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BIOGRAPHIE
UNIVERSELLE,
ANCIENNE ET MODERNE
SUPPLÉMENT.
PRA — REU.
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MOOlll
qi'^ïiP'.
Iiiiprinicris d'E. Di vkrker, ru« dt Vorncuil, n. 4.
BIOGRAPHIE
• UNIVERSELLE,
ANCIENNE ET MODERNE.
SUPPLEMENT,
SUITE DE l'BISTOIBE , PAR ORDRE ALPHABÉTIQUE , DE LA VIE PCBLIQLE
ET PRIVÉE DE TOUS LES HOMMES QUI SE SONT FAIT REMARQUER PAR
LEURS ECRITS , LEURS ACTIONS , LEURS TALENTS , LEDBS VERTUS OD
LEURS CRIMES.
OUTKAGK CirriÈREMEilT ITECK,
RÉDIGÉ PAR UNE SOCIÉTÉ 6e GENS DE LETTRES ET DE SAVANTS.
Oa doit des égards aax TiTants;oD oe doit aax morts
que la Térilé. (Volt., premiin Lettre sur OEdipe.)
TOME SOIXAINTE-DIX-HLITIÈ.ME.
A PARIS,
CHEZ L.-G. MICHAUD, ÉDITEUR,
RUE DE LA. JUSSIENNE, 8.
1846.
m
ftfium
; H
SIGNATURES DES AUTEURS
DU SOIXANTE-DIX-HLITIÈME VOLUME.
MM.
MM.
A— D.
Abtadd.
G— T— b.
Gauthier.
A. P.
PÉKicADD aîné (Ant.).
G-Y.
Gley.
A-T
H. Addiffret.
L.
Lefebvbe-Caijcbt.
A— V.
Alby (René).
L— c— J.
Lacatte-Joltbois.
Az— 0.
AZARIO.
L — M — X
J. Lamodbecx.
B— D— E.
Badichb.
L— p— E.
Hippolyte de la Pobte.
B— H— D.
Bebnhabd.
L— s— D.
Lesoukd (Louis).
B— ÉE.
BOULLÉB.
L—T.
Lécuy.
B— F— S.
Bonafous.
M-D. j.
MicHAUD jeune.
B— L— M.
Blumm.
M-É.
De Monmerqué.
B— N— T.
Brun ET (Gustave).
M— G— N.
Magmn.
B— P.
De Beacchamp.
M— LE.
Mentei.le.
B-0.
Beadlieu.
M— ON.
Marron.
C— AU.
CaTIEAU-C ALLE VILLE.
OZ— M.
OZANAM.
C-L-B.
De Combette-Labodre-
P. L—T.
Prosper Levot.
LIE.
P-OT.
Parisot.
c— L— T.
Collombet.
P— rt.
Philbebt.
C. M. p.
PiLLET.
P-S.
PÉBlèS.
C— T— p.
Chateaonedf.
P— V— T.
Prévost.
c. T-Y.
Coql'ebebt de Taizy.
R— D— N.
Renacldin.
D—B— s.
Ddbois (Louis).
R— F— G.
De Reiffenberg.
D—És.
Després.
St— T.
De Stassart.
D-G.
Depping.
S-y.
De Salaberby.
D— H— E.
Dehèque.
T— D.
Tabaraud.
D-S— E.
Dassance.
V— VE.
Villenave.
D— z— s.
Dezos de la RogUETTE.
V. s. L.
Vincens-Saint-Laurent.
E-s.
E Y RIES.
V. D'A,
Viblet d'Aoust.
F. P— T.
Fabien Pillet.
W— R.
Walckenaer.
F-T-E.
De la Fontenblle.
W— s.
Weiss.
G— 6— Y.
De Grégory.
Z.
Anonvme.
BIOGRAPHIE
UNIVERSELLE.
SUPPLÉMENT.
P.
PRADIIER (Louis-Barthélemi),
compositeur et pianiste distingué,
naquit à Paris le 16 décembre 1782.
Fils d'un violoniste très-renommé
par son talent pour l'accompagne-
ment , attaché à l'orchestre de l'O-
péra, et mort vers 1810; neveu de la
célèbre Dug4zon Ivoy. LXIll, 77), et
de son frère Lefebrre qui fut long-
temps chef d'orchestre de l'Opéra-
Comique; enfin beau-frère de M.
Louis Séjan qui, comme organiste,
a presque obtenu la réputation de
son père Nicolas Séjan, il n'a rien
manqué à Pradher pour voir sa vie
entière sous l'influence d'une atmos-
phère musicale. En effet, dès l'âge
de 18 ans, il avait épousé M"«Phili-
dor, fille de l'un des plus anciens
compositeurs de l'Opéra - Comique
{voy. Philidor, XXXIV, 57); et,
veuf de sa première femme, il se ma-
ria en secondes noces, en 1820, avec
M"« More que ses charmes et ses ta-
lents ont fait vivement regretter, lors
de sa retraite prématurée de l'Opéra-
Comique. Dès l'âge de huit ans, élève
de son oncle Lefebvre, puis de Go-
bert, à l'École royale de musique,
supprimée dans les premières an-
nées de la révolution, Pradher fut
un des deux élèves auxquels M*^ de
rxxviu.
Montgeroult donna ses soins par or-
dre du gouvernement. Après l'éta-
blissement du Conservatoire, sous le
nom d'Institut de musique, en 1794,
Pradher y fut admis, reçut encore
des leçons de Gobcrt, et remporta,
dans les deux premiers concours, le
premier et le second prix de piano.
A seize ans il prenait déjà rang par-
mi les meilleurs pianistes de la ca-
pitale, et il apprit ensuite l'harmonie
sous Berton et le contre- point sous
Méhul. Ayant quitté le Conservatoire
à l'époque de son premier mariage,
il y rentra un an après, à la suite
d'un brillant concours, où il avait
exécuté à la première vue des fu-
gues manuscrites d'une extrême dif-
ficulté. Il fut alors nommé professeur
de piano, à la place d'Hyacinthe Ja-
din, son ami, décédé en 1801, et il
conserva cette place jusqu'en 1815.
Sa classe fut toujours fort suivie, et
il en est sorti plusieurs élèves dis-
tingués. Comme il était très- bon ac-
compagnateur, le célèbre chanteur
Carat l'avait choisi pour son pianiste,
dans les concerts publics et de so-
ciété. Il ne manquait plus à Pradher
que de joindre à sa brillante et gra-
cieuse exécution le talent de compo-
siteur dramatique. Il avait déjà pu-
4
2 PRA
blié un grand nombre d'œuvres de
musique , notamment treize recueils
de romances, parmi lesquelles il faut
citer celle qui commença sa réputa-
tion, en 1798, le Bouton de Roscj
paroles de M™* Pipelet, depuis prin-
cesse deSalm-Dyck {voy. ce nom, au
Snppl.), le Printemps, etc., des sona-
tes de piano avec ou sans accom-
pagnement de violon obligé, des
rondos de chant, un concerto de pia-
no, deux pots-pourris , des varia-
tions sur la romance d/Héléna^ une
fantaisie sur celle du Point du
jour, etc. Pradher a été moins heu-
reux dans ses compositions drama-
tiques, dont souvent lesuccès tient
plus au mérite du poème qu'au ta-
lent du musicien. Il a donné à l'O-
péra-Comique six ouvrages : ( avec
son cousin Gustave Dugazon) h Che-
valier d'industrie, en un^acte, paroles
de Saint-Viclor, 1804 5 (seul) la Folie
musicale, ou le Chanteur prisonnier^
en un acte, paroles de Francis Dal-
larde, 1807; (avec Berton) Jeune et
Vieille, en un acte, paroles de Cha-
zet, 1811; (seul) VEmprunt secret,
en un acte, paroles de M. Planard,
1812; le Philosophe en voyage, en
troisactes, paroles de M. Paul deKock,
1821 \Jenny la bouquetière^ en deux
actes, paroles de Bouilly et Pain,
1823. Dans la composition de ces
deux derniers ouvrages qui réussi-
rent plus que les premiers, Pradher
eut pour collaborateur Fréd. Kreubé;
mais dans ses autres opéras on avait
applaudi aussi plusieurs morceaux.
L'exécution de cet artiste sur ïe pia-
no était à la fois gracieuse , expres-
sive, brillante et vive. Il joignait à
ses talents tous les agréments de la
ligure, de la taille, de l'esprit, des
belles manières et du bon ton. Il
suppléa temporairement Boïeldicu au
Conservatoire, de 1802 h 1807. Main-
PRA
tenu dans son emploi de professeur
de piano, lorsqu'en 1815 le Conser-
vatoire fut remplacé par l'École
royale de musique et de déclama-
tion ; chevalier de la Légion-d'Hon-
neur en 1825, pianiste de Charles X
et directeur de la musique de Made-
moiselle en 1827 , il n'en fut pas
moins un des douze professeurs ré-
formés, en 1828, par M. Sosthèncs de
la Rochefoucauld, pour payer les ho-
noraires d'un seul professeur italien.
Pradher a été aussi maître de musi-
quedes enfants du roi Louis-Philippe.
On a encore de lui d'autres roman-
ces, nocturnes, sonates, etc. Menacé
de phthisie pulmonaire, après avoir
donné avec sa femme des concerts
dans la Belgique et dans diverses par-
ties de la France, il s'était retiré dans
le midi pour rétablir sa santé, et il
résida long-temps à Toulouse, où son
talent ne fut pas moins apprécié qu'à
Paris. Pendant l'été, il allait respi-
rer un air plus frais dans une pro-
priété qu'il avait acquise à Gray. C'est
là qu'il mourut, vers la fin d'oct.
1843, dans les bras de sa femme, qui,
depuis 1835, avait quitté le théâtre
avec une pension, pour suivre et soi-
gner son mari. Il n'a laissé de son
premier mariage qu'un lîls qui, après
avoir été, avec un de ses cousins, Phi-
lidor, à la tête d'une maison de joail-
lerie , tient aujourd'hui un emploi
honorable dans les finances de la pré-
fecture de la Seine. A — t.
PRADO (Blas bel), peintre, né
à Tolède en 1498, fut élève, selon
les uns, du Berruguelte, et, selon
d'autres, de Comontcs. Quoi qu'il en
soit, Prado se fit connaître par un
véritable talent dans tous les genres
de peinture, et le roi Philippe II l'en-
voya à l'empereur de Maroc, qui lui
avait demandé un artiste habile pour
faire le portrait d'une de ses filles,
PRA
PRA
et pour exécuter divers embellisse-
ments dans ses palais. Prado fat
reçu avec distinction par l'empereur
qui le combla de présents. Après un
séjour de peu de durée en Afrique ,
il revint dans sa patrie, où, par une
bizarrerie qui tenait à la tournure de
son esprit, il conserva jusqu'à la fln
de ses jours le costume et la manière
de vivre des Orientaux. Il est connu
par les travaux de restauration qu'il
a faits à un grand nombre de ta-
bleaux précieux, ainsi que par plu-
sieurs tableaux de sa composition
qui lui assignent un rang éminent
parmi les artistes de son pays. On
cite entre autres un Saint Biaise en
habits pontificaux, une Présentation
au Tetnple, une Sainte famille, mais
surtout la Descente de croix et la
Vierge et Sainte Catherine qui exis-
tent à Madrid, et que Ton regarde ,
avec raison, comme des ouvrages
d'un véritable mérite. Ce qui en fait
le caractère distinclif, c'est la pureté
du dessin, le grandiose des formes et
la simplicité de la composition, il
existe aussi, dans la chapelle de Té-
vêque de Placentia à Madrid, un fort
beau paysage qui prouve son talent
supérieur dans ce genre de pein-
ture. Il peignait avec un égal suc-
cès les fleurs, les fruits, qu'il ne co-
piait jamais que d'après nature, et il
en faisait des guirlandes dont, à
l'exemple de Seghers et de Deheem,
il enrichissait ses compositions. II
mourut à Madrid en 1557. P — s.
PRADO (le P. JÉRÔME). Voy.
ViLLALPAND, XLVUI, 497, UOtC 1.
PRADT (Dominique Dufour de),
l'un des écrivains politiques les plus
féconds de notre époque, naquit dans
le village d'Allanches en Auvergne
le 23 avril 1759, unique fruit d'une
mésalliance. Son père était roturier
et sa mère se prétendait de la fa-
mille des La Rochefoucauld, ce qui
n'est pas aussi prouvé que la parenté
du maréchal Duroc, un peu moins
illustre, mais dont il tira bon parti,
comme on le verra plus tard. Des-
tiné de bonne heure à l'état ecclé-
siastique, il devait parcourir cette
carrière avec de grands avantages.
Après avoir fait de bonnes études qui
furentachevées au séminaire, il entra
fort jeune dans les ordres , et fut
nommé, peu de temps avant la révo-
lution,grand-vicaire du cardinal delà
Rochefoucauld, archevêque de Rouen.
S'étant fait remarquer dans cette place
par son esprit et par son dévoue-
ment à la cause de la religion et
de la monarchie, il fut nommé, en
1789, député du clergé de la pro-
vince de Normandie aux États-gé-
néraux, où il montra beaucoup de
zèle pour les intérêts de son ordre, et
signa toutes les protestations de la
minorité contre les innovations révo-
lutionnaires, se réunissant en cela
constammentaux Cazalès, aux Haury-
Montant rarement à la tribune, il par-
lait souvent de sa place, et se conten-
tait d'attaquer ses adversaires par de
brusques interruptions, des sarcas-
mes ou des saillies toujours vives et
spirituelles. Sa motion la plus impor-
tante fut celle qu'il fit très-inutile-
ment, comme toutes celles du même
genre, pour que les religieux, auto-
risés à rester dans leur cloître après
la suppression, y conservassent du
moins l'usage de leur mobilier. Ar-
rivé à la fin de la session sans s'être
démenti, l'abbé de Pradt figurait au
premier rang des défenseurs de la
mouarchie, et comme tel il comprit
qu'il n'y avait plus en France pour
lui ni sûreté ni fortune. Se voyant
privé de son emploi de grand-vicaire
par suite de la constitution civile du
clergé, à laquelle ni lui ni son arche-
1.
PRA
vêque n'adhérèrent, il se décida a
quitter son ingrate patrie, et se ren-
dit en Belgique, où venait de se ter-
miner une révolution moins contraire
au clergé, mais où il fut néanmoins
réduit à toutes les misères de l'émi-
gration. Ne trouvant de dédommage-
ment à son infortune que dans la so-
ciété de quelques émigrés distingues
par leur esprit et leurs opinions mo-
narchiques, tels que Rivarol et Panât,
il se lia intimement avec eux. Bientôt
obligé de quitter ce pays, envahi
par Dumouriez dans le mois de nov.
1792, il se retira en Westphalie, d'où
il revint à Bruxelles lorsque le prince
de Cobourg y rentra l'année suivante,
après la bataille de Nerwinde. L'abbé
de Pradt passa encore plusieurs mois
dans cette ville, s'occupant beaucoup
de politique, et voyant fréquemment
le comte de Mercy-Argenteau, ancien
ambassadeur d'Autriche à Versailles
{voy. Meecy-Abgenteau , LXXIII,
468), qui était alors chargé, ainsi que
le comte de Trauttmansdorff, des né-
gociations secrètes entre le fameux
comité de salut public et la cour de
Vienne. On sait de quelle influence
furent ces négociations sur les desti-
nées du monde. Sans être initié dans
tous les secrets de cette grande affaire,
de Pradt avait trop d'esprit et de sa-
gacité pour n'en pas pénétrer les plus
importants. Nous l'avons entendu
plus d'une fois raconter avec sa gaîté
ordinaire ce qu'il en avait appris de
la bouche même du diplomate autri-
chien, qui lui disait sérieusement que
le gouvernement de monsieur de Ro
bespierre inspirait assez de conliance
à sa cour pour qu'il lui parût conve-
nable de traiter avec lui. On ne peut
plus douter aujourd'hui que ce ne
soit par suite de cette confiance in-
spirée au cabinet de Vienne par won-
■vcur de Robespierre que les armées
PRA
de la coalition, victorieuses et maî-
tresses de nos plus fortes places, se
soient tout à coup arrêtées sur notre
frontière, et qu'elles aient évacué la
Belgique. {Yoy. Kilmaine , LXVlll ,
517.) Ces négociations de Bruxelles
eurent encore d'autres résultats im-
portants, et de Pradt en a parlé dans
plusieurs de ses écrits, notamment
dans la Belgique depuis 1789 jus-
qu'en 1794. On est même fonde à
croire que les notions qu'il y puisa
eurent quelque influence sur le suc-
cès de son Antidote au congres dô
Rastadt. Lorsque, en conséquence de
ces négociations, laBelgiquefut éva-
cuée une seconde fois par les armées
de l'Autriche en 1794, l'abbé de Pradt
et ses amis se réfugièrent a Ham-
bourg, et il continua à s'occuper pen-
dant plusieurs années, avec Baudus,
Rivarol et quelques autres, d intri-
gues et de publications politiques.
Il eut, dit-on, une grande part à la
Biographie des hommes de la révo-
lution, 3 vol. in-8o, publiée dans cette
ville en 1800 et qui fut le type ou
le modèle de bien d'autres, ainsi
qu'au Spectateur du Nord dont Bau-
dus était le principal rédacteur. Il lit
insérer dans ce journal quelques ar-
ticles militaires qui furent remarques,
et même attribués par beaucoup de
personnes à un ancien général ; ce qui
lui donna des prétentions à la science
de la guerre, et lui fit concevoir la
pensée d'en écrire l'histoire contem-
poraine -, mais il y renonça bientôt,
persuadé que son titre d'abbé suftirait
pour en empêcher le succès. C'est
aussi dans ce temps qu'il s'occupa de
son ouvrage le plus remarquable,
VAntidote au congrès de Rastadt,
dont le succès fut prodigieux dans
toute l'Europe. Comme il n'y avait
pas mis son nom, beaucoup de lec-
teurs l'attribuèrent à l'autour des
PRA
PRA
Considératians sur la France, ou-
vrage également important, et qui
venait de paraître. On Jes rëunit
même tous deux dans un seul volume
qui fut imprimé clandestinement à
Paris en 1798, sous la rubrique de
Londres, avec le nom de de Mais-
tre. II y en eut dans la même année
plusieurs autres éditions en Suisse ,
en Allemagne, en Angleterre; et les
hommes de tous les partis, de toutes
les opinions, le lurent avec le plus
vif intérêt. Tous les journaux en par-
lèrent avec admiration, et nous n'a-
vons pas oublié les articles remarqua-
bles que lui consacra le Journal des
hommes libres rédigé par Antonelle,
celui des écrivains qui montrait alors
le plus d'exaltation démagogique. Ce
journal déclara hautement que c'était
laproduction la plus redoutable qu'eût
imaginée \e.géniedela contrerétolu-
tion. Mallet du Pan, l'un despenseurs
les plus profonds de notre époque, en
fut aussi frappé d'admiration, et il en
cita de longs fragments dans son Mer-
cure britannique. «IN'ous regrettons,
« dit-il, deue pouvoir transcrire tout
« entier le dernier chapitre écritavec
« une vigueur de raison , une préci-
« sion de vérité qu'il est peu aisé de
« rendre dans un extrait. L'auteur y
« examine et y bat en ruines le sys-
« tème de défensive adopté par les
• puissances au moment où il ecri-
« vait, et auquel il n'est pas certain
« qu'elles veuillent renoncer. Il dé-
« mêle très-bien les intentions, les
« intrigues, le but, les folles illusions
« qui les ont occupées dans l'origine
« et depuis le traité de Campo-For-
« mio... Au-dessus des préjugés de
• nation, de condition et de parti,
' il paraît unir à la vigueur de carac-
« 1ère celle d'un esprit étendu et
• cette capacité si rare, qui s'apphque
■ aux différentes branche* de l'iii-
« telligence humaine. «Lorsqu'il par.
lait ainsi de ce livre prodigieux, Mal-
let du Pan n'en connaissait pas l'au-
teur, car de Pradt continuait à se te-
nir caché, redoutant également le
ressentiment des puissances, dont
le premier il avait révélé la hon-
teuse politique, et celui des révolu-
tionnaires, dont il dévoilait aussi les
projets funestes. Après un demi-siô-
cle nous venons de relire cet ouvrage,
et nous y avons encore trouvé de nou
veaux motifs d'étonnement et d'ad-
miration. Une grande partie de ce
qui s'est fait en 1814 y est expliquée
et prévue. Les exhortations qui y sont
adressées aux puissances pour les dé-
cider à se coaliser contre la révolu-
tion sont appuyées sur les mêmes
motifs qui les portèrent plus lard à
se coaliser contre Napoléon ; enlin l.i
restauration et les divisions de ter-
ritoire que l'abbé de Pradt indiquait
en 1798 sont fondées sur les mêmes
bases et les principes de légitimité et
d'équilibre européen qui furent adop-
tés par les traités de Paris et le con-
grès de Vienne. On doit remarquer
seulement qu'à cette dernière époque
les uiaitres de nos destinées, les rois
coalisés, furent moins grands, moins
généreux que l'abbé de Pradt ne
l'avait prévu, ou qu'il n'avait osé le
dire. Certes il u'avait pas pensé que
la monarchie de Louis XIV dût être
rétablie sur des bases aussi frêles,
et bien moins encore que tous les
torts, tous les crimes de la révolution
dussent être non-seulement pardon-
nes, oubliés, mais honorés et ré-
compensés. Après ce grand ouvrage,
qui est resté le plus remarquable de
ses écrits, l'abbé de Pradt fit paraître
dans le même système, mais toujours
sous le voile de i'anonyme, la Prusse
et sa neutralité, où se trouvent en-
core des pages d'un sens très-pro-
« PRA
fond; mais les circonstances le favo-
risèrent moins que V Antidote. La coa-
lition était dissoute lorsque ce second
ouvrage fut publié. D'un autre côté,
la révolution du 18 brumaire, qui
avait rendu Bonaparte maître du
pouvoir, diminuait considérablement
les chances de succès pour les roya-
listes 5 enfin la Prusse avait plus de
raisons que jamais de persister dans
sa neutralité. Ce livre fit donc peu
de sensation, et on le connut à peine
en France où il ne fut pas réimprimé.
Quels que fussent le mérite et le suc-
cès des écrits que publia dans ce temps-
là l'abbé de Pradt, il continuait de
rester un obscur émigré, vivant dans
la gêne, dans les privations de l'exil,
avec de faibles secours qu'il rece-
vait par intervalle des princes frères
de Louis XVI. Peu fait pour ce genre
de vie et n'en voyant pas le terme
hors de France, il songea sérieuse-
ment à y revenir. Profitant de la tolé-
rance que legouvernement consulaire
montrait pour le plus grand nornbre
des émigrés, il écrivit à Louis XVIII,
résidant alors à Mittau, qu'il allait
rentrer en France pour mieuœ servir
sa cause; et il se rendit en effet à Pa-
ris, où nous l'avons v-u arriver au
commencement de l'année 1802, dans
un état véritablemenl pitoyable, 'et
réduit à se loger au quatrième étage
d'une chétive maison de la rue des
Canettes, non loin de l'église de Saint-
Sulpice, où un peu plus tard il devait
être sacré évoque par le souverain
pontife. C'est là que nous reçûmes de
ses mains le manuscrit de ses Trois
âges des colonies, dont nous fîmes la
première édition. L'ouvrage eut peu
de succès-, c'était un sujet tout à fait
nouveau pour de Pradt, et d'un assez
médiocre intérêt pour la France. He-
coimaissant lui-même qu'une grande
partie en rff ait empruntée à Raynal ,
PRA
il s'est vanté d'y avoir prévu beau-
coup de choses qu'on a vues se réaliser
depuis; mais on peut dire sans exagé-
ration que la plupart de ces prédic-
tions étaient faciles, et qu'il n'y avait
pas grand mérite à les faire. Toujours
actif et s'occupant de vingt objets à
la fois, de Pradt voyait alors beau-
coup de monde, et il se liait avec des
hommes de tous les rangs et de tous
les partis. Nous n'oserions pas aflir-
mer qu'il remplit fort exactemeiït
l'engagement qu'il avait pris envers
Louis XVIII, de ne rentrer en France
que pour servir sa cause. Cependant
nous devons déclarer qu'il profes-
sait assez hautement les opinions les
plus monarchiques , les plus contre-
révolutionnaires. Et ce qui est fait
pour étonner, c'est que dans le même
temps il voyait des gens de la nouvelle
cour, tels que Talleyrand son ancien
collègue. Madame de la Rochefou-
cauld et surtout Duroc, qui le pré-
senta à son maître, et parla si bien
de l'esprit et des vues politiques de
son cousin, que le consul voulut aus-
sitôt l'attacher à sa personne, et qu'il
ne tarda pas à en faire son aumônier.
Admis ainsi dans la plus grande fa-
veur , de Pradt assista au sacre im-
périal qui se fit par le pape dans la
cathédrale de Paris , au mois de déc.
1 804. Nous l'y avons vu se prosterner
humblement devant l'homme que
quelques mois auparavant nous l'a-
vions entendu accuser et censurer
de la manière la plus amère. Le nou-
vel empereur fut si content de lui
dans cette occasion , qu'il le nomma
évêqiie de Poitiers , le créa baron et
lui donnaune gratification de 40 mille
francs. Le pauvre abbé parut en vé-
rité étourdi de tant de félicité, et l'on
crut qu'il allait on perdre la tète.
Montrant k chaiiue instant une ma-
gnifique tabatière, qui avait accom-
PRA
PRA
pagné la faveur impériale, il disait
il tout venant qae ce n'était que la
préface d'un livre beaucoup plus con-
sidérable ; qu'il était devenu l'aumô-
nipr du dieu Mars, enfin que l'uni-
vers avait changé de maître... Et ce
délire augmenta encore lorsqu'il lui
[ut ordonné d'accompagner Napoléon
k Milan, où le nouvel empereur se fit
sacrer le 26 mai 1805, comme roi d'I-
talie, par le cardinal Caprara, le pape
n'ayant pas consenti à s'y rendre. Ce
fut l'évèque de Poitiers qui officia pon-
tificalement à la cérémonie. Il suivit
encore son maître à Gênes, et partout
il eut avec lui de longues conversa-
tions, qui parurent intéresser le mo-
narque. Enfin de Pradt jouit alors de la
plus haute faveur et il fut admis dans
lous les secrets de la politique impé-
riale, notamment à Bayonne où Napo-
léon le mit dans la confidence de tous
ses projets contre la famille royale
d'Espagne. Le prélat-aumônier a bien
dit pinstard, dans ses Mémoires sur la
révolution de ce pays, qu'il fil tous ses
efforts pour l'en détourner, mais
nous regardons cette assertion comme
d'autant moins vraie que de Pradt
reçut aussitôt après une gratification
de 50 mille francs , et qu'il ne tarda
pas à être nommé archevêque de Ma-
lines et grand-officier de la Légion-
d'Honueur. Certes l'on sait assez que
ce n'est pas ainsi que Napoléon trai-
tait ceux qui avaient le courage de le
contrarier dans ses projets. Mais au
reste comment le vaniteux abbé au-
rait-il pu ne pas se plier aux volontés
de celui qui venait de conclure le
traité de Tilsitt, de celui qui avait
partagé le monde avec l'empereur
Alexandre! L'archevêque deMalines
donna dans ce temps-là plusieurs
mandements dans lesquels il invo-
qua la miséricorde divine pour son
auguste bienfaiteur, avec non moins
de zèle et d'hnmilité que les autres
prélats. Dans les démêlés avec
Pie VII qui survinrent bientôt, il
montra encore beaucoup de dévone-
ment, et fut envoyé à Savoneen 1811,
avec trois autres prélats, pour y né-
gocier un raccommodement; mais ce
message eut p«u de succès (roy.
Pie vit, LXXVII, 134), et le pontife
ne consentit qu'à de faibles conces-
sions. De Pradt s'est néanmoins vanté
d'avoir alors donné à Napoléon de
très-bons avis , et surtout de l'avoir
décidé à faire ouvrir an concile. Ce-
pendant il est bien sûr qu'à cette
époque il éprouva un moment de dis-
grâce et qu'il lui fut enjoint de se
rend re dans son diocèse, parce que, lui
dit Napoléon, les évéques doivent ré-
sider. C'était assurément ce qui pou-
vait arriver de plus fâcheux à l'impa-
tient et mobile prélat. Il s'y résigna
pourtant ; mars il fut bientôt tiré de
celte espèce d'exil par l'empereur
lui-même,qui, parlant en 1812 pour
sa guerre de Russie, le fit venir en
toute hâte à Dresde, afin de lui don-
ner les instructions d'ambassadeur
en Pologne. Il a rapporté d'une ma-
nière fort intéressante dans l'His-
toire de cette ambassade, ses con-
versations avec le grand empereor,
alors à l'apogée de sa gloire et de sa
puissance {voy. Napoléon, LXXV,
193) , et le récit de son passage à Varso-
vie, après la désastreuse retraite de
Moscou, n'est pas moins curieux et pi-
quant. Napoléon a dit lui-même, dans
ses causeries de Sainte-Hélène, que
cet ouvrage . était, avec le livre du
Prussien Waldbonrg-Truchsess, ce-
lui qui lui avait nui le plus dans
l'opinion publique. On lui fait encore
dire dans les mêmes compilations
que ce fut à la fin de cette dernière
entrevue, et en présence de de Pradt
lui-même, qu'il écrivit l'ordre de sa
B
PRA
révocation ; mais ce fait n'est ni vrai
ni vraisemblable. Ce fut en traver-
sant l'Allemagne qu'il eut la pensée
fort raisonnable d'éloigner de la Po-
logne un ambassadeur tombé dans le
plus grand discrédit, et dont les sui-
tes de la retraite de Moscou allaient
rendre la position tout à fait insoute-
nable. Il donna en conséquence à Ma-
ret, de Dresde, où il s'arrêta quelques
minutes, l'ordre de le renvoyer en
France. Cette disgrâce causa à de Pradt
un grand mécontentement, et nous
pensons qu'il ne l'ajamais pardonnée.
Toutefois , avant de quitter Varsovie ,
il songea à tirer le meilleur parti des
circonstances. D'abord il se fit payer
avec une extrême rigueur tout l'ar-
riéré des contributions de guerre ,
ensuite il fit vendre à son profit
tout le mobilier de l'ambassade qui
était considérable, et ne dédaigna pas
d'assister lui-même à cette espèce
d'encan dont notre collaborateur
Gley, qui en fut témoin, a fait un ta-
bleau très-piquant dans son Voyage
en Allemagne. Le Polonais Morski
en a aussi parlé, avec beaucoup d'a-
mertume, dans une Lettre à Vabbé
de Pradt ^ où il traite fort mal le
prélat-diplomate sur toutes les cir-
constances de son ambassade. A son
arrivée à Paris , ,;de Pradt trouva
une espèce de lettre de cachet qui le
rélégua dans son diocèse. Cette nou-
velle disgrâce lui fut d'autant plus
sensible que^ n'étant pas reconnu
par le pape, il lut très-mal reçu par
le chapitre de Malines, et que sa po-
sition dans cette ville devint extrê-
mement embarrassante. Cependant
il fallut y rester, et à son grand re-
gret il passa toute l'année 1813 dans
ce triste séjour. Dès qu'il vit appro-
cher les armées de la coalition, (jui,
dans ce moment envahissaient la Hol-
lande et la Belgique, il accourut ii Pa-
PRA
ris, et s'y mit en rapport avec tous les
mécontents, surtout a\iec Talleyrand,
qui ne Taimait point, mais qui recru-
tait alors dans tous les rangs et tous
les partis, ceux qu'il pouvait associer
à ses intrigues. Le ministre de la
police Savary raconte dans ses Mé-
moires que, les ayant vus à cette
époque dans un mystérieux tête-à-
tête, il ne douta point qu'ils ne fus-
sent occupés de conspirer. Cependant
ce ministre ne fit rien contre eux
comme c'eût été son devoir, et nous
avons remarqué que, dans plusieurs
passages de ses écrits , de Pradt a
parlé de Savary avec une bienveil-
lance véritablement suspecte. Au
reste l'on peut être assuré que s'il
conspirait contre Napoléon , c'était
avec beaucoup de circonspection et
de timidité. Nous l'avons vu nous-
même à cette époque, après avoir ex-
cité, provoqué le zèle de quelques
royalistes, quand il crut leur parti
tout près de triompher, s'éloigner
d'eux subitement, à la nouvelle d'une
victoire de Napoléon, puis repren-
dre ses intrigues dès qu'il le vit en-
core une fois vaincu et tout près de
sa chute. Il ne se dessina bien fran-
chement royaliste bourbonnien que
dans la journée du 31 mars, lorsqu'il
vit les alliés entrer triomphants dans
la capitale. C'est dans le Récit histo-
rique qu'il a publié de ce grand évé-
nement qu'on peut voir tout ce qu'il
lit ce jour-là, et qu'on peut juger de
quelle influence furent ses avis et ses
opinions sur les décisions des monar-
ques réunis dans un conseil où il a pré-
tendu qu'on lui lit l'honneur de le con-
sulter. C'est là qu'il dit avoir dicté les
bases de la fameuse déclaration paria-
quelle Napoléon fut en quelque façon
mis hors de la loi des nations, et les
Bourbons indiqués aux Français com-
me leur seule planche de salut. 11 est
PRA
bien yrai que l'on a contesté l'influeu-
ce du prélat dans celte circonstance et
que nous-même, qui fûmes chargé de
l'impression de cette importante
pièce , ,en avions reçu le manus-
crit, non dans l'antichambre de Tal-
leyrand où nous n'allâmes jamais,
mais à notre domicile, et des mains du
secrétaire du gouvernement provi-
soire qui nous l'apporta le 31 mars
avant midi, et non à trois heures où
de Pradt prétend l'avoir dictée (1).
Ce qu'il y a de sûr, c'est qu'il se
donna beaucoup de mouvement dans
cette grande journée, et qu'il ne dé-
pendit pas de lui que ia monarchie
des Bourbons ne fût rétablie sur des
bases moins fragiles. Il ne pensait
guère alors au système de constitu-
tion et de libéralisme qu'on l'a vu
plus tard avec tant de surprise van-
ter et préconiser dans ses écrits. Il se
flattait sans doute en ce moment,
avec quelque raison , d'avoir part à
la distribution des empldis et des
honneurs. Nous pensons même que
ce fut un tort des meneurs de l'épo-
que, et surtout de Talleyrand , de ne
pas l'avoir admis au partage de cette
espèce de butin. Certes, comme hom-
me d'État et comme écrivain poli-
(i) La rédaction de cette pièce mémora-
ble avait été arrêtée dès le matia du 3r
mars, entre Talleyrand et M. de Nesselrode
venu exprès de Bondi. Le manuscrit por-
tait le titre de proclamation , que noBs
BOUS permîmes de chaDger eu celui de ài-
claraiion, beaucoup plus conrcnable, ce que
Talleyr jud approuva sur la première épreuve
que nous lui soumîmes vers une heure
après midi. Il fallut lui en apporter succes-
siTement trois, et sur la dernière, quî ne fut
lue qu'à sept heures du soir par l'empereur
Alexandre, ce monarque y ajouta cette phrase
importante : « Les alliés respactcront l'iaté-
« grité de l'ancienne France telle qu'elle a
« existé sons se» rois légitimes; ils peuvent
«même faire plus , parce qu'ils professent
« toujours le principe que, pour le bonheur
« de rEurope,îl faut que laFrance soit grande
" et forte..,. » Nous igaoroos ce que le gou-
PRA 9
tique , il offrait beaucoup plus de ga-
rantie , il méritait plus de contiance
qu'aucun de ceux qui tirent partie du
gouvernement provisoire, où Talley-
rand sembla vouloir ne s'entourer
que de nullités et de gens équivo-
ques (2). On donna donc à de Pradt,
qui eut la maladresse de l'accepter,
une place tout à fait hors de sa
sphère , celle de commissaire , puis
de grand-chancelier de la Légiou-
d'Honneur. Les rapports que cet em-
ploi l'obligea bientôt d'avoir avec
les chefs de l'année furent extrê-
mement pénibles, et l'on peut dire
que la nomination d'un prêtre à des
fonctions qui ne convenaient qu'à
un vieux guerrier fut une des pre-
mières fautes de la Restauration.
On ne s'en aperçut qu'au bout de
quelques mois, et, alors, sous pré-
texte d'irrégularités survenues dans
l'administration de la maison de
Saint-Cyr, il fut remplacé par un
maréchal. Aucun dédommagement
ne lui fut accordé, et l'on ne se
donna pas même la peine d'adou-
cir sa disgrâce par une de ces for-
mules ou de ces politesses qu'on pro-
diguait à beaucoup de gens qui va-
laient moins que lui. Dissimulant
vernement de la restauration a fait plus
tard pour profiter de cette bieaveill inte ad-
dition, qui nous obligea de recommencer
l'impression, mais il est évident qu'elle a été
oubliée d'uue manière bien fâdiense pour
la France, dans les traités qui ont suivi.
(2^ On sait que dans la jonrnée du 3t
mars iSi4> lorsque ce fameux diplomate se
vit, par l'extrême conllance des alliés, à peu
près maîtredes destinées de la France, et qu'il
n'eut pins qu'à designer les membres d'un
gouvernement provisoire qui eût l'air de
gouverner sous sa direction, quelqu'uu lui
avant demandé qui il ferait nommer, il répon-
dit avec l'airdédaigneux de ïjrand seigneur
qn'onloia connu: Ceseramon visk. EtMM.de
Dalberi», Jaucourt, Beurnonville, Monte^-
qniou, qui avaient l'honneur de faire ton 3 les
soirs la partie du prince deBcnévent, furent
nommes.
10
PRA
PRA
son dépit , il se retira «ns mot dire
dans une terre qu'il venait d'acheter
en Auvergne , disant gaînient à ses
amis qu'il avait suivi le précepte de
Berchoux :
Ayez un bon château dans l'Auvergne ou la
Bresse.
Il vivait dans les délices de cette
belle propriété lorsque Bonaparte
s'échappa de l'île d'Elbe en 1815. On
doit penser qu'à cette nouvelle la
peur du prélat fut grande, et l'on
sait qu'il se hâta d'envoyer une très-
humble soumission qui fut reçue par
le dieu Mars avec un peu de mépris.
Cependant il n'avait encore rien pu-
blié contre son ancien maître ; car
ce ne fut qu'en 1815, après la bataille
de Waterloo . qu'il fit paraître l'Hù-
toire de l'ambassade dans le grand-
duché de Varsovie. Cet ouvrage eut
un succès qu'il faut surtout attribuer
aux circonstances dans lesquelles il
parut , ainsi qu'à un grand nombre
d'anecdotes, de traits satiriques sur
les hommes du gouvernement qui
venait de tomber, surtout contre Na-
poléon qu'il peignait d'une manière
fort piquante, et auquel il y donna le
surnom bizarre de Jupiter Scapin.ll
en fut publié neuf éditions, beaucoup
de contrefaçons , et l'on peut dire que
l'auteur gagna à la vente de son ma-
nuscrit presque autant qu'à l'encan
de Varsovie. Le prélat-ambassadeur
faisait argent de tout , car ce fut alors
qu'il se désista de ses droits à l'arche-
vêché deMalines, devenus fort incer-
tains par les refus du pape, moyen-
nant une rente viagère de douze mille
francs. Celte pension lui a été payée
pendant plusieurs années; mais le
gouvernement des Pays-Bas, peu fa-
vorable aux prélats catholiques, mf-
me lors<|u'ils ne sont pas approuvés
par le pape, s'en lassa dans les der-
niers temps. Après la mort de de
Pradt, ses héritiers ont voulu recou-
vrer les sommes qui lui avaient été
ainsi refusées ; mais leur prétention
a été repoussée par les tribunaux. Le
succès des brochures que de Pradt
fit ensuite paraître sur le congrès de
Vienne et sur celui de Carisbad ne
fut pas aussi brillant que celui de
l'Histoiie de l'ambassade. Ce n'est
pas sans surprise qu'on y vit l'ancien
royaliste, le favori de Napoléon, con-
seiller aux rois et à tous les souve-
rains de donner des constitutions à
leurs peuples, avec une assurance et
un ton de conviction auxquels il était
difficile d'ajouter foi de la part de
l'auteur de V Antidote au congrès de
Rastadt. Il essuya de vives critiques
de ses anciens amis ; et les journaux
du libéralisme lui prodiguèrent des
éloges qui le placèrent décidément
dans leur parti. C'est alors qu'il fit
paraître tant de brochures et de pam-
phlets , où il ne craignit pas d'ex-
primer des doctrines et des principes
tout à fait différents de ceux qu'il
avait manifestés jusque-là. Il écri-
vait tous les jours et sur toutes les
questions, se donnant à peine le temps
de relire ses écrits et y accumulant
des fautes, des erreurs de toute es-
pèce en géographie , en chronologie,
etc. On sait par combien de critiques
cps publications d'un transfuge du
parti royaliste furent accuellies. Le
journaliste Hoffmann surtout fut un
de ses plus redoutables adversaires.
De Pradt ne parut pas déconcerté
de ces attaques, mais nous pensons
qu'au fond il en éprouva beaucoup
de chagrin. Cependant il eut bientôt
à supporter une peine plus grande
encore : celui de ses ouvrages où
ce scandale éclata davantage est sa
brochure sur la loi «les éleclious,
PRA
PRA
11
qu'il publia dans les circonstances
les plus fâcheuses , peu de temps
après la mort du duc de Berri. Le
prélat pamphlétaire alla si loin
dans cet écrit véritablement scan-
daleux, que le ministère, qui n'avait
contre lui aucun autre moyen de
répression, le déféra aux tribunaux,
et qu'on vit un archevêque sur les
bancs de la cour d'assises à côté d'un
escroc et d'une fille publique. Cette
affaire nous paraît d'une si haute
importance , que nous croyons de-
voir rapporter textuellement les pa-
ges d'un journal royaliste qui eut à
en rendre compte. On trouve d'ail-
leurs, dans ce récit, des anecdotes et
des faits qui compléteront le tableau
que nous avons à faire. • Deux ou
«trois citations, dit le journaliste
« Martainville, seront suffisantes
■ pour montrer de quelle frénésie
" libérale est atteint l'auteur , et à
' quels déplorables excès l'homme
. peut s'abandonner lorsqu'il a pu
<« oublier une fois que , hors de la li
« gne des convenances, il n'y a dans
• la célébrité que déception et souil-
• lure. La représentation nationale,
• dit-il, a été violée par le plus in-
' fàmeguet-apens; de vils assassins
' ont osé porter la main , vomir les
' plus dégoûtants outrages, les me-
« naces les plus horribles contre les
' représentants dupeuple ! L'enceinte
« de la Chambre des députés n'est-elle
• donc pas aussi sacrée que le palais
« des Tuileries peut Vétre ?— Faut-il
« répondre à ces misérables décla-
« mations, dit énergiqnement le jour-
• nal royaliste , qui ne tendent à rien
« moins qu'a dénoncer le gouverne-
■ ment du roi , comme un gouverne-
■ mentassassin, avide de massacres et
« souillé du sang de l'innocence? Pa-
« ris a vu la révolte, sourde à la voix
• des magistrats , niéconnaKre l'in-
• dépendance de ce qne M. de Pradt
« appelle la représentation nationale,
« couvrir de masses séditieuses les
« approches da lieu de ses séances ,
« proclamer ou plutôt hurler aux
• portes de la Chambre l'ordre de
«maintenir, sans discussion, une
• loi sur laquelle les députés étaient
«légalement et constitutionnelle-
• ment appelés à délibérer. Paris a
• vu des furieux se porter en foule
• vers le château royal , s'arrêter en
• face du malheur pour l'outrager,
• faire retentir de sinistres vocifé-
« rations l'asile du veuvage , pour-
« suivre le sang de nos rois jusque
« dans ce sein éploré, où le germe
« de la vie se développe douloureu-
• semeut à côté des images de la
« mort. Et pourtant il s'est trouvé
« parmi nous un homme, un ecclé-
' siastique, un ministre de la religion
« d'amour et de miséricorde , qui , au
« lieu de joindre ses prières à celles
« des chrétiens , et de demander au
« Dieu de saint Louis des consolations
« pour une veuve désolée , n'a élevé
« la voix que pour appeler de nou-
« velles fureurs sur les victimes. Un
« prince de l'Église ose absoudre ceux
« qui se mirent en œuvre pour arra-
« cher du 5ein maternel cette dernière
« goutte du sang royal î Le sang
« français , s'écrie-t-il , a coulé dans
« Paris, où s'arrêtera cette hoirible
« libation! Hélas î il n'est que trop
« vrai , le sang le plus noble , le plus
« pur de notre France a coulé ! On l'a
« versé sous nos yeux, sous les vôtres ,
• et votre plume est restée muette
« sur un cercueil qui renferme tant
« de charité perdue pour les pauvres
» de Jésus-Christ, tant de vertus tran-
• chées en un moment par un couteau
« que la révolution avait béni. Oui ,
• une horrible libation a été faite. 11
« nous en soHvient : ce jour-là un
12
PRA
« athée était le grand sacrificateur,
. et nous savons à quelle divinité il
« offrait son holocauste. Dites-nous,
« dites, si vous l'osez , à cette France
« dont vous ne craignez pas , dans les
« ridicules paroxysmes d'un orgueil
«'désordonné, de vous proclamer
« vous-même le régulateur infailli-
« ble , dites pourquoi vous ne fîtes
« point entendre alors le cri de la dou-
« leur et de l'indignation , vous que
« l'on voit en toutes circonstances
« déployer à la face de la terre tout le
« charlatanisme de je ne sais quelle
« humanité furibonde qui caresse les
« assassins et déchire les victimes i
« Ce prince si brave , si franc , si
« généreux, si charitable , ce prince
u qui descendit de sa voiture pour y
« faire monter un homme souffrant ;
a ce prince qui pansait de sa main les
« blessures de ses ennemis, quipos-
« sédait plus de vertus peut-être que
« n'en a pu souffrir le siècle que vous
« nous avez fait , il valait bien , sans
« doute , que votre sensibilité s'émût
« quand un long gémissement vint
« vous apprendre sa fin déplorable ;
« il méritait vos regrets aussi bien
. que les deux hommes qui périrent
« naguère victimes de leurs propres
« égarements.... Cependant qu'avez-
« vous dit alors ? qu'avez-vous écrit?
« Dans quelle page de vos nombreuses
« productionsavez-vous exprimé vo-
« tre douleur? Eh quoi ! cette mort
. si cruelle, si funeste à votre patrie,
« n'a été pour vous qu'un accident
« inaperçu ! Le crime de Louvel n'a
« pu vous inspirer qu'uneindignation
« froide et circonspecte? L'infâme
. tentative de Gravier n'a pu éveiller
« votre zèle pour la défense de l'op-
« priujé ; et parce (juc deux hommes
« ont clé frappés au milieu de ces
« bacchanales révolutionnaires, dont
« Paris a frémi d'épouvante pendant
PRA
a dix jours, votre cerveau s'exalte,
. votre sensibilité s'irrite , et votre
« humanité appelle des vengeances
• sur le gouvernement le plus débon-
« naire qui fut jamais, sur une troupe
« qu'une armée n'insulterait pas im-
« punément et dont une poignée
« d'extravagants a vainement excité
- la colère et tenté le ressentiment !
a II faut avoir le cerveau renversé ,
« ou bien être calomniateur jusqu'à
a la rage, imposteur jusqu'à la dé-
« mcnce, pour ne pas avouer haute-
« ment qu'on a tout fait dans la vue
« d'épargner des coupables, digues
. peut-être d'un châtiment plus sé-
« vère. Et M. de Pradt ose écrire,
« imprimer que les citoyens ont été
« assaillis par la garde du prince y
« assassinés par ceux qu'ils paient
« POUR LES DÉFENDUE !... » Quoi dC
« plus ridicule quede voir cet homme
« qui ne fut rien , qui n'est rien , ,
« et qui ne sera jamais que l'objet
« des risées de son propre parti , cn-
« fier sa petite trompette et s'écrier :
. J'ai droit de parler de la Restau-
. ration j j'ai pris trop de part à ce
« grand événement pour que son
. résultat ne m'affecte pas plus qu'un
. autre. J'ai eu à sacrifier des affec-
« tions si chères , fai reçu tant de
« reproches à cet égard , que je dois
« prendre mes sûretés avec l'histoire.
. La Restauration , contre sa nature ,
« a si mal réussijusqu'àcejour,que
a je crois devoir à Vhonneur démon
« nom de publier que, depuis ma sor-
. tie du conseil des souverains dans
. lequel fut décidée cette Restau ra-
. tion , fai été éloigné des affaires.
. Je désire bien que l'on sache qu'à
« partir de ce jour, 31 mars 1814 , je
• n'ai pas cessé de gémir sur ce que
. je voyais faire , d'en prédire les ré-
. sultats. De tout ce qui a été fait de-
. puis cette époque , je ne connais pas
PRA
• trois' actes auxquels j'eusse youlu
• donner mon approbation , et en-
« core moins ma signature. » — « M.
de Pradt a reçu des reproches '. cela
s'entend; M. de Pradt a fait de gran-
des choses ; il a changé la face du
monde; son ge'nie a renversé Bona-
parte et donné des couronnes ; c'est
lui qui a replacé le sceptre aux mains
du petit-fils de Louis XIV; sans M. de
Pradt point de Restauration, et l'Eu-
rope se serait vainement ébranlée tout
entière ! Mais ce n'est pas tout : M. de
Pradt doit prendre ses sûretés avec
l'histoire ; M de Pradt doit à l'hon-
neur de son nom 1...0 vanitas vani-
tatum ! A quel degré de ridicule un
homme peut - il descendre , quand
l'orgueil lui ferme les yeux et lui
bouleverse la cervelle. » — 11 y a
bien , il faut en convenir , un peu
d'amertume et d'exagération dans
cette attaque du journaliste, mais
il faut aussi reconnaître que le scan-
dale avait été bien grand, et que tous
les partisans de la Restauration
étaient indignés de voir un prélat,
leur ancien ami, tout à coup les atta-
quer, insulter à leur fidélité, à leurs
principes qu'il avait si long-temps
partagés. C'était une monstruosité
sans exemple. Et ce gouvernement
de la Restauration était lui-même
dans un état de faiblesse et d'impuis-
sance si déplorable qu'il ne trouva
rien de mieux, pour arrêter un pareil
scandale , que de traduire le prélat
en cour d'assises, où dans une séance
publique, soutenu par le parti révo-
lutionnaire alors tout-puissant, il fut
acquitté aux applaudissements d'un
auditoire très-nombreux ei qui ne
manqua aucune occasion de honnir
le gouvernement royal , de persifler
les juges. Ce fut M. de Vatisménil
qui soutint l'accusation. De Pradt
parut en grand costume, avec tous les
PRA
13
insignes de la prélature et le grand-
cordon de la Légion-d'IIonneur ; il
parla avec beaucoup d'assurance,
de confiance en lui-même, de mépris
pour ses adversaires, sortit au mi-
lieu d'une foule qui l'applaudit com-
me le chef d'une émeute et à la-
quelle il répondit dans son enthou-
siasme que c'était le plus beau jour
de sa vie. Tous les assistants eurent
ordre, de la part de la faction libé-
rale, de tenir le chapeau bas sur son
passage, et il fut reconduit triom-
phant jusqu'à sa voiture aux cris de
Vive l'archevêque. Dès ce moment
de Pradt figura au premier rang de
l'opposition libérale qui s'occupa d'en
faire un de ses représentants à la
Chambre des députés. Ce ne fut ce-
pendant qu'en 1827 que les.électeurs
du Puy-de-Dôme l'envoyèrent à cette
Chambre. Dès son arrivée il alla s'as-
seoir à côté des Foy, des Benjamin
Constant, et sur toutes les questions
il vota comme ces chefs de l'opposi-
tion; mais on sait que, doué de quel-
que talent d'écrire et de parler dans
un salon, il ne porta jamais bien haut
celui de parler en public (3). D'un au-
tre côté, les meneurs de l'opposition
lui accordèrent peu de confiance, et,
dans plusieurs de leurs réunions il fut
assez rudement apostrophé par des
gens qui ne pouvaient croire au li-
béralisme d'un prêtre et d'un ancien
royaliste. Il ne prit pas une seule
fois la parole dans cette assemblée
alors si agitée, et il paraît même qu'il
eut à peine vu de près ce parti deco-
(3) Nons avons assisté à nn sermon prê-
clié par lui le jour de la fête de ?fapoléon ,
dans l'église de Sainte-Gudule de Bruxelles
en i8ii. Peut-être l'esprit d'adulationnaa-
séabonde qui respirait dans cette bomé'ie,
a-t-il influé sur notre jugement; mais nous
ne nons rappelons pas avoir entendu un
orateur ^aeré plus ennoyeux et plus diffus.
L— ?i — X.
u
PRA
médiens^ comme ils se sont eux-mê-
mes appelés, qii'j I conçut pour eux un
profond mépris et qu'il revint inté-
rieurement à ses anciennes opinions;
ce que, par pur amour-propre, il n'osa
pas encore manifester. Cependant il
eut assez de caractère pour donner
sa démission de député et se retira
sans mot dire, en 1829, à sa terre de
Breuil, où son ennui et son impa-
tience de ne plus se mêler des affai-
res d'État percèrent encore trop sou-
vent dans des articles qu' il envoya
à quelques journaux et surtout à la
Gazette d'Auvergne, qu'il ne signait
point , mais où l'on reconnut sans
peine son style, sa manière et ses an-
ciens principes religieux et monarchi-
ques. U venait passer les hivers à Pa-
ris et il y revoyait ses anciens amis,
n'ayant plus aucun rapport avec le
parti révolutionnaire. C'est dans ces
dispositions que nous l'avons encore
entendu, au dernier temps de sa
vie, parler de politique, de religion
d'une manière très -convenable et
digne de l'auteur de l'Antidote. C'é-
tait l'un des hommes de France qui
savaient le mieux l'histoire contem-
poraine, et l'on ne peut nier que sa
conversation ne fût sous ce rapport
extrêmement curieuse et piquante. Il
s'était trouvé dans des positions si di-
verses , il avait vu de près tant de
choses, de si grands personnages,
et sa mémoire était telle que dans ses
moindres récits il y avait beaucoup
à gagner. Il mourut d'une attaque de
paralysie dans un de ses voyagesà Pa-
ris, le 18 mars 1837, avec fies senti-
ments de piété fort édifiants, et ayant
conservé sa présence d'esprit jusqu'à
ses derniers moments. Les secours
spirituels lui furent donnés par l'ar-
chevêque, de Quélen, assisté du curé
et du pr»n)ier vicaire de la Madeleine,
sa paroisse, et il désavoua en pré-
PRA
sence de ce prélat tout ce que sa con-
duite et ses écrits avaient pu avoir
de contraire à l'enseignement et à
la discipline de l'Église. Il était alors
occupéde réuniret de coordonner les
matériaux d'une histoire de laRestau-
ration. Ses funérailles se firent avec
une grande solennité. Par ses dis-
positions testamentaires il fit plu-
sieurs legs pieux, entre autres celui
d'une partie de ses biens aux inva-
lides de la succursale d'Avignon, et
celui d'une somme nécessaire à la
dot de vingt filles devenues orpheli-
nes par la bataille de Waterloo. Ses
écrits publics sont:I. L'Antidote au
congrès de Rastadt, ou Plan d'un
nouvel équilibre en Europe^ Londres
(Hambourg), 1798, in-S». II. La
Prusse et sa neutralité^ Londres
(Hambourg), 1800, in-S". Ces deux
ouvrages ont été réunis et réimpri-
més à Paris, 1817, in-8°. III. Les
Trois âges des colonies, ou De leur
état passé, présent et à venir, Paris,
1802, 3 vol. in-8o. 1\. De l'état de la
culture en France, et des améliora-
tions dont elle est susceptible, Paris,
1802, 2 vol !n-8°. V. Voyage agro-
nomique en Auvergne, précédé d'ob-
servations générales sur la culture
de quelques départements du centre
de la France, Paris, 1803, in-S";
nouvelle édition, augmentée du Ta-
bleau des améliorations introduites
et des établissements formés depuis
quelques années dans l'Auvergne,
Paris, 1828, in-8". VI. Histoire de
l'ambassade dans le grand-duché de
Varsovie en 1812, Paris, 1815, in-
8°. Six éditions furent publiées dans
la même année; la 9* est de 182G.
Le comte Morski, Polonais, que l'au-
teur avait peu ménagé, lui répon-
dit sur le même ton par une Let-
tre à jjf. l'abbé de Pradt, Paris,
1815, in-8". VII. Du congrès devienne.
PRA
Paris, 1815, 2 vol. in-8o; 2* édition ,
1816, 2 vol. in-S"; trad. en anglais,
Londres, 1816, in-8°.VlII. Mémoires
historiques sur la révolution d'Es-
pagne, Paris, 18IC, in 8°, trois e'di-
tions dans la même année ; trad. en
espagnol, Bayonne, 1816 , in-8°. IX.
Récit historique sur la restauration
de la royauté en France^ le 31 mars
1814, Paris, 1816, in-8°;2, édil.,
1822. in-8°. X.Des colonies et de laré-
volution actuelle de tÂmérique,
Paris, 1817, 2 vol. in-S"; trad. en
espagnol , Bordeaux , 1817 , 2 vol.
in-8°. M. Fauchât a publié àesObser-
vaiions sur cet ouvrage , ainsi que
sur les Trois derniers mois de l'A-
mérique méridionale (indiqués ci-
après, n''XIV), Paris, 1817, in-8o.
XI. Lettre à un électeur de Paris,
1817, in-8^ XII. Préliminaire de la
session de 1817, Paris, in-8°. XIII.
Des progrés du gouvernement repré-
sentatif en France, Paris, 1817, in-S".
XIV. Des trois derniers mois de l'A-
mérique méridionale et du Brésil,
suivis des personnalités et des inci-
vilitçf de la Quotidienne et du Jour-
nal des Débats , Paris, 1817, in-8°,
deux éditions ; 3« édit., 1825, in-S";
trad. en espagnol , Bordeaux, 1817 ,
in-8°. XV. Pièces relatives à Saint-
Domingue et à l'Amérique , Paris et
Bruxelles, 1818, in-8». XVI. Les six
derniers mois de l'Amérique et du
Brésil^ Paris, 1818, in-8». XVII. Im
Quatre concordats , suivis de con-
sidérations sur le goucernemmt de
l'Église en général, et sur l'Église
de France en particulier depuis 15 15,
Paris, 1818, 2 vol. iu-8'. M. Clausel
de Montais ( aujourd'hui évéque de
Chartres), a publié une iîepon^eaua:
Quatre concordats de M. de Pradt,
Paris, 1819, in-8° ; dom Énard [vay.
ce nom, LXIII, 3C1 ) en a fait aussi
la critique; enfln on trouve des
PRA
15
notes de Napoléon sur cet ouvrage,
dans les Mémoires écrits à Sainte-
Hélène par les généraux Gourgaud
et Montholon ( voyez NAroLÉON ,
LXXV, 294). XVIII. Congrès de
Carlsbad. Paris, 1819, 2 parties ,
in-So.XIX. L'Europe après le congrès
d'Aix-la-Chapelle, faisant suite au
Congrès[de Vienne, Paris, 1819, in-8 ;
trad. en espagnol , par Marchena
{voy. ce nom, LXXIII, 73), Mont-
pellier, 1820, in-12. XX. Suite des
Quatre concordats, Paris, 1820, in-8 '.
XXI. Petit catéchisme à l'usage des
Français sur les affaires de leur
pays^ Paris et Rouen, 1820, in-8°,
deux éditions. XXII. De la révoln-
tion actuelle de VEspagne et de ses
suites. Paris et Rouen, 1820, in-8°.
Le comte de Lusi a publié des ^é-
flexions critiques sur cft ouvrage,
Berlin, 1820, in-8°. XXIII. De Vaf-
faire de la loi des élections , Paris et
Rouen, 1820,in-8'' ; deux éditions. Cet
écrit ayant été déféré aux tribunauj:,
comme nous l'avons rapporté, donna
lieu à la publication suivante, qui est
de de Pradt lui-même : Procès coiv.
plet deM.de Pradt , ancien archevê-
que de Matines, contenant une intro-
duction, V instruction préparatoire ,
Varrêt de renvoi devant la cour d'as-
sises et les passages inculpés ; les
délais, les réquisitoires de M. l'a-
vocatgénérali les discours de M. de
Pradt , le plaidoyer et la réplique
de M. Dupin aîné, avocat de M. de
Pradt; le plaidoyer et la réplique de
M. Moret, avocat de M. Béchet ( le
libraire-éditeur ) ; la déclaration dm
jury et l'ordonnance d'acquittement,
Paris et Rouen, 1820, in-8°. XXIV.
De la Belgique depuis 1789 jusqu^n
1794, Pans et Rouen, 1820, in-ii".
XXV. L'Europe et l'Amérique depuis
le congrès d'Aix-la-Chapelle, Paris
et Rouen, 1328, m-8\ XXVI. Rap-
16
PRA
pel de quelgues prédictions sur VI-
talie, extraites du CongrèsdeVienne^
en 1815, Paris et Rouen, 1821, in-8».
XX VII. L'Europe et l'Amérique en
1821, Paris, 1822,2v.in-8o. Il existe
trois traductions de cet ouvrage en
espagnol : une par madame de Zéa ,
Paris, 1822,2 vol. in-S» ; une par
un anonyme , Bordeaux, 1822, 2 vol.
in-8°; une autre enfin parD. J. A. L.,
Bordeaux, 1822, 2 vol. in-12. XXVIII.
Eœamen du plan présenté aux Cortès
pour la reconnaissance de l'indépen-
dance de V Amérique espagnokj, Paris,
J822, in-8"; trad. en espagnol, Pa-
ris, 1822, in-S"; autre traduction,
Bordeaux , 1822, in-12. XXIX. De la
Grèce dans ses rapports avec l'Eu-
rope,Pâtis, 1822, in-8'', deux édi-
tions. XXX. Parallèlede lapuissance
anglaise et russe relativement à l'Eu-
rope, suivi d'un aperçu sur la Grèce,
Paris, 1823, in-B»; 2^ édit., 1824,
in-8o. XXXI. L'Europe et V Amérique
en 1822 et 1823, Paris, 1824, 2 vol.
in-8o. XXXII. La France, l'Emigra-
tion et les Colonies, Paris, 1824,
2 V. in-8°. XXXIII. Examende l'ex-
posé des motifs de la loi relative à
Vindemnité des émigrés, lu dans la
séance du 4 janvier 1825 , Paris ,
1825, in-S". XXXIV. Vrai système de
l'Europe relativement à l Amérique
ci à la Grèce, Paris, 1825, in-B" ;
trad. en espagnol par Biczma Guer-
rero , Paris, 1825, 2 vol. in-12.
XXXV. Congrès de Panama , Paris,
1825, in-8"; trad. en espagnol, par
M. D.-J.-C. Pages, interprète royal,
Paris , 1825, in-18 ; autre traduc-
tion par M. A. Naucot , Bordeanx
et Paris, 1825, in-12. XXXVI. Lu
Jésuitisme ancien et moderne , Pa-
ris, 1825, in-S"; 2*= édition, 182C ,
in-8°. XXXVIl. L'Europe par rap-
port à la Grèce et à la réfor-
mation de la Turquie, Paris, 1820 ,
PRA
in-8o. XXXVIII. Concordat de l'An
mérique avec Rome, Paris, 1827,
in-8° ; trad. en espagnol , Paris ,
1827, 2 vol. in-12; autre traduction,
par don M. V .M., Paris, 1827, in-12.
XXXIX. Garanties à demander à
VEspagne, Paris, 1827, in-8°. XL.
Remarques philologiques sur le psau-
me ex ( 109 de la Yulgate) , Paris ,
1828 , in-S". XLI. Du système per-
manent de l'Europe à l'égard de la
Russie et des affaires d'Orient, Paris,
1828, in-S". XLII. Statistique des
libertés de l'Europe en 1829 , Paris ,
1829 , in-8». XLIII. Un chapitre iné-
ditsurla légitimité, Paris, ISSOjin-S».
Sur le verso du faux-titre est écrit :
« Le chapitre qu'on va lire a été re-
tranché d'un ouvrage de l'auteur par
l'effet de la censure. • XLIV. Appel
à l'attention de la France sur sa
marine militaire, Paris, 1832, in-S".
XLV. Du refus général de l'impôt,
Clermont-Ferrand et Paris, 1832,
in-80. XLVI. De l'esprit actuel du
clergé frawpms, Paris, 1834, in-S". De
Pradt a fourni divers articles aux Ar-
chives littéraires de l'Europe, des Let-
tres au Spectateur du Nord , et plus
tard des articles au Constitutionnel
et au Courrier Français. On a en-
core de lui un Portrait de l'abié
Maury, à la suite des Confessions du
cardinal Fcsch (I8I6); des notes et
remarques dans la traduction des
Considérations politiques sur l'état
actuel de l'Allemagne, par Fischer
( 1821) ; une. préface en tête des Ex-
traits de l'Introduction à l'Histoire
de Charles-Quint , traduits de l'an-
glais de Robertson {voy. ce nom,
XXXV11I,229, note 3), par MM. Du
fauet Guadet (1823). On lui attribue:
Eclaircissements historiques et im-
partiaux sur les causes secrètes et les
effets publics de la révolution de il i9
(anonyme), 1790, in-S». M-d j.
PRA
PRAET (Josei'H-Basile-Bernard
van), savant bibliographe, né le 29
juillet 1754, à Bruges, où son père,
Joseph Van Praet, exerçait, avec dis-
tinclion , la profession d'impritneur-
libraire, puisa dans ses traditions de
famille l'amour et les premières con-
naissances de la bibliographie. En-
voyé, à l'âge de quinze ans, au col-
lège de la ville d'Arras, nous le voyons
acheter de ses petites épargnes d'éco-
lier le Catalogue de la bibliothèque
de M. Gaignat, publié cette année
(1769) par de Bure, auteur de la
Bibliographie instructive, dont ce
Catalogue forme le supplément (coy,
Deblre, X, 627). Rentré dans la mai-
son paternelle, le jeune Van Praet
parut vouloir se fixer à Bruges, où il
se fit recevoir, en 1772, dans la con-
frérie des arbalétriers du noble che-
valier Saint-Georges, confrérie origi-
nairement militaire , mais alors pu-
rement civile. Apres sept ans passés
à étudier l'histoire et leà langues du
nord de l'Europe, il vint à Paris,
chez le libraire Desaint,et peu après
entra dans la maison de Guillaume
de Bure, cousin -germain de l'au-
teur de la bibliographie instruc-
tive et excellent bibliographe lui-
même. A cette époque figuraient au
premier rang dans cette science dom
Mangerard de Metz, Tabbé Mercier
de Saint-Léger, les deux de Bure et
l'habile et irascible abbé Rives. Van
Praet marqua sa place à côté de ces
maîtres, en publiant (février 17S0),
dans VEsprit des journaux, recueil
mensuel qui s'imprimait à Liège, des
Recherches ingénieuses et savantes
sur la vie, les écrits et les éditions
de Colard Mansion, le plus ancien
des imprimeurs de Bruges. Ces ^e-
cherches furent d'autant mieux ac-
cueillies qu'elles complétaient celles
que Mercier de Saint-Léger avait fait
Lxxvni.
PRA
17
paraître sur ce sujet dans le voluinc
de nov. 1779 du même recueil. Com-
me suite à ce premier essai. Van Praet
inséra, dans le volume d'octobre 1 780,
une Notice abrégée d'un manuscrit
de la Bibliothèque du roi, relatif au
tournoi célèbre frappé à Bruges, le 1 1
mars 1392, par Jean, seigneur de la
Grutuyse. En 1489, Louis de Bruges,
fils de Jean, zélé promoteur de l'im-
primerie dans sa patrie, et généreux
protecteur de Colard Mansion, qui
dansladédicaced'undeseslivrcsl'ap-
pelle familièrement son compère, fit
décrire et peindre ce tournoi dans un
splendide manuscrit orné des plus
belles miniatures et l'offrii au roi
Charles VIII. Van Praet a montré dans
la description de ce précieux ouvrage,
outre toutes les qualités du biblio-
graphe, un talent de polémique,
dont il n'a fait usage que cette fois,
en réfutant d'une manière vive et
serrée l'opinion de l'abbé Ghesquière
qui contestait ù Colard Mansion l'hon-
neur d'avoir introduit l'imprimerie à
Bruges, et en reportait le mérite
au calligraphe J. Britou. Ces deux
opuscules sont le germe de deux ou-
vrages plus iraporlauîs et plus com-
plets, que Van Praet mit au jour cm-
quaute ans plus tard, et dont nous
parlerons plus loin. L'année suivante
(janvier 1781 ), l'Esprit des journaux
s'enrichit d'une nouvelle communica-
tion de Van Praet sur des chansons
françaises et flamandes, composées
au xiii* siècle par les ducs de Bra-
bant, Henri lil et Jean II. Dans ce i rop
court mémoire, le jeune critique fit
connaître aux amateurs, alors moins
nombreux qu'aujourd'hui, de notre
ancienne poésie, quelques couplets
inédits de Henri IH. Le duc de La Val-
lière, mort au mois de nov. 1780,
avait laissé une des plus maguiliques
bibliothèques qu'ua particulier tùl
2
18
PRA
encore possédées en France. La vente
de ses manuscrits et de ses livres les
plus précieux fut confiée par sa iille
et son héritière, la duchesse de Châ-
tillon, à Guillaume de Bure qui as-
socia Van Praet k la rédaction du ca-
talogue, publié en trois vol. in-8°,
en 1783. «Ce catalogue, dit Peignot,
dans son Répertoirebibliographique,
fait le plus grand honneur à M. Guil-
laume de Bure et à M, Van Praet, qui
a traité la partie des manuscrits. »
Ce beau travail n'en fut pas moins
l'occasion des seules attaques pas-
sionnées dont Van Praet ait eu à souf-
frir. L'abbé Rives, ancien bibliothé-
caire du duc de La Vallière, blessé de
n'avoir pas été choisi pour dresser le
catalogue de cette collection, se livra
contre les rédacteurs aux plus violen-
tes injures dans un pamphlet qui pa-
rut sous forme de prospectus. Six
ans plus tard, le vindicatif abbé re-
nouvela et multiplia ses invectives
dans un ouvrage qui, purgé de ces
grossières diatribes, aurait pu offrir
de l'intérêt, la Chasse aux biblio-
graphes et aux antiquaires mal-avi-
sés, Londres, 1789, in-8°. Ces criti-
ques pleines d'emportement et de
fiel, que M. Paulin Paris ajustement
comparées aux aménités du père Ga-
rasse, ne firent de tort qu'à leur au-
teur. Les premiers travaux de Van
Praet attirèrent sur lui l'attention pu-
blique, et lui ouvrirent les portes de la
Bibliothèque du roi. L'abbé des Aul-
nays, alors garde des livres, le dé-
signa au choix de Le Noir, deverm
( ce qui peut paraître bizarre ) de
lieutenant-général de police, biblio-
thécaire du roi, et, comme on disait
encore , maître de la librairie de Sa
Majesté, intendant du cabinet des
livres, manuscrits, médailles, estam-
pes, etc. Le 1" juillet 178i, sans
autre protection que son mérile, Van
PRA
Praet fut appelé à la Bibliothèque du
roi, avec le titre de premier écrivain
attaché au dépôt des livres. Il pré-
féra cette position modeste aux offres
plus brillantes qui lui avaient été
faites par un des gardes de la Biblio-
thèque impériale de Vienne, l'abbé
Strattmann, qu'avait attiré à Paris la
vente du duc de La Vallière. Ce ne fut
que sept ans plus tard, en déc. 1791,
que Van Praet fut nommé second
commis par M. d'Ormesson, succes-
seur de Le Noir. Après la journée du
10 août 1792, la Bibliothèque du roi
devint de fait et de nom la Biblio-
thèque nationale. Chamfort, nommé
bibliothécaire par le ministre Ro-
land, confia à Van Praet les fonc-
tions de sous-garde des livres impri-
més, l'abbé des Aulnays conservant
le titre de garde. Mais la tourmente
révolutionnaire allait bientôt boule-
verser cet asile des paisibles études.
Au mois d'août 1793 , un infâme
délateur , Tobiesen Duby , employé
secondaire de l'établissement, dé-
nonça comme aristocrates et sus-
pects, dans le Journal de la Monta-
gne, Chamfort, l'ardent patriote, ei
plusieurs autres citoyens attachés à
la Bibliothèque nationale. Ces ci-
toyens suspects étaient l'illustre abbé
Barthélémy, son neveu, l'abbé de
Courçai , les iuoffensifs des Aulnays,
Capperounier, Joly , et le jeune et
studieux Van Praet. Chamfort adres -
sa, les septembre 1793, uneéoergiqiie
réponse, en ce qui le concernait, au
citoyen Laveaux, rédacteur du Jour
nal de la Montagne. Cependant les
hommes de lettres dénoncés avaient
été arrêtés et enfermés aux Madelon-
nettes, à l'exception de Van Praet, qui
sut tromper la surveillance de ses gar-
des, et demeura caché {itïndant deux
mois chez un libraire de Paris, M.Théo-
phile Barrois, beau-frère de de Bure.
PRA
Au mois de décembre, les proscrits de
la Bibliothèque ayant été rendus à
cet établissement, Van Praet vint re-
prendre ses fonctions de sous-garde
des imprimes, auxquelles plusieurs
suppressions d'emplois le forcèrent
d'ajouter celles de secrétaire, de con-
cierge et de trésorier. Il eut bientôt
le regret de se séparer de l'abbé des
Aulnays, qui, à peine hors de prison,
crut prudent de se retirer dans son
pays, à Lannion, en Bretagne, d'où
jusqu'à sa mort, arrivée en 1810, il
n'a cessé d'être en correspondance
avec Van Praet. La place de l'abbé
des ÂuInays passa à un inconnu ,
nommé Mancel. Nous remarquerons
qu'alors jusqu'à l'organisation de
1795 , les fonctions de garde des im-
primés et de garde des manuscrits
lurent réunies dans les mêmes mains.
Cette fusion momentanée servit beau-
coup à augmenter les connaissances
déjà si étendues et si variées de Van
Praet. Cependant Chamfort, à peine
rendu à la liberté, fut menacé d'nne
nouvelle arrestation. On sait avec
quelle énergie déplorable il voulut
échapper, par le suicide, à la tyrannie
démagogique. Lefebvre de Villebru-
ne, helléniste et traducteur médiocre,
hérita de sa place de bibliothécaire.
Ctmprenant d'une manière étrange
les devoirs de ses hautes et libérales
fonctions, il dénonça, en avril 1794,
au comité de la section Lepelletier,
plusieurs de ses collaborateurs, no-
tamment Van Praet, qu'il accusait
d'être Belge et de n'avoir qu'un ci-
visme douteux. Heureusement Van
Praet comptait beaucoup d'amis dans
la section. La dénonciation , au lieu
d'être envoyée aux autorités révo-
lutionnaires, fut remise entre les
mains du dénoncé, et demeura sans
résultat. La soirée du 19 août 1794
fut sigQaîée par une catastrophe
PRA
f9
bien faneste aux lettres. La riche
bibliothèque de l'antique abbaye de
Saint-Geroiain-des-Prés, auprès de
laquelle on avait imprudemment
établi des magasins de salpêtre , fut
la proie d'un incendie (l). Pendant
plusieurs mois Van Praet passa tou-
tes ses après-midi dans les caves hu-
mides où l'on avait jeté pèle mêle
ce qu'il avait été possible d'arracher
aux flammes. H parvint ainsi, avec le
savant et vénérable dom Poirier, à
exhumer un grand nombre de livres
et de manuscrits que le feu et l'eau
des pompes n'avaient que faiblement
endommagés. Au mois de novembre
de la même année , il fut nommé ,
avec son collègue Capperctinier ,
garde par intérim des livres impri-
més , fonctions qu'un des derniers
décrets rendus par la Convention na-
tionale ( 3 brumaire an IV) conféra
détinitivemeat à l'un et à l'autre,
après qu'une loi, mûrement préparée
par le comité d'instruction publique,
eut donné à cet immense musée , ou
plutôt à cette réunion de musées,
î'urganisatiuu puissante et libérale
qui a taut contribué à sa splendeur ,
et que le pouvoir, dans ces deruiers
temps, n'a pas assez respectée. Alors
s'accomplit dans le régime des bi>
bliothèques de France, et surtout
(i) Il n'y eut, cepeadant, ancune explo-
sion, et nous ignorons d'où M. le baron de
Reiffeoberg a tiré les détails suivauts:
« D.ins la soirée du ig août 1794, une délo-
nution épouvantable ébranle Paris jusqu'en
ses fondements et éveille les «cbos de ses
catacombes. On eût ,dit qu'un volcan long-
temps CHché venait de faire éruption au
centre de celte capitale. Lès quinze milliers
de salpêtre avaient sauté «t ave« eux la bi-
bliothèque. » M. de Reiffeuberg a saus doute
confondu cette date du 19 août avec celle
du 3l, époque de l'explosion de la pou-
drière de Grenelle. Voy. Notice biographique
sur J.-B.'B. Fan Praet, lue dans la séance
de l'Académie royale des sciences et belles*
lettres de Bruxelles, le 16 déc. tSik^
2.
20
PRA
de Paris, une révolution dont ne
peuvent avoir une idée ceux qui
n'ont pas été témoins du régime an-
térieur. Au lieu de n'être, comme par
le passé , que des propriétés particu-
lières , monastiques ou royales , ou-
vertes à quelques gens de lettres
par la munificence des fondateurs
ou la libéralité des propriétaires ,
pendant une ou deux heures, et une
ou deux fois par semaine (2), les bi-
bliothèques Mazarine, de Sainte-Ge-
neviève, du marquis de Paulmy ou
de l'Arsenal, et surtout la grande Bi-
bliothèque devinrent la propriété de
tous, s'ouvrirent à tous, pendant qua-
tre heures chaque jour. L'usage de
ces richesses nationales ne reçut
d'aatres limites que celles qu'impo-
saient les besoins de l'ordre et de la
conservation. Cependant rien n'était
préparé pour ce brusque passage de
la demi-clôture à l'ouverture libre et
quotidienne. Van Praet a contribué
plus que personne à rendre possible
la transformation que le nouvel état
de choses appelait. Avec son activité
sans pareille, sa mémoire prodigieuse,
son érudition prévenante et expan-
sive, il l'ut l'homme de cette révolu-
tion ; et c'est à lui aussi que revint
long-temps, et avec justice, la recon-
naissance qu'a excitée , au comn)en-
cement du siècle, le bienfait de la
publicité des bibliothèques. Les cir-
constances n'augaientèrent pas seu-
lement le nombre des lecteurs dans
les galeries de la rue de Richelieu ;
elles y multiplièrent, dans nue pro-
portion plus graudc encore, les ob-
jets d'études, livres, manuscrits, mé-
(2) Nous uvous i-ulcndu dire à M. Dau-
uou que tlaus lu IJibliollicque de Suiut-Vie-
tor, la plus iiiiLicuneiiicut publique de Pa-
ri*, on ne cDiuiuuuiqu.iit aux Icelouis iiou
le.oiniuandé» que de» ouviagis iu-folio,
(I:ins la uuiulc des souslimlious,
PRA
dailles, etc. Le chiffre des livres im-
primés qui montait k peine, en 1792,
à cent mille volumes, était plus que
doublé vers l'année 1800. Cet accrois-
sement rapide provint de deux sour-
ces. La première, que Van Praet n'au-
rait certes pas souhaité d'ouvrir,
mais dont il fit largement profiter la
Bibliothèque, fut la suppression des
couvents et la création des dépôts
provisoires, où s'accumulèrent les
dépouilles, plus ou moins précieuses,
des corporations supprimées. Van
Praet alla long-temps lui-même choisir
dans ces nécropoles littéraires les
ouvrages qu'il croyait manquer à la
Bibliothèque nationale. La seconde
source d'accroissement fut, à la ha
de la république et sous le consu-
lat, la direction scientifique, donnée
à nos conquêtes. Van Praet, souvent
consulté par les agents du pouvoir,
indiquait les ouvrages qu'il importait
de recueillir dans les pays soumis par
nos armes. « J'ai eu sous les yeux, eu
1798, dit Dauuou, plusieurs des no-*
tes que Van Praet adressait aux agents
du gouvernement, et qui supposaient
la plus exacte connaissauce de Tétat
des bibliothèques étrangères. C'est
ainsi que notre grand dépôt natio-
nal, déjà si riche, lui a dû, jusqu'en
1813, des accroissements dont il se-
rait fort difticilede mesurer l'éten-
due. » Aussi fut-elle profonde la dé-
solation du docte et zélé bibliothé-
caire , lorsqu'en 1815 les réclama-
tions de l'Europe coalisée vinrent
ressaisir la meilleure partie de ces
conquêtes intellectuelles. Van Praet
fit, dans cette circonstance, tout ce
qu'il était possible de faire : il atté-
nua par d'heureux et habiles échan-
ges des dommages inévitables. L'au-
teur de la I ie des Estienne a blâmé
Van Praet d'avoir restitué avec trop
de facilité ces fruits de nos vicloues.
PRA
M. Renouard, en éme'.tant cette opi-
nion, a trop jugé sur les apparen-
ces. Van Praet, au contraire, a dé-
fendu les intérêts de l'établissement
qui lui était contié avec toute la pas-
sion, toute la ténacité d'un biblio-
phile, on pourrait dire la dextérité
d'un diplomate consommé. Ce fut
d'ailleurs la seule circonstance de sa
vie où il déploya cette sorte d'a-
dresse, dont il était naturellement
dépourvu, surtout quand il s'agissait
de ses intérêts personnels. Les évé-
nements de 1814 ne lui furent pas
moins douloureux, en détachant la
Belgique de la France et en sépa-
rant ses deux patries, qui lui étaient
également chères. Des lettres de na-
turalité, qu'il obtint en 1815, le rat-
tachèrent à la France, sans lui faire
oublier la Belgique. Le gouvernement
français lui demanda, à diverses re-
prises, le concours de son zèle et de
ses lumières, pour l'amélioration de
plusieurs services qui avoisinaient le
sien. En 1827 et 1831, il fut appelé
par le garde des sceaux à faire partie
de la commission chargée de perfec-
tionner les types de l'imprimerie
royale. Plusieurs fois il fut nommé
membre du jury d'examen des pro-
duits de l'indusirie nationale, en ce
qui concernait la typographie et la re-
liure. Du commencement de 1829 à
la fin de 1832, il occupa, par élection,
le fauteuil de vice-président et de pré-
sident du conservatoire de la Biblio-
thèque royale. Tant de soins et de de-
voirssi ponctuellement remplis le for-
cèrent à suspendre, pendant bien des
années , ses propres travaux. Entre
1784 et 1821 , il ne put que com-
mencer l'impression de deux ou-
vrages qui demeurèrent inachevés ;
ce sont : 1° Essai d'un catalogue des
livres imprimés sur vélin , 1805, in-
lolio de 21 pages ; 2« Catalogue (par
PRA
21
ordre chronologique) des livres im-
primés sur vélin avec date, depuis
Hbl jusqu'à 1472; Ire partie, 1813,
un vol. in-folio , non publié. Ce fut
seulement entre les années 1822 et
1828, qu'il parvint à donner à ce
travail de toute sa vie le dévelop-
pement complet et la forme défini-
tive que nous lui voyons. Ce beau
monument de la science bibliogra-
phique parut enfin sous ce titre ;
Catalogue des livres imprimés sur
vélin qui se trouvent à la Bibliothè-
que du roi et'.dans les autres biblio-
thèques, tant publiques que par-
ticulières, 10 vol. in-8'. —Arrivé à
l'âge où l'homme a droit de se reposer.
Van Praet reprit et perfectionna deux
des premiers essais de sa jeunesse. Il
réimprima, en 1823, avec de nom-
breuses et utiles additions, sa. Notice
sur Colard 31ansion.En 1 83 1 , i l com-
pléta son ancien travail sur Jean et
Louis de Bruges , et en fit un livre
tout à fait nouveau , qu'il intitula :
Recherches sur Louis de Bruges , sei-
gneur de la Grtituyse, suivies de la
notice des manuscrits qui lui ont ap-
partenu et dont la plus grande partie
se conserve à la Bibliothèque du roi ;
un vol. in 8°. Il employa les années
suivantes à la composition d'un ou-
vrage qui parut en 1836. Mais, déjà
octogénaire et atteint d'une maladie
qui rendait non pas sa mémoire, mais
sa vue et sa main moins sûres, il dut
accepter , pour surveiller la fin de
cette publication, l'assistance d'un de
ses amis intimes, M. Parison , qui
partageait ses goûts bibliographiques
et littéraires. Ce dernier travail est
intitulé : Inventaire ou Catalogue
des livres de l'ancienne bibliothèque
du Louvrty fait en l'an i373par Gil-
les Mallet , précédé de la dissertation
de Boivin le jeune, sur la même bi-
bliothèque; lia fort vol. in-S". Ces
22
PRA
divers ouvrages, imprimés par M.
Crapelet , furent mis en vente chez
MM. de Bure frères, ses amis depuis
soixante ans. En retour de" tant de
services, Van Praet a joui pendant
un demi-siècle de la considération la
plus étendue et la mieux méritée. La
Restauration le créa chevalier de la
Légion-d'Honneur. Il fit partie, depuis
sa fondation, de l'Académie Celtique,
devenue la Société des antiquaires de
France , ainsi que de la Société aca-
démique des Sciences. Les Pays-Bas,
à peine érigés en royaume , s'em-
pressèrent de lui offrir une place dans
leur Institut. L'Académie des arts et
sciences d'Utrecht , la Société d'ému-
lation de Cambrai , l'Académie des
sci ences et belles-lettres de Bruxelles,
la Société des antiquaires de Nor-
mandie, et plus tard celle des anti-
quaires de la Morinie, s'honorèrent
de le compter parmi leurs membres.
Enfin , le 19 mars 1830 , il fut appelé
( c'est le mot exact) dans le sein de
l'Académie des inscriptions et belles-
lettres.— Van Praet, comme plusieurs
bibliographes célèbres, ne possédait
pas de bibliothèque. Il n'avait réuni,
àgrand'peine et à grands frais, qu'un
petit nombre de livres sortis des pres-
ses de Colard Mansion. Par un testa-
ment dicté la veille de sa mort, arrivée
le 5 février 1 837, il fit, non sans émo-
tion, le partage de cette peu nombreuse
et riche collection, entre les deux
établissements qu'il affectionnait le
plus, lu bibliothèque royale de France
et la bibliothèque de la ville de Bru-
ges. L'une et l'autre lui ont voté cha-
cune un buste de marbre. Plusieurs
hommages publics ont été rendus à
ce Tuodè'le des bibliothécaires , qui
mil , avec tant de dévouement , pen-
dant cinquante-quatre ans , ses con-
naissances cncyclopëdiqvtes au service
d»' <out vciiaiil. l.'('l()p,M' auquel on
PRiE
peut assurer qu'il aurait été le plus
sensible, est celui que son éloquent
et vénérable contemporain Daunou
prononça, comme secrétaire-perpé-
tuel de l'Académie des inscriptions
et belles-lettres, dans la séance pu-
blique du 9 août 1839. Van Praet fut
encore dignement loué, cette même
année, par M. le baron de ReifFen-
berg, devant l'Académie royale de
Bruxelles et, enfin, par un de ses
jeunes confrères de la Société des
antiquaires de France, M. Paulin Pa-
ris, dans le XV» volume des Mé-
moireê de cette Société. M— g— n.
PR^TORIUS (Jean), savant ma-
thématicien, né à Joachimsthal en
1537, fit ses études à l'université de
Wittemberg où il prit le grade de
maître es arts. S'étant rendu à Vienne
en 1569, il fut choisi par l'empereur
Maximilien JI pour lui enseigner les
mathématiques. L'année suivante il
accompagna André Dudith {voy. ce
nom, XII, 130), que ce prince avait
chargé d'une mission en Pologne. A
son retour en 1571 , il obtint une
chaire de mathématiques à Wittem-
berg, d'où il passa, en 1576, comme
professeur de la même science, à Al-
torf. U mourut le 27 décembre 1616.
C'était un homme également versé
dans les langues, la littérature, les
sciences et les arts. Keppler recon-
naît lui devoir une partie de ses pro-
grès dans les mathématiques 5 de
Thon le consultait sur des points
d'histoire, et Selhus Calvisius [voy.
ce nom, VI, 584) profita souvent de
ses vastes conuaissances en chrono-
logie. Prœtorius inventa plusieurs
instruments géoniétriques. Il avait
écrit un grand nombre de disserta-
tions sur les mathématiques et l'as-
tronomie, dont la plu|<art sont restées
manuscrites dans la bibliothèque de
l'université d'AKorf. Parmi celles qui
PRA
ont été imprimées , nous citerons :
De cometis ; problema , quod jabet
ex quatuor redis lineis datis qua-
drilateriumfieri, quod fit in circula,
aliquot modis explicatum. On lui
doit encore une édition, avec des
notes , du traité de la chasse au fau-
con de l'empereur Frédéric II {voy.
ce nom, XV, 551), d'après un ma-
nuscrit qu'il avait acquis de Joachim
Camerarius, auquel il joignit la Fau-
connerie d'Albert-le-Grand, sous ce
titre : Reliqua Ubrorum Friderici II
de arte venandi cum avibus, cum
Manfredi régis addit.^ accedit Al-
bertuê magnus de Falconibus, etc.,
Augsbourg, 1596, in-S», Cette édition
est très-rare. — 11 ne faut pas le con-
fondre avec Jean Pretorics , pro-
fesseur de philosophie à Leipzig,
mort le 25 décembre 1680, dont on
a aussi plusieurs ouvrages sur l'as-
tronomie, et même sur l'astrologie,
la chiromancie, etc. T — d.
PRASLIX (le duc Antoine-César-
FÉLix-CeoiSEUL de), né en 1776, fils
du duc de Praslin, qui fut député de
la noblesse d'Anjou aux États-géné-
raux de 1789, où il se réunit au parti
révolutionnaire , se fit lui-même re-
marquer, dès le commencement de la
révolution, comme partisan des in-
novations. Il n'émigra point et tra-
versa sans beaucoup de périls les
jours les plus malheureux. Entré à
l'École polytechnique dès la fonda-
tion en 1795, il y fit d'assez bonnes
études. Son père était mort lorsque
Bonaparte s'empara du pouvoir au
18 brumaire. Voué par tradition de
famille à la puissance défait, M. de
Praslin montra dès lors un grand
zèle pour le nouveau gouvernement,
et fut en conséquence comblé de
ses faveurs. Nommé d'abord séna-
teur, il fut créé chambellan en 1805,
puis comte de l'empire. Enfin il pré-
PRA
23
sida le collège électoral du dépar-
tement de Seine-et-Marne en 1811,
et fit en cette qualité à l'empereur,
sur la naissance de son fils, un long
discours où, parmi beaucoup de pla-
tes adulations, on remarqua les pa-
roles suivantes : « Quelle allégresse
« a pénétré vos sujets en apprenant
« qu'ils allaient avoir un rejeton du
«plus grand, du plus illustre des
« monarques!... Puissent nos petits-
« enfants jouir encore long-temps du
« bonheur d'être gouvernés par lui ,
• et lui répéter comme à vous : Vice
* à jamais le grand Napoléon! »
Dans le mois de janvier 1813, au mo-
ment où Bonaparte cherchait à ré-
parer les désastres de sa campagne
de Russie, M. de Praslin, lui «yant
été présenté à la tête d'une députa-
tion, lui offrit, au nom du départe-
ment de Seine-et-Marne, un nombre
de cavaliers armés et équipés, ce qui
était assurément, dans de pareilles
circonstances, la plus belle offre qu'il
pût faire. Aussi fut-il nommé au com-
mencement de 1814, chevalier de
la Légion -d'Honneur, puis chef de
la 1^^ légion de la garde nationale de
Paris, à la tête de laquelle on le vit
combattre le 30 mars, lorsque les
alliés s'approchèrent de cette ville.
Son zèle'pour le gouvernement im-
périal était tel qu'on l'entendit, le
lendemain, s'écrier en présence d'un
groupe de royalistes qui s'étaient hâ-
tés de prendre la cocarde blanche et
qui criaient : Vive le roi ! vivent les
Bourbons! « Vous n'êtes que des in-
« dividUs^ ce n'est pas là le sentiment
' général; vous feriez mieux d'aller
« auxbarrières relecer les blessés...»
Cependant quand il vit la chute de
Bonaparte assurée , M. de Praslin
parut s'amender. Voulant racheter
par des manifestations d'un autre
genre le tort des premières, il fut un
PRA
PRA
de ceux qui proposèrent une sou-
scription pour le rétablissement de
la statue de Henri IV sur le Pont-
Neuf, et le 18 avril il fit afficher sur
tous les murs de la capitale une
longue exhortation adressée à ce su-
jet aux habitants. Quelques jours
après, admis en présence deMonsieur,
depuis Charles X, il s'exprima dans
les termes de la soumission et du
dévouement les moins équivoques,
ce qui lui valut, le 4 juin suivant,
d'être compris dans la Chambre des
pairs que créa Louis XVIll. Il perdit
néanmoins le commandement de la,
1" légion de la garde nationale de
Paris, qui lui avait été donné par
Napoléon; mais il le recouvra dès
que celui-ci fut revenu de l'île d'Elbe
au mois de mars 1815. Alors le duc
de Prasiin fil de nouveau éclater son
zèle pour le système impérial, et
le 6 juillet, au moment où Louis XVIII
allait rentrer dans sa capitale , il si-
gna le premier une déclaration des
chefs de légion de la garde nationale
en faveur du drapeau tricolore. On a
lieu de penser que cette adhésion fut
la principale cause de son expulsion
de la Chambre des pairs, par l'ordon-
nance royale du 24 juillet suivant.
Il y rentra néanmoins en 1817 avec
la fournée des soixante opérée parle
ministre Decaze. Dès lors cherchant
à s'effacer, il prit peu de part aux
délibérations de la Chambre, et vota
constamment avec le parti libéral. Il
mourutà Paris, le 28 juin 1839,à l'àgc
de (>li ans. Selon ses dernières volon-
tés, ses funérailles furent très-mo-
destes,et ses restes transportés au châ-
teau dePraslin près de Melun. M— Dj.
PRATZ (Le Page du), voyageur
français, fut d'abord militaire et fit
la guerre en Allemagne. A la paix il
alla chercher fortune en Amérique.
Ayant obtenu une concession de
terres à la Louisiane, il partit de la
Rochelle h. la fin de mai 1718 sur un
navire expédié par la compagnie
d'Occident, et, après avoir touché à
Saint-Domingue, il altérit, le 25 août,
àl'îleDauphine ou Mussane, au nord-
ouest de l'embouchure du Mississipi.
Bientôt il gagna la Nouvelle-Orléans,
et fut mis en possession du terrain qui
lui avait été concédé , au Boyou-
Tchoupik , à peu près à une derai-
lieue de cette capitale-, il s'établit
avec ses ouvriers dans ce lieu alors
inhabité. Les craintes fondées qu'il
conçut de l'insalubrité de ce canton
le décidèrent à quitter son habitation,
oùcependantil se plaisait. Il se trans-
porta donc, en 1720, aux Natchez, à
cent lieues plus haut, sur la rive
droite du Mississipi. Charmé de sa
nouvelle possession, il demeura d'a-
bord dans une cabane achetée d'un
Indien. Ses gens en construisirent
une autre tout à côté, • de sorte, dit-
« il, que je me trouvai logé à peu
« près comme les biicherons en Fran-
«ce, lorsqu'ils travaillent dans les
« bois. » Du Pratz avait fait une ex-
cursion vers les terres de Biloxi,
lorsque vers la fin de 1723 éclata la
première guerre avec les Natchez ;
elle ne dura que quatre jours; plu-
sieurs Français furent tués. Sa mai-
son, où il s'était barricadé, ne fut pas
attaquée ; lorsqu'il la quitta, pour se
retirer sous le fort, avec les autres
habitants, elle fut brûlée. Le village
avec lequel on était en hostilité lui
envoya le calumet de paix ; tout
s'arrangea, et les Indiens préparèrent
des matériaux pour lui bâtir une
nouvelle habitation. Le couunerce se
rétablit, et la paix fut ratifiée par
le gouverneur de la Louisiane. Du
Pratz ayant entrepris un voyage dans
le nord et dans l'ouest, afin de recon-
naître les rivières qui versent leurs
PRA
eaux dans le Mississipi , ne choisit
que des Indiens pour l'accompagner,
aGn d'éviter les malheurs qui e'taient
arrivés à La Salle (voy. ce nom, XL,
177) et à d'autres aventuriers. 11 se
re'jouit beaucoup d'avoir découvert
un gisement de plâtre et ailleurs un
autre de cristal de roche, enfln une
mine de plomb et une de houille, ce
qui montre qu'il était parvenu au
delà du pays baigné par l'Arkansàs,
et même plus loin que le Missouri ; il
nomme ces deux rivières. Après huit
ans de séjour, saisi d'une forte en-
vie de quitter le poste des Natchez ,
il vendit ce qu'il y possédait et vint
à la Nouvelle- Orléans avec le pro-
jet de repasser en France; mais le
gouverneur et le commissaire -or-
donnateur le pressèrent si vivement
de se charger de la régie de l'habi-
tation de la compagnie , qui peu
de temps après devint celle du roi,
qu'il accepta cette proposition. Il
remarqua que cette habitation res-
semblait alors à une forêt à moitié
défrichée. Ce changement de de-
meure lui sauva la vie, car les Nat-
chez massacrèrent tous les Français
établis chez eux. DuPratz avait beau-
coup amélioré l'état de l'habitation,
lorsqu'en 1734 une économie mal
entendue en lit décider la suppres-
sion. Le 10 mai, il s'embarqua, et
le 25 juin il entra dans le port de la
Rochelle. Il mourut en 1775. On a
de lui : Histoire àe la Louisiane con-
tenant la découverte dece vastepays^
sa description géographique , un
voyage dans les terres, l'histoire na-
turelle, les inœurs, coutumes et reli-
gion des naturels avec leurs origi-
nes, deux voyages dans le nord du
Nouveau- Mexique , dont Tun jus-
qu'à la mer du Sud; ornée de deux
cartes , et de 40 planches en taille-
douce, Paris, 1758, 3 vol. m- 12. Le
PRA
25
contenu de cet ouvrage répond aux
promesses du titre ; il offre des no-
tions très-détai liées sur tous les ob-
jets dont il traite. C'est surtout des
Natchez que l'auteur s'occupe. Les
deux voyages qu'il mentionne sont
ceux d'un chef indien. Ce livre a
été souvent cité par les auteurs qui
de nos jours ont écrit sur la Loui-
siane; ils ont rendu justice à son
exactitude. Les cartes sont conformes
aux idées que l'on avait à l'époque où
elles furent publiées; les planches
représentent généralement des ar-
bres et des plantes du pays ; les au-
tres concernent les Indiens et les
bêtes sauvages. L'histoire des éta-
blissements successifs des Français
est bonne à consulter. L'auteur la
continue jusqu'après J740, époque à
laquelle la sage politique de Vau-
dreuil termina, sans frais et sans
avoir exposé la vie d'un seul homme,
une guerre avec les Indiens. E— s.
PRAULT (L.-Laubent), libraire
à Paris , mort vers 1803 dans un âge
très-avancé , était un homme aimable
et un bibliographe instruit. II a publié
sous l'anonyme : I. Pensées de J.-J.
Rousseau , avec une préface de l'abbé
de la Porte, Amsterdam (Paris),
1763, in-l2. II. L'esprit de Henri
IV, ou Anecdotes les plus intéres-
santes, traits sublimes, reparties
ingénieuses et quelques lettres de
ce prince^ Paris, 1770, 1775, in-S';
réimprimé à la suite des Mémoires de
Sully, édition de Londres, 1778,
10 vol. in-12 {voy. Écluse des Loges,
XII, 470); enfin il en a paru une
nouvelle édition, augmentée de TÉ-
loge de Henri IV , par La Harpe , et
d'une préface avec des notes, par Le-
breton, Paris, 1814, in-12, avec por-
trait, m. Pensées de milord Boling-
broke, sur différents sujets d'histoire,
de philosophie , de morale , etc. ,
26
PRA
PRE
Amsterdam et Paris, 1771 , in-12.
Grimoard, qui a publié les Lettres de
Bolingbroke, dit, dans son avertisse-
ment, que l'éditeur des Pensées de ce
philosophe lui en a prêté un grand
nombre qu'oa ne retrouve pas dans
ses ouvrages, et qu'il en a altéré
d'autres qui contrariaient les prin-
cipes de la religion catholique
{COy. BOUNGBROKE, V, 59). IV. UÈs-
prit de M. Necker, Londres et Paris,
1788, in-12, — Prault, père du pré-
cédent, exerça aussi le commerce de
la librairie, et publia, en 1744 et an-
nées suivantes , une jolie édition in-
12 des poètes Italiens. On lui at-
tribue le Code voiturin, Paris, 1748,
2 vol. in-4°. Les livres qu'il a fait im-
primer sont généralement remarqua-
bles par la netteté des caractères , la
beauté du papier, et la correction ty-
pographique. Nous ne rappellerons
pas ici les mauvais calembours que
le marquis de Bièvre s'était permis de
faire sur la famille Prault. Ceux qui
ne les connaissent pas pourront les
trouver dans le Bièvriana. L— m — x.
PRAXÉAS , hérésiarque , né en
Phrygie dans le deuxième siècle ,
adopta les erreurs des Montanistes ;
puis, ayant quitté leur parti, se ren-
dit à Rome , et engagea le pape Clé-
ment à révoquer les lettres de com-
munionque, trompé par ces sectaires,
le pontife leur avait accordées. Mais
bientôt Praxéas tomba lui-même
dans uneerreur capitale sur le dogme
de la Trinité. Il ne reconnaissait en
Dieu qu'une seule personne à laquelle
on donne trois noms différents ,
n'admettant ainsi qu'une Trinité no-
minale, et disant que le Père, comme
le Fils, avait été crucifié. Ayant passé
de Rome en Afrique , pour y ré-
pandre .ses opinions, il fut réfuté par
Tertullicu , alors Monlauiste , qui
écrivit un traité contre \\i\(voy. Teiî-
TDLLiEN , XLV, 198). Enfin, après
être rentré plusieurs fois dans le sein
de l'Église , Praxéas mourut dans
l'hérésie. Ses erreurs furent renou-
velées, au troisième siècle, par Noet
et Sabellius, chefs des Noétiens et
des Sabelliens. P — rt.
PREBLE (Edouard), commodore
de la marine des États-Unis d'Amé-
rique, né au mois d'août 1761, était
iils du brigadier- général Jedediah
Preble, mort en 1784 à l'âge de 77
ans. Preble entra dans la carrière
maritime; il était en 1779 midship-
man sous le capitaine Williams.
Nommé bientôt après lieutenant, il
continua de servir en cette qualité à
bord d'un sloop de guerre commandé
par le capitaine Little jusqu'à la paix
de 1783. Ce fut k cette époque qu'à
la tête d'un petit nombre d'hommes
il s'empara d'un navire beaucoup
plus fort que celui qu'il montait,
dans le havre de Penobscot, malgré
la furieuse canonnade des batteries
et un feu incessant de mousqueterie.
En 1801 il commanda la frégate
Essex, et fit un voyage aux Indes-
Orientales pour protéger dans ces
parages le commerce de sa patrie.
Deux ans plus tard il fut placé, en
qualité de commodore, à la tête de
sept voiles, avec lesquelles il se ren-
dit dans la Méditerranée afin d'y
mettre à la raison le dey de Tripoli.
Il força d'abord l'empereur de Maroc
à conclure la paix avec les États-
Unis, malgré la perte de la frégate
Phtladelphia, échouée et brûlée par
Decatur, se procura ensuite à Na-
pies un certain nombre de canonniè-
res, et se dirigeant sur Tripoli, atta-
qua vivement cette place. Quoiqu'il
ne parvint pas k s'en emparer, il ohli
gea né.mmoins le pacha de cet état à
faire la pai.v à des termes honorables.
Le commodore Preble mourut le 25
PRE
août 1807, n'étant encore âgé que
de 45 ans. D— z— s.
PRÉCY (Pierre de) était neveu
du comte de Précy (roy. ce nom,
XXXVI, 30), qui commanda Lyon
pendant le siège de cette ville en
1793, et dout il partagea toujours les
sentiments monarchiques. Ayant
reçu une éducation soignée, il se li-
vra avec ardeur à la culture des let-
tres, surtout à la poésie, et consacra
particulièrement sa plume à des su-
jets religieux. On a de lui un poèn^
en quatre chants, intitulé: les Mar-
tyrs , dont VAmi de la Religion a
rendu compte dans le tome XXXI ,
p. 95 , de sa collection. C'est le seul
des ouvrages de Précy qui ait été im-
primé. Ses autres productions, tant
en prose qu'en vers, sont restées iné-
dites ; il en a indiqué lui-même plu-
sieurs, dans une note placée à la fin
de son poème des Martyrs : 1 un
poème historique du monde; 2» un
poème sur les Stuarts; 3" des tra-
ductions en vers français de VOdys-
sée, de VÂnti-Luo'èce du cardinal de
Polignacdu poème d'^ bel de Gessner,
du Prœdium rusticum de Vanière ,
des Psaumes; i^ une Démonstration
évangélique , d'après le plan de Fé-
nelon ^ 5° un livre de VInfluence du
christianisme sur la civilisation des
peuples, etc. Précy mourut à Spmur
en Brionnais (Saône-et-Loire), le
•29 juin 1822. Il avait épousé Chris-
tine Duryer, arrière-petite-fiHe d'An-
dré Duryer {voy. ce nom, XII, 386),
consul de France à Alexandrie, dont
on a une traduction française de
VAlcoran. P — rt.
PRÉCY, auteur de la Pipée. Voy.
Perri>- de Précy, LXXVI, 496.
PRÉFAT (Ulric) de Wilkanova,
gentilhomme bohémien, né en 1523
a Prague, en partit le jour de la Fête-
I>ieu, 1546, pour aller dans la Terre-
PRE
27
Sainte , d'où il revint le lundi avant
Pâques, 1 547. Il a publié son Itinera-
rium Praga Venetias, et inde per
mare in Palestinam. id est, Judœam
et Terram Sanctam Hierosolymam
ad Sepulchrum Domini , Prague ,
1548, et ensuite 1563, qu'il dédia à
Wenceslas de Hazmbourg, chevalier
de Saint-Iean de Jérusalem, dont le
père, comme un autre Ulysse, avait
parcouru les terres et les mers , et
dont Préfat dit avoir trouvé les ar-
mes dans plusieurs de ses voyages.
Les deux éditions de cet ouvrage ,
où l'on trouve des détails intéres-
sants sur les lieux qu'avait vus l'au-
teur, furent soignées à ses dépens.
Il dit à la fin qu'il n'a pas dépensé
pour tout le voyage plus de cent du-
cats de Hongrie, et cite la relation du
voyage de Kabatnik. G — Y.
PRÉFOXTAIXE (le chevalier
de), ancien commandant à la Guiane,
a public un ouvrage intitulé : Mai-
son rustique, à Vusage des habitants
de la partie de la France équinoxiale
connue sous le nom de Cayenne ,
Paris, 1763, in-8°. On trouve dans
ce volume un Dictionnaire galibif^t
un Essai de grammaire, par La Salle
de l'Étang , opuscules qui n'ont pas
été mentionnés à son article [voy.
Salle, XL, 182). Déjà Ant. Biet
{voy. ce nom,LVin. 245) avait
donné, à la suitp de son Voyage de la
France équinoxiale , un Diction-
naire de la langue galibi , dont
celui de La Salle n'est qu'une repro-
duction plus étend!ie. Z.
PREGLIASCO (Jacques), archi-
tecte italien, né en 1757 dans le Pié-
mont, et mort à Turin le 26 décembre
1825, s'était surtout distingué par son
talent pour l'arfchitecture théâtrale
et l'art de former les jardins suivant
le goût anglais. On remarque, parmi
ses ouvrages, le parc de la princesse
28
PRE
PRE
de Lorene Carignano ; la restauraliou
du grand théâtre de la Canobiana, à
Milan; la plupart des décorations
pour les ballets mythologiques de Vi-
gano et de Gioja ; enlin la nouvelle
construction du grand théâtre de Na-
ples, etde celui de la cour de Milan, à
Monza. On voit aussi en Piémont plu-
sieurs jardins et théâtres qu'il a des-
sinés et bâtis, tous remarquables par
l'originalité et la perfection du goût.
Z.
PllîîIGNEY (Luc-JosEPîi Mathe-
IJOT, plus connu sous le nom de l'abbé
de), ingénieur physicien à qui l'on
doit plusieurs découvertes utiles,était
né vers le commencement du 18® siè-
cle, à Dole, d'une famille patricienne.
Pourvu de bonne heure d'un cano-
nicat, il employa ses loisirs à l'étude
de la physique et fit un grand nombre
d'expériences, principalement sur la
lumière. En 1744 il soumit à l'Aca-
démie des sciences le modèle de lan-
ternes à réverbères qu'il proposait
de substituer à celles dont on se ser-
vait alors pour éclairer les rues de
Paris. L'Académie déclara que les lan-
ternes de l'abbé de Preigney étaient
très-supérieures à tout ce que l'on
connaissait en ce genre; mais il ne
put pas déterminer l'administration
de la ville de Paris à faire l'essai des
réverbères {voy. Boui?GEOis, de Cha-
telblanc, t. LIX , p. 118). Cependant
les nouvelles lanternes occupèrent
quelque temps les Parisiens. Valois
d'Orville les célébra dans un poème,
174G, in-8" ; et Dreux du Radier,
érudit laborieux qui avait le tort de
se croire plaisant, profita de cet en-
gouement passager pour publier son
Essai sur les lanternes^ Dole, Luc-
NOPHiLE, 1755, in-8°(t30j/. Dreux du
RADiEK,XlI,2C).Dans cette facétie as-
sez triste, quoique l'auteur ait tâché de
la rendre guie, l'inventeur des lanter-
nes à réverbères est traité d'une ma-
nière peu décente. Au lieu des encou-
ragements qu'il méritait, on propose
de l'établir grand-ianfermer de la ca-
lotte (uoî/.Margon,XXVII,15). L'ab-
bé de Preigney, poursuivant ses utiles
travaux, avait, dès 1748, présenté à
l'Académie des sciences son chande-
lier à huile; il le perfectionna depuis
et en donna la description, accompa-
gnée de deux planches, dans le/îccueif
des machines approuvées par l'Aca-
démie, Vil, 395. Ce chandelier n'est
autre chose que, la lampe à pompe
dont l'usage est devenu si commun,
sans que personne se soit encore oc-
cupé d'en restituer l'invention à sou
auteur. Le gouvernement avait ré-
compensé l'abbé de Preigney en lui
donnant l'abbaye de Saint-Chéron ;
mais il jouit peu de temps de ce béné-
fice qui devait le mettre à même de
tenter de nouveaux essais. Une mort
prématurée l'enleva en 1758. W-s.
PREÏSLEIl (JoACUiM- Daniel),
acteur et écrivain danois, fils de Jean-
Martin Preisler, célèbre graveur al-
lemand, mort à Copenhague en 1794
(voy. ce nom, XXXVI, 38), naquit
dans cette capitale le 10 nov. 1755.
Après avoir fait de bonnes études, il
embrassa la carrière du théâtre et
devint en 1778 comédien ordinaire
du roi. Dix ans plus tard il lit par
ordre de son souverain, en France
et en Allemagne, un voyage dramati-
que dont il publia la relation à son
retour. Quoiqu'il eût quitté la scène
en 1792, on voit qu'il exerça les fonc-
tions de souffleur en 1800, mais pen-
dant très-peu de temps. 11 mourut eu
1808. On a de Preisler: I. Les Raco-
leurs {Uververne), comédie de Sté-
phanie la jeune {den Yungerc), tra-
duite en danois, Copenhague, 1783,
imprimée dans le l. Vlil de la ccd-
Icction de pièces de théâtre de Gyl-
PRE
PRE
29
dendal. H. Journal d'unvoyage fait
en France et en Allemagne pendant
l'année 1788, Copenhague, 17^9, 2
vol. in-8° (en danois). 111. Ferdi-
nand Braun. le Goth^ biographie
romantique, Copenhague, 1802, in-
8o. IV. Les Invalides, ou le Triom-
phe du 2 avril, drame (en allemand),
Copenhague, 1802, in- 8°. V. l'iti-
matum à ce que N. T. L. Ganne-
rus appelle la vérité, Copenhague,
1807. D— z^s.
PRESCOTT (William), colonel
américain qui ligura avec distinc-
tion dans les guerres de la révolu-
tion, naquit en 1725 à Groton dans
le Massachussets. Son père était mem-
bre du conseil de cet état, et son
grand-père maternel, Thomas Oliver,
exerça long-temps les mêmes fonc-
tions. Il hérita de ses parenls une
grande fortune, et entra lie bonne
heure dans la carrière militaire. S'é-
tant fait connaiire avantageusement
par sa conduite pendant la conquête
de la Nouvclle-Écosse, où il servit sous
le major-général Winslow, on lui con-
fia eu 1775 le commandement des trou-
pes qui s'emparèrent, dans la soirée du
16 juin, des fortifications de Bunker-
hill. H se distingua aussi pendant
la bataille qui se donna le lendemain.
Prescott accompagna ensuite Was-
hington à New-York, et servit plus
tard sous le général Gates, lors de la
capture du général Burgoyne. Il mou-
rut le 13 octobre 1795. — Prescott
{Olivier), frère du précédent, né le
27 avril 1731, se lit recevoir médecin
après avoir terminé ses études au col-
lège d'Harvard , obtint une grande ré-
putation et par suite une nombreuse
clientèle. Lorsque les colonies amé-
ricaines se révoltèrent contre l'An-
gleterre, Prescott abandonna la car-
rière de la médecine et entra dans
l'armée. Il était brigadier-gûiéral de
la milice en 177C, et rendit en cette
({ualité d'importants services pendant
le temps que les Anglais occupèrent
Boston. De 1777 à 1779, période du-
rant laquelle il n'y eut ni gouver-
neur ni sous-gouverneur, il exerça
les fonctions de membre du conseil,
et depuis 1779 jusqu'à sa mort, arri-
vée à Groton le 17 novembre |80i,
il fut juge pour la vérification des
testaments. — Prescott ( Olivier),
son second fils, né le 4 avril 1762, fut
élevé comme son père au collège
d'Harvard, et comme lui embrassa la
carrière de la médecine. Il s'y Ut dis-
tinguer par sou grand savoir, et
mourut le 26 septembre 1827, de la
fièvre typhoïde, à Newburyport, où il
s'était établi. Il a publié différents
articles dans le Journal de Médecine,
entre autres une Dissertation sur
l'ergot, qui a élé réimprimée à Lon-
dies ainsi qu'en France et en Alle-
magne. D— z— s.
PRESSIGN'Y ( GABniEL Cortols
D»), archevêque de Besançon et pair
de France, naquit le 11 décembre
1745, à Dijon, d'une famille qui a
produit plusieurs hommes distingués
dans la magistrature, dans les armts
et dans l'épiscopat. Élevé sous la di-
rection de son oncle Corlois de
Quiucey, évèque de Belley, il ter-
mina ses études avec succès au sé-
minaire de Saint-Sulpice. Dès qu'il
eut reçu les ordres, M. de La Luzerne,
nommé récemment à l'évêché de
Langres, le choisit pour un de ses
grands -vicaires. En 1780, il fut
pourvu de l'abbaye de Saint-Jacques,
diocèse de Béziers, et il assista la
même année à l'assemblée du clergé
qui l'élut un de ses commissaires pour
le temporel. Évêque de Saint-Mdo
en 1785, il fit en celte qualité partie
des États de Bretagne , et il y déve-
loppa des vues utiles sur les diver-
30
PRE
ses branches de l'administration de
cette province. En 1787, il prononça
le discours d'ouverture de l'assem-
blée du clergé qui devait être le
dernier. Il adhéra , comme son frère
aîné Gortois de Balore , évêque de
Nîmes, à l'exposition des principes
souscrits par les prélats du côié
droit de l'assemblée nationale. Par
une lettre pastorale datée de Quin-
cey le 24 avril 1791, il invita ses
diocésains à ne point reconnaître
les pasteurs intrus. Sorti de France
quelques jours après, avec son frère
aîné, il se retira d'abord àChambéry.
Le 6 avril 1792 , il adressa de cette
ville une lettre aux curés et vicaires
de son diocèse,par laquelle il leur en-
joignit de donner toute la publicité
possible au bref du pape Pie VI , du
(i mars précédent, concernant les af-
faires de l'Église. A l'entrée des
troupes françaises en Savoie, les
deuxfrères,quine se séparèrent point
pendant toute la durée de l'émi-
gration, se réfugièrent à Constance,
puis à Landshut en Bavière, d'où ils
revinrent en France à la tin de 1800.
Us donnèrent la démission de leurs
sièges à l'époque du concordat de
1801, et refusèrent d'en accepter
d'autres. Après la Restauration, Cor-
tois de Pressigny, nommé par
Louis XVlil son ambassadeur a Ro-
me, partit au mois de juillet 1814
pour se rendre à son poste. L'appro-
che des troupes napolitaines en 1815
ayant décidé le pape à se retirer à
Gênes , il y suivit le souverain pon-
tife, et revint avec lui dans ses états.
Pendant sou séjour à Rome, il s'était
lait aimer et respecter. Si les négo-
ciations n'<ivancèrent pas beaucoup ,
ce fut moins la faute du gouverne-
ment pontifical, que celle du gouver-
nement français , qui réservait à un
autre négociateur le soin de cette af-
PRE
faire. Rome sut apprécier le caractère
de M. de Pressigny, qui était géné-
reux et franc, et elle était disposée à
donner le chapeau à ce prélat -, mais
des rivalités qu'il ne voulut pas com-
battre l'emportèrent dans le conseil
des ministres. Remplacé auprès de Sa
Sainteté par le duc de Blacas , Pres-
signy entra, en avril 1816, à la Cham-
bre des pairs. 11 fut, en 1817, nommé à
l'archevêché de Besançon vacant par
la mort de Lecoz, mais il ne reçut qu'en
1819 son institution canonique. A la
Chambre il prit part à l'opposition
des évêques contre le système adopté
par le ministère. Dans la discussion
du projet de loi sur les délits de la
presse, il appuya l'amendement du
duc de Fitz-James, tendant à faire
punir les outrages a la religion chré-
tienne des peines portées contre leai
outrages à la morale publique , et
signa, le 10 mai, une protestation
contre le rejet de cet amend m nt. Il
fut, en 1821 , nommé rapporteur du
projet de loi relatif aux pensions
ecclésiastiques, et dans la même ses-
sion il paya un juste hommage à la
mémoire du cardinal de La Luzerne,
son ami. Consulté sur le prêt à inté-
rêt par un membre de la Chambre
des députés, il fit imprimer sa ré-
ponse sous ce titre: le placement
de l'argent à intérêt distingué de
l'usure, Lyon, 1821, in-8° de 21 p.
11 s'y déclare pour la légitimité de
l'intérêt renfermé dans les bornes
légales. C'est aussi l'opinion du car-
dinal de La Luzerne dans les Disserta-
tions sur le prêt de commerce , dont
Cortoi« de Pressigny fut l'éditeur
(ooy. La Luzerne, LXIX, 532). L'o-
bligation où il était de résider à Pa-
ris pendant la session des Cham-
bres et l'affaiblissement de sa sauté
lui firent désirer un coadjuteur.
Mais sou absence ne diminua rien de
PRE
PRE
31
l'intérêt qu'il prenait à son dioeèse. Il
y multiplia les écoles ecclésiastiqufs
et y fonda plusieurs établissements
de charité auxquels il abandonnait
la plus grande partie de ses revenus,
ne se réservant que le strict néces-
saire pour son entretien et celui
de sa maison plus que modestes.
Suivant l'usage, pour quelques dis-
penses accordées par révèché, les im-
pétrants devaient acquitter de légers
droits i M. de Pressigny, ne pou-
vant supprimer, appelait secrètement
auprès de lui les paysans qui les
avaient payés, et les leur rembour-
sait généreusement de ses propres
deniers. Ce prélat mourut à Paris
le 2 mai 1823. L'un des directeurs
nés de l'Académie de Besançon , il lut
dans une de ses séances un Mémoire
sur le tribunal secret, si redoutalile
en Allemagne au moyeu-âge, qui doit
être conservé dans sa famille avec ses
autres uianuscnts- Son Éloge par Bé-
chet est imprimé dans le Recueil de
la même académie pour 1S24. Le con-
seil municipal de Besançon a fait exé-
cuter le buste de ce prélat que l'on
voit à la Bibliothèque de la ville. Son
oraison funèbre, prononcée par M.
Tharin, l'un de ses grands-vicaires,
a été imprimée. Il existe un portrait
de Pressigny, gravé à l'eau-forte, par
M. Ingres , et qui n'a été tiré qu'à un
petit nombre d'exemplaires. Ce por-
trait est d'une ressemblance frap-
pante, et il rappelle exactemeni la
belle figure et les traits 'uobles du
préiat. C'est le seul travail de M. In-
gres en ce genre. A — o.
PKESSY ( François-Gasto.v de
Partz de), né en 1712 au château
d'Esquire dans le diocèse de Boulo-
gne, fut envoyé à Paris où il ht ses
études théologiques avec beaucoup
de succès au séminaire de Saint-Sul-
pice, maison pour laquelle il con-
serva toujours la plus vive affection.
Nommé à l'évêché de Boulogne sous
le ministère du cardinal de Fleury,
il fut sacré le 11 août 1743. Rarement
il s'absenta de son diocèse, où il don-
na des preuves multipliées de cha-
rité, consacrant des sommes considé-
rables au rachat des chrétiens captifs
chez les iulidèles, et envoyant des
secours aux missions étrangères. 11
se fit également remarquer par sa
piété, sa régularité et son zèle pour
les intérêts de la religion. Il publia
des statuts synodaux et un rituel,
fonda un petit séminaire, institua
pour son clergé des retraites ecclé-
siastiques qu'il présidait lui-même,
et adressa aux fidèles de fréquentes
instructions. En 1752, lorsque les
parlements sévissaient contre le re-
fus des sacremeuis aux appelants de la
hii\leUnigenitus,?tessY adhéra à une
lettre que plusieurs évèques réuni.s
il Pans présentèrent à Louis XV, et
dans laquelle ils combattirent avec
beaucoup de force les prétentions de
la magistrature. Un mandement que U'
prélat donna peu de temps après smlo
même sujet fut supprimé. Cette con-
duite ne manqua pas de lui susciter
des ennemis, qui l'accusèrent mémo
d'avoir employé des moyens veiutoi-
res contre plusieurs de ses curés. En
1760, il assista à l'assemblée du cler-
gé et s'associa aux efforts qu'elle iil
pour arrêter lesprogiesderinc:;- '
lité. Entre autres institutions \n
il établit la fête du Sacré-Cœur et i a
doratioa perpétuelle un Saiui-Sacr^j-
ment. Il procéda aussi à des infor-
mations sur la vie du vénérable Be-
noît-Joseph Labre, né dans le diocèsf.
de Boulogne, et dont on sollicitait la
béatification {voy. Labue , XXlll,
38). Pressy ne fit qu'entrevoir les
orages de la révolution, étant mort
au mois d'octobre 1789. Il était alors
32
PRE
un des doyens de l'épiscopat français,
et il eut pour successeur Asseline
{voy. ce nom , LVl, 498), que la per-
sécution força bientôt de quitter la
France. Outre un grand nombre de
mandements, on a de ce prélat : I. Des
Statuts synodaux, m6.lhRituel du
diocèse de Boulogne, IISO, in-4°. III.
Lettre à M. le procureur- général au
parlement de Paris, m-i" et in-12.
IV. Une suite AHnstructions pasto-
rales et de dissertations théologi-
ques sur l'accord de la foi et de la
raison dans les mystères considères
en général et en particulier, réunies
en 2 vol. in-4°. Les différents traites
dont se compose cette collection an-
noncent un profond savoir et un
grand talent pour la discussion -, mais
îe style en est diffus, et l'on a re-
proché à l'auteur quelques opinions
peu exactes. V. Un livre de prières en
français, sous le titre ù'Heures, im-
priiné à Lille. 1820,in-18. P-RT.
FUESTREAU, régent de la qua-
trième classe au collège de Genève,
naquit à Nîmes , de parents protes-
tants, vers le milieu de la première
moitié du xviii^ siècle. Il reçut une
éducation soignée dont il profita fort
bien , du moins pour l'instruction.
Les leçons de morale n'eurent pas le
même succès : sa jeunesse fut très-ora-
geuse, et les embarras où le jetèrent
ses écarts le portèrent, dans un mo-
ment de désespoir , à se faire char-
treux; mais celte vocation avait une
cause trop suspecte pour être de du-
rée. Il se dégoûta bientôt du cloître ,
parvint à s'en échapper, et se réfugia
à Genève où , rentré dans le sein de
l'Église réformée, il chercha une res-
source dans l'enseignement public.
Les dernières épreuves par lesquelles
il avait passé avaient calmé le tu-
multe de ses passions, et il ne s'est
Vasmoins fuit coissi'lérer depuis lors
PRE
par sa conduite que par son savoir. Il
a publié un ouvrage estimé, intitulé :
Principes raisonnes de la langue
grecque par demandes et par répon-
ses, Genève, 1767, in-8". V. S. L.
PRETEXTAT (saint) , évêque de
Rouen dans le sixième siècle, assista
au troisième concile de Paris (557),
et au deuxième concile de Tours
(567). Sigebert, roi d'Austrasie, ayant
été assassiné, en .576, par les ordres
de Frédégonde, troisième femme de
son frère Chilpérie 1", roi de Sois-
sons, celui-ci résolut de s'emparer
du Poitou, et chargea de cette expé-
dition son tils Mérovée, qu'il avait
eu d'un premier mariage {voy. MÉ-
KOVÉE, XXVIII, 386). Le jeune prince
partit; mais il se rendit secrètement
à Rouen , où était reléguée sa tante
Brunehaut, veuve de Sigebert, pour
laquelle il avait conçu une violente
passion. Prétextât , qui redoutait le
scandale et les résultats d'un com-
merce illicite, bénit leur union, quoi-
qu'elle fût prohibée par les lois de
l'Église, et bientôt se vit cité devant
un "concile assemblé à Paris, sur les
instances de Chilpérie, dont le ma-
riage de Mérovée contrariait d'ail-
leurs les projets ambitieux. De son
côté, Frédégonde, implacable enne-
mie deBrunehaut, conservait un pro-
fond ressentinicnt contre Prétextât,
qui, plusieurs fois, l'avait reprise de
ses cruautés et de ses dissolutions.
Non-seulement il fut accusé d'avoir
enfreint les règles canoniques, mais
encore d'avoir conspiré avec Méro-
vée contre Chilpérie S. Grégoire de
Tours, l'un des pères du concile, prit
hautement la défense de l'évêque de
Rouen , à qui cependant on insinua
nu'il avait tort de contredire le roi,
et que, s'il avouait la faute qu'on lui
imputait, il obtiendrait immédiate-
ment sa grâce. Cédant à ces conseils
PRE
perfides, Prétextât se reconnut cou-
pable d'un crime qu'il n'avait pas
commis et fut en conséquence con-
damné par le concile, puis exilé par
Chilpéric dans une île duCotentin,
où il expia sa faiblesse en se livrant
à une rigoureuse pénitence. Un in-
trus, nommé Mélaine, occupa son
siège épiscopal. En 584, après l'assas-
sinat de Chilpéric , Prétextât fut re-
placé à la tête de son troupeau ; mais
Frédégonde, soutenant qu'il avait été
canoniquement déposé, il vint à Pa-
ris, auprès de Contran, roi d'Or-
léans, et le pria de faire examiner
sa cause. L'évèque de Paris, qui avait
assisté an concile tenu sous Chilpé-
ric, et qui même s'y était montré un
des principaux adversaires de Pré-
textât, déclara, au nom de tous les
prélats, que l'évêqne de Rouen avait
seulement été mis en pénitence, et
non déposé. Dès lors il ne fut plus
troublé dans la possession de sou siè-
ge. En 585, il se rendit an deuxième
concile de Mâcon, et s'y fit remarquer
par son zèle pour le maintien de la
disciplineecclésiastique. Revenu dans
son diocèse, il continua d'instruire
les fidèles par ses prédications, et de
les édifier par ses exemples. Il adressa
même de vives exhortations à Frédé-
gonde, qui résidait à Rouen, espérant
lui inspirer le repentir de ses crimes;
mais cette méchante femme, impor-
tunée des avertissements du saint
évêque, résolut de s'en défaire. Un
scélérat qu'elle avait aposté le poi-
gnarda pendant qu'il chantait matines
avec son clergé, un dimanche, 25 fé-
vrier 588. Prétextât mourut quelques
heures après. Plusieurs auteurs pla-
cent sa mort au jour de Pâques, 14
avril 586. Son nom est iuscrit dans le
Martyrologe romain et dans ceux de
France au 24 février, jour où l'Église
honore sa mémoire. P— bt.
I.XXVIII.
PRE 33
PRETI (JÉRÔME), poète italien,
né en 1582, dans la Toscane, fut d'a-
bord page d'Alphonse II, duc d? Fer-
rare, puis attaché, en qualité de
gentilhomme , au prince de Melfi à
Gênes. Son père, chevalier de Saint -
Etienne, le destinant au barreau, lui
avait fait étudier le droit; mais, en-
traîné par un penchant irrésistible,
le jeune homme abandonna bientôt
la jurisprudence pour la littérature.
Ses compositions poétiques lui valu-
rent d'honorables suffrages, et plu-
sieurs académies l'admirent au nom-
bre de leurs membres. S'étant rendu
à Rome, il y trouva de généreux pro-
tecteurs, entre autres le cardinal
François Barberino , qui , ayant été
nommé légat du saint-siége en Es-
pagne, le prit pour secrétaire et
l'emmena avec lui; mais, arrivé
dans ce pays, Preti, dont la santé
était très-faible, tomba malade et
mourut à Barcelone le 6 avril 1626.
On a de lui des discours académiques,
des épîtres et un grand nombre de
poésies qui eurent beaucoup de suc-
cès et furent traduites en différentes
langues. Son idylle intitulée Salmacit
est regardée comme sa meilleure pro-
duction. Ses œuvres ont été réunies
et imprimées en 1666, iiil2.— Preti
{François-Marie), mathématicien et
architecte, né en 1701, à Castel-Fran-
co dans fe Trévisan, mourut en cette
ville le 23 décembre 1774. Entre au-
tres édifices, il construisit plusieurs
églises dont il avait lui-même tracé
les plans. Ses travaux se distinguent
par une ordonnance sage et régulière,
par un caractère approprié à la des-
tination du monument. Preti avait
écrit sur la théorie de son art. On a
de lui un ouvrage posthume, intitulé:
Éléments d'architecture (en italien),
Venise, 1780, in-4'', enrichi à*nne
préface composée par le comte Jour-
3
34
PRE
dain Riçcati, compatriote <le Preti et
qui se livrait aussi à l'étude de l'ar-
chitecture {voy. RiccATi, XXXVII,
512). P-»'"- ,
PRETYMAN-Tomfme (le très-re-
vérend sir George), prélat anglican,
né en 1753, d'un commerçant deBu-
ry-Saint-Edmund, comté deSuffolk,
acheva ses études dans l'université
de Cambridge, où il eut des succès
en diverses branches de la science,
notamment en mathématiques, et où
il exerça un emploi dans l'enseigne-
ment. Une circonstance heureuse
pour lui fut d'être appelé à diriger
l'éducation d'un enfant destiné à être
un jour un des plus grands hommes
d'État. Son élève, l'illustre Will.Pitt,
devenu en 1782 chancelier de l'échi-
quier, se l'attacha en qualité de se-
crétaire, et trouva une grande res-
source dans sa merveilleuse aptitude
pour les calculs; il le garda ainsi
jusqu'en 1787, que lui-même fut élevé
au poste de premier lord de la tré-
sorerie. Pretyman , déjà gratifié de
quelques sinécures et prébendes, de-
vint alors évêque de Lincoln et doyen
de Saint-Paul. 11 justifia son éléva-
tion par son zèle pour la religion an-
glicane qu'il tenait particulièrement
à dégager de toute affinité avec le
calvinisme. L'évêque de Lincoln pu-
blia en 1799 un de ses principaux ou-
vra"-es, les Éléments de théologie
c/irétimne, 2 vol. in-8»,qui, bien que
composés expressément pour l'usage
des étudiants en théologie, pouvaient
être lus avec profit même par les gens
du monde ; aussi l'université à la-
quelle Pretyman était agrégé fit-elle
imprimer eu 1803 un abrégé de ce
livre, du au révérend Samuel Cla-
pham. Cependant le livre original
n'en fut pas moins attaqué avec vi-
vacité par William Frend dans une
siùte de lettres adressées à l'auteur.
PRE
Celui-ci avait été admis dans la so-
ciété royale en 1785. Eu 18i3,révc-
ché de Londres lui ayant été oiîert,
il le refusa;" et après avoir, pendant
plus de trente années, occupé le siège
de Lincoln, il accepta en 1820 celui
de Winchester. Se trouvant déjà dans
une belle position pour les dignités
et la fortune, il vit encore son opu-
lence et ses honneurs s'accroître par
quelques legs importants qui lui fu-
rent faits. En 1803, Marraaduke-Tom-
line, esq. de Rigby-grove en Lin-
colnshire, avec lequel il n'avait au-
cune parenté, lui légua une vaste
propriété, à la condition qu'il pren-
drait le nom de Tomline, sous lequel
il a été généralement connu depuis.
En 1811 l'évêque Tomline publia une
Réfutation de l'imputation de calvi-
nisme adressée à la religion anglicane,
laquelle fut lue avec avidité, et dont
il y eut plusieurs éditions. Les deux
ouvrages que nous venons de citer,
et quelques mandements {charges)
composent à peu près toutes ses œu-
vres théologiques. Il s'occupait de-
puis long-temps de la rédaction d'un
ouvrage bien différent : la vie du cé-
lèbre ministre dont il avait été le se-
crétaire confidentiel, avec lequel il
avait continué d'avoir des communi-
cations jusqu'à sa mort, et dont tous
les papiers avaient passé sous ses
yeux, comme étant un de ses léga-
taires universels. Les Mémoires de
la vie du très-honorahle William PUl
parurent en 1821, 2 vol. in-4», et
furent d'abord favorablement accueil-
lis du public , bien qu'ils aient été
jugés très-diversement. On y recon-
nut les mérites de la modération et
d'un style conveuable ; quant à l'im-
partialité de l'écrivain, elle a été con-
testée, et de plus un des auteurs de
la Revue d'Édimiourg a témoigné
son étonncmcut de ce qu'ayant tant
PRE
d'avantages de position et tant de
moyens d'information sur le sujet
qu'il arait à traiter, l'auteur n'ait
guère produit qu'un livre tait à coups
de ciseaux où il n'y a pas plus de
douze pages qui lui appartiennent.
Au reste, les deux volumes ia-4° qui
ont été réimprimés en trois in-S**
s'arrêtent à l'époque (1793) où la
France révolutionnaire déclara la
guerre à la Grande-Bretagne, C'est
dans la partie subséquente que Tom-
line devait s'occuper surtout de la
vie privée de son protecteur, mais
nous ne savons si cette continuation
a été donnée au public. George Pre-
tyman-Tomline, marié en 17t4, eut
de cette union trois fils , dont deux
entrèrent dans la carrière ecclésias-
tique, et l'autre fut membre de la
chambre des communes. H perdit sa
femme en 1826, et ne lui survécut
que jusqu'au 1 4 novembre 1 827, ayant
/ atteint l'âge de 77 ans. L.
PREUILLY d'Humières ( le mar-
quis ) s'était déjà fait remarquer
par une mission dans le Levant, en
1672, sur le vaisseau le Diamant,
mission qui avait déterminé, au mois
de déc. t673, sa promotion au grade
de chef d'escadre, lorsqu'il se distin-
gua plus particulièrement au combat
livré par Duquesne.le 8 janvier 1676,
devant l'île de Stromboli. Dans ce
combat opiniâtre, qui dura depuis
ueuf heures du matin jusqu'à deux
heures de l'après-midi, l'avantgarde,
commandée par Preuilly , chargea si
vivement les Hollandais que leur pro-
pre avant- garde , après avoir perdu
son chef, fut bienlôt mise en désordre
et*forcée de plier. La vigueur de l'at-
taque de Preuilly contribua puis-
samment au succès de l'action , et
favorisa ainsi l'entrée de la flotte fran-,
çaise daus le port de Messine. C'est
1 l'occasion de la manière dont cette
PRE
35
action fut engagée qiieRuyter écrivit
aux États-généraux qu'il n'avait ja-
mais tu de circonstances qui fussent
arrivées en tneilleur ordre , et que de
sa vie il ne s'était trouvé àun plus
rude combat. Ce fut encore à Preuilly
que le duc de Vivonne conGa le com-
mandement de l'avant- garde de l'ar-
mée navale de France dans le combat
qu'elle livra devant Palerme, le 2
juin 1676, aux flottes espagnole et
hollandaise. Vivonne, à son ar-
rivée, trouva l'armée combinée ran-
gée en bataille sur une seule ligne,
ayant le môle à sa gauche, le fort de
Castellamare derrière elle , et une
grosse tour armée de canons à sa
droite. Elle était composée de 27 vais-
seaux, 19 galères et 4 brûlots. Quel-
que danger qu'il y eût à l'attaquer
dans cette position, Vivonne n'hésita
pas. Il prescrivit à Preuilly d'atta-
quer la tête de la ligne avec les 9 vais-
seaux, les 7 galères et les 5 brûlots
qu'il commandait. Dès que cette divi-
sion fut à portée de canon, tout le fea
se dirigea sur elle. La division fran-
çaise attendit pour riposter qu'elle
fût parvenue à une encablure des
vaisseaux ennemis, et mouillée sur
ses bonées. Une si grande audace
les intimida. EtlVayés de la vigueur
avec laquelle on les attaquait dans
une position qu'ils croyaient inex-
pugnable, ils coupèrent leurs càbks et
allèrent s'échouer sur le mole. Les
brûlots, profitant du désordre, abor-
dèrent trois vaisseaux qu'ils luceji-
dièrent. Le reste de l'armée suivit
l'exemple de Preuilly, et le succès fut
tel que l'armée combinée perdit trois
mille hommes, 12 vaisseaux, 6 galères
et 4 brûlots. Fait lieutenant-gcnérai
le 30 décembre -de la même ^lUiÇe,
Preuilly fut ensuite chargé d,e .plu-
sieurs missions, et mourut à.^rest
le 5 juin 1688. P.L^.T.
3.
36
PRE
PRE
PRÉVALAYE (Pierre-Bernardin,
marquis de la), né vers 1714, entra
au service de la marine en 1728, par-
courut les divers grades de son arme
jusqu'à celui de chef d'escadre, com-
manda la marine à Brest, fut dé-
coré du cordon rouge, et mourut en
1786. — Prévalaye {Pierre- Dimas,
marquis de la), son fils, né en 1745,
entra dans la marine à 14 ans. Il fit
plusieurs campagnes^ puis, devenu ca-
pitaine de vaisseau et décoré de la
croix de Saint-Louis, il fut chargé de
porter en Amérique le traité de paix
concluen 1783. Là, en récompense des
services qu'il avait rendus à la cause
de l'indépendance, on lui conféra l'or-
dre de Cincinnatus. Appelé ensuite
sous le ministère de La Luzerne, à
faire partie du conseil de marine éta-
bli à Paris, il y siégea jusqu'au com-
mencement de la Révolution. Ayant
alors émigré, il servit comme capo-
ral à l'armée des princes. Rentré en
France sous le consulat, il vécut re-
tiré dans sa terre de la Prévalaye, près
Rennes, où il s'occupa d'agriculture
jusqu'à la fin de sa vie. Nommé con-
tre-amiral lors de la Restauration, il
voulut encore servir ; mais son grand
âge et ses infirmités y mirent obstacle.
Il mourut à la Prévalaye, le 28 juillet
1816. Il avait été membre de l'Aca-
démie royale de la marine à Brest, qui
le choisit, huit fois, pour secrétaire.
