laissa  écouler  le  temps  pres- 
crit pour  la  déchéance  de  la  pairie, 
et  délivra  .M.  de  Quelen  d'un  grand 
embarras  et  peut-être  d'une  faute. 
Proscrit  toujours  au  milieu  de  ses 
diocésains  et  obligé  de  se  cacher,  ce 
prélat  consolait  encore  les  malheu- 
reux des  débris  de  sa  fortune.  Un 
odieux  placard  affiché  sur  les  murs 
de  Paris  disait  que   la  commission 
chargée    de    réparer    les   désastres 
causés  dans    les  journées    de  juil- 
let avait  accordé  une  indemnité  de 
200,000  fr.  à  l'archevêque,  etjque  c'é- 
tait sans  doute  pour  le  dédommager 
de  la  perte  des  poignards  et  des  ba- 
rils de  poudre  trouvés  dans  son  pa- 
lais. Un  avis  du  préfet  de  la  Seine  in- 
séré dans  les  journaux  apprit  au  pu- 


QUE 


213 


blic  qu'il  était  faux  que  la  commission 
des  dommages  eût  rien  accordé  à  M. 
de  Quelen  pour  indemnité,  et  qu'il 
était  non  moins  faux  que  «les  poi- 
gnards et  des  barils  de  poudre  eus- 
sent été  trouvés  à  l'archevêché.  Lf 
préfet  n'avait  pas  besoin  de  justifier 
la  première  partie  de  son  assertion, 
et  la  seconde  ne  pouvait  être  accueil- 
lie que  par  la  stupidité  la  plus  niaise. 
En  novembre  i830,M.Odilon  Barrot, 
alors  préfet  de  la  Seine,  refusa  de  dé- 
livrer à  M.  de  Quelen  le  mandat  d'une 
somme  de  5,000  fr.  qui  lui  était  due 
pour  le  troisième  trimestre  de  l'in- 
demnité annuelle  de  20,000  fr.  votée 
par  le  conseil  du  département,  allé- 
guant, par  une  amère  et  cruelle  déri- 
sion,que  le  prélat  n'avait  pas  résidé 
dans  son  diocèse.Lorsqu'il  fut  nommé 
à  la  préfecture  de  la  Seine,  M. de  Bondy 
s'empressa  de  décliner  la  responsabi- 
lité de  cette  mesure  basée  sur  un  fait 
de  la  plus  insigne  fausseté,  et  il  fil 
délivrera  l'archevêque  le  mandat  au- 
quel il  avait  droit.  Ce  prélat  reparut 
le  11  janvier  1831  à  Notre-Dame  où 
il  dit  la  messe.  Le  16,  il  se  rendit  au 
Palais-Royal,  et  eut  une  audience  de 
Louis-Philippe,  auquel  il  parla  fort 
peu  de  lui-même,  beaucoup  de  l'état 
et  des  besuins  du  diocèse. Rassuré  par 
les  paroles  bienveillantes  du  prince, 
il  crut  pouvoir  faire  disposer,  à  ses 
frais,  quelques  pièces  du  palais  ar- 
chiépiscopal,indépendamment  du  se- 
cré'ariat  rouvert  dès  le  commence- 
ment de  novembre  et  d-ans  lequel  ou 
avait  classé  le  peu  de  papiers  et  de  re- 
gistres échappés  au  pillage,quanduue 
nouvelle  dévastation  rendit  inutiles 
toutes  ces  dépenses  et  les  laissa  à  la 
charge  du  prélat  qui  fut  obligé  plus 
tard  d'eu  acquitter  le  montant.  31.  d« 
Quelen  a  été  justifié,  par  les  hommes 
mêmes  du  pouvoir,  d'avoir  autorisé  le 
service  fuuèbre  du  duc  de  Bern  dan* 


214 


QUE 


réglisedeSaint-Germain-l'Auxerrois, 
et  cependant  c'est  cette  cérémonie  qui 
a  servi  de  pre'texte  aux  nouvelles  et 
inconcevables  fureurs  d'une  populace 
ameutée.  L'église  de  Saint-Geruiain- 
l'Auxerrois  saccagée,  la  croix  enlevée 
du  haut  des  édifices  religieux,  les 
derniers  débris  de  l'archevêché  jetés 
dans  la  Seine,  les  actes  d'un  vanda- 
lisme insensé  accomplis  sous  les  yeux 
de  l'autorité,  la  garde  nationale  as- 
sistant l'arme  au  bras  à  des  scènes  de 
pillage  et  de  destruction  parce  qu'elle 
n'avait  point  reçu  d'ordpes,  des 
hordes  de  voleurs  et  de  forçats  libé- 
rés à  sales  haillons  se  distinguant  au 
milieu  de  tous  ces  démolisseurs,  des 
cris  de  mort  proférés  contre  un  pon- 
tife proscrit,  dépouillé,  frappé  de 
tant  de  coups  à  la  fois,  et  innocent, 
tel  fut  le  spectacle  hideux  d'anarchie 
que  présenta  la  capitale  pendant  quel- 
ques jours  au  mois  de  février  1831. 
Un  mandat  d'amener  fut  décerné  con- 
tre M.deQueIen,et  le  conunissairede 
police  du  quartier  de  l'Observatoire 
eut  ordre  de  s'emparer  du  prélat. 
Aussitôt  MM.  Desjardms  etMalthieu, 
vicaires-généraux  de  Paris, se  trans- 
portent à  la  préfecture  de  police, 
prient  M.  Baude  de  leur  faire  con- 
naître les  raisons  qui  ont  motivé  le 
mandat  d'amener  contre  l'archevê- 
que, et  ils  offrent  de  se  constituer  pri- 
sonniers à  sa  place,  s'il  est  coupable. 
«  C'est  moi  seul  qui  suis  coupable, 
«  répond  M.  Baude,  j'ai  déjà  fait  re- 
«  tirer  le  mandat  d'amener.  «Dans  la 
séance  du  19  février,  le  comte  de 
Quelen,  député  des  Côtes-du-Nord, 
provoqua  des  explications  sur  ce 
mandat  décerné  contre  son  frère.  M. 
Baude  répondit  avec  franchise  :  «De 
«  nombreuses  calomnies  ont  pesé  sur 
«  la  tête  de  M.  l'archevêque  de  Paris. 
"De  nouveaux  renseiguemeuts,  un 
«  nouvel  examen  m'ont  paru  démon- 


QUE 

«  Irer  de  la  manière  la  plus  claire 
«  que  le  service  de  Saint-Germain- 
«  l'Aiixerrois  a  été  h\t  à  l'insu  de 
«  M.  l'archevêque  de  Paris  :dès  lors 
«  les  motifs  qui  avaient  déterminé  le 
«  mandat  d'amener  ayant  cessé  d'exis- 
«  ter,  j'ai  dû  le  retirer.  Je  le  déclare 
«  encore  :  M.  l'archevêque  de  Paris 
«  est  toujours  resté  avec  soin  étran- 
«  ger  à  la  politique,  il  .s'est  constam- 
«  ment  renfermé  dans  les  devoirs  et 
«  les  vertus  de  son  état.  Je  crois  que 
«  si  tous  les  ecclésiastiques  en  France 
«apportaient  le  même  esprit  dans 
«  l'accomplissement  de  leurs  devoirs, 
«  nos  troubles  seraient  bientôt  apai- 
«  ses.  »  Le  même  jour  il  lui  délivra 
une  attestation  honorable  conçue  à 
peu  près  dans  les  mêmes  termes.  Les 
événements  de  février  avaient  con- 
damné l'archevêque  de  Paris  à  une 
retraite  encore  plus  profonde,  mais 
il  n'en  veillait  pas  moins  sur  les  be- 
soins de  son  diocèse.  Apprenant  que 
l'ancien    évêque   constitutionnel  de 
Loir-et-Cher,  Grégoire,  étiit  dange- 
reusement malade,  il  lui  écrivit  une 
lettre  louchante  pour  lui  demander 
un  acte  de  soumission  et  de  repentir. 
Le   malade  refusa  avec  opiniâtreté 
toute  satisfaction,  et  fit  entrer  dans 
sa  réponse,  souscrite  d'un  titre  qui  ne 
lui  appartenait  pas,  des  plaintes  ridi- 
cules sur  les  fautes  du  clergé  et  sur  le 
rétablissement  des  jésuites.  Une  con- 
solai ion  du  moins  futofferte  vers  cette 
époque  à  M.  de  Quelen  :  quelques 
pieux  diocésains,  voulant  réparer  une 
injustice  dont  ils  gémissaient,  ouvri- 
rent à  son  insu  nue  souscription  pour 
le  rétablissemeut  de  l'archevêché.  Il 
arrêta  aussitôt   cet  élan  généreux, 
priant  ceux  qui  lui  témoignaient  de 
si  vives  symphaties  de  réserver  pour 
un  autre  temps  leurs  sacrifices.  Le 
choléra  s'approchait  alors  à  grands 
pas  de  la  capitale,  et  l'archevêque  de- 


QUE 

vait  rompre  son  ban  pour  prendre  sa 
place  au  chevet  de  l'indigent  et  du 
moribond. C'est  ici  peut-être  l'époque 
la  pins  glorieuse  de  Tépiscopat  de 
M-deQuelen.cellequi  devait  le  mieux 
dévoiler  tout  ce  qu'il  y  avait  de  gran- 
deur dans  son  caractère  et  de  sainte 
charité  dans  son  cœur.Elle  a  été  par- 
faitement appréciée  par  M.Moié  dans 
son  discours  de  réception  à  l'Acadé- 
mie française,  et  l'on  nous  saura  gré 
de  citer  les  nobles  paroles  d'un  ad- 
versaire politique,  mais  trop  géné- 
reux, trop  élevé  pour  ne  pas  applau- 
dir à  la  vertu,  à  l'héroTsme  chrétien 
qui  brilîenl  dans  le  camp  opposé. 
«Au  mois  de  février  1832,  le  fléau 
«  le  plus  épouvantable  dont  l'huma- 
«  nité  puisseêtre  atteinte,  le  choléra, 
'  éclate  parmi  nous.  Aussitôt  l'ar- 
«  chevéque  de  Paris  paraît  à  l'Hôtel- 

•  Dieu  pour  la  première  f.'is;  il  re- 
«  paraît  au  milieu  des  malades,  des 

•  mourants  entassés  par  la  contagion. 
.  Ce  n'est  pas  assez  pour  lui  des 
«  secours  si  abondants  que  la  cha- 

•  rite  chrétienne  lui  donne  à  distri- 
«  buer,  il  y  joint  l'abandon  de  son 
«  traitement;  il  veut  que  sa  maison 
«  de  Conflans  devienne  une  maison 
■  de  convalescents,  et  que  le  sémi- 
-  naire  de  Saint-Sulpice  soit  trans- 

•  formé  en  infirmerie.  On  le  voit 
«  transporter  des  cholériques  dans 
«  ses  bras,  et  si  l'un  d'eux  qu'il  bé- 
«  nissait  lui  crie  :  ■  Retirez-vous 
«  de  moi,  je  suis  l'un  des  pillards  de 
«  l'archevêché,    »  on    l'entend    ré- 

•  pondre  :  •  Mon  frère ,  c'est  une 
«  raison  de  plus  pour  moi  de  me  ré- 

•  concilier    avec  vous   et  de  vous 

•  réconcilier  avec  Dieu.  »  Enfin,  c'est 
«  dans   les   salles   de  l'Hôtel-Dieu, 

•  c'est  en  voyant  tant  de  pères  et  de 
•>  mères  de  famille  précipités  dans 
<  le  tombeau,  qu'il  conçut  l'idée  de 

•  cette  œuvre  admirable  des  orphe- 


QUE 


315 


<  lins  da  choléra.  Il  fallait,  pour  la 
«  fonder  et  en  assurer  l'avenir,  inspi- 
«  rer  de  nouveaux  efforts,  demander 
■  à  la  charité  publique  de  nouveaux 
«  sacrifices.  M.  de  Quelen,  qui  ne 
«  s'était  montré  dans  aucune  église, 
«voulut  s'acquitter  lui-même  de 
«  cette  mission.  On  annonça  qu'il 
«  prêcherait  à  Saint-Roch  pour  les 
«  orphelins  du  choléra.  Pauvres  et 
«  riches,  toutes  les  classes  de  la  po- 
«  pulation   parisienne  accoururent. 

•  De  longues  files  de  voitures  et  des 

•  flots  pressés  de  piétons  assiégeaient 
«  les  avenues  du  saint  lieu  où  la  voix 

•  du  prélat  allait  rompre  un  silence 
«  gardé  depuis  si  long-temps.  Que 

•  cette  scène,  dont  tant  de  personnes 

•  conservent  encore  la  mémoire,  se 
«  fût  passée  au  temps  de  saint  Vin- 
«  cent  de  Paul  ou  de  Charles  Borro- 
«  mée,  nous  ne  trouverions  pas  des 

<  pinceaux  assez  éclatants  pour  en 
«  consacrer  le  souvenir.  Laissons  au 
«  passé  toutes  ses  glo  res,  mais  n'a- 

•  moindrissons  pas  le  temps  présent; 

•  l'avenir,  soyez-en  sûrs,  lui  rendra 

•  toute  justice;  il  n'oubliera  pas  cet 

•  archevêque  de  Paris  rompaut  son 
«  ban,  sortant  de  la  retraite  où  la 
«  violence  et  la  persécution  l'avaient 
«  forcé  de  se  renfermer,  pour  de- 
«  mander  à  tous  les  pères,  à  toutes 
«  les  mères,  à  tous  ceux  qui  portent 

•  quelque  pitié  au  cœur,  d'adopter 
'  tant  d'enfants  auxquels  le  fléau  ve- 
«  nait  d'enlever  ceux  que  la  nature 
«  leur  avait  donnés  pour  les  nourrir 

•  et  les  protéger.  Serait-il  vrai  qu'il 

<  y  ait  pour  tous  les  hommes  dont 

•  la  vie  mérite  qu'on  la  raconte,  un 
«  moment,  une  journée  où  ils  arri- 
«  vent  aussi  haut  qu'il  leur  est  donné 
«  d'atteindre,  où  ils  sentent  au  plus 

•  intime  comme  au  plus  profond  de 
«  leur  âme  une  sainte  estime  d'cux- 

•  mêmes  qui  ne  saurait  être  surpas- 


na  QUE 

•  sée?  Tel,  croirions-nous  alors,  aurait 
«  été  pour  M.  de  Quelen  le  moment 
«  où,  descendant  de  là  chaire,  il  vit 
«cette  fouie  l'entourer,  l'étouifer, 
»  pour  ainsi  dire,  sous  l'abondance  de 
■  ses  offrandes,  les  femmes  se  dé- 
«  pouiller  de   leurs  bijoux  lorsque 
«  leur  bourse  était  épuisée,  et  le  pau- 
"  vre  lui-même  livrer  le  denier  dont 
«  il  allait  apaiser  sa  faim.  Trente-trois 
«  mille   francs  furent   ainsi  versés 
«  dans  ses  mains.  »  Il  prêcha  encore 
à  Notre-Dame  pour  la  même  œuvre 
le  29  décembre  1834,  et  il  recueillit 
30,000  fr.  Son  discours  fut  imprimé 
et  vendu  au  profit  des  orphelins  du 
choléra.  Peinture  des  mœurs,onction, 
piété,  beautés  du  langage,  tout  s'y 
trouve  réuni  au  degré  le  plus  émi- 
nent.  C'est  surtout  aux  livres  saints 
que  l'orateur  aime  à  emprunter  ses 
plus  brillantes  images,  et  il  semble 
inviter  par  son  exemple  les  prédica- 
teurs à  puiser  dans  ces  sources  sacrées 
où  Bossuet  retrempait  les  armes  de 
soji  éloquence,  et  où  Massillon  choi- 
sissait les  couleurs  pures  et  suaves 
dont  il  a  embelli  son  style  enchan- 
teur. Cette  peinture  du  choléra-mor- 
bus  est  de  la  plus  superbe  expression 
oratoire  :  «  Non ,  l'épée  d'Hérode  et 
«  de  ses  satellites  ne  fut  ni  plus  meur- 

•  trière  ni  plus  cruelle  envers  les  in- 
«  nocents  de  la  Judée,  que  ne  l'a  été 
«  pour  ceux  de  notre  pays  le  îalon 
«  glacé  de  ce  tyran  inflexible,  pour 

•  me  servir  des  expressions  de  l'Ecri- 

•  ture,  qui,  du  sein  de  la  fière  et  vo- 
«  luptueuse  Asie,  tombant  à  l'impro- 
«  viste  sur  les  royaumes  et  les  em- 

•  pires,  vint  en   personne  et  sans 

•  émissaires  se  promener  dédaigneu- 
«  sèment  sur  nos  têtes,  écrasant  sous 

-  son  pied  de  fer  nos  parents,  nos 

-  amis,  nos  familles,  sans  distinction 
«  d'âge,  de  sexe,  de  rang,  de  fortune  ; 

•  sans  avoir  égard  aux  plaintes  de 


QUE 

«  Rachel,  aux  gémissements  de  Jacob, 
«  aux  lamentations  de  Rama,  aux  cris 
«de  Bethléem,  à  la  consternation 
«  d'Israël  eu  effroi.  «Les  circulaires, 
les  mandements,  les  lettres  pastora- 
les qu'il  publia  pour  la  même  œuvre 
sont  aussi  très-remarquables,  et  ils 
resteront  comme  un  monument  du- 
rable de  son  active  charité.  Depuis 
cette  époque,  M.  de  Quelen  put  repa- 
raître en  public  avec  ce  que  je  ne  sais 
quoi  d'achevé  que  le  malheur  ajoute 
à  la  vertu;  les  sympathies  du  peuple 
lui  furent  rendues,  et,  si  le  pouvoir 
conserva  à  son  égard  quelques  restes 
de  défiance,  le  prélat  n'en  remplit  pas 
moins  en  toute  liberté  son  ministère 
au  milieu  de  la  reconnaissance  et  de 
la  vénération  générales.  Il  soutint  un 
procès  à  l'occasion  de  la  châsse  de 
saint  Vincent  de  Paul  que  la  dévas- 
tation de  l'archevêché  ne  lui  avait  pas 
permis  de  solder  entièrement.  H  se 
refusait  à  payer  des  intérêts  qui  n'é- 
taient pas  dus;  mais  les  tribunaux,  ju- 
geant que  l'orfèvre  avait  agi  en  quel- 
que sorte  comme  mandataire  plutôt 
que  comme  fabricant,  mirent  les  in- 
térêts à  la  charge  du  prélat.  De  pieu- 
ses souscriptions  vinrent  au  secours 
de  l'archevêque.  11  écrivit  une  letlre 
touchante  à  labbé  Châtel  pour  le  ra- 
mener  à  l'union    catholique;  mais 
toutes  les  supplications  furent  inu- 
tiles, et  les  farces  impies  du  prêtre 
apostat  ne  devaient  disparaître  que 
plus  tard  devant  les  injonctions  de 
la  police.  H  se  flatta  pendant  quelque 
temps  d'avoir  vaincu  la  résistance  de 
l'abbé  de  Lamennais,  dont  la  doctrine 
venait  d'être  condamnée  à  Rome.  Ou- 
bliant les  torts  de  l'irascible  écrivain 
qui  l'avait  traîné  lui  même  plus  d'une 
fois  dans  la  fange,  il  lui  tendit  la  main, 
obtint  qu'il  se  soumît  sans  réserve  au 
jugement  du  souverain  pontife  et  l'ea- 
conragea  dans  son  obéissance  si  chrc- 


QUE 

ticDoeet  si  sacerdotale.  Malheureuse- 
ment l'abbé  de  La  Mennais  n'y  persé- 
véra guère,  et  il  désola  tous  ceux  qui 
l'aimaient  en  lançant  son  cri  de  ré- 
volte dans  les  Paroles  d'un  Croyant. 
—  Chaque  année  la  tribune  de  l'as- 
semblée élective  retentissait  des  ac- 
cusations insensées  d'un  abbé  Pa- 
gancl  qui  rejelajt  sur  M.  de  Quelen  le 
pillage  et  les  vols  de  l'archevêché  dont 
celui-ci  avait  été  la  victime.  L'ac- 
cusation ne  pouvait  avoir  d'accès 
qu'auprès  des  spoliateurs;  toutefois 
le  vénérable  archevêque  de  Toulouse 
crut  devoir  prendre  en  main  la  cause 
de  son  illustre  collègue,  et  en  quel- 
ques lignes  insérées  dans  VAmi  de  la 
ReligionW  confondit  la  calomnie-  £n 
1834,  M.  de  Quelen  fonda  dans  l'église 
de  ISotre-Dame  un  cours  d'instruc- 
tions dogmatiques  sur  les  principales 
vérités  de  la  fui.  Il  ouvrit  lui-même 
cette  première  station  par  un  dis- 
cours que  l'élite  de  la  société  voulut 
entendre.  D'autres  orateurs,  avec  qui 
il  avait  arrêté  le  plan  et  la  méthode  de 
ces  instructions,  traitèrent  ensuite 
les  sujets  indiqués  selon  la  portée  et 
la  mesure  de  leur  talents.  Pour  être 
plus  agréable  à  la  jeunesse  et  pour 
mettre  plus  d'unité  dans  l'enseigne- 
ment des  vérités  religieuses,  l'arche- 
vêque fit  monter  dans  la  chaire  de  No- 
tre- Dame  l'abbé  Lacordaire,  et  après 
lui  l'abbé  de  Ravignan.  Ces  orateurs, 
si  différents  dans  leur  genre  et  dans 
leurs  manières,  mais  tous  les  deux 
d'un  incontestable  talent,  ont  tour  à 
tour  captivé  et  charmé  un  nombreux 
et  brillant  auditoire.  L'archevêque  se 
livrait,  plein  de  zèle,  à  tous  les  soins 
du  ministère,  lorsque  l'attentat  de 
Fieschi  le  mit  eu  rapport  avec  la  cour. 
Il  se  rendit  aux  Tuileries  accompagné 
de  ses  grands- vicaires,  manifesta  de 
vive  voix,  avec  son  vif  intérêt  et  sa 
douleur  amère  pour  le  sort  de  tant  de 


QUE 


'Ji 


victimes,  des  sentiments  sur  lesquels 
le  moindre  doute  serait  pour  un  éié- 
que,  ou  même  pour  tout  honnête  hom- 
me, la  plus  cruelle  des  injures  (t).  Il 
officia  dans  l'église  des  Invalides  au 
service  des  victimes  de  juillet.  Une 
escorte  d'honneur  lui  avait  été  don- 
née, et  elle  l'accompagna  également 
le  lendemain  à  Kotre-Dame  où  il  re- 
çut et  harangua  le  roi  Louis-Philip- 
pe. Le  langage  simple  et  digne  du 
prélat  n'obtint  pas  grâce  auprès  de 
quelques  journaux,  qui  se  plaigni- 
rent avec  amertune  de  la  parcimo- 
nie des  louanges.  Quand  Tattentat 
d'Alibaud  vint,  un  an  plus  tard,  épou- 
vanter  la  religion  et  la  société,  l'ar- 
chevêque se  présenta  encore  à  Neuilly, 
et  daus  sa  circulaire  du  28  juin  1836 
il  repoussa  comme  chrétien,  comme 
Français,  comme  homme  d'honneur, 
les  funestes  doctrines  dont  ce  crime 
était  le  fruit.  La  mort  de  Charles  X 
lui  fournit  une  nouvelle  occasion  de 
manifester  l'esprit  de  paix  et  de  cha- 
rité dont  il  était  animé. Il  défendit  à  ses 
curés  de  faire  des  services  solennels 
pour  le  repos  de  l'àme  du  roi  défunt, 
afin  de  «  prévenir  jusqu'aux  injustes 

•  susceptibilités  de  certains  esprits, 

•  hélasî  trop  disposés  au  blâme,  à  la 

•  censure,  quelquefois  aux  irritations 
<  et  à  la  violence,  lorsqu'il  s'agit  de 

•  juger  les  ministres  de  la  religion.  - 
Au  moment  où  l'archevêque  de  Paris 
agissait  avec  cette  circonspection  qui 
devait  plaire  au  gouvernement,  le 
ministère  présentait  aux  chambres 
une  loi  portant  que  cession  des  ter- 
rains occupés  jadis  par  le  palais  ar- 
chiépiscopal était  faite  à  la  ville  de 
Paris.  L'archevêque  protesta  contre 
cette  mesure  dans  une  déclaration 
énergique,  qui  fut  signée  par  tous  les 
membres  du  chapitre  de  la  métro- 
Ci)  Circulaire  aux  carès,  da  3  ao&t  i$33. 


2t8 


QUE 


pôle.  Le  garde  des  sfceaux  déféra  la 
déclaration  de  l'archevêque  et  l'ad- 
hésion du  chapitre  au  conseil  d'État 
qui  prononça  qu'il  y  avait  abus  dans 
ladéclaration  et  dans  l'adhésion, etqui 
les  déclara  supprimées.  «  En  1837,  dit 
«  M.  Mole  (2),  une  administration  qui 
«voulait  effacer  jusqu'à  la  trace  de 
«  nos  discordes  civiles,  ayant  rouvert 
«  les  portes  de  cette  antique  église 
«  de  Saint -Germain  -  l'Auxerrois,  il 
•  vint  bf'nir  ce  sanctuaire  profané 
«  d'où  était  parti  le  signal  du  sac  de 
«l'archevêché,  »  et  il  porta  ses  remer- 
cîmenls  au  prince  qui  venait  enfin  de 
mettre  un  terme  à  la  viduité  d'une 
grande  paroisse.  Il  n'eut  pas  la  con- 
solation de  voir  rendre  au  culte  divin 
l'église  de  Sainte -Geneviève,  qu'on 
destinait  définitivement  à   recevoir 
les  dépouilles  des  grands  hommes  de 
la  patrie.  Un  fronton,  sculpté  par  Da- 
vid, offrait  aux  regards  Fénelon  à  côté 
des  écrivains  impies,  licencieux  et 
corrupteurs,  et  M.  de  Quelen  écrivit 
à  son  clergé  pour  protester  contre 
cette  profanation.  Cependant,  au  mi- 
lieu de  ses  amertumes,   une  grande 
joie  était  réservée  à  son  épiscopat. 
Le   prince  de  Talleyrand  venait  de 
mourir  réconcilié  avec  l'Église.  Ses 
dernières  paroles  furent  comme  une 
action  de  grâces  pour  le  prélat  aux 
priires  et  aux  pressantes  sollicita- 
tions duquel  il  se  reconnaissait  rede- 
vable de  son  bonheur.  L'archevêque 
a   toujours  cru  que  sa  rétraclation 
avait  été  très-sincère,  et  un  des  amis 
politiques  du  célèbre  diplomate  dit 
quelques  jours  aprèssa  mort  :  «  C'est 

•  une  mort  qui  enterre  toute  l'école  de 

•  Voltaire.  »  Nous  avons  déjà  dit  que 
M.  de  Quelen  fut  souvent  appelé  au 


(a)  Discours  de  réception  à    l'Acadcmie 
frao<;aise. 


QUE 

lit  de  mort  de  plusieurs  fameux  per- 
sonnages :  Savary,  duc  de   Rovigo; 
l'ancien  archevêque  de  IMalines,  M.  de 
Pradt  ;  la  duchesse  d'Abrantès,  reçu- 
rent de  sa  main  les  secours  de  l'É- 
glise. Les  accents  de  son  âme  reli- 
gieuse et  sensible  réveillaient  le  re- 
pentir, et  une   pieuse    résignation 
adoucissait    les   derniers   moments 
d'une  vie  bénie  par  le  saint  pontife. 
Il  retarda  un  voyage  qu'il  voulait  faire 
en  Normandie  pour  ondoyer  le  comte 
de  Paris,  et  le  25  août  1838  il  an- 
nonça à  son  clergé  qu'un  Te  Deum 
lui  était  demandé  en  action  de  grâces 
de  la  naissance  d'un  prince  qui  venait 
de  recevoir  dans  l'Élat  le  titre  dé 
comte  de  Paris,  et  dans  l'Église  ca- 
tholique, par  le  saint  baptême,  celui 
de  chrétien,  d'enfant  de  Dieu  et  d'hé- 
ritier du  royaume  céleste.  Le  même 
jour  il  reparut  aux  Tuileries  pour  re- 
mercier le  roi  Louis-Philippe  du  bel 
ornement  qu'il  venait  de  donner  à  No- 
tre-Dame, et  d'une  sommede25,000fr. 
destinée  aux  œuvres  de  chanté.  Par 
un  sentiment  de  délicatesse,  le  prélat 
s'abstint  de  rien  assigner  aux  établis- 
sements ecclé>iasliques.  La  presse, 
hostile  au  clergé,  ne  laissa  pas  tom- 
ber les  paroles  de  l'archevêque.  Ayant 
oublié,  si  même  elle  les  avait  jamais 
appris,  les  premiers  éléments  de  la 
religion,  elle  fit  les  commentaires  les 
plus  ridicules  sur  des  idées  et  des  ex- 
pressions qui  sont  celles  du  catéchis- 
me. —  En  1839,  de  graves  symptô- 
mes se  manifestèrent  dans  la  santé  de 
M.  de  Quelen,  dont  tant  de  secousses 
devaient  hâter  la  fin.  Il  ne  se  méprit 
pas  sur  la  gravité  de  sa  position,  et  il 
fut  le  premier  à  réclamer  les  prières 
de  l'Église.  Malgré  ses  souffrances, 
son  égalité  d'âme  était  admirable. 
Bon,  affectueux  pour  tous  ceux  qui 
l'entouraient,  il  parlait  avec  calme  de 
sa  fin  prochaine,  et  il  ne  semblait  oc- 


QUE 

cupé  qu'à  consoler  ses  amis  ëpidrés. 
Prêt  à  paraître  devant  Dieu,  il  disait 
à  un  frère  digne  de  toute  sa  ten- 
dresse :  •  Surtout  fais  bien  en  sorte 
«  que  l'on  sache  qu'en  mourant  je 
«  n'emporte  aucune  amertume  contre 

•  qui  que  ce  soit,  et  que  je  pardonne 
«  de  tout  mon  cœur  à  ceux  qui  m'ont 

•  fait  quelque  mal.  >  Après  avoir 
reçu  avec  une  vive  piété  les  der- 
nières consolations  de  la  religion, 
il  s'exprima  ainsi  devant  son  chapitre 
réuni  autour  de  son  lit  de  mort  : 
«  L'obéissance,  et  la  volonté  de  Dieu 

•  qui  m'est  manifestée  par  l'organe 

•  des  médecins,  me  ferment  la  bou- 
«  che  ;  mais  elles  ne  font  que  dilater 
«  mon  cœur.  Je  désire  que  vous  puis- 
«  siez  tous  y  lire  les  sentiments  de 
«  tendresse,  de  reconnaissance,  de 

•  vénération  dont  j'ai  toujours  fait 
-  profession  pour  le  chapitre,  et  que 

•  je  ressens  surtout  en  ce  moment, 
«  après  le  service  spiriluel  que  vous 
«  venez  de  me  rendre.  J'ai  parcouru 
«  une  mer  orageuse  :  si  je  puis,  com- 
«  me  je  l'espère,  par  la  grâce  de  No- 

•  tre-Seigneur  et  sous  les  auspices  de 

•  VÊtoile  de  la  mer.  arriver  au  port, 
«  je  serai  toujours  sur  le  rivage  de 
«  l'éternité  où  vous  viendrez  tous 
«  aborder,  pour  vous  attendre,  vous 
■  recevoir  et  vous  donner  le  baiser 

•  de  paix  fraternel  et  éternel.  C'est 
«  là  qu'il  sera  heureux  de  dire  :  Ecce 
«  quàm  bonum  et  quàm  jucundum 
«  habiiare  fratret  in  unum.  -  M.  de 
Quelen  mourut  le  31  décembre  1839, 
et  son  oraison  funèbre  fut  prononcée 
à  Noire-Dame  par  M.  l'abbé  de  Ra- 
vignan.  A  mesure  que  les  événements 
s'éloigneront  de  nous,  et  que  les  pas- 
sions contemporaines  seront  calmées, 
on  rendra  justice  à  ce  prélat,  et  son 
épiscopat  marquera  glorieusement 
dans  l'histoire  de  l'Église  de  France. 
Appartenant,  par  sa  naissance,  à  l'an- 


QUE  219 

cienne  noblesse,  il  en  conserva,  dans 
ses  relations,  la  grâce  et  l'exquise  ur- 
banité. Prélat  plein  de  foi  et  de  cou- 
rage, il  ne  recula  jamais  devant  les 
devoirs  de  son  ministère.  On  mysté- 
rieux pressentiment  l'avait  averti  de 
bonne  heure  qu'il  était  réservé  à  de 
terribles  épreuves,  et  il  fut  sublime 
de  force  et  de  vertu  au  sein  de  l'ora- 
ge. Trop  long-temps  méconnu  par  des 
ingrats,  et  Qétri  par  des  détracteurs 
passionnés  ou  des  ennemis  farouches 
qui  ne  pouvaient  lui  pardonner  leurs 
propres  injustices,  il  fut  toujours 
étranger  aux  sentiments  de  la  haine  et 
de  la  vengeance.  Sa  charité  descendit 
souvent  sur  ses  persécuteurs.  On  ou- 
bliera quelques  fiertés  qui  échap- 
paient à  son  caractère ,  et  dont  les 
puissants  du  jour  pouvaient  seuls  se 
pl.iindre.  Il  ne  savait  qu'être  bon,  af- 
fable et  obligeant  envers  les  petits. 
Surtout,  il  est  difficile  de  se  faire  une 
idée  de  l'enthousiasme  que  l'archevê- 
que de  Paris  excitait  dans  les  provin- 
ces :  on  attendait  ses  actes  pour  se 
décider,  son  jugement  pour  pronon- 
cer; et  on  félicitait  l'Église  de  Paris 
d'avoir  à  sa  tète  ,  dans  des  jours  dif- 
ficiles, un  évéque  qui  rappelait,  par 
sa  charité  et  ses  vertus  évangéliques, 
les  plus  beaux  temps  du  christianis- 
me. Et  quel  bonheur  d'être  admis 
dans  son  intimité!  On  n'était  pas 
long-temps  avec  l'illustre  prélat  sans 
admirer  tout  ce  que  son  cœur  renfer- 
mait de  noble,  d'élevé  et  d'afl'ectueux. 
Il  permettait  une  douce  familiarité; 
mais,  jusque  dans  les  libres  épanche- 
ments  d'une  causerie  intime, on  n'ou- 
bliait point  la  profonde  vénération 
due  à  sa  haute  position,  à  sa  dignité 
personnelle  et  à  ses  vertus  émiuentes. 
Sa  conversation  était  élégante,  variée 
et  facile;  sa  mémoire  ornée  des  meil- 
leurs passages  des  grands  écrivains 
du  grand  siècle.  Si  on  lui  soumettait 


2-20 


QUE 


quelques  doutes  sur  la  valeur  d'une 
expression  ou  la  proprie'te'd'un  terme, 
il  approuvait  ou  il  condamnait  par 
une  phrase  de  Bossuet  ou  de  Massil- 
lon.  11  ne  voyait  pas  sans  quelque  ef- 
froi le  mauvais  goût  infester  tous  les 
genres  de  littérature  et  pénétrer  jus- 
que dans  la  chaire  sacrée.  Tout  ce  qui 
est  sorti  de  sa  plume  prou<ve  qu'il 
était,  lui,  demeuré  fidèle  aux  bons 
modèles.  On  a  imprimé  le  recueil  de 
ses  mandements  en   deux   volumes 
in-i".  M.  Bellemare  fit  paraître  quel- 
ques jours  après  sa  mort  un  écrit 
in-S»  intitulé  :  M.  de  Quelen pendant 
dix  ans.  Cet  ouvrage  plus  abondant 
en  réflexions  qu'en  faits,  et  cela  en- 
trait dans  le  plan  de  l'auteur,  ren- 
ferme cependant  quelques  anecdotes 
qu'on  lit  avec  intérêt.  Il  est  écrit  avec 
conviction ,  logique  et  une  grande 
pureté  de  style.  M.  Henrion  a  pu- 
blié  la  Vie  et  les  Travaux  aposto- 
liques de  M-  de  Quelen.  La  seconde 
édition  est  beaucoup  plus  complète. 
Cette  Vie  est  très-exacte  et  donne  une 
juste  idée  du  caractère  élevé  de  l'ar- 
chevêque, de  ses  vertus  aimables,  de 
sa  douceur,  de  sa  piété,  de  son  tact, 
de  l'esprit  qui  a  dirigé  son  adminis- 
tration. Nous  l'avons  consultée  avec 
fruit  pour  composer  cette  notice. 
D— s— E. 
QUELLYN    (Érasme),   en   latin 
Quellinus.,  peintre,  naquit  à  Anvers 
en  1607.  Destiné  par  ses  parents  à  la 
carrière  des  belles-lettres,  il  fit  d'ex- 
cellentes études-,  et  professa    même 
la  philosophie  pendant  quelques  an- 
nées. C'est  à  titre  de  savant  et  de 
bel  esprit  qu'il  fut  admis  dans  la 
maison  de  Rubens,  où  se  réunissaient 
les  personnes  les  plus  distinguées  de 
la  ville  d'Anvers.  La  vue  des  chefs- 
d'œuvre  de  ce  grand  maître  éveilla 
le  goût  de  Quellyn  pour  la  peinture; 
il  quitta  sa  chaire  de  professeur  cl 


QUE 

se  fit  élève  de  Rubens.   Ses  rares 
dispositions  ne  tardèrent  pas  à  se 
développer,  et  il  devint  un  peintre 
du  premier  mérite.  Il  joignit  à  celte 
étude  celle  de  l'architecture  et  de  la 
perspective,  et  il  sut   se  distinguer 
sous  ce  rapport  comme  sous  celui  de 
peintre  d'histoire.  Il  se  fit  aussi  une 
réputation  méritée  comme  peintre  de. 
portraits,  et  il  se  plut  à  exercer  ce 
dernier  talent,  en  consacrant,  ainsi 
que  Van  Dyck,  ses  pinceaux  à  con- 
server les  traits  de  la  plupart  des  ar- 
tistes célèbres  de  son  époque.  Rubens , 
qui  d'abord  n'avait  été  que  son  maî- 
tre, fut  bientôt  son  ami,  et  leur  ami- 
tié dura  jusqu'à  la  mort.  C'est  à  lui 
que  Quellyn   dut  son   premier  ta- 
bleau, c'est  lui  qui  l'encouragea  à  se 
produire  en  public,  et  dès  ce  mo- 
ment les  travaux  ne  lui  manquèrent 
plus  :  la  vogue  dont  il  ne  cessa  de 
jouir,  jointe  à  la  sagesse  de  sa  con- 
duite, lui  firent  contracter  un  riche 
mariage  d'où  naquirent  plusieurs  en- 
fants, parmi   lesquels  Jean-Érasme 
est  le  seul  qui  cultiva  la  peinture. 
Les  ouvrages  de  Quellyn  sont  com- 
posés dans  le  style  des  grands  maî- 
tres ;  son  savoir  et  son  goût  tempé- 
raient la  fougue  de  son  imagination. 
Sou  dessin  ne  manque  pas  de  cor- 
rection, et  pour  la  couleur  il  se  rap- 
proche de  Rubens;  le  clair-obscur, 
les  ombres,  les  lumières,  sont  distri- 
bués avec  intelligence,  et  ses  fonds 
d'architecture  et  de  paysages  décè- 
lent un  maître  consommé  dans  son 
art.  Parmi  les  tableaux  qu'on  a  de 
lui,  on  cite  avec  éloge  VAnge  gar- 
dim,daiis  une  des  chapelles  de  Saint- 
André  d'Anvers  ;   la   Naissance  de 
Jésus-Christ,  dans  l'église  de  Sainte- 
Catherine  de  Malines;  et  le  Repos  de 
la  Vierge  en  Egypte,  que  l'on  voit 
sur  l'autel  de  la  chapelle  de  Saint- 
Joseph,  dans  IVglisc  do  Saint-Sau- 


QUE 

yenr,  à  Gand.  Ce  peintre  a  gravé  à 
l'eau-forte  quelques   pièces  d'après 
Riibens  et  ses  propres  compositions. 
La  plus  rare  est  un  joli  paysage  avec 
une  danse  d'enfants  et  de  petits  sa- 
tyres. Le  nombre  des  morceaux  que 
Ton  a  grave's  d'après  lui  est  de  88 
environ.  Les  principaux  artistes  aux- 
quels on  les  doit  sont  Jode,  Wor- 
sterman  ,   Pontius  ,*  Bolswert ,  etc. 
Qnellyn  mourut  à  Anvers  le  11  nov. 
1678.  Corneille  de  Bie  a  écrit  sa  vie 
en  vers,  et  par  une  exagération  uu 
peu  trop  poétique,  il  le  met  au-des- 
sus de  tous  les  artistes  que  l'antiquité 
a  produits.  —  Jean-Eratme  Qlel- 
LYN,  fils  du  précédent;et  son  élève, 
naquit  k  Anvers  en  1629.  Quoique 
son  père  eût  senti  le  besoin  d'aller 
étudier  en  Italie,  il  n'avait  pu  satis- 
faire son  envie  ;  il  n'en  fut  que  plus 
empressé  d'y  envoyer  son  fils,  qui 
profita  d'une  manière   remarquable 
de  son  séjour  et  de  ses  études  dans 
ce  pays.  A  Rome,  à  Florence,  à  Ve- 
nise et  à  Naples,  il  fut  employé  à 
l'exécution  d'importants  travaux  qui 
lui  firent  le  plus  grand  honneur.  Sur 
le  bruit  de  ses  succès,  son  père  le 
rappela  près  de  lui  pour  faire  jouir 
sa  patrie  d'une  réputation  qui  ne  tar- 
da pas  à  s'accroître  encore.  A  peiue 
arrivé  à  Anvers,  il  fut  accablé  de  de- 
mandes, et  il  enrichit  de  ses  ouvrages 
la  plupart  des  villes  de  la  Flandre.  Le 
nombre  en  est  très-considérable,  et 
l'on  se  bornera  à  citer  les  principaux. 
Ce  sont  ;  à  Bruges,  dans  l'église  de 
Saint-Walburge,  les  Pèlerins  d'Em- 
maiis:  dans  Téglise  de  Notre-Dame, 
à  Mdlines,  «ne  Cène  qui  passe  pour 
un  morceau  achevé^  chez  les  Bégui- 
nes de  la  mêuie  ville,  cinq  tableaux 
de  la  Vie  de  saint  Charles  Borromée; 
chez  les  Jésuites  cinq  autres  tableaux 
delà Tie  de  saint  François-Xavier. 
Mais  son  chef-d'oeuvre  est  le  tableau 


QtJÈ 


221 


qui  décore   l'église  de  l'abbaye  de 
Saint-Michel,  à  Bruges,  et  qui  repré- 
sente Jésus -Christ  guérissant  les 
malades.    Ce  tableau,   absolument 
dans  le  style  de  Paul  Véronèse,  pour- 
rait être  attribué  à  ce  grand  maître. 
C'est  la  même  entente  dans  la  com- 
position, la  même  perfection  dans  le 
coloris,  le  même  talent  pour  l'archi- 
tecture, la  même  intelligence  dans  la 
distribution  des  nombreuses  figures 
qui  remplissent    le   tableau.   Aussi 
était-ce  le  maître  qu'il  avait  étudié 
avec  le  plus  de  prédilection  pendant 
son  séjour  en  Italie.  Il  possède  éga- 
lement plusieurs  des  qualités  de  Ru- 
bens,  et  après  ce  grand  peintre  Jean- 
Érasme  Quellyn  peut  être   regardé 
comme  un  des  artistes  les  plus  habiles 
que  l'école  flamande  ait  produits.  Ses 
tableaux  sont  remarquables  par  un 
dessin  correct,  un  grand  goût  de 
draperies,  un  véritable  génie  pour  la 
composition,  dont  l'ordonnance  est 
toujours  belle  et  grandiose.  L'expres- 
sion de  ses  figures  est  animée  sans 
affectation,  et  il  rend  avec  vérité  les 
difiFérentes  passions  qu'expriment  ses 
personnages.  Ces  divers  mérites  sont 
encore  rehaussés  par  une  couleur 
vraie  et  brillante,  surtout  par  les  ef- 
fets et  l'entente  parfaite   du  clair- 
obscur.  Cet  artiste  ne  cessa  pas  de 
travailler  pendant  sa  longue  carrière. 
H  mourut  à  Anvers,  le  11  mars  1715. 
—  ArthusQvs-LLSS^  cousin  du  précé- 
dent, naquit  à  Anvers  et  se  livra  à  la 
sculpture.  Il  se  rendit  en  Italie,  se 
mit  sous  la  direction  de  François  du 
Quesnoy,  dit  le  Flamand.,  et  devint 
un  artiste  distingué.  De  retour  dans 
sa  patrie,  il  fut  choisi  par  les  bourg- 
mestres d'Amsterdam  pour  décorer 
l'Hôiel-de-Ville  qui  venait  d'être  ter- 
miné. Arthus  exécuta  tous  les  tra- 
vaux de   sculpture  qui  ornent  cet 
édifice,  l'nn  des  plus  beaux  de  la  Hol- 


222 


QUE 


lande,  et  ces  travaux  sont  eux-mêmes 
un  des  monuments  les  plus  remar- 
quables de  la  sculpture  moderne. — 
Hubert  Quellyn  ,  frère  du  précé- 
dent, dessinateur  et  graveur,  naquit 
dans  la  même  ville  vers  l'an  1608. 
L'ouvrage  par  lequel  il  s'est  fait  con- 
naître est  la  gravure  de  toutes  les 
peintures  dont  son  frère  Arthus  a  dé- 
coré l'Hôtel-de-Ville  d'Amsterdam, 
qu'il  a  exécutée  d'après  les  dessins  de 
Jean  Bennokel,  et  qu'il  publia  en 
1655  eu  un  fort  vol.  in-fol.  Son  tra- 
vail a  quelque  ressemblance  avec  ce- 
lui de  Soutman  :  il  avançait  sa  plan- 
che à  l'eau-forte,  et  la  terminait  au 
burin  avec  beaucoup  de  force  et  de 
propreté.  Il  marquait  ordinairement 
ses  estampes  en  toutes  lettres,  du 
nom  de  son  frère  et  du  sien.  P — s. 

QUÉNOJX  (J.),  lexicographe,  né 
vers  1767,  était  professeur  de  seconde 
au  collège  Louis-le- Grand,  lorsqu'il 
mourut  le  23  juillet  1821.  Il  avait  pu- 
blié, en  société  avec  M.  Thory,  pre- 
mier employé  à  la  Bibliothèque  du 
roi ,  un  Dictionnaire  grec  français , 
ouvrage  adopté  par  l'Université,  Pa- 
ris, 1807,  2  tomes  en  un  vol.  in-S-'. 
Quénon  s'occupait,  depuis  plusieurs 
années,  d'un  Dictionnaire  français- 
grec^  pour  lequel  il  a  laissé  des  ma- 
tériaux. Z. 

QUEQUET  (Charles-François), 
né  à  Paris  eu  1768 ,  fut  reçu  avocat 
au  parlement  en  1787  et  exerçait  cette 
profession  avec  beaucoup  de  succès 
lorsque  la  révolution  éclata.  Il  se 
montra ,  dès  le  commencement,  fort 
opposé  à  ses  excès ,  et  essuya  plu- 
sieurs persécutions.  Le  30  mars  1814, 
aussitôt  qu'il  eut  été  stipulé,  par  la 
convention  conclue  sous  les  murs  de 
Paris,  que  les  monarques  alliés  entre- 
raient le  lendemain  dans  la  capitale, 
il  rédigea  une  adresse  à  l'empereur 
de  Russie  et  au  roi  de  Pru.sse,  pour 


QUE 

demander  à  ces  souverains  de  proté- 
ger le  retour  du  roi  et  le  rétablisse- 
mentde  la  monarchie  légitime.  On  lit, 
dans  VHistoire  de  la  campagne  de 
1814  ,  par  Alph.  de  Beauchamp,  que 
«  cette  adresse ,  qui  a  été  recueillie 
«  par  les  journaux  du  temps  et  qui  est 
«  rapportée  par  l'historien,  est  l'ou- 
»  vrage  de  M.  le  comte  Ferrand,  mi- 
«  nistre  d'État  ;  qu'elle  a  été  lue  par 
«  son  auteur  dans  une  réunion  de 
«  royalistes  qui  se  forma  le  31  mars 
«  1814  dans  la  maison  de  M.  Lepel- 
«  letier  de  Mortefontaine,  rue  du  fau- 
"  bourg  Saint-Honoré  ;  qu'une  dépu- 
«  talion,  composée  de  MM.  Ferrand , 
«  de  La  Rochefoucauld,  de  La  Ferté- 
«  Meun  et  de  Chateaubriand ,  porta 
«sur-le-champ  ce  vœu  vraiment 
«  français  à  l'empereur  de  Russie; 
"  qu'à  minuit  M.  le  comte  de  Nessel- 
«  rode  dit  aux  députés  royalistes ,  de 
«  la  part  de  l'empereur  Alexandre, 
«  que  jamais  ce  prince  ne  traiterait 
«  avec  Napoléon,  ni  avec  aucun  mem- 
"  bre  de  sa  famille ,  et  que  le  lende- 
"  main  une  déclaration  authentique 
"  serait  publiée  en  conséquence....  » 
(Tom.  II,  p.  381  à  385.)  Ce  récit  n'est 
pas  exact.  La  déclaration  de  l'empe- 
reur de  Russie  avait  été  imprimée  et 
placardée  sur  les  boulevarts  immédia- 
tement après  l'entrée  des  troupes 
étrangères,  le  31  mars,  entre  trois  et 
quatre  heures  après  midi  {vov.  de 
Pbadt,  dans  ce  vol.).  Quant  à  l'a- 
dresse^  son  auteur  avait  passé  la  jour- 
née du  31  mars  à  solliciter  vainement 
plusieurs  imprimeurs  5  et  ce  ne  fut 
que  le  1"  avril,  vers  quatre  heures 
du  soir,  qu'on  lui  indiqua  les  frères 
Marne ,  rue  du  Pot-de-Fer ,  qui  n'hé- 
sitèrent pas  à  donner  leurs  pres- 
ses. Dans  la  matinée  de  ce  même 
jour,  1"  avril ,  Vadresse  était  encore 
manuscrite  ;  et  Quequet,  désespérant 
des  moyens  de  la  faire  mettre  sous  les 


QUE 

yeux  de  l'empereur  de  Russie,  errait 
dans  la  foule  qui  se  pressait  autour 
du  logement  de  ce  monarque,  rue 
Saint-Florentin.  Il  était  accompagné 
de  M.  Dupuy,  alors  suppléant,  plus 
tard  vice  président  du  tribunal   de 
première  instance,  qui  avait  partagé 
ses  démarches  et  sa  sollicitude,  ils 
rencontrèrent  le  comte  de  Brosses, 
conseiller  à   la   cour    royale,  plus 
tard  préfet  de  Nantes,  et  le  comte  de 
Modène.  Tous  quatre  se  réunirent 
dans  l'entre-sol  non   occupé  d'une 
maison,  rue  Saint-Florentin,  maison 
où  M.  de  Modène  était  connu  et  dont  le 
portier  leur  procura  ce  qui  était  né- 
cessaire pour  écrire.  Quatre  copies 
de  Vadresse  furent  faites  à  la  fois,  et 
M.  de  Mudene,  qui  avait  accès  auprès 
de  M.  de  Nesseirode.jse  chargea  de 
lui  remettre  une  de  ces  copies  dans 
la  matinée  même.  Imprimée,  dans  la 
soirée,  au  nombre  de  500  placards 
et  de  600  exemplaires ,  Vadresse  fut 
affichée  dans  la  nuit,  répandue  par- 
tout avec  une  grande  profusion  et  lue 
publiquement  au  Théâtre-Français,  le 
lendemain  2  avril,  par  l'acteurTalma, 
à  la  suite  d'une  représentation  d'i- 
phigénie  en  Aulide.  Telle  est  l'exacte 
vérité  sur  cette  adresse,   attribuée 
au  comte  Ferrand,  qui  n'a   pas  cru 
devoir  (comme  il  en  avait  été'prié) 
désavouer  la  narration  de  l'historien 
de  la  campagne  de  1814,  par  la  rai- 
son :,&-{•  i\-i\\{,  qu'il  n'était  pa*r au- 
teur de  cet  ouvrage.  Quequel    fut 
nommé  en  1815  avocat -général  à  la 
cour  royale  de  Paris.  Il  défendit,  en 
celte  qualité,  les  droits  du  domai- 
ne de  la  couroBne,   dans  le  procès 
qui  eut    lieu,  en    1816  et  1817,  au 
sujet  de  traites  appartenant  au  tré- 
sor de  la  liste  civile,  qui  en  avaient 
été  diverties  après  la  deuxième  chute 
de  Bonaparte,  en  juin  1815.  Sous  cou- 
leur d'une  pégociatioa  fortive,  par 


QUE 


i2i 


laquelle  une  maison  de  commerce  an- 
glaise (la  maison  Barandon  et  com- 
pagnie) semblait  avoir  été  investie 
de  leur  propriété,  ces  traites,  mon- 
tant à   711.000  fr.  faisaient   partie 
d'environ  20  millions,  en  diverses  va- 
leurs, que,  dans  la  décadence  de  ses 
affaires,  Bonaparte  avait  pris  dans 
le  trésor  de  la  liste  civile,  tant  pour 
lui    que    pour    les    siens,  Lucien, 
Eugène  Beauharnais,  Hortense,  etc. 
Cette  affaire,  dont  une  des  questions 
était  la  validité,  en  droit ,  des  ac- 
tes et  des  contrats  faits  par  un  usur- 
pateur, n'avait  été  vue,  dans  l'ori- 
gine, que  comme  une  simple  ques- 
tion  commerciale,  et  le  tribunal  de 
commerce  de  Paris  l'avait  jugée  en 
faveur  des  banquiers   anglais.  Sur 
l'appel  porté  en  la  cour  royale ,  l'a- 
vocat-géuéral  Quequet  présenta  la 
cause  sous  un  aspect  à  la  fois  plus 
exact  et  plus  étendu.  11  établit  que  la 
question  de  propriété  des  traites,  sur- 
tout d'après  la  nature  des  principes 
qui  devaient  la  gouverner ,  excédait 
la  compétence  d'un  tribunal  de  com- 
merce. 11  développa ,  d'après  la  doc- 
trine des  publicistes  les  plus  respec- 
tés, les  grandes  maximes  de  droit  pu- 
blic qui  lui  paraissaient  devoir  juger 
le  procès.  Enfin,  il  rapporta  toutes 
les  preuves  de  l'organisation   d'un 
vaste  plan  de  brigandage,  dont  la  né- 
gociation prétendue  des  traites  en 
question  n'avait  été  qu'une  branche, 
et  démontra  que  sous  le  rapport  soit 
du  droit  commun,  soit  du  droit  com- 
mercial, la  propriété  du  trésor  de  la 
couronne,  sur  ces  traites,  était  incon- 
testable. L'acrét  rendu  par  la  cour 
royale,  le  l*'  février  181 7,  adopta  tou- 
tes ses  vues.  Eu  1818 ,  après  le  décès 
du  président  Faget  de  Bdure,  Quequet 
fut  nommé  rapporteur  du  comité  con- 
tentieux de  la  liste  civile  qu'il  avait 
si  heureusement  défendue,  et  remplit 


224  QUE 

ces  fonctions  avec  autant  de  zèle  que 
de  probité.  11  reçut  eu  1823  la  croix 
de  la  Légion-d'Honneur,  fut  nommé 
président  à  la  cour  royale  de  Paris, 
puis  en  1824  conseiller  à  la  cour  de 
cassation,  où  il  continua  de  siéger 
après  la  révolution  de  1830.  Il  mou- 
rut le  30  juillet  1840.  OutreV  Adresse 
déjà  citée,  on  a  de  lui  des  Études  de 
poésie  latine  appliquées  à  Racine, 
Paris,  1823,  in-8<>  de  55  pages.  C'est 
la  traduction  en  vers  latins  de  plu- 
sieurs endroits  de  Racine ,  avec  le 
texte  français  en  regard.  Z. 

QUÉRAS   (Mathurin)  naquit  à 
Sens,  le  1"  août  16 14,  de  parents  pau- 
vres et  de  basse  condition.  Après  des 
études  faites  avec  distinction,  il  alla 
à  Paris,  reçut  le  bonnet  de  docteur, 
et  fut  de  la  maison  et  société  de  Sor- 
bonne.  Le  diocèse  de  Sens,  sous  l'ad- 
ministration de  Gondrin,  fut,  en 
grande  partie,  livré  au  jansénisme. 
Quéras  en  était  une  des  colonnes,  et 
il  avait  donné  des  preuves  de  son  vif 
attachement  au  nouveau  système,  car 
il  fut  un  des  approbateurs  du  livre 
de  la  Fréquente  Communion,  et,  en 
1656,  il  préféra,  comme  plusieurs 
docteurs  poussés  par  l'esprit  de  parti, 
être  exclu  pour  toujours  des  assem- 
blées de  la  faculté  que  de  souscrire 
à  la  censure  contre  Antoine  Arnauld. 
Il  était  certain  dès  lors  que  les  siens 
ne  l'oublieraient  pas.  Gondrin,  qui  fa- 
vorisait les  jansénistes,  le  fit  supé- 
rieur de  son  séminaire  et  le  choisit 
pour  un  de  ses  grands-vicaires.  Qué- 
ras n'accepta  la  place^de  supérieur 
qu'à  condition  qu'il  n'en  retirerait 
aucun  émolument  et  qu'il  ne  serait 
nommé  à  aucun  bénéfice.  11  vivait  avec 
une  grande  régularité,  faisait  des  in- 
structions publiques  qui  furent  très- 
suivies,  et  établit,  pour  les  prêtres, 
les  conférences  ecclésiastiques.  Après 
la  mort  de  Gondrin,  la  saine  doctrine 


QUE 

et  ceux  qui  la  suivaient  reprirent  fa- 
veur. Quéras  fut  obligé  de  sortir  du 
diocèse.  Il  se  retira  à  Troyes,  où  il 
possédait  le  prieuré  de  Saint  Quentin, 
seul  bénéfice  que  sou  attachement  aux 
lois  de  l'Église  lui  ait  permis  de  pos- 
séder. Avec  la  moindre  partie  de  ce 
revenu  et  son  titre  ecclésiastique,  qui 
était  très-modique,  il  trouvait  abon- 
damment le  moyen  de  subsister.  Né 
pauvre,  il  s'en  souvint  toujours  pour 
chérir  les  pauvres  avec  une  affection 
édifiante.  11  leur  dislïibiiait  la  plus 
grande    partie   du   revenu    de  son 
prieuré.  A  cette  époque,  les  jansénis- 
tes les  plus  prononcés  affectaient  une 
vie  retirée  et  la  pratique  de  grandes 
austérités^  Port-Royal  était  dans  toute 
sa  ferveur.  Quéras,  par  imitation,  et 
surtout  par  principes  et  par  mortifi- 
cation réelle,  joignit  une  pénitence 
sévère  à  l'innocence  des  mœurs,  et 
pendant  toute  sa  vie,  non  content  de 
pratiquer  les  jeûnes  ordonnés  par 
l'Église,  il  s'imposa  la  loi  d'en  ob- 
server beaucoup  d'autres, qu'il  n'in- 
terrompit même  pas  dans  ses  plus 
grandes  infirmités.  Ces  austérités  et 
les  fatigues  du  saint  ministère  le  ré- 
duisirent, pendant  les  dernières  an- 
nées de  sa  vie,  à  un  état  de  lan- 
gueur, qui  ne  lui  fit  pourtant  point 
abandonner  ses  travaux.  11  soutint  cet 
état  fâcheux  avec  une  patience  qui 
fait  regretter  qu'un  prêtre  aussi  ré- 
gulier n'ait  pas  mis  sa  vie  et  ses  ta- 
lents au  service  d'unemeilleure  cause. 
Quéras  mourut  à  Troyes  le  9  avril 
1695.  âgé  de  près  de  81  ans,  et  fut 
inhumé  dans  la  chapelje  de  son  prieuré 
de  Saint-Quentin.  Il  a  laissé  un  re- 
cueil sommaire  des  principales  preu- 
ves de  la  thèse  de  Sens,  sur  la  dépen- 
dance  des    Réguliers,   suivant   les 
principes  jansénistes,  comme  il  est 
facile  de  le  présumer  ;  des  conférences 
eeclésiastiqups  de  Sens  en  lfir.8   el 


QUE 

16:«9  ;  mais  le  plus  connu  de  ses  écrits 
est  celui  qu'il  inlitula:  Éclaircisse- 
ment de  cette  célèbre  et  importante 
question  :  Si  le  concile  de  Trente  a 
décidé  ou  déclaré  que  l'attrition  con- 
çue par  la  seule  crainte  des  peines  de 
l'enfer,  et  sans  aucun  amour  de  Dieu, 
soit  une  disposition  suffisante  pour 
recevoir  la  rémission  des  péchés,  et 
la  grâce  de  la  justification  au  sacre- 
ment de  pénitence.,  1  gros  vol.  in-8», 
Paris,  1683.  Cet  ouvrage  janséniste 
est  devenu  fort  rare.  Ce  fut  aussi  par 
les  consei  Is  de  Quéras  el  sous  ses  yeux 
que  Beaugrand  (l),  son  disciple,  pu- 
blia un  autre  livre  janséniste,  qui  fit 
quelque  bruit,  mais  qui  est  aujour- 
d'hui entièrement  oublié.  B — d— e. 
QUESXAY  de  Saint  -  Germain 
(Robert-François),  petit-fils  du  cé- 
lèbre économiste  de  ce  nom  (roy. 
Fr.  QOESKAV,  XXXVI,  396  ),  naquit  à 
Valeuciennes  le  23  janvier  1751.  Dans, 
sa  jeunesse  il  lit  plusieurs  voyages, 
et  à  son  retour  entra,  comme  chef  de 
bureau, au  ministèredeTurgot:puis, 
en  1776,  fut  nommé  conseillera  la 
cour  des  aides  de  Paris,  A  l'époque  de 
la  révolution,  élu  juge  au  tribunal  du 
district  de  Saumur,  dont  il  devint  en- 
suite président,  il  fut  député  par  le 
déparlement  de  Maine-et-Loire  à  l'As- 
semblée législative.  Enfin  il  se  retira 
dans  sa  terre  de  Bussanges  près  Sau- 
mur,  et  y  mourut  le  8  avril  1805.  11 
était  membre  du  musée  de  Paris,  et  il 
y  prononça,  dans  la  séance  publique 
du  9  juin  1784,  un  Discours  pour  ser- 
vir àVéloge  de  Court  de  Gebelin  {voy. 


(i)  BsACGRA^Tu  {Manin),  prêtre  da  dio- 
cèse de  Troyes,  était  un  homme  pieux,  mais 
ardent  janséniste.  Il  fut  pendant  45  ans 
confessenr  des  ursalines  de  Trnves.  Il  étudia 
beaucoup  S.  Augustin,  et  crnt'avoir  gardé 
son  esprit  dans  l'oiirrage  qu'en  i6;8  il  pu- 
blia  sous  te  titre  :  San  ai  Auguttiid  docirince 
ehrjstiajiœ  Praxis  catethistica  ,  yo\.  m-V. 

I  X\MU. 


QLE 


»5 


ce  nom,  X,  107),  qui  a  été  imprimé, 
Paris,  1784,  in-4o  ,avec  portrait.  On  a 
encore  de  lui  :  Projet  d'instructions 
et  pouvoirs  généraux  et  spéciaux  à 
donner  par  les  communes  des  pays 
d'élection  à  leurs  députés  aux  Étals- 
Généraux,  convoqués  à  Versailles 
pour  le  27  atril  1789,  Philadelphie, 
1789,  in-So  (anonyme).  Z. 

QUESNEL  (Louis),  général  fran- 
çais, né  à  Paris  vers  1770,  était  fils 
d'un  charron  de  la  cour  qui  jouissait 
de  quelque  fortune  et  qui  fut  ruiné 
par  la  révolution.  11  reçut  une  bril- 
lante éducation,  et  comme  beaucoup 
déjeunes  gens  de  la  capitale,  il  se  li- 
vra à  une  grande  dissipation.  S'étant 
fait  comédien,  il  joua  d'abord  au 
théâtre  Molière,  puis  au  Théâtre- 
Français,  où  il  se  lia  intimement 
avec  Talma,  ce  qui  fut  pour  lui  une 
assez  bonne  recommandation  lors- 
qu'il se  décida  à  entrer  dans  la  car- 
rière des  armes.  Il  servit  d'abord 
dans  la  garde  impériale,  où  il  devint 
adjudant-Commandant,  et  fit  avec 
distinction  les  guerres  d'Espagne  sous 
les  maréchaux  Souli  el  Suchet.  Nom- 
mé maréchal-de-camp,  il  passa  en 
1812  à  la  grande  armée,  et  fut  fait 
prisonnier  dans  la  retraite  de  Russie, 
Conduit  dans  l'Ukraine,  il  y  resta 
jusqu'à  la  paix  générale  en  1814. 
Rendu  alors  à  sa  patrie  par  la  gé- 
nérosité de  l'empereur  Alexandre, 
comme  le  furent  tous  les  autres  pri- 
sonniers, il  revint  à  Paris  où  il  trou- 
va toute  sa  famille  transportée  de 
joie  par  le  retour  des  Bourbons,  ce 
qui  le  contraria  singulièrement ,  cir- 
convenu comme  il  l'était  par  la  plu- 
part de  ses  camarades,  restés  fort  at- 
tachés à  Napoléon,  et  conspirant  ou- 
vertement pour  son  retour.  Entraîné 
dans  leurs  réunions,  Quesnel  prit  d'a- 
bord part  à  leurs  projets  et  fut  initié 
dans  leurs  secrets.  Cependant  ayant  été' 


226 


QUE 


présenté  à  Louis  XVIII,  qui  l'accueil- 
lit fort  bien  et  lui  donna  la  croix  de 
Saint-Louis,  on  le  vit  changer  com- 
plètement d'opinion.  Il  assista  néan- 
moins quelques  jours  après  à  l'une 
des  réunions  qui  se  tenaient  alors  à 
Saint-Leu,  chez  la  reine  Hortense, 
et  y  fut  pressé  de  boire  à  la  santé  de 
l'empereur  Napoléon.  Il  s'y  refusa 
avec  beaucoup  de  fermeté,  disant 
qu'il  venait  de  prêter  serment  au  roi 
et  qu'il  voulait  lui  être  fidèle.  Les 
chefs  de  la  conspiration  qui  étaient 
présents,  craignant  alors  que  leurs 
secrets  ne  fussent  dévoilés,  résolu- 
rent d'immoler  au  besoin  de  leur  sû- 
reté le  malheureux  général,  et  un 
peu  plus  tard  (dans  les  premiers  jours 
de  février  1815),  Quesnel  passant 
pendant  la  nuit  sur  le  pont  des  Arts 
fut  assommé  et  jeté  dans  la  rivière. 
On  retrouva  son  cadavre  huit  jours 
après  aux  filets  de  Saint-Cloud,  et  il 
fut  démontré  que  ce  n'était  pas  pour 
le  voler  qu'on  l'avait  assassiné,  puis- 
qu'il avait  encore  sur  lui  une  assez 
forte  somme,  avec  sa  montre,  plu- 
sieurs bijoux,  et  que  40  mille  francs 
étaient  restés  dans  son  appartement. 
C'était  un  homme  plein  d'honneur  et 
de  courage,  qui  ne  pouvait  manquer 
d'illustrer  encore  une  carrière  déjà 
très-brillante.  —  Un  autre  général 
Quesnel  {François- Jean- Baptiste), 
né  à  Saint-Germain  en  1765,  a  été 
confondu  avec  le  précédent  par  plu- 
sieurs biographes ,  quoiqu'il  n'eût 
avec  lui  aucun  lieu  de  parenté.  Ce 
dernier  servit  aussi  dans  la  garde 
impériale,  et,  comme  sou  homony- 
me, fut  employé  en  Espagne,  puis  en 
Italie,  où  il  commanda  une  division 
sous  le  prince  Eugène,  aux  batailles 
deCaldiero  etduMiucio.  Il  contribua 
dans  celle-ci  à  la  défaite  des  ISapoli- 
laius  du  roi  Joacbim.  Ce  général 
mourut  eu  avril  18(9.        M— d  j. 


QUE 

QUESNOÏ  de  la  Chesnée  (J.-J.), 
écrivain  du  XVIIl*  siècle,  que  les  re- 
cherches de  M.  J.  Ravenel,  conserva- 
teur-adjoint à  la  Bibliothèque  royale, 
ont  tiré  de  l'oubli  où  l'avaient  laissé 
toutes  les  biographies,  était  proba- 
blement un  Français  protestant,  ré- 
fugié en  pays  étranger  par  suite  de  la 
révocation  de  l'édit  de  Nantes,  sur 
laquelle  il  s'exprime  avec  beaucoup 
de  violence.  Le  ressentiment  étei- 
gnit en  lui  le  patriotisme;  car  les 
productions  qu'il  a  laissées  n'ont  pour 
but  que  d'attaquer  la  France  et  de 
célébrer  les  triomphes  de  ses  enne- 
mis.En  voici  les  titres  :  l.La  Bataille 
de  Ramélie  (Ramiilies),  ou  les  Glo- 
rieuses Conquestes  des  alliez,  pasto- 
rale héroïque,  en  trois  actes  et  en 
vers  libres,  Gand,  1 706,  in-8°.  avec  le 
portrait  de  Mariborough.  Cette  pièce 
est  précédée  d'une  Lettre  sur  le  ren- 
versement delamonarchieuniver  selle 
à  monsieur  Cardonnel,  secrétaire  de 
guerre  et  d' estât  de  sa  majesté  la  reine 
de  la  Grande-Bretagne.^  auprès  de  ton 
altessemonseigneurdeMarleborough 
(sic),  duc  et  prince,  etc.  II.  La  Ba- 
taille de  Hoogstet  (Hochstedt),  tra- 
gédie-opéra en  trois  actes,  ornée  d'en- 
trées de  ballet  et  de  changements  de 
théâtre,  1707,  in-4«.  111.  Le  Parallèle 
de  Philippe  II  et  de  Louis  XIV,  Co- 
logne (Hollande),  1709,  in-12.  Ce  li- 
belle n'est  que  la  reproduction  de  la 
Lettre  ci-dessus  avec  des  commeniai- 
res  et  des  augmentaiions.  Cependant 
l'auteur  y  parle  de  Louis  XIV  avecplus 
de  convenance  que  la  plupart  des  pam- 
phlétaires de  cette  époque.    M— d  j. 

QUÊTANT  (Antoine  François), 
lils  d'un  employé  au  trésor  royal, 
sous  Paris  de  Montmurtel,  naquit  à 
Paris  le  6  octobre  1733,  et  porta 
dans  les  dernières  années  de  sa  vie 
le  titre  de  doyen  des  gens  de  lettres, 
jouissant  comme  tel  d'une  pension  de 


QUE 

lîOO  fr.  que  l'abbé  Morellei  avait 
avant  lui.    Après  avoir  fiit  d'assez 
bonnes  études  au  collège  des  Gras- 
sins,  il  fut,  pendant  plusieurs  années, 
clerc  de  notaire  et  de  procurpur,  et  se 
mit  ensuite  à  composer  des  pièces  pour 
lesthéâtres  du  boulevart.  II  acquit  par 
ces  compositions  une  sorte  de  célé- 
brité, et  paryint  à  se  ftire  une  petite 
fortune  qu'il  perdit  dans  une  faillite. 
Réduit  alors  à  une  pension  de  1,500 
fr.  qi.'c  lui  payait  la  maison  Lagarde- 
d'Achères,  dont  il  avait  élevé  le  fils, 
il  obtint  de  l'emploi  dans  les  admi- 
nistrations, et  fui  successivement  chef 
du  bureau  des  lois  au  ministère  de  la 
justice,  puis  des  hôpitaux,  des  pri- 
sons, de  la  commission  des  secours 
publics ,   adjoint  au  secrétariat  des 
hospices  et  contrôleur  aux  incura- 
bles. Il  mourut  à  Paris  le  19  août 
1823,    à   l'âge    de    90    ans.   Dufey 
(de  l'Yonne)  prononça  un  discours 
sur  sa  tombe.  Voici  la  liste  des  ou- 
vrages de  Quêtant.  I.  Le$  Amours 
grenadiers,  ou  la  Gageure  anglaise, 
comédie  en  un  acte  et  en  prose,  mê- 
lée de  vaudevilles,  sur  la  prise  de 
Port-Mahon,  1756,  in-12.  Cette  pièce 
fut  jouée  sur  le  théâtre  des  Grands- 
Danseurs  de  corde  et  Sauteurs  du  roi. 
C'était  ainsi  qu'on  appelait  le  théâtre 
connu  depuis  sous  le  nom  de  Nicolet, 
et  plus  tard  sous  celui  de  la  Gaité. 
\l.  (Au  même  théâtre.)  Le  Quartier. 
Général,  comédie  en  un  acte  et  en 
vaudevilles,  1757,  in-12  (l).  III.  (Au 
même  théâtre).  L'Auteur  perruquier, 
ou  les  Muses  artisannet^  opéra-co- 
mique en   un  acte,  1757,  in-12.  Le 
perruquier  André  venait  de  faire  im- 


QUE 


22T 


primer  sa  tragédie  du  Tremblement 
de  terre  de  Lisbonne.  C'est  le  même 
personnage  qui  figure  dans  la  pièce 
intitulée  :  Maître  André  et  Poinsi- 
net,  pièce  du  répertoire  du  théâtre 
des  Variétés.  IV.  (Au  Théâtre-Ita- 
lien.)  La  Femme  orgueilleuse,  co- 
médie en  deux  actes  et  en  vers,  mêlée 
d'ariettes,  musique  de  Sodi,   1757, 
in-12.  V.  (A  rOpéra-Comique.)  La 
Foire  de  Bezons,  divertissement  en 
vaudevilles,  1758,  in-12  (2).  L'Opéra- 
Comique  était  alors  le  tiire  d'un  théâ- 
tre de  la  foire  Saint-Laurent  et  de  la 
foire' Saint  Germain.  C'est  à  la  tin  du 
XVIF  siècle  que  les  acteurs  se  mon- 
trèrent dans  les  spectacles  de  la  foire; 
mais    les   comédiens   français,    qui 
avaient  le  privilège  de  parler  sur  les 
planches,  firent  démolir  la  loge  de  l'en- 
trepreneur. En  1697,  lors  de  l'expul- 
sion des  comédiens  italiens,  les  entre- 
preneurs des  jeux  de  la  foire  se  por- 
tèrent leurs  héritiers,  et  se  mirent  à 
jouer  des  fragments  de  farces  ita- 
liennes. Sur  les  plaintes  des  comé- 
diens français,    à   qui   cela   portait 
dommage,  des  arrêts  défendirent  aux 
acteurs  forains   de  donner  aucune 
comédie  par  dialogue.  Les  juges  fu- 
rent pris  au   mot  :   ils  interdisaient 
les  comédies  par  dialogue;  on  ne 
donna  que  des  scènes,  formant  cha- 
cune un  sujet  particulier.  Ce  genre 
de  spectacle  fut  encore  prohibé.  Le 
terrain  sur  lequel  est  aujourd'hui  le 
marché   Saint-Germain   était    alors 
occupé  par  ce  qu'on  appelait  le  préau 
de  la  foire.  VI.  (AuThéâtre-ltalien, 
avec  Auseaume.)  Le  Dépit  généreux, 
comédie  en  deux  actes  et  eu  vers,  nié- 


(i)  Cette  pièce,  composée  aTe<-  Arlianl, 
et  iotitulée  /c  Quartier  d'hiver  daus  les 
Anecdotet  dramatiques,  fut  donnée  à  l'occa- 
iion  de  la  b^t^iille  de  Hastembeok,  qui  ve- 
nait dVtre  gfignt-e  jnr  le»  Anglais. 


(2)  Cette  pièce  est  diltéreate  de  deux 
autres  sous  le  même  titre  :  l'une  de  Oao- 
court,  jouée  au  Théàtre-Fraocai»,  en  1695; 
l'autre  de  Pannard  et  Favart,  à  la  foire  Satnt» 
La'irent,  en   i-'i'> 


228  QUE 

lée d'ariettes,  I7fil,  in-12.  VII.  (A  l'O- 
pe'ra-Comiqiie.)  Le  Maréchal  ferrant^ 
opéra-comique,  musique  de  Philidor, 
Paris,  1761-1 762,  in-8o.  Le  succès  de 
cette  pièce  détermina  la  réunion  de 
ce  spectacle  à  la  comédie  italienne. 
Mais  avant  de  prononcer  cette  réu- 
nion, le  Maréchal  ferrant  avait  été 
représenté  à  la  cour.  Voici  le  couplet 
que  l'auteur  fit  chanter  à  cette  oc- 
casion : 

Je  suis  uu  pauvre  niarcclial. 
Et  par  un  bonheur  sans  égal 
On  m'a  tiré  de  mon  village 
Pour  m'employer  suivant  la  cour. 
Messieurs,  dans  ce  nouveau  séjour, 
Pour  mettre  en  lion  train  mon  ménage, 

Tôt,  tôt,  tôt. 

Battez  chaud. 

Tôt,  tôt,  tôt. 

Bon  courage, 
C'est  me  donner  cœor  à  l'ouvrage. 

Le  Maréchal  ferrant  a  été  traduit  en 
allemand  par  J.-H.  Faber,  Francfort, 
1772,  in-8».  VIII.  (ÂLyon.)  Les  Dieua; 
citoyens ,  pièce  en  un  acte  et  en 
vers,  1761,  in-12.  IX.  (A.  Troyos.) 
Le  Maître  en  droit,  opéra-comique, 

1759,  in-12.  Il  existe,  sous  le  même 
titre,  une  autre  pièce  en  deux  actes 
représentée   à  l'Opéra-Comique   en 

1760,  paroles  de  P.-R.  Lemonnier, 
musique  de  Moîisigny.  X.  (Aux  Ita- 
liens.) Le  Serrurier,  opéra-comique 
en  un  acte,  musique  de  Kohault,  sur 
nn  fonds  donné  par  Laribardière, 
1765 ,  in-8".  Cette  pièce  a  été  tra- 
duite en  allemand  par  J.-H.  Faber, 
Francfort,  1772,  in-8<>;  et  en  suédois, 
Stockholm,  1786,  in-8°.  XI.  (Aux 
Italiens.)  Le  Tonnelier,  1765,  in-8". 
Audinot  avait  donné  à  ce  théâtre,  le 
28  septembre  1761,  un  opéra  comi- 
que, à  trois  acteurs,  qui  n'eut  point 
de  succès.  Quelques  situations  théâ- 
trales firent  niiître  l'idée  de  le  relou- 
cher; le  16  mars  1765,  cette  pièce  fut 
reprise  avec  les  changements  qu'y 
avait  faits  Quêtant.  Elle  eut  un  pr.md 


QUE 

succès  et  est  restée  au  théâtre.  XII. 
(Aux  Italiens.)  Les  Femmes  et  le  Se- 
cret^ comédie  en  un  acte,  mêlée  d'a- 
riettes, musique  de  Vachon,  1767, 
in  8^  XIII.  (Aux  Grands-Danseurs  de 
corde  et  Sauteurs  du  roi.)  VÈcolier 
devenu  maître,  comédie  en  trois  ac- 
tes et  en  prose,  1768,  in-8».  Le  succès 
de  cette  pièce  donna  de  l'ombrage  aux 
comédiens  français,  qui  firent  défense 
de  la  jouer  davantage.  Cependant  en 
1775  on  la  réduisit  à  un  seul  acte  sous 
le  titre  du  Pédant  amoureux,  en  1777 
sous  celui  du  Sot  déniaisé^  puis,  à  ce 
qu'il  paraît,  sous  celui  de  la  Duè- 
gne amoureuse.  (V.  VAlmanach  fo- 
rain, 7®  partie,  pages  102, 131,  J34.) 
XIV.  Les  Amants  réservés,  comédie 
encinq  actes  et  en  prose  de  M.  Steele^ 
l'un  des  principaux  auteurs  du  Spec- 
tateur, représentée  pour  la  première 
fois  à  Londres  en  1772,  traduite  de 
l'anglais^  Paris,  1778,  in-S".  Le  faux 
titre  porte  :  Théâtre  comique  anglais. 
La  collection,  qui  devait  contenir 
dix-huit  à  vingt  comédies,  mais  seu- 
lement une  de  chaque  auteur,  u'a 
pas  été  continuée.  XV.  (Avec  Lécuy.) 
La  Science  du  bonhomme  Richard, 
ou  Moyens  faciles  de  faire  payer  les 
impôts.^  traduit  de  L'anglais  {de.  Fran- 
klin), Paris,  1778,  iul2.  La  traduc- 
tion de  V Interrogatoire  de  FranUin 
est,  pour  la  plus  grande  partie,  de 
Dupont  de  Nemours  ;  Quêtant  y  a 
un  peu  contribué.  Il  fit,  à  cette  oc- 
casion, connaissance  avec  l'impri- 
meur américain,  qui  avait  été  content 
de  sa  traduction.  Elle  eut  un  grand 
succès.  En  moins  d'un  mois,  on  en 
vendit  vingt-un  mille  exemplaires; 
elle  a  été  réimprimée  plusieurs  fois 
depuis  :  J"en  l'an  II  (1794).  avec  un 
abrégé  de  la  vie  de  Franklin  par  .1.- 
B.-Say;  2°  dans  les  Opuscules  de 
Franklin,  Paris,  1795,  in-l2;  3°  en 
1806,  in-S»;  i"  dans  l'ouvrage  de 


QUE 

Peignot,  intitulé  :  Principes  élémen- 
taires de  morale,  1809,  in-8",  etc. 
XVI.  La  table  analytique  des  Ta- 
bUaux  topographiques,  etc.,  de  la 
Suisse,  par  La  Borde,  à  la  fin  du 
quatrième  et  dernier  volume  de  cet 
ouvrage  (voy.  Borde  (J.-B«ij. delà), 
V,  158).  XVIL  Essai  sur  la  législa- 
tion et  sur  la  politique  des  Ro- 
mains, traduit  de  Vitalien,  Paris. 
Jansen,  1795,  in- 12  (anonyme).  Quê- 
tant est  seul  auteur  de  cette  traduc- 
tion. Jansen  en  avait  commencé  une 
qu'il  abandonna  et  jeta  au  feu  lors- 
qu'il connut  celle  de  Quêtant.  Quel- 
ques opuscules  de  ce  dernier,  compo- 
sés principalement  pour  les  fêtes 
données  au  château  de  M.  de  Lagar- 
de  d'Achères,  se  trouvent  dans  les 
Êtrennes  de  la  Cour-Neuve  (petit 
village  à  deux  lieues  de  Paris^  pour 
Vannée  1774,  dédiées  à  M.  de  La- 
garde,  maître  des  requêtes,  à  la  Cour- 
Neuve,  1774,  in-8''.  Quêtant  avait 
écrit  une  Histoire  des  théâtres,  dont 
le  manuscrit,  auquel  toutefois  man- 
quent les  premières  pages,  était  dans 
la  bibliothèque  de  M.  de  Suleinne.  H 
avait,  par  ordre  de  Louis  XVI,  entre- 
pris et  fait  avec  Lacretelle  aîné  un 
travail,  qui  est  resté  manuscrit,  sur 
les  droits  exercés  par  les  États-Gé- 
néraux. On  a  même  prétendu  qu'il 
avait  donné  des  leçons  de  droit  pu- 
blic à  Lafayette  et  à  Talleyrand.  Le 
Journal  de  Paris  du  22  aovit  1823, 
qui  contient  une  notice  sur  Quélant. 
dit  qu'il  a  coopéré  à  la  traduction  de 
la  Richesse  des  nations,  de  Smith, 
publiée  par  Germain  Garnier,  qu'il 
a  laissé  en  portefeuille  quelques 
ouvrages  d'histoire,  de  géographie, 
d'économie  politique,  de  poésie,  et 
plusieurs  pièces  de  théâtre.  Le  Cata- 
logue de  sa  bibliothèque,  publié  la 
mémeannée,contient  aussi  sur  lui  une 
notice  nécrologique.        M— r  j. 


QUE  229 

QUEÏINEAU  (Pierre),  général 
de  la  république  française,  naquit  au 
Puy-Notre-Dame,prèsdeSaumur,en 
1757  ,  et  servit  comme  simple  soldat 
dans  un  régmient  d'infaHterie  avant 
la  révolution.  Il  s'enrôla  à  cette  épo- 
que dans  un  des  bataillons  de  volon- 
taires nationaux  du  département  de 
Maine-et-Loire,  et  suivit  d'abord  k 
l'armée  du  Var  cette  troupe  dont  il 
devint  le  lieutenant-colonel.  11  fit  eu 
cette  qualité  la  campagne  de  1792 
sous  le  général  Biron,  et  fut  ensuite 
envoyé  dans  la  Vendée,  où  il  se  trou- 
vait au  moment  de  la  première  insur- 
rection ,  lorsque  les  royalistes  s'em- 
parèrent de  Bressuire  et  de  Thouars. 
Fait  prisonnier  au  moment  de  l'oc- 
cupation de  cette  dernière  ville,  par 
les  royalistes,  il  fut  traité  avec  beau- 
coup d'égards  par  leur  général  en 
chef  Lescure.  Celui-ci,  persuadé  que 
si  Quetineau  retournait  auprès  des 
républicains  il  serait  victime  du  sys- 
tème de  terreur  qui  pesait  alors  si 
cruellement  sur  la  France,  et  plus 
particulièrement  sur  les  généraux, 
le  pressa  avec  les  plus  vives  instan- 
ces de  rester  prisonnier  sur  parole, 
lui  laissant  même  le  choix  des  lieux 
où  il  lui  conviendrait  d'habiter.  Que- 
tineau se  refusa  obstinément  à  ces  of- 
fres généreuses,  déclarant  qu'il  serait 
accusé  de  trahison,  s'il  demeurait  vo- 
lontairement avec  les  ennemis  de  la 
république.  11  rejoignit  donc  l'armée 
républicaine,  où  bientôt  il  fut  arrêté 
et  conduit  à  Paris,  devant  le  tribunal 
révolutionnaire  qui  le  condamna  à 
mort  le27ventosednlI(février  1794). 
—  Sa  femme,  mise  en  jugement,  fut 
condamnée  à  mort  le  4  germinal 
suivant,  en  même  temps  que  Hébert, 
Momoro,  Vincent,  Ronsin,  etc.,  avec 
lesquels  elle  n'avait  jamais  eu  de  rap- 
ports.S'étantdéclarée  grosse,  elleob- 
tmt  un  sursis;  nous  ignorons  si  elle 


230 


QUE 


parvint  aiusià  se  soustraire  au  sup- 
plice. Mais  cela  est  probable,  puis- 
qu'elle n'est  pas  nommée  dans  le 
dictionnaire  des  condamnés  de  Prud- 
homme.     .  M — Dj. 

QUEVEDO  (D.  Pedro  de),  prélat 
espagnol ,  l'un  des  plus  vertueux  de 
notre  siècle,  nniuit  le  12  janvier 
1736  à  Villanova  del  Fremo,  près  de 
Badajos,  d'une  famille  distinguée,  et 
se  monfra,  dès  son  enfance,  doué 
d'une  rare  capacité  et  des  plus  tou- 
chantes vertus.  Entraîné  dès  lors 
par  un  penchant  irrésislible  dans  la 
carrière  de  l'Église,  il  dirigea  ses 
études  vers  les  sciences  ecclésiasti- 
ques ,  et  obtint,  au  concours,  à  l'âge 
de  dix-sept  ans,  une  place  de  béné- 
ficier au  grand  collège  de  Cuença. 
Deux  ans  après  ce  succès  extraordi- 
naire, il  fut  admis  comme  licencié 
en  théologie  au  collège  de  Salaman- 
que,  et  bientôt  comme  professeur  à 
l'Université.  A  vingt-un  ans,  il  mé- 
rita la  place  de  chanoine  lectoral , 
puis  celle  de  magistral  et  de  chan- 
celier. Enfin,  à  quarante  ans,  il  fut 
promu  à  l'évêché  d'Orensée.  Dès 
lors  tout  entier  à  ses  devoirs,  il  vi- 
sita souvent  à  pied  son  diocèse,  lo- 
geant dans  les  maisons  les  plus 
pauvres,  et  se  nourrissant  à  ses 
frais,  pour  n'imposer  aucuae  charge 
à  ses  diocésains.  Il  prêchait  dans 
tous  les  villages,  donnait  la  confir- 
mation et  distribuait  des  auujônes. 
Dans  le  même  temps  il  fonda  un 
grand  nombre  d'établissements  de 
bienfaisance,  entre  autres  l'hospice 
de  Saint-Roch,  où  plus  de  six  cents 
enfants  trouvés  furent  réunis  et  éle- 
vés à  ses  frais.  On  rapporte  que  celte 
fondation  seule  lui  coûta  plus  de 
cinq  cent  mille  francs.  Ce  fut  encore 
l'évêque  d'Orensée  qui  fonda  le  sémi- 
naire de  Saint- Ferdinand,  et  qui, 
pour  cela,  surmonta  de  nouveaux 


QUE 

obstacles.  Le  roi  Charles  IV  ayant 
voulu  récompenser  tant  de  services 
par  l'archevêché  de  Séville  ,  Queve- 
do  le  refusa  par  modestie  autant  que 
par  l'attachement  qu'il  portait  à  ses 
ouailles,  dont  il  ne  voulait  pas  se  sé- 
parer. Sa  bienfaisance  eut  occasion 
de  se  déployer  avec  plus  d'étendue 
encore,  lorsque  la  révolution  de 
France  obligea  la  plus  grande  partie 
des  ecclésiastiques  de  ce  pays  à  fuir 
devant  la  persécution.  Ceux  des  pro- 
vinces du  Midi  se  réfugièrent  en  Es- 
pagne et  surtout  dans  le  diocèse  d'O- 
rensée, oii  le  vertueux  évêque  les  ac- 
cueillit avec  tout  le  zèle,  toute  la  cha- 
rité qu'exigeaient  leur  infortune.  Dès 
qu'il  eut  connaissance  de  cette  persé- 
cution ,  il  écrivit  dans  tous  les  ports,  à 
tous  les  points  de  la  frontière ,  que 
ces  malheureux  proscrits  pouvaient 
se  réfugier  .luprès  de  lui,  qu'ils  y 
trouveraient  un  asile  et  des  secours 
assurés.  La  plupart  se  hâtèrent  de 
répondre  à  cet  appel ,  et  aucun  d'eux 
ne  fut  trompé  dans  son  attente.  Nous 
avons  vu  quelques-uns  de  ces  infor- 
tunés, revenus  dans  leur  patrie,  ne 
pouvoir  retenir  leurs  larmes  lorsque, 
biien  long-temps  après,  ils  racontaient 
les  services  rendus  à  l'humanité  par 
le  prélat  espagnol.  Tous  eurent  part  k 
ses  bienfaits  et  à  son  amitié.  Ceper»- 
dant  s'attachant  plus  intimement  aux 
évêques  de  Blois,  d'Aire  et  de  La  Ro- 
chelle, il  les  logea  dans  son  palais  et 
les  environna  des  soins  les  plus  géné- 
reux. Mais  celui  qui  avait  si  long- 
temps compati  aux  souifrances  des 
autres  devait  à  son  tour  être  lui- 
même  atteint  par  ta  persécution.  On 
pense  bien  que  lorsque  les  troupes 
de  Napoléon  envahirent  si  indigne- 
ment l'Espagne  en  1809,  l'évêque 
d'Orensée  ne  manqua  pas  de  se  réu- 
nir »u  plus  grand  nombre  des  habi- 
tants qui,  pour  leur  résister,  firant  df 


QUE 

si  nobles  efforts.  Préfoyant  tous  les 
malheurs  de  sa  patrie,  il  avait  d'a- 
vance prédit  au  roi  Charles  IV  tous 
les  maux  qu'il  redoutait ,  et  quand  il 
les  vit  éclater,  il  concourut  avec  éner- 
gie à  la  défense  commune.  Nommé 
président  de  la  junte  d'Orensée,  il 
s'occupa  encore,  dans  ses  importan- 
tes fonctions,  de  secourir  les  victi- 
mes de  la  guerre ,  les  blessés  et  les 
prisonniers,  et  pour  s'y  livrer  tout 
entier,  il  refusa  les  fonctions  d'inqui- 
sifeur-géneral  que  la  junte  centrale 
voulut  lui  donner.  Quand  son  dio- 
cèse fut  envahi  par  les  troupes  fran- 
çaises, il  continua  encore  d'y  proté- 
ger, d'y  soutenir  les  malheureux,  et 
les  lettres  qu'il  écrivit  k  Murât,  à  Jo- 
seph Bonaparte  et  au  conseil  de  Cas- 
tille,  témoignent  de  sou  courage  et 
de  son  zèle.  Elles  furent  dans  le  temps 
imprimées,  répandues  dans  toutes  les 
parties  de  la  Péninsule,  et  elles  sont 
restées  dans  l'histoire  des  monu- 
ments de  courage  et  de  véritable  pa- 
triotisme. L'évêque  d'Orensée  fit  ainsi 
face  à  l'orage  autant  que  cela  fut  pos- 
sible, sans  blesser  ses  principes  de 
soumission  à  son  souverain  et  à  la 
foi  catholique-,  mais  lorsqu'au  prin- 
temps de  1812  les  Cortès  de  Cadix 
voulurent  établir  une  nouvelle  con- 
stitution et  qu'ils  exigèrent  des  ecclé- 
siastiques un  nouveau  serment,  l'é- 
vêque Quevedo  refusa  de  se  soumet- 
tre à  cette  innovation,  et  il  fut  impi- 
toyablement exilé;  tous  ses  biens 
furent  con6squés.  Alors  il  se  réfugia 
à  Torey,  petite  ville  de  Portugal , 
d'où  il  trouva  encore  moyen  d'en- 
voyer des  secours  aux  pauvres  de  son 
diocèse.  Ce  fut  à  ces  œuvres  de  cha- 
rité que ,  ne  pouvant  disposer  d'au- 
tres ressources,  il  consuma  jusqu'aux 
derniers  débris  de  son  héritage  pa- 
ternel. Il  ue  revint  en  Espagne  qu'a- 
près le  retour  du  roi  Ferdinand  Vif, 


QUI  231 

en  1814.  Ce  prince  lui  proposa  alors 
l'archevêché  deSéville,  mais  Quevedo 
le  refusa  pour  la  seconde  fois.  Le  pape 
Pie  VII  lui  ayant  offert  le  chapeau 
de  cardinal,  en  1816,  il  accepta  enfin 
cette  haute  dignité,  qui  ue  l'éloignait 
pas  de  son  diocèse.  Ce  fut  au  milieu 
de  son  troupeau  chéri,  environné  de 
l'estime  et  de  la  vénération  de  tous, 
que  ce  respectable  prélat  termina  sa 
vie,  le  28  mars  1818,  à  l'âge  de  qua- 
tre-vingt-trois ans.        M— Dj. 

QUICK  (John),  acteur  anglais,  ué 
en  1748  d'un  brasseur  de  White-Cha- 
pel,  quitta  son  père  dès  l'âge  de  14 
ans  pour  s'essayer  sur  la  scène.  11 
débuta  à  Fulhaui,  dans  le  rôle  d'AI- 
tamont  de  la  Belle  Pénitente,  de 
Rowe.  avec  tant  de  succès  que  sou 
directeur .  enchanté,  lui  alloua  une 
part  entière,  ce  qui  lui  valut,  après 
la  clôture,  la  somme  de  trois  shillings 
(environ  3  fr.  50  c).  il  continua  de 
jouer  dans  les  comtés  de  Kent  et  de 
Surrey,  et,  n'ayant  pas  encore  18  ans, 
sut  dignement  représfuter  les  pre- 
miers personnages  de  la  scène  tragi- 
que :  Hamiet,  Roméo,  Richard  IIl, 
Georges  Barnwell ,  Jaffier,  Tan- 
crède,  etc.  Le  fameux  directeur  Sa- 
muel Foote  l'attacha,  en  1769,  au  tbe'â- 
tre  de  Hay-Market,  où  il  ne  se  tira 
pas  moins  bien  des  rôles  comiques, 
et  où  son  jeu  fut  vivement  goûté  du 
roi  Georges  m.  Ses  compatriotes  l'ont 
considéré  comme  un  des  derniers  ar- 
tistes de  l'école  de  Garrick.  Après  une 
carrière  très-active  pendant  36  ans. 
il  quitta  le  théâtre  eu  1798,  et  vint 
ensuite  demeurer  à  Islington,  où  il 
mourut  le  4  avril  1831.  L. 

QUILLET  (Pierre-Nicolas),  né 
à  Paris  en  1766,  exerça  long-temps, 
au  ministère  de  la  guerre,  les  fonc- 
tions de  chef  des  bureaux  de  la  solde 
couraiite  et  de  la  liquidation  de  l'ar- 
riére: fut  nommé  commissaire  rfr 


232 


QUI 


guerres,  et  enfin  sous-iuteiidaut  iiiili 
taire,  place  qu'il  conserva  jusqu'à  sa 
mort,  qui  eut  lieu  à  Passy  le  22  jan- 
vier 1837.  Il  était  chevalier  de  la  Lé- 
gion d'Honneur.  Outre  une  descrip- 
tion de  Passy  et  de  ses  environs,  on  a 
de  lui  :  État  actuel  de  la  législation 
sur  l'administration  des  troupes,  et 
particulièrement  sur  la  solde  et  les 
traitements  militaires,  Paris,  1803, 
1  vol.  in-8°.  Cet  ouvrage  obtint  du 
succès  dans  sa  spécialité  ;  l'auteur  en 
publia  trois  autres  éditions  en  2  vol. 
in-8°,  puis  une  cinquième,  Paris, 
1811,  3  vol.  in-S*».  Z. 

QUINCARNON  (  le  sieur  de  ), 
écuyer,  ancien  lieutenant  de  cavalerie 
et  commissaire  de  l'artillerie,  ne 
nous  est  connu  que  par  deux  opus- 
cules d'une  excessive  rareté ,  et  qui 
contiennent  des  particularités  fort  cu- 
rieuses sur  deux  églises  de  Lyon.  Le 
premier  a  pour  titre  :  les  Antiquités 
et  la  fondation  de  la  métropole  des 
Gaules  ,  . . .,  avec  les  épitaphes  que 
le  temps  y  a  religieusement  conser- 
vées; Lyon,  Matthieu Libéraly  1673, 
in-12;  le  second  est  intitulé  :  la  Fon- 
dation et  les  antiquités  de  la  basi- 
lique collégiale  et  curiale  de  Saint- 
Paul  . . . .,  in-12,  sans  date  et  sans 
nom  de  ville,  mais  imprimé  à  Lyon 
aux  dépens  de  l'auteur,  vers  1682,  et 
non  en  1606,  comme  on  l'a  écrit  dans 
la  Bibliothèque  historique  du  P.  Le- 
long,  car  on  y  trouve  mentionnée, 
p.  85,  la  mort  de  François-Emma- 
nuel, duc  deLesdiguières, arrivée  le 3 
mai  1681.  A.  P. 

QUINIPILY  d'Aradon  (Jérôme, 
seigneur  de),  l'un  des  plus  zélés  par- 
tisans du  duc  de  Mercœur  pendant  la 
Ligue,  était  gouverneur  d'Hennebon 
en  1590,  lorsque  le  prince  de  Dombes 
résolut  d'eu  faire  le  siège.  Ce  pro- 
jet semblait  téméraire,  parce  cpie  la 
ville,  bien  lortiliéc  pour  le  temps, 


QUI 

était  en  outre  défendue  par  une  assez 
forte  garnison, et  que,  pour  y  arriver, 
il  fallait  que  le  prince  traversât  une 
grande  étendue  de  pays  ennemi  et 
laissât  sur  ses  derrières  Redon,  Van- 
nes et  Auray,  occupées  par  les  li- 
gueurs. Voulant  néanmoins  empê- 
cher, à  tout  prix,  les  Espagnols  de 
descendre  sur  ce  point  où  le  duc  leur 
avait  accordé  une  place  de  sûreté  en 
échange  de  leur  secours,  le  prince 
vint  mettre  le  siège  devant  la  place 
le  U  avril,  à  la  tête  de  2,500  arque- 
busiers et  de  500  chevaux.  Gui  de 
Rieux,  gouverneur  de  Brest,  lui  ayant 
envoyé  par  mer  12  pièces  d'artillerie 
et  d'abondantes  munitions,  la  ville 
fut  investie  et  Quinipily  sommé  de 
se  rendre.  Sur  son  refus,  la  place  fut 
attaquée  le  24  et  le  25.  Dans  la  se- 
conde journée,  les  assiégeants  tirè- 
rent plus  de  700  coups  de  canon,  de 
7  heures  du  matin  à  4  heures  du  soir. 
La  brèche  étant  faite,  ils  se  présen- 
tèrent à  l'assaut  au  nombre  de  1,200 
hommes.  Quoiqu'il  n'eût  que  12  hom- 
mes à  leur  opposer  et  qu'il  eût  été 
renversé  deux  fois,  Quinipily  lutta 
pendant  trois  heures,  et  força  l'ennemi 
à  laretraiteavecunegrande  perte,  tan- 
dis que  la  sienne,  s'il  faut  l'en  croire, 
n'aurait  été  que  de  quatre  hommes. 
Cette  assertion  de  Quinipily  n'est  pas 
la  seule  qui  porte  à  douter  de  la  véra  • 
cité  de  son  récit;  tous  les  historiens 
du  temps  s'accordent  à  dire  que  la 
garnison  était  nombreuse;  Quinipily 
lui-même,  dans  \e.  journal  dont  nous 
parlerons  tout  à  l'heure,  fait  mention 
de  divers  renforts  qui  lui  arrivèrent 
avant  l'investissement  de  la  place,  et 
(jui  ne  permettent  pas  de  croire  que 
12  hommes  seulement  eussent  pris 
part  à  sa  défense.  Le  désir  d'augmen- 
ter le  mérite  de  sa  conduite  en  cette 
circonstance  a  pu  seul  l'égarer.  Quoi 
qu'il  en  soit,  il  ne  tint  [«as  au  delà 


du  2  mai.  Les  habitants  d'Henuebou, 
effrayas,  le  forcèrent  à  capituler.  Le 
prince  de  Dombes,  admirant  son  cou- 
rage, lui  accorda  des  conditions  hono- 
rables, et  le  fitconduire  àVannes,  dont 
un  des  frères  deQuinipily  était  gouver- 
neur. Celui-ci  étant  allé,  le 5  nov.  sui- 
vant, faire  le  siège  d'Hennebon  avec 
Saint-Laurent,  le  successeur  de  Qnini- 
pilyfutk  son  tour  obligéde  se  rendre  le 
1"  décembre  suivant.  Le  premier  soin 
du  duc  de  Mercœur  fut  de  rétablir 
Quinipily  dans  .«son  gouvernement, 
qu'il  conserva  jusqu'à  la  paix.  Henri  IV 
lui  accorda  alors  des  lettres  d'aboli- 
tion et  un  brevet  de  capitaine  de  ôO 
hommes  d'armes,  et,  pour  mieux  se 
l'attacher,  ainsi  que  ses  trois  frères 
d'Aradon,  MontignyetCamon,  il  leur 
donna  une  somme  de  64,000  écus  à 
se  partager  entre  eux.  Quinipily  n'é- 
tait pas  seulement  inexact,  mais  par- 
tial et  fanatique.  Sa  partialité  pour 
les  ligueurs  l'a  rendu  injuste  en- 
vers les  royalistes.  Quant  à  son  fa- 
natisme, on  peut  en  juger  par  ce  pas- 
sage de  son  journal  :  «  Le  mesme  jour, 
«  dit-il,  j'entendis  comme  de  certain 
«  le  roi  de  Navarre  estoit  mort. . .  dont 
«je  loue  le  bon  Dieu  de  tout  mon 
«  cœur.  •  Le  journal  que  ce  brave 
capitaine  nous  a  laissé  des  opérations 
militaires  de  la  Ligue  dans  le  Morbi- 
han avait  été  promis  par  D.  Lobineau. 
D.  Taillandier  l'a  inséré  dans  le  t.  2 
de  l'Histoire  de  Bretagne  (Suppl.,  col. 
CCLVm  — CCLXVI).  Il  commence  au 
18  juin  1589  et  finit  au  15  août  1593. 
Georges  d'Aradon,  l'un  de  ses  frères, 
né  en  1562,  mort  le  1"  juin  1596, 
et  qui  avait,  à  la  sollicitation  du  duc 
de  Mercœur,  été  promu  à  l'évêché  de 
Vannes,  en  récompense  de  son  zèle 
pour  la  Ligue,  avait  aussi  laissé  une 
Histoire  manuscrite  de  ce  qui  s'était 
passé  en  Basse-Bretagne  pendant  les 
troubles  de rcligion.D.Lobmesm  avait 


OUI 


23S 


également  promis  de  l'insérer  dans 
ses  Preuves;  mais  ni  lui  ni  D.  Tail- 
landier ne  l'ont  publiée.    P.  L-T. 

QUIXOT  (Hugues-Philippe),  né 
à  Dôle  en  Franche-Comte,  le  13  jan- 
vier 1666,  deux  ans  après  la  conquête 
de  cette  ville  par  Louis  XIV,  était  fils 
d'un  ancien  secrétaire  du  magistrat. 
Il  reçut  dans  la  maison  paternelle 
une  éducation  toute  chrétienne.  Dès 
qu'il  eut  atteint  sa  neuvième  année, 
on  l'envoya  étudier  chez  les  jésuites 
dont  le  collège  fut  célèbre   depuis 
sous  le  nom  de  collège  de  l'Arc.  Sa 
mère,  Marguerite  Brun,  avait  le  cœur 
tout  dolois;  regrettant  sa  vieille  Es- 
pagne, elle  élevait  Hugues-Philippe 
dans  la  haine  de  la  France  et  des  rois 
qui  avaient  brûlé,  assiégé,  enfin  sub- 
jugué sa  ville  natale.  Six  années  s'é- 
coulèrent de  la   sorte.   Quinot  eut 
le  malheur  de  perdre  sa  mère.  Son 
père  seretiradansun  village;  le  jeune 
homme  âgé  de  16  ans,  qui  terminait 
son  cours  de  philosophie,  resta  confié 
aux  soins  de  deux  sœurs ,  Catherine 
et  Marie  Barbe,  bien  plus  âgées  que 
lui,  dont  la  vertu  était  austère,  et  dont 
la  piété  avait  quelque  chose  de  rigide. 
Quoiqu'il  en  fût  véritablement  aimé, 
il  se  lassa  de  leur  roideur,  et  ne  songea 
qu'à   secouer  le  joug.  Fréquentant 
les  mauvaises  compagnies  ,   qui  ne 
tardèrent  pas  à  lui  gâter  l'esprit,  il 
se  laissa  surtout  entraîner  par  les  dis- 
cours d'un  vieux  soldat  de  milice  en 
retraite,  qu'on  appelait  le  Renégat,  et 
qui,  depuis  que  le  comté  de  Bourgo- 
gne était  soumis,  avait  été  rejoindre 
a  Turckheim  l'armée  du  maréchal  de 
Turenne.  Le  traité  de  Ryswick  avait 
seul  mis  un  terme  aux  courses  aven- 
tureuses de  cet  homme,  qui  était  un 
joyeux  compagnon,  criblé  de  vices  et 
de  blessures.  Le  jeune  Dolois,  natu- 
rellement brave,  s'cnilauima  au  ta- 
bleau de   la  gloire  et  de  tous   les 


234 


QUI 


avantages  de  l'état  militaire  que  ce 
soldat  lui  traçait  avec  feu.  11  se  se- 
rait engagé  sur  l'heure  sans  la  crain- 
te d'être  appelé  à  son  tour  renégat. 
Ce  qui  le  détermina  un  peu  plus 
tard,  ce  fut  l'HSCendant  de  Louis  XIV 
et  le  prestige  inséparable  de  ce  grand 
monarque.  Ce  prince  venait,  après 
neufans(enl683),  visiter  sa  conquête. 
11  était  accompagné  de  la  reine  dont 
le  front  élait  déjà  ceint  des  bande- 
lettes de  la  mort,  du  dauphin,  de  son 
frère  le  duc  d'Orléans,  enfin  d'un  cor- 
tège de  princes  et  de  seigneurs.  Tant 
de  pompe,  de  magnificence  enivrèrent 
notre  jeune  homme.  Il  courut  s'offrir 
poiu-  entrer  dans  les  rangs  français, 
et  partit  pour  l'armée  avec  le  mau- 
vais mentor  qui  enchérissait  sur  ses 
promesses  de  gloire  et  de  fortune. 
Cette  fuite  inopinée  pétrifia  les 
sœurs  de  Quinot.  Elles  regardaient 
comme  perdu  à  jamais  ce  frère  élevé 
à  l'ombre  du  Seigneur,etqui  se  mêlait 
parmi  des  hérétiques  (l'édit  de  Nantes 
n'était  pas  encore  révoqué),  qui  abju- 
rait l'Espairne,  sa  mère,  et  qui  avait 
vendu  le  reste  de  sa  liberté.  D'un 
autre  côté,  c'était  avec  une  joie  trou- 
blée par  un  grand  fonds  de  tristesse 
que  Quinot  avait  quitté  son  pays. Il  fut 
desenchanté  dès  qu'il  eut  rejoint  son 
régiment.  Les  Comtois  passaient  pour 
une  nation  presque  barbare;  les  Fran- 
çais, naturellement  moqueurs,  l'ac- 
cablèrent de  sarcasmes;  il  les  laissa 
dire  et  faire.  Bientôt,  grâce  à  son  mé- 
rite, à  sa  valeur,  le  jeune  montagnard, 
aimé  et  considéré  de  ses  chefs,  fut 
faitbas  officierdevantCourtrai, qu'as- 
siégeait le  maréchal  d'Humières. Ter- 
rible dans  les  combats,  il  était  d'ail- 
leurs d'un  commerce  doux  et  facile  ; 
il  eut  ce  que  le  monde  appelle  des 
SJiccès,  et  des  succès  qui  seraient 
mieux qualifiésd'erreurs.  Ou  présume 
qu'il  assista  au  siège  de  Phiiisbourg 


OUI 

et  à  la  prise  de  Gênes.  Son  cheval  fut 
tué  sous  lui  à  Fleurus,  et  il  reçut  deux 
blessures  à  Nerwinde.  Du  reste  il  ne 
s'était  jamais  trouvé  en  face  des  Es- 
pagnols un  jour  de  bataille;  mais 
Louis  XIV  ayant  déclaré  la  guerre  à 
Charles  II,  le  maréchal  de  Noailles 
franchit  les  Pyrénées.  L'armée  fran- 
çaise avait  déjà  passé  le  Tet  et  mena- 
çait Gironne.  Hugues-Philippe  mar- 
chait à  l'arrière -garde.  Un  grand 
souci  pesait  sur  son  âme  :  la  vue  de 
l'Espagne  réveillait  en  lui  de  chers 
et  sacrés  souvenirs.  Il  est  vrai  que  la 
paix  de  Nimègue  avait  cédé  le  comté 
de  Bourgogne  au  roi  de  France.  Poussé 
et  retenu  par  mille  idées  contraires, 
notre  soldat  ne  savait  que  résoudre  ; 
ses  yeux  hagards  cherchaient  dans 
l'ombre  les  tours  de  Gironne  qu'un 
Franc-Comtois  venait  saper;  il  chan- 
celle ,  perd  l'usage  de  ses  esprits,  et 
il  est  jeté  sur  un  fourgon  qui  le  ra- 
mène à  Perpignan,  Sa  conversion  date 
de  cette  époque;  tout  à  coup  il  s'ap- 
plique la  menacj^  du  Christ  contre 
celui  qui  tire  le  glaive  et  doit  périr 
par  le  glaive;  tt\\  se  reproche  d'avoir 
tiré  l'épée  contre  la  race  de  Charles- 
Quint.  A  compter  de  ce  jour  il  s'éloi- 
gna des  assemblées  tumultueuses,  re 
nonça  à  tous  les  plaisirs  mondains; 
mais,  incapable  de  trahir  son  devoir, 
il  continua  de  suivre  un  drapeau  qu'il 
n'aimait  plus.  Trois  ans  s'écoulèrent 
ainsi.  Un  soir,  Catherine  et  Marie- 
Barbe  Quinot,  isolées,  mornes  et  na- 
vrées d'ennuis,  veillaient  à  la  lueur 
d'une  lampe  devant  une  image  de  la 
Vierge  :  un  vent  lugubre  .souftlail 
autour  d'elles.  On  frappe  à  leur  porte 
et  elles  voient  paraître  un  militaire 
attardé  qui  demande  à  loger.  C'était 
un  homme  entre  deux  âges,  diuuî 
ligure  expressive,  au  teint  rembruni, 
avec  des  traits  amaigris,  qiii  consei- 
vaieut  toutefois  une  beauté  iiwle.  l>€ 


QUI 

part  et  d'autre  on  est  interdit;  il  y 
avait  dans  ce  soldat  taciturne  quel- 
que chose  de  mystérieux.  Pendant 
un  souper  court  et  languissant,  les 
deux  sœurs  éprouvent  des  sensations 
indicibles,  et  lui  il  sent  son  âme 
toute  bouleversée.  Souffrant  cruelle- 
ment d'une  lutte  intérieure,  il  s'ap- 
proche d'une  fenêtre  pour  respirer, 
et  à  la  clarté  douteuse  de  la  lune,  qui 
éclairait  un  peu  le  cimetière,  il  re- 
connaît la  sépulture  de  sa  mère.  Aus- 
sitôt il  tombe  sur  le  carreau  en  mur- 
murant le  nom  de  Marguerite.  •  Hu- 
gues-Philippe! Hugues-Philippe  !  • 
s'écrie  aussitôt  une  de  ses  sœurs,  et 
il  est  pressé  contre  deux  cœurs  rem 
plis  de  la  plus  vive,  de  la  plus  tendre 
émotion.  Le  fils,  le  frère  perdu  a  re- 
trouvé une  partie  de  sa  famille  et 
son  Dieu.  Delà  date  sa  vocation  nou- 
velle. Il  reprend  le  cours  de  ses  études 
à  Besançon,  où  sa  modestie  et  sa 
piété  édifient  tout  le  séminaire. 
L'archevêque  Joseph  de  Gramicont 
l'ordonna  prêtre  sous  les  yeux  de 
Catherine  et  de  .Marie-Barbe,  qui 
remerciaient  avec  transport  le  Sei- 
gneur d'avoir  confit  en  joie  les  amer- 
tumes du  passé.  Hugues-Philippe  se 
livra  dès  lors  à  toute  la  ferveur  de 
son  zèle,  à  toute  Teffusion  d'une 
charité  inépuisable.  De  chapelain ,  il 
devint  doyen  rural  du  décanat  de 
Dole.  Toutes  les  qualités  qui  le  dis- 
tinguaient lui  concilièrent  à  la  fois 
l'admiration  et  l'aflèciion  de  l'élite 
du  clergé  franc-comtois.  Directeur 
éclairé  de  plusieurs  couvents  et  hô- 
pitaux, casuiste  habile,  ou  lui  écri- 
vait de  toutes  les  villes  voisines  pour 
obtenir  des  conseils  et  des  consola- 
tions. On  a  conservé  quelques  lettres 
de  Quinot  à  des  religieuses.  De  plus 
on  a  retrouvé  quelques  lignes  d'un 
livre  qu'on  lui  attribue,  et  qui  fu- 
rent prononcées  un  jour  ou,  en  sa 


QUI 


235 


qualité  de  doyen  rural,  il  bénissait 
un  cimetière.  «  C'est  ici  le  lieu  de 
«  l'éternel    silence ,  et  les  tombes 

•  mêmes  n'V-  font  pas  de  bruit  (1). 
«  C'est  ici,  mes  frères,  que  la  vanité 

•  du  rang  s'efface.  Une  fosse  où  l'on 

•  jette  un  cadavre  presque  nu,   uu 

•  linceul  que  la  cupidité  volera 
«  peut-être,  uue   bière  sur  laquelle 

•  retentissent  des  mottes  de  terre 

•  dont  le  bruit  sourd  avertit  \es  pas- 

•  sants  de  se  tenir  prêts,  des  cierges 
«  qui  ue  brillent  qu'un  instant^  image 

•  de  la  vie  qu'un  souffle  peut  étein- 
«  dre,  voilà  tout  ce  qui  reste  à  l'hom- 

•  me  et  de  l'homme.  •  Les  sœurs  de 
l'abbé  Quinot  moururent  les  premiè- 
res; il  eut  le  cœur  brisé  de  leur 
perte.  Une  des  blessures  qu'il  avait 
reçues  à  la  guerre  se  rouvrit.  Les 
truvauxdu  ministère  achevaient  d'ail- 
leurs de  le  détruire,  et  cependant  il 
ne  se  relâcha  pas  des  austérités  d'uue 
vie  pénitente.  11  expira  sur  un  lit  de 
cendres  le  1"  mai  I7i3.  On  le  porta 
dans  les  rues  le  visage  découvert,  au 
milieu  d'une  foule  innombrable.  Ce 
n'était  pas  une  magnifique  pompe 
funèbre,  mais  le  convoi  d'un  simple 
prêtre  dont  le  peuple  se  disputait  les 
reliques.  Il  fut  inhumé  sous  les  dalles 
du  chœur  de  Notre-Dame,  où  rien 
n'indique  te  lieu  de  sa  sépulture.  Une 
excellente  notice  sur  le  bienheureux 
Quinot  de  Dole  a  été  lue  dans  une 
séance  publique  de  l'Académie  de 
Besançon,  le 24  a oiit  1844,  par  M.  Léon 
Dusillet.  Elle  est  écrite  avec  le  talent 
qui  distingue  cet  auteur,  poète  même 
eu  prose.  Kous  n'avons  guère  fait 
que  la  copier.  L — p — e. 

QUIXSOXAS  (le  chevalier  Fran- 
çois DuG-\s  de) ,  militaire  et  littéra- 
teur, naquit  à  Lyon,  le  5  août  1719, 


(l)  Le  Tent  n*a  pas  de  prise  sur  Ifs  feuilles 
da  <  vpr«  et  des  autre»  arbre»  fuaértirss. 


Sâ6 


QUI 


de  Laurent  Diigas,  président  eu  la 
cour  des  monnaies,  et  de  Marie-Anne 
Basset.  Il  fit  ses  études  chez  les  jé- 
suites, et,  en  sortant  de'ieur  collège, 
embrassa  la  profession  des  armes.  Il 
fit  plusieurs  campagnes  en  Italie  pen- 
dant la  guerre  de  1744,  et  servit  sous 
plusieurs  drapeaux,  en  qualité  d'aide- 
de-camp  de  M.  de  Sennectère,  de 
lieutenant  au  régiment  de  Conti  (in- 
fanterie), et  ensuite  dans  celui  de 
la  Reine.  La  conclusion  de  la  paix  en 
1748  occasionna  une  réforme  mili- 
taire dont  il  ne  fut  pas  excepté.  Alors, 
désespérant  de  son  avancement,  il 
quitta  le  service  et  revint  à  Lyon 
pour  se  livrer  à  la  culture  des  let- 
tres dans  le  sein  de  sa  famille.  Déjà 
il  s'était  fait  connaître  par  quelques 
pièces  insérées  dans  le  Spectateur 
littéraire  de  Favier,  et  il  avait  publié 
en  1745,  sous  le  titre  de  la  Capilo- 
tade, un  poème  sur  la  bataille  de 
Fontenoy,  dans  lequel  il  avait  glissé, 
pour  les  tourner  en  ridicule,  des  vers 
et  des  hémistiches  tirés  du  poème  de 
Voltaire  sur  le  même  sujet.  Les  traits 
malins  que  le  chevalier  de  Quinsonas 
sema  dans  les  notes  de  sa  Capilotade 
contre  l'auteur  de  Mérope  ne  restè- 
rent pas  impunis.  Dans  une  de  ses 
lettres  à  Frédéric  (année  1751),  Vol- 
taire supposa  que  le  chevalier  poète 
chantait  l'univers,  et  que  son  poème 
pourrait  bien  être  en  deux  ou  trois 
cent  mille  chants,  etc.,  etc.  En 
1755,  l'Académie  de  Lyon  ouvrit  ses 
portes  à  Quinsonas,  qui  composa 
plusieurs  mémoires  que  celte  compa- 
gnie conserve  dans  ses  archives  :  de 
ce  nombre  sont  des  observations  cri- 
tiques sur  le  Dictionnaire  celtique  de 
Bullet  ;  une  dissertation  sur  le  trei- 
zième vers  de  la  troisième  satire  de 
Juvénal  :  «  Nunc  sacri  fontis  nemus 
arbor  :  '  un  Plan  de  réforme  pour 
kx  études  publiques  (lu  en  1763).  Au 


QUI 

retour  d'un  voyage  à  Paris,  le'  che- 
valier de  Quinsonas  mourut  à  Lyon, 
le  31  juillet  1768.  (Extrait  d'une  his- 
toire inédite  de  l'Académie  de  Lyon, 
par  Bollioud-Mermet.)  A.  P. 

QUINTILIUS-VARUS,  dont  on 
ignore  le  prénom,  était  un  chevalier 
romain,  un  homme  de  goiit,  fort  en 
crédit  auprès  d'Auguste  dont  il  avait 
avec  intelligence  et  courage  seconde 
la  politique.  La  Chronique  d'Eusèbe 
nous  apprend  qu'il  était  de  Crémone, 
du  pays  de  Virgile.  Son  frère  Publius 
Quintilius  Varus  occupait  les  pre- 
miers emplois  militaires,  et  devint  fa- 
meux par  sa  défaite  en  Germanie  où 
il  périt  avec  trois  légions  (  voy.  Va- 
rus, XLVII,  538).  Pour  lui,  il  passa 
sa  vie  loin  des  camps,  s'adonna  tout 
entier  aux  lettres,  à  la  philosophie, 
et  vécut  dans  l'intimité  de  Mécène,  et 
surtout  de  Virgile  et  d'Horace.  L'é- 
picurien Syron  avait  été  son  maître 
ainsi  que  celui  de  Virgile.  Ce  sont 
les  doctrines  de  ce  philosophe  sur 
l'origine  et  l'enfance  du  monde  qui 
se  trouvent  reproduites  dans  l'églo- 
gue  intitulée  Silène,  Virgile  la  dédia 
à  Varus  commeà  un  condisciple  bien 
aiuié,  en  souvenir  de  leurs  études;  il 
lui  dédia  encore  sa  neuvième  églogue, 
lorsqu'il  revint  à  Rome  pour  se  plain- 
dre du  centurion  Arius  qui  refusait 
de  lui  rendre  son  domaine.  Qui  ne 
sait  par  cœur  ces  beaux  vers  : 

T'ate,tuum  nomen  (superet  modo  Hlantua  nobis, 

Mantua,  vœ  miserœ  nimium  vicina  Cremonal) 
Gantantes  sublime  ferent  ad  sidéra  c/cni. 

Horace  était  de  plus  le  voisin  de 
campagne  de  Varus.  Dans  une  de  ses 
odes  (I,  18),  il  lui  conseille,  d'après 
son  expérience  et  ses  goiMs,  de  plan- 
ter surtout  de  la  vigne  : 

Xtillam,  Vare,  sacra  vile  prias  severit  arborent 
Circa  wite  solum  Tihuris. 

Souvenir  curieux  !  la  villa  de  Va- 
rus à  Tivoli  a  conservé  le  nom  de  son 


OLI 

ancien  propriétaire  :  la  petite  clia- 
pelle  qui  la  remplace  est  dédiée  à  la 
madone  di  Quintiliolo.  Varus,  de 
sou  côté,  donnait  à  Horace  des  con- 
seils plus  importants,  car,  d'après 
l'Art  poétique,  v.  438, 

Quintilio  ti  quid  reeitares,  corrige,  sodés, 
Boe  aitbat,  et  hoc,  etc. 

il  est  évident  qu'Horace  le  regardait 
comme  un  excellent  juge,  et  qu'il  le 
consultait  avec  fruit.  Horace  et  Vir- 
gile perdirent  leur  protecteur  et  leur 
ami,  l'an  730  de  Rome.  L'amitié,  la 
reconnaissance  n'ont  jamais  inspiré 
des  vers  plus  touchants  que  ceux 
qu'Horace  a  consacrés  à  la  mémoire 
de  Varus  (Od.,  I,  24).  Jamais  la  mort 
d'un  ami  vertueux  n'a  été  déplorée 
avec  une  sensibilité  plus  douce  et 
plus  vraie  : 

Mullis  ilU  bonis  fiebilis  oecidit,  etc. 

C'est  aux  beaux  vers  de  Virgile  et 
d'Horace,  c'est  k  leur  reconnaissance, 
à  leur  attachement,  que  Quintilius- 
Varus  doit  aujourd'hui  toute  sa 
gloire.  D — H— e. 

QUIXTIX,  qu'on  écrit  quelque- 
fois QuEMiN,  était  un  calviniste, 
tailleur  d'habits,  natif  de  Picardie;  11 
fut,  avec  un  autre  homme  obscur  et 
inconnu,  nommé   Chopin,  le  chef 
d'une  horde  d'hérétiques  qui  paru- 
rent vers  l'année  1525  en  Hollande 
et  dans  le  Brabant,  et  s'y  firent  beau- 
coup de  sectateurs.  Ils  disaient,  en- 
tre autres  choses ,  qu'il  n'y  a  qu'un 
esprit  dans  le  monde,  qui  est  celui  de 
Dieu  ;  que  tout  ce  qu'enseigne  la  foi 
sur  les  anges  bons  et  mauvais,  sur 
l'immortalité  de  l'àme ,  n'était  que 
des  fables;  que  Dieu  faisait  le  bien  et 
le  mal  que  les  hommes  semblaient 
faire,  et  qu'ainsi  il  ne  fallait  ni  les 
blâmer,  ni  les  punir,  ni  même  les 
corriger,  puisque  toutes  leurs  actions 
étaient  l'ouvrage  de  Dieu  seul.  Us 
prêchaient  qu'on  devait  vivre  sans 


QUI 


287 


scrupules,  que  c'était  le  moyen  de 
rappeler  le  premier  état  d'innocence 
et  de  faire  de  ce  séjour  de  misères  un 
véritable  paradis  terrestre.  Ils  n'en 
reconnaissaient  même  pas  d'autre, 
regardant  ce  que  la  religion  apprend 
sur  le  paradis  et  l'enfer  comme  une 
invention   humaine,   à  laquelle  on 
avait  eu  recours  pour  porter  les  hom- 
mes a  la  vertu,  et  les  éloigner  du  mal 
tandis  qu'ils  sont  sur  la  terre.  Quin- 
tin  enseignait  aussi  que  Jésus-Christ 
était  Satan,  et  même  qu'il  était  un 
composé  de  l'esprit  de  Dieu  et  de  l'o- 
pinion des  honuues.  De  tels  princi- 
pes, dont  les  suites  pratiques  sont 
faciles  à  concevoir,  firent  donner 
à  ces  hérétiques,  ou  mieux  à  ces 
sectaires,  le  nom  de  Libertins  {\).  Ils 
furent  poursuivis  sévèrement  ;  Quin- 
tin,  arrête  et  condamné,  fut  brûlé  à 
Tournai ,  en  1530.  On  peut  consulter 
sur  cet  homme  et  sa  secte,  Stoup  :  Re 
ligion  des  Hollandais:  Spanheim  : 
Abrégé  des  Religions  ;    Hermant  : 
Histoire  des  hérésies,  tome  11;  Jovef , 
tome  1";  Sianda,  tome  111,  et  autres 
auteurs.  B— d— e. 

QUIXTIX  (Jean),  flis  de  Philibert 
Quintin,  greffier  de  l'officialité  d'Au- 
tun,  et  de  Philiberte  Labourault,  né 
à  Autun  le  20  janvier  de  l'année  1500, 
passa  une  partie  de  sa  jeunesse  à  voya- 
ger en  Grèce,  eu  Palestine,  en  Sy- 
rie, eu  l'île  de  Rhodes.  11  fut  chevalier 
servant  dans  l'ordre  de  Malle,  et 
accompagna  le  gratid-uiaître  dans 
cette  île ,  en  qualité  de  domestique. 
De  retour  en  France,  il  alla  à  Paris, 
où  il  fut  ordonné  prêtre,  devint  aussi 
professeur  de  droit  canon,  et  fut  in- 
stallé en  cette  qualité  en  1536.  Un 
bénéfice  dans  Tordre  de  Malte  lui  fut 
accordé.   Quintin  harangua  pour  le 


(i)  Deux  autres  secte»  ont  été  détigoéet 
aus«i  soui  le  nom  dp  Libertins, 


âse 


OUI 


clergé,  dans  l'assemblée  générale  des 
États  du  royaume,  en  1560.  L'amiral 
de  Châtillon,  à  la  tête  des  protestants, 
se  plaignit  hautement  au  roi  et  à  la 
reine  de  la  harangue  du  professeur, 
parce  qu'on  les  y  exhortait  k  des  me- 
sures énergiques  envers  les  protes- 
tants. On  a  dit  que  Quintin  mourut 
du  déplaisir  que  lui  causaient  les 
railleries  faites  contre  sa  harangue  ; 
cette  version  a  bien  l'air  d'un  conte 
inventé  par  le  déplaisir  des  protes- 
tants. Quoi  qu'il  en  soit,  Quintin  ter- 
mina sa  carrière  à  Paris,  le  9  avril 
1561.  Ce  professeur  et  laborieux  écri- 
vain a  laissé  plusieurs  ouvrages  dont 
nous  donnerons  une  nomenclature, 
sans  la  garantir  complète  :  I.  Melitœ 
insulœ  descriptio,  Lyon,  1536,  in-4''; 
Paris,  2''  éd.,in-8''.  \l.ExegesisCon- 
ciliicujusdamgeneralisin  uno  benefi- 
ciorum  mullitudinem  vetantis,  tert. 
lib.  Décrétai.  Greg.  cap.  28,  titul.  5, 
Paris,  1539,  m-4°.  m, De. /wm  cano- 
nici  laudibus  :  ecclesiasticorum  ca- 
nonum  defensio  breviter  et  simplici- 
ter  duobus  conciunculis,  autoritas, 
theoria  simul  et  praxis  ad  ecclesias- 
ticœ  œconomiœ.,  ordinisque  taber- 
naculi  consecrationem ,  Paris,  1544, 
in-4°5  2«  édit.,  ibid.,  1601,  3«  édit., 
Nuremberg,  1671.  IV.  De  juris  ca- 
nonici  laudibus^  Paris,  1549  et  1550, 
in-40.  Cet  ouvrage  paraît  n'être  que 
la  première  partie  de  celui  qu'on  in- 
dique sous  le  titre  précédent,  et  qui 
forme  deux  traités  distincts.  V.  Spé- 
culum sacerdotii  Apostoli  describen- 
tis  episcoporum,  presbyterorum  et 
diaconorum  mores,  Paris,  1559,  in- 
4°.  VI.  Repetitœ  dudumduœ  duorum 
capitum  prœlectiones,  cap.  Demulta 
providentia,  deprœbend.  et  dignita- 
tib.  et  cap.  Novit  ille  qui  nihil  igno- 
rai. De  judiciis  in  antiquis;  quo- 
rum altéra  beneficiorum  ecclesias- 
ticorum   ecclesiastica   dispensatio 


QUI 

designatur;  altéra  chrittiana  eivi' 
tatis  aristocratia  delineatur.,  Paris, 
1552,  in-folio.  Le  sujet  de  cet  ou- 
vrage est  la  pluralité  des  bénéfices 
et  l'aristocratie  de  la  religion  chré- 
tienne. VII.  Orationes  duce  adver- 
sus  gnosticorum  sycophantas ,  Pa- 
ris, 1556,  in-8".  Vlll.  Joannis  Zo- 
narœ  commentarii  in  canones  con- 
ciliorum,  tam  œcumenicorum  quam 
provincialium  ,  Paris,   1558,  in-4''. 

IX.  Octogintaquinque  regulœ ,  seu 
canones  apostolorum ,  cum  vetustis 
Joannis  monachi  Zonarœ  scholiis, 
latine  modoversls,  Paris,  1558,  in-4''. 

X.  Synodus  Gangrensis  evangelicœ 
promulgationis  . . .  explicata  com- 
menlariolis ,   Paris,    1560,    in-4". 

XI.  Scholia  in  Tertulliani  librum 
de  prœscriptionibus  hœreticorum, 
Paris,  1560  et  1561,  in-4o.  XII.  Hœre- 
ticorum  catologus  et  historia,  Paris, 
1560  et  1561,  in-4''.  XIIl.  La  Haran- 
gue prononcée  au  nom  du  clergé  dans 
les  États  d'Orléans  ,  au  mois  de  dé- 
cembre 1560,  et  dont  nous  avons 
parlé  ci-dessus.  XIV.  Syntagma  ca- 
nonum  grœcorum.  C'est  mie  traduc- 
tion de  l'ouvrage  écrit  en  grec  par 
le  moine  Matthieu  Blastares.  On  peut 
consulter  sur  Quintin  et  sur  ses  ou- 
vrages principalement  la  Bibliothè' 
que  des  auteurs  de  Bourgogne ,  par 
Papillon.  B— D— E. 

QUINTIN  (Pierre)  fut,  auXVII« 
siècle,  un  des  religieux  les  plus  vé- 
nérables de  la  Bretagne.  Il  naquit  en 
1559  sur  la  paroisse  de  Ploujan ,  au 
diocèse  de  Tréguier.  Son  père,  Alain 
Quintin,  seigneur  de  Kerosar  et  de 
Limbahu,  et  sa  mère,  Perrine  de  Ker- 
merhou,  d'une  famille  alliée  aux  meil- 
leures maisons  du  pays,  étaient  aus- 
si remarquables  par  leur  vertu  que 
par  leur  noblesse.  Dès  l'âge  de  six 
ans,  il  fut  envoyé  à  l'école  qu'un  digue 
prêtre,  nommé  Hervé  Miorssec ,  te- 


QUI 

nait  dans  une  chapelle  près  de  Mor- 
laix,  et  dès  lors  il  disait  qu'il  serait 
un  jour  dominicain,  et  portait  à  sa 
ceinture  un  chapelet ,  comme  il  l'a- 
vait vu  porter  par  les  religieux  qu'il 
voulait  imiter.  11  eut  pour  précepteur 
le  vertueux  Lachiver,  depuis  évêque 
de  Rennes ,  qui  le  conduisit  à  Paris 
ainsi  que  son  frère  aine'  ;  mais,  après 
quelques  années  d'études,  ils  furent 
contraints  par  la  guerre  civile  de  re- 
tourner en  Bretagne.  L'intérêt  qu'il 
portait  à  sa  mère,  devenue  veuve,  et 
plus  encore  l'attachement  qu'il  avait 
pour  la  religion  catholique,  engagè- 
rent Quintin  à  embrasser  le  parti  de 
la  Ligue.  Il  fut  lieutenant  d'une 
compagnie  de  gendarmes  sous  le  sei- 
gneur de  Coattredrez,  et  s'acquitta  de 
cette  charge  à  la  satisfaction  des  ha- 
bitants, car  il  tenait  ses  soldats  .«ous 
une  rigoureuse  discipline.  La  guerre 
dura  neuf  ans  en  Bretagne;  mais 
Quintin  n'avait  que  trois  ans  de  ser- 
vice quand,  après  un  acte  de  chari- 
té exercé  au  milieu  d'une  partie  de 
cartes,  il  quitta  le  jeu  avec  le  con- 
tentement que  laisse  une  bonne  ac- 
tion, se  livra  dès  lors  à  une  vie  nou- 
velle, lit  son  occupation  de  la  lecture 
des  Confessions  de  saint  Augustin  , 
pratiqua  des  mortifications,  fréquenta 
les  sacrements ,  et  se  retira  de  la  so- 
ciété. S'étant  défait  de  sa  hentenance, 
il  se  rendit  à  Bordeaux,  puis  à  Agen, 
où  il  reprit  ses  éludes  au  collège  des 
jésuites  qui  avait  alors  une  grande 
réputation,  il  ne  fut  pas  le  seul  gen- 
tilhomme breton  qui  vînt  y  chercher 
une  instruction  solide  et  une  éduca- 
tion édifiante.  L'assiduité  de  son  tra- 
vail ,  jointe  à  la  bonté  de  son  esprit, 
lui  fit  faire  de  grands  progrès  dans 
les  humanités  et  la  philosophie.  Use 
lia  intiuiement  avec  Le  Nobletz  {coy. 
ce  nom,  LXXI,  288),  autre  gentil- 
homme breton^  qui  étudiait  aussi  à 


QUI  239 

Agen,  et  qui,  quoique  plus  jeune  de 
huit  ans,  fut  toujours  vénéré  par 
Quintin,  comme  son  maître.  Dès 
cette  époque  il  prit  et  il  garda  toute 
sa  vie  la  résolution  de  s'abstenir  de 
vin.  Comme  son  ami ,  il  entra  dans  la 
congrégation  de  la  i^ainte-Vierge, 
dont  il  fut  presque  toujours  préfet , 
à  cause  de  sa  piété  remarquable.  A 
ses  études,  à  ses  pratiques  de  reli- 
gion il  joignit  le  service  des  pau- 
vres, la  visite  des  hôpitaux,  et  s'asso- 
cia à  la  confrérie  de  Saint-Jérôme 
appelée  des  Pénitents-Bleus,  qui  pra- 
tiquait de  grandes  austérités.  Déjà  il 
catéchisait  les  enfants  et  les  pauvres 
au  milieu  des  rues,  visitait  les  calvi- 
nistes des  environs,  et  associait  à  des 
œuvres  de  chanté  quelques-uns  de 
ses  condisciples  entre  lesquels  se  dis- 
tingua toujours  Le  iNobletz.  Une  sorte 
de  famine  ayant  affligé  la  Guienne  , 
Quintin ,  après  avoir  plusieurs  fois 
disposé  de  son  argent ,  de  ses  livres 
et  de  tout  ce  qu'il  avait  dans  les 
mains  en  faveur  des  pauvres,  alla  ton- 
cher  à  Morlaix  le  prix  de  sou  patri- 
moine qu'il  avait  vendu,  et  revint  le 
distribuer  aux  indigents  d'Agen.  Cet 
acte  de  charité  fut  si  complet  et  si  ca- 
ché que  sou  hôte,  ignorant  d'où  ve- 
nait tant  d'argent,  craignit  de  passer 
lui-même  pour  fauteur  dun  crime  , 
et  dénonça  aux  magistrats  le  vertueux 
Quintin,qui  eut  l'honorable  confusion 
d'être  convaincu  d'une  générosité 
sans  exemple.  11  essaya  eusuite  la  vie 
des  jésuites;  mais,  après  quelques 
mois  de  noviciat,  sa  santé  épuisée  dé- 
termina ses  supérieurs,  sur  l'avis  des 
médecins,  à  l'envoyer  respirer  l'air 
natal.  Par  une  faveur  spéciale ,  outre 
la  promesse  de  le  recevoir  de  nou- 
veau, ils  lui  permirent  de  garder 
l'habit  religieux.  Mais,  ayant  ap- 
pris que  sa  sauté  ne  se  refaisait 
point,  ils  l'engagèrent  à  vivre  reli- 


S40 


QUI 


gieusement  dans  l'état  séculier.  Ar- 
rivé à  Moriaix  à  la  fin  de  l'année 
1600 ,  il  se  trouva  à  la  charge  des 
siens ,  puisqu'il  avait  disposé  de  son 
patrimoine.  Une  de   ses  sœurs  lui 
meubla  une  chambre  dans  la  ville  et 
pourvut  à  sa  subsistance.  Deux  fois 
il  dégarnit  cette  chambre  pour  secou- 
rir les  pauvres.  Sa  sœur,  l'ayant  gar- 
nie pour  la  troisième  fois,  le  pria  de 
ne  pas  la  mettre  hors  d'état  de  l'as- 
sister ;  alors  il  eut  recours  à  un  autre 
genre  de  charité,  qui  forme  une  nou- 
velle phase  dans  sa  vie.  Considérant 
qu'il  n'y  avait  encore  en  Basse-Bre- 
tagne aucun  collège  public  à  la  ma- 
nière de  ceux  des  jésuites,  où  les 
études  étaient  partagées  en  différen- 
tes classes  et  les  esprits  des  enfants 
formés  aux  lettres  et  à  la  piété;  que, 
faute  de  maîtres  pour  enseigner  le 
latin ,  les  prêtres  eux-mêmes  l'igno- 
raient, il  établit  chez  lui  une  école 
et  se  mit  à  expliquer  tous  les  jours 
Cicéron  et  Virgile  à  un  grand  nom- 
bre d'écoliers,  quesaréputation  attira 
des  diocèses  de  Tréguier,  de  Léon  et 
de  Quimper.  Il  fut  secondé  par  un 
ecclésiastique  anglais,  nommé  Char- 
les Louet,  qui,  après  avoir  souffert 
pendant  deux  ans,  pour  la  religion  ca- 
tholique, les  rigueurs  de  la  prison, 
n'en  avait  été  délivré,  à  la  prière  de 
l'ambassadeur  de  France,  qu'à  condi- 
tion qu'il  serait  banni  del'Angleterre. 
Quintin  en  lit  son  associé,  et  apprit 
de  lui  la  théologie.  Il  avait  alors  qua- 
rante ans.  N'envisageant  le  sacerdoce 
qu'avec  crainte,  il  ne  consentit  à  le 
recevoir  qu'à  l'âge  de  cinquante  ans. 
Peu  de  temps  après,  il  fut  privé  de  la 
société  et  du  secours  de  Louet,  qui  re- 
l'ut  du  pape  Clément  VIII  les  bulles 
pour  l'archevêché  (le  Cantorbéry.  Cet 
éloignement  ne  permit  plus  à  Quintin 
decontinuerl'enseignement.etilprit 
l'habit  des  dominicains  au  couvent 


QUI 

de  Moriaix,   le  ,30  oct.   1602.   Son 
dessein  était  de  réformer  celte  mai- 
son, alors  peu  réglée,  et  ce  dessein, 
qu'il  conserva  inutilement  pendant 
vingt  ans,  lui  suscita  des  persécu- 
tions de  tout  genre.  Outre  qu'il  pra- 
tiquait la  règle  avec  ponctualité,  il 
joignait  à  des  pénitences  rigoureuses 
l'exercice  continuel  des  humiliations, 
supportant  avec  une  patience  rare 
les  affronts  et  les  injures.  H  reçut  en 
1607  la  visite  de  son  ami  Le  Nobletz, 
qu'il  engagea  à  partager  ses  travaux 
pour  la  réforme   des  dominicains; 
mais  Ce  saint  prêtre  fut  si  cruelle- 
ment traité  qu'il  se  vit  bientôt  con- 
traint de  quitter  le  noviciat.  Quintin 
lui-même  reçut  du  supérieur  un  ordre 
cruel  qu'il  eut  le  courage  d'exécuter, 
aux  risques  d'y  perdre  la  vie.  Il  se 
tint  pendant  une  heure  entière  à  la 
chute  d'une  eau  froide  qui  tombait 
sur  lui  d'une  fontaine  élevée.  On  ne 
l'entendit  pas  même  se  plaindre  d'un 
pareil  supplice.  LeNobletz,  chassé  du 
noviciat  des  frères  prêcheurs,  se  livra 
avec  un  renouvellement  de  charité  à 
la  prédication.  Quintin  se  réunit  à 
lui  pour  l'exercicedes  missions.  Quoi- 
qu'il l'appelât  toujours  son  maître, 
Le  Nobletz  lui   obéissait  comme  à 
son  supérieur  dans  les  travaux  apos- 
toliques. Le  père  Quintin  faisait  les 
sermons,  et  Le  Nobletz  remplissait  la 
fonction  plus  modeste  et  peut-être 
plus  utile  d'enseigner  le  catéchisme 
et  d'expliquer  les  mystères  de  la  foi. 
Tous  deux   commencèrent  ainsi   le 
cours  de  ces  missions  célèbres  de  la 
Bretagne,  que  continua  avec  tant  d'é- 
clat le  père  Maunoir  {voy.  Maunoir, 
XXVIl,  510).  L'union  parfaite  qui  ré- 
gna entre  ces  deux  missionnaires  et 
l'estime  qu'ils  avaient  l'un  p«ur  l'au- 
tre eut  dans  ces  contrées  les  plus  heu- 
reux  résultats.   L'histoire  du   père 
Quintin  indique  desprodiges  que  l'on 


QUI 

regarda  comme  miraculeux.  L'opi- 
nion de  sa  sainteté  était  si  profondé- 
ment établie  dans  l'esprit  de  Pierre 
Cornullier,  évéque  de  Rennes,  qui 
l'avait  connu  à  Trégtiier,  qu'on  a  en- 
tendu dire  à  ce  prélat  que  s'il  occu- 
pait la  première  place  dans  l'église,  il 
n'eût  pas  fait  difficulté  d'ordonner  à 
tous  les  fidèles  de  lui  rendre  un 
culte  public.  Quintin  ayant  été  trans- 
féré au  couvent  de  Bonne-Nouvelle, 
à  Rennes,  l'évêque  s'empressa  de 
l'employer  dansée  diocèse, comme  il 
l'avait  fait  dans  celui  de  Trégiiier, et  on 
le  vit  prêcher  souvent  jusqu'à  six  ou 
sept  fois  le  jour.  Sa  régularité  mo- 
nastique n'en  souffrait  point  ;  quel- 
que tard  qu'il  fiit  rentré  le  soir,  et 
même  pénétré  de  la  pluie  et  couvert 
de  boue,  il  ne  laissait  pas,  à  l'heure 
de  minuit,  de  se  trouver  le  premier 
à  l'église  pour  les  matines,  et  il  n'en 
sortait  que  le  dernier.  Le  monastère 
de  Morlaix  devint  aussi  édifiant  qu'il 
avait  été  dissolu  et  scandaleux.  Il 
y  séjournait  encore  quand  il  fut 
député  au  chapitre  provincial  de 
la  congrégation  gallicane  ,  assigné 
à  Rouen.  Là,  il  montra  pour  le 
soutien  de  la  réforme  le  même  zèle 
qu'il  avait  prouvé  jusqu'alors,  et  il  le 
fit  malgré  une  vive  opposition ,  qui 
alla  jusqu'à  le  menacer  de  la  prison. 
Le  chapitre  se  termina  enfin  tran- 
quillement et  Quintiu  reprit  la  route 
de  la  Bretagne,  continuant  sa  vie 
apostolique  pendant  tout  le  voyage. 
.\rrivé  à  Vitré,  où  son  ordre  venait 
d'établir  un  monastère,  il  y  fut  saisi 
d'une  esquinancie,  qui  fut  encore 
pour  lui  une  occasion  d'exercer  sa  pa- 
tience. Après  avoir  reçu  les  sacrements 
avec  les  plus  grands  sentiments  de 
piété,  il  termina  sa  carrière  le  21  juin 
1629,  à  soixante-dix  ans.  Quoiqu'il 
n'eût  jiamais  habité  celte  maison ,  il 
se  répandit  aussitôt  un  tel  bruit  de 


OUI 


Ui 


sa  sainteté,  que  toute  la  ville  accou- 
rut pour  l'honorer,  et  par  vénération 
coupa  quelques  parties  de  ses  habits. 
La  foule  fut  si  grande  qu'on  ne  put 
l'enterrer  que  trois  jours  après;  et, 
pour  empêcher  qu'on  ne  le  dépouillât 
entièrement,  il  fallut  établir  des  gar- 
des autour  du  corps.  Ce  saint  re- 
ligieux, inhumé  dans  l'église  des  Do- 
minicains, devant  la  chaire,  fut  l'ob- 
jet d'un  culte  des  habitants  de  Vitré 
jusqu'à  la  révolution.  Depuis  cette 
époque  on  ignore  ce  qu'est  devenu 
son  corps,  l'église  ayant  été  dé- 
truite. Sa  vie  fut  écrite  en  1664, 
par  le  P.  Rechac  de  Sainte-Marie  Un 
autre  dominicain,  le  P.  Guillouzou, 
en  publia  une  plus  étendue  en  1668. 
On  la  trouve  abrégée  dans  les  Vies 
des  Saints  de  Bretagne  du  P.  Albert 
Legraud,  dans  celles  de  dom  Guy  Lo- 
bineau,  dans  r.4nnée  Dominicaine  du 
P.  Sonéges,  et  dans  les  Vies  des 
Saints  de  Bretagne  de  l'édition  de 
>1.  l'abbé  Tresvaux.         B— b— e. 

QL'IXTIX  MESSIS.  Foy.MESSis, 
XXVm,440. 

QUIROT  (Jean -Baptiste),  député 
conventionnel,  né  dans  la  Franche- 
Comté  vers  1760,  était,  avant  la  révo- 
lution, l'un  des  plus  médiocres  avo- 
cats du  barreau  de  Besançon.  Ayant 
embrassé  avec  beaucoup  d'ardeur  la 
cause  des  innovations,  il  fut  nommé 
député  du  département  du  Doubs  à  la 
Convention  nationale  dans  le  mois  de 
septembre  1792,  et  s'y  montra  d'a- 
bord plus  modéré  et  plus  sage  qu'on 
n'avait  lieu  de  le  présumer.  11  vota 
ainsi  dans  le  procès  de  Louis  XVI  : 
«  J'ai  voté  contre  l'appel  au  peuple, 

•  parce  qu'il  m'a  paru  avoir  des  effets 
«  dangereux  pour  la  liberté.  J'ai  dé- 
«  claré  Louis  coupable.  Je  ne  le  coa- 
«  damne  pas  à  la  mort,  qu'il  a  méritée. 

•  parce  qu'en  ouvrant  le  Code  pénal 

•  je  rois  qu'il   aurait  fallu  d'autres 

16 


2i2 


QUI 


«  formes,  d'autres  juges,  d'autres 
«  principes.  Je  vote  pour  la  réclu- 
•  sion.  »  Quirot  se  prononça  ensuite 
pour  le  parti  exagéré,  bien  qu'en  plu- 
sieurs occasions  il  se  soit  élevé  contre 
la  Montagne,  entre  autres  au  sujet 
de  la  révolution  du  31  mai,  à  laquelle 
il  fut  un  des  opposants.  Il  échappa  ce- 
pendant aux  proscriptions  qui  en  fu- 
rent la  suite  ,  concourut  activement 
au  9  thermidor,  puis  à  la  répression 
de  la  révolte  de  prairial  an  III.  En 

1795  il  fut  nommé  membre  de  la 
commission  des  21,  chargée  de  l'exa- 
men delà  conduite  de  Joseph  Lebon. 
Ce  fut  lui  qui  fit  le  rapport  de  cette  af- 
faire, et  qui  provoqua  le  décret  d'a- 
cusation  contre  ce  député.  Le  3  août 
il  fut  nommé  secrétaire,  et  entra  le 
1"  septembre  au  comité  de  sûreté 
générale,  où  il  proposa  des  mesures 
violentes  contre  les  sectionnaires  de 
Paris, au  13  vendémiaire  (ô  oct.  1795), 
qu'il  accusait  de  royalisme.  Réélu 
ensuite  au  conseil  des  Cinq-Cents,  il 
y  porta  le  même  esprit  ;  et  en  octobre 

1796  il  vota  pour  le  maintien  de  la 
loi  du  3  brumaire,  qui  ordonnait  l'ex- 
clusion des  nobles  de  toutes  les  fonc- 
tions publiques.  En  1797  il  eut  de 
fréquentes  altercations  avec  le  parti 
de  Clichy;  fut  attaqué  dans  le  conseil 
par  le  général  Willot,  qui  l'accusa 
d'influencer  les  tribunes,  et  lui  proposa 
unduel,queleministredelap(>liceem- 
pêcha;cequi  donna  lieu  à  chacun  des 
partis  de  faire  à  son  champion  les 
honneurs  de  cette  affaire  {voy.  Wil- 
lot, L,  598).  Le  19  février  1798,  Qui. 
rot  fut  élu  secrétaire.  Lorsque,  dans 
le  courant  de  mai,  Bailieul,  organe 
du  Directoire,  demaïuiji  l'annulation 
d'une  partie  des  élections  comme 
ayant  été  influencées  par  les  terroris- 


QUI 

tes,  Quirot  attaqua  ce  projet,  •  qui 
«  lui  avait  fait  éprouver,  dit-il,  les 
«  sentiments  de  la  plus  profonde  indi- 
«  gnation. .  Le  22  déc. ,  il  fut  en- 
core secrétaire.  Le  28  juin  1799,  il 
appuya,  par  des  considérations  d'ordre 
public,  des  mesures  contre  les  prêtres 
non  assermentés  ;  le  10  juillet,  il  parla 
contre  l'administration  du  ministre 
Schérer  ;  le  20,  il  fut  élu  président,  et 
le  9  thermidor  il  prononça ,  en  cette 
qualité,  un  discours  où  il  rappela  l'é- 
poque qui  avait  délivré  la  république 
de  la  tyrannie  de  Robespierre.  Fidèle 
au  système  de  bascule  qui  dominait 
alors,  il  retraça  aussi  ce  qu'il  appe- 
lait les  crimes  des  partisans  de  la 
royauté,  et  invita  le  peuple  à  profiter 
des  leçons  du  passé  pour  maintenir  sa 
liberté  et  sa  constitution.  Il  défendit 
plus  tard,  en  comité  secret,  les  ex-di- 
recteurs renversés  le  30  prairial.  Ce- 
pendant, le  14  sept.,  il  prétendit  que 
les  dangers  de  la  patrie  étaient  les 
mêmes  qu'en  1792,  mais  ses  ressour- 
ces moins  grandes.  Exclu  du  Corps- 
Legisiatif  le  19  brumaire  (10  nov- 
1799),  à  Saint-Cloud,  où  il  se  mon- 
tra l'un  des  plus  ardents  de  l'op- 
position, il  fut  arrêté  et  renfermé 
quelques  jours  à  la  Conciergerie.  11 
devait  être  exilé  et  envoyé  en  sur- 
veillance dans  la  Charente  -  Infé- 
rieure ,  mais  cet  ordre  ne  fut  pas  mis 
à  exécution,  et  Quirut  rentra  dans  ses 
foyers,  où  il  vécut  long-temps  igno- 
ré. Il  ne  reparut  qu'un  instant  sur  la 
scène,  eu  1813,  comme  membre  du 
conseil  municipal  de  Besancon,  et  si- 
gnataire d'une  adresse  à  l'impératrice. 
Devenu  sous-intendant  militaire,  il 
était  employé  à  Lyon  à  l'époque  de  la 
Restauration,  et  il  mourut  dans  cette 
ville  en  1830.  Z. 


RAB 


RAB 


UZ 


R 


R  A  BARDEAU  (MiCffEL),  né  à 
Orléans  en  1572,  entra  chez  les  Jé- 
suites en  1595,  professa  la  philoso- 
phie et  la  morale,  fut  recteur  du  col- 
lège de  Bourges  et  de  celui  d'Amiens, 
et  mourut  à  Paris  le  24  déc.  1649.  Il 
avait  entrepris  de  réfuter  le  livre  que 
Ch.  Hersent  {voy.  ce  nom,  XX,  302) 
avait  publié  sous  le  titre  d'Optati 
Gain  de  cavendo  schismate  liber 
parœneticus.  La  réponse  du  P.  Ra- 
bardeau  était  intitulée  :  Optatus  Gai- 
lus  de  cavendo  schismate  benigna 
manu  sectut^  Fans,  1641,  in-4°.  L'au- 
teur avançait,  dans  ce  livre,  que  la 
création  d'un  patriarche  en  France 
n'aurait  rien  de  schismatique,  et  que 
l'assentiment  de  Rome  n'était  pas 
plus  nécessaire  pour  cela  qu'il  ne 
l'avait  été  pour  établir  les  patriar- 
ches de  Constantinople  et  de  Jérusa- 
lem. Comme  ce  livre  avait  été  fait 
sous  l'inspiration  du  cardinal  de  Ri- 
chelieu, et  qu'il  fallait  prouver  que 
le  roi  pouvait  lever  des  contributions 
sur  le  clergé  ,  la  thèse  de  Rabardeau 
plut  fort  au  cardinal-ministre.  VOp- 
tatus  Gallus  du  jésuite  fut  condamné 
par  l'inquisition  de  Rome  au  mois  de 
mars  1643 ,  et  l'Assemblée  du  clergé 
de  France  reçut,  le  19  sept.  1645,  le 
décret ,  puis  le  fit  enregistrer  dans 
son  procès-verbal ,  persuadée  qu'elle 
était  que  le  livre  contenait  de  perni- 
cieuses maximes  contre  les  ordres  et 
la  juridiction  de  l'Eglise  (coj'rSouth- 
■well,  Biblioth.  Script.  Soc.  Jesu; 
d'Avrigny,  Afém,  chronol.  et  dogm., 
ann.  1640)  (l).  C~l— t. 

(i)  La  Bibliothèqae  des  Jésnites  da  col- 


RABASTEXS  (Pilfobt  de)  reçut 
le  jour  au  château  de  Saint-Géry  en 
Albigeois,  qui  appartenait  à  une  bran- 
che de  l'illustre  maison  de  Rabastens. 
D'abord  moine  de  l'ordre  de  Saint- 
Benoît,  ensuite  abbé  de  Lombez  en 
1310,  puis  évêque  de  Pamiers,  il 
éprouva  dans  cette  ville  diverses  tra 
casseries  de  la  part  des  chanoines. 
Sa  vie  même  fut  en  danger,  mais  il 
parvint  à  calmer  les  passions,  et  put 
enfin  jouir  de  quelque  repos.  Peu  de 
temps  après  il  fut  élevé  sur  le  siège 
épiscopal  de  Léon  en  Espagne,  et  plus 
tard  créé  evéque  de  Rieux  par  le  pape 
Jean  XXII,  son  compatriote  et  son 
ami.  Ce  pontife  6t  encore  plus  ;  il  le 
décora  de  la  pourpre  romaine  en 
1320,  sous  le  titre  de  Sainte-Anasta- 
sie.Rabastens  ne  jouit  pas  long-temps 
de  cette  dignité,  car  il  mourut  en  1 32 1 
avec  la  réputation  d'un  prélat  savant, 
aussi  pieux  que  régulier.  Il  fut  sou- 
vent choisi  comme  arbitre  pour  ter- 
miner les  différends  élevés  dans  son 
pays.  La  maison  de  Rabastens  a  four- 
ni d'autres  évéques  et  des  person- 
nages remarquables  {voy.  Pauuw, 
LXXV1,361).  C— L— B. 


lége  de  Clermotit  possédait  plusieurs  manns- 
cnts  da  P-  Rabardeau.  Oo  trcave,  sons  le 
no  6l3,  l'iodioation  d'un  recueil  en  deux  to- 
lumes  in-fol.  sur  direrses  questions  impor- 
tantes du  droit  cauDiiique;  2°  sous  le  n"  784, 
un  écrit  intitulé  :  Brief  Edaircitumeni  det 
principal*!  dijjicultés  qu'on  rtmarqu»  dam  lut 
liiire  compote  contre  Optatus  Gallus.  «  Cet 
ouvrage  inconnu  au  P.  Leiong,  dit  le  rédac- 
teur du  catalogue,  parait  être  du  P.  Rabar- 
deau. Voy.  Catalogut  mamuseriptorum  eodi- 
cum  coUtgii  Claromontani,  Paris,  l764iiu-So, 
p.  22 1  à  229  et  398.  L — M — X. 

16. 


244 


RAB 


IIABAUDY  (Bernard  de) ,  reli- 
gieux de  l'ordre  des  frères  prêcheurs, 
né  à  Toulouse  en  1631,  professa  la 
théologie  avec  éclat  dans  l'université 
de  cette  ville,  oii  il  mourut  le  3  no- 
vembre 1731-  On  a  de  lui  trois  volu- 
mes in-S"  d'un  ouvrage  estimé,  et  qui 
est  intitulé  :  Exercitationes  thcolo- 
gicœ,  ad  singulas  partes  Summœ 
sancti  Thomœ,  doctoris  angelici.  Le 
reste  de  cette  composition  conservé 
manuscrit  dans  la  bibliothèque  des 
dominicains  de  Toulouse,  jusqu'à  la 
révolution ,  se  trouve  aujourd'hui 
dans  celle  du  collège  royal  de  la  mê- 
me ville.  La  maison  de  Rabaudy  était 
comptée  au  nombre  des  plus  illustres 
de  Toulouse,  et  la  place  de  viguier, 
c'est-à-dire  vicaire  du  comte  de  Tou- 
louse, fut  toujours  occupée  par  un  de 
ses  membres,  depuis  1597  jusqu'en 
1749,  époque  de  la  suppression  de 
cette  charge.  Z. 

RABBË  (Alphonse),  littérateur 
était  né,  en   1786,  à  Riez,  dans  la 
Haute-Provence,  et  non  pas  à  Barce- 
lonetle  niàMarseille,comme  l'ont  dit 
quelques  journaux  et  d'autres  bio- 
graphes.  Quoique   sa  famille,    qui 
avait  approuvé  les  excès  de  la  révo- 
lution, eût  eu  à  souffrir  depuis  la 
réaction ,  Rabbe  fut  élevé  dans  des 
principes  de  liberté  qu'il  n'abjura 
jamais ,    mais  dont   il    abusa  plus 
d'une  fois,  surtout  dans  sa  jeunesse. 
Après  avoir  achevé  ses  études  à  Paris 
où  il  avait  remporté,  en  1803,  le  prix 
d'honneur ,  on  aurait  pu  croire  que 
cet  encouragement  l'aurait  lancé  dans 
la  carrière  des  lettres;  mais  forcé  par 
la  nécessité,    ou  peut-être  entraîné 
par  l'inconstance  et  l'inquiélude  de 
son  caractère,  il  se  rendit  à  l'armée 
d'Espagne,  oîi  il  exerça  pendant  deux 
ans  un  emploi  dans  l'administration 
militaire,  ce  qui  a  fait  dire  qu'il  était 
un  ancien  officier  supérieur,  qualité 


RAB 

que  par  vanité  il  était  bien  capable 
d'avoir  prise  ou  de  s'être  laissé  don- 
ner. Ce  fut  en  Espagne,  et  proba- 
blement par  son  inconduite,   que 
Rabbe   contracta    le    gprme    d'une 
cruelle  maladie  qui  l'obligea  de  reve- 
nir eu  France,  et  qui  a  fait  le  tour- 
ment et  la  honte  de  sa  vie,  par  les  tra- 
ces dégoûtantes  qu'elle  laissa  sur  son 
visage  ;  car  il  tenait  beaucoup  à  quel- 
ques avantages  extérieurs  dont  la  na- 
ture l'avait  doué.  De  retour  à  Paris, 
il  débuta,  de  1807  à  1808,  en  coopé- 
rant à  l'infroducf/on  du  Voyagepitto- 
resque  en  Espagne,  par  Alex,  de  La- 
borde,  et  en  1812  il  donna  le  Précis 
de  l'histoire  de  Russie  qai  fait  partie 
diiTableau  historique,  géographique, 
militaire  et  moral   de  Vempire  de 
Russie,  2  vol.  in-8°,  par  Damaze- 
Raymond  {voy.  LXII,  61);  on  croit 
même  qu'il  eut  la  plus  grande  part  à 
cet  ouvrage,  publié  sous  le  nom  de  son 
compatriote.   Mais  l'ardeur  avec  la- 
quelle Rabbese  livra  dès  lors  au  travail 
avait  aggravé  son  horrible  maladie, 
et  deux  ans  de  séjour  en  Provence,  au- 
près de  sa  famille,  ne  lui  avaient  rendu 
qu'une    santé   imparfaite,  lorsqu'en 
1815,  cédant  aux  suggestions  de  ses 
parents,  il  prit   parti   pour  la  Res- 
tauration ,  et  publia  deux    brochu- 
res dont  la  virulence  était  aigrie  par 
le  chagrin  d'avoir  perdu  la  n.'oilié  de 
son  nez.  Chargé  d'une  mission  secrète 
en  Espagne  pour  les  Bourbons,  Rabbe 
fut  arrêté  sur  la  frontière.ll  recouvra 
la  liberté  après  la  bataille  de  Water- 
loo, et  se  trouvant  à  Marseille,  au 
mois  de  juin  suivant,  il  fut  présenté 
au  duc  d'Augoulèmc.  Il  s'attendait  à 
être  magniliqiiemeut  récompensé  de 
sa  mission  et  de  sa  détention;  mais 
n'ayant  reçu  du  duc  de  Richelieu  que 
l'offre  d'iui  emploi  médiocre  au  mi- 
nistère des  affaires  étrangères,  il  s'en 
ipdigna,  déserta  la  cause  bourbonien- 


RAB 


RA6 


245 


ue  et  suivit  quelque  temps  à  Aiz  ia 
carrière  du  barreau  avec  assez  de  suc- 
cès. Comme  il  n'y  trouvait  pas  les  res- 
sources que  la  perte  de  sa  fortuneavait 
rendues  nécessaires,  il  alla  fonder 
àMarseille,en  1819,  /eP/ioceen, feuille 
quolidieniie  qu'il  fit  précéder  par  une 
brochure  intitulée  :  De  Vutilité  des 
journaux  politiques  publiés  dans 
les  départements.  Le  Phocéen,  étant 
le  premier  journal  rédigé  à  Marseille 
dans  un  sens  diamétralement  opposé 
au  système  alors  dominant ,  fut  vio- 
lemment attaqué  dès  ses  premiers 
numéros,  en  janvier  1820;  et,  malgré 
le  courage  que  Rabbe  montra  dans 
cette  circonstance,  au  milieu  d'une 
ville  qui  avait  chanté  la  palinodie 
comme  lui,  mais  dans  un  sens  inver- 
se, il  ne  put  se  garantir  des  procès, 
des  réquisitoires  et  des  condamna- 
tions. Mis  en  prison,  il  obtint  d'être 
relâché  sous  caution,  et  fit  encore  pa- 
raître son  journal  pendant  quelques 
jours;  mais  informé  qu'on  allait  exer- 
cer contre  lui  des  poursuites  plus  sé- 
vères, il  partit  pour  Grenoble.  Les 
marques  de  sympathie  qu'il  y  reçut 
des  habitants  ne  l'empêchèrent  pas 
d'être  arrêté;  il  ne  recouvra  la  liberté 
que  moyennant  un  cautionnement 
en  argent,  et  se  rendit  à  Aix,  où  le 
chagrin  venait  de  terminer  les  jours 
de  sa  mère.  Au  mois  d'août  1821 ,  il 
subit  encore  deux  jugements;  mais  il 
fut  acquitté  deux  fois,  quoiqu'il  eût 
eucouru  le  reproche  de  calomnie  con- 
tre l'administration  des  Bouches-du- 
Rhône,  en  l'accusant  de  n'avoir  pas 
justifié  l'emploi  d'une  somme  de  cinq 
millions.  Dégoûté  de  la  Provence ,  il 
revint  à  Paris  en  1822,  et  y  fut  ré- 
dacteur de  VÂlbum,  Journal  des 
arts,  des  modes  et  des  théâtres,  fondé, 
en  1821,  par  M.Fr.  Grille  qui,  aprèsen 
avoir  publié  cinq  volumes ,  venait  de 
céder  Ja  propriété  au  jeune  Magalon. 


Le  nouvel  éditeur-gérant  n'imita  pas 
la  modération  de  son  prédécesseur. 
Ce  recueil,  auquel  il  avait  substitué 
le  titre  A\4lbum^  Journal  des  arts, 
de  la  littérature  et  des  théâtres,  et 
ajouté  au  titre  du  tome  VII  :  des 
7WQ?ur*,  é'aità  peine arrivéaudixièmc 
volume  (1),  lorsqu'il  prit  fin  par  suite 
de  la  longue  et  cruelle  incarcération 
à  laquelle  Magalon  fut  condamné.  Rab- 
be, devenu  plus  prudent,  avait  cessé, 
depuis  quelques  mois,  touie  collabo- 
ration à  VÀlbum,  lorsqu'il  s'attacha 
à  ia  rédaction  du  Courrier  français. 
auquel  il  fournit,  en  1824,  plusieurs 
articles  sur  les  beaux-arts.  Celui  qu'il 
fit  sur  le  sacre  de  Charles  X  donna 
lieu  à  des  poursuites.  Dn  autre  arti- 
cle, dans  lequel  il  dénonça  l'achat, 
fait  par  le  ministère,  des  Tablettes 
universelles,  dont  il  avait  été  colla- 
borateur, en  1822  et  1823,  lui  susci- 
ta un  duel  avec  l'éditeur.  En  1827, 
il  travailla  à  la  Biographie  univer- 
selle et  portative  des  contemporains, 
à  peu  près  dès  la  fondation  par  Babeuf, 
fils  du  fumeux  démagogue  {voy.  Ba- 
beuf, II!.  15fi).  Mais  après  avoir  pu- 
blié six  livraisons  de  cet  ouvrage  , 
qui  s'imprimait  à  Blois,  l'éditeur, 
n'ayant  plus  moyen  de  le  continuer, 
ftit  forcé  d'y  renoncer,  et  les  im- 
primeurs Aucher-Éloy  et  compa- 
gnie le  prirent  pour  leur  compte. 
On  n'en  était  qu'à  la  lettre  C.  Bo- 
quillon,  qui  en  avait  jusque-là  diri- 
gé la  rédaction,  au  nom  de  Babeuf, 
fut  remplacé  par  Rabbe.  On  ne  pou- 
vait faire  un  plus  mauvais  choix.  L'i- 
magination ardente  du  nouveau  ré- 
dacteur ne  le  rendait  pas  plus  capa- 


(i;  Barbier,  d^ins  son  Dictionnaire  dtsano- 
nj-fti,  en  mentionnant  VAlbum,  sans  autre 
titre,  u'a  cité  que  le  nom  de  M.  Grille,  et  les 
années  1823  et  1828,  5  vol.  Il  aurait  dà  dir* 
M.  Grille.  5  Toî..  i8ai  à  iS22;etM.  M*- 
gslon  jusqu'au  lo*  vol.,  iSaaii  iSt'i. 


U6 


RAB 


ble  de  diriger  une  opération  littéraire 
que  de  gouverner  ses  propres  affai- 
res. L'entreprise  allait  tomber  si,  dès 
la  quinzième  livraison,  Aucher-Éloy 
ne  fût  venu  à  Paris  pour  débarrasser 
Rabbe  d'une  corvée  au-dessus  de  ses 
forces.  Celui-ci  continua  cependant  à 
y  fournir  des  articles.  Il  s'était  chargé 
des  notices  de  quelques  notabilités 
contemporaines,  telles  que  Canning, 
Catherine  11^  Benjamin  Constant,  le 
peintre  David,  etc,  etc.  Celle  de  Can- 
ning a  été  imprimée  à  part,  en  1827, 
in-8°  de  64  pages.  Ses  articles  sont 
généralement  moins  remarquables 
pour  la  recherche  et  l'exactitude  des 
faits  que  par  une  excessive  lon- 
gueur, par  un  style  redondant  et  dé- 
clamatoire. Aussi  a-t-il  eu  peut-être 
quelque  sujet  de  se  reprocher  les 
malheurs  et  la  mort  de  son  succes- 
seur. En  effet,  Aucher-Éloy  avait  pro- 
mis aux  souscripteurs  de  la  Biogra- 
phie portative  qu'elle  n'aurait  que 
60  livraisons ,  et  que  toutes  celles  qui 
dépasseraient  seraient  données  gra- 
tis. Leur  nombre  alla  jusqu'à  80; 
ainsi  la  perte  fut  de  20  livraisons 
pour  les  éditeurs.  Aucher-Éloy,  s'é- 
tant  brouillé  alors  avec  son  associé 
de  Blois,  partit,  fn  1829,  pour  la 
Russie  d'où  il  est  revenu,  après  un 
séjour  de  plusieurs  années,  se  suicider 
en  France  !  Boisjolin  fit  moins  encore 
pour  cet  ouvrage  que  n'avait  fait  Rab- 
be, et  n'en  fut  directeur  que  de  nom. 
Nommé  capitaine  dans  la  garde  na- 
tionale, après  la  révolution  de  1830, 
il  ne  s'occupa  nullement  de  la  Bio- 
graphie(tJoy.  t.LVlII,p.  463).  Afinde 
soutenir  l'énergie  de  ses  facultés  in- 
tellectuelles, Rabbe  avait  recours  au 
café,  dont  il  faisait  un  usage  imuio- 
déré  et  dangereux  pour  sou  tempé- 
rament. Un  régime  antiphlogisti- 
que  lui  était  prescrit;  il  ne  put  s'y 
soumettre,  et  préféra  le  perfide  secours 


RAB 

de  l'opium,  dont  il  abusa  à  tel  point, 
qu'il  avait  fini  par  en  prendre  jus- 
qu'à 180  gouttes  par  jour,  tandis  que 
20  gouttes  suffisent  pour  plonger 
dans  un  sommeil  éternel  ceux  qui  en 
prennentpourlapremièrefois,  Rabbe 
trouvait  que  ce  dangereux  breuvage 
donnait  à  ses  idées  plus  de  fraîcheur 
et  de  vivacité,  plus  d'énergie  à  sa 
parole;  mais  bientôt  il  retombait 
dans  une  atonie  complète.  Une  in- 
flammation du  péricarde  s'était  dé- 
clarée vers  la  tin  de  1829;  une  re- 
chute eut  lieu  le  27  déc,  et  il  mou- 
rut le  1"  janvier  1830,  dans  sa  44'"« 
année,  après  une  agonie  de  quatre 
jours.  Le  lendemain,  un  grand  nom- 
bre de  gens  de  lettres,  d'artistes,  d'a- 
vocats et  d'hommes  politiques,  Ar- 
mand Carrel,  Gauja,  MVl.  Châtelain, 
Alexis  Dumesnil,  Victor  Hugo,  Foya- 
tier,  Mignet,  Alexandre  Dumas,  Pierre 
Grand,  Thiers,  etc.,  assistèrent  à  ses 
funérailles  et  accompagnèrent  son 
corps  au  cimetière,  oii  l'on  fit  une  col- 
lecte pour  l'achat  du  terrain  destiné 
à  son  tombeau,  car  Rabbe  était  sans 
fortune.  Son  corps  ne  fut  pas  présenté 
à  l'église,  soit  qu'il  l'eût  ordonné, 
soit  que  ses  amis  l'eussent  ainsi  vou- 
lu. Tous  les  journaux  libéraux,  le 
Figaro,  le  Corsaire,  le  National.,  le 
Démocrate  littéraire^  etc.,  s'empres- 
sèrent de  lui  consacrer  des  articles 
nécrologiques  plus  ou  moins  louan- 
geurs, mais  la  plupart  erronés  et  in- 
complets. Rabbe,  au  premier  abord, 
paraissait  avoir  de  l'orgueil  et  de  la 
roideur  ;  mais  ses  amis  assurent  qu'il 
était  bon,  obligeant,  et  que  dans  la 
société  intime  il  avait  beaucoup  d'ex- 
pansion et  d'abandon.  Son  amonr- 
propre  s'enflammait  jusqu'à  la  vio- 
lence, mais  il  s'apaisait  aisément 
après  la  plus  simple  explication.  Le 
triste  changement  que  sa  première 
maladie  avait  opéré  sur  son  physique, 


RAB 

et  son  état  de  souffrance  habituelle,  lui 
avant  imposé  la  dure  nécessité  de  re- 
noncer à  la  société  des  salons,  en  lui 
exagérant  l'effet  désagréable  qu'il  y 
produisait  et  en  le  bornant  à  vivre 
dans  la  retraite  et  l'obscurité  ou  dans 
l'intimité  de  quelques  amis,  avaient 
aigri  son  caractère  et  sa  susceptibilité 
naturelle.  Depuis  l'âge  de  26  ans,  il  ne 
jouissait  plus  de  la  vie  :  il  avait  même 
songea  la  quitter,  et  l'idée  de  la  pro- 
longer redoublait  le  sentiment  de  ses 
peines.  Il  se  fâchait  quand  on  lui  lais- 
sait entrevoir  un  avenir  plus  tran- 
quille, et  il  disait  souvent  qu'il  ne 
liésirait  autre  chose  que  de  la  gloire 
argent   comptant.    Sa    parole   était 
brève,  facile,  énergique,  mais  enflée 
et  prétentieuse;  il  prenait  ordinai- 
rement le  ton  et  l'attitude  d'un  ora- 
teur. Son  style  avait  les  mêmes  qua- 
lités et  les  mêmes  défauts  :  il   était 
souvent  trop  incisif,  trop  amer.  Voici 
la  liste  des  autres  ouvrages  de  Rabbe  : 
\.  Méditations  sur  la  mort  de  Napo- 
léon, Paris,  1821,  in-S",  brochure  de 
16  pages  qui  ne  fut  mise  en  vente 
qu'en  1831.  II.  Résumé  de  l'histoire 
d'Espagne,  depuis  la  conquête  des 
Roniains  jusqu'à  la  révolution  de 
l'île  de  Léon,  avec  une  Introduction 
par  Félix  Bodin,  Paris,  1823,  in- 18; 
i'  édit.,  1828,  in-18;  traduit  en  espa- 
gnol par  M.  V.  M.  Licenciado,  Paris, 
1824,  2  vol.  in-12.  III.  Résumé  de 
l'histoire  de  Portugal ,  depuis  les 
premiers  temps  de  la  monarchie  jus- 
qu'en 1823,  avec  une  Introduction 
par  R.-T    Châtelain,  Paris,  1824, 
Jn-18  ;  3«  édit.,  1827,  in-t8  ;  trad.  en 
castillan,  ibid.,  1827,  2  vol.  in-12. 
IV.   Résumé  de  l'histoire  de  Russie^ 
depuis  l'établissement  de  Rourik  et 
des  Scandinaves  jusqu'à  nos  jours, 
Paris,   1S25,   in-18,  deux   éditions. 
Quoique  ces  trois  ouvrages  soient  ci- 
Xéé  parmi  les  meilleurs  de  ceux  qui 


RAB 


247 


forment  la  collection  des  Résumés  de 
Félix  Bodin,  ils  offrent, surtout  le  troi- 
sième, plus  d'imagination  que  d'exac- 
titude. V.  Histoire  d'Alexandre,  em- 
pereur de  toutes  les  Russies,  et  des 
principaux  événements  de  son  règne, 
Paris,  1826,  2  vol.  in-So.  Ce  livre, 
assez  inexact  et  peu  complet  sous  le 
rapport  des  faits,  est  d'ailleurs  fort 
superficiel  et  ne  fait  connaître  qu'im- 
parfaitement la  brillante  carrière  po- 
litique du  czar.  La  pauvreté  des  aper- 
çus et  l'absence  de  recherches  neuves 
et  profondes  y  sont  vainement  dégui- 
sées sous  un  style  ambitieux  qui  dé- 
génère souvent  en  boursouflure,  en 
lieux  communs,  et  qui  n'est  pas 
exempt  d'incorrection.  VI.  Géogra- 
phie de  l'empire  de  Russie,  contenant 
la  Russie  d'Europe  et  celle  d'Asie^ 
Paris,  1828,  2  vol.  iu-18;  2»  édit., 
1829,  2  vol.  in-18.  Rabbe,  est  auteur 
de  ['Introduction  historique  ûes  Mé- 
moires sur  la  Grèce  ,  par  Maxime 
Rrybaud,  1824-25,  et  de  V Introduc- 
tion à  l'histoire  du  Bas-Empire,  par 
.\imé  Millet,  1825,  faisant  partie  de 
Il  Bibliothèque  du  XIX'  siècle.  Il  a 
donné  la  notice  d'Angelica  Kauf- 
mann  dans  la  Galerie  des  contem- 
porains. On  lui  a  attribué  le  Précis 
historique  de  la  guerre  entre  la 
France  et  l'Autriche  en  1809,  Paris, 
1823,  in  80.  Ce  n'est  que  la  réimpres- 
sion du  troisème  volume  du  Voyage 
pittoresque  en  Autriche,  par  Alex, 
(le  Laborde.  A— T. 