Les archives de cette compagnie ren-
ferment plusieurs de ses mémoires ;
en voici les principaux : 1° Les mots
arc de vaisseau et architecture na-
vale, composés pour le dictionnaire ;
2° Mémoire sur sa campagne de Bos-
ton, en 1778, 27 pag. in-fol ; 3° Mé-
moire sur une machinepropreàfaire
connaître à tout moment la différence
de tirant d'eau. Sur le rapport de
MM.de Bougainvillc et Duval-Leroy,
Cf)mmissaircs chargés de l'examen de
ce mémoire, l'Académie fit immédia-
tement exécuter la machine proposée.
Chargé ensuite 'par l'Académie de
s'aboucher avec M. le comte d'Hector,
au sujet de l'observatoire qu'on avait
l'intention de construire à Brest sur
le terrain du petit couvent près le
cours d'Ajot , il rédigea un mémoire
dont les conclusions, adoptées en
1781, amenèrent, l'année suivante,
Texécution de cet édifice, remplacé
ensuite par celui qui occupe le pavil-
lon central des casernes de la ma-
rine. P. L— T.
PREVIDELLI (JÉRÔME), juris-
consulte, né à Reggio, vers la fin du
XV^ siècle, était fils d'un tailleur de
pierres, ce qui ne l'empêcha pas de
faire d'excellentes études. Il s'ap-
pliqua surtout à la jurisprudence qu'il
professa ensuite avec succès. Gré-
goire Casali {voy. ce nom, VII, 252),
dans la famille duquel il avait exercé
l'emploi de précepteur, ayant été
chargé par Henri VIII, roi d'Angle-
terre, de négocier l'alFaire de son di-
vorce à Rome, y appela Pievidelli.
Celui-ci avait pour adversaireBernard
de' Santi, avocat de Ricti, défenseur
de la reine Catherine d'Aragon. Plu-
sieurs consultations furent données
de part et d'autre ; des plaidoiries
eurent lieu en présence du pape Clé-
ment VII et du consistoire. Previ-
delli publia pendant le cours du pro-
cès : 1° Consiliumpro invictissimo
rege Angliœ, una cum rcsponsione
ad consilium D. Bernardi Reatini^
pro illustrissima regina editum ,
Bologne, 1531, in-4», dédié à Gré- }
goire Casali; 2° Prima disceptatio
pro illustrissimo rege Angliœ in sa-
cra publico consistorio coram SS.D.
Clémente VII et sacro ejus senatu
habita die décima mensis aprilis
1532 ,• Secunda disceptatio habita
die n mensis aprilis 1532; Tertia
PRE
allegatio prîvatim dicta die 27 men-
sis maii 1532; Rome, in-4°. Ces diffé-
rentes pièces se retrouvent dans le
recueil de consultations imprimé à
Francfort en 1571. Malgré tous les
efforts de Previdelli pour obtenir la
cassation du mariage de Henri VIII
avec Catherine d'Aragon, cette union
fut déclarée valide par sentence pon-
tificale du 23 mars 1534. Alors il
quitta Rome et alias'établiràBologne,
où il continua d'enseigner le droit et
d'exercer la profession d'avocat. Char-
gé plus tard de la défense d'un habi-
tant de Reggio accusé de meurtre,
il s'attira la haine de l'accusateur
contre lequel il avait lancé, dans son
plaidoyer, des paroles injurieuses.
Cet homme, ne respirant que la ven-
geance, le fit assassiner en 1540. Pre-
videlli survécut peu de jours à cet
attentat. Outre les ouvrages que nous
avons déjà cités, on a de lui : I. De
teste et ejus privilegiis^ Bologne,
1523 et 1528. II. De consanguinitate
et affinitate, Pérouse, in-8°. Enfin
on lui doit une édition des OEuvres
du jurisconsulte Charles Ruini, son
compatriote. P — rt.
PREVOST de Saint-Cyr, nom
d'une ancienne famille de Blois, qui
avait acquis en 1442 la terre de Saint-
Cyr-du Gaud en Touraine, et qui joi-
gnit ce nom à celui dePrevost, qu'elle
conserva depuis, ayant possédé cette
terre de père en fils pendant plus de
trois cents ans. Cette famille donna à
la haute magistrature un de ces hom-
mes rares qui marquent dans l'histoire
de leur siècle. Ce fut Bernard Pré-
vost de Morsan^ né en 1517, prési-
dent à mortier du parlement de Paris.
Sa compagnie, dont il était l'honneur
et le guide, le députa souvent vers
les rois Charles IX et Henri III. L'un
des magistrats qui refusèrent de si-
gner la ligue en 1577, il ne voulut
PRE
37
pas même adopter les restrictions
avec lesquelles le président de Thou
et quelques autres la signèrent. Sa
mort, arrivée le 12 sept. 1585, fut
un sujet de deuil pour sa compa-
gnie. Ce magistrat ne porta jamais
le nom de Saint-Cyr, étant cadet de
sa maison, et ce surnom étant réser-
vé aux aînés. C'est de son frère, Jean
Prévost, que descendent MM.de Saint-
Cyr, dont l'un se rendit auprès des
princes français en 1790. Hippolyte
de Saint-Cyr, son fils, alla aussi àCo-
blentz, et quoique encore enfant, il
s'offrit en otage pour le roi Louis XVI.
On peut voir sur cette famille la Ga-
zette de Paris, du 1"^ déc. 1791 . M-d j.
PRÉVOST (Jean), poète drama-
tique, était né, vers 1580, à Dorât
dans la Basse-Marche , d'une famille
honorable, mais pauvre. H embrassa
la profession d'avocat , et chercha
dans la culture des lettres un délas-
sement aux travaux du cabinet. Une
jeune personne qu'il était sur le point
d'épouser tomba malade et mourut
après l'avoir institué son héritier. Le
testament fut cassé pour défaut de
formes, et le malheureux Prévost,
n'ayant pu payer les frais du procès,
fut mis en prison. Abel de Sainte-
Marthe, son ami, auquel il a dédié
sa tragédie iVHercule, vint à son se-
cours, et finit par le tirer d'em-
barras ; mais Prévost ne tarda pas à
s'y replonger en contractant un ma-
riage d'inclination. Il mourut, encore
jeune, à Paris, le 13 mars 1622, lais-
sant une veuve et plusieurs enfants
dans la misère. On a de lui : I. Les
imprécations et furies contre le par-
ricide commis en la personne de Hen-
ri lY. trad. du latin de Nicol. Bour-
bon, dans le Recueil publié par
G. Dupeyrat, 1611, in-4°. IL Apo-
théose du très-chrétien roi de France
et de Navarre Henri IV, à la reine
38 PRE
régente^ Poitiers, 1613, in -12.
III Tragédies et autres ceuvres poé-
tiques, Poitiers, 1614 et I6t8 in-12.
Ce recueil contient quatre tragédies :
OEdipe, Turnus, Hercule ei Clotilde.
Les trois premières sont imitées des
anciens; la quatrième est moins l'his-
toire de la reine Clotilde que celle
de l'établissement de la ville de No-
blat, qui reconnaît saint Léonard pour
son fondateur et son patron. Dans
la dédicace, l'auteur déclare avoir
composé cette pièce à la demande de
quelques habitants de cette ville qui,
«désirant, dit-il, de conserver leurs
. privilèges, en ont voulu perpétuer la
» mémoire par mes écrits , s'il ont
» pouvoirde parvenir à la postérité.»
L'abbé Oroux, dans son Histoire de
saint Léonard (Paris, 1760, m-12),
ne porte pas un jugement favorable
de la tragi-comédie de Clotilde, dont
il trouve le sujet mal exposé et
les détails ridicules. Il y a une courte
analyse des tragédies de Prévost dans
V Histoire du théâtre franfais,t.lV,
p. 198-202 ; et dans la Biblioth. du
théâtre français attribuée au duc de
La Vallière, I, 454-58. Les autres
productions de Prévost sont le Dau-
phin couronné^ trad. du latin du
p. Vital Théron, jésuite-, des sonnets,
des épigrammes, des odes, des épî-
. très , parmi lesquelles on distingue
une Ode à Bacchus et une épître de
Phylis à Démophon, imitée d'Ovide -,
VEloge de l'Ane, etc. M. Joulliéton
a donné une notice sur l'auteur
dans VHistoire de la Marche^
11,103. W-s.
PREVOST (Jean), médecin , né
le i juillet 1585 à Dilsperg, près de
Baie, lit ses éludes au collège des jé-
suites de Dole, puis alla suivre des
cours de philosophie à Molsheim et
à Dillingen où il reçut, en 1003, le
degré de maître es arts. L'urcliiduc
PRE
d'Autriche Léopold, évêque de Stras-
bourg, l'ayant pris sous sa protec-
tion, résolut de l'envoyer en Espagne
étudier la théologie, et se chargea
de tous les frais de son éducation.
Parti en 1604 pour aller s'embarquer
à Gênes, Prévost visita en route plu-
sieurs villes d'Italie, s'arrêta à Pa-
doue et y fréquenta ks cours de
l'université, notamment ceux de mé-
decine du savant professeur Hercule
Sassonia. Renonçant dès lors au pro-
jet de suivre la carrière ecclésiasti-
que, il n'eut plus d'autre désir que de
cultiver la science médicale; mais
cette détermination le priva des bien-
faits de l'évêque de Strasbourg. Il se
créa des ressources en donnant des
leçons particulières de philosophie et
de belles-lettres-, bientôt un riche
seigneur de Padoue le logea génereu-
sèment chez lui. Tandis qu'il s'appli-
quait avec ardeur à la médecine, il
apprenait les mathématiques sous le
célèbre Galilée. Enfinses progrès dans
l'art d^ guérir furent si rapides, qu'il
reçut le bonnet de docteur en 1607
et obtint beaucoup de succès dans la
pratique. Devenu médecin de la na-
tion allemande, c'est-à-dire des étu-
diants allemands de l'université de
Padoue, en 1612, il fut nomme l'an-
née suivante interprète d'Avicenne ,
occupa plus tard une chaire de mé-
decine pratique, et succéda, en 1017,
à Prosper Alpini {voy. ce nom, 1,
C34) dans les fonctions de professeur
de botanique et de directeur du jar-
din des plantes. On voulut l'attirer
à Bologne en lui olVrant des appoin-
tements considérables, mais jI refusa
de quitter sa patrie adoptive. Ccpen-
dant la peste s'étant déclarée i la-
douc en 1631 , Prévost se retira avec
sa famille dans une maison de cam-
pagne où il perdit quatre de ses en-
fants. Le chagrin <iu'il eu conçut Un
PRE
causa ane fièvre riolente dont il mou-
rut quelques jours après, le 3 août
le la même année : il n'était âgé que
le 46 ans. Pour honorer la mémoire
lie ce savant professeur, la nation al-
lemande des artistes fit placer l'ins-
cription suivante dans l'école de mé-
decine de Padoue :
JOAN!KI PBEVOTIO RaUBACO ,
Philosopha ac medico insigni,
Practicœ extraordinarùB professori
prmario,
Civi et doctori desideratissimo,
Katio Germana artislarum
Posuitanno 1634.
On a de lui : 1. De reinediorum eum
êimplicium tum eompositorum ma-
ieria, Venise, 1611, in-12. 11. De
Uthotomia., seu calculi vesicœ sec-
tione, eonsrtltatio, Ulm. 1618, in-4*;
Leyde, 1638, in-4°. On a joint à la
première édition les Observations
médicinales de Grégoire Horst, et à
la seconde le traité De calculo de
BeverR7ck. III. Uedicina paupe-
mm, etc.; huic adjungitur ejus-
âem autoris libellus aureus de vene-
nis et eorum alexipharmacis, Franc-
fort, 1641, in-12; Lyon, 1643, in-!2-,
Paris, 1654, in-24; Pavie, 1660,
in-12: ibid. 1718, in-S**. IV. De cotn-
positione medicamentorum libellus,
Rintpin, 1649, in-12; Francfort, 1656,
în-12; Amsterdam, 1665, in-12; Pa-
done, 1666, in-12. V. Opéra medica
posthuma, Francfort, 1651, in-12;
ibid., 1656, in-12; Hanau, 1666, in-
12. Ce recueil contient la plupart des
écrits que nous venons de mention-
ner, ainsi que le Cosmetice de Jean
Stefani, médecin de Venise. VI. Se-
meiofice, sive de signis medicis en-
chiridion. Accessit de componendo-
rum medicaminum ratione, necnon
de mensuris et ponderibus medicis
^ynlajma, Venise, 1654, in-2l. VII.
PRE
39
Selectiora'liremedia rmWpUci usu
eomprobata, Francfort, 1659, in-12;
et, sous ce titre : UortuUis medicut,
Padoue, 1666, in-12: ibid., 1681, in-
12. VIII. De urinis traetatus, Pa-
doue et Francfort, 1667, in-12 et in-
8". IX. De morbosis uteri passioni-
bus tractatio, Padoue et Francfort,
1669, in-S". X. Consilia medica,
avec les Curationes exoticœ de Geor-
ges-Jérôme Welsch, Ulm, 1676, in-4o.
Les nombreuses éditions des di fférents
ouvrages de Prévost prouvent la ré-
putation que l'auteur s'était acquise
et l'estime que l'on faisait de ses
écrits, dont quelques-uns ont été mis
à contribution et publiés par lé sa-
vant Welsch, dans son livre inlitolé:
Sylloge eurationum et obsertatio-
nutn medicinalium centuriœ F/,
Ulm, 1668, in-4». — Pp.Evosjr {Nico-
las), médecin, né à Tours ou il exer-
çait son art, vers la fin du xv* siè-
cle, est auteur d'aune pharmacopée gé-
nérale, dans laquelle il réunit toutes
les formules usitées jusqu'alors. Son
ouvrage, imprimé à Lyon en 1505,
sous le titre de Grand antîdotaire,
fiit le premier de ce genre, imprimé
en France et très-probablement en
Europe, car nous n'en connaissons'
aucun publié dans le xv« siècle.
— Il ne faut pas le confondre avec un
autre Nicolas Pretvost, né à Or-
léans en 1641, bénédictin de l'ab-
baye de Noyers, en Touraine, dont
il existe en latin deux ourrages ma-
nuscrits, l'un sur les abbés, l'autre
sur les bienfaiteurs de cette abbaye.
R— D— s.
PREA'OST. (Claude -Joseph), ju-
risconsulte, né à Paris le 7 oct. 1671,
fut reçu très-jeune avocat au parle-
ment, et acquit beaucoup de réputa-
tion par ses profondes connaissances
eu droit, soit dans le^ matières civi-
les et criminelles, soit dans les ma-
40
PRE
ticrcs ecclésiastiques. H devint un
des avocats de l'université et avocat
du roi à la capitainerie des chasses
de Vincennes. En 1731 il partagea la
disgrâce de dix de ses confrères, et
fut exilé pendant quelques mois à
Mayenne, par suite des contestations,
alors si fréquentes, entre les parle-
ments et le clergé. 11 fut élu bâton-
nier de son ordre en 1741, et mourut
octogénaire à Paris, le 28 janvier
1753. Outre plusieurs mémoires et
consultations, on a de lui, sous le
voile de l'anonyme : I. Lettre d'un
avocat dS province à un avocat au
parlement de Paris, au sujet de la
prétention du substitut qui servait
pendant les vacations, 1721. II (avec
J. Meslé). Règlements sur les scellés
et inventaires, tant en matière civile
que criminelle^ Paris, 1734, 1756,
in-4o. III. (avec le même). De la ma-
nière de poursuivre les crimes dans
les différents tribunaux du royaume,
avec les lois criminelles de la Fran-
ce, Paris, 1739, 2 vol. iM". IV.
Principes dé jurisprudence sur les
visites et rapports, judiciaires des
médecins, chirurgiens, apothicaires
et sages-femmes, ouvrage posthume,
publié par Duchemin, avocat, .avec
un avertissement contenant quel-
ques détails sur la vie de l'auteur,
Paris, 1753, in-12. Prévost a com-
posé la Préface du Mémorial alpha-
bétique des tailles ; on croit qu'il a
eu part aux Observations sur le
Traité des contrats de mariage^ et
qu'il a été le collaborateur de Jean
Meslé pour le Traité des minorités,
tutelles et curatelles ; des gardes et
gardiens^ clc, avec tes règlements
et arrêts intervenus sur ce sujet, Pa-
ris, 1752, in-4'' i une nouvelle édi-
tion , augmentée, a été publitc en
1785, in-i" {voy. Mesliï, XXVlll,
407). 1*-*^
PRE •
PREVOST (Pierre-Robert Le),
né à Rouen en 1675, embrassa l'état
ecclésiastique et se fit remarquer par
son talent pour la prédication. Dési-
rant se perfectionner dans l'éloquence
de la chaire, il vint à Paris entendre
les orateurs célèbres de l'époque, et
y obtint lui-même de brillants suc-
cès. En 1705, il prononça le panégy-
rique de saint Louis à la chapelle du
Louvre, en présence des membres de
l'Académie française, selon l'usage
alors suivi par cette compagnie. Il
prêcha aussi plusieurs fois à Versail-
les, devant la cour, et fut chargé de
la station de l'Âvent en 1714 et 1727,
et de celle du carême en 1718; ce qui
lui valut le titre de prédicateur du
roi. Nommé à un canonicat de l'église
de Chartres en 1718, il, soutint digne-
ment la réputation qu'il s'était déjà
acquise dans cette ville, où il mou-
rut en 1730. Son éloge, composé par
le chanoine Cheret, son confrère, qui
fut depuis curé de Saint-Roch à Pa-
ris, se trouve dans le Mercure de
France du mois d'octobre 1736. Ou-
tre ses sermons, on a de Le Prévost
quatre oraisons funèbres, qui ont été
imprimées séparément : 1° celle du
cardinal de Furstcmberg, évêquc de
Strasbourg, prononcée en 1704 à
l'abbaye deSaint-Germain-des-Prés à
Paris ; Fléchier en parle avec éloge
dans ses lettres ; s» celle de Godet
des Marais, évêque de Chartres, pro-
noncée, en 1710, dans la cathédrale
de cette ville ; 3» celle de Louis XIV,
prononcée en 1715, à Beauvais et à
Rouen ; 4» celle du duc de Bcrry, pro-
noncée à l'abbaye de Saint - Denis.
Elles ont été réunies et publiées sous
le titre de Recueil des oraisons funè-
bres de labbé Le Prévost, Paris,
17û5,iu-12. Ce volume coulicut aussi
le Panégyrique de saint Louis. L'é-,
ditcur, A -M. Lottiii {voy. ce nom.
PRE
PRE
41
XXV, 86), y a joint un précis de la
vie de l'anteur et nne notice en tête
de chaque oraison funèbre. — Pré-
vost {Jean Le) naquit à Arras vers
1570, entra dans la compagnie de Jé-
sus, et professa long-temps la philo-
sophie et la théologie scolastique à
Douai et à Louvain. Il reçut le docto-
rat en I6t7, etmourutàMonsleS juin
1634. On ade lui des Commentaires,
en latin, sur la Somme de saint Tho-
mas, imprimés à Douai, 1629, 1631,
in-fol, — PREVOST (Jean Le), né en
1600. fut d'abord curé de la paroisse
de Saint-Herbland, puis chanoine
et bibliothécaire de la cathédrale de
Rouen, où il mourut en 1648. 1! s'était
beaucoup occupé des antiquités de sa
province, et il laissa en manuscrit une
Histoire ecclésiastique de Norman-
die, et des Recherches sur la Nor-
mandie. Il est auteur du Calendrier
historique, imprimé en tète du rituel
de Rouen, 1640, et de la liste des ar-
chevêques de Rouen {séries archie-
piscoporum Rothomagensium), im-
primée dans le recueil des statuts sy-
nodaux du diocèse de Rouen, 1653, in-
8". Enfin Le Prévost a donné, avec
deux de ses confrères, Georges Ridel
et Jacques Malet, une édition du livre
De officiis ecclesiasticis de Jean de
Bayeux, évêque d'Avranches, puis
archevêque de Rouen, enrichie de
notes, Rouen, 1642, in-8°. Lebfun-
Desmarettes {voy. ce nom< XXIII,
503) en a. publié une nouvelle édi-
tion, à laquelle il a joint aussi des
notes, en conservant celles des pre-
miers éditeurs, Rouen, 1679, in-
8». P — ET.
PRÉVOST (Pierre), céîèbre phy-
sicien et littérateur, naquit àGenève
le 3 mars 1751, fils d'Abraham Pré-
vost, qui, ministre protestant, fut ré-
gent de la première classe, peu après
pasteur de la ville, et plus tard prin-
cipal du collège. Pierre Prévost n*€ut
qu'un frère, qui suivit la carrière
du droit et devint conseiller d'État ;
lui-même, destiné d'abord à l'état ec-
clésiastique, fit trois ans et demi de
théologie; mais il renonça à cette car-
rière, entra dans la faculté de droit, et
fut, d'après un usage alors assez gé-
néral à Genève, reçu avocat et docteur
en droit (1773). Son goût le portant
à l'enseignement, il accepta une place
d'instituteur en Hollande, qu'il quitta
au bout d'une année, pour aller faire
un voyage de quelques mois en An-
gleterre. A son retour il entra comme
instituteur dans la famille Delessert,
avec laquelle il conserva toujours des
relations d'amitié. C'est à cette épo-
que qu'il eut occasion de connaître
à Paris Jean-Jacques Rousseau. Il ai-
mait à se rappeler ses conversations
avec cet homme célèbre, et, par suite
de cette liaison, il donna plus tard
(1780), à l'édition posthume des œu-
vres d* cet écrivain, un fragment sur
VAlcette de Gluck, et en 1804, aux
Archives littéraires, une lettre sur
J.-J. Rousseau. Pendant son séjour à
Paris, il s'occupa aussi de sa traduc-
tion d'Euripide, qui fut publiée en
1778 et 1782 (1), puis insérée dans le
Théâtre des Grecs de l'édition de Cus-
sac (1785). Cet ouvrage mérite à son
auteur un rang honorable parmi les
philologues, et il passe encore pour
une des meilleures traductions do
Théâtre Grec. Plus lard, il publia
dans les Archives littéraires (1805),
trois fragments sur la philosophie
d'Euripide. Pendaut ces années de
(i) h'Orette seul fut public en 1778. Le
IV Tol. de l'édition de 17S2, fut imprimé
a l'ituu de l'auteur sur desmaouscritsincoin.
plets; mais Prévost remplit ces lacunes dans
l'édition de Cussjc , où sa traduction d'Eu-
ripide se trouve du t. yr, p. 3o3, au t. X,
p. l'iS.
42
PRE
travail, Prévost refusa quelques offres
honorables qui lui avaient été adres-
sées d'Angleterre et d'Allemagne -,
mais, en 1780, le roi de Prusse, Fré-
déric II, lui fit proposer deux places
qu'il accepta : celle de membre de l'a-
cadémie des sciences de Berhn , et celle
de professeur de philosophie dans l'a-
cadémie des nobles. Pendant les qua-
tre années qu'il passa dans cette ca-
pitale, Prévost vécut dans l'intimité
de Bitaubé, ce qui fut pour lui un
nouveau motif de cultiver la littéra-
ture grecque. Il s'occupa aussi de phi-
losophie avec Mérian et de chimie avec
Lagrange, qui cherchait alors, dans
l'étude de cette science, une diver-
sion à ses travaux mathématiques.
A cette époque Prévost publia plu-
sieurs mémoires scientifiques, entre
autres une lettre sur les aérostats. A
son entrée dans l'académie de Berlin,
il avait donné une dissertation inti-
tulée Économie des anciens gou-
. vernements, comparée à celledésmo-
dernes(Berlin,1783,in-8o),oiiil mon-
trait déjà une grande aptitude aux
recherches d'économie politique.il ne
connut qu'un ou deux ans plus tard
l'ouvrage d'Adam Smith sur la Ri-
chesse des nations, qui ouvrit un
nouveau champ à ses méditations.
Dans la suite il traduisit de l'anglais
l'écrit de Benjamin Bell sur la disette,
180i, in-8% et l'e.ssai de Malthus
Sur le principe de population. Il pu-
blia aussi divers mémoires d'éco-
nomie politique dans la Bibliothèque
universelle de Genève et dans d'autres
journaux.- En 1784, il fut ramené
dans sa patrie par le désir de revoir
son père qu'il trouva mourant. Mal-
gré les sollicitations les plus flat-
teuses du roi de Prusse et dequelqnes
amis, il ne put résister au bonheur
de vivre dans sa/amille, et il quitta
Berlin pour accepter la |>lace do |>ru-
PRE
fesseur de belles-lettres à Genève.' Il
prononça, à la cérémonie des promo-
tions, un discours latin sur le Prin-
cipe des beaux-arts et particulière-
ment de la poésie, discours qu'il re-
mania et inséra ensuite dans les mé-
moires de l'académie de Berlin. Appelé
à Paris en 1785, pour donner ses soins
à l'édition des classiques grecs de Cus-
sac, il s'y livra en même temps à son
penchant pour les études de physique
et de philosophie, et il renonça à la
chaire de belles-lettres dans l'acadé-
mie de Genève. A son retour dans cette
ville, il se livra avec ardeur àdivers su-
jets d'études ; il inséra un grand nom-
bre d'articles dans une feuille hebdo-
madaire qui paraissait alors sous le ti-
tre de Journal deGenève, 1787-1792,
in-4», ainsi quedans plusieurs recueils
scientifiques ou académiques. En
1788, il publia son livre sur V Origine
des forces magnétiques, nn vol. in-8%
qui commença à lui donner rang par-
mi les physiciens. Ce fut dans cette
même année qu'il épousa M»" Louise-
Marguerite Marcel ; mais leur union
ne fut pas de longue durée, car sa
jeune épouse mourut des suites de sa
première couche, laissant un fils qui
porte aujourd'hui son nom d'une ma-
nière honorable.— Prévost était de-
venu membre du conseil des deux-
cents en 1786 ; il s'y occupa souvent
d'affaires publiques sans perdre de
vue les lettres et la philosophie. En
1793, il se présenta à un concours
ouvert pour la chaire de philosophie,
et il obtint la place à la suite d'épreu-
ves soutenues avec distinction. Dans
la même année, le vœu de ses con-
citoyens l'appela à faire partie de
l'assemblée nationale. I! aurait vou-
lu tempérer, par sa modération, l'ar-
deur souvent trop grande de cette as-
semblée, et y soutenir les élablisse-
meiilh d'instruction publique^ mais.
PRE
voyant ses efforts infructueui, il don-
na sa démission au bout de quatre
mois, et resta dès lors étranger aux
affaires publiques. L'année suivante,
il se trouva compris dans les arresta-
tions révolutionnaires. Rendu à la li-
berté, après vingt jours de détention,
il reprit ses fonclious académiques, et
se rendit très-utile en 1798, comme
membre de la commission qui régla
les conditions de la réunion de Ge-
nève à la France. Quand Prévost fat
nommé professeur de philosophie, il
se trouva être le collègue de son ami
Pictet.dans la faculté des sciences^
et, d'après un ancien usage de l'a-
cadémie de Genève, il partagea avec
lui l'enseignement de quelques bran-
ches des sciences physiques. Il s'ap-
pliqua surtout à développer d'une
manière élémentaire les lois de ^a
pesanteur et de l'attraction, celles de
l'optique, et quelques autres points
de physique générale. En 1810, il fut
nommé professeur de physique gé-
nérale. Quant à la philosophie pro-
prement dite (qu'on désignait à Ge-
nève sous le nom de philosophie ra-
tionnelle), il donnait un soin parti-
culier à l'exposition de la logique,
qu'il savait rendre fort intéressante
en enrichissant ses leçons d'un grand
nombre d'exemples tirés de diverses
sciences. Il embrassait toutes les bran-
ches de celte étude immense, en ré-
duisant toutefois à de courtes dimen-
sions celles qui ont peu d'applications
pratiques ou qui tendent à repaître
l'esprit des jeunes gens d'hypothè-
ses hasardées, ou de théories qui se
renversent les unes les autres. Ses
Essais de philosophie, ou Étude de
Vesprit ftumain,publiés en 1804, sont
im résumé clair de l'enseignement
qu'il donnait, mais on en regrette
la brièveté. Ce que cet ouvrage
ne peut faire suffisamment oompren-
PRE
43
dre, c'est la manière précise el inté-
ressante avec laquelle Prévost sa-
vait se mettre à la portée de jeu-
nes élèves souvent trop inattentifs.
Il aimait à employer, dans cet ensei-
gnement familier, une méthode qui
se rapprochait de la méthode socra-
tique; il rendait ses élèves actifs dans
leurs études, en leur faisant débattre
entre eux des points de doctrine sous
forme de thèse, et en leur faisant
rendre compte des leçons précédentes
avec une précision qui les accou-
tumait à l'appréciation de la vé-
rité. Il s'intéressait à eux comme un
père,écoutait et sollicitait même leurs
observations, répondait à leurs ob-
jections avec une patience inaltéra-
ble, et fiaisait, en un mot, de son en-
seignement une étude pratique de
logique. Il avait particulièrement
porté son attention sur les questions
les plus importantes de la physique
générale , ce qu'il dut en partie à ses
relations avec G.-L. Le Sage, dont il
avait reçu les leçons dans sa première
jeunesse et dout il était devenu l'ami.
On trouve dans plusieurs de ses tra-
vaux sur la physique des traces sen-
siblesde l'mfluence que ce savant avait
exercée sur son esprit. En 1791 Pré-
vost inséra dans le Journal de physi-
que un mémoire très-remarquable
sur VÈquilibre du feu^ et, l'année
suivante , il publia ses Recherches sur
la chaleur. Cet ouvrage, écrilbien des
années avant que les expériences de
Rumford et de Leslie eussent enri-
chi la science d'un grand nombre de
faits précieux , offre cela de remar-
quable, qu'avec le peu de faits pré-
cis que l'on connaissait alors, et par
les seuls efforts d'une imagination
active , dirigée par une logique ser-
rée, Prévost sut établir les principes
et pressentir les lois que les expérien-
ces sont ensuite venues confirmer;
PRE
exemple mémorable dans l'histoire
des sciences, et qui montre la sagacité
avec laquelle il savait déduire d im-
portantes conséquences de faits peu
nombreux encore, et qu'il avait un
des premiers tenté de coordonner.
Plus tard, lorsque les expériences eu-
rent confirmé ses prévisions, il donna
son ouvrage sur le Calorique rayon-
nant (1809), et son Exposition du
principes de la chaleur rayonnante
(1832), qui restent parmi les ouvra-
ges de physique les plus appréciés
des savants. U traita aussi plusieurs
points particuliers de cette théorie
dans des mémoires spéciaux, et s'oc-
cupa d'en faire des applications à di-
vers phénomènes naturels. D'autres
ont suivi cette direction, et l'on peut
citer les travaux d'Uiells sur la rosée,
comme une des belles conséquences
de la théorie de Prévost. Au mdieu
de ces travaux relatifs aux sciences
physiques , il ne négligeait pas ses
études philosophiques. En 1799, il
obtint l'accessit d'un prix propose par
l'Institut de France sur Vlnfluence
des signes relativement à la forma-
tion des idées, et cette société l'ad-
mit l'année suivante au nombre de
ses correspondants. En 1802, Prévost
lut, aux promotions scolastiques de
Genève, des Remarques sur l'âme
humaine, suivies de l'explication
d'un passage du Timée. Peu d'années
auparavant, il avait lu à la même
cérémonie un discours sur les Causes
qui ont favorisée Genève les établis-
sements d'instruction publique. Il a,
dans diverses biographies, rendu un
tribut d'hommages à quelques-uns
de ses devanciers ou de ses contem-
porains. Ainsi en 1805 il fit paraître
une notice sur la vie et les écrits de
G.-L. Le Sage, qui était mort l'année
précédente sans avoir public ses re-
cherches sur la cause de l'attraction.
PRE
Cette notice, enrichie de plusieurs
observations scientifiques, suppléa
en partie à ce que Le Sage n'avait pu
taire lui-même, et plus tard ( 1818 )
Prévost rendit un nouvel hommage à
son ami en publiant un traité inédit
de Le Sage sur la physique mécani-
que, qu'il fit suivre d'un second traité
sur le même sujet, dont il était l'au-
teur. Il a donné aussi les biographies
du docteur Odier , son ami , et de
Bénédict Prévost, son parent {voy.
Odier, XXXI, 502, et Prévost,
XXXVI, 59) ; enfin des notes biogra-
phiques sur Young-Coraï et Dugald
Stewart. La manière dont il étudiait
la philosophie ressemblait beaucoup
à la méthode écossaise. U traduisit la
première partie des Éléments de phi-
losophie de Dugald Stewart, avec qui
il entretenait une correspondance ac-
tive,bienqu'il ne l'eût vu qu'une seule
fois en 1792. Même sous le rapport
littéraire , il aimait à se rapprocher
de celte école, comme le prouve le
soin qu'il a pris de traduire le Cours
de rhétorique de Blair, traduction
qui a eu deux éditions. Eu 1795,
Prévost avait épousé Jeanne-Louise
Marcel, parente de sa première
femme, et dont il eut trois fils. Sa vie
fut dès lors partagée entre les tra-
vaux scientifiques , les soins qu'exi-
geait l'éducation de ses iils et les
devoirs que lui imposaient ses fonc-
tions académiques, dont il s'acquitta
toujours avec zèle. A la renaissance
de la république de Genève en 1814,
il fut appelé à faire partie du conseil
représentatif, où il se distingua par
sa modération et par son dévoue-
ment. Ses discours , en général sim-
ples et sans apparat oratoire , exer-
çaient une action prononcée sur
ses collègues^ il y maniait avec
calme, mais avec habileté, les armes
d'une dialectique serrée , et il savait
PRE
les allier quelquefois avec une légère
teinte d'ironie douce, fine et toujours
polie, qui le rendait un jouteur redou-
table dans l'escrime de la discussion,
en même temps que lahaute considéra-
tion dont il jouissait lui conciliait les
opinions. Ayant atteint Page de 72
ans, il crut devoir quitter les fonc-
tions de l'enseignement et peu après
les conseils dont il faisait partie. Sa
force intellectuelle était cependant
encore dans toute sa vigueur, mais
il ne voulait pas s'ei poser au ris-
que de la moindre déchéance. Il con-
tinua des travaux analogues à ceux
qui avaient occupé sa vie , et il se
tint toujours au courant du progrès
des sciences. A un âge où la plupart
des hommes ne cherchent tfue le re-
pos, il publia plusieurs mémoires
originaux dans la Bibliothèque uni"
verselle de Genève, dans les Annales
de Phyinque et de Chimie et dans le
Recueil des Mémoires de la société
de physique de Genève. Ses habitudes
d'observation psychologique ne l'a-
bandonnèrent point dans son extrême
vieillesse. 11 étudiait la lente dimi-
nution de ses facultés physiques, et
même celle de ses facultés intellec-
tuelles, avec le sang-froid d'un ob--
servateur et comme s'il eût été
question d'un autre. Notant lui-
même comment peu à peu les idées
de temps et d'espace s'affaiblissaient
dans sa tête , il étonnait ses amis
par la clarté avec laquelle il obser-
vait et analysait les légères atteintes
que l'âge apportait à la lucidité
de son esprit. Le 26 nov. 1828, il fit
une chute qui le força de garder le
lit, et au bout de quatre mois il fut
encore atteint d'une sorte de fluxion
de poitrine attachée à la vieillesse, et
qui le conduisit au tombeau le 8 avril
1 839. 11 était âgé de 88 ans accomplis,
correspondant de l'Institut de France,
PRE
45
membre de l'Académie de Berlin, des
sociétés royales de Londres et d'E-
dimbourg. Réunissant à un degré re-
marquable deux qualités qui se con-
cilient rarement, la variété et la pro-
fondeur des connaissances , Prévost a
exercé son intelligence dans des étu-
des très disparates, la philologie, la
philosophie, l'économie politique, la
physique, et il a laissé dans chacune
de ces sciences des travaux impor-
tants. Outre les ouvrages que nous
avons cilés,ce savant a publié un grand
nombre de mémoires dans différents
recueils scientifiques ou littéraires;
on peut en voir la nomenclature com-
plète dans la France littéraire, de M.
Quérard. On trouve une notice sur
Pierre Prévost dans la Bibliothèque
universelle de Genève (1839, section
des sciences), par M. deCandolle, qui
avait été son élève; elle nous a fourni
la plupart des détails que nous ve-
nons de donner. A — y.
PRÉVOST (AcGDSTi.N), comédien
et auteur dramatique, né à Paris en
1753, était filTeul ou peut-être même
fils naturel du dernier prince de
Conti, qui en avait eu plusieurs au-
tres , et qui prit soin de son éduca-
tion. Il est assez probable que Pré-
vost était fils d'une comédienne, et
que la nature eut plus d'influence
que Téducation sur sa destinée. Donc
il se fit comédien , et après avoir joué
pendant plusieurs années, sur divers
théâtres de province, où il ne put
acquérir ni talent ni réputation , il
revint à Paris et s'y chargea, en 1795,
de la direction de l'un des théâtres du
boulevart du Temple. Ce théâtre
fondé en 1774, sous le titre de Théâ-
tre des Associés, avait pris, en 1792,
letitrederAéâfre Patriotique, sous
la direction de Salé, qui avait obtenu
d'y faire jouer tous les chefs-d'œu-
vre de nos grands auteurs, sans que
46
PRE
cette concurrence 'portât ombrage
aux comédiens français, car ils s'amu-
saient à venir y voir parodier leur
répertoire et leur jeu. Prévost fut
le successeur de Salé, qui venait de
mourir, et il prit humblement le
titre de directeur du Théâtre sans
Prétention, où il était en même temps
auteur, acteur, régisseur, répétiteur,
souffleur, décorateur, machiniste,
buraliste, etc.; sa femme comptait
parmi les acteurs qu'il payait réguliè-
rement trois fois la semaine. Prévost
y a donné plusieurs pièces très-mé-
diocres, mais dans lesquelles il lirait
vanité, malgré son extrême modestie,
d'avoir respecté les mœurs : Victor,
ou l'Enfant de la forêt, comédie his-
torique en 5 actes et en prose, 1793,
2^ édition, 1803-, VVtiliié du Divorce,
comédie en 3 actes, en prose, 1 798-
i802-,le J acobin espagnol, coméditen
i actes, en prose, 1798 ; la Ven-
geance inattendue.on le Triomphe de
la Vertu, tragi-comédie héroï-comi-
queenS actes, en prose, 1799-1802;
le Gras et le Maigre, folie- vaudeville,
farce-comique, caricature ou tout ce
qu'on voudra, en un acte, en prose,
(sans date); les Femmes duellistes, ou.
Tout pour V Amour, comédie en trois
actes, en prose, 1800; Repentir etGé-
nérosité, drame en 5 actes, en prose,
1802 ; le Retour d'Astrée , ou la Cor-
rection des Mœurs, pièce allégorique
et mythologique, en 1 acte, en prose,
1802; les Veux Contrats, ou les Men-
teurs , comédie en 1 acte , en prose,
iS02 ; Ribotte le Savetier, comédie
en 2 actes, en prose, 1802 ; le Valet à
trois maîtres, ou les Deux fous rai-
sonnables, corn, enâact., en prose,
1802; les Victimes de l'ambition,
drame en 5 act., en prose, 1802; l'Ai-
mable Vieillard, comédie en 3 actes,
en prose, 1803; la Marchande d'ama-
dou et fa Marchande de gâteaux
PRE
de Nanterre, folie-parade, caricature
du jour, en un acte, en prose, mêlée
de vaudevilles grivois, 1804; la
Cranomanie, ou le Docteur Mani-
crâne à Paris, comédie - vaudeville
en 1 acte, en prose, 1805 ; Un tour
de Carnaval, on la Moitié du monde
joue l'autre, comédie en un acte,
en prose, 1806. On lui attribue aussi,
peut-être à tort, une comédie de Ca-
det-Roussel en 1 acte, en prose, 1802.
Prévost détestait la secte des philo-
sophes, les impies et les athées, se
moquait de Voltaire et de Jean-Jac-
qaes Rousseau, et se félicitait de n'a-
voir pas à faire amende honorable,
au lit de la mort, comme La Harpe.
Il se roidissait contre la censure et
avait son franc-parler contre la li-
berté et contre le despotisme. Lors-
qu'en 1807, son théâtre sans préten-
tion eut été compris dans le fameux
décret impérial qui fermait la ma-
jeure partie des petits spectacles de
Paris, Prévost en fut inconsolable et
disait de Napoléon : • Cet homme
m'a bien trompé ; nous verrons où
le conduira le grand coup d'État qu'il
vient de taire. • Quant à lui, toujours
honnête homme , il lit placarder sur
les murs de Paris une invitation aux
créanciers de son théâtre de se pré-
senter à sa caisse tous les jours, de
midi à quatre heures. Ruiné complè-
tement, il montrait une petite lan-
terne magique au jardin Marbeuf,
en 1820, et la seconde légion de la
garde nationale lit pour lui une col-
lecte, à l'occasion de la naissance du
duc de Bordeaux. Il mourut dans la
plus profonde misère, à l'âge de 77
ans , le l^' août 1830, et non pas
en 1825, comme l'a dit Brazier. Son
théâtre, devenu en 1809 café d'A-
pollon, puis eu 181G, théâtre des
Acrobates , lorsqu'il fut concédé à la
famille Saqui , a passé, vers 1«32, à
PRE
M. Dorsay, son successeur, et a reçu
le nom de Théâtre du Temple. A— r.
PREVOST (George), général an-
glais, né en 1767, entra dès sa jeu-
nesse dans la carrière des armes au
service d'Angleterre, et fit toutes les
guerres de la révolution française
sur le continent et en Amérique. Ce
fut lui qui commanda en 1809, par-
ticulièrement, avec iord Maitland,
l'attaque de la Martinique, où il
déploya un grand courage en s'era-
parant, avec l'avant-garde, déShau-
teurs de Sourière. En sept. 1812,
il était lieutenant - général gouver-
neur des possessions anglaises de
l'Amérique septentrionale, et il fit
en cette qualité un rapport au mi-
nistère britannique sur la capitu-
lation du fort américain de Michil-
limackinac, dans le Canada, dont les
troupes anglaises s'étaient emparées.
H l'informa ensuite de la reddition
du fort Détroit et de différents succès
obtenus par les généraux Brock et
Bull, qui étai^t sous ses ordres. Dans
le mois de novembre suivant, son
aide-de-camp, le capitaine Fulton,
vint annoncer une nouvelle victoire
des troupes anglaises, qui avaient re-
poussé une invasion des Américains
dans le Haut-Ciinada. Neuf cents des
leurs avaient été faits prisonniers ;
mais les Anglais y avaient perdu le
major général Brock, lue sur le
champ de bataille. Plus tard, ces suc-
cès furent suivis de plusieurs revers,
notamment à Plattsbourg oii, vive-
ment poursuivi par les Américains ,
Prévost fut obligé d'abandonner ses
blessés et son artillerie. Cet échec
lui fit perdre son commandement
dans l'Amérique du Nord. Un procès
lui fut même intenté , mais il tomba
malade avant qu'on l'eût commencé,
et mourut à Londres dans le mois
de janvier 1816. M— Dj.
PRI
47
PRICE (Guillaume), orientaliste
anglais, né en 1780 , fit de très-
bonnes études, et entra dès sa jeu-
nesse au service de la Compagnie
des Indes, où il eut le grade de capi-
taine. En 1810, il fut attaché, en
qualité d'interprète et de secrétaire-
adjoint, à l'ambassade de sir Gore
Ouseley, en Perse, et profitant de la
fréquentation de l'ambassadeur Mirza
Aboul-flaçan-Khan (u. LVI, 39), que
l'on ramenait dans sa patrie, il apprit
de lui la prononciation correcte de la
langue persane. Pendant qu'il était
à Chiraz, il s'occupa surtout à dé-
chiffrer et à expliquer les carac-
tères cunéiformes, ou à tètes de
clous, dont se composent les inscrip-
tions gravées sur les célèbres ruines
de Persépolis. L'étude spéciale qu'il
avait faite des tangues orientales du-
rant un long séjour en Asie, lui per-^
mit, à son retour en Angleterre, de
se livrer à la composition de plusieurs
ouvrages qu'il publia successivement
en anglais : I. Dialogues et gram-
maire de la langue persane, Wor-
cester,1822, in-4^ ll.Grammaire des
trois principales langues de l'Orient,
VHindoustani, le Persanet r Arabe,
rédigée sur un plan entièrement neuf
et très-facile, à laquelle est jointe une
suite de dialogues persans, composés
exprèspour l'auteur, par MirzaMo-
hammed Salehde Chiraz, et accom-
pagnés d'une traduction anglaise,
Londres. 1823, pet. in-4°. III. Voyage
de l'ambassade anglaise en Perse,
avec fig., 1825, 2 vol. in -4°; on y
trouve deux Mémoires sur les anti-
quités de Persépolis et sur celles de
Babylone,, qu'il en a extraits depuis
et qu'il a publiés séparément, 2 vol.
in-4°. 11 ne paraît pas que les expli-
cations superficielles que Price y a
données des fameuses inscriptions de
Persépolis soient regardées comme
48
PRÎ
plus claires, plus complètes et plus
savantes que les divers systèmes emis
par tous les antiquaires qui, avant et
après lui, ont entrepris de les tradui re.
lY. Éléments de la langue sanshnte,
ou Guide facile des langues de Vlnde,
Londres, i827, in-4^ V. iVou«ei/e
grammaire de la langue hmdous-
tani, suivie d'extraits des meilleurs
auteurs , de phrases familières et de
dialogues en caractères originaux,
avec la traduction anglaise, Londres,
1828 in-i". VL Husn-ou-Dil, ou
Beauté et bon cœur, allégorie agréa-
ble en onze chapitres, composée par
Al-Fethah de Nichabour, et tra-
duite du persan en anglais, Londres,
1828, in-4''. VIT. Chlutru PruMsch,
notice biographique deChluiruSchal,
radjah de Boundelkend , par Lal-
Kury, ouvrage écrit en bridjbhacha
et publié parW. Priée, Calcutta, 1829,
in -8». Ylll. Dialogues persans et
français. U.Dialogues persans et an-
glais. Tous ces dialogues sont tires
de sa Grammaire des trois principales
langues de l'Orient. Price travaillait
depuis long-tempsaun grand ouvrage
sur la littérature orientale. Dans l'in-
tention d'en soigner lui-même la pu-
blication , il avait fait fondre les ca-
ractères d'imprimerie qui lui étaient
nécessàires,et il avait établi une presse
dans sa maison de campagne de Meng-
Man's-Hill,prèsdeWorcester,lorsqu'à
peine âgé de 50 ans, il fut enlevé dans
cette résidence, au commencement de
juin 1830, par une mort prématurée.
Sa bibliothèque dont la vente fut com-
mencée, le 19 mai 1812, se composait
principalement de livres sur l'Orient
et de manuscrits persans, arabes,
turcs, hindoustanis, syriaques, armé-
niens, chinois, japonais, /xnd (ancien
persan) , et de cartes et plans ori-
ginaux de diverses contrées et de
monuments de l'Orient. On vendit
PRÎ
aussi son imprimerie en caractères
orientaux , ainsi qu'un grand nom-
bre d'exemplaires de ses ouvrages.
Price était membre de la Société royale
de Londres, de celle de Calcutta, etc.,
mais il n'a point figuré parmi les
membres étrangers de la Société asia-
tique de Paris. C'est sans doute pour
cela que son ijom ne se trouve pas
dans les tables alphabétiques du
Journal de cette société, et qu'il y est
assez mal traité dans un article de
feu Jacquet. Il est vrai aussi qu'en
rendant compte de sa Grammaire des
trois principales langues de l'Asie,
dans le Journal des Savants de 1 824,
Silvestre de Sacy a dit avec raison
qu'elle était incomplète, insuffisante,
erronnée pour ce qui concerne l'a-
rabe-, que l'auteur aurait dû ranger
parmi ces principales langues le chi-
nois, le sanskrit, le tartare, etc. ; que
son prétendu nouveau plan ne con-
siste guère qu'à avoir mis à la fin
ce qui devait être au commencement,
et qu'enfin les dialogues qui forment
la moitié de son ouvrage en sont la
partie la plus recommandable. A-t.
PRICE (David), orientaliste,
écuyer et major au service de la Com-
pagnie anglaise dans les Indes-Orien-
tales , après avoir fait une longue
résidence dans divers comptoirs de
la Turquie Asiatique, de la Perse et
de l'Inde, mit à profit les connais-
sances qu'il y avait acquises sur l'his-
toire et les langues de l'Orient. Il a
publié en anglais : I. TaUeau chro-
nologique.on Mémoires sur les prin-
cipaux événements de l'Histoire ma-
hométane , depuis la mort du Légis-
lateur des Arabes jusqu'à Vélablisse-
ment de Vempire Moghol dans l'In-
doustan, et à l'avènement de Vempe-
reur Akbar, d'après des auteurs per-
sans originaux, Londres, 1811 î^
1821, 3 1. ou 4 parties, ni-4". II. F.s-
PRT
gai sur l'histoire d'Arabie aidant M a
homet, arrangé d'après le Tarikh
Thabary et autres sources authenti-
ques, Londres, 1824, in-4^ III. 3Ié-
moires de \Djihanghir, empereur de
l'Indoustan , écrits par lui-même et
traduits d'après un manuscrit persan,
Londres, 1828, in-é". Les ouvrages
de David Price sont estimés. Il a ter-
miné ses jours vers 1835 ; mais nous
ignorons le lieu et la date précise de
sa mort. A — t.
PUICR (James), docteur en mé-
decine et membre de la Société royale
de Londres, naquit en 1752. Il fit
beaucoup d'expériences de chimie,
et répéta les procédés curieux inven-
tés p;ir divers chimistes allemands. Il
fut à ce sujet en correspondance avec
sir Joseph Banks et d'autres savants.
En janvier 1783, il montra une som-
bre inquiétude d'esprit, se retira de
toute société, et se mit à distiller une
grande quantité d'eau de laurier rose,
qu'il réduisit enCn à une pinte. Puis
ayant écrit sou testament, il but la li-
queur qu'il venait de faire, et expira
peu de temps après. — Owen Price,
né dans le comté^de Montgommery,
tint, au xvii<= siècle, école à Oxford et
dans d'autres villes d'Angleterre , et
publia divers ouvrages sur l'ortho-
graphe de la langue anglaise. Il mou-
rut en 1671. D— G.
PRIE (René de) naquit en Tou-
raine, en 1451, d'Antoine, seigneur
de Busançais, grand-queux de France,
et de Marguerite d'Amboise. Il entra
dans l'état ecclésiastique, devint suc-
cessivement abbé de Bourgueil-en-
Vallée et de la Prée , évêque de Lec-
toure , de Bayeux et de Limoges. En
1507, il fut fait cardinal , du titre de
Sainte-Sabine, par le pape Jules II,
et reçut le chapeau à Lyon , eu pré-
sence de Louis XII , de la main du
cardinal d'Amboise, son cousin-ger-
LX XVIII.
PRI
49
main , qui avait aidé beaucoup à son
avancement. Mais de Prie, ayant as-
sisté au concile de Pise convoqué
par le roi de France, Jules II le dé-
posa de sa dignité et l'excommunia,
ainsi que plusieurs de ses collègues.
A la mort de ce pape, ils furent tous
rétablis dans leurs dignités. Le car-
dinal de Prie mourut le 9 sept. 1519,
et fut enterré dans l'abbaye de la Prée,
près Issoudun, en Berri. — Prie
{Aymar d de), chevalier, seigneur
de Monpoupon, était frère puîné du
précédent. En 1495, il accompagna
Charles VIII, dont il était le cham-
bellan, à la conquête de Naples, qui
fut, comme on sait, une expédition
prompte et sans résultat. En revenant,
il se distingua tellement à la journée
de Fornoue, qu'il fui fait chevalier
sur le champ de bataille, de la main
duroi.Ilsetrouva, en 1501, à la prise
de Capoue, et fut envoyé, en 1513, à
la défense de Thérouenne. Aymard de
Prie fut nommé, en 1523, grand-mai-
tre des arbalétriers de France, place
qui était restée vacante pendant plus
d'un demi-siècle, et qui fut éteinte à
sa mort. Il était aussi gouverneur du
Pont-Saint-Esprit. F— T— E.
PRIE (Berthelot de Pi.éneuf,
marquise de), née à Paris en 1704,
fille d'un traitant enrichi dans l'entre-
prise des vivres, fut élevée par une
mère belle et galante, ce qui est la pire
des éducations. A treize ans elle lui
disputa ses amants; de là une antipa-
thie et des querelles où les hommes,
suivant l'usage , donnaient toujours
raison h la plus jeune. La mère, pour
être aimée sans partage, et le mari ,
afin d'avoir la paix chez lui, la mariè-
rent au marquis de Prie, qui l'emmena
dans son ambassade à Turin. A son
retour elle traita sa mère comme
une bourgeoise. L'impuissance de lui
nuire lui fit tourner sa fureur contre
4
50
PRl
Leblanc, amant de M™® de Pléneuf,
et secrétaire d'État au département
de la guerre. Le duc de Bourbon, ap-
pelé Monsieur leDuG {voy. Bourbon,
Louis-Henri, V, 349), était premier
ministre de Louis XV depuis la mort
du régent (1723). Ce jeune prmce,
alors chef de la maison de Condé,
avait des défauts; mais sa libéralité et
un courage digne de son nom lui fai-
saient pardonner son emportement
et sa fierté. Duclos prétend que la
marquise de Prie avait entrepris d'a-
bord de plaire au régent; mais elle
trouva qu'il ne donnait pas à ses maî-
tresses de part dans les affaires : l'i-
vresse même ne lui arrachait pas une
indiscrétion. Elle se rabattit sur le duc
de Bourbon , arrangea une de ces ren-
contres qui irritent d'abord un désir
curieux. Après l'avoir agacé, sous le
masque, au bal de l'Opéra, elle l'inté-
ressa en laissant voir tout son esprit et
un ou deux charmes entre mille qu'elle
cachait. Au second rendez-vous, elle
fut un peu moins sévère; au troisième,
le masque fut levé. Le duc, séduit,
quitta toutes ses maîtresses; aucune
n'égalait la marquise en beauté , en
licence et dans cet art de la volupté
qu'elle avait appris des dames ita-
liennes. Le bon mari, sans jalousie,
se vanta dans le monde des bontés du
prince. «C'est au point, disait-il, que
son altesse vient, sans façon, man-
ger ma soupe et coucher chez moi. »
L'inimitié de M"'* de Prie et de sa mère
en vint à un tel oubli des bienséances
qu'elles se reprochèrent en public
leur genre dévie et leurs infidélités; la
mère en avait fait quelques-unes à
Leblanc, ministre de la guerre, et la
fille en faisait tous les jours à M. le
duc. Ces deux dames se disputaient
alors le beau marquis d'Angênes;
mais il avait de l'ambition, il resta à
la fille. On fit des chansons horribles
PRI
contre elle et M. le duc; elle en ac-
cusa Leblanc, dévoila ses profusions
dans la maison de Mme de Pléneuf, et
quoiqu'il eût été absous par le parle-
ment, elle jura qu'il pourrirait à la
Bastille ; et il y fut retenu pendant
huit mois. Enfin elle le fit exiler en
province. On assure qu'elle tenta de
se délivrer de lui par un duel con-
fié k un spadassin, puis par le poison.
Mme de Prie avait deviné que M. le
duc aurait la place du régent, menacé
d'apoplexie, et à peine fut-il en effet
nommé, qu'elle s'empara de l'esprit
des ministres et des commis. Bre-
teuil, ministre de la guerre depuis la
disgrâce de Leblanc {voy. ce nom,
LXXI, 26), eut l'adresse de la rendre
infidèle, ce qui le fit conserver. Dodun ,
ministre des finances, qui vit dans Pa-
ris-Duverney un rival dangereux,
s'accoutuma près de la favorite aux
fonctions de valet de chambre. Tous
étaient les créatures de Dubois, et le
régent les avait fait parodier dans des
proverbes qu'on jouait à huis clos,
M"»» de Prie choisit les quatre frères
Paris pour former le comité des fi-
nances, et voulut que tout se concer-
tât chez elle avant d'être présenté à
M. le duc. Les Paris laissaient à ajou-
ter, à corriger, afin que la maîtresse
pût faire admirer sa sagacité à l'a-
mant. En attendant mieux, elle se fit
donner la pension de quarante mille
livres sterling que l'Angleterre avait
payée au cardinal Dubois pour les
sacrifices secrets qu'il faisait au mi-
nistreWalpole. Le cardinal deFleury,
depuis, ne fut pas moins favorable
aux Anglais, mais il ne se fit pas
payer. Le duc d'Orléans, fils du ré-
gent, n'aimait point que M. le duc
le dominât; il croyait être «on supé-
rieur par le rang, l'esprit et l'éduca-
tion qu'il devait au savant abbé
Mongault. Le prince son père, qui
PRI'
savait trop quels intrigants se glis-
sent dans les cours, jugeant à mer-
veille la probité de son fils et son
goût délicat et classique (deux ob-
stacles aux grandes affaires) , lui dit
un jour: • Sachez, mon fils, que
« vous ne serez jamais qu'un honnête
« homme. » Malgré la prédiction, le
jeune duc ne fut pas moins ferme
sur ses droits de premier prince
du sang ; il laissa à son parent
le pouvoir, mais il le força de se
ployer aux égards qu'il devait à l'hé-
riiier présomptif de la couronne,
au point de l'amener à venir lui ap-
prendre qu'il était premier ministre.
M"' de Prie imagina une grande
promotion de chevaliers des ordres
et de maréchaux ; à défaut d'estro-
piés à la guerre, elle choisit des sei-
gneurs sans mérite et contrefaits.
Le nombre des chevaliers fui si grand
«jue personne ne se tint honoré. Du-
clos, réservé avec les grands parce
qu'il était reçu dans leurs familles,
avoue que plusieurs de ces élus
étaient d'assez mauvais aloi. Le pu-
blic continua d'être ingrat et satiri-
que. M. le duc vit les trois factions,
du parlement, de Fleury et du duc
d'Orléans , prêtes à se réunir con-
tre son ministère. La marquise di-
sait à son amant, affligé des troubles
de l'État .: « C'est l'usage des Fran-
• çais,quand ils sont trop bien.» Elle
approuva des rigueurs contre les
protestants, quoiqu'elle fût philoso-
phe , au moins autant que Voltaire.
En 1725, on promena la châsse de
sainte Geneviève. « Le peuple est fou,
« dit-elle; ne sait-il pas que c'est moi
« qui fais la pluie et le beau temps? »
Elle crut que rien ne mortifierait
plus le duc d'Orléans que le mariage
du roi Louis XV avec M" «de Verman-
dois, sœur de son amant. Cette
princesse, élevée à Fonte vrault, était
PRI
51
spirituelle, belle et « très-capable,
« dit Voltaire, de donner des enfants
« à l'État. > Mais il était important de
démêler si, dans le caractère, il y
aurait quelque indice qu'elle aimât
la domination. M™» de Prie partit
pour Tours, déguisée, avec les lettres
de M. le duc. Tout la charma dans
M"' de Vermandois, mais elle eut la
curiosité d'apprendre ce qu'on disait
dans le couvent d'une marquise de
Prie, en grande faveur près de M. le
duc. «Oh! madame, répondit l'ingé-
• nue princesse, je connais trop bien
« cette méchante créature. C'est d'elle
> qu'on médit le plus dans cette sainte
« retraite. Qu'il est fâcheux que mon
« frère ait près de lui une personne
« qui seule le fait détester de toute la
« France ! Pourquoi ses bons amis ne
• lui conseillent-ils pas de l'éloigner
« de sa personne? • M™* de Prie,en sor-
tant, s'écria avec fureur : «Voilà donc
« mon arrêt! mais tu ne le prononceras
« qu'ici. Va, tu ne seras point reine de
• France.» A son retour, elle dissimula
avec M. le duo. il fallait persuader à
Pàris-Duverney, qui gouvernait les
plus grandes affaires d'État, qu'après
ce mariage il aurait cinq maîtres au
lieu d'un , et que le plus absolu se-
rait la jeune reine. M. le duc tourna
les yeux vers d'autres maisons. D'à
bord il ne voulut pas d'une Lorraine,
elle était alliée de trop près au duc
d'Orléans; la Portugaise parut sortie
d'un sang redoutable aux maris;
l'Allemande, avec des taches dans la
famille, avait de médiocres domaines;
la naissance de la fille de la czarine
était équivoque, sa conduite suspecte,
et sa nation encore barbare. Où trou-
ver une princesse propre à se laisser
gouverner par la favorite ? Pàris-Du-
verney proposa la fille de Stanislas,
roi de Pologne détrôné. Elle devait à
la nature des vertus confirmées par
52
PRI
l'infortune. Son auguste père, appre-
nant cette nouvelle, s'évanouit ; « Je
. n'ai quelquefois désiré , dit-ii , de
.remonter sur le trône qu'ahn de
„plaQermafdle-,jen'ysonge pUis;
«ce mariage passe mes vœux. «On
forma la maison de la reine Le sage
Fleury demanda à M. le duc de ne ta-
voriserquela vertu, et le prévint
nue la tille de Stanislas se trouble-
rait à la vue des dévergondées de la
réeence: recommandation plaisante a
un prince qui avait pis que MH- de
Parabère et la Phalaris. Entre des
choix assez bons, et plusieurs don-
îXw.le duc glissa M- dePnee
quelques autres qu'il ne connaissait
pas pour cruelles. Des goûts de pas-
sage font croire aux princes, et même
aux autres hommes qui ne sont pas
moins vains, qu'ils doivent pardon-
XM'V des faiblesses qui n'ont ete com-
mises qu'une fois, et pour eux. Fleury
rêva une semaine au tour qu on pren-
drait pour instruire le roi du devoir
de mari. U l'avait élevé dans la crainte
des femmes ;lejour de l'arrivéed une
infante qu'on lui destinait, ce jeune
prince avait pleuré comme éperdu, a
l'idée que le même soir on le force-
rait de coucfter avec elle. Un valet
de chambre le surveillait la nuit, et,
pendant le jour, il était confie a des
personnes attentives h prolonger son
innocence. Fleury imagina de placer
- dans la chambre de cet enfant douze
tableaux erotiques avec des inscrip-
tions analogues. De son côté, M">'=de
Prie partit en poste pour Strasbourg
avecun but plus profond que celui d i-
nitier une jeune reine aux mystères
de l'hymen-, c'était de la mettre en
garde contre les ennemis qu'elle allait
trouver à la cour. Ces ennemis, on le
devine, ne pouvaient être que ceux
de M'"« de Prie, a qui la princesse de-
vait ce brillant mariage, mol qui Im
PRl
fat assez répété -, et comme les dons
soumettent les cœurs par la recon-
naissance, surtout; si elle est mêlée .
d'un peu de honte, la marquise donna
jusqu'à des chemises à la reine future
et au vertueux Stanislas, qui en avait
moins qu'un bourgeois de Versailles
depuis qu'il avait perdu sa couronne.
Trois frères Paris créaient ou chas-
saient les ministres, et ils dédai-
gnaient de l'être. Leur origine et leur
histoire sont très-piquantes, {voy.
Pabis-Duvernev, XXXII, 572). M-
de Prie, pour avoir plus d'argent,
supposa un déficit, et menaça d'une
guerre. Les Paris trouvèrent le mot
de cinquantième pour ne pas effrayer
les contribuables •,Dodun, ministre
des finances, assuraque l'Etat devait
cinquante-sept millions d'arrérages,
et que le cinquantième n'en paierait
pas la moitié. Le témoignage d'un
ministre entraînait alors le conseil,
qui ne connaissait ni les dépréda-
tions ni les besoins de l'Etat. La
favorite ne pouvait se soutenir qu'en
répandant l'or à pleines mains.
Voyant Fleury tout près de supplanter
M. le duc, elle résolut d'opposer la
puissance royale au clergé et au par-
lement, et fit affirmer par Dodun
qu'à la mort du régent il s'était
trouvé dix-neuf cents millions cin-
quante mille livres de capitaux de
rent*e. Remarquez que Louis XIV y
était pour les trois quarts ; le fameux
Law, assez puni, était comptable du
reste. M'"« de Prie aurait dû s'atten-
dre que le fils et la veuve du régent
repousseraient cette attaque. Con-
foiuiue, haïe et méprisée, elle lutta
contre tous les corps de la nation ;
l'impôt fut résolu, et les baïonnettes
escortèrent ledit de justice. Cette
furie fit courir le bruit que le roi,
comme Louis XIV, montrerait son
louctau parlement, et qu'à la moin-
mi
'PRI
S3
dre résistance ce corps serait exilé.
Toutes les cours tirent des remon-
trances respectueuses que la de Prie
ne lisait jamais jusqu'au bout. « Cela
« sentait la province, disait-elle, c'é-
• tait pitoyablement écrit. «M. le duc,
qui avaitdes monvements vers le bien
qu'elle savait réprimer, apporta un
matin à sa toilette, où elîe tenait une
cour, les remontrances de deux parle-
ments, et lui dit : • Qu'avez-vous à ré-
• pondre à des faits, à des raisons qui
« ont touché le conseil? — Ils me tou-
■ cheront aussi,» interrompit-elle, et
d'un geste très-significatif elle envoya
ces remontrances à sa garde -robe.
Le pain ayant manqué vers la fin de
l'été ; le peuple menaça le cousin de
M""* de Prie, nommé d'Ombreval, lieu-
tenant de police ; il voulait le pendre
avec le prévôt des marchands, accusé
aussi d'accaparement. L'issue fut le
rejet de l'impôt du cinquantième.
Alors M. le duc retraucha les pensions
de Louis XIV, du régent, et réduisit
à la moitié celles que le roi majeur
avait données. Tout le bruit se passa
à Versailles, séjour moins dangereux
que Paris pour les ministres. Fleury
n'était pas avide d'argent , comme
Dubois, Samuel Bernard et les Paris.
Son ambition s'accordait avec le bien
de l'État ; premier ministre, il éloi-
gnait la marquise. Pour commencer
cette guerre de cour, elle essaya d'un
stratagème : la reine fut engagée à
faire venir le roi chez elle. On l'y oc-
cupa long-temps pendant que la porte
était fermée au cardinal. Mais l'adroit
ministre connaissait son empire sur
son élève; il partit pour Issy.LouisXV,
affligé, demanda à tous les courti-
sans son précepteur, qui avait laissé
une lettre ferme avec du respect,
jime jg pf jg ^ encore plus légère que
rusée, ne s'était pas rap|>elé les pleurs
du prince quand le précepteur suivit
Villeroi , exilé par le régent. Fleury
seul s'en souvint, et ne se trompa
point en jouant la même comédie.
Cejjendant personne n'avait osé ren-
dre sa lettre au roi. Le duc de Morte-
mart, le moins timide entre les cour-
tisans, la remit, et à la rue des larmes
du roi : «Votre majesté, lui dit-il,
• n'est-elle pas le maître de rappeler
• son précepteur? Je déclare, sire,
• que, si vous me l'ordonniez, j'irais
• le reprendre ù Issy, et je le met-
• trais dans mon carrosse. Je ferais
• plus encore, j'irais dire à M. le duc
• lui-même, mais toujours de la part
« de votre majesté, qu'elle lui or-
• donne d'envoyer sur-le-champ un
« courrier à M. de Fleury pour lui
« mander de revenir.» Le roi prononça
le mot /ordonne de son propre mou-
vement. Mortemart partit à l'instant
pour le signifier à M. le duc, qui ré-
pondit : • Vous vous êtes chargé
• d'une mauvaise commission. » Ce-
pendant il la fit exécuter. Si l'on en
croit les lettres du marquis de Silly,
le goiit de Louis XV pour la reine
commençait à n'être que marital;
il ne regardait pas M™® de Prie, à
moins qu'il ne lui défendît de donner
son avis. Il l'accusait , avec Samuel
Bernard et les Paris, de consommer
la ruine du peuple en se rendant maî-
tres du crédit , du numéraire et du
gouvernement. La marquise s'exila
presque de la cour. Écrivant au duc
de Richelieu que la duchesse de ***
s'arrachait les cheveux par suite d'une
infidélité, et que deux rivales s'étaient
décoiffées dans un salon , elle ajoutait :
• Je viens d'éprouver les dernières hor-
« reurs par ceux que j'avais le mieux
« servis. Je n'ai d'autre consolation
• que celle devoir mes ennemis raen-
• tir pour me nuire. Je ferais plus île
«cas d'une retraite; en n'excitant
" plus l'envie , ou ne verra que les
w
PRI
/•faits existants dans ma conduite;
«j'obtiendrai bientôt l'estime des
• honnêtes gens et la justice qui
« m'est due; j'aurai de plus la tran-
« quillité et le repos; on ne m'im-
« putera plus de gouverner des gens
« qui ne sont pas d'humeur à l'être.
« Je ne veux pas, lorsque leur gloire
« a toujours fait mon unique objet,
« me trouver aujourd'hui le prétexte
« dont on la veut affaiblir. Je veux
« bannir tout ce qu'il y a de forcé
• dans mon état, et n'en réserver que
■ ce qui est naturel à une femme de
« condition qui ne veut se mêler de
« rien , et qui n'est pas faite pour
« qu'on lui demande deux fois compte
« d'une conduite oii elle n'a rien à se
u reprocher qu'une négligence folle
« pour tous ses intérêts. M. le duc est
« trop éclairé, trop ferme, et, j'ose
« dire, trop entêté pour avoir suivi
« mes conseils avec la moindre com-
« plaisance. Je n'ai jamais rien vu de
« si noir, de si bas, de si faux, de si
« méprisable que tout ce que je vois
« à la cour; M. le duc seul paraît di-
« gne de ma vénération; la fermeté,
« la vivacité avec laquelle il agit sur
«mon chapitre, le rendent à jamais
« maître de ma vie, que je donnerais
« avee joie pour son service. Le pau-
« vre Voltaire me fait pitié; il a fait
« une étourderie qui n'est pas excu-
« sable.ll n'avait qu'à ne pas se mon-
« trer à Paris, il n'aurait pas été pris
« ailleurs. Il a la Bastille pour prison
« et il voit ses amis. » (1725.) Après
avoir lu cette lettre, qui ne s'écrie-
rait : « Non, ce n'est pas là une mé-
chante femme ! » L'honnête, mais rusé
Fleury, jugeant le moment favorable,
se jeta aux pieds du roi pour accuser
M. le duc des malheurs publics. « Vous
« n'êtes plus un enfant, sire, lui dit-
« il. montrez-vous; il est leiiips de
• gouverner vous-même. » Ces mots
PRI
furent suivis d'une petite leçon dans
l'art de dissimuler, que tant de par-
ticuliers pratiquent et ne pardonnent
jamais aux grands. Louis XV, au mo-
ment de partir pour Rambouillet, dit
à M. le duc qu'il l'y attendrait pour
une partie de plaisir, et il l'avait déjà
exilé! La veille ils s'étaient promenés
en calèche ; le roi avait affecté l'air
serein. Charost suivit M. le duc dans
son cabinet; il avait deux lettres,
l'une fort douce oîi le roi disait qu'il
voulait gouverner, qu'il supprimait
la charge de premier ministre, et
qu'il désirait que M. le duc allât pas-
ser quelque temps à Chantilly. Dans
le second billet, le roi parlait en maî-
tre ; il ne devait être remis que dans
le cas où la lettre polie ne produirait
point son effet. Le duc de Charost,
étourdiment ou à dessein, présenta
d'abord la plus dure. M. le duc, ému,
mais avec dignité, répondit « qu'ac-
• coutume à donner l'exemple de la
«soumission à sa majesté, il était
» surpris qu'elle lui transmît ses or-
« dres avec ce ton peu ordinaire. »
Et il partit sur-le-champ pour Chan-
tilly (1726). Le cardinal courut porter
la nouvelle à la reine, qui pleura. Le
roi soupa très-gaîment. Le duc de
Bourbon écrivit à sa mère qu'il re-
gardait sa disgrâce comme le com-
mencement de son repos. Le duc de
Richelieu attribua la perte du pre-
mier ministre à Pâris-Duverney, qui
avait ruiné les finances. • 11 est bien
« rare, écrivit-il, detrouver un bour-
« geois capable de penser dans le
• grand, et qui ait la connaissance
« d'une cour. Le pauvre garçon n'en
« avait pas même l'idée. Il s'imaginait
« qu'en gagnant tous les valets du
« roi, il en serait le maître ; il y
« avait mis toute son habileté, sans
« croire ce que je lui avais dit tant
■ de fois, qu'il était bien vrai que les
PRI
« valets l'avertiraient de tout ce qui
« se passerait , mais que ce serait les
« seigneurs qni le perdraient, et que
« tant qu'il n'en aurait point pour
« prendre son parti, et justifier les
■ sujets de prise qu'il pouvait donner
« contre sa conduite, tout son petit
« manège ne servirait qu'à l'instruire
• de sa perte quelques jours avant
« qu'elle arrivât. Je me suis trompé
• en ce seul point, car il l'ignorait la
« veille. » 11 n'y a dans cette lettre
à reprendre que l'orgueil du duc,
oubliant qu'il descendait de Vigne-
rot, joueur de luth. On sait que le
parlement de Paris et Louis XV l'en
Grent souvenir. (Voy. les Maisont
historiques^ tome I".) Le cardinal de
Fleury fut petit dans ses vengeances,
au point d'inventer un prétexte qui
interdît la chasse à M. le duc dans sa
retraite. Ce prince ne put goûter de dé-
lassement que dans ses laboratoires de
chimie et dans son cabinet d'histoire
naturelle. 11 commença une collection
perfectionnée depuis par Valmont de
Bomare. La brillante marquise Venait
de faire admirer son adresse sur le
psaltérion au concert de la reine,
lorsqu'on y annonça la disgrâce de
son amant. Sa fureur l'égara; elle re-
procha à cette princesse de n'avoir
ni prévu ni empêché la catastrophe.
■ SouflFrirez-vous , madame , lui dit-
« elle, l'injustice qu'on fait à 51. le
« duc, vous qui lui devez la couronne?
n Partez de ce moment, madame, al-
« lez demander au roi , et à genoux
« s'il est nécessaire , le retour de ce
« prince , à qui vous avez . comme à
« moi. la plus grande des obligations.
« Souvenez-vous que nous vous avons
« faite reine; voici l'occasion d'enté-
« moigner une juste reconnaissance.»
Mais le lendemain un officier des
ganles du corps vint lui annoncer
qu'il allait la conduire dans sa terre
PRI
55
de Coorbépine, près de Bernay. La
marquise supporta son malheur avec
élévation pendant huit jouri ; elle y
chercha une diversion en reprenant
sa correspondance intime avec Riche-
lieu; ils avaient eu un amour de pas-
sage, et ils s'étaient pardonné des in-
fidélités mutuelles, o Je suis plus près
« du bonheur, lui disait-elle, que je ne
« l'ai été depuis huit ans. Je n'ai rien
« à nwreprocftcr.Je n'ai rien non plus
« à regretter dans un pays que je n'ai
« jamais aimé.Je serai débarrassée de
« la peine de me défier de ceux avec
« qui je vivrai, ce qui était un des
« plus grands malheurs de ma situa-
• tion. » Enfin, étant fatiguée d'un an
de solitude, et Fleury ne la craignant
plus, il lui fut permis d'aller aux eaux
de Forges, rendez-vous de beaucoup
de maladies et d'intrigues de cour.Elle
y négocia le rappel de M. le duc, mais
enlaidie par le chagrin et la colère ,
elle ne séduisit ni les jeunes ni les
vieux courtisans. A son retour, triste
et sans espoir de place et de pensions
pour ses appas, elle essaya, dans son
village , d'aimer un simple gentil-
homme du nom de Brévédent. L'am-
bition chez les femmes passionnées
fait taire l'amour physique ; il faut
qu'il soit excité par l'or et la vanité.
La marquise, autrefoissi prompte à of-
frir ses faveurs, fit de ce Normand un
esclave qui devait les attendre de son
respect. Un matin (1727), ayant ^té
long-temps agitée, elle le fit appeler :
« Mon ami, lui dit-elle, j'ai passé une
« bien mauvaise nuit , donnez - moi
« cette fiole. -Elle but et ajouta: «Je
• vais être affranchie des chagrins de
• ce monde. • Brévédent devine que
c'est du poison, se jette à genoux, et
la supplie d'en arrêter les progrès.
Elle n'avoue rien , et lui commande
le silence devant le curé du village ,
qu'elle vient de mander. Elle se con-
S6
PRl
fesse et reçôitdessacrements profanés
par un suicide ; mais elle était ferme
en athéisme comme dans son mépris
pour la mort. Ses douleurs durèrent
trois jours ^ ses hurlements furent
entendus à plus de trois cents toi-
ses dans les chaumières consternées.
Voltaire, qui louait les maîtresses
des premiers ministres et des rois ,
sans que cela tirât à conséquence^
accordait àM'"« d^Prie, en 1725,
Un esprit juste, gvacieiii,
Solide (l;ins le sérieux.
Et rhiiiujant daus les liyga telles.
Dans le nicme temps il lui dédia sa
comédie de V Indiscret, acte charmant
où nous avons vu Mole avec ses grâces
légères imitées des petits- maîtres de
la cour. Il faudrait avoir plus de
soixante ans, pour goûter l'Indiscret
sur la scène; la simplicité de l'intri-
gue et du style, qui était si fort du
goût des anciens, serait taxée de froi-
deur par les romantiques et les petits
néologues. Voici les plus jolis vers de
l'épître de Voltaire :
Si rhéroïue de la jtiècc,
De Prie, eût eu votre beauté,
Ou excuserait la faiblesse
Qu'il eut de s'être un peu vantcl
Quel amant ne serait tente
De parler de telle maîtresse
Par un excès de vanité,
Ou par un excès de tendresse?
Eu 1760, duns sa prose plus sérieuse,
il peignait cette favorite légère, intri-
gante, ne songeant jamais aux con-
se'quences, et M. le duc son amant
comme n'élant pas politique. C-t-f.
PiUËUR de la Marne, Vmi des
premiers et des plus ardents provo-
cateurs de la révolution, était au-
paravant un avocat fort accrédité ,
en Champagne, où il avait vu le
jour en 17C0. On sait que dans toute
la France ce fut sur de tels hommes
que tombèrent les choix du tiers-état
pour les États-généraux de l76'J.
PRI
Prieur fut élu par celui de Châlons.
Dès les premières séances, il y mani-
festa , pour les innovations de tous
les genres, un zèle qui, même alors,
parut excessif. Siégeant à l'extrême
gauche au milieu d'un groupe de
trente députés que dominait Robes-
pierre, et que Mirabeau apostropha
plus d'une fois du ton le plus mépri-
sant, Prieur faisait sans cesse reten-
tir sa voix criarde et monotone, se
bornant à de courtes et injurieuses
déclamations contre les aristocrates
et surtout contre le clergé , dont il
se montra dès le commencement un
des plus fougueux adversaires. Dans
le discours qu'il prononça, le 9 avril
1790, pour appuyer la proposition de
Chasset, il ne dissimula point les mo-
tifs de la spoliation que son collègue
avait proposée. Ce discours carac-
térise assez bien ce député, comme
aussi les plans et le système de cette
époque, pour que nous croyions de-
voir le citer : « Vous vous trouvez
« dans un moment des plus intéres-
« sauts pour la chose publique. Le
« royaume est dans un état pénible.
« Si vous faites une opération bien
« calculée, demain il se.touvera dans
« l'état le plus florissant. La France
• en un jour va changer de face...
• Vous vous proposez de décréter
• 400 millions d'assignats portant iu-
« térét. Si l'hypothèque est certaine,
« chacun se les disputera... Avecquoi
• voulez-vous payer des intérêts et le
• remboursement? avec les revenus
» du clergé, avec les biens du clergé?
« mais ne manquera-t-on pas decon-
• iiance en cette hypothèque, tant que
• ces biens ne seront pas à votre
«entière disposition? M. Chasset a
• fait un rapport qui a mérité vos
« applaudissements et vous a tracé
• la marche que vous devez suivre.
• 11 faut suas déplacement en décré-
PRI
« (er les trois premiers articles. C'est
« d'eux que dépend le salut de l'État;
• ils contiennent les bases de la con-
• fiance... ils rappelleront le numé-
• raire ; ils assureront voire liberté ;
« ils peuvent seuls vous sauver... » On
ne peut pas douter que ce ne soit
d'après de si puissants moti/s que le
décret ait été inmiédiatement rendu.
Quelques jours après cette dernière
proposition, la demande d'un emprunt
de 400 millions sur le clergé ayant été
renouvelée , Prieur s'écria que • ne
« possédant plus rien, il ne pouvait plus
• rien offrir.» Voulant, toutefois, dans
cette importante affaire, se donner
quelque apparence de modération, il
demanda que la pension des religieux
d'un âge plus avancé, même celle des
jésuites qui vivaient encore, fût aug-
mentée. Il est vrai que plus tard, par
une sorte de compensation, il crut de-
voir parler pour la réduction du trai-
tement des évèques. Pendant la lon-
gue session de cette assemblée dite
constituante, Prieur s'occupa beau-
coup de l'organisation des tribu-
naux, et il prit une grande part à
l'institution des avoués, destinés à
remplacer les procureurs. C'était sa
spécialité, et il fit preuve, dans ces
discussions, de sens et de savoir. Nous
n'en dirons pas autant des opinions
qu'il manifesta contre les émigrés,
dont il fut un des premigrs à propo-
ser la spoliation, et que, dans la séance
du 28 février 1791, il traita de lâches
et de factieux, il ne montra pas moins
de violence et d'exaltation lors de la
fuite du roi, dans le mois de juin IT'J i ,
et, après avoir accusé ce prince de
trahison , il demanda sa déchéance
et le remplacemeul de MM. de Bonnay
etde Sérent, ses collègues, qui avaient
refusé de prendre part aux délibéra-
tions en l'absence du monarque. Ce
fut encore lui qui lit décréter l'urres-
PRl
ST
tation de MM. de Choiseul, de Damas
et de tous ceux qui avaient concouru
à ce fatal voyage. 11 voulut même que
Monsieur,frère du roi, qui avait réussi
à se sauver , fût mis en jugement. Nous
ne parlerons pas d'autres motions de
peu d'importance qu'il fil contre les
ministres, puis en faveur de Bonjour,
de Latude, et qui toutes furent em-
preintes de l'esprit de révolution le
plus exalté, il fut, à la même époque
(1791), président de la société des Ja-
cobins, où il ne se fit pas moins remar-
quer par l'exagération de ses prin-
cipes. Après la session de l'assem-
blée, il fut élu vice-président du tri-
bunal criminel de Paris, et il en exer-
ça les fonctions jusqu'au mois de sept.
1792, où il fut élu député à la Cou-
ventiop nationale par le département
de la Marne en même teujps que le
fameux Drouet et l'ignoble Armou-
vilie {voy. ces deux noms, LVi, 4o7,
et LXII, 590). Dès l'ouverture de la
session, on l'envoya comme commis-
saire à l'armée de Dumouriez, qui oc-
cupait alors une partie de son dépar-
tement, et il fut avec Sillery et Carra
l'un des négociateurs de l'évacuatiun
du territoire par les Prussiens. Re-
venu à l'assemblée, il eut à y voter
dans le procès de Louis XVI, et quoi-
qu'il sût très-bien ce qui avait été
promis au roi de Prusse {voy. Du-
mouriez, LXIII, 161) , il n'hésita
poiut à le condamner. « Le peuple
■ entier, dit-il, l'a accusé de conspi-
• ratiun contre sa liberté et sa sou-
• veraineté. La Convention l'a dé-
« ciaré convaincu; la loi a fait le
• reste, en prononçant la mort contre
• les conspirateurs. Je prononce cet-
« te peine à re^^rei; mais, comme or-
• gane impassible de la loi, je pro-
« nonce la mort. • Il vota ensuiio
contre l'appel au peuple et le sursis
à l'exéculiou. T'.'ujuurs lié avec le
58
PRI
parti le plus extrême, il se montra
dans toutes les occasions favorable
aux assassins de septembre, et de-
manda positivement , le 8 février
1793, qu'on rapportât le décret qui
ordonnait leur poursuite. Dans le
mois de mars suivant, Bre'ard ayant
refusé de se charger des fonctions
de commissaire de la Convention
près l'horrible tribunal révolution-
naire dont Fouquier-Tainville était
l'accusateur public. Prieur les accepta
sans peine; et il les remplit pendant
plusieurs mois jusqu'à son entrée au
comité de salut public, qui eut lieu
dans le mois de juin 1794. Sans avoir
une grande influence dans ce gou-
vernement de la terreur, on ne peut
pas douter qu'il n'y ait joué un rôle
important. D'abord envoyé comme
commissaire aux armées du Nord,
des Ardennes et du Rhin, il se rendit
ensuite danslaVendée; et, après avoir
assisté à la victoire qui fut remportée
sur les royalistes au Mans, il se trouva
au massacre de Savenay, où tous les
prisonniers furent si impitoyablement
égorgés. Prieur ne se montra ce-
pendant pas toujours impitoyable, et
l'on a même prétendu qu'il donna des
conseils d'humanité à Carrier, qui,
loin de les suivre, lui dit qu'en ré-
volution il n'était qu'un imbécile.
Mais cette impertinente réponse n'é-
tant établie nulle part, nous en dou-
tons autant que de l'avis très-louable
qui y aurait donné lieu. Prieur de la
Marne ne fut que peu de temps, au
comité de salut public, le collègue de
Carnot et de Robespierre; mais après
la chute de celui-ci il y rentra en oc-
tobre 1794, et fut dans le même mois
président de la Convention nationale.
Bientôt effrayé de la réaction qui sui-
vit le 0 thermidor, il revint à ses
premières opinions, et lors de l'in-
surrection démagogique du 12 f^cr-
PRÏ
minai (!«' avril 1795), il fit quelques
propositions en faveur de la révolte,
demandant entre autres la liberté des
patriotes détenus depuis la chute de
Robespierre. Accusé pour celapar An-
dré Dumont, il donna à ses expres-
sions un sens favorable , et réussit à
conjurer l'orage. Moins heureux dans
la révolte du l®"" prairial (20 mai 1795)
à laquelle il avait également pris part,
et dont il avait même été nommé l'un
des chefs, sous le titre de membre de
la commission extraordinaire des-
tinée à remplacer le comité de salut
public, il fut décrété d'accusation
après la défaite de son parti. Lorsque
pendant la nuit, un corps de troupes
vint pour s'emparer de la salle que
les insurgés avaient abandonnée , il
essaya vainement de l'arrêter en s'é-
criant : « A moi, sans-culottes! » Les
sans-culottes n'étant pas venus, il
fut obligé de se sauver, et se tint ca-
ché jusqu'à l'amnistie de brumaire
an IV (oct. 1795). Alors rentré pour
toujours dans la vie privée et resté
sans fortune, il prit le parti de suivre le
barreau de Paris, et vécut ainsi fort
obscurément jusqu'à l'époque de la
Restauration, où il fut banni comme
régicide (1816). S'élant réfugié à
Bruxelles, il y mourut en mai 1 827, au
moment où une nouvelle révolution
ne devait pas tardera le faire rentrer
dans sa patrie. Prieur avait fait à
l'assemblée nationale, en 1791, un
long rapport sur rétablissement des
sourds-muets, qui fut imprimé in-4°,
dans la même année. M — d j.
P RIEU R- Du uernofs, ou de la
Côte-d'Or (Claude-Antoine), député
conventionnel , né à Auxonno , le
22 décembre 1763, fils d'un receveur
des finances, fut dès sa jeunesse des-
tiné à lacarrière du génie militaire,
et comme Carnot, son compatriote et
Sun ami , termina ses études à l'école
PRI
(le Mézières. Il était déjà officier
lorsque la révolution commença , et
il s'était fait quelque réputation par
l'application des sciences physiques
à l'agriculture, aux arts et à l'indus-
trie. En 1790, M. de Bonnay le cita
honorablement à la tribune de l'as-
semblée constituante comme auteur
d'un mémoire fort remarquable qu'il
avait adressé au comité de commerce et
d'agriculture, et qui fut imprimé par
ordre de l'assemblée. Ayant adopté
avec beaucoup d'enthousiasme les
principes de la révolution, il fut
nommé, en 1791, député du départe-
ment de la Côte-d'Or à l'assemblée
législative, où il siégea dès le com-
mencement avec les plus ardents ré-
volutionnaires. 11 parla peu néan-
moins à la tribune, travaillant beau-
coup dans les bureaux et les co-
mités. Après le renversement du trône
au 10 août 1792, il fut chargé d'aller
porter les nouvelles de cette révolu-
tion à l'armée du Rhin, et d'y prendre
des mesures pour en assurer le suc-
cès. Réélu député à la Convention
nationale par le m^me département,
il y vota la mort de Louis XVI, sans
appel au peuple et sans sursis à l'exé-
cution. Après la révolution du 31
mai 1793, il fut envoyé avec Romme
à la poursuite des débris de la
Gironde qui s'étaient réfugiés en
Normandie. Ce parti ayant d'abord
obtenu quelque succès. Prieur et son
collègue furent mis en prison àCaen.
C'est là que vint les trouver un agent
de Danton, nommé Desforges, chargé
de pacifier ces contrées par des moyens
pé«uniaires, et qui promit aussitôt
d'opérer leur délivrance , laquelle en
effet ne tarda pas à s'effectuer. Ce
négociateur secret révéla depuis, à
Prieur et à Romme, qu'une somme de
250 mille francs qu'il avait adroite-
ment distribuée n'.ivait pas peu con-
PRI
59
tribué au succès des troupes conven-
tionnelles à Vernon. Revenu à Paris,
Prieur entra dans le comité de salut
public en même temps que Carnot, et
on l'y chargea surtout de surveiller
la fabrication des armes, de la poudre
et de tout le matériel, tandis que sou
ami dirigeait le personnel et traçait
les plans de campagne {voy. Carnot,
LX, 182). Prieur fut occupé jusqu'à la
révolution du 9 thermidor de ces tra-
vaux importants. Menacé alors par le
parti qui avait renversé Robespierre
comme complice des crimes de la
terreur, il eut, ainsi que Carnot, beau-
coup de peine à se défendre, et ne
fut à la fin sauvé que lorsque ses ad-
versaires se virent obligés d'avouer
qu'il avait aussi concouru à organi-
tcr la victoire. Ce fut dans ce temps-
là que, de concert avec Carnot, il con-
çut l'idée de cette École polytechnique
qui ne tarda pas à être fondée, et qui
a eu pour la France de si beaux
résultats. Il eut encore à cette époque
quelque part à la création de l'Insti-
tut, dont cependant il ne fut pas
membre. Après la dissolution de la
Convention nationale , Prieur passa
par le sort au conseil des Cinq-Cents,
où il s'occupa beaucoup du nouveau
système des poids et mesures. Il avait,
dès 1790, publié des mémoires sur la
nécessité et les moyens de rendre uni-
formes dans le royaume toutes les me-
sures d'étendue et de pesanteur; idée
mère , dictée par le même esprit qui
avait demandé l'abolition des diver-
ses coutumes de la France, et leur
remplacement par une méthode uni-
forme ; mais idée beaucoup plus
grande que la première, qui n'est en
quelque sorte que locale ; idée bien
plus vaste dans ses développements,
puisque l'application devient une loi
physique et mathématique , indiquée
par les lois mêmes de la nature, et qui
ao
PRI
se réfère à leur type primitif. En 1795,
il publia une Instruction sur le cal-
cul décimal, et fit un rapport sur les
moyens préparés pour établir défini-
tivement cette uniformité des poids
et mesures qui a prévalu, et qui fut
si habilement dirigée plus tard par
son compatriote et son ami Gattey
(voy. ce nom, LXV, 169). Lorsqu'il
sortit du conseil des Cinq-Cents en
1798, Prieur sembla prendre en dé-
goût la carrière des fonctions publi-
ques. Il refusa de rentrer dans l'ar-
me du génie, où il avait depuis plu-
sieurs années le grade de chef de ba-
taillon 5 et il établit en Bourgogne une
fabrique de papiers peints qui eut le
plus grand succès et qui assura son in-
dépendance. C'est dans cette position
qu'il a passé les dernières années de
sa vie. Il avait été membre de l'aca-
démie de Dijon, qui le rejeta de son
sein lors du remaniement qui se fit
sous la Restauration, de même que
Guyton de Morveau, Monge et Car-
not. Comme il n'avait rempli aucune
fonction publique, depuis qu'il avait
cessé d'être législateur, Prieur ne fut
point exile en 1816 par la loi contre
les régicides. Il mourut à Dijon , le
11 août 1832, laissant toute sa fortune
à un M.Menet,ancien notait e, qui dans
le cours de la révolution avait mani-
festé les mêmes principes et les
mêmes opinions. Prieur ne fut pas
seulement un des fondateurs de l'É-
cole polytechnique, il concourut aussi
à l'établissement du télégraphe, à ce-
lui du bureau des longitudes, du con-
servatoire des arts et métiers, etc. 11
a lu ii la tribune des deux assemblées
dont il fut membre beaucoup de rap-
ports et de mémoires pour plusieurs
établissements utiles ; enfin il a in-
séré un grand nombre d'articles dans
les Annales de Chimie et le Journal
de l 'École polytechnique. M— d j.
PRI
PRIMI-AMMONIO (Jean - Bai» -
tiste), comte de Saint-Majole, était
Mis d'un bonnetier de Bologne, où il
naquit vers 1G40. Doué d'une belle
figure, d'un esprit agréable, d'un
grand talent pour l'intrigue et la
mystification, il vint, comme beau-
coup de ses compatriotes, chercher
eu France une de ces fortunes dont le
sort du malheureux Concini n'étouila
pas l'ambition. S'éiant rendu à Lyon,
il y prit le coche pour venir à Paris ,
et fit en route la connaissance d'un
homme d'esprit, nommé Du Val. Ils
s'amusèrent tous deux à mystifier un
de leurs corapagnonis de voyage. Du
Val, comme beaucoup de gens de ce
temps-là, croyait que les Italiens
avaient le don de lire dans l'avenir,
et que , pour une si importante af-
faire, il leur suffisait d'avoir sous
leurs yeux une pièce de l'écriture de
l'individu sur lequel il était question
de prononcer. L'abbé Primi , car il
étaitccclésiastique, mit dans les ques-
tions que Du Val lui adressa sur ce
sujet tant de réserve calculée et
d'apparente modestie, que celui-ci se
décida à lui montrer de son écriture.
Primi l'examina avec une grande at-
tention , et fit une énumération aussi
détaillée que curieuse d'événements
et d'aventures qui confirmèrent Du
Val dans l'idée qu'il s'était faite des
facultés extraordinaires de son compa-
gnon de voyage. D'autres voyageurs
succèdent au questionneur Du Val ,
et reçoivent tant sur leur passé que
sur leur avenir une foule de réponses
qui augmentent leur admiration. Du
Val, de plus en plus charmé des ta-
lents de Primi, l'assura qu'il ferait
une fortune rapide s'il voulait se
confier à ses conseils. C'était tout
ce que désirait l'ilalicu : aussi s'aban-
donua-t-il à son ami qui était bien
venu dans le grand monde. Arrives
PR!
k Paris, Du Val le présenta à cetfab-
bé de La Baume , qui devint arche-
vêque d'Embrun et qui n'était alors
connu que par ses relations avec de
grandes dames, auprès desquelles il
réussissait par l'amabilité de son es-
prit et la beauté de sa figure. La ren-
contre de Frirai fut pour l'abbé une
véritable bonne fortune : il s'en em-
para, et, jugeant tout le parti qu'il
pouvait tirer d'un tel homme, il le
renferma pendant six semaines chez
lui, où Primi ne vit que le duc deVen-
dôme et le grand-prieur de France.
Ils mirent si bien à prolit cette re-
traite que l'habile Italien fut bieatôt
au courant des généalogies, des aven-
tures galantes , des histoires scanda-
leuses , des haines , des liaisons et
des rapports de tout genre de la ville
et de la cour. Quand il fut bien ca-
pable de jouer son rôle , l'abbé de La
Baume, qui connaissait M"^ Hen-
riette d'Angleterre, répandit le
bruit qu'il avait eu le bonheur de
faire la connaissance d'un prêtre ita-
lien pour qui rien du passé et de l'ate-
nir des personnes n'était caché, pour
peu qu'il vît quelques mots de leur
écriture. A cette époque de crédu-
lité, grâce à l'adresse comme à la
circonspectioa et surtout aux con-
naissances acquises de Primi, la cour
et la ville, les plus belles dames,
les plus grands personnages accou-
rus chez lui, revenaient enthousias-
més de son habileté, jugeant de ses
prédictions pour l'avenir d'après ses
révélations du passé. Recherché,
protégé par la comtesse de Soissons,
il eut beaucoup de succès auxquels
elle ne fut pas étrangère. Madame
même voulut voir l'abbé Primi (car
ce nom était celui qu'il avait alors
adopté) qui l'étonna par tout ce qu'il
Im dit; on assure qu'il ne garda pas
même le silence devant elle sur les
ï>Ri
61
liaisons qu'elle avait avec le comte
de Guiche. Cette princesse fut tel-
lement émerveillée de son pro-
phète qu'elle en parla à Louis XIV
comme d'un homme extraordinaire,
et le pressa de donner aussi de son
écriture à examiner. Le roi se fit un
peu prier, et remit à Madame ua
billet qui paraissait écrit de[sa main.
La pièce pseudographe passa bien-
tôt sous les yeux de Primi, qui s'a-
perçut de la supercherie sans le té-
moigner. « Cette écriture, dit-il, est
celle d'un vieil avare, d'un fesse-ma-
thieu, d'un homme enfin absolument
incapable de jamais rien faire de boa
ni de remarquable.» A cette réponse
.Madame fut grandement surprise de
voir que son prophète était cette fois
en défaut; elle ne lui cacha pas qu'elle
était convaincue qu'il avait commis
une lourde bévue; mais l'abbé insista
sur la véracité de sa décision, et n'en
voulut rien rabattre. .Madame rendit
au roi le billet examiné et la réponse
du prophète qu'elle vanta un peu
moins qu'auparavant. Le roi fut
étonné, au contraire, d'une habileté
qu'il avait d'abord révoquée en doute.
L'écriture qu'il avait envoyée à l'exa-
men n'était autre que celle du prési-
dent Rose, qui en effet ne passait pas
pour un esprit élevé ni pour un cœur
généreux. Ce président, secrétaire du
cabinet, avait l'habitude et le talent
de contrefaire l'écriture de Louis
XIV, qui se servait quel<îuefois de la
main de Rose pour répondre à cer-
taines choses, dans le cas oii il voulait
qu'on crût que c'était son écriture.
Tout autre que l'abbé italien y eût
été pris ; mais, instruit par le duc de
Vendôme , Primi ne fut pas dupe
du roi, et prononça sur le président
en connaissance de cause. Surpris de
la réponse, le monarque chargea Bon-
temps, son premier valet de cham-
62
PRI
PRI
brc, de lui amener l'Italien le lende-
main. «Primi,lui dit-il dès l'abord,
« je n'ai que deux mots à vous dire :
« votre secret, que je paierai avec
« deux raille livresdcpension;sinon,
« pendu . » L'abbé avait, comme on
s'en doute , beaucoup trop d'esprit
pour hésiter long-temps : il préféra
comme de raison la pension de deux
mille livres, et fit aussitôt au mo-
narque un récit très-circonstancié et
très-agréable de ses diverses aventu-
res, de son voyage, de ses liaisons à
Paris, de sa retraite de six semaines.
Le roi émerveillé passa chez les rei-
nes , et, en présence de la cour , il
leur dit : « J'ai enfin succombé au
« désir de voir Primi; je sors d'avec
« cet homme extraordinaire , et
« j'avoue qu'il vient de me dire des
« choses que jamais être de son es-
« pèce n'avait dites à qu i qiie ce soit. »
On sent bien qu'une telle communi-
cation ne fit qu'ajouter à la bonne
opinion qu'on avait du devin. Ses
espérances de fortune ne firent aussi
que s'accroître avec la facilité de les
réaliser. Après s'être faufilé à la cour
du plus grand roi du monde par des
artifices de charlatanerie , l'abbé
voulut s'y maintenir par des moyens
plus graves et plus honnêtes. Il se
mit en tête d'écrire l'histoire du roi,
et de succéder à Victor Siri dans
l'emploi d'historiographe italien :
c'étaient trois mille francs d'appoin-
tements qu'il s'agissait sinon de ga-
gner, du moins d'obtenir. Lié avec
Dangeau, et même avec Rose, bonnes
gens sans rancune et sans beaucoup
d'esprit, il avait aussi fait la connais-
sance de l'abbé de Choisy, qui s'était
chargé de traduire en français l'ita-
lien de Primi. Ce fut dans cette cir-
constance que Louvois lui permit de
suivre en 1G72 l'armée qui devait
conquérir la Hollande. Cette campa-
gne fut écrite et même imprimée. En
voici le titre: Historia délia giierra
d'OlandaneW anno 1672. InParigi,
166î, t vol. in-12. La traduction
française parut la même année, dans
la même ville et du même format que
l'original. Long-temps après on en fit
une traduction en anglais qui fut in-
sérée dans le recueil des Traités de
politique, tom. V"; Londres, 1705, in-
folio. Cet opuscule en deux livres, et
quine contientque l'histoire du com-
mencement de la campagne de Hol-
lande, ne fut tiré qu'à un petit nombre
d'exemplaires .- 67 de l'ouvrage ita-
lien, et 88 de la traduction, qui furent
débités. On ne s'en souvient guère que
parce qu'il servit à une intrigue. Char-
les 11, roi d'Augleterre, qui pendant
douze ans avîiit assez bien gagné par
sa docilité anti-britannique l'argent
qu'il touchait de Louis XIV, s'avisa de
céder à d'autres inspirations un peu
plus morales. Le cabinet de Versailles,
voyant avec dépit ce changement,
imagina un moyen de chagriner le
monarque anglais : on répandit quel-
ques exemplaires de la traduction
française de l'ouvrage historique de
Primi , qui donnait des détails fort
clairs sur la négociation , le traité
secret, et le voyage de Madame à
Douvres en 1600. Cette intrigue, con-
fiée à Louvois, ne l'avait pas été à
M. de Croissy,alors ministre des affai-
res étrangères , qui, ayant vu le livre
au mois de juillet 1682, lors de son
apparition , et d'ailleurs pressé par
Preston , ambassadeur d'Angleterre ,
se hâta de l'aller porter au con-
seil. Le roï feignit d'être surpris, et
prescrivit de mettre Primi à la Bas-
tille et de saisir ses papiers. Après
celte démonstration plus éclatante
que loyale , Primi ne resta pas long-
temps en prison , car dès le mois de
décembre il avait ol)tenu sa liberté et
PRI
une gratiûcation considérable. On
trouve à ce sujet de curieux détails
dans les mémoires de Dairymple qui
nousa conservé la correspondance de
milord Preston. Ce fut après ces évé-
nements que l'abbé Primi changea de
nom ; il prit celui de Primi Visconti,
comte de Saint-Majole , et ensuite
d'Ammonio. 11 paraît que ses intri-
gues, ses liaisons , les faveurs de la
cour et l'attention du roi ne servi-
rent guère à réaliser à un haut
degré les espérances de fortune bril-
lante qu'il avait conçues. 11 fallait
aussi qu'il ne fût pas fort avancé dans
les ordres ecclésiastiques, car il épou-
sa la fille de Frédéric Léonard , cé-
lèbre imprimeur à Paris. J.-B. Rous-
seau, qui avait une haute opinion des
talents financiers de Primi , dit à pro-
pos d'une direction de finance qu'il
obtint et sur laquelle on le compli-
mentait :
Pal TU l'élève de Clio,
SidtnUm in telenio.
Combiner, calculer, rabattre ;
Sur une rente au denier quatre
Discourir mieux qu'Âmmonio.
Primi-Ammonio mourut en 1714, à
Paris, bien revenu de la vanité de pré-
dire à la cour, et très-accoutumé à la
vie privée des bourgeois de la rue des
Noyers, où il demeurait. D— b— s.
PRIMO>'(CHARLES-FRÉDÉRIc),écri-
vain et traducteur danois, né à Schles-
wig, le 13 août 1763, termina ses étu-
des à Odensée, dans l'île de Fionie,
en 1781, fut nommé traducteur royal
en 1799, et mourut en 1812, On a de
lui : i. Middags Posten, feuille heb-
domadaire, Copenhague, 1793, que S.
Poulsen a traduite, prol^ablement, du
danois en allemand. II. Sur les éta-
blissements charitables àHambourg,
traduit de laliemand en danois, Co-
penhague, 1795. III. Met fantaisies
{Mine Lunn-), Copenhague, 1797.
PRI
6S
IV. Nok en Dosis om det Hollandske
Document og Notarii-publici-Embe-
det , Copenhague. 1798. V. Avis au
public, par l'auteur du Nok en Dosis,
Copen., 1798. VI. Relation authen-
tique de la guerre entre le Danemark
et l'Angleterre, Copenhague, 1801
(en allemand). VII. La science du Bon-
homme Richard pour devenir riche
et heur eus, de Franklin, traduit en
danois. Le Borgervennen a rendu
compte de cette traduction en 1801
dans son n" 48. VIII. Sur la visite des
navires neutres, traduit en danois de
l'allemand de M. H. Borneman, Co-
penhague, 1801. ÏX. Description d'un
nouveau poêle, traduit en danois de
l'allemand de Floberg, Copenhague
1802. X. Étrennes pour tout le monde,
Copenhague, 1804. XI. Petits Con-
tes d la manière de La Fontaine, Co-
penhague , 1805. XII. Fronts Wil-
burg, roman original, Copenhague,
1805. XIII. Nouveau Livre de lec-
ture, etc., Étrennes aux enfants,
Copenhague, 1806. XIV. Diction-
naire de tous les mots ou expres-
sions étrangères qu'on rencontre fré-
quemment dans la langue danoise,
avec la traduction et la prononcia-
tion, d'après le Worterbuch der
Fremde?i AusdbGcke tie Campe, Co-
penhague, 1807. XV. Livre de con-
versation, etc., à l'usage des person-
nes de tous les états, traduit du fran-
çais, Copenhague, 1807. XVI. Livre
de lecture allemande de Salzman, ou
Abécédaire et petit livre de lecture
de Conrad Kiefer, avec des explica-
tions en danois sur les mots les plus
importants de la langue allemande,
Copenhague , 1808. XVII. Exercices
de style pour les Danois , Copenha-
gue, 1808. XVIII. Guide par Vile de
Sélande et par la Suède , contenant
des avis stir les routes de la poste et
des voyageurs, des descriptions abré-
04
PRI
géendes villes principales, etc., Co-
penhague, 1808 (en français). XIX.
Gioconda^ événement arrivé pendant
la guerre des Français en Italie, tra-
duction, Copenhague, 1809. Primon
a inse'ré plusieurs pièces de vers dans
la Minerva , et dans l'Iris des mé-
langes en prose et en vers; il a prêté
son concours au lexique danois-alle-
mand de Keisler, ainsi qu'à la feuille
hebdomadaire Folkevennen ( l'Ami
du peuple), D — z — s.
PRINA (le comte Joseph), minis-
tre des finances du royaume d'Italie,
naquit à Novare, en 1768, d'une fa-
mille honorable et aisée. Après avoir
fait son cours de collège à Pavie, il
alla étudier le droit à l'université de
Turin, puis entra au bureau du pro-
cureur général à la chambre des
comptes. Nommé substitut en 1790,
il fut, l'année suivante, chargé par le
roi Victor-Amédée de fixer les nouvel-
les limites entre les états du roi de Sar-
daigne et la France, d'après le traité
de Cherasco. Il était collatéral de la
Chambre des comptes lo rsqu'il fut ap-
pelé en 1798 à l'intendance générale
des iinances, qui se trouvaient dans
le plus grand désordre, par suite de
l'émission d'une immense quantité
d'assignats et de monnaies de billon,
d'une valeur fictive. Pour remplir ce
déficit, Prina ne trouva rien de mieux
que de soumettre à l'impôt tons les
biens du clergé. Le roi Charles-Emma-
nuel IV ayant été forcé d'abdiquer le
8 déc. de la même année, et de quit-
ter SCS états de terre ferme, Prina
fut maintenu dans ses fonctions par
le gouvernement provisoire , avec
le titre de ministre des finances. Il
fit rendre un décret qui réduisait le
papier-monnaie des deux tiers de sa
valeur, et, par un impôt extraordi-
naire sur la propriété inmiobilière, il
pourviit aux besoins les plus urgents,
PRt
surtout aux exigences des généraux
français, alors arbitres du Piémont.
Cette mesure lui attira la haine de la
noblesse, qui, à cette époque, comptait
presque tous les grands propriétaires.
Il dut se soustraire par la fuite à leur
vengeance, lorsque les Autrichiens
occupèrent le Piémont en 1799. Après
la bataille de Marengo, il rentra au
département des finances, mais il ne
le conserva que peu de temps, par-
ce que le Piémont fut annexé à la
France et divisé en départements.
Prina se rendit alors à Milan, capi-
tale de la république cisalpine, dont
dépendait le territoire de Novare. En
1802 il fit partie de la consulte ex-
traordinaire rassemblée à Lyon, et
s'y montra un des plus chauds parti-
sans de Bonaparte. Dans la dernière
séance, après la lecture de la nouvelle
constitution de la république ita-
lienne, Prina, dont le nom figurait
parmi les 74 membres du corps lé-
gislatif italien, demanda la parole et
lit sentir combien on avait droit d'es-
pérer qu'une constitution fondée sur
les intérêts et la situation de la
cisalpine lui permît d'atteindre ra-
pidement aux belles destinées qui lui
étaient promises. « Si la main qui
« nous a créés et défendus, ajouta-t-
« il, veut bien se charger de nous
« guider vers ce but, aucun obstacle
« ne peut nous arrêter, et notre con-
« iiancc doit être égale à l'admiration
« que nous inspire le héros à qui
« nous devons notre bonheur.» Cer-
tes un tel langage n'était pas d'un
républicain, et le souverain le plus
absolu en eût été satisfait; aussi,
•'i peine arrivé h Milan, Prina fut
nonnné ministre dos finances, place
dans laquelle il fut confirmé lors de
la formation du royaume d'Italie.
Nous ne pouvons mieux faire appré-
cier son ailministratiou qu'en citant
PRI
nne page des Mémoires tirés des pa-
piers d'un homme d'état ( tome VIII,
p. 430). « Prina, y est-il dit, souple
« instrument des exigences de Na-
« poléon, torturait son génie pour
« trouver les moyens de pressurer un
■ pays auquel on avait solennellement
■ promis tant de prospérité, et il
• acquérait la faveur de son insalia-
« bie maître au prix de la haine gé-
« nérale, ce qui devait plus tard le
« faire tomber sous les coups d'une
• populace furieuse et déchaînée. Les
« projets de ce ministre, qui fut pour
• rilalie ce que le trop célèbre abbé
• Terray avait été jadis pour la Fran-
« ce, n'étaient soumis à aucun genre
' de contrôle ; Napoléon voulait, il
« fallait obéir. Cependant toutes les
« ressources de son habileté tortion-
« naire se trouvaient épuisées avant
« qu'on renonçât à y recourir pour
«de nouvelles exactions; les amé-
« liorations imaginaires pompeuse-
• ment combinées afin de couvrir
« tant d'oppression réelle, et publiées
« dans les gazettes comme une preuve
« des soins paternels du monarque
« français, étaient pour la plupart ou
« suspendues ou abandonnées, d'au-
« tant plus que, de leur côté, les géné-
« raux français employaient tous les
• moyens en leur pouvoir d'épuiser
• le pays pour accroître leur propre
^« fortune. » Grâce à cette condescen-
dance pour toutes les volontés du
maître, Prina obtint les plus grandes
faveurs. Napoléon le créa successi-
vement membre du sénat, grand-aigle
de la Légion-d"Honneur, grand-digni-
taire de la Couronne-de-fer et comte
de Hempire. Lorsque des revers inouïs
eurent succédé k des triomphes pius
incroyables encore, la ville de Milan
fut une des premières où la réaction
se manifesta. Dégarnie de troupes
par le prince Eugène, qui avait à
LXX\1II.
PRI
65
combattre non «seulement Parmée
autrichienne, déjà bien supérieure
en nombre, mais encore le roi de
Naples, Joachim Murât, qui venait de
se joindre à la coalition, cette ville
fut pendant plusieurs jours livrée
aux désordres de rauarclue. Tandis
qu'on discutait au sénat le parti à
prendre dans ces conjonctures extrê-
mes, que les uns proposaient d'offrir
la couronne d Italie à un prince de
la maison d'Autriche, et que d'autres,
en plus grand nombre, proposaient
d'envoyer uue deputalion aux sou-
verains allies, afin d'obtenir le prince
Eugène pour roi, les républicains
agissaient sur la multitude par tous
les moyeos en leur pouvoir. A eux
se joignirent ceux qui avant tout
voulaient l'indépendance de l'Italie
sous une forme de gouvernement
quelconque. Parmi ces derniers figu-
raient le général Pinu, les comtes
Goufdlonieri, Boromei, Trivulzi, Fa-
gudui, etc., qui se réuiiireut de leur
propre autorité en cornue directeur,
et signèrent uue deiibératiou par la-
quelle les collèges électoraux furent
convoqués. Ennemis d'Eugène Beau-
harnais, lis voulaient surtout empê-
cher la députatiou d'aller, au nom
du sénat, demander ce prince pour
roi. Aussi, lorsque, le 20 avril 1814,
les membres de cette députation
furent nommés, il se forma des ras-
semblements considérables autour du
palais où se tenaient les séances.
Guidés par Frédéric Gonfalonieri, les
conspirateurs font bientôt irruption
dans la salle, crient, menacent, pré-
sentent au président Veueri la déli-
bération prise le jour précédent par
le comité, exigent la convocaiion des
collèges et le rappel de la députatioD.
Les sénateurs eflrayés accordeuttout,
et l'assemblée est dissoute. A peine
ont-ils quitté leurs fauteuils, que
66
PRÏ
Grtnfalonieii se jette sur ]e por-
trait (le NapoUîOU, le déchire à coups
(le parapluie, tandis que la populace,
enhardie par cet exemple, brise les
meubles et les lance par la croisée. Ce
premier exploit accompli, la foule
sort en tumulte, et quelques voix
ayant crié Melzi^ Melzil elle se
dirigeait déjà vers la demeure de
ce dernier, lorsque, pour détourner le
danger, un de ses amis cria Prina,
Prina! A ce nom bien plus détesté,
on se dirigea par une pluie battante
vers la demeure du ministre, qui ce
jour-là n'avait pas assisté à la séance
du sénat, et qui, prévoyant ce qui
devait arriver, se préparait à partir
pour Novare, où il possédait des biens
considérables. Averti du danger, Pri-
na se cache dans un cabinet; mais il
est bientôt découvert par ces fu-
rieux, malgré les efforts du général
Peyre; et, tandis que les uns pillent
sa maison, les autres le dépouillent,
le. frappent et l'entraînent, une cor-
de au cou, par la rue del Marino,
sous les yeux des douaniers que la
frayeur rendimmobiles. Un marchand
de vins seul a pitié de l'infortuné
ministre, et, saisissant un moment
favorable, l'arrache tout sanglant aux
mains des assassins, et le fait entrer
dans son magasin. Alors les canni-
bales hurlent et menacent d'incen-
dier la maison ; ce que voyant, Prina
se livre à eux en disant : « Assouvis-
« sez votre rage sur moi, puisque
■ vous m'avez déjà immolé en quel-
« que sorte, mais que je sois votre
« seule victime. » A peine avait-il fini
ces mois, qu'il fut terrassé et mis eu
pièces à coups de parapluie. C'était
le 20 avril vers quatre heures après
midi. Son cadavre fut accablé d'ou-
trages, et traîné dans les rues à la
lueur des torches. Telle fut la lin mi-
sérable de ce nunistro, coupable scu-
lement d'un dévouement aveugle et
sans bornes pour Napoléon et l(»
prince Eugène. Cet attentat ne fut
pas même l'objet d'une enquête, et
les auteurs en restèrent impunis.
Prina était célibataire et n'avait
qu'un frère , qui hérita de toute sa
fortune. A— y et G— g— y.
PRINCE ou plutôt PRENCE
(Thomas), néen Angleterre vers 1601,
quitta son pays natal en 1021 pour se
rendre dans les colonies de l'Améri-
que Septentrionale. En 1C34, trois
ans après son arrivée dans la colonie
de Plymouth , il en fut nommé gou-
verneur, poste qu'il conserva, à quel-
ques intervalles près, jusqu'en 1672.
Distingué par son impartialité comme
magistrat, Thomas Prince, se faisait
remarquer par un zèle ardent contre
tous ceux qui ne partageaient par ses
opinions religieuses, et qu'il confon-
dait dans une même dénomination
([''hérétiques. Mais c'était surtout eu-
vers les quakers qu'il manifestait une
violente antipathie. Il avait été l'un
des premiers colons de Nausset oh
Eastham, et mourut à Plymouth au
mois de mars 1673. — Prince (Tho-
mas), d'une autre famille que le pré-
cédent, était petit-fils d'Elder John,
prince de Hull, qui vint dans les co-
lonies anglaises de l'Amérique Sep-
tentrionale en 1633. Néà Sandwich, le
15 mai 1687, Thomas Prince fut élevé
au collège d'Harvard et embrassa
la carrière ecclésiastique. En 1709 il
se rendit en Angleterre et obtint de
tels succès par ses prédications, qu'on
lesollicitavivementàs'établirdansce
pays; mais le désir de revoir sa patrie
le porta à refuser toutes les offres
qui lui furent faites. Peu (rann(Vs
après son retour en Amérique, il fut
nommé pasteur de l'église de Boston
(1718), fonctions qu'il exerça jusqu'à
sa mort, arrivée le 22 octobre 1758.
PRl
Thomas Prince est représenté comme
un homme laborieux et e'rudit, très-
versé dans la connaissance des lan-
gues anciennes. Depuis 1703, lors-
qu'il était encore au collège, jusqu'en
1754, il avait formé sur l'histoire ci-
vile et religieuse de la Nouvelle-An-
gleterre une collection de documents
précieux qui ont été brûlés par les
Anglais pendant la dernière guerre.
Outre un grand nombre de sermons,
dont six ont été publiés après sa mort
par les soins du D'' Jean Erskine d'E-
dimbourg, on doit à Thomas Prince :
I. Mémoire sur la première appari-
tion de l'aurore boréale. II Histoire
chronologique de la Nouvelle-Angle-
terre, en forme d'annales. Il n'a paru
que le tom. l^"", 1736, in-12, et en
1755 les trois premiers numéros du
tom. II. L'auteur se proposait de don-
ner un récit sommaire de tous les
événements qui se sont passés depuis
la découverte de Gosnold, en 1602,
jusqu'à l'arrivée du gouverneur Bel-
cher, en 1730*, mais il n'a pu amener
sa narration qu'à l'année 1633. Dans
son introduction il fait remonter son
ouvrage à la création du monde. III.
Histoire du rétablissement de la re-
ligion à Boston, 1744. IV. Livre des
Psaumes de la Nouvelle-Angleterre.,
revu et amélioré, n^S. Ces deux ou-
vrages ont été insérés dans V Histoire
chrétienne^ publiée en 1744, 2 vol.
in-S", par Thomas Prince, son fils,
mort au mois d'oct. 1748, à peine âgé
de 28 ans. Le Livre des Psaumes a été
réimprimé plusieurs fois. — Prince
(Nathan), frère du précédent, étudia,
comme lui, au collège d'Harvard; puis,
étant entré dans les ordres, fut d'abord
ministre à Boston, ensuite aux Indes-
Occidentales, où il mourut à Ratlan,
en 1748. On a de lui xiue Notice de la
constitution et du gouvernement du
collège d'Harvard., depuis sa fonda-
PRl
67
tlon en 1636, jusqu'à Van 1742, qu'il
publia au sujet d'une bourse qu'on lui
avait accordée dans ce collège et qui
lui fut retirée, sans doute à cause de
son opposition à l'église épiscopale.
Nathan Prince, qui paraît avoir fait de
grands progrès dans les mathémati-
ques et laphilosophie,a publié, outre
l'ouvrage qui vient d'être mentionné,
un Essai sur la solution des difficul-
tés relatives à la résurrection, nu.
D— z— s.
PRIXCE(JoB?i), théologien et bio-
graphe anglais, né à Axminster, dans
le comté de De von, fut vicaire de Ber-
ney et membre de la Société des Anti-
quaires. Il s'était donné beaucoup de
peine pour composer une biographie
limitée à la province où il avait reçu
le jour, et il en publia, en 1701 , le
premier volume in-folio; mais cet ou-
vrage fut si froidement accueilli que
l'auteur ne crut pas devoir donner le
second tome, bien qu'il fût préparé
pour l'impression. Cette indifférence
du public a valu à J. Prince une men-
tion dans les Infortunes des littéra-
teurs (Calamities of authors), d'Is-
raeli. Prince étant mort en 1720, son
livre, intitulé : Les grands hommes du
comté de Devon (the Worthies of De-
vonshire), devenu extrêmement rare,
fut recherché, mis à très-haut prix ,
et enfin réimprimé avec des additions
et des figures, Londres, 1809, in-4o.
On a de lui plusieurs sermons et d'au-
tres écrits, notamment celui qui porte
ce titre singulier : De l'imprudence et
de la déraison des raisons de pruden-
ce alléguées pour l'abolition des lois
pénales: et Lettre à un jeune théolo-
gien, contenant quelques courtes in-
structions pour la composition et le
débit des sermens. — Prince {Da-
niel), libraire anglais, né vers 1710,
dirigea l'imprimerie de l'université
d'Oxford, et mourut(}ans cette villeen
m
PRI
PRI
t796. C'était un homme très-inslruit
et nn habile typographe. On hti doit
de belles (éditions d'ouvrages impor-
tants, entre autres : Marmara Oxo-
niensia (les Marbres d'Arundel) par
Rich. Chandler, Oxford, 1763, in-fol.',
les Commentaires de Guill. Blaks-
tone sur les lois d' Angleterre , 1765
et années suivantes, 4 vol. in-i" ; la
Biile hébraïque àe. Kennicott, 1776-
1780, 2 vol. in-fol., etc. L.
PIIINSEP ( James) , savant an-
glais, non moins célèbre comme litté-
rateur que comme numismate, archéo-
logue et orientaliste, naquit en 1800,
dans une famille nombreuse. Après
avoir achevé ses études scolastiques,
il semblait vouloir consacrer sa vie
aux sciences physiques et naturelles;
mais envoyé, dès l'âge de vingt ans,
dans le Bengale, il obtint un emploi à
l'hôtel des monnaies de Benarès. Il se
prit bientôt d'une telle passion pour
les antiquités indiennes, qu'il étudia
les monumentsde cette ville sainte ries
sectateurs de Brahma: il les mesura,
les dessina et employa les soins les
plus actifs afin d'en assurer la con-
servation, et les moyens mécaniques
les plus hardis pour restaurer les
minarets de la mosquée musulmane
que l'empereur mogol Aureng-Zeyb
(tjoy. ce nom, m, 78) y avait fondée
dans le but d'insulter les Hindous.
Prinsep publia plus tard le résultat
de sesrecherches et de ses opérations
sous le titre à^ Illustrations de Be-
narès. Appelé à Calcutta, il y rem-
plaça connue maître de la monnaie,
enl831,M.H.Wilsonquivenaitdere-
tourneren Europe, etii recueillit son
héritage littéraire en lui succédant,
la même année, dans la place dese-
crétairede la société asiiitique<le Cal-
cutta, dont il était un des membres les
plus distingués, il remplit avec au-
tant dcKèle que^e ponctualité les de-
voirs de ces doubles fonctions, dont
les premières étaient sous sa respon-
sabilité. L'état des finances de cette
société ayant arrêté la continuation
des Asiatic Researches qu'elle pu-
bliait (iiepnis plusieurs années, Prin-
sep fonda, à ses frais, le Journal de
la société asiatique du Bengale, re-
cueil neuf et intéressant où s'enre-
gistrent toutes les découvertes qui,
depuis quelques années, ont enrichi
les sciences naturelles et historiques,
à la culture desquelles la rare sou-
plesse de l'esprit de Prinsep lui per-
mettait de se livrer tout à la fois. Il se
chargea de la nombreuse et pénible
corresp»ndance qu'exigeait cette en-
treprise, ainsi que de la rédaction
des articles les plus importants des
Mémoires sur la géographie, l'his-
toire naturelle et les antiquités de
l'Orient. On y trouve les résultats
de ses beaux travaux sur les ancien-
nes inscriptions indo-scythiques,et
bactriennes, que personne avant lui
n'avait pu déchilfrer, et par le moyen
desquelles il est parvenu à assigner
une date à un grand nombre de mo-
numentsd'une haute antiquité. Ce re-
cueil est un des meilleurs qui aient ja-
miiis paru. Prinsep y a gravé, de ses
propres mains, plusieurscentaines de
planches dont il l'a enrichi, et qui
représentent des monnaies, des anti-
quités, etc. Ce journal devint bientôt,
en quelque sorte, le iimsée de l'In-
de; car il réunit en deux années plus
de matériaux historiques que les
Asiatic Researches n'en avaient re-
cueilli pendant 40 ans; un tel succès
répondit au zèle de Prinsep. En
1834, le général Allard vint somnet-
tre à la société asiatique de Calcutta
la collection de médailles que le gé-
néral Ventura et lui avaient rassem-
blées dans les états du roi de La-
hor. Prinsep, qui s'était livré avec
PRI
ardeor et succès à l'étude de la nu-
mismatique bacirienne et indo-scy-
thique , et qui e'tait parvenu à ré-
soudre sur cette matière un grand
nombre de diflicultés, mit en ordre
la collection des deux généraux
qu'il avait rendue plus complète, au
moyen de quelques échanges faits
avec eux, et il y joignit un catalogue
sommaire destiné à servir d'index
pour les recherches et la classification
systématique des pièces. On doit re-
gretter que sa modestie l'ait empêché
d'en rédiger un catalogue niimisina-
tiquecompletetanalytiqiie.Enl834et
1836, il publia, en 2 vol. in-S", les Ta-
bles du Journal de la société asiatique
de Calcutta, contenant les nionnaies>
poids et mesures de l'Inde britan-
nique, avec la chronologie et les
généalogies de toutes les dynasties de
l'Inde ancienne et moderne, ouvrage
fort utile à tous ceux qui s'occupent
de recherches historiques sur l'O-
rient (1). En remerciant la société
asiatique d(» Paris qui, eu 1835, l'a-
vait nommé un de ses membres asso-
ciés étrangers, Prinsep lui annonça
l'envoi de Vindex des 18 volumes des
Transactions de la société asiatique
du Bengale, pour celle de Paris, et du
Kaghyour , compilation des livres
sacrés des bouddhistes. En 1836, il ne
se contenta pas de donner, comme
secrétaire, ses soins assidus à la
publication des chefs-d'œuvre des
liitéiatures sanscrite, arabe et per-
sane, et surtout aux éditions du
Mahdbharata , épopée classique des
Hmdous, en sanscrit, et du Radja-
(i) On en trouve l'analyse d;ias !e Journal
asiatique de Paris, dout la table des matières
a cuufoiiJu l'auttur avei- H. -TU Priusep,
anfr«* orienfifliste anglais, auteur d'une Bio-
grapliie d' Amir- Khan, nabab de Seroudj, Cal-
cutta, iS32, in-.S'-'; et d'un ouvjajjesur VOri-
L'ine de la puissance des S»iks et la Vie poli-
tique de Randjit-Singh, Calcnila, i83i, iii-8"
PRI
69
tarangini, célèbre chronique du
Cachemire, qui avaient été ordon-
nées par la société asiatique de Cal-
cutta. Le gouvernement de l'Inde an-
glaise ayant cessé d'accorder des Tjuds
d'encouragement pour ces publica-
tions, Prinsep s'engagea personnel-
lement pour 50 mille francs, et se
chargea de tous les ouvrages com-
mencés. 11 continua d'en payer tontes
les dépenses jusqu'en 1830. Alors la
Cour des directeurs alloua une sub-
vention pour les frais des impressions
orientales et pour la liquidation de
ceux qui avaient été faits jusqu'à ce
jour. Dans l'intervalle , la société
asiatique de Paris ayant offert à celle
de Calcutta de contribuer à ces dé-
penses, et de faciliter le placement
et le débit des ouvrages orientaux
imprimés dans l'Inde, Prinsep, par
sa lettre du 7 janvier 1837, adressa
des remercîments au nom de ses
co-sociétaires, et annonça l'envoi de
8 caisses de livres expédiés à Paris,
tant pour la société asiatique de
cette ville que pour y être vendus au
compte de celle de Calcutta. Le 15
octobre de la même année, il écrivit
àM.Troyer, agent de la société asia-
tique du Bengale auprès de celle de
Paris, pour qu'il l'informât qu'on
s'occupait à Calcutta de la copie, de-
mandée par les orientalistes parisiens,
des Vedas ou, en sanscrit, Weï-tho
(discours de sciences), bases de la re-
ligion de Brahma. Prinsep n'était
pas moins recommandable par ses
qualités morales et par la bonté de
son caractère que par ses talents et
son érudition. Toujours actif, désin-
téressé, exemjit de jalousie et de va-
nité, il aidait de ses lumières, de ses
recommandations et de ses mt)yens
les savants de toutes les nations qui
voyageaient dan» l'Inde, ainsi qm. les
orientalistes, entre autres îc \evno
70
PRl
Jacquet (voy. ce nom, LX VIII, 49).For-
ce par une grave maladie d'interrom-
pre les travaux qui l'avaient illustré,
et d'abandonner un poste qu'il occu-
pait si dignement, il tomba dans un
état de langueur de'plorable, en 1839.
Il s'embarqua précipitamment pour
aller respirer l'air de l'Europe 5 mais il
fut frappé de paralysie sur le vaisseau,
et y mourut le 20 avril 1840, avant
d'avoir accompli sa 40° année. Son
corps fut ramené à Calcutta où une
foule immense assista, le 30 juillet,
à ses obsèques. Une souscription pro-
duisit une somme considérable pour
lui ériger un monument. C'est auzèle
et à l'infatigable persévérance de
Prinsep, pour les progrès de la litté-
rature orientale en Europe et en Asie,
que la société asiatique de Paris doit
la continuation des ouvragessanscrits
dont la publication avait été commen-
cée, puis abandonnée par le gouverne-
ment anglais. Elle a reçu des dignes
successeurs de ce savant environ 70
volumes de copies des Vedas et des
écrits qui s'y rapportent, et qui appar-
tiennent aujourd'hui à la Bibliothè-
que royale de Paris. On y trouve un
spécimen de la copie du texte et du
commentaire de Rigveda, sur lequel
Prinsep avait désiré connaître l'opi-
nion de la société. A— T.
PRIOCCA (le chevalier Clément
Damianode) naquit à Turin le 23 fé-
vrier 1749. Son père était chevalier
<le l'ordre suprême de l'Aniionciade,
et sa mère appartenait à la noble fa-
mille des Furni, dont une branche,
établie en Espagne, a la grandessede
première classe. Quoique les familles
nobles du Piémont préférassent, à
cette époque, de faire suivre à leurs
enfants la carrière militaire, on des-
tina le jeune Priocca à la magistra-
ture. Reçu avocat à l'université do Tu-
rin, il en l'ut nommé recteur. D'abord
PRI
référendaire au conseil d'état, il fut,
peu de temps après, élevé au rang de
sénateur. Il se montra magistrat
éclairé, et défenseur zélé des droits
du souverain , ce dont il fut récom-
pensé par sa nomination de ministre
à Rome, où il réussit à rétablir la
bonne harmonie entre les deux cours.
La révolution française ayant éclaté
et menaçant l'Italie, Charles-Emma-
nuel, qui en redoutait l'influence pour
son peuple, voulut former une coali-
tion italienne. Le souverain pontife et
le roi de Naples répondirent à ses
vœux; mais Venise, lâche ou corrom-
pue, rejeta toutes ses prières. Le roi
de Sardaigne soutint une lutte de
quatre ans. Délaissé par tous ses al-
liés, il signa l'armistice de Cherasco
(24 avril 1796) qui fut suivi du traité
de paix du 25 mai suivant. Le calme
se rétablit en apparence, mais le Di-
rectoire français ne cessa de miner la
puissance royale en Piémont. Des sé-
ditions éclatèrent bientôt sur plu-
sieurs points, et les généraux français
les favorisèrent par tous les moyens,
dans le temps môme où ils faisaient
des protestations contre les insurgés.
Charles-Emmanuel n'était pas dupe
de ces manèges; il appela au ministère
le chevalier de Priocca, et nomma le
comte de Balbi son ambassadeur à
Paris. Si le Piémont eût pu élra sau-
vé , ces deux hommes seuls étaient
capables de le faire. Mais les insurrec-
tions se multipliant, le Directoire dé-
clara de nouveau la guerre au roi de
Sardaigne, quand déjà les généraux
français s'étaient emparés de la capi-
tale, et le monarque se vit forcé de
fuir. Alors Priocca publia au nom
de son maître la déclaration du 7 dé-
cembre 1798, où, après avoir (létri les
actes du gouvernement français, il
dit hautement : • Le roi sait qu'il a
« rempli tous ses devoirs; fidèle à ses
PRI
• amis, père (le son peuple,il veut que
« to«t le inonde sache que sa conduite
« a toujours été loyale et sincère ,
«qu'il n'a nullement provoqué le
« Directoire , et qu'il est étranger
■ aux malheurs qui frappent ses su-
• jets. • Cette noble conduite excita
l'admiration de tous les souverains
de l'Europe et la haine des ennemis
de Priocca. On l'accusa plus tard
de ne pas avoir conseillé au roi de
continuer la guerre, mais voici ce
qu'il écrivait lui-même à l'historien
Denina : • Persuadé que la défense
■ était inutile, je lis la déclaration du
■ 7 décembre 1798. Sur le principe :
« tout est perdu hors l'honneur, pour
■• sauver l'honneur du roi, il n'y avait
-> qu'à donner uu démenti solennel
« aux accusations qu'on portait cou-
• tre lui. On l'appelait traître , on le
« disait intidèle ,à ses engagements.
« Devais-je laisser déchirer sa répu-
« talion? devais-je souffrir qu'un in-
• nocent fût victime de sa bonne foi?
-• Mourons si Dieu le veut, me disais-
« je eu moi-même, mais au moins ne
« méritons pas d'être appelés lâches;
« éloignons de nous le soupçon d'avoir
« sacrifié les intérêts du peuple. Qu'on
• connaisse la vérité, et advienne ce
« qu'il pourra. La rédaction de madé-
« claraticyi est une preuve positive de
a ce gue j'avance. «Au grand étonne-
ment de tous ses sujets le roi, obsédé,
renonça alors au trOne , et désap-
prouva la conduite de sou ministre.
Son dernier acte d'autorité fut d'or-
donner au chevalier de Priocca d'alicr
s'enfermer dans la citadelle de Turin,
et d'y rester comme otage de la pa-
role qu'il avait donnée de renoncer à
la couronne. Le chevalier obéit: il se
livra aux Français et aux républi-
cains piémontais.ses ennemis décla-
rés. Après deux ans de détention, où
il fut plusieurs fois menacé, on l'en-
PRI
71
voya à Grenoble, puis à Dijon. Ayant
obtenu la permission de passer en
Espagne, il demeura pendant quel-
que temps à Barcelone et s'y embar-
qua pour aller rejoindre Charles-
Emmanuel , revenu en Toscane. Il
en fut bien accueilli, et reçut un bre-
vet pour une pension, qu'il refusa,
bien qu'il n'eût point alors de for-
tune. Après la bataille de Marengo,
qui renversa les espérances des roya-
listes. Priocca alla s'établir à Pise, et
il ne revint il Turin que vers 1810. H
mourut dans cette ville le 5 février
1813, lorsque le retour de son souve-
rain ne devait pas tarder à combler
ses vœux. Le chevalier de Priocca est
l'auteur 1° d'une lettre qui fut pu-
bliée par le comte Napione à la tête
de sa traduction italienne des Quœs-
tiones Tusailanœ ; 2" d'une préface
et de quelques notes sur la disser-
tation publiée par le même Napione
sur la patrie de Christophe Co-
lomb. Il fut lié avec tous les savants
et les littérateurs piémontais ses con-
temporains. Le professeur Boucheron
a fait son éloge dans le livre intitu-
lé : De Clémente Damiano Priocca
narratio, ad V. A. Prosperum Bal-
bum. Turin, 1815. Le plus bel éloge
de cet homme d'état est celui qu'on
trouve dans VHistoire d'Italie, par
Charles Botta, qui y déclare quil se
fait gloire d'être le eoneitoyen de
Priocca. Az — o. '
PRISCL'S (lÏELViDius), sénateur
romain, gendre de Thraséas {voy. ce
nom , XLV, 537-38) , fut enveloppé
dans la persécutic^n de son beau-père
etbanni sous le règne deKéron, après
la mort duquel il revint à Rome et
reprit sa place au sénat. Mais . élevé
dans les principes de l'école stoïcien-
ne, il poussa trop loin les idées d'in-
dépendance, et sa conduite à l'égard
de Vespasieu dégénéra en in.^ultf.
72
PRI
Ce prince crut voir dans ces attaques
les indices d'un complot: Priscus fut
arrêté, mis en jugement et condamné
d'abord à la déportation; plus tard
on arracha de l'empereur l'ordre de
le tuer, ce qui eut lieu vers l'an 75
(voy. Vespasien, XLVIII, 316, 321-
22). — Priscus {Helvidius), fils du
précédent, s'attira la haine de Domi-
tien par un poème allégorique dans le-
quel, sous les noms de Paris et d'OE-
none, il faisait la satire du divorce de
Tempereur. Accusé de haute trahison
devant le sénat , traîné en prison par
un de ses collègues, il fut mis à mort
l'an 94, et son livre fut briilé publi-
quement. Un écrivain qui avait parlé
avec éloge de Thraséas et d'Helvidius
le père subit le même sort {voy.
DoMiTiEN, XI, 533). —Un chevalier
romain,. nommé Lutorius Priscus,
fut décapité sous le règne de Tibère,
pour avoir composé des vers sur la
mort de Drusus, fils de l'empereur.
Ce jeune prince était dangereusement
malade , mais il guérit, et l'action du
poète fut présentée comme un crime
de lèse-majesté {voy. Tibère, XLVI,
.11). ^ Priscus, frère de l'empereur
Philippe (voy. ce nom, XXXIV,
87), futnommé par lui gouverneur de
Syrie; mais son administration op-
pressive excita un soulèvement dans
cette province, et il fut rappelé.
L'empereur lui confia cependant en-
core le gouvernement de la Macé-
doine, qui ne tarda pas à être ravagée
par les Gotjis. Aussitôt que Priscus
eut appris la mort de son frère, en
249, il se joignit aux barbares; et, à
l'exeuiple de Marinus, de Pacatien
{voy. ces noms,XXVH, 170, XXXII,
.324), il prit le litre d'empereur;
mais Dèce était déjà reconnu àRouie,
et Priscus, déclaré ennemi de la pa-
trie par un sénatus-cousulte , lut tué
peu de temps après. — Priscus , in-
PRI
génieur célèbre, résidait à Byzance
en Thrace, lorsque cette ville fut prise
l'an 196 par les troupes de l'empe-
reur Septime-Sévère {voy. ce nom,
XLII, 168). Ce prince, irrité de la
longue résistance des assiégés ,
abusa cruellement de la victoire : il
ordonna de mettre à mort tous les
soldats et les magistrats ; les mu-
railles et les monuments publics fu-
rent renversés , les biens des habi-
tants confisqués et vendus. La répu-
tation de Priscus le préserva de cette
spoliation générale. Sévère se l'atta-
cha, tira parti de ses talents , et lui
témoigna toujours beaucoup de bien-
veillance. — Priscus, rhéteur et so-
phiste, surnommé Panites., parce
qu'il était de Panium en Thrace , fut
envoyé, l'an 447, avec d'autres dé-
putés, par Théodose II, auprès d'At-
tila , roi des Huns, qui, ayant envahi
plusieurs provinces de l'empire d'O-
rient , menaçait Constantinople , et
dont on ne put arrêter la marche
qu'en souscrivant à des conditions
aussi humiliantes qu'onéreuses (roy.
Attila, II, 629). Priscus mourut en
471. Outre des épîtres et des décla-
mations, il avait composé une histoire
de Constantinople , dans laquelle il
rendait compte de sa mission auprès
du roi des Huns. Il n'en reste que des
fragments conservés dans le livfe des
ambassades {Eclogœ Legationum) ,
attribué à l'empereur Constantin
Porphyrogencte, et dont David Hœs-
chel donna une édition en grec ,
Augsboiirg, 1603 , in-4°. Ch. Cante-
clair en publia une traduction latine,
avec des notes, Paris, 1609, in-8".
Cette version se retrouve dans les
Excerpta de Legationibus , avec les
notes de Henri de Valois et le Pro-
trepticon de scriptoribtu byzantinis
du P. Labbe, Paris, 1648 , in-fol. —
Plusieurs autres personnages du nom
PRI
de Priicut ont reiipli dÏTerses fonc-
tions dans les armées ou dans la ma-
gistrature romaine. L'histoire men-
tionne encore un Pkiscls, philosophe
platonicien, que l'eiiipereur Julien
appela à sa cour, et avec lequel , au
rapport d'Ammien Marcellin, il s'en-
tretint , dans ses derniers moments ,
sur l'immortalité de l'àme. Ayant
éprouvé des désagréments sous le rè-
gne de Valens, Priscus retourna dans
la Grèce , sa patrie , où il vécut jus-
qu'à l'âge de 90 ans. On prélend qu'il
fut tué par les Goths, lorsque , con-
duits par Alaric, leur roi, ils dévas-
tèrent cette contrée, vers l'an 396. —
Un des généraux de l'empereur Mau-
rice, nommé Priscus, dont la dureté
et l'imprudence causèrent une insur-
rection dans l'armée, a été confondu
par quelques biographes avec Cris-
pu», gendre de Phocas , au renverse-
ment duquel il contribua {voy. Mao-
BicB, XXVII, 553, et Phocvs, XXXI V-
211). P— RT.
PR1SSE( Louis-François-Joseph,
jurisconsulte, né à Avf sues le 2 mars
1760, fut destiné par ses parents à
l'état ecclésiastique, pour lequel il
n'avait aucune vocation, et préféra
la carrière du barreau. Il fit ses élu-
des au collège de Douai, et reçut son
diplôme d'avocat à l'université de la
même ville. Après avoir prêté le ser-
ment au parlement de Flandre, il
exerça successivement les fonctions
de notaire à Givet, d'avocat à la pré-
vôté d'Agiraont, ensuite à Rocroi où
il fut iiomuié, le 16 juin 1790, secré-
taire de i'admiuisiraiiun du d;-6trict,
et le 4 nov. 1791, membre du direc-
toire. C'est dans ces fonctions et par
des rapports lumineux, qu'il tit con-
naître et développa toute la profon-
deur de ses talents administrutjfe. 11
fut ensuite juge au tribunal du même
district , puis nommé, par les repré-
PRI
73
Sentants du peuple Hentz et Laporte,
commissaire pour l'organisation judi-
ciaire du district de Couvin, réuni à
la France par décret du 8 mai 1793.
Le tribunal de Rocroi ayant été
supprimé. Prisse fut nommé juge au
nouveau trittunal du département, le
15 déc, 1795. C'est alors qu'ayant
éprouvé quelques persécutions, il
offrit sa démission. Merlin, qui était
ministre de la justice, ne l'accepta
pas, et lui proposa un des premiers
emplois de son ministère, ce que
Prisse refusa. Persistant à se démet-
tre, il se contenta de la place de
deuxième substitut du commissaire
du gouvernement, qu'il conserva jus-
qu'à ^ suppression en 1798. Revenu
à Rocroi après la suppression du tri-
bunal du département, il y reprit son
ministère d'avocat ; et , par décret
du 12 décembre 1806, il y fut nom-
mé magistral de sûreté. Cette place
ayant été supprimée, il fut nommé
juge d'instruction, puis procureur im-
périal, procureur du roi, et sur la fia
deses jours encore une fois juge d'ins-
truction. A une vaste érudition Prisse
joignait une mémoire extraordinaire
et un jugement sain et droit. Il avait
une connaissance profonde du droit
ancien et nouveau et du droit cano-
nique. Une piété sincère, une vive
sensibilité, le portaient à adoucir
la sévérité des lois ; enlin sa pro-
bité était passée en proverbe. Sa-
vant juriscousulte, il fournit à .Mer-
lin, en 1789, un travail important
sur l'admini^itration de la justice et
la vénalité des charges, dont déjà
on connaissait les abus. • Je suis
« très - reconnaissant de l'offre que
• vous me faites ( lui écrivait Mer-
< lin le 31 niai 1789) du fruit de
« vos travaux et de vos recherches
« relativement à l'administration de
« la justice et à la vénalité des char-
74
PRl
« gcs ; j'en profiterai avec un grand
« plaisir lorsque le moment sera
« venu ; malheureusement nous som-
« mes encore loin de là. La divi-
« sion qui règne entre les trois or-
« dres ne nous a pas permis de
• nous occuper de la moindre cho-
« se. » Prisse avait aussi fourni à
Merlin, sur les coutumes des pays de
Lie'ge et de Hainaut, plusieurs arti-
cles savamment rédigés, et qui ont
été insérés dans le Répertoire de ju-
risprudence de cet auteur (1). H a
laissé en outre divers manuscrits sur
les coutumes anciennes et une notice
statistique des arrondissements de
Piocroi et de Dinant sous le rapport ju-
diciaire. Sa sensibilité était telle que,
voyant un jour entrer chez lui le fa-
meux terroriste Lécole, de Givet,
qui venait réclamer son appui, il fut
si ému à l'aspect de cet affreux per-
sonnage, qu'il en lit une grave ma-
ladie. Cette extrême susceptibilité lui
faisait rechercher la retraite et fuir
le monde 5 c'est par ce motif qu'il
refusa une mission en Belgique, qui
lui fut offerte par les représentants
Briés et Haussmann, et, à plusieurs
reprises, la place de conseiller à la
cour royale de Metz. Il mourut le 20
sept. 1832, des suites d'une chute
qu'il avait faite plusieurs années au-
paravant, et par laquelle il avait eu
l'épaule fracturée. Il fut vivement re-
gretté des habitants de cette contrée,
où il avait pendant plus de 40 ans di-
rigé l'administration de la justice
avec une probité et un zèle dignes
d'être proposés pour modèle. M— D j.
PIIITZ (Jean-Gf.orges), en latin
Pritius, théologien luthérien, né le
(i) Merlin, aussi hou s]iôciilati'iir que
jurisconsulte, a grossi son Héperloire de ce
grand nombre (l'urlidcs (Icvi-n lis ù peu près
inutiles sur les coutumes do l''l;inclre et du
Haiuaut. L — m — x.
PRl
22 septembre 166a<à Leipzig, fit ses
études dans cette ville dont le sénat
le nomma , en 1G90 , prédicateur de
l'église de Saint-Nicolas. Quelques
années plus tard, il reçut le doctorat,
et alla professer la théologie et la
métaphysique à Zerbt , puis il de-
vint surintendant à Schlaitz et cha-
pelain du comte de Reuss. En 1707,
au retour d'un voyage qu'il avait fait
en Hollande et en Angleterre , il ob-
tint une chaire de théologie à l'uni-
versité de Gripswald ; et, en 1711, il
fut appelé à Francfort- sur-le-Mcin ,
pour y être placé à la tète du minis-
tère ecclésiastique. C'est là qu'il mou-
rut le 24 août 17,32. Pritz avait tra-
vaillé aux^lcifaeruditorujiide Leipzig.
Outre des sermons et des écrits de
dévotion, on a de lui, en allemand,
des Essais d'éloquence, lant en prose
qu'en vers, Leipzig, 1702, in-l2 ; la
Doctrine delaprédeslination , Franc-
fort, 1712, in-8". Parmi les ouvrages
qu'il a composés en latin , nous cite-
rons : I. De contemptu divitiarum
atque facultatum apud antiquos phi-
losophos^ Leipzig, 1693, in-4''. IL
Dissertatio de atheismo, et inse fœdo
et humano generi noxio, Leipzig,
1G95, in-l". m. De prœrogativa
sexus masculini prœ (cmineo, Leip-
zig, in-4". IV. Dissertatio de quœs-
tione: quantum conférât erudiiio ad
felicitatemhumanam, Leipzig, 1G97,
in-C- V. Iniroduclio in lectionem
NoviTestamenti,Leip7.ïg^ 1704,1722,
1714, in-8". VI. De amorc Dei puro
in causa Fenelonii, in-4". Wl.Dispu-
tatio de enthusiasmo Malehranchii,
1710, in-4". Pritz a tra(hiit de l'an-
glais en allemand : 1" Voyage de
Suisse , d'Italie et de quelques en-
droits d'Allemagne et de France, par
Gilbert Burnet, avec une préface sur
le Quiétisme, Leipzig, 1093, in-12;
2° Essai historique et politique sur
PRl
la vie de Marie II, reine d'Angle-
terre, par le même, Leipzig, 1696 ,
in- 12. Z<> V Immortalité des hommes
sur la terre, par Jeaa Asgill {voy.ce
nom, II, 574) , Leipzig, 1702, in-12.
Pritz en publia une réfutation sous
ce titre : De immortalitate hominis
contra Asgilum, in-4<', et composa
sur le même sujet : De translatione
in vitam œternam sine transitu per
morlem, iu-4°. Il a aussi traduit du
français en latin l'ouvrage de Huet
sur la situation duparadis terrestre,
Leipzig, 1694, ia-12, et à la suite de
la Demonstratio êvangelica , impri-
mée la même année à Leipzig, in-4°.
Enfin il a donué des éditions de plu-
sieurs ouvrages, entre autres des
Lettres latines de Milton, Cromwell,
etc., adressées à ditlérents princes de
l'Europe, Leipzig, 1699 , in-12; des
OEuvres de saint Macaire d'Egypte,
en grec et en latin, Leipzig, 1698,
1699, 2 vol. in-8'^;du Nouveau Testa-
ment, en grec, avec cartes géogra-
phiques , etc., Leipzig, 1702, 1709 ,
1714, in-12. P— BT.
PRIVAT (Jean-François), géné-
ral français, était sous-ofticier dans
un régiment d'infanterie avant la ré-
volution. 11 en adopta les principes
avec beaucoup d'ardeur, devint of-
ficier, puis aide-de-camp du général
Hoche, et enfin général de brigade
et général de division. Il fit en ces
différentes qualités, avec beaucoup
de distinction , les guerres d'Alle-
magne, de rOuest, d'Espagne et de
Russie. Il était inspecteur- général
dans la place de Torgau eu 1814,
lorsqu'il y mourut le 6 mars de cette
année, par suite de la contagion dont
fut atteinte la garnison de cette ville.
Privât est auteur des ouvrages sui-
vants : I. Demonville, ou les Ven-
déens, drame en deux actes et en
vers, Rennes, an V (1797], in-8"; ré-
PRO
75
imprimé à Perpignan, sans date. H.
Notes historiques sur la vie morale,
politique et militaire du général Ho-
che, Strasbourg, an VI (1798), in-8'';
Metz, an VI, in 18 de 96 pages. Z.
PROCHASKA (Jean, baron de),
lieutenant-général au service d'Au-
triche, né à Vienne le 3 juillet 1760,
se fit recevoir le 8 mars 1779 simple
canonnier. Comme il était très-
instruit , il avança rapidement. Eu
1787, il fut nommé premier lieu-
tenant dans le corps des pionniers,
que l'on avait organisé au commen-
cement de la guerre contre lesTurcs.
En 1789, placé par le général Laudon
à l'état-major-général, il reçut ordre
de se rendre au corps d'armée que
l'Autriche formait aux frontières de
la Moravie et de la Silésie. En 1790,
il fut envoyé dans les Pays-Bas pour
servir à l'état-major du général Beau-
lieu. En 1794, il se distingua, sous
les yeux de l'empereur, dans les at-
taques qui eurent lieu au mois d'avril
sur Landrecies, Guise et Saint-Quen-
tin. Au mois de janvier 1795, il sui-
vit les mouvements de l'armée au-
trichienne, que les généraux Piche-
gru et Jourdan poussaient vers le
Rhin. Recommandé par ses chefs, le
prince de Cobourg et le général Al-
vinzi, il fut en 1796 nommé lieute-
nant-co!onel, chevalier de l'ordre de
Marie-Thérèse, et, au mois de juin ,
chef d'état-major près le général La-
tour. L'armée autrichienne fut d'a-
bord repoussée par Moreau, mais le
prince Charles s'étanî jeté sur Jour-
dan, et Moreau, découvert sur sa gau-
che ayant été forcé de se retirer, le
général Latour, chargé de poursuivre
l'armée du Rhin, fut, le 24 août 1795,
pressé près de Friedberg, où il ne se
soutint qu'après avoir fait des efforts
extraordinaires de valeur. Dans son
rapport à l'empereur, il assure que
'm PRo
c'est aux excellentes dispositions de
Prochaska qu'il doit les succès obte-
nus dans cette journée. Lorsque Mo-
reau passa le Rhin le 20 avril 1797,
Prochaska se trouvait de nouveau
près du général Latour, comme chef
d'ëtat-major. Il fit tout ce qui dépen-
dait de lui pour repousser l'ennemi ;
iiiaisil fut mal secondé. Moreau, ayant
mis l'armée autrichienne en fuite,
s'avança jusqu'au pied de la forêt
Noire. Pendant l'armistice qui ter-
mina cette campagne, Prochaska fut
chargé par l'archiduc Charles de
tracer nne ligne pour défendre la
forêt Noire. En 1799, placé près du
général Bellegarde, comme chef d'é-
tat-major, il fut blessé à l'affaire du
20 juin sur la Bormida, et peu après
nommé colonel. En 1801, il fut chargé
par l'empereur d'organiser le corps
que les Anglais faisaient lever en Alle-
magne. Le 3 avril, il en avait formé
un de sept mille hommes de pied et
de 600 chevaux, et le 6 sept, un autre
de douze mille hommes de pied et de
1200 chevaux. Le 1" sept. 1805, il
fut envoyé comme major-général à
l'armée d'Italie. La campagne étant
terminée, il vint à Salzbourg avec
sa brigade d'infanterie, dont il garda
le commandement jusqu'au 1<"^ mars
1809, époque où il reçut ordre d'al-
ler près du prince Charles, pour y
remplir de nouveau les fonctions de
chef d'état - major. Le 27 mai ,
l'empereuï-, qui s'était rendu à l'ar-
mée, le nomma lieutenant-général
et commandant d'une division de
grenadiers. Le 6 juillet, il se dis-
tingua à Aderkiea, où il repoussa une
attaque faite avec fureur. La bataille
de Wagram rendit inutiles Ions ses
efforts. Après la paix de Vienne, il
fut envoyé en Moravie comme ins-
pecteur d'infanterie. En ISraet 1813,
il prit CM r.allicie une part activcaux
PRO
mouvements qui précédèrent et sui-
virent la campagne de Moscou, Les
alliés se disposant à passer le Rhin,
l'empereur le nomma infendant-gé-
néral des armées autrichiennes. L'or-
dre du prince, daté de Francfort, le
chargeait non-seulement de fournir
aux différentes parties de l'armée,
quelque direction qu'elles pussent
prendre, les vivres et subsistances,
mais de surveiller tout ce qui tenait
au matériel. L'empereur, se trouvant
à Paris au mois d'avril 1814, envoya
à Prochaska en témoignage de sa sa-
tisfaction, la grande décoration de
Saint-Léopold, le nomma membre du
conseil de guerre, et, au mois de jan-
vier 1815, colonel du régiment d'in-
fanterie n** 38. Les monarques alliés
lui donnèrent également des marques
de leur estime. Au mois dedéc. 1813,
il reçut à Francfort, de l'empereur
Alexandre, la décoration de Sainte-
Anne, première classe; du roi de
Prusse, la grand'croix de l'Aigle-
Rouge, et enfin du roi de Bavière, la
grand'croix de son ordre. Pendant la
guerre des Cent-Jours, en 1815, il
remplit les fonctions d'intendant-gé-
néral ; et lors de l'évacuation il adres-
sa au ministre de la guerre une lettre
deremercîment pour les soins prodi-
gués à ses troupes. Au mois d'oct.,
après le traité de Paris, il reçut ordre
de se rendre à Vienne pour y remplir
ses fonctions au conseil de guerre.
A son passage par Carlsruhe, le
grand-duc de Bade lui donna la
grand'croix du Lion. Le 6 août 1818,
l'empereur par un billet autograph»*,
le nomma chef du grand quartier-
général impérial, et le 26 nov. 1819,
conseiller intime. Prochaska, honoré
par tant de marques de confiance,
mourut à Vienne en 1823. G— y.
PROCULITS ( Titus JEiavs ) na-
quit à Albenga eu Ligurie, vers le
milieu da 3* siècle. Il était redevable
de rinimense fortune quMl possédait,
et qui consistait surtout en esclaves
et en troupeaux , aux pirateries de
ses ancêtres. Dès sa plus tendre jeu-
nesse, il avait embrassé le parti des
armes : parvenu au grade de tribun
de plusieurs légions romaines , il se
distingua par des traits de bravoure.
Comme les plus petites particularités
de la vie d'un homme qui appartient
à l'histoire ne sont pas indifférentes
pour le lecteur, il faut bien se garder
d'en taire une dont il tirait vanité, et
qui se trouve consignée dans la lettre
suivante qu'il écrivit à Métianus, son
parent, et dont nous nous contente-
rons de donner le texte : Pbocdlus
Metiaso affini S, D. — Centutn ex
Sarmatiatirgines cepi. Ex his una
nocte deccm inivi: omties lamen quod
in me erat^ mulieres inira die» XY
reddidi (t). Toutefois, l'ambition de
Proculus ne se borna pas à de pareils
exploits, car il conçut le projet de
S'asseoir sur le trône des Césars, qui,
dans les temps d'anarchie et de dé-
cadence, était souvent la proie du
premier occupant On croit que sa
femme appelée Sampso, qui avait d'a-
bord porté le nom de Viturgie, l'en-
gagea dans celte téméraire entre-
prise. Cette femme était d'un courage
au-dessusdesonseie;et la fortune. qui
semble favoriser les ambitieux, four-
nit bientôt à son mari l'occasi on d'exé-
cuter son projet. Un jour il avait as-
sisté à un festin donné à Lyon, l'an
280, à de nombreux convives. Après
le repas , il joua aux petits toldats,
espèce de jeu de dames ou d'échecs,
(l)YoT. let Divtrttt Lteont d'Antoine du
Verdier, l.v. 4«, eh. XXXIV. — KabcIaJs .
IJT. III, ch.VI, et Corn. Agrippa. De vanitatt
»cienfjar.,Lh;ip.LXlII, n'ont pas manqué de
citer Proculus parmi ceux qui ont été le
plu rehommés pour leur TÎgaeur.
PRO
77
on, en vertu d'nne règle établie, on
saluait empereur celui qui obtenait
l'avantage. H gagna dix parties de *"
suite. Tout à coup, un homme de
l'assemblée qui avait quelque crédit,
trouvant ceilp circonstance singu-
lière, ou bien peut-être étant d'ac-
cord avec Proculus, s'écria, en. s'a-
dressant à lui : Je te salue., Auguste l
Puis apportant un manteau de pour-
pre , il le lui mit sur les épaules avec
les démonstrations du respect le plus
religieux; enfin il lui rendit tous les
honneurs dus au rang suprême. 11
n'en fallut pas davantage pour déter-
miner les assistants, et ensuite la mul-
titude à imi ter l'exemple de cet homme
hardi (2). Au reste, la légèreté natu-
relle aux Gaulois contribua singuliè-
rement à l'élévation de Proculus; il
fut surtout secondé par la haine que
ces peuples avaient vouée à l'empe-
reur Probus, qui ré.gnait alors, et qui
se conduisait avec une excessive sé-
vérité. Proculus, pour s'assurer l'em-
pire, lit prendre sur-le-champ les ar-
mes à deux mille de ses esclaves : il
parvint bientôt, à l'aide de ses com-
plices , a gagner toute l'armée. Pen-
dant son usurpation, il se rendit utile
aux Gaulois ; car. s'en tenant toujours
k la petite guerre, il finit par triom-
pher avec gloire des Germains, qui
ava:ent envahi une partie des Gau-
les. Cependant il ne sut pas se main-
(•î) Eulrope, Aiirelins-Victor et Vopisru»
{Vi'f de Probes) donneot à entendre que lê-
lecliun de Proculus se iit a Cologne, et Crr-
vier a adopté «-ette Tersion. Cependant nous
persistons a croire qae sa proclama tiou eut
lieu a Lyon, ce qui noui semble résulter in-
coute^tablementdu texte de Vopiscus, oii on
lit {Vit d* Procu/uf) : HortanliAus Lugduaensi-
but. Tillemont, Histoire det empereurs, place
B Lyon la Scène du festin et uc la partie du
Jeu d'ecbecs. Pour tout concilier, on pour-
rait admettre quf c'est a l.von que Proculus
usurpa la pourpre, et que c'est à Cologne
qu'il «Ubiit le siège de son capire.
78
pno
tenir dans le rang que le hasard lui
avait procuré : les débauches aux-
■^ quelles il ne cessait de se livrer de-
vaient nécessairement précipiter sa
chute. Dans son aveuglement,il s'était
flatté d'associer à l'empire son fils,
qui se nommait Herennianus, dès
que cet enfant aurait atteint sa cin-
quième année. Probus ne lui donna
pas le temps d'accomplir ce dessein ;
il lui livra bataille , et le vainquit.
L'usurpateur, ayant pris la fuite ,
chercha en vain une retraite chez les
Francs, dont il prétendait tirer son
origine, et sur lesquels il croyait pou-
voir compter; mais ces peuples, pour
qui trahir leur foi n'était qu'un badi-
nage , le livrèrent à son ennemi, qui
le fit mettre à mort. Sous Dioclétien,
les descendants deProculus existaient
encore.et disaient en plaisantant qu'ils
n'auraient jamais la fantaisie de deve-
nir pirates ou empereurs [sibi non
placere esse principes vel latrones).
Après la mort de Procuius, on frap-
pa à Lyon une médaille où l'on voit
la tête de cet aventurier attachée à
un croc 5 au-dessus est le buste de
Probus devant nneVictoire \ on y voit
encore les lettres P. T., qui signifient
sansdouteProcwfws tyrannus; l'autre
face de la médaille offre l'image du
Génie de Lyon, tenant d'une main une
corne d'abondance , et de l'autre un
gouvernail. La gravure de cette mé-
daille , dont le P. Menestrier possé-
dait un exemplaire , se trouve dans
VUist. consulaire de ce savant jé-
suite, p. 142. Voy. Flavius Vopiscus
{Jlist. Ju^r.); Picot {Hist. des Gau-
lois) , et VArt de vérifier les dates ,
1. 1«% p. 384. A. P.
PROISY â'Eppes (le comte Ck-
SAU de), littérateur, né le 1*' avril
1788, à Eppes (Aisne), d'une ancienne
famille du Soissonnais, mourut le
ii octobre 1830, ù Marie-Galaude,
PRO
l'une des Antilles, où il exerçait des
fonctions de magistrature. On a de
lui : l. Le Danger d'un premier
amour, suivi de Thélaïre de Vernille
et de V Inconduite, contes moraux,
Paris, 1813, 2 vol. in-12. II. Vergy,
ou l'Interrègne depuis i792 jusqu'à
1814 , époque du retour de Louis
XVIII à Paris et de la restauration
de la monarchie française, poème en
douze chants, Paris, 1814, in-8». Peu
de temps après la publication de cet
ouvrage, l'auteur lui-môme détruisit
presque toute l'édition , ce qui en a
rendu les exemplaires fort rares. De-
visme {Manuel historique du dépar-
tement de l'Aisne) dit que Proisy
d'Eppes a composé un premier poème,
imprimé en 1812, où il a célébré la
Conquête de Moscou. Ul. Dictionnaire
des Girouettes, ou nos Contemporains
peints d'après eux-mêmes, ouvrage
dans lequel sont rapportés les dis-
cours, proclamations, extraits d'ou-
vrages, écrits sous les gouvernements
qui ont eu lieu en France depuis
25 ans, etc. ; par une société de Gi-
rouettes, Paris, 1815, in-8°, trois édi-
tions dans la même année. Il ne faut
pas le confondre avec un nouveau
Dictionnaire des Girouettes, ou nos
Grands hommes peints par eux-mê-
mes; par une Girouette inamovible^
Paris, 1831, in-12 et in-8° (anonyme).
IV. Des articles insérés dans le Nain
rose, le Journal de Paris, le Mer-
cure, le Journal des Arts; des ro-
mances et des poésies dans différents
recueils littéraires. V, Le Mari prêt d
se mar/cr, comédie jouée en 1815,
non imprimée. On lui attribue les
trois pièces suivantes qui ont paru
sous le nom de Victor : Palmerin, ou
le Solitaire des Gaules , mélodrame
en trois actes, 1813, 1810, in-80;
Pharamond, ou V Entrée des Francs
dans les Gaules, mélodrame, 1813,
PRO
in-8«; la Folle Intrigue, ou le Qui-
proquo, comédie en trois actes et en
vers, 1814, in-S». Z.
PROLIAXUS ou PROUAXO
(Christian), astronome, était né dans
le XV* siècle à Balbano, aujourd'hui
jCltomonte, petite ville de la Calabre.
Dans une épitre en vers adressée à
Petruccio, secrétaire de Ferdinand,
roi de Naples, il nous apprend que ce
prince lui avait fourni les moyens de
cultiver son goiit pour les sciences.
Celte pièce, que Lorenzo Giustiniani
a réimprimée dans la Tipografia del
regm di Xapoli^ p. 66, se trouve
au-devant du seul opuscule que l'on
connaisse de Prolianus : De Àstrolo-
gia, seu de totiusorbis divisione, de
sphœra, deplanetarum //tcorica, Na-
ples, 1477, in-i". Cet opuscule, de 42
f. , est rare. Van Praet a donné une no-
tice de cette édition dans le catalo-
gue de La Vallière, I, 526. \V— s.
PROXY (Gaspard-Clair -Fban-
çois-Maeie riche, baron de), ingé-
nieur français, naquit le 11 juillet
1755, àChamelet dans le Lyonnais,
•d'une des meilleures familles bour-
geoises du pays, bien que sa fortune
n'y fût pas considérable. Son père
avait été membre du parlement de
Dombes. Cependant l'aptitude que
laissait percer le jeune homme pour
les travaux d'art força cet ancien ma-
gistrat de songer pour son fils à une
autre carrière , et il fut décidé, non
sans difficulté, qu'il serait ingénieur.
Il n'en fit pas moins d'un bout à
l'autre toutes ses études classiques,
puis après un an et demi consacré
pins spécialement aux mathémati-
ques, il fut admis à l'école des
Ponts-et-Chaussées (5 avril 1776).
Son assiduité, ses progrès lui valurent
plusieurs prix. Ses bonnes manières,
sa douceur, qui tranchait avec la fou-
gue juvénile de i)eaucoup de ses ca-
PRO
r9
marades, n'y gâtaient rien , et il avait
eu l'art de se rendre açréable à Per-
ronnet , alors directeur de l'établis-
sement. Nous ne pensons point que
cet administrateur prédit alors que ^
Riche serait un jour son successeur,
mais le fait est que l'élève lyonnais
sortit de l'école sous les auspices les
plus favorables, et regardé comme un
des meilleurs sujets qu'elleeût encore
formés. Plusieurs missions,, tantôt
dans l'une, tantôt dans l'autre des pro-
vinces françaises, occupèrent d'abord
le jeune homme, qui fit en 1 779 la cam-
pagne des Sables d'Olonne, et qui,
l'année suivante, reçut son brevet de
sous-ingénieur. Bourges, Argentan,
Dourdaii , Lagny, le virent en cette
qualité présider à la confection de
plusieurs travaux. Bientôt il eut le
bonheur de se voir rappeler a Paris
par le ministre, à la demande même
de Perronnet (1783). Trop vieux dé-
sormais pour déployer l'énergie et
l'activité nécessaires, au milieu de tant
déjeunes gens, et imparfaitement se-
condé par l'inspecteur-général De
Chézy, dont l'âge était à peu près le
sien, il avait senti le besoin d'avoir
auprès de lui un aide à qui s'en re-
mettre du soin des détails. Prony (car
dès ce moment nous lui donnons ce
nom qu'il ne tarda point à prendre,
laissant celuideRicheà un frère plus
jeune que lui, et qui était en train de
se signaler dans les sciences natu-
relles quand la mort vint l'enlever),
Prony, disons-nous, était précisé-
ment l'homme qu'il fallait au chef de
l'école des Ponts-et-Chaussées. Il
acheva de s'en concilier l'amitié, et
de consolider sa position en se posant
le défenseur du pont de Neuilly. Cette
construction de Perronnet venait d'ê-
tre l'objet de critiques sévères et mal-
heureusement assez spécieuses, dans
un mémoire présenté à l'Académie des
80
PRO
PRO
sciences, où il n'avait pasétë sans pro-
duire quelque sensation. Prony prit
avec succès la de'fense de son maître.
Plusieurs savants et même plusieurs
membres de l'Académie se trouvaient
intéressés à la question comme ayant
concouru au plan du pont ou l'ayant
sanctionné de leur approbation. On
sut donc gré en général à l'apolo-
giste; et Monge voulut lui témoigner
sa satisfaction en l'initiant lui-même
aux parties les plus ardues de l'ana-
lyse dont cbaqne jour alors il s'occu-
pait de reculer les limites par des
découvertes. C'est Prony qui eut la
part principale à la restauration du
port de Dunkerque (1785), bien que
Perronnet ait ofliciellement présidé
à cet ouvrage ; et, se trouvant alors
au bord de la Manche, il fit un voya-
ge en Angleterre. 11 fut de même
pour beaucoup dans les travaux du
joli pont de Sainte - Maxenee sur
l'Oise. Il était aussi du uonibre de
ceux auxquels avaient été confiées les
études pour le pont Louis XVI ; et
ces études terminées il fut admis avec
voix délibérative à la discussion qui
eut lieu aux Ponts - et -Chaussées,
puis employé à la construction avec
le brevet d'inspecteur (23 mars 1787).
Perronnet vécut encore quatre ans :
Prony les passa ainsi auprès de lui,
cumulant les avantages de sa position
à l'école et les appointements d'in-
specteur. Il n'eu fut plus de même
quand Perronnet, succombant à la
maladie et il làge, fut remplacé par
Chézy; et si Prony resta encore quel-
que temps à l'école, ce fut sans titre
ofûciel el sans rétribution. Mais peu
de temps après il fut nommé ingé-
nieur en chef du département des
Pyrénées-Orientales (21 août 1791).
Malheureusement, et bien que déjà
la tourmente révolutionnaire devînt
menaçante, s'éloigner de Paris n'était
rien moins qu'agréable à Prony, et
s'en éloigner pour aller à Perpignan
l'était bien moins encore. Il mit tout
en œuvre pour éviter cette extrémité.
L'assemblée constituante venait de
voter le cadastre général de laFrance;
il réussit à se faire nommer (5 oct.
1791) directeur du cadastre. Familier
de longue main avec toutes les opé-
rations de la trigonométrie , ne recu-
lant devant aucun labeur, sachant
distribuer les travaux et réunir les
résultats, Prony, en effet, possédait
les qualités nécessaires pour mettre
en voie de réalisation l'idée de ce
grand toisé du sol de la France. Il
en posa très-largement les bases, trop
largement même au dire de quelques-
uns, et surtout trop lentement aux
yeux de ceux qui voyaient par-dessus
tout dans le cadastre un moyen d'as-
seoir l'impôt foncier de manière à lui
faire rendre le plus possible. Il n'en
garda pas moins très-longtemps ce
poste bien rétribué et qui donnait de
l'influence, et il traversa ainsi sans
grand encombre les plus rudes pério-
des déjà révolution, bien qu'il fût loin
d'être ardent révolutionnaire, bien
même que sa femme, élevée aux Inva-
lides dans l'intimité de M"*^ de Gui-
bert d'abord , puis de M"" de Som-
breuil, eût sauvé au 10 août le comte
de Pluvier. Avec les travaux du cadas-
tre il faisait marcher de front, depuis
1792 la confection des gigantesques
tables logarithmiques à quatorze,
dix-neuf et vingt-cinq décimales qui
existent manuscritesù l'Observatoire,
et qui depuis cinquante années n'ont
cessé de rendre des services inappré-
ciables au calcul astronomique. Ce
qu'il y a de singulier dans l'exécu-
tion de cet énorme travail, c'est qu'il
fut mené à bien en deux ans, c'est
aussi que l'habile constructeur des
tables y eut presque exclusivenicut
PRO
PRO
81
pour collaboratears nombre de coif-
feurs que la révolution, aussi funeste
à ceux-ci qu'à l'état social, avait je-
tés sur le pavé. En homme habitué à
répartir les tâches entre des travail-
leurs subalternes chargés chacun
d'opérer toujours de même dans un
cercle restreint et moyennant des
procédés faciles, puis à coordonner
les résultats des travaui,ou peut-être,
comme il avait la modestie de le ré-
péter, sous l'impression des pages si
ingénieuses où Adam Smith a expliqué
le mécanisme et les avantages de la
division du travail , Prony conçut
plus forioment qu'un autre la dis-
tinction des deux différentes sortes
de calculs à opérer pour avoir les ta-
bles, les calculs, dont pouvaient seuls
s'acquitter des mathématiciens et
ceux auxquels suffit un peu d'arith-
métique; et, ceux-ci étant de beaucoup
les plus considérables, il réduisait
la plus grande partie de l'opéra-
tion à un travail manufacturier qu'il
était possible d'avoir à bon marché
et d'accélérer à volonté. Les dix-sept
gros volumes in-folio qui contiennent
au delà de 2,000,000 de logarithmes
tant trigonométriques que numéri-
ques furent donc, nous ne dirons pas
bâclés, car on ne trouve rien à y re-
prendre, mais improvisés-, et cette ex-
trême célérité n'est pas un des traits
les moins curieux de l'époque de la
terreur. C'est en quelque sorte le mil-
lésime de 1793. Prony voyait appro-
cher la fin de sa table quand, en 1794,
fut créée l'École Polytechnique. La-
grange et Prony furent dès l'origine
chargés en commun de renseigne-
ment de la mécanique; mais ce fut
Prony qui occupa le plus souvent la
chaire, et il y donna le modèle de
cette admirable exposition surpassée
depuis, et si remarquable alors, qui
a tant contribué, dans les cinquante
TXXYIII.
dernières années, à populariser la
culture des sciences. Les cours que
fit Prony devinrent pour lui l'oc-
casion d'une série d'ouvrages aux-
quels l'instruction spéciale a dû beau-
coup. Vers le même temps fut recon-
stituée l'Académie des sciences comme
partie de l'Institut : Prony en fut
nommé membre des l'origine , et suc-
cessivement il en devint secrétaire ,
puis président. Il fut aussi avec Cu-
vier et Vicq d'Azyr un des premiers
fondateurs de la Société philomati-
que. En un mot, son nom était entouré
d'un grand éclat scientifique quand
(1797) Bonaparte revint de sa cam-
pagne d'Italie et, comme on sait, se
plut à paraître à l'Institut, et surtout
à la classe des sciences. Il rechercha
Prony; et M™® Prony {voy. son ar-
ticle à la fin de celui-ci), que sa nais-
sance et l'éducation avaient toujours
tenue en relation avec la noblesse,
fut accueillie avec distinction, avec
amitié par Joséphine. Si Prony alors
avait été bieniuspiré , il se serait lié
plus fortement qu'il ne le fit à la for-
tune de l'ambitieux général, et il l'eîlt
suivi en Egypte. Bonaparte n'eût pas
mieux demandé que de l'emmener; il
le lui proposa même et y mit ou y
fit mettre quelque insistance. Mais
Prony n'avait point le caractère aven-
tureux et il déclina les ouvertures.
Il pensait d'ailleurs que d'un jour à
l'autre la place de directeur de l'école
des Ponts-et-Chaussées pouvait venir
à vaquer, et il eût regardé comme une
folie de préférer aux nombreuses
chances qu'il avait de succéder à Cbt^
zy des éventualités dans les brouil-
lards du Nil. Chézy mourut en effet
dans l'intervalle du départ au retour
de Bonaparte (13 vendém. an VU.
i oct. 1798), et c'est Prony qui le
remplaça. Mais l'événement prou-
va qu'il avait mal calculé. Bonaparte
C
82
PRO
revenu de l'Orient, Bonaparte maî-
tre de la France et de l'Europe n'ou-
blia jamais son refus de graviter au-
tour de lui, en ce temps où il y avait
bien quelque risque à le faire, et de
courir les mêmes chances mauvaises
ou bonnes. Comme il était l'homme
des impressions une fois reçues, il ne
cessa point d'avoir pour lui la même
estime et de le regarder comme une
rare et utile spécialité ; mais l'affec-
tion n'y était pas. H lui donna dès
l'institution le ruban de la Légion-
d'Honneur, mais il ne le comprit pas
avec tant d'autres savants parmi les
membres richement dotés de son sé-
nat. Il laissait Joséphine recevoir tant
qu'elle le voulait M™'^ de Prony et lui
envoyer des fleurs rares de la Malmai-
son, mais toute demande sérieuse en
faveur du mari aurait été éludée , à
moins d'un art extrême ou de cette
persistance qu'aucun moyen ne fait
rougir, et la pauvre Joséphine le sen-
tait si bien qu'elle ne demandait rien.
Il fallait bien avoir recours au direc-
teur des Ponts-et-Chaussées quand
quelque longue et rude tâche requé-
rait la présence d'un intrépide tra-
vailleur-, et c'était dans la bouche du
maître un mot proverbial , on dirait
presque une marotte, que cette ré-
ponse aux gens qui demandaient un
pont, un canal, une route : « Je vous
enverrai Prony. » C'est ainsi qu'en
août 1808 Prony alla en compagnie de
Sgansin visiter le département de la
Vendée, à l'effet d'étudier les mesures
à prendre pour dessécher les marais
de la contrée, pour canaliser les ri-
vières susceptibles de devenir aptes à
la navigation , et pour améliorer les
ports. Avant et après cette excursion
en Vendée, Napoléon l'avait chargé
de semblables missions à l'étranger,
notamment en Italie ofj Prony i ut
faire trois voyages ; le premier' en
' PRO
1805 pour inspecter le cours du Pô
et pour exécuter plusieurs travaux au
port de Gênes et au golfe de la Spez-
zia, le second en 1806 pourTainélio-
ration des ports d'Ancône, de Venise
et de Pola, le troisième en 1810 et
1811 pour l'assainissement de la ré-
gion occupée par les marais pontins.
La première de ces expéditions fut si-
gnalée par l'arrestation de Prony sur
le territoire autrichien. Se confiant à
l'état de paix il s'était avisé de passer
du royaume d'Italie, alors borné par
le Pô , dans les anciennes provinces
vénitiennes et à Venise même. Il
était accompagné d'un officier supé-
rieur (1) autorisé à le suivre dans sa vi-
site des bords du Pô. A peine les deux
étrangers ont mis le pied dans l'an-
tique cité des doges que les agents
de la police autrichienne les mandent
l'un et l'autre, leur font subir un
minutieux interrogatoire, examinent
leurs papiers, où ils ne trouvent rien
qui puisse faire naître l'ombre d'un
soupçon, et n'en finissent pas moins
par leur déclarer qu'ils sont aux ar-
rêts (10 juillet). En vain le commis-
saire-général des relations commer-
ciales veut intervenir. On lui notifie
que sa visite même au domicile des
deux suspects est irrégulière, et que
leur domicile doit être, dès ce mo-
ment, réputé prison autrichienne, et
par cela même est fermé au commis-
saire français. Celui-ci ne se tint pas
pour battu, et ne pouvant avoir rai-
son de Bissingen (c'était le nom du
chef de la police), il s'adressa au
général en chef, De Bellegarde , qui,
trouvant ridicules celle violence et
ces soupçons, leva les arrêts. Maisdé-
Jà, pendant ce temps, la nouvelle de
l'accident étant venue à Paris, Napo-
(i) Il su lioiiwuuit Costanzo et atuit le titre
d<; riief dn Ijataillon du génie.
PRO
PRO
83
léon, sans attendre un moment, avait
fait arrêter un conseiller aulique de
Vienne, qui se trouvait là par hasard,
et il ne le relâcha que quand on sut la
délivrance de Prony. Un article du
Moniteur (10 thermidor an Xlil, ou 29
juillet 1805) , qui contenait la décla-
ration de ces faits, se terminait par
la phrase suivante : « Cette circon-
« stance aura un double avantage :
• elle fera connaître à M. de Prony
« tout l'intérêt que lui portent les
« gens éclairés -, et elle manifestera en
« même temps la ferme intention où
« est le gouvernement de ne pas souf-
« frir qu'on attente au droit des gens
« dans la personne des citoyens fran-
• çais et de mettre constamment en
« usage le droit de représailles. »
Prony, pendant son dernier voyage
en Italie, poussa très-loin ses études
sur la question qui lui avait été sou-
mise, et recueillit une infinité de do-
cuments tant sur Thistorique des
tentatives faites pour dessécher les
marais que sur les éléments du pro-
blème. Il se fit même dès lors un sys-
tème sur les mesures qu'il eût été
utile d'adopter ponr mettre un terme
à l'état de choses dont PieVI avait en
vain voulu débarrasser le Patrimoine
de S. Pierre et qu'il n'avait pu qu'at-
ténuer. Mais les événements politi-
ques de plus en plus graves, en face
desquels le gouvernement impérial
se trouva depuis 1812, ne permi-
rent pas d'entamer l'exécution de
ces plans , et probablement les idées
de Prony sur la dessiccation du ter-
ritoire qu'il s'agissait de rendre en
même temps à la culture et à la sa-
lubrité auraient été perdues s'il n'eût
jugé à propos, quand la chute de Na-
poléon eut remis à bien loin la réa-
lisation de son projet comme de mille
autres, de consigner dans un écrit
spécial le résultat de ses observations
et de ses recherches. Si le pape alors
régnant, Léon XII, ne fit pas mettre
immédiatement la main à l'œuvre, au
moins sut-il comprendre la justesse
et la beauté des vues de Prony, au-
quel il témoigna sa satisfaction par
une lettre ( l ) et par une médail le d'or.
C'était en 1823. Il y avait neuf ans alors
que l'empire français avait cessé d'ê-
tre. Les événements de 1814, en tant
qu'ils ôtaient le pouvoir à Bonaparte et
ramenaient les Bourbons, n'avaient
pas profondément affligé Prony, sen-
sible pourtant aux prospérités de sa
patrie, et bien moins encore sa femme.
La Restauration d'ailleurs le fit officier
delaLégion-d'Honneur (5 août 1814)
et chevalier de Saint-Michel (1816) ;
et il garda la direction de l'école des
Ponts-et-Chaussées. 11 cessa, il est
vrai, de professer à l'École Polytech-
nique ; mais son âge commençait à
lui défendre les fatigues du profes-
sorat, et d'ailleurs il devint exa-
minateur permanent des candidats
pour cette École. Parmi diverses mis-
sions qu'il eut à remplir pendant
les seize ans du gouvernement de la
branche aînée, on doit remarquer sur-
tout le voyage qu'il fit en 1827 dans
le département du Rhône, pour avi-
ser au moyen de sauver des ravages
du tleuve la contrée qu'il parcourt.
Il n'avait été qne trop familiarisé, dès
l'enfance, avec les tableaux de déso-
lation qui se reproduisent si fréquem-
ment dans ces parages. 11 ne réussit
pas mieux pourtant que les autres à
en rendre le retour impossible, ou
plutôt il n'y vit de remèdes que nioyen-
(i) Elapii Umpons mora, disait Sa Sainteté,
nostrit erga le semibus ri:n addidit potius quam
delraiit; «o» enim plane tibi grales profitemur
quod ad retlitvitndam assertnUamqua amplij—
tinio ditiouis noitrce agro infeila paUuUbuJob-
siio, fertâitcUem et salubrilatem egrtgia stu-
dia laboraçue tuo* eontulerit.
6.
84
PRO
naut tics d(?penses si fortes qiio le
<li!])ai tenient, le gouverneuient et les
villes reculaient devant ces gros chif-
fres; puis, quand le désastre estpassé,
que les victimes ne crient plus, par-
ce qu'elles ne sont plus ou qu'elles
gémissent seulement, on oublie si
vite! Aussi,nialgré de fréquentes inon-
dations depuis le voyage de Prony, en
sommes-nous précisément au même
pointqu'en 1828. Peu de temps après
sou retour Prony fut créé baron (25
juin 1828). Il avait depuissix ans per-
du sa femme, que cette distinction evit
• comblée de joie. Fût-il jamais arrive
sous Charles X à la pairie comme il y
parvintsous le gouvernement de juil-
let, en 1835? On peut en douter. Mais
c'était nntitrebien vainquecelui qui
lui était conféré à quatre-vingts ans
et dont l'éclat ne pouvait même re-
jaillir sur un héritier , car il n'a-
vait pas d'enfant. On comprend que
la sphère d'activité de Prony au
Luxembourg dut être fort restreinte.
En 1837, cependant, c'est lui qui fut
le rapporteur de la commission char-
gée de l'examen du projet de loi re-
latif àla reconstruction des sept ponts.
II survécut encore deux ans à cette
époque de sa vie ; mais dès le com-
mencement de 1839 sa santé donna
de graves inquiétudes. Seule sa vi-
gueur d'esprit lui resta fidèle. Jus-
qu'à ses derniers moments en quelque
sorte, il prit part aux délibérations du
conseil des Ponts-et-Chaussées. Il
demeurait en dernier lieu à l'hôtel
fie Carnavalet j et c'est dans cette an-
cienne habitation de M'"'' de Sévigné,
probablement c'est dans le cabinet
môme où la mère de M"'" de Grignan
a écrit tant de lettres délicieuses,
qu'il combina ses dernières équa-
lions, et c'est aussi là qu'il a composé
plusieurs articles de cette Biographie
univertellc. Il mourut le 29 juillet
PRO
1839. Trois discours furent pronon-
cés à ses obsèques ( 3 août) par MM,
Arago, Fontaine et Tarbé de Vaux-
clair. Prouy était depuis 1833 mem-
bre du Bureau des longitudes enqua-
lité de géomètre, et commandeur de
la Légion-d'Honneur. Il faisait partie
aussi delà plupart des grandes acadé-
mies d'Europe. Ce n'était point pour-
tant un esprit du premier ordre, et à
peine même pourrait-on dire du se-
cond ; mais c'était dans toute la for-
ce du terme une spécialité. Il sa-
vait bien ses mathématiques , sa
mécanique , son hydraulique, pas-
sablement sa physique ; il était pra-
tique surtout ; il ne reculait devant
aucun travail , et s'il semblait par-
fois labourer son sillon, du moins
le sillon était profond, était droit et
bien tracé. Mais une fois tiré de ses
triangulations, de ses ponts-et-chaus-
sées, vous vous aperceviez aisément
de ses limites. Bien que nécessaire-
ment, comme directeur de l'École et
comme chef de service, il vît et beau-
coup d'hommes et beaucoup de cho-
ses, qu'il dût par conséquent embras-
ser des ensembles, il ne dominait
que médiocrement les sujets ; mais il
les dominait un peu. Son caractère
était analogue à son esprit ; il était
modéré, tenace pourtant, et ne don-
nait jamais au hasard. Il ne manquait
pas, sinon de charlatanisme, au moins
de certaine vanité, et il avait grand
soin de faire sonner et d'énumérer
tous ses titres. Du reste il était bon,
probe et franc. A coup sûr le commis-
saire autrichien, à Venise, se mépre-
nait lourdement en le prenant pour
un esprit soit diplomatique, soit mi-
litaire; Prony était certes le dernier
homme que Bonaparte eût choisi
pour de pareilles missions. Le nom-
bre de ses ouvrages est très-grand;
«juoiquc de fort inégale importance,
PRO
. PRO
85
la plupart ont quelque chose qui se
recommande aux yeux des hommes
du métier. Nous les indiquerons donc
presque tous, n'omettant que des ba-
gatelles absolument insignifiantes, et
conformément à un ordre métho-
dique qui, parlant des mathématiques
pures et après l'indication d'un seul
travail astronomique et de quelques
petits travaux géodésiques, nous amè-
nera par la mécanique à l'hydraulique
et aux constructions de terre ferme.
Seulement nous réserverons pour les
donner en bloc et hors rang plusieurs
opuscules, notices ou rapports sur
des objets divers, et l'indication des
articles fournis à plusieurs recueils.
I, Exposition d'une méthode pour
construire les équations déterminées
qui se rapportent aux sections coni-
ques, à L'usage des ponts-et-chaus-
sées, Paris, 1790, gr. in-4", 2 pi. 11.
JS'ouvelle méthode trigonométrique ,
Paris, 1823, in-i". La méthode qu'expo-
se ici Frony et qui lui était propre (il
l'avait imaginée en Italie, dans le
temps où il s'occupait des marais Pon-
tins) avait un double but, d'une part
obtenir une précision plus satisfai-
sante, de l'autre se garantir de l'iu-
fluence d'une atmosphère empoison-
née. Ce mémoire se lie donc à sa
grande Description hydrographique
et historique des marais Pontins,oii
déjà il avait présenté un aperçu de sa
méthode, mais ici l'exposition est plus
développée. 111. Notice sur les gran-
des tables logarithmiques et trigo-
nométriques adaptées au nouveau
système métrique et décimal, Paris,
1824, in-4°. 11 a été parlé plus haut
de la rapide confection de ces tables;
disons un mot à présent de ce qu'el-
les contiennent. Ce sont, d'une part,
les logarithmes de 1 à 200,000, les
10,000 premiers nombres calculés à
dix-neuf décimales, et les suivants à
quatorze avec cinq colonnes de dif-
férences; de l'autre, 2,000,000 et quel-
ques raille de logarithmes de lignes
trigonométriques , plus exactement
10.000 sinus en nombres naturels cal-
culés à 25 décimales avec 7 ou 8 co-
lonnes de différences; 2,000,000 de
logarithmes tant sinus que tangentes
calculés à quatorze décimales avec
quatre colonnes de différences; et en-
iin 10,000 logarithmes relatifs aux
rapports des sinus et tangentes aux
arcs, pour faciliter l'interpolation
dans les calculs relatifs aux petits an-
gles, à quatorze décimales conuDc les
précédents et avec trois colonnes de
différences. Ce simple énoncé suflit
pour voir combien ces tables l'empor-
tent sur toutes celles qui existent, im-
primées ou manuscrites, sans en ex-
cepter même celles de l'observatoire
de Vienne ; et l'on ne saurait douter
qu'aux mains des hommes habiles
auxquels on en a coulié le dépôt ces
tables n'aient déjà rendu à l'astro-
nomie et à la géographie des services
éminents, et n'aient contribué à
l'exactitude, à la précision de beau-
coup de déterminations modernes.
Toutefois, il faut le dire, leur utilité
ne peut être sensible que dans une
sphère trop restreinte. Il est vrai-
ment à regretter qu'elles soient res-
tées et probablement qu'elles doi-
vent rester long-temps manuscrites,
monopohsées en quelque sorte par
quelques heureux qui se trouvent
avoir ainsi pour eux non - seule-
ment la su(iériorité de connais-
«ances et de talent, mais aussi In
supériorité de ressources, et de celles
même de ces ressources qui pour-
raient être communes à tons. Le
gouvernement révolutionnaire, au-
quel du moins on ne saurait dénier
celte gloire d'avoir eu toujours, au
milieu de ses préoccupatious poli-
86
PRO
tiques, un vif désir de faire marcher
les sciences, avait passé un marché
avec la maison F. Didot pour l'im-
pression de ces tables ; mais le Di-
rectoire, toujours à court d'argent,
n'était pas apte à réaliser un vœu
aussi dispendieux. Napoléon, en dé-
pit de l'engouement qu'il affectait et
parfois éprouvait (par exemple lors-
qu'il venait de se heurter aux idéolo-
gues) pour les sciences exactes, ne
fut jamais pressé de donner à l'im-
primerie impériale ordre de livrer à
2 ou 3,000 exemplaires les grandes
tables logarithmiques de l'observa-
toire ; il eût fallu que Prony lui
eût parlé de logarithmes au bord
du Nil , entre un Mamelouk et un
boulet de canon : dans ce cas, un
jour peut-être, à Schœnbrunn ou
au Kremlin , il s'en serait souvenu
et il aurait lancé pour l'impression
de Prony un de ces décrets comme il
aimait à en faire. La Grande-Bre-
tagne, au reste, avait offert un mo-
ment de contribuer pour moitié des
frais à cette publication : la négo-
ciation resta en route comme tant
d'autres. C'eût été un curieux spec-
tacle sans doute que cette association,
mais le rôle n'eût pas été assez beau
pour nos voisins : la France aurait
fourni le génie, le travail ; l'Angle-
terre n'aurait contribué que pour
quelques mille livres sterl. IV. Mé-
moire sur le calcul des longitudes et
des latitudes, Paris, 1806, in-4°; V.
Rapport sur les expériences faites
avec un instrument français et un ins-
trument anglais, pour déterminer le
rapport du mètre et du pied anglais,
et pour comparer entre eux les étalons
originaux des mesures appartenant d
l'Institut rtational de France {\e. 15
nivôse an X, 1802), in-^o. VI. Ana-
lyse du système du monde de La-
plaei, Paris, 1801. Ce résumé se rc-
PRO
commande par une heureuse dispo-
sition et par une grande netteté. Il est
à la portée des gens du monde qui
savent un peu de géométrie ou qui , du
moins, ont assez d'instinct mathé-
matique pour suivre des conceptions
déjà un peu au-dessus du très-facile,
mais peu compliquées encore pour-
tant et clairement présentées. VII.
Description des moyens employés
pour mesurer la base du Hounslow-
Heath dans la province de Middle-
sex , traduit de l'anglais du général
Roy, Paris, 1787, in-4°. VIII. Des-
cription des opérations faites en An-
gleterre pour déterminer les positions
respectives des observatoires de
Greenwich et de Paris ^ Paris, 1795,
in-4''. IX. Mécanique philosophique,
on Analyse des diverses parties de la
science de l'équilibre et du mouve-
menf, Paris, anVlIl(1800), in-4°.Bien
que ce traité ne soit qu'un morceau
tiré à part du Journal de l'École Po-
lytechnique, nous le classons ici tant
à cause de son importance que de sa
dimension. L'auteur pourtant ne l'a
point achevé; l'ouvrage entier devait
se composer de cinq parties et d'iui
tableau synoptique de toutes les par-
ties de la mécanique. Seules les trois
premières parties sont comprises dans
la pubhcation de l'an VIII. Il se re-
commande surtout par une grande
clarté, par de bons tableaux synop-
tiques, par la méthode. X. Leçons
de mécanique analytique données d
VÉcole royale polytechnique, Paris,
1815, 2 vol. (on deux parties), in-4°.
C'est encore un ouvrage inachevé.
Deux parties seulement, la statique et
la dynamique, s'y trouvent traitées-,
il manque encore l'hydrostatique et
l'hydrodynamique, que Prony avait
promises et auxquelles mOuie il de-
vait joindre des applications, ce qui
eût donné lieu à une cinquième par
PRO
lie. XI. Analyse raiionnée du cours
de mécanique de M. de Prony, Paris.
anIX(t801), in-4°. Cette récapitula-
tion, moins importante sans doute
que les ouvrages qid précèdent, a ceci
de précieux qu'elle «mbrasse l'ensem-
ble et qu'elle trace le tableau entier
de la science. XII. Sommaire des Lois
sur le mouvement des eorpâ solides^
l'équilibre et le mouvement des flui-
des donnés à l'École Polytechnique
en 1809. Paris. 1809, in-4o. XIII. Ré-
sumé de la théorie des formules fon-
damentales relatives au mouvement
de l'eau dans les tuyaux et les ca-
naux, Paris, 1825, in-4», 5 tableaux.
Cet excellent morceau présente réu-
nis les résultats des meilleures expé-
riences faites dans toute l'Europe sur
ce sujet. XI V.fia/)port«urieménJOtre
de Ducros sur les quantités d'eau
qu'exigent les canaux de naviga-
tion, Paris, an IX (1801). in-8°. XV.
Recherches physico-mathématiques
sur la théorie des eaux courantes,
Paris, an XII (1804), in-4». Bien que
de dimensions moins volumineuses
que quelques-unes «les précédeutes
publications, les Recherches physico-
mathématiques sont un des beaux
titres deProny. 11 y a là beaucoup de
recherches, d'expériences, de solu-
tions, de formules qui lui sont pro-
pres, et l'on peut dire sans exagéra-
tion qu'il a contribué à enrichir, à
former la théorie fies eaux courantes.
XVI. Mémoire sur les variations de
la pente totale de la Seine dans la
traversée de Paris, avec la détermi-
nation de la valeur absolue de cette
pente par chaque jour des années
1788, 1789, 1790. avec un rapport
fait à l'Académie des sciences par
MM. Lavoisier,Lapiaceet Coulomb,
1806, iu-to. XVIl. Mémoire sur le
jaugeage d'eaux courantes qui doi-
vent eUimenter le bassin de passage
PRO
87
du canal de Saint-Quentin, Paris,
an X (1802), in-4». XVIII. Nout>elle
architecture hydraulique , etc., etc.,
Paris, 1790 et 1796, 2 vol. in-4», 54 pi.
Conformément au litre très-déve
loppé dont nous venons de donner
les premiers mots seulement, ce grand
ouvrage contient tout ce que l'on
savait à la Gn du siècle dernier sur
l'art d'élever l'eau par le moyen de
diflFérenles machines, de construire
dans ce fluide, de le diriger, et géné-
ralement de l'appliquer de diverses
manières aux besoins de la société.
Le premier volume pose les b;ises
de cet art, en exposant les principes
de la mécanique, de manière à en
rendre la C' i-e la plus utile
possible au V ; ours de tous les
genres et même a ious les artistes en
général. Le tome deuxième offre la
description détaillée des machiues à
feu. Prony avait promis de compléter
son ouvrage par une troisième partie
contenant la description de toutes les
machines à élever l'eau, mais ce pro-
jet ne fut jamais réalisé. XIX. Des-
cription hydrographique et statis-
tique des marais Pontins; relief du
sol, cadastre détaillé intérieur, etc ;
analyse raisonnée des principaux
projets pour le dessèchement, histoire
critique des travaux exécutés depuis
ces projets, état actuel du sol Pontin
(juill. 181 1), projet ultérieur pour son
dessèchement général et complets avec
l'exposition des principes fondés sur
la théorie et l'expérience qui ont servi
de base à ces projets rédigés d'après
les renseignements recueillis sur les
lieux par l'auteur ; examen détaillé
des marais où il a séjourné ^t qu'il
a visités et parcourus plusimrs fois,
et les opérations de jaugeage, nivel-
lement, etc., qu'il a faites pendant les
années 1811, 1812, Pans, 1822, iuip.
royale; 1823, iu-i», atl. de 39 pi.
88 PRO
in-fol. Cet ouvrage est un beau titre
à la fois pour Prony et pour la France,
pour la France en montrant quelles
transformations elle entendait exé-
cuter dans les pays sujets, pour Prony
en faisant éclater ce qu'on savait au
reste déjà, son infatigable ardeur, la
sagesse comme la souplesse de ses
méthodes, son attention à tenir comp-
te de tous les éléments, sa netteté de
jugement pour choisir et coordonner
les remèdes. Les trois premières par-
ties de l'ouvrage (1" Description et
cadastre du bassin pontin ; 2" état en
1777, analyse et histoire des projets ;
3" état en 1811) sont tracées de main
de maître et présentent une foule de
particularités du plus haut intérêt.
Sur la quatrième, qui traite la ques-
tion elle-même, il est possible de dif-
férer d'avis avec Prony, mais l'on ne
saurait méconnaître d'une part que
tout ce qu'il a dit auparavant sur la
nature , du bassin et sur les cau-
ses de la présence des eaux stagnan-
tes, sur la distinction des eaux pro-
venant de sources intérieures et des
eaux supérieures, sur la puissance
de l'évaporalion qui fait retourner
partie des eaux à l'atmosphère, et
enfin sur les insuffisances et sur les
fautes des ingénieurs ses prédéces-
seurs, donne un peu de force à tout
ce qu'il propose, de l'autre que la
théorie semble j ustifier complètement
les moyens qu'il adopte. Contraire-
ment à Fossombroni, et en général
aux Italiens qui se sont occupés des
marais Pontins,il repousse le système
des colmate, et opinant qu'il faut se
rendre maître des eaux supérieures
avant qu'elles arrivent sur le sol
nuunc des marais, il demande des ca-
naux de ceinture qui les portent h la
mer en les soutenant dans tout leur
cours au-dessus des terrains dont on
veut la dessiccation. Quaut aux eaux
PRO
intérieures, que des pluies ou des
sources soient leur origine (et elles
sont dues à ces deux causes simulta-
nément), elles doivent, selonlui, avoir
pour excipient un canal central ayant
pour axe central la ligne de plus
prompt écoulement, ligne dont on
peut toujours trouver la direction
moyennant un nivellement exact du
sol. L'ordre du travail, ajoute-t-il,
est de commencer par les canaux de
ceinture; et il le prouve. Suivent des
détails précieux sur les moyens d'exé-
cution et notamment sur la possibi-
lité, à certaines conditions, d'utiliser
pour le creusement et le curage de di-
vers canaux les machines employées
pour le curage des ports de Venise et
d'Ancône. II choisit pour canal cen-
tral le cours de la Ninfa, qui est l'axe
principal d'écoulement et qu'il ne
s'agit que de modifier convenable-
ment; puis pour canal de ceinture
le Fiume-Sisto, qui peut facilement
être rendu capable de recevoir en
totalité, indépendamment des eaux
supérieures qu'il réunit déjà , les
eaux du canal de la Ninfa (il suffit
pour cela qu'il débite 508 m. c.
par seconde). Il veut surtout que
toutes les eaux arrivent à la mer par
une seule embouchure, le Portatore
di Badino; car dans cette hypothèse il
devient possible d'y établir un port,
parce qu'un courant plus considéra-
ble repoussera la barre qui obstrue
cette embouchure. Du reste il adopte
pour divers détails, notamment pour
les deux canaux auxiliaires delà Scac-
chia et de la Selcella, les idées deain-
génieurs italiens . Enfin il termine par
l'évaluation en argent des divers ou-
vrages qu'il propose. XX. Mémoire
sur tes poussées des voûtes^ Paris,
1783, iu-i». XXI ctXXII. Recherches
sur les poussées des terres et sur la
forme et la dimension à donner aux
PRO
murs de revêtement, Paris, 1802, iu-
i°; puis Instruction pratique sur la
méthode pour déterminer la dimen-
sion des tnurs de revêtement en se
servant de la méthode (la formule
graphique) de A. de Prony, Paris,
an X (1802), in-4°. Cet opuscule, qui
est anonyme, fait suite au précédent
et en est comme le supplément. XXllI.
Divers rapports et opuscules soit sur
des inventions nouvelles, soit sur
des mémoires. Nous plaçons en tête
ceux qui furent lus à l'Institut. !•
Notice des expériences faites à l'oc-
casion d^une règle anglaise étalonnée
sur celle qui a servi à la grande
opération trigonométrique du géné-
ral Roy apportée à Paris., etc. (lue le
10niv.anX),etabrégéde cette notice
(lu 29 niv. même année). 2° Résultats
des expériences faites au Panthéon
français depuis le mois de fructidor
an VI jusqu'au mois de vendémiaire
an X sur cinq perpendicules métal-
liques placés dans cet édifice, et des-
tinés à indiquer et à mesurer les
mouvements verticaux et horizon-
taux tant de la coupole que des pi-
liers qui la supportent (lus 15 vend,
an X). Prouy avait fait ces expérien-
ces avec une commission chargée
trois à quatre ans auparavant, d'exa-
miner les dégradations du Panthéon,
d'en rechercher les causes et de s'oc-
cuper des moyens de réparer et de
consolider ce monument. Le résultat
del'examen fut qu'il n'y avait eu d'en-
tassement sensible depuis trois ans ni
dans la coupole ni dans les supports
du Panthéon, et que, quelles que pus-
sent être les fentes ou lézardes re-
marquées antérieurement aux expé-
riences, les causes de ces dégradations
n'avaient produit aucun mouvement
général dans la masse de l'édifice.
3° Rapport sur un mémoire de M.
Lepère relatif à l^ancienne coinmu-
PRO
89
nication de la mer des Indes à la
Méditerranée par la mer Rouge et
Visthme de Suez (lu le 23 janv. 1815
à l'Ac d. se; mais fait d'abord au con-
seil-général des ponts-et-chaussées,
lédéc. 1814). Ce rapport approuvait
en tout les mesures de l'auteur du
mémoire relativement aux niveaux
des deux mers, admettait ainsi que
lui cette conclusion, qu'établir un
canal de communication était possi-
ble, et enfin prononçait que de tous
les moyens Jusqu'alors proposés pour
la réalisation de cette grande et utile
idée, celui de l'ingénieur français
était le meilleur. 4° Rapport sur
la nouvelle et l'ancienne machine à
vapeur établie à Paris au Gros-
Caillou. Paris, 1826, in-8% 3 pi.
5° Rapports sur les verres, plans à
faces concaves, par les procédés de
Riche père et fils (ou plutôt analyse
du rapport de M. Arago sur ce sujet
dans le Moniteur), 1816, p. 858.
C'est un morceau très-intéressant.
6"» Instruction sur les ponts à bascu-
les, Paris, in-4o, 1 pi- 7o Rapport sur
les inventions de J.-P. Droz relati-
vement à Vart du monnayage (fait à
la commission des sciences math, et
ph. de rinst.), 1803, in-4'', 4 pi. S»
Description et usage du comparateur
de Lenoir, dont À. Prony s'est servi
pour faire des expériences sur la di
latation des métaux et pour compa-
rer les divers étalons de mesures de
l'Institut national, tant entre eux
qu'avec d'autres étalons de mesures
nationales et étrangères. Paris, in-4°.
9° Instruction sur le thermomètre mé-
tallique de MM. Ureguet père et fils
et sur les moyens d'établir sa corres-
pondance avec d'autres inslrutnents
thermométriques., 1821, in-i». lûo In-
struction élénientaire sur les moyens
de calculer les intervalles musicaux
en prenant pour unité ou terme de
90
PRO
comparaison Voctave ou la douzième
d'octave j formules analytiques pour
calculer les logarithmes acoustiques
d'un nombre d'uve des variations;
progression mécanique; autres for-
mules relatives à l'acoustique musi-
cale, avec des applications aux in-
struments de musique et détermina-
tion des sons fixes, Pàris^iSsi ^\a-4°, 2
tab. Parmi les recueils qui possèdent
des morceaux de Prony, le premier
est celui de l'Institut, mais il n'en
contient que trois. Ce sont : l" une
Notice sur la vie et les œuvres de Pin-
gré{tomeldesMém.del'Inst.,n98);
2" un Mémoire sur les moyens de
convertir le mouvement circulaire
continu en mouvement rectiligne al-
ternatif dont les allées et venues
soient d'une grandeur arbitraire (2
planch., 1799); 3° Mémoire sur le
rapport de la mesure moderne appe-
lée pouce de fontainier avec l'once
d'eau romaine moderne et le guinaire,
et sur la détermination d'une nou-
velle unité de mesure pour la distri-
bution des eaux adaptées au système
métrique français. {Mém. de l'Ae.
des se.., II, 1817, imp. 1819). Ce mé-
moire, lu le 23"de'c. 1816, est inté-
ressantà divers titres. Historiquement
il relève plusieurs faits peu connus et
précise un détail d'antiquités grave ;
scientifiquement et pour le praticien,
il jette la base de Ctilculs plus commo-
des en faisant sentir la nécessité d'a-
jouter aux unités du système métrique
une unité particulière relative au dé-
bit des liquides par un orifice. Les ha-
biles inventeurs du système métri-
que n'y avaient pas songé. L'unité
moderne dite pouce de fontainier ne
pouvMitsubsister, soitd'abord à cause
de rimpossibilitéde la mettre en ac-
cord avec les autres unités du systè-
me décimal, soit à cause de son im-
précision en elle-même et des fausses
PRO
habitudes de ceux qui l'employaient.
L'unité que Prony veut substituer h
cet ancien point de départ, il la nom-
me module d'eau : l'usage en a été
adopté par les savants. A la suite du
mémoire, appuyé de tableaux fort
utiles et fort commodes, se trouve
un supplément composé en grande
partie de la traduction d'un passage
capital du traité de Frontin de Aquœ-
ductibus urbis Romœ. Les Annales
des ponts-et-chaussées lui doivent au
moins les trois morceaux qui suivent:
1° Examen relatif au projet de bar-
rage sur la Seine dans les environs
du Havre (1831); 2° Formule pour
calculer les hauteurs des remous oc-
casionnés soit par des rétrécisse-
ments, soit par des barrages avec
écoulement des fluides pratiques dans
les lits des eaux courantes: applica-
tion à des projets de grands travaux
hydrauliques (1835); 3° Note sur les
inflexions qu'avaient subies, après
un laps de vingt années, des lignes
droites tracées sur le plan des télés
de Varche du milieu du pont Louis
XVJ avant son décintrcment ; consé-
quences relatives à la résistance des
ciments comprimés / formules et ta-
bles pour le calcul des changements
que le tassement fait éprouver à une
voûte en arc de cercle (1832). Ces
trois articles ont été tirés à part. Aux
Annales des mines il a donné : 1»
Examen de la manivelle à manège
(t. 1, 1795); 2o Rapport sur un moyen
de mesurer la vitesse initiale des
projectiles lancés par des bouches à
feu dans des directions tant horizon-
tales quinclinces (t. XVI, 1804); 3o
Expériences .mr les machines d va-
peur. Ces expériences, quicuretit lieu
à propos d'une invitation que lui
adressa la cour royale de Pans, l'a-
menèrent à découvrir un nouveau
moyen de mesurer les elfets de ces
PRO
PRO
91
machines. La société d'encourage-
ment de Mulhouse fut si charmée de
ce résultat pratique, qu'elle lui dé-
cerna une médaille d'or. Dans les
premiers volumes du Journal de
VÉcole Polytechnique^ son nom se
retrouve à tout instant ; et indépen-
damment de sa Mécanique philoso-
phique qui en forme le 3« et le 7* ca-
hier, on y trouve de lui : 1° Cours
d'analyse appliquée à la mécanique^
2 parties (1, 1794); 2» Essai expéri-
mental et analytique sur les lois de
la dilatation des fluides élastiques
et sur celle de la force expansive de
la vapeur de l'eau et de la vapeur de
Valcool à différentes températures^
Paris, 1797, in-40 (avec 2 tabl. et 9
pi.); 3° Notice sur un cours élémen-
taire d'analyse fait par Lagrange
(1, 1794); 40 Cours de mécanique de
Van V (1795); S» Éloge de Lamblar-
die (même année) : on sait que c'est cet
homme remarquable qui eut le pre-
mier l'idée de l'École Polytechnique;
6» Sur le principe des vitesses vir-
tuelles et la décomposition des mou-
vements circulaires (1795); 7© Intro-
duction au ccntrs d'analyse pure et
d'analyse appliquée à la mécanique
(II, 1795); 8° Théorie des mouve-
ments autour d'un axe libre de ro-
tation d'un corps de figure invaria-
ble sollicité par des puissances quel-
conques, avec 2 pi. (II, 1795); 9o
Note sur l'application de la théorie
des solutions particulières d'équa-
tions différentielles à des questions
qui intéressent la pratique de Vart
de Vingénieur, avec 9 pi. (IV, 1810);
lOo Extrait des recherches de M. de
Prony sur le système hydraulique de
l'Italie, avec 9 pi. (IV, 1810); llo
Analyse détaillée des différentes
questions qui se rapportent.au mou-
vement d'un corps sollicité par des
puissances quelconque», avec 2 pi
(IV, 1810); 120 ifotice sur la nou-
velle écluse de M. de Bétancourt, avec
I pi. (VIII, 1809). On doit encore
à Prony beaucoup d'articles, la plu-
part remarquables, dans la Biogra-
phie universelle, entre antres ceux
de Rannequin, Riche. Sauveur, etc.
II a donné au Dictionnaire deseaux et
forêts un article sur la cubature des
bois, tiré ensuite à part sous le titre
iVJmtruction sur l'ouvrage de Sept-
Fontaines et sur la cubature des bois
en général (in-40 sans lieu ni date).
Enfin il a laissé placer son nom en
t^te du Manuel des logarithmes qui
fait partie de la Bibliothèque popu-
laire d' k']asson de Grandsagne, Paris,
1836. Il avait traduit le traité des
Aqueducs de la ville de Rome par
Frontin, mais l'annonce de la traduc-
tion de Rondelet lui fit garder son tra-
vail en portefeuille; seulement nous
avons vu qu'il s'en trouve un extrait
dans le supplément de sonMémoire sur
/«modu^etTeau lu àl'lnstitut en 1816.
— M"« DE Pronv, née Lapoix de Fré-
minville, était l'aînée de son mari,
dont au reste elle était presque com-
patriote (en effet elle était née à Lyon
en 1754). Elle avait vingt ans à peu
près lorsque son oncle paternel, tré-
sorier aux Invalides , l'appela auprès
de lui : elle l'entoura de ces soins pieux
qui ailoucissent la souffrance et pro-
longent la vie, et s'acquit l'estime, l'a-
mitié même de tout ce qui l'environ-
nait. Les jeunes filles de M. deGui-
bert, le gouverneur des Invalides
qui précéda M. de Sombreuil, la rece-
vaient intimement dans leur société,
distinction que justifiaient suffisam-
ment l'excellence de son caractère ,
ses manières et ses talents; elle se mê-
lait de poésie sans exiger qu'on la trai-
tât en dixième Muse. Elle était snrtout
remarquable musicienne, non toute-
fois comme exécutante, mais comme
92
PRO
laissant tomber parfois sur le clavier
d'heureuses et suaves mélodies. Ce-
pendant elle approchait de trente ans
et nul mari ne s'e'tait encore offert qui
eût semble' un parti sortable au mo-
ment où il se présentait. Elle en re-
grettait plus d'un peut-être quand
Prony, le mathématicien , parut , ne
s'elFrayant point du chiffre des dizai-
nes 5 et M"'= Lapoix j»e Fréminville, à
son tour, rabattit de ses prétentions.
Ils eurent tous deux raison. Leur
union qui duradetrente-septàtrente-
huit ans (178G-1822) fut généralement
heureuse. Amie de M"'' de Sombreuil ,
soutien de Riche, son beau-frère {voy.
Riche, t. XXXVFII, p. 1), libératrice
du comte de Pluvier, consolatrice de
Vicq d'Azyr, hypocondre et plus ma-
lade d'esprit que de corps, M™" de
Prony traversa honorablement la ré-
volution.Vers 1795 elle se trouva liée
avec Joséphine, ce qui n'a rion d'é-
tonnant si l'on pense que tout ce qui
restait alors en France de débris de
l'ancienne noblesse, se recherchait,
se rapprochait naturellement. Il ne
tint pas à elle que cette liaison ne de-
vînt pour Prony l'origine de hautes
destinées.On a vu plus haut comment
il manqua l'occasion et quelles minces
indemnités les deux époux reçurent
de la faible impératrice. Ils étaient ce-
pendant loin d'être à plaindre, la place
de Prony étant au contraire de celles
qu'on envie. L'humeur deM'"« de Pro-
ny étant plus douce qu'ambitieuse,
leur cercle était un des plus aimables
de Paris. Long-temps on y vit Grétry
qui appréciait singulièrement son ta-
lent musical. Elle accueillait et pairo-
nait. peut-être avec un peu trop d'en-
gouement les jeunes gens aux ma-
nières élégantes. Sa convcr.satioii avait
un parfum de poésie un peu maladive
Cl de bonté dévouée. Les soins (|u'elle
avait donnés si long-temps à son ou-
PRO
cle avaient pris sur sa santé , et en
1792 et 93 elle avait failli mourir au
bourg d'Asnières, où on l'avait trans-
portée pour suivre un régime. Elle
ne devint jamais robuste et souvent
elle souffrait de cruelles tortures,mais
dont elle gardait le secret vis-à-vis
de ses amis. En 1822 , son médecin
lui ordonna les eaux de Vichy. Mais
les eaux deVichy ne se prennent point
impunément. Elles n'améliorèrent pas
la santé de M"'» de Prony, c'est dire
qu'elles l'enipirèrent. Les chaleurs
excessives de lasai-son y contribuèrent
peut-être. Saisie d'une fièvre inflani-
matoire elle expira aux environs de
Moulins, loin de son mari et de sa
sœur, le 5 août 1822. P— ot.
PROPIAC (Catherine - Joseph-
Ferdinaind Gihabd de) , littérateur,
né vers 1760 en Bourgogne, d'une
famille noble, lit de très-bonnes étu-
des, et cultiva surtout avec beau-
coup de succès, l'art musical. C'est
lui qui composa la musique des
Trois déesses rivales^ de la Fausse
paysanne et des Saî;oî/ardcs, opéras-
comiques de Piis , joués au Théàtre-
Favart en 1788 et 1789 {voy. Pus,
LXXVIII,207). Ayant émigré en 1791 ,
il prit du service dans l'armée des
princes, et après le licenciement se re-
tira à Hambourg, où il résida long-
temps. Rentré eu France ii l'époque du
18 brumaire, il fut nommé garde des
archives de la préfecture de la Seine,
par la protection de Frochot, son
compatriote, et il publia un grand
nombre d'ouvrages élémentaires,
dont la plupart ne sont que des com-
pilations ou des traductions. H était
membre du comité de lecture du
thé;\tre de la Gaîté. En 18J5 il rf-
çut la croix de Saint-Louis, et mou-
rut d'une attaque d'apoplexie fou-
droyante, le t" nov. 1823. Se li-
vrant dès su jeunesse à la passiuu du
PRO
jeu, il vécut toujours dans la gêne et
fut souvent obligé de se mettre au
service des libraires pour des tra-
vaux sans gloire et sans honneur, lien
éprouva néanmoins de grandes fa-
tigues qui altérèrent profondément
sa santé. C'était du reste un excel-
lent homme, un littérateur instruit
et possédant plusieurs langues.On a
de lui : I (en société avec M. J.-B. Du-
bois). Plutarqui, ou Abrégé des vie$
des hommes illustres de ce célèbre écri-
vain, avec des leçons explicatives de
leurs grandes actions, Paris, 1803,
1805 , 2 vol. in-12 (ces deux éditions
sont anonymes)^ tdid., 1811. 1823,
1825, 5*édit.,2 vol. in-12. H. Le
Plutarque desjetines demoiselles, ou
Abrégé des vies des femmes illuatres
de tous lespays, avec des leçons expli-
catives de leurs actions et de leurs ou-
vrages^ Paris, 1806, 1810, in-12; t6,,
1821, 1825, 2 vol. in-12, avec tig. la
V^ édition était anonyme. 111. Dic-
tionnaire d'amour^ Paris, 1807, in-
12, avec une gravure (anonyme). Il
y a des exemplaires dont le frontis-
pice porte la date de 1808, et les mots:
seconde édition, revue et considéra-
bletnent augmentée ; mais le nombre
de pages est toujours le même. IV.
Histoire de France à Vusage de la
jeunesse. Paris, 1807, 1808, in-12 (ces
deux éditions étaient anonymes): ib.,
1812, 1820, 1822 , 2 vol. in-12 avec
15 gravures.V. Histoire sainte à Vu-
sage de la jeunesse, depuis le com-
mencement du monde jusqu'à la des-
truction de Jérusalem par l^ite , Pa-
ris, 1810, 1822, 2 vol. in-12, iig. VI.
Beautés de l'histoire sainte, ou Choix
des traits les plus remarquables et
des passages les plus éloquents conte-
nus dans l'Ancien et le Nouveau Tes-
tament, Paris, 1811, 1823, 1823,
iu-12, Gg. VII. Le Plutarque fran-
çais, ou Abrégé des vies des 1u)mmes
PRO
93
illustres dont la France s'honore ,
Paris, 1813, 2 vol. in-12-, ibid.,
1825, 3 vol. in-12, avec portraits.
VIII. Beautés de l'histoire mili-
taire, ancienne et moderne, etc., Pa-
ris, 1814, in-12, fig. Cet ouvrage,
qui contient de grands éloges de Na-
poléon, était imprimé au moment où
le gouvernement impérial tomba; et
l'auteur en suspendit la publication.
IX. Beautés de l'histoire de la Suisse,
depuis Vépoque de la confédération
jusqu'à nos jours, Paris, 1817, 1823 ,
in-12, Iig. X. Histoire d'Angleterre,
à l'usage de la jeunesse, depuis Vin-
vasion de Jules-César dans cette île,
Paris, 1818, 1823, 2 vol. in-12. XI.
Dictionnaire d'émulation, à l'usage
de la jeunesse, Paris, 1820, in-12. MI.
Les Merveilles du monde, ou les plus
beaux ouvrages de la nature et des
hommes^ répandus sur toute la sur-
face de la terre . Paris, 1820 , 1823,
1824,2vol. in-12,avec Gg.; ouvrage
traduit en grande partie de l'anglais.
XllI. Petit Tableau de Paris et des
Français aux principales époques de
la monarchie, contenant une Descrip-
tion des monuments les plus remar-
quables de la capitale, etc., orné d'un
plan de Paris et de costumes coloriés,
Paris, 1820, in-12; reproduit sous le
titre de Beautés historiques, chrono-
logiques^ politiques et critiques de la
ville de Paris , depuis le commence-
ment de la monarchie, Paris, 1821 ,
2 vol. in-12. XIV. Les vceux de la
mère Poisson, marchande de marée
à la halle, pour S. A. R. le duc de
Bordeaux, Paris, 1821 , in-8". XV.
La Sceur de Sainte-Camille, ou la
Peste deBarcelone, roman historique,
Paris, 1822, 2 vol. in- 12, Gg. XVI. Le
La Harpe de la jeunesse, ou l'Art de
raisonner, de parler et d'écrire ; ex-
trait du Cours de littérature de ce
célèbre auteur, Paris, 1822, 4 vol. in-
m
PRO
1 2. XVII. Beautés de la morale chré-
tienne, ou Choix de morceaux publiés
par les prédicateurs les plus célèbres
et les philosophes chrétiens les plus
illustres^ etc., Paris, 1822, in-12.
XVIII. Les Curiosités universelles ,
faisant suite aux Merveilles du Mon-
de, Paris, 1823, 2 v. in-12, (ig. XIX.
Beautés de Vhistoire du Pérou , ou
Tableau des événements qui se sont
passés dans ce grand empire; son ori-
gine, etc. , Paris , 1824 , in-12 , fig.
(ouvrage posthume). XX. Plutarque
moraliste, ou Choix des principaux
sujets de morale du premier des écri-
vains de l'antiquité; avec des Déve-
loppements appliqués aux défauts
et aux ridicules de la société actuelle,
tirés de chacune des moralités de Plu-
tarque, par M. L. M. B*** (Lemaître-
Bonitleau), Paris, 1825, 2 vol. in-12
(ouvrage posthume). Propiac a tra-
duit de l'allemand : 1" (avec M. J.-B.
Dubois ) l'Année la plus remarqua-
ble de ma vie , par Kotzebue, Paris ,
1802, 2 vol. in-8<>, fig.; 2« édit., sous
ce titre : Une année mémorable de la
vie d'Aug. Kotzebue, Paris, 1802, 2
vol. in-12 et in-18 , fig. 2» (avec le
même) les Bijoux dangereux, imi-
tation du roman de Kotzebue, Paris,
1802, 2. vol. in-18, fig. {voy. Kotze-
bue, LXIX, 97 et 100). 3° Contes mo-
raux d'Auguste Lafontaine, Paris,
1802, 1803, 2 vol. in-12. 4° les
deux Fiancées, roman du même, Pa-
ris, 1810, 5 vol. in-12 {voy. Lafon-
taine, LXIX, 423 et 424). 5« His-
toire de Gustave Wasa, roi de Suède^
par Archenholz {voy. ce nom, LVI,
399), Paris, 1803, 2 vol. in-8°. 6o
(avec M. J.-B. Dubois) Voyage d'Al-
muza dans l'île de la Vérité, roman
de Bouterweck {voy. ce non» , LIX ,
149), Paris, 1804, in-12. Le cheva-
lier de Propiac a publié la i^ édition
des Époques., ou Beautés de Vhistoire
PRO
de France, par Durdent (voy. ce nom,
LXIII, 231), Paris, 1822, in-12. 11 a a
été collaborateur de cette Biographie I
universelle, à laquelle il a donné, en-
tre autres articles, celui du chevalier
d'Éon. P— RT.
PROST (Claude-Charles), con-
ventionnel, doit uniquement à ce
titre la place qu'il occupe dans les
Biographies contemporaines. Fils
d'un huissier au bailliage de Dôle,
après avoir achevé son cours de droit
à l'université de Besançon, il revint
exercer la profession d'avocat dans
sa ville natale. Plus tard il acquit la
charge de lieutenant particulier de
la maîtrise des eaux et forêts •, mais
il se vit bientôt forcé de s'en défaire
à cause de ses malversations. Sans
fortune, il végéta long-temps dans
des emplois subalternes, et contracta
des dettes qu'il ne put payer. Pour-
suivi par ses créanciers avec la der-
nière rigueur, lorsque la révolution
arriva, il n'y vit qu'un moyen de
sortir d'embarras, et parvintà se faire
élire député de l'arrondissement de
Dôle à la Convention, où il siégea dès
le principe avec les républicains les
plus exagérés (1). Dans les débats
qui précédèrent le procès de l'infor-
tuné Louis XVI, Prost prononça deux
discours dont l'assemblée ordonna
l'impression, et qui ont été recueillis
dans Le Pour et le Contre (2). Le pre-
mier est une déclamation dans le
style de l'époque contre le principe
(i) Il n'avait pus toujours professé les
mêmes principes; en 17S2, l'Académie d«
Bssaurou ayant mis au concours cette ques-
tion: «Que /m r'erfuj;)afrioti<;u«/i*m'entj'ejr«r.
ctravec autant d'éclat dans les monarchies que
dans les républiques, • Prost f(it un des <on-
ciirrents ; et il termina son discours en dé-
clarant que, «sons un monarque vertueux et
bienfaisant (Louis XV1>, les Français n'a-
vaient rien à envier aux républiques! »
(2) Le Pour et le Contre sur le procès de
Louis XVI, Paris, 1793, 7 vol. io-8".
PRO
PRO
95
de l'inviolabilité du monarque. Dans
le second il discute le mode de pro-
céder de la Convention transformée
en tribunal, et propose que les dé-
putés, appelés l'un après l'autre à la
tribune, soient tenus de ré|>ondre
à chaque question par oui ou par
non. 11 vota la mort, sans appel et
sans sursis. Zélé montagnard, après
le 31 mai il fut envoyé commissaire
avec Bassal dans les départements
de l'est pour y établir le régime ré-
volutionnaire {voy. BEcnET, LVII,
432, et BccHOT, LIX, 415). Quoique
d'un caractère assez doux (1) , il
abusa de ses pouvoirs pour exercer
des vengeances personnelles, et des-
titua tous les membres du tribunal
de Dôle, sous prétexte qu'ils parta-
geaient les opinions des girondins,
mais en effet parce qu'ils avaient
lancé jadis contre lui un décret de
prise de corps. Sa conduite devint
si révoltante qu'elle fut dénoncée par
le club même de Dôle à la société des
jacobins de Paris; mais Robespierre
le jeune prit la défense de Prost ab-
sent, et fit ajourner la discussion.
Cependant, pour donner une espèce
de satisfaction aux Dôlois, on l'en-
voya dans le département des Bou-
ches-du-Rhône. Après la session, il
fut du nombre des conventionnels qui
passèrent au conseil des Cinq-Cents.
En terminant sa carrière législative,
il revint à Dôle plus pauvre qu'il
n'en était sorti, et s'adressa vaine-
ment à ses anciens collègues pour
obtenir un modeste emploi qui lui
(i) Le spirituel auteur de la Phjrsiologie
dag'oôf.BrilUt-Savarin, obligé d'aller à Dôle
deinauder un «aaf-couduit a Prost , nous a
laissé quelques détails sur sa londaite. i Je
crois, dit-il, que cet bomme u'ctait pas mé-
i-baot; mais il avait peu de capacité, et ne
savait que faire du pouvoir redoutable qui
lai avait été confié : c'était nn enfant armé
de U massae d'Hercule (U, 40). »
fournît les moyens de subsister avec
sa famille. Enfin il venait d'être
nommé par le gouvernement impé-
rial juge au tribunal de Prum, dé'
parlement de ta Sarre, lorsqu'il mou-
rut à Dôle le 10 déc, 1804, à l'âge de
62 ans. W— s.
PROST (P.-A.), médecin, né dans
le département du Rhône, mort à Pa-
ris en avril 1832, a publié : I. Coiup
d'oeil sur la folie, par A. G**, Paris,
1800, in-8". II. La médecine éclairée
par l'observation et l'ouverture des
corps, Paris, 1804, 2 vol. in-8®. III.
Essai physiologique sur la sensibi-
lité, Paris, 1805, in 8". IV. Deuxième
Coup d'ceil sur la folie. Paris, 1807,
in-8°.V. La science de l'homme mise
enrapport avec les sciences physiques^
ou la Philosophie de la nature, d'a-
près l'état des sciences au XIX® siècle,
Paris, IS'22, 6 vol. in -8". VI. 3/c-
moire présenté à V Institut de France
en faisant hommage de Vouvrage
ayant pour titre : La Science de l'hom-
me, etc., Paris, 1822, in-8" de 6* pag.
VII. Traité du choléra-morbus, con-
sidéré sous les rapports physiologi-
que .^ anatomico-pathologique , thé-
rapeutique et hygiénique, contenant
l'analyse critique de ce que tous les
auteurs anciens et modernes ont écrit
sur le choléra-morbus, Paris, 1831,
in -8**. VIII. Sommaire analytique
du Traité précédent, Paris, 1832, in-
8°. Z.
PROUDBON (Jeas-Baptiste-Vic-
tor), savant jurisconsulte, naquit le
1" février 1758, au village de Cha-
nans (département du Doubs), d'une
famille de cultivateurs qui , quoique
chargés de sept enfants, firent don-
ner à chacun d'eux une éducation
convenable. Le jeune Proudhon re-
çut l'instruction primaire chez le
maître d'école de >'ods , et ce ne fut
qu'après la mort de son père qu'il put
98 PRO
étudier le latin. Jugé peu propre à
une carrière civile, il avait été d'abord
choisi par ses parents comme celui
qui devait les remplacer dans leurs
modestes travaux agricoles , mais
à l'âge de 19 ans il alla étudier la
philosophie au collège de Besançon ,
puis il prit la soutane et tit quatre ans
et demi d'études théologiques en qua-
lité d'interne au séminaire. Parmi ses
maîtres on nomme l'abbé Jacques, sa-
vant théologien qui professait à l'u-
niversité. Au moment de s'engager
dans les ordres, Proudhon y renonça
tout à coup; mais les vastes connais-
sances qu'il avait acquises en théolo-
gie ne furent point perdues pour lui.
Elleseurent la plusheureuse influence
sur tout le cours de sa laborieuse car-
rière. Plus tard, il montrait avec une
sorte d'orgueil les nombreuses notes
qu'il avait recueillies sur la Somme
des conciles en 18 volumes in-folio ,
et il disait que c'était au séminaire
qu'il avait commencé à devenir juris-
consulte. En renonçant à la carrière
ecclésiastique, Proudhon ne renonça
point aux sentiments religieux. Ses
croyances s'étaient nlï'ermies pour ja-
mais par des études approfondies et
faites sans arrière-pensée, avec sim-
plicité et bonne foi. Il resta le frère
de ceux dont il avait été près de par-
tager les vœux ; il leur offrit un asile
dans des temps malheureux, et ne
craignit pas d'élever la voix pour les
défendre. Après avoir étudié le droit
à l'université de Besançon, pendant
six ans, il fut reçu docteur le 7 août
1789. Parmi ses maîtres étaient
Courvoisier, le père du ministre, et
Séguin, auteur d'uu ouvrage élémen-
taire sur les Institutes, dont Prou-
dhon,encore élève, composa leProœ-
mium ou préface. Cependant ses
habitudes d'étudiant , quoique labo-
rieuses, avaient été moins régulières
PRO
et moins paisibles qu'auparavant. Il
avait pris goût aux distractions de
son âge et semblait ne différer en rien
de ceux de ses condisciples qui don-
naient plus de temps au plaisir qu'à
l'étude. Mais Proudhon savait conci-
lier l'un et l'autre. Il avait coutume
de régler pendant ses vacances le tra-
vail de l'année, et il le distribuait de
manière à laisser du temps en réserve
pour les maladies et les accidents im-
prévus. Jamais il ne lui est arrivé de
se coucher sans avoir achevé la tâ-
che de la journée. Ainsi, dans la pre-
mière année de droit, il apprit par
cœur Vinnius tout entier, et ses pro-
fesseurs le dispensèrent de tout exa-
men. Il fit moins de progrès dans l'é-
ducation du monde 5 il demeura tel
que la nature l'avait formé, et ne put
jamais se plier aux manières des sa-
lons. A peine imaginait-il en quoi elles
différaient des siennes, et il ne com-
prenait point qu'il fût nécessaire de
les adopter. En 1789 il concourut
pour une chaire de droit à l'universi-
té de Besançon, et eut pour compéti-
teur Grappe, qui l'emporta. L'année
suivante, il fut élu juge au tribunal
de Pontarlier, et en août 1791 , dé-
puté suppléant à l'Assemblée législa-
tive. Déjà la Constituante l'avait con-
sulté sur la constitution civile du cler-
gé. Il fut d'avis qu'elle ne portait au-
cune atteinte à la religion et que l'as-
semblée avait droit de la décréter.
Cependant , dans ses fonctions de
juge, il se montra constamment fa-
vorable aux prêtres insermentés qui
furent traduits devant le jury d'ac-
cusation ,' dont il était directeur.
Ainsi dans la cause des deux prêtres
Jannin et Pichot, prévenus d'avoir
excité des troubles dans leurs parois-
ses en alarmant les consciences, et
en cherchant à apporter des obsta-
cles h l'exécution des lois sur la
PRO
oonstitutiou civile du clergé, Prou-
dhon, qui, en sa qualité de directeur
du jury, devait exposer l'objet de
l'accusation et l'expliquer aux jurés,
prononça , le 13 mars 1792 , un dis-
cours dans lequel il ne craignit pas de
dire : «...Ce nesontpas là les seuls pré-
jugés dont vous devez vous garan-
tir dans l'affaire présente; il en est
encore un autre, le plus dangereux
de tous, parce qu'il paraît accrédité
par l'opinion du vulgaire; c'est l'idée
fausse qu'on s'est formée en général
de tous les prêtres qui n'ont pas fait
leur serment civique, et que l'igno-
rance grossière du peuple confond
par celte seule raison avec les en-
nemis de la patrie. L'homme ne doit
compte de sa religion qu'à Dieu ;
quel que soit le mode du culte qu'il
adopte, il ne fait aucune injure à ses
concitoyens, pourvu qu'il ne cher-
che point à troubler leur repos; et
si ceux-ci s'en offensent mal à pro-
pos, ce sont eux qui deviennent in-
justes à son égard. Loin de vous la
haine absurde conçue contre une
classe d'hommes entière par cette
foule populaire, aussi aveugle que
passionnée , qui , ne jugeant de
l'homme que d'après l'habit dont
if est revêtu, ne montre aux yeux
des hommes sensés que son irréli-
gion déguisée sous le masque d'un
faux patriotisme.... Je dois encore
vous avertir d'une chose qui pour-
rait vous jeter dans quelque mé-
prise, si vous n'en étiez prévenus :
elle est relative aux témoins que
vous allez entendre. Plusieurs peut-
être déposeront de faits passés en
confession avec les prêtres sur la
conduite desquels ils ont à porter
leur témoignage; si cela arrive,
vous ne pouvez faire aucune atten-
tion à leurs dires.... Le pénitent
qui recherche pour se confesser un
tXXVIII.
PRO
97
• preire non ronformisle doit .s'at-
• tendre à recevoir de lui des répons»^
• et des avis sur les querelles de culte
« qui nous divisent, conformes k ses
• opinions religieuses; il faut donc,
• ou qu'il ne s'approche pas de son
• tribunal, ou qu'il évite de devenir
« traître et parjure, en violant la foi
< des conditions sous lesquelles il y
« fut admis. » Ce discours remarqua-
ble fut imprimé presque aussitôt (Pon-
tarlier, chez Faivre)et 6t peut-êtreex-
clure Proudhon du tribunal dans le.<;
élections qui eurent lieu peu de temps
après. Il fut dédommagé de la perte de
cette place parcelle déjuge de paix du
canton de Nods, son pays natal. Prou-
dhon s était d'abord laissé éblouir par
les principes de 1789, mais lorsque la
révolution eut ensanglanté sa cause,
ilvoulutunir sa voixàcelledes hom-
mes courageux qui espéraient oppo-
ser une digue au torrent. Pour cela ,
il composa un livre sur les inconvé-
nients des grandes villes et le danger
d'agglomérer dans les mêmes murs
des populations trop nombreuses; il
signalait les moyens d'y porter re-
mède et de disséminer la population
parisienne, corrompue par toutes les
passions et par tous les vices. Ce livre
était aciievé lorsque 93 amena la ter-
reur; Proudhon se laissa intimider et
il jeta son manuscrit au feu. Mais
quelle que fût la prudence de sa con-
duite à cette époque , il n'en fut pas
moins destitué le 2ocl. 1793 (Il ven-
démiaire an II), par arrêté du con-
ventionnel Bernard de Saintes. Cette
destitution le plaçait de plein droit
dans la catégorie des suspects, et de là
à la prison et k l'échafaud la pente
était rapide. Pour sortir de cette po-
sition, Proudhon tenta une démarche
hardie qui devait en hâter la crise ou
la rendre impossible. Décidé à solli-
citer sa réintégration près du non-
7
98
PRO
veau commissaire de. la Cou\npntion,
il se rendit à Pontarlier le jour même
où l'on célébrait l'installation du re-
présentant Prost {voy. ce nom, ci-
dessus), et il s'invita chez un ami
qui lui donnait à dîner. Placé a côte
du conventionnel , il se lit remar-
^ quer par ses prévenances et son em-
pressement à lui parler. Celui-ci
le comprit. «Citoyen, lui dit -il,
« tu as une grâce à me demander?—
« Non pas une grâce , répond Prou-
. dhon, mais la réparation d'une m-
. justice. J'étais juge de paix du can-
. tondeNods, et j'ai été destitué sans
« motifs. Je demande k être rétabli
« dans ma place. ~ C'est une chose
« impossible , réplique sèchement le
« conventionnel; me crois-tu ici pour
. réformer les actes de mon prédé-
. ccsseur?-Tu es ici, reprend Prou-
« dhon avec fermeté , pour défendre
. les patriotes calomniés parles mau-
. vais citoyens. Je m'attache à tes pas,
« etjusqu'à ce que lu m'aies rendu jus-
. lice, je t'importunerai de mesplain-
« tes.» Proudhon tint parole et fit
tant que le conventionnel ne vit rien
de mieux que de se l'adjoindre dans
^ son travail de tournée. De retour à
Pontarlier,au bout de huit jours,Prou-
dhon redoubla d'instances auprès de
son étrange patron. Il invoqua le té-
moignage des onze communes du can-
ton de Nods, qui, disait-il, exprimaient
le désir de le voir rappelé aux fonc-
tions de juge de paix. « Eh bien,
«répondit Prost, je consens à te sa-
• tisfaire, mais à condition que tu su-
. biras l'épreuve d'un jugement pu-
« blic. Viens avec moi à la société
. populaire et demande ta réintégra-
. tion. Si personne ne sVilève contre
. toi, tu reprends tes fonctions; mais
« prends-y garde: si une voix t'accuse,
« jo l'envoie au tribunal révohition-
« flaire.» Malgré CCttP. terrible alter-
PRO
native, Proudhon se rend h. la société
populaire , monte à la tribune , parle
avec chaleur de son dévouement au
pays , et redemande une place où il
peut ajouter de nouveaux services à
ceux qu'il a déjà rendus. Personne ne
l'ayant contredit, il descendait triom-
phant, lorsqu'un ancien procureur
prend la parele : « Citoyen, lui dit-il,
« parmi lés preuves de civisme, tu en
. as omis une. Te souviens-tu, quand
. tu étais juge de paix à Pontarlier,
. d'avoir annulé une saisie faite par
- la douane d'une caisse d'argente-
. rie adressée à des émigrés ? ' Le
fait était vrai , mais Proudhon ne se
laissa pas déconcerter,il remonta aus-
sitôt à la tribune, et au lieu de répon-
dre à cette question, il accusa et con-
vainquit le dénonciateur lui-même de
prévarications constantes dans l'exer-
cice de sa charge. Son langage fut si
incisif, si caustique, que tout l'audi-
toire éclata bientôt en huées contre
le procureur confondu.Réintégrédans
sa place, Proudhon osa faire empri-
sonner deux membres du comité ré-
volutionnaire qui, spéculant sur la
peur, avaient indignement pillé les
habitants de leur village. Il ne resta
pas long-temps juge de paix, car en
l'an 111(1795) il fut appelé au di-
rectoire du département du Doubs
par le représentant du peuple Sala-
din. Les élections de l'année suivante
le portèrent au tribunal civil de Be-
sançon dont il présida plus tard la
seconde section, et enfin, le 22 fri-
maire an V (12 décembre 1796), nn
arrêté du département confirma la dé
cision unanime du jury d'instruction
qui l'avait nommé professeur de légis-
lation à l'école centrale du Doubs;
Proudhon se livrait avec ardeur à ren-
seignement , lorsque les événements
du 18fructidor(4sept.l797),en ame-
nant de nouvelles proscriptions , lui
PRO
PRO
«9
tournirent l'occasion de faire acte de
courage. Une commission militaire
venait de s'établir en permanence à
Besançon pour juger et fusiller les
émigrés, et, assimilant à ceux-ci un
grand nombre de prêtres, elle en en-
voyait chaque jour à la mort. Prou-
dhon compose à la hâte un mémoire
pour démontrer l'indignité et l'illé-
galité de ces sanglantes condamna-
lions, le fait imprimer, le répand dans
la ville, le porte lui-même aux com-
missaires.et le jour même lesangcesse
de couler. Il envoya ensuite son mé-
moire au Directoire et à plusieurs
membresduCorps-Législatif. En voici
le titre : Opinion d'un jurisconsulte de
Besançon sur la question de savoir
si un prêtre inscrit sur la liste des
émigrés , dans le cours de sa dépor-
tation, peut être considéré et traité
comme émigré (Besançon, Félix Char-
naet, février 1798, in-8°). Ce zèle pour
des prêt res. à une époque où tout culte
était proscrit, valut à Proudhon d'ho-
norables persécutions. On l'accusa
d'être favorable à la religion catholi-
que et de s'attacher plutôt à l'ensei-
gnement de l'ancien droit civil qu'à
celui de la nouvelle législation. Sur
le premier point , Proudhon ne crut
pas devoir se justifier, car il était sin-
cèrement religieux et il n'avait jamais
cessé de se montrer tel ; quant au se-
cond , il y répondit par un mémoire
adressé, en août 1798, à l'admiuistra-
tion centrale du Doubs, dans lequel
il faisait ressortir tout le ridicule de
l'imputation dont son enseignement
était l'objet. L'issue de cette accusa-
tion est racontée dans un mémoire
que Proudhon écrivit en 1815 pour
repousser des dénonciations d'un au-
tre genre. • Le ministre de l'intérieur.
• dit-il, me demanda mes cahiers; je
« les lui fis parvenir. 11 approuva,
• même avec éloges, ma manière d'en-
• seigner. Un commissaire, envoyé se-
« crètement à Besançon par le Direc-
• toire , pour prendre des informa-
« lions sur divers objets , avait été
« spécialement chargé de contrôler
• mon cours , et suivit mes leçons
« sans être connu pendant plus de six
• semaines. Sur le point de retourner
• à Paris, il vint me trou ver dans mon
• cabinet, me fit connaître l'article de
• sa mission qui tne concernait, et me
• témoigna toute son estime et sa satis-
• faction (l). • Proudhon cessa alors
d'être inquiété. L'>rsqn'en 1802 les
écoles centrales furent supprimées, à
la prière des conseils-généraux des
trois départements du Jura, de la
Haute-Saône et du Doubs. il continua
d'enseigner seul toutes les parties de
la législation sans recevoir ni des ho-
noraires de l'état, ni une rétribution
des élèves ; il ne demanda à l'admi-
nistration qu'une salle, qui lui fut
accordée (î). Tant que dura cet état de
choses, c'est-à-dire de 1803 k 1806,
il eut soin, pour suppléer à l'absence
de registres puMics et d'inscriptions,
d'ouvrir un registre particulier qu'il
faisait coter et parapher annuellement
par l'autorité municipale , et sur le-
quel il inscrivait lui-même les noms
des jeunes gens assidus à ses leçons.
Ceux-ci, grâce à la prévoyance du
professeur, purent, lors du rétablis-
sement de l'Université, obtenir la dé-
livrance de leur diplôme. Par un dé-
cret impérial, daté de Munich, le 17
(i) L« commtMaire da Directoire propo-
sa même, dit-oa, a Proadbon de faire de>ti-
tuer ses sccusaleors, qui étajenf fonction-
Dsires publics. Mais il n'jitrepta pat celle
offre et ré|ioDJit qoe la leogemce o'était
rien jxmr lui, qu'il nf «îrma-i.îait que la
tranquillité.
{■i) 6a repotatioa était tellemeat répan-
due qoe des proriaces les plus éloig oée» oa
aci.-ourait à ses leçoos, er-qoe des étudiants
Tinrent d'A'lemagne pofir l'entendre D-z-s.
100
PRO
janvitu- 1806, Proudlion fut investi de
la première chaire du code civil h l'é-
cole de Dijon. Cette nomination eut
cela de remarquable que Napoléon
biffa de sa propre main, sur la liste
qui lui fut présentée, le nom qui
précédait celui de Proudhon , pour
y substituer le sien. Nommé, le4 avril
suivant,directeur delà nouvelle école,
il pi*nonça, en cette qualité, le jour
de l'inauguration (21 noT. 1806), on
discours éloquent qui pourrait servir
d'introduction à l'étude du droit et
qui fut imprimé dans le procès-ver-
bal de la séance. En 1809, le gouver-
nement lui conféra le titre de doyen.
Indifférent aux événements,Proudhon
n'eut jamais d'autre souci que de vi-
vre en paix avec le pouvoir établi. Ce
fut grâce à cette ligne de conduite
qu'il traversa sans encombre toutes
les vicissitudes de la république et de
rempire, et que la première Restau-
ration le conserva dans sa chaire.
Lorsque la nouvelle du débarquement
de Napoléon à Cannes se fut répan-
due, les étudiants de Dijon ayant
manifesté leur sympathie pour l'em-
pereur, Proudhon réunit, le 11 mars
1815, tous les professeurs à l'école
de droit, afin de les avertir des dispo-
sitions des jeunes gens et de se con-
certer pour les maintenir dans le de-
voir. « Le chef d'un gouvernement,
« disait-il , serait dans une position
« bien malheureuse s'il pouvait être
.. trahi par ceux qui se sont engagés
. à le servir. Nous sommes tous fonc-
. tionnaires de Louis XVlll, et non-
. seulement nous ne devons pas le
. trahir personnellement, mais nous
« uedevonspastolérerdansnosélèves
. une conduite qui pourrait être con-
. Uaire à sa cause. • Cependant, lors-
(jue l'empereur parut être de nouveau
alVermi sur le ti ône,Proudhon, lidèle à
.sonsystèmc,prononça,lel2avrilï81.'i,
PRO
un discours devant le buste du héros
que les étudiants avaient solennelle-
ment rétabli à l'école de droit. Ce
discours fut imprimé dans le jour-
nal de la Côte-d'Or et valut à l'au-
teur une éclatante disgrâce lors du
second retour de Louis XVllI. Le 9
octobre 1815, un arrêté de la com-
mission d'instruction publique de Pa
ris lui enleva le décanat et le suspen-
dit de ses fonctions de professeur (3).
Proudhon se rendit alors à Paris pour
se justifier; il adressa à la commission
un mémoire dont nous avons déjà
parlé , et grâce à la bienveillance
de Frayssinous, ainsi qu'aux démar-
ches du corps enseignant de Dijon
et du clergé de Besançon, il fut réin-
tégré dans sa chaire le 14 sept.
1816 ; mais ce ne fut que deux ans
plus tard qu'on lui rendit le titre de
doyen. Élu bâtonnier de l'ordre des
avocats en 1H19, il fut confirmé pen-
dant dix ans consécutifs dans ces
fonctions, qu'il avait exercées mo-
mentanément en 1815. Les tracasse-
ries auxquelles il avait été en butte
s©us la Restauration, jointes à des me-
sures de rigueur prises par le gouver-
uement envers plusieurs étudiants
de Dijon qu'il voulut en vain dé-
fendre, lui firent voir de bon œil les
événements de 1830. Nommé, le 12
mars 1831, chevalier fte la Légion-
d'Honneur, il fut élevé, le <) juin 1837,
au grade d'officier. Atteint d'infirmi-
tés douloureuses, Proudhon ne pou-
vait plus tenir la plume dans les der-
niers temps de sa vie. C'est à peine
s'il pouvait signer son nom. Il mou-
Ci) Aucun .1« »«» toU.- gnw ne vonlut èU»
doyco à .a pl«co. et M. PoUcet ,.rofcs,eur
de procéaurc, ioicc d'accepter !<• titre de
doyen prooisoire, ue coû.oUlit a en lo.i.her
1,., omoluments que pcir les trans.neUre a
J>r(ii|dlioD. '' '■ '■
PRO
rut le 20 nov. 18:i8 (4). Depuis un
grand nombre d'années il remplis-
sait, avec la plus scrupuleuse exacti-
tude, tous ses devoirs de religion.
Il n'en inclinait pas moins vers des
opinions contraires à la doctrine
de l'Église sur le divorce, les empê-
chements du mariage et les vœux.
Ces opinions faillirent empécherqu'il
ne fût réintégré dans sa chaire. Prou-
dhon avaitélé nommé, le 1er fructidor
an X (19 août 1802), membre afiilié
de l'académie de législation de Paris ;
le 16 février 1809, membre associé de
celle de Besançon i enlin le 30 novem-
bre 1833 , membre correspondant de
l'Institut royal de France, académie
des sciences morales et politiques ,
pour la section de législation. Il avait
épousé, en 1T99, une demoiselle Do-
ney, fille d'un lieutenant particulier
au bailliage d'Ornans, et il était de-
venu veuf en 1829. Cinq enfants na-
quirent de ce mariage, quatre garçons
et une fdie. Celle-ci s'est faite reli-
gieuse. Parmi les garçons, l'atné est
juge de tribunal, l'autre avocat à Di-
jon, et le plus jeune officier de ma-
rine. Us ont eu l'heureuse inspira-
tion de ne faire graver sur sa tombe
qu'une croix avec ces mots : • Prou-
« dhon, 20 novembre 1838. • Les prin-
cipaux ouvrages de Proudhon sont :
I. Cours de législation et de juris-
prudence françaises sur Vétat des
personnes, Besançon, an VII (1799),
2 forts vol. in-80. Ce traité, resté
incomplet, devait embrasser les di-
verses matières du droit. Fondé tout
à la fois sur les lois de la révolution,
les ordonnances, les coutumes et le
(4) Il avait ce«sé de faire son cours quel-
que temps avant a mort. Il monta cepen-
dant en chaire lorsqu'aa mois d'août i838
M. Dapiu vint inspecter l'école de droit de
Oijon, mais to !ut sculeiuetit dan» cette oc-
cdsioa soleunulle. U — z — s,
PRO
101
droit romain, il a pour objet les qua-
lités et les droits civils des personnes
et des corps moraux. La distribution
générale des matières est à peu près
la même que celle qui fut adoptée
depuis dans le premier livre du code
civil. Chacune d'elles est précédée
d'un rapide aperçu historique et phi-
losophique destiné à faire connaître
son origine dans le droit naturel ou
civil, les différentes révolutions qu'el-
le a subies, les conséquences qui en
résultent pour la civilisation et les
mœurs, et surtout à prévenir la cou-
fusion et l'erreur, si faciles parmi tant
de lois transitoires. C'est dans cet
ouvrage qu'on trouve pour la pre-
mière fois l'exposition si remarqua-
ble des doctrines de l'auteur sur une
matière obscure et immense, celle
des statuts. Les jurisconsultes con-
venaient des principes généraux, mais
ils variaient dans les conséquences.
Proudhon endécouvrit la véritableap-
plication en les associant aux maxi-
mes du droit public qui sont la base
de la matière. II. Cours de droit
français sur l'état des personnes^
Dijon, 1809, 2 vol. in-8o; 2« édit.,
1810. Ce traité est aussi resté inache-
vé. III. Traité des droits d'usufruit,
d'usage, d'habitation et de superficie,
Dijf.n, 1823-25, 9 vol. in-8o ; 2, édit.,
1836, augmentée de commentaires
sur les droits d'usage, par M. Curas-
son. Cet ouvrage, le chef-d'œuvre de
Proudhon, est considéré par tous les
jurisconsultes comme un des plus
beaux monuments de la science du
droit. Un juge compétent, Touiller,
devenu l'ami de Proudhon sans l'a-
voir jamais vu, lui écrivait dès l'ap-
parition du 1" volume : « C'est un
« ouvrage consommé, qu'on ne sur-
« passera point, et qui surpasse tous
• ceux qui oui paru sur la même ma-
«tière- » IV. Du domaine public, ou
102
PRO
PRO
de la distinction des biens considé-
rés principalement par rapport au
domaine public, Dijon, 1833, 5 vol.
in-8o. Tracer le caractère du domaine
public ; la distinction entre les objets
qui le composent et les immeubles
productifs qui forment le domaine
de propriété de l'état et des com-
munes ; la ligne séparative du pou-
voir administratif et du pouvoir ju-
diciaire; les règles concernant les
établissements et les édifices publics,
les routes royales et départementales,
les chemins vicinaux et les voies
agraires ; l'usage des eaux depuis la
mer et les grands fleuves jusqu'aux
ruisseaux, tel est l'objet de ce traité
qui est destiné à servir un jour de
guide pour la rédaction du code ad-
ministratif. Proudhon avait fait mar-
cher de front ses recherches sur le
domaine public et la composition
d'un autre travail sur le domaine
privé^ qui ne put être ])ublié
qu'après sa mort. Il a pour titre :
V. Du domaine de propriété, ou de la
distinction des biens considérés prin-
cipalement par rapport au domaine
privé, Dijon, 1839, 3 vol. in-8". Il a
été publié, par les soins de M. C.
Proudhon, fils de l'auteur et juge
d'instruction au tribunal civil de Be-
sançon. U Éloge de M- Proudhon a
été prononcé à l'académie des scien-
ces, arts et belles-lettres de Besan-
çon, par M. Curasson père, et à la
conférence de l'ordre des avocats de
Dijon, par M. Firmin Lagier. Cette
dernière notice est fort complète, et
nous y renvoyons ceux de nos lec-
teurs qui désireraient des notions plus
étendues. On peut aussi consulter
l'éloge de Proudliou pronrjucé par M.
Félix Tenaille, le i déc. 1841, dans la
séance d'ouverture de la conférence
desnvoc.its à la cour royale de Paris,
iuipriméaux frais de l'ordre. A— y.
PROUST(JosEPH-LotJis),chimiste,
né en 1761 , se fit connaître en 18Ô8
par sa découverte du sucre de raisin.
Lorsque Napoléon invita tous les chi-
mistes à rechercher une substance qui
pût remplacer la denrée colonialedont
le commerce était alors intercepté par
la guerre, Proust inventa un procédé
pour la fabrication du sirop de raisin,
dont il obtint un sucre concret. Le
ministre de l'intérieur, Montalivet,
en rendit compte à l'empereur dans
un rapport très-avantageux à la suite
duquel l'inventeur reçut une somme
de cent mille francs à titre d'encoura-
gement, et qu'il dut employer à la
perfection de son procédé. Les jour-
naux anglais tournèrent en ridicule
cette découverte.qui ne trouva même
en France que très-peu de partisans.
Cependant en 1816 Proust fut admis
à Plnslitut (Académie des sciences,
section de chimie) , oii il remplaça
Guyton deMorveau. Il mourut le5 juil-
let 1826 On a de lui : l. Différentes
observations de chimie , imprimées
dans le tome I" des Savants étran-
gers de l'Institut (1805). II. Mémoire
sur le sucre de raisin, Paris, 1808,
in-8°. lit. Sûr une analogie remar-
quable entre les eaux de quelques par-
ties du golfe de Californie et celles des
lacs de Sodome et d'Urmia en Perse.
IV. Sur l'existence vraisemblable du
mercure dans les eaux de fOcéan.
Cet écrit et le précédent ont été insé-
rés dans le tome VII des mémoires du
Muséum d'Histoire naturelle (1821).
V. Essai sur une des causes qui peu-
vent amener la formation du calcul,
Angers. 1824, iu-S". Z.
PIIOVAISA (André) , amiral pié-
nioutais, naquit eu 1511, au village
de Loiuy, dont sou père étaitseigneur,
et reçut une éducation toute militaire.
Il avait atteint un grade supérieur
dans l'armée lorsqu'il suivit, en Allé-
PRO
magne, le duc Emmanuel-Philibert,
que son père,dépouillé de sesÉtats pâl-
ies Français, avait envoyé servir dans
les arme'es de Charles-Quint, sous la
direction de Provana, de Hugues Mi-
chaud et d'autres hommes distingués,
qui eurent une si grande part à la
gloire de ce jeune prince. André
Provana, combattant les protestants
à côté de lui, se trouva aux batailles
de Nordlingen, de Mulberg , dHes-
din et de Bapaume Envoyé ensuite
dans le comté de Nice, qui avait seul
résisté à l'invasion étrangère, il com-
manda le fort de Villelranche , où
il eut bientôt occasion de déployer
son habileté et son courage. En
1537, une escadre franco-turque pa-
rut dans les eaux de Nice, mais
avant d'investir cette ville le reis
voulut s'assurer du fort de Ville-
franche. A cet effet, il se mita la tète
de six galères et tenta une descente.
Mais Provana l'avait prévenu en en-
voyant trois compagnies d'infanterie
s'embusquer à la pointe du port. Déjà
le reis s'apprêtait à débarquer son
monde malgré le feu des batteries du
fort, lorsqu'il eu fut empêché par le
comte de Tende, qui l'accompagnait
et qui avait aperçu les soldats em-
busqués. Au même instant un boulet
atteignit le vaisseau amiral même, et
y tua plusieurs hommes. Cet accueil
vigoureux décida le reis à s'éloigner.
Après la paix de Cateau-Cambresis,
Provanaalla en Provence au-devant du
ducquivenaitd'épouserMargueritede
France, sœur de Henri II, et rentrait
triomphant dans ses États. Il fut alors
nommé capitaine-général des galères
ducales. En 1563, deux seigneurs pié-
montais ayant été surpris dans une
promenade en mer par des corsaires
turcs, le duc de Savoie fut obligé de
les racheter ; mais pour venger cette
injure il ordonna à Provana d'aller
PRO
lus
user de représailles dans l'Archipel.
L'amiral s'en acquitta avec beaucoup
de zèle, ce qui excita les plaintes-du
gouvernement de Venise, lequel, pré-
tendant avoir été lésé dans ses inté-
rêts, demanda et obtint une indem-
nité en faveur de quelques-uns de ses
sujets. Revenu à Nice , Provana fut
chargé de conduire eu Espagne les ar-
chiducs Rodolphe et Ernest, fils lie
Maximilien, roi des Romains, et petits-
fils de l'empereur Ferdinand, qui tra-
versèrent lePiémout en 1564, se ren-
dant auprès de-leuruncle Philippe II.
Celui-ci, ayant appris le débarque-
ment des princes, demanda le con-
cours des galères ducales pour une
expédition contre le Pegnon di Vêlez,
repaire de pirates sur la côte d'Afri-
que. Provana revint à Villefranche
pour s'armer en guerre, se rendit en-
suite dans le port de Malaga , ou de-
vaient se rallier tous les bâtiments
composant l'expédition, et contribua
puissamment au succès. L'année sui-
vante il prit le commandeuient de
trois galères qui se joignirent à la
flotte espagnole commandée par don
Garzia de Tolède, vice-roi de Sicile,
et destinée à secourir la ville de
Malte , qu'assiégeait Soliman. Les ga-
lères ducales formèrent Tavant-garde
et s'emparèrent, à la hauteur du pro-
montoire de Pachino, d'un grand bâ-
timent de Raguse, chargé de comes-
tibles pour l'armée turque. Eu 1567,
Provana épousa Catheriue Spiuoia, et
devint , par ce mariage, comte de Fruz
zasco. Il fut peu après créé chevalier
de l'ordre suprême de l'Annonciade,
et l'année suivante on le chargea
d'accompagner en Espagne l'archi-
duc Charles, frère de l'empereur
Maximilien. Le pape Pie V ayant
invité les principales puissances ma-
ritimes à se liguer contre les Turcs,
le duc de Savoie envova k la flotte
104
PKO
coalisée trois galères qui, sous les or-
dres de Provana, prirent une part glo-
rieuse à la célèbre bataille de Lépante,
Une d'elles soutint pendant plusieurs
heures le choc de deux galères enne-
mies, et perdit presque tout son mon-
de. Provana, lui-même, fut blessé d'un
coup de feu à la tête, et resta évanoui
durant une demi -heure, ce qui ne
l'ertipêcha pas de reprendre aussitôt
après le commandement. Le combat
fini, il se retira dans le port de Petala,
puis vogua avec le reste de la Hotte
chrétienne vers l'île de Corfou, où il
se rétablit de sa blessure. Il profila
de chacune de ces stations pour adres-
ser à son souverain le récit de ce qui
s'était passé, dans deux lettres qui ont
été conservées par l'historien Giof-
fredo {Storia ddle Âlpi Mariltime).
La part que ses galères avaient eue à
la victoire de Lépante décida Emma-
nuel-Philibert à donner plus de déve-
loppement à sa marine en la confiant
à un ordre religieux et militaire, celui
de Saint-Maurice et de Saint-Lazare
dont Provana fut dès l'institution
(nov. 1572) créé amiral. Après avoir
contribué à la cession d'Oneille, faite
par la famille Doria au duc de Savoie,
il accompagna, en 1581, Charles-Em-
manuel 1*% qui allait épouser, k Sara-
gosse, Catherine d'Autriche, fille ca-
dette de Philippe II. Lorsqu'une dé-
putation eut oflert, en 1590, le titre
de comte de Provence au duc de Sa-
voie, Provana prit une part fort ac-
tive à toutes les négociations qu'ame-
na cet événement, et il fut chargé
d'aller sonder les dispositions du roi
d'Espagne j mais, n'ayant pas obtenu
de résultat satisfaisant , il revint en
Piémont et décida Charles-Enunanucl
à se rendre en personne auprès de son
beau-père. Ce prince s'embarqua avec
Jeaiinin {voy. ce nom, XXI, 511)),
envoyé par le duc de Mayenne, avec
PKO
un ambassadeur du duc de Lorraine
et André Provana, qui était l'âme de
toute cette intrigue. Mais les événe-
ments ayant pris en Provence une
tournure peu favorable, le duc ne put
rien obtenir de Philippe II, et trouva
à son retour les affaires plus em-
brouillées que jamais. Provana mou-
rut à Nice peu de temps après ce
voyage, le 29 mai 1592, et fut in-
humé à Villefranche auprès de son
épouse. « Le seigneur de Leiny ,
« comte de Fruzzasco, dit Gioffredo ,
«■ dans V Histoire déjà citée, était un
« homme de beaucoup de jugement,
« de sagacité et d'expérience, mais il
« était vers la lin de ses jours univer-
« sellement haï , parce qu'on croyait
« qu'il avait poussé le duc au voyage
• de Proveuce,source de tant de désas-
« très et de dépenses inutiles. • ( Yoy. '
Savoie {Charles-Emmanuel 1"^ duc
de), XL, 548.) A— Y.
PROVANCHÈRES (Babthélemi
de), né à Langres, dans la seconde
moitié du XVI„ siècle, d'une famille
considérée, était frère puîné de Si-
méon de Provauchères(î;o?/. cenom,
XXXVI, 156). Celui-ci, médecin dis-
tingué, s'étant fixé à Sens, où il
avait fait un mariage avantageux, ap-
pela ses frères près de lui. L'un d'eux
exerça la profession d'avocat, et mou-
rut jeune ; Barthélemi embrassa l'é-
tat ecclésiastique, et, par le crédit de
son aîné, obtint une place de cha-
noine et celle de trésorier du chapitre
à la cathédrale de Sens. Mais c'est
à d'autres titres qu'il mérite d'être
tiré de l'oubli où tous les diction-
naires historiques l'ont laissé. Daus
plusieurs occasions solennelles, il fut
appelé à prononcer des oraisons fu-
nèbres qui firent quelque sensation,
et qui, publiées d'abord à Sens, le fu-
rent ensuite à Paris. On y entrevoit
des lueurs de talent oratoire, qui
PRO
brillent surtout dans les passages où
le panégî'riste cherche à établir une
corrélation providentielle entre les
desseins de la divine majesté et la
destinée des puissants de la terre.
Cette idée, qu'il caresse sous plusieurs
formes, lui dicte quelques mouve-
ments heureux, mais jamais pathé-
tiques. Il n'est pas besoin de dire
qu'il sacriGe au mauvais goût du
temps, par l'abus de l'antithèse, l'em-
ploi de métaphores outrées et dis-
parates (1), les citations multipliées
de personnages mythologiques, des
poètes et des philosophes de l'anti-
quité, etc. Barthélemi de Provan-
chères survécut à son frère Siméon,
qui mourut en t617, mais on ignore
pendant quel nombre d'années Ou a
de lui : 1. Oraison funesbre sur le
îrespas de Henry leGrand, II II du
nom très chrestien, roy de France et
de Navarre, prononcée en l'église de
Sens, le iùjuin 1610, Sens, George
Niverd, 1610, in-S". On ne trouve
pas cette pièce mentionnée dans la
Bibliothèque historique de la France
du P. Lelong, ni dans les additions
de Fevret de Fontette. II. Discours
funèbre sur le trespas de haulte et
puissante dame, madame Catherine
de Lorraine, duchesse de Nevers,
prononcé en l'église de Sens, le tren-
te-uniesme may mil six cent dix-
huict, Sens, 1618, in-S» de 41 p.,
sans i'épître dédicatoire au duc de
(i) On poarrait ajouter «ax exemples de
comparaijous ridicules qui ont été relevés
tlaus les orateurs du XV* et du XVF siètle ce
passage du Dittturtfunibre lurle trttpatdila
duchesse de Severs, pag. Ç) : • La mort est i.e
" monstrueux bouc qui de ses cornes lieurte
« les quatre auglesde la terre; avec 5:1 grande
«< corne elle va toucher les grands et abattre
« les sceptres, les couronnes, les diadèmes,
«■ les mitres et tiares ; et avec sa petite, elle
• ne déddigiie pas de frapper les petits et
" heurter le vulgaire. •
PRO
10 j
Nivernois. Cediscours a été réimprimé
la même année, à Paris, in-4°, sous
le litre ù'Oraison funèbre, etc. 111.
Oraison funèbre de Jacques Davy,
cardinal du Perron, Sens et Paris,
1618, in-80. L— M— X.
PROVERA (le marquis de), géné-
ral autrichien né à Pavie vers 1740,
de l'une des plus anciennes familles
de la Lombardie, entra au service
fort jeune et fit les campagnes coîitre
les Turcs sous le maréchal Laudoii.
11 était chevalier de Marie-Thérèse et
feld-maréchal-lieutenant, lorsque lu
guerre de la révolution française
commença. Employé d'abord k l'ar-
mée des Pays-Bas, il s'y fit peu re-
marquer et passa en 1796 à celle
d'Italie, oîi il commanda une division
sous Beaulieu, puis sous Alvinzi. A
la bataille de Millesimo, se voyant
coupé et pressé de fort près par Au-
gereau, il se réfugia dans le vieux
château de Cosseria, où il se défen-
dit pendant trois jours avec beaucoup
de vigueur, et fut enfin obligé de ca-
pituler. Plus heureux le 12 nov.
suivant, il obtint un avantage im-
portant sur l'aile droite des Français
près de Soave. Deux mois plus tard,
ayant été chargé de conduire au se-
cours deMantoue un magnifique corps
d'armée où se trouvaient les volontai-
res de Vienne, dont l'impératrice avait
brodé de ses mains le drapeau, il fut
entouré par plusieurs corps français et
encore une fois obligé de capituler.
« Jamais d'habiles chasseurs, dit l'his-
« torien Jomini. ne mirent plus d'ar-
« deur et d'intelligence à traquer une
« bèie fauve, que les généraux français
• n'en déployèrent pour compléter la
« ruine du corps de Provcra. • Wurm-
ser, quiétait alors enfermédans Man-
toue, tenta en vain une sortie pour
venir à son secours. Entouré et atta-
qué sunullauémeut par les généraux
t06
PR
Victor, Dugua, Lannes et Augereau,
Proverase rendit prisonnier avec six
mille hommes et vingt pièces de ca-
non. Ce revers fit une grande sen-
sation à Vienne, et lorsqu'il se pré-
senta à la cour, quelques jours après,
l'empereur refusa de le recevoir, et
il fut mis à la retraite avec une très-
faible pension. Cette disgrâce toute-
fois dura peu, car dès le mois de
septembre de la même année, l'em-
pereur l'envoya à Rome sur la de-
mande du pape, qui voulut qu'un
général autrichien commandât ses
troupes. Joseph Bonaparte, qui se
trouvait alors dans cette ville comme
ambassadeur de la république fran-
çaise, ayant protesté contre cette no-
mination, Provera fut obligé de re-
tourner en Autriche. Il se rendit en-
suite à Naples sans fonctions osten-
sibles, puis à Pavie où il passa les
dernières années de sa vie et où il
mourut vers 1804. Ce général ne man-
quait ni de bravoure ni d'habileté;
Bonaparte lui-même lui a rendu cette
justice , tout en blâmant son extrême
facilité à capituler, qu'il n'eût pas
laissée impunie si Provera eût été
placé sous ses ordres. M— d j.
PRUDIIOMME (Louis -Marie),
fameux révolutionnaire, était né,
comme la plupart des gens de son
espèce, dans la plus basse classe du
peuple. Il vit le jour en 1752 à Lyon,
et fut d'abord garçon de magasin chez
un libraire de cette ville, puis à Paris
et ensuite à Meaux, où il se fit relieur,
il s'était établi dans la capitale depuis
plusieurs années lorsque la révolution
éclata, etdéjii ils'y était fait remarquer
par la publication d'un grand nom-
bre d'écrits révolutionnaires. Déjii,
quelle que fût la tolérance du gouver-
nement de cette époque, il avait été
arrêté plusieurs fois par suite de ces
publications. II a dit lui-même <(uc ,
PRU
dans le court intervalle qui s'écoula
entre les premiers troubles du parle-
ment, en 1787, et le 14 juillet 1789,
il mit au jour plus de quinze cents
pamphlets , tous destinés à préparer
les événements. Ses Litanies du tiers-
état, et son Avis aux gens de livrée
sur leurs droits politiques (Paris,
1788), furent distribués à plus de cent
mil le exemplaires dans les rues et dans
les carrefours. Enfin, après avoir usé
toutes les plumes des écrivains des
greniers (car il ne fut jamais capable
d'écrire lui-même), Prudhomme don-
na, au commencement de 1789, unRé-
sumé général de cahiers et doléances
des bailliages , pour les députés des
trois ordres aux États-Généraux,
écrit tellement séditieux qu'il fut saisi
par la police, dans un temps où les
plus audacieux pamphlets rÊStaient
impunis. L'ouvrage est de Laurent
de Mézières , et le discours prélimi-
naire de Rousseau {voy. ce nom,
XXXIX, 158), qui est mort séna-
teur. La révolution du 14 juillet vint
mettre ses instigateurs à l'abri de
toute espèce de poursuites et d'en-
traves* Prudhomme publia, dès le
lendemain , le i" numéro de son
journal des Révolutions de Paris ,
avec cette épigraphe : Les Grands ne
nous paraissent grands que parce
quenous sommes à genoux .... Le-
vons-nous!... Il en paraissait un ca-
hier tous les huit jours, avec une
gravure ; la collection entière, du 12
juillet 1789 au 24 février 1794, forme
17 vol. in-8o. Ce fut Loustalot [voy-
ce nom, XXV, 270) qui en composa
Vintroduction ; les autres rédacteurs
étaient Sylv. Maréchal, Fabre d'K-
glantiiie, Chauinelte, e(c. Dès-lors,
Prudhomme ne garda plus de mesure.
Dénonçant indistinctement tons les
;iartis,il harcelait sansce.sse lrs;igents
de l'autcrilé, attaquait toutes les iu-
PRU
stitutions.Enl790,ilfitaffichers«rles
murs de Paris, sous le titre de : Prvd-
hommé à totis les peuples de la terre,
une annonce ainsi conçue : • J'aver-
- tis que je publierai incessamment
« les crimes de tous les potentats de
• l'Europe, des papes, empereurs,
«rois d'Espagne, de Naples, etc..
• Le premier besoin d'un peuple qui
• veut ^tre libre, est de connaître les
• crimes de ses rois. Malgré la vi-
• gilance des despotes, j'en répan-
• drai des millions d'exemplairesdans
• leurs États, sous ma devise: Li-
■ berté de la presse, ou la mort. •
On le vit ensuite presser le juge-
ment de Louis XVI, sommer le gou-
vernement de faire célébrer, cha-
que année, au 14 juillet, la fête des
piques, et d'ordonner que ce jour-
là toutes les fenêtres fussent ornées
d'une de ces armes révolutionnaires.
Cependant la tyrannie de Robespierre,
et la vue du sang dont ses feuilles
avaient tint de fois préparé l'effusion,
semblèrent ouvrir les yeux de l'édi-
teurdes Révolutions de Paris; il atta-
qua franchement les hommes qui le
faisaient répandre, et il ne tarda pas à
se brouiller avec ses anciens amis.
Chose bizarre, Prudhomme fut em-
prisonné comme royaliste au milieu
de la terreur de 1793, et poursuivi
pour une mission qu'il avait remplie
en Champagne avec Billaud- Varen-
ne. Mais son crédit révolutionnaire
fut plus fort que ses ennemis, et il
recouvra la liberté. Cependant il ne
recommença pas son journal; il s'é-
loigna même de Paris, avec sa famille,
jusqu'à la chute de Robespierre ; ce
qui probablement le sauva de l'écha-
faud. En 1797, ne voulant pas re-
noncer à la qualité d'historien des
Crimes, il publia VHistoire générale
cl impartiale des erreurs, des fautes,
''t des crimes commis pendant la ré-
PRU ior
volution (6 vol. in-8o), compilation
très- informe, mais où l'on trouve
des documents précieux sur les atro-
cités de cette époque. Lorsqu'il eut
formé le plan de cette entreprise ,
Prudhomme l'annonça par tous les
moyens qui étaient en son pouvoir,
et il sollicita des renseignements qui
lui furent envoyés de tontes parts,
qu'il reçut sans examen, et qu'il pu-
blia sans méthode ni discernement.
Il est résulté de tout cela un ouvrage
quelquefois bon à consulter, mais in-
cohérent et sans aucune liaison , ni
rapport de couleurs et de principes.
Deux de ces six volumes sont consa-
crés à un dictionnaire, où chaque vic-
time se trouve inscrite à sa lettre al-
phabétique , avec son nom, prénom ,
âge, lieu de naissance, qualité, domi-
cile, profession, date et motif de con-
damnation, jour et lieu de l'exécution.
On y trouve, parmi les guillotinés,
18,613 victimes ainsi réparties:
Ci-(!cvant noWei 1.2?^
Femmes., .id T^o
Femmes de labonrevrs et d'arti-
sans 1 .467
Religieuses 3do
Prêtres I.l35
Homaie* et non nobles de divers
états l3,6i3
i8,6i3
Femmes mortes par suite de cou-
ches prématurées 3,4oo
Foiumes enceintes et en couches 878
Femmes tuées dans la Vendée.. . . l5,0OO
Enfants. . . .id a3,OOU
Morts dans la Vendée. 900,000
Victimes sous le procoasulat de
Carrier de Nantes 32,000
Enfants fusillés Sou
Id. noyét i,5oo
Noble» noyé» i,4oo
Femmes fusillées 264
Id. noyées 460
.\rtisans noyés 5,3ao
Victimes de Lyon.. . , 3 1,000
Dans ces nombres ne sont pas com-
pris les massacrés à Versailles , aux
Carmes, à TAbbave, à Bicêtre, à la
108
tRti
glacière d'Avignon ; les fusillés de
Toulon et de Marseille après les siè-
ges de ces deux villes, et les e'gorgès
de la petite ville de Bédouin, dont la
population périt tout entière {voy.
Maignet, LXXII, 356). Un des traits
les plus bizarres de cette compilation,
c'est que l'homme qui se montra l'en-
nemi si acharne de l'ancienne monar-
chie fait à l'Assemblée des notables
im reproche fondé, mais fort éton-
nant de sa part , celui d'avoir re-
fusé à Louis XVI des moyens indis-
pensables pour soutenir sa couron-
ne : « Leur lâche insouciance » , dit-il
en parlant des notables , « perdit la
• cour et laissa le champ libre à tous
« les excès; la postérité leur doit
« son mépris et son indignation...
« Malédiction sur eux!... • Ce qu'on
doit remarquer, c'est que c'est sur-
tout à Monsieur, frère du roi, et depuis
Louis XVIII, que s'adressaient ces
reproches. Toutes les peines que
Prudhorame se donne dans le même
ouvrage pour justifier ses liaisons
avec Camille Desmoulins , Danton ,
etc., pour prouver qu'il n'approuva
jamais les massacres et les proscrip-
tions, ne s»nt pas ce qui s'y trouve
de moins curieux. Cet ouvrage, qui
parut dans un temps oii la France
était encore gouvernée par les au-
teurs de ces crimes, fut saisi par la
police du Directoire 5 mais la saisie,
ftiite par des confrères et d'anciens
amis, n'empêcha pas l'éditeur d'en
débiter plus tard la presque totalité.
En 1799, Prudhomme devint un des
directeurs des hôpitaux de Paris, et
s'établit ensuite imprimeur-libraire.
Kn 1810, il acheta de Chaudon {voy.
ce nom, LX, 5.5'l)ctdu libraire Brny-
set le droit de faire une édilidu do leur
dictionnaire, et il prétendit aussitôt
user de ce droit pour interdire à tout
autre la faculté de faire un diclion-
PRU
naire historique quelconque. C'était à
cette époque que se commençait notre
Biographie universelle; Prudhomme,
soutenu par le directeur de la librai-
rie, Pommereul(«oi/.cenom,XXXV,
281), nous traduisit audacieusement
devant les tribunaux, et il voulut éta-
blir qu'un ouvrage rédigé par tout ce
que les sciences et les lettres offraient
de plus distingué n'était qu'une con-
trefaçon de son Dictionnaire histori-
que, fait par un ecclésiastique estima-
ble sans doute, mais étranger à pres-
que tous les objets dont il avait parlé,
et que, dans son édition, le nouvel
éditeur avait encore altérés et défi-
gurés par une maladroite précipita-
tion. Les éditeurs de la Biographie
universelle triomphèrent de cette
attaque ridicule, mais il leur fallut
subir trois degrés de juridiction. Pru-
dhomme continua le commerce de la
librairie jusqu'à sa mort. Ce qui est
assez digne de remarque, c'est qu'en
1814 il se montra favorable à la Res-
tauration et qu'on le vit pendant plu-
sieurs jours publier un journal où il
manifesta hautement cette opinion. H
avait; annoncé des Mémoires secrets
depuis 17G7 avec des prédictions jus-
gu'c» 1850, lesquels devaient être com-
posés de 4 vol. in-S". Le prospectus
parut en 1829 ; mais la mort de l'au-
teur, survenue en janvier 1830, en
empêcha la publication. Outre ceux
que nous avons cités, on a de Pru-
dhomme les ouvrages suivants, soii
comme auteur, soit comme éditeur: I.
Géographie de la république fran-
çaise en 120 départements^ 1795, 2
vol. in-8". H. Voyage à la Guianecl
à Caycnne^ fait en 1789 et années
suivantes, Paris, 1798, in-8". IH.