RABIRIUS  (CaTus),  chevalier 
romain ,  avait  pris  les  armes  eu  fa- 
veur du  sénat  et  des  consuls  contre 
des  factieux  au  nombre  desquels  se 
trouvaient  Q.  Labiénus  et  le  tribun 
du  peuple  Âpuléius  Saturninus  ,  qui 
l'un  et  l'autre  furent  tués.  Trente-six 
ans  après  cet  événement,  c'esl-à-dire 
soixante-trois  ans  avant  Jésus-Christ, 
Titus  Labiénus,  neveu  de  Quint  us, 


248 


RAB 


entreprit  de  poursuivre  Rabinus, 
comme  coupable  du  meurtre  d'Apu- 
léius  Saturninus,  qu'il  n'avait  cepen- 
dant pas  tué,  mais  dont  il  avait  porté 
la  tête  en  triomphe.  Au  reste,  d'a- 
près Suétone,  c'était  à  l'instigation 
de  Jules-César ,  toujours  empressé 
d'exciter  la  haine  des  plébéiens  con- 
tre les  patriciens,  que  Labiénus  agis- 
sait. Celui-ci  proposa  de  faire  juger 
Rabirius  comme  Horace,  meurtrier  de 
.sa  sœur,  par  deux  commissaires  ou 
duumvirs  qui  le  condamnassent  à 
être  battu  de  verges  et  mis  en  croix. 
Ce  décret,  malgré  l'opposition  du 
sénat,  fut  rendu.  Les  deux  commis- 
saires, nommés  non  par  le  peuple, 
ainsi  que  cela  s'était  pratiqué  dans  le 
procès  d'Horace,  mais  par  le  sort 
dont  on  dirigea  peut-être  la  voie,  fu- 
rent précisément  Jules-César  et  un 
de  ses  parents.  Avec  de  pareils  juges, 
la  sentence  de  mort  contre  l'accusé 
ne  pouvait  manquer  d'être  pronon- 
cée. Mais  Rabirius  condamné  en  ap- 
pela à  l'assemblée  du  peuple;  il  fut 
défendu  par  Hortensius  et  par  Cicé- 
ron,  alors  consul.  Ce  grand  orateur, 
plusieurs  fois  interrompu  par  des 
murmures,  n'en  prononça  pas  moins 
un  discours  des  plus  énergiques  : 

•  Plût  aux  dieux,  dit-il,  que  la  vé- 

•  rite  me  permît  de  publier  haute- 

•  ment  que  C.  Rabirius  a  tué  de  sa 

•  propre  main  un  ennemi  de  la  pa- 

•  trie  tel  qu'ApuIéius  Saturninus!... 
«  Je  penserais  que  c'est  une  action 

•  très-belle  et  très -glorieuse  pour 

•  laquelle  nous  aurions  à  demander 

•  des  récompenses ,  et  non  à  crain- 
-  dre  des  supplices.  Ne  pouvant  faire 

•  cet  aveu,  j'en  fais  un  qui  nous  rend 

•  moinsdigncsde  louanges,  mais  qui, 

•  s'il  y  avait  du  crime  dans  la  cause, 

•  ne  nous  rendrait  pas  moins  crimi- 

•  nels.  J'avoue  que  C.  Rabirius  a  pris 

•  les  armes  pour  tuer  ApuleiusSatur- 


IIAB 

•  ni  nus.  »  H  protesta  qu'un  citoyen  ne 
pouvait  pas  être  coupable  pour  avoir 
suivi  un  parti  à  la  tête  duquel  étaient 
le  sénat,  les  consuls  et  les  premiers 
personnages  de  Rome.  Malgré   cet 
éloquent  plaidoyer,  les  amis  de  Ra- 
birius redoutaient  encore  l'influence 
de    Jules-César    sur   la    multitude. 
Dans  celte  conjoncture  critique  ,  le 
préteur  Q.  Meteilus  Celer  fit  enle- 
ver de  la  tour  du  Janicule  l'éten- 
dard qui,  selon  un  antique   usage, 
devait  y  rester  arboré  pendant  les 
délibérations  du  peuple  au  Champ- 
de-Mars.    Par  ce  stratagème,  l'as- 
semblée  se  trouva  dissoute  et  fut 
ajournée;  mais  T.  Labiénus  abandon- 
na une  accusation  qui  pouvait  ame- 
ner   des  troubles    dans   l'État.   — 
Rabirius  Posthumus  (C),  chevalier 
romain,  était  lîls  de  C.  Curius  et  fut 
adopté  par  C.  Rabirius  dont  il  prit 
le  nom.  Il  prêta  ou  fit  prêter  des 
sommes  considérables   à    Ptolémée 
Aulétès,  roi   d'Egypte;   mais  lors- 
qu'il en  demanda  le  remboursement, 
ce  prince  lui  proposa  de  se  charger 
de  l'administration  de  ses  revenus, 
et  de  se  payer  lui-même  peu  à  peu. 
Rabirius  accepta  la  proposition  ou 
plutôt  tomba  dans  le  piège,  car  il  ne 
tarda  pas  à  être  emprisonné  par  or- 
dre de  Ptolémée.  Cependant  il  trou- 
va moyen  de  s'évader  et  retourna  à 
Rome  où  il  fut  mal  accueilli.  On  lui 
reprocha  d'avoir  avili  le  titre  de  che- 
valier romain,  en  devenant  le  régis- 
seur du  roi  d'Egypte  ;  on  l'accusa 
même  de  trahison,  de  concussion  et 
de  complicité  avec  Aulus   Gabinius 
{voy.  ce  nom,  XVI ,  215).  Cicéron  le 
défendit  et  le  sauva  d'une  condam- 
nation capitale.  —  Rabirius  {Caïus\ 
poète  latin,  contemporain  de  Virgile, 
avait  composé,  sur  la  bataille  d'Ac- 
tium,  un  poème  dont  il  ne  reste  que 
quelques  fragments,  insérés  par  Mail- 


RAB 

taire  (coy.  ce  nom,  XXVI,  301),  dans 
son  recueil  intitulé  :  Opéra  et  frag- 
menta veterum  poetarum  latinorum. 
Ce  poète  avait  acquis  une  grande  ré- 
putation :  Sénèque  le  compare  à  Vir- 
gile; mais  Quintilien  n'en  porte  pas 
un  jugemj'nt  aussi  favorable.  —  Rabi- 
Rius,  architecte  romain,  florissait 
sous  l'empereur  Domiticn,  qui  com- 
mença à  régner  l'an  81  de  J.-C  On 
sait  que  ce  prince  sanguinaire  et  dis- 
solu avait  le  goût  ou  plutôt  la  ma- 
nie de  bâtir.  Il  fit  élever  un  grand 
nombre  de  monuments  dont  il  confia 
les  travaux  à  Rabirius,  entre  autres 
un  palais  sur  le  mont  Palatin,  qui 
passait  pour  un  chef-d'œuvre,  des 
temples,  des  arcs  de  triomphe,  etc. 
Le  rétablissement  du  Capitole,  qu'un 
incendie  avait  consumé,  fut  encore 
l'ouvrage  de  Rabirius;  probablement 
il  construisit  aussi  la  voieDomitienne 
dans  la  Campanie  et  le  pont  sur  le 
Vulturne.  Après  la  mort  de  Domitien, 
son  palais,  les  édifices  érigés  en  son 
honneur,  ou  qui  rappelaient  sa  mé- 
moire devenue  odieuse,  furent  ren- 
versés ;  mais  les  vestiges  qui  restent 
de  quelques-uns  attestent  les  talents 
de  l'architecte.  P— rt. 

R  ABOTEAU  (Pierre-Paul),  poète 
et  littérateur,  né  à  La  Rochelle  en 
1766,  était  à  peine  âgé  de  22  ans 
lorsque  l'académie  des  belles-lettres 
de  celte  ville  l'admit  dans  son  sein. 
Il  embrassa  dès  le  commencement  la 
cause  de  la  révolution  et  publia,  en 
1790,  une  ode  sur  la  Prise  de  la  Bas- 
tille. En  1797  il  vint  se  fixer  à  Paris, 
où  il  se  fit  connaître  par  quelques 
poésies  légères  et  par  des  ouvrages 
dramatiques  qui  furent  représentés 
sur  le  théâtre  du  Vaudeville.  Il  com- 
posa, en  société  avec  Radet.  l'Avare 
et  son  ami  (1801);  en  société  avec  La 
Chabeaussière,  Lasthénie,  ou  Une 
journée  d'Alcibiade  (1802):   et  une 


RAB 


249 


pièce  intitulée  :  Attendre  et  courir 
(1803).  Il  composa  seul  un  joli  vau- 
deville, qui  a  pour  titre  :  La  Ville  et 
le  village  (1802),  et  un  autre  inti- 
tulé :  Urbain  et  Joséphine  {ISQZ).  Il 
fit  paraître  un  poème  de  quatre  à 
cinq  cents  vers,  les  Jeux  de  Venfan- 
ce,  Paris,  1802,  m  8°.  Cet  ouvrage, 
écrit  avec  talent  et  sensibilité,  fut 
réimprimé  en  1804,  in-S",  et  il  mé- 
riterait de  l'être  encore.  Dans  celte 
seconde  édition  la  peinture  des  jeux 
du  collège,  qui  avait  été  trouvée  trop 
restreinte,  a  reçu  plus  de  développe- 
ment. Membre  de  la  Société  phi- 
lotechnique, où  il  fut  admis  en  1803 
sur  le  rapport  de  son  ami  Andrieus, 
Raboteau  y  lut  un  poème  adressé 
aux  Artistes.,  une  églogue  de  Ré- 
becca,  tirée  de  la  Bible,  une  épître 
à  TEnnui,  d'autres  poèmes  et  un 
grand  nombre  de  fables,  que  l'on 
dislingue  encore  dans  les  recueils 
poétiques  du  temps.  Souvent  in- 
vité à  publier  ses  poésies,  Rabo- 
teau, par  Ufie  modestie  rare,  les  gar 
da  toujoursi  dans  son  portefeuille. 
Il  mourut  le  21  oct.  1825  à  La  Ro- 
chelle, où  depuis  plusieurs  an- 
nées il  s'était  retiré  avec  sa  famille, 
après  avoirétépendant  quelque  temps 
sous-chef  dans  une  division  du  mi- 
nistère de  la  police  sous  M.  Deca/es, 
Nous  savons  que  les  loisirs  de  sa  re- 
traite furent  remplis  par  un  grand 
nombre  d'études  poétiques,  dont  la 
variété  atteste  l'étendue  de  ses  con- 
naissances littéraires.  Son  travail  sur 
Plaute  est  un  manuscrit  remarqua- 
ble. Ainsi  Raboteau  trouva  dans  ses 
dernières  années  d'utiles  consola- 
tions aux  peines  dont  des  infirmi- 
tés précoces  lui  firent  ressentir  les 
atteintes.  V — VE. 

R.ABCEL  (Cladde),  né  à  Pont- 
de-Veyleen  Bresse,  le  24  avril  1669, 
entra  dans  la  compagnie  de  îésus.  à 


d50 


RAC 


l'âge  de  dix-sept  ans,  et  enseigna 
iong-temps  avec  succès  les  humani- 
tés; enfin  les  ordres  de  ses  supé- 
rieurs le  fixèrent  à  l'étude  des  ma- 
thématiques, qu'il  professa  au  col- 
lège de  la  Trinité  à  Lyon,  pendant 
les  vingt  dernières  années  de  sa  vie. 
Il  mourut  dans  cette  ville  le  12  avril 
1728.  On  a  imprimé  après  sa  mort  un 
Commentaire  sur  la  géométrie  de 
Descartes,  1730,  in^",  publié  par 
les  soins  du  P.  Lespinasse,  disciple 
et  ami  de  l'auteur.  Rabuel  laissa  en 
manuscrit  des  traités  d'algèbre,  des 
sections  coniques,  des  lieux  géomé- 
triques, du  calcul  différentiel  et  du 
calcul  intégral.  Il  cultivait  aussi  la 
poésie  latine  avec  un  talent  distin- 
gué. T— D. 

RACAGNI(l<'PèreJosEPH-MABiE), 
physicien  italien,  né  en  1741,  à  la  Ta- 
razza,  dans  la  province  de  Voghera, 
suivit  de  bonne  heure  sa  vocation 
pour  l'état  ecclésiastique,  et  entra  en 
1768  dans  le  collège  des  barnabites 
de  Monza.  L'étude  de  la  théologie  ne 
l'empêcha  pas  de  se  livrej  à  celle  des 
sciences  exactes,  qu'il  apprit  du  P. 
Canterzani ,  habile  mathématicien. 
Racagni  fit  tant  de  progrès  dans  la 
physique  et  les  mathématiques  que, 
jeune  encore,  il  fut  destiné  à  les  en- 
seigner dans  les  écoles  de  Saint- 
Alexandre,  à  Milan.  Le  célèbre  abbé 
Frizi,  professeur  de  mathématiques 
supérieureSjle  proposa  comme  capable 
de  remplir  sa  chaire  pendant  ses  voya- 
ges. Enfin  on  le  nomma  professeur 
ordinaire  de  physique  dans  les  écoles 
deBréra.  Racagni  a  professé  pendant 
trente  ans  avec  zèle  et  succès;  il  se 
distinguait  par  sa  facilité ,  par  sa 
précision  et  par  son  amour  pour 
les  sciences;  aussi  a-t-il  formé  plu- 
sieurs élèves  distingués.  C'est  par  ses 
soins  que  le  cabinet  de  physique  de 
Bréra  se  trouve  riche  d'instruments. 


RAG 

En  1790,  il  fil  des  voyages  à  Vienne, 
en  Hongrie  et  à  Naples,  pour  con- 
naître les  plus  savants  physiciens 
de  ces  pays;  il  obtint  l'estime  des 
personnages  les  plus  illustres,  tels 
que  le  cardinal  d'Herzan,  le  comte 
Esterhazy,  le  chevalier  Hamilton ,  et 
surtout  le  comte  de  Firmian.  Racagni 
fut  nommé,  en  1 801 ,  l'un  des  quarante 
de  la  Société  italienne,  et  en  1812 
membre  de  l'Institut  italien.  On  a 
de  lui  la  Théorie  des  fluides,  impri- 
mée en  1779,  où  il  traite  des  fluides 
en  général,  et  en  particulier  de  l'eau, 
de  l'air,  de  l'électricité,  etc.  En  1807 
il  publia,  à  Milan ,  un  mémoire  sur 
les  translations,  où  il  examine  les 
différentes  formules  proposées  par 
Prony,  Fossombroni  et  Bezout.  On 
trouve  un  autre  mémoire  inséré  dans 
les  Actes  de  la  Société  italienne  (tome 
XVIII,  p.  139);  l'auteur  y  parle  de 
quelques  conducteurs  électriques, 
frappés  par  la  foudre  ;  et,  sans  con- 
tester l'efficacité  des  paratonnerres, 
il  donne  la  raison  pour  laquelle  ils 
ne  remplissent  pas  toujours  leur  des- 
tination. Dans  un  mémoire  sur  les 
propriétés  des  nombres,  il  entre- 
prend de  généraliser  la  théorie  de 
Kramp.  Les  sciences  exactes  lui  doi- 
vent encore  d'autres  services^  notam- 
ment les  expériences  qu'il  fit  avec  le 
P.  Pino,  son  collègue,  sur  le  bélier 
hydraulique,  dont  il  chercha  un 
des  premiers  à  expliquer  les  singu- 
liers phénomènes.  Religieux,  tolé- 
rant, Racagni  fut  généralement  estimé 
au  milieu  des  agitations  politiques  de 
son  temps.  Il  mourut  le  5  mars  1822. 
Toujours  utile  pendant  sa  vie,  il  vou- 
lut l'être  encore  après  sa  mort,  et  lé- 
gua un  prix  annuel  de  2,ooo  fr.  pour 
celui  des  élèves  des  sciences  physi- 
ques qui  s'y  distinguerait  le  plus.  Le 
cinquième  volume  des  Mémoires  de 
l'Institut  du  royaume  lombardvé' 


RAC 

nitien  (Milan,  1838,  in- 40),  contient 
un  mémoire  posthume  de  Racagni; 
il  a  pour  titre  :  Sopra  i  sistemi,  etc. 
(Sur  les  systèmes  de  Franklin  et  de 
Syramer,  concernant  l'électricité).  Z. 

RACHEL.  Voy.  Jacob,  XXI,  32Î. 

RACHETTI  ou  Raechetti  (  Vin- 
cent), médecin  italien,  néàCréma,  le 
17  mai  1777,  d'une  famille  aisée,  étu- 
dia la  philosophie  et  les  mathémati- 
ques à  Lodi,  puis  le  droit  à  l'univer- 
sité de  Pavie.  Reçu  docteur  en  1798, 
il  abandonna  aussitôt  cette  carrière 
pour  se  livrer  à  la  médecine,  ot  prit 
ses  degrés  à  l'université  de  Padoue. 
Ce  fut  aussi  dans  cette  dernière  ville 
qu'il  se  fortifia  dans  la  langue  grec- 
que en  suivant  les  leçons  du  célèbre 
Cesarotti  {voy.  ce  nom.  VU ,  578). 
Revenu  dans  sa  ville  natale,  il  y  exer- 
ça la  médecine  jusqu'en  1802,  époque 
k  laquelle  il  se  rendit  à  Milan,  où  il  ne 
tarda  pas  à  se  faire  de  puissants  pro- 
tecteurs. François  Meizi ,  alors  vice- 
président  de  la  république  italienne, 
lui  procura  la  place  de  secrétaire  de 
la  direction  centrale  de  la  santé  au 
ministère  de  la  guerre.  Eu  1807,  Ra- 
chetti  fut  nommé  premier  médecin 
de  l'hôpital  de  Crema,  et  peu  après 
professeur  de  physique  au  collège  de 
cette  ville.  Trois  ans  plus  tard  il  fut 
appelé  à  Pavie  pour  y  occuper  la 
chaire  de  pathologie,  de  mt^decine  lé- 
gale et  de  pulice  médicale.  Dans  ses 
leçon*  de  pathologie ,  il  aimait  à  s'é- 
tendre sur  la  force  vitale  et  à  dé- 
montrer que  la  physiologie  était  fille 
de  la  pathologie  à  laquelle,  de  son 
côté,  elle  a  rendu  depuis  de  grands 
services.  Ennemi  des  systèmes  de  Dar- 
win et  de  Brown,  il  s'arrêtait  volon- 
tiers à  les  réfuter  et  apportait  dans 
ses  arguments  tant  de  subtilité  que 
ses  élèves  avaient  bien  souvent  de  la 
peine  à  le  comprendre.  Mais,  dans 
les  questions  de  médecine  légale  et 


RAC 


2ol 


de  police  médicale,  il  donnait  moins 
de  cours  à  son  imagination  et  ne  s'é- 
cartait guère  de  la  méthode  scolasti- 
que.  La  chaire  de  clinique  médicale 
étant  devenue  vacante  en  1H16,  par 
la  mort  de  Raggi,  Raechetti  le  rem- 
plaça pendant  quelque  temps;  mais 
atteint  d'une  maladie  causée  par  l'ex- 
cès du  travail,  et  qui  influa  sur  ses 
facultés  intellectuelles,  il  fut  obligé 
de  renoncer  à  l'enseignement  et  de 
se  retirer  dans  sa  ville  natale,  où  il 
mourut  le  9  avril  1819,  après  deux 
années  de  souffrances  physiques  et 
morales.  Il  avait  publié  :  I.  Teorica 
délia  prosperità  fisica  délie  nazio- 
n»,  nei  rapporti  d'economia  publî- 
ca,  ossia  esposizione  dei  principi 
politici  che  servono  di  base  a  tutla 
l'opéra,  Milan,  1802,  tome  I,  1'* 
partie,  in-8°.  Ce  livre  fit  assez  de 
sensation  dans  le  monde  savant  pour 
être  l'objej  d'im  examen  spécial.  Une 
commission  fut  nommée  à  cet  effet, 
mais  sou  jugeuieut  fut  |)eu  favorable, 
ce  qui  dégoûta  Raechetti,  et  l'ouvrage 
ne  fut  pas  contiuué.  Au  reste,  le  plan 
dans  lequel  il  l'avait  conçu  était  trop 
vaste,  et  dépassait  évidemment  les 
forces  d'un  homme.  On  lui  reprocha 
aussi  de  s'y  montrer  trop  optimiste. 
Malgré  ces  défauts ,  la  Théorie  de  la 
prospérité  physique  des  nations  of- 
fre des  aperçus  neufs,  jugénieux,  et 
annonce  un  hoîome  profondément 
versé  dans  l'économie  politique  et  la 
jurisprudence.  L'auteur  n'avait  ce- 
pendant alors  que  vingt-cinq  ans.  H. 
Trattato  délia  milizia  deiGreci  an- 
tichi  colla  versione  del  libro  di  Tat- 
tica  d'Àrriano  (Milan,  2  vol.  in-8''), 
ouvrage  dédié  à  Napoléon  et  qui  offre 
des  chapitres  pleins  d'érudition.  IHous 
citerons  entre  autres  celui  qui  con- 
cerne les  éléphants  considéréscomme 
machines  de  guerre.  III.  Délia  strut- 
tura .  delU  funzioni  e  délie  malat- 


352 


RAC 


RAD 


tie  dellamidollaspinale, M\\&n^i8i6, 
in-8».  Ce  traité  des  maladies  de  la 
moelle  e'pinière  est  estime'.  Le  célèbre 
Rasori  en  rendit  compte  dans  les 
opuscoli  clinici  (tom.  H  ,  page  413), 
et  voici  en  quels  termes  il  en  appré- 
cie la  valeur  littéraire,  après  l'avoir 
loué  sous  le  rapport  scientifique  : 
«  Ce  livre  est  écrit  d'une  manière  peu 
«  commune  aux  savants  d'aujour- 
«  d'hui ,  tant  il  y  a  de  justesse  dans 
«  les  expressions  ,  d'élégance  dans 
■  les  phrases,  d'art  dans  les  périodes. 
«  Seulement  un  œil  de  lynx  pourrait 
•  peut-être  par-ci  par-là  découvrir 
«  quelques  traces  d'affectation.  • 
Racchetti  s'était  aussi  occupé  de  poé- 
sie, et  ses  intimes  se  rappellent  lui 
avoir  entendu  lire  quelques  fragments 
d'une  tragédie  où  il  y  avait  de  la 
verve  et  de  la  correction.  Il  était  de 
plus  musicien,  et  touchait  parfaite- 
ment du  piano  sur  lequel  il  exécutait 
même  des  airs  de  sa  faron.  Peu 
d'hommes  ont  offert  autant  que  lui 
des  contrastes  dans  le  caractère.  Ca- 
pable de  sentir  vivement  l'amitié,  il 
montrait  cependant  de  la  défiance  à 
l'égard  de  tout  le  monde,  et  désor- 
donné dans  sou  imagination  et  ses  dé- 
sirs, il  conserva  toute  sa  vie  des 
mœurs  sévères.  On  comprend  qu'avec 
une  telle  nature  il  devait  aimer  peu 
la  société,  sans  pour  cela  trouver 
plus  de  bonheur  dans  la  vie  de  fa- 
mille. Ayant  été  ou  plutôt  s'étant 
toujours  cru  malheureux,  il  devint 
dans  ses  dernières  années  acariâtre, 
capricieux,  colère,  et  finit  par  tomber 
dans  un  état  de  manie  voisin  do  la  dé- 
mence. Tous  ce»  défauts  n'empêchè- 
rent pas  ses  amis  de  lui  rester  fidèles, 
et  l'un  d'entre  eux,  M.  G.  del  Chiap- 
pa,  lui  a  consacré  une  notice  dans  la 
Biographie  des  Italiens  illustres,  pu- 
bliée à  Venise  par  M.  le  professeur 
Tipaldo.  G— T— R, 


RADAM  A-Mansafta  ou  Manjaka^ 
roi  de  Madagascar,  s'est  acquis  dans 
notre  siècle  une  célébrité  que  n'a- 
vait encore  obtenue  aucun  des  au- 
tres souverains  de  cotte  île  si  impor- 
tante par  sa  position,  ses  potts  et  sa 
population.  Du  reste,  l'histoire  de 
Madagascar  est  peu  connue  et  ne 
mérite  guère  de  l'être.  Des  peuples 
barbares,  des  princes  assassins  ou 
assassinés,  inspirent  peu  d'intérêt. 
Il  est  cependant  nécessaire  de  dire  que 
les  Français,  à  diverses  reprises  et  no- 
tamment en  1642 ,  sous  le  ministère 
de  Richelieu  ,  formèrent,  sur  la  côte 
orientale ,  des  établissements  dont 
le  succès  fut  contrarié  par  des  épi- 
démies, par  des  luttes  continuelles 
et  sanglantes  contre  des  peupla- 
des féroces,  mais  plus  encore  par 
l'inconstance  de  notre  nation  et  par 
son  inexpérience  en  matière  de  co- 
lonisation. Les  droits  de  la  France 
sur  Madagascar  sont  néanmoins  in- 
contestables, et  elle  y  a  toujours  fait, 
quoique  de  loin  en  loin,  acte  de  sou- 
veraineté. Radama,  né  en  1791,  et 
créole  originaire  d'Espagne,  fut  d'a- 
bord soldat,  et  devint  chef  de  la  tribu 
des  Hovas  ou  Ovas,  sur  la  côte  orien- 
tale, l'une  des  plus  puissantes,  des 
plus  guerrières,  et  à  laquelle  il  par- 
vint à  donner  la  domination  sur  plu- 
sieurs autres,  en  faisant  la  conquête 
d'une  grande  partie  de  l'île.  Mais, 
loin  d'imiter  la  barbarie  de  ses  pré- 
décesseurs, il  eut  la  louable  ambition 
de  civiliser  ses  peuples.  Vingt  jeunes 
Hovas,  envoyés  par  lui  en  Angleterre, 
y  reçurent,  durant  quelques  années, 
l'éducation  des  écoles,  et  rapportè- 
rent à  Madagascar,  quoique  un  peu 
superficiellement,  une  partie  des  in- 
stitutions britanniques,  surtout  du 
régime  militaire.  Us  furent  répartis 
lians  les  forts  sur  la  côte,  que  leur 
bravoure  et  leur  tactique  ont  su  défen- 


RAD 


RAD 


*5S 


dre  contre  toutes  les  attaques.  Ra- 
dama  parvint  àorganiser  3,000  Hovas 
en  troupes  régulières,  disciplinées  et 
habillées  à  l'anglaise.  Depuis  1810, 
les  Français  possédaient  sur  la  côte 
orientale  de  l'île  trois  places  impor- 
tante?, Taniatave,  Foui-Pointe  et  Tin- 
tingue,  qui  leur  avaient  été  cédées 
par  deux  chefs  madégasses  *,  mais  a- 
près  la  malheureuse  affaire  qui,  en 
1811,  coûta  la  vie  à  l'intrépide  capi- 
taine Ro(iuebert,  et  enfin  après  la 
honteuse  cession  aux  Anglais  de  l'Ile- 
de-France  ou  Maurice  par  la  paix  de 
1814,  ceux-ci,  qui  avaient  souvent 
tenté  d'acquérir  une  prépondérance 
dominatrice  sur  Madagascar,  voyant 
le  commerce  et  la  puissance  des  Fran- 
çais affaiblis  dans  l'océan  indien,  re- 
vendiquèrent cette  île,  en  1818,  par 
une  fausse  interprétation  du  traité, 
et  y  exercèrent  depuis  une  grande 
influence.  Le  12  juillet  1821,  Radama 
fit  la  guerre  à  Ramitra,  roi  des  Sacia- 
ves,  plus  au  centre  de  lîle,  et  à  l'ouest 
des  Huvas.  Cette  expédition,  qui  fut 
terminée  le  30  août,  se  borna  à  des 
dévastations,   des    enlèvements   de 
bestiaux,  à    200   ennemis  tués   et 
quelques  prisonniers.  Radama  n'avait 
perdu  que  60  hommes.  La  relation  de 
celte  campagne,  écrite  par  son  secré- 
taire Robiu,  sergent  français,  que  les 
hasards  de  la  guerre  avaient  trans- 
planté à  Madagascar,  a  été  analysée 
dans  la  37«  livraison  de  VÀlbnm.  en 
1822.  Elleexagère  les  forces  militaires 
du  loi  des  Hovas,  mais  elle  fait  con- 
naître que  ce  prince  ne  parlait  et  n'é- 
crivait que  le  français,  comme   on 
peut  en  juger  par  le  fac-similé  de 
son  écriture;  que  dans  ses  campagnes 
il  menait  avec  lui  ses  sœurs,  ainsi 
que  Sis  femmes,  et  que  celles-ci  n'a- 
vaient que  le  second  rang  pour  les 
honneurs.    Informé  que,   faute   de 
ports  militaires  dans  l'île  Bourbon, 


de.s  secours  ne  pouvaient  arriver  que 
difficilement  aux   possessions  fran- 
çaises   dans    Madagascar  ,    Radama 
poussa  ses  conquêtes  vers  l'est  ,et  s'enn- 
para  de  Tamatave  et  de  Foul-Poinle 
en  1825.  Suivant  la  relation  que  nous 
venons  de  citer,  Tamatave  apparte- 
nait à  un  créole  de  l'ile-de- France 
nommé  Jean  René,  qui  prenait  le  titre 
de  roi  et  qui,  étant  vassal  de  Radama, 
avait  sans  doute  voulu  se  rendre  in- 
dépendant. La  même  relation  donne 
le  texte  d'une  lettre  écrite  par  Rada- 
ma à  ce  Jean  René  pour  lui  deman- 
der des  umsiciens  et  des  tailleurs. 
L'année  suivante,  le  roi  des  Hovas 
se  dirigea  vers  le  nord,  et  se  rendit 
maître  du  port  de  Tintingue.il  ne  res- 
tait plus  à  la  France  ,  dans  ces  para- 
ges, que  la  petite  île  Sainte-MariCf 
dont  le  commandement  fut  donné,  en 
1828,  au  capitaine  d'artillerie  Schœll 
qui,  dès  son  arrivée,  emama  des  rela- 
tionsavec  les  Hovas.  Radama  commen- 
çait à  se  défier  de  la  politique  anglaise 
et  paraissait  disposé  à  traiter  avec  les 
Français,  lorsqu'il  mourut,  le  24  juil- 
let 1828,  à  l'âge  de  37  ans,  après  une 
maladie  de  huit  mois,  et  au  moment 
où  il  se  flattait  de  soumettre  toute 
l'île,  dont  il  possédait  déjà  les  deux 
tiers;  car  il  avait  réuni  à  sa  puissance 
par  la  persuasion,  la  terrfurou  la 
force  des  armes,  la  plupart  des  tri- 
bus obéissant  avant  lui  à  des  princes 
héréiliiaires  ou  à  dt-s  chefs  électifs. 
Il  ne  lui  restait  à  rtduire  que  les 
noirs  presque  sauvages  de  la  côte 
sud-ouest,  et  les  Anassis,  race  arabe 
presque    pur   sang.    Son  espoir  de 
les  subjuguer  était  assez  fondé,  puis- 
que  ses   forces  montaient   alors   à 
10,000  hommes,  disciplinés  à  l'euro- 
péenne et  pourvus  d'artillerie.  Pour 
assurer  la  supériorité  à  ses  Hovas,  Ra- 
dama leur  avait  réservé  exclusive- 
ment l'usage  des  armes  ï  feu,  inter- 


264 


RAD 


dit  aux  tribus  soumises.  On  peut  dire 
que  ce  prince  fut  pour  ses  sujets  ce 
que  Pierre-le-Grand  avait  été  pour 
la  Russie,  ce  que  Mohammed-Ali  est 
pour  l'Egypte.  11  avait  attiré  à  sa  cour 
des  militaires  français,  des  architec- 
tes ,   des  savants ,   des  artistes   de 
tous  les   pays.  Il  avait  acheté  des 
fusils   en  Europe,   des  chevaux  en 
Arabie.  Enfin  il  avait  avancé  la  civi- 
lisation des  Ho  vas,  en  fondant  à  Ta- 
manarive,  sa  capitale, une  université, 
des  collèges,  des  écoles,  une  impri- 
merie, des  manufactures  d'armes,  des 
fonderies  de  canons.  Sa  mort  plongea 
dansladouleurtousles  habitants.  Sui- 
vant un  ancien  usage,  hommes  et  fem- 
mes se  rasèrent  la  tête  en  signe  de 
deuil;  les  maisons  furent  fermées,  et  le 
morne  silence,  la  Iristesse  ne  furent 
interrompus  que   par  les  gémisse- 
ments et  les  pleurs.  Après  de  magnifi- 
ques funérailles  qui  durèrent  trois 
jours,  et  où  furent  étalés  les  plus  rares 
et  les  plus  beaux  produits  des  manu- 
factures de  France  et  d'Angleterre, 
tant  en  riches  étoffes  qu'en  argenterie, 
porcelaine  et  bijoux,  ainsi  que  les  por- 
traits des  souverains  et  des  person- 
nages contemporains  les  plus  célèbres 
de  l'Europe ,  y  compris  ceux  de  Na- 
poléon et  de  ses  généraux,  le  corps 
du  roi  défunt  lut  renfermé  dans  un 
cercueil  en  argent  massif,  sur  lequel 
fut  gravée  une  épitapheen  langue  des 
Hovas.  On  le  déposa,  le  14  août,  dans 
le  plus  beau  tombeau  qu'il  y  eût  à 
Madagascar,  et  dont  la  construction, 
ainsi  que  celle  du  palais  du  feu  roi, 
avait  été  dirigée  par  un  Lyonnais, 
Louis  Gros,  militaire  en  retraite.  Ce 
ne  fut  que  le  25  sept,  qu'on  enleva 
les  tentures  de  toile,  draps,  velours 
et  soieries  exposées  dans  ce  palais. 
Radama  n'ayant  point  laissé  d'en- 
fants, cinq  neveux  prétendaient  à  sa 
succession  et  semblaient  urêts  à  se  la 


RAD 

disputer.  Une  ligue  des  grands  du 
royaume  prévint  peut-être  une  guerre 
civile,  en  écartant  les  héritiers  légi- 
times et  en  plaçant  sur  le  trône  une 
de  ses  femmes,   Ranavalo-Manzaka, 
dévouée  aux  Anglais,  et  véhémente- 
ment soupçonnée  d'avoir  attenté  aux 
jours  de  son  époux  par  un  poison 
lent.  On  donna  pour  premier  ministre 
à  cette  reine  un  des  Hovas  qui  avaient 
été  élevés  en  Angleterre.  Toutes  re- 
lations cessèrent  avec  la  France,  et 
des  négociations,  entamées  en  1829, 
ne  purent  empêcher  une  rupture  ou- 
verte. Les  Français  prirent  et  rasè- 
rent Tamatave;  mais  le  commandant 
Schœll  ayant  été  attiré  par  Raketi, 
un  des  chefs  Hovas,  dans  une  embus- 
cade près  de  Foui -Pointe,  y  périt  avec 
une  partie  de  son  détachement.  La 
même  année,  une  expédition  française 
sous  les  ordres  du  commandant  Gour- 
beyre,  à  laquelle  la  marine  anglaise 
n'avait  pris  aucune  part,  obtint  d'a- 
bord quelques  succès  et  se  termina 
par  une  retraite  peu  honorable.  Les 
Français  reprirent  l'avantage  sur  les 
Madégasses  à  Tintinguc ,  oîi  ils  se 
maintinrent  jusqu'à  ce  qu'une  cruelle 
famine  les  eût  forcés,  en  juillet  1831, 
d'abandonner  ce   dernier  établisse- 
ment, unique  reste  de  leur  ancienne 
suzeraineté.  Au  moment  où  ils  éva- 
cuaient l'île  pour  se  retirer  à  Sainte- 
Marie,  les  Anglais  y  établissaient  une 
colonie.  Quoique  depuis  la  mort  de 
Kadama  ses  institutions  aient  langui  à 
Madagascar,  on  y  a  maintenu  l'organi- 
sation de  l'armée,  base  de  sa  domina- 
tion. Le  nombre  des  troupes  réguliè- 
res a  été  augmenté;  on  l'évalue,  peut- 
être  avec  exagération,  h  30  ou  40  mille 
hommes,  non  compris  un  pareil  nom- 
bre de  soldats  armés  de  flèches  et  de 
lances.  D'ailleurs,  les  étrangers,  ex- 
clus des  fonctions  publiques,  ont  été 
écartés  du  royaume,  et  ceux  qui  veu- 


RAD 

lent  y  résider  sont  obligés  de  se  faire 
citoyens  madégasses.  On  ne  cite  qu'un 
seul  Français,  M.  de  Lascelles  qui, 
depuis  quinze  ans,  ait  pénétré  jus- 
qu'à Tauianarive,  où  la  reine  lui  a 
accordé  de  grands  privilèges  com- 
merciaux, et  l'a  créé  prince  du  sang. 
Les  Anglais  se  croyaient  dans  les  bon- 
nes grâces  de  cette  princesse,  parce 
qu'ils  n'avaient  pas,  comme  les  Fran- 
çais, porté  atteinte  à  l'indépendance 
de  Madagascar  :  mais  insensiblement 
la  haine  des  habitants  les  a  envelop- 
pés dans  l'exclusion  de  tous  les  étran- 
gers. Eufin ,  les  consuls  de  France  et 
d'Angleterre  ayant  été  outragés  indi- 
gueujent,  sans  que  leurs  gouverne- 
ments aient  pu  en  obtenir  satisfac- 
tion, le  gouverneur  de  l'île  Bourbon 
a  envoyé,  en  1845,  le  capitaine  Ro- 
main Desfossés  pour  en  tirer  raison,  et 
le  capitaine  anglais  Kelty,  sans  l'aveu 
des  autorités  de  Bombay,  est  venu  se 
joindre  à  lui,  moins  pour  l'aider  que 
pour  lui  contester,  en  cas  de  succès, 
la  suzeraineté  sur  Madagascar  ou  con- 
stater l'indépendance  de  l'île.  L'artil- 
lerie de  leurs  corvettes  réunies  avait 
causé  de  grands  dommages  aux  forts 
de  Tamatave,  et  les  Hovas,  ayant  perdu 
350  hommes  dans  un  combat,  le  15 
juin,  allaient  se  rendre  à  discrétion, 
quand  la  retraite  sonna  brusquement 
pour  les  assiégeants,  sans  qu'on  ait 
pu  en  supposer  d'autres  motifs  que 
leur  mésintelligence,  ou  peut-être  le 
malque  Icuravait  fait  l'artillerie  d'un 
de  ces  forts  qu'iis  auraient  dû  com- 
mencer par  attaqueretdetruire.il  esta 
remarquer  que  le  gouverneur  de  Foui- 
Pointe  ,  désapprouvant  la  conduite 
de  celui  de  Tamatave,  a  refusé  de  lui 
envoyer  des  secours  et  a  bien  ac- 
cueilli une  corvette  française.  La 
France  entreprendra  sans  doute  une 
nouvelle  expédition  pour  réparer  cet 
échec,  et  venger  les  insultes  faites  à 


RAD 


265 


son  pavillon  et  à  ses  nationaux  par 
les  ordres  d'une  reine  notoirement 
impudique ,  cruelle  et  presque  tou- 
jours en  état  d'ivresse.      A — t. 

RADDI  (Joseph),  botaniste  ita- 
lien, naquit  à  Florence,  le  9  juillet 
1770,  de  parents  honnêtes,  mais  pau- 
vres. Devenu  orphelin  de  bonne  heu- 
re, il  entra  comme  apprenti  dans  le 
laboratoire  d'un  pharmacien.  Son 
goût  pour  les  sciences  naturelles  ne 
tarda  pas  à  se  révéler,  et  il  mon- 
tra de  SI  heureuses  dispositions  que 
son  patron  le  prit  en  amitié  et  le  fit 
connaître  aux  naturalistes  les  plus 
distingués,  entre  autres  Octavien 
Targioni  Tozzetti,  professeur  de  bo- 
tanique, Fabbroni,  directeur  du  mu- 
sée d'histoire  naturelle,  et  le  doc- 
teur Attilio  Zucca,  préfet  du  même 
musée.  Ce  dernier  le  fit  employer 
dans  le  jardin  de  botanique,  et  vou- 
lut l'avoir  auprès  de  lui  pour  l'aider 
dans  ses  travaux.  Raddi  n'avait  alors 
que  quatorze  ans.  Passionné  pour 
l'étude  des  plantes,  il  parcourut 
plus  de  la  moitié  de  la  Toscane, 
et  forma  un  herbier  très-complet 
de  cette  contrée.  Ses  travaux  lui 
donnèrent  bientôt  quelque  réputa- 
tion, même  à  l'étranger,  et  il  ob- 
tint du  grand-duc  Ferdinand  III  un 
emploi  honorable  dans  le  piusée  de 
physique  de  Florence.  En  1817,  il 
fut  chargé  par  le  gouvernement  de 
faire  un  voyage  scientifique  au  Brésil, 
et  après  un  séjour  de  six  mois  dans  ce 
pays  il  en  rapporta  une  riche  collec- 
tion de  plantes  et  d'animaux.  Le  gou- 
vernement français  ayant  décidé  d'en- 
voyer en  Egypte  une  commission  à  la 
tête  de  laquelle  se  trouvait  Champol- 
lion(i<oy.  ce  nom,  LX,  424),  afin  d'exa- 
miner les  inscriptions  hiéroglyphi- 
ques dont  celte  partie  de  l'Afrique 
est  si  riche,  le  grand-duc  de  Toscane 
profita  de  cette  circonstance  pour  ad- 


556 


RAD 


joindre  quelques-uns  de  ses  sujets  aux 
savants  français.  Ce  furent  MM.  Hip- 
polythe  Rosellini,  professeur  de  lan- 
gues orientales  à  l'université  de  Pise, 
qui  est  mort  l'année  dernière,  Gaétan 
Rosellini,  son  oncle,  et  Raddi  comme 
naturalistes,    enfin   MM.  Alexandre 
Ricci  et  Angellini  comme  dessina- 
teurs. Partis  au  mois  de  juillet  1828, 
ils  allèrent  débarquer  à  Alexandrie 
et  s'avancèrent  jusque  dans  la  Nubie. 
Après  plusieurs  mois  de  travaux  et 
de  courses  pénibles,  Raddi  fut  at- 
teint d'une  violente  dyssenterie,  mais 
malgré  les  progrès  du  mal  et  les  avis 
de  ses  amis  qui  le  pressaient  de  retour- 
ner en  Italie,  il  ne  voulut  point  inter- 
rompre ses  recherches,  et  remplit  sa 
mission  jusqu'au  bout.  Déjà  il  s'était 
rembarqué  à  Alexandrie  pour  reve- 
nir en  Europe,  mais  il  fut  contraint 
de  relâcher  à  Rhodes,  où  il  succomba 
le  6  sept.  1829,  laissant  à  ses  amis  le 
soin  d'apporter  en  Italie  les  collec- 
tions aussi  nombreuses  que  variées 
qu'il  avait  faites.  Le  grand-duc  de 
Toscane  conserva  à  sa  famille  con)me 
pension  le   traitement  dont  il  jouis- 
sait, et  acquit  son  herbier  particu- 
lier pour  le  réunir  à  celui  de  Pise.Une 
souscription  se  forma  spontanément 
pour  lui  élever  un  monument.  Pres- 
que tous  les  écrits  de  Raddi  ont  été 
insérés  dans  des  recueils,  tels  que 
les  Actes  de  V Académie  des  sciences, 
les  Mémoires  de  la  Société  italienne, 
les  Opuscules  scientifiques  de  Bolo- 
gne, le  Journal  de  Pise,  l'Anthologie 
de  Florence,  etc.  Tous  les  ouvrages 
qu'il  a  publiés  séparément  ont  rap- 
port aux  plantes  cryptogames  dont 
il  avait  fait  une  étude  particulière  dès 
sa  jeunesse.  Ce  sont  :  I.  Sulle  specie 
nuove  di  funghi  rilrovate  ne'  con- 
torni  di  Firenze  e  non  registrate 
nella  13"  edizione  del  sistema  di  Lin- 
nro,  Florence,  1807.11.  Sulle  specit 


RAD 

nuove  e  rare  di  piante  crittogame  ri- 
trovate  ne'  contorni  di  Firenze, l%08. 
m.  V lungermanografia  etrusca, 
Florence,  1818.  IV.  Le  Crittogame 
Brasiliane,  Florence,  1822.V.  Plan- 
tarum  Brasiliensiumnova  gênera  et 
species  novœ  vel  minus  cognitœ, 
Florence,  1825,  première  partie.  Ce 
dernier  ouvrage,  le  plus  important  de 
Raddi,  est  malheureusement  resté  in- 
complet. Il  contient  la  description  de 
156  espèces  de  plantes,  appartenant 
au  genre  des  fougères  et  représentées 
dans  97  planches.  Raddi  était  connu 
des  botanistes  les  plus  célèbres  de 
l'Europe,  qui  lui  ont  presque  tous 
rendu  l'hommage  le  plus  flatteur  dans 
leurs  ouvrages.  Le  père  Léandre  da 
Sacramento,  professeur  de  botanique 
à  Rio-Janeiro,  a  donné  à  une  plante 
le  nom  de  Raddia  ou  Raddifia,  que 
de  Candolle  a  conservé  dans  ses  clas- 
sifications. Raddi  lui-même  n'avait 
pas  été  avare  de  cette  sorte  d'hom- 
mage envers  ses  amis,  car  on  trou- 
ve dans  ses  écrits  plusieurs  genres 
de  plantes  nouvelles,  classées  sous  les 
noms  de  Fossombronia ,  Corsinia, 
Bellincinia,  Fabronia,  Pellia,  Re- 
boulia,  Antoiria,  Olfersia,  Rhum- 
hora,  Bertolonia,  Leandra,  Mat- 
thisonia,  Macroceratides  et  Schnel- 
la,  qui  toutes  rappellent  des  hommes 
plus  ou  moins  illustres  dans  la 
science.  A— y. 

RADERMACHER  (Jacques-Cor- 
neille-Mathiku),  savant  hollandais, 
était  vers  1775  un  des  directeurs  de 
la  société  des  sciences  de  Harlem. 
Devenu  gendre  du  gouverneur  géné- 
ral de  l'Inde  hollandaise,  Reynier  de 
Klerk,  il  alla  s'établir  à  Batavia,  oh  il 
fut  membre  du  conseil  extraordinaire 
du  gouvernement,  président  des  com- 
missions des  écoles,  et  colonel  de  la 
milice  bourgeoise.  En  1778,  il  y  fonda 
la  société  des  sciences,  en  fut  le  pre- 


RAI) 

niier  président,  et  lui  6t  présent  d'une 
maison  et  d'une  bibliothèque,  d'une 
collection d'hisloire naturelle  et  d'in- 
struments mathématiques.  Il  pronon- 
ça le  discours  d'inauguration  de 
celte  société,  et  contribua  très-acti- 
vement à  ses  travaux.  Le  l^""  volume 
des  mémoires  qu'elle  a  publiés  con- 
tient un  Aperçu  des  possessions  de  la 
compagnie  hollandaise  dans  l'Inde 
onen/a/e,qu'iIavaitréJig<*,  de  concert 
avec  le  ni'gociant  Vau  Hogendorp; 
puis  une  Notice  comparative  des  di- 
verses ères  usitées  chez  les  peuples  de 
l'Atie.  Le  2^  couiient  une  Description 
de  la  partie  connue  de  l'ile  Bornéo, 
une  Notice  sur  la  différence  des  cou- 
leurs de  la  peau  dans  la  race  hu- 
maine, des  Observations  sur  leperfec- 
tionnement  des  cartes  marines  hol- 
landaises, et  un  Rapport  sur  le  grand 
tremblement  de  terre  du  22  janvier 
1780  ;  le  tome  111,  une  Description  de 
l'ile  de  Sumatra;  Matériaux  pour 
servir  à  la  description  du  Japon  ; 
enfin  le  tome  IV,  nue  Description  de 
nie  Célèbis  et  des  Ues  Floris,  Sum- 
bava,  Lomboh  et  Baly,  suivie  d'un 
vocabulaire  comparatif  des  langues 
parlées  dans  ces  iles  ;  Esquisse  suc- 
cincte de  l'étal  actuel  de  l'empire  de 
VHindostan  à  Vouest  du  Gange,  et 
une  Esquisse  de  l'état  actuel  de  la 
péninsule  de  V Inde  à  l'est  du  Gange. 
Dès  la  fondation  de  cette  académie, 
Radermacher  avait  fait  les  frais 
d'un  prix  sur   ce  sujet  :    «  Quels 

•  moyens  intellectuels  ont  enipioyés 

•  Mahomet,  les  inians  et  les  prédica- 
«  teurs  et  missionnaires  musulmans 

•  pour  convertir  à  l'islamisme,  par 

•  une  conviction  morale,  les  païens 
■  des  contrées  et  îles  de  l'Inde  orien- 

•  taie,  et  pour  les  alferniir  dans  celte 
«  foi?  »Les  niiisulmans  furent  invités 
à  concourir,  mais  le  prix  ne  paraît 
pas  avoir  été  décerné.  Toujours  zélé 

LX  XVIII. 


RAD 


257 


pour  les  progrès  de  la  science,  Ha- 
dermacher  encouragea  le  voyageur 
naturaliste  Thiinb^rg,  et  lui  procura 
tous  les  secours  dont  il  pouvait  dis- 
poser. Aussi  ce  dernier  en  parle  avec 
rfconnaissance  dans  ses  ouvrages  et 
le  présente  comme  un  Mécène,  il  don- 
na en  son  honneur  le  nom  de  Rader- 
machia  au  fruit  de  l'arbre  à  pain,  nom 
qui  a  diî  céder  dans  la  suite  à  celui 
à" Arlocarpus,,  introduit  par  Forster. 
Après  la  inoitdeson  beau-père,  Ra- 
dermacher voulut  retourner  dans  sa 
patrie  ;  mais  il  périt  en  mer,  au  mois 
de  novembre  1783.  D — o. 

RADET  (Jeaîj-Baptistej,  auteur 
dramatique,  et  l'un  des  doyens  du 
Vaudeville,  membre  de  l'académie 
de  Dijon,  sa  patrie,  naquit  en  cetJe 
ville,  le  20  janvier  1752.  Il  y  prit  des 
leçons  de  dessin  et  de  peinture  pour 
complaire  à  sa  famille,  et  continua 
iiiêiiie  à  Paris  où  il  eut  quelques  suc- 
cès ,  quoique  privé  de  sa  niaia  droite 
IMirce  que  sa  nourrice  l'avait  laissé, 
tomber  dans  le  feu.  Mais,  bien  qu'il 
eût  fuit  des  progrès  satisfaisants  et 
que  la  cathédrale  d'Aulun  et  d'au- 
tres villes  de  Bourgogne  eussent  ac- 
quis ses  tableaux,  aussitôt  qu'il  fut 
libre  de  suivre  son  goiit,  il  laissa 
crayons  et  pinceaux,  pour  se  livrer  à 
la  littérature  dramatique.  11  avait  pu- 
blié une  critique  très-spirituelle,  en 
vaudevilles,  des  tableaux  d'une  expo- 
sition du  Louvre.  Le  succès  qu'obtint 
cette  plaisanterie  bifssa  plus  d'un 
amour-propre,  le  força  d'abandonner 
une  carrière  où  il  n'avait  plus  à  at- 
tendre que  contrariétés  ,  dég«.ûl.s, 
et  décida  sa  vocation  pour  le  théâ- 
tre. Mais  si  cette  critique  lui  attira 
des  ennemis,  elle  le  fit  connaître  de  la 
duchesse  de  Villeroi  qui  l'accueillit 
dans  son  hôtel ,  le  prit  pour  secré- 
taire, et  lui  confia  le  soin  de  sa  bi- 
bliothèque.   Cette  excellente   dame 

17 


258 


RAD 


ayant  émigré  au  commencement  de 
la  révolution ,  le  logement  qu'elle 
avait  donné  à  Radet  lui  fut  conservé 
par  l'administration  du  télégraphe, 
et  il  l'a  occupé  jusqu'à  la  Restaura- 
tion. Ce  fut  au  théâtre  d'Audinot 
(l'Ambigu -Comique)  que  Radet  dé- 
buta par  cie  petites  pièces  q»ii  s'y  sou- 
tinrent long-temps,  ou  parce  qu'elles 
étaient  ingénieuses,  ou  parce  qu'elles 
attachaient  par  un  certain  intérêt, 
telles  que  les  Audiences  de  la  Mode, 
en  un  acte;  le  Pauvre  voyageur,  ou 
On  ne  s'y  attendait  pas^  proverbe; 
les  Petites-Maisons  de  l  amour;  le 
Repas  des  clercs^  ou  la  Dinde  au 
louis,  1783.  il  avait  fait  jouer  en 
société  :  la  Tragédi-manie ,  en  un 
acte,  le  Quart  d'heure,  prologue,  et 
le  Bouton  de  rose^  intermède  en 
vers.  Lorsqu'il  lut  bibliothécaire  de 
la  duchesse  de  Villeroi,  Radet,  que 
cette  dame  pressait  elle-même  de 
cultiver  sou  talent,  et  que  séduisait 
l'exemple  de  Piis  et  de  Barré,  com- 
posa plusieurs  pièces  pour  le  Théâ- 
tre-Italien (qui  depuis  a  pris  le  nom 
û'Opéra-Comique).  Il  y  fit  jouer  avec 
succès  Tibère,  parodie, en  vaudeville, 
d'une  tragédie  de  Fallet  {voy.  ce 
nom,  XIV,  138),  1782;  Dame-Jeanne, 
parodie  de  la  Jeanne  de  Naples  de 
La  Harpe  {voy.  ce  nom,  XXIll,  183), 
1785  ;  la  Fausse  inconstance,  comé- 
die en  3  acles.  en  vers,  1784  (avec 
Rozière);  le  Marchand  d'esclaves, 
parodie  de  la  Caravane,  1781;  en  y 
faisait  usage  de  la  découverte  récente 
des  aérostats;  (avec  Barré)  Léandre 
Candide^  ou  les  Reconnaissances  en 
Turquie,  parade- vaudeville  en  2  ac- 
tes, 1784;  les  Docteurs  modernes,  pa- 
rade en  vaudeville,  Cuntre  le  magné- 
tisme, et  suivie  du  Baquet  de  santé, 
1784  (malgré  le  succès  de  cette  pièce, 
les  reproches  de  madauie  de  Villeroi 
obligèrent  Radet  à  ta  désavouer  dans 


RAD 

le  Journal  de  Paris)\  la  Négresse^  ou 
le  Pouvoir  de  la  reconnaissance., 
vaudeville  en  2  actes,  1787:  Renaud 
d'Ast  opéra  comique  en  2  actes, 
musique  de  Dalayrac,  1787;  Candide 
marie,  ou  11  faut  cultiver  son  jar- 
din., vaudeville  en  2  actes,  1788; 
(seul)  la  Soirée  orageuse,  opéra  co- 
mique en  1  acte,  musique  de  Dalay- 
rac, 1790.  Lors  de  la  création  du 
théâtre  du  Vaudeville,  il  se  voua 
tout  entier  à  ce  spectacle  dirigé  iwir 
son  ami  Barré.  Il  y  a  donné  seul  26 
pièces:  en  1792,  le  Prix,  ou  l'Em- 
barras du  choix  ;  la  Matrone  d'È- 
phèse;  en  1793,  la  lonne  Aubaine, 
ou  Un  tour  de  carnaval;  le  Faucon; 
le  Noble  roturier;  en  179 1,  IçCanon- 
nier  convalescent  ;  Encore  un  curé; 
en  1795,  le  Chat  perdu,  ou  les  Faus- 
ses conjectures;  les  Deux  Henriette; 
Honorine,  on  la  Femme  difficile  à 
vivre,  en  3  acles;  en  1796,  Pauline, 
ou  la  Fille  naturelle,  en  3  acles;  Ha- 
sard, enfant  de  son  père,  parodie  de 
la  tragédie  d'Oscar;  en  1791, le  Tes- 
tament; eu  1798,  l'Effet  surnaturel; 
en  l'99,  C'est  l'un  ou  l  autre,  ou  la 
Sympathie  en  défaut,  remise  en  1827 
au  répertoire  du  théâtre  des  élèves 
de  M.  Comte  ;  en  1800,  Frosine,  ou 
la  Dernière  venue;  en  1803,  Colom- 
bine,  philosophe  soi-disant  ;  en  1804, 
Une  Reunion  de  famille  au  jour  de 
l'an;  en  1805,  les  Amants  sans 
amour,  ou  la  Persuasion  intéressée, 
en  2  acies  ;  en  180«,  la  Reprise  du 
jour  de  l'an;  r Inconnu;  en  18o8, 
VÈtourderie,  ou  Comment  sortira-t- 
il  de  là  ?  en  1813,  le  Retour  d'un  fils, 
ou  les  Méprises;  en  1814,  l'Hôtel  du 
Gr and- M ogol,  ou  l'Auberge  qui  n'en 
est  pas  une;  en  181â,  Garrick  et  les 
Comédiens  français  ;  en  1816,  fc  Vin 
et  la  Chanson,  lin  général,  le  couplet 
de  Radet  est  bien  tourné.  Si  la  pensée 
qui  le  termine  n'est  pas  toujours  pi- 


RAD 

quaDte,  du  moins  ne  porte  t-elle  ja- 
mais sur  un  de  ces  jeux  de  mots  dont 
cette  scène  abonde.  Son  rlialogiieest 
plus  spirituel  et  plus  (in.On  sait  qu'il 
fut  souvent  aidé  par  une  dame  de 
beaucoup  d'esprit ,  de  g(»ût  et  de 
modestie ,  qui  a  persisté  à  gar- 
der l'anonyme,  mais  dont  on  recon- 
naît la  touche  pleine  de  délicatesse  et 
de  sentiments.  On  peut  la  nommer 
aujourd'hui  sans  crainte  de  l'affliger. 
C'est  madame  Kennens,  dont  le  nom 
estremplacé  par  trois**",sur  les  litres 
de  trois  pièces  de  Radei  :  le  Dinerau 
pré  Saint-Gercais,  1797;  Ida^  ou 
Que  deviendra  i-elle^  en  2  actes, 
1802  ;  les  Prétentions  d'une  femme^ 
en  3  actes,  1803.  Radet  a  donné  avec 
Barré  et  Després,  en  1802,  ;  René  le 
Sage,  ou  Foi7à  bien  Tur  car  et  :  {Avec 
Armand  Goufféj  eu  1803,  Ca««andr«- 
Agamemnon,  et  CulombineCassan- 
dre,  parade;  en  1884,  les  Pépinières 
de  Vitry,  ou  le  Premier  mai.  Aux 
articles  Piis  et  Picard,  .t  LXVil, 
nous  avous  indiqué  celles  de  leurs 
pièces  dont  R<idet  a  été  le  collabora- 
teur; mais  aux  articles  Barré,  Bour- 
gueil.,  Coupigny^  Dtsprés^  Desfon- 
taines, Dieulafoy,  etc.,  la  lis  e  des 
ouvrages  dramatiques  est  restée  in- 
complète •■)  on  n'a  pu  donner  les  litres 
de  ceux  auxquels  Rddet  a  travaillé. 
Nous  allons  réparer  cette  omission  , 
en  en  donnant  une  liste  plus  exacte  et 
pi  us  complète  même  que  celle  qu'a  pu- 
bliée/a  France  littéraire.  L'associa- 
tion de  Radel  avec  Barré  et  Desfonlai- 
nes  produisit  un  grand  nombre  de 
jolies  pièces  :  en  1792  ,  Arlequin 
afficheur,  qui  a  servi  très- long- 
temps de  prologue  à  toutes  les  pie- 
ces  nouvelles;  le  Projet  manqué., 
ou  Arlequin  taquin ,  parudie  de 
Lucrèce,  tragédie  d'Arnauli  ;  Arle- 
quin crwllo,  {)arod)e  de  VOthello  de 
Ducis.  En  1793 ,  la  Chaste  Susanne, 


RAD 


ro% 


en  2  actes,  qui  amena  l'incarcération 
des  trois  auteurs,  et  non  pas  de  Des- 
fontaines seul(  avec  lequel  Radet  fiten 
prison  la  Fête  de  l'égaliié,  ;  Facart 
aux  Champs-Èly*ées; l'Apothéose  qui 
termine  la  pièce  appartient  à  Radet; 
Colombine  mannequin.  En  1795 , 
Abuzar.ou  la  Famille  extravagante, 
parodie  t^Abufar,  tragédie  de  Ducis; 
les  Vieux  Élégants;  en  1797,  le  Ma- 
riage de  Scarron;  en  1799,  Jean 
Moneti  en  1800,  Arlequin  de  re- 
tour ;  la  Récréation  du  monde  ,  sui- 
te de  la  Création,  oratorio  de  Haydn 
{voy.  \IX,  521).  En  1801,  la  Tra- 
gédie au  Vaudeville,  suivie  de  Après 
la  confession,  la  pénitence,  petit 
épilogue  à  l'occasion  d'un  grand 
prologue.  Cette  pièce  valut  à  cha- 
cun des  trois  auteurs  une  pension 
de  4,000  francs.  En  1802,  Chape- 
lain, ou  la  Ligue  des  auteurs  con- 
tre Boileau;  en  i803,  la  Chambre  de 
Molière;  en  1804,  la  Tapisserie  de 
la  reine  Mathitde;  Bertrand  Du- 
guesclin  et  sa  saur,  en  2  actes;  en 
1805,  le  Vaudeville  au  camp  de  Bou- 
logne; Sophie  Arnould;  les  Êcriteaux^ 
ou  René  Lesage  à  la  foire  Saint- 
Germain,  eu  2  actes;  en  18u6,  les 
Deux  n'en  font  qu'un;  le  Réce,  ou  la 
Colonne  de  Rosbach;  en  1807,  le 
Château  et  la  Chaumière,  en  3  actes, 
dout  les  représeniatious,  arrêtées 
par  ordre  supérieur,  ne  furent  re- 
prises qu'eu  1814; /c  Retour  de  Jean- 
Bart  ;  Décence ,  ou  les  Filles  mères., 
parodie  de  la  tragédie  deLaur:'nc«,  de 
Lc^ouvé  ;  le  Mai  des  jeunes  filles,  ou 
le  Passage  des  militaires;  en  1808, 
le  Café  des  Gobe-Mouches  ;  en  1809, 
le  Procès  du  Fandango;  le  Pari  sin- 
gulier,  ou  la  Fête  du  village;  U 
Peintre  français  en  Espagne,  ou  le 
Dernier  soupir  de  l'Inquisition;  en 
1810,  M.  Durelitf,  ou  Petite  revue 
des  smbeUissements  de  Paris;  le 
17. 


RAD 


RAD 


Meunier  et  le  Charbonnier  ;  en  181 1 , 
Arlequin  gastronome ,  ou  M.  de  la 
(iourmandière:  la  Dépêche  télégra- 
phique, pour  la  naissance  du  roi  de 
Konio,  et  sa  suite  le  Retour  à  Paris; 
les  Deux  Edmond,  en  2  actes;  les 
Scythes  et  les  Amazones,  ou  Saute  le 
fossé,  en  2  actes  ;  Laujon  de  retour  à 
l'ancien  Caveau;  en  1812,  Gaspard 
L'avisé;  les  Limites^  ou  les  Deux  voi- 
sins; en  1813,  le  Billet  perdu  et  re- 
trouvé; Michel  Morin^  ou  L'Obligeant 
maladroit;  en  18U,  le  Cosaque  au 
village;  un  Petit  Voyage  des  vaude- 
villistes; les  Trois  Saphos  lyonnai- 
ses, ou  une  Cour  d'amour-  Radet  et 
ses  deux  amis  ont  encore  donné  au 
théâtre  du  Vaudeville  (avec  Piis  et 
Coupigiiy)  :  en  1799,  Hommage  du 
petit  Vaudeville  au  grand  Racine-., 
(avec  Boiirgaeil,  Maurice  Seguier  et 
Dupaty)  la  Girouette  de  Saint - 
Cloud  ;  (avec  Bourgueil)  en  1800,  Ba- 
gatelle, parodie  de  l'opéra  de  Pra- 
xitèle-^ M. Guillaume,  on  leVoyageur 
Inconnu ,  en  3  actes  ;  Gessner,  en  2 
actes;  eti  1802,  le  Peintre  français 
à  Londres;  Dugay-Trouin  prison- 
nier à  Plymouth;  Se  fdchera-t-il  ? 
(avec  Difulafoy)  en  1806,  Oma- 
zcle,  parodie  de  la  tragédie  d'Omasis; 
en  1807,  la  Mégalantropogénésie,  ou 
l'Ile  des  Savants;  l'Hôtel  de  la  Paix, 
rue  des  Victoires,  à  Paris;  en  1S08, 
Arlequin  en  Perse,  parodie  d'Ar- 
iaxerce;  (avec  Coupigny)  en  1813, 
le  Jeune  Philosophe  Le  dernier  ou- 
vrage de  Radet  l'ut  la  Maison  en 
loterie^  composée  avec  Picard,  1820. 
L'un  des  fondateurs  des  Dîners  du 
Vaudeville,  dont  les  recueils  con- 
tiennent plusieurs  de  ses  chansons, 
il  ne  fut  pas  membre  du  Caveau 
moderne,  mais  il  l'était  de  l'Aca- 
démie de  Dijon.  Sous  la  Restau- 
ration, sa  pension  et  celles  de  ses 
deux  amis  furent  réduites  k  1,000  fr., 


parce  qu'on  ne  voulait  pas  payer 
trop  cher,  comme  cela  fut  dit  avec 
quelque  raison,  les  trompettes  de  Bo- 
»iaparfc.SoiisCharlesX,Rddet  obtint 
une  augmentation  de  200  Ir. ,  mais 
non  point  la  croix  de  la  Légion- 
d'Honneiir,  accordée  alors  et  depuis 
encore  davantage  à  tant  de  poètes 
vaudevillistes.  Quoitjue  privéentière- 
ment  de  la  vue  dans  ses  dernière^  an- 
nées, et  ne  pouvant  phis  ni  lire  ni 
écrire,  il  conserva  sa  gaîté  jusqu'il 
la  fin.  Radet  mourut  à  Paris  le  17 
mars  1830.  A— t  et  D— es. 

RADEÏ  (Etienne),  général  fran- 
çais, est  moins  fameux  parsesexploits 
que  par  l'enlèvement  du  pape  PieVH, 
qu'il  opéra  en  1809,  conjointement 
avec  Mioliis  {voy.ce  nom,  LXXIV, 
119),  et  selon  les  instructions  de 
l'empereur  Napoléon.  Il  naquit  le  19 
déc.1762,  dans  la  petite  ville  de 
Varennes,  où  il  n'est  pas  inutile 
de  remarquer  que  plus  lard  devait 
être  si  indignement  arrêté  le  mal- 
heureux Louis  XVI.  Né  dans  une 
condition  obscure,  Radet  ne  6t  d'é- 
tudes que  ce  qui  lui  était  néces- 
saire pour  devenir  garde-chasse  du 
prince  de  Coudé,  Ce  fut  dans  cette 
place  que  le  trouva  la  révolution  de 
1789,  Il  ne  s'en  montra  pas  parti- 
san dès  le  commencement,  mais  lor.Sv 
que  son  maître  eut  émigré,  qu'il  se 
vit  sans  emploi,  et  qu'il  put  considé- 
rer comme  tout  à  f.nl  perdue  la  cause 
de  la  monarchie,  il  n'Iiésita  plus  à  se 
déclarer  contre  elle.  Entré  au  service 
dans  la  gendarmerie  en  1792,  il  con- 
courut,  l'année  suivante,  à  dif- 
férentes expéditions  révolutionnaires 
dans  l'intérieur.  Son  avancement, 
comme  celui  de  tous  les  hommes  dé- 
voués, fut  très-rapide.  Il  était  en 
1799,  lorsque  Bonaparte  revint  d'E- 
gypte, chef  d'escadron  commandant 
la  gendarmerie  d'Avignon.  L'entre- 


HAD 

vue  de  quelques  minutes  qu'il  eut 
avec  le  général  en  chef,  à  son  passa- 
ge dans  cette  ville,   laissa  dans  la 
méoioire  de  celui-ci  un  souvenir  qui 
ne  s'effiça  point.  Dès  que  Bonapirtc 
fut  premier  consul ,  il  consulta  Radet 
sur  l'orpanisatiou  de  la  gendarmerie, 
et  le  mémoire  qu'il  eu  reçut  lui  plut 
tellement  qu'il  appela  fauteur  à  Pa- 
ris, et  le  fit  général  «ie  brigade. C'est 
en  cette  qualité  que  Ridet  se  rendit 
successivement   eu  Corse ,  en  Pié- 
mont ,  dans  l'État  de  Gènes  et  en 
Toscane,   pour  y  organiser  la  gen- 
darmerie. Partout  il  donna  des  preu- 
ves d'intellig^^nce  et  de  zèle  qui  ajou- 
tèrent à  sa  faveur  et  lui  valurent  le 
grade  dégénérai  de  division,  puisune 
preuve  de  confiance  plus  remarqua- 
ble encore,  la  mission  de  se  rentire  à 
Rome,  pour  y  concourir  au  renver- 
sement de  la  puissance  pontilicale. 
On  a  lieu  de  croire  que  le  premier 
ordre  qu'il  reçut  à  cet  égard  par  le 
télégraphe  ne  contenait  rien  de  po- 
sitif pour  l'arrestation  de  Sa  Sain- 
teté. Appelé,  dès  son  arrivée,   chez 
Mioliis,  qui  venait  de   s'introduire 
par  la  violence  dans  la  capitale  du 
monde  chrétien  et  qui  en  avait  été 
nommé  gouverneur   par  Napoléon , 
ce  général  lui  témoigna  son  inquié- 
tude  des  suites  que  pouvait  avoir, 
pour  la  sûreté  des  troupes  françaises, 
la  fermi'ntation  qui  se  manifestait  eu 
Italie,  déclarant  qu'il  ne  voyait  au- 
cun moyen  d'y  remédier,  si  ce  n'é- 
tait l'éioignenient  du  pape.  Et  il  an- 
nonça à  Radet  que  c'était  lui  qu'il 
avait  choisi  pour  diriger  celte  opéra- 
tion; à  quoi  celui-ci  se  permit  de  ré- 
pondre qu'un  acte  de  cette  nature  ne 
pouvait  se  faire  sans  des  ordres  écrits. 
Le  gouverneur  ayant  dit  que  ce  jour 
même  on  préparerait  ces  ordres  et 
des  troupes  pour  les  exécuter,  Radet 
se  retira  très- ému  de  se  voir  chargé 


RAD 


261 


d'uue  telle  entreprise.  •  Des  ordres 

•  m'ayant  été  annoncés,  a-t-il  dit 
«  dans  le  récit  de  ces  faits  qu'il  a 
«  rédigé,  et  soumis  à  la  cruelle  al- 
«  ternatire  de  franchir  les  droits  l€.< 

•  plus  sacrés  ou  de  violer  mes  ser- 
'  ments  par  la  désobéissance...  ma 

•  seule  espérance  fut  sur  le  défaut  6^ 
'  troupes,  qui  m'eût  dispensé  d'exé- 
«  cuter  les  ordres.  >  Mais  le  soir  mê- 
me le  gouverneur  vint  annoncer  a 
Radet  qu'il  a:  rivait  des  troupes  na 
politaiucs  (t  •  et  qu'il  devait  s'occu- 
per de  son  plan  d'opérations  pour  la 
nuit  suivante:  que  c'était  par  un  coup 
de  foudre  qu'il  fallait  prévenir  tout 
désordre;  que,  comme  militaires,  tous 
deux  étaient  passifs  et  responsables 
sur  leur  tète  des  ordres  suprêmes  de 
l'empereur.  Le  chef  des  gendarmes 
n'eut  rien  à  repondre,  e!  il  pensa, 
a-t-il  dit,  que  Vhonneur  et  ses  ser- 
ments lui  dictaient  son  devoir.  11  se 
décida  donc  à  exécuter  les  ordres  qu'il 
reçut  par  écrit,  et  imagina  un  pré- 
texte adaptable  à  un  aussi  grand 
objet,  pour  faire  agir  à  Uur  insu 
tous  les  instruments  dont  il  avait 
besoin.   Il   communiqua  ensuite  ce 
plan  au  gouverneur,  qui  l'approuva  et 
lui  en  fit  sentir  de  uouveau  l'impor- 
tance. C'est  à  l'ouvrage  du  chevalier 
Artaud  {Histoire  du  pape  Pie  VII), 
c'est  à  ce  véridique  et  profond  his- 
torien, qui  a   vécu  dms  l'intimité 
de   la  plupart  des   témoins  et  des 
acteurs,  ou   plutôt  des  victimes  de 
ce  grand  événement,  que  nous  em 
pruutons  la  stiite  de  cette  narration. 
*  Le  5  juillet,  à  la  pointe  du  jour, 
Radet  arrêta  les  dispositions  maté- 
rielles nécessaires ,  et  parvint  à  les 
soustraire  aux  yeux  du  public  par  de 


.  i)  Il  urriTa  en  effet  He  Njples  800  hoin- 
mei  de  tccrueô  ta;.l  armées,  ftpcdiée»  jiarle 
roi  Joachim  Marst, 


262 


RAD 


RAD 


petites  patrouilles  croisées  et  des  me- 
sures de  police.  Il  retint  tout  le  jour 
lestroupes  aux  casernes,  pourdonner 
plus  de  sécurité  dans  R(ime  et  dans  le 
palais  Quiriiiai. A  neuf  heures  du  soir, 
il  fit  venir,  Pun  après  l'autre,  les 
chefs  militaires,  et  il  leur  donna  ses 
ordres.  A  dix  heures,  tout  était  réuni 
sur  la  place  des  Saints-Apôtres  et  à 
la  caserne  de  la  Pilotta^  non  loin  de 
M<»nte-Cavallo,  où  allait  être  le  centre 
de  ses  opérations.  On  conserve  le  plus 
que  l'on  peut  les  expressions  straté- 
giques du  général  Radet.  Alors  il  se 
rendit  à  la  Pilotta,  où  il  s'assura  de 
l'exécution  de  ses  ordres  ;  de  là  il 
marcha  sur  l'église  des  Saints- Apô- 
tres, où  il  lit  ses  dispositions  mili- 
taires. Le  colonel  Siry.  ci>mmaiidaut 
de  la  place,  et  le  colonel  Cosle,  com- 
mandant la  gendarmerie,  l'accompa- 
gnèrent ensuite  chez  lui,  où  il  devait 
se  reposerjiisqu'à  l'heure  convenable. 
Le  gouverneur  y  attendait  le  génénil 
Radet.  Celui-ci  demanda  et  reçut  l'or- 
dre écrit  d'arrêter  le  cardinal  Pacca, 
et,  en  cas  «l'opposition  de  la  part  du 
pape,  d'arrêter  aussi  Sa  Sainteté  t|le- 
même,  et  de  les  conduire  immédiate- 
ment en  poste  à  Florence.  A  la  lec- 
ture de  cet.  ordre,  qui  n'élait  que  con- 
ditionnel, Radet  fit  des  observations 
qui  le  |)réocciipèrent  un  instant  ;  mais 
il  n'était  plus  temps,  dit-il  5  le  gou- 
verneur venait  de  sortir,  onze  heures 
sonnaient,  et  tout  se  trouvait  orga 
nisé  et  prêt  à  agir.  Il  descendit  alors 
à  la  Pilotta  et  aux  Saints-Apôtres, 
où  lui-même  il  lit  placer  ses  patrouil- 
les et  ses  détachements  d'opérations. 
Pendant    ce  temps,  le   gouverneur, 
pour  maintenir   les   Transiévérins, 
faisait    occuper  les  ponts  du  Tibre 
et  le  château  Saint-Ange  par  le  déta- 
chement napolitain  aux  ordres  du  gé- 
néral Pignatelli.  Chaque  chef  des  dé- 
tachements qui  devaient  concourir  a 


l'entreprise  était  prévenu  de  l'instant 
du  signal  convenu  pour  l'escalade. 
Uneheureaprès  minuit,  que  frapperait 
l'horloge  même  du  Qwirinal,  était  le 
moment  fixé  pour  agir  spontanément  ; 
mais  un  incident  retarda  l'exécution. 
Le  général  apprit  qu'undes  officiers  de 
la  garde  du  pape  était  en  vedette  sur 
la  tour  saillante  près  de  la  grande 
porte  d'entrée  du  Quirinal,  et  que 
chaque  nuit  on  prenait  cette  mesure 
de  surveillance  qui  cessait  à  la  pointe 
du  jour.  Alors  on  changea  les  instruc- 
tions pour  le  moment.  Le  général 
subdivisa  ses  postes  des  environs  de 
la  fontaine  de  Trévi;  il  envoya  gar- 
der les  portes  des  églises  principales 
environnantes  |)our  empêcher  de  son- 
ner le  tocsin  ;  il  guetta  la  rentrée  de 
Tolficier  en  sentinelle  sur  la  tour,  et 
à  deux  heures  trente-cinq  miimtes  il 
donna  le  signal.  Nous  allons  un 
moment  entenilre  le  cardinal  Pacca  : 
«  Il  nous  sembla,  le  soir  du  5  juillet, 
«  au  Quirinal,  que  différents  piquets 

•  de  cavalerie  avaient  occupé  les  rues 

•  qui,  des  diverses  parties  de  Rome, 
«  conduisent  à  cette  résidence.  Des 
«  troupes  furent  encore  placées  sur 
«  les  ponts  pour  empêcher  toute  com- 
«  nmnication  intérieure,  et  vers  sept 
«  heures  d'Italie  (trois  heures  du  ma- 
«  tin),  un  corps  d'infanterie  vint  à 
«  marches  forcées,  mais  en  grand  si- 
«  lence,  des  quartiers  voisins, et  ferma 

•  toutes  les  issues  autour  du  palais. 
«  Alors  les  sbires ,  au  lever  de  l'au- 

•  rore,  la  gendarmerie  qui  accompa- 
«  gnait  la  troupe,  et  qnelfjues  sujets 

•  rebelles,donnèrent  l'assaut  au  Qiii- 
«  rind.  Aprèsavoir  piissé  unejournée 

•  pleine  d'angoisses  et  de  travaux, 
«  après  avoir  veillé  toute  la  nuit  jus- 
«  qu'à  six  heures  et   demie  frilalie 

•  environ  (vers  deux  heures  et  demie 

•  après  minuit),  voyant  poindre  les 
«  premiers  rayons  du  jour,  n'enfen- 


RÀD 

«  dant  aucane  rnmpur  sur  la  place  et 
«  dans  les  rues  voisines,  croyant  le 

•  danger  passé  pour  cette  nuit,  je 
«  m'étais  retiré  dans  mon  apparte- 

•  ment  pour  prendre  quelques  heu- 

•  res  de  repos,  et  à  peine  j'étais  cou- 

•  ché  que  mon  valet  de  chambre  ac- 
«  courut  pour  m'annoncer  que  les 
«  Français  étaient  dans  le  palais.  • 
Eu  effet ,  Radet  avait  vu  ses  lignes 
d'opérations  obéir  à  son  signal  ; 
un  détachement  de  trente  hommes 
escalailait  les  murs  du  jardin  près  de 
la  grande  porte,  derrière  le  mur  de 
la  Panetterie^  pour  garder  les  issues 
de  cette  cour  et  les  passages  du  sou- 
terrain, à  l'angle  de  la  chapelle;  un 
autre  détachement  de  vingt -cinq 
hommes  gardait  la  petite  porte  dans 
la  rue  qui  descend  au  Lavatojo.  Le 
colonel  Siry,avec  un  détachement  de 
cinquante  h<»mmes,  montait  par  la 
fenêtre  d'une  chambre  inhabitée, dans 
le  centre  des  bâtiments  attenant  au 
Quirinal,  où  logeait  la  plus  grande 
partie  des  gens  au  service  de  Sa  Sain- 
teté. De  son  côté,  Radet,  à  la  lête  de 
quaraute  hommes,  se  proposait  de 
monter  par  rextrémité  du  toit  de  la 
Daterie  sur  la  tour,  pour  de  là  péné- 
trer dans  les  appartements  ;  mais  les 
échelles  ayant  cassé,  il  chercha  à  en- 
trer par  la  grande  porte  du  palais. 
Le  gouverneur,  ayant  appris  ce  con- 
tre-temps, vint,  en  capote,  pour  ai- 
der le  général  de  ses  conseils.  Voyant 
que  celui-ci  prenait  des  mesures  qui 
devaient  réussir,  il  se  retira  dans  un 
kiosque  voisin  ,  dépendant  des  jar- 
dins du  palais  Colonna.  Le  colonel 
Siry  était  parvenu  à  pénétrer  daus  la 
grande  cour  du  palais.  Radet,  qui  se 
trouvait  en  dehors,  entendit  des  ru- 
meurs qui  partaient  du  corps-de- 
garde  suisse  intérieur.  On  criait  : 
AlVarmi,  traditori  !  L'horloge  sonna 
trois  heures,  et  la  cloche  de  la  cha- 


RAD 


263 


pelle  fut  mise  en  branle.  Radet  cher- 
chait les  moyens  d'enfoncer  la  porti- 
cella^  lorsque  le  colonel  Siry,  qui 
avait  pénétré  dans  la  cour,  vint  faire 
ouvrir  la  grande  porte.  Le  général 
réunit  alors  toutes  les  troupes  qu'i. 
put  rassembler,  se  mit  à  leur  tête  et 
marcha  droit  à  un  groupe  de  monde 
qui,  dans  l'angle  adroite  du  fond  de 
la  cour,  semblait  disposé  à  faire  ré- 
sistance. Ce  groupe  dispersé,  Radet 
monta  dans  la  salle  du  trône,  dite  des 
Sanctifications.  Il  trouva  la  garde 
suisse  forte  de  quarante  hommes, 
y  compris  le  capitaine,  tous  armés  et 
en  bon  ordre,  dans  le  fond  de  la 
pièce.  Entré  avec  sa  troupe,  il  som- 
ma ces  soldats  de  mettre  bas  les  ar- 
mes. Ils  ne  tirent  aucune  résistance, 
parce  qu'ils  en  avaient  reçu  l'ordre. 
Radet  s'avance,  jette  la  vue  à  gauche, 
et  aperçoit,  au  bout  d'un  corridor 
assez  étroit,  une  chambre  ou.  dil-il, 
il  y  avait  de  la  lumière  et  du  munde 
debout.  Il  dirige  ses  pas  vers  cette 
pièce,  et  il  y  trouve  le  pape  entouré 
de  sa  cour.  Nous  entendrons  ici  le 
témoignage  de  Radet  :  ■  Que  tout 
«  autre  se  mette  dans  cette  position, 

•  et  à  moins  d'avoir  perdu  tout  sen- 
«  timent  moral  et  humain,  il  jugera 

•  de  l'état  pénible  de  ma  situation.  Je 
«  n'avais  pas  encore  d'ordre  de  m'em- 
«  parer  de  la  personne  du  pape.  Un 

•  saint  respect  pour  cette  tète   sa- 

•  crée,  doublement  couronnée  (Radet 
«  écrivait  ce  récit  à  Paris  au  mois 

•  d'août  1814),  remplissait  tout  mon 
«  être  et  toutes  mes  facultés  intel- 

•  lectuelles.  Me  trouvant  devant  elle, 
«  suivi  d'une  troupe  armée,  un  mou- 
«  veulent  oppressif  et   spontané  se 

•  fit  sentir  dans  tous  mes  mem- 
«  bres.  Je  n'avais  pas  prévu  cet  in- 
«  cident,  et  je  ne  savais  comment 

•  me  tirer  de   là.  Que   faire?  Que 

•  dire?  Par  où  commencer?  Voilà  le 


.26  i 


RAD 


«  difticilc  de  ma  mission!  Ma  Iroupc 
«  entraH  avec  moi  ^  la  présence  du 

•  saint-père,  de  son  s;icré  collège,  et 
«  le  lieu  saint  où  je  nie  troiivais,  exi- 
«  geaient  le  respect  et  la  décence.  Je 
«  me  retournai  ;  je  commandai  que 
«  l'on  reconduisît  et  que  l'on  plaçât 

•  en  ordre  la  troupe  dans  la  salle  du 
«  trône,  et  que  des  patrouilles  en 

•  fussent  détachées  pour  le  maintien 
«  de  l'ordre  dans  le  palais.  Fort  em- 

•  barrasse  du  parti  à  prendre,  pour 

•  ne  comprometUe  ni  le  succès,  ni  le 

•  gouverneur,  ni  moi-même,  je  pro- 
»  titai  du  mouvement  rétrograde  de 
'  ma  troupe  pour  envoyer  en  toute 
«  hâte  le  maréchal-des-logis  de  gen- 
«  darmerie,Cardini,  prévenir  le  gou- 

•  verneur  que  j'étais  en  présence  du 
"  pape  s.ins  avoir  pu  parvenir  jus- 

•  qu'au  cardinal  Pacca  que  jene  con- 
«  naissais  pas,  et  demander  des  or- 
«  dres.  Je  prolongeai  le  mouvement 
«  de  ma  troupe;  je  ne  laissai  avec  elle 
'  qu'un  petit  nombre  d'officiers;  je 

•  lisentrer  le  surplus  près  de  moi.  Ils 
«  entrèrent  avec  la  plus  grande  hon- 
«  nêteîé,  le  chapeau  à  la  main,  et 
«  s'inclinaut  devant  le  pape,  à  mesure 
"  quechacun  allait  prendre  place  pour 
«  former  la  haie  devant  l'entrée  inté- 
«  rieure. Toute  cette  ordonnance  dura 
«  cinq  minutes  environ,  lorsqu'ar- 
"  riva  le  maréchal-des-logis  Cardini, 

•  qui   me  rendit  en  secret    l'ordre 

•  du  gouverneur  d'arrêter   le    pape 

•  avec  le  cardinal  Pacca,  et  de  les 
«  conduire  incontinent  hors  de  Rome. 
-  Tout  sévère  que  me  parut  cet  or- 

•  dre,  il  fallut  obéir, .  11  est  néces-' 
saire  à  présent  d'entendre  le  cardinal 
Pacca.  témoin  oculaire  :  «  Mon  valet 

•  de  chambre  m'ayant  annoncé  que 
«  les  Français  étaient  dans  le  palais, 
«  je  me  lève  en  grande  hâte  et  je  cours 
»  aux  fenêtres  ;  je  vois  beaucoup  de 

•  gens  armés  ,  el  tenant  des  torches 


KAD 

'  allumées  ,  courir  k  travers  les  jar- 

■  dins,cherch;mt  les  portes  pours'in- 

■  troduire  dans  les  appartements  ; 
'  d'autres  descendaient  le  long  des 
'  murailles  où  étaient  appliquées  des 

■  échelles;  d'autres  occupaient  la  cour 
'  de  la  Panetterie.  En  même  temps 

■  une  autre  troupe  d'hommes  armés 
'  montait,  par  le  moyen  d'échelles, 
=  jusqu'à  l'habitation  des  serviteurs 

du  pape.  Ils  brisèrent  les  fenêtres  à 
'  coups  de  hache  ,  entrèrent  et  cou- 
rurent ouvrir  la  porte  qui  est  sur 
'  la  place  ,  pour  faire  entrer  dans  la 
•  grande  cour  un  nombre  de  soldats 

■  assez  considérable.  J'envoyai  sur- 
'  le-champ  Jean-Tibère  Pacca,  mon 

■  neveu,  réveiller  le  saint-père,  com- 

■  me  il  avait  été  convenu  entre  nous, 

■  dans  le  cas  où,  la  nuit,  il  arriverait 
'  quelque  événement  extraordinaire; 
'  et  peu  de  temps  après  ,  en  robe  de 
'  chambre,  j'y  courus  moi-même.  Le 
r  pape  se  leva  avec  une  grande  séré- 
'  nité  d'esprit,  se  couvrit  de  sa  robe, 
'  de  sa  mozetta,  et  vint  dans  la  pièce 
'  où  il  avait  coutume  de  donner  au- 
'  dience.  Nous  nous  rasseud)lâiiies  là, 

■  le  cardinal  Despuig,  moi,  quelques 
I  prélats  de  ceux  qui  demeuraient 

dans  le  palais,  quelques  rédacteurs 

et  employés  de  la  secrétairerie  d'É- 

<  tat.   Cependant  les  assaillants,  à 

coups  de  hache,  jetèrent  à  bas  les 

■  portes  de  l'appartenjent  (Radet  n'a 
pas  fait  mention  de  cette  circon- 
stance), et  ils  arrivèrent  jusqu'à  la 
porte  de  la  chambre  où  nous  étions 
avec  le  saint-père  (2).  Nous  la  f  î- 


(2)  Le  cardiu.'il  Pacca  oulilie  de  dire  ici 
qiiiï  le  suiiit-|>î'i'e  coiiiiniindii  en  (<!  tiioiiient 
qu'on  lui  apportât  l'iinnrau  que  Pie  VI  avait 
an  doigt  quand  il  mourut,  l'anneau  donne 
par  la  reine  Clotiide,  rccimiuent  déclarée 
vénérable.  Pie  Vil  mit  guiincnt  cet  anucuii 
à  son  <loigt.  et  parut  l'v  ooiitcinplrr  ;iv>; 
plaisir. 


RAD 

■  mes  ouvrir,  pour  éviter  de  pins 

•  grandsdpsordresetdesévénemenls 
«  fâcheux.  De  son  siège,  le  pape  vint 
«  se  placer  au-devant  de  la  fable,  et 
'  presque  uu  milieu  de  la  chambre  ; 
«  tions  deux,  cardinaux,  nous  étions 
"  aux  d«'ux  cotés  de  Sa  Sainteté,  l'un 
«  à  droite  et  l'autre  à  gauche.   Les 

•  prélats,  les  employés  nous  faisaient 

•  ailf.  La  porte  ayant  été  ouverte , 

-  celui  qui  entra  le  premier  fut  le  gé- 
■^  néral  Radet,  le  directeur  et  Texécu- 

-  teur  de  i'upéraliou  ,  suivi  de  qiiel- 
»  ques  oificiers,  pour  la  plupart  de  la 

•  gendariiierie  ,  et  de  deux  ou  trois 
«  rebelles  romains,  qui  avaient  coii- 

-  diiit  et  dirigé  les  soldais  dans  l'es- 
«  calade  donnée  au  palais.  Radet  se 
"  mit  en  face  du  saint-père,  et  les 
<  autres  tirent  aile  à  Radet.  Pendant 
«  quelques  minutes,  il  régna  un  pro- 
■'  fond  silence.  Nous  nous  regardions 
■■  les  uns  les  autres,  tout  étourdis, 
«  sans  proférer  une  parole  et  sans 

■  quitter  la  situation  où  nous  étions 
«  placés.  Finalement,  le  général  Ra- 

•  det,  avec  la  figure  toute  pâle  et  la 
"  voix  tremblanie,  peinant  à  trouver 
«  ses  paroles,  dit  au  pape  qu'il  avait 
«  une  commission  désagréable  et  pé- 
«  uible,  mais  qu'ayant  fait  serment 
«  de  fidélité  et  d'obéissance  à  l'empe- 
-reur,  il  ne  pouvait  se  dispenser 

•  d'exécuter  son  ordre  :  qu'en  cou- 

•  séquence,  au  nom  de  l'empereur, 
'  il  devait  lui  intimer  de  renoncer  à 
«  la  souveraineté  tempnrclle  de  Rome 
"  et  de  l'Étal,  et  que  si  Sa  Sainteté  le 

•  refusai), il  avaitordredeleconduire 

•  au  général  Miollis,qui  aurait  indiqué 

•  le  lieu  de  sa  destination.  »  Le  pape, 
sans  se  troubler,  répondit  à  peu  près 
en  ces  termes  :  «Si  vous  avez  cru  devoir 

•  exécuter  de  tels  ordres  de  l'empe- 

•  reur,  parce  que  vous  lui  avez  fait 

•  serment  de  fidélité  et  d'obéissance, 

-  pensez  de  quelle  manière  nous  de- 


RAD 


26' 


«  vous ,  nous,  soutenir  les  droits  du 
«  saint-siège  auquel  nous  sommes  lié 

•  par  tant  de  serments!  Nous  ne  pou- 

•  vous  ni  céder  (3)  ni  abandonner  ce 
'  qui  n'est  pas  à  noJis.  Le  domaine 

•  temporel  appartient  à  l'Eglise,  et 

•  nous  n'en  sommes  que  l'adminis- 
«  trateur.  L'empereur  pourra  nous 
«  mettre  en  pièces,  mais  il  n'obtien- 

•  dra  jamais  cela  de  nous.  Après  tout 
«  ce  que  nous  avions  fait  pour  lui, 
«  nous  ne  nous  attendions  pas  à  ce 
«  traitement. —  Saint-père  ,  dit  alor« 
«  le  général  Radet ,  je  sais  que  re;u- 
«  pereur  vous  a  beaucoup  d'obliga- 

-  fions.  —Plus  que  vous  ne  savez ^ 

•  repartit  le  pape  d'un  ton  très-ani- 

•  mé.  >  Il  continua  ainsi  :  <  Et  de- 
«  vons-nous  partir  seul?  »  Le  géné- 

-  rai  reprit  :   «Votre  Sainteté  peut 

•  conduire  avec  elle  sou  ministre,  le 

•  cardinal  Pacca.  »  Moi,  qui  étais 
.  aux  côtés  du  pape,  je  dis  subile- 
«  ment  :  Quels  ordres  me  donne  le. 

•  saint-père?  Dois-je  avoir  l'honneur 

•  de  l'accompagner?»  Le  papem'ayanl 
«  répondu  oui,  je  demandai  la  per- 

•  mission  d'entrer  dans  la  chamlro. 

•  attenante ,  où ,  suivi  de  deux  ofli- 

•  ciersdegendarmerie,qui  feignaient 
«  de  regariier  les  chambres,  je  me  rt- 
«  vêtis  de  mes  habits  de  cardinal,  avec 

-  le  rochello  et  la  mozetta,  croy;iUl 
"  que  je  devais  accompagner  SaSaiu- 
"  télé  dans  le  palais  Doua,  où  logeait 
.  le  général  Miollis.  Pendant  que  je 
«  m'habillais,  le  pape  Ut  de  sa  propre 
«  main  la  note  des  personnes  dont  il 
«  désirait  être  accompagné,  et  il  eut 


(3)  Voici  les  propres  paroles  du  p;ipe  , 
trè.s.|)iea  enleuiiue.s  p.ir  un  autre  téimiiu 
oculaire  :  «  Sous  ne  pouvons  pas,  nous  ne  dc' 
"  vons  pas ,  nous  ne  voulons  pas.  »  Ou  Yoit 
daus  notre  histoire  de  France  qu'il  y  eut 
des  ciri'onstîicce^  dan*  lesquelles  nos  piirlf- 
meols,  refusant  d'enregistrer  des  édits,  s'c\. 
primaient  ainsi  :  "  yec  rclamui  ,  ncc  powi- 
.<  m:-:t,  «se  debçmut,  ■> 


266 


RAD 


«  une  conversation  avec  le  général 
«  Radet.  Entre  antres  choses,  on  me 
«  rapporta  que,  tandis  que  le  pape 
«  arrangeait  quelques  objets  dans  sa 
«  chambre,  Radet  lui  dit  :  «Que  Vo- 
«  tre  Sainteté  ne  craigne  pas,  on  ne 
«  touchera  à  rien;  »  et  que  le  pape 

•  lui  répondit  :  «  Celui  qui  ne  fait 
■  aucun  cas  de  .«a  propre  vie  attache 
«  encore  moins  de  prix  aux  choses 
«  de  ce  monde.  »  Radet  aurait  voulu 

•  que  le  pape  eût  pris  des  habits  qui 
«  ne  le  fissent  pas  reconnaître  ,  mais 
«  il  n'eut  pas  le  courage  de  le  lui  dire. 

•  A  mon  retour  dans  la  chambre  du 
«  pape,  je  trouvai  qu'ils  l'avaient  déjà 
«  forcé  de  partir,  ne  donnant  pas  le 
'  temps  aux  camerieri  ,  dits  adju- 
'  danls  de  chambre,  de  mettre  dans 
«  une  valise  un  peu  de  linge  pour 
«  changer  dans  le  voyage.  Je  rejoi- 

•  gnisSdSainteiédansl'appartement. 
«  Alors  tous  deux, environnés  de  gen- 
«  darmes,  de  sbires,  de  sujets  rebel- 
«  les ,  marchant  d'une  manière  in- 
«  commode  sur  les  débris  des  portes 

•  jetés  à  terre  ,  nous  descendîmes 
«  les  escaliers.  Nous  traversâmes  la 
"  grande  cour,  dans  laquelle  étaient 
a  encore  de  la  troupe  française  et  le 
«  reste  des  sbires.  On  arriva  à  la 
«  principale  porte  de  Monte-Cavallo, 
«  où  se  trouva  prête  la  voiture  du 

•  génériil  Radet  (c'était  une  de  ces 
«  voitures  qu'on  appelle  bastardel- 
«  les).  Sur  la  place  étaient  rangées 
«  en  bataille    beaucoup  de  troupes 

•  napolitaines,  arrivées  depuis  peu. 
«  Le  pape  les  bénit,  ainsi  que  la  ville 
«  de  Rome.  Ils  firent  entrer  d'abord 
«  S."  Sainteté, puis  ils  voulurent  que  je 
«  moulasse  après.  On  avait  fait  clouer 

•  les  persiieniies  du  côté  où  était  assis 
«  le  pape.  Alors  un  getidarme  ferma 
«  il  clef  les  deux  portières,  el  après 
«•  que  le  général  et  un  certain  Car- 
«  dini,  Toscan,  marécbal-des-logis, 


RAD 

«  se  furent  placés  sur  le  siège ,  ils 

•  donnèrent  ordre  que  l'on  partît. 
«  JiiS(|u'à  la  grande  porte  nous  avions 
«  été  suivis  par  quelques  prélats,  des 
«  rédacteurs,  des  employés  de  la  se- 

•  créiairerie  d'État,  et  plusieurs  de 

•  nos  domestiques,  tous  demi-morts 

•  d'effroi.  Il  ne  leur  fut  permis  ni  de 

•  nous  accompagner ,  ni  même  de 
«  s'approcher  de  la  voiture.  Au  lieu 
«  de  prendre  le  chemin  du  palais  Do- 
«  ria,  on  suivit  la  direction  de  Porta 
«  Pia.  Avant  d'arriver,  on  tourna  h 

•  cette  voie  qiii  conduit  à  la  Porta 
'  Salara.  Hors  de  cette  porte,  on  fit 
'  le  tour  des  murailles  de  la  ville  jus- 
«  qu'à  la  Porte  du  Peuple^  qui  était 
«  ferméecoinme  toutes  les  autres  por- 
«  tes  de  la  ville.  En  longeant  les  mu- 
«  railles,  nous  avions  rencontré  des 
«  piquets  de  cavalerie  sabre  eu  main, 
«  et  le  général  Radet  donnait  ses  or- 

•  dres  aux  commandants  d'un  air 
«  triomphant,  comme  s'il  avait  rem- 
«  porté  une  grande  victoire.  Hors  de 
«  la  Porte  du  Peuple  se  trouvèrent 
«  des  chevaux  de  poste,  et,  pendant 

•  qu'on  les  attelait,  le  pape  reprocha 

•  doucement  au  général  le  mensonge 

•  qu'il  lui  avait  fait,  en  disant  qu'il 

•  le  conduisait  chez  le  général  Miol- 
«  lis;  et  il  se  plaignit  de  la  manière 
«  violente  dont  on  le  faisait  partir  de 
«  Rome,  sans  suite,  dépourvu  de  tout, 
«  et  avec  les  seuls  habits  «lu'il  portait 
«  sur  lui.  Le  général  répondit  que 
«  danspeudetemps Sa S.iintelé serait 
«  rejointe  par  sa  suite,  dont  il  avait 
«  donné  la  liste  à  Monte-Cavallo,  et 

•  qu'elle  apporterait  fous  les  objets 

•  nécessaires;  et  il  expédia  à  l'instant 
«  nn  gendarme  à  cheval  au  général 
»  Miollis,  pour  l'invitera  accélérer 
«  le  départ  de  celte  suite.  IMiis  il  me 
«  dit  qu'il  était  fort  content  que  Texé- 
■  cntion  de  sa  commission  eût  été  faite 
«  pacifiquement,  sans  qu'il  veut  nn 


RAD 

seul  blessé^  et  je  lui  répondis  :  «  Mais 
est-ce  que  nous  étions  dans  une 
forteresse,  où  nous  pussions  faire 
résistance?  —  Je  sais, reprit-il,  que 
Votre  Éininence  avait  donné  l'ordre 
que  personne  ne  ré>istât,  et  qu'elle 
avait  défendu  à  beaucoup  de  monde 
de  rôder.avec  un  fusil,  prèsdeJ/on- 
te-Cavallo.  »  Peu  après,  le  pape 
me  demanda  si  j'avais  emporté  avec 
moi  quelqueargent.  Je  lui  dis  ;  'Vo- 
tre Sainteté  a  vu  que  j'ai  été  arrêté 
dans  son  appartement,  et  il  ne  m'a 
pas  été  permis  de  retourner  dans  le 
mien.»  Alors  nous  tirâmes  nos  bour- 
ses, et  malgré  l'affliction  et  la  dou- 
leur où  nous  étions  plongés  de  nous 
voir  arrachés  de  Rome  et  de  son 
bon  peuple,  nous  ne  pûmes  nous 
empêcher  de  rire,  qU'ind  nous  trou- 
vâme'^  diins  la  bourse  du  pape  un 
papetlo  (vingt  b;ijoques,  ou  vingt- 
deux  sous  de  France),  et  dans  la 
mienne  trois  grossi  (quinze  bajo- 
qties,  un  peu  plus  de  seize  sous). 
Ainsi  le  souverain  pontife  et  son 
ministre  entreprenaient  le  voyage 
à  l'apostolique,  et  suivant  les  pa- 
roles de  Notre-Seigneur  aux  apô- 
tres :  •  Vous  ne  porterez  rien  en 
chemin,  neque  panem  (nous  n'a- 
vions aucune  provision  ) ,  neque 
duas  tunicas  (nous  n'avions  pas 
d'antres  habits  que  ceux  dont  nous 
étions  vêtus  ,  et  en  rnême  temps 
fort  incommodes,  puisque  le  pape 
était  en  mozzetta  et  slola,  et  moi 
en  mantelletta,  rochetto  et  moz- 
zetta, sans  une  seule  chemise  |)our 
changer) ,  neque  peruniam  (avec 
seulement  trente -cin(|  bajoques). 
Le  pape  fit  voir  W  papetto  au  géné- 
ral Radet,  en  lui  disant  :  •  De  toute 
notre  principauté,  voiik  donc  ce 
que  nous  possédons!  «Eu  commen- 
çant le  voyage,  je  fus  tourmenté 
d'une  pensée  que  je  reconnus  bien 


RAD 


267 


être  injurieuse  au  bon  PieVII,  mais 
qui  alors  me  troubla  fortement;  je 
craignais  que  le  pape,pénétré  d'hor- 
reur pour  l'action  sacri  ége  et  si 
exécrable  que  l'on  commettaitalors, 
et  prévoyant  de  funestes  conséquen- 
ces pour  l'Église,  ne  se  repentît  des 
vigoureuses  opérations   que    l'on 
avait  faites,  et  dans  sa  pensée  in- 
time ne  m'accusât  de  l'y  avoir  en- 
couragé.   Je   sortis   promptement 
d'inquiétude,  parce  que  le  pape, 
avec  le  sourire  sur  les  lèvres  et  un 
air  de  vraie  complaisance,  me  dit  : 
Cardinal,  nous  avons  bien  fait  de 
publier  la  bulle  d'excommunication 
le  10  juin;  autrement,  comment  fe- 
rions-nous aujourd'hui?  •  Ces  pa- 
roles me  rassérénèrent  et  me  don- 
nèrent une  nouvelle  force  pour  ré- 
sister aux  angoisses  et  aux  peines 
d'esprit  et  de  corps  que  je  prévoyais 
devoir  souffrir  dans  ce  violent  et 
désastreux  voyage.  La  nuit  suivan- 
te, on  afficha  d.>ns  Rome,  par  mes 
ordres,  au  nom  du  pape ,  une  noti- 
fication qui  peut  être  regardée  com- 
me un  adieu  d'un  père  tendre  se  sé- 
parant de  ses  enfants  chéris.  >  On 
a  pu  remarquer  que  le  compte  rendu 
par  le  génér.il  Radet  porte  avec  lui 
un  caractère  de  vérité  qu'il  faut  re- 
connaître. En  le  Citant,  nous  lui  avons 
conservé  cette  couleur  de  police  mili- 
taire ,  ce  ton  de  sévérité,  d'obéis- 
sance ponctuelle,  mêlé  d'aveux,  de 
complaisances  et  de    sentiments  de 
respect  au.vqnels  on  doit  souvent  ap- 
plaudir. Il  finit  ainsi  son  récit  :  «Telle 
<  fut  ma  conduite  dans  ce  grand  évé- 
«  l'.ement  J'en  appell*-  au  témoignage 

•  du  général  Miollis  et  à  celui  de  mes 
«  collaborateurs  ,  et  des  personnes 
«  qui  ont  vu  les  faits.  J'en  appelle 

•  surtout  aucardiUctl  Pacca  etau  saint- 

•  père.  La  mission  dont  j'ai  été  chargé 
«  était  de  nature  à  6xer  Pattention  du 


268 


RAD 


«  inonJe  entier  par  son  importance 
«  etparsonobjet.Lescircmstancesen 
«  ont  pu  être  dénaturées;  je  viens  de 
«  les  rétablir  dans  leur  plus  exacte 

•  vérité,  en  ce  qui  concerne  la  part 

•  que  j'y  ai  prise.  Obligé  par  mon  état 

•  d'exécuter  les  ordres  qui  m'étaient 

•  donnés  par  l'autorité  supérieure , 
«  j'ai  fait  tout  pour  en  adoucir  la  ri- 
«  gueur,  lorsqu'il  m'était  impossible 

•  d'eu  suspendre  ou  d'en  arrêter  les 
«  effets.  Ce  grand  devoir  que  j'avais 
«  à   remplir    m'imposait  la    double 

•  obligation  de  concilier  le  respect 

•  le  plus  profond,  les  soins  les  plus 

•  étendus,  la  circonspection  la  plus 
«  délicate,  avec  un  ministère  rigou- 

•  reux,  et  je  n'ai  rien  négligé  pour  y 
«  parvenir.  Si  le  saint-père  n'a  point 
«  effacé  de  son  souvenir  les  principa- 
"  le§  circonstances  de  ces  cruels  mo- 
«  mentSjSa  Sainteté  se  nippclieraéga- 

•  lement  la  conduitequej'ai  observée, 
«et  les  marquesd'intérêt  qu'elle  a  bien 
«  voulu  m'accorder  en  différentes  oc- 
«  casions.  Les  précautions  ont  été  sé- 

•  vères;  mais  qu'on  se  rappelle  coni- 
"  bien  le  danger  élaii  imminent  !  Que 
«  l'on  réfléchisse  surtout  à  l'immense 
«  responsabiliîé  qui  pesait  sur  ma 
«  tête  ,  et  il  la  certitude  que  j'avais 
"  d'êire  jugé  moins  par  la  sagesse  de 

•  mes  nu'sures  que  par  leur  succès! 
«  Depuis  dix-scpi  ans  que  je  suis  ofli- 

•  cier  général  de  gendarmerie .  mon 

•  caractère  est  trop  connu  en  France, 
«  en  Italie,  en  Allemagne,  par  les  mis- 

•  sions  et  les  organisations  dont  j'ai 
«  été  chargé,  pour  ne  pas  chercher  à 
"  conserver  intacte  la  réputation  que 

•  j'y  ai  acquise  pu-  trente-cinq  ans  ef- 

•  fectifs  de  bons  services  el  onze  c.im- 

•  pagnes.  Mon  honneur  est  l'héritage 

•  le  plus  précieux  quejc  puisse  trans- 

•  mettre  à  ma  nombreuse  famille.  Je 

•  le  lui  remettrai,  j'ose  le  dire,  dans 
«  toute  «on  intégrité  ;  elle ,  et  tous 


RAD 

«  mes  amis,  dont  j'ai  l'avantage  d'être 
•  bien  connu,  savent  déjà  que,  si  j'ai 
«  dû  prendre  un  rôle  dans  le  triste 
«  événement  dont  je  viens  de  donner 
«  une  relation  fidèle,  ce  n'a  point  été 
«  par  le  choix  de  ma  volonté ,  mais 
«  par  le  hasard  de  ma  position.  - 
Lorsqu'il  eut  remis  la  garde  du  pon- 
tife à  un  autre  oflicier  de  gendarmes, 
Radet  retourna  à  Rome,  où  l'on  a 
dit  qu'il  lit  exécuter  par  le  peintre 
Wicar  un  grand  tableau  représen- 
tant la  sortie  du  pape  de  Monte  Ga- 
vai lo  avec  tous  les  personnages  qui 
y  avaient  figuré.  Ce  tableau  fut 
transporté  à  Cap»)ue  en  1814,  par 
ordre  du  roi  Murât,  Si  l'on  en  croit 
le  Mémorial  de  Sainte- Hélène,  Na- 
poléon, voulant  rejeter  sur  Mioilis  et 
Radet  tous  les  torts  de  cette  odieuse 
affaire,  disait  dans  les  derniers  temps 
de  sa  vie  que  ces  génémux  avaient 
dépassé  ses  instructions ,  qu'il  ne 
leur  avait  pas  ordonné  de  faire  sortir 
le  pape  de  Rome;  mais,  plus  tard,  l'his- 
torien si  vrai  et  si  digne  de  foi  que 
nous  avons  ciié  a  publié  une  lettre 
par  laquelle  l'empereur  approuve 
dans  tous  ses  points  la  conduite  du 
gouverneur  Miollis  {voy.  Napoléon, 
LXXV,  183),  comme  aussi  celle  de 
Radet.  On  sait  d'ailleurs  que,  loin 
d'avoir  été  pour  cela  ni  réiirimandés 
ni  punis,  ces  deux  g'Miéraux  furent 
J!!S(|irà  la  lin  de  son  règne  comblés 
de  faveurs  et  de  bienfaits  de  tons  les 
genres.  Radet  qui,  depuis  plusieurs 
année.'!,  était  général  de  division,  fut 
créé  baron,  et  il  remplit  les  premiers 
emplois  de  son  aruie  dans  les  armées 
ou  dans  l'intérieur.  11  reçut  en  outre, 
selon  l'u.sage  de  celte  époque,  d'am- 
ples gratifications.  On  conçoii  qu'a- 
près la  chute  du  gouvernement  im- 
périal il  ait  été  moins  bien  trait*? 
par  celui  de  la  Restauration.  Il  ne 
Itii  arriva  cependant  d'abor  1  rien  dr 


RâD 

p'iis  fâcheux  que  de  ne  pas  être  em- 
ployé activement.  On  pen^e  même 
qu'il  se  flatta  d'être  accuelli  par 
Louis  XVIII,  et  de  nopa<?être  repous- 
sé par  Si  Sainteté  Pie  VII.  Nous  ci- 
terons encore,  pour  établir  ce  fait, 
l'historien  de  ce  pontife,  qui  fut  alors 
envoyé  à  Rome  par  le  roi  de  France. 

-  Avant  de  quitter  Paris,  dit  M.  Ar- 

•  taud  (1.  Il,  p.  382  et  suiv.),  je  reçus 

-  une  visite  fort  singulière:  ce  fut  celle 
"  du  général  Radet,  qui  venait  prier 

•  que  Ton  sollicitât  pour  lui,  au;très 
«  de  Pie  VII,  la  permission  de  retour- 

-  ner  à  Rome.  Jamais  demande  ne  fut 

•  plus  imprévue.  Le  général  me  donna 
«une   communication   verbile    di-s 

•  principaux  détails  de  l'enlèvement. 

•  Je  l'eui^ageai  à  la  rédiger  par  écrit. 
«  Dans  la  conversation,  il  me  montra 

•  l'ordre  orrginal  qu'il  avait  reçu  de 
«  Miollis.  Je  le  tins  quelque  temps 
«dans  mes  mains   II  était  très-ilifli- 

•  elle  à  lire,  et  tout  couvert  de  ra- 

•  tures  et  de  surcharges  de  la  même 

•  main.  On  y  ordonnait  d'arrêter  le 

•  cardinal  Pacca  :  le  reste  était  très- 

•  embrouillé.  Le  général  Radet  insis- 

•  tait  pour  retourner  à  Rome,  où  il 

•  voulait  revoir  le  domaine  de  San- 
«  Paitor,  bien   national  qu'il  avait 

•  acheté,  et  qui  appartenait  aux  Do- 
«minicains.  Je  lui  répondis  que  je 
«parlerais  à  l'ambassadeur  de  sa  ré- 

•  clamatron.  Le  général  disait  qu'il 

•  avait  si  bien  traité  le  pape,  tout  en 

•  exécutant  la  volonté  de  son  gou- 

•  verneuicnt,  que  ce  pontife  ne  refu- 

•  serait  pas  de  le  voir,  et  peut-être 

•  même  de  le  remercier.  On  voit  dans 
«  le  récit  de  Radet  (4)  qu'en  effet  il  y 


(4)  Ce  rérif,  qui  fut  remi«  par  Radet  à 
M.  Artjud  jioiir  être  porté  a  Rome,  a  été  tiré 
de  la  clijucelleiie  puniifii'ulr  par  le  <  ardi- 
iial  P»cca,  qui  \\i  imprimé  d:«ns  ses  Hènoi- 
re-.  d'où  l'hiitorieu  <lc  Pjp  VII  l'a  extrait. 


RAD 


d69 


eut  des  circonstances'où  sa  conduite 
fut  pleine  de  sentiments  de  respect 
et  dhiimanité.  A  ce  sujet,  je  dis  au 
général  :  •  Oui,  en  effet,  personne 
ne  nie  que  vous  n'ayez  témoigné  de 
la  vénération  pour  le  saint-père; 
mais  il  y  a  une  chose  que  l'on  ne 
comprend  pas.  Après  être  entré  la 
hache  à  la  main,  et  brisant  les  por- 
tes, vous  vous  êtes  arrêté  ainsi  à  la 
vue  du  pape;  il  s'est  donc  passé 
qu.*lque  chose  de  surnaturel  ?  — 
Que  voulez  vous?  repartit  le  géné- 
ral ;  dans  la  rue,  sur  les  toits,  à  ira- 
vers  les  escaliers,  avec  les  Suisses, 
cela  allait  bien:  mais  quand  J'ai  vu 
le  pape,  dans  ce  moment  là  ma  pre- 
mière communion  m'a  app.iru.  • 
Il  est  inutile  de  dire  que  jamais  une 
telle  négociation  ne  put  réussir.  Le 
gouvernement  de  Louis  XVIII  or- 
donna généreusement  que  la  de- 
mande fut  adressée  au  cardinal 
Pacca,  alors,  comme  on  sait,  pro- 
secrétaire d'État,  par  monseigneur 
de  Pressigny,  ce  qui  fut  fait  fidèle- 
ment; mais  le  cardinal  pria  instam- 
ment cetamba.ssadeurde  reprendre 
sa  note,  en  lui  disant  que  jamais  un 
ministre  de  Sa  Sainteté  n'oserait 
mettre  sous  ses  yeux  une  telle  let- 
tre, de  peur  de  réveiller  des  souve- 
nirsqu'il  fallait absolumentoublier. 
Radet  n'obtint  donc  pas  la  faveur 
de  retourner  à  Rome,  où  quelque 
facinoroso,  semblable  à  celui  qui 
avait  si  indignement  insulté  M.Ca- 
cault,  aurait  pu  outrager  celui  qui 
avait  porté  la  main  sur  le  saint- 
père.  Du  reste,  le  général  Radet 
était  de  si  bonne  foi  qumd  il  disait 
qu'il  avait  bien  traité  Sa  Sainteté, 
que  lui-même  il  avait  fait  faire  un 
tableau  représentant  le  départ  du 
pape,  et  le  général  chargé  de  l'em- 
meuer,  dans  l'attitude  du  plus  pro- 
fond respect  devant    son  anguste 


270 


RAE 


•  personne.  »  Ainsi  Radet  dut  alors 
renoncer  à  retourner  à  Rome;  et  il  re- 
nonça également  à  l'espoir  de  rentrer 
dans  la  propriété  des  Dominicains 
qu'il  s'était  fait  adjugerunais  il  paraît 
qu'il  prit  beaucoup  de  part  aux  intri- 
gues qui  préparèrent  le  retour  de  Na- 
poléon en  1815.  Dès  qu'il  fut  revenu 
aux  Tuileries,  l'empereur  le  rétablit 
dans  ses  fonctions  d'ins|>ecteur-géné- 
ral.  Il  le  créa  ensuite  grand-prévôt,  et 
ce  fut  en  cette  qualité  que  Radet  lit  la 
campagne  de  Waterloo,  et  qu'il  sui- 
vit l'armée  derrière  la  Loire.  Privé 
de  tous  ses  emplois  lorsque  le  ri»i 
eut  recouvré  son  pouvoir,  il  fut  ar- 
rêié  en  1816  à  Vincennes,  où  il  s'é- 
tait réfugié,  et  conduit  prisonnier 
dans  la  citadelle  de  Besançon.  Le 
conseil  de  guerre  de  la  ô"*»  division 
le  condamna  à  neuf  ans  de  détention; 
mais  une  ordonnance  royale  lui  ayant 
rendu  la  liber'é  en  18 18,  il  se  retira 
à  Varennes,  où  il  mourut  le  28  sep- 
tembre 1825.  M— Dj. 

RAEBl'RN  (sir  Henry),  peintre 
écossais,néen  1756  dans  Slockbridgp, 
à  l'une  des  entrées  d'Edimbourg, 
était  lils  d'un  manufacturier  aisé. 
Ayant  de  très-bonne  heure  perdu  les 
auteurs  de  ses  jours,  il  trouva  un 
second  père  dans  son  frère  aîné,  qui 
prit  la  direction  de  la  fabrique.  Hen- 
ry, envoyé  à  l'école,  ne  se  distingua 
guère  de  ses  condisciples  que  par  la 
supériorité  de  son  crayon.  Mis  en  ap- 
prentissage chez  un  orfèvre,  il  ne 
tarda  pas,  lui  qui  n'avait  reçu  aucune 
leçon  de  dessin,  qui  même,  dit -on, 
n'avait  pas  vu  un  tableau,  à  s'essayer 
dans  le  portrait  en  miniature,  et  il  y 
réussit  au  point  de  voir  rechercher 
ses  productions.Dès  lors  il  abandonna 
l'orfèvrerie  et  adopta  délinitivement 
pour  sa  profession  lapeinturedu  por- 
trait, mais  à  l'huile  et  dans  de  plus 
graDdes  dimensions  qu'il  n'avait  fait 


RAE 

jusque-là.  Une  visite  au  célèbre  Jo- 
suah  Reynolds  lui  fit  connaître  ce  qui 
lui  manquait  encore,et,  d'après  le  con- 
seil de  ce  savant  professeur,  il  partit 
pour  l'Italie,  d'où  il  ne  revint  qu'en 
1787.  Son  talent  avait  alors  tellement 
gagné  par  ses  nouvelles  études  qu'il  fut 
considéré  dans  sa  ville  natale  comme 
le  premier  en  son  genre.  11  avait 
surtout  le  secret  de  produire  une  res- 
semblance frappante,  ne  se  bornant 
pas  à  imiter  les  traits  des  personnes 
qui  posaient  devant  lui,  mais  s'atta- 
chanl  aussi  à  saisir  la  physionomie 
en  causant  avec  elles,  comme  nous 
avons  vu  faire  notre  Builly,  et  éveil- 
lant leur  esprit  sur  les  sujets  qui  leur 
tenaient  le  plus  au  cœur.A  ce  mérite 
principal  il  joignait  la  correction  du 
dessin,  la  transparence  de  la  couleur 
et  une  grande  hardiesse  de  pinceau. 
Dans  ses  tableaux,  les  accessoires  sont 
bien  traités,  les  animaux  bien  peints, 
le  cheval  surtout,  et  ses  portraits 
équestres  sont  généralement  admirés. 
On  cite  ceux  de  son  propre  lils,  de  sir 
David  Baird,  du  duc  Hamilton,  de 
son  ami  Waller  Scott,  de  Dugald 
Slewart,  Horner,  Jtflrey,  Archibald 
Alison,  Réunie,  etc.  Déjà  membre  de 
plusieurs  académies  et  président  de 
celle  d'Edimbourg,  il  devint  en  1812 
associé,  et  en  1815  membre  de  l'Aca- 
démie royale  de  Londres.  Le  roi  d'An- 
gleterre le  décora  de  la  clievalerie  et 
le  nomma  sou  peintre  pour  l'Ecosse. 
Raeburn  n'était  pas  seulement  habile 
artiste,  il  avait  aussi  cultivé  les  scien- 
ces, et  s'était  attaché  à  la  physique  et 
à  la  mécanique^  il  leur  donnait  ordi- 
uaireuieut  ses  soiréeii  quand  la  socié- 
té, où  il  était  toujours  bien  venu ,  lui 
laissait  du  loisir.  Doue  d'uu  bel  exté- 
rieur, de  force  et  d'adresse,  il  avait 
encore  une  âme  douce  et  bienveillante, 
vivant  en  bonne  intelligence  même 
avec  set  émules,  parmi  lesquels  Law- 


RAE 

rence  seul  lui  était  supérieur,  encou- 
rageant les  efforts  des  élèves  et  leur 
ouvrant  libéraleuient  sa  galerie  et  ses 
ateliers.  Son  talent,  comme  peintre  de 
portraits,  ne  faiblit  point  avec  l'âge, 
et  ceux  qu'il  a  exécutés  dans  les  der- 
nières années  de  sa  vie  passent  pour 
les  meilleurs.  11  mourut  le  8  juillet 
1823.  L. 

R.ETIIEL  (  WOLFGANG-CUBISTO- 

phe),  théologien  protestant,  Gis  d'un 
pasteur, naquit  en  1663 à  Selbitz,en  Al- 
lemagne. Aprèsavoir  achevé  ses  études 
et  reçu  le  diplôme  de  docteur  en  philo- 
sophie à  l'uni  versitéd'léna,  il  se  rendit 
à  celle  de  Kœnigsberg ,  et  visita  la 
Prusse  et  la  Pologne.  Revenu  ilaus  son 
pays,  il  fut  chargé  de  l'instruction  des 
pagfsdu  margravt*  de  Baireuth,  ainsi 
que  de  l'éducation  de  quelques  jeunes 
nobles,  et  en  168'i  il  fut  appelé  à  une 
chaire  de  grec  et  de  latin  au  gymnase 
de  Bdireuth;  six  ans  après  il  obtint, 
au  même  établissement,  la  chaire  de 
théologie  morale;  mais  ce  collège 
était  dans  une  décadence  telle  que 
Raethel  formait  tout  le  corps  en- 
seignant; le  nombre  des  élèves  n'é- 
tait pas  beaucoup  plus  considérable 
que  celui  des  professeurs.  Le  mar- 
grave avait  d'autres  soucis,  et  quand 
il  lui  prenait  envie  d'entendre  un  ser- 
mon, il  faisait  venir  Rxlhel  dans  son 
cabinet,  où  le  professeur  de  théologie 
était  obligé  de  lui  débiter  un  discours 
religieux.  L'auiiiteur  fut  si  content  du 
prédicateur  que  celui-ci  obtint  de  lui, 
en  1698,  Id  place  de  pasteur  eu  chef, 
ou,  comme  ou  dit  dans  les  pays  pro- 
testants alleuiands,  celle  de  super- 
intendant, à  Neustadt-sur-Aisch  ;  et 
après  avoir  accompagné  sou  maître, 
le  margrave  Chrétien-Ernest,  dans  ses 
voyages,  Hœlhel  recul  le  litre  de  con- 
seiller ecclésiastique,  tout  en  restant 
attache  au  pastoral  de  Keustadi,  où 
il  ht  une  rude  guerre  à  la  secte  des 


RAE 


iri 


piétistes.  Lorsqu'en  1708  on  posa  à 
Erlang  la  première  pierre  d'une  église 
qui  (levait  servir  aux  luthériens  et 
aux  réformés  en  commun,  et  qui,  par 
cette  raison,  fut  appelée  l'église  de  la 
concorde,  il  eut  la  satisfaction  devoir 
un  exemplaire  de  sou  édition  de  la 
Conlession  d'Augsbourg  déposé  sous 
cette  pierre.  Daus  la  même  année 
Rxlhel  fonda  à  Neustadt  une  associa- 
tion eu  faveur  des  veuves  des  pas- 
teurs ;  mais  par  l'idée  peu  heureuse 
qu'il  eut  d'attacher  à  cette  société 
une  librairie  pour  la  faire  prospérer, 
et  de  commeucer  par  la  publication 
d'une  édition  de  la  Bible  qui  n'eut 
aucun  succès,  il  contribua  lui-même 
à  détruire  sou  ouvrage.  Quelques  an- 
nées après,  il  provoqua  l'établisse- 
ment d'une  maison  de  retraite  pour 
les  veuves  et  orphelins  des  pasteurs; 
le  margrave  désigna  pour  cette  œuvre 
un  ciiàleau  ruiué;  on  recueiltit  des 
aumôues,  Raethel  promit  des  sermons; 
mais  le  peu  de  veuves  qui  y  furent 
recueillies  u'eureut  pas  de  quoi  sub- 
sister, et  ou  Huit  par  les  mettre  à  l'hô- 
pital, lors  de  la  mort  du  fondateur, 
qui  eut  lieu  le  28  juin  172  *.  Les  écrits 
publiés  par  Rcelhel  consisteut  en  dis- 
sertations et  eu  brochures  de  polémi- 
que religieuse.  De  ce  nombre  sont: 
De  velerum  gymnasio  athletico  at- 
que  proemiis  ViC(orum,  Jenae,  1682, 
in-4'';  De  (analicis  et  congregatio- 
nibus  privatii,  ISeapoli  (iNeusiadt), 
17u3,  iu-fol.  ;  Litterœ  ad  Sigism. 
Meyenbergerum,  1704,  in-*";  Deido- 
latria,  ÎSeapoh,  17U4  :  De  ilineribus, 
quœ  cuin  seren.  princ.  ,Christiano-Er- 
nesto  fecit^  lestibus  veritalis  inter 
pontificius  in  ilUs  deprehtnsis,  ibid., 
i7u7,  in  fol.  ;I>e  bibiiothecis  uni- 
versalibus,  prœtertim  theologicis'^ 
Deliisloria  lilleraria  vilœque  scrip' 
lon6u«,ibid.,l72i,  ia-H)\.t De biblio- 
theea  patrum,  ibid.,  1726,  in -fol. 


272 


RAF 


Une  traduction  allemande,  fort  esti- 
me'e,  qu'il  a  faite  d^Épictète,  a  eu  trois 
édifions,  dont  la  dernière  est  de  Nu- 
remberg, 1718.  D — G. 

RAFFAELLI  (Joseph),  juriscon- 
sulte italien ,  naquit  le  26  février 
1750,  à  Catanzaro,  en  Cilabre,  d'une 
famille  aisée.  Après  avoir  suivi  le 
cours  de  collège  jusqu'en  rhétorique, 
il  alla  étudier  la  philosophie  à  Naples, 
puis  le  droit,  et  conseillé  par  Ta- 
nucci  (voy.  ce  nom,  XLIV,  517),  il 
entra  dans  la  carrière  du  barreau,  à 
laquelle  son  mérite  le  rendait  par- 
ticulièrement propre.  Il  n'avait  guère 
plus  de  vingt  ans  lorsqu'il  plaida 
pour  la  première  fois;  ce  fut  pour  une 
malheureuse  qu'on  accusait  de  sor- 
cellerie. Son  éloquence  fut  telle  que 
non-seulement  la  prétendue  sorcière 
fut  acquittée,  mais  que  le  roi  Ferdi- 
nand IV,  ayant  reçu  de  son  minis- 
tre de  la  justice  une  copie  du  Mé- 
moire deRaffaelli,  ordonna  qu'il  fût 
inséré  dans  U  Collezione  délie  scrit- 
lure  di  regia  giurisdtzione,  où  il  se 
trouve  au  tome  IX,  et  que  les  tribu- 
naux fermèrent  dès  lurs  l'oreille  à 
toutes  IfS  accusations  de  cette  es- 
pèce. Ce  succès  répandit  rapidement 
le  nom  du  défenseur,  en  sorte  qu'il 
devint  un  des  avocats  de  Naples  les 
plus  occupés.  Recherché  surtout  par 
les  administrateurs  des  communesqui 
avaientàseplaindrederempiétement 
des  seigneurs,  il  prit,  dans  l'espace 
de  peu  d'années,  la  défense  d'un  nom- 
bre considérable  d'entre  elles.  Com- 
promis ensuite  dans  les  événements 
politiques,  il  fut  condamné  à  l'exil 
en  1799.  Après  un  séjour  de  quelques 
mois  à  Turin,  il  alla  se  fixer  à  Milan, 
où  il  fut  nommé, en  1801,  professeur 
de  droit  public  (chaire  qu'avait  pré- 
cédemruent  occupée  I  illustre  César 
Beccaria),  puis  en  1805,  membre  des 
commissions  législatives  du  royaume 


R.4F 

d'Italie.  Dans  l'intervalle  il  avait  pu- 
blié le  Discours  prononcé  à  l'occasion 
de  l'ouverture  de  son  cours  et  un  ou- 
vrage intitulé  :  Progetto  e  motivi  del 
nuovo  codice.  Ses  emplois  ne  l'empê- 
chaient pas  d'exercer  la  profession 
d'avocat,  et  plusieurs  de  ses  plai- 
doyers obtinrent  un  grand  succès. 
Nous  citerons  les  deux  qu'il  composa 
en  faveur  d'un  musicien  célèbre  et  des 
Polonais,  plaidoyers  qui  furent  im- 
primés  et  eurent  différentes  éditions 
en  peu  de  mois.  Rappelé  à  Naples  en 
1808  par  le  roi  Jo.ichim,  Raffaelli 
fut  fait  chevalier  de  l'ordre  des 
Deux-Siciles,  puis  nommé  procureur- 
général  près  la  cour  de  cassation. 
Deux  ans  plus  tard  il  entra  au  con- 
seil d'État,  dans  la  section  de  législa- 
tion ,  dont  il  devint  ensuite  prési- 
dent, et  fut  chargé  de  traduire  en  ita- 
lien le  code  civil  français.  Son  travail 
fut  imprimé,  mais  il  n'obtint  pas  l'ap- 
probation du  gouvernement.  Raffaelli 
fit  en  outre  partie  des  commissions 
établies  pour  l'élection  de  la  nouvelle 
magistrature,  pour  l'exécution  des 
lois  qui  abolissaient  le  régime  féodal 
et  pour  la  réforme  des  fois  pénales.  Le 
conseil  d"État  ayant  été  supprimé  au 
retour  des  Bourbons,  Raffaelli  pas- 
sa dans  la  commission  consultative 
suprême,  au  conseil  des  grâces,  et 
fut  du  nombre  des  jurisconsultes 
auxquels  on  confia  la  rédaction  d'un 
nouveau  code;  mais  il  renonça  en 
1819  à  tous  ses  emplois,  et  se  retira 
dans  sa  maison  de  campagne,  où  il 
mit  à  exécution  un  grand  ouvrage 
qu'il  méditait  depuis  hmg-temps  et 
pour  lequel  il  avait  réuni  d'immen- 
ses matériaux.  Nous  voulons  parler 
de  la  Nomotesia  pénale  (Naples, 
1820-182.S,  5  vol.  in-8''),qui,  comme 
letiire  l'iiulitpie,  enseigne  la  science 
de  faire  de  bonnes  luis  sur  les  délits 
et  les  peines.  A  défaut  d'idées  non- 


RAF 


KAF 


«7: 


velles,  Raffaelii  porta  dans  son  tra- 
vail beaucoup  d'ordre,  de  clarté',  sut 
c?iter  et  rectifia  même  les  principales 
erreurs  de  ses  devanciers.  On  pour- 
rait seulement  lui  reprocher  d'avoir 
introduit  dans  son  livre  une  foule  de 
grécismes  qui  en  rendent  parfois  la 
lecture  .pénible.  Les  cinq  volumes  qui 
ont  été  publiés  ne  contiennent  que 
les  trois  premières  parties ,  et  il  s'ap- 
prêtait à  en  donner  la  continuation 
lorsqu'il  succomba  ep  février  1826, 
à  l'âge  de  soixante -seize  ans.  Raf- 
faelii était  membre  de  l'Académie  ita- 
lienne et  de  plusieurs  autres  sociétés 
savantes.  A— y. 

RAFFEI  (  Étiek?«e  ) ,  littérateur 
italien,  naquit  le  21  sept.  1712  à  Or- 
bitello,  ville  de  Toscane,  et  entra, 
en  1733,  dans  la  compagnie  de  Jé- 
sus à  Rome.  Il  professa,  pendant 
vingt  ans,  la  rhétorique  au  séminaire 
romain,  it  cultiva  en  même  temps 
la  poésie,  la  philologie  et  l'archéolo- 
gie. Après  la  suppression  de  la  so- 
ciété, il  continua  de  résider  à  Rome, 
où  il  mourut  en  1788.  C'était  un 
homme  recommandable  par  ses  ver- 
tus et  ses  talents.  On  a  de  lui  :  I.  Gio- 
vanni Colonna,  Flavio  Clémente, 
il  Trionfo  ielV  Amicizia,  tragé- 
dies, Rome,  1763  ei  1764.  II  Dis- 
sertazione  sopra  il  Crise  di  Marco 
Pacuvio,  Rome,  1770.  Ce  sont  des  ob- 
servations philologiques  sur  les  frag- 
ments qui  nous  restent  de  la  tragédie 
de  Chrysès,  composée  par  l'ancien 
poète  lutin  Marcus  Pacuvius  {voy.  ce 
nom,  XXXII,  353).  111.  Dissertazione 
sopra  Apollo  Ptsio,  Rome,  1771. 
Raffei  a  encore  publié,  sur  des  anti- 
ques de  la  villa  Albani,  des  Disserta- 
tions, dont  la  première  porte  la  date 
de  Rome,  1772,  réunies  en  1  vol. 
in-fol.,  avec  figures,  et  faisant  suite 
aux  Uonumenti  inediti  de  Winckel- 
mann,  Z. 

LXXVllI. 


RAFFLES  (THOMAS-SïAMFonDj, 
voyageur  et  historien  anglais,  était 
fils  de  Benjamin  Raffles,  l'un  des  plus 
anciens  capitaines-marchands  de  Lon- 
dres.Il  naquit  le  6  juilletl781,suruu 
navire,  en  vue  de  la  Jamaïque,  et  fut 
élevé  au  collège  de  Hammer-Smilh. 
Il  entra  fort  jeune  au  service  de 
la  compagnie  des  Indes  orientales,  et 
fut  envoyé,  enl  804,  comme  secrétaire, 
au  gouverneur  de  l'île  Poulo-Pinang 
que  le  cabinet  britannique  venait  de 
céder  à  cette  compagnie.  L'insalu- 
brité du  climat  et  l'ardeur  avec  la- 
quelle Raffles  se  livra  à  l'étude  ayant 
altéré  sa  santé ,  il  fut  forcé  de  se  re- 
tirer à  Malacca  Après  la  réunion  de 
la  Hollande  à  la  France,  il  lit  partie 
de  l'expédition  anglaise  qui  s'empara, 
en  1811,  des  colonies  hollandaises 
dans  l'Inde,  et  la  même  année  il  fut 
nommé  au  poste  important  de  lieute- 
nant-gouverneur de  l'île  de  Java  et 
de  ses  dépendances.  La  restitution  de 
ces  colonies  à  leurs  anciens  posses- 
seurs et  la  mort  d'une  épouse  chérie 
ayant  rappelé  Raffles  en  Europe,  en 
1816,  il  profita  de  son  séjour  à  Lon- 
dres pour  rassembler  les  nombreuses 
observations  qu'il  avait  faites  ou  qu'il 
s'était  procurées,  pendant  une  rési- 
dence de  cinq  ans,  dans  l'archipel  in- 
dien. Il  publia,  en  1817,  son  Histoire 
de  Java,  et  la  dédia  au  roi  Georges 
III,  qui  le  créa  chevalier.  Au  mois 
d'octobre  suivant,  il  repartit  pour 
l'Inde,  avec  le  titre  de  lieutenant- 
gouverneur  de  Beiicoulen,  ddns  l'île 
de  Sumatra  qui  fut  désignée  pour 
être  le  chef-lieu  des  possessions  an- 
glaises dans  les  mers  orientales  de 
l'Inde.  H  y  arriva  en  mars  1818,  et 
y  fit  connaissance  avec  le  naturaliste 
français  M.  Diard  qui  allait  rejoin- 
dre à  Chandernagor  son  confrère  et 
compatriote  Duvaucel  (  voy.  ce 
nom,LXlII.  270).  Les  missions  poli- 
18 


274 


RAF 


tiques  dont  Baffles  était  chargé  ne  lui 
laissant  guère  le  temps  de  satis- 
faire sa  passion  pour  la  science,  il 
écrivit  aux  deux  voyageurs  français 
pour  leur  proposer  de  l'accompagner 
dans  une  expédition  maritime  qui  fa- 
ciliterait leurs  recherches  zoologi- 
ques, tandis  qu'il  s'acquitterait  de 
ses  fonctions.  Ils  acceptèrent  d'au- 
tant plus  volontiers  l'offre  de  Raffles 
qu'elle  devait  leur  faire  voir  des 
pays  peu  connus,  et  qu'il  leur  pro- 
mettait en  outre  de  former  à  ses 
frais,àBencouI«'n,uneménageried'a- 
nimaux  de  Sumatra,  semblable  à  l'é- 
tablissement que  lord  Moira  avait 
créé  à  Calcutta.  Ils  s'embarquè- 
rent tous  les  trois  à  la  fin  de  décem- 
bre 1818,  visitèrent  Poulo-Pinang, 
puis  Singapour,  où  Raffles  avait  pour 
mission  d'affermir  sur  le  trône  un 
prin<'e  que  ses  sujets  trouvaient  trop 
anglomane.  lis  allèrent  ensuite  à 
Achem  où  il  s'agissait  de  mettre  d'ac- 
cord deux  souverains  intraitables, 
en  leur  donnant  un  successeur  qui 
payât  son  trône  avec  l'argent  de  ses 
sujets.  Après  un  mois  de  séjour  dans 
cet  affreux  pays  où  M.  Diard  risqua 
d'être  assassiné,  ils  parcoururent  di- 
vers lieux,  vinrent  à  Malacca,  revirent 
Singapour,  et  furent  enfin  de  retour 
àBencoulen,  au  mois  d'août  1819. 
Mais  alors  commencèrent  à  se  démen- 
tir les  témoignages  de  bienveillance 
du  gouverneur  pour  ses  compagnons 
de  voyage.  On  était  convenu  que  les 
dépenses  seraient  remboursées  par  la 
compagnie  des  Inrles,  et  que,  pour 
prix  de  la  collaboration  des  natura- 
listes français  aux  mémoires  que  Raf- 
fles voulait  publier  sur  ce  voyage, 
il  partagerait  é:,'alement  avec  eux 
les  produits  et  le  résultat  de  leurs 
communes  recherches;  mais  il  man- 
qua à  sa  promesse,  et  après  quel- 
ques démêlés  il  envoya  presque  tout 


RAF 

en  Angleterre  avec  les  dessins,  les 
descriptions  et  les  notes  qu'ils  lui 
avaient  remis.  Cependant  le  gouver- 
nement hollandais,  jaloux  du  nouvel 
établissement  anglais  à  Bencoulen, 
lui  suscita  tant  de  contrariétés,  que 
pour  y  mettre  un  terme  l'Angle- 
terre, en  mars  1824,  conclut  un  trai- 
té par  lequel  elle  céda  à  la  Hol- 
lande toutes  ses  possessions  à  Su- 
matra et  dans  les  îles  voisines,  en 
échange  de  Singapour,  de  Malacca 
et  des  autres  établissements  hollan- 
dais sur  le  continent  indien.  Raf- 
fles s'était  embarqué  le  2  février, 
pour  revenir  en  Europe.  Le  feu  prit  a 
son  vaisseau  et  consuma  la  riche 
collection  d'objets  d'histoire  natu- 
relle et  de  monuments  littéraires 
qu'il  avait  formée,  pendant  son  sé- 
jour dans  les  îles  malaises  :  il  regretta 
surtout  les  matériaux  qu'il  avait  ras- 
semblés pour  une  histoire  de  Bor- 
néo. Forcé  de  regagner  Sumatra,  il 
se  rembarqua  enfin,  au  mois  de  mars, 
avec  sa  famille,  et  arriva  à  Plyiiiouth 
le  22  août  1824.  Le  climat  de  l'Inde 
avait  fort  altéré  la  santé  de  Raffles. 
Après  une  première  attaque  d'apople- 
xie ,  il  eh  éprouva  une  seconde  à  la- 
quelle il  succomba,  le  4  juillet  1826, 
à  Highwood-Hiil,  âgé  de  45  ans. 
Dans  son  discours  d'ouverture  pro- 
noncé en  1815,  à  la  séance  de  la  so- 
ciété asiatique  de  Batavia,  et  dont  É. 
Jacquet  a  donné  un  long  extrait  dans 
le  Journal  asiatique  de  Paris 
(décembre  1832),  Raffles  avait  an- 
noncé qu'il  devait  aux  comuiunica- 
tions  du  capitaine  Philipps,  résidant 
dans  l'île  Celebes,  un  vocabulaire 
boughi  d'une  étendue  considérable. 
On  a  vu  qu'il  n'a  pas  toujours  usé 
de  la  même  franchise.  L'ouvrage  au- 
quel il  doit  principalement  sa  répu- 
tation est  son  Histoire  de  Java, 
composée  avec  John  Crawford,  an- 


RAF 

cien  résident  à  la  cour  des  sultans  de 
Java,  Londres,  J8l7,  2  vol.  10-4»  (1). 
Cette  compilation  si  connue  des  géo- 
graphes ei  des  indianistes,  si  belle, 
dit-on,  et  iri»p  vante'e  peut-être,  a  été 
traduite  en  français  sous  ce  titre  : 
Description  géographique^  histori- 
que et  commerciale  de  Jata  et  des 
autres  îles  de  f  archipel  indien,  con- 
tenant (les  détails  sur  les  mœurs,  les 
arts,  langues,  religions  et  usages  des 
habiiants  de  celte  cinquième  partie 
du  monde,  traduite  de  l'anglais,  par 
M.  Marchai ,  ex-employé  du  gou- 
vernement à  Batavia,  ornée  de  gra- 
vures el  de  cartes  coloriées,  Bruxel- 
les, 1824, 10  livraisons  10-4",  chacune 
de  4  feuilles.  Cet  ouvrage  de  Raffles 
a  été  cependant  très-critiqué  dans  le 
Journal  asiatique  de  Paris  ^  par  É. 
Jacquet,  qui  paraît  en  avoir  signalé 
un  peu  légèrement  quelques  erreurs 
et  contre-sens.  Ou  a  encore  de  Raf- 
fles :  Sur  la  mission  de  Finlayson 
à  Siam,  1822,  in-S';  ['Introduction 
aux  Annales  malaises^  traduites  en 
anglais  par  (eu  Leydeu;  Loudres, 
1821,  in-8*,  compilation  peu  esti- 
mée; Malayan  miscellanies  (mé- 
langes malais),  recueillis  et  princi- 
palement écriis  par  Raffles;  Bencou- 
len,  1823,  in-S".  Il  a  laissé  en  ma- 
nuscrit un  Mémoire  sur  Singapour. 
Lady  Raffles,  sa  seconde  épouse,  a 
donné  à  la  société  asiatique  de  Lon- 
dres la  collection  de  toi. s  les  manus- 
crits javanais  qu'il  avait  formée.  Le 
catalogue  en  a  été  imprimé  aux  frais 
de  cette  société,  ei  l'analyse  en  a  été 
donnée  dans  le  Journal  asiatique  de 
Paris^  de  février  et  mars  1832  ,  par 
É.  Jacquet,  et  plus  exactement,  dans 


(i)  Les  deux  Anglais  n'en  ont  fait  que  la 
partie  desciiiitive;  l'hi^itoire  proprement 
dite  est  l'ouTrage  du  Panambahan  de  Soa- 
menap,  sirant  javanais. 


RAF 


275 


celui  de  juillet  1840,  par  M.  Dalau- 
rier,  qui  les  a  vus  à  Londres.  Raffles 
se  prtposait  de  publier  le  corps  de 
jurisprudence  malaise;  mais  n'ayant 
pu  réunir  toutes  les  meilleures  au- 
torités écrites,  il  s'est  borné  à  don- 
ner, dans  les  Àsiatic  Researches, 
une  traduction  des  lois  maritimes 
des  Malais,  qui  devait  former  l'une 
des  six  parties  de  ce  code.  Il  a 
pris  pour  texte  celui  de  Malacca, 
tant  à  cause  de  l'ancienne  puissance 
de  ce  royaume  que  parce  que  ce 
code  a  été  adopté  par  d'autres  na- 
tions. Il  y  a  même  ajouté  les  va- 
riantes. A— T. 

R.4FFRON  -  Dutrouillet  {  Nico- 
las), né  à  Paris  en  1709  dans  une 
condition  obscure,  vivait  tellement 
ignoré  avant  la  révolution  de  1789 
qu'il  nous  serait  impossible  de  dire 
quelle  était  sa  profession ,  lorsque, 
déjà  octogénaire,  il  fut  nommé  dé- 
puté de  Pans  à  la  Convention  natio- 
nale en  sept.  1792,  avec  Marat,  Ro- 
bespierre, etc.  Sa  première  motion 
dans  cette  assemblée  fut  pour  ap- 
puyer la  proposition  de  Gensonné, 
lequel,  poussant  à  l'extrême  un  d^- 
intéressement  qui  depuis  a  trouvé 
peu  d'imitateurs,  proposa  de  décréter 
que  tous  les  membres  de  la  Conven- 
tion nationale  renonçassent  pour  leur 
vie  entière  à  toutes  fonctions  publi- 
ques. Raffrou  Dutrouillet  exprima  le 
même  vœu,  et  y  ajouta  la  proposition 
de  dâcfer  dans  un  an  la  constitution 
qu'il  s'agissait  de  faire.  Dans  le  pro- 
cès de  Louis  XVI ,  il  ue  montra  pas 
moins  d'enthousiasme  et  d'impré- 
voyance; aussitôt  après  le  premier 
interrogatoire,  il  demantlH  que  l'on 
procédât  sur-le-champ  à  l'appel  no- 
minal, suivant  l'usage,  et  vota  pour 
la  mort  dans  les  vingt-quatre  heu- 
res. Sur  la  question  de  l'appel  au 
peuple,  il    exprima   ro   vote   aussi 

18. 


2ie 


RAF 


RA(; 


atroce  que  ridicule  :  Je  dis  avec  as- 
surance^ tranquillité  et  fraternité: 
jiON.  Dans  la  séance  du  14  juinsuivant, 
quand  il  fut  question  d'assurer  aux 
de'pute's  l'inviolabililé  de  leurs  opi- 
nions par  un  article  de  la  constitu- 
tion ,  RfifFron  s'y  opposa  formelle- 
ment, déclarant  que  ce  serait  un  bre- 
vet d'impunité  pour  les  traîtres,  et 
demanda  au  contraire  que  les  repré- 
sentants du  peuple  qui  auraient  ma- 
nifesté des  sentiments  inciviques  et 
ne  les  rétracteraient  pas  fussent  tra- 
duits à  un  jury  national.  Huit  jours 
après  il  réitéra  en  d'autres  termes 
cette  proposition,  particulièrement 
dirigée  contre  le  parti  de  la  Gironde 
qui  venait  d'être  renversé,  et  conçut 
ainsi  la  première  pensée  du  tribu- 
nal révolutionnaire ,  qui  ne  tarda 
pas  à  être  établi,  qui  devait  immo- 
ler tant  de  victimes  et  envoyer  à 
l'échafaud  tous  les  chefs  de  la  Gi- 
ronde, Vergniaud,  Brissot,  etc.  Raf- 
fron  fil  encore,  à  la  même  époque, 
d'autres  motions  d'une  exaltation 
non  moins  cruelle  sur  l'armée  révo- 
lutionnaire, sur  les  accapareurs,  les 
nobles  et  les  émigrés.  La  maturité 
de  l'âge  ne  lui  ôtait  rien  de  son 
énergie  révolutionnaire.  Cependant 
ce  qui  étonne,  c'est  qu'il  exprima 
sur  quelques  questions,  entre  autres 
sur  l'instruction  publique,  des  idées 
assez  raisonnables,  et  qu'il  osa  dire  à 
la  tribune  de  la  Convention  nationale 
que  c'était  surtout  sous  le  rapport  de 
la  morale  qu'il  fallait  surveiller  l'in- 
struction publique,  que  dans  tous  les 
cas  elle  devait  rester  libre,  et  même 
que  l'éducation  paternelle  lui  parais- 
sait préférable.  Il  manifesta  encore 
des  opinions  plus  sages  après  la 
chute  de  Robespierre.  On  l'entendit 
déclamer  h  plusieurs  reprises  contre 
les  crimes  de  la  terreur,  et  deman- 
der que  les  agents  de  ces  horreur» 


(ce  fut  son  expression)  fussent  jugés 
et  punfs.  Il  se  montra  même  un  des 
plus  ardents  à  poursuivre  Carrier 
et  Lebon.  Enfin  il  demanda  la  resti- 
tution aux  fainil  les  des  biens  des  con- 
damnés. Réélu  au  conseil  des  Cinq- 
Cents  par  le  département  du  Nord 
après  la  session  conventionnelle,  il 
présida,  le  premier,  cette  assemblée 
comme  doyen  d'âge,  et  s'y  fit  d'ail- 
leurs peu  remarquer.  Il  cessa  d'en 
faire  partie  en  1797,  et  vécut  dans 
l'obscurité  d'où  la  révolution  l'avait 
tiré,  jusqu'à  sa  mort  qui  eut  lieu  vers 
la  fin  de  l'année  1800.  M— Dj. 

RAFI  ou  Raffy,  célèbre  luthier 
lyonnais,  vivait  du  temps  de  Marot, 
qui,  dans  sa  quatrième  complainte,  a 
fait  l'éloge  d'un  double  chalumeau, 
œuvre  de  cet  artiste.  Jean-Antoine  de 
Baïf  en  a  aussi  parlé  dans  les  JeuXy 
églogue  du  Devis,  fol.  33  de  l'édition 
de  1573,  où  on  lit  ces  deux  vers  : 

Après  tous  ces  propos ,  j'apporte  une  mu- 
sette 
Que  Rafi,  Lyonnais,  à  Maroc  avait  faite. 

Nous  avons  vainement  cherché  le  nom 
de  ce  luthier  dans  la  Biographie  de 
M.  Fétis.  Nous  n'y  avons  pas  trouvé 
non  plus  un  habile  musicien  du  même 
temps,  Noël  Albert,va]etûe  chambre 
de  la  reine  de  Navarre,  et  jouein-  de 
luth  du  roi  François  l*^  Ce  ^îoël  Al- 
bert avait  pourtant  aussi  été  loué 
non  seulement  par  Baïf  et  Marot,  mais 
encore  par  Dorât,  Saint-Gelais  et  Bo- 
naventure  des  Périers,  A.  P. 

RAGONNEAU  (FrançIois)  ,  né  à 
Richelieu,  en  1692,  y  exetça  les  em- 
plois de  lieutenant  particulier  et  d'as- 
sesseurcivil  et  criminelà  la  sénéchaus- 
sée de  celte  ville.  Il  a  publié  un  ou- 
vrage sur  sa  ville  natale,  intitulé  : 
Ricolocus  dolens,  ou  Plaintes  sur  la 
ville  de  Richelieu.  Cet  ouvrage,  en 
vers  latins,  a  d'abord  été  imprimé 
vers  1700,  et  ensuite  il  a  été  réiropri- 


RAG 

luë,  avec  uue  traduclioa  frauçaise 
faite  par  l'auteur  en  1764,in-8°,  sans 
nom  de  ville  ni  d'imprimeur  ou  li- 
braire. F — T— E, 

RAGOl^KY  (Georges  I"    Ra- 
coczi,  appelé  ordinairement),  prince 
de  Transylvanie,  était  un  seigneur 
hongrois,  riche  et  puissant.  Son  père 
Sigismondi  élu  malgré  lui  prince  en 
1607,  abdiqua    l'année   suivante  et 
mourut  à  Sarrente  en  I(jl3.  11  avait 
eu  pour  successeurs  Gabriel  Battori, 
puis  Bethlem  Gabor  {voy.  ce  nom,  IV, 
403}.  Après  la  mort  de  ce  dernier, 
Etienne,  son  cousin,  força  la  veuve 
de   Gabor ,    Catherine    de    Brande- 
bourg, à  se  dépouiller  de  la  souve- 
raineté; mais,  désespérant  lui-méuie 
de  la  conserver,  il  envoya  offrir,  en 
1629,  le  trùne  de  cette  principauté  à 
George,sRaguizky.Lesdéputés  étaient 
le  fils  et  le  beau-frère  d'Éticnne.  A 
peine  eureul-ils  amené  le  nouveau 
prince  de  leur  choix  commun  sur  le 
territoire   transylvain,  que  la  nou- 
velle se  répandit  que  les  États  avaient 
élu  Etienne.  Plus  confiant  ou  mieux 
avisé,  Ragotzky,  reçu  dans  Waradin, 
une  des  principales  places  de  la  pro- 
vince, refusa  de  renoncer  à  des  droits 
qu'il  devait  à  un  consentement  libre, 
à  des  offres  volontaires  qu'il  n'avait 
pas  provoquées.  Ce  qu'il  y  eut  de 
particulier,  c'est  que  le  propre  fils 
et  le  beau-frère  d'Éiienne  se  décla- 
rèrent engagés  par  le  serment  qu'ils 
avaient  prêté  à  Ragotzky,  et  ne  vou- 
lurent pas  l'abandonner.  Les  États  se 
rassemblèrent  et  élurent  unanime- 
ment le  magnat  hongrois,  dont  les 
libéralités  entraînèrent  beaucoup  de 
suffrages.  C'est   ainsi  que  Georges 
Ragotzky  devint  en  1631  prince  de 
Transylvanie.  Son  concurrent  se  jeta 
entre  les  bras  des  Ottomans,  qui 
lui  promirent  de  l'aider  :  Ragotzky 
invoqua  l'appui  de  Tempcreur  Fer- 


RAG 


m 


diuand  11.  Le  refus  qu'il  essuya  d'a- 
bord était  bien  impolitiqiie,   puis- 
qu'il coûta  par  la  suite  la  Transylva- 
nie à  la  maison  d'Autriche.- Ragotzky 
ne  s'en  découragea  point:  il  sut  trou- 
ver des  ressources  dans  ses  richesses, 
sa  valeur  et  ses  intelligences  avec 
ses  voisins.  Les  Hongrois  lui  fourni- 
rent des  secours  en  secret,  et  les  Po- 
lonais lui  permirentde  lever  des  trou- 
pes sur  leur  territoire.  Avec  des  for- 
ces inégales,  mais  d'habiles  attaques 
et  des  succès  constants,  il  parvint  k 
forcer  la  Porte  ottomane  à  s'accuni- 
moder  avec  lui.   Il   remporta  aussi 
plusieurs  avantages  contre  l'Autri- 
che, prit  d'assaut  la  ville  de  Cassovie 
dans  la  Haute- Hongrie,   ainsi   que 
d'autres  places,  et  conclut  la  paix  avec 
l'empereur  Ferdinand  III,  le  28  juil- 
let lf>45.  La  souveraineté  de  Tran- 
sylvanie lui  fut  laissée,  à  la  charge 
qu'il  restituerait  à  Etienne  Bethlem 
ses  possessions  héréditaires,  dont  il 
l'avait  dépouillé.  Après  la  mort  de 
Vladislas  VII,  en  1648,  Georges  Ra- 
gotzky eut  l'ambition  d'être  roi  de 
Pologne.  A  la  tête  de  30,000  hommes, 
il  décl.jra  (jue,    s'il  était  élu,  il  les 
emploierait    contre    les    Cosaques, 
alors  eu  guerre  avec  la  Pologne,  et 
que,  dans  le  cas  contraire,  il  se  join- 
drait à  eux.  Cette  alternative  offen- 
sante  le  fit  exclure.  Il   mourut  le 
24  oct.  de   la  même   année,   après 
avoir  ajouté  les  deux    Valaquies  k 
ses  Etats,  et  amassé  de  grands  tré- 
sors, laissant  de  Sophie,  fille  d'Etien- 
ne Belhlem,    sa    première    femme, 
Georges  dont  l'article  suit;  et  de  Su- 
zanne Loronlza,  sa  seconde  femme, 
Sigismond,  qui  fut  duc  de  Monlgaîz 
et    mourut   en   1632.  —  Ragotzky 
(Georges  II),  fils  du  précédent,  fut 
élu  en  oct.  1648  pour  succéder  k  son 
père.  Convoitant  comme  lui  le  trône 
de  Pologne,  il  tenta  de  profiter  des 


278 


RAG 


RAG 


troubles  qui  agitèrent  ce  pays  eu 
1655  et  de  s'en  faire  élire  roi  à  la 
place  de  Casimir  V  (voy.  ce  nom, 
VU,  277);  mais  les  difOcultés  qu'il 
rencontra,  seulement  pour  être  agréé 
comme  successeur  de  ce  monarque, 
lui  inspirèrent  contre  les  Polonais 
une  haine  qui  le  rendit  l'allié  de  leurs 
ennemis.  Afin  de  servir  à  la  fois  son 
ressentiment  et  son  ambition,  il  fiten 
1657  un  traité  avec  Cbaries-Gustave, 
roi  de  Suède,  qui  envahissait  la  Polo- 
gne, et  il  lui  fournit  un  secours  de 
30,000Trans\  Ivains  Valaques  et  Mol- 
daves, dont  les  deux  vaïvodes  étaient 
unis  d'intérêts  avec  lui.  Ils  obéirent 
cependant  aux  ordres  de  la  Porte,  qui 
força  ses  vassaux  à  rappeler  leurs 
troupes,  ne  voulant  pas  rompre  l'al- 
liance qui  subsistait  avec  les  Polo- 
nais. Le  prince  transylvain  refu.sa 
fièrement  de  quitter  les  armes  ;  mais, 
battu  complètement  le  14  juillet  1657 
par  les  Polonais  et  les  Impériaux 
réunis,  il  fut  contraint  de  signer  la 
paix,  et  rentra  dans  sa  principauté 
avec  les  débris  de  sou  armée.  Le  sul- 
tan Mihomet  IV  (voy.  ce  nom,  XXVI, 
221),  irrité  de  sa  conduite,  ordonna 
aux  Transylvains  de  choisir  un  autre 
prince;  Ragotzky,  allant  au  devant 
de  sa  déposition,  se  démit  lui-même 
le  12  (ict.  1658  ;  mais  cette  abdication 
n'était  que  simulée,  et  peu  de  temps 
après  il  chassa  le  comte  Redei,  que 
les  États  avaient  élu.  Alors  le  khan 
des  Tartares  eut  ordre  de  l'attaquer, 
le  délit  près  de  Sandomir,  et  les  Ot- 
touians.  commandés  par  le  pacha  de 
Bude,  pénétrèrent  dans  la  Transyl- 
vanie. Hagotzky,  sVtant  mis  $ous  la 
protection  de  l'empereur,  accourut 
avec  10,000  hommes  et  eut  la  gloire 
de  battre  une  armée  deux  fois  plus 
nombreuse  que  la  sienne.  Mais  le 
grand-visirKoproli  s'avançait  à  la  tête 
de  100.000  hommes,  tandis  tpie  les 


États  de  Transylvanie  lui  envoyaient 
une  députation  pour  désavouer  Ra- 
gotzky, que  le  visir  déposa  et  à  la 
place  duquel  il  nomma  AcasioBarczai. 
Après  le  départ  de  Koproli,  le  prince 
dépossédé  voulut  ressaisir  l'autorité  ; 
mais,  vaincu  par  le  pacha  de  Bude, 
il  mourut  de  ses  blessures,  à  Wara- 
din,  le  26  juin  1660.  —  Ragotzky 
(François)^  fils  du  précédent  et  de 
Sophie  Battori,  prit  p  srl  aux  troubles 
de  la  Hongrie  sous  le  règne  de  Lén- 
pold  l^'',  et  mourut  à  Makowitz  eu 
1676.  Son  corps  fut  transporté  à 
Cassovie  et  inhumé  dans  l'église  des 
jésuites  qu'il  avait  fondée  avec  sa 
mère.  Élevé  par  cette  princesse 
dans  la  religion  catholique,  il  com- 
posa un  livre  de  prières  très-répan- 
du en  Hongrie  et  connu  sous  le  titre 
d'0/yîcmm  Racoczianum.  De  son  ma- 
riage avec  Hélène,  fille  du  comte 
Pierre  de  Serin,  il  laissa  Frauçois- 
Léopold  .Ragotzky  {voy.  ce  nom, 
XXXVI,  544).  S-Y. 

«AGOUNEAII  (A.-M.),  écono- 
miste et  financier,  naquit  à  Paris  vers 
1 760.  Son  père,  procureu r  au  Châtelet, 
qui  lui  fit  faire  d'excellentes  études, 
le  destinait  au  barreau  ;  mais,  après  la 
révolution  de  1789,  le  jeune  Ragou- 
neau  préféra  suivre  la  carrière  des 
emplois  publics.  11  fit  partie  de  la 
commission  de  Naples  et  fut  nommé 
par  les  consuls,  en  frimaire  an  VIII, 
membre  de  la  commission  chargée  de 
l'examen  définitif  des  réclamations 
des  individus  inscrits  sur  la  liste  des 
émigrés  Cette  mission  de  confiance» 
qui  devait  servir  de  prélude  à  l'am- 
nistie, lui  fournit  occasion  de  rendre 
service  à  un  grand  nombre  de  per- 
sonnes qui  figuraient  sur  la  fatale 
liste,  et  au  nombre  desquelles  se 
trouvait  son  propre  frère.  Il  obtint 
ensuite  la  place  de  commissaire  du 
gouvernement  prè^  l'octroi  de  Stra.s 


RAG 

bourg.  Tous  ses  moments  de  loisir 
étaient  remplis  par  la  culture  des 
lettres,  et  dans  une  ville  qui  comptait 
des  savants  distingués  dans  toutes 
les  branches  des  connaissances  hu- 
maines il  sut  faire  apprécier  son 
mérite.  Aussi  la  Société  des  belles- 
lettres,  arts  et  agriculture  du  Bas- 
Rhin  s'empressa  de  le  recevoir  parmi 
ses  membres  titulaires.  Appelé  au 
poste  plus  important  de  contrôleur 
principal  des  droits-réunis  de  l'arron- 
dissement de  Charleroy,  il  sut,  par  un 
esprit  de  justice  et  de  modération, 
tempérer  ce  que  les  lois  fiscales  pou- 
vaient avoir  de  trop  rigoureux  pour 
des  populations  devefiues  françaises 
depuis  peu  d'aimées.  Envoyé  dans  le 
département  de  la  Nièvre  en  qualité 
(l'inspecteur,  il  fut  "obligé  d'inter- 
rompre son  service  pour  se  faire 
traiter  d'une  maladie  de  poitrine  dont 
il  avait  déjà  ressenti  les  atteintes.  Il 
se  retira  à  Chaillot  où  il  mourut,  au 
mois  de  mars  1 8U ,  vivement  regretté 
des  nombreux  amis  que  l'aménité  de 
son  caractère  et  l»'S  charmes  de  son  es- 
prit lui  avaient  faits,  et  parmi  lesquels 
il  se  glorifiait  de  compter  Abrial,  Lau- 
moud,Tiss<)t  ,1e  comte  Otto  de  Stackel- 
berg,  etc.  On  a  d^  Ragouueau  :  I,  Re- 
cherches sur  Vétat  actuel  des  sociétés 
politiques,  ou  jusqu'à  quel  point 
l'économie  intérieure  des  États  mo- 
dernes leur  permet-elle  de  se  rappro- 
cher de  la  liberté  et  de  V égalité^  Paris, 
et  Stasbourg,  Levrault,  an  XI-1803, 
in-8<*.  En  remontant  à  l'origine  des 
sociétés,  l'auteur  a  pris  de  trop  loin 
son  point  de  départ,  sans  jeter  aucune 
lueur  nouvelle  sur  un  sujet  épuisé. 
On  voit  qu'il  s'est  nourri  de  la  lec- 
ture de  Smith,  mais  peut-être  n'a-t- 
il  pas  toujours  bien  saisi  les  vues  du 
célèbre  économiste.  Il  y  a  du  vague 
dans  ses  déductions,  et  les  consé- 
•juences  qu'il  en  tire  ne  sont  pas  tou- 


RAG 


Î79 


jours  satisfaisantes.  Le  livre  eut  donc 
peu  de  succès,  surtout  à  une  époque 
où  l'on  était  rassasié  d'élucubrations 
politiques.  II.  Introduction  à  l'his- 
toire de  France,  ou  Précis  historique 
de  tout  ce  qui  s'est  passé  dans  l'em- 
pire romain  et  dans  les  Gaules,  de- 
puis la  conquête  par  Jules- César 
jusqu'à  celle  de  leur  entière  occupa- 
tion par  les  Francs,  Paris,  I8tl  , 
in-8'>,  avec  tableaux.  Pénétré  de  l'idée 
qu'aucun  historien  n'avait  considéré 
le  déclin  de  la  puissance  romaine 
dans  sa  liaison  intime  avec  ta  nais- 
sance de  la  monarchie  des  Francs  ni 
envisagé  ce  sujet  sous  un  point  de 
vue  purement  national,  -  après  avoir 

•  mélité  long -temps,  dit -il  dans 

•  sa  préface,  les  annales  des  deux 
■  peuples,  l'auteur  se  convainquit 
<  que  les  nôtres  étaient  tout  à  fait 

•  incomplètes,  et  par  cela  même  dé- 

•  nuées  de  leur  plus  grand  intérêt.  • 
L'ouvrage  a  surtout  pour  objet  de 
présenter  les  faits  sous  ce  double  rap- 
port, et  l'on  ne  peut  refuser  a  Ragou- 
neau  le  mérite  d'avoir,  dans  un 
volume  de  361  pages,  résumé  avec 
intérêt,  méthode  et  clarté  les  princi- 
paux événements  dout  est  remplie  la 
longue  période  qui  s'écoula  depuis 
Jules-César  jusqu'à  l'invasion  des 
Francs.  Un  précis  chronologique  de 
l'histoire  des  monarchies  barbares, 
divisé  en  tableaux,  aide  à  l'intelli- 
gence du  texte.  Il  y  a  quelque  raison 
de  croire  que  plus  d'un  écrivain  mo- 
derne a  mis  à  profit  cet  ouvrage 
substantiel,  sans  le  citer.  Déjà  Ra- 
gouueau avait  lu  à  la  Société  des 
sciences  du  Bas- Rhin  un  tableau 
des  mœurs  des  Gaulois  comparées 
avec  celles  des  Français  de  nos  jours. 
On  trouve  un  extrait  de  ce  mémoire 
dans  le  Précis  des  travaux  de  cette 
Société,  publie  en  l'an  XIII,  page  12. 
Dès  ses  plus  jeunes  ans,  Ragouneau 


t80 


RAC 


KAG 


avait  cultivé  la  poésie  ;  mais  les  études 
sérieuses  qui  remplirent  sa  vie  ne  lui 
permirent  pas  de  s'y  livrer  avec  trop 
d'abandon.  Aussi  donna-t-il  peu  de 
publicité  aux  productions  de  sa  muse. 
Il  lut  néanmoins,  dans  une  séance  de 
la  Société  de  Strasbourg,  le  Gouver- 
nement des  S  âges  ^  conte  en  vers,  où 
les  vices  sont  considérés  comme  une 
nécessité  sociale.  Bagouneau  fut  aussi 
membre  de  l'académie  de  Grenoble. 
L— M — X. 
RAGUÈAl'  (François),  célèbre 
jitrisconsulte  du  XVI*  siècle,  né  à 
Mehun,  en  Berry,  devint  lieutenant 
particulier  du  bailliage  de  cette  ville. 
Ses  immenses  recherches  sur  le  droit 
coutumier  lui  firent  sentir  la  néces- 
sité d'un  Onomasticon  qui  contînt 
l'explication  des  termes  les  plus 
difficiles  et  les  plus  obscurs  qui  se 
rencontrent  dans  l'idiome  de  cette 
partie  du  droit.  C'est  ainsi  qu'il  fut 
amené  à  recueillir  les  matériaux  d'un 
ouvrage  qu'il  mit  au  jour  en  158.3,  et 
qui  jeta  les  fondements  de  sa  réputa- 
tion. C'est  [^Indice  des  droits  royaux 
et  seigneuriaux,  des  plus  notables 
dictions,  termes  et  phrases  de  l'état  et 
de  la  justice  et  pratique  de  France; 
recueilli  des  loix,  coustumes,  ordon- 
nances^ arrêts,  annales  et  histoire 
du  royaume  de  France  et  d'ailleurs, 
Paris,  1583,  in-fol.  Le  succès  de  cet 
ouvrage  fut  immense,  et  plusieurs 
éditions  s'en  livent  en  peu  d'années 
(1600  et  1609,  in-4°).  Le  célèbre 
tragique  Robert  Garnier  félicita  son 
compatriote  R.igueau  par  des  vers 
grecs  et  latins ,  où  il  pronostique 
entre  autres  choses  qu'une  renom- 
mée éternelle  sera  la  compagne 
d'un  si  glorieux  labeur.  A  mesure  que 
l'fHude  des  anciens  monuments  de 
notre  législation  prenait  del'accrois- 
somcut,  on  reconnaissait  que  l'/n- 
dice  de  Ragucau  qui  avait  ouvert  le 


premier  la  carrière  était  incomplet, 
et  ne  suffisait  plus  à  l'ardeur  d'investi- 
gation des  jurisconsultes.  Galland  (t), 
qui  s'était  livré  aux  mêmes  recher- 
ches sur  les  lois  politiques  et  féodales 
des  provinces  méridionales,  composa 
des  additions  qui  tombèrent  entre  les 
mains  du  président  de  Lamoignon. 
Cet  illustre  magistrat  les  remit  à  Eu- 
sèbe  de  Laurière,  qui  avait  recueilli 
de  son  côté  des  notes  très-curieuses 
de  Mornac  sur  le  même  sujet.  Dès  lors 
le  premier  éditeur  des  Ordonnances 
des  rois  de  France  forma  le  dessein 
de  reproduire  l'ouvrage  de  Ragueau. 
«  Depuis  quelques  années  ayant  été 
«  obligé, pour  un  autre  ouvrage,  de 
«  lire  dans  les  dépôts  publics  un  nom- 

•  bre  infini  de  chartes,  j'y  ai  trouvé 

•  la  signification  de  plusieurs  termes 

•  difficiles  des  anciennes  ordonnances 
«  de  nos  rois  et  de  nos  coutumr.s 
«  qu'on  n'avait  point  encore  expli- 
«  qués.  "  (Préface  du  Glossaire  du 
Droit  français.)  Laurière  augmenta 
donc  cousidérabiement  (2)  et  perfec- 
tionna l'ouvrage  de  Ragueau  (voy. 
Laurière,  LXX,403).  U  publia  la  nou- 
velle édition  sous  le  titre  de  Glossaire 
du  droitfrançais, contenant  Vexplica- 
tion  des  mots  difficiles  qui  se  trouvent 
dans  les  ordonnances  de  nos  rois, 
dans  les  coustumes  du  royaume,  dans 
les  anciens  arrests  et  les  anciens  ti- 


(i)  Auguste  Galland  (l'of.  ce  uotii,  XV[, 
345),  était  procureur-général  du  cloirialne 
de  Navarre,  et  ses  ouvrages  sont  fort  re- 
cherchés. Voici  comme  il  s'exprime  au  tujet 
d«  Hagiieau  :  «  Ce  personnage  iugcnu  n'a 
<<  eu  d'autres  guides  que  les  coutumes  sou- 
«  vent  obscures.  C'e^t  pourquoi  il  a  souvent 
»  i:hoppé  et  est  demeuré  flottant.  ■•  Le  titre 
mcini-  (le  l'oiivriii^i.'  de  Riigueau  prouve  qu'il 
ne  s'était  p.is  licjiuc  a  prendre  pour  guides 
les  seuls   monuments  >lu  droit  l'ouluraier. 