Dictionnaire universel géographi-
que, statistique, historique et poli-
tique delà France^ Paris, 1804-180:.,
5 vol. ia-4MV. Miroir de l'ancien
PRl
et du nouveau Paris, 1805, 2 vol.
iii-I8, avec plan et gravures; réim-
jii imé trois fois sous le titre de Voya-
ge descriptif de l'ancien et du nou-
veau Paris, 2 vol. iu-18, 1814, 1821,
1825. V. De la propriété littéraire,
ou les Contrefacteurs et les plagiai-
res démasqués, Paris, chez l'auteur,
1812, brochure in-S". VI. L'E>i/^er dfA-
hommes d'état et le Purgatoire des
peuples, histoire abrégée et chro-
nologique de la fin tragique des
personnages célèbres, etc., depuis
les temps les plus reculés jusqu'au 30
mars 1814, Paris, 1815 , in-12. L'ou-
vrage devait avoir 5 vol., mais il n'a
pas été continué. VII. L'Europe tour-
mentée par la révolution en France,
ébranlée par dix-huit années de pro-
menades militaires et meurtrières de
Napoléon Bonaparte, avec un ta-
bleau du nombre d'hommes qui ont
péripendant la révolution, et lesmil-
liards partagé* par un petit nombre
d'individus qui ont prêté tous les ser-
ments depuis 1789, Paris, 1816,2 vol.
in-12. Prudhouime professe dans cet
ouvrage le plus profond mépris pour
le gouvernement de Bonaparte et
pour toute la noblesse de sa création,
parmi laquelle il voyait un grand
nombre de ses anciens confrères les
sans-culottes. VIII. Nouvelle des-
cription des ville, château et parc de
Versailles, du Grand et Pelit-Tria-
non , Paris, 1620, 1821, 1824, in-12,
avec gravures. IX. Description des
statues, groupes, etc., qui ornent
les jardins des Tuileries et du
Luxembourg , Paris , 1821 , in-18 ,
avec gravures. \. Chronique des évé-
nements politiques, civils et militai-
res, etc., de tous les peuples, depuis
l'ère chrétienne jusqu'en 1822, Paris,
1822, G vol. in-8° avec 1100 portraits
en méilaillons. XI. Histoire impar-
tiale des révolutions de France, de-
PRL
109
puis la mort de Louis TF, Paris ,
1824-182.1, 12 vol. in-12. Xll. «<•'-
pertoire universel , historique, bio-
graphique des femmes célèbres, mor-
tes ou vivantes, depuis les temps les
plus reculés jusqu'à nos jours , par
une société de gens de lettres, auteurs
du Dictionnaire universel, Paris,
1826-1827, 4 vol. in-8''. Ersch attri-
bue à Prudhonime : 1° les Crimes des
reines de France, 1792, in-8'', dont
certainement il n'est pas l'auteur
(voy. KÉP.ALio, LXVni, 493)-, 2» les
Crimes des papes, 1792, in-S", dont
l'auteur est La Vicomterie qui a fait
aussi les Crimes des rois de Fran-
ce (l); 3" les Crimes des empereurs
d'Allemagne, 1793, in-8°, qui sont du
même auteur. On attribue à Prud-
homme, avec plus de raison, les Cri-
mes de Marie- Antoinette d'Autriche,
dernière reine de France, avec les piè-
ces justificatives de son procès, Pa-
ris, au bureau des Révolutions de Pa-
ris, anll, 1793, \n-8°, et les Crimes de
la Convention, avec la Liste des in-
dividus envoyés à la mort pendant la
révolution, et particulièrement sous
le rè^ne de la Convention, i79Ci~5
vol. in-8°. Il a été éditeur des Céré-
monies religieuses de tous les peu-
ples, 1810, 13 vol. iu-fol. (voy. Ber-
nard, IV, 296); de VArt de connaître
les hommes par laphysionomie, ISO.'i-
1809, 10 vol. ia-4" et in-»" {voy. La-
VATER, XXIII, 458). M— D j.
PRUD'HON (Pierke-Pall), pein-
tre français, né le 6 avril 1760, à
Clun\ , en Bourgogne, était le 13^ en-
fant d'un maître maçon , qui mourut
à im âge peu avancé. Resté à la charge
de sa mère, dont la piété et l'indigence
excitalentdanslavilleunvifintérêt,le
(i) Les ouvrages qui ont paru en t83o
et l83r, sous les titres de Crimts des rois rfi-
France et Crimes de! reines de France, sont
différeots de cenx qae nous ritons ici.
ÏIO
PRII
jeune orphelin fut admis graluiteinenl
à l'éftole que tenaient les moines de
Cluny, et sa conduite sage lui valut,
avec l'ainilié de ces bons religieux,
la protection de l'évèque de Mâcon
(M. Moreau), qui, voyant les heureu-
ses dispositions de cet enfant pour le
dessin, le plaça à Dijon chez François
Devosges, peintre distingue. Prud'hon
justifia cette faveur par de rapides
progrès , et. peu d'années après, ob-
tint le grand prix de peinture fondé
par les états de Bourgogne. On rap-
porte à ce sujet une anecdote qui mé-
rite d'être conservée. A côté de la loge
où il était entré pour concourir, se
trouvait immédiatement celle d'un de
ses camarades qui, désespérant de
pouvoir traiter le sujet donné, se li-
vrait à un violent chagrin. Touché
des plaintes de cet élève, Prud'hon
détache une des planches qui le sépa-
rent de son voisin, et travaille avec
ardeur au tableau de celui-ci, qui,
grâce à ce généreux secours, obtient
le prix d'une voix unanime. Quoique
dupe de sa bonne action , Prud'hon
se résigne à garder le silence ; mais
le jeune concurrent , qu'il a obligé
avec tant de désintéressement , ne
peut consentir à tromper les juges
du concours, et il leur découvre toute
la vérité. L'erreur est aussitôt réparée
que détruite, et, après avoir été porté
en triomphe par ses camarades, Pru-
d'hon, nommé pensionnaire des états
de Bourgogne à Rome, se hâte de par-
tir pour cette capitale. Ses études l'y
retinrent jusqu'en 1789 , époque dé
.son retour en France. Arrivé à Paris,
où il n'était point encore connu, il fut
obligé d'y faire à bas prix des por-
traitsau pastel et en miniature. Cespre-
mières productions, et phisieurs des-
sins annonçant de l'imagination , at-
tirèrent sur lui l'attention de quel-
ques connaisseurs; mais sa réputation
PRU
ne prit un accroissement sensible
qu'en 1808, année où fut exposé au
Salon son tableau de la Justice et
de la Vengeance divine poursuivant
le crime. Cette belle allégorie , qui
lui avait été commandée par le préfet
de la Seine , Frochot, son ami et son
protecteur, décora long-temps, au
Palais de Justice, la salle de la Cour
criminelle; mais, à l'époquede la Res-
tauration , on l'en retira pour faire
place à un grand crucifix qu'on y voit
encore. Elle, lut alors transportée au
Musée du Luxembourg et de là à celui
du Louvre. Le succès de ce beau ta-
bleau valut, en peu de temps, à l'au-
teur.la décoration de la Légion-d'Hon-
neur, une place à Plnstitut (dans l'A-
cadémie des Beaux-Arts) et l'honneur
d'enseigner le dessin à l'impératrice
Marie- Louise. Encouragé par ces ré-
compenses, il fit successivement pa-
raître aux expositions publiques un
grand nombre de tableaux, dont la
plupart lui avaient été commandés
par le gouvernement et par le comte
de Sommariva, riche protecteur des
beaux-arts. Ce qu'il y avait d'original
dans sa manière de peindre et dans
l'esprit de ses compositions ne tarda
pas à faire de lui le chef d'une école
nouvelle, tout à fait différente de celle
de David , alors dominante, et il eut
une foule d'imitateurs, parmi lesquels
on ne put guère remarquer que M,
Lordon, M"« Mayer et M. Ch. de Bois-
fremont. Généralement aimé et re-
cherché , Prud'hon semblait devoir
être content de son sort, mais le ma-
riage qu'il avait imprudemment con-
tracté, étant jeune, avec une femme
dont l'humeur et l'incondiiite étaient
intolérables, le rendit tellement mal-
heureux, qu'il se trouva réduit à la
triste nécessité de divorcer. Cette cir-
constance de sa vie l'affecta au point
qu'il ne lui fallnt pas moins, pour
PRU
calmer sa mélancolie, que les soins
empressés et le tendre atlachemenl
de son élève. M"' Mayer, dont nous
avons parlé pîàs haut. Mais cette liai-
son, si bien assortie et si heureuse
pendant quelques années, devait elle-
même finir d'une manière bien déplo-
rable. Au moment où les artistes lo-
gés dans les bâtiments de laSorbonne
reçurent l'ordre de déménager, Pru-
d'hou, qui y demeurait avec sou amie,
annonça à celle-ci la difficulté de trou-
ver ailleurs un appartement qui leur
fût commun; et il n'en fallut pas da-
vantage à l'infortunée pour tomber
ilans le désespoir. Frappée de l'idée
que Prud hoD méditait une rupture ,
elle se coupa la gorge avec un rasoir,
et périt baignée dans son sang. A par-
tir de cette douloureuse époque (1821)
'a santé de Prud'hon s'atiaiblit de jour
;i jour, et après deux ans (le 16 fév.
1823) il succumba à une sombre con-
somption, effet de son violent chagrin.
Cet artiste était d'un caractère doux
et modeste. H ne cherchait point à
se répandre dans le monde, et c'était
seulement parmi ses connaissances
les plus intimes qu'il savait faire ap-
précier les qualités de son esprit.
Son tableau de la Justice et la
Vengeance est avec raison considéré
comme son chef-d'œuvre. Quelques
incorrections de dessin et un léger dé-
faut de perspective, qui sembleprêter
: la victime de l'assassin une taille
iémesurée, furent a peine remarqués
ians ce grand et bel ouvrage, tant
1 ette scène nocturne et l'aspect vrai-
ment romantique de la composition
raient d'un effet saisissant. Aussi,
t», morceau, généralement admiré,
-t-il été gravé plus d'une fois par
iihabiles artistes: en premier lien,
par feu Roger, intime ami de l'auteur,
et, il y a environ deux ans, par M.
Antoine Gelée (pour la Société des
PRU
111
Anus des Arts). Parmi les autres pro-
ductions de Prud'hon , il en est qui ,
sans avoir toute l'importance du ta-
bleau dont nous venons de parler,
n'obtinrent pas moins de succès dans
les exposition» publiques. De ce nom-
bre sont les suivants: Pxyché enle-
vée par les Zéphirs ( 1808) ; le Zi-
phire se balançant au-dessus de Veau
(même année) ; le Portrait du roi de
Rome, Vénus et Adonis (1810); Ân-
dromogu« (1817); l'Assomption delà
Vierge (1819); la Famille désolée
(1822): le Christ sur la croix (exposé
après la mort de i'aotenr, en 1824, et
terminé, dit-on, par M. de Boisfre-
mont) ; le plafond du Musée, repré-
sentant Diane: des portraits; quel-
ques tableaux de genre ; des têtes
d'études et des dessins, achetés dans
le temps, par MM. Jacques Laffitte et
Sommariva. — Le talent de Prud'hon
était moins sévère que gracieux, et il
V a lieu de supposer que, durantson
séjour à Rome, cet artiste avait plus
étudié la touche d'Antonio Allegri
(le Corrège) que le style de Raphaël ;
on croit le reconnaître, du moins, à
l'expression voluptueuse de ses têtes,
à son empâtement de couleurs, à ia
suavité de son pinceau, à ses con-
tours ondoyants et moelleux, dont
l'indécision même n'est pas dépour-
vue de charme. Tout eu reconnais-
sant que ce peintre, doué d'une ima-
gination poétique, possédait au plus
haut degré le talent de plaire, on ne
peut se dispenser d'observer qu'il
laisse à désirer un dessin plus ferme
et plus savant; qu'il outre souvent la
diaphanéité de ses tons de chair, au
point d'en détruire toute la consis-
tance, et qu'en général, sa couleur a
plus de fraîcheur que de vérité. Ces
tons flous, ce sfumato, convenables
dans les fictions allégoriques et my-
thologiques, qui admettent jusqu'à
Ï12
PRU
PRZ
un certain point l'inimatérialitt^ des
('ormes, sont moins motivés clans les
sujets terrestres, qui exigent, avant
tout, un dessin correct, une touche
large et ferme, et une solide imita-
tion de la nature humaine \ aussi, à
l'exception des trois élèves de Pru-
d'hon que nous -avons nommés, ses
imitateurs n'ont-ils laissé que de fai-
bles ouvrages dont on ne parle plus.
On aurait ton, néanmoins, de croire
que par ces observations nous vou-
lons rabaisser le mérite d'un artiste
dont s'honore, ajuste titre, notre
école moderne. Prud'hon sera tou-
jours considéré comme le peintre des
grâces ; et si , par la nature de son
talent , il s'éloigne un peu trop du
grand style, il est assez glorieux pour
lui d'avoir mérité, par la délicatesse
de son pinceau, le surnom ùç,Corrège
français. Tel est le charme attaché à
ses productions, qu'elles sont tou-
jours au nombre de celles qu'on re-
cherche le plus dans les ventes. Sur
trente-huit tableaux de maîtres qui
furent vendus le 20 février 1839, à
l'hôtel de Sommariva, un seul fut
payé plus de 20,000 francs, et ce
fut le Zéphirc, de Prud'hon, dont
M"" Didier avait fait , en 1827, une
charmante copie sur porcelaine. Di-
verses notices ont été publiées
sur l'auteur de la Justice et la
Vengeance poursuivant le Crime -^
l'une par M. Quatremère de Quincy,
qui en lit lecture à l'Académie des
Beaux-Arts, le 4 octobre 1824 ; une
autre par M. Voïart, professeur de
dessin -, et une troisième par M. Ch.
Blanc, auteur d'une Histoire despein-
1 res français au XIX" siècle. F. P — T.
PUUKEAU de Pommegorge^yoya-
geur français, s'embarqua en I752,et
visita la côte d'Afrique, la Guinée, la
Nigritie et les différents établisse-
menls de l'auciennc compagnie des
Indes. Nommé membre dn eonseil
souverain du Sénégal, il fut ensuite
commandant du fort Saint-Louis de
Gregoy au royaume dxî Juda. De re-
tour en France après une absence de
vingt-deux ans, il obtint la place de
gouverneur de la ville de Saint-Dié-
sur- Loire, et mourut vers 1802 dans
un âge très-avancé. Il a publié la rela-
tion de ses voyages sous le titre de
Description de la Nigritie^ Amster-
dam et Paris, 1789, in-S", avec cartes;
trad. enallemand, Leipzig, 1 790,in-8".
Pruneau de Pommegorge convenait
volontiers que Sedaine, de l'Académie
française, l'avait aidé dans la rédac-
tion de cet ouvrage, et c'est sans doute
par reconnaissance qu'il le lui dédia.
On trouve à la fin un petit Diction-
naire des mots et des phrases les plus
usités chez les lolofs, dont la langue,
dit l'auteur, est une des plus jolies de
la Nigritie, 11 donne des notions inté-
ressantes sur ces peuples et sur la na-
tion des Foulahs, en fait connaître les
mœurs , les costumes , le gouverne-
ment , l'agriculture , le commerce ,
surtout celui des esclaves. 11 rapporte
qu'il a vu vendre un cheval arabe à
un roi nègre, moyennant cent captifs,
cent bœufs et vingt chameaux. 11 parle
des albinos ou nègres blancs; il dé-
crit le royaume de Beniu, le pays de
Dahomé,et entre dans des détails fort
curieux sur les îles dn Prince, de San-
Thomé et d'Annobon. Cependant ,
quoique Pruneau de Pommegorge
traite assez sévèrement les voyageurs
qui ont exploré avant lui la Nigritie,
sa propre relation n'est pas aussi éten-
due qu'elle aurait pu l'être. E — s.
l>RZIPCOVIUS (Samuel), écri-
vain socinien , né vers 1592 en Po-
logne, étudia à Altdorf jusqu'au mo-
ment où son adhésion au socinianisme
l'obligea de se réfugier à Leyde. Dès
l'Age de dix-huit ans il lit paraître un
9M
traité de la paix Pl de la concorde avec
l'f,glise,etpeudetemps après une ré-
futation du livre d'Heinsius intitulé :
Cras credo, hodie nihil. A son retour
en Pologne il occupa plusieurs em-
plois honorables, et usadeson influen-
ce pour propager le sociniauisme et
établir des églises dans le royaume.
Il écrivit à cette époque une Histoire
des églises sociniennes qui se perdit,
lorsqu'en 1658 ses disciples furent
bannis de la Pologne. Przipcovius
partagea leur sort, et fut obligé de
fuir sa patrie. Il obtint un asile dans
les États d e l'électeur de Brandebourg,
qui le nomma son conseiller privé.
En 1GG3, un synode des unitaires
le chargea de correspondre avec
leurs frères établis dans les au-
tres pays, alin de propager leurs
principes. Przipcovius, qui ne suivait
pas en tout les sentiments de Socin,
eut à repousser de vigoureuses atta-
ques de la part des partisans de ce
sectaire. 11 mourut le l© juillet 1690,
âgé de près de 80 ans. Ses ouvrages
ont été publiés en 1692, en un vol.
in-foi-iqui peut être considéré comme
le septième de la collection intitulée :
Bibliotheca Fratrum polonorutn. Ce
volume est précédé d'une vie de
Przipcovius. G— Y-
PRZYBYLSKI (Hyacinthe), tra-
ducteur et poète polonais, naquit à
Craco\ne en 1756, et fut successive-
ment professeur et bibliothécaire à
l'université de cette ville. Il mourut
en 1819, après avoir publié un grand
nombre d'ouvrages qui ont tous été
imprimés à Cracovie. Nous citerons
entre autres les traductions : i° de
la Mort d'Abel, de Gessner, 1787;
2° des Lusiades, de Camoens, 1790 ;
3» des OEuvres d'Hésiode, 1790; 4o
de V Iliade ; 5° du Paradis perdu, de
Milton-, 6" du Paradis retrouvé, du
ni?me; 7''des0^ui'r<,5qn'Ovi(ie écri-
LXXVIII.
PSA
i I *>
vil dans l'exil, 1803; 8° des Œuvres
de Quintus Calaber i g*' des Lamen-
tations de Jérémie. 1803; lOo de
VArt poétique d'Horace, 180;»; ilo
de VOdyssée ; » 2" de la Batrachomyo-
machie\ 13° des Géorgiques, de Vir-
gile, 1813; 14' de VÈnéide; 15" de
la Clef de l'ancien monde, pour ser-
vir à l'intelligence d'Homère et de
Quintus Calaber, 1816. Z.
PSACHE (Etienne), membre cor-
responJantde la Société des Antiquai-
res de France, plus connu, dit Nodier,
par les circonstances tragiques de sa
mort que par V infatigable patience
de ses recherches (l) , naquit k Coni-
mercy le 21 février 1769. Quoique
fils d'un simple tanneur, il prétendait
être arrière-neveu du célèbre rsicolas
Psaume, évêque de Verdun, l'un <les
secrétaires du concile de Trente. Des-
tiné à l'état ecclésiastique, il était clerc-
niinoré lorsque la révolution éclata,
lien embrassa les principes avec toute
l'ardeur de la jeunesse, entraîné sur-
tout par l'espérance de quitter une
profession dont les devoirs rigoureux
n'auraient pu se concilier avec l'im-
pétuosité de ses penchants. Appelé
aux fonctions d'administrateur et de
procureur-syndic du district de Com-
uiercy,il se lit un grand nombre d'en-
nemis par la roideur de son caractère.
Aussi , quoiqu'on rendît justice à sa
probité, les suffrages de ses conci-
toyens s'éloignèrent de Ini et ils "ne
le réélurent à aucune fonction publi-
que. Après la journée du 31 mai, ses
aû'ections pour le parti de la Gironde
lui suscitèrent quelques persécu-
tions, mais il fut protégé par le sou-
venir récent de ses sentiments répu-
blicains exagérés. Perdant toute es-
(i) Article sur le Manuel du Ubraire , àe
M. Bruaet, inséit; dans U Temps, no du l5
ff'vrier i834 (feuilleton).
ni
PSA
PSA
pérance de reconquérir la faveur po-
pulaire, et moins disposé encore à des
actes de soumission envers les puis-
sances du jour, il se lit successivement
libraire, avocat et journaliste. Mais
n'ayant réussi dans aucune de ces pro-
fessions, il prit le parti le plus sage,
celui de se retirer dans sa ville na-
tale, où il vécutau milieu d'une biblio-
thèque composée surtout d'ouvra-
ges rares et curieux, qu'il avait re-
cueillis lors de la vente des livres des
maisons religieuses de la province et
sur les quais de la capitale (2). Après
la Restauration, il fit de fréquents
voyages à Paris, et crut que sa haine
pour le despotisme lui tiendrait lieu
de titres près du gouvernement.il sol-
licita donc la place de juge de paix de
son canton, mais il se vit préférer un
militaire du train des équipages. Au
surplus, les discussions politiques te-
naient beaucoup trop de place dans la
distribution de son temps ; et comme
il les soutenait dans les iieux pu-
blics et même sous le balcon des Tui-
leries, avec un air courroucé et d'une
voix stridente, on le fuyait générale-
ment. 11 ne trouvait pas même le re-
pos au sein de sa famille. De deux
unions, qu'il avait contractées, la pre-
mière avait été brisée par la mort pré-
maturéede son épouse ; il ne recueil-
lit que des tribulations dans un second
mariage, et hnit par être victime
de la haine et de la cupidité deCa-
bouat et Simon, ses gendres (3), qui
(a) Celte lilbliothèquc, coii^posée d«; ])lus
de io,ooo volumes, a étp aclK^tôn par M. Té-
diener, libraire à Paris, qui débutait alors
dans ia carriore qu'il a piin-ourue depuis
ayer. tant il'cdat, soit par l'activitp (l(! ses
relîitlortà, soif par l'importance et In inuiti-
|>licité des publications que son zèle pour
les progrès de la seieuce liibiiogiapliiqiie
lui a iuit entreprendre.
; (!) Après une loiigne prof'édure, cos deii'x
• cL'lt'ruts iurcut (-ondauiiiw a tnoit par ta
l'assassinèrent à coups de bâton
dans la forêt , près de Couunercy ,
le 27 octobre 1828. On doit à Psau-
me : I. Réponse aux objections des
monarchistes contre la possibilité
d'une république en France, Paris,
Rainville, 1793, in-8° de 37 pag. (4).
Cet écrit, dont le préambule égale
presque en virulence les Crimes des
rois de La Vicomterie, manque de so-
lidité , même au point de vue de l'o-
pinion républicaine, et décèle, par
son ton déclamatoire, l'inexpérience
de l'écrivain et du publiciste. On le
caractérisera suffisamment en disant
que Louis XVI y est traité de Néron
moderne. «Il y a eu, dit-il, soixante-
» deux rois en France, et ces soixante-
« deux rois n'ont été que soixante-
« deux scélérats ; je n'en excepte pas
« même Charlemagne, Louis IX,
» Charles V, Louis XII et Henri IV,
« malgré que la flatterie et la bas-
« sesse des hommes les aient élevés
« jusqu'aux nues, malgré que deux
« de ces porte-couronnes aient été
« honorés de l'apothéose par la prê-
« traille, etc. (p. 6). » II. Lettre au
citoyen Mollevaux père, président
de la société des sciences, lettres et
arts de Nancy, Nancy, an XI (1803),
cour d'assises de la Meuse, le ii juillet
1829, et exéeutés à Saiut-Mihiel 1« i4 sep-
tembre suivant. Un bomme d'esprit s'est
avisé de composer à ce snjet une Grande
complainte sur l'horrible et èpouvanlabU tts-
sassinat commis avec préméditation et guet-
apens sur la personne de M. Etienne Psaume,
en ton vivant avocat et homme de lettres, 1821),
in-S" de lâ pug. Les amateurs de <:es sortes
d<; facéties la rediercbent beaucoup, parce
qu'elle rend un compte assez piquant des
débats de la <;our d'assises et des faits qui
ont précédé le crime.
(4) On lit dans le Journal dé l'imprimerie
et de la librairie, n" 5 du 3o janvier i83o,
p. 79, une courte notice des ouvrages de
Psaïuite, i:omposée par M. Lerouge, soti
cuinpalriotc et son aiui. Il ne donne par er-
reur que 1 7 pages à la Ripçni* auf objittions
(les nçnarthistts.
PSA
in- 8'. C'est une censure dn règle-
ment de la société, qui admettait des
membres honoraires ; on y relève en
outre l'omission de plusieurs noms
recommandables, dans la liste des
membres titulaires et associes. III.
Éloge de M. l'abbé Lionnois, ci-de-
vant principal du collège de tuni-
versité de Nancy, Nancy. 1806, in- 8".
L'abbé Lionnois {voy. ce nom, XXV,
535), après avoir consacré sa longue
carrière à l'instruction de la jeunesse,
avait publié, de 1803 à 1807, VHis-
toire des villes vieille et neuve de
Nancy ^ 3 vol. in-8». Cet éloge fut
composé pour être mis à la suite du
troisième volume, pendant l'impres-
sion duquel l'abbé Lionnois avait
cçssé de vivre. IV. Éloge de M. Au-
bry, ancien prieur bénédictin , Pa- ^
ris, 1809, in-8». L'auteur avait été
l'ami de dom Aubry : peut-être, à ce
titre, s'est-il un peu exagéré le mé-
rite des œuvres métaphysiques du
bénédictin ; mais si l'on ne peut ad-
mettre, sans restriction, l'apprécia-
tion trop favorable qu'il en fait, on
doit, applaudir à l'hommage qu'il
rend aux vertus simples et modes-
tes de leur auteur. V. Un patriote
à Napoléon sur tÀcte additionnel
aux constitutions de l'empire, Pa-
ris , 24 avril 1815, in-8°. L'oppo-
sition de Psaume aux envahisse-
ments du pouvoir impérial remon-
tait plus haut. Déjà il avait émis
tin vote négatif lorsque la nation
avait été consultée sur la proposi-
tion d'élever un trône pour le pre-
mier consul. Dans ces remontran-
tes sur l'Acte additionnel, il fait en-
tendre de dures vérités, qui ne par-
vinrent sans doute pas jusqu'à l'o-
reille de l'empereur. Il lui dit, entre
autres aménités, que cet Acte a mé-
contenté les bons citoyens, qu'il n'a
plu à aucun parti, et a répandu une
PSA
115
consternation universene. VI. No-
tice sur feu M. l'abbé Georgel, an-
cien grand-vicaire de M. le cardinal
de Rohan, Paris, 1817, in-8». Cette
notice, placée à la tête des Mémoires
de l'abbé Georgel, a été tirée à part.
Psaume avait fourni pour cette pu-
blication des notes plus ou moins
piquantes, qui furent supprimées ou
altérées par Baudouin père, à la révi-
sion duquel l'éditeur Eymery les
avait soumises. VU. Mémoire pour
M Etienne Psaume, avocat^ contre
le sieur Bougeât, second adjoint du
maire de Commercy, Nancy, 1826,
in - 8'. « Quatre incendies , fruit
« de la malveillance la plus auda-
« cieu<e et la plus criminelle, ont
« éclaté successivement à Commercy
« dans la maison de M. Psaume...
• Peut- on s'imaginer qu'il se soit
« trouvé un homme assez auda-
« cieux, assez pervers , ou assez
« insensé pour avoir osé accuser,
• hautement et en face, M. Psaume
• et ses enfants d'avoir mis le feu à
« leur maison ? Cet homme est le
« sieur Bougeât. • Tel est le début
de ce mémoire, qui, selon l'usage de
l'auteur, est écrit, d'un bout à l'au-
tre, du même style virulent et inju-
rieux. L'adjoint du maire n'avait
rempli que son devoir en prenant
les mesures nécessaires pour préve-
nir un cinquième incendie, quand
surtout la clameur publique accu-
sait, non Psaume, mais ses filles,
d'être les auteurs des quatre pre-
miers. VIII. Un petit mot à M. le
rédacteur du Constitutionnel sur les
jésuites Guéret et Guignard, Paris,
1826, in-8''. Psaume prouve que le
P. Guéret n'a pas été mis à mort
comme le dit le Constitutionnel, mais
quil a été seulement banui à perpé-
tuité. Quant au P. Guignard, il fut
pendn, en effet, pour avoir Conser-
8.
116
PSA
vé chez lui des manuscrits où le
meurtre de Henri III était glorilié et
qui provoquaient aussi à l'assassi-
nat de Henri IV. M. Psaume trouve
cette condamnation un peu sévère,
surtout pour la première fois. IX.
Dictionnaire bibliographique, ou
Nouveau manuel du libraire et de
l'amateur de livres , etc. , Paris ,
1824, 2 vol. in-8°. Cet ouvrage,
tombé justement en discrédit, n'est
qu'une contre- épreuve, ou plu-
tôt une contrefaçon du Dictionnaire
bibliographique de Fournier. On y a
fondu, sans trop de discernement,
un certain nombre d'articles addi-
tionnels, puisés dans la troisième
e'dition du Manuel du libraire de
M. Brunet, auquel on a dérobé même
le titre de son livre. Ces torts ne
furent sans doute pas ceux de Psaume, ''
qui passait pour un honnête homme ;
ils doivent plutôt être imputés aux
éditeurs peu scrupuleux de cette
publication. Ce qui appartient en
propre à Psaume se compose surtout
d'un Essai élémentaire sur la biblio-
graphie, qui a été loué par Nodier.
« C'est une analyse bien faite de la
« science bibliographique, où il n'y
« a presque rien de nouveau à ap-
■ prendre pour ceux qui ont appris,
• mais où rien d'essentiel n'est omis
• pour ceux qui apprennent (5). »
Il ne faut pas omettre, dans le contin-
gent fourni par Psaume, un assez
grand nombre de notes très-acrimo-
nieuses dirigées contre les écrivains
dont il ne partageait pas les opinions,
tels que Bonald, de Maislre, Fer-
rand, etc. Le premier, par exemple,
est traité de « ténébreux écrivain,
« que l'on- a surnommé avec juste
• raison le Lycophron de la politi-
' que\ ses productions n'ont eu un
(^) Feuilleton du Temps cite plus !i;iiit.
PUB
« peu de vogue que parce que cer-
« tains valets de plume de la tyrau-
« nie avaient fait autrefois à leur au-
« teur un immense trousseau de
« réputation (6). » Psaume a fourni
d'ailleurs beaucoup d'articles poli-
tiques ou littéraires aux journaux de
la capitale, au Narrateur de la Meuse,
au Journal de la Meurthe, etc. Il
fut l'un des collaborateurs de la Bio-
graphie moderne, 3 vol. in-8o, pu-
bliée en 1817 par Alexis Eymery, qui
n'était guère qu'une copie de la Bio-
graphie moderne, imprimée à Leip-
sick (Paris) en 1806, 4 vol. in -8", Il
se proposait de composer une biblio-
graphie révolutionnaire , pour la-
quelle il avait déjà recueilli de nom-
breux matériaux; mais, craignant
d'attirer sur lui les rigueurs du pou-
voir, il prit le parti de renoncer à
cette entreprise. L— m — x.
PUBLICIUS (Jacques), littéra-
teur, est compté parmi les savants
qui ranimèrent le goût des bonnes
études en Italie, dans le XV« siècle.
Fossi pense que c'est son nom acadé-
mique. Il était de Florence, et l'on
peut conjecturer qu'il y professa les
belles-lettres avec une assez grande
réputation. On a de lui: Artis orato-
ricB cpitome ; Ars epistolaris ; Ars
memoriœ, Venise, 1482, in-4°. Ces
trois opuscules ont été réimprimés
par Erh. Raldolt, Venise, 1485, et
Augsbourg, 1490, in-4''. L'édition de
1482 est décrite par Fossi dans le
Catal. codic. impressor. bibl. moglia-
becch., Il, 421-, celle de 1485 est cotée
dans le Calai. delaBib. dît Tîoi, bel-
les-lettres, X, 2097. Le manuel épis-
tolaire de Publicius a reparu séparé-
ment sous ce. titre: Ars couficiendi
epistolas tulliano more, Devcnter,
((■)) Dittionnair» bibliographique, torn. I"',
MîG
PUG
117
1 488, in- 4o ; Leipzig, sans date, in-4o.
Panzer en cite une seconde édition
de Leipzig, 1501. Son traité de mné-
monique ;iclé reproduit sous le titre
d'^rs memorativa, sans date, in-4».
Les bibliograpliesattribuent cette édi-
tion à Jean Guldenschaft, de Mayence,
imprimeur à Cologne. Elle est ornée
de figures sur bois représentant les
signes bizarres qui s<»rvent aux mné-
monistes à se rappeler les dates ou
les événements qu'ils veulent fixer
dans leur mémoire. Ces mêmes figu-
res se trouvent déjà dans l'édition de
Venise, 1482, décrite par Fossi ; et il
est très-vraisemblable qu'elles ont été
reproduites dans toutes les éditions
de cet opuscule. Le R. Dibdinen a
donné des fac-similé dans le Catal.
delà bibl. Spencer, III, 475. W — s.
PrGET, marquis de liariantane
{ PAL'L-FnANÇOIS - UlL.VRION-BlE>VE-
Nu), général français, né à Paris
en 1751, d'une famille ancienne et ri-
che , reçut une éducation soignée et
principalement dirigée vers les scien-
ces militaires-, mais, doué d'un esprit
enclin à la méditation , il montra
plus de goût {K)ur toutes les scien-
ces qui ont la métaphysique pour
base, et s'occupa tour à tour de
philosophie, de droit public et de lé-
gislation. Entraîné par les illusions
de son siècle, il devint un des plus
ardents admirateurs de Voltaire et
de Rousseau, et ce fut surtout dans
les œuvres de ce dernier qu'il puisa
les principes qui devaient régler ses
opinions et sa conduite. Le zèle avec
lequel il se livra à ses études fut tel
que sa santé s'en trouva sérieusement
compromise et qu'elle ne put jamais
depuis se rétablir complètement. Ce
n'est pas toutefois qu'il lui manquât
des occasions de se distraire ; appar-
tenant à une famille où l'on remar-
quait plusieurs femmes des plus à la
mode, il lîit de bonne heure lancé
dans un tourbillon de plaisirs, au mi-
lieu duquel on admirait la reine Ma-
rie-Antoinette , douée de tous les
charmes de la jeunesse, de l'esprit et
de la beauté ; et cette cour avait d'au-
tant plus d'attraits, que l'étiquette s'y
était fort relâchée, que les princes et
princesses vivaient avec leur entou-
rage dans une familiarité qui fut avec
raison considérée comme un oubli
des convenances et qui contribua ,
plus qu'on ne pense peut-être, à l'ex-
plosion de 89. Le marquis de Barban-
tane rapporte dans ses Mémoires
qu'à un bal de la cour il fut invité à
danser par la reine, et que cette prin-
cesse poussa la complaisance jusqu'à
lui enseigner les figures de contre-
danse. Malgré toutes ces séductions,
il se sentait à la cour, dit-il , comme
une plante étrangère, et ne cessait
de rêver après un changement qui,
selon ses propres paroles , devait
amener « un gouvernement sage et
- fondé sur de bonnes institutions :
• l'indépendance des tribunaux, Te'-
■ galité des citoyens devant la loi, le
• triomphe de la raison et le règne
• de la vertu. ■ Ce changement tant
désiré par lui eut lieu en effet, et il
put apprécier, à leur juste valeur, ses
beaux rêves et ses espérances ; mais
telle était la trempe de son caractère
et son entêtement pour des opi-
nions une fois formulées, qu'il ne
fut nullement ébranlé par la longue
anarchie qui désola la France, où au-
rait dû cependant triotnpher la rai-
son et régner la vertu Malgré ses
principes d'égalité, le jeune marquis
n'avait pas laissé de profiler de tous
les avantages attachés à sa naissance,
et de marcher à pas de géant dans
la carrière militaire. Colonel dès
avant 1789, il se trouvait à cette
époque eu jiarnison à Aire, avec le
1|8 PUG
régiment d'Aunis, qu'il commandait
et qui le premier prit la cocarde tri-
colore, décrétée par l'Assemblée na-
tionale. Ce régiment fut un de ceux
qui vers le même temps furent en-
voyés en Vendée, et y apaisèrent des
troubles, lesquels, plus tard, devaient
exiger bien d'autres efforts. Cette mê-
me année, Puget se présenta à l'assem-
blée du bailliage de Senlis. Avec les
opinions qu'on lui connaît déjà , on
n'est pas étonné qu'il se soit joint
à Charles de Lameth, et qu'il l'ait
secondé de tout son pouvoir. Bien-
tôt après, il fut nommé député sup-
pléant par l'assemblée électorale de
Paris , et commença à manifester
ses opinions avec un enthousiasme
outré. Un jour, au sortir de l'as-
semblée , dont il suivait assidû-
ment les travaux, il alla dîner avec
Mirabeau et l'abbé Sieyès; on parla
politique, et Mirabeau ayant, dans le
coursde la conversation, laissé échap-
per cette exclamation : -Si jamaisvous
«mevoyezencréditauprcsduroi,poi-
« gnardez-moi, car je saurais lui ren-
• dre sa toute-puissance; ■ Puget se
leva avec vivacité , et , saisissant un
couteau , il le brandit en disant :
« Mirabeau, le poignard serait tout
« prêt.» Après avoirété pendant quel-
que temps colonel en second du régi-
ment de Royal-marine, il fut, à la fin
de 1791, nommé à l'ancienneté maré-
chal-dt-camp. Il fut alors destiné par
le ministre de la guerre à com-
mander 15,000 gardes nationaux qui
devaient couvrir Paris, mais l'état de
sa santé ne lui permettant plus d'ha-
biler un pays froid et humide, il sollici-
taet obtint le cotumandement.de la 8®
division utilitaire, qui C()mp»»-en;iit les
départements des Bouches-tlii-Uhône
et du Var.Toiit le midi se trou viiiMi vré
àdegrand«'sagitatîonsv'etint<>roiicon-
ire entre les royalistefs <it 1*8 révolu-
PUG
tionnaires était imminente. Bien que
profondément attaché à la cause de ces
derniers, Puget de Barbantane ne les
favorisa point ouvertement, et s'ap-
pliqua surtout à maintenir la tran-
quillité et le bon ordre. Sa modéra-
tion fut bientôt mise à une cruelle
épreuve. Le 26 février 1792, une co-
lonne de Marseillais armés et traî-
nant à leur suite six pièces de canon
se montra sur la route d'Aix , oii
le régiment suisse d'Ernest formait
toute la garnison. Si Puget avait bien
compris son devoir, ou voulu le faire,
il aurait dû, en apprenant l'approche
des Marseillais, prendre immédiate-
ment les mesures nécessaires pour
leur interdire l'entrée de la ville.
Mais il se contenta d'en référer au
directoire du départcmeni et au corps
municipal, qui, étant diamétralement
opposés entre eux de sentiments et
d'intentions, ne pouvaient point s'en-
tendre. Pendant des pourparlers inu-
tiles, les Marseillais avançaient, et
lorsque , le lendemain, le général se
fut enhn décidé à employer la force
contre eux, il n'en était plus temps,
car déjà ils étaient maîtres des portes
de la ville, grâce à la connivence
d'une partie de la population. Tout
le rôle de Puget se borna à empêcher
que les Marseillais n'en vinssent aux
mains avec le régiment suisse, qui
était sorti eu armes d'après ses or-
dres. Mais se montrant d'autant plus
arrogants qu'ils se sentaient appuyés
par la populace et qu'on leur témoi-
gnait plus de déférence, les Mar-
seillais exigèrent d'abord que le ré-
giment rentrai dans sa caserne, puis
qu'il déposât les armes et se préparât
à rcioin'uer en Suisse. Puget de "Bar-
haiitane, ouldiant »loi^ tout à fait sa
dignité de chef, ««rvit d« parlemen-
taire entre les deu5t:pail.is, et consu-
ma sa joiirucc^cM allées et venues.
PDG
PUG
119
Les Suisses voulaient bien s'éloigner,
«nais avec tons les honneurs de la
guerre, c'est-à-dire avec leurs armes
et bagages, et tambours en tête. Il fal-
lut toute l'insistance du général, qui
ne manqua pas de faire ressortir
l'imminence du danger et de l'exagé-
rer encore, pour que le commandant
de ce régiment se décidât à subir une
pareille humiliation. Enfin il fit poser
les armes, et les Suisses sortirent
d'Aix au milieu des hourras de la
multitude. Cette affaire fit une vive
impression sur Louis WI : les mi-
nistres en rejetèrent tout le tort sur
Puget de Barbantan*", qui fut suspen-
du de ses fonctions et envoyé devant
un conseil de guerre. La cho<:e n'eut
cependant pas de suite, et soit fai-
blesse du gouvernement, soit que le
général eût réussi à justifier sa con-
duite, qui, il faut l'avouer, n'avait
{las moins été dictée pir les cir-
constances qti'elle n'était conforme
à ses sympathies, Puget de Barban-
lane fut, dès le 3 avril, réintégré
dans son emploi, et chargé en outre
d'organiser le corps d'armee'atîendu
sur le Var. La réunion du comtat
venaissin a la France avait été décré-
tée par l'Assemblée constituante, en
1791, mais les commissaires envoyés
alors pour l'effectuer rencontrèrent
bien des obstacles ; enfin Puget fut
chargé par le général Montesquiou de
!a réorganisation de ce pays, et par-
vuit à y maintenir Tordre et la tran-
quillité. Étant allé ensuite se reposer
pendant quelque temps dans sa
terre de Barbantane, qui n'est qu'à
une lieue d'Avignon, il y reçut sa
nomination au grade de lieutenant-
général. Biron ayant été nommé,
en février 1793, général en chef
de l'armée d'Italie, rétabht, par
ordre exprèsdu ministre de la guerre,
Pncret de Barbantane dans le rom-
manderaent de la 8® division; mais,
devenu l'objet des soupçons . ce-
lui-ci sentit que , nial?ré tout ion
dévouement à la république, l'inté-
rieur de la France n'était plus tena-
ble pour un ci-devant marquis. En
conséquence, il donna sa démission,
•lemanda H obtint de l'emploi dans
l'armée des Pyrénées-Orientales. Il y
arriva le 20 mars 1793 et fut mis
à la tête d'une division. Le 17
juillet, il secourut le général Dag«»-
bert , qui s'était témérairement en-
gagé contre des troupes foi; supé-
rieures en nombre. Ce succès a été
faussement attribué par quelques bio-
graphes au général Péngnon, qui n'é-
tait encore que chef de bataillon.
Après la mort du général Deflers, Pu-
get eut provis<jireinent le comniao-
deaient en chef, sauva Perpignan par
l'activité qu'il mita organiser an nou-
veau corps d'armée à Salces, se dis-
tingua dans un engagement à Peyres-
îortes et empêcha l'ennemi de péné-
trer dans l'mtérieur de la France.
Destitué comme ci-devant noble par
le comité de salut public , il fut mê-
me arrêté à Toulouse; mais il ne
tarda pas à recouvrer sa liberté et
profita de ses loisirs p«iur venir k
Paris . où il suivit atteutivement la
lutte des partis et épousa la cause des
Girondins. Un jour qu'il «e promenait
sur la terrasse des Tuileries, il fut re-
marqué par Robespierre, qui demanda
qui il était, et ordonna à l'instant son
arrestation. Conduit à la prison de
Saint-Lazare, Puget fut porté, par
Fouqmer-TaJnville, sur la liste des
malheureux qui devaient , te 7 ther-
uii ' r dans la fatale charrette,
ma ,tés du Midi interviiiTent
heureusement et firent rayer son nom.
Cinq jours plusiard il recouvra sa ii-
be rié.et obtint successivement celle de
-'•îi père et «le sa femuie, bien que ses
120
PLG
PUG
opinions l'eussent depuis lonj-tenips
brouillé avec eux. Après être resté
dans la retraite, à Passy, jusqu'au 13
vendémiaire an 111, il alla offrir ses
services à son compatriote Barras et
obtint de nouveau le commandement
de la 8^ division. Destitué en 1797,
au moment où il allait prendre part
aux opérations de l'armée d'Italie, il
rejoignit, k Milan, le général en chef
Bonaparte, avec lequel il s'était trouvé
chez Barras lors des événements du
13 vendémiaire, et sollicita son inter-
vention auprès du Directoire. Toutes
ces démarches ayant été sans effet, il
revint à Barbantane, d'où il ne cessa,
pendant deux ans, de fatiguer les hom-
mes du pouvoir, afin d'obtenir de l'em-
ploi, par des demandes qui restèrent
sansréponse. Après le 18 brumaire, il
revint à Paris, espérant encore profiter
de ses anciens rapports avec le pre-
mier consul. Toutefois, l'amilié de ce-
lui-ci, déjà fort refroidie à cause de la
ténacité d'opinions qu'il connaissait
au général, se changea tout à coup en
haine, et voici pourquoi : Puget avait
connu, pendant le cours de la révolu-
tion, le sculpteur Topino-Lebrunet il
le recevait quelquefois chez lui. Un
jour le jeuneartiste lui parla de Bona-
parte conmie d'un dictateur, et après
plusieurs conversations sur ce sujet il
lui découvrit des plans d'assassinat, et
lui révéla même le secret de plusieurs
tentatives de ce genre qui avaient lieu
presque tous les jours. A cette étrange
confidence, Puget, s'il faut l'en croi-
re, regarde fixement Topino, et lui
dit : « Je ne crois pas que vous et
« vos complices puissiez être des Bru-
« tus et des Cassius ; mais vous m'a-
« vez parlé autrefois du désir d'aller
« porter vos talents en Danemark, et
• je vous donne bien sincèrement le
" conseil de prendre ce parti. -Cette
réponse n'était guère en harmonie
avec celle qu'il avait faite autrefois à
Mirabeau et que nous avons citée. Les
visites de Topino-Lebrun étaient con-
nues de la police, et la maison de Pu-
get était surveillée nuit et jour. Il
finit par s'en apercevoir, mais ne put
se décider à raconter ce qu'il savait
que quand Topino-Lebrun eut été ar-
rêté. Ce retard ôta tout mérite à ses
révélations et il fut assez mal reçu par
Fouché qui, pour toute réponse à ses
excuses et à ses protestations, lui dit
sèchement qu'il avait mai fait de ne
pas le prévenir. Sentant alors que le
séjour de Paris pouvait lui attirer de
graves désagréments, il se retira à
Barbantane, renonçant à l'activité de
service que l'état de sa santé ren-
dait d'ailleurs impossible. Napoléon
n'oublia jamais les rapports que le
général avait eus avec le conspirateur,
et il le lui fit sentir durement en
1811. Puget étant revenu dans la ca-
pitale pour voir son père malade, et
désirant s'y arrêter quelque temps,
demanda au ministre de la guerre l'au-
torisation de recevoir à Paris la solde
de retraite qu'il touchait dans le dé-
partement des Bouches-du-Rhône. Sa
demande fut soumise , par le duc de
Feltre, à l'empereur, qui écrivit en
marge de sa propre main : « Le lais-
' ser chez lui, étant inutile à Paris.'
Force fut donc k Puget de retourner
dans sa terre, et il ne la quitta plus
jusqu'en 1815. A l'époque de l'assas-
sinat du maréchal Brune, il courut
lui-même quelque danger. Des pay-
sans pris de vin et armés de fusils
pénétrèrent un dimanche dans sou
cabinet où il était seul et sans armes,
menaçant de le tuer s'il ne faisait
pas enlever le drapeau blanc qu'il
avait arboré couiiiic tout le monde.
L'un de ces furieux le coucha en joue,
mais un domestique arriva assez à
temps pour détourner le coup, Celte
PUG
PUG
121
circonsfance lui fit prendre la re'solu-
tion de quitter Barbantane;cepeadaDl
il s'y trouvait encore au moment du
retour de Napoléon de l'île d'Elbe, et
ce fut de là qu'il adhéra à l'Acte addi-
tionnel en ces termes : « Moi, Hila-
• riou Puget-Barbantane, lieutenant-
• général des armées en retraite, après
• la lecture des constitutions de l'em-
- pire conservées, et celle de l'Acte
• additionne], nie bornant à l'examen
■ des droits civils et politiques qui y
« sont renfermés, droits sans lesquels
• il ne peut exister de bonheur as-
- sure pour les nations , je dis oui si
• les autorités reconnues observent,
• chacune dans ses attributions, les
• droits précités. • On voit qu'il n'y
faisait aucune mention de la famille
des Bourbons, et que les restrictions
mises à son acceptation étaient celles
d'un homme bien persuadé que Na-
poléon triomphant reprendrait le
pouvoir absolu. Après la seconde Res-
tauration, Puget vint définitivement
se fixer à Paris, et, bien que restant
en dehors des affaires, il suivit avec
attention la marche des événements,
appelant de tous ses vœux le retour
de la république, qu'il regardait com-
me le gouvernement le plus favorable
au bonheur des peuples. Il mourut le
27 mars 1828. L'année précédente, il
avait publié un volume de Mémoi-
res (l), où il s'attache à se justifier
des attaques dont il avait été l'objet
à l'occasion du désarmement du ré-
giment d'Ernest, et à faire voir que
ses principes furent toujours invaria-
bles et à l'épreuve de toutes les séduc-
tions comme de tous les événements.
{t) Mémoires du général Puget-Barbanta»e ,
publiés par lui-même, Paris, i vol. ia-S" de
36o pages. C'est sans doute par soite de ses
opinions démocratiques qo'il a affecté sur
le frontispice de ne pas prendre lu titre de
marquis.
Quant à nous, nous croyons que cette
fidélité fut parfaitement secondée par
la répulsion de Bonaparte, et que sans
cette répulsion et sans le mauvais état
de sa santé, Puget aurait fini , ainsi
que tant d'autres, par apostasier en
échange d'un titre ou d'un grade
plus élevé. Si, pendant le consulat
et l'empire, il resta dans l'inactivité,
ce ne fut pas quoi qu'il ait pu dire,
par l'effet de sa volonté, mais par la
force des circonstances, conjme le
prouvent plusieurs passages de ses
Mémoires. Ce livre se divise en trois
parties: les deux premières contien-
nent tout ce qui est relatif à la bii»-
graphie de l'auteur; dans la troisième,
qui a pour litre Réflexions sur les
circonstances actuelles, il examine
rapidement les différents ministères
de la Restauration et s'attaque sur-
tout à celui de M. de Villèle. Le ta-
bleau qu'il en trace semble, en vérité,
avoir été écrit vingt ans plus tard et
pour d'autres circonstances. «C'est,
« dit-il, à la faveur de la compression
« de la France par le régime arbi-
• traire appliqué spécialement à tous
« les hommes connus par leurs prin-
« cipes généreux, par leur amour du
« pacte fondamental, que nous avons
• vu le ministère violer la liberté des
• élections par la corruption et par
« la force, écarter tous les candidats
« constitutionnels, peupler la cham-
• bre de ses créatures et se rendre
« maître annuellement des députés,
« comme il l'avait fait des électeurs,
« par des promesses et des faveurs
« de tous les genres. Il suffit de comp-
« ter le nombre de fonctionnaires
• que renferme la chambre des dé-
« pûtes et de suivre la progression
« des récompenses d'avancement
« qu'ils reçoivent sans cesse, direc-
« tement ou indirectement, pour ju-
« ger que leur conscience doit être
122
PUG
« merveillensement docile aux inspi-
• rations du ministère, ou leurs opi-
« nions dans une étrange harmonie
« avec ses fatales mesures. » Dans le
résumé de sa vie, on verra qu'il ne
s'épargne pas les éloges, et qu'en
toute occasion sa conduite fut irré-
prochable. « Noble, j'ai sacrifié sans
« peine tous les préjugés, tous les
" privilèges de ma caste; placé de
« manière k profiter de toutes les (a-
« veurs de l'ancien régime, je ne les
« ai point recherchées. J'ai salué
« avec joie l'aurore, de la Révolution,
« parce que j'avais puisé ses princi-
'• pes dans les livres des philosophes
" et dans la société de quelques-uns
« d'entre eux, tels que Mably et au-
« très. J'ai commencé ma carrière
« politique par le rôle de conciliateur
« dans l'assemblée électorale du bail-
« liage de Sentis ; avec des opinions
« constitutionnelles très-énergique-
« ment prononcées, mais toujours
« dominées par un sentiment dejus-
« tice, d'équité, et par mon esprit de
« conciliation, j'.ii continué ce rôle
« au milieu dis passions les plus ar-
« dentés, des partis les plus acharnés
« l'un contre l'autre. C'est ainsi que
« j'ai sauvé le régiment suisse d'Er-
« nest d'une perte certaine et que
«j'ai préservé la ville d'Aix d'un af-
« freux malheur, qui pouvait la con-
« duire jusqu'à être saccagée, pendant
« la nuit, au milieu d'une action ter-
" rible. En assurant la vie des soldats
« d'une puissance amie, j'ai détourné
« de ma patrie la responsabilité mo-
" raie d'un crime qui aurait toujours
« pesé sur elle. La légèreté du mi-
« nistre Narbonne, dans son pre-
« mier jugement sur ma con(luite,est
« évidente. Dumouriez , absent de
« France, et sans doute ayant perdu
" le souvenir des faits, a oublié, en
' m'accusant dans ses mémoires,
PUG
« qu'il avait écrit lui-même ma jus-
« tification pendant qu'il tenait le
" portefeuille des affaires étrangères.
« M.deClermont-Gallerande, entraî-
« né par la nature de se opinions, a
« blâmé ma conduite sans connais-
« sauce de cause. Enfin, tout le midi
• a témoigné en ma faveur, et le roi
« a déclaré mon innocence, en me
« conférant de nouveau le commau-
« dément de la huitième, division mi-
« litaire. Après avoir fait cesser l'effu-
• sion du sang dans le comtat venais-
« sin, je suis parvenu à opérer sa
« réunion avec la France sans aucun
« moyen violent, sans être réduit,
• comme tant d'autres, à la cruelle
« nécessité de voir des crimes sans
« pouvoir les empêcher. La Révolu-
« tion m'avait enlevé toute ma for-
« tune; je ne lui ai pas demandé de
« récompense. La terreur me priva
« de ma liberté, me réduisit à un
« dénûment presque absolu, mit mes
• jours dans le plus grand danger ;
« je ne cessai point d'aimer la ré-
« formec(institutionnellede89. Après
« le 9 thermidor, j'ai de nouveau pa-
« cifié le midi, en me dévouant sans
« réserve à l'établissement du gou-
« vernement constitutionnel. L'in-
« justice et la rigueur du Directoire
« nem'oiit pas rendu infidèle à la cause,
« que j'avais embrassée : j'ai défendu
R le Directoire ingrat , comme j'avais
« couru au secours de la Convention
« qui m'avait jeté dans les fers, et
« je n'ai jamais ni sollicité ni reçu
« de l'une ou l'autre de ces aulo-
« rites aucun prix «le mon zèle et de
« mes services. Je n'ai pas montré
« moins de <lé.sintéressement sous le
« Consulat et l'Empire. J'avaisfoniié,
«■ !c 13 vendémiaire, une espèce d'in-
« timilé avec Bonaparte; elle allait
« jusqu'à nous tutoyer. Général en
- ihcf, il me fit les oUrcs les plus
PUG
• obligeantes, ponr réparer, autant
« qu'il était en lui, les torts du Direc-
• toireàmon égard; premier consul,
• il voulut me rattacher à son gou-
« vernement.Avecun peu d'ambition,
• j'aurais pu profiter de mes rapports
« avec une famille parvenue au plus
« haut degré d'élévation ; mais, forcé
« par ma santé de renoncer au com-
« mandement d'une division. à l'ar-
« mée, je ne pus me résoudre à servir
« dans l'intérieur, parce que je li-
« sais trop clairement dans l'avenir.
« Je me condamnai à l'obscurité pour
« rester tidèle à mes principes. >
A-Y.
PUGET DE LA Serre. Yoy. Serre,
XLll, 88.
PUGHE (Owen), célèbre lexico-
graphe, mort à Dolyddy-Can (Talil-
lyn) le 4 juin 1835, dans un âge
avancé, fut surnommé le Johnson du
pays de Galles, pour le beau diction-
naire (\u'\[ publia en anglais et gal-
lois, avec une excellente grammaire
de cette dernière langue. Il a traduit
en ancien anglais le Paradis perdu de
Milton, et presque achevé, de concert
avec Owen Jones, un recueil des an-
ciennes romances de la Grande-Bre-
tagne. Il a encore publié VÀrchéo-
logie du pays de Galles, 3 vol. in-4°,
ouvrage iuiportaut et fort estimé.
C'était un homme très-modeste, qua-
lité assez rare parmi les érudits, et
qui a laissé un beau nom dans les
lettres. Z.
PUGIN (Auguste), architecte, né
en 1769 en France, mais qui passa
la plus grande partie de sa vie en An-
gleterre, vint fort jeune encore dans
ce pays, et, s'étant l'ail distinguer par
son talent pour le dessin, fut employé
par Nash et par divers libraires, entre
autres par Ackerniann, pendant plu-
sieurs années. C'est surtout, et" si
Fou ne lieut pas comple'de ses pre-
PUG
123
mières années à Londres, c'est exclu»
sivement à la reproduction des mo-
numents d'architecture par le crayon
qu'il consacrait ses talents. Il eut une
part considérable aux dessins du Mi-
crocosme de Londres, Londres, 1808-
11, 3 vol in-4°. Il publia en 1813 une
Suite de Tues d'Islington et Penton-
ville^ avec un texte par Brayley. En-
suite parurent lesÉcftaiWj7/ori« (spea-
mens) d^ architecture gothique, choi-
sis parmi les vieux édifices de l'An-
gleterre, etc. , avec des textes de divers
auteurs, mais principalement d'E.-J.
Wilson, 1821-23, 2 vol. in-4", le 1"
de 60 planches, le 2' de 54. Ce bel
ouvrage, presque indispensable pour
bien connaître les différents styles de
l'architecture du moyen âge en An-
gleterre, contient des plans, des hau-
teurs, des coupes; presque tous les
sujets sont empruntés au comté de
Lincoln. L'année 1824 vit paraître 2
nouveaux volumes, non moins remar-
quables, d'Aug. Pugin, intitulés : Il-
lustrations architecturales des mo-
numents publics de Londres. Les
Échantillons des antiquités d'archi-
tecture nortnande suivirent de près,
1825. in-4<> ; s'il n'exécuta pas tous
les dessins, il en dirigea l'exécution.
Enfin le livre intitulé Paris et ses
environs, Londres, 1829, signala en-
core son infatigable activité. Le texte
de tous ces ouvrages est en anglais.
Pugin préparait une nouvelle série
de dessins pour illustrer Sleaford et
le pays aux alentours, lorsqu'il mou-
rut à Bloomsbury, le 19 déc 1832. Il
était membre honoraire de la So-
ciété des antiquaires de Normandie.
P— OT.
PUGXET (Jean - François - Xa-
vier), l'un des médecins les plus ha-
biles de l'armée française, uaqait à
Lyon,' le 16 janvier 1765. Distingué
pur de bonnes éludes et par uu dé-
124
PUG
but très-brillant dans la carrière mé-
dicale, il prit du service, et fut nommé
médecin ordinaire à l'arméede la Médi-
terranée, le 14 avril 1798. Revenu en
France après l'expédition d'Egypte,
sa san((' se trouva tellement dérangée
qu'il sollicita un congé de convales-
cence, durant lequel il se retira dans
sa l'amille. Cet intervalle de repos fut
consacré à la rédaction des observa-
tions qu'il avait faites, sur le sol in-
salubre de l'antique patrie des Pha-
raons, et dont il publia bientôt le ré-
sultat. Appelé, le 2 juin 1802, en
qualité de médecin ordinaire à Sainte-
Lucie, Piignct, après un court séjour
dans cette île, fut pris par les Anglais,
De retour en France, il obtint, le 27
février 1804, de rentrer dans son
grade à l'armée des côl(!s de l'Océan;
ladireclion de l'hôpital dcDunkerque
lui fut confiée, et il conserva cet em-
ploi jusqu'au 15 mai 1821. 11 fut alors
admis à une retraite que de longs ser-
vices et une constitution délicate lui
rendaient nécessaire. Fixé à Dunker-
que, où il avait fait pendant si long-
temps sa résidence, il y partagea ses
loisirs entre l'exercice de la médecine
et les travaux du cabinet. Il y mourut
vers 1830. Pugnet est un des méde-
cins militaires qui on! examiné avec
le plus de ^oin les contrées où les
hasards de la guerre l'ont appelé.
La nature du sol, les productions vé-
gétales et animales; la chaleur, la
sécheresse ou l'humidilé de l'atmos-
phère; le tempérament, les habitu-
des, les mœurs, les maladies des ha-
bitants ont été les objets habituels
(le ses remarques <îl de ses médita-
lions. Nous avons (le lui deux ouvra-
ges qui portent au plus haut degrt;
l'empreinte de l'esprit observateur.
I. Mémoires sur les fièvres pcslilen-
iielles cl insidieuses du Levant, avec
um Aperçu physique et médical du
PUG
Sayd, Lyon cl Paris, 1802, iu-8°.
Dans ce travail, l'auteuv fait connaître
la véritable nature des Demaouïe,
ou fluxion cérébrale, qui, assez rare
au Caire, devient d'autant plus com-
mune et plus terrible que Ton avance
davantage dans la Haute-Égyptc.
Cette affection paraît exclusivement
produite par le soleil brûlant de cette
contrée. Pugnet démontre par des
faits concluants que la peste, loin
d'être importée dans la belle Egypte,
y est endémique et dépend de la vase
fangeuse et chargée de matières vé-
gétales et animales qui se putrélient
et corrompent l'air, après chaque
inondation du Nil, sous l'influence J
d'une température élevée. 11 décrit l
avec exactitude les phénomènes de
cette maladie terribic, et donne les
détails les plus importants sur les lé-
sions qu'elle laisse après elle sur les
cadavres. Enfin l'ouvrage de Pugnet
est terminé par un essai lumineux et J
intéressant sur le Dem-il-Monia, ou |
fièvrepernicieuse fréquenteen Egyp-
te, et dont Prosper Alpini avait déjà
donné la description. II. Topogra- i
phie de Sainte- Lucie, Paris, 1804, ■
in-S". Cet opuscule est spécialement
consacré k la recherche des causes de
l'insalubrité des pays où règne la fiè-
vre jaune, ainsi qu'à rex[)osilion des
phénomènes de cette maladie, des dé-
sordres organiques qu'elle produit,
et des moyens que l'on pourrait em-
ployer pour prévenir son retour
et ses ravages. Les écrits de Pu-
gnet tiendront toujours une place
distinguée parmi ceux des médecins
qui ont le mieux observé et décrit
les maladies du Levant et des Antil-
les. Les deux ouvrages que nous ve-
nons de citer ont été réunis et réim-
primés à Lyon, en 1805, 1 vol. in-8°,
dédié à l'empereur. On lui doit en-
core les Institutions physiologi-
PUT
PU!
125
ques de Blnnienbach, traduites du
iatin, Lyon et^aris, 1797, in-12,avec
gravures. Oz— m.
PUILLOX DE BOBLAYE (Emi-
le Le), savant ingénieur, plus connu
dans la science par ses travaux géo-
désiques, géologiques et géographi-
ques, sous le nom de Boblaye, naquit
le 16 nov.1792. à Pontivy (Morbihan j,
où sa famille jouit depuis long-temps
d'une considération méritée. Le goût
des hautes études scienliliques, com-
me celui des vertus patriarcales (l)
y semble héréditaire; car elle a déjà
fourni six élèves distingués à TÉ-
cole polytechnique. Le Puillon de
Boblaye père, qui avait été membre de
la chauibre des comptes de Bretagne,
est mort enl838,président du tribunal
de première instance de Pontivy.Uui
aune femme d'un haut mérite, M"« Le
Dissez de Penanrun, il en eut six en-
tants, deux filles et quatre lils. Ma-
dame de Boblaye, sachant combien
les premières impressions de l'eu-
fauce influent sur le caractère et sur
l'avenir des hommes, ne voulut point
confier à d'autres qu"à elle-même
la première .éducation de ses enfants,
à qui elle sut communiquer son goût
pour rétu'le, et surtout inspirer cet
amour filial et fraternel qui fait le
(r) M. Le Dissez de Penanrun, séncclial
de Lnruballe et directeur de la réforme des
Étars de Penthièvre. .-ivait acLeté , pour les
rendre à leurs propriétaires, le château elles
anliÏTes de la principauté de Lnmhnlle, ven-
dus à l'époque de la terreur révoliitioonaire
comme propriétés nationales. Eu i8or, avant
de mourir, M. Le Dissez réunit autour de lui
'es enfants et >es petits-enfants, MM. de Bo-
liLiVP, et les pria de se couformer à ses inten-
tions. En l8l4, Mme de Boblaye et M. Le
Disiez de Penanrun, son frère, fidèles à leur
promesse, s'empressèrent, suivant le désir de
leur père, de faire .i Mme Louise-Marie-Adé-
l.iïde de Bourbon, duchesse douairière d'Or-
léans, mère du roi actuel, la remise, sans au-
cune coRdition , de cette belle propriété ; ce
qui leur valut des remercîment»!
bonheur des familles. Entre au col-
lège de Pontivy, Emile de Boblaye
y révéla dès lors cette rectitude d'es-
prit qui signala plus tard ses tra-
vaux scientifiques (2). Ses parents,
encouragés par les succès qu'il ob-
tenait chaque année, l'envoyèrent
terminer ses études au collège de
RoiieU; d'où il sortit en nov. I81t,
pour entrer à TÉcole polytechnique ;
il y fut admis le neuvième. Nommé
le 25 sept. 1813 sous-lieutenant au
corps impérial des ingénieurs géo-
graphes militaires, il était à peine
depuis six mois à l'école d'applica-
tion de ce corps, lorsque les rever.s
de uos armées amenèrent l'Europe
coalisée sous les murs de Paris. Tout
le monde connaît le dévouement du
bataillon de l'École polytechnique,
auquel la défense de la barrière du
Trône fut confiée. Emile de Boblaye,
emporté par sou courage et son pa-
triotisme autant que par l'attache-
ment qu'il portait à son frère Théo-
dore, qui faisait partie de ce batail-
lon, courut se joindre à lui pour
partager ses dangers, et mérita par
sa belle conduite la part de gloire
que l'École polytechnique s'acquit
dans cette mémorable et inutile dé-
fense. Lorsque la paix fut rétablie,
le gouvernement eut l'heureuse idée
d'employer les ingénieurs géogra-
phes à l'exécution d'une grande carte
topographique de la France, destinée
à remplacer celle de Cassini, dont
{pi) n existait alors à Pontivy un ancien
professeur, M Couvin, ami cîè la famille Le
Puillon de Boblaye, qui était trè»-passionné
pour la minéralogie. 11 sut iuspirer ses goûts
au jeune Emile et a ses frères; et des richesses
minéralogiqnes recueillies pat cliacuo d'eux
dans les différentes ]>érégrinatiuus que, pen-
dant les vacances, le vieux professecr leur
faisait faire, ils formèrent une collection eu-
rieuse qui existe à Pontivy et dont M. Hip-
polyte de BoMàye est resté le' conserva leur.
126
PUI
PUI
le temps avait fait reconnaître l'in-
suffisance, et qui ne se trouvait plus
d'ailleurs à la hauteur de la science.
Boblaye, ayant été attaché à la partie
géodésique de ce grand travail, prit
part, comme adjoint du colonel -Bon-
ne, à 1,1 mesure de la perpendiculaire
de Brest à Strasbourg, sur laquelle
on fit à la fois des observations géo-
désiques et astronomiques, pour ser-
vir à la détermination de la forme
générale de la terre. Pendant celte
mission qui le ramena plusieurs an-
nées de suite au milieu de sa chère
Bretagne, le jeune Boblaye eut l'oc-
casion de se livrer de nouveau à
ses goûts de prédilection, et dans
les intervalles que laissent souvent
aux géographes les caprices du temps,
il put étudier la géologie, encore peu
connue, de cette partie de la France.
Le résultat de ses études a donné
lieu à un travail aussi remarquable
par la clarté et la méthode que par
le nombre de faits nouveaux qui y
sont consignés. Il a été publié en
1827 dans le tome XV des Mémoires
du M<iséum d'histoire naturelle, sous
le titre d^ Essai sur la configuration
géologique de la Bretagne, avec une
carte coloriée. Dans le premier cha-
pitre de ce travail, qui sera toujours
consulté avec fruit toutes les fois
qu'on voudra écrire sur cette pro-
vince, il fait connaître la configura-
tion du sol, dont les cartes ne don-
naient qu'une idée très-inexacte; 11
y montre (idée tout à fait neuve)
comment une méthode naturelle, fon-
dée sur les grandes divisions géo-
gnosliques, peut et doit donner les
l)ases de la description physique
d'une contrée (3). Le Puillon de^o-
(3) L'uD des résultats les plus remarqiia-
iiles (!t le» plus heurenx pour l'iudu-strie
des forgus du la BrttagDe, d& à res vxplura-
blaye, envoyé ensuite dans le nord
de la France, y continua ses études
favorites, avec trop d ardeur peut-
être, car il y fut atteint d'une fié
vre cérébrale dont sa forte consti-
tution triompha. Le résultat de ses
nouvelles recherches fut son Mé-
moire sur la formation jurassique
dans le nord de la France^ inséré
dans le tome XVII des Annales des
sciences naturelles. Dans ce Mé-
moire, dont les ouvrages de géologie
français et étrangers ont reproduit de
longs extraits , Boblaye établit les
caructères de la région naturelle oc-
cupée par la formation jurassique
dans les départements des Ardennes
et de la Meuse, et montre la corres-
pondance de ses divers groupes avec
ceux de la même formation en Angle-
terre. Depuis long-temps il avait
compris l'importance d'un cours de
géologie pour les officiers d'état-
major, et il avait rédigé un travail
propre à en démontrer la nécessité, La
chaire fut créée ; cependant Boblaye,
peut-être alors le seul officier de son
arme qui connût la géologie, beau-
coup trop modeste pmir demander
lui-même ce qui aurait dû lui reve-
nir de droit, ne fut pas nommé à cette
chaire : c'est qu'il ne se doutait pas
que, pour réussir dans ceslemps-ci, il
ne suffit pas toujours d'èire savant.
Lors de l'expédition de Morée, La Puil-
lon de Boblaye fut désigné pour faire,
de concert avec M. Peytier, déjà en
mission en Grèce, la triangulation de
lions, u été ccitaiiienient la déoouverte, dans
la forêt de Lorgos, d'uu minerai de fer par-
ticulier, eonnu en minéralogie .sous le nom
de chamoisiie. Ce minerai, qui a fait la for-
tune du proprict^ire du sol (M. de Cboi-
scul), a l'avantage de donner des fontes de
qualité supérietin- et des fers plus ductiles.
Plu» tard M. de Bohlaye a en» ore .signalé
ce même minerai à Frosuay-le-Comte (Sar-
tbe) et à Sainte-Brigitte près Foutivy.
PUI
la Morée; il partit en conséquence
avec la commission scieutifique qui y
fut envoyée. Dans toute autre circon-
stance une semblable mission aurait
été accueillie par lui avec enthou-
siasme, mais son ordre de partir venu
au moment oix un jeune frère (4),
qui partageait plus particulièrement
ses goûts pour la géologie, se trou-
vait dans un état désespéré , fut une
cruelle épreuve que le s'intiment de
ses devoirs put seul loi faire sur-
monter. Bien qu'en partant il laissât
son frère mourant aux soins d'un
autre frère, accouru pour le rem-
placer, la séparation fut des plus dou-
loureuses, car il pressenlait qu'elle
devait être éternelle; et nous avions
à peine mis le pied sur le bâtiment
qui devait nous emmener vers les
rivages de l'Hellénie qu'eu elTel la
nouvelle de la mort de sou frère ar-
riva. Ce lot pour lui un coup terri-
ble, dont les nombreux travaux aiut-
quels il se livra pendant seize oPis
(le séjour en Mi rét', de concert avec
l'auteur de cette notice, parvinrent à
peine à le distraire. La similitude de
nos giiûts et de n;)S travaux nous eut
bientôt liés d'une amitié étroite; aussi,
après Sun retour en France, ayant été.
sur mes vives instances, attaché à la
rédaction du grand ouvrage publié
sous les auspices du gouvernement
et sous la direction de .M. le colonel
Bory de Saint-Vincent, nous rédi-
geâmes de concert la partie géolo-
gique et urinéralogique de cet ou-
vrage dont nous nous étions partagé
le travail. M. Boue, dans son sa-
1^4} Cliarlesi-Eogrne-Goiiïulve I^ PuiUou
de Boiilaye , né a Pontivy, !c 7 juin i 7y8 ,
mort a Piiris, le it~ jiinvier iSacj. é^ait atta-
ché a l'adniinistration i-eulrale de r<-nr«-gis-
trement en qualité de vérificateiir. Ou lai floit
la découverte de trilobùts aux eu-^iroué de
rjain',(IUe-et-ViIaine),à répoqne où il y ré-
sidait comme recevear.
PUI
127
vant Résumé des progrès des scien-
ces géologiques pendant l'année 1833,
lu à la société géologique de France,
s'exprime ainsi à l'occasion de cette
publication : « Poussé par ce désir
« extraordinaire de civilisation qui
« envahit l'Europe , la Grèce secoue
« ses lourdes chaînes, et engage avec
• ses stupides conquérants une guerre
• à mort. Aux acclamaii(jns de tous
« les cœurs généreux, la France ne
o se couteuie pas d'envoyer de l'or,
« mais ses enfants rendent aux Hel-
. lènes une patrie ; à l'Europe et à
• la civilisation uue intéressante
« contrée, pour ébranler plus tard
« l'Orient, et lui rendre son ancienne
« splendeur. Comme jadis l'Egypte
« avait vu la science s'allier à la
• guerre, de même une cominission
« scientifique fut envoyée eu Grèce.
« Cette mission, si honorable pour
« ceux qui la conçurent, nous a mis
« tout d'un coup au fait de la géo-
« logie d'une grande partie de la
« Grèce. Vos confrères, M.M.Boblaye
• et Virlet ne sauraient être trop ré-
• co\upensés de ce précieux présent
• fait à la science au détriment de
« leur sauté. Ctst sans contredit le
« plus important ouvrage de géologie
« descriptive que j'aie à analyser. »
En eôét, il ne consacre pas moins de
40 pages à l'analyse des observations
géologiques faites en Morée, et il
pense qu'où lui en saura gré, d'abord
parce que c'est le travail conscien-
cieux de deux de ses confrères les
plus disiingués, ensuite parce que
tout est nouveau dans ces récits, eic.
indépendamment des articles publiés
eu commun, il y en a plusieurs qui
sont particuliers à chacun des auteurs;
ceux qui appartiennent en propre à
Boblaye sont : V Introduction , où ,
dit M. Boue , ou reconnaît la touche
d'un habile géographe et d'un géo-
tfS
PUI
loguc, qui recherche avant tout la
vérité avec le calme d'un mathémati-
cien -, Recherches sur les roches dési-
gnées par les anciens sous le nom de
marbre lacédémonien : Description
du terrain secondaire en Laconie;
Description des phénomènes récents:
Carte de la Morée et des Cyclades,
exposant les principaux faits de la
géographie ancienne et de la géogra
phie naturelle, coloriée géologique-
ment, de concert avec M. Virlet.
Bobiaye a accompagné cette carte
d'un très-grand travail intitulé : Re-
cherches géographiques sur les rui-
nes de la Morée, résultat d'immensse
recherches pour lesquelles il a eu à
dépoui 1 1er tous les géographes anciens
et modernes. Cette œuvre remarqua-
ble, où se trouvent réunis tous les
travaux des membres de la commis-
sion scientitique, et publiée dans leur
grand ouvrage, lui aurait certaine-
ment ouvert les portes de l'Académie
des inscriptions et belles-lettres, si
la mort ne l'eût pas enlevé bien jeune
encore à la science. A cette occasion
l'empereur de Russie, lui en ayant fait
demander par son ambassadeur à Pa-
ris un exemplaire, lui envoya, en
témoignage de satisfaction, une très-
belle bague ornée de diamants. Bo-
biaye a encore publié séparément,
en 1831, dans les Annales des scien-
ces naturelles , des Observations sur
la constitution gcognostique de la
Morée , qui sont un aperçu rapide
des principaux résultats consignés
plus tard tians le grand travail men-
tionné ci-dessus. Description del'île
d'Ègine,àa.i\s le même recueil (1835).
Triangulation de la Morée, par
MM. Peytier, Bobiaye et Servier.
Les résultats en sont consignés dans
la Connaissance des temps pour 1832,
et dans la partie géographique de
ï'oiivrage do l.i conunission de Mo-
PUI
rée. Notice sur les altérations des
roches calcaires du littoral de la
Méditerranée^ 1830. Note sur la né-
cessité de tenir compte de Vépaisseur
de l'écorce terrestre dans les calculs
relatifs au soulèvement des monta-
gnes. Ces trois derniers mémoires
ont été insérés dans les Bulletins de
la Société géologique. Mé^noire sur
les dépôts épigéiques ou formés sur
les surfaces émergées. Annales des
mines, 3* série, tom. Il, 1833. En
1834, ayant été nommé secrétaire de
la Société géologique de France, il
fut chargé de faire le rapport sur les
travaux de 1833. En cela, comme
dans tout ce qu'il entreprenait, il
s'acquitta de sa tâche d'une manière
fort remarquable. Nous emprunte-
rons une partie des détails qui sui-
vent à une notice déjà publiée par
M. Rozet. A la réunion extraordi-
naire d'Alençon, en 1837, Bobiaye
présenta une carte géologique de§
ej/virons de cette ville à l'échelle de
^„, sur laquelle il avait inscrit les
altitudes des points de contact des
diverses formations. Cette carte, qu'il
remit plus tard à M. le général Pelet,
directeur du dépôt de la guerre, était
accompagnée d'une feuille de coupes,
indiquant la disposition relative de
ces formations et la conliguration du
sol i il est à regretter que ce travail
n'ait pas été publié. C'est à la clôture
de la réunion d'Alençon que le célè-
bre géologue Buckland, en adres-
sant ses remercîments au bureau de
la Société, exprima toute l'estime
que lui et ses compatriotes les An-
glais avaient pour les travaux géo-
logiques de Bobiaye. Depuis plusieurs
années , une question intéressante ,
celle du métamorphisme des ro-
ches., occupe et divise les géolo-
gues. Bobiaye est venu apporter
des preuves bien convaincantes et
PUI
bien puissantes à l'appui de cette
ttléorie, en démontrant que les schis-
tes n>aclifères des Salles - Rohan ,
qu'on avait classés dans les roches
primitives , appartiennent aux ter-
rains de sédiment, puisqu'ils renfer-
ment avec des mâcles des déhris de
corps organisés comme des orthis
et des trilobites qu'il y a découverts
avec son frère Hippolyte ; et il a
adressé à M. Éiie de Beauniunt , à
l'occasioa de cette découverte , en
1838, au moment de repartir i)Our
l'Afrique , une note sur les modifi-
cations de certaines roches de sédi-
ment par le voisinage de roches
ignées, qui a été insérée dans les
comptes - rendus de l'Académie des
sciences. En Afrique, où il venait de
recevoir l'ordre de se rendre pour
trianguler les parties nouvellement
conquises de la province de Con-
stantine, comme en Grèce, il s'occupa
avec ardeur d'histoire naturelle, de
géographie et d'archéologie. Revenu
en France au commencement de 1 839,
il annonça à la Société géologique,
dans la première séance de février,
qu'une grande partie du sol de cette
province présente un terrain crétacé,
avec des Catillus et des Inoceramus
de mêmes espèces que ceux de la
craie de Valogne ; que ce terrain sup-
porte une puissante assise calcaréo-
marneuse , riche en fossiles , devant
appartenir à l'étage inférieur du ter-
rain tertiaire. De ce fait important il
concluait que les formations ter-
tiaires doivent s'échelonner, par rap-
port au bassin méditerranéen, d€
la même manière dans le Sud que
dans le Kord. Nommé membre de la
commission scientifique de l'Algérie,
en août 1839 (5), il repartit pjur
(5) Â l'époque de l'orgauUution de la coin-
miïiiiou :>cieutifique dt- i Algérie , Leaucoup
«* ni<>in)>res de l'iu^iitut iiianifestt-ieut le
I.XXVIII.
PUI
129
l'Afrique. Au mois de novembre de la
même année , il accompagna le duc
d'Orléans dans l'expédition des Por-
tes de Fer. Ce jeune prince, dit M. Ro-
zet , n'eut pas besoin de voir long-
temps notre collègue pour apprécier
sa haute capacité , son courage et la
noble franchise dont il lui donna plu-
sieurs preuves dans cette campagne.
Il lui parlait souvent de géologie et
d'archéologie; et ces beaux escarpe-
ments de l'Atlas, ces masses de co-
quilles marines entassées sur un grand
nombre de points, les restes des voies
romaines, les ruines des cités, des
forts et des arcs triomphaux élevés
par les anciens maîtres de l'Afrique,
exaltaient sa jeune imagination : il
demandait à Boblaye des renseigne-
ments et son avis sur tant de mer-
veilles, et la profonde instruction
dont notre confrère fit preuve dans
ses réponses lui attira l'estime et l'a-
mitié du prince, qui, au retour, lui
donna une tabatière ornée de son chif-
fre. Le 28 février 1840, il fut nommé
chef d'escadron d'état-major, après 27
ans de grade d'officier . Rentréen Fran-
ce à la U u de 1 839, fatigué de la vie er-
rante qu'il avait menée jusqu'alors,
il pensa enfin au repos, et se maria le
10 février 1840. Mais bientôt il fut
obligé de s'arracher à ses nouvelles
affections : la section topographique
de l'armée d'Afrique avait besoin
d'un chef savant et courageux ; le
6 mars , il quittait de nouveau Pa-
désir de -ïoir Boblaye placé k sa tète ; ik
est proliable qu'il eu uuiiiit été iioniiui' di-
recteur, si le ministre de la guerre, moioï
lent à exécuter de$ promesses faites depuM
loug-teuips, l'eût uommé plus tôt cLef d'esca*
droD,eD sorte que, malgré la grande confiance
qu'inspirait an mérite bien reconnu , on ne
crut pas devoir le mettre , lui , simple capi-
taine alors, à la tête d'uue commission scieu-
titiquc, organisée sur le pied militaire et
composée en grande j>artie d'officiers de
difféqpntes .irmes et de même grade qiie lui,
9
130
PUI
ris pour repasser la Méditerranée!
Dans les deux campagnes précé-
dentes, la santé du commandant, dé-
ià affaiblie par les fièvres de la Grèce,
avait reçu de graves atteintes -, les
fatigues de celle-ci développèrent
bientôt chez lui une maladie scorbu-
tique qui le força de rentrer en Eu-
rope pour se faire traiter. Se croyant
guéri, il reprit son poste à la carte
deFrancç,oùil resta, comme chef
d'une section topographique, jus-
qu'en 1842. A cette époque, l'estime
que ses compatriotes faisaient de
ses hautes connaissances, la con-
fiance que leur inspirait son carac-
tère franc et loyal, le firent nom-
mer député de l'arrondissement de
Pontivy. A partir de ce moment, une
nouvelle série d'idées vint s'em-
parer de son esprit, et il délaissa la
géologie. Ayant accepté un mandat
politique, il croyait que tous ses
instants appartenaient à son pays :
ceux que l'examen des projets de loi,
les travaux des commissions de la
Chambre, et ceux que les besoins et
les exigences de ses commettants lui
laissaient libres, il les consacrait à
l'étude de l'administration des fi-
nances nationales. En 1843 , il pu-
blia un curieux et important tableau
synoptique des revenus, des dé-
penses, de la dette et du crédit pu-
blic en France. Ce tableau devait être
suivi de plusieurs autres, dont tous
les éléments étaient déjà réunis. Mais
les terribles attaques que sa santé
avait eu à soutenir, depuis 1827,
avaient altéré sa forte constitution -,
néanmoins l'activité de son esprit,
son amour pour l'étude l'empêchaient
de s'apercevoir des progrès du mal et
de se rendre aux avis de ses amis qui
lui conseillaient le repos. L'année
derihière, dit M. Rozet, voulant ter-
miner une grande carte géologique
PUI
de Bretagne, commencée depuis long-
temps, il partit pour cette province
et prit part aux évolutions du camp
de Plélan, près de Rennes. Là, il se fa-
tigua trop et revint à Paris très-souf-
frant. Bientôt les germes de la mala-
die qu'il avait contractée en Grèce
et en Afrique se développèrent avec
une telle force qu'il ne fut plus pos-
sible d'en arrêter les progrès. Il ren-
dit le dernier soupir le 4 déc. 1843.
Le 6, son frère, chef d'escadron d'ar-
tillerie , ses amis , ses collègues de
la Chambre des Députés, des Sociétés
géologique, géographique et philo-
matique de Paris, allèrent placer sa
dépouille mortelle auprès des restes
de son jeune frère mort en 1829.
. Deux fois notre confrère, dit en ter-
« minant l'auteur de la notice , avait
. eu l'honneur d'être porté sur la liste
«des candidats à l'Académie des
« sciences pour une place dans la sec-
«tion de géologie, et il avait des
» chancesd'êtreéluà la prochaine va-
. cance.- Indépendamment des socié-
tés scientifiques qui viennent d'être
citées, Boblaye était encore membre
correspondant des Sociétés géologi-
que de Londres, d'histoire naturelle
d'Athènes, polymalique du Morbi-
han, linnéenne de Normandie, de
l'Academia givenia, etc. Il avait été
successivement décoré des ordres de
la Légion-d'Honneur et du Sauveur
grec Parmi les nombreuses notes
sur la Grèce et l'Afrique laissées par
Boblaye, se trouve un itinéraire fort
curieux de son voyage en Laconie et
dans le Magne, qu'il projetait de pu-
blier. Son frère Théodore (6) , qui
(6^ C'est ce frère, «ujourd'bui .hcf <res-
cadroD, qui se trouvait commander «a i83o
la section d'artillerie chargée d accompa-
l„er le malheureux Charles X jusqu'à Cher-
bourK. et qui résista avec énergie aux in-
yZuous In peu brnUle, da maréchal
PUI
lai succéda à la Chambre des députés,
se propose de remplir à ce sujet ses
intentions. Les courses multipliées
qu'il avait faites dans ses dernières
années, en Bretagne, lui avaient in-
spiré l'idée de recommencer son pre-
mier travail sur la géologie de celte
province ; il en parlait souvent et
voulait, disait-il, se réserver cette
besogne pour le moment de la re-
traite après laquelle il aspirait sans
cesse. Son projet était de l'accompa-
gner d'une carte géologique , et de
compléter ce travail par un examen
comparatif de la géographie actuelle
avec celle du temps des Romains et
du moyen-âge. Mais son esprit tou-
jours actif ne songeait qu'à s'ouvrir
de nouveaux champs d'exploration,
sans penser que la mort allait dé-
truire en un jour tons ces beaux rê-
ves de la science. Quant «ux notes sur
l'Afrique , elles doivent être remises
à M. Renou, aussi membre de la
commission scientifique de l'Algérie,
qui est chargé de la partie géolo-
gique. C'est encore Le Puillon de
Boblaye qui a établi l'existence de
trois terrains tertiaires dans la pro-
vince d'Alger : le tertiaire intérieur à
Medéah et à Milianah-, à Alger, le ter-
rain subapennin déjà indiqué par
U. Rozet, et un troisième terrain, re-
trouvé par M. Renou, tout le long de
la côte, et qui y joue un rôle assez im-
portant. Indépendamment de beau-
coup de communications faites suc-
Maitoo, l'un des commissaires do gouver-
nement provisoire, et refusa de revenir à
Paris sans an ordre signé du roi. Charles X,
témoin de la acèae, voulut, en témoignage
de reconoaissance, remettre lui-même à cet
officier la décoration de la Légion-d"Hoii-
oeur. Pour conserver son brevet, dernier
■cteduroi eTilé.M. Théodore de Boblaye ne
fit pas, comme on le lui proposa eusuile,
confirmer cette nomination. Il eut, du reste,
liientôt occasion d'obtenir d« nouveau vette
dittioclioa lor« du ciége d'Anvers.
PUI
131
cessivement à la Société géologique
de France et à la Société de géogra-
phie. Le Puillon de Boblaye a encore
publié plusieurs bons articles de géo-
logie dans le Dictionnaire pittores-
que des Sciences naturelles et dans
le journal r//i<fi7uf. Sa timidité l'a
toujours empêché de parler à laCham-
bre des députés; mais, dans les com-
missions et dans les bureaux, ses re-
parties vives et pleines d'aperçus ju-
dicieux donnèrent souvent un grand
poids à ses opinions. Y. d'A.
PCISAYE (Joseph, comte de),
l'un des chefs du parti royaliste dans
l'Ouest pendant la révolution, né vers
1755 à Mortagne, d'une famille d'an-
cienne noblesse, et qui occupait la
charge héréditaire de grand-bailli du
Perche vfut destiné à l'état ecclé^iasti
que, comme étant le plus jeune de
quatre frères. Envoyé à Paris au sémi-
naire de Saint-Sulpice, il y fit de bon-
nes études; mais à dix-huit ans, sa vo-
cation pour les armes l'emportant
sur les vues de sa famille, il postula
et obtint nue sous-lieutenançe dans
le régiment de Conti, cavalerie, d'où
il passa dans un régiment de dragons
eu qualité de capitaine a la suite.
Peu satisfait d'une perspective qui
ne flattait point son ambition, il se
retira dans sa famille, recueillit l&
succession de son père, et acheta
une charge dans les Cent-Suisses de
la maison du roi ; ce qui lui valut
un brevet de colonel, et, peu de
temps après, la croix de Saint-Louis,
Eu 1788, il épousa la fille unique du
marquis de Mesnilles, riche proprié-
taire en Normandie. Nommé, l'année
suivante, député de la noblesse du
Perche aux Éials-Généraux, il se ran-
gea du côié de la uiinorité de cet
ordre, signa la protestation du 19
juiu en faveur des iuuuv&tious, se
réunit au tiers, et siégea toujours
9.
132
PUI
au côté gauche tle l'Assemblée natio-
nale, où du reste il se lit peu remar-
quer. Promu en 1791 au grade de
niaréchal-de-camp, il se retira après
la session dans sa terre de Mesnilles,
et fut mis à la tête de la garde natio-
nale du district d'Évreux. Quoique
partisan de la révolution et surtout
grand admirateur de la constitution
britannique, il se montra de bonne
henre l'adversaire des démagogues,
et projeta même, en 1792, de lever
une armée en Normandie pour déli-
vrer Louis XVI. La journée du lO
août l'ayant fait renoncer à ce projet,
il fut entraîné, par son activité in-
quiète et par le désir de jouer un
rôle, à briguer la place de chef d'é-
tat-major du général Wimpfen, dans
l'armée départementale de l'Eure,
destinée à marcher contre la Conven-
tion nationale. Il commanda l'avant-
garde de cette armée, qui fut battue,
dans le mois de juin 1793, à Pacy-
siir-Eure, par les troupes de la Con-
vention -, et sa tête ayant été mise à
prix, il se réfugia en Bretagne. Là,
bravant une multitude de dangers,
il rallia et réorganisa, dans le dépar-
tement d'IUe-et-Vilaine, les débris
du parti de la chouannerie, auquel
les frères Chouan ( voy. t. LXI ,
p. 52) avaient donné leur nom. Il
déploya alors beaucoup de talents
et d'activité , se mit en rapport
avec d'autres chefs, créa un con-
seil militaire, émit un papier-mon-
naie, envoya des émissaires à Lon-
dres, reçut des secours de l'An-
gleterre, et des pouvoirs du comte
d'Artois. Enfin, redoublant d'efforts
pour devenir le régulateur de la con-
fédération royaliste de Bretagne, il
publia des proclamations ; et, quoi-
qu'il ne fut pas reconnu par la lota-
lilé des autres chefs, on iinit par le
regarder comme l'âme du parti roya-
PUI
liste dans ce pays, parce qu'il rece-
vait directement les dépêches du
gouvernement anglais, et qu'il en
obtenait des secours en armes et en
argent. Convaincu que le royalisme
armé dans l'Ouest ne pouvait se sou-
tenir que par l'Angleterre, il subor-
donna toutes ses opérations et ses
démarches à cette pensée ; ce qui lui
valut le reproche, trop fondé et sou-
vent répété depuis, d'être dévoué au
gouvernement britannique. Au mois
de septembre 1794, il passa secrète-
ment en Angleterre, où il fut dès lors
environné de préventionset de haine.
Les émigrés le regardaient généra-
lement comme un faux-frère, et mê-
me comme un agent de la Convention
nationale. Puisaye se lia, a Londres,
avec le comte de Botherel et avec La
Marche, évêque de Saint-Pol de Léon.
Ayant obtenu du comte d'Artois,
alors à Edimbourg, des pouvoirs
inimités, il captiva la confiance des
ministres Pitt, Windham, Dundas,
et les décida à ordonner un armement
pour agir sur les côtes de Bretagne.
Telle fut l'origine de la malheureuse
expédition de Quiberon , qui , au
lieu d'être confiée à un chef uni-
que, en eut deux à la fois : d'Hervilly,
chargé du commandement des régi-
ments d'émigrés, et Puisaye, qui
devait commander les royalistes de
l'intérieur. De là une rivalité funeste.
Le plan de Puisaye consistait à mar-
cher aussitôt après le débarquement,
dans l'intérieur de la Bretagne, pour
généraliser l'insurrection. D'IIer
villy, au contraire, hésita et se con-
fina dans la presqu'île de Quiberon,
en attendant des renforts. L'habileté
du général Hoche déconcerta sa
prudence et déjoua les plans de
Puisaye, qui se réfugia sur l'escadre
anglaise avec une célérité qu'on pour-
rait qualifier autrement, dans le mo-
PLI
ment où les émigrés mettaientbas les
armes. (Voy. Hoche et (I'Hervilly,
tome XX, p. 312 et 438.) La catastro-
phe fut terrible, etl'opinion publique
rendit Puisaye responsable delà mal-
heureuse issue d'une expédition qu'il
avait provoquée. Ses ennemis dé-
chaînés lui prodiguèrent les épithè-
tes les plus outrageantes. Dès ce
moment les royalistes du dehors et
de l'intérieur ne virent plus en lui
qu'un traître et un lâche. C'étaient,
disaient-ils, la perfidie, le défaut de
courage ou l'incapacité qui domi-
nait dans sa conduite, S'étant fait
débarquer de nouveau en Bretagne,
dans des circonstances aussi peu fa-
vorables, il y courut les plus grands
dangers ; et malgré sa persévérance
il ne put jamais recouvrer l'ascen-
dant auquel avait aspiré sou ambi-
tion. Suspect à son parti, il lui fut
plus facile en quelque sorte de se
garantir des pièges que lui tendaient
les républicains que des rivalités,
des préventions des royalistes. Ac-
coutumé à vouloir tout diriger, à
être le centce des opérations, il sup-
porta impatiemment la perte de son
influence et le poids des accusations
dirigées contre lui. Sa morgue et sa
hauteur avec ses ennemis, son ai-
greur dans toutes les discussions
qu'il eut avec ses adversaires, ses
violents démêlés avec les agents du
roi dans l'intérieur, et surtout avec
d'Âvaray, ministre de Louis XVllI,
euUn la ruine de son parti après la
pacification de Hoche, en 1797, le
forcèrent de donner sa démission et
d'abandonner à jamais les départe-
ments de rOuest. U repassa à Lon-
dres, obtint des ministres un éta-
blissement dans le Canada avec une
somme d'argent pour son exploita-
tion, «t y fut suivi d'une partie des
officiers qui lui étaient restés atta-
PUI
1S3
chés. Après la paix d'Amiens, il re-
vint en Angleterre, où il trouva les
esprits toujours prévenus contre lui.
Il les irrita encore davantage par
la publication de ses Mémoires, où il
établissait sa justification aux dépens
de ses adversaires, qu'il traitait avec
une extrême dureté, mais presque
toujours avec injustice. Ces Mémoi-
res parurent à Londres, en 1803,
sous ce titre : Mémoires du comte
J. de Puisaye, etc., qui pourront
servir à l'histoire du parti royaliste
français., durant la dernière révo-
lution, 6 vol. in-8i: et ils furent
réimprimés à Paris en 1803-1806,
6 vol. in-8'. Ils ont été combattus
en Angleterre, dans quelques bro-
chures et dans des ouvrages pério-
diques, et l'on en a annoncé des ré-
futations plus complètes qui n'ont
pas paru. Quoi qu'il en soit, on ne
peut nier que Puisaye n'ait montré
dans plusieurs occasions un sang-
froid, une prudence, un courage ad-
mirables. A la vérité, ces mêmes
qualités ont semblé l'abandonner
dans d'autres affaires décisives ; ce
qui a fait dire qu'il avait pins de
capacité et de talent dans le cabinet
que sur le champ de bataille. On croit
généralement que c'est parce qu'il
s'était attiré la disgrâce du roi et
de Monsieur qu'il ne rentra pas en
France après la Restauration et qu'il
coutinua de vivre en Angleterre, où
il recevait une pension considérable
du ministère, mais où il avait con-
tre lui tous les Français émigrés, à
l'exception de Bertrand -Moleville
(L'o»/.cenom,LVllI,169).llmourulà
Blythe-House près Hammersmith, le
13 sept. 1827. On a encore de Pui-
saye : Réfutation d'un libelle diffa-
matoire public par M. Heziade d'A-
varay sons le titre de : Rapport à
S. M. très- chrétienne, avec sa par-
lél' pui
mission, suivi d'une réponse à M. le
comte Joseph de Puisaye, Londres,
1809 , in - 80. — PuisAYE ( Antoine-
Charles- André- René, marquis de),
frère du précédent, né à Mortagiie
en 1751, entra comme officier dans
le régiment d'Angoulôme, fut nommé
capitaine de dragons en 1779, et dé-
coré de la croix de Saint-Louis. En
1789, il présida les trois ordres de
la province du Perche en qualité
de grand-bailli. Dévoué au parti du
roi, il fut désigné en 1795 pour
commander sa province et pays ad-
jacents ; mais , forcé par le désastre
de Quiberon de ne plus travailler
qu'en secret à l'organisalion roya-
liste, il fut arrêté sous le gouver-
nement impérial comme agent des
Bourbons. Rendu à la liberté, il ne
reparut qu'en 1815, et il essaya en-
core d'organiser son parti en Nor-
mandie. Nommé à cette époque mem-
bre de la Chambre des députés qui
fut qualifiée d'introuvable, il y siégea
avec la majorité royaliste, et fut nom-
mé grand-prévôt de la Haute-Vienne.
Après la suppression des cours pré-
vôtales en 1818, il se retira dans son
pays natal, et c'est là qu'il mourut
vers 1830. B— p.
Pl'ISET (Hugues, sire du), vi-
comte de Chartres, comte de Saphe,
vécut sous les règnes de Philippe l^^
et de Louis-le-Gros. H fut toujours
en bonne intelligence avec le pre-
mier, parce qu'il favorisa les rela-
tions de ce monarque avec Bertrande
de Monlfort, et à leur instigation lit
même emprisonner dans son château
du Puiset l'évêque de Chartres, Yves,
qui avait refusé le concours de son
autorité spirituelle à leur union illé-
gitime {voy. Yves (sainl), LI, 5ti).
On poussa la vengeance jusqu'à lais-
ser le saint évêfjue manquer de pain.
Les Char(r;iins, indignés, avaieni
PUI
formé le dessein d'aller le délivrer ;
mais Yves les en détourna par une
lettre admirable (l) qui nous a été
conservée. En 1108, le sire du Puiset
leva l'étendard de la révolte contre
Louis-le-Gros, successeur de Philippe.
Mais le roi lui-même investit le châ-
teau du Puiset, se saisit de la per-
sonne de Hugues et le retint prison-
nier. Celui-ci n'obtint sa délivrance
du Château-Landon, où il avait été
enfermé, qu'en cédant à son vain-
queur le comté de Corbeil, dont il
devait être l'héritier. Aidé du comte
de Blois, le sire du Puiset recom-
mença ses hostilités, mais il ne fut
pas plus heureux dans cette nouvelle
agression. Louis assiégea le château
du Puiset, battit complètement le
comte de Blois, lequel s'était avancé
pour secourir la place qui fut em-
portée et rasée ensuite jusqu'à ses
fondements. Dans un des combats
qui eurent lieu entre les troupes
royales et les vassaux révoltés, le
sire du Puiset avait tué de sa propre
main Anselme de Garlande, sénéchal
et favori du monarque, ce qui avait
accru les ressentiments de celui-ci
contre un vassal félon. Ne se croyant
plus en sûreté sur les terres de
France, Hugues prit le parti de se
rendre dans la Palestine, mais il
mouruten chemin. Tels sont les prin-
cipaux faits que les annales nous
aient transmis sur le sire du Puiset.
11 semble n'avoir mérité qu'en partie
le titre de fameux, que lui a décerné
l'un de nos savants collaborateurs
qui avait promis de lui consacrer un
(i) Yfonis carnotensii epittolœ. Pari*,
i')85, iii-.',°, feuillet 97, lettre loo. On y rv
in.Trqiie ce pnssage : << Nec enim decens tst ut
« qui armit bellicis ad episcopatum non vtni ,
" arinis bellicis recuperam, quod non est pas-
« toris ttd invasorii... et nolilc tribulationtm
" meam itlitna cumulait mistria, »
PUI
article et dont nous acquittons au-
jourd'hui la dette. L— M— X.
PUISSANT (Louis), habile mathé-
maticien français, naquit le 22 septem-
bre 1769 à la ferme de laGastellerie,
près du Châtelet, en Champagne. Il
était encore en bas âge quand il eut
le malheur de perdre et son père et
sa mère, petits cultivateurs qui ne
lui laissèrent en quelque sorte au-
cune fortune; mais il rencontra un
protecteur dans le receveur de Châ-
teau-Thierry, FournierDu Pont, qui
avait eu avec ses parents des rela-
tions intimes, et qui le recueillit. Son
éducation fut peu coûteuse et peu lon-
gue; il resta deux ou trois années
dans nn petit pensionnai à Château-
Thierry, puis alla s'inilier au latin
près d'un vénérable curé des en-
virons. On comptait alors le faire
entrer un peu plus tôt, un plus tard
au petit séminaire; mais, de très-
bonne heure, Puissant laissa percer
une autre vocation, et, dès l'âge de
13 ans, il fut placé chez un notaire
arpenteur de Château-Thierry. Non-
seulement il s'y rompit en peu de
temps à la pratique des calculs usuels,
mais ses dispositions pour les ma-
thématiques se révélèrent à lui, et il
sentit plus vivement le besoin de
connaître la science par principes.
Animé par le désir d'y parvenir, il
réussit à se procurer quelques ou-
vrages élémentaires, mais il lui fallut
renoncer à se faire enseigner par un
maître, et il étudia tout seul, bien
que ses progrès ne fussent point
assez marqués pour lui permettre de
se sufBre à lui-même, et qu'il eût
encore au bout de quatre ans des in-
quiétudes sur son avenir, inquiétudes
qui influèrent fortement sur son hu-
meur, et lui laissèrent toujours une
teinte de mélancolie. L'ingénieur des
ponts-et-chanssées d'Agen. Lomet,
PUI
135
remarqua son aptitude, ie prit en
amitié (1786), et, se chargeant de lui
donner les moyens d'instruction aux-
quels le jeune homme aspirait, il
rattacha aux opérations géodésiqucs
et autres qui formaient l'objet de ses
fonctions. Puissant, dans cette nou-
velle position, non-seulement put se
perfectionner par une pratique plus
élevée, plus compliquée et plus va-
riée, qui le familiarisait avec les
meilleurs instruments et les meil-
leurs procédés; il put aussi lire et
méditer les ouvrages scientifiques
de la bibliothèque de son patron.
Après quatre ans ainsi passés, il
était véritablement fort habile en
mathématiques, et Lomet se plaisait
à reconnaître que son second en
savait plus que lui. Cependant la ré-
volution était venue et toutes les
existences étaient remises en ques-
tion. Lomet se vit obligé de quitter
le service civil pour entrer dans les
cadres militaires, et Puissant, ne pou-
vant guère faire autrement que de
suivre son exemple, prit parti de
même à l'armée des Pyrénées-Orien-
tales, et obtint une commission d'in-
génieur géographe qui l'attachait à
l'état-major. Quatre à cinq ans s'é-
coulèrent ainsi pour lui et, comme
on sait, les années les plus critiques
de la révolution. Quand en 1795 la
paix de Bâie eut fait poser les armes
entre la République française et l'Es-
pagne , il fut appelé au dépôt de la
guerre , et quelque temps il suivit le
cours d'analyse transcendante de La-
grange et de Fourier, après quoi il
concourut pour une place de profes-
seur de mathématiques à l'école cen-
trale de Lot-et-Garonne. Ses efforts
furent couronnés de succès et, avant
la fin de cette même année 1 795, Agen
le voyait dans la chaire <i"'ii ->^ 'il
ambitionnée. Sa position
u$
PLI
des loisirs. 11 s'empressa de prou-
ver aux géomètres par un premier
ouvrage qu'il les consacrait à l'étude ;
et c'est ainsi que parurent ses Pro-
positions de géométrie résolues et
démontrées par Va 'alyse algébrique^
connues, depuis sous le titre de Géo-
métrie de Puissant. Cet essai le classa
de prime abord au nombre des hom-
mes les plus habitués aux formules
et aux procédés de la trigonométrie ;
et lorsqu'en 1802 les écoles centrales
cessèrent d'exister, non-seulement il
fut placé derechef au bureau de la
guerre, mais encore il fut envoyé à
l'île d'Elbe pour lever la carie de
cette nouvelle dépendance de la Répu-
blique française, atin de la rattacher
au continent et à la Corse, et pour
en dessiner différentes vues. 11 s'ac-
quitta de cette mission à son honneur,
et en s'y livrant il approfondit les
théories d'astronomie et de géodésie,
bases de ses opérations, et prépara
d'importants matériaux pour ces deux
sciences. De l'île d'Elbe il passa la
même annéeà Milan, pour y travailler
à la triangulation de la République
cisalpine. Des rapports avantageux
faits sur la manière dont il effectua
sa double tâche lui valurent en 1803
le grade de chef d'escadron au corps
des ingénieurs géographes avec la per-
mission de rrtouriier en France. Mais
l'organisation de ce corps n'étant
encore rieii moins quedélinitive,c'est
eu vain (ju'il souhaita une position a
Paris même -, il fallut qu'il se con-
tentât de la chaire de mathématiques
k l'école militaire de Fontainebleau
(1804). Enfin, au bout de cinq ans,
il put revenir dans la capitale. Le
corps des ingénieurs géographes
avait été reconstitué militairement;
il y rentra, toujours avec l'épaulettc
de chef d'escadron, et fut nonmu;
professeur de géodésie et chef des
PUl
études à l'école d'application de ce
corps, fonctions qu'il exerça plus de
vingt années, soit avec ce grade, soit
avec celui de lieutenant-colonel. Il y
rendit des services essentiels en coo-
pérant à la formation de ce grand
nombre d'hommes spéciaux pour la
géodésie que la France montre avec
orgueil aux étrangers; et tout en va-
quant il ces travaux d'obligation, il
ne cessa de faire d'utiles publications,
soit en rééditant des livres qu'il met-
tait au niveau des connaissances du
jour, soit en communiquant au pu-
blic ses propres recherches ou en
rédigeant des traités méthodiques et
complets de la science. Depuis long-
temps ces divers ouvrages avaient
préparé son entrée à l'Académie des
sciences, lorsque le 3 nov. 1828 il y
fut appelé pour succéder à Laplace,
et bientôt il devint membre et se-
crétaire du comité du dépôt de la
guerre, et de la commission royale
de la nouvelle carte de France. Sa
vie depuis ce moment ne présente
d'autre incident que le débat qu'il
souleva en 1836 à propos de la me-
sure de l'arc du méridien entre Paris
et Formentera, en annonçant qu'elle
présentait une inexactitude d'environ
100 toises. Malgré la résistance de
l'éloquent secrétaire de l'Académie,
c'est à Puissant que demeura l'avan-
tage. Cet habile géomètre mourut le
11 janvier 1843. Il était chevalier de
Saint-Louis et officier de la Légion-
d'Honneur. Il fut remplacé à l'Acadé-
mie par M. Lamé et au bureau de la
carte de France paj* M. Corabœuf, avec
lequel il avait fait quelques travaux.
Puissant avait l'humeur un peu taci-
turne etmélaiicolique, et il n'était pas
difficile de reconnaître en lui l'hom-
me incessamuu'ul préoccupé de cal-
culs et (le mesures. Mais il était la
loyauté, la probité même. Il délestai I
PUl
lecharlatanisme.Oadoit avouer qu'il
ne brillait pas par la parole, et qu'il
n'affichait pas des prétentions ency-
clopédiques. C'était danstoute la force
du terme une spécialité réunissant
tous les avantages et toutes les imper-
feciionsdes spécialités. On a de lui :
I. Traité de géodésie, ou Expofition
des méthodes trigonométriques et
astronomiques relatives soit à la
memre de la terre, soit à la confection
des canevas des cartes et des plant
topographiques, Paris, 1805, ^-4",
2« éd., I8iy, 2 vol. in-4°, 13 pi. Cet
ouvrage, qui fut reçu dès son appa-
rition avec un applaudissement uni-
versel et qui obtint une mention ho-
norable dans le rapport sur les prix
décennaux, est demeuré le manuel
de tous ceux qui s'occupent de la
science dont Puissant expose et coor-
donne les principes. On y trouve no-
tamment la théorie complète des pro-
jections. H faut y joindre le Supplé-
ment au Traité de géodésie, contenant
de nouvelles remarques sur plusieurs
questions de géographie mathémati-
que et sur f application de mesures
géodésiques et astronomiques à la dé-
termination de la figure de la terre,
Paris, 1827, in-4», 11. Traité de topo -
graphie, d'arpentage et de nivelle-
ment, Paris, 1807, in-4'' (auquel il
faut joindre le Supplément au 2' livre
du Traité de topographie contenant
la théorie de la projection des cartes,
1810, in-4°), 2* édit. (tant du Traite
que du Supplément), Paris, 1820,
in-4', 9 pi. 11 en est de cet ouvrage
comme du précédent. Mentionné très-
honorablement par les rapporteurs
des prix décennaux, il est encore
pour l'arpenteur ce que le Traité
de géodésie est] pour le topogra-
phe, m. Recueil de diverses propo-
sitions de géométrie^ résolues et dé-
montrées par l'analyse algébrique,
PDI
137
1801, 3, édit., 1824, in-8o, 6 pi. On
a dit ci-dessus que ce fut son pre-
mier ouvrage. Il s'y trouve plusieurs
solutions très-élégantes et très-re-
marquables, et au total c'est un des
écrits les plus propres à donner
des habitudes mathématiques. C'est
ce que l'on appelle vulgairement
la Géométrie de Puissant. IV. Cours
de mathématiques rédigé pour l'u-
sage des écoles militaires, 2' éd.,
revue et augmentée, Paris, 1813,
3* éd. 1832, in-8° (en société avec
Allaize, BoudrotetBilly, professeurs
de mathématiques à St-Cyr). C'est en
1809 que ce Cours fut rédigé , et c'est
encore un des traités élëmeotaires
que l'on étudie avec le plus de fruit.
V. Trigonométrie appliquée au lever
des plans, suivie d^un recueil de pro-
positions de géométrie démomtt^es par
l'analyse, Paris, 1809, in-8°. 6 pi.
VI. Description géométrique de la
France (3 vol . in-4'> formant les tomes
VI, Vil et \1I bis du Ménwrial du
dépôt de la guerre). Cegrand recueil,
qui peut être regardé comme l'ex-
pression la plus complète des travaux
de la science géodésique en France,
contient de nombreux exemples d'ir-
régularités qui rendent sensible com-
bien la terre diffère d'un ellipsoïde.
Bien que, naturellement, il faille sur-
tout y voir un beau monument à la
gloire de l'état-major de l'armée fran-
çaise, le plus instruit de l'Europe, et
que Puissant n'en ait guère été que le
rédacteur, il faut remarquer sa pré-
face qui à elle seule est un ouvrage,
plus quelques mesures qui sont com-
munes à M. Corabœuf et à lui. VII.
Mémoire sur une nouvelle méthode
analytique pour déterminer les ef-
fets de l'aberration sur les positions
des astres (tom. X dn Journal de VÉ-
cole polytechnique). Vlll. Trois mé-
moires dans iQRecuùl de V Académie
138
PUI
PUI
des Se, savoir : 1*" Nouvel essai de
trigonométrie sphérique; application
du calcul des probabilités à la me-
sure précise d'un grand nivellement
irigonométriqus (tom. X, 1831).
2° Second mémoire sur, Vapplica-
tion du calcul des probabilités aux
mesures géodésiques itom. XI, 1832).
3" Nouvelle délimitation de la dis-
tance moyenne de Montjouy à For-
mentera, dévoilant l'inexactitude de
celle dont est fait mention dans les
bases du système métrique décimal
(tome XVI de l'Acad. des Se, 1839).-
C'est dans ce morceau, lu le 18 mai
1836, qvfe Puissant annonça que les
auteurs de la grande mesure fran-
çaise de l'arc du méridien compris
entre Dunkerque et l'île de Fermen-
tera avaient commis l'inexactitude de
101 toises à laquelle il a été fait al-
lusion plus haut. L'erreur, il est
vrai, ne portait point sur la partie de
Dunkerque à Paris, qui était calculée
par deux voies différentes (sur la
base de Melun par les géomètres
français et sur celle d'Anzin par le
major Roy, auteur d'une prolongation
de l'arc français jusqu'à Greeuwich);
mais de Paris à Montjouy il y avait 33
toises d'erreur , et de Montjouy à
Fermentera l'inexactitude allait jus-
qu'à 68 toises. Ce résultat, ainsi
qu'on peut le penser, fit grand bruit,
surtout parce que les deux savants
auxquels est due la triangulation de
Montjouy à Formentera sont encore
vivants et que l'un d'eux est secré-
taire de l'Académie. Après des dé-
bats assez animés , après avoir re-
marqué que l'erreur pouvait être due
non aux auteurs de la mesure, mais
aux calculateurs qui avalent opéré à
Paris sur la même base, mais après
avoir reconnu aussi que ces calcula-
teurs, au nombre de trois, Bouvard,
Mathieu cl Burkhardl. ayant ira
vaille séparément, avaient obtenu
des résultats identiques, on convint
que les calculs qui avaient servi de
base à la mesure seraient refaits par
le Bureau des longitudes, et M. Lar-
geteau , qui fut chargé de ce difficile
travail , se servit à dessein de la mé-
thode diagonale de Delambre, la-
quelle, par cela qu'elle différait des
deux méthodes que Puissant avait
employées de son côté, était la plus
propre à contrôler le nouveau cal-
cul. Il reconnut ainsi qu'en effet
deux causes d'erreur avaient vicié la
mesure primitive ; d'une part , la va-
leur inexacte de l'azimuth donné par
Delambre ; de l'autre, Tomission vo-
lontaire et peu réfléchie de l'angle
compris entre les méridiens de deux
stations éloignées l'une de l'autre
d'envir(^ 1 degré. Il est et demeure
ainsi acquis à la science que l'obser-
vation de Puissant est juste, et que
conséquemment le quart de méridien,
au lieu d'être évalué à 5,131,111. 4 t.,
comme on le faisait après la prolon-
gation à Greenwich et la correction
de 16 t. par degré apportée à la me-
sure de l'arc faite au Pérou par Bou-
guer, doit être portée à 5,131,658;
que le mètre, au lieu de contenir
443.295 lignes, eu contient 443. 37
ou {-^ en sus du mètre légal ; et enfin
queVaplatissement de la terre, décla-
ré jadis jjz «près la mesure de Bou-
guer et La Condamine, puis j^ après
la correction de Delambre, arrive,
après celle de Puissant, à 5^, chiffre
bien voisin de celui de j^ que don-
nait la Métrologie universelle de
1834. On a encore de Puissant les
mémoires et opuscules suivants , la
plupart relatifs à la confection scien-
tifique des cartes: i" Méthode gcné
raie pour obtenir le résultat moyen
d'une série d'observations astrouo-
niiques faite» avec le cercle répéli-
PUI
ieur de Borda. Paris, 1823, in-4-.
20 Mémoire sur la projection de Cas ■
sini,pour servir de supplément à la
théorie des projections des cartes
géographiques^ Paris, 1812, 10-4».
30 Principes du figuré du terrain et
du lavis sur les plans et cartes topo-
graphiques, susceptibles de servir
à l'enseignement du bureau dans les
écoles de service public, et comparai-
son des différents modes proposés à
ce sujet, suivis de nouvelles cartes
géodésiques relatives à la construc-
tion des cartes^ 1826, in-4^ 1° et
5° Tableaux pour faciliter le calcul
des différences de niveau dans les
opérations topographiques , et nou-
velles tables pour calculer les diffé-
rences de niveau (imprimés par ordre
du ministre de la guerre), 1827,
in-4°. 6" et 70 Observations sur di-
verses manières d'exprimer les re-
liefs du terrain dans les cartes to-
pographiques, suivies d'une réfuta-
tion du mémoire de M. le chevalier
Bonne, sur le même sujet. Paris,
1815, in-8°i et Observations sur la
méthode adoptée en topographie pour
figurer le terrain,, Paris , 1817, in-8° ;
8° Instruction sur l'usage des ta-
bles de projection adoptées pour la
construction du canevas de la nou-
velle carte de la France, Paris,
t821 , in -4», avec une planche.
y" Rapport et notice sur les travaux
géographiques et historiques de M.
Denaix, 1833, in-8°. — Ou trouve
encore divers articles et notices de
Puissant dans le Bulletin de la So-
ciété philomatique, dans la Connais-
sance desTemps. 11 ne faut pas oublier
non plus qu'il enrichit d'additions
importantes la jolie édition du Traité
de la sphère et du calendrier de Ri-
vard. Enfin on lui doit, outre ses ou-
vrages, un instrument de perspec-
iive dit le Panorograpke . à l'aide
PUJ
139
duquel ii est possible de tracer ri-
goureusement sur un plan un déve-
loppeniput cylindrique de la perspec-
tive linéaire de tous les objets qui
environnent l'horizon du spectateur.
Cet instrument, applicable à la con-
struction de tous les panoramas et
qu'approuva l'Académie des Scien-
ces, a été décrit dans le tom. IV du
Bulletin de la Société de géogra-
phie. P — OT.
PUJADES (le Dr JÉRÔME (GfTo-
fit'mo), chroniqueur catalan, né à
Barcelone le 30 sept. 1568 , était tils
du D' Michel Pujades, célèbre juris-
consulte de la ville de Figuères (1).
Après avoir terminé sa première édu-
cation avec beaucoup de succès, Jé-
rôme Pujades fut envoyé en 1585 à
l'université de Lerida pour y étudier
le droit civil et canonique. Reçu en
1591 boursier au collège de la Con-
ception de la même ville, il y obtint
le grade de docteur dans les deux fa-
cultés, et se rendit à Barcelone, où i!
fut nommé professeur de droit cano-
nique. Il épousa peu après une fille de
Bernard Puig, auditeur de l'audience
royale, et obtint enfin l'emploi de juge
ordinaire ou assesseur et procureur-
général du comté d'Ampurias qu'il
remplit jusqu'à sa mort arrivée vers
1650. Pendant plus de quarante an-
nées, Pujades consacra tous les in-
stants dont ses fonctions lui permet-
taient de disposer à visiter les archi-
ves et les bibliothèques publiques et
particulières, surtout celles des plus
(i) Le D'' Michel {Uiguel) Pujades, né à
Figuères, originaire de Saiut-Felin de Gui-
xoîs, embrassa la carrière du barreau après
avoir fait d« boones études à l'uniTersité de
Barcelone, où il fut l'élèTc du savant D''Cos-
me Damian Hortola. Ou a de lui, en idiome
catalan, un Traite du droit de préséance (Trv-
lADO DE LAS PROCfDLItTlAS , etc.) dej toit
d'Àmgon tontre lt> roii dt Franct, qu'il tcii-
^il en iSiô.
140
PUJ
PUJ
anciens monastères, afin d*y recueillir
des mate'riaux pour une histoire de la
Catalogne, qu'il avait toujours eu le
de'sir de publier. Ce fut par suite de
ses laborieuses et longues investiga-
tions qu'il parvint k réunir enfin une
collection extrêmement riche de do-
cuments historiques, dont quelques-
uns étaient peu connus et d'autres
tout à lait ignorés. Ces documents,
la plupart originaux et inédits, lui
servirent à composer la Chronique
universelle de Catalogne^ dont la
première partie, qui contient les faits
arrivés depuis les temps les plus re-
culés jusqu'en 719, écrite en catalan
et publiée dans le même idiome à
Barcelone, forme un volume in-fol.
Les secondes et les troisièmes par-
ties, qui s'étendent jusqu'à l'an 1162,
ont été écrites en langue castillane,
ainsi que les matériaux nécessaires
pour les continuer jusqu'au temps
où vivait l'auteur. A la mort de Pu-
jades, tous les manuscrits restés en
la possession de sa femme et de ses fils
furent confiés au célèbre Pierre de
Marca (2), envoyé en Catalogne par
Louis XIV en qualité d'intendant de
cette province, où il séjourna depuis
le mois d'avril 1644 jusqu'en 1651.
{voy. Mabca, XXVI, 580). Suivant les
écrivains espagnols, ce prélat les ap-
(a) Le père Jayrtie Yillanueva «lit dans son
Voyage littéraire det églises d'Espagne, t. VI,
lettre 5o, que de Marca avait obtenu les ma-
nuscrits de Pujades lui-même, qu'il les ap-
j)orfa a Paris et y prit la plupart des faits
qu'il racoute non-senlemetit sans faire con-
uaitre la source où il les avait puisés, mais
en laissant supposer qu'il avait visité lui-
même tous les lieux dont Pujades fait raen-
tif)n. On vcrr.i dans la note suivante qu'il
n'est pas certain que de Marca ait apporté
en France les manuscrits originaux de Pu-
jades; quant au reproche fait à de Marca, il
ne nous parait point fonde, car ce n'est pas ce
prélat, mais Balu/.c, son secrétaire, qui a ré-
digé et publié ses ouvrages sur hi Catalogne.
portaen Fraiiceavecun grand nombre
de documents précieux, provenantdes
archives de plusieurs monastères et
églises de Catalogne, et quelques-uns
mêmequi lui avaientété communiqués
par l'archiviste royal de la couronne
d'Aragon. Il n'est pas douteux que de
Marca y a puisé d'utiles informations
pour sa Marca hispanica, son His-
toire du Béarn et ses Recherches sur
le monastère de Monserrat. Les mê-
mes écrivains s'étonnent avec rai-
son de ce que de Marca n'a pas men-
tionné avec éloge les travaux du sa-
vant et modeste Catalan, dont il a ce-
pendant tant profité, et ils reprochent
à Etienne Baluze, son secrétaire et
son éditeur, d'avoir appelé Pujades
ignorant, k cause de quelques légè-
res négligences que ce dernier aurait i
commises, sans faire attention aTi
temps où ce chroniqueur écrivait et
sans rendre hommage à son admira-
ble candeur. Dalmases prétend avoir
vu en 1700, dans la bibliothèque de
l'archevêque de Rouen, le manuscrit
de la Chronique de Pujades, qui y
aurait été déposé après la mort de
de Marca (1662)-, et don Félix Torres
Amat pense que ce même manuscrit
a passé ensuite dans la bibliothè-
que royale de Paris. Nous croyons
devoir indiquer dans nue note les
causes qui ont pu induire en erreur
les deux savants catalans (3). En
(3) Il paraît que de Marc.T apporta en
France non, ainsi que le suppose le savant
évèque d'Astorga,le manuscrit original delà
Chronique de Pujades, écrite par ce dernier,
en partie du moins, en idiome catalan, mais
seulement la traduction de cette Chronique
cil lanp;uc castillane. On ne trouve en effet
à la lîihliothcque royale de Paris que trois
exemplaires manus<;rits de la Chronique de
Pujades, tous trois eu espagnol. Le pre-
mier, formant quatre volume» in-fol., est
eelul que de Marca légua en mourant
(irt6?.), avec ses autres manuscrits, i« Kticnnc
iialuze. Il fut acquis par le roi à la mort de
PCJ
1715 , don Juan de Taberner y Dar-
<!ena, alors chanoine de l'église de
Barcelone et depuis évêque de Girone,
se trouvant en France pour des af-
faires de famille, par suite des guer-
res de la succession, obtint, entre
autres grâces, du roi Louis XIV, la
permission de prendre une copie de
la Chronique de Pujades; elle formait
i vol. in- fol., dit Pedro Serra y Pos-
tias (4), qui l'a vue en 1720 à Bar-
celone. En 1777 , don Angel Tara-
zona, chargé à celte époque du Dia-
rio de Barcelona, publia dans un
journal hebdomadaire la traduction
faite par !ui en castillan de la pre-
mière partie de la Chronique, qui fut
PUJ
141
Baluze (1718", et porte Us no» i68 à 171 du
fonds dit de Baluie et le uo 10,010 (a,'J,4'.3)
de la Bibliotb. roy. Il est précédé d'uue espèce
d'introductioQ da traducteur qui ne donne
pas son nom, mais fait connaître seulement
qu'il était Catalan et ué à Barcelone : Cata-
lan fn* nutitro grau poeta Uoicom . y Barce-
lontscomo jo, etc.; cette introduction a pour
titre : Quitn tradaxo la Obra al Ltctor. Cet
exemplaire comprend ies événements depuis
le commencement du monde jusqu'à Tan
n6i de J.-C. Le 2* exemplaire, quoique
composé de douze Tolnmes, ne renferme pas
plus de matière que le précédent, dont il
est la copie textuelle, faite d'après les ordres
de Coli>ert et pour sa bibliothèque particu-
lière, dont Baluze était à cette époque le
bibliothécaire. Il porte le« d^ 318 à 229, du
fonds dit de Colbtrt et les nos 10,010 A jus»
qu'à M de la Bibliothèque royale. Cest pro-
bablement cette copte que Dalmases à vue
en 1700 dans la bibliothèque du frère de
Colbert, alors archevêque de Rouen, et qui
avait hérité des livres et des manuscrits de
sou frère. Pnjades y est toujours appelé Pu-
jadas. Le 3' exemplaire enfin . composé de
quatre volumes in-foL, n'est qu'une copie
incomplète de la copie faite pour Colbert,
car elle s'arrête à l'an 417- Les 4 Toliunes
portent les 1,0» 1007 à loio. On est surpris
de l'omi^stoQ commise par M. Eugène
Ochoa, qui ne cite pas rtiemplaire de la
Chronique dePujades en donze volumes, dans
soa Calalogo rvsonada dé lot manutcriiot »•
panoles ezisteutet en la Biblioteca real de
Pjris, imprimé en 1844 à notre imprimerie
royale.
{^) Fàtesvs de foi AnftUs, p. 3r-.
imprimée en 6 vol. in-8», avec privi-
lège royal (5). Cette traduction, quoi-
que faite avec beaucoup de précipita-
lion et remplie d'erreurs, eut un grand
succès en Espagne ; mais elle a cessé
d'être recherchée depuis la publica-
tion faite au commencement de ce
siècle par le savant et consciencieux
don Felii Torres .Vmat, évêque d'As-
torga, avec le concours de don Al-
berto Pujol, chanoine de Santa-Anna,
et de don Prospero Bofarull, archi-
viste royal de la couronne d'Aragon.
Les savants espagnols qui ont parlé
de la Chronique de Pujades, tout en
reconnaissant que son style est né-
gligé et qu'il manque quelquefois de
critique, rendent justice à son ex-
trême bonne foi et à sa rare exac-
titude. Aucun écrivain n'a , sui-
vant eux, réuni autant de matériaux
pour une histoire de la Catalogne ; et
ils regrettent tous que Mariana, Mas-
deu et les autres historiens ne les
aient pas eus à leur disposition, car
ils auraient évité beaucoup d'erreurs
et d'équivoques. « C'est, au juge-
ment de l'Académie royale d'histoire
de Madrid, une mine extrêmement
riche, que tous les historiens fu-
turs de l'Espagne exploiteront avec
fruit. Le père Marcillo, dans sa Cri-
sis de Cataluûa, dit qu'on doit à
Pujades un Discours sur l'assistance
des conseillers de Barcelone et les
syndics de la généralité de Catalogne,
imprimé dans celle ville en 1621 eu
1 vol. in-4''. On a aussi de lui quel-
ques poésies parmi lesquelles on cite :
I. El pastor deRemolar, écrit eu ca-
talan à l'occasion de la canonisa-
tion de sainte Thérèse. II. Un son-
net en castillan en l'honneur de don
(5) On voit par la note 3 qne cette tra-
doctioa était déjà faite depuis loBg-tenps ;
il n'j avait tout au |ilus qu'a la revoir et a
l'imprimer en»nite.
142
PUJ
Jayme Tristany, auteur de VEnrichi-
dion, et de sa patrie. III, Les Inscrip-
tions qu'il composa sur la demande
deColoma,évêque de Barcelone, pour
être place'es au bas des portraits de
ses prédécesseurs. Notre respectable
et savant ami don Félix Terres Amat,
évêque d'Astorga, membre des diffé-
rentes académies d'Espagne, a con-
sacré une notice à Pnjades dans ses
Memorias para ayudar à formar un
Diccionario critico de los escritores
Catalanes, dont il a eu la bonté de
nous envoyer un exemplaire; elle
nous a servi à rédiger cet article.
D— z— s.
PUJOL (Alexis), médecin, naquit
au Poujol, près Béziers, le lO oct.
1739. Son père, avocat au parlement
de Toulouse, le .destinant à l'état ec-
clésiastique, l'envoya dans cette ville
pour terminer ses humanités et pour
étudier la théologie; mais le jeune
élève, entraîné vers une autre carriè-
re, suivit des cours de médecine, prit
le grade de docteur en 1762, et se
rendit ensuite à Montpellier, afin de
perfectionner ses connaissances mé-
dicales. Après avoir exercé son art à
Bédarrieux, il fut appelé à Castres
par l'évêque diocésain à qui il avait
donné des soins aux bains de Lama-
Ion. Déjà connu avantageusement,
Pujol obtint le titre de médecin du
roi à rhôpital de Castres ; il coucou-
t-ut pour les prix proposés par la So-
ciété royale de médecine de Paris, et
en remporta plusieurs. En 1786, l'a-
cadémie d'Ârràs le reçut au nombre
de ses membres. Il mourut à Castres,
le 15 sept. 1804. Ses écrits consistent
en mémoires, dissertations et obser-.
valions sur diverses sortes de mala-
dies. L'auteur les avait réunis et pu-
bliés àCastres,1802, 4 vol. in-S" ; mais
celte édition, imprimée en province,
eut peu de succès. M. le docteur Bois-
PUJ
seau en a donné une nouvelle, sous
le titre d'OEuvres de médecine prati-
que de Pujol, avec une notice sur la
vie et les travaux de l'auteur, et des
additions, Paris, 1823, 4 vol. in-8°.
Cette réimpression fut accueillie fa-
vorablement, et Broussais, en l'an-
nonçant dans ses Annales de la mé-
decine physiologique (janv. 1823),
parla avec éloge de Pujol et de son
éditeur. Les principaux opuscules
composant cette collection sont : Dis
sertation sur les maladies de la peau
relativement à l'état du foie, cou-
ronnée par la Société royale de mé-
decine de Paris en 1786; Essai sur
le vice scrofuleux, qui obtint l'acces-
sit en 1786; Dissertation sur l'art
d'exciter et de modérer les fièvres
pour la guérison des maladies chro-
niques, couronnée en 1787; Mémoire
sur la nullité médicale des amulettes
d'Âimont et l'utilité du magnétisme
minéral employé comme remède, ap-
prouvé par la Société royale de mé-
decine, en 1787, pour être imprimé
sous son privilège ; Essai sur les ma-
ladies héréditaires, mentionné hono-
rablement en 1790; Essai sur les
maladies propres à la lymphe et aux
voies lymphatiques , couronné en
1790 ; Essai sur les inflammations
chroniques des viscères, ouvrage im-
portant pour lequel Pujol obtint une
médaille d'or en 1791, et où l'on
trouve une doctrine analogue à celle
que Broussais a développée dans son
Histoire des phlegmasies ; Essai sur
la nature du vice rachitique et sur
les indications essentielles et acces-
soires que ce vice offre à remplir, en-
voyé à la Société royale de médecine,
peu de temps avant la suppression
des sociétés académiques ; c'est un
des meilleurs systèmes publiés jusqu'à
présent sur le rachitisme. On doit
encore à Pujol un opuscule intéres-
PUL
sant et devenu rare, qui n'a pas été
compris dans la collection de ses œu-
vres; il est intitulé: Essai sur la
maladie de la face nanwiée le tic dou-
loureux y avec quelques réflexions sur
le raptus caninus de Ccelius Aurelia-
nus, Paris, 1787, in-12. Z.
PULAWSIvI (Joseph), célèbre
patriote polonais , l'auteur premier
de la confédération de Bar, naquit
vers 1705. Il était d'assez chéiive
noblesse, et les biens dont il hérita
étaient grevés d'hypothèques ei de
procès qui en réduisirent considé-
rablement le revenu. Heureusement
il était doué à un rare degré de l'esprit
des affaires : souple, pénétrant et
subtil , ayant de plus à son service
une admirable mémoire, il s'appliqua
au droit, prélude obligé de plusieurs
des carrières libérales et réservées
aux nobles , et il devint peut-être
l'homme de la république le plus
habile à manœuvrer au milieu du
dédale des lois polonaises. Il com-
mença par mener à bien ses propres
affaires ; et, plus à l'aise de ce côté,
il essaya pour celles des autres ce
qu'il avait fait pour les siennes : il
acheta souvent à prix minime tantôt
des créances, tantôt des droits de
propriété menacés par les créanciers,
et des procès qu'il se rendait ainsi
personnels, neuf sur dix étaient jugés
en sa faveur. Nous ne prétendrons
pas qu'au choix de ces affaires liti-
gieuses présidât toujours la dernière
délicatesse, mais il ne faudrait pas
non plus accueillir comme incon-
testables les exagérations en sens
contraire, lesquelles viennent de ses
ennemis et que Ton ne saurait guère
vérifier aujourd'hui. Ce qu'il y a de
certain, c'est qu'il s'acquit graduelle-
ment par ces moyens uue très-belle
fortune et qu'il acheta la starosliede
NVarka. Beaucoup de riches seigneurs
PUL
145
au reste lui remirent aussi la con-
duite de leurs procès et s'en trou-
vèrent bien. C'est ainsi que pendant
un temps il eut pour clients les Czar-
toryski. Ceux-ci, dit-on, eurent à
se plaindre de lui , et ils lui retirèrent
leur confiance avec des formes qui
témoignaient un très -vif mécontente-
ment. De là peut-être la haine de
Puldwski contre Stanislas-.4uguste
qui, comme un le sait, était neveu
des Czartoryski, et ses liaisons avec
le parti des républicains ( Radziwil ,
Mokranowski, etc.). On lui repro-
chait de manquer de bravoure et
d'opposer un calme presque inalté-
rable à des outrages dont il était
l'objet, à tel point qu'on regardait
celte impassibilité comme un cynique
étalage de lâcheté. .Mais les évène
ments postérieurs out mis trop au
jour le courage de Pulawski pour
qu'il ne soit pas évident qu'en géné-
ral les injures dont on parle ici
venaient de personnes engagées dans
des débâts judiciaires contre lui, et
qu'il ne voulait pas compromettre
sur ce terrain un succès dont il était
à peu près sûr devant les tribunaux.
On a même prétendu que, partisan de
Stanislas Leszcziiiski , lors de la se-
conde élection de ce monarque eu
1733, il combattit pour lui avec un
corps de milices de famille jusqu'à
ce que le triomphe d'Auguste UI fût
assuré : le fait n'a ritn d'impossible ;
^ mais il serait absurde d'admettre que
ce corps eût été levé à ses dépens et
montât à quatre ceuts hommes, car
à coup sûr il était loin, à celte épo-
que , de posséder les ressources qui
eussent été indispensables puur faire
face,nefût-ce que trois niois,à l'entre-
tien de cette troupe. Dans l'inter-
règne du 1*' octobre 1763 au 17 sep-
tembre 1764, Pulawski se montra
très-opposé, mais sans caractère offi-
Ui
PUL
ciel, aux candidatures qui tenaient
plus ou moins directement à la mai-
son Czartoryski, c'est-à-dire à celle
d'Adam Czartorysky (le fils du prince
Auguste), à celle de son cousin Ponia-
towski (Stanislas II), à celles d'O-
ginskiet de Lubomirski, gendres des
deux oncles dece dernier. Quand, en
1767, se forma, sous le grand-référen-
daire Podoski, la confédération des
]\lalcontents, dont le but tendait au
renversement de Stanislas , et que
Catherine, dans les commencements,
favorisait en secret , il en fit partie à
titre de nonce ; et quand plus tard
cette réunion de 180 confédérations
particulières fut transférée de Radom
à Varsovie, conformément aux ordres
du prince Repnine, il l'y suivit. Mais
déjà Catherine avait changé et ne
voulait plus que Stanislas fût détrôné;
dès lors évidemment les coalisés de
Radom, que leur séjour dans Var-
sovie tendait à soumettre aux in-
fluences russes , ne pouvaient plus
guère espérer d'atteindre leur but.
Aussi leur opposition aux idées de
Repnine fut-elle flagrante dès l'ou-
verture de la diète de 1767. Pulaws-
ki, jusqu'à ce moment, avait à peine
été remarqué de Repnine, qui, s'il en
avait entendu parler, ne voyait en lui
qu'un avocat, c'est-à-dire un parleur.
Cependant comme l'évêque de Craco-
vie , Gaétan Soltyk , le logeait dans
son palais et lui témoignait grande
confiance, il soupçonna que la dexté-
rité de cet adroit légiste pourrait de-
venir redoutable. 11 chercha l'occa-
siou de l'humilier. Un jour qu'il lui
parlait, il se couvrit. Pulawski l'i-
mite à l'instant. Repnine fait un
mouvement pour le frapper, mais
sans se livrer à cette première im-
pulsion. Pulawski garda de cette
entrevue un ressentiment profond.
PUL
auquel du reste il n'avait pas besoin
d'être excité. Il continuait toujours
ses services auprès de Soltyk, notam-
ment pour les relations que ce prélat
entretenait avec l'évêque de Kami-
niec, le vénérable Krasinski, et avec
celui de Kiev, Joseph-André Zaluski
(voy. ce nom, LU, 62). On sait qu'il
y avait entre Krasinski et ses deux
collègues cette différence que ces der-
niers faisaientde l'opposition ouverte,
tandis que celle de l'évêque de Kami-
niec était sourde. Quand Soltyk et
Zaluski eurent été enlevés pour être
conduits en Sibérie , Krasinski de-
vint le chef du parti patriote , et Pu-
lawski, fidèle à la cause polonaise,
se trouva un de ses agents directs.
Mais il n'en subordonna pas plus ses
vues à celles de l'évêque , et l'on
aperçut toujours en lui l'homme, de
l'opposition avancée et téméraire.
En effet , Krasinski ne voulait d'in-
surrection , de confédération , que
lorsque les Russes auraient évacué
la Pologne; et, bien que ceux-ci
n'eussent aucune envie de s'en reti-
rer, il était rationnel de penser que
la peur d'une guerre avec la Porte
devait les y amener (en effet, Cathe-
rine en donna l'ordre au commence-
ment de 1768). Mais Pulawski regar-
dait ces ménagements comme inutiles
et même comme funestes, d'une part
à cause des pillages, des excès de
toute nature sans cesse commis par
les Russes en pleine paix, de l'autre
parce qu'il pensait que, sous un pré-
texte ou sous un autre, les Russes
perpétueraient leur séjour dans le
royaume, peut-être enfin parce qu'il
voyait dans l'insurrection de la Po-
logne contre les Russes le moyen le
plus simple de mettre fin aux tergi-
versations du sultan, et de le déter-
n)iuer à faire 1;) fiierre nu ozar en
PUL
d^pit de SOS ministres vendus et de
son raoufti gagne aux vues de la
Russie. Il résolut en conséquence de
former une nouvelle confédération
ayant le même but que celle de Ra-
dom, et il lui destina pour chef su-
prême et définitif le prince Radziwil,
alors absent et proscrit, pour chef
provisoire le comte Krasinski, frère
de l'évêque. Ce comte avait de la
fortune, de l'influence, du dévoue-
ment, un beau nom, et n'était pas
difficileà gouverner : Pulawski, même
à la seconde place, n'en devait pas
moins être l'âme de la confédération.