(a)  «  U  l'a  augmciilé  de  quatre  lois  plus 
"  de  mots  qu'il  n'y  en  u  dans  Vlmiice  de  R.i- 
.'  guenu.  "  Approbalifii»  de  M.  l-sdi,  avm  al 
nu  parlement  et  censeur  royal. 


RAG 

très,  Paris,  Guignard,  1707,  2  vol. 
in-i".  Non-seulement  Eusèbe  de  Lan- 
rière  avait  nccru  cette  édition  d'un 
grand  nombre  de  termes  que  l'on 
cherchait  vainement  dans  Ragueau, 
mais  îl  en  expliqua  l'origine  et  en 
détermina  le  sens  le  plus  plausible 
dans  des  notes  souvent  très-longues 
et  qui  mériteraient  même  le  titre  de 
dissertations  (3).  Comme  tout  édi- 
teur consciencieux  doit  le  faire,  il 
distingua  par  des  signes  particu- 
liers ce  qui  appartenait  h  l'auteur 
primitif,  et  lit  suivre  les  articles 
qui  appartenaient  à  Mornac  et  à 
Galland  du  nom  de  ces  savants  ju- 
risconsultes. Au  surplus,  leurs  ar- 
ticles sont  en  petit  nombre.  Quoi- 
qu'il ait  perdu  le  mérite  d'une  ap- 
plication usuelle,  le  Glossaire  est 
encore  fort  rechercliéaujourd'hui  par 
ceux  qui  s'occupent  de  nos  antiquités 
juridiques.  En  1584,  Ragueau  fut  ap- 
pelé, en  qualité  de  professeur  et  lec- 
teur, à  la  faculté  de  droit  de  l'uni- 
versité de  Bourges,  dont  les  chaires 
étaient  toujours  occupées  par  des  ju- 
risconsultes de  premier  ordre.  Lui- 
même  avait  étudié  sous  Cujas  à  Bour- 
ges et  à  Valence.  Ragueau  mourut  au 
mois  de  septembre  160-5.  Son  Com- 
mentaire sur  les  coustumes  générales 
du  pays  et  duché  de  Berry  n'a  été 
publié  qu'en  1618,  à  Paris,  in-folio, 
par  Paul  Ragueau  son  fils,  qui  lui 
avait  succédé  dans  sa  charge  de  lieu- 
tenant particulier  de  Mehun.  Denis 
Simon  (Bibliothèque  des  auteurs  de 
droite  tome  V^)  et  Taisand  [Vies  des 
jurisconsultes,  Paris.  1737,  p.  739) 
attribuent  à  François  Ragueau  un 
Traité  des  lois  politiques;  mais  ils  ne 


(3)  Eloge  historique  de  M.  de  Lauriere,  qui 
se  trouve  eD  tète  du  Texte  des  coutumes  de  la 
prévôté  et  ricomlà  de  Paru ,  tom.  I*-',  p. 
Jtxvir,  et  du  2'  volame  do  Recueil  des 
Ordoonan<  es  de*  rois  de  France, 


RAG 


281 


font  connaître  ni  le  lieu  ni  la  date 
de  l'impression.  L— M — x. 

RAGUEL.  Foy. ToBTE,XLVI,  IS."». 

RAGl'SA  (Joseph),  jésuite,  né  à 
Giuliano,  en  Sicile,  vers  l'an  1 560,  en- 
tra dans  la  société  en  1575,  ayant  à 
peine  15  ans  accomplis.  11  enseigna  !a 
philosophie  à  Paris  et  la  théologie  à 
Padoue,  à  Messine,  à  Palerme.  Il 
avait  mis  un  ordre  admirable  dans 
ses  occupations.  Lps  heures  en  étaient 
réglée»,  soit  pour  la  prière,  soit  pour 
ses  différentes  études,  et  cet  ordre 
n'était  jau)ais  dérangé.  Dans  sa  jeu- 
nesse il  s'exerça  à  la  préd'cation,  et 
son  éloquence  simple  et  persuasive 
avait  un  charme  auquel  il  était  dif- 
ficile de  rrsister.  Ragusa  gouvern;» 
quelques  collèges  en  qualité  de  rec- 
teur, dirigea  les  études  pendant  |)lu  - 
sieurs  années,  et  mourut  à  Palerme  1'- 
25  sepî.  1624,  à  l'âge  de  64  ans.  après 
en  avoir  passé  50  dans  la  société.  Il  a 
laissé:  1.  Commcntaria  ac  Di.^qui- 
sitiones  in  tertiatn  divi  Thomœ 
partent,  Lyon,  1619-1620,  2  vol. 
Dans  le  1"  il  traite  du  mystère  de 
l'incarnation:  dans  le  second,  de  No- 
tre-Seigneur  Jésus  Christ  per  se, 
c'est-à-dire  de  ejus  unitateet  offirin. 
II.  De  juftificatione  et  pœnitentia, 
2  vol.  III.  De  baptismo  et  eucharistia 
comment arium in  pritnamSecundœ. 
IV.  De  natura  et  gratia,  etc.  L — y. 

RAGISIO  (Pompée),  religieux 
carme,  flnrissait  au  XVIl"  siècle.  Il 
était  savant  et  fort  estimé  dans  son 
ordre,  parce  qu'à  un  grand  savoir  il 
joignait  d'autres  bonnes  qualités  et 
beaucoup  de  vertus.  1!  fut  lecteur  de 
philosophie  dans  divers  couvents  do. 
son  institut,  ei  laissa  plusieurs  ou- 
vrages de  philosophie  et  de  théologie. 
On  à  aussi  de  lui  un  Commentaire  sur 
Jean  Bacon,  imprimé  sous  un  nom 
suppose.  Le  père  Ragusio  mourut  eu 
1600.  L— Y. 


38S 


RAH 


R4HAB,  habitante  de  Jéricho,  de- 
meurait aux  portes  de  cette  ville,  et 
reçut  les  deux  espions  que  Josiié 
(voy.  ce  nom,  XXII,  40),  chef  des 
Hébreux,  avait  envoyés  pour  recon- 
naître les  lieux.  Elle  les  cacha  même 
sur  la  terr.isse  de  sa  maison  ,  afin  de 
lessoustraireauxrecherchesduroi  de 
Jéricho,  qui,  instruit  de  leur  arrivée, 
ordonna  àRahab  de  les  lui  livrer;  elle 
répondit  que  des  étrangers  s'étaient 
effectivement  arrêtés  chez  elle,  mais 
(fu'ils  étaient  parlis,et  que  si  l'on  cou- 
rait après  eux,  on  les  atteindrait 
pmmptement.  Allant  ensuite  vers  Ips 
deux  Israélites,  elle  leur  dit  :  «  Je  sais 
«  que  le  Seigneur  vous  a  livré  ce 
«  pays.  Promettez  que  vous  me  sau- 
«  verez  la  vie,  à  moi  et  à  mes  pa- 
«  rents,  lorsque  vous  entrerez  dans 
»  cette  ville.  .  Ils  le  lui  promirent 
avec  serment, lui  prescrivirent  d'atta- 
cher à  sa  fenêtre  un  cordon  d'écar- 
late,  et  ajoutèrent  :  "  Si  l'on  touche  à 
«  quelques-uns  des  vôtres  qui  seront 
«  alors  d.ins  votre  maison,  leur  sang 
•  retombera  sur  tious-,  mais,  s'ils  de- 
«  meurent  au  dehors ,  l»*ur  sang  re- 
«  tombera  sur  leurs  têtes,  et  nous 
«n'en  serons  pas  coupables.»  Rahab  les 
fit  descendre,  avec  une  corde,  le  hmg 
des  murs  de  la  ville  auxquels  sa  mai- 
son attenait,  après  leur  avoir  recom- 
mandé de  rester  cachés  dans  les  mon- 
tagnes pendant  trois  jours,  pour 
n'être  pas  rencontrés  par  les  gens 
envoyés  à  leur  poursuite.  De  retour 
au  camp  d'Israël,  les  espions  rendi- 
rent compte  de  leur  mission  à  Josué, 
qui  ratifia  la  promesse  qn'ils  avaient 
faite  à  Rahab  ;  et  lorsque  la  ville  de 
Jéricho  fut  prise  (1451  avant  J.-C), 
il  ordonna  expressément  aux  Hébreux 
d'épargner  tous  ceux  qui  se  trouve- 
raient dans  la  maison  de  cette  femme. 
Klle-même  épousa  Salmon,  prince 
de  la  tribu  de  Juda,  de  qin  elle  eut 


RAI 

Booz,  l'un  des  ancêtres  de  David,  et 
par  conséquent  de  Jésus-Christ.  Les 
interprètes  ne  sont  pas  d'accord  sur 
le  vrai  sens  du  moi  zonah,  é|>ilhète 
que  le  texte  hébreu  dimne  à  Rahab, 
et  qui,  dans  celte  langue,  signifie, 
hôtelière  ou  proitituée  (  meretrix, 
comme  traduit  la  Vulgate).  Les  uns 
adoptent  la  première  signification; 
les  autres,  notamment  saint  Jérôme 
et  presque  tous  les  pères  ,  s'appuyant 
sur  des  passages  de  l'épîlre  de  saint 
Jacques  (ch.  11)  et  de  celle  de  saint 
Paul  aux  Hébreux  (ch.  XI),  convien- 
nent que  Riihiib  était  une  femme  de 
mauvaise  vie,  mais  qui  renonça  à  ses 
désordres  en  se  convertissant  au  vrai 
Dieu  (voy.  le  livre  de  Josué,  ch.  Il  et 
VI).M»"' Cottina  publié  un  poème  en 
prose,  intitulé  :  la  Prise  de  Jéricho. 

P  — RT. 

RAHEB  (  Ebn),  Égyptien  et  chré- 
tien, est  auteur  d'une  Chronique 
arabe,  depuis  la  création  du  monde 
jusqu'à  l'an  955  de  l'ère  des  martyrs, 
657  de  l'hégire,  1258  de  J  -C.  Elle  a 
éié  traduite  eh  îatin  sous  le  titre  de 
Chronicon  orientale,  par  Abraham 
Echellensis  {voy.  ce  nom,  XII,  457), 
et  insérée  eu  1651  dans  VUistoire 
6j/zan(ine.Elle  comprend  la  série  des 
patriarches,  des  juges  d'Israël,  des 
empereurs  romains,  etc.  On  la  trouve 
manuscrite,  n°  8,  à  la  bibliothèque  du 
Vatican  parmi  les  uianuscrits  de  Clé- 
ment XI  (voy.  la  BiU.  orient.  d'Asse- 
mani,  1. 1,  p.  574  ).  Z. 

KAIEWSKI  (Nicolas),  l'un  des 
généraux  les  plus  distingués  de  l'ar- 
mée russe,  était  issu  d'une  famille 
noble  originaire  du  Danemark,  qui 
s'établit  en  Pologne,  d'où  elle  passa 
en  Russie  dans  le X  V 11*  siècle  Sa  mère 
était  la  nièce  du  prince  Potemkin  ;  et 
son  père, colonel  d'infanterie,  mourut 
en  combattant  les  Turcs  à  Jassy.  Ni- 
colas naquit  a  Saint-Pétersbourg  en 


RAI 

1771,  et  fut  inscrit  dans  les  gardes  de 
Semenowski  à  l'à^e  de  4  ans.  Succes- 
sivement sergent  et  lieutenant  dans 
ce  corps  d'élite,  il  passa  dans  l'armée 
de  ligne  avec  le  grade  de  major  en 
1789,  (it  en  celte  qualité  les  campa- 
gnes contre  les  Turcs,  puis  celle  de 
Pologne,  sous  les  onlres  de  Markoff. 
Nommé  en  1792  colonel  d'un  régiment 
de  dragons,  il  fit  la  guerre  de  Perse  en 
1795,  et  se  distingua  aux  affaires  de 
Kur  et  à  la  prise  de  Derbent.  Ayant 
quitté  le  service  à  Tavénement  du  ca- 
pricieux Paul  F'',  par  suite  d'une  dis- 
grâce dont  la  cause  est  restée  incon- 
nue, il  n'y  renlra  qu'en  1801,  comme 
général-majur,  à  la  demande  de  l'em- 
pereur Alexandre.  Employé  co'iimc 
tel  en  1805,  sous  le  prince  Bagratiun,  à 
l'avant-garde  de  l'armée  qui  s'avança 
en  Allemagne,  il  combattit  à  Diers- 
tein,  à  Hollabrun,  et  concourut  à  as- 
surer la  retraite  jusqu'à  Aiisterlitz, 
où  il  se  distingua  encore  par  son  cou- 
rage et  son  habileté.  En  1807,  il  ser- 
vit de  nouveau  contre  les  Français  à 
PetterwaUI,àGulschtadt,àHeilsl)erg, 
et  enfin  à  Friediand,  où  il  commanda 
tout  le  corps  d'avant -garde,  et  fut 
blessé  d'une  balte  à  la  jambe.  Témoin 
de  sa  valeur  dans  toutes  ces  affaires, 
l'empereur  Alexandre   l'en    récom- 
pensa par  la  décoration  de  Saint-Wla- 
dimir  et  de  Sainte-Anne  de  l'«  classe. 
La  paix  de  Tilsitt  lui  donna  quelque 
repos  ;  mais  dès  le  coinmencemenl  de 
1809  il  dut  marcher  contre  les  Sué- 
dois, et  concourut  à  l'invasion  de  la 
Finlande,  C"  qui  lui  valut  une  nou- 
velle décoration  el  le  grade  de  lieu- 
tenant-géuétal.   En   1810  il   marcha 
contre  Ws  Turcs,  et  dirigea  les  atta- 
ques de  Silistria  et  «le  Schutnia  avec 
tant  d'habileté  et  de  v.ileur,  qu'il  re- 
çut une  épée  d'or  avec  cette  inscrip- 
tion :  Pour  la  bravoure.  Mais  ce  fut 
surtout  dans  la  mémorable  campagne 


lUl 


28$ 


del812,  contre  l'armée  de  Napoléon, 
que  ce  général  s'illustra  par  les  p'us 
brillants  exploits.  Il  commandait  un 
corps  d'armée  'a  l'aile  gauche  des 
Russes  sous  Bagration,  ayant  devant 
lui  le  maréchal  Davoust.  Ri  poussé  par 
le  corps  d'armée  de  ce  général,  beau- 
coup plus  nombreux  que  le  sien,  et 
qu'il  n'avait  pas  craint  il'attaquer  dans 
sa  redoutable  position  de  Soultanows- 
ka,  il  vin  tse  renfermer  dans  la  place  de 
Smolensk.  Attaqué  par  K  ipoléon  en 
personne,  et  après  avoir  repou>sé  des 
assauts  meunriers,  il  se  retira  en  bon 
ordre  ,  formant  toujours  l'arrière- 
garde  jusqu'à  Borodino.  Il  commanda 
une  division  de  l'aile  gauche  à  cette 
sa'glante  bataille, et  remplaça  dans  le 
commanilement  de  tout  le  corps  d'ar- 
mée son  digne  chef  Bagrai  ion,  lorsque 
ce  prince  fut  mort  sur  le  champ  de 
bataille  (coy.BAGBATioîJ,LVII,62).Sa 
troupe  y  périt  presque  tout  entière. 
Deux  mois  plus  iard  il  soutint  encore 
desatiaques  aussi  rudesque  meurtriè- 
resà  Malo-Iaroslavitz.  Chargé  aussitôt 
après.^vec  Platow  et  Miloradowitsch, 
de  suivre  les  colonnes  françaises  dans 
leur  déplorable  retraite,  il  les  at- 
teignit et  les  battit  en  plusieurs 
occasions,  notamment  à  kranoy  et 
sur  la  Bérésina.  Dans  la  campagne  de 
Saxe,  en  1815,  Raiewski  eut  le  com- 
mantlement  de  tous  les  grenadiers 
russes,  et  il  combattit  à  la  tête  de 
cette  formidable  troupe  à  Bautzen  et 
à  Reichenbach.  Après  la  rupture  de 
l'arm  stice  et  la  réunion  de  l'Autriche 
à  la  coalition,  il  passa  avec  son  corps 
d'armée  sous  les  ordres  du  généra- 
lissime Schwarzenberg,  et  concou- 
rut à  la  bataille  de  Dresde,  puis  à 
celle  de  Culm,  où  le  corps  de  Van- 
damme  mit  bus  les  armes,  et  enfin  à 
celle  de  Leipsick,  où  le  sort  de  tant 
de  nations  fut  décidé.  II  y  comman- 
dait encore  le  corps  des  grenadiers  au 


284 


RAI 


centre  des  armées  de  la  coalition, 
re'iinies  sous  les  yeux  de  leurs  souve- 
juiiis,  et  jusqu'à  six  fois  il  repoussa, 
dans  la  position  de  Wachau,  les  atta- 
ques des  réserves  de  Napoléon.  Blessé 
grièvement  d'une  balle  à  la  poitrine, 
il  fut  porté  sur  un  brancard  par  ses 
grenadiers  jusqu'à  Weimar,  et,  con- 
tre toute  attente,  il  gtérit  pronip- 
tement  et  put  reprendre  son  poste 
sur  les  bords  du  Rhin,  où  on  le  char- 
gea du  blocus  de  Belfort.  Lors  de  l'in- 
vasion de  1814,  il  passa  dans  l'armée 
du  comte  de  Wittgensfein,  et  ce  gé- 
néral ayant  été  blessé  à  Bar-sur-Aube, 
il  le  remplaça  dans  le  commandenient 
et  concourut  aux  succès  qu'obtinrent 
les  alliés  à  Arcis,  à  La  Fère  cham- 
penoise, et  enfin  sous  les  murs  de 
Paris,  dans  la  journée  du  30  mars. 
Les  décorations  de  Saint  -George  et 
de  Marie-Thérèse  furent  le  prix  de 
ces  derniers  exploits.  Dans  la  cam- 
pagne de  1815,  Raiewski  commandait 
un  corps  d'armée,  mais  il  n'eut  point 
occasion  de  combattre.  Retourné 
dans  sa  patrie,  il  y  vécut  dans  ses 
terres,  se  reposant  de  ses  longues 
fatigues  et  continuant  à  jouir  de  la 
faveur  d'Alexandre,  surtout  de  celle 
du  grand-duc  Constantin,  qui  avait  été 
long-temps  le  compagnon  de  ses  tra- 
vaux guerriers.  Cette  circonstance  a 
fait  dire  qu'il  fut  compromis  dans  les 
événements  qui  accompagnèrent  l'a- 
vénementderempereurIN'icolas;mais 
rien  n'est  prouvé  à  cet  égard.  Ce 
qu'il  y  a  de  sîir,  c'est  qu'il  ne  fut  pas 
employé  sous  le  nouveau  règne.  II 
niourut  dans  ses  terres  vers  1840.  — 
Raiewski  {André),  mort  à  Koursk  le 
13  mars  1832,  était  de  la  même  fa- 
mille. 11  a  publié  :  1°  quelques  mor- 
ceaux de  Poésie,  disséminés  dans 
dilférents  recueils;  2"  le  premier  vo- 
lume des  Principes  de  stratégie  de 
l'archiduc  Charles  d'Autriche,  1818, 


RAI 

in-8",  traduit  en  russe  ;  .3"  des  Mémoi- 
res sur  les  campagnes  de  1813  en8l4, 
Moscow,  1822,  2  vol.  in-S".  M--D  j. 
RAILLON  (Jacques),  archevê- 
que d  Aix,  né  le  17  juillet  1762  à 
Bourgoin  en  Dauphiné,  fut  attii'c 
1res -jeune  dans  le  diocèse  de  Luçon 
par  M.  de  Mercy,  son  compatriote, 
qui  en  était  évêquc  11  y  lit  son  cours 
de  philosophie  et  professa  au  petit 
séminaire.  Mandé  par  le  même  prélat 
à  Paris,  en  1792,  il  y  publia,  sous  le 
litre  d^Appel  au  peuple  catholique, 
une  apologie  des  prêtres  insermentés 
écrite  avec  autant  de  pureté  de  prin- 
cipes que  de  modération.  Forcé  de  sor- 
tir de  France  dans  la  même  année, 
Raillon  alla  rejoindre  M.  de  Mercy  à 
Soleure,  et  passa  avec  lui  en  Italie, 
où  il  resta  plus  de  dix  ans.  Pendant 
son  séjour  à  Venise,  il  composa  des 
Idylles  dans  le  genre  de  Gessner, 
qu'il  lit  imprimer  plus  tard  à  Pa- 
ris, 1803,  in-16.  Cet  opuscule,  où 
l'on  trouve  une  excellente  morale , 
fut  adopté  pour  les  bibliothèques  des 
lycées.  Rentré  en  France  à  l'époque 
du  concordat,  Raillon  fut  chargé  de 
l'éducation  du  fils  de  Portails.  Nommé 
ensuite  chanoine  honoraire,  puis  titu- 
laire de  Notre-Dame  de  Paris,  et  pro- 
fesseur adjoint  d'éloquence  sacrée 
à  la  faculté  de  théologie,  il  lit  dans 
cette  église,  en  1809,  sur  la  de- 
mande du  cardinal  de  Belloy,  le  dis- 
cours du  15  août,  en  l'honneur  de  la 
naissance  de  Napoléon  Bonaparte. 
Il  prononça  un  autre  discours  aux 
obsèques  de  Cretet,  ministre  de  l'iu- 
térieiir,  puis  l'oraison  funèbre  du 
maréchal  Lannes.  Promu  à  l'évêché 
d'Orléans  en  1810,  il  en  remplit  les 
fonctionscomme  administrateur,  sans 
avoir  pu  recevoir  ses  bulles.  Il  quitta 
cette  ville  en  1816,  y  laissant  des  re- 
grets et  d'honorables  souvenirs.  Rail- 
lon vint  alors  se  fixer  dans  la  capitale. 


RAI 


i  KAI 


285 


où  ii  s'occupa  d'une  Viedesaint  Ani- 
liroise,  encore  inédite.  Appelé  en  juin 
1829  à  l'évêché  de  Dijon  et  sacré 
vers  la  lin  de  la  même  iinnée,  ii  se 
signala  par  son  zèle  et  son  esprit  con- 
ciliant, triompha  de  quelques  préven- 
tions politiques,  et  6nit  par  gagner 
l'estime  générale.  L'année  suivante 
une  ordonnance  royale  le  nomma  à 
l'archevêché  d'Aix;  mais  ce  ne  fut 
que  le  2*  février  1832  qu'il  fut  prc- 
coniséà  Rome.  11  mourut  en  1835  à 
Aix,  où  il  avait  été  très-bien  appré- 
cié. L  — 1'  — E. 

RA13IOND,  dit  de  Cluny,  moine 
de  cet  ordre,  né  à  Toulouse  dans  les 
premières  années  du  XII*  siècle,  tirait 
son  origine  d'une  maison  illustre  de 
son  nom,  différente  de  celle  des  Souve- 
rains de  la  contrée.  Poussé  dès  son 
bas  âge  par  un  vif  détachement  des 
choses  de  la  terre,  il  refusa  le  rang 
que  lui  offraient  les  comtes  de  Tou- 
louse, ses  protecteurs,  et  jeune  en- 
core se  consacra  à  Dieu  en  revêtant 
l'habit  monastique.  Il  avait  en  même 
temps  aimé  les  lettres,  et  ce  goût  ne 
l'abandonna  pas;  il  augmenta  même 
et  se  développa  dans  la  solitude  du 
cloître.  C'était  là  que  les  sciences 
avaient  trouvé  un  asile;  toutes  les 
lumières  appartenaient  alors  à  ces 
hommes  qu'une  ignorante  philo- 
sophie a  voulu  représenter  comme 
des  êtres  sans  instruction.  Kaimond 
s'adonna  particulièrement  à  la  cul- 
ture de  la  poésie  latine;  il  tourna 
son  génie,  comme  nous  l'apprend 
Pierre  de  Vaulx-Cernay,  page  23  du 
liv.  IV  de  sa  Chronique,  vers  les 
grandeurs  de  Dieu,  et  chanta  ses 
louanges,  ainsi  que  les  perfections  de 
la  Vierge  et  les  mérites  des  saints.  Sa 
renommée  fut  portée  au  comble,  et 
on  lut  [jartout  ses  ouvrages.  Pierre 
le  Vénérable,  abbé  de  Cluny,  son  su- 
périeur, lui  adressa  une  épître  en  vers 


latins,  pour  le  remercier  d'une  pièce 
pareille  qu'il  en  avait  reçue.  Il  ne 
craignit  pas  de  lui  dire  qu'il  faisait 
revivre  la  gloire  des  anciens  poètes 
toulousains,  Rutilius  Numantianus, 
Victorinus,  Sulpice-Sévère.  Le  temps 
a  dévoré  les  œuvres  de  Raimond  ;  sa 
réputntiou  leur  a  survécu.  H  mourut 
vers  1150.  Z. 

RAl.no\D  (Pierre),  troubadour, 
surnommé  lou  Prou,  c'est-à-dire  le 
Preux,  naquit  à  Toulouse  dans  la  se- 
conde moitié  du  XII*  siècle,  et  ne  se 
distingua  pas  moins  par  ses  exploits 
guerriers  que  par  ses  talents  poéti- 
ques. Il  adressa  d'abord  ses  vers  à 
Josserandc  de  Puech ,  d'une  noble  et 
ancienne  famille  toulousaine,  dont  il 
était  épris  ;  mais  une  dame  de  la  mai- 
son de  Cadolet,  qu'il  connut  à  Mont- 
pellier, lui  fit  oublier  ce  premier 
amour.  Il  résida  long-temps  à  la  cour 
d'Alphonse  IL  roi  d'Aragon,  et  à  celle 
de  Raimond  V,  comte  de  Toulouse, 
qui  le  combla  de  bienfaits.  Pierre  ne 
s'en  montra  pas  reconnaissant;  car, 
lors  de  la  croisade  contre  les  Albi- 
geois et  les  comtes  de  Toulouse,  il 
prit  rang  dans  l'armée  de  Simon  de 
Montfort.  Il  avait  accompagné  l'em- 
pereur Frédéric  Barberousse  dans  la 
Palestine,  où  il  signala  sa  valeur.  Sur 
la  fin  de  sa  vie  il  se  retira  à  Pamiers, 
s'y  n-.aria,  et  y  mourut  vers  1230.  Ses 
ouvrages,  en  langue  provençale,  se 
trouvent  à  la  Bibliothèque  royale  de 
Paris,  manuscrits,  n°'  7225  et  7698. 
Outre  des  chansons  et  des  poésies 
erotiques,  il  avait  écrit  un  Traité 
contre  l'erreur  des  Arians  (c'est  ainsi 
qu'on  appelait  les  Albigeois),  et  un 
autre  contre  la  tyrannie  des  princes, 
où  il  leur  reproche  d'avoir  laissé  aux 
ecclésiastiques  trop  d'autorité.  Pé- 
trarque estimait  les  productions  de 
Pierre  Raimond,  et  il  l'a  imité  en  plu- 
sieurs endroits.  Z. 


286 


RAI 


RAIMOND  -  Jourdain,  vicomte 
de  Saint-Antonin,  sur  les  frontières  de 
l'Albigeois  et  du  Quercy  ,  dans  le 
Xll«  siècle,  fut  aussi  habile  trou- 
badour que  vaillant  guerrier.  Il 
aima  Adelaïs,  dame  de  Penne  en  Al- 
bigeois, et  fut  payé  d'un  tendre  re- 
tour. S'étani  trouvé  à  une  bataille, 
il  y  fut  blessé,  ce  qui  donna  lieu  au 
bruit  de  sa  mort.  La  dame  de  Penne, 
inconsolable,  quitta  son  châieau,  et 
prit  le  voile  religieux  dans  un  mo- 
nastère. Raimond-Jourdain,  rétabli  de 
ses  blessures,'  revint  en  Albigeois,  et, 
désespéré  de  la  résolution  d'Adehus, 
cessa  de  faire  des  vers  et  se  retira 
du  monde.  On  dit  que  plus  tard  il 
remonta  sa  lyre  pour  chanter  Alix  de 
Montfort,(ille  du  vicomte  deTurenne. 
Adelaïs  était  peut-être  morte,  ou  la 
constance  n'était  pas  la  vertu  de  no- 
tre troubadour.  Il  a  laissé  sept  chan- 
sons, qu'on  trouve  parmi  les  manu- 
scrits de  ia  Bibliothèque  royale  de 
Paris.  C— L— B. 

RAIMOND.  Voy.  Raïmond,  dans 
ce  vol.  et  au  tom.  XXX  VII,  164. 

RAINALDI  (Jérôme),  architecte 
italien,  né  en  1570,  eut  pour  père 
Adrien  Rainaldi,  peintre etarchilecte, 
dont  tous  les  enfants  et  les  petits- 
enfants  suivirent  la  même  carrière. 
Jérôme  étudia  l'architecture  sous  Do- 
minique Fontana  {voy.  ce  iioiii,  XV, 
188),  et  il  acquit  dans  cet  art  une 
réputation  brillante.  Des  souverains 
pontifes  ,  des  princes  le  chargè- 
rent de  lravau.\  importants.  Il  bâtit 
une  église  à  Montalte  par  ordre  du 
pape  Sixte-Quint,  et  sous  Pdul  V  il 
construisit  le  port  de  Fano.  Nous  ci- 
terons encore,  parmi  les  édifices  qu'il 
a  élevés,  le  palais  ducal  de  Parme,  le 
casino  de  la  Villa-Taverna  k  Fr.iscati, 
appartenant  k  la  famille  Burglièse  , 
l'église  des  carmes  déchaussés  k  Ca- 
prarole,  le  palais  Pamphili  à  Rome, 


RAI 

la  maison  professe  des  jésuites  dans  la 
même  ville,  et  leur  collège  de  Sainte- 
Lucie  à  Bologne.  En  1610,  il  décora 
la  basilique  de  Siint-Pierre  pour  la 
cérémonie  de  la  canonisation  de  saint 
Charles  Borromée.  J.  Rainaldi  mou- 
rut k  Rome  en  1655,  et  fut  inhumé 
•  dans  l'église  de  Sainte-Martine.  — 
Rainaldi  {Charles),  fils  du  précé- 
dent, naquit  k  Rome  en  1611,  et  fut 
d'abord  placé  au  collège  romain  pour 
y  faire  ses  humanités.  Il  reçut  ensuite 
de  son  père  des  leçons  de  dessin  et 
d'architecture ,  et  ne  tarda  pas  à 
prendre  rang  parmi  les  artistes  les 
plus  distingués  de  celte  époque.  Il 
construisit  et  répara  un  grand  nombre 
d'églises,  entre  autres  celle  de  Sainte- 
Agnès  qu'il  commença  sous  Inno- 
cent X  ,  et  qui  fut  achevée  par  Bor- 
rommini  {voy.  ce  nom,  V,  202); 
celle  de  Sainte  -  Marie  in  campi- 
telli;  les  deux  églises  parallèles  sur  la 
place  du  Peuple ,  l'église  du  Saint- 
Suaire,  etc.  11  fit.  la  façade  de  Saint- 
André  deHa  Valle,  et  celle  de  Sainte- 
Marie-Majeure  du  côté  de  la  place  de 
l'Obéi isipje.  C'est  d'après  ses  des- 
sins que  l'ut  élevé,  dans  cette  église, 
le  tombeau  de  Clément  IX,  ainsi  que 
celui  du  CiirdinalBonelli,  dans  l'église 
de  la  Minerve.  Il  acheva  une  aile  du 
Capitule,  construisit  le  palais  de 
l'académie  de  France  qui  appartint 
d'abord  aux  ducs  de  Nevers  et  qui  est 
regardé  comme  un  de  ses  chefs-d'œu- 
vre. Rainaldi  ne  se  borna  pas  k  tra- 
vailler dans  Rome;  il  éleva  la  cathé- 
dralede  Ronciglione, l'église  deMon- 
te-Porzio,  et  planta  une  partie  des 
jardinsde  Mondragoneetde  Pinciana. 
Il  adressa  les  plans  de  plusieurs  édifi- 
ces au  duc  de  Savoie  Charles-Emma- 
nuel, qui  lui  fit  remettre  la  croix 
de  Saint-Maurice  et  Saint-Lazare.  Il 
concourut  aussi  avec  Bernini,  dit  le 
cavalier  Beruin,  aux  travaux  du  Lou- 


RAI 


RAI 


38î 


Tre,  et  Louis  XIV,  à  cette  occasion, 
lui  envoya  son  portrait  enrichi  de 
diamants.  Parorlre  d'Al^'xandre  Vil, 
il  avaitaccompaguéle  cardinal Carpe- 
gna  en  Toscane,  pour  examiner  les 
différends  survenns  entre  la  cour  de 
Rome  et  le  grand-duc,  an  sujet  des 
marais  appelés  Chiane,  mission  dont 
il  s'aquitta  à  la  satisfaction  du  pon- 
tife. Rainaldi  mourut  en  1691.  Pieux 
et  charitable,  il  distribuait  aux  pau- 
vres d'abondantes  auiiiônes  ;  il  orna 
avec  ses  pierreries  un  soleil  de  saint- 
sacrement  pour  la  confrérie  des  Stig- 
mates, dont  il  faisait  partie.  Amateur 
de  musique,  jouant   lui-même  très- 
bien  de  la  lyre  et  de  la  harpe,  il 
dessinait  avec  facilité.  Dans  ses  tra- 
vaux  d'architecture,  ou  admire  la 
belle  ordonnance  des  plans,  le  goût 
des  décorations,  la  promptitude  de 
l'exécution  ;  mais  il   était  peu  cor- 
rect, et  s'écartait  souvent  des  prin- 
cipes de  l'art.  —  Rainaldi  (Fran- 
çois), jésuite  italien    né  en  1600,  à 
Matelica  dans  la  marche  d'Ancone, 
embrassa  la  règle  de  Saint-Ignace  à 
l'âge  de  22  ans,  et  passa  le  reste  de 
sa  vie  dans  la  maison  professe  de 
Rome,  où  il  mourut  en  1677.  On  a 
de  lui,  en  italien,  plusieurs  ouvrages 
de  piété  qu'il  publia  sous  des  noms 
empruntés.  Le  plus  connu  est  inti- 
tulé :  Cibo  dell'anima^  ovvero  Pra- 
tica^  etc.  (.Mournture  de  Tâme,  ou 
Pratique   de   l'oraisou  mentale  par 
rapport  à  la  passion  de  N  -S.  Jésus- 
Christ,  les  jours  du  mois,  etc.),  sous 
le  pseudonyme  de  Joseph  Rainaldi, 
Rome,  1637,  in  24;ibid.,  1662.in-12; 
réimprimé  un  grand  nombre  de  fois  à 
Macerata,  à  Venise,  etc.  Il   a  écrit 
la  Vie  de  Jacq.   Lainez,  second  gé- 
néral de  la  compagnie  de  Jésus ^  pu- 
bliée sous  le  nom  de  François  Dala- 
rini    (anigramme    de   Rainaldi  ), 
Rome,  1672,  in-80.  Southwell  a  con- 


sacré un  article  au  P.  Rainaldi ,  dans 
la  Biblioth.  soc.  Jesu,  p.  246  P— bt. 
RAL\SSANT(Oo!ii  Jean-Firmin) 
naquit  en  1596  à  Siiippe,  village  de 
Champagne,  et  des  l'âge  de  seize  ans 
embrassa  la  règle  de  Saint-Benoît,  à 
Verdun,  dans  le  monastère  de  Saint- 
Vanne,  siège  de  la  célèbre  congréga- 
tion de  ce  nom ,  que  venait  d'y  éta- 
blir Didier  de  Lacour  {voy.  Lacour  , 
XXIII,  62).  Le  jeune  religieux  se  fit 
remarquer  par  sa  piété,  par  ses  pro- 
grès dans  les  études,  et  ne  tarda  pas 
à  être  appelé  aux  premiers  emplois  de 
l'ordre.  En  1630,  le  cardinal  de  Ri- 
chelieu, devenu  abbé  de  Cluny,  vou- 
lut y  introduire  la  réforme,   et  de- 
manda pour  l'effectuer  plusieurs  su- 
jets aux  pères  de  Saint- Vanne,  qui  en 
envoyèrent  dix-huit,  au  nombre  des- 
quels était  Dom  Rainssant.  Le  cardi- 
nal ne  s'en  tint  pas  là  :  il  unit  par  un 
concordat  l'ordre  de  Cluny  à  la  con- 
grégation  de    Saint -Maur,    fondée 
sur  les  mêmes   bases  que   celle   de 
Saiut-Vanne   Mais,  en  1644,  la  réu- 
nion de  Cluny  et  de  Saint-Maur  cessa: 
et  D.  Rainssant,  préférant  cette  der- 
nière congrégation ,  obtint  «lu  pape 
un   bref  de  translation ,   tant  pour 
lui  que  pour  sA  confrères,  qui  étaient 
venus  de  Saint- Vanne  à  Ciuny.  Dans 
ces  diverses  positions,  il   fut   suc- 
cessivement  investi  de  hautes  di- 
gnités monastiqaes.  Prieur  de  Saint- 
Gerniain-des-Prés,  à  Paris,  en  1615, 
il   était  déQniteur  au  chapitre    de 
1648, où  il  se  démit  de  la  supériorité. 
On  le  nomma  plus  tard  visiteur  de 
Bretagne^  mais,  pendant  qu'il  s'ac- 
quittait de  cette  fonction  ,  il  tomba 
de  cheval ,  se  cassa  une  jambe ,  et 
mourut  des  suites  de  cet  accident,  le 
8  novembre  1651,  au  couvent  de  Le- 
hon,   près   Dinan.  On  a  de  lui  :  1. 
Lettre  adressée  à  7nonseigneur   le 
prince  François  de  Lorraine^  évéqw 


288 


RÂI 


tt  comte  de  Verdun^  prince  du  Saint- 
Empire  ,  pour  l'éclaircissement  du 
différend  mu  entre  les  RR.  pères  Bé- 
nédictins de  la  congrégation  de  Saint- 
Vanne  et  de  Saint-Hidulphe,  1630, 
in-S".  Il  s'agissait  de  savoir  si   les 
supérieurs,  après  cinq  années  d'exer- 
cice, pouvaient  être   réélus  immé- 
diatement. L'affaire,  portée  d'abord  à 
Rome,  fut  renvoyée  par  le  pape  à  l'é- 
véque  de  Verdun.    Dom  Rainssant 
était   alors  prieur  de  Saint-Vanne, 
et  quoiqu'il  expose,  dans  cette  lettre, 
les  raisons  des  deux  partis,  on  voit 
qu'il  penche  pour  la  réélection  ;  c'est 
aussi  dans  ce  sens  que  prononça  le 
prélat,  dont  le  jugement  fut  confirmé 
au  parlement  de  Paris.  II.  Les  mer- 
veilles de  Notre-Dame  de  Bethléem 
en  l'abbaye  deFerrières  en  Gâlinois, 
Paris,  1635,  in-24,  que  l'auteur  pu- 
blia pendant  qu'il  était  prieur  de  Fer- 
rières,  111.  Méditations  pour  tous  les 
jours  de  l'année,  tirées  des  évangiles 
qui  se  lisent  à  la  messe,  et  pour  les 
principales  fêtes  des  Saints,  avec 
leurs  octaves,  Paris,  1633,    in-Vl-, 
ibid.,  1647, 1679  (édition  corrigée  et 
miseen  meilleur  français  par  Bulteau, 
voy.  ce  nom  ,  VI ,  262)  ;  1683,  1699, 
in-40.  D.  Tassin  a  consacré  un  article 
à  Rainssant  dans  VHistoire  littérai- 
re  de  la  congrégation  de  Saint- 
Maur,  page  58-61.  —  Rainssant, 
religieux  minime,  probablement  de 
la  même  famille  que  le  précédent, 
était  né  à  Reims ,  et  acquit  beaucoup 
de  réputation  par  ses  talents  pour  la 
chaire.  Il  prêcha  en  France  ,  en  Lor- 
raine, dans  les  Pays-Bas,  et  mourut  à 
Nancy,  le  16  mars  1639,  après  soixan- 
te ans  de  profession.         P— rt. 

RAISSON  (  François- Étiennk- 
Jacques),  né  en  1760,  à  Paris,  était 
fils  d'un  limonadier,  mais  ne  le  fut 
pas  lui-même,  comme  on  l'a  dit. 
Après  .ivoir  fait  d'assez  bonnes  étu- 


KAl 

des  et  montré  quelque  intelligence, 
il  fut  nommé  par  le  prince  de  Con- 
dé  sous-secrétaire  de  ses  comman- 
dements, et  il  le  suivit  en  cette  qua- 
lité aux  États  de  Bourgogne.  Cette 
faveur,  alors  très -grande,  n'empê- 
cha pas  le  jeune  Raisson  de  se  décla- 
rer un  des  plus  chauds  partisans  de 
la  révolution,  dès  qu'il  la  vit  écla- 
ter en  1789,  ce  qui  le  fit  nommer 
successivement  électeur^  secrétaire- 
général  del'administration  du  dépar- 
tement, dirt'cteur  de  la  fabrication 
des  assignats,  .idministraleur-géné- 
ral  des  subsistances,  et  enfin  chef  de 
division  au  ministère  de  la  police.  Ou 
conçoit  qu'à  une    pareille    époque 
tant  et  de  si  hauts  emplois  ne  pu- 
rent être  obtenus  que  par  d'activés 
intrigues  et  une  grande  exaltation. 
L'un  des  fondateurs  du  club  des  Ja- 
cobins, Raisson  en  devint  le  secré- 
taire, et  il  y  fixa  souvent  les  regards 
par  les  pétitions  hardies  qu'il  pré- 
senta à  la  Convention,  au  nom  de 
cette  société,  qui  ne  craignait  pas  de 
braver  les  représentants  et  même 
d'exercer  sur  eux  une  surveillance 
très-audacieuse.  Raisson  alla  un  jour 
jusqu'à  accuser  le  député  Osselin  et 
tout   le  comité  de  sûreté  générale 
pour  la  mise  en  liberté  de  trente- 
quatre  suspects,  au  nombre  desquels 
était  Bonne-Carrère.  Après  le  9  ther- 
midor même,  il  fit  demander  la  réin- 
carcération  d'autres  suspects  qu'on 
avait  osé  relâcher,  et  fut  un  des  dé- 
fenseurs les  plus  intrépides  du  ja- 
cobinisme expirant.  Enfin,  poursui- 
vi par  cette  réaction  post-thennido- 
rienne  qu'il  avait  si  vivement  com- 
battue, il  fut   arrêté  le   12  germi- 
nal (  l^"^  avril  1795),  et  détenu  quel- 
que temps  au  château  de  Ham.  Relâ- 
ché avant  le  13  vendémiaire  (ô  oct. 
1795),  ou  le  vit  reparaître,  dès  la  fin 
du  même  mois,  au  Palai.s-Royal ,  et 


RAI 

se  concerter  avec  Chrétien ,  ex-juré 
du  tribunal  re'volutionnaire  pour  ré- 
tablir les  sociétés  populaires.  Cepen- 
dant son  zèle  démagogique  se  re- 
froidit. Nommé  électeur  eu  1798,  il 
se  montra  beaucoup  plus  terrifié 
que  terroriste,  bien  qu'il  fît  par- 
tie de  la  fraction  de  l'assemblée  élec- 
torale opposée  au  Directoire.  Il  pu- 
blia même  une  lettre  où  il  conju- 
rait ses  collègues  de  s-icrifier  leurs 
prétentions  au  bien  de  la  paix  et  de 
la  tranquillité.  Envoyé,  en  1799,  en 
mission  à  Turin  ,  il  fut  accusé  dans 
le  Dictionnaire  des  Jacobins  ri- 
can^v,  d'y  avoir  suivi  les  traces  de 
Rapinat  et  autres;  ce  qui  paraît  dé- 
nué de  fondement,  puisqu'il  fut  obli- 
gé, à  son  retour,  de  solliciter  un  em- 
ploi dans  les  bureaux  du  gouverne- 
ment, pour  faire  exister  sa  famille,  et 
que,  n'ayant  pu  l'obtenir,  il  vécut 
long-temps  des  secours  de  r'^s  amis. 
Suivant  le  même  Dictionnaire  des 
Jacobins,  que  nous  avons  cité.  Rais- 
son  aurait  fait  à  sa  section  en  1794,  la 
proposition  de  se  défaire  des  gens  inu- 
tiles^ c'est-à-dire  de  les  égorger,  afin 
de  pouvoir  nourrir  les  sans-culottes. 
Nous  avons  peine  à  croire  à  un  tel 
délire,  bien  qu'il  ne  soit  que  trop 
vrai  qu'un  pareil  projet  entra  réel- 
lement, à  cette  époque,  dans  la  tête 
de  quelques  insensés  et  que  déjà 
plusieurs  maisons,  où  se  trouvaient 
des  vieillards  inutiles,  furent  mar- 
quées à  la  craie  pour  son  exécu- 
tion ;  mais  nous  ne  voyons  pas  que 
Raisson  y  ait  figuré.  Nommé  par  le 
crédit  de  Merlin  de  Douai,  son  an- 
cien ami,  rédacteur  au  bureau  par- 
ticulier du  ministère  de  la  police,  il 
exerça  cette  place  pendant  plusieurs 
années.  La  Restauration  ne  lui  fut  pas 
trop  contraire.  Retiré  à  Sens  depuis 
1820,  il  y  vécut  paisiblement,  dans 
une   modeste  aisance,  et  mourut  le 

IXXVllI. 


RAM 


?89 


24  avril  1835.  —M.  Horace  Raisson, 
son  fils,  s'est  fait  connaître  par  quel- 
ques pièces  de  théâtre  jouées  à  l'O- 
déon,  des  romans,  une  Histoire  po- 
pulaire de  la  Révolution,  et  d'autres 
écrits.  M— Dj. 

RAMBOUILLET  (Charles  d'An- 
CENSES,  cardinal  de),  naquit  le  30 
oct.  1530.  Il  fut  nommé  à  l'ëvêché 
du  Mans  en  1559  par  Charles  IX,  à 
la  recommandation  de  Catherine  de 
Médicis.  Envoyé  comme  ambassa fleur 
auprès  du  pape  Pie  V,  il  fut  fait  car- 
dinal en  1570,  siégea  au  concile  de 
Trente  et  assista  aux  deux  conclaves 
dans  lesquels  furent  nommés  les  pa- 
pes Grégoire  XIII  et  Sixte  V.  Il 
mourut  à  Corneto  le  23  mars  1587  ; 
et  y  fut  enterré  dans  l'église  des  cor- 
deliers  observantins,  où  s'est  long- 
temps vue  son  épitaphe.  La  ville  du 
Mans  ayant  été  prise  par  les  religion- 
naires  durant  son  épiscopat,  la  cathé- 
drale en  fut  saccagée,  et  il  contribua 
puissamment  à  sa  restauration.  — 
Rambouillet  (Nicolas  d'Angennet, 
seigneur  de),  vidame  du  Mans,  etc., 
frère  du  précédent,  lieutenant-géné- 
ral des  armées  de  Charles  IX  et  de 
Henri  III,  fut  envoyé  en  Angleterre  en 
1566  comme  ambassadeur  extraordi- 
naire, pour  y  porter  le  cordon  des  or- 
dres à  deux  seigneurs  anglais,  au  choix 
de  la  reine  Elisabeth.  Il  fut  gouver- 
neur de  Metz  et  chambellan  du  roi. 
Envoyé  en  Pologne  comme  vice-roi, 
en  attendant  l'arrivée  de  Henri  III, 
il  montra  un  grand  désintéressement, 
car  ayant  fait  des  économies  assez 
importantes  il  les  remit  au  roi,  qui  re- 
fusa de  les  recevoir,  en  lui  disant  qu'il 
en  aurait  bon  besoin  dans  ce  pays. 
Il  mourut  au  commencement  du  rè- 
gne de  Louis  XIll.  M— É. 

RAMBOUILLET  (Catherine  de 
VivoNNE,  marquise  de),  née  à  Rome 
19 


290 


RAM 


vers  1588,  était  fille  de  Jean  de  Vi- 
vonne,  marquis  de  Pisani,  habile  né- 
gociateur sous  Henri  III  et  Henri  IV, 
et,  de  Julie  Savelli,  dame  romaine. 
C'est  une  des  personnes  qui  contri- 
buèrent le  plus  à  former  en  France 
cette  société  polie,  dont  les  manières 
nobles  et  délicates,  répandues  peu  à 
peu  dans  les  diverses  cours  de  l'Eu- 
rope, donnèrent  naissance  à  cette 
politesse  recherchée,  devenue  l'ex- 
pression et  l'usage  de  la  bonne  com- 
pagnie. Mariée  dès  l'âge  de  douze 
ans,  elle  fut  l'un  des  ornements  de  la 
cour  de  Henri  IV;  mais,  peu  jalouse 
d'honneurs  trop  chèrement  achetés, 
à  peine  avait-elle  vingt  ans,  qu'elle  re- 
nonça d'elle-même  à  paraître  dans  les 
assemblées  de  la  reine-mère.  Une  mul- 
titude de  personnages  illustres  et 
d'hommes  célèbres  dans  les  lettres 
se  réunissaient  chez  elle,  et  on  peut 
dire  avec  vérité  qu'elle  se  relira  de  la 
cour  pour  en  présider  une  autre  que 
ses  manières  remplies  de  grâce  et  d'a- 
ménité et  son  mérite  extraordinaire 
attiraient  dans  ses  salons.  L'honneur 
d'y  être  admis  était  vivement  ambi- 
tionné ;  on  y  voyait  des  femmes  d'une 
haute  naissance ,  des  princes  et  des 
seigneurs  français  et  étrangers,  des 
écrivains  et  des  poètes,  des  cardinaux 
et  des  prélats,  et  elle  animait  par  son 
esprit  toute  cette  belle  société  avec 
une  dignité  qui  donnait  à  son  cercle 
une  véritable  puissance  morale.  La 
marquise  n'était  pas  seulement  re- 
marquable par  cette  disposition  émi- 
nemment sociale  qui  la  faisait  re- 
chercher de  tous  les  gens  distingués; 
elle  portait  à  la  perfection  tout  ce 
dont  elle  s'occupait,  et  elle  n'était 
étrangère  à  aucune  chose.  Elle  ju- 
geait avec  autant  de  goût  les  bien- 
séances du  monde  que  les  produc- 
tions des  arts  et  de  l'esprit.  Ce  fut 
elle  qui  dirigea  les  travaux  de  son 


RAM 

hôtel,  et  elle  inventa  ces  distributions 
grandioses  qui  transforment  les  ap- 
partements destinés  aux  réceptions 
en  une  belle  suite  de  galeries  et  de 
salons,  à  tel  point  que  Marie  de  Mé- 
dicis,  faisant  construire  le  palais  du 
Luxembourg ,  donna  l'ordre  à  ses 
architectes  d'aller  étudier  l'hôtel  de 
Rambouillet  et  d'en  examiner  avec 
soin  les  dispositions  intérieures.  Elle 
venait  de  le  faire  élever  sur  le  terrain 
de  l'hôtel  Pisani,  près  des  anciens 
Quinze- Vingts,  où  ont  été  depuis  la 
rue  de  Chartres  et  le  Vaudeville.  Elle 
avait  vu  des  alcôves  en  Espagne,  et 
elle  fut  la  première  à  en  introduire 
l'usage  en  France  5  elle  amena  aussi 
d'autres  changements  :  aux  couleurs 
monotones  derouge  et  detanné(^em7ie 
morte),  dont  les  chambres  étaient 
alors  presque  exclusivement  déco- 
rées ,  elle  substitua  l'emploi  de  cou- 
leurs variées;  de  là  vint  cette  célèbre 
chambre  bleue,  éclairée  sur  des  jar- 
dins par  de  hautes  fenêtres,  et  ce  joli 
cabinet,  dit /a  logedeZyrphée,  chanté 
par  Chapelain  et  Voiture.  A  en  croire 
ces  prophètes  en  Apollon,  la  divine 
Arthénice^  comme  l'appelèrent  Racan 
et  Malherbe,  préservée  de  l'injure  des 
ans,  devait  y  vivre  jusqu'à  la  postérité 
la  plus  reculée;  mais  c'étaient  pro- 
messes de  poètes  et  flatteries  de  Par- 
nasse, dont  la  sage  marquise  ne  se  lais- 
sait pas  enivrer.  Sa  raison  toujours 
ferme  mettait  les  choses  à  leur  vé- 
ritable valeur.  Elle  recevait  Voi- 
ture avec  bonté,  sans  l'aimer;  son  af- 
féterie et  sa  galanterie  outrée,  qui  dé- 
générait souvent  en  dévergondage , 
trouvaient  diflicilement  grâce  devant 
cette  noble  personne.  Une  des  princi- 
pales qualités  de  madame  de  Ram- 
bouillet fut  la  bienveillance.  «Ja- 
«  mais,  dit  Tallemant  des  Réauz,  il 
«  n'y  a  eu  une  meilleure  amie.  »  Il 
en  rapporte  un  exemple  qui  mérite  d'ê- 


RAM 

trecité.  Arnauld  d'Âcdilly  «qui  faisait 

-  le  professeur  en  amitié',  »  voulut  lui 
donner  des  leçons  d'une  science  que 
l'esprit  n'enseigne  pas  au  cœur;  mais 
la  marquise,  ennuyée  de  ses  longs 
discours  :  •  Si  je  savais,  lui  dit-elle, 
«  qu'il  y  eût  un  fort  honnête  homme 

•  aux  Indes,  sans  le  connaître  autre- 

•  ment,  je  tâcherais  de  faire  pour  lui 

•  tout  ce  qui  serait  à  son  avantage.  » 

-  «Vous  en  savez  jusque  là  !  s'e'cria 
.  d'Andilly  ;  je  n'ai  plus  rien  à  vous 

-  montrer  (1).  »  Elle  aimait  à  sur- 
prendre agréablement  ses  amis.  Me  - 
nant  un  jour  Cospean,  évéque  de 
Lisieux,  promener  dans  une  partie 
isolée  du  parc  de  Rambouillet,  elle 
se  dirige  vers  un  vieux  rocher  qu'on 
appelait  le  Cheval- griffon ,  ou  la 
Marmite  de  Rabelais  (2);  le  bon 
ëvêque  apercevait  de  loin  des  feux 
qui  brillaient,  et  au  travers  du  feuil- 
lage il  vit  en  s'approchant  des  fem- 
mes parées  eu  nymphes  qui  trans- 
formaient celte  partie  du  parc  eu 
une  véritable  décoration  d'opéra. 
C'étaient  trois  demoiselles  de  Ram- 
bouillet, parmi  lesquelles  brillait 
Julie  d'Angennes,  vêtue  en  Diane; 
c'était  M"*  Paulel,  cette  fille  aima- 
ble et  spirituelle,  amie  de  Voiture, 
qui  l'appelait  la  Lionne,  à  cause  de 
ses  cheveux  d'un  blond  ardent  ;  c'é- 
tait enfin  toute  la  société  du  noble 
château,  reproduisant  une  scène  poé- 
tique de  la  mythologie  antique.  La 
marquise  u'a  laissé  aucun  ouvrage; 
on  a  seulement  d'elle  quelques  let- 
tres agréablement  écrites,  recueillies 
par  Cunrart,  et  un  joli  madrigal  sur  la 
fontaine  jaillissante  de  M"*  de  Mont- 
pensier  dont  lejardia  était  situé  dans 
une  partie  de  la  cour  des  Tuileries; 


(i)  Historiettes  de    Talltmant  des   Recuit, 
Paii$,i84o,  2*  édit.,  t.  III,  p.  il5. 
(a)/6id..p.  aiû. 


KAM 


991 


mais  si  madame  de  Rambouillet  a  peu 
écrit,  elle  n'en  a  pas  moins  contri- 
bué à  nous  faire  connaître  son  siècle. 
C'est  d'elle  que  Taliemant  tenait  la 
plupart  des  anecdotes  qu'il  a  racon- 
tées sur  l'ancienne  cour  de  Henri  IV 
et  sur  celle  de  Louis  XHI.  Elle  aimait 
la  conversation  de  des  Réaux ,  et  elle 
se  plaisait  à  lui  apprendre  les  teuips 
passés.  •  C'est  d'elle,  dit  le  spirituel 

•  chroniqueur,  que  je  tiens  la  plus 
«  grande  et  la  meilleure  partie  de 

•  ce  que  j'ai  écrit  et  de  ce  que  j'écri- 

•  rai...(3)>  Malheureusement,  enclin 
à  la  médisance,  des  Ré^mx  nes'est  pas 
contenté  de  puiser  à  une  source  aussi 
pure;  il  a  trop  souvent  souillé  ses 
mémoires  d'anecdotes  qu'il  aurait  dû 
taire  et  que  la  vertueuse  Arthénice 
ne  lui  aurait  pas  confiées;  mais  ses 
rapports  fréquents  avec  cette  dame 
illustre  n'eu  donneut  pas  moins  une 
sanction  à  des  parties  importantes  de 
ses  mémoires.  Madame  de  Rambouil- 
let eut  la  douleur  de  perdre,  eu  1645, 
le  marquis  de  Pisani,  son  fils  unique , 
tué  à  la  bataille  de  Nordlingen,  et 
cl!e  mourut  en  1665,  ne  laissant  que 
des  filles,  dont  Julie  d'Angennes,  du- 
chesse de  Montausier,  a  été  la  plus 
célèbre  (voy.  Montausieb,  XXIX, 
460).  Deux  ont  eu  des  abbayes;  deux 
autres,  M"«  de  Rambouillet  et  M™«  de 
Grignan  (première  femme),  quoique 
véritables  précieuses,  ont  été  souvent 
confondues  avec  les  ridicules,  si  bien 
stigmatisées  par  Molière.  —  Charles 
d'Angennes.marquis  de  Rambouillet, 
fils  de  Nicolas  qui  précède,  était  un 
gentilhomme  plein  de  grâce  et  de 
distinction.  Chevalier  des  ordres  du 
roi  en  1619  ei  grand-maître  de  sa 
garderobe,  il  fut,  en  1627,  auibas- 
sadeur  en  Espagne  el  eu  Piémont;  il 


.3)  Ibid.,  p.  •>33. 


19. 


293 


RAM 


secondait  noblement  sa  femme  dans 
les  réceptions  qu'elle  faisait  à  son 
hOtel.  Il  composa  pour  sa  fille  quel- 
ques jolis  madrigaux  insére's  dans  la 
Guirlande  de  Julie.  H  mourut  à  Pa- 
ris, le  6  février  1652,  à  l'âge  de 
soixante-quinze  ans.  M— É. 

RAMECOURT.  Voy.  Fourcroy, 
XV,  371. 

RAMEL  de  Nogaret  (Jacques), 
minis're  des  finances  de  la  républi- 
que française,  remplissait  avant  la 
révolution  les  fonctions  d'avocat  du 
roi  à  Carcassone,  et  devait  ainsi  son 
appui  au  pouvoir  de  l'ancienne  mo- 
narchie. Il  s'en  montra  cependant  un 
des  plus  chauds  adversaires,  et  fut  en 
conséquence  nommé  député  du  tiers- 
état  de  la  sénéchaussée  de  Carcas- 
sonne  aux  États-Généraux  de  1789, 
ou  il  siégea  dès  le  commencement 
avec  la  majorité  révolutionnaire.  Doué 
de  peu  d'éloquence,  il  parut  rare- 
ment à  la  tribune,  mais  il  travailla 
beaucoup  dans  les  comités,  et  fut  con- 
sidéré comme  l'un  des  meilleurs  fi- 
nanciers de  l'époque.  Admirateur 
zélé  de  l'administration  provinciale, 
surtout  de  celle  du  Languedoc,  qu'il 
avait  été  personnellement  à  même 
d'apprécier,  il  craignit  que  le  chan- 
gement de  provinces  en  départe- 
ments ne  fût  nuisible,  et  il  s'opposa 
vivement,  mais  sans  succès,  à  une 
nouvelle  division  de  la  France.  Chargé 
d'une  mission  sur  les  côtes  de  Bre- 
tagne, où  quelques  troubles  avaient 
éclaté  dans  le  mois  de  juin  1791,  à 
l'occasion  de  la  fuite  de  Louis  XVI, 
il  y  rétablit  l'ordre,  et  revint  aus- 
sitôt à  l'assemblée,  dont  il  fut  nom- 
mé secrétaire.  Après  la  session,  Ra- 
mel  se  retira  dans  le  département 
de  l'Aude,  et  il  y  fut  élu  en  sept. 
1792  député  à  la  Convention,  où  il 
siégea  encore  avec  les  partisans  de 
la    révolution.    Dan»  le    procès  de 


RAM 

Louis  XVI,  il  s'exprima  ainsi  sur  les 
différentes  questions  :  Sur  l'appel 
au  peuple  :  «Je  voterai  la  mort, 
«  mais  je  veux  que  la  nation  sanc- 

•  tionne  ce  jugement;  ainsi  je  dis 

•  oui;  »  Sur  la  peine  :  •  Louis  est 
«  convaincu  de  conspiration  contre 
«  la  liberté.  Dans  tous  les  temps  un 
«  pareil  crime  mérite  la  mort;  je  la 
«  prononce.  •  Il  rejeta  ensuite  le  sur- 
sis. Du  reste,  ainsi  qu'à  la  première 
assemblée,  Ramel  ne  parut  dans  celle- 
là  que  rarement  à  la  tribune,  et  il  ne 
s'y  occupa  encore  dans  les  comités  que 
de  finances  et  d'administration  ;  prit 
beaucoup  de  part  à  la  vente  des  biens 
naiionaux,  à  la  création  des  assignats 
et  à  la  répartition  des  impôts.  Moins 
verbeux  et  plus  habile  que  Cambon, 
il  eut  sur  les  finances  une  influence 
moins  funeste,  et,  quoique  faible  et 
timide,  il  osa  quelquefois  s'opposer  à 
des  mesures  désastreuses,  comme  le 
maximum,  la  confiscation  et  la  ban- 
queroute; mais  sa  faiblesse  était  telle 
que  jamais  il  ne  fit  triompher  ses 
opinions.  Ayant  conçu  le  louable 
projet  de  mettre  un  terme  aux  in- 
nombrables arrestations  qui  se  fai- 
saient alors  par  ordre  de  tous  les 
pouvoirs,  il  proposa,  au  nom  du  co- 
mité de  salut  public  dont  il  était 
membre,  de  former  une  commission 
paternelle  de  magistrats  et  d'admi- 
nistrateurs qui  statuât  définitive- 
ment sur  la  justice  et  la  régularité 
de  ces  arrestations.  Mais  on  conçoit 
qu'à  cette  époque  rien  de  pareil  ne 
devait  être  admis.  Plusieurs  orateurs, 
notamment  Thuriot  et  Jean -Bon 
Saint-André,  parlèrent  contre  cette 
proposition;  et,  loin  d'obtenir  cequ'en 
attendait  sans  doute  Ramel,  elle  don- 
na lieu  peu  de  temps  après  à  la  créa- 
tion des  horribles  comités  révolution- 
naires. Ce  fut  encore  lui  qui,  au  nom 
de  la  commission  des  finances,  fit, 


RAM 

àans  la  sëâDce  du  19  août  1793,  le 
rapport  du  fameux  emprunt   forcé 
d'un  milliard,  dont  le  principal  but, 
dit-il,  était  de  relever  le  crédit  des 
assignats.    Homme    d'ordre ,    mais 
sans  pitié,  sans  entrailles  quand  il 
s'agissait  du  lise,  il  n'hésita  pas  à  dé- 
noncer Fabred'Églantine  pour  la  fal- 
sification d'un  décret  sur  la  compagnie 
des  Indes,  et  il  concourut  ainsi  évi- 
demment à  pousser  sur  i'échafaud  son 
compatriote  et  son  collègue,  qui  du 
reste  était  peu  digne  d'intérêt  {voy. 
Fabred'Églamine,  XIV,  23).  Envoyé 
en  Hollande  dans  les  premiers  mois  de 
1795,  au  moment  où  Pichegru  venait 
d'envahir  cette  contrée,  Ramel  écri- 
vitplusieurs  foisà  laConvention,pour 
lui  rendre  compte  des  succès  de  l'ar- 
mée, el  il  revint  à  Paris  vers  la  fin  de 
la  session.  Entré  au  conseil  des  Cinq- 
Cents  par  le  décret  qui  y  introduisit 
les  deux  tiers  des  conventionnels,  il 
s'occupa  encore  beaucoup,  dans  cette 
assemblée,  de  finances  et  de  contribu- 
tions. Peu  de  temps  après  son  instal- 
lation, le  Directoire  exécutif  le  nom- 
ma ministre  des  finances.  C'était,  il 
faut  en  convenir,  une  tâche  bien  dif- 
ficile alors  que  d'administrer  les  fi- 
nances de  la  république!  Après  deux 
ou  trois  banqueroutes  simultanées  et 
surtout  l'anéantissement  absolu  des 
assignais,  lecréJil  public  avait  com- 
plètement disparu.  Le  système  des 
spoliations  et  des  emprunts  forcés 
n'était  plus  possible,  et  il  n'y  avait 
pas  moyen,  comme  au  temps  de  Ba- 
rère.de  battre  monnaie  sur  lesécha- 
fauds.  Cependant  il  fallait  faire  face 
à  des  dépenses  à  peu  près  les  mêmes, 
car  la  guerre  n'était  pas  moins  vive 
ni   les  armées   moins   nombreuses; 
et  c'était  avec  des  valeurs  réelles  que 
désormais  il  fallait  tout  payer.  Ramel 
se  tira  assez  habilement  de  si  gran- 
des difficultés.  11  y  eut,  il  faut  le  re- 


RAM 


293 


connaître,  contre  lui,  selon  l'usage  du 
temps,  quelques  clameurs,  quelques 
dénonciations,  notamment  de  la  part 
de    Thibaudeau,   de  Genissieux   et 
d'autres,  qui  l'accusèrent  de  concus- 
sions, d'intelligence   avec  les  four- 
nisseurs, etc.  Ces  plaintes  furent  ré- 
pétées avec  beaucoup  d'aigreur  par 
les  journaux  de  l'opposition    démo- 
cratique, surtout  par  celui  des  Hom- 
mes  libres,    que  rédigeaient    Anlo- 
nelle  et  Duvul;  mais  tout  ce  bruit 
ne  produisit  aucun  effet  réel,  et  Ramel 
resta  ministre.  Ce  ne  fut  qu'un  mois 
après  la  révolution  directoriale  du  30 
prairial  (18  juin  1799),  qu'il  donna 
sa  démission,  et  fut  remplacé  par  Ro- 
bert Lindet.  Ramel  avait  établi  le  sys- 
tème des  contributions  sur  des  bases 
de  répartition  aussi  égales  qu'elles 
pouvaient  Têtreavant  le  cadastre  dont 
il  eut  la  première  idée,  et  il  avait 
pourvu  à   toutes  les  dépenses  sans 
grever  l'État  d'une  immense  dette 
comme  on  l'a  fait  depuis;  enfin  pen- 
dant son  administration  la  vente  des 
biens  nationaux  avait  du  moins  pro- 
duit quelque  chose  au  fisc.  Si  tous  les 
désordres  n'avaient  pas  disparu,  on 
ne  peut  nier  qu'il  n'eût  opéré  des 
réformes  utiles;  et  si  un  peu  plus 
tard  on  lui  fit  beaucoup  de  repro- 
ches, on  sait  assez  aujourd'hui  que 
la  plupart  de  ces  plaintes  n'eurent 
d'autre  but  que  de  faire  ressorlir  le 
mérite  de  ceux  qui  lui  succédèrent, 
particulièrement  de  Gaudin,  homme 
fort  estimable  sans  doute,  mais  dont 
l'habileté  financière  nous  paraît  bien 
inférieure  à  celle  de  Ramel.  Dès  qu'il 
eut  cessé  d'être  ministre,  ce  dernier 
se  retira  paisiblement  dans  sa  famille, 
jouissant  d'une  fortune  as«ez  médio- 
cre, ce  qui  prouve  au  moins  pour  sa 
probité.  Il  resta  sans  emploi  pendant 
toute  la  durée  du  gouvernement  im- 
périal. Ce  ne  fut  qu'en  1815,  après 


294 


RAM 


le  retour  de  l'île  d'tlbe,  que  Bona- 
parte le  nomma  préfet  du  Calvados. 
Il  perdit  bientôt  cet  emploi  par  la 
seconde  chute  de  Napoléon,  et  fut 
compris  en  1816  dans  la  loi  d'exil 
contre  les  régicides.  Alors  il  se  réfu- 
gia à  Bruxelles,  où,  par  une  sorte  de 
prévoyance  instinctive,  il  avait  acheté 
des  propriétés  au  temps  de  sa  splen- 
deur. Il  se  fît  inscrire  au  tableau  des 
avocats  de  cette  ville,  mais  nous  ne 
pensons  pas  qu'il  y  ait  jamais  paru  au 
barreau.  Il  y  mourut  le  31  mars  1839. 
Ramel  de  Nogaret  avait  publié  :  I.  Des 
finances  de  la  république  française, 
1801,  in-8o.  II.  Du  change,  du  cours 
des  effets  publics  etde  Vintérêt  del'ar- 
genty  1807,  in-8";  seconde  édition, 
1810.  III.  Quelques  autres  Mémoires 
de  peu  d'importance  sur  des  questions 
de  finances.  M — Dj. 

RAMEL  (Pierre),  général  et  lé- 
gislateur, frère  aîné  de  celui  qui  fut 
massacré  à  Toulouse  en  1815  {voy. 
Ramel,  XXXVII,  35),  naquit  à  Cahors 
en  1761  .Voué  à  la  carrière  du  barreau, 
où  son  père  s'était  fait  une  assez  bril- 
lante réputation,  il  fut  d'abord  avocat, 
puis  procureur.  Ayant  embrassé  la 
cause  delà  révolution  ainsi  que  toute 
sa  famille,  il  fut  un  des  membres  les 
plus  zélés  des  assemblées  électorales 
du  Quercy,  qui  nommèrent  les  dépu- 
tés aux  États-Généraux  de  17S9,  ce 
qui  le  fît  appeler  l'année  suivante 
aux  fonctions  de  procureur-général- 
syndic  du  département  du  Lot,  puis  à 
celles  (le  député  à  l'assemblée  législa- 
tive. Celte  élection,  où  il  eut  pour 
concurrent  le  fameux  Jean-Bon  Saint- 
André,  appuyé  par  les  démocrates,  le 
plaça  dès  lors  sur  la  ligne  des  prin- 
cipes modérés  et  constitutionnels.  Il 
siégea  dès  le  commencement  au  côté 
droit  de  l'assemblée,  votant  avec 
les  Vaublanc,  les  Pastoret ,  etc.  Lié 
particulièrement  avec  Lafayette,  il 


RAM 

s'opposa  fortement  à  sa  mise  en  ac- 
cusation. S'étant  retiré  dans  son  dé- 
partement après  la  session,  il  s'y 
trouva  de  nouveau  en  opposition  avec 
Jean-Bon  Saint-André  dans  les  élec- 
tions pour  la  Convention  nationale  ; 
mais  cette  fois  ce  fut  son  rival  qui 
triompha  par  des  menaces,  des  in- 
sultes, et  en  forçant  les  électeurs  de 
voter  à  haute  voix.  Alors  Ramel  entra 
dans  la  carrière  des  armes,  et  fut 
chargé,  par  le  ministre  Servan,  d'or- 
ganiser un  corps  de  cavalerie  à  l'ar- 
mée des  Pyrénées,  où  son  ami  Péri-, 
gnon,  qui  plus  tard  a  été  maréchal 
de  France,  le  seconda  merveilleuse- 
ment. S'étant  distingué  dans  les  pre- 
miers combats  contre  les  Espagnols, 
son  avancement  fut  rapide,  et  dès  la 
fin  de  1793  il  était  général  de  brigade. 
Mais  la  haine  de  Jean-Bon  Saint-An- 
dré le  poursuivit  encore  dans  cette 
nouvelle  position.  Dénoncé  par  lui 
comme  un  modéré  ou  comme  un  par- 
tisan secret  de  la  cause  royaliste,  il 
fut  arrêté  sous  les  plus  futiles  pré- 
textes, c'est-à-dire  parce  qu'un  jour  il 
avait  assisté  à  une  bataille  sans  porter 
les  décorations  de  son  grade,  et  qu'une 
autre  fois  il  avait  forcé  un  officier  à 
quitter  le  bonnet  rouge  dont  il  res- 
tait couvert  sous  les  armes.  C'était 
en  vain  que  les  amis  de  Ramel  lui 
avaient  conseillé  de  prendre  la  fuite. 
Ayant  été  traduit  à  un  conseil  de 
guerre,  ce  tribunal  fut  recomposé 
jusqu'à  trois  fois,  les  premiers  et  les 
seconds  juges  refusant  de  le  condam- 
ner. Quand  les  troisièmes  eurent  enfin 
prononcé  l'arrêt  de  mort,  dans  la 
crainte  du  soulèvement  des  troupes 
et  des  habitants  de  la  frontière  qui  lui 
portaient  un  vif  intérêt,  on  entraîna 
secrètement  le  malheureux  dans  un 
lieu  écarté,  où  il  fut  exécuté.  Le  Ué- 
moire  qu'il  avait  composé  pour  sa  dé- 
fense fut  publié  en  1794,  et  produisit 


RAM 


RAM 


iU 


une  douloureuse  impression.  C'est  un 
monument  honorable  pour  la  victime 
et,  pour  les  bourreaux,  une  ûétris- 
sure  éternelle.  — Un  second  frère  de 
Ramel,  officier  dans  un  régiment  ir- 
landais au  service  de  France,  périt 
après  le  lOaoût  1792. ayant  refusédese 
soumettre  aux  conséquences  de  cette 
révolution.— Un  autre,  ofGcier  de  ca- 
valerie, fut  tué  à  l'armée  du  Rhin  en 
1797,  sous  les  murs  de  Kehl.  M— Dj. 
RAMMEL  (  le  baron  de),  diplo- 
mate suédois,  né  en  1758,  était  l'aîné 
d'une  famille  d'origine  danoise,  qui 
devint  suédoise  quand  Charles  X  eut 
conquis  la  Scanie.  Il  reçut  une  éduca- 
tion très-distinguée,  entra  dès  sa  jeu- 
nesse dans  la  diplomatie, et  résida  pen- 
dant plusieurs  années  à  Madrid,comme 
ministre  de  la  cour  de  Suède.  Rappelé 
dans  sa  patrie  pour  remplir  les  fonc- 
tions de  chancelier  de  la  cour,  il  fut 
honoré  d'une  estime  toute  particu- 
lière par  le  roi  Gustave  III,  et  appelé 
en  1788  à  son  conseil,  comme  séna- 
teur du  royaume.  Ce  prince  voulait 
continuer  de  l'employer  dans  son  con- 
seil, après  l'abolition  du  sénat,  en 
1789;  mais  Rammel,  dont  la  santé  de- 
venait chancelante,  demanda  sa  re- 
traite. L'ayant  obtenue,  il  vécut  en 
philosophe  dans  ses  terres  en  Scanie, 
consacrant  fout  son  temps  aux  lettres. 
11  jouit  peu  de  ce  repos.  Après  l'assas- 
sinat de  Gustave  III,  son  fils  Gustave- 
Adolphe  IV,  qui,  dès  son  enfance, 
avait  appris  à  l'estimer,  le  pressa  vi- 
vement de  venir  auprès  de  lui  et  de 
l'aider  de  ses  conseils,  et  il  lui  donna 
le  titre  de  gouverneur  du  prince 
royal,  son  fils;  mais  lorsque  le  jeune 
roi  eut  été  k  son  tour  dépossédé  de  la 
couronne,  le  baron  de  Rammel  dut 
encore  une  fois  s'éloigner  de  la  cour. 
Il  rentra  avec  joie  dans  sa  retraite, 
où  il  passa  le  reste  de  sa  vie  livré  à 
l'étude,  et  mourut  au  mois  de  février 


1824,  vivement  regretté.  C'était  un 
des  hommes  de  la  Suède  le  plus  ver- 
sés dans  les  sciences  historiques.  Il 
était  membre  de  l'Académie  de  Stock- 
holm et  de  plusieurs  autres  sociétés 
savantes.  Il  avait  rassemblé  un  grand 
nombre  de  matériaux  historiques,  et 
l'on  pense  même  qu'il  a  laissé  des  ou- 
vrages terminés  ;  mais  on  n'espère  pas 
qu'ils  soient  jamais  imprimés.  Z. 
RAMMODOX-ROÉ  (suivant  les 
Anglais  Rammohu^-Rot),  célèbre 
brahme ,  le  premier  homme  remar- 
quable de  sa  caste  qui  se  soit  déclaré 
pour  la  civilisation  européenne,  na- 
quit en  1774  dans  le  district  de  Bor- 
douan  ,  où  son  père  Ram-Kanth-Roé 
possédait  des  propriétés  considéra- 
bles. Tant  de  ce  côté  que  de  celui  de 
sa  mère,  il  comptait  des  ancêtres  illus- 
tres.Son  grand-père  avait  long  temps 
rempli  des  fonctions  élevées  au  ser- 
vice des  monarques  mongols  ;  mais, 
soit  disgrâce,  soit  lassitude,  il  s'était 
retiré  dans  les  vastes  propriétés  qu'il 
possédait  aux  environs  de  Bor- 
douan.  Ram-Kanth,  à  son  tour,  suivit 
la  carrière  des  emplois  à  la  cour  de 
divers  princes  musulmans;  et  natu- 
rellement il  destinait  son  fils  au  même 
rôle.  Dans  cette  vue  il  apporta  un 
soin  tout  particulier  à  son  éducation, 
et  lui  fit  surtout  apprendre  l'arabe 
et  le  persan,  langues  indispensables 
à  qui  voulait  entrer  dans  la  carrière 
politique  à  la  cour  des  princes  ma- 
hométans  de  l'Inde  ;  puis  de  Patnah. 
où  le  jeune  Rammohon-Roé  avait  été 
s'initier  à  l'étude  de  l'arabe,  il  l'en- 
voya aux  écoles  de  Benarès,  la  ville 
sainte,  où  il  apprit  le  sanskrit.  Dès 
l'âge  de  seize  ans,  s'il  faut  l'en  croire, 
Rammohon  avait  écrit  un  ouvrage  sur 
le  peu  de  valeur  des  idolâtries  hin- 
doues. Ce  précoce  usage  du  raison- 
nement lui  fut  peut-être  inspiré  par 
le  livre  dans  lequel  il  étudia  l'arabe. 


296 


|RAM 


car  c'était  une  traduction  d'Aristote. 
Quoi  qu'il  en  soit ,  et  bien  que  son 
ouvrage  n'eût  point  été  publié,  il  passa 
parmi  les  siens  pour  un  adorateur  peu 
fervent  des  divinités  de  ses  pères;  et 
Ram-Kanth,  que  souvent  il  pressait 
d'interrogations  sur  les  légendes  de 
Brahmâ,  de  Siva,  de  Vichnou,  sur  la 
pluralité  de  ces  objets  des  hommages 
publics,  sur  les  formes  tantôt  bizarres, 
tantôt  obscènes  du  culte,  sur  le  moyen 
de  concilier  les  contradictions  de  tant 
de  systèmes  différents,  était  la  plupart 
du  temps  fort  embarrassé  pour  ré- 
pondre. Soit  désir  d'examiner  une 
autre  forme  de  culte ,  soit  aussi  que 
le  bouddhisme  tibétain  eût  aux  yeux 
de  certains  brahmes  quelque  chose 
de  respectable  par  son  origine  hin- 
doue ,  le  jeune  Rammohon-Roé  se 
rendit  bientôt  après  à  Lahsa ,  moins 
certes  afin  d'y  voir  le  Dalaï-Lama  et 
son  haut  clergé  qu'afin  d'étudier  sur 
les  lieux  mêmes  toutes  les  particula- 
rités de  la  doctrine  bouddhique.  Il 
passa  ainsi  trois  ans  dans  la  ca- 
pitale du  Tibet.  Fort  agréable  de  sa 
personne,  et  fort  bien  accueilli,  à  ce 
qu'il  paraît  des  femmes  qu'il  eut  l'oc- 
casion de  voir  en  cette  contrée,  il  con- 
tracta dès  cette  époque  l'habitude  de 
cette  politesse  exquise  et  fine  que 
plus  tard  les  Européennes  remarquè- 
rent en  lui.  Quant  aux  hommes,  il 
rencontra  chez  eux  moins  de  sympa- 
thie.Ses  objections,  ses  interrogations 
décelaient  sans  doute  un  fond  d'incré- 
dulité très-peu  de  nature  à  céder;  et 
plus  il  voyait,  moins  il  se  sentait  dis- 
posé à  croire  qu'un  homme  qui  passe 
ses  hivers  à  Lahsa,  ses  élés  à  Botsala, 
soit  l'incarnation  du  créateur  et  con- 
servateur de  l'univers.  Agé  de  dix- 
neuf  ans,  il  reprit  la  route  de  l'Inde, 
Sans  doute  si  cette  excursion  au  Ti- 
bet, k  la  ville  sainte  du  bouddhisme, 
au  grand  centre  des  Lamas  ,  ne  don- 


KAM 

nait  pas  comme  un  vernis  de  sainteté, 
au  moins  c'était  comme  l'analogue  de 
nos  hautes  études  après  les  études  de 
collège,  comme  la  fréquentation  des 
facultés  au  sortir  des  classes;  car,  à 
son  retour,  Ram-Kanth  envoya  au- 
devant  de  lui  et  le  reçut  avec  cette 
nuance  de  considération  qui  indique 
que  le  père  commence  à  regarder  son 
fils  comme  son  égal  et  comme  pou- 
vant voler  de  ses  propres  ailes.  Ce- 
pendant on  ne  voit  pas  qu'à  cette 
époque  ait  commencé  pour  lui  la  car- 
rière des  emplois.  Au  contraire  il 
continua  de  se  livrer  plus  ardemment 
à  l'étude  de  l'antique  langue  sacrée  de 
l'Inde  :  les  Védas,  les  Védanlas,  leurs 
commentaires  furent  pour  lui  l'objet 
d'investigations  profondes.  Mais 
comme  la  méditation  de  la  Bible 
éloigna  Luther  de  plusieurs  des  doc- 
trines de  l'Église,  de  même,  en  ex- 
plorant les  Védas,  Rammohon  crut  y 
rencontrer  des  arguments  contre  ce 
qu'était  devenue  la  religion  védique 
en  Inde.  Sans  avoir,  sans  pouvoir  ex- 
primer sur  ce  point  des  opinions  tou- 
tes formulées,  il  allait  cherchant,  in- 
terrogeant ,  ne  se  déclarant  pas  im- 
médiatement satisfait  des  solutions, 
apercevant  et  signalant  des  contra- 
dictions,en  un  mot  cherchant  la  vérité, 
mais  ne  prenant  pas  tout  grand  mot 
ou  tout  beau  mot  pour  elle.  D'autre 
part  les  dominations  musulmanes 
dans  l'Inde  étaient  désormais  en 
ruine  :  l'instant  était  proche  où  Tip- 
pou  allait  engager  sa  dernière  lutte 
avec  l'Europe ,  représentée  par  la 
Grande-Bretagne.  La  langue  anglaise 
devenait  nécessaire  à  quiconque  pré- 
tendait jouer  un  rôle  politique,  même 
au  service  des  princes  mahoniélans  ou 
indigènes.  Rammohon,  â^é  de  vingt- 
deux  ans,se  mit  à  cette  étude  nouvel  le, 
que  toutefois  il  ne  poussa  point  avec 
cette  vivacité  qu'il  apportait  à  d'au- 


RAM 

très  travaux,  car  au  bout  de  cinq  ans, 
s'il  était  capable  de  s'entretenir  tolé- 
rablement  sur  des  sujets  familiers,  il 
ue  pouvait  encore  ni  écrire  avec  cor- 
rection, ni  comprendre  les  matières 
relevées  eu  la  poésie.  11  fawt  dire  qu'il 
était  parti  d'un  fonds  de  haine  mar- 
quccontreladomination  britannique, 
qu'il  regardait  comme  oppressive  et 
ruineuse,  et  que  dès  lors  il  ne  devait 
que  peu  à  peu  prendre  du  goût  pour 
l'idiome  des  vainqueurs.  Il  finit  ce- 
pendant par  se  passionner  véritable- 
ment pour  celte  langue  si  inférieure 
en  richesse,  en  ampleur,  en  mélodie 
et  en  flexibilité  à  la  langue  des  Védas 
et  inème  aux  dialectes  sortis  de  cette 
source;  et  par  la  persévérance  des 
études,  par  la  conversation,  par  une 
active  correspondance  il  parvint  à  la 
parler  et  à  l'écrire  comme  un  gentle- 
man de  Regent-Sireet.  Mais  en  1799, 
époque  à  laquelle  nous  sommes  arri- 
vés, il  était  encore  bien  loin  de  là. 
C'est  vers  ce  temps  qu'il  fut  revêtu  de 
l'emploi  de  devan,  un  des  principaux 
offices  de  finance  qui  soient  confiés 
aux  indigènes;  et  dans  ce  poste  élevé 
il  fut  en  rapport  avec  nombre  d'An- 
glais, ses  subordonnés  et  quelques- 
uns  ses  supérieurs.  Il  n'occupait  celte 
position  que  depuis  peu  quand  son 
père  mourut  en  1803  (1210  de  l'ère 
du  Beugale).  Cet  événement  faillit  lui 
être  funeste.  Son  père,  malgré  les 
précautions  dont  Rammohon  enve- 
loppait, pour  les  adoucir,  ses  objec- 
tions à  la  Trimourli  et  à  la  pluralité 
des  déités  hindoues,  l'avait  déshérité 
comme  déserteur  de  la  foi  de  ses  an- 
cêtres. Quelques  années  après  cepen- 
dant le  jeune  brahme  é'ait  possesseur 
de  propriétés  considérables;  et  comme 
le  chiffre  en  était  trop  haut  pour 
qu'on  pût  y  voir  le  fruit  de  ses  écono- 
mies, il  est  croyable  ou  que  les  dis- 
positions du  testateur  ne  furent  point 


RAM 


297 


exécutées,  ou  bien  que,  par  la  mort  de 
ses  frères,  il  fut  mis  en  possession 
des  richesses  dont  l'exhérédation  l'a- 
vait frustré.II  ne  tarda  point  à  s'éloi- 
gner de  Bordouan  pour  aller  résider  à 
Mourchedabad  ,  jadis  séjour  de  son 
aïeul.  C'est  1^  qu'il  commença  ses  pu- 
blications philosophiques  ou  théoio- 
giques.  Elles  lui  coûtèrent  non-seule- 
ment des  veilles  et  des  recherches, 
mais  aussi  beaucoup  d'argent.  Il  en 
avait,  mais  il  faut  lui  renlre  cette 
justice  qu'il  sut  le  sacrifier  généreuse- 
ment pour  ce  qu'il  regardait  comme 
l'avantage  de  sa  patrie  et  de  la  civi- 
lisation. En  effet,  il  répandait  gra- 
tuitement bon  nombre  d'exemplaires 
de  ce  qu'il  publiait.  Son  premier  ou- 
vrage fut  écrit  en  persan  sous  ce  titre  : 
Contre  Vidnlâlrie  de  toutes  les  re- 
ligions. Peut-être  n'était-ce  que  cet 
essai  de  son  adolescence  relatif  aux 
systèmes  idolâtriques  des  Hindous; 
peut-être,  et  celte  hypothèse  est  la 
plus  probable,  était-ce  un  remanie- 
ment, une  généralisation.  Personne 
alors,  ni  brahme  ni  autre, n'entreprit 
de  le  réfuter,  mais  si  les  antagonistes 
manquèrent  au  livre,  les  ennemis  ne 
manquèrent  point  à  l'auteur.  Il  avait 
prissoin  pourtant  de  ne  passe  déclarer 
contre  les  bases  du  système  indien  : 
il  posait  en  principe  l'origine  divine 
des  Védas  et  l'infaillibilité  des  saints 
volimies;  mais  il  soutenait  que  la  doc- 
trine de  ces  livres  vénérés  n'était 
pas  ce  que  l'on  donnait  présentement 
comme  extrait  de  cette  source;  il 
s'attachait  à  dégager  des  replis  de 
l'expression  védique,  et  surtout  des 
Pouranas  et  des  autres  commentaires 
de  haute  antiquité,  ce  qu'il  croyait 
les  dogmes  primitifs  de  la  religion. 
Cettecirconspeclion,  dont  la  sincérité 
ne  semble  pas  manifeste,  et  qui  peut 
avoir  été  pour  Rammohon  un  moyen 
afin  de  ne  pas  tomber  dans  un  des 


298 


RAM 


cas  qui  exposent  un  hindou  h  perdre 
ses  droits  civils,  ses  biens,  etc.,  ne  fit 
pas  prendre  le  change  aux  fervents 
adorateurs  de  Mahade'va.  Abreuvé  de 
dégoûts  et  peut-être  environné  de  pé- 
rils, il  eut  beau  s'attachera  distinguer 
entre  l'idolâtrie  etlareligion,  s'élever 
contre  la  première  parut  une  aposta- 
sie :  on  le  traita,  malgré  ses  richesses 
et  son  savoir,  comme  un  renégat  5  ses 
parents  même  le  voyaient  avec  défiance 
et  répulsion  ;  sa  mère  pleurait  sur  lui. 
Cette  excellente  femme  qui  n'avait  pas 
un  mot  à  répondre  aux  raisons, aux  ci- 
tations par  lesquelles  son  fils  préten- 
dait lui  prouver  que  le  monothéisme 
est  dans  les  Védas,  que  le  polythéisme 
n'y  est  point,  finit-elle  véritablement 
par  adopter  les  sentiments  de  Ram- 
mohon?  On  l'a  dit  ;  le  fait  pourtant 
est  qu'elle  mourut  balayeuse  dans  la 
pagode  de  Djagrenat,  humble  office 
auquel  elle  s'était  dévouée  afin  de  ter- 
miner sa  vie  dans  la  pénitence.  Fina- 
lement Rammohon-Roé  jugea  pru- 
dent de  faire  ses  adieux  à  Mourched- 
abad  et  d'aller  se  fixer  à  Calcutta,  où 
il  acheta  dans  le  Circular-Read,  à  un 
des  bouts  de  la  ville,  une  belle  maison 
à  l'européenne  avec  jardin  (1814). 
C'est  là,  c'est  au  milieu  de  cette 
énorme  capitale  de  l'empire  britan- 
nique dans  l'Inde  qu'il  acheva  de  se 
rompre  aux  mystères  de  l'anglais.Il  y 
apprit  aussi  l'hébreu ,  le  grec  et  les 
principes  du  latin,  du  portugais  et 
du  français.  Calcutta  ressemble  un 
peu  à  une  Babel,  et  il  est  assez  naturel 
qu'en  cette  cité  polyglotte  se  forment 
des  polyglottes.  L'opulence  de  Ram- 
mohon,  sa  vaste  érudition,  cette  po- 
sition hybride  en  quelque  sorte,  tout 
attira  les  yeux  sur  lui.  Il  fitécole;  et,à 
partir  de  1818,  il  se  trouva  au  milieu 
d'un  groupe  d'adeptes  qui ,  au  dire  de 
quelques  brahmcs,  était  inorthodoxe 
et  incrédule,  mais  qui  en  réalité  ado- 


RAM 

rait  un  Dieu  unique,  Parabrahmâ  ou 
Brahm,  et  qui  prétendait  démontrer 
son  monothéisme  par  les  livres  sa- 
crés et  par  l'abrégé  qu'en  avait  donné 
Vyasa,  sous  le  titre  de  Védanta.  Déjà 
nous  avons  comparé  Rammohon  à 
Luther.  Un  nouveau  point  de  simili- 
tude se  présente  ici.  La  langue  san- 
skrite  voilait  en  quelque  sorte  les 
principes  du  dogme  hindou  formulés 
dans  les  Védantas  :  il  imagina  d'en 
donner  une  traduction  en  deux  lan- 
gues vivantes ,  toutes  deux  très-ré- 
pandues dans  l'Inde,  le  bengali  et 
l'hindoustani  ;  puis  dans  les  deux 
mêmes  idiomes  encore  il  publia  un 
abrégé  des  Védantas,  et  cet  abrégé  il 
le  traduisit  en  anglais,  Calcutta,  1816; 
2«  éd.,  Londres,  1817.  Il  entreprit  en- 
core de  faire  paraître  par  fascicules 
un  choix  de  chapitres  du  Véda  qui 
proclameraient  l'unité  de  l'Être-su- 
prême;  et,  dès  cette  même  année 
1816,  il  publia,  en  bengali  et  en  an- 
glais, une  traduction  du  Kena  Ou- 
panichad^  un  des  chapitres  du  Sama- 
Véda,  double  traduction  qui  fut  re- 
produite à  Londres  en  tête  de  la 
réimpression  de  son  abrégé  du  Vé- 
danta. Cette  attitude,  plus  nette  de 
jour  en  jour,  que  prenait  le  fils  de 
Ram-Kanth,  était  à  coup  sûr  aussi 
hardie  que  philosophique,  si  l'on 
pense  au  peu  d'habitude  qu'ont  les 
Hindous  de  la  critique  historique;  et 
plus  bas  nous  verrons  qu'il  y  a  un  côté 
plausible  et  même  vrai  dans  ce  que 
proclamait  Rammohon-Roé.  D'autre 
part,  bien  que  le  faux  s'y  trouve  mêlé, 
il  nous  semble  qu'on  ne  saurait  le 
soupçonner  d'avoir  été  le  moins  du 
monde  l'instrument  de  l'Angleterre 
dans  cette  expression  d'un  système 
qui  tv-nd  à  supprimer  l'idolâtrie.  Non- 
seulement  le  gouvernement  anglais 
s'est  constamment  montré  peu  dési- 
reux de  convertir  les  Hindous  pt 


RAM 

n'est  guère  plus  travaillé  de  l'ardeur 
du  prosélytisme  que  ne  l'était  Ponce- 
Pilate  en  son  temps ,  mais  encore  il 
est  aisé  d'apercevoir  chez  Rammo- 
hon-Roé,à  partir  de  son  adolescence, 
une  évolution  de  plus  en  plus  nette 
de  l'idée  que  plus  tard  il  devait  pro- 
duire sous  une  formule  tranchée  ;  et 
d'ailleurs  ce  n'est  point  au  profit  et  à 
la  gloire  du  christianisme  qu'il  tra- 
vaillait. Pendant  long-temps  ce  fut  à 
l'islamisme  qu'il  accorda  la  préférence 
sur  la  religion  de  ses  compatriotes 
telle  qu'elle  existait  dans  la  réalité; 
et  lorsque,  mieux  instruit  de  la  théo- 
logie et  de  la  morale  chrétiennes,  il 
sentit  et  proclama  la  beauté  de  cette 
dernière,  il  lui  donna  formellement 
son  adhésion.  Quant  au  reste,  il  écrivit 
que  les  miracles  dont  les  Évangiles 
présentent  l'histoire  sont  controver- 
sables,  et  en  tout  cas  le  cèdent  à  ceux 
que  les  Hindous  racontent  de  leurs 
dieux.  En  un  mot  s'il  fût  devenu 
chrétien,  il  aurait  appartenu  à  quel- 
que secte  d'Unitaires,  et  nous  ne  sa- 
vons pas  même  si  au  socinianisme  il 
n'eût  pas  joint  l'arianisme.  Évidem- 
ment ce  n'est  là  être  chrétien  que  de 
nom.  Cependant,  lorsque  par  l'inter- 
médiaire   de    D'Acosta,  éditeur  du 
Journal    de  Calcutta,  qui,  envoya 
en  18t8  à  l'abbé  Grégoire,  les  publi- 
cations de  l'illustre  brahme,  le  nom 
de  Rammohon-Roé  fut  pour  la  pre- 
mière fois  prononcé  en  France,  on 
voulut  lui  donner  certain  vernis  de 
chrétien.  Mais  probablement  le  libé- 
ralisme qui  l'adoptait  ainsi  savait  ce 
qu'il  faisait,  et  voyait  bien  qu'il  n'y 
avait  là  guère  plus  qu'un  déiste.  Quoi 
qu'il  en  soit,  Rammohon-Roé  pour- 
suivit pendant  plusieurs  années  ses 
publications  qui,  en  ajoutant  à  sa 
réputation,  l'engagèrent   dans    une 
double  série  de  controverses, les  unes 
arec  des  brahmes,  fidèles  champions 


RAM 


299 


de  l'idolâtrie,  les  autres  avec  les  mis- 
sionnaires soit  anglicans,  soit  non- 
conformistes,  qui  s'irritaient  d'en- 
tendre dire  qu'un  livre  quelconque 
non  révélé,  et  rédigé  indépendamment 
de  la  sainte  Écriture,  eût  proclamé 
l'unité  de  Dieu  et  prohibé  l'idolâtrie. 
Aux  premiers  il  opposa  deux  Apolo- 
gies  tendant   à  prouver    le    mono- 
théisme primitif  de  la  religion  hin- 
doue, puis  peu  à  peu,  comme  le  dé- 
bat s'agrandissait  et  embrassait  des 
sujets  nouveaux  ,  un  Essai  sur  les 
moyens  d'arriver  à  la  béatitude  in- 
dépendamment des  observances  brah- 
maniques, puis  deux  Récits  de  confé- 
rences  entre   un  adversaire  et  un 
défenseur   de   l'usage   qui   prescrit 
aux  veuves  de  se  brûler  sur  le  bû- 
cher ou  le  tombeau  de  leur  mari, 
ainsi  que  des   Obsercalions  sur  les 
altérations  oppressives  de  la  femme 
qui  ont  été  successivement    intro- 
duites dans  la  législation  de  l'Inde. 
Quant  aux  missionnaires  anglais,  il 
leur  répondit  par  son  premier  et  son 
second    Appel,  et    surtout  par  sou 
Appel  final  au  public  chrétien  pour  la 
défense  des  préceptes  âe  Jésus.  C'était 
un  habile  résumé  des  doctrines  du 
christianisme,  mais  abstraction  faite 
de  l'histoire  et  du  dogme.  Ce  dépè- 
cement de   l'Évangile  avait  achevé 
d'indisposer  ces  hommes  fort  peu 
édifiés  de  la  prétention  de  l'ex-brahme 
de  trouver  le  monothéisme  ailleurs 
que  dans  les  livres  hébreux  ;  et  un 
des  membres  de  la  mission  avait  at- 
taqué   Rammohon   dans   l'Ami    de 
Vlnde.  De  là  la  polémique  de  ce  der- 
nier contre  l'antagoniste  inattendu  ; 
puis,  quand  r^ppef  eut  lui-même  été 
l'objet  de  censures  assez  amères  de  la 
part  du  docteur  Marsham  de  Seram- 
pour,  les  deux  répliques  suivirent. 
Mais  en  réalité  ce  fut  surtout  contre 
l'intolérance  brahmanique  qu'il  eut 


300 


RAM 


à  lutter.  Vers  1820  il  lui  fut  intenté 
un  procès  très-sérieux  et  dont  le  but 
était  de  le  faire  déclarer  de'chudesa 
caste,  et  comme  tel  de  le  dépouiller 
de  tous  ses  biens.  Heureusement  il 
se  trouva  qu'à  toutes  ses  autres  con- 
naissances il  joignait  celle  delà  ju- 
risprudence à  un  degré  peu  commun, 
et  qu'il  était  abondamment  pourvu 
d'argent.  Toutes  ces  circonstances  ai- 
dant, avec  du  temps  et  des  peines  il 
parvint  à  se  débarrasser  des  chicanes 
qu'on  lui  suscitait.  Il  eut  un  autre 
débat  judiciaire  fort  grave  en  1823 
contre  le  radjah  de  Bordouan,  Téï- 
Tchond,  qui  lui  réclamait  de  fortes 
sommes  comme  indûment  perçues 
ou  non  remises  à  la  caisse  du  souve- 
rain par  Ram-Kanth.  L'origine  de  ce 
procès  était  la  rancune  de  Téi-Tchond, 
qui  attribuait  aux  conseils  de  Ram- 
mohon  -  Roé  l'adresse  et  la  vigueur 
avec  lesquelles  un  petit  fils  de  ce 
dernier  avait  soutenu  auprès  du 
radjah,  après  la  mort  de  son  fils,  les 
droits  de  sa  veuve.  Au  milieu  de 
toutes  ces  luttes,  Rammohon  n'en 
continuait  pas  moins  ses  efforts  pour 
extirper  l'idolâtriede  son  pays.  Il  éta- 
blit à  ses  dépens  à  Calcutta  une  grande 
école  pour  l'éducation  des  enfants, 
et  il  y  vit  venir  uu  nombre  assez  con- 
.sidérable  d'élèves.  Il  acheta  la  pro- 
priété d'un  journal,  le  Kaoumoudi, 
qui  devint  l'antagoniste  de  la  feuille 
brahmanique  la  Tckandrika,  et  qui, 
pendant  son  absence  et  après  sa  mort, 
continua  d'être  rédigé  par  son  fils 
Radhapraçad-Roé.  En  1829,  nous  le 
voyons  devenir  co- propriétaire  du 
journal  anglais  \eBengal-Herald,  et 
à  ce  titre  il  se  trouve  derechef  engage 
dans  un  procès,  mais  par-devant  la 
cour  suprême  du  Bengale.  Le  journal, 
au  reste,  fut  bientôt  lalerrompu.  Peu 
après  Rammohon  en  vint  au  grand 
projet   qu'il  ipéditait  depuis  long- 


RAM 

temps.  En  1830  enfin  tout  était  se- 
rein autour  de  lui,,  tout  lui  permet- 
tait de  s'éloigner  sans  crainte.  Ses  pro- 
cès étaient  finis,  et  finis  à  son  avan- 
tage; son  école  d'enfants  prospérait; 
sesadhérentsdevenaient  tous  les  jours 
plus  nombreux.  De  plus,  c'était  le  mo- 
ment où  lord  William  Bentinck  ve- 
nait d'abolir  la  coutume  des  Sottis 
et  de  déclarer  que  désormais  le  gou- 
vernement anglais  ne  tolérerait  plus 
ces  sacrifices  des  veuves;  et  bien  que 
Rammohon-Roéeût  cru  de  bonne  tacti- 
que autrefois  de  se  prononcer  contre 
l'intervention  de  l'autorité  supé- 
rieure, il  avait  fait  partie  de  la  députa- 
tion  envoyée  pour  féliciter  le  gouver- 
neur à  cette  occasion.  Un  fort  parti  ce- 
pendant s'agitait  encore  afin  d'amener 
la  révocation  de  cet  acte  en  s'adres- 
santau  roi  de  la  Grande-Bretagne.  Les 
abolitionistes  chargèrent  Rainmohon- 
Roé  de  les  représenter,  en  démon- 
trant par  le  fait  qu'il  n'était  pas  vrai 
que  l'ancien  usage  fût  si  unanime- 
ment le  vœu  des  populations.  D'ail- 
leurs le  bill  de  l'Inde  allait  inces- 
samment revenir  aux  deux  chambres  ; 
et,  si  la  présence  d'un  Hindou  a 
Londres  pouvait  être  utile,  qui  mieux 
que  Rammohon -Roé  présentait  les 
conditions  désirables?  Enfin  le  fan- 
tôme d'empereur  deDehIi  le  chargea 
d'une  mission  assez  épineuse  :  il 
s'agissait  d'augmenter  le  chiffre  de 
la  pension  que  lui  payait  la  compa- 
gnie; les  propriétés  affectées  à  l'en- 
tretien de  sa  cour  donnaient,  depuis 
que  la  compagnie  s'était  chargée  de 
les  administrer,  un  revenu  très-su- 
périeur à  ce  qu'elles  produisaient 
jadis,  et  l'indigent  héritier  des  Akbar 
et  lies  Aureng-Zeb,  à  la  vue  de  ces 
bénéfices,  en  réclamait  sinon  la  tota- 
lité, au  moins  une  forte  portion.  En 
équité  il  y  avait  lieu  à  le  faire  profiter 
de  l'amélioration ,  quoique  le  traité 


RAM 


KAM 


301 


pourl'exploitatioudesbieusnepoiiàl 
point  de  clause  formelle  en  ce  sens. 
Mais  ni  le  Bureau  de  contrôle,  ni  sur- 
tout, la  Cour    des   directeurs    n'en 
avaient  ainsi  juge.  L'empereur  ne  dé- 
sespéra point;  et  en  1829  il  imagina, 
cédant  peut-être  au  conseil  de  Ram- 
raohon,  d'en  appeler  à  Georges  IV  en 
son  conseil  et  de  lui  députer  un  ambas- 
sadeur.   Rammohon  lui  -  même  fut 
choisi  et  reçut  à  celte  occasion  le  titre 
de  radjah.Le  gouvernement  de  Calcut- 
ta s'émut  un  peu  de  cette  nouvelle;  et, 
bien  que  Rammolion-Roc  eût  toujours 
été  dans  les  meilleurs  rapports  avec 
la  compagnie,  il  refusa  de  le  recon- 
naître soit  comme  ambassadeur,  soit 
comme  radjah.  Cependant  on  n'en 
vint  pas  au  point  de  l'empêcher  de 
partir;  et  le  15  nov.  1830  il  s'éloigna 
de  Calcutta  sur  le  navire  l'.4/6»on,  ac- 
compagné de  Ram-Roé,  Sun  troisième 
et  dernier  fils,  et  de  deux  domestiques. 
Il  débarqua  à  Liverpool  le  5  avril  sui- 
vant, et  fut  à  Londres  quelques  jours 
après.  Presque  aussitôt  on  le  présenta 
aux  ministres,  qui  reconnurent  son 
double  titre  d'ambassadeur  et  de  rad- 
jah, ce  qui  déplut  assez  à  la  cour  de 
Leidenhall ,  mais  n'empêcha  pas  que 
là  même  il  ne  fût  reçu  avec  honneur 
et  que  les  directeurs  ne  lui  donnassent 
un  dîner  d'apparat  à  City  of  London 
Tavern.  Au  mois  de  sept,  il  fut  pré- 
senté à  la  cour,  et  Guillaumel  V  (Geor- 
ges IV  avait  cessé  de  vivre)  l'accueil- 
lit avec  des  égards  marqués  ;  et  quand 
vint  la  cérémonie  du  couronnement,  le 
savant  Hindou  eut  place  parmi  les 
ambassadeurs.  Mais  déjà  bien  avant 
ce  lemps  il  avait  été  l'objet  d'un  grand 
empressement  dans  nombre  de  cer- 
cles distingués  :  savants,  industriels, 
grands  seigneurs,    tous  le  recher- 
chaient, tous  voulaient  le  voir  et  l'en- 
lendre.ll  y  avait  en  effet  de  quoi  être 
frappé  de    ses    manières   et   de  sa 


conversation.  ISon-seulement  il  par- 
lait l'anglais  en  maître,  en  puriste, 
sans   emphase    et  sans   pédanterie, 
mais  encore  il  semblait  savoir  à  fond 
les  coutumes,  les  modes  anglaises, 
l'industrie,  l'histoire,  ou  du  moins  il 
se  familiarisait  si  vite  avec  ce  qu'il 
ne  savait   pas  que  l'on  ne  pouvait 
s'apercevoir  qu'il  venait  à  peine  de 
l'apprendre.  Avec  les  femmes  il  était 
d'une  politesse  délicate,  où  respirait 
comme   un  parfum  de    métaphores 
orientales  et  qui  partait  du  cœur,  car 
on  sentait  qu'il  avait  pour  le  sexe, 
non  cette  galanterie  banale  qui  n'est 
qu'une  forme  de  l'égoïsme  masculin, 
mais  une  tendre  sympathie  et  une 
vénération    passionnée.   Rammohon 
avait  fait  mieux  que  de  brûler  un 
peu  d'encens  aux  pieds  de  la  beauté, 
il  avait  plaidé  pour  elle,  il  avait  été 
pour  quelque  chose  dans  les  résolu- 
tions qui  arrachaient  les  sutlies  aux 
bûchers,  et  il  avait  travaillé  à  leur 
rendre   les  droits   d'héritage  et  de 
propriété.  L'envie  que  tant  de  per- 
sonnes avaient  de  le  voir  ne  fut  pas 
sans  amener  de  leur  part  des  incon- 
venances; et  Rammohon,  malgré  soa 
extrême  civilité,  malgré  le  vif  désir 
qu'il  manifestait  de  ne  mécontenter 
personne,  en  vint  à  être  parfois  obli- 
gé de  se  cacher,  tant  l'insatiable  cu- 
riosité britannique  était  importune. 
Ce  qui  rendait  sa  position  p'us  em- 
barrassante encore  ,  c'est  que  tout 
en  se  livrant  au  mouvement  de  la 
société  anglaise,  il   portait  une  at- 
tention particulière  à  ne  point  tom- 
ber, par  quelque  acte  ou  par  quelque 
omission,  dans  un  de  ces  cas  qui  ex- 
posent un  brahme  à  perdre  sa  caste, 
et  qui  eussent  entraîné  pour  ses  en- 
fants les  mêmes   dommages  maté- 
riels et  la  même  dégradation  que  pour 
lui.  Cette  préoccupation,  à  laquelle 
se  joignaient  aussi  parfois  des  orai- 


J02 


RAM 


sons  mentales,  donnait  alors  à  sa  ma- 
nière d'être  et  à  sa  parole  quelque 
chose  d'incertain,  de  distrait,  de  di- 
plomatique, qui  contrastait  avec  la 
franchise,  l'abandon  que  plus  fré- 
quemment on  lui  trouvait.  C'était 
aussi  peut-être  un  peu  pour  cela  que, 
lorsqu'il  parlait  et  qu'on  recueillait 
ses  paroles, il  revoyait  ce  qui  avait 
été  écrit  par  les  sténographes  ou  pre- 
neurs de  notes  et  quelquefois  le  mo- 
ditiait,  mais  en  tenant  excessivement 
à  ce  que  nul  autre  n'y  fît  la  moindre 
correction.  Toutefois  il  s'y  mêlait  un 
peu  de  vanité.  JNé  si  loin  de  l'An- 
gleterre et  prétendant  ne  le  céder  à 
personne  en  cette  langue  pour  l'élé- 
gance de  la  syntaxe  et  pour  la  pro- 
priété de  l'expression,  il  eiàt  été  dé- 
solé que  qui  que  ce  fût,  en  mettant  la 
main  à  une  de  ses  phrases,pût  donner 
lieu  à  expliquer  les  qualités  de  son 
style  par  l'intervention  d'un  auxi- 
liaire. La  même  crainte  de  passer 
pour  converti  à  une  des  sectes  chré- 
tiennes fit  qu'il  ne  visita  que  quelque- 
fois les  chapelles  des  Unitaires  pour 
lesquels  cependant  il  est  visible 
qu'il  éprouvait  certain  penchant,  et 
qu'étant  aussi  allé  voir  les  édifices 
religieux  et  les  fêtes  d'autres  sectes, 
il  s'arrangea  pour  que  toutes  ces  ex- 
cursions dussent  être  mises  sur  le 
compte  d'une  curiosité  qui  veut  tout 
connaître  en  passant,  mais  qui  n'ad- 
hère à  rien.  On  le  vit  aussi  plusieurs 
semaines  en  France,  et  plus  d'une  fois 
il  fut  des  convives  de  Louis-Philippe. 
Au  milieu  de  ces  allées  et  venues  pour- 
tant, l'adroit  radjah  n'avait  point  ou- 
blié les  intérêts  qui  l'avaient  déter- 
miné à  voir  l'Europe.  Les  ministres , 
au  moment  de  se  décider  sur  le  sys- 
tème à  suivre  avec  la  compagnie, 
interrogèrent  Rammohon  sur  l'état 
politique,  financier,  religieux  et  moral 
du  pays:  et  les  réponses  du  sage  Hin- 


RAM 

dou  leur  inspirèrent  plus  d'une  fois 
de  l'admiration  par  la  précision  de  la 
pensée,  la  modération  des  vues,  la 
richesse  et  la  justesse  des  renseigne- 
ments. Rammohon  s'y  montra  com- 
plètement impartial  et  homme  prati- 
que :  il  ne  donnaitpointdansdesdécla- 
mations  oiseuses,  futiles,  et  il  dénon- 
çait et  démontrait  des  abus  et  des  fau- 
tes. Ses  paroles  ne  furent  pas  sans  pro- 
fit. Le  succès  fut  encore  plus  complet 
quant  à  la  mission  dont  l'avait  chargé 
son  souverain.  Le  conseil  de  la  cou- 
ronne déclara  solennellement  et  sans 
appel  qu'il  y  avait  lieu  à  revenir  sur 
le  traité  qui,  en  conférant  lesproprié- 
tés  de  ce  prince  à  l'administration  de 
la  compagnie,  lui  allouait  une  pension 
trop  faible,  et  fixa  l'augmentation  à 
30,000  liv.sterlingparan(750,000fr.), 
surlesquels  il  revenait  au  négociateur 
un  préciput  annuel  de  75  à  100,000 fr. 
pour  lui  ou  les  siens.  Mais  Rammohon 
ne  devait  pas  aller  lui-même  porter 
l'heureuse  nouvelle  en  son  pays.  II 
était  à  Bristol  chez  une  riche  mi- 
neure (miss  Castle),  nièce  d'un  M. 
Hare,  auquel  il  avait  été  recom- 
mandé et  qui  l'avait  logé  deux  ans 
chez  lui,  à  Londres,  lorsque  tout  à 
coup  il  fut  forcé  de  s'aliter  le  ï8  sept. 
Il  crut  d'abord  que  ce  serait  une  in- 
disposition passagère,  et  il  refusa  d'ap- 
peler le  médecin.  Mais  dès  le  lende- 
main son  état  donna  des  inquiétudes, 
et  le  27  il  expira  dans  les  bras  d'un 
des  hommes  de  sa  suite.  Il  avait 
recommandé  de  l'enterrer  dans  un 
emplacement  acheté  de  ses  deniers, 
et  sur  lequel  on  bâtirait  une  chau- 
mière où  serait  logé  à  perpétuité 
un  gardien  de  son  tombeau.  Miss 
Castle  remplit  ce  suprême  vœu  de 
son  hôte  en  faisant  don  d'(m  déli- 
cieux petit  taillis  d'ormeaux  près  de 
la  maison  qu'elle  habitait.  Là  fut 
inhumé  le  radjah,  le  16  oct.  1833, 


RâM 


RAM 


303 


sans  cérëmonie  et  en  silence,  au  mi- 
lieu de  spectateurs  d'élite  de  l'un  et 
de  l'autre  sexe.  11  existe  de  Ram- 
mohon  plusieurs  portraits.  Le  plus 
beau  est  celui  de  Briggs  :  il  est  eu 
pied  et  d'une  admirable  ressemblance. 
Newton  en  a  fait  un  en  miniature,  et 
son  buste  a  été  exécuté  par  Clarke. 
Nous  avons  dit  qu'il  avait  été  fort 
bien  de  sa  personne.  Il  en  otfrait 
encore  des  vestiges  dans  l'âge  mûr: 
son  visage  viril  et  ouvert  avait  une 
belle  et  sympathique  expression  ;  ses 
yeux  noirs  et  animés,  son  nez  élé- 
gamment recourbé,  l'ensemble  de  ses 
traits  respirait  en  même  temps  la  dis- 
tinction et  la  bonté  ;  son  front  haut  et 
large  promettait  ce  que  tenait  son  cer- 
veau :  seulement  l'âge  avait  courbé  sa 
haute  stature  de  5  pieds  9  pouces,  et 
il  avait  pris  un  peu  de  ventre.  Nul 
doute  qu'on  ne  doive  ranger  parmi  les 
hommes  de  bien  celui  qu'on  ne  voit 
tremper  dans  aucune  intrigue,  dans 
aucun  complot,  soit  contre  lesanciens, 
soit  contre  les  nouveaux  maîtres  de 
son  pays,  que  l'intérêt  d'ambition  et 
d'argent  ne  guide  jamais  et  qui  même 
brave,  pour  être  utile,  les  mépris  et 
les  dangers,  qui  consacre  sou  talent 
et  sa  fortune  à  éclairer  ses  compa- 
triotes, à  faire  sentir  la  barbarie  et 
la  brutalité  de  la  polygamie,  à  sauver 
de  la  mort  les  victimes  qu'y  dévouent 
les  préjugés,  à  ne  pas  laisser  le  sexe 
faible  nécessairement  en  proie  à  la 
misère  et  à  l'incapacité  civile ,  qui 
sans  se  ranger  du  côté  de  ceux  qui 
ne  voient  dans  la  domination  an- 
glaise aux  Indes  que  dol,  pillage  et 
oppression,  et  reconnaissant,  au  con- 
traire, les  services  comme  la  supério- 
rité lie  l'Européen,  essaie  pourtant 
et  réussit  à  diminuer  quelques  abus, 
à  poser  l'appareil  sur  quelques  plaies. 
On  ne  saurait  non  plus  révoquer  en 
doute  l'adresse  et  l'expérience  de 


Rammohon  en  affaires;  et  l'heureux 
résultat  de  ses  réclamations  en  fa- 
veur de    l'ex- monarque   de    Dehli, 
le  succès  de  ses  précautions  pour 
éviter  de  perdre  sa  caste,  décèlent 
un  esprit  aussi  délié  que  hardi.  Com- 
me théologien  et  philosophe,  comme 
controversiste  et  comme  penseur,  il 
mérite  aussi  un  rang.  Que  nul  de  ses 
compatriotes  et  contemporains  n*ait 
connu  mieux  que  lui  les  Védas  et 
leurs  commentaires,  et  qu'indubita- 
blement il  ait  rendu  service  k  l'Eu- 
rope en  en  donnant ,  en  en  ana- 
lysant des  morceaux,  rien  de  plus 
clair,  et  ce  serait  un   grand  éloge 
pour  tout  autre,  mais  pour  lui  c'est 
peu.  Il  appréciait  ces  livres  sacrés  de 
l'Inde;  et,  par  cela  même  qu'il  en  pé- 
nétrait l'ensemble ,  il  en  démêlait 
l'esprit  et  le  but.  Ce  n'est  point  en 
obéissant  à  de  vaines  imaginations,  en 
se  livrant  à  de  capricieuses  hypothè- 
ses qu'il  essaya  de  montrer  le  mono- 
théisme dans  les  Védas  :  il  y  est  en 
effet  dans  certaines  portions  de  ce 
grand  recueil.  Mais  y  est-il  partout? 
C'est   là  une  ^haute   question  qu'il 
eût  dû  se  poser  et  qui  eût  pu  l'ame- 
ner à  entrevoir,  comme  la  critique 
européenne  l'a  entrevu ,  qu'il  y  a 
dans  les  Védas  deux  zones  distinctes 
de  pensées,  soit  philosophiques,  soit 
religieuses,  et  que  si  le  monothéisme 
se  trouve  dans  l'une,  le  polythéisme 
est  un  des  traits  essentiels  de  l'au- 
tre. Une  autre  voie  peut-être  pour 
arriver  à  la  solution  qu'il  chéris- 
sait, c'était  de  poser   en   principe 
que  primitivement  chaque  localité  Ue 
l'Inde  avait  son  dieu  particulier,  mais 
un  dieu  unique,  l'une,  par  exemple. 
Si  va,  ou  Vichnou,  ou  Brahuià,  l'au- 
tre Bhavani,  l'autre  Ganeja,  etc., 
mais  qu'après  de  longues  et  inutiles 
luttes,  il  y  avait  eu  concordat  et  fu- 
sion des  déités  principales,  d'où  la 


304 


RAM 


Trimolirti  et  celte  foule  de  dieux  se- 
condaires qui  s'échelonnent  du  haut 
en  bas  du  Panthéon  hindou.  Mais 
cette  façon  de  concevoir  la  multi- 
plicité des  divinités  de  l'Inde,  Rain- 
raohon  ne  l'a  point  eue  :  il  a  la 
science  des  textes,  il  les  comprend 
et  les  combine,  il  est  plein  de  péné- 
tration, mais  il  n'est  pas  de  longue 
main  rompu  à  la  critique  historique. 
H  reprend  ses  avantages  quand  il  ne 
s'agit  que  de  procéder  par  raisonne- 
ments, et  son  Dernier  Appel  est  un 
beau  morceau  de  logique  et  d'élo- 
quence. On  pourrait  dire  qu'il  ne 
cessait  de  se  perfectionner,  que,  par- 
lant de  l'autorité,  mais  avec  le  senti- 
ment que  souvent  on  a  mal  compris 
et  mal  interprété  les  paroles  de  l'au- 
torité, peu  à  peu,  tout  en  n'ayant 
d'abord  voulu,  par  le  raisonnement, 
que  dégager  des  nuages  qui  l'en- 
veloppent la  vraie  pensée  révélée 
d'en  haut,  il  en  vint  à  raisonner  in- 
dépendamment de  cette  pensée.  Cette 
marche  peut  être  blâmée,  mais  elle 
n'en  est  pas  moins  l'indice  d'un  esprit 
au-dessus  de  l'ordinaire,  et  l'on  doit 
reconnaître  qu'elle  est  conforme  à  la 
marche  de  l'esprit  européen.  Quant  à 
ceux  qui,  au  lieu  de  trouver  à  redire 
à  la  hardiesse  de  Rammohori,  seraient 
tentés  de  lui  reprocher  sa  timidité, 
qu'ils  veuillent  bien  réfléchir  que  s'il 
se  fût  posé  de  prime  abord  en  ennemi, 
en  incrédule  relativement  au  prin- 
cipe fondamental  et  à  l'ensemble  de 
la  religion  hindoue,  le  brahme  apos- 
tat n'eût  eu  aucune  chance  d'agir 
sur  l'esprit  de  ses  compatriotes.  Évi- 
demment l'exagération,  les  extrê- 
mes n'étaient  point  dans  le  carac- 
tère de  Rammohon.  C'était  l'homme 
des  réalités,  l'homme  des  tempéra- 
ments. Il  y  avait  de  l'homme  d'État 
en  lui.  Il  flotte  en  quelque  sorte  sur 
la  lisière  de  l'Inde  asiatique  et  mu- 


RAM 

sulmane  et  de  l'Inde  européiforme  et 
chrétienne  :  il  n'a  pas  rompu  avec 
les  siens;  il  ne  répudie  pas  la  let- 
tre de  leurs  livres  saints,  mais,  sous 
cetfe  lettre ,  il  voit  un  esprit  qui 
est  celui  d'un  autre  culte,  d'une  au- 
tre civilisation;  il  croit  que  l'Inde  a 
beaucoup  à  recevoir  de  l'Europe,  il 
s'étonne  que  des  esprits  d'élite  en 
Europe  se  préoccupent  tant  et  du 
sanskrit  et  des  doctrines  formulées 
en  cette  langue,  quand  depuis  long- 
temps elles  ont  été  dépassées  par 
celles  de  leur  pays.  Et  pourtant  il 
était  linguiste  habile!  A  ce  titre  seul 
il  eut  dû  comprendre  cette  passion 
des  indianistes  européens.  Quoi  qu'il 
en  soit,  par  le  fait  de  cette  physiono- 
mie en  même  temps  orientale  et  occi- 
dentale, Rammohon  est  jusqu'ici  un 
homme  à  part.  Que  si  on  l'accuse 
d'avoir  été  déserteur  de  la  cause  de 
son  pays,  de  s'être  laissé  prendre  aux 
fausses  lueurs  d'une  civilisation  su- 
perficielle et  funeste,  d'avoir  sacrifié 
à  un  libéralisme  étroit  et  hors  de  place 
en  voulant  modifier  la  religion  de  ses 
pères  et  en  abolissant  des  usages  en 
quelque  sorte  sacrés,  nous  ne  répon- 
drons pas  à  ces  accusations  qu'on  peut 
apprécier  d'après  ce  qui  précède.  Les 
ouvrages  de  Rammohon-Roé  se  divi- 
sent en  deux  masses,  l'une  où,  com- 
battant l'idolâtrie  hindoue ,  il  veut  y 
substituer  de  par  les  Védas  le  culte 
d'un  Dieu  unique  et  où  il  plaide  en 
faveur  des  sutties  et  des  droits  de  la 
femme  à  hériter,  l'autre  où  il  porte 
soit  l'examen ,  soit  la  polémique  sur 
le  christianisme.  La  première  masse 
comprend  les  brochures  ou  petits 
écrits  qui  suivent  :  1°  Traduction  du 
Kéna  Oupanichad^  etc.  (A  trans- 
lation of...  ),  constatant  l'unité  et  la 
toute -puissance  de  l'Être -suprême 
(Calcutta,  1816  et  1823,  in-8");  2" 
Traduction  d'un  abrégé  du  Védanta, 


RAM 

qui  «établit  l'unité  de  l'Être-supr^nie 
et  le  prosente  comme  seul  objet  d'a- 
doration, etc.  (Calcutta,  1816,  in  8°); 
3°  Traduction  de  l'ichopanichad,  un 
des  chap.  de  riadjour-Véda,contenant 
l'unité  et  l'iucompréhensibilité  de 
l'Étre-suprême  (Calcutta,!  8 1 6,  in-8»); 
<•  Traduction  du  Moundoukoupani- 
chad,  un  des  chap.  de  l'Atharva-Ve'da 
(Calcutta,  1819,  in-8°);  5°  Trad.  du 
Kathopanichad,  tiré  aussi  de  l'iad- 
jour-Véda  (Calcutta,  1819,  in-8°)  ; 
6°  (mais  ici  nous  commençons  une 
autre  série  d'indications  )  Défense  du 
théisme  hindou  en  réponse  à  l'atta- 
que d'un  défenseur  de  l'idolâtrie  Ain- 
doue  à  Madras,  Calcutta,  1807,  in-8°; 
7°  Seconde  défense  du  système  mono- 
théiste des  Védas,  en  réponse  à  l'a- 
pologie de  l'état  présent  du  culte  hin- 
dou, Calcutta,  1817,  in-8";  8»  Oupa- 
nichats  {ou  commentaires)  sur  le 
Sania-Véda  (en  sanskrit,  mais  en  ca- 
ractères bengalis) ,  Calcutta,  1818; 
9"  Oupanichats  (ou  commentaires) 
sur  l'Iadjour-Véda  (de  même  en  sans- 
krit ,  mais  en  caractères  bengalis) , 
Calcutta,  1818;  10°  Traduction  d'un 
Traité  sanskrit  sur  le  culte  à  rendre 
à  l' Être-suprême,  au  moyen  de  la 
Gaiatri:  \\°  Apologie  de  cette  thèse 
qu'on  peut  tendre  à  la  béatitude 
finale  (Apology  for  the  pursuit  of 
final  béatitude  )  indépendamment 
des  observances  brahmaniques,  Cal- 
cutta, 1820-,  12"  Traduction  d'une 
conférence  entre  un  adversaire  et  un 
défenseur  de  la  coutume  de  brûler  les 
veuves  hindoues,  Calcutta,  in-8o  ; 
13"  Seconde  conférence  entre  un  ad- 
versaire, etc.,  Calcutta,  1829;  U°  Re- 
marques succinctes  (Brief  Remarks) 
concernant  les  modernes  empiéte- 
ments sur  les  anciens  droits  des  fa- 
milles ,  d'après  la  loi  hindoue  des 
héritages,  Calcutta,  1822,  in-8°.  In- 
dépendamment de  la  traduction  par- 

LWVIII. 


RAM 


305 


tielle  faite  de  qaelques-uns  d'entre 
eux,  presque  tous  ces  opuscules,  à 
l'exception  des  8*  et  9^  qui  sont  en 
sanskrit  seulement,  ont  été  réimpri- 
més, réunis  en  un  volume,  sous  le 
titre  de  Traduction  des  principaux 
livres,  passages  et  textes  des  Védas  et 
de  quelques  ouvrages  de  controverse 
sur  la  théologie  brahmanique,  Lod  • 
dres,  1832  (Harbury,  Allen  et  C«), 
et  sous  les  yeux  de  Rammohon  lui- 
même.  Tous  sont  écrits  en  anglais, 
et  quelques-uiis,  on  l'a  vu,  sont  ac- 
compagnés de  textes  en  d'autres  lan- 
gues. Le  caractère  dominant  de  cette, 
première  série  de  travaux,  c'est  l'ap- 
pel à  l'autorité  pour  combattre  ce 
qui  a  vogue  au  nom  et  à  l'ombre  de 
l'autorité  :  il  cite  des  textes  de  livres 
saints  selon  l'hindou,  et  il  cite  des 
commentaires  prévue  aussi  célèbres, 
presque  aussi  infaillibles  que  ces  li- 
vres mêmes.  Les  deux  noms  les  plus 
illustres  sur  lesquels  il  s'appuie  ainsi 
sont,  l'un  Chankarâtcharia  pour  la 
théologie,  l'autre  Djanavalkia  pour 
la  jurisprudence,  si  Ton  peut  em- 
ployer ce  nom  pour  une  science  qui 
ne  semble  qu'une  branche  de  la  théu  - 
logie.  Le  traité  sur  laGaiatri  présente 
ceci  de  remarquable  que,  suivant  l'au- 
teur traduit  par  Rammohou,  le  soleil 
auquel  s'adressent  ceux  qui  chantent 
cet  hymne  est  le  soleil  intellectuel, 
c'est  l'Être- suprême  dont  le  soleil 
n'est  autre  chose  que  l'emblème.  L'in- 
terprétation est  fort  sujette  à  contes- 
tation certes,  mais  on  doit  en  tenir 
note,  et  à  ce  propos  on  peut  penser 
aussi  à  l'identification,  formellement 
prononcée  plus  d'une  fois  dans  le 
Zendavesta,  de  Mithra  et  d'Ormouzd. 
Les  relations  des  conférences  entre 
l'adversaire  et  le  champion  de  la  con- 
crémation  et  postorémation  des  veu- 
ves (tels  sont  les  ternies  employés  par 
Rammohon)  sont  curieuses,  non-seu- 
20 


306 


RAM 


lement  par  divers  détails  de  mœurs, 
par  des  textes ,  par  des  données 
sur  la  cause  et  l'origine  de  cet  usage, 
mais  aussi  parce  que  l'on  peut  y  pui- 
ser une  idée  de  la  forme  des  argumen- 
tations usitées  dans  l'Inde.  —  La 
deuxième  masse  des  travaux  de  Ram- 
mohon  se  compose  de  bien  moins 
d'ouvrages,  car  le  tout  se  borne  aux 
quatre  que  nous  avons  déjà  nommés  : 
1"  les  Préceptes  de  Jésus  pour  con- 
duire à  la  paix  et  au  bonheur^  ex- 
traits des  livres  du  Nouveau-Testa- 
ment, attribués  aux  quatre  évangé- 
listes  (avec  traduction  en  sanskrit 
et  en  bengali),  Calcutta,  1820,  in-S"-, 
i'^V  Appel  aupublic  chrétien  en  défense 
des  préceptes  de  Jésus,  par  un  ami  de 
la  vérité,  Calcutta,  1820;  3"  le  Se- 
cond Appela  etc.,  Calcutta,  1822;  4°  le 
Dermer  i[ppei(FinalAppeal),etc.,  Cal- 
cutta, 1823.  Mais  ce  dernier  ouvrage 
est  fort  long  relativement  aux  autres 
(il  a  près  de  quatre  cents  pages,  tan- 
dis que  ceux-là  n'en  atteignent  jamais 
cent,  et  souvent  se  réduisent  à  trois 
ou  quatre  feuilles);  et  si  l'auteur  est 
loin  d'emporter  la  conviction  quand  il 
prétend  démontrer  que  le  christia- 
nisme a  cessé  d'être  monothéiste  en 
admettant  la  Trinité,  et  que  la  Trinité 
ne  fut  point  un  dogme  connu  au  temps 
des  apôtres,  il  est  du  moins  très-cu- 
rieux de  voir  un  brahme  citant  aux 
docteurs  du  christianisme  des  textes 
hébreux  et  grecs,  les  commentant,  les 
discutant,  et  ne  les  maniant  même 
pas  avec  la  maladresse  qu'on  s'attend 
à  trouver  chez  le  sauvage  habitué  à 
l'arc  et  aux  flèches,  quand  pour  la 
première  fois  on  lui  met  une  arque- 
buse dans  les  mains.         P — ot. 

IlAlWOi\l)  de  Carbonnières 
(Louis-François  Elisabeth,  baron 
de),  l'un  des  loiulnteurs  de  la  géo- 
logie en  France,  naquit  le  i  janvier 
1755  à  Strasbourg,  où  son  père,  ori- 


RAM 

ginaire  du  Quercy,  et  marié  à  une  Al- 
lemande, était  trésorier  de  l'extraor- 
dinaire des  guerres.  Ramond  de  Car- 
bonnières y  fît  non -seulement  ses 
premières  études ,  mais  aussi  celles 
qui  devaient  lui  ouvrir  une  carrière. 
Se  proposant  de  suivre  le  barreau, 
c'est  au  droit  qu'il  se  livra  de  pré- 
férence, mais  en  associant  à  l'étude 
des  lois  et  coutumes  positives  celle 
des  principes,  et  à  l'étude  du  droit 
civil  des  notions  assez  étendues  du 
droit  des  gens  et  de  la  diplomatie. 
Nulle  ville  en  France  autant  que  Stras- 
bourg ne  présentait  de  facilités  à  cet 
effet,  car  nulle  ville  alors  en  France 
n'était  aussi  remarquable  par  la  va- 
riété, la  profondeur  de  l'enseigne- 
ment; et  de  plus  le  célèbre  professeur 
Schœpflin  yattirait  de  tous  les  côtés  de 
l'Europe  les  jeunesgensdes  plus  gran- 
des familles.  Ramond  eut  là  pour  ca- 
marades plusieurs  des  hommes  qui, 
vingtansplustard,  comme  politiques, 
comme  hommes  d'État,  firent  le  des- 
tin de  l'Europe.  Ce  n'est  pas  tout  ; 
agile,  ingambe,  doué  d'un  œil  perçant 
et  d'un  esprit  observateur,  il  aimait 
passionnément  à  parcourir  lesmonls, 
la  plaine,  herborisant,  ramassant  les 
spaths  et  les  quartz.  A  22  ans  il  savait 
la  minéralogie,  la  botanique,  en  un  mot 
il  possédait  toutes  les  branches  de 
l'histoire  naturelle,  et  de  plus  la 
physique  à  peu  près  aussi  bien  que 
le  droit  romain  et  la  jurisprudence 
française.  Il  lui  eût  été  presque  aussi 
aisé  de  se  faire  recevoir  niédecin  que 
d'être  inscrit  au  tableau  des  avo- 
cats du  conseil  supérieur  d'Alsace. 
Il  sentait  en  poète  et  il  écrivait  en 
littérateur;  et,  rare  mérite  chez  ceux 
dont  la  jeunesse  se  préoccupe  du  lan- 
gage ou  sent  vibrer  en  soi  la  fibre 
poétique,  il  savait  penser.  Cependant 
les  causes  ne  vinrent  point  le  trouver 
dès  qu'il  eut  le  droit  de  ploider  ;  ef  il 


RAM 

eut  tout  le  temps  de  se  livrer  à  ses  in- 
spirations littéraires.  Delà  sondrame 
anonyme,  la  Guerre  d'Alsace,  publié 
en  1780.  Aujourd'hui  que  les  théo- 
ries classiques  ont  été  en  fait 
abandonnées  par  ceux  mêmes  qui 
feignent  de  les  défendre  encore,  mais 
qui  les  ont  tant  modi6ées,  tant  adou- 
cies qu'elles  ont  cessé  d'être  elles- 
mêmes,  ce  drame  pourrait  sembler 
la  première  tentative  de  tragédie 
romantique  en  France.  Ce  n'est 
pas  tout  :  l'introduction  ou  avant- 
scène  que  l'auteur  avait  placée  en 
tête  du  livre  était  un  fort  beau  mor- 
ceau d'histoire  pour  le  temps.  Aussi 
la  Guerre  d'Alsace,  si  elle  n'eut 
point  de  retentissement  en  France, 
fut-elle  comprise  et  appréciée  en  Al- 
lemagne ,  où  l'on  s'empressa  de  la 
traduire.  L'année  suivante, encouragé 
par  ce  demi-succès, Ramond  fit  paraî- 
tre sa  traduction  des  Lettres  deCoxe 
mr  la  Suisse,  traduction  qui  sortait 
complètement  de  l'ornière  en  ce  que 
le  traducteur  ajoutait,  dans  des  notes 
fort  développées,  ses  observations 
propres  sur  les  sites,  sur  les  terrains, 
sur  les  mœurs,  sur  l'état  politique, 
et  qu'il  parlait  de  tous  ces  objets 
en  observateur,  en  appréciateur  con- 
sommé. Avant  de  se  mettre  à  franci- 
ser les  lettres  anglaises  sur  la  Suisse, 
il  avait  voulu  voir  la  Suisse  :  familier 
depuis  des  années  avec  les  Vosges 
qu'il  avait  visitées  dès  l'adolescence, 
explorées  à  satiété  pendant  sa  jeu- 
nesse, il  était  allé, en  1777,  chercher 
dans  les  Cantons  des  aliments  à  cette 
lièvre  de  curiosité  qui  le  dévorait;  et 
habitué  par  des  études  presque  en- 
cyclopédiques à  des  notions  d'espèces 
très -diverses,  il  avait  saisi  avec  le 
même  bonheur  ce  pittoresque  dont 
s'inspirent  les  artistes,  ces  détails 
de  structure  qui  frappent  le  géolo- 
gue, ces  coutumes,  ces  caractères 


RAM 


107 


qu'enregistre  le  peintre  des  mœurs, 
ces  particularités  de  gouvernements 
qui  offrent  tant  à  méditer  au  politi- 
que. Il  y  avait  entre  Coxe  et  son  tra- 
ducteur toute  la  distance  qui  sépare 
un  touriste  d'un  voyageur.  Coxe  le 
sentitsanssel'avouer^et,  en  véritable 
fils  d'Albion,  il  en  conçut  de  la  ran- 
cune contre  l'interprète  devenu  son 
rival,  d'autant  plus  qu'un  de  ses  com- 
patriotes s'était  avisé  de  retraduire 
en  anglais  la  malencontreuse  traduc- 
tion française,  et  cette  mauvaise 
humeur  perce  plus  d'une  fois  dans 
la  2«  édition  anglaise  de  l'ouvra- 
ge. On  conçoit  que  si  l'allure  vive 
et  incisive  de  Ramond,  sa  hardiesse 
de  jugements,  sa  netteté  de  pensées, 
sa  vigueur  de  style  avaient  plu  à 
Londres  bien  autrement  que  la  roi- 
deur  un  peu  morne,  un  peu  stagnante 
du  gentleman,  à  bien  plus  forte  rai- 
son en  fut-il  ainsi  à  Paris.  Nous 
accorderons  du  reste  qu'un  peu  de 
recommandation  venue  de  haut  lieu 
facilita  ce  succès,  et  que  si  Ramond 
avait  du  talent,  il  eut  aussi  du  bon- 
heur. On  savait  que  Voltaire,"  âgé  de 
83  ans  et  de  83  maladies,*  l'avait  reçu 
à  Ferney  et  s'était  plu  à  lui  montrer 
tout  ce  qu'il  avait  fait  pour  sa  colo- 
nie. Plusieurs  des  meilleures  maisons 
de  Paris  lui  furent  ouvertes  dès  qu'il 
se  montra  dans  cette  ville,  entre  au- 
tres l'hôtel  de  La  Rochefoucauld,  qu 
à  cette  époque  était  comme  le  quar- 
tier-général de  la  philosophie  et  des 
lettres  ;  l'originalité  spirituelle  de 
sa  conversation  fit  le  reste,et  quelque 
temps  il  fut  ce  qu'on  appellerait  au- 
jourd'hui à  la  mode.  C'était  de  l'ori- 
ginalité civilisée  :  il  avait  de  la  sail- 
lie et  tout  le  poli  du  monde;  il  lui 
échappait  de  l'inattendu  et  il  était 
toujours  correct.  Il  se  plaisait  beau- 
coup d'ailleurs  parmi  ces  hommes, 
l'élite  de  la  France  par  ItfS  manières 
20. 


30g 


RAM 


et  par  l'esprit,  et  ce  plaisir  qu'il  ne 
dissimulait   point   l'aidait  à  plaire 
lui-même.    La    duchesse    d'Anville 
le  traitait  comme  son  enfant.  Males- 
herhes    l'honora    de    son    amitié. 
Le  fameux  cardinal  de  Rohan,  obéis- 
sant peut-être  plus  à  la  vogue  dont 
Ramond  était  l'objet  qu'cà  un  véri- 
table sentiment  de  son  mérite,  affecta 
(le  se  charger  de  la  fortune  d'un  lils 
(le  l'Alsace  qui  s'annonçait  si  bril- 
lamment, et  l'attacha  comme  conseil- 
ler de  régence  à  la  petite  cour  qu'il 
tenait  à  Saverne.Bientôt  même,  subis- 
sant comme  ses  entours  l'ascendant 
que  l'amabilité  réunie  à  l'esprit  et  au 
talent  exerce  toujours,  surtout  au 
milieu  d'un  cercle  borné,  il  ne  put 
se  passer,  de  son  nouveau  conseiller, 
qui  devint  ainsi  un  de  ses  familiers. 
Ramond  y  perdit  peut-être  plus  qu'il 
n'y  gagna,  ou  du  moins  il  rendit  à  son 
protecteur  plus  qu'il  n'en  reçut.  On 
sait  à  quel  point  le  crédule  cardinal 
s'était  laissé  prendre  au  merveilleux 
dont  avait  réussi  à  s'entourer  Ca- 
gliostro.  Plein  de  confiance  depuis 
long-temps  dans  les  hyperboliques 
promesses  du  charlatan,  c'est  prin- 
cipalement par  Ramond  que,  lorsqu'il 
n'était  point  lui-même  à  Paris,  où 
Balsamo  s'était  rendu  au  sortir  de 
Strasbourg,il  communiquait  avec  l'a- 
droit opérateur.  Non-seulement  Ra- 
mond était  chargé  de  l'active  corres- 
pondance que  le  prince  de  l'Église 
entretenait  avec  celui  qui  exploitait 
si  lucrativement  ses  faiblesses,  mais 
plus  d'une  fois  il  le  lui  de'puta  tantôt 
à  Strasbourg,  tantôt  à  Lyon,  à  hîiU:; 
il  fallut  même  que  le  docile  conseil- 
ler secondât  les  opérations  du  thau- 
maturge et  devînt  comme  son  garçon 
de  laboratoire.  On  ne  peut  s'arrêter 
un  moment  à  la  pensée  que  Ramond 
lût  de  moitié  avec  le  misérable  fils  du 
cabaretier  de  Palerme  pour  aider  à  la 


RAM 

spoliation  de  son  maître.  Est-ce  donc 
il  dire  qu'il  donnait  dans  les  visions 
de  la  (iémonologie  et  de  l'alchimie? 
Nous  ne  le  pensons  pas;  mais  d'une 
part  il  nous  semble  que  né  si  près 
de  l'Allemagne,  d'une  mère  allemande 
et  en  quelque  sorte  sous  la  pression 
de  l'atmosphère  germanique,  il  pou- 
vait encore  y  avoir  chez  lui  à  cet 
âge  assez  de  vague  instinct  de  mys- 
ticisme pour  qu'il  fût  non  point  un 
adepte,  mais  un  curieux  des  scien- 
ces occultes.  D'un  autre  côté,  il  est 
probable  que,  sans  croire  Cagliostro 
en  possession  de  la  pierre  philoso- 
phale,  il  pouvait  le  présumer  déten- 
teur de  quelques  secrets  chimiques, 
de  quelques  recettes  orientales  ou 
autres,  qui  n'eussent  pas  été  sans  in- 
térêt pour  la  science.  Sans  doute  aussi 
il  pénétra  plusieurs  de  ses  ruses  et  il 
tenta  d'eu  pénétrer  d'autres,  résolu 
de  les  mettre  sous  les  yeux  du  cardi- 
nal, quand  l'instant  serait  propice 
pour  des   révélations  qui  devaient 
froisser  la  vaniié  du  mystifié.  Mais 
probablement  aussi ,  tout  en  discer- 
nant assez  pour   n'être  pas    dupe 
d'illusions  grossières,   il  ne  se  dé- 
fendit point  suffisamment    de  tout 
prestige  en  ces  premiers  moments. Il 
crut  encore  Cagliostro  plus  habile  et 
moins  ignare  qu'il  ne  l'était  ;  et  ce  ne 
fut  qu'à  la  longue  et  repassant  en  sa 
mémoire   les  circonstances  de  tout 
ce   dont  il    avait  été   témoin,  qu'il 
apprt>cia  l'aventurier  ce  qu'il  valait. 
Ces  relations  duraient  encore  quand 
survint  la  trop  éclatante  aventure  du 
collier  (1785).  Ramond,  dans  les  tris- 
tes conjonctures  que    l'imprudence 
du  cardinal  avait  accumulées  autour 
de  lui,   montra  lUi  dévouement  qui 
n'était  pas  sans  courage,  et  fit  preuve 
de  présence  d'esprit  autant  que  d'a- 
dresse. Ayant  trouvé  moyen  de  com- 
muniquvr  avec  son  patron  deux  heu- 


RAM 

res  après  l'arrestation  de  wlai-ci,  eu 
dépit  de  sa  garde,  il  reçut  des  indi- 
cations sur  le  lieu  qui  renfermait  ses 
papiers  secrets  cl  deiruisit   rapide- 
ment tout  ce  qui  aurait  pu  embarras- 
ser ou  compliquer  sa  cause.  Il  par- 
vint ensuite,  malgré  une  lettre  de  ca- 
chet lancée  contre  lui  afin  de  para- 
lyser ses  démarches,  à  se  rendre  en 
Angleterre,  où  l'on  présumait  qu'a- 
vaient passé  les  diamants;  à  force  de 
recherches  et  de  sagacité,  aidé  qu'il 
était  par  une  parfaite  connaissance  de 
l'anglais,  il  constata  pleinement  ce 
qui  n'avait  été  que  l'objet  des  soup- 
çons, la  translation  et  la  vente  des 
magnifiques  débris   au  delà    de    la 
Manche  -,  il  établit  comment  et  par 
qui  avaient  été  vendus  les  joyaux  •,  en 
un  mot,  il  réunit  les  éléments  capi- 
tauxde  l'apologie  du  cardinal.  De  re- 
tour en  France,  il  osa,  malgré  le  se- 
cret rigoureux  auquel  était  condamné 
le  prélat,  s'introduire  à  la  Bastille  au- 
près de  lui,  à  l'insu  du  gouverneur. 
Cette  intrépidité,  ce  sang-froid,  qui 
faisaient  contraste  avec  la  circon- 
spection de  plus  d'un  parent  du  pri- 
sonnier, contribuèrent  puissamment 
au  seul  résultat  heureux  qui  fût  en- 
core possible,  après  la  fatale  publici- 
té donnée  sans  besoin  à  des  débats 
qu'il  eût  été  utile  et  facile  d'étouffer, 
tout  en  punissant  les  imprudents  et 
les  fripons.  Ramond  ne  pouvait  faire 
que  son  maître  échappât  au  ridicule 
si  mortel  en  France,  mais  au  moins 
le  nom  du  prince  ne  fut-il  pas  couvert 
d'une  flétrissure  imméritée;  et  l'arrêt 
du  parlement,  en  le  <léclarant  pur  de 
fraude,  contraignit  la  cour  de  chan- 
ger en  simple  exil  une  détention  qui 
eût  pu  être  perpétuelle.  L'abbaye  de 
la  Chaise-Dieu  dans  les  montagnes 
du  Vêlai,  et  plus  tard  celle  de  Mar- 
moutier  près  de  Tours,  furent  sncces- 
siveuieiil  les  séjours  du  prélat  disgra- 


RAM 


309 


tic.  Le  premier  surtout  était  pénible 
pour  un  houmie  habitué  aux  raffine- 
ments du  grand  luxe.  Ramond  l'y 
suivit  pour  adoucir  sa  solitude,  et  y 
resta  les  quatre  années  que  l'ex-au- 
mônier  dt;  la  reine  fut  forcé  d'y  pas- 
ser. Il  ne  se  sépara  de  lui  que  lorsque 
enfin  il  fut  permis  au  banni  d'habi- 
ter un  ciel  plus  doux,  de  respirer 
plus  près  des  centres  de  civilisation 
(1787)  :  il  é'ait  alors  moins  néces- 
saire. Depuis  long-temps  Ramond  dé- 
sirait comparer  les  Pyrénées  avec  les 
Alpes  et  les  autres  montagnes  qu'il 
avait  visitées.  Il  se  rendit  sur  cette 
frontière  méridionale  de  la  France,  et 
ce  fut  après  plusieurs  semaines  em- 
ployées à  examiner  les  monts  eux- 
mêmes,  et  les  habitants  de  ces  con- 
trées, qu'il  vint  rejoindre  son  maî- 
tre dans  la  Touraine  et  mettre  en  or- 
dre les  éléments  qu'il  avait  recueil- 
lis pendant  cette  excursion  (1788). 
Ce  nouvel  ouvrage  parut  en  1789. 
Mais  déjà  les  pacifiques  recherches  de 
la  science,  les  distractions  de  la  lit- 
térature étaient  en  baisse,  et  l'ardente 
politique  envahissait  tout.  Au  milieu 
des  embarras  qui  dès  avant  l'ouver- 
ture des  États-Généraux    environ- 
naient Louis  XVI  et  sa  cour,  le  car- 
dinal s'était  trouvé  libre  comme  par 
enchantement,  et  il  avait  reparu  à 
Versailles  comme  député  du  clergé  de 
son  diocèse.  Ramond,  de  son  cûlé,  s'é- 
tait établi  à  Paris  où  il  suivait  de  plus 
près  les  événements;  et,  bien  que  n'ap- 
partenant point  à  l'Assemblée  consti- 
tuante, il  avait  quelque  influence,  car 
partoutsavivacitéd'élocution, sa  net- 
teté de  pensées  le  désignèrent  à  l'at- 
tention de  tout  ce  (|ui  l'entendait,  et 
tendaient  à  faire  de  lui  un  homme 
considérable.  Il  n'eut  donc  pas  beau- 
coup de  peine  à  se  faire  élire  membre 
de  l'Assemblée  législative,  et  on  pou- 
vait deviner  où  il  siégerait.  Dcbccu- 


310 


RAM 


dant  parson  père  d'une  de  ces  famil- 
les que  l'intole'rance  religieuse  avait 
forcées  de  quitter  le  midi  pour    le 
nord-est  de  la  France,    originaire 
par  sa  mère  de  ce  Palatinat  si  cruel- 
lement  ravagé  par  les    ordres   de 
Louis  XIV,  et  dont  la  tremblante  po- 
pulation était  éparse  partout ,  il  lui 
avait  été  en  quelque  sorte  transmis 
avec  le  sang  un  peu  de  défiance  pour 
la  monarchie  absolue.  Son  goût  pour 
la  nature,  son  éducation  dans  Stras- 
bourg si  long-temps  république  et 
gardant  toujours  des  traces  républi- 
caines, son  étude  des  gouvernements 
de  la  Suisse,  et  pour  comble  le  spec- 
tacle de  l'arbitraire  avec  lequel  avait 
été  traité  son  bienfaiteur,  n'avaient 
pu  que  le  fortifier  dans  ses  antipa- 
thies. Mais  plein  de  sens  comme  de 
probité,  connaissant  le  positif  de  la 
vie  et  le  mécanisme  des  affaires  hu- 
maines, moins  ignare  dans  la  science 
de  l'administration  et  du  gouverne- 
ment que  la  plupart  des  hommes  qui 
allaient  démolir  le  vieil  édifice  fran- 
çais,   il  arrivait   à   l'assemblée    ne 
croyant  pas  qu'il  ne  s'agît  que  de 
tout  détruire.  Ces  principes  ne  cessè- 
rent jamais  de  le  guider,  et  il  fut 
loin    (i'être    populaire ,    au    temps 
même  où  les  Girondins  n'avaient  pas 
encore  été  débordés.  Ainsi,  le  29oct. 
1791 ,  il  demandait  que  les  communes 
pussent  à  leur  gré  choisir  un  prêtre  qui 
eût  ou  non  prêté  le  serment,  et  le 
29  mai  1792  il  prenait  la  défense  des 
insermentés ,  suppliant  l'assemblée 
de  ne  pas  être  intolérante  à  son  tour 
et  de  ne  pas  compliquer  par  des  ques- 
tions religieuses  des  débats  si  ani- 
més par  eux-mêmes^  il  réclamait  pour 
tout  service  ecclésiasti(iue  un  salaire. 
Les  lois  contre  les  émigrants  trouvè- 
rent aussi  en  lui  un  adversaire  intré- 
pide :  il  essaya  de  les  faire  ajourner  ; 
n'y  pouvant  parvenir,  il   Icnta   du 


RAM 

moins  de  faire  admettre  des  distinc» 
lions  dans  les  peines,  selon  la  conduite 
qu'ils  tiendraient  vis-à-vis  de  leur  pa- 
trie. Il  eut  aussi  le  courage  (31  mai)  de 
s'opposer  au  licenciement  de  la  garde 
royale,  mesure  trop  significative  et 
qui  révélait  si  clairement  ce  qui  se 
tramait  contre  le  trône.  Suivit  bien- 
tôt la  fameuse  journée  du  20  juin. 
Toujours  animé  du  même  zèle,  bien 
qu'échouant  toujours  contre  Teffer- 
vescence  des  passions,    il  réclama 
le  désarmement  du  rassemblement 
qui  s'était  porté  aux  Tuileries,  puis 
il  défendit  contre  les  furibondes  at- 
taques de  quelques-uns  de  ses  collè- 
gues Lafayette  qui  venait  demander  la 
punition  des  attentats  de  cette  jour- 
née. Il  en  dit  assez  pour  se   mettre 
lui-même  en  aussi  grand  danger  que 
lesdéfenseurs  les  plus  invariables  de 
la  monarchie  et  pour  en  être  réduit, 
quelques  jours  avant  le  10  août,  à  se 
rendre  aux  eaux  de  Barèges.    C'é- 
tait bien  son  médecin  qui  avait  for- 
mulé  cette  ordonnance,    et  l'on  a 
dit  qu'il  était  tombé  malade  de  dés- 
espoir en   voyant  l'inutilité  de  ses 
efforts,   qu'il   avait  eu  à  supporter 
une  opération  douloureuse.  Nous  ne 
sommes  point  en  mesure  de  démen- 
tir ces  assertions;  cependant  nous 
inclinons  à   croire  que  sa  précau- 
tion    hygiénique     fut     déterminée 
par  des  symptômes   politiques  plus 
que  par  des  phénomènes  (le  patho- 
logie. Et  pour  amener  un  homme       j 
aussi   vigoureusement    trempé    que       i 
Ramond  à  fuir  devant  le  péril,  il  fal- 
lait que  le  péril  fût  grand  :  en  réalité 
il  émigrait  presque.  Mais  il  ne  vou-       i 
lut  pas  quitter  la  France,  afin  de  ne 
pas  exposer  sa  famille  aux  dangers 
qui  entouraient  les  parents  d'émigrés 
Celte  audace  avec  laquelle  il  s'était 
déclaré  contre  la  tentative  du  20  juin 
doit  lui  faire  pardonner  par  les  amis 


RAM 

de  Louis  XVI  un  de  ses  deux  faux 
pas,  dont  un  surtout  devint  funeste 
à  la  cause  de  la  monarchie.  Ce  fut 
lors  du  renvoi  du  ministre  Narbonne: 
on  sait  avec  combien  de  défaveur  cette 
destitution  fut  accueillie  par  les  cory- 
phe'es  de  la  révolution,  et  ce  qui  s'en- 
suivit :  un  décret  de  l'assemblée  mit 
en  accusation  le  ministre  Delessart 
et    rendit   désormais    impossible  à 
Louis  XVI  d'avoir  autour  de  lui  de 
(idèles  dépositaires  du  pouvoir.  Mais 
ce  décret  que  fit  rendre  Brissot  avait 
été  précédé  d'une  motion  tendant  à  dé- 
clarer que  l'assemblée  regrettait  Nar- 
bonne et  que  le  ministère,  tel  qu'il 
restait,  n'avait  plus  la  confiance  de  la 
nation.  C'est  Ramond  qui  avait  fait 
celte  motion,  de  concert  avec  ceux  qui 
croyaient  pouvoir  sauver  le  roi  en  le 
ramenant  aux  amis  sincères  de  la  cons- 
titution  et  loin  de  prévoir  la  tour- 
nure qu'allait  prendre  la  discussion. 
Cette  fraction  de  l'assemblée  fut  jouée 
ce  jour-là  et  Ramond  avec  elle.  Il  se 
repentit  plus  d'une  fois  d'avoir  ainsi 
frayé  les  voies  à  l'insidieux  giron- 
din. On   doit  reconnaître  pourtant 
que,  même  au  cas  où  cette  impru- 
dence n'eût  pas  été  commise,  le  dé- 
cret accusateur  n'en  eût  pas  moins 
été  lancé.  Ramnnd  ne  fut  pas  long- 
temps tranquille  à  Barèges;  et,  quand 
ia  république  fut  proclamée,  il  fallut 
qu'il  se  réfugiât  dans  les  gorges  les 
plus  âpres  des  Pyrénées,  il  finit  par  y 
être  découvert  le  15  janvier  1794,  et 
alla  dans  les  cachots  deTarbes  atten- 
dre une  mise  en  jugement,  dont  à 
cette  époque  le  résultat  éiait  trop  pré- 
vu. Heureusement  le   militaire  qui 
était  chargé  d'envoyer  les  victimes  au 
tribunal  révolutionnaire  connaissait 
Ramond  :  il  usa  de  délais,  et  non  sans 
quelques  risques  pour  lui-même  il 
réussit  à  retarder  le  périlleux  voyage. 
Puis  un  officier  du  géaie  (Lomet), 


RAM 


311 


chargé  d'établir  des  hôpitaux  dans  les 
Pyrénées  ,  prétendit  avoir  besoin  de 
consulter  un  homme  qui  réunît  à  des 
habitudes  scientifiques  la  connais- 
sance du  pays,  et  il  obtint  la  permis- 
sion de  communiquer  avec  Ramond. 
11  alla  même  jusqu'à  solliciter  de 
Carnot  sa  délivrance,  à  quoi  ce- 
lui-ci répondit  :  «  Il  est  trop  heu- 
•  reux  qu'on  l'oublie.  •  Ainsi  agit 
aussi  le  conventionnel  Monestier,  en- 
voyé dans  les  départements  afin  d'y  dé- 
couvrir et  diriger  sur  Paris  ceux  qui 
étaient  désignés  pour  l'échafaud.  Mal- 
gré des  ordres  formels,  il  retarda  sa 
translation,  et  l'on  atteignit  le  9  ther- 
midor. La  vie  de  Ramond  fut  hors  de 
danger,  mais  la  liberté  ne  lui  fut  pas 
rendue;  il  attendit  encore  trois 
mois:  et  quand  enfin  il  redevint  libre 
(9nov.  1794),  on  lui  recommanda 
d'aller  derechef  respirer  l'air  des 
Pyrénées.  Il  n'y  répugnait  pas,  mais 
il  y  resta  encore  plus  qu'il  ne  l'eût 
souhaité.  Pécuniairement  d'ailleurs, 
il  était  loin  du  bonheur.  Presque  tou- 
tes ses  ressources  s'étaient  épuisées  en 
prison  ;  et ,  lorsque  vint  l'organisa- 
tion des  écoles  centrales,  il  accepta 
avec  empressement,  ou  plutôt  il  sol- 
licita une  place  de  professeur  d'his- 
toire uaturelle  à  Tarbes.  Il  l'occupa 
quatre  ans,  pendant  lesquels  sa  belle 
et  vive  étocution,  son  amour  passionné 
de  la  nature,  le  rendirent  pour  son  au- 
ditoire ce  qu'il  avait  été  dans  la  ca- 
pitale, et  attirèrent  à  la  scieuce  plus 
d'amateurs  qu'on  ne  s'y  serait  atten- 
du. Il  faisait  fréquemment  des  ex- 
cursions aux  environs,  tantôt  entraî- 
nant sur  ses  pas  un  petit  groupe 
d'auditeurs  d'élite,  tantôt  solitaire, 
s'enfonçant  dans  les  profoudeurs  des 
Pyrénées.  11  acquit  ainsi,  à  200  lieues 
de  son  pays  natal,  une  intluence  qui 
lefitnommer en  iSOOdéputéau  Corps- 
Législatif.  Il  reparut  alors  à  Paris.  On 


,312 


HAM 


l'avait  un  peu  perdu  de  vue.  Tout  le 
personnel  dans  les  hautes  r<^gions 
avait  changé.  Aussi,  lors  de  son  ap- 
parition aux  séances  de  la  !>*  classe 
de  l'Institut,  produisit-il  certain  ef- 
fet mêlé  de  surprise.  Bonaparte  fut 
très-frappé  de  sa  conversation,  de 
son  esprit,  de  ses  notions  positives 
en  administration  et  en  affaires,  et 
bientôt  il  eut  l'idée  d'en  faire  un  de 
ses  préfets.  Mais  Ramond  n'ambi- 
tionnait  nullement  cette  place,  et  il 
s'en  tint  à  ses  fonctions  législatives, 
qui  ne  l'éloignaient  que  pour  six  se- 
maines à  peu  près  de  ses  montagnes, 
et  qui  d'ailleurs  lui  donnaient  une 
importance  personnelle  fort  marquée, 
car  elle  le  porta  finalement  à  la  vice- 
présidence.  On  devine  que,  perspi- 
cace comme  il  l'était,  ayant  si  bien 
connu  par  expérience,  les  ambitieux, 
les  charlatans,  il  ne  fut  pas  long-temps 
à  comprendre  vers  quel  but  mar- 
chait le  premier  consul  ;  il  ne  désap- 
prouva point  cette  marche  qui  devait 
ajouter  à  la  stabilité  de  l'ordre  enfin 
rendu  à  la  France,  et  même  il  se 
posa  publiquement  le  défenseur  de 
la  monarchie,  par  sa  brochure  in- 
titulée Légitime  et  nécessaire.  Bien 
qu'imprimé  aux  frais  du  gouver- 
nement, et  devant,  selon  le  pre- 
mier consul,  aider  à  populariser  son 
avènement ,  on  ne  peut  douter  que 
cet  opuscule  n'exprimât  spontané- 
ment et  sincèrement  l'opinion  de 
Ramond.  11  était  de  ces  hommes  po- 
sitifs et  modérés  qui  n'aiment  pas 
plus  les  mots  vides  de  sens  que  le 
désordre,  et  qui  doivent  préférer  à 
des  rêves  de  république  la  monarchie 
accompagnée  d'institutions  qui  la  ga- 
rantissent d'enivrement  et  de  grandes 
fautes;  et  personne  n'était  plus  loin 
que  lui  d'être  un  complaisant.  11  le 
prouvait  eu  s'exprimant  de  temps  eu 
lemp5  avec  certaine  verdeur  sur  ces 


RAM 

guerres  trop  promptement  renais- 
santes, sur  cet  anéantissement  trop 
complet  des  libertés  publiques,  les 
deux  caractères  principaux  de  la  do- 
mination napoléonienne.  Plusieurs 
des  mots  de  Ramond  couraient  les 
salons,  et,  sans  qu'ils  fussent  préci- 
sément hostiles,  la  malignité  publi- 
que les  accueillait  presque  comme 
les  épigrammes  de  M™»  de  Slaê'l. 
L'empereur,  pour  l'éloigner  d'un 
théâtre  trop  retentissant,  en  revint 
à  son  idée  primitive  de  le  faire  pré- 
fet, et  aussitôt  quele  Corps-Législatif 
dut  être  renouvelé,  il  fallut  que  Ra- 
mond se  mît  à  la  tête  de  l'admi- 
nistration du  Puy-de-Dôme  (180«)). 
C'était  une  belle  disgrâce,  maiseulin 
c'était  une  disgrâce,  et  la  nomination 
était  un  ordre  sans  réplique.  Lui- 
même  plus  d'une  fois  donna,  dans 
l'intimité,  à  l'ordonnance  impériale 
qui  l'instituait  préfet,  le  nom  de 
lettre  de  cachet.  L'Auvergne  pour- 
tant était  un  lieu  suivant  son  cœur. 
Napoléon  qui  discernait,  qui  se  rap- 
pelait si  merveilleusement  les  apti- 
tudes de  chacun,  avait  bien  su  où  il 
l'envoyait  en  l'exilant  si  près  d'une 
des  chaînes  de  montagnes  françaises 
qu'il  n'avait  point  vues  encore,  et  qui 
offraient  un  si  riche  sujet  à  la  géo- 
logie comme  à  l'orographie.  Aussi 
ne  fut-ce  pas  uniquement  d'adminis- 
tration que  s'occupa  le  préfet,  et  son 
département  ne  l'en  goûta  que  da- 
vantage. Il  eut  le  double  mérite  et 
de  ne  pas  trop  administrer,  science 
plus  délicate  qu'on  ne  le  suppose  pour 
l'ordinaire,  et  d'adoucir  autant  qu'il 
était  en  lui  les  mesures  rigoureuses 
de  la  conscription;  surtout  il  n'am- 
bitionna jamais  le  triste  honneur  de 
fournir  aux  levées  impériales  plus  que 
le  strict  contingent.  Il  ne  resta  point 
oisif  pourtant,  et  les  roules,  les  éco- 
les, l'agriculture  furent  l'objet  de  ses 


RAM 

soins  :  il  fit  faire  aux  eaux  du  Moul- 
Daure  de  beaux  travaux  auxquels 
cette  localité  doit  en  grande  partie 
la  vogue  et  la  prospérité  dont  elle  a 
joui  depuis  ce  temps.  Tout  en  sur- 
veillant les  travaux,  il  explorait  en 
savant  tt  la  contrée  aux  environs  de 
Clermout ,  et  ces  monts,  volcans 
éieinis,  monuments  si  insiructifs  de 
l'histoire  du  globe.  Il  en  caractéri- 
sait les  formations,  il  en  étudiait  et 
en  enrichissait  la  flore,  il  en  déter- 
minait les  hauteurs  et  perfectionnait 
essentiellement,  dans  le  pays  même 
où  Pascal  avait  fait  confirmer  la  théo- 
rie du  baromètre  par  une  ascension 
qui  variait  les  hauteurs,  la  mesure 
des  hauteurs  par  le  moyeu  du  baro- 
mètre. Ses  études,  ses  prédilections 
étaient  devenues  proverbiales  dans 
le  département.  •  Est-ce  que  M.  le 
«  préfet  mesurera  les  conscrits  au 
■  baromètre?  »  demandaient  les  plai- 
sants de  la  Limagne.  Enfin  en  janv. 
1813,  quand  l'empereur  allait  avoir 
besoin  de  doubler  et  tripler  ses  le- 
vées, il  fut  permis  à  Ramond  de  rési- 
gner sa  préfecture  et  de  revenir  aux 
environs  de  Paris.  Il  est  croyable  que 
cette  démission  n'était  que  le  voile 
d'un  renvoi  réel  causé  par  la  crois- 
sante incompatibilité  du  maître  et 
du  préfet.  Ramond,  alors  presque 
sexagénaire,  résolut  de  consacrer  ce 
qui  lui  restait  de  jours  à  la  mise  en 
ordre  de  tous  les  matériaux  qu'il 
avait  réunis,  à  l'éducation  de  son 
fils,  et  aussi,  ajoute-t-on,  à  la  rédac- 
tion de  ses  Mémoires.  On  ne  peut 
douter  que  cette  autobiographie  d'un 
homme  si  frauc  et  doué  d'un  coup 
d'oeil  si  juste,  et  qui  avait  été  à  même 
de  tant  voir  sous  trois  régimes  di- 
vers, n'eût  contenu  de  très-piquantes 
et  très -curieuses  révélations.  Mal- 
heureusement, en  1814,  les  Cosaques 
tombèrent  sur  sa  maison  des  champs: 


IVAM 


313 


et  tout  ce  qu'il  avait  de  notes,  de  cor- 
respondance, fut  saccagé  en  quel- 
ques heures  :  il  ne  lui  resta,  de  tant 
d'utiles  matériaux,  dont  quelques- 
uns  remontaient  à  quarante  années, 
que  des  souvenirs.  Voulant  donner 
le  change  à  ses  regrets  et  occuper 
cette  activité  d'un  esprit  toujours 
jeune  qui  ne  le  quittait  point,  il  ne 
tarda  pas  à  rechercher  de  nouveau 
une  position  dans  les  affaires.  11  avait 
assez  déplu  à  Napoléon  pour  que, 
malgré  ses  six  ans  de  préfecture,  la 
Restauration  l'acceptât.  Il  fut  nommé 
maître  des  requêtes  le  24  août  1815  ; 
et,  cinq  mois  après,  il  était  chargé, 
avec  un  de  ses  collègues  (Lechat),  de 
liquider  les  créances  anglaises.  On 
sent  combien  l'opération  était  déli- 
cate. Grâce  à  l'ascendant  que  hii 
donnait  sa  réputation  scientifique, 
grâce  aussi  à  son  habitude  des  af- 
faires et  aux  notions  qu'il  avait  sur 
la  valeur  de  beaucoup  de  biens-fonds 
en  Alsace  et  appartenant  à  des  An- 
glais, il  réussit  au  delà  de  tout  es- 
poir ;  et ,  tandis  que  les  chambres 
avaient  voté  3,500,000  fr.  de  rente 
pour  satisfaire  à  cette  partie  de  la 
dette  nationale,  le  trésor  n'eut  à  en 
délivrer  que  pour  2,950,000  fr.,  c'est- 
à-dire  que  le  fardeau  fut  allégé  de 
350,000  fr.  de  rente,  c'est-à-dire  en- 
core que  les  deux  liquidateurs  épar- 
gnèrent à  la  France  un  capital  d'au 
moins  7  millions  de  fr.,  le  tout  sans 
que  le  gouvernement  de  la  Grande- 
Bretagne  élevât  de  réclamations.  Ce 
fut  de  toutes  les  liquidations  la  plus 
heureuse;  et  le  duc  de  Richelieu,  qui 
le  reconnut  hautement,  nomma  Ra- 
mond conseiller  d'État  en  service  or- 
dinaire (14  juin  1818).  Mais  il  ne 
jouit  pas  long  temps  de  cette  récom- 
pense :  l'homme  qui  n'avait  pas 
trouvé  tout  admirable  sous  l'empe- 
reur  ne  iwuvait  être  en  adoration 


314 


RAM 


perpétuelle  devant  le  gouvernement 
de  cette  époque.  Quatre  ans  après 
son  entrée  au  conseil ,  il  ne  figurait 
plus  que  parmi  les  conseillers  hono- 
raires. Il  survécut  encore  cinq  ans 
à  cette  disgrâce.  Septuagénaire,  il 
avait  toujours  le  feu,  la  verdeur  du 
jeune  âge;  on  était  souvent  tenté 
de  croire  qu'il  avait  gagné  en  viva- 
cité :  il  donnait  mêuie  des  travaux 
à  l'Académie.  Sa  mort  eu  lieu  le  14 
mai  1827.  MM.  Brongniart  et  Mirbel, 
ses  collègues,  prononcèrent  des  dis- 
cours sur  sa  tombe.  Commandeur  de 
la  Légion-d'Honneur  dès  1804,  che- 
valier de  l'ordre  de  Saint-Michel  en 
1819,  il  eut  pour  successeur  à  i'Insti- 
tuî  M.  Berthier.  Son  Éloge,  lu  par 
Cuvier  au  sein  de  l'Académie  des 
sciences  ,  a  été  imprimé  dans  le 
tome  IX  des  Mémoires  de  cette  com- 
pagnie. Raiiiond  était  vraiment  le 
fils  des  montagnes  :  on  respirait  au- 
tour de  lui  quelque  chose  de  ces 
senteurs  alpestres  si  franches,  si  pu- 
res qui  retrempent  et  qui  pénètrent; 
son  langage  était  éminemment  pit- 
toresque, même  dans  les  descrip- 
tions techniques,  et,  sous  ce  point 
de  vue,  il  est  bien  de  cette  époque 
impériale  qui  fut  celle  de  la  poé- 
sie descriptive,  mais  avec  cette  par- 
ticularité que  chez  lui  le  pittores- 
que n'est  jamais  cherché  et  qu'il 
n'eût  pas  été  en  son  pouvoir  d'écrire 
autrement  ;  et  si  quelque  poète,  son 
contemporain,  eût  voulu  décrire  ce 
qu'il  n'eût  pas  vu,  il  eût  pu  s'inspi- 
rer de  Ramond  et  il  eût  presque  sem- 
blé copier  la  nature.  Ajoutons  que 
ses  termes  sont  tellement  choisis,  son 
allure  de  phrase  si  correcte,  si  élé- 
gante, qu'il  n'eût  point  été  déplacé  à 
l'Académie  française.  Ces  belles  qua- 
lités du  langage  et  de  la  lornie  n'é- 
taient, en  quelque  sorte,  que  le  reflet 
de   ses   belles   qualités   d'esprit  et 


RAM 

d'âme.  On  peut  le  dire  sans  crainte 
d'être  dupe,  Ramond  était  dans  toute 
la  force  du  terme  une  intelligence 
droite,  un  noble  cœur.  Sa  probité,  son 
courage  étaient  à  toute  épreuve  ;  il  y 
joignait  ce  franc  parler  qui  souvent, 
faisant  justice  de  charlatanismes  ou 
d'absurdités,  déplut  non-seulement  à 
plus  d'un  homme  d'État,  mais  à  plus 
d'un  savant.  Par  cette  partie  de  son 
caractère,  il  n'était  pas  sans  ressem- 
blance avec  Courier;  mais  son  urba- 
nité, sa  sérénité  d'âme  le  mettaient 
bien  au-dessus  du  hargneux  et  irri- 
table pamphlétaire,  duquel  d'ailleurs 
ildiiférait  tant  par  la  justesse  et  la  mo- 
dération des  idées  politiques.  Quelle 
que  fût  sa   franchise ,   il   ne    faut 
pas  croire  qu'il  dît  toutes  les   vé- 
rités qui  s'offraient  à  lui.  Toujours, 
au  contraire,  même  après  la  chute 
des  gouvernements,  il  s'expliqua  sur 
eux  avec  la  plus  grande  réserve  :  sur 
Cagliostro  même  il  ne  disait  que  la 
moindre  et  la  moins  grave  partie  de  ce 
qu'il  savait;  interrogé  sur  cet  homme, 
il  se  bornait  à  dire  qu'il  avait  vu  des 
choses  extraordinaires,  et  si  on  le 
pressait,  il  rompait  la  conversation. 
Ce  n'est  pas  cependant  qu'on  pût  le 
moins  du  monde  le  soupçonner  de 
donner  dans   les  chimères   de  dé- 
monologle  ou  de  sciences  occultes. 
Le  ton  avec  lequel  il  s'exprimait  sur 
les  aventures  surnaturelles  et  les  ten- 
dances à  la  magie  était  d'un  homme  qui 
voit  bien  le  dessous  des  caries.  Non- 
seulement  il  était  infatigable  autant 
qu'agile  et  intrépide  (d'où  lui  vint  ce 
nom  caractéristique  qu'on  lui  donna 
dans  les  Alpes, /eC/iamoîs),  mais  il  ex- 
plorait avec  bonheur;  il  apercevait  où 
d'autres  n'eussent  rien  vu  ;  il  variait 
habilement  les  circonstances  et  le 
mode  des  observations,  il  a  ainsi, 
dans  le  domaine  de  la  géologie,  révélé 
beaucoup  de  faits  uouveaux  et  cou- 


RAM 

staté  beaucoup  de  faits  anciens  ;  la 
phytographie  lui  doit  bon  nombre 
d'espèces  nouvelles  5  son  nom  est  in- 
séparable de  la  mesure  des  hauteurs 
par  le  baromètre.  Nul  savant  euro- 
péen, à  l'exception  des  voyageurs  et 
des  pâtres  de  ces  districts,  n'avait 
autant  que  lui  visité  les  montagnes  : 
les  Vosges,  les  Alpes,  les  Pyrénées, 
les  monts  de  l'Auvergne, telles  étaient 
les  chaînes  qu'il  avait  examinées  et 
comparées.  Il  était  allé  35  fois  au 
Mont-Perdu  i  enfin  il  avait  atteint  la 
cime  du  Vignemale  et  du  Maladetta. 
On  lui  doit  les  ouvrages  suivants: 
I.  Lettres  (de  William  Coxe)  à  sir 
W.  Meltnoth  sur  l'état  politique^  ci- 
vil et  naturel  de  la  Suisse  (trad.  de 
l'anglais  ),  augmentées  des  obser- 
vations faites  sur  le  même  pays  par 
le  traducteur,  Paris,  I78t,  2  vol. 
in-8».  Nous  avons  marqué  pins  haut 
le  caractère  et  la  fortune  de  cet  ou- 
vrage, dont  la  2e  édit.  anglaise,  re- 
faite par  Coxe  lui-même  et  enrichie 
des  précieuses  additions  du  traduc- 
teur (  que  Coxe  toutefois  a  soin 
de  ne  pas  nommer),  a  été  traduite 
eu  français  par  Th.  Mandar,  Paris, 
1790,  3  vol.  iii-8».  H.  Observations 
faites  dans  les  Pyrénées,  pour  servir 
de  suite  à  des  observations  sur  les 
Alpes,  insérées  dans  une  traduction 
des  Lettres  de  Coxe  sur  la  Suisse, 
Paris,  1789,  2  vol.  in-8";  I-iége,  1792, 
in-80;  trad.  en  allemand,  Strasbourg, 
1790,  in-8'  (l).  Cet  ouvrage,  auquel 
on  ne  peut  reprocher  qu'un  titre 
trop  modeste,  a  la  niême  physiono- 
mie originale  et  animée  que  les  Ad- 
ditions aux  Lettres  de  Coxe.  L'au- 


(l)  C'est  à  tort  qu'on  a  quelquefois  attri- 
bué ces  Observations  a  Bourrit  (voj.  ce  nom, 
LIX  ,  140).  M.  Quéiard  (France  litl.,  t.  I  et 
yil)  le*  douDe  siicopssivement  à  Bourrit  et 
à  Raïuoud.  Ce  dernier  eu  est  l'uuique  et  véii- 
tiihle  uuteur. 


RAM 


315 


teur  y  fait  connaître  les  populations 
qui  habitent  les  froides  vallées  de 
ces  districts;  il  apitoie  sur  le  sort 
de  ces  pauvres  Cagots,  peuplade  pro- 
scrite qui  semble  au  bande  l'Espagne 
et  de  la  France,  et  i  I  en  recherche  l'ori- 
gine.  Il  étudie  les  glaciers  avec  un  soin 
particulier,  et  il  arrive  à  des  remar- 
ques ingénieuses  sur  cet  équilibre  de 
chaleur  et  de  froid  qui  en  maintient 
les  limites.  Il  jette  aussi  les  premiers 
linéaments  d'une  théorie  des  monta- 
gnes pyrénaïques  et  des  lois  qui  en 
règlent  la  végétation  ,théorie  que  plus 
tard  il  devait  élaborer  plus  largement 
et  amener  à  Pétat  scientifique.  III. 
Voyage  au  Mont-Perdu  et  dans  la 
partie  adjacente  des  Hautes  -  Pyré- 
nées, Paris,  1801,  in  8"  avec  pi.  C'est 
là  que  se  trouve  la  théorie  générale 
des  Pyrénées  ,  que  les  géologues  re- 
gardent comme  une  des  plus  impor- 
tantes de  la  science.  Avant  Ramond 
on  avait  vu  que,  contrairement  à  ce 
qui  se  remarque  dans  les  autres  gran- 
des chaînes,  les  flancs  des  Pyrénées 
offrent  peu  de  coquilles,  tandis  que 
les  cimes  contiennent  en  grand  nom- 
bre des  débris  organisés;  d'où  quan- 
tité d'objections  aux  lois  de  Pallas  et 
de  Saussure  sur  la  structure  des  mon- 
tagnes. Ces  objections  étaient  res- 
tées sans  réponse  ;  Ramond  les  fit 
disparaître  en  apercevant  que  les 
bancs  des  calcaires  coquilliers ,  qui 
abondent  au  sommet  de  la  chaîne, 
s'inclinent  au  midi;  que  là  des  schis- 
tes ,  des  granits  se  glissent  sous  les 
blocs  calcaires  ;  que  plus  au  nord  ces 
schistes  et  ces  granits  sont  disposés 
sur  des  lignes  parallèles,  mais  infé- 
rieures à  Ja  grande  crête  ;  qu'encore 
plus  loin  au  nord  les  granits  et  les 
schi.stes  en  lignes  parallèles  portent 
les  calcaires,  et  il  en  conclut  la  per- 
manence de  cette  loi  générale,  que  le 
granit  est  partout  l'axe  de  la  chaîne 


316 


RAM 


dont  la  violation  apparente  n'est  diie 
qu'il  de  simples  accidents.  IV.  Mé- 
moire sur  la  formule  barométrique 
de  la  Mécanique  céleste  et  les  dispo- 
sitions de  l'atmosphère  qui  en  modi- 
fient les  propriétés,  augmenté  d'une 
instruction  élémentaire  et  pratique 
destinée  à  servir  de  guide  dans  l'ap- 
plication du  baromètre  à  la  mesure 
des  hauteurs,  Clermont- Ferrand  , 
1811,  in-é".  Le  titre  de  ce  mémoire 
en  annonce  assez  le  sujet.  Mais  il  faut 
savoir  de  plus  que  la  formule  baro- 
métrique de  Lapiace ,  dont  l'applica- 
tion supposait  la  lixation  positive  des 
chiffres  propres  à  chacune  et  surtout 
celle  du  coefficient  principal,  se  trou- 
vait inexacte  en  fait,  parce  que  dans 
ses  premiers  essais  le  grand  géomè- 
tre avait  fixé  le  coefficient  trop  bas, 
et  que  Ramoud,  par  une  foule  d'obser- 
vations barométriques  suivies  avec 
une  attention   minutieuse,  fit  con- 
naître de  combien  devait  être  agrandi 
le  coefficient,  précisa  les  autres  chif- 
fres et  fixa  l'attention  sur  nombre 
d'autres  circonstances  perturbatri- 
ces dont  on  n'avait  pas  tenu  compte. 
C'est  depuis  ce  temps  et  c'est  grâce 
à  ces  expériences  multipliées  que  le 
baromètre  est  véritablement  devenu 
un  instrument  géodésique  donnant 
avec  exactitude  les  hauteurs  et  grâce 
auquel  on  économise  le  temps. V.  Ni- 
vellement barométrique  des  Monts- 
Daures  et  des  Monts-Dômes  disposé 
par  ordre  de  terrains  (  lu  à  la  classe 
lies  sciences  physiques  et  mathéma- 
tiques de  l'Institut,  2i  et  31  juillet 
1813).  Ce  travail  est  un  de  ceux  qui 
montrent  la  fécondité  d'un  simple 
fait  d'expérience.  La  comparaison  du 
nivellement  de  la  région  examinée 
suggère  à  Ramond  la  reconnaissance 
de  ce  beau  fait,  que  les  laves  de  diffé- 
rents âges  dans  ces  montagnes  sont 
aussi  de  différentes  natures,  que  les 


RAM 

nouvelles  s'élèvent  à  des  hauteurs 
moindres  que  les  anciennes, que  cel- 
les-ci semblent  avoir  conservé  plus 
long-temps   leur    fluidité   et  s'être 
étendues  beaucoup  plus  loin,  qu'elles 
contiennent  non-seulement  des  ba- 
saltes proprement  dits,  mais  aussi 
des  porphyres ,  des  pétrosilex ,  des 
kliugstein,  en  un  mot  qu'elles  sont 
d'une  nature  bien  plus  variée,  enfin 
que  chacun  de  ces  sols,  de  ces  étages 
a  sa  végétation  propre.  VI.  Applica- 
tion des  nivellements  exécutés  dans 
le  département  du  Puy-de-Dôme  à  la 
géographie  physique  de  cette  partie 
de  la  France  (lu  à  l'Institut  le  7  août 
1813).  L'auteur  y  trace  l'histoire  de 
cette  végétation  ou  plutôt  de  ces  végé- 
tations diverses  dont  nous  venons  de 
le  voir  poser  le  principe,  et  il  l'ap- 
puie sur  la  détermination  de  plus  de 
400  hauteurs  prises  par  sa  méthode. 
VII.  Mémoire  sur  la  végétation  du 
Pic  du  Midi  de  Bagnères  de  Vigorre 
(lu  il  l'Académie  des  sciences,  lO  jan- 
vier et  13  mars  1826;  Mémoires  de 
l'Acad.  des  sciences,  au  tome  VI,  p. 
81).  Ce  morceau,  le  dernier  que  Ra- 
mond aitdonné  à  l'illustre  compagnie, 
se  lit  avec  le  plus  vif  intérêt.  11  com- 
mence par  y  poser  en  fait  que  le  Pic 
du   Midi  se  trouvant  sidiisamment 
isolé  des  autres  cimes  pyrénaïques, 
on  peut   en  considérer  la   végéta- 
tion comme  l'expression  simple  de 
l'action  de    la  hauteur  et  de  celle 
de  la  latitude  combinées,  ce  qui  en 
rend  l'étude  très-intéressante  pour 
l'histoire  des  influences  détermina- 
trices  des  spécialités  de  végétations. 
Il  décrit  ensuite  avec  sa  sève  ordi- 
naire cet  îlot  aérien  de  deux  ares  en- 
viron qui  forme  le  sommet  principal 
du  pic.  Il  assigne  les  caractères  do- 
minants de  la  végétation  à  ces  hau- 
teurs oii«  rien  ne  subsiste  que  ce  qui 
•  rampe,ceqiusecacheouce«iui  plie.» 


RAM 


RAM 


317 


H  indiqae  les  rapports  numériques 
des  cryptogames  aux  phanérogames, 
des  annuelles  ou    bisannuelles  aux 
vivaces  et  des  familles  entre  elles; 
il   remarque   que  les   nombres   qui 
expriment  les  rapports  des  familles 
sont  loin  d'être  ceux  qui  résulti-nt, 
dans    la   phytographie    considérée 
dans  son  ensemble,  des  supputations 
de  Brown,  de  Candolle  et  de  Hum- 
boldt,   et  il  explique  à  quoi  licnnent 
ces  difFérences.  Mais  où  vraiment  il 
est  admirable,  c'est  quaud  il  compare 
la  végétation  de  son  îlot   aérien  à 
celle  de  l'île  Melville,  quand  il  re- 
trouve danseelleci  laconlre-épreuve 
de  celui-là,  quand  il  y  signale  départ 
et  d'autre  un  seul  arbrisseau  et  de  la 
même  famille  (de  celle  des  saules)  ; 
c'est  quand  il  nous  mène  à  ce  glacier 
de  Réouvielle  dont  il  connaît  si  par- 
faitement les  limites,  quaud  il  nous  le 
montre  se  rétrécissant  une  l'ois  peut- 
être  en  vingt  ans,  quand  il  fait  poindre 
des  fleurs  sur  ce  limbe  où  naguère 
était  la  neige  presque  éternelle,  puis- 
qu'au  bout  de  cinq  ou  six  semaines 
les  fleurs  ne  sont  plus  ;  l'été  cesse  et 
le  glacier  reprend  ses  limites:  ainsi 
à  ces  hauteurs  une  plante  ne  fleurit 
peut-être  que  cinq  ou  six  fois  en  un 
siècle  !  Les  nomenclatures  plus  tech- 
niques qui  terminent  le  mémoire  sont 
elles  mêmes  plus  élégantes  qu'on  ne 
peut  s'y  attendre,  et  à  vingt  reprises 
la  main  du  peintre  s'y  retrouve  et  fait 
vivre  l'aridité  de  sa  table  de  plantes. 
VIII.  Plantes  inédites  des  Pyrénées 
{Bull,  des  se,  no»  41  et  42,  an  VIII , 
nos  43  et  44,  an  IX). Beaucoup  des  es- 
pèces ou  genres  que  l'auteur  indique 
dans  ces  mémoires  se  retrouvent  dans 
l'ouvrage  précédent;  il  en  est  beau- 
coup aussi    qu'on  y   rechercherait 
rn   vain;  et  c'est  tout  simple,    les 
Pyrénées   sont    plus  vastes  que  le 
Mont-Perdu.  1\.  Voyage  au  som- 


met du  ^font-Perdu    (extrait    du 
Journal  des  Mines  ) ,  Paris  ,  1803 , 
in-8°.  11   faut  joindre  cet  opuscule 
au    Voyage  au  Mont-Perdu    qu'il 
complète    sur    divers    points.     X. 
Mémoire  sur  les  neiges  teintes  en 
rouge  que  l'on  rencontre  dans  les 
hautes  montagnes  (lu  21    pluv.  an 
VIII).  Saussure  qui,  la  première  fois, 
remarqua  le  phénomène  des  neiges 
rouges  et  les  recueillit  pour  les  sou- 
mettre à  l'analysr,  avait  pensé  que  la 
poudre  à  laquelle  celles-ci  devaient 
leur  couleur  était  la  poussière  sé- 
minale de  quelque  plante  peut-être 
cryptogame  ;  et  ce  qui  venait  surtout 
à  l'appui  de  celte  idée,  c'est  qu'il  ne 
se  trouve  plus  d'apparence  de  neige 
rouge  sur  les  cimes  du  Mont-Blanc  où 
il  n'y  a  ni  plantes  ni  printemps.  Ba- 
mond  reconnut  par  ses  yeux  et  prou- 
va que  cette  poudre  se  composait  de 
paillettes  de  mica  dans  un  état  de  dé- 
composition singiilière.   •  Ce  n'est 
•  pas,  dit-il,  une  simple  oxydation  du 
«fer  qui  y  est  renfermé,  mais  une 
«  transformation  de  la  substance  en- 
«  tière  en  une  matière  rouge,  gon- 
«  flée,  pulvérulente.  •  Des  épreuves 
réitérées  lui  conlirmèrent  la  réalité 
de  ce  résultat  qu'il  sut  retrouver  mê- 
me dans  des  grès  où  d'abord  on  n'a- 
percevait pas  le  mica,  et  qu'il  conci- 
lia d'ailleurs  avec  les  observations 
de  Saussure,  d'une  part,  on  rappe- 
lant que  lui-même  n'avait  pu  assi- 
gnera quelle  plante  eut  appartenu  le 
pollen  qu'il  supposait  colorer  la  nei- 
ge, et  que  même,  pendant  un  temps, 
il  avait  penché  à  prendre  cette  pou- 
dre rouge  pour  une  combinaison  sin- 
gulière de  quelque  terre  distincte  de 
la  neige  avec  l'air  et  la  lumière  ;  de 
l'autre,  en  notant  que,  suivant  Saus- 
sure lui-même  ,  les  hautes  cimes  al- 
pestres, où  rien  n'altère  la  blancheur 
de  la  neige,  sont  totalement  dépour- 


318 


RAM 


vues  de  mica.  Il  ajoute  au  reste  qu'il 
ne  suffit  pas  de  la  pre'sence  du  mica 
pour  déterminer  le  phénomène,  qu'il 
faut  encore  certaines  époques ,  cer- 
taines températures,  tel  degré  d'oxy- 
génation dans  les  neiges,  etc.-,  et  en 
général  une  de  ces  élévations  moyen- 
nes et  une  de  ces  températures  où 
le    printemps    gagne  en    influence 
ce  qu'il  perd  en  durée,  et  où  tou- 
tes les  puissances  de   la  nature  se 
réveillent  et  se  déploient  à  la  fois. 
XI.  La  Guerre  d'Alsace  pendant  le 
grand  schisme  d'Occident,  terminée 
par  la  mort  du  vaillant  comte  Hu- 
gues ,  surnommé  le  soldat  de  Saint- 
Pierre,  drame  historique  (en  cinq  ac- 
tes et  en  prose),  Bâle,  t780  ,  in-8°. 
Nous  avons  caractérisé  plus  haut  cet 
ouvrage,  le  premier  de  l'auteur.  XII. 
Opinion  sur  les  lois  constitutionnel- 
les^ leurs  caractères  distinctifs,  leur 
ordre  naturel,  leur  stabilité  relative, 
leur  révision  solennelle,  1791,  in-S" 
de  60  pag.  XIII.  Légitime  et  néces- 
saire, lettre  d'un  solitaire  de  Paris 
(Ramond)  au  solitaire  des  Pyrénées, 
Paris,  an  XII  (1804),  in-8<>.  XIV.  Na- 
turel et  légitime  (lettre  du  solitaire 
des  Pyrénéesà  M.D....),  an  XII  (1804), 
in-8°  de  40  pag.  Cet  opuscule,  ano- 
nyme comme  le  précédent  et  sur  le 
même  sujet,  fut  imprime  à  l'Impri- 
merie impériale,  quoiqu'il  n'en  porte 
pas  l'indication,  et  composé,  à  la  de- 
mande (le  Napoléon,  en  faveur  de  son 
élévation  au  trône.  On  l'a  quelque- 
fois attribué,  mais  à  tort,  à  Barère 
de  Vieuzac.  Il  y  en  a  une  autre  édi- 
tion, Paris,  Maradan,  an  XIII  (1805), 
in-8°.  XV.  Lettre  à  M.  de  Chateau- 
briand sur  deux  chapitres  du  Génie 
du  Christianisme  ,  Genève  et  Paris , 
in-S".  XVI.  Lettres  inédites  de  M.  Ra- 
mond, membre  de  l'Institut,  adres- 
sées à  M.  Roger  La  Cassagne,  à  Va- 
lentine  (Haute-Garonne),  contenant 


RAM 

un  coup  d'œii  général  et  de  compa- 
raison sur  les  Alpes  et  les  Pyrénées , 
leurs  productions,  leurs  lacs  et  leurs 
flores,  Vétat  de  leurs  chaînes,  la  forme 
de  leurs  vallées .  la  diversité  du  cli- 
mat^Vorigine,  la  religion^  les  mœurs 
et  caractères  des  habitants, Toulouse, 
1834,  in^»  de  48  pag.  (posthume). 
XVII.  Divers  articles  dans  le  Diction- 
naire des  sciences  naturelles  et  dans 
les  Annales  du  Muséum  d'histoire 
naturelle.  P— ot. 

RAMOND   du    Poujet  (  Cécile- 
Etienne-Bernard)  ,  frère  du  précé- 
dent, naquit  à  Strasbourg,  le  17  fé- 
vrier 175C.  Dès  1773,  il  partageait  les 
fonctions  de  son  père ,  trésorier  des 
troupes  de  Neu-Bri.sach  ,  Schelestadt 
et  Colmar.  Dix  ans  après,  il  était  ad- 
joint  au   trésorier  principal  de  la 
guerre  en  Flandre.  En  1786,  il  fut 
nommé    trésorier    principal    de    la 
guerre  dans  la  province  de  Lorraine 
etBarrois,  où  il  se  fit  aimer  et  même 
respecter,  tant  par  toutes  les  autori- 
tés du  pays  que  par  une  nombreuse 
garnison.  En  1790,  ses  services  lui 
valurent  une  des  quinze  places  de 
commissaire  de  la  comptabilité,  qui 
sont  connues  aujourd'hui  sous  le  ti- 
tre de  conseiller  maîlre  des  comptes. 
Le  nombre  de  ces  places  ayant  été 
réduit  à  cinq  ,  en  1795  ,  il  fut  un  de 
ceux  qui  subirent  le  joug  de  la  sup- 
pression ,  et  se  vit  ainsi  privé  d'une 
récompense  acquise  par  vingt-deux 
années  de  travaux  utiles  et  conscien- 
cieux. Plus  tard  il  saisit  l'occasion 
que  lui  offrait  l'établissement  de  la 
banque  de  France  (1803),  et  y  obtint 
une  place.  Au  mois  de  septembre  delà 
même  année,  la  trentième  de  ses  ser- 
vices dans  la  finance,  il  se  relira,  ju- 
geant que,  par  son  âge  avancé,  il 
était  condamné  au  repos.  Une  pension 
lui  fut  assurée.  Ramond  du  Poujet 
avait  écrit,  en  1818,  une  JVofice  sur 


RÀM 

les  anciennes  enceintes  de  la  ville  de 
Paris.  Elle  reçut  des  éloges  de  la 
plupart  des  journaux  de  la  capitale  et 
même  des  provinces.  Rien  ne  le  flat- 
ta plus  que  le  suffrage  de  Hoffmann , 
qu'il  n'avait  nullement  sollicite',  dont 
il  ne  connaissait  même  pas  la  person- 
ne autrement  que  de  réputation. 
C'était  une  surprise  bien  agréable 
pour  lui ,  de  découvrir,  comme  par 
hasard ,  ce  jugement  favorable  dans 
un  numéro  du  Journal  des  Débats. 
Il  donna,  en  1826,  une  seconde  édi- 
tion de  ce  petit  ouvrage,  qui  est  ac- 
compagné d'un  plan  général  de  la 
ville  et  des  faubourgs  de  Paris,  par 
Robert  deVaugondy,  plan  sur  lequel 
le  frère  de  Ramond  de  Carbonnières  a 
marqué  l'enceinte  de  Philippe-Au- 
guste, l'enceinte  de  Louis  XIII ,  d'a- 
près le  plan  de  Comboust,  entiu  l'en- 
ceinte des  bculevarts.  Si  Ramond  du 
Poujet  Ogure  en  quelque  sorte  dans 
la  classe  des  historiens  de  Paris,  il 
Ogure  aussi  parmi  les  antiquaires  qui 
ont  su  le  mieux  déchiffrer  les  ancien- 
nes monnaies  de  France,  lesquelles 
sont  ordinairement  ce  qu'il  y  a  de 
plus  barbare.  Il  avait  réuni  une  suite 
nombreuse  et  peu  interrompue  de 
«^es  monnaies,  depuis  la  première  race 
de  nos  rois  jusqu'à  notre  époque.  Il 
n'en  existait  nulle  part  de  collection 
aussi  complète  et  aussi  bien  choisie , 
si  ce  n'est  à  la  bibliothèque  royale, 
il  s'était  formé  aussi  une  suite  de 
médailles  impériales  romaines  bien 
précieuses  par  ce  qu'elle  contient  de 
rare  et  par  leur  belle  conservation.  Il 
possédait  encore  quelques  médailles 
parmi  lesquelles  le  médaillon  de  Sy- 
racuse. Tout  cela  a  passé  entre  les 
mains  d'un  neveu  de  Ramond  du 
Poujet,  qui  mourut  à  Paris  le  7  jan- 
vier 1832.  C'était  un  homme  d'esprit 
et  d'une  instruction  fort  étendue.  Il 
était  plein  de  goût  et  amateur  pas- 


RAM 


319 


sionné  des  arts.  Ses  recherches,  ses 
notes  furent  souvent  utiles  à  des  au- 
teurs de  ces  derniers  temps,  et  aux 
journaux  et  recueils  périodiques,  où 
il  écrivait  sans  signer,  ou  bien  en 
ne  se  désignant  que  par  ses  initiales  ; 
mais  il  ne  s'intéressait  qu'aux  publi- 
cations royalistes  ;  c'était  sa  couleur, 
et  très-prononcée.  Il  différait  essen- 
tiellement ,  à  cet  égard  ,  de  son  frè- 
re :  ils  ne  s'en  aimèrent  et  ne  s'en  es- 
timèrent pas  moins.  Ramond  du  Pou- 
jet avait  des  amis  distingués  dans  tou- 
tes les  classes  de  la  société.  La  plu- 
part d'entre  eux  furent  bien  surpris, 
à  ses  obsèques,  de  faire  connaissance 
les  uns  avec  les  autres ,  car  il  ne  les 
réunissait  jamais ,  n'ayant  pas  d'état 
de  maison,  menant  même,  quoique 
sociable  et  généreux,  une  vie  modeste 
et  frugale.  Sa  haine  des  excès  révo- 
lutionnaires allait  jusqu'à  l'indigna- 
tion et  la  colère,  quand  il  trouvait 
dans  ses  lectures  des  mots  nouveaux 
sans  être  nécessaires ,  bizarres  jus- 
qu'à la  barbarie ,  et  capables ,  selon 
lui ,  d'altérer  notre  langue.  La  Noti- 
ce sur  les  anciennes  enceintes  de  la 
ville  de  Paris.,  petit  in-8°,  parut 
chez  Belin-Leprieur;  seconde  édi- 
tion, 1826.  L— p— E. 

RA.MO>'DI.\I  (Vincent),  natura- 
liste italien,  naquit  le  10  octobre 
1758,  à  Messine,  où  son  père  était 
pharmacien.  Après  avoir  achevé  le 
cours  de  collège  dans  sa  ville  natale, 
il  alla  étudier  la  médecine  à  Naples 
et  se  fit  recevoir  docteur.  Toutefois 
il  ne  s'adonna  pas  à  l'exercice  de  cet 
art,  auquel  il  préféra  la  chimie  et  la 
minéralogie,  ce  qui  lui  valut  d'être 
choisi  par  le  gouvernement  pour  visi- 
ter la  nitrière  naturelle  de  Molfetta, 
et  d'être  compris  au  nombre  des  jeu- 
nes gens  (André  Savaresi,  Mathieu 
Tondi,  Joseph  Melograni,  Jean  Fa- 
licchio  et  C.-A.  Cippi),  qui  furent  en 


320 


RAM 


voyés  en  1789  en  Hongrie  pour  étu- 
dier les  procédés  employés  dans  l'ex- 
ploitation des  minéraux.  Après  trois 
années  d'éludés  au  collège  de  Schem- 
nitz,  Ramondini,  accompagné  de  Mé- 
lograni,  parcourut  scientifiquement 
toute  la  Hongrie,  la  Transylvanie,  la 
Pologne,    la   Gallicie,   la  Bohême, 
l'Autriche  et   le  Tyrol.    Il   s'arrêta 
quelque  temps  à  Freyberg  pour  suivre 
les  leçons  de  Werner  sur  la  minéralo- 
gie. La  Saxe  lui  coûta  à  elle  seule 
une  année  de  pérégrinations,  tant  les 
minières  d'Ertzeburge  et  celles  de 
Harz  lui  offrirent  d'intérêt.  En  1794, 
il  passa  en  Angleterre  et  visita  les 
principales  mines  dont  ce  pays  est  si 
riche.  H  ne  fut  de  retour  à  Naples 
qu'en  1796.  Peu  de  temps  après  il  lit 
partie  d'une  commission  chargée  de 
reconnaître  une  prétendue  carrière 
de  charbon  fossile  dans  la  province 
de  Salerne,  et  d'examiner  les  fours  de 
Marino  et  de  Cannetto.  De  là  il  passa 
enCalabre,  pour  y  visiter  les  miniè- 
res de  Stilo  et  les  fonderies  de  la 
Mongiana  ;  mais  les  convulsions  poli- 
tiques auxquelles  le    pays    fut    en 
proie  l'obligèrent  de  revenir  à  Na- 
ples ,  avant  d'avoir  pu  faire  tout  le 
bien  qu'il  projetait.  En  1801,  il  fut 
de  nouveau  envoyé  en  Calabre  pour 
dresser,  conjointement  avec  Savare- 
si ,  la  carte  géographique  et  minéra- 
logique  de  ces  contrées.  Cependant  il 
ne  coopéra  pas  à  l'exécution  entière 
de  ce  travail ,  car  il  fut,  dans  l'inter- 
valle ,  rappelé  à  Naples  pour  occu- 
per une  chaire  à  l'université  et  diri- 
ger le  musée  de  minéralogie.  On  doit 
à  Ramondini  la  découverte  d'une  nou- 
velle substance  vomie  par  le  Vésuve 
et  à  laquelle  il  donna  le  nom  de  Zur- 
lite,  en  l'honneur  du  comte  Zurlo, 
son  protecteur.  Ramondini  mourut 
àNapIcs,  leis  sept.  1811.  On  a  de  lui: 
1.  Luttera  mlUt   nitriera  nai craie 


RAM 

del  Pulo  di  Molfetta^  nella  terra  di 
Bari  in  Puglia,  Naples,  1788,  in-S". 
II.  Memoria  sulla  preparazione  délia 
canapa,  etc.  (dans  les  Actes  de  l'In- 
stitut royal  d'encouragement,  Naples, 
1811).  Il  ade  plus  laissé  en  manuscrit 
un  Traité  élémentaire deminéralogie. 
MM.  Tondi  et  délie  Chiaie  ont  con- 
sacré chacun  une  notice  à  ce  savant 
naturaliste.  A — y. 

KAMPEGOLO  ou  RAMPIGOLI 
(Antonio),  nommé  aussi  Rampelogo 
et  Ampelogo,  religieux  augustin,  na- 
quit à  Gênes,  et  fut  eu  1412  choisi  au 
concile  de  Constance  pour  disputer 
contre  les  partisans  de  Jean  Hus.  Le 
talent  avec  lequel  il  remplit  cette 
mission  eut  l'approbation  du  concile 
et  augmenta  sa  réputation  déjà  fort 
étendue.  Il  est  auteur  d'un  livre  in- 
titulé Biblia  aurea ,  et  quelquefois 
Figurœ  bibiiarum  ou  Repertorium 
biblicum,  dont  il  se  lit,  au  XV"=  siècle, 
plusieurs  éditions,  ainsi  que  dans  le 
siècle  suivant,  toutefois  avec  des  cor- 
rections, car  l'ouvrage  en  avait  grand 
besoin.  Rampegolo,  en  le  composant, 
avait  un  louable  dessein  ;  il  voulait 
faciliter    aux    prédicateurs    de   son 
temps  leur  travail,  en  réunissant  et 
leur  mettant ,  pour  ainsi  dire,  sous 
les  yeux  un  grand  nombre  de  textes 
de  l'Écriture  sainte  dont  il  indiquait 
le  sens  moral.  Malheureusement  son 
livre  manquait  d'exactitude;  il  s'y 
glissa  beaucoup  de  fautes  et  même 
des  erreurs  contre  la  foi,  de  sorte  que 
Clément  VIII  le  mit  au  nombre  des 
livres  prohibés,  jusqu'à  ce  qu'on  en 
eût  fait  disparaître  toutes  les  proposi- 
tions hétérodoxes,  ce  qui  fut  exécuté 
en  1 628.  On  ignore  en  quel  temps  mou- 
rut Rampegolo.  Un  auteur  moderne 
assure  qu'il  était  au  concile  de  Bàle, 
eu  1433.  L— Y. 

RANPEN  (Henhi)  naquit,  le  18 
novembre  1572,  dans  la  ville  de  Uni, 


RAM 

province  de  Liège.  Ses  humauilës 
étaient  h  peine  achevées  que  le  désir 
de  voir  Rome  lui  fit  accompagner  im 
jeune  seigneur  liégeois  qui  partait 
pour  l'Italie.  Il  obtint,  à  son  retour, 
une  bourse  pour  faire  sa  philosophie 
à  l'université  de  Louvain,  où  il  sui- 
vit les  cours  de  théologie  et  fut  ad- 
mis à  la  prêtrise  en  1597.  Cette  uni- 
versité, qui  le  considérait  comme 
un  de  ses  meilleurs  élèves,  le  vit 
bientôt  siéger  parmi  ses  professeurs. 
Il  y  donna  successivement  des  leçons 
de  grec ,  de  philosophie  et  d'Écriture 
sainte.  Son  zèle  et  ses  talents  furent 
récompensés  par  la  présidence  du 
collège  de  Sainte-Anne  et  du  Graud- 
Collége.  Il  mourut,  à  Louvain,  fe  4 
mars  1641.  Rampen  avait  publié  dans 
cette  ville ,  quelques  années  aupa- 
ravant (1631-33-34),  3  volumes 
in-4°  de  Commentaires  en  latin  sur 
les  quatre  évangiles,  ouvrage  qui  était 
fort  estimé  des  théologiens  en  Bel- 
gique, mênae  dans  ces  derniers 
temps.  St— T. 

RAMPOX  (Antoine-Glill.xume), 
général  français,  fut  un  des  plus  bra- 
ves guerriers  de  notre  époque,  s'il 
n'en  fut  pas  un  des  plus  habiles.  Né 
à  Saint-Forlunat ,  dans  le  Vivarais , 
en  1759,  il  s'engagea,  des  l'âge  de 
seize  ans,  dans  nu  régiment  d'infan- 
terie, et  revint  dans  sa  famille, 
après  huit  ans  de  service.  Dès  l'orga- 
nisation des  premiers  volontaires 
nationaux,  en  1791,  il  s'enrôla  dans 
un  des  bataillons  de  l'Ardèche,  et  il 
y  fut  nommé  lieutenant.  C'est  en 
cette  qualité  qu'il  lit  la  campagne  de 
1792  en  Italie.  Il  passa  au  mois  de  fé- 
vrier 1793  à  l'armée  des  Pyrénées,  et 
y  obtint  le  grade  de  chef  de  batail- 
lon sur  le  champ  de  bataille  de  Vil- 
lelongue,  le  5  octobre  1793.  Employé 
d'abord  comme  adjudant-général ,  il 
fut  nommé  général  de  brigade,  puis 

LVXVIU. 


RAM 


Iflt 


fait  prisonnier  par  les  Espagnols  le 
24  janvier  1794,  et  ne  recouvra  sa 
liberté  qu'à  la  conclusion  de  la  paix- 
Envoyé  à  l'armée  d'Italie  en  1796, 
Rampon  s'y  signala  les  10  et  15  avril, 
auï  batailles  de  Montenotte  et  de 
Millesimo.  A  la  journée    de   Mon- 
tenotte,   il    défendait   la    redoute 
de  Montelezino  avec  quinze  cents 
hommes.  Le  général  autrichien  Beau- 
lieu,  après  avoir  culbuté  le  centre 
de  Tarmée  française ,  arriva  en  per- 
sonne à  la  tète  de  quinze  mille  hom- 
mes devant  cette  redoute,  et  en  for- 
ma l'attaque.  Rampon,  au  milieu  du 
feu  le  plus  vif,  lit  jurer  à  sa  troupe 
de  mourir  plutôt  que  d'abandonner 
son  poste.  Trois  fois  l'ennemi  revint 
à  la  charge  et  trois  fois  il  fut  repous- 
sé. Le  lendemain  il  revint  encore ,  et 
fut  battu  de  nouveau.  Rampon  sou- 
tint sa  réputation  à  Roveredo  le  18 
fructidor  an  IV  (4  septembre  1796), 
et  dans  la  campagne  de  l'an  V  (1797). 
Il  était  un  des  généraux  commandant 
l'avant-garde,  lorsque  l'armée  d'Italie 
passa  risonzo.  les  Alpes-Juliennes  , 
et  qu'elle  envahit  la  Carinthie,   la 
Styrie  et  la  Carniole.  Il  alla  ensuite 
combattre  en  Suisse  sous  les  ordres 
de  Brune,  puis  il  fit  partie  de  l'expédi- 
tion d'Egypte.  A  la  bataille  des  Pyra- 
mides il  commandait  les  grenadiers 
qui  abordèrent  avec  tant  d'impétuo- 
sité les  retranchements  des  Turcs  et 
soutinrent  les  charges  réitérées  des 
Mameloucks.  Le  général  en  chef  Bo- 
naparte en  fit ,  dans  son  rapport,  la 
mention  la  plus  honorable.  Envoyé 
à  la  conquête  de  la  Syrie,  Rampon 
entra  le  premier  à  Suez,  soumit  la 
province  d'Alfickély,  commanda  la 
droite  de   l'armée  à  la  bataille  du 
Mont-Thabor ,   fut  promu    pendant 
cette  expédition  au  grade  de  général 
de  division;  revintcombattreà  Abou- 
kir,  à  Héliopolis,  et  fut  chargé  par  le 
21 


322 


RAM 


général  Klëber  du  commandement 
des  provinces  de  Damiette  et  de  Man- 
sourah,  formant  le  6«  arrondissement 
de  l'Egypte.  Après  la  capitulation 
d'Alexandrie,  dont  il  avait  commandé 
le  camp  retranché  pendant  le  siège , 
RampoQ  s'embarqua  pour  la  France, 
et  arriva  à  Marseille  en  nov.  1801.  Il 
avait  été  nommé ,  pendant  son  ab- 
sence, par  son  ancien  chef  devenu 
premier  consul ,  membre  du  sénat 
conservateur.  Peu  de  temps  après  son 
retour,  il  fut  nommé  grand -officier 
de  la  Légion-d'Honneur,  et  présida, 
en  1803 ,  le  collège  électoral  du  dé- 
partement de  l'Ardèche.  Il  obtint 
bientôt  la  sénatorerie  de  Rouen ,  fut 
créé  comte  de  l'empire ,  et  reçut, 
en  1805,  le  commandement  des  gar- 
des nationales  des  départements  de 
l'ancienne  Picardie,  de  )a  Flandre  et 
de  la  Belgique.  Il  se  trouvait  dans  ces 
contrées  en  1809,  lorsque  les  An- 
glais firent  un  débarquement  dans 
l'île  de  Walcheren,  et  tentèrent  de 
s'emparer  d'Anvers,  pour  y  détruire 
la  flotte  et  les  travaux  que  Napoléon 
venait  d'y  établir  à  grands  frais.  On 
sait  comment  Fouché  et  Bernadotte 
s'entendirent  dans  cette  occasion , 
soit  pour  résister  aux  Anglais,  soit 
pour  profiter  dans  leur  intérêt  des 
avantages  que  pourraient  leur  offrir 
les  circonstances  et  surtout  l'absence 
de  l'empereur,  alors  engagé  dans  une 
guerre  fort  périlleuse  avec  l'Autri- 
che. Rampon ,  qui  était  loin  d'avoir 
compris  leurs  projets,  céda  sans  dif- 
ficulté le  commandement  à  Berna- 
dotte, et  il  contribua  avec  un  grand 
zèle  à  l'expulsion  des  Anglais.  En 
1813,  après  la  malheureuse  campa- 
gne de  Saxe ,  il  fut  envoyé  de  nou- 
veau en  Hollande.  N'ayant  point  assez 
de  forces  pour  résister  aux  alliés 
quand  ils  s'approchèrent  de  celte 
(.outrée,  il  se  retira  dans  la  place  de 


RAN 

Gorcum,  et  s'y  défendit  long-temps 
avec  beaucoup  de  vigueur.  Forcé  en- 
fin de  capituler,  il  était  prisonnier  de 
guerre,  lors  du  rétablissement  des 
Bourbons  en  1814.  Il  leur  envoya 
son  adhésion ,  et  fut  créé  pair  de 
France,  le  4  juin  de  cette  année. 
II  continua  de  siéger  en  1815,  dans 
cette  chambre,  après  le  retour  de 
Napoléon,  qui  le  nomma  un  de  ses 
commi.Ksaires  extraordinaires  dans  la 
4®  division,  où  il  exerça  contre  le  rec- 
teur de  l'Université  et  contre  des  ec- 
clésiastiques recommandables  des  ac- 
tes de  sévérité  au  moins  inutiles. 
Au  second  retour  du  roi ,  il  fut  rayé 
de  la  liste  des  pairs,  puis  rétabli  dans 
la  grande  fournée  faite  après  la  , pro- 
position de  Barthélémy.  Depuis  cette 
époque,  jouis  sant  en  paix  de  bons 
traitements  et  d'une  fortune  méritée 
par  de  glorieux  services,  Rampon 
mourut  dans  le  mois  de  mars  1 842, 
laissant  un  fils  qui  est  aujourd'hui 
pair  de  France.  M— Dj. 

RANG  (Jean),  peintre,  né  à  Mont- 
pellier en  1674,  était  fils  d'un  habile 
peintre  de  portraits,  sous  lequel  Ri- 
gaud  {voy.  ce  nom,  XXXVHI,  106)  | 
avait  étudié,  mais  qu'il  n'avait  pas  | 
tardé  à  surpasser.  Le  jeune  Ranc  de- 
vint lui-même  l'élève  de  Rigaud  dont 
il  épousa  la  nièce.  Il  imita  avec  bon- 
heur la  manière  de  son  maître ,  sur- 
nommé le  Van  Dych  français,  et 
acquit  dans  le  genre  du  portrait  une 
telle  réputation  que  l'Académie  de 
peinture  lui  ouvrit  ses  portes  eu  1703. 
Philippe  V,  roi  d'Espagne,  l'ayant 
nommé  son  premier  peintre  en  1724, 
Ranc  se  rendit  à  Madrid,  où  il  fit  les 
portraits  de  tous  les  personnages  de 
la  cour;  et,  d'après  les  ordres  du  mo- 
narque, il  passa  eu  Portugal,  y  peignit 
aussi  tous  les  membres  de  la  famille 
royale,  et  en  revint  comblé  de  pré- 
sents. Ses  talents  lui  avaient  procuré 


RAN 

une  belle  fortune  ;  mais,  naturelle- 
ment dissipateur,  il  ne  sut  pis  la 
conserver.  Il  mourut  à  Madrid  en 
1735.  On  rapporte  sur  cet  artiste  une 
anecdote  qui  paraît  plus  plaisante  que 
réelle.  De  mauvais  critiques  ayant 
trouvé  peu  ressemblant  un  portrait 
qu'il  avait  fuit,  Ranc  voulut  les  con- 
vaincre d'ignorance.  Il  prépara  une 
toile,  et  la  découpa  de  manière  à  ce 
que  l'individu  qu'il  avait  peint,  et  qui 
se  prêfa  complaisaniment  à  ce  strata- 
gème, pût  y  ajuster  sa  têie  au  mo- 
ment où  les  prétendus  connaisseurs 
entreraient  dans  l'atelier.  «  J'ai  re- 
commencé mon  travail,  et  j'espèreque 
cette  fois  vous  serez  satisfaits,  leur 
dit  le  peintre,  en  tirant  le  rideau  qui 
cachait  la  toile.  —  M<iis  non ,  s'écrieiit- 
ils  aussitôt ,  ce  ne  sont  pas  encore  là 
les  traits  de  notre  ami.  —  Vous  vous 
trompez,  répond  la  tête,  car  c'est 
moi-même.  »  Cette  aventure,  vraie  ou 
fausse,  a  fourni  à  La  Mutte-Houdar  le 
sujet  de  sa  5«  fable  du  liv.  IV,  inti- 
tulée le  Portrait;  et  Anseaume  y  a 
peut-être  puisé  l'épisode  de  son  opéra- 
comique  du  raô/eaupar/an/.  P  — RT. 
RAN'COXET  (AoiAR  de),  né  sur 
la  fin  du  XV»  siècle  à  Périgueiiï,  ou, 
selon  Ménag" ,  à  Bordeaux  ,  était  fils 
d'un  avocat  distingué  de  cette  ville, 
et  devint  lui-même  un  habile  juris- 
consulte. A  l'étude  approfondie  du 
droit  romain,  il  joignit  celle  de  la 
philosophie,  des  maîhémaliques  et 
des  antiquités.  Après  des  malheurs  de 
toutes  sortes,  il  entra  comme  conseil- 
ler au  parlement  de  Bordeaux,  où  il 
se  fit  remarquer  par  une  vaste  con- 
naissance des  lois  et  par  une  haute 
«pacilé  dans  les  affaires,  il  fut  en- 
suite nommé  président  d'une  cham- 
bre des  enquêtes  au  parlement  de 
Paris;  mais  eu  1559,  accusé  fausse- 
ment d'inceste  avec  sa  fille,  il  fut  en- 
fermé à  la  Bastille,  et  y  mourut  decha- 


RAN 


3»S 


grin,  âgé  de  plus  de  60  ans.  Pithou  as- 
signe une  autre  cause  à  cette  disgrâce. 
Il  dit  que  le  cardinal  de  Lorraine  vou- 
lant consulter  le  parlement  de  Paris, 
relativement  à  la  punition  des  héré- 
tiques, Ranconet  se  rendit  à  l'assem- 
blée avec  les  œuvres  de  Su  I  pi  ce  Sé- 
vère, et  y  lut.  dans  la  Vie  de  taint 
Martin,  le  passage  où  il  est  question 
de  l'hérésiarque  Priscillien  dont  le 
saint  évêqiie  de  Tours  implora  la  grâce 
auprès  de  Maxime  (roy.  IkfftRTiN, 
XXVII,  292,  et  Pbiscilliem,  XXXVI, 
lt4-15).  Dès  lors  en  butte  au  ressen- 
timent du  car<lin:il ,  Ranconet  fut 
traîné  en  prison  Quoi  qu'il  en  soit, 
une  suite  d'afOiciions  domestiques 
avait  empoisonné  sa  vie.  Sa  fille  était 
morte  dans  la  plus  affreuse  misère; 
son  fils  avait  péri  sur  l'échafaud;  sa 
femme  fut  tuée  d'un  coup  de  ton- 
nerre, et  lui-même,  avant  de  parve- 
nir aux  fonctions  de  la  magistrature, 
s'était  vu  contraint  d'exercer  le  mo- 
deste emploi  de  correcteur  dans  l'im- 
primerie desEstienne.  Pilhou  assure 
que  le  Dictionarium  poeticum,  im- 
primé sous  le  nom  de  Cliarles  Es- 
tienne,  est  réellement  de  Ranconet, 
également  versé  dans  le  grec  et  dans 
le  latin.  On  prétend  qu'il  eut  aussi 
une  grande  part  à  l'ouvrage  de  Bar- 
nabe Brisson  {voy.  ce  nom,  V,  619- 
20),  intitulé  :  De  verborum  quœad 
jui  pertinent  significatione,  ainsi 
qu'au  De  formulis  que  le  même  au- 
teur publia  plus  tard,  et  pour  lequel 
il  put  d'ailleurs  profiter  des  notes  que 
Ranconet  avait  l'habitude  d'écrire  sur 
les  livres  de  sa  bibliothèque,  ce  qui 
les  fit  ensuite  rechercher.  Ce  savant 
homme,  livré  aux  affaires  pendant  le 
jour,  se  couchait  de  bonne  heure,  se 
relevait  après  son  premier  sommeil, 
donnait  quatre  heures  à  l'étude  ;  puis 
il  se  recouchait  et  achevait  à  son  ré- 
veil ce  qu'il  avait  médité  dans  le  si- 


3^4  '^à'M 

lence  de  la  nuit.  Il  disait  que  ce  ré- 
gime était  aussi  favorable  à  la  sauté 
qu'aux  progrès  de  l'instruction.  Cujas 
en  parle  avec  éloge  et  lui  dédia  ses 
Jnterpretationes  ad  Julii  Pauli  re- 
ceplas  sententias.  Ranconet  avait  pu- 
blié le  Trésor  de  la  langue  française, 
tant  ancienne  que  moderne,  ouvrage 
que  Jean  Nicot  (voy.  ce  nom,  XXXI, 
264)  a  refondu  et  considérablement 
augmenté.  C'est  un  monument  de 
l'état  de  notre  langue  à  cette  époque, 
et  les  lexicographes  l'ont  souvent 
consulté  avec  fruit.  P — rt. 

RANDOLPH  (Jean),  membre  du 
congrès  américain  pour  la  province 
de  Virginie,  fut  un  des  hommes  d'É- 
tat les  plus  considérés  des  États-Unis, 
et  se  fit  surtout  connaître  comme  an- 
tagoniste de  Madison  et  du  parti  dé- 
mocratique. En  1806  il  combattit, 
dans  un  long  discours,  la  motion  fai- 
te par  Gregg  de  prohiber  l'impor- 
tation des  produits  de  manufactures 
britanniques.  «  Je  me  suis  opposé  à  la 

•  guerre  navale  de  la  dernière  admi- 
■  nistration,  dit-il ,  et  je  suis  égale- 

•  ment  prêt  à  m'opposer  à  celle  que 
«peut  méditer  l'administration  ac- 

•  tuelle.  Prohiber  l'importation  des 

•  manufactures  britanniques  ,  c'est 
«  nous  mettre  en  état  de  guerre  avec 
«  l'Angleterre.  Eh  quoi  !  faut-il  que  le 
«  grand  Mammouth  des  forêts  d'Amé- 

•  rique  sorte  de  son  élément  natal, 
«et  qu'il  se  précipite  follement  dans 
«lesflots  pour  y  attaquer  le  requin?... 

•  Jetez  les  yeux  sur  la  France;  voyez 

•  ses  bâtiments  s' échappant  à  la  dé- 

•  robée  d'un  port  à  l'autre  sur  ses 
«propres   côtes,    et  souvenez-vous 

•  qu'après  l'Angleterre,  c'est  la  pre- 
«  mière  puissance  navale  du  globe! 
«  Otez  la  marine  anglaise,  et  demain 
«  la  France  sera  le  tyran  de  l'Océan.» 
En  1809,  il  se  prononça  avec  force 
contre  l'embargo,  et  chercha  à  jeter 
d'avance  de  la  défaveur  sur  les  opi- 


RAN 

nions  de  Madison,  dont  il  prévoyait 
l'élection  à  la  présidence.  A  la  fin  de 
1815,  il  adressa  à  l'un  des  représen- 
tants de  Massachussets  une  lettre, 
dans  laquelle  il  s'efforçait  de  prouver 
aux  habitants  de  la  Nouvelle-Angle- 
terre combien  il  serait  impolitique  et 
même  dangereux  de  se  séparer  de 
l'Union.  "  La  guerre  actuelle,  dit-il , 
«  est  sans  doute  contraire  à  tous  les 
«  vœux  des  vrais  Américains  ;  un  gou- 
«  vernement  d'athées  et  de  fous,  tel 
«  que  celui  de  M.  Madison  ,  est  une 
•  malédiction  pour  notre  pays;  mais 
«  il  faut  se  rappeler  que  ce  n'est  pas 
«  en  nous  divisant  que  nous  pour- 
«  rous  lui  arracher  une  paix  honora- 
«  ble.  •  La  Gazette  de  Boston  répon- 
dit à  cette  lettre  par  un  argument 
personnel,    tiré  de  la  conduite  de 
Randolph  en  1803.  Lors  du  fameux 
traité  conclu  à  cette  époque,  mais  qui 
ne  fut  pas  ratifié,  les  représentants  de 
la  Virginie,  et  Randolph  à  leur  tête, 
déclarèrent  que,  si  le  traité  était  ac- 
cepté, l'État  de  Virginie  se  séparerait 
de  l'Union.  La  même  doctrine  fut 
alors   professée  par    Madison.   •  Si 
«  donc,  ajoutait  la  Gazette  de  Boston, 
«  les  États  de  la  Nouvelle-Angleterre 
«  voulaient  se  séparer  de  l'Union,  jls 
•  ne  feraient  que  mettre  en  pratique 
«  la  doctrine  de  M.  Randolph.  »  Jean 
Randolph  mourut  en  1833.  —  Ran- 
dolph {Edmond),  frère  du  précédent, 
ne  partagea  pas  ses  opinions  politi- 
ques, et  prit  les  armes  en  faveur  de 
l'indépendance     américaine,    après 
avoir  fait  des  études  pour  suivre  la 
carrière  du  barreau.  A  la  paix,  il  re- 
prit ses  anciennes  occupations,  mon- 
tra de  grands  talents  comme  avocat , 
et  obtint  une  nombreuse  clientèle.  Il 
fut  bientôt  appelé,  par  les  suffrages 
de  ses  concitoyens,  d'abord  à  la  place 
de  secrétaire  de  la  Convention  de  la 
Virginie,  ensuite  à  celle  de  procu- 
reur général  que  son  père  avait  occu- 


RAN 

pée  sous  le  gouvernement  royal.  Ce 
fut  à  peu  près  vers  cette  époque  qu'il 
épousa  la  fille  de  Robert  Carter  Ni- 
cholas,  dernier  trésorier  de  l'État  de 
Virginie,  dont  il  eut  plusieurs  en- 
fants. Il  était  avocat-général  de  la 
Virginie  depuis  quelques  années, 
lorsque  Washington,  ayant  été  élu 
président,  le  fit  nommer  procureur 
général  de  l'Union  fédérale,  fonction 
qu'il  exerça  avec  distinction  jusqu'à 
ce  qu'il  succédât  à  Jefferson  dans 
celle  de  secrétaire  d'État.  En  1794, 
il  fut  compromis  dans  les  dépêches 
que  l'ambassadeur  français  adres- 
sait à  son  gouvernement,  et  qui  fu- 
rent interceptées  par  les  Anglais. 
Lord  Grenville  les  ayant  transmises  à 
M.  Hammond,  ministre  d'Angleterre 
à  Philadelphie,  elles  parvinrent  à 
Washington,  qui,  après  avoir  réuni 
son  conseil,  fit  interroger  Randolph; 
celui-ci  donna  sa  démission  et  se 
retira  en  Virginie,  où  il  reprit  la  pro- 
fession d'avocat  dans  laquelle  il 
mourut  vers  1835.  Z. 

RANDON,  graveur  de  mérite, 
quoique  peu  connu,  naquit  à  Reims 
dans  le  XVIl"  siècle.  On  a  de  lui 
plusieurs  gravures  et  notamment 
le  Martyre  de  saint  André,  d'a- 
près le  Guide.  Cette  gravure  a  66 
centimètres  de  longueur  sur  50  de 
hauteur.  Nous  avons  pensé  un  mo- 
ment que  Claude  Randon ,  né  à 
Pontoise  en  1674  et  dont  l'article  se 
trouve  dans  le  Dictionnaire  des  gra- 
veurs de  F.  Basan,  pourrait  être  celui 
dont  nous  parlons;  mais,  la  gravure 
du  Martyre  de  saint  André  portant  au 
bas  Randon  Remus,  tous  les  doutes 
doivent  disparaître.      L  — c — i. 

RANGIERUS,  Rangier,  cardinal 
et  archevêque  de  Reggio  en  Calabre, 
naquit  à  Reims  ou  dans  le  diocèse, 
vers  l'an  1035.  Apres  avoir  étudié 
^ou5  saint  3runo  avec  Eudes  de  Cl\l^-> 


RAN 


tiB 


tillon,  chanoine  de  Reims,  cardinal, 
et  enfin  pape  sous  le  nom  d'Urbain  11, 
Rangierus  renonça  au  monde  et  se. 
retira  dans  le  monastère  de  Marmou- 
tier.  Il  y  mena  une  vie  obscure  jus- 
qu'au temps  d'un  différend  qu'eu- 
rent les  religieux  avec  les  archevê- 
ques de  Tours.  Bernard ,  abbé  de. 
cette  maison ,  ayant  confiance  dans 
Bernard- Ponce,  Rémois,  prieur  du 
monastère,  et  dans  Rangierus,  il 
les  fit  partir  pour  Rome,  espérant 
qu'ayant  été  tous  les  deux  condis- 
ciples du  pape,  ils  obtiendraient 
sans  peine  ce  qu'il  sollicitait.  Ils 
l'obtinrent  en  effet  :  la  bulle  expédiée, 
Bernard  -  Pouce  revint  en  France , 
mais  Rangierus  resta  près  du  saint- 
père  qui  plus  tard  le  fit  cardinal. 
L'archevêché  de  Reggio  étant  devenu 
vacant  par  la  mort  d'Arnoul,  Ran- 
gierus y  fut  promu  en  1090.  L'année 
suivante  il  souscrivit  au  privilège  ac- 
cordé par  le  pape  au  monastère  de  Ca- 
ve, rapporté  par  Baroniusctpar  le  bul- 
lairedu  Mont-Cassin.  Urbain  II  étant 
venu  en  France  en  1095,  ce  prélat  l'y 
suivit  et  assista  au  célèbre  concile  de 
ClermontjOÙ  la  première  croisade  fut 
décidée.  Le  concile  fini,  Rangierus  aida 
le  souverain  pontife  pour  la  consé- 
cration de  l'église  de  Marmoutier,  et 
retourna  ensuite  à  Reggio.  En  oct. 
1106  il  assista  au  concile  de  Guas- 
talla  avec  le  pape  Pascal  II.  Ughelli 
parle  de  lui  comme  d'un  homme  de 
grande  considération  :  Vir  magnœ 
existimationis,  mais  il  ne  dit  rien  de 
sa  mort.  L — c— j, 

RAXIERI-BISCIA  (Louis), poète 
et  antiquaire  italien,  naquit  le  27  dé- 
cembre 1744,  dans  une  villa  que  sou 
père  possédait  à  Salto,  près  de  Dova- 
dola  en  Toscane.  Appartenant  à  une 
famille  riche  et  noble,  il  reçut  de 
bonue  heure  une  éducation  brillante, 
et  fut  envoyé  au  collège  de  Faen?a. 


326 


RAN 


où  il  se  fit  remarquer  par  la  préco- 
cité de  son  esprit  et  son  assiduité  au 
travail.  Malheureusement  la  faiblesse 
de  sa  santé  Tobligea  d'interrompre 
ses  études  et  de  rentrer  sous  le  toit 
paternel.  Désormais  livré  à  lui-même, 
il  sut  se  passer  de  maître  ;  appro- 
fondit les  classiques  latins,  étudia  la 
philosophie,  l'histoire,  et  s'occupa 
surtout  d'archéologie.  La  poésie  eut 
pour  lui  des  attraits,  et  il  publia  un 
élégant  petit  poème  sur  la  Culture 
de  l'Anis,  qui  lui  valut  d'éire  admis 
dans  l'Académie  des  Géorgophiles  de 
Florence  et  dans  celle  des  Arcades 
de  Rome,  où  il  fut  inscrit  sous  le  nom 
d.''Arnerio  Laurisseo.  Quelques  opus- 
cules sur  des  antiquités  augmentè- 
rent sa  réputation  au  point  que  plu- 
sieurs cardinaux  le  pressèrent  vive- 
ment d'aller  se  fixer  dans  la  capitale 
du  monde  chrétien  ;  mais  il  résista  à 
toutes  leurs  offres.  Plus  tard  cepen- 
dant il  accepta  un  emploi;  et  fut 
successivement  podesta  de  Meldola, 
puis  gouverneur  de  Forli,  et  sous 
la  domination  française  intendant  des 
cultes  dans  la  Haiite-Romagne.  At- 
teint dans  ses  dernières  années 
d'une  maladie  cruelle,  il  moïirut  le 
26  janvier  1826.  On  lui  éleva  un 
tombeau  pour  lequel  le  professeur 
Jean-Baptiste  Zannoni  composa  une 
inscription  latine.  Telle  était  l'a- 
versiou  de  Ranieri  pour  les  amu- 
sements que  dans  tout  le  cours  de  sa 
vie  il  n'était  allé  qu'une  seule  fois  au 
spectacle.  Ayant  épousé  une  petite- 
nièce  du  cardinal  Biscia,  il  en  avait 
uni  le  nom  au  sien.  De  neuf  enfants 
qu'il  avait  eus,  trois  seulement  lui 
survécurent,  deux  liiles  et  un  gar- 
çon ,  qui  s'est  fait  une  réputation 
comme  orientaliste.  Outre  lui  grand 
nombre  d'ouvrages  restés  manus- 
crits, Ranieri-Biscia  a  laissé  :  I. 
Sulla  eoltivaxione  delf  Anke  (Cé- 


RAN 

sène,  1772,  in-80),  poème  en  deux 
chants  et  en  vers  libres,  dont  les 
Êphémérides  littéraires  de  Borne,  de 
1773,  parlèrent  avec  éloge.  Une  se- 
conde édition,  pins  correcte  que  la 
précédente  et  enrichie  de  nouvelles 
notes,  a  été  publiée  à  Florence  en 
1828.  On  y  trouve  en  tête  une  notice 
sur  l'auteur.  II.  Dissertazione in  cui 
si  dimostra  che  in  Salto  già  dis- 
tretto  Forlirense  era  un  tempio  dedi- 
cato  a  Giove  ed  a  Giunone  apparte- 
nente  agli  antichi  popoli  del  liosco 
Galliano  detti  per  sopranome  Aqui- 
nati.  III.  Dissertazione  filologico- 
criticasul  legno  délia  crocedi  Gesù- 
Cristo,  con  allre  tre  dirette  a  sercire 
di  appendice  aile  lezioni  di  Giu- 
seppe  Averani  sulla  passione  diNoi- 
tro-S  ignore.  A — v. 

RANS  ou  RAINS  (Bertrand  de), 
ainsi  appelé  par  corruption  de  Reims, 
lieu  de  sa  naissance ,  petit  village 
près  de  Vitry-sur-Marne,  avait  été 
ménestrel, etenfin  se  lit  ermite.  Ilvé- 
cut  long-temps  dans  la  forêt  de  Par- 
thenay,  puis  dans  celle  de  Glançon  , 
entre  Valenciennes  et  Tournai.  Là 
s'étaient  retirés  aussi,  comme  soli- 
taires, plusieurs  chevaliers  revenus 
de  la  croisade  à  laquelle  avait  pris 
part  Baudouin,  comte  de  Flandre  et 
de  Hainaut,  qui,  élu  empereur  de 
Conslantinople ,  tomba  dans  les 
mains  des  Bulgares,  et  périt  cruel- 
lement en  prison  {voy.  Baudodin  I"", 
t.  m,  p.  544).  Bertrand  avait  quel- 
ques traits  de  ressemblance  avec  ce 
prince  ;  son  séjour  parmi  les  anciens 
croisés,  les  particularités  qu'il  racon- 
tait sur  l'expédition,  toutes  ces  cir- 
constances parurent  mystérieuses  à 
beaucoup  de  monde.  Ou  questionna 
l'ermite  qui  se  renferma  d'abord  dans 
le  silence  ;  mais  bientôt,  cédant  pro- 
bablement à  des  instigations  secrètet , 
il  èôtisentitk  jouer  un  rAle  politique 


RAN 


RAN 


lîT 


et  se  donna,  en  1225,  pour  Tempe- 
reur  Baudouin.  Il  disait  qu'après  une 
captivifë  de  vingt  ans  en  Bulgarie,  il 
était  parvenu  à  s'échapper  de  prison, 
et  que,  repris  par  des  barbares,  mais 
racheté  par  des  marchands  allemands 
auxquels  il  s'était  fait  connaître,  il 
revenait    gouverner    ses    Etats   de 
Flandre  et  de  Hain.iut.  De  nombreux 
partisans,  dans  le  peuple  et  dans  la 
noblesse,  se  déclarèrent  pour  lui.  La 
comtesse  Jeanne  [voy.  Hainaitt.XIX, 
317),  lille  de  Baudouin,  fut  surprise 
de  l'apparition  inopinée  d'un  père 
qu'elle  croyait  mort  depuis  tant  d'an- 
nées, et  lorsqu'elle  était  encore  bien 
jeuue-    Elle   envoya    cependant   en 
Grèce  Jean,  évêque  de  Mételin  (l'an- 
cienne Lesbos),  et  Albert,  religieux 
de  Saint-Benoît,  atin  de  recueillir  de 
nouveaux  renseignements  sur  le  sort 
de  Baudouin.   Le  résultat  de  cette 
enquête  confirma    authentiquement 
toutes  les  preuves  que  l'on  avait  déjà 
de  la   mort   de  l'infortuné  prince, 
mais  ne  désabusa  pas  les  gens  cré- 
dules qui  soutenaient  les  prétentions 
de  Bertrand.  Enfin  la  révolte  faisant 
de  jour  en  jour  des  progrès  alarmants, 
Jeanne  quitta  son  château  du  Ques- 
noy,  se  réfugia  à  Mons  et  implora 
l'appui  de  Louis  VIII,  roi  de  France. 
Ce  monarque  invita  le  prétendant  à 
venir  le  trouver  à  Péronne  et  lui  ac- 
corda un  sauf-conduit  ;  Bertrand  se 
rendit  en   cette  ville,  accompagné 
d'un  brillant  cortège,  fut  reçu  ma- 
gnifiquement   et   répondit    d'abord 
avec  assez  d'assurance  et  de  préci- 
sion; mais  l'évèque  de  Senlis  lui  ayant 
demandé  où  et  par  qui  il  avait  etéarmé 
chevalier,  à  quelle  époque  et  en  quel 
lieu  il  avait  épousé  Marie  de  Cham- 
pagne, le  fourbe  demeura  muet  à  des 
questions  si  simples  et  auxquelles  le 
vrai  Baudouin  aurait  répondu  sur-le- 
champ.  Redoutant  Tindignation  du 


roi,  il  se  sanva  pendant  la  nuit,  se 
retira  à  Valenciennes,  et,  abandonné 
de  tous  ceux  qui  l'avaient  suivi  jus- 
qu'alors, il  se  travestit  pour  passer 
en  Bourgogne -^  mais  il  fut  arrêté  et 
livré  à  la  comtesse  Jeanne.  Appliqué 
à  la  question,  il  avoua  son  impos- 
ture ;  et,  par  jugement  de  l'assemblée 
des  pairs ,  après  avoir  été  promené 
ignominieusement    dans   toutes   les 
villes  de  Flandre,  il  fut  pendu  à  Lille 
en  1226.  Quelques  personnes  néan- 
moins restèrent  persuadées  que  c'était 
réellement  Baudouin  qu'on  avait  fait 
mourir;  et  une  vieille  tradition  po- 
pulaire attribue  aux  anxiétés  de  con- 
science de  Jeanne  la  fondation  de 
l'hôpital  Comtesse,  à  Lille,  où  l'on 
voyait  des  potences  peintessur  les  mu- 
railles et  sur  les  vitraux.  De  tous  les 
historiens  contemporains ,  Matthieu 
Paris,  dont  la  chronique  contient  bien 
des  erreurs,  est  presque  le  seul  qui 
n'ait  pas  reconnu  l'imposture  ;  il  va 
rnêwe  jusqu'à  dire  que  la  comtesse 
Jeanne  a  commis  sciemment  un  par- 
ricide. Cette  horrible  accusation  a  été 
reproduite  dans  une  lettre  anonyme 
adressée  au  duc  de  Brissac  et  insérée 
dans  le  Journal  des  Savants  (mars 
et  mai  1771).  Enfin,  plus  récemment, 
Sismondi  et  M,  Michelet  ont  tenté  de 
prouver  l'identité  de  l'empereur  Bau- 
douin et  de  l'ermite  Bertrand ,  mais 
cette  identité,  démentie  par  les  té- 
moignages historiques  les  plus  con- 
vaincants, est  généralement  regardée 
comme  une  fable.  Elle  n'en  a  pas 
moins  fourni  à  M.  Hippolyte  Bis  le 
sujet  d'un  drame  en  cinq  actes  et  en 
vers,  intitulé  :  Jeanne  de  Flandre,  ou 
Régner  à  tout  prix.  Cette  pièce,  re- 
présentée au  Théâtre-Français,  en 
oct.  1845,  n'a  pas  réussi,  et  l'auteur 
Pa  immédiatement  retirée.     P — bt. 
RAXSIJAT  (BosREDON  de  ).Voy. 
BOSREDOÎS,  L1X,41. 


328 


RAiN 


IlAO 


RAN/A  (Jean  Antoine),  né  àVer- 
ceil  en  1740,  se  livra  dès  sa  jeu- 
nesse à  la  culture  des  belles-lettres, 
et  eu  i7Ci  fut  nommé  professeur 
de  rhétorique  dans  le  collège  de  cette 
ville;  ce  qui  ne  l'empêcha  pas  d'établir 
et  de  du'iger  une  imprimerie,  d'où 
sortirent  des  éditions  d'auteurs  latins 
aussi  exactes  et  aussi  correctes  que 
celles  des  Elxevirs  etdesAIdes.il  était 
en  même  temps  poète  et  historien.  Par- 
mi ses  poésies  on  distingue  plusieurs 
sonnets,  publiés  en  1764, 17r)5,  etc., 
et  un  poème  imprimé  à  Verceil  en 
1767,  sous  le  titre  de  la  Baila  del 
Tansillo,  avec  des  notes  remarqua- 
bles pour  prouver  l'obligation  im- 
posée à  lamère  de  nourrir  ses  enfants. 
Entre  les  autres  ouvrages  qu'il  a 
composés,  nous  citerons  :  I.  Disser- 
lazione  inserta  nella  Sercide  del  Te- 
muro,  Verceil,  1777.  L'auteur  y  dé- 
montre la  possibilité  d'obtenir  une 
seconde  récolte  de  vers  à  soie  dans 
la  même  année.  IL  DeW  antichità 
délia  chiesa  maggiore  di  Santa- 
Maria  di  Vercelli^  1784.  IIL  Diflé- 
rentes  dissertations,  publiées  sépa- 
rément, sur  l'antiquité  de  la  ville 
de  Verceil  et  ses  monuments.  Nous 
en  avons  donné  l'analyse  dans  notre 
Histoire  du  Vercellais.  On  doit  en- 
core à  Ranza,  comme  éditeur  :  Offi- 
cia sanctorum  quœ  speciatim  cele- 
brantur  in  Vercellensi  civilate  ac 
diœcesi,  1780.  Après  ces  travaux  d'é- 
rudition sur  l'histoire  de  sa  patrie, 
Ranza  devait  s'attendre  à  quelque  ré- 
compense honorilique;  mais,  desser- 
vi par  des  envieux,  il  prit  la  réso- 
lution de  quitter  le  pays,  et  se  retira 
à  Lugano  en  Suisse,  où  il  fit  paraître 
divers  écrits  politiques  et  une  réfuta- 
tion des  calomnies  dont  il  avait  été 
l'objet.  Revenu,  en  1798,  dans  le  Pié- 
Uiont,  alors  occupé  par  les  Français,  il 
fonda  à  Turin  un  journal  intitulé/lnno 


patriotico^  dans  lequel  il  inséra  un 
grand  nombre  d'articles  moraux  et 
politiques;  mais  après  sa  mort,  ar- 
rivée en  1801,  ce  journal  ne  fut  pas 
continué.  Cependant  le  corps  muni- 
cipal de  Turin  témoigna  à  sa  veuve 
les  regrets  que  lui  causait  sa  perte. 

G— G  —Y. 

RAOULX  du  complot  de  La  Ro- 
chelle. Voy.  Ecries,  LIX,  16. 

RAOUX  (Adrien-Philippe)  na- 
quit à  Ath,  dans  la  province  de  Hai- 
naut,  le  30  nov.  1758.  Il  appartenait 
à  une  famille  de  bourgeoisie  qui,  mal- 
gré l'exiguïté  de  ses  ressources,  ré- 
solut de  l'élever  de  manière  à  le  ren- 
dre capable  d'entrer  dans  toutes  les 
carrières.  Après  avoir  suivi  au  collège 
de  sa  ville  natale  les  classes  élémen- 
taires appelées,  à  cause  d'une  vieille 
grammaire  à  images  dont  on  ne  se 
servait  plus ,  la  petite  et  la  grande 
figure,  le  jeune  Raoux  fut  envoyé  k 
Mons,  au  collège  de  Mondain,  en  pos- 
session de  fournir  d'excellents  sujets 
à  l'université  de  Louvain.  Sa  rhéto- 
rique achevée,  il  alla  se  faire  inscrire 
parmi  les  étudiants  de  cette  école,  où 
se  rendaient  tous  ceux  qui  ambition- 
naient d'être  quelque  chose,  et  qui,* 
bien  que  déchue,  conservait  encore 
son  ancienne  réputation,  en  la  justi- 
fiant dans  certaines  parties.  Elle  com- 
mençait déjà  à  se  ressentir  des  réfor- 
mes calmes  et  prudemment  ménagées 
de  la  sage  Marie-Thérèse.  Muni  de 
son  diplôme  de  bachelier  en  droit,  il 
vint  postuler  et  patrociner  (ce  sont 
les  locutions  d'autrefois)  devant  le 
conseil  souverain  de  Hainaut.  La  plai- 
doirie orale  n'était  pas  admise,  et  par 
conséquent  la  déclamation  et  le  lieu 
coummu  ne  trouvaient  point  d'ali- 
ment; on  servait  aux  juges  des  mé- 
moires où  l'art  de  bien  dire  n'était 
pas  estimé  à  nu  très-haut  prix,  et  des 
curieux  en  conservent  encore  un  du 


RAO 

célèbre  Vauder  Noot,  en  faveur  du 
geôlier  de  Vilvorde,  factura  qui  est 
un  chef-d'œuvre  de  barbarie  et  de  ri- 
dicule. Raoux  ne  crut  pas  que  ses 
conuaissances  dans  le  droit  écrit  et 
coutumier,  dans  le  droit  ancien  et 
moderne,  lui  donnassent  une  autori- 
sation absolue  d'outrager  la  langue. 
Il  chercha  donc  à  se  faire  remarquer 
par  une  rédaction  soignée  et  correcte 
dont  on  n'avait  guère  l'usage  au  bar- 
reau. En  ce  lenips-là,  les  avocats  s'oc- 
cupaient des  affaires  de  leurs  clients 
et  ne  gouvernaient  pas  encore  le 
monde.  Raoux, quoiqu'il  remplît  scru- 
puleusement les  devoirs  de  sa  pro- 
fession ,  trouvait  cependant  quelque 
quart-d'heure  à  consacrer  aux  lettres 
et  même  à  la  politique.  Ou  a  retrouvé 
dans  ses  papiers  plusieurs  projets  et 
mémoires  qui  datent  de  celte  époque, 
et  qui  prouvent  qu'il  avait  la  voca- 
tion des  affaires  publiques.  11  n'était 
pas  encore  bachelier  en  droit  à  l'u- 
niversité de  Louvain  quand  il  fit  pa- 
raître des  réflexions  politiques  dont 
Feller  parla  favorablement  dans  son 
journal.  En  1785,  un  M.  de  V.  publia 
à  Bouillon,  où  la  presse  était  libre, 
une  brochure  intitulée  :  Le  partage 
des  Pays- Bas, ou  Moyens  de  pacifica- 
tion. Vers  le  même  temps,  Linguet  et 
Mirabeau  écrivaient  sur  la  liberté  de 
l'Escaut,  pour  le  compte  l'un  de  l'em- 
pereur, l'autre  de  la  Hollande.  On  ne 
sait  si  Raoux  fut  excité  par  cette  po- 
lémique. Quoi  qu'il  en  soit,  un  de  ses 
mémoires,  qui  est  imprimé,  est  sur- 
tout digne  d'attention.  Il  renferme 
un  Plan  pour  un  échange  des  Pays- 
Bas  autrichiens  (Mons,  8  p.  in-é"). 
L'Académie  fondée  depuis  plusieurs 
années  avait  éveillé  dans  les  esprits 
une  activité  qui  déjà  produisait  d'heu- 
reux fruits.  A  la  demande  d'uu  pa- 
triote auquel  on  devait  la  fondation 
d'un  prix  extraordinaire,  cette  com- 


FxAO 


a» 


paguie  proposa,  en  1779  et  eu  1780, 

l'éloge  de  Viglius.  Raoux,  âgé  au  plus 
de  vingt-deux  ans,  descendit  dans  la 
lice,  mais  ni  lui  ni  ses  concurrents 
n'obtinrent  le  prix.  VEssai  d'un 
éloge  historique  de  Viglius,  c'est  le 
titre  modeste  qu'il  lui  donna,  ne  pa- 
rut à  Bruxelles  qu'en  1787.  On  y  voit 
que  Raoux, tout  jeune  qu'il  était,  n'ap- 
prouvait pas  la  ferveur  philosophique 
de  Joseph  II.  Dans  son  discours,  en 
blâmant  la  sévérité  de  Philippe  et 
l'ambition  cauteleuse  du  prince  d'O- 
range, il  représente  Viglius  comme 
le  seul  espoir  de  la  concorde  au  mi- 
lieu des  partis  rivaux.  Les  notes  pui- 
sées dans  les  lettres  mêmes  de  cet 
homme  d'État  ont  pour  but  de  prou- 
ver la  vérité  de  ce  portrait.  Elles  sont 
toutes  saupoudrées  de  latin,  langage 
immuable  comme  la  loi,  suivant  son 
expression,  et  pour  lequel  il  nourris- 
sait une  prédilection  particulière. 
Raoux,  recommandé  à  l'attention  du 
pouvoir  par  sa  capacité  et  l'influence 
qu'il  commençait  à  acquérir,  fut 
nommé  le  17  avril  1787,  aux  termes 
d'un  décret  de  l'empereur  Joseph  II, 
commissaire  d'intendance  au  district 
de  Mons,  et  le  19  juin  de  l'année  sui- 
vante, échevin  de  cette  ville.  Cepen- 
dant les  troubles  que  lui  avaient  fait 
pressentir  les  innovations  du  lils  de 
Marie-Thérèse  commençaient  à  se 
manifester.  Joseph  II,  dont  il  serait 
injuste  de  méconnaître  les  qualités 
et  les  bonnes  intentions,  mais  qui 
était  dupe  des  opinions  régnantes,  et 
même  de  ses  propres  vertus,  avait 
poussé  jusqu'aux  dernières  consé- 
quences sou  rôle  de  monarque  phi- 
losophe ,  si  bien  qu'un  jour  l'empe- 
reur d'Allemagne,  roi  des  Romains, 
cessa  d'être  duc  de  Brabant,  de  Lim- 
bourg  et  de  Luxembourg,  comte  de 
Flandre,  de  Hainaut,  de  Namur,  mar- 
quis d'Aqvers,  et  qu'il  vit  avec  dQU- 


330 


'  RAO 


RAO 


leur  s'échapper  ces  brillants  joyaux 
de  son  diadème.  Raoux,  sans  prendre 
une  part  très-active  aux  événements, 
resta  fidèle  au  parti  des  États,  qu'il 
avait  embrassé,  et  dont  un  des  plus 
chauds  appuis  dans  le  Hainaut  était 
son  ami  le  pensionnaire  Gendebien. 
Sesopinions  ne  l'avaient  pas  empêché 
néanmoins  d'être  nommé,  le  18  mai 
1789,  par  Joseph  H,  conseillerau  con- 
seil souverain  de  Hainaut,  poste  im- 
portant, qu'il  remplitavec  conscience 
et  dignité,  en  magistrat  qui  rend  des 
arrêts  plutôt  que  des  services.  Les 
révolutions  qui  se  font  toutes  pour 
le  bonheur  des  hommes*,  comme  on 
sait,  se  présentent  d'ordinaire  riche- 
ment fournies  de  projets  et  de  plans 
admirables.  Le  11  janvier  1790,  les 
États-Unis  des  provinces  Belgiques 
avaient  ouvert  un  concours,  et  pro- 
posé un  prix  pour  le  meilleur  mé- 
moire sur  les  causes  de  la  décadence 
du  commerce  aux  Pays-Bas,  sur  les 
moyens  de  le  régénérer  et  de  l'a- 
grandir. Le  frère  de  Raoux, procureur 
du  conseil  de  Tournai,  s'empressa  de 
répondre  (1),  ce  que  nous  remar- 
quons afin  que  l'on  ne  confonde  pas 
deux  individus  portant  le  même 
nom  (2).  La  philanthropique  résolu- 


(i)  Cette  réponse  a  été  imprimée  à  Tour- 
nai, en  1790,  iu-8°  de  56  p. 

(2)  Ou  regarde  encore  comme  sortie  de  la 
plume  du  frère  de  Rhoiix,  une  brochure  inti- 
tulée :   Mémoire  et   projet  pour  empêcher  ou 
du  moins  pour  diminuer  {es  sources  de  diviiions 
et   de   ruine   entre   les  cilojens,   qui  pourrait 
s'exécuter  par  forme  d'esiai  dans  la  petite  pro- 
vince de  Tournai-Tournaisis  en   Flandre  ,  pré- 
senté à  L.  .4.  li.  te  5  sept,  i -81,  Jour  de  leur 
passage  en  cette  ville ,  27  \i.  in-4''.  Cet  essai, 
sensément  conçu,  mais  mal  rédigé,  se  ter- 
mine par  CCS  vers  de  caramel  : 
Si  ce  projet  s'exc<!Utait 
Tout  au  mieux  mieux  l'on  chanterait: 
La  justice  et  la  vérité. 
Le  bon  ordre  et  l'humanité, 
La  paix,  la  vertu,  la  bonté 
Çerartérisent  Sa  Majesté. 


tion  desÉtats n'eut  pas  de  suite,  et  les 
mémoires  envoyés  ne  furent  pas  sou- 
mis à  l'examen.  Cependant  à  côté  de 
la  révolution  brabançonne  s'en  dé- 
veloppait une  autre  fort  différente 
dans  ses  principes,  dans  son  but,  et 
bien  plus  formidable.  En  1795,  Raoux 
fut  envoyé  à  Paris  par  différentes 
communautés  religieuses  de  la  Bel- 
gique, pour  réclamer  de  la  Conven- 
tion nationale  la  rentréeen  jouissance 
des  biens  que  ces  maisons  possédaient 
en  France  et  qui  avaient  été  mis  sous 
le  séquestre  au  profit  de  la  républi- 
que. Avant  l'absorption  complète  de 
la  Belgique  par  la  France,  il  y  eut  un 
semblant  de  respect  pour  l'indépen- 
dance des  peuples,  et  l'on  feignit  de 
délibérer  sur  une  réunion  fortement 
arrêtée  d'avance.  Raoux  donna  alors 
une  preuve  de  courage  qui  n'a  pas  eu 
tout  le  retentissement  qu'elle  méri- 
tait. Le  26  septembre  1795,  il  remit 
au  comité  de  salut  public  un  mémoire 
où  il  demandait  sans  détour  la  recon- 
naissance de  la  Belgique  comme  État 
indépendant  et  le  maintien  de  ses 
anciennes  constitutions  provinciales. 
Ce  morceau  (3),  dénué  d'emphase, de 
déclamation,  mais  écrit  avec  énergie 
et  une  logique  serrée,  honore  à  la 
fois  le  cœur  et  l'esprit  de  Raoux.  L'o- 
rateur, devenu  citoyen  français,  ai- 
ma réellement  la  France,  car  elle  a 
tout  ce  qu'il  faut  pour  séduire  et  pour 
plaire,  et  il  seralliasans  arrière-pen- 
sée h.  un  gouvernement  qui  mettait 
l'ordre  sous  la  sauvegarde  de  la  gloire. 
Avocat  à  la  cour  d'ap|)el  de  Bruxelles, 
il  s'y  fit  bientôt  une  nombreuse 
clientèle.  Une  fortune  honorable  vint 
le  récompenser  de  ses  veilles,  le  con- 
soler de  ce  qu'il  avait  perdu  et  lui 
assurer  cette  liberté  d'action  et  de 
pensée  qui  rend  la  probité  plus  facile. 

(î)  Paris.  Guéffier,  in-S'  de  ai  p. 


RAO 

La  formation  du  royaume  des  Pays- 
Bas  sourit  à  la  mémoire  historique 
de  Raoïix.  Il  n'eut  pas  de  peine  à 
faire  apprécier  son  mérite  au  prince 
qui  prit  alors  les  rênes  du  gouverne- 
ment. Guillanme  s'empressa  de  se 
l'attacher  en  le  nommant  conseiller 
d'Etat  le  2  oct.  1815,  et,  au  mois  de 
juin  1819,  il  le  créa  chevalier  du  Lion 
belgique. Très- versé  dans  la  connais- 
sance de  l'ancienne  constitution,  la- 
borieux ,  doué  d'un  sens  droit,  d'une 
raison    inflexible    et    d'un    sincère 
amour  de  la  justice  et  de  la  vérité ,  il 
défendit  constamment  les  intérêts  de 
son  pays.  Cependant  l'âge  et  les  cir- 
constances avaient  m(jdifié  ses  idées, 
et  il  s'était  rapproché  des  doctrines 
joséphistes,  du  moins  en  ce  qui  con- 
cerne les  relations  du  pouvoir  ten)po- 
rel  et  du  clergé.  Le   22  août  1823, 
il  fut  appelé  à  faire  partie  de  la  corn  • 
mission  du  culte  catholique.  Celui  qui, 
quarante  ans  auparavant,  avait  offert 
à  l'Académie  les  prémices  de  son  ta- 
lent,  ne  dédaigna  pas,  sexagénaire 
et  revêtu  de  fonctions  supérieures, 
d'ambitionner  un  prix  qui  avait  ex- 
cité l'émulation  de  sa  jeunesse.  En 
1822  et  1823,  l'Académie  posa  cette 
triple  question  :  Quelle  est  l'origine 
de  la  différence  qui  existe^  par  rap- 
port à  la  langue,  entre  les  provinces 
dites  flamandes  et  celles  dites  wal- 
lonnes? A  quelle  époque  cette  diffé- 
rence doit-elle  être  rapportée?  Quelle 
est  la  raison  pourquoi  des  contrées 
qui  faisaient  partie  de  la  France 
parlent  le  flamand,  et  d'autres,  qui 
appartenaient  à  l'empire  germani- 
que, se  servent  exclusivement  de  la 
langue  française?  Le  mémciire  en- 
voyé par  Raoux  fut  couronné.  H   y 
avait  alors  près  d'un  demi-siècle  que 
l'Académie  et   Raoux    étaient    unis 
par    des  liens  d'affection.    Proposé 
pour  une  place   de    membre    ordi- 


RAO  S81 

naîre,  fé  21  juin  1824,  il  fut  una- 
nimement élu  le  21  août  suivant. 
A  peine  avait-il  pris   séance  parmi 
ses  nouveaux  confrères ,  qu'il  leur 
communiqua    de  curieux    résultats 
de  ses  recherches.  Le  2  février  et  le 
28  mars  1825,  il  lut  une  Disserta- 
tion historique  sur  Vorigine  du  nom 
de  Belge  et  sur  l'ancien  Belgium, 
où  il  montre  doctement  que  le  nom 
de  Belge  ne  vient  pas  des  peuples 
germaniques  mentionnés   par  César, 
et  que  le  Belgium,  contrée  distincte 
de  la  Gaule  belgique,  restée  à  l'abri 
des  invasions  des  Germains,  devait 
contenir  les  pays  représentés  ensuite 
par  les  diocèsesde  Beauvais,  d'Amiens 
et  d'Arras ,  probablement  aussi  une 
partie  de  l'Ile- de  France    et  de    la 
Normandie,  à  la  droite  de  la  Seine. 
Le  26  nov.  1825,  l'Académie  écouta 
avec  un  vif  intérêt  son  mémoire  sup- 
plémentaire sur  l'ancienne  démarca- 
tion des  langues  flamande  et  wallon- 
ne ,  doot    la    conclusion    est    que 
cette  ligne  topographique  n'a  pas  va- 
rié sensiblement  depuis  mille  ans , 
c'est-à-dire  depuis  le  règne  des  en- 
fants de  Louis-le-Débonnaire,  qui  se 
sont  partagé  ses  Ét.its  vers  le  milieu 
du  IX*  siècle.  Après  un  silence  d'une 
année,  Raoux  apporta  à  la  compa- 
gnie, le  3  février  1827,  une  Notice 
sur  un  passage  remarquable  de  la 
chronique  de  Sigebert  de  Gembloux, 
relatif  à  Vautorité  prétendue  par  les 
papes  fur  les  couronnes  des  rois. 
Lorsque  l'Académie  perdit,  en  1827, 
le  commandeur  de  Nieuport ,  chargé 
de  la  diriger  depuis  son  rétablisse- 
ment, en  vertu  d'une  réélection  con- 
tinue, son  choix  tomba  sur  Raoux.  II 
occupa  le  fauteuil  jusqu'en  1832,  où 
il  le  refusa,  s'excusant  sur  son  grand 
âge.  Les  événements  qui  marquèrent 
l'année  1830  détruisirent  un  gouver- 
nement auquel  Raoux  restait  attaché 


332 


RAO 


par  le  devoir  et  par  son  respect  pour 
Je  chef  de  l'État.  Mais,  sans  ambition 
comme  sans  faiblesse,  il  renonça  de 
bonne  grâce  à  sa  position  élevée  ;  et 
accepta ,  peut-être  avec  reconnais- 
sance, l'obscurité  et  le  repos.  L'Aca- 
démie, au  milieu  delà  crise,  ne  cessa 
pas  un  moment  de  se  réunir ,  et 
Raoux  suivit  toutes  ses  séances.  Il  se 
partageait  entre  elles  et  son  château 
de  Rêves,  une  des  plus  anciennes  ba- 
ronnies  du  Brabant  wallon ,  passée 
successivement  de  la  maison  qui  en 
portait  le  nom,  dans  celles  de  Rubem- 
pré ,  de  Renesse  ,  de  Dongclberghe , 
etc.  Quoiqu'il  eût  atteint  sa  soixante- 
douzième  année,  il  était  encore  plein 
d'activité.  Il  jouissait  d'une  de  ces 
vertes  et  vigoureuses  vieillesses  que 
contribuent  à  prolonger  une  vie  ir- 
réprochable, une  âme  vertueuse  et 
sereine.  Le  4  juin  1831,  il  lut  un  ap- 
pendice à  son  mémoire  sur  l'origine 
du  nom  de  Belge.  Il  s'y  borne  à  réfu- 
ter Des  Roches  qui  avait  allégué  un 
passage  de  Pomponius  Mêla  à  l'appui 
de  son  système,  selon  lequel  le  nom 
de  Belge  avait  été  apporté  de  la  Ger- 
manie et  imposé  aux  Gaulois  indi- 
gènes par  des  peuples  germains.  La 
législation  comparée  était  un  objet 
d'études  fait  pour  captiver  un  juris- 
consulte philosophe.  Le  6  mars  1833, 
Raoux  présenta  un  mémoire  sur  le 
rapport  et  la  conformité  des  ancien- 
nes coutumes  et  chartes  du  pays  et 
comté  de  Hainaut  avec  l'ancien  droit 
romain  antérieur  à  Justinien  et  au 
code  théodosien.  Le  9  mai  1837  et  le 
8  avril  suivant,  il  revenait  encore  à 
sa  chère  province  de  Hainaut  ainsi 
qu'à  la  jurisprudence  du  moyen-âge, 
et  il  recherchait  ce  çuc  Ton  doî7  enten- 
dre par  TEHRA  SAUÇA  dans  le  titre  62 
de  la  loi  salique\  en  second  lieu, 
quelle  est  V origine  de  quelques  an- 
pientiçs  CQUtumcs  de  la  Belgique,  qui 


RAP 

excluaient  les  filles  dans  le  partage 
des  biens  immeubles  de  leurs  pères  et 
mères.  Enfin  il  examinait  la  question 
si ,  dans  le  moyen-âge,  le  comté  de 
Hainaut  était  tenu  en  fief  d'un  suze- 
rain et  sujet  à  hommage,  ou  si  c"* était 
un  alleu  affranchi  de  tout  hommage  ; 
et  sur  ce  dernier  point  il  se  pronon- 
çait pour  la  négative.  Indépendam- 
ment de  ces  mémoires  en  forme, 
Raoux  rédigea  pour  l'Académie  de 
nombreux  rapports  insérés  aussi  dans 
les  recueils  de  cette  compagnie.  Il 
mourut  à  son  château  de  Rêves  le  29 
août  1839,  âgé  de  quatre-vingts  ans. 
M""  Lernould,  qu'il  avait  épousée 
dans  sa  jeunesse,  ne  lui  avait  point 
donné  d'héritier  ;  elle  est  morte  à 
Bruxelles,  le  23  janvier  1842,  à  l'âge 
de  soixante-dix-buit  ans.  R— f-g. 
RAPINAT,  commissaire  du  gou- 
vernement directorial  en  Suisse  dans 
rannéel798,  dut  une  grande  célébrité 
beaucoup  plus  à  la  bizarrerie  de  son 
nom  qu'à  ses  déprédations,  qui,  au 
fond,  ne  furent  pas  plus  considé- 
rables que  celles  de  tant  d'autres 
dont  on  a  moins  parlé.  Comme  au 
temps  deMazarin,  les  Françaisétaient 
alors  toujours  prêts  à  se  venger  par 
des  épigrammes  et  des  chansons  de 
ceux  qui  les  pillaient  et  les  oppri- 
maient, et  comme  au  XVIF  siècle 
ils  chantaient,  riaient  et  payaient. 
Comment,  au  reste,  n'auraient-ils  pas 
ri  d'une  administration  qui  comptait 
à  la  fois  dans  ses  rangs  un  Grugeon, 
un  Volant,  un  Forfait  et  un  Rapi- 
nat?  Il  serait  impossible  de  citer  tous 
les  calembourgs,  tous  les  jeux  de 
mots  auxquels  donna  lieu  ce  plaisant 
assemblage.  Mais  les  épigrammes 
n'empêchaient  point  ces  messieurs 
de  remplir  leurs  fonctions.  Rapinat 
était  protégé  par  le  directeur  Rew- 
beli,  son  beau-frère,  dont  on  di- 
sait spirituellement  qu'il  n'était  que 


RAP 

l'adjectif.  Tous  les  deux,  avant  la  ré- 
volution, avaient  été  d'assez  minces 
avocats  de  Colmar.  Quand  Rewbell 
fut  une  puissance,  il  n'oublia  pas  son 
parent,  et  il  le  fit  entrer  dans  la 
chancellerie  du  Directoire,  où  il  ne 
put  d'abord  lui  donner  qu'un  em- 
ploi subalterne.  Mais  lorsque  Pinva- 
sion  de  la  Suisse  fut  décidée,  on 
jugea  que  la  connaissance  qu'il  avait 
de  ce  pays  et  de  sa  langue ,  comme 
aussi  quelques  penchants  connus,  le 
rendaient  très-propre  aune  telle  mis- 
sion. On  le  chargea  donc  d'accom- 
pagner dans  cette  mémorable  expé- 
dition le  général  Schaumbourg  qui 
la  commandait  {voy.  Schaumbourg, 
au  Supp.)  Il  ne  fut  d'abord  que  l'ad- 
joint du  conventionnel  Lecarlier,  qui 
plus  tard  devint  ministre  de  la  police, 
parce  que  le  Directoire  ne  le  crat  pas 
apte  à  opérer  en  Suisse  selon  ses  vues. 
Il  fut  rappelé,  et  Rapinat  resta  le  maî- 
tre absolu,  le  commissaire  extraor- 
dinaire près  l'armée  d'Helvétie,  ayant 
pour  adjoint  un  certain  Roulhière, 
homme  tout  à  fait  digne  de  cet  em- 
ploi.  «La   rapacité  du   Directoire, 

-  est-il  dit  dans  les  Mémoires  tirés 

•  des  papiers  d'un  homme  d'État, 

■  n'avait  encore  eu  que  la  moitié 
«  de  son  cours;   Lucerne,    Zurich, 

-  les  cantons  démocratiques,  le  Va- 
«lais,  les  Grisons,  la  Turgovie, 
«  l'État  de  Saint-Gall ,  restaient  à 

-  spolier...  Rapinat,  succédant  à  Le- 
«  carlier  avec  un  pouvoir  souverain, 
«  ne  connut  aucun  frein  ;  il  lit  d'abord 

-  sceller  et  enlever  les  trésors  et  les 

•  caisses  publiques  à  Lucerue,  à  Zu- 

-  rich ,  dans  le  Valais.  Partout  les 

■  magasins  furent  confisqués  ;  enfin 
«  une  grêle  de  réquisitions  vint  as- 
>  saillir  la  Suisse  déjà  ruinée.  Une 

•  somme  de  750  mille  livres  fut  im- 

•  posée  sur  six  abbayes;  les  patri- 
<  ciens  de  Berne  furent  imposés  à  six 


RAP 


sis 


<  millions,  et  ceux  de  Zurich,  Lu- 
«  cerne, FribourgetSoleureàscpi...» 
Des  plaintes  et  des  cris  universels  s'é- 
levèrent de  toutes  parts.  Partout  on 
accusa  le  lâche  silence  de  ce  fantôme 
de  législature  helvétique  qui,  pendant 
ce  temps,  phrasaii  kArau  surf  o/^ran- 
chissement  de  l'Helvétie..  .RàpinaifiQ- 
llexible,  déclara  que  la  Suisse  devait 
être  traitée  en  pays  conquis,  et  il 
poursuivit  ses  opérations.  Cependant 
le  retentissement  de  tant  de  plaintes 
parvint  à  Paris,  et  le  commissaire 
extraordinaire  fut  dénoncé,  à  plu- 
sieurs reprises,  dans  les  journaux 
et  à  la  tribune  des  conseils  législa- 
tifs, où  Briot  et  Moreau  de  l'Yonne 
l'attaquèrent  avec  beaucoup  de  force. 
Son  beau-frère  Rewbell,  qui  n'était 
plusdirecteur,  prit  sa  défense  au  con- 
seil des  Anciens,  dans  un  long  dis- 
cours où  il  le  représenta  comme  une 
victime,  comme  l'un  des  hommes  les 
plus  vertueux  de  la  république.  Cette 
étrange  apologie  ne  persuada  per- 
sonne ,  et  le  Directoire  fut  obligé  de 
rappeler  son  commissaire.  Mais  l'or- 
dre de  révocation  était  à  peine  expé- 
dié que  les  amis  de  Rapiuat  repri- 
rent le  dessus.  L'arrêté  directorial 
fut  révoqué,  et  le  commissaire 
triomphant  continua  ses  opérations 
sans  oppositiou  et  sans  obstacle.  Pour 
faire  bien  juger  de  la  nature  et  de 
l'importance  de  ces  opérations,  nous 
emprunterons  la  réponse  qui  fut  faite 
dans  tous  les  journaux,  même  dans 
U  Moniteur,  aux  apologistes  de  Ra- 
pinat, et  particulièrement  àJenner, 
envoyé  d'Helvétie  à  Paris,  par  un 
patriote  suisse  (Usteri).  «  Comment  ! 
«  Rapinat  ne  serait  pas  l'objet  d'une 
«  horreur  éternelle  pour  la  nation 
«  helvétique,  Rapinat  qui,  malgré  la 
«  déclaration  solennelle  et  souvent 

•  répétée  du  gouvernement  français, 

•  que  les  Français  ne  sont  entrés 


3S4 


RAP 


<  armés  en  Helvétie  que  pour  délivrer 
«nos  concitoyens  du  joug  de  l'oli- 

>  garchie,  et  pour  les  rétablir  dans  les 

■  droits  d'une  nation  libre  et  indé- 
«  pendante;  qui,  nonobstant  cette  dé- 
'  claration,  soumit  ce  peuple  à  un 

<  despotisme  de  fer  ;  qui  annonça  au 

•  gouvernement  helvétique  gu'à  lui 

>  seul,  Rapinat,  appartenait  l'admi- 

<  nistration;  qui  s'empara  de  toutes 
I  les  caisses  publiques,  et  fit  arra- 
'  cher  par  force,  ea  y  joignant  les  plus 

>  grands  outrages,  les  scellés  que  le 
'  gouvernement  helvétique  y  avait 

■  apposés,  en  réclamant  et  les  droits 

<  d'une  nation  libre  et  indépendante, 
«  et  la  déclaration  du  Directoire  delà 

>  république  française  ;  qui  aban- 
1  donna  le  peuple  aux  vexations  des 

■  soldatsiiuïisciplinés  sans  écouter  les 

■  plaintes  officielles,  arrivées  de  tous 

•  les  points  de  l'Helvétie;  qui  imposa 

■  des  taxes  arbitraires  ;  qui ,  d'intel- 

■  ligence  avec  l'homme  le  plus  immo- 
'ral,  le  plus  débouté,  Roulhière, 

•  lui  livra  tous  les  magasins  publics 
'  et  lui  en  laissa  prendre  les  effets, 
'  comme  fusils,  instruments  de  toute 

■  espèce,  etc.,  à  des  prix  très-mo- 
'  diques,  comme  nos  fonctionnaires 

le  lui  ont  publiquement  reproché; 

■  qui  ne  craignit  pas  de  dire  devant 
nombre  de  témoins  qu'il  s'appelait 

'Rapinat^  et  quHl  aimait  à  ra- 
'piner...j  qu'il  n'était  pas  venu  en 
'Suisse  pour  nos  blondes  et  nos 
»  brunes...;  qui  enfin,  irrité  au  der- 
'  nier  point  de  la  fermeté  du  Direc- 
'  toire  helvétique  et  du  corps  légis- 
«latif  dans  le  soutien  des  droits  de 
'  la  nation,  commit  des  actes  arbi- 

<  traites  contre  les  pouvoirs  suprêmes 
'  de  notre  république,  et  par  son  fa- 

■  meux  arrêté,  remis  au  président  du 

•  grand-conseil  en  pleine  séance 
'  par  des  militaires,  menaça  d'un 
»  conseil  de  guerre  et  de  la  peine  de 


RAP 

«  mort  toute  autorité  qui  s'opposerait 
«  à  ses  ordonnances,  et  étouffa  toute 
«  liberté  chez  un  peuple  déclaré  libre , 
«arrêté  qui  fut  cassé  parle  Directoire 
«  exécutif  de  France  comme  ayant 
«  été  fait  sans  aucune  autorisation, 
«  parce  que  l'on  craignait  et  l'opinioa 
«  publique  en  France,  qui  se  pro- 
«  nonça  avec  énergie  contre  l'oppres- 
«  sion  de  l'Helvétie,  et  les  effets  de 
«  l'indignatiou  générale  du  peuple 
«helvétique  prête  à  éclater  :  cassa- 
«  tion  qui  mit  un  terme  aux  pleins 
«pouvoirs  de  Rapinat,  et  depuis 
«  laquelle  il  prit  un  ton  aussi  humble 
«dans  ses  relations  avec  nous  que 

•  sa  conduite  avait  été  auparavant 
«  celle  d'un  proconsul  grossier  et  ar- 
«  rogant.. .  Et  le  départ  d'un  tel  homme 
«serait  un  jour  de  deuil  pour  l'Hel- 
«vétie!  Et  nous  pourrions  chérir, 
«  bénir  sa  mémoire  !  »  Rapinat  essaya 
de  se  justifier  dans  une  brochure  in- 
titulée :  Précis  des  opérations  du  ci- 
toyen Rapinat  en  Helvétie,  1799, 
in-S",  qui  donna  lieu  à  une  réplique  du 
ministre  plénipotentiaire  de  la  répu- 
blique helvétique  à  Paris.  «  Com- 
«  ment  le  citoyen  Rapinat,  dit  ce  mi- 
«nistre,  jusiifiera-t-il  ses  attentats 
«  contre  l'indépendance  de  la  répu- 
«blique  helvétique,  attentats  qui  lui 
«attirèrent  même  l'improbation  du 
«  gouvernement  français,  ainsi  que  la 
<  déclaration  qu'il  avait  agi  sans  pou- 
«voir  et  sans  instructions?  Et  s'il 
«  n'est  pas  l'auteur  des  nombreuses 
«vexations  et  dilapidations  qui  ont 
«  dévasté  l'Helvétie,  connue  l'opinioD 

•  publique  en  France  et  en  Suisse  l'en 
«  accuse,  comment  se  justifierii-t-il  de 

•  ne  pas  les  avoir  réprimées  et  pu- 
«uies?»  On  sent  qu'après  la  chute 
de  Rewbell,  Rapinat  eut  de  la  peine 
à  se  soutenir.  Son  pouvoir  fut  défi- 
nitivement révoque  par  le  nouveau 
gouvernement,  et  ii  se  retira  au  bruit 


RAP 

des  sifQets  etdes  épigrammes.  Ce  fut 
la  seule  satisfaction  qu'eurent  les 
malheureux  Suisses.  Nous  citerons 
la  meilleure  de  ces  e'pigrammes,  avec 
d'autant  plus  d'exactitude  que  c'est 
de  l'auteur  lui-même,  M.  de  Saint- 
Albin,  que  nous  la  tenons  : 

Les  pauvres  Suisses  qu'on  mine 
Voudraient  bien  qu'on  examinât 
Si  Rapinat  vieat  de  rapine, 
Ou  rapine  de  Rapinat. 

Méprisanttoutescesclameurs,  le  com- 
missaire extraordinaire  rentra  pai- 
siblement dans  ses  foyers,  à  Colmar; 
et,  lorsque  la  révolution  du  IS^bru- 
maire  eut  mis  le  pouvoir  aux  mains 
de  Bonaparte,  il  réclama  une  protec- 
tion qui  ne  pouvait  être  refusée  à 
celui  qui  avait  envoyé  de  Berne  les 
premiers  fonds  destinés  à  l'expédi- 
tion d'Egypte.  Rapinat  fut  nommé  con- 
seiller à  la  cour  impériale  de  Colmar 
lors  de  la  nouvelle  organisation  des 
tribunaux,  en  1805,  ce  qui  étonna 
beaucoup  ceux  qui  se  rappelaient  les 
missions  de  la  Suisse,  et  donna  lieu 
à  une  nouvelle  épigramme  : 

Des  arrêts  de  la  cour  suprême. 
Où  Rapiuat  juge  le  genre  liuinain. 
On  peut  bien  appeler,  si  le  cas  est  extrême^ 
Maùcedoitétreà  Curtoucbe  ou  Mandrin. 

Comme  en  Suisse,  malgré  les  épi- 
grammes,  Rapinat  continua  de  rem- 
plir ses  fonctions  inamovibles  jus- 
qu'en 1815,  Alors  il  fut  mis  à  la  re- 
traite, et  jouit  paisiblement  du  fruit 
de  ses  économies  jusqu'à  sa  mort  ar- 
rivée dans  les  premières  années  de  la 
Restauration.  M— Dj. 

RAPINE  (Cladde),  célestin,  né 
au  diocèse  d'Auxerre,  fut  envoyé  en 
Italie  pour  réformer  quelques  mo- 
nastères de  son  ordre,  commission 
qu'il  remplit  avec  succès.  Le  chapi- 
tre général  le  chargea  de  corriger 
les  coustiiutions  des  célestins  suivaut 
les  règlements  des  chapitres  précé- 


RAS 


385 


dents.  Ce  pieux  et  savant  religieux 
mourut  en  1493,  simple  conventuel 
de  Paris,  après  avoir  exercé  divers 
emplois  dans  son  ordre,  et  composé 
plusieurs  ouvrages  dont  les  princi- 
paux sont  :  |.  Un  traité  De  studiis 
philosophicB  et  theologiœ.  il.  Un  petit 
traité  De  studiis  monachorum,  pour 
faire  voir  que  les  moines  doivent  s'oc- 
cuper d'étude.  111.  De  vita  contem- 
plativa,  où  il  reprend  certains  reli- 
gieux qui,  sous  prétexte  d'humilité, 
se  dispensent  d'une  application  né- 
cessaire aux  gens  qui  vivent  dans 
la  solitude.  Le  livre  des  choses  mer- 
veilleuses en  nature,  1542,  in-4o,  ne 
convient  pas  à  la  piété  du  P.  Rapine, 
auquel  le  bibliothécaire  des  célestins 
l'attribue.  Il  pourrait  être  plutôt 
de  Claude  Dieudonné,  du  même  or- 
dre. La  famille  Rapine,  établie  en 
Nivernais,  a  produit  entre  autres 
personnages  connus:  Florimond  Ra- 
pine, député  aux  Étais-Géuéraui  de 
1614,  dont  on  a  une  relation  de  ce 
qui  se  passa  dans  cette  assemblée, 
Paris,  1651,  in-4».  —  Charles  Ra- 
pine, récollet,  auteur  des  Annales 
ecclésiastiques  de  Chàlons  -  sur- 
Marne,  Paris,  1636,  in-S" ,  et  de 
V Histoire  des  Récollets^  Paris,  1631, 
in-4''.  T— D. 

RASK  (Ébasme-Cbbétien),  phi- 
lologue danois,  naquit  eu  1787  à  fireu- 
dekilde,  village  de  l'ile  de  Fionie,  où 
son  père  exerçait  la  médecine  sans 
être  docteur.  Déjà,  à  l'école  d'Odeusée, 
le  jeune  Rask  se  livra  avec  ardeur  à 
l'étude  de  l'ancien  islandais;  il  com- 
pléta celte  élude  lorsqu'il  arriva  en 
1807  à  l'Université  de  Copenhague, 
elil  porta  eu  outre  ses  investigations 
sur  bien  d'autres  langues  nou-seule- 
meui  du  Nord,  mais  aussi  de  1  Orient. 
Dans  un  voyage  qu'il  lii  en  1812  avec 
le  professeur  Nyerup  en  Suède  et  en 
Norvège,  il  ne  manqua  pas  de  pren- 


336 


HAS 


RAS 


lire  les  langues  finnoises  pour  sujet 
de  ses  comparaisons  philologiques.  A 
l'aide  d'une  subvention  du  gouver- 
nement, il  passa  ensuite  quelque 
temps  en  Islande  pour  étudier  les 
monuments  et  les  traces  de  l'ancienne 
littérature  du  pays.  L'Introduction  à 
la  connaissance  de  l'islandais  qu'il 
avait  publiée  à  Copenhague  en  1811, 
qu'il  développa  plus  tard  dans  l'é- 
dition suédoise  donnée  à  Stockholm 
en  1818,  et  les  soins  qu'il  avait  pris 
de  la  publication  du  dictionnaire  is- 
landais de  Biorn  Haldersen,  impri- 
mé à  Copenhague  en  1814,  2  vol. 
in-é",  avaient  prouvé  au  monde  sa- 
vant que  Rask  méritait  les  encoura- 
gements du  gouvernement,  et  que  le 
mettre  à  même  de  compléter  ses  con- 
naissances linguistiques,  c'était  con- 
tribuer aux  progrès  de  la  science. 
Jusque-là  il  avait  vécu  pauvre  et 
pourtant  heureux,  car  l'étude  le  dé- 
dommageait de  toutes  les  privations. 
De  retour  en  Danemark,  il  obtint  une 
place  de  sous-bibliothécaire  de  l'Uni- 
versité; mais  il  ne  resta  pas  long- 
temps en  repos.  Aux  titres  qu'il  avait 
déjà  à  l'estime  des  savants,  il  venait 
de  joindre  un  prix  qui  lui  fut  décerné 
par  l'Université  de  Copenhague  pour 
ses  Recherches  sur  Vorigine  de  la 
langue  islandaise,  dont  il  possédait 
alors,  grâce  à  ses  investigations  faites 
en  Islande  même,  la  connaissance  la 
plus  intime.  Cet  ouvrage  parut  à  Co- 
penhague en  1817.  Il  brûlait  d'envie 
de  pénétrer  dans  les  contrées  par 
lesquelles  on  supposait  qu'étaient 
venues  les  nations  qui  ont  peuplé  le 
nord  de  l'Europe,  et  de  chercher  l'o- 
rigine de  leur  ancien  idiome  jus- 
qu'au fond  de  l'Asie.  Avec  2,000  da- 
ler  que  lui  procura  le  conseiller  Bu- 
low,  et  muni  d'un  congé,  il  se  mit 
hardiment  en  route  pour  ce  long 
voyage,  passa  l'année  1817  en  Su^de, 


et  y  répandit  le  goût  de  son  étudt' 
favorite  par  un  cours  public  sur  l'is- 
landais, par  des  articles  insérés  dans 
les  recueils  périodiques,  et  par  l'édi- 
tion amplifiée  et  en  suédois  de  son 
Introduction  à  la  connaissance  de  l'is- 
landais dont  il  a  été  parlé  ci-devant. 
S.  Stockholm  il  publia  aussi,  en  sué- 
dois, une  grammaire  anglo-saxonne 
en  1817,  dont  il  fut  donné,  treize  ans 
après,  une  traduction  anglaise,  égale- 
ment ampliliée  par  l'auteur.  Il  pré- 
para encore  à  Stockholm  une  petite 
édition  de  VEdda  de  Snorro  et  une 
autre  de  VEdda  de  Saemund.  Ces 
deux  éditions,  qui  ne  furent  ache- 
vées qu'en  1818 ,  contribuèrent  beau- 
coup à  répandre  les  anciens  écrits, 
des  Islandais  réputés  sacrés.  Ayant 
obtenu  du  gouvernement  danois  un 
supplément  de  secours  et  le  titre  de 
professeur,  Rask  se  rendit  à  Saint- 
Pétersbourg  et  y  demeura  jusqu'en 
1819,  pour  étudier  les  idiomes 
finnois ,  slaves ,  ainsi  que  les  lan- 
gues orientales.  Chemin  faisant  il 
apprit  même  le  français,  comme 
plus  tard  il  apprit  en  Asie  le  por- 
tugais. Il  présenta  au  comte  de 
Romanzow  le  plan  d'un  diction- 
naire finnois,  et  esquissa  une  classi- 
fication des  langues  de  l'Asie,  de 
l'Europe  et  de  l'Afrique.  Il  alla  en- 
suite par  le  Caucase  en  Perse  et 
dans  l'Inde,  y  étudia  les  idiomes  an- 
ciens et  modernes  autant  que  le  lui 
permit  le  peu  de  temps  qu'il  y 
séjourna.  Un  naufrage  qu'il  fit  entre 
Ceyian  et  la  côte  de  l'Inde  le  priva  de 
ses  manuscrits,  de  ses  livres  et  des 
fonds  qui  devaient  servir  aux  frais  de 
Son  retour  en  Europe.  Heureusement 
il  trouva  des  secours  chez  les  auto- 
rités danoises  de  Tranquebar.  H  ac- 
quit de  nouveaux  manuscrits  orien- 
taux pour  son  pays,  et  en  1823  il  fut 
avec  ses  trésors  de  retour  à  Copen- 


RAS 

hague,  après  avoir  charmé  les  loisirs 
de  la  traversée  en  composant  de  cour- 
tes grammaires  du  français  et  de  Fes- 
pagiiol.Ladernièreparut  dans  Tannée 
qui  suivit  son  retour.  Il  fut  nommé 
président  de  la  Société  islandaise  et  de 
celle  des  antiquaires  du  Nord  qu'il  aida 
à  furiner,  et  aux  travaux  de  laquelle 
il  prit  beaucoup  de  part.  En  1826, 
on  créa  pour  lui  une  chaire  de  langues 
orientales,  et  il  publia  une  Disser- 
tation  sur  l'âge  et    l'authenticité 
du  Zcnd-aveata ,  une  autre  sur  la 
Chronologie    égyptienne,   une  troi- 
sième sur  la  Chronologie  hébraïque. 
Il  préparait  aussi  un  dictionnaire  ar- 
ménien et  un  aperçu  des  langues  du 
Malabar.  Ce  qui  l'occupa  plus  que  les 
recherches  sur  l'Orient  qu'on  atten- 
dait de  lui  et  qui  auraient  pu  avoir 
un  haut  intérêt,  ce  fut  un  projet  de 
réforme  pour  l'orthographe  danoise 
que    personne  ne    lui    demandait , 
qui  ne  fit  que  lui  susciter,  non  sans 
raison,  beaucoup  de  tracasseries,  et  ne 
fut  adopté  que  par  peu  de  personnes. 
Il  en  publia  le  système  dans  son  Essai 
d'une  orthographe  scientifique ,  Co- 
penhague, 1826.  A  cet  essai  avorté 
succéda,  trois  ans  après,  une  Gram- 
maire des  nègres  d'Ova  sur  la  côte 
occidentale  d'Afrique,  et  en  1832  une 
édition  des  Fables  de  Lockman,  en 
arabe,  mais  qui  ne  passe  pas  pour 
être  très -correcte.   Les  manuscrits 
qu'il  avait  apportés  de  l'Asie  furent 
placés  dans    les    bibliothèques   du 
roi  et    de   l'Université  ;    Rask  lui- 
même  n'en  tira  aucun  parti  ;  d'au- 
tres travaux   prenaient  son  temps, 
notamment  un  Dictionnaire  méso- 
gothique   qu'il    ne    put     achever, 
et  une  Grammaire  laponne  raison- 
née,  1832,  qui  fut  son  dernier  ou- 
vrage. Il  avait  rapporté  de  ses  voyages 
en  Orient  le  germe  d'une  phthisie 
qui  se  développa  après  son  retour,  et 

LXXVIU. 


RAS 


337 


à  laquelle  il  succomba ,  le  14  nov. 
1832.  Il  était  depuis  trois  ans  pre- 
mier bibliothécaire  de  l'Université. 
Son  ami  Petersena  publié,  à  l'aide  de 
fonds  qu'il  lui  a  légués,  un  recueil  de 
ses  petites  dissertations,  essais  et 
traités,  Copenhague,  1834  à  1838, 
3  vol.  in-8°,  recueil  dans  lequel  il  a 
aussi  compris  les  petites  grammaires 
de  langues  d'Europe  que  Rask  semait, 
pour  ainsi  dire,  sur  sa  route  savante 
et  dont  on  aurait  pu  se  passer.  Il  faut 
en  excepter  sa  Grammaire  de  la  lan- 
gue frisonne,  Copenhague,  1825,  qui 
a  au  moins  le  mérite  de  la  nouveauté. 
Dans  jce  recueil  on  s'est  conformé  à 
l'orthographe  inventée  par  Rask  et 
qui  lui  tenait  tant  à  cœur  qu'elle  oc  - 
cupa  ses  dernières  pensées.  L'auteur 
de  cet  article  a  donné  dans  la  Revue 
française,  t.  VIII,  Paris,  1838  ,  une 
notice  plus  étendue  sur  les  travaux 
et  les  ouvrages  du  savant  linguiste 
danois.  D— g. 

RASMUSSEX  (Jands  Lassen), 
orientaliste,  né  en  Danemark  vers 
1790,  étudia  l'arabe  dans  plusieurs 
Universités  d'Allemagne,  et,  voulant 
se  perfectionner,  vint  à  Paris  pour 
y  suivre  les  cours  de  Silvestre  de 
Sacy.  De  retour  à  Copenhague,  vers 
1814,  il  fut  nommé  professeur  de 
langues  orientales  à  l'Université  de 
cette  ville.  L'ardeur  de  Rasmussen 
pour  cet  objet  spécial  de  ses  études 
ainsi  que  pour  les  recherches  histo- 
riques, et  les  résultats  qu'elle  avait 
produitSjdonnaient  lieu  d'espérer  que 
son  nom  figurerait  un  jour  parmi 
ceux  des  plus  célèbres  orientalistes. 
Malheureusement  il  ignorait  ou  avait 
oublié  que  la  tempérance  est  indis- 
pensable, surtout  pour  les  gens  de 
lettres.  Les  excès  de  débauche  aux- 
quels il  se  livra  hâtèrent  sa  fin  :  il 
mourut  à  Copenhague  dans  les  pre- 
miers mois  de  1829.  Il  était  de  l'A- 

00 


338 


RAS 


cadémie  royale  de  cette  ville.  On  a 
de  lui  :  I.  ÎEssai  historique  et  géo- 
graphique sur  le  commerce  et  les 
relations  des  Arabes  et  des  Persans 
avec  la  Russie  et  la  Scandinavie , 
durant  le  moyen-âge;  publié  en  da- 
nois dans  le  t.  II  du  journal  Athène, 
1814.  Cet  ouvrage  intéressant  fut 
traduit  en  suédois,  Stockholm,  1817, 
puis  en  allemand,  et  ensuite  en  an- 
glais dans  VEdinburgh   Magazine^ 
1818-19.  C'est  d'après  cette  dernière 
version  que  M.  V.  de  C.  en  a  donné 
une  traduction  française  dans  cinq 
numéros  du  Journal  asiatique  de 
Paris,  en  1824  et  1825.  Comme  l'au- 
teur de  cette  dernière  traduction, 
suivant  sa  trop  modeste  habitude, 
a  désiré  garder  l'anonyme,  Silvestre 
de  Sacy  a  cru  devoir  y  ajouter  des 
notes  où  il  at  fait  usage  des  observa- 
tions de  M.  Frœhn  qui,  en  1823,  dans 
son  livre  intitulé  :  Ibn-Foszlan's  und 
anderer  Araber  Berichte  uber  die 
Russen  œlterer  zeit  (Relations  d'Ibn- 
Foslân  et  d'autres  auteurs  arabes  sur 
les  Russes  du  moyen-âge),  avait  re- 
levé plusieurs  erreurs  échappées  soit 
à  Rasmussen,  soit  au  traducteur  an- 
glais dans  l'interprétation  de  quel- 
ques textes  arabes.  II.  Historia  prœ- 
cipuum  Arabum  regnorum,  rerumque 
ai  eis  gestarum  ante  islamismum, 
Copenhague,   1817,  in-4°.  Cet  ou- 
vrage, principalement  composé  d'a- 
près les  fragments  de  Hamzah  d'Is- 
pahan,  traduits  par  le  savant  Reiske 
{voy.  ce  nom  XXXVII,  293), contient 
de  plus  les  &^,  7«,  9^  et  partie  du  lO*^ 
chapitres  du  même  historien  arabe, 
avec  la  traduction  latine  de  Rasmus- 
sen quia  écrit,  en  texte  arabe, -des 
notes  utiles  et  savantes,  puisées  dans 
d'autres  auteurs  orientaux.  111.  His- 
toire de  la  Compagnie  africaine  du 
commerce  (de  Copenhague),  en  da- 
nois:; Copenhague,  1818,  in  8".  IV. 


RAS 

Additamenta  ad  historiam  Arabum 
antc  islamismum  excerpta  ex  Jbn- 
Nabetah  Nuvaïrio  atque  Ibn-Ko- 
faï6a/i ,  Copenhague,  1821,  in-4°.  Ce 
supplément  à  l'un  des  ouvrages  pré- 
cédemment cités  contient  le  texte 
arabe  des  auteurs  traduits  par  Ras- 
mussen :  il  a  profité  aussi  de  la  ver- 
sion latine  de  plusieurs  morceaux 
publiés  par  Reiske.  Ces  divers  frag- 
ments sont  curieux,  parce  qu'ils  font 
connaître  des  proverbes,  des  vers, 
des  anecdotes  relatives  à  des  tradi- 
tions, des  superstitions  et  des  cou- 
tumes bizarres  des  anciens  Arabes. 
V.  Annales  islamicœ ,  sive  Tabula 
synchronistico-chronologica  chali- 
farum  et  regum  Orientis  et  Occiden- 
iis;  accedit  historia  Turcorum,  Ka- 
ramanorum,  etc.;  Copenhague,  1825, 
in-4°.  Cet  important  ouvrage  offre  la 
chronologie  de  toutes  les  dynasties 
musulmanes  et  des  extraits  d'histo- 
riens arabes,  traduits  d'après  les  ma- 
nuscrits de  la  bibliothèque  de  Co- 
penhague. Rasmussen  y  fait  mention 
de  quelques  dynasties  jusqu'alors  peu 
connues  de  l'Asie-Mineure,  telles  que 
les  Cadherides,  les  Ramadhanides,\es 
Derbendides,  etc.,  maison  est  étonné 
de  n'y  pas  trouver  un  mot  sur  les 
Ismaëlides  ou  Assassins  de  Perse. 
C'est  dans  l'abrégé  de  l'Histoire  uni- 
verselle d'Abou'l  Abbas  Ahmed  de 
Damas ,  manuscrit  rapporté  du  Le- 
vant par  le  célèbre  Niebuhr  (voy..ce 
nom,  XXXI,  267),  que  Rasmussen  a 
puisé  la  plus  grande  partie  de  ses  ex- 
traits. Il  n'en  a  pas  donné  le  texte, 
mais  seulement  les  noms  d'hommes 
et  de  lieux,  en  caractères  orientaux, 
et  il  les  a  accompagnés  de  savantes 
et  utiles  notes  historiques  et  géo- 
graphiques. Dans  le  Journal  des  Sa- 
vants, années  1818,  1821  et  1826, 
Silvestre  de  Sacy  a  rendu  un  compte 
avantageux  des   trois  derniers  ou- 


1^ 


RAS 


339 


vrages  de  ce  jeune  orientaliste.  Ras- 
mussen  s'occupait ,  sur  la  tin  de  sa 
vie,  d'une  nouvelle  édition,  tradui- 
te en  latin,  et  corrigée,  de  son  pre- 
mier ouvrage,  VEssai  sur  les  rela- 
tions des  Arabes  et  des  Persans  avec 
la  Russie,  etc.  Elle  n'a  paru  qu'après 
sa  mort,  Copenhague,  in-é».  A  t. 

*RASOIlI  (Jean),  célèbre  médecin 
italien  dont   la  notice  a  été  insérée 
dans  le  tom.  XXXVII,  pag.  115-19, 
par  erreur,  puisqu'il  était  encore  vi- 
vant à  cette  époque,  a  publié  en  1830 
deux  volumes  d'Opusailes  de  méde- 
cine clinique,  précédés  de  VExùmen 
d'un  jugement  de   Sprengel ,  etc., 
Milan,  2  vol.  in-8°.  Vers  le   même 
temps,  il  fit  réimprimer  sa  traduction 
de  la  Zoonomie  de  Darttin  (6  vol. 
in-S"),  avec  une  biographie  de  ce  sa- 
vant. Lorsque  le  choléra  sévit  à  Mi- 
lan en  1836,  Rasori  fut  un  des  méde- 
cins qui  montrèrent  le  plus  de  zèle  à 
visiter  les  malades,  et  il  publia  sur 
celte  maladie  un  opuscule  du  doc- 
teur Pirondi,  auquel  il  ajouta  une  sa- 
vante note.  Ce  fut  cette  même  année 
qu'il  mit  sous  presse  son  dernier  ou- 
vrage qui  a  pour  litre  :  Théorie  de  la 
phlogose  ou  inflammation;  mais  il 
n'eut  pas  la  satisfaction  de  voir  termi- 
ner l'impression  de  son  livre.  Atteint 
d'unej  affection  catarrhale,  il  mourut 
après  deux  jours  de  maladie,  le  13 
avril  1837,  laissant  des  regrets  una- 
nimes ,  malgré  les  dissensions  politi- 
ques  et  scientifiques  auxquelles  il 
avait  été  mêlé.  De  grands  honneurs 
furent  rendus  à  sa  mémoire.  On  ou- 
vrit une  souscription  pour  sou  tom- 
beau, et  plusieurs  artistes  s'empres- 
sèrent de  reproduire  ses  traits  ;  nous 
citerons  entre  autres  sou  buste  par  le 
sculpteur  Benzoni  et  sa  statue  colos- 
sale en  marbre  de  Carrare,  par  Gan- 
dolfi.  Il  fut  aussi  question  de  lui  éle- 
ver un  monument  à  Parme  sa  patrie. 


Rasori  n'était  pas  seulement  grand 
médecin  mais  encore  bon  poète,  et 
tous  ses  écrits  se  distinguent  par 
une  pureté  et  une  élégance  de  style 
vraiment  remarquables.  Au  reste  il 
avait  eu  aussi  en  partage  le  don  de 
la  parole ,  et  l'on  sait  que  rien 
n'était  'plus  agréable,  plus  intéres- 
sant que  sa  conversation.  Il  était 
d'une  taille  au-dessus  de  la  moyenne, 
maigre  et  fluet  ;  ses  yeux  étaient 
grands,  vifs  et  à  fleur  de  tête.  Il  avait 
conservé  jusque  dans  ses  derniers 
jours  la  liberté  de  tous  ses  membres 
et  l'usage  complet  de  tous  ses  or- 
ganes ;  sa  chevelure  même  était  in- 
tacte, quoique  d'une  extrême  blan- 
cheur. Les  œuvres  complètes  de  Ra- 
sori  ont  été   publiées  à  Florence, 

1837 ,  1  vol.  in-8°  à  deux  colonnes. 
La  biographie  la  plus  détaillée  qui  ait 
été  faite  de  ce  médecin  célèbre  est 
celle  qui  a  pour  titre  :  Délia  vitadi 
Giovani  Rasori  libri  sei,  par  le  pro- 
fesseur Joseph  Del  Chiappa,  Milan  , 

1838,  in-S»  de  377  pages.  Un  mé-* 
decin  italien,  établi  à  Marseille, 
M.  Sirus  Pirondi,  déjà  cité,  et  avec 
lequel  Rasori  avait  été  fort  lié,  a  publié 
une  traduction  française  de  la  Théo- 
rie de  la  phlogose  ou  inflammation^ 
Marseille,  1839,  2vol.  in-8°.    A— y. 

RASPOM  (Doua  F elicb)  ,  née  à 
Ravenne  en  1523,  descendait  d'une 
ancienne  et  illustre  famille  qui  a 
produit  un  grand  nombre  d'hommes 
de  mérite.  Ayant  eu  le  malheur,  dans 
son  enfance,  de  perdre  son  père,  elle 
resta  sous  la  tutelle  d'une  marâtre 
qui,  jalouse  de  ses  attraits  naissants, 
la  fit  entrer  dans  le  monastère  de 
Saint-André  de  Ravenne,  et  la  con- 
traignit d'y  prendre  le  voile.  Doua  Fe- 
lice,  douée  d'une  grande  vivacité 
d'esprit,  ayant  tourné  ses  idées  vers 
l'étude,  apprit  le  latin  et  parvint  par 
ce  moyen  à  lire  au  moins  dans  les 

n. 


340 


RAS 


m 


traductions  les  traites  philosophiques 
d'Aristoteet  de  Platon,  et  les  ouvrages 
des  saints  pères.  L'e'tude  l'aidait  à 
supporter  les  contrariétés  qu'elle 
éprouvait  chaque  jour  de  la  part  de 
la  supérieure  et  même  des  simples 
religieuses,  qui  se  plaisaient  à  exer- 
cer sa  patience.  Elle  peignit  ses  tri- 
bulations dans  un  sonnet  h.  Jérôme 
Rossi,  son  neveu,  et  celui-ci  lui  répon- 
dit par  un  discours  sur  le  courage 
nécessaire  dans  l'adversité,  qui  con- 
tient l'éloge  des  talents  et  des  vertus 
de  doua  Felice.  Les  religieuses,  tou- 
chées de  sa  douceur  et  de  sa  résigna- 
tion, la  forcèrent  d'accepter  le  gou- 
vernement du  monastère,  où  elle  fit 
refleurir  la  discipline  antique  et  le 
goût  de  l'étude.  Au  bout  de  trois  ans, 
elle  fut  continuée  dans  une  charge 
qu'elle  remplissait  si  bien  ;  mais  elle 
mourut  le  3  juillet  1579,  à  56  ans. 
Plusieurs  poètes,  parmi  lesquels  on 
cite  Annibal  Caro  et  Jean  Arrigoni, 
ont  célébré  sa  beauté  et  ses  talents. 
'Outre  quelques  pièces  de  vers,  on 
a  de  cette  dame  deux  opuscules  as- 
cétiques :  I.  Délia  cognizione  diDio 
ragionamento,  Bologne,  in-S».  IL 
Dialogo  délia  eccellenza  dello  stato 
monacale,  ibid.,  1572,  in-i».  W— s. 
RASPONI  (César),  cardinal,  cé- 
lèbre par  sa  piété,  et  son  talent 
pour  les  négociations,  naquit  en  1615 
à  Ravenne  d'une  famille  alliée  aux 
principales  maisons  de  l'Italie.  Sa 
mère,  restée  veuve  fort  jeune ,  ne 
voulut  point  se  remarier ,  afin  de 
soigner  l'éducation  de  ses  enfants  et 
surtout  celle  de  César,  qui  montrait 
déjà  les  plus  heureuses  dispositions; 
elle  le  conduisit  à  Rome  où  il  lit  ses 
études  d'une  manière  distinguée.  Il 
n'avait  que  quatorze  ans  quand  il 
fut  désigné  pour  réciter  en  public  des 
harangues  et  des  pièces  de  vers,  sui- 
vant un  usage  qui  se  conserve  en  Ita- 


lie. Sur  les  éloges  qu'on  faisait  du  jeu- 
ne orateur,  le  pape  Urbain  VIII  té- 
moigna le  désir  de  l'entendre.  Il  pro- 
nonça dans  la  chapelle  du  Vatican  le 
panégyriquednh.LowsdeGonzdgue, 
en  latin,  puis  en  hébreu;  et  le  pape, 
charmé  non  moins  de  son  érudition 
que  des  grâces  de  son  débit,  lui  donna 
une  abbaye.  Après  avoir  terminé  ses 
premières  études,  la  philosophie,  les 
lettres,  l'histoire  et  les  antiquités 
l'occupèrent  tour  à  tour;  mais  il  fut 
obligé  d'interrompre  ses  recherches 
numismatiques  pour  se  livrer  à  l'é- 
tude du  droit  canonique,  et  bientôt 
après  il  reçut  le  laurier  doctoral  dans 
les  deux  facultés.  Pourvu,  dès  l'âge  de 
21  ans,  d'une  prébende  de  la  collégiale 
de  Saint-Laurent  in  Damaso,  il  l'é- 
changea dans  la  suite  contre  un  ca- 
nonicat  de  Saint-Jean-de-Latran,  et 
il  devint  archiviste  de  ce  chapitre. 
Ses  talents  joints  aux  avantages  de 
sa  naissance  lui  procurèrent  des  em- 
plois importants;  il  les  remplit  avec 
tant  de  zèle  et  de  prudence  qu'il  se 
maintint  dans  la  faveur  du  pape  In- 
nocent X,  quoique  le  pontife  fût  mal 
disposé  pour  les  Barberins.  César  fit 
en  1649  le  voyage  de  Paris  pour  tra- 
vailler à  la  réconciliation  du  cardinal 
Fr.  Barberin,son  parent,  avec  la  cour 
de  Rome,  et  il  eut  le  bonheur  d'y  con- 
tribuer. Il  fut  confirmé  dans  tous  ses 
emplois  par  le  pape  Alexandre  VII, 
dont  il  avaitmérité  depuis  long-temps 
l'estime  et'la  confiance.  II  rendit  des 
services  signalés  dans  sa  |ilace,  en 
préservant  Rome  de  la  peste  et  de  la 
famine  qui  désolaient  le  royaume  de 
Naples  et  menaçaient  d'envahir  les 
États  de  l'Église.  Il  eut  la  plus  grande 
part  aux  négociations  que  nécessita 
l'insulte  faite  à  l'ambassadeur  de 
France  par  la  garde  corse  (voy.CRÉ- 

QUI,  X,  229,  et  RÉGNIER  UES  MaKAIS, 

XXXVII,  254),  et  Huit  par  terminer 


RAS  . 

les  différends  qui  s'étaient  élevés  à 
ce  sujet.  L'habilelé  qu'il  avait  mon- 
trée dans  cette  affaire  lui  mérita  la 
barette,  qu'il  reçut  en  166!)  (1).  Clé- 
ment IX,  en  arrivant  au  pontificat, 
nomma  le  cardinal  Rasponi  gouver- 
neur du  duché  d'Urbiu.  L'affaiblisse- 
ment de  sasanlé,  qu'il  crut  occasionné 
par  l'air  de  cette  ville,  l'ayant  bientùt 
obligé  de  revenir  à  Rome, il  allait  don- 
ner la  démission  de  cette  place  ;  mais 
le  pape  la  refusa  dans  l'espoir  qu'il 
ne  tarderait  pas  à  se  rétablir.  Cepen- 
dant son  état  ne  fit  qu'empirer , et  après 
avoir  supporté ,  pendant  plusieurs 
années,  de  vives  douleurs,  il  mourut 
Ie2l  novembre  1675,  à l'âgede  60ans. 
Le  cardinal  Rasponi  fut  inhumé  dans 
l'église  de  Saint-Jean- de-Latran,  où 
l'on  voit  son  tombeau  près  de  celui 
qu'il  avait  élevé  à  sa  mère,  qui  ne 
l'avait  précédé  que  de  cinq  ans  dans  la 
tombe.  C'est  à  son  neveu,  son  héri- 
tier, qu'on  doit  la  fondation  de  Vhos- 
pice  des  catéchumènes.  Outre  quel- 
ques opuscules,  on  a  de  ce  prélat  :  De 
basilica  et  patriarchio  lateranensi, 
libri  quatuor,  Rome,  1656,  in-fol., 
Ug.,  ouvrage  curieux ,  mais  pour 
la  rédaction  duquel  l'auteur  a  beau- 
coup profité  des  recherches  de  Pan- 
vinio  {voy.  ce  nom,  XXXII,  501}. 
11  a  laissé  en  manuscrit  des  haran- 
gues; un  poème  qu'il  adressa  au  pajie 
Urbain  VIM,  pour  le  remercier  du 
don  qu'il  lui  avait  fait  d'une  abbaye, 
intitulé  :  Princepshieropoliticunydes 
Rime  série  et  facete;  le  journal  de 
son  voyage  en  France  en  1649;  des 

(l)  Les  Raveonais  lëinoignèrent  leur  re- 
connaissance au  pape  Alexandre  Vil  en  lui 
élevaut  une  statue  en  bronze  sur  la  place 
principale  de  leur  ïijle  en  i6-3.  Une  in- 
scription, qu'on  lisait  sur  le  piédestal ,  in- 
diquait les  bienfaits  que  cette  cité  avait 
reçus  da  pontife;  le  plus  grand,  aux  yeux 
des  Ravennais,  était  d'avoir  créé  Ruspout 
cardiiul. 


RAS 


v34i 


Mémoires  de  sa  vie;  un  Recueil  de 
sentences  extraites  de  la  sainte  Écri- 
ture et  des  Pères,  etc.  On  trouve 
des  détails  dans  Ginanni,  Scrittori 
Ravennati,  II,  239-56.       W— s. 

RASSÏCOD  (Etienne),  juriscon- 
sulte, né  à  la  Ferté-sous-Jouarre,  en 
1646,  fut  destiné  à  la  vie  religieuse; 
mais  la  faiblesse  de  sa  complexion  no. 
put  lui  permettre  de  suivre  un  état 
qui  exige  l'observance  de  règles  quel- 
quefois austères.  Après  avoir  fait  des 
études  aussi  solides  que  brillantes  au 
collège  du  Plessis,  il  s'attacha  à  la 
personne  de  M.  de  Caumartin,  maî- 
tre des  requêtes,  depuis  intendant  de 
Champagne,  qui  savait  allier  à  l'exer- 
cice des  devoirs  du  magistrat  le  goût 
le  plus  prononcé  pour  les  belles-let- 
tres. 11  devint  le  compagnon  d'études 
du  fils  de  M.  de  Caumartin  qui  suivait 
les  leçons  de  la  faculté  de  droit,  et  se 
fit  recevoir  avocat  au  parlement. 
»  Mais  la  délicatesse  de  son  tempéra- 
«  ment  l'obligea  à  se  renfermer  dans 

•  le  cabinet,  c'est-à-dire  à  écrire  et  à 

•  consulter.  Il  s'y  attira  la  confiance 
«  du  public,  aimant  mieux  rétablir  la 

•  paix  entre  les  parties  que  de  proU- 
«  ter  de  leurs  divisions.  Malgré  sa 
«  modestie ,  qui  lui  faisait  fuir  le 
«  grand  jour,  on  ne  laissait  pas  de 

•  sentir  son  mérite.  En  1692,  la  fa- 
«  culte  de  droit  le  choisit  pour  être 

•  docteur  agrégé  d'honneur  (1).  » 
11  fut  aussi  censeur  royal  des  livres 
de  droit.  En  1701,  M.  de  Pontchar- 
train,  chancelier  de  France,  le  com- 
prit au  nombre  des  peràonnes  habiles 
qui  devaient  travailler  au  Journal 
des  savants.  11  fut  naturellement 
chargé  de  la  rédaction  des  articles  de^ 
jurisprudence,  et,  depuis  1702  jusr, 
qu'au  6  septembre  1708,  il  s'acquitta, 


(i)  Éfogc  de  .11,  Ratiia}d  ,  dans  le  Journal 
dti  Safantt,  in-io,  année  1718.P.  367^ — Lov^ 


342 


RAS 


de  cette  tâche  avec  le  zèle  éclairé  que 
l'on   devait  attendre  d'un   homme 
également   versé  dans  la  connais- 
sance du  droit  et  de  la  littérature  an- 
cienne et  moderne.  11  mourut  acca- 
blé d'infirmités  le  17  mars  1718.  Il 
avait  composé  pour  son  instruction 
de  nombreuses  notes  et  apostilles  sur 
le  texte  des  lois  et  des  coutumes; 
mais  ce  travail  est  resté  en  grande 
partie  inédit.  On  doit  à  Rassicod  :  I. 
Notes  sur  le  concile  de  Trente,  tou- 
chant les  points  les  plus  importants 
de  la  discipline  ecclésiastique  et  le 
pouvoir  des  évêques;  les  décisions 
des  saints  Pères,  des  conciles  et  des 
papes;  Cologne,  1706,  in-8«;  Bruxel  les, 
1708  et  1711,  in-8''.  Rassicod  avait 
tenu  la  plume ,  lors  des  conféren- 
ces sur  ces  matières,  entre  quatre 
conseillers  d'État,  MM.  de  Caumar- 
tin,  Bignon,  Le  Peletier  et  Bezons.  Il 
fut  chargé  de  mettre  en  ordre  et  de 
rédiger  les  observations  qui  furent  le 
résultat  de  ces  conférences.  Aussitôt 
qu'il  parut,  le  livre  fut  «  recherché 
«  avec  empressement,  parce  que  la 
«  lecture  en  parut  utile,  et  que  les 
«  points  les  plus  importants  de  la 
«  discipline  ecclésiastique  y  sont  sa- 
«  vamment  éclairais  (2).»  UneDisser- 
tation  sur  la  réception  et  l'autorité  du 
concile  de  Trente  en  France,  dans  la- 
quelle sont  marqués  les  endroits  qui 
sont  contraires  aux   usages   de  ce 
royaume,  et  que  Mylius  attribue   à 
Rassicod  (3),  vient  à  la  suite  de  cet 
ouvrage  dont  la  publication  paraît 
avoir  eu  lieu  sans  la  participation  de 


(a)  Journal  des  Savants,  loco  citato. 

(3)  Barbier  (^Dictionnaire  des  anonymes, 
tom.  I*',  p.  328)  ne  partiige  pas  ce  senti- 
ment  et  attribue  la  dissertation  à  Froma- 
ger; mais  il  ne  cite  pas  l'édition  originale 
que  nous  avons  sou»  les  yeux,  in-S"  de  4i 
pages  eu  petits  caractères,  laquelle  ne  por- 
te ni  date,  ni  lieu  d'impression. 


RAS 

l'auteur.  Gibert,  célèbre  canoniste, 
avait  préparé  des  additions  et  des 
corrections  aux  notes  de  Rassicod; 
mais  elles  n'ont  pas  vu  le  jour.  II. 
Notœ  et  restitutiones  ad  commenta- 
rium  Caroli  Molinœi  de  Feudis,  Pa- 
ris, 1739,  in-4».  C'est  par  les  soins 
du  fils  de  l'auteur  que  fut  publié  ce 
travail  utile  sur  l'un  des  ouvrages  les 
plus  estimés  de  Du  Moulin.  On  trouve 
dans  la  préface  une  revue  de  toutes 
les  éditions  du  commentaire  sur  les 
fiefs,  et  l'exposé  de  la  méthode  qui 
a  été  suivie  pour  la  restitution  des 
textes  altérés  ou  supprimés.  Dans  une 
seconde  partie,  Rassicod  donne  la 
conférence  des  éditions  posthumes 
avec  celles  que  Du  Moulin  publia  de 
son  vivant.  Il  serait  à  désirer  qu'une 
pareille  conférence  des  œuvres  de 
tous  nos  grands  écrivains  fût  entre- 
prise et  publiée  par  des  hommes  d'un 
esprit  éclairé  et  judicieux.  Il  en  jailli- 
rait sans  doute  de  nouvelles  lumières 
sur  les  premiers  élans  du  génie,  et  le 
secret  de  sa  composition  qu'il  ignore 
souvent  lui-même.— Rassicod  {Etien- 
ne)^ fils  du  précédent,  né  en  1686, 
suivit  la  carrière  du  barreau,  djevint 
bâtonnier  de  l'ordre  des  avocats,  et 
fut  nommé  censeur  royal.  Il  mourut 
le  16  mars  1755.  C'est  à  lui  qu'on 
doit  la  publication  posthume  de  l'ou- 
vrage de  son  père  intitulé  :  Notœ  et 
restitutiones,  etc.  L — m — x. 

RAST  de  Maupas  (Jean-Lodis), 
agronome,  né  en  1731  à  la  Voulte, 
dans  le  Vivarais,  était  fils  d'un  méde- 
cin distingué  ,  qui  alla  plus  tard  s'é- 
tablir à  Lyon.  Livré  de  bonne  heure 
au  commerce,  il  entreprit  pour  cet 
objet  plusieurs  voyages,  pendant  les- 
quels il  recueillit  une  foule  d'obser- 
vations sur  l'histoire  naturelle  et  l'a- 
griculture, genre  d'étude  qui  lui  plai- 
sait beaucoup.  Lors  d'une  excursion 
qu'il  fit  en  Italie ,  il  ne  craignit  pas 


RAS 

d'exposer  sa  vie,  à  l'exemple  de  Pline, 
afin  d'examiner  de  près  une  éruption 
du  Vésuve.  11  avait  fixé  sa  résidence 
à  Lyon,  où  il  jouissait,  comme  négo- 
ciant et  agronome,  d'une  considéra- 
tion méritée,  lorsque  cette  ville  tenta 
de  secouer  le  joug  du  terrorisme  qui 
pesait  sur  elle  en  1793.  Quoique  les 
événements  de  la  révolution  eussent 
porté  une  grave  atteinte  à  sa  fortune, 
Rast  de  Maupas  ne  recula  point  de- 
vant de  nouveaux  sacrifices;  il  garan- 
tit par  sa  signature  les  bons  de  sub- 
sistances militaires  pendant  toute  la 
durée  du  siège;  mais  cette  conduite 
généreuse  envers  ses  concitoyens 
devint  pour  lui  un  titre  de  proscrip- 
tion quand  la  malheureuse  cité  eut 
succombé.  Parvenu  cependant  à  se 
soustraire  aux  recherches  ,  il  reparut 
après  le  9  thermidor,  et  fut  successi- 
vement nommé  membre  du  conseil- 
général  du  département ,  de  la  cham- 
bre de  commerce ,  dn  jury  de  l'école 
vétérinaire,  etc.  Il  appartenait  à  l'an- 
cienne société  d'agriculture  de  Lyon, 
[ui  lui  dut  la  conservation  de  ses  ar- 
chives à  l'époque  où  toutes  les  cor- 
porations furent  détruites  -,  il  y  ren- 
tra aussitôt  qu'elle  fut  réorganisée  et 
continu^  de  prendre  une  part  active 
à  ses  travaux;  il  obtint  même,  en  1 8i0, 
une  des-médailles  d'honneur  que  le 
gouvernement  décerna  aux  plus  ha- 
biles agriculteurs  français.  Rast  de 
Maupas  avait  été  adjoint  à  l'abbé 
Rozier  (coy.  ce  nom,  XXXIX,  209) , 
pour  la  direction  de  la  pépinière  pro- 
vinciale  établie  aux  portes  de  Lyon 
peu  de  temps  avant  la  révolution,  et 
plus  tard  il  présida  l'administration 
de  la  pépinière  départementale.  Lui- 
même  ,  sur  ses  propriétés ,  en  avait 
formé  de  très-belles  que  les  amateurs 
et  les  él rangers  s'empressaient  de  vi- 
siter. U  fonda  aussi  à  Lyon  un  éta- 
blissement connu  sous  le  nom  de 


RAS 


343 


Condition  des  soies,  où,  par  une  mé- 
thode de  son  invention ,  on  donnait 
aux  soies  le  degré  convenable  de  des- 
siccation. H  ne  retira  qu'une  faible 
indemnité  de  ce  procédé  aussi  ingé- 
nieux qu'utile  et  tombé  aujourd'hui 
dans  le  domaine  public.  On~Iui  doit 
encore  d'autres   inventions   indus- 
trielles et  agricoles  :  1*>  un  moyen 
pour  peindre  et  dorer  l'étoffe  à  la 
manière  des  Chinois,  découverte  men- 
tionnée honorablement  dans  un  rap- 
port du  Conservatoire  des  Arts  et  Mé- 
tiers de  Paris;  2°  un  bateau  insub- 
mersible et  inchavirable,  essayé  avec 
succès  sur  une  pièce  d'eau,  à  la  vérité, 
de  peu  d'étendue  ;  3'  un  moulin  pour 
écraser  le  raisin  qu'on  veut  jeter  dans 
la  cuve,  employé  pendant  long-temps 
par  l'inventeur  à  son  usage  particu- 
lier, et  dont  on  trouve  la  description 
et  le  modèle  gravé  dans  le  Compte 
rendu  de  la  Société  d'agriculture  de 
Lyon  (année  1819);  4*  une  greffe, 
dite  greffe-Uaupas,  du  genre  de  cel- 
les qu'on  nomme  par  5C/on  ;  elle  a  été 
décrite  et  appréciée  avec  éloge  par 
André  Thouin  (coy.  ce  nom ,  XLV, 
515),  dans  sa  Monographie  des  gref- 
fes. Rast  de  Maupas  était  en  relation 
avec  les  plus  célèbres  agronomes  de 
l'époque.  Il  mourut  nonagénaire  à 
Lyon  le27  marsI82i. Outre  desObser- 
vations  relatives  à  son  établissement 
de  laCondi/ion  des  soies,  Lyon,anVlU 
(1800) ,  brochure  in-4°,  il  a  laissé 
plusieurs  mémoires  sur  les  végétaux 
qu'il  cultivait  dans  ses  jardins  et  dans 
ses  pépinières ,  ainsi  que  des  détails 
sur  l'éruption  duVésuve,  dont  il  avait 
été  témoin  en  Italie.  Ces  écrits  sont 
déposés  aux  archives  de  la  Société 
d'agriculture  de   Lyon.  Le   Compte 
rendu  des  travaux  de  cette  Société 
(année  1821,  p.  241-50),  contient  une 
Notice  sur  J.-L.  Rast  de  Maupas,  rédi 
gée  par  M.  Grognier,  secrétaire.  — 


344 


RAT 


Rast  de  Maupas  (JeanBaptiste-An' 
toine)^  frère  du  précédent,  suivit  la 
carrière  inédicale  et  reçut  le  docto- 
rat à  l'Université  de  Montpellier.  S'c- 
tant  fixé  à  Lyon  il  y  devint  profes- 
seur agrégé  au  collège  des  médecins, 
puis  lut  nommé  médecin  de  l'hôpital- 
général  de  la  Charité.  En  1755,  l'A- 
cadémie des  siences,  belles-lettres  et 
arts  l'admit  au  nombre  d^  ses  mem- 
bres, et  la  Société  d'agriculture  de  la 
même  ville  le  choisit  pour  associé. 
On  a  de  lui  un  Éloge  inédit  d'An- 
toine-Joseiih  Pestalozzi, médecin  lyon- 
nais {voy.  cenom, XXXllI,  457),  des 
explications  de  monuments  antiques, 
plusieurs  rapports  et  mémoires  sur 
des  questions  médicales,  etc. ,  indi- 
qués par  Dolandine  dans  son  Cata- 
logue des  manuscrits  de  la  bibliothè- 
que de  Lyon,  toui.  I  et  111.  Les  écrits 
imprimés  de  Rast  de  Maupas  sont  : 
1"^  Réflexions  sur  l'inoculation  de  la 
petite  vérole,  Lyon,  1763  ,  in-12  ;  2° 
Avis  sur  Vélahlissemcnt  dhm  cime- 
tière hors  de  la  ville  de  Lyon,  1777, 
in-8°.  Il  y  a  inséré  les  Observations 
de  Petetiu  {voy.  ce  nom,  XXXIII, 
468)  sur  le  même  sujet:     P — ut. 

RATALLER  (Georges),  philolo- 
gue et  poète  latin,  mérite  une  place 
parmi  les  savants  précoces.  Né  en 
1528  àLeuwarde,  en  Hollande,  d'une 
famille  noble,  il  fut  placé  de  bonne 
heure  dans  l'école  de  Macropedius 
{voy.  ce  noiij,  XXVI,  83),  à  Louvain, 
et  puisa  dans  les  leçons  de  cet  habile 
maître,  avec  le  goiit  des  lettres,  une 
connaissance  approndie  des  langues 
grecque  et  latine.  Ses  parents  le  des- 
tinaient à  la  carrièra  de  la  magistra- 
ture; et,  après  avoir  terminé  ses  hu- 
manités et  sa  philosophie,  il  alla  étu- 
dier le  droit  dans  les  plus  célèbres 
universités  de  France  et  d'Italie.  Il 
fréquenta  successivement  les  écoles 
de  Bourges,  de  DôlCj  de  Padouc,  et 


RAT 

partout  il  sut  se  ménager  des  loisirs 
pour  continuer  une  traduction  en  vers 
latins  de  5op/ioc^e  qu'il  avait  commen- 
cée à  Louvain.  Des  amis,  auxquels  il 
communiquait  sa  traduction  à  mesure 
qu'il  la  faisait,  furent  si  charmés  de 
l'élégance  et  de  la  pureté  du  style, 
qu'ils  publièrent  à  son  insu  les  trois 
premières  pièces  :  Ajaœ  (\irieux,  An- 
tigone  et  Electre,  Lyon,  1560,,in-S''. 
De  retour  dans  les  Pays-Bas^  précédé 
d'une  réputation  méritée,  Rataller  fut 
nommé  membre  du  conseil  souverain 
d'Artois,  et  en  1560,  maître  des  re- 
quêtes au  conseil  de  Malines.  La  du- 
chesse de  Parme,  gouvernante  des 
Pays-Bas,  le  choisit,  en  1566,  pour 
son  ambassadeur  à  la  cour  de  Dane- 
mark, où  il  demeura  trois  ans.  La 
prudence  et  l'habiletéqu'il  avait  mon- 
trées dans  les  négociations  furent  ré- 
compensées par  la  place  de  président 
du  conseil  d'Utrecht.  Au  milieu  de  tant 
d'occupations  importantes,  son  ar- 
deur pour  l'étude  ne  s'était  point 
ralentie,  et  il  travaillait  h  une  traduc- 
tion d'Euripide,  quand  il  fut  frappé 
d'une  apoplexie  foudroyante,  dans  la 
salle  même  du  conseil,Ûe  6  oct.  1581 . 
Bataller  emporta  les  regrets  de  ses 
collègues  et  des  littérateurs  dont  il 
était  le  protecteur.  On  a  de  lui  les 
traductions  suivantes  en  vers  latins  : 
I.  Les  Veuves  d'Hésiode,  Francfort-, 
1546,  in-8»;  Rataller  n'avait  que  18 
ans  quand  il  publfti  cette  version  ;  il 
y  joignit  un  livre  d'Êpigrammes. 
IL  Les  tragédies  de  Sophocle,  Anvers,  . 
1570  ou  1576  et  1584,  in-8'';  c'est  la 
même  édition  dont  on  n'a  fait  que  re- 
nouveler le  frontispice.  L'auteur  l'a 
dédiée  à  Frédéric  Penenot,  frère  du 
cardinal  deGranvelle,  par  uncépilrc 
que  Bayle  trouve  bien  digne  d'être 
lue.  III.  Trois  tragédies  d'Luripide  : 
les  Phéniciennes.^  Uippolytc  et  An- 
dromaque.,  suivies  des  l<'ragvtents 


RAT 

d'anciens  poètes,  tirés  de  Stobe'e, 
ibid.,  1581,  in-16.  On  peut  consulter, 
pour  de  plus  grands  de'tails,  le  Dict. 
de  BayJe,  et  le  Trajectum  erudilum, 
de  Biirniann.  \V — s. 

RATEL  (l'abbé),   agent    secret 
des  Bourbons  en  France  ,  pendant  la 
révolution,  était  né  vers  1760,  à 
Saint-Omer,  lils  d'un  chapelier  sans 
fortune  et  chargé  d'une  nombreuse 
famille.  Élevé  par  les  soins  d'un  on- 
cle qui  était  dignitaire  dans  l'une  des 
plus  riches  abbayes  de  l'Artois ,  il  fut 
de  bonne  heure  destiné  à  l'état  ecclé- 
siastique ;  et,  des  qu'il  eut  achevé  ses 
études  dans  la  capitale ,  il  eut  la  pré- 
tention ,  sous  les  auspices  d'un  abbé 
de  Langlade,  bâtard  de  la  maison  de 
La  Rochefoucauld, d'être  curé  de  Dun- 
kerque,  mais  ne  put  y  réussir.  Il  sui- 
vit alors  son  protecteur  dans  la  capi- 
tale; mais  celui-ci  ayant  été  privé 
par  la  révolution  de  ses  riches  béné- 
fices ,  puis  massacré  dans  les  prisons 
le  2  septembre  1792,  Ratel,  se  consi- 
dérant comme  son  héritier,  alla  ha- 
biter Mantes,  où  la  famille  de  La  Ro- 
chefoucauld disputait  à  la  révolution 
les  riches  propriétés  qu'elle  y  possé- 
dait. 11  fit  beaucoup  d'efforts  pour 
leslui  conserver, et  parvint,  en  mani- 
festant les  principes  d'un  républica- 
nisme outré,  à  se  faire  nommer  secré- 
taire de  la  mairie  de  cette  ville.  Après 
la  mort  de  Robespierre,  il  revint  à 
Paris  et  s'y  lia  avec  Brotier  et  Le- 
maître,  agents  royalistes  {voy.  Le- 
MAiTRE,  LXXI,  244),  qui  ne  l'employè- 
rent toutefois  que  dans  des  circon- 
stances de  peu  d'importance,  ne  l'i- 
nitièrent point  dans  tous  leurs  secrets 
et  ne  l'associèrent  pas  à  leurs  principa- 
les opérations,  ce  qui  fut  très-heureux 
pour  lui,  puisque  le  conseil  de  guerre 
qui  envoya  Lemaître  à  l'échafaud  ne 
put  le  condamner  qu'à  la  déportation 
par  contumace.  Il  s'était  réfugié  en 


RAI 


345 


Normandie,  où  il  a  prétendu  qu'un 
peu  plus  tard  il  contribua  beaucoup 
à  l'embarquement  de  Sydney  Smith, 
échappé  du  Temple  {voy.  Smith, 
au  Supp.),  ce  dont  il  ne  manqua  pas  de 
se  faire  un  titre  de  recommandation 
auprès  du  ministère  anglais.  Chargé 
ensuite  avec  Robert  d'organiser  à 
Rouen  une  corrt-spondance  pour  l'An- 
gleterre ,  il  reçut  d'assez  fortes  som- 
mes; mais  on  reconnut  bientôt  que 
sa  correspondance  était  sans  intérêt, 
et  elle  fut  supprimée  à  la  fin  de  1799, 
époque  où  Ratel  passa  à  Londres  pour 
rendre  ses  comptes  et  surtout  se  faire 
payer  ce  qu'il  prétendait  lui  être 
encore  dû.  Appuyé  par  Dutheil  {voy, 
ce  nom,  LXIII,  258),  il  réussit  à  se 
faire  compter  sur-le-champ  une  som- 
me de  mille  livres  sterling,  et  fut 
chargé  de  porter  à  Paris  une  somme 
plus  forte  encore  qu'on  lui  recom- 
manda de  distribuer  aux  royalistes 
malheureux,  surtout  à  ceux  qui 
étaient  arrêtés  ou  forcés  de  fuir,  par 
suite  de  la  saisie  des  papiers  de 
M.  Hyde  de  Neuville,  imprimés  par 
la  police  consulaire  en  un  vol.  in-8", 
sous  le  titre  de  Correspondance  an- 
glaise,  dans  laquelle  Ratel  est  dési- 
gné en  plusieurs  endroits  sous  le  nom 
de  Lemoine.  On  a  dit  que  toutes  les 
sommes  qu'il  fut  alors  chargé  de  re- 
mettre ne  parvinrent  pas  à  leur 
adresse,  et  nous  avons  quelques  rai- 
sons de  croire  à  cette  assertion;  mais 
il  ne  porta  pas  moins  ces  sommes  en 
ligne  de  compte,  et  l'on  pense  même 
qu'il  en  doubla  quelques-unes,  car  il 
s'arrangeait  toujours  pour  ne  rien 
perdre.  Mais  il  y  eut  des  plaintes,  des 
réclamations;  et  lorsque  l'abbé  re- 
tourna en  Angleterre,  vers  1803,  on 
exigea  qu'il  rendit  ses  comptes  et  qu'il 
donnât  des  preuves  autant  que  le  com- 
portaient des  affaires  naturellement 
secrètes  et  dans  lesquelles  il  a  toujours 


346 


RAT 


été  facile  de  pêcher  en  eau  trouble. 
11  fut  clairement  démontré  que  c'é- 
tait ce  qu'avait  fait  Ratel ,  et  on  lui 
fit  restituer  de  fortes  sommes.  Il  lui 
en  resta  toutefois  assez  pour  vivre 
très  à  son  aise,  et  on  l'a  vu  long- 
temps à  Londres  mener  joyeuse  vie. 
Il  essaya,  en  1814,  de  rentrer  en 
France,  mais  il  fut  mal  accueilli  par  la 
Restauration,  et  retourna  bien  vite  en 
Angleterre,  où  il  mourutpeu  de  temps 
après.  M— D  j. 

RATIIMAN  (  Hebman)  ,  ministre 
protestant ,  vivait  au  commencement 
du  XVIF  siècle  et  exerçait  le  minis- 
tère évangélique  à  Danlzick.  Il  fut 
accusé  par  Jean  Corvin,  son  collègue, 
de  s'écarter  en  plusieurs  points  de  la 
doctrine  de  Luther,  et  éprouva  une 
persécution  qui  lui  causa  d'amers 
chagrins.  Elle  avait  pour  prétexte 
son  attachement  aux  principes  de 
Jean  Arndt  et  un  livre  que  Rathman 
publia,  en  1621,  sur  le  royaume  de 
grâce  de  J.-C.  11  résulta  de  là  une 
controverse  dans  l'église  luthérienne 
qui  ne  finit  qu'après  la  mort  de  Rath- 
man, arrivée  en  1628.  L — Y. 

RATIER  (le  P.  Vincent)  ,  prédi- 
cateur, né  en  1634,  à  Langres,  prit 
l'habit  de  Saint-Dominique  à  l'âge 
de  seize  ans,  dans  le  couvent  de  Pro- 
vins, et  se  distingua  bientôt  par  son 
talent  pour  la  chaire.  Animé  d'un 
zèle  infatigable,  il  se  fit  entendre 
plusieurs  fois  dans  les  principales 
villes  du  royaume ,  et  partout  ses 
exemples  et  ses  discours  produisirent 
les  plus  heureux  effets.  Après  avoir 
successivement  rempli  différents  em- 
plois, il  fut  élu  en  1694  supérieur- 
général  de  l'ordre  en  France.  Au  bout 
de  quatre  ans,  il  se  hùta  de  remettre 
les  marques  de  sa  dignité  dans  les 
mains  de  son  successeur,  et  revint  à 
Provins  reprendre  ses  travaux  évangé- 
liqucs;  mais,  atteint  d'un  mal  qu'il 


RAT 

négligea  de  soigner,  il  y  mourut  le  a 
février  1699.  On  a  de  lui  :  I.  Discours 
surlerétahlissementdel'égliseroyale 
deSaint-QuiriandePr  ovins, Orléans, 
1666,  in-12.  II.  Octave  angélique  de 
saint  François  de  Sales^  renfermée 
dans  le  discours  du  P.  V.  Ratier,son 
septième  panégyriste  ,  donnée  au  pu- 
blic par  l'un  de  ses  amis,  ibid.,  1667, 
in-8°  de  43  p.  Cet  opuscule  est  en 
vers  de  huit  syllabes.  L'avertissement 
est  signé  des  initiales  J.-P.  III.  Orai- 
son funèbre  de  mad.  Jeanne-Ga- 
brielle  Dauvet  des  Marets,  abbesse 
du  Mont-^otre-Dame  près  de  Pro- 
vins, ibid.,  1690,  in-4"  de  27  p.  Voy. 
Bibl.  ord.  prœdicat.  des  PP.  Que- 
tif  et  Échard,  II,  750.  W— s. 

RATTI  (Nicolas),  archéologue 
italien,  naquit  le  19  mai  1759  à  Rome, 
d'une  famille  de  négociants  originaire 
de  Gênes.  Il  fut  envoyé  de  bonne 
heure  chez  les  Pères  des  écoles  pies, 
et  tels  furent  ses  progrès  que, 
n'ayan#pas  encore  atteint  l'âge  de  1.") 
ans,  il  faisait  déjà  partie  de  l'académie 
des  Yarii,  rétablie  par  le  père  du  cé- 
lèbre archéologue  Ennius-Quirinus 
Visconti.  Ratti  se  destinait  d'abord  à 
l'état  ecclésiastique,  et  il  se  fit  rece- 
voir docteur  en  théologie  -,  cependant 
il  n'entra  pas  dans  les  ordres,  et  finit 
même  par  quitter  l'habit  ecclésiasti- 
que. Choisi  en  1785  pour  accompa- 
gner Jules-César  Zollio,  archevêque 
d'Athènes  et  nonce  apostolique  au- 
près de  la  cour  de  Bavière,  il  resta 
deux  ans  à  Munich,  puis  revint  à 
Rome,  où  il  fut  nommé,  le  13  avril 
1787,  secrétaire  du  collège  des  avo- 
cats consistoriaux.  Le  cardinal  Inno- 
cent Conti  le  donna  ensuite  pour  pré- 
cepteur à  son  pupille,  le  duc  François 
Slorza  Cesariui.  L'éducation  de  celui- 
ci  achevée,  Ratti  devint  archiviste  et 
secrétaire  de  la"  famille  ,  fonctions 
qu'il  conserva  toute  sa  vie,  et  qu'il 


RAT 

cumula  avec  les  emplois  du  gouver- 
nement. Le  pape  Léon  XII  ayant  e'tabli 
la  nouvelle  chancellerie  de  l'uuiver- 
sité  romaine,  le  nomma  directeur 
de  son  propre  mouvement.  Avec  plus 
d'ambition,  Ratti  aurait  pu  parcourir 
une  brillante  carrière;  car,  outre  le 
souverain  pontife  que  nous  venons 
de  nommer,  il  e'tait  particulièrement 
estimé  du  roi  de  Saxe,  Antoine.  Ce- 
lui-ci, lorsqu'il  apprit  la  mort  de  ce 
savant,  arrivée  le  12  janv.  1833,  ne 
dédaigna  pas  d'adresser  à  son  fils  aîné 
une  lettre  de  condoléance.  Ratti  avait 
épousé  en  1805  la  fille  de  Pierre  An- 
geletti,  peintre  de  quelque  réputa- 
tion. Ses  restes  furent  déposés,  ainsi 
qu'il  en  avait  manifesté  l'intention , 
dans  l'église  de  Sainte-Marie  in  Val- 
licella,  où  on  lit  son  épitaphe.  Le 
Diario  di  Rêma  et  le  Giomaie  arca- 
àico  (tome  77.  année  1839),  lui  ont 
consacré  l'un  une  notice  nécrologi- 
que, l'autre  un  éloge  plus  étendu, 
qui  fut  imprimé  séparément  avec  une 
dédicace  au  P.  Degola,  secrétaire  de  la 
congrégation  de  VJndex.  Ratti  avait 
publié:!.  Lettera  sopra  VUecisione 
dei  CCCVI  Fabi  al  tignor  N.  N.  (l'ab- 
bé François  Caiicellieri),  Rome,  1784. 
Dans  cette  lettre,  l'auteur  soutient 
que  deux  ou  trois  Fabius  seulement 
furent  tués  dans  l'expédition  contre 
les  habitants  de  Véies,  et  que  l'armée 
sortie  de  Rome  se  composait  de  vo- 
lontaires romains  de'pendants  de  la 
famille  des  Fabius,  dont  ils  portaient 
le  nom  à  cause  de  cela.  II.  Memoria 
sulla  vita  di  Quattro  donne  illustri 
délia  casa  Sforza,  e  di  Monsignor 
Virginio  Cesarini,  Rome,  1785.  Les 
femmes  illustres  dont  il  s'agit  sont: 
Constance  de  Varano,  Hippolyte  Sfor- 
za, Jeanne-Baptiste  et  Isabelle  d'Ara- 
gon, qui  toutes  vécurent  au  XV'  siè- 
cle. Comme  on  le  pense  bien,  ces  bio- 
graphies de  personnes  appartenant  à 


RAT 


347 


une  famille  où  Ratti  était  employé  ne 
contiennent  que  des  éloges.  III.  Délia 
famiglia  Sforza,  Rome,  1794-1795, 
1«  et  2'°«  partie,  2  vol.  in-8°.  Cet  ou- 
vrage est  fait  dans  le  même  esprit  que 
le  précédent,  mais  sur  un  plan  beau- 
coup plus  vaste  ;  car  il  embrasse  la 
biographie  de  tous  les  Sforza  et  offre 
même  des  notices  sur  les  familles 
dont  les  derniers  rejetons  s'allièrent 
à  eux.  IV.  Selecta  doctorum  virorum 
iestimonia  de  Camilla  Valentia.  ft- 
mina  sut  temporis  prœstantissima 
in  unum  collecta  et  adnotationibus 
aucta,  Rome,  1795.  C'est  un  recueil, 
avec  commentaires,  de  tous  les  élo- 
ges que  reçut  de  ses  contemporains 
Camille  Valenti,  une  des  dames  ita- 
liennes les  plus  courtisées  par  les 
beaux  esprits  du  XVI*  siècle,  mak 
qui  eût  probablement  moins  attiré 
l'attention  de  Ratti ,  si  elle  n'avait 
pas  eu  un  cardinal  parmi  ses  arrière- 
petits-neveux,  au  XVIII*  siècle. V.  I$- 
toria  di  Genzano  con  note  e  docu- 
menti,  Rome,  1797.  Cette  histoire, 
la  première  dont  la  ville  de  Genzann 
ait  été  l'objet,  est  divisée  en  deux 
parties  :  l'une  embrasse  neuf  cha- 
pitres de  texte  et  l'autre  dix-huit 
pièces  justificatives  entièrement  iné- 
dites. VI.  L' Àutenticità  degli  al- 
heri  genealogici  stampati  pel  signor 
duca  ContiSforza-Cefarini  nel  som- 
mario  délia  causa  romanae  primo- 
geniturae  de  comitibus  dimostrata 
contro  le  faite  imputazioni  del  di- 
fensore  del  signor  principe  Ruspoli. 
Lettera  apologetica  a  schiarimento 
delta  présente  causa,  ed  illustrazione 
délia  storia  délia  nobilissima  fami- 
glia Conti;  Rome,  1821.  VII.  .Vuort 
docun\enti  in  conferma  delV  Auten- 
ticità, etc.,  Rome,  1824.  C'est  un  sup- 
plément à  la  pièce  précédente  qui  fut 
publié  ^4  l'occasion  d'un  procès  en- 
tre les  familles  Sforza  et   Ruspoli. 