Muni de quelques sommes d'argent
de nobles Polonais auxquels il s'était
ouvert de ses projets à Varsovie,
des billets de crédit de quelques au-
tres sur les administrateurs de leurs
biens, et surtout des signatures qui
lui étaient nécessaires pour que les
Turcs, suivant leur promesse à l'é-
vêque de Raminiec, avançassent
100,000 ducats à la republique, il
quitta la capitale du royaume avec
ses trois fils et son neveu, conjoin-
tement avec Krasinski ; et après être
allé, dans une de ses terres aux en-
virons, faire ses adieux à sa femme
et obtenir d'elle la disposition de
tout ce qu'elle avait de fortune en
propre, il se rendit à Léopol, dans
la Russie polonaise (aujourd'hui la
Galicie). Dans celte ville où cha-
que grand de la Pologne avait son
hôtel, des hommes d'affaires et des
régisseurs , il trouva beaucoup de
faveur pour ses projets : l'archevê-
que seconda ses démarches ; il y eut
des dames qui engagèrent leurs bi-
joux pour concourir à la délivrance
de leur patrie. Mais le commandant
de Léopol était dévouéà Poniatowski.
Il s'alarma de la présence simultanée
de Pulawski, de Krasinski, et des
allées et venues perpétaelles du pre-
TXXVIII.
PLL
t45
mier. Les deux patriotes alors se di-
rigèrent vers la petite ville de Bar
en Podolie, à cinq lieues de Kaminiec,
à sept des frontières turques, et ils y
posèrent les fondements de la confé-
dération de Bar (29 fév. 17G8). Le
manifeste par lequel ils se déclarè-
rent ainsi eu hostilité armée avec le
gouvernement n'eut d'abord que
huit signataires, dont les cinq Pu-
lawski et Krasinski. Conformément
à ce qui a été noté plus haut, ce der-
nier reçut le titre ostensible de maré-
chal de la confédération, tandis qu'en
réalité les confédérés réservaient
la suprême autorité à Radziwil, et ne
voyaient dans Krasinski que son sub-
stitut (1). Pour Joseph Pulawski, il
fut chargé des fonctions de maréchal
des troupes (2). Le but de cette con-
(i) L'acte qni conférait le inarcchalat aa
prioce Radziwil fut tenu extrêmement secret.
C'est par un a* acte, seul de.^tiné à la publi-
cité, que Krasinski et Pulawski reçurent cha-
cun aussi le titre de maréchal. Un manifeste
paraissait en même temps, dans lequel on in-
sistait particulièrement sur les nombreuses
TÏolutions du droit des gens, commises par
Repnine, sur les attentats flagrants portés par
lui à l'indépendance et à la souveraineté de
l'Etat, et sur cette étrange garantie que la
Russie donnait par la iKiucliede cet ambas-
sadeur à la perpétuité des lois nouvelles
qui, n'eussent-cUes pas été imposées et ex-
torquées par la violence, n'en auraient pas
moins été modifialiles et révocables, si la na-
tion polonaise, dûment réunie et i-eprésen-
tée, eût entendu les révoquer ou les modifier
(voy. la pièce u" XXXII annexée comme ap-
pendice au Manifeste dt la république conf'.-
déréedu rojraume de Pologne, du iSaovembre
1769)-
(a) Dans VHitloire anonyme des rvvolutions
de Pologne , au commencement du livre IV
(tome II, pages 6 et 8}, il est fait double
emploi du nom et de la qualité de Pu-
lawski En effet, il est question d'une con-
fédératiou de Podolie, ayant pour maréchal
Pulawski, staroste de Warech (p. S), et plu»
haut, page 6, il est parlé de confédérés (ler-
taiuement les mêmes, bien que l'auteur ne
le précise pas suffisamment), confédérés
excités, est-il dit, par le staroste Wareski et
le prince Martin Lubormiski. Or, "Wareski
n'est que la défiguralion de ladjectif équi.
10
146 PUL
fédération était, suivant les huit chefe,
la rénovation de la confédération de
Radom. Sur sa bannière était un aigle
blessé avec ces mots, Aut vincere aut
mori, et Pro religione et libertate.
La religion, en effet, était aussi en
cause. On sait que la majorité de
la nation polonaise non - seulement
était catholique romaine, mais into-
lérante à l'égard des dissidents, et
que c'était au nom de ceux-ci et de
la tolérance que la Russie intervenait
dans les affaires intérieures de la
Pologne. Le moine Marc, réputé saint
par la population, prêchait avec en-
thousiasme en faveur des confédérés
et ralliait beaucoup de monde à leur
cause par son éloquence (3). Pulawski
valant à de JVarha. Le premier de ces mêmes
passages contient une autre erreur grave eu
admettant les confédérations en Podolie ,
ayant pour maréchal l'une Pulawski, l'autre
Krasinski (tandis que tous deux étaient ma-
réchaux de la même), et la liage 7 y met le
comble eu distinguant encore 'la confédéra-
tion de Bar composée de 8,odo hommes et
obéissant au comte Potoçki: cette faute pro-
vient de ce que plus tard, en effet, la confé-
dération obéit à Potoçki et à Krasinski (ro/.
la fin du présent article); mais ce n'en est
pas moins la même confédération de Bar qui
eut d'abord pour maréchal des troupes Jo-
seph Pulawski.
(3) Ce moine Marc mourat prisonnier des
Husses, auxquels du reste il sut imposer par
son caractère de sainteté, et dont beaucoup
forent persuadés qu'il faisait des miracles.
« Les géuéraux ordonnèrent sa mort, dit
« Rulliière (III, 87^, les soldats se proster-
u nèrent eu lui demandant sa bénédiction.
« Il se mit à leur faire des prophéties. Il leur
« annonça que sa mort serait la fin de leur
« empire : ils le gardèrent avec uu respect
« infini, et ils ne tardèrent pas à raconter des
« prodiges arrivés dans sa prison. Il avait
« été pris dans une sortie qu'il conduisait et
« où, assure-t-OD, étaient portées en première
« ligne des images de saints et des hosties
u. consacrées. On ne saurait au reste nier son
« courage et souvent son bon sens. Il ne «es-
« sait ile rcpéier aux confédérés que leurs
« divisions les perdraient; et en effet les
<< commandants ne commandaient pas, ou du
« moins ue trouv;iiunt pas d'obciâMiiice: tout
» camp était Coin m ( nnc (liélinc. ff les plus
PUL
crut aussi pouvoir, par une procla-
mation adressée au détachement russe
de Winnicza, inviter les officiers de
tout rang, Livoniens, Cosaques, etc.,
à faire cause commune avec les Po-
lonais, comme alliés dans la foi. Au-
cun, on le pense bien, ne fut tenté
de se rendre à cette invitation, et
même en fait de Polonais, les deux
maréchaux ne virent d'abord sous
leurs drapeaux que 300 hommes,
dont moitié était venue des terres de
Krasinski, et moitié des domaines de
Pulawski. Mais ce premier noyau se
grossit rapidement : attaqués en ap-
parence par les hommes de Krasinski
et de Pulawski, plusieurs gentils-
hommes se défendirent peu vaillam-
ment à dessein, et s'adjoignirent,
comme de force, aux premiers confé-
dérés. Les garnisons de quelques pe-
tites places se rendirent également;
le régimentaire de Podolie ayant
marché à eux avec 3,000 hommes, en
feignant de vouloir s'unir à eux, et
ayant tenté de les surprendre et de
les faire prisonniers, vit une partie
de ses troupes exécuter ce qu'il avait
frauduleusement promis, et passer
aux confédérés. Le khan des Tartares
permit qu'il fût fait des levées dans
sa principauté, et les patriotes ré-
pandirent le bruit que déjà il était à
Budziac avec 20,000 hommes pour
leur porter secours (4). Par tous ces
moyens, leur nombre monta bien vite
à 1,200 à 2,000, et enfin à 8,000.
« sages étaient ceux qui disaient qa'il fallait
« se concerter avec ses chefs ; mais à aller
« demander et recevoir des ordres, jamais. »
(4) Selon toutes les apparences, il y eut
même un pacte signé entre le grand-seignenr
et la confédération de Bar, et l'on assure que
cette dernière consentait à céder la Podolie
et la Volhinie aux Turcs, en ce sens que les
deux proviuces deviendraient des principna-
tés 80U« suzeraineté turque, comme la Vala>
rliie et la Moldavie,
PUL
Bientôt iis occupèrent le couvent,
la forteresse et la ville de B^rdichef;
mais vainement ils pensèrent à s'em-
parer de Kaminiec, ce qui eût ouvert
les hostilités avec beaucoup d'avan-
tage, et déterminé des adhésions en
plus grand nombre, ce qui aussi au-
rait permis aux patriotes de se livrer
Dioins fréquemment au pillage sur
les terres des nobles non encore ral-
liés. La précipitation avec laquelle
Pulawski avait levé l'étendard fut
la cause principale qui empêcha ce
résultat ; le célèbre comte Zamoyski,
auquel il offrit la direction suprême
et que même on regardait à la cour
de Varsovie comme le moteur invi-
sible de ce qui se passait à Bar, re-
fusa de faire cause commune avec
les insurgés; et l'évêque de Kaminiec
improuva publiquement cette prise
d'armes inopportune. Toutefois, puis-
que enfin c'était uu fait accompli, il
l'accepta et se mit immédiatement
à visiter les oours de Dresde, de
Vienne, de Versailles, pour les dé-
terminer a seconder le mouvemeut
des Polonais. Catherine, au contraire,
jeta le masque : très-peu de temps
avant, elle avait donné ordre de re-
tirer de la Pologne les troupes russes
qui y vivaient à discrétion ; quand une
fois la confédération de Bar eut donné
le signal de la résistance armée, non-
seulement Repnine reçut contre-or-
dre , mais encore sept régiments de
ligne russes et cinq raille Cosaques
arrivèrent avec une forte artillerie.
Cependant ils n'attaquèrent pas pour
commencer : ils se contentèrent d'a-
vancer de plus en plus pour resserrer
les confédérés et leur couper la com-
munication des palatinats voisins. Ils
manœuvrèrent si bien en effet que les
insurges n'avaieut plus les mouve-
ments hbres que du côté de la Turquie.
Mais alors ceux-ci marchèrent aux
PUL
U7
Russes et engagèrent plusieurs com-
bats où force leur resta, et dont le ré-
sultat fut de rompre le cordon sur plu-
sieurs points. C'est après ces premiè-
res escarmouches que Pulawski pu-
blia sa fameuse proclamation qui com-
mence par ces mots : «Enfin, grâce à
• vous, braves Polonais, les perfides
« alliés de ta Pologne en deviennent
« les ennemis déclarés, etc. (5) • Ces
(5) La proclamation, ou, si l'on rent, le ma-
nifeite, qae publia Pula'wskl à cette époque,
contient , aa luiliea de quelques puérilités
déclamatoires et d'injures pea diplomati-
ques, soit contre la nation ru&se en général,
soit contre Catherine en particulier, beau-
coup de traits Téritablemeot.éloqueuts, et
n'est pas absolument dépoarrue de sagesse.
Noos trouToiu assez ridicule, par exemple,
la passage où, rappelant la supériorité qu'a-
Tait jadis la Pologne sur la Russie, Palawtki
s'écriait : « Quel est ce peuple insolent qui
«nous brave? Rappelons - nous , il en est
« temps , que ce vil peuple a toujours fui
« devant nos ancêtres... » Et il y a peut-être
autant d'odieux que de jactance a vanter
ainsi qu'il suit la barbarie avec lacjnelle
les Polonais, forcés d'évacaer Mo&kou en
l6l3, V mirent le feo... - Rappelons - nous
« que de simples gentilshommes polonais as-
" semblèrent leur» troupes domestiques..-, et
'< mirent en fuite le tsar et ses armées; que
" peu d'années après , queiques-ons de nos
« pères, appelés dans cette coor perfide , j
u soutinrent tons Us efforts de ce pcaple
« entier mutiné contre eux et n'en sortveat
« qu'après avoir réduit cette capitale en cen-
« dres. » Pions n'approuvons pas beaucoup
non plus cette autre phrase souvent répétée :
• Aacon des Rosses ne sait ce qu'il vent de
•• nous ; ils exécntent de raint projets tramtàt
« daiu les alcovts et dont les Ixtùts d'uM«/emm*
« parricide et toIuplueuM qui les gouverne ;
« iutimaux dociles et féroces qui..., etc. a Mais
il y a de la justesse dans l'exposition des
griefs qui réduisent la nation polonaise à
faire appel aux armes. « Depuis soixante ans,
« dit le manifeste, une guerre sourde et plus
» dangereuse que de sanglantes hostilités
« affaiblit et désole notre infortunée patrie.
« Un peuple exécrable, qui ne peut être dé-
« sarmé par la justice, fléchi par la soamis-
<' sion, touché par les bienfaits, rassasié par
<< le pillage, a entrepris de nous suiijogner...
« Un état souveraiu mis soos le joug, la jus—
<< tice qn'on offrait de nous rendre derenue
' un pié^e, le droit des cens foulé anx pied?,
10.
148 put
légers avantages, que rattitnde sim-
plement défensive des Russes rendait
plus frappants, devaient, réunis à la
justice de la cause dont Pulawski ve-
nait de se poser le défenseur et à la
nécessité pour la Pologne de se dé-
barrasser de l'oppression russe si elle
voulait exister comme nation, donner
à la manifestation de Bar un immense
retentissement. Le roi même tout sub-
jugué, tout surveillé qu'il était par
Repuine, restait indécis et l'eût été en-
corebien plus si les confédérés eussent
proclamé suffisamment haut qu'ils
ne voulaient pas son renversement,
mais sa délivrance. Le sénat, à plus
forte raison, ne désapprouva qu'en
termes modérés la levée de boucliers
« nos sénateurs enchaînés!... Si les nations
« les plus serviles éprouvaient du souverain
<c le plus légitime tant d'injastiies et tant
. d'outrages, l'univers entier applaudirait
.. aux efforts de leur rébellion; et nous avons
« supporté ce qui, dans les pays les plus as-
« sujettis, justilierait les séditions et les ré-
" voUes. » 11 y a du bon sens dans l'éuuiné-
ration qu'il fait des princij es de la force des
troupes russes, et dans la précaution qu'il
prend de nioutrer aux siens combien leur
tentative est dangereuse. « Il ne faut pas,
« dit-il, nous laisser abuser par un vain sou-
« venir de gloire et nous dissimuler, en cora.
c< mencant une si généreuse entreprise, les
« avantages que les troupes moscovites ont
« à présent sur tious Ues officiers expéri-
«« inentés, des soldats aguerris, une discipline
« sévère, une artillerie nombreuse, voilà une
« supériorité effrayante 1 » Pulawski avouait
ensuite que la Pologne ne pouviiit compter
sur aucun secours sérieux <les ])uissances
étrangères, que désormais la balance euro-
péenne était un vaiu mot, que, malgré cet
abandon, reconquérir ou plutôt préserver
l'indépendan<.e iiatiouale était possible en-
core, et il s'appliquait à mettre eu saillie les
traits capitaux de son ]ilan : i» Concours cer-
tain de la noblesse. « L'iie nombreuse no-
<< blesse, propre aux armes et prodigieuse-
« meut augmentée dans lu trauquillitc des
« deux règnes, est prête à vous joindre.. .Dis-
« persée, elle attend avec une généreuse im-
« p;itience que nous allions nous joindre à ses
« efforts." a^Raisons qui eut faitcboisirlaPo-
dolie comme point dedépartde l'insurrection.
• C'mI parce que nous étions les plus cloi-
PUL
des Podoliens, et consentit à entrer
en conférence avec les chefs des con-
fédérés. Mokranovski, l'auteur même
de la motion adoptée, partit accompa-
gné de plusieurs commissaires pour
s'aboucher avec eux. Ce résultat
était grave, car en droit les hostilités
étaient suspendues pour tout le temps
que dureraient les conférences, et la
confédération de Bar devenait légale
suivant la vicieuse constitution de Po-
logne, qui autorisait en certains cas,
et moyennant certaines formes, ces
démonstrations armées. Les Russes,
au mépris de l'armistice et de la léga-
lité, affectant de ne voir dans les con-
fédérés que des brigands, prirent tout
à coup l'offensive (c'est bien ce que
<t gnés de l'œil vigilant des tyrans qui la tien-
« nent désarmée. » 3° Marche que suivra l'io-
surrectioii. «Le premier objet que nous ayons
« à nous proposer, c'est d'appuyer partout les
't confédérations particulières ; c^e&t de faire
« éclater tous les districts de proche en pro-
« elle , et ceux qui se seroftt confédérés prê-
« tant ensuite la main à ceux de leur voisi»
« nage pour leur réunion, uous parviendrons
« ainsi à confédérer tout le royaume. » ', '
Convenance d'une guerre de partisans.oCom-
« roençons une guerre où tous les avantaget^
K des Russes, leurs magasins, leur artillerie»
« leur nombreuse armée, leur sévère disci-
« pline , deviennent pour eux autant d'em-
« barras, autant d'obstacles! combattons as-
« sez pour les faire souvenir de leurs an-
<c ciennes défaites ! dispersons-uous assez tAl;
« pour éluder tous ces prétendus avantage»,
« et qu'en mar(!liaut aiusi de fausses victoire;»
« en fausses victoires.affaiblis, épui.sésct dé-
« truits, ils retrouvent partout la iirèrac-
« guerre et^partout les mêmes ennemis! ><■
Mallieiircusemeut, ce qui peut être vrai d'un
p.'vs comme l'Kspague ne l'est jias ou ne
l'est que difficilement d'une contrée sans
frontières naturelles , sans montagnes à
l'intérieur, et en conséquence ouverte par-
tout. A ces idées sur la stratégie à suivre con-
tre l'ennemi, Pulavrski en ajoutait une autre
qu'il regardait comme non moins essentielle,
c'était de se défier de la diplomatie russe, de
ne pas prêter l'oreille à des offres (l'accom-
modement. « Ces offres, disait-il, ne sont que
■< des pièges: leurs propositions sont plus à
••craindre pour nous que leurs nttaques;
" plus de traités entre eux et nous! "
PUL
Pulawski avait prédit lorsqu'il aver-
tissait ses amis que ies négociations
ne seraient que des pièges), tombè-
rent sur les Polonais, leur tuèrent
beaucoup de monde par surprise,
saccagèrent Terespol et couvrirent
non-seulement la Podolie, mais une
foule de districts, de sang et de rui-
nes, puis appelèrent les Cosaques
Zaporovski pour achever leur ouvra-
ge (6). Le bruit courut même que les
trois tils de Pulawski étaient restés
sur un des champs de bataille pen-
dant les petits engagements qui eu-
rent lieu ; mais aucun ne périt. Tout
l'acharnement que déployaient les
Russes dès ce moment n'empêcha
pas qu'il ne se formât sur l'entrefaite
une deuxième confédération à Pcd-
(6) Voici l'ordre que l'hetmau des Zapo-
rovski (Kosezowy)donna au colonel ZelazniU.
de mettre à fea et à sang la l'olotrne. On y
remarquera la franchise avec laquelle le Co-
saque préobe une guerre d'exterminatiou et
l'hypocrisie on le fanatisme arec lequel il
affecte de mêler ensemble, comme les ideo-
tifiant, les Polonais et les Juifs. « Par ordre
•• de S. M.rimi>ératriic Catherine Alexiew
•t na , souveraÏDL- de toutes les Russies :
« Comme nous voyons clairement avec quel
« mépris et quelle honte dods tommes trai-
« tés, ainsi que notre religion par les Polo-
« nais et les Juifs, les défen$eur5 de notre rc-
« ligion grecque étant persécutés, opprimés
« et punis de mort; pour ces raisons, ne pou-
« vant plus souffrir de pareils outrages , de
•« semblables ignominies, et cette persécu-
.« tion, uniquement pour uotre sainte reli-
« gion méprisée, nous donnons cet ordre et
" nous enjoignons à Maximilieu Zeiaznik. de
« la terre de Tvmoszov , colonel et cora-
■ mandant dans nos terres du bas Za-
« porow, d'entrer sur les terres de Pologne,
« prenant encore quelques troupes de nos
n armées russes, des Cosaques du Don, pour
« extirper et abattre, avec l'aide de Dieu, tous
« les Polonais et les Juifs blasphémateurs de
« notre sainte religion. Par ce moyen... nous
« ordonnons donc, qa'ea traversant la Polo-
o gne, on extirpe leur nom, et que leur mé-
« moire splt anéantie pour la postérité. Mais...
« nous défendons, sous les plus rigoureuses
•~ |>eines, tîe molester o* d'inquiéter les mar-
» «faands tuics, etc. » Quant a regarder ces
horteui's comme n'appartenant qu'au Cosa-
PUL
149
haicz, pour tout le pays de Ualicz,
sous le comte Marien Potoçki (7).
Pulawski, sur sa demande et mal-
gré la résolution sage, mais irréalisa-
ble, prise dans les premières assem-
blées, de se défier des grandes famil-
les, lui fit accorder par les confédérés
de Bar le brevet de régimentaire.
Malheureusement les troupes de cette
confédération furent mises en dé-
route par les Russes. Podhaicz tomba
aux mains de l'ennemi, et Potoçki se
vit réduit à chercher un refuge en
Moldavie. Pulawski alla recueillir
leurs débris. C'est en ce moment que
tout à coup les Cosaques Zaporovski,
à l'instigation des Russes, fondirent
sur la Podolie qu'ils dévastèrent, et
dont la population fut massacrée
que et non au gouvernement de Catherine,
c'est ce qui n'est guère possible lorsqu'on
pèse ces deux lignes qui viennent en tète :
« Par ordre de S. M., etc.; » mais tout doute
est levé quand on lit an bas de cette pièce :
« Pour plus grande foi, nons confirmons cet
« ordre et cette permission. Donné à Péters»
- bourg, s?ellé de nos armes et signé de no-
« tre propre main, le 20 juin l'Ck^. »
(7) Le manifeste de cette confédération
(voy. Mam/esie de la république eo»fèàirée de.
Poloene du i5 nov. i*(>9, trad. du pol. en
franc.. 1770, aux pièces XXIX) est du 17
in^ii et postérieur par conséquent il l'orga-
nisation d'an moins denx autres confédéra-
tions, celle de Lublin et celle de Chelm, qui
existaient à la date du 23 avril. La première
n'eut qu'une existence éphémère comme con-
fe'dération particalière. et fnt réunie pour la
première fois, a ce qu'il semble, ce même 33
avril dans le voisinage de Lublia, sous un
certain Rozewski, inconnu Du reste, elle
entra dans la ville pour y faire prêter ser-
ment de fidélité aux confédérés par 1rs ma-
gistrats. Mais les Russes, c.impés non loin de
la , commencèrent a bombarder la ville; et
les habitants, craignant de voir saccager lenr
cité, obtinrent des confédérés qu'ils se reti-
rassent. Ils sortii'<;ut par la porte opposée à
celle que menaçaient les Russes, et allèrent
se réunir à la noblesse du district de Chelm,
confédérée pareillement. La Podiaquie en
vit une cinquième qui se forma irpoutanémenl
à la vue des ravages exercés par les Russe-
dans une terre du comte Potoçki : la no-
blesse prit Us armes et courut aux Rnssc
150
PUL
presque tout entière, sans distinction
de sexe ni d'âge. Bar aussi fut pris.
Ses faibles fortifications ne purent,
malgré le courage de ses défenseurs,
résister à l'immense supériorité du
nombre. Berdichef, en vain défendu
plusieurs semaines avec héroïsme par
Casimir, fils de Pulawski, tomba de
même. Tant de graves échecs ne dé-
couragèrent point l'énergique vieil-
lard, qui se réfugia en Moldavie pour
y rallier un noyau de troupes et repa-
raître au premier instant sur le sol
polonais. Les Russes, qui le redou-
taient toujours, lui transmirent des
offres très-flatteuses par ce même fils
qui était resté leur prisonnier. Pu-
lawski n'y répondit que par un iné-
branlable refus. Malheureusement
les confédérés étaient bien loin de
lui rendre tous justice. L'ambitieux
Potoçki, décidé à s'emparer de tout
le pouvoir et à qui la vacance du
trône regardée comme prochaine (car
de toutes paris on parlait de la dé-
chéance de Stanislas- Auguste comme
d'une mesure nécessaire) ouvrait le
champ le plus vaste, voyait avec
chagrin Pulawski commander les
troupes et acquérir de l'autorité en
même temps qu'un grand renom mi-
litaire ; et en conséquence il n'épar-
gnait rien pour le rendre odieux et
suspeot. Déjà il s'était appliqué à le
présenter comme un exagéré, dont
la précipitation et l'étourderie avaient
compromis la cause commune en se
prononçant trop tôt. A présent, s'il
eût fallu l'en croire, le père et le fils
étaient d'accord avec les Russes pour
trahir leurs concitoyens. La vie en-
tière du prétendu défenseur des Po-
lonais n'avait -elle pas été remplie
d'actes indélicats, tous commis en vue
de gains peu légitimes? Et dès lors
comment douttn' ([u'il ne fut près de
uiême à l'aire trafic du sang polonais ,
PUL
à vendre la cause dont il se présentait
comme le champion? Ces calomnieu-
ses imputations n'empêchèrent pas
que bientôt après tous deux ne re-
commençassent leurs incursions con-
tre les Russes et ne se rendissent
maîtres d'une grande partie du pays.
Pulawski y préparait avec un grand
zèle des magasins pour la subsistance
de l'armée, quand le séraskier tatar
qui commandait sur ces frontières
lui manda de venir le trouver pour
qu'ils avisassent ensemble à faire
disparaître la zizanie qui divisait les
confédérés. Mais cet ordre cachait
une perfidie ourdie de concert avec
le parti Potoçki. En effet Pulawski
fut arrêté, chargé de chaînes et ri-
goureusement gardé. Quelques mois
plus tard, le séraskier le remit aux
nouveaux chefs de cette confédération
de Bar formée par lui-même impru-
demment peut-être, mais certes avec
des vues généreuses et que l'histoire
impartiale ne saurait qu'honorer. 11
fut resserré plus que jamais, et bien-
tôt il mourut dans sa prison après
avoir écrit à ses fils, s'il faut en croire
Rulhière qui brillante toujours un peu
trop les héros de ses affections, de ne
jamais songer qu'à la patrie et d'im-
moler tous leurs ressentiments à cette
sainte cause. Nous verrons plus bas
que d'autres prières encore que celles,
de leur père mourant furent néces-
saires pour les déterminer à ce sacri-
fice. L'âge , les faRgues, en provo-
quant une maladie, furent, selon les
amis des incarcérateurs, les seules
causes de cette fin douloureuse du mo-
teur de la confi'dération de Bar; mais
des bruits plus graves coururent
dans le temps, et l'on ne peut s'en
étonner. On comprend qu'au milieu
du bouleversement et de la desorga-
nisation universelle auxquels la Po-
logne était livrée, ils n'aient jamais
PUL
pa être vérifiés. Mais la vraisemblance
de ces sinistres rumeurs ne saurait
guère être sérieusement révoquée en
doute. Ainsi les amis de l'indépen-
dance polonaise faisaient mourir dans
l'ombre des cachots le plus ardent
d'eux tous, celui qui leur avait à tous
servi de modèle ; et les Russes pou-
vaient sourire en voyant les Polonais
leur épargner la peine de mettre hors
de combat leurs ennemis. Tel est le
lot-desétatsanarchiques:ilsdéciment
à plaisir le nombre de ceux qui les
défendent, et ils accélèrent une ruine
presque inévitable déjà. Ainsi que le
disait Vergniaud aux révolutionnaires
français de 1793: «Les révolutions,
• comme Saturne, dévorent leurs en-
• fanis. t La mort de Pulawski eut lieu
au plustard dans les commencements
de 1 769. Cette triste fin demande grâce
pour les taches de sa vie, s'il est vrai,
comme nous le croyons, qu'elle en ait
présenté. Quels qu'aient été les antécé-
dents de Pulawski, on ne saurait nier
qu'il n'aimât sincèrement sa patrie ;
et s'il ne montra long-temps d'autres
talents qu'un esprit retors, subtil et
rompu à tous les faux-fuyants de la
chicane,on doit convenir qu'au moins,
dans une matière importante, il allait
droit au but et sans biaiser. A coup
siir les Polonais avaient le droit de
rester indépendants comme nation|;
à coup sûr leurs absurdes Pacta con-
venta leur permettaient la révolte
sous le nom de rokos ou confédéra-
tion. Mais la résistance avait-elle
des chances raisonnables de succès ?
Et au cas où elle serait vaincue,
n'est-il pas clair que leur sort serait
pire que dans l'hypothèse d'une sou-
mission complète? Plus on examine
la question, plus on voit du pour et
du contre ; et finalement on s'aper-
çoit qu'elle est insoluble. Mais ce
qui est sûr, c'est qu'une nation iu-
PUL
m
dépendante ne saurait malgré ses
torts (et nous eu reconnaissons deux
de la dernière gravité à la Pologne,
son anarchie et son intolérance à l'é-
gard des dissidents) se laisser ravir
l'existence politique, sans faire appel
aux armes pour savoir si elle périra
ou si elle restera debout ; et celui qui
dans cette question suprême com-
mence sa protestation h. main armée
est toujours un noble cœur et un
brave dont le nom doit survivre dans
la postérité. P— oi.
PULAWSKI (Casimir), un des
fils du précédent, est le plus renommé
de tous. Il naquit le 4 mars 1748, à
Winiary, près Czersk, et commença
par être attaché au duc Charles
de Courlande , qui l'employa au pa-
lais de Mittau, où il passa tout le temps
pendant lequel cet édifice fiit assiégé
par les Russes. Les mouvements , les
exercices de ces troupes bien discipli-
nées commencèrent à lui donner des
notions d'art militaire, et il y fit plus
tard preuve de bravoure, comme
officier, bien que nous ne croyions pas
qu'il y commandât 1,200 hommes,
ainsi que le prétend Rulhièrc (1).
De retour en Pologne, il fut nom-
mé maréchal de la terre de Lom-
za dans le palatinat de Mazovie
(1768). Il partit la même année de
Varsovie avec son père (voy. l'art,
précédent), ses frères et son cousin ;
puis alla, sur les terres de sa famille,
lever 150 Cosaques qui , avec les
150 de Krasinski, devaient former le
noyau de l'insurrection. Il rejoignit
son père, non à Léopol, mais à Bar,
où il fut un des huit premiers signa-
taires de la confédération. Dans plu-
sieurs des nombreux combats que les
(i) Cet historien dit qu'il défeudit, à l;i
tète de 1,200 hommes, un poste que Tinrent
dttaquer snccessivemeat l,aoo, |>ab a,OOU,
jiuii tufiu n.ijiK) Russes.
152
PUL
PUL
Russes, au mépris de l'armistice, li-
vrèrent aux conféde'rés pendant la
mission confiée à Mokranowski par le
sénat , il déploya un courage qui le
lit remarquer parmi les plus braves.
Un peu plus tard, lors de la dévasta-
tion de la Podolie par les Cosaques
Zaporovski, il s'enferma avec 1300
hommes dans le monastère deBerdi-
chef, renommé par les richesses
qu'y avait entassées la piété de plu-
sieurs siècles , célèbre aussi comme
dépôt de tout ce que la noblesse des
environs avait de plus précieux. La
défense dura plusieurs semaines , et
ce ne fut que lorsque le renfort sur
lequel les assiégés comptaient pour
être secourus eut péri, et qu'il en
eut la nouvelle certaine , que Pu-
lawski consentit enfin à capituler, en
stipulant que toute sa troupe serait
libre! Lui seul, dit-on, demeura
prisonnier de guerre. Le fait est-il
exact? Nous en doutons sans le nier,
car bientôt on l'envoya porter à son
père des propositions , des promes-
ses pompeuses, à condition que les
confédérés poseraient les armes. On
a vu plus haut quel cas celui-ci lit
des ouvertures russes ; bien certai-
nement c'eût été en pure perte que
Casimir l'eût sollicité d'y accéder.
Mais évidemment il ne le fit pas.
Loin d'engager son père à mettre fin
à l'insurrection , il avait écrit à
Repnine, dès qu'il s'était vu libre,
qu'il n'exhorterait point les défen-
seurs de la patrie à déserter cette
sainte cause, et que lui-même non-
seulement il porterait les armes con-
tre les Russes, mais encore qu'il comp-
tait conduire quelque jour les Po-
lonais en Russie. Nous pensons que
si Casimir écrivait dans ces termes,
c'est qu'en réalité il n'était pas con-
sidéré comme prisonnier, mais qu'il
avait été retenu, à dessein d'être
renvoyé porteur de propositions, et
qu'on ne lui avait pas demandé sa
parole qu'il reviendrait. Quoi qu'il
en soit, tandis que, peut-être, les
Russes l'accusaient de manquer à la
parole qu'il leur avait donnée, beau-
coup de Polonais , grâce aux sourdes
manœuvres des agents du comte Ma-
rien Potoçki , étaient tentés de voir
en lui un agent des Russes. Impa-
tienté de ces calomnies , Casimir de-
manda un détachement à son pèr.e ,
et, franchissant le Dniester, tomba
inopinément sur quelques troupes
russes qu'il battit , et revint au camp
avec des vivres , des prisonniers et
du butin. Il remporta plus tard un
autre avantage ; car il put entrer en
Pologne et s'y établir dans un poste
avantageux où son père vint le
joindre. On approchait alors de la
fin de 1768. Ce fut peu de temps
après que le vieux Pulawski se ren-
dit en Ukraine et y fut retenu prison-
nier. Ses enfants ne devaient plus le
revoir; mais ils l'espéraient encore,
bien qu'une lettre du courageux sexa-
génaire, en leur enjoignant de persé-
vérer dans la résistance et en leur re-
commandant d'être tranquilles sur
son innocence , annonçât qu'il avait
fait le sacrifice de sa vie. Désireux
d'être plus voisin de sa prison , et
d'ailleurs ne pouvant tenir au milieu
de la Pologne traversée en tous sens
par des nuées de Russes, Casimir al-
la se poster avec ses deux frères sur
la rive droite ou occidentale du
Dniester, à Okopé et à Zvaniec.
C'était un lieu parfaitement choisi ,
soit comme voisin de la frontière tur-
que, soit conmie pouvant faciliter
aux Ottomans, lorsqu'ils entreraient
en campagne , le passage du fleuve.
Casimir en personne défendait Oko-
pé. Malheureusement les Turcs, bien
que résolus à la guerre, se laissèrent
PUL
PUL
US
gagner de vitesse par les Busses, qui,
dès le commencement du printemps,
filèrent en grand nombre vers le
Dniester pour s'emparer du passage.
Le plus jeune des trois Puîawski de-
vint leur prisonnier. François, le se-
cond, hors d'état de protéger Zvaniec,
se hâta de traverser le fleuve, et d'al-
ler, dans Choczim, qui est située vis-
à-vis, demander du renfort au pa-
cha de cette ville ; mais en vain (2) ;
et Casimir, après un combat déses-
péré , qui se prolongea jusque dans
la nuit, et que les Russes éclairèrent
en mettant le feu à la ville de Zva-
niec (3) , n'ayant plus que 200 hom-
mes de 600 auxquels il avait com-
mandé , dut renoncer à défendre les
redoutes élevées sur la pente des
collines d'Okopé. Il était même ex-
trêmement douteux que les 200 ca-
valiers survivants pussent venir à
bout d'échapper, car ils se trouvaient
dans une petite plaine d'un quart de
lieue en tout sens , environnés par
les Russes, par des précipices, par
des marais et par le fleuve. 11 ne res-
tait qu'un sentier étroit, à peine visi-
ble,praticableencoremoins,surlacrê-
tedurocheràpic quibordaitle fleuve.
Grâce à sa présence d'esprit, au bruit
des flots qui charriaient des glaçons,
à l'obscurité que dissipaient mal les
restes des feux des incendies, il par-
vint miraculeusement à faire échap-
(a) Le pacha de Chnczim avait reçu da
graad-vùir ordre de se horoer à veiller à la
tûreté de la place sans donner aucun ren-
fort aux Polonais; et comme les Russes, d'au-
tre part, appuyaient de leurs dons l'injouc-
tion du graod-visir , on comprend que le
pacha restât immoliile. Cependant on verra
plus bas que quarante janissaires du district
de Choi-zirase mirent comme volontaires à la
saite de François PulawskJ.
(3) Les Polonais, de leur coté , iucendiè-
reut quelques maisons d'Okopé, afin d'éclai-
rer le front des Russes, et l'on combattit
ainsi à la luear de deux ioceodie.'.
per tout son monde et à s'échapper
lui-même par une route si difticile.
Cette fuite audacieuse ajouta au re-
nom qu'il avait déjà. Les Russes s'at-
tachèrent à le poursuivre ; et tout
en déjouant leurs lembùches , tan-
tôt par le courage, tantôt par l'a-
dresse, il recueillit les débris de di-
verses confédérations battues. D'au-
tre part, il y avait des chefs polonais
qui, le regardant ou affectant de le
regarder comme suspect, voulaient
l'attaquer ou lui enlever ses troupes.
Ceux-ci en furent aussi pour leurs
peines; finalement, il fallut bien
qu'on l'acceptât, et ceux même qui
avaient voulu débaucher ses soldats
en vinrent à concerter leurs plans
avec lui contre les Russes. Quelque
temps après, il fit ses dispositions
pour emporter Sambor, qui appar-
tenait au roi. Quelle fut sa surprise
d'y retrouver François, son frère,
qu'il avait cru mort dans l'incendie
de Zvaniec, comme celui-ci à son
tour croyait que son aîné avait péri
à l'affaire d'Okopé! Tous deux alors
prirent la résolution d'aller former
des confédérations dans la Lithua-
nie, qui, depuis la défaite du prince
Radziwil , était roduite à l'inertie ,
et servait de passage aux Russes.
Ils envoyèrent les équipages et les
hommes les moins valides de leur
troupe sur les frontières de Hon-
grie, et arrivèrent par des routes in-
connues en Lithuanie, où, malgré
les soupçons répandus contre eux ,
et qui empêchèrent Radziwil lui-
même de leur confier ses troupes ,
ils vinrent à bout de leur dessein.
Ayant rallié, chemin faisant, 300
hulans lithuaniens, ils se tirent cé-
der par les châteaux leurs troupes
domestiques, et décidèrent la for-
mation d'une première confédéra-
tion, qui s'organisa soleuneljemcnt
154
PUL
à Brzesc - Litewski devant le pala-
tin de la province, et eut pour ma-
réchal le jeune prince Sapieha, époux
d'une des nièces du grand -géné-
ral Branicki. Mille Russes accouru-
rent aussitôt , et l'attaquèrent en
avant de Brzesc. Il leur tua 200 hom-
mes, et après les avoir poursuivis, les
força de mettre bas les armes, exigeant
d'eux la promesse qu'ils ne serviraient
plus contre les confédérés. A la nou-
velle de cette victoire, des confédéra-
tions particulières se formèrent sur
plusieurs points, et la troupe des Pu-
lawski fut bientôt une petite armée. Il
s'agissait de former la confédération
générale de la Lithuanie. Dans ce but
on marcha vers Slonim, route de
Grodno ; et là encore Casimir, par
les positions qu'il sut prendre entre
des marais, des rivières et des bois,
fit perdre beaucoup de monde aux
Russes qu'il attira dansdes marécages.
Il désirait ensuite marcher aux diffé-
rents corps ennemis, qui arrivaient
dans la province, et les battre avant
qu'ils eussent le temps de se réunir ;
mais tous les autres chefs s'y opposè-
rent, et voulurent qu'on se tînt disper-
sé, inactif, jusqu'au moment où appro-
cherait la grande armée turque, mais
prêt à marcher dès qu'elle paraîtrait.
Conformément à cet avis, Pulawski
se détourna, pour s'avancer vers le
nord de la Lithuanie, puis il se ra-
battit sur les bois d'Augustowo, non
loin des frontières de Prusse. Il avait
été suivi durant cette marche labo-
rieuse par 3,000 Russes, la plu-
part d'infanterie, mieux discipli-
nés et plus aguerris que les 4,000
hommes auxquels il connnandait, et
chaque jour voyait un nouvel enga-
gement, bien qu'il cherchât à les évi-
ter. La confédération générale s'or-
ganisa pendant ce temps ; les Lithua-
niens n'en furent pas plus décidés
PUL
à lui donner un commandement par-
mi eux (la loi constitutive de l'union
de la Lithuanie et de la Pologne
était formelle sur ce point, mais
c'eût peut-être été le cas d'y déro-
ger). Quoi qu'il en soit, Pulawski
résolut de conduire ce qu'il avait
de troupes à Teschen , sur les fron-
tières de Hongrie, oij se rassemblait
le noyau des forces qui allaient agir
contre les envahisseurs de la Pologne.
Il n'avait plus alors que 600 hommes
au lieu de 4,000 : les combats, les
privations, les fatigues lui avaient
enlevé les uns; les autres, comme
troupes domestiques, avaient rega-
gné les châteaux, pour la défense des-
quels on les avait levés. Malheu-
reusement, Casimir commit la faute
de prendre sa route vers Wladowa, par
un pays ouvert, au lieu de se glisser
entre des rivières, des marais et
des bois, comme il l'avait fait pour
arriver; et bientôt il eut sur les bras
trois détachements russes qui l'atta-
quèrent simultanément. Se plaçant à
la tête de l'arrière-garde, il ordonna
au reste des troupes de filer en avant,
et s'efforça d'arrêter l'ennemi avec
ce qu'il gardait d'hommes déterminés
autour de lui. Mais il avait affaire à
trop forte partie, et les Russes, d'ail-
leurs supérieurs en nombre, met-
taient à profiter de l'occasion un
acharnement sans égal ; la petite
troupe des Polonais s'édaircissait à
vue d'œil, et il y eut un moment où
Pulawski entouré faillit être fait pri-
sonnier. Son frère François crut
même qu'il l'était, et revint sur les
Russes avec le reste du détachement.
Mais ce fut trop tard ; presque tous
les Polonais périrent, ou furent mis
hors (le combat, on restèrent prison-
niers. François lui-même ne reparut
plus, et probablement périt sur le
champ «le bataille {voy. l'art, sui-
PUL
vaut). Casimir échappa suiri de dix
hommes seulement, et parvint aux
frontières de Hongrie à l'endroit où
les équipages avaient eu ordre de se
rendre. H passa l'hiver entier au
milieu des monts Krapaks, tantôt en
Hongrie, tantôt en Pologne, presque
toujours dans des défilés ou sur des
sommets de rochers inaccessibles, et
quelquefois dans des retranchements
de glace et de neige. A défaut de
chausse-trapes, il avait fait placer,
les pointes en l'air, sur les avenues
les plus accessibles de son camp, un
grand nombre de râteaux de fer
rassemblés de tous les villages où il
pouvait étendre ses incursions, et la
neige les ayant recouverts, plus d'une
fois la cavalerie ennemie était ventie
s'y briser. Sa troupe alors était peut-
être la plus faible par le nombre qu'il
y eût dans toute la Pologne, mais c'é-
tait la plus redoutée. Tombant du
haut des montagnes, son asile, il enle-
vait des vivres,faisaitdes prisonniers,
imposait des rançons ou proposait des
échanges, et bien que les Russes af-
fectassent de le traiter de brigand (4),
(4) Il faut avouer que maintes fois les Po-
lonais (abstraction faite du plus ou moius de
justice de leur cause et de la résistance qu'ils
opposaient au roi de fait, et a la Russie pro-
tectrice ostensible de ce roi > se compor-
taient en Toleurs de grand chemiu et en
brigands, d'abord à Tégard des luthériens,
des grecs non-unis et des juifs, qu'ils fai-
saient profession de détester, et qui n'é-
taient pas sans torts à l'égard de leur patrie,
quoique la patrie se fût montrée iujuste et
oppressive pour eux; a l'égard aussi de ceux
qui soutenaient Poniatowski ou même des
neutres: puis trop souvent enfin à l'égard
des Polonais de leur parti. On n'a qu'à mé-
diter le livre 8 des Mèmoirti de Dumouriez ,
et le tom. II de VBiit. anonyme d*t rèvol,
de Pologne depuis 176!}, même en faisant la
part des exagérations et en se tenant en garde
contre le penchant des auteurs a mal juger
les Polonais, pour demeurer persuadé' du
fait, qui est d'aillenrs dans la nature des
choses, une fois admis les éléments dont se
rompusaient et la Pologne en géoéral et la
oufédéiation en particulier.
PUL
155
il les forçait d'observer avec lui
le droit de la guerre. Son exem-
ple electrisait la jeunesse qui s'était
attachée à sa fortune, et il n'y avait
parmi les siens personne qui ne se
fîit signalé par quelque exploit fabu-
leux. Presque tous ses officiers avaient
été arrachés par lui un jour ou l'au-
tre à d'imminents périls, et recon-
naissaient lui devoir ou la liberté ou la
vie. Aussi tous lui étaient-ils extrê-
mement attachés ; et avec l'exagéra-
tion familière à ceux qui courent les
mêmes aventures et qui fraternisent
au milieu du danger, ils élevaient
ses succès au-dessus des hauts faits
de Sobieski. Son affabilité qui con-
trastait avec sa fierté hautaine à l'é-
gard des ennemis et des rivaux , sou
esprit de conciliation, son humeur
généreuse et franche achevaient de
charmer. Et cependant, malgré ces
qualités, il cédait moins fréquem-
ment peut-être que tout autre aux
volontés des chefs subalternes , et il
combinait seul tous ses plans, sans en
communiquer le secret à personne,
sans même prendre de conseils. Il
n'aimait pas à lever de contribu-
tions, et peut-être sous ce rapport
poussa-t-il le scrupule trop loin,
car ses hommes n'en étaient que
plus pillards et par suite plus indis-
ciplinés. Ce n'était vraiment que
l'absolue nécessité qui pût l'y dé-
terminer. Une de ses dépenses prin-
cipales, dès qu'il lui rentrait un peu
d'argent (5), c'était de payer des es-
(5^ Cétait à peu près l'époque à laquelle
Dumouriez venait remplacer le chevalier
de Taules à Epériès comme agent secret de
la cour de Versailles. Il était parti de Paris
en juillet et s'était arrêté k 'Vienne auprès de
Durand, résident français en cette ville. C'est
lui qui était chargé de remettre aux confé-
dérés les 6,000 ducats par mois que leur
payait la France, et dont il parait qu'il lui ro-
tait soavent quelque cho!ie au bout des doigts.
156
PUL
pions, car autant il mettait de soin à
cacher sa situation aux ennemis, au-
tant il tenait et en géne'ral réussissait
àêtreinstruitde ia leur. C'est par ces
moyens que si souvent il surprenait
à propos les forces russes, et leur
causait de grosses pertes , tandis
que lui-même ne perdait que peu de
monde. Du reste il avait l'humeur
volage et mobile, il ignorait les fi-
nesses de la guerre ; il ne se faisait
pas plus d'idée de l'importance des
places-fortes que la plupart de ses
compatriotes, et il ne voulait se sou-
mettre à aucune autorité. Après des
lenteurs qui prirent encore tout le
printemps et une partie de l'été de
1769, la confédération générale par-
vint à se former à Biala , sous les
chefs Krasinski, Potoçki et Pac, Or,
d'une part, on avait offensé griè-
vement et la famille de Pulawski
et lui-même : on en concluait
qu'il devait garder rancune aux
notabilités de la confédération, et
il est très-présumable que Dumou-
riez (Mém , liv. I, chap. 7) a tout-à-
fait raison de le représenter comme
s'obstinant à ne pas reconnaître la
confédération, jusqu'à ce qu'enfin la
comtesse dcMniezech, si connue par
ses intrigues et sa beauté, du reste
un peu sur son déclin à celte époque,
sût le décider à faire le sacrifice de ses
impressions particulières au bien
général. De l'autre part on craignait
qu'il ne devînt trop puissant; de là
des paroles, des mesures vraiment
hostiles contre lui. Si on ne le re-
gardait plus comme vendu aux Rus-
ses, du moins était-ce un exagéré, un
boute-feu, un de ces fougueux parti-
sans dont il faut restreindre la valeur
Nous ne savons trop si c'est vraiment à ses
instigHtions que fut due la forinaliua du lu
(.'uurcdûrutlou gcacralc.
PUL
et réprimer les prétentions. On en vint
à mettre sous le commandement de
Mosinski, jusqu'alors un de ses of-
ficiers, et que cet arrangement rendit
son égal, lune partie des troupes qui
l'avaient suivi,etqui, en prenant cette
détermination, avaient été mues prin-
cipalement par le désir de servir sous
Casimir Pulawski. Mais à mesure
qu'on lui retirait des partisans,il en re-
crutait d'autres, et toute l'année 1770,
il ne cessa de s'augmenter. L'ennemi
le reconnaissait bien, et lui rendait k
sa façon plus de justice: il n'était per-
sonne parmi les chefs polonais qu'il
redoutât à l'égal de Pulawski. Du-
mouriez aussi, jugeant bien le parti
qu'on pouvait en tirer, lui promit de
contenir dans des bornes convena-
bles ce mauvais vouloir patent. Tel
était l'état 'des choses quand , vers
la fin d'août 1770, il sortit des mon-
tagnes et, s'établissant dans les plai-
nes méridionales de la Pologne, il
simula un mouvement sur Varso-
vie. Les Russes alors se portèrent
vers cette ville pour la couvrir, lais-
sant à peu près dégarnie et la route
de Cracovie et Cracovie même, où
toutefois il restait un régiment de
cavalerie polonaise et un régiment
des gardes du roi, plus des détache-
ments russes. Pulawski, à la suite
d'une marche précipitée, arrive de-
vant l'antique capitale de la Pologne,
enlève la grand'garde russe, pénètre
jusque dans le faubourg, surprend et
paralyse le régiment royal , qui bientôt
passe sous ses drapeaux et prête ser-
mentà la confédération. Mais il ne put
de même se rendre maître de la ville.
En vain, ilest vrai, ledétachement rus-
se qui l'occupait voulut le chasser du
faubourg, il s'y maintint, mais là se
borna son succès. Les jours suivants
divers détachements russes se rappro-
chèrent de Cracovie; il eut avec eux des
PLL
engagements et quelques avantages
sur la route de l'une à l'autre des ca-
pitales ; mais finalement, compre-
naut qu'il ne pouvait demeurer dans
Cracovie, il réunit tout son monde
€t , par le conseil de Dumouriez ,
alla s'établir au monastère de Czens-
tocliow, également célèbre comme
un des sanctuaires les plus vénérés
de la Pologne, et par sa forte situation
naturelle fortifiée encore par l'art. Les
religieux de ce riche couvent avaient
dessein de s'y maintenir indépen-
dants des Russes et des confédérés,
et ils étaient assiégés par le colonel
russe Drewits, quand Pulawski , en ap-
prochant, détermina ce chef, plus fa-
meux par sa cruauté que par ses ta-
lents et sa bravoure (G), à partir, en
(6) Les croantés de Drevrits furent nommé-
méat dénoncées à l'iodignation de l'Earope
et de la postérité par VUnivertal du maré-
chal du palatioat de Cracovie (Joach. Czer-
ni, du 4 juillet 1769): « Nous, etc., prenons
« pour juges tons les <4ilcier« suj>érieurs et
" snbalternes des différentes troupes de l'Eu-
« rope, et nous leur demandons si la cruauté
« aTeo laquelle l'armée rasse traite ses pri-
" sonnicrs s'accorde avec les lois de la guerre
a et les usages reçus parmi les nations poli-
o cées. Que le héros du Nord, qui n'a jamais
« pris les armes que pour sa gloire (é^ldem-
« ment Frédéric II), veuille bien nous juger!
« Quel honneur peut acquérir une armée qui,
« après avoir dépouillé ses prisonniers , les
«< fait courir uus «ous prétexte qu'ils cache-
« ront leur nudité dans leur fuite et les fait
" poursuivre par des gens à cheval qui les
« percent avec leurs lances comme des bêtes
« féroces? Telle est la conduite du colonel
« Dréwits...Dréwiti a fait tirer de sang-froid
« sur jilusieurs prisonniers désarmés. Ces
« horreurs sont peu de choses pour lui : il
>< a eu U barbarie de faire écorcher les bras
« de plusieurs Polonais, et de nouer la peau
u derrière le dos, comme les manches de leur
« habit... Le sort des armes n fait tomber en
« nos mains plusieurs prisonniers russes :
« nous pouvons nommer Lopotin , officier
•c du corps du général Apraxin, Bercboitz ,
« Paukratoff , etc. Kous les traitons selon
« leur état et leur rang. Quoique nous sa-
« chions vaincre, nous n'ignorons pas les
" égards que l'on dàit aux Taincus... Nous
a sommes prêts à échanger nos prisonniers
PUL 157
exigeant tootefois des moines , sous
peine d'incendie, trois mille ducats
de contribution. Mais, non con-
tent d'avoir éloigné les Russes. Pu-
lawski, auquel il fallait une place d'ar-
mes, un point d'appui, pour l'exécu-
tion de ses desseins, s'empara par
surprise du monastère où il établit son
quartier-général, et ayant réussi à se
faire bien accueillir du nonce da
pape , qui se trouvait par hasard en
ce moment à l'abbaye, il vit en quel-
que sorte une sanction religieuse ra-
tifier son entreprise. Non-seulement
le nonce contint le premier mécon-
tentement des religieux, mais il don-
na solennellement en partant sa bé-
nédiction à la troupe de Pulawski, et
cette nouvelle fit une impression ex-
traordinaire sur les esprits en Polo-
gne. Du reste, il eut soin de ne point
toucher au trésor du monastère, et il
le laissa sous le scellé et sous la
garde des moines. Il s'occupa ensuite
de faire entrer à Czenstochow tout ce
qui serait de première nécessité pour
supporter un long siège ; car on ne
doutait pas que les Russes ne vinssent
incessamment en forces pour s'em-
parer de ce point important. Se con-
certant alors avec Zaremba , qui
commandait pour la confédération
les troupes de la Grande-Pologne, et
avec lequel déjà plus d'une fois il
avait combiné ses manœuvres , il se
lança sur la roule de Poznauie (ou
Posen), feignant de vouloir se rendre
maître de cette ville, et bientôt il fut
devant ses murs. Drewits accourut,
et Zaremba, tandis que ce Russe s'é-
« contre nos compatriotes qui gémissent
« dans les fers. Les Kusses n'ont qu'a le tou-
<■ loir, et ils verront que nous n'exerçons au-
<< cune cruauté sur ceux qui tombent entre
« nos mains, et que nous leur fournissons les
« aliments nécessaires, tandis que les prisou-
" niers polonais périssent chez, eux de faim
« e( de mbère. »
158
PUL
loignait , put approvisionner Czens-
tochow et y faire entrer toutes sortes
de convois. Pulawski, durant cet in-
tervalle, était livré à lui-même, mais
y restait plus long- temps abandonné,
et par sa témérité courait plus grand
risque que Tonne devait s'y attendre,
d'après le plan convenu entre Za-
remba et lui. Suivant ce plan, en ef-
fet, il ne s'agissait pas sérieusement
d'emporter Poznanie , et la démons-
tration faite sur cette ville n'avait
pour but que de nettoyer les abords
de Czenstochow, en amenant les Rus-
ses sur un autre point. Mais Pu-
lawski, en se mettant à l'entre-
prise, y prenait goût; il déclarait pos-
sible de prendre Poznanie , et il ten-
ta par ses propres forces d'y réussir.
Il lui fallut plusieurs essais infruc-
tueux pour s'apercevoir que cette tâ-
che était au-dessus de son pouvoir.
De retour à Czenstochow, il envoya
Kosakowski avec un fort détache-
ment de cavalerie pour insurger de-
rechef la Lithuanie ; il construisit de
nouvelles fortifications, et répara les
anciennes ; il reçut même de Varso-
vie un convoi de poudre et de plomb.
On peut s'étonner que les Russes lui
donnassent le temps de faire tous ces
préparatifs- Ce n'est pas qu'ils n'eus-
sent senti parfaitement combien il
était important pour eux de ne pas
laisser l'ennemi se consolider sur ce
point et de cette manière. Ils avaient
même déclaré qu'ils écraseraient le
monastère sous leurs bombes ,si Pu-
lawski ne l'évacuait. Mais, d'une part,
ils étaient dépourvus d'artillerie de
siège, puis il leur fallait du temps ,
soit pour en faire venir, soit pour
remplacer par des renforts suffisants
les détachements qui formeraient
l'armée assiégeante 5 de l'autre, ceux
des sénateurs qui se trouvaient à
Varsovie , et même le roi , à leur sol-
PUL
licifation, avaient envoyé une dépu-
tation à l'ambassadeur et au général
russes pour les prier d'épargner le
sanctuaire de la nation , et ceux-ci,
n'osant rien prendre sur eux, avaient
écrit à la czarine. Les intentions de
cette dernière ne pouvaient être dou-
teuses; toutefois l'ordre d'attaquer
Czenstochow ne fut pas immédiate-
ment donné. On commença par for-
mer des cordons sanitaires autour de
Varsovie, sous prétexte de peste (7),
et, en peu de temps, les Russes, à l'ai-
de de ce moyen, fortifièrent Varsovie
et s'en arrogèrent à peu près seuls la
garde , tandis que , de leur côté , les
puissances étrangères, l'Autriche , la
Prusse , saisissant de même cette oc-
casion d'assembler des troupes sur
la frontière, empiétaient sur celle de
la Pologne. Peu à peu le masque tom-
bait. Frédéric II , qui jusque-là s'é-
tait prescrit des apparences de neu-
tralité, et qui affectait encore de
prendre le titre de pacificateur, prê-
tait aux Russes des canons de siège et
douze mortiers. On comprend bien
que, en présence de tels faits, la con-
fédération générale se soit laissé en-
traîner à déclarer le trône vacant,
en d'autres termes, à proclamer la
déchéance de Stanislas Poniatowski
(9 avril 1770). Qu'un tel acte, dans
les constitutions du royaume de Po-
logne, ne fût pas absolument illégi-
time, on pourrait le soutenir sans
doute, si l'on se référait aux circon-
stances qui accompagnèrent l'élec-
tion de 1764, et abstraction faite de
(7) Le fait d'une maladie épidérnique n'é-
tuit au reste que trop réel, mai» cette promp-
titude des puissances à s'emparer de ce pré-
texte n'eu est pas motus un trait curieux ,
surtout si on le rapproche de beaucoup
de traits analogues, qui ont eu lieu dans
d'autres circonstances et notamment de nos
jours.
PUL
la reconnaissance de Stanislas par
les puissances étrangères ; mais était-
ce un acte de saine et clairvoyante
politique? rien n'est plus douteux,
bien que le cabinet de Versailles eût
laissé le conseil général maître de
décider la question. Vers la fin de
1770, Drewits revint, à la tête de
4,000 hommes , assiéger le couvent
de Czenstochow, déterminé , suivant
les ordres qu'il avait reçus , à le ré-
duire en cendres si l'on s'obstinait
à s'y défendre. Le bombardement com-
mença le 3 janvier 1771. Tous les par-
tis belligérants avaient l'œil sur ce
siège; on se persuadait que du sort
de Czenstochow allait dépendre ce-
lui de la Pologne. Pulawski , malgré
l'extrême danger que courait le mo-
nastère et que sans doute il ne se
dissimulait pas à lui-même , avait
toujours semblé rempli de confiance,
^ sa confiance en inspirait aux autres.
Soit par suite de ce besoin de témoi-
gner qu'il ne redoutait point les évé-
nements, soit afin de lier indissolu-
blement les moines à sa cause par la
communauté du risque , il s'était op-
posé , en dépit des ordres venus de la
confédération générale , et eu d,épit
aussi du vœu des religieux, à ce que
le trésor du couvent fût évacué sur
la Silésie ou la Hongrie ; et cepen-
dant il continua so» système de ne
point mettre la main sur ce riche dé-
pôt. En revanche, il ne se fit point
scrupule , atn d'éclaircir les appro-
ches, de détruire (malgré la ré-
sistance des moines qui en étaient
propriétaires) la ville neuve de
Czeustochow, bâtie sous les murs du
couvent. Au reste, on n'a pas d'idée
du dénûment où en était la gar-
nison. Les soldats qui manquaient
de vêtements se prêtaient tour à
tour quelques misérables équipe-
ments pour aller monter la garde.
PUL 159
et combattaient en chemise. Ils at-
tendaient l'assaut pour avoir de quoi
s'habiller, et, en effet, à la fin du siè-
ge, ils portèrent presque tous des uni-
formes russes. L'artillerie des assié-
geants ne put faire brèche ; leurs
bombes eurent plus de succès, et
deux fois le feu prit à la forteresse,
mais de prompts secours l'éteigni -
rent. Plusieurs sorties hardiment
faites et bien condiytes par Pulawski
en personne coûtèrent encore aux
Russes un bon nombre de batteries.
Enfin, trois escalades tentées, par
ceux-ci furent repoussées avec 'une
perte considérable. Des bandes nom-
breuses de confédérés pendant ce
temps empêchaient qu'on ne vînt
renforcer les assiégeants. Zaremba
dans la Grande -Pologne, un mou-
vement partiel de quelques braves
sur Cracovie, de continuelles atta-
ques qui, ordonnées et dirigées par
Pulawski, déconcertaient de plus eu
plus les projets des Russes; et le
bruit, alors si adroitement répandu
de la déchéance de Poniatowski, tout
cela fit que Drewits* réduit à lui-
même, perdit autant de son ardeur
que de ses forces numériques. Enfin
il reçut l'ordre de lever le siège, et
il partit en frémissant, laissant douze
cents morts au milieu des neiges. Les
pieuses populations de la Pologne vi-
rent dans cette délivrance un miracle,
et les pèlerins affluèrent de toutes
parts, les offrandes à la main, bien
que cruellement appauvris par les
désastres d'une guerre sans pitié.
Si la France eût alors fait sérieuse-
ment un effort pour l'indépendance
polonaise, indubitablement, malgré
des désastres a jamais déplorables,
la cause des confédérés aurait triom-
phé, et il eût encore fallu que les
trois paissants voisins de la Pologne
ajournassent leurs projets de démeni-
160
PUL
brement(8). Mais le ministère Choi-
seul venait de tomber (24 déc. 1770);
le contre-coup ne tarda pas à s'en
faire sentir en Pologne. Dumouriez
resta sans instructions et bientôt il
fût remplacé par Vioménil, sous
qui les secours aux Polonais devin-
rent moindres de jour en jour et fi-
nirent par être absolument nuls (9).
(8) Il est (le fait que les affaires des con-
fédérés, au commencement de 1771, avaient
pris assez bonne tournure pour que la Russie
offrît amnistie à ceux d'entre eux qui vou-
draient poser les armes La preuve s'en trouve
notamment dans la Déclaration de S. M. I.
de toutes les Russies adressée aux Polonais, eu
date du 14 mai 177 1 (n° 26 des pièces just.
des Rév. de Pol., t. II, p. 4i4, etc.) ; l'arti-
cle 7 porte textuellement: « Chacun de ceux.
« mêmes qui ont porté les armes pour aug-
«. menter les malheurs de leur patrie, et qui,
<• désormais, voudraient rester tranquilles
-< dans leurs maisons , s'abstenir de toute
« hostilité , sont sûrs de n'être point poùr-
« suivis ni inquiétés par lesj troupes de
.< S. M. I. »
(9) Le cabinet de Versailles ne changea
pas de marche sur-le-champ, mais au fond
le changement était complet. La faction
d'Aiguillon avait mis en tête à Louis XV
qui, au moyen de sa correspondance se-
crète, se croyait un grand politique, qu'a-
près avoir eu la gloire d'être uu graud con-
quérant, il devait rechercher celle de devenir
un roi pacifique, et que la confiance de
toutes les cours lui déférait le rôle d'arbitre
de toutes les querelles et du sort de l'Eu-
rope. Quanta d'Aiguillon lui-même, son plan
était de tromper et les puissances avec les-
quelles il traitait, et son propre agent qu'il
comptait sacrifier pour jeter du ridicule non-
seulement sur le choix, mais sur le système
de l'ex-rainistre. Il écrivit coiiséqucmment
en termes pleins d'obligeance à la confédé-
ration qui quelque temps en fut la dupe, et
Dumouriez reçut aussi de lui une lettre rem-
plie d'éloges et de protestations que le chan-
gement de ministre n'en apportait aucun
au système adopté relativement à la confé-
dération polonaise. On l'exhortait donc à
continuer. « Mais en même temps, ajoute Du-
X mouriez (il/f m. ,1. I, ch. 8) , il (d'Aiguillon)
« fit passera l'ambassade de Venise le baron
.< de Zuckmantel , lieutenant-général , célè-
« bre par la défense de Ziegenhayn, dans la
•< guerre de Sept-Ans, ami de Dumouriez,
" ministre de France à Dresde, qui s'était
« chargé de presser la levée du contingent
Ï>UL
Cet intervalle de huit mois ( janv. h
sept. 1771 ) fut décisif pour les affaires
de la confédération. C'était le moment
de se tenir unis, d'agir de concert,
de sacrifier les griefs particuliers et
les petites vanités, d'établir sérieuse-
ment la discipline, la tenue des trou
pes régulièrement organisées de l'Eu-
rope moderne, et en particulier de la
Russie; mais, il faut le dire, les Polo-
nais ne comprirent jamais cette né-
cessité, ou n'eurent pas la force de s'y
astreindre. Si l'on en excepte parmi
les militaires Walewski, kquel tenait
sa troupe un peu en ordre, et parmi les
conseillers Wibranowski, dont la mo-
dération égalait la sagesse, Dumou-
riez trouvait toujours on ne peut
moins maniables les hommes dont
l'obéissance et l'accord auraient été
nécessaires pour réussir. La patience
d'ailleurs lui échappait parfois à lui-
même ; et quelque délié, quelque in-
sinuant qu'il fût, il laissait fréquem-
ment apercevoir à quel point il trou-
vait les Polonais arriérés et pour les
habitudes et pour l'art militaire.
Comme représentant d'une grande
c< saxo-courlandais; il ne lui donna point de
« successeur et il prit des mesures pour faire
« manquer le contingent. Il fit avertir sou»
« main le conseil de guerre de Vienne d'un
et achat que les confédérés avaient fait de
« i3,ooo fusils de l'armement des comitat»
« de Hongrie, sur lesquels on avait payé
« 1,000 ducats d'avance : les fusils furent
« arrêtés et l'argent perdu. Il défendit au
« comte de Folard de suivre le marché de
« 22,000 fusils bavarois, et il priva les Polo-
« nais de cette ressource précieuse et assu-
« rée... »Un i)cu plus bas (p. 2i2deréd. Bau-
douin, 1822) Dumouriez, après avoir dit
«qu'il rendit compte de tout au ministre dans
« deux ou trois dépêches, demandant fou-
« jours d'être relevé et annonçant que, rem-
« placé ou non, il partirait le 11 septembre,
« parce qu'alors la confédération tirerait à
«sa fin, » ajoute très-spirituelIcmcnt , et
malheureusement avec autant de vérité que
d'esprit: « Leduc d'Aiguillon trouva que
<• tout allait bien, car tout empirait, etc. ■>
PUL
PUL
161
puissance , il prenait avec tous ces
gentilshommes républicnins des airs
de hauteur. Chargé de l'emploi des
subsides, dont une partie seulement
était donnée aux chefs pour eux et
leurs troupes, tandis que le reste de-
yait passer en achats d'objets de guer-
re et en dépenses secrètes, il refusait
de l'argent plus souvent qu'il n'en
donnait. Pulawski n'était pas plus rai-
sonnable que les autres, ou pent-étre
l'était moins. Il avait d'abord été assez
d'accord avec lui, parce que Dumou-
riez l'avait soutenu, comme nous
l'avons vu, contre le mauvais vouloir
des meneurs de la confédération gé-
nérale, et depuis lui avait promis le
commandement de la Podolie, où il
pourrait se conduire en chef à peu
près indépendant de la confédération.
En avril encore il le seconda, lors du
commencement d'exécution du plan
qu'avait formé le colonel français,
pour faire reculer les Russes au delà
de la Vislule, et s'ouvrir des commu-
nications avec la Grande-Pologne. Il
partit deCzenstochow avec 10 pièces
de canon, 300 hommes d'infanterie,
4000 de cavalerie ; et tandis que Za-
remba se portait de Posen sur Radom
|Mir Rawa, tandis que Walewski avec
1600 hommes marchait de Biala sur
Bobreck. tandis que Schûtz, forçant
le défilé de Kente, allait masquer Os-
wieczym, Miacziiiski, à la tête de
4000 cavaliers et 300 fantassins, de-
vait forcer le passage de Kalvary et
marcher sur Scavina ; lui-même s'a-
vança par Severin et Lipowice, et
força le passage de la Vistule à Bo-
breck. Les Russes, à son appariliun,
s'enfuirent presque sans combattre,
ainsi que devant Walewski, et !e 29
avril au matin il n'en restait pas
un sur la rive droite de la Vistule-
Mais quelques jours après le succès,
dft pourtant encore plus à l'habile di-
IXWIII.
rection de Dnmonriez qu'aux talents
particuliers de chaque chef, Pulawski
était en complète hostilité avec l'a-
droit commissaire français. D'abord
il voulait voir toujours des hommes à
lui dans Czenstochow, que Dumouriez
au contraire voulait ravoir et être à
même de remettre à la confédération,
tandis que Pulawski s'avancerait en
Podolie. Toujours trop indulgent
pour ses troupes, et toujours prêt à
les défendre contre les reproches
qu'un étranger leur ferait, il vit
avec le plus grand courroux Dumou-
riez faire condamner à mort trois
Towaricz pour un viol, et qui plus est,
faire exécuter le jugement sur le plus
coupable des trois, en le prenant, lui
Pulawski et Miaczinski, pour otages.
Enfin il s'était vantéd'enlever Dumou-
riez, de le conduire à Czenstochow,
de le forcer à donner de l'argent ; et k
ce propos Dumouriez lui avait dit en
plein conseil : • Pulawski , ne vous
« avisez pas de faire une pareille ten-
« tative ! je vous brûlerais la cervelle
« à la tête de vos Towaricz. • Mai et
moitié de juin se passèrent dans ces
querelles , tandis que Souvarow ma-
nœuvrait pour regagner le terrain
perdu, et reprendre la rive droite de
la Vistule. Dumouriez probablement
serait venu à bout de déjouer ses
plans, si l'insubordination des chefs
polonais n'eût fait échouer toutes
ses mesures. Pulawjki surtout mé-
rite, en cette occasion, de graves re-
proches, soit pour la tiédeqr avec
laquelle il se mit en disposition d'exé-
cuter des mouvements de la dernière
importance,soit pour la désobéissance
formelle qui courouita sa première
faute, et que Dumouriez ne balance
point à nommer défection. Celui-ci
avait chargé Pulawski de se tenir sur
la Dojanec pour surveiller l'ennemi,
déjà à droite de la Vistule, et l'empê-
11
162
PUL
cher de passer l'affluent. Pulawski
lui manda bientôt qu'il n'y avait pas
un Russe à droite de la Vistule, du
côté de la Dojanec, et que cette ri-
vière, ordinairement basse, continuait
d'être en ce moment haute et inguéa-
ble. Les Russes trouvèrent un gué
pourtant, et passèrent. Pulawski alors
écrivit au chef français que, voyant
l'ennemi traverser la Dojanec, il se
résolvait à gagner les défilés pour
les tourner par derrière. En vain Du-
mouriez le conjura par trois messa-
ges différents de revenir sur ses pas,
en vain il courut lui-même à cheval
cinq lieues sur la piste de Pulawski.
Finalement, il reçut une lettre datée
deRabko, à tOlieues de Landskron,
où celui-ci déclarait formellement
qu'il n'avait aucun ordre à recevoir
d'un étranger, que, s'il voulait le sui-
vre, il n'avait qu'à venir à Zamoscet
à Léopol. Ainsi privé du concours de
près de 6000 hommes, Dumouriez
quelques jours plus tard (22 juin),
après avoir été coupé par les déta-
chements russes, perdait, à la tête
de 1,200 hommes, contre ce même
Souvarow, la bataille de Landskron,
qu'il eût gagnée, dit-il (10), malgré
(lo)Voici commeutDuinouriezracoute les
faits essentiels de la bataille (cbap. vill du
tom. l de la T^ie de Dumouriez, par lui-même,
Hamb., 1795, in.8°)... «Son champ de bataille
« dominait une hauteur qui lui faisait face,
« où le canon du château de Landscron dou-
<« nait en plein; celui des Russes, d'un plus
« faible caliljre, n'arrivait qu'à deux cents
« pas en.avantde la ligne des Polonais. —
«€ Suwarof fit uu mouvement qui devait le
.. faire battre. Il avait environ 3,ooo<hevaux
« et 2,5oo hommes d'infanterie. 11 laisse son
« infanterie sur la hauteUr et fait descendre
€< sa cavalerie dans le ravin, (lour remonter
» ensuite dans la forêt de sapins. Dumouriez
« envoya dire a ses cha8^eur8 de s'aplatir dans
«< le bois, de laiiseï- passer cette cavalt-rie.qui
« allait monter dispersée, et de ne pas tirer.
« Il annonce aux Polonais que la victoire est
•< a eux; que dès que cettf i-.ivalfrii- arrivera
PUL
l'extrême infériorité du nombre, s'il
eût été secondé par les Polonais et
si les Lithuaniens et les hussards de
Schiitz n'eussent fait preuve d'une lâ-
cheté sans égale. Dumouriez, dans le
besoin de se Justifier, n'a-t-il pas pal-
lié ici ses fautes aux dépens de ceux
avec lesquels il agissait ? C'est possi-
ble^ mais il est sûr qu'il en voulait
particulièrement à Pulawski , soit
pour des motifs avouables, soit parce
que dans la répartition des ducats
« sur la hauteur, ils n'ont qu'à la charger
» sans lui donner le temps de se former. Ils
« lui promettent des merveilles. Deux super-
« bes régiments russes, Saint-Pétersbourg
ce et Astracan, paraissent : ils étaient tout
<c débandés. II (Dumouriez) veut se mettre à
« la tête des Lithuaniens d'Orsewsko avec
« le prince Sapieha. Ces lâches fuient, mas-
« sacrent eux-mêmes Sapieha , jeune prince
« plein de courage ; Orsewsko et quelques
« autres sont tués. Il court aux hussards de
« Schiitz, qui, au lieu de sabrer, font une
<• décharge de carabines et prennent la fuite.
« Les Russes, étonnés eux-mêmes de leurs
« succès, n'avançaient pas et étaient occupés
« à se former. Miaczinski furieux rallie quel-
le ques braves Towaricz, se jette au milieu des
« Russes, est démonté, blessé et pris. Walew-
« ski, qui fermait la gauche, se retire en bon
« ordre derrière Landscron. Tout le reste se
« débande. Les Cosaques poursuivent pen-
« dant plus d'une demi-lieue cette cavalerie,
c< qui ne tue pas quatre hommes aux Russes,
« et qui en perd trois cents tués , blessés ou
« pris. Resté seul sur le champ de bataille
« avec son petit escadron frauçais.Dumouriez
« se garde bien de se jeter dans le troupeau
« de fuyards... A Sucha, il trouve le régi-
« ment de hussards de Schiitz, qui n'avait
« pas beaucoup souffert. Cependant les
« chasseurs français avaient tourné par les
« bois, et s'étaient jetés dans Landscron, qui
<c se mit à canonuer vivement la cavalerie
« ennemie. Celle-ci fut obligée d'abandou-
« ner bien vite ce champ de bataille dange-
« reux, emmenant ses prisonniers et les deux
« pièces de canon qui, après avoir tiré quel-
« ques coups presque à bout portant, furent
■< abandonnées, l'officier n'ayant pas eu l'es-
« prit de les précipiter dans le ravin. Voilà
« ce que les Russes et les Polonais appelè-
« reut alors la bataille de Landscron : elle
<< dura une demi-heure, et les Russes ne
perdirent du monde qu'à leur retraite par
le canon de Landscron, etc. »
PUL
mensuels, plus d'une fois il avait
trouvé peu de flexibilité chez le dé-
fenseur de Czenstochow. S'il parla
de le faire passer devant un conseil
de guerre, c'étaient peut-être alors,
et en un tel pays, de vaines paroles,
mais à coup sûr avec un tout autre
gouvernement la mesure n'aurait été
que légitime, et Pulawski n'eût point
échappé à de trop justes reproches ,
non pas de lâcheté, c'est là une de
ces imputations auxquelles il eût été
impossible d'ajouter foi, et que Du-
mouriez, au reste, n'adresse point à
Pulawski (quoi qu'en dise Rulhière),
mais d'insubordination. Ce qu'il y a
de certain, c'est que la bataille de
Landskron fut d'autant plus funeste
pour la cause polonaise, que 1,200
hommes de cavalerie de la couronne
qui se seraient joints aux confédérés,
s'ils eussent été vainqueurs, restèrent
avec le grand-général Branicki et vin-
rent masquer Biala. Pulawski lui-
même s'était fait battre à Cartenow
aux environs de Léopol. La fortune
y fut long- temps flottante et varia-
ble. Les Russes enlevèrent d'abord
l'artillerie polonaise; Pulawski la re-
prit ensuite, s'avança jusqu'à la ri-
vière de Som, la traversa et la fit tra-
verser à la nage partout son monde, et
culbuta 140 hommes qui défendaient
la rive opposée; mais, engagé en-
suite par de faux avis dans de péril-
leuses manœuvres, il perdit beaucoup
de monde et fut contraint de se re-
tirer. Alors il tâcha de surprendre
Zamosc; mais cette ville refusa de lui
ouvrir ses portes. Il repassa le long
des montagnes par Kente et par Bo-
breck, et, après cent cinquante ligues
qui n'avaient eu pour résultat que de
la fatigue, de grosses pertes, la défaite
de Dumouriez et sa propre défaite, il
revint à Czenstochow, honteux et
repentant. Bientôt même il dut aban-
PUL
163
donner les défilés qu'il occupait en
avant de Czenstochow, sur la route de
Varsovie, et il ramena ses débris dans
le monastère; sa retraite, du reste,
fiit habilement conduite, et Souva-
row en a parlé avec éloge, ainsi que
des combats qui l'avaient précédée.
Les deux ou trois mois qui suivirent
se passèrent sans autres événements
que d'insignifiantes escarmouches
entre Pulawski et les Russes, mais les
affaires de la confédération allaient
baissant : la campagne des Turcs en
1770 avait été aussi désastreuse que
la précédente. On sait combien l'a-
pathie de Louis XV, plus absorbé
que jamais par la Dubarry, secondait
l'antipathie systématique de d'Aiguil^
Ion contre les plans laissés en voie
d'exécution par Choiseul. Les trois
puissances s'étaient mises d'accord
pour le démembrement, quoique Ca-
therine, toujours supérieure en hypo-
crisie comme en décision et en science
de gouverner, protestât toujours au
roi de Prusse et au jeune empereur
Joseph II, qu'elle ne voulait rien pour
elle (elle qui pourtant avait affriandé
le prince Henri en laissant tomber
devant lui comme par hasard ce mot
appétissant : • 11 semble que dans
« cette Pologne, il n'y ait qu'à se
« baisser et en prendre !• ) . C'est alors
que Pulawski se résolut enfin à faire
ou à laisser faire un coup d'éclat qui
déjà lui avait été proposé, mais au-
quel il avait jusque-là refusé de don-
ner les mains. Il s'agissait de l'enlè-
vement du roi Stanislas Poniatowski,
au milieu même de sa capitale, et de sa
translation à Czenstochow, au milieu
des confédérés. Dans le cas oii cette
audacieuse entreprise aurait réussi,
ce prince qui jusqu'alors, gardé à vue
en quelque sorte par les Russes,
quoique en apparence il eût ses pro-
pres gardes, n'avait donné d'or-
11.
164
PUL
dres que par ordre de KaiserUng, de
Repniue, de. Wolkonski , de Sal-
dern, mais dont le nom lég.lima.t
dans sa forme tout ce qui se faisait
contre les confédérés, se serait trouvé
prêtant à ceux-ci l'appui de son nom
qui si iong-lemps leur avait été tata ,
ou du moins il fût devenu impossible
de s'appuyer de lui contre ses sujets.
C'est, à ce qu'il paraît, de la confédé-
ration de Zakroczym que vint la pre-
mière idée de ce hardi projet. Le tait
est probable, si l'on se ligure bien e
genre d'opérations des membres de
celte confédération (11). Ayant pour
centre de réunions une île de la Vis-
riiK'estsurtoutcette bande deZakroozym
qi'd^lait le parti russe fll^ena.^^^^^
alarme les environs immédiats de Salde h.
n Lt voir dans la Déclarauon de lambassa.
deur de Russie contre les confédérés, du a6 ju m
f,"i, à quel point les menaces contre la
sûr'etédesrelatioasexaspéra.entlesRusses
TLes lâches voleurs de grands chemins, dit-
: n! secrètemeut domiciliés dans le sem de
. la capitale même s'y trouvent a » abri de
„ oute perquisition, puisque .., etc. Il ne se
nasse pas de jours sans qu'on n'apprsnne
„ Le ces misérables ont attaque es pas-
„ ,auts, exercé leurs rapines et vole impu-
.. ornent. Tout cela autour de la résidence
dont personne n'ose s'éloigner d'nue demi-
"lieue sans s'exposer aux insultes des cr-
:rneb.]NoncUntsdecela,.btuen
on noient, ou dévalisent les postillons, les
«courriers, les estafettes , de sorte que la
,. sûreté pul>lique et la correspondance des
. ministres qui résident ic, est devenue dan-
.. gereuse et même interrompue Cest don..
! ces causes, et dans l'état de l'.narch.e af-
.< freuse auquel mo. et tons les mmistres des
„ têtes couronnées qui résident ici sommes h-
.. vrés que je déclare, au nome, de la part de
S M impériale de toutes les Russies, que
1 tous les chefs et commandants de ses trou-
.. „es auront ordre de porter toute leur at-
,. tention a délivrer les grands chemins et les
.. environs de la capitale de cotte troupe de
„ scélérats, et nommément de ceux qu. sont
„ à deux lieues de Varsovie. Les même» or-
„ drés s'étendront sur tous les cours des pos-
<. tes et spécialement sur celu. qui conduit
„ à Willembcrg, Tunique chemiu auquel es
„ ministres ont recours pour se servir des
: ! oniriers que S- M. I. fournit ,. genereu-
.< sereent au pul'lf, «'t'- "
PUL
tule, leuïs conférences échappaient a
toutes les recherches ; ils se réunis-
saient et s'éparpillaient à volonté ^ ils
se montraient fréquemment dans Var-
sovie, où personne, à moins d'être
dans le secret, ne pouvait se douter
du rôle qu'ils jouaient éloignés de la
ville où on les voyait résider. Trouver
moyen de surprendre le roi et de Ten-
lever ne leur était donc pas très-diffi-
cile. Mais le tenir sous sûre garde une
fois qu'ils l'auraient en leur posses-
sion, là commençait la difficulté, et ils
devaient le sentir. Un d'eux alors, le
Lithuanien Strawinski, alla proposer
à Pulawski (Tamener le monarque à
Czenstochow. Une telle idée ne pou-
vait que sourire à un chef aventureux.
Mais sa position, par cela même qu'elle
le mettait trop en vue, lui comman-
dait des ménagements tant que le suc-
cès n'aurait pas légitimé l'eutreprise.
Amener si loin le roi n'était pas facile.
Czenstochow est à 250 kilomètres de
Varsovie, et la route était couverte de
Russes. Quelque temps donc Pu-
la'wski, soit qu'il regardât comme im-
possible d'échapper pendant un si
long trajet aux rencontres fâcheuses,
soit qu'il vît dans Strawinski un exal-
té se faisant illusion sur les obsta-
cles, se refusa positivement à ces
ouvertures. U fallut que cet homme
courageux lui dit: -Eh! mou Dieu î
. si je n'avais voulu que tuer le roi,
« vingt fois je l'ai eu à la portée de
. mon sabre, en étant à même encore
a de me sauver! Mais non, ce que je
. veux, c'est Je prendre. » H fallut
aussi qu'il entrât dans les détails les
plus circonstanciés sur la manière
dont^il prétendait exécuter son dou-
ble plan d'enlèvement et de conduite
jusqu'à Czenstochow. Seulement il
demandait que Pulawski trouvât
moyen, par des diversions, d'attirer
les Russes sur d'autres points que U
PUL
route de Varsovie au monastère , et
poussât lui-même des postes avancés
aussi loin que possible sur la route de
cette capitale. Pulawski en vint bien-
tôt à lui accorder ces facilités, et de
plus lui remit 50 ducats pour les dé-
penses. Mais Strawinski voulait une
autorisation qui lui permît aussi de
se faire reconnaître des amis de Pu-
lawski, s'il eu reuconlrait et s'il avait
besoin de leur concours. Finalement,
Pula^vski la lui donna. Ce fut un tort.
Mais il la donna en termes vagues in-
diquant seulement que Strawinski
était chargé d'une entreprise qui de-
vait s'exécuter le 3 novembre. Ce
n'est point ici le lieu de nous appe-
santir sur les détails du coup de main
de ce hardi partisan, qui parvint ef-
fectivement à enlever et à faire sortir
Foniatowski de Varsovie . mais qui
ne put effectuer la seconde partie de
son plan, en amenant son prisonnier
à Pulawski. On peut en lire les détails
à l'art. Stanislas 11 (t.XLIII,p. 455).
Ce que nous de votis examiner ici, c'est
si Pulawski voulait qu'on tuât le roi.
Dans les commencements, on répéta
fréquemment cette imputation qui ,
prise dans un sens absolu , tombe
d'elle-même, puisque les conjurés,
pendant une heure environ que le
roi fut en leurs mains, étaient à mê-
me de lui ôter la vie , si tel eût été
leur dessein. Faut-il en conclure que
le chtf des conjurés devait, au cas
où il résisterait, au cas où il sem-
blerait présumable qu'il fût déli-
vré, le tuer plutôt que de le lais-
ser échapper ? Les amis des confédé-
rés ne posent pas cette question,
et, si on l'eût posée, ils eussent sans
doute répondu uégativeuie&t. A nos
yeux, il s'en faut de beaucoup que
cette réponse puisse être acceptée
avec confiance; et jusqu'ici les élé-
ments qu'on a pu réunir pour la
PUL
165
solution de cette question ue per-
mettent pas de prononcer, et proba-
blement on ne le pourra jamais. A
notre avis , il n'est pas sûr que l'es-
prit dfs instructions données par Pu-
lawski pût se résumer par ces mots :
« Ou amener le captif à Czenstochow,
ou le tner: » mais c'est hautement
probable. Le plus désirable certaine-
ment pour leà confédérés était de l'a-
voir vivant en leurs mains; mais ne
plus être embarrassés de son exis-
tence et pouvoir choisir un autre
roi était bien quelque chose aussi. Il
ne faut pas oublier non plus que
l'acte deBiala avait déclaré l'inter-
règne, et que la mort de Poniatowski,
en rendant de fait le trône vacant, eût
rendu superflues toutes les discus-
sions auxquelles ou se livrait depuis
six ans sur la validité de l'élection de
1764. Cette considération anssi doit
être mise en ligne de compte, si l'on
veut rechercher ce qui aurait pu ré-
sulter de la présence de Poniatowski
parmi les confédérés. Puisqu'ils a-
vaient déclaré sa déchéance, n'eùl-cc
pas été se démentir que de s'appuyei-
de lui, des actes qu'ils lui eussent
dictés ? Et ce démenti qu'ils se fussent
donné à eux-mêmes eût-il été utile à
leur cause? C'est plus que douteux.
L'effet de cette capture n'eût donc
guère été que négatif : c'eût été de
retirer aux ennemis de la Pologne un
instrument, une force ; mais ce n'eût
point été de conférer aux patriotes
polonais une force nouvelle. Toute-
fois comme Pulawski avait toujours
été dévoré du désir d'agir indépen-
damment de la conféiiération géné-
rale, il est très-possible qu'il se fût
fait un plaisir de devenir le souiien
en même temps que le dominateur
du roi de fait qu'il aurait eu entre
ses mains, et de l'opposer aux préten-
tions des r'jto<;ki ou autres, qui rc-
166
PUL
vaient pour eux-mêmes la royauté.
C'eût même été pour lui un coup de
maître. On voit donc quelles inex-
tricables difficultés s'opposent à ce
qu'on trouve jamais, à coup sûr, le
mot de cette énigme. Du reste, quand
l'entreprise, bien conduite au de-
dans de Varsovie, mais mal conduite,
il faut le dire, une fois qu'on en fut
hors, eut été manquée, et fut ainsi de-
venue une véritable échauffourée ,
l'effet moral en fut on ne peut plus
préjudiciable à la cause de l'indépen-
dance, et fournit un prétexte à la
France pour abandonner totalement
un pays dont les défenseurs donnaient
matière à des imputations de régicide.
Cependant les confédérés ne laissè-
rent pas ces accusations sans répon-
se. Pulawski, publia une déclara-
tion (janv. 1772) , où l'on remarquait
entre autres passages... : «Voici la
« première calomnie que j'essuie, pu-
• bliée dans les gazettes de l'ennemi
« qui m'y nomme l'auteur d'une con-
« spiralion particulière exécutée à
« Varsovie. J'ai gardé le silcncesur les
« reproches, convaincu que l'ennemi
« cherche à noircir par la plume ceux
• qui lui résistent par les armes. Mais
« l'exemple de la déclaration publiée
« par les états confédérés m'entraîne;
« el puisque je me suis proposé de ne
• venger qu'à main armée la défense
^ de Dieu et de la patrie, je veux bien
• pour cette fois me servir de la
« plume. Je proteste devant Dieu, de-
« vant la république de Pologne et
« devant toutes les puissaucesde l'Eu-
« rope que mon cœur est bien loin du
« crime : mes pensées et mes actions
« n'auronljumais d'autre but que celui
> du patriotisme.Jen'ai jamais penséà
• attenter à, la vied'uue personne qui a
« su s'approprier de quelque façon que
« ce soit le gouvernement de la uation>
« etjeuemeproposedela poursuivre
« que par la guerre ouverte, etc. » Oo
a reproché à Pulawski de s'être abaissé
à mentir en déclinant toute partici-
pation au complot. Il ne décline,
comme on voit, que la pensée de ré-
gicide. Dans une autre pièce même, il
avoue (12), et l'on ne voit pas que cet
aveu soit arraché par la contrainte,
que Strawinski et Kosinski étaient
venus lui faire leurs offres, qu'il leur
avait représenté toute l'importance
d'un profond secret, qu'il leur avait
donné de l'argent et une lettre pour
le capitaine Lukawski, etc. (13). Il n'y
(la) C'est une lettre qui est datée de jan-
« vier i'772. La voici: «J'avoue que Strawius-
« ki et Kosinski se sont rendus à Czensto-
« chow et m'ont demandé une somme de mille
« ducats , eu m'offrant de me livrer le roi
« de Pologne, mort ou vif. Je leur représen-
« tai que l'eulreprise était dangereuse et
« même téméraire. Comme la réussite dé-
K pendait du secret, je ne pouvais m'expli-
« quer avec eux sur une affaire aussi im-
cc portante avant qu'ils se fussent enga-
« gés par serment à garder fidèlement le
« secret; ils se rendirent ensuite à la cha-
« pelle et l'y prêtèrent, suivant la formule
« que je leur prescrivis. Après quoi je leur
« donnai sur le bon succès cinquante du-
« cats, avec une lettre pour le capitaine de
« cavalerie Lukawski , qui devait secourir
« Strawinski diins cette l'oininission. Le co-
<< lonel Nowiecki leur enseigna le moyen
« d'avoir accès an château et à d'autres pa-
• lais dans la ville de Varsovie. Cette entre-
" prise, imaginée par ceux mêmes qui de-
« vaient l'exécuter et dont le risque était
« pour chacun d'eux, paraissait être de na-
« ture a n'avoir qn'une issue très-dcuteuse,
« etc., etc. M
(i3) L'ordre du capitaine Lukawski était
conçu en ces termes : « La présente vous
« servira d'un ordre absolu et irrévocable ,
« si celui que je vous ai expédié par une au-
.< tre voie ne jmrvient p.is eu vos mains.
<4 Vous devez seconder de tout votre monde
c< Strawinski, dont la commission est de la
« dernière importance et dont le succès dé-
« pend du^ecret et du courage dans l'exé-
c< cution. Quant à la patente ou à la pro-
i< motion au rang de colonel que vou» me
<< demandez, je ne puis vous la faire tenir,
.. parce que la commission de guerre qui se
.. tient à Teschen s'est réservé le droit de
u ïiguer le» brevets do i olonels. Neauinoin!
POL
a rien dans tout cela qui veuille dire
qu'il n'était absolument pour rien
dans celte entreprise; il atténue la
part qu'il y a eue, voilà tout ; et pour-
tant si sa part y eût été plus grande,
s'il en eût eu l'initiative, il nous sem-
ble que l'imparliale histoire n'y ver-
rait qu'un trait de plus de nature à
faire honneur à un chef de partisans.
Nous avons même indiqué en quoi
cette mesure pouvait être hautement
politique de la part de Pulawski.
Quoi qu'il en soit, le moment appro-
chait où la confédération allait à peu
près être anéantie. La reddition de la
ville et du château de Cracovie, où
vainement se défendirent avec hé-
roïsme les Français qui s'en étaient
emparés, en fut le signal. Pulawski,
assiégé à son tour dans Czenstochow
par des forces trop supérieures en
nombre, fut obligé de céder (1772).
après une vigoureuse mais évidera-
uient inutile résistance. 11 avait été
condamné à mort par contumace
comme complice de Strawinski, et de
plus les deux puissances, qui s'ap-
prêtaient à partager la Pologne avec
Catherine, avaient d'avance déclaré
que Pulawski ne pourrait trouver
asile dans leurs États. 11 vint en con-
séquence chercher un refuge en Fran-
ce. Un peu plus lard, et quand la
guerre entre l'Angleterre et ses colo-
nies éclata, il passa en Amérique, tou-
jours épris de ces noms de liberté,
d'indépendance pour lesquels il avait
si laborieusement lutté pendant qua-
tre ans. 11 y fut revêtu du titre de com-
mandant, et périt au siège de Savan-
nah en 1778, n'ayant encore que 31
ans, maisayant déjà conquis un grand
nom par son intrépidité. Malgré cette
célébrité réelle,jusqu'ici la biographie
•■ je ne manquera] pas de toos eoTOjer la
■' TAtre 50US ane qaiozaine de jours. Signé
•' PtrtAWSKI. » '
PUL
167
de Pulawski n'avait pas été faite. Ni le
nom du père, ni celui du fils aîné ne
figurent dans les recueils, dans les
dictionnaires le plus en renom. C'est
une nouvelle preuve à joindre à tant
d'autres de la frivolité légère avec
laquelle on a toujours traité en France
les affaires de la Pologne. Le roman
peut-être a été moins oublieux que
l'histoire, et le nom de Pulawski re-
tentit au milieu des joyeuses pages de
Faublas avec un éclat qui donne en-
vie à l'homme le moins soucieux des
matières historiques de savoir ce qu'a
été en réalité ce chef. Au reste, il se-
rait difficile de reconnaître si c'est
du père ou bien du fils qu'il est
question dans ce récit, chose d'ail-
leurs assez indifférente au vulgaire
des lecteurs de Louvet. Parmi di-
vers opuscules auxquels les aven-
tures de Pulawski ont donné occa-
sion, on peut remarquer l'écrit an-
glais qui a pour titre : Pulaicskijusti-
fié d'une imputation dénuée de preu-
ves^ Baltimore, 1824, in-S". Son
portrait se trouve en tête d'une édi-
tion des Chants de Jean (Piesni Ja-
niisza), Paris, 1833, in-18. — Fran-
çois Pulawski, deuxième fils de Jo-
seph, partit de Varsovie avec son
père, ses frères et son cousin ; mais,
ainsi que Casimir, fut envoyé en
avant, et tandis que son aîné s'occu-
pait de lever les 150 Cosaques avec
lesquels il voulait déployer l'éten-
dard de la confédération, François alla
s'entendre avec les gentilshommcj*
des contrées qui devaient être le
théâtre de cette prise d'armes, et sol-
liciter leur concours en hommes et
en argent. Dès ce temps, et malgré sa
jeunesse, François se montra particu-
lièrement apte aux affaires; et il est
clair qu'il avait hérité de l'esprit sou-
ple et insinuant de son père. 1! fut
aussi un des premiers signataires de I«
168
PUL
carilotlejiition de Bar. Non moins brave
qu'adroit, il se battit avec courage
lors des engagements livres pendant
les conférences avec Mokranowski ;
et l'on a vu plus haut qu'à la suite de
ces combats il passa pour mort au
champ d'honneur, ainsi que ses deux
frères. II participa probablement aux
incursions de Casimir au delà du
Dniester et en Pologne, après la prise
de Berdichef ; et nous le retrouvons
positivement sur la rive occidentale
du fleuve à la lin de 1768 el au com-
mencement de 1769. C'est lui qui oc-
cupait Zwaniec. Ne pouvant s'y dé-
fendre avec une poigne'e d'hommes,
il alla solliciter du pacha de Choc-
zim des renforts que celui-ci avait
ordre de refuser, et que d'ailleurs
il n'eût donnés qu'à contre -cœur,
car il était vendu aux Russes. Aussi
François ne ramena-t-il qu'une qua-
rantaine de janissaires qui, indignés
de l'abandon où on laissait ces jeu-
nes héros, bravèrent pour le sui-
vre la défense du pacha, et rentrèrent
avec lui au point du jour dans le châ-
teau de Zwaniec, où tenaient encore
les troupes polonaises; tous ensem-
ble ils firent une sortie impétueu-
se, et opérèrent ainsi leur retraite,
abandonnant un poste que l'inaction
des Turcs rendait inutile désormais,
puis allèrent s'établir sous le canon
de Choczim dans un village, attendant
le moment favorable pour rentrer en
Pologne. Malgré la faiblesse des dé-
bris qui l'entouraient, François tira
vengeance du traître pacha, auquel
les Polonais avaient à reprocher tant
de tiédeur pour leur cause. Il dé-
couvrit qu'un Juif, espion russe,
avait remis à ce musulman une som-
me en or, et il lui en arracha l'a-
veu , après quoi il l'envoya aux
chefs de l'armée turque. Divers gé-
néraux de celle armée se rendirent
PUL
alors en force dans Choczim, sous
prétexte d'y tenir conseil, et le pacha
fut massacré. H en résulta que les
Russes, qui se croyaient sûrs de la
surprise et de l'occupation de cette
place, se hâtèrent trop d'en'publier
la nouvelle, et qu'on célébrait des
fêtes à Saint-Pétersbourg pour cet
événement, taudis que l'on en était
encore à préparer un assaut qui ne
réussit pas, et qui ne tarda point à
être suivi d'une ret raite assez confuse.
Peu de temps après, François reparut
en Pologne ayant à sa suite 400 Turcs
environ. Mais ces auxiliaires féroces
et avides lui commandaient plus
qu'ils n'obéissaient , et déshono-
raient plus qu'ils ne servaient sa
cause; c'étaient les villages polonais
qu'ils brûlaient, les femmes et les
enfants des Polonais qu'ils rédui-
saient en esclavage et allaient ven-
dre, les têtes de paysans polonais
qu'ils coupaient et allaient se faire
payer à Choczim comme tcîes de
paysans russes. Las de ces horreurs,
il ne garda auprès de lui que 150
hommes de cette troupe, et naturel-
lement les plus dociles et les plus
humains. Secondé par eux, il battit
les Russes dans une petite affaire
sous les murs de Koti. Cent Turcs le
quittèrent après ce combat, et il ne
lui en resta plus que 40 et ses Polo-
nais, pour se mouvoir au unlieu de
très-nombreux partis russts. Il par-
vint à leur échapper et à s'empa-
rer de Sambor, où bientôt il fit,
comme on l'a vu plus haut, sa jonc-
tion avec son frère. Il se rendit avec
lui en Lithuanie, en juin 1769, et y
développa de nouveau son talent de
parole et de persuasion : c'est lui qui
conduisait toutes les négociations
entreprises pour son fière. 11 eut part
aussi à l'aftaire de Brzesc-Litewski, à
la marche bur Slouini , et ciitin aux
PUL
Inarches et contre- marches qui tini-
rent par amener leur petite armée
dans les bois d'Augustowo. Il redes-
cendit ensuite avec lui au sud, afin
d'aller gagner les frontières de Hon-
grie, mais il ne les atteignit point.
Il est à croire qu'il périt à la funeste
journée qui anéan'it le détachement
dans les plaines de W ladowa. Mar-
chant en avaut avec le gros de sa trou-
pe, tandis que Casimir avec l'arrière-
garde soutenait le choc des Russes,
il avait déjà gagné beaucoup d'avance
quand le bruit se répandit, àtort,que
son frère venait d'être fait prisonnier.
Il revint alors sur ses pas avec les
siens pour Icdégager, et se précipita
sur l'ennemiavec fureur. Mais tout son
monde futdispersé, lui-même ne repa-
rut plus et probablement fut tué sur
le champ de bataille. C'est au moins
ce qu'il faut conclure d'une procla-
mation où Casimir Pulawski en 1771
dit qu'un de ses frères a péri • sous
« ses yeux. » Ce qui est sûr, c'est que
quelques jours plus tard ses ha-
bits sanglants et déchirés étaient
mis en vente dans une ville voisine.
— Le plus jeune des trois frères
PuLwvsKi, né en 1750, n'avait que
seize ans lorsque l'acte de Bar donna
le signal de la résistance. Il fut un des
huit premiers souscripteurs de la
confédération et prit part à nombre
d'escarmouches. Naturellement, vu
son âge , il s'éloigna moins de son
père que Casimir et François. Toute-
fois il ne le suivit pas en Ukraine, et
il était avec ses frères sur la rive po-
lonaise du Dniester pendant l'hiver
de 1 768 à 1769. Lorsque les Russes s'a-
vancèrent vers le fleuve et formèrent
un cordon à quelques milles, il eut
le malheur de tomber entre leurs
mains. On l'envoya prisonnier à Ka-
san. 11 y était encore quand cette ville
fut menacée par une insurrection de
PUL
169
paysans armés contre la noblesse , et
il contribua par sa présence d'esprit
et son intrépidité à préserver Ka-
san. — Enfin, le cousin des trois frè-
res, le neveu de Joseph périt en Li-
tbuanie dans un des combats livrés
en 1769. P— OT.
PULCI (Bëbnardo), l'aîné, mais
non pas le plus célèbre de cette fa-
mille de poètes qui secondèrent avec
tant de zèle les efforts de Laurent de
Médicis pour le rétablissement et les
progrès de la poésie italienne , na-
quit à Florence vers 1425. \\ se fit
d'abord connaître par dextx élégies,
l'une consacrée à la mémoire de
Cosme de Médicis, et l'autre sur la
mort de la belle Simonetta, maîtresse
de Julien. Le premier des poètvs ita-
liens il s'exerça dans le genre pasto-
ral. On lui doit une traduction des
Bucoliques de Virgile, qui conserve
encore des partisans. Antonia, sa
femme, avait aussi legoiîtdes lettres; .
elle a composé quelques pièces dra-
matiques dont le sujet et la forme
rappellent nos mystères, et qui fu-
rent représentées. 11 est probable que
Bernardo retouchait les essais de sa
femme, puisqu'il avait travaillé lui-
même pour le théâtre. En 1487, il
remplissait les fonctions de curateur
de l'académie de Pise. H vivait en-
core en 1494, mais on ignore la date
de sa mort. Tous les ouvrages de
Bernardo sont rares, recherchés , et
l'on ne sera pas fâché d'en avoir ici
la liste : I. La Bucolica di Yirgilio,
Florence, 1481; ibid., 1484, in-4o. On
trouve dans le même volume des
Ègloçiues de Franc. Arsocchi, Jérôme
Benivieni et Jacq. Buoninsegni. II.
La passione di Nostro Signor Gesu
Cristo; con la sua resnrrezione e
scesa al liinbo : e la vendetta chc
feceTito Vtspasiano contro i Giudei,
Bologne, 1489, m-4", première édi-
J70
PUL
tion de ces trois petits poèmes. LaPas-
Sîoneaéte' réimprimée, Florence, 1490,
in-4°, et il en existe une troisième édi-
tion (sans date). La Vendetta fut re-
produite, ibid., 1491, in-4». Gingiiené
dit, en parlant de la Pasêione : l'au-
teuramisjplus de poésiedansson style
que le sujet ne semble le permettre.
III. Rappresentazione di Barlaam
e Giosafat (sans date), in-4". Cette
pièce de Bernardo se trouve ordinai-
rement réunie à celles d'Antonia, sa
femme : Rappresentazione di san
Francesco, — disantaDomitma,~di
santa Guglielma (sans date), in-4o;ce
recueil est très-rare. — PuLCi(tMca),
frère cadet de Bernardo, n'est connu
que par ses ouvrages ; il vivait à la
cour de Laurent de Médicis.quile com-
bla de bienfaits, et il mourut avant
1490. On a de lui : I. Giostra di Lo-
renzo de' Medici messa in rima. Ces
stances, dans lesquelles il décrit le
fameux tournoi de 1468, sont une de
ses moindres productions. II. Epis-
tole, Florence, 1481, ibid., 1488,
in-4o. C'est un recueil de dix-huit
épîtres dans le genre de celles
d'Ovide. La littérature italienne n'a-
vait encore rien produitdesemblable.
m. Il Driadeo d'amore , Florence,
1479, in-4'', 1« éd., très-rare; ibid.,
1481, 1483, 1487, et réimprimé dans
le XVI" siècle. C'est un poème pas-
toral en quatre chants in ottava
rima. Quelques bibliographes l'attri-
buent par erreur à Louis Pulci, frère
cadet de Luca, et si fameux par son
4 Morgante{voy. Pulci, XXXVI, 310).
On reproche k l'auteur d'y avoir fait
un emploi surabondant de la mytho-
logie. IV. Giriffo cavalneo ed il po-
vero adveduto., Florence, sans date,
in-4", ibid., 1505, et Milan, 1518,
in-4'', trois éditions très-rares. C'est
une de ces épopées romanesques dont
les Italiens possèdent un si grand
PUL
nombre. Le Giriffo, tiré d'un roman
du XIII® siècle, est regardé comme
leur premier essai dans ce genre de
composition. Luca étant mort sans
avoir terminé cet ouvrage, Bernardo
Giambullari fut chargé par Laurent
de Médicis de le continuer, et y ajou-
ta trois parties. Cette continuation
de Giambullari se trouve dans l'édi-
tion du Giriffo., Venise, 1535, in-4» ;
mais celle de Florence, 1572, ne con-
tient que la première partie, divisée
en sept chants suivis des stances sur
le tournoi de Florence, et des épîtres
ou héroïdes. Il paraît que Louis eut
quelque part à ce poème ; mais ce
n'était pas une raison de le lui attri-
buer tout entier, comme on l'a fait
dans plusieurs catalogues. L'Histoire
littéraire d'Italie, par Gingueué, con-
tient d'excellentes analyses des deux
poèmes de Luca Pulci, le Driadeo et
le Giriffo ou le Ciriffo. Ce dernier
ouvrage et les Épîtres de Pulci ont
été supprimés; sans doute par la con-
grégation de l'îndea?, mais c'est ce que
ne nous apprend pas Capponi, à qui
nous devons cette particularité (voy.
son Catalogo., 314). W— s.
PULLY (Charles -Joseph Ran-
DON de), général français, naquit en
1751 d'une famille noble, et fut, dès
qu'il eut achevé ses études, officier
dans le régiment de hussards de Ber-
chignyoïi il devint capitaine. S'étant
montré partisan de la révolution, il
n'émigra point comme ses camarades
et obtint un avancement rapide. Il
fut nommé, en 1790, lieutenant-colo-
nel du régiment de cavalerie de
Royal-Cravalte, et en devint colonel
le 5 février 1792. Envoyé, dans le
courant de la même année, k l'armée
de la Moselle, sous Kellermann, il le
suivit en Champagne lors de l'inva-
sion des Prussiens. Employé nussilflt
après entre la Sarre et la Moselle ,
PUL
PUR
^71
sous le coiQinandement de Beurnon-
ville, il contribua, à la tête de la se-
conde colonne d'attaque, à l'occupa-
tion des hauteurs de.Waren, et fut
nommé ge'néral de brigade. 11 se dis-
tingua encore le 15 déc, en s'empa-
rant , avec douze cents hommes , de
la montagne de Ham, qui était héris-
sée de canons et défendue par trois
mille Autrichiens. Promu au grade
dégénérai de division le 8 mars 1793,
il fut chargé, en cette qualité, du
commandement du corps des Vosges.
On l'accusa peu de temps après, à la
Convention nationale, d'avoir aban-
donné le camp d'Hornbach, dans l'in-
tention d'éraigrer ; mais il prouva
facilement la fausseté de cette incul-
pation, et fut néanmoins privé de son
emploi jusqu'à l'époque du 18 bru-
maire (nov. 1799), où il fut nommé
commandant d'une division de l'ar-
mée d'Italie, sous le général Macdo-
nald. Il franchit, à la tête de cette
troupe , le Splugen dans le mois de
frimaire an ix (déc. ISOO) ; remplaça,
le 10 nivôse (janvier 1801), à Storo,
lu division du général Rochambeau ;
concourut à la prise de Sant' Alberto,
et marcha ensuite sur Trente, avec la
division du général Lecchi. Un armis-
tice ayant suspendu les hostilités,
Pully fut placé dans une partie du
Tyrol italien. Employé de nouveau
dans la campagne de 1805, il se dis-
tingua, à la tête des cuirassiers, au
passage du Tagliamento. En 1809 , il
commandait une division contre l'Au-
triche. Il fut nommé comte en avril
1813, avec le titre de colonel du i^''
régiment des gardes-d'honneur qui
s'organisait à Versailles. A la nou-
velle des événements du mois d'avril
1814, il envoya au gouvernement
provisoire l'adhésion de son corps à
la déchéance de Bonaparte , se diri-
gea lui-même sur Paris presque aussi -
tôt, et reçut du roi la croix de Saint-
Louis et le titre de grand-officier de
la Légion-d'Honneur. Mis à la re-
traite, le 4 sept. 1815, à cause de son
âge, il mourut vers 1840. M— D j.
PULZOA'E (Scipion), peintre ita-
lien, né à Gaëte en 1550, fut élève de
Jacob dei Conte. Quoiqu'il soit mort
jeune, il a laissé une grande réputa-
tion par l'excellence de ses portraits.
Ceux qu'il fit du pape et de plusieurs
grands seigneurs de son temps lui ac-
quirent le nom de Van Dyck romain;
mais il est plus travaillé, ou ce que les
Italiensappellent/eccafo.et se fait sur-
tout remarquer par l'extrême fini des
détails. Les sujets historiques qu'il a
traités ont les mêmes qualités, ou, si
l'on veut, les mêmes défauts. On cite
son Crucifix dans le Vallicella et
l'Assomption dans Saint-Sylvestre, au
Monte-Cavallo, ouvrage d'un dessin
correct, de teintes gracieuses et d'un
effet suave. Le palais Borghèse et la
galerie de Florence possèdent deux
tableaux de ce maître. Ses tableaux
de cabinet sont aussi rares que pré-
cieux. Puizone mourut en 1588, à
peine âgé de 38 ans. P— s.
PURCELL (Henri) , célèbre mu-
sicien anglais, dont le père et l'oncle
étaient geutilhommes de la chapelle
royale à l'époque de la restauration
de Charles II, naquit en 1658. Il
montra de bonne heure de grandes
dispositions pour la musique, et fut
organiste de Vir'estminster , n'étant
âgé que de dix-huit ans. En 1682 il
devint l'un des organistes de la cha-
pelle royale. L'année suivante il pu-
blia douze sonates pour deux violons,
et une basse pour l'orgue et le clave-
cin ; il dit dans la préface qu'il a cher-
ché à ioiiter les plus célèbres maîtres
italiens. D'après la structure de ces
compositions, il n'est pas improbable
que les sonates de Bassani et peut-
172
PUR
PUT
être celles d'autres maîtres italiens
lui aient servi de modèle. En tête de
cet œuvre se trouve un portrait de
Purcell, qui ne ressemble en aucune
manière à celui que Cîostermann a
fait pour VOrpheus hritannicus dont
nous parlerons bientôt. Comme Pur-
cell avait reçu son éducation dans
une école de chœur, il n'est pas éton-
nant qu'il se soit attaché surtout à la
musique d'église, il s'est fait distin-
guer plus particulièrement par ses
antiennes ; on cite celles qu'il com-
posa en 1687 à l'occasion de la gros-
sesse de la reine, épouse de Jacques II,
et du danger qu'avaient couru le roi
et le duc d'York dans une partie mu-
sicale qu'ils avaient faite sur mer.
Parmi les Lettres de Tom Brown,
il y en a une écrite par le docteur
Blow à Henri Purcell, qui avait été son
élève, danslaquelleil lui fait observer
en plaisantant que les personnes de
leur profession sont sujettes à une
égale attraction de l'église et du théâ-
tre, et se trouvent en conséquence
dans une situation semblable à celle
de la tombe de Mahomet, suspendue,
dit-on, entre le ciel et la terre. Cette
remarque s'applique parfaitement à
Purcell qui était à peine connu que
son temps fut partagé à peu près
également entre l'église et le théâtre.
Un pamphlet intitulé Rosciusangli-
canus, ou Vue historique du théâtre,
écrit par Downes, le souffleur, et pu-
blié en 1708, fait connaître phisieurs
pièces de théâtre et divertissements
dont la musique a été composée par
Purcell. En IfiOl ce musicien publia
l'opéra de Dioclélien, avec une dé-
dicace à Charles duc de Somerset,
dans laquelle il dit qut^ la musique est
encore dans son enfance en. Angle-
terre, mais qu'on peut espérer qu'elle
y fera des progrès lorsque ses maîtres
obtiendront plus d'encouragement.
Il ajoute qu'il apprend maintenant
l'italien qui est le meilleur maître,
et qu'il étudie l'air français pour lui
donner un peu plus de gaîté, etc. Le
vaste génie de ce nmsicien, dit le D""
Burney (dans son Histoire de la
musique) , embrassait avec un égal
succès toute espèce de composition,
et il se fit également distinguer, soit
qu'il écrivît pour l'église ou pour le
théâtre. Dans ses sonates , ses odes,
ses cantates,ses chansons ou ses balla-
des, il a laissé bien loin derrière lui
tous les compositeurs qui l'avaient
précédé. Il est malheureux pour le
goût et l'honneur national , ajoute le
même écrivain, qu'Orlanûo Gib-
bons, Pelham Humphrey et Henry
Purcell, les trois meilleurs composi-
teurs anglais du XVII' siècle, n'aient
pas eu le temps de former une école,
étant morts tous les trois dans un âge
peu avancé; le premier en 1625 à 4i
ans, le second eu 1674 à l'âge de 27 ans,
et enfin Purcell le 21 novembre 1695
n'en ayant que 37. Ses amis et sa
veuve, ayant réuni ses meilleures com-
positions, les publièrent en 1698 au
moyen d'une souscription sous le titre
à''Orpheus hritannicus , avec une
dédicace à lady Howard, qui avait été
son amie et son écolière. Le produit
en fut consacré au monument qu'on
lui érigea dans l'abbaye de West-
minster et sur lequel fut gravée une
inscription latine. D-z-s.
1> U T H O D de Maison - Rouge
(FBANçois-MAniE), né à Mâcon en
1757, fut destiné à l'état militaire et
entra dans la gendarmerie du roi^
mais, après quelques années de ser-
vice, se relira, afin de se livrer exclu-
sivement à son goût pour la poésie.
Quelques pièces de peu d'importauce
le tirent admettre à l'Académie de
Villefranche, en Beaujolais, et à celle
des Arcades de Borne. Il fut moins
PUT
henrcnx dans ses tentative? pour
Otre reçu dans d'autres sociétés lit-
téraires , qui ne regardèrent pas
comme des titres suffisants son madri-
gal intitulé Mon premier soupir et le
Bac<:ommodem«i<,insérés.le premier
dans le Mercure de France , et l'au-
tre dans le Journal encyclopédique.
Reconnaissant alors qu'un ouvrage
folide en prose (ce sont ses propres
expressions) deviendrait un moyen
plus efficace de réussiie, il composa
un discours sur cette question: Quelle
est la voie la plus sûre pour bien ju-
ger du mérite d'un ouvrage, celle de
la discussion ou bien celle du senti-
ment? Ce discours, qui ne parait pas
avoir été imprimé, ne fut pas goûté
plus favorablement que ses poésies. Il
se recommande à nos souvenirs par
un autre genre de mérite. Puthod fut
le premier, après la révolution de
1789, qui éveilla l'attention publi-
que sur la nécessité de conserver et
de décrire les monuments des arts,
que la suppression des monastères et
d'un grand nombre d'églises pouvait
exposer à des chances de destruction.
Il avait présenté à l'Assemblée natio-
nale une pétition pour la prier d'avi-
ser aux moyens de connaître et de
décrire tous les monuments du
royaume (1) relatifs aux sciences et
aux arts, et de veiller à leur conser-
Tation. L'Assemblée, frappée de l'uti-
lité de cette proposition, rendit, le 4
octobre 1790, un décret ordonnant
la formation d'une commission qui
devait s'occuper de cet objet impor-
tant. Les savants les plus distingués
de l'époque, MM. de Bréquigny, Da-
cier, l'abbé Barthélémy, les peintres
PIT
173
(i) M. Mabul {Anmmaire nécrologique, i"
année, iSso, p. 176) a ('ominis une erreur
en ilisant que cette pétition avait pour Lut
de (ieranoder Tiiutorisation de recueillir le»
inscriptions et les archives de» cooTeals.
David et Doyen, les sculpteurs Boizot
et Pajou, etc.. furent appelés à faire
partie de cette commission, à laquelle
on adjoignit Puthod de Maison-Rouge,
promoteur de la mesure. Pendant
trois années, ces commissaires rendi-
rent les plus grands services. Leurs
opérations furent néanmoins atta-
quées,^ 28frimairean 11(18 novembre
1793), par le comité d'instruction pu-
blique de la Convention, qui fit pro-
noncer la suppression de cette com-
mission. Presque inculpée dans son
honneur, elle crut devoir répondre au
rapport (lu comité, et publia le Conj;)fc
rendu à la Convention nationale par
la commission supprimée des monu-
ments. Pans, an 11—1793, in 8'\ Cet
écrit intéressant, et devenu rare, à la
rédaction duquel Puthod de Maison-
Rouge eut beaucoup de part, donne
des renseignements curieux sur la
direction des travaux de la commis-
sion et sur un grand nombre d'ob-
jets de prix qn'elle arait sauvés de
la destruction. Retiré dans sa ville
natale après les orages de la révolu-
tion , Puthod de Maison-Rouge lit
partie du conseil municipal, et,
sous la Restauration , fut nommé
héraut d'armes honoraire. Il mourut
à Mâcon, dans le mois d'avril 1820.
On a de lui : I. Les Monuments, ou
le Pèlerinage historique. Pw ri s. 1 79 1 ,
in-8', ouvrage périodique dont il de-
vait paraître uu numéro par semaine,
mais qui ne put se soutenir, à raison
de l'indifférence des esprits pour
tout ce qui n'était pas politique. H.
Mémoire sur Vea^amtn et la conser-
vation des monuments destinés à un
usage public, Paris, 1791, in-8°. III.
Géographie de nos villages, ouDic-
tionnaire maçonnais , pour faire
suite aux gcographies et dictionHai-
res de la France, Màcon et Paris;
1800. in-12. Putho<l de Maison-
174
PUT
Rouge est l'auteur de la partie mili-
taire du Traité des droits, fonctions,
franchises , etc. , publié par Guyot ,
en 1788. Il devint capitaine de chas-
seurs dans la garde nationale pari-
sienne au commencement de la ré-
volution. C'est à tort qu'on a dit qu'il
fut ensuite adjudant-général ; on l'a
confondu, sous ce rapport, avec le
général Puthod dont l'article suit.
L — M — X.
PUTHOD ( Jacques-Pierre- Ma-
KIE-Louis) , général français , parent
éloigné du précédent, était fils d'un
ancien officier de milice qui se di-
sait petit-neveu de Bayard et qu'on
appelaitàBourg-en-Bresse, où il s'é-
tait retiré, le Capitaine Tempête. Ce
fut là qu'un matin , dans un accès de
folie , il se jeta par la fenêtre d'un
troisième étage et mourut sur-le-
champ. Le général Puthod, son troi-
sième fils, naquit en 1769 dans la
même ville, où il fit des études fort
incomplètes, puis s'engagea, comme
simple soldat, dans un régiment d'in-
fanterie où il ne resta que peu de
temps, ayant été racheté par sa fa-
mille. 11 devint sous-lieu tenant dans le
1" régiment d'infanterie en 1791, prit
part à la campagnede 1792, et coucou-
rut à la défense de Lille , qui fut alors
assiégée par les Autrichiens. Nommé
adjoint aux adjudants-généraux, il fit
en cette qualité les campagnes de la
Belgique, et fut ensuite employé à Di-
jon pour le recrutement des 300 mille
hommes. Adjudant-général en 1794, il
servit dans l'intérieur, puis en 1799,
k l'armée d'Italie où il se distingua
dans la division Montrichard, qui fut
très-maltraitée sur la Trébia. Le gé-
néral Puthod passa ensuite à l'aruiée
du Rhin, commanda avec distinction
une brigade sous Moreau , en 1801,
lit la campagne de 1806 contre l'Au-
triche, et commanda , en 1807, i'a-
PUT
vant-garde du corps d'armée qui
combattit près de Dieschau. 11 s'em-
para de cette ville, se distingua au
siège de Dantzig , et fut nommé gé-
néral de division le 16 novembre
1808. Employé en Espagne , il y sou-
tint sa réputation; revint en France,
et Tut pendant quelques années com-
mandant de Maestricht. Il fit la cam-
pagne de 1813 dans le 5« corps d'ar-
mée ; combattit, le 31 mai, la garde
royale prussienne qui couvrait Bres-
lau , et la força d'évacuer cette ville
qui se rendit le lendemain. Après
plusieurs combats livrés les 19, 21
et 23 août suivants dans les envi-
rons de Goldberg, le général Puthod
fut contraint par les mouvements de
l'armée de se retirer sur le Bober,
dans la nuit du 26 au 27, et il essaya
en vain de passer ce torrent, subite-
ment accru par la pluie. Il se défen-
dit encore pendant deux jours;
mais, hors d'état de résister, et
n'ayant plus que trois mille hom-
mes, il se rendit prisonnier le 29 à
Lawenberg. Rentré en France après
la chute de Napoléon , Puthod se
soumit un des premiers au gou-
vernement de la Restauration, qui
le nomma chevalier de Saint-Louis
et inspecteur - général d'infanterie
dans la 5e division, à Neuf-Brisach,
où il organisa le 104^ régiment de
ligne. Au retour de Bonaparte en
1815, il n'hésita point à se soumet-
tre, et fut employé à Lyon. Mis à
la demi-solde, lors du' licenciement
de l'armée, en 1815, il vécut long-
temps à Colmar où il s'était marié,
puis il alla habiter le département
de la Gironde où il avait des pro-
priétés, et mourut à Libourue en
1837. Voici comment le curé Char-
riez rendit compte de ses derniers
moments dans le journal de cette
ville, du 9 avril 18S7. Ces détails
PUT
sont d'autant plus curieux qu'ils oui
beaucoup de rapport avec les der-
niers moments du guerrier le plus
remarquable de notre siècle {voy.
Napoléon , LXV, 276) : « Un mois
avant sa mort, le général, sentant
s'aggraver son mal, me fit spontané-
ment appeler auprès de lui et me
demanda du premier abord l'assis-
tance de mon ministère , avec cette
foi, cette franchise et ce courage
qui lui étaient propres, et qui ne se
sont pas démentis un seul instant
pendant le cours de sa maladie. Je ne
le quittai point ce jour-là que je
n'e^jsse satisfait à son pieux désir.
Cependant son état s'étant un peu
amélioré, et lui faisant concevoir l'es-
pérance d'un entier rétablissement,
il me dit un jour (c'était pendant la
semaine sainte ) : « Quoique je sois
« mieux, ne croyez pas que je veuille
• renoncer à remplir un devoir au-
• quel tout chrétien est obligé en ce
« saint temps ; je veux aller à l'église
« afin de m'en acquitter publique-
• ment. Quand je vous ai fait appe-
• 1er, on a peut-être cru que c'était
• une faiblesse : on saura que cette
« détermination m'était commandée
« par mes convictions.» Je continuai
à le voir assidûment ; mais , ayant
suspendu mes visites pendant deux
ou trois jours , il me fit appeler de
nouveau ; c'était la veille de sa mort.
M'apercevant des progrès qu'avait
faits sa maladie . et connaissant par-
faitement la force et le courage de
son âme, je n'hésitai pas à l'éclairer
sur le danger de son état*, il réclama
les derniers sacrements. Après l'a-
voir disposé à les recevoir, je lui an-
nonçai que le lendemain matin , à
six heures, je lui apporterais le saint
viatique. « A six heures! me repar-
• tit-il vivement ; c'est trop tôt : on
• dirait que je me cache. Non ! je
PUT
175
« veux remplir ce devoir en plein
« jour ; il faut que tout le monde sa-
« che que je suis mort en chrétien. »
Après que je me fus retiré, il ordon-
na lui-même les préparatifs de la cé-
rémonie, et dit à un des amis dévoués
qui l'entouraient et qui me l'a rap-
porté : • M. le curé roulait m'appor-
■ ter les sacrements de grand matin ;
« j'ai voulu que ce fût plus tard; je
• ne veux pas plus transiger avec les
« sacrements qu'avec l'honneur. »
Cependant le mal faisant des progrès
plus rapides, il reçut ce jour-là même
le viatique et l'extrême-onction avec
les sentiments de la foi la plus vive.
Telle a été la fin du général Puthod.
Il était digne d'un petit-neveu dn
chevalier sans peur et sans repro-
che , de terminer une vie pleine d'ex-
ploits guerriers par une mort fran-
chement chrétienne. « — Son frère
aîné , qui avait servi dans la gendar-
merie de Lunéville , s'enrôla , en
t791, dans le 3* bataillon des volon-
taires de l'Ain, où il fut nommé ca-
pitaine et fit les campagnes de I79î
et 1793 , aux armées du Rhin et de la
Moselle, il fut tué d'un coup de ca-
non , à la tète de sa compagnie, sur
le champ de bataille de Kaisers-Lau-
tern, en déc. 1793. C'était un excel-
lent officier et qui eût sans doute
fourni une brillante carrière. M — Dj.
PUTIATIN ou PouTiATTN (Nico-
las), prince russe, naquit vers 1750.
Bien que sa famille possédât des pro-
priétés considérables dans la Russie
méridionale, il n'avait reçu qu'une
éducation très-imparfaite; mais il y
avait suppléé par ses dispositions
naturelles. En 1776 il visita l'Ita-
lie et la France, donnant surtout
son attention à l'architecture et à
l'arrangement des jardins. A Paris
il fréquenta la société des écrivains
célèbres, à qui il plut par l'origi-
17«
PUT
nalité de ses pensées, souvent para-
doxales et quelquefois bizarres. De
retour dans sa patrie , il s'attacha à
la cour de l'impératrice Catherine 11,
qui goûta également la conversa-
tion piquante de cet esprit fantasque,
et occupa le prince dans l'intendance
des bâtiments de la couronne. Après
la mort de Catherine, Putiatin se
rendit en Livonie , s'y maria , et alla
s'établir en Saxe , abandonnant pour
toujours la Russie. U eut de son ma-
riage une lille qui épousa dans la
suite un comte saxon. Cette union
ne fut pas heureuse ; la fille de Pu-
tiatin mourut dans la Heur de l'âge,
et son père ayant été charmé, dans un
voyage fait à Dessau, du nouveau ci-
metière au parc de Wcerlitz, y fit
transporter sa fille, et construire un
tombeau pour elle et pour toute sa
famille. Il avait l'ait graver le dessin
de cette sépulture, et il gratifiait vo-
lontiers ses amis etconnaissances d'un
exemplaire de la gravure. Quelque
temps après avoir perdu sa fille, ce
prince menacé de perdre aussi sa
femme, atteinte de phthisie, suivit le
conseil des médecins , qui espéraient
quelque soulagement pour la malade
de son séjour dans une étable de
campagne. Aceteffetil fit l'acquisition
d'une ferme au village de Zschack-
witz auprès de l'Elbe, vis-à-vis du
château de Pillnitz. Mais il ne fut pas
long-temps dans cette propriété ru-
rale sans la transformer en un séjour
de luxe. Des pignons, des clochetons
et une tour gothique s'élevèrent par
ses ordres sur la ferme ; l'étable à
vaches se transforma en salle à man-
der, et la basse cour en boulingrin
orné d'une fontaine. Des galeries
couvertes conduisirent à des cabinets
particuliers dont les murs furent
tapissés de gravures enlevées à des
ouvrages pittoresques. Bref, l'an-
ϻUT
cienne ferme devint une maison de
campagne d'un aspect fort original,
qu'on citait parmi les objets curieux
des environs de Dresde. 11 faut ajou-
ter que le propriétaire mit partout
des inscriptions d'un sens moral ,
de sa composition, et qu'il ouvrit un
registre dans lequel les visiteurs
durent consigner leurs noms et leurs
sentiments. Il y en eut assez pour
déterminer dans la suite le prince à
faire imprimer ce registre. 11 avait
sa maison d'hiver à Dresde, et se
distinguait de tout le monde par ses
singularités. On dit que pendant le
froid il portait un masque avec des
verres à la place des yeux , et dans le
mauvais temps il avait un parapluie
vitré. Ses voitures étaient des cages
à verre avec des sofas , et un appa-
reil chauffai t ses t raîneaux. Il co u v rait
le papier de ses idées non moins sin-
gulières que ses manières, et expri-
mées, dit-on, en un français étrange,
fréquemment interrompu par des
points d'exclamation. A la fin il y en
eut presque un ballot. Putiatin prit
alors un écrivain moraliste nommé
Tappe, pour en extraire ce qui lui
paraîtrait le plus intéressant. Cet
éditeur, agissant sobrement, en fit un
extrait qui parut en allemand, à
Dresde, en 1824, sous le titre ambi-
tieux de Paroles du livre des livres,
ou Pensées sur le monde et les hom-
mes. L'ouvrage n'eut pas de suc-
cès, et l'auteur s'en prit à l'éditeur
qu'il accusa d'avoir falsifié ses idées.
Putiatin mourut à Dresde le 13 jan-
vier 1830, et fut enterré dans sa
tombe chérie de Dessau, où on lit une
épitaphe de sa façon. 11 a laissé un
petit-fils, le baron d'Yxbull. D— g.
PlTïTLlTZ (Frédéric-Louis, ba-
ron de), militaire prussien, né en
1751 dans la province de la Marche,
entra en 1770 dans le régiment du
PUT
prince Ferdinand ; mais, ayant vaine-
mant attendu de l'avancement , il
quitta, après la campagne de 1778, le
service prussien , pour entrer dans
celui de Hollande ; puis, plus me'con-
tent encore de celui-ci , il profiu de
la formation d'un nouveau re'giment
prussien, eu 1780, pour rentrer au
service de sa patrie avec le grade de
capitaine. Il fit les campagnes de 1792,
1793 sur le Rhin, et y fut blessé griè-
vement à l'assaut du fort de Bitche. En
1797 il fut nommé major. Lors de la
guerre entre la France et la Prusse
enl806,Puttlitz fit partie des troupes
chargées de la défense des frontières
de la Silésie, et particulièrement du
comté de Glatz ; mais le camp prus-
sien ayant été surpris, il ne dut son
salut qu'au dévouement d'un sub-
alterne. Dans la seconde guerre, en
1808 et t809,ileut le commandement
du bataillon des tirailleurs silésiens,
et fut nomme plus tard général. En
1813 enfin, lorsque la Prusse fit les
plus grands efiForts pour repousser
le joug de Napoléon, le roi le mit à la
tête de la landwehr des Marches,
avec ordre de se porter sur le bas
Elbe, et de surveiller la forteresse de
Magdebourg où s'était enfermé le
général français Gérard. Puttlitz ten-
ta vainement de bloquer cette place.
Après les combats de Gubs et Kœnig-
sborn, il fut obligé de se retirer sur
Brandebourg. Ayant opéré sa jonction
avec le général de Hirschfeld, il at-
taqua les Français à Haveisberg, et
resta maître du champ de bataille;
mais dans ce combat meurtrier il
fit une chute de cheval et se cassa
la jambe. Dès le mois de sept, sui-
vant v, on le vit reparaître devant
Magdebourg dont la garnison avait
reçu des renforts, entre autres 2 ba-
taillons espagnols du régiment du roi
Joseph. Une partie de ces troupes
I.\XVITI.
PL Y
177
passa dans la nuit du côté des Prus-
siens. Puttlitz repoussa les attaques
du général Lemoine. En janvier 1814
il reçut ordre de céder le commande-
ment des troupes devant Magdebourg
au général de Jeannert, pour mettre
le blocus devant la place de Wesel
qui était défendue par le général fran-
çais Bourke. Ce blocus dura jusqu'à
la fin d'avril, lorsque les ordres en-
voyés de Paris par le nouveau gou-
vernement enjoignirent aux Français
d'évacuer cette place. En allant au
rendez -vous assigné par Bourke,
Puttlitz faillit être tué par les avant-
postes prussiens qui n'avaient pas été
prévenus. Après la guerre, il eut le
commandement de Glogau. En 1815
il obtint le grade de lieutenant-géné-
ral et fut mis à la retraite. Il s'y li-
vra à son goût pour l'étude, particu-
lièrement de la numismatique, dans
laquelle il était très-versé. Il mourut
le 16 mars 1828. D— g.
PUYCIBOT ou PUICIBOT (ACBEIT
DE). Voy. AUBKET, III, 3.
PITYLAUREKS (Guillaume de)
naquit au commencement du XIII*
siècle dans la ville dont il portait le
nom et dont sa famille probablement
possédait la seigneurie. Il entra dans
l'état ecclésiastique et devint chape-
lain de Raymond VII, comte de Tou-
louse , auquel il fut toujours très-at-
taché, et dont il partagea la mauvaise
comme la bonne fortune. Ce prince
l'envoya, en 1243, à Rome, en qua-
lité d'ambassadeur, afin d'y solliciter
les dispenses dont il avait besoin
pour épouser Marguerite de La
Marche. Après la mort du comte, Puy-
laurens passa dans la maison de la
comtesse Jeanne, sa fille, et lui sur-
vécut long-temps, car il ne cessa de
vivre qu'en 1295. Témoin et presque
acteur dans les guerres des Albigeois,
il en fut aussi rhistorien. Il compo-
1?
178
PUY
sa une chronique qui est vantée pour
sa sincérité et qui mérite une entière
confianee. Catel la fit imprimer dans
son Histoire des comtes de Toulouse.
Elle fait partie du tome cinquième
des Historiens de France , par Du-
chesne. M. Guizot l'a placée dnris sa
Collection des mémoires relatifs k
l'Histoire de France, édition de 1824.
Celte chronique est écrite assez pu-
rement en latin. C— L— B.
PUYMAIGRE (Jean -François-
Alexandre BouDET, comte de), pré-
fet et geuulhomme de la chambre
du roi sous la Restauration, naquit
à Metz le 5 oct. 1778. Issu d'une
ancienne famille du Berry, et des-
tiné à l'état militaire, il émigra en
1791 avec son père qui avait reçu le
commandement d'une brigade de ca-
valerie noble à l'armée de Condé, et
lui procura une sous lieutenance dans
le COI ps des clievalif rs de la couronne,
où il ht d'une manière distinguée
sept pénibles campagnes. Il eut un
cheval tué sous lui à l'affaire de Bi-
berach. Au licenciement de l'armée
de Condé , il rentra en France et ob-
tint une commission de contrôleur
principal des drôits-réuuis à Briey,
puis à Spire, et devint ensuite in-
specteur dans la même administration
à Hambourg. li prit part, en 1813, à
la défense de Cl tte ville , en qualité de
chef d'un bataillon de volontaires. Dé-
gagé de ses serments envers l'empe-
reur, il salua avec joie la Restaura-
tion, et fut nommé, en 1815, capitaine
des grenadiers royaux. Frappé d'un
bannissement à l'époque des Cenl-
Jours, il revint en France à la secon-
de rentrée de Louis XVIII, et fut placé
à Niort, puis à Metz, comme direc-
teur des droits-réunis. En 1820,
il obtint , par la médiation de M. de
Serre, garde des sceaux, avec qui
IHinissait une ancienne amitié , la
PUY
préfecture du Haut-Rhin. Ce dépar-
tement était alors agité par les in-
trigues des révolutionnaires, et l'un
de ceux sur lesquels les meneurs
de ce parti comptaient le plus. Dms
ces circonstances dilticiles, le comte
de Puymaigre fit également preuve
de fermeté et de modération. La con-
spiration de Béfort venait à peiné
d'être réprimée lorsque le lieute-
nant colonel Caron essaya d'entraî-
ner plusieurs sous-officiers à la ré-
volte. Puymaigre, que l'esprit de
parti a long-temps accusé d'avoir
coopéré aux provocations adressées
à cet oflicier, n'en fut réellement in-
formé que par les communications
verbales de l'autorité militaire à qui
avait été exclusivement dévolue la
direction de cette affaire. Voici en
quels termes s'exprime à cet égard
un historien qu'on ne saurait suspec-
ter de complaisance pour les hommes
de la Restauration : • Je crois pou-
voir établir comme un fait certain,
dit M. Lacretellc, que l'invention du
piège dressé à Roger et à Caron ap-
partient au ministère, et que les au-
torités militaires reçurent la triste
mission de l'exécution. » ( Histoire de
France depuis la Restauration, tome
III , p. 247. ) En 1824 , le comte de
Puymaigre passa à la préfecture de
l'Oise» et en 1827 à celle de Saône-
et-Loire. Ce futk Mâcon que le sur-
prirent les événements de juillet
1830. M"« la dauphine, dont l'estime
particulière et presque affectueuse le
soutenait depuis long-temps au mi-
lieu des plus dures épreuves, se
trouvait chez lui quand la catastro-
phe éclata. Il a raconté les détails de
ce triste épisode et de quelques
autres non moins importants de sa
vie politique dans des fraguieuts àe
mémoires que la mort l'a empêché
de terminer, et qui ont été insérés
PUY
dans la Gazette de Metz , dans la Re-
vue d'Âuêtrasie et dans VÈcho fran-
çais. Ces articles sont d'un grand in-
térêt historique. Après avoir accom-
pagné la princesse jusqu'aux derniè-
frs limites de son département , le
comte de Puymaigre revint à Màcon
où l'efFervescence était déjà très-
grande. Tel était cependant l'ascen-
dant qu'il exerçait sur If s masses par
la bienveillante politesse de ses ma-
nières , la chaleur de sa parole et la
loyauté de son caractère, que son
retour fut accueilli avec respect et
presque avec joie. Il ue quitta la ville
qu'après avoir réorganisé la garle
nationale et désigné le fonctionnaire
qui devait le remplacer par intérim.
La population lui donna encore dans
celte circonstance une preuve dVs-
time et d'affection bien frappante ; elle
ne plaça le «irapeau tricolore sur l'hô-
tel de la préfi'cture que lorsque la fa-
mille du préfet, demeurée qi»elques
jours après lui, l'eut quitté. Df puis la
révolution de juillet 1830, Puymai-
gre ne cessa d'habiter la campagne,
à Inglange près de Thionville, jus-
qu'à sa mort, arrivée le 19 mai 1813.
Durant cette retraite , il s'adonna
presque exclusivement à des travaux
littéraires et composa les mémoires
dont nous ayons parlé. B— ée,
PIIYMATRIX (Nicolas -Joseph
DE Marcasscs, baron de), d'une fa-
mille originaire de Moissac, qui était
allée se tixer à Toulouse, vers la 6n
du XVli* siècle, naquit dans celte
ville en 1718, quelques années avant
que son père reçût de Louis XV le
titre de baron, à cause, disent les
lettres-patentes, du grand service
qu'il a rendu à l État en établissant
dans l'année 1700 deux manufactu-
res royales de di aps, dont la supé-
riorité a détruit dans le Levant la
concurrence des draps anglais. A
PUY
179
peine âgé de vingt-deux ans, Puy-
maurin parcourut l'Italie et y déve-
loppa son goût pour Ifs arts. Pein-
tre et musicien, il fut un des pre-
miers associt'sde rAcailémie de pein-
ture, sculp ure et architecture de
Toulouse, et chargé avec Mundraa
d'en rédiger les statuts. Les arts
lui durent de puissants encourage-
ments. Passiouné pour la musique
italienne, il avait apporté de Rome
l'opéra de Pergolèse intitulé la Serva
padrona, et eu avait fait la traduc-
tion de concert avec 6aurans,« vou«
• lant, disait-il, porter un coup mur-
• tel à la muNique française. • II
fournit les moyens de se produire à
deiixanistes de talent. Gamelin, pein-
tre, et Raymond, architec'e, qui l'un
et l'autre devinrent dans la suite pen-
sionnaires de l'Académie de R'>me.