348 


IIAT 


RAT 


\U\.LetteraalsignoravvocatoCar- 
lo  Fea,  commissario  délie  antichità, 
suldi  luiParallelo  :  «  Giulioll  con 
Leone  X,-"  Rome,  1822.  Ralti  y  réfute 
l'opinion  émise  par  Charles  Féa  que 
«  le  règne  de  Jules  II  fut  véritable- 
«  ment  l'époque  où  Rome  se  releva 
«  et  eut  une  grandeur  stable,  tandis 
«  qu'elle  déclina  rapidement  sous  les 
•  pontificats  de  Léon  X  et  de  Clément 
«  VII,  après  avoir  eu  une  splendeur 
«  éphémère.  »  IX.  Sulle  rovine  del 
tempio  delta  Pace,  disseriazione  ^ 
Rome,  1823.  X.  Sulla  vita  di  Giusto 
Conti,  romano  poeta  volgare  del  se- 
cofoXF,iVofme;Rome,1824.XI.Z)/5- 
serlazione  sulla  basilica  Liberiana, 
Rome,  1825,  dédiée  au  pape  Léon  XII, 
qui  avait  été  archiprêtre  de  cette  ba- 
silique. Xll.  Lettera  al  canonîco  Do- 
inerdco Moreni  soprd un  pretesode- 
posito  di  Michel  Àngelo  Buonarotti. 
L'auteur  y  apporte  de  nouveaux  ar- 
gunjents  à  l'appui  de  ceux  que  l'abbé 
Moreni,  dans  un  examen  critique 
d'une  médaille  de  Michel-Ange  re- 
présentant Bindo  Altovito,  avait  déjà 
donnes  pour  prouver  qu'un  tom- 
beau attribué  à  cet  illustre  sculpteur 
n'étaitpointde  lui.  En  reconnaissance 
de  ce  service,  Moreni  dédia  à  Ratti 
son  édition  des  Letteredi  Carlo  Dali, 
Florence,  1825.  XIII.  Sopra  una  is- 
crizione  Ficulensc  scavata  nella  te- 
nuta  délia  Cesarina,  colla  quale 
s'illustra  l'antica  Flculea  ,  Rome , 

1826.  L'auteur  y  détermine  la  situa- 
tion de cetle ville  antique.  XIV.  Sopra 
un  antico  sarcofago  cristiano,  Rome, 

1827,  in-8°.  XV.  Notizia  délia  chiesa 
interna  del  romano  archigimnasio, 
Rome,  1833,  dédiéeaucardinal  Pierre- 
François  Galeili.  Ratti  fut  surpris 
par  la  mort  au  milieu  de  l'impression 
de  cet  ouvrage.  II  avait  encore  donné 
plusieurs  dissertations  aux  Actes  de 
l'académie  d'archéologie  :  l"  Sulla 


villa  di  Pompeo  nelV  agro  Âlharîo 
(tom.  I,  part.  II).  2"  Dissertazione 
intorno  ad  una  iscrizione  antica 
rinvenuta  nel  terriiorio  di  civita  La- 
vinia,  spettante  alla  città  di  Lanu- 
vio  (tom.  II).  3°  Sulle  opère  di  bene- 
fieenza  de'  cristiani  de'  primi  ire  se- 
coli  (tom.  III).  4"  Délie  arti  d'italia 
ne'  primi  ire  secoli  di  Roma  ;  délia 
cognizione  de'  Romani  de'  cosi  delli 
vasi  etruschi  di  Velulonia,  città  deW 
antica  Etruria  (tom.  V).  Membre  de 
l'Académie  archéologique,  Ratti  l'é- 
tait aussi  de  l'Académie  de  la  religion 
catholique,  où  il  avaitlu  (le  SOjuill. 
1827)  une  dissertation  qui  n'a  pas  été 
imprimée,  et  dans  laquelle  il  démon- 
trait que  «  la  révélation  est  prouvée 
«  par  le  sentiment  universel  de  toutes 
«  les  nationset  de  leurs  législateurs.» 
»  A— Y. 
RAÏÏON  (Jacquks),  né  en  France 
en  1736,  alla  très-jeune  en  Portugal 
où  il  se  tixa  et  suivit  la  carrière  com- 
merciale. Il  créa  plusieurs  établisse- 
ments utiles  à  l'industrie,  et  devint 
membre  du  tribunal  de  commerce, 
de  Pagriculture,  des  fabriques  et  de 
la  navigation  à  Lisbonne.  Joseph  F^ 
Marie  F*'  et  le  prince  régent  (depuis 
Jean  VI),  lui  donnèrent  des  témoi- 
gnages de  bienveillance.  Nommé  che- 
valier du  Christ,  il  fut  attaché  à  la 
maison  du  roi  copime  gentilhomme 
{fidalgo  cavalleiro).  Mais,  en  180», 
tandis  que  la  famille  royale  était  reti- 
rée au  Brésil,  la  régence,  sur  de  va- 
gues soupçons,  lui  ordonna  de  sor- 
tir du  royaume.  Il  se  rendit  eu  An- 
gleterre où  il  resta  jusqu'en  181ô. 
Rappelé  en  Portugal,  il  préféra  venir 
en  France;  s'établit  à  Paris,  et  y 
mourut  le  3  juillet  1820.  Plusieurs 
Portugais  de  distinction,  entre  au- 
tres l'ambassadeur,  assistèrent  à  se^ 
funérailles.  Il  avait  publié,  pendant 
sou  séjour  en  Angleterre,  un  ouvra- 


RAU 


RAU 


349 


ge  intitulé  :  Recordacoes  de  Jacome 
Ration  (Souvenirs  de  Jacques  Rat- 
ton),  Londres,  1813.  Ce  livre,  où  les 
faits  sont  présente's  d'une  manière 
confuse  et  souvent  errone'e,  est 
écrit  dans  un  style  incorrect  et  avec 
l'amertume  d'un  vieillard  ,  aigri  par 
les  injustices  qu'il  avait  éprouvées. 
Cependant  il  s'y  trouve  des  choses 
vraies  et  curieuses.  La  famille  de  l'au- 
leur  s*est  efforcée  d'en  détruire  les 
exemplaires,  qui  d'ailleurs  ne  furent 
•distribués  qu'à  des  amis.         Z. 

RAUCOURT  (Louis-Marie),  der- 
nier abbé  de  Clairvaux,  né  à  Reims 
le  10  juin  1743,  se  distingua  de  bonne 
heure  dans  son  ordre  par  une  excel- 
lente conduite.  Après  avoir  ensei- 
gné la  théologie  à  Clairvaux ,  il  fut, 
•  «n  1768,  nommé  procureur.de  l'ab- 
baye, prieur  en  1773,  et  en  1780, sur 
les  instances  de  l'abbé  Leblois,  dési- 
gné pour  son  coadjuteur.  A  la  mort 
de  ce  prélat ,  arrivée  en  1783  ,  il  lui 
succéda  comme  abbé  de  Clairvaux  et 
chef  de  l'ordre  de  Saint-Bernard.  Son 
administration  fut  telle  qu'avait  été 
sa  conduite  précédente.  Employant 
de  la  manière  la  plus  noble  et  la  plus 
utile  le  superflu  des  revenus  de  la 
maison,  il  acheta  pour  500,000  francs 
la  riche  bibliothèque  du  président 
Bouhier  de  Dijon  {voy.  Bouhier,  V, 
305);  aiais  il  n'eut  pas  le  temps  de  la 
mettre  en  place,  la  révolution  ayant 
arrêté  ses  travaux.  Cette  belle  collec- 
tion fut  dans  la  suite  donnée  à  la  ville 
de  Troyes.  Un  autre  dessein  occupait 
l'abbé  Raucourl  ;  il  voulait  ériger 
dans  son  monastère  un  monument  à 
saint  Bernard,  et  pour  cela  il  fit  ve- 
nir des  marbres  de  Carrare.  La  statue 
de  la  Charité  était  arrivée  à  Clair- 
vaux; elle  (levait  faire  partie  du  mo- 
nument formé  en  groupe.  Les  autres 
marbres,  restés  à  Lyon,  furent  sai- 
sis au  commencement  de  la  révolu- 


tion. Ainsi  il  ne  put  pas  non  plus 
exécuter  ce  second  projet.  Le  duc  de 
Penthièvre ,  qui  passait  tous  les  ans 
quelque  temps  à  sa  terre  de  Chàteau- 
villain,  à  trois  lieues  de  Clairvaux,  té- 
moignait à  l'abbé  Raucourt  une  bien- 
veillance affectueuse.  Il  lui  fit  pré- 
sent d'un  grand  tableau,  où  il  était 
représenté  comme  grand-amiral  de 
Franc-e  .  avec  les  attributs  de  sa  char- 
ge. L'abbé  Raucourt  eut  le  bonheur 
de  sauver  ce  don  précieux,  qui,  étant 
tombé  dans  les  mains  du  vicomte  de 
Sainte-Maure,  est  aujourd'-hui  au  châ- 
teau de  Dinteville.  Avant  la  révolu- 
tion, l'abbé  Raucourt,  faisant  de  lar- 
ges concessions  aux  idées  du  temps, 
avait  introduit  dans  son  abbaye  des 
changements,  tant  pour  la  discipline 
que  pour  le  costume  des  religieux 
qu'il  cherchait  à  rapprocher  des  prê- 
tres séculiers.  Lorsqu'il  fut  expidsé 
par  les  autorités  révolutionnaires,  il 
se  retira,  emportant'les  débris  des  re- 
liques auxquelles  on  avait  arraché 
leurs  ornements,  et  alla  se  cacher,  à 
une  lieue  de  Clairvaux,  dans  le  petit 
village  de  Juvancourt,  où  il  vécut  pen- 
dant quatorze  ans,  oublié  du  monde, 
mais  respecté  des  habitants  qui,  dans 
les  temps  les  plus  orageux,  ne  cessè- 
rent de  lui  marquer  uu  respectueux 
dévouement.  Souvent  il  exerça  en  se- 
cret le  saint  ministère  dans  cette  pa- 
roisse et  dans  les  environs.  En  1804, 
il  vint  se  fixer  à  Bar-sur-Aube ,  où  il 
mourut,  le  6  avril  1824,  regretté Ues 
habitants  qu'il  édifiait  par  sa  résigna- 
tion, et  qu'il  charmait  par  la  douceur 
de  ses  manières.  Il  fut  le  dernier  suc- 
cesseur de  saint  Bernard.  C'était  en 
l'année  1115  que  ce  saint  docteur, 
l'ornement  de  son  siècle,  avait  été  en- 
voyé de  Cîteaux,  avec  quelques  au- 
tres religieux ,  dans  la  Vallée  d'Ab- 
sinthe ^  où  ils  fondèrent  ce  monas- 
tère, dans  un  désert  affreux,  qui, 


S50 


RAUj 


traversé  par  la  rivière  d'Aube,  pas- 
sait pour  une  retraite  de  voleurs. 
Bernard  et  ses  compagnons,  vivant 
dans  une  grande  simplicité,  le  dé- 
Irichèrent  eux-mêmes,  et  y  établirent 
le  chef-lieu  d'un  ordre  devenu  depuis 
si  florissant.  Le  député  Chauvelin 
acheta  pendant  la  révohition  cette 
magnifique  propriété.  G — Y. 

RAULHAC  (Charles-Jean-Fraïs- 
çois),  ecclésiastique  qui  renonça  à  la 
prêtrise  pendant  la  révolution,  de- 
vint premier  adjoint  du  maire  d'Au- 
rillac  et  membre  de  la  Société  d'ag'ri- 
culture,  arts  et  commerce  de  cette 
ville,  fonctions  qu'il  remplissait  en- 
core sous  le  gouvernement  de  la  Res- 
tauration, lorsqu'il  mourut  en  nov. 
1823.  On  a  de  lui  :  I.  Lettre  à  M.Jo- 
mard,  membre  de  l'Institut  et  com- 
missaire du  gouvernement  près  la 
commission  d'Egypte,  sur  la  signi- 
fication du  nom  d'Hercule,  et  sur  la 
nature  de  ce  dieu,  Paris,  1818,  in-8° 
(  anonyme).  11.  Discours  sur  les  hom- 
mes de  l'arrondissement  d'Aurillac 
qui,  dans  les  temps  connus,  se  sont 
distingués  par  l'exercice  d'éminentes 
fonctions,  par  de  hautes  vertus^  par 
des  talents  particuliers^  lu  en  assem- 
blée publique,  le  20  août  1819,  lors 
de  la  distribution  des  prix  du  collège, 
suivi  deiVofes  historiques  et  d'éclair- 
cissements sur  chaque  sujet,  Aurillac, 
1820,  in-S".  m.  Discours  lu  en  séance 
publique  de  la  Société  d'agriculture, 
arts  et  commerce  d' Aurillac,  le  8 
juillet  1822,  sur  le  développement 
successif  de  ces  trois  branches  de  L'in- 
dustrie humaine,  dans  le  départe- 
ment du  Cantal,  depuis  les  temps  les 
plus  reculés  jusqu'à  la  fin  du  XIU^ 
siècle  de  notre  ère,  Aurillac,  1822, 
in-8».  Z. 

RACTENSTRAUCII  (FuANÇois- 
ÉTiENNE  de)  entra  jeuue  encore  daus 
l'ordre  de  Saint-Benoît  en  l'abbaye 


RAV 

de  Braunau.  L'abbé  du  monastère, 
ayant  remarqué  en  lui  des  disposi- 
tions pour  les  sciences,  le  fit  étudier 
à  l'université  de  Prague,  et  l'envoya 
ensuite  aux  universités  le  plus  en  ré- 
putation. Devenu  professeur  de  théo- 
logie à  Braunau,  Rautenstrauch  y  écri- 
vit et  enseigna  le  droit  canon  suivant 
les  maximes  de  l'église  gallicane,  ce 
qui  lui  attira  des  contradicteurs.  Il 
lut  cité  au  tribunal  de  l'université  de 
Prague,  qui  prononça  sa  déposition, 
surtout  à  cause  de  son  Traité  du  pou- 
voir du  pape;  ce  qui  n'empêcha  pas 
l'impératrice  mère  de  lui  accorder  une 
médailleetdelefaireensuiteélireabbé 
de  Braunau,  puis  directeur  de  la  fa- 
culté de  théologie  à  Vienne.  Il  exerça 
les  fonctions  de  cette  pface  pendant 
onze  ans  avec  beaucoup  d'habileté  et 
de  succès.  Joseph  II  l'avait  chargé  de 
visiter  les  écoles  de  théologie  et  les  sé- 
minaires de  Hongrie  et  de  Transylva- 
nie, lorsqu'il  mourut  le  30  sept.  1785. 
Ce  religieux  avait  introduit  diverses 
réformes  dans  les  études  et  publié 
quelques  écrits  sur  le  droit  ecclé- 
siastique. T — D. 

RAVARDIÉRE,  voyageur,  entre- 
prit en  1604  un  voyage  au  IJrésil  et 
vers  l'embouchure  du  fleuve  des  Ama- 
zones, où  la  France  avait  alors  quel- 
ques établissements.  Il  y  rotourna 
en  1611,  et  fit  une  association  pour 
le  bien  du  commerce.  Les  Français 
y  bâtirent  un  fort  ;  et  Ravardièie  éten- 
dit ses  conquêtes  dans  l'intérieur  du 
pays.  Il  fut  souvent  en  guerre  avec 
les  Indiens,  dont  la  plupart,  assez  fé- 
roces, passaient  pour  des  anthropo- 
phages; mais  les  Portugais,  qui  pré- 
tendaient avoir  seuls  le  droit  de  s'éta- 
blir dans  le  Brésil,  tombèrent  sur  les 
Français;  et  coumie  ils  étaient  en 
force,  ils  firent  Ravardière  prison- 
nier. Sa  détention  fut  lougiie.  Enfin, 
remis  en  liberté,  il  revint  «la us  sa 


RAV 

patrie  et  y  mourut  peu  de  temps 
après.  M— LE. 

RAVENEAC  (Jacques)  (1),  maître 
écrivain  juré  à  Paris  dans  le  XVII* 
siècle,  fut  employé  comme  expert 
pendant  une  partie  de  sa  vie  au  par- 
lement et  dans  les  autres  juridfctions, 
pour  la  vérification  des  écritures  et 
des  signatures.  Il  consigna  le  résultat 
de  ses  recherches  et  de  sa  longue 
expérience  dans  un  ouvrage  devenu 
très-rare,  le  premier  qui  ait  été  pu- 
blié sur  celte  matière,  sous  ce  titre  : 
Traité  des  inscriptions  en  faux  et 
reconnaissances  d'écriture  et  signa- 
tures, par  comparaison  et  autrement, 
Paris,  1666,  in-12.  L'auteur  passe  en 
revue  les  différentes  espèces  d'alté- 
rations que  l'on  peut  faire  subir  aux 
écritures,  ainsi  que  les  moyens  à  l'ai- 
de desquels  les  faussaires  opèrent  des 
substitutions  dans  les  registres,  etc. 
Les  faits  et  les  considérations  qu'il 
développe  pourraient  nous  éclairer 
aujourd'hui  sur  nn  sujet  que  les  tra- 
vaux des  criminaliïtes  n'ont  pas  en- 
core entièrement  approfondi.  Il  n'est 
pas  aussi  heureux  lorsqu'il  traite  de 
l'enlèvement  et  de  la  revivification 
des  écritures.  La  chimie  et  la  science 
du  faussaire,  quoique  pratiquées  de 
toute  ancienneté,  n'avaient  pas  en- 
core fait  les  progrès  où  elles  sont 
parvenues  de  nos  jours.  L'expert  juré 
tombe  donc  dans  plus  d'une  erreur 
pour  ce  qui  concerne  cette  partie  de 
son  art,  mais  sur  le  reste  il  est  passé 
maître,  et  donne  plus  d'une  leçon 
dont  ses  successeurs  ont  profité.  Ce- 
pendant le  livre  et  l'auteur  eurent 
une  destinée  fâcheuse.  Le  premier 
fut  proscrit  comme  pemtcieuar,  parce 


RAV 


361 


(i)  Les  éditeurs  do  Moréri,  de  1759, 
ODt  commis  uue  errenr  eu  donnant  l'ar'dclè 
de  ce  personnage  sons  le  nom  de  RAore- 
HBAD  (toœ.  IX,  p.  a3). 


que,  disait-on,  tout  en  signalant  les 
moyens  dont  se  servaient  les  faussai- 
res pour  contrefaire  ou  altérer  les 
écritures,  il  mettait  à  la  portée  de 
tous  l'usage  ou  l'abus  qui  pouvait  en 
être  fait.  Quant  à  l'auteur,  il  suc- 
comba lui-même  à  la  tentation  d'em- 
ployer dans  un  but  coupable  les  pro- 
cédés dont  il  avait  si  bien  révélé  le 
secret.  Des  poursuites  criminelles 
furent  dirigées  contre  lui,  et  en  1682 
il  fut  condamné  à  une  prison  perpé- 
tuelle. On  a  même  lieu  de  croire  que 
cette  peine  eût  été  plus  grave,  sans 
la  protection  du  président  LAmoi- 
gnon.  Cet  illustre  magistrat  ne  put 
refuser  son  appui  à  celui  qui  avait 
été  le  maître  d'écriture  de  ses  en- 
fants. Jacques  Raveneau,  dans  la 
préface  de  son  livre,  se  plaint  d'être 
en  butte  à  la  haine  et  à  la  jalousie  de 
ses  confrères ,  •  qui  se  sont  ligués 
«contre  moi,  dit-il,  pour  me  faire 

•  tous  les  outrages  possibles  et  tou- 
«  tes   les  diffamations  imaginables  ; 

•  et  quoique  j'aie  obtenu  des  senten- 
«  ces  et  arrêts  qui  m'ont  fait  toute 
«  la  réparation  et  satisfaction  qu'on 
«  peut  espérer,  néanmoins  par  un 
«  complot  concerté  ils  continueni 
-  de  plus  en  plus  leurs  calomnies  et 
'  diffamations.  »  On  est  fondé  à  pen- 
ser que  tout  n'était  pas  calomnieux 
dans  les  imputations  dont  Raveneau 
fut  l'objet,  puisqu'il  finit  par  être  ir 
révocablèment  condamné.  L— m— x. 

RAVE.\E.4C  DE  LCSSAN.  Yoy. 
LUSSAN,  LXXIl ,  230. 

RA\1ZZA  (Domimqle),  littéra- 
teur] italien,  naquit  en  1707,  à  Lan- 
ciano,  dans  les  Abruzzes.  Après  avoir 
étudié  au  collège  de  cette  ville,  il  alfa 
à  Naples ,  s'y  fit  recevoir  avocat  et 
exerça  pendant  quelque  temps  cette 
profession.  II  obtint  ensuite,  dans  le 
duché  de  Parme,  un  emploi  qu'il  ne 
garda  pas  long-temps,  car  il  revint 


352 


RAV 


bientôt  daos  sa  patrie,  où  il  épousa 
une  rich^hêritière,  ce  qui  lui  permit 
de  se  livrer  à  son  penchant  pour  les 
belles -lettres.  Cependant  il  accepta 
en    1750   une   place   {luogotenente 
délie  doganelle  )  dans  l'administra- 
tion de  l'octroi  de  Lanciano  ,  qu  il 
ne  cessa  d'occuper  jusqu'à  sa  mort, 
arrivée  le  9  oct.  1767.  La  plupart 
de  ses  ouvrages  ne  furent  publiés 
que  long-temps  après.  Son  hls  lit 
imprimer  en  1786  (ÎS'aples,  2   vol. 
in-8°)  les  œuvres  poétiques,  com- 
posées de  pièces  lyriques,  comiques 
et  dramatiques,  dont  fut  rendu  un 
compte  favorable  par  deux  critiques, 
P  -N  Signorelli  et  le  P.  Valdera,  qui 
alla  jusqu'à  dire  que  Ravizza  «  avait 
.  ôté  à  Métastase  le  mérite  d  être 
a  seul.  -  C'est  un  éloge  qu'on   doit 
bien    se    garder   de    prendre  à   la 
lettre    Les  œuvres  en  prose  paru- 
rent en  1794  (Naples,  in-S"),  par  les 

soinsde  Janvier  Ravizza  (V02/.1  art. 
suivant),  petit-tils  de  l'auteur  et  juge 
au  tribunal  de  Chieti.  Elles  embras- 
sent •  I.  Dissertazione  sul  culto  dei 
lacio  délia  mano  a'  Vescovi.  11.  Sup- 
vlica  per  la  cresima  di  unamiova 
chiesa  di  Lanciano.  IIL  Difesa  del 
marchese  Antonio  Castigliom  accu- 
sato  d'essersi  intruso  nell'eserazio 
d'un  puUico  impiego.  IV.  Osser- 
vazionisopraunaiscrizioneiromta 

fra  le  rovine  del  tempio  d'Isidein 

Pompei.Y.  lettera  in  difesa  dun 

amico.yi.mïn  une  Dissertazione 

dans  laquelle  il  examine.  SI  les  horn- 

«  mes  doivent  prendre  exemple  des 

«  bêtes,  tant  dans  les  choses  qui  re- 

.  tardent  l'instinct  commun  que  dans 

.îerèglementdelavie..Cestrois 

volumes  ne  comprennent  pas  cepen- 
dant tous  les  écrits  de  Ravizza  car 

l'éditeur  du  dernier  volume  a  oublié 
d'Y  insérer  «ne  Dissertazione  sur 
n  iterprétation   à   donner   au    mot 


RAV 

amoholium  qu'on  lit  dans  une  in- 
scription trouvée  à  Chieti.  Cette  dis- 
sertation avait  déjà  été  insérée  par  le 
père  AUegranza  dans  ses  Opuscoh 
(Crémone,  1781).  Quelques-uns  des 
travaux  de  Ravizza  avaient  paru  de 
son  vivant,  soit  dans  les  Novelle  lette- 
rarie  Florentines^  Lami.soit  dausla 
Raccolta  d'opuscoli  scientifîci  e  let- 
ferani ,  publiée  à  Venise  par  Calogera. 
Il  en  est  d'autres  que  des  littérateurs 
peu  délicats  s'approprièrent  ;  mais  le 
véritable  auteur  se  vengea  dans  une 
épigramme  contre  les  pères  plagiai- 
res, taisant  ainsi  allusion  au  P.  Jean- 
Chrysostôme  Trombelli,  qui  s'était 
emparé  d'une  traduction  de  plusieurs 
fables  d'Ésope,  et  au  P.  Isidore  Blan- 
chi, qui  avait  fait  imprimer,  comme 
sienne,  dans  la  iVuoua  raccolta  calo- 
geriana,  la  dissertation  sur  une  in- 
cription  trouvée  dans  le  temple  d'isis 
et  que  nous  avons  citée.     A— y. 

RAVIZZA  (Janvier),  petit-fals  du 
précédent,  naquit  à  Lanciano,  le  15 
mai  1776.  11  entra  dans  la  carrière 
de  la  magistrature  et  exerça  de  hau- 
tes  fonctions  judiciaires  dans  les  vil- 
les de  Chieti  et  d'Aquila.  L'état  de 
sa  santé  l'ayant  obligé  de  demander 
sa  retraite  en  1830,  il  l'obtint,  avec 
une  pension  convenable  et  les  titres 
déjuge  de  grand'cour  criminelle  et 
de  conseiller  à  la  cour  suprême  de 
justice  de  Naples.  Depuis  cette  épo- 
que il  ne  quitta  plus  la  ville  de  Chieti, 
sa  patrie  d'adoption,  et  il  se  consa- 
cra tout  entier  à  des  recherches  ar- 
chéologiques et  littéraires,  jusqu  à 
sa  mort  arrivée  le  8  janvierl836. 
Outre  l'édition  des  œuvres  de  son 
aïeul  que  nous  avons  citée  dans  l  ar- 
ticle précédent,  il  avait  pu^'e  :  I. 
Raccolta  didiplomiedi  altridocu- 

menti  deitmpi  di  rnez^^  rç^e^^) 
da  servirc  alla  storia  délia  cttta  di 
Chieti:   ouvrage   ostîmé.   11.    Fp»- 


RAV 

grarmii  antichi  dt^  mezzi  tempi  e 
récent  i.pertinenti  alla  città  di  Chieti, 
e  spiegati  da  diversi  autori.  III.  No- 
tizie  biografiche,  che  riguardano  gli 
uomtnt  illustri  délia  città  di  Chieti, 
1830.  Cet  ouvrage  esl  assez  bien 
dcrit,  mais  il  a  le  défaut  de  la  plu- 
part des  biographies  locales,  c'est 
d'abouder  en  éloges  exagérés ,  et 
d'accorder  une  place  à  des  person- 
nages fort  insignifiants.  IV.  Appen- 
dice aile  Notizie  biografiche,  etc., 
Chieti,  1834.  C'est  un  supplément  a 
l'ouvrage  précédent.  A — y. 

RAVRIO  (Antoine-iVndrê),  bron- 
zier  célèbre,   naquit  à  Paris  le  23 
oct.  1759,  et,  après  y  avoir  fait  d'as- 
sez bonnes  études ,  apprit  à  mouler 
chez  son  père  qui  suivait  la  même 
profession.  Il  dessina  ensuite ,  mo- 
dela à  l'Académie,  apprit  à  ciseler 
sous  d'habiles  maîtres.  Enfin  il  pra- 
tiqua l'art  du  fabricant  de  bronzes  do- 
rés dans  toutes  ses  parties,  et  c'est 
ainsi  qu'il  rendit  sou  nom  célèbre 
eu  Europe.  On  admire  à  la  fois  dans 
ses  ouvrages  la  pureté  du  dessin,  un 
style  noble  et  des  compositions  in- 
génieuses. Les  connaissances  variées 
de  Ravrio  et  ses  éminentes  qualités 
le  favorisèrent  beaucoup  dans  ses  re- 
lations commerciales  et  dans  sa  vie 
privée.  Son  obligeance  et  la  gaîté  de 
son  caractère  le  firent  rechercher. 
Livré  tout  entier  à  son  état  qu'il  ai- 
mait avec  passion,  il  ne  cultiva  les 
lettres  que  fort  tard  et  comme  délas- 
sement. Ou  lui  doit  cependant  plu- 
sieurs vaudevilles  qui  ont  eu  de  nom- 
breuses représentations,  et  il  a  pu- 
blié avec  M.  Chatillou  deux  volumes 
de  poésies,  où  l'on  trouve  de  la  faci- 
lité et  du  naturel.  N'ayant  pas  d'en- 
I  lut  et  voulant  perpétuer  son  souve- 
nir dans  l'état  qu'il  avait  exercé  avec 
tant  de  succès,  il  légua,  en  mourant, 
son  nom  avec  sa  fortune  à  M.  Lenoir, 
ixxvm. 


RAY 


353 


son  ami.  Il  avait  demandé   qu'une 
simple  pierre  couvrît  sa  tombe  ;  mais 
la  reconnaissance  lui  éleva  un  monn- 
ment  plus  digne  de  lui,  au  cimetière 
de  l'Est.  Ravrio,  à  son  heure  dernière, 
s'occupadu  sort  des  ouvriers  doreurs. 
Voulant  remédier  à  l'insalabrité  de 
leurs  ateliers,  il  légua  par  son  testa- 
ment une  somme  de  3,000  francs  à  l'io- 
venteur  d'une  méthode  qui,  au  juge- 
ment de  l'Académie  des  sciences,  les 
préservât  des  dangers  auxquels  les 
expose  l'emploi  du  mercure.  M.  Darcet 
remporta  ce  prix  en  1818.  Ravriu 
mourutàParisle4déc.  1814.  Sesou-       • 
vrages  publiés  sont  :  L  Arlequinjour- 
naliste,  vaudeville  en  un  acte  et  eu 
prose,  1799 ,  in-S".  II.  La  Sorcière, 
vaudeville  en  un  acte  et  en  prose , 
1800,  in-S".  III.  LaMaisondes  Fous, 
comédie  en  un  acte  et  en  prose  mê- 
lée de  vaudevilles,  Paris,  1803,  in-8*. 
IV  (avec  M.  Chatillon^  Mes  délasse- 
ments, ou  Recueil  de  chansons  et  au- 
tres pièces  fugitives^  composées  pour 
mes  amis,  Paris,  1805,  in-8°.  Ravrio 
fut  encore  l'un  des  auteurs  de  Mon- 
sieur Giraffe^  ou  la  Mort  de  rOurs 
6Zanc,vaudevillejoué  en  1807.  M— Dj. 
RAYMOND  (Jean-Abnacd),  ar- 
chitecte, né  à  Toulouse,  le  9  avril 
1742,  était  ûls  d'un  entrepreneur  de 
bâtiments,  homme  fort  habile  dans  sa 
profession,  et  qui  lui  donna  les  pre- 
mières notions  de  stéréotomie  et  d'ar- 
chitecture. Il  aurait  désiré  l'envoyer 
à  Paris  pour  compléter  son  éducation, 
mais  les  sacriOces  qu'il  fallait  faire 
excédaient  de  beaucoup  ses  ressour- 
ces ^  M.  de  Puymaurin  {voy.  ce  nom, 
ci-dessus,  p.  179),  amateur  éclairé  et 
protecteur  généreux  des  sciences  et 
des  arts,  se  chargea  de^cette  dépense. 
Le  jeune  Raymond,  arrivé  dans  la  ca- 
pitale ,  étudia  successivement  sous 
Blondel ,  Hilaire  et  Leroi.  £o  1767  , 
il  remporta  le  grand  prix  d'architeo- 

23 


354 


RAY 


ture,  et  partit  bientôt  pour  Rome.  11 
explora  avec  un  soin  particulier  les 
thermes  et  les  nombreux  monuments 
antiques  qu'offre  l'Italie  j  mais  les  ou- 
vrages de  Palladio  (voy.  oe  nom, 
XXXII,  429)  attirèrent  surtout  son 
attention.  Il  visita  Venise ,  Padoue , 
Trévise  et  Vicence,  pour  y  examiner 
en  détail  les  travaux  de  ce  Vitruve  du 
XVP  siècle,  dont  il  voulait  propager 
le  système  artistique  en  France.  II 
avait  composé  à  ce  sujet  de  savantes 
notices,  accompagnées  d'un  grand 
nombre  de  dessins,  recueil  important 
«  qu'il  se  proposait  de  mettre  au  jour  ; 
mais  la  publication  inattendue  de 
l'œuvre  de  Palladio,  par  Cameron, 
d'après  les  dessins  appartenant  à  Ri- 
chard Burlington  {voy.  ce  nom,  VI, 
326) ,  le  fit  renoncer,  non  sans  chagrin, 
à  un  projet  dont  il  s'était  occupé  pen- 
dant huit  ans .  Raymond  revint  en  1775 
à  Paris,  où  ses  talents  ne  tardèrent 
pas  à  être  appréciés.  Appelé  à  Mont- 
pellier, il  y  resta  trois  ans,  chargé  de 
diriger  divers  travaux  publics;  mais 
il  ne  termina  que  la  belle  place  du 
Peyrou.  Plus  tard,  Joubert,  inten- 
dant des  États  de  Languedoc,  lui  de- 
manda, pour  des  établissements  de 
Nîmes  et  autres  villes  de  cette  pro- 
vince, des  plans  ^qm  furent  adoptés 
par  les  États,  mais  dont  le  manque  de 
fonds  empêcha  l'exécution.  Raymond 
dut  se  borner  à  réparer  quelques- 
uns  des  précieux  débris  de  l'antiquité 
romaine,  encore  si  multipliés  dans  le 
midi  de  la  France.  Il  désirait  ardem- 
ment d'attacher  son  nom  à  un  seul 
monument  remarquable-,  cette  loua- 
ble ambition  ne  put  être  satisfaite.il 
avait  cependant  présenté  différents 
projets  qui  attestent  le  bon  goût  et  le 
profond  savoir  de  leur  auteur,  et 
parmi  lesquels  celui  qu'il  avait  conçu 
pour  la  restauration  complète  du 
▼iètix  Louvre  est  regardé  coninie  un 


RAT 

chef-d'œuvre.  Malheureusement  au* 
cun  de  ces  projets  ne  fut  effectué.' 
Voyant  ainsi  toutes  ses  espérances 
déçues,  Raymond  passa  les  dernières 
années  de  sa  vie  dans  la  retraite,  et 
mourut  à  Paris  le  18  janv.  1811.  L'an- 
cienne Académie  d'architecture  l'a- 
vait admis  comme  professeur  en  1784, 
et  l'Institut  l'appela  dans  son  sein 
dès  l'époque  de  sa  création.  Il  était 
membre  du  conseil  des  bâtiments  près 
le  ministère  de  l'intérieur  et  archi- 
tecte du  gouvernement.  On  a  de  lui  : 

I.  Mémoire  sur  la  construction  du 
dôme  de  la  Madonna  délia  Salute,  à 
Venise,  comparée  avec  celle  du  dôme 
des  Invalides,  accompagné  de  7  pi. 
Ce  mémoire,  inséré  dans  le  Recueil  de 
l'Institut  (Littérature  et  Beaux-Arts, 
tom.  III ,  1801),  à  été  tiré  séparément 
à  un  petit  nombre   d'exemplaires. 

II.  Projet  d'un  arc  de  triomphe,  dont 
Vexécution  avait  d'abord  été  arrêtée 
pour  l'emplacement  de  VÉtoile,  sur 
la  grande  route  de  Paris  à  Neuilly, 
gravé  au  trait,  d'après  les  dessins 
originaux  de  feu  Jean- Arnaud  Ray- 
mond, ouvrage  posthume,  précédé 
d'une  notice  historique  sur  la  vie  et 
les  ouvrages  de  l'auteur,  Paris,  1812, 
in-fol.  avec  6  pi.  et  orné  du  portrait 
de  Raymond.  P — bt. 

RAYMOND  (James  Grant,  dit), 
acteur  anglais,  directeur  de  Drury-La- 
ne ,  né  eu  1769,  était  fils  d'un  officier 
qui  succomba  dans  la  lutte  avec  ks 
Anglo-Américains.  Sa  mère,  mistress 
Grant ,  ne  pouvant  disposer  que  de 
faibles  ressources  pécuniaires,  le  lais- 
sa peu  de  temps  à  l'école ,  après  quoi 
il  mena  pendant  quelques  années  une 
vie  errante.  Un  ancien  ami  de  Gar- 
rick,  qui  reproduisait  son  jeu  avec 
succès ,  ayant  un  jour  récité  le  rôle 
d'Oroonoko  devant  le  jeune  James, 
celui-ci  crut  aussitôt  se  seutir  uuu 
YOCiiliou  pour  la  scène,  et  résolut  de 


RAY 

s*f  consacrer.  Le  directeur  du  théâtre 
de  Dublin  l'admit  bientôt  à  débuter, 
et  le  succès  qu'il  obtint  dans  quelques 
rôles  tragiques  le  fixa  dès  lors  dans 
cette  voie  périlleuse.  C'est  à  cette 
ëpoque  qu'il  commença  à  prendre  le 
nom  emprunté  de  Raymond,  sous  le- 
quel il  est  le  plus  connu.  Il  joua  en- 
suite à  Lancaster,  à  Manchester,  et  en- 
fin à  Londres,  sur  le  théâtre  de  Dru- 
ry-Lane,  auquel  il  rendit  d'importants 
services,  surtout  à  la  suite  de  l'incen- 
die qui  consuma  la  salle.  Aussi  fut-ii 
appelé  plus  tard  à  prendre  la  direc- 
tion de  la  troupe  qu'il  avait  empêchée 
de  se  disperser ,  et  il  montra  dans 
cette  position  ardue  une  activité  et 
un  dévouement  qui  contribuèrent 
sans  doute  à  miner  sa  constitution 
et  à  abréger  sa  vie.  Il' mourut,  presque 
subitement,  en  1817.  Comme  lit- 
térateur, on  a  de  lui ,  indépendam- 
ment de  deux  tragédies  dont  l'une  a 
pour  sujet  les  malheurs  de  Louis  XVI  : 
la  Vie  de  Thomas  Dermody,  1805, 
2  vol.  in-80;  la  Harpe  d'Êrin,  on 
OEuvres  poétiques  de  Thomas  Der- 
mody^  1807, 2vol.  in-S».  James  Grant 
Ra>-mond,  marié  en  1792,  laissa  une 
veuve  et  six  enfants.  L. 

RAYMOND  (Georges -Mabie), 
littérateur  et  savant  distingué,  na- 
quit à  Chambéry  en  1769,  d'une  fa- 
mille originaire  de  Sixt  en  Faucigny. 
Une  ardente  passion  le  domina  toute 
sa  vie,  ce  fut  le  double  désir  d'appren- 
dre et  d'enseigner.  A  peine  fut-il  sorti 
du  collège  de  sa  ville  natale  qu'il  se 
livra  laborieusement  à  l'étude  appro- 
fondie de  la  haute  littérature  et  des 
sciences  exactes,  sans  autre  maître 
que  les  bons  livres  et  les  impulsions 
d'une  forte  intelligence.  Obligé  tou- 
tefois d'associer  à  ses  études  un  em- 
ploi lucratif  qui  pût  alléger  les  dé- 
penses d'une  famille  peu  aisée,  il 
accepta  dans  l'administration  du  ca- 


RAY 


3SS 


dastre  les  modestes  fonctions  que 
l'illustre  philosophe  de  Genève  y 
avait  remplies  un  demi-siècle  aupa- 
ravant. Le  jeune  Raymond,  à  l'époque 
où  la  Savoie  fut  incorporée  à  la  répu- 
blique française,  passa  de  cette  place 
à  celle  de  secrétaire-général  du  dé- 
partement du  Mont-Blanc  ;  et  en  1794, 
fatigué  d'exercer  des  attributions  qui 
n'étaient  point  en  rapport  avec  ses 
goûts  ou  avec  son  attachement  à  l'an- 
cienne monarchie,  il  obtint  la  chaire 
d'histoire  et  de  géographie  à  l'école 
centrale  du  Mont-Blanc,  qui  avait 
remplacé  l'ancien  collège.  En  1800, 
il  joignit  à  cette  chaire  l'enseigne- 
ment des  mathématiques.  L'année 
suivante,  il  fit  partie  du  conseil  établi 
à  Chambéry  pour  veiller  à  l'encou- 
ragement de  l'agriculture  et  de  l'in- 
dustrie nationale.  En  1803,  l'école 
centrale,  organisée  sur  un  nouveau 
plan,  fut  confiée  à  sa  direction,  sous 
le  titre  d'école  secondaire.  Au  rétablis- 
sement de  la  maison  royale  de  Savoie, 
revêtu  du  titre  de  préfet  honoraire  du 
collège  des  jésuites,  qui  fut  substitué 
à  l'école  secondaire,  il  y  professa  la 
géographie  et  les  mathématiques  jus- 
qu'à l'âge  de  70  ans.  Il  mourut  dans 
l'exercice  de  ce  professorat  le  24  avril 
1839,  universellement  regretté.  A  la 
nouvelle  de  sa  mort,  ceux  de  ses  an- 
ciens élèves  qui  habitaient  Turin  se 
réunirent  à  la  voix  de  l'un  d'eux  (l'au- 
teur de  cet  article)  pour  faire  célé- 
brer une  messe  de  requiem,  dont  le 
défunt  avait  composé  lui-même  la  mu- 
sique. Les  paroles  suivantes,  extraites 
de  son  testament,  révèlent  les  vertus 
et  les  saines  doctrines  de  cet  homme 
de  bien  :  «  Que  mes  enfants  ne  cher- 

•  cheut  point  les  richesses,  et  qu'ils 
«  redoutent  la  funeste  influence  d'un 
«  seul  denier  acquis  injustement.  Pie. 

•  té  solide,  intégrité  rigoureuse,  tra- 
-  vail ,  courage  et  résignation  dans 

23. 


356 


RAY 


RAY 


«  les  peines;  soumission  sans  mur- 
«mure  aux  volontés  du  ciel;  com- 
«  bat  soutenu  des  passions  dange- 
«  reuses    et   des    penchants    désor- 

•  donne's;  mépris  des  vanités  mon- 
«  daines  -,  privation  de  tout  superflu 

•  afin  de  pouvoir  exercer  le  précepte 

•  de  la  charité  chrétienne  en  ve- 

•  nant  au  secours  des  infortunés , 
«  dans  toutes  les  occasions  ;  voilà  en 
•«peu  de  mots  les  règles  de  conduite 

•  que  mes  enfants  doivent  se  pres- 
^)fi^ire,et  qui  seules  peuvent  amener 

^  leur  véritable  félicité.  »  Nous  ter- 
minerons cette  notice  par  le  catalogue 
des  principaux  ouvrages  sortis  de  la 
plume  de  ce  vertueux  et  docte  Savoi- 
sien  :  I.  A  l'auteur  de  la  Chaumière 
indienne,  ou  Réfutation  du  système 
de  M.  Bernardin  de  Saint  -  Pierre 
sur  la  figure  de  la  terre,  Chanibéry, 
1792.  IL  De  la  peinture  considérée 
dans  ses  effets  sur  les  hommes  de  tou- 
tes les  classes,  et  de  son  influence  sur 
les  mœurs  et  le  gouvernement  du  peu- 
ple^ Paris,  1799;  seconde  édition,  ib., 
1804.  Cet  ouvrage  fut  l'objet  d'une 
mention  honorabl^e  de  l'Institut.  III. 
Essai  sur  l'émulation  dans  Vordre 
social  et  sur  son  application  à  Védu- 
cation,  mentionné  aussi  par  l'Insti- 
tut, Genève,  1802.  IV.  Manuel  mé- 
trologique  du  département  du  Mont- 
Blanc^  Chambéry,  1803.  Y.  Rapport 
sur  Véchelle  des  plans  du  cadastre  de 
la  Savoie,  et  rapport  de  cette  échelle 
avec  le  terrain^  Chambéry,  1803.  VI. 
Métaphysique  des  études,  ou  Recher- 
clies  sur  l'état  actuel  des  méthodes 
dans  la  culture  des  lettres  et  des  scien- 
ces^ etc.,  Paris,  180i.  VII.  Lettre  à 
Jl/.  de  Chateaubriand  sur  deux  cha- 
pitres du  Génie  du  christianisme, 
Genève,  1800.  VIII.  De  la  musique 
dans  les  églises,  considérée  dans  ses 
rapports  avec*V objet  des  cérémonies 
religieui^cs,  Chanibéry,  1809.  IX.  Let- 


ires  à  M.  Millin  sur  l'utilité  de  VétU' 
hlissement  des  maîtrises  de  chapelle 
dans  les  cathédrales  de  France,  et 
sur  l'usage  de  la  musique  dans  les 
églises,  Chambéry,  1810.  X.  Let- 
tre à  M.  Villoteau ,  touchant  ses 
vues  sur  la  possibilité  et  Vutilité 
d'une  théorie  exacte  des  principes 
naturels  de  la  musique,  Paris,  1811. 

XI.  Plan  d'un  cours  de  logique, 
ou  Essai  d'un  choix  de  matières  pro- 
posées pour  un  traité  élémentaire  de 
Vart  du  raisonnement,  Paris,  1811. 

XII.  Notice  sur  les  Charmettes  et  les 
environs  de  Chambéry,  Genève,  1811; 
2«  édit.,  Chambéry,  1817;  3«  édit., 
ib.,  1824.  (La  maison  des  Charmettes, 
qui  fut  habitée  et  décrite  par  J.-J. 
Bousseau,  appartenait  à  Raymond.) 

XIII.  Essai  sur  la  détermination  des 
bases  physico  -  mathématiques  de 
Vart  musical,  Paris,  1813.  XIV.  Let- 
tres sur  rétablissement  d'éducation 
d'Yverdun,  Chambéry,  1814.  XV. 
Éloge  de  Biaise  Pascal,  accompagné 
dénotes  historiques  et  critiques;  dis- 
cours qui  a  remporté  le  prix  double 
d'éloquence  (une  églantine  d'or  de 
valeur  double)  décerné  en  1816 par 
l'Académie  des  Jeux-Floraux,  Lyon, 
1816.  Cet  écrit  fut  d'abord  imprimé 
dans  le  recueil  de  cette  Académie. 
XVI.  Éloge  historique  du  comte  Jo- 
seph de  Maistre,  inséré  dans  le  tome 
xxviï  des  Mémoires  de  l'Académie 
de  Turin.  XVII.  Éléments  de  géogra- 
phie moderne,  Annecy,  1821,  2  vol. 
XVIII.  Des  principaux  systèmes  de 
notation  musicale,  usités  ou  propo- 
sés chez  divers  peuples  tant  anciens 
que  modernes ,  ou  Examen  de  cette 
question  :  Vécriture  musicale,  géné- 
ralement usitée  en  Europe,  est-elle 
vicieuse  au  point  qu'une  réforme  com- 
plète soit  devenue  indispensable? 
Turin,  1824  (extraitdesMem.de  l'Aca- 
démie des  sciences  de  Turin,  t^x-Vît). 


RAY 

XIX.  VErniite  de  St-Saturnin,  re- 
cueil d'articles  de  mœurs  et  critiques, 
Ch^mbe'ry,  1833,  2  vol.  XX.  Ua  grand 
nombre  de  Mémoires  et  de  Notices  in- 
sérés dans  les  recueils  de  la  Société 
royale  académique  de  Savoie  dont  il 
fut  le  secrétaire  perpétuel  depuis  sa 
fondation.  Voici  les  principaux  :  Slé- 
moire  sur  la  nature  et  la  significa- 
tion de  Véxpression  analytique  gêné' 
raie  -^  —  Observations  critiques  sur 
le  système  de  Bailly  touchant  l'ori- 
gine drs  arts  et  des  sciences.  —  Ob- 
servations sur  le  principe  philoso- 
phique de  M.  de  Lamennais  touchant 
le  fondement  de  la  certitude, —  Saint 
François  de  Sales  considéré  comme 
écrivain.  —  Notice  sur  la  position 
géographico-topographiquede  Cham- 
béry.  —  Notice  sur  itf .  Bigex,  arche- 
vêque de  Chambéry.  —  Mémoire  sur 
la  canière  militaire  et  politique  du 
général  de  Soigne.  —  Quelques  re- 
marque» sur  les  mots  Savoisien  et 
Savoyard.  —  Nouvelle  dissertation 
sur  le  principe  d'action  chez  les  ani- 
maux. —  Observations  faites  au  sujet 
d'un  système  sur  l'origine  des  êtres  or- 
ganisés, et  en  particulier  celle  du 
genre  humain.— Remarques  sur  quel- 
ques expressions  et  quelques  tournu- 
res défecteuses  employées  même  par  de 
bons  écrivains.  Indépendamment  de 
ce5  diverses  productions,  G. -M.  Ray- 
mond a  fourni  ua  grand  nombre  d'ar- 
ticles il  la  Biographie  universelle,  au 
Magasin  encyclopédique  de  Millin, 
aux  Annales  de  mathématiques  pu- 
bliées par  Gergonne,  et  au  Journal 
de  Savoie  qu'il  a  fondé  et  dirigé 
sans  interruption.  11  appartenait,  en- 
tre autres  Académies,  à  celles  de  Tu- 
rin, de  Lyon,  Dijon,  Nîmes,  et  à  ïa  So- 
ciété philotechnique  de  Paris.  Le  roi 
Charles-Albert  couronna  la  carrière 
de  Georges-Marie  Raymond  en  lui  con- 
férant, en  1834,  la  croix  de  l'ordre 


RAY  35T 

y-  '  y. 

royal  du  Mérite  Ci\il  de  Savoie  que  ce 

prince,  ami  des  lettres,  a  institué 
pour  que  les  travaux  de  rintelligencc 
fussent  aussi  noblement  récompensés 
que  les  vertus  militaires.  B— f— s. 

RAYNEVAL  (Fr\j«çois-Maximi- 
LiEN  GÉRARD,  comte  de),  uaquit  à  Ver- 
sailles le  8  oct.  1778.  Sa  famille,  origi- 
naire d'Alsace,  remplissait  dans  cette 
province  des  charges  municipales  et 
judiciaires.  Le  duc  de  Choiseul,  pen- 
dant son  ambassade  à  Vienne,  ayant 
connu  l'oncle  de  Raynevaf,  C.-A. 
Gérard  (1),  qui  était  alors  secrétaire 
de  l'ambassade  près  cette  cour,  l'avait 
appelé,  dès  son  entrée  au  ministère, 
aux  fonctions  de  premier  commis  des 
affaires  étrangères.  Gérard  occupa 
cette  place  importante  avec  une  gran- 
de distinction  sous  les  ministres  Choi- 
seul, d'Aiguillon  et  Vergennes;  il  ne 
la  quitta  que  lors  de  l'enroi  de  Fran- 
klin en  France,  pour  aller,  par  réci- 
procité (1778),  comme  ministre  plé- 
nipotentiaire aux  États-Unis  d'Amé- 
rique, nouvellement  reconnus  par  le 
cabinet  de  Versailles.  Un  an  après, 
au  retour  de  cette  mission,  il  fut  nom- 
mé préteur  royal  à  Strasbourg,  et 
mourut  à  Paris,  en  1 790,  Il  avait  pour 
frère  puîné  Joseph-Mathias  Gérard 
{voy.  ce  nom,  XVII,  172)  (2),  père 

(t)  Conrad-Alexandre  Gérard  avait  été  dé- 
signé à  la  conCaoce  du  duc  de  Cboi»eul  par 
Ic  «uv.iot  profeiseur  Scboepflia,  auteur  de 
l'.4Uatia  illuslrata,  dont  il  avait  suivi  les  cours 
et  récité  les  leoons,  de  même  que  Pfrffel 
(Chrétien-FrédéricJ;  on  l'appel.iit  ]e  gruftd 
Gérard.  Il  fut  plusieurs  lois,  notamnunt 
en  1761,  clurgé  d'affaires  [lar  intérim  ,  en 
l'absence  de  l'iimbassadeur.      G — & — ». 

(a)  Gérard  (Josepli-Matbias),  cosnu  de- 
puis son  retour  en  Frjnce  et  sou  entrée  dans 
les  bureaux,  en  1774,  sons  \s  nom  de  P07- 
neval ,  ponrle  distingner  de  son  frère  aine, 
le  grandGérard,  débuta  dans  la  carrière  po- 
litique en  1764,  comme  secrétaire  de  léga- 
tion en  Saxe  sons  le  baron  de  Zackm'atoh;!, 
et  servit  en  la  même  qaaHté  sons  le  comte 
duBaat,  nomme  ministre  pJ.éuu>.olentiaire 
•a  17735  il  a'ait  épousé  nne  arrjcre'bfetit«- 
'•'I    !■("■;  ,  .';^.;!i(|,f^   ■''N'xf.t^:-  r 


358 


RAY 


du  comte  de  Rayneval,  résident  de 
France  à  Dantzig,  qui  devint  son  col- 
laborateur au  même  ministère,  éga- 
lement en  qualité  de  premier  commis; 
celui-ci  gagna  la  confiance  particu- 
lière du  comte  de  Vergennes.  Nommé, 
en  janvier  1783,  ministre  plénipoten- 
tiaire à  Londres,  il  y  signa  les  préli- 
minaires de  la  paix  avec  l'Angleterre. 
A  la  mort  de  ce  ministre,  en  1787,  il 
continua  de  demeurer  attaché  aux  af- 
faires sous  MM.  de  Montmorin  et  de 
Lessart.  Il  se  retira,  en  mars  1792,  à 
l'avènement  de  Dumouriez  -,  en  sorte 
qu'on  peut  dire  que  la  révolution 
seule,  personnifiée  dans  ce  nouveau 
ministre,  mit  un  terme  aux  longs  ser- 
vices de  Gérard  de  Rayneval  père, 
dans  un  département  où  son  nom  est 
encore  justement  honoré.  Dans  un 
temps  ordinaire,  cette  position  de  fa- 
^  mille  eût  ouvert  au  jeune  Rayne- 
val tous  les  accès  de  cette  brillante  car- 
rière ;  mais  les  circonstances  étaient 
autres,  et  il  n'en  fut  pas  ainsi.  S'il 
parvint  successivement  à  tous  les 
emplois  diplomatiques,  il  ne  le  dut 
qu'à  son  propre  mérite.  Pendant  la 
tourmente  révolutionnaire,  son  père 
s'était  retiré  à  Chatou,  près  Saint- 
Germain.  Là,  dans  une  complète  so- 
litude, il  se  livra  tout  entier  à  l'édu- 
cation de  ses  deux  filles,  devenues 
mesdames  de  Joguet  et  Didelot,  et 
de  ce  fils  dont  il  fut  l'unique  maître. 
Son  esprit  docte  et  grave,  découvrant 
des  dispositions  peu  communes,  les 
développa  par  une  exigence  de  tra- 
vaux variés  et  soutenus.  14  n'admet- 
tait d'autres  délassements  que  les 
changements  d'occupation. C'est  ainsi 
qu'à  l'étude  des  langues  anciennes 
il  fit  succéder  celle  des  langues  vi- 


niôce  du  célèbre  Pascal,  MU»' GauclirrcI,  fille 
•t  sœur  d'uo  conscilUr  à  la  cour  des  aides 
dcClermont.  G — n— d 


RAY 

vantes,  et  au  droit  public  les  chefs- 
d'œuvre  historiques  ou  littéraires 
dans  leurs  langues  originales.  En- 
nemi des  occupations  frivoles,  il  ne 
tolérait  que  les  lectures  instructi- 
ves ou  les  textes  sérieux  de  conver- 
sation! Si  la  discussion  faisait  naître 
quelque  doute,  il  recourait  aux  sour- 
ces. Alors  il  travaillait  à  ses  Institu- 
tions du  droit  de  la  nature  et  des 
gens,  publiées  en  1803.  Dans  la  com- 
position de  cet  ouvrage,  recherches, 
traductions,  analyses,  copies  même, 
tout  lui  parut  devoir  profiter  à  la  jeune 
et  docile  intelligence  de  ce  fils.  Quand 
cette  grande  œuvre  fut  achevée,  le 
penchant  du  jeune  Rayneval,  d'accord 
avec  les  vœux  de  son  père,  lui  fit 
suivre  de  préférence  la  carrière  diplo- 
matique; et,  peu  après  le  18  brumaire, 
il  partit  pour  Copenhague,  comme 
attaché  à  la  mission  dont  Bourgoing 
venait  d'être  chargé.  Ce  fut  son  pre- 
mier pas  dans  les  affaires  politiques. 
Puis  il  passa,  comme  on  va  le  voir, 
douze  années  consécutives  à  l'étran- 
ger, dans  les  diverses  cours  ,  et  en 
s'initiant  aux  intérêts  les  plus  va- 
riés. Dès  le  rétablissement  des  rela- 
tions de  la  France  avec  la  Russie,  à  la 
fin  de  1801,  il  fut  nommé  second  se- 
crétaire de  légation  à  Pétersbourg , 
et,  lors  du  rappel  du  général  Hédou- 
ville,  il  remplit  six  mois  à  cette 
cour  les  fonctions  de  chargé  d'aflai- 
res,  jusqu'en  novembre  1804.  Au 
commencement  de  l'année  suivante, 
il  fut  envoyé  comme  premier  secré- 
taire d'ambassade  à  Lisbonne,  et  de- 
vint de  nouveau  chargé  d'affaires  jus- 
qu'à l'invasion  de  l'armée  française 
en  Portugal  (oct.  1807).  De  retour  à 
Paris, il  quitta,  un  mois  après,  son 
père  qu'il  ne  devait  plus  revoir,  et 
alla  occuper  le  poste  de, premier  se- 
crétaire d'ambassade  en  Russie,  où  il 
resta  jusqu'à  la  guerre  de  1812.  Pour 


RAY 


RAY 


359 


UD  esprit  si  bien  préparé ,  ces  cinq 
années  le  mirent  hors  de  ligne  parmi 
ses  collègues.  Pétersbourg  était  alors 
le  plus  vaste  théâtre  pour  les  affai- 
res, et,  par  suite,  le  plus  profitable, 
puisqu'il  n'y  a  de  diplomatie  que  là 
où  la  force  n'impose  point  ses  volon- 
tés. Déjà  Rayneval  préludait  brillam- 
ment au  rôle  d'homme  d'État.  Si  les 
circonstances  difficiles  sont  une  con- 
dition pour  miirir  et  développer  le 
talent,  elles  ne  vont  pas  lui  manquer, 
tant  l'avenir  de  la  France  s'assom- 
brissait chaque  jour.  Mandé  à  Wilna 
par  le  ministre  des  affaires  étrangè- 
res ,  puis  à  Moscou  par  Napoléon,  il 
ne  put  arriver  à  temps  dans  cette  ca- 
pitale ;  le  mouvement  de  retraite  était 
commencé.  11  en  supporta  avec  éner- 
gie toutes  les  épreuves,  et  à  force 
de  constance  et  d'efforts  il  parvint 
à  joindre  l'empereur.  Mais  la  gravité 
de  la  situation  dominait  alors  les  plus 
sages  pensées,  et  l'audieuce  se  borna 
à  quelques  brèves  paroles  échangées 
à  un  bivouac.  C'est  le  seul  contact 
qu'il  ait  jamais  eu  avec  Napoléon.  La 
campagne  de  1813  allait  commencer. 
Dès  le  début,  la  bataille  de  Lutzen, 
l'occupation  de  Dresde,  la  présence 
de  l'armée  française  sur  l'Oder,  réla- 
Wîrent  la  fortune  qu'avec  quelque 
modération  Napoléon  eût  affermie.  Ce 
.  fut  en  vain  qu'on  espéra!....  Cepen- 
dant des  conférences  allaient  s'ouvrir 
à  Prague;  Rayneval,  qui  avait  suivi 
Maret,  à  Dresde,  comme  chef  de  di- 
vision adjoint,  fut  nommé  conseiller 
d'ambassade  du  duc  de  Vicence  (Cau- 
laincourt)  et  du  comte  de  Narbonne, 
plénipotentiaires  à  ce  congrès.  On 
sait  qu'il  fut  sans  résultat  et  que 
bientôt  les  hostilités  recommencè- 
rent. L'année  1814  s'ouvrit  par  l'en- 
vahissement de  la  France.  De  nou- 
veaux revers  rendaient  chaque  jour 
la  paix  plus  urgente,  mais  plus  diffi- 


cile. L'entrée  du  duc  de  Vicence  aux 
affaires  étrangères  parut  un  gage  de 
modération.  Doué  d'une  de  ces  orga- 
nisations qui  ne  fléchissent  pas  sous 
le  poids  des  affaires  désespérées  ,  ce 
ministre  réunissait  tous  les  genres 
d'aptitude  qui  assurent  le  succès, 
alors  qu'il  n'est  point  impossible. 
Dès  le  6  janvier,  il  quitta  Paris  avec 
l'intention  formelle  de  procurer  la 
paix  à  la  France.  Rayneval  et  la  Bes- 
nardière,  chef  de  la  première  di- 
vision, partirent  avec  lui.  A   leur 
arrivée,  les  conférences  de  Châtillon 
commencèrent.  Elles  duraient  depuis 
deux  mois,  quand  la  marche  des  ar- 
mées alliées  sur  Paris  consomma  la 
chute  de  Napoléon.  On  citera  long- 
temps ce  congrès  comme  la  plus  dif- 
ficile des  situations  que  des  négo- 
ciateurs aient   jamais  eu  à  ',  soute- 
nir. Que  l'on  considère  en  effet  la 
multiplicité  des  protocoles,  des  notes 
échangées ,  des  conférences  avec  les 
hommes  d'État  les  plus  renommés  de 
l'Europe  ;  qti'on  songe  à  ce  que  de- 
vait être,  dans  de  telles  conjonctures, 
la  correspondance  journalière  avec 
l'empereur  ^  car  c'est  de  lui  auss;  qu'il 
s'agissait  de  triompher,  non  moins 
que  des  exigences  étrangères;  qu'on 
se  reporte  enfin  à  l'importance  de 
l'enjeu  sur  lequel  la  fortune  et  ses 
hasards  allaient  irrévocablement  pro- 
noncer, et  l'on  comprendra  tout  ce 
qu'il  fallut  de  talent,  d'activité,  de 
prudence  de  la  part  des  négociateurs 
français.  Chose  digne  de  remarque! 
jamais  si  grand  revers  ne  lit  rejaillir 
plus  de  considération  sur  ceux  qui 
l'éprouvèrent.  Partout,  dans  lastiite, 
où  se  retrouva  Rayneval ,  il  recueillit 
de  ses  antagonistes  des  témoignages 
d'estime.  C'est  qu'il  est  vrai  de  dire 
qu'on  n'aborde  pas  cette  époque  sans 
que  la  pensée  se  reporte  involontai- 
rement sur  les  conférences  de  Ger- 


360 

truydenberg,  les  seules  à  comparer 
k  celles  de  Cliâtillon ,  dans  l'histoire 
de  la  diplomatie  moderne.  Au  retour 
des  Bourbons,  Rayneval  avait  trente- 
six  ansl  Sa  capacité  était  générale- 
ment élablie ,  et ,  chose  assez  rare 
alors,  avait  été  constamment  supé- 
rieure à  ses  emplois.  Inconnu  per- 
sonnellement du  chef  de  l'empire, 
il  n'en  avait  reçu  ni   protection  ni 
Hiveur,  et  ne  recueillit  rien  de  son 
apparition  sur  la  scène  du  monde , 
hormis  l'expérience  qui ,  de  bonne 
Jicure,  lui  fit  pressentir  sa  chute. 
A   cette  époque,  les  difficultés   de 
gpuvernement    étaient    immenses  ; 
le'^  relations  à  établir  à  l'étranger  y 
ajoutaient  encore  par  la  rareté  des 
hommes  unissant  la  convenance  de 
position  à  la  spécialité  des  connais- 
sances. On  disposa  de  l'ambassade  à 
la  cour  d'Angleterre  pour  récompen- 
ser la  fidélité.  Le  duc  de  La  Châtre  y 
fut  nommé.  Mais  l'importance  des 
intérêts  politiques  et  commerciaux 
réclamait  un  homme  d'affaires.  On  ne 
balança  pas  à  accorder  à  Rayneval  les 
fonctions  réunies  de  premier  secré- 
taire d'ambassade  et  de  consul-géné- 
ral à  Londres.  La  seconde  rentrée  du 
roi,  en  1815,  le  retrouva  au  poste 
qu'il  occupait  en  Angleterre.  Bientôt 
Te  duc  de  Richelieu  entra  au  minis- 
t'ère  des  affaires  étrangères  et  y  joi- 
'gnit  la  présidence  du  conseil.  Il  avait 
■^cbnnu  Rayneval  en  Russie  :  ill'avait 
'iù  entoure  de  l'estime  publique,  et 
ce  souvenir  le  détermina  à  lui  accor- 
(ïer  sa  confiance.  Il  l'associa  aux  af- 
'feaires  de  ce  département  avec  le  titre 
ttc  directeur  des  chancelleries.  C'é- 
'^tait  déjk  les  attributions  de  la  place 
j^e  sous- secrétaire  d'État  qu'il  devait 
remplir  en  1820,  sous  le  ministère 
du  baron  Pasquier.    Ici  commence 
une  ère  nouvelle  pour  Rayneval.  Ini- 
liç  journallement  aux  affaires  les  plus 


RAY 

délicates,  il  ouvrit  toutes  les  dépêches, 
donna  toutes  les  instructions.  Tout  ce 
qu'il  écrivit  est  remarquable  de  recti- 
tude et  de  méthode.  Trop  long-temps 
il  avait  souffert  des  arrière-pensées 
et  des  directions  vagues  ou  versatiles 
d'une  politique  qui  ne  voulait  jamais 
se  révéler ,  pour  continuer  un  systè- 
me de  relations  sans  confiance  eu- 
vers  les  agents  du  dehors,  sauf, 
comme  il  y  en  a  eu  tant  d'exemples, 
à  les  rendre  responsables  des  mau- 
vais succès.  Ses  longs  séjours  à  l'é- 
tranger lui  avaient  donné  une  con- 
naissance approfondie  des  intérêts  de 
chaque  pays  et  de  la  politique  de  cha- 
que cabinet.  Les  traditions  diploma- 
tiques lui  étaient  familières,  et  il  en 
faisait  un  usage  fréquent  pour  résou- 
dre mille  affaires  par  les  analogies. 
Après  six  années  de  fonctions  la- 
borieuses, qui  ne  furent  pas  sans 
éclat,  puisque  le  traité  d'Aix-la-Cha- 
pelle, auquel  il  prit  une  part  active, 
fait  partie  de  cette  période ,  il  les 
quitta  pour  aller,  en  déc.  1821,  com- 
me envoyé  extraordinaire  et  minis- 
tre plénipotentiaire  à  Berlin.  Ceux 
qui  l'ont  connu  à  cette  cour  savent 
qu'il  appliqua  toute  la  bienveillance 
de  son  caractère  à  éteindre  l'irrita- 
tion entre  les  deux  peuples.  Il  y  réus- 
sit et  ne  quitta  cette  résidence  qu'en 
y  laissant  d'universels  regrets.  Ce  fut 
grâce  à  cet  esprit  de  conciliation  que 
cessa   un    anniversaire  douloureux 
pour  tout  cœur  français,  la  commé- 
moration de  la  bataille  de  Leipzig.  En 
juin  1825,  il  passa  à  l'ambassade  de 
Suisse.  Jusqu'à  son  arrivée,  les  droits 
des  Français  dans  ce  pays,  et  récipro- 
quement ceux  des  Suisses  eu  France, 
étaient  l'objet  de  difficultés  conti- 
nuelles. On  eu  prévint  le  retour  par 
une  sage  convention  due  i  ses  soins. 
Peu  après,  il  fut  créé  ministre  d'Étal 
et  choisi  pour  gérer  par  luKrim  le 


RAY 


^. 


UAY 


.'56 1 


ministère  des  affaires  e'frângerès  pen- 
dant la  maladie  du  comte  de  la  Fer- 
ronnays,  son  ami.  11  eut,  en  cette 
qualité,  entrée  au  conseil  du  roi. 
L'Europe  s'occupait  alors  de  donner 
à  h  Grèce  une  organisation  politique, 
et  Ton  sait  quelle  part  noble  et  dé- 
sintéressée y  prit  la  France.  Le  dé- 
partement où  Rayneval  avait  autant 
d'amis  que  de  collaborateurs  vit  ce 
choix  avec  une  satisfaction  marquée; 
et  !e  comte  de  la  Ferronnays,  à  cause 
de  rétat  fâcheux  de  sa  santé,  persis^ 
tant  à  n'en  pas  reprendre  la  direc- 
tion, on  espéra  qu'il  lui  succéderait. 
Il  est  même  sûr  qu'il  fut  proposé  et 
agréé  par  le  roi.  Mais  cette  combinai- 
son échoua,  et  tout  ce  qui  connaissait 
Rayneval  le  regretta  dans  l'intérêt 
des  affaires.  Le  roi,'ne  voulant  pas  le 
laisser  retourner  en  Suisse  sans  un 
témoignage  de  sa  satisfaction,   lui 
conféra  le  titre  de  comte.  Vers  la  lin 
de  1829,  il  fut  promu  à  la  dignité  de 
grand-croix  de  la  Légion-d'Honnenr 
et  nommé  à  l'ambassade  de  Vienne. 
Dans  les  premiers  jours  de  l'année 
suivante,   il  prit  possession   de  ce 
nouveau  poste,  en  tout  temps  consi- 
déré comme   d'une  grande  impor- 
tance, à  laquelle  ajoutait  encore  la 
présence  d'un  jeune  prince  qui  appe- 
lait les  regards  des  partisans  d'un 
passé  glorieux,  mais  impossible   à 
reproduire.  Rayneval  conserva  cette 
ambassade  jusqu'aux  événements  de 
1830.  Telles  furent  ses  fonctions  pu- 
bliques depuis  l'époque  qui  ramena 
sur  la  France  les  premières  lueurs  de 
l'ordre  social  jusqu'à  la  commotion 
sans  précédent  dans  l'histoire  qui, 
trente  ans  plus  tard,  l'agita  si  pro- 
fondément et  faillit  ébranler  l'Europe 
entière.  Depuis  son  retour  de  Vienne, 
il  vivait  dans  la  retraite,  lorsque  le 
présidfnt  du  conseil,  Casimir  Périer, 
lui  offrit  l'ambassade  de  Madrid,  un 


au  avaut  la^mort  de  Ferdinand  VII. 
Ce  n'est  pasici  le  lieu  de  retracer  les 
divisions  qui  déchirent  ce  malheu- 
reux pays  :  qu'il  suffise  de  dire  que. 
dès  le  début  de  sa  mission,  Rayneval 
sut  prédire  de  point  en  point  et  avec 
une  incroyable  sagacité  les  calamités 
qui  affligent  l'Espagae.  Pendant  plus 
de  quatre  années  qu'il  y  résida,  ses  ef- 
forts pour  diminuer  les  maux  de  ce 
pays,  et  sa  modération  éclairée  ^  lui 
acquirent  l'estime  de  tous  les  partis 
Mais  sa  santé  éprouva  de  graves  al- 
térations. Il  avait  quitté  Madrid  déjà 
souffrant  pour   rejoindre  la  reine, 
quand  le  passage  des  montagnes  dé- 
termina en  lui  une  fluxion  de  poitrine 
qui  se  compliqua  d'une  attaque  de 
goutte  à  laquelle  il  succomba,  le  16 
août  1836,  au  milieu  même  des  scènes 
sanglantes  de  la  Granja.  Nous  ne  re- 
laterons, parmi  les  questions  délicates 
et  multipliées  à  la  solution  desquel- 
les  il  concourut,  que  l'importante 
question   des  créances  étrangères, 
dans  laquelle  il  fit  prévaloir  le  prin- 
cipe de  la  négociaiion  sur  celui  d'un 
compte   financier,  en  attribuant  à 
chaque  État  une  somme  fixe  et  in- 
variable, pour  satisfaire  aux  récla- 
mations incessantes  des  pays  où  la 
France  avait  porté  ses  armes.  Noos 
citerons  encore,  au  nombre  de  ses  uti- 
les travaux,  les  nouveaux  tarifs  des 
douanes  et  les  modifications  aaxdivers 
traités.  Le  comte  de  Rayneval  parlait 
bien  quatre  langues  et  n'était  étran- 
ger à  ancnne.  En  1832,  il  donna  ujjie 
édition  nouvelle,  revue  et  annotée  par 
lui,  des  Institutions  du  droit  àe  fa 
nature  et  des  gens^  publiée  par  son 
père.  On  sait  aussi  qu'indépendaqi- 
ment  d'un  goût  éclairé  pour  les  art*, 
il  possédait  au  plus  haut  degrë'îa 
science  et  le  sentiment  musical.  Il  en 
a  laissé  des  preuves  dans  des  mor- 
ceaux pleins  d'originalité,  d'imagiua- 


362 


RAY 


tion  et  de  grâce.  Son  caractère  me- 
Sure',son  égalité  constaoïe  d'humeur, 
sa  conversation  féconde  et  le  tour  par- 
ticulier de  son  esprit,  répandaient  un 
charme  infini  sur  ses  relationsintimes; 
mais  les  qualités  du  cœur  dominaient 
toutes  les  autres.  On  ne  saurait  dite 
combien  il  a  rendu  de  services  et  se- 
couru d'infortunes.  Pendant  son  am- 
bassade en  Espagne,  il  fut  élevé  à  la 
pairie.  Il  était  grand-croix  de  la  Lé^ 
gion- d'Honneur  et  des  ordres  de 
Charles  III  d'Espagne  et  de  Saint- 
Janvier  de  Naples.  Il  a  laissé  une 
Veuve,  quatre  fils  et  une  fille.  Le  fils 
aîné  a  fait  sous  ses  yeux  les  premiers 
pas  dans  une  carrière  où  sa  famille 
lui  a  légué  un  nom  illustre (3).  Le  se- 
cond, quoique  fort  jeune  lorsque  le 
deuil  paternel  vint  l'affliger,  était  of- 
ficier dans  la  marine  royale^  le  troi- 
sième est  attaché  à  l'ambassade  fran- 
çaise en  Russie.  P — v— t. 

RAYNOUARD  (François-Juste- 
Marie)  ,  législateur  et  académicien  , 
naquit  à  Brignolles  en  Provence,  le 
18  sept.  1761,  et,  après  y  avoir  fait  ses 
éludes,  vint  suivre  le  barreau  comme 
avocat  au  parleraeut  d'Aix.  Quelle 
que  fût  son  activité  et  sa  constance 
au  travail,  il  réussit  peu  dans  cette 
profession,  et  il  cherchait  à  se  faire 
une  autre  existence  lorsque  la  ré- 
volution commença.  D'un  caractère 
toujours  calme  et  prévoyant,  il  n'en 
adopta  les  principes  qu'avec  modéra- 
tion, et  nommé,  en  1791, député  sup- 
pléant à  l'Assemblée  législative  où  il 
ne  siégea  pas,  il  se  déclara  même  con- 
tre les  premiers  excès  révolutionnai- 
res. En  1793,  il  fut  mis  en  arres- 
lâtîdn  '|>ar  le  parti  de  la  Montagne,  à 


(3)  Il  est  mainten.iDt  (t8ii5)  cliargé  d'af- 
l'dices-M  Saiat-Pctersbourg ,  uprè»  .ivoir  été 

itremier  secrétaire  d'auihiissade  à  Mail  ri  J  et 
Komc.  (> — R — 1). 


RAY 

l'époque  qu  31  mai,  et  ne  recouvra  la 
liberté  qu'après  le  9  thermidor.  Ray- 
nouard  reprit  alors,  pendant  quel- 
ques années,  sa  première  profes- 
sion, puis  il  se  rendit  à  Paris  pour 
s'y  créer  des  ressources  dans  la  lit- 
térature, et  fut  nommé,  en  1806, 
membre  du  Corps  législatif  par  le 
département  du  Var.  En  1804,  il  avait 
remporté  un  prix  au  concours  de  l'In- 
stitut pour  un  poème  intitulé  :  Socrate 
dans  le  temple  érAglaure,  ouvrage 
moins  remarquable  peut-être  par  le 
talent  qui  le  fit  distinguer  que  par 
des  principes  très-hardis, qui  avaient 
alors'' peu  d'approbateurs  et  que  sur- 
tout le  souverain  maître  n'aimait  pas. 
L'année  suivante,  on  donna  au  Théâ- 
tre-Français la  tragédie  des  Tem- 
pliers, qui,  après  beaucoup  d'autres 
publications,  est  peut-être  encore  le 
plus  beau  titre  de  son  auteur.  Le  suc- 
cès que  cette  pièce  obtint  fut  loin 
d'être  sans  contestation ,  mais  l'op- 
position même  de  quelques  criti- 
ques ne  fit  qu'assurer  ce  succès.  On 
ne  peut  au  moins  douter  que  tel  ne 
fût  le  sort  des  censures  acharnées 
de  Geoffroy,  rédacteur  du  Journal 
de  VEmpire.  Chaque  représentation 
était  suivie  d'une  violente  attaque 
de  ce  journaliste,  et  chacune  de  ces 
attaques  était  vengée  le  lendemaiti 
par  un  concours  et  des  applaudis- 
sements inconnus  au  Théâtre-Fran- 
çais depuis  les  années  de  Voltaire, 
et  plus  encore  par  un  débit  inouï 
des  exemplaires  qu'on  criait  à  tue- 
tête  dans  les  rues.  Dans  son  rap- 
port pour  les  prix  décennaux  fait  eh 
1810,  l'Institut  considéra  cette  tra- 
gédie comme  digne  du  grand  prix, 
et  proposa  à  l'empereur  de  la  cou- 
ronner. Il  est  probable  que  cette  pro- 
position ,  jointe  à  d'antres  du  riiêrhe 
genre,  en  faveur  de  quelques  hommes 
que  n'aimait  pas  Napoléon,  notam- 


RAY 


RAY 


ses 


ment  Deliile  et  M.  de  Chateaubriand, 
contribua  à  faire  ajourner  indéfini- 
ment la  distribution  de  ces  prix.  Ce- 
pendant Raynouard   reçut  dans  ce 
temps  la  de'coration  de  la  Légion - 
d'Honneur;  il  avait  été  élu,  en  1807, 
membre  de  la  seconde  classe  de  l'In- 
stitut à  la  place  du  poète  Lebrun. 
En  1811 ,  il  fut  appelé  une  deuxième 
fois  au  Corps  législatif;  et  cette  no- 
mination lui  fouruit  bientôt  une  occa- 
sion de  jouer  un  rôle  politique  très- 
•  important.  Lorsque  la  puissance  im- 
périale commença  à  s'ébranler,  vers 
la  fin  de  18lS,  Raynouard  fut  nommé 
Fun  des  membres  de  la  commission 
extraordinaire  que  Ton  chargea  de 
faire  un  rapport  sur  l'état  de  la  Fran- 
ce {voy.  Laine,  LXIX,   447).  On 
sait  combien  les  observations  et  les  re- 
montrances cou  rageuses  de  cette  com- 
mission irritèrent  Bonaparle.  Dans  sa 
fureur,  il  prononça  la  dissolution  du 
Corps  législatif;  mais  cette  assemblée 
se  réunit  de  nouveau  quelques  mois 
plus  tard  sous  les  auspices  de  la  con- 
stitution royale,  et  elle  recouvra  la 
parole  avec  la  publicité  des  délibéra- 
tions dont  elle  avait  été  privée  sous 
le  gouvernement  impérial  •,  ce  qui 
donna  à  Raynouard  une  nouvelle  oc- 
casion de  se  faire  remarquer  par  Tin- 
dépendance  de  sps  opinions.  Ce  fut 
surtout  dans  le  rapport  qu'il  tit  au 
nom  d'une  commission  sur  la  répres- 
sion des  délits  de  la  presse  que  cet 
esprit  d'indépendance  se  manifesta 
davantage.  Le  rapporteur  se  montra 
tout  à  fait  contr^iire  aux  vues  des 
ministres  du  roi,  et  il  conclut  à  ce 
que   le   projet   qu'ils    avaient  pré- 
senté fût  rejeté  {voy.  Momesquiou, 
LXXIV,  255).  Au  mois  de  septem- 
bre 1814,  il  parla  sur  la  loi  de  ua- 
turalisâlion,  et  parut  disposé  à  lui 
donner  une  grande  extension.  Actes 


le  retour  de  Bonaparte,  en  1815, 
Raynouard  fut  nommé  membre  de  la 
chambre  des  représentants  par  les 
électeurs  de  Draguignan,  et  conseiller 
de  l'université  par  Napoléon;  mais  il 
n'accepta  ni  l'une  ni  l'autre  de  ces 
fonctions.  Peu  de  temps  auparavant 
on  avait  repris  au  Théâtre-Français 
la  tragédie  des  Templiers,  que  l'au- 
teur avait  considérablement  rema- 
niée. Celte  pièce  eut  encore  alors 
un  très-grand  succès,  et  ce  fut  une 
sorte  (le  dédommagement  delà  chute 
qu'avait  essuyée  la  tragédie  des  É/af* 
de  Blois ,  donnée  l'année  précé- 
dente, après  l'arrivée  du  roi,  et  dont 
Bonaparte  n'avait  pas  permis  la  re- 
présentation au  Théâtre -Français, 
après  l'avoir  fait  jouer  en  sa  présence 
à  Saint-Cloud,  le  22  juin  1810.  Le 
peu  de  succès  qu'elle  obtint  devant 
le  public  donna  lieu  à  l'épigramme 
suivante  : 

A  présent,  moi  qai  l'ai  Tue, 
Je  dU  du  meilleur  de  taoa  cœur: 
Celui  qui  l'avait  défendoe 
Etait  un  ami  de  Tauteur. 

La  pièce  eut  néanmoins  huit  repré- 
sentations, mais  elle  n'ajouta  rien  à  la 
réputation  de  Raynouard  qui,  depuis 
ce  temps,  parut  pea  disposé  à  s'oc- 
cuper de  poésie  et  d'ouvrages  dra- 
matiques, ne  se  livrant  guère  qu'à 
des  travaux  d'histoire  et  d'érudition 
qui  éliiient,  il  faut  en  convenir,  beau- 
coup plus  dans  la  nature  de  ses  goûts 
et  de  son  talent.  Ayant  passé  au  pied 
des  Alpes  une  grande  partie  de  sa  vie, 
il  avait  conservé  toutes  les  manières 
des  habitants  de  ces  contrées  et 
même  quelque  chose  de  l'àpreté  de 
leur  langage.  Jamais  il  n'avait  pu  en 
perdre  l'accent,  et  nous  l'avons  plus 
d'une  fois  entendu  dire,  avec  le  ton 
et  la  rudesse  d'un  charretier  pro- 
vençal, en  parlant  des  tragédies  qu'il 


36i 


RAt 


devait  donner  après  les  Templiers  : 
J"m  ai  encore  de  iien  plus  consé- 
î^uentes.  On  ne  conçoit  pas  en  vérité' 
(iommènt,  avec  un  pareil  langage  et 
de  telles  manières,  Raynouard  était 
parvenu  aux  premiers  degre's  de  la 
hiérarchie  politique  et  littéraire. 
4.ors  delà  réorganisation  de  l'Insti- 
tut, en  mars  1816,  il  fut  maintenu 
inùri*''lk  liste  des  membres  de  l'Acadé- 
lîiîe' française ,  et  le  26  oct.  même 
innée  il  obtint  l'honneur,  encore 
ftirt  rare,  de  siéger  dans  deux  classes, 
par  le  choix  que  lit  de  lui  l'Académie 
dés  inscriptions.  En  1817,  ses  col- 
lègues de  l'Académie  française  l'ap- 
pelèrent aux  fonctions  de  secrétaire 
perpétuel  en  remplacement  de  Suard. 
îl  fit  preuve  de  beaucoup  de  zèle  dans 
ses  fonctions,  et  donna  du  moins 
par  des  lectures  fréquentes,  entre 
autres  de  son  poème  de  Maccha- 
bée, l'exemple  de  l'activité  à  un  corps 
qui,  depuis  long-temps,  était  accusé 
de  se  reposer  sur  ses  lauriers  de  deux 
éiècles.  Du  reste,  Raynouard  était, 
dans  la  véritable  acception  du  mot, 
nu  homme  de  probité  et  de  courage. 
Aucune  crainte,  aucune  séduction  ne 
purent  jamais  le  faire  varier  dans  ses 
opinions;  et  cependant  il  était  très- 
âpre  sur  les  questions  d'intérêt,  on 
pourrait  même  dire  sans  exagération 
qy'il  était  avare.  Logeant  à  Passy, 
u^in  de  l'Académie,  on  ne  le  vit  ja- 
jiiaîs,  tnême  en  temps  de  pluie,  preu- 
^dre  une  voiture  pour  s'y  rendre.  Plu- 
sieurs fois  il  a  fait  à  pied  le  voyage 
de  la  Provence  jusqu'à  la  capi- 
■'talé.'  On  sait  que,  sous  la  Restau ra- 
VÎbn,  il  concourut  à  la  rédaction  dn 
journal  des  Savants,  recevant  pour 
cela  un  très-modique  traitement  du 
tfïînistèré.  C*c'st  dans  ce  travail  qu'il 
'Vht  dupé  d'une  assez  plaisante  niysti- 
'  ficatibn,  retativemeut  à  la  collection 
des  Chefh-d'œuvre  des  théâtres  étran- 


gers, publiée  à  Paris  eii  1825,  et 
dont  l'éditeur  pensa  qu'il  ne  pou- 
vait se  dispenser  de  donner  quelqiie 
chose  de  polonais  ;  mais  n'ayant  per- 
sonne qui  connût  la  langue  ni  le 
théâtre  des  bords  de  la  Vistule,  il 
imagina  de  faire  fabriquer  une  tra- 
gédie qu'il  annonça  comme  traduite 
d'un  auteur  qui  n'était  pas  moins  que 
le  Corneille  de  la  Pologne,  et  une 
comédie  émanée  d'un  autre  Molière. 
Nous  ne  sommes  pas  étonnés  que  les 
lecteurs  du  Journal  des  Saimnts,  qui 
ne  sont  ni  nombreux  ni  fort  érudits 
en  œuvres  dramatiques,  aient  été 
trompés,  mais  ce  qui  doit  surpren- 
dre, c'est  que  le  secrétaire  perpétuel 
de  l'Académie  française,  le  double 
académicien,  enfin  l'auteur  des  Tem- 
pliers, Raynouard,  s'y  soit  laissé  pren- 
dre, qu'il  ait  très-sérieusemerit  ana- 
lysé et  loué  ce  théâtre  polonais,  et 
fait  à  cette  occasion  de  longues  dis- 
sertations sur  l'art  dramatique  chez 
les  peuples  du  nord  de  l'Europe.  On 
s'en  étonne  d'autant  plus  qu'à  cetti^ 
époque  il  ne  semblait  vouloir  s'oc- 
cuper que  d'érudition,  d'histoire 
littéraire,  et  qu'il  mettait  toute  son 
ambition  à  se  faire  remarquer  sous 
ce  rapport.  Ses  travaux  sur  la  langue 
romane  et  sur  les  troubadours  sont 
assurément  fort  remarquables ,  mais 
peu  de  personnes  peuvent  les  appré- 
cier, et  il  s'y  trouve  sur  les  origines 
beaucoup  d'assertions  que  l'on  pour- 
rait contester.  En  1827,  il  fut  un  des 
signataires  de  l'adresse  au  roi  que  l'A- 
cadémie française  vota,  sur  la  proposi- 
tion de  M.  Lacretelle,  pour  lui  expri- 
mer son  inquiétude  sur  le  projet  de 
loi  contre  la  liberté  de  la  presse  ;  et 
dans  le  même  temps  il  donna  sa  dé- 
mission de  secrétaire  perpétuel,  fonc- 
tions dans  lesquelles  il  fut  remplacé 
par  Auger.  llniourut  à  Passy,  le  27  oct. 
1836,  et  eût  pour  successeur  à  l'Ao»- 


RAY 

demie  française  M.  Mignet,  qui  par 
conséquent  a  fait  son  éloge,  à  la  ma- 
nière acade'mique,  dans  son  discours 
de  réception.  On  a  de  Raynouard  :  I. 
Caton  d'Utique,  tragédie  en  3  actes  et 
en  vers,  Paris,  1794,  in-8°,  tiré  à  qua- 
rante exemplaires.  H.  Socraie  dans 
le  temple  ^Aglaure,  poème  qui  a 
remporté  le  prix  décerné  par  Tlnsti- 
tut,  en  l'an  XII  (1801),  in-4".  III.  Les 
Templiers,  tragédie  en  5  actes,  1805, 
in-S".  plusieurs  éditions.  Cette  tra- 
gédie a  été  traduite  eu  vers  allemands 
par  Stoeber,  Strasbourg  et  Paris, 
180.3,  in-12.  IV,  Sîonuments  histo- 
riques relatifs  d  la  condamnation 
des  chevaliers  du  Temple  et  à  Cabo- 
lition  de  leur  ordre,  1813,  in- 8».  V. 
Les  États  de  Blois,  tragédie  en  5  ac- 
tes, 1814,  în-8°,  avec  une  relation  très 
détaillée  du  meurtre  des  Guises  (1). 
VI.  Recherches  sur  l'ancienneté  de  la 
langue  romane,  1816,  in-8°  de  32  pa- 
ges. VII.  Éléments  de  îayranjmaire  de 
la  langue  romane^  avant  Van  1000, 
précédés  de  recherches  sur  l'origine  et 
la  formation  de  cette  langue,  1816, 
in  8°  de  105  p.  YlII.  Grammaire  ro- 
ttiane,  ou  Grammaire  de  la  langue  des 
troubadours^  1816,  in-8^  de  351  p. 
IX.  Fragments  <fun  poème  en  vers 
romans  sur  Boëce,  imprimé  en  entier 
pour  la  première  fois  d'après  le  ma- 
nuscrit du  XI'  siècle,  avec  des  notes, 
Paris,  1817,  in-8''.  X.  Des  Trouba- 
dours et  des  cours  d'amour,  1817, 


,  ,  (l)  Raynouard  lut  en  1S14,  chez  le  mi- 
oistre  Chaptal,  unetragcdie  qu'il  n'a  donnée 
nlân  théitre  nî  à  rimpressiou  ,  et  dont  le 
snjet  étmit  la  Mort  de  Charltt  l" ,  roi  d' An- 
gleterre. L.1  rfine  n'aiipreud  lexérution  du 
iitOD.irqDe  que  par  ces  mots  que  lui-adresse 
un  (les  priiuipaux  personnages  de  l«  pièce  : 
f'ot/v  filt  eu  mon  roi.  L'application  Uèj-re- 
nu>rqa;ible  de  cet  hémisliche,  faite  dans  ces 
deruiers  temps  par  un  illustre  écrivain  à  nne 
princesse  française.  n<"  «erait-fUe  qu'Soe  ré- 
«aiiii^reBre  ^  '  ■ 


RAZ 


36î 


grand  in-8°.  XI.  Camoi^s,  ode,  avec 
la  traduction  portugaise  de  Francisco 
ManoeljParis,  1819,  in-S".  XII.  Gram- 
maire comparée  des  langues  de  l'Eu- 
rope latine  dans  leurs  rapports  avec 
la  langue  des  troubadours,  Paris, 
1821,  iurS^.  Xllf,  Choix  des  poésies 
originales  des  troubadours ,  Paris^ 
1816-1821,  6  vol.gr.  in-S".  On  y  re- 
trouve tous  les  ouvrages  que  l'auteur 
avait  déjà  publiés  séparément  sur  les 
troubadoars,  et  que  nous  avons  indi- 
qués plus  haut,  tels  que  la  Gram- 
maire romane,  elc.  XIV.  Rapport  sur 
la  grammaire  espagnole  de  M.  Cha- 
lumeau de  Verneuil,  lu  à  l'Académie 
des  inscriptions,  Paris,  1821,  in-S''. 
XV.  Le  dévouement  de  Malesherbes, 
ode  tue  dans  la  séance  des  quatre 
académies  composant  l'Institut,  le 
21  avril  1822,  Paris,  1822,  in-8°.  XVI. 
Rapports  sur  le  concours  d'éloquence 
de  r année  1818  et  sur  celui  de  182i, 
in-*».  XVII.  Rapports  sur  le  concours 
de  poésie  de  l'année  1823  et  sur  celui 
de  1825,  in-l".  XVIll.  Histoire  du 
droit  municipal  en  France  sous  la 
domination  romaine  et  sous  les  trois 
dynasties,  Paris,  1829 ,  2  vol.  in-8". 
XIX.  Observations  philologiques  et 
grammaticales  sur  le  ronmn  du  Rou 
et  sur  quelques  règles  de  la  langue 
des  trouvères  au  XII'  siècle,  ^oucn, 
1S29,  in-S".  XX.  Influence  de  la  lan- 
gue romane,  Paris,  1835,  iu-8''-  XXI. 
Nouveau  choix  de  poésies  originales 
des  troubabours,  1836,  in-8\  Cet  ou- 
vrage est  resté  inachevé;  il  devait 
former  G  vol.  dont  un  seul  a  paru. 
Piayaouard  avait  annoncé  le  projet  de 
publier  un  Recueil  d'inscriptions,  no- 
tamment celles  de  Michel  Fourmont, 
qu'il  a'a  pas  exécuté.        M— d  j. 

RAZI  (Abulfadi-Zeineddjln-àa- 
DALP.AttMAs) ,  poète  de  rOrieat.  au 
XV*  siècle,  était  originaire  de  Zaran, 
ville  près  (V.Vrbelles;  il  oaqiijt  au 


ZQ6 


RAZ 


Caire  en  725  de  l'hégire  (1324  de 
J.-C),  et  mourut  dans  la  même  ville 
en  806  (1403).  Il  avait  à  peine  huit 
ans  lorsqu'il  apprit  la  grammaire,  la 
rhétorique  el  la  poésie;  il  devint 
ensuite  si  profond,  si  vei;sé  dans  tou- 
tes les  sciences,  qu'il  composa  plus 
de  cent  beaux  ouvrages  dans  tous  les 
genres.  On  distingue  entre  autres  son 
Alfia,  poème  à  la  louange  de  Maho- 
met, qu'Abdalrauf-ben-Almanavi  a 
commenté,  et  qu'on  trouve  manuscrit 
avec  ce  commentaire  dans  la  biblio- 
thèque de  l'Escurial ,  n°  444.  {Yoy. 
Casiri,  Biblioth.  arabico-hispana, 
t.  1«S  p.  130.)  Z. 

KAZl.Voy.  RAZZi,t-  XXXV1I,192, 
et  ci-après. 

RAZIAS,  Juif  célèbre  par  sa  fin 
tragique,  vivait  à  Jérusalem  dans  le 
temps  où  la  Judée  était  sous  la  domi- 
nation des  rois  de  Syrie.  Sa  fidélité  à 
observer  la  loi  de  Moïse  lui  avait  at- 
tiré la  vénération  publique  et  sa 
bienfaisance  lui  avait  mérité  le  sur- 
nom de  Père  des  Juifs.  Judas  Macha- 
bée  {voy.  Judas,  XXII,  99)  combat- 
tait alors  glorieusement  pour  déli- 
vrer sa  patrie  du  joug  étranger. 
Nicanor,  qui  commandait  dans  Jéru- 
salem au  nom  de  Démétrius  Soter 
{voy.  DÉMÉTRIUS,  XI,  37),  reçut  de 
ce  monarque  l'ordre  de  se  saisir  de 
Judas,  et,  n'ayant  pu  y  parvenir,  il 
éclata  en  menaces,  en  blasphèmes,  et 
lit  investir  par  500  hommes  la  mai- 
son de  Razias,  qu'on  lui  avait  signalé 
comme  exerçant  sur  le  peuple  une 
grande  iniluence.  Il  espérait  que,  s'il 
réussissait  à  le  séduire,  sa  défection 
nuirait  beaucoup  aux  Juifs.  Hors  d'é- 
tat de  résister  et  sur  le  point  de  tom- 
ber entre  les  mains  des  soldats,  Ra- 
zias se  donna  un  coup  de  couteau, 
puis  se  précipita  du  haut  d'une  mu- 
raille. Il  eut  encore  assez  de  force 
pour   se   relever   tout  ensanglajité, 


RAZ 

monta  sur  june  pierre  élevée,  et,  s'ar- 
rachant  les  entrailles  qui  lui  sortaient 
du  corps,  il  les  jeta  sur  la  foule  ras- 
semblée autour  de  lui,  et  il  expira  en 
priant  Dieu  de  le  ressusciter  un  jour. 
Cet  événement  arriva  162  ans  av. 
J.-C..Les  Juifs  mettent  Razias  au  rang 
des  martyrs  de  leur  religion  ;  mais 
les  docteurs  chrétiens  ont  jugé  di- 
versement sa  mort  volontaire.  Les 
uns,  notamment  saint  Augustin,  la 
condamnent  formellement;  les  autres 
ont  considéré  cette  action  comme  un 
mouvement  surnaturel  dont  il  y  a 
plusieurs  exemples  dans  l'Ancien- 
Testament  et  dans  l'histoiredes  saints 
de  la  loi  nouvelle.  P — rt. 

IlAZILLY  (  Claude  Df.launay 
de),  né,  vers  1 590, en  Touraine,  d'une 
famille  noble  et  ancienne,  entra 
dans  la  marine  et  s'y  fit  remarquer. 
On  citera  notamment  son  fait  d'armes 
contre  les  Rochellois ,  dans  le  voi- 
sinage de  l'île  de  Ré,  en  1 625.  Par 
une  grande  persévérance  et  beau- 
coup de  courage,  Razilly  réussit  à 
s'emparer  de  la  Vierge ,  le  plus  fort 
et  le  mieux  équipé  de  tous  les  na- 
vires de  la  Hotte  protestante.  Deux 
ans  après,  en  1627,  lorsqu'une  flotte 
anglaise ,  aux  ordres  du  duc  de  Buc- 
kingham,  vint  investir  la  citadelle  de 
Saint -Martin  de  l'île  de  Ré,  Ra- 
zilly partit  des  Sables  d'Olonne  sur 
une  frégate  conduisant  un  convoi  de 
navires  chargés  de  troupes,  de  mu- 
nitions et  de  vivres  pour  les  assié- 
gés. Dans  cette  circonstance,  il  tra- 
versa, de  nuit,  la  ilutte  anglaise  avec 
ses  .embarcations  et  les  fit  arriver  au 
jour  sous  les  canons  de  la  côte,  en  po- 
sition d'opérer  leur  débarquement 
sans  obstacle.  Lui ,  avec  la  frégate 
qu'il  montait  ei  un  autre  vaisseau  de 
guerre  de  moindre  force ,  avait  ré- 
sisté à  tous  les  etforts  des  ennemis, 
et  il  ne  se  reudit  k  eux  que  quaud 


RAZ 


RâZ 


367 


il  n'y  eut  plus  moyen  de  combattre 
et  que  son  convoi  fut  en  sûreté'.  Il 
décida  ainsi  le  départ  des  Anglais, 
qui ,  admirant   le  courage  de  Ra- 
zilly,  lui  laissèrent  la  liberté.  Par 
suite  de  ce  beau  fait  d'armes,  cet  of- 
ficier fut  élevé  au  grade  de  vice-ami- 
ral. Il  devint,  plus  tard,  gouverneur 
des  îles  de  Ré  et  d'Oleron ,  et  vice- 
roi  du  Canada.  —  Plusieurs  antres 
membres  de  cette  femille  se  font  aussi 
foit  remarquer  dans  la  marine. 
F— T— E. 
RAZILLY  (Marie  Deiau:«ay  de), 
nièce  du  précédent ,  née  au  château 
de  Razilly  en  Tourame,  en  1624, 
d'une  branche  cadette  qui  comptait 
beaucoup  d'enfants,  resta  orpheline 
à  peine  âgée  d'un  an  et  assez  mal 
partagée  des  dons  de  la  fortune.  Son 
frère  aîné,  mort  lieutenant-général 
des  armées,  lui  fit  donner  une  édu- 
cation soignée  qui  développa  en  elle 
le  talent,  ou  plutôt  le  goût  de  la  poé- 
sie. Répanduedaiis  les  plus  brillantes 
sociétés  de  la  capitale,  où  les  agré- 
ments de  son  esprit  et  de  sa  conver- 
sation la  firent  rechercher,  elle  le 
fut  également  parmi  les  gens  de  let- 
tres. La  Conformité  des  goûts  l'avait 
étroitement  liée  avec  M"«  de  Scuderi, 
à   la  mort    de    laquelle    M"«   Lhé- 
ritier  de  Villandon  en  fit  une  apo- 
théose qu'elle  dédia  à  M"' de  Razilly. 
On  trouve  de  celte  dernière,  dans  les 
recueils  du  temps,  plusieurs  pièces  de 
vers  qui  lui  Ureiit  donner  ie  nom  de 
Calîiope,  probablement  à  cause  de  sa 
prédilection  pour  les  vers  héroïques. 
On  distingue  eu  ce  genre  un  sonnet 
sur  la  prise  de  Luxembourg ,  ainsi 
qu'un  placet  adressé  à  Louis  XIV  à 
qui  elle  fut  présentée  par  le  duc  de 
Noaillcs,  son  parent,  et  qui  lui  accorda 
une  pension  de  2,000  liv.,  faveur  due 
peut-être  moins  à  son  talent  poétique 
qu'au  souvenir  des  importants  ser- 


vices rendus  à  l'État  par  divers  mem- 
bres de  sa  famille.  Bien  qu'il  fût 
sorti  de  sa  plume  plusieurs  produc- 
tions poétiques,  elle  n'y  attacha 
pas  plus  d'importance  que  n'en  mé- 
ritent des  pièces  de  circonstance  ou 
de  société,  car  on  ne  voit  pas  qu'el- 
le se  soit  occupée  d'eu  publier  le 
recueil.  Elle  mourut  à  Paris  en 
1707,  célibataire  et  âgée  de  83 
ans.  L — s— D. 

RAZOU3IOFSKI  (le  comte  Alexis 
Gregorowitsch),  célèbre  favori  de 
l'impératrice  de  Russie  Elisabeth, 
était  né  en  1709  dans  une  condition 
fort  obscure.  Sans  autre  éducation 
que  celle  d'un  paysan  de  l'Ukraine, 
mais  doué  de  quelques  avantages  ex- 
térieurs et  aussi  d'un  caractère  doux 
et  poli ,  il  s'enrôla  dans  les  gardes 
comme  simple  grenadier,  et  fut  bien- 
tôt distingué  par  la  grande-duchesse 
Elisabeth.  Alors  il  devint  officier  et 
fut  un  de  ceux  qui  contribuèrent  le 
plus  à  faire  monter  cette  princesse 
sur  le  trône  après  la  mort  de  Pierre  IF. 
Devenue  impératrice,  Elisabeth  eut , 
comme  l'on  sait,  plusieurs  amants, 
mais  elîe  n'oublia  pas  celui  qui  le 
premier  .Hvait  été  l'objet  de  son  affec- 
tion. Continuant  avec  lui  d'intimes 
rapports,  elle  le  combla  de  toutes  sor- 
tes de  bienfaits,  et  finit  par  l'épouser 
secrètement.  De  ce  mariage  naqui- 
rent les  comtes  Tarrakanoff  et  leur 
sœur ,  morte  si  malheureusement 
(foy.  Tarrakanoff,  XLIV,  567).  Il 
fut  fait  comte  et  grand- veneur,  che- 
valier de  tous  les  ordres  de  Russie  , 
et  eufin  feld-maréchal ,  sans  avoir 
jamais  commandé  un  régiment.  En 
même  temps  l'impératrice  lui  fit  don 
du  palais  d'Ânitzkof ,  qui ,  après  la 
mort  du  favori,  rentra  dans  le  do- 
maine de  la  couronne ,  et ,  ce  qui  est 
assez  remarquable,  fut  donné  plus 
tard  à  Potemkin  par  Catherine  U 


368 


RAZ 


Lorsque  Elisabeth  fut  morte,  le  comte 
Alexis  Razoumofski  se  retira  dans  ce 
palais  avec  une  grande  fortune  et 
jouissant  d'une  considération  méri- 
tée par  sa  bonté  autant  que  par  sa 
haute  position.  L'impératrice  Cathe- 
rine II,  qu  il  avait  aussi  parfaitement 
secondée  à  son  avènement  au  trOne , 
allait  le  complimenter  chez  lui  au 
moins  ime  fois  tous  les  ans,  le 
jour  de  sa  fête  ;  et ,  quoiqu'il  voulût 
chaque  fois  lui  baiser  la  main  ,  elle 
ne  le  permit  jamais,  lui  donnant 
toujours  elle-même  très-affectueuse- 
ment un  baiser  sur  la  joue.  Alexis 
Razoumofski  mourut  à  Saint-Péters-. 
bourg  le  6  juillet  1771.  — Son  frère, 
le  comte  Cyrille  Razodmofski,  né 
ainsi  que  lui  dans  les  déserts  de  l'U- 
kraine, dès  qu'il  sut  la  faveur  dont 
jouissait  Alexis  auprès  de  l'impéra- 
trice, se  hâta  d'accourir  à  Saint-Pé- 
tersbourg, et  y  vint  avec  sa  guita- 
re, comme  un  simple  ménétrier  de 
village.  Plus  adroit  et  peut-être  plus 
ambitieux  que  son  frère,  il  profila 
mieux  que  lui  encore  des  faveurs  im- 
périales. Comme  il  était  sans  édu- 
cation ,  ou  l'envoya  à  Berlin  où 
il  fut  instruit  par  les  meilleurs  maî- 
tres, et  notamment  par  le  célèbre 
Euler,  qu'il  décida  dans  la  suite  à 
venir  eu  Russie.  Aussitôt  après  son 
retour,  on  le  fit  comte,  puis  comman- 
dant des  gardes  d'ismaïloff,  chevalier 
de  tous  les  ordres,  hetman  des  Co- 
saques, et  enfin  président  de  l'Acadé- 
mie des  sciences  et  des  arts  de  Saint- 
Pétersbourg.  Naturellement  soupleet 
fort  adroit,  il  s'insinua  très-habile- 
ment dans  les  bonnes  grâces  du 
grand-duc,  qui  fut  depuis  Pierre  III, 
qui  alors  l'appelait  son  frère  et  son 
ami,  et  que  plus  tard  il  concourut 
à  renverser  du  trône.  Le  comte  Cy- 
rille Razoumofski  jouit  long-temps 
pe  ses  richesses  et  survécut  h  sou 


RAZ 

frère.  Sa  postérité,  plus  heureuse  que 
celle  du  comte  Alexis,  a  conservé  son 
nom  et  sa  fortune  {voy.  l'article  sui- 
vant). M — Dj. 

RAZOUMOFSKI  (  le  prince),  fils 
du  précédent,  lui  succéda  dans  ses  ri- 
chesses et  la  faveur  de  l'impératrice 
Catherine  II.  Élevé  de  la  manière  la 
plus  brillante,  doué  de  beaucoup  d'a- 
vantages extérieurs,  il  réussit  à  plaire 
à  la  première  femme  du  grand-duc, 
depuis  Paul  1",  qui  en  conçut  de  la 
jalousie.  L'impératrice  Catherine  II, 
ayant  eu  connaissance  de  cette  intri- 
gue, ordonna  que  le  jeune  Razou- 
mofski fût  envoyé  hors  de  la  Russie, 
et  il  reçut  une  mission  pour  la  cour 
de  Naples,  où  l'impératrice  lui  en- 
joignit de  se  rendre  sur-le-champ. 
Lorsqu'il  passa  parvienne,  quoiqu'un 
lui  demandant  ce  qu'il  allait  faire 
dans  ce  pays,  il  répondit  avec  sa  fa- 
tuité ordinaire  :  Je  vais  y  régner.  Ce 
propos ,  ayant  été  répété ,  parvint  à 
Naples  avant  même  l'arrivée  du  jeune 
comte,  qui  à  cause  de  cela  fut  très- 
mal  reçu  à  la  cour,  surtout  par  la 
reine.  Surpris  d'un  pareil  accueil,  il 
en  demanda  l'explication  au  chargé 
d'affaires  Italiski  qui  l'avait  précédé 
dans  cette  résidence,  et  qui  lui  avoua 
franchement  ce  qu'il  en  était.  Ra- 
zoumofski ne  parut  point  étonné, 
et  n'en  persista  pas  moins  dans  ses 
projets  de  séduction  auprès  de  la 
reine,  ce  qui  lui  réussit  parfaitement. 
Mais  d'un  caractère  très-inconstanf, 
il  se  lassa  bientôt  de  régner,  et  lit 
venir  de  Paris  une  comédienne  qu'il 
présenta  à  la  cour  comme  sa  parente. 
La  reine  en  fut  instruite,  et,  vivement 
i  rritée,  elle  rompit  avec  le  comte,  qui , 
obligé  de  quitter  Naples,  fut  bientôt 
remplacé  par  le  fameux  Acton  (voy. 
Caroline,  LX,  194). Continuantd'être 
employé  dans  la  diplomatie,  Razou- 
uiofski  fut  surressivcment  envoyé'  à 


Venise,  puis  à  Stockholm,  où  il  fit 
d'inutiles  efforts  pour  empêcher  l'ia- 
vasioQ  que  méditait  Oustave  IiX«. 
Nomm^  ambassadeur  près  la  cour 
de  yienue^  en  1^^^^  il  y  ooo^qurut 
actiyemeut  au^  négociations  qui 
amenèrent  le  partage  de  La  .  Polo- 
gne. Ce  fut  aussi  Razoumofski  qui , 
pendant  toute  la  dure'e  de  sa  lon- 
gue mission  en  Autriche,  prépa- 
ra Jes  traités  d'alliance  et  de 
coalition  contre  la  France.  Il  assista 
au  congrès  de  Cbâtillou,  puis  à  celui 
de  Yieuàe,  eX  fnt  un  des  signataires 
delà  fapeuse  déclaration  du  13  mars 
1815  contre  Bonaparte  échappé  de 
V"    """  '■.  Enfin  il  fut  nommé  prince 

( me  temps  que  Hardenberg 

et  M.  de  Metternich.  Très-zélé  pour  la 
culturedesarts,ilfitencûre,lorsquela 
pi^x  fut  rétablie,  plusieurs  voyages  en 
Italie,  et  partout  on  y  admira  son 
savoir  et  sa  politesse.  Il  mourut  à 
Vienne  le  lî  sept.  183G.Ou  le  regar- 
dait comme  le  doyen  de  la  diploma- 
tie européenne.  Il  avait  épousé  une 
Allemande,  M''"' de  Turheim ,  fenune 
de  beaucoup  d'esprit,  qui  avait  été 
chauoi liesse.  —  Son  Irère  puiné,  le 
comte  Grégoire  Razoumofsk.1  ,  sa- 
vant  distingué,    passa  une   partie 
de  ^a  vie  en  Suisse  et  en  Italie.  II 
mourut  dans  le  mois  de  juin  1837 
dans  sa  terre  de  Rudoletz  en  Mora- 
vie, où  il  s'était  retiré.  Il  a  laissé 
sur  la  géognosie  de  ces  contrées  des 
ouvrages  importants  qui  sont  restés 
manuscrits.  Ceux  qu'il  a  publiés  sont 
tous  écrits  en  français,savoir  :  l.Toya- 
ge  minéraîogique   et   physique  de 
Ipruxelles  à  Lausanne,  fait  en  1782, 
par  M.  le  comte  Grég.  de  R.,  Lausan- 
ne, 1783,  in-8o.  II.  Voyages  minéralo- 
giques  dans  le  gouvernement  d" Aigle 
etune  partie  du  Bas-Talais,  et  sur 
les  iacsi  de  Lucerne,  Lausanne,  1784, 
iM-8'\  III.  Essai   d'un  syslème  des 

Lxxvin. 


Ml 

transitions  de  la  nature  dans  le  rè- 
gne minéral,  Lausanne,  1785,  in-S". 
IV.  Histoire  ttaturelU  du  Jorat  ei  de 
ses  avirons ,  des  trois  lacs  de  A>i*- 
châtelj  Morat  et  Sienne,  Lausanne  •: 
1789,  in-so.  V.  Coup  d'œil  géognos- 
tique  sur  le  nord  de  l'Européen  gé- 
néral et  la  Russie  en  particulier^ 
Saint-Pétersbourg,  1816,  et  Berlin, 
1 82  0 ,  in-  8°.  VI .  Observa  lions  m  inéra- 
logiques  sur  les  entirons  de  Tïwwie» 
Vienne,  1821,  in-é".  Le  comte  Gré- 
goire Razoumofski  a  encore  donné 
plusieurs  Mémoires  à  la  Société  des 
sciences  physiques  de  Lausanne  et  à 
la  Société  minéraîogique  de  Saint-Pé- 
tersbourg. M— Dj. 
,    RAZOt'T  (LoLis-NicoLAs),  géné- 
ral français,  naquit  à  Paris  en  1773, 
d'une  famille  noble  de  Bourgogne  et 
qui  prétend  descendre  de  la  maison 
de  Bourbon-Busset.  11  étudia  d'abord 
le  droit,  et  fut  sous-lieutenant  dans 
un  régiment  d'infanterie,  où  il  se 
trouva  avec  Joubert.  Ils  se  lièrent 
promptement,  et  quoique  celui-ci  ne 
partageât  pas  toujours  l'opinion  poli- 
tique de  Razout,  ils  ne  s'en  estimè- 
rent pas  moins.  Joubert,  devenu  gé- 
néral, le  prit  pour  aide-de-camp,  et 
blessé  mortellement  à  la  bataille  de 
Novi,  il  expira  dans  ses  bras.  Peu  de 
temps  après,  Razout  passa  à  l'état - 
major  d'Augereau ,  et  en  1801  il  fut 
nommé  colonel  de  la  104*  demi-bri- 
gade. Jusque-là  il  s'était  fait  remar- 
quer par  une  grande  activité  et  un 
courage  impétueux;  il  déploya  alors 
des  talents  qu'on  ne  lui  connaissait 
pas  ;  son  corps,  formé  en  Suisse  des 
débris  de  tous  les  régiments,  devint 
l'un  des  plus  beaux  de  l'armée.  Razout 
reçut  ensuite  le  commandement  du 
94s  <iui  bientôt  ressentit  les  effets 
de  l'esprit  d'ordre  de  sou  nouveau 
chef.  A  Austerlitz,  marchant  en  co- 
lonnes par  bataillons  pour  al^r  rem- 


3To 


RAZ 


placer  sur  la  ligne  deux  autres  ré- 
giments renversés  par  l'ennemi , 
la  cavalerie  de  la  garde  impériale 
russe  entoura  ses  bataillons,  traversa 
plusieurs  fois  ses  intervalles  sans  l'en- 
tamer, et  lui  fit  éprouver  de  grandes 
pertes.  A  la  prise  de  Lubeck,  la  27" 
légère  ayant  été  repoussée,  Razout  se 
précipita  à  la  tête  de  son  régiment 
sur  la  porte  de  Burg ,  défendue  par 
les  Prussiens,  et  pénétra  dans  la  ville 
jusqu'à  la  place  d'armes.  Tous  ces 
exploits  lui  valurent  le  grade  de  gé- 
néral, le  12  février  suivant.  En  1808, 
il  commandait  en  Espagne  une  bri- 
gade du  corps  du  maréchal  Moncey, 
dans  l'expédition  sur  Valence.  Il  con- 
courut ensuite  au  siège  de  Sarragosse, 
et  prit  une  part  brillante  aux  assauts 
meurtriers  qu'il  fallut  y  livrer.  Après 
la  prise  de  cette  place,  il  passa  en 
Allemagne,et  reçut  le  commandement 
de  Vienne  le  jour  où  l'armée  française 
y  entra.  Cet  emploi  convenait  peu  au 
caractère  de  Razout;  il  fut  bientôt 
mis  à  la  tête  d'une  brigade  qui  oc- 
cupa les  îles  du  Prater.  A  la  bataille 
d'Enzersdorf,  cette  brigade,  compo- 
sée de  nouvelles  levées,  attaquait  les 
retranchements  du  village  de  Bau- 
mersdorf  sur  la  ligne  ennemie  ;  le  feu 
des  troupes  quiles  garnissaient  causait 
beaucoup  de  ravages  5  Razout  se  porta 
en  avant  de  ses  tirailleurs  pour  les 
encourager;  son  cheval  fut  tué  et  se 
renversa  sur  lui;  alors  le  désordre  se 
mit  dans  les  troupes  qui  plièi'ent  ; 
heureusement  on  les  rallia  à  quelque 
distance,  et  il  put  les  rejoindre,  à 
pied,  au  milieu  d'une  grêle  de  balles. 
A  Wagram  ,  il  courut  à  peu  près  les 
mêmes  dangers,  précédant  encore 
ses  tirailleurs  dans  le  village  de  ce 
nom,  et  se  trouvant  seul,  entouré  de 
cavaliers  ennemis,  lorsque  ses  trou- 
pes arrivèrent  pour  le  dégager.  11  ne 
put  voir  sans  chagrin  qu'on  uitiibuàt 


RAZ 

à  un  autre  corps  l'enlèvemtnt  de  ce 
village  et  s'en  plaignit  vivement ,  ce 
qui  lui  attira  une  disgrâce  momenta- 
née. On  lui^donna  une  autre  brigade, 
et  il  fut  envoyé  dans  la  Zélande  pour 
y  organiser  de  nouvelles  troupes.  Le 
31  juillet  1811,  il  fut  nommé  général 
de  division,  et  commanda  une  des 
divisions  du  corps  du  maréchal  Ney 
qui  se  distinguèrent  au  cqmbat  de 
Valontina,  à  la  bataille  de  la  Moskowa 
et  dans  la  retraite  de  Moscou.  En 
1813 ,  il  fut  nommé  comte  et  grand- 
officier  de  la  Légion-d'Honneur.  Il 
organisa  et  commanda  ensuite  une 
division  du  corps  de  Gouviou  Saint- 
Cyr,  qui,  après  avoir  pris  une  part 
glorieuse  à  la  bataille  de  Dresde  et  à 
un  grand  nombre  de  combats,  fut 
laissé  dans  cette  ville,  y  fit  une  dé- 
fense vigoureuse  et  sortit  de  la  place 
après  une  capitulation  honorable  que 
les  alliés  n'observèrent  pas  {voy. 
GouviON  Saint  -  Cyr  ,  LXV  ,  562). 
Razout  eut  besoin  de  toute  sa  fermeté 
pour  contenir  les  troupes  de  sa  divi- 
sion, exaspérées  par  cette  infraction. 
Il  prévoyait  depuis  long- temps  la 
chute  de  Napoléon,  et  fut  le  premier 
à  adresser,  de  Raab  en  Hongrie  où  il 
étiait  prisonnier,  sa  soumission  au 
roi,  et  à  provoquer  celle  des  officiers 
qui  s'y  trouvaient  avec  lui.  Quand  il 
fut  de  retour  en  France,  Louis  X  VIII  le 
créa  chevalier  de  Saint-Louis.  Le  mi- 
nistre lui  proposa  le  commandement 
d'un  département;  Razout  le  refusa 
parce  qu'il  le  regardait  comme  incom- 
patible avec  son  grade,  et  resta  sans 
activité;  mais  il  se  rendit  auprès  du 
roi ,  lors  de  l'invasion  de  Bonaparte,  en 
1815,  et  après  sou  entrée  duns  la  ca- 
pitale, il  resta  caché  plusieurs  jours. 
Cependant  il  se  décida  plus  lard  à 
prendre  du  service,  et  fut  chargé  du 
cummandeuieut  de   la  2V  division 
militaire,  à  Bourges,  où  il  coopéra 


RAZ 

beaucoup  au  maintien  de  l'ordre  pen- 
dant le  licenciement  de  l'armée  de  la 
Loire.  Il  accepta,  en  1819,  le  com- 
mandemeut  de  la  3«  division  dont  le 
quartier-général  était  à  Metz.  11  mou- 
rut dans  cette  ville  le  10  janvier  1820, 
et  y  fut  enterré  avec  de  grands  hon- 
neurs militaires.  M— Dj. 

RAZZl  (Stlvain),  religieux  ca- 
maldule,  et,  selon  Échard,  abbé  dans 
cet  ordre,  naquit  à  Florence.  Il  s'ap- 
pelait Jérôme,  mais  il  changea  ce 
nom  en  celui  àeSylvain,  lorsqu'il  en- 
tra en  religion  et  prit  l'habit  monas- 
tique dans  le  couvent  de  Sainte-Marie- 
des-Anges.  Ce  double  nom  a  donné 
lieu  à  quelques  auteurs  de  supposer 
que  Sylvain  et  Jérôme  étaient  deux 
personnages  ;  erreur  que  détruit  l'ex- 
plication ci -dessus.  Il  paraît  que 
Sylvain  Razzi  avait  vécu  plusieurs 
années  dans  le  monde  avant  de  se 
faire  religieux,  et  qu'il  s'y  était  rendu 
célèbre  par  divers  ouvrages  qu'il 
avait  publiés  à  Florence  et  que  lui 
eût  interdits  l'état  qu'il  embrassa  de- 
puis. Telles  étaient  quelques  comédits 
et  diverses  tragédies  yla  Ceeca,  la  Ba- 
lia,  la  Costanza,  la  Gismonda,  etc.). 
Les  autres  ouvrages  qu'il  a  composés 
sont  :  I.  Raccolta  di  orazioni  a 
Crislo  ed  alla  beatissima  madré 
Maria,  Florence,  1556.  H.  Miracoli 
dtlla  gloriosa  Yergine  Maria ,  Flo- 
rence, 1576  111.  Vite  di  quattro  uo- 
mini  illustri,  Farinata  degli  Uberti, 
duca  d'Ateiie  ,  Silvestro  Medici ,  e 
Cosimo  Medici  il.più  vecchio,  Flo- 
rence, 1580.  IV.  Vite  di  cinque  viri 
illustri,  Florence,  1602.  V.  Vita  ov- 
vero  azioni  délia  contessa  Matilda^ 
Florence,  1587.  VI.  Vita  di  Benedtt- 
to  Varchi,  Florence,  1590.  Cette 
Vie,  insérée  d'abord  dans  un  recueil 
de  Leçons  de  Benoit  Varchi  {voy. 
ce  nom ,  XLVII ,  482),  dont  Sylvain 
Razzi  avait  été  l'ami ,  se  retïouve  en 


RE 


371 


tête  de  VHistoire  florentine  du  mi-mt 
Varchi,  publiée  en  1721.  VII.  Vita 
àella  gloriosa  Vergine  Maria ,  Flo- 
rence, 1594.  Vlll.  Vite  délie  donne 
illustri  per  la  santità ,  Florence, 
1595,  6  vol.  in-4''.  IX.  Vita  de'  santi 
e  beati  delV  ordine  de'  Camaldoli, 
Florence,  1600.  X.  Vita  di  Pietro 
Soderini^  gonfaloniere  perpétua  dél- 
ia republica  fiorentina  ,  Padoue  , 
1637,  in-40,  belle  édition  ornée  de 
figures.  On  doit  encore  à  ce  labo- 
rieux écrivain  une  traduction  italien- 
ne de  la  Somme  des  Sacrements,  com- 
posée en  latin  par  le  P.  Francisco  de 
Victoria,  dominicain  espagnol ,  Flo- 
rence, 1575,  in-12.  Sylvain  Razzi, 
non  moins  distingué  par  ses  ver- 
tus que  par  ses  écrits,  mourut  en 
1611, âgé  de  quatre-vingt-quatre  ans. 
— R.\zzi  {Séraphin)^  frère  puîné  du 
précédent,  naquit  à  Florence  le  16 
déc.  1531,  et  embrassa  dans  cette 
ville,  en  1549,  la  règle  de  Saint-Do- 
minique, au  couvent  de  Saint-Marc. 
On  ignore  la  date  de  sa  mort,  mais 
il  vivait  encore  eu  1613.  Sa  vie  fut 
occupée  tout  entière  soit  à  enseigner 
la  théologie,  soii  à  diriger  divers  cou- 
vents, soit  enfin  à  composer  en  latin 
ou  en  italien  difl'érents  ouvrages,  dont 
les  principaux  sont  :  1.  Centocasi  di 
coacienjsa,  1578,  recueil  imprimé  plu- 
sieurs fois  à  Florence,  à  Venise  et  à 
Gènes.  II.  Prediche,  Florence,  1590. 
m  Giardino  di esempi,  oviero Fiori 
délie  vite  de'  santi^  Florence,  1594. 
IV.  Istoria  di  Ragugia  (Raguse), 
Lucques,  1595,  iû-4''.  V.  Jstorie  degli 
uomini  illustri  deW  ordine  dei  pre- 
dicatori,  Lucques,  1596,  ia-S*».  VI. 
Vite  de'  primi  santi  deW  ordine  dei 
predicatorij  Palerme,  1605,  in-4». 
Vil.  De  locis  thiologicis  prakctio- 
nes^  Pérouse,  1603.         C.  T— y. 

RÉ  (Jean  -  François)  occupe  un 
rang  distingué  parmi  les  botanistes 
24. 


372 


RE 


piémontais.  Né  en    1773  d'une  fa- 
mille agricole,  qui  habitait  le  vil- 
lage de  Condove ,  au  pied  des  Alpes 
coltiennes,  la  vue  des  travaux  cham- 
pêtres et  l'aspect  d'une  riche  ve'géta- 
tion  lui  suscilèrent  de  bonne  heure  le 
désir  d'étudier  les  plantes  spontanées 
du  sol  natal.  Aussi  déroba-t-il  à  ses 
premières  études,  et  plus  tard  à  l'é- 
tude de  la  médecine ,  tout  le  temps 
dont  il  put  disposer  pour  explorer  les 
vallées  alpines,  et  se  former  un  her- 
bier qu'il  continua  d'accroître  jusqu'à 
SCS  derniers  jours.  Fixé  à  Suso,  dès 
qu'il  eut  reçu  le  diplôme  de  docteur 
en  médecine  de  l'université  royale 
de  Turin,  il  y  pratiqua  son  art  avec 
désintéressement ,  accepta,  quelques 
années  après,  une  chaire  de  philoso- 
phie au  collège  de  la  première  de 
ces  deux  villes,  passa  ensuite  à  la 
chaire  de  mathématiques  du  collège 
de  Carignan  et  obtint,  long-temps 
après,  le  titre  de  professeur  de  ma- 
tière médicale  et  de  botanique  à  l'é- 
cole royale  vétérinaire  établie  non 
loin  de  Turin,  dans  la  petite  ville  de 
la  Vénerie.  Nous  ne  mentionnerons 
point  divers  opuscules  que  Ré  a  pu- 
bliés sur   la   doctrine   médicale  de 
Brown,  sur  le  système  métrique,  sur 
l'économie    rurale ,    sur     plusieurs 
points  de  la  médecine  vétérinaire, 
mais  nous  signalerons  avec  distinc- 
tion ses  deux  principaux  ouvrages  :  le 
premier  est  la  Flore  de  Suse,  sous  le 
titre  de  Flora  seguslcnsis^  sive  stir- 
piumin  circuitu  segusiensi nccnonin 
Monte-Cinisio^  aliisque  circumeunti- 
busmonîibussponte  enagcentium  enu- 
meratio,  Turin,  1805.  Cet  ouvrage 
contient  la  nomenclature  de  1682  es- 
pèces de  végétaux,  dont  les  plus  pré- 
cieux appartiennent  aux  zones  su- 
périeures du  Mont-Cenis.  Le  second 
est  la  Flore  de  Turin,  imprimée  en 
1835ffi2«-  Cette  Flore,  réfligéo  en 


REA 

langue  latine  sous  le  titre  italien  de 
Flora  torinese,  pour  la  distinguer  de 
celle  que  Balbis  avait  publiée  sous 
celui  de  Flora  taurinensis ,  présente 
un  cadre  plus  étendu  que  cette  der- 
nière, et  ajoute  aux  phrases  linnëen- 
nes  quelques  observations  descripti- 
ves propres  à  mieux  caractériser  les 
espèces. Nommé  successivement  mem- 
bre titulaire  de  la  Société  royale  d'a- 
griculture et  de  l'Académie  des  scien- 
cesde  Turin ,  Bé  ne  tarda  pointa  enri- 
chir les  mémoires  de  ces  deux  corps 
scientifiques  de  plusieurs  écrits,parmi 
lesquels  on  remarque  une  dissertation 
sur  l'emploi  du  Lycopus  europœus. 
Lin.,  proposé  comme  succédané  du 
quinquina.  Cet  académicien  mourut 
le  2  novembre  1833  ,  à  la  suite  d'un 
catarrhe  chronique  qu'il  avait  con- 
tracté en  s'exposant  avec  trop  de  har- 
diesse aux  variations  atmosphériques 
des  montagnes.  Doué  d'une  probité 
rigoureuse,  qui  ne  fléchissait  dans 
aucune  circonstance,  on  rapporte  que, 
lorsqu'il  était  étudiant  en  médecine, 
il  fit  une  course  à  pied  de  vingt  lieues, 
en  vingt -quatre  heures ,  pour  aller 
chercher  une  somme  de  sept  sous  et 
demi,  qu'il  voulait  restituer  exacte- 
ment. Marié  à  une  descendante  des 
comtes  de  Saint-Second,  cet  homme 
de  bien,  dont  la  devise  fut  toujours 
science  et  conscience^  a  laissé  un  Gis 
qui  a  embrassé  le  sacerdoce.  Bertero, 
peu  de  mois  avant  de  périr,  dans  sa 
traverséed'OtahitiàValparaiso,  avait 
dédié  à  Ré  un  genre  de  la  famille  des 
chicoracées,  sous  le  nom  de  rea,  dont 
toutes  les  espèces,  au  nombre  de  sept, 
habitent  l'ile  de  Juan-Fernandez. 
B--F— s. 
REAL  (Guillaume-André),  dé- 
puté conventionnel,  né  en  1752,  était 
avant  1789  l'un  des  avocats  les  plus 
distingués  du  parlement  de  Greno- 
ble. Cumme  tous  ses  confrères,  il 


REA 

embrassa  dès  le  commencement  avec 
beaucoup  de  zèle  la  cause  de  la  révo- 
lution, et  fut  en  conséquence  nommé 
en  1790  président  du  directoire  du 
district  de  Grenoble,  puis  député  du 
département  de  l'Isère  à  la  Conven- 
tion nationale  en  sept.  1792.  Dans 
le  procès  de  Louis  XVI,  qu'il  jugea 
n'être  ni  dans  les  pouvoirs  ni  dans  les 
attributions  de  l'assemblée,  et  qui  ce- 
pendant fut  une  des  premières  et  des 
plus  importantes  de  ses  opérations, 
Real,  tout  en  le  déclarant  coupable, 
comme  le  fit  la  presque  unanimité 
des  suffrages,  exprima  l'opinion  la 
plus  sage  et  la  plus  modérée,  c'est- 
à-dire  qu'après  s'être  opposé  à  ce 
que  ce  prince  fût  jugé  par  la  Con- 
vention, il  vota  pour  qu'il  y  eût  ap- 
pel au  peuple  du  jugement  à  inter- 
venir, et  qu'ensuite  il  conclut  non 
comme  juge,  mais  comme  législateur 
et  par  mesure  de  sûreté  générale,  à 
la  détention  provisoire,  sauf  à  conh 
muer  cette  peine  en  un  bannissement 
perpétuel  dans  des  temps  plus  cal- 
mes. La  peine  de  mort  ayant  prévalu 
et  le  sort  de  Louis  XVI  semblant  ir- 
révocablement décidé ,    Real    vota 
contre  tout  sursis  à  l'exécution,  il 
fut  ensuite  envoyé  en  mission  à  Lyon, 
fit  rendre  un  décret  portant  confir- 
mation de  l'impôt  extraordinaire  éta- 
bli sur  cette  ville.  Il  présenta,  en 
fév.  1793,  un  rapport  sur  un  im- 
pôt de  même  nature,  pour  les  sub- 
sistances de  la  ville  de  Paris.  11  pro- 
voqua encore  plusieurs  décrets  sur 
les  pensions  de  la  liste  civile,  et  dé- 
fendit Buzot  à  l'époque  du  31  mai.  Il 
se  montra  en  général  opposé  autriom- 
phe  de  Robespierre  dans  cette  jour- 
née fameuse.  Cependant  il  ne  fut  pas 
au  nombre  des  députés  proscrits,  et 
réussit  à  s'effacer.  Envoyé  en  mission 
à  l'armée  des  Alpes,  il  écrivit  contre 
les  mouvemeals  et  les  liaisons  des 


REA 


373 


émigrés  dans  le  midi.  Il  n'est  pas 
vrai,  comme  l'ont  dit  d'autres  bio- 
graphes, que  le  20  mars  1795  il  ait 
demandé  que  la  question  de  restitu- 
tion des  biens  des  condamnés  à  leurs 
héritiers  fût  ajournée.  Il  résulte,  au 
contraire,  dune  lettre  que  nous  avons 
sous  les  yeux,  quil  vota  dans  toutes 
les  occasions  pour  accélérer  la  resti- 
tution de  ces  bieus,  ayant  toujours 
regardé  la  peine  de  confiscation  com- 
me souverainement  injuste.  En  con- 
séquence, il  n'est  pas  vrai  non  plus 
qu'il  se  soit  opposé  à  l'admission,  en 
paiement  des  biens  nationaux,  des 
bons  délivrés  aux  héritiers  des  con- 
damnés. Devenu  membre  du  conseil 
des  Cinq-Cents,  il  demanda,  dans  la 
séance  du  16  mai  1796,  que  le  Direc- 
toire fût  autorisé  à  faire  célébrer  la 
fête  de  la  Victoire  le  10  prairial  (26 
mai)^  parla  sur  les  droits  des  enfants 
naturels,  et  proposa  un  mode  d'accu- 
ser les  juges  de  la  haute-cour  en  for- 
faiture. Il  s'éleva  contre  l'envoi  des 
garnisaires  pour  le  paiement  des  con- 
tributious;  fut  nommé  secrétaire  le 
21  déc;  appuya  le  recours  en  cassa- 
tion contre  les  jugements  des  conseils 
de  guerre  ;  présenta  des  observations 
sur  l'échelle  de  dépréciation  du  pa- 
pier-monnaie; sortit  du  conseil  en 
mai  1797,  et  devint,  en  1800,  juge  au 
tribunal  d'appel  de  l'Isère,  puis  pré^ 
.  sident  à  la  cour  royale  de  Grenoble,' 
place  dont  sa  démission  fut  acceptée- 
le  30  nov.  1815.  On  sait  que  dans  le 
mois  de  mars  précédent,  au  passage 
de  Kapoléon  par  Grenoble,  la  coui* 
royale  était  venue  lui  rendre  hom- 
mage, sans  toutefois  lui  adresser  de 
discours.  Pendant  les  Cent- Jours,  le 
présidentRéal  n'accepta  aucune  nou- 
velle fonction ,  et  il  ne  vota  point 
l'Acte  additionnel.  Ainsi  sous  aucun 
rapport  l'exception  des  régicides  dans 
la  loi  du  12  jauv.  1816  ne  pomail lui 


Zti 


REA 


REA 


être  appliquée,  comme  cela  fut  re- 
connu par  les  ministres  de  LoiiisXVIII, 
qui  l'autorisèrent  formellement  à 
rester  dans  ses  foyers,  où  il  vécut  en 
paix,  et  jouissant  d'un  traitement  de 
retraite  jusqu'à  l'époque  de  sa  mort, 
en  oct.1832. — Il  était  le  père  de  M.  Fé- 
lix Real,  avocat  -  général  et  membre 
de  la  chambre  des  députés.  M — d  j. 
REAL  (Pierre-François)  a  été  un 
des  personnages  les  plus  actifs  et  les 
plus  influents  dans  les  temps  de  la  ré- 
publique et  de  l'empire,  c'est-à-dire 
sous  la  Convention,  le  Directoire,  le 
Consulat  et  le  règne  de  Napoléon. 
Avant  la  révolution  procureur  au  Châ- 
telet  ;  depuis,  et  successivement,  sub- 
stitut du  procureur  de  la  commune 
(  le  fameux  Chaumette  )  ;  accusateur 
public  près  le  tribunal  révolutionnai- 
re du  10  août  (1792);  journaliste, 
historiographe  de  la  république  *,  dé- 
fenseur officieux  de  Carrier  et  du  co- 
mité révolutionnaire  de  Nantes,  de 
Babeuf  et  de  ses  complices; commis- 
saire du  Directoire  près  le  déparle- 
mentde  Parjs  ;  conseiller  d'État  après 
le  18  brumaire;  attaché  an  ministère 
de  la  police  générale ,  ayant  Paris 
dans  ses  attributions;  préfet  de  poli- 
ce dans  les  Cent -Jours;  comte  de 
l'empire,  avec  majorât  ;  commandant 
de  la  Légion-d'Honneur  et  de  l'ordre 
de  la  Réunion,  Real ,  fils  d'un  garde- 
chasse,  naquit  à  Chatou,  près  Paris,  . 
vers  1765. — Jeune  encorequand  éclata 
la  révolution,  il  s'en  montra  un  des 
plus  chauds  partisans.  On  sait  que 
trois  grands  partis  se  manifestèrent 
après  la  session  de  l'Assemblée  con- 
stituante, les  Robespierristes,  les  Gi- 
rondins, les  Dantonistes;  Réal  se  ran- 
gea parmi  ces  derniers  qui  furent  les 
véritables  auteurs  de  l'affreuse  jour- 
née du  10  août.  H  fut  nommé  accu- 
sateur public  près  le  tribunal  révolu- 
tionnaire institue  le  17  août,  époque 


qui  fut  signalée  par  l'arrestation  de 
la  princesse  de  Lamballe  et  par  le 
supplice  de  Durosoi  et  de  Bachmann 
(voy.  ces  noms,  tom.  XII ,  LVII  et 
LXX  ).  Au   mois   de  janvier  1793, 
Réal  était,  avec  le  fameux  Hébert, 
substitut  de  Chaumette ,  procureur 
de  la  commune   de   Paris.  C'est  en 
cette  qualité  que,  le  24  janvier,  il 
fit  insérer  dans  le  Moniteur  une  let- 
tre ayant  pour  but  de  démentir  des 
bruits  répandus  sur  la  famille  de 
Louis  XVI.  C'est  aussi  comme  sub- 
stitut qu'il  dénonça  au  conseil-géné- 
ral Forestier,  principal  du  collège 
Mazarin,  pour  avoir  fait  célébrer  par 
ses  élèves  la  Saint-Charlemagne;  mais 
Forestier  se  justifia  et  fut  reconnu 
bon  citoyen  [Moniteur  du  3  février). 
Réal  donna  aussi  à  la  Convention 
(séance  du  27  février)  des  détails  sur 
la  conduite  courageuse  du  maire  Pa- 
che,  lors  du  pillage  des  épiciers.  Dans 
cette  apologie  il  raconta  que  Pache 
s'était  jeté  au  milieu  d'un  rassemble- 
ment, et  avait  arrêté,  à  deux  reprises, 
un  gendarme  qui  s'était  réuni  aux  pil- 
lards. Ennemi  des  Girondins,  Réal  fit 
adopter  par  la  commune  une  adresse 
justificative  du  31  mai;  mais  il  s'op- 
posa à  ce  que  la  commune  présentai 
une  pétition  contre  le  général  Beau- 
harnais,  tout  en  le  soupçonnant,  di- 
sait-il ,  de  fmillantisme.  Les  artistes 
de  l'Opéra  étaient  devenus  suspects  : 
Réal  fit  rapporter  un  arrêté  pris  par 
la  commune  contre  les  administra- 
teurs de  ce  théâtre,  et  annonça  qu'ils 
allaient  représenter,  en  spectacle  gra- 
tis, le  Siège  de  Thionviile.  Peu  de 
jours  «près  il  déclara  que   les  ac- 
teurs de  l'Opéra,  et  surtout  Laïs,  se 
faisaient  dans  les  départements  les 
plus  fervents  npùtres  de  la  liberté. 
Presque  à  la  même  époque  il  s'éleva 
fortement  contre  l'insouciance  des 
Parisiens  siu-  les  succès  et  sur  l'ap- 


REA 

proche  des  brigands  yendéens,  et 
peu  après  il  fit  un  réquisitoire  sur  les 
moyens  de  défense  à  employer.  Plein 
d'un  zèle  quelquefois  excentrique,  il 
fit  interdire,  sur  son  réquisitoire,  à 
toute  jolie  solliciteuse,  l'entrée  des 
bureaux  de  la  police  à  l'Hôtel-de- 
Ville.  Tous  ces  faits  sont  consignés 
dans  le  Moniteur.  Il  figura  comme 
témoin  dans  le  procès  des  Girondins, 
et  déposa  contre  eux,  surtout  contre 
Brissot.  En  1794,  il  avait  été  envoyé 
dans  les  départements;  la  commune 
prit  un  arrêté  qui  le  força  d'opter 
entre  cette  mission  et  sa  place  de 
substitut.  Il  revint  à  Paris,  et  s'étant 
aussitôt  rendu  au  club  des  jacobins , 
il  demanda  qu'il  fût  fait  une  adresse 
a  la  Convention  nationale  pour  arrê- 
ter les  persécutions  exercées  dans  plu- 
sieurs départements  contre  les  pa- 
triotes depuis  la  révolution  du  9  ther- 
midor. Dans  un  autre  discours,  il  traça 
un  horrible   tableau    des  vexations 
qu'on  avait  fait  souffrir  dans  les  pri- 
sons, surtout  dans  celle  du  Luxem- 
bourg, oîi  il  avait  été  détenu.  Il  cita 
plusieurs  faits  révoltants  sur  l'espion- 
nage, et  le  trait  singulièrement  atroce 
d'un  faiseur  de  listes  de  proscription 
qui  fut  trouvé  courtisant  la  veuve  d'un 
homme  qu'il  avait  dénoncé  et  fait 
guillotiner  pour  satisfaire  une  pas- 
sion infâme.  Le  8  août,  il  prit  encore 
la  parole  aux  Jacobins  après  qu'un 
membre  eut  proclamé,  dans  son  in- 
dignation, que  le  modérantisme  le- 
vait hideusement  la  tête  dans  le  mi- 
di, et  que  lecture  eut  été  taite  d'une 
adresse  de  la  société  populaire  de 
,  Marseille  ,  ainsi    terminée  :  Tonne . 
frappe,  écrase,  et  la  république  est 
sauvée.  Enfin  le  16  août,  Real  prit  la 
parole  une  troisième  fois  en  faveur  de 
l'entière  liberté  dç  la  presse  qu'il 
déclara  regarder  comme  seule  capable 
de  soutenir  le  gouvernement  révolu- 


REA 


875 


tionnaire.  Le  conventionnel  Chasle 
appuya  vivement  cette  opinion,  at- 
tendu, dit-il,  que  dans  beaucoup  de 
communes  on  ne  craignait  pas  d'at- 
taquer la  mémoire  de  l'immortel  Ma- 
rat.  Tous  ces  faits  sont  consignés  dans 
le  Moniteur.  Après  la  chute  de  Ro- 
bespierre, le  système  du  gouverne- 
ment révolutionnaire  durait  encore  : 
seulement ,  il  était  passé  en  d'autres 
mains.  Les  nouveaux  meneurs  sen- 
taient la  nécessité  de  justifier  la  ré- 
volution du  9  thermidor  en  poursui- 
vant les  complices  du  dictateur  et  en 
rejetant  sur  eux  tout  l'odieux  des  cri- 
mes qui  avaient  été  commis.  Le  procès 
des  132  Nantais  fournit  uue  occasion 
dejustifier  la  réaction  thermidorienne, 
Real  s'étant  fait ,  devant  le  tribunal 
révolutionnaire  qui,  après  le  9  ther- 
midor, fonctionnait  tous  les  jours 
comme  auparavant,  le  défenseur  offi- 
cieux de  Carrier  et  du  comité  révo- 
lutionnaire de  Nantes,  on  va  faire 
connaître  ce  qui  amena  ce  fameux 
procès.Le comité  avaitétéétabli  par  le 
conventionnel  Phélippeaux ,  en  mis- 
sion dans  l'ouest.  La  première  arres- 
tation avait  été  celle  de  l'auteur  de 
cet  article  :  elle  eut  lieu  le  9  septem- 
bre 1793.  Alors  la  terreur  commença 
à  se  répandre;  mais  les  administra- 
teurs craignaient  de  se  compromettre 
et  n'osaient  réclamer.  Leur  silence  en- 
hardit, et  deux  jours  après  tous  les 
administrateurs  se  trouvèrent   arrê- 
tés. Carrier  arrive  :  la  terreur  s'orga- 
nise; une  compagnie,  dite  deMarai^ 
entreen  fonctions.  Les  prisons  se  rem- 
plissent.Plusieurs  couvents, plusieurs 
maisons  en  deviennent  succursales. 
Environ  cent  prêtres,  arrêtés  dans  le 
département  de  la  Nièvre,  sont  en- 
voyés a  Nantes  par  Fouché,  et,  par  or- 
dre de  Carrier  et  du  comité,  jetés 
sur  un  bateau  à  soupape  et  submergés 
dans  la  Loire,  vers  la  fin  de  brumaire 


376 


REA 


an  II.  Ce  fut  la  première  noyade.  Peu 
de  jours  après,  la  mort  de  132  Nan- 
tais est  résolue,  et  parmi  eux  se  trou- 
vent plusieurs  membres  de  l'adminis- 
tration départementale,  dont  Sotin, 
qui  fut  depuis  ministre  de  la  police 
générale;  le  procureur  de  la  commu- 
ne, Dorvoi  le  commandant  du  châ- 
teau de  Nantes,  Menou;  le  général 
Kerverseau,  nommé  depuis,  par  le 
Directoire,  commandant  des  Iles  sous 
l.e  Vent  ;  l'auteur  de  cet  article  •,  un 
parent  de  Charette  et  qui  portait  son 
nom  ;  des  médecins ,  des  avocats ,  et 
beaucoup  de  négociants.  Sur  la  liste 
des  proscrits  figuraient  tout  ce  qui 
restait  à  Nantes  d'ex  -  oratoriens , 
dont  un  membre  du  comité  (Chaux) 
avait  acheté  la  maison  de  campagne  ; 
et  c'est  ainsi  que  deux  autres  mem- 
bres du  comité,  l'un  horloger,  l'autre 
avoué,  avaient  fait  porter  sur  la  fatale 
liste  bon  nombre  d'horlogers  et  d'a- 
voués, compétiteurs  qui  leur  faisaient 
ombrage.  —  Il  fallait  un  prétexte  au 
départ  des  victimes.  On  fit  répan- 
dre le  bruit  que  les  132  étaient  en- 
voyés au  tribunal  révolutionnaire, 
les  uns  comme  fédéralistes,  les  au- 
tres comme  complices  des  Vendéens. 
Mais  le  comité  ne  pouvait  formuler 
des  charges  contre  les  proscrits  :  il 
le  savait  bien.  L'envoi  devant  le  tri- 
bunal révolutionnaire  n'était  donc 
que  le  masque  d'un  projet  d'assassi- 
nat, qui  devait  être  exécuté  sur  la 
route.  Voici  ce  qu'imagina  le  comité. 
11  prit  un  arrêté  portant  que  si,  pen- 
dant le  voyage,  un  seul  des  132  ve- 
nait à  s'évader,  tous  les  autres  se- 
raient fusillés  à  l'instant.  En  même 
temps ,  un  horloger  nommé  Ernoux, 
qui  était  détenu,  fut  amené  devant  le 
comité,  et  il  lui  fut  dit  :  «  Écoule  :  tu 
«  pars  demain  avec  tes  camarades  qui 
«  sont  traduits  au  tribunal  révolu- 
'  tiunaaire.  A  la  hauteur  d'Ânceuis 


REA 

'  tu  t'évaderas  et  tu  pourras  revenir 
«  à  Nantes  où  tu  ne  seras  plus  in- 
«  quiété.  -  En  même  temps,  il  fut  ar- 
rêté <{u'on  commanderait  pour  l'es- 
corte un  bataillon  de  noirs  qui  venait 
d'arriver  à  Nantes  pour  passer,  dans 
la  Vendée .  Mais  le  commandant  de  la 
place ,  prévenu  à  temps ,  se  hâta  de 
faire  partir  les  noirs  pour  leur  desti- 
nation, et  il  envoya,  en  remplacement 
pour  l'escorte  des  132,  un  bataillon 
de  volontaires  de  Paris ,  levé  dans  le 
quartier  du  Luxembourg ,  et  com- 
mandé par  le  brave  Boussard.  —  Les 
1 32  partirent  de  Nantes  le  27  nov.  1 793 
(7  frimaire  an  11).  L'horloger  Ernonx, 
qui  voyageait  en  bonnet  rouge,  tint 
sa  promesse  et  s'évada  près  d'Ance- 
nis  ;  mais  le  digue  commandant  re- 
fusa d'exécuter  l'ordre  atroce  qu'il 
avait  reçu.  Les  132  arrivèrent  à  An- 
gers,et  le  généreux  Boussard  dénoncé 
sur-le-champ  par  l'horloger  Bolo- 
gniel ,  membre  du  comité  de  Nantes 
et  commissaire  nommé  pour  surveil- 
ler les  détenus  et  leur  escorte,  fut  mis 
en  prison  et  n'en  sortit  que  plusieurs 
mois  après!...  La  maison  de  détention 
à  Angers  était  trop  étroite  pour  conte- 
nir les  132  Nantais  :  on  les  conduisit, 
liés  par  vingt  à  une  même  corde,  dans 
les  bâtiments  de  l'ancien  séminaire. 
Mais  là  quel  spectacle  s'offrit  à  leurs 
yeux!  Dans  beaucoup  de  chambres  le 
feu  était  allumé  ;  des  tables  mises  et 
couvertes  de  comestibles,  des  four- 
neaux allumés,  des  barbes  préparées, 
des  lits  en  train  d'être  faits....  Tout 
annonçait  des  lieux  habités,  et  pas  un 
être  vivant  n'apparaissait!...  On  ve- 
nait d'enlever  précipitaumient  les 
nombreux  détenus  qui  remplissaient 
le  séminaire,  et  ils  avaient  été  noyés 
au  Pont-de-Cé,  pour  faire  place  aux 
132  Nantais!  Mais  à  peine  ceux-ci 
étaient-ils  installés  que  les  Veiukens, 
battus   au  Mans  par  Wosiermanu, 


REA 

s'avancèrent  pour  attaquer  Angers 
et  repasser  la  Loire.  Or ,  la  prison 
du  séminaire  e'tait  trop  éloignée  du 
centre  de  la  ville  et  trop  voisine 
du  point  qu'allaient  attaquer  les  Ven- 
déens. On  craignit  que  les  132  Nan- 
tais ne  fussent  délivrés  ,  et  l'on  se 
hâta  de  les  conduire  dans  l'étroite  et 
ancienne  prison  de  la  sénéchaussée. 
Mais  là  s'offrit  encore  à  leurs  yeux  un 
spectacle  eflVayant  :  ils  virent  accro- 
chés de  toutes  parts ,  aux  murs  de  la 
cour  intérieure,  des  vestes,  des  cha- 
peaux, des  sabots,  des  pantalons  de 
toile,  et  pas  un  seul  individu...  On  ve- 
nait encore  de  noyer,  au  Pont-de-Cé, 
tous  les  détenus  pour  faire  place  aux 
1 32  Nantais  ! .. .  Bientôt  commença  l'at- 
taque de  la  ville  par  les  Vendéens.  Des 
prisonniers  fureiU  amenés  :  on  en  vit 
le  lendemain  plusieurs  tomber  morts 
sur  le  fumier  ;  d'autres,  dans  un  accès 
de  fièvre  chauile,se  précipitèrent  dans 
le  puits,  placé  au  milieu  de  la  cour. 
La  petite  chapelle  de  la  prison  était 
encombrée  par  une  partie  des  Nan- 
tais entassés  les  un»  sur  les  autres. 
L'un  d'eux  assis,  faute  de  place ,  sur 
l'autel,  tomba  mort  sur  le  corps  de 
son  père  couché  sur  les  marches  et 
presque  inanimé....  Les  Vendéens  ne 
parent  pénétrer  dans  la  ville,  et  peu 
de  jours  après ,  les  132  furent  remis 
en  route  parlalevée,  sur  laquelle  s'a- 
vançait, pour  entrer  dans  la  Vendée, 
un  corps  de  quinze  cents  hommes, 
appelé  l'armée  révolutionnaire.  Ce 
corps  devait  rencontrer  les  Nantais 
et  les  égorger  ou  les  précipiter  dans 
la  Loire.  Tout  avait  été  prévu  et  com- 
biné pour  cette  rencontre.  Les  ordres 
étaient  donnés  ;  mais  alors  l'honneur 
delaFranceet  l'humanité  semblaient 
s'être  réfugiés  danslesarmées.Lecom- 
mandant  de  l'escorte  qui  avait  reçu 
des  instructions,  informé  que  les 
quinze  centsrévolutionnaires  allaient 


REA 


377 


arriver  près  de  Saint-Mathurin ,  fit 
entrer  tous  les  Nantais  dans  l'église 
de  ce  village,  en  leur  recommandant 
le  silence  le  plus  absolu.  Bientôt,  à 
travers  les  vitraux,  les  proscrits  vi- 
rent défiler  les  quinze  cents  baïon- 
nettes; peu  après  ils  reprirent  leur 
marche  vers  Paris;  et  dès  lors  le 
complot  (lu  massacre  échoua  définiti- 
vement. Le  général  Danican,  qui  était 
alors  à  Angers  avec  le  représentant 
Francastel,  écrivit  et  publia  quelque 
temps  après  une  brochure  où  il  se 
vantait  d'avoir  sauvé  les  132  de  la 
noyade  au  Pont-de-Cé.  Ils  arrivèrent 
dans  la  capitale  et  furent  répartis  dans 
diverses  prisons.  —  Aucune  charge 
n'avait  été  envoyée  contre  eux.  On 
s'étonna;  Fouquier-Tinville  ne  savait 
sur  quoi  motiver  un  acte  d'accusa- 
tion. Il  lui  fallait  des  faits  vrais  ou 
faux  et  des  charges  quelconques.  Il 
écrivit  plusieurs  fois  à  Nantes  pour  en 
demander  ;  et,  pris  au  dépourvu,  trois 
fois  Carrier  et  le  comité  révolution- 
naire n'envoyèrent  et  ne  purent  en- 
voyer que  des  notes  insignifiantes  ou 
ridicules.  La  plupart  des  prévenus 
n'avaient  pour  acte  d'accusation  que 
les  seuls  mots  fédéraliste  ouroyalis- 
/e;  et  l'un  d'eux,  nommé  Perrotin,  ne 
se  trouvait  recommandé  à  l'échafaud 
que  par  l'épithète  de  muscadin.  Ce- 
pendant la  mise  en  jugement  se  trou- 
vait ainsi  retardée,  et  le  9  thermidor 
n'était  pas  éloigné.  Aidé  par  deux 
de  ses  compagnons  d'infortune,  Pec- 
cot,ex-administrateur  du  départ.de  la 
Loire-Inférieure,  et  Pineau  du  Pa- 
villon, ex-juge  du  tribunal  civil  de 
Nantes,  l'auteur  de  cet  article  rédi- 
gea une  Relation  du  voyage  des  cent 
trente -deux  Nantais ,  envoyés  à  Pa- 
ris par  le  comité  révolutionnaire  de 
Nantes  (l).  Cette  pièce  porte  la  date 

(i)   Cette  Relation,  quoique  réimprimée 


378 


REA 


du  !«''  messidor  *,  elle  est  suivie  d'un 
post-scriptum  date'  du  30  thermidor. 
On  souscrivit  volontiers  pour  les 
frais  d'impression,  mais  il  fut  difficile 
de  trouver  des  signataires;  on  ne  put 
en  re'unir  que  dix  ;  et  même  l'un  des 
rédacteurs  (Pineau  du  Pavillon)  crai- 
gnit, en  signant,  de  se  compromet- 
tre. Plusieurs  autres ,  qui  avaient  un 
moment  montré  plus  de  courage , 
vinrent  rayer  le  seing  qu'ils  avaient 
d'abord  donne'.  Un  honnête  homme  , 
l'imprimeur  Ballard ,  portant  un 
nom  ancien  dans  la  librairie,  se  char- 
gea d'imprimer  la  Relation;  et  se 
conformant  avec  zèleauxinstructions 
qui  lui  furent  données,  il  en  fit  por- 
ter six  cents  exemplaires  à  la  Con- 
vention nationale  et  six  cents  à  la  So- 
ciété des  Jacobins.  Le  ballot  destiné 
à  celle-ci  fut  remis  au  secrétariat  oii 
se  trouvaient  seulement  alors  deux 
frères  et  amis.  Le  ballot  est  défait  par 
eux  ;  le  titre  leur  paraît  piquant  : 
«Mais,  dit  l'un  des  frères,  si,  au 
«  lieu  de  faire  distribuer  cet  écrit  à 
«  la  séance  de  ce  soir,  nous  le  fai- 
«  sions  crier  et  vendre  dans  Paris,  ce 
"  serait  pour  nous  une  bonne  aubai- 
«  ne,  et  nous  partagerions.  »■  11  y  eut 
adhésion  de  la  part  du  camarade.  A 
cette  époque,  les  rues  de  Paris  étaient 
remplies  de  crieurs.  La  Relation  fut 
d'abord  vendue  jusqu'à  dix  francs,  et 
le  premier  jour  le  prix  ne  baissa  pas 
au-dessous  de  cinq.  Le  lendemain,  la 
Relation  parut  réimprimée,  et,  pen- 
dant huit  jours,  de  nouvelles  édi- 
tions furent  criées.  Enfin,  le  prix 
descendit  à  dix  sous.  Dès  lors  le  suc- 
cès de  la  révolution  de  thermidor  pa- 
rut assuré,  et  l'acquittement  de  ceux 

riiiqou  six  fois  dans  l'ospaiedc  quinze  jours, 
est  (Jevenuc  aujourd'hui  assez  nue  :  un  con- 
seiller d'Etat  du  roi  de  Prusse,  Siliœll,a  re- 
inHM|ué  et  fuit  iinj)rimer  que  icVeMelation 
iv^it  clé  traduite  en  plusieurs  langues. 


REA 

des  132  Nantais  qui  vivaient  encore, 
car  le  tiers  en  était  déjà  mort  de  mi- 
sère et  de  chagrin,  ne  se  montra  plus 
douteux;  le  comité  révolutionnaire 
de  Nantes  dut,  ainsi  que  Carrier,  pré- 
voir une  prochaine  mise  en  jugement  ; 
et  c'est  ainsi  que  la  cupidité  de  deux 
jacobins  rendit  impossible  la  conti- 
nuation du  règne  de  la  terreur  (2). — 
Il  avait  été  arrêté  que  les  membres 
du  comité  révolutionnaire  de  Nan- 
tes ne  seraient  mis  en  jugement 
qu'après  que  le  tribunal  aurait  pro- 
noncé sur  les  132  Nantais  qui ,  déci- 
més par  les  souffrances  et  par  les  ma- 
ladies, se  trouvaient  réduits  à  92.11 
avait  aussi  été  convenu  que  ces  deux 
tiers  survivants  seraient  tous  acquit- 
tés pour  rendre  plus  odieux  le  parti 
vaincu  qui  les  avait  proscrits.  Cepen- 
dant il  y  eut  des  conclusions  à  mort 
prises  par  le  substitut  de  Fouquier- 
Tinville  (Petit)  contre  l'auteur  de  cet 
article  qui,  dans  ce  procès,  avait  le 
triste  honneur  d'occuper  ce  qu'on 
appelait  le  fauteuil^  et  contre  Sotin, 
qui  devint  bientôt  après  administra- 
teur du  département  de  Paris,  et  puis 
ministre  de  la  police  générale.  Un  fait 
étrange,  qui  suffirait  seul  pour  faire 
connaître  jusqu'où  s'étendaient,  à 
cette  époque,  l'anarchie  et  le  mépris 
des  lois,  mérite  d'être  ici  consigné. 
Pendant  le  réquisitoire  du  nunistère 
public,  le  tribunal  révolutionnaire 
leva  brusquement  la  séance  sans  lais- 
ser achever  la  lecture  d'une  pièce  si- 
gnée Lan  juinais ,  Lesage  (d'Eure-et- 
Loir),  et  autres  députés  proscrits  qui 
s'étaient  réfugiés  à  Caen  après  la  jour- 
née du  31  mai.  Cette  pièce,  quâlifi('e 
de  liberlicide,  portait  aussi  la  signa- 
ture imprimée  de  Sotin  ci  colle  do 


(•i)  Le»  faits  cité»  ci-dessus  sont  cunsigiiéa 
iivre  des  détails  ruricux  pt  d'iiutros  faits  în- 
tércsMnts  dan»  «ette  bwM  hure . 


REA 

l'auteor  de  cet  article,  qne  le  terrible 
substitut  accnsait  non-seulement  d'a- 
voir été  l'un  des  signataires,  mais 
aussi  le  coupable  rédacteur  de  l'acte 
fe'déraliste.  Si  la  lecture  eflt  été  ache- 
vée, il  devenait  difficile,  sinon  im- 
possible pour  le  parti  dont  Real  suivait 
la  bannière,  de  faire  acquitter,  comme 
il  était  convenu ,  la  masse  entière 
des  accusés.  La  séance  ayant  donc  été 
soudainement  levée  ,  le  résumé  du 
président  et  le  jugement  furent  re- 
mis au  lendemain.  Mais  à  peine  les 
Nantais  étaient-ils  rentrés  dans  leur 
prison,  que  le  concierge  Richard  vint 
trouver  l'auteur  de  cet  article  :  •  Ci- 
«  toyen,  lui  dit-il,  on  te  demande  an 
«  greffe.  »  Le  concierge  est  à  l'instant 
suivi,  et  c'est  un  desjnrés,  le  fameux 
Topino-Lebriin ,  qui  se  présente  et 
dit  :  «  Citoyen,  je  viens  t'annoncer 
«  que  le  jury  est  indigné  des  conclu- 
«  sions  prises  contre  toi  par  l'accu- 

■  sateur  public  (il  avait  commencé 

•  par  les  prendre  une  première  fois 

•  avant  de  les  motiver.)  Sois  tran- 

■  quille,  demain  tu  seras  acquitté; 
«  dis  à  Sotin  d'être  tranquille  aussi  : 
«  i!  sera  acquitté  comme  toi.  »  Et  le 
juré  se  retira.  Cependant  le  lende- 
main, la  lecture  commencée  rie  la 
pièce  liberlicide  par  l'accusateur  pu- 
blic ne  fut  point  continuée.  Après  le 
résumé  du  président,  le  jury  étant 
réuni  pour  délibérer,  il  y  Ciit  d'abord 
dix  voix  à  mort  sur  douze  contre  Vil- 
le nave  et  Sotin.  Mais  alors  Topino- 
Lebrun,  que  les  deux  accusés  ne  con- 
naissaient nuilensent  et  qu'ils  n'a- 
vaient jamais  vu  qut^  dans  ses  ter- 
ribles fonctions  d'arbitre  suprême  de 
leur  vie;  Topino- Lebrun  qui  avait 
déjà  envoyé  à  l'écbafaud  tant  d'illus- 
tres victimes  (car  les  jurés  du  tribu- 
nal révolutionnaire  étaient  presque 
inamovibles),  s'inquiéta  sans  doute 
de  ce  qne  pourraient  penser  de  son 


REÂ 


379 


peu  de  crédit  deux  hommes  à  qui  il 
était  venu,  de  son  chef,  annoncer  d'a- 
vance comme  certain  leur  acquitte- 
ment; Topino  qui  devait  être  aussi, 
comme  Real,  initié  dans  les  secrets 
du  nouveau  parti,  prit  la  parole,  et 
comme  il  avait  une  grande  inQÎience 
sur  ses  collègues,  il  les  ramena  si 
bien  que  les  dix  voix  pour  la  con^ 
damnation  se  métamorphosèrent  sou- 
dain en  dix  voix  pour  l'acquitte- 
ment. Ainsi  finit  ce  procès  mémora- 
ble dont  les  débats,  ouverts  le  22  fruc- 
tidor an  II  (8  septembre  1T94),  furent 
terminés  par  un  acquittement  géné- 
ral le  28  fructidor  (14  sept.).  Une 
autre  circonstance  mérite  d'être  re- 
marquée :  le  tribunal  révolutionnaire 
crut  ne  pouvoir  s'empêcher  de  recon- 
naître qu'il  y  avait  eu  à  Narites,  au 
mois  de  juil let  1 793,  ce  qu'on  appelait 
alors  une  conspiration  fédéraliste 
contre  l'unité  et  l'indivisibilité  de  la 
république.  En  const-quence,  huit  ac- 
cusés duut  trois  administrateurs  du 
départeuient,  le  procureur  de  la  com- 
mune et  un  officier  municipal  furent 
déclarés  convaincus  d'être  auiewrs  ou 
complices  des  actes  fédéralistes,  etc. 
Mais  comme  on  ne  voulait  dans  ce 
procès  aucune  condamnation,  le  ju- 
gement porte  que  tous  ceux  qui  ont 
conspiré  ne  l'ont  pas  fait  mécham- 
ment et  avec  des  intentions  contre- 
révolutionnaires,  comme  si  l'on  pou- 
vait conspirer  la  subversion  d'un  gou- 
vernement avec  les  intentions  de  ne 
pas  le  renverser!  Telle  était  la  logi- 
que d'un  parti  qui  voulait  dominer. 
En  même  temps,  le  Bulletin  des  lois 
de  la  république  publia  de  nombreux 
décrets  accordant  des  indemnités, 
d'ailleurs  bien  méritées,  aux  Nantais 
acquittés  qui,  du  moins  en  grande 
partie,  ne  les  avaient  point  récla- 
mées ,  et  ces  indemnités  piu-ent  pa- 
raître avoir  un  but  politirpie  étranger 


380 


REA 


à  Ja  justice  et  à  l'humanité.  Bientôt 
après ,  le  comité  révolutionnaire  de 
Nantes  fut  mis  en  jugement  devant  le 
même  tribunal  et  les  mêmes  jurés  qui 
venaient  d'acquitter  les  Nantais.  Des 
crimes  inouïs  allaient  être  judi- 
ciairement dévoilés.  Tronson  duCou- 
dray,  avec  l'auteur  de  cet  article 
et  Real ,  siégeaient  au  banc  des  dé- 
fenseurs. Les  deux  premiers,  qui  ne 
voulaient  qu'une  occasion  de  plaider 
la  cause  nationale  et  celle  de  l'huma- 
nité ,  ne  pouvaient  être  entendus 
qu'autant  qu'ils  défendraient  chacun 
un  des  accusés.  Ils  se  concertèrent 
donc,  et  firent  choix  de  deux  êtres 
passifs,  sans  volonté,  sachant  à  peine 
lire,  et  qui  n'étaient  que  des  machines 
obéissantes  au  mouvement  imprimé. 
Les  débats  s'ouvrirent  le  25  vendé- 
miaire an  III  (16  oct.  1794),  pour  ne 
linir  que  le  26  frimaire  (6  déc).  Ils 
duraient  déjà  depuis  une  quinzaine 
de  jours,  et  le  principal  coupable, 
Carrier,  siégeait  encore  à  la  Conven- 
tion ,  qui  tenait  alors  double  séance, 
le  matin  et  le  soir ,  an  château  des 
Tuileries.  Carrier  se  défendait  à  la 
tribune  nationale;  il  y  lisait  des  mé- 
moires justificatifs  qui  furent  impri- 
més. Les  hommes  dits  de  la  Monta- 
gne appuyaient  leur  collègue,  et  ob- 
jectaient sans  cesse  que  deux  ou 
trois  cents  Nantais,  qui  avaient  fait 
et  signé  des  déclarations  contre  Car- 
rier, ne  méritaient  aucune  créance, 
parce  qu'ils  étaient  des  contre-révo- 
lutionnaires, amis  et  complices  des 
brigands  de  la  Vendée.  Ils  insistaient 
surtout  sur  ce  qu'il  n'était  produit  au- 
cun acte  coupable  émané  de  Carrier, 
et  signé  de  sa  main.  Entin  la  majorité 
do  la  Convention  paraissait,  quoique 
à  regret,  disposée,  faute  de  preuve,  à 
ne  pas  traduire  le  proconsul  en  juge- 
jnent,  lorsque  le  comité  de  sûreté  gé- 
nérale fut  informé  par  Clausel ,  l'un 


REA 

de  ses  membres ,  que  dans  le  'greïïe 
du  tribunal  criminel  de  Nantes  se 
trouvaient  deux  actes  signés  Carrier, 
portant  ordre  à  l'accusateur  public 
(Phelippes  de  TronjoUy)  de  faire  sur- 
le-champ  exécuter,  sans  jugement,  une 
vingtaine  de  prisonniers,  au  nombre 
desquels  se  trouvait  une  tille  de  qua- 
torze ou  quinze  ans.  Le  comité  de 
sûreté  générale  fit  partir  immédiate- 
ment son  secrétaire -général  ponr 
Nantes,  d'où  il  revint,  trois  jours 
après,  avec  les  deux  pièces  en  origi- 
nal et  signées  Carrier.  Elles  furent 
produites  à  la  tribune  de  la  Conven- 
tion nationale.  Les  Montagnards  éba- 
his se  turent ,  et  Carrier  fut  envoyé 
au  tribunal  révolutionnaire.  Dans 
une  des  séances  de  ce  tribunal ,  Car- 
rier qui  avait  eu  des  préventions  con- 
tre Real,  et  qui  les  avait  manifestées 
en  voulant  récuser  quelques  jurés, 
Carrier  se  félicita  d'avoir  Real  pour 
défenseur  :  alors  celui-ci  s'écria  qu'il 
se  faisait  gloire  de  le  défendre;  cl  aus- 
sitôt Carrier  s'élançant  du  haut  de 
l'estrade  oîi  siégeaient  les  principaux 
accusés ,  et  Real  s'élançant  aussi  du 
banc  des  défenseurs,  se  joignirent  au 
milieu  de  l'estrade,  et  s'étreignircnt 
cordialement.  11  est  juste  de  dire  ici 
que  le  proconsul  alléguait,  pour  sa 
défense,  la  conduite  qu'il  avait  tenue 
dans  de  précédentes  missions  en  Nor- 
mandie et  à  Rennes,  défiant  qu'on  pût 
citer  aucune  arrestation  par  lui  ordon- 
née avant  son  arrivée  à  Nantes.  «  Mais 
«j'étais,  dit-il,  à  peine  entré  dans 
«  cette  ville,où  les  arrestations  avaient 
«  déjà  commencé  par  ordre  du  co- 
«  mité  qui  n'avait  point  été  institué 
•  par  moi,  que  cette  ville  me  fut  re- 
«  prtîsentée  comme  un  repaire  de  bri- 
«  gands,  comme  le  foyer  Icplus  ardent 
«  des  guerres  de  la  Vendée.  Je  ne  con- 
«  naissais  personne  à  Nantes ,  et  de 
«  mon  chef  je  n'y  ai  fait  arrêter  un 


REA 

«  seul  chat,  si  ce  n'est  les  Arnoux , 

•  qui  logeaient  dans  ma  maison. 
«  Mais  le  comité  me  dénonçait  sans 

•  cesse  les  habitants  comme  des  con- 
«  tre- révolutionnaires,  et  moi  je 
«  donnais  des  ordres  d'arrestation.  » 
Tontes  ces  assertions,  énoncées  en 
présence  du  comité,  restèrent  sans 
réfutation.  Plusieurs  membres  de 
la  Convention  vinrent  déposer  de  la 
bonté  de  Carrier  et  de  la  douceur 
de  son  caractère.  Ajoutons  qu'il  est 
bien  connu  à  Nantes  que  c'était 
Goullin,  meneur  absolu  du  comité, 
qui  gouvernait  tout  et  Carrier  lui- 
même,  par  des  meuaces  de  le  dénon- 
cer comme  modéré.  D'ailleurs  on  ne 
peut  vouloir  ici  défendre  Carrier  qui, 
en  état  d'ivresse,  était  capable  de 
tons  les  crimes.  Dans  les  premières 
séances  du  procès,  uue  grande  quan- 
tité de  témoins  à  décharge  fut,  à  la 
requête  du  ministère  public,  placée 
au  rang  des  accusés.  Bientôt  ces  nou- 
veaux prévenus  dépassèrent  du  dou- 
ble le  nombre  des  membres  du  co- 
mité portés  dans  l'acte  d'accusation. 
Plusieurs  de  ces  témoins,  changés  en 
accusés,  avaient  fait  partie  d'une  com- 
pagnie dite  de  Marat ,  qui  procédait 
à  Kautes  aux  arrestations  domici- 
liaires, aux  noyades,  etc.  On  pa- 
raissait d'abord  vouloir  faire  une 
éclatante  justice  de  tous  les  coupa- 
bles, lorsque  subitement  ce  zèle  s'é^ 
vaiiouil,  et  voici  quelle  en  fut  la  cau- 
se :  ce  qu'on  appelait  alors  la  Jeu- 
neise  dorée,  oubliant  toute  sage  et 
prudente  politique  ,  commença  vive- 
ment à  déclamer,  dans  la  société ,  au 
théâtre  et  dans  les  journaux ,  contre 
Tallien ,  Fréron ,  et  autres  personna- 
ges qui,  se  voyant  menacés,  dénon- 
cés à  l'opinion  publique  comme  na- 
guère révolutionnaires  fougueux,  se 
ravisèrent  en  disant  :  «  Où  allons- 

•  nous?  si  nous  continuons  de  mar- 


REA 


381 


«  cher  dans  cette  voie  de  réparation 
«  et  de  modérantisme .  nous  sommes 
«  perdus.  »  Antonelle,  Real,  Dufour- 
ny,  d'Obsent,  président  du  tribunal 
révolutionnaire,  sentirent  aussi,  dans 
leur  intérêt,  le  besoin  de  revenir  sur 
leurs  pas,  et  ils  procédèrent  si  bien 
dans  leur  revirement,  que  bientôt 
le  si  long  procès  de  Carrier  et  du  Co- 
mité révolutionnaire  de  Nantes  pa- 
rut devoir  aboutir  à  une  absolution 
générale.  Les  témoins  qu'on  avait  fait 
asseoir  en  si  grand  nombre  au  rang 
des  accusés  ne  semblaient  d'avance 
courir  aucun  danger.  Il  n'y  eut  en  clfet 
que  trois  condamnations;  celle  de  Car- 
rier ne  pouvait  être  évitée.  11  était  con- 
vaincu pardeux  actes  effroyables:  mais 
tous  les  membres  influents  du  comité 
furent  acquittés.  On  ne  condamna  que 
deux  bourreaux  obscurs,  noyeurs 
presque  aussi  peu  intelligents  que  les 
bateaux  à  soupape.  Cependant  tous 
les  accusés  furent  déclarés  atteints  et 
convaincus  d'avoir  donné,  exécuté 
ou  fait  exécuter  des  ordres  abomina- 
bles ;  mais  ils  furent  reconnus  avoir, 
les  uns  agi  sans  discernement,  et  les 
autres  sans  intentions  coupables. 
Il  y  avait  donc  alors  plus  que  des  cir- 
constances atténuantes  :  il  y  avait  ju- 
diciairement, dans  le  crime  prouvé, 
effacement  du  crime.Voici  un  incident 
curieux  et  tout  à  fait  inconnu  de  ce 
procès  mémorable.  Le  G  décembre 
1794,  l'audition  des  témoins  finie  et 
le  ministère  public  entendu,  la  parole 
fut  donnée  à Tronson  du  Coudray,  qiii 
plaida  la  cause  générale  ou  l'ensem- 
ble du  procès.  Son  plaidoyer  lut  ter- 
miné à  onze  heures  du  soir.  Alors  Real, 
qui  défendait  les  principaux  accusés, 
ayant  été  invité  à  prendre  la  parole  : 
•  Citoyen  président,  dit- il,  je  de- 
«  mande  à  ne  plaider  qu'après  le  ci- 
«  toyen  Villenave,  prévoyantque  j'au- 
«  rai  à  lecombattre.»  D'Obsentaectteil^ 


382 


REA^ 


lit  cette  demande,  et  l'auteur  de  cet 
article  commença  sa  plaidoirie.  Un 
quart  d'heure  s'était  à  peine  écoulé, 
lorsqu'une  assez  vive  agitation  se 
montra  parmi  les  juges  et  les  jurés. 
Le  président  se  lève,  annonce  que  la 
séance  est  un  moment  suspendue,  et 
les  juges,  les  jurés  et  Real  entrent 
dans  le  greffe.  Bientôt  le  greffier  en 
chef  du  tribunal  révolutionnaire  Pa- 
ris, qui  se  faisait  appeler  Fabricius, 
vient  inviter  le  défenseur  plaidant  à 
venir  se  rafraîchir  avec  les  juges  et 
les  jurés.  La  porte  du  greffe  qui  don- 
nait dans  la  salle  du  tribunal  (3)  était 
restée  ouverte;  le  défenseur  entend 
prononcer  son  nom  avec  colère  et  suivi 
de  l'épithète  scélérat.  Quel  était  donc 
son  crime?...  Il  venait  de  plaider  que, 
dans  la  journée  du  31  mai,  les  seuls 
coupables  avaient  été  ceux  (jui  firent 
cette  journée,  ceux  qui  poursuivirent 
Ie;s  Girondins  comme  fédéralistes  et 
conspirateurs.  Il  y  avait  à  celte  épo- 
que courage  et  danger  dans  cette  dé- 
claration; car  alors  Laiijuinais,Le  Sage 
d'Eure-et-Loir,  Louvet  et  d'autres  con- 
ventionnels se  trouvaient  encore  hors 
la  loi;  car  alors  les  71  députés  empri- 
sonnés comme  fédéralistes  n'étaient 
pas  encore  rendus  à  la  liberté.  De  plus , 
les  jurés  qui  siégeaient  dans  le  procès 
de  Carrier  avaient  pour  la  plupart  con- 
damné les  Girondins.  Le  président 
d'Obsent  avait  aussi  joué  un  rôle 
dans  la  journée  du  31  mai.  Il  racon- 
tait, dans  le  greffe,  la  part  qu'il  y 
avait  prise.  «  Eh  bien!  disait-il,  il  est 
«  vrai  que,  le  31  mai,  je  me  rendis  en 
«  pantoufleseten  bonnet  de  nuit,  suivi 
«de  cinq  àsix  jacobins,  dans  lasalle  où 
«  siégeaient  les  officiers  nuinicipaux, 
i  et  que  je  leur  dis  :  Au  nom  du  peuple, 


(!J)  Cette  salle  du  tribunal  rcvuiution- 
nairt!  est  uujuurii'liiii  veUc  <lti  lu  ruur  de 
V'Miatiou. 


REA 

«  je  vous  destitue.  11  est  vrai  qu'une 
«  demi-heure  après  je  revins,  dans  le 
«  même  costume,  avec  le  même  cor- 
«  tége ,  dire  :  Au  nom  du  peuple ,  je 
«  vous  rétablis  dans  vos  fonctions... 
«  Et  si  l'on  veut  me  guillotiner,  qu'on 
«  me  guillotine! .  Et  Real  alors  s'é- 
crie :  «  Laissez  faire,  laissez  faire: 
«  demain  je  vous  vengerai.  »  Le  vieux 
Dufourny ,  présent  à  cette  scène , 
écumait  de  rage.  Antonelle  qui  n'é- 
tait plus  membre  du  jury,  mais  qui 
le  dirigeait ,  ne  cachait  point  son 
émotion.  Le  défenseur  avait  regagné 
son  banc,  le  tribunal  et  les  jurés 
avaient-  repris  leurs  sièges.  La  plai- 
doirie continua  et  ne  fut  terminée 
qu'à  deux  heures  du  matin  (4).  Le 
lendemain,  fidèle  à  sa  promesse,  Real 
commença  sa  défense  de  Carrier  et 
du  comité  révolutionnaire  par  plai- 
der pendant  une  demi-heure  contre 
l'auteur  de  cet  article  qu'il  signal» 
comme  un  indigne  fédéraliste,  comme 
un  an>i  de  Lanjuinais  et  de  Louvet,  et 
il  fit  une  longue  apologie  de  la  jour- 
née du  31  mai.— L'acquittementdu  co- 
mité révolutionnaire  de  Nantes,  dé- 
fendu par  Real,  avait  soulevé  l'indi- 
gnation publique.  La  Convention  la 
partageait.  Le  rapporteur  du  comité 
de  législation  demanda  et  obtint  que 
l'affaire  du  comité  fût  renvoyée  devant 
un  autre  tribunal,  et  ce  renvoi  fut 
motivé  par  une  distinction  subtile 
qui  pouvait  être  comUàttue  avec  suc- 
cès. Le  rapporteur  avait  dit  :  «  Vous 
«  pouvez  remettre  en  jugement  les  ci- 


(4)  Pendaut  plusieurs  semaines  les  jour- 
naux puLilicreut  diuque  jour  des  extraits  Ue 
ce  plaidoyer  (jui  fut  iuiprinié  séparément, 
in-8o  de  8  et  9  pages,  et  qui  il  été  traduit  en 
plusieurs  langues.  Le  plaidoyer  de  Trouson 
du  Coudray  lut  imprimé  à  part,  in  80.  An- 
tooelle  publia  une  lougue  brochure  sur  cei 
deux  plaidoyers,  mais  Réul  ue  iit  doouer  au 
sien  aucune  publicitét 


REA 

•  toyens  acquittés  par  le  jugement  du 
«  20  brumaire ,  1°  parce  que ,  dans  le 

•  droit,  le  jury  révolutionnaire  n'a  pas 

•  pu  prononcer  sur  l'intention  pure- 
«  ment  criminelle  :  il  ne  pouvait  pro- 
«  noncer  que  sur  l'intention  contre- 
«  révolutionnaire;  2»  parce  que,  dans 
«  le  fait,  le  jury  n'a  pas  voulu,  n'a  pas 
«  entendu  prononcer  sur  cette  inten- 
«  tion  purement  criminelle;  parce  que 

•  le  jury  n'a  considéré  l'intention  cri- 
-  rainelle,  sur  laquelle  il  a  prononcé, 
«que  relativement  au  délit  contre- 

•  révolutionnaire.  »  Ce  raisonnement 
pouvait  n'être  pas  sans  réfutation 
puissante.  Real  sentit  le  besoin  de  se 
justifier,  et  fit  insérer  dans  quelques 
journaux  (5)  une  lettre  curieuse  dont 
voici  le  début  :  «  Défiez- vous  de  votre 

•  sensibilité  lorsqu'il  s'agit  de  pro- 

•  noncer  sur  les  principes.  Défiez- 

•  vous  de  l'enthousiasme  quand  il  s'a  ■ 

•  git  de  la  vie  des  hommes.  Méfiez- 

•  vous  de  tous  ceux  qui  demandent  du 
«  sang.  »  Puis  il  entre  en  matière.  Ses 
raisonnements  ne  manquent  point  de 
force,  et  il  termine  en  ces  termes  :  «  Il 

•  sera  possible  de  répondre  à  ces 
«  moyens  par  des  injures.  Ou  pourra, 

•  comme  sous  Robespierre,  dire  qu'il 

•  n'y  a  que  l«s  complices  qui  puissent 
'  défendre  les  coupables;  mais  il  sera 
«  un  peu  plusdifficilede répondre  par 

•  des  raisons.»  Les  membres  du  comité 
de  Nantes,  et  ceux  de  la  compagnie 
Marat,  acquittés  par  le  tribunal  révo- 
lutionnaire de  Paris,  furent  renvoyés 
devant  le  tribunal  criminel  d'Angers, 
puis  acquittés  une  seconde  fois  et 
mis  en  liberté.  —  Real  se  montra , 
dans  sa  carrière  politique,  sous  des 
aspects  plus  d'une  fois  contradictoi- 
res. C'est  ainsi  que  la  même  année 
(1795)  on  le  vit  défendre  avec  une 


KEA 


383 


égale  chaleur  Carrier,  le  comité  révo- 
lutionnaire de  Nantes,  et  Lacroix,  ré- 
dacteur du  Spectateur  français  ,  ac- 
cusé, dans  le  sein  de  la  Convention 
nationale,  par  Bourdon,  d'avoir  pro- 
voqué le  rétablissement  de  la  monar- 
chie. Real  lit  insérer  dans  les  jour- 
naux du  temps  (ti)  une  lettre  dans  la- 
quelle il  s'emporta  contre  le  conven- 
tionnel   dénonciateur   :  «  Je  veux 

•  croire ,  Bourdon  ,  que ,  comme  lo 

-  purgatoire,  tu  es  rempli  d'excellen- 
«  tes  intentions;  mais  as-tu  réfléchi 

•  qu'en  traitant  cet  homme  de  scé- 
«  lérat,  qu'en  parlant  de  supplice,  ce 

•  n'est  plus  au  jugement.  Bourdon, 
«  c'est  à  la  mort  que  tu  l'envoies... 
«Ne  te  souvient-il  pas.  Bourdon, 
«  de  ce  décret  sollicité  par  toi,  qui 

•  casse  un  tribunal  pour  n'avoir  pas 
«  assez  tué?  »  Plus  bas  il  s'écria  : 
«  Je  jure  que  Lacroix  n'a  point  pro- 
«  voqué,  n'a  point  voulu  provoquer 

•  le  rétablissement  de  la  royauté.  » 
Et  il  ajoute  :  .  Dans  un  écrit  qui  pa- 

•  raîtra  sous  deux  jours,  je  démon- 

•  trerai  l'innocence  de  l'homme  et 
«  l'absurdité  de  l'accusation  (7). .  Ci- 
tons encore  ce  passage  de  la  lettre  de 
Real  qui  fait  bien  connaître  l'esprit  de 
cette  époque:  «Ruez-vous  donc,  mal- 
'  heureux,  dans  le  sens  des  opinions 

•  dominantes  ;   faites-vous,  comme 

•  sous  Robespierre,  une  réputation  de 
«  palriotismeaux  dépensdes  victimes 
«  dont  vous  demandez  aussi  l'égor- 

•  gement.  Continuez  à  fouJer  aux 

•  pieds  les  principes  pour  suivre  vos 

-  passions,  vos  haines,  vos  vengean- 
«  ces.  Ressuscitez,  contre  les  hommes 

•  que  vous  n'aimez  pas,  le  régime  de 

•  terreur  et  de  mort  que  vous  mau- 


{^)  Voy.   le  Journal  du  matin  (  i«f  iaur. 
1795). 


(6)  Voy.  le  fameux  Journal  du  hommes  ti- 
bres,  du  14  ventôse  an  lll  (4  mars  1795). 

(7)  Cet  écrit  dut  paraître  imprimé;  il  n'est 
poiat  cité  dans  la  France  littérairt  de  H.  Que» 
rard. 


,  «  direz  wa  jour,  io»ift tersqu'il .vous 
o4  alteindra.  »  Or,  ,éa]«)ratoeBçant 
kfiélteletlre,  Béai  disait  :«iLorsque  je 
ii'fctidéfendis  de  si  iottwe  foiAos  raem- 
^«•ibres  du  comité  réyolutionnaire  de 
-2»jNantes ,  ks  messieurs)  les  élégants 
-«a  ^le  déc!arèrent4*u*«Mr  <ie  sang;  et, 
'.  !!«  !après  la  publicité  decette  lettre  que 
>!ntjéTécianie,  il  sera  évident  que  je 
i'(>*jguis;un  royaliste.  »i  Et^  en  effet,  le 
edëftînacur  <lfi  Carrier^  du  comité  de 
«ffïfautes,  et  de  l'auteur  d*i  Spectateur 
iiftiançaiSf  à  la  même  époque,  pouvait 
■donner,  lieu  à  cette  double  inculpa- 
-  tion.— Real  défendit  Babeuf  et  ses  co- 
accusés devant  la  haute  cour  de  Ven- 
dOme  (an  V,  1797).  Il  se  montra  si 
violent  et  si  passionné ,  pendant  les 
longs  débats  de  ce  procès,  qu'il  pa- 
raît convenaWle  de  neciter  ici  que  les 
faits  suivants  extraits  du, il/omïewr. 
>  On  vit  plusieurs  fois  les  accusés,  ex- 
cités par  les  déclamations  et  les  eni- 
portement&  du  défenseur,  traiter  les 
juges  de  royalistes ,  de  coquins,  de 
scélérats.  Tandis  que  Real  prenait  à 
i  partie  l'accusateur  pid)lic  Bailly,  un 
des  prévenus  ,  nommé  Germain ,  se 
J  .mit  à  crier  à  ce  magistrat  :  «  Tu  n'es 
/  *  qu'une  bétc  :  tais-toi."  Les  accusés  se 
mirent  plusieurs  fois  à  chanter  des 
hymnes  révolutionnaires.  Un  jour, 
Real  parut  passer  toutes  les  bornes, 
•:et  le  désordre  du  scandale  devint  si 
grand  qiie,parjugement  rendu,  la  pa- 
role fut  ôtée.au  défenseur  vainement 
rappelé  au  respect  dû  à  la  haute  cour. 
,  Dans  la  séance  du  27  avril,  un  autre 
jugement  lui  Ote  encore  la  parole.  Sou- 
/  tlain  les  accusés  l'ont  entendre  de  yives 
.  imprécations  vils  vocifèrent,  ils  chan- 
j  tent,  et  les  plus  exaltés  sont  enlevés 
de  la  salle  d'audience,  traînés  ou  re- 
portés dans  leurs  cachots  :  les  débats 
',  ,<;pntinucnt  non  sans  confusion.  Dans 
îila  séance  du  18  mai ,  Vieillard,  ad- 
joint à  Faccusatciir  ']Hiblic,   ayant 


REA 

ayaqeéqueJa  famine  de  l'an  «iJwait 
eu  son  principe  dans  le  règne  de  k 
terrem-i,  Real  s'écria  que  cette  lami^ 
avait  été  causée  par  ta  réaction  «jai 
suivit  la  chute  de  Robespierre.  Peii- 
danl  les  débats,  un  billet  aait  porté 
à  l'un  des  accusés,  l'eX'ConvenbMU- 
.  nel,  Laignelot:  ce  billet  est  saisi. 
Soudain  d'ftornfties  cris  sont  enten- 
dus, et.  la  voix  de  Real  est  inek'e;'à 
celles  de  LaigneM  et  des  autres  ac- 
cusés. Dans  son  plaidoyer  du  18  et  du 
19  mai,  Real  fit  l'histoire  générale  de 
la  révolution  et  l'apologie  de  ses  prin- 
cipales époques.  11  alla  jusqu'à  se 
plaindre  de  ce  que  les  rues  de  Paris, 
qui  avaient  été  débaptisées  comme 
portant  des  noms  royalistes,  ou  aris- 
tocratiques, ou  religieux,  avaient  re- 
pris leurs  vieilles  déuominatrons  ;  il 
déclama  contre  l'ex-conventionael 
Cochon,  alors  miqistre  de  la  poli«e,' 
et  il  l'accusa  d'une  parfaite  intelli- 
gence avec  les  royali&tesj  En  vain  le 
substitut  Vieillard  traita-t-il  cette 
accusation  de  calomnie  j  Real  persista; 
puis  il  soutint  que  la  conspiration  de 
Babeuf  et  des  ex-conventionnels  rà'é- 
tait  qu'wnc  conspiration  de  niuets  f.t 
qn'unniensonge  dugouvemetmnt  (8). 
Real  termina  son  plaidoyer ,  q^i 
dura  deux  jours,  en  ces  termes: 
«  Si  vous  déclareii  qu?ily  a  eu  con- 
«  spirafion,  les  patriotes  n'ont  plut 
1  d'asile  et  personne  ne  peut  .s'o«- 
«  surcr  un  paisible  somme  il..,  hriaez 
«  dans  la  main  du  gouvernement,  sou- 

•  vent  égaré,  ces  armes  de  dévastation 

•  etdemort.»— Béalétait  uudes  hom- 
mes qui  ont  le  plus  agi,  mais  pas  tou- 
jours dans  le  môme  esprit  et  ilans  le 
même  sens;  ioiis  la  république,  le  di- 


(8)  T^ox-  ÏUiiKrp,  ni,  i5t>,  «-t  1rs  dchats 
<1h  «on  jirocès  qui  fuient  rociitillis  en  iix 
vol.  In-S".  f^o}-.  îitjssUe»  .-ivi.  LATCNKf.oi'. 
J.\l1i,\',r,f„  ut  nnnvvti  IiKii,  S94. 

nu  fr  i 


mw 


^RtA 


S^r, 


rectojn',  le  consulat  et  l'ernpire;  nous 
rnppeUerons  ici  sommairement  qaeU 
t]ues  actes  de  sa  vio  dont  plusiears 
sont  antéripurs  au  procès  de  Babeuf. 
Le  IG  août  179i,  h  la  iribune  des  ja- 
cciliins.  Re'iil  s'éleva  contre  les  com- 
missions popul^tfcs  dont  Robespierre 
avait   Doinmé^^Pb   membres   et   les 
agents,  et  qui  avaient  rejupli  les  pri- 
sons d'une  multitude  de  citoyens  in- 
offensifs.   Il  appela   l'altpntion  des 
frères  et  amis  sur  ces  commissions 
populaires:  mais  les  frères  et  amis 
ajournèrent  leur  ddcision,  se  déliant 
de  Rral  qui,  l'année  précédente,  leur 
avait  été  dénoncé.  Il  reprit  la  parole 
aux  jacobins  dans  la  séance  du  26  août 
179J.  Chacune  des  iH   sections  de 
Paris  avait  encore  alors  soir  comité 
révolutionnaire  ;  on  proposait  de  faire 
nommer  les  membres  de  tous  ces  co- 
mités par  le  peuple  convoqué  en  as- 
si'!iibléesiiéca(Kiire>'.  Thuriot  trouvait 
la  proposili-n  insidieuse:  Kéal  la  dé- 
clara dangoivuse,  mais  il  ne  fut  point 
favorableujeut  écoulé.  Il  sévit  même 
dénoncé  comme  intrigant,  et  son  ar- 
restation fut  proposée  comme  étant 
partisan  de  la  liberté'  illimitée  de  la 
presse  dont  les  terroristes  étaient  les 
plus  ardents*  ennemis.  Real  passait 
alors  pour  modéré.  Dans  une  lettre 
écrite  au  Jl/ontïfur  (23  avril  1794),  il 
racontait  le  dévouement  de  Loizerol- 
Ifs  qui  s'était  substitué  à  son  HIs  con- 
damné k  mort  par  le  tribunal  révolu- 
tionnaire, et  qui  avait  ainsi  voulu  lui 
donner  une  seconde  fois  !avie(9).Car- 
rier  avait  d'abord  regardé  Real  comme 

,'.    On     trouve  «lans   le  Honileur   ilu    jn 


étant  son  ennemi:  v 

les  trois  jurés,  Sanbas,  o ,  l  . 

pIno-Lebrun.  comme  parents  de  Real 
et  amis  de  Tallien  et  de  Fréron,  qu'il 
appelait  ses  plus  cruels  adversaires; 
mais  le  tribunal  arri'i 
séo!jtrp''10^.f.el0j<ï;: 


mença  son  discours  à  la  (Jonventiou 
en  ces  termes  :  La  Rcpubliqxie  démo- 
cratique o*t  la  mort  !  On  trouve ,  dans 
le  Jl/o/u/ fur  du  Qfévrier  1795  (il  plu- 
viôse an  ni),  des  détails  sur  l'oppo- 
sition de  Real  aux  arr 
mune  de  Paris  contr- 
tion  nationale,  le  31  mai  179:^.— Héa! 
rédigeait ,  dans  les  derniers  mois  de 
ITO."»,  une  feuille  publique  ayant  pour 
titre:  Journal  du  Patriote  de  1789; 
il  avait  pris  Mt-hée  pour  collabora 
teur.  Bientôt  l'intitnlé  de  cette  ffuille 
fut  changé  en  celui  de  Journal  rf'* 
Pntriotes  de  17«9.  Le  30  novt: 
un  numéro  <le  ce  journal  fut  dr; 
au  conseil  des  Cinq-Cents  par  le  ia- 
meux  André  Dumont;  maisGéoissteu 
et  Tallien  défendirent  Real  avec  cha- 
leur: firent  valoir  son  patriotisme  et 
les  services  qn'il  avait  rendus.  Alors 
le  journal  de  R-'  'stribuéaux 

membres  des  {.:  «.  aux  frais 

du  gouvernement;  il 
cette  distribution  c.^? 
l'insistance  de  plusieurs  membres, 
et  surtout  du  safee  Defermon ,  les 
observations  do  Tallien  l'emportè- 
rent, et  les  Cinq-Cents  passèrent  à 
l'ordre  du  jour.  Real  publia,  dans 
Fan  IV,  sou  Efi$ai  mr  Uf  journée^ 


blée  Ic^isijtiTe  et  maire  de  r«"tu;  rilie,  ;n.iit 
»anïé  un  iiuminé  V;innk*  <!«•  U  firreiir  df 
pluMrius    \ii;fiine»    tit  uiation»  , 

quoiqut!  ve   Viinrike  •    «1<5  p!u» 

;'"•''''■•  ennismi»  du  •  -m'-a 

LXWIl. 


iteu  l'iipptri  BOiiiiaJii-   Ctuq  •.- 
Tot«>rent:  '.rjS  furent  pour  l'ac 


386 


REA 


du  13  et  du  14  vendémiaire  (lî),et  il 
fut  nommé  historiographe  de  la  Ré- 
publique. Mais,  le  14  novembre  sui- 
vant, Lenoir-Laroché  fit  insérer  au 
Moniteur  un  article  sur  l'inutilité 
dé  la  place  d'historiographe  créée 
pour  Real,  et  dont  il  ne  prit  pas 
long-temps  le  titre  qu'il  ne  cher- 
cha pas  d'ailleurs  à  justifier.  Le  Di- 
rectoire exécutif  avait  créé  cette  place 
pour  Real  avec  appointements.  En 
outre ,  il  lui  faisait  payer  le  prix 
d'un  millier  d'exemplaires  de  chaque 
numéro  de  son  journal  qui  était  dis- 
tribué aux  deux  conseils.  Mais  l'his- 
toriographe-journaliste  ne  se  montra 
pas  très- reconnaissant.  Barthélemi 
Tort  de  la  Sonde ,  accusé  de  conspi- 
ration contre  l'État  en  complicité 
avec  Dumouriez,  fut  défendu  par 
Real  et  acquitté.  Alors  le  défenseur 
rédigea  et  fit  imprimer  (an  V,  1798, 
in-S"),  à  la  suite  du  Procès  de  Tort 
de  la  Sonde,  un  acte  par  lequel  il 
dénonce  et  accuse  devant  le  conseil 
des  Cinq-Cents  le  Directoire  exécu- 
tif et  lé  ministre  de  la  justice  (Merlin 
de  Douai)  comme  coupables  de  pré- 
varication et  d'oppression.  Cepen- 
dant Real  fut  nommé  le  3  sept.  1799 
(17  fructidor  an  VII)  commissaire  du 
Directoire  executif  près  l'adminis- 
tration centrale  de  la  S^ine,  et  un  de 
ses  premiers  actes  fut  la  dénoncia- 
tion aux  tribunaux  d'un  pan)phlet 
qui  avait  pour  titre  :  Pendez  les  jaco- 
bins {Moniteur).  Déjà  Real  était  en 
relation  avec  le  vainqueur  de  l'Italie 
dont  il  se  montrait  le  partisan  dé- 
voué dans  son  Journal  des  Patriotes, 
s'il  faut  en  croire  Saignes  (12),  qui 


(il)  Brorhure  in-8"  qui  fut  traduite  en 
alleinuo J  dans  deux  jouiuuux  intitulés  ,  J'uu 
Mlnerva,  l'autre  i'Va/i A rei'c/i,  I7y5. 

(la)  Voy.  ses  Mémoiret  pour  frrcir  c  r  FTis- 
toirt :da  France  touf  le  pi 
poUon,  loiu.  I,  j>.  a:i5. 


ajoute  '  çn  '  parlant  de  Bonaparte  : 
«  Lui-ifnëme  insérait  quelquefois  des 
«  articles  dans  cette  feuille.  »  Et  Sal- 
gues  rapporte  encore  ce  trait  singu- 
lier :  «  Après  la  fête  des  victoires, 
•  faisant  ses  adieux  au  rédacteur  qu'il 
«  tutoyait,sui  vant  l'^^ge  de  ces  temps 
«  glorieux,  Bonap^rlui  dit  :  Son- 
«  ges-y  bien  :  toujours  moi ,  jamais 
«  que  moi.  »  Et  Salgues  ajoute  encore 
que  le  rédacteur  tint  parole,  ce  qui, 
dans  la  suite,  fut  cause  de  sa  fortune 
et  de  son  élévation.  Real  contribua  au 
succès  de  la  révolution  du  18  bru- 
maire. Ainsi ,  partisan  de  la  républi- 
que en  1793,  il  travailla  sous  le  Di- 
rectoire à  défaire  la  république;  ainsi 
après  s'être  comme  tant  d'autres  paré 
du  titre  de  sans-culotte  sous  la  répu- 
blique, il  se  vit  avec  joie  enrichi  et 
fait  comte  sous  l'empire.  —  Dans  ses 
Mémoires  pour  servir  à  Vhistoirc  de 
France  sous  Napoléon  (13),  M.  le  gé- 
néral G^ourgaud  fait  connaître  la  part 
que  prit  Real  à  la  révolution  du  18 
brumaire.' Le  directeur  Barras  tenait 
encore,  jusqu'au  dernier  moment,  à 
son  autorité  défaillante,  et  il  dissi- 
mulait avec  Bonaparte.  Réàl  et  Fouché 
allèrent  le  trouver  et  le  firent  chan- 
ger de  résolution.  Barras  se  rendit  le 
lendemain  à  huit  heures  du  matin 
chez  le  général  qui  était  encore  au 
lit.  Voulant  absolument  le  voir,  il 
entra  et  dit  qu'il  craignait  de  s'être 
mal  expliqué  la  veille  ;  que  Bonaparte 
pouvait  seul  sauver  la  république, 
qu'il  venait  se  mettre  à  la  disposition 
du  général,  faire  tout  ce  qu'il  lui 
plairait  et  prendre  tel  rôle  qu'il  lui 
donnerait;  que,  dans  tous  les  cas, 
quelque  parti  que  Bonaparte  vouirtt 
prendre,  il  pouvait  compter  sur  Bar- 
ras. Real  et  Fouché  avaient  opt'ré  ce 
changement  remarquable;  mais  l'his- 


REA 

torien.amidévoué  de  Napoléon,  ajou- 
te que,  se  défiant  encore  du  directeur, 
le  général  lui  répondit,  après  avoir 
d'ailleurs  pris  son  parti,  «  qu'il  était 
«  fatigiii',  indispose',  qu'il  ne  pouvait 
«  s'accoutume^  à  l'humidité  de  l'at- 
«  mosphère  de  la  cupitale ,  sortant 
-  du  climat  des  sables  de  l'Arabie,  et 

•  il  termina  l'entretien  par  de  sem- 

•  blables  lieux  communs.»  Oq  trouve 
de  plus  amples  et  curieux  détails  sur 
la  part  que  Béai  et  Fuuché  prirent  à 
la  révoluiion  du  18  brumaire,  et  sur 
une  mystification  du  directeur  Go- 
hier  par  Real,  dans  un  ouvrage  qui  a 
pour  titre  Indiscrétions,  1798-1830; 

jouvenirs  anecdoliques  et  politiques 
tirés  du  portefeuille  d'un  fonction- 
naire de  l  Empire,  mis  en  ordrepaf 
McsMER  Desclozeaux  (14).  Cet  ou- 
vrage est  rare  et  mériterait  d'être 
mieux  connu.  Deux  bibliographes  qui 
en  ont  parlé  en  peu  de  mots.MM.Beu- 
chot  et  Quérard,  ont  pensé»  sans 
oser  rien  aflirmer,  que  Real  pouvait 
bien  n'être  pas  étranger  à  la  com- 
position dudit  ouvrage;  mais  il  suf- 
fit de  le  lire,  et  même  de  le  parcou- 
rir, pour  être  convaincu  que  le  grand 
nombre  de  faits  importants,  où  il  a 
(iguré  dans  ses  fonctions  secrètes , 
n'ont  pu  être  rédigés  et  présentés 
comme  ils  le  sont  que  par  lui-même. 
Il  est  des  mots  qui  n'ont  pu  être  en- 
tendus que  par  lui  dans  les  instruc- 
tions et  dans  les  ordres  qui  lui  ont 
été  donnés;  et,  chef  de  la  police  se- 
crète, il  a  pu  seul  rédiger  une  partie 
deces  «ou  i;gnirs;joh(iÇue«quinesont 
pas  souvent  mal  à  propos  appelés  (par 
l'éditeur  sans  doute)  indiscrétions. 
On  pourra  en  juger  par  ce  qui  va 
suivre,  tout  en  regrettant  que  Real 
n'ait  rien  laissé  sur  sa  vie  politique 

Cr4)  Paris,  Dufey,  libraire  ,  i835  ,  2  vol 


REA 


887 


avant  l'époque  du  consulat  :  il  y  au- 
rait eu  des  matériaux  curieux  pour 
l'histoire  secrète  de  la  révolution. 
Réal^ut ,  sous  le  consulat ,  lié  inti- 
mement avec  Fouché,  et  la  confiance 
du  premier  consul  lui  futd'aburd  ac- 
quise. H  joua  un  rôle  dans  les  grands 
événements  qui  précédèrent,  à  Paris, 
l'élévation  de  Bonaparte  à  l'empire. 
Réal  se  trouvait  avec  Fouché  à  l'O- 
péra au  moment  de  l'explosion  de 
la  machine  infernale.  L'un  et  l'autre 
sortirent  précipitamment  à  pied,  al- 
lant à  la  découverte,  chacun  de  son 
côté,  et  après  s'être  donné  rendez - 
vous  au  ministère  de  la  police^  la 
rueSaint-îiicaise  était  encombrée  de 
curieux ,  de  soldats ,  d'agents  de  la 
police  :  Réal  y  pénétra^  et,  dans  les 
débris  de  la  machine,  alla  chercher 
l'indication  des  auteurs  de  l'attentat. 
Parmi  ces  débris  était  le  cadavre  mu- 
tilé d'un  cheval  :  une  jambe  pouvait 
encore  être  reconnue;  RéaU'examine: 
il  aperçoit,  attaché  au  sabot,  un  fer  qui 
paraissait  nouvellement  placé,  il  pose 
des  sentinelles  ;  bientôt  après,  les  de- 
bris  de  la  charrette  et  du  cheval  sont 
conduits,  par  son  ordre,  à  la  Préfec- 
ture de  police.  Le  lendemain,  tous  les 
charrons  et  tous  les  maréchaux-fer- 
rants  de  la^capitale  y  sont  mandés  :  un 
maréchal  recounaît  le^fer  comme 
étant  sorti  la  veille  de  sa  forge.  Il  ne 
s'agit  plus  que  d'avoir  le  signalement 
de  l'individu  qui  avait  amené  le  che- 
val ;  le  maréchal  le  donne  ;  l'individu 
avait  une  cicatrice  au-dessus  de  l'œil 
gauche  :  c'était  le  signalement  de  Car- 
bon, complice  de  Saint-Réjant  {voy. 
Saim  RÉJAM,  au  Supp.).  —  Dans  le 
procès  de  Georges,  il  y  eut  plusieurs 
individus  arrêtés  et  interrogés  par 
Real.  Un  parfumeur,  demeurant  ruede 
l'Abbaye ,  prévenu  d'avoir  prêté  son 
domicile ,  comme  point  de  r^nion  , 
aux  conspirateurs,  fut  mis  eh  arresta- 
25. 


:i8.s  •  ^  A 

iiii;  .■yt^^|■l([^n  -JOg  - 

tisu, o.  .p. e  seSiUièc^ii'^iKeal 

jeûr  Ut  subir  un  interrogatuire;  v^jici 
quelque^  mcls  de  celui.de  la  nièce. 
«  D;  Qui  a  pu  décider  vos: pai^jils  à 
«  iteeevoir  chez  vous  des  ge^is  qui  s'y 
.  i.  réunissaient  pour  conspirer?  R.  Je 
*  ne  saispas.  Je  uclc  crois  pas...,  mais 
«  ce  que  je  sais^  c'est  que  mes  pa- 
'  «reals  les  oat  reçus  sur  la  recpm- 
«  mandaliAB  tle  M, Je yicaire de  Saiut- 
«  Sulpiee.  fîi.I+a  recommandation  du 
f  vicaire  a'sulli  pour  le^  d^ie^miner? 
«  R.  Oh!  non ,  uionsieur;  ils  onti^iit 
"  dire  une  messe  du  Saiut-Esprit. 

-  D.  Ah!  et  qu'a  répondu  le  Saint-Es- 
«prit?  R.  Monsieur,  il  n'a.pas  rc- 
»  pondu  du  tout.  D.  Alors,  puisque  le 

-  Saint-Esprit  refusait  de" répondre, 
«comment...  R.Mai.s.  monsieur,  qui 

i^  ne  dit  mot  consent  (il5).»—Lesdeux 
JTjrères^Poliguac,  jugés. comme  com- 
:  plHHi^rde  Georges,  lurent  condaujnés; 
Armand  (un  des  Ueu.x)  à  la  peine  de 
mort  (qui  fut  commuée,  eu.  déten- 
tion perpétuelle),  et  Jules  à  deu.K  ans 
d'emprisonnement.    Peu    de   jours 
après  le  jugement  rendu,  Jules  de  Po- 
lignac  demanda  à  faire  une  commu- 
nication. Real  le  fjiit  amener  devant 
Ipvetj^'iufprme  s'il  a  des  plaintes  à 
i  î'^jrmfxeoptje  ses  gardiens  ou  quelque 
ïfaveur  à.  demander.  «Kon,  répond  le 
MU  jeune  hon^e,  jen'ai  qu'âme  louer: 
:.  «jedois  au  gouvernemcntet  avons  des 
r,,;,  •  remercîuieuts  pour  i"liumiinilé  et 
,«,,la^ouccur  qu'on  nu;  témoigne.» 
j,J^jui^jj|f.pfii:le,(Je  ses  opinions  légili- 
yjipistê?i\  AiÇltie,  de  rendre  un  grand 
.3er'yice  si  on  veut  le  lajsser  aller  eu 
Angleterre  négocier  la  paix;,, elçi,  Real 
iie  hâte  dercudre  compte  iui  préniicr 
cp)usul,d,e  cette  proposition',  niais  le 

ni;  T^yt;.'  l^àlsCi-elik}À'i;'étë',tàtn.  ï,"p.l*)(Sl-iroo. 
Le  parfumeur  se  iioniiuaU  L.  Cliiion  ;  (ii-o- 
tégé,  sou.s  la  lle.stauriition  ,  piir  la  cluclies»e 
(l'Augoulcme  et  par  M.  Hvde  de  Neuville, 
il   fut  nommé  raessMger  H'Rt«k  de  In  (;!i:itn- 

1>I(?   <lpB   lltMllltf'S. 


ru:  A 

Kiiot-,  !>a6fq  i.*}';  ii/oiîu'iiKAvi;  Irrqi  ;  ••': 

i)>reinM«,aQn6>ul  lie  voit  ià.qiriMU'jyi<lr 
ftïfi,  qu'w»  rêve,  et  ditséfieuseiifeytj: 
«  MoMsieur  Real,  vous  ne  o^'^yez.  rien 
•s  dit,  eutejadez-yQus?,J[l-fle,  faut  pas 
«  qu'on;  suppose  que  vous  m'entre- 
«  tenez  de  pareilles  niaiseries  (i6].  » 
Lorsque  Pichegru  futarrêté,  le  pre- 
mier consul  dit  à  Réa|  :  «  Voy?  al- 
«  lez  interroger  Pichegru.  Avant  de 
"  commettre  une  faute,  il  avait  bien 
•  pi  honorablement  s^rvi  sf^n  pays. 

;sf,  Jfe  n!ai  pas  besoin  de, soU(Sa.iigi  dilçs- 

<j!«(lpi  qu'il  faut  regardée. .,tt>ut  cela 
"  comme  une  bataille  perdue;  il  ne 
«  pourrait  rester  en  France  -,  pressen- 

.«  tez-le  sur  Cayenne;  ilconuait  le 
«  pays;  on  pourrait  lui  faire  la  une 
.«belle  position.  =»  Real  alla  donc  au 
Temple  iuterrogçr  le  générai.  Il  le 

:  sondasto:  laproposiî ion  d'un  ctablis- 
seuient  à  Cayenne  :  -,  B^ais,  dit  Real , 

.  «  il  avait  trop  de  finesse  pour  ne  pas 
«  comprendre  tout; d'abord  l'inten- 

.  «  tiou,  de  celte  demi-coulidencc.  Il 
«parla  avec  abandon  de  Cayeune  et 
«  de  ce  qu'on  pourrait  y  opéicr. 
"  Avec  six  millions,  dit-il,  et  six  mille 
«  nègres,  on  Jerait  de  Çayenne, le 
«  plus  important  de  ..nçs  étahlisse- 
«  ments  coloniaux,  f  •  îilajlheureiise- 

,.  «  ment,  ajoute  Real,  jeiie  rçsvis.plus 
"  Pichegru  auquel  j'avais  très-ouver- 
«  tement  olVert  mes  bons  pfjiees  an- 

.  «  près. du  premier  a)ijsu),,fJi|;JU'«' 
ajoute  encore  ;  «  Quelqiic?  joiirs 
"  avant  que  Iç  cornplice,  de,  Ççorges 
«fût  trouvé, étranglé  dani!^  ^sou  lit, 

..  «  il  avajt  dit , au  çonpierge .i^\\\  ,Tem- 

'/|.|)le  :  Je  çroi^  hien  que  JVl.,  Real  a 

.,  i  »  vouU^  nj'ab user  avec  sou  histoire  de 
.  Cayeune, »  On  ne  trouve  d'aMleurs, 

,  dans  ks  Indiscré lions ,  aupi|U  détail 
sur  la  tin  tragique  de  Pichegru.  Real 
rapporte  seulement  que,  depuis  quel- 
ques jours,  le  gé)^éfi4  y'^tait  pas  gar- 

t-"-il    •!  .1    •.!■■■■' '■ 

(irtl  Inrii'cr.,  t,  I,  p.  l'i  i. 


VA  A 


liKA 


>S'.i 


de  ;  qu'il  avait  d'abord  été  jjlaee  sous 

lasiîTVeilfancè  (îêi!euî?pnflarmpçtfm 

ne  q«lt>àieht  i  'le 

lé  pr^rtii^"  "■  ,...>..: .....  c.ue 

's*âide  f-  i.risonni^f  ,'ài»ait 

'jfilàHéai:  -  ynaiitltin  bonimé'rïot 

^  se  In^t',  ît  en  tronvt»  fdiijnurs  Toc- 

-cûsVon.  N^e'lôiiri:  Piehf- 

r  ;rhf;  Gt^z-!ti^  «es  ■ .  pu»^- 

:ùl  Rt'al 

....;    „ ..__;    ,..;    ^  . '   .  .iHSUl  la 

strStiguJatton  de  Pichegru,  en  Ccà  tcr- 
....... .    \,>„J5  avons  p?rdn  fa  meîihéme 

cei  contre  Moreaii;  •  e'tle  ' 
prei^KT  consul  répliqua  :  «  Voilà  Une 
ir  telle  fin  pour  !e  tainqnenr  de  la 
=  Hollande.  -  Ensuite  Real  s'attache 
à  justifier  Napoléon  cotitre  toute  ac- 
eusaiioii  de  eniaiite  et  contre  ee  mut  ' 
de  M*^"  de  Staël-:  *  Bonaparte  est 
«  nialiienreiix;  tons  ses  ennemis  hii 
'meurent  <laus  iâ  '  main  •  ■  (17). 
-r  Le  nom  de  Real  se  trouva  mêlé  à  la 
triste  catastrophe  du  dnc  d'Biighien. 
«  Il  est  pins  que  probable ,  est-il  dit 
"  dans  les  Indixcrétionx  (Ifi),  qae  Jo- 
"  séphiiie  etCambacérès  n'ont  eu  con- 
naissance de  l'arrestation,  du  juge-» 

•  ment  et  de  l'exécution  du  duc  d'En-  , 
«  ghien,  que  le  21  mars  au  matin  , 

«  avec  la  population  de  Paris,  avec 

«  M.  Real  luî-mèhiè,  l'un  des  chefs 
'  •  les  plus  importants  de  la  police 

A  Je  ne  sais  par"  quel  sentiment 
'  -  défiance  le  premier  consul  laissait 

.■  la  policf  ::h?  Iiinient  de  côté  :  nn 

•  niot  r'  r.irait  tout  écîairci 

-  "    1 1  ■  •  î'Enghien  était 

■unes,  jugé  et 

-  >    ^  .  uiiiva-, aui iiuc icsministre'set 

-  i  :  i    iice  en  sussent  rien.  M.  Real  se 

-  rendait  à  Vincennes,  le  :*1  mars,  à 


'  ger  le  prince,  non  p.is  en  veriu  d'une 
•i«  misswn  qui  lui.  aurait  été  donnée. 
«maissurransdcs 
«  mis piir  h' directeur 
B«: Viivcennes,  dacs  k  rapport  ji)iiïn;i- 
■'«lier  t^Q^il-  adressait  àaioonseï]  U^r 
'«  d'État,   spécialeu^ent'idtan^    \u- 
'  «  l'instruction  et  de  la  suilef^de  tt'Ji- 
'-itesles  «flaires  relatives  à  la  tr.)4i- 
«  q'dliité  et  à  la  si". 

•  de  Ift  répirbiimje.  1'      . 
'  •  heures,'  fe'dtio  d'Engiiien  avait  ces- 
'^«  se  d^existt-r,  lorsque  M.  Real  rcn- 

'''  <  contfa,  il  la  barrière  Saint- Miîoine, 
"le  gch»?fal  Savarv  qui  lui  lit  rc- 
'«' broos^  «Iheraiti  <19)-  «  Real  y  qui 
dut  écrire  ces  détails        ,      - 
ration,  en  rapporte 

'  rieuv  ' 

auge 

'  .i  prie  de  me  transmettre  le  jugt- 
«  ment  rendu  ce  matin  contre  le  Aie 
-  d'Enghien,  ainsi  que  les  interroga- 
«  toires  qu'il  a  prêtés.  Je  vous^serai 

•  oblige  si  vous  poorigles  remel- 
ispo 


•  tre  à  l'agent  qui  vous  portera  cett»- 
■  lettre.  J'ai  l'honneur  de  voti<;  >•  :- 

•  luer.  RÉAT..  '  Un  peu  plus  1  ; 
envoyée  crtle  socoiu'o  missive  ;     ■ 

•  né,  iinent  et  les 

«  ghièn,  poiM  ';- 

lispu  auprès  lUi  j.remicr  cousmI. 

;ill«'7  me  faire  savoir  k  qnelle 


•■  charge; 

•  soit  p; 

•  avancé  ■ 

•  REAL.  - 

et  Real  le  , 
0  singulier  df. 


:e- 


netifhpures  du  matin,  pourinterro-     mehtse  trouve 

2_  ^^'*'i'1?P^fl^soluoie|,^;,^<ij[*l>fi^Vf''  "" 


390 


REA 


REA 


autre,  non  à  Vincennes,  mais  à  la  Mal- 
maison ;  et  il  ne  pourra  être  lu ,  aux 
termes  de  la  loi,  au  condamne',  puis- 
que le  condamné  n'existe  plus.  D'ail- 
leurs la  publication  ne  peut  plus  être 
relardée.  On  rédige  donc  à  la  hâte  un 
nouveau  jugement;  il  est  crié  dans 
les  rues.  «  La  minute  originale  avec 
«  les  signatures  n'existe  plus ,  dit 
«  Real.  «  Il  s'y  trouvait  d'étranges  la- 
cunes, par  exemple  :  ....  «Le  prési- 
dent, à  l'unanimité  des  voix,  l'a  dé- 
claré coupable....,  et  lui  a  appliqué 
l'article  de  la  loi  du...  ainsi  conçu..., 
et  en  conséquence  l'a  condamné  à  la 
peine  de  mort.  »  Tous  ces  points  ou 
ces  blancs  se  trouvaient  dans  l'origi- 
nal dont  Real  sans  doute  avait  pris 
copie  ;  le  délit  n'y  était  pas  même 
spécifié,  et  le  texte  de  la  loi  qui  con- 
damne, était  aussi  resté  en  blanc. 
Real  ajoute  :  «  Le  nouveau  jugement 
«  fut  rédigé  tel  qu'il  a  été  publié.  On 
"  n'avait  pas  sous  la  main  les  meni  - 
"  bres  de  ^  commission  militaire 
-  pour  prenOTe  leurs  signatures  ;  on 
«  se  contenta  de  faire  figurer  leurs 
«  noms  au  bas  de  la  nouvelle  rédac- 
«  tion,  et  l'ancienne /^Mt  annulée (2Ô).» 
Real  revieni  encore  sur  cette  derniè- 
re assertion,  en  ces  termes:  «Ainsi 
«donc,  il  est  vrai  de  dire  qu'il 
«  n'existe  aucune  minute  authenti- 
«  que  et  signée  du  jugen)ent  par  suite 
«  duquel  le  duc  d'Enghien  a  été  fu- 
«  sillé  (21).*  Real  rapporte  aussi  la 
pièce  suivante  :  •  Paris ,  le  2  gernii- 
.  nal  de  l'.Mi  XII  {-23  mars  1804).  Le 
«  conseiilt'r  d'Éiat,  etc..  etc.,  a  reçu 
«  du  général  de  brigade  Hullin,com- 
«  mandant  les  grenadiers  à  pied  <Ie 
«la  g;irde,  un  petit  paquet  conte- 
«  naut  des  cheveux,  un  anneau  d'or 
•  et  une   lettre.    Ce   petit    paquet 


«  portant  la  suscription  suivante  : 
«  Pour  être  remis  à  madame  la  prin- 
«  cesse  de  Rohan ,  de  la  part  du 
>^  ci -devant  duc  d'Enghien.  Signé 
«  REAL  (22).  »— Le  consulat  avait  fait 
place  à  l'empire;  Real  devint  comte 
et  chef  de  la  police  impériale.  11  était 
souvent  en  rapport  avec  Napoléon.  Il 
avait  une  jolie  maison  de  campagne 
à  cinq  lieues  de  Paris.  L'empereur 
trouva  que  c'était  trop  loin  ,  qu'il 
avait  besoin  d*civoir  Réid  sous  la 
main  :  il  lui  donna  500,000  fr.  pour 
acheter  une  maison  de  campagne 
moins  éloignée,  et  Real  devint  pro- 
priétaire de  la  belle  maison  de  Boulo- 
gne que  possède  aujourd'hui  M.  Rot- 
schild  (23).  Napoléon  lui  donna 
aussi,  à  titre  de  majorât,  des  actions 
sur  le  canal  de  Languedoc.  Real  con- 
tinua de  mériter  la  faveur  de  Napo- 
léon. Citons  quelques  traits  :  l'em- 
pereur venait  d'être  excoujmunié  à 
Rome.  La  bulle  était  secrètement 
arrivée  à  Paris  où  déjà  ejle  circulait 
imprimée.  Real  fut  chargé  d'arrêter 
M.  l'abbé  d'Ast  ros,  alors  grand-vicaire 
jju  diocèse,  qui  se  trouvait  un  jour 
aux  Tuileries,  attendant  avec  beau- 
coup de  monde  que  la  réception  com- 
mençât- «  Vous  allez  l'arrêter,  dit 
«  Napoléon  à  Real,  vous  le  mettrez 
«  dans  votre  voiture,  vous  le  con- 
«  duirez  chez  lui,  et,  en  sa  présence, 
«  vous  visiterez  ses  papiers ,  et  si 
«  vous  trouvez  quelque  ciiose  qui 
«  vous  mette  sur  la  voie  de  l'affaire 
«de  la  bulle  d'excommunication, 
«  vous>nverrez  le  grand-vicaire  à 
«  Vincennes.  >  Entré  dans  le  cabinet 
de  M.  d'Astros,  Real  comiuehce  ses 
rechercbes  par  le  panier  contenant, 
sous  le  bureau,  les  papiers  de  rebut. 
Le  troisième  ou  le  quatrième  papier 


(ao)  Tom.  I,  pag.  t,i8  etsuiv. 
(ai)  /*.,  p.  124.    ; 


(la)/*.,  p.  I 
(aï)  /*.,  p.  i-iî 


REA 

qu'il  <*n  retire  est  la  minute  de  la 
1  éponse  faite  à  la  lettre  d'envoi  du' 
pape,  accusant  réception  de  la  bulle 
et  annonçant  sa  publication.  Real  fit 
donc  conduire  à  Vincennes  le  grand- 
vicaire,  ëfcrivant  lui-même  à  Rome 
que  la  bulle  avait  été  publiée  por«» 
soins.  M.  l'abbé  d'Astros  ne  recouvra 
sa  liberté  que  vers  la  tin  de  1813  (24). 
—  Napoléon  avait  depuis  long-temps 
cessé  de  donner  sa  confiance  au  mi- 
nistre de  la  police  Fouché,  qui  possé- 
dait un  grand  nombre  de  secrets  po- 
litiques du  consul  et  de  l'empereur. 
Fouché  se  vit  enfin  disgracié  et  rem- 
placé par  le  duc  de  Rovigo.  Real  fui 
chargé  de  lever  les  scellés  que  le  pré- 
fet de  police  Dubois  avait  apposés  sur 
les  papiers  de.  l'ex-ministre.  Ajais  il 
reçut  l'ordre  exprès  de  s'abstenir  de 
toute  recherche,  et  de  se  borner  à  de- 
mantler  à  Fouché  la  remise*  des  lettres 
qu'à  diverses  époques  Napoléon  lui 
avait  confidentiellement  écrites.  Dans 
cette  mission  difficile,  Real  panit  te- 
nir beaucoup  à  ce  que  l'ex-ministre, 
dont  il  s'était  toujours  montré  l'ami, 
ne  le  regardât  pas  pendant  sa  dis- 
grâce comme  nn  ennemi.  En  consé- 
(|uenoe  il  se  rendit  à  Ferrières  (oîi 
se  trocvait  alors  Fouché)  en  calèche 
découverte,  et  seulement  accompagné 
de  5a  fille,  M"""^  la  baronne  Lacuée. 
Mais  quand  il  arriva  au  château  de 
Ferrières,  Fouché  n'y  était  plus.  A 
l'approche  de  Real,  «  un  cheval  qu'on 
■  tenait  tout  sctllé  dans  la  coiir  dis- 
«  parut.  »  11  attendit  jusqu'à  onze 
heures  du  soir  Fouché  qui,  «  après 
«  avoir  couru  toute  la  journée,  muni 
»  d'une  forte  somme  prise  chez  sou 
«  fermier,  ne  sachant  s'il  devait  venir 
«  à  Paris  ou  fuir  en  Angleterre,  prit 
«  le  sage  parti  de  rentrer  chez  lui. 
«  Les  scellés  furent  levés  sans  forma- 

24)  Ib.,  p.  290. 


REA 


391 


•  lités  ;  et,  sur  la  demande  des  lettres, 
«  Fouché  protesta  qu'il  les  avait  tou- 
«  tes  brûlées  sans  exception.  L'em- 

•  pereur  et  M-  Real  n'en  crurent  pas 

•  un  mot  ;  niais,ea  pareil  cas,  quand 

•  on  ne  peut  administrer  la  preuve 
<  contraire,  le  mieux  est  de  paraître 
«  croire  (25).  »  —  Le  général  Mallet 
avait  déjà  voulu  s'agiter  en  1809.  Du- 
bois, préfet  "  ,  vit,  dans  cette 
agitation,  i.  ie  conspiration  ; 
mais  Fouché,  alors  ministre  de  la  pe- 
lice,  et  le  comte  Real  ne  voulurent 
pas  même  y  voir  un  complot.  De  re- 
tour à  Paris,  l'empereur  fit  venir  Real  ; 
il  le  prit  par  l'oreille,  et  lui  dit  ;  «Vou» 
>  êtes  bien  fiers,  bien  contents  (Real 
«  et  Fouché)  en  faisant  signer  à  ce 

•  pauvre  Dubois  qu'il  n'est  qu'un 
«sot. —  Sire,  c'est  lui  qui  le  dit; 

■  nous  ne  lui  avons  pas  couduit  la 
«  main.  —  Et  c'est  vous  qui  me  l'a- 
«  vez  donné  !  —  Oui,  sire,  pour  sur- 
«  veiller  les  filous,  les  lanternes,  em- 

■  ploi  auquel  il  est  éminemment  pro- 
«  pre  ;  mais  je  me  serais  bien  gardé 
«  de  le  donner  à  votre  majesté  pour 
«  toute  autre  chose.»  L'empereur r.ait 
par  rire  lui-même  de  la  fameuse  con- 
spiration de  Dubois  (26).  Le  général 
Mallet  eu  était  à  sa  troisième  ti  uta- 
tive  en  1812.  Dubois  avait  été  rem- 
placé à  la  préfectura  de  police  par 
M.  Pasquier^Le  duc  dOtranle  était 
disgracié.  Lorsque  Napoléon,  dont  on 
avait  annoncé  la  mort,  fut  de  retour 
à  Paris,  il  convoqua  le  conseil  d'État 
et  dit  :  «Vous  allez  entendre  Real.  » 
Le  préfet  de  la  Seiue,Fipchot,  se  trou- 
vait compromis  dans  Paffaire  Mallet  : 
Real  le  justifia  (27).  Après  la  chute  de 
l'Empire,  il  resta  sans  emploi.  Pen- 
dant les  Cent-Jours,  il  fut  nommé  pré- 


{2.S)  Ib,,  tom.   I,p.  a4i' 
(26)  Ib.,  tom.  I,  p.  ^27, 

'î-'i  A.,  tom.  I,  p.  23o. 


m., 


Hil^V 


fjet  dpjpoliç^.  M.  Decazys,  ^lors  ,mpifl-- 

(lestU^Q  :1e  (lvc,,4'0'^''*^^'''^  «^Ij^geSi 
Bti.>J  (|i^  lui  riu|;e,(;qnpaîti-e Jad^^^Oi^l 
iiiiiivi'iale  et  de  le  juettre  eu  arr<>sta-' 
^içiU  s'il  persistait  dans  son  refus v 
niais  le  nqiivfau  préfet. se  conduisit 
de  manioi;e  à  joçritcr.  la.  ,rf"econnais- 
sapce,  (lu  magistrat  destjtiip.  Or,  par 
un  singulier  jeu  du  liasard,  dans  la' 
rapide   siiccessiou  des  eveuexuc.iits , 
M.  Deca/.cs  ne  tardapas  à  s'acquit- 
ter euy  ers  Uéal.  Peu  de  jours  s'é- 
taiçntjécouies.;  Lauis.XVllI  se  trou- 
yait,,une  j^econde  fois,  restauré^  Real 
u^^Uit  pLus^. préfet vde  polit^ç^  (28)» 
et  i!JV:I)eci*z«is,  sqp  succesgeur,  était 
charge.4e.rejBpIic  auprès  de  Real  la 
iji^,nj«^naissiQq  que  Real  avait  remplie 
aupjçès,de  lui.  Mais  s'il  ne  put  le  sau- 
ver de  l'exil,  du  moins  il  en  sut  abré- 
ger la  durée  :  elle  ne  fut  que  de  trois 
ans  ;  et  Real  rentra  dans  sa  jiatrie,  en 
1818,  par  les  bons  oflices  de  M.  Deca- 
xq^.  il  s'était  rendu  en  Amérique,  oii 
l'on  a  dit  qu'en  1820  il  habitait  une 
ferme  du  côté  du.  Canada,  sur  la  rive 
dri^itej^u  tl^uve  Saint-I^aurent  ;  mais 
il^lt^jt  i;enti:ié.<en  Fraoce  à  cette  épo- 
que (depuis  1818).  Il  vécut  retiré  des 
affaires  publiques.  Cependant  il  eut 
sa  part  d'action  dans  les  trois  grands 
^purs  de  1830.  Le  gouvflrneinent  pro- 
TjjjiOi^e,,siégeiint  à  J'Hôtel-de-Ville, 
^y^jj^uçiçuié  Bayo^^x  prÂfet  de;  police 
à  lii^la^e  de  Ma,ngvnqui,  depuisJQ  pror 
c^^(%,%f  tftJM^vaiç,  ji*5ii.i»<lf<Hliiui 

«''(UsyAfirr^s'lÀ'ifcconJé  afit^ii-àtion,' Rcai  .sô 
|gn&cli«i!l|«r;U  iluc.d¥3(rante  quiprciridaititf 
gouverpe^neiit  i>«|>jvisoire  ,  alnr»  jfçuw.çi) 
séance.  II  anoouça  qu'il  veniiit  donn.vi;  »a 
dèttil.isJtrri.'  Ôti  ^ijlfrfènnn'fla  pburqrtiii-?"  Je 
« (nq 'vetjx  pas , ;<li t^ril'*  rtoster  uti  jflaïc ' JtoUé 
•<  ouvrir  les  i)oite.s_de^l*ai'is  à  l'étrarij»er., 
''>lêominê"6û Valait  en  1814.  "  Ou  ne  put 
«aiiicre  ia'ré»yi6H6o  «f«  fet?(«tV  rt  >t  r^otra 
r}an>  U  Me  jiri'f». 


tant  de  haine.  L'un  des  membres  de 
IM  icoitttni^sjon  municipale,  M.  Mau- 
grtihiiifnîrfQ^a.au  nouveau  préfet  te 
cctinte  RéaiV  initié  depuis   si  long- 
teujps  aux  mystères  de  la  police.  Real 
devait  servir  de  conseil  et  de  col- 
laborateur à  Bavoux.  La  femme  de 
Mangin  venait  d'accoucher.  Celui-ci, 
fuyant  avec  précipitation,  s'e'tait  ré- 
fugié, avec  elle,   chez  un;  de  ses 
eijiployés  qui  liii  aTait  donné  asile, 
mais  qui,  craignant  de  se  voir  com- 
promis, crut  devoir  avertir  le  nou- 
veau préfet.  Ce  dernier  consulta  Real, 
quille  détourna  de  l'idée  de  ftiire  ar- 
rêter son  prédécesseur,  et  l'engagea 
même  à  Uii  donner  nn  passeport  sous 
un  faux  nom.  Matjgin  se  hâia  de  ga- 
gner'la frontière  du  côté  de  la  Suisse; 
et,  plus'  heureux  que  Ift  prince  de  Po- 
lignac,  il  put  revcwir  libre  dans  sa  pa- 
trie. Pendant  le  procès  des  minisires 
devant  la  Cour  des  pairs,  Martignac 
défendait  le  prince,  à  qui  ses  en- 
nemis reprochaient  non-seulement 
les  fameuses  ordonnances,  mais  en- 
core une    odieuse   complicité   dans 
l'explosion  de  la  machine  infernale. 
Martignac  demanda  des  éclaircisse- 
ments à  Real,  et  dans  une  lettre  qui 
fut  lue  devant  la  Couf  des  pairs,  par 
le  défenseur,  Real  déclara  que,  dans 
toute  l'instruction  du  procès  de  l'at- 
tentat du  3  nivôse ,  qu'il  avait  été 
chargé  de  suivre,  le  nom  de  Polignao 
n'avait  pas  été  une  seule  fois  prouon-. 
ce.  Réaf  était  alors  présent  dans  U 
tribune  des  journalistes,  et,  quand  s» 
lett  re  fut  lue,  l'accusé  promenant  soi* 
lorgnon  dans  la  salle,  le  montra  a 
M.  de  Pcyronnet,  et  lui  lit  un  jaiut 
gracieux.  L'ex-uiinislre  n'avait  point 
oublié  la  conduite  et  les  bons  procé- 
dés de  Réttl  envers  lui,  lors  du  pro- 
cès de  G£orges,  et  depuis -cette  épu- 
que  il  se  regardait  coniiiiç  son  ohligc. 
—Les actions  >ïiir  «.-f  ■«^t  <'"  r-iii<:u'^- 


HtA 

doc^tkmnées  à  Real  par  Napoléon,  lui 
avaiénf  été  enlevées  pendant  son  exil, 
et  se  trouvaient  rendues  à  Iji  famille: 
fie  Caraman  par  une  ordonnaoefcde 
Louis  XVUK  Revenu  e»  Fftfticê.' 
(1818!,  il  voulut  les  recoip 
une  affaire  longue  et  diftici! 
encore  pendante  au  conseil  d'État 
lorsdel'avénementdu  prince  de  Poli- 
gnac  au  ministère.  Il  lémoigna  beMH' 
coup tl'intBrèl  à  ftéal;  mais,  sans  la 
révolution  de  juillet,  celui-ci  aurait 
vraiseiiiblabletnent  perdu  son  procès. 
— Dans  les  dernières  années  de  sa  vie, 
Rédl  était  devenu  étrint^er  aux  affai- 
ry^j  ou  l'a  reoctunré  plus  d'une  ft)is 
cherchant ,  chez  les  épiciers  et  chez 
les  marchaniis  liebric  à  brac,  sur  le 
quai  Malaquais,  etCv  dts  autiquités 
ou  des  antiquailUa^  de  petites  bro- 
chures ou  pamphlets  sur  la  rérolu- 
tioD,  et  des  autographes.  11  mourut 
subitement  à  Paris  le  7  mars  1834. 
Ou  litdausle  1*"^  vol.desilfémotre«(29) 
qu'on  peut  lui  attribuer,  du  moins 
en  grande  partie,  que  Real  était  f/»i- 
mùle,  mécanicien,  et  qu'il  est  autour 
d'un  phiUre  généralement  estimé. 
L'éditeur  ajoute  :■  11  a  laissé  inache- 
«  vée  une  machine  k  vapeur,  d'après 
«  un  nouveau  système ,  sur  laquelle 
>  beaucoup  de  savants  avaient  déjà 

•  émis  une  opinion  très- favorable... 

•  Il  a  consacré  la   majeure  partie 

•  d'une  grande  fortune,  honorable- 
»  ment  acquise  sous  l'empire,  à  des 

•  essais  de  tout  genre.»— Real  aimait 
souvent  à  rire,  et  il  se  délassait  des 
fonctions  delà  hante  police  par  des 
mystifications.  L'architecte  du  Corps- 
Législatif,  Poypt,  homme  crétUde  , 
servit  plus  d'une  fois  de  jouet  au  con- 
seil 1er  d'état.  Nous  ne  citerons  qu'un 
trait  (30)  :  Real  fait  un  jour  écrire  à 


KIJB 

Poyet  que  fe  ]ïape  s'est  i 

a  th. 

le    ftftrt!    tU'.iifJU'',    r(  ■ 

pluypr^sséqdlêd'dHér  ' 

■  Ile  h  rarc1> 

•;*ren'î'a': 


;!;al 


1'  .   . 

archeȐque 

La  dernière  |,u^.  .^^,.u,.,..  . 

Ltilfrt  itti  iirécteut  àè  la 

Parist  sur  l?s  articles  ^ 

intitulés  Statittique 

de  p'roxyince  en  Angletcrr 

trouve  une  Ifoticf  sur  ??>• 

Biogr 

La  vje 

tes ,  c'est-a-dire  de  bien  ( 

l'histoire  doit  dire  l'un  et  !'....> . .  ...us 

passion  ni  déguisement.  A  l'éxafla- 

tion  révointionnaire  se  joignirent  Aéi 

services  rendus  en  des  temps  où  la 

vertu   était  crime  ou  danger.    If  r 

eut  dans  la  conduite  de  Real  des  actes 

blâmables  et  sans  excuse.  Mais  il  fut 

dénoncé  plusieurs  fois  aux  jacobins; 

mais  il  fut  mis  en  arrestation  dans  la 

prison  du  Ln.xembour"-   î'  •"^•«  '^>^ 

dantoniste,  ennenii 

Quand  ou  élait  aux  i 

république,  if  était  dj 

possible,  de  né  pas  dévier  dans; 

ces.  Et  quel  homme  influent  li 

teujps  déplorables  a  pu  laisser  une 

renommée  sans  fâche?...  L'histoire 

ne  l'a  pas  encore  nhmmé!       V-vè. 

REBM.4NK  (A.WHB-OEORGB-FBÉ- 

DÉRic),  néà  Kitzittgen,  en  Franconie, 
le  24  nov.  1768,  était  un  avocat  obs- 
cur de  cette  contrée,  lorsque  les 
Français  l'envHhirent  à  la  lin  de 
1792.  Use  déclara  aussitôt  leur  par- 
tisan ,  et  fut  d'abord  emplové  dans 


394 


REB 


l'administrafion  de  l'armée.  Dès  que 
laréumon  à  la  France  et  la  division 
en  départements  furent  de'crétées,  il 
devint  juge  à  Trêves,  puis  à  Cologne, 
et  enfin  président  du  tribunal  criini- 
nélà  Mayence.  Dans  le  cours  de  ses 
fonctions,  Rebmann  fut  chargé  de 
l'instruction  de  plusieurs  procès  cri- 
minels importants,  notamment  de 
celui  du  fameux  Schinderhannes 
(bo;-.  ce  nom ,  XU,  15?).  Il  mourut 
à  Wisbaden,  en  1824.  On  a  de  lui  • 
I.  Rapport  fait  au  divan  par  Essew- 
Aly  -  Effendi  ,  ambassadeur  de  la 
Porte  ottomane  près  derla  Républi- 
fjuç  française,  sur  la  situation  ac- 
tuelle de  la  France  et  sur  l'esprit  pu- 
blic, il97,  in-S".  II.  Coup  d'œil  sur 
les  quatre  départements  de  la  rive 
gauche  du  Rhin ,  considérés  sous  le 
rapport  des  mœurs  de  leurshabitants, 
de  l'industrie  et  des  motjensde  l'amé- 
liorer, Trêves,  1802,  in- 12.  On  à 
encore  de  Rebmann  plusieurs  mor- 
ceaux politiques  dans  les  journaux 
du  temps,  et  quelques  mémoires  et 
rapports  judiciaires,  notamment  dans 
TalTaire  Schinderhannes.  M— Dj. 

REBOUli  (Guillaume)  ,  né  à  Nî- 
mes, dans  la  dernière  moitié  du 
XV^çiècle,  d'abord  protestant  zélé, 
et  attaché  eu  qualité  dfe  secrétaire  au 
maréchal  de  Bouillon ,  se  fit  chasser 
par  son  maître,  pour  cause  de  vol , 
et  excommunier  par  le  consistoire  de 
son  église,  pour  avoir  cherché  à  y 
mettre  le  trouble.  Alors  il  changea  de 
religion,  et  non-seulement  publia 
contre  ses  anciens  co-religionnaires 
Mil  grand  nomUre  de  libelles,  mais 
voulut  même  se  faire  passer  pour 
l'auteur  de  quelques-uns, qui  n'étaient 
pas  de  lui.  Les  méjuoires  du  temps, 
tels  que  Ja  Satire  Méuippée  ,  la  Con- 
fession de  Sancy,  etc.,  ont  conservé 
les  titres  de  ces  pamphlets  aujour- 
d'hui sans'  intérêt.   Iliï  attirèreat  à 


REC 

Reboul  des  poursuites  qui  l'obligè- 
rent à  chercher  un  refuge  dans  Avi- 
gnon, Il  passa  peu  après  à  Rome  sous 
les  auspices  du  P.  Cottou  ;  protégé, 
par  Viileroi  et  par  le  cardinal  d'Os-< 
sat,  il  y  sollicita  la  récompense  de  sa 
conversion  et  des  services  qu'il  pré- 
tendait avoir  rendus  à  l'Égiise  ro- 
maine. Mais,  ses  démarches  étant  res- 
tées sans  succès,  il  se  vengea  par  une, 
satire  des  refus  du  pape ,  qui  le  fit, 
juger  par  une  commission,  laquelle, 
le  condamna  à  être  pendu ,  ou ,  sui- 
vant une  autre  version,  à  être  déca- 
pité ;  ce  qui  fut  exécuté  le  25  septem- 
bre 1611.     ,     '    ,  V.  S.  L. 

IlECCO  (l'abbé  Joseph), publiciste 
et  théologien  italien,  naquit  le  21  mai 
1743  à  Ripatransoue,  d'une  famille 
noble  qui  avait  déjà  produit  quel- 
ques hommes  remarquables.  Après 
avoir  fait  ses  études  dans  sa  ville  na- 
tale, il  se  rendit  à  Rome  et  y  em- 
brassa l'état  ecclésiastique.  Le  20, 
mai  1794 ,  il  fut  élu  membre  de  l'A- 
cadémie des  Forti,  à  laquelle  il  lut, 
le  3  août  de  la  même  année,  une  dis- 
sertation intitulée  :  Ercole  latino. 
Il  dédia  plusieurs  ouvrages  au  pape 
Pie  VI,  qui  avait  pour  lui  une  estime 
particulière.  Sa  santé  ayant  été  gra- 
vement altérée  par  l'extàs  du  travail, 
il  quitta  Rome,  d'après  les  conseils 
des  médecins  ,  et  se  retira  à  Castel- 
Madama;  mais  le  changeuient  d'air 
ne  lui  fut  d'aucune  utilité ,  car  il 
mourut  peu  de  temps  après,  en  août 
1801.  L'abbé  Recco  avait  publié  :  1. 
Dell'  esistenza  d'unçi  giiirisdizione 
nella  chicsa  caltoiica  stabiiita  neW 
autorilà  del  Ponte fice  romano,  e  dél- 
ia sua  sede.  Rouie,  1791,  iu-S".  11. 
DisserlazionecpistolareintornoaUa 
célèbre  controvcrsia  del,  battesimo 
degii  eretici  fra  S.  Stefano  e  S.  Ci- 
priano^  Rome,  1791,  in-S".  lll./i«jt- 
cussione  delU  dut  podMtà  spirilua- 


REC 

Ipe  temporale,  Borne,  1793,  in-8». 
IV.  Diicono  politico  intorno  aW 
occultazione  délie  monete  nello  staio 
pontificio,  ed  intorno  ai  moài  di  ri- 
metterle  in  giro  {szns  nom  d'auteur), 
Rome,  1795,  in-8«.  V.  Discorso  sul- 
la  riprovazione  délia  sinagoga,  e 
sulla  tocazione  délie  genti ,  Rome  , 
1796,  in-V.  Mais  les  principaux  ou- 
vrages de  l'abbé  Recc<>,  ceux  qui  de- 
vaient le  placer  parmi  les  philoso-^ 
phes  et  les  publicistes  ;  sont  reste's 
inédits.  Ce  sont  :  l»  Analisi  e  confu- 
tazione  dei  Diritti  deW  uomo,  di  Nie- 
cola  Spedalieri  {voy.  ^pepalieri, 
XLIII  ,  205  ).  L'impression  de  cet 
ouvrage  en  était  déjà  à  !a  208*  page, 
lorsque  la  mort  de  l'auteur  la  fit  sus- 
pendre, et  elle  ue  fut  pas  reprise,  bien 
que  Recco  eu  eût  expressémeni  char- 
gé ses  héritiers.  2."  Dubbio  se  ilpmi- 
tefice  romano  possa  dirsi  sucressnre 
nel  trono  de'  SS.  Aposloli  Petro  e 
Paolo.  3**  Le  plan  il'un  ouvrage  inti- 
tulé Lo  Spirito  délia  société,  et  qui 
pvait  avoirciuq  volumes.  —  Recco 
Philippe),  frère  du  précédeul ,  na- 
init  comme  lui  à  Ripatransone ,  et 
ila  s'étiblir  à  Naples,  où  il  publia 
i!ie  Raccolta  di  romanzi  ^  ouvrage 
périodique  dédié  aux  dames.  Il  revint 
dans  sa  patrie  vers  1811,  ety  mou- 
rut en  1826.  plus  qu'octogénaire. 
A— Y. 
RECEVEUR  [Laurent),  religieux 
(le  l'ordre  des  Minimes ,  fut  du  nom- 
bre de  ceux  qui  accompagnèrent  La 
Pérouse  dans  son  funeste  voyage  de 
découvertes.  Le  père  Receveur,  phy- 
sicien et  botaniste,  périt  à  la  biie 
de  Botanique,  ainsi  que  dix-huit  au- 
tres, n()tau)ment  les  frères  de  la  Bor- 
de, qui  furent  massacrés  par  les  na- 
turels du  pays.  La  Pérouse  fit  gra- 
ver, à  l'endroit  où  son  corps  fut 
enterré,  l'inscription  suivante  : 
Hicjacet  L,  Receveur, 


REC 


395 


e  FF.minimis,  Galliœ  sacerdos  phy- 

sicus,  in  circumnatigatione  mundi; 

Duce  de  la  Pérouse. 

Obiit  die  17  februarii  anno  1788. 

(Voy.  le  Journal  de  Paris  ^  du  ven-' 
dredi  26  juin  1789.)  C'était  on  savant 
très-distingué  et  qui  avait  déjà  réuni 
d'immenses  matériaux,  lesquels  mal- 
heureusement ne  seront  jamais  pu- 
bliés, z. 

RÉCHAC  DE  SAIXTE  MARI» 
r|e  p.  Jean  Giffre  de),  dominicain  , 
né  àQuillebeuf  en  1640,  et  mort  à 
Saint-Symph<.rien,  près  de  Lyon,  en 
1660,  a  composé  un  grand  ntmibre 
d'ouvrages  (voy.  Script,  ord.  Prœd., 
II,  595).  parmi  lesquels  nous  ci- 
terons :  l.  La  vie  et  actions  mé- 
morables des  irois  plus  signalez 
religieux  en  «aincteté  et  en  vertu 
de  l'ordre  des  frères  Prescheurs 
de  la  province  de  Bretagne j  "du  P. 
M  ah  y  eue ,  d'Alain  de  la  Roche,  du 
P.  Quintin,  Paris,  16JI,  in-ri;  ib., 
1664,  in-I2.  II.  Les  Vies  et  actions 
mémorables  des  saintes  et  bienheu- 
reuses, tant  du  premier  que  du  tiers - 
ordre  de  Saint- Dominique ,  Paris, 
1635.  6  vol.  in-4'».  lli.  Vie  du  bien- 
heureux Regnault  de  Saint-Gilles,, 
doyen  de  Saint-  Agnan  d'Orléans,  et 
depuis  religieux  de  Saint-Domini- 
que (mort  en  1220),  Paris.  1616,  iii-S", 
IV.  La  fondation  de  tous  les  couvents 
des  frères  Prescheurs  de  l'un  et  de 
Vautre  sexe  dans  toutes  les  provinces 
du  royaurtie  de  France  tt  dans  Us 
dix -sept  provinces  des  Pays-Bas 
(pièce  imprimée  avec  la  vie  de  saint 
Dominique),  Paris,  1648,  2  vol. 
in-4".  V.  Vies,  gestes  et  actions  mé- 
morables des  saints  ,  bienheureux 
et  autres  personnes  illustres  de  l'or- 
dre des  frères  Prescheurs  (Ug  )  ;  Pa- 
ris, 1650,  2  vol.  iu-i".   P.  L— T. 

RËCU10-MËHË31ET ,  l'un  des 
hommes  les  plus  extraordinaires  de 


3^6  fltjC 

à  Ktitaiiy^Ii,  eii  Asie-Muieiirê,  et  ein- 
priinta  nu  lien  (î,«  sa  naissaiice  le  sur- 
i^.m.de  KutaliycUi.  Il  ÇQinmença  sa 
^ri'ière  soii^  Khosrcw,  (}(ai',.iijoyea- 
panl  liiio  somme  modique,  l'acheta, 
ejtjcore  ei^ffint,  let,  l'a,tta(;I>çi  à  sou  ser- 
^ïj^'^'i  P^o<5e^iya<^'î^f»  R!"s  fictif  que 
J-eel,  analogue'  à  respèce  de  marché 
qui  se  passnit  au  inoycu-ùge  entre  un 
^aut  barou  et  les  pages  de  sa  maison, 
Khosrew  acquérait  sur  son  jeune  ma- 
meluk le  droit  d'un  maître  et  eon- 
tractait  le  devoir  d'un  patron.  Grâce 
à  cette  protection  et  à  de  brillantes 
qualités,  Réchid-Méhémet  iil  rapide- 
i^jïpt  son  chemin.  Lors  de  la  révolu- 
tion grecque,  il  fut  nomme' séraskier 
de  Roumclie,  et  ce  fut  lui  qiii  assiégea 
Missolonghi,  où  il  avait  jugé  que  se 
trouvait  le  destin  de  la  campagne  de 
|V!oréé.  Le  sultan  lui  avait  écrit  :  Mis- 
SQlonghi  ou  ta  téte.Stconru  par  Ibra- 
him-Pacha, il  s'empara  de  cette  place 
au  commencement  de  182(j,  L'année 
suivante,  au  mois  de  mai,  il  remporta, 
sous  les  murs  d'Athènes,  une  victoire 
éclatante  sur    l'armée    des    Grecs, 
nombreuse  et  bien  dirigée.  La  déroute 
des  illustres  Philhellènes,  Church, 
Gochraqe  et   Gurdon,  et  le  blocus 
de  Fabvier  dans  l'Acropolis  rehaus- 
sèrent la  gloire  du  général  turc.  De 
retour  à  Constantinople,il  avait  fuit 
unnoncer  sa  visite  à  Khosrew,  alors 
capitan-pacha.  Celui-ci,  en  accueil- 
lant avec  les  plus  grands  honneurs  le 
«éraskier  victorieux ,  prit  plaisir  à 
faire  remonter  jusqu'à  lui-même  la 
gloire  de  sa  créature.  Après  rav.oir 
{Splendidement  félicité,  il  frappa  (^ès 
mains,  et,  à  ce  signal,  un  essaim  de 
jeunes  mameluks,  richei?i,ei^t,,|Kibjjli- 
lié.5,  parut  dans  fÇ;  divan.,.*  j^jÇjjPins 
«-piéisente,  dit-il,  p|i,s'a(ij*ess^^^  .,à 
;  nécUJd-Mttliejjiç;t^;,  yo-s   frèrjçs  ;  ,çt 


,"  v,ers.,l.^.s,en,i:autsi,Toyez  pç.,<iiiei)fi^t 
«  le  mente  !  Réchid-Méhémè'f  ,^;,ceh« 
"heure  assis  auprès  de  moi  et  cç>i\r 
-vert,  de, la  faveur  du  sultan ',j^sji 
«  .sorti  (le  ,vos  rangs  et  (le  ma  njaisqn  : 
*  il  m'a  autrefois,  coûté  tre^te-çjnq 
-piastres.»  À  ces  mots,  Réchï&é- 
hénjef  laissa  retonjber  sa  pipe,  et  de- 
vînt taciturne.  Soit  qu'il  rougit  de  îH» 
première  conditiun,  soit  fj[u'il  soup- 
çonnât dans   son   astucieux  pafrou 
l'intention  de  l'humilier,  if  se  retira 
irrité,  et,  arrivé  près  de  la  porîe'"il 
murmura,  avec  l'accent  d'une  colère 
contenue,  ces  mots  (pie  recueillii 
Khosrew:  «Est-ce  que  je  suis  doric 
«de   la  chaii*  hacHéé'a  ventîré'fi 
Bientôt  une  occàsidri'  plus  gi^aVé  dé- 
veloppa  entre    Réchid-Méhémet ''Vl 
Khosrew  ùhé   aînimp'$ité    inafqaée. 
Khosrew  était  devenu  séraskier  '  et 
l'installateur  décidé  de  la  uouvellfe 
organisation  milifaire.  Réchid-Mf^hjl- 
met,  en  se  pliant  à  la  volonté  du  sou- 
verain ,   conservait    pour    ces   in- 
novations  une  répugni^nce  qui  'te- 
nait à  ses  vieilles  habitudes  et  ît  Ifi 
fougue  de  son  génie.  Cependant ,  il 
obtint  de  nouveaux  succèi!^  dans  la 
guerre  de  1829  contre  la  Russie.  Il 
fut  ensuite  envoyé  en  Albanie,  avec 
le  titre  de  grand-visir  et  la  mission 
de  pacifier  cette  province  soulevée 
par  Mustapha ,    pacha    de    Scojra. 
Ayant  pris   la  place  de  Scodra,  il 
parvint  à  réduire  toute  la  contrée. 
Ce  fut  là  qu'il  déploya  sa  bravoure 
habituelle,  et  des  talehts   d'admi- 

^uistrateur  qui  lui  vjilurcat  U|i«  po- 
pularité immense  parmi  les  rebel- 
les qu'il  avait,  défaits  et  les  rayas 
qu'il  avait  protégés.  Enfin,  en  18:^2, 
il  fut  chai-gé  de  marcher  contre  Ibra- 
him ,  qui  avilit  pris  \n;\  défait  à 
llorms  et  à  Beylan  les  généraux  du 

,^^uUan  et  passé  1e  Taurus.  Les  deiiv 


r,ft 


i;fV 


m 


leurs  T'.o'.ipes, (levant  Koniçii. 
.  î,  Pmporté'pàr  son  coarage,  tut 
lait  prisonnier,  et,  avec  lui,  la  vie - 
Toire  resta  à  Ibrahim.  Renvoyé   à 
'  onsfanîinople,  il  reconquît  la  faveur 
iipe'rialf,  et  fut  investi  du  comnidn- 
'<'me!ilen  cheEde  l'année ^'Anaîolie. 
-'  m  dernier  exploit  fut  la  soumis- 
ion  du  Kourdistan,  et  sa  deiiiière 
Ijuteiinacte  de  précipitation  contre 
les  Persans,  qui  fiillit  con:pr''n;etl'e 
la  paix  de  la  Turquie  et  >' 

('aiiiît;  aux  fidnlières  de  ;_.    , .i 

jipatieDice  l'prJrc  d^e 

t    .  *'<^  province,  afin 

'I''  se  ;;;-:-'  .;oude  foi^  P9nf 

1,  et  de  venger 

lorsqu'il  mou- 

ique  suLiicwer^l  Wi  déc.  I83r». 
l-Mchéinet  était  sans  contredit 
le  plus  grand  bouime  de  guerre  de 
reB.pire^çt  sa  lin  prématurée  laissa 
le  sul^n  ^ns  généraux  expérimeu- 
tés-..  .'  ''."'  .  '".!  ',,',.  "  .  Z.  ". 
UÇtlCÔUBT  (Fbançois  de),,  co- 
lonel, directeur  du  génie  Irançaiset  of- 
ficier de  la  Légion-d'Honnenr,  naquit, 
en  1744,  à  Reims,  d'une  honorable 
famille,  et  mourut  à  Lille  en  Flan- 
dre en  181 1.  Ses  études  faites  au  col- 
lège de  l'Université  et  à  l'école  de 
rnaljiématiques  de  Reims,  il  passa  à 
réi.ile  royale  de  mathématiques  de 
I  :  >,  puis  entra  dans. le  génie-  Offi- 
'  tf  liistinguéjil  en  donna  des  preu- 
l'S  dans  plusieurs  circonstances,  no- 
'.i:;.';!ent  par  les  ouvrages  qu'il  pu- 
!'!ia:  1.  Une  traduction  du  système  de 
canaux  (navigables  dji  célèbre  Ful- 
î  jn  (voy.  ce  nom,  XVI,  172),  sous  ce 
;  Recherches  mr  lc>i  moyens  de 
,  , . :i>ovnir  les  canaux  de  navigâ- 
Hou  rt  ..iir  lis  nombreux  avant' ge-'i 
'  '  ' /■  donl  les  bateaux 

2  jusqu'à  5  pieàs  de 
Il  ^Jirnnt  rnnteniYuni'  car- 


■  iiancnes  iie 
nouvelles,  r 

bois  et  en  fer:  P...  1  (1799), 

îr^-S".  U.  Mémoir-  re  sur  le 

canal  de  jonction  de  ta  Sathbré  à 
l'Oise,  étmr  l'amélioration  delà  na- 
vigation de  la  baf  se  Sàmbh,'  t8d2, 
in-4*.  ilT.  Da  commerce  iriténcur  de 
l'empire  français,  et  des  moyens  de 
V  accroître  en  fnémé  temps  que  fa  force 
publique  pendant  la  guerre  et  lerom- 
mtrci  extérieur  à  la  pai.i 
in-8o  avec  tablcauv  On  ti 
càtc,  d;rns  ]  c  Jour  ?  //*- 

ches  (fc  la  Chair  "-t 

l*àvocat  Havé.trci 

trs  dé  Recicourt  sur  ic  canii  [)r<iir(f 
de  Reims  a  Bëfrv-ati  Bac,  pour  Jorù- 
dre  U  Nesle.  î»  l'Aisne.      L  —  c.—jl 

RFX!KE  (ÉLISABETH-CHAHr.OTtE'- 

CoNSTA^cE ,  baronne  de  la  ),  liée  le 
20  mai  1756,  en  Courlande ,  àa  châ- 
teau de  Schœnbnrg ,  qni  appartenait 
à  son  père ,  le  comte  de  m-  'om  per- 
dit sa  trière  dans  les  t  ari'- 
iiées  de  son  enfance,  n  ni-  rirrit 
q'n'une  éducation  incompfète.  Sa  beau- 
té la  fît  bientôt  rechercher.  Mais  douée 
d'un  esprit  délicat,  dSnie  ame  tendre, 
passionnée  et  portée  au  mysticisme, 
elle  se  sépara,  an  b  iut  de  six  ans  de 
mariage, du  comte  de  la  Recke  qu'el- 
le avait  épdnsé,  eu  1771,  par  ihs 
considérations  de  famille^,  et  dont- le 
caraeière ne  sympathisait  poiiit av«r 
le  sien.  Retirée  à  Mittaii,  ce  iàlik 
qif'elle  eut  occasion  de  connaître 
CagliostrO.qui  exalta  encore  son  ima- 
gination, ^affaiblissement  de  sa  santé 
l'ayant  contrainte  de  se  rendre  aux 
Vanx  dfe  Caris bad,  la  conversatioB  des 
hommes  sages  et  éclairés  qu'elle  y 
rencontra,  entré  anti-es  Spalding,  Ni- 
colaî,"  Strupnsée,  ies  deux  Stotberg, 
etc.,  dis^^pa  sa  mélanéotieetté  trou- 
ble que  Te  fameux  imposteur  avait 


398 


REC 


jeté  dans  son  âme.  Ce  fut  en  1787  que 
parut  son  ouvrage  sur  Cagliostro^ 
dans  lequel  elle  tit  si  bien  connaître 
ce  fourbe.  Elle  se  rendit  ensuite  à  St- 
Pe'tersbnurg,  où  elle  reçut  l'accueil 
le  plus  favorable  de  l'impératrice  Ca- 
therine, qui  lui  fit  présent-  d'un  do- 
maine en  Courlande.  Revenue  dans 
ce  pays,  elle  s'y  occupa  pendant 
quelques  années  de  l'éducation  des 
jeunes  filles,  puis  alla  en  Italie 
pour  sa  santé ,  et  n'en  revint  qu'en 
1806,  dans  le  moment  où  sa  j^trie 
était  livrée  aux  plus  funestes  calami- 
tés de  la  guerre,  cç  qui  fit  sur  elle 
une  vive  impression.  Depuis  1818, 
elle  vivait  à  Dresde  au  milieu  d'un 
cercle  d'amis  peu  nombreux  ;  c'est 
là  qu'elle  mourut,  le  13  avril  1833, 
dans  sa  soixante-dix-septième  année. 
Outre  le  livre  que  nous  avons  cité  , 
on  lui  doit  plusieurs  ouvrages  ascé- 
tiques et  de  piété,  ainsi  que  la  rela- 
tion de  son  Voyage  en  Italie,  etc.^ 
imprimée  à  Berlin  en  1815,  et  tra- 
duite en  français  par  M«"^  de  Moulo- 
lieu  {voy.  ce'nom,  LXXIV,  307);  le 
premier  volume  de  son  Histoire^  qui 
a  paru  en  même  temps  que  son 
Voyage,  et  enfin  son  livre  de  Prières 
ei  de  Méditations  religieuses,  publié 
en  1826.  Pour  augmenter  les  fonds 
destinés  aux  jeunes  étudiants  grecs, 
M""^  de  la  Recke  publia  à  Leipzig, 
en  1826,  sa  comédie  intitulée  Scènes 
de  famille,  ou  la  Rencontre  d'un  bal 
mflsgue,  qu'elle  avait  composée,  tren- 
te-deux ans  auparavant,  dans  l'île 
d'Alsen ,  au  milieu  de  la  famille  du 
prince  d*Halst-Au;i;ustembourg.  Ses 
OEuvres,  imprimées  à  Berlin  en  1826, 
sont  principalement  composées  de 
Prières  ei  dcJHédilations^  dignes  de 
tout  éloge.  Z. 

RÉCI.AINVILLE  (  Jean  d'Al- 
LONViLLE,  seigneur  de),  chevalierde 
l'ordre  du  roi,  gouverneur  deCliartres 


REC 

puis  de  Blois,  naquit  en  1520 ,  de  la 
même  famille  que  le  marquis  et  le  che- 
valier deLouville(t)oy.  ce  nom,  XXV, 
284).  Ardent  catholique,  d'une  pro- 
bité à  toute  épreuve,  et  •  dont  la  mé- 
«  moire  sera  toujours  chère  au  pays 
«  chartrain,  ■  dit  l'historien  de  la 
ville  de  Chartres  (Doyen,  t.  II,  p.  93), 
il  y  jouissait  d'une  haute  considéra- 
tion acquise  par  de  longs  services. 
Ennemi  à  la  fois  des  huguenots  et  des 
ligueurs,  il  fut,  dans  ces  temps  diffi- 
ciles, souvent  et  utilement  employé 
par  Henri  III  et  Catherine  de  Médicis 
qui  entretinrent  avec  lui  une  corres. 
pondance  déposée  dans  l'étude  du 
notaire  Gibé,  d'où  elle  fut  révolu- 
tionnairement  enlevée  lors  de  son 
incarcération  en  1792.  Dès  l'année 
1568,  Charles  IX  l'avait  chargé  d'as- 
sister le  sieur  d'Éguilly  au  gouver- 
nement de  Chartres  (Doyen,  t.  II, 
p.  74),  et,  par  sa  prudente  intrépidité, 
il  avait  puissamment  contribué  au 
salut  de  cette  place,  alors  considérée 
comme  une  des  plus  importâmes  et 
qui  fut  vivement  attaquée  par  les  hu 
guenots.  C'est  en  qualité  de  lieute- 
nant de  ce  gouverneur  qu'il  y  reçut, 
le  14  mai  1588 ,  Henri  111  échappé  la 
veille,  par  l'adresse  de  sa  mère,  k-  la 
journée  des  Barricades  (Sully,  t.  I, 
p.  309).  Le  roi,  qui  avait  repoussé  les 
excuses  mensongères  du  duc  de  Guise, 
celles  moins  fausses  peut-èlre.  de  la 
députation  de  Paris  (Sully,t.  I,p.ïi4), 
ayant  publié,  le  20  août,  la  tenue  des 
États  de  Blqis,  demanda  au  seigneur 
de  Réclamviile  (Doyen  ,  t.  II ,  p.  93). 
•  d'employer  toute  son  influence  pour 
porter  à  la  députation  de  la  noblesse 
le  sieur„  de  Maintenon,  Jacques 
d'Angennes,  ce  à  quoi  il  opposa  res- 
pectueusement un  refus  motivé  sur 
ce  que  Maiutt-non  ne  pouvait  inspirer 
assez  de  confiance ,  étant  couché  sur 
l'état  de  la  maison  dh  roi,  tenant  de 


REC 


REC 


399 


lui  des  bénéfices  pour  ses  enfants ,  et 
son  frère  Moiitlouet  ayant  un  com- 
raaiidenientdans  l'armée  huguenoUe. 
Il  alléguait  qu'un  député  aux  États 
«  de  vaut  tenir  pour  la  religion  catho- 
«  lique  contre  la  nouvelle,  il  n'y  arait 
«  pas  apparence  qu'il  se  portât  pour 
'  les  catholiques,  puisqu'il  suppor- 
tait les  huguenots;  que  voilà  pour- 
'  quoi  l'on  ne  pouvait  faire  choix  de 
«  sa  personne  pour  député  aux  États.» 
Heun  m  insista  vainement  ;  il  ne  put 
vaincre  la  résistance  d'un  homme  dont 
la  loyale  fermeté  lui  avait  ouvert  un 
asile  à  Chartres,  homme  de  convic- 
tion et  de  cette  force  morale  qui  fut 
un  devoir  sacré  aux  temps  passés,  et 
qu'on  ignore  ou  méconnaît  à  cette 
époijue  (l'indifférence  relieieuse.  Ré- 
îdinviileétait  r- 
u roi; mais  bit-, 

•assiuat  des  deux  Guise,  il  jura  et  lit 
•  urer  la  sainte  union  à  la  ville  de  Char- 
tes, dont  il  resta  gouverneur  et  dont 
ii  ouvrit  les  portes  au  duc  de  Mayen- 
ne. Pour  cela  il  eut  à  lutter  contre 
^   îTjrts du  sienr  de.SourdiS  qu'il  lui 
arracher  aux  fureurs  du  peu- 
r  qui ,  rendu  à  la  liberté  sur  sa 
fisse  de  ue  pas  attaquer  Char- 
ne  tarda  pas  à  venir  l'insulter, 
iinville  défendit  vaillamment  la 
jilace  contre  les  troupes  réunies  des 
leux  rois  de  France  et  de  Navarre. 
Henri  llï,  vivement  irrité  de  cette 
*ance,  fit  rendre ,  le  20  jnillet 
.  un  violent  arrêt  contre  le  gou- 
ur,  sa  famille  et  ses  adhf 
.  le  \"  août  suivant,  il  [ 
-Cloud,  assassiné  par  Jacqu' 

ent.Leroide  Navarre, flenri  IN  , 

devenait  ainsi  légitime  héritier  du 
lrône,m;iisnun  reconnu  par  la  grande 
inajoritédeUnaiiou  française.  M.  Md- 
zas,  dans  sou  nouveau  cours  li'bisr 
toire  de  France,  dit»  qu'avant  de  le- 
•  ver  son  camp  derant  Paris ,  pour 


«  se  jefter  dans-  la  -Normandie  ,  il 
«  essaya,  auprès  du  dnc  de  Mayenne, 

•  quelques  démarches  qui  furent  rc- 
'  poussées  avec  dédain.  »  Il  ne  fut 
pas  plus  heureux  vis-à-vis  du  sei- 
gneur de  Réclain ville,  qui  répondit  à 
ses  brillantes  offres  :  •  Mes  ancêtres 

•  n'ont  servi  que  des  rois  catholi- 

•  ques,  je  suivrai  leur  exemple;  je 
«  serais  infidèle  à  ma  religion  si  je 
«  reconnaissais  pour  souverain  uii 
«  prince  non  catholique.  »  Henri  vou- 
lant, en  1591,  relever  ses  affaTres«qui 

•  paraissaient  décliner  (Mazas,  t.  HI, 
«  ch.  2,  p.  37),  entreprit  le  siège  de 

•  Chartres.  Le  brave  Jean  d'Allon- 
«  ville  n'y  commandait  plus  ;  il  ve- 
«  hait  d'y  être  remplacé  par  La  Bout- 

•  daisière  (l).»  Ce  siège  fut  long  et 
meurtrier;  commencé  le  10  février, 
il  se  prolongea  jusqu'au  10  avril , 
jour  auquel  La  Bourdaisière  capi- 
tula, en  dépit  de  Topposiiion  de  Re'- 
clainville,  qui  représentait  que  le  roi 
était  plus  embarrassé  que  lesaHiégés. 
«  Partez,  dit-il  au  gouverneur  qui 


(0  II  est  bo-  -'■-    •- 
ce  thjDgernei. . 
(leminent  snu] 

capitaine  FaldUtire  (^u'uu  «uulait  lui  donner 
]ioar  lieuteodDt-gnufero^Dr.  Il  i»v,*rt  «"««tiife 
refusé  de  traiî 
très  avec  le  L 
(xiDtre  lui  le  pi^, 
serTÏ,  et  par  lequel 
une  émeute.  Délivr, 
Mayenne  et   \ 
refusa  de  rep: 
'■lOîif  u  qu  îl  L, 

iompter  le- 
n .    ni   la  ; 

ois.  »  Il  deijga,»  ie  sieur  «le  LjBour- 
-lU  duc  de  Mayenne,  qui  enjoisuit 


fo: 

dTiut  a  ewpiojer  le  créait  dont 

dans  Is   pro*iD<-e  en-favenr  d- 

c*mpatr! 

'■es  euoL 

quila^i„ .^™„.  ..o.^.„coui. 

>'  sioos,n>«is)ainaudaiisd'anssiperiileuse.> 


.  rendait  pas,  nous  saurons  bie*!  ac- 
-  fendre  la  place  sans  vous  -,  »  et  il 
refusa    de    signer    la    capitulation 
(Doyen, T.'li,  p.  103).  M.  Mazas,aprc3 
avoir  rappelé  les  marchés  auxquels 
Henri  IV  avait  dii  cônsenlir,  tant 
pour  réduire  Paris  que  pour  gagner 
les  chefs  de  la  ligue  qui  tenaient  di- 
verses'provinccs  (t.  111,  chap.  3),  avec 
ramiral   d'^    Villars  -  Brancas    pour 
Rouen  et  la  Normandie,  avec  le  jeune 
(lac  de  Guise,  lils  du  Balafré,  pour 
la  Champagne,  avec  Claude  de  La 
Châtre  pour  le  Berry,  etc.,  et  avec 
Charles  de  Cessé -Brissac  pour  Pa- 
ris (1) ,  ajoute  :  «  Nous  allons  citer 
^  un  trait  de  noble  désintéressement 
u  pour  prouver  que,  dans  les  lemps 
"  les  plus  corrompus,  il  se  trouve 
.  encore  des  hommes  de  guerre  qui 
«  savent,  pour  l'honneur  du  pays, 
«  conserver  leur  dignité.  Jean  d'Âl- 
u  lonville,  gouverneur  de  Chartres, 
.  avaitfrepoussé,  en  1589,  les  offres 
.  avantageuses  qu'on  lui  faisait  pour 
a  rendre  cette  ville  au  roi.  En  1594, 
«  lorsque,  dans  l'espoir  de  hPiter  la 
«  fin  de  la  guerre,  Henri  IV  prit  le 
«  parti  d'acheter  les  principaux  ofh- 
.  ciers  de  la  ligue,  il  lit  ollrir  à  Jean 
a  d'Âllonville,  alors  gouverneur  de 
.Blois,  une. forte  somme;  ce  guer- 
.  rier   répon.lit  :    -  Aujourd'hui   le 


(v^l  Voici  comv.n-ut  M.  Ma^as  caractérise 
.vVouverneur  :  ■<  1  -  <!'.-  <1-  Mayenne  venait 
„  âe  <Téer  maiécbal  de  France  Charles  d« 
,  (;oi,f,é-llrissac.  le  même  qui  avait  ,,rfM.le 
,.  :n.x  ISavri.ades,  homin.f  MUgnlier  ^M'"? 
.ciiHi  ans  avant,  si  l'on  en  cr.-it  b.illv 
„  uvYiir  r^.vc  le  i.rojet  d'énger  la  l-n.uc«  «a 
.  république.  Il  promit  de  servir  les  inlç. 
...  ivis  de  Ut-mi  IV,  pourvu  qn  on  !••  >  l'ar 
..-fort  olier.  On  ignpre  U  soinni 

Oiiittro  jours  après,  il  »'""VM' 
ùr.ion  au  syiidie  Ll)U4llier,  eu  hiMi. 
.    j        ,  l'istf  de  rendre  à  Chnr  ce  qui  '-. 

r  .      n  Cêiar.  —  Oui ,  répond.'  '  '  : 


V,KC 


=-  scLUCe  et  service  ae  sujei,co!iu 
•  dû  le  lui  refuser  avant  sa  cf 
«  sion;  ce  devoir  n'est  pas  de  n; 'i;ue, 
«  à  être  acheté  ni  vendu.  »  Kt  li  uu- 
'  vrit  les  portes  de  Biois  sans  vouloir 
«  accepter  aucune  indeurmité.  »  Peu 
de  temps  après,  Récla inville  termina 
sa  ;  carrière  dans  un  âge  très- 
avancé.  L— s— D. 

IVECLAJSI  (Frédéiîic),  peintre  et 
graveur  à  l'eau-forte,  naquit  à  Miigde- 
hourg,en  lî3i.Son  père  était  joaillier. 
Voyant  ses  dispositions  pour  les  arts 
du  dessin,  il  l'envoya  ii  Berlin,  sous  la 
direction  de  Perne.  A  l'Age  de  dix- 
huit  ans,  et  déjà  avancé  dans  la  prati- 
que de  son  art ,  il  vint  à  Paris,  où  it 
fut  fortement  Recommandé  à  Lempe- 
reur,  joaillier  de  la  cour,  qui  possé- 
dait un  riche  cabinet  de  tableaux,  l.e 
jeune  Reclam  proiitade  l'accueil  qui 
lui  fut  fait  pour  se.peifectionner  dans 
ses  études  et  suivre  les  leçons  de 
Pierre,  alors  premier  peintre  du  roi. 
Il  peignait  avec  succès  le  paysage  et 
le  portrait.  En  1755,  il  fit  le  voyage 
d'Italie,  et  après  avoir  parcouru  cette 
contrée,  et  surtout  les  environs  de 
Rome,  en  artiste  jîiloux  de  s'instruire, 
Jl  revint  à  Berlin  rapportant  avec  lui 
une  grande  quantité  d'études  qu'il 
avait  esquissées  d'après  nature.  Une 
fois  tixé  dans  cette  ville,  il  se  mit  à 
cultiver  la  gravure  à  Peau-forte  et 
exécuta,  suivantce  procédé,  une  suite 
de  onze  différentes  vues  d'après  ses 
propres  comiiositious ,  eC  deux  vues 
d'Italie  représentant  le  malin  et  le 
soir,  l'une  d'après  Moucheron,  et 
l'autre  d'après  Dubois.  Ces  divers  ou- 
vrages promettaient  un  artiste  très- 
disliugué,   lorsqu'une  mort  prema- 
iniée  l'emporta  dans  la  force  de  rài;e, 

1774.  ''—*• 

siWll.AiW  (FRÉnÉuic),  savant  nn- 

iiisire  !>' 


RFC 

des  familles  que  la  rrvoralion  ùe  IV- 
dit  de  Nantes  obUgoa  de  sortir  de 
France.  Né  dans  les  États  da  roi  de 
Prusse  vers  le  milieu  du  XVIII"  siè- 
cle, il  reçut  une  éducation  très-soi- 
gnée et  devint  pasteor  de  l'église 
française  de  Berlin,  place  qu'il  con- 
serva jusqu'à  sa  mort,  arrivée  dans 
les  premières  années  de  ce  siècle.  I.e 
pasteur  Reclam  avait  publié  :  I.  Des 
penchants,  trad.  de  l'allemand  de 
Cûchios,  17C9,  in-8*.  Il  (avec  le 
pastwïr  J.-P.  Erman,  voy.  ce  nom, 
Xfll,  î58).  Mémoires  pour  servir  à 
rhistoire  des  réfugiés  français  dans 
les  États  du  roi  de  Prusse,  Berlin, 
1782-99,  0  vol.  in-8«.  III  (avec  le 
même).  Mémoire  historique  sur  la 
fondation  des  colonies  françaises 
dans  les  États  du  roi  de  Prusse,  pu- 
blié à  l'occasion  du  jubilé  du  29  oct. 
1785,  Berlin,  1785,  in-8\— Reclam- 
Sioscn{Marie-Henriette  Charlotte), 
épouse  du  précé^fent,  était  fille  d'un 
pasteur  de  Liiio.  Elle  cultiva  ;ivec 
un  égal  succès  la  poésie  allemande 
et  la  poéiie  française.  Nous  citerons, 
parmi  ses  productions  en  langue  fran- 
çaise, son  Recueil  de  pièces  fugitives, 
Berlin,  1777,  1  vol.  in-ri,  qu'elle  dé- 
dia à  Bitaubé.  La  dédicace  se  termi- 
nait par  ces  vers  touchants  : 

L'immortalité  que  j'espt-re 
I  st  daus  le  cœar  de  mes  ann.t. 

C— AU. 

RECOING  (Jean -Baptiste -An- 
toine), né  près  de  Joigny,  en  1770, 
fut  d'abord  oratorien,  puis,  atteint 
par  la  réquisition,  devint  soldat  en 
1793.  Toutefois  11  ne  porta  pas  le 
mousquet  long-temps,  étant  entré  en 
1795,  dès  la  fondation,  à  l'École  Poly- 
technique, où  il  compléta  ses  études 
sous  le  rapport  des  sciences  mathé- 
matiques. Il  obtint  ensuite  le  litre 
d'ingénieur  des  ponts  el  chaussées 
dont    il   exerça  les    fonctions  jos- 

tXïVlII. 


RED 


401 


qn'k  sa  mort  arrivée  en  1831.  On  a 
de  lui  :  I.  Dissertation  sur  les  puits 
a'^tésiens.  II.  Méthode  pour  appren- 
dre à  lire.  III.  Syllabaire  dactylo- 
logique, 1823,  in-4".  rV.  Nouvel  es- 
sai de  sténographie,  1826.  V.  Le 
Sourd-muet  entendant  par  les  yeux, 
1829,  in-i".  Tous  ces  ouvrages  ont 
été  publiés  anonymes.  Z. 

REDERN  (le  comte  Sigismosd 
Ehrenreich  de),  fils  du  grand-ma- 
réchal de  la  cour  de  Prusse  de  ce 
nom  (voy.  Redern  ,  XXXVII.  216), 
naquit  à  Berlin,  en  1755,  et  fut  d'a- 
bord destiné  à  la  diplomatie.  Après 
avoir  été,  pendant  quelques  années, 
ministre  de  Saxe  en  Espagne,  puis 
mini.stre  de  Prusse  en  Angleterre,  il 
quitta  Londres  en  1792,  pour  venir  k 
Paris,  où  la  révolution  était  dans 
toute  sa  force.  Le  comte  de  Redern 
n'en  fut  point  effrayé ,  et  loin  de  là, 
s'étant  intimement  lié  avec  le  fa- 
nieu.v  Saint-Simon,  qui  n'était  point 
encore  entré  dans  son  système  de  la 
communauté  des  biens,  ils  achetèrent 
en  société  pour  plusieurs  millions  de 
propriétés  nationales,  dont  ils  n'a- 
vaient pas  même  payé  le  premier  dou- 
zième, lorsque  le  régime  de  la  terreur 
vintporterl'effroidanstous  les  esprits, 
et  obligea  Redern  de  quitter  la  Fran- 
ce, où  il  ne  revint  qu'après  la  chute 
de  Robespierre.  Saint-Simon,  qui 
avait  été  mis  en  prison,  sortit  à  la 
même  époque,  et  loos  deux  réuni- 
rent leurs  efforts  pour  rentrer  dans  la 
propriété  des  biens  nationaux  dont  ils 
étaient  déchus,  faute  d'avoir  acquitté 
le  premier  douzième.  Ils  y  réussirent 
complètement,  et  payèrent  la  totalité 
deTacquisilionavecdes assignats  sans 
valeur.  Ce  fut  pour  eux  une  fortune 
considérable,  et  la  liquidation  qu'ils  en 
firent  peu  de  temps  après  ne  produisit 
pas  moins  de  200,000  francs  de  ren- 
tes pour  chacun  d'eux.  Saint-Simon- 
26 


402 


REO 


dont  l'esprit  fut  toujours  aventu- 
reux, s'ëtant  jeté  dans  des  entrepri- 
ses de  voitures  publiques  et  d'autres 
spéculations ,  même  un  peu  dans  le 
système  qui  plus  tard  a  fait  tant  de 
bruit  sous  le  nom  de  saint-simo- 
nisme{voy.  Saint-Simon,  au  Supp.), 
dissipa  bientôt  cetteimmense  fortune, 
au  point  qu'il  fut  obligé  de  s'adresser 
à  son  ci-devant  associé  pour  en  tirer 
de  quoi  vivre.  N'ayant  pas  d'abord 
obtenu  tout  ce  qu'il  désirait,  il  lui 
intenta  un  procès  qui  fut  long, 
et  dans  lequel  il  y  eut  de  part  et 
d'autre  des  Mémoires  aujourd'hui 
bien  curieux,  mais  devenus  très- 
rares.  L'affaire  se  termina  par  la 
concession,  de  la  part  de  Redern, 
d'une  pension  viagère  de  1,200  fr. 
qu'il  fit  à  Saint-Simon,  et  c'est  de 
cela  que  celui-ci  a  vécu  long-temps. 
Quant  à  Redern,  il  conduisit  d'abord 
assez  bien  ses  affaires,  et  tira  grand 
parti  de  l'hôtel  des  Fermes  à  Paris, 
qui  était  entré  dans  son  lot,  et  qu'il 
avait  eu  à  très-bas  prix,  comme  aussi 
de  la  magnifique  terre  de  Fler^,  et  de 
très-belles  forges  situées  en  Norman- 
die. Mais  il  fit  ensuite  des  pertes  sur 
des  spéculations  de  fer  dont  il  voulut 
avoir  une  sorte  de  monopole,  ce  qu'il 
ne  put  réaliser,  les  maîtres  de  forges 
de  toute  la  contrée  s'étant  ligués 
contre  lui.  Ce  fut  alors  qu'il  épousa 
une  demoiselle  de  Montpezat  {voy. 
ce  nom,  LXXIV,  312),  et  qu'il  devint 
ainsi  le  beau-frère  de  M.  de  Saint-Al- 
bin et  l'oncle  de  M.  Hortertsius  de 
Saint-Albin,  aujourd'hui  membre  de 
la  chambre  des  députés.  S'étant  char- 
gé de  l'exploitation  de  plusieurs  forges 
dont  il  était  propriétaire,  le  comte  de 
Redern  leur  donna  une  grande  impul- 
sion. 11  publia  en  1814  deux  Mémoires 
contre  l'importation  des  fers  étran- 
gers, qui  furent  présentés  aux  cham- 
bres en   1815.  Il  fut  alors  nommé 


RED 

membre  du  conseil  des  manufactures 
et  candidat  à  la  chambre  des  députés 
par  le  département  de  l'Orne,  S'étant 
rendu  à  Nice  en  1835,  il  y  mourut 
comme  tant  d'autres  que  les  médecins 
y  envoient  pour  rétablir  leur  santé. 
Oh  a  de  lui  deux  ouvrages  empreints 
de  toute  l'obscurité  du  philosophisme 
germanique,  et  qu'en  conséquence 
personne  ne  lit,  savoir  ;  I.  Modes  ac- 
cidentels de  nos  perceptions^  ou  Exa- 
men sommaire  des  modifications  qiie 
des  circonstances  particulières  ap- 
portent à  L'exercice  de  nos  facultés  et 
à  la  perception  des  objets  extérieurs, 
DEUXIÈME  ÉDITION  (uous  ignorons  à 
quelle  époque  et  en  quel  endroit  a 
paru  la  première),  revue  par  l'au- 
teur, Paris,  1818,  in-8».  II.  Considé- 
rations sur  la  nature  de  Vhomme  en 
soi-même  et  dans  ses  rapports  avec 
l'ordre  social^  Paris,  1835,  2  vol. 
in-8°.  —  Redern  (  la  comtesse  Hen- 
rieffe  de  Montpezat  de),  était  née  en 
1770  et  mourut  à  Nice  en  1830.  C'éc 
tait  une  femme  de  beaucoup  d'esprit-, 
d'une  extrême  sensibilité,  et  fort  at- 
tachée à  l'ancienne  dynastie.  Elle 
avait  publié  ;  I.  Le  retour  de 
Louis  XVIII  en  juillet  1815,  Paris, 
1815,  in-S".  II.  Zélie,  reine  des  bra- 
ves, ou  le  Génie  du  bien,  conte  mo- 
ral et  politique,  suivi  de  quelques 
poésies,  Paris,  1819,2  vol.  iu-i2. 111. 
Épisodes  tirés  d'un  poème  inédit  : 
Mort  du  duc  de  Berri,  Paris,  1823, 
in  8".  IV.  Les  Grecs  (en  vers),  Paris, 
1826,  in-S".  M— Dj. 

REDËSDALE.  Voy.  Mitford, 
LXXIV,  135. 

REDON,  célèbre  avocat  de  l'Au- 
vergne, fut  du  petit  nombre  de 
son  ordre  qui,  dès  le  commencement 
de  la  révolution,  se  montra  opposé 
aux  innovations,  et  parut  en  pré- 
voir toutes  les  conséquences.  Né  à 
Riom,  il  était  avocat  à  la  sénéchaus- 


RED 


RED 


40S 


sée  de  cette  ville,  et  passait  pour  le 
plus  bloquent  orateur  de  ce  barreau. 
II  fut  nomme'  un  des  premiers  dépu- 
tés de  SOI]  pays  aux  Eiats-géiiéraux, 
et  siégea  constamment  dans  le  côté 
droit.  Avant  la  réunion  désordres,  il 
fut  un  des  commissaires  nommés  par 
le  tiers-état  pour  tâcher  d'opérer, 
avec  ceux  du  clergé  et  de  la  noblesse, 
une  conciliation  à  laquelle  on  ne 
put  parvenir.  Redon  fit  partie  d'un 
premier  comité  de  constitution  qui 
fut  presque  aussitôt  dissous  que  for- 
mé, et  plusieurs  fois  secrétaire  de 
l'assemblée.  Lorsqu'il  fut  question 
d'asseoir  les  premières  bases  de  la 
nouvelle  constitution  ,  on  commença 
par  supposer  qu'il  n'y  avait  pas  de 
gouvernement  en  France,  et  qu'il 
fallait  organiser  toute  la  population 
en  corps  de  nation.  Le  premier  point 
mis  en  délibération  fut  de  savoir  si 
le  gouvernement  serait  monarchi- 
que ,  en  d'autres  termes ,  si  le  prince 
régnant  serait  privé  de  sa  couronne, 
ou  si  elle  lui  serait  conservée.  Le  29 
août  1789,  Redon  s'éleva  avec  for- 
ce contre  une  si  dangereuse  délibé- 
ration. Lorsqu'il  prit  la  parole,  on 
avait  proposé  de  traiter  concurrem- 
ment l'oiganisatiou  du  Corps  légis- 
latif et  celle  du  pouvoir  exécutif. 
«  Avant  d'examiner  ce  que  c'est  que 
«  le  Corps  législatif,  dit  le  député 

•  d'Auvergne,  examinons  ce  que  nous 

•  sommes  nous-mêmes  pour  agiter 
«  ces  grandis  questions.  Sorames- 
«  nous  une  puissance  ou  des  délé- 

•  giiés?  Avons-nous  des  droits  à  exer- 

•  cer  ou  des  devoirs  à  remplir.?  Qui 
«  prétendrait  que  nous  sommes  une 

•  puissance?  Elle  réside  dans  la  ua- 
«tion;  c'est  par  elle  que  noussom- 

•  mes;  ce  n'est  pas  seulement  en  son 
«  nom,  mais  par  sa  volonté  que  nous 

•  devons  agir,  et  dire,  pour  nous 

•  conformer  à  cette  volonté,  que,  le 


«  gouvernement  français  est  un  gou- 
«  vernement  monarchique.  Ce  n'est 
«  pas  un  droit  que  nous  créons,  mais 
■  la  volonté  de  nos  commettants  que 

•  nous  déclarons,  d'après  les  cahiers 

•  dont  nous  sommes  porteurs..  ..  » 
Dans  toutes  les  circonstances,  Redon 
se  montra  fortement  attaché  aux 
principes  de  la  monarchie ,  et  fit  ses 
efforts  pour  que  le  veto  absolu  fût 
conservé  au  roi ,  qui  y  avait  lui-mê- 
me renoncé.  Le  système  qu'il  défen- 
dait étant  écarté ,  il  n'eut  plus  d'au- 
tre moyen  de  le  soutenir  que  de  si- 
gner la  protestation  du  12  sept.  1791. 
Redon  était  très-lié  avec  Malouet,  son 
compatriote,  qui  avait  fait  aux  prin- 
cipes libéraux  quelques  concessions, 
dont  le  premier  s'était  abstenu.  Il 
échappa  aux  proscriptions  pendant 
le  règne  de  la  terreur,  vint  à  Paris 
après  le  9  thermidor ,  et  fut,  dans  la 
section  Lepelietier,  un  des  opposants 
les  plus  prononcés  à  la  Convention, 
à  l'époque  du  13  vendémiaire  (5  oc- 
tobre 1795).  Il  retourna  ensuite  dans 
son  pays,  fut  nommé  en  1800,  par 
le  gouvernement  consulaire,  premier 
président  de  la  cour  d'appel  deRiom, 
place  que,  vu  sou  grand  âge,  il  cessa 
d'occuper  en  1818,  et  mourut  peu  de 
temps  après.  En  1814,  il  était  venu 
présenter  ses  hommages  au  roi  qui  se 
rappela  sa  conduite  à  l'Assemblée 
constituante,  et  l'accueillit  avec 
beaucoup  de  distinction.  Redon  avait 
été  nommé  chevalier  de  la  Légion- 
d'Honneur  par  le  gouvernement  im- 
périal. Nous  igiiorous  si  celui  de  la 
Restauration  lui  donna  quelque  té- 
moignage de  la  reconnaissance  qu'il 
méritait  si  bien.  B— u. 

REDOUTÉ  (PiERBE-JostPH),piin- 
tre  célèbre,  que  ses  couleuiporaijis  ont 
surnommé  le  Raphaël  des  fleurs,  na- 
quit le  10  juillet  1759,  à  Saint-Hu- 
bert, bourg  du  pays  de  Liège,  situé 
26. 


404 


RED 


;m  sein  des  Ardennes.  Fils,  petit-fils 
et  arrière-petit-fils  de  peintres  plnsou 
moins  habiles ,  dont  les  tableaux  et 
les  fresques  ornent  encore  divers  édi- 
fices religieux  de  la  Belgiqiie,  il  ap- 
prit,  dès   le  berceau,  à  esquisser, 
comme  en  jouant,  tout  ce  qui  frap- 
pait sa  vue,  lorsque,  poussé  par  le 
désir  d'exceller  dans  son  art,  il  alla 
de  ville  en  ville  étudier  les  chefs- 
d'œuvre  de  l'ancienne  Flandre  et  de  la 
Hollande  pours'appropriercettft  fran- 
chi se  de  ton  et  cette  touche  délicate 
qui  caractérisent  les  deux  écoles.  Ce 
fut  dans  le  cours  de  cette  pérégrina- 
tion que  les  gracieux  tableaux  de  Van 
Huysum  révélèrent  au  jeune  Redouté 
tjue  lui  aussi  était  né  pour  peindre 
les  fleurs;  mais,  forcé  de  lutter  con- 
tre la  pénurie  de  ses  moyens  pécu- 
niaires, le  pauvre  artiste,  qui  n'a- 
vait d'autre  richesse  que  ses  pinceaux 
et  sa  palette,  se  résigna  à  faire,  com- 
me ses  ancêtres ,  des  tableaux  d'é- 
glise, des  portraits  ou  des  dessus  de 
portes.  Fixé  ensuite  (1782)  dans  l'a- 
telier de  son  frère  aîné,  Antoine-Fer- 
dinand, qui  exerçait  à  Paris  la  pein- 
ture de  décors,  il  s'attacha  à  tracer 
des  fleurs  d'ornement,  non  à  la  ma- 
nière heurtée  des  peintres  d'arabes- 
ques, mais  en  dessinateur  et  coloriste 
attentif  à  donner  aux  plantes  leurs 
formes,  leurs  poses  et  leur  physio- 
nomie. Il  abandonna,  peu  de  temps 
après,  la  peinture  à  fresque  pour  s'a- 
donner exclusivement  à  l'étude  ap- 
profondie (le  la  nature,  le  premier  de 
tous  les  maîtres,  disait-il ,  sans  ja- 
mais perdre  ce  faire  large  et  rapide 
que  ses  travaux  antérieurs  lui  avaient 
fait  acquérir.  Bientôt  le  succès  inat- 
tendu de  ses  aquarelles,  exécutées 
avec  une  vérité  d'mjitation,  un  colo- 
ris diaphane  et  moelleux  ignorés  jus- 
qu'alors, firent  renoncer  à  l'usage  où 
4'9n  était  de  peindre  les  fleurs  h  la 


RED 

gouache,  et  obtinrent  au  jeune  inno- 
vateur le  double  patronage  de  L'Hé- 
ritier et  de  Van  Spaendonck.  Le  pre- 
mier fit  dessiner  à  Redouté  les  figures 
d'un  très-grand  nombre  de  plantes, 
ainsi  qu'une  partie  du  Serlum  angli- 
cum.  Le  second,   en  sa  qualité  de 
peintre  du  cabinet  de  Louis  XVI,  li^ 
fit  peindre  les   vingt  plantes  rares 
qu'il  devait  fournir,  chaque  année,  à 
la  collection  de  vélins,  commencée  en 
1650  par  ordre  de  Gaston  d'Orléans, 
et  continuée  de  nos  jours  par  les 
soins  du  Muséum  d'histoire  naturelle 
de  Paris.  Redouté,  que  la  reine  Ma- 
rie-Antoinette avait  voulu  s'attacher 
comme  dessinateur  de  son  cabinet, 
fut  nommé,  en  1792,  dessinateur  de 
l'Académie  royale  des  sciences,  et,  à 
la  création  de  l'Institut,  dessinateur 
en  titre  de  la  classe  de  physique  et  de 
mathématiques  de  ce  même  corps. 
En  1805,  il  reçut  le  brevet  qu'il  am- 
bitionnait le  plus,  celui  de  peintre  de 
fleurs  de  l'impératrice  Joséphine,  qui, 
juste  appréciatrice  de  son  caractère 
et  de  ses  œuvres,  lui  adressa  encore 
de  touchantes  paroles  le  jour  même  pu 
cette  princesse  succombait  au  chagrin 
d'un  funeste  abandon.  En  1822,  Redou- 
tésuccédaàG.VanSpaendonijJc  comme 
professeur   d'iconographie  végétale 
au  Jardin  du  roi.  Les  principaux  ou- 
vrages auxquels  le  premier  il  attacha, 
l'éclat  de  son  pinceau,  indépendam- 
ment de  ceux  déjà  cités,  sont  :  la  Flora 
atlaniica,  de  Desfontaines;  le  Jardin 
de  la  Malmaison  et  les  Plantes  rares 
du  jardin  de  Cels,  pî^r  Ventenat;  lès 
Plantes  rares  du  château  de  Navarre, 
par  Aimé  Bonpland  ;  les  Arbres  et  Ar- 
bustes du  Nouveau  Duhamel,  par  M. 
Loiseleur-Deslougchamps;  la  Botani- 
que de  J -J. Rousseau;  VÂKlragalogia 
et  les  Plantes  grasses  de  Decaudollej 
la  Flora  boreali-Americana  et  l'HiS- 
toire  des  chêiu-s  de  l'Amérique  sep- 


RED 

tentrionalë  d'AntIré  Michaux  ;  l'His- 
toire des  arbres  forestiers  de  PAme'- 
rîqne  du  Nord,  par  M.  André-Fran- 
çois Michaiiï  (le  fils  de  ce  dernier); 
l*flistoire  naturelle  du  maTs,  de  Bona- 
fous,  etc.  Il  est  peu  de  grands  ouvra- 
ges de  ce  genre,  édite's  à  Paris  de- 
puis le  commencement  dn  siècle, 
auxquels  Reiiouté  n'ait  prêté  sa  bril- 
lante coope'ration  ;  mais  ses  deux  plus 
belles  productions,  celles  qui  justi- 
fient le  mieux  sa  supériorité,  sont  les 
Liliacées  et  les  Roses.  Les  LUiacées, 
accompagnées  d'un  texte  descriptif 
par  Delaunay,  furent  publiées  de 
1802  à  1816,  en  80  livraisons, 
composées  chacune  de  six  plan- 
ches et  de  six  feuillets  de  texte,  in- 
folio, tes  Roses,  publiées  de  1817  k 
1821,  décrites  et  classées  dans  leur 
ordre  naturel  par  C.-A.  Thory,  for- 
ment 30  livraisons  de  six  planches, 
format  idem.  De  1827  à  1833,  Redouté 
lit  paraître,  en  36  livraisons  in-4°  : 
Choix  des  plus  belles  fleurs  prises 
dans  différentes  familles  du  règne  vé- 
gétal, de  quelques  branches  des  plus 
beaux  fruits,  groupés  quelquefois,  et 
souvent  animés  par  des  insectes  et 
des  papillons.  En  1835  et  années  sui- 
vantes, il  publia  12  livraisons  in  4», 
de  quatre  planches  chacune,  sous 
le  litre  de  Collectioti  de  jolies  petites 
fleurs  choisies  parmi  les  plus  gracieu- 
ses productions  de  ce  genre,  tant  en 
Europe  que  dans  les  autres  parties 
du  monde.  En  1836, il  mitau  jour,cn 
1 5  livraisons  in-4°,  cliacunede  qnatre 
planches  :  Choix  de  60  roses  dédiées  à 
la  rei;ie  des  Belges,  avec  une  Intro- 
duction de  M.  Jules  Jmin.  Enfin,  son 
dernier  travail  fut  encore  un  Choix 
de  quelques  roses,  publié  depuis  sa 
mort,  sous  le  titre  de  Bouquet  royal, 
dédié,  par  sa  veuve  (Marthe  Gobert), 
à  II  faniille  régnaute  de  France.  Re- 
douté, très-orgueilleûx  d'avoir  ini- 


RED 


405 


tié  dans  la  peinture  des  fleurs  Ma- 
rie-Antoinette, Joséphine,  sa  fiUe 
Horlense,  Marie-Louise,  la  duchesse 
de  Bcrri,  la  reinedes  Français,  madame 
Adélaïde  et  d'autres  princesses  de 
sang  royal,  compta,  parmi  ses  élèves 
d'un  autre  ordre,  madame  Panc- 
koucke,  l'un  des  peintres  de  laFioïc 
médicale,  mademoiselle  Arson,  ma- 
dame de  Chantereine  et  bien  d'antres, 
plus  ou  moins  renommées,  toutes 
formées  aux  cours  publics  qu'il  fit 
pendant  dix-huit  années  au  Jardin 
du  roi.  Son  dernier  disciple  fut  un 
jeune  Savoisien  (Félix  Rassat),  que 
Panteur  de  cette  notice  lui  avait 
confié  dans  le  but  d'importer  en 
Italie  l'école  du  célèbre  iconographe 
français.  Redouté  venait  de  doniter, 
dès  la  pointe  du  jour,  une  leçon  à  son 
élève  de  prédilection,  lorsque,  frappe 
d'une  congestion  cérébrale,  il  mou- 
rut, entouré  des  larmes  de  sa  femtne 
et  de  sa  lille,  le  19  juin  1840,  tenant 
encore  entre  les  mains  un  lis  à  co- 
rolle blanche,  qq^  le  jeune  élevé  avait 
cueilli  pour  lui.  Deux  jours  après, 
un  grand  nombre  d'artistes  et  d'hom- 
mes de  lettres  accompagnèrent  ses 
testes  au  cimetière  du  Père-Lachaise. 
Une  couronne  de  lis  et  de  roses,  en- 
lacée aux  insignes  de  l'ordre  royal 
de  Léopoldelde  laLégion-dHonneur, 
fut  déposée  sur  son  cercueil,  près  du- 
quel un  des  amis  du  grand  peintre 
(l'auteur  de  cet  article)  improvisa  une 
courte  élégie,  terminée  par  ces  deux 
vers  : 

O  peintre  aimé  de  Flui  e  t-t  Ju  riant  empire  .' 
Tu  nuos  quittes  le  jtftlr  ou  le  x>riotnops  ex- 
pire !  ;,^  '■.■-;/:,;  i    i:   ,  .  ;  :, 

Ventenat  a  consacré  à  la  mémoire  de 
Redouté,  sous  le  nom  de  Redoutea, 
un  genre  de  la  famille  des  malvacées, 
originaire  des  Antilles,  dont  on  con- 
naît deux  espèces  :  R.  heterùphyflla , 
B.  tripartita.   Sou   portrait,   peint 


406 


REE 


REE 


par  Gérard,  àéié  gravé  en  1811  par 
C.-S.  Pradier.  Enfin  le  gouvernement 
belge  a  fait  élever  en  1846  sur  la 
place  publique  de  Saint-Huhert  une 
font.iinf  monumentale,  surmontée  du 
buste  de  ce  célèbre  artiste.— M.  Del- 
sart  a  lu  une  Notice  iur  Redouté , 
dans  la  séance  de  la  Société  du  dé- 
partement du  Nord,  à  laquelle  il  ap- 
partenait. Cette  notice,  insérée  dans 
les  Archives  historiques  du  Nord^ 
a  été  imprimée  séparément,  Valen- 
ciennes,  1841,  in-S".  D'autres  no- 
tices ont  été  publiées.  —  Redouté 
{Henri- Joseph),  frère  du  précé- 
dent, né  en  1766,  après  avoir  débuté 
dans  la  peinture  des  fleurs,  ettravaillé 
avec  lui  à  divers  ouvrages  d'icono- 
graphie botanique,  se  livra  spéciale- 
ment à  l'art  de  peindre  les  animaux. 
Il  fit  partie  de  l'expédition  d'Egypte, 
et  nommé  ensuite  peintre  du  Mu- 
séum d'histoire  naturelle,  il  continua 
àenrichir  la  zoologie  d'un  grand  nom- 
bre de  dessins  d'une  touche  correcte 
et  légère.  .       B — F — s. 

REES  (Abraham),  savant  anglais, 
membre  de  la  société  royale  de  Lon- 
dres, de  la  société  Linnéenne  et  de 
plusieurs  autres  sociétés  savantes, 
naquit  en  1743  dans  le  nord  du  pays 
de  Galles,  où  son  père  était  ministre 
protestaat.  Il  commença  ses  études 
sous  les  yeux  de  ses  parents,  et  vint 
les  terminer  à  l'institution  d'Hoxton, 
près  de  Londres,  où  il  obtint  bientôt 
une  place  de  professeur  de  mathé- 
matiques qu'il  occupa  pendant  vingt 
ans.  11  fut  ensuite  reçu  professeur  de 
théologie  au  collège  d'Hackiiey,  et 
remplit  ces  fonctions  jusqu'en  1795, 
époque  à  laquelle  il  se  consacra  à 
l'église.  On  a  du  docteur  Rees  diffé- 
rents ouvrages  de  physique  et  de 
mathématiques;  le  plus  connu  est  sa 
Nouvelle  Encyclopédie  {the  New  En- 
eyclopedia),  44  vol,  in-4*,  composée 


sur  le  plan  de  l'Encyclopédie  fran- 
çaise, et  qui  est  très-estimée  en  Angle- 
terre. Ce  travail  prouve  que  le  docteur 
Rt'es  posséilait  un  savoir  immense. 
Au.ssi  v«'rtueuxquesavant,il  était  très- 
tolérant  sous  le  rapport  religieux.  II 
mourut  le  9  juin  1825,  à  l'âge  de  82 
ans.  Z. 

REEVE  (miss  Clara)  ,  née  vers 
1725  à  Ipswich  ,  d'un  ecclésiastique 
anglican,  s'est  plu  à  rapporter  à  son 
père  toute  l'instruction  qu'elle  pos- 
séda. M.  Reeve,  qui  partageait  l'opi- 
nion des  anciens  whigs,  se  faisait  lire, 
par  celte  enfant,  les  débats  parlemen- 
taires qu'il  écoutait  en  fumant  sa  pipe 
après  son  souper.  «  Je  bâillais  alors 
«  sur  le  journal,  dit  miss  Clara,  mais  à 
«  mon  insu  il  fixait  les  principes  que 
«  j'ai  toujours  conservés.'  VHistoire 
d"" Angleterre,  par  Rapin  Thoiras,  les 
Lettres  deCaton,  par  Gordon  etTren- 
chard,  les  histoires  de  la  Grèce  et  de 
Rome,  les  Vies  de  Plutarque,  furent 
lues  successivement  par  elle  dans  un 
âge  où  peu  d'individus  savent  lire  leur 
propre  nom.  Mistriss  Reeve  ,  ayant 
perdu  son  mari, vint  résider  avec  trois 
de  ses  filles  à  Colchester ,  et  ce  fut 
dans  cette  ville  que  Clara  mit  pour  la 
première  fois  au  jour  le  fruit  de  son 
travail  littéraire,  la  traduction  du 
latin  en  anglais  du  fameux  roman  de 
J.  Barclay,  V Argents,  sous  le  titre  du 
Phœnix,  1762.  Cinq  années  après, 
elle  publia  celui  de  ses  ouvrages  qui 
la  fit  le  plus  connaître  et  sur  lequel 
seul  se  fonde  aujourd'hui  .sa  réputa- 
tion :  Le  Champion  de  la  vertu ,  his- 
toire gothique.  Ce  roman,  dont  la 
lecture  du  Château  d'Olrante,  par 
Horace  Walpole,  lui  avait  inspiré  l'i- 
dée, et  dont  Tintérôt  repose  sur  le 
goût  assez  général  pour  ce  que,  l'on 
appelle  des  histuires  de  revenants, 
eut  un  grand  succès,  et  l'on  en  fit 
une  deuxième  édition  dans  la  même 


REE 

annéf,  en  lai  donnant  alors  le  titre 
du  Vitux  baron  anglais.  L'auteur 
l'avait  dédié  à  mistnss  Bridgen,  fille 
du  célèbre  romancier  Richardson,  qui 
paraît  avoir  relouché  le  manuscrit. 
L'accueil  favorable  fait  à  cette  pro- 
duction engagea  miss  Reeve  à  com- 
poser d'autres  écrits,  qui  furent  pour 
la  plupart  assez  bien  reçus  dans  leur 
uouveauté,  mais  qui  depuis  ont  été 
presque  délaissés,  tandis  que  le  pré- 
cédent trouve  encore  des  lecteurs,  et 
a  même,  été  traduit  eu  langue  étran- 
gère. Le  Vieux  baron  anglais  a  été 
admis  dans  ia  collection  des  compo- 
sitions choisies  de  ce  genre  éditées  à 
Edimbourg  [Halantyne'i  novelist's 
library),  et  pour  Jdquelle  Walter 
Sc«jtt  a  écrit  des  notices  biographi- 
ques et  critiques.  C'est  à  la  notice 
qu'il  a  consacrée  à  l'objet  de  cet  ar- 
ticle que  nous  devons  le  peu  de  do- 
cuments restés  sur  une  existence  si 
peu  accidentée,  du  moins  à  notre  con- 
naissance. Clara  Reere  mourut  le  3 
décembre  1803,  dans  la  ville  où  elle 
était  née,  âgée  de  78  ans.  Quelques- 
uns  de  ses  frères  et  de  ses  sœurs  lui 
ont  survécu  ;  l'un  d'eux  est  parvenu 
à  un  rang  élevé  dans  la  marine.  Les 
mérites  littéraires  de  miss  Clara  sont 
un  sens  droit,  une  morale  pure,  de  la 
méthode  dans  la  narration:  il  ne  faut 
'  pas  s'attendre  à  trouver  dans  ses  ou- 
vrages l'éclat  de  la  passion,  ni  l'es- 
sor d'une  imagination  riche  et  puis- 
sante.  Son  principal  roman   pèche 
d'atileurs  par  l'inobservation  du  cos- 
tuuie  et  des  mœurs  du  temps  où  les 
fdiis  se  sont  passes  ;  on  reconnaît 
qu'elle  n'était  pas  familiarisée  avec 
Froissard  et  Olivier  de  la  Marche, 
comme  elle  l'était  avec  Plutarque  et 
Rapin.  C'est  là  un  défaut  qui  ne  pou- 
vait pas  échapper  à  l'illustre  auteur 
de  Quentin  Duncarà.  On  a  de  miss 
Re«ve  :  1.  Le  Phnsnix-^  1762.  liw]Iie 


REE 


40T 


Vieux  baron  anglaie^  1767,  1768, 
etc.,  mis  en  français  (tout  an  plus) 
par  de  la  Place,  1787,  in-12,  et  1788 
dans  le  tome  VU*  de  la  CoUec4io» 
de  romans  et  contes  imilés  de  l'an- 
glais,  in-8°.  111.  Les  deux  Mentors^ 
histoire  moderne  (en  forme  de  let- 
tres), traduits  librement  de  l'anglais 
par  de  la  Place,  sous  ce  titre  :  Us 
deux  Mentors^  ou  Mémoires  pour 
servir  à  l'histoire  des  mœurs  an- 
glaises du  xviii*  siècle^  1785,  ia- 
12-,  et  dans  la  collection  précitée, 
1788.  IV.  Le  progrès  du  roman  dans 
les  divers  siècles,  contrées,  et  maurs. 
V.  L'Exilé ,  ou  Mémoires  du  comte 
de  Crotistadt.  dont  les  principaux  in- 
cidents sont  empruntés  d'une  nou- 
relle  de  d'Arnaud.  VI.  L'École  des 
FeutJM,  roman.  VU  Plan  d^ éduca- 
tion ,  avec  des  Observations  sur  te 
système  d'autres  écrivains,  in-12. 
VIII.  Mémoire»  de  sir  Roger  de  Cla- 
rendon .  fils  naturel  d'Edouard,  le 
Prince  Noir,  avec  des  anecdotes  sur 
plusieurs  éminents  personnages  du 
XIV*  siècle.  Clara  Reeve  avait  com- 
posé un  autre  roman  ,  le  Château  de 
Connor,  histoire  irlandaise ,  dans 
lequel   elle  avait  encore    introduit 
des  apparitions;  mais  le  manuscrit, 
confie  à  des  mains  négligentes  ou  in- 
fidèles, ne  lui  revint  jamais.        L. 

REEVES  (John),  jariscousulte 
et  homme  d'État  des  plus  distingués 
de  l'Angleterre,  naquit  à  Londres  en 
1753,  et  commença  son  éducation  à 
Eton.  Après  avoir  terminé  ses  études 
à  Oiford,  il  suivit  la  carrière  du  bar- 
reau, où  il  débuta  en  1780,  et  bientôt 
après  fut  nommé  commissaire  aux 
faillites.  Le  ministère  l'envoya  en 
1791  à  Terre-Neuve,  en  qualité  de 
président  de  la  justice.  Il  résigna  ces 
fonctions  l'année  suivante,  et  occupa 
toujours  depuis  l'emploi  de  cierc-lé- 
i  giste,  auprès  du  corps  du  commerce 


¥)^ 


M« 


e$ç>4fs.|$o|(>^i^  ]^fi«!:Jes  fonctions 
qui  lui  donnèrent  le  plus  de  célébrité, 
celles  dans  lesquelles  il  déploya  avec 
le,plMS  d'éclat  son  liabileté  et  la  pro- 
f9j^leur  de  sa  poiiticjiie,  furent  sans 
^i^Çitredit  celles  de  surintendant  du 
bureau  des  étrangers  {aUen-of/ke). 
Dans  un  lemps  de  guerre  et  de  révo- 
lution cet  emploi  était  de  la  plus  haute 
iiijporlauce,  et  Reeves  y  seconda  rner- 
\jfeiileusenient  le  ministère  par  $a  fer- 
meté et  son  énergie.  Parfaitement 
SQuIenii  par  les  célèbres  Piit  et  Dun- 
das  dont  ii  suivait  les  plans,  il  tint 
toujoHrs  éloignés  de  l'Angleterre  les 
agents  secrets  qui  y  furent  envoyés 
de  tous  les  pays  de  l'Europe,  et  sur- 
tout de  la  France,  pour  y  fomenter 
l'esprit  de  désordre  et  de  révolution. 
Au  moyen  des  suspensions  de  Vha~ 
beau  corpus  qui  furent  accordées  à 
plusieurs  reprises  par  la  législature 
britannique  ,  il  expulsa  ua  grand 
nombre  de  ceux  qui  s'y  étaient  intro- 
duits, et  contribua  beaucoup  ainsi  à 
maintenir  dans  les  trois  royaumes  la 
paix  ^t  le  bon  ordre.  Pour  résister 
aux  associations  démagogiques  il 
avait  réussi  à  en  former  une  autre 
très-nombreuse,  et  composée  de  tout 
ce  qu'il  y  avait  en  Angleterre  d'hom- 
mes sensés  et  intéressés  à  l'ordre. 
Les  ayant  un  jour  (20  nov,  1792) 
réunis  à  la  taverne  de  la  Couronne  et 
de  V  Ancre,  il  leur  adressa  un  discours 
admirable  par  l'éloquence,  la  profon- 
deur et  surtout  le  courage.  C'était  un 
appel  |i  la  religion,  à  la  loyauté,  au 
bon  sens  et  à  l'honnêteté  du  peuple; 
auçsi  fut-il  parfaitement  entendu. 
L'esprit  qui  régnait  dans  ce  discours 
et'!dans  plusieurs  autres  se  propagea 
bréritôt  par  tout  le  royaume,  et  les 
prqaaoieurs  jdc  révolutions  furent 
déconcertés.  Il  était  naturel  qu'un 
tel  liomme  devînt  odieux  à  ce  parti; 


KEE 

brc  dea  communes  pour  une  brochure 
(ju'il  avait  fait  paraître  sur  la  consti- 
t  ul  iun  de  P  Angleterre.En  conséquence 
de  cette  dénonciation,  le  procureur- 
général  dirigea  contre  lui  des  pour- 
suites pour  avoir  soutenu  dans  sou 
ouvrage  que  la  monarchie  resterait 
toujours  sur  ses  bases,  quand  biëii 
même  les  deux  branches  du  pouvoii- 
législatif  viendraient  à  être  détruites. 
Ainsi,  poursuivi  avec  acharnement 
par  le  parti  des  démocrates,  et,  com- 
me il  arrive  trop  souvent,  mal  sou- 
tenu par  les  siens,  de  même  que  par 
les  ministres  dont  il  était  l'ajjpui; 
John  Reeves  fut  traduit  devant  un 
jury  qui,  après  une  longue  délibéra- 
tion, prononça  un  verdict  remarqua-- 
blepar  la  contradiction  des  motifs,  ei- 
qui  fut  généralement  blâmé.  Nous  en 
citerons  le  texte  :  «  Le  pamphlet  re- 
«  connu  pour  être  l'ouvrage  de  John 
«  Reeves  est  un  écrit  très-inconve-' 
«  nant  (improper)  ;  mais,  convaincus 
•  que  les  motifs  de  l'auteur  ne  sont 
«  pas  ceux  que  mentionne  l'informa- 
«  tion  dirigée  contre  lui,  nous  le  dé- 
«  clarons  non  coupable.  »  Cet  acte 
d'une  justice  incomplète  ne  satisfit 
pas  le  caractère  absolu  et  invariable 
de  Reeves.  Des  ce  moment  les  fonc- 
tions publiques  eurent  moins  d'at- 
trait pour  lui.  Après  la  mort  du  cé-^ 
lèbre  Pitt,  qui  avait  été  son  pro-'* 
terteur,  il  obtint  sa  r<'traite  avec' 
une  forte  pension,  et  passa  toht 
son  temps  dans  l'étude  de  l'histoi»^': 
et  des  lois,  jusqu'à  sa  mort  qui  eut; 
lieu  en  1830.  Ses  écrits,  tons  re-  * 
marquables  par  le  savoir  et  la  pro»* 
fondeur,  sont  :  1.  Recherches  sur  la 
nature  de  la  propriété  et  des  biens- 
fonds  suivant  /w  lois  de  i Angleterre, 
1779,  in-S".  il.  Charte  de  loi  pénale^h 
eu  une  feuille  in  fol.,  1779. 111.  His-  - 
taire  des  lois  anglaises,  1783,  2  vol. 
iu-lr, 'î*  éli^tti.avee  «ne  continuittivu 


REG 

comprenant  le  règne  de  Philippe  *t 
Marie,  1787,  4  vol.  in-8°.  IV.  Consi- 
dérations légales  sur  la  régence  en 
cequi concerne  l'Irlande.  1789,  in-8*. 
\'.Loidesbàtimentsmaritimes{sh\p' 
ping)  et  delà  navigation,  in-S", 
1792;  2«  édit. ,  1807.  VI.  Histoire 
du  gouvernement  de  Terre-Neuve, 
1793,  iii-S".  VU.  Le  Mécontent.,  let- 
tre à  Francis  Plotcden,  1794,  in-8". 
Vm.  Ejcamen  et  réfutation  de.<  motifs 
énoncés  dans  la  pétition  des  aldermen 
WilkesetBoydeU,en  faveur  delà  paix, 
1795,  iij-8'.  W.  Pensées  sur  le  goucer- 
»»«me«/aH5iaj5,iti-8",  del795àl799. 
X.  Considérations  sur  le  serment  du 
couronneinent,  in  8»;  2*  édit.,  1 801  .XI. 
Collection  des  textes  hébreux  et  grecs 
des  psaumes,  1800,  ia-S^.  Xll.  Le 
Livre  des  prières  ordinaires  { cotn- 
mon  prayers),  avec  une  préface  et 
des  notes,  1801,  in-8'.  XIH.  La  sainte 
Bible,  imprimée  d'une  nouvelle  ma- 
nière, avec  des  notes,  1802,  10  toI. 
iu-8^  XIV.  Le  Livre  des  prières  or~ 
dinaires,  avec  des  observations  sur 
les  services,  etc.,  1801,  in-8».  XV. 
Nouveau  Testament  grec,  1803  , 
in-12.  XVI.  Psalterium  ecclesiœ  an~ 
glicanœ  hebraïcum ,  1804,  in-i2. 
XVII.  Proposition  pour  une  société 
de  la  Bible  sur  un  nouveau  plan, 
imb,ia-^\X\m.  Observations  sur 
ce  qu'on  appelle  le  bill  des  catholi- 
ques, 1807,  in-8<'.  M— D  j. 

REGIS  (l'abbé  Piebke)  né  le  17." 
juillet  1747,  à  Roburenio,  dans  ia 
province  de  Mondovi,  porta  de  bonne 
heure  l'habit  ecclésiastique:  et,  après 
avoir  fait  ses  études  au  séminaire  de 
son  diocèse,  alla  prendre  ses  degrés 
à  Turin.  Trois  ans  plus  tard  il  fut  ad- 
mis au  nombre  des  docteurs  agrégés 
de  la  Faculté  de  théologie,  et  nomnté 
répélii'eur  au  collège  des  Provinces. 
11  obtint  ensuite  la  chaire  d'Écriturc- 
.':^ainle  et  de  langues  orient^ks.  L'U- 


UEG 


469 


niversité  ayant  ét^  fermée  en  1794, 
par  saife  des  événements  pofititjues, 
ne  fut  ranverte  qu'fSn  1T99;  mais 
comme,  dans  la  noiiveffe  organisa-* 
lion  ,  les  cours  dé  thé»>logie  (îc  fai- 
saient plus  partie  de  l>nseig^e!nent 
universitaire.,  Tabbé  Régis fn!  appe- 
lé d'abord  ii  lachairede  philosophie', 
puis,  en  1800 ,  à  cdie  de  droit  natu- 
rel et  de  droit  des  gens.  Il  obtFwflittl 
retraite  en  1805,  et  rtoùrut  lè!''?J' 
nov.  1820.  On  a  de  loi  :  f  MoséS^îè'^ 
gislator,  sou  de  mosaïcarum  legunt 
prastantia^  Turin,  1799,  l  vol.  in-4*. 
Dans  cet  ouvrage,  dédié  aa  roi  Vic- 
tor-AniéJée  III,  l'auteur  défend  l'ai»- 
torité  des  livres  sacrés  contre  les  at- 
taques de  Bolingbroke,  de  Boulanger, 
de  Fréret,  eto.  Les  Èphémérides  de 
Rome,  du  15  janvier  1780  (rmm.  5, 
p.  20),  en  rendirent  compte  d'une 
manière  très-favorable.  II.  Dejudasol 
cive  libri  III,  Turin,  1793,  2  vol. 
in-8o.  m.  Dere  theologica,  ad  Sub- 
alpinos^  Turin,  1791,  3  toI.  in-S". 
Régis  adressa  ce  traité  à  ses  élèves 
dispersés,  afin  que  leur  instruction 
souffrît  le  nroins  possible  de  la  sus- 
pension des  cours.  —  Régis  (Fran- 
çois), né  à  Montaltn.  près  Mondovi, 
enseigna  d'abord  la  rhétorique  à  No- 
vare ,  puis  à  Turin,  et  fut  enfin  pro- 
fesseur de  littérature  italienne  et 
grecque  à  l'université  de  cette  der- 
nière viHe.  Il  publia,  tant  en  italien 
qu'en  latin ,  un  assez  grand  nombre  de 
poésies  et  de  discours  qui  se  distin- 
guent bien  moins  par  la  force,  l'ant- 
pleur  ou  la  nouveauté  des  pensées 
que  par  un  style  de  bon  goût  et  cor- 
rect; mais  son  principal  titre  de 
gloire  est  une  traduction  estimée  de 
la  Cyropédie de  Xénophon.  Fr.  Régis 
mourut  à  Turin ,  en  1811.  Voici  la 
liste  de  ses  oiiviagcs  :  I.  Quarania 
stanze  pcr  le  auguste  nozzc  délie 
ÂA.HR.  Viftôrto-  EmntéiueU.  dûcct  ' 


410 


REG 


di  Aosta  e  Maria  Teresa^  arcidu- 
chessa  d^Austria  ,  Turin ,  in-S».  II. 
Poemetjto  lirico  nel  fausiùsimo  gior- 
no délia  nascita  di  S.  M.,  Turin , 
1778,  in-8°.  III.  Un  petit  poème  la- 
tin sur  les  animaux  microscopiques. 

IV.  Laudatio  Francisa  Lanfranchi, 
comitis  Ronsieci,  Turin,  1789,  in-îo. 

V.  Laudatio  Corte  e  PeyreUi.  VI. 
Canzone  nello  appellato  ritorno  di 
S.  M.  Carlo-Emmanuele  IV.  VII. 
Orazione  per  Vanniversario  délia 
battaglia  di  Marengo,  Turin,  an  XI, 
iD-4°.  VIII.  Gliorti  di  Pomona,  car- 
me (en  vers  libres).  IX.  Ode  alla  pa- 
ce.  X.  Orazione  pel  riaprimenio  dél- 
ia università,  Turin  ,  an  XII,  in-é". 

XI.  Orazione  per  Vincoronazione  di 
Napoleone ,  Turin it &n  XIII,  in-é». 

XII.  Pel  riaprimenio  delluniversità^ 
orazione.  Turin,  an  XIV,  in-4°.  XIII. 
Traduction  italienne  de  la  Cyropédie 
deXénophon,  Turin,  1809,  2  vol. 
in-8"5  réimprime'e  en  1821  par  Jean- 
Baptiste  Sonzogno,  dans  la  Collana 
degli  antichi  storici  greci  volgariz- 
zati.  XIV.  Orazione  per  l'anniversa- 
rio  délia  consecrazione  e  del  corona- 
mento  di  S.  M.  l' imper atore  Napo- 
léons (discours  prononcé  le  2  déc. 
dans  la  cathédrale  de  Turin),  1810, 
in-i".  XV.  Carmen  genelhliacon  ré- 
gi Romœ  Auguste  Napoleoni^  Turin, 
1811  in -4°.  Fr.  Régis  a  déplus  laissé 
inédits  des  commentaires  sur  la  Di- 
vine Comédie  de  Dante  et  une  Can- 
zone au  roi  Charles-Emmanuel  IV. 
—  Régis  (J.-G.),  ecclésiastique  alle- 
mand, mort  en  1830  ,  à  Leipzig,  fut 
un  prédicateur  très-distingué,  eidont 
on  a  un  grand  nombre  de  sermons  im- 
primés. A— Y. 

REGNAt^D  de  Paris  (Pierre- 
Étienne)  fut  un  des  Français  qui, 
dans  nos  révolutions ,  montrèrent  le 
plus  d'attachement  à  l'ancienne  mo- 
narchie. Né  à  Paris ,  en  1736,  il  était 


REG 

fils  d'uù  procureur  au  Parlement, 
et  fut  dès  l'enfance  destiné  à  la  même 
profe.ssion.  Après  avoir  fait  d'assez 
bonnes  études  à  l'Université  de  cette 
ville,  il  se  fil  recevoir  avocat,  et  exer- 
ça jusqu'en  1766 ,  époque  à  laquelle 
son  père  étant  mort,  il  lui  succéda 
dans  sa  charge.  Regnaud  semblait 
alors,  par  sa  position  et  ses  principes, 
fortopposéau  pouvoirroyal,  etquand 
le  Parlement  fut  supprimé,  en  1771, 
il  écrivit  l'histoire  de  cette  révolu- 
tion dans  un  sens  parlementaire,  et 
par  conséquent  hostile  au  ministère. 
Il  la  dédiaà  Malesherbes,  à  qui  il  l'en- 
voya dans  son  exil.  Plus  tard,  lors- 
qu'il vit  tout  le  mal  que  l'opposition 
des  Parlements  avait  causé  à  la  monar- 
chie, il  reconnut  franchement  son  er- 
reur, et  fit  tout  ce  qui  était  eu  lui  pour 
la  réparer.  En  1777,  Regnaud,  qui 
s'occupait  toujours  de  littérature  et 
de  politique,tout  en  exerçant  sa  charge 
de  procureur,  concourut  pour  le  prix 
proposé  par  l'Académie  française, 
pour  l'Éloge  du  chancelier  de  Lhôpi- 
tal.  Son  discours  fut  imprimé  dans  la 
même  aimée.  Dès  le  commencement 
de  la  révolution,il  s'en  montra  l'un  des 
adversaires  les  plus  prononcés.  Per- 
sonne ne  comprit  mieux  que  lui  les 
dangers  des  États  Généraux.  Dès  le 
mois  de  février  1789,  il  écrivit  à  ISec- 
ker,  alors  ministre,  pour  lui  conseil- 
ler d'ouvrir  une  souscription,  afin  de 
rentplir  le  déficit,  cause  apparente  de 
celte  convocation,  et  il  offrit  de  la  si- 
gner le  premier,  pour  une  somme  de 
dix  mille  francs,  payable  dans  l'année, 
à  condition  qu'il  n'y  aurait  point  d'É- 
tats-Géuéraux.  On  sent  qu'une  telle 
proposition  dut  rester  sans  réponse. 
Lorsqtie  la  convocation  fut  décidée, 
malgré  de  pareils  avis,  et  que  là  révo- 
lution devint  inévitable,  Regnaïul  ne 
pouvant  mieux  faire,  se  mit  à  écrire 
dans  les  journaux  royalistes,  et  sur- 


1 


REG 

tout  dans  les  Actes  des  Apôtres  et 
dans  VAmi  du  Roi  de  Durosoy  et  de 
Royon  avec  qui    il    était  fort  Hé,  et 
même  dans  le  Moniteur  dont  il  était 
loin  de  partager  les  opinions.  Il  fit 
imprimer  l<s  articles   qu'il  envoya 
à  ce  dernier  journal  sons   le  nom 
d'un  procureur  au  Parlement.  En 
1791,  il  sortit  de  France,  et  se  rendit 
à  Coblenlz  auprès  des  princes,  frè- 
res de  Louis  XVI ,  qui  alors  se  pré- 
paraient à  faire  la  guerre  à  la  révolu- 
tion ;  et,  dans  la  position  difficile  où 
l'avait  placé  la  perle  de  sa  charge  et 
de  sa  fortune,  il  leur  offrit  ce  qui  lui 
restait  de  plus  cher,  son  fils  aîné, 
qu'il  fit  entrer  dans  l'armée  de  Cou- 
dé, où  ce  jeune  homme  prit  part  à 
toutes  les  campagnes  de  cette  épo- 
que, et  fut  grièvement  blessé,  le  8  dé- 
cembre 1793.  Plus  tard  son  s^'cond 
fils,  allant  rejoindre  le  comte  de  Frot- 
té {voy.  ce  nom,  XVI,  123),  fut  ar- 
rêté et  fusillé.  Revenu  bientôt  à  Pa- 
ris, P.  Regnaud  continua  d'écrire  dans 
les  journaux  royalistes,  et  composa 
diverses  brochures  pour  lesquelles  il 
courut  de  grands  périls.  Il  échappa 
surtout  avec  beaucoup  de  peine  aux 
milites  de  la  révolution  du  10  aoiit 
1792,  mais  son  zèle  ne  se  démentit 
pas;  il  se  mit  sur  les  rangs,  pour  être 
l'uQ  des  défenseurs  de  Louis  XVI, 
par  une  lettre  insérée  au  Moniteur, 
le  18  uov.  1792,  comme  firent  Malouet 
et  Lally-ToUendal ,  à  qui  l'on  refusa 
un  sauf-conduit  pour  rentrer  en  Fran- 
ce. Regnaud  publia  dans  le  mois  sui- 
vant le  discours  qu'il  avait  composé 
à  l'occasion  de  ce  grand  procès,  et 
cet  écrit  remarquable  eut  alors  deux 
éditions.  L'auteur  reçut  même  de  Ma- 
lesherbes  uue  lettre  de  remercîment 
au   nom   de   l'infortuné  monarque. 
Cette  Défense  a  été  réimprimée  en 
1811 ,  et  suivie  d'un  discours  sur  la 
loi  salique.  L'analyse  en  a  été  insérée 


REG 


411 


dans  VHistoire  impartiale  du  Procès 
de  Louis  XVI,  par  Janffret.  En  même 
temps  Regnaud  se  présenta  pour  otage 
du  roi,  ce  qui  fut  également  refusé  par 
la  Convention  nationale.  Sur  la  fin  de 
sa  vie,  il  s'intitulait /e  Doyen  des 
Otages^  ce  qui  n'eût  été  vrai  qu'a- 
près la  mort  de  Guelon-Marc,  qui  lui 
aSurvécu  (voy.  Guelon-Marc,  LXVÏ, 
202).  Quand  le  système  de  la  Ter- 
reur eut  complètement  prévalu  .  Re- 
gnaud fut  dénoncé  aux  autorités  dé 
la  police  républicaine,  et  il  ne  dut 
son  salut  qu'à  un  jacobin  des  plus 
furieux ,  alors  vice-président  du  tri- 
bunal révolutionnaire  {coy.  CoFPiî»- 
HAL,  LXI,  174),   qui  avait  été  son 
confrère,  et  qui  le  prévint  à  temps, 
en  lui  conseillant  de  fuir,  ce  que  Re- 
gnaud ne  manqua  pas  de  faire  aussi- 
tôt.  H  se  tint  caché  pendant  deux 
ans.  et    les   scellés    restèrent   ap- 
posés   tout  ce   temps   sur  son  do- 
micile;   il  ne  reparut   qu'après   la 
chute  de  Robespierre.   Alors   il    se 
remit  à  écrire  dans  les  journaux,  et  k 
faire  des  brochures  politiques  arec 
Montjoie  et  le  frère  de  Royou ,  qui , 
■  comme  lui ,  avaient  échappé  à  i'écha- 
faud.  Ce  hit  aussi  dans  ce  temps-là 
qu'il  fit  imprimer  sa  Journée  du  10 
août,  dédiée  au  roi  Louis  XYll  (pri- 
sonnier au  Temple).  C'est  dans  cette 
dédicace  que  se  trouvent  ces  vers  bien 
courageux  pour  l'époque  où  ils  furent 
publiés  : 

Puisse  uo  p«aple  égaré,  pleuraDt  lur  son 

erreur. 
Se  rallier  enCa  soos  cr«t  auguste  emblème. 
Et  ne  troarer  d'ap[iiii,  de  gloire  et  de  bon- 
heur 
Que  sous  l'omlire  des  lis  et  de  too  diadème! 

Comme  la  liberté  de  la  presse  était 
alors  assez  grande ,  il  n'arriva  rien 
de  fâcheux  à  Regnaud  ,  et  il  con- 
tinua d'écrire  dans  le  même  sens. 
Il  avait  longuement  étudié  les  lois 
et  les  principes  de  l'ancien  gou- 


412 


REG 


foVf'èôrî^ii**'  mfifulë  :'"Diéoûrs'^M 
l'dnliqué  gouvernement  de  la  Fran- 
ce etèùr  la  sagesse  des  rois  qui  l'ont 
fondé.  Cet  ouvrage ,  qui  fut  imprimé 
secrèteiiieiit  en  1799,  est  devenu  fort 
rare ,  parce  que  l'imprimeur  Giguet, 
èti  ;iy;tnt  lui-rnèrae  présente  et  fait 
accepter  un  exemplaire  à  Monsieur, 
comte  d'Artois  à  Londres,  et  lui  éh 
ayant  ensuite  expe'die'un  grand  nom- 
bre de  Paris,  la  caisse  fut  jetée  à  la 
mer,  par  ordre  du  rommissaire  Men- 
gau*I,  qui  la  fit  arrêter  à  Calais.  Sous 
lé  gouvernement  impérial ,  Regnaud 
s'occupa  encore  de  politique,  disant, 
ainsi  que  Job  à  qui  il  ressemblait 
sous  plus  d'un  rapport  :  Expectaho 
donec  vcniatimmutaliomea.  Lorsque 
enfin  cette  immutation  fut  arrivée, 
quand  les  Bourbons  rentrèrent  en 
1814,  il  était  k  Paris,' et  l'on  doit  pen- 
ser que  l'un  des  premiers  il  salua  leur 
Restauration.  Ce  fut  le  chancelier 
Dambray,  de  qui  son  dévouement  était 
bien  connu,  qui  se  chargea  de  le  pré- 
senter au  roi  Louis  XVill,  et  qui  lui  fit 
accorder,sinon  toutes  les  récompenses 
etles  dédommagements  qui  lui  étaient 
dus,  au  moins  de  quoi  ne  point  finir 
sa  vie  dans  un  dénûment  absolu  5  car. 
depuis  long-temps  le  pauvre  Regnaud 
était  bien  déchu  de  l'opulence  d'un 
procureur  au  Parlement  de  Paris.  Par 
ordonnance  du  9  nov.  1814,  le  roi 
Louis XVllI  lui  accorda  des  lettres  de 
noblesse,  «  pour  le  récompenser,  est- 
«  il  dit,  de  l'attachement  qu'il  a  mon- 

•  tré  pendant  vingt-cinq  ans  h  la  cause 
«  de  no?  princes  proscrits,  noblesse  à 

•  laquelle,  ajouta  le  chancelier,  peu 

•  de  personnes  ont  plus  de  droit.  »  Le 
roi  lui  permit,  par  la  même  ordon- 
u.-iHcë,  de  prendre  pour  armes  un. 
chiéh  d'î^fgent,  couChé  au  pied  d'un 
lis'v  portant  trois  fleurs  d'or,  avec 
(xlik  re^ên'tle  :  îïftVtf  fi'dés!  -  légen-' 


REG 

«  (ï^  qfièVôùs'  avéi:  d'avance  si'  bïeii 
«jiïstifié'e  » ,  écrivit  le  ministre  Fer- 
rand,  en  lui  annonçant  cette  déci- 
sion. Par  ces  lettres  de  noblesse, 
Louis  XVIII  autorisa  Regnaud  a 
prendre  le  surnom  de  Paris,  sou^ 
lequel  il  s'était  fait  connaître  dans  ses 
écrits.  Le  18  déc.  suivant,  le  chance- 
lier lui  annonça  qu'il  serait  presen-- 
lé  le  lendemaiiT  au  roi.  «  Je  veux 
«  vous  annoncer  auparavant,  lui  ecri- 
«  vit  ce  magistrat ,  la  grâce  que 
■  S.  M.  a  daigne'  vous  accorder,  en 

•  vous  donnant  une  pension  dé 
«  douze  cents  francs.'C'est  avecgrah4 

•  plaisir  que  j'ai  vu  récompenser  la 
«  fidélité  avec  laquelle  vous  avez 
«  constamment  défendu  la  cause  du 

•  trône  et  des  principes  ^  recevez-en 
«  ma  sincère  félicitât  ion.  •  Le  lende- 
main ,  Regnôud  de  Paris  fut  en  effet 
présenté  au  roi,  et  ce  prince  lu( 
adressa  ces  courtes  et  consolantes 
paroles  :  «  J'ai  bien  du  plaisir,  mon- 
«  sieur,  à  vous  voir.  »  Nous  n'avons 
pas  appris  que  P.  Regnaud  ait  reçu 
d'autres  témoignages  de  la  reconnais- 
sance royale.  Ce  fut  en  vain  qu'il  de- 
manda à  être  conseiller  de  l'Univer- 
sité, disant  qu'il  était  son  plus  an- 
cien élève  vivant.  Toujours  simple 
et  sans  ambition,  il  vécut  heureux 
pendant  quelques  années,  ne  man- 
quant pas  un  dimanche  d'aller  à  la 
chapelle  des  Tuileries,  pour  y  enfey- 
dre  la  messe  et  saluer  le  roi,  Louis 
XVIII,  dont  nous  savons  qu'il  n'ai- 
malt  point  la  personne  à  cause  de  ses 
opinions  philosophiques  et  de  sa  con- 
duite dans  les  premières  années  de  la 
révolution,  mais  qu'il  vénéraii  comme 
son  légitime  souverain.  Regnaud  de 
Parislmourut  dans  cette  ville,  le  IG, 
janvier  1820.  ladépendaiurnent  ,dès, 
ouvrages  que  nous  avons  cités,  on  a 
de  lui  :  l.  Réflcœiofis  sur  la  nuit  au  i 
aoûl\'  *Paris;  179Ô,  in-8".  11.  Ùis- 


cnurs  sur  les  beautés  de  Virgile,  pro- 
noncé le  '23  août  1810  ,  suivi  d'u- 
ne lettre  adressée  au  petit-fils  d'un 
ancien  magistrat,  en  réponse  à  la 
sienne,  pour  prouver  la  nécessité  de 
garder  fidélité  à  la  famille  des  Bour- 
bons, nos  anciens  et  légitimes  souve- 
rains, Paris,  1815,  in-8°.  III.  Éloge 
de  Louis  XVI,  qui  a  concouru  poiir 
le  prix  proposé  par  racadéuùe.  de 
Toulouse,  en  181G.  L'auteur  le  dcJia 
à  Louis  XVIII  qui  raccueillit  de  la 
manière  la  plus  flatteuse.— frc/ipo «5 
Regnaud,  frère  puîné  du  précédent,  et 
Tune  des  premières  viciimes  de  la 
révolulion,  p^r  la  suppressiou  de 
son  office  d'expéditionnaire  en  cour 
de  Rome,  était  désigné  comme  éche  vin 
notable  de  la  ville  de  Paris,  pour 
l'année  1793.  Partageant  les  opinions 
et  les  périls  de  son  frère,  il  se  fit 
comme  lui  inscrire  sur  la  liste  des 
fages  de  Louis  XVI  en  1793.  If 
mourut  à  Sainte-Périnede  Chaillol, 
vers  1825.  M— D  j. 

REGXAULDÏX  (Thomas),  sculp- 
teur, naquit  à  Moulins,  en  1C27,  et 
fut  élève  de  François  Anguier.  II  eut 
une  grande  part  aux  travaux  de  sculp- 
ture que  Louis  XIV  fit  exécutera  Ver- 
sailles; et  ce  prince,  pour  lui  témoi- 
gner sa  satisfaction,  l'envoya  à  Rome 
et  le  gratifia  d'une  pension  de  raille 
écus.  C'est  à  son  ciseau  que  l'on  doit 
le  groupe  en  marbre  représentant 
VEnlr cernent  de  Cijbéle,  placé  dans  le 
jarJin  des  Tuileries,  du  côté  de  la 
terrasse  des  Feuillants.  L'Académie 
l'admit  au  nombre  de  ses  membres, 
en  1657,  Son  morceau  de  réception 
fut  un  saint  Jean-Baptiste,  appuyé 
sur  un  rocher  et  tenant  d'une  main 
une  croix  de  roseau  et  de  l'autre  un 
agneau.  L'hOtel  de  Hollande ,  rue 
Vieille  du  Temple,  offre  des  Renom- 
mées sculptées  par  Regoauldin  dans 
un  fronton  circulaire.  En  1704.  il  fit 


RtG 


i\' 


uitn  à  rixOpital  de  S.iinte-Catlierinç 
d'une  figur^  en  mjrl>re  de  la  sainte, 
revêtue  de  S4's  lial^it^  de  princessr. 
Mais  c'est  k  VersaiUesqjif  l'onyi^it  s^ 
meilleiirs  ouvrages.  Ce:  sont  ies^^r 
tues  de  V Automne  et  de  Faustine,  ^jt 
les  trois  Nymphes  placées  d^ns  les 
bains  d'Apullou,  derrière  le  diei,i,dQat 
l'une  preod  soin  de  sa  cheveliurjB  et  les* 
deux  autres  lui  préseuteat  des  vases 
remplis  de  parfunas.  Elles  passent  pour 
le  chef'd'œutre  de  l'artiste,  est  furent 
exécutées  sur  les  dessins  de  ,Lebrua. 
En  général  la  touche  de  ce  sculpteui: 
est  lourde, maniérée,  et  son  style  maa-» 
que  d'élévation  et  de  chaleur.  Il  mou- 
rut en  1706.  P— 5. 

REG  N  .4  ULT  (JEAN-BAPTisrE), 
peintre  célèbre,  né  à  Paris,  en  1754, 
d'une  famille  obscure  et  sans  for- 
tune, fut  tran.sporté  dès  sa  jeunesse 
avec  tous  les  siens  aux  États-Unis 
d'Amérique.  Le  spectacle  des  dangers 
de  la  mer  et  de  la  vie  agitée  des  marina 
produisit  sur  lui  nue  vive  impression, 
ce  qui  ne  l'empêcha  pas  de  .s'enrOler 
dans  l'équipage  d'un  bâtiment  de 
commerce  sur  lequel  il  lit  plusieurs 
voyages  de  long  cours  comme  simple 
mousse,  sans  que  sa  famille  sût  c<i 
qu'il  était  devenu.  Ayant  perdu  son 
époux  et  trois  de  ses  enfants,  la  mère 
de  Rpgnault  revint  en  France,  et  fit 
beaucoup  de  recherches  pour  retrou- 
ver le  seul  fils  qui  lui  restât.  Enfin  le 
capitaine  qui  l'avait  accueilli  à  son 
bord  le  ramena  au  foyer  maternel. 
Poussé  par  des  dispositions  naturel-, 
les,  le  jeune  Regnault  n'avait  pas 
cessé  en  naviguant  de  dessiner  tous 
les  objets  qui  s'offraient  à  sa  vue.  Jl 
s'adonna  avec  plus  de  zèle  à  celte 
étude  dès  qu'il  eut  quitté  U  mer,  et, 
fut  bientôt  remarqué  par  le  pein- 
tre Bardin  qui,  partant  pour  Rome, 
l'emmena  avec  lui.  Dès  qu'il  fut  ar- 
rivé dans  cette  capitale  des  arts.  Re- 


AU 


REG 


REG 


gnault  ne  se  livra  pas  seulement  avec 
ardeur  à  l'étude  du  dessin,  il  voulut 
encore  s'instruire  dans  les  lettres,  et 
acquérir  ce  qui  avait  manqué  à  sa 
première  éducation.  Il  apprit  aussi  la 
musique.  Revenu  à  Paris,  il  obtint, 
à  l'âge  de  vingt  ans,  le  grand  prix 
de  peinture  par  un  tableau,  Diogène 
»cf  Alexandre,  qui  est  encore  l'un  des 
meilleurs  que  l'on  ait  couronnés.  Il 
retourna  en  conséquence  à  Eome 
comme  pensionnaire,  et  y  termina 
ses  études  artistiques  de  la  ma- 
nière la  plus  brillante.  Le  grand  ta- 
bleau représentant  le  Baptême  de 
Jésus-Christ  qu'il  acheva  à  cette  épo- 
que est  d'une  belle  exécution,  et  sur- 
tout remarquable  par  la  couleur.  Son 
temps  de  pensionnat  étant  expiré,  il 
revint  en  France  et  refusa  de  se  fixer 
à  Marseille  par  un  mariage  très-avan- 
tageux, mais  qui  l'aurait  empêché  de 
retourner  à  Paris.  En  1782,  il  fut 
agrégea  l'académie  de  cette  ville  pour 
son  tableau  d^ Andromède  et  Persée, 
et  l'année  suivante  il  fut  reçu  acadé- 
micien pour  ÏÉducation  d^Achille. 
Il  fit  successivement  un  grand  nom- 
bre de  tableaux,  parmi  lesquels  on 
distingue  une  Descente  de  croix,  des- 
tinée à  la  chapelle  de  Fontainebleau, 
et  qui  est  maintenant  à  la  galerie  du 
Luxembourg,  laiHort  de  Pnam^JpW- 
génie  en  Tauride,  le  Déluge,  Hercule, 
Mars  désarmé  par  Vénus,  la  Mort  de 
Cléopdtre^  celle  de  Dtsaix,  Alcibiade 
et  Sacrale,  la  Mort  d'Adonis,  les  Trois 
Grâces,  V Amour  endormi,  la  Toilette 
de  Vénus,  lo  et  Jupiter,  Danaé.  Sous 
l'empire  Regnault  représenta  Napo- 
léon sur  un  char  de  triomphe,  sujet 
diflicile,  qu'il  n'avait  pas  choisi  et 
dans  lequel  il  réussit,  médiocrement. 
Plus  tard  on  a  eu  la  pensée  de  rem- 
placer la  lèledii  principal  personnage 
par  celle  de  la  France,  et  le  tableau 
est  devenu  ridicule.  Regnault  a  fait 


un  grand  nombre  de  dessins  et  d'es- 
quisses aliégoriqucs  dont  quelques- 
unes  ont  un  intérêt  politique  qui 
les  a  fait  rechercher  momentané- 
ment •,  mais  toui  cela  est  aujour- 
d'hui complètement  oublié.  Ses  vé- 
ritables titres  de  gloire  sont  la  Des- 
cente de  croix,  le  Déluge,  V Éduca- 
tion d'Achille,  Jupiter  enlevant  lo  : 
le  premier  parce  qu'il  est  savam- 
ment étudié  dans  toutes  ses  parties. 
La  tête  est  d'une  si  belle  expression, 
qu'on  pourrait  l'attribuer  à  l'un  des 
Carrache,  dont  il  rappelle  la  manière; 
enfin,  Regnault,  traitant  le  même  su- 
jet que  Poussin,  a  eu  la  gloire  de  ne 
pas  être  resté  trop' au-dessous  de  son 
devancier.  VÉducation  d'Achille  est 
une  production  de  haut  style,  qui  ho- 
nore l'école  française.  Gravée  par 
Berwick,  elle  ligure  dans  tous  les  ca 
bmets  des  amateurs.  Quant  à  celle  de 
Jupiter  et  lo^  il  y  règne  un  ton  de 
volupté  déceut,  une  exprt-ssion  déli- 
cate et  qui  parle  à  l'imagination  sans 
blesser  les  regards.  Dans  sa  jeunesse, 
Regnault  avait  composé  beaucoup  de 
petits  tableaux  de  Ijoudoir  encore  à 
présent  recherchés  des  amateurs  et 
qui  lui  valurent  une  assez  jolie  for- 
tune, qu'il  sut  toujours  fort  bien 
conserver.  Ce  peintre  mourut  à  Paris 
en  1831.  — Regnault  de  Lalande 
{François- Léandre) ,  graveur,  né  à 
Paris  en  1762,  s'esi  fait  une  réputa- 
tion par  son  lalent  à  apprécier  les  ta- 
bleaux et  estampes  dont  il  a  fait  plus 
de  300  catalogues,  où  toutes  ces  pro- 
ductions .«ont  admirablement  clas- 
sées, il  les  accompagnait  souvent  de 
bonnes  notices  biographiques.  On 
cite  parmi  ces  catalogues  ceux  des 
cabiuets de  Basan,  Saint-Yves,  Valois, 
Sylvestre,  Ri^vil,  elc  Regnault  de  La- 
lanile  mourut  à  Paris  en  1824.  Z. 

RËfiNAUJLT  de  Beaucaron  (Jac- 
ques-Edme),  littérateur  médiocre, 


REG 

naquit  en  1759,  à  Chaource,  dans  la 
province  de  Champagne,  et,   après 
avoir  terminé  ses  études ,  embrassa 
la  profession  d'avocat.  Le  travail  du 
cabinet  ne  le  détourna  point  de  son 
penchant  pour  les  lettres.  Dès  1780, 
il  inséra,  presque  chaque  année,  dans 
VAlmanach  dêf  Muses,  quelques  piè- 
ces de  vers,  parmi  lesquelles  on  dis- 
tingue une  épitre  à  François  de  Neuf- 
château,  dont  il  resta  l'ami.  Il  s'asso- 
cia, peu  de  temps  après,  à  la  rédaction 
du  Journal  de  Nancy,  qu'il  soutint 
seul  pendant  deux  ans,  et  où  il  don- 
na :  la  Veillée  bourgeoise,  Florimond 
et  Herminie,  etc.,  imitations  assez 
faibles  des  contes  que  Marmontel  pu- 
bliait à  la  même  époque  dans  le  Jlfer- 
cure.  Adniis  en  1788  à  l'Acidémie  des 
Arcadiens  de  Rome,  cet  honneur  ne 
put  le  garantir  des  épigrammes  de 
Rivarol.  qui  l'inscrivit  dans  son  Petit 
Almanach  des  grands  hommes.  En 
1790,  il  fut  élu  juge  au  tribunal  d'Er- 
vy,  et  l'année  suivante,  député  du 
départemeni  de  l'Aube  à  l'Assemblée 
législative  où ,  quoique  avocat,  il  ne 
prit  pas  uue  seule  fois  la  parole. 
Après  la  session  il  se  hâta  de  venir 
reprendre    ses    modestes   fonctions 
qu'il  remplit  dans  les  temps  les  plus 
désastreux,  avec  un  courage  qai  lui 
concilia  l'estime  publique.  A  la  réor- 
ganisation de  l'ordre  judiciaire  sous 
l'empire,  Regnauli  fut  nommé  pré- 
sident du  tribunal  de  Nogent-sur- 
Seine.  Il  mourut  dans  cette  ville,  le 
25  septembre  1827,  regretté  de  tous 
ceux  qui  Tavaient  connu.  Le  Recueil 
des  poésies  philosophiques  et  descrip- 
tives des  auteurs  qui  se  sont  distin- 
gués dans  le  Xflll^  siècle,  Paris,  3 
vol.  in- 18,  contieut  une  épitre  de 
Regnault  de  Beauearon  sur  les  avan- 
tage* de  la  vie  champêtre.  Elle  est 
précédée  d'une  courte  notice  sur  cet 
écrivain.  W— s. 