( Voy. Gameum,LX V.87, et Raymond,
dans ce vol.) Lorsque le célèbre Ola-
viJé vint chercher en France un refu-
ge contre les poursuites de l'inquisi-
tion espagnole, ce fut le baron de Puy-
maurin qui lui donna une hospitalité
aussi cordiale qu'efficace {voy. Ola-
viDE, XXXI, 550) Aprèsavoir rempli,
à la grande satisfaction de ses admi-
ni>trés, les fonctions de syndic-géué-
raldela province de Languedoc, il fut
nommé membre du comité de com-
merce de Paris. Rapporteur d'un pro-
jet tendant à monopoliser les postes,
les messageries, et à établir des
droits sur les marchandises, avec des
barrières pour les acquitter sur tous
les chemins du royaume, il se mon-
tra fort hostile à ces mesures, et ne
craignit pas de se mettre en opposi-
tion ouverte avec M. de Calonne, qui
les avait proposées. Le baron de Puy-
maurin mourut à Toulouse en 1791.
Il avait écrit pour rAcatiéiiiie des
sciences de Toulouse, dont il était
membre, un grand nombre de rap-
12.
180
T^UY
ports et (luelques éloges^ parmi les-
quels nous citerons celui du prési-
dent Riquet. A— Y.
PUYMAURIN (Jean-PierRE-Ca-
siMin DE M AKCASsus, baron de), fils du
précédent, naquit àToulouse le 5 (iéc.
1757, et reçut son éducation au collè-
ge de cette ville. Il dirigea de bonne
heure ses études vers la chimie dans
son application aux arts, et introdui-
sit ea France, en 1 787 J'art de graver
sur verre par l'acide fluoriqne. Pen-
dant toute la période révolutionnaire,
il vécut retiré dans une de ses pro-
priétés où il s'occupait de travaux
d'économie rurale, évita ainsi de
preu'ire part aux troidiles, et échappa
aux proscriptions qui en étaient le
résultat. Il ne parut sur la scène po-
litique qu'après l'établissement du
gouvernement consulaire, el fut alors
nommé membre du conseil-général
de la Ilauie-Garonne, puis, en 1805,
candidat au Corps-Législatif, où il fut
l'année suivante appelé par le sénat,
puis rééiu en 1811. Peu de temps
après, il fixa de nouveau l'attention
du monde savant par une découverte
importante. Ayant perfectionné l'art
d'extraire l'indigo de l'isatis-pastel,
il indiqua les moyens de faire cette
opération en grand avec avantage, et
d'en obtenir une substance colorante
susceptible de produire, pour les
matières végétales et animales, une
couleur aussi solide qne celle qu'on
tire de l'indigo du Bengale et de
Guatimala. Pendant la session de
1814, il prit une part active aux dis-
cussions qui s'agitèrent, au sein du
corps législatif, sur l'importation des
l'ers étrangers, les douanes et l'ex-
portation (les grains. Royaliste de
cœur, le baron de Puymauriu avait
manifesté hautement la joie que lui
causa le retour des Bourbons; aussi
lut-il obligé de se tenir à l'écart
PUV
pendant les Cent -Jours, pour évi-
ter le courroux de Napoléon, qui
l'avait mis en surveillance dès le
commencement de 1814. Après la
seconde Restauration, il fut nommé
membre de la chambre des députés
par le département de la Hante-Ga-
ronne, puis directeur de la monnaie
des médailles, place dont il se dé-
mit vers 1825, en faveur de son fils
qui lui était adjoint depuis long-
temps. Pendant sa longue carrière
parlementaire, il avait eu souvent
occasion de prendre la parole et de
faire apprécier tout ce qu'il y avait
d'élévation dans ses sentiments et
de justesse dans son esprit. Son af-
fabiliié lui avait même concilié l'a-
mitié de plusieurs membres de l'op-
position. Lorsque la chambre des dé-
putés s'occupa, au mqis de janvier
1816, d'un monument à élever à lit
mémoire de Louis XVI, ce fut lui qui
proposa et fit adopter l'inscription
suivante :
Ludovîco decimo sexto
A scelestis impie obtruncato
Gallia liberata, rediviva
^ Mœrens
Hoc luciûs inonumentum
consecrat
En 1820, lors de la discussion de Itf
loi sur les complots contre l'Ktat, il
appuya la rédaction ministérielle, et
s'exprima d'une manière qui impres-
sionna vivement l'assemblée. « .Te
«demande, ditil, le maintien de
« l'article premier, tel que le minis-
« tère l'a présenté; je le considère
« comme essentiel à la considér.itioii
« de la dynastie. Les complots contre
« l'État dans une monarchie entraî-
• uent néces'^airement la chute du
n monarque; on ne peut donc les-
« séparer de ceux contre la personne
« du roi et de» augustes membres dç-
pr\
pm
Ï81
• sa famille. Les compluts dn 10 août
• entraînèrent la chnte de Louis XVI
« et l'affreuse catastrophe qui ter-
« mina ses jours. Si cet iufortuné
« mouarque avait pu user d'une loi
« préventive, cette conspiration au-
« rait été arrêtée à son origine, et
« l'impie assassinat de Louis XVI
« n'aurait pas souillé nos annales.
« Nous sommps actuellement dans la
■ même position où était le gouver-
• nement royal en 1792. C'est contre
- lui qu'a été dirigé l'horrible atten-
« tat (l'assassinat du duc de Berry)
• qui nous coûte tant de larmes. Je
• craindrais d'être complice de nou-
« veaux Louvel si je votais l'article
« tel qu'il a été mutilé par la com-
• mission. » Fidèle à ses principes
politiques et religieux, ce député
voulait qu'on rendît aux émigrés
leurs biens en nature, quoiqu'il fût
lui-même détenteur de quelques-uns
de ces biens ( i ), et il vota la loi du sa-
tnlége. Apres de tels antécédents,
le baron de Puymaurin ne pouvait
être bien venu des nouveaux gouver-
nants en «830 II se relira dans sa ville
natale, où il mourut le 14 février 184 1 .
Il était commandeur de Tordre de la
Légion-d'Honneuret membre de plu-
sieurs sociétés savantes, entre autres
de l'Académie de Stockholm etdf l'A-
cadémie des sciences de Toulouse. On
(i) Dans la discussion sur les bieos qu'il
s'agissait de rendre aux émigrés, enntivé
d'entendre argumenter sDr la diflérence des
mots rendre et reiUtuer, il s'écria viTement,
arec son accent méridional : « Je ne sais
«« qn'ane chose, c'est que, qoard on a Tolé,
«« il faut REHDRs! » Une autre fois, comme
il était em ore a la tribiiae, La qualificatiou
de frères j^oromùij.qa'il donnait aux frères
delà doctrine chrétienne, ayant excité les m-
mears du côté gauche, il «'écria avec rébé-
mence : <« Eh bien, oui, parce qu'ils ignorent
., tout ce que >ous ..jvcz tro;» et si mal, vos
- fautes, vos erreurs, vo» détectables pen-
,. sée», »o» projets peut-être 1. »
a de lui : î. Mémoires sur différente
sujets, relatifs aux sciences et aux
arts, 1811, in-S". If. Opiniotisur le
budget des dépenses du ministère de
la marine, Paris, 1819, in-8°. 111.
Notice historique sur la piraterie,
extraite de plusieurs auteurs, Paris.
1819, 18-25, iu-8». IV. Mémoires sur
les procédés les plus convenables
pour remplacer le cuivre par le bron-
ze davs la fabrication des médailles:
précédés des rapports faits à l'Aca-
démie des sciences et à celle des in-
scriptions et belles-lettres , Paris ,
1823, in-S". V. Notes à l'appui de la
pétition des propriétaires de vigno-
bles de la Gironde, Paris, 1828. in-8o.
On trouve, dans la collection de l'A-
cadémie de Toulouse, quelques mé-
moires dus à la plume de Puymau-
rin : 1» Sur les moyens de rendre tes
ciments indestructiùles. 2" Sur un
nouveaurouleau à battre les grains.
3» Sur les causes de (a conservation
des corps dans le ca ceau des -Cor de-
liers de Toulouse. Enlin il a Iraduit
de l'anglais de Bo\s den : De la pour-
riture sèche (dryrul) qui détruit les
bois employés pour ta comiruction
des vaisseaux, tnotUins, etc.. Pans,
1819, in-S». — PuYMAlBiN (Aimé de
Marcassus de), tils du précédent, lui
succéda dans la place de directeur de
la monnaie des médailles, fonctions
qu'il exerça jusqu'à la révolution de
1830. Retiré à Toulouse , il est mort
en cette ville, depuis quelques an-
nées, dans un âge peu avancé : il était
chevalier de la U'gion-d'Honnenr. On
a de lui les deux opuscules suivants :
1* Mémoiresur les applications dans
l'éconofHie doinesiique de la gélatine
extraite des os au moyen de la va-
peur, laà la Société d'encouragement,
Paris, 1829, in-8» avec 3 pi.; 2** Mé-
moire sur iapplicaUon de ce procédé
à la noitrrtture des vutriers de lu
182
PUY
monnaie, imprimé à la suite des Re-
cherches sur les substances nutri-
tives que renferment le» os, etc., par
M. d'Arcet, Paris, 1829, in-S» avec 5
planches. A— Y,
PrYS (Benoît), docteur en the'o-
logie, chanoine et secrétaire de l'é-
glise de Sainl-Nizier de Lyon, passa
dans sa jeunesse quatre ou cinq mois
chez les Chartreux, et en sortit pour
cause de santé. Il se mêla vivement
à une discussion sur l'assistance à la
messe de paroisse et les privilèges
des ordres religieux en ce qui con-
cernait ce point de discipline ecclé-
siastique. Il publia donc le Théo-
phile paroissial de la messe de pa-
roisse, pan.. B. p. B. B. c. p. {lerév.
P. Basséan ou de la Bdssée, capucin
prédicateur); traduction du latin de
l'auteur, Lyon, 1649, in-8°. Le P.Albi,
jésuite, combattit le chanoine dans
un livre intitulé : V Anti-Théophile
paroissial, Lyon, 1649, in 12 de
94 pages. Benoît Puys publia alors
sa JResponse chrétienne à l' Anti-
Théophile, Lyon, 1649, in-8°, dé-
diée au clergé de France. Le P. Al-
bi revint à la charge et lit paraître
son Apologie pour l' Anti-Théophile
paroissial contre la réplique inju-
rieuse et les plaintes injustes de
M. Benoît Puys, Lyon, 1649, iu-12.
Cet ouvrage parut sous le pseudo-
nyme de Paul de Cabriac, prêtre
séculier. On a encore de Benoit Puys
la Science du salut, etc., Lyon, 1C34,
pet. in-8", dédiée au cardinal Alphon-
se-Louis du Plessis de Richelieu, ar-
chevêque (le Lyon. C — l— T.
l'lJY?>ɻiUll(AittAND Marie-Jac-
ques DE Chastenet , marquis île).,
d'uite (les plus anciennes maisons de
la Guyenne, était pelir-lils du uwré-
chal (le ce nom (voy. XXXVl, 333). 11
naquit eu 1752, et entr(i,en 1768, dans
l'artillerie où l'avancement par rang
PUY
d'ancienneté n'avait lieu qu'avec une
extrême lenteur. L'intérêt que pre-
n-iieiit à sa famille le maréchal et le
comte de Br^iglie le fit sortir de
bonne heure de la lisçne ordinaire.
Pour ne pas violer l'ordre établi dans
son arme, on lui donna le brevet de
colonel, sans fonctions ni insignes
extérieurs. 11 avait alors vingt-sept
ans ; on était convenu qu'il passerait
un certain nombre d'années à com-
pléter son instruction dans tous les
emplois et grades militaires. Il prit
part , en 1783 , à la campagne d'Es-
pagne, et remplit l'office de major de
tranchée au siège de Gibraltar. Léga-
lement placé, en 1786, à la tête du
régiment de Strasbourg, il se trouva
être le plus ancien des colonels de ce
corps si bien famé, devint maréchal-
de-camp, commandant de l'école
d'artillerie de La Fère, et quitta le
service volontairement en 1792. H
avait cependant été séduit par les
idées de réforme qui avaient conduit
à la révolution de 1789 ; mais, hom-
me de mœurs les plus douces et mo-
déré par caractère, il fut bientôt ré-
volté de la direction politique pleine
de passions de nos assemblées légis-
latives , et se retira dans sa terre de
Buzancy, près Soissons, où il se li-
vra plus que jamais à des travaux de
cabinet. S'il sortait de chez lui , c'é-
tait pour arracher des victimes aux
bourreaux; il fallait pour cela qu'il
fréquentât quelquefois les hommes
de cette époque, que sa belleâme,que
sa sensibilité profonde repoussaient
iniérieuremeni, et c'est là surtout ce
qui a fait supposer une certaine com-
munauté (te penst'es entre eux el lui.
Il fut bienlôl accuséde correspondre
avec deux fi ères émigrés dont il était
l'aidé, et eu conséquence retenu en
prison peudaut deux ans à Soissuns,
avec sa femme et ses enfants. PI as
PDY
tard, il mit un entier dévouement
à être utile aux membres de sa fa-
mille qui revenaient successivement
des "pays étrangers. Après avoir ra-
cheté une partie notable du patrimoi-
ne de ses pères, il le partagea avec ses
parents, coimiie si ce patrimoine n'a-
vait pas été frappé de la confiscation
révoiutifinnaire. Il donna aussi asile
à plusieurs de ceux qui étaient eu
butte , dans l'intérieur de la France,
à des persécutions politiques, en-
tre autres à Fiévée, qui romposacbez
cet hôie si bon, si noble, et de la
plus aimable société, le joli roman
de la Dot de Suzette. Nommé maire
de S.issons, après le 18 brumaire,
Puységur se déuiit de cette place en
1805. Depuis, il ne cessa de se li-
vrer à l'étude du magnétisme, scien-
ce qui éprouve aujourd'hui tant
d'oppositiou de la part des savants,
et qui , à travers le dédain des uns,
les satires des autres, n'est pas en-
core jugée en dernier ressort. Émule
plutôt que disciple de Mesmer et pre-
mier observateur du somnambulisme
magnétique , Puységur avait , dès
1784, publié un ouvrage historique
sur cette science. Il y donna une
suite, fruit de recherches nouvel-
les faites depuis 1805. Avant d'en
venir à la nomenclature de ses ou-
vrages, il est bon de dire qu'é-
poux de M"« de Saint-James, fille
du trésorier-général de la marine, et
ayant reçu de son beau-père la dot
promise qui était de 1,200,000 fr.,il
se hâta de la rapporter à la masse
aussitôt que l'énorme banqueroute
de ce financier eut éclaté. On a de
lui : 1. Bfémoires pour servir à l'his-
toire et à fétabliisement du magné-
tisme animal, 1784. Il y en a eu en-
core deux éditions. II. Suite auxdits
mémoires, 1805, in-8°. III. Dufna-
gnetisme animal , considère dans $es
PUY
m
rapports avec diverses branches de
la physique, 1807-1809, in-8°. IV.
Recherches , expériences et observa-
tions physiologiqws sur l'homme y
dans l'état du somnambulisme natu-
rel et dans le somnambulisme proco-
qué par l'acte magnétique, 1811,
in-8''. V. Les vérités cheminent; tôt
ou tard elles arrivent, 1814 , in-8**.
Le marquis de Puységur est aussi
auteur de diff '•rentes productions
dramatiques. Il avait composé et fait
représenter, pendant le plus fort do
régime révolutionnaire , une pièce
intitulée V Intérieur d^un ménage ré-
publicain qui fut imprimée sous le
nom du citoyen Chastenet. Cette pe>
tite comédie, écrite avec esprit, ne fut
considérée que comme un acte de
faiblesse, et nuisit à la réputation de
l'auteur. Il voulut plus tard ridiculiser
les nouveaux riches, mais les comé-
diens eurent peur de se les rendre
défavorables ; la pièce fut refusée. Plas
heureux en 1799, il donna à l'Odéon
le Juge bienfaisant^ où il mit en scène
une anecdote tirée de la vie du res-
pectable lieutenaiit-civil Angran d"Al-
leray qui, obligé d'envoyer en prison
un homme honnête et insolvable, al-
la, sous un charitable déguisement,
payer lui-même la dette de ce mal-
heureux Le marquis He Puységur ne
reçut, au retour des Buiirb >ns et
pendant toute la Restauration, au-
cune de ces distinctions qu'il lui était
permis d'espérer. Seulement , de ma-
réchal-de-camp il fut fait tout natu-
rellement lieutenant-général par an-
cienneté. A l'époque du sacre de
Charles X, il eut l'idée de s'établir,
pendant toute la durée du séjour de
ce monarque a Reims, sur une pro-
menade publique de la ville , et de
coucher sous la même tente qui avait
servi à son père, lors de la bataille
de Fontenov, ce qui était annonce
184
PlJY
PUY
'par une inscription, invitant le pu-
blic à venir la visiter. Cette honora-
ble fantaisie contribua beaucoup ,
en raison de l'extrême humidité du
lieu, à l'alte'ration de sa santé, et le
conduisit au tombeau , dans sa terre
de Buzancy, le 1" août 1825. Il lais-
sait une famille digne de lui en tout
point. Un de ses frères puînés, connu
sous le nom de comte de Chastenet ,
etdonti'articlese trouve tom. XXXVI,
p. 335, était mort en 1809. Un autre
survit, et un fils du marquis soutient
avec honneur le nom de Chastenet-
Puységur. L — P — E.
PUYV ALLÉE (Philippe-Jacques
DE Bengï de), né à Bourges, le l®*"
mai 1743, appartenait à une famille
qui, depuis plusieurs siècles, se dis-
tinguait dans la magistrature et dans
les armes {voy. Bengi, IV, 161). 11
entra lui-même comme sous-lieute-
nant dans le régiment de la Vieille-
Marine, en 1763, année oh le traité
de Paris mit fin à la guerre de Sept-
Ans. Cependant son régiment fit par-
tie de l'expédition envoyée pour sou-
mettre l'île de Corse que la républi-
que de Gênes avait cédée à la France
(1768) ; mais cette campagne fut très-
courte, et ne fournit d'ailleurs à Puy-
vallée aucune occasion de se signa-
ler. II quitta le service en 1775 et se
maria. Dès lors il consacra ses loisirs
à l'étude, et se livra en même temps
a l'exploitation de ses propriétés ru-
rales, où il essaya d'améliorer diffé-
rents procédés agricoles. En 1778 il
fut nommé l'un des administrateurs
de l'Hôtel-Dieu de Bourges, et en
1789 la noblesse du Berry l'élut dé-
puté aux États-Généraux. Fortement
attaché aux principes religieux et
monarchiques, il siégea au cuté droit,
dans l'Assemblée constituante; opina
en faveur du veto absolu, demanda
que le droit de pfliix et de guerre fût
dévolu au roi, que les apanages des
enfants de France fussent considérés
comme domaines privés; enfin, par
respect pour l'ancien ordre de choses,
combattit la division territoriale de
la France en départements. Après la
session, il rejoignit, dans l'étranger,
les princes français dont il fut parfai-
tementaccueilli*, mais son âge avancé
et le peu d'union qu'il remarqua entre
les puissances coalisées le détermi-
nèrent à revenir en France dès 1792.
Son nom n'en figura pas moins sur
la liste des émigrés; ses biens furent
séquestrés et eu partie vendus. Lui-
même n'échappa à la mort qu'en se
cachant pendant plusieurs années, et
^ous divers déguisements, chez des
personnes assez généreuses pour lui
donner asile au péril de leur vie. H
était parvenu, sous le Directoire, à
se faire rayer de la fatale liste, lui et
son fils aîné; mais, par les manœu-
vres d'ennemis acharnés, ils y furent
replacés et reçurent bientôt l'ordre
de sortir de France dans dix jours,
sous peine d'être fusillés. Puyvallée
résidait alors à Paris. 11 demande un
passeport à sa municipalité , puis au
ministère de la police, et ne peut l'ob-
tenir; cependant le temps presse, et
un refus si obstiné semble attester
que sa perte est jurée. Dans cette
perplexité, il se met, comme habi-
tant de Paris, sous la protection des
députés de la capitale, auxquels il a
le bonheur d'inspirer de l'intérêt.
Guyot des Herbiers {voy. ce nom,
LX VI, 326), l'un d'eux, qui était l'ami
de Merlin de Douai, alors membre du
Directoire, fait en faveur de Puy-
vallée plusieurs démarches d'abord
infructueuses; mais il déclare avec
indignation que, si l'on ose atten-
ter à la vie du proscrit , il dénon-
cera au Corps-Législatif une atrocité
aussi révoltante; et le passeport est
PYC
aocordé. Sous le consulat, Puy val-
lée, ainsi que la plupart des émi-
grés, put revoir sa patrie ; mais, fidèle
à ses opinions, il ne sollicita aucun
emploi auprès du nouveau gouverne-
ment: le seul qu'il accepta fut celui
de membre de la commission admi-
nistrative des hospices de Bourges,
dont il continua d'exercer les fonc-
tions sous la Restauration. En t8l4,
Louis XVlll lui donna la croix de
Saint-Louis, avec le grade de capi-
taine, et le nomma, en 1820, prési-
dent du colége électoral du Cher, où
son lils aîné fut élu député (1). Ap-
pelé au conseil -général du même dé-
partement, il le présida pendant les
cinq dernières années de sa vie; et la
société d'agriculture établie à Bour-
ges le choisit pour son président.
Il mourut dans celte ville ie 3 oct.
1823, âgé de 80 ans. On a de lui :
I. Réflexions politiques sur le cadas-
tre, considéré sous ses véritables rap-
ports avec la propriété territoriale,
Paris, 1818, )n-8''. IL Essai sur l'é-
tat de la société religieuse en Fran-
ce^ et sur ses rapports avec la société
politique, depuis l'établissement de la
monarchie jusqu'à nos jours, Paris,
1820, in-8°. 111. Plusieurs mémoires,
dont un, fort important, sur la carie
des 6/és, insérés dans les Bulletins de
la société d'agriculture du Cher.
M. Girard de Viliesaison a lu, dans
la séance de cette société, du 22 nov.
1823 , une Notice historique sur
Bengy de Puyvallée, qui a été impri-
mée, in 8° avec portrait. On en trouve
un extrait dans le Moniteur du 21
avril 1824. P— BT.
PYCKE (Léonabd), né en 1781 à
Meulebeke, village de la chàtellenie
de Courlrai, en Flandre, fit ses pre-
(l) M, Quéraid [France littéraire , t. l*"",
[j. X73) a confondu le père avec le fils.
PYC
ISo
mières études au collège de Mo!, dans
la Campine, et acheva à Bruxelles
sou cours de droit qu'il avait com-
mencé à Paris. En 1808, il s'établit
à Courtrai comme avocat, et ne tarda
pas à s'y faire une nombreuse clien-
tèle. Il fut aussi mêlé aux aiTaires
publiques, et après la création du
royaume des Pays-Bas il devint mem-
bre des États Généraux. Pycke. qui
portait en lui le véritable type du
caractère flamand, y montra une fr.in-
chise et une fermeté qui furent pour
lui une source de disgrâces et de per-
sécutions subies avec calme et di-
gnité. Sa nomination de maire de
Courtrai, nom qu'on échangea bien-
tôt en celui de bourgmestre, remonte
au 25 juillet 1817, et fut comme le
signal d'ime suite de tracasseries.
Une dénonciation anonyme, contre
une partie de la régence, fut faite au
gouvernement, et l'on envoya Pycke
devant la cour d'assises de Bruges,
comme prévenu d'un délit prévu par
l'article 175 du code pénal. L'arrêt
de renvoi portait qu'il y avait des
charges suffisantes pour établir que
Léonard Pycke avait fourni des bri*
ques pour la reconstruction de la
halle et la construciion de deux au-
bettes dans la ville de Courtrai, et
ce dans le temps où il était bourg-
mestre de la vi I le et, comme tel, char-
gé d'en ordonnancer le payement ou
de faire la liquidation. Emprisonné
au mois de juin 1822, il choisit pour
défenseurs deux avocats avec lesquels
il était lié depuis long -temps. On
employa d'abord les moyens de cas-
sation contre l'arrêt rendu par la
chambre de mise en accusation, et,
de concert avec deux coopérât eurs,
Pycke publia ses moyens dans une
brochure de 27 pages in-4\ Ce mé-
moire, remarquable par sa lucidité
et sa logique serrée, démontre lin-
186
PYC
PYO
nocence du prévenu. Les moyens de
cassation furent cependant rejetés,
et l'inculpe' parut devant la cour de
Bruges, pre'side'e par M. Van der
Velde,au mois de de'c. 1822. L'acquit-
tement suivit la défense, et Pycke fut
mis en liberté. Cette persécution l'a-
vait vivement affecté, et privé de son
énerj^ie naturelle; mais elle ne lui
avait laissé aucun fiel contre le gou-
vernement légitime. Dès qu'il vit, en
1830, éclater la tempêie, fruit de l'o-
ragequi venait de ravager la France, il
se rendit à La Haye, et quand la révo-
lution fut consommée, il revint dans
ses foyers, et renonça à la carrière
politique. L'étude du droit absorbait
tous les instants que lui laissaient
les affiiires publiques, et sans doute
ses écrits auraient été plus nombreux
si l'accomplissemtnt de ses devoirs
aux Éi;)ts-Généraux lui avait donné
plus de loisir. En 1829, il fut ad-
mis à l'Académie royale de Bruxel-
les, et les travaux qu'il fournit à
cette société lui ont acquis une
place dans l'histoire. I. Mémoire sur
l'état de la législation et des tri-
bunauor, ou Cour» de justice dans
les Pays-Bas autrichiens, avant
l'invasion des armées françaises^ et
sur les changements que la révolu-
tion française et la réunion de ces
provinces à la France, pendant près
de vingt ans^ ont opérés dans la lé-
gislation et l'administration de la
justice civile et criminelle. Ce mé-
moire fut couronné en 1822, à l'épo-
que même où une haine ministérielle
lui suscita le procès dont nous avons
parlé et dont retentit toute la Belgi-
que. 11. Mémoire en réponse à cette
question: En quel temps les corpo-
rations connues sous le nom de Mé-
tiers (neeringen en ambachten) se
sont-elles établies dans les provinces
desPays-B(U!?Quels étaient les droits,
privilèges et attributions de ces cor-
porations ? Par quels moyens pou-
vait-on y être reçu et en devenir mem-
bre effectif? En 1 827, ce mémoire fut,
ainsi que le précédent, récompensé
par la médaille d'or. Ces deux écrits
se trouvent dans les recueils de l'A-
cadémie royale de Bruxelles, qui
avait proposé pour le concours de
1833 une question sur les attri-
butions politiques dont jouissaient
les anciens États de ces provinces,
sous le triple rapport de la souve-
raineté, de la législature et de l'ad-
ministration publique et provinciale.
Celte question, quoique ayant un
véritable intérêt local, dut être re-
tirée, et Pycke, qui avait proposé
de la retirer, qui d'ailleurs, en qua-
lité de membre de l'Académie et de
juge du concours, ne pouvait y par-
ticiper, prit l'engagement de la trai-
ter drtus un travail spécial. Deux
ans après, cette composition était dé-
jà très-avancée ; Pycke exposa à ses
collègues leplan qu'il comptait suivre
dans l'exécution, mais l'affaiblisse-
ment de sa santé et la perte progres-
sive de ses facultés intellectuelles ne
lui permirent pas de l'achever. Il
mourut à Courirai le 8 fév. 1842.
M. A. Quételel et M. l'abbé Van der
Fuite lui ont consacré des notices,
l'un dans l'annu lirede l'Académie de
Bruxelles, l'autre dans les Annales
de la Société d'émulation de la Flan-
dre occidentale. B — d — E.
PYOT (Iean-Jacq«es-Richard),
médecin français, naquit le 6 nov.
1792 à Isonies-sous-Mont Sougeon,
département de la HantelVlarne, d'une
famille originaire de Clairvaux. Dès
sa plus tendre enfance, il témoigna
le désir de suivre la carrière médi-
cale. Quoique sans fortune, son père
fit tous les sacrifices pour lui don-
ner une bonne éducation; mais, dé-
nuë d'argent et de protections, Pyot
eut bpsoin de persévérance et fie tra-
vail pour surmon'er les obstacles qui
s'accumulaient sous ses pas. Il em-
pruntait les livres inilispeusables, et
les copiait en dérobant la nuit au som
meil. Il n'avait point lerniiné sesétu-
des lorsque, bien jeune encore, il fut
appelé au service de l'armée comme
chirurgien sous-aide ; ce fut en cette
qualité qu'il partagea les fatigues et
les misères de la malheureuse campa-
gne de Russie. A son retour en Fran-
ce, il reprit ses études, se fit recevoir
docteur à la faculté de Strasbourg, le
4 avril 1818, et exerça ensuite son
art avec beaucoup de succès à Lons-
le-Sauluier et àClairvaux. En 1822,
il adressa à la Soci«'té d'émulation
du département du Jura im méuioire
ayant p'-ur titre : Coup d'œil philo-
sophique sur ^influence des passions,
et particulièremint de l'amour sur
la santé; et l'année suivante il sou-
mit à la m^ine Société une Sotict sur
le cornouiller sanguin^ à laquelle il
lit succéder une Obsertation médi-
cale d'un empoisonnement causé par
l'usage de cette stmence dangereuse.
Admis en 1824 dans cette société, il
en devint l'un des membres les plus
actifs. Médecin des douanes et des
épidémies, chargé par le comité su-
périeur de rinspeciion des écoles pri-
maires du canton, il consacrait tous
ses moments à des travaux utilt-savec
un rare désintéressement. Sujet de-
puis long-temps à une névralgie
chronique, qui devait lui devenir fu-
neste d'iiprès ses prévisions médi-
cales, il nVn continua pas moins de
remplir les nombreux devoirs qu'il
s'était imposés. Eutin en 1841 il dut
suspendre ses travaux, mais ce fut
trop tard, il était mortellement frap-
pé. Peu d instants avant sa mort, il
indiqua Je moment précis où il de«
PYO
18T
vait rendre le dernier soupir, et en
se rejetant en arrière il dit : « Ah !
• voilà le dernier. » 11 expira pres-
que aussitôt. Outre les ouvrages dé-
jà cités, adressés tous à la Société
d'émulation du Jura, on doit au doc-
teur Pyot : I. Mémoire sur la suette
miliaire, 1830. 11. Recherches phi-
losophiques et critiques sur l'état ac-
tuel de la vaccine, 1831. 111. Re-
cherches historiques et médicales sur
le choléra, 1831, IV. Histoire du
cholera-morbus , ou Tableau synop-
tique du choléra oriental et du cho-
léra indigène en Europe, 1831. V.
Considérations historiques et philo-
sophiques sur l'art de guérir, 1832.
VI. Recherchrs historiques sur la
ville et la baronie de Clairtaux.
VII Tables jurassiennes ^ compre-
nant dans la première partie l'his-
toire abrégée du comté de Bourgo-
gne, et dans la seconde la descrip-
tion topographique des trente-deux
cantons qui composent le départe-
ment du Jura Ayant appris qu'on lui
reprochait de n'avoir pas compris
l'ancienne province qui compose le
ressort de l'Académie de Besançon
dans un seul et même ouvrage . il pu-
blia :VIII. La Franche-Comté ou
Comté de Bourgogne, ses souverains,
ses hommes illustres et sa géogra-
phie. On a blâmé l'auteur d'avoir
omis plusieurs anciennes illustra-
tions jurassiennes, et d'avoir été
un peu tri'p favorable aux illustra-
tions contemporaines. IX. Statisti-
que du département du Jura. Dans les
huit divisions dont se compose cette
statistique,' 'nvragecapilaldii docteur
Pyot, imprimé aux frais de la Société
d'émulation qui lui décerna à ce su-
jet une médaille d'or, il parcourt
l'aspect général du pays , son origine
et ses subdivisions, sa population,
son agriculture, son industrie et son
188
l'YP
' PYP
coinuieice, les différentes branches
d'administration , l'état politique , et
donne enfin les renseignements re-
latifs à chaque commune. X. Statisti-
que des incendies et les moyens de s'en
préserver et de les rendre moins fré-
quents; mémoire auquel la Société
d'émulation accorda une médaille
d'argent. M. Houry a lu, en 1843, à la
Société d'émulation du Jura, une no-
tice biographique sur le docteur Pyot,
imprimée dans les comptes rendus des
travaux de la Société, et qui nous a
servi à rédiger cet article. D— z— s.
PYPERS (Pierre), poète et auteur
dramatique hollandais, naquit le 14
décembre 1749, à Amersfoort, dans la
province d'Utrecht. Ses parents le
destinaient à l'état ecclésiasiique et
lui tirent donner une éducation ana-
logue. Cependant le jeune Pypers ne
se semait aucune vocation pour cette
carrière, et, ne pouvant obtenir de sa
famille d'en choisir une autre plus
conforme à ses goûts, il quitta brus-
quement sa ville natale, où il avait
déjà étudié pendant quelque temps
la théologie , et alla à Amsterdam
pour entrer dans une maison de com-
merce. Dans ses moments de loisir il
publia quelques poésies, et fit rece-
voir au théâtre de celte capitale plu-
sieurs pièces qui n'étaient guère que
des traductions ou des imitations du
français. Le succès qu'elles obtin-
rent lui valut une espèce de popu-
larité, et flatta ses concitoyens qui ,
aussitôt après les événements de
1795, l'admirent dans leur munici-
palité. Pypers fut ensuite nommé
membre des États Provinciaux d'U-
trecht, puis député aux États-Géné-
raux, qu'il présida momentanément.
Il n'était cependant ni orateur, ni
homme d'État, mais il était animé au
plus haut degré de l'amour du bien
public. Plein de désintéressement et
sans ambition, il se contenta dans
la suite d'un emploi de contrôleur
des douanes à Amsterdam. Il était
aussi membre de la municipalité de
cette ville. En 1805, il se démit de
ses fonctions pour cause de santé et
se retira dans une maison de campa-
gne qu'il possédait aux environs de
sa vilic natale:, mais il ne jouit pas
long-temps de sa retraite, car il mou-
rut le 20 juin de la même année. Outre
quelques drames et opéras, on a de
lui : l.six tragédies : Lausus et Lydie,
la Veuve du Malabar; Etienne, pre-
mier martyr; Adélaïde de Hongrie;
Nephté, reine d'Egypte; Jphigénie en
Aulide. II. Les Amis de collège, con\t-
die. III. Poésies champêtres, 1803,
2 vol. in-8'. M— ON.
OUA
OUA
m
Q
QUARKSIMA (Valems), prêtre
sicilien, se fit remarquer par ses con-
naissances litte'raires autant que par
son e'rudition dans les sciences sa-
crées et profanes. On a de lui : I. Con-
vivium quadragesimale , Naples,
15T2,in-8^ II. Discorsi de' tignificati
délie testi, atti, gesti ed altre ceri-
nioniede//amcwa,Naples,1572,in-8°;
ibid., 1576, in -12; Mantoue, 1578,
in-12. — QuAr.ESiMA, en latin Qla-
BESMiNL'S [François), né à Lodi, dans
le Milanais, entra dans l'ordre des
cordeliers, où il fut lecteur de théo-
logie. Employé ensuite dans les mis-
sions du Levant, il devint gardien du
couvent du Sainl-Sépulcre à Jérusa-
lem, commissaire de la Terre-Sainte,
et, à son retour, provincial de Milan,
et procureur-général de son ordre.
11 mourut vers 1650. On a de lui, en-
tre autres écrits : I. Jerosolymœ a{-
flictœ et hnmiliatœ deprecatio ad
Philippum IV, regem catholicum, ut
îibertatem ex Turcarum tyrannide
assequatur. Milan, 1631. II. Eluci-
ûatio Terrœ Sanctœ histcrica, theo-
iogica et moralis, Anvers, 1639, 2
vol. in-fol. On trouve des détails in-
téressants dans cette description de
la Terre-Sainte. Z.
QUARLES (Francis) poète an-
glais, né en 1592 à Steward, en
Ess-x, était fils de James Quarles,
qui fut surintendant maritime sous
le règne d'Élisubeth, et mourut en
1642. 11 fit ses études au collège
du Christ (université de Ca-nbridge),
à Lincoln's Inn, dans Londres, et
fut quelque temps échanson d'Elisa-
beth, fille (le .lacqresl*"", électrice pa-
latine et reitié de Bohême. S'étant
rendu ensuite en Irlande, il y fut
attaché à l'archevêque Usher en qua-
lité de secrétaire. La rébellion qui
éclata en 1641 l'obligea d'aller cher-
cher en Angleterre un abri qui ne fut
pas long-temps sûr. La cause triom-
phante se vengea sur ses propriétés
des opinions exprimées dans ses vers.
Mais le coup le plus sensible fut le
pillage de ses livres et de quelques
manuscrits qu'il avait préparés pour
l'impression. On présume que ce
chagrin hâta sa mort, arrivée en sept.
1644. Francis Quarles occupait l'em-
ploi, maiutendnt supprimé, de chro-
niqueur {chronologer) de la cité de
Londres, et recevait une pension de
Charles 1*"^. Il est auteur d'un grand
nombre de poèmes où l'on admire
un génie vraiment poétique et la ri-
chesse de l'imagination, mais aux-
quels manquent un heureux choix
de sujets et parfois la justesse du ju-
gement. Ces poèmes ont eu de leur
temps beaucoup de popularité. On y
retrouve tout le sentiment religieux
dont l'auteur était pénétré ; il sem-
blait, a dit un de ses compatriotes,
qu'il eût bu les eaux du Jourdain
au lieu de celles d'Hélicoii. Quelques
critiques, notamment Headiey et Jack-
son, ont essayé de nos jours de faire
sortir ces ouvrages de l'oubli. I. Em-
blèmes^ Londres, 1653. pet. in-8»,
avec des gravures de Marshall et de
Simpson. On croit que Quarles prit
l'idée de ces emblèmes de ceux que
Herman Hugo avait publiés peu d'an-
nées auparavant. Ce dernier avait été
pins mystique, Qnarles fn» plus évan-
190 QUA
gélique. Ausurplus, tous deux avaient
été devancés par Alciat. II. Festin (a
Feast) /)our /es vers de terre, histoire
déjouas mise en vers. J6*20,in-4°. III.
Pentalogia, ou Quintessence de la
méditation. IV. Hadassa, ou VHis-
toire d'Esther^Loniires, 1621. V. Job
militant, avec dés méditations reli-
gieuses et morales. 1624, in-é» VI.
Argalus et Parthenia, puème, 1631,
in-4o. VII. Histoire de Sampson,
1631, in-4°. VIII. Anniversaires,
1654, in-40. IX. Enchiridion de mé-
ditations religieuses et morales (en
prose), 1654. X. La Veuve vierge, co-
médie, 1649, in-40. XI. Divine fan-
cies, etc., ppigrammes, médiiations et
observations, 1033, in-i». XII. Les
Oracles du berger, énoncés en églo-
gues, 1646, in-40. XUI. Poèmes reli-
gieux, conieniint Jonas, Esther,Job,
Élégies, elc, 1630, in-8'>; réimprimés
avec des gravures en 1674. XIV. Ré-
tractation de Salomon^ réimprimée
enl739 — FrancisQuarlesavait(ude
sa femme dix-huit enfants ; un d'eux,
John QcABLES, né en Essex en 1624
et élevé à Oxford, porta les armes
pour la défense de Charles l*"", et
parvint au grade de CHpitaine. Après
les désastres de la cause qu'il servait,
il se retira dans Londres, où il fut
réduit à vivre de sa plume. Comme
son père, il cultivait la poésie.
Pleurant les infortunes de ceux qu'il
n'avait pu sauver, il célébra la gloire
de ses malheureux compagnons d'ar-
mes. Ayant voyagé sur le continent,
John Qiiarles revint à Londres, et
y mourut de la peste en 1665. On
cite de lui : I. Regale lectum mi-
seriœ, ou le Lit royal de misère,
contenant un rêve, une élégie sur le
martyre de Charles, naguère roi
d'Angleterre, d'henreus-' mémoire,
et une autre sur le très-honoré lord
Capel, avec une malédiction contre
QUA
les ennemis de la paiXj'et les adieux
de l'auteur à l'Angleterre, etc., Lon-
dres, 1649, in-8°, 2e édit. II. Fons
lacrymarum, ou la Fontaine de lar-
mes, paraphrase des Lamentations
de Jérémie, avec une élégie, sur le
valeureux Charles Lucas, 1648, in-S".
m. Tyrannie des Hollandais à l'é-
gard des Anglais, 1653, in-8», récit
en prose. IV. Continuation de VHis-
toire d' Argalus et Parthenia, 1659,
in- 12. V. Tarquin banni, ou la Ré-
compense de la Convoitise, suite à
VEnlèvement de Lucrèce, de Shaks-
peare, 1655, in 80. VI. Méditations
religieuses sur plusieurs sujets, 1679,
in-80, ouvrage posthume sans doute,
comme le suivant. VII. Le Triomphe
de la chasteté, ou Combat de Joseph
avec lui-même, \6Si, iu-so. L.
QUATREx^ÈKE (Nicolas ETIEN-
NE), célèbre marchand de draps à
Paris, exerça comme stm père cette
profession avec tant de distinction et
de probité, qu'il reçut,en 1780, du roi
Louis XVI, ainsi que son frère puîné,
Quatreuière de VÉpine, père de Qua-
tremère-Disjonval et de Quatreuière
de Quincy, des lettres de noblesse et
le cordon de Saint-Michel, ce qui
était alors une faveur d'autant pius
rare pour des commerçants, que son
fils aîné (Marc-Êtitnne) fut autorisé
à continuer le même commerce sans
déroger. 11 le continua en effet avec
non moins de disiiuctiou que ses an-
cêtres. En 1789 ce dernier fut nom-
mé l'un des premiers ofliciers muni-
cipaux de la capitale. Après avoir
rempli honorablement ces fonctions
pendant deux ans, dans les circon-
stances les plus dilliciles, il donna sa
démission 5 mais plus tard il (ut dé-
noncé pour les acies qui lui faisaient
le pins d'honneur, c'est-à-dire pour
des aumônes si abondautes qu'on le
soup<;onna d'être plus riche qu'il ne
QUA
l'était réellement, ce qui était un
grand tort à cette époque et ce qui lui
attira toute la haine des Jacobins. In*
carcéré vers la fin de 1793, il fut tra-
duit au tribunal révolutionnaire et
comlamné à mort, comt-e convaincu
de complicité avec des fournisseurs
iiifî<ièles et pour avoir cherché à hu-
milier le peuple par se$ bienfaits. Il
fut exécuté le 2t janvier 179», pre-
mier anniversaire du supplice dé
Louis XVI, que l'on célébrait en ce
moment-là même, place de la Réro-
luMon, où la Convention nationale en
masse était confondue, sur la motion
de Billaud-Varenne, avec ses frères tes
Jacobins, qui chantaient un hymne
patriotique, au pied de la statue de la
Liberté, près de l'échafaud où Qudtrt-
mère périssait. Tous ses biens furent
confisqués, et ce ne lut qu'après la
chute de Bobespierre, et à la suite
d'une démarche honorable faite à la
Convention parla section des Marchés
tout entière, que sa famille obtint la
restitution d'une faible partie. Marc-
Étirnne Qiiatremère joignait à toutes
les Vfrtus chrétiennes une instruc-
tion aussi solule que variée. Il avait
beaucoup écrit, principalement sur
les matières religieuses. Tous ses pa-
piers ayant été brilles à IHôlel-de-
Ville, par les Jacobins, sou fils, au-
jourd'hui membre de TAcadéuiie des
Inscriptions et Belles-Lettres, n'a pu
en recueillir que des fragments in-
formes. M— D j.
QUATRE.MÈRE (Anne-Char-
lotte Boubjot), femme ue Nicolas-
Êtienne et mère de Marc-Êtienne
dont les articles précèdent, naquit à
Paris, en 1732, d'une famille distin-
guée dans le commerce, et fut l'ainée
de sept filles et deux tils, qui eurent
pour précepteur l'abbé Raciue. Anue-
Charlotte se fit remarquer dès l'en-
fance par son esprit, ses vertus et les
QUA
191
bons exemples qu'elle donnait à ses
compagnes. S'étant livrée avec trop
d'ardeur aux privations du carême,
elle mit en p«Tit sa santé naturelle-
ment fa ble. On la maria néanmoins
à l'âge de 18 ans. D'une humeur
très-égale et d'un caractère doux et
stable, il lui fut aisé de remplir tous
ses devoirs d'épouse et de mère, sans
négliger ses exercices de piété. Pres-
que toujours souffrante, accablée
par de fréquentes grossesses, car elle
eni dix enfants, on la voyait monter
chaque jour et en tous temps par d'é-
troits escaliers, même par des échel-
les, à des sixièmes étages, pour visi-
ter des indigr-nts, soigner des mala-
des, convenir des protestants ou des
juifs, en effet, sa charité s'étendait
aux pauvres de tous les âges, de tou-
tes les sectes. Comme elle allait ra-
rement dans le moude, qu'elle s'oc-
cupait peu de sa toilette et faisait
tourner ses privations volontaires au
profit des malheureux, eiie visitait
souvent les hospices et les prisons j
mais ayant été avertie des dangers
qu'elle courait ai«si , surtout peu-
dani ses grosses>es, elle y reuonça.
Alors , pour suppléer à sa présence,
elle y envoyait jusqu'à 3 ou 40u che-
mises par an; el e.le n'en avait que
quatre pour son usage, avec troiS ou
quatre robes. Elle avait vendu ses
ajustements, ses dentelles et la plus
grande partie de ses bijoux. En 1767,
elle fut agrégée à la compaguie des
dames de chanté de sa paro.sse; deux
ans après, elle y fut irésonère des pau-
vres, et elle s'acquitta de ces péni-
bles fonctions avec tant de zèle qu'on
la réélut tous les trois ans jusqu'à la
fin de sa vie. Quel que lùt son état
valétudinaire, elle .ssisiaii tous les
huit jours aux séances. Comme elle
laissait entrer chez elle tous les mal-
heureux que ses soaffraaces l'empê-
192
QUA
lîhaient de visiter, elle les recevait
dans son salon, les faisait asseoir sur
ses fauteuils, et partageait même avec
eux son dîner. Son vestibule, son es-
calier ne désemplissaient pas, et l'on
y déposait souvent des enfants trou-
vés. Il lui venait des pauvres de tous
les quartiers, même de la province.
L'incendie de l'Hôtei-Dieu en 1772,
l'hiver rigoureux et la disette de 1789,
tirent surtout éclater le zèle de
M"^^ Quatremère. Elle augmenta ses
distributions. Tant d'actes de bien-
faisanceetdecharitélui avaient acquis
un grand crédit chez les personnages
les plus importants, tels que l'arche-
vêque de Beauujont, le duc de Duras,
le lieutenant de police Lenoir, le
lieutenant civil Angran d'Alleray,
en présence duquel elle réconcilia
si heureusement une mère et son
fiis, les ministres Turgot et Nec-
ker, la princesse de Chimay, etc. Elle
usait de son crédit pour entrer dans
les prisons, où elle procurait la liberté
aux détenus pour de petites dettes
qu'elle payait souvent. Ce fut à sa re-
commandation que l'archevêque de
Paris, levant l'interdit dont il avait
frappé le P. Géry, abbé de Sainte-Ge-
neviève, l'autorisa à prêcher pour la
cérémonie du baptême d'un juif,
qu'elle lit élever dans une pension
par elle fondée aux Vertus, près de
Paris. Elle accueillit un père et sa fille
prolestants, qui s'étaient brouillés
avec leur famille, parce qu'ils vou-
laient se faire catholiques, et il en fut
de même de deux jeunes orphelines
dont elle dota et maria l'aînée. Pour
ramener des tilles débauchées k la ver-
tu, elleen prenait dans sa maison, oii
elles étaient vêtues et nourries jus-
qu'à ce qu'elle leur eût obtenu des
places, ou qu'elle eût payé leur entrée,
leur lit et leur trousseau au Bou-Pas-
tour on aux Filles Repenties du Sau-
QUA
veur. La réputation de M">* Quatre-
mère avait pénétré dans plusieurs
provinces de France, d'où on lui en-
voyait des fonds dont elle pouvait
disposer. Mais tant de fatigues et de
privations, surtout le vendredi saint,
où elle ne rentrait qu'à 9 ou 10 heures
du soir, harassée, exténuée, achevè-
rent de ruiner sa santé. Elle mourut
à Paris le 16 mars 1790. Une foule
immense assista à ses funérailles. On
disait que c'était moins une cérémo-
nie funèbre qu'une translation de
reliques. Suivant ses intentions, 400
pains de quatre livres furent dis-
tribués ce jour-là. Parmi ses nom-
breux legs, elle en laissa un de 3,000
francs pour les pauvres de la paroisse.
En reconnaissance de ce bienfait, les
dames de charité firent célébrer , en
l'honneur de leur sainte trésorière,
un service auquel assistèrent des per-
sonnages de toutes les conditions.
Le vieux maréchal de Mouchy dit en
sortant qu'il y était venu invoquer
la délùnte et non pas prier pour elle.
Louis XVI témoigna au curé ses re-
grets sur la mort de cette vertueuse
femme. La reine qui, à chacune de
ses couches, lui avait envoyé 600
francs, n'en parlait qu'avec les plus
touchants éloges. Le duc de Penthiè-
vre, qui était alors dans ses terres,
écrivit à son mari une lettre de con-
doléance. Sa Fie, imprimée en 1791,
in-12, sans nom d'auteur, est de
dom Labat, bénédictin, et ne figure
point dans les Dictionnaires des ano-
nymes de Barbier ni de Demanne. A-T.
QUATREMÈIlE-/ioîSsy ( Jean-
ISicoLAs), frère de Marc-Étienne(«oy.
ci-dessus), naquit à Paris le 3 juillet
1754, fut reçu conseiller au Chàte-
let en 1782, et eut le malheur, en
1790, d'être rapporteur dans l'affaire
de Besenval et surtout dans celle de
Favras {voyc:- ces noms, IV, :i87.
ou A
*t XIV, 221;, où il manqua de Vé-
nergje qu'il eût fallu pour résister
aux clameurs de la populace qui de-
mandait du sang.Quatreaière-Roissy
qui, au fond, était un homme debien,
a passé sa vie à déplorer cette cruelle
nécessité où il s'était trouvé. H dut
peut-être à ce sacrifice fait a la révo-
lution, de n'avoir pas été emprisonné
sous le régime de la terreur; mais il
fut expulsé ùe Paris, comme noble, se
retira à Rue! et ne rentra dans la capi-
tale qu'après le 9 thermidor. S'étaut
alors fait remarquer dans le parti de la
réaction, il fut en 1795, à l'époque du
13 vendémiaire, secrétaire de la sec-
tion de la Fontaine de Grenelle. Il ne
s'occupa plus ensuite que de littéra-
ture, et concourut à la rédaction de
cette Biographie universelle, à la-
quelle il a fourni plusieurs articles,
notammentceiui de Brutus, mutilé ri-
diculement par la censure impériale,
qui ne voulait pas que l'on montrât
au public un empereur assassiné.
Quatremère-Roissy mourut à Paris
en 1831. Ou a de lui : 1. Recherches
sur la vie et les écrits d'Homère,
trad. de l'anglais de Th. Blackwell
{voy. ce nom, IV, 547), Paris, 1799,
in-8o, II. Londres pittoresque^ 1S19,
in-18. III. Adélaïde, fiction morale,
1820, in- 18. IV. Les defUx solUai-
rw, conte moral, 1821, in-18. V.
L'ermite écossais, conte, 1821, in-18.
VI. Henriette et Julie, coûte ^ 1822.
VII. Edouard de Belval et Sophie,
conte, 1823, in-18. VllI. Madame de
La Vallière, duchesse et carmélite,
1823, in-18. IX. Vie de Ninon de
Lenclos etde iïadame Cornuel, 1824,
in-18. X. Les n^alheurs d'Henriette,
roman, 1824, in-18. XI. Histoire
d'Agnès Sorel et de la duchesse de
Chdteauronx. 1825, in-18. XII. 5Ia-
rie-Thérèse d'Autriche, et Marie-
Thérèse de France, I825.in-I8.xin.
r.xxviîi.
QUA
m.
Régne de Louis SIV, i826, ic-S".
XIV. Jeanne d'Arc, 1827, in-S". XV.
Tablettes poétiques, ou Série de vers
latins, soufi chacun desquels est une
traduction neuve en vers français,
1829, 1831,in-8°. M— Dj.
QUATÏlE3IÈRE-/)j.<;onpai (De-
nis-Bernard), savant aussi bizarre
que politique extravagant, avait ce-
pendant l'honneur d'appartenir à des
parents non moins distingués par leur
savoir que par la sagesse de leurs prin-
cipes et la régulariié de leurs mœurs.
Né à Paris le 4 août 1754, frère aîm*
de l'illustre académicien Quatremère
de Quincy, il fut élevé de ia manière
la plus brillante au milieu de cette
opulente famille. Ses études, dirigées
vers les sciences physiques, obtin-
rent d'abord un très-grand succès,
et dès l'âge de vingt deux ans il par-
tagea le prix proposé par r.\cadémie
sur l'analyse chimique de l'indigo et
l'examen des phénomènes que pré-
sente cette fécule dans les arts. Pro-
filant ensuite de ce triomphe, il lut
au sein de cette assemblée une ana-
lyse du paslel et un examen du rôle
que joue dans les cuves d'iudigo
cette substance végétale, que l'on est
obligé de lui adjoiudre pour teiudre
les étoiles de laine. Ce mémoire, ainsi
qu'un autre, couronné en 1780
par rAcadéniie de Rouen, sous le ti-
tre iV Analyse des terres calcaires^
ajouta beaucoup à sa réputation. Ce
fut dans le même temps que, s'efFor-
çant de produire du nitre et du sel
marin de magnésie, constammenlcris
tailisé, il découvrit les sels triples^
ce qui le flt admettre à l'Académie
des sciences, malgré l'opposition de.
la classe de chimie, qui avait peu de
foi en ses découvertes. Voulant faire
taire les réclamations, il se présenta au
concours ouvert par la classe de bo-
tanique sur cette question : Examl-
^9,
194 QUA
ner les caractères qui distinguent les
cotons des diverses parties du monde,
ainsi que les différences qui en résul-
tent pour leur emploi darfs les arts,
et joignit à son mémoire (imprimé à
Paris, 1784, in-4°), un modèle en
cuivre, par le moyen duquel tout
le monde peut filer. Cette machine
est reste'e dépose'e au Conservatoire
des arts et métiers, où personne n'est
tenté d'en faire usage. Quatremère-
Disjon val essaya encore dans ce temps-
là de perfectionner la filature des
laines par l'invention de divers ou-
tils, et aussi par l'éducation des trou-
peaux, leur séjour en plein air, et
surtout le croisement des races. Ayant
fait alors de grandes et nombreuses
opérations de Commerce sur les lai-
nes et là fabrication des draps, comme
associé dans la manufacture de son
père à Sedan, il obtint du gouverne-
ment le privilège, pour son compte,
d'une manufacture royale à Château-
Duparc dans le Berri; mais il y dé-
pensa des sommes si considérables,
qu'il ne put y suffire et fut contraint
de se mettre en faillite (1786). Pour-
suivi par ses créanciers, il se réfugia
en Espagne, puis en Hollande, où il
se jeta avec l'effervescence de son ca-
ractère dans la révolution qui venait
d'y éclater.Enveloppé presque aussitôt
dans la délaitedu parti démocratique,
il tomba ailx mains des troupes prus-
siennes et fut emprisonné à Utrecht,
où il resta sept ans dans un cachot.
C'est là que, livré à toute l'exaltation
de ses idées révolutionnaires, il futat-
teiat d'aliénation mentale. Il était un
peu remis de cette funeste maladie,
lorsque les Français envahirent la
Hollande en 1795. Cet événement lui
rendit la liberté et le transporta de
joie. 11 entra aussitôt dans la carrière
des armes, et fut successivement of-
ficier de cavalerie et du génie mili-
QUA
taire. On voit qu'il n'avait pas une
médiocre idée de ses talents et de
son influence, dans une rpître dé-
dicatoire adressée aux représen-
tants du peuple à l'armée du Nord,
dans laquelle il s'exprime en ces
termes : « C'est vous qui avez eu
« les premiers la gloire de planter
« l'étendard de la liberté sur les ri-
« ves de la mer Baltique : c'est moi
« qui ai eu le mérite de vous en
« frayer huit années auparavant la
« la route. « Comme autrefois Pelis-
son, dans une position analogue,
Quatremère avait adouci la rigueur
de sa captivité en se livrant à l'étude
et à des observations sur différents
sujets. 11 »y depuis, consigné celles
qu'il fit sur les araignées, dans un
petit ouvrage, où, à travers quelques
paradoxes et un style bizarre, ou
trouve des idées piquantes et de vé-
ritables découvertes , entre autres
celle des araignées comparées à l'hy-
gromètre. Elle a été le sujet d'une
lettre adressée au Journal de Pa-
ris^ par Mercier, qui donne les plus
grands éloges à son auteur, auquel il
ne tint pas qu'on ne criit que c'était
aux prédictions de ses araignées qu'on
devait la conquête de la Hollande.
Profitant bientôt de la liberté qu'il
avait recouvrée, il rentra en France,
et dès le 18 avril 1796 il se trouvait
au Havre lorsque l'amiral Sidney-
Smith tomba au pouvoir des Fran-
çais {voy. Sidney-Smith, au Sup.), et
il prétendit avoir eu beaucoup de part
à cet événement. Revenu à Paris dès"
l'année suivante, il se jeta avec une
nouvelle ardeur dans le mouvement
révolutionnaire. En 1799, il était un
des orateurs du club du Manège, et
il y dénonça Talleyrand, Noël et
Schimmelpenninck, qu'il accusa de
vouloir rétablir le stathoudérat. Cette
dénonciation n'eut point de suite i
OUA
mais étant retourné en Hollande et
«'étant niis à frun(l«'r les opérations
du gouvernement, il fut arrêté et
conduit parla gendarmerie en France,
où le parti démocratique alors domi-
nant le mit en liberté et lui fit don-
ner un emploi II était adjudant-com-
mandant à l'armée de ré>erve lors du
passage des Alpes sous Bonaparte,
qui le jugea au premier aspect et
n'eut jamais la moindre confiance en
cet idéologue, couime il l'appelait.
Le consul aurait même pu alors le
désigner avec plus de sévérité, car
on ne peut pas douter qu'il ne fût
encore une fois atteint de démence.
On eu voit la preuve dans une cor-
respondance qu'il eut avec Berthier,
ministre de la guerre, et dans un
procès-verbal où il prétendit éta-
blir sérieusement que le passage du
Saint-Gothard avait été pronostiqué
par ses araignées. Il tenta ensuite le
passage du Simplon en qualité de
chef d'état-major d'une division or-
ganisée à cet effet, et l'on peut dire
que le succès qu'il y obtint fut le
prélude de la route exécutée depuis,
et dont le plan fut dès lors envoyé
au ministère. La lettre de Quatre-
raère-Disjonval au préfet du Léman
sur rencaissement du RlWine, daie de
la même époque, ainsi que sa voiture
hydraulique contre les incendies, et
aussi une grue propre à arracher et
à enlever les arbres. Ces différentes
inventions ne sont pas dépourvues
d'utilité, et elles ont donne lieu à de
bonnes découvertes. Nous n'en di-
rons pas autant des idées de Qua-
tremère sur le besoin d'eau, auquel
il attribue toutes les inventions de
l'esprit humain, noiamment l'archi-
tecture, sur les langues qui, d'après
lui, ne furent d'abord qu'une imita-
tion du son des instruments à l'aide
desquels on se procure de l'eau et du
QUA
f95
cri des animaux, enfin sur les signes de
la musique, de l'alphabet, de l'arith-
méiiqtie, qui ne sont que les linéa-
ments des machines putéales. H pré-
tend que l'application de ces signes
fut d'abord tout hiéroglyphi'jue. C'est
la langue grecqiiequ'ilreg^rdecomme
la plus ancienne ei la plus hiérogly-
phique de toutes. Admis à faire des
expositions de son système au collège
des Irlandais-Uuis il y réunit bientôt
un grand nombre d'auditeurs par ses
bizarreries et la hardiesse de ses opi-
nions politiques, qu'il ne manquait
jamais de mêler à ses leçons. La po-
lice en fut inforuiée, et il lui fut signi-
fié de les Ui.>cuntiiiuer. Alors il alla
remplir en Bollaude l'emploi d'ins-
pecteur des corderies de la uiai ine, et
il y u]it en praiiijue le nouveau rouis-
sage de Bralle. Revenu en France, il
alla établir à Saint -Denis une école
d enseignement mutuel, auquel il ne
manqua pas de joindre ses théories
politiques, ce qui le lit encore arrê-
ter. Après une détention de que que*
mois, il fut mis en surveillance à qua-
rante lieues de Paris, et c'est dans
cette position qu'il resta jusqu'à la
Restauration de 1814. A cette époque
ii parcourut les départements méri-
dionaux et se rendit successivement
de Marseille à Bordeaux sans que l'on
siît dans quel but. il mourut dans
cette dernière ville en 1830. Qua-
tremère-Disjonval a publié : I. Ana-
lyse et examen chimique de l'indigo,
pièce couronnée par l'Académie des
sciences, 1 777, in-S" et in-4°; traduite
eu allemand, Weimar, 1778, in-8°;en
danois, par Vilborg . Copenhague,
1778. II. Théorie des couleurs et de la
vision; traduiiede l'anglais de G. Pal-
mer, Pans, 1777, 111-8". III. Recher-
ches expérimtn Iules sur la cause des
changements des couleurs dans let
corps opaques^ et naturellement colo-
13.
196
OUA
rés ; traduites de l'anglais de Hussey-
Delaval, 1778, in-S". IV. Collection
de mémoires chimiques et physiques^
dont plusieurs ont été couronnés par
l'Académie des sciences, Paris, 1784,
în-4° ; traduite en allemand, Leipzig,
1785. C'est par erreur que Erscii at-
tribue ces ou vragesàunautre.V. iVou-
veau calendrier aranéologique, dans
lequel les phases lunaires sont recti-
fiées et disposées conformément aux
véritables rapports de la lune avec
les vicissitudes atmosphériques, les
crises des maladies et le travail ou
le repos des araignées, La Haye, 1795,
in-S"; Liège, 1799, in-i6. Vf. Sur
la découverte du rapport constant
entra V apparition et la disparition,
le travail ou le non-travail, le plus
ou le moins d'étendue des toiles ou
des fils d'attache des araignées, etc.
(avec la traduction en hollandais, par
Boddaert), La Haye, 1795, in-8°; ou-
vrage refondu et réimprimé sous le
titre de i'Aranéologie, Paris, 1797,
in-S". VII. Lettre au général Ber-
thier sur le passage du Simplon,
1800, in-4°. VIII. Lettre au cit.
d'Eymar, préfet du Léman, sur l'en-
caissement du Rhône et l'exploita-
tion de quelques espèces particulières
de bois, depuis le mont Simplon jus-
qii'au lac de Genève, Genève, 1801,
in-S". IX. L'Objetprimitif{VeAu) sub-
stitué au monde primitif de Court de
Gebelin et à VOrigine des cultes de
Dupuis, Paris, sans date, in-8».
C'est l'introduction d'un ouvrage
qui n'a pas paru. X. Cours d'idéolo-
gie démontrée, servant d'introduc-
tion à rétude des trois langues
orientales. C'fSt le programme du
cours que Quatremère commença en
1803 au collège des Irlandais-tliiis,
mais qu'il ne put achever, comme
nous l'avons dit. XI. Nouvelles ob-
servations et attestations sur ' In
QUE
transcendant du bois de mélèze dans
les constructions, tant de mer que de
terre, Dordreeht, 1803, in-8", avec
la traduction en hollandais, par Mar-
ron {voy. ce nom, LXXIII, 204). XII.
Manuel sur les moyens de calmer la
soif et de prévenir la fièvre.^ Châlons-
sur-Marne, 1808, in-8o. Outre les
traductions de l'anglais que nous
avons citées, Quatremère-Disjonval
a traduit du hollandais les écrits sui-
vants de Camper (voy. ce nom, VI,
640) : i" Dissertation physique sur
les différences réelles que présentent
les traits du visage chez les hommes
de différents pays et de différents
âges, Utrecht (Paris), 1791 , in-4'',avec
10 pi. 2° Proposition d'une nouvelle
méthode pour dessiner toutes sortes
de têtes humaines, ibid., 1791 , in-4o,
lig. 3" Discours sur le beau physique,
ibid., 1792, in-4'',iig. 4o Discours sur
le moyen de représenter d'une manière
sûre les diverses passions qui se ma-
nifestent sur le visage, etc., ibid.,
1792, in-io. — Quiilremère-Disjonval
avait un fils qui, étant entré dans la
carrière des armes, était devenu chef
de bataillon. Il est mort à Paris vers
1840. M— Dj.
QUATRESOUX de Parctelaink.
Voy. Parctei.aine, LXXVI, 290.
Qt'ELEN (HvAciNTHE-Louis,comte
de), archevêque de Paris, naquit le 8
oci.1778, à Paris, d'une illustre fa-
mille de Bretagne alliée aux Quiiitin,
aux Kergolay et aux Clisson. Sa vie
se divise en deux époques bien dis-
tinctes. Dans la première, qui répond
aux jours calmes de la Restauration,
il se lit remarquer par l'aménité de
ses mœurs, par l'élégance de ses ma-
nières, par une piété douce et affec-
tuf use, par l'éciai qu'il répandait sur
les cérémonies religieuses et par un
zèle assidu à tous les devoirs de son
état. Plus grand encore depuis l*s
Q0t
terribles épreuves auxquelles le sou-
mit la révolution de 1830, il retraça,
dans la seconde e'poque, au sein de sa
pauvreté' glorieuse, les merveilles
d'une charité qui rappelait ce. le de
saint Vincent de Paul, et une mort
pure et sainte, qui désarma jusqu'à la
haine et la prévention, couronna di-
gnement les travaux et les vertus de
son épiscopat. Il fit ses premières étu-
des dans la célèbre maison de Navarre,
et de bonne heure un attrait irrésis-
tible l'entraîna vers le ministère ecclé-
siastique. C'est au moment où la fou-
dre grondait sur le trône et sur l'auf el
que le jeune de Quelen demanda à
ses parents et en obtint d'être ton-
suré : noble et généreuse résolution
qui allait si bien à ses sentiments de
Breton et de chrétien! H se retira
pendant le règne de la terreur à Ver-
sailles, où l'abbé de Sanibucy, au-
jourd'hui chanoine de Paris, lui lit
continuer ses études qui embrassè-
rent les humanités, la rhétorique, la
philosophie et l'Écriture sainte. Bien-
tôt l'horizon devint plus serein; et
l'abbé Émery réunit quelques jeunes
gens dont la vocation courageuse
n'était point ébranlée par les orages
précédents, se hâtant de remplir ainsi
les vides effrayants du sanctuaire. Dé-
positaire des saines traditions et dos
doctrines de l'Église de France, nul
n'était plus propre que lui à cette
œuvre de réparation, et Sfuis sa main
ferme et habile le séminaire de Saint-
Sulpice reprit son ancien écla?. Ce
fut un bonheur pour l'abbé de Quelen
de pouvoir se préparer nu sncenJoce
sous la conduite de ce vénérable ec-
clésiastique dont iSapoloon a fait à
M. Mole ce bel éloge.» Voilà, lui dit-
• il un jour, la première fois que je
- rencontre un homme doué d'un vé-
' ritable pouvoir sur les hommes, et
auquel je ne demande aucun compte
QUE 197^
« de l'usage qu'il en fera. Loin de là,
« je voudrais qu'il me fût possible de
« lui confier toute notre j^^unesse : je
« mourrais plus rassuré sur l'avenir.»
Napoléon n'éprouvait pas pour l'in-
fluence du clergé la même terreur que
nos hommes d'etai actuels. — Parmi
les ecclésiastiques qui s'étaient as-
sociés aux travaux de l'abbé Émery,
le jeune de Quelen fit choix d'un di-
recteur , depuis supérieur du sémi-
naire de Saint-Sulpice , l'abbé Du-
claux, vers lequel l'attirail une heu-
reuse conformité de goûts et de sen-
timents. L'élève ne se lassait poitit
d'admirer l'aimable simplicité et l'i-
naltérable douceur du pieux sulpi-
cien ; de son côté , le maître avait
Toué un tendre attachement k celui
qui venait se placer sous sa disci-
pline, et qui déjà faisait pressentir
l'heureux mélange de force et de gràcf
qu'il devait déployer plus lard dans
des moments difficiles ou dans des
temps plus prospères. Ordonné prêtre
lel4mars ISOTparl'évèque de Saint-
Brienc, Caffarelli, il fit quelques mois
après un voyage à Paris, où son di-
recteur lui dit ces paroles qui restè-
rent profondément gravées dans sa
mémoire : - Vous voilà prêtre, fai-
' tes-vous une bonne réputation, et
» comme l'agrément du style et les
• soins du discours y contribuent, ne
<= les négligez point ; c'est à ce prix que
• vous pourrez utilement travailler
« dans le saint ministère. • Déjà l'ab-
bé de Quelen, en s'exerçant aux mo-
destes fonctions de catéchiste de la
paroisse de Saint-Sulpice, avait ac~
quis une grande fiicilité de pirler et
d'écrire avec autant de goût que d'élé-
gance et d'onction. Le cardinal Fesch
désirait s'eutourer de quelques jeunes
ecclésiastiques de talent et de piété .
et il avait «'birgé l'ai'bé Émerv de
faire ce rhoix. M. de 0"*'«n ^^t '<
^198
QUE
premier porté sur la liste. Le cardi-
nal, charmé du bon air, de la physio-
nomie douce, du langage modeste du
jeune prêlre de Saint - Brieiic, l'in-
terrogea sur ses premières études ,
sur son pays et sur les commence-
ments de sa carrière. « Éminence, ré-
« pondit l'abbé deQuelen, je suis né à
a Paris, mais d'origine bretonne. J'ai
« fait mes preniières classes au col-
« lége de Navarre. Mes parents ne
« tardèrent pas à m'en retirer ; la ré-
' volulion les ayant forcés de quitter
"Paris, je les suivis dans leur re-
«. traite. Là, je continuai à étudier et
' à prier. — Sainte disposition au mi-
« nistcre évangélique , répliqua le
• cardinal; j'aime les hommes qui
« étudient et qui prient; ce sont ceux-
' là que je cherche, Dieu a des vues
« sur eux ; en attendant, venez chez
« moi ; nous prierons et étudierons
« ensemble ; " et il lui conlia le soin
de former sa maison. L'abbé de Que-
len,sans être revêiu d'aucun titre par-
ticulier, fut chargé d'une partie de sa
correspondance et de la distribution
de ses aumônes. H fut surtout utile
aux pauvres et aux malheureux de
son pays, lorsque le cardinal Fesch
alla présider le collège électoral de
Rennes pour le choix des candidats
au sénat conservateur. Plus d'une fois
il lui donna d'utiles conseils, princi-
palement à l'époque du concile de
1811 ; et lorsque Napoléon, irrité de
la résistance de son oncle, l'eut ren-
voyé à Lyon, l'abbé de Quelen ne
voulut pas l'abandonner. Tonte sa vie
il fut reconnaissant (lu tendre intérêt
que lui avait témoigne le cardinal.
On le vit môme, en 1825, dans un
voyage qu'il lit à Rome, nonobstant
les représentations d'une |)oli tique
pusill.inime, visiter son ancien pro-
tecteur et le remercier de ses bien-
fait». Il refusa, en 1812, d'être cha-
QUE
pelain de la mère de l'empereur, p!ac«
que lui avait proposée l'abbé de Pradt.
Retiré à Paris, auprès de sa tante,
madame Hocquart, femme d'une émi-
nente piété et tout adonnée aux
bonnes œuvres, l'abbé de Quelen
passa les derniers jours de l'empire
dans la retraite, où il se livra avec
ardeur à la lecture des saints Pères,
des écrivains religieux du grand siè-
cle, et d'oii il n'aimait à sortir que
pour aller présider les modestes fêtes
des catéchismes de Saint-Snipice. ou
pour porter ses pieuses instructions
dans les conmiunautés et les pension-
nats. Doué d'un talent particulier
pour la direction des consciences, par
les accents touchants de son âme
religieuse et sensible, par sa connais-
sance profonde du cœur humain, plus
d'une fois il fit couler les larmes du
repentir et descendre la sérénité dans
des cœurs flétris ou désolés. Suivant
ce que rapporte M. Heiirion, auteur
de sa Vie, l'abbé deQuelen aurait eu
un entretien avec Napoléon au sujet
de ses démêlés avec le pape. Dans le
feu de son courroux, le fier conqué-
rant déclare au jeune ecclésiastique
ses projets de schisme C'est la double
autocratie de Saint-Pétersbourg qu'il
veut introniser à Paris; il parle de
Charlemagne, de Louis XIV, dont il
prétend imiter la politique. «Eh bien!
« reprend avec une généreuse fer-
« meté l'abbé de Quelen, si leur po-
« litique est la vôtre, elle doit s'ap-
« puyer sur le Saint-Siège. Charle-
« magne ne fut si grand que parce
« qu'il donna pour base à son pouvoir
« le respect de la religion. Se séparer
« de son chef, ce serait vous is..ler de
« presque tous les Français. Vos pré-
« dtcesseur.* sur le trône s'honoraient
« d'être les fils ainésde l'Église, pour
« les imiter et pour affermir votre
« pouvoir, il faut vous rapprocher du
QUE
. pape. ' Ce trait a été rapporté en
1824 par l'archevêque de Paris lui-
même à un de ses amis, et c'est de
la bouche de cet ami que l'historien
de sa vie l'a recueilli. Quand l'inva-
sion de 1814 ramena sous les murs
de Paris nos armées si iung-temps vic-
torieuses, l'abbé de Quelen, quoique
malade, court dans les hôpitaux oflVir
les secours et les consolations de son
ministère aux mourants et aux bles-
sés. Cependant le typhus se déclare et
cause d'effrayants ravages. Rien ne
peut lui faire abandonner son poste
d'honneur.et,selonlabelleexpre.*sion
de M. Mule dans son discours de récep-
tion à l'Académie française, « il fait
• parmi les victimes du typhus, l'ap-
« prentissage des vertus dont la Pro-
« vidence lui réservait de donner les
• plus sublimes exemples dans les
• jours affreux du choléra.» — Bien-
tôt, les Bourbons remontent sur le
trône aux applaudissements de la
France, remplie de joie et de bon-
heur par un événement si inattendu.
L'abbé de Quelen partagea l'allé-
gresse publique, et il put espérer
que les plaies de l'Église allaient se
fermer sous le règne de la légitimité et
des lois. Au mois de juin 1811, il pro-
nonça l'oraison funèbre de Louis XVI
dans l'église de Saint-Sulpicc.Un an
plus tard, le 9 février 1815, il la re-
disait encore à Sainte- Elisabeth, à
Toccasion d'un service funèbre que
iordre de Malte lit célébrer pour Tin-
fortuné monarque. 11 parhit devant la
fille de la royale victime, qui jugea le
discours digue de ses douleurs. M.
Frayssinous,qui avait voulu entendre
l'orateur, aurait désiré plus d'éclat
et d'élévation, quelques coups de pin-
ceau plus fiers, et il disait en sortant
que c'était uo très-bon discours dans le
genre tempéré. Au commencement de
la Restauration, l'abbé de Quelen fut
QUE
199
mis en rapport avec le grand-aumô-
nier de France, Talleyraml-Périgord,
par M. de Girac, ancien évèque de
Rennes, et par madame de Lézeau, su-
périeure des maisons royales qui dé-
nudaient de la grande-aumônerie.
Le cardinal de Périgord avait été
chargé par Louis XVIll de la direc-
tion des affaires ecclésiastiques. Un
des derniers modèles de cette poli-
tesse exquise et de cette douce ma-
jestéqui distinguaient l'ancien clergé,
ce prélat attachait un grand prix à
ces formes aimables qui, réunies à
de solides vertus, exercent toujours
une heureuse influence. 11 les remar-
qua bien vile en l'abbé de Quelen ; il
le nomma vicaire général de la gran-
de-aumôuerie. et lors des discussions
tlu concordat de 1817, il eut à se féli-
citer du choix d'un tel coopérateur.
Désigné pour prêcher à la cour l'A vent
de cette même année, M. de Quelea
ne put remplir cette station, parce
qu'il avait été nommé dans l'inter-
valle suffragant de Paris et évêque m
partibut de Sain>>sate. 11 se fit rem-
placer dans la chapelle royale par
M Frayssinous, qui y obtint d'una-
nimes suffrages. Il fut sjcré dans
l'ancienne église des Carmes de la
rue de Yaugirard, le 28 oct. 1817,
par M. Cortois de Pressigny, arche-
vêque de Besançon. On se flattait
alors que l'exécution du encordai
n'éprouverait aucune difficulté. Déjà
les archevêques nommés avaient re-
çu le paUiàm du souverain Pontife ;
à l'ouverture des chambres, le roi
avait annoncé la conclusion du traité
avec le Saint-Siège, les deux cham-
bres avaient accueilli favorablement
la communication qu'avait laite la
couronne. Mais aussitôt parurent
contre le concordat une foule de bro-
chures et de pamphlets ; des cris d'a-
larme «f^ firt^nt fiifpndre. selon l'ex-
200
gti:
pression (Je M. Frayssinous, connue à
l'aspect d'un ennemi qui viendrait en-
vahir nos provinces, et le ministère
qui avec un peu de fermeté eut fait
taire toutes ces clameurs, recula de-
vant ce simulacre d'opinion publique.
Pendant cet intervalle, le zèle et les
talents de l'évêque de Samosate trou
vcrent plusieurs occasions de s'exer-
cer. On le vit, tour à tour, assister à
des réunions d'évêques , rédiger des
actes et des mémoires sur les affai-
res ecclésiastiques du temps, prêcher
dans des assemblées de charité, s'ac-
quitter de tous les devoirs d'adminis-
trateur et de gouverneur général des
Quinze-Vingts, présider aux céré-
monies religieuses qui l'appelaient
dans plusieurs églises. Enfin le veu-
vage de l'église de Paris, privée de-
puis dix ans de premier pasteur, cessa
en 1819, et le cardinal de Périgord
prit possession du siège archiépis-
copal. Le 24 septembre, Louis XVIII
agréa pour la coadjutorerie de Paris,
avec future succession, l'évéque de
Samosate, qui fut en même temps ins-
titué par le pape archevêque de Tra-
janople, et il lui dit en riant : « J'es-
« père bien, monsieur le coadjuteur,
« que vous n'imiterez pas votre pré-
« décesseur, le cardinal de Retz. —
• Au moins, sire, je vous promets de
« ne jamais changer de bréviaire. »
Réponse qui plut beaucoup au roi. Ce
fut M. de Quelen qui engagea le car-
dinal de Périgord à appeler dans son
conseil les ecclésiastiques les plus
distingués du clergé de Pari.*!, MM.
Frayssinous, Duclaux, Desjardins,
Borderies. 11 lut aussi l'auteur du
beau mandement d'installation du
cardinal, où la religion parlait un
langage si noble, si modéré et si
affectueux. Quelques mois après, il
eut il gémir sur la mort déplorable
d'un prince franrajs. Le 1* février
QtlÈ
1820, le duc de Berri tombait sous
le poignard d'un assassin, et le coad-
juteur fut choisi pour payer un tri-
but de regrets à la royale victime.
On avait pensé d'abord que plu-
sieurs oraisons funèbres seraient pro-
noncées, et on désignait l'évêque
de ïroyes, M. de Boulogne, pour
Saint-Denis; l'abbé de Lamennais
pour le Tenq)le; M. Frayssinous pour
Saint-Rocb ; M. de Quelen pour iNotre-
Dame , quand Louis X VllI régla, d'a-
près l'avis de M. de Cazes, qu'il n'y
aurait qu'une seule oraison funèbre,
et que M. de Quelen la prononcerait
à Saint-Denis, le 14 mars. Cette orai-
son, qui subit une censure de la part
du ministère, ne répondit pas, il faut
le dire, à l'attente du public. Elle
était cependant écrite avec beaucoup
de mesure et d'élégance, empreinte
d'une sensibilité religieuse et tou-
chante; mais il semble que des ac-
cents d'une plus fièreénergiedevaient
retentir sur la tombe du prince, et
que cette mort d'un héroïsme chré-
tien révélait de plus hautes et de
plus sévères leçons. A la veille de de-
venir titulaire du siège de Paris, M. de
Quelen s'honora par l'oflre d'un su-
blime dévouement qui, certes, était
dans son cœur, et qu'aucun de ceux
qui l'ont connu n'osera révoquer eu
doute. Napoléon avait demandé, en
1820, au gouvernement français un
prêtre qui l'aidât à mourir. Le minis-
tre du roi confie son erubarras ii M. de
Quelen, qui lui répond :« J'irai, moi,
« je m'offre volontiers pour gagner
« cette âme à Jésus-Christ. • Le mi-
nisire admira cette généreuse réso-
lutiim; mais il n'eut garde de priver
le diocèse de Paris d'un prélat dont
les talents et les services («taicnt im-
périeusement réclamés par le grand
âge et les infirmités du rardiiia! de
Périgord. Celui-ci en effet p;ant à
QUE
peine sur son nouveau siège; il mou-
rut le 20 octobre 1821, et M. de Que-
len annonça à ses diocésains la perte
qu'ils venaient de fHire par un man-
dement, où il louait son pre'dt'ces-
seuf avec effusion et sans restriction.
Les diverses classes de la société le
virent avec plaisir monter sur le siège
éminent de la capitale-, quelques
vieux royalistes seulement se plai-
gnirent qu'il ne fût pas assez noble,
et qu'il eût accepté des emplois dans
la maison du cardinal Fesch ; oubliant
sans doute qu'il ne fallait ni avoir
été absent du royaume ni avoir été
tenu à l'écart pour bien connaître la
situation de la religion et de l'Église
en France, et pour appliquer aux
maux les remèdes convenables. Le
premier soin du nouvel archevêque
fut de commencer la visite générale
de son diocèse que son prédécesseur
avait annoncée p.jr un mandement
du 9 octobre 1821, jour anniversaire
de sa prise de possession. Les instruc-
tions et les cérémonies religieuses,
dirigées par les missionnaires de
France, opérèrent d'heureux résul-
tats, mais en même temps des tenta-
tives coupables eurent lieu pour em-
pêcher le bien , et on se souvient
encore des scènes scandaleuses dont
l'église des Petits-Pères fut le théâtre.
L'archevêque de Paris ne llochil point
devant l'orage; l'autorité elle-même ne
céda pas, cette fois du moins, aux exi-
gences d'une foule ameutée; des mesu-
res sévèresfurent prises, et les exerci-
ces religieux purent être continués au
milieu d'une affitience désormais pai-
sible et recueillie. — M. Fray-^sinous
avnit rappelé avec beaucoup de déli-
catesse, dans son oraison funèbre du
cardinal de Périgord, le désir que
ce prélat avait manifesté plusieurs
fois de voir consacrée au culte de
sainte Geneviève l'église fondée par
201
LouisXV tu son honneur . LouisXVUl
réalisa le vœu du pieux cardinal, et
M.deQuelen fit l'ouverture l'église. A
cette époque il publia une nouvelle
e'dilion du bréviaire de Paris avec des
modifications et des additions qui
avaient été arrêtées, sous sou prédé-
cesseur, par le conseil de l'archevê-
ché et par le chapitre, et en l'adres-
sant à son clergé, il lui dit avec vé-
rité que ce n'était point un présent
qu'il lui offrait, « mais plutôt un hé-
- ritage que le meilleur des pères
« l'avait chargé de lui transmettre. «
Le 31 octobre 1822. une ordonnance
royale le nomma membre de la cham-
bre des pairs. Les intérêts de la reli-
gion et de la charité trouvèrent tou-
jours en lui ini défeuseur zélé. Il fixa
l'atlenlion publique surtout en deux
occasions principales, la première fois
qu<iud il parla sur la loi dite du sa-
crilège, dont on a voulu faire un
grief k la Restauration, et qui déuo
tait plutôt l'esprit de pusillanimité
qui présidait trop souvent à ses
actes. On doit se rappeler que dans
ce projet de loi le mot sacrilège n'é-
tait pas énoncé, et qu'on n'y par-
lait que des vols commis dans les
édifices consacrés à la religion de
VÊtat ou aux autres cultes reconnus
en France. Cette loi , en paraissant
menacer le sacrilège de peines sévè-
res, en assurait l'impunité, puisque
l'article 11 ne déc'amit profanation
que toute voie de fait, commise vo-
lontairement, et par haine oumépris
de la religion, sur les vases sacm.
et qu'il éiait facile aux voleurs de
soutenir qu'ils avaient vol" les vases
sacrés par amour pour les vases sa-
crés, et non par haine pour la reli-
gion. L'archevêque de Paris protesta
contre l'exclusion du mot de sacri-
lège, et il domgnda à la chambre Ih
permission de s'abstenir d'un vote
202
QUE
qui, s'il ne pouvait s'assimiler à un
jugement capital, s'en rapprochait
cependant sous certains rapports, «le
manière à inspirer aux évêqiies le
désir de n'y point participer. Nous
ne dissimulerons pas que certains
esprits ardents de l'époque repro-
chèrent à l'archevêque de Paris de
n'avoir point fait ressortir avec
assez de vigueur tout ce que cette loi
renff-rmait de bizarre et d'impratica-
ble. Sur la question de la conversion
des rentes, l'opinion de M. de Quelen
eut la plus grande influence, et ses
paroles aussi habiles que mesurées,
contribuèrent beaucoup a faire reje-
ter la fameuse loi de M. d* Villèle.
M. de Chateaubriand a dit dans son
Congrès de Vérone: «M. l'archevêque
« de Paris peut justement passer
■ pour avoir le plus ébranlé la loi,
« lorsqu'il se prononça contre la
« conversion, par un esprit de com-
« miséralion chrétienne, en faveur
« d(^s rentiers et de la ville de Paris;
« il leur sauva à peu près 12 millions
« de rentes. • On peut ne pas ap-
prouver M. de Quelen sous le point
de vue politique, mais il faut conve-
nir que le projet de loi frappait plus
particulièrement les petits rentiers,
les pauvres de son diocèse, et le de-
voir d'un évêque est de plaider la
cause des malheureux. 11 se borna à
présenter un amendement qui ten-
drait à excepter de la mesure les ren-
tes au-dessous de 1,000 francs, et
celles qui déjà auraient subi la ré-
duction, avec cette réserve que toute
transmission de ces rentes, soit à des
étrangers, soit en ligne collatérale,
les ferait rentrer dans la loi générale.
M. de Quelen nous a allirmé plu-
sieurs fois qu'il était monté à la tri-
bune sans s'être concerté avec qui
que ce lût, et oniquementpour obéir
à sa conscience, sans savoir le moins
QUE
du monde ce que pensait la majorité
des pairs Le discours n'en fut pas
moins goûté par la chambre hérédi-
taire, il respirait la modération, la
justice et la charité semées de quel-
ques traits piquants à l'adresse des
ministres, et que l'évêque d'Her-
mopolis appelait des malices breton-
nes. Au sortir de la chambre, le peu-
ple accueillit son archevêque avec
de grands applaudissements, il détela
ses chevaux, et le ramena en triom-
phe dans ce même palais qu'il devait
quelques années plus tard démolir
avec une fureur sauvage. Louis X VIII
ne parut pas mécontent de laconduite
qu'avait tenue l'archevêque de Paris
à la chambre des pairs ; car, quelques
jours après, celui-ci s'étant présenté
au château, il fut accueilli avec une
faveur qui surprit le prélat lui-même.
Depuis 1821,1'archevèqueavait enga-
gé avec le prince de Croy, grand-au-
mônier de France, une lutte qui ne
njanqua point de vivacité. Persuadé
que son consentement et ses pouvoirs
étaient nécessaires pour vali<ier les
actes du grand-aumônier, qui ne les
demandait pas et qui entendait exer-
cer de plein droit, il rédigea, sous
forme de munition canonique adres-
sée au clergé et aux iideles de son
diocèse, une déclaration en date ûu
21 dec. 1821, par laquelle il défend
« à toute personne ecclésiastique, de
« quelque dignité qu'ellesoit revêtue,
» sous quelque prétexte que ce soit,
« de quelque titre dont elle se pré-
• vale, tels que protectorat et patro-
« nage, dans quelque lieu que ce soit
« de son diocèse, même dans les égli-
« ses, chiipelies et maisons royales,
« de f.iire les actes qui appartien-
« nentàla juridiction. «Le prince de
Croy eût voulu «pie la querelle lût sans
délai examinée à fond et jugée d'une
manière positive; mais, par respect
QUE
pour le dësir du roi, il se prêta à une
transaction qui ne termina point le
différend. Le grand-aumônier ayant
adressé, au commencement du carê-
me de 1823, un mandement anx au-
môniers de rarme'e, ceux di-s régi-
ments en garnison à Paris reçurent,
au moment même de la messe mili-
taire où ils en devaient faire la lec-
ture, défense par l'arche vèque d'y
procéilersous peine d'interdit. Le car-
dinal de Bausset e'crivit un projet
d'accomodement que sa mort empê-
cha de proposer. M. de Vil èle char-
gea al»rs le cardinal de La Fare d'exa-
miner la contestation élevée entre le
grdud-auniônier et l'archevêque de
Paris, et un projet fut rédigé par ce
prélat, sons le titre de Cnncordance
des attributions du grandanmônier
de France avec la juridiction de l'or-
din.iire. Ce ne fut qu'en 1826 qu'un
règlement du roi, concerté par M.
d'Hermopolis avec M. de Qnelen,
sans la participation du prince de
Croy, fit cesser le conflit entre l'ar-
chevêché et la grunde-aumùnerie
dont il restreignait les attributions,
en favorisant pleinement la juridic-
tion de l'ordinaire. Pendant le cours
de ces négociations qui durèrent plu-
sieurs années; bien des lettres furent
échangées, plusieurs mémoires rédi-
gés, des protestations constatées, et
aux yeux du public étranger au véri-
table état d'une question si complexe
et si. délicate, le bon droit parut être
du côté du prince de Croy, qui pré-
tendait ne vouloir que ci-n^erver les
règlements tracés par M. de Quelen,
alors qu'il était vicaire général de la
graude-iuuiônerie. Aussi celui-ci, un
peu presse par les arguments de son
dveisdire, lui écrivait-il : « Quand
- par une concession momentanée,
« je conviendrais que, dans un temps,
• j'avais cru que le grand-aumônier
QUE
203
« pouvait valideraent exercer une ju-
« ridiction spirituelle, telle que je la
« récîame pour moi en qualité d'ar-
« che\ êque, qne pourrait cet aveu
« Cintre les principes qui établissent
■ d'une manière indubitable la juri-
« diction de l'ordinaire? Ou bien en-
« core, si je vous accordais qne, forcé
• d'examiner de p'us près des ma-
• tières qui m'intéressaient davaur
« tage, de nouveaux devoirs, des rcr
• marqnes nouvelles, des discussioas
• plus approfondies, des autorités
• plus décisives, m'rmt enfin déirom-
« pé, aurais je perdu pour cela le
« droit à une juridiction dont le plus
« solennel de mes serments m'inter-
« dit de faire jamais un abandon
• inaliénable ?• On nous permettra de
rapporter ici les paroles que M. de
Quelen nous a répétées plusieurs
fois : « J'ai fait une guerre franche
• au grand-aumônier, parce que je
« voulais mettre les droites et les
• prérogatives de l'archevêque à cou-
• vert de toutes les prétentions ul-
« térieures. Je voyais un prince du
• sang royal qui avait une nombreuse
< famille, et la dignité de grand-au-
• môiiier pouvait le tenter pour un
o de ses eufdUts. Je pensais à l'ave-
« nir. > 11 parait que l'avenir n'avait
pas révélé à l'archevêque de Paris
que ce prince songeait à d'autres des
tinées pour ses enfants. A l'occasion
de la mort de Louis XVllI, ce conflit
agita assez vivement Tupinion publi-
que. Le clergé de Pans n'avait point
paru aux funérailles de ce prince;
on s'en prenait tour à tour augrand-
""aumônierià l'archevêque; des bruits
calomnieux circulèrent même sur les
derniers moments de L<juis XVIII.
L'archevêque se contenta de répoudre
pour sa justification: « Je n'ai pas reçu
• un seul mot d'avis, et l'on n'aurait
« pas manque de m'accuser encore
204
QliE
« d'usurpation si je m'étais présenté
« avec mon clergé pour présider au
« transport. » L'Académie française
s'honora en appelant dans son sein
un prélat doué d'un esprit si aimable
et dont les écrits, didés par les de-
voirs de son état, respiraient une
heureuse facilité et une onction tou-
chante. Il y remplaça le cardinal de
Bausset, et il fut reçu dans la séance
du 25 nov. 1824. L'aréopage litté-
raire jugea le discours écrit avec
autant de pureté que de goût et de
noblesse, et il l'interrompit par de
fréquents applaudissements. Le jour-
nal le Consiitutionnel, toujours fi-
dèle à son système de dénigrer tout
ce qui sortait d'une plume ecclé-
siastique, affirma seul que le dicours
du récipiendaire avait l'air d'une
homélie. Sa mauvaise humeur ne fut
pas même adoucie par cette pro-
sopopée brillante qui déplut à la
cour et qui renfermait un éloge de
M. de Chateaubriand , appartenant
alors à l'opposition: " Salut, ô génie du
" christianisme ! toi qui comptas tou-
« jours au nombre de tes pins belles
« conquêtes le royaume de Clovis, de
« Oharlemagne et de saint Louis, et
" qui, après tant de fautes, après tant
« de dispersions et de discordes, re-
« parus de nos jours pour réconcilier
« les lettres , les sciences et les arîs
« avec la religion , connue tu as en-
« suite réconcilié la France avec la
" monarchie! C'est toi qui dictas à
" un noble chevalier ces pages élo-
« quentes, qui préparèrent deux res-
« laurations, monument dnrabled'une
« gloire que toutes les fiveurs de la
«• fortune et tontes ses rigueurs ne
" sauraient ni éclipser, ni affaiblir :
« salut! Achève maintenant Ion ou ■
" vrage, couronne atijourd'hni nos
» vœux et nos espérances, étends sur
- iioub Ion double sceptre, celui de
« la science et de la morale. » Le
récipiendaire avait pris pour sujet de
son discours l'alliance delà religion
avec les lettres, les sciences et les arts,
et comme ce sujet souriait médiocre-
ment à la presse libérale, elle ne tint
aucun compte de la pureté du style
et de l'élévation des idées.Après avoir
assisté au sacre de Charles X à Reims,
et reçu ce prince à Notre-Dame , où
un Te Deum solennel fut chanté, M. de
Quelen résolut de s'éloigner un mo-
ment de son diocèse et de visiter l'I-
talie. On fit courir dans le temps les
bruits les plus ridicules sur ce voya-
ge : tantôt c'était un exil momenlané
que lui infligeait la cour, et il était
inconsolable d'avoir encouru la dis-
grâce de la famille royale; tantôt la
politique n'était pas étrangère à son
excursion, et une mission secrète de
la pins hante importance lui était
confiée. Parmi tons les motifs qu'on
alléguait, on oubliait le plus simple et
le seul vrai, l'intérêt de h santé de
rarchevêque,gravementcomproniise;
et il était naturel qu'il se décidât à
diriger ses pas vers Rome, au moment
où le jubilé réunissait de tous h-s cô-
tés, dans la ville sainte, l'affliience
des pieux fidèles. Le pape voulut qu'il
fût logé au palais de \ Apollinaire et
défrayé aux frais du gouvernement
ponîiiical. Dans une des audiences
qu'il lui accorda, il lui dit avec bonté
qu'il ne fallait pas qu'il oubliât de
voir l'illumination de Saint-Pierre
et surtout le feu d'artifice du châ-
teau Saint -Ange. " Monseigneur,
" vous quittez Reims, vous en avez
.. vu la cathédrale; nous avons or-
" donné de vous la faire voir encore :
•■■ avant la girandole, les décorations
» du loii représenteront la façade de la
.. cathédrale de Reims; nous en avons
■ donné nous-méme une gravure pour
' que les artistes ne négligeassent au-
(>U£
^ f.m détail.- LejourdelaSainl-Pierro
on voulait qu'il fût assistant au irôno
pontiOcal ; rarchevêque de Paris dé-
clina cet honneur, et il se rendit à la
tribune diplomatique où le duc de La-
val lui avait réservé une place. L'am-
bassadeur de France lui ayant deman-
dé s'il se proposait de visiter le car-
dinal Fesch, il répondit : « Comme
- Français, je suis venu voir le npré-
" sentantdu roi; comme prêtreetcoin-
« me évoque, ma première visite dans
- Rome est pour le souverain pontife;
- en quittant l'audience de sa Saiu-
tet*^, la reconnaissance me conduira
- chez le cardinal k qui j'ai tautd'o-
' bligatioiis. '< Il visita Naples, obtint
ensuite une nouvelle audience de
Léon XII, qui, en témoignage de
bienveillance, lui tit remettre deux
bustes de saint Pierre et de saint
Paul, semblables à ceux qui ornent
l'église de Saint-Jean-de-Latran. Ces
deux bustes furent confiés à la garde
du chapitre dans le trésor de Notre-
Dame de Paris. Le duc de Laval vou-
lut accompagner l'archevêque de Pa-
ris dans cette dernière audience du
pape, qui les accueillit avec une sin-
cère cordialité. On parla des mauvais
livres qui partaient de la France com-
me d'un foyer. Le pape, après avoir
déploré les m ilheurs du temps, s'in-
terrompit et dit : " Mais, messieurs, à
- côté des mauvais livres, empêche-t-
« on de publier les bons? — Non, très-
" saint-père. — Eh bien, messieurs,
« rendons grâces k Dieu, le mal ainsi
« se neutralise. Il y a des époques où
« les mauvais livres paraissent seuls
» sans qiife les bons puissent se repro-
- duire. » M. de Quelen laissa k Rome
le souvenir le plus aimable de la dou-
ceur cl des agréments de sa société,
en même temps qu'il enchanta le sa-
cré Collège et les personnages de dis-
liuction qui affinent dans cette ville,
OLE
305
par la noblesse de ses manières et la
dignité de son caractère. Les Romains
prétendent qu'un évêque, quelque cé-
lèbre qu'il soit, est peu remarqué à
Rome, et que la pourpre seule y jette
de l'éclat. Un personnnge émineut le
rappelait, il y a quelques années, à
un Français qui se permit de lui ré-
pliquer : « Monseigneur de Quelen a
- donc passé ici inaperçu! — Oh! non,
- seul il nous a prouvé qu'on pouvait
" faire sensation k Rome sans être
< cardinal , mais aussi quelle gran-
" deur, quelle élégance parfaite! Le
" peuple se rangeait sur son passage
" et le montrait au doigt en s'écriant :
• l'arcivescovo di Parigi ! » En quit-
tant Rome, pour regagner son dio-
cèse , l'archevêque s'arrêta k Flo-
rence, où il arriva le 24 juillet 1825,
et le surlendemain M"* de Feuchères
écrivait au duc de Bourbon : » L'ar-
• chevêque, qui a refusé de venir en
« votre palais, parce que j'y étais, est
< venu me voir en se rendant k Paris
- pour la fête du 1.'» août et a été fort
•' aimable avec moi. Dans les vingt-
.■ quatre heures de son séjour ici , il
- nous a fait une seconde visite , te-
• nant k la main un bouquet qu'il
« nous a laissé comme un petit sou-
« venir. " L'avocat de M"'* de Feu-
chères lut cette lettre en 1831 , en
pleine audience, k l'occasion du tes-
tament du duc de Bourbon, et il l'in-
voqua comme une justification victo-
rieuse de la conduite et de la position
de sa cliente. L'archevêque voulut ré-
tablir les faits dans toute leur vérité
par unelettre qu'il adressa à M. Debel-
leyme, président du tribunal devant
lequel avaient lieu les débats. C'était
M"*® de Choulot, nièce de son prédé-
cesseur, le cardinal dePérigord, kqui
il avdii rendu la visite qu'elle lui avait
faite la première. Chez elle il trou-
va M""" de Feuchères, et l'histoire dn
306
QUE
bouquet et celle des autres particulari-
tésn'étaientqiiedepureinveniion. En-
tre lesalMgations de M™" de Feuchè-
res et la dénégation formelle de M. de
Quelen, l'incertitude ne pouvait con-
tinuer : la prévention la plus aveu-
gle eût seule pu admettre un doute
injurieux. A son retour d'Italie, le-
prélat perdit sa tante, M'"* la prési-
dente Hocquart, par un affreux évé-
nement. Elle était allée au-devant de
lui, quand sa voiture versa, la jeta
sur le pavé et lui brisa la tête. — Les
évêques qui avaient assisté au sacre,
s'étant réunis à Paris, résolurent de
demander à Charles X l'érection d'une
maison de hautes études. Ils formu-
lèrent leur vœu dans un mémoire
présentéau roi, et à la suite duquel pa-
rut une ordonnance du 20 juillet 1825,
contre-signée par l'évêque d'Her-
mopolis. La commission termina ses
opérations au mois de juin de l'année
suivante. Mais la question de juridic-
tion s'étant représentée, l'archevêque
de Paris déclara qu'il n'appartenait
qu'à lui de nommer aux emplois. La
commission contesta cette prétention
ù l'unanimité. Enfin, après un échange
de raisons et de rélntations diverses,
l'archevêque notitia que, défenseur
des droits de son siège, il n'accorde-
rait pas les pouvoirs sacerdotaux aux
prêtres qui seraient employés, s'ils
étaient nommés par d'autres que par
lui, et la conmiission ainsi arrêtée,
fut obligée de se séparer sans orga-
niser l'école; le projet même fut to-
talement abandonné. C'était l'époque
OÙ la presse libérale évoquait le fan-
tôme du parti-prêtre pour ♦■ffrayer
les imaginations faibles. Affectant de
confondre tout le clergé avec quel-
ques disciples aidents de M. de La-
mennais séduits par sa brillan-fe
éloquence, elle signalait avec effroi
des maximes ultramontaines et des
QUE
intrigues vastes et ténébreuses qui
devaient niellre en péril la monar-
chie et l'indépendance nationale. A
toutes ces craintes hypocrites, les
évêques répondirent par une décla-
ration intitulée : Exposé des senti-
ments des évêques qui se trouvent à
Paris, sur l'indépendance des rois
dans l'ordre temporel. Là ils réprou-
vaient « les injurieuses qualilications
« par lesquelles on a essayé de flétrir
« les maximes et la mémoire de leurs
« prédécesseurs dans l'épiscopat ; «
et ils ajoutaient qu'ils « demeuraient
« inviolablement attachés à la doc-
« trine telle qu'ils la leur avaient
« transmise, sur les droits des sou-
• verains, et sur leur indépendance
« pleine et absolue, dans l'ordre tem-
« porel, de l'autorité, soit directe,
« soit indirecte de foute puissance
« ecclésiastique. » Si la signature de
M. de Quelen ne se lisait point au bas
de la déclaration, c'est qu'il ne par-
tageait pas l'opinion de ses collègues
sur l'opportunité d'une démarche
collective, et qu'il se croyait surtout,
comme archevêque de Paris, appelé à
présider les réunions d'évêques te-
nues dans son diocèse, présidence
que ne lui avaient pas déférée les
auteurs de la déclaration. Cepen-
dant le 6 avril 1826, il écrivit k
Charles X la lettre suivante : • Sire,
• les cardinaux, archevêques et évê-
« ques qui se trouvent en ce moment
« à Paris, ont cru qu'il était bon de
« rédiger collectivement un exposé
« de leurs sentiments sur l'indépen-
« dance de la puissance temporelle
«en matière purementcivile. Quoi-
a que cet expose ne porte point uja si-
« gnature, je n'en professe pis moins
« la même opinion, et je prie Votre
o Majesté de ine permettre d en ilé-
« poser entre ses mains le témoignage
« par écrit, comme j'ai eu l'honneur
QHE
« de lui en faire la déclaration de
« vive voix. Les considérations que
■ j'ai soumises au coi, et dans les-
« quelles la réflexion n'a fait que me
• confirmer davantage, ont pu seules
« m'empêcher de signer un acte qui
« renferme, touchant les Jjornes de
« l'autorité spirituelle, des principes
« sur lesquels j'ai eu plus d'une fois
« l'occasion de m'expliquer. même en
« public, et au sujet desquels je ne
• Connais point de discordance parmi
• les pasteurs et le clergé de mon
« diocèse. • Lorsqu'il fut question en
1826 de poser sur la place Louis XV
la première pierre du monument ex-
piatoire à Louis XVI, l'archevêque
écrivit à M. de Villèie que M"* la
dauphine devrait présenter à Char-
les X une demande d'anmistie en
faveur des régicides, amnistie qui
serait sigm'e par le roi sur la place
même. Comme le ministre craignait
de rouvrir les plaies encore saignantes
de la fille de Louis XVI, le prélat
insista avec force et développa tout
f e que cet acte héroïque aurait d'heu-
reux pour le trône qu'il aurait raf-
lermi, et de favorable à la religion
dont il exprimait si bien l'esprit;
mais le ministre ne se sentit pas le
courage d'en parler à M™^ la dau-
•îhine, et le vœu de l'archevêque, ue
tut pas accueilli. Au reste, sacorres-
'ondance avec M. de Villèie sur cette
ifaire doit se trouver dans les cartons
lu ministère, et nul doute que si elle
était publiée, elle ne fut une nouvelle
preuve que M. de Quelen s'est tou-
jours montré le digne ministre d'un
Dieu qui a prié pour ses persécuteurs
et qui est mort en leur pardonnant.
Son zèle parut redoubler pendant les
exercices du jubilé; il donna à son
clergé les conseils et les avis les plus
sages. Les esprits étaient si suscep-
tibles et si faciles à se prévenir ou k
QUE Î07
s'irriter, qu'il recommandait sans
cesse d'opposer la douceur à la vio-
lence et « de mettre en œuvre cette
• charitéplusfortequelamortet plus
« invincible que l'enfer, dont les ad-
« mirables inventions ramènent quel-
« quefois l'impie, le désarment sou-
« vent, ou parviennent du moins à
• calmer les accès de sou chagria et de
o ses emportements. » Au mois d'août,
il fit un voyage en Savoie, et il pré-
sida dans la villed'Annecy à la trans-
lation des reliques de saint François
de Sales. En sortant de cette ville il
voulut voir Genève, et la nouvelle
église de Ferney érigée par les soins
de l'évêque de Belley. II parcourut
ensuite une partie de la Suisse, re-
cueillant partout sur sou passage des
témoignages d'honneur et de respect.
Sa sauté se fortifia dans ce voyage ;
mais un nouveau malheur arrivé dans
sa famille l'affecta profondément. En
rentrant en France, il apprit la mort
presque subite de son frère, le comte
Auguste de Quelen, auquel il était
tendrement attaché. En même temps,
instruit par les journaux que Talma
était dangereusement malade, il se
présenta chez lui pour le rappeler à
des sentiments chrétiens et pour lui
faire entendre la voix de la religion ;
mais il ne put parvenir jusqu'au ma-
lade qui, dit-on, n'était pas en état
de le recevoir. Il y retourna le lende-
main sans plus de Succès. Cependant,
le tragédien averti par Dupuytrendes
visites du prélat, parut touché de
ces marques d'intérêt ; son neveu,
Amédée Talma, déclara même peu
après au célèbre chirurgien que si
l'archevêque se présentait il serait
reçu sans md doute, et qu'on pouvait
l'instruire des dispositions de son
oncle. L'archevêque s'empressa d'ac-
courir ; mais il essuya de nouveau an
refus inattendu. Dupuytreo expri-
?08
(^L£
luanl son tHonncment à cet «gard,
Amédée Talma répondit que c'('tait
un malentendu, et qu'en annonçant
que l'archevêque serait reçu, il avait
compris seulement que l'archevêque
serait reçu par lui, Ame'de'e Talma.
« On sent, disait Dupuytren dans une
« lettre adressée au Moniteur, que je
« n'avais pas de réponse à faire à une
• pareille explication, et je laisse au
« public le soin d'en apprécier la
• valeur. -L'archevêque fut phis heu-
reux auprès de Caulaiticourt, duc de
Vicence, qui lui-même exprima le
désir de le voir à ses derniers mo-
ments, et qui en effet reçut de lui les
secours de l'Église. Il fut aussi ap-
pelé au lit de mort du comte de Sèze,
de Lally-ToUendal ; et le noble pair
et le courageux défenseur du roi-
martyr moururent consolés par les
accents de sa piété. On a toujours re-
gardé la dissolution de la garde na-
tionale de Paris, en 1827, comme une
des plus grandes fautes de la Restau-
ration. L'évêque d'Hermopolis s'était
opposé dans le conseil du roi à cet
acte impolitique, et M. de Quelen pen-
sait comme lui, qu'il fallait se con-
tenter de frapper le bataillon qui avait
proféré des cris séditieux. Quelques
jours après, comme il entrait dans le
cabinet du roi, le prince alla au-de-
vant de lui et lui serrant forlement
la main, il lui demanda son opinion
sur la mesure qu'on venait d'adopter.
• Sire, dit-il, je lis dans l'Écriture
« que, quand le Seigneur frappe le
« pasteur, les brebis sont dispersées.
« Le Seigneur a frappé tes brebis, le
« pasteur est dans la désolation.— Pas
« plus que moi, repartit Charles X ;
« pas plus que moi, mon cher arche-
« vêque. Cela n'est que pour vous;
« car si on le savait, Charles X pas-
- serait pour un pauvre roi. » Ce fut
peiit-clre une autre faute de In RIS-
QUE
lauration (jue la dissolution de la
chambre des députés de 1827; les
élections furent hostiles à la royauté,
et une opposition systématique s<i
forma plus redoutable que jamais
contre tous les actes qui émanaient
du ministère. Le pressentiment d'un
grave danger se manifesta dans le
mandement que l'archevêque publia
à cette occasion, il veut qu'on porte
« ses regards et ses vœux vers cette
« Providence éternelle qui tient en
«sa main le sort des nations, qui
« prépare elle-même et dirige tous les
" événements selon ses desseins, qui
« sait employer à l'accomplissement
« de ses volontés des instruments
« souvent aveugles, et qui peut faire
« servir les passions les plus redou-
« tables des hommes à la manifesta-
« tiou de ses plus grands bienfaits. •
Pendant le ministère Martignac, la
presse ne cessa d'envenimer toutes
les questions religieuses , et de pour-
suivre de sa haine les membres les
plus influents du clergé. Ne trou-
vant ni dans les actes administra-
tifs, ni dans les^Jaroles du pasteur
à son troupeau, rien qui pût le com-
promettre, elle supposa une dissi-
dence entre l'archevêque de Paris
et son chapitre; mais une déclara-
tion signée des vicaires généraux
et de tous les chanoines de Notre-
Dame, un seul excepté, alors à l'ago-
nie, détruisit cette calomnieuse sup-
position, et constata solennellement
sa profonde vénération et son respec-
tueux dévouement à la personne de
l'archevêque. Le nouveau cabinet, en
prenant la direction des aflaires, vou-
lut satisfaire les exigences de l'opi-
nion. Un rapport adressé au roi par
M. Portails, et dans lequel on expo-
sait la situation de l'instruction pu-
blique et la nécessité d'un examen
approfondi de la constitution dos éco-
QUE
les secondaires ecclésiastiques, dési-
gnait une commission spéciale com-
posée de M. l'archevêque de Paris,
MM. Laine, Séguier, Meunier, Alexis
de Noailles, i'évêqiie de Beauvais
(Feutrier), de LaBourdonnaie, Dupin
aîné et de Courville, chargée d'as-
surer dans toutes les écoles ecclé-
siastiques du royaume l'exécution
des lois, et de faire coordonner toutes
les mesures nécessaires à prendre
avec la législation et le droit public
des Français. M. de Quelen fut nom-
mé président de celte commission,
et, grâce à l'habileté avec laquelle
il dirigea les délibérations, 1^ ma-
jorité se déclara pour une opinion
conservatrice. Un rapport, favorable
à l'existence des jésuites dans les
diocèses où ils étaient établis, et
à la liberté d'enseignement dans les
petits séminaires, fut adopté par cinq
voix contre quatre. Par une transac-
tion pleine de sagesse, on y accordait
quelques points à l'université, afin
d'en obtenir d'autres dans l'intérêt
de la religion et du clergé. Mais le
ministère n'adopta pas les conclu-
sions de la majorité, et bientôt pa-
rurent les ordonnances du 16 juin
1828 qui expulsaient les jésuites,
limitaient le nombre des élèves des
petits séminaires à un maximum de
20,000, et contenaient d'autres me-
sures prohibitives. Charles X, avant
de signer les ordonnances, voulut
avoir l'avis del'évèque d'Hermopolis,
etil le chargea de former une réunion
d'ecclésiastiques composée de lui,
des archevêques de Paris et de Bor-
deaux, et de l'abbé Desjirdins, vi-
caire-général du diocèse. Le résultat
de la délibération fut à l'unanimité :
1° que l'ordonnance leur paraissait
avoir plus d'inconvénients que d'a-
vantages; 2» qu'aucun d'eux ne vou-
drait prendre sur lui de la contre-si-
LXWIII.
QUE
309
gner ; 3° que le roi voyait les choses
de plus haut qu'eni : qu'il était juge,
par sa qualité de roi, de la position
politique de son gouvernement ; que
si, pour des motifs puisés dans un
ordre supérieur, dans la nécessité,
il croyait devoir prendre cette mefure,
ils n'oseraient prononcer qu'elle est
condamnable. L'archevêque aurait
désiré que l'évêque d'Hermopolis ne
dît rien au roi du troisième article
de la décision convenue. La chos«
était impossible, c'eût été taire au
roi précisément ce qu'il lui importait
de savoir. M. de Quelen, croyant que
sa pensée avait été mal rendue, écri-
vit au roi une lettre que ce priuce
s'empressa de communiquer à l'évê-
que d'Hermopolis. Celui-ci protesta
qu'il avait rapporté fidèlement ce
qui avait été convenu unanimement
dans la réunion. Les ordonnances
n'en furent pas moins signées. Uo
mémoire fut présenté alors au roi
par le cardinal de Clermont-Ton-
nerre, qui le signa au nom de l'épis-
copat français, dont il était le doyen ;
il était aisé d y reconnaître la touche
ferme, noble et mesurée de l'arche-
vêque de Paris. Une note adressée
de Rome par le cardinal Bernetti à
l'archevêque de Reims, dans laquelle
on disait qu'il fallait se confier en la
sagesse du roi, modifia un peu les
sentiments des évêques de France.
C'est à cette note que l'archevêque
de Paris fit allusion quand il di-
sait avec un grand bonheur d'expres-
sions qui fut remarqué, dans sa lettre
pastorale du 11 nov. 1828 : « Les au-
« gustes chefs de l'Église et de l'État
« se sont communiqué leurs pensées
«et leurs désirs; le Seigneur, in-
• clinant vers lui ces deux volontés
< suprêmes, les a réunies dans en
« même esprit de sagesse et de con-
• ciliation ; enfin, l'épiscopat fraO'
U
210 QUE
« çais, presque unanime cette fois
« comme la première, malgré les ob-
« scurités qui enveloppaient une af-
« faire si délicate et si pénible, s'est
« cru suffisamment autorisé à se sou-
« mettre à des mesures que, d'un
• côté , l'intervention pacifique et
« persuasive du vicaire de Jésus-
« Christ, et, de l'autre, la noble et
« pieuse condesceniiance du fils de
« saint Louis, paraissent avoir ren-
« dues désormais tolérables à la con-
« science. » Il connaissait la profonde
sagesse de Léon Xll, et devant une
parole qu'on disait émanée du Saint-
Siège, il fil taire toutes ses répugnan-
ces. Quand ce pape mourut, il lui
paya un juste tribut de regrets et de
vénération, tandis qu'il prémunit en
même temps les fidèles contre l'es-
prit de système qui menaçait l'Église
d'une guerre intestine. L'abbé de
Lamennais se reconnut aux paroles
du mandement, et il fit paraître deux
lettres à l'archevêque de Paris, em-
preintes d'une ironie amère et de con-
seils pleins de fierté et de dédain.
M. de Quelen ne voulut pas compro-
mettre la dignité de son ministère en
engageant une polémique avec le fou-
gueux écrivain qui oubliait toutes les
règles de subordination et les lois de
la plus siOiple convenance. Il se tut et
il pardonna. Il était alors occupé à
honorer, par un acte public et solen-
nel, la mémoire de saint Vincent de
Paul si cher à la France el à l'huma-
nité. On n'a pas oublié quelles furent
la pompe et la magnificence de la
translation des reliques du saint dans
la nouvelle église des Lazaristes de
la rue de Sèvres ; mais tandis que
la religion applaudissait à ces hon-
neurs éclatants rendus à un prê-
tre qui avait couvert la France en-
tière des monuments de sa charité,
la pç^sse irréligieuse faisait entendre
QUE
ses clameurs et se permettait d'indi-
gnes railleries sur cette expression
admirable de la piété et de la recon-
naissance publiques. Dès lors on put
prévoirqu'une terre d'où s'exhalaient
ces dérisions et ces calomnies contre
un saint qui fut l'ami de tous les mal-
heureux était menacée de quelque
grande catastrophe : au temps de Di-
derot et de D'Alembert on eût mieux
apprécié celte cérémonie, non moins
nationale que religieuse. Toutefois,
cette translation solennelle fut une
éloquente protestation contre l'indif-
férence du siècle ; elle servit à réveil-
ler la foi dans quelques cœurs; elle
manifesta les sentiments qui ani-
maient le clergé français pour celui
qui fut l'honneur du sacerdoce ; el le
prélat, dont la généreuse piété con-
tribua le plus à l'éclat de cette belle
cérémonie, parut puiser, sur les cen-
dres de saint Vincent de Paul, cette
charité sublime qu'il devait déployer
plus tard dans les jours affreux du
choléra. On prétend qu'à cette épo-
que MM. de Polignac et de La Bour-
donnaie lui offrirent le portefeuille
des affaires ecclésiastiques. Il était
trop clairvoyant pour se faire illusion
sur les difficultés qu'allait rencontrer
à chaque pas l'administration nou-
velle : sa présence au conseil eût été
un embarras de plus, et il refusa.
Quoique contrarié par ce refus, le
ministère ne lui eu fit pas moins don-
ner, au mois de mai, le cordon de l'or-
dre du Saint-Esprit. Il se souviut que,
deux mois auparavant, M. de Que-
len avait présenté au roi le contrat
d'acquisition du domaine de Cham-
bord, «qu'une ingénieuse pensée vou-
« lut dédier au fils de la Restauration
« en mémoire du bonheur de sa nais-
« sance, > disait le prélat au nom de
la commission dont il était président.
Après la prise d'Alger, il partageai»
QUE
joie de tous les bons Français sur les
glorieux succès de nos armes, et il
e'pancha ses sentiments dans un man-
dement qu'il publia à cette occasion.
Quand le roi Cliarles X se rendit à No-
tre-Dame, l'archevêque lui adressa ce
discours qui lit jeter des cris de fureur
à touie la presse libérale, et qui le lit
accuser d'être uu des fauteurs des or-
donnances de juillet, ou au moins d'ê-
tre ddus lacoubdence des projets que
tramait la couronne contre la liberté'
du peuple. Le bon sens va en décider :
■ Sire, ,que de grâces en une seule;
« quel sujet plus digne de notre re-
« connaissance aussi bien que de no-
« tre admiration que celui qui amené
« aujourd'hui Votre Majesté dans le
•> temple de Dieu et au pied des au-
« tels de Marie ! La France vengée,
« apprenant encore une fois quelle
■ peut se reposer sur vous du soin
« de sa gloire comme de son bonheur;
• l'Europe alfrduchie d'uu odieux tri-
• but, béuissaut votre sagesse et vo-
« tre puissance ; la mer purgée de
< piraies, abaissant sous vos voiles
■ ses tluts pdisibies ; le cumuierce sa-
■ luaniavtc amour votre pavillon res-
• pecté; l'humanité triomphant de la
■ barbarie ; la croix victorieuse du
• croissant ; les déserts de l'Afrique
■ retentissant des hymues de la foi ;
u la religion long-temps captive sur
« une terre désolée, vous proclamant
• son hberaieur !!! Fils de saint
« Louis, quel motif plus légitime de
« consolation, dejoie pour votre cœur
«noble et généreux; et pour nous,
• vos fidèles sujets, quelle juste cause
« d'allégresse et de transports ! Ainsi
• le Tout- Puissant aide au roi très-
« chrétien qui réclame son assistance.
« Sa main est avec vous, Sire ; que
• votre grande àme s'affermisse de
« plus en plus; votre confiance dans
« le divin secours et dans la protec-
QUE
211
> tien de Marie, mère de Dieu, ne
« sera pas vaine. Puisse Votre Majesté
« en recevoir bientôt encore une nou-
« velle récompense! Puisse- 1- elle
« bientôt venir encore remercier le
« Seigneur d'autres merveilles non
■ moins douces et non moins écla-
« tantes! ■ Ces dernières paroles de
l'archevêque servirent de prétexte à
tous les outrages et à toutes les per-
sécutions que lui fit subir l'efferves-
cence populaire. On ne lui pardon-
nait point d'avoir exprimé le désir
que Charles X pût venir remercier le
Seigneur d'autres merteiltes non
moins douces et non moins éclatan-
tes. Mais l'autorité n'était-elle pas
avilie chaque jour par des écrits, par
des bruits, par des caricatures, par
tous les moyens que pouvait imaginer
la haine? Ne poussait-on point la
royauté dans un défilé d'où elle ne
pouvait sortir que par un coupd'Eiat?
Ce fut à peu près à cetie e'poque,
quelques jours avant les ordonnances
dejuillet, que le prince de Talleyrand,
étant venu voir M. de Quelen à l'ar-
chevêché, lui dit ces graves paroles :
« Tenez bon, monseigneur, ceci est
« plus ferme (en montrant Notre-
« Dame) que les Tuileries. » L'arche-
vêque tint bon, et la révolution de
1830 ne fit que donner un nouveau
relief à sa grandeur et à ses vertus
épiscopales. Le lundi 26 juillet, il
était venu de Conflans à Paris pour
présider son conseil, et, ayant vu
dans le Moniteur les ordonnances de
la veille, il u'it à ses grands-vicaires :
• Tout cela est bon sur le papier,
• mais tenons bien nos têtes. » Pen-
dant que l'insurrection éclatait sur
tous les points de Paris, et que l'é-
meute se ruait sur l'archevêché où
elle pillait et dévastait tout, le prélat
était à Conflans, sans se douter le
moins du monde que sa vie courait
14.
212
OLE.
le plus grand danger. M. Caillard,
<;oti ami, médecin de l'Hôtel-Dieii,
qui avait, entendu les cris de mort
qu'une foule en délire poussait contre
son pasteur, accourut en toute hâte
auprès de lui et le conjura de se sau-
ver au plus vite. L'archevêque vou-
lut se rendre à Paris, au milieu de
son troupeau. M. Gaillard lui avait
promis de le cacher à l'Hôtel Dieu-,
mais à la vue des rassemblements
formés de tous les côtés, le prélat fut
obligé de se réfugier à la Salpètrière.
Cet asile compromettait encore trop
sa sûreté,et il se retira chez M. Serres,
médecin de la Pitié, qui le traita avec
tous les égards dus à sa position et
à son caractère. M. Lisfranc partagea
les soins généreux de son confrère.
Déjà la retraite de l'archevêque chez
M. Serres était connue, on parlait
de rouler sa tête au peuple pour
l'empêcher d'en demander d'autres.
M. Geoffroy-Saint- Hilaire le retira
alors chez lui, et le prélat resta près
de quinze jours dans celte maison,
entouré des soins les plus délicats et
les plus respectueux, passant ses
soirées à faire de la charpie pour les
blessés avec la famille de M. Geof-
froy. Après le 9 août, l'archevêque
alla remercier la reine de la sollici-
tude avec laquelle elle avait pourvu
k sa sûreté. La princesse le supplia
de ne pas abandonner son diocèse,
sa présence, ajouta-t-elle, étant plus
que jamais nécessaire à la religion,
et le roi étant dans l'intention de la
protéger de tout son pouvoir. L'ar-
chevêque répondit que jamais il n'a-
vait songé à quitter son poste, et qu'il
y mourrait au besoin. A quelques
jours de là, M. de Qiielen eut une en-
trevue avec le nouveau roi des Fran-
çais, et dans la conversation le prince
exposa ses sentiments et ses projets
ultérieurs, que les circonstances ne
QUE
lui ont pas sans doute permis de réa-
liser. Le roi Louis- Philippe l'invita à
envoyer quelqu'un à Rome pour con-
sulter Pie VIII sur les questions qui
faisaient alors naître parmi le clergé
les plus vives inquiétudes. Dans un
moment oii le clergé était l'objet de
tant de préventions, le départ d'un
ecclésiastique n'eût pas été sans in-
convénients. M. Gaillard, qui avait ac-
compagné le prélat au Palais-Royal,
fut celui qu'on destina à faire le
voyage de Rome *, il était porteur pour
le saint-père d'une lettre écrite par la
reine Marie-Amélie et d'une lettre de
M. de Quelen. M. Gaillard a consigné,
dans la Chronique de juillet 1830
par Rozet, la relation de son voyage
à Rome. Celte relation est curieuse-,
on y voit l'ami dévoué de l'archevê-
que, l'homme à convictions religieu-
ses, mais aussi quelquefois le libéral
préoccupé de vues, de tendances po-
litiques, qui confond sa religion et
son amitié avec ces vues et ces ten-
dances, et qui malheureusement, se-
lon la judicieuse observation de M.
Artaud, a essayé de faire prévaloir
ces dernières, sous le prétexte de
sa mission. Il faut lire cette re-
lation annotée par l'historien de
Pie VllI. On y rend hommage aux
bellesqualitésqu'a déployées M. Gail-
lard, en même temps qu'on y critique
avec une grâce parfaite plusieurs de
ses inexactitudes et de ses assertions
erronées. M. Gaillard était chargé de
consulter le pape sur le serment de
iidélité et sur les prières pour le chef
actuel de l'État. Non content d'ex-
poser de vive voix ses raisons, il
rédigea, pendant la nuit même qui
suivit son entretien avec le pape, un
méri»oire dans lequel il expliquait
l'objet et la nature de sa mission et
l'état des partis en France, tel qu'il
le concevait à son point de vue. Il
QUE
le dicta à uû de ses élèves qui rac-
compagnait, le fit remettre le lende-
main au souverain pontife, et se ren-
dit k Naples pendant qu'on Texa-
ininait et qu'on prenait un parti sur
sa demande. Ce mémoire décèle l'a-
gent poliiique plus que l'envoyé de
M. de Quelen ; il y a çà et là des pa-
roles assez pressantes et peut-être
même indiscrètes, comme le recon-
naît M. Caillard à la fin de son récit.
Le pape fit inviter l'archevêque à
prêter le serment, s'il lui était de-
mandé : c'était un conseil et non pas
un ordres ensuite le pape engageait
le prélat à donner «a démission de
la pairie, sur ce motif que dans l'état
des choses sa pairie ne pouvait être
d'aucune utilité ni pour lui ni pour
la religion. Ce serment, suivi d'une
démission, était sans dignité; on
croit qu'il avait été indiqué par les
peureux de Paris. Le cardinal Albani
l'avait approuvé, et Pie VIII ne fai-
sait là que répéter un avis de son
conseil ou de quelque congrégation
effrayée par les événements. M. Gail-
lard, retournant en France à petites
journées, laissa écouler le temps pres-
crit pour la déchéance de la pairie,
et délivra .M. de Quelen d'un grand
embarras et peut-être d'une faute.
Proscrit toujours au milieu de ses
diocésains et obligé de se cacher, ce
prélat consolait encore les malheu-
reux des débris de sa fortune. Un
odieux placard affiché sur les murs
de Paris disait que la commission
chargée de réparer les désastres
causés dans les journées de juil-
let avait accordé une indemnité de
200,000 fr. à l'archevêque, etjque c'é-
tait sans doute pour le dédommager
de la perte des poignards et des ba-
rils de poudre trouvés dans son pa-
lais. Un avis du préfet de la Seine in-
séré dans les journaux apprit au pu-
QUE
213
blic qu'il était faux que la commission
des dommages eût rien accordé à M.
de Quelen pour indemnité, et qu'il
était non moins faux que «les poi-
gnards et des barils de poudre eus-
sent été trouvés à l'archevêché. Lf
préfet n'avait pas besoin de justifier
la première partie de son assertion,
et la seconde ne pouvait être accueil-
lie que par la stupidité la plus niaise.
En novembre i830,M.Odilon Barrot,
alors préfet de la Seine, refusa de dé-
livrer à M. de Quelen le mandat d'une
somme de 5,000 fr. qui lui était due
pour le troisième trimestre de l'in-
demnité annuelle de 20,000 fr. votée
par le conseil du département, allé-
guant, par une amère et cruelle déri-
sion,que le prélat n'avait pas résidé
dans son diocèse.Lorsqu'il fut nommé
à la préfecture de la Seine, M. de Bondy
s'empressa de décliner la responsabi-
lité de cette mesure basée sur un fait
de la plus insigne fausseté, et il fil
délivrera l'archevêque le mandat au-
quel il avait droit. Ce prélat reparut
le 11 janvier 1831 à Notre-Dame où
il dit la messe. Le 16, il se rendit au
Palais-Royal, et eut une audience de
Louis-Philippe, auquel il parla fort
peu de lui-même, beaucoup de l'état
et des besuins du diocèse. Rassuré par
les paroles bienveillantes du prince,
il crut pouvoir faire disposer, à ses
frais, quelques pièces du palais ar-
chiépiscopal,indépendamment du se-
cré'ariat rouvert dès le commence-
ment de novembre et d-ans lequel ou
avait classé le peu de papiers et de re-
gistres échappés au pillage,quanduue
nouvelle dévastation rendit inutiles
toutes ces dépenses et les laissa à la
charge du prélat qui fut obligé plus
tard d'eu acquitter le montant. 31. d«
Quelen a été justifié, par les hommes
mêmes du pouvoir, d'avoir autorisé le
service fuuèbre du duc de Bern dan*
214
QUE
réglisedeSaint-Germain-l'Auxerrois,
et cependant c'est cette cérémonie qui
a servi de pre'texte aux nouvelles et
inconcevables fureurs d'une populace
ameutée. L'église de Saint-Geruiain-
l'Auxerrois saccagée, la croix enlevée
du haut des édifices religieux, les
derniers débris de l'archevêché jetés
dans la Seine, les actes d'un vanda-
lisme insensé accomplis sous les yeux
de l'autorité, la garde nationale as-
sistant l'arme au bras à des scènes de
pillage et de destruction parce qu'elle
n'avait point reçu d'ordpes, des
hordes de voleurs et de forçats libé-
rés à sales haillons se distinguant au
milieu de tous ces démolisseurs, des
cris de mort proférés contre un pon-
tife proscrit, dépouillé, frappé de
tant de coups à la fois, et innocent,
tel fut le spectacle hideux d'anarchie
que présenta la capitale pendant quel-
ques jours au mois de février 1831.
Un mandat d'amener fut décerné con-
tre M.deQueIen,et le conunissairede
police du quartier de l'Observatoire
eut ordre de s'emparer du prélat.
Aussitôt MM. Desjardms etMalthieu,
vicaires-généraux de Paris, se trans-
portent à la préfecture de police,
prient M. Baude de leur faire con-
naître les raisons qui ont motivé le
mandat d'amener contre l'archevê-
que, et ils offrent de se constituer pri-
sonniers à sa place, s'il est coupable.
« C'est moi seul qui suis coupable,
« répond M. Baude, j'ai déjà fait re-
« tirer le mandat d'amener. «Dans la
séance du 19 février, le comte de
Quelen, député des Côtes-du-Nord,
provoqua des explications sur ce
mandat décerné contre son frère. M.
Baude répondit avec franchise : «De
« nombreuses calomnies ont pesé sur
« la tête de M. l'archevêque de Paris.
"De nouveaux renseiguemeuts, un
« nouvel examen m'ont paru démon-
QUE
« Irer de la manière la plus claire
« que le service de Saint-Germain-
« l'Aiixerrois a été h\t à l'insu de
« M. l'archevêque de Paris :dès lors
« les motifs qui avaient déterminé le
« mandat d'amener ayant cessé d'exis-
« ter, j'ai dû le retirer. Je le déclare
« encore : M. l'archevêque de Paris
« est toujours resté avec soin étran-
« ger à la politique, il .s'est constam-
« ment renfermé dans les devoirs et
« les vertus de son état. Je crois que
« si tous les ecclésiastiques en France
«apportaient le même esprit dans
« l'accomplissement de leurs devoirs,
« nos troubles seraient bientôt apai-
« ses. » Le même jour il lui délivra
une attestation honorable conçue à
peu près dans les mêmes termes. Les
événements de février avaient con-
damné l'archevêque de Paris à une
retraite encore plus profonde, mais
il n'en veillait pas moins sur les be-
soins de son diocèse. Apprenant que
l'ancien évêque constitutionnel de
Loir-et-Cher, Grégoire, étiit dange-
reusement malade, il lui écrivit une
lettre louchante pour lui demander
un acte de soumission et de repentir.
Le malade refusa avec opiniâtreté
toute satisfaction, et fit entrer dans
sa réponse, souscrite d'un titre qui ne
lui appartenait pas, des plaintes ridi-
cules sur les fautes du clergé et sur le
rétablissement des jésuites. Une con-
solai ion du moins futofferte vers cette
époque à M. de Quelen : quelques
pieux diocésains, voulant réparer une
injustice dont ils gémissaient, ouvri-
rent à son insu nue souscription pour
le rétablissemeut de l'archevêché. Il
arrêta aussitôt cet élan généreux,
priant ceux qui lui témoignaient de
si vives symphaties de réserver pour
un autre temps leurs sacrifices. Le
choléra s'approchait alors à grands
pas de la capitale, et l'archevêque de-
QUE
vait rompre son ban pour prendre sa
place au chevet de l'indigent et du
moribond. C'est ici peut-être l'époque
la pins glorieuse de Tépiscopat de
M-deQuelen.cellequi devait le mieux
dévoiler tout ce qu'il y avait de gran-
deur dans son caractère et de sainte
charité dans son cœur.Elle a été par-
faitement appréciée par M.Moié dans
son discours de réception à l'Acadé-
mie française, et l'on nous saura gré
de citer les nobles paroles d'un ad-
versaire politique, mais trop géné-
reux, trop élevé pour ne pas applau-
dir à la vertu, à l'héroTsme chrétien
qui brilîenl dans le camp opposé.
«Au mois de février 1832, le fléau
« le plus épouvantable dont l'huma-
« nité puisseêtre atteinte, le choléra,
' éclate parmi nous. Aussitôt l'ar-
« chevéque de Paris paraît à l'Hôtel-
• Dieu pour la première f.'is; il re-
« paraît au milieu des malades, des
• mourants entassés par la contagion.
. Ce n'est pas assez pour lui des
« secours si abondants que la cha-
• rite chrétienne lui donne à distri-
« buer, il y joint l'abandon de son
« traitement; il veut que sa maison
« de Conflans devienne une maison
■ de convalescents, et que le sémi-
- naire de Saint-Sulpice soit trans-
• formé en infirmerie. On le voit
« transporter des cholériques dans
« ses bras, et si l'un d'eux qu'il bé-
« nissait lui crie : ■ Retirez-vous
« de moi, je suis l'un des pillards de
« l'archevêché, » on l'entend ré-
• pondre : • Mon frère , c'est une
« raison de plus pour moi de me ré-
• concilier avec vous et de vous
• réconcilier avec Dieu. » Enfin, c'est
« dans les salles de l'Hôtel-Dieu,
• c'est en voyant tant de pères et de
•> mères de famille précipités dans
< le tombeau, qu'il conçut l'idée de
• cette œuvre admirable des orphe-
QUE
315
< lins da choléra. Il fallait, pour la
« fonder et en assurer l'avenir, inspi-
« rer de nouveaux efforts, demander
■ à la charité publique de nouveaux
« sacrifices. M. de Quelen, qui ne
« s'était montré dans aucune église,
«voulut s'acquitter lui-même de
« cette mission. On annonça qu'il
« prêcherait à Saint-Roch pour les
« orphelins du choléra. Pauvres et
« riches, toutes les classes de la po-
« pulation parisienne accoururent.
• De longues files de voitures et des
• flots pressés de piétons assiégeaient
« les avenues du saint lieu où la voix
• du prélat allait rompre un silence
« gardé depuis si long-temps. Que
• cette scène, dont tant de personnes
• conservent encore la mémoire, se
« fût passée au temps de saint Vin-
« cent de Paul ou de Charles Borro-
« mée, nous ne trouverions pas des
< pinceaux assez éclatants pour en
« consacrer le souvenir. Laissons au
« passé toutes ses glo res, mais n'a-
• moindrissons pas le temps présent;
• l'avenir, soyez-en sûrs, lui rendra
• toute justice; il n'oubliera pas cet
• archevêque de Paris rompaut son
« ban, sortant de la retraite où la
« violence et la persécution l'avaient
« forcé de se renfermer, pour de-
« mander à tous les pères, à toutes
« les mères, à tous ceux qui portent
• quelque pitié au cœur, d'adopter
' tant d'enfants auxquels le fléau ve-
« nait d'enlever ceux que la nature
« leur avait donnés pour les nourrir
• et les protéger. Serait-il vrai qu'il
< y ait pour tous les hommes dont
• la vie mérite qu'on la raconte, un
« moment, une journée où ils arri-
« vent aussi haut qu'il leur est donné
« d'atteindre, où ils sentent au plus
• intime comme au plus profond de
« leur âme une sainte estime d'cux-
• mêmes qui ne saurait être surpas-
na QUE
• sée? Tel, croirions-nous alors, aurait
« été pour M. de Quelen le moment
« où, descendant de là chaire, il vit
«cette fouie l'entourer, l'étouifer,
» pour ainsi dire, sous l'abondance de
■ ses offrandes, les femmes se dé-
« pouiller de leurs bijoux lorsque
« leur bourse était épuisée, et le pau-
" vre lui-même livrer le denier dont
« il allait apaiser sa faim. Trente-trois
« mille francs furent ainsi versés
« dans ses mains. » Il prêcha encore
à Notre-Dame pour la même œuvre
le 29 décembre 1834, et il recueillit
30,000 fr. Son discours fut imprimé
et vendu au profit des orphelins du
choléra. Peinture des mœurs,onction,
piété, beautés du langage, tout s'y
trouve réuni au degré le plus émi-
nent. C'est surtout aux livres saints
que l'orateur aime à emprunter ses
plus brillantes images, et il semble
inviter par son exemple les prédica-
teurs à puiser dans ces sources sacrées
où Bossuet retrempait les armes de
soji éloquence, et où Massillon choi-
sissait les couleurs pures et suaves
dont il a embelli son style enchan-
teur. Cette peinture du choléra-mor-
bus est de la plus superbe expression
oratoire : « Non , l'épée d'Hérode et
« de ses satellites ne fut ni plus meur-
• trière ni plus cruelle envers les in-
« nocents de la Judée, que ne l'a été
« pour ceux de notre pays le îalon
« glacé de ce tyran inflexible, pour
• me servir des expressions de l'Ecri-
• ture, qui, du sein de la fière et vo-
« luptueuse Asie, tombant à l'impro-
« viste sur les royaumes et les em-
• pires, vint en personne et sans
• émissaires se promener dédaigneu-
« sèment sur nos têtes, écrasant sous
- son pied de fer nos parents, nos
- amis, nos familles, sans distinction
« d'âge, de sexe, de rang, de fortune ;
• sans avoir égard aux plaintes de
QUE
« Rachel, aux gémissements de Jacob,
« aux lamentations de Rama, aux cris
«de Bethléem, à la consternation
« d'Israël eu effroi. «Les circulaires,
les mandements, les lettres pastora-
les qu'il publia pour la même œuvre
sont aussi très-remarquables, et ils
resteront comme un monument du-
rable de son active charité. Depuis
cette époque, M. de Quelen put repa-
raître en public avec ce que je ne sais
quoi d'achevé que le malheur ajoute
à la vertu; les sympathies du peuple
lui furent rendues, et, si le pouvoir
conserva à son égard quelques restes
de défiance, le prélat n'en remplit pas
moins en toute liberté son ministère
au milieu de la reconnaissance et de
la vénération générales. Il soutint un
procès à l'occasion de la châsse de
saint Vincent de Paul que la dévas-
tation de l'archevêché ne lui avait pas
permis de solder entièrement. H se
refusait à payer des intérêts qui n'é-
taient pas dus; mais les tribunaux, ju-
geant que l'orfèvre avait agi en quel-
que sorte comme mandataire plutôt
que comme fabricant, mirent les in-
térêts à la charge du prélat. De pieu-
ses souscriptions vinrent au secours
de l'archevêque. 11 écrivit une letlre
touchante à labbé Châtel pour le ra-
mener à l'union catholique; mais
toutes les supplications furent inu-
tiles, et les farces impies du prêtre
apostat ne devaient disparaître que
plus tard devant les injonctions de
la police. H se flatta pendant quelque
temps d'avoir vaincu la résistance de
l'abbé de Lamennais, dont la doctrine
venait d'être condamnée à Rome. Ou-
bliant les torts de l'irascible écrivain
qui l'avait traîné lui même plus d'une
fois dans la fange, il lui tendit la main,
obtint qu'il se soumît sans réserve au
jugement du souverain pontife et l'ea-
conragea dans son obéissance si chrc-
QUE
ticDoeet si sacerdotale. Malheureuse-
ment l'abbé de La Mennais n'y persé-
véra guère, et il désola tous ceux qui
l'aimaient en lançant son cri de ré-
volte dans les Paroles d'un Croyant.
— Chaque année la tribune de l'as-
semblée élective retentissait des ac-
cusations insensées d'un abbé Pa-
gancl qui rejelajt sur M. de Quelen le
pillage et les vols de l'archevêché dont
celui-ci avait été la victime. L'ac-
cusation ne pouvait avoir d'accès
qu'auprès des spoliateurs; toutefois
le vénérable archevêque de Toulouse
crut devoir prendre en main la cause
de son illustre collègue, et en quel-
ques lignes insérées dans VAmi de la
ReligionW confondit la calomnie- £n
1834, M. de Quelen fonda dans l'église
de ISotre-Dame un cours d'instruc-
tions dogmatiques sur les principales
vérités de la fui. Il ouvrit lui-même
cette première station par un dis-
cours que l'élite de la société voulut
entendre. D'autres orateurs, avec qui
il avait arrêté le plan et la méthode de
ces instructions, traitèrent ensuite
les sujets indiqués selon la portée et
la mesure de leur talents. Pour être
plus agréable à la jeunesse et pour
mettre plus d'unité dans l'enseigne-
ment des vérités religieuses, l'arche-
vêque fit monter dans la chaire de No-
tre- Dame l'abbé Lacordaire, et après
lui l'abbé de Ravignan. Ces orateurs,
si différents dans leur genre et dans
leurs manières, mais tous les deux
d'un incontestable talent, ont tour à
tour captivé et charmé un nombreux
et brillant auditoire. L'archevêque se
livrait, plein de zèle, à tous les soins
du ministère, lorsque l'attentat de
Fieschi le mit eu rapport avec la cour.
Il se rendit aux Tuileries accompagné
de ses grands- vicaires, manifesta de
vive voix, avec son vif intérêt et sa
douleur amère pour le sort de tant de
QUE
'Ji
victimes, des sentiments sur lesquels
le moindre doute serait pour un éié-
que, ou même pour tout honnête hom-
me, la plus cruelle des injures (t). Il
officia dans l'église des Invalides au
service des victimes de juillet. Une
escorte d'honneur lui avait été don-
née, et elle l'accompagna également
le lendemain à Kotre-Dame où il re-
çut et harangua le roi Louis-Philip-
pe. Le langage simple et digne du
prélat n'obtint pas grâce auprès de
quelques journaux, qui se plaigni-
rent avec amertune de la parcimo-
nie des louanges. Quand Tattentat
d'Alibaud vint, un an plus tard, épou-
vanter la religion et la société, l'ar-
chevêque se présenta encore à Neuilly,
et daus sa circulaire du 28 juin 1836
il repoussa comme chrétien, comme
Français, comme homme d'honneur,
les funestes doctrines dont ce crime
était le fruit. La mort de Charles X
lui fournit une nouvelle occasion de
manifester l'esprit de paix et de cha-
rité dont il était animé. Il défendit à ses
curés de faire des services solennels
pour le repos de l'àme du roi défunt,
afin de « prévenir jusqu'aux injustes
• susceptibilités de certains esprits,
• hélasî trop disposés au blâme, à la
• censure, quelquefois aux irritations
< et à la violence, lorsqu'il s'agit de
• juger les ministres de la religion. -
Au moment où l'archevêque de Paris
agissait avec cette circonspection qui
devait plaire au gouvernement, le
ministère présentait aux chambres
une loi portant que cession des ter-
rains occupés jadis par le palais ar-
chiépiscopal était faite à la ville de
Paris. L'archevêque protesta contre
cette mesure dans une déclaration
énergique, qui fut signée par tous les
membres du chapitre de la métro-
Ci) Circulaire aux carès, da 3 ao&t i$33.
2t8
QUE
pôle. Le garde des sfceaux déféra la
déclaration de l'archevêque et l'ad-
hésion du chapitre au conseil d'État
qui prononça qu'il y avait abus dans
ladéclaration et dans l'adhésion, etqui
les déclara supprimées. « En 1837, dit
« M. Mole (2), une administration qui
«voulait effacer jusqu'à la trace de
« nos discordes civiles, ayant rouvert
« les portes de cette antique église
« de Saint -Germain - l'Auxerrois, il
• vint bf'nir ce sanctuaire profané
« d'où était parti le signal du sac de
«l'archevêché, » et il porta ses remer-
cîmenls au prince qui venait enfin de
mettre un terme à la viduité d'une
grande paroisse. Il n'eut pas la con-
solation de voir rendre au culte divin
l'église de Sainte -Geneviève, qu'on
destinait définitivement à recevoir
les dépouilles des grands hommes de
la patrie. Un fronton, sculpté par Da-
vid, offrait aux regards Fénelon à côté
des écrivains impies, licencieux et
corrupteurs, et M. de Quelen écrivit
à son clergé pour protester contre
cette profanation. Cependant, au mi-
lieu de ses amertumes, une grande
joie était réservée à son épiscopat.
Le prince de Talleyrand venait de
mourir réconcilié avec l'Église. Ses
dernières paroles furent comme une
action de grâces pour le prélat aux
priires et aux pressantes sollicita-
tions duquel il se reconnaissait rede-
vable de son bonheur. L'archevêque
a toujours cru que sa rétraclation
avait été très-sincère, et un des amis
politiques du célèbre diplomate dit
quelques jours aprèssa mort : « C'est
• une mort qui enterre toute l'école de
• Voltaire. » Nous avons déjà dit que
M. de Quelen fut souvent appelé au
(a) Discours de réception à l'Acadcmie
frao<;aise.
QUE
lit de mort de plusieurs fameux per-
sonnages : Savary, duc de Rovigo;
l'ancien archevêque de IMalines, M. de
Pradt ; la duchesse d'Abrantès, reçu-
rent de sa main les secours de l'É-
glise. Les accents de son âme reli-
gieuse et sensible réveillaient le re-
pentir, et une pieuse résignation
adoucissait les derniers moments
d'une vie bénie par le saint pontife.
Il retarda un voyage qu'il voulait faire
en Normandie pour ondoyer le comte
de Paris, et le 25 août 1838 il an-
nonça à son clergé qu'un Te Deum
lui était demandé en action de grâces
de la naissance d'un prince qui venait
de recevoir dans l'Élat le titre dé
comte de Paris, et dans l'Église ca-
tholique, par le saint baptême, celui
de chrétien, d'enfant de Dieu et d'hé-
ritier du royaume céleste. Le même
jour il reparut aux Tuileries pour re-
mercier le roi Louis-Philippe du bel
ornement qu'il venait de donner à No-
tre-Dame, et d'une sommede25,000fr.
destinée aux œuvres de chanté. Par
un sentiment de délicatesse, le prélat
s'abstint de rien assigner aux établis-
sements ecclé>iasliques. La presse,
hostile au clergé, ne laissa pas tom-
ber les paroles de l'archevêque. Ayant
oublié, si même elle les avait jamais
appris, les premiers éléments de la
religion, elle fit les commentaires les
plus ridicules sur des idées et des ex-
pressions qui sont celles du catéchis-
me. — En 1839, de graves symptô-
mes se manifestèrent dans la santé de
M. de Quelen, dont tant de secousses
devaient hâter la fin. Il ne se méprit
pas sur la gravité de sa position, et il
fut le premier à réclamer les prières
de l'Église. Malgré ses souffrances,
son égalité d'âme était admirable.
Bon, affectueux pour tous ceux qui
l'entouraient, il parlait avec calme de
sa fin prochaine, et il ne semblait oc-
QUE
cupé qu'à consoler ses amis ëpidrés.
Prêt à paraître devant Dieu, il disait
à un frère digne de toute sa ten-
dresse : • Surtout fais bien en sorte
« que l'on sache qu'en mourant je
« n'emporte aucune amertume contre
• qui que ce soit, et que je pardonne
« de tout mon cœur à ceux qui m'ont
• fait quelque mal. > Après avoir
reçu avec une vive piété les der-
nières consolations de la religion,
il s'exprima ainsi devant son chapitre
réuni autour de son lit de mort :
« L'obéissance, et la volonté de Dieu
• qui m'est manifestée par l'organe
• des médecins, me ferment la bou-
« che ; mais elles ne font que dilater
« mon cœur. Je désire que vous puis-
« siez tous y lire les sentiments de
« tendresse, de reconnaissance, de
• vénération dont j'ai toujours fait
- profession pour le chapitre, et que
• je ressens surtout en ce moment,
« après le service spiriluel que vous
« venez de me rendre. J'ai parcouru
« une mer orageuse : si je puis, com-
« me je l'espère, par la grâce de No-
• tre-Seigneur et sous les auspices de
• VÊtoile de la mer. arriver au port,
« je serai toujours sur le rivage de
« l'éternité où vous viendrez tous
« aborder, pour vous attendre, vous
■ recevoir et vous donner le baiser
• de paix fraternel et éternel. C'est
« là qu'il sera heureux de dire : Ecce
« quàm bonum et quàm jucundum
« habiiare fratret in unum. - M. de
Quelen mourut le 31 décembre 1839,
et son oraison funèbre fut prononcée
à Noire-Dame par M. l'abbé de Ra-
vignan. A mesure que les événements
s'éloigneront de nous, et que les pas-
sions contemporaines seront calmées,
on rendra justice à ce prélat, et son
épiscopat marquera glorieusement
dans l'histoire de l'Église de France.
Appartenant, par sa naissance, à l'an-
QUE 219
cienne noblesse, il en conserva, dans
ses relations, la grâce et l'exquise ur-
banité. Prélat plein de foi et de cou-
rage, il ne recula jamais devant les
devoirs de son ministère. On mysté-
rieux pressentiment l'avait averti de
bonne heure qu'il était réservé à de
terribles épreuves, et il fut sublime
de force et de vertu au sein de l'ora-
ge. Trop long-temps méconnu par des
ingrats, et Qétri par des détracteurs
passionnés ou des ennemis farouches
qui ne pouvaient lui pardonner leurs
propres injustices, il fut toujours
étranger aux sentiments de la haine et
de la vengeance. Sa charité descendit
souvent sur ses persécuteurs. On ou-
bliera quelques fiertés qui échap-
paient à son caractère , et dont les
puissants du jour pouvaient seuls se
pl.iindre. Il ne savait qu'être bon, af-
fable et obligeant envers les petits.
Surtout, il est difficile de se faire une
idée de l'enthousiasme que l'archevê-
que de Paris excitait dans les provin-
ces : on attendait ses actes pour se
décider, son jugement pour pronon-
cer; et on félicitait l'Église de Paris
d'avoir à sa tète , dans des jours dif-
ficiles, un évéque qui rappelait, par
sa charité et ses vertus évangéliques,
les plus beaux temps du christianis-
me. Et quel bonheur d'être admis
dans son intimité! On n'était pas
long-temps avec l'illustre prélat sans
admirer tout ce que son cœur renfer-
mait de noble, d'élevé et d'afl'ectueux.
Il permettait une douce familiarité;
mais, jusque dans les libres épanche-
ments d'une causerie intime, on n'ou-
bliait point la profonde vénération
due à sa haute position, à sa dignité
personnelle et à ses vertus émiuentes.
Sa conversation était élégante, variée
et facile; sa mémoire ornée des meil-
leurs passages des grands écrivains
du grand siècle. Si on lui soumettait
2-20
QUE
quelques doutes sur la valeur d'une
expression ou la proprie'te'd'un terme,
il approuvait ou il condamnait par
une phrase de Bossuet ou de Massil-
lon. 11 ne voyait pas sans quelque ef-
froi le mauvais goût infester tous les
genres de littérature et pénétrer jus-
que dans la chaire sacrée. Tout ce qui
est sorti de sa plume prou<ve qu'il
était, lui, demeuré fidèle aux bons
modèles. On a imprimé le recueil de
ses mandements en deux volumes
in-i". M. Bellemare fit paraître quel-
ques jours après sa mort un écrit
in-S» intitulé : M. de Quelen pendant
dix ans. Cet ouvrage plus abondant
en réflexions qu'en faits, et cela en-
trait dans le plan de l'auteur, ren-
ferme cependant quelques anecdotes
qu'on lit avec intérêt. Il est écrit avec
conviction , logique et une grande
pureté de style. M. Henrion a pu-
blié la Vie et les Travaux aposto-
liques de M- de Quelen. La seconde
édition est beaucoup plus complète.
Cette Vie est très-exacte et donne une
juste idée du caractère élevé de l'ar-
chevêque, de ses vertus aimables, de
sa douceur, de sa piété, de son tact,
de l'esprit qui a dirigé son adminis-
tration. Nous l'avons consultée avec
fruit pour composer cette notice.
D— s— E.
QUELLYN (Érasme), en latin
Quellinus., peintre, naquit à Anvers
en 1607. Destiné par ses parents à la
carrière des belles-lettres, il fit d'ex-
cellentes études-, et professa même
la philosophie pendant quelques an-
nées. C'est à titre de savant et de
bel esprit qu'il fut admis dans la
maison de Rubens, où se réunissaient
les personnes les plus distinguées de
la ville d'Anvers. La vue des chefs-
d'œuvre de ce grand maître éveilla
le goût de Quellyn pour la peinture;
il quitta sa chaire de professeur cl
QUE
se fit élève de Rubens. Ses rares
dispositions ne tardèrent pas à se
développer, et il devint un peintre
du premier mérite. Il joignit à celte
étude celle de l'architecture et de la
perspective, et il sut se distinguer
sous ce rapport comme sous celui de
peintre d'histoire. Il se fit aussi une
réputation méritée comme peintre de.
portraits, et il se plut à exercer ce
dernier talent, en consacrant, ainsi
que Van Dyck, ses pinceaux à con-
server les traits de la plupart des ar-
tistes célèbres de son époque. Rubens ,
qui d'abord n'avait été que son maî-
tre, fut bientôt son ami, et leur ami-
tié dura jusqu'à la mort. C'est à lui
que Quellyn dut son premier ta-
bleau, c'est lui qui l'encouragea à se
produire en public, et dès ce mo-
ment les travaux ne lui manquèrent
plus : la vogue dont il ne cessa de
jouir, jointe à la sagesse de sa con-
duite, lui firent contracter un riche
mariage d'où naquirent plusieurs en-
fants, parmi lesquels Jean-Érasme
est le seul qui cultiva la peinture.
Les ouvrages de Quellyn sont com-
posés dans le style des grands maî-
tres ; son savoir et son goût tempé-
raient la fougue de son imagination.
Sou dessin ne manque pas de cor-
rection, et pour la couleur il se rap-
proche de Rubens; le clair-obscur,
les ombres, les lumières, sont distri-
bués avec intelligence, et ses fonds
d'architecture et de paysages décè-
lent un maître consommé dans son
art. Parmi les tableaux qu'on a de
lui, on cite avec éloge VAnge gar-
dim,daiis une des chapelles de Saint-
André d'Anvers ; la Naissance de
Jésus-Christ, dans l'église de Sainte-
Catherine de Malines; et le Repos de
la Vierge en Egypte, que l'on voit
sur l'autel de la chapelle de Saint-
Joseph, dans IVglisc do Saint-Sau-
QUE
yenr, à Gand. Ce peintre a gravé à
l'eau-forte quelques pièces d'après
Riibens et ses propres compositions.
La plus rare est un joli paysage avec
une danse d'enfants et de petits sa-
tyres. Le nombre des morceaux que
Ton a grave's d'après lui est de 88
environ. Les principaux artistes aux-
quels on les doit sont Jode, Wor-
sterman , Pontius ,* Bolswert , etc.
Qnellyn mourut à Anvers le 11 nov.
1678. Corneille de Bie a écrit sa vie
en vers, et par une exagération uu
peu trop poétique, il le met au-des-
sus de tous les artistes que l'antiquité
a produits. — Jean-Eratme Qlel-
LYN, fils du précédent;et son élève,
naquit k Anvers en 1629. Quoique
son père eût senti le besoin d'aller
étudier en Italie, il n'avait pu satis-
faire son envie ; il n'en fut que plus
empressé d'y envoyer son fils, qui
profita d'une manière remarquable
de son séjour et de ses études dans
ce pays. A Rome, à Florence, à Ve-
nise et à Naples, il fut employé à
l'exécution d'importants travaux qui
lui firent le plus grand honneur. Sur
le bruit de ses succès, son père le
rappela près de lui pour faire jouir
sa patrie d'une réputation qui ne tar-
da pas à s'accroître encore. A peiue
arrivé à Anvers, il fut accablé de de-
mandes, et il enrichit de ses ouvrages
la plupart des villes de la Flandre. Le
nombre en est très-considérable, et
l'on se bornera à citer les principaux.
Ce sont ; à Bruges, dans l'église de
Saint-Walburge, les Pèlerins d'Em-
maiis: dans Téglise de Notre-Dame,
à Mdlines, «ne Cène qui passe pour
un morceau achevé^ chez les Bégui-
nes de la mêuie ville, cinq tableaux
de la Vie de saint Charles Borromée;
chez les Jésuites cinq autres tableaux
delà Tie de saint François-Xavier.
Mais son chef-d'oeuvre est le tableau
QtJÈ
221
qui décore l'église de l'abbaye de
Saint-Michel, à Bruges, et qui repré-
sente Jésus -Christ guérissant les
malades. Ce tableau, absolument
dans le style de Paul Véronèse, pour-
rait être attribué à ce grand maître.
C'est la même entente dans la com-
position, la même perfection dans le
coloris, le même talent pour l'archi-
tecture, la même intelligence dans la
distribution des nombreuses figures
qui remplissent le tableau. Aussi
était-ce le maître qu'il avait étudié
avec le plus de prédilection pendant
son séjour en Italie. Il possède éga-
lement plusieurs des qualités de Ru-
bens, et après ce grand peintre Jean-
Érasme Quellyn peut être regardé
comme un des artistes les plus habiles
que l'école flamande ait produits. Ses
tableaux sont remarquables par un
dessin correct, un grand goût de
draperies, un véritable génie pour la
composition, dont l'ordonnance est
toujours belle et grandiose. L'expres-
sion de ses figures est animée sans
affectation, et il rend avec vérité les
difiFérentes passions qu'expriment ses
personnages. Ces divers mérites sont
encore rehaussés par une couleur
vraie et brillante, surtout par les ef-
fets et l'entente parfaite du clair-
obscur. Cet artiste ne cessa pas de
travailler pendant sa longue carrière.
H mourut à Anvers, le 11 mars 1715.
— ArthusQvs-LLSS^ cousin du précé-
dent, naquit à Anvers et se livra à la
sculpture. Il se rendit en Italie, se
mit sous la direction de François du
Quesnoy, dit le Flamand., et devint
un artiste distingué. De retour dans
sa patrie, il fut choisi par les bourg-
mestres d'Amsterdam pour décorer
l'Hôiel-de-Ville qui venait d'être ter-
miné. Arthus exécuta tous les tra-
vaux de sculpture qui ornent cet
édifice, l'nn des plus beaux de la Hol-
222
QUE
lande, et ces travaux sont eux-mêmes
un des monuments les plus remar-
quables de la sculpture moderne. —
Hubert Quellyn , frère du précé-
dent, dessinateur et graveur, naquit
dans la même ville vers l'an 1608.
L'ouvrage par lequel il s'est fait con-
naître est la gravure de toutes les
peintures dont son frère Arthus a dé-
coré l'Hôtel-de-Ville d'Amsterdam,
qu'il a exécutée d'après les dessins de
Jean Bennokel, et qu'il publia en
1655 eu un fort vol. in-fol. Son tra-
vail a quelque ressemblance avec ce-
lui de Soutman : il avançait sa plan-
che à l'eau-forte, et la terminait au
burin avec beaucoup de force et de
propreté. Il marquait ordinairement
ses estampes en toutes lettres, du
nom de son frère et du sien. P — s.
QUÉNOJX (J.), lexicographe, né
vers 1767, était professeur de seconde
au collège Louis-le- Grand, lorsqu'il
mourut le 23 juillet 1821. Il avait pu-
blié, en société avec M. Thory, pre-
mier employé à la Bibliothèque du
roi , un Dictionnaire grec français ,
ouvrage adopté par l'Université, Pa-
ris, 1807, 2 tomes en un vol. in-S-'.
Quénon s'occupait, depuis plusieurs
années, d'un Dictionnaire français-
grec^ pour lequel il a laissé des ma-
tériaux. Z.
QUEQUET (Charles-François),
né à Paris eu 1768 , fut reçu avocat
au parlement en 1787 et exerçait cette
profession avec beaucoup de succès
lorsque la révolution éclata. Il se
montra , dès le commencement, fort
opposé à ses excès , et essuya plu-
sieurs persécutions. Le 30 mars 1814,
aussitôt qu'il eut été stipulé, par la
convention conclue sous les murs de
Paris, que les monarques alliés entre-
raient le lendemain dans la capitale,
il rédigea une adresse à l'empereur
de Russie et au roi de Pru.sse, pour
QUE
demander à ces souverains de proté-
ger le retour du roi et le rétablisse-
mentde la monarchie légitime. On lit,
dans VHistoire de la campagne de
1814 , par Alph. de Beauchamp, que
« cette adresse , qui a été recueillie
« par les journaux du temps et qui est
« rapportée par l'historien, est l'ou-
» vrage de M. le comte Ferrand, mi-
« nistre d'État ; qu'elle a été lue par
« son auteur dans une réunion de
« royalistes qui se forma le 31 mars
« 1814 dans la maison de M. Lepel-
« letier de Mortefontaine, rue du fau-
" bourg Saint-Honoré ; qu'une dépu-
« talion, composée de MM. Ferrand ,
« de La Rochefoucauld, de La Ferté-
« Meun et de Chateaubriand , porta
«sur-le-champ ce vœu vraiment
« français à l'empereur de Russie;
" qu'à minuit M. le comte de Nessel-
« rode dit aux députés royalistes , de
« la part de l'empereur Alexandre,
« que jamais ce prince ne traiterait
« avec Napoléon, ni avec aucun mem-
" bre de sa famille , et que le lende-
" main une déclaration authentique
" serait publiée en conséquence.... »
(Tom. II, p. 381 à 385.) Ce récit n'est
pas exact. La déclaration de l'empe-
reur de Russie avait été imprimée et
placardée sur les boulevarts immédia-
tement après l'entrée des troupes
étrangères, le 31 mars, entre trois et
quatre heures après midi {vov. de
Pbadt, dans ce vol.). Quant à l'a-
dresse^ son auteur avait passé la jour-
née du 31 mars à solliciter vainement
plusieurs imprimeurs 5 et ce ne fut
que le 1" avril, vers quatre heures
du soir, qu'on lui indiqua les frères
Marne , rue du Pot-de-Fer , qui n'hé-
sitèrent pas à donner leurs pres-
ses. Dans la matinée de ce même
jour, 1" avril , Vadresse était encore
manuscrite ; et Quequet, désespérant
des moyens de la faire mettre sous les
QUE
yeux de l'empereur de Russie, errait
dans la foule qui se pressait autour
du logement de ce monarque, rue
Saint-Florentin. Il était accompagné
de M. Dupuy, alors suppléant, plus
tard vice président du tribunal de
première instance, qui avait partagé
ses démarches et sa sollicitude, ils
rencontrèrent le comte de Brosses,
conseiller à la cour royale, plus
tard préfet de Nantes, et le comte de
Modène. Tous quatre se réunirent
dans l'entre-sol non occupé d'une
maison, rue Saint-Florentin, maison
où M. de Modène était connu et dont le
portier leur procura ce qui était né-
cessaire pour écrire. Quatre copies
de Vadresse furent faites à la fois, et
M. de Mudene, qui avait accès auprès
de M. de Nesseirode.jse chargea de
lui remettre une de ces copies dans
la matinée même. Imprimée, dans la
soirée, au nombre de 500 placards
et de 600 exemplaires , Vadresse fut
affichée dans la nuit, répandue par-
tout avec une grande profusion et lue
publiquement au Théâtre-Français, le
lendemain 2 avril, par l'acteurTalma,
à la suite d'une représentation d'i-
phigénie en Aulide. Telle est l'exacte
vérité sur cette adresse, attribuée
au comte Ferrand, qui n'a pas cru
devoir (comme il en avait été'prié)
désavouer la narration de l'historien
de la campagne de 1814, par la rai-
son :,&-{• i\-i\\{, qu'il n'était pa*r au-
teur de cet ouvrage. Quequel fut
nommé en 1815 avocat -général à la
cour royale de Paris. Il défendit, en
celte qualité, les droits du domai-
ne de la couroBne, dans le procès
qui eut lieu, en 1816 et 1817, au
sujet de traites appartenant au tré-
sor de la liste civile, qui en avaient
été diverties après la deuxième chute
de Bonaparte, en juin 1815. Sous cou-
leur d'une pégociatioa fortive, par
QUE
i2i
laquelle une maison de commerce an-
glaise (la maison Barandon et com-
pagnie) semblait avoir été investie
de leur propriété, ces traites, mon-
tant à 711.000 fr. faisaient partie
d'environ 20 millions, en diverses va-
leurs, que, dans la décadence de ses
affaires, Bonaparte avait pris dans
le trésor de la liste civile, tant pour
lui que pour les siens, Lucien,
Eugène Beauharnais, Hortense, etc.
Cette affaire, dont une des questions
était la validité, en droit , des ac-
tes et des contrats faits par un usur-
pateur, n'avait été vue, dans l'ori-
gine, que comme une simple ques-
tion commerciale, et le tribunal de
commerce de Paris l'avait jugée en
faveur des banquiers anglais. Sur
l'appel porté en la cour royale , l'a-
vocat-géuéral Quequet présenta la
cause sous un aspect à la fois plus
exact et plus étendu. 11 établit que la
question de propriété des traites, sur-
tout d'après la nature des principes
qui devaient la gouverner , excédait
la compétence d'un tribunal de com-
merce. 11 développa , d'après la doc-
trine des publicistes les plus respec-
tés, les grandes maximes de droit pu-
blic qui lui paraissaient devoir juger
le procès. Enfin, il rapporta toutes
les preuves de l'organisation d'un
vaste plan de brigandage, dont la né-
gociation prétendue des traites en
question n'avait été qu'une branche,
et démontra que sous le rapport soit
du droit commun, soit du droit com-
mercial, la propriété du trésor de la
couronne, sur ces traites, était incon-
testable. L'acrét rendu par la cour
royale, le l*' février 181 7, adopta tou-
tes ses vues. Eu 1818 , après le décès
du président Faget de Bdure, Quequet
fut nommé rapporteur du comité con-
tentieux de la liste civile qu'il avait
si heureusement défendue, et remplit
224 QUE
ces fonctions avec autant de zèle que
de probité. 11 reçut eu 1823 la croix
de la Légion-d'Honneur, fut nommé
président à la cour royale de Paris,
puis en 1824 conseiller à la cour de
cassation, où il continua de siéger
après la révolution de 1830. Il mou-
rut le 30 juillet 1840. OutreV Adresse
déjà citée, on a de lui des Études de
poésie latine appliquées à Racine,
Paris, 1823, in-8<> de 55 pages. C'est
la traduction en vers latins de plu-
sieurs endroits de Racine , avec le
texte français en regard. Z.
QUÉRAS (Mathurin) naquit à
Sens, le 1" août 16 14, de parents pau-
vres et de basse condition. Après des
études faites avec distinction, il alla
à Paris, reçut le bonnet de docteur,
et fut de la maison et société de Sor-
bonne. Le diocèse de Sens, sous l'ad-
ministration de Gondrin, fut, en
grande partie, livré au jansénisme.
Quéras en était une des colonnes, et
il avait donné des preuves de son vif
attachement au nouveau système, car
il fut un des approbateurs du livre
de la Fréquente Communion, et, en
1656, il préféra, comme plusieurs
docteurs poussés par l'esprit de parti,
être exclu pour toujours des assem-
blées de la faculté que de souscrire
à la censure contre Antoine Arnauld.
Il était certain dès lors que les siens
ne l'oublieraient pas. Gondrin, qui fa-
vorisait les jansénistes, le fit supé-
rieur de son séminaire et le choisit
pour un de ses grands-vicaires. Qué-
ras n'accepta la place^de supérieur
qu'à condition qu'il n'en retirerait
aucun émolument et qu'il ne serait
nommé à aucun bénéfice. 11 vivait avec
une grande régularité, faisait des in-
structions publiques qui furent très-
suivies, et établit, pour les prêtres,
les conférences ecclésiastiques. Après
la mort de Gondrin, la saine doctrine
QUE
et ceux qui la suivaient reprirent fa-
veur. Quéras fut obligé de sortir du
diocèse. Il se retira à Troyes, où il
possédait le prieuré de Saint Quentin,
seul bénéfice que sou attachement aux
lois de l'Église lui ait permis de pos-
séder. Avec la moindre partie de ce
revenu et son titre ecclésiastique, qui
était très-modique, il trouvait abon-
damment le moyen de subsister. Né
pauvre, il s'en souvint toujours pour
chérir les pauvres avec une affection
édifiante. 11 leur dislïibiiait la plus
grande partie du revenu de son
prieuré. A cette époque, les jansénis-
tes les plus prononcés affectaient une
vie retirée et la pratique de grandes
austérités^ Port-Royal était dans toute
sa ferveur. Quéras, par imitation, et
surtout par principes et par mortifi-
cation réelle, joignit une pénitence
sévère à l'innocence des mœurs, et
pendant toute sa vie, non content de
pratiquer les jeûnes ordonnés par
l'Église, il s'imposa la loi d'en ob-
server beaucoup d'autres, qu'il n'in-
terrompit même pas dans ses plus
grandes infirmités. Ces austérités et
les fatigues du saint ministère le ré-
duisirent, pendant les dernières an-
nées de sa vie, à un état de lan-
gueur, qui ne lui fit pourtant point
abandonner ses travaux. 11 soutint cet
état fâcheux avec une patience qui
fait regretter qu'un prêtre aussi ré-
gulier n'ait pas mis sa vie et ses ta-
lents au service d'unemeilleure cause.
Quéras mourut à Troyes le 9 avril
1695. âgé de près de 81 ans, et fut
inhumé dans la chapelje de son prieuré
de Saint-Quentin. Il a laissé un re-
cueil sommaire des principales preu-
ves de la thèse de Sens, sur la dépen-
dance des Réguliers, suivant les
principes jansénistes, comme il est
facile de le présumer ; des conférences
eeclésiastiqups de Sens en lfir.8 el
QUE
16:«9 ; mais le plus connu de ses écrits
est celui qu'il inlitula: Éclaircisse-
ment de cette célèbre et importante
question : Si le concile de Trente a
décidé ou déclaré que l'attrition con-
çue par la seule crainte des peines de
l'enfer, et sans aucun amour de Dieu,
soit une disposition suffisante pour
recevoir la rémission des péchés, et
la grâce de la justification au sacre-
ment de pénitence., 1 gros vol. in-8»,
Paris, 1683. Cet ouvrage janséniste
est devenu fort rare. Ce fut aussi par
les consei Is de Quéras el sous ses yeux
que Beaugrand (l), son disciple, pu-
blia un autre livre janséniste, qui fit
quelque bruit, mais qui est aujour-
d'hui entièrement oublié. B — d— e.
QUESXAY de Saint - Germain
(Robert-François), petit-fils du cé-
lèbre économiste de ce nom (roy.
Fr. QOESKAV, XXXVI, 396 ), naquit à
Valeuciennes le 23 janvier 1751. Dans,
sa jeunesse il lit plusieurs voyages,
et à son retour entra, comme chef de
bureau, au ministèredeTurgot:puis,
en 1776, fut nommé conseillera la
cour des aides de Paris, A l'époque de
la révolution, élu juge au tribunal du
district de Saumur, dont il devint en-
suite président, il fut député par le
déparlement de Maine-et-Loire à l'As-
semblée législative. Enfin il se retira
dans sa terre de Bussanges près Sau-
mur, et y mourut le 8 avril 1805. 11
était membre du musée de Paris, et il
y prononça, dans la séance publique
du 9 juin 1784, un Discours pour ser-
vir àVéloge de Court de Gebelin {voy.
(i) BsACGRA^Tu {Manin), prêtre da dio-
cèse de Troyes, était un homme pieux, mais
ardent janséniste. Il fut pendant 45 ans
confessenr des ursalines de Trnves. Il étudia
beaucoup S. Augustin, et crnt'avoir gardé
son esprit dans l'oiirrage qu'en i6;8 il pu-
blia sous te titre : San ai Auguttiid docirince
ehrjstiajiœ Praxis catethistica , yo\. m-V.
I X\MU.
QLE
»5
ce nom, X, 107), qui a été imprimé,
Paris, 1784, in-4o ,avec portrait. On a
encore de lui : Projet d'instructions
et pouvoirs généraux et spéciaux à
donner par les communes des pays
d'élection à leurs députés aux Étals-
Généraux, convoqués à Versailles
pour le 27 atril 1789, Philadelphie,
1789, in-So (anonyme). Z.
QUESNEL (Louis), général fran-
çais, né à Paris vers 1770, était fils
d'un charron de la cour qui jouissait
de quelque fortune et qui fut ruiné
par la révolution. 11 reçut une bril-
lante éducation, et comme beaucoup
déjeunes gens de la capitale, il se li-
vra à une grande dissipation. S'étant
fait comédien, il joua d'abord au
théâtre Molière, puis au Théâtre-
Français, où il se lia intimement
avec Talma, ce qui fut pour lui une
assez bonne recommandation lors-
qu'il se décida à entrer dans la car-
rière des armes. Il servit d'abord
dans la garde impériale, où il devint
adjudant-Commandant, et fit avec
distinction les guerres d'Espagne sous
les maréchaux Souli el Suchet. Nom-
mé maréchal-de-camp, il passa en
1812 à la grande armée, et fut fait
prisonnier dans la retraite de Russie,
Conduit dans l'Ukraine, il y resta
jusqu'à la paix générale en 1814.
Rendu alors à sa patrie par la gé-
nérosité de l'empereur Alexandre,
comme le furent tous les autres pri-
sonniers, il revint à Paris où il trou-
va toute sa famille transportée de
joie par le retour des Bourbons, ce
qui le contraria singulièrement , cir-
convenu comme il l'était par la plu-
part de ses camarades, restés fort at-
tachés à Napoléon, et conspirant ou-
vertement pour son retour. Entraîné
dans leurs réunions, Quesnel prit d'a-
bord part à leurs projets et fut initié
dans leurs secrets. Cependant ayant été'
226
QUE
présenté à Louis XVIII, qui l'accueil-
lit fort bien et lui donna la croix de
Saint-Louis, on le vit changer com-
plètement d'opinion. Il assista néan-
moins quelques jours après à l'une
des réunions qui se tenaient alors à
Saint-Leu, chez la reine Hortense,
et y fut pressé de boire à la santé de
l'empereur Napoléon. Il s'y refusa
avec beaucoup de fermeté, disant
qu'il venait de prêter serment au roi
et qu'il voulait lui être fidèle. Les
chefs de la conspiration qui étaient
présents, craignant alors que leurs
secrets ne fussent dévoilés, résolu-
rent d'immoler au besoin de leur sû-
reté le malheureux général, et un
peu plus tard (dans les premiers jours
de février 1815), Quesnel passant
pendant la nuit sur le pont des Arts
fut assommé et jeté dans la rivière.
On retrouva son cadavre huit jours
après aux filets de Saint-Cloud, et il
fut démontré que ce n'était pas pour
le voler qu'on l'avait assassiné, puis-
qu'il avait encore sur lui une assez
forte somme, avec sa montre, plu-
sieurs bijoux, et que 40 mille francs
étaient restés dans son appartement.
C'était un homme plein d'honneur et
de courage, qui ne pouvait manquer
d'illustrer encore une carrière déjà
très-brillante. — Un autre général
Quesnel {François- Jean- Baptiste),
né à Saint-Germain en 1765, a été
confondu avec le précédent par plu-
sieurs biographes , quoiqu'il n'eût
avec lui aucun lieu de parenté. Ce
dernier servit aussi dans la garde
impériale, et, comme sou homony-
me, fut employé en Espagne, puis en
Italie, où il commanda une division
sous le prince Eugène, aux batailles
deCaldiero etduMiucio. Il contribua
dans celle-ci à la défaite des ISapoli-
laius du roi Joacbim. Ce général
mourut eu avril 18(9. M— d j.
QUE
QUESNOÏ de la Chesnée (J.-J.),
écrivain du XVIIl* siècle, que les re-
cherches de M. J. Ravenel, conserva-
teur-adjoint à la Bibliothèque royale,
ont tiré de l'oubli où l'avaient laissé
toutes les biographies, était proba-
blement un Français protestant, ré-
fugié en pays étranger par suite de la
révocation de l'édit de Nantes, sur
laquelle il s'exprime avec beaucoup
de violence. Le ressentiment étei-
gnit en lui le patriotisme; car les
productions qu'il a laissées n'ont pour
but que d'attaquer la France et de
célébrer les triomphes de ses enne-
mis.En voici les titres : l.La Bataille
de Ramélie (Ramiilies), ou les Glo-
rieuses Conquestes des alliez, pasto-
rale héroïque, en trois actes et en
vers libres, Gand, 1 706, in-8°. avec le
portrait de Mariborough. Cette pièce
est précédée d'une Lettre sur le ren-
versement delamonarchieuniver selle
à monsieur Cardonnel, secrétaire de
guerre et d' estât de sa majesté la reine
de la Grande-Bretagne.^ auprès de ton
altessemonseigneurdeMarleborough
(sic), duc et prince, etc. II. La Ba-
taille de Hoogstet (Hochstedt), tra-
gédie-opéra en trois actes, ornée d'en-
trées de ballet et de changements de
théâtre, 1707, in-4«. 111. Le Parallèle
de Philippe II et de Louis XIV, Co-
logne (Hollande), 1709, in-12. Ce li-
belle n'est que la reproduction de la
Lettre ci-dessus avec des commeniai-
res et des augmentaiions. Cependant
l'auteur y parle de Louis XIV avecplus
de convenance que la plupart des pam-
phlétaires de cette époque. M— d j.
QUÊTANT (Antoine François),
lils d'un employé au trésor royal,
sous Paris de Montmurtel, naquit à
Paris le 6 octobre 1733, et porta
dans les dernières années de sa vie
le titre de doyen des gens de lettres,
jouissant comme tel d'une pension de
QUE
lîOO fr. que l'abbé Morellei avait
avant lui. Après avoir fiit d'assez
bonnes études au collège des Gras-
sins, il fut, pendant plusieurs années,
clerc de notaire et de procurpur, et se
mit ensuite à composer des pièces pour
lesthéâtres du boulevart. II acquit par
ces compositions une sorte de célé-
brité, et paryint à se ftire une petite
fortune qu'il perdit dans une faillite.
Réduit alors à une pension de 1,500
fr. qi.'c lui payait la maison Lagarde-
d'Achères, dont il avait élevé le fils,
il obtint de l'emploi dans les admi-
nistrations, et fui successivement chef
du bureau des lois au ministère de la
justice, puis des hôpitaux, des pri-
sons, de la commission des secours
publics , adjoint au secrétariat des
hospices et contrôleur aux incura-
bles. Il mourut à Paris le 19 août
1823, à l'âge de 90 ans. Dufey
(de l'Yonne) prononça un discours
sur sa tombe. Voici la liste des ou-
vrages de Quêtant. I. Le$ Amours
grenadiers, ou la Gageure anglaise,
comédie en un acte et en prose, mê-
lée de vaudevilles, sur la prise de
Port-Mahon, 1756, in-12. Cette pièce
fut jouée sur le théâtre des Grands-
Danseurs de corde et Sauteurs du roi.
C'était ainsi qu'on appelait le théâtre
connu depuis sous le nom de Nicolet,
et plus tard sous celui de la Gaité.
\l. (Au même théâtre.) Le Quartier.
Général, comédie en un acte et en
vaudevilles, 1757, in-12 (l). III. (Au
même théâtre). L'Auteur perruquier,
ou les Muses artisannet^ opéra-co-
mique en un acte, 1757, in-12. Le
perruquier André venait de faire im-
QUE
22T
primer sa tragédie du Tremblement
de terre de Lisbonne. C'est le même
personnage qui figure dans la pièce
intitulée : Maître André et Poinsi-
net, pièce du répertoire du théâtre
des Variétés. IV. (Au Théâtre-Ita-
lien.) La Femme orgueilleuse, co-
médie en deux actes et en vers, mêlée
d'ariettes, musique de Sodi, 1757,
in-12. V. (A rOpéra-Comique.) La
Foire de Bezons, divertissement en
vaudevilles, 1758, in-12 (2). L'Opéra-
Comique était alors le tiire d'un théâ-
tre de la foire Saint-Laurent et de la
foire' Saint Germain. C'est à la tin du
XVIF siècle que les acteurs se mon-
trèrent dans les spectacles de la foire;
mais les comédiens français, qui
avaient le privilège de parler sur les
planches, firent démolir la loge de l'en-
trepreneur. En 1697, lors de l'expul-
sion des comédiens italiens, les entre-
preneurs des jeux de la foire se por-
tèrent leurs héritiers, et se mirent à
jouer des fragments de farces ita-
liennes. Sur les plaintes des comé-
diens français, à qui cela portait
dommage, des arrêts défendirent aux
acteurs forains de donner aucune
comédie par dialogue. Les juges fu-
rent pris au mot : ils interdisaient
les comédies par dialogue; on ne
donna que des scènes, formant cha-
cune un sujet particulier. Ce genre
de spectacle fut encore prohibé. Le
terrain sur lequel est aujourd'hui le
marché Saint-Germain était alors
occupé par ce qu'on appelait le préau
de la foire. VI. (AuThéâtre-ltalien,
avec Auseaume.) Le Dépit généreux,
comédie en deux actes et eu vers, nié-
(i) Cette pièce, composée aTe<- Arlianl,
et iotitulée /c Quartier d'hiver daus les
Anecdotet dramatiques, fut donnée à l'occa-
iion de la b^t^iille de Hastembeok, qui ve-
nait dVtre gfignt-e jnr le» Anglais.
(2) Cette pièce est diltéreate de deux
autres sous le même titre : l'une de Oao-
court, jouée au Théàtre-Fraocai», en 1695;
l'autre de Pannard et Favart, à la foire Satnt»
La'irent, en i-'i'>
228 QUE
lée d'ariettes, I7fil, in-12. VII. (A l'O-
pe'ra-Comiqiie.) Le Maréchal ferrant^
opéra-comique, musique de Philidor,
Paris, 1761-1 762, in-8o. Le succès de
cette pièce détermina la réunion de
ce spectacle à la comédie italienne.
Mais avant de prononcer cette réu-
nion, le Maréchal ferrant avait été
représenté à la cour. Voici le couplet
que l'auteur fit chanter à cette oc-
casion :
Je suis uu pauvre niarcclial.
Et par un bonheur sans égal
On m'a tiré de mon village
Pour m'employer suivant la cour.
Messieurs, dans ce nouveau séjour,
Pour mettre en lion train mon ménage,
Tôt, tôt, tôt.
Battez chaud.
Tôt, tôt, tôt.
Bon courage,
C'est me donner cœor à l'ouvrage.
Le Maréchal ferrant a été traduit en
allemand par J.-H. Faber, Francfort,
1772, in-8». VIII. (ÂLyon.) Les Dieua;
citoyens , pièce en un acte et en
vers, 1761, in-12. IX. (A. Troyos.)
Le Maître en droit, opéra-comique,
1759, in-12. Il existe, sous le même
titre, une autre pièce en deux actes
représentée à l'Opéra-Comique en
1760, paroles de P.-R. Lemonnier,
musique de Moîisigny. X. (Aux Ita-
liens.) Le Serrurier, opéra-comique
en un acte, musique de Kohault, sur
nn fonds donné par Laribardière,
1765 , in-8". Cette pièce a été tra-
duite en allemand par J.-H. Faber,
Francfort, 1772, in-8<>; et en suédois,
Stockholm, 1786, in-8°. XI. (Aux
Italiens.) Le Tonnelier, 1765, in-8".
Audinot avait donné à ce théâtre, le
28 septembre 1761, un opéra comi-
que, à trois acteurs, qui n'eut point
de succès. Quelques situations théâ-
trales firent niiître l'idée de le relou-
cher; le 16 mars 1765, cette pièce fut
reprise avec les changements qu'y
avait faits Quêtant. Elle eut un pr.md
QUE
succès et est restée au théâtre. XII.
(Aux Italiens.) Les Femmes et le Se-
cret^ comédie en un acte, mêlée d'a-
riettes, musique de Vachon, 1767,
in 8^ XIII. (Aux Grands-Danseurs de
corde et Sauteurs du roi.) VÈcolier
devenu maître, comédie en trois ac-
tes et en prose, 1768, in-8». Le succès
de cette pièce donna de l'ombrage aux
comédiens français, qui firent défense
de la jouer davantage. Cependant en
1775 on la réduisit à un seul acte sous
le titre du Pédant amoureux, en 1777
sous celui du Sot déniaisé^ puis, à ce
qu'il paraît, sous celui de la Duè-
gne amoureuse. (V. VAlmanach fo-
rain, 7® partie, pages 102, 131, J34.)
XIV. Les Amants réservés, comédie
encinq actes et en prose de M. Steele^
l'un des principaux auteurs du Spec-
tateur, représentée pour la première
fois à Londres en 1772, traduite de
l'anglais^ Paris, 1778, in-S". Le faux
titre porte : Théâtre comique anglais.
La collection, qui devait contenir
dix-huit à vingt comédies, mais seu-
lement une de chaque auteur, u'a
pas été continuée. XV. (Avec Lécuy.)
La Science du bonhomme Richard,
ou Moyens faciles de faire payer les
impôts.^ traduit de L'anglais {de. Fran-
klin), Paris, 1778, iul2. La traduc-
tion de V Interrogatoire de FranUin
est, pour la plus grande partie, de
Dupont de Nemours ; Quêtant y a
un peu contribué. Il fit, à cette oc-
casion, connaissance avec l'impri-
meur américain, qui avait été content
de sa traduction. Elle eut un grand
succès. En moins d'un mois, on en
vendit vingt-un mille exemplaires;
elle a été réimprimée plusieurs fois
depuis : J"en l'an II (1794). avec un
abrégé de la vie de Franklin par .1.-
B.-Say; 2° dans les Opuscules de
Franklin, Paris, 1795, in-l2; 3° en
1806, in-S»; i" dans l'ouvrage de
QUE
Peignot, intitulé : Principes élémen-
taires de morale, 1809, in-8", etc.
XVI. La table analytique des Ta-
bUaux topographiques, etc., de la
Suisse, par La Borde, à la fin du
quatrième et dernier volume de cet
ouvrage (voy. Borde (J.-B«ij. delà),
V, 158). XVIL Essai sur la législa-
tion et sur la politique des Ro-
mains, traduit de Vitalien, Paris.
Jansen, 1795, in- 12 (anonyme). Quê-
tant est seul auteur de cette traduc-
tion. Jansen en avait commencé une
qu'il abandonna et jeta au feu lors-
qu'il connut celle de Quêtant. Quel-
ques opuscules de ce dernier, compo-
sés principalement pour les fêtes
données au château de M. de Lagar-
de d'Achères, se trouvent dans les
Êtrennes de la Cour-Neuve (petit
village à deux lieues de Paris^ pour
Vannée 1774, dédiées à M. de La-
garde, maître des requêtes, à la Cour-
Neuve, 1774, in-8''. Quêtant avait
écrit une Histoire des théâtres, dont
le manuscrit, auquel toutefois man-
quent les premières pages, était dans
la bibliothèque de M. de Suleinne. H
avait, par ordre de Louis XVI, entre-
pris et fait avec Lacretelle aîné un
travail, qui est resté manuscrit, sur
les droits exercés par les États-Gé-
néraux. On a même prétendu qu'il
avait donné des leçons de droit pu-
blic à Lafayette et à Talleyrand. Le
Journal de Paris du 22 aovit 1823,
qui contient une notice sur Quélant.
dit qu'il a coopéré à la traduction de
la Richesse des nations, de Smith,
publiée par Germain Garnier, qu'il
a laissé en portefeuille quelques
ouvrages d'histoire, de géographie,
d'économie politique, de poésie, et
plusieurs pièces de théâtre. Le Cata-
logue de sa bibliothèque, publié la
mémeannée,contient aussi sur lui une
notice nécrologique. M— r j.
QUE 229
QUEÏINEAU (Pierre), général
de la république française, naquit au
Puy-Notre-Dame,prèsdeSaumur,en
1757 , et servit comme simple soldat
dans un régmient d'infaHterie avant
la révolution. Il s'enrôla à cette épo-
que dans un des bataillons de volon-
taires nationaux du département de
Maine-et-Loire, et suivit d'abord k
l'armée du Var cette troupe dont il
devint le lieutenant-colonel. 11 fit eu
cette qualité la campagne de 1792
sous le général Biron, et fut ensuite
envoyé dans la Vendée, où il se trou-
vait au moment de la première insur-
rection , lorsque les royalistes s'em-
parèrent de Bressuire et de Thouars.
Fait prisonnier au moment de l'oc-
cupation de cette dernière ville, par
les royalistes, il fut traité avec beau-
coup d'égards par leur général en
chef Lescure. Celui-ci, persuadé que
si Quetineau retournait auprès des
républicains il serait victime du sys-
tème de terreur qui pesait alors si
cruellement sur la France, et plus
particulièrement sur les généraux,
le pressa avec les plus vives instan-
ces de rester prisonnier sur parole,
lui laissant même le choix des lieux
où il lui conviendrait d'habiter. Que-
tineau se refusa obstinément à ces of-
fres généreuses, déclarant qu'il serait
accusé de trahison, s'il demeurait vo-
lontairement avec les ennemis de la
république. 11 rejoignit donc l'armée
républicaine, où bientôt il fut arrêté
et conduit à Paris, devant le tribunal
révolutionnaire qui le condamna à
mort le27ventosednlI(février 1794).
— Sa femme, mise en jugement, fut
condamnée à mort le 4 germinal
suivant, en même temps que Hébert,
Momoro, Vincent, Ronsin, etc., avec
lesquels elle n'avait jamais eu de rap-
ports.S'étantdéclarée grosse, elleob-
tmt un sursis; nous ignorons si elle
230
QUE
parvint aiusià se soustraire au sup-
plice. Mais cela est probable, puis-
qu'elle n'est pas nommée dans le
dictionnaire des condamnés de Prud-
homme. . M — Dj.
QUEVEDO (D. Pedro de), prélat
espagnol , l'un des plus vertueux de
notre siècle, nniuit le 12 janvier
1736 à Villanova del Fremo, près de
Badajos, d'une famille distinguée, et
se monfra, dès son enfance, doué
d'une rare capacité et des plus tou-
chantes vertus. Entraîné dès lors
par un penchant irrésislible dans la
carrière de l'Église, il dirigea ses
études vers les sciences ecclésiasti-
ques , et obtint, au concours, à l'âge
de dix-sept ans, une place de béné-
ficier au grand collège de Cuença.
Deux ans après ce succès extraordi-
naire, il fut admis comme licencié
en théologie au collège de Salaman-
que, et bientôt comme professeur à
l'Université. A vingt-un ans, il mé-
rita la place de chanoine lectoral ,
puis celle de magistral et de chan-
celier. Enfin, à quarante ans, il fut
promu à l'évêché d'Orensée. Dès
lors tout entier à ses devoirs, il vi-
sita souvent à pied son diocèse, lo-
geant dans les maisons les plus
pauvres, et se nourrissant à ses
frais, pour n'imposer aucuae charge
à ses diocésains. Il prêchait dans
tous les villages, donnait la confir-
mation et distribuait des auujônes.
Dans le même temps il fonda un
grand nombre d'établissements de
bienfaisance, entre autres l'hospice
de Saint-Roch, où plus de six cents
enfants trouvés furent réunis et éle-
vés à ses frais. On rapporte que celte
fondation seule lui coûta plus de
cinq cent mille francs. Ce fut encore
l'évêque d'Orensée qui fonda le sémi-
naire de Saint- Ferdinand, et qui,
pour cela, surmonta de nouveaux
QUE
obstacles. Le roi Charles IV ayant
voulu récompenser tant de services
par l'archevêché de Séville , Queve-
do le refusa par modestie autant que
par l'attachement qu'il portait à ses
ouailles, dont il ne voulait pas se sé-
parer. Sa bienfaisance eut occasion
de se déployer avec plus d'étendue
encore, lorsque la révolution de
France obligea la plus grande partie
des ecclésiastiques de ce pays à fuir
devant la persécution. Ceux des pro-
vinces du Midi se réfugièrent en Es-
pagne et surtout dans le diocèse d'O-
rensée, oii le vertueux évêque les ac-
cueillit avec tout le zèle, toute la cha-
rité qu'exigeaient leur infortune. Dès
qu'il eut connaissance de cette persé-
cution , il écrivit dans tous les ports, à
tous les points de la frontière , que
ces malheureux proscrits pouvaient
se réfugier .luprès de lui, qu'ils y
trouveraient un asile et des secours
assurés. La plupart se hâtèrent de
répondre à cet appel , et aucun d'eux
ne fut trompé dans son attente. Nous
avons vu quelques-uns de ces infor-
tunés, revenus dans leur patrie, ne
pouvoir retenir leurs larmes lorsque,
biien long-temps après, ils racontaient
les services rendus à l'humanité par
le prélat espagnol. Tous eurent part k
ses bienfaits et à son amitié. Ceper»-
dant s'attachant plus intimement aux
évêques de Blois, d'Aire et de La Ro-
chelle, il les logea dans son palais et
les environna des soins les plus géné-
reux. Mais celui qui avait si long-
temps compati aux souifrances des
autres devait à son tour être lui-
même atteint par ta persécution. On
pense bien que lorsque les troupes
de Napoléon envahirent si indigne-
ment l'Espagne en 1809, l'évêque
d'Orensée ne manqua pas de se réu-
nir »u plus grand nombre des habi-
tants qui, pour leur résister, firant df
QUE
si nobles efforts. Préfoyant tous les
malheurs de sa patrie, il avait d'a-
vance prédit au roi Charles IV tous
les maux qu'il redoutait , et quand il
les vit éclater, il concourut avec éner-
gie à la défense commune. Nommé
président de la junte d'Orensée, il
s'occupa encore, dans ses importan-
tes fonctions, de secourir les victi-
mes de la guerre , les blessés et les
prisonniers, et pour s'y livrer tout
entier, il refusa les fonctions d'inqui-
sifeur-géneral que la junte centrale
voulut lui donner. Quand son dio-
cèse fut envahi par les troupes fran-
çaises, il continua encore d'y proté-
ger, d'y soutenir les malheureux, et
les lettres qu'il écrivit k Murât, à Jo-
seph Bonaparte et au conseil de Cas-
tille, témoignent de sou courage et
de son zèle. Elles furent dans le temps
imprimées, répandues dans toutes les
parties de la Péninsule, et elles sont
restées dans l'histoire des monu-
ments de courage et de véritable pa-
triotisme. L'évêque d'Orensée fit ainsi
face à l'orage autant que cela fut pos-
sible, sans blesser ses principes de
soumission à son souverain et à la
foi catholique-, mais lorsqu'au prin-
temps de 1812 les Cortès de Cadix
voulurent établir une nouvelle con-
stitution et qu'ils exigèrent des ecclé-
siastiques un nouveau serment, l'é-
vêque Quevedo refusa de se soumet-
tre à cette innovation, et il fut impi-
toyablement exilé; tous ses biens
furent con6squés. Alors il se réfugia
à Torey, petite ville de Portugal ,
d'où il trouva encore moyen d'en-
voyer des secours aux pauvres de son
diocèse. Ce fut à ces œuvres de cha-
rité que , ne pouvant disposer d'au-
tres ressources, il consuma jusqu'aux
derniers débris de son héritage pa-
ternel. Il ue revint en Espagne qu'a-
près le retour du roi Ferdinand Vif,
QUI 231
en 1814. Ce prince lui proposa alors
l'archevêché deSéville, mais Quevedo
le refusa pour la seconde fois. Le pape
Pie VII lui ayant offert le chapeau
de cardinal, en 1816, il accepta enfin
cette haute dignité, qui ue l'éloignait
pas de son diocèse. Ce fut au milieu
de son troupeau chéri, environné de
l'estime et de la vénération de tous,
que ce respectable prélat termina sa
vie, le 28 mars 1818, à l'âge de qua-
tre-vingt-trois ans. M— Dj.
QUICK (John), acteur anglais, ué
en 1748 d'un brasseur de White-Cha-
pel, quitta son père dès l'âge de 14
ans pour s'essayer sur la scène. 11
débuta à Fulhaui, dans le rôle d'AI-
tamont de la Belle Pénitente, de
Rowe. avec tant de succès que sou
directeur . enchanté, lui alloua une
part entière, ce qui lui valut, après
la clôture, la somme de trois shillings
(environ 3 fr. 50 c). il continua de
jouer dans les comtés de Kent et de
Surrey, et, n'ayant pas encore 18 ans,
sut dignement représfuter les pre-
miers personnages de la scène tragi-
que : Hamiet, Roméo, Richard IIl,
Georges Barnwell , Jaffier, Tan-
crède, etc. Le fameux directeur Sa-
muel Foote l'attacha, en 1769, au tbe'â-
tre de Hay-Market, où il ne se tira
pas moins bien des rôles comiques,
et où son jeu fut vivement goûté du
roi Georges m. Ses compatriotes l'ont
considéré comme un des derniers ar-
tistes de l'école de Garrick. Après une
carrière très-active pendant 36 ans.
il quitta le théâtre eu 1798, et vint
ensuite demeurer à Islington, où il
mourut le 4 avril 1831. L.
QUILLET (Pierre-Nicolas), né
à Paris en 1766, exerça long-temps,
au ministère de la guerre, les fonc-
tions de chef des bureaux de la solde
couraiite et de la liquidation de l'ar-
riére: fut nommé commissaire rfr
232
QUI
guerres, et enfin sous-iuteiidaut iiiili
taire, place qu'il conserva jusqu'à sa
mort, qui eut lieu à Passy le 22 jan-
vier 1837. Il était chevalier de la Lé-
gion d'Honneur. Outre une descrip-
tion de Passy et de ses environs, on a
de lui : État actuel de la législation
sur l'administration des troupes, et
particulièrement sur la solde et les
traitements militaires, Paris, 1803,
1 vol. in-8°. Cet ouvrage obtint du
succès dans sa spécialité ; l'auteur en
publia trois autres éditions en 2 vol.
in-8°, puis une cinquième, Paris,
1811, 3 vol. in-S*». Z.
QUINCARNON ( le sieur de ),
écuyer, ancien lieutenant de cavalerie
et commissaire de l'artillerie, ne
nous est connu que par deux opus-
cules d'une excessive rareté , et qui
contiennent des particularités fort cu-
rieuses sur deux églises de Lyon. Le
premier a pour titre : les Antiquités
et la fondation de la métropole des
Gaules , . . ., avec les épitaphes que
le temps y a religieusement conser-
vées; Lyon, Matthieu Libéraly 1673,
in-12; le second est intitulé : la Fon-
dation et les antiquités de la basi-
lique collégiale et curiale de Saint-
Paul . . . ., in-12, sans date et sans
nom de ville, mais imprimé à Lyon
aux dépens de l'auteur, vers 1682, et
non en 1606, comme on l'a écrit dans
la Bibliothèque historique du P. Le-
long, car on y trouve mentionnée,
p. 85, la mort de François-Emma-
nuel, duc deLesdiguières, arrivée le 3
mai 1681. A. P.
QUINIPILY d'Aradon (Jérôme,
seigneur de), l'un des plus zélés par-
tisans du duc de Mercœur pendant la
Ligue, était gouverneur d'Hennebon
en 1590, lorsque le prince de Dombes
résolut d'eu faire le siège. Ce pro-
jet semblait téméraire, parce cpie la
ville, bien lortiliéc pour le temps,
QUI
était en outre défendue par une assez
forte garnison, et que, pour y arriver,
il fallait que le prince traversât une
grande étendue de pays ennemi et
laissât sur ses derrières Redon, Van-
nes et Auray, occupées par les li-
gueurs. Voulant néanmoins empê-
cher, à tout prix, les Espagnols de
descendre sur ce point où le duc leur
avait accordé une place de sûreté en
échange de leur secours, le prince
vint mettre le siège devant la place
le U avril, à la tête de 2,500 arque-
busiers et de 500 chevaux. Gui de
Rieux, gouverneur de Brest, lui ayant
envoyé par mer 12 pièces d'artillerie
et d'abondantes munitions, la ville
fut investie et Quinipily sommé de
se rendre. Sur son refus, la place fut
attaquée le 24 et le 25. Dans la se-
conde journée, les assiégeants tirè-
rent plus de 700 coups de canon, de
7 heures du matin à 4 heures du soir.
La brèche étant faite, ils se présen-
tèrent à l'assaut au nombre de 1,200
hommes. Quoiqu'il n'eût que 12 hom-
mes à leur opposer et qu'il eût été
renversé deux fois, Quinipily lutta
pendant trois heures, et força l'ennemi
à laretraiteavecunegrande perte, tan-
dis que la sienne, s'il faut l'en croire,
n'aurait été que de quatre hommes.
Cette assertion de Quinipily n'est pas
la seule qui porte à douter de la véra •
cité de son récit; tous les historiens
du temps s'accordent à dire que la
garnison était nombreuse; Quinipily
lui-même, dans \e. journal dont nous
parlerons tout à l'heure, fait mention
de divers renforts qui lui arrivèrent
avant l'investissement de la place, et
(jui ne permettent pas de croire que
12 hommes seulement eussent pris
part à sa défense. Le désir d'augmen-
ter le mérite de sa conduite en cette
circonstance a pu seul l'égarer. Quoi
qu'il en soit, il ne tint [«as au delà
du 2 mai. Les habitants d'Henuebou,
effrayas, le forcèrent à capituler. Le
prince de Dombes, admirant son cou-
rage, lui accorda des conditions hono-
rables, et le fitconduire àVannes, dont
un des frères deQuinipily était gouver-
neur. Celui-ci étant allé, le 5 nov. sui-
vant, faire le siège d'Hennebon avec
Saint-Laurent, le successeur de Qnini-
pilyfutk son tour obligéde se rendre le
1" décembre suivant. Le premier soin
du duc de Mercœur fut de rétablir
Quinipily dans .«son gouvernement,
qu'il conserva jusqu'à la paix. Henri IV
lui accorda alors des lettres d'aboli-
tion et un brevet de capitaine de ôO
hommes d'armes, et, pour mieux se
l'attacher, ainsi que ses trois frères
d'Aradon, MontignyetCamon, il leur
donna une somme de 64,000 écus à
se partager entre eux. Quinipily n'é-
tait pas seulement inexact, mais par-
tial et fanatique. Sa partialité pour
les ligueurs l'a rendu injuste en-
vers les royalistes. Quant à son fa-
natisme, on peut en juger par ce pas-
sage de son journal : « Le mesme jour,
« dit-il, j'entendis comme de certain
« le roi de Navarre estoit mort. . . dont
«je loue le bon Dieu de tout mon
« cœur. • Le journal que ce brave
capitaine nous a laissé des opérations
militaires de la Ligue dans le Morbi-
han avait été promis par D. Lobineau.
D. Taillandier l'a inséré dans le t. 2
de l'Histoire de Bretagne (Suppl., col.
CCLVm — CCLXVI). Il commence au
18 juin 1589 et finit au 15 août 1593.
Georges d'Aradon, l'un de ses frères,
né en 1562, mort le 1" juin 1596,
et qui avait, à la sollicitation du duc
de Mercœur, été promu à l'évêché de
Vannes, en récompense de son zèle
pour la Ligue, avait aussi laissé une
Histoire manuscrite de ce qui s'était
passé en Basse-Bretagne pendant les
troubles de rcligion.D.Lobmesm avait
OUI
23S
également promis de l'insérer dans
ses Preuves; mais ni lui ni D. Tail-
landier ne l'ont publiée. P. L-T.
QUIXOT (Hugues-Philippe), né
à Dôle en Franche-Comte, le 13 jan-
vier 1666, deux ans après la conquête
de cette ville par Louis XIV, était fils
d'un ancien secrétaire du magistrat.
Il reçut dans la maison paternelle
une éducation toute chrétienne. Dès
qu'il eut atteint sa neuvième année,
on l'envoya étudier chez les jésuites
dont le collège fut célèbre depuis
sous le nom de collège de l'Arc. Sa
mère, Marguerite Brun, avait le cœur
tout dolois; regrettant sa vieille Es-
pagne, elle élevait Hugues-Philippe
dans la haine de la France et des rois
qui avaient brûlé, assiégé, enfin sub-
jugué sa ville natale. Six années s'é-
coulèrent de la sorte. Quinot eut
le malheur de perdre sa mère. Son
père seretiradansun village; le jeune
homme âgé de 16 ans, qui terminait
son cours de philosophie, resta confié
aux soins de deux sœurs , Catherine
et Marie Barbe, bien plus âgées que
lui, dont la vertu était austère, et dont
la piété avait quelque chose de rigide.
Quoiqu'il en fût véritablement aimé,
il se lassa de leur roideur, et ne songea
qu'à secouer le joug. Fréquentant
les mauvaises compagnies , qui ne
tardèrent pas à lui gâter l'esprit, il
se laissa surtout entraîner par les dis-
cours d'un vieux soldat de milice en
retraite, qu'on appelait le Renégat, et
qui, depuis que le comté de Bourgo-
gne était soumis, avait été rejoindre
a Turckheim l'armée du maréchal de
Turenne. Le traité de Ryswick avait
seul mis un terme aux courses aven-
tureuses de cet homme, qui était un
joyeux compagnon, criblé de vices et
de blessures. Le jeune Dolois, natu-
rellement brave, s'cnilauima au ta-
bleau de la gloire et de tous les
234
QUI
avantages de l'état militaire que ce
soldat lui traçait avec feu. 11 se se-
rait engagé sur l'heure sans la crain-
te d'être appelé à son tour renégat.
Ce qui le détermina un peu plus
tard, ce fut l'HSCendant de Louis XIV
et le prestige inséparable de ce grand
monarque. Ce prince venait, après
neufans(enl683), visiter sa conquête.
11 était accompagné de la reine dont
le front élait déjà ceint des bande-
lettes de la mort, du dauphin, de son
frère le duc d'Orléans, enfin d'un cor-
tège de princes et de seigneurs. Tant
de pompe, de magnificence enivrèrent
notre jeune homme. Il courut s'offrir
poiu- entrer dans les rangs français,
et partit pour l'armée avec le mau-
vais mentor qui enchérissait sur ses
promesses de gloire et de fortune.
Cette fuite inopinée pétrifia les
sœurs de Quinot. Elles regardaient
comme perdu à jamais ce frère élevé
à l'ombre du Seigneur,etqui se mêlait
parmi des hérétiques (l'édit de Nantes
n'était pas encore révoqué), qui abju-
rait l'Espairne, sa mère, et qui avait
vendu le reste de sa liberté. D'un
autre côté, c'était avec une joie trou-
blée par un grand fonds de tristesse
que Quinot avait quitté son pays. Il fut
desenchanté dès qu'il eut rejoint son
régiment. Les Comtois passaient pour
une nation presque barbare; les Fran-
çais, naturellement moqueurs, l'ac-
cablèrent de sarcasmes; il les laissa
dire et faire. Bientôt, grâce à son mé-
rite, à sa valeur, le jeune montagnard,
aimé et considéré de ses chefs, fut
faitbas officierdevantCourtrai, qu'as-
siégeait le maréchal d'Humières. Ter-
rible dans les combats, il était d'ail-
leurs d'un commerce doux et facile ;
il eut ce que le monde appelle des
SJiccès, et des succès qui seraient
mieux qualifiésd'erreurs. Ou présume
qu'il assista au siège de Phiiisbourg
OUI
et à la prise de Gênes. Son cheval fut
tué sous lui à Fleurus, et il reçut deux
blessures à Nerwinde. Du reste il ne
s'était jamais trouvé en face des Es-
pagnols un jour de bataille; mais
Louis XIV ayant déclaré la guerre à
Charles II, le maréchal de Noailles
franchit les Pyrénées. L'armée fran-
çaise avait déjà passé le Tet et mena-
çait Gironne. Hugues-Philippe mar-
chait à l'arrière -garde. Un grand
souci pesait sur son âme : la vue de
l'Espagne réveillait en lui de chers
et sacrés souvenirs. Il est vrai que la
paix de Nimègue avait cédé le comté
de Bourgogne au roi de France. Poussé
et retenu par mille idées contraires,
notre soldat ne savait que résoudre ;
ses yeux hagards cherchaient dans
l'ombre les tours de Gironne qu'un
Franc-Comtois venait saper; il chan-
celle , perd l'usage de ses esprits, et
il est jeté sur un fourgon qui le ra-
mène à Perpignan, Sa conversion date
de cette époque; tout à coup il s'ap-
plique la menacj^ du Christ contre
celui qui tire le glaive et doit périr
par le glaive; tt\\ se reproche d'avoir
tiré l'épée contre la race de Charles-
Quint. A compter de ce jour il s'éloi-
gna des assemblées tumultueuses, re
nonça à tous les plaisirs mondains;
mais, incapable de trahir son devoir,
il continua de suivre un drapeau qu'il
n'aimait plus. Trois ans s'écoulèrent
ainsi. Un soir, Catherine et Marie-
Barbe Quinot, isolées, mornes et na-
vrées d'ennuis, veillaient à la lueur
d'une lampe devant une image de la
Vierge : un vent lugubre .souftlail
autour d'elles. On frappe à leur porte
et elles voient paraître un militaire
attardé qui demande à loger. C'était
un homme entre deux âges, diuuî
ligure expressive, au teint rembruni,
avec des traits amaigris, qiii consei-
vaieut toutefois une beauté iiwle. l>€
QUI
part et d'autre on est interdit; il y
avait dans ce soldat taciturne quel-
que chose de mystérieux. Pendant
un souper court et languissant, les
deux sœurs éprouvent des sensations
indicibles, et lui il sent son âme
toute bouleversée. Souffrant cruelle-
ment d'une lutte intérieure, il s'ap-
proche d'une fenêtre pour respirer,
et à la clarté douteuse de la lune, qui
éclairait un peu le cimetière, il re-
connaît la sépulture de sa mère. Aus-
sitôt il tombe sur le carreau en mur-
murant le nom de Marguerite. • Hu-
gues-Philippe! Hugues-Philippe ! •
s'écrie aussitôt une de ses sœurs, et
il est pressé contre deux cœurs rem
plis de la plus vive, de la plus tendre
émotion. Le fils, le frère perdu a re-
trouvé une partie de sa famille et
son Dieu. Delà date sa vocation nou-
velle. Il reprend le cours de ses études
à Besançon, où sa modestie et sa
piété édifient tout le séminaire.
L'archevêque Joseph de Gramicont
l'ordonna prêtre sous les yeux de
Catherine et de .Marie-Barbe, qui
remerciaient avec transport le Sei-
gneur d'avoir confit en joie les amer-
tumes du passé. Hugues-Philippe se
livra dès lors à toute la ferveur de
son zèle, à toute Teffusion d'une
charité inépuisable. De chapelain , il
devint doyen rural du décanat de
Dole. Toutes les qualités qui le dis-
tinguaient lui concilièrent à la fois
l'admiration et l'aflèciion de l'élite
du clergé franc-comtois. Directeur
éclairé de plusieurs couvents et hô-
pitaux, casuiste habile, ou lui écri-
vait de toutes les villes voisines pour
obtenir des conseils et des consola-
tions. On a conservé quelques lettres
de Quinot à des religieuses. De plus
on a retrouvé quelques lignes d'un
livre qu'on lui attribue, et qui fu-
rent prononcées un jour ou, en sa
QUI
235
qualité de doyen rural, il bénissait
un cimetière. « C'est ici le lieu de
« l'éternel silence , et les tombes
• mêmes n'V- font pas de bruit (1).
« C'est ici, mes frères, que la vanité
• du rang s'efface. Une fosse où l'on
• jette un cadavre presque nu, uu
• linceul que la cupidité volera
« peut-être, uue bière sur laquelle
• retentissent des mottes de terre
• dont le bruit sourd avertit \es pas-
• sants de se tenir prêts, des cierges
« qui ue brillent qu'un instant^ image
• de la vie qu'un souffle peut étein-
« dre, voilà tout ce qui reste à l'hom-
• me et de l'homme. • Les sœurs de
l'abbé Quinot moururent les premiè-
res; il eut le cœur brisé de leur
perte. Une des blessures qu'il avait
reçues à la guerre se rouvrit. Les
truvauxdu ministère achevaient d'ail-
leurs de le détruire, et cependant il
ne se relâcha pas des austérités d'uue
vie pénitente. 11 expira sur un lit de
cendres le 1" mai I7i3. On le porta
dans les rues le visage découvert, au
milieu d'une foule innombrable. Ce
n'était pas une magnifique pompe
funèbre, mais le convoi d'un simple
prêtre dont le peuple se disputait les
reliques. Il fut inhumé sous les dalles
du chœur de Notre-Dame, où rien
n'indique te lieu de sa sépulture. Une
excellente notice sur le bienheureux
Quinot de Dole a été lue dans une
séance publique de l'Académie de
Besançon, le 24 a oiit 1844, par M. Léon
Dusillet. Elle est écrite avec le talent
qui distingue cet auteur, poète même
eu prose. Kous n'avons guère fait
que la copier. L — p — e.
QUIXSOXAS (le chevalier Fran-
çois DuG-\s de) , militaire et littéra-
teur, naquit à Lyon, le 5 août 1719,
(l) Le Tent n*a pas de prise sur Ifs feuilles
da < vpr« et des autre» arbre» fuaértirss.
Sâ6
QUI
de Laurent Diigas, président eu la
cour des monnaies, et de Marie-Anne
Basset. Il fit ses études chez les jé-
suites, et, en sortant de'ieur collège,
embrassa la profession des armes. Il
fit plusieurs campagnes en Italie pen-
dant la guerre de 1744, et servit sous
plusieurs drapeaux, en qualité d'aide-
de-camp de M. de Sennectère, de
lieutenant au régiment de Conti (in-
fanterie), et ensuite dans celui de
la Reine. La conclusion de la paix en
1748 occasionna une réforme mili-
taire dont il ne fut pas excepté. Alors,
désespérant de son avancement, il
quitta le service et revint à Lyon
pour se livrer à la culture des let-
tres dans le sein de sa famille. Déjà
il s'était fait connaître par quelques
pièces insérées dans le Spectateur
littéraire de Favier, et il avait publié
en 1745, sous le titre de la Capilo-
tade, un poème sur la bataille de
Fontenoy, dans lequel il avait glissé,
pour les tourner en ridicule, des vers
et des hémistiches tirés du poème de
Voltaire sur le même sujet. Les traits
malins que le chevalier de Quinsonas
sema dans les notes de sa Capilotade
contre l'auteur de Mérope ne restè-
rent pas impunis. Dans une de ses
lettres à Frédéric (année 1751), Vol-
taire supposa que le chevalier poète
chantait l'univers, et que son poème
pourrait bien être en deux ou trois
cent mille chants, etc., etc. En
1755, l'Académie de Lyon ouvrit ses
portes à Quinsonas, qui composa
plusieurs mémoires que celte compa-
gnie conserve dans ses archives : de
ce nombre sont des observations cri-
tiques sur le Dictionnaire celtique de
Bullet ; une dissertation sur le trei-
zième vers de la troisième satire de
Juvénal : « Nunc sacri fontis nemus
arbor : ' un Plan de réforme pour
kx études publiques (lu en 1763). Au
QUI
retour d'un voyage à Paris, le' che-
valier de Quinsonas mourut à Lyon,
le 31 juillet 1768. (Extrait d'une his-
toire inédite de l'Académie de Lyon,
par Bollioud-Mermet.) A. P.
QUINTILIUS-VARUS, dont on
ignore le prénom, était un chevalier
romain, un homme de goiit, fort en
crédit auprès d'Auguste dont il avait
avec intelligence et courage seconde
la politique. La Chronique d'Eusèbe
nous apprend qu'il était de Crémone,
du pays de Virgile. Son frère Publius
Quintilius Varus occupait les pre-
miers emplois militaires, et devint fa-
meux par sa défaite en Germanie où
il périt avec trois légions ( voy. Va-
rus, XLVII, 538). Pour lui, il passa
sa vie loin des camps, s'adonna tout
entier aux lettres, à la philosophie,
et vécut dans l'intimité de Mécène, et
surtout de Virgile et d'Horace. L'é-
picurien Syron avait été son maître
ainsi que celui de Virgile. Ce sont
les doctrines de ce philosophe sur
l'origine et l'enfance du monde qui
se trouvent reproduites dans l'églo-
gue intitulée Silène, Virgile la dédia
à Varus commeà un condisciple bien
aiuié, en souvenir de leurs études; il
lui dédia encore sa neuvième églogue,
lorsqu'il revint à Rome pour se plain-
dre du centurion Arius qui refusait
de lui rendre son domaine. Qui ne
sait par cœur ces beaux vers :
T'ate,tuum nomen (superet modo Hlantua nobis,
Mantua, vœ miserœ nimium vicina Cremonal)
Gantantes sublime ferent ad sidéra c/cni.
Horace était de plus le voisin de
campagne de Varus. Dans une de ses
odes (I, 18), il lui conseille, d'après
son expérience et ses goiMs, de plan-
ter surtout de la vigne :
Xtillam, Vare, sacra vile prias severit arborent
Circa wite solum Tihuris.
Souvenir curieux ! la villa de Va-
rus à Tivoli a conservé le nom de son
OLI
ancien propriétaire : la petite clia-
pelle qui la remplace est dédiée à la
madone di Quintiliolo. Varus, de
sou côté, donnait à Horace des con-
seils plus importants, car, d'après
l'Art poétique, v. 438,
Quintilio ti quid reeitares, corrige, sodés,
Boe aitbat, et hoc, etc.
il est évident qu'Horace le regardait
comme un excellent juge, et qu'il le
consultait avec fruit. Horace et Vir-
gile perdirent leur protecteur et leur
ami, l'an 730 de Rome. L'amitié, la
reconnaissance n'ont jamais inspiré
des vers plus touchants que ceux
qu'Horace a consacrés à la mémoire
de Varus (Od., I, 24). Jamais la mort
d'un ami vertueux n'a été déplorée
avec une sensibilité plus douce et
plus vraie :
Mullis ilU bonis fiebilis oecidit, etc.
C'est aux beaux vers de Virgile et
d'Horace, c'est k leur reconnaissance,
à leur attachement, que Quintilius-
Varus doit aujourd'hui toute sa
gloire. D — H— e.
QUIXTIX, qu'on écrit quelque-
fois QuEMiN, était un calviniste,
tailleur d'habits, natif de Picardie; 11
fut, avec un autre homme obscur et
inconnu, nommé Chopin, le chef
d'une horde d'hérétiques qui paru-
rent vers l'année 1525 en Hollande
et dans le Brabant, et s'y firent beau-
coup de sectateurs. Ils disaient, en-
tre autres choses , qu'il n'y a qu'un
esprit dans le monde, qui est celui de
Dieu ; que tout ce qu'enseigne la foi
sur les anges bons et mauvais, sur
l'immortalité de l'àme , n'était que
des fables; que Dieu faisait le bien et
le mal que les hommes semblaient
faire, et qu'ainsi il ne fallait ni les
blâmer, ni les punir, ni même les
corriger, puisque toutes leurs actions
étaient l'ouvrage de Dieu seul. Us
prêchaient qu'on devait vivre sans
QUI
287
scrupules, que c'était le moyen de
rappeler le premier état d'innocence
et de faire de ce séjour de misères un
véritable paradis terrestre. Ils n'en
reconnaissaient même pas d'autre,
regardant ce que la religion apprend
sur le paradis et l'enfer comme une
invention humaine, à laquelle on
avait eu recours pour porter les hom-
mes a la vertu, et les éloigner du mal
tandis qu'ils sont sur la terre. Quin-
tin enseignait aussi que Jésus-Christ
était Satan, et même qu'il était un
composé de l'esprit de Dieu et de l'o-
pinion des honuues. De tels princi-
pes, dont les suites pratiques sont
faciles à concevoir, firent donner
à ces hérétiques, ou mieux à ces
sectaires, le nom de Libertins {\). Ils
furent poursuivis sévèrement ; Quin-
tin, arrête et condamné, fut brûlé à
Tournai , en 1530. On peut consulter
sur cet homme et sa secte, Stoup : Re
ligion des Hollandais: Spanheim :
Abrégé des Religions ; Hermant :
Histoire des hérésies, tome 11; Jovef ,
tome 1"; Sianda, tome 111, et autres
auteurs. B— d— e.
QUIXTIX (Jean), flis de Philibert
Quintin, greffier de l'officialité d'Au-
tun, et de Philiberte Labourault, né
à Autun le 20 janvier de l'année 1500,
passa une partie de sa jeunesse à voya-
ger en Grèce, eu Palestine, en Sy-
rie, eu l'île de Rhodes. 11 fut chevalier
servant dans l'ordre de Malle, et
accompagna le gratid-uiaître dans
cette île , en qualité de domestique.
De retour en France, il alla à Paris,
où il fut ordonné prêtre, devint aussi
professeur de droit canon, et fut in-
stallé en cette qualité en 1536. Un
bénéfice dans Tordre de Malte lui fut
accordé. Quintin harangua pour le
(i) Deux autres secte» ont été détigoéet
aus«i soui le nom dp Libertins,
âse
OUI
clergé, dans l'assemblée générale des
États du royaume, en 1560. L'amiral
de Châtillon, à la tête des protestants,
se plaignit hautement au roi et à la
reine de la harangue du professeur,
parce qu'on les y exhortait k des me-
sures énergiques envers les protes-
tants. On a dit que Quintin mourut
du déplaisir que lui causaient les
railleries faites contre sa harangue ;
cette version a bien l'air d'un conte
inventé par le déplaisir des protes-
tants. Quoi qu'il en soit, Quintin ter-
mina sa carrière à Paris, le 9 avril
1561. Ce professeur et laborieux écri-
vain a laissé plusieurs ouvrages dont
nous donnerons une nomenclature,
sans la garantir complète : I. Melitœ
insulœ descriptio, Lyon, 1536, in-4'';
Paris, 2'' éd.,in-8''. \l.ExegesisCon-
ciliicujusdamgeneralisin uno benefi-
ciorum mullitudinem vetantis, tert.
lib. Décrétai. Greg. cap. 28, titul. 5,
Paris, 1539, m-4°. m, De. /wm cano-
nici laudibus : ecclesiasticorum ca-
nonum defensio breviter et simplici-
ter duobus conciunculis, autoritas,
theoria simul et praxis ad ecclesias-
ticœ œconomiœ., ordinisque taber-
naculi consecrationem , Paris, 1544,
in-4°5 2« édit., ibid., 1601, 3« édit.,
Nuremberg, 1671. IV. De juris ca-
nonici laudibus^ Paris, 1549 et 1550,
in-40. Cet ouvrage paraît n'être que
la première partie de celui qu'on in-
dique sous le titre précédent, et qui
forme deux traités distincts. V. Spé-
culum sacerdotii Apostoli describen-
tis episcoporum, presbyterorum et
diaconorum mores, Paris, 1559, in-
4°. VI. Repetitœ dudumduœ duorum
capitum prœlectiones, cap. Demulta
providentia, deprœbend. et dignita-
tib. et cap. Novit ille qui nihil igno-
rai. De judiciis in antiquis; quo-
rum altéra beneficiorum ecclesias-
ticorum ecclesiastica dispensatio
QUI
designatur; altéra chrittiana eivi'
tatis aristocratia delineatur., Paris,
1552, in-folio. Le sujet de cet ou-
vrage est la pluralité des bénéfices
et l'aristocratie de la religion chré-
tienne. VII. Orationes duce adver-
sus gnosticorum sycophantas , Pa-
ris, 1556, in-8". Vlll. Joannis Zo-
narœ commentarii in canones con-
ciliorum, tam œcumenicorum quam
provincialium , Paris, 1558, in-4''.
IX. Octogintaquinque regulœ , seu
canones apostolorum , cum vetustis
Joannis monachi Zonarœ scholiis,
latine modoversls, Paris, 1558, in-4''.
X. Synodus Gangrensis evangelicœ
promulgationis . . . explicata com-
menlariolis , Paris, 1560, in-4".
XI. Scholia in Tertulliani librum
de prœscriptionibus hœreticorum,
Paris, 1560 et 1561, in-4o. XII. Hœre-
ticorum catologus et historia, Paris,
1560 et 1561, in-4''. XIIl. La Haran-
gue prononcée au nom du clergé dans
les États d'Orléans , au mois de dé-
cembre 1560, et dont nous avons
parlé ci-dessus. XIV. Syntagma ca-
nonum grœcorum. C'est mie traduc-
tion de l'ouvrage écrit en grec par
le moine Matthieu Blastares. On peut
consulter sur Quintin et sur ses ou-
vrages principalement la Bibliothè'
que des auteurs de Bourgogne , par
Papillon. B— D— E.
QUINTIN (Pierre) fut, auXVII«
siècle, un des religieux les plus vé-
nérables de la Bretagne. Il naquit en
1559 sur la paroisse de Ploujan , au
diocèse de Tréguier. Son père, Alain
Quintin, seigneur de Kerosar et de
Limbahu, et sa mère, Perrine de Ker-
merhou, d'une famille alliée aux meil-
leures maisons du pays, étaient aus-
si remarquables par leur vertu que
par leur noblesse. Dès l'âge de six
ans, il fut envoyé à l'école qu'un digue
prêtre, nommé Hervé Miorssec , te-
QUI
nait dans une chapelle près de Mor-
laix, et dès lors il disait qu'il serait
un jour dominicain, et portait à sa
ceinture un chapelet , comme il l'a-
vait vu porter par les religieux qu'il
voulait imiter. 11 eut pour précepteur
le vertueux Lachiver, depuis évêque
de Rennes , qui le conduisit à Paris
ainsi que son frère aine' ; mais, après
quelques années d'études, ils furent
contraints par la guerre civile de re-
tourner en Bretagne. L'intérêt qu'il
portait à sa mère, devenue veuve, et
plus encore l'attachement qu'il avait
pour la religion catholique, engagè-
rent Quintin à embrasser le parti de
la Ligue. Il fut lieutenant d'une
compagnie de gendarmes sous le sei-
gneur de Coattredrez, et s'acquitta de
cette charge à la satisfaction des ha-
bitants, car il tenait ses soldats .«ous
une rigoureuse discipline. La guerre
dura neuf ans en Bretagne; mais
Quintin n'avait que trois ans de ser-
vice quand, après un acte de chari-
té exercé au milieu d'une partie de
cartes, il quitta le jeu avec le con-
tentement que laisse une bonne ac-
tion, se livra dès lors à une vie nou-
velle, lit son occupation de la lecture
des Confessions de saint Augustin ,
pratiqua des mortifications, fréquenta
les sacrements , et se retira de la so-
ciété. S'étant défait de sa hentenance,
il se rendit à Bordeaux, puis à Agen,
où il reprit ses éludes au collège des
jésuites qui avait alors une grande
réputation, il ne fut pas le seul gen-
tilhomme breton qui vînt y chercher
une instruction solide et une éduca-
tion édifiante. L'assiduité de son tra-
vail , jointe à la bonté de son esprit,
lui fit faire de grands progrès dans
les humanités et la philosophie. Use
lia intiuiement avec Le Nobletz {coy.
ce nom, LXXI, 288), autre gentil-
homme breton^ qui étudiait aussi à
QUI 239
Agen, et qui, quoique plus jeune de
huit ans, fut toujours vénéré par
Quintin, comme son maître. Dès
cette époque il prit et il garda toute
sa vie la résolution de s'abstenir de
vin. Comme son ami , il entra dans la
congrégation de la i^ainte-Vierge,
dont il fut presque toujours préfet ,
à cause de sa piété remarquable. A
ses études, à ses pratiques de reli-
gion il joignit le service des pau-
vres, la visite des hôpitaux, et s'asso-
cia à la confrérie de Saint-Jérôme
appelée des Pénitents-Bleus, qui pra-
tiquait de grandes austérités. Déjà il
catéchisait les enfants et les pauvres
au milieu des rues, visitait les calvi-
nistes des environs, et associait à des
œuvres de chanté quelques-uns de
ses condisciples entre lesquels se dis-
tingua toujours Le iNobletz. Une sorte
de famine ayant affligé la Guienne ,
Quintin , après avoir plusieurs fois
disposé de son argent , de ses livres
et de tout ce qu'il avait dans les
mains en faveur des pauvres, alla ton-
cher à Morlaix le prix de sou patri-
moine qu'il avait vendu, et revint le
distribuer aux indigents d'Agen. Cet
acte de charité fut si complet et si ca-
ché que sou hôte, ignorant d'où ve-
nait tant d'argent, craignit de passer
lui-même pour fauteur dun crime ,
et dénonça aux magistrats le vertueux
Quintin,qui eut l'honorable confusion
d'être convaincu d'une générosité
sans exemple. 11 essaya eusuite la vie
des jésuites; mais, après quelques
mois de noviciat, sa santé épuisée dé-
termina ses supérieurs, sur l'avis des
médecins, à l'envoyer respirer l'air
natal. Par une faveur spéciale , outre
la promesse de le recevoir de nou-
veau, ils lui permirent de garder
l'habit religieux. Mais, ayant ap-
pris que sa sauté ne se refaisait
point, ils l'engagèrent à vivre reli-
S40
QUI
gieusement dans l'état séculier. Ar-
rivé à Moriaix à la fin de l'année
1600 , il se trouva à la charge des
siens , puisqu'il avait disposé de son
patrimoine. Une de ses sœurs lui
meubla une chambre dans la ville et
pourvut à sa subsistance. Deux fois
il dégarnit cette chambre pour secou-
rir les pauvres. Sa sœur, l'ayant gar-
nie pour la troisième fois, le pria de
ne pas la mettre hors d'état de l'as-
sister ; alors il eut recours à un autre
genre de charité, qui forme une nou-
velle phase dans sa vie. Considérant
qu'il n'y avait encore en Basse-Bre-
tagne aucun collège public à la ma-
nière de ceux des jésuites, où les
études étaient partagées en différen-
tes classes et les esprits des enfants
formés aux lettres et à la piété; que,
faute de maîtres pour enseigner le
latin , les prêtres eux-mêmes l'igno-
raient, il établit chez lui une école
et se mit à expliquer tous les jours
Cicéron et Virgile à un grand nom-
bre d'écoliers, quesaréputation attira
des diocèses de Tréguier, de Léon et
de Quimper. Il fut secondé par un
ecclésiastique anglais, nommé Char-
les Louet, qui, après avoir souffert
pendant deux ans, pour la religion ca-
tholique, les rigueurs de la prison,
n'en avait été délivré, à la prière de
l'ambassadeur de France, qu'à condi-
tion qu'il serait banni del'Angleterre.
Quintin en lit son associé, et apprit
de lui la théologie. Il avait alors qua-
rante ans. N'envisageant le sacerdoce
qu'avec crainte, il ne consentit à le
recevoir qu'à l'âge de cinquante ans.
Peu de temps après, il fut privé de la
société et du secours de Louet, qui re-
l'ut du pape Clément VIII les bulles
pour l'archevêché (le Cantorbéry. Cet
éloignement ne permit plus à Quintin
decontinuerl'enseignement.etilprit
l'habit des dominicains au couvent
QUI
de Moriaix, le ,30 oct. 1602. Son
dessein était de réformer celte mai-
son, alors peu réglée, et ce dessein,
qu'il conserva inutilement pendant
vingt ans, lui suscita des persécu-
tions de tout genre. Outre qu'il pra-
tiquait la règle avec ponctualité, il
joignait à des pénitences rigoureuses
l'exercice continuel des humiliations,
supportant avec une patience rare
les affronts et les injures. H reçut en
1607 la visite de son ami Le Nobletz,
qu'il engagea à partager ses travaux
pour la réforme des dominicains;
mais Ce saint prêtre fut si cruelle-
ment traité qu'il se vit bientôt con-
traint de quitter le noviciat. Quintin
lui-même reçut du supérieur un ordre
cruel qu'il eut le courage d'exécuter,
aux risques d'y perdre la vie. Il se
tint pendant une heure entière à la
chute d'une eau froide qui tombait
sur lui d'une fontaine élevée. On ne
l'entendit pas même se plaindre d'un
pareil supplice. LeNobletz, chassé du
noviciat des frères prêcheurs, se livra
avec un renouvellement de charité à
la prédication. Quintin se réunit à
lui pour l'exercicedes missions. Quoi-
qu'il l'appelât toujours son maître,
Le Nobletz lui obéissait comme à
son supérieur dans les travaux apos-
toliques. Le père Quintin faisait les
sermons, et Le Nobletz remplissait la
fonction plus modeste et peut-être
plus utile d'enseigner le catéchisme
et d'expliquer les mystères de la foi.
Tous deux commencèrent ainsi le
cours de ces missions célèbres de la
Bretagne, que continua avec tant d'é-
clat le père Maunoir {voy. Maunoir,
XXVIl, 510). L'union parfaite qui ré-
gna entre ces deux missionnaires et
l'estime qu'ils avaient l'un p«ur l'au-
tre eut dans ces contrées les plus heu-
reux résultats. L'histoire du père
Quintin indique desprodiges que l'on
QUI
regarda comme miraculeux. L'opi-
nion de sa sainteté était si profondé-
ment établie dans l'esprit de Pierre
Cornullier, évéque de Rennes, qui
l'avait connu à Trégtiier, qu'on a en-
tendu dire à ce prélat que s'il occu-
pait la première place dans l'église, il
n'eût pas fait difficulté d'ordonner à
tous les fidèles de lui rendre un
culte public. Quintin ayant été trans-
féré au couvent de Bonne-Nouvelle,
à Rennes, l'évêque s'empressa de
l'employer dansée diocèse, comme il
l'avait fait dans celui de Trégiiier, et on
le vit prêcher souvent jusqu'à six ou
sept fois le jour. Sa régularité mo-
nastique n'en souffrait point ; quel-
que tard qu'il fiit rentré le soir, et
même pénétré de la pluie et couvert
de boue, il ne laissait pas, à l'heure
de minuit, de se trouver le premier
à l'église pour les matines, et il n'en
sortait que le dernier. Le monastère
de Morlaix devint aussi édifiant qu'il
avait été dissolu et scandaleux. Il
y séjournait encore quand il fut
député au chapitre provincial de
la congrégation gallicane , assigné
à Rouen. Là, il montra pour le
soutien de la réforme le même zèle
qu'il avait prouvé jusqu'alors, et il le
fit malgré une vive opposition , qui
alla jusqu'à le menacer de la prison.
Le chapitre se termina enfin tran-
quillement et Quintiu reprit la route
de la Bretagne, continuant sa vie
apostolique pendant tout le voyage.
.\rrivé à Vitré, où son ordre venait
d'établir un monastère, il y fut saisi
d'une esquinancie, qui fut encore
pour lui une occasion d'exercer sa pa-
tience. Après avoir reçu les sacrements
avec les plus grands sentiments de
piété, il termina sa carrière le 21 juin
1629, à soixante-dix ans. Quoiqu'il
n'eût jiamais habité celte maison , il
se répandit aussitôt un tel bruit de
OUI
Ui
sa sainteté, que toute la ville accou-
rut pour l'honorer, et par vénération
coupa quelques parties de ses habits.
La foule fut si grande qu'on ne put
l'enterrer que trois jours après; et,
pour empêcher qu'on ne le dépouillât
entièrement, il fallut établir des gar-
des autour du corps. Ce saint re-
ligieux, inhumé dans l'église des Do-
minicains, devant la chaire, fut l'ob-
jet d'un culte des habitants de Vitré
jusqu'à la révolution. Depuis cette
époque on ignore ce qu'est devenu
son corps, l'église ayant été dé-
truite. Sa vie fut écrite en 1664,
par le P. Rechac de Sainte-Marie Un
autre dominicain, le P. Guillouzou,
en publia une plus étendue en 1668.
On la trouve abrégée dans les Vies
des Saints de Bretagne du P. Albert
Legraud, dans celles de dom Guy Lo-
bineau, dans r.4nnée Dominicaine du
P. Sonéges, et dans les Vies des
Saints de Bretagne de l'édition de
>1. l'abbé Tresvaux. B— b— e.
QL'IXTIX MESSIS. Foy.MESSis,
XXVm,440.
QUIROT (Jean -Baptiste), député
conventionnel, né dans la Franche-
Comté vers 1760, était, avant la révo-
lution, l'un des plus médiocres avo-
cats du barreau de Besançon. Ayant
embrassé avec beaucoup d'ardeur la
cause des innovations, il fut nommé
député du département du Doubs à la
Convention nationale dans le mois de
septembre 1792, et s'y montra d'a-
bord plus modéré et plus sage qu'on
n'avait lieu de le présumer. 11 vota
ainsi dans le procès de Louis XVI :
« J'ai voté contre l'appel au peuple,
• parce qu'il m'a paru avoir des effets
« dangereux pour la liberté. J'ai dé-
« claré Louis coupable. Je ne le coa-
« damne pas à la mort, qu'il a méritée.
• parce qu'en ouvrant le Code pénal
• je rois qu'il aurait fallu d'autres
16
2i2
QUI
« formes, d'autres juges, d'autres
« principes. Je vote pour la réclu-
• sion. » Quirot se prononça ensuite
pour le parti exagéré, bien qu'en plu-
sieurs occasions il se soit élevé contre
la Montagne, entre autres au sujet
de la révolution du 31 mai, à laquelle
il fut un des opposants. Il échappa ce-
pendant aux proscriptions qui en fu-
rent la suite , concourut activement
au 9 thermidor, puis à la répression
de la révolte de prairial an III. En
1795 il fut nommé membre de la
commission des 21, chargée de l'exa-
men delà conduite de Joseph Lebon.
Ce fut lui qui fit le rapport de cette af-
faire, et qui provoqua le décret d'a-
cusation contre ce député. Le 3 août
il fut nommé secrétaire, et entra le
1" septembre au comité de sûreté
générale, où il proposa des mesures
violentes contre les sectionnaires de
Paris, au 13 vendémiaire (ô oct. 1795),
qu'il accusait de royalisme. Réélu
ensuite au conseil des Cinq-Cents, il
y porta le même esprit ; et en octobre
1796 il vota pour le maintien de la
loi du 3 brumaire, qui ordonnait l'ex-
clusion des nobles de toutes les fonc-
tions publiques. En 1797 il eut de
fréquentes altercations avec le parti
de Clichy; fut attaqué dans le conseil
par le général Willot, qui l'accusa
d'influencer les tribunes, et lui proposa
unduel,queleministredelap(>liceem-
pêcha;cequi donna lieu à chacun des
partis de faire à son champion les
honneurs de cette affaire {voy. Wil-
lot, L, 598). Le 19 février 1798, Qui.
rot fut élu secrétaire. Lorsque, dans
le courant de mai, Bailieul, organe
du Directoire, demaïuiji l'annulation
d'une partie des élections comme
ayant été influencées par les terroris-
QUI
tes, Quirot attaqua ce projet, • qui
« lui avait fait éprouver, dit-il, les
« sentiments de la plus profonde indi-
« gnation. . Le 22 déc. , il fut en-
core secrétaire. Le 28 juin 1799, il
appuya, par des considérations d'ordre
public, des mesures contre les prêtres
non assermentés ; le 10 juillet, il parla
contre l'administration du ministre
Schérer ; le 20, il fut élu président, et
le 9 thermidor il prononça , en cette
qualité, un discours où il rappela l'é-
poque qui avait délivré la république
de la tyrannie de Robespierre. Fidèle
au système de bascule qui dominait
alors, il retraça aussi ce qu'il appe-
lait les crimes des partisans de la
royauté, et invita le peuple à profiter
des leçons du passé pour maintenir sa
liberté et sa constitution. Il défendit
plus tard, en comité secret, les ex-di-
recteurs renversés le 30 prairial. Ce-
pendant, le 14 sept., il prétendit que
les dangers de la patrie étaient les
mêmes qu'en 1792, mais ses ressour-
ces moins grandes. Exclu du Corps-
Legisiatif le 19 brumaire (10 nov-
1799), à Saint-Cloud, où il se mon-
tra l'un des plus ardents de l'op-
position, il fut arrêté et renfermé
quelques jours à la Conciergerie. 11
devait être exilé et envoyé en sur-
veillance dans la Charente - Infé-
rieure , mais cet ordre ne fut pas mis
à exécution, et Quirut rentra dans ses
foyers, où il vécut long-temps igno-
ré. Il ne reparut qu'un instant sur la
scène, eu 1813, comme membre du
conseil municipal de Besancon, et si-
gnataire d'une adresse à l'impératrice.
Devenu sous-intendant militaire, il
était employé à Lyon à l'époque de la
Restauration, et il mourut dans cette
ville en 1830. Z.
RAB
RAB
UZ
R
R A BARDEAU (MiCffEL), né à
Orléans en 1572, entra chez les Jé-
suites en 1595, professa la philoso-
phie et la morale, fut recteur du col-
lège de Bourges et de celui d'Amiens,
et mourut à Paris le 24 déc. 1649. Il
avait entrepris de réfuter le livre que
Ch. Hersent {voy. ce nom, XX, 302)
avait publié sous le titre d'Optati
Gain de cavendo schismate liber
parœneticus. La réponse du P. Ra-
bardeau était intitulée : Optatus Gai-
lus de cavendo schismate benigna
manu sectut^ Fans, 1641, in-4°. L'au-
teur avançait, dans ce livre, que la
création d'un patriarche en France
n'aurait rien de schismatique, et que
l'assentiment de Rome n'était pas
plus nécessaire pour cela qu'il ne
l'avait été pour établir les patriar-
ches de Constantinople et de Jérusa-
lem. Comme ce livre avait été fait
sous l'inspiration du cardinal de Ri-
chelieu, et qu'il fallait prouver que
le roi pouvait lever des contributions
sur le clergé , la thèse de Rabardeau
plut fort au cardinal-ministre. VOp-
tatus Gallus du jésuite fut condamné
par l'inquisition de Rome au mois de
mars 1643 , et l'Assemblée du clergé
de France reçut, le 19 sept. 1645, le
décret , puis le fit enregistrer dans
son procès-verbal , persuadée qu'elle
était que le livre contenait de perni-
cieuses maximes contre les ordres et
la juridiction de l'Eglise (coj'rSouth-
■well, Biblioth. Script. Soc. Jesu;
d'Avrigny, Afém, chronol. et dogm.,
ann. 1640) (l). C~l— t.
(i) La Bibliothèqae des Jésnites da col-
RABASTEXS (Pilfobt de) reçut
le jour au château de Saint-Géry en
Albigeois, qui appartenait à une bran-
che de l'illustre maison de Rabastens.
D'abord moine de l'ordre de Saint-
Benoît, ensuite abbé de Lombez en
1310, puis évêque de Pamiers, il
éprouva dans cette ville diverses tra
casseries de la part des chanoines.
Sa vie même fut en danger, mais il
parvint à calmer les passions, et put
enfin jouir de quelque repos. Peu de
temps après il fut élevé sur le siège
épiscopal de Léon en Espagne, et plus
tard créé evéque de Rieux par le pape
Jean XXII, son compatriote et son
ami. Ce pontife 6t encore plus ; il le
décora de la pourpre romaine en
1320, sous le titre de Sainte-Anasta-
sie.Rabastens ne jouit pas long-temps
de cette dignité, car il mourut en 1 32 1
avec la réputation d'un prélat savant,
aussi pieux que régulier. Il fut sou-
vent choisi comme arbitre pour ter-
miner les différends élevés dans son
pays. La maison de Rabastens a four-
ni d'autres évéques et des person-
nages remarquables {voy. Pauuw,
LXXV1,361). C— L— B.
lége de Clermotit possédait plusieurs manns-
cnts da P- Rabardeau. Oo trcave, sons le
no 6l3, l'iodioation d'un recueil en deux to-
lumes in-fol. sur direrses questions impor-
tantes du droit cauDiiique; 2° sous le n" 784,
un écrit intitulé : Brief Edaircitumeni det
principal*! dijjicultés qu'on rtmarqu» dam lut
liiire compote contre Optatus Gallus. « Cet
ouvrage inconnu au P. Leiong, dit le rédac-
teur du catalogue, parait être du P. Rabar-
deau. Voy. Catalogut mamuseriptorum eodi-
cum coUtgii Claromontani, Paris, l764iiu-So,
p. 22 1 à 229 et 398. L — M — X.
16.
244
RAB
IIABAUDY (Bernard de) , reli-
gieux de l'ordre des frères prêcheurs,
né à Toulouse en 1631, professa la
théologie avec éclat dans l'université
de cette ville, oii il mourut le 3 no-
vembre 1731- On a de lui trois volu-
mes in-S" d'un ouvrage estimé, et qui
est intitulé : Exercitationes thcolo-
gicœ, ad singulas partes Summœ
sancti Thomœ, doctoris angelici. Le
reste de cette composition conservé
manuscrit dans la bibliothèque des
dominicains de Toulouse, jusqu'à la
révolution , se trouve aujourd'hui
dans celle du collège royal de la mê-
me ville. La maison de Rabaudy était
comptée au nombre des plus illustres
de Toulouse, et la place de viguier,
c'est-à-dire vicaire du comte de Tou-
louse, fut toujours occupée par un de
ses membres, depuis 1597 jusqu'en
1749, époque de la suppression de
cette charge. Z.
RABBË (Alphonse), littérateur
était né, en 1786, à Riez, dans la
Haute-Provence, et non pas à Barce-
lonetle niàMarseille,comme l'ont dit
quelques journaux et d'autres bio-
graphes. Quoique sa famille, qui
avait approuvé les excès de la révo-
lution, eût eu à souffrir depuis la
réaction , Rabbe fut élevé dans des
principes de liberté qu'il n'abjura
jamais , mais dont il abusa plus
d'une fois, surtout dans sa jeunesse.
Après avoir achevé ses études à Paris
où il avait remporté, en 1803, le prix
d'honneur , on aurait pu croire que
cet encouragement l'aurait lancé dans
la carrière des lettres; mais forcé par
la nécessité, ou peut-être entraîné
par l'inconstance et l'inquiélude de
son caractère, il se rendit à l'armée
d'Espagne, oîi il exerça pendant deux
ans un emploi dans l'administration
militaire, ce qui a fait dire qu'il était
un ancien officier supérieur, qualité
RAB
que par vanité il était bien capable
d'avoir prise ou de s'être laissé don-
ner. Ce fut en Espagne, et proba-
blement par son inconduite, que
Rabbe contracta le gprme d'une
cruelle maladie qui l'obligea de reve-
nir eu France, et qui a fait le tour-
ment et la honte de sa vie, par les tra-
ces dégoûtantes qu'elle laissa sur son
visage ; car il tenait beaucoup à quel-
ques avantages extérieurs dont la na-
ture l'avait doué. De retour à Paris,
il débuta, de 1807 à 1808, en coopé-
rant à l'infroducf/on du Voyagepitto-
resque en Espagne, par Alex, de La-
borde, et en 1812 il donna le Précis
de l'histoire de Russie qai fait partie
diiTableau historique, géographique,
militaire et moral de Vempire de
Russie, 2 vol. in-8°, par Damaze-
Raymond {voy. LXII, 61); on croit
même qu'il eut la plus grande part à
cet ouvrage, publié sous le nom de son
compatriote. Mais l'ardeur avec la-
quelle Rabbese livra dès lors au travail
avait aggravé son horrible maladie,
et deux ans de séjour en Provence, au-
près de sa famille, ne lui avaient rendu
qu'une santé imparfaite, lorsqu'en
1815, cédant aux suggestions de ses
parents, il prit parti pour la Res-
tauration , et publia deux brochu-
res dont la virulence était aigrie par
le chagrin d'avoir perdu la n.'oilié de
son nez. Chargé d'une mission secrète
en Espagne pour les Bourbons, Rabbe
fut arrêté sur la frontière.ll recouvra
la liberté après la bataille de Water-
loo, et se trouvant à Marseille, au
mois de juin suivant, il fut présenté
au duc d'Augoulèmc. Il s'attendait à
être magniliqiiemeut récompensé de
sa mission et de sa détention; mais
n'ayant reçu du duc de Richelieu que
l'offre d'iui emploi médiocre au mi-
nistère des affaires étrangères, il s'en
ipdigna, déserta la cause bourbonien-
RAB
RA6
245
ue et suivit quelque temps à Aiz ia
carrière du barreau avec assez de suc-
cès. Comme il n'y trouvait pas les res-
sources que la perte de sa fortuneavait
rendues nécessaires, il alla fonder
àMarseille,en 1819, /eP/ioceen, feuille
quolidieniie qu'il fit précéder par une
brochure intitulée : De Vutilité des
journaux politiques publiés dans
les départements. Le Phocéen, étant
le premier journal rédigé à Marseille
dans un sens diamétralement opposé
au système alors dominant , fut vio-
lemment attaqué dès ses premiers
numéros, en janvier 1820; et, malgré
le courage que Rabbe montra dans
cette circonstance, au milieu d'une
ville qui avait chanté la palinodie
comme lui, mais dans un sens inver-
se, il ne put se garantir des procès,
des réquisitoires et des condamna-
tions. Mis en prison, il obtint d'être
relâché sous caution, et fit encore pa-
raître son journal pendant quelques
jours; mais informé qu'on allait exer-
cer contre lui des poursuites plus sé-
vères, il partit pour Grenoble. Les
marques de sympathie qu'il y reçut
des habitants ne l'empêchèrent pas
d'être arrêté; il ne recouvra la liberté
que moyennant un cautionnement
en argent, et se rendit à Aix, où le
chagrin venait de terminer les jours
de sa mère. Au mois d'août 1821 , il
subit encore deux jugements; mais il
fut acquitté deux fois, quoiqu'il eût
eucouru le reproche de calomnie con-
tre l'administration des Bouches-du-
Rhône, en l'accusant de n'avoir pas
justifié l'emploi d'une somme de cinq
millions. Dégoûté de la Provence , il
revint à Paris en 1822, et y fut ré-
dacteur de VÂlbum, Journal des
arts, des modes et des théâtres, fondé,
en 1821, par M.Fr. Grille qui, aprèsen
avoir publié cinq volumes , venait de
céder Ja propriété au jeune Magalon.
Le nouvel éditeur-gérant n'imita pas
la modération de son prédécesseur.
Ce recueil, auquel il avait substitué
le titre A\4lbum^ Journal des arts,
de la littérature et des théâtres, et
ajouté au titre du tome VII : des
7WQ?ur*, é'aità peine arrivéaudixièmc
volume (1), lorsqu'il prit fin par suite
de la longue et cruelle incarcération
à laquelle Magalon fut condamné. Rab-
be, devenu plus prudent, avait cessé,
depuis quelques mois, touie collabo-
ration à VÀlbum, lorsqu'il s'attacha
à ia rédaction du Courrier français.
auquel il fournit, en 1824, plusieurs
articles sur les beaux-arts. Celui qu'il
fit sur le sacre de Charles X donna
lieu à des poursuites. Dn autre arti-
cle, dans lequel il dénonça l'achat,
fait par le ministère, des Tablettes
universelles, dont il avait été colla-
borateur, en 1822 et 1823, lui susci-
ta un duel avec l'éditeur. En 1827,
il travailla à la Biographie univer-
selle et portative des contemporains,
à peu près dès la fondation par Babeuf,
fils du fumeux démagogue {voy. Ba-
beuf, II!. 15fi). Mais après avoir pu-
blié six livraisons de cet ouvrage ,
qui s'imprimait à Blois, l'éditeur,
n'ayant plus moyen de le continuer,
ftit forcé d'y renoncer, et les im-
primeurs Aucher-Éloy et compa-
gnie le prirent pour leur compte.
On n'en était qu'à la lettre C. Bo-
quillon, qui en avait jusque-là diri-
gé la rédaction, au nom de Babeuf,
fut remplacé par Rabbe. On ne pou-
vait faire un plus mauvais choix. L'i-
magination ardente du nouveau ré-
dacteur ne le rendait pas plus capa-
(i; Barbier, d^ins son Dictionnaire dtsano-
nj-fti, en mentionnant VAlbum, sans autre
titre, u'a cité que le nom de M. Grille, et les
années 1823 et 1828, 5 vol. Il aurait dà dir*
M. Grille. 5 Toî.. i8ai à iS22;etM. M*-
gslon jusqu'au lo* vol., iSaaii iSt'i.
U6
RAB
ble de diriger une opération littéraire
que de gouverner ses propres affai-
res. L'entreprise allait tomber si, dès
la quinzième livraison, Aucher-Éloy
ne fût venu à Paris pour débarrasser
Rabbe d'une corvée au-dessus de ses
forces. Celui-ci continua cependant à
y fournir des articles. Il s'était chargé
des notices de quelques notabilités
contemporaines, telles que Canning,
Catherine 11^ Benjamin Constant, le
peintre David, etc, etc. Celle de Can-
ning a été imprimée à part, en 1827,
in-8° de 64 pages. Ses articles sont
généralement moins remarquables
pour la recherche et l'exactitude des
faits que par une excessive lon-
gueur, par un style redondant et dé-
clamatoire. Aussi a-t-il eu peut-être
quelque sujet de se reprocher les
malheurs et la mort de son succes-
seur. En effet, Aucher-Éloy avait pro-
mis aux souscripteurs de la Biogra-
phie portative qu'elle n'aurait que
60 livraisons , et que toutes celles qui
dépasseraient seraient données gra-
tis. Leur nombre alla jusqu'à 80;
ainsi la perte fut de 20 livraisons
pour les éditeurs. Aucher-Éloy, s'é-
tant brouillé alors avec son associé
de Blois, partit, fn 1829, pour la
Russie d'où il est revenu, après un
séjour de plusieurs années, se suicider
en France ! Boisjolin fit moins encore
pour cet ouvrage que n'avait fait Rab-
be, et n'en fut directeur que de nom.
Nommé capitaine dans la garde na-
tionale, après la révolution de 1830,
il ne s'occupa nullement de la Bio-
graphie(tJoy. t.LVlII,p. 463). Afinde
soutenir l'énergie de ses facultés in-
tellectuelles, Rabbe avait recours au
café, dont il faisait un usage imuio-
déré et dangereux pour sou tempé-
rament. Un régime antiphlogisti-
que lui était prescrit; il ne put s'y
soumettre, et préféra le perfide secours
RAB
de l'opium, dont il abusa à tel point,
qu'il avait fini par en prendre jus-
qu'à 180 gouttes par jour, tandis que
20 gouttes suffisent pour plonger
dans un sommeil éternel ceux qui en
prennentpourlapremièrefois, Rabbe
trouvait que ce dangereux breuvage
donnait à ses idées plus de fraîcheur
et de vivacité, plus d'énergie à sa
parole; mais bientôt il retombait
dans une atonie complète. Une in-
flammation du péricarde s'était dé-
clarée vers la tin de 1829; une re-
chute eut lieu le 27 déc, et il mou-
rut le 1" janvier 1830, dans sa 44'"«
année, après une agonie de quatre
jours. Le lendemain, un grand nom-
bre de gens de lettres, d'artistes, d'a-
vocats et d'hommes politiques, Ar-
mand Carrel, Gauja, MVl. Châtelain,
Alexis Dumesnil, Victor Hugo, Foya-
tier, Mignet, Alexandre Dumas, Pierre
Grand, Thiers, etc., assistèrent à ses
funérailles et accompagnèrent son
corps au cimetière, oii l'on fit une col-
lecte pour l'achat du terrain destiné
à son tombeau, car Rabbe était sans
fortune. Son corps ne fut pas présenté
à l'église, soit qu'il l'eût ordonné,
soit que ses amis l'eussent ainsi vou-
lu. Tous les journaux libéraux, le
Figaro, le Corsaire, le National., le
Démocrate littéraire^ etc., s'empres-
sèrent de lui consacrer des articles
nécrologiques plus ou moins louan-
geurs, mais la plupart erronés et in-
complets. Rabbe, au premier abord,
paraissait avoir de l'orgueil et de la
roideur ; mais ses amis assurent qu'il
était bon, obligeant, et que dans la
société intime il avait beaucoup d'ex-
pansion et d'abandon. Son amonr-
propre s'enflammait jusqu'à la vio-
lence, mais il s'apaisait aisément
après la plus simple explication. Le
triste changement que sa première
maladie avait opéré sur son physique,
RAB
et son état de souffrance habituelle, lui
avant imposé la dure nécessité de re-
noncer à la société des salons, en lui
exagérant l'effet désagréable qu'il y
produisait et en le bornant à vivre
dans la retraite et l'obscurité ou dans
l'intimité de quelques amis, avaient
aigri son caractère et sa susceptibilité
naturelle. Depuis l'âge de 26 ans, il ne
jouissait plus de la vie : il avait même
songea la quitter, et l'idée de la pro-
longer redoublait le sentiment de ses
peines. Il se fâchait quand on lui lais-
sait entrevoir un avenir plus tran-
quille, et il disait souvent qu'il ne
liésirait autre chose que de la gloire
argent comptant. Sa parole était
brève, facile, énergique, mais enflée
et prétentieuse; il prenait ordinai-
rement le ton et l'attitude d'un ora-
teur. Son style avait les mêmes qua-
lités et les mêmes défauts : il était
souvent trop incisif, trop amer. Voici
la liste des autres ouvrages de Rabbe :
\. Méditations sur la mort de Napo-
léon, Paris, 1821, in-S", brochure de
16 pages qui ne fut mise en vente
qu'en 1831. II. Résumé de l'histoire
d'Espagne, depuis la conquête des
Roniains jusqu'à la révolution de
l'île de Léon, avec une Introduction
par Félix Bodin, Paris, 1823, in- 18;
i' édit., 1828, in-18; traduit en espa-
gnol par M. V. M. Licenciado, Paris,
1824, 2 vol. in-12. III. Résumé de
l'histoire de Portugal , depuis les
premiers temps de la monarchie jus-
qu'en 1823, avec une Introduction
par R.-T Châtelain, Paris, 1824,
Jn-18 ; 3« édit., 1827, in-t8 ; trad. en
castillan, ibid., 1827, 2 vol. in-12.
IV. Résumé de l'histoire de Russie^
depuis l'établissement de Rourik et
des Scandinaves jusqu'à nos jours,
Paris, 1S25, in-18, deux éditions.
Quoique ces trois ouvrages soient ci-
Xéé parmi les meilleurs de ceux qui
RAB
247
forment la collection des Résumés de
Félix Bodin, ils offrent, surtout le troi-
sième, plus d'imagination que d'exac-
titude. V. Histoire d'Alexandre, em-
pereur de toutes les Russies, et des
principaux événements de son règne,
Paris, 1826, 2 vol. in-So. Ce livre,
assez inexact et peu complet sous le
rapport des faits, est d'ailleurs fort
superficiel et ne fait connaître qu'im-
parfaitement la brillante carrière po-
litique du czar. La pauvreté des aper-
çus et l'absence de recherches neuves
et profondes y sont vainement dégui-
sées sous un style ambitieux qui dé-
génère souvent en boursouflure, en
lieux communs, et qui n'est pas
exempt d'incorrection. VI. Géogra-
phie de l'empire de Russie, contenant
la Russie d'Europe et celle d'Asie^
Paris, 1828, 2 vol. iu-18; 2» édit.,
1829, 2 vol. in-18. Rabbe, est auteur
de ['Introduction historique ûes Mé-
moires sur la Grèce , par Maxime
Rrybaud, 1824-25, et de V Introduc-
tion à l'histoire du Bas-Empire, par
.\imé Millet, 1825, faisant partie de
Il Bibliothèque du XIX' siècle. Il a
donné la notice d'Angelica Kauf-
mann dans la Galerie des contem-
porains. On lui a attribué le Précis
historique de la guerre entre la
France et l'Autriche en 1809, Paris,
1823, in 80. Ce n'est que la réimpres-
sion du troisème volume du Voyage
pittoresque en Autriche, par Alex,
(le Laborde. A— T.
RABIRIUS (CaTus), chevalier
romain , avait pris les armes eu fa-
veur du sénat et des consuls contre
des factieux au nombre desquels se
trouvaient Q. Labiénus et le tribun
du peuple Âpuléius Saturninus , qui
l'un et l'autre furent tués. Trente-six
ans après cet événement, c'esl-à-dire
soixante-trois ans avant Jésus-Christ,
Titus Labiénus, neveu de Quint us,
248
RAB
entreprit de poursuivre Rabinus,
comme coupable du meurtre d'Apu-
léius Saturninus, qu'il n'avait cepen-
dant pas tué, mais dont il avait porté
la tête en triomphe. Au reste, d'a-
près Suétone, c'était à l'instigation
de Jules-César , toujours empressé
d'exciter la haine des plébéiens con-
tre les patriciens, que Labiénus agis-
sait. Celui-ci proposa de faire juger
Rabirius comme Horace, meurtrier de
.sa sœur, par deux commissaires ou
duumvirs qui le condamnassent à
être battu de verges et mis en croix.
Ce décret, malgré l'opposition du
sénat, fut rendu. Les deux commis-
saires, nommés non par le peuple,
ainsi que cela s'était pratiqué dans le
procès d'Horace, mais par le sort
dont on dirigea peut-être la voie, fu-
rent précisément Jules-César et un
de ses parents. Avec de pareils juges,
la sentence de mort contre l'accusé
ne pouvait manquer d'être pronon-
cée. Mais Rabirius condamné en ap-
pela à l'assemblée du peuple; il fut
défendu par Hortensius et par Cicé-
ron, alors consul. Ce grand orateur,
plusieurs fois interrompu par des
murmures, n'en prononça pas moins
un discours des plus énergiques :
• Plût aux dieux, dit-il, que la vé-
• rite me permît de publier haute-
• ment que C. Rabirius a tué de sa
• propre main un ennemi de la pa-
• trie tel qu'ApuIéius Saturninus!...
« Je penserais que c'est une action
• très-belle et très -glorieuse pour
• laquelle nous aurions à demander
• des récompenses , et non à crain-
- dre des supplices. Ne pouvant faire
• cet aveu, j'en fais un qui nous rend
• moinsdigncsde louanges, mais qui,
• s'il y avait du crime dans la cause,
• ne nous rendrait pas moins crimi-
• nels. J'avoue que C. Rabirius a pris
• les armes pour tuer ApuleiusSatur-
IIAB
• ni nus. » H protesta qu'un citoyen ne
pouvait pas être coupable pour avoir
suivi un parti à la tête duquel étaient
le sénat, les consuls et les premiers
personnages de Rome. Malgré cet
éloquent plaidoyer, les amis de Ra-
birius redoutaient encore l'influence
de Jules-César sur la multitude.
Dans celte conjoncture critique , le
préteur Q. Meteilus Celer fit enle-
ver de la tour du Janicule l'éten-
dard qui, selon un antique usage,
devait y rester arboré pendant les
délibérations du peuple au Champ-
de-Mars. Par ce stratagème, l'as-
semblée se trouva dissoute et fut
ajournée; mais T. Labiénus abandon-
na une accusation qui pouvait ame-
ner des troubles dans l'État. —
Rabirius Posthumus (C), chevalier
romain, était lîls de C. Curius et fut
adopté par C. Rabirius dont il prit
le nom. Il prêta ou fit prêter des
sommes considérables à Ptolémée
Aulétès, roi d'Egypte; mais lors-
qu'il en demanda le remboursement,
ce prince lui proposa de se charger
de l'administration de ses revenus,
et de se payer lui-même peu à peu.
Rabirius accepta la proposition ou
plutôt tomba dans le piège, car il ne
tarda pas à être emprisonné par or-
dre de Ptolémée. Cependant il trou-
va moyen de s'évader et retourna à
Rome où il fut mal accueilli. On lui
reprocha d'avoir avili le titre de che-
valier romain, en devenant le régis-
seur du roi d'Egypte ; on l'accusa
même de trahison, de concussion et
de complicité avec Aulus Gabinius
{voy. ce nom, XVI , 215). Cicéron le
défendit et le sauva d'une condam-
nation capitale. — Rabirius {Caïus\
poète latin, contemporain de Virgile,
avait composé, sur la bataille d'Ac-
tium, un poème dont il ne reste que
quelques fragments, insérés par Mail-
RAB
taire (coy. ce nom, XXVI, 301), dans
son recueil intitulé : Opéra et frag-
menta veterum poetarum latinorum.
Ce poète avait acquis une grande ré-
putation : Sénèque le compare à Vir-
gile; mais Quintilien n'en porte pas
un jugemj'nt aussi favorable. — Rabi-
Rius, architecte romain, florissait
sous l'empereur Domiticn, qui com-
mença à régner l'an 81 de J.-C On
sait que ce prince sanguinaire et dis-
solu avait le goût ou plutôt la ma-
nie de bâtir. Il fit élever un grand
nombre de monuments dont il confia
les travaux à Rabirius, entre autres
un palais sur le mont Palatin, qui
passait pour un chef-d'œuvre, des
temples, des arcs de triomphe, etc.
Le rétablissement du Capitole, qu'un
incendie avait consumé, fut encore
l'ouvrage de Rabirius; probablement
il construisit aussi la voieDomitienne
dans la Campanie et le pont sur le
Vulturne. Après la mort de Domitien,
son palais, les édifices érigés en son
honneur, ou qui rappelaient sa mé-
moire devenue odieuse, furent ren-
versés ; mais les vestiges qui restent
de quelques-uns attestent les talents
de l'architecte. P— rt.
R ABOTEAU (Pierre-Paul), poète
et littérateur, né à La Rochelle en
1766, était à peine âgé de 22 ans
lorsque l'académie des belles-lettres
de celte ville l'admit dans son sein.
Il embrassa dès le commencement la
cause de la révolution et publia, en
1790, une ode sur la Prise de la Bas-
tille. En 1797 il vint se fixer à Paris,
où il se fit connaître par quelques
poésies légères et par des ouvrages
dramatiques qui furent représentés
sur le théâtre du Vaudeville. Il com-
posa, en société avec Radet. l'Avare
et son ami (1801); en société avec La
Chabeaussière, Lasthénie, ou Une
journée d'Alcibiade (1802): et une
RAB
249
pièce intitulée : Attendre et courir
(1803). Il composa seul un joli vau-
deville, qui a pour titre : La Ville et
le village (1802), et un autre inti-
tulé : Urbain et Joséphine {ISQZ). Il
fit paraître un poème de quatre à
cinq cents vers, les Jeux de Venfan-
ce, Paris, 1802, m 8°. Cet ouvrage,
écrit avec talent et sensibilité, fut
réimprimé en 1804, in-S", et il mé-
riterait de l'être encore. Dans celte
seconde édition la peinture des jeux
du collège, qui avait été trouvée trop
restreinte, a reçu plus de développe-
ment. Membre de la Société phi-
lotechnique, où il fut admis en 1803
sur le rapport de son ami Andrieus,
Raboteau y lut un poème adressé
aux Artistes., une églogue de Ré-
becca, tirée de la Bible, une épître
à TEnnui, d'autres poèmes et un
grand nombre de fables, que l'on
dislingue encore dans les recueils
poétiques du temps. Souvent in-
vité à publier ses poésies, Rabo-
teau, par Ufie modestie rare, les gar
da toujoursi dans son portefeuille.
Il mourut le 21 oct. 1825 à La Ro-
chelle, où depuis plusieurs an-
nées il s'était retiré avec sa famille,
après avoirétépendant quelque temps
sous-chef dans une division du mi-
nistère de la police sous M. Deca/es,
Nous savons que les loisirs de sa re-
traite furent remplis par un grand
nombre d'études poétiques, dont la
variété atteste l'étendue de ses con-
naissances littéraires. Son travail sur
Plaute est un manuscrit remarqua-
ble. Ainsi Raboteau trouva dans ses
dernières années d'utiles consola-
tions aux peines dont des infirmi-
tés précoces lui firent ressentir les
atteintes. V — VE.
R.ABCEL (Cladde), né à Pont-
de-Veyleen Bresse, le 24 avril 1669,
entra dans la compagnie de îésus. à
d50
RAC
l'âge de dix-sept ans, et enseigna
iong-temps avec succès les humani-
tés; enfin les ordres de ses supé-
rieurs le fixèrent à l'étude des ma-
thématiques, qu'il professa au col-
lège de la Trinité à Lyon, pendant
les vingt dernières années de sa vie.
Il mourut dans cette ville le 12 avril
1728. On a imprimé après sa mort un
Commentaire sur la géométrie de
Descartes, 1730, in^", publié par
les soins du P. Lespinasse, disciple
et ami de l'auteur. Rabuel laissa en
manuscrit des traités d'algèbre, des
sections coniques, des lieux géomé-
triques, du calcul différentiel et du
calcul intégral. Il cultivait aussi la
poésie latine avec un talent distin-
gué. T— D.
RACAGNI(l<'PèreJosEPH-MABiE),
physicien italien, né en 1741, à la Ta-
razza, dans la province de Voghera,
suivit de bonne heure sa vocation
pour l'état ecclésiastique, et entra en
1768 dans le collège des barnabites
de Monza. L'étude de la théologie ne
l'empêcha pas de se livrej à celle des
sciences exactes, qu'il apprit du P.
Canterzani , habile mathématicien.
Racagni fit tant de progrès dans la
physique et les mathématiques que,
jeune encore, il fut destiné à les en-
seigner dans les écoles de Saint-
Alexandre, à Milan. Le célèbre abbé
Frizi, professeur de mathématiques
supérieureSjle proposa comme capable
de remplir sa chaire pendant ses voya-
ges. Enfin on le nomma professeur
ordinaire de physique dans les écoles
deBréra. Racagni a professé pendant
trente ans avec zèle et succès; il se
distinguait par sa facilité , par sa
précision et par son amour pour
les sciences; aussi a-t-il formé plu-
sieurs élèves distingués. C'est par ses
soins que le cabinet de physique de
Bréra se trouve riche d'instruments.
RAG
En 1790, il fil des voyages à Vienne,
en Hongrie et à Naples, pour con-
naître les plus savants physiciens
de ces pays; il obtint l'estime des
personnages les plus illustres, tels
que le cardinal d'Herzan, le comte
Esterhazy, le chevalier Hamilton , et
surtout le comte de Firmian. Racagni
fut nommé, en 1 801 , l'un des quarante
de la Société italienne, et en 1812
membre de l'Institut italien. On a
de lui la Théorie des fluides, impri-
mée en 1779, où il traite des fluides
en général, et en particulier de l'eau,
de l'air, de l'électricité, etc. En 1807
il publia, à Milan , un mémoire sur
les translations, où il examine les
différentes formules proposées par
Prony, Fossombroni et Bezout. On
trouve un autre mémoire inséré dans
les Actes de la Société italienne (tome
XVIII, p. 139); l'auteur y parle de
quelques conducteurs électriques,
frappés par la foudre ; et, sans con-
tester l'efficacité des paratonnerres,
il donne la raison pour laquelle ils
ne remplissent pas toujours leur des-
tination. Dans un mémoire sur les
propriétés des nombres, il entre-
prend de généraliser la théorie de
Kramp. Les sciences exactes lui doi-
vent encore d'autres services^ notam-
ment les expériences qu'il fit avec le
P. Pino, son collègue, sur le bélier
hydraulique, dont il chercha un
des premiers à expliquer les singu-
liers phénomènes. Religieux, tolé-
rant, Racagni fut généralement estimé
au milieu des agitations politiques de
son temps. Il mourut le 5 mars 1822.
Toujours utile pendant sa vie, il vou-
lut l'être encore après sa mort, et lé-
gua un prix annuel de 2,ooo fr. pour
celui des élèves des sciences physi-
ques qui s'y distinguerait le plus. Le
cinquième volume des Mémoires de
l'Institut du royaume lombardvé'
RAC
nitien (Milan, 1838, in- 40), contient
un mémoire posthume de Racagni;
il a pour titre : Sopra i sistemi, etc.
(Sur les systèmes de Franklin et de
Syramer, concernant l'électricité). Z.
RACHEL. Voy. Jacob, XXI, 32Î.
RACHETTI ou Raechetti ( Vin-
cent), médecin italien, néàCréma, le
17 mai 1777, d'une famille aisée, étu-
dia la philosophie et les mathémati-
ques à Lodi, puis le droit à l'univer-
sité de Pavie. Reçu docteur en 1798,
il abandonna aussitôt cette carrière
pour se livrer à la médecine, ot prit
ses degrés à l'université de Padoue.
Ce fut aussi dans cette dernière ville
qu'il se fortifia dans la langue grec-
que en suivant les leçons du célèbre
Cesarotti {voy. ce nom. VU , 578).
Revenu dans sa ville natale, il y exer-
ça la médecine jusqu'en 1802, époque
k laquelle il se rendit à Milan, où il ne
tarda pas à se faire de puissants pro-
tecteurs. François Meizi , alors vice-
président de la république italienne,
lui procura la place de secrétaire de
la direction centrale de la santé au
ministère de la guerre. Eu 1807, Ra-
chetti fut nommé premier médecin
de l'hôpital de Crema, et peu après
professeur de physique au collège de
cette ville. Trois ans plus tard il fut
appelé à Pavie pour y occuper la
chaire de pathologie, de mt^decine lé-
gale et de pulice médicale. Dans ses
leçon* de pathologie , il aimait à s'é-
tendre sur la force vitale et à dé-
montrer que la physiologie était fille
de la pathologie à laquelle, de son
côté, elle a rendu depuis de grands
services. Ennemi des systèmes de Dar-
win et de Brown, il s'arrêtait volon-
tiers à les réfuter et apportait dans
ses arguments tant de subtilité que
ses élèves avaient bien souvent de la
peine à le comprendre. Mais, dans
les questions de médecine légale et
RAC
2ol
de police médicale, il donnait moins
de cours à son imagination et ne s'é-
cartait guère de la méthode scolasti-
que. La chaire de clinique médicale
étant devenue vacante en 1H16, par
la mort de Raggi, Raechetti le rem-
plaça pendant quelque temps; mais
atteint d'une maladie causée par l'ex-
cès du travail, et qui influa sur ses
facultés intellectuelles, il fut obligé
de renoncer à l'enseignement et de
se retirer dans sa ville natale, où il
mourut le 9 avril 1819, après deux
années de souffrances physiques et
morales. Il avait publié : I. Teorica
délia prosperità fisica délie nazio-
n», nei rapporti d'economia publî-
ca, ossia esposizione dei principi
politici che servono di base a tutla
l'opéra, Milan, 1802, tome I, 1'*
partie, in-8°. Ce livre fit assez de
sensation dans le monde savant pour
être l'objej d'im examen spécial. Une
commission fut nommée à cet effet,
mais sou jugeuieut fut |)eu favorable,
ce qui dégoûta Raechetti, et l'ouvrage
ne fut pas contiuué. Au reste, le plan
dans lequel il l'avait conçu était trop
vaste, et dépassait évidemment les
forces d'un homme. On lui reprocha
aussi de s'y montrer trop optimiste.
Malgré ces défauts , la Théorie de la
prospérité physique des nations of-
fre des aperçus neufs, jugénieux, et
annonce un hoîome profondément
versé dans l'économie politique et la
jurisprudence. L'auteur n'avait ce-
pendant alors que vingt-cinq ans. H.
Trattato délia milizia deiGreci an-
tichi colla versione del libro di Tat-
tica d'Àrriano (Milan, 2 vol. in-8''),
ouvrage dédié à Napoléon et qui offre
des chapitres pleins d'érudition. IHous
citerons entre autres celui qui con-
cerne les éléphants considéréscomme
machines de guerre. III. Délia strut-
tura . delU funzioni e délie malat-
352
RAC
RAD
tie dellamidollaspinale, M\\&n^i8i6,
in-8». Ce traité des maladies de la
moelle e'pinière est estime'. Le célèbre
Rasori en rendit compte dans les
opuscoli clinici (tom. H , page 413),
et voici en quels termes il en appré-
cie la valeur littéraire, après l'avoir
loué sous le rapport scientifique :
« Ce livre est écrit d'une manière peu
« commune aux savants d'aujour-
« d'hui , tant il y a de justesse dans
« les expressions , d'élégance dans
■ les phrases, d'art dans les périodes.
« Seulement un œil de lynx pourrait
• peut-être par-ci par-là découvrir
« quelques traces d'affectation. •
Racchetti s'était aussi occupé de poé-
sie, et ses intimes se rappellent lui
avoir entendu lire quelques fragments
d'une tragédie où il y avait de la
verve et de la correction. Il était de
plus musicien, et touchait parfaite-
ment du piano sur lequel il exécutait
même des airs de sa faron. Peu
d'hommes ont offert autant que lui
des contrastes dans le caractère. Ca-
pable de sentir vivement l'amitié, il
montrait cependant de la défiance à
l'égard de tout le monde, et désor-
donné dans sou imagination et ses dé-
sirs, il conserva toute sa vie des
mœurs sévères. On comprend qu'avec
une telle nature il devait aimer peu
la société, sans pour cela trouver
plus de bonheur dans la vie de fa-
mille. Ayant été ou plutôt s'étant
toujours cru malheureux, il devint
dans ses dernières années acariâtre,
capricieux, colère, et finit par tomber
dans un état de manie voisin do la dé-
mence. Tous ce» défauts n'empêchè-
rent pas ses amis de lui rester fidèles,
et l'un d'entre eux, M. G. del Chiap-
pa, lui a consacré une notice dans la
Biographie des Italiens illustres, pu-
bliée à Venise par M. le professeur
Tipaldo. G— T— R,
RADAM A-Mansafta ou Manjaka^
roi de Madagascar, s'est acquis dans
notre siècle une célébrité que n'a-
vait encore obtenue aucun des au-
tres souverains de cotte île si impor-
tante par sa position, ses potts et sa
population. Du reste, l'histoire de
Madagascar est peu connue et ne
mérite guère de l'être. Des peuples
barbares, des princes assassins ou
assassinés, inspirent peu d'intérêt.
Il est cependant nécessaire de dire que
les Français, à diverses reprises et no-
tamment en 1642 , sous le ministère
de Richelieu , formèrent, sur la côte
orientale , des établissements dont
le succès fut contrarié par des épi-
démies, par des luttes continuelles
et sanglantes contre des peupla-
des féroces, mais plus encore par
l'inconstance de notre nation et par
son inexpérience en matière de co-
lonisation. Les droits de la France
sur Madagascar sont néanmoins in-
contestables, et elle y a toujours fait,
quoique de loin en loin, acte de sou-
veraineté. Radama, né en 1791, et
créole originaire d'Espagne, fut d'a-
bord soldat, et devint chef de la tribu
des Hovas ou Ovas, sur la côte orien-
tale, l'une des plus puissantes, des
plus guerrières, et à laquelle il par-
vint à donner la domination sur plu-
sieurs autres, en faisant la conquête
d'une grande partie de l'île. Mais,
loin d'imiter la barbarie de ses pré-
décesseurs, il eut la louable ambition
de civiliser ses peuples. Vingt jeunes
Hovas, envoyés par lui en Angleterre,
y reçurent, durant quelques années,
l'éducation des écoles, et rapportè-
rent à Madagascar, quoique un peu
superficiellement, une partie des in-
stitutions britanniques, surtout du
régime militaire. Us furent répartis
lians les forts sur la côte, que leur
bravoure et leur tactique ont su défen-
RAD
RAD
*5S
dre contre toutes les attaques. Ra-
dama parvint àorganiser 3,000 Hovas
en troupes régulières, disciplinées et
habillées à l'anglaise. Depuis 1810,
les Français possédaient sur la côte
orientale de l'île trois places impor-
tante?, Taniatave, Foui-Pointe et Tin-
tingue, qui leur avaient été cédées
par deux chefs madégasses *, mais a-
près la malheureuse affaire qui, en
1811, coûta la vie à l'intrépide capi-
taine Ro(iuebert, et enfin après la
honteuse cession aux Anglais de l'Ile-
de-France ou Maurice par la paix de
1814, ceux-ci, qui avaient souvent
tenté d'acquérir une prépondérance
dominatrice sur Madagascar, voyant
le commerce et la puissance des Fran-
çais affaiblis dans l'océan indien, re-
vendiquèrent cette île, en 1818, par
une fausse interprétation du traité,
et y exercèrent depuis une grande
influence. Le 12 juillet 1821, Radama
fit la guerre à Ramitra, roi des Sacia-
ves, plus au centre de lîle, et à l'ouest
des Huvas. Cette expédition, qui fut
terminée le 30 août, se borna à des
dévastations, des enlèvements de
bestiaux, à 200 ennemis tués et
quelques prisonniers. Radama n'avait
perdu que 60 hommes. La relation de
celte campagne, écrite par son secré-
taire Robiu, sergent français, que les
hasards de la guerre avaient trans-
planté à Madagascar, a été analysée
dans la 37« livraison de VÀlbnm. en
1822. Elleexagère les forces militaires
du loi des Hovas, mais elle fait con-
naître que ce prince ne parlait et n'é-
crivait que le français, comme on
peut en juger par le fac-similé de
son écriture; que dans ses campagnes
il menait avec lui ses sœurs, ainsi
que Sis femmes, et que celles-ci n'a-
vaient que le second rang pour les
honneurs. Informé que, faute de
ports militaires dans l'île Bourbon,
de.s secours ne pouvaient arriver que
difficilement aux possessions fran-
çaises dans Madagascar , Radama
poussa ses conquêtes vers l'est ,et s'enn-
para de Tamatave et de Foul-Poinle
en 1825. Suivant la relation que nous
venons de citer, Tamatave apparte-
nait à un créole de l'ile-de- France
nommé Jean René, qui prenait le titre
de roi et qui, étant vassal de Radama,
avait sans doute voulu se rendre in-
dépendant. La même relation donne
le texte d'une lettre écrite par Rada-
ma à ce Jean René pour lui deman-
der des umsiciens et des tailleurs.
L'année suivante, le roi des Hovas
se dirigea vers le nord, et se rendit
maître du port de Tintingue.il ne res-
tait plus à la France , dans ces para-
ges, que la petite île Sainte-MariCf
dont le commandement fut donné, en
1828, au capitaine d'artillerie Schœll
qui, dès son arrivée, emama des rela-
tionsavec les Hovas. Radama commen-
çait à se défier de la politique anglaise
et paraissait disposé à traiter avec les
Français, lorsqu'il mourut, le 24 juil-
let 1828, à l'âge de 37 ans, après une
maladie de huit mois, et au moment
où il se flattait de soumettre toute
l'île, dont il possédait déjà les deux
tiers; car il avait réuni à sa puissance
par la persuasion, la terrfurou la
force des armes, la plupart des tri-
bus obéissant avant lui à des princes
héréiliiaires ou à dt-s chefs électifs.
Il ne lui restait à rtduire que les
noirs presque sauvages de la côte
sud-ouest, et les Anassis, race arabe
presque pur sang. Son espoir de
les subjuguer était assez fondé, puis-
que ses forces montaient alors à
10,000 hommes, disciplinés à l'euro-
péenne et pourvus d'artillerie. Pour
assurer la supériorité à ses Hovas, Ra-
dama leur avait réservé exclusive-
ment l'usage des armes ï feu, inter-
264
RAD
dit aux tribus soumises. On peut dire
que ce prince fut pour ses sujets ce
que Pierre-le-Grand avait été pour
la Russie, ce que Mohammed-Ali est
pour l'Egypte. 11 avait attiré à sa cour
des militaires français, des architec-
tes , des savants , des artistes de
tous les pays. Il avait acheté des
fusils en Europe, des chevaux en
Arabie. Enfin il avait avancé la civi-
lisation des Ho vas, en fondant à Ta-
manarive, sa capitale, une université,
des collèges, des écoles, une impri-
merie, des manufactures d'armes, des
fonderies de canons. Sa mort plongea
dansladouleurtousles habitants. Sui-
vant un ancien usage, hommes et fem-
mes se rasèrent la tête en signe de
deuil; les maisons furent fermées, et le
morne silence, la Iristesse ne furent
interrompus que par les gémisse-
ments et les pleurs. Après de magnifi-
ques funérailles qui durèrent trois
jours, et où furent étalés les plus rares
et les plus beaux produits des manu-
factures de France et d'Angleterre,
tant en riches étoffes qu'en argenterie,
porcelaine et bijoux, ainsi que les por-
traits des souverains et des person-
nages contemporains les plus célèbres
de l'Europe , y compris ceux de Na-
poléon et de ses généraux, le corps
du roi défunt lut renfermé dans un
cercueil en argent massif, sur lequel
fut gravée une épitapheen langue des
Hovas. On le déposa, le 14 août, dans
le plus beau tombeau qu'il y eût à
Madagascar, et dont la construction,
ainsi que celle du palais du feu roi,
avait été dirigée par un Lyonnais,
Louis Gros, militaire en retraite. Ce
ne fut que le 25 sept, qu'on enleva
les tentures de toile, draps, velours
et soieries exposées dans ce palais.
Radama n'ayant point laissé d'en-
fants, cinq neveux prétendaient à sa
succession et semblaient urêts à se la
RAD
disputer. Une ligue des grands du
royaume prévint peut-être une guerre
civile, en écartant les héritiers légi-
times et en plaçant sur le trône une
de ses femmes, Ranavalo-Manzaka,
dévouée aux Anglais, et véhémente-
ment soupçonnée d'avoir attenté aux
jours de son époux par un poison
lent. On donna pour premier ministre
à cette reine un des Hovas qui avaient
été élevés en Angleterre. Toutes re-
lations cessèrent avec la France, et
des négociations, entamées en 1829,
ne purent empêcher une rupture ou-
verte. Les Français prirent et rasè-
rent Tamatave; mais le commandant
Schœll ayant été attiré par Raketi,
un des chefs Hovas, dans une embus-
cade près de Foui -Pointe, y périt avec
une partie de son détachement. La
même année, une expédition française
sous les ordres du commandant Gour-
beyre, à laquelle la marine anglaise
n'avait pris aucune part, obtint d'a-
bord quelques succès et se termina
par une retraite peu honorable. Les
Français reprirent l'avantage sur les
Madégasses à Tintinguc , oîi ils se
maintinrent jusqu'à ce qu'une cruelle
famine les eût forcés, en juillet 1831,
d'abandonner ce dernier établisse-
ment, unique reste de leur ancienne
suzeraineté. Au moment où ils éva-
cuaient l'île pour se retirer à Sainte-
Marie, les Anglais y établissaient une
colonie. Quoique depuis la mort de
Kadama ses institutions aient langui à
Madagascar, on y a maintenu l'organi-
sation de l'armée, base de sa domina-
tion. Le nombre des troupes réguliè-
res a été augmenté; on l'évalue, peut-
être avec exagération, h 30 ou 40 mille
hommes, non compris un pareil nom-
bre de soldats armés de flèches et de
lances. D'ailleurs, les étrangers, ex-
clus des fonctions publiques, ont été
écartés du royaume, et ceux qui veu-
RAD
lent y résider sont obligés de se faire
citoyens madégasses. On ne cite qu'un
seul Français, M. de Lascelles qui,
depuis quinze ans, ait pénétré jus-
qu'à Tauianarive, où la reine lui a
accordé de grands privilèges com-
merciaux, et l'a créé prince du sang.
Les Anglais se croyaient dans les bon-
nes grâces de cette princesse, parce
qu'ils n'avaient pas, comme les Fran-
çais, porté atteinte à l'indépendance
de Madagascar : mais insensiblement
la haine des habitants les a envelop-
pés dans l'exclusion de tous les étran-
gers. Eufin , les consuls de France et
d'Angleterre ayant été outragés indi-
gueujent, sans que leurs gouverne-
ments aient pu en obtenir satisfac-
tion, le gouverneur de l'île Bourbon
a envoyé, en 1845, le capitaine Ro-
main Desfossés pour en tirer raison, et
le capitaine anglais Kelty, sans l'aveu
des autorités de Bombay, est venu se
joindre à lui, moins pour l'aider que
pour lui contester, en cas de succès,
la suzeraineté sur Madagascar ou con-
stater l'indépendance de l'île. L'artil-
lerie de leurs corvettes réunies avait
causé de grands dommages aux forts
de Tamatave, et les Hovas, ayant perdu
350 hommes dans un combat, le 15
juin, allaient se rendre à discrétion,
quand la retraite sonna brusquement
pour les assiégeants, sans qu'on ait
pu en supposer d'autres motifs que
leur mésintelligence, ou peut-être le
malque Icuravait fait l'artillerie d'un
de ces forts qu'iis auraient dû com-
mencer par attaqueretdetruire.il esta
remarquer que le gouverneur de Foui-
Pointe , désapprouvant la conduite
de celui de Tamatave, a refusé de lui
envoyer des secours et a bien ac-
cueilli une corvette française. La
France entreprendra sans doute une
nouvelle expédition pour réparer cet
échec, et venger les insultes faites à
RAD
265
son pavillon et à ses nationaux par
les ordres d'une reine notoirement
impudique , cruelle et presque tou-
jours en état d'ivresse. A — t.
RADDI (Joseph), botaniste ita-
lien, naquit à Florence, le 9 juillet
1770, de parents honnêtes, mais pau-
vres. Devenu orphelin de bonne heu-
re, il entra comme apprenti dans le
laboratoire d'un pharmacien. Son
goût pour les sciences naturelles ne
tarda pas à se révéler, et il mon-
tra de SI heureuses dispositions que
son patron le prit en amitié et le fit
connaître aux naturalistes les plus
distingués, entre autres Octavien
Targioni Tozzetti, professeur de bo-
tanique, Fabbroni, directeur du mu-
sée d'histoire naturelle, et le doc-
teur Attilio Zucca, préfet du même
musée. Ce dernier le fit employer
dans le jardin de botanique, et vou-
lut l'avoir auprès de lui pour l'aider
dans ses travaux. Raddi n'avait alors
que quatorze ans. Passionné pour
l'étude des plantes, il parcourut
plus de la moitié de la Toscane,
et forma un herbier très-complet
de cette contrée. Ses travaux lui
donnèrent bientôt quelque réputa-
tion, même à l'étranger, et il ob-
tint du grand-duc Ferdinand III un
emploi honorable dans le piusée de
physique de Florence. En 1817, il
fut chargé par le gouvernement de
faire un voyage scientifique au Brésil,
et après un séjour de six mois dans ce
pays il en rapporta une riche collec-
tion de plantes et d'animaux. Le gou-
vernement français ayant décidé d'en-
voyer en Egypte une commission à la
tête de laquelle se trouvait Champol-
lion(i<oy. ce nom, LX, 424), afin d'exa-
miner les inscriptions hiéroglyphi-
ques dont celte partie de l'Afrique
est si riche, le grand-duc de Toscane
profita de cette circonstance pour ad-
556
RAD
joindre quelques-uns de ses sujets aux
savants français. Ce furent MM. Hip-
polythe Rosellini, professeur de lan-
gues orientales à l'université de Pise,
qui est mort l'année dernière, Gaétan
Rosellini, son oncle, et Raddi comme
naturalistes, enfin MM. Alexandre
Ricci et Angellini comme dessina-
teurs. Partis au mois de juillet 1828,
ils allèrent débarquer à Alexandrie
et s'avancèrent jusque dans la Nubie.
Après plusieurs mois de travaux et
de courses pénibles, Raddi fut at-
teint d'une violente dyssenterie, mais
malgré les progrès du mal et les avis
de ses amis qui le pressaient de retour-
ner en Italie, il ne voulut point inter-
rompre ses recherches, et remplit sa
mission jusqu'au bout. Déjà il s'était
rembarqué à Alexandrie pour reve-
nir en Europe, mais il fut contraint
de relâcher à Rhodes, où il succomba
le 6 sept. 1829, laissant à ses amis le
soin d'apporter en Italie les collec-
tions aussi nombreuses que variées
qu'il avait faites. Le grand-duc de
Toscane conserva à sa famille con)me
pension le traitement dont il jouis-
sait, et acquit son herbier particu-
lier pour le réunir à celui de Pise.Une
souscription se forma spontanément
pour lui élever un monument. Pres-
que tous les écrits de Raddi ont été
insérés dans des recueils, tels que
les Actes de V Académie des sciences,
les Mémoires de la Société italienne,
les Opuscules scientifiques de Bolo-
gne, le Journal de Pise, l'Anthologie
de Florence, etc. Tous les ouvrages
qu'il a publiés séparément ont rap-
port aux plantes cryptogames dont
il avait fait une étude particulière dès
sa jeunesse. Ce sont : I. Sulle specie
nuove di funghi rilrovate ne' con-
torni di Firenze e non registrate
nella 13" edizione del sistema di Lin-
nro, Florence, 1807.11. Sulle specit
RAD
nuove e rare di piante crittogame ri-
trovate ne' contorni di Firenze, l%08.
m. V lungermanografia etrusca,
Florence, 1818. IV. Le Crittogame
Brasiliane, Florence, 1822.V. Plan-
tarum Brasiliensiumnova gênera et
species novœ vel minus cognitœ,
Florence, 1825, première partie. Ce
dernier ouvrage, le plus important de
Raddi, est malheureusement resté in-
complet. Il contient la description de
156 espèces de plantes, appartenant
au genre des fougères et représentées
dans 97 planches. Raddi était connu
des botanistes les plus célèbres de
l'Europe, qui lui ont presque tous
rendu l'hommage le plus flatteur dans
leurs ouvrages. Le père Léandre da
Sacramento, professeur de botanique
à Rio-Janeiro, a donné à une plante
le nom de Raddia ou Raddifia, que
de Candolle a conservé dans ses clas-
sifications. Raddi lui-même n'avait
pas été avare de cette sorte d'hom-
mage envers ses amis, car on trou-
ve dans ses écrits plusieurs genres
de plantes nouvelles, classées sous les
noms de Fossombronia , Corsinia,
Bellincinia, Fabronia, Pellia, Re-
boulia, Antoiria, Olfersia, Rhum-
hora, Bertolonia, Leandra, Mat-
thisonia, Macroceratides et Schnel-
la, qui toutes rappellent des hommes
plus ou moins illustres dans la
science. A— y.
RADERMACHER (Jacques-Cor-
neille-Mathiku), savant hollandais,
était vers 1775 un des directeurs de
la société des sciences de Harlem.
Devenu gendre du gouverneur géné-
ral de l'Inde hollandaise, Reynier de
Klerk, il alla s'établir à Batavia, oh il
fut membre du conseil extraordinaire
du gouvernement, président des com-
missions des écoles, et colonel de la
milice bourgeoise. En 1778, il y fonda
la société des sciences, en fut le pre-
RAI)
niier président, et lui 6t présent d'une
maison et d'une bibliothèque, d'une
collection d'hisloire naturelle et d'in-
struments mathématiques. Il pronon-
ça le discours d'inauguration de
celte société, et contribua très-acti-
vement à ses travaux. Le l^"" volume
des mémoires qu'elle a publiés con-
tient un Aperçu des possessions de la
compagnie hollandaise dans l'Inde
onen/a/e,qu'iIavaitréJig<*, de concert
avec le ni'gociant Vau Hogendorp;
puis une Notice comparative des di-
verses ères usitées chez les peuples de
l'Atie. Le 2^ couiient une Description
de la partie connue de l'ile Bornéo,
une Notice sur la différence des cou-
leurs de la peau dans la race hu-
maine, des Observations sur leperfec-
tionnement des cartes marines hol-
landaises, et un Rapport sur le grand
tremblement de terre du 22 janvier
1780 ; le tome 111, une Description de
l'ile de Sumatra; Matériaux pour
servir à la description du Japon ;
enfin le tome IV, nue Description de
nie Célèbis et des Ues Floris, Sum-
bava, Lomboh et Baly, suivie d'un
vocabulaire comparatif des langues
parlées dans ces iles ; Esquisse suc-
cincte de l'étal actuel de l'empire de
VHindostan à Vouest du Gange, et
une Esquisse de l'état actuel de la
péninsule de V Inde à l'est du Gange.
Dès la fondation de cette académie,
Radermacher avait fait les frais
d'un prix sur ce sujet : « Quels
• moyens intellectuels ont enipioyés
• Mahomet, les inians et les prédica-
« teurs et missionnaires musulmans
• pour convertir à l'islamisme, par
• une conviction morale, les païens
■ des contrées et îles de l'Inde orien-
• taie, et pour les alferniir dans celte
« foi? »Les niiisulmans furent invités
à concourir, mais le prix ne paraît
pas avoir été décerné. Toujours zélé
LX XVIII.
RAD
257
pour les progrès de la science, Ha-
dermacher encouragea le voyageur
naturaliste Thiinb^rg, et lui procura
tous les secours dont il pouvait dis-
poser. Aussi ce dernier en parle avec
rfconnaissance dans ses ouvrages et
le présente comme un Mécène, il don-
na en son honneur le nom de Rader-
machia au fruit de l'arbre à pain, nom
qui a diî céder dans la suite à celui
à" Arlocarpus,, introduit par Forster.
Après la inoitdeson beau-père, Ra-
dermacher voulut retourner dans sa
patrie ; mais il périt en mer, au mois
de novembre 1783. D — o.
RADET (Jeaîj-Baptistej, auteur
dramatique, et l'un des doyens du
Vaudeville, membre de l'académie
de Dijon, sa patrie, naquit en cetJe
ville, le 20 janvier 1752. Il y prit des
leçons de dessin et de peinture pour
complaire à sa famille, et continua
iiiêiiie à Paris où il eut quelques suc-
cès , quoique privé de sa niaia droite
IMirce que sa nourrice l'avait laissé,
tomber dans le feu. Mais, bien qu'il
eût fuit des progrès satisfaisants et
que la cathédrale d'Aulun et d'au-
tres villes de Bourgogne eussent ac-
quis ses tableaux, aussitôt qu'il fut
libre de suivre son goiit, il laissa
crayons et pinceaux, pour se livrer à
la littérature dramatique. 11 avait pu-
blié une critique très-spirituelle, en
vaudevilles, des tableaux d'une expo-
sition du Louvre. Le succès qu'obtint
cette plaisanterie bifssa plus d'un
amour-propre, le força d'abandonner
une carrière où il n'avait plus à at-
tendre que contrariétés , dég«.ûl.s,
et décida sa vocation pour le théâ-
tre. Mais si cette critique lui attira
des ennemis, elle le fit connaître de la
duchesse de Villeroi qui l'accueillit
dans son hôtel , le prit pour secré-
taire, et lui confia le soin de sa bi-
bliothèque. Cette excellente dame
17
258
RAD
ayant émigré au commencement de
la révolution , le logement qu'elle
avait donné à Radet lui fut conservé
par l'administration du télégraphe,
et il l'a occupé jusqu'à la Restaura-
tion. Ce fut au théâtre d'Audinot
(l'Ambigu -Comique) que Radet dé-
buta par cie petites pièces q»ii s'y sou-
tinrent long-temps, ou parce qu'elles
étaient ingénieuses, ou parce qu'elles
attachaient par un certain intérêt,
telles que les Audiences de la Mode,
en un acte; le Pauvre voyageur, ou
On ne s'y attendait pas^ proverbe;
les Petites-Maisons de l amour; le
Repas des clercs^ ou la Dinde au
louis, 1783. il avait fait jouer en
société : la Tragédi-manie , en un
acte, le Quart d'heure, prologue, et
le Bouton de rose^ intermède en
vers. Lorsqu'il lut bibliothécaire de
la duchesse de Villeroi, Radet, que
cette dame pressait elle-même de
cultiver sou talent, et que séduisait
l'exemple de Piis et de Barré, com-
posa plusieurs pièces pour le Théâ-
tre-Italien (qui depuis a pris le nom
û'Opéra-Comique). Il y fit jouer avec
succès Tibère, parodie, en vaudeville,
d'une tragédie de Fallet {voy. ce
nom, XIV, 138), 1782; Dame-Jeanne,
parodie de la Jeanne de Naples de
La Harpe {voy. ce nom, XXIll, 183),
1785 ; la Fausse inconstance, comé-
die en 3 acles. en vers, 1784 (avec
Rozière); le Marchand d'esclaves,
parodie de la Caravane, 1781; en y
faisait usage de la découverte récente
des aérostats; (avec Barré) Léandre
Candide^ ou les Reconnaissances en
Turquie, parade- vaudeville en 2 ac-
tes, 1784; les Docteurs modernes, pa-
rade en vaudeville, Cuntre le magné-
tisme, et suivie du Baquet de santé,
1784 (malgré le succès de cette pièce,
les reproches de madauie de Villeroi
obligèrent Radet à ta désavouer dans
RAD
le Journal de Paris)\ la Négresse^ ou
le Pouvoir de la reconnaissance.,
vaudeville en 2 actes, 1787: Renaud
d'Ast opéra comique en 2 actes,
musique de Dalayrac, 1787; Candide
marie, ou 11 faut cultiver son jar-
din., vaudeville en 2 actes, 1788;
(seul) la Soirée orageuse, opéra co-
mique en 1 acte, musique de Dalay-
rac, 1790. Lors de la création du
théâtre du Vaudeville, il se voua
tout entier à ce spectacle dirigé iwir
son ami Barré. Il y a donné seul 26
pièces: en 1792, le Prix, ou l'Em-
barras du choix ; la Matrone d'È-
phèse; en 1793, la lonne Aubaine,
ou Un tour de carnaval; le Faucon;
le Noble roturier; en 179 1, IçCanon-
nier convalescent ; Encore un curé;
en 1795, le Chat perdu, ou les Faus-
ses conjectures; les Deux Henriette;
Honorine, on la Femme difficile à
vivre, en 3 acles; en 1796, Pauline,
ou la Fille naturelle, en 3 acles; Ha-
sard, enfant de son père, parodie de
la tragédie d'Oscar; en 1791, le Tes-
tament; eu 1798, l'Effet surnaturel;
en l'99, C'est l'un ou l autre, ou la
Sympathie en défaut, remise en 1827
au répertoire du théâtre des élèves
de M. Comte ; en 1800, Frosine, ou
la Dernière venue; en 1803, Colom-
bine, philosophe soi-disant ; en 1804,
Une Reunion de famille au jour de
l'an; en 1805, les Amants sans
amour, ou la Persuasion intéressée,
en 2 acies ; en 180«, la Reprise du
jour de l'an; r Inconnu; en 18o8,
VÈtourderie, ou Comment sortira-t-
il de là ? en 1813, le Retour d'un fils,
ou les Méprises; en 1814, l'Hôtel du
Gr and- M ogol, ou l'Auberge qui n'en
est pas une; en 181â, Garrick et les
Comédiens français ; en 1816, fc Vin
et la Chanson, lin général, le couplet
de Radet est bien tourné. Si la pensée
qui le termine n'est pas toujours pi-
RAD
quaDte, du moins ne porte t-elle ja-
mais sur un de ces jeux de mots dont
cette scène abonde. Son rlialogiieest
plus spirituel et plus (in.On sait qu'il
fut souvent aidé par une dame de
beaucoup d'esprit , de g(»ût et de
modestie , qui a persisté à gar-
der l'anonyme, mais dont on recon-
naît la touche pleine de délicatesse et
de sentiments. On peut la nommer
aujourd'hui sans crainte de l'affliger.
C'est madame Kennens, dont le nom
estremplacé par trois**",sur les litres
de trois pièces de Radei : le Dinerau
pré Saint-Gercais, 1797; Ida^ ou
Que deviendra i-elle^ en 2 actes,
1802 ; les Prétentions d'une femme^
en 3 actes, 1803. Radet a donné avec
Barré et Després, en 1802, ; René le
Sage, ou Foi7à bien Tur car et : {Avec
Armand Goufféj eu 1803, Ca««andr«-
Agamemnon, et CulombineCassan-
dre, parade; en 1884, les Pépinières
de Vitry, ou le Premier mai. Aux
articles Piis et Picard, .t LXVil,
nous avous indiqué celles de leurs
pièces dont R<idet a été le collabora-
teur; mais aux articles Barré, Bour-
gueil., Coupigny^ Dtsprés^ Desfon-
taines, Dieulafoy, etc., la lis e des
ouvrages dramatiques est restée in-
complète •■) on n'a pu donner les litres
de ceux auxquels Rddet a travaillé.
Nous allons réparer cette omission ,
en en donnant une liste plus exacte et
pi us complète même que celle qu'a pu-
bliée/a France littéraire. L'associa-
tion de Radel avec Barré et Desfonlai-
nes produisit un grand nombre de
jolies pièces : en 1792 , Arlequin
afficheur, qui a servi très- long-
temps de prologue à toutes les pie-
ces nouvelles; le Projet manqué.,
ou Arlequin taquin , parudie de
Lucrèce, tragédie d'Arnauli ; Arle-
quin crwllo, {)arod)e de VOthello de
Ducis. En 1793 , la Chaste Susanne,
RAD
ro%
en 2 actes, qui amena l'incarcération
des trois auteurs, et non pas de Des-
fontaines seul( avec lequel Radet fiten
prison la Fête de l'égaliié, ; Facart
aux Champs-Èly*ées; l'Apothéose qui
termine la pièce appartient à Radet;
Colombine mannequin. En 1795 ,
Abuzar.ou la Famille extravagante,
parodie t^Abufar, tragédie de Ducis;
les Vieux Élégants; en 1797, le Ma-
riage de Scarron; en 1799, Jean
Moneti en 1800, Arlequin de re-
tour ; la Récréation du monde , sui-
te de la Création, oratorio de Haydn
{voy. \IX, 521). En 1801, la Tra-
gédie au Vaudeville, suivie de Après
la confession, la pénitence, petit
épilogue à l'occasion d'un grand
prologue. Cette pièce valut à cha-
cun des trois auteurs une pension
de 4,000 francs. En 1802, Chape-
lain, ou la Ligue des auteurs con-
tre Boileau; en i803, la Chambre de
Molière; en 1804, la Tapisserie de
la reine Mathitde; Bertrand Du-
guesclin et sa saur, en 2 actes; en
1805, le Vaudeville au camp de Bou-
logne; Sophie Arnould; les Êcriteaux^
ou René Lesage à la foire Saint-
Germain, eu 2 actes; en 18u6, les
Deux n'en font qu'un; le Réce, ou la
Colonne de Rosbach; en 1807, le
Château et la Chaumière, en 3 actes,
dout les représeniatious, arrêtées
par ordre supérieur, ne furent re-
prises qu'eu 1814; /c Retour de Jean-
Bart ; Décence , ou les Filles mères.,
parodie de la tragédie deLaur:'nc«, de
Lc^ouvé ; le Mai des jeunes filles, ou
le Passage des militaires; en 1808,
le Café des Gobe-Mouches ; en 1809,
le Procès du Fandango; le Pari sin-
gulier, ou la Fête du village; U
Peintre français en Espagne, ou le
Dernier soupir de l'Inquisition; en
1810, M. Durelitf, ou Petite revue
des smbeUissements de Paris; le
17.
RAD
RAD
Meunier et le Charbonnier ; en 181 1 ,
Arlequin gastronome , ou M. de la
(iourmandière: la Dépêche télégra-
phique, pour la naissance du roi de
Konio, et sa suite le Retour à Paris;
les Deux Edmond, en 2 actes; les
Scythes et les Amazones, ou Saute le
fossé, en 2 actes ; Laujon de retour à
l'ancien Caveau; en 1812, Gaspard
L'avisé; les Limites^ ou les Deux voi-
sins; en 1813, le Billet perdu et re-
trouvé; Michel Morin^ ou L'Obligeant
maladroit; en 18U, le Cosaque au
village; un Petit Voyage des vaude-
villistes; les Trois Saphos lyonnai-
ses, ou une Cour d'amour- Radet et
ses deux amis ont encore donné au
théâtre du Vaudeville (avec Piis et
Coupigiiy) : en 1799, Hommage du
petit Vaudeville au grand Racine-.,
(avec Boiirgaeil, Maurice Seguier et
Dupaty) la Girouette de Saint -
Cloud ; (avec Bourgueil) en 1800, Ba-
gatelle, parodie de l'opéra de Pra-
xitèle-^ M. Guillaume, on leVoyageur
Inconnu , en 3 actes ; Gessner, en 2
actes; eti 1802, le Peintre français
à Londres; Dugay-Trouin prison-
nier à Plymouth; Se fdchera-t-il ?
(avec Difulafoy) en 1806, Oma-
zcle, parodie de la tragédie d'Omasis;
en 1807, la Mégalantropogénésie, ou
l'Ile des Savants; l'Hôtel de la Paix,
rue des Victoires, à Paris; en 1S08,
Arlequin en Perse, parodie d'Ar-
iaxerce; (avec Coupigny) en 1813,
le Jeune Philosophe Le dernier ou-
vrage de Radet l'ut la Maison en
loterie^ composée avec Picard, 1820.
L'un des fondateurs des Dîners du
Vaudeville, dont les recueils con-
tiennent plusieurs de ses chansons,
il ne fut pas membre du Caveau
moderne, mais il l'était de l'Aca-
démie de Dijon. Sous la Restau-
ration, sa pension et celles de ses
deux amis furent réduites k 1,000 fr.,
parce qu'on ne voulait pas payer
trop cher, comme cela fut dit avec
quelque raison, les trompettes de Bo-
»iaparfc.SoiisCharlesX,Rddet obtint
une augmentation de 200 Ir. , mais
non point la croix de la Légion-
d'Honneiir, accordée alors et depuis
encore davantage à tant de poètes
vaudevillistes. Quoitjue privéentière-
ment de la vue dans ses dernière^ an-
nées, et ne pouvant phis ni lire ni
écrire, il conserva sa gaîté jusqu'il
la fin. Radet mourut à Paris le 17
mars 1830. A— t et D— es.
RADEÏ (Etienne), général fran-
çais, est moins fameux parsesexploits
que par l'enlèvement du pape PieVH,
qu'il opéra en 1809, conjointement
avec Mioliis {voy.ce nom, LXXIV,
119), et selon les instructions de
l'empereur Napoléon. Il naquit le 19
déc.1762, dans la petite ville de
Varennes, où il n'est pas inutile
de remarquer que plus lard devait
être si indignement arrêté le mal-
heureux Louis XVI. Né dans une
condition obscure, Radet ne 6t d'é-
tudes que ce qui lui était néces-
saire pour devenir garde-chasse du
prince de Coudé, Ce fut dans cette
place que le trouva la révolution de
1789, Il ne s'en montra pas parti-
san dès le commencement, mais lor.Sv
que son maître eut émigré, qu'il se
vit sans emploi, et qu'il put considé-
rer comme tout à f.nl perdue la cause
de la monarchie, il n'Iiésita plus à se
déclarer contre elle. Entré au service
dans la gendarmerie en 1792, il con-
courut, l'année suivante, à dif-
férentes expéditions révolutionnaires
dans l'intérieur. Son avancement,
comme celui de tous les hommes dé-
voués, fut très-rapide. Il était en
1799, lorsque Bonaparte revint d'E-
gypte, chef d'escadron commandant
la gendarmerie d'Avignon. L'entre-
HAD
vue de quelques minutes qu'il eut
avec le général en chef, à son passa-
ge dans cette ville, laissa dans la
méoioire de celui-ci un souvenir qui
ne s'effiça point. Dès que Bonapirtc
fut premier consul , il consulta Radet
sur l'orpanisatiou de la gendarmerie,
et le mémoire qu'il eu reçut lui plut
tellement qu'il appela fauteur à Pa-
ris, et le fit général «ie brigade. C'est
en cette qualité que Ridet se rendit
successivement eu Corse , en Pié-
mont , dans l'État de Gènes et en
Toscane, pour y organiser la gen-
darmerie. Partout il donna des preu-
ves d'intellig^^nce et de zèle qui ajou-
tèrent à sa faveur et lui valurent le
grade dégénérai de division, puisune
preuve de confiance plus remarqua-
ble encore, la mission de se rentire à
Rome, pour y concourir au renver-
sement de la puissance pontilicale.
On a lieu de croire que le premier
ordre qu'il reçut à cet égard par le
télégraphe ne contenait rien de po-
sitif pour l'arrestation de Sa Sain-
teté. Appelé, dès son arrivée, chez
Mioliis, qui venait de s'introduire
par la violence dans la capitale du
monde chrétien et qui en avait été
nommé gouverneur par Napoléon ,
ce général lui témoigna son inquié-
tude des suites que pouvait avoir,
pour la sûreté des troupes françaises,
la fermi'ntation qui se manifestait eu
Italie, déclarant qu'il ne voyait au-
cun moyen d'y remédier, si ce n'é-
tait l'éioignenient du pape. Et il an-
nonça à Radet que c'était lui qu'il
avait choisi pour diriger celte opéra-
tion; à quoi celui-ci se permit de ré-
pondre qu'un acte de cette nature ne
pouvait se faire sans des ordres écrits.
Le gouverneur ayant dit que ce jour
même on préparerait ces ordres et
des troupes pour les exécuter, Radet
se retira très- ému de se voir chargé
RAD
261
d'uue telle entreprise. • Des ordres
• m'ayant été annoncés, a-t-il dit
« dans le récit de ces faits qu'il a
« rédigé, et soumis à la cruelle al-
« ternatire de franchir les droits l€.<
• plus sacrés ou de violer mes ser-
' ments par la désobéissance... ma
• seule espérance fut sur le défaut 6^
' troupes, qui m'eût dispensé d'exé-
« cuter les ordres. > Mais le soir mê-
me le gouverneur vint annoncer a
Radet qu'il a: rivait des troupes na
politaiucs (t • et qu'il devait s'occu-
per de son plan d'opérations pour la
nuit suivante: que c'était par un coup
de foudre qu'il fallait prévenir tout
désordre; que, comme militaires, tous
deux étaient passifs et responsables
sur leur tète des ordres suprêmes de
l'empereur. Le chef des gendarmes
n'eut rien à repondre, e! il pensa,
a-t-il dit, que Vhonneur et ses ser-
ments lui dictaient son devoir. 11 se
décida donc à exécuter les ordres qu'il
reçut par écrit, et imagina un pré-
texte adaptable à un aussi grand
objet, pour faire agir à Uur insu
tous les instruments dont il avait
besoin. Il communiqua ensuite ce
plan au gouverneur, qui l'approuva et
lui en fit sentir de uouveau l'impor-
tance. C'est à l'ouvrage du chevalier
Artaud {Histoire du pape Pie VII),
c'est à ce véridique et profond his-
torien, qui a vécu dms l'intimité
de la plupart des témoins et des
acteurs, ou plutôt des victimes de
ce grand événement, que nous em
pruutons la stiite de cette narration.
* Le 5 juillet, à la pointe du jour,
Radet arrêta les dispositions maté-
rielles nécessaires , et parvint à les
soustraire aux yeux du public par de
. i) Il urriTa en effet He Njples 800 hoin-
mei de tccrueô ta;.l armées, ftpcdiée» jiarle
roi Joachim Marst,
262
RAD
RAD
petites patrouilles croisées et des me-
sures de police. Il retint tout le jour
lestroupes aux casernes, pourdonner
plus de sécurité dans R(ime et dans le
palais Quiriiiai. A neuf heures du soir,
il fit venir, Pun après l'autre, les
chefs militaires, et il leur donna ses
ordres. A dix heures, tout était réuni
sur la place des Saints-Apôtres et à
la caserne de la Pilotta^ non loin de
M<»nte-Cavallo, où allait être le centre
de ses opérations. On conserve le plus
que l'on peut les expressions straté-
giques du général Radet. Alors il se
rendit à la Pilotta, où il s'assura de
l'exécution de ses ordres ; de là il
marcha sur l'église des Saints- Apô-
tres, où il lit ses dispositions mili-
taires. Le colonel Siry. ci>mmaiidaut
de la place, et le colonel Cosle, com-
mandant la gendarmerie, l'accompa-
gnèrent ensuite chez lui, où il devait
se reposerjiisqu'à l'heure convenable.
Le gouverneur y attendait le génénil
Radet. Celui-ci demanda et reçut l'or-
dre écrit d'arrêter le cardinal Pacca,
et, en cas «l'opposition de la part du
pape, d'arrêter aussi Sa Sainteté t|le-
même, et de les conduire immédiate-
ment en poste à Florence. A la lec-
ture de cet. ordre, qui n'élait que con-
ditionnel, Radet fit des observations
qui le |)réocciipèrent un instant ; mais
il n'était plus temps, dit-il 5 le gou-
verneur venait de sortir, onze heures
sonnaient, et tout se trouvait orga
nisé et prêt à agir. Il descendit alors
à la Pilotta et aux Saints-Apôtres,
où lui-même il lit placer ses patrouil-
les et ses détachements d'opérations.
Pendant ce temps, le gouverneur,
pour maintenir les Transiévérins,
faisait occuper les ponts du Tibre
et le château Saint-Ange par le déta-
chement napolitain aux ordres du gé-
néral Pignatelli. Chaque chef des dé-
tachements qui devaient concourir a
l'entreprise était prévenu de l'instant
du signal convenu pour l'escalade.
Uneheureaprès minuit, que frapperait
l'horloge même du Qwirinal, était le
moment fixé pour agir spontanément ;
mais un incident retarda l'exécution.
Le général apprit qu'undes officiers de
la garde du pape était en vedette sur
la tour saillante près de la grande
porte d'entrée du Quirinal, et que
chaque nuit on prenait cette mesure
de surveillance qui cessait à la pointe
du jour. Alors on changea les instruc-
tions pour le moment. Le général
subdivisa ses postes des environs de
la fontaine de Trévi; il envoya gar-
der les portes des églises principales
environnantes |)our empêcher de son-
ner le tocsin ; il guetta la rentrée de
Tolficier en sentinelle sur la tour, et
à deux heures trente-cinq miimtes il
donna le signal. Nous allons un
moment entenilre le cardinal Pacca :
« Il nous sembla, le soir du 5 juillet,
« au Quirinal, que différents piquets
• de cavalerie avaient occupé les rues
• qui, des diverses parties de Rome,
« conduisent à cette résidence. Des
« troupes furent encore placées sur
« les ponts pour empêcher toute com-
« nmnication intérieure, et vers sept
« heures d'Italie (trois heures du ma-
« tin), un corps d'infanterie vint à
« marches forcées, mais en grand si-
« lence, des quartiers voisins, et ferma
• toutes les issues autour du palais.
« Alors les sbires , au lever de l'au-
• rore, la gendarmerie qui accompa-
« gnait la troupe, et qnelfjues sujets
• rebelles,donnèrent l'assaut au Qiii-
« rind. Aprèsavoir piissé unejournée
• pleine d'angoisses et de travaux,
« après avoir veillé toute la nuit jus-
« qu'à six heures et demie frilalie
• environ (vers deux heures et demie
• après minuit), voyant poindre les
« premiers rayons du jour, n'enfen-
RÀD
« dant aucane rnmpur sur la place et
« dans les rues voisines, croyant le
• danger passé pour cette nuit, je
« m'étais retiré dans mon apparte-
• ment pour prendre quelques heu-
• res de repos, et à peine j'étais cou-
• ché que mon valet de chambre ac-
« courut pour m'annoncer que les
« Français étaient dans le palais. •
Eu effet , Radet avait vu ses lignes
d'opérations obéir à son signal ;
un détachement de trente hommes
escalailait les murs du jardin près de
la grande porte, derrière le mur de
la Panetterie^ pour garder les issues
de cette cour et les passages du sou-
terrain, à l'angle de la chapelle; un
autre détachement de vingt -cinq
hommes gardait la petite porte dans
la rue qui descend au Lavatojo. Le
colonel Siry,avec un détachement de
cinquante h<»mmes, montait par la
fenêtre d'une chambre inhabitée, dans
le centre des bâtiments attenant au
Quirinal, où logeait la plus grande
partie des gens au service de Sa Sain-
teté. De son côté, Radet, à la lête de
quaraute hommes, se proposait de
monter par rextrémité du toit de la
Daterie sur la tour, pour de là péné-
trer dans les appartements ; mais les
échelles ayant cassé, il chercha à en-
trer par la grande porte du palais.
Le gouverneur, ayant appris ce con-
tre-temps, vint, en capote, pour ai-
der le général de ses conseils. Voyant
que celui-ci prenait des mesures qui
devaient réussir, il se retira dans un
kiosque voisin , dépendant des jar-
dins du palais Colonna. Le colonel
Siry était parvenu à pénétrer daus la
grande cour du palais. Radet, qui se
trouvait en dehors, entendit des ru-
meurs qui partaient du corps-de-
garde suisse intérieur. On criait :
AlVarmi, traditori ! L'horloge sonna
trois heures, et la cloche de la cha-
RAD
263
pelle fut mise en branle. Radet cher-
chait les moyens d'enfoncer la porti-
cella^ lorsque le colonel Siry, qui
avait pénétré dans la cour, vint faire
ouvrir la grande porte. Le général
réunit alors toutes les troupes qu'i.
put rassembler, se mit à leur tête et
marcha droit à un groupe de monde
qui, dans l'angle adroite du fond de
la cour, semblait disposé à faire ré-
sistance. Ce groupe dispersé, Radet
monta dans la salle du trône, dite des
Sanctifications. Il trouva la garde
suisse forte de quarante hommes,
y compris le capitaine, tous armés et
en bon ordre, dans le fond de la
pièce. Entré avec sa troupe, il som-
ma ces soldats de mettre bas les ar-
mes. Ils ne tirent aucune résistance,
parce qu'ils en avaient reçu l'ordre.
Radet s'avance, jette la vue à gauche,
et aperçoit, au bout d'un corridor
assez étroit, une chambre ou. dil-il,
il y avait de la lumière et du munde
debout. Il dirige ses pas vers cette
pièce, et il y trouve le pape entouré
de sa cour. Nous entendrons ici le
témoignage de Radet : ■ Que tout
« autre se mette dans cette position,
• et à moins d'avoir perdu tout sen-
« timent moral et humain, il jugera
• de l'état pénible de ma situation. Je
« n'avais pas encore d'ordre de m'em-
« parer de la personne du pape. Un
• saint respect pour cette tète sa-
• crée, doublement couronnée (Radet
« écrivait ce récit à Paris au mois
• d'août 1814), remplissait tout mon
« être et toutes mes facultés intel-
• lectuelles. Me trouvant devant elle,
« suivi d'une troupe armée, un mou-
« veulent oppressif et spontané se
• fit sentir dans tous mes mem-
« bres. Je n'avais pas prévu cet in-
« cident, et je ne savais comment
• me tirer de là. Que faire? Que
• dire? Par où commencer? Voilà le
.26 i
RAD
« difticilc de ma mission! Ma Iroupc
« entraH avec moi ^ la présence du
• saint-père, de son s;icré collège, et
« le lieu saint où je nie troiivais, exi-
« geaient le respect et la décence. Je
« me retournai ; je commandai que
« l'on reconduisît et que l'on plaçât
• en ordre la troupe dans la salle du
« trône, et que des patrouilles en
• fussent détachées pour le maintien
« de l'ordre dans le palais. Fort em-
• barrasse du parti à prendre, pour
• ne comprometUe ni le succès, ni le
• gouverneur, ni moi-même, je pro-
» titai du mouvement rétrograde de
' ma troupe pour envoyer en toute
« hâte le maréchal-des-logis de gen-
« darmerie,Cardini, prévenir le gou-
• verneur que j'étais en présence du
" pape s.ins avoir pu parvenir jus-
• qu'au cardinal Pacca que jene con-
« naissais pas, et demander des or-
« dres. Je prolongeai le mouvement
« de ma troupe; je ne laissai avec elle
' qu'un petit nombre d'officiers; je
• lisentrer le surplus près de moi. Ils
« entrèrent avec la plus grande hon-
« nêteîé, le chapeau à la main, et
« s'inclinaut devant le pape, à mesure
" quechacun allait prendre place pour
« former la haie devant l'entrée inté-
« rieure. Toute cette ordonnance dura
« cinq minutes environ, lorsqu'ar-
" riva le maréchal-des-logis Cardini,
• qui me rendit en secret l'ordre
• du gouverneur d'arrêter le pape
• avec le cardinal Pacca, et de les
« conduire incontinent hors de Rome.
- Tout sévère que me parut cet or-
• dre, il fallut obéir, . 11 est néces-'
saire à présent d'entendre le cardinal
Pacca. témoin oculaire : « Mon valet
• de chambre m'ayant annoncé que
« les Français étaient dans le palais,
« je me lève en grande hâte et je cours
» aux fenêtres ; je vois beaucoup de
• gens armés , el tenant des torches
KAD
' allumées , courir k travers les jar-
■ dins,cherch;mt les portes pours'in-
■ troduire dans les appartements ;
' d'autres descendaient le long des
' murailles où étaient appliquées des
■ échelles; d'autres occupaient la cour
' de la Panetterie. En même temps
■ une autre troupe d'hommes armés
' montait, par le moyen d'échelles,
= jusqu'à l'habitation des serviteurs
du pape. Ils brisèrent les fenêtres à
' coups de hache , entrèrent et cou-
rurent ouvrir la porte qui est sur
' la place , pour faire entrer dans la
• grande cour un nombre de soldats
■ assez considérable. J'envoyai sur-
' le-champ Jean-Tibère Pacca, mon
■ neveu, réveiller le saint-père, com-
■ me il avait été convenu entre nous,
■ dans le cas où, la nuit, il arriverait
' quelque événement extraordinaire;
' et peu de temps après , en robe de
' chambre, j'y courus moi-même. Le
r pape se leva avec une grande séré-
' nité d'esprit, se couvrit de sa robe,
' de sa mozetta, et vint dans la pièce
' où il avait coutume de donner au-
' dience. Nous nous rasseud)lâiiies là,
■ le cardinal Despuig, moi, quelques
I prélats de ceux qui demeuraient
dans le palais, quelques rédacteurs
et employés de la secrétairerie d'É-
< tat. Cependant les assaillants, à
coups de hache, jetèrent à bas les
■ portes de l'appartenjent (Radet n'a
pas fait mention de cette circon-
stance), et ils arrivèrent jusqu'à la
porte de la chambre où nous étions
avec le saint-père (2). Nous la f î-
(2) Le cardiu.'il Pacca oulilie de dire ici
qiiiï le suiiit-|>î'i'e coiiiiniindii en (<! tiioiiient
qu'on lui apportât l'iinnrau que Pie VI avait
an doigt quand il mourut, l'anneau donne
par la reine Clotiide, rccimiuent déclarée
vénérable. Pie Vil mit guiincnt cet anucuii
à son <loigt. et parut l'v ooiitcinplrr ;iv>;
plaisir.
RAD
■ mes ouvrir, pour éviter de pins
• grandsdpsordresetdesévénemenls
« fâcheux. De son siège, le pape vint
« se placer au-devant de la fable, et
' presque uu milieu de la chambre ;
« tions deux, cardinaux, nous étions
" aux d«'ux cotés de Sa Sainteté, l'un
« à droite et l'autre à gauche. Les
• prélats, les employés nous faisaient
• ailf. La porte ayant été ouverte ,
- celui qui entra le premier fut le gé-
■^ néral Radet, le directeur et Texécu-
- teur de i'upéraliou , suivi de qiiel-
» ques oificiers, pour la plupart de la
• gendariiierie , et de deux ou trois
« rebelles romains, qui avaient coii-
- diiit et dirigé les soldais dans l'es-
« calade donnée au palais. Radet se
" mit en face du saint-père, et les
< autres tirent aile à Radet. Pendant
« quelques minutes, il régna un pro-
■' fond silence. Nous nous regardions
■■ les uns les autres, tout étourdis,
« sans proférer une parole et sans
■ quitter la situation où nous étions
« placés. Finalement, le général Ra-
• det, avec la figure toute pâle et la
" voix tremblanie, peinant à trouver
« ses paroles, dit au pape qu'il avait
« une commission désagréable et pé-
« uible, mais qu'ayant fait serment
« de fidélité et d'obéissance à l'empe-
-reur, il ne pouvait se dispenser
• d'exécuter son ordre : qu'en cou-
• séquence, au nom de l'empereur,
' il devait lui intimer de renoncer à
« la souveraineté tempnrclle de Rome
" et de l'Étal, et que si Sa Sainteté le
• refusai), il avaitordredeleconduire
• au général Miollis,qui aurait indiqué
• le lieu de sa destination. » Le pape,
sans se troubler, répondit à peu près
en ces termes : «Si vous avez cru devoir
• exécuter de tels ordres de l'empe-
• reur, parce que vous lui avez fait
• serment de fidélité et d'obéissance,
- pensez de quelle manière nous de-
RAD
26'
« vous , nous, soutenir les droits du
« saint-siège auquel nous sommes lié
• par tant de serments! Nous ne pou-
• vous ni céder (3) ni abandonner ce
' qui n'est pas à noJis. Le domaine
• temporel appartient à l'Eglise, et
• nous n'en sommes que l'adminis-
« trateur. L'empereur pourra nous
« mettre en pièces, mais il n'obtien-
• dra jamais cela de nous. Après tout
« ce que nous avions fait pour lui,
« nous ne nous attendions pas à ce
« traitement. — Saint-père , dit alor«
« le général Radet , je sais que re;u-
« pereur vous a beaucoup d'obliga-
- fions. —Plus que vous ne savez ^
• repartit le pape d'un ton très-ani-
• mé. > Il continua ainsi : < Et de-
« vons-nous partir seul? » Le géné-
- rai reprit : «Votre Sainteté peut
• conduire avec elle sou ministre, le
• cardinal Pacca. » Moi, qui étais
. aux côtés du pape, je dis subile-
« ment : Quels ordres me donne le.
• saint-père? Dois-je avoir l'honneur
• de l'accompagner?» Le papem'ayanl
« répondu oui, je demandai la per-
• mission d'entrer dans la chamlro.
• attenante , où , suivi de deux ofli-
• ciersdegendarmerie,qui feignaient
« de regariier les chambres, je me rt-
« vêtis de mes habits de cardinal, avec
- le rochello et la mozetta, croy;iUl
" que je devais accompagner SaSaiu-
" télé dans le palais Doua, où logeait
. le général Miollis. Pendant que je
« m'habillais, le pape Ut de sa propre
« main la note des personnes dont il
« désirait être accompagné, et il eut
(3) Voici les propres paroles du p;ipe ,
trè.s.|)iea enleuiiue.s p.ir un autre téimiiu
oculaire : « Sous ne pouvons pas, nous ne dc'
" vons pas , nous ne voulons pas. » Ou Yoit
daus notre histoire de France qu'il y eut
des ciri'onstîicce^ dan* lesquelles nos piirlf-
meols, refusant d'enregistrer des édits, s'c\.
primaient ainsi : " yec rclamui , ncc powi-
.< m:-:t, «se debçmut, ■>
266
RAD
« une conversation avec le général
« Radet. Entre antres choses, on me
« rapporta que, tandis que le pape
« arrangeait quelques objets dans sa
« chambre, Radet lui dit : «Que Vo-
« tre Sainteté ne craigne pas, on ne
« touchera à rien; » et que le pape
• lui répondit : « Celui qui ne fait
■ aucun cas de .«a propre vie attache
« encore moins de prix aux choses
« de ce monde. » Radet aurait voulu
• que le pape eût pris des habits qui
« ne le fissent pas reconnaître , mais
« il n'eut pas le courage de le lui dire.
• A mon retour dans la chambre du
« pape, je trouvai qu'ils l'avaient déjà
« forcé de partir, ne donnant pas le
' temps aux camerieri , dits adju-
' danls de chambre, de mettre dans
« une valise un peu de linge pour
« changer dans le voyage. Je rejoi-
• gnisSdSainteiédansl'appartement.
« Alors tous deux, environnés de gen-
« darmes, de sbires, de sujets rebel-
« les , marchant d'une manière in-
« commode sur les débris des portes
• jetés à terre , nous descendîmes
« les escaliers. Nous traversâmes la
" grande cour, dans laquelle étaient
a encore de la troupe française et le
« reste des sbires. On arriva à la
« principale porte de Monte-Cavallo,
« où se trouva prête la voiture du
• génériil Radet (c'était une de ces
« voitures qu'on appelle bastardel-
« les). Sur la place étaient rangées
« en bataille beaucoup de troupes
• napolitaines, arrivées depuis peu.
« Le pape les bénit, ainsi que la ville
« de Rome. Ils firent entrer d'abord
« S." Sainteté, puis ils voulurent que je
« moulasse après. On avait fait clouer
• les persiieniies du côté où était assis
« le pape. Alors un getidarme ferma
« il clef les deux portières, el après
«• que le général et un certain Car-
« dini, Toscan, marécbal-des-logis,
RAD
« se furent placés sur le siège , ils
• donnèrent ordre que l'on partît.
« JiiS(|u'à la grande porte nous avions
« été suivis par quelques prélats, des
« rédacteurs, des employés de la se-
• créiairerie d'État, et plusieurs de
• nos domestiques, tous demi-morts
• d'effroi. Il ne leur fut permis ni de
• nous accompagner , ni même de
« s'approcher de la voiture. Au lieu
« de prendre le chemin du palais Do-
« ria, on suivit la direction de Porta
« Pia. Avant d'arriver, on tourna h
• cette voie qiii conduit à la Porta
' Salara. Hors de cette porte, on fit
' le tour des murailles de la ville jus-
« qu'à la Porte du Peuple^ qui était
« ferméecoinme toutes les autres por-
« tes de la ville. En longeant les mu-
« railles, nous avions rencontré des
« piquets de cavalerie sabre eu main,
« et le général Radet donnait ses or-
• dres aux commandants d'un air
« triomphant, comme s'il avait rem-
« porté une grande victoire. Hors de
« la Porte du Peuple se trouvèrent
« des chevaux de poste, et, pendant
• qu'on les attelait, le pape reprocha
• doucement au général le mensonge
• qu'il lui avait fait, en disant qu'il
• le conduisait chez le général Miol-
« lis; et il se plaignit de la manière
« violente dont on le faisait partir de
« Rome, sans suite, dépourvu de tout,
« et avec les seuls habits «lu'il portait
« sur lui. Le général répondit que
« danspeudetemps Sa S.iintelé serait
« rejointe par sa suite, dont il avait
« donné la liste à Monte-Cavallo, et
• qu'elle apporterait fous les objets
• nécessaires; et il expédia à l'instant
« nn gendarme à cheval au général
» Miollis, pour l'invitera accélérer
« le départ de celte suite. IMiis il me
« dit qu'il était fort content que Texé-
■ cntion de sa commission eût été faite
« pacifiquement, sans qu'il veut nn
RAD
seul blessé^ et je lui répondis : « Mais
est-ce que nous étions dans une
forteresse, où nous pussions faire
résistance? — Je sais, reprit-il, que
Votre Éininence avait donné l'ordre
que personne ne ré>istât, et qu'elle
avait défendu à beaucoup de monde
de rôder.avec un fusil, prèsdeJ/on-
te-Cavallo. » Peu après, le pape
me demanda si j'avais emporté avec
moi quelqueargent. Je lui dis ; 'Vo-
tre Sainteté a vu que j'ai été arrêté
dans son appartement, et il ne m'a
pas été permis de retourner dans le
mien.» Alors nous tirâmes nos bour-
ses, et malgré l'affliction et la dou-
leur où nous étions plongés de nous
voir arrachés de Rome et de son
bon peuple, nous ne pûmes nous
empêcher de rire, qU'ind nous trou-
vâme'^ diins la bourse du pape un
papetlo (vingt b;ijoques, ou vingt-
deux sous de France), et dans la
mienne trois grossi (quinze bajo-
qties, un peu plus de seize sous).
Ainsi le souverain pontife et son
ministre entreprenaient le voyage
à l'apostolique, et suivant les pa-
roles de Notre-Seigneur aux apô-
tres : • Vous ne porterez rien en
chemin, neque panem (nous n'a-
vions aucune provision ) , neque
duas tunicas (nous n'avions pas
d'antres habits que ceux dont nous
étions vêtus , et en rnême temps
fort incommodes, puisque le pape
était en mozzetta et slola, et moi
en mantelletta, rochetto et moz-
zetta, sans une seule chemise |)our
changer) , neque peruniam (avec
seulement trente -cin(| bajoques).
Le pape fit voir W papetto au géné-
ral Radet, en lui disant : • De toute
notre principauté, voiik donc ce
que nous possédons! «Eu commen-
çant le voyage, je fus tourmenté
d'une pensée que je reconnus bien
RAD
267
être injurieuse au bon PieVII, mais
qui alors me troubla fortement; je
craignais que le pape,pénétré d'hor-
reur pour l'action sacri ége et si
exécrable que l'on commettaitalors,
et prévoyant de funestes conséquen-
ces pour l'Église, ne se repentît des
vigoureuses opérations que l'on
avait faites, et dans sa pensée in-
time ne m'accusât de l'y avoir en-
couragé. Je sortis promptement
d'inquiétude, parce que le pape,
avec le sourire sur les lèvres et un
air de vraie complaisance, me dit :
Cardinal, nous avons bien fait de
publier la bulle d'excommunication
le 10 juin; autrement, comment fe-
rions-nous aujourd'hui? • Ces pa-
roles me rassérénèrent et me don-
nèrent une nouvelle force pour ré-
sister aux angoisses et aux peines
d'esprit et de corps que je prévoyais
devoir souffrir dans ce violent et
désastreux voyage. La nuit suivan-
te, on afficha d.>ns Rome, par mes
ordres, au nom du pape , une noti-
fication qui peut être regardée com-
me un adieu d'un père tendre se sé-
parant de ses enfants chéris. > On
a pu remarquer que le compte rendu
par le génér.il Radet porte avec lui
un caractère de vérité qu'il faut re-
connaître. En le Citant, nous lui avons
conservé cette couleur de police mili-
taire , ce ton de sévérité, d'obéis-
sance ponctuelle, mêlé d'aveux, de
complaisances et de sentiments de
respect au.vqnels on doit souvent ap-
plaudir. Il finit ainsi son récit : «Telle
< fut ma conduite dans ce grand évé-
« l'.ement J'en appell*- au témoignage
• du général Miollis et à celui de mes
« collaborateurs , et des personnes
« qui ont vu les faits. J'en appelle
• surtout aucardiUctl Pacca etau saint-
• père. La mission dont j'ai été chargé
« était de nature à 6xer Pattention du
268
RAD
« inonJe entier par son importance
« etparsonobjet.Lescircmstancesen
« ont pu être dénaturées; je viens de
« les rétablir dans leur plus exacte
• vérité, en ce qui concerne la part
• que j'y ai prise. Obligé par mon état
• d'exécuter les ordres qui m'étaient
• donnés par l'autorité supérieure ,
« j'ai fait tout pour en adoucir la ri-
« gueur, lorsqu'il m'était impossible
• d'eu suspendre ou d'en arrêter les
« effets. Ce grand devoir que j'avais
« à remplir m'imposait la double
• obligation de concilier le respect
• le plus profond, les soins les plus
• étendus, la circonspection la plus
« délicate, avec un ministère rigou-
• reux, et je n'ai rien négligé pour y
« parvenir. Si le saint-père n'a point
« effacé de son souvenir les principa-
" le§ circonstances de ces cruels mo-
« mentSjSa Sainteté se nippclieraéga-
• lement la conduitequej'ai observée,
«et les marquesd'intérêt qu'elle a bien
« voulu m'accorder en différentes oc-
« casions. Les précautions ont été sé-
• vères; mais qu'on se rappelle coni-
" bien le danger élaii imminent ! Que
« l'on réfléchisse surtout à l'immense
« responsabiliîé qui pesait sur ma
« tête , et il la certitude que j'avais
" d'êire jugé moins par la sagesse de
• mes nu'sures que par leur succès!
« Depuis dix-scpi ans que je suis ofli-
• cier général de gendarmerie . mon
• caractère est trop connu en France,
« en Italie, en Allemagne, par les mis-
• sions et les organisations dont j'ai
« été chargé, pour ne pas chercher à
" conserver intacte la réputation que
• j'y ai acquise pu- trente-cinq ans ef-
• fectifs de bons services el onze c.im-
• pagnes. Mon honneur est l'héritage
• le plus précieux quejc puisse trans-
• mettre à ma nombreuse famille. Je
• le lui remettrai, j'ose le dire, dans
« toute «on intégrité ; elle , et tous
RAD
« mes amis, dont j'ai l'avantage d'être
• bien connu, savent déjà que, si j'ai
« dû prendre un rôle dans le triste
« événement dont je viens de donner
« une relation fidèle, ce n'a point été
« par le choix de ma volonté , mais
« par le hasard de ma position. -
Lorsqu'il eut remis la garde du pon-
tife à un autre oflicier de gendarmes,
Radet retourna à Rome, où l'on a
dit qu'il lit exécuter par le peintre
Wicar un grand tableau représen-
tant la sortie du pape de Monte Ga-
vai lo avec tous les personnages qui
y avaient figuré. Ce tableau fut
transporté à Cap»)ue en 1814, par
ordre du roi Murât, Si l'on en croit
le Mémorial de Sainte- Hélène, Na-
poléon, voulant rejeter sur Mioilis et
Radet tous les torts de cette odieuse
affaire, disait dans les derniers temps
de sa vie que ces génémux avaient
dépassé ses instructions , qu'il ne
leur avait pas ordonné de faire sortir
le pape de Rome; mais, plus tard, l'his-
torien si vrai et si digne de foi que
nous avons ciié a publié une lettre
par laquelle l'empereur approuve
dans tous ses points la conduite du
gouverneur Miollis {voy. Napoléon,
LXXV, 183), comme aussi celle de
Radet. On sait d'ailleurs que, loin
d'avoir été pour cela ni réiirimandés
ni punis, ces deux g'Miéraux furent
J!!S(|irà la lin de son règne comblés
de faveurs et de bienfaits de tons les
genres. Radet qui, depuis plusieurs
année.'!, était général de division, fut
créé baron, et il remplit les premiers
emplois de son aruie dans les armées
ou dans l'intérieur. 11 reçut en outre,
selon l'u.sage de celte époque, d'am-
ples gratifications. On conçoii qu'a-
près la chute du gouvernement im-
périal il ait été moins bien trait*?
par celui de la Restauration. Il ne
Itii arriva cependant d'abor 1 rien dr
RâD
p'iis fâcheux que de ne pas être em-
ployé activement. On pen^e même
qu'il se flatta d'être accuelli par
Louis XVIII, et de nopa<?être repous-
sé par Si Sainteté Pie VII. Nous ci-
terons encore, pour établir ce fait,
l'historien de ce pontife, qui fut alors
envoyé à Rome par le roi de France.
- Avant de quitter Paris, dit M. Ar-
• taud (1. Il, p. 382 et suiv.), je reçus
- une visite fort singulière: ce fut celle
" du général Radet, qui venait prier
• que Ton sollicitât pour lui, au;très
« de Pie VII, la permission de retour-
- ner à Rome. Jamais demande ne fut
• plus imprévue. Le général me donna
«une communication verbile di-s
• principaux détails de l'enlèvement.
• Je l'eui^ageai à la rédiger par écrit.
« Dans la conversation, il me montra
• l'ordre orrginal qu'il avait reçu de
« Miollis. Je le tins quelque temps
«dans mes mains II était très-ilifli-
• elle à lire, et tout couvert de ra-
• tures et de surcharges de la même
• main. On y ordonnait d'arrêter le
• cardinal Pacca : le reste était très-
• embrouillé. Le général Radet insis-
• tait pour retourner à Rome, où il
• voulait revoir le domaine de San-
« Paitor, bien national qu'il avait
• acheté, et qui appartenait aux Do-
«minicains. Je lui répondis que je
«parlerais à l'ambassadeur de sa ré-
• clamatron. Le général disait qu'il
• avait si bien traité le pape, tout en
• exécutant la volonté de son gou-
• verneuicnt, que ce pontife ne refu-
• serait pas de le voir, et peut-être
• même de le remercier. On voit dans
« le récit de Radet (4) qu'en effet il y
(4) Ce rérif, qui fut remi« par Radet à
M. Artjud jioiir être porté a Rome, a été tiré
de la clijucelleiie puniifii'ulr par le < ardi-
iial P»cca, qui \\i imprimé d:«ns ses Hènoi-
re-. d'où l'hiitorieu <lc Pjp VII l'a extrait.
RAD
d69
eut des circonstances'où sa conduite
fut pleine de sentiments de respect
et dhiimanité. A ce sujet, je dis au
général : • Oui, en effet, personne
ne nie que vous n'ayez témoigné de
la vénération pour le saint-père;
mais il y a une chose que l'on ne
comprend pas. Après être entré la
hache à la main, et brisant les por-
tes, vous vous êtes arrêté ainsi à la
vue du pape; il s'est donc passé
qu.*lque chose de surnaturel ? —
Que voulez vous? repartit le géné-
ral ; dans la rue, sur les toits, à ira-
vers les escaliers, avec les Suisses,
cela allait bien: mais quand J'ai vu
le pape, dans ce moment là ma pre-
mière communion m'a app.iru. •
Il est inutile de dire que jamais une
telle négociation ne put réussir. Le
gouvernement de Louis XVIII or-
donna généreusement que la de-
mande fut adressée au cardinal
Pacca, alors, comme on sait, pro-
secrétaire d'État, par monseigneur
de Pressigny, ce qui fut fait fidèle-
ment; mais le cardinal pria instam-
ment cetamba.ssadeurde reprendre
sa note, en lui disant que jamais un
ministre de Sa Sainteté n'oserait
mettre sous ses yeux une telle let-
tre, de peur de réveiller des souve-
nirsqu'il fallait absolumentoublier.
Radet n'obtint donc pas la faveur
de retourner à Rome, où quelque
facinoroso, semblable à celui qui
avait si indignement insulté M.Ca-
cault, aurait pu outrager celui qui
avait porté la main sur le saint-
père. Du reste, le général Radet
était de si bonne foi qumd il disait
qu'il avait bien traité Sa Sainteté,
que lui-même il avait fait faire un
tableau représentant le départ du
pape, et le général chargé de l'em-
meuer, dans l'attitude du plus pro-
fond respect devant son anguste
270
RAE
• personne. » Ainsi Radet dut alors
renoncer à retourner à Rome; et il re-
nonça également à l'espoir de rentrer
dans la propriété des Dominicains
qu'il s'était fait adjugerunais il paraît
qu'il prit beaucoup de part aux intri-
gues qui préparèrent le retour de Na-
poléon en 1815. Dès qu'il fut revenu
aux Tuileries, l'empereur le rétablit
dans ses fonctions d'ins|>ecteur-géné-
ral. Il le créa ensuite grand-prévôt, et
ce fut en cette qualité que Radet lit la
campagne de Waterloo, et qu'il sui-
vit l'armée derrière la Loire. Privé
de tous ses emplois lorsque le ri»i
eut recouvré son pouvoir, il fut ar-
rêié en 1816 à Vincennes, où il s'é-
tait réfugié, et conduit prisonnier
dans la citadelle de Besançon. Le
conseil de guerre de la ô"*» division
le condamna à neuf ans de détention;
mais une ordonnance royale lui ayant
rendu la liber'é en 18 18, il se retira
à Varennes, où il mourut le 28 sep-
tembre 1825. M— Dj.
RAEBl'RN (sir Henry), peintre
écossais,néen 1756 dans Slockbridgp,
à l'une des entrées d'Edimbourg,
était lils d'un manufacturier aisé.
Ayant de très-bonne heure perdu les
auteurs de ses jours, il trouva un
second père dans son frère aîné, qui
prit la direction de la fabrique. Hen-
ry, envoyé à l'école, ne se distingua
guère de ses condisciples que par la
supériorité de son crayon. Mis en ap-
prentissage chez un orfèvre, il ne
tarda pas, lui qui n'avait reçu aucune
leçon de dessin, qui même, dit -on,
n'avait pas vu un tableau, à s'essayer
dans le portrait en miniature, et il y
réussit au point de voir rechercher
ses productions.Dès lors il abandonna
l'orfèvrerie et adopta délinitivement
pour sa profession lapeinturedu por-
trait, mais à l'huile et dans de plus
graDdes dimensions qu'il n'avait fait
RAE
jusque-là. Une visite au célèbre Jo-
suah Reynolds lui fit connaître ce qui
lui manquait encore,et, d'après le con-
seil de ce savant professeur, il partit
pour l'Italie, d'où il ne revint qu'en
1787. Son talent avait alors tellement
gagné par ses nouvelles études qu'il fut
considéré dans sa ville natale comme
le premier en son genre. 11 avait
surtout le secret de produire une res-
semblance frappante, ne se bornant
pas à imiter les traits des personnes
qui posaient devant lui, mais s'atta-
chanl aussi à saisir la physionomie
en causant avec elles, comme nous
avons vu faire notre Builly, et éveil-
lant leur esprit sur les sujets qui leur
tenaient le plus au cœur.A ce mérite
principal il joignait la correction du
dessin, la transparence de la couleur
et une grande hardiesse de pinceau.
Dans ses tableaux, les accessoires sont
bien traités, les animaux bien peints,
le cheval surtout, et ses portraits
équestres sont généralement admirés.
On cite ceux de son propre lils, de sir
David Baird, du duc Hamilton, de
son ami Waller Scott, de Dugald
Slewart, Horner, Jtflrey, Archibald
Alison, Réunie, etc. Déjà membre de
plusieurs académies et président de
celle d'Edimbourg, il devint en 1812
associé, et en 1815 membre de l'Aca-
démie royale de Londres. Le roi d'An-
gleterre le décora de la clievalerie et
le nomma sou peintre pour l'Ecosse.
Raeburn n'était pas seulement habile
artiste, il avait aussi cultivé les scien-
ces, et s'était attaché à la physique et
à la mécanique^ il leur donnait ordi-
uaireuieut ses soiréeii quand la socié-
té, où il était toujours bien venu , lui
laissait du loisir. Doue d'uu bel exté-
rieur, de force et d'adresse, il avait
encore une âme douce et bienveillante,
vivant en bonne intelligence même
avec set émules, parmi lesquels Law-
RAE
rence seul lui était supérieur, encou-
rageant les efforts des élèves et leur
ouvrant libéraleuient sa galerie et ses
ateliers. Son talent, comme peintre de
portraits, ne faiblit point avec l'âge,
et ceux qu'il a exécutés dans les der-
nières années de sa vie passent pour
les meilleurs. 11 mourut le 8 juillet
1823. L.
R.ETIIEL ( WOLFGANG-CUBISTO-
phe), théologien protestant, Gis d'un
pasteur, naquit en 1663 à Selbitz,en Al-
lemagne. Aprèsavoir achevé ses études
et reçu le diplôme de docteur en philo-
sophie à l'uni versitéd'léna, il se rendit
à celle de Kœnigsberg , et visita la
Prusse et la Pologne. Revenu ilaus son
pays, il fut chargé de l'instruction des
pagfsdu margravt* de Baireuth, ainsi
que de l'éducation de quelques jeunes
nobles, et en 168'i il fut appelé à une
chaire de grec et de latin au gymnase
de Bdireuth; six ans après il obtint,
au même établissement, la chaire de
théologie morale; mais ce collège
était dans une décadence telle que
Raethel formait tout le corps en-
seignant; le nombre des élèves n'é-
tait pas beaucoup plus considérable
que celui des professeurs. Le mar-
grave avait d'autres soucis, et quand
il lui prenait envie d'entendre un ser-
mon, il faisait venir Rxlhel dans son
cabinet, où le professeur de théologie
était obligé de lui débiter un discours
religieux. L'auiiiteur fut si content du
prédicateur que celui-ci obtint de lui,
en 1698, Id place de pasteur eu chef,
ou, comme ou dit dans les pays pro-
testants alleuiands, celle de super-
intendant, à Neustadt-sur-Aisch ; et
après avoir accompagné sou maître,
le margrave Chrétien-Ernest, dans ses
voyages, Hœlhel recul le litre de con-
seiller ecclésiastique, tout en restant
attache au pastoral de Keustadi, où
il ht une rude guerre à la secte des
RAE
iri
piétistes. Lorsqu'en 1708 on posa à
Erlang la première pierre d'une église
qui (levait servir aux luthériens et
aux réformés en commun, et qui, par
cette raison, fut appelée l'église de la
concorde, il eut la satisfaction devoir
un exemplaire de sou édition de la
Conlession d'Augsbourg déposé sous
cette pierre. Daus la même année
Rxlhel fonda à Neustadt une associa-
tion eu faveur des veuves des pas-
teurs ; mais par l'idée peu heureuse
qu'il eut d'attacher à cette société
une librairie pour la faire prospérer,
et de commeucer par la publication
d'une édition de la Bible qui n'eut
aucun succès, il contribua lui-même
à détruire sou ouvrage. Quelques an-
nées après, il provoqua l'établisse-
ment d'une maison de retraite pour
les veuves et orphelins des pasteurs;
le margrave désigna pour cette œuvre
un ciiàleau ruiué; on recueiltit des
aumôues, Raethel promit des sermons;
mais le peu de veuves qui y furent
recueillies u'eureut pas de quoi sub-
sister, et ou Huit par les mettre à l'hô-
pital, lors de la mort du fondateur,
qui eut lieu le 28 juin 172 *. Les écrits
publiés par Rcelhel consisteut en dis-
sertations et eu brochures de polémi-
que religieuse. De ce nombre sont:
De velerum gymnasio athletico at-
que proemiis ViC(orum, Jenae, 1682,
in-4''; De (analicis et congregatio-
nibus privatii, ISeapoli (iNeusiadt),
17u3, iu-fol. ; Litterœ ad Sigism.
Meyenbergerum, 1704, in-*"; Deido-
latria, ÎSeapoh, 17U4 : De ilineribus,
quœ cuin seren. princ. ,Christiano-Er-
nesto fecit^ lestibus veritalis inter
pontificius in ilUs deprehtnsis, ibid.,
i7u7, in fol. ;I>e bibiiothecis uni-
versalibus, prœtertim theologicis'^
Deliisloria lilleraria vilœque scrip'
lon6u«,ibid.,l72i, ia-H)\.t De biblio-
theea patrum, ibid., 1726, in -fol.
272
RAF
Une traduction allemande, fort esti-
me'e, qu'il a faite d^Épictète, a eu trois
édifions, dont la dernière est de Nu-
remberg, 1718. D — G.
RAFFAELLI (Joseph), juriscon-
sulte italien , naquit le 26 février
1750, à Catanzaro, en Cilabre, d'une
famille aisée. Après avoir suivi le
cours de collège jusqu'en rhétorique,
il alla étudier la philosophie à Naples,
puis le droit, et conseillé par Ta-
nucci (voy. ce nom, XLIV, 517), il
entra dans la carrière du barreau, à
laquelle son mérite le rendait par-
ticulièrement propre. Il n'avait guère
plus de vingt ans lorsqu'il plaida
pour la première fois; ce fut pour une
malheureuse qu'on accusait de sor-
cellerie. Son éloquence fut telle que
non-seulement la prétendue sorcière
fut acquittée, mais que le roi Ferdi-
nand IV, ayant reçu de son minis-
tre de la justice une copie du Mé-
moire deRaffaelli, ordonna qu'il fût
inséré dans U Collezione délie scrit-
lure di regia giurisdtzione, où il se
trouve au tome IX, et que les tribu-
naux fermèrent dès lurs l'oreille à
toutes IfS accusations de cette es-
pèce. Ce succès répandit rapidement
le nom du défenseur, en sorte qu'il
devint un des avocats de Naples les
plus occupés. Recherché surtout par
les administrateurs des communesqui
avaientàseplaindrederempiétement
des seigneurs, il prit, dans l'espace
de peu d'années, la défense d'un nom-
bre considérable d'entre elles. Com-
promis ensuite dans les événements
politiques, il fut condamné à l'exil
en 1799. Après un séjour de quelques
mois à Turin, il alla se fixer à Milan,
où il fut nommé, en 1801, professeur
de droit public (chaire qu'avait pré-
cédemruent occupée I illustre César
Beccaria), puis en 1805, membre des
commissions législatives du royaume
R.4F
d'Italie. Dans l'intervalle il avait pu-
blié le Discours prononcé à l'occasion
de l'ouverture de son cours et un ou-
vrage intitulé : Progetto e motivi del
nuovo codice. Ses emplois ne l'empê-
chaient pas d'exercer la profession
d'avocat, et plusieurs de ses plai-
doyers obtinrent un grand succès.
Nous citerons les deux qu'il composa
en faveur d'un musicien célèbre et des
Polonais, plaidoyers qui furent im-
primés et eurent différentes éditions
en peu de mois. Rappelé à Naples en
1808 par le roi Jo.ichim, Raffaelli
fut fait chevalier de l'ordre des
Deux-Siciles, puis nommé procureur-
général près la cour de cassation.
Deux ans plus tard il entra au con-
seil d'État, dans la section de législa-
tion , dont il devint ensuite prési-
dent, et fut chargé de traduire en ita-
lien le code civil français. Son travail
fut imprimé, mais il n'obtint pas l'ap-
probation du gouvernement. Raffaelli
fit en outre partie des commissions
établies pour l'élection de la nouvelle
magistrature, pour l'exécution des
lois qui abolissaient le régime féodal
et pour la réforme des fois pénales. Le
conseil d"État ayant été supprimé au
retour des Bourbons, Raffaelli pas-
sa dans la commission consultative
suprême, au conseil des grâces, et
fut du nombre des jurisconsultes
auxquels on confia la rédaction d'un
nouveau code; mais il renonça en
1819 à tous ses emplois, et se retira
dans sa maison de campagne, où il
mit à exécution un grand ouvrage
qu'il méditait depuis hmg-temps et
pour lequel il avait réuni d'immen-
ses matériaux. Nous voulons parler
de la Nomotesia pénale (Naples,
1820-182.S, 5 vol. in-8''),qui, comme
letiire l'iiulitpie, enseigne la science
de faire de bonnes luis sur les délits
et les peines. A défaut d'idées non-
RAF
KAF
«7:
velles, Raffaelii porta dans son tra-
vail beaucoup d'ordre, de clarté', sut
c?iter et rectifia même les principales
erreurs de ses devanciers. On pour-
rait seulement lui reprocher d'avoir
introduit dans son livre une foule de
grécismes qui en rendent parfois la
lecture .pénible. Les cinq volumes qui
ont été publiés ne contiennent que
les trois premières parties , et il s'ap-
prêtait à en donner la continuation
lorsqu'il succomba ep février 1826,
à l'âge de soixante -seize ans. Raf-
faelii était membre de l'Académie ita-
lienne et de plusieurs autres sociétés
savantes. A— y.
RAFFEI ( Étiek?«e ) , littérateur
italien, naquit le 21 sept. 1712 à Or-
bitello, ville de Toscane, et entra,
en 1733, dans la compagnie de Jé-
sus à Rome. Il professa, pendant
vingt ans, la rhétorique au séminaire
romain, it cultiva en même temps
la poésie, la philologie et l'archéolo-
gie. Après la suppression de la so-
ciété, il continua de résider à Rome,
où il mourut en 1788. C'était un
homme recommandable par ses ver-
tus et ses talents. On a de lui : I. Gio-
vanni Colonna, Flavio Clémente,
il Trionfo ielV Amicizia, tragé-
dies, Rome, 1763 ei 1764. II Dis-
sertazione sopra il Crise di Marco
Pacuvio, Rome, 1770. Ce sont des ob-
servations philologiques sur les frag-
ments qui nous restent de la tragédie
de Chrysès, composée par l'ancien
poète lutin Marcus Pacuvius {voy. ce
nom, XXXII, 353). 111. Dissertazione
sopra Apollo Ptsio, Rome, 1771.
Raffei a encore publié, sur des anti-
ques de la villa Albani, des Disserta-
tions, dont la première porte la date
de Rome, 1772, réunies en 1 vol.
in-fol., avec figures, et faisant suite
aux Uonumenti inediti de Winckel-
mann, Z.
LXXVllI.
RAFFLES (THOMAS-SïAMFonDj,
voyageur et historien anglais, était
fils de Benjamin Raffles, l'un des plus
anciens capitaines-marchands de Lon-
dres.Il naquit le 6 juilletl781,suruu
navire, en vue de la Jamaïque, et fut
élevé au collège de Hammer-Smilh.
Il entra fort jeune au service de
la compagnie des Indes orientales, et
fut envoyé, enl 804, comme secrétaire,
au gouverneur de l'île Poulo-Pinang
que le cabinet britannique venait de
céder à cette compagnie. L'insalu-
brité du climat et l'ardeur avec la-
quelle Raffles se livra à l'étude ayant
altéré sa santé , il fut forcé de se re-
tirer à Malacca Après la réunion de
la Hollande à la France, il lit partie
de l'expédition anglaise qui s'empara,
en 1811, des colonies hollandaises
dans l'Inde, et la même année il fut
nommé au poste important de lieute-
nant-gouverneur de l'île de Java et
de ses dépendances. La restitution de
ces colonies à leurs anciens posses-
seurs et la mort d'une épouse chérie
ayant rappelé Raffles en Europe, en
1816, il profita de son séjour à Lon-
dres pour rassembler les nombreuses
observations qu'il avait faites ou qu'il
s'était procurées, pendant une rési-
dence de cinq ans, dans l'archipel in-
dien. Il publia, en 1817, son Histoire
de Java, et la dédia au roi Georges
III, qui le créa chevalier. Au mois
d'octobre suivant, il repartit pour
l'Inde, avec le titre de lieutenant-
gouverneur de Beiicoulen, ddns l'île
de Sumatra qui fut désignée pour
être le chef-lieu des possessions an-
glaises dans les mers orientales de
l'Inde. H y arriva en mars 1818, et
y fit connaissance avec le naturaliste
français M. Diard qui allait rejoin-
dre à Chandernagor son confrère et
compatriote Duvaucel ( voy. ce
nom,LXlII. 270). Les missions poli-
18
274
RAF
tiques dont Baffles était chargé ne lui
laissant guère le temps de satis-
faire sa passion pour la science, il
écrivit aux deux voyageurs français
pour leur proposer de l'accompagner
dans une expédition maritime qui fa-
ciliterait leurs recherches zoologi-
ques, tandis qu'il s'acquitterait de
ses fonctions. Ils acceptèrent d'au-
tant plus volontiers l'offre de Raffles
qu'elle devait leur faire voir des
pays peu connus, et qu'il leur pro-
mettait en outre de former à ses
frais,àBencouI«'n,uneménageried'a-
nimaux de Sumatra, semblable à l'é-
tablissement que lord Moira avait
créé à Calcutta. Ils s'embarquè-
rent tous les trois à la fin de décem-
bre 1818, visitèrent Poulo-Pinang,
puis Singapour, où Raffles avait pour
mission d'affermir sur le trône un
prin<'e que ses sujets trouvaient trop
anglomane. lis allèrent ensuite à
Achem où il s'agissait de mettre d'ac-
cord deux souverains intraitables,
en leur donnant un successeur qui
payât son trône avec l'argent de ses
sujets. Après un mois de séjour dans
cet affreux pays où M. Diard risqua
d'être assassiné, ils parcoururent di-
vers lieux, vinrent à Malacca, revirent
Singapour, et furent enfin de retour
àBencoulen, au mois d'août 1819.
Mais alors commencèrent à se démen-
tir les témoignages de bienveillance
du gouverneur pour ses compagnons
de voyage. On était convenu que les
dépenses seraient remboursées par la
compagnie des Inrles, et que, pour
prix de la collaboration des natura-
listes français aux mémoires que Raf-
fles voulait publier sur ce voyage,
il partagerait é:,'alement avec eux
les produits et le résultat de leurs
communes recherches; mais il man-
qua à sa promesse, et après quel-
ques démêlés il envoya presque tout
RAF
en Angleterre avec les dessins, les
descriptions et les notes qu'ils lui
avaient remis. Cependant le gouver-
nement hollandais, jaloux du nouvel
établissement anglais à Bencoulen,
lui suscita tant de contrariétés, que
pour y mettre un terme l'Angle-
terre, en mars 1824, conclut un trai-
té par lequel elle céda à la Hol-
lande toutes ses possessions à Su-
matra et dans les îles voisines, en
échange de Singapour, de Malacca
et des autres établissements hollan-
dais sur le continent indien. Raf-
fles s'était embarqué le 2 février,
pour revenir en Europe. Le feu prit a
son vaisseau et consuma la riche
collection d'objets d'histoire natu-
relle et de monuments littéraires
qu'il avait formée, pendant son sé-
jour dans les îles malaises : il regretta
surtout les matériaux qu'il avait ras-
semblés pour une histoire de Bor-
néo. Forcé de regagner Sumatra, il
se rembarqua enfin, au mois de mars,
avec sa famille, et arriva à Plyiiiouth
le 22 août 1824. Le climat de l'Inde
avait fort altéré la santé de Raffles.
Après une première attaque d'apople-
xie , il eh éprouva une seconde à la-
quelle il succomba, le 4 juillet 1826,
à Highwood-Hiil, âgé de 45 ans.
Dans son discours d'ouverture pro-
noncé en 1815, à la séance de la so-
ciété asiatique de Batavia, et dont É.
Jacquet a donné un long extrait dans
le Journal asiatique de Paris
(décembre 1832), Raffles avait an-
noncé qu'il devait aux comuiunica-
tions du capitaine Philipps, résidant
dans l'île Celebes, un vocabulaire
boughi d'une étendue considérable.
On a vu qu'il n'a pas toujours usé
de la même franchise. L'ouvrage au-
quel il doit principalement sa répu-
tation est son Histoire de Java,
composée avec John Crawford, an-
RAF
cien résident à la cour des sultans de
Java, Londres, J8l7, 2 vol. 10-4» (1).
Cette compilation si connue des géo-
graphes ei des indianistes, si belle,
dit-on, et iri»p vante'e peut-être, a été
traduite en français sous ce titre :
Description géographique^ histori-
que et commerciale de Jata et des
autres îles de f archipel indien, con-
tenant (les détails sur les mœurs, les
arts, langues, religions et usages des
habiiants de celte cinquième partie
du monde, traduite de l'anglais, par
M. Marchai , ex-employé du gou-
vernement à Batavia, ornée de gra-
vures el de cartes coloriées, Bruxel-
les, 1824, 10 livraisons 10-4", chacune
de 4 feuilles. Cet ouvrage de Raffles
a été cependant très-critiqué dans le
Journal asiatique de Paris ^ par É.
Jacquet, qui paraît en avoir signalé
un peu légèrement quelques erreurs
et contre-sens. Ou a encore de Raf-
fles : Sur la mission de Finlayson
à Siam, 1822, in-S'; ['Introduction
aux Annales malaises^ traduites en
anglais par (eu Leydeu; Loudres,
1821, in-8*, compilation peu esti-
mée; Malayan miscellanies (mé-
langes malais), recueillis et princi-
palement écriis par Raffles; Bencou-
len, 1823, in-S". Il a laissé en ma-
nuscrit un Mémoire sur Singapour.
Lady Raffles, sa seconde épouse, a
donné à la société asiatique de Lon-
dres la collection de toi. s les manus-
crits javanais qu'il avait formée. Le
catalogue en a été imprimé aux frais
de cette société, ei l'analyse en a été
donnée dans le Journal asiatique de
Paris^ de février et mars 1832 , par
É. Jacquet, et plus exactement, dans
(i) Les deux Anglais n'en ont fait que la
partie desciiiitive; l'hi^itoire proprement
dite est l'ouTrage du Panambahan de Soa-
menap, sirant javanais.
RAF
275
celui de juillet 1840, par M. Dalau-
rier, qui les a vus à Londres. Raffles
se prtposait de publier le corps de
jurisprudence malaise; mais n'ayant
pu réunir toutes les meilleures au-
torités écrites, il s'est borné à don-
ner, dans les Àsiatic Researches,
une traduction des lois maritimes
des Malais, qui devait former l'une
des six parties de ce code. Il a
pris pour texte celui de Malacca,
tant à cause de l'ancienne puissance
de ce royaume que parce que ce
code a été adopté par d'autres na-
tions. Il y a même ajouté les va-
riantes. A— T.
R.4FFRON - Dutrouillet { Nico-
las), né à Paris en 1709 dans une
condition obscure, vivait tellement
ignoré avant la révolution de 1789
qu'il nous serait impossible de dire
quelle était sa profession , lorsque,
déjà octogénaire, il fut nommé dé-
puté de Pans à la Convention natio-
nale en sept. 1792, avec Marat, Ro-
bespierre, etc. Sa première motion
dans cette assemblée fut pour ap-
puyer la proposition de Gensonné,
lequel, poussant à l'extrême un d^-
intéressement qui depuis a trouvé
peu d'imitateurs, proposa de décréter
que tous les membres de la Conven-
tion nationale renonçassent pour leur
vie entière à toutes fonctions publi-
ques. Raffrou Dutrouillet exprima le
même vœu, et y ajouta la proposition
de dâcfer dans un an la constitution
qu'il s'agissait de faire. Dans le pro-
cès de Louis XVI , il ue montra pas
moins d'enthousiasme et d'impré-
voyance; aussitôt après le premier
interrogatoire, il demantlH que l'on
procédât sur-le-champ à l'appel no-
minal, suivant l'usage, et vota pour
la mort dans les vingt-quatre heu-
res. Sur la question de l'appel au
peuple, il exprima ro vote aussi
18.
2ie
RAF
RA(;
atroce que ridicule : Je dis avec as-
surance^ tranquillité et fraternité:
jiON. Dans la séance du 14 juinsuivant,
quand il fut question d'assurer aux
de'pute's l'inviolabililé de leurs opi-
nions par un article de la constitu-
tion , RfifFron s'y opposa formelle-
ment, déclarant que ce serait un bre-
vet d'impunité pour les traîtres, et
demanda au contraire que les repré-
sentants du peuple qui auraient ma-
nifesté des sentiments inciviques et
ne les rétracteraient pas fussent tra-
duits à un jury national. Huit jours
après il réitéra en d'autres termes
cette proposition, particulièrement
dirigée contre le parti de la Gironde
qui venait d'être renversé, et conçut
ainsi la première pensée du tribu-
nal révolutionnaire , qui ne tarda
pas à être établi, qui devait immo-
ler tant de victimes et envoyer à
l'échafaud tous les chefs de la Gi-
ronde, Vergniaud, Brissot, etc. Raf-
fron fil encore, à la même époque,
d'autres motions d'une exaltation
non moins cruelle sur l'armée révo-
lutionnaire, sur les accapareurs, les
nobles et les émigrés. La maturité
de l'âge ne lui ôtait rien de son
énergie révolutionnaire. Cependant
ce qui étonne, c'est qu'il exprima
sur quelques questions, entre autres
sur l'instruction publique, des idées
assez raisonnables, et qu'il osa dire à
la tribune de la Convention nationale
que c'était surtout sous le rapport de
la morale qu'il fallait surveiller l'in-
struction publique, que dans tous les
cas elle devait rester libre, et même
que l'éducation paternelle lui parais-
sait préférable. Il manifesta encore
des opinions plus sages après la
chute de Robespierre. On l'entendit
déclamer h plusieurs reprises contre
les crimes de la terreur, et deman-
der que les agents de ces horreur»
(ce fut son expression) fussent jugés
et punfs. Il se montra même un des
plus ardents à poursuivre Carrier
et Lebon. Enfin il demanda la resti-
tution aux fainil les des biens des con-
damnés. Réélu au conseil des Cinq-
Cents par le département du Nord
après la session conventionnelle, il
présida, le premier, cette assemblée
comme doyen d'âge, et s'y fit d'ail-
leurs peu remarquer. Il cessa d'en
faire partie en 1797, et vécut dans
l'obscurité d'où la révolution l'avait
tiré, jusqu'à sa mort qui eut lieu vers
la fin de l'année 1800. M— Dj.
RAFI ou Raffy, célèbre luthier
lyonnais, vivait du temps de Marot,
qui, dans sa quatrième complainte, a
fait l'éloge d'un double chalumeau,
œuvre de cet artiste. Jean-Antoine de
Baïf en a aussi parlé dans les JeuXy
églogue du Devis, fol. 33 de l'édition
de 1573, où on lit ces deux vers :
Après tous ces propos , j'apporte une mu-
sette
Que Rafi, Lyonnais, à Maroc avait faite.
Nous avons vainement cherché le nom
de ce luthier dans la Biographie de
M. Fétis. Nous n'y avons pas trouvé
non plus un habile musicien du même
temps, Noël Albert,va]etûe chambre
de la reine de Navarre, et jouein- de
luth du roi François l*^ Ce ^îoël Al-
bert avait pourtant aussi été loué
non seulement par Baïf et Marot, mais
encore par Dorât, Saint-Gelais et Bo-
naventure des Périers, A. P.
RAGONNEAU (FrançIois) , né à
Richelieu, en 1692, y exetça les em-
plois de lieutenant particulier et d'as-
sesseurcivil et criminelà la sénéchaus-
sée de celte ville. Il a publié un ou-
vrage sur sa ville natale, intitulé :
Ricolocus dolens, ou Plaintes sur la
ville de Richelieu. Cet ouvrage, en
vers latins, a d'abord été imprimé
vers 1700, et ensuite il a été réiropri-
RAG
luë, avec uue traduclioa frauçaise
faite par l'auteur en 1764,in-8°, sans
nom de ville ni d'imprimeur ou li-
braire. F — T— E,
RAGOl^KY (Georges I" Ra-
coczi, appelé ordinairement), prince
de Transylvanie, était un seigneur
hongrois, riche et puissant. Son père
Sigismondi élu malgré lui prince en
1607, abdiqua l'année suivante et
mourut à Sarrente en I(jl3. 11 avait
eu pour successeurs Gabriel Battori,
puis Bethlem Gabor {voy. ce nom, IV,
403}. Après la mort de ce dernier,
Etienne, son cousin, força la veuve
de Gabor , Catherine de Brande-
bourg, à se dépouiller de la souve-
raineté; mais, désespérant lui-méuie
de la conserver, il envoya offrir, en
1629, le trùne de cette principauté à
George,sRaguizky.Lesdéputés étaient
le fils et le beau-frère d'Éticnne. A
peine eureul-ils amené le nouveau
prince de leur choix commun sur le
territoire transylvain, que la nou-
velle se répandit que les États avaient
élu Etienne. Plus confiant ou mieux
avisé, Ragotzky, reçu dans Waradin,
une des principales places de la pro-
vince, refusa de renoncer à des droits
qu'il devait à un consentement libre,
à des offres volontaires qu'il n'avait
pas provoquées. Ce qu'il y eut de
particulier, c'est que le propre fils
et le beau-frère d'Éiienne se décla-
rèrent engagés par le serment qu'ils
avaient prêté à Ragotzky, et ne vou-
lurent pas l'abandonner. Les États se
rassemblèrent et élurent unanime-
ment le magnat hongrois, dont les
libéralités entraînèrent beaucoup de
suffrages. C'est ainsi que Georges
Ragotzky devint en 1631 prince de
Transylvanie. Son concurrent se jeta
entre les bras des Ottomans, qui
lui promirent de l'aider : Ragotzky
invoqua l'appui de Tempcreur Fer-
RAG
m
diuand 11. Le refus qu'il essuya d'a-
bord était bien impolitiqiie, puis-
qu'il coûta par la suite la Transylva-
nie à la maison d'Autriche.- Ragotzky
ne s'en découragea point: il sut trou-
ver des ressources dans ses richesses,
sa valeur et ses intelligences avec
ses voisins. Les Hongrois lui fourni-
rent des secours en secret, et les Po-
lonais lui permirentde lever des trou-
pes sur leur territoire. Avec des for-
ces inégales, mais d'habiles attaques
et des succès constants, il parvint k
forcer la Porte ottomane à s'accuni-
moder avec lui. Il remporta aussi
plusieurs avantages contre l'Autri-
che, prit d'assaut la ville de Cassovie
dans la Haute- Hongrie, ainsi que
d'autres places, et conclut la paix avec
l'empereur Ferdinand III, le 28 juil-
let lf>45. La souveraineté de Tran-
sylvanie lui fut laissée, à la charge
qu'il restituerait à Etienne Bethlem
ses possessions héréditaires, dont il
l'avait dépouillé. Après la mort de
Vladislas VII, en 1648, Georges Ra-
gotzky eut l'ambition d'être roi de
Pologne. A la tête de 30,000 hommes,
il décl.jra (jue, s'il était élu, il les
emploierait contre les Cosaques,
alors eu guerre avec la Pologne, et
que, dans le cas contraire, il se join-
drait à eux. Cette alternative offen-
sante le fit exclure. Il mourut le
24 oct. de la même année, après
avoir ajouté les deux Valaquies k
ses Etats, et amassé de grands tré-
sors, laissant de Sophie, fille d'Etien-
ne Belhlem, sa première femme,
Georges dont l'article suit; et de Su-
zanne Loronlza, sa seconde femme,
Sigismond, qui fut duc de Monlgaîz
et mourut en 1632. — Ragotzky
(Georges II), fils du précédent, fut
élu en oct. 1648 pour succéder k son
père. Convoitant comme lui le trône
de Pologne, il tenta de profiter des
278
RAG
RAG
troubles qui agitèrent ce pays eu
1655 et de s'en faire élire roi à la
place de Casimir V (voy. ce nom,
VU, 277); mais les difOcultés qu'il
rencontra, seulement pour être agréé
comme successeur de ce monarque,
lui inspirèrent contre les Polonais
une haine qui le rendit l'allié de leurs
ennemis. Afin de servir à la fois son
ressentiment et son ambition, il fiten
1657 un traité avec Cbaries-Gustave,
roi de Suède, qui envahissait la Polo-
gne, et il lui fournit un secours de
30,000Trans\ Ivains Valaques et Mol-
daves, dont les deux vaïvodes étaient
unis d'intérêts avec lui. Ils obéirent
cependant aux ordres de la Porte, qui
força ses vassaux à rappeler leurs
troupes, ne voulant pas rompre l'al-
liance qui subsistait avec les Polo-
nais. Le prince transylvain refu.sa
fièrement de quitter les armes ; mais,
battu complètement le 14 juillet 1657
par les Polonais et les Impériaux
réunis, il fut contraint de signer la
paix, et rentra dans sa principauté
avec les débris de sou armée. Le sul-
tan Mihomet IV (voy. ce nom, XXVI,
221), irrité de sa conduite, ordonna
aux Transylvains de choisir un autre
prince; Ragotzky, allant au devant
de sa déposition, se démit lui-même
le 12 (ict. 1658 ; mais cette abdication
n'était que simulée, et peu de temps
après il chassa le comte Redei, que
les États avaient élu. Alors le khan
des Tartares eut ordre de l'attaquer,
le délit près de Sandomir, et les Ot-
touians. commandés par le pacha de
Bude, pénétrèrent dans la Transyl-
vanie. Hagotzky, sVtant mis $ous la
protection de l'empereur, accourut
avec 10,000 hommes et eut la gloire
de battre une armée deux fois plus
nombreuse que la sienne. Mais le
grand-visirKoproli s'avançait à la tête
de 100.000 hommes, tandis tpie les
États de Transylvanie lui envoyaient
une députation pour désavouer Ra-
gotzky, que le visir déposa et à la
place duquel il nomma AcasioBarczai.
Après le départ de Koproli, le prince
dépossédé voulut ressaisir l'autorité ;
mais, vaincu par le pacha de Bude,
il mourut de ses blessures, à Wara-
din, le 26 juin 1660. — Ragotzky
(François)^ fils du précédent et de
Sophie Battori, prit p srl aux troubles
de la Hongrie sous le règne de Lén-
pold l^'', et mourut à Makowitz eu
1676. Son corps fut transporté à
Cassovie et inhumé dans l'église des
jésuites qu'il avait fondée avec sa
mère. Élevé par cette princesse
dans la religion catholique, il com-
posa un livre de prières très-répan-
du en Hongrie et connu sous le titre
d'0/yîcmm Racoczianum. De son ma-
riage avec Hélène, fille du comte
Pierre de Serin, il laissa Frauçois-
Léopold .Ragotzky {voy. ce nom,
XXXVI, 544). S-Y.
«AGOUNEAII (A.-M.), écono-
miste et financier, naquit à Paris vers
1 760. Son père, procureu r au Châtelet,
qui lui fit faire d'excellentes études,
le destinait au barreau ; mais, après la
révolution de 1789, le jeune Ragou-
neau préféra suivre la carrière des
emplois publics. 11 fit partie de la
commission de Naples et fut nommé
par les consuls, en frimaire an VIII,
membre de la commission chargée de
l'examen définitif des réclamations
des individus inscrits sur la liste des
émigrés Cette mission de confiance»
qui devait servir de prélude à l'am-
nistie, lui fournit occasion de rendre
service à un grand nombre de per-
sonnes qui figuraient sur la fatale
liste, et au nombre desquelles se
trouvait son propre frère. Il obtint
ensuite la place de commissaire du
gouvernement prè^ l'octroi de Stra.s
RAG
bourg. Tous ses moments de loisir
étaient remplis par la culture des
lettres, et dans une ville qui comptait
des savants distingués dans toutes
les branches des connaissances hu-
maines il sut faire apprécier son
mérite. Aussi la Société des belles-
lettres, arts et agriculture du Bas-
Rhin s'empressa de le recevoir parmi
ses membres titulaires. Appelé au
poste plus important de contrôleur
principal des droits-réunis de l'arron-
dissement de Charleroy, il sut, par un
esprit de justice et de modération,
tempérer ce que les lois fiscales pou-
vaient avoir de trop rigoureux pour
des populations devefiues françaises
depuis peu d'aimées. Envoyé dans le
département de la Nièvre en qualité
(l'inspecteur, il fut "obligé d'inter-
rompre son service pour se faire
traiter d'une maladie de poitrine dont
il avait déjà ressenti les atteintes. Il
se retira à Chaillot où il mourut, au
mois de mars 1 8U , vivement regretté
des nombreux amis que l'aménité de
son caractère et l»'S charmes de son es-
prit lui avaient faits, et parmi lesquels
il se glorifiait de compter Abrial, Lau-
moud,Tiss<)t ,1e comte Otto de Stackel-
berg, etc. On a d^ Ragouueau : I, Re-
cherches sur Vétat actuel des sociétés
politiques, ou jusqu'à quel point
l'économie intérieure des États mo-
dernes leur permet-elle de se rappro-
cher de la liberté et de V égalité^ Paris,
et Stasbourg, Levrault, an XI-1803,
in-8<*. En remontant à l'origine des
sociétés, l'auteur a pris de trop loin
son point de départ, sans jeter aucune
lueur nouvelle sur un sujet épuisé.
On voit qu'il s'est nourri de la lec-
ture de Smith, mais peut-être n'a-t-
il pas toujours bien saisi les vues du
célèbre économiste. Il y a du vague
dans ses déductions, et les consé-
•juences qu'il en tire ne sont pas tou-
RAG
Î79
jours satisfaisantes. Le livre eut donc
peu de succès, surtout à une époque
où l'on était rassasié d'élucubrations
politiques. II. Introduction à l'his-
toire de France, ou Précis historique
de tout ce qui s'est passé dans l'em-
pire romain et dans les Gaules, de-
puis la conquête par Jules- César
jusqu'à celle de leur entière occupa-
tion par les Francs, Paris, I8tl ,
in-8'>, avec tableaux. Pénétré de l'idée
qu'aucun historien n'avait considéré
le déclin de la puissance romaine
dans sa liaison intime avec ta nais-
sance de la monarchie des Francs ni
envisagé ce sujet sous un point de
vue purement national, - après avoir
• mélité long -temps, dit -il dans
• sa préface, les annales des deux
■ peuples, l'auteur se convainquit
< que les nôtres étaient tout à fait
• incomplètes, et par cela même dé-
• nuées de leur plus grand intérêt. •
L'ouvrage a surtout pour objet de
présenter les faits sous ce double rap-
port, et l'on ne peut refuser a Ragou-
neau le mérite d'avoir, dans un
volume de 361 pages, résumé avec
intérêt, méthode et clarté les princi-
paux événements dout est remplie la
longue période qui s'écoula depuis
Jules-César jusqu'à l'invasion des
Francs. Un précis chronologique de
l'histoire des monarchies barbares,
divisé en tableaux, aide à l'intelli-
gence du texte. Il y a quelque raison
de croire que plus d'un écrivain mo-
derne a mis à profit cet ouvrage
substantiel, sans le citer. Déjà Ra-
gouueau avait lu à la Société des
sciences du Bas- Rhin un tableau
des mœurs des Gaulois comparées
avec celles des Français de nos jours.
On trouve un extrait de ce mémoire
dans le Précis des travaux de cette
Société, publie en l'an XIII, page 12.
Dès ses plus jeunes ans, Ragouneau
t80
RAC
KAG
avait cultivé la poésie ; mais les études
sérieuses qui remplirent sa vie ne lui
permirent pas de s'y livrer avec trop
d'abandon. Aussi donna-t-il peu de
publicité aux productions de sa muse.
Il lut néanmoins, dans une séance de
la Société de Strasbourg, le Gouver-
nement des S âges ^ conte en vers, où
les vices sont considérés comme une
nécessité sociale. Bagouneau fut aussi
membre de l'académie de Grenoble.
L— M — X.
RAGUÈAl' (François), célèbre
jitrisconsulte du XVI* siècle, né à
Mehun, en Berry, devint lieutenant
particulier du bailliage de cette ville.
Ses immenses recherches sur le droit
coutumier lui firent sentir la néces-
sité d'un Onomasticon qui contînt
l'explication des termes les plus
difficiles et les plus obscurs qui se
rencontrent dans l'idiome de cette
partie du droit. C'est ainsi qu'il fut
amené à recueillir les matériaux d'un
ouvrage qu'il mit au jour en 158.3, et
qui jeta les fondements de sa réputa-
tion. C'est [^Indice des droits royaux
et seigneuriaux, des plus notables
dictions, termes et phrases de l'état et
de la justice et pratique de France;
recueilli des loix, coustumes, ordon-
nances^ arrêts, annales et histoire
du royaume de France et d'ailleurs,
Paris, 1583, in-fol. Le succès de cet
ouvrage fut immense, et plusieurs
éditions s'en livent en peu d'années
(1600 et 1609, in-4°). Le célèbre
tragique Robert Garnier félicita son
compatriote R.igueau par des vers
grecs et latins , où il pronostique
entre autres choses qu'une renom-
mée éternelle sera la compagne
d'un si glorieux labeur. A mesure que
l'fHude des anciens monuments de
notre législation prenait del'accrois-
somcut, on reconnaissait que l'/n-
dice de Ragucau qui avait ouvert le
premier la carrière était incomplet,
et ne suffisait plus à l'ardeur d'investi-
gation des jurisconsultes. Galland (t),
qui s'était livré aux mêmes recher-
ches sur les lois politiques et féodales
des provinces méridionales, composa
des additions qui tombèrent entre les
mains du président de Lamoignon.
Cet illustre magistrat les remit à Eu-
sèbe de Laurière, qui avait recueilli
de son côté des notes très-curieuses
de Mornac sur le même sujet. Dès lors
le premier éditeur des Ordonnances
des rois de France forma le dessein
de reproduire l'ouvrage de Ragueau.
« Depuis quelques années ayant été
« obligé, pour un autre ouvrage, de
« lire dans les dépôts publics un nom-
• bre infini de chartes, j'y ai trouvé
• la signification de plusieurs termes
• difficiles des anciennes ordonnances
« de nos rois et de nos coutumr.s
« qu'on n'avait point encore expli-
« qués. " (Préface du Glossaire du
Droit français.) Laurière augmenta
donc cousidérabiement (2) et perfec-
tionna l'ouvrage de Ragueau (voy.
Laurière, LXX,403). U publia la nou-
velle édition sous le titre de Glossaire
du droitfrançais, contenant Vexplica-
tion des mots difficiles qui se trouvent
dans les ordonnances de nos rois,
dans les coustumes du royaume, dans
les anciens arrests et les anciens ti-
(i) Auguste Galland (l'of. ce uotii, XV[,
345), était procureur-général du cloirialne
de Navarre, et ses ouvrages sont fort re-
cherchés. Voici comme il s'exprime au tujet
d« Hagiieau : « Ce personnage iugcnu n'a
<< eu d'autres guides que les coutumes sou-
« vent obscures. C'e^t pourquoi il a souvent
» i:hoppé et est demeuré flottant. ■• Le titre
mcini- (le l'oiivriii^i.' de Riigueau prouve qu'il
ne s'était p.is licjiuc a prendre pour guides
les seuls monuments >lu droit l'ouluraier.
(a) « U l'a augmciilé de quatre lois plus
" de mots qu'il n'y en u dans Vlmiice de R.i-
.' guenu. " Approbalifii» de M. l-sdi, avm al
nu parlement et censeur royal.
RAG
très, Paris, Guignard, 1707, 2 vol.
in-i". Non-seulement Eusèbe de Lan-
rière avait nccru cette édition d'un
grand nombre de termes que l'on
cherchait vainement dans Ragueau,
mais îl en expliqua l'origine et en
détermina le sens le plus plausible
dans des notes souvent très-longues
et qui mériteraient même le titre de
dissertations (3). Comme tout édi-
teur consciencieux doit le faire, il
distingua par des signes particu-
liers ce qui appartenait h l'auteur
primitif, et lit suivre les articles
qui appartenaient à Mornac et à
Galland du nom de ces savants ju-
risconsultes. Au surplus, leurs ar-
ticles sont en petit nombre. Quoi-
qu'il ait perdu le mérite d'une ap-
plication usuelle, le Glossaire est
encore fort rechercliéaujourd'hui par
ceux qui s'occupent de nos antiquités
juridiques. En 1584, Ragueau fut ap-
pelé, en qualité de professeur et lec-
teur, à la faculté de droit de l'uni-
versité de Bourges, dont les chaires
étaient toujours occupées par des ju-
risconsultes de premier ordre. Lui-
même avait étudié sous Cujas à Bour-
ges et à Valence. Ragueau mourut au
mois de septembre 160-5. Son Com-
mentaire sur les coustumes générales
du pays et duché de Berry n'a été
publié qu'en 1618, à Paris, in-folio,
par Paul Ragueau son fils, qui lui
avait succédé dans sa charge de lieu-
tenant particulier de Mehun. Denis
Simon (Bibliothèque des auteurs de
droite tome V^) et Taisand [Vies des
jurisconsultes, Paris. 1737, p. 739)
attribuent à François Ragueau un
Traité des lois politiques; mais ils ne
(3) Eloge historique de M. de Lauriere, qui
se trouve eD tète du Texte des coutumes de la
prévôté et ricomlà de Paru , tom. I*-', p.
Jtxvir, et du 2' volame do Recueil des
Ordoonan< es de* rois de France,
RAG
281
font connaître ni le lieu ni la date
de l'impression. L— M — x.
RAGUEL. Foy. ToBTE,XLVI, IS."».
RAGl'SA (Joseph), jésuite, né à
Giuliano, en Sicile, vers l'an 1 560, en-
tra dans la société en 1575, ayant à
peine 15 ans accomplis. 11 enseigna !a
philosophie à Paris et la théologie à
Padoue, à Messine, à Palerme. Il
avait mis un ordre admirable dans
ses occupations. Lps heures en étaient
réglée», soit pour la prière, soit pour
ses différentes études, et cet ordre
n'était jau)ais dérangé. Dans sa jeu-
nesse il s'exerça à la préd'cation, et
son éloquence simple et persuasive
avait un charme auquel il était dif-
ficile de rrsister. Ragusa gouvern;»
quelques collèges en qualité de rec-
teur, dirigea les études pendant |)lu -
sieurs années, et mourut à Palerme 1'-
25 sepî. 1624, à l'âge de 64 ans. après
en avoir passé 50 dans la société. Il a
laissé: 1. Commcntaria ac Di.^qui-
sitiones in tertiatn divi Thomœ
partent, Lyon, 1619-1620, 2 vol.
Dans le 1" il traite du mystère de
l'incarnation: dans le second, de No-
tre-Seigneur Jésus Christ per se,
c'est-à-dire de ejus unitateet offirin.
II. De juftificatione et pœnitentia,
2 vol. III. De baptismo et eucharistia
comment arium in pritnamSecundœ.
IV. De natura et gratia, etc. L — y.
RAGISIO (Pompée), religieux
carme, flnrissait au XVIl" siècle. Il
était savant et fort estimé dans son
ordre, parce qu'à un grand savoir il
joignait d'autres bonnes qualités et
beaucoup de vertus. 1! fut lecteur de
philosophie dans divers couvents do.
son institut, ei laissa plusieurs ou-
vrages de philosophie et de théologie.
On à aussi de lui un Commentaire sur
Jean Bacon, imprimé sous un nom
suppose. Le père Ragusio mourut eu
1600. L— Y.
38S
RAH
R4HAB, habitante de Jéricho, de-
meurait aux portes de cette ville, et
reçut les deux espions que Josiié
(voy. ce nom, XXII, 40), chef des
Hébreux, avait envoyés pour recon-
naître les lieux. Elle les cacha même
sur la terr.isse de sa maison , afin de
lessoustraireauxrecherchesduroi de
Jéricho, qui, instruit de leur arrivée,
ordonna àRahab de les lui livrer; elle
répondit que des étrangers s'étaient
effectivement arrêtés chez elle, mais
(fu'ils étaient parlis,et que si l'on cou-
rait après eux, on les atteindrait
pmmptement. Allant ensuite vers Ips
deux Israélites, elle leur dit : « Je sais
« que le Seigneur vous a livré ce
« pays. Promettez que vous me sau-
« verez la vie, à moi et à mes pa-
« rents, lorsque vous entrerez dans
» cette ville. . Ils le lui promirent
avec serment, lui prescrivirent d'atta-
cher à sa fenêtre un cordon d'écar-
late, et ajoutèrent : " Si l'on touche à
« quelques-uns des vôtres qui seront
« alors d.ins votre maison, leur sang
• retombera sur tious-, mais, s'ils de-
« meurent au dehors , l»*ur sang re-
« tombera sur leurs têtes, et nous
«n'en serons pas coupables.» Rahab les
fit descendre, avec une corde, le hmg
des murs de la ville auxquels sa mai-
son attenait, après leur avoir recom-
mandé de rester cachés dans les mon-
tagnes pendant trois jours, pour
n'être pas rencontrés par les gens
envoyés à leur poursuite. De retour
au camp d'Israël, les espions rendi-
rent compte de leur mission à Josué,
qui ratifia la promesse qn'ils avaient
faite à Rahab ; et lorsque la ville de
Jéricho fut prise (1451 avant J.-C),
il ordonna expressément aux Hébreux
d'épargner tous ceux qui se trouve-
raient dans la maison de cette femme.
Klle-même épousa Salmon, prince
de la tribu de Juda, de qin elle eut
RAI
Booz, l'un des ancêtres de David, et
par conséquent de Jésus-Christ. Les
interprètes ne sont pas d'accord sur
le vrai sens du moi zonah, é|>ilhète
que le texte hébreu dimne à Rahab,
et qui, dans celte langue, signifie,
hôtelière ou proitituée ( meretrix,
comme traduit la Vulgate). Les uns
adoptent la première signification;
les autres, notamment saint Jérôme
et presque tous les pères , s'appuyant
sur des passages de l'épîlre de saint
Jacques (ch. 11) et de celle de saint
Paul aux Hébreux (ch. XI), convien-
nent que Riihiib était une femme de
mauvaise vie, mais qui renonça à ses
désordres en se convertissant au vrai
Dieu (voy. le livre de Josué, ch. Il et
VI).M»"' Cottina publié un poème en
prose, intitulé : la Prise de Jéricho.
P — RT.
RAHEB ( Ebn), Égyptien et chré-
tien, est auteur d'une Chronique
arabe, depuis la création du monde
jusqu'à l'an 955 de l'ère des martyrs,
657 de l'hégire, 1258 de J -C. Elle a
éié traduite eh îatin sous le titre de
Chronicon orientale, par Abraham
Echellensis {voy. ce nom, XII, 457),
et insérée eu 1651 dans VUistoire
6j/zan(ine.Elle comprend la série des
patriarches, des juges d'Israël, des
empereurs romains, etc. On la trouve
manuscrite, n° 8, à la bibliothèque du
Vatican parmi les uianuscrits de Clé-
ment XI (voy. la BiU. orient. d'Asse-
mani, 1. 1, p. 574 ). Z.
KAIEWSKI (Nicolas), l'un des
généraux les plus distingués de l'ar-
mée russe, était issu d'une famille
noble originaire du Danemark, qui
s'établit en Pologne, d'où elle passa
en Russie dans le X V 11* siècle Sa mère
était la nièce du prince Potemkin ; et
son père, colonel d'infanterie, mourut
en combattant les Turcs à Jassy. Ni-
colas naquit a Saint-Pétersbourg en
RAI
1771, et fut inscrit dans les gardes de
Semenowski à l'à^e de 4 ans. Succes-
sivement sergent et lieutenant dans
ce corps d'élite, il passa dans l'armée
de ligne avec le grade de major en
1789, (it en celte qualité les campa-
gnes contre les Turcs, puis celle de
Pologne, sous les onlres de Markoff.
Nommé en 1792 colonel d'un régiment
de dragons, il fit la guerre de Perse en
1795, et se distingua aux affaires de
Kur et à la prise de Derbent. Ayant
quitté le service à Tavénement du ca-
pricieux Paul F'', par suite d'une dis-
grâce dont la cause est restée incon-
nue, il n'y renlra qu'en 1801, comme
général-majur, à la demande de l'em-
pereur Alexandre. Employé co'iimc
tel en 1805, sous le prince Bagratiun, à
l'avant-garde de l'armée qui s'avança
en Allemagne, il combattit à Diers-
tein, à Hollabrun, et concourut à as-
surer la retraite jusqu'à Aiisterlitz,
où il se distingua encore par son cou-
rage et son habileté. En 1807, il ser-
vit de nouveau contre les Français à
PetterwaUI,àGulschtadt,àHeilsl)erg,
et enfin à Friediand, où il commanda
tout le corps d'avant -garde, et fut
blessé d'une balte à la jambe. Témoin
de sa valeur dans toutes ces affaires,
l'empereur Alexandre l'en récom-
pensa par la décoration de Saint-Wla-
dimir et de Sainte-Anne de l'« classe.
La paix de Tilsitt lui donna quelque
repos ; mais dès le coinmencemenl de
1809 il dut marcher contre les Sué-
dois, et concourut à l'invasion de la
Finlande, C" qui lui valut une nou-
velle décoration el le grade de lieu-
tenant-géuétal. En 1810 il marcha
contre Ws Turcs, et dirigea les atta-
ques de Silistria et «le Schutnia avec
tant d'habileté et de v.ileur, qu'il re-
çut une épée d'or avec cette inscrip-
tion : Pour la bravoure. Mais ce fut
surtout dans la mémorable campagne
lUl
28$
del812, contre l'armée de Napoléon,
que ce général s'illustra par les p'us
brillants exploits. Il commandait un
corps d'armée 'a l'aile gauche des
Russes sous Bagration, ayant devant
lui le maréchal Davoust. Ri poussé par
le corps d'armée de ce général, beau-
coup plus nombreux que le sien, et
qu'il n'avait pas craint il'attaquer dans
sa redoutable position de Soultanows-
ka, il vin tse renfermer dans la place de
Smolensk. Attaqué par K ipoléon en
personne, et après avoir repou>sé des
assauts meunriers, il se retira en bon
ordre , formant toujours l'arrière-
garde jusqu'à Borodino. Il commanda
une division de l'aile gauche à cette
sa'glante bataille, et remplaça dans le
commanilement de tout le corps d'ar-
mée son digne chef Bagrai ion, lorsque
ce prince fut mort sur le champ de
bataille (coy.BAGBATioîJ,LVII,62).Sa
troupe y périt presque tout entière.
Deux mois plus iard il soutint encore
desatiaques aussi rudesque meurtriè-
resà Malo-Iaroslavitz. Chargé aussitôt
après.^vec Platow et Miloradowitsch,
de suivre les colonnes françaises dans
leur déplorable retraite, il les at-
teignit et les battit en plusieurs
occasions, notamment à kranoy et
sur la Bérésina. Dans la campagne de
Saxe, en 1815, Raiewski eut le com-
mantlement de tous les grenadiers
russes, et il combattit à la tête de
cette formidable troupe à Bautzen et
à Reichenbach. Après la rupture de
l'arm stice et la réunion de l'Autriche
à la coalition, il passa avec son corps
d'armée sous les ordres du généra-
lissime Schwarzenberg, et concou-
rut à la bataille de Dresde, puis à
celle de Culm, où le corps de Van-
damme mit bus les armes, et enfin à
celle de Leipsick, où le sort de tant
de nations fut décidé. II y comman-
dait encore le corps des grenadiers au
284
RAI
centre des armées de la coalition,
re'iinies sous les yeux de leurs souve-
juiiis, et jusqu'à six fois il repoussa,
dans la position de Wachau, les atta-
ques des réserves de Napoléon. Blessé
grièvement d'une balle à la poitrine,
il fut porté sur un brancard par ses
grenadiers jusqu'à Weimar, et, con-
tre toute attente, il gtérit pronip-
tement et put reprendre son poste
sur les bords du Rhin, où on le char-
gea du blocus de Belfort. Lors de l'in-
vasion de 1814, il passa dans l'armée
du comte de Wittgensfein, et ce gé-
néral ayant été blessé à Bar-sur-Aube,
il le remplaça dans le commandenient
et concourut aux succès qu'obtinrent
les alliés à Arcis, à La Fère cham-
penoise, et enfin sous les murs de
Paris, dans la journée du 30 mars.
Les décorations de Saint -George et
de Marie-Thérèse furent le prix de
ces derniers exploits. Dans la cam-
pagne de 1815, Raiewski commandait
un corps d'armée, mais il n'eut point
occasion de combattre. Retourné
dans sa patrie, il y vécut dans ses
terres, se reposant de ses longues
fatigues et continuant à jouir de la
faveur d'Alexandre, surtout de celle
du grand-duc Constantin, qui avait été
long-temps le compagnon de ses tra-
vaux guerriers. Cette circonstance a
fait dire qu'il fut compromis dans les
événements qui accompagnèrent l'a-
vénementderempereurIN'icolas;mais
rien n'est prouvé à cet égard. Ce
qu'il y a de sîir, c'est qu'il ne fut pas
employé sous le nouveau règne. II
niourut dans ses terres vers 1840. —
Raiewski {André), mort à Koursk le
13 mars 1832, était de la même fa-
mille. 11 a publié : 1° quelques mor-
ceaux de Poésie, disséminés dans
dilférents recueils; 2" le premier vo-
lume des Principes de stratégie de
l'archiduc Charles d'Autriche, 1818,
RAI
in-8", traduit en russe ; .3" des Mémoi-
res sur les campagnes de 1813 en8l4,
Moscow, 1822, 2 vol. in-S". M--D j.
RAILLON (Jacques), archevê-
que d Aix, né le 17 juillet 1762 à
Bourgoin en Dauphiné, fut attii'c
1res -jeune dans le diocèse de Luçon
par M. de Mercy, son compatriote,
qui en était évêquc 11 y lit son cours
de philosophie et professa au petit
séminaire. Mandé par le même prélat
à Paris, en 1792, il y publia, sous le
litre d^Appel au peuple catholique,
une apologie des prêtres insermentés
écrite avec autant de pureté de prin-
cipes que de modération. Forcé de sor-
tir de France dans la même année,
Raillon alla rejoindre M. de Mercy à
Soleure, et passa avec lui en Italie,
où il resta plus de dix ans. Pendant
son séjour à Venise, il composa des
Idylles dans le genre de Gessner,
qu'il lit imprimer plus tard à Pa-
ris, 1803, in-16. Cet opuscule, où
l'on trouve une excellente morale ,
fut adopté pour les bibliothèques des
lycées. Rentré en France à l'époque
du concordat, Raillon fut chargé de
l'éducation du fils de Portails. Nommé
ensuite chanoine honoraire, puis titu-
laire de Notre-Dame de Paris, et pro-
fesseur adjoint d'éloquence sacrée
à la faculté de théologie, il lit dans
cette église, en 1809, sur la de-
mande du cardinal de Belloy, le dis-
cours du 15 août, en l'honneur de la
naissance de Napoléon Bonaparte.
Il prononça un autre discours aux
obsèques de Cretet, ministre de l'iu-
térieiir, puis l'oraison funèbre du
maréchal Lannes. Promu à l'évêché
d'Orléans en 1810, il en remplit les
fonctionscomme administrateur, sans
avoir pu recevoir ses bulles. Il quitta
cette ville en 1816, y laissant des re-
grets et d'honorables souvenirs. Rail-
lon vint alors se fixer dans la capitale.
RAI
i KAI
285
où ii s'occupa d'une Viedesaint Ani-
liroise, encore inédite. Appelé en juin
1829 à l'évêché de Dijon et sacré
vers la lin de la même iinnée, ii se
signala par son zèle et son esprit con-
ciliant, triompha de quelques préven-
tions politiques, et 6nit par gagner
l'estime générale. L'année suivante
une ordonnance royale le nomma à
l'archevêché d'Aix; mais ce ne fut
que le 2* février 1832 qu'il fut prc-
coniséà Rome. 11 mourut en 1835 à
Aix, où il avait été très-bien appré-
cié. L — 1' — E.
RA13IOND, dit de Cluny, moine
de cet ordre, né à Toulouse dans les
premières années du XII* siècle, tirait
son origine d'une maison illustre de
son nom, différente de celle des Souve-
rains de la contrée. Poussé dès son
bas âge par un vif détachement des
choses de la terre, il refusa le rang
que lui offraient les comtes de Tou-
louse, ses protecteurs, et jeune en-
core se consacra à Dieu en revêtant
l'habit monastique. Il avait en même
temps aimé les lettres, et ce goût ne
l'abandonna pas; il augmenta même
et se développa dans la solitude du
cloître. C'était là que les sciences
avaient trouvé un asile; toutes les
lumières appartenaient alors à ces
hommes qu'une ignorante philo-
sophie a voulu représenter comme
des êtres sans instruction. Kaimond
s'adonna particulièrement à la cul-
ture de la poésie latine; il tourna
son génie, comme nous l'apprend
Pierre de Vaulx-Cernay, page 23 du
liv. IV de sa Chronique, vers les
grandeurs de Dieu, et chanta ses
louanges, ainsi que les perfections de
la Vierge et les mérites des saints. Sa
renommée fut portée au comble, et
on lut [jartout ses ouvrages. Pierre
le Vénérable, abbé de Cluny, son su-
périeur, lui adressa une épître en vers
latins, pour le remercier d'une pièce
pareille qu'il en avait reçue. Il ne
craignit pas de lui dire qu'il faisait
revivre la gloire des anciens poètes
toulousains, Rutilius Numantianus,
Victorinus, Sulpice-Sévère. Le temps
a dévoré les œuvres de Raimond ; sa
réputntiou leur a survécu. H mourut
vers 1150. Z.
RAl.no\D (Pierre), troubadour,
surnommé lou Prou, c'est-à-dire le
Preux, naquit à Toulouse dans la se-
conde moitié du XII* siècle, et ne se
distingua pas moins par ses exploits
guerriers que par ses talents poéti-
ques. Il adressa d'abord ses vers à
Josserandc de Puech , d'une noble et
ancienne famille toulousaine, dont il
était épris ; mais une dame de la mai-
son de Cadolet, qu'il connut à Mont-
pellier, lui fit oublier ce premier
amour. Il résida long-temps à la cour
d'Alphonse IL roi d'Aragon, et à celle
de Raimond V, comte de Toulouse,
qui le combla de bienfaits. Pierre ne
s'en montra pas reconnaissant; car,
lors de la croisade contre les Albi-
geois et les comtes de Toulouse, il
prit rang dans l'armée de Simon de
Montfort. Il avait accompagné l'em-
pereur Frédéric Barberousse dans la
Palestine, où il signala sa valeur. Sur
la fin de sa vie il se retira à Pamiers,
s'y n-.aria, et y mourut vers 1230. Ses
ouvrages, en langue provençale, se
trouvent à la Bibliothèque royale de
Paris, manuscrits, n°' 7225 et 7698.
Outre des chansons et des poésies
erotiques, il avait écrit un Traité
contre l'erreur des Arians (c'est ainsi
qu'on appelait les Albigeois), et un
autre contre la tyrannie des princes,
où il leur reproche d'avoir laissé aux
ecclésiastiques trop d'autorité. Pé-
trarque estimait les productions de
Pierre Raimond, et il l'a imité en plu-
sieurs endroits. Z.
286
RAI
RAIMOND - Jourdain, vicomte
de Saint-Antonin, sur les frontières de
l'Albigeois et du Quercy , dans le
Xll« siècle, fut aussi habile trou-
badour que vaillant guerrier. Il
aima Adelaïs, dame de Penne en Al-
bigeois, et fut payé d'un tendre re-
tour. S'étani trouvé à une bataille,
il y fut blessé, ce qui donna lieu au
bruit de sa mort. La dame de Penne,
inconsolable, quitta son châieau, et
prit le voile religieux dans un mo-
nastère. Raimond-Jourdain, rétabli de
ses blessures,' revint en Albigeois, et,
désespéré de la résolution d'Adehus,
cessa de faire des vers et se retira
du monde. On dit que plus tard il
remonta sa lyre pour chanter Alix de
Montfort,(ille du vicomte deTurenne.
Adelaïs était peut-être morte, ou la
constance n'était pas la vertu de no-
tre troubadour. Il a laissé sept chan-
sons, qu'on trouve parmi les manu-
scrits de ia Bibliothèque royale de
Paris. C— L— B.
RAIMOND. Voy. Raïmond, dans
ce vol. et au tom. XXX VII, 164.
RAINALDI (Jérôme), architecte
italien, né en 1570, eut pour père
Adrien Rainaldi, peintre etarchilecte,
dont tous les enfants et les petits-
enfants suivirent la même carrière.
Jérôme étudia l'architecture sous Do-
minique Fontana {voy. ce iioiii, XV,
188), et il acquit dans cet art une
réputation brillante. Des souverains
pontifes , des princes le chargè-
rent de lravau.\ importants. Il bâtit
une église à Montalte par ordre du
pape Sixte-Quint, et sous Pdul V il
construisit le port de Fano. Nous ci-
terons encore, parmi les édifices qu'il
a élevés, le palais ducal de Parme, le
casino de la Villa-Taverna k Fr.iscati,
appartenant k la famille Burglièse ,
l'église des carmes déchaussés k Ca-
prarole, le palais Pamphili à Rome,
RAI
la maison professe des jésuites dans la
même ville, et leur collège de Sainte-
Lucie à Bologne. En 1610, il décora
la basilique de Siint-Pierre pour la
cérémonie de la canonisation de saint
Charles Borromée. J. Rainaldi mou-
rut k Rome en 1655, et fut inhumé
• dans l'église de Sainte-Martine. —
Rainaldi {Charles), fils du précé-
dent, naquit k Rome en 1611, et fut
d'abord placé au collège romain pour
y faire ses humanités. Il reçut ensuite
de son père des leçons de dessin et
d'architecture , et ne tarda pas à
prendre rang parmi les artistes les
plus distingués de celte époque. Il
construisit et répara un grand nombre
d'églises, entre autres celle de Sainte-
Agnès qu'il commença sous Inno-
cent X , et qui fut achevée par Bor-
rommini {voy. ce nom, V, 202);
celle de Sainte - Marie in campi-
telli; les deux églises parallèles sur la
place du Peuple , l'église du Saint-
Suaire, etc. 11 fit. la façade de Saint-
André deHa Valle, et celle de Sainte-
Marie-Majeure du côté de la place de
l'Obéi isipje. C'est d'après ses des-
sins que l'ut élevé, dans cette église,
le tombeau de Clément IX, ainsi que
celui du CiirdinalBonelli, dans l'église
de la Minerve. Il acheva une aile du
Capitule, construisit le palais de
l'académie de France qui appartint
d'abord aux ducs de Nevers et qui est
regardé comme un de ses chefs-d'œu-
vre. Rainaldi ne se borna pas k tra-
vailler dans Rome; il éleva la cathé-
dralede Ronciglione, l'église deMon-
te-Porzio, et planta une partie des
jardinsde Mondragoneetde Pinciana.
Il adressa les plans de plusieurs édifi-
ces au duc de Savoie Charles-Emma-
nuel, qui lui fit remettre la croix
de Saint-Maurice et Saint-Lazare. Il
concourut aussi avec Bernini, dit le
cavalier Beruin, aux travaux du Lou-
RAI
RAI
38î
Tre, et Louis XIV, à cette occasion,
lui envoya son portrait enrichi de
diamants. Parorlre d'Al^'xandre Vil,
il avaitaccompaguéle cardinal Carpe-
gna en Toscane, pour examiner les
différends survenns entre la cour de
Rome et le grand-duc, an sujet des
marais appelés Chiane, mission dont
il s'aquitta à la satisfaction du pon-
tife. Rainaldi mourut en 1691. Pieux
et charitable, il distribuait aux pau-
vres d'abondantes auiiiônes ; il orna
avec ses pierreries un soleil de saint-
sacrement pour la confrérie des Stig-
mates, dont il faisait partie. Amateur
de musique, jouant lui-même très-
bien de la lyre et de la harpe, il
dessinait avec facilité. Dans ses tra-
vaux d'architecture, ou admire la
belle ordonnance des plans, le goût
des décorations, la promptitude de
l'exécution ; mais il était peu cor-
rect, et s'écartait souvent des prin-
cipes de l'art. — Rainaldi (Fran-
çois), jésuite italien né en 1600, à
Matelica dans la marche d'Ancone,
embrassa la règle de Saint-Ignace à
l'âge de 22 ans, et passa le reste de
sa vie dans la maison professe de
Rome, où il mourut en 1677. On a
de lui, en italien, plusieurs ouvrages
de piété qu'il publia sous des noms
empruntés. Le plus connu est inti-
tulé : Cibo dell'anima^ ovvero Pra-
tica^ etc. (.Mournture de Tâme, ou
Pratique de l'oraisou mentale par
rapport à la passion de N -S. Jésus-
Christ, les jours du mois, etc.), sous
le pseudonyme de Joseph Rainaldi,
Rome, 1637, in 24;ibid., 1662.in-12;
réimprimé un grand nombre de fois à
Macerata, à Venise, etc. Il a écrit
la Vie de Jacq. Lainez, second gé-
néral de la compagnie de Jésus ^ pu-
bliée sous le nom de François Dala-
rini (anigramme de Rainaldi ),
Rome, 1672, in-80. Southwell a con-
sacré un article au P. Rainaldi , dans
la Biblioth. soc. Jesu, p. 246 P— bt.
RAL\SSANT(Oo!ii Jean-Firmin)
naquit en 1596 à Siiippe, village de
Champagne, et des l'âge de seize ans
embrassa la règle de Saint-Benoît, à
Verdun, dans le monastère de Saint-
Vanne, siège de la célèbre congréga-
tion de ce nom , que venait d'y éta-
blir Didier de Lacour {voy. Lacour ,
XXIII, 62). Le jeune religieux se fit
remarquer par sa piété, par ses pro-
grès dans les études, et ne tarda pas
à être appelé aux premiers emplois de
l'ordre. En 1630, le cardinal de Ri-
chelieu, devenu abbé de Cluny, vou-
lut y introduire la réforme, et de-
manda pour l'effectuer plusieurs su-
jets aux pères de Saint- Vanne, qui en
envoyèrent dix-huit, au nombre des-
quels était Dom Rainssant. Le cardi-
nal ne s'en tint pas là : il unit par un
concordat l'ordre de Cluny à la con-
grégation de Saint -Maur, fondée
sur les mêmes bases que celle de
Saiut-Vanne Mais, en 1644, la réu-
nion de Cluny et de Saint-Maur cessa:
et D. Rainssant, préférant cette der-
nière congrégation , obtint «lu pape
un bref de translation , tant pour
lui que pour sA confrères, qui étaient
venus de Saint- Vanne à Ciuny. Dans
ces diverses positions, il fut suc-
cessivement investi de hautes di-
gnités monastiqaes. Prieur de Saint-
Gerniain-des-Prés, à Paris, en 1615,
il était déQniteur au chapitre de
1648, où il se démit de la supériorité.
On le nomma plus tard visiteur de
Bretagne^ mais, pendant qu'il s'ac-
quittait de cette fonction , il tomba
de cheval , se cassa une jambe , et
mourut des suites de cet accident, le
8 novembre 1651, au couvent de Le-
hon, près Dinan. On a de lui : 1.
Lettre adressée à 7nonseigneur le
prince François de Lorraine^ évéqw
288
RÂI
tt comte de Verdun^ prince du Saint-
Empire , pour l'éclaircissement du
différend mu entre les RR. pères Bé-
nédictins de la congrégation de Saint-
Vanne et de Saint-Hidulphe, 1630,
in-S". Il s'agissait de savoir si les
supérieurs, après cinq années d'exer-
cice, pouvaient être réélus immé-
diatement. L'affaire, portée d'abord à
Rome, fut renvoyée par le pape à l'é-
véque de Verdun. Dom Rainssant
était alors prieur de Saint-Vanne,
et quoiqu'il expose, dans cette lettre,
les raisons des deux partis, on voit
qu'il penche pour la réélection ; c'est
aussi dans ce sens que prononça le
prélat, dont le jugement fut confirmé
au parlement de Paris. II. Les mer-
veilles de Notre-Dame de Bethléem
en l'abbaye deFerrières en Gâlinois,
Paris, 1635, in-24, que l'auteur pu-
blia pendant qu'il était prieur de Fer-
rières, 111. Méditations pour tous les
jours de l'année, tirées des évangiles
qui se lisent à la messe, et pour les
principales fêtes des Saints, avec
leurs octaves, Paris, 1633, in-Vl-,
ibid., 1647, 1679 (édition corrigée et
miseen meilleur français par Bulteau,
voy. ce nom , VI , 262) ; 1683, 1699,
in-40. D. Tassin a consacré un article
à Rainssant dans VHistoire littérai-
re de la congrégation de Saint-
Maur, page 58-61. — Rainssant,
religieux minime, probablement de
la même famille que le précédent,
était né à Reims , et acquit beaucoup
de réputation par ses talents pour la
chaire. Il prêcha en France , en Lor-
raine, dans les Pays-Bas, et mourut à
Nancy, le 16 mars 1639, après soixan-
te ans de profession. P— rt.
RAISSON ( François- Étiennk-
Jacques), né en 1760, à Paris, était
fils d'un limonadier, mais ne le fut
pas lui-même, comme on l'a dit.
Après .ivoir fait d'assez bonnes étu-
KAl
des et montré quelque intelligence,
il fut nommé par le prince de Con-
dé sous-secrétaire de ses comman-
dements, et il le suivit en cette qua-
lité aux États de Bourgogne. Cette
faveur, alors très -grande, n'empê-
cha pas le jeune Raisson de se décla-
rer un des plus chauds partisans de
la révolution, dès qu'il la vit écla-
ter en 1789, ce qui le fit nommer
successivement électeur^ secrétaire-
général del'administration du dépar-
tement, dirt'cteur de la fabrication
des assignats, .idministraleur-géné-
ral des subsistances, et enfin chef de
division au ministère de la police. Ou
conçoit qu'à une pareille époque
tant et de si hauts emplois ne pu-
rent être obtenus que par d'activés
intrigues et une grande exaltation.
L'un des fondateurs du club des Ja-
cobins, Raisson en devint le secré-
taire, et il y fixa souvent les regards
par les pétitions hardies qu'il pré-
senta à la Convention, au nom de
cette société, qui ne craignait pas de
braver les représentants et même
d'exercer sur eux une surveillance
très-audacieuse. Raisson alla un jour
jusqu'à accuser le député Osselin et
tout le comité de sûreté générale
pour la mise en liberté de trente-
quatre suspects, au nombre desquels
était Bonne-Carrère. Après le 9 ther-
midor même, il fit demander la réin-
carcération d'autres suspects qu'on
avait osé relâcher