REG 


411 


REGNAULT     (Jean- Baptiste- 
Étiesne- Benoît- Olive),    médecin 
français,  naquit  à  Niort  le  1^^  octobre 
1759,   et  fit  d'assez  bonnes  études 
dans  cette  ville.  S'étant  rendu  à  Pa- 
ris aussiiùl  aprè5,  pour  les  terminer, 
il  fut  distingué  par  le  célèbre  Vicq- 
d'Azyr,  dont  il  devint  l'élève  et  l'on 
pourrait  dire  l'ami.  Ayant  commencé 
sous  ses  auspices  à  pratiquer  la  mé- 
decine, il  étaildéjàfort  répandudans 
la  capitale  lorsque  la  révolution  com- 
mença. Il  en  adopta  d'abord  les  prin- 
cipes, et  fut  en  conséquence  nommé 
en  1789  président  de  la  section  de 
Saint-Eustache;  puis  membre  de  la 
première  municipalité  constitution- 
nelle de  Paris  sous  le  maire  Bai  II  y,  et 
l'un  des  commissaires  aux  approvi- 
sionnementsde  cette  ville.  En  1791, 
il  devint  médecin  de  l'hôpital  mili- 
taire du  Gros-Caillou,  et  plus  tard 
médecin  ordinaire  à  l'armée  de  la 
Moselle.  Bientôt  le  sysîème  de  dé- 
nonciation  dirigé  contre   tous    les 
hommes  modérés  atteignit  Regnault. 
Un  mandai  lancé  par  le  comité  ^  sû- 
reté générale  allait  le  conduire  à  l'é- 
chafaud  :  il  prit  la  fuite  et  se  rendit  à 
Hambourg,  où,  pemlant  dix  années,  il 
exerça  la  médecine  avec  le  plus  grand 
succès,  surtout  auprès  des  Français 
émigrés,  alors  très-nombreux  dans 
cette  ville.  De  nouvelles  circonstan- 
ces l'ayant  obligé  de  passer  en  An- 
gleterre,   la  eontiance   publique  Ty 
suivit  :  son  assiduité  auprès  de  ses 
compatriotes  lui  fit,  comme  à  Ham- 
bourg, beaucoup  d'amis,  qu'il   re- 
trouva dans   un  temps  plus    pros- 
père pour  eux  et  pour  lui.  Il    se 
lia    particulièrement   avec   le   père 
Elisée,  qui  suivait  la  mêine  profes- 
sion {voy.  Elisée,  LXI1I,333),  celui- 
ci  le  présenta  au  roi  Louis  XVIII,  et 
le  fit  nommer  un  des  médecins  con- 
sultants de  ce  prince,  à  l'époque  de 


4t6 


î\E6 


la  RMtanraliofi  ^'n  1814,  f)ù  R^gnanU 
se  hilta  dé  revenir  à  Paris;  puis  mé- 
decin en  chef  de  la  garde  royale,  et 
enfin  médecin  des  pages  de  la  cham- 
bre de  S.  M.,  et  chevalier  de  l'ordre 
de  Saint-Michel.  Regnault  conserva 
SCS  emplois  sous  le  règne  de  Char- 
les X,  mais  il  en  perdit  la  plus  grande 
partie  après  la  révolution  de  1830 , 
et  se  borna  alors  à  sa   clientèle.  Il 
mourut  à  Paris  en  1836.  On  a  de  lui  : 
I.'  Discours  prononcé  le  20  juillet 
1790  à  la  fête  donnée  par  le  dis- 
trict de   Saint  -  Euslache  aux  dé- 
putés des  provinces  pour  le  pacte 
fédératif,  J790,  in-S».  II.  Aux  aris- 
tocrates et  aux  républicains,  1791, 
in-S».  111.  Rapport  des  commissaires 
chargés  de  Vexamen  des  mémoires 
concernant  les  approvisionnements 
de  Paris,  lu  au  conseil  de  la  commune 
le  13  janvier  1792,  in-é".  IV.  Second 
Rapport  sur  le  même  sujet,  lu  le  13 
janvier  1792,  in  4".  V.  Observations 
sur  la  phthisie  pulmonaire  et  sur  le  li- 
chen d'Islande  considéré  comme  mé- 
dicament et  comme  aliment,  1802, 
in-S".  Cet  puvragea  eu  trois  éditions  à 
Londres  et  deux  à  Paris.  VI.  Consi- 
dérationssur  l'état  de  la  médecine  en 
France  depuis  la  révolution,  Paris, 
1819,  in-S*».  Vil. Mémoire  sur  l'hy- 
drocéphale, Paris,  1819,  in-S».  VII. 
Mémoire  sur  les  altérations  et  l'in- 
fluence du  foie  dans  plusieurs  mala- 
dies, Paris,  1820,  in  8'.  Regnault  fut 
aussi  le  rédacteur  principal  du  Jour- 
nal universel  des  sciences  médicales, 
dont  il  parut  un  numéro  par  mois  de- 
puis janvier  1813  —  Son  lils,  Elias 
Regnault,  est  avocat  à  la  Cour  royale 

de  Paris.  '^• 

REGNAVLT-WARIN     (Jean- 
Baptistf. -Joseph -Innocent-Phu-a 
delphe),  l'un  des  écrivains  les  plus 
féconds  et  les  plus  variés  de  notre 
époque,  fut  successivement  auteur 


(Iratnatique,  poète,  historien,  roman- 
cier et   publiciste.   Il   écrivit  dans 
tous  les  genres,  sans  qu'on  puisse  le 
citer  dans  aucun  ,  cl  professa  toutes 
les  opinions,  se  mêla  à  tous  les  paf-^' 
lis  sans  y  être  remarqué,  sans  y  avoli^* 
jamais  obtenu  le  moindre  crédit  rii' 
la  plus  légère  influence.  RegnauTti' 
Warin,  né  à  Bar-le-Duc  le  25  déCJ» 
1775,  eut  k  peine   reçu  dans  cette' 
ville  un  commencement  d'éducation 
qu'il  se  mit  à  ébaucher  des  Essais 
dramatiques  tout  à  fait  dignes  de 
son  âge.  Ce  qui  n'est  pas  moins  éton*  ' 
nant,  c'est  qu'à  cette  même  époque'' 
la  révolution  ayant  éclaté,  Regnault, 
à  peine  âgé  de  quinze  ans,  se  mêla 
aux  discussions,  et  qu'il  composa',  ' 
sous  le  titre  d'Éléments  politiques 
et  de  Conseils  au  peuple,  etc. ,  des 
brochures  aussi  extraordinaires  que 
ses  Essais  dramatiques,  et  dont  lui- 
même  riait  plus  tard  avec  autant  dé 
franchise  que  de  raison.  Ce  qui  ca-î 
ractérise  aussi  ces  temps  de  délire  ef' 
d'illusions,  c'est  que  tout  cela  trouva 
des  lecteurs.  II  en  résulta  même  en 
Lorraine,  pour  le  jeuneauteur  p»trio- 
te,  une  renommée  telle  ,  qu'il  ne  lui 
fut  plus  possible  de  rester  confiné  dans 
les  montagnes  des  Vosges.  Pressé  par 
les  conseils  de  ses  amis,  il  se  rendit 
dans  la  capitale,  et  s'y  présenta  à 
Bonneville,  qui  rédigeait  et  impri- 
mait la  Bouche  de  fer,  et  beaucoup 
d'autres  écrits  révolutionnaires  {voy. 
Bonneville,  LVIII,  568).  Il  a  dit  lui- 
même  que,  dès  son  arrivée,  on  le  fit 
concourir  à  la  rédaction  de  la  Bou- 
che de  fer  ;  mais  nous  pensons  que  ce 
fut  d'une    manière  subalterne.   Au 
reste,  il  y  eut  au  moins  l'avantage 
de  se'  faire  connaître  de  quelques 
chefs  de  la  Gironde,  notamment  de 
l'abbé   Fauchet ,     qui   travaillait    à 
cette  feuille,  et  de  Brissot,  qui  était 
l'ami  de  Bonneville.  Ce  fut  h.  la  suite 


M^ 


i^\ 


de  ces  hurmui^s  céU-bres  que  lejeuiie 
Keguaiilt-Wariu  coiUril)u;i ,  uutaal 
t;n  lui.  au  reuvers&uieot 
.  .  ,  dans  la  journée  tlu  JO 
aoiU  1792.  Cependant  il  ne  réussit 
point  encore  à  se  faire  remarquer,  et 
vi?ant  avec  peine  dans  la  capitale^  il 
la  quitla  «u  coinmepcement  'i--  »-"s 
pour  titre  secr^laire  du  eu 
de  la  place  de  Verdun.  ;  '^ye 

à  l'état-major  de  l'an.  dén- 

ués, sous  l'adjudant-geuerai  Sion- 
viile,  dont  il  a  dit  qu'il  futradjoint; 
ce  que  nous  ue  pensons  pas,  parce 
qu'il  eût  fallu  pour  cela  qu'il  eût  up, 
grade  militaire,  et  qu  il  est  itieu  sûr 
q|i'(l.  n'en  eut  jamais,  li  a  dit  aussi 
qu'a  la  même  époque  il  sauva  plu- 
sieurs proscrits,  et  que,  dénoncé 
pour  ce  fait  au  gouvernement  de  la 
Terreur,  il  se  vit  obligé  de  sortir  de 
France,  que  squ  nom  fut  inscrit  ^ur 
la  liste  des  émigrés,  et  qu'étant  ren- 
tré il  fut  emprisouné  et  ne  recouvra 
la  liberté  que  long-temps  après  U 
chute  de  Robespierre.  Il  y  a  évidem- 
meut  dans  ces  assertions  quelque 
chose  de  fabuleux  et  .d'invraisem- 
blable, d'abord  parce  qu'on  n'a  ja- 
mais vu  son  nom  sur  une  liste  d'é- 
migrés ,  ensuite  parce  que  s'il  y  eût 
été  réelleiuent  inscrit  et  qu'on  l'eût 
arrêté,  il  u'aurait  pas  échappé  à  l'é- 
chafaud.  Ce  qui  est  certain,  c'est  que 
Regaault  s'éclipsa  tout  à  coup  au 
milieu  de  la  Terreur ,  qu'il  ue  se 
montra  que  beaucoup  plus  tard,  et 
qu'alors,  dégoûté  ou  effrayé  de  la  po- 
litique, il  ue  parut  s'occuper  que  de 
littérature,  de  romans  qu'il  vendait 
aux  libraires  et  dont  il  vivait  avec 
peine.  Voyant  cependant  le  succès 
qu'avaient  alors  les  écrits  royalistes, 
il  hasarda  son  Cimetière  de  la  Made- 
leine ,  où  sont  décrits  uin'.  partie  des 
malheurs  de  Louis  XVI  et  de  sa  fa- 
miHe.  Cet  ouvrage  eut  un  succès  dont 
I.XXVHI. 


il  faut  attribua  au  moins  lu^ç  p^vtie 
à  i'iutcr^tdu  sujet.  C'ctail  du  resie  a 
celte  époqiie  uu  acte  <'<  -y  et 

qui  attira  sur  l'autçur  î  iiai-, 

ue*  du  parti, révolution iiauf  iiicofei 
trèsrpuissapt.  Le  livre  fut>iiisi  par  la 
police  consuUirç,  .^t  j'auteur,  mis  eu 
arrcstatioa,  n'eu  sortit. fli^e^^i  l)/iu-; 
terveution  de  mada^^^  ^on^pa^fc^'q^i, 
l'avait  lu  et  qui  avaijt  pleure'  -■-  '  - 
malheurs  delà  famil/e  roy.. 
nouvelle  lotion  ue  fut  :Jue. 

pour  Regnault;il  ranij».  ^'u-, 

cèrement  à  de  pareils  ouvrages  et, 
ne  composa  plus  ^ue   des ,  romans  ' 
et  quelques  écrits   historiques    de 
peu  d'importauce.  Ce  ne  fut  qu'en , 
1814,  après  la  chute  de  Napoléon^ 
qu'il  rentra  dans  la  carrière  polili- 
que,  alors  ouverte  à  tout  le  monde.  , 
Il  écrivit  d'abord  en  faveur  de,  la 
Restauration,  mais  n'ayant  pas  oli- 
tjjp^u  ce  qu'il  désirait,  voyant  d'ail-, 
leurs  que  le  parti  contraire  acqué- 
rait chaque  jour  de  nouvelles  forces 
et  que  le  gouvernement  royal  ne  sa- 
vait point  le  réprimer,  il  passa  dans 
les  rang?  de  ses  adversaires,  et  pu-' 
blia,   de    coucert  avec  le  libraire, 
Plancher,  un  grand  nombre  d'écrits 
fort  médiocres,  mais  ^rès-audacieux, 
qui  lui  firent  beaucoup  d'ennemie  et 
qui,  s'ils  ne   lui  attirèrent  pas  des 
poursuites  comme  au  temps  de  Ro-Î 
bespierre  et  de  Bonaparte,  ne  CQii- 
tribuèreut  point  à  leurichir  et  ne. 
lui  valurent  pas  même  une  gratifica- 
tion^ou  un  emploi  lori que  le  parti  ^ 
qu'il  avait  servi  avec  tant  de  zèle 
triompha  en  1830.  Dans  les  deniiers 
temps  de  sa  vie.  Régnai, 
concourut  à  la  rédaction  du  .  .    ,  -, 
et  il  mourut  eo  uov.  18^4,  K  P^<t) 
près  ea  même  temps  que  ce  journaJ-^ 
ne  laissant  aucun   héritier  de  .^QÙ" 
nom  ni  de  son  bien.  Il  n'avàït  fait  ' 
aucune  disposition,  testau^utaire,  ei 

27 


as 


REG 


REG 


les  feuilles  publiques  annoncèrent, 
dans  le  mois  de  mars  1845,  que  l'ad- 
ministration des  domaines  allait  faire 
vendre  à  l'encan,  au  profit  de  l'État, 
son  mobilier  peu  luxueux,  ajoute  le 
journaliste,  ainsi  que  celui  d'un  poète 
démocratique,  H. -A.  Louis  Bertaud. 
Voici  comment  les  journaux  du 
temps  racontèrent  les  circonstances 
de  sa  mort  :  «  Les  habitants  de  la  rue 
Saint- Victor  avaient  remarqué  depuis 
plusieurs  années  un  homme  âgé,  d'une 
figure  expressive  et  intelligente,  mais 
dont  l'extérieur  annonçait  la  misère. 
On  le  voyait,  le  matin,  aller  chercher 
lui-même  son  lait,  son  pain  et  les 
objets  de  première  nécessité  :  mais 
malgré  sa  pauvreté  apparente,  il  ne 
coHtractait  aucune  dette,  et  rien  en 
lui  n'annonçait  l'homme  nécessiteux. 
Cette  existence  mystérieuse  préoccu- 
pait surtout  les  locataires  de  la  mai- 
son n**  21,  où  demeurait  le  vieillaHl 
inconnu  ;  bien  souvent  un  regard  in- 
discret avait  essayé  de  pénétrer  dans 
son  intérieur  lorsqu'il  lui  arrivait 
d'entr'ouvrir  sa  porte,  mais  on  n'a- 
percevait que  quelques  meubles  mes- 
quins et  des  papiers  ou  des  livres  en 
désordre  ;  les  plus  curieux  avaient 
appris  seulement  qu'il  s'appelait 
Saint-Ednie.  Enfin,  par  la  raison  que 
M.  Saint-Edme  ne  songeait  à  per- 
sonne, tout  le  monde  s'occupait  de 
lui.  On  remarqua,  il  y  a  quatre  jours, 
qu'il  avait  cessé  de  faire  ses  provi- 
sions quotidiennes.  Avis  en  fut  donné 
aussitôt  au  propriétaire,  qui  frappa 
inutilement  à  la  porte  du  mystérieux 
personnage,  et  finit  par  avertir  le 
commissaire  de  police.  La  porte  ou- 
verte, on  trouva  l'incounu  étendu 
sur  un  grabat,  sans  chemise  et  don- 
nant à  peine  quelques  signes  d'exis- 
tence. Il  fut  aussitôt  transporté  à 
l'hospice  de  la  Pitié  où,  malgré  les 
soins  les  plus  empressés,  il  vient  de 


mourir.  D'après  l'inventaire  qui  a  été 
fait  après  sa  mort,  on  a  découvert 
que  ce  personnage  mystérieux  était 
M.  Regnault-Warin,  homme  de  let- 
tres, auteur  de  divers  romans  et  de 
diverses  brochures,  sous  le  nom  de 
Saint-Edme.  On  a  trouvé  sur  lui  une 
centaine  de  francs,  ce  qui  laisserait 
supposer  qu'il  n'était  pas  dans  la  mi- 
sère et  que  ce  serait  par  goîit  qu'il 
avait  adopté  un  genre  d'existence 
qui  lui  donnait  tous  les  semblants 
de  la  pauvreté.  »  Les  écrits  publiés 
par  Regnault-Warin  sont  :  I.  Élé- 
ments  de  politique,  1790,  in-S"*. 
II.  La  Constitution  française  mise  à 
laportée  de  tout  le  monde,  Paris,  1791, 
2  vol.  in-S".  III.  Bibliothèque  du  ci- 
toyen, contenant  le  catéchisme  civi- 
que, ou  les  devoirs  de  l'homme  et  du 
citoyen,  Bar-le-Duc,  1791.  IV.  Éloge 
deMirabeau,  Paris,1791,in-8''.V.Ré-  j 
vision  de  la  constitution  française^  I 
1792,  in-8o.  VI.  Conseils  au  peuple 
sur  son  salut,  ou  Opinion  sur  le 
danger  de  la  patrie,  1792,  in-S". 
VII.  Vie  de  J.  Pétion^  maire  de  Pa- 
ris, Bar-le-Duc,  1796,  in-12.,  VIM 
(avec  Bajot  et  Lombard).  Cour*  d^étu- 
des  encyclopédiques,  1797,  in-8o.  IX. 
La  Caverne  de  Strozzi,  Paris,  1798, 
iu-8o;  trad.  en  espagnol,  ibid.,  1826, 
in-18.  X.  Roméo  et  Juliette,  roman 
historique,  1799,  2  vol.  in-12.  XI. 
Le  Cimetière  de  la  Madeleine,  1800, 
4  vol.  in-12  ;  18Q1,  4  vol.;  traduit  en 
espagnol  par  D.  Salva,  avec  les  Vies 
de  Louis  XVI,  de  madame  Elisabeth, 
de  la  duchesse  d'AngouIcme,  de 
Louis  XVllI,  de  Charles  X,  etc.,  Pa- 
ris, 1833,  4  vol.  in-18.  XII.  La  Jeu- 
nesse de  Figaro,  1801,  2  vol.  in-12. 
XIII.  Le  Tonneau  de  Diogène^  imité 
de  l'allemand  de  Wielaud,  par  Pre- 
nais, avec  des  remarques  et  additions, 
1802,  2  vol.  in-12.  XIV.  Les  Prison- 
niers du  Temple  i  suite  du  Çim^ièn. 


REG 


REG 


419 


de  la  Madeleine,  1802,  3  vol.  in-12. 
(Regnault  n'avouait  que  les  deux  pre- 
miers volumes  et  les  60  premières  pa- 
ges du  troisième.)  XV.  Le  Paquebot 
de  Calais  à  Douvres,  roman  politique 
et  moral,  trouvé  sur  une  échoppe  de 
bouquiniste  du  quai  des  Ormes,  1802, 
in- 12.  La  police  n'en  permit  la  pu- 
blication qu'avec  de  nombreux  car- 
tons. XVI.  Spinalba,  ou  les  Révé- 
lations de  la  Rose-Croix^  1803, 4  vol. 
iD-t2.  XVII.  Clémence,  1803,  3  vol. 
in-12.  XVIII.  Lille  ancienne  et  mo- 
derne, 1803,  in-12.  XIX.  L'Homme 
au  masque  de  fer^  1804,  4  vol.  in-12; 
4»  édit.,  1816,  4  vol.  in-12.  XX.  La 
Diligence  de  Bordeaux,  ou  le  Ma- 
riage en  poste,  1804,  2  vol.  iu-l2. 

XXI.  Loisirs  littéraires,  iSOi,  in-l2. 

XXII.  M'"'  de  Maintenon,  l'06,  4 
vol.  in-12.  XXlll.  Napoléonide  sur 
la  campagne  de  deux  mois,  1806, 
in-8°.  XXIV.  La  Nouvelle  France, 
ou  les  Hommes  et  les  choses  au  \l\e 
siècle,  1815,  in-8°,  un  seul  cahier. 

XXV.  Réfutation  du  Rapport  sur  l'é- 
tat de  la  France  fait  au  roi  dans  son 
conseil,  par  le  vicomte  de  Chateau- 
briand, 1815,  in-8**^  deux  éditions. 

XXVI.  Pour  et  contre, ouEmbrassons- 
nous^  mémoire  adressé  au  roi ,  1815, 
in-S".  XXVII.  Cinq  mois  de  l'histoire 
de  France,  ou  Fin  de  la  vie  politi- 
quede  Napoléon, îSii^m-8°.\XYlïl. 
L'ange  des  prisons  (Louis  XVII),  élé- 
gie, 1816,  in-12.  XXIX.  Le  Mal  et 
le  Remède  des  cours,  où  l'on  cher- 
che à  prouver  contre  M.  de  Chateau- 
briand 1°  que  les  élections  de  1816 
ont^été  libres  i  2»  que  les  députés 
sont  élus  légalement  ;  3<*  que  la  re- 
présentation nationale  est  légitime, 
1816,  in-8o.  XXX.  Henri  II,  duc  de 
Montmorency,  maréchal  de  France, 
romau  historique,  1816,  in  8°.  XXXI. 
LEspril  de  tnadan^e  de  Staël,  181 8, 
2  vol.  in-8».  XXXn.  Manuel  de*  bra- 


ves^ tom.  VI;  Biographie  héroïque, 
1818,  in-12.  XXXIII.  Mémoires  et 
correspondance  de  l'impératrice  Jo- 
séphine, Paris,  1819,  2  vol.  in-8°.  Le 
prince  Eugène  Beauharnais,  par  une 
lettre  datée  de  Munich,  le  15  janvier 
1820,  et  adressée  aux  journalistes  de 
France,  désavoua  cet  ouvrage  comme 
apocryphe,  tout  en  remerciant  l'au- 
teur anonyme  de  la  justice  qu'il  rend 
à  sa  mère  dans  les  lettres  qu'il  lui 
attribue  (voy.  Joséphi.ne,  LXVIII, 
278).  XXXIV.  Les  Carbonari.  ou  le 
Livre  de  sang,  1820,  2  vol.  iii-i2. 
XXXV.  Introduction  à  l  histoire  de 
l'empire  français,  ou  Essai  sur  la 
monarchie  de  Napoléon,  1820-1821, 
2  vol.  in- 18.  XXX VI.  Rosario,  ou 
les  Trois  Espagnoles^  mémoires  his- 
toriques, 1821,  3  vol.  iu-12.  XXXVII. 
Médailles  biographiques.  1822.  Il 
n'en  a  paru  que  deux  livraisons,  qui 
contiennent  les  notices  sur  Frances- 
co  Espoz  y  Mina  et  don  Pablo  Mo- 
rillo.  XXXVIII.  Mémoires  pour  ser- 
vir à  la  vie  du  général  Lafayette  et 
à  l'histoire  de  l'Assemblée  consti- 
tuante, 1824,2  vol.  in-8\  Regnaull- 
Wariu  avait  promis  une  Histoire  po- 
litique et  militaire  du  général  La- 
fayette, avec  des  notes  et  documenté 
du  général  lui-même,  en  4  vol.,  mais 
le  premier  seulement  a  paru,  Paris, 
1831,  in-8o  ;  il  a  été  reproduit  sous  le 
litre  d'Histoire  du  général  Lafayette 
en  Amérique,  précédée  d'une  Notice 
sur  sa  vie,  Pans,  1832  et  1833  ;  la 
Notice  a  reparu  séparément  en  1834. 
XXXIX  (avec  M.  Lahalle  et  Roque- 
fort). Chronique  indiscrète  du  JIS' 
siècle.  Esquisses  contemporaines  ex- 
traites de  la  correspondance  duprin- 
ce  de  ***,  Pans,  1825,  iii-S».  Barbier, 
qui  est  fort  maltraité  dans  cet  ouvra- 
ge, en  parle  comme  d'un  écrit  men- 
songer {Dict.  des  Anonya^et^  t.  IV, 
n°  22156).  XL.  Mémoire»  histori- 
21. 


fi20 

(^Hff?t  <'t,,çritiq^e.%  sur  F.-J^,.Tq,lm 
et'  mr  l'art  théâtral,  1827,  in- 8*. 
ReguauU-Warin  avait  commencé  un 
journal  intitulé  le  Contemplateur, 
dont  n  n'a  paru  qu'un  cahier,  Paris, 
1801,  in -8°.  II  a  encore  eu  part  à 
quçlques  ouvrages  périodiques  sans 
l,es  signer.  C'est  à  tort  qu'on  lui  a  at- 
Jr|ï)ué  un  Siècle  de  Louis  XVI,  tom. 
t*';»  qui  fut  imprimé  à  Paris,  chez 
Cussac,  en  1791,  in-12.        M-d  j. 

REGNAUT  (CuARLES-DouiN), 
curé  du  village  de  Bezannes  près  de 
Beims,  naquit  dans  cette  ville  sur  la 
liu  du  XVIi^  siècle,  et  y  devint  cha- 
noine de  la  collégiale  de  Saint-Sym- 
phorien  par  nomination  royale.  On 
a  de  lui  :  Histoire  des  sacres  et  cou- 
ronnements  de  710S  rois,  faits  à 
Reims,  à  commencer  par  Clovis  jus- 
qu'à Louis  XV,  avec  le  recueil  du, 
formulaire  le  plus  moderne  qui  s^ ob- 
serve au  sacre,  etc.;  une  Dissertation 
historique  touchant  le  pouvoir  ac- 
cordé aux  rois  de  France  de  guérir 
des  écrouelles,  accompagnée  de  preu- 
ves touchant  la  vérité  de  la  sainte 
ampoule,  et  une  Relation  exacte  de 
la  cérémonie  du  sacre  et  couronne- 
ment du  roi  Louis  XV;  Reims,  1722, 
1  vol.  in-12.  Regnaut  avait  fait  un 
recueil  d'épitaphes  des  hommes  qui 
se  sont  distingués  dans  l'État  et  dans 
ia  robe,  ainsi  que  dans  les  arts  libé- 
raux et  mécani(iues,  auquel  il  a  joint 
un  abrégé  des  faits  qui  les  ont  rendus 
recommaudablos.il  proposa  l'impres- 
sion de  ce  recueil  aux  imprimeurs  et 
libraires,  les   laissant  maîtres  d'en 
lixer  les  conditions.  Cette  proposition, 
qui  se  trouve  dans  le  Journal  histo- 
rique de  Verdun,  mai  I72I,  ne  fut 
point  acceptée.  11  composa  ainsi  sa 
propre  épilaphe  : 

Islo  canonicus  recubal  sub  marmore  adroso 
Qui  scriptor  sludiot  munere  patior  erat. 


REG 

^j.^lfy^lQi^IEJIi  (EflMp) ,  célèbre;  ,wé.- 
canicien,  naquit  à  Seraur,  le  lii  juin 
I7r>l.  Ayant  perdu  son  père  pendant 
qu'il  faisait  ses  études  dans  sa  ville 
natale,  il  resta  l'aîné  de  onze  enfants, 
et  fut  retiré  du  collège  pour  êlre  pla- 
cé chez  un  arquebusier  de  Dijon,  où 
il  se  distingua  par  son  adresse  et  son 
application  au  travail.  Quoique  bien 
jeuHe  encore,  il  sentit  la  nécessité, 
comme  l'aîné  de  la  famille,  de  se  met- 
tre promptement  en  état  de  rempla- 
cer son  père,  et  remporta  un  premier 
prix  de  dessin  à  l'âge  de  dix- sept 
ans.  Le  professeur  Déroge  s'intéres- 
sait vivement  à  lui  :  sa  jeunesse,  sa 
position,  tout  parlait  en  sa  faveur. 
Enfin,  rentré  dans  sa  famille,  il  exerça 
à  Semur  l'état  d'arquebusier  avec  le- 
quel il  fit  exister  sa  mère  devenue  in- 
firme  et   établit  ses  frères   et  ses 
sœurs.  S'étantmarié,  il  fit  donner  une 
éducation  soignée  à  cinq  enfants  qu'il 
eut,  et  trouva  dans  son  industrieseule 
les  moyens  d'élever  cette  nombreu- 
se famille.  Le  prince  de  Condé,  qui 
l'avait  connu  dans  un  de  ses  voyages  à 
Dijon  et  qui  avait  admiré  son  adresse, 
lui  lit  donner  le  titre  de  mécanicien 
de  la  province  de  Bourgogne.  Kn 
1783,  Régnier  eut  l'honneur  d'offrir 
à  Louis  XVI  un  modèle  réduit  dn 
méridien  sonnant  qu'il  avait  com- 
posé pour  la  ville  de  Semur.  Ce  prince, 
qui  avait  spécialement  étudié  les  arts 
mécaniques,   examina  avec  intérêt 
cette  invention  qui  ressemble  beau- 
coup au  canon  méridien  du  Palais- 
Royal,  et  dont  Régnier,  jusque  dans 
les  derniers  temps  de  sa  vie,  prenait 
plaisir  à  préparer  et  à  voir  l'explo- 
sion. Une  de  ses  premières  inventions 
fut  son  éprouvette  pour  .essayer  la 
force  des  poudres  de  chasse,  supé- 
rieure k  toutes    celles  qui  avaient 
été  imaginées  jusqu'alors,  parce  que 
^ ,  les  degrés  gravés  .5|ii;j|n  4J:ç,  fj^^ÇÇ^S'^ 


scfiït  l^cxpression  de^Dfa?détfcWmnés 
et  que  les  régulateurs  sont  cotistâtits. 
Ce  premier  produit  de  son  esprit  in- 
ventif fut  montré  à  Gue'neau  de  Mont- 
béliard ,  ami  de  BufTon ,  qui  i'ad- 
mira  et  accorda  sa  protection  à 
Régnier.  C'est  à  peu  près  à  la  même 
époque  qu'il  inventa  sa  serrure  et 
ses  cadenas  à  comMnaisons.  Buf- 
foii  et  Guéneau,  qui  désiraient  faire 
des  expériences  sur  la  force  de 
l'homme  et  des  animaux  et  qui  n'a- 
vaient à  leur  disposition  que  des 
machines  lourdes  et  peu  commo- 
des, proposèrent  à  Régnier  de  tâcher 
d'en  inventer  une  qui  fût  applicable 
au  plus  grand  nombre  de  cas  possi- 
bles. C'est  de  cette  demande  que  n'a- 
qoit  le  dynamomètre,  instrument 
simple,  commode,  et  dont  l'appli- 
cation pent  s'étendre  aux  machines 
pour  en  déterminer  avec  précision 
la  force  et  la  résistance.  Le  dynamo- 
mètre resta  long-temps  inconnu.  Il 
en  fut  fait  mention  dans  un  mémoire 
publié  en  l'an  VII  (1798).  Depuis  il 
a  été  mis  en  usage  par  le  docteur 
Chaussier  pour  faire  des  expériences 
sur  la  force  musculaire,  et  il  a  fourni 
le  sujet  d'une  thèse  soutenue  par  le 
fils  de  l'auteur  à  l'École  de  Médecine. 
Enfin  Pérou  s'en  est  servi  dans  son 
voyage  de  découvertes  à  la  Nouvelle- 
Hollande,  et  i  1  a  démontré  que  la  force 
des  peuples  sauvages  est  constam- 
ment moins  grande  que  celle  des 
hommes  civilisés.  Régnier  fut  encore 
le  premier  qui  construisit  des  para- 
tonnerres en  Bourgogne.  Il  les  per- 
fectionna ensuite,  en  remplaçant  les 
conducteurs  établis  avec  des  barres 
.  de  fer  plantées  dans  les  murs  par 
des  cordes  faites  avec  des  fils  de  fer 
qui  ont  l'avantage  d'être  à  la  fois  so- 
lides, flexibles,  et  de  pouvoir  être 
isolés  des  édifices.  A  l'époque  de  la 
révolution ,  persécuté  dans  la  ville 


fxEG  ^^>1 

^ii^iFhai)îta\t  par  le  sèï^l^  motif 
qn'it  avàff  été  t^TOtégé  et  f écdnùpeh- 
sé  par  Tancien  gouvernement,  il  fut 
obligé  de  se  réfugie^  K  Paris,  où  le 
comité  de  salut  public,  éclairé  par 
Carnot,  son  compatriote,  sut  Tap- 
précier,  et  le  chargea  de  diriger  In 
fabrication  des  armes  portatives.  Rc 
gnier  commença  dès  lors  à  réunir  les 
matériaux  qui  ont  servi  depuis  k  foV- 
mer  le  Musée  central  d'artiTîérîe, 
dont  il  devint  plus  tard  le  conserN'a- 
teur.  Un  incendie,  qui  détruisit  en 
1799  une  maison  située  au  coin  de  la 
rue  Saint-Roch  et  où  périrent  pltr- 
sieurs  personnes,  donna  l'occasion  à 
l'Institut  d'ouvrir  un  concours,  dans 
lequel  un  prix  fut  proposé  à  celui 
qui  exécuterait  la  meilleure  machine 
à  incendie.  Régnier  composa  une 
échelle  perfectionnée,  et  il  obtint  le 
prix.  Le  modèle  de  cette  machine 
est  déposé  au  Conservatoire  des  arts 
et  métiers.  Régnier  fit  encore  à  cette 
époque  des  recherches  utiles  sur  les 
platines  des  fusils  de  munition.  La 
machine  qu'il  inventa  pour  régulari- 
ser l'action  des  ressorts  fut  approu- 
vée par  rinsiitut  et  par  plusieurs 
officiers  d'artillerie,  ainsi  que  par 
les  premiers  arquebusiers  de  Paris. 
Enfin  une  de  ses  dernières  inven- 
tions est  le  sécateur  destiné  à  la 
taille  des  arbres,  et  fort  en  usage 
aujourd'hui.  Cet  instrument  est  frès- 
expéditif,  puisqu'on  peut  faire  en 
quatre  jours  ce  qui  en  demandait 
douze,  et  qu'il  est  impossible  de  se 
blesser,  ce  qui  arrive  souvent  avec  la 
serpette.  Edme  Régnier,  k  qui  Ton 
peut  donner  avec  tant  de  raison 
le  titre  d'utilitaire,  mourut  à  Paris 
le  10  juin  1825.  Il  était  membre  de 
plusieurs  sociétés  savantes  et  faisait 
partie  du  comité  de  mécanique  de  la 
société  d'encouragement  pour  Tiu- 
dustrie.  Âa  nombre  des  services  qu'il 


422 


REG 


a  rendus  à  sa  patrie,  on  ne  doit  pas 
oublier  qu'il  sut,  à  force  de  soins, 
conserver  presque  intact,  pendant 
l'invasion  étrangère  de  1814  et  1815, 
le  Musée  d'artillerie,  qui  est  aujour- 
d'hui l'un  des  établissements  les  plus 
curieux  de  la  capitale.  A  la  rentrée 
du  roi  en  1815,  il  obtint  une  pension 
de  retraite  et  la  décoration  de  la  Lé- 
gion -  d'Honneur.  INous  donnerons, 
d'après  lui-même,  unç  liste  de  ses 
inventions  : 

10  Plusieurs  Dynamomètres  de  différentes 
grandeurs,  employés  daus  les  arts  pour  me- 
surer la  force  des  pompes  à  feu,  celle  des 
charrues  au  labourage  des  terres,  et  d'au- 
tres pour  les  exercices  gymnastiques.  2"  Di' 
vers  instruments  pour  connaître  en  fabri- 
que la  force  et  la  qualité  des  différents  fila 
de  soie,  de  coton,  de  lin  et  des  laiues  brutes 
prises  sur  les  animaux.  3°  Différentes  éprou- 
vETXKS  pour  les  poudres  de  chasse  et  de 
guerre,  d'autres  pour  connaître  la  force  et 
la  vitesse  du  courant  des  rivières,  etc.  4°  Un 
nouvel  ANÉMOMiTRE  qui,  par  l'effet  d'une 
girouette,  marque  dans  l'intérieur  de  l'ap- 
partement, pendant  l'absence  de  l'observa- 
teur, la  force  et  la  direction  des  vents,  et 
remonte  en  même  temps  une  pendule  sur 
laquelle  le  mécanisme  est  établi.  ÀifÉMOMÈ- 
TRE,  idem,  plus  simple,  pour  la  marine  et 
l'Observatoire  royal  de  Paris.  5»  Divers  mk- 
RiDiEtrs  A  CANOH  de  différentes  grandeurs, 
qui  conviennent  à  tous  les  pays;  leur  amorce 
n'est  pas  apparente  et  se  trouvé  préservée  des 
injures  de  l'air.  6°  Uu  nouveau  méridien  a 
MUSIQUE  n'HORi-OGERiE,  SOUS  la  forme  d'un 
petit  tableau  élégant,  qui  joue  à  midi  des  airs 
agréables  daus  l'appartement,  sans  avoir  be- 
soin de  reinonter  le  rouage  de  la  sonnerie. 
70  Diverses  serrcres  et  cadenas  a  combi- 
naisons ,  qui  ont  remporté  le  premier  prix 
dès  leur  origine.  Idem.  Différentes  fermetu- 
res de  s6reté  à  petites  clefs,  incrochetables. 
8"  Tïonveaux  serre-papiers  qui  les  garan- 
tissent de  foute  indiscrétion,  employés  dans 
plusieurs  ministères  de  l'VaUce  et  de  l'étran- 
ger, rtniuniii  d'un  brevet  d'invention.  Porter 
feuilles  et  coffrets  {Miur  ,1«  même  usage. 
9"  NouvpIIcs  pre.sses  a  xi  MB  RE  s/c  de  4>f- 
'i (  lu  s,^wplo^fe.s,pi|,r  plusiçui^ 


REG 

légations.  10"  Divers  instruments  d'agricnU 
ture,  comme  plateau  pour  peser  facilement 
le  bétail  qu'on  engraisse. Une  nouvelle  pince 
A  INCISION  pour  la  vigne  et  les  arbres  à  fruits. 
Le  SÉCATEUR  perfectionné,  préférable  à  la 
serpette,  pour  tailler  facilement  les  rosiers 
et  antres  arbustes.Un  piquet  a  thermomè- 
tre pour  régler  la  chaleur  des  couches  des 
jardins;  an  autre  idem  ,  pour  déterminer  le 
degré  convenable  au  décuvage  des  vins. 
ii°Un  nouveau  modèle  d'ÉCBELLE  a  incen- 
die très-portative,  peu  dispendieuse,  «t 
d'un  facile  usage.  la»  Divers  objets  pour  la 
sûreté  des  voyageurs  et  pour  prendre  Tin- 
fidélité  sur  le  fait,  i3°  Nouvelle  cafetière 
en  plaqué,  très -commode  en  voyage  et  pour 
la  toilette.  140  Un  petit  modèle  d'une  grande 
marmite  à  deux  ro4jes,  destinée  au  service 
des  hôpitaux  ambulants,  et  pour  procurer 
facilement  des  soupes  écomiques  aux  ou- 
vriers des  ateliers  des  ponts  et  chaussées. 

Régnier  a  lait  imprimer  la  descrip- 
tion ou  le  programme  de  quelques- 
unes  de  ses  inventions  :  I.  Descrip- 
tion et  umge  d'un  nouveau  méridien 
à  canon,  Paris,  1798,  in-t".  ;  réim- 
primé en  1809,  dans  la  Bibliothèque 
phy si co  économique.  11.  Mémoire  ex- 
plicatif du  dynamomètre  et  autres 
machines  inventées  par  le  citoyen 
Régnier,  1798,  in-4o.  Ce  mémoire 
parut  d'abord  dans  le  Journal  de 
rÊcole  Polytechnique  (  tom.  II, 
1798).  M— D  j, 

REGNIER  à'Estouriei  (Hippo- 
lyte)  ,  littérateur,  né  à  Langres  en 
1804  et  mort  à  Paris  le  23  septembre 
1832,  ne  vécut  ainsi  que  vingt-huit 
ans,  et  en  si  peu  de  temps  compo- 
sa une  infinité  d'ouvrages  dans  tous 
les  genres  et  de  fontes  les  couleurs. 
1.  Histoire  du  clergé  de  France  pen- 
dant la  révolution ,  par  M.  R , 

auteur  de  plusieurs  ouvrages  politi-  . 
ques  et  religieux,  Paris,  1828-29, 
3  vol.  in-12.  11.  Histoire  de  tout  le 
monde,  publiée  sous  le  pseudonyme 
d'Eugène  de  Dulman,  1829,  3  vol. 
in-ji.  Ul.  Les  Septembriseurs^  scènes 


REG 

historiqwt.,  Paris ,  1829 ,  in  -  8".  Ce 
vohitne  contient  dix  drames  dont  les 
titres  indiquent  suffisamment  le  su- 
jet :  la  Mairie^  VAhbayeMi  Carmes^ 
la  Salpélrière^  Bicétre^  un  Souper 
chez  Vénua,  la  Mort  de  Marat,  la 
Mort  de  Danton  ,  la  Mort  de  Ro- 
bespierre. IV.  Louisa,  ou  les  Dou- 
leur» d:'une  fille  dejoie^  1830,  2  vol. 
in-r2  et  in-18,  publiés  sous  le  pseu- 
donyme de  l'abbé  Tiberge,  nom  de 
l'ami  du  chevalier  Des  Grieui,  dans  le 
roman  de  Manon  Lescaut.  V.  Mé- 
moires de  la  marquise  de  Pompa- 
rfottr,  Paris,  1830,  2  vol.  in-8°  (revus 
liar  M.  Amédée  Pichot  ).  VI  (avec 
M.  Dupeuty).  Napoléon,  ou  Sch^en- 
brunn  et  Sainte-Hélène,  drame  his- 
torique ,  joué  au  théâtre  de  la  Porte 
Saint-Martin,  1830.  VII.  Charles  11^ 
(m  l'Amant  espagnol,  Paris,  1S31, 
4  vol.  iu-i2  Vlil.  Charlotte  Cor- 
daify  drame  en  cinq  actes  et  en 
prose,  Paris,  1831,  in-8».  IX.  Ma- 
nuel populaire  de  la  méthode  Ja- 
cotot,  ou  Application  simple  et  fa- 
cile de  cette  méthode  à  la  Jecture, 
l'écriture ,  l'orthographe ,  les  lan- 
gueSy  etc.,  dédié  aux  pères  de  famil- 
le, 1831,in-8°,  publié  sous  le  pseu- 
donyme du  docteur  Retter  de  Brig- 
ton.  X.  Un  Bal  chez  Louis-Philippe, 
1831,  publié  sous  le  pseudonyme  d£ 
l'abbé  Tiberge.  XI.  La  mort  des  Gi- 
rofulifu,  seénts  historiques^  1832, 
in-iS».  Z. 

REGOL<)TTI(Domimque),  lit- 
térateur italien,  né  à  Rome  vers  1675, 
s'appliqua  dès  sa  première  jeunesse 
à  l'étude  de  la  langue  grecque,  ce 
qui,  dans  la  suite,  lui  fit  obtenir  du 
pape  Clément  XI  la  place  de  conserva- 
teur des  manuscrits  grecs,  à  la  biblio- 
thèque du  Vatican.  C'était  une  petite 
sinécure  demandant  fort  peu  de 
temps  et  qui  permettait  au  titulaire 
d'exercer  conjointement  la  profe^- 


REG 


433 


sion  d'avocat  qu'il  avait  embrassée. 
Regolotti  comptait  déjà  huit  années 
de  barreau  lorsqu'il  fut  appelé,  en 
1720,  à  Turin,  par  le  roi  Victor- 
Amédée,  qui  venait  de  réorganiser 
l'université  et  qui ,  sur  la  réputation 
de  savant  helléniste  qu'avait  Rego- 
lotti, loi  confia  la  chaire  de  grec,  àla- 
quelle  fut  jointe  quatre  ans  plus  tard 
celle  de  poésie.  Due  traduction  en 
vers  des  Idylles  de  Théocrite  et  de 
Moschus  lui  ayant  attiré  d'amères 
critiques,  même  de  la  part  de  ses 
collègues,  il  prit  le  séjour  de  Turin 
en  horreur  et  mit  en  mouvement 
tous  ses  amis  pour  lui  procurer  un 
emploi  dans  une  autre  ville.  Il  écri- 
vit lettres  sur  lettres  au  célèbre 
Muratori  pour  qu'il  le  recommandât 
au  comte  d'Aguirre,  qui  déjà  avait 
pourvu  au  placement  de  Lama,  au- 
tre professeur  démissionnaire  de 
l'université  de  Turin.  Mais  toutes  ses 
démarches  restèrent  Uns  résultat. car 
il  était  encore  dans  cette  ville  lors- 
qu'il fut  surpris  par  la  mort,  le  3 1  ja  n- 
vier  1735.  On  a  de  lui  :  I.  Teocrito 
volgarizzato  da  Dominico Regolotti, 
Romano,  professore  di  poesia  e  lin- 
gua  greca  nella  R.  Università  di 
Torino  (Turin,  1729,  1  vol.  iu-s"). 
Dans  sa  dédicace  en  vers  à  Charles- 
Emmanuel,  alors  prince  royal,  l'au- 
teur ne  fait  promettre  par  Théocrite 
à  la  maison  de  Savoie  rien  moins  que 
l'empire  du  monde.  Cette  traduction 
est  en  vers  libres,  mais  au  lieu  de 
refléter  les  beautés  de  l'original,  on 
peut  dire  qu'elle  ne  fait  que  le  défi- 
gurer, tant  le  style  de  Regolotti  est 
incorrect,  dur  et  trivial.  Il  n'y  a  pas 
jusqu'aux  règles  les  plus  ordinaires 
de  la  versification  qui  n'y  soient  vio- 
lées. Aussi  l'abbé  Fédérici  se  mon- 
tra-t-il  fort  indulgent  quand,  dans 
ses  Notices  sur  les  traductions  d'ou- 
vrages grecs  en  îlalién,  il  écrivit 


4S4 


K£G 


que^ Re^olutiti  «avait  moins  lait! une 
vsrs^uu^èle  qu'une  paraphrase,  il. 
OraHQ>de4ie  natali  €aroli-Emma' 
nuelis^Sardiniœ  régis,  habita  in  ar- 
càti-  gymnasio  Taurinensi,  Y  Kal. 
fàUpai,  Turin,  1733,1  in-S*».  m.  De 
Pùeieos  iHilitate-,  discours  prononcé 
par  Regolotti  le  jour  de  l'ouverture 
de  soti  cours.  Il  ne  fut  imprimé  qu'a- 
près la  mort  de  l'auteur,  avec  une 
courte  notice  biographique  dans  la 
Miscellanea  di  varie  opérette, recueil 
publié  à  Venise  par  Lazzaroni.  A — ^. 
■•■  REGOURD  (ALEXANDRE),  jésuite, 
né  à  Castelnaudari ,  en  1585,  entra 
dans  la  société  dès  l'âge  de  17  ans, 
fut  professeur  de  philosophie  et  de 
théologie  dans  plusieurs  collèges,  et 
se  livra,  non  sans  succès,  à  la  prédi- 
cation. Ses  efforts  tendaient  surtout 
à  id  conversion  des  réformés.  Il  eut 
même  des  conférences  avec  plusieurs 
ministres, principalement  àLectoure, 
en  1618,  avec  fa  célèbre  Daniel  Cha- 
rnier, qui  avait  préparé  l'édit  de  Nan- 
tes, et  quelques-uns  de  ses  confrères 
de  l'Armagnac  et  du  Quercy.  Cette 
dernière  conférence,  comme  on  peut  le 
croire,  fut  sans  résultat,  et  ne  donna 
lieu  qu'à  la  publication  d'un  pam- 
phlet que  Charnier  fit  paraître  peu  de 
temps  après,  sous  le  titre  de  Jésui- 
tomanie.  On  peut  conjecturer  que  le 
P.  Regourd,  dont  l'esprit  était  natu- 
rellement porté  à  la  controverse,  ré- 
pondit à  cette  attaque  par  une  repré- 
saille  dp  même  genre,  en  mettant  au 
jour  l^Âpocarteresis  Chamerii.  Le  P. 
Alegambe,  qui  nous  a  conservé  le  ti- 
tre latin  de  cet  ouvrage  écrit  en  fran- 
çais (1),  ne  fait  connaître  ni  la  date, 
ni  le  lieu  de  l'impression.  Joly,  dans 
ses  Remarques  critiques  sur  le  die- 
lionnmre  de  JiayleikTiS,  in-foK,  p. 
Vif)  'ih  wuiûri  fA  nrf.fvafmf,  l'.ui  ,  i.'.unriit 


RE6 

3T»oi<3»ït7^^=p»ëte!Kf  (q[irer*^!l{«fÉ^  % 

pour  titre  les  Désespoirs  de  Chamêi^ 
par  le  P.  Timothée  de  Sainte -FdV 
(nom  sous  lequel  se  serait  (Sache  le  P. 
Regourd),  Cahors,  1618,  in-S».  Le  P; 
Garasse  (Rabelais  réformé,  l(j2l, 
in-S",  p.  185-194)  a  rendu  compte  de 
cette  conférence  d'une  manière  facér* 
tieuse  à  son  ordinaire.  11  assure  que 
le  P.  llegourd  ayant  fait  quelque  ci* 
tation  en  grec,  l'un  des  ministres 
s'écria  :  «  C'est  de  l'allemand  !  »  D'au- 
tres écrits,  tels  que  VÂnti-Calvin  ca- 
tholique, \e  Ministre  infidèle,  vinreiit 
successivement  mettre  en  relief  le 
zèle  apostolique  du  P.  Regourd. 
Baillet  lui-même  n'a  pu  recueillir  de 
renseignements  précis  sur  l'époqu* 
et  le  lieu  de  la  publication  de  ces  ou- 
vrages de  controverse.  H  nous  ap- 
prend seulejnent  que  Charles  Andrieu , 
ministre  protestant,  ht  une  répou.se 
à  V Anti-Calvin ,  intitulée  ^ntî-6ro- 
liath ,  ou  Réfutation  d'un  livre  fait 
par  le  P.  Alexandre  Regourd,  etc., 
Bergerac,  1611,in-8''(2).  Après  avoir 
été  recteur  du  collège  de  Cahors,  le 
P.  Regourd  mourut  à  Toulouse,  le  26 
mars  1635.  Alegambe  dit  de  lui  :  Vit 
fait  singulari  eruditione  ac  pietatt\ 
Dei  gloriœ  salutisque  hominwn 
amantissimus.  Ou  doit,  en  outre,  à 
cet  infatigable  athlète,  des  Démons- 
trations catholiques,  ou  l'Art  de  ra  • 
mener  les  hérétiques  à  la  foi  ortho-^ 
doxe.  Paris,  1635,  in-8*,  et  un  Recueil 
d'œuvres  théologiques  sur  des  ma- 
tières de  controverse,  S  vol.  Moréri, 
qui  a  consacré  un  article  au  P.  Re- 
gourd (édition  de  1759),  tom.  IX,  p. 
108),  a  copié  textuellement  la  courte 
notice  donnée  par  Baillet,  sans  mf  me 
prendre  la  peine  de  consulter  Ale- 
gambe. C'est  ainsi  que  les  diclion- 
lih — -. 

''^yihi^iments  dis  sa\'anlf,  1'. 
.■>i>i»totm  Vil,  |U2*a.  if'MP 


RtH 

uaires  historiques  se  faisaient  à  coups 
de  ciseaux  avant  l'apparition  de  la 
Biographie  universelle.     L—n—x. 

HEHBE  RG  (  AtOLSTE-GUILlAOME 

de),  écrivain  ailenianil,  né  en  1757, 
«l'une  famille  noble,  fit  ses  études  à 
Grettingrue,  à  Leipzig,  et  fut  destiné 
dès  sa  jeunesse  à  la  carrière  de  l'hom- 
me d'État.  Devenu  conseiller  de  la 
régence  à  Hanovre,  il  s'acquitta  de 
ses  fonctions  avec  autant  de  zèle  que 
d'exactitude,  sans  cesser  de  s'occu- 
per de  littérature  et  surtout  de  re- 
cherches historiques.  Ce  fut  ainsi 
qu'il  composa  la  Vie  de  Rodolphe  de 
Habsbourg^  l'un  des  meilleurs  ou- 
vrages historiques  qui  aient  été  pu- 
bliés en  Allemagne  dans  ces  derniers 
temps.  Ses  Remarque.^  pour  servir  à 
l'hisloire  des  années  1805,  180G  et 
1807,  publiées  à  Francfort,  sont  aussi 
un  ouvrage  très-remarquable  et  fort 
précieux  pour  l'histoire  contempo- 
raine. L'auteur,  qui  d'abord  ne  l'avait 
point  signé  à  cause  d«  l'oppression 
qui  pesait  alors  sur  l'Allemagne,  l'a- 
voua hautement  après  les  revers  de 
Bonaparte.  Rehberg  avait  été  colla- 
borateur de  la  Gazette  littéraire  de 
Halle,  où  il  a  fourni  de  très-bons  ar- 
ticles de  1788  à  1793,  et  de  1805  à 
1813.  Un  Traité  $ur  la  tolérance 
qu'il  avait  publié  dans  sa  jeunesse 
contenait  des  maximes  dont  plus  tard 
l'expérience  le  désabusa.  Il  se  pro- 
posait d'en  faire  une  rétractation 
quand  la  raori  vint  le  frapper  au  coni- 
meucement  de  l'année  1824.  Meusel 
a  donné  une  liste  de  ses  ouvrages  qui 
est  très-considérable.  Z. 

REHBOCK  (Jacqubs),  ou,  selon 
quelques-uns,  Stenickede  Be/rts,  im- 
posteur qui  prit  le  nom  de  Walde- 
MAB,  avait  d'abord  été  meunier, 
puis  employé  dans,  la  maisou  du 
duc  Waldemar  de  Brandebourg.  La 
ressemblance  qu'il   a?ait    avec    ce 


ïitM 


«SS 


prince  l'engagea,.  29  4ns  après  ta 
mort  (1M8),  à  se  bire  passer  poar 
Ini.  H  donnait  poar  prétexle  de  sa 
disparition  les  scrupules  que  lui  avait 
inspirés  sa  parenté  avec  Agnès,  son 
épouse,  scrupules  dont  le  résultat 
avait  été  la  supposition  desa  maladie 
et  de  sa  mort.  Mais  enfin  Agnèskrait 
cessé  de  vivre ,  et  après  avoir  en^ 
près  de  30  ans  dans  toute  l'Allewiaf 
gne,  Waldemar  venait  rêvendiquet 
ses  biens  et  faire  valoir  ses  droili. 
Cette  fable  si  invraisemblable  trouva 
cependant  des  oreilles  crédules ,  soit 
parmi  le  peuple,  toujours  avide  de 
merveilleux  et  de  nouveautés,  soit 
parmi  les  ennemis  de  la  maison  de 
Bavière  que  l'extinction  de  la  bran- 
che Ascanienne  de  Brandebourg  avait 
rendtie  maîtresse  de  la  marche  de  ce 
nom.  Bientôt  l'imposteur  vit  autour 
de  lui  la  plus  grande  partie  de  la  no- 
blesse du  pays.  Les  ducs  de  Saxe,  de 
Poméranie  et  de  Mecklerabuurg,  le« 
princes  d'Anhalt,  l'archevêque  Olhon 
de  Magdebourg  soutinrent  ouverte- 
ment ses  prétentions;  l'empereur 
Charles  IV  lui-même  le  reconnut  so- 
lennellement margrave  de  Brande- 
bourg ;  presque  toutes  les  villes  tum-i 
bèreut  en  .son  pouvoirs;  le  nouvel 
électeur  Louis,  dépouillé  de  la  plus 
grande  partie  de  ses  possessions,  al- 
lait reprendre  la  route  de  la  Bavière, 
quand  tout  à  coup  la  chance  tour- 
na.  Rehbock,  ayant  sans  doute  mé- 
contenté quelqu'un  de  ses  protec- 
teurs, fut  desservi  auprès  de  l'empe- 
reur qui  n'eut  pas  plutùicessé  de  l'ap- 
puyer que  tous  ses  amis  l'abandon- 
nèrent et  qu'il  fut  forcé  de  se  retirer 
à  Dessau,  où  il  mourut  dans  la  même 
année.  Quelques  écrivains  attribaent 
à  l'électeur  de  Saxe  Rodolphe  I*  l'en- 
treprise, les  succès  et  la.  chule-dexet 
aventurier.  Yoy.  pour  plus  de  détails 
Scripiorcs  Brandenbtarg.  iP^ot;:  c 


426 


REI 


KEICHA  (Antoine-Joseph),  com- 
positeur de  musique,  moins  renom- 
mé par  ses  compositions  que  par  ses 
écrits  sur  la  the'orie  et  l'enseigne- 
ment, naquit  à  Prague,  le  27  février 
17i70,  et  fut  dès  l'enfance  voué  à 
cette  carrière.  Ayant  perdu  son  père 
de  très-bonne  heure,  ce  fut  sous  la 
direction  d'un  oncle,  puis  à  l'Univer- 
sité de  Bonn,  qu'il  fit  d'excellentes 
études.  Cet  oncle,  ayant  été  nommé 
maître  de  chapelle  de  l'électeur  de 
Cologne ,  lui  donna  une  place  dans 
son  orchestre.  Après  l'invasion  des 
Français  en  1794,  Reicha  se  réfugia 
à  Hambourg,  où  il  composa,  sur  des 
paroles  françaises,  un  opéra  intitulé: 
Obaldo,  ou  les  Français  en  Egypte, 
qu'il  ne  put  faire  jouer,  ce  qu'il  attri- 
bua à  l'influence  des  émigrés  alors 
nombreux  dans  cette  ville.  Espérant 
être  plus  heureux  à  Paris,  il  s'y  ren- 
dit en  1798;  mais  il  ne  réussit  pas  da- 
vantage, et  l'on  refusa  déjouer  sa 
pièce  dont  le  poème  était  très-faible. 
Cependant  une  Symphonie  à  grand 
orchestre  lui  valut  ensuite  quelques 
applaudissements  ;  ce  qui  ne  l'empê- 
cha pas  de  retourner  à  Vienne  en  1802. 
Il  passa  six  ans  dans  cette  capitale,  in- 
timement lié  avec  Haydn,  Beethoven; 
et  il  y  publia  un  Oratorio,  un  recueil 
de  fugues,  et  la  cantate  de  Lenore  sur 
la  ballade  de  Burger.  Invité  à  se 
rendre  à  Berlin  pir  le  prince  Louis 
Ferdinand,  très-habile  pianiste,  qui 
voulait  apprendre  de  lui  la  fugue  et 
le  contre-point,  il  était  au  moment 
de  partir  lorsque  la  mort  de  ce  prince 
(1806)  le  fit  changer  de  projet.  Étant 
retourné  à  Paris  en  1808,  il  y  ouvrit 
des  cours  de  composition  qui  furent 
très-suivis.  Les  quintetti  qu'il  com- 
posa pour  instruments  à  vent  eurent 
aussi  lui  très-grand  succès  ;  mais  le 
Cagliostro  qu'il  donna  en  18 to  avec 
Doulen   à  l'Opéra  -  Comique    n'eut 


REI 

qu'une  représentation  qui  fut  très- 
orageuse.  En  1816  il  donna  à  l'Opéra 
Nathalie,  ou  la  Famille  suisse,  et 
en  1822,  Sapho.  Ces  pièces  eurent 
peu  de  succès  et  sont  aujourd'hui 
complètement  oubliées.  La  seconde 
ne  valait  pas,  à  beaucoup  près,  la  5a- 
pho  que  M"^  Pipelet  (depuis  prin- 
cesse de  Salm-Dyck)  et  Martini  avaient 
donnée  27  ans  auparavant  au  théâtre 
Louvois.  Mais  Reicha,  grand  théori- 
cien, savant  harmoniste,  ne  possédait 
pas  le  talent  de  la  mélodie  qui  n'est 
qu'une  inspiration  du  génie;  et  il 
aurait  pu  dire  à  ses  élèves  :  Faites  ce 
que  je  dis  et  non  pas  ce  que  je  fais. 
Aussi  renouça-t-il,  fort  heureuse- 
ment pour  sa  gloire,  à  composer  des 
opéras.  Nommé  professeur  au  Conser- 
vatoire, en  1818,  à  la  place  de  Mehul, 
il  y  attira  par  ses  leçons  un  grand  con- 
cours, et  plusieurs  de  ses  élèves,  cou- 
ronnés par  l'Institut,  sont  eux-mêmes 
devenus  maîtres.  Il  avait  conçu  une 
méthode  beaucoup  plus  claire,  plus 
précise  que  tout  ce  qui  avait  été 
fait  jusqu'alors.  La  publication  de  ses 
œuvres,  qui  se  répandirent  prompte- 
ment  dans  toute  l'Europe,  y  opéra 
une  véritable  révolution  dans  l'en- 
seignement de  la  musique,  et  lui  fit 
une  réputation  qui  lui  ouvrit  les  por- 
tes de  l'Institut  de  France,  en  mai 

1835.  Il  ne  jouit  pas  long-temps  de 
cet  honneur,  étant  mort  le  28  mai 

1836.  M.  Garnier  prononça  un  dis- 
cours sur  sa  tombe.  Une  souscription 
fut  ouverte  pour  lui  élever  im  mo- 
nument ;  nous  ignorons  si  elle  a  été 
remplie.  Reicha  a  publié  :  I.  Traité 
de  mélodie,  abstraction  faite  de 
ses  rapports  avec  Vharmonie,  suivi 
d'un  supplément  sur  Vart  d'ac- 
compagner la  mélodie  par  l'harmo- 
nie, lorsque  laprcmière  est  prédomi- 
nante, Paris,  1814  ou  1832,  in-4». 
II.  Cours  de  composition  musicale. 


RES 

ou  Traité  complet  et  rationné  d'har- 
monie pratique,  Paris,  1818.  in-i". 

III.  Traité  de  haute  composition  mu- 
sicale, faitant  tuite  au  Cours  d'har- 
monie pratique  et  au  Traité  de  mé- 
lodie, Pans,  1824-25,  2  part.  111-4». 

IV.  Petit  traité  d'harmonie  pratique 
à  deux  parties,  suivi  d'exemples  de 
contre-point  double,  et  de  douze  duos 
pour  violon  et  violoncelle,  pouvant 
se  jouer  aussi  sur  le  piano,  in-4°. 

V.  A  MM.  les  membres  de  V  Académie 
des  Beaux- Arts  à  l'Institut.  Ré- 
flexions sur  les  titres  d'admission 
dansUisectiondemusique^tii:.,iiii, 
in-4».  VI.  Art  du  compositeur  dra- 
matique, ou  four*  complet  de  com- 
position vocale,  1833,  in-4°.  VII.  Des 
articles  sur  la  musique  dans  VEncy- 
clopédie  des  gens  du  monde.    A — t. 

REKJISTADÏ  (Napoléon-Fbak- 
çois-Charles-Joseph),  fils  de  Napo- 
léon Bonaparte  et  de  l'archiduchesse 
d'Autriche  Marie-Louise,  naquit  à 
Paris  le  20  mars  1811,  au  moment  où 
son  père  e'tait  à  l'apogée  de  sa  puis- 
sance, et  par  le  bonheur  de  sa  nais- 
sance uift  le  comble  à  ses  prospérités. 
L'accouchement  futdiffîcile.  et  le  chi- 
rurgien Dubois  eut  la  crainte  de  ne 
pouvoir  sauver  l'enfant  qu'en  expo- 
sant la  mère  à  perdre  la  vie.  Conster- 
né de  cette  cruelle  alternative,  il  con- 
sulta l'empereur.  •  Ne  pensez  qu'à  la 

•  mère,  lui  dit  celui-ci,  et  traitez-la 

•  comme  vous feriezd'une bourgeoise 
«  de  la  rue  Saint-Denis.»  Mais  ou  ne 
fut  pas  long-temps  dans  cette  incerti- 
tude; après  l'emploi  du  forceps  et  de 
tous  les  moyens  extraordinaires,  l'ac- 
coucheuieut  linit  de  la  manière  la  plus 
heureuse,  et  cent  un  coups  de  canon 
annoncèrent  au  monde  que  c'était  un 
enfant  mâle.  Napoléon,  transporté  de 
joie,  l'annonça  lui-même  à  la  foule,  qui 
se  pressait  dans  les  appartements,  les 
cours  des  Tuileries;  et  révélant  tout 


REI 


Art 


à  coup  un  nouveau  projet  d'ambition, 
il  s'écria  :  •  Cest  un  roi  de  Rome!  » 
Dans  le  silence  des  journaux  et  l'op- 
pression absolue  de  la  presse,  on  ne 
savait  pas  même  alors  à  Paris  que  te  i> 
pape  eût  été  expulsé  de  ses  Biats,  et 
qu'il  était  prisonnier  dans  la  forte- 
resse de  Savone  :tous  les  habitants  de 
la  capitale  crièrent  donc  :  Vite  leroi 
deRome!  sans  comprendre  ce  que  cela 
voulait  dire.  Les  ambassadeurs,  les  re- 
présentants des  puissances  qui  de- 
vaient le  savoir  mieux  vinrent  égale- 
ment présenter  leurs  humbles  féli- 
citaiions  à  Teiiipereur.  Entin  toutes 
les  autorités ,  tous  les  courtisans 
se  prosternèrent  à  leur  tour  devant 
l'idole.  Le  conseil  municipal  qui,  trois 
ans  plus  tard,  aevait,  le  premier  de 
tous  les  pouvoirs,  proclamer  la  dé- 
chéance de  Napoléon  et  de  son  fils, 
vota  ce  jour-là  10,000  fr.  de  rente 
pour  celui  des  pages  qui  viendrait 
lui  annoncer  la  naissance  d'un  héri- 
tier du  trône  impérial  (1).  L'enfant 
fut  tenu  si:r  les  fonts  de  baptême  au 
nom  de  l'empereur  François  II,  son 
grand-père,  et  de  madame  Lœtitia, 
mère  de  Napoléon, sa  grand-mère.  Les 
puèles  et  les  prosateurs,  les  artistes 
et  les  comédiens  de  tous  les  genres 
chantèrent  à  l'envi  et  sur  tous  les 
tous  ce  graud  événement;  ils  pré- 
dirent au  nouveau-né  les  plus  hautes 
dM|uées,  et  comme  au  mariage  de 
1*1^0  précédente  ils  reçurent  d'am- 
ples gratiticalions.  On  sait  tous  les 
soins  qui  furent  donnés  à  son  ber- 
ceau, et  avec  quelle  joie  Napoléon  le 
vit  chaque  jour  croître  et  prendre  de 
nouvelles  forces.  Mais   ce  bonheur 

(i)  11  n'est  pas  sans  intérêt  de  faire  re- 
marquer que  lliomine  qui  eut  assez  de  bon- 
}ieur.  ce  jour-tà,  pour  qu'au  tel  message  lui 
fut  dévolu,  n'a  pas  cessé  de  jouir  de  cette 
pension  que  la  ville  de  Pari»  lui  f^*it  depui<« 
treotercinq  ans! 


9.U 

as 

dura  pei^;  le  jeune  prince  avait  a  peinô 
(iiii  sa  première  année  que  déjà  Napo- 
léon, impatient  du  repos,  s'éloignait 
des  lieux  qui  devaient  lui  être  si 
chers,  pour  s'enfoncer  dans  les  froi- 
des régions  du  nord^  et  son  fils  n'a- 
vait pas  atteint  sa  seconde  année 
quand  il  le  revit,  échappé  au  désastre 
de  Moscou,  puis  aux  défaites  de  Leip- 
sick,  qui  suivirent  de  si  près  et  qui  ou- 
vrirent à  la  coalition  les  portes  de  la 
France.  Napoléon  eut  à  peine  le  temps 
de  passer  quelques  jours  auprès  de 
son  lils  bien -aimé,  de  l'offrir  aux 
hommages  des  peuples  pour  le  1"  jour 
de  l'an  1814;  et  déjà  il  fallut  re- 
tourner à  de  nouveaux  combats.  Il  y 
eut  cependant  avant  i;e  départ,  pour 
la  réception  des  officiers  de  la  garde 
nationale,  une  scène  un  peu  théâ- 
trale,oùNapoléon, présentant  le  jeune 
prince  à  ces  officiers,  le  mit  sous  leur 
sauve-garde.  On  se  rappelle  que  cette 
scène  fut  suivie  de  promesses,  de  ser- 
ments qui  devaient  rester  sans  effet 
lorsque  le  conseil  de  régence,  voyant 
devant  Paris  les  armées  de  la  coalition 
victorieuse,  prit  le  parti  d'une  retraite, 
devenue  indispensable,  par  les  ordres 
de  l'empereur  lui-même,  qui  avait 
écrit  à  son  frère  Joseph  d'éloigner  sur- 
tout le  roi  de  Rome, /jarce  qu'il  aime- 
rait mieux  le  voir  noyé  qu'aux  mains 
des  Prussiens.  Ainsi  le  jeune  NapçJ^n 
et  sa  mère  durent  quitter  Paj 
une  faible  escorte,  et  ils  étaiei 
vés  à  Blois  lorsque  la  capitulation  du 
30  mars  livra  la  capitale  aux  étran- 
gers. Quand  l'abdication  fut  signée 
Citle  rétablissement  des  Bourbons  as- 
suré, Napoléon,  partant  pour  l'ile  d'El- 
be, demanda  avec  de  vives  instances , 
mais  en  vain,  que  sa  femme  et  son  fils 
lui  fussent  rendus.  Tous  les  deux  fu- 
rent dirigés  sur  Vienne,  où  le  jeune 
prince, dès  son  arrivée,  reçut  le  nom 
de  duc  dé  Reichstadt,  qui  est  celui 


d'uilè 'p'èf ite  prîncipaùie 'âe  1a' ^Ké- 
me,  et  dut  renoncer  à  tous  ceux  qu'il 
avait  reçus  en  naissant  héritier  du 
trône  impérial  de  France.  U  fut  confié 
aux  soins  d'un  grand-maître,  le  comté 
de  Dietrichstein,  qui  l'environna  aus- 
sitôt de  toutes- sortes  de  précautions 
et  de  surveillance,et  qui  veilla  surtout 
à  ce  qu'il  n'eût  point  de  communica- 
tions avec  des  étrangers,  particulière- 
ment avec  des  Français.  Ces  précau- 
tions devinrent  d'autant  plus  sévères 
que,  dans  le  mois  d'avril  1815,  quel- 
ques tentatives  furent  faites  pour  l'en- 
lever et  le  ramener  à  son  père,  qu'à 
l'époque  de  la  seconde  abdication  un 
parti  puissant  à  Paris  le  proclama  em- 
pereur sous  le  nom  de  Napoléon  II,  et 
que  l'empereur  lui-même,  en  en- 
voyant son  abdication  aux  chambres, 
fit  en  faveur  de  son  fils  une  réserve  qui 
fut  mal  accueillie  par  le  parti  républi- 
cain, maisfortement  appuyée  par  celui 
de  Bonaparte  et  surtout  par  l'armée 
(voy.  Napoléon,  LXXV,  263).  On 
ne  peut  pas  douter  que  si,  dans  cette 
circonstance,  l'Autriche  prit  beau- 
coup de  soin  pour  garder  cet  en- 
fant, c'est  parce  qu'elle  le  con- 
sidérait comme  un  dépôt  mis  en  ses 
mains  par  ses  alliés,  plutôt  que  com- 
me un  prince  de  la  famille  impéria- 
le. Elle  fut  loin,  en  conséquence,  de 
lui  laisser  la  liberté  et  l'indépendance 
dont  il  eilt  joui  à  ce  dernier  titre.  11 
est  d'ailleurs  assez  probable  que  son 
arrière-pensée  fut  toujours  de  s'en 
servir  comme  d'un  épou vantail ,  'et, 
suivant  les  circonstances ,  de  l'oppo- 
ser aux  princes  de  la  Restauration 
que  certainement  elle  n'avait  jamais 
aimés  ni  favorisés.  Nous  savons  même 
assez  positivement  que  plusieurs  fois 
le  cabinet  de  Vienne  en  a  menacé  le 
gouvernement  de  Louis  XVHI^  et 
celui  de  Charles  "X.  O'ïo'  ^u'''  fP 
soitj  depuis  que  Bonaparte  eut  été 


m. 

reléguft  il  Saiute-Hélène,  aucune  te» 

}alive  sérieuse  ne  paraît  avoir  été 
aitepourtirerleducdeReichstadtde 
j'espèce  de  captivité  où  il  était  rete- 
pu.  Ou  ne  permit  pas  qu'un  seul 
Frauçais  eût  avec  lui  la  moindre 
communication  j  et  M.  Barthélémy, 
qui  avait  publié,  à  sa  louange,  sous 
le  titre  du  Fils  de  VHomu.e^  un 
poème,  pour  lequel  il  avait  été 
condamné  à  un  emprisonnement  dé 
trois  mois ,  ayant  fait  le  voyage  de 
Vienne  afin  de  lui  offrir  un  autre  poè- 
me en  l'honneur  de  son  père,  sous  le 
titre  de  Napoléon  en  Egypte,  ne  put 
le  lui  présenter,  malgré  de  vives  in- 
stances auprès  du  grand-maître,  l^ 
réponse  que  lui  fit  à  ce  sujet  M.  de 
Dietrichstein  est  assez  curieuse.  «  Ne 

•  savez -vous  pas   que  la  politique 

•  de  la  France  et  celle  de  l'Au- 
«  triche  s'opposent  à  ce  qu'aucun 

•  étranger,  et  surtout  un  Français, 
«  soit  présenté  au  prince?...  Est-il 
«  bien  vrai  que  vous  soyez  venu  à 
«  Vienne  pour  le  voir?...  On  se  fait 

•  en  France  des  idées  bien  fausses  et 

•  bien  ridicules  sur  ce  qui  se  passe 
«  ici...  Le  prince  n'est  pas  prisonnier, 
<(  mais  il  se  trouve  dans  une  position 

•  toute  particulière.  Soyez  bien  per- 

•  suadé  qu'il  ne  voit,  ne  lit  et  n'en- 

•  tend  que  ce  que  nous  voulons.  S'il 

•  recevait  une  lettre,  un  livre  qui 

•  eût  trompé  notre  surveillance,  il 
'  ne  le  lirait  pas  sans  que  nous  lui 
'  eussions  dit  qu'il  peut  le  faire  sans 
«  danger.  Son  premier  soin  serait  de 

•  nous  le  remettre...  »  C'est  dans  cet 
état  de  docilité ,  d'abnégation,  que  le 
petit-fils  de  Marie-Thérèie,  le  fils  de 
Napoléon  et  de  Marie-Louise,  passa  les 
quinze  dernières  années  de  sa  vie. Pen- 
dant tout  ce  temps,  le  nom  qui ,  à 
son  berceau,  avait  retenti  dans  l'uni- 
vers, fut  à  peine  articulé  en  Europe. 


wu 


429 


à  Sainte-Hélène  Napoléon  le  joignis 
quelquefois  aux  expressions  de  ses  re- 
grets et  de  ses  douleurs;  Quand  il  fiit 
près  d^'expirer,  le  grand  homme  lÙ 
placer  sous  ses  yeux  *|é  portrait  de 
son  fils,  et  dans  son  testament  il 
inséra  cette  phrase  remarquable  :  «îe 

•  lui  recommande  de  ne  janiais  ou- 
«  blier  qu'il  est  né  prince  français, 
«  et  de  ne  jamais  se  prêter  à  ^tre  un 

•  instrument  ..entre  les  mains  des 
«  (rîinn\irs  (2)  qui  oppriment  les pco- 
«  pïes  de  PEorope.  Il  oe  dort  jamai^ 

•  combattre  ni  unireî  en  àucdiie  ma- 
■  nière  à  la  France;  ii  doit  adoptéi" 

•  ma  devise  :  Tout  fwr  le  peuple 
«  français... *Tie tels  conseils, donn^ 
à  son  fils  en  monrant,  étaient  assuré- 
ment très-louabîes  de  la  part  de 
Napoléon ,  mais  ils  prouvent  que 
l'ex- empereur  se  faisait  encore  de 
bien  fausses  idées  sur  les  destinées 
de  sa  race,  quand  déjà  le  monde  né 
s'en  occupait  guère.  Il  arriva  seule- 
ment qu'en  1831 ,  lorsqu'il  fut  ques- 
tion de  donner  un  roi  à  la  Belgique , 
quelques  enthousiastes  songèrent  sé- 
rieusement au  duc  de  Reichsiadt,  ce 
qui  devait  être  à  la  fois  repoussé  par 
l'Angleterre ,  la  France,  et  même  par 
l'Autriche.  «  Nous  ne  souffrirons  ja- 
«  mais,  dit  Casimir  Périer,  qui  était 
«  alors    ministre    du    nouveau   roi 

•  Louis-Philippe ,  qn'un  membre  de 
«  la  famille  Bonaparte  règne  auxpor- 
«  tes  de  la  France ,  ni  qne  Bruxelles 
"Soit  un  foyer  de  révolutions. ..^^ 
Nous  ne  pensons  pas  qne  le  jeûhfe 
prince  eût  été  consulté  pour  cette 
candidature.  Vivant  dans  l'ignorance 
et  l'abnégation  la  plus  complète  fit 
tout  intérêt  politique ,  il  était  coTo^ 
nel  d'un  régiment  autrichien  qu'il 
n'avait  jamais  vu,  et  gouverneur  de 

(a)  C'était  éridemmeDt  les  souTcrnissaW 
li«fr  des  trois  grande i  ^làsîaDcesrootiliea- 


430 


REI 


la  ville  de  Graetz  où  il  n'était  jamais 
allé.  A  peine  âgé  de  vingt  ans ,  il  ne 
prenait  aucun  plaisir  à  ce  qui  se  pas- 
sait autour  de  lui ,  et  disait  sans  cesse, 
long-temps  avant  d'expirer  :  •  Qu'on 
«  me  laisse  mourir  en  paix.  »  Dans 
les  premiers  jours  d'avril  1832,  il  se 
trouvait  à  Schœnbiunn,  lorsqu'il  res- 
sentit les  premières  atteintes  d'une 
maladie  qu'on  a  dit  être  une  phthisie 
pulmonaire,  et  qui  fit  des  progrès  si 
rapides  quesa  mère,  alorsduchesse  de 
Parme  et  résidant  dans  ses  nouveaux 
États,  eut  à  peine  le  temps  d'accourir 
et  de  recevoir  ses  derniers  soupirs. 
Le  fils  de  Napoléon  expira  le  22  juil- 
let 1832  dans  le  palais  de  Schœn- 
brunn.aux  lieux  mêmes  où  sou  père, 
vingt-troisai»sauparavant,avaitdicté 
des  lois  au  monde  et  imposé  à  TAu- 
iriche  les  conditions  d'une  alliance  à 
laquelle  ce  jeune  prince  dut  le  jour.  Il 
remplit  avant  de  mourir  tous  ses  de- 
voirs de  religion.  Ses  funérailles  se  ti- 
rent avec  une  grande  solennité,  et  ses 
restes  furent  déposés  dans  le  caveau 
de  la  famille  impériale.  Le  duc  de  Rei- 
chstadt  était  un  prince  véritablement 
aimable,  doux,  et  d'un  extérieur  fort 
agréable.    MM.  Barthélémy  et  Méry 
ont  consacré  à  sa  mémoire  un  poème 
intitulé  :  Le  Fils  de  V Homme,  ou 
Souvenirs  de  Vienne,  Paris,   1829, 
in-S".  Un  grand  nombre  de  notices 
ont  été  publiées  sur  cette  courte  vie. 
Kous  citerons  celle  du  chevalier  Pro- 
kesch,  oflicier  autrichien,  qui  avait 
été  employé  auprès  de  lui  sous  le 
comte    de   Dietrichsieiu    (  en  alle- 
mand), et  celle  de  M.  de  Muntbel , 
écrite  en  français ,  sous  ce  simple 
iitre  :  te  Duc  de  Reichstadt,  Pa- 
ris, 1833.  M— Dj. 

RE IFFENBEIIG  (Frédéric  de) 
appartenait  à  la  famille  du  savant 
jésuite  de  ce  nom  dont  on  a  parle, 
tome  XXXVII,  p.  271,  famille  que  le 


REI 

généalogiste   J.-M.  Humbracht  fait 
remonter,  par  une  filiation  non  in- 
terrompue ,  jusqu'au  milieu  du  IXe 
siècle.  Ce  personnage,  né  sur  les 
bords  du  Rhin  au  commencement 
du  seizième  siècle,  était  fils  du  che- 
valier Cunon  de  Reiffenberg  et  de 
Catherine  Schneissin  von  Grensau.  Il 
représente  un  de  ces  anciens  sei- 
gneurs féodaux  de  l'empire  germa- 
nique ,  pleins  de  confiance  dans  leur 
indépendance     personnelle     et    se 
croyant  dépositaires  d'une  partie  de 
la  souveraineté.  A  bien  des  égards  il 
rappelle  son  parent,  le  célèbre  Franck 
de  Siekingen ,  et  son  allié  le  fameux 
Goetz  de  Beriichingen ,  à  la  main  de 
fer.  Ayant  pris  jeune  le  parti  des  ar- 
mes auquel  l'appelait  sa  naissance,  il 
acquit  bientôt  la  réputation  d'un  des 
meilleurs  hommes  de  guerre  de  son 
temps.  Robertson  l'appelle  un  soldat 
de  fortune.,  mais  cette  épithète  hono- 
rable ne  peut  convenir  à  un  homme 
qui  faisait  partie  de  la  plus  haute 
aristocratie.  Il  avait  levé  à  ses  frais 
un  régiment  d'infanterie  qu'il  renou- 
vela plusieurs  fois  et  avec  lequel  il 
servit  en  Angleterre,  en  Allemagne, 
et  en  dernier  lieu  en  France.  Ayant 
osé   se  déclarer  contre  l'empereur 
Charles-Quint  et  se  montrer  partisan 
actif  du  landgrave  de  Hesse ,  Phi- 
lippe-le-Magnanime,  qui  en  faisait  un 
cas  particulier  et  le  considérait  com- 
me son  ami ,  il  fut  mis  au  ban  de 
l'empire  par  un  acte  daté  d'Ulm,  le 
17auût  1048,  avec  le  rhingrave  et 
d'autres   personnes  de  distinction. 
Mais  comme  il  était  redoutable  et 
qu'il  avait  des  protecteurs  puissants, 
il  fut  réconcilié  nominalement  par  le 
traité  de  Passau,  le  2  août  1552.  Ce- 
pendant, le  l'^sept.  de  celte  année,  il 
s'empara  encore  pour  son  compte  de 
l'abbaye  d'Ëpternaoh.  En  1542  il  avait 
été  question  de  l'attacher  au  service 


REI 

des  Pays-Bas.  Ayaot  fait  sa  paix,  il 
se  relira  en  France  où  il  prit  du  ser- 
vice, toujours  en  chef  iadépendant. 
.  Entreprenant  et  rivant  à  une  e'poque 
r4e troubles  et  de  révolutions,  il  con- 
çut, en  1565,  un  vaste  projet  politi- 
que. L'électeur  de  Trêves  l'avait  en- 
voyé à  Vienne.  Nous  lisons  dans  une 
lettre  du  sieur  de  Chantoray,  ambas- 
sadeur de  Phdlippe  II,  que  Fr.  de  Reif- 
fenberg  avait  proposé  de  faire  une 
coalition  entre  les  Pays-Bas,  le  duc 
de  Clèves,  les  électeurs  ecclésiastiques 
et  l'ancienne  ligue  de  Lantzberg.  Il 
roourut  sans  eufants,  le  12  mai  1595, 
à  Sayn,  après  avoir  épousé  deux  fem- 
mes, Anne  de  Schouenbourg  et  Ca- 
therine de  Selbach.  —  Reipfenbebg 
Jean-Philippe,  baron  de),  petit- ne- 
l'U  du  précédent,  co-seigueur  de 
Reiffenberg  et  de  Buldensiein,  sei- 
gneur deMontabaur,  Hersbach,  Greu- 
sau,  Vallendar,  Sayn  etHaymbach, 
conseiller  de  l'Ordre  -  Équestre  du 
Riiin  et  bourgmestre  noble  de  Co- 
blentz,  eu  1681  et  1701,  cultivait  les 
lettres  avec  succès  et  possédait  de 
profondes  connaissances  en  antiqui- 
tés et  en  histoire.  L'illustre  de  Hou- 
iheim  lui  a  rendu  témoignage  à  cet 
égard.  On  a  imprimé  en  1830  ses  An- 
tiquitates  saynenses  (Aix-la-Cha- 
pelle et  Leipzig ,  par  les  soins  de 
M.  le  conseiller  Engelmann),  et  l'on 
annonçait,  en  1822,  la  pubhcation 
<ie  ses  notes  sur  les  Annales  trevi- 
renses  du  jésuite  Brower  ;  mais  ce 
curieux  travail  n'a  point  paru,  il 
mourut  le  4  février  1722,  à  l'âge  de 
soixante-dix-sept  ans.  Il  avait  épou- 
sé Marie-Marguerite  de  Huheneck. 
—  Reiffenberg  {Philippe  -  Louit , 
baron  de),  cousin  des  précédents, 
était  de  la  branche  nommée  Reif- 
fenberg-mit-ohren  (B»nffenberg-aUiC- 
oreiUes,  à  cause  de  certaine  dé- 
coration héraldique),  entra  dans  l'é- 


R£I 


431 


tat  ecclésiastique,  obtint  successive- 
ment de  nombreux  bénéfices  et  fut 
nommé,  le  28  avril  1649,  coadjuteur 
de  rélecteur  de  Trêves,  Piulippe- 
Christophe  de  Soettern.  Ses  ennemis 
réussirent  à  le  faire  déposer  et  en- 
fermer dans  le  château  de  Koenig- 
slein.  Quelques-uns  le  font  mourir  à 
Lankirgsteiu ,  le  2i  mars  1686.  Il 
laissa  son  immense  fortune  à  sa 
sœur,  qui  avait  épousé  le  baron  Jeao- 
Lothaire  deBassenhetm,d'un<i  maison 
comtale  aujourd'hui  médiatisée.  — 
REiFFENBERG(PAt/jppede),lieuteaant- 
géuéral  de  l'électeur  de  Trêves  dans 
tous  ses  Etats  et  seigneuries,  protégea 
efficacement  les  lettres.  C'est  à  lui 
qu'on  est  redevable  de  la  prfmière 
collection  d'historiens  belges.  L'im- 
primeur Feyrabend  la  publia  sous 
ses  auspices,  à  Francfort,  l'an  1580, 
en  1  vol.  in-fot.  intitulé  :  AnnaJes 
sive  hisloriœ  rerum  belgicanuH.  Ce 
volume  est  orné  de  son  portrait 
équestre ,  gravé  sur  bois.  Z. 

RËIXA  (François),  avocat  et  lit- 
térateur italien,  naquit  eu  1772,  à 
Malgrate,  province  de  Côme,  d'une 
famille  de  négociants  aisés,  qui  l'en- 
voyèrent de  bonne  heure  a  Milan 
pour  y  étudier  sous  le  célèbre  Pari- 
ui.  Il  alla  ensuite  faire  son  droit  à 
Parie,  et  suivit  en  même  temps  les 
cours  de  Grégoire  Foniana  sur  les 
mathématiques  et  ceux  de  Spallan- 
zani  sur  la  physique.  Ses  études  fi- 
nies, il  se  rendit  à  Milan.  C'était  l'é- 
poque où  les  événements  de  la  révo- 
lution française  mettaient  en  fermen- 
tation toutes  les  tètes  au  delà  comme 
en  deçà  des  Alpes,  et  Reina  ne  fut  pas 
le  dernier  à  embrasser  les  nouvelles 
idées.  Aussi  lorsque  Bonaparte  con- 
stitua la  république  cisalpine,  il 
nomma  le  jeune  avocat  membre  du 
grand-conseil.  Reina  fit  preuve  de 
quelque  indépendance  dans  ces  fonc- 


Wl 


m, 


lions,  et  il  ne  craiguit  pas  de  résister 
(nivertement  aux  hommes  qui  dispo- 
saient du  pouvoir  en  Lombardie.  Mais 
il  fut  le  seul  à  s'opposer  k  la  mesure 
proposée  par  le  commissaire  Haller, 
d'affermer  les  finances  de  l'État.  Dans 
une  autre  circonstance  il  empêcha 
que  l'on  mît  du  papier-monnaie  en 
circulation.  Impuissant  contre  la  ra- 
pacité d'un  commissaire  français,  il 
donna  sa  démission  philôt  que  de  cé- 
der, et  mfusa  de  reprendre  ses  fonc- 
tions, malgré  les  pressantes  sollici- 
tations du  général  Brune.  Les  succès 
des  armées  austro-russes  ayant  fait 
momentanément  rentrer  la  Lombar- 
die sous  le  pouvoir  de  l'Autriche, 
Reina  fut,  ainsi  qu'une  foule  d'autres 
hommes  turbulents,  mais  de  talent 
et  de  cœur,  enfermé  d'abord  dans  les 
prisons  de  Milan,  puis  conduit  dans 
ia  forteresse  des  bouches  du  Cattaro, 
et  enfin  à  Sirmio.  D'une  complexion 
naturellement  faible,  il  eût  peut-être 
succombé  aux  souffrances  d'une  dure 
captivité  sans|  le  dévouement  d'une 
de  ses  sœurs  qui  le  suivit  à  Venise 
et  eut  l'adresse  de  coudre  des  objets 
de  valeur  dans  la  camisole  préparée 
pour  le  prisonnier.   La  victoire  de 
Marengo  ayant  rendu  à  Reina  la  li- 
berté, il  revint  à  Milan  et  fut  appelé 
au  conseil  législatif  de  ia  république. 
H   paria    plusieurs   fois  dans  cette 
assemblée,  entre  autres,  pour  dé- 
montrer la  nécessité  d'une  amnistie 
générale.  Aux  comices  de  Lyon ,  il 
fit  partie  de  la  commission  chargée 
de  rédiger  la  constitution  du  nou- 
veau royaume  d'Italie.  Voyant  bientôt 
que  tout  pliait  devant  la  volonté  du 
maître  et  que  toute  opposition  était 
inutile,  il  renonça  entièrement  aux 
affaires  publiques,  pour   s'occuper 
des  intérêts  de  sa  famille  et  de  recher- 
ches littéraires.  Il  s'était  formé  une 
biblinthèquf  si  riche.«5t|i  bien  clmi- 


sie  qu'on  la  citait  comme  une  des  plus^ 
belles  qu'un  particulier  eût  ëfi  ïtàli^.; 
Dans  la  dernière  période  de  sa  '«'il;  flj| 
se  livra  au  commercé,  et  y  a^^l^')^^ 
une  fortune  considérable,  dont  il  fai- 
sait un  noble  usage.  Il  mourut  à  âa 
villa  de  Caneto,  dans  le  Mantouairï'lj 
le  12  novembre  I82G.  Son  ami,le  ci^- 
lèbre  Melchior  Gioia,  lui  consacra  utte 
notice  dans  le  Nuovo  Ricoglîtore:^ 
Reina  était  surtout  connu  dans  'W^^ 
monde  littéraire  par  plusieurs  e'dii.^ 
lions  d'auteurs  italiens,  éditions  eli- 
richies  par  lui  de  notes  et  de  notices 
biographiques.  Ce  sont:  L  Opère pos- 
tume  M  Giuseppe  Parini,  avec  une 
vie  de  l'auteur,  Milan,  1801-1804,    - 
6  vol.  in-8".  II.  Opère  di  GiamH- 
tista  Gelli,  Milan,  1804-1807,3  vol. 
in-8°.  III.  L'Orlando  furioso,  de  l'A 
rioste.  Milan,  1812-1814, 5  vol.  in-8°. 
IV.  Opère  scelle  di  Alfonso  Varano. 
Milan,  1818,  1  vol.  in-8°.  V.  Opère 
scelle  diFrancesco  M.  Zanoili,  Mi- 
lan, 1818,  2  vol.  in-8'.  Reina  mit  à  la 
tête  de  ces  deux  ouvrages  des  notices  , 
sur  les  auteurs.  VI.  Drammi  di  Pie- 
tro  Metastasio,  Milan,  1820,  5  vol. 
in-8°.  VII.  Yeronaillustratadi  Sci- 
pioneMaffei,  Milan,  1825-1827, 5  vol. 
in-8».  Les  derniers  volumes  furent 
publiés  après  la  mprt  de  Reina,  par 
les  soins  de  MM.  Pierre  Villa  et  Jo- 
seph Donadelli.  Il  avait  aussi  donné: 
1»  une  vie  de  Muratori,  pour  la  réim-  , 
pression  des  Annali  d'if aita,  Milan,  , 
1818-1821,  18  vol.  in-8»;  2»  une  no-  , 
tice  critique  sur  les  ouvrages  de  Ch. 
Denina,  pour  être  mise  en  tête  des  , 
Revoliizioni  d'Italia,  Milan,  1820,, 
.3  vol.  iu-8°.  Une  Vie  de  Grégoire 
Foniana  est  restée  manuscrite.  Bar- 
thélemi  Gamba,  bibliographe  italien 
distingué,  a  inséré  une  notice  sur  , 
François  Reina  dans  la   Biografia 
degliltaliani  illustri,  publiée  à  Ve-, 
Dise   par  M.  le  professeur  Tipaldo.  ^ 


RCT' 


Rît 


m 


bsr 


O^MOuj^^  ^ussi  sur  lui  un  article  në- 
cplogigue  dû  à  la  p'ume  de  F  Salfi, 
d^riS  le  tom.  XXX  (1826)  de  la  Revue 
encyclopédique.  A— y. 

.BEINERCWenceslas-Laurest), 
pè^'tre>  i^quit  à  Prague  en  1686. 
So^  P^fC».  sculpteur  médiocre,  lui 
(Ifinoa  les  premières  notions  du  des«- 
sim  Q)ais  ce,  fut  chez  un  de  sps  on- 
cles, lotit  ai  Ja  f  is  distillaUnir  et 
marchand  de  tableaux,  que  le  ieijuc 
Reintn-  manifesta  ses  heureuses  dis- 
positions. Obligé  de  travailler  à  des 
dessins  et  à  des  copies  de  tableaux 
nécessaires  pour  le  commerce  que 
faisait  son'nncle,  il  attira  l'attention 
dt'  et  d'Halwachs,  peintres 

hru,,.-5.  vjiiise  phirent  à  seconder  le 
talent  du  jeune  artiste.  11  existait  à 
cette  ëpoqiie  à  Prague  un  riîglement 
qui  prescrivait  à  tout  élève  de  de- 
meurer pendant  trois  ans  sous  un 
maître  peintre  avant  de  pouyoir  ob- 
tenir lui  mcuie  la  maîtrise,  et  exercer 
librement  Sun  art.  Reiner,  pour  s'y 
conformer,  se  mit  en  apprentissage 
chez  un  barbouilleur,  et  durant  tput 
le  temps  qu'il  demeura  chez  lui,  il 
ne  cessa  de  cultiver  tous  les  genres 
de  peinture,  et  de  s'y  perfectionner. 
Histoire,  paysage,  batailles,  peinture 
à  fresque,  tout  semblait  être  de  son 
ressort,  et  il  de'ployait  dans  chacun 
le  genre  de  mérite  qui  lui  est  propre. 
11  se  rendit  à  Vienne  pour  y  étudier 
les  beaux  ouvrages  qui  s'y  trouvent. 
Il  s'y  maria;  et,  après  avoir  exécuté 
pour  la  cour  des  travaux  importants, 
il  revint  à  Prague  où  le  rappelait 
le  voeu  de  ses  concitoyens.  II  pei- 
gnit il  Graming  les  tableaux  qui  or- 
nent la  Chartreuse,  ainsi  que  ceux 
d'une  des  églises  de  Breslau.  La  ga- 
lerie de  Dresde  possède  quf-lques-UDCS 
de  ses  compositions.  Ses  tableaux 
dénotent  une  grande  abondance  d'i- 
dées ;  son  dessin    et  sa  couleur  lui 

LXXVIil. 


ont  mérité  les  plus  grandi  éloges. 
Ses  paysages  sout  touchés  avec  vi- 
gueur ;  Taspeçt  en  est  plein  de  natu- 
rel ;  les  figures  et  les  animaux  dont! 
il  les  embellit  sont  dans  la  manière, 
de  Pierre  Van  Bloemen,  Ses  hatail^çs 
sont  peintes  avec  feu  et  vérité.  Pei- 
ner mourut  en  tTi^,  universerleineiil 
regretté.  P— s. 

KEINHARD  (CHAr.t.ES,,  Tim  des 
diidoœates  de  nos  temps  de  rJvoiu- 
tion  les  plus  obscurs  et  les  moins  ha- 
biles, fut  cependant  un  de  ceux  qui  en . 
eurent  les  premiers  emplois  et  qui  en 
recueillirent  les  plus  grands  avanta- 
ges. Du  reste  il  ne  doit  çw'evo  ■-.i  cô- 
lébrité  qu'à  un  éloge 
qu'inattendu  que  lepriu..int  laurj- 
rand,  au  déclin  de  sa  vie,  vint  faire 
de  ses  vertus  et  de  son  savoir,  à  TA- 
cadémie  des  sciences  morales  et  poli- 
tiques, dont  ils  étaient  membres  l'un 
et  rautre,depuis  la  création, en  1795. 
Né  eu  1762  dans  un  vil.'age  du  Wur- 
temberg, fils  d'un  nu'nistre  protes- 
tant, Reinhard  fut  destinée  la  même 
carrière,  et  il  fit  en  conséquencp  ses 
premières  études  aux  séminairesd'Al-^ 
kendorf  et  de  Tubingue.  Son  apolo- 
giste a  dit  qu'aussitôt  après  il  se  lia  . 
avec  Schiller ,  \Vie!and  et  Gessner, 
mais  rien  n'est  prouvé  à  cet  égard. 
Ce  qui  est  sûr,  c'est  que  Reinhard 
eut  réellement  à  cette  époque  quel- 
ques rapports  avec  Goethe;  que  de- 
puis,étant  venu  en  France,  il  entretint 
une  correspondance  littéraire  avec  , 
ce  grand  écrivain,  et  que  leurs  lettres  ^ 
ont  été  publiées  en  Allemagne  saris  y 
être  remarquées,  ce  qui  ne  | f  .iVt» 
pas  qu'elles  fussent  très-intcrc^-ai;- 
tes,  quoi  qu'en  ait  dit  Taileyrand.  Ce 
futen  I787.ju'une  famille  protestante  ' 
de  négociants  appela  Reinhard  à  Bor- 
deaux, pour  y  faire  Tédiication  d'é 
ses  enfants.  Les  Guadet  et  les  Ver- 
gniand,  qui  plus  tard  eurent  dans 
J8 


434 


REI 


rQos  assemblées  législatives  une  si 
malheureuse  influence,  avaient  dé- 
jà dans  ce  pays  une  grande  re- 
nommée. Reinhard  eut  des  relations 
avec  eux;  et,  lorsqu'il  les  vit  à  la 
tête  du  mouvement  politique,  il  se 
fiîita  de  venir  à  Paris,  et,  sous  leurs 
auspices,  il  entra  dans  la  carrière 
diplomatique.  Nommé  d'abord  secré- 
taire d'ambassade  à  Londres,  il  y  vit 
pour  la  première  fois  Talleyrand. 
Nous  ne  pensons  pas  que  dès-lors  leur 
liaison  ait  été  aussi  intime  que  le 
vieux  diplomate  a  bien  voulu  le  dire  ; 
car  ils  ne  furent  que  bien  peu  de  temps 
réunis ,  la  cour  de  Saint-James  ayant 
expulsé  tous  les  agents  de  la  républi- 
que française  aussitôt  après  la  mort 
de  Louis  XVL  L'ancien  évêque  d'Au- 
tun  se  sauva  prudemment  en  Améri- 
que, pour  fuir  l'échafaud  qu'il  n'eût 
probablement  pas  évité  s'il  fût  re- 
venu en  France,  Reinhard,  au  con- 
traire, houime  obscur  et  sans  consé- 
quence, se  hâta  d'y  rentrer,  afin  de 
se  mêler  au  mouvement  de  la  révolu- 
tion et  d'en  tirer  bon  parti.  Toujours 
protégé  par  les  députés  de  Bordeaux 
et  leur  ami  Brissot  de  Warville,  il  fut 
nommé  premier  secrétaire  d'ambas- 
sade à  Naples,  d'où  ie  meurtre  de  Louis 
XVI  le  lit  encore  une  fois  repousser. 
Mais  toujours  fortement  appuyé  par 
les  Girondins  et  le  ministre  Lebrun- 
Tondu  ,  leur  ami ,  il'  fut  chargé  d'un 
emploi  bien  plus  important,  celui  de 
ministre  plénipotentiaire  de  la  répu- 
blique française  près  des  villes  an- 
séaliques,  qui  reçurent  toujours  fort 
bien  les  envoyés  de  cette  république. 
Reinhard  n'y  resta  toutefois  que 
peu  de  temps.  Rappelé  aussitôt  .iprès 
la  chute  des  Girondins  (31  mai  1793), 
il  renia  sans  peine  ses  premiers  amis, 
et  fut  employé  par  le  fumeux  co- 
mité de  salut  public  comme  chef  de  la 
3'  division  du  ministère  des  relations 


REI 

extérieures.  C'était  une  place  de  £pn- 
fiance,bien  difficile  en  un  pareil  temps. 
Reinhard  la  conserva  néanmoins,  à 
force  de  souplesse,  même  après  la 
chute  du  gouvernement  de  Robes- 
pierre qu'il  avait  servi  avec  beau- 
coup de  zèle.  Ce  ne  fut  qu'en  1797 
que  le  Directoire  exécutif  l'en  éloi- 
gna, pour  lui  confier  une  mission  en 
Toscane,  où  il  fut  d'abord  ministre  de 
France  et  où  il  finit  par  réunir  tous 
les  pouvoirs,  lorsque  cette  contrée 
fut  laissée  à  la  disposition  de  la 
France  par  le  traité  de  Campo-For- 
mjo.  Chargé  d'en  prendre  posses- 
sion après  le  départ  du  grand- 
duc  ,  Reinhard  se  hâta  d'y  faire 
jouir  les  peuples,  si  long-temps  heu- 
reux sous  leurs  anciens  maîtres,  de 
tous  les  avantages  d'une  complète 
régénération^  comme  cela  se  disait 
alors,  et  par  lui  ils  furent  soumis 
aux  bienfaits  des  contributions,  des 
réquisitions  et  des  emprunts  forcés 
de  cette  époque.  Nous  avons  lieu  de 
croire  que  ses  intérêts  personnels  n'y 
furent  point  oubliés.  Lorsque,  bien- 
tôt après ,  le  Directoire  exécutif  le 
nomma  son  ministre  des  affaires  étran- 
gères, les  journaux  de  l'opposition 
radicale  ,  et  particulièrement  celui 
des  Hommes  libres,  que  rédigeaient 
Antonelle  et  Real,  lui  adressèrent  des 
reproches  très-vifs  à  cet  égarJ,  et 
ils  le  présentèrent  comme  un  roya- 
liste, comme  un  agent  de  l'Angle- 
terre, ce  qui  était  une  véritable  ca- 
lomnie et  n'eut  d'ailleurs  aucune 
suite.  Reinhard  continua  d'être  mi- 
nistre jusqu'à  ce  qu'il  se  vît  obligé 
de  remettre  le  portefeuille  à  Talley- 
rand, revenu  d'Amérique,  où  il  s'é- 
tait sauvé  pour  échapper  aux  consé- 
quences d'une  révolution  que  lui  et 
ses  amis  avaient  commencée  et  dont 
il  venait  recueillir  les  fruits  quand 
il  n'y  av^il  plus  de  danger  à  .s'en 


REI 

mêler.  Oa  comprend  que  son  aDcien 
confrère  Reinhard  ne  fut  pas  ainsi 
de'placé  sans  recevoir  un  dédom- 
mag«'ment  ;  ce  fut  le  titre  de  mi- 
nistre plénipotentiaire  en  Helve'tie 
'jju'on  lui  donna,  et  il  eut  l'ayan- 
'  tage  de  préctid  r,  dans  ces  importan- 
tes fonctions,  le  fameux  Rapinat,qui 
ne  le  fit  pas  oublier,  quand  il  lui  suc- 
céda, vers  la  fin  de  1798,  Reinhard 
passa  alors  à  Milan  ,  comme  consul- 
ge'néral,  puis  à  Dresde,  en  Moldavie, 
et  enfin  dans  sa  patrie,  à  Stuttgart . 
comme  ministre  plénipotentiaire.  Il 
traversa  ainsi  les  événements,  et  ser- 
vit avec  le  même  zèle,  la  même  im- 
passibilité tous  les  gouvernements 
qui  se  succéifèrent.  Sous  l'empire , 
il  fut  nommé  comte  et  directeur  de  la 
chancellerie  des  affaires  étrangères. 
C'est  dans  cette  position  que  le  trou- 
va la  Restauration-  On  pense  bien 
qu'en  1814  Talleyrand  dut  lui  faire 
conserver  tous  ces  avantages.  D'abord 
il  fut  naturalisé ,  ce  dont  on  n'avait 
pas  besoin  sous  la  république,  et  en- 
core moins  sous  Napoléon,  qui  vou- 
lait que  tous  les"  habitants  du  monde 
fussent  nés  ses  sujets.  Ensuite  il  de- 
vint uieuibre  de  l'Académie  des  in- 
scriptions et  belles-leitres  (3^  dasse 
de  l'institut),  ce  qui  a  été  raconté 
d'une  manière  assez  piquante.  Chargé 
de  dresser  une  liste  d'académiciens, 
le  prince  de  Bénévent,  selon  l'usage, 
avait  commencé  par  s'y  placer  lui- 
mênie.  Reinhard,  qui  se  trouvait  à 
côté  de  lui,  et  qui  déjà  avait  éié  son 
confrère  à  l'Académie  des  sciences  mo- 
rales, pensa  qu'il  pourrait  bien  l'ê- 
tre encore  dans  celle-là.  «  Mais  vous 
•  n'avez  rien  fait  ni  rien  écrit  pour  ce- 
«la,  lui  dit  le  prince.  —  Et  foire 
«  haltesse  y  a  rien  fait  non  plus, . 
répondit  Reinhird  en  ce  tudesque 
langage  dont  il  ne  put  jamais  se 
défaire;    •  jé$m  de  V Académie   de 


REI 


435 


«  Gœttîngue ,  et  vous  pas ,  monsH- 
•  gneur...  •  Le  prince  resta  convain- 
cu ;  et  il  écrivit  à  l'instant  le  nom  de 
Reinhard  à  côté  du  sien; d'un  trait  de 
plume  il  fit  deux  académiciens.  C'est 
de  lui-même  que  nous  tenoQs  celte 
anecdote,  qu'il  racontait  dans  ses  mo- 
ments de  gaîlé  et  lorsqu'il  ne  vou- 
lait pas  parler  de  Reinhard  sérieuse- 
ment, comme  il  l'a  fait  une  seule  fois 
en  sa  vie.  Mais  tout  en  le  raillant  et 
se  moquant  de  lui ,  comme  il  faisait 
de  beaucoup  d'autres,  Talleyrand  le 
protégeait  et  le  soutenait  de  tout  son 
pouvoir ,  parce  qu'il  le  regardait 
comme  sûr  et  dévoué  à  sa  personne, 
et  qu'il  l'avait  initié  à  beaucoup  de 
ses  secrets.  Sous  la  Restauration, 
il  le  fit  ministre  plénipotentiaire  à 

^^ancfort,  d'où  Reinhard  passa  à 
Dresde  en  la  même  qualité,  après  la 
révolution  de  1830,  qui  lui  valut  de 
plus  le  titre  de  pair  de  France.  Ain- 

'si,  jusqu'à  la  fin  de  sa  vie  ce  di- 
plomate fut  comblé  d'honneurs  et 
de  richesses;  il  mourut  à  Paris  le  25 
décembre  1837.  Malgré  tant  d'em- 
plois et  de  fonctions  qui  assurèrent 
sa  fortune  et  qui  devaient  rendre  son 
nom  célèbre,  on  ne  peut  pas  douter 
qu'il  ne  lût  resté  fort  obscur  si,  par 
une  résolution  tout  à  fait  imprévue, 
son  ancien  ami  le  prince  de  Talley- 
rand n'eût  paru  tout  à  coup,  dans  la 
séance  du  3  mars  1838  de  l'Académie 
des  sciences  morales  et  politiques,  où 
il  n'était  pas  venu  depuis  treute  aus 
et  ou  il  annonça  qu'il  ne  viendrait 
plus;  s'il  n'y  avait  pas  prononcé 
ce  jour-là  un  éloge  de  Reinhard  aussi 
extraordinaire  que  peu  sincère,  et  si 
tous  les  journaux,  tous  les  pamphlets 
ne  s'en  étaient  pas  moqués  à  ^jui 
mieux  mieux.  Ce  qui  étonua  surtout 
dans  ce  discours  de  l'aiicieu  évéque 
d'Autua  ,  ce  fut  sa  prétention  de  dé- 
montrer que  l'étude  de  la  théologie 
28.  . 


m 


MA 


a^j^it  is\vfï^é  les  plus  habiles  diploma- 
tQ;^,j^l)pjii|Ben  preuve  les  plus  grands 
^§«^1^  l'histoire,  tels  que  d'Ossat, 
RitQ^lAeu ,  etc.  Ou  peut  croire  qu'il 
eût'.jwen  désiré  y  ajouter  le  sien; 
njais,  forcé  d'être  modeste  sur  ce 
point,"  il  se  montra  dans  tout  le 
reste  à  chaque  phrase,  à  chaque 
mot-,  tnlin ,  il  se  désigna,  il  paria 
delui  heaucoup  plus  que  de  Rein- 
hard,  qui,  du  reste,  intéressait  bien 
moins  l'auditoire.  L'apologie  d'un 
pareil  homme  n'avait  évidemment 
été  ,  pour  le  vieux  diplomate,  qu'un 
cadre,  une  occasion  de  publier  son 
testament  politique,  on  une  espèce 
de  confession  que  personne  ne  crut 
tràte.  Le  tableau  qu'il  (it  de  ce 
qtic'doit  être  un  diplomate  consom^ 
nté^  an  ministre  des  affaires  étraff^ 
gères,  est  surtout  fort  remarquable. 

•  Il  faut,  dit-il,  que  ce  ministre  soit 
«doué   d'une  sorte  d'iustincl  qui , 

•  l'avertissant  promptement,  l'tm- 

•  pêche,    avant    toute    discussion, 

•  (le  jamais  se  compromettre.  Il  lui 

•  faut  la  faculté  de  se  montrer  ou- 
»  vert  en  restant  impénétrable  ; 
«  d'être  réservé  avec  les  formes 
«de  l'abandon,  d'être  habile  jus- 
«  que  dans  le  choix  de  ses  distrac- 
•clions;  il  faut  que  sa  conversation 
««oit  simple,  variée,  inattendue, 
«^toujours  naturelle  et  parfois  naïve  ; 

•  en  un  mol,  il  ne  doit  pas  cesser  un 
'rtinomeut,  dans  les  vingt- quatre 
«heures,  d'être  ministre  des  affaires 

•  ;ëtrangères.  Cependant  toutes  ces 

•  qualités,  quelque  rares  qu'elles 
i*isodent,  pourraient  n'être  pas  suf- 
jf'fisantes,  si  la  bonne  foi  ne  leur 

•  donnait  une  garantie  dont  elles  ont 
.*  presque  toujours  besoin.  Je  dois  le 
«;ra|)peler  ici,  pour  délmire  un  pré- 

•  jugé  assez  généralement  répandu^ 
<i  non ,  la  diplomatie  n'est  point  une 
«  scienf pd<»  ru.ie  et  de  duplicité.  Si  la 


REÎ 

•  bonne  foi  est  nécessaire  quelqivç 
»  part,  c'est  surtout  dans  les  trausaqFt 
"  lions  politiques ,  car  c'est  elle  (\\^ 
"  les  reiul  solides  et  durables.  Onfft 

•  voulu  confondre  la  réserve  avec  la 
«  ruse.  La  bonne  foi  n'autorise  j«rT 

•  mais  la  ruse  ;  mais  elle  admet  la  téf 
«  serve,  et  la  réserve  a  cela  de  i>aRf 
«  ticulier  qu'elle  ajoute  à  la  conlia% 
«  ce...  »  On  remarqua  qu'en  pronoih 
çant  les  mots  de  bonne  foi  et  de  verr 
tu,  le  vieux  diplomate  s'animait,  qu'il 
levait  la  tête  et  forçait  sa  voix,  ayant 
l'air  de  délier  l'auditoire.  Nous  re- 
viendrons si.r  ce  discours  dans  lana^ 
tice  de  Talleyrand,  dot.t  il  ne  doit  pas 
être  la  page  la  moins  curieuse.  Quant 
à  Reinhard,  on  peut  direqu'il  ne  fut 
que  l'occasion  ou  le  prétexte  de 
t'une  des  pins  piquantes  comédies 
que  nous  ayons  vues.  —  Un  autre 
Reinhakd  {Charles-  Frédéric),  non 
moins  obscur  que  son  homonyme, 
mais  qui  ne  fut  pas  ministre  et  que 
nous  croyons  parent  du  célèbre  pré- 
dicateur (yoy.  ce  nom,  XXXVII,  284) 
a  publié  eu  français  vu  Abrégé  de 
l'Histoire  d'Allemagne  à  l'usage  de 
la  jeunesse^  1  vol.iu-8o,  Nuremberg, 
171)5;  seconde  édition,  1797.  11.  Anec- 
dotes cioiles  et  militairts,  tirées  de 
l'Histoire  de  Bavière,  Nuremberg, 
1812,  in-S".  M— Dj. 

KElNilOLD  (Charles-Léonabd), 
auteur  philt'isopiiique  allemand,  lié 
en  1758  .  était  lils  d'un  inspccieur  de 
l'arsenal  de  Vienne  qui,  ay.int  sept 
enfants,  destina  l'aîné  de  ses  (ils  k 
l'état  ecclésiastique.  Au  gymnase  ou 
collège  où  le  jeune  homme  lit  ses 
éludes,  les  jésuites  le  déterminèrent 
à  entrer  dans  leur  ordre.  Eu  consé- 
quence, il  fut  admis,  vers  la  lin  de 
1772,  au  noviciat  des  jésuites  de 
Vienne.  Dès  l'aunée  suivante,  les  ré- 
vérends pères  tirent  part  ù  loues  nu- 
vices  du  danger  qui  menaçait  leur  n\ 


ll£I 

stitutiofn ,  et  çrescririrent,  poiir  le 
det  nrner,  des  actes  de  flévolionsm- 
eulier»,  qne  ReinhyJfi  a  décrits  dans 
ne  lettre  adressée  à  «es  parents.  Ou 
«;xposa  pendant  troi*  jours  et  trois 
nuits  daos  le  amveiit  riinage  de  la 
Viergfl  ;  les  religieux  se  couvrirent 
la  tète  de  couronnes  de  paille ,  aiau- 
gèrcnt  par  terre,  et  se  donnèrent  la 
discipline,  non-seulenieiit  la  disci- 
pline ordinaire,  mais  aussi  la  disci- 
pline espa;:nole,  qui  s'appliquait, 
comme,   nous   l'apprend  le    lils  de 
Reinhotd  dans  sa  bi<ti:raj>lue,  quel- 
ques pouces  plus  bas  que  le   do$. 
An  milieu  de  ces  pratiques  ,  on  ac- 
cordait   aux   novices  quelques    in- 
nocenfRS  récréations ,  entre  autri'S 
le  jeu  de  billard  ,  dans  lequel  le  gain 
cousistïit  en  Àte  Maria,  que   le 
perd.uit  était  obligé  de  réciter  au 
profil  du  gagnant.  Cependant  l'orage 
«éclata,  les  jésuites  furent  supprimés^ 
et  les  novices  reçurent  ordre  d'é- 
crire à  leurs  familles  pour  qu'elles 
vinssent  les  retirer.  Notre  jeune  no- 
vice éJait  déjà  tellement  façonnée  la 
règle  de  l'ordre,  qu'il  demanda  au 
P.  recieur  la  permission  de  penser  à 
son  père  et  à  sa  mère,  ce  qui  leur 
était  généraleiuent   défenilu.  11   U- 
pria  aussi  de  lui  lever  un  scrupule  de 
conscience,  concernant  l'infaillibi- 
lité du  pape,  qu'il  ne  pouTait  acct^r- 
der  arec  la  buile  de  la  suppression 
des  jésuites,  que  ses  supérieurs  rcr 
présentaient  comme  obtenue  subrep- 
ticement par  leurs  ennemis.  Le  P. 
recteur  lui   répondit    que    le   pape 
éliiit  infaillible   quand  il    décidait 
ex  cathedra,  et  non  pas  ex  curia. 
fiendu  à  sa  famille,  l'i-x-novice,  ani- 
jné  encore  de  toute  la  ferveur  reli- 
^eose ,  voulat  virre  d'abord  comme 
au  couvent.   £u  1774,  il  entra  an 
collège  des  barnabites,y  acheva  ses 
clml^  ^  eà  fut  chargé  ^  est  1 78  u ,  de 


KËi 


m 


Vernséf^ùcmefit  W^'tk  logkjflHÎ.'^é* 
mathejnatiqires  et  it}*autres  scieii|ces. 
Là,un  auirc  esprit  vint  s>mp«rep 
de  cet^e  jeune  tête,  avide  d'imfnr*^ 
sious  et  d'instruction.  Un  «onfrèrfe 
ué  en  Angleterre  tinitia  dwâ  laUt^^ 
térature  anglaise:  le  poêle  Denis  en- 
fidUMua  son  imaginatioa ,  et  le*  re- 
formes radicales,  ordonaées  par  l'eui- 
perenr  Jxspph  il,  discntées  p-ir  iei 
ho:n:«tesécUirés  et  par  la  presse,  ou-* 
vrirent  un  nouvel  horizon  à  s^  pen*^ 
sée.  il  ne  tarda  pas  à  se  trouver  en- 
gagé dans  la  société  des  Bom,  des 
Blumauer  rt  autres  écrivains  libé- 
raux, qui  formèrent  une  espèce  de 
franc-maçounerie,  dont  le  but  était  de 
souttTiir  le  souverain  pour  rendre 
coiiiplèie  la  réforme  religieuse  et 
politique  dans  ses  États.  Dès  lors 
Rcinh'dd  ne  vit  plus  d^ns  son  état 
religieux  qu'une  gène  insupportable, 
et, comme  le  collège  des  barnabites 
ne  fat  pas  du  nombre  des  couvents 
supprimés,  il  s'en  évada,  se  rendit 
à  Leipzig,  et  s'y  appliqua  à  l'étutle  de 
la  philosophie,  continuaDt  en  même 
temps  de  travailler  au  journal  ma- 
çonnique établi  par  ses  amis  de  Viei>- 
ue.  Us  l'engagèrent  ensuite  à  se  ren- 
dre auprès  du  célèbre  Wieland  k 
Weimar,  espérant  obtenir  bientôt  sa 
sécularisation  et  le  pardon  de  ^sa 
fuite;  jQsis  ils  n'y  purent  réussir. 
Dès  lors  Wieland  l'attacha  à  la  ré- 
daction du  journal  le  Mercure  aile- 
mand ,  qui  paraissait  sous  sa  direc- 
tion ,  et  lui  donna  même  sa  tiUe  aùsée 
eu  mariage.  Rompant  ainsi  tuut  à 
fait  avec  le  catholicisme,  Reiaheid 
signak  son  changeuit^ut  de  religion 
par  la  publication  d  une  apologie 
de  la  réforme,  contre  l'historteo 
Schniidt.  qui  Tavait  vivement  hi^ 
mée.  A  cette  apologie  suecédècent-, 
daos  U  Mercure  allanaai  ,  des  let- 
tres sur  ia  philos'jphtede^Kaitt^iqm. 


438 


REI 


REI 


jusqu'alors,  n'avait  guère  excité  l'at- 
tention que  chez  les  professeurs  ; 
Reinhqld  la  rendit  accessible  à  tous 
les  lecteurs  éclairés.  Ces  lettres, insé- 
rées dans  les  années  1787et  1788,  fu- 
rent ensuite  publiées  à  part,  en  deux 
vol.  in-8»,  Leipzig,  1790  1792.  Elles 
valurent  à  l'auteur  une  chaire  surnu- 
méraire de  philosophie  à  l'université 
d'Iéna.  Ses  cours  ne  tardèrent  pas  h 
attirer  une  foule  de  jt'unes  auditeurs, 
et  la  chaire  de  Reinhold,  qui  avait 
le  talent  d'être  clair  et  précis  dans 
des  matières  si  abstraites ,  devint 
une  des  principales  non-seulement 
d'Iéna,  mais  aussi  de  toutes  les  chaires 
philosophiques  de  l'Allemagne.  Pour 
complément  de  son  exposition  de  la 
philosophie  de  Kant ,  Reinhold  publia 
ssi  Nouvelle  Théorie  delà  facultéima- 
gînalive  de  l'homme,  Vraf^ue  et  léna, 
1789,  2^  édition,  1795  1796;  ses  J^/a- 
tériaux  pour  servir  à  lever  la  més- 
intelligence entre  les  philosophes, 
léna,  1790-1 794,  2vol.in-8%  et  une 
brochure  sur  les  fondements  de  la 
science  philosophique.  Il  avait  com- 
battu ce  qu'il  voyait  dans  les  écrits 
de  Lavater ,  une  tendance  au  mysti- 
cisme, tout  en  rendant  jusiice  aux 
intentions  du  pasteur  Suisse.  Ce- 
lui-ci ,  loin  d'en  garder  rancune ,  le 
recommanda  au  ministre  danois  com- 
te de  Bernstorf,  pour  la  chaire  de 
philosophie,  vacante  à  l'université  de 
Kiel;  Reinhold  s'y  rendit  en  1794, 
après  avoir  reçu  une  adresse  flatteu- 
se de  ses  auditturs  d'Iéna,  qui  firent 
frapperuue  médaille  en  son  honneur. 
Il  fut  remplacé  dans  cette  ville  par 
le  célèbre  Flchte,  dont  le  système 
eui  encore  plus  d'éclat,  et  fut  adopté 
paf  son  prédécesseur.  A  Riel,  notre 
philosophe  n'eut  ni  moins  de  Succès 
iil  t'ioins  d'activité  que  dans  son  pos- 
te précédent.  11  s'entendit  avec  quel- 
qiieS  hommes  de  mérite,  pour  établir 


un  ensemble  des  principes  de  morale 
qui  pussent  servir  à  une  juste  appré- 
ciation des  affaires  politiques,  judi- 
ciaires et  religieuses.  Les  initiés  de- 
vaient eu  communiquer  le  plan  à 
leurs  amis ,  demander  leur  signature 
approbative  ,  et  provoquer  leurs  ob- 
servations et  leur  avis.  Cela  fut  mis 
en  pratique,  et  il  en  résulta  un  re- 
cueil de  Mémoires  sur  les  principes 
de  moralité  dont  Reinhold  publia  le 
premier  volume  en  1798,  à  Lubeckef 
Leipzig;  mais  il  paraît  que  l'affaire  erf' 
resta  là.  Un  choix  de  ses  OEuvres 
mêlées  fut  publié  à  léna  en  1796  et 
1797,  2  volumes.  En  1796,  il  rem- 
porta le  deuxième  prix  au  concours 
ouvert  par  l'Académie  de  Berlin  sur 
cette  question  :  Quels  progrès  la  mé- 
taphysique a-t-elle  faits  en  Allema- 
gne depuis  Leibnitz  et  Wolf?  Impri- 
mé d'abord  à  Berlin  avec  deux  au- 
ires  pièces  couronnées,  ce  mémoire 
fut  dans  la  suite  considérablement 
augmenté  par  l'auteur  et  publié  sé- 
parément. Deux  petits  écrits  de  Rein- 
hold ,  qui  parurent  à  Hambourg,  en 
1799 ,  sous  les  titres  suivants  :  Sur 
les  paradoxes  de  la  philosophie  mo- 
derne, et  Lettre  à  Lavater  et  à  Fichte 
sur  la  croyanceen  DtVu,  eurent  pour 
but  de  justilier  la  philosophie  du  der- 
nier contre  le  reproche  d'athéisme 
qui  lui  avait  été  fait.  Dans  cette  jusli- 
(icatiim ,  la  raison  est  désignée  com- 
me étant  une  manifestation  divine, 
une  révélation.  En  1800,  nous  voyons 
Reinhold  s'associer  à  Bardili,  autre 
philosophe,  pour  la  publication  d'un 
recueil  iniitu'é:  Matériaux  pour  fa- 
ciliter la  revue  de  Vctat  de  la  philo- 
sophie au  commencement  du  XlX*' 
siècle^  H.mibourg,  i80l-1803,  dont 
il  parut  six  cahiers.  Celte  associa- 
tion, ()ui  ne  plut  pas  à  tous  les  admi- 
rateurs de  Reinhold  ,  n'eut  pas  d'au- 
tres suites;  Bardili  fut  enlevé  d'âil- 


REI 

leurs  bientôt  par  U  mort  à  la  science 
qu'il  honorait  i)ar  ses  travaux.  On 
imprima,  en  1804,  à  Munich,  la  cor- 
respondance qu'il  avait  entretenue 
avec  son  associe  sur  des  matières 
philosophiques.  Reinhold  e'crivit  en- 
core un  Guide  pour  connaître  et  ju- 
ger la  philosophie  dans  tous  ses  sys- 
tèmes; manuel  pour  les  cours  et  pour 
l'étude  parliculière ,  Vienne,  1805; 
Essai  d'une  solution  de  la  question 
proposée  par  l'Académie  des  sciences 
de  Berlin  [ceWe  d'indiquer  exacte- 
nient  la  nature  de  l'analyse  et  de  la 
méthode  analytique  en  philosophie) 
Munich  ,  1805  ;  un  Essai  d'une  cri- 
tique de  la  logique,  sous  le  point  de 
vue  de  la  terminologie ,  Kiel ,  1806; 
des  Principes  de  la  connaissance  de 
la  vérité  pour  les  investigateurs  de  la 
vérité  non  encore  satisfaits,  Kiel, 
1808,  in-8°  ;  un  Blâme  d'une  confu- 
sion remarquable  du  langage  parmi 
les  philosophes,  Weimar,  1809.  En- 
fin, comme  dernier  résultat  de  ses 
uivestigations,  il  donna  la  Synony- 
mie dans  les  sciences  philosophiques, 
Kiel,   1812,  qui  couronna  en  effet 
tous  ses  travaux  dans  la  science  qu'il 
avait    professée   avec  tant  d'éclat , 
quoique  celte- publication  fût  suivie 
encore  de  deux  autres  :  Recherches 
sur  la  faculté  humaine  de  connaître, 
Kid,  1816,  et  sur  la  vieille  ques- 
tion: Qu'est  ce  que  la  vérité?  Allo- 
ua, 1820.  La  vie  sédentaire  qu'il  avait 
menée  le  conduisit  à  une  caducité 
prématurée;  il  mourut  de  pulmonie, 
le  to  avril  1820 ,  laissant  plusieurs 
enfants,  entre  autres  un  fils  qui  a 
obtenu  une  chaire  de  philosophie  à 
la   même    université.    Envoyé ,   en 
1815,   en    qualité  de   représentant 
de  cette  université ,  au  couronne- 
ment du  nouveau  roi  de  Danemark, 
Reinhold  avait   été    créé  chevalier 
de  Danebrog,  et,  rannëe  suivante, 


REI 


439 


il  avait  recule  simple  titre  de  con- 
seiller d'Etat.  Son  ami  Jacobi,  nom- 
mé président  de  la  nouvelle  Acadé- 
mie royale  de  Munich  ,  aurait  voulu 
l'avoir  pour  secrétaire-général  de  ce 
corps  savant,  mais  il  paraît  que  l'an-  • 
cien  état  monastique  de  Reinhold  fut 
un  obstacle  invincible  auprès  de  la 
cour  de  Bavière.  —  Le  fils  a  fait  pa  ■ 
raître  à  léna,  en  1825,  un  ouvrage  in- 
téressant sur  la  vie  elles  travaux  de 
Reinhold,  suivi  d'un  choix  de  lettres 
qi%e  lui  ont  écrites  Kant,  Fichte,  Jaco- 
bi et  d'autres  contemporains  philoso- 
phes. Dans  ce  nombre  il  y  a  aussi  un 
Français,  Charges Villers. La  piétjé fi- 
liale a  guidé  la  plume  du  biographe; 
cependant  il  s'exprime  avec  modéra- 
tion, et  a  soin  de  ne  blesser  ni  la  vé- 
rité ni  les  convenances.  Ceux  qui  ju- 
gent Reinhold  avec  sévérité  ont  fait 
observer  qu'il  a  eu  plutôt  le  talent 
d'exposer  d'une  manière  lucide  les 
idées  d'aulrui  que  le  grnie  de  la  dé- 
couverte. H  était  d'une  grande  dou- 
ceur, et,  par  cette  raison,  il  comp- 
tait beaucoup  d'amis.        D— g. 

REINXEIN  (Jacques),  médecin 
allemand,  né  à  Amberg  dans  Je  Haut- 
Palatinal,  le  30  mai  1744,  fit  ses  étu- 
des médicales  à  Vienne,  et  y  reçut  le 
grade  de  docteur  en  1768.  L'année 
suivante,  il  fut  envoyé  à  Pavie  com- 
me médeciu  principal  d'armée,  et  il 
y  eut  l'inspecfion  des  hôpitaux  mili- 
taires de  Milan,  Lodi  et  Côme  11  re- 
vint en  1774  à  Vienne,  où  il  obtint 
la  protection  spéciale  de  Stork,  pre- 
mier médecin  de  l'empereur,  qui  le 
fit  nommer  d'abord  professeur  à  l'é- 
cole chirurgicale,  puis  en  1788  pro- 
fesseur de  clinique  à  l'université,  à 
la  place  du  célèbre  Maxiiuilien  StoU, 
qui  venait  de  mourir.  Reinlein  occupa 
celte  chaire  jusqu'en  1795,  époque  à 
laquelle  ii  fut  remplacé  psr   J.-P. 
Frank.  U  mourut  en  1S16,  Ses  uu- 


«440 


•REI 


«MgM^SOTitiS'ii  Disgertatio  de  pho»- 
phoriSy\'\crme,  1768,  in-8o.  II.  Xc- 
(o»s  médàco  -  pathologiques  pour  les 
chirunQitm  (iAitfk.) ,  Vienne,  1896, 
iiTH&ojt  HI^  Animadversmnes  circa 
4Tiufi%)4r,cr0mmtum,  causas^  fytnp- 
tomata  et  curam  imite  lalm  in  intcs- 
ihm  bumani»  widulmtis,  casibus 
practids  illustmlœ.  Vienne,  1811, 
ïnv8«v!lig.' Cet  <«ivrage  ;i  .'lussi  paru 
en  nlloroand  en  1812.  IV.  Ensai  abro- 
gé de  physiologie  (allem.),  Vienne, 
tôl4,  in-8".  V.  Leçons  sur  les  prin- 
cipes de  l'art  de  guérir  (allem.), 
Vrettne^ï8l6,  in-s".  G— t--b. 
'fiiREISCII  (Georges),  philologne 
^  XV^  siècle,  fut  prieur  de  la  Char- 
treuse de  Fribourg  et  confesseur  de 
l'empereur  Maxirailien.  H  a  laissé  un 
ouvrage  rentre'  dans  la  classe  nom- 
breuse des  livres  qu'on  ne  lit  plus, 
Jîiais  que  recommandent  des  vues 
judicieuses  pour  l'dpoque,  et  qui  at- 
teste un  vaste  savoir,  une  vive  ardeur 
de  connaître.  Cet  ouvrage  porte  le 
titre  de  Margarita  philosophica;  il 
est  divisé  en  douze  livres,  dans  la 
forme  du  dialogue.  Le  but  de  l'au- 
teur a  été  (telles  sont  ses  expressions) 
d'exposer  les  principes  de  toute  la 
philosophie  rationnelle  et  morale  ;  il 
en  est  résulté  une  sorte  d'encyclopé- 
die, où  l'on  remarque,  entre  autres 
objets,  toutes  les  idées  sur  lesquelles 
est  basé  le  système  de  Gall  pour 
les  fonctions  du  cerveau.  Le  cin- 
quième livre  est  digne  de  l'attention 
'idèS  amateurs  qui  étudient  les  anciens 
'ëÉi'iti  relatifs  à  la  musique-,  il  s'y 
-tirèsave  dix-ineuf  chapitres  de  musica 
èpeculativa,  et  treize  chapitres  de 
musiea  practica.  La  première  édition 
de  la  Margarita  parut  sans  indica- 
tjiin  dft  lieu  ni  de  dat<».  ;  mais  on  sait 
qu'elle  fut  imprimée  à  Heidelberg  en 
,][49G.  pes  réimpressions  successives 
faites  à  Fribourg  en  1503,  à  Stras- 


r«SL 

bQin^(]a^^4^5i)!8  ^f'tiai2|^idâd«t«»t 
le  succès  qu'obtint  cette  œmt^iks 
diverse  éditions  sont  ornées,idje..g«- 
gures  sur  bois, q^ii  ne  sxMtt  poiot  swis 
mérite  et  qui  sont  intfr(5aj[t»es,;au 
milieu  du  texte.  La  dernière ré<iiti on 
est  de  BàJe,  1535,  av«'c  dcs^p<m- 
tious  d'Onmce  Fine.  En  154y^  on,^|> 
tira  ce  qui  concernait  la  géomctiic 
et  l'arpentage,  et  cet  extrait  painitii 
Paris  sous  le  titre  d'Ars  vielimd,i, 
seu  Geomelria  libtr  fx  (r.Jieisehli 
Margarithq.    .  i ,  ;  ^ .  Çt-tN— i,,  , , . ,       | 

BçLiNGUEW,  plu;s  coijnu,5QasJe  nom 
de),  issu  d'une  aucienne  et  lUusUe 
famille  d'Allemagne,  déboîta  daws  la 
carrière  militaire  sous  Gustave-Adol- 
phe, dont  la  mort  prématurée  anéantit 
les  espérances  qM!iJ,  avait  conçues 
d'une  prompte  élévation.  Adoptant 
alors  la  France  pour  patrie,  il  se  voua 
au  service  de  la  mer,  où.  il  justifia 
bientôt  la  coniiance  de  Loui^  XIV.  Il 
n'était  encore  que  capitaine  de  vais- 
seau lorsque  le  navire  qu'il  uiontait 
fut  cerné  devant  Gènes  par  deux 
vaisseaux  de  guerre  espagnols  et  dix- 
huit  galcresde  la  même  nation.  Ne  pre- 
nant conseil  que  de  son  courage,  il  se 
détermina  au  combat  qu'il  soutint 
avec  une  opiniâtreté  héroïque  et  si 
heureuse  que  ses  adversaires  funnt 
assez  maltraités  pour  être  obligés  de 
le  laisser  continuer  sa  rotite  ei  de,  re- 
noncer à  le  poursuivre-  H  était  chef 
d'escadre  depuis  le  1"  nov.  1689, 
lorsqu'une  flotte  de  25  vaisseaux  an- 
glais, aux  ordres  de  l'jinirral  Rnssel, 
tenta,  en  1695,  de  bombarder  Dun- 
kerqtie.  Relingne,  habilement  secon- 
dé par  le  chevalier  de  Luynes,  capi- 
taine de  vaisseau,  conduisit  un  grand 
nombre  de  chaloupes  carcassières  au- 
devant  des  brûlots  qin  se  proposaient 
d'incendier  les  batteries  fran(;aises,.cl 
les  désarma,  arantqwe^ics'  ennrmiN 


RHM 

fassent  pu«ti  faire  usage,  après  di- 
verses lentaliies  aussi  infructueuses 
les  unes  que  les  autres.  Relingtie,  <p»i 
avait '^téelevé.-jn  {^ratle  de  liCHtenaiit- 
.îîérrer^l  le  l"  avril  1697,  servait  sous 
'le  c«mte  de  Toulouse  à  la  bataille 
de  Mahiga,  et  y  remplissait  les  fonc- 
tions rfe  second  matelot  de  l'amiral, 
lorsque,  peu  après  le  commencement 
de  l'action,  où  il  avait  déjà  donné  des 
preuves  de  sou  coursgr*  ordinaire,  il 
eut  la  jambe  emportée.  Il  succomba  le 
leiidHuaiu  «le  sa  blessure.  P.  L— T. 
RE.MAKD  (Ch  VBLts),  né  h  €lià- 
teau-Thierry,  le  9  jnnv.  1766,  lit  ses 
t'iodesaox  collèges  de  Louis-le-Graud, 
de  RIonlaign,  à  Paris,  et  se  livra  plus 
particulièrement  h  l'étude  de  la  langue 
et  de  la  littérature  anglaises.  S'éfant 
établi  dans  les  premières  années  de  la 
révolution  à  Fontainebleau,  il  t  prit 
un  magasin  de  librairie.  Ce  commerce 
ne  l'empêcha  point  de  suivre  son 
goût  pour  les  lettres.  Doué  d'un  es- 
prit bizarre  et  original,  il  consacra 
son  talent  à  une  œuvre  de  poésie 
dont  on  ose  à  peine  transcrire  le 
titre  (te  Chézomanie ,  ou  l^Art  de 
ch...).  Ce  poème  didactique  en  quatre 
chants  parut  en  1806,  sous  la  ru- 
brique de Scoropof «(Paris). On  par- 
doniiequelquefois,mêmeaux  hommps 
sérirux,  desjeuxd'espritqui  peuvent 
servir  de  délassement  à  de  graves 
travaux,  surtout  lorsque  dans  ces 
compositions  exhilarantes  l'heureux 
emploi  de  l'euphémisme  déguise  ce 
que  le  fond  du  sujet  a  de  repoussant. 
Mais  ici  rien  de  p.ireil  ;  les  termes 
techniques  du  privé  y  sont  répandus 
avec  profusion;  il  n'est  point  de  mys- 
i  ère  s  de  la  garde-robe  que  Vau\r:ur 
ne  dévoile,  et  cela  avec  une  crudité 
d'expression  qui  ne  provoque  pas  tou- 
jours le  rire,  seul  genre  de  succès  au- 
quel il  semble  avoir  aspiré.  Au  sur- 
plus, ce  poème  didactique  oii  les  for  - 


tàM 


oui 


mes  du  geure^ont  bien  observées, 
à  la  rareté  des  épisodes  ^rès,  est 
recherché  par  les  anatciirs  de  facé- 
ties, et  un  exemplaire  sur  TiiJm  s'est 
vendu  jusqu'à  200  fr.  à  Foii'aitiB- 
bleau,  au  mois  de  ju:  (1). 

Il  a  probablement  Uuiin  .    i  po.- 

bliCAliou  d'une  autre  faceiie «lu  w&à6t 
genre  qui  partit  à  Pans  en  18t5,fiiNiç 
le  titre  de  VArt  dft  p..;.,  poème «mé 
chautStCt  ^uL,  écrit  avec  no  p«u  moins 
de  sérieux  que  celui  de  Remard,  eiU 
quelque  succès.  Ce  triste  début  dais- la 
littérature  iullui  d'une  manière  û\- 
cheuse  sur  sa  carrière  poétique.  Reti- 
ré à  Fuutaiuebieau,  où  il  futDonmé 
conservateur  de  la  bibliothèque  du 
château,  il  vécut  éloigné  des  cote- 
ries, et  employa  les  instants  que  lui 
laissaient  les  devoirs  de  fa  place  et 
sa  mauvaise  sauté  à  cultiver  les  mu- 
ses punr  elles-mêmes.  U  mourut  le 
20  septembre  1828.  On  connaît  de 
lui  plusieurs  pièces  de  vers  imitées 
de  l'auglats,  ou  originales,  qui  au- 
raient pu  lui  valoir  quelque  réputa- 
tion SI  elles  eu>seuL  été  publiées.  Le 
bibliographe  Barbier  parle  eu  ces 
termes,  dans  son  Examen  critique 
et  complément  de$  dictionnaires  his- 
toriqœfi,  d'un  ouvrage  inédit  de  cet 
homme  de  lettres  :  •  M.  Ch.  Remard 
«  m'a  communiitué  un  manuscrit  do 
■  sa  composiiiou  intitulé  :  Supplé- 
«  ment  nécessaire  aux  ctuvreé  (U_4. 

•  Ddille.  ou  Examen  général  de  »4$ 
-  différents  poèmes  originaux  et  de 
'ses  iraductiona  mverf^iiâus  kquel 
«  ou  uiel  eu  évidence  les  empruuts 
«  iunoiiibrables  qu'a  faits  ce  poète  à 
<  une  foule  ti'auleurs  qui  ont  traité 
«  avant  lui  les  mêmes  sujets...  Ce 

•  travail,  dans  le(}ttel  je  iruuve  uqe 

•  grande  connaissance  des  littératu- 
«  res  latine,  anglaise  et  italienne, 

(i)  3faT/iiW  du  f.ibruirt ,  p'ar  Nî.  Brune!. 
I»Ç3.  téin.  [. 


442 


REM 


"  sera  utile  à  la  jeunesse  studieuse  ; 
«  elle  y  verra  par  quelles  études  pro- 
«  fondes  et  variées  le  chantre  de 
«  V Imagination  s'est  préparé  à  la 
«  composition  de  ses  ouvrages.»  Cet 
honorable  témoignage  pourrait  faire 
regretter  que  le  nianusorit  de  M. 
Remard  n'ait  pis  été  publié;  mais 
nous  ajouterons  à  ce  jugement  du 
savant  bibliographe  que  ce  manu- 
scrit de  Remard  fut  aussi  mis  sous 
nos  yeux  par  l'auteur  dans  un  temps 
où,  e'diteur  du  chantre  des  Jardins  et 
de  Vlmagination,  nous  connaissions 
asàez  les  productions  de  "ce  grand 
poêle  pour  juger  des  empï-unîs  qu'en 
effet  il  a  sou  vent  j  ugé  h  pi'opos  de  faire, 
et  dont  ou  doit  bleu  se  garder  de  le  blâ- 
mer, puisque  c'est  en  réunissant  avec 
tant  de  grâces  et  de  goût  duns  un  ca- 
dre étroit  les  beautés  de  cent  poètes 
obscurs,  c'est  enfin  en  fouillant  dans 
les  fumiers  d'Ennius  qu'il  a,  comme 
sort  divin  nioilèle,  produit  de  vérita- 
bles chefs-d'œuvre,  beaucoup  plus 
classiques  et  f)1us  utiles  à  la  jeunesse 
que  ne  pourraient  jamais  ^.tre  les  trop 
minutieux  commentaires  de  Remard, 
dont  nous  refusâmes  d'être  les  édi- 
teurs. Du  reste ,  ce  dernier  parta- 
geait l'aduiiration  de  tous  les  amis 
de  la  bonne  poésie  pour  le  chan- 
tée des  Jardins,  et  l'on  en  trouve  la 
preuve  dans  plusieurs  notes  de  la 
Chézomanie,  où  il  dit  positivement  : 

*  Je    ne  puis  être   que    te   sincère 

•  admirateur  d'un  si  grand  maî- 
«  tre.»  — IndépenUauunent  du  poème 
dont  nous  venons  de  parler,  nous 
né  pensons  pas  que  Remard  ait  fait 
impriuicr  d'autre  ouvrage  que  le 
Guide  du  voyageur  à  Fontainebleau, 
ou  Description  historique  de  celte 
ville,  1820,  1  vol.  in-t2.  H  a  laissé 
quelques  compilations  manuscrites 
que  l'on  n'a  pas  encore  imprimées 
et  qui  probablement  ne  le  seront  j«- 


REM 

mais,  entre  autres  un  recueil  de  tons 
les  morceaux  de  poésie,  composés  sur 
le  cheval,  dans  la  littérature  an- 
cienne et  moderne,  et  un  autre  re- 
cueil de  toutes  les  traductions  et  imi- 
tations du  Cimetière  de  Gray;  enfin 
une  traduction  française  des  Leçons 
de  littérature  latine  de  Noël  et  Dela- 
place.  Remard  a  compris  dans  ce 
travail  les  bonnes  traductions  qui 
avaient  paru  jusqu'à  lui-,  mais  il  a 
fait  lui-même  la  version  des  mor- 
ceaux qui  n'avaient  pas  encore  été 
traduits,  et  de  ceux  qui  l'avai^-nt  été 
d'une  manière  peu  satisfaisante.— 
Son  fijs,  Cftctr/fs  Remard  ,  mort  à 
Fontainebleau  le  15  oct.1825,  a  don- 
né quelques  articles  à  la  Biographie 
universelle.       L-m-x.  et  M—  d  j. 

IlEMBRANDSZ  (TuÉODOBE-Cou- 
drick),  célèbre  astronome  hollandais, 
né  à  Nierop,  village  de  la  North-Hol- 
lande,  en  1610,  y  mourut  en  1682. 
On  a  de  lui  :  une  Astronomie  fla- 
mande ,  imprimée  à  Amsterd.,  1G58, 
in -4°.  II.  Un  Traité  de  navigation , 
estimé.  111.  Plusieurs  Dissertations 
philosophiques,  dont  la  plupart  sont 
relatives  à  l'astronomie,  Z. 

RËMOND,  dit  le  Grec.  {Voy. 
quelques  détails  sur  ce  personnage 
à  l'arlicle  de  sou  frère  Rémoisd  de 
Saint-Mard,  XXXVll,  320,  note,  et 
à  l'article  Sevin,  XLII,  18»,  note  2.)^ 
UÉinONI).  Voy.  Raimond,  Raï- 
MOND  et  Reymond  ,  tomes  XXXVè^ 
XXXVll,  et  dans  ce  vol. 

IIE.^IUSAT  (  Claire-Élisabeth- 
Jeanne)  ,  [)etite.-nièce  du  comte  de 
Vergeniies ,  qui  fut  ministre  sous 
Louis  XVI,  naquit  à  Paris  en  1780,  et 
épousa ,  en  1 796 .  le  comte  de  Remu- 
sat,  frère  de  Pierre-Françoig  de  Re- 
musat  {voy.  ce  nom ,  XXXVll ,  322), 
qui  avait  été  avocat-général  à  l.i  cour 
des  comptes  du  parlement  d'Aix,  «t 
qui  étaitissu  d'une  fsmillA  originaire 


REM 

dcMarseille,  et  connue  dans  l'histoire 
de  cette  ville  dès  avant  le  XIV«  siècle 
(voy. Guys,  Marseille  ancienneet  mo- 
demt,  pag.  91).  Son  père,  ancien  in- 
teudant  d'Auch,  qui  avait  pris  quel- 
que part  aux  premiers  faits  de  la  ré- 
volution, périt  néanmoins,  en  1794 , 
sur  réchafaud  révolutionnaire.  Après 
avoir  éprouvé  des  persécutions  dans 
le  cours  de  la  révolution,  M.  de  Re- 
musat  parvint  à  une  grande  faveur 
auprès  du  premier  consul  Boiiaparie, 
qui  le  nomma  en  1802  préfet  de  son 
palais,  puis  surintendant  des  specta* 
clés  de  Paris  el  comte  de  l'empire. 
Madame  de  Remusat  eut  d'autant  plus 
de  part  aux  bienfaits  du  nouveau 
maître  de  la  France,  que  c'était  par 
elle  ou  plutôt  par  sa  mère,  depuis 
long-teuips  liée  avec  madame  Bona 
parte  ^  que  son  mari  les  avait  obte- 
nus. Elle  fut  nommée  dame  du  palais 
de  l'impératrice  Joséphine ,  emploi 
qu'elle  conserva  après  le  divorce  qui 
sépara  Napoléon  de  sa  première  fem- 
me. Sous  le  gouvernement  de  la  Res- 
tauration, elleisuivit  son  mari ,  qui 
fut  successivement  préfet  des  dépar- 
tements de  la  Haute-Garonne  et  du 
Nord.  Madame  de  Remusat  mourut  à 
Paris,  le  16  décembre  1821  ,  après 
avoir  rempli  tous  ses  devoirs  de  reli- 
gion, par  le  ministère  de  l'abbé  Le- 
gris-Duval.  M.  Charles  de  Remusat, 
son^ls,  publia,  en  1824,  son  œuvre 
ponnume  intitulée  Essai  sur  l'éduca- 
tion des  femmes,  qui  obtint  un  grand 
succès  et  valut  à  la  mémoire  de  l'au- 
teur les  plus  honorables  suffrages. 
L'Académie  française  lui  décerna  le 
prix  d'une  médaille  d'or.  On  croitque 
ce  n'est  pas  le  seul  ouvrage  que  cette 
dame  ait  laissé.  M.  Sainte-Bruve,  qui 
lui  a  consacré  un  long  article  dans 
s«9  Portraits  de  femmes,  indique  le 
manoscrit  de  deux  romans  qu'il  a 
lus  et  dont  il  parle  avec  floge^  ainsi 


REM  ÀAi 

que  ûtsMémoiretiur  l'Empire^  que 
la  peur  fit  jeter  au  fen  par  l'auteur  en 
18t5,  et  dont  il  ne  reste  que  des  frag- 
ments. Madame  de  Rejnusat  avait 
donné  au  Lycée  frar\çais  une  A'oti- 
velle  qui  est  insérée  au  tome  111, 
page  28!  de  ce  recueil.      M— Dj. 

ROIISAT  (Jban-Pierrb-Abel), 
l'un  des  plus  célèbres  orientalistes  de 
notre  époque,  s'est  distingué  surtout 
par  la  connaissance  qu'il  possédait,  à 
peu  près  exclusivement  en  France,  des 
langues  chinoise  et  tartare-mand- 
cbou.  Il  était  né  à  Paris  le  5  sept. 
1788,  lenant  à  la  Franche-Coraië  par 
sa  mère,  à  la  Provence,  el  probable- 
ment à  la  famille  dont  il  s'agit  dans 
l'article  précédent,'parson  père  qui, 
natif  de  Grasse,  u'elail  point  un  des 
chirurgiens  du  roi  par  quartier,  et 
ne  figure  pas  dans  les  Almanachs 
royaux,  sur  la  tisie  des  chirurgiens 
de  Paris.  On  le  trouve  seulement 
dans  celui  de  1789,  sous  le  nom  de 
Remusat.  parmi  les  chirurgiens  «wi- 
vant  la  Cour,  atiachés  à  la  pré- 
vôté de  rhôtel  du  roi.  Une  chute 
que  fit  Abel  Remusat,  dans  sa  premiè- 
re enfajjce,  de  la  terrasse  des  Tuile- 
ries sur  le  pavé  du  quai ,  mit  sa  vie 
e»  ddUger.  Il  ne  la  conserva  que  par 
un  rej>os  absolu  de  plusieurs  années , 
et  perdit  l'usage  d'un  œil  ;  mais  la 
vie  sédentaire,  développant  son  intel- 
ligence, lui  lit  de  l'étude  un  besoin 
et  un  plaisir.  A  onze  ans,  il  s'était 
composé  un  petit  dictionnaire  utyibo- 
logique,et  à  quatorze  il  lit  un  tableau 
chronologique,  généalogique  et  syn- 
chronique  des  rois  de  la  Grande-Bre- 
tagne. Il  étudiait  en  même  temps  la 
botaiiiqiie,  etse  formait  un  herb  er,  en 
faisant  sécher  les  fleurs  el  les  plantes 
qu'il  rapportait  de  ses  prometiades. 
A  défaut  des  collèges  supprimés  de- 
puis la  révolution,  il  n'eut  pour  maî- 
tre de  létin  que  son  père  qii'il  perdit 


lU 


KEM 


en  ■i805]ei'e%ipej\â3x\t  il  écrivàitiset 
parlait  cette  langue  av^ec  la  plus  gran- 
de facilité.  Devenu  l'unique  soufien 
detsaimère,  il  sacrKia  ses  goûts  à  la 
ii«e'éssilP  de  se  créer  une  position  •,  et 
eollime  le  vœti  de  ses  pirents  l'aviit 
appelé,  dès  soîi  enfance,  à  la  pratique 
de  la  médecine,  il  en  soi  vit  les  cours 
dans  la  capitale.  Quoique  celte  étude 
semble  exiger  tout  le  temps  et  toutes 
les  facultés  de  celui  qui  veut  y  obte- 
nir des  succès ,  Abel  Remifsat ,  dun 
ewactère  reuuiant  et  laborieuï,  créa 
avec  quelqnesHus  de  ses  condis- 
eipiesiine  Société  philanlhropique , 
pour  conduire  à  la  perfection  intel- 
leciuelle  et  morale; mais  cette  socié- 
té, dont  il  avait  rédigé  les  statuts  en 
ktin,  fut  de  courte  durée.  Remusat 
compléta  son  éducation,  en  suivant 
les  cours  de  sciences  et  de  haute  lit- 
térature de  l'école  centrale,  au  palais 
des  Quatre-Nations.  Il  y  connutSaint- 
lilartin  {voy.  ce  nom,  au  Supplém  ), 
avec  lequel  il  se  lia  d'une  étroite 
atnitié  Ayant  vu  un  magniliciue  her- 
bier chinois  à  l'Abbaye-aux-Buis  ,  où 
l'abbé  de  Tersan  avait  fdrméune  bel- 
le collection  d'antiquités  et  de  curio- 
silés,  le  jfune  savant  s'enflamma  de 
lapassion  d'apprendre  la  langue  qui 
pouvait  loi  en  expiicpier  toutes  les 
planches.  Ainsi  ta  botanique  fut  la 
câiLSfi  primitive  de  son  goût  pour  les 
kiigues  orientales,  n)êine  les  plus 
difficiles,  telles  que  le  chinois,  le  ti- 
bétain et  le  tartare.  Encouragé  par 
Itiibbé  de  Tersan,  qui  lui  prêta  des 
iiy.res  chinois  ;  aidé  par  ceux  qtie  la 
bipaiveilUinteamitiédeSilvt*8tre(deSa- 
oy  lui  faisait  venir  de  BerlinetdeSaint- 
piéter^boarg,  et  aussi  paf  la  gram- 
mairedeFourtnont  et  par  les  ouvrages 
de«  missionnaires  ett  Ghin»',  Reunisut 
pBt,  sans  maître,  copier  à  la  dérobée 
twis  les  atlphabets  qu*il  découvrit^  et 
coihpés«»l«i^€évè','îptfUr'sontisagie', 


de^  dictionnaires  et  des  g'^amiîia'ii^^ 
Il  ne  Ini  avait  pas  nK^e  été  ^ossîldé^ 
d'avoir  communication  des  dietièn- 
naires  chinois-qui  soïit'à  la  flij)lib^ 
thèque  du  roi;  parce  qhe  le  minis- 
tère, en  ordonnant  rimpre?sîori'  d? 
celui  du  P.  Basile  de  Glémonav'ï^^ 
avait  tous  mis  à  la  disposition  dfe 
Deguignes  fils,  chargé  de  cette  pii- 
blication.  Abel  Remusat  nése'Iaissâf 
point  rebuter  par  ces  difficultés -eé 
l'opiniâtreté  du  travail  suppléant  atix 
secours  qui  lui  manquaient,  il  pal?»! 
vint,  au  bout  de  cinq  ans,  à  pnbllet-^ 
en  181 1 ,  son  Eumi  sur  la  langue  ëi 
la  littérature  chînoixes.  Cet  ouvrage 
qui.  dans  un  étudiant  de  23  ans,  mott^ 
trait  un  sinologue  du  premier  ordre, 
fixa  dès  lors  sur  Ini  l'attention  du 
petit  nombre  de  cent  qui,  en  Europe, 
ctdtiVaient  cette  littérature,  et  tous 
s'empressèrent  d'entrer  en  relation 
avec  lut.  Les  académies  de  Grenoble 
et  deBesançon  le  reçurent  partni  leitr'^ 
membres. L'explicat'on d'une  inscrip- 
tion en  chinois  et  en  mandchou  du  ca- 
binet des  antiques  de  Grenoble  valût 
à  Remusat,  en  1812,  son  admission  à 
l'académie  de  cette  ville.  II  publia  eri-  j 
core,  dans  d?s  recueils  périoditjuei^  1 
trois  on  quatre  opuscules  sur  le  chi- 
nois, dont  un  en  latin  sur  la  méile^ 
citie  de  cette  nation,  et  cela  ne  ra- 
lentit en  rien  ses  étlides  médicales, 
puisque  à  peine  âgé  dé  25  ans  il^tt^ 
tint  une  thèse  sur  Fa  médecinWïé§ 
Chiuoi'5,  et  fut  itçii  docteur  à  fa 
Faculté  de  Paris.  Louche  d'an  œil 
et  lils  unique  d'une  veuve,  il  avait 
échappé  h  la  conscription;  inaiS  l'en-' 
vahissemént  de  la  France  par  îei 
armées  étrangères  hî-iifit  provortaé  le 
rappel  des  couscnts  libérés;  Rëmirsat 
avait  pca  de  chance  dVnêt¥c  exemp- 
ta'. L'active  bienveillance  de  Sri  vestre 
deSacy  lui  valut  alors  l*|itotection  du 
dW'de'TeKW,'  rtîniUfre  de  la  guerre. 


HEM 

Nouio>é  xhirurgien  aidermajor  U«s 
hôpitaux  militaires,  succursaox  <le 
Paris, IW'i«iJJ0'nt3"  iiieileciu  en  chef 
(^ J'hôpilal  de  Montaigu.il  se  montra 
digfle  de  ces  fonctions  i>ar  Its  soins 
qn'il  donna,  en  18J4,   aux  soldais 
blesses  ,  réunis   dans  les   abattoirs 
de  Çdris  transfurinés  «-n  hôpitaux. 
Ces  services  oui  été  consignés  ho<K>-: 
rableiuent  dans  la  Biographie  des 
hommes  vivants  et  dans  celle  des 
Contemporains,  qui  l'a  copiée,  selon 
spn  usage.  Mais  on  sait  que,  crai- 
gnant par-dessijs  tout  de  conipro- 
mettre  sa  fdveur  auprès  du  gouver- 
nementde  la  Restauration,  il  n'aimait 
point  qu'on  en  parlât  C'est  en  eflet 
dans  la  première  anué*  de  la  Restau- 
ration que  commenç.^  la  fortuue  lit- 
téraire tli'  RemusiU.  Il  Cf  ssa  d'exercer 
une  professiou  où  le  talent  ne  Siiflit 
pas  sans  le  courage.  Le  uiiuistère 
ayant  créé,  au  collège  d-*.  France,  les 
deux  chaires  de  chinois  et  de  sans- 
krit, Abel  Reuiusat,  sur  la  proposi- 
tion de  Silveitre  de  Siicy,  fut  nom- 
mé à  la  première,  et  son  aiiii  Chezy  à 
la  seconde,  par  une  ordonnance  du  20 
novembre  1814.  Bemusai  fut  ciiargé 
en  outre  de  cataloguer  tous  les  li- 
vres chinois  de  U  Bibliothèque  roya- 
le. Il  Ut  l'ouverture  de  son  cours  au 
mois  de  janvier  suivant,  par  un  dis- 
cours dont  Silvestre  de  iiacy  donna 
une  analyse  obligeante  dans  le  Mo^ 
nileur  du  t"  février  1815  (morceau 
imprimé  à  part,in-8°).Le  5  avril  1816, 
apppuyé  pdr  l'influejice  de  ce  protec- 
teur, Bemusat  fut  élu  par  l'Acadé- 
mie,  des  inscriptions  à   la  première 
des  trois  places  v^icantes  dans -cette 
acaUémie,  et  en  mars  1S18  il  rem- 
plaça Vi&coati  dans  lacollabi/ration  du 
Journal  des  Satants,  auquel  il  avait 
déjàtXouraiplusteursarticie^.L'unde» 
pciuyupâiux  foudateurs  de  la  Société 
a4iAi,iqy<s,,de-rA«i^fl€ft  î^|ïç^l=B»r*»t 


K£M 


44d 


bwig-temps  se  eouteirief  d'en  êtr&le  se» 
crétaire,  au muyendti triumvirat  qu'il 
y  avait  formé  avecK{a|>rothet  Saiirt- 
Martin,eliLco(iiniit  des:  acte»  injostes 
et  arbitraires  dont  il  sera  pariéà  l'iTt* 
ticlede  S^ifit-Mariia.  £a  14123,  Re- 
musat  fut  nuiimiécbevaiier  4c}«  Lé* 
gion  d'Qonnew  et  membre  corre^poH- 
dunldes  Sociétés  asixtiqursdeLonihïS 
et  de  Calcutta  £n  i82if  il.obtiut.par 
lu  protecUqn  des  ministres  Cijrbièfé 
et  Frayssinous, des  ktir«'Sde nebiesj;e 
qu'il  a  tenues  secrètes,  et  bi  place 
de  conservatettr-aduiiaistrateur  dps 
manuscrits  orientaux ,  viu^ante  à  Ut 
Bibliotlièque  du  roi  par  la  mort  de 
Langlès  et  rrfusée  par  Silvestre  thi 
Sacy.  Ce  ne  fut  qu'après  uae  longue 
lutte  qu'il  l'emporta  sur  son  confrère 
et  collègue  Chezy,  dont  les  droits  plus 
authentiques    et   plus    aond>reur, 
comme  premier  employé  et  comme 
orientaliste,  étaient  fortement  ap- 
puyés par  Sacy.  Mais  déjà  Remusat 
et  Saint  Martin,  ardents  molinistes  , 
avaient  abjuré  toute  reconuaissanc* 
envers  uu  protecteur  janséniste  t(ui, 
ne  siégeant  plus  au  conseil  royal  dé 
riuilructiou  publique,  n'avait conser- 
véaucuue influente.  Ils cessèrentde  te 
ménager  et  l'abreuvèreulde  déguûl». 
Beumsat    avait    été    nommé   roem-' 
bre  du  conseil  de  perfectionnement 
de  l'inslitnlion  des  sourds-muets,  de 
la  commissiou  chargée  de  surveiltec 
l'impressiou  des  niauusci'rtsorienlaur 
à  rimprimerieroyale^et  de  iacouiaiis^ 
siou  littéraire  établie,  en  1828,  au  ai-» 
nislère  de  l'intérieur,  pour  surveiller 
et  examiner  les  œuvres  et  les  deman- 
des des  gens  de  lettres.  On  sent  que 
ces  derniers  entploisD'éiaietit  ^om 
que  des  sinécureis  produisant  Béifin 
moins  k.  Beoiusat  uu  cumul  de  f^ 
bons  traitemeut s.  Mais  tout  ce^aeiMi 
surtis^it,  pas  eoçore. fEaimyé  ^Je^ine 
jcam  que  le  s€Co|»^Ç|$|^|dpf^^T$d- 


.M^ 


m^ 


ç^^té  asiatique ,  il  en  enleva  [h  pré- 
sidence à  son  protecteur ,  à  son 
ami ,  au  commencement  de  1829. 
Ses  opinions  et  ses  relations  l'avaient 
lancé  ainsi  que  Suint-Murtin  dans  la 
Société  des  bonnes  lettres,  et  parla 
ipuplesse  de  son  esprit  et  de  son  ca- 
«f^clère  il  s'y  était  mis  facilement  au 
diapason  de  l'auditoire.  Il  y  avait  lu 
des  épisodes  de  son  roman  chinois 
lu-Kiao-li,  ou  les  Deux  Cousines, 
publié  en  182(i,4  vol.  in- 12,  et  divers 
morceaux  sur  l'histoire,  la  législation 
et  les  usages  des  Orientaux,  où,  dépo- 
sant la  gravité  d'un  savant,  il  discu- 
tait les  questions  les  plus  impor- 
tantes avec  des  plaisanteries  d'as- 
sez mauvais  goût.  On  trouve  dans 
le  Journal  asiatique  de  janvier 
1828  un  échantillon  de  ses  pasqui- 
nades,  sous  le  titre  de  Fragments 
d'un  ouvrage  traduit  du  danois  et  in- 
titulé Considérations  sur  les  peu- 
ples et  les  gouvernements  de  l'Asie. 
Quoiqu'il  h'y  ait  pas  mis  son  nom, 
on 'y  reconnaît  bien  son  style. 
Reinusat,  par  reconnaissance  pour  le 
gouvernement  qui  l'avait  comblé  de 
faveurs,  et  voulant  en  propager  les 
doctrines,  concourut  avec  Saint-Mar- 
tin et  d'autres  amis  à  fonder  le  jour- 
nal l'Universel,  rédigé  dans  le  sys- 
tème de  dévouement  le  plus  absolu 
au  ministère  Poliguac,  et  qui  parut 
le  1"  janvier  1829.  Quand  ce  minis- 
tère fui  tumbé  avec  la  monarchie,  en 
\%'iO,  l'Universel  cessa  de  paraître.' 
Remusat  conçut  de  cet  événement 
une  frayeur  si  grande  que  sa  santé  eu 
fut  altérée.  Toutefois,  craignant  de 
perdre  ses  sinécures,  comme  Saint- 
Merlin,  il  louvoya  prudemment  et  lit 
même  partie,  eu  1831,  d'une  commis- 
siouqui,  bien  que  présidée  par  Cuvier 
et  comptant  parmi  ses  membres  des 
hommes  très-honorables,  ne  reforma 
(IMÇUU  des  abus  des  bibliothèques  pu- 


REM 

biiques,  ce  qui  fut  une  sorte  de  triom- 
phe pour  Remusat  qui  administrait 
alors  la  Bibliothèque  royale,  sous  le 
nom  du  vénérable  Van -Praet.  Il  per- 
dit sa  jnère,  lamême  année,  et  lui  sur- 
vécut peu. Dès  l'apparition  du  choléra, 
à  la  Gnde  mars  1832,  il  ûtmettre,  dans 
toutes  les  salles  des  manuscrits ,  des 
vases  remplis  de  chlorure;  mais  peu 
rassuré  sur  l'effet  de  ce  préservatif,  il 
ne  sortit  plus  de  son  appartement,  où 
il  mourut  le  3  juin  1832,  soitd'un  can- 
cer dans  l'estomac,  soit  d'une  inflam- 
mation d'entrailles,  et  fut  enterré  le 
même  jour  que  le  général  Lamarque. 
Ce  qu'il  y  a  de  siir,  c'est  qu'il  mourut 
très-pieusement  et  après  avoir  rempli 
tous  ses  devoirs  de  religion.  C'était 
du  reste  un  homme  de  beaucoup  d'es- 
prit et  de  savoir,  un  peu  charlatan, 
comme  quelques-uns  de  ses  confrères, 
et  sachant  aussi  comme  eux  tirer  bon 
parti  de  sa  position.  Quoiqu'il  ne  lût 
marié  que  depuis  environ  deux  ans 
et  qu'il  n'eût  point  laissé  d'enfants,  sa 
veuve  obtint  une  pension  de  3,000 
fr.  qu'elle  conserva  eu  se  remariant, 
mais  dont  une  mort  prématurée  ne  la 
laissa  jouir  que  peu  d'anuées.Remusat 
était  correspondant  de  la  Société  asia- 
tique de  la  Grande-Bretagne  et  d'Ir- 
lande et  de  celle  de  Calcutta,  de  l'In- 
stitut des  Pays-Bas,  de  la  Société  asia- 
tique de  Bdtavia,associéélranger  de  la 
Société  royale  de  Gœltingue,  des  Aca- 
démies de  Berlin,  Turin,  Saint-Pélers- 
bourg,  etc.  Silvestre  de  Sacya  pro- 
noncé deux  éloges  de  Remusat,  l'un 
à  la  Société  asiatique,  dont  il  était  re- 
devenu président;  l'autre  à  l'Acadé- 
mie des  inscriptions.  La  nioderatiuu 
de  son  caractère  et  de  ses  principes 
lui  a  lait  un  devoir  de  ménager  sua 
ingrat  confrère.  Un  disciple  de  Re- 
musat a  publié  aussi  son  éloge  dans 
deux  numéros  du  Journal  asiatique; 
mais  cette  biographie  s'arrête  à  la 


REM 

première  partie  de  ia  rie  de  Reinnsat, 
l'auteur  oe  croyant  pas  pouvoir  con- 
tiouer  dans  la  seconde  les  justes  élo- 
ges qu'il  lui  avait  décernés.  Nous 
n'ayons  pas  cru  devoir  user  des  mê- 
mes ménagements  envers  un  savant 
dont  nous  apprécions  l'érudition  in- 
contestable et  les  utiles  travaux,  mais 
dpnt  la  conduite  morale  et  politique 
n'est  pas  exempte  de  blâme.  Quoique 
doué  d'une  certaine  audace,  Remusat 
était  faible  etsans  courage  :  il  connais- 
sait les  méfaits  de  Klapruth,  en  Rus- 
sie, en  Prusse,  en  Angleterre  et  mê- 
me à  Paris  ;  mais  comme  il  avait 
besc<n  de  lui,  et  qu'il  craignait  un 
homme  qui  passait  pour  sabreur,  il  le 
ménagfait  et  se  contentait  de  le  faire 
surveiller  à  la  Bibliothèque  royale, 
sans  pouvoir  empèclier  qu'il  dccom- 
plétâtdes  livres  chinois  pour  complé- 
ter ceux  de  sa  bibliothèque  particu- 
lière. Les  ennemis  et  les  envieux  de 
Remusat  ont  avancé  qu'il  n'était  pas 
fort  sur  le  chinois,  et  qu'il  n'en  con- 
naissait pas  tous  les  dialectes.  Ce  que 
nous  pouvons  assurer,  c'est  que  nous 
lui  avons  présenté  une  pièce  qui  lui 
était  totalement  inconnue  et  qu'il  l'a 
parfaitement  expliquée.  At)el  Remu- 
sat a  publié  les  ouvrages  suivants  : 
I.  Essai  sur  la  langue  et  la  litté- 
rature chinoises,  Pans,  1811,  in-8°, 
avec  5  phinches.  Dans  un  petit  vo- 
lume, ce  livre,  malgré  l'incohérence 
et  la  précipitation  qui  s'y  font  sentir, 
Contient  plus  de  notions  saines  et 
d'instructions  vraiment  utiles  que 
les  deux  volumes  de  Bayer,  ou  les 
deux  in-folio  de  Fourmout;  mais 
Remusat  a  mieux  fait  depuis.  II.  De 
VÉlude  des  langues  étrangères  chez 
Us  Chinois,  in-S^de  32  pages,  mor- 
ceau extrêmement  curieux  du  Maga- 
sinxncyclopédique.  où  l'on  voit  que, 
depuis  six  siècles,  il  existe  à  Pé- 
kin un  collège  pour  les  langues  de 


REM 


447 


l'Occident.  Cet  opusule  se  trouve 
aussi  dans  le  Magasin  encyclopédi- 
que d'oct.  1811.  llï.  Explication 
d'une  inscription  en  chinois  et  en 
mandchou^  gravée  sur  une  plaque 
de  jade  du  cabinet  drt  antiques 
de  Grenoble,  dans  le  Journal  du  dé- 
partement de  [l'Isère.  u«  6  de  1812, 
et  tirée  à  part,  in -8".  IV.  Notice 
d'une  version  chinoise  de  l'Évangile 
de  saint  Marc^  publiée  par  les  mis- 
sionnaires anglais  du  Bengale  (datis 
le  lUonileur  du  9  nov.  1812  ;  et  tirée 
k  part,  in-S"  de  12  pag.).  C'est  une 
critique  sévère,  mais  écrite  avec 
tant  de  politesse,  et  appuyée  d'ailleurs 
de  raisuns  si  convaincantes,  que  les 
ratesionnaires  anglais,  loin  d'en  être 
choqués,  sollicitèrent  l'amitié  de  leur 
jeune  censeur,  et  ont  continué  depuis 
de  lui  faire  hommige  de  leurs  nom- 
breux travaux.  V.D/«5fr<a/ iode  ff/o/î- 
so-semeiotice,  site  de  oignis  morio- 
rum  quœèlingud  sumuntur,prœser- 
tim  apud  Sinenses,  1813,  in-i®  de  21 
pag.  C'est  la  thèse  que  Remusat  avait 
soutenue  pour  son  doctorat.  VI.  Con- 
sidérations sur  la  nature  monosyl- 
labique attribuée  communément  à 
la  langue  chinoise, in-S"  de  11  pages. 
Cette  savante  et  curieuse  dissertation 
avait  été  insérée,  en  latin,  dans  les 
Mines  de  l'Orient,  lom.  III,  pag.  279- 
288,  avec  une  planche  gravée  qui  n'a 
pas  été  mise  dans  la  traduction  fran- 
çaise due  à  M.  Bourgeal.  Celle-ci  com- 
prend d'ailleurs  le  Pater  en  chinois, 
quin'est  pasdans  l'original  latin,et  lés 
exemplesdechinoisnesontpasiesmé 
mes.\\].Rechercheshistoriquessurla 
médecine  des  Chinois, elcidiins  le  Mo- 
niteur du  21  oct.  18t3:  et  imprimées 
à  part,  in-8*  de  12  p  ig  )  C'est  l'exa- 
men critique  d'une  Jiièse  de  8h  Le- 
page,  in-i»  de  tOi  pag.  VIII.  Tke 
Works  of  Confucius,  etc.  (dans  le 
Moniteur  du  5  février  1814;  et  tiré  à 


P8r^  iq,-&"4^  If  pag.)  C'est  la  notice 
raisonuée  du  1*"^  volume  de  l'édiiion 
chinoise  et  anglaise  des  Œuvres  de 
Confiicius,  publie'e  à  Serainpour  (au 
Bengale),  par  Marshman.  IX.  Plan 
d'mi  dictionnaire  chinois,  avec  des 
nplicys  de  plusieurs  dictionnaires 
chinois  manuscrits,  et  des  réflexions 
sur  les  travaux  exécutés  jusqu'à  ce 
jour  par  les  Européens,  pour  faci- 
liter l'étude  de  ta  langue  chinoise, 
1814,  in-8»de  88  pag.  X.  Remusat  a 
eu  part  à  la  publication  du  touie  XVI 
des  Mémoires  concernant  les  Chi- 
nois^ et  an  Traité  de  Chronologie 
chinoise,  par  le  P.  Gaubil ,  qui 
en,  fait  la  suite,  publié  en  1814,  par 
Silvestre  de  Sacy,  in-l».  XI.  Pro- 
gramme du  cours  de  langue  et  de  lit- 
térature chinoises  et  de  iariare- 
mandchou,  précédé  du  Discours  pro- 
noncé à  la  première  séance  de  ce 
cours  au  collège  de  France,  le  16 
janv.  1815,  in-S"  de  32  pag.  Xli.  Fo- 
thou  îchhing,  in-18  de  16  pag.;  mor- 
ceau entièrement  neuf,  tiré  de  la 
Biographie  universelle,  à  laquelle 
Abel  Remusai  a  fourni  un  grand  nom- 
bre d'articles,  parmi  lesquels  nous  in- 
diquerons Four.  MOi\T,GAtiBiL,KH  akg- 

HI,KHlAN-L0UNG,MENG-TSEU.XIII.Z,e 

Livre  des  récompenses  et  des  peines, 
traduit  du  chinois,  avec  des  notes  et 
des  éclaircissements,  1810,  in-8°  de 
84  f  ag.  XIV.  JJthographie  (dans  le 
Moniltur  du  7  avril  1817,  et  tiré  à 
part,  in-8°).  On  y  voit  combien  ce 
genre  d'impression  peut  faciliter  l'é- 
tude du  chinois  et  des  autres  langues 
de  la  Haute-Asie,  en  permettant  d'en 
multiplier  à  peu  de  Irais  les  te:?tes, 
si  peu  répandusjusqu'àcejour.  L'au- 
teur l'avait  déjà  employé  pour  une 
Table  des  clés  chinoises,  plus  com- 
mode que  celle  que  Fourmunt  avait 
donnée  dans  ses  Meditationes  Sini- 
c«,  |)onr  U9«  Carte  de*  iles  Bo-nin, 


REiW 

tirée  de  i'original  japonais,  et  qu'Ai--' 
rowsmith  s'est  hâié  de  reproduire 
dans  la  dernière  édition  de  sa  Càrtè' 
d'Asie.  Abel  Remusat  a  donné  Sut^' 
ces  îles  (colonie  japonaise)  une  cn-«> 
rieuse  notice  dans  le  Journal  des  Sa-' 
vants  de  1817,  page  .387.  XV.  L'in- 
variable milieu,  ouvrage  moral  dé 
Tsèu-ssé,  en  chinois  et  en  mandcht  u," 
avec  une  version  littérale  laiine,  une 
traduction  française  et  des  notes /v 
précédé  d'une  notice  sur  les  quatre' 
livres  moraux,  communément  attri- 
bués à  Cx)nfuciiis,  1817,  in-4"  de  160 
pag.,  inséré  au  tome  X  des  Notices 
et  exlr.,  sons  ce  titre  :  Les  quatre 
livres  moraux,  etc.  Remusat  a  com- 
posé cet  ouvrage  d'après  une  traduo  - 
tionlatine  publiée  par  des  missionnai* 
rcs,  mais  peu  connue.  On  peut  voir, 
sur  ce  travail,  la  Notice  sur  une  tra- 
duction inédile  de  Confaciun,  par 
Abel  Eemusat,  insérée  en  1814  dans 
le  Mercure  étranger  {n'^  13,lom.  III, 
p.  311),  par  L  -A.-M.Bourgeat.  XVI. 
Mémoire  sur  les  livres  chinois  de  la 
Bibliothèque  du  roi,  et  sur  le  plan 
du  nouveau  catalogue,  dont  la  com- 
position avait  été  ordonnée  par  le 
ministre  de  l'intérieur  (dans  les  An- 
nales encyclopédiques  de  1817,  vi, 
30  et  193;  et  publié  à  part,  1818, 
in-8o  de  60  pag.).  XVII.  Description 
du  royaume  de  Camboge,  par  un 
voyageur  chinois  qui  a  visité  cette 
contrée  à  la  fin  du  X IIP  siècle,  trad. 
du  chinois,  1819,  in-S».  XVIII.  Re- 
cherches sur  les  langues  tarlares,  ou 
Mémoires  sur  différents  points  de  la 
grammaire  et  de  la  littérature  des 
Mandchous,  des  Mongols^  des  Oui- 
gnurs  et  des  Tibétains,  tome  1",  Paris, 
1820,  in-4°.  Cet  ouvrage  est  un  des 
plus  importants  de  ceux  qu'a  publiés 
Remusat  :  le  tome  II,  annoncé  de- 
puis long-temps,  n'a  jamais  paru;  il 
est  re.sté,  dit-on.  manuscrit,  et  peut- 


dpire^terehemarHtrpiirt*-^  ÏV'èt    ire  r 
lejttepc  û-t  otKSiam^  <  rMi^^lAI^'^;'^  iii(^r<  ' 

ch(n<*vu>m^lÊÊiepgVàris!\8'îi:'\fi^l'0r  ;phm  mun- 

S'^^\%bj\ÉUimÊifi9 ihlag'-ammcffrt-  gai  -î'r'i   C\\>t 

LW)tr<if   a    lijis    à   |iM(it  f»  ^r.Mii-     (l'«|»fvs  I 
inBirc»>iiciUte  du  P.  Premaro.  XKTl.     2<*  Foh. 
Afànotise)««r<a  rt>  et  lex  opinions 
de- AdAiFim;  pMdignphe  chin'ili  du 
Vt*  siècle  €ivaut  tion 

prefiseé  les  opinions  c i..^i.,.i.:     ....... 

atirièueea  à  Ptfilwifor4,  à  Ptatnn  et    uoûté  <  : 

«  Itws  d<>c»jv<€«,  Pwis,  *Af3,  m-l". -biiUir*    ;  .nrim,-    a   la 

WWi. Aperçu  d'unwemoire intitulé :-  ClUke'L  i  e<n  à  fn  Bi- 

Ilc(hec(à»$ ^t/tntmfftwtttftiè»  Mif tV>H( -  '  bl rM iib^w  w  ar 

gilve^U  Imk^  uMkiHahaitfm,  PM^,'^  le  P.  Amittt.  • 

1864 ,  tii^4*.  O  inrnjfiirip  c  '  e^ti'oSa  essirvcr  de  le  !; 

scnecliroiiolo^'hîiieiii'spatri  .  t  prfs  F»- àiiMcnT  oViîs'\ 

lareligiuu  aotiB/M^dini  XXiV.  Me- 

mqire.S(ir  ietmtArièoiM  po'itiq  Hr$  det     ,    . . 

dfs^mis^iFtanee,  antp^t^^^pè-^^'^'^av 
reurs  nouffolx,  Paris^ilMif  V^^aH.'^^ui  i. 
iH-4?^  ;  ?ikY.  AoUfesaria^Oè  fl>WrQtwrt, 
ouiffageftik  M.  Lani^/6'^vPai(|«ç«0Sf ,ttÛéttt. 
i  u-8».  N  n  u  il  e  sur  <plltnUl/¥t^Jl  8  l7  ,  su , 

quesiiv  ■:es  d  la  gêo^iapttr-^rols  di-  i 

de  l'Âsif  crNUca^>ft«r^4MtJ^<}n>4>. 

de  nioTicmiuB  criùqitcs  e*  *»  inf> 
resunltitifs  aux  reiig  ?>»».«;  o**  .<■ 
ces,  mmicemitumes,  é  rki$t»ire 
la  giograph  ie  des  natii 
Paris,    1625»   'i  vfl.   ! 
No^eauxiv 
2  voi^CfS  .11. 
ges  icuuii&iiiieiU 

des   j»ubl»«»>    p«i-    .      :,    .       .;      -,    ..>...;, ^.  ^.,.^  ...;,„  ..^.t,. 

i  wvin.  29 


450  rJ^EN 

Vempire  chinois,  où  l'ou  prouve  que 
les  frontières  de  cet  empire  se  sont 
étendues  plusieurs  fois  jusqu'à  la  nîvr 
Caspienne.  Remusat  n'a  rien  fourni 
pour  les  Chefs- d'OEuvre  des  théâ- 
tres étrangers^  quoique  son  nom  fi- 
gure sur  le  titre  de  cette  publication 
du  libraire  Ladvocat  :  il  n'a  rien  don- 
né non  plus  dans  les  Contes  chinois , 
publiés  en  1827.    A— t  et  C.  M.  P. 

RENARD  (Je AN- Claude),  méde- 
cin ,  pratiqua  long-temps  la  médeci- 
ne à  Mayence  où  il  était  membre  de 
la  Société  départementale  des  scien- 
ces et  des  arts.  S'étant  retiré  à  Stras- 
bourg lorsque  Mayence  cessa  d'être 
français,  il  y  continua  avec  succès 
l'exercice  de  sa  profession  et  publia 
plusieurs  ouvrages.  11  mourut  en 
1827.  On  a  de  lui  :J.  Ramollissement 
remarquable  des  os  du  tronc  d'une 
femme  et  quelques  observations  sem- 
blables, Mayence,  1804,  in-4°.  11. 
Médecine  légale,  ou  Considérations 
sur  l'infanticide,  1819,  in-8''.  III.  In- 
fluence du  traitement  sur  les  mala- 
dies, Strasbourg,  1825,  in-8°.  — 
Renard  (N.-J.),  médecin  à  La  Fère' 
(Aisne) ,  a  publié  :  Essai  sur  les 
écrouelles,  ?dns,  17C9,  iu-12.  Z. 

RENAUD.  Voy.  Raynaud  ,  Rey- 
naud,  Regnaulï  et  Renault,  tome 
XXXVI H,  et  dans  ce  vol. 

UENAIIDIN  (Léopold),  juré  du 
tribunal  révolutionnaire,  lui  un  des 
plus  cruels  agents  du  systènie  de  ter- 
reur qui  pesa  sur  la  France  en  1793 
et  1794.  Né  en  1749  à  Saint-Reoii  en 
Lorraine  d'une-famille  obscure,  il  re- 
çut dans  son  pays  une  éducatioirfort 
incoHïplète,  et  se  reiidif  très-jeune  à 
Lyon,  où  il  passa  qm-iiiues  années 
dans  le  cooiuierce.  Étant  ensuite 
venu  à  Paris,  il  s'j  in.ria.  Ainsi  il 
se  trouvait  dans  celle  ville  lorsque 
la,  révolution  comi;)eni;a.  S  élançaiii 
aussitôt    dans    cette   nouvelle  car- 


REN 

rière,  il  fut  très-assidu  dès  le  com- 
mencement aux  séances  des  jaco- 
bins. Cependant  if  ne  parvint  à  s'y 
faire  remarquei-  que  sous  le  règne  de 
la  terreur  et  par  le  crédit  de  Robes- 
pierre dont  il  devint  l'intime  ami. 
C'était  un  de  ceux  qui  le  suivaient  par- 
tout, armés  de  gros  bâtons,  et  qu'on  a 
nommés  les  gardes-du-corps  du  dic- 
tateur. Il  portait  même  quelquefois 
un  poignard  ou  des  pistolets.  Maxi- 
milien  le  fit  nommer  un  des  jurés  du 
tribunal  révolutionnaire,  et  ce  fut  là 
qu'éclata  avec  plus  de  violence  encore 
son  caractère  sanguinaire  et  féroce. 
Toujours  l'un  des  coryphées  de  la 
société  des  jacobins,  il  y  provoquait 
sans  cesse  l'arrestation  de  ceux 
qu'il  devait  condamner  le  lendemain 
lui  -  même  au  sanglant  tribunal. 
C'est  ainsi  qu'il  dénonça  succes- 
sivement Brissot  et  tous  les  députés 
de  la  Gironde,  puis  Danton,  Chabot, 
Lacroix,  Camille  Desmoulins,  etc. 
Ce  dernier  essaya  vamement  de  le 
récuser;  le  tribunal  décida  que  de 
pareilles  récusations  devaient  être 
faites  d'avance,  par  des  accusés  que 
l'on  ne  prévenait  pas  même  la  veille 
de  leur  comparution,  par  des  accusés 
qui  étaient  interrogés^  condamnés  et 
exécutés  en  moins  d'une  heure,  sou- 
.  vent  ne  sachant  pas  même  les  noms  de 
leurs  juges  ou  de  leurs  bourreaux. 
Renaudin  fut  encore  un  des  junis 
qui  condamnèrent  la  reine  Marie-An- 
toinette ,  la  sœur  de  Louis  XVi , 
madame  Éljs^beth,  et  tant  d'autres 
illustres  victime.*.  Toujours  occupé 
d'en  trouver  de  nouvelles,  il  arrêta 
lui-même  un  jour  le  député  isnard 
qu'il  rencontra  dans  la  rue.  Ayant 
autrefois  connu  le  fameux  Chaslier, 
i,l  éliit  resté  fort  lié  avec  lui,  et  par 
sa  correspondance,  qu'il  lut  souvent 
aux.  jacobins  ,  il  contribua  beau- 
coup à  aigrir  les  esprits,  et  it  eut 


REN 


REN 


U\ 


ainsi  une  grande  part  aux  malheurs 
de  Lyon.  Quelques  jours  avant  le 
31  mai  1793,  il  fit  de'cider  que  la^so- 
ciété  enverrait  dans  cette  ville  40  de 
ses  membres  les  plus  énergiques,  po*ir 
soutt-nir  les  patriotes.  Cependant  la 
révolution  du  9  thermidor  ayant  en- 
fin renversf^  Robespierre,  il  n'était 
guère  possible  que  son  agent,  son 
séide  le  plus  dévoué,  le  pins  connu, 
échappât  à  la  même  destinée.  Ce  ne 
fut  qu'environ  un  an  après  cet  évé- 
nement que  la  Convention  ,  pressée 
par  d'universelles  réclamations,  or- 
donna que  l'accusateur  public,  les  ju- 
ges et  les  jurés  parussent  devant  ce 
même  tribunal  dont  tout  le  personnel, 
tontes  les  formes  étaient  changées.  Le 
procès  dura  plqs  d'un  mois.  Après  un 
demi-siècle  on  s'étonne  encore  de 
tout  ce  qui  y  fut  rapporté  ^  l'acte 
d'accusation,  bien  que  sommaire,  est 
un  tableau  des  plus  iiideuses  turpitu- 
des qui  aient  jamais  souillé  la  justice 
humaine.  Il  y  fut  établi  que  les  fa- 
meuses conspirations  des  prisons  n'a- 
vaient été  inventées  que  pour  faire 
périr  sous  la  forme  déguisée  d'un 
jugement  une  foule  d'individus  de  tout 
âge  et  de  tout  sexe.  Fouquier-Tain- 
ville  et  Renaudiu  furent  reconnus  au- 
teurs et  exécuteurs  de  ces  horribles 
trames.  Us  eurent  beau  dire  que  c'é- 
tait par  ordre  des  comités  de  la  Con- 
vention qu'ils  avaient  agi,  il  fut  en- 
core établi  par  la  procédure  qu'ils 
avaient  souvent  compris  dans  le 
même  acte  d'accusation  trente,  qua- 
rante et  jusqu'à  soixante  individus 
qui  ne  se  connaissaient  pas,  qui  ne 
s'étaient  jamai-  viis,  et  qu'ils  enve- 
loppaient dans  une  même  accusation 
{coy.  Admiral,  LVI  ,  78,  et  Renault 
{Cécile)  lians  ce  vol.)  ;  qu'ils  avaient 
fait  périr  des  femmes  enceintes,  quils 
avaient  entassé,  pour  les  conduire  au 
suppFice,  tous  ces  malheureux  sur  des 


charrettes  préparées  d'avance,  qu'il 
était  souvent  résulté  d'affreuses  mé- 
prises de  la  précipitation  qu'on  avait 
mise  à  dresser  les  listes,  que  le  père 
avait  été  immolé  pour  le  fils  et  le  fils 
pour  le  père,  etc.,  etc.  En  présence 
de  tant  et  de  si  graves  accusations,  ces 
misérables,  surtout  Fouq«ier-Tain- 
ville  et  le  vice-président  Scellier, 
montrèrent  beaucoup  d'impudence  et 
d'audace.  Il  y  en  eut  seize  de  condam- 
nés à  mort;  Fouquier-Tainvjlle  et 
Renaudin  le  furent  à  l'unanimité. 
D'après  le  Moniteur,  la  contenance 
de  celui-ci  dans  ces  derniers  mo- 
ments fut  plus  timide  qu'oB  ne  s'y 
attendait.  «  Cet  homme,  dit  le  jour- 
«  naliste,  dont  l'exagération  révolu- 

•  tionnaire  était  devenue  célèbre , 
«  se  défendit  avec  une  modération 
<  surprenante.  En  parlant  de  sa 
«  moralité,  de  son  attachement  pour 
«  sou  épouse,  de  sa  piété  filiale,  il 
«  paraissait  vivement  énni,  et  quel- 
«  ques  sangluts  étouffèrent  sa  voix,  • 
Tout  cela  contrastait  singulièrement 
avec  la  principale  accusation  qui 
pesait  sur  lui  :  c'était  d'avoir,  dans 
le  procès  d'une  jeune  fille  de  dix- 
sept  ans ,  nommée  Bois-Marie,  quit- 
té son  siège  de  juge  pour  déposer 
contre  elle  en  qualité  detémoin^et 
d'avoir  ensuite  opiné  pour  sa  mort 
comme  juré.  Quand  il  entendit  pro- 
noncer son  arrêt,  il  s'écria,:  «  Je  péris 

•  innocent  et  pour  avoir  aimé  ma  pa- 

•  trie.  J'atteste  que  je  n'ai  jamais  eu 
■  aucune  mauvaise  intention...  »  Cet 
arrêt  fut  rendu  pendant  la  nuit,  et 
le  lendemain  (7  mai  1795)  les  sei- 
ze condamnés  furent  exécutés  sur 
la  place  de  Grève,  à  1 1  heures  du 
matin,  aux  applaudissements  de 
cette  même  populace,  de  ce  vil  peu- 
ple (expression  de  Delille),  qui  avait 
tant  lie  îï>  applaudi  au  supplice  de 
leurs  victimes.  M— î  j, 

29. 


4i3  IVEfS^ 

âijijf^l  ÇrfjIfÇjjis^  naquit  le  27  mars 
1757,  à.  Siiut-M;irtJn-du-Gua,  près 
de  Saujon  et  M;in'riues,  e.n, Poiiou, 
Eiitrft  fort  jftinc  dans  i.i  niariuc,  il 
y  avait  obtenu  le  grade  (Je  capi- 
taine de  vais-eau  et  coiiirnandait  le 
Vengeur,  d>ni  l'escadre  de  l'auiiral 
Viliarel,  lois  du  fiuieiix  cotjihat 
d'Ouessanl,  entre  les  Hottes  franc  use 
etanglaise, le  i3  prairiil  an  II  (t" JKiu 
IT'Ji)  Assez  de  détails  p'usou  moins 
vrais,  sur  cette  nialli  ureuse  .ilTaire, 
se  trouventdans  divers  ouvrages  his- 
toriiiucs,  pour  (jue  nous  no!. s  abste- 
nions lie  les  répéter.  Nous  nous  bor- 
nons à  renvoyer  sur  ce  point  le 
lecteur  à  la  notice  i>ur  Vdlaret- 
Joyeiise  (t.  XLyill,  p.  515).  Mais 
comme  elle  n'en  contient  aucun  de 
spécial  sur  la  perte  du  Vengeur^ 
comme  les  rapports  oflii-iels  de  l'é- 
poJpie  dnniiè.ent  h  Théroïsme  de  nos 
ni,irins,daiis  ce  lutu-sle  naufrage,  une 
couleur  en  (jneltiue  sorte  romanesque, 
nous  jugeons  convenable  d'en  cnsi- 
■  giur  ici  une  relation  exacte,  en  irans- 
criVant  textuellement  le  rapport  ré- 
digé par  Renaudin,  dont  l'original 
est  dépose'  aux  archives  de  la  m;.rine. 

-  Rappoiit  du  capitaine  Renaudin, 
commandant  le  vaisseau  le  Vengeur 
le  i^^  juin  1794  (13  prairial  an  II), 
envoyé  d'Angleterre,  où  ilélail  pri- 
sonnier, ainsi  que  le  reste  de  son  égui- 
page.^^  «  Aujourd'hui,  l*»-  niessidor, 

«  Vm  t\^  de  la  répubtique  française 

•  îih\  et  iiidivisible  (  l9  juin  1794), 
«  Mùs^Oussigués capitaine,  ofliciers, 
«  èbdf  éivil  et  autres  prrsonnes  de 

•  Téij'uipàge  du  vaisse.iu  te  Vengeur, 

•  coulé  bas  le  13  prairial  deaiier, 
«  nous  trotivant  prisonniers  degiier- 

-  rt';kij''é^dUtiohneinent  deTavistock, 

•  tA^  A'ti^jeterr'e,  iiSsétnblés  pour  ré- 

-  dj^frt^  Ib' ^éciit  des^'èv^uenu-nts  qui 
.  ëht^iil^é(^^^'^biHîh^laperte  du 


«  vaisseau  ie  Vengeur,  faisant  partie 
«  de  l'escadre  aux  ordres  du  contre- 
«  amiral  Vdiaret,  y  avons  procédé 
«  ainsi  qu'il  suit-  Nous  trouvant, 
«  le  9  dndit  mois  de  prairial,  par  la 
«  latitiide  de  47°  24'  noni,  et  par  la 
«  longitude  de  17"  28',  méridien  de 
«  Paiis,  les  vents  de  la  partie  sud, 
«  l'armée  naviguant  sur  trois  colon- 
«  nés,  à  8  heures  du  matin,  les  fré- 

•  gifes  françaises  k  la  découverte 
«  signalèrent  l'armée  ennemie  com- 

•  posée  de  36  voiîes,  26  vaissennx  de 
«  ligne,  dont  7  ;i  3  ponts,  un  de  50, 
«servant  d'hôpital,  i  frégates,. 3 
«  corvette^  et  2  brûlots,  le  tout,  an- 
«  glais.  Sur-le-champ ,  le  général, 
«  pour  mieux  reconnaître  l'ennemi, 
«  fit  arrêter  l'armée  française  en  cou- 
«  servant  l'ordre  de  trois  colonnes, 
«  nous  faisant  arriver  à  deux  lieues 
«  environ  de  lui.  Le  signal  fut  fait  de 
■  former  la  ligne  de  bataille  dans 

•  l'ordre  naturel,  en  se  forutant  sur 
«  la  coioîine  du  centre.  L'expérience 

•  de  notre  marine  ne  répondait  pas, 
«  selon  nous,  à  la  bonne  volonté  de 
"plusieurs  ofliciers;  nous  eiîmes  !a 
"  douleur  de  voir  que  celte  manœu- 
«  vre  ne  put  être  exécutée.  Cepen- 

•  danî  i  vaisseaux  et  4  frégates,  dé- 
"  tai  hés  de  l'armée  anglaise,  ser- 
"  relient  le  vent,  et  paraissaient  vou- 
«  loir  attaquer  la  queue  de  la  nôtre. 
«  Alors  le  général  Villaret,  se  voyant 
«  pressé,  et  niéconleni  .Siins  doute 
«  d'éprouver  des  diflicultes,  donna 
«  ordre  à  chacun  des  vaisseaux  de 
«prendre  r;uig ,  sans  avoir  égard 
«  à  son  pttste  ,  et  au  vaisseau  le  Ré- 

•  volulionnaire  d'aller  ii  la  goerre. 
«  A  8  heures  du  soir,  celui  ci  et  deux 
«  ou  trois  antres  se  trouvèrent  en- 
«gigés;  nous  Irtmes  témoins  du 
«  combat  jiisqu'ii  10  heures;  il  nous 

•  parut  ne  leur  être  pas  avantageux. 

•  L'esçad*re^ed«nni»pQipjldesf5<'o^rs 


ftB?J 

'  i^  fert  vaTS*»»âux>f  ëcirt^rio*fOM3ours 

■  à  l'esl ,  courant  mémo  bnrdee  fi*ié 
'  IVnnPiiii  à  vue  ;  au  jour  noiK  ri*a- 
>  vons  pitis  aperçti  le  v.iisseau  rie 
'  notre  arrière-garde.  Le  lendeiiiain. 
<  10,  sur  les  9henres  du  malin,-  Ten- 
r  tant  gri'S  frais,  toujours  dti  sud, 
1  renneini  vira  d'abord  vent  devant 
I  pnr  la  cohtre-uiarche,  et  porta  de 

■  nouveau  sur  le  devatit  dé  l'armée 
I  rc'puldicaîne  en  clierchant  à  gagner 

■  le  veut.  Nous  exécutâmes  la  même 
■■  manœuvre  lof  pour  lof,  et  reçûmes 
'  Tordre  de  nous  disposer  au  combat. 

Les  vaisseaux  de  la  tête  des  deux 
I  flottes  se  joiguireut  bientôt,  et  le 
'  combat  comnienM;  mais  favantage 
'  b'était  pas  égal  :  IVnnemi  pouvait 
se  servir  de  sa  batterie  b;L<ise,  et 
nous,  au  vent,  la  bamle  de  son  cô- 
'té,  tVau  s'élevant  au-dessus  des  sa- 
bords, nous  étions  dans  Tlmpossi- 
'bilité.dVn  faire  usage.  Ces  incou- 
véiiifnts  néanmoins  irétaient  pas 
cap.ibles  de  déconcerter  des  répu- 
blicains. Le  feu  fut  très-vif,  et  se 
soutint  avec  la  même  ardeur  jus- 
qu'à midi.  Les  Anglais,  s'aperce- 
varit  d'un  peu  de  désordre  dans  la 
queue  de  noire  armée,  voidurent 
en  prolifer;  la  téfe  de  leur  ligne 
vira  l.f  pour  lif,  par  la  conire- 
ni.irche,  en  prolongeant  notre  ar- 
mée sous  le  vent.  Ils  maltraitèrent 
plusieurs  de  nos  vaisseaux,  et  le 
yengair,  pour  les  empêcher  de 
couper  lu  ligne,  reçut  le  feu  de  dix 
des  leurs.  Il  fallait  faire  la  même 
tnanoeuvre  que  IVnnemi,  et  le  gé- 
néral français  donna  l'onlre  d'a- 
1)0  d  à  la  tête  de  Tarnu-e  de  virer 
vent  devant  par  la  conire-marclie; 
crtie  évolution  ne  paraissmt  pas 
s'exécuter,  imus  ne  savons  pour- 
quoi, ri  lit  le  signal  pour  la  ques- 
tion de  savoir  si  on  ne  le  pouvait 
pa«-  11  n'eut  point  de  Véponsé;  il 


ï(é^ 


in 


et  ne  fut  pas  plrre  heureux.  L*ià- 
stant  était  critii^e.  et.  (îans  cétît^ 
circonstance  pressante,  le  chef  rit 
l'armée   duf  s'irriter  de  trouver 
tant  d'obstacles;  mais  soti  génie  Sut, 
les  surmonter;  car  nous  rie  pôiivonsv 
pas  nous  emp/'ùher  dé  dire,  avec  la 
sincérité  qui  dicte  cet  écrit,  qne  fe 
citoyen  Villaret  a  montra,  dans 
celte  crise,  toirt  le' talent  d'un  gé- 
néral, et  qu'il  ajustifi.'  la  conliance 
des  braves  républicains  qu'il  com- 
mandait. If  donna  l'ordre  enfin  de 
virer  de  la  mérfie  manière,  tous  à  la 
fois  ,  sans  avoir  égard  au  rang.  ' 
Cette  manœuvre  réussit,  et  dans  un  ' 
quart  d'heure  l'ordre  de  batnille 
fut  formé  d'nne  manière  salisfai- 
.sante.  Nous  nous  trouvâmes  sous 
le   vent  ;   le  vaisseau  le  Vengeur, 
par  ha«ard,   ou  peut  être  .par  Ta 
pnimptitude  de  son  évolution,  était^ 
à  la  tête  de  la  colonne,  (hefde  GIe\ 
ilu  commandant.  Il  se  battit  contre /] 
deux  vaisseaux  à  trois  ponts»^et; 
aurait  éié  maltraité  si  les  vaisseaux'* 
la  Monfagne  et  le  Scipion  ne  fiis-i 
sent  venus  à  son  <ecours.  La  Blon-.l 
tagne  seconda  ses  t-fforts  contre 
r«'nneiui,  et  i!s  le  canounèrent  en- 
semble pen<lant  enviroi^  une  heure., 
et  demie;  mais  ^  Scipion  e^t  l^<^ 
précaution  de  se  uietlre  à  cnuyert,, 
du  Vengeur,  et  lui  coupa  $o_n  grand.  ' 
étai  et  les  bras  de  sa  u»i^ain«i.  S.uf  , 
les  observations  qui  lui  fureut  ^au 
tes  qu'il  n'était  pas  à  son  poste,  par 
le  général'  et  par  nous  ,  il  alla  le 
prendre vresqu'ài'iiistant,Tou.s le?  . 
vaisse.iux  ennemis^  trouyaieut  ejç  » 
peloton,  ils  étaient  Ç(>np;/Ji,dM5ç;,  )g  , 
désordre  graissait  ê^ff;  pk)|:u/^j^u^,  . 
et  CfrleSi,  ,u<»"s  osemii^Je  jiii;ç>  'iÇ^  a 
Français  auiaieutpu  en  liref  parti; 
mais  ilsétdieuL  trop  <ift;i^4&.?^us  je  . 
vent,  ■  îoignèreal.  Lé  11. 


45i 


REN 


dans  la  matinée,  l'ennemi  parut  h 
trois  lieues  et  demie  ou  environ, 
courant  la  même  bordée  que  l'ar- 
mée française.  Nous  l'observâmes 
autant  que  put  le  permettre  un' 
brouillard  très  épais,  et  bientôt,  la 
brume  ayant  augmenté,  nous  le  per- 
dîmes tout  à  fait  de  vue.  Le  12,  la 
brume  était  si  épaisse  qu'à  peine 
apercevait-on  un  vaisseau  à  portée 
de  pistolet.  Le  13  prairial  an  II 
(1er  juin  1794),  le  vent  petit  frais, 
de  la  partie  du  sud-est.  sur  les  8 
beures  du  matin,  le  temps  s'étant 
éclairci,  l'armée  ennemie  parut  au 
vent,  h  la  distance  de  deux  lieues  ; 
elle  ne  tarda  pas  à  arriver  sur  nous 
en  dépendant.  L'ordre  de  serrer 
la  ligne  et  de  se  préparer  au  com- 
bat fut  donné  à  l'armée  française 
et  aussitôt  exécuté.  Nous  allions  à 
petites  voiles  ;  l'ennemi  forçait  da- 
vantage et  en  prolongeant  notre 
colonne.  Le  Feu  s'engagea  ;  le  vais- 
seau le  Vendeur  avait  essuyé  le  feu 
de  deux  vaisseau*,  dont  un  à  trois 
t)onts ,  lorsqu'un  troisième  vint 
pour  lui  cwjper  la  ligne  ;  il  fallait 
IVn  empêcher;  en  conséquence, 
nous  forçâmes  de  voiles  et  vînmes 
au  lof.  Cette  manœuvre  aurait  réus- 
si, et  le  feu  terrible  de  nos  batte- 
ries, que  notre  équip;ige  servait 
avec  un  courage  et  une  ardeur  mé- 
morables, aurait  criblé  le  vaisseau 
ennemi  ;  mais  une  circonstance  im- 
prévue rendit  nos  efforts  infruc- 
tueux. Ce  vaisseau  s'obstinait  à 
vouloir  couper  chemin;  le  Vengeur, 
déterminé  à  ne  pas  le  souffrir, 
tenta  l'abordage;  il  y  parvint  ;  mais 
en  élongeant,  il  se  trouva  accroché 
dans  son  bois  par  l'ancre  de  l'enne- 
mi. Il  lui  envfiya  d'abord  toute  sa 
bordée,  et  ne  put  ensuite  lui  tirer 
qne  quelques  coups  de  canon  de 
l'iirf  i»'iv-  et   f]f  l'avant,  p;in'<»   qti*i| 


REN 

«n'y  avait  pas  assez  d'espacé  entre 
«  les  deux  vaisseaux  pour  passer  les 
«  écouvillons  de  bois.  L'Anglais,  aii 
«  contraire,  avec  des  écouvillons  de 
«  corde,  avait  l'avantage  de  pouvoir 
«  se  servir  de  tous  ses  canons.  Dans 
«  ce  moment,  nous  donnâmes  l'or- 
«  dre  à  un  détaclîement  de  sauter  à 
«  l'abordage  fl).  Tout  était  disposé 

•  pour  l'exécution  ;  mais  il  fallut 
«  bientôt  renoncer  à  ce  projet.  Nous 
«  aperçfiines  deux  vaisseaux  enne- 
«  mis  ,  dont  un  à  trois  ponts  ,  qui 
«  arrivaient  à  l'autre  bord.  Cha- 
«  cun  alla  reprendre  son  poste 
«  dans  les  batteries,  et  le  feu  recom- 
«  mença.  L'équipage ,  encouragé  par 
«  les  officiers ,  soutint  ce  nouveau 
«  choc  avec  une  intrépidité  vraiment 
«  républicaine  ;  nous  reçûmes  plu- 
«  sieurs  volées  à  couler  bas.  De  ce 

•  côté  l'ennemi  nous  abandonnait, 
«  lorsque  la  verge  de  l'ancre  du  vais- 

•  seau  (2J  avec  lequel  nous  étions 
«  abordés  depuis  plus  de  deux  heu- 
«  res  cassa.  Le  vaisseau  à  trois  ponts, 
«  le  voyant  s'éloigner,  vira  de  bord, 

•  revint  sur  nous,  et  nous  tira  deux 
«  autres  volées  qui  tléniâtèrent/eFen- 
«  geurde  tous  ses  mais,  excepte  celui 
«  d'artimon,  qui  ne  tomba  qu'une  de- 
-  mi- heure  après.  Nous  ne  pûmes 

•  lui  riposter,  parce  que  l'eau  avait 
«  pénétré  subitement  dans  les  soutes 

(r)  Si  la  ligne  n'av.iit  pas  rté  roiipéf,  nons 
eirlevious  ce  vais.seau  ,  «ht  personue  de  »ou 
équiji.ige  ue  piiraiss^nt  .sur  le  puut,  plu>ii'iU!i 
(les  nôtres  y  moulèrent  et  étei<>niri'nt  le  feu 
qui  avait  pris  en  «jeux  «nilroits.  Ils  furent 
obligés  de  (iescen<lre  loi  «que  nous  fùnie» 
uttaf|iics  pur  deux  uulies  vaisse;iux. 

(i)  Nous  avions  sii|>io>p  que  le  Rruiiavict 
avait  eoulé  b»s  ^  ainsi  qu«  nous,  ayant  dis- 
p/iru  après  le  i-oiuliat,  niuis  nous  iivoiis  ap- 
pris depuis  qu'il  elail  arrivé  eu  AugU'terre, 
coulant  l>:is  d'citii  Ce  vaisseau  nVst  plus  sus- 
reptiide  de  rendre  iiUiMio  service;  il  a  eu, 
dans  le  eoinUtt,  le  «apitMue,  iilutieurs  nfli- 

.  iers  .  ijK.  liVJOflV?'»  'Jf,^^»,|\?.V  f*,-î»i""('t?"" 

I»les«ës. 


REN 

«  et  qae  l'équipage  se  disposait  à  pom- 
«  per  et  à  puiser.  L'ennemi,  se  trou- 
«  vaut 'Je  nouveau  en  désordre  et  con- 
«  fondu  avec  quelques-uns  de  nos 
«  vaisseaux, qu'il  avait  engagés,  l'ar- 
«  mée  française  étai  t  sous  le  vent  avec 

•  deux  vaisseaux  anglais ,  et  s'éloi- 
«  gnait  beaucoup.  Nous  avions  l'es- 

•  poir,  sinon  qu'elle  reviendrait  pour 

•  recommencer  le  combat,  au  moins 

•  qu'elle  en  ferait  la  feinte  pour  obli- 
«  ger  les  Anglais  à  abandonner  nos 

•  vaisseaux  démâtés  et  deux  des  leurs 

•  dont'ls  ne  paraissaient  pas  s'occu- 
«  per-  n<  ns  n'eûmes  pas  cette  conso- 

•  lation.  Des  raisons  majeures,  sans 

•  doute,  y  mirent  obstacle  :  mais  nos 
"frégates  où  étaient -elles?  Quelle 
«  était  leur  mission?  Dans  cette  cir- 
«  constance  vinrent-elles  nous  don- 
«  ner  du  secours?  Nous  n'en  reçûmes 

•  aiicun,  et  nous  n'en  pouvons  devi- 

•  ner  la  cause.  Le  vaisseau  le  Vengeur 
'  cependantapprochaitdu  momentoù 

•  la  mer  allait  l'engloutir;  le  danger 
«  s'accroissait  de  la  manière  la  plus 

•  alarmante,  malgré  les  efforts  de  l'é- 
«  quipa»e  à  pomper  et  à  puiser.  Nous 

•  vîmes  sorlirdugroupeennemidenx 
«  de  nosvaisseaux,dontun,feTr€nî«- 

•  et-un  Mai,  venait  de  passer  près  de 
«nous;    mais  notre  espérance   fut 

•  L«ientôt  évanouie.  Il  se  disposait 
«  à  nous  «prendre  à    la  remorque, 

•  lorsque  les  Anglais  le  forcèrent 
«  de  s'éloigner,  en  chassant  de  notre 

•  côté.  L'eau  avait  gagné  l'entre- 
«  pont;  nous  avions  jeté  plusieurs  ca- 

•  -uonsà  la  mer;  la  partie  de  l'équi- 

•  page  qui  connaissait  le  danger  ré- 

•  pandait  l'alarme.  Ces  mêmes  hom- 
«  mes,  que  tous  les  efforts  de  l'ennemi 
«  n'avaient  pas  effrayés ,  frémirent  à 
«  l'aspect  du  malheur  dont  ils  étaient 
«  menacés.  Nous  étions  tous  épuisés 

•  de  fatigue  ;  les  pavillons  étaient 
amarrés  ♦•n  berne.  Plusieurs  vais- 


REN 


455 


<  seaux  anglais  ayant  mis  les  canots 

•  à  la  mer,  les  pompes  et  les  rames 

•  furent  bientôt  abandonnées.  Ces 
«  embarcations ,  arrivées  le  long  du 
«  bord ,  reçurent  tous  ceux  qui  les 

•  premiers  purent  s'y  jeter.  A  peine 

■  étaient-ils  débordés  que  le  plus  af- 
«  freux  spectacle  s'offrit  à  nos  re- 
«  girds  :  ceux  de  nos  camarades  qui 
«  étaient  restés  sur  le  Vengeur,  les 
«  mains  levées  au  ciel ,  imploraient, 
«  en  poussant  des  cris  lamentables , 
«  des  seconrs  qu'ils  ne  pouvaient  plus 

■  espérer  :  bientôt  disparurent  et  le 

•  vaisseau  et  les  malheureuses  vjcti- 
«  mes  qu'il  contemit.  Au  milieu  de 

■  l'horreur  que  nous  inspirait  à  tons 
«  ce  tableau  déchirant ,  nous  ne  pû- 
«  mes  nous  défendre  d'un  sentiment 

•  mêlé  d'admiration  et  de  douleur. 
«  Nous  entendious  ,  en  nous  éloi- 

•  gnant,  quelques-uns  de  nos  catiia- 

■  rades  f<  >rmanl  encore  des  vœux  pour 

•  la  patrie.  Les  derniers  cris  de  ces  in- 

•  fortunés  étaieut  ceux  de:  Vive  la  ré- 

•  publique!  Ils  moururent  en  les  pro- 

•  nonçant.  Plusieurs  hommes  revin- 
«  rentsur  l'eau,  les  uns  sur  des  plan- 
«  ches,  d'autres  sur  des  mâts  et  au- 
«  très  débris  du  vaisseau;  ils  furent 

•  sauyés  par  un  entier,  une  chaloupe 

•  et  quelques  canots,  et  conduits  à 
«.bord  des  vai$se<iux  anglais.  Nous 

•  nous  sommes  occupés,  depuis  cette 
«  malheureu.se  journée,  à  connaître 
«  le  nombre  des  hommes  échappés 
«  au  péril ,  et  d'après  nos  différentes 
«  demandes  verbales  ei  par  écrit, nous 

•  avons  connu  qu'il  s'éXait  sauvé  la 

•  quantité  de  2ft7  personnes  (3),  non 

•  compris  quelques  unesaver  ic  seul 
«  habit  qu'elles  avaient  sur  le  corj^s, 
«d'autres  même  sans  chemise;  ea 
«  sorte  que,  de  723  hommes  qui  coin- 


tpijt^tnç  âne)  •'■> 


df» 


"*»*.- 


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'"REIN 


3^4 


«■j^b^aiétit  'wdff  eéqnipap'aN^arit'  f,e 

'U'fô6,'tJéS(|Mels  il  y'a  èii',«UÏraht  >i]rt»î 

'^'i'^WtiV^s  bi^  Wpje^é^'illiîiS  le  tombât, 
J'«'oiiinàl;fd^&EhFt/i'(I^(|iioi'nôiisaVbiîs 
*4<Hi*Psà(*  Féi)rt'sé'iiTf>r(fcoS*Vfr'l)al  pour 
i'J'Vàlb'iir  \t  Servir  ce,  (piê  dt^  raison. 
'  ir  5t*i^Wé  ReN AUDI. V,  Jean  iruGiM,Loius 

>i'B6tisS^ÂD,  l'EiLKT.  TlîOL'VLE,  Lus-  ' 
' '«i^ET,  Perdin  ,  GnA^JA.^T,  Tallo?!, 
*i^ferc.  »  Cos  olliciers  fiirent  coinbiés 
irégarrls  en  Au^n^trë;  tit  RenaU- 
âin  obfirit  la  Javclir  ée  relournèt, 
à'^aiit  échange,  en  France,  où  il  fut 
promu  au  giatle  de  coiitrc-ainiial , 
grade  soiis  \e]w[  \\  est  compris 
dans  VAlmanach  de  l'an  IV  et  jus- 
qu'à celui  de  l'iin  VIII.  1!  lut  nommé 
connuiindant  d'une  escadre  de  G  vais- 
Seaux,  3  frégates  et  3  corvettes  qui 
appareilla  de  Brest  Ie2  vcntoseati  III. 
Il  partagea,  avec  les  amiraux  Marliu 
et  DeluToie,  le  comiiiandenifut  diine 
flotte  armée  à  Toulon, dans  la  même 
année.  Il  fut  envoyé,  k  G  ventôse 
an  VU  (1799'),  à  N  pks,  comme 
couimandant  d'armes.  Eu  1801,  le 
gôuveriiieHiènt  consulaire  le  nonuna 
inspééteifr-gétiéral  dfS])oris  mariti- 
nies.depuisCherbourg  jusqu'à  Bayi.n. 
ne.  DfS  iufiruiiiés,  ri'sul tant  dfs  fa- 
tigues du  service,  i'ayai'if  t  rcé  à  une 
retraite  prémàtu.iée,il  rentra  dans  ses 
foyers,  ety  mourut  le  30  avril  1809.— 
fiéNÀtiiiiN  (Waz/tifu-Cî/pm?;) ,  né  en 
i76l  à  Saiut-Oenis.île  d'Uleron,  f.  ère 
tiàniédé3èati-Fr.ir  cois,étaii  conimati- 
"d  ih'^éri  >éè'bii  ird  u  rtvi'flfetii^/n  u  cbuibàt 
'dii  i'âl  pï^iinàll'^t  cil  ji.Vi'/àgtà  toits '(« 
'pl'rilsVCtMiJHie  Irri'il  éVhap|)a  au  hati- 
fra^éié.t'riïti'oliduitjirisoiini^crcn  Vii- 
ileteHrcl  A  Sfiti  rJ^fimr  dans  sa  p.ilrie, 
il  Itlt  litimmé  i  tr/).ihVné  de  H  .lit  bOi  d 
et  peVïSiii/in'é,  ;i|tiè^'dé  longs  et  ho-- 
nbi^aljlf!^'àWvJCes';"il''njourut  le  14 


m\i-'¥fMmsm  Mathféd-evi^ién 

iàVait  înipres  de  lui,  le  1 3  prairial,  un 
'liiS^  L'^tifiet  t'aulre,  pii^fés  mousses 
Siir  le'iôfe  da  vaisseaii,  cftrenl  anî^si 
7e;'bonlieur  d'être  recueillis  à  l'in- 
"Sl«^itt  du  naufrage  pjr  le  Caiiot  d'un 
vaisseau  anglais.  L — s— b. 

UENAULT  (AiiviÉE-CÉciLF)J'uhe 
des  p'us  déplorables  victiues  de 'la 
tyrannie  de  Robespierre,  était  lafille 
d'un  marchand  de  papiers,  chargé  de 
beaucoup  d'enfants',  et  qui,  sans  autre 
mobile  que  des  princip'es  de  probité 
et  de  religion  puisés  dans  son  éduca- 
tion et  l'exemple  de  sa  fimille,  ne 
voyait  qu'avec  iiidi|:nation  les  excès 
et  les  désor.lres  de  la  révolution, 
pomme  il  habitait  une  des  rues  voi- 
sines du  tribunal  révolutionnaire, 
d'où  Sfirtaient  iui'essaïu'nent  des  cliar- 
rett^es  d»-  mulheureux  qu'un  menait  à 
réchafdud,  sa  fille,  à  peine  âgée  de 
vingt  ans,  d'un  caractère  lrès-iH|-  •  j 
press!onnable,fu!  exalté*  au  dernier  | 
piiiut  par  cet  aflVenx  spectacle.  Elle 
conçut  pont-  les  autfurs  de  ces  crimes 
une  haine  qui  al'a  jusqu'au  délire,  et 
dans  un  moment  d'exaliation,  shus 
prévenir  personne,  elle  se  rendit, 
dans  la  soirée  du  4  pi'airiat  an  II 
(23  mai  1791),  à  9  heures,  au  do- 
micile de  Maximilien  Robespi'-rre , 
et  demanda  à  le  voir.  Sur  la  décla- 
ralinu  de  la  lille  Diiplay,  qu'il  était 
al»sent ,  elle  montra  de  l'humeur, 
dit  qu'un  fonctionnaire  public  de- 
vait recevoir  tout  le  mcuide,  et  elfe 
ajfiiila  :  «  Quand  nous  n'avions  qu'un 
'•i-oi,  on  entrait  l<inl  de  suite  chez 
'•'lui...  Je  ver<erais  la  dernière  goutle 
«de  iiiiiu  s.uig  pour  oji  «voir  un.» 
Arrêtée  sur-le-ch  uiip.  et  conduite  au 
comité  de' sûreté  gi-'iiérale,  elle  y 
subit  un  iiiterro^'a  oire.  «  Conn  iis- 
«  sez-v(<iis  Robcspiene?  lui  .lit-on. 
« —  Non.  —  Que  lui  vouliez-vous? 
.  —  Cela  ne  vbiis  '^ë^dë  '  pàél  — 


.  Avcg-votts  dit  que  vous  désiriez 

•  un  roi? —  Oui,  car  vous  êtes  cii>q 
.  cents  tyriins,  et  je  me  suis  rendue 
«  chez  Rcibespierre  pour  savoir  cp'U- 
«  aient  est  fait  nu  tyrau.  —  Pour- 
-  quoi  portiez -vous  ce  paquet  (elle 

•  avilit  du  liitgp  dans  un  in-'Hchoir)? 
.  _  M'atieiidant  à  aller  où  vixis  «'lez 
.  me  conduire,  j'ai  été  bien  aise  d'a- 
«  voir  du  linge  pour  en  changer.  — 

•  Qu'enlendez-vous  par  la?  —  La 
«  prison ,  ensuite  la  guillotine.  — 
«  Quel  usage  vouliez-vous  faire  de 

•  deu.v  couteaux  qu'on  a  trouvais  sur 

•  vous  (c'étaient  (lenx  petits  couteaux 

•  à  peine  d'usage  pour  la  table)  ?  — 
«  Aucun,  n'ayant  linteation  de  faire 

•  de  mal  à  personne.»  Comme  lamal- 
heureuse  Cécile  l'avait  prévu,  on  la 
con<iuisit  aussitôt  en  prison;  et  trois 
jours après,Barère  établitsur  ccfdit,à 
la  tribune  de  la  Convention  natio- 
nale, une  immense  conjuration,  dans 
laquelle  figurèrent  Pitt  et  Cobourg, 
tous  les  princes  et  tous  les  rois  de 
l'Europe,  conune  correspondants  et 
complices  d'une  lille  de  vingt  ans, 
évidemment  en  déuicnce...  Qiielques 
jours  plus  tard,  Élie  Lacoste,  au  nom 
des  comités  de  salut  public  et  de  sûreté 
générale,  enchérit  encore  sur  celte 
absurde  déclamation  ;  et  à  la  suite 
d'un  long  rapport  sur  la  conspiration 
<k/'é<ran^er,  que,  seon  lui,  dirigeait 
le  baron  lie  Balz(roy  Lacoste, XXIII, 
61),  il  fit  (lécréler  d'accusation  la 
malheureuse  Ren.>nlt  avec  le  (lorte- 
faix  Admirai  {voy.cc  nom,  LVI,  78}. 
Par  le  même  décret  il  fut  enjoini  aux 
terribles  comités  do  rechercher  les 
conspiraîenrs  dans  toutes  l«  s  prisons, 
et  en  cons  qiience  Cécile  Benaiili  et 
Admirai  parurent,  le  lit)  prairial  an  U 
(17  juin  17iH),d''vaiit  le  sanglant  tri- 
bun jl,  a  veccinquante-deux  au  très  ac- 
cusésdoat  la  pliisgrandeparlie, notam- 
ment les  dames  Saiuie-Amaranthe, 


B^ 


.:^.i" 


leur  étaient  absolumeut  inconnue;^. 
Tons  furent  conduits  immédialtiWDt 
à  l'éclwfau.l  avec  dt-s  chemises, 4'M- 
ges  comme  assa^ssius.  C  ^  '""igfa 
le  plus  la  malheureuse  r  sur 

tout  le  re.«.te  elle  fut  impassible.  (:'»'5t 
que  son  père,  sa  tante  et  un  autre  pa- 
rent fnrrnl  condamnés  el  périrent 
comme  ses  complices...  Leci-mil*  de 
.Mireté  générale  avait  aussi  orJ.'OUé 
l'arrestation  de  ses  deux  ftères,  iw^s 
ils  étaient  soldats  à  l'ariMée  du  Kord, 
et  lorsqu'ils  furent  amenés  à  Parjs. 
la  tyranuiede  Robespierre  avait  ces- 
sé par  la  mort  du  tyrau.  Us  fM- 
reni  mis  en  liberté  sur  la  proposition 
de  Bourdon  de  l'Oise  dans  la  séance 
du  1*^^  fruct.  (août  1794).  Un  autre  dé- 
cret leur  accorda  des  secouis.  et  leur 
fjible  patrimoine  qui  avait  été  contis- 
que  fut  rendu  par  la  lui  de  restitu- 
tion en  faveur  des  héritiers  des  con- 
damnés Comme  l'influence  de  Robes- 
pierre commençait  à  diminuer,  lors 
de  rarre>talion  de  Cécile  Renault  «t 
d'Adiniral,  on  a  pensé  que  c'était  pour 
la  recouvrer  que,  »le  c«»ucertavec  Ba- 
rère  et  Collol  d'Heibois,  il  avait  ima- 
giné ce  complot  ou  celle  Carmagnole^ 
comme  on  a  nooiuié  ce»  rapports 
niensongrrs  que  faisait  ordinaire- 
nienl  Barère.  M  -D  j. 

*UE\AZZI  (Philippe-Marie),  ju- 
riscon-'ultc ,  ne  a  Bologne  le  4  jiiin 
1742,  étudia  (e  droit  d.ins  cette  ville, 
et  se  rendit  â  Rome  ou,  à  peine  â§é 
de  25  ans,  il  fut  uoiituié  professeur 
adjoint  de  d^oit  à  runivfrsiié.  L'an- 
née suivautt-,  1760,  un  lui  coMlia  la 
chaire  de  droit  criminel.  U  publia 
alors  pour  sou  cours  un  traité  qui 
Valu  à  r.iuieur  de  ll.i;ttus«'Sdi>tJuc- 
tious.  C  éiiient  XiV  lui  lit  une  p.n- 
sion.  elle  cardunl  Uerzen  lui  oifpjt, 
au  nom  de  l'i-mp- itur  d'AlienJSgne, 
la  première  chaire  ue  droit  à  l'uni- 
versité   de  P<vi<'      ';iPffi^  qi;p    f]p  S'iiJ 


458 


REN 


côtp  Catherine  II  le  faisait  inviter  k 
se  rendre  à  Saint-Pétersbourg.  Mais 
Renazz.i  était  retenu  à  Rome  par  trop 
de  liçns,  pour  accepter  ks  offres  des 
souverains  étrangers  ;  une  nombreuse 
ffimille,  les  bienfaits  du  souverain 
pontife,  plusieurs  emplois  honorables 
et  lucratifs  dans  la  magislrature  et 
l'administration,  tout  l'engageait  à 
rester  en  Italie,  et  il  y  resta  en  effet.  Ce 
ne  fut  qu'après  34  ans  de  professorat 
qu'il  deniaiiila  sa  retraite,  et  encore  y 
ful-il  obligé  par  le  mauv.iis  état,  de 
sa  santé.  Le  souverain'  pontife  ré- 
compensa ses  longs  services  en  lui 
conservant  tout  son  traitement  et  en 
lui  conférant  des  lettresde  noblesse,  le 
30  sepl.^  1803.  Mais  Renazzi  ne  put 
jouir  que  peu  de  temps  de  ces  fa- 
veurs. Ses  infirmités  ne  cessèrent  de 
le  tourmenter,  et  il  mourut  le  29 
juin  1808.  Ses  restes' furent  déposés 
dans  I  église  Sauf  Eustachi  oîi  on  lit 
son  épitaphe  par  Fabbé  Cancellieri. 
Renazzi  avait  publié  :  I.  Index  con- 
dusionum  in  decisionibus  S.  Rotce 
Romanœ,  Rouk-,  17G0,  in-8».  II.  Pi- 
tonii  iddit.  ad  dlsceptatrone^  ec- 
clesiast.  opus  poslhumiun  recensuit 
Phil.-M.lienaiius,  Rome,  1767,  in-S". 
III.  Elementajuris  cùminalis,  Rome 
1773-1775-1781  ,  3  vol.  in-8».  Ces 
Éléments  furent  adoptés  par  plusieurs 
uiiiversités,onire  auf res Cille  de Pise,. 
et  traduits  en  différentes  langues. 
Ils  ont  été  fréqueninient  réimprimés 
depuis  à  Venise,  à  Naples,  avec  des 
notes  do  Ferrante  ;  à  Sienne  en 
1794 ,  avec  d'autres  ouvrages  de  Re- 
nazzi ;  à  Rome  en  1802  et  1805,  puis 
de  nouveau  en  1819,  in-I2;  euliu  à 
Bologne  en  1825,5  vol.  in-12.  IV.De 
ordine  nm  forma  judiciorum^  etc., 
Rome,  1776,  in-8";  2*^  édition,  1828, 
in -12.  V.  Oratio  de  studiis  littera- 
rum  ad  bonunii^reipub.  refvrendis, 
Bp^  U^J^in-g".  VI.  De  sortilegio 


REN 

et  magia  lihet  singularisa  Venise, 
1792,  i»-8";réimprimé  plusieurs  fols^j^ 
Vil.  Oratio  de  laudibus  Leonis  Jf, 
P.  M,  Rome,  I793,in-8''.VI1I.  Camp, 
di  teoria  e  pratica  per  uso  de'  com- 
missariied  uffiziati  délia  R-  F.di  S  .- 
Pietro,  Rome,  1793,in-8o.  IX.  Annali 
degli  elementi  di  diritto  criminale , 
Sienne,  1794,  1  vol.  in-8<'.  Cet  ou- 
vrage a  été  traduit  en  latin  sous  le 
titre  de  Synopsis  elementorum  juris 
cnmma/is,Rome,1828,  in-8°.  X.Stato 
délia  R.  Fabrica  di  S.-Pietro  dal 
1783  al  92,  Rome,  1795,  in-8''.  XI. 
Notizie  storiche  degli  antichi  vice- 
domini  del  palriarcato  lateranense 
_  e  de'  moderni  prefdti  del  S.  Palaz- 
zo  aposloUco,  Rome,  1796,  in-8°. 
XII.  Oratio  de  optimo  sludiorutn  fine 
adsequendo,  Ronie,.1796,  in-8".  XIII. 
Ragionamento  sull'  influenza  délia 
poesia  suUa  morale,  Rome,  1797, 
in-8°.  XIV.  Sloria  dell'  università 
degli  studi  di  Roma.  etc..  Rouie, 
1803-4-5-6,  4  vol.  in-8".  XV.  Lettera 
al  chiarifisimo  monsignor  Brencia- 
glia,  con  cui  s'illustra  Vintaglio  di 
unniccoloantico,  Rome,  1805,  in-S". 
XVI.  Ricerche  suite  varie  manière 
di  conlrar  le  nozze  e  sui  loro  diversi 
effetti  pressa  gli  antichi  romani. 
Sienne,  1807,  in-8".  Selon  l'abbé 
Cancellieri,  Renazzi  a  laissé  en  ma- 
nuscrits des  vers  latins  el  italiens, 
différents  discours  académiques,  une 
lettre  à  l'abbé  dom  Sepiime  Costanzi 
en  réfutation  du  Contrat  social,  un 
parallèle  de  Deuys  d'H-ilicarnasse  et 
de  Plutarque,  avec  des  notes  sur  les 
mariages  des  anciens  romains,  en 
réponse  aux  Ricerche  de  l'abbé  Coti- 
sai ve  (Adorno,  1,807,  un  vol.  in-8"); 
enfin,  une  Vie  de  Niiolas  Zabatro. 
A -Y. 
IIKMËR  (IÎtienne-Andre),  natu- 
raliste italien,  naquit,  eii  1759,  à 
Chioggia,  d'une fauiilie  de  patriciens. 


RETI 

Après  avoir  fait  ses  études  au  sémî- 
naî're  de  Padoue,  ii  entra  dans  la  car- 
rière de  la  médecine  pour  laquelle 
il  avait  peu  de  goût,  mais  il  se  con- 
forma en  cela  à  la  volonté  paternelle. 
Il  suivit  particulièrement  les  cours 
des  professeurs  Délia  Boiiaet  Léopold 
Caldani;  piiis,  nyant  reçu  le  titre  de 
docteur,  il  fit  sa  pratique  danç  les  hô- 
pit.  iix  de  Boiiigiie  et  de  Fiori'nce.  11 
rentra  ensuite  dans  sa  patrie,  et  tout 
en  exerçant  son  art  il  se  livra^d'nne 
manière  particulière  à  l'élu  !e  de  la 
zooldgie,  q;  i  avait  toujours  eu  pour 
lui  beaucoup  d'attrait.  Ce  penchant 
fut  vivement  encouragé  par  l'ichthyo- 
logue  Barthéluyi  Boltari  avec  lequel 
il  s'était  lié  et  qui  l'aida  de  ses  con- 
seils. Il  approfondit  le  système  de 
Liimée  qui  régissait  encore,  surtout 
au  dfià  des  monts,  toute  Pliistoire 
natur»'lle  ;  car  la  méthode  de  Jussieu 
pour  la  tlassilicatiori  des  i)lautes  n'é- 
tait pas  alors  généralement  admise, 
d'oies  grands  travaux  de  Gt-orges 
Cuvier  n'avaient  pas  «"ncore  païu. 
Renier  s'occupa  surtout  «le  cette  par- 
lie  de  la  zoolugit'  qui  regarde  le>  mol- 
lusques, et  lit,  pour  le  golfe  de  Venise, 
ce  que  Poli  {voy.  J.-X.  Pou.LXXVll, 
371)  exécutait  à  l'autre  exiréuiité  de 
l'Palie  pour  les  mollusques  des  Deux - 
Sicilt'S.  11  avait  déj?  employé  jUu- 
siéiirs  auii'ées  à  de  longues  et  péni- 
bles recherches,  lorsqu'il  publia,  en 
1793,  dans  les  Opuscoli  scelti  d'  Mi- 
lan, un  article  sur  une  espèce  de  Bo- 
trilles,  à  laquelle  Lamark  donna  de- 
puis, dans  VHistoire  des  animaux 
sans  vertèbres  (t.  Ml,  page  106),  le 
nom  de  Polycydus  Renieri.  Après 
neuf  ans  de  silence  il  publia  le  Ca- 
taloyo  ragionato  dclle  conchiglie, 
qui  est  devenu  fori  rare  ,  puis  les 
Tavole  di  zoologia  ^  où  il  essaya 
d'introduire  sa  uouvelle  méthode  de 
classification,  fondée  sur  la  présence 


REN 


459 


elle  développement  sncccssif  du  sys- 
tème nerveux.  Ces  publications  lui 
acquirent  une  grande  réputation  dans 
le  monde  savant ,  et  il  n'aurait  tenu 
qu'à  lui  d'accepter  une  place  hono- 
rable à  Paris;  mais  il  la  refusa,  afin 
de  ne  pas  trop  s'éloigner  de  ses  chè- 
res lagunes,  où  il  faisait  chaque  jdut 
de  nouvelles  et  intéressantes  décou- 
vertes. Il  les  quitta  cependant  à  la 
fin  de  rani)ée  1806  pour  aller  pren- 
dre possession  de  la  chaire  d'histoire 
nalure'lle  à  I  iqueile  Muscati ,  alors 
directeur  général  de  Pinstruction  pu- 
blique, l'avait  fait  nonmier.  Renier 
s'occupa  alors  de  mettre  en  ordre  et  , 
de  réduire  en  un  corps  de  traité  toUt 
ce  qu'il  avait  écrit  sur  les  mollus- 
ques ;  mais  soit  que  les  ressources 
pécuniaires  lui  manquassent ,  soit 
tout  autre  motif,  il  ne  publia  point 
son  ouvr.rge.  C'esi  vraiusent  une  perle 
pour  la  science,  car  tous  les  savants 
à  qi;i  il  a  été  donné  de  le  consulter 
n'i  n  parlent  qu'avec  les  plus  grands 
éloges,  téuîoin  le  célèbre  Brocchi  dans 
sa  Conchiologia  fossile.  Comme  Re- 
nier avait  recueilli  uneiuiuiense  quan- 
tité d'animaux  marins  et  qu'il  eu  pos- 
sédait plusieurs  doubles,  il  fut  invilé 
par  le  gotivernement  à  former,  avec 
lesnpe-llu,  vingt-quatre  collections 
destinée»  aux  lycées  alors  existants 
dans  le  royaume  d'Italie.  Pour  les 
rendre  plus  complètes,  il  alla  passer 
de  nouveau  quelque  temps  à  Venise, 
et  il  eut  ainsi  occasion  d'enrichir  en- 
c  ire  son  musée.  Les  événements  po- 
litiques n'influèrent  en  rien  sur  la 
carrière  de  Renier.  Il  fut  conh'rmé 
dans  sa  chaire  en  1814,  et  il  professa 
sans  interruption  jusqu'en  182fi,  épo- 
que à  laquelle  il  fut  appelé  à  Vienne 
par  l'empereur  François  l*"",  qui  avait 
acheté  sa  collection  de  mo.'liisqueset 
qui  le  chargea  du  soin  de  la  placer 
dans  le  local  destitié  X  cet  objet.  Après 


m\ 


Rtff^ 


'njbaiq  n9i.d 


'nw,Jl^iei^^nfVé^^   se  (l'titf^  èHcvafâ  ïrai^^  qm 
)pS  a'('iiiiivérîSM<!  iiîë     pfeïérfnlf  èif  Angletern;  avcc^uU-' 


f)Ti»ï(iiré' Sfi'tJ  coui 

Pajiouè,  <iùrnf>pHait^à<js$Tla  |)iib!i-'  I;i<riiié-le-C<»n<iu^iMnt.  Le   père  ^^eT: 

catJoiidcs  Èléinenls  de  minéralogie  Reiinell,cj|iiiaiiie  d'ariilli-rip,  fut  tue' 

(Ja'ili  avait  CHnïdii-nCée  dès  1 8*25,  et  à  la  bataille  de  Lawl'eldf,  et  l'cJuca-r 

qïi'iinemairtdifériè  voyage  de  Vienne  lion  d»  jeune  orphelin  Ibuiba  k  là 

a?&iierHftiitsuspel*dre. Quelque  int^rite  charge  d'un  de  ses  cousins,  le  doc- 

qii'aJt'cet  ouvrage  coniiiie  livre  élé-  leur  Rontiell,  qui  s'aicjuitta  d^  cette 

meriféire,  on  regrette  que  l'auteur  y  tûcheavec  un  zèle  paternel  et  un  suc 

aft'cdttsïlcré  un'tcinpsdont  il  eût  pu  ces  dont  il  fut  flatté;  car  d.ins' sa 

fâr'éRhhittlléurÙ!<age,enîfui(5ru)rant  vieillesseil  ne  manquait  jamais,  lors- 

s^^n^gHind  o^iVi'iigè  s^ur  les  molltjs-  qu'on  faisait  de v;  nt  lui  l'éloge  du 

grand  gi^ographc,  de  dire  avec  un 


qiifes';  En  effet,  les  Elemenli  di  mine- 
rà/b^»a,  bien  que  conçus  d'après  un 
plan  nouveau  f  n  i)artie,  n'offrent  dans 
le  funil  rien  d'assez  remarquable  pour 
ajbuterà  la  gloire  de  Renier,  ei  ils 
OKt  de  plus  le  défaut  d'être  écrits  dans 
uri  style  fort  négligé  et  incorrect. 
L'oirvrage  cotrii)lèt  devait  avoir  ileux 


juste  orgueil  :  «  C'est  moi  qui  ai  ap- 
«  pris  à  lire  à  ce  g^rçoii.  »  A  l'âge  de; 
14  ans,  Reiiuell  entra  dajis  la  marine, 
et  pasa  dans  l'Inde  avec  l'ainirai  ; 
Hyde-Parkcr.  C'é  ait  à  IVpoque  où  fa 
Compagnie  des  Indes  ân;;l,iises,  dé- 
pouiilaiii  ce  caractère  piudeiitet  mo- 


voîunies.  mais  le  premier  seulement  deste  d'une  sociéié  mercantile  qu'elle 

a  été  publié  ((\uloue,  H2.')-28,in-8'').  avait  conservé  jusqu'alors,  cessa  de 

"Vers  la  même  époque  Renier  livrait  à  vouloir  agir  sous  la  protection  fhs  ,[ 

la  presse  ses  Nuove  Tavole  di  zoolo-  souverains  du  p.ivs,  et,  pour  se  sous-..! 

gia,  dans  lesquelles  il  c  assa  tmis  les  traire  à  leurs  exigences,  se  lança  dans 

animaux  d';ipiès  la  méthode  proposée  les  chances  de  la  guerre.  Lord  Clive, 

par  Virey,  qu'il  avait  tâché  de  per-  par  la  victoire  de  Plassey,  assura  à  la 

fectionner.  Renier  mourut  à  Padoue  Compagnie',  sur  ces  riches  contrées, 

le  6  janvier  1830.  Il  était  membre  celle  prééminence  qui   lut  la  cause 

honoraire  de  l'Institut  italien,  et  il  ap-  principale  de  ces  prodigieux  accrois- 

partenait  à  plusieurs  autres  sociétés  st  nienls  de  la  puissance  anglaise  que 

savantes,  n.dionales  et  éirangères.  nous  avons  vus  se  développer  de  nos 

Son  Éloge  fut  lu,  le  18  janvier,  par  joiu's.  Durant  cette   lutte  sanglante, 

M.  r^bbé  A. -M.  Caiagi'.o,  dans  la  le  jeiipe  Reunell  se  lit  remarquer  par 

CithédraledeCtiioggli,  patrie  du  dé-  s  s  talents  ei  sa  bravoure.  En  1761, 

funt^,  et  iuqirimë  diihs  ta  même  vilif.  il  se  dis'iiigua  par  p'usieurs  actions 

M.'T.'-^.V;^CatuJlo  a  consacé  à  ce  sa-  d'éclat.  La  g  lerre  n'était  cepiuidaiit 

vah'é*'iihe''rt<')ïïce. qu'on  trouve  dans  pa.^  remploi  veisJequel  l'entraînaient 

le  t.^V>tdAÏaf/?/»r/ofrCfl  ï7a/îV7n«.Ay,j  .^.^•es   pei.ciiauls.   La   pro.fes>ion  qu'il 

îlENIKR-^nClIlKL  (Mme  JtsTi- '/avait  .embrassée    dirigea  .^ui    es- 

ne).  foy.  Mxiiin,.  LXXiy,  iil.  pri"   vers  les  ^eienceç  exacte*.  Se.s 

KKXXKI.ll   (Jacçu^^s),  'membre  progrès  eu  ce  genre  lui  iu^p;rèT,eut 

ass(»  '    " 

le 

d.i 

daitVl(<f(ùisl()hg-temps,  dans  ce  lipu^^j  le  calcul  pei 

un pïM  hi'ènVet'elVe se preienda'itis-  ■résultats  certains. ' Renne» ' était   «i. 


,  bien  péoëtré,  poux  la  prospérité  4^> 

sii^'  pays,  «le  Pimportonce  il'-s  pro- 
gr^s  (îe  rfiyiIroiîraiihiV,  que  cVst  par 
dt'S  travaux  sur  celte  branche  de  lu 
science  q'i*iî  a  coamie/ice  sa  cairicre 
efj'qïi*il  Ta  lenniiu'f.  Li  pr«-iiiiore 
càhê  (iu'ir  publii  Tul  celle  du  banc  et 
dê^  coiiirints  du  cap  «les  A.i^uilU'S,  k 
iri^i^tféiiiiié  sud  île  l'AfriciHe.  Il  .ic- 
Codipagnà  cette  carie  d''iiii  iiieiiigirCt 
où  jf  donna  la  descnj>ti«jn  de  celle 
parlie  (le  l'Océtii  sans  o<*sse  traversée 
par  les  vaioseaii.v  de  raiicicu  et  du 
noiiveau  monde.  Ce  mémoire  a  élé, 
quarante  ans  après,  réimprinié  pres- 
que en  entier  dans  le  Navigateur 
oriental  de  M.  Purdy,  cumme  une 
des  meilleures  instructions  que  l'on 
puisse  donner  4UX  marins  pour  ,cc^ 
parages.  Mais  Dieu  avant  celle  pre- 
mière publication,  Reunell  avait  éic 
employé  à  lever  le  phn  du  banc  de 
sable  nommé  le  Pont  d'Adam^  qui 
ferme  le  passage  aux  »  aisseaux  eulre 
le  continent  et  Ceyjan.  et  qui  les 
oblige  à  faire  le  tour  île  cette  grande 
île  quand  ils  veulent  se  rendre  d'une 
côte  de  l'Inde  à  Tautre.  R-  nnell  af- 
firma dès  lors  qu'un  p  uvaii  franchir 
ce  passage  par  le  détroit  de  R.imisse- 
ram,  et  il  proposa  d'en  creu-^er  le  lit 
de  quelques  pieds  pour  en  faciliter  la 
navigation.  Mais  comme  le  mémoire 
qu'il  enrova  au  gouvernement,  suï 
sujet,  était  l'ouvrage  d'un  jeune 
:iime  alors  sans  réputation,  ou  n'y 
lucune  attention;  ce  n'est  que 
ncs-réceinment  qu'un  vaî-seaii  tirant 


RlLÎti 


iûtk 


notre  pays  la  çéai^  des  Dupleii  tt 
des  Bus>y,  aidé  d'iui  trop  peli4««ft»i 
bre   de   solJals    vaieurfujc,  fur^nS 
anéanties   par   le  ix^jléicBuclu  eoa 
17o3    La  paix  ne  laissait  à  Benlle^^ 
qu'un  espoir  incertatu  et  éluigué  dct 
s'aviincer  dan^  la  uiariiie,;  il  qf<itlat> 
cei  te  arme  Uirsqu'ii  »'y  a v.ait>  ^tu$i4ip 
dan»T>  il  eour  r  eu  y  resta i.i^loijstii 
que  l'rmfdoi  de  «es  '.alcnts  y  élAit  de-^& 
venu  moins  uécessaire  il  prutitikdes- 
preuves  qu'il  «vaii  d-winees  de-,  son. 
h  ibiletéet  de  sou  savoir  pour  eatrcr, 
à  rage  de  24  ans.  dans  ic  corps  des  - 
ingénieurs  militaires  au  seruce  de  (a 
Compagnie  des  ludes  11  r  fui  nommé 
capiu  ne,  et  |ieu  ajirès  coiitmi^Sionné  ^ 
arpenteur-générai  uu  bengaie  el  «Hio 
Bahar.  En  celle  qualité,  il  s'occupA;; 
de  dresser  des  cartes  de  ce*  deux  i 
grandes  provinces  qui,  au  couimen- 
cemenide  ce  siècle,  cou»plaieul  qua-  = 
rante  millions  d'iiabitanis.  Reunell/ 
niit  sept  ans  à  leruuuer  sou  travail,,,) 
et  en  le  rendant  à  la  Compagnie,  ili 
lui  demanda  a  se  retirer  dans  son 
piys  natal.  Sa  &auté  éuil  ruinée  par 
les  fatijjues  el  les  blessures  graves  , 
qu'il  avait    reçues    eu    couibuuaiit,; 
Contre  nies  populations  in>oumise«,r,i 
particulièrement      les    Sauyassys  , 
sorte  de  religieux  pénitents  qui  se 
réunissent  en  troupes    uornbiensç»  <, 
pour  visiter  les  lieu.\  de  pèlerinage,  [/. 
et  qui  uiendirnt  k  main  armée^  ^^i^!  o 
nell  dtmanda  sa  rètraiie.   Le  -goUj^,,] 


verneur  et   sou  conseil   deoidèrept'}^ 
spontanément  qu'il  /ui  serait  allo^i^., 
sept  pteils  deau ,  ayant  traversé  ce     une  pension  de  500  roupies  par  mois,  .5; 
détroit,  on  se' re'ssouviiit  des  asser-  "environ   15,OoO.  fr.,  yjr,  au;,  maif 
tious  lie  Re.inell,  et  l'on  reconnut     pour  que    cette    iléoi>  on   «dl    joV^^ 
la   possibilité  d'éxéoutér  un   projet     effft,  il   fallait  qu'elle  fût,  jipfjrouj 
suggéré  par  lui  ily  a  plds  de  "soixante    'véépaf'  la  cour  jîes  directeurs  rt»sji-,, 
an.s.  Là  prise  de  Pun'lichéry  niit  fîh     daiil  à  lion  1res., tTanslei^ieltrç^  qui    . 
à  !a  luîtf  iiii  oxisîait  dans  l'Inde,  èii-     furent  écrites  à  ce  st.jet  et  qiu  pous   ; 
ire  (t  l'Angleterre. LfS  es-  '  avons  eUcs  sous  les  yeux,  il  est  dU 

it  pour  .que  éfetic  Davieur  acco'râée  au  eapi- 


pe; 


ti..^^  <l n'avait^  fait  'naîtriè^ 

*    IfBT^    «j»On^H     ,'f»i6tl90 


462 


REN 


taine  Rennell ,  et  qu'il  n'a  point  sol- 
licitée, s'écarte  des  règlements,  que 
cependant  elle  ne  peut  pas  y  porter 
atteinte,  parce   qu'aucun  officier  de 
la  Compagnie  n'a  rendu  des  services 
qu'on  puisse  égaler  aux  siens  ;  qu'au- 
cun ne  s'est  exposé  à  de  plus  grands 
dangers  et  ne  s'est  montré  aussi  peu 
soucieux  de  l'avancement  de  sa  for- 
tune ;  qu'aucun  enfin  n'a  été  plus  to- 
lérant envers  les  naturels  du  pays,  et 
n'a  plus  bontribué  à  faire  respecter  le 
nom  anglais  par  sa  bravoure  et  à  le 
faire  chérir  par  son   humanité.  La 
cour  des  directeurs,  en  approuvant 
la  décision  prise  par  le  gouverneur 
et  son  conseil,  accéda  encore  à  une 
autre  demande  qui  lui  fut  faite,  ten- 
dant à  ce  que  ^e  cipitaine  Rennell 
fût  promu  au  grade  de  major.  C'est 
donc  avec  ce  titre  que  Rennell  revint 
en  Angleterre  an  co)nmencement  de 
l'année  1777.  Comme  il  se  retirait  du 
service  actif,  il  dut  renoncer  à  l'es- 
jîoir  d'obtenir  dans  l'armée  un  grade 
militaire  plus  élevé  que  celni  dont  il 
venait  d'éire  pourvu.  Mais  ce  simple 
titre  de  major,  qup  l'on  s'est  habitué 
il  ne  point  séparer  du  noirt  du  géo- 
graphe anglais,  pour  le  distinguer  de 
ses  homonymes,  semble,  lorsqu'il  est 
question  de  lui,  acquérir  un  lustre 
supérieur  aux  antres  titres  ;  tant  il 
est  vrai  que  le  culte  rendu  à  la  science 
produit  des  etteté  pareils  à  ceux  d'un 
culte   plus   vénérable;  il   élève   les, 
humbles  chargés  de  bonnes  œuvres, 
et  abaisse  les   superbes  enflés   des 
vains  honneurs  du  monde  !  Aussitôt 
après  son  retour  en  Angleterre,  Ren- 
nell iit  paraître   la  Description  de 
toutes  les  routes  du  Hengale  et  du 
Jiahar,  peiit,  volume  in-12,  (|ui  n'é- 
tait que  le  précurseur  de  l'atlas  de 
ces  mêmes  contrées  en  2*i  feuilles, 
publié,  en  1781,  par  ordre  de  la  Com- 
pagnie des  indus.  Dix  ans  aprc^  cette 


REN 

publication,  sir  Joseph  Banks  eut, 
dans  une  séance  publique^  des  prix 
à  décerner  pour   les  mémoires  les 
plus  utiles  publiés  dans  le  cours  de 
l'année  :  Rennell  avait  obtenu  un  de 
ces  prix  ;  et,  dans  celte  occasion,  le 
président  de  la  société  royale  de 
Londres    après  avoir  parlé  du  iwé- 
moire  couronné,  fit  ressortir  le  mé- 
rite de  l'atlas  du  Bengale  et  du  Bahar 
par  un  aveu  plus  important  encore  à 
recueillir  pour  l'histoire  des  progrès 
de  la  géographie  en  Europe  que  pour 
la   gloire  de   Rennell.    Sir   Joseph 
Banks  dit  alors  :  «  Que  la  nation 
«  anglaise,  "qui  se  flatte  de  marcher 
a  au  premier  rang  pour  l'avancement 
«  des  sciences,  serait  Irès-heureuse 
"  si  elle  pouvait  se  vanter  de  possé- 
«  der  des  iles  de  la  Grande-Bretagne 
«  un  atlas  de  cartes  aussi  exactes  que 
«celui  que  Rennell  a  dressé  pour 
<•  dès  provinces   indiennes   qui   les 
«  surpas-^ent  en  étendue  ;  et  il  ajouta 
«  que  les  parties  de  cet  atlas,  levées 
«  par  Rennell,  sont  supérieures  aux 
«  meilleures  cartes  des  comtés  an- 
«  glais  publiées  jusqu'à  ce  jour.  »  Le 
m;ijor  Rennell  avait  été  reçu  en  An- 
gleterre avec  un  empressement  égal 
à  la  ré()ûtatîon  qu'il  s'était  faite  et 
aux  services  qu'il  avait  rendus.  Par 
ses  qualités  sociales  plus  encore  que 
par  ses  talents,  il  se  fit  des  amis  puis- 
sants. Un  emploi  élevé,  qui  cou.ve- 
nait  à  la  carrière  qu'il  avait  parcou- 
rue, lui  fut  offert;  il  le  refusa;  mais 
il  montra  beaucoup  de  satisfaction 
lorsqu'il  fut  successivement  nommé 
membre  de  la  société  royale  de  Lon- 
dres, de  l'Institut  de  France,  de  l'a- 
cadi'inie  impériale  «le  Saint-Péters- 
bourg, delà  société  de  Gœltingue. 
Comme  Fontenelle,'il  aurait  pu  dire  ; 
«  De  'ons  les  titres  de  ce  monde,  je 
•  n'ai  ambitionné  que  le  titre  d'aéa- 
«  déuncien.  «  Si  Rennell  ne  voulait 


REN 

accepter  ni  dignités,  ni  richesses,  ce 
n'était  pas  pour  se  livrer  au  repos, 
mais  pour  conserver  son  indépen- 
dance et  pouvoir  s'adonner  entière- 
ment aux  projets  qu'il  avait  conçus. 
Il  aspirait  à  une  renommée  plus  haute 
que  celle  qu'il  s'était  acquise  par  la 
publication  de  ses  cartes  :  il  voulait, 
par  ses  écrits,  prendre  place  parmi 
les  géographes  critiques  ;  ou  plutôt 
il  ne  faisait  qu'obéir  à  cette  passion 
pour  la  géographie  qui,  une  fois 
qu'elle  s'est  emparée  de  l'intelligence, 
s'accroît  à  mesure  qu'elle  la  satisfait, 
et  qu'elle,  lui  fournit  de  nouveaux 
moyens  d'acquérir  une  connaissance 
plus  complète  du  globe  que  nous  ha- 
bitons, des  phénomènes  qui  s'y  pro- 
duisent, des  productions  qui  s'y  re- 
iiuuveUent,  des  peuples  qui  ont  paru, 
et  qui  s'agitent  sur  la  surface.  La 
pensée,  quand  elle  est  parvenue  à  se 
maintenir  à  cette  hauteur  dans  le 
temps  et  dans  l'espace,  n'aperçoit 
plus  les  événements  qui  se  succèdent 
et  les  intérêts  qui  se  combattent  qu'à 
1.1  distance  où  les  placera  un  jour 
l'histoire.  Le  premier  mémoire  géo- 
graphique que  Renneil  publia  con- 
cerne les  deux  grands  fleuves  qui, 
dans  le  Bengale,  coulent  l'un  vers 
l'autre  de  deux  directions  opposées, 
se  réunissent  en  un  immense  delta  et 
versent  dans  l'Océan  80,000  pieds 
cubes  d'eau  par  seconde,  Reuuell  a 
déterminé  leur  niveau ,  sondé  leur 
lit,  observé  leurs  crues  périodiques, 
mdiqué  les  courants'  qu'on  y  ob- 
serve et  l'effet  des  vents  et  des  mous- 
sons à  feurs  embouchures.  Trois  ans 
après  cette  publication,  il  fit  paraître 
sa  carie  de  Tlndouslati  en  deux  gran- 
des feuilles, et  il  laccumpagua  d'un 
mémoire  ou  il  rendit  compte  de  sa 
construction.  Une  fusion  habile  d'un 
grand  nombre  de, documents  nou- 
veaux et  .importants,  une  conuais- 


f:jREN 


463 


sance  complète  de  tout  ce  qu'on  avait 
fait  sur  le  même  sujet ,  l'histoire 
des  temps  anciens  éclaircie  par  la 
science  moderne,  des  détails  statis- 
tiques et  politiques  d'un  grand  in- 
térêt, une  méthode  savùnti-  et  luci- 
de, un  style  correct  sausaifectation. 
tels  étaient  les  divers  genres  de 
mérite  de  cette  nouvelle  production 
de  Renneil.  Elle  lui  assigna  le  pj«e- 
mier  rang  parmi  les  géographes  vi- 
vants; car  d'Âiiville  venait  Je  mou- 
rir. On  n'a  point  d'exemple,  pour 
une  œuvre  de  discussions  géographi- 
ques, d'un  succès  égal  à  celui  du  até- 
moire  de  Renneil  sur  l'indoustan.  Il 
s'en  fit,  en  moins  de  dix  ans,  quatre 
éditions,  il  est  vrai  que,  dans  cet  in- 
tervalle de  temps,  l'auteur  ne  cessa 
point  d'y  travailler,  et  que,  par  l'im- 
portance des  additions  qu'il  y  iit, 
chaque  éiiilion  pouvait  être  considé- 
rée comme  un  nouvel  ouvrage.  La 
troisième  fut  remarquable  par  une 
nouvelle  carte  dei  pays  situés  entre 
les  sources  du  Gange  et  -la  mer  Cas- 
pienn»',  accompagnée  d'une  savante 
analyse.  Mais  la  quatrième  excita  en- 
core à  un  plus  l.aut  point  la  curiosité 
publique,  parce  qu'elle  parut  à  l'é- 
poque de  la  guerre  avec  TippiJO- 
Saïb,  et  que,  par  les  augmentitaons 
qu'elle  contenait,  elle  devint  un 
utile  instrument  de  la  conquête.  Ren- 
neil avait  ajouté  à  celle  éiliiion  mie 
nouvelle  carte  de  la  péninsule  de 
rinde,  où  se  trouvaient  tracées  les 
limites,  des  possessions  anglaises, 
coaformémeni  au  traité  de  1792,  con- 
clu entre  Tippoo-Saïb  et  lord  Corn- 
wallis;  Le  géographe .  lut  bientôt 
forcé  de  changer  ces  limiies;  malgré 
la  paix,  !es  États  de  Tippoo-Saïb  fu- 
rent de  nouveau  envahis,  puis  con- 
quis et  réunis  aux  autres  possessions 
de  la  Compagnie.  Renneil  retoucha 
sa  carte,  et  la  publia  de  uouveaa 


«^ 


i{m 


ain^t  c^ri^)^  av»c  la  di^edu  9  avHl 

1800.  Nous  répétons  celte  tlafe,  parce 
qu'elle  ilidique  la  Ijii  de  tons  les  tra- 
vtiix  d«  Rciirifll  sur  rindoiisiaii. 
Un  sujit  jiliis  dilicile  à  écluircir  et 
iton  ttioins  iui|ioriaiit  pour  la  scieii- 
cé:  vint  s'yH'rir  aux  «it'ilitaùoiis  de 
RentK'il^t  fitt  le  but  de  ses  «ilurts. 
Une  soett-i€  s'étaii  fouuée  |K)nr  cih 
C()ur«g<»r  !*■*  ddcou vertes  ei»  Afrique, 
le  iiKjiii-s  cofiiiit  (les  cuntiiienlSi,  et 
ce^ieiidritit  celui  sur  lequel  sidisisteut 
les  plus  anciens  ,  les  plus  gi.iiuuies- 
qucs  iHOuumeuIs  de  IhoUMue. Cette 
s-aîiété  uiv«)qua  le  secours  de  Reii- 
xvetàs  et  cVst  pour  être  utile  aux  voya- 
geurs <juVhe  se  proposait  d'euvoyer 
au  delà  du  grand  désert  qu'il  com- 
piosa  ce  uiéuioire  sur  le  calcul  des  dis- 
taoces  paicourues  à  dos  de  diaujeau 
dans  un  temps  donné,  qui  fut  cou- 
ronné par  la  Société  royale  de  Lon- 
dres. Les  communications  du  .major 
Houghtou  et  du  consul  M.igra,  ies  re- 
lations des  voyages  de  Ledyard  ,  de 
Mongo-Park,  «le  Hornemaun,  fourni- 
ront a  Renne! I  les  moyens  de  dresser 
ces  cartes  et  de  conipo'cr  ci-s  s<tvauis 
mémoires  qui,  en  179i),  1794,  1798 
et  1802,  ont  enrichi  le  recueil  de  la 
société  africaine^  et  marqué  dans  cet 
intervalle  luus  les  [,rogrès  de  la  géo- 
graphie dans  le  nord  de  l'Afrique. 
Reuneil,  à  rexeifipiede  d'Anvilleren- 
Irepril  aussi,  k  l'iiide  de  Ptoléuiée  et 
des  Arabes ,  de  suppléer  k  l'iusulti- 
sance  des  explorations  modernes,  et 
(le  préparer  les  voies  aux  voyageurs 
futurs.  Déveiié  k  celle  iioble  tâ- 
che, Rennell.  comprit  la  néeeSMté 
d'embrasser  dans  sou  culier  laiîcience 
gwgiaphique  et  de  jscruter  les  no- 
1i»ns  que  les  auleur.s  anciens  pou- 
vaient nous  {(utrnir  pour  la  conuai.s> 
.«ntac«>.  du  globe.  Il  prouva  que  ses 
plus  importanls  travaux  sur  la  géo- 
^aphie  moderne  notaient  que  des 


REK 

délassements  aux  travaux  plus  oons«> 
dériiblt-s  qti'il  avait  entref>ris  sur  la 
géo>iraphie  ancienne,  eu  pui  liant, 
eu  1800,  son  Sysiime géographique 
d'Uérodole,  accouip  .gué  lie  onze  car- 
ti'S.  C'est  de  tous  ses  ouvragm  celui 
qoi,  a)uès  son  uiémoire  sur  l'indoo»:- 
tau,  s'est  acquis. un  {dus  grauti  noift^> 
br^".  de  leceurs.  Connue  pour  les  su^t 
jels  qu'il  avaii  déjà  iraiiés,  Beiiuèllp 
tnmv.iit  encore  raiiemion  dupubhc^ 
lettié  disposée  à  se  iixer  sur  Tobjêtl 
de  ses  reciieichts.  Les  observatiun»r 
scioiitiliqties  des  Français  en  I^gyple^' 
celles  (le  plusieurs  voyageurs  eu  Asie- 
Miueure  et  en  l'erse,  aviiient  singun  ; 
lièiOinerit  rectilié  l'opinion  qii'o»s*é.i<; 
taii  foriqée  depuis  loug-Icmps  sur' 
l'historien  grec.  L'ouvr.ige  de  Ren-^ 
nell,en  faisant  mieux  counaitrc  Hé- 
rodote   sous   les    rapports   géograv 
pbiques,  n'a  pas  peu  contribué  à'- 
cette  justice  tardive.  Mais,  dans  îftî 
cours  de  son  travail,   le  géograpliéi' 
anglais    avait    été    singuli^reriieirtl' 
frappé  du  défaut  de  connaissanc^SP 
précises  des  modernes  sur  les  con-* 
Irées  les  plus  aneieunement  civili- 
sées, sur  celles  où  s'étaient  form<^s 
les  plus  grands   ét.ibliîiseuients,  li- 
vrées L'S  plus  grandes  batailles,  qui; 
renfermaient  les  jilus  longues  routeS' 
p.ircourues  par  des  armées  et  des  ca-  ' 
ravanes,  ou  mesurées  par  desarpen-».' 
teurs  de  l'ansiquité.  il  vit  que  ce  qu*it - 
y  avait  de  plus  important  k  faire  poak^  * 
les  sciences  historiques,  c'était  d'é- 
claircir,  par  tous  les  documents  des 
temps  anciens  et  mo<lerne<,  la  géo- 
gr,iphie  de  la  pnriie  occidentale  d«-*' 
l'Asie,  depuis  l'Iiidus  jusqu'au  Pont-;' 
Kiixiu.  depuis  la  mer  Caspienne  jus- 
qu'à l'Océan  indien.  Il  s»*  livra  avec 
ardeur  aux  recherches  ([u'il  avait  eon- 
çu»s,  ef  dont  il  a  développé  le  plan 
dans  nue  de  ics  |)réfaees.  Il  divisait'' 
son  ouvrage  en  trois  pirties  disfinc-' 


tttgoàans  k  pri>Bu(>rp,  il  commence}! 
pat*  HihiiT  la  géographie  posilive  <fes 
vastes  contrées  soumises  à  ses  inves- 
tigalions  ;  dans  la  seooii Je,  il  traitait 
fie  JVïpédilion  de  Cyriis  et  de  la  re- 
traite des  iJix  mille  Grecs  qu'accom- 
pagna Xf'nophon  :  ta  troisième  partie 
derait  être  censacrf^e  aux  marches 
d'Alexatidre-I^Grand  et  à  ses  con- 
qtiéles.  La  première  partie,  act-ompa- 
gnée  d'un  atlas  de  quatorze  feuilles  , 
fat  publiée,  mais  seulement  après  la 
mort  de  l'auteur,  parce  qu'il  s'occupa 
toujours  à  recueillir  de  nouveaux  ma- 
tériaux pour  la  perfectionner.  Il  fit 
paraître,  de  son  viv;fnt,  la  seconde 
partie,  qu'il  accompagna  de  trois  car- 
tes exécutées  avec  un  grand  soin; 
mais,  plus  jalotix  des  progrès  de  la 
science  que  du  succès  de  ses  ouvra- 
ges, toujours  sincère  et  toujours  mo- 
deste, il  indiqua  lui-même  ce  qni  res- 
tait encore  à  faire  pourécîaircirdune 
manière  complète  le  sujet  difticile 
qn'il  a  traité,  et  ce  qui  lui  avait  man- 
qué pour  asseoir  sur  des  bases  fixes 
et  certaines  les  résultats  de  ses  re- 
cherches. H  ne  semble  pas  qu'il  ait 
trouvé  le  temps  de  composer  la  troi- 
sième partie  qui  complétait  le  plan 
qa'il'  s'était  tracé;  mais  il  nous  ap- 
prend que  plusieurs  dissertations  dé- 
tachées, qu'il  a  publiées,  devaient  for- 
mer autant  de  clmpitres  de  ce  grand 
ouvrage.  Dans  ce  nombre  sont  ses 
Observations  sur  la  plaine  de  Troie, 
qu'il  fit  paraître  séparément.  On  sait 
que  cette  fois  il  eut  le  tort  de  trop  se 
lier  à  la  périlleuse  parole  d'un  doc- 
teur Carliste,  dont  il  reçut  une  carte 
qu'il  croyait  exacte,  et  au  moyen  de 
laquelle  il  se  flatta  de  pouvoir  triom- 
pher des  difficultés  d'un  sujet  qui  est 
devenu  de  nos  jours  le  thème  chéri 
des  illusions  des  antiquaires.  Mais  ne 
nous  en  plaignons  pas  ,  puisque  ces 
illu«i"ni  nous  ont  valu  de  si  bonne» 
twxiu. 


•lescriptiûns  d'un  canton  de  i'As<>qn« 
la  mythologie,  ia  poésie  et  l'histoire 
ont  rendu  célèbre  depuis  tant  de  siè- 
cles. 11  faut  encore  mettre  au  nviu- 
bre  des  fragments  intéressants  et 
l'ouvrage  que  Bennell  avait  projeté 
les  mémoires  sur  la  topographie  de 
Babylone;  sur  les  ruine»  éécoutertes 
à  Djerasch^  par  M.  Seetzen,  en  1806-, 
sur  les  voyages  de  l'apotresmntPaMlf 
qui  ont  enrichi  le  recueil  de  ia  so- 
ciété archéologique  de  Londres.  Mais 
Rennell  publia  dans  ce  nnèaie  recueil 
une  dissertation  sur  le  lieu  cùJulee 
César  débarqua  dans  la  Grande- 
bretagne^  qui  ne  se  rapporte  pius  a 
cet  ordre  de  travaux,  mais  à  ceux 
dont  il  n'avait  jamais  cessé  de  s'occu- 
|>er  sur  l'hydrographie.  Eo  effet,  dès 
1793,  il  avait  lu  à  la  société  royale  de 
Londres  un  mémoire  sur  un  courant 
qui  prévaut  à  l'ouest  des  îles  S<jrlin- 
gues.  Le  nom  de  Rennell  fut  donné  à 
ce  courant,  parce  qu'en  le  faisant 
bien  connaître,  il  avait  contribué  k 
garantir  de  grands  dangers  les  ma- 
rins qui  veulent  traverser  la  Mauclie. 
Lorsque  le  major  Rennell  eut  marié 
sa  tille  au  contre-amiral  Tremayue- 
Rodd,  les  progrès  de  l'hydrographie 
devinrent  pour  lui  l'objet  d'un  inté- 
rêt plus  pressant.  C'est  alors  qu'on 
le  détermina  k  entreprendre  ce  grand 
ouvrage  sur  les  couraras  de  VOcéan 
dans  la  mer  Atlantique  et  éUins  l'O- 
céan indien^  qui  occupa  les  dernières 
années  de  sa  vie.  Le  duc  de  Claren- 
ce,  depuis  roi  sous  le  nom  de  Guil- 
laume IV.  qui,  comme  Rennell,  a^it 
commencé  par  être  wtdsAipman  (élè- 
ve), communiqua  au  géographe  les  ob- 
servations qu'il  avait  recueillies  du- 
rant sa  longue  carrière  de  marin,  et 
toutes  celles  dont  il  pouvait  disposer 
comme  chef  de  l'amirauté.  C'est  à  l'ai- 
de de  ces  documents  et  de  tous  reux 
qu'ij  a  pu  recueillir  lui-même  dans 


i66 


REN 


,Jçs  livres  de  voyages  que  Rennell,  a 
construit  ces  grandes  cartes  de  la 
mer  Atlantique  et  de  la  mer  des  In- 
des, où  la  multitude  <ie  chiffres  et 
dViidicationsquiy  sont  accumulés  té- 
moignent assez  avec  quelle  laborieuse 
attention  il  a  mis  à  proGt  les  maté- 
paiix  qu'il  avait  rassemblés.  Ces 
matériaux  étaient  insuflisauts  pour 
accomplir  entièrement  la  tâche  qu'il 
s'était  imposée.  Au  nombre  des  plus 
grands,  des  plus  constants  phéno- 
mènes de  la  nature,  sont  dus  les 
mouvements  de  l'atmosphère  et  ceux 
de  rOcéan,  et  surtout  l'existence  de 
ces  courants  qui,  comme  d'immenses 
fleuves,  roulent  leurs  flots  rapides  au 
sein  même  des  mers,  et  dont  il  im- 
porte tant  pour  la  navigation  et  l'his- 
toire physique  du  globe  de  connaître 
les  directions  et  les  sinuosités,  de 
mesurer  l'étendue,  de  calculer  la  ra- 
pidité, de  déterminer  la  profondeur 
et  d'évaluer  la  température.  Mais  ce 
n'est  que  sur  une  mer  calme  que  les 
mouvements  des  eaux  peuvent  être 
appréciés  avec  quelque  certitude,  et 
cette  circonstance  est  rare.  On  ignore 
encore  comment  on  doit  mesurer 
l'action  de  l'eau  en  mouvement  sur 
un  vaisseau  qui  en  est  entouré,  quand 
i!  est  sollicité  par  le  vent  à  se  mou- 
voir dans  une  direction  oblique;  et 
bien  d'autres  causes  d'erreur,  qu'on 
n'a  pas  encore  trouvé  les  moyens  de 
faire  disparaître,  sont  attachées  à  ce 
genre  d'observations.  Les  grandes 
cartes  de  Rennell  et  le  volume  qui 
les  explique  n'en  forment  pas  moins 
la  plus  savante  tentative  qui  ait  été 
faite  sur  cette  partie  de  la  science. 
Mais  la  preuve  que  lui-iiiéme  n'était 
pas  eiitiift'uieut  s.Uisfait  de  son  œu- 
vre, c'tst  qu'il  travaillait  sans  cesse 
à  la  reclilîer,  et  qu'il  n'a  pu  se  déter- 
miner à  la  publier  de  son  vivant-  Ce- 
pen^lant  il  a  vécu  JpiJgrleraps,  qnoi- 


REN 

que  d'un  tempérament  délicat,  en- 
core altéré  par  les  blessures  reçues 
dans  sa  jeunesse,  La  sobriété,,  un 
exercice  modéré  de  chaque  jour,  les 
délassements  de  la  société  après  les 
heures  de  travail,  les  soins  d'une  fa- 
mille qui  le  chérissait,  produisirent 
cet  heureux  effet.  11  ne  faut  pas  ou- 
blier aussi  de  remarquer  que  lés 
tourments  de  l'ambition  et  les  jias- 
sions  de  la  politique  ne  Iroublèjrent 
jamais  ni  ses  jours  ni  ses  nuits  :  non 
qu'il  fût  indifférent  sur  ce  qui  con- 
cernait les  affaires  de  son  pays  ni 
étranger  aux  dissentiments  de  ceux 
qui  s'en  partageaient  la  direction.  Ami 
de  Fox  et  de  lord  Spencer,  il  appar- 
tenait à  ce  parti  qui  croit  que  la 
constitution  anglaise  court  plus  de 
danger  d'être  altérée  par  les  empié- 
tements de  la  couronne  que  par  les 
envahissements  de  l'autorité  parle- 
mentaire. Il  était  donc  whig  dans  le 
vieux  sens  de  ce  mot.  Mais  lorsqu'on 
le  consultait  sur  l'objet  de  ses  con- 
naissances spéciales,  il  mettait  un 
zèle  égal  à  éclairer  tous  ceux  qui 
avaient  le  pouvoir  de  mettre  à  profit 
ses  conseils  pour  l'avantage  de  sa 
patrie,  quel  que  fût  le  parti  auquel 
ils  appartinssent.  Sa  taille  était  mé- 
diocre, mais  bien  proportionnée;  sa 
physionomie, naturellement  sérieuse, 
s'imprégnait  facilement  d'une  ex- 
pression de  bienveillance  et  de  syip- 
pathie  qui  lui  conciliait  ralfectiou  de 
tous  ceux  avec  lesquels  il  s'entrete- 
nait. Quand  la  conversation  tombait 
sur  des  sujets  où  devait  éclater  sa  su- 
périorité, il  avait  un  art  tout  parti- 
culier de  la  déguiser  ou  de  la  faire 
publier.  L'instruction  dont  on  av.iit 
besoin  pour  le  bien  c<tmprendre  était 
inculquée  avec  tant  de,  i^impliciié  et 
de  clarté  qu'on  croyait  se  rappeler 
ce  qu'il  venait  de  vous  apprendie. 
Dans  les  derniers  moments  de  sa  vi«'. 


REN 


REN 


467 


tourmenté  par  la  gontte  ei  affaibli 
par  l'âge,  il  se  vit  obligé  de  renoncer 
au  monde  qu'il  ne  fuyait  pas  et  dont 
il  était  bien  accueilli.  Mais  alors  mê- 
me il  ne  vécut  pas  solitaire;  un  petit 
nombre  d'amis  venait  à  des  heures 
choisies  de  la  matinée  s'entretenir 
avec  lui  près  d'une  grande  table,  sur 
laquelle  reposaient  les  compas,  les 
cartes,  les  livres  nécessaires  pour  la 
composition  de  l'ouvrage  dont  il  s'oc- 
cupait. Les  autres  heures  de  loisir,  il 
les  passait  dans  la  société  de  son 
*  gendre  et  de  sa  fille  ,  lady  Rodd  , 
qu'accompagnaient  toujours  ses  en- 
fants en  bas-âge,  qui  étaient  pour 
lui  la  plus  chérie  des  distractions. 
Le  major  Rennell ,  âgé  de  87  ans , 
tomba  en  se  promenant  dans  son 
salon ,  et  se  cassa  le  col  du  fémur  : 
on  le  mit  au  lit  d'où  il  ne  devait  plus 
se  relever.  Il  se  souvint  ded'Anville 
qui,  comme  lui  plus  qu'octogénaire, 
avait  survécu  à  lui-u)éme  dans  la 
dernière  année  de  son  existence. 
Rennell  fit  promettre  à  sa  fille  de 
n'admettre  personne  près  de  lui  sans 
qu'elle  fût  présente,  et  de  ne  pas  le 
quitter  dans  le  moment  suprême. 
Cette  précaution  était  inutile.  11 
conserva  jusqu'à  la  fin  une  luci- 
dité d'esprit ,  une  force  de  volonté 
qui  étonnèrent  les  témoins  de  ses 
derniers  soupirs.  Les  intentions  qu'il 
avait  manifestées  n'en  furent  pas 
moins  fidèlement  rpmplies.  Pujs 
après,  accompagnoe  de  son  mari,  sui- 
vie d'illustres  amis,  lady  Rodd  con- 
duisit elle-même  les  restes  vénérés 
d'un  père  à  l'abbaye  de  Westminster, 
à  ce  lieu  de  sépulture  des  grands 
hommes  d'Angleterre,  d'où  la  reli- 
gion n'est  point  exclue.  La  tombe 
qui  renfermait  Rennell  ne  mit  pas 
fin  aux  sollicitudes  filiales  dont  il 
était  l'objot.  Il  laissait  après  lui, 
nous  l'avons  dit,  d'importants  ouvra- 


ges manuscrits  :  lady  Rodd  les  pu- 
blia. Le  major  Rennell  avait  été  reçu 
membre  associé  étranger  de  l'Institut 
de  France  le  26  décembre  1801;  il 
est  mort  le  29  décembre  1830.  Nous 
avons  fait  connaître  dans  cet  article 
tous  les  ouvrages  de  ce  célèbre  géo- 
graphe qui  ont  été  publiés.  Nous 
ajouterons  ici  leurs  titres  principaux 
danslalangueoriginale:  Chartofthe 
banJCyO  fourrent  and  cape  LaguUas, 
1778,  A.  Bengal  Atlas,  containing 
maps  ofthe  théâtre  oftcar  and  com- 
merce from  the  original  surreyx  tcith 
tables  ofrouts  and  distances  from 
Calcutta  through  the  principal  in- 
land  navigations,  1781 ,  in-fol.  Les 
tabifs  des  routes  ou  les  itinéraires 
avec  les  distances  ont  été  imprimés 
à  part  en  un  petit  volume  in-12  pour 
l'u-^age  des  voyageurs.  Memoirs  of 
a  map  of  Hindostan  or  the  Mogul 
empire^  1 783,  in-4»,  1788,  in-4»,  1793, 
in-4°.  Memoir  of  a  map  of  the  Pe- 
ninsula  of  India,  1793,  in-4<*.  Me- 
moir ofthe  geography  ofAfrica,  1 790, 
in-4°.  Geographical  System  of  He- 
rodo/ua,  1800,  in-4*;nne  édition  plus 
récpnte,  in-8°,  a  été  donnée  par  lady 
Rodd ,  2  vol.,  1830.  Observations  on 
the  topography  of  Troy,  1814,  in-4°. 
Divers  opuscules  dans  les  Transac- 
tions philosophiques ,  1791 ,  et  dans 
Nicholson' s  journal,  1798,  tom.  II, 
p.  233.  Illustration  ofthe  expédition 
of  Cyrus,  London,  1816,  in-4''avec 
atlas.  A.  Treatise  of  the  compara- 
tive geography  of  Western  India, 
London  ,  1831,  2  vol.  in-S",  avec  un 
atlas  in-folio.  An  investigation  of 
the  currents  of  the  Atlantic  Océan 
and  those  tchich  prevail  in  the  In 
dian  0:ean,  Lond-,  1832,  in-4*  avec 
un  atlas  in-fol.  Le  portrait  de  Renneil 
a  été  très-bien  gravé,  et  un  beau))a«- 
relief  de  sa  têie  vue  de  profil  a  été 
exécuté  en  porcelaine  par  les  habiles 

30. 


A§8 


£N 


» (■  t ijtes  (le  la  manufacture  de  Sevrés.. 
Son  éloge  a  e'té  prononcé  dans  la 
séance  publique  de  l'Institut  de 
France,  le  2  août  1842,  par  l'auteur 
(le,|cet  article.  \V~R. 

,,,  |î.ÉNNEYILLE(M'»=  Sophie  Sen- 
N^EKBE  de),  auteur  d'un  grand  nom- 
Ijre  d'ouvrages  destinés  à  l'amuse- 
ment et  à  l'instruction  de  l'enfance , 
était  née  en  1772  dans  la  province  de 
ÎNormaudie  ,  d'une  famille  noble  ^et 
qui  perdit  beaucoup  à  la  révolution. 
Elle  avait  reçu  une  éducation  distin- 
guée, et  fut  à  même  de  bonne  heure 
de  se  livrer  à  des  travaux  littéraires 
dont  elle  Gt  l'usage  le  plus  honorable 
en,  consacrant  leurs  produits  au  sou- 
lien  de  ses  parents,  et  surtout  de  sa 
mère,  à  laquelle  elle  ne  survécut  pas 
long-temps.  M"'"  de  Renneville  mou- 
rut à  Paris  le  15  octobre  1822,  des 
suites  d'une  petite  vérole  tardive, 
et  qui ,  en  ce  cas,  est ,  comme  l'on 
sait,  beaucoup  plus  dangereuse.  Ses 
ouvrages  imprimés  sont  :  I.  Lettres 
(TOctavie,  jeune  pensionnaire  de  la 
maison  de  Saint-Clair,  1806,  in-ri. 
II.  Stanislas,  roi  de  Pologne,  1807, 
3  vol.  in-12;  2"  édition,  1808.  111. 
Galerie  des  femmes  vertueuses,,  1808, 
jn-12;  fi,  édition,  1830,  iu-12.  IV. 
Lucile,  ou  la  lionne  Fille,  1808,  2 
vol.  in-12.  V.  De  VInfluence  du  cli- 
mat sur  l'homme,  Nouvelles,  1808, 
2  vol.  iu-12.  YI.  Vie  de  sainte  CLo- 
tilde,  reine  de  France,  1809,  in-12. 
Vil.  Le  petit  Charbonnier  de  la  Fo- 
rét-NoirCy  ou  le  Miroir  magique, 
1810,  in-18.  VUl.  Contes  à  ma  petite 
fille  et  à  mon  petit  garçon,  181 1, 
iu-12;  6«  édition,  1830,  iu-12.  IX. 
La  Mère  gouvernante,  ou  les  Prin- 
cipes de  politesse  fondés  sur  les  qua- 
lités du  cœur,  18U,  iu- 12.  X.  Le  Re- 
tour des  vendanges,  contes  variés, 
1812,  4  vol.  in-12.  XL  Éléments  de 
LffHnm>  é-^^^^age  de*  enfants,j\^).î,^, 


REN 

1^-12.  Ml.  Les  deux  Éducatiovs,  ou 
le  Pouvoir  de  Vexemple,  1813,  in- 
12.  XIII.  Conversations  d'une  petite 
fille  avec  sa  poupée,  1813, .1817,  in- 
18.  XI V.  Ze/ie,  ou /o  Bonne  ^i/e,  1 81 3, 
1826,  in-18.  XV.  La  Fée  gracieuse, 
ou  la  Bonne  amie  des  enfants,  1813, 
in-18;  2«  édit.,  1817,  iu-18.  XVI. 
La  Fée  bienfaisante,  ou  la  Mère  in- 
génieuse, 1814,  in-18;  1817,  in-80. 
XVII,  Le  petit  Savinien,  ou  l'His- 
toire d'un  jeune  orphelin,  18ii,  iu- 
18.  XVMI.  Les  Récréations  d'Eu- 
génie, contes,  1814,  1819,  in-18. 

XIX.  La  Fille  de  Louis  XVI,  ou 
Précis  des  événements  les  plus  remar- 
quables qui  ont  eu  quelque  influence 
sur  la  fille  de  nos  rois,  1814,  iu-12. 

XX.  L'École  chrétienne,  1816,  in- 
18.  XXI.  Le  Conteur  moraliste,  ou 
le  Bonheur  par  lavertu,  contes,  1816, 
in-12;  nouvelle  édit.,  1835.  XXII. 
Les  Secrets  du  cœur,  ou  le  Cercle  du 
château  d'Églantine,  romans -nou- 
velles, 1816,  3  vol.  in-12.  XXIII. 
Miss  Lovely  de  Macclesfield,  ou  le 
DommoîîOîr,  18 17, 3  vol. in-12.  XXIV. 
Correspondance  dedeuxpetites  filles, 
1817,  in-12. XXV.  Lesbonspetits  en- 
fants; portrait  de  mon  fils  et  de  ma 
fille  ;  contes  et  dialogues  à  la  portée 
dujeunedge,  Paris,  1817, 1821,2  vol. 
in-18.  XXVI.  Le  Précepteur  des  en- 
fants, ou  le  Livre  du  second  âge,  7* 
edit.,  1818, in-12.  XXVll.  Les  Aven- 
tures de  Télamon,  ou  les  Athéniens 
sous  la  monarchie,  Paris,  1819,  3 
vol.  in-12.  XXVllI.  Coutumes  gau- 
loises, ou  Origines  curieuses  et  peu 
cotmuesde  la  plupart  de  nos  usages, 
Paris,  1819,  in-12.  .XXlX.  Galerie 
des  jaunes  vierges,  ou  Modèle  des 
vertus  qui  assurent  le  bonheur  des 
/cmwt's,  1819, in-12,  ng.;nouv.  édit., 
1834.  XXX.  Contes  pour  les  enfants 
de  5  o  0  ans,  Paris,  1820,  in-18;  8" 


«onn«s,liouTe)le»,  Parisi  1S2(),  8V<!>!'. 
in-l2;3«  édir.,  1824.  XXXIl.  Beàtttés 
de  l'histoire  du  jeune  âge,  1820,  in- 
12.  XXXIII.  Nouvelle  mythologie  des 
dtmoisdles,  Paris,  1821,  1824,  2  vol. 
in-l8.XXXIV.C/iar/esff  Eugénie,  ou 
la  liénédictionpaternelle,  Papis,1821, 
1829,  2  vol.  in-18.  XXXV.  Palmyrt^ 
ou  V Éducation  de  l'expérience^  1822, 
2  vol.  in-12.  XXX VI.  Le  petit  Phi- 
lippe, ou  l'Émulation  excitée  par  Va- 
mour  filial,  1822,  l  vol.  in-18.  On  a 
publie  sous  le  nom  de  M""  de  Reiine- 
▼ille,  après  sa  mort,  d'autres  ouvra- 
ges qui  ne  sont  pas  d'elle.        Z. 

REXOt'LT  (JeavB.\ptiste),  moi- 
ne apostat,  entra  d'abord  dans  l'or- 
dre  des    cordeliers  et  se   livra   à 
la  prédication,  puis,  abandonnant  la 
vie   monastique,    se  lit   protestant 
et   devint   ministre  à   Londres.    Il 
mourut  dans  fa  première  moitié  du 
XVIII*  siècle,    après    avoir   publié 
quelques  écrits  contre  l'église  ro- 
maine :  I.  Histoire  de  dona  Olympia 
Maldachini.  traduite  de  l'italien  en 
français,  Levde,  1666,  in-12  {voy. 
Leti,  XXIV,  344,  et  Maidalchim- 
Pawphili,  XXVI,  228).  C'est  une  sa- 
tire violente  contre  la  cour  de  Rome. 
H.  Le  vrai  tableau  du  papisme,  ou 
Exhortation  faite  à  un  prosélyte, 
Amstf-rdani,  1700,  in-12.  III.  Taxe 
de  la  chancellerie  romaine,  traduite 
de  l'ancienne  édition  latine  avec  des 
remarques  et  augmentée  d'une  nou- 
velle préface,  Londres,  1701,   in-8° 
{voy.  DupiNET,  XII,  275).  IV.   Les 
aventures  de  la  Madona  et  de  Fran- 
çois d'Assise,  écrites  d'un  style  ré- 
créatif, Amsterdam,  1701,  in-8°,  fig.; 
ibid.,  1707,  in-12,  fig.;  réimprimé 
dans  la  même  ville,  1745  et  1750, 
in-8o.  V.  Le  Protestant  scrupuleux, 
Amsterdam,   1701,    in-8o.  C'est  la 
réponse  à  une  critique  qu'on  avait 
faite  de  l'ouvrage  précédent.  VI.  La 


'RËN 


469 


târhsptîon  àe  VÊgUséiomàine  prë- 
dilé  par  l'Écriture,  La  Haye,  1703, 
in-S".  VIL  Histoire  d(s  variations 
àe  l'Église  gallicane,  en  forme  de 
lettres  écrites  d  M.  de  Meaux  (Bos- 
suet),  pour  servir  de  réponse  à  son 
livre  des  Variations  des  protestants , 
Amsterdam,  1703,  in-12.  VIIL  L'an- 
tiquité et  la  perpétuité  àe  la  religion 
protestante,  démontrée  en  forme  de 
manifeste  d  tous  les  Franciscains, 
au  sujet  de  l'excommunication  ful- 
minée contre  l'auteur,  Amsterdam. 
1703  et  1703,  in-8';  réimprimé  ji 
Neuchâtel,  1821,in-8».  Z. 

REXOt'T  (JEAN-JUUES-COSStA-i- 

tin),  auteur  dramatique,  né  à  Hon- 
fleur  en  1725,  obtint  la  place  de  se- 
crétaire du  gouvernement  de-  Paris , 
et  mourut  vers  1785.  Outre  le  Petit- 
Poucet,  la  Soubrette  rusée ,  comédie 
en  un  acte ,  la  Mort  d'Hercule.^  tra- 
gédie (1755),  qui  probablement  n'ont 
pas  été  imprimées,  on  a  de  lui  :  I. 
Les  Couronnes,  ou  le  Berger  timide, 
pastorale  en  un  acte,  parodie  de  la 
Fête  de  l'Hymen,  deuxième  entré»* 
des  Amours  de  Tempe,  Paris,  1753  , 
in-8o.lL  Zélide,o\i  V Art  d'aimer  et 
de  plaire,  comédie  en  un  acte  et  en 
vers ,  Paris ,  1755,  in-8o.  IIÏ.  Le  Ca- 
price, ou  VÈpreuve  dangereuse,  co- 
médie en  trois  actes  et  en  prose,  Pa- 
ris, 1T62,  in-12.  IV.  Le  fleuve  Sca- 
manrfr*,  pastorale  en  un  acte  et  en 
prose,  mêlée  d'ariettes,  Paris,  1769, 
in-S'.  Les  ariettes  mises  en  musique 
ont  été  gravées  séparément ,  in-8°. 
V.  La  Cacophonie,  comédie  en  un 
acte  et  en  prose,  Amsterdam  (Paris), 
1782,  in  8".  VI.  la  Brebis  entre  deux 
loups .1  comédie-proverbe  en  on  acte 
et  en  prose ,  Paris ,  1783  ,  in-8^.  VU. 
Le  Devin  par  hasard ,  comédie  en 
un  acte  et  en  prose,  Amsterdam  (Pa- 
ris), 1783,  in-S".  Malgré  leur  M»#dio- 
crité ,  plmicufs  des  pièce»  de  Renout 


4tO 


REN 


REN 


obtinrent  dans  le  temps  quelque  suc- 
cès, mais  elles  sont  complètement 
oubliées  aujourd'hui.  Z. 

RENUSSO.\  (Philippe),  juriscon- 
sulle  français,  né  au  Mans  en  1632  , 
titde  bonnes  études  dans  celte  ville, 
fut  reçu  avocat  au  parlement  de  Pa- 
ris en  1653,  et  acquit  beaucoup  de 
réputation  par  ses  ouvrages  qui  ont 
éié  réimprimés  jusqu'à  la  fin  du  siècle 
dernier,  et  peuvent  encore  être  con- 
sultés avec  fruit.  Il  mourut  à  Paris, 
en  1699.  On  a  de  bii  :  I.  Traité  des 
propres  réels,  réputés  réels  et  cort- 
ventionnels,  Paris,  1G81 ,  in-fol.  5 
ibid., 1700,1714, ITiS.in-i".  II.  Trai- 
té de  la  subrogation  de  ceux  qui  suc- 
cèdent au  lieu  et  place  des  créanciers, 
Paris,  1685,  in-4'';  ibid.,  1723,  avec 
des  notes  de  Ch.  de  Fourcroy;  1732, 
1742,  in-4''.  m.  Traité  de  la  commu- 
nauté de  l'homme  et  de  la  femme  con- 
joints par  mariage,  Paris,  1692, 
in-fol.  ;  ibid.,  1722,  in-4».  IV.  Traité 
du  douaire,  et  de  la  garde  noble  et 
bourgeoise ,  Paris  ,  1699  ;  nouvelle 
édition,  1713,  in-40.  Tous  les  ou- 
vrages de  Renusson  ont  été  réunis  et 
publiés  avec  des  augmentations  et  des 
annotations  par  J.-A,  Sérieux,  avo- 
cat, 1760, 1777, 1780,in-fol.  Cette  der- 
nière édition  est  la  plus  complète.  Z. 

UENZI  (ANTOiNii),  littérateur  ita- 
lien, naquit,  eu  1780,  à  Castelsalfi, 
dans  la  province  de  Vol  terre.  Son 
père,  quoique  pauvre  et  d'une  hum- 
ble condition,  ne  négligea  rien  pour 
lui  faire  donner  une  éducation  bril- 
lante; et  le  jeune  Antoine  en  pro- 
fila tellement  qu'à  peine  âgé  de  20 
ans,  il  fut  jugé  digue  d'occuper  la 
chaire  de  pinlosophie  au  collège  de 
Pistoic.  Bien  qu'il  eût  peu  de  goût 
pour  l'état  ecclésiastique ,  il  entra 
dans  cette  carrière,  pour  condescen- 
dre aux  désirs  de  sa  mère,  qui  ne  lui 
avait  permis  d'éMidier  qii«dan.<  l'es- 


poir de  le  voir  un  jour  revêtu  du  ca- 
ractère sacerdotal.  Renzi  avait  trop 
de  fougue  dans  le  caractère  pour  se 
consacrer  paisiblement  dans  une  pa 
roisse  au  soin  des  âmes,  et  il  pré- 
féra se  livrer  à  la  prédication.  Mais, 
quoiqu'il  eût  du  succès  comure  ora- 
teur, il  se  dégoûta  bientôt  de  la  chai- 
re et  se  rendit  à  Florence  pour  se 
charger  de  l'éducation  d'un  jeune 
homme  de  grande  famille.  Il  eut  à 
cette  époque  occasion  de  se  lier  avec 
Georges  Cuvier  et  de  Géraudo,  qui 
lui  firent  obtenir,  de  Napoléon,  une 
place  dans  l'administration.  Mais  son 
intégrité  et  sa  haine  des  abus  lui 
suscitèrent  de  nombreuses  inifnitiés, 
et  il  se  repentit  d'avoir  préféré  la 
carrière  des  emplois  à  la  chaire  qu'on 
lui  avait  offerte  à  l'université  de 
Pjse.  Se  trouvant  sans  ressources 
au  moment  de  la  chute  de  l'empire, 
il  fonda  un  journal  avec  quelques- 
uns  de  ses  amis,  et  y  publia  entre  au- 
tres un  article  mordant  contre  mada- 
me de  Staël,  qui,  dans  sa  Corinne^ 
n'a  guère  ménagé,  comme  on  sait, 
l'Italie  actiielleel  ses  habitants.  Ayant 
des  connaissances  philologiques  fort 
étendues,  il  fut  choisi  parMolini  pour 
diriger  les  écVitions  de  quelques  clas- 
siques italiens,  tels  que  Dante,  l'A- 
riosie  et  Pétrarque.  Non-seulement 
il  revit  les  textes  avec  soin,  d'après  les 
meilleurs  manuscrits  et  les  éditions 
les  plus  célèbres,  mais  il  y  joignit  en- 
core de  savantes  et  judicieuses  anno- 
tations. L'Orlando  furioso  et  les 
Rime  de  l'Arioste  furent  pour  lui 
l'obj^  d'une  allenlion  spéciale;  il  eut 
la  patience  de  relever  tous  les  mois 
employés  par  ce  poète  et  de  noter 
ceux  que  les  lexicographes  italiens 
avaient  omis.  Ce  dépouillement  con- 
trihua  sans  doute  a  améliorer  la  der- 
nière édition  du  Dictionnaire  de  la 
Crusca.  Cependant,    les  ressource*  ' 


REP 

que  Renzi  retirait  de  ses  travaux  Ht- 
ténires  étant  fort  rDO(liq'ies,il  réso- 
lut de  venir  tenter  la  foriune  à  Paris. 
li  y  revit  Cuvier,  et  obtint,  par 
son  entremise,  l'autorisation  d'ou- 
vrir un  cours  public  de  littérature 
italienne.  Toutefois  il  ne  mit  point 
ce  projet  à  exécution,  et  soit  amour 
liu  pays  natal,  soit  que  le  séjour  de 
Paris  n'eût  pas  répondu  à  son  atten- 
te, il  ne  tarda  pas  à  retourner  à  Flo- 
rence, où  il  se  livra  à  renseignen-.ent 
l>rivé,  et  concourut  à  la  rédaction  de 
VAntologiay  recueil  mensuel  fort  es- 
liiiié  et  qui  a  cessé  de  paraître  depuis 
1835.  Attaqué  d'une  violente  péri- 
pneumonie,  Renzi  succomba  en  1823, 
.1  vaut  d'avoir  pu  achever  une  biogra- 
phie des  historiens  les  plus  célèbres, 
:i  laquelle  il  travaillait  depuis  quel- 
(|uc  temps,  et  qui  devait,  au  moins 
par  la  forme  et  le  plan,  rappeler  les 
Vies  de  Plutarque.  A— Y. 

REPTOX  (HoMPHREï),  architecte 
et  jardinier-paysagiste  anglais ,  hU 
iMie  granie  célébrité  en  cette  par- 
tie dé  l'horticulture  qui,  au  siècle 
précédent,  fut  portée  dans  la  Gran- 
de-Bretagne à  un  si  haut  degré  de 
perfection.  Né  en  1752  à  Saint-Ed- 
mnnds'  Bury,  dans  le  comté  de  Suf- 
lolk,  il  eut  l'avantage  de  recevoir 
une  éducation  soignée  ,  et  manifesta 
de  boune  heure  un  vif  enthousiasme 
pt  ur  les  beautés  de  la  nature,  et  un 
g(;ùt  égal  pour  les  arts  du  dessin.  11 
mauiii  le  crayon  dès  sa  tendre  enfance 
et  ne  le  quitta  guère  qu'avec  la  vie. 
Toutefois  il  fut  sur  le  point  d'être 
enlevé,  psr  une  circonstance  particu- 
lière, à  l'art  dans  lequel  il  ^'est  dis- 
tingué. Une  de  ses  sœur»  avait 
épousé  un  avoué  établi  à  Aylesham, 
au  comté  de  iNorfolk.  Vraisemblable- 
ment afin  de  se  rapprocher  d'elle,  il 
alla  demeurer  dans  la  même  provin- 
ce, et  y  6i  un  séjour  de  huit  années. 


REP 


471 


C'est  alors  qu'il  connut  Windham , 
(Jont  la  résidence  était  voisine  de  la 
sienne  Laconformitéd'âgeetdegoiits 
ne  tarda  pas  à  amener  cutre  eux  «ne 
grande  intimité.  Aussi  lorsque  Win- 
dham fut  promu  à  un  poste  éminent 
en  Irlande,  enl783,Beptonoffrildel'y 
suivre,  et  il  eut  un  emploi  dans  l'ad- 
ministration; mais  cette  prospérité 
fut  passagère  :  les  whigs  ne  gardè- 
rent que  peu  de  temps  le  pouvoir, 
et  Repton  revint  en  Angleterre  avec 
son  ami.  Marié  fort  jeune,  déjà  père 
de  plusieurs  enfants  et  peu  favorisé 
de  la  fortune,  il  dut  chercher  dans 
ses  talents  littéraires  et  artistiques 
des    moyens  d'existence    La  publi- 
cation d'une  statistique  du  canl'U 
où  il  vivait  depuis  plusieurs  années 
commença  à  le  faire   connaître    en 
178t.   il  publia  ensuite  des   juge- 
ments sur  quelques  expositions  de 
tableaux.  La  possession  d'une  petite 
propriéié  qu'il  acquit  vers  1786,  à 
Hare-Street,  en  Essex,  fut  pour  lui 
une  occasion  d'appliquer  legéniedont 
il  était  doué  pour  tirer  parti  des  lieux 
et  des  sites  même  les  plus  ingrats. 
D'une  maison  très-incommode  et  de 
la  plus  chetive  apparence  il  parvint  à 
faire  une  habitation  confortable,  et 
ce  fut  la  première  et  une  des  plus 
heureuses  transformations  pro<1uites 
par  son  génie.  Grand  admirateur  de 
Brown,  qui  passe  en  Angleterre  pour 
le  législateur  des  jardins,  il  se  péné- 
tra de  ses  travaux  ,  prit  part  en  sa 
faveur  à  la  pi»lémique  engagée  entre 
Uvedale  Price  et  Payne  Kuight ,  et 
croyant  qu'on  ne  pouvait  pas,  dans 
cet  art,  aller  plus  loin  que  celui  qu'il 
nommait  son  aiaître,  il  suivit  d'abord 
ses  traces  à  la  rigueur.  Ce  fut  plus 
tard  q'ie;  laissant  l'essor  à  son  pro- 
pre géuie,  il  rectifia  et  perfectionna 
le  système  de  sou  premier  mode. e.  Il 
touchait  à  sa  quarantrème  aunée  lors- 


m 


m^ 


se  faire  joyirv  et  bientôt  il  se  vit  ap- 
ppld  de  tQus  côtés  à  diriger  de  gran- 
di p^^uiéjlior.it  ion  s  dans  les  vastes  r«'- 
si(d[fin(;es  de  l'aristocratie.  Ce  qu'il  fit 
à.jC^çblviin-HalI  ,  dans  le  comté  de 
^ut,  chez  lord  Daruiey;;  ciWoburnr 
|À))bey;àWiiite-Lodgf,/cheZil(>rdSid- 
mouth;  à  Beau-Désert,  chez  le  raar- 
«juis  d'Aii^iesea,  etc.,  se  trouve  ex- 
posé avec  intérêt  dans  le  plus  impor- 
tani  de  ses  écrits,  les  fragments  sur  la 
ijiéorie  et  Id  pratique  de  l'art  des ^ar- 
jiLins;^it^<^^e§queSf  qui  parut  en  1816. 
Çj'csjLjl^^qui  a  <lwiné  les  plans  de  la 
j),lupart  des  beaux  jardins  que  pos- 
sèdré  aujourd'hui  l'Angleterre.  Repton 
inourut  en  1818,  laissant  plusieurs 
eefants  des  deux  sexes.  Un  de  ses  lils 
épousa  la  fiUe  du  lord  chancelier  El- 
don.  11  comptait  parmi  ses  amis  plu- 
sieurs hommes  illustres,  notamment 
Wiudham  etWilberforce.  AHolUvood 
U  eut  maintes  fois  occasion  de  voir 
Pitt;  et  il  se  flatta  un  moment  qu'il 
pourrait  faire  du  comte  de  Chulbam 
lin  ami  des  champs,  un  contemplateur 
de  la  nature.  Voici  la  liste  de  ses 
écrits  :  1  An  account  of  the  hun- 
dredy  tic  \  description  du  canton  de 
Nfrlh  Erpingham,  dans  le  comté  de 
^'pr/bZ&,avecunei)ré/iace,178l,in-8°. 
il.    Yariiétés ,    collection   d'essais  ^ 
4j7j^8,i«i-12.  m,  L'Abeille,  ou  Criti- 
quiâ^ur  l'exhibilion  de  tableaux  àSo- 
merset-House,  1788,  10-8".  IW.UA- 
peUl£^  ci;itique  surs  la  galerie  shak- 
speVri^'>ae^  1789,  in-S".  V.  Esquisses 
efiti^^essurVart  des  jardins,  1794, 
^TS?t:Qn  regarde  cet  ouvrage  comme 
]e  meilleur  qui  ait  paru  sur  la  matière. 
NI.  Lettre  à  Uvedale  Price,  sur  le 
ijuîinç. sujet,  t7<J4,i»-8».  Vil.  Obser- 
^}atiQi'is,sur  leS'  cliangemcnis  turvc' 
nt^t\  idçtn»  ,1^'art  des  jardins,  1806, 
if>,-T^"HiVm.  Fanlaiiieibizaireg  {Odd 
.w/t»#»#)»-.l80 ff^ît  i*<*. 4|i)'8Pi.  €'eit  la 


r^irp|Mfeî^:H<¥i  '^^  diverses  p^^^  «jjéjîi 
publiées,  auxquelles  il  ajouta  une  co- 
médie et  quelques  poèmes.  IX.  Sur 
Vlntroductiond^V architecture  et  dp 
Vart  des  jardins  des  Indiens,  t8o!^ 
X.  Observations  sur  la  théorie  et  jfi 
pratique  de  Vart  des  jardins,  1  vol., 
2  éditions.  XI.  Fragments  sur  la  théo- 
rie et  la  pratique  de  Vart  des  jardins 
pittorcsques^ren fermant  des  observa- 
tions sur  la  théorie  et  lapratigue  des 
architectures  grecqueet  gothique,  in- 
4"  illustré  de  52  planches,  1816,  Ces 
éditions  sontenrichies  de  dessins  faits 
par  l'auteur,  qui  a,  pendant  20  ans, 
fourni  des  vignettes  au  Polilc  repo- 
sitory  pocket  Boolt.  On  peut  ajouter 
aux  Œuvres  de  Repton  plus  de  trois 
cents  manuscrits  sur  divers  sujets,  ac- 
compagnés degravures  explicatives. 
Sa  famille  possède  eu  manuscrit  2  vol. 
de  Souvenirs  de  sa  vie  privée.     JL. 
RtLSSEGtlEli  (JKAN  de),  p.rési- 
dent  de  la  chambre  des  enquêtes  au 
parlemeur  de  Toulouse,  naquit  ùans 
cette  ville,  le  22  juillet  1G83,  d'une 
famille  originaire  du  Bouergne,  qui 
depuis  trois  siècles  a  donné  au  même 
corps  des  magistrats  distingués.  11 
fut  reçu  conseiller  en  1705,  et  dans 
le  même  tejnps  membre  de  l'Acadé- 
mie des  Jeux-Floraux.  Plus  tard  il  fut 
un  des  fondateurs  de  l'Académie  des 
sciences  de  Toulouse,  et  sut  coRci,i.ier 
les    devoirs    de  ces  deux,  sociélés 
avec  ses    fonctions    au  parlement, 
qui  le  choisit  bientôt  pour  son  dé- 
puté auprès  du  grand-conseil,  où  il 
avait  à  traiter  quelques  affaires  déli- 
cates. Resseguier  réussit  complète- 
ment dans  cette  mission,  et  par  son 
caractère  de  douceur  et  de  politesse 
il  sut  se  faire  de  nombreux  amis  dans 
la  capitale  C'est  à  son  retour  qu'il  fut 
nommé  président.  H  mourut  à  Tou- 
louse, le  25  sept.  1735,  laissant  plu- 
sieurs ouvrages  inédits,  enirtfaulr^s 


RI*' 

mie  Histoire  du  parlement  de  Ton- 
touse,  dont  le  manuscrit  Piist<*  f  ncéir* 
Hans-^ètfe  ville.  —  Ressfgtibr  (Ife 
chfevaffér  CU)neni -Ignace  dp),  de  la 
th^e  faiïiiîleqiie  le  précédent,  na- 
quit à  Tonîouse  le  23  nov.1754,  et  frit 
destiné  dès  l'enfance  à  l'ordre  de  Mal- 
te. Il  passa  en  conse'quence  fort  jeune 
dans  cette  île.  où  it  prononça  ses  vœnx 
et  fît  ses  caravanes  sur  un  vaisseau  de 
l'ordre.  S'étant  distingué  dans  pTn- 
sieurscxpéditionscohtrelesinfidèles, 
il  devint  général  des  galères,  obtint 
de  riches  commanderies.  et  eut  l'a- 
tantage  de  séjourner  long-temps  en 
France.  Doué  de  beaucoup  d'esprit, 
mais  naturellement  caustique,  il  com- 
posa plusieurs  épigrammes  dans  les- 
quelles il  ménagea  pen  les  gens  en 
crédit  ;  ce  qui  le  lit  emprisonner  plu- 
sieurs fois  à  la  Rictiiip  r.iu  qg»]! 
composa  contre  unpa- 

dour  If  conduisit  ail  cnaieau  ù'if.d'uù 
il  n  e  sortit  qu'à  la  prière  de  son  frère, 
conseiller  clerc  au  parlement  de  Tou- 
louse, qui  partit  en  poste  de  cette  ville 
pour  venir  à  Versailles  implorer  ma- 
dame de  Pompadour  elle-même.  Celte 
dame  n'hôsita  point  à  lui  faire  grâce, 
et  Resseguier  sortit  de  son  cachot.  Ce 
qui  es:  fait  ponr  étonner,  c'est  que 
non-seulement  il  ne  sut  aucun  gré  à 
son  frère  de  cette  obligeante  démar- 
che, mais  qu'il  lui  reprocha  durement 
ThumiliaMon  à  laquelle  il  s'était  sou- 
mis auprès  d'une  pareille  femme,  et 
qu'il  continua  de  publier  contre  elle 
cette  mordante  épigramme  : 

Hlle  d'une  sangsue,  et,  jangsue  e]le-m*«e, 
Hûisson  {i},  Jâns  son  i.aTais,  sans  remords, 
sans  effrcM, 

KuJe  an»  Tcnx  de  toussoniu«olcni-e extrême 
La  dej,ou.He  du  peuple  et  la  boute  du  roi.' 

Le  commandeur  de  Resseguier,  ayant 

1  O  iXLidanie   de   Pompadour  Vjimetalt 


til^ 


4T8 


perdu  par  la  ïévïitetioh^trt  b^fëfi- 
ces  qu'il  possédait  en  Ffance,'se re- 
lira d  arts  Plie  de  IfeHe,  où  i ravivait 
en  pais  lorsque  la^plàeè  fe<?  Tfiidit 
à  Bonaparte,  en  itdS/NdWsne^éiV'' 
sons  pas  qn'il  ait  tu  part  iu-t  l/tHie* 
tés  qui  mirent  ponr  i-  ^ 

la   main  des  Fi-an*>=!' 
dela.Wëdiferran^ 
Ransijat,  LfX,  i        - 
duisait  alors  à  nne  nullité  qlié  Phi^ 
(oire  pent  d'autant  m^!"<  '<-  .r..,.-. 
cher  qu'il  monrut  dai 
Bée,  et  fut  enseveli  dans  j  ife  enc  it^ 
"occupée  p,ir  les  Français.   Outre  uù 
grand  nombre  de  p' 
dans  divers  rectieils,  1 
Resseguier  a    iHissé   mamiscrit  un 
poème  sur  la  Prise  de  if/.'oiM.  Ses 
ouvrages  imprimés  sont  :  f.  roi/at^e 
^Amathunte^  mêlé  de  prose  et  de 
rers,  1750,   în-8».  11.  Dissertation 
sur  la  trahison  imputée  à  André  Ùa- 
mar al, chancelier  de  l  ordre  de  Saint 
Jean  de  Jéru$aleiR.  lors  du  siège  de 
fif>odesenioTi,nb7,\n-i2.ni.£loge 
de  M.  Lefrane  et  de  ses  œurres:  IV. 
Le  Traité  de  l'Amitié  et  celui  de  là 
Vieillesse  de  Cicéron.  trad.  en  fran- 
çais, 1780,  in-go,  M— D) 

RESTIE£R     (AwotNB.Ji^ifo.^. 
l'un  des  comédiens  les  pins  paVraî^s 
du  dernier  siècle,  naquit  à  Lydn,  en 
1726,  de  parents  pauvres,  qui  n'a- 
vaient pas  les  moyens  dè-kii  donner 
un  état.  Aus5i,  dès  son  eUfance,  il  èn- 
iradans  nneiroupe  de  sëltimbanqoes 
ou  il  futsautenr  et  pailfas«e.  Sa  sW- 
piesse  et  sa  gentillesse  lui  valurent, 
quelques  j.nnees  après,  la  permissif 
de  débuter  comme  danseur  sur:  un 
théâtre  «le  province:  m^ji$  \\  a>-ait 
trop  d'esprit  et  de  ^lîté  pour  s'eh 
tenir  long-iemps  à  la  panloiuirtw^  il 
chmssa  le  brodequin  et  pritremploi 
de  premier  comique.   H  faisait  ^rat-. 
t«e  de  fa  tw>upe4el*on.'itMH  irsfs' 


m 


RES 


où  se  flt  l'ouverture  du  grand  théâtre 
construit  par  Soutllot.  Hlalgré  son  ta- 
lent supérieur  dans  lnsvaleis  et  dans 
certains  rôles  spéciaux,  tels  que  Tar- 
tuffe, il  .idopta  de  bonne  heure  les 
manteaux  et  les  financiers  qui  con- 
veuiiient  mieux  à  son  physique.  Sur 
le  bruit  de  sa  réputation,  on  le  dési- 
gnait,à  Paris,  comme  le  double  et  suc- 
cesseur futur  de  Bonneval,  qui  a  rem- 
pli cet  emploi  au  Théâtre-Français 
jusqu'en  1773.  Mais  Restier  rejeta  les 
brillantes  offres  qu'on  lui  lit  pour  l'at- 
tirer dans  la  capitale ,  et  ne  voulut 
pas  quitter  Lyon  où  il  était  chéri  du 
public  et  admis  dans  les  meilleures 
sociétés.  Si  dans   les   financiers    il 
parut    inférieur  à   Desessarts  et   à 
Grandmesnil ,  qui  avaient  remplacé 
Bonneval,  parce  qu'il  n'avait  pas  le 
gros  ventre   du  premier  ni  l'itir  dur 
et  insolent  du  second,  il  les  surpas- 
sa incontestablement  dans  les  man- 
teaux et  les  grimes  auxquels  son  or- 
gane, sa  physionomie  et  son  grand 
nez  se  prêtaient  admir.iblement.  Per- 
sonne n'a  mieux  ']o\u'.Iiernadille  dans 
la  Femme  juge  et  partie,  Orgnn  dans 
la  Pupille  et  dans  le  Consentement 
forcé;  Armante  dans  les  Fnurberiex  de 
Scapin;  Géronte  dans  le  Légataire^ 
etc., mais  surtout  Hirpas^on  dans  VA- 
vare,  où  il  était  inimitable,  parce  qu'il 
le  jouait  d'après  nature.  On  raconte 
à  ce  sujet  qu'ayant  un  peu  légère- 
ment promis  à  un  de  ses  camarades 
de  lui  prêter  une  petite  somme,  il  ou- 
vrit un  tiroir  en   rechignant  et  lit 
rouler,  par  la  secousse,  plusieurs  pi- 
les (l'écus.  «  P.iuvres  petits,  dit-il, 
«  vous  crie;?,  vous  ne  voulez  pas  sor- 
«  tir;  eh  bien  !  restez.  -  Et  il  referma 
son  tiroir.  Déj"ar;;)lus  (luesexai^éitaire, 
Reslierquittak  théâtre,  peu  de  temps 
avant  la  révolutionvraais  le  parterre, 
n'ayant  pu  goûter  les  médiocres  ac- 
teurs qui  l'avaient  remplacé,  finit  par  " 


RET 

le  redemander  à  grands  cris.  Alors 
Restier  remonta  sur  la  scène  en  1790, 
et  continua  d'y  être  applaudi  jusqu'à 
l'époque  du  siège,  en  1793.Arrété  pen- 
dant le  régime  de  la  terreur  et  triduit 
devant  ses  juges,  il  se  tira  d'affaire 
par  sa  présence  d'esprit.  «  J'espère, 
«  citoyens  ,  dit-il  en  terminant  son 
«  petit  plaidoyer,  que  vous  n'aurez 
«  pas  l'ingratitude  de  faire  pleur«r 
«celui  qui  vous  a  tant  fait  rire.» 
Toutefois,  emmené  prudemment  à 
Strasbourg  par  un  de  ses  camarades, 
il  ne  revint  à  Lyon  qu'après  que 
l'orage  fut  passé.  Il  rep.irut  sur  la 
scène  m.ilgré  son  grand  âge,  mais 
il  retourna  bientôt  dans  sa  maison  de 
campagne,  à  la  Croix-Rousse,  où  il 
termina  sa  carrière  le  16  mars  1803. 
Peu  de  temps  avant  sa  mort,  dînant 
chez  son  curé  :  •  Paiera-t-on,  lui  de- 
«  manda-t-il ,  la  mes.se  qui  STa  dite 
«  après  mon  décès?— Non,  mon  ami. 
•  — Et  les  vêpres?  —  Non  plus. —  Eh 
«  bien  !  je  mécontenterai  des  vêpres.» 
Av;ire  jusqu'à  la  fin  ,  Restier  mourut 
d'ailleurs  chrétiennement. 

A-T. 

HETZ  de  Rochefort,  médecin  de  la 
marine  royale  à  Rochefort,  n'éîait  pas 
nédanscetteville, quoiqu'il  eilt  ajouté 
son  nom  au  sien,  commeoiitfa't  beau- 
coup d'autres,  tout  en  repoussant  des 
prétentions  de  féodalité.  Il  fit  ses  étu- 
des médicales  à  Paris,  et  fut  employé 
comme  médecin  militaire  dans  la 
guerre  d'Amérique,  puis  à  Rochefort, 
lorsque  la  paix  se  fit  en  1783,  avec 
le  titre  de  médecin  du  roi.  Ayant  alors 
adressé  au  dui'  de  Castries,  uunistre 
de  la  marine,  plusieurs  demandes  et 
projets  sur  divers  sujets,  notamment 
sur  les  travaux  de  Cherbourg,  non- 
seulem^'ut  il  eut  le  chagrin  de  ne 
pas  les  voir  accueillis,  mais  il  pf-rdlt  ' 
son  «mploi,  par  suite  d'un  duel  avec 
lin  M.  Gerinonière,  contrAleur,  tui 


RET 

avait  pris  la  défense  d'oo  fébrifuge, 
appelé po«dr«  du  pilo,  employé  dans 
les  hôpitaux  par  ontre  du  ministre. 
Le  docteur  Retz  fnt  deMitué  souspré- 
teite  qu'il  traitait  avec  nne  extrême 
légèreté  les  malades  confiés  à  ses  soins. 
Alors  il  alla  s'établir  à  Arras.  où  il 
exerça  sa  profession  avec  quelque 
succès.  En  1778,  il  avait  reoiporté 
un  prix  sur  ce  snjet  mis  au  concours 
par  l'Académie  de  Bruxelles:  Décrire 
la  température  la  plus  ordinaire  des 
saisons  aux  Pays-Bas,  etep  indiquer 
les  influences,  tant  sur  l'économie 
animale  que  végétale  ;  marquer  les 
suites  fâcheuses  que  peuvent  avoir 
les  changements  notabUs  danx  cette 
température,  avec  les  moyens  d'y 
obvier.  Cet  ouvrage ,  qui  lut  im- 
primé en  1780,  lui  lit  le  plus  grand 
honneur.  Pendant  son  séjour  à  Ar- 
ras le  docteur  Retz  se  lia  avec  Ro 
bespierre,  et,  dès  le  romnicncemf-nt 
de  la  révolution,  il  partagea  ses  opi- 
nions politiques.  S'étar.t  rendu  à  Pa- 
ris en  août  1790,  il  écrivit  au  prési- 
dent de  l'Assemblée  nationale,  pour 
être  réintégré  dans  son  emploi.  Nous 
ignorons  s'il  l'obtint,  mais  il  est  sOr 
que  depnis  ce  temps  il  ne  fut  plus 
question  de  lui,  et  il  y  a  lieu  de  croire 
qu'il  monrutdatis  lesdernieresannées 
du  XVlll*  siècle,  hnlépendauiment 
des  ouvrages  que  nous  avoiis  cités, 
on  a  de  ce  docteur  :  1.  Météorologie 
appliquée  à  la  médecine  et  à  l'agri- 
culture. Paris,  1779,  iii-8'';2«ediiion, 
1784.  On  trouve  à  la  suite  le  Traité 
d'un  nouvel  hygromètre  comparabe^ 
imité  de  celui  de  M.  Deluc.U.  Lettre 
sur  le  secret  de  Mesmer,  17»2.  lil. 
Recherches  pathologiques,  anatomi- 
ques  et  judiciaires  sur  les  signes  de 
l'empoisonnement .  1784.  IV.  Mé- 
moire pvur  servir  d  i'hisloire  de  ia 
x.jon^lerie^  dam  lequel  on  démontre 
tesphénomènes  du  Mesmérisme,  1 784. 


RET 


475 


V.  Observations  sur  les  maladies 
épidémiques  qui  régnent  tous  les  ans 
àRochefort,  1784.  VI.  Fragment  sur 
l'électricité  htinuiine.  Paris,  17S5.  in- 
S^. \l\. Nouvelles  instructites. biblio- 
graphiques, historiques  et  eriliques 
de  médecine^  chirurgie  et  pharmacie, 
Paris,  1785,  1786,  4  vol  — Continoa- 
tion  sous  ce  titre  :  Nouvelles,  ou  An- 
nales de  médecine,  chirurgie  et  phar- 
macie, recueil  raisonné  de  tout  ce 
qiCil  importe  d'apprendre  po'Jr  être 
au  courant  des  connaissances  et  â 
l'abri  des  erreurs  relatives  à  l'art 
de  guérir,  formant  les  tomes  V  à  VII 
du  rectieil  précédent,  Paris,  1789-91, 
3  Toi  ,  en  tout  7  vol.  in-l».  VIH. 
Nouvelles  littéraires  et  critiques  de 
médecine.  chirurs;ie  et  pharmacie, 
servarit  de  réponse  à  P.  Sue,  parun 
étudiant  en  médecine.  Paris.  1786, 
in-18.  IX.  Préfi*  sur  les  maladies 
épidémique  <f,qui  son  t  les  sources  de  la 
mortalité  parmi  les  gens  de  guerre, 
les  qen*  de  mer  et  les  artisans,  1788. 
\.Des  maladies  de  la  peau,  particu- 
lièrement de  celles  du  visage,  et  det 
affections  morales  qui  les  accompa- 
gnent, 1790,  in-8°.  XI.  Le  Guide  des 
jeunes  gens  de  Vtin  et  de  l'autre  sexe, 
à  leur  entrée  dans  le  monde,  pour  for- 
merle  ccettr.  le  jugement,  le  goût  et  la 
santé,  1790.  2  vol.  ni-t2.  XII.  Notict 
et  projet  de  décret  sur  la  constitution 
de  l'armée  navale,  1790,  in-S*.  Le 
(lorieur  Retz,  u<iant  amplement  de  la 
liberté  qui  renaît  d'être  donnée  à  tout 
le  monde  pour  faire  et  défaire  des 
constitutions,  ne  pn>po.sa  pas  m'»ins 
dans  cet  ouvrage  que  d'introdiiire 
dans  li  marine  la  moitié  de  l'armée 
de  tene,  ce  qui  pouvait  avoir  pour 
l'avenir  de  granils  résultats;  mais  ce 
n'était  pas^  vers  l'accroissement  de 
n<is  forces  maritimes  que  les  idées  de 
la  Francfi  étaient  alors  dirigées,  XIII. 
Instruction  sur  les  maladies  le»  pltis 


4Î6 


Mu 


WHimitiés'fMî te^eiijpTe,à  fiisâ^ 
'des '^i'é^sotiUes  hienfaisdniés  qui  lid- 
bitem  lès  campagnes,  I79i;'     if^.  '  " 
IIETZIUS    (AM)r!É-jAHAN),  cé- 
lèbre naturaliste  suédois,  élève  et 
contiiiiiatciir   de.   Linné  ,  naquit    le 
^   octobre    1742  à    Christianstadt , 
flrs;'k?liÀ'  c'.iirurgieii  de  rarniée  sué- 
doi^cVquî  lui  donna  les  premières  lé- 
chons de  son  art  et  fut  assez  heureux 
^oiir  lui  ihspirer  le  goût  des  études 
qui  l'ont,  illustré.  Mais  ce  bon  maître 
Itii  fut'enlèvé  lorsqu'il  avait  à  peine 
atteint    sa   treizièn^e  année,  et  sa 
Ihère,  no  pouvant'  le  soutenir'   au 
iiollé^e,  fut  obligée  dé  le  garder  chez 
èll'e.'^è'^iïd' tligne  femme  lit  néan- 
ttihiiik  tbu's'ges  efforts  pour  qu'il  étu- 
diât à  l'école  de  sa  ville  natale,  mais 
ses  ressources  furent  bientôt  épui- 
sées, et  le  jeune  Retzius  se  vit  forcé 
d'abandonner  les  livres  et  de  choisir 
"lin'^enre  de  vie  où  il  pût  du  moins 
'gagner  le  nécessaire.  Conduit  par  sou 
g()ût  pour  la  botanique  et  la  chimie, 
il  chercha  une  place  chez  un  phar- 
macien de  Lund  en  Scanie,  où  se 
trouve  une  université,  ce  qui  lui  don- 
'ha  occasion  d'y  fréquenter  les  cours 
d'histoire  naturelle.  En  1758  il  s'y  ht 
inscrire  comme  étudiant.  L'année  sui- 
vante on  lui  offrit  une  place  dans 
îtné  pharmacie  à  Carlshamn,  mais  il 
lié  l'occupa  qu'un  an,  et  se  rendit  à 
Stockholm  où  il  subit  les  examens 
exigés  pour  être    pharmacien.  Son 
cours  étant  terminé, il  essaya  d'établir 
utie  pharmacie  dans  une  petite  ville  ap- 
pelée Cimbritshamni  mais  ayant  été 
'délourné  de  ce.  projet,  il  vint  à  ^uhd 
^  pvur  y  continuer  ses  études  ,  et  pu- 
i)lia  eu  1761, une  dissertation  intitu- 
'  lée  -Dénatura  elindole  chemiœ  pu- 
rœ.  A  peine  âgé  (,1e  22  ans,  il  di'cou- 
vril  le  moyen  ^e  plus  simple  dç  pré- 
parer le  salep  avec, les   bulbes  de 
iorrhfs  mono,  t  reçut,  peu  de  temps 


^iiW^;j^V^i^i^è)6^*'H^|i»ê^ 

coimîe,'et  ti-ois  aris'pïus  tÀViî  (ff^ïtiiVe 
(lès  cours  publics  d'histoire  naturelle. 
Eh  1766  il  fut  reçu  docteur.  Rcvénià 
deux  ans  après  à  Stockholm,  il  cnti'li 
an  collège  dès  mines.  Ce  fùt'pen- 
daht  ce  séjour  dans  la  capitâlè'que  le 
collège  de  santé  le  cli.irgea  d'une 
partie  de  la  rédaction  d'une  pharma- 
copée suédoise,  et  d'ouvrir  un  coins 
de  pharmacie.  11  professa  en  même 
temps  l'histoire  naturelle  dans  l'é- 
tablissement  fondé   par   le   célèbre 
Jenstedt,  et  appelé  schola  illustrîs. 
En  1771  il  fut  nommé  démonstrateur 
de  botanique  h  l'université  de  Lund, 
et  en  1777  le  roi  lui  donna  Iç  litre  de 
professeur  d'histoire  naturelle;  mais 
ce  ne  fut  qu'en  1795  qu'il  en  exerça 
les  fonctions.  L'année  suivante  il  oc- 
cupa la  chaire  de  chimie.  En  18U, 
quand  le  buste  de  Mnné  fut  placé  au 
musée  de  l'Université,  le  professeur 
Retzius   prononça   un    discours  eu 
l'honneur  de  ce  grand  homme,  qui 
avait  été  son  maître  et  son  ami.  Ce  fut 
à  cette  occasion  qu'il  fit  don  de  ses 
collections  sur  l'histoire  naturelle, 
qui  étaient  considérables,  à  l'Univer- 
sité de  Lund.  L'année  suiv|nte  il  re- 
çut du  roi  un  congé  perpétuel,  mîiis 
il  exerça  toutefois  la  place  d'inten- 
dant du  jardin  botanique,  dont  le  soin 
fut  sa  plus  chère  occupation   Le  roi 
le  nomma,  en  1814, chevalier  del'É- 
toile-Polaire.  Retzius   continua   ses 
études  et  ses  recherches  scientifiques 
jusqu'en  1810,  où  uae  maladie  grave 
viul  troubler  le  calme  dont  il  jouis- 
sait et  le  mit  dans  Timpossibililé  de 
suivre  aucun  travail.  Enfin  il  succom- 
ba à  Siockholm,  le  (>  octobre  1821.  H 
était  membre  de  il  sociétés  savantes. 
Les  ()uvrai;es  qu'il  a  laissés  sont:  1. 
Abrégé  des  principes  de  la  pharma- 
cie, Slo'ckhohn.  1769,  ih-8o,lraduit  eu 
ùtïnciènadema'iut.  II.  Xomenclator 


RET 

|jO(^^(CM«  enumerans  planfa$  on\tif8 
tn  syslemàte  naturœ,  etc.,  Leipzig, 
^J-i  in-S".  m.  La  Flore  de  Suède 
par  ^i^iiié  ëlant  devenue  fort  rare, 
Re^zius  conçut  le  projet  d'eu  donner 
une  nouvelle  édition,  elil  réunit  pour 
cela  un  grand  nombre  de  uiiitériaux, 
Aendaulses  recherches  à  toutes  les 
contrées  septentriona'es.  Enfin  ilpu- 
JSIiâ  cet  ouvrage  sous  ce  titre  :  Flora; 
sçandinaviœ  prodromus,  mumeràns 
plantas  Sueciœ.,  Laponiœ,  Finlan- 
àicB,  Pomeraniœ  ac  Daniœ ,  Nor- 
vegiœ,  Jslandiœ,  Groenlandiœque^ 
Stockholm,  t77!),  in-8",  et  Lfipzîg, 

{795,  in -8".  Ce  livr|  est  resté  comme 
émeilleur  répertoire  botanique  pour 
^scontrées  du  Norfl.  IV.  Jntroduc- 
Jtîon  au  règne  animal  diaprés  lesyi- 
^Ume  de  Linné,  atec  des  gravures , 
Stockholm,  1772,  in-S".  V.  Gênera 
et  species  insectorum ,  secundum  1er- 
rninologiam  Linneanam,  Leipzig, 
1783,  in-S".  Lés  Mémoires  pour  ser- 
vir à  l'histoire  des  insectes,  du  ba- 
ron de  Geer,  le  Réaumur  suédois 
(1757-1768,  7  vol.  in-4'') ,  étaient 
d'un  prix  si  élevé  que  leur  cherté 
en  rendait  l'acquisition  peu  acces- 
sible au  plus  grand  nombre  des 
naturalistes.  Dans  leur  intérêt,  Ret- 
.  zius  s  occupa  de  résumer  en  un 
seul  volume  la  substance  de  cet  ou- 
vrage capital,  en  y  ajoutant  la  ter- 
iijinologie  de  Linné  et  la  synony- 
mie des  autres  entomologistes.  Ce 
travail  a  beaucoup  contribué  à  po- 
pulariser l'étude  des  insectes  dans 
un  pays  où  ils  abondent.  VI.  Dis- 
cours sur  ce  qui  nous  persuade  d'ap- 
prendre l'histoire  naturelle ,  Stock- 
holm, 1770.  VII.  Prolegomena  in 
pharmacologiam  regni  vegetabiîis, 
Leipzig,  1783  Wll.  Lectiones puili- 
^■œ  de  vervnbus  intestinalibus  prœ- 
rtim  humanis,  Stockholm,  17.^ fi, 
-sr  L*duleiu- divise  Us  vers  intes- 


iUET 


4]' 


li(|iaux  en  sept  espèce,  et  il  combat 
iès  méfïecin^  qui  ont  pensé  que, lieç 
œufs  de  ces  vers  naissent  avec  l'hoinf 
me.  On  trouve  en tfte  i^  jiv^v  uujca- 
taloguft  des  ouvrages  dans  Jesqufjs 
est  traité  ce  sujet  injporlant,  l\,.  06- 
servationes  bolaniçf^  -  sex  fq^çiic^l^ 
ciimprcliensœ ,  mni .iqbuUi^isfn^^ 
Leijizig,  1 779- 179 1  ,ln'  fql,  C'est ^oii,. 
vrage  capital  de  R,^tzius  et  cçiui  qui 
a  le  plus  éleudu  sa  répufa,tion,  Lés 
planches  dont  il  ^t  accompagné  ai- 
dent beaucoup  à  la  deieraiiuaticnj  des 
caractères  des  plantes,  que  Itautew 
décrit  avec  autant  de  clarté  que  de 
précision.  Il  relève,  les  erreurs  , dans 
lesquelles  sont  tombée  d>uti;ês-jM^ 
tanistes ,  et  se  plaint  aussi  de  la  xa^ 
nie  de  pluslears.  d'entre  eux,  de  mul- 
tiplier les  espèces  à  raison  de  légères 
différences  dans  quelques  parties  de 
la  même  plante,  ce  qui  n'est  pro- 
pre, dit-il  avec  raison,  qu'à  jeter  de 
la  confusion  dans  la  science.  X.  Essai 
d'un  système  du  règne  minéral  abrégé 
pour  s'en  servir  en  professant,  hat^^ 
n95^in-S''.\\.  FaunœSuecicceavim 
Linné,  emendata  tt  aucta,  pars  l,f, 
Leipzig,180 1,  grand  iii-S".  Dès  l'année 
1781  Betzius  avait  préparé  les  maté- 
riaux de  cette  Iroisième  édition  de 
la  Faune  suédoise.  Le  nombrp  ries 
espèces  ajoutées  à  la  nomenclature 
de  Linné  est  assez  considérable  ,ft 
quoique  les  descriptions  du  grand  jià- 
tiiraliste  soient  textuellement  res- 
pectées par  réditeuf,  il  tes  ét^hd, 
quand  it  est  besoin,  d'après  les  nou- 
velles observations  qui  ont  été  faites, 
depuis  les  premières  publications  de 
la  Faune  suédoise.  XII.  Essai  d'une 
Flora  œconomica  suecica ,  Luud , 
1806,  2  vol.  in-8°.  XïlI.  Traàuctipn 
d'un  traité,  de  Kirvan,  sur  tes  dif- 
férentes espèces   de   funùer,  Lunà, 
1797,  in-8^  XIV.  Trad^tcïion  ctun 

trailéa  d'Andersoïi,   »uf  Té  imï  et 

ïqfnfî  ^n  !!5q   îin-jï  ll'.oslOftt  ^^n^to  i 


478 


REU 


le  beurre^  1802,  in-8».  XV.  Traduc- 
tion des  indications  pour  Vamélio- 
ration  de  la  race  des  brebis,  par 
Abilfl^aard  et  Wiborfi,  Stockholm, 
1806,  in-8°.  XVI.  Flora  Virgiliana, 
avec  un  appendice  sur  les  plantes  qui 
étaient  servies  sur  la  table  des  Ro- 
mains, Lund,  1809,in-8«.  XVIl.  En- 
seignement au  peuple  pour  la  plan- 
tation des  arbres,  surtout  dans  la 
province  de  Scanie.  Retzius  a  publié 
en  laliii  plusieurs  disserta1ion«  insé- 
rées dans  les  mémoires  de  différen- 
tes sociétés  savantes.  Thunbcrg  lui 
a  dédié  un  nouveau  getire  de  plantes 
t|u'il  a  découvert  au  Cap,  et  auquel  il 
a  donne  le  nom  de  Relzia. 

B— L— M  et  L — M — X. 
REUSS-P/aiicn  (Henri  XV,prince 
de),  général  d'artillerie  au  service  de 
l'Autriche,  né  le  22  février  1 75 1,  d'une 
branche  collatérale  de  cette  famille 
princière,  l'une  des  plus  anciennes 
du  corps  germanique,  reçut  une  édu- 
cation très-soignee  comme  destiné  à 
la  carrière  des  armes,  et  entra  fort 
jeune  dans  l'armée  autrichienne, avec 
laquelle  il  fit  la  guerre  contre  les 
Turcs,  sous  le  prince  de  Cobourg,  ce 
qui  lui  valut  le  grade  de  colonel.  Re- 
venu avec  ce  prince  en  Allemagne 
lorsque  la  paix  fut  conclue,  il  le  sui- 
vit encore  dans  les  Pays-Bus  en  1793, 
pour  y  combattre  les  Français.  Après 
avoir  concouru  à  la  victoire  de  JNer- 
winde,  il  commanda,  dans  les  mois 
ii'avriletde  mai,  un  corps  détaché  près 
de  Bavai,  et  obtint  quelques  succès. 
11  fut  fait  général-major  après  l<i  ba- 
taille de  Watigiiies,  près  de  Maubeu- 
ge ,  et  lit,  en  cette  qualité,  la  mémo- 
rable campagne  de  179t.  Eu  1796,  il 
passa  à  l'armée  d'Italie,  où  il  se  dis- 
tingua dans  plusieurs  occasions,  uo- 
tamiueitt  à  l'aifaire  du  chAteau  de 
Pietra  et  k  celle  de  Baselga.  En  fé- 
vrier 1797,  il  devint  feld -maréchal- 


RÈU 

lieutenant,  continua  d*être' employé 
en  Italie,  et  comVnanda,  en  1799  et 
1800,  un  corps  formant  l'aile  gauche 
de  l'armée  du  général  Kray,  qui  assié- 
gea Mantoue  et  força  cette  place  à 
capituler.  Le  prince  de  Reuss  fut  en- 
suite chargé  d'entretenir  les  com- 
munications, par  le  Tyrol  et  les  Gri- 
sons, entre  l'Allemagne  et  l'Italie; 
puis  nommé,  en  1802,  directeur- gé- 
néral du  recrutement  des  armées  im- 
périales. Eu  Î812,  il  commanda  un 
cnrps  d'observation,  et  l'année  sui- 
vante, s'élant  trouvé  à  la  tête  de  ce 
corps  en  présence  de  l'armée  de  Ba- 
vière, sous  les  ordres  du  prince  de 
Wrède,  il  fut  chargé  de  négocier  la 
paix  avec  cette  puissance,  et  parvint 
à  la  faire  entrer  dans  la  coalition  contre 
la  France,  par  le  traité  de  Ried,  qu'il 
signa  pour  l'Autriche  le  8  avril  1813. 
Le  prince  de  Reuss •  Plauen  commanda 
ensuite  un  corps  dans  la  grande  armée 
des  alliés  sous  le  prince  de  Schwar- 
zenberg,  puis  il  fut  nommé  com- 
mandant de  laGalicie.  En  1814,  il  ftit 
chargé  du  gouvernement  civil  et  mi- 
litaire de  la  ville  de  Venise,  et  mou- 
rut vers  18.^,  dans  uh  âge  avancé.  11 
était  colonel-propriétaire  d'un  régi- 
ment d'infanterie  autrichien,  grand' 
croix  de  Tordre  impérial  de  Léopold, 
chevalier  de  Marie  -  Thérèse  et  de 
Saint-Hubert  de  Bavière. —  Le  prince 
de  Reuss-Lobstein,  qui  conunnndait 
un  corps  de  la  confédération  du  Rhin 
k  la  grande  armée  de  Napoléon,  fut 
tué  sur  le  champ  de  bataille  près  de 
Dresde,  dans  le  mois  de  sept.  1818. 
M — D  j. 
KEUTII  (Bernard),  historien 
russe,  né  à  Mayence  vers  le  milieu 
du  XVIII*  siècle,  reçut  dans  cette 
ville  sa  première  éducation ,  et  , 
acheva  ses  études  à  (éna,  Leipzig  et  j 
Gœttingue.  Revenu  dans  sou  pays, 
il  entra  au  .service  civil  dans  le  dé- 


REU 

parlement  du  Mont-Tonnerre,  sans 
abanclnner  ses  occupations  litié- 
rairfs.  H  se  rendit  ensuite  à  Dorpat, 
nù  il  remplit  les  fonctions  de  vice- 
directeur  de  Vlnstitut  pédagogigue. 
.^ue  i'invitation  du  comte  Potoçki, 
alors  orateur  de  l'arrondissement 
universitaire  de  Kharkof,  Reuth  se 
rendit  en  1801  dans  cette  ville,  pour 
(  nseigner  à  l'université  l'histoire  des 
États  de  l'Europe  et  leur  statistique. 
'>fut  làqu'il  mourutleS  janvier  1825. 
Voici  la  liste  de  ses  ouvrages ,  pu- 
bliés soit  en  Russie,  soit  en  Allema- 
"gne.  I.  Lettres  politiques,  accompa- 
gnées d'un  Essai  sur  l  histoire  de 
l'ancienne  ville  de  Mayence^  Man- 
heim ,  1789.  II.  Histoire  de  la 
^^{fuerre  civile  en  Ffance,  par  Davila; 
trad.  de  i  italien  en  allemand ,  avec 
une  Histoire  de  la  puissance  des  rois 
et  (les  révolutions  de  France,  depuis 
l'origiue  de  la  monarchie  jcsqu'à  la 
Ligue,  Leipzig,  r792-1795,  5  vol.  gr. 
in-8\  Celle  tradiiction  fut  réimpri- 
mée à  Vienne  en  1 8 17.  III.  Histoire  de 
la  puissance  des  rois  et  de  la  révolu- 
tion en  France,  depuis  la  dissolution 
de  la  Ligue  jusqu'à  la  république, 
Leipzig,  1796-17^7,  2  vol.  in-8o 
IV.  Révolution  de  la  république  de 
Venise,  Leipzig,  1798.  V.  Tableau 
historico-slalistique  du  Portugal , 
par  le  général  Dumouriez ,  trad  du 
français  en  aUemam^  Leipzig.  1798 
VL  Voyaie  en  Sicile,  à  Athènes,  à 
Constant inople,  etc.;  trad.  libreusent 
de  l'anglais,  Leipzig,  1798,  in-4«. 
VIL  Essai  d'histoire  des  Russes  (en 
latin),  re  partie,  Kharkof,  181 1, 
in-8°.  VII L  Esprit  des  productions 
littéraires  de  l'Orient  et  de  l'Occi- 
dent, Kharkof,  I8U,  in-4''.  IX.  L'O- 
rient, discours  prononcé  le  25  déc. 
1814  ^v.  st.),  Khark'jf,  in-i".  Reuth 
prononça  encore  à  Kharkof  deux  au- 
tres discours,  dont  le  premier  eut 


REU 


479 


pour  objet  la  Confédération  du  Rhio, 
et  l'autre  le  Droit  public  des  royau- 
mes unis  de  la  Grande-Bretagne. 
Quelques  autres  de  ses  productions 
ont  été  imprimées  dans  des  ouvra- 
ges périodiques.  H  est  à  désirer  que 
ses  papiers  soient  conservés  à  la 
bibliothèque  de  l'université  de  Khar- 
kof, surtout  ceux  qui  ont  rap- 
port au  traité  sur  les  Rus$es,  qst^il 
se  proposait  de  publier.  La  vivacité 
de  son  imagination  lui  a  liait  admeUrf 
quelquefois  des  «  '  '  .s  hasar- 
dées, mais  ses  co,  -histori- 
ques n'en  sont  pas  luuius  aiguës  d'at- 
tention. Sun  Essai  d'histoire  russe 
et  V Histoire  de  Daviia,  qu'il  a  cora- 
plélec,  doivent  être  regardés  comme 
ses  principaux  ouvrag/>$..  6-^b>-d. 
KEUVËAS  (JeA.N  ÉVERARO),  ju- 

nscoitsulle,  né  à  Harlem  en  1763,  fit 
de  bonnes  études  à  l'université  de 
Leyde,  et  soutint,  pour  êtie  gradué 
en  droit,  une  théi.e  sur  cette  question: 
De  cautione  muciana.S'ttdul  fëUrr- 
cevoir  avocat  à  La  Haye,  il  y  forma  en 
peu  de  temps  une  beîle  clientèle. 
Après  i'mvasion  des  Français,  en 
1795,  il  fut  nommé  conseiller  à  la 
cour  de  justice  de  la  province  de 
Hollande.  Le  gouvernement  batave 
ayant  encore  subi  une  révolution  en 
1799,  ReuvMis  fiit  mis  à  la  télé  de 
la  magistrature  sous  le  titre  d'o^«if. 
général  de  la  justice^  emploi  (n»^ 
eu  1801,  fut  supprimé.  Alors  Reuvens 
devint  président  de  la  haute-cour  de 
justice.  Lors  de  la  création  du  royau- 
me d.^  Hollande  en  faveur  de  Loui.< 
Bonaparte  (1806),  il  fut  nommé  con- 
seiller d'État,  pids  prési  ient  de  sec- 
tion elvice-pré^dent.  Quand  la  Hol- 
lande fut  réunie  à  l'empire  français, 
en  1810,  il  fut  d'abord  nommé  prési- 
dent de  la  C"ur  d'appei  à  La  Haye,  et, 
bientôt  appelé  à  Paris  où  sa  répota- 
tion  de  savoir  l'avait  dès  long-tetnps 


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REU 


prt>cedt'.  Il  y  fut  nommé  cousoiller  ii 
la    cour   de   cassation;  et  Merlin, 
alors   procureur-  ge'n»'ral,   le   pré- 
sentant à  ses  collègues,  leur  dit  ; 
«  J'ai  l'honneur  de  vous  présenter 
«  l'un  des  plus  grands  jurisconsultes 
«  d'un  pays  qui  a  fourni  tant  d'honi- 
«  mes  distingués  en  cette  partie.  • 
Reuvens  justifia  bientôt  cet  éioge  par 
d'excellents  rapports  sur  des  affaires 
importantes  dont  il  fut  chargé.  Lors- 
que la  puissance  de  INapole'oii  tomba 
et  que  h  royaume  des  Pays-Bas  fut 
établi,  en  18i4,  Reuvens  retourna 
dans  sa  patrie  ;  il  fut  nommé  pré- 
sident de  la  cour  d'appel  à  La  Haye, 
et  en  même  temps  membre   d'une 
commission  chargée  de  rédiger  un 
Code  pour  le  nouveau  royaume.  S'é- 
tant  rendu  à  Bruxelles,  en    1816, 
pour  ce  travail,  il  y  périt  victime 
d'un  complot  dont  on  ignore  en- 
core la  cause  et  les  auteurs.  Le  pro- 
fesseur Tewater  a  fait  pour   la  So- 
ciété  de   littérature    de  Leyde    un 
éloge  de  son  confrère  Reuvens.  — 
Reuvens    (  Gaspard-Jacques-Chré- 
tien) ^  archéologue  hollandais,   ii!s- 
du  précédent,  s'est  parliculièreitient 
distingué  par  ses  connaissances  dans 
l'archéologie  égyptienne.  Il  naquit  à 
La  Haye  en  1793, et  lit  de  très-bonnes 
études  à  Amsterdam,  sous  la  direc- 
tion de  Van-Lennep;  puis  à  Leyde, 
sous  Wittenbach ,   et  à  Paris  sous 
M. Boissonade.  EnlSliilaccompagna 
son  père  dans  cette  ville,  et  y  reçut  le 


REU 

grade  de  licencié  en  droit.  Étant  re- 
tourné dans  sa  patrie,  par  suite  des 
événements  de  1X14,  il  fut  nommé 
professeur  à  l'athéncede  Hardevich, 
et,  après  la  suppression  de  en  collège, 
à  l'université  de  Leyde.  Il  mourut  à 
Londres  le  22  jnin  1835,  à  l'âge  de  42 
ans,  le  jour  même  où  il  se  prépa- 
rait à  rentrer  dans  si  patrie.  C'est  à 
lui  qu'est  due  la  fondation  du  mu- 
séum  d'antiquités  égyptiennes,  at- 
taché à  l'université  de  Leyde.  Entre 
autres  ouvrages,  on  a  de  Reuvens  : 
I.  Lettres  à  M.  Letromie  sur  les  pa- 
pyrus bilingues  et  grecs,  et  sur  quel- 
ques autres  monuments  gréco-égyp- 
tiens du  musée  d'antiquités  de  Leyde, 
vol.  in-i"  avec  un  allas  in-ful.  def» 
planches,  Leyde,  1830.  La  Revued^É- 
dimbourg  a  donné  plusieurs  analyses 
de  cet  ouvrage  (juin,  1831,  etc.).  II. 
Notice  et  plan  des  constructions  ro- 
maines trouvées  dfins   les  fouilles 
faites  en  1827-29  sûr  l'emplacement 
présumé  du  forum  Hadriani,  à  la 
campagne  nommée  Arentzburg,  près 
deLaHaye,  Leyde,  1830,  in  fol.  III. 
Histoire  des  momies  égyptiennes,  ou- 
Vfiige  important.  IV.  Nouveau  Jour- 
nal de  la  littérature,  des  sciences  et 
des  arts^  dont  il  n'a  paru  que  5  cah. 
in-8".  V.  Colleclanea  litteraria,  où 
se  trouvent  des  recherches  et  remar- 
ques très-érudiies  sur  Attius,  Dio- 
inède,  Lucilius,.Nidus,  Nonius,  Var- 
ron  et  quelques  autres  écrivains  la- 
tins peu  connus.  M— d  j. 


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Biographie  universelle, 
ancienne  et  moderne 


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II 


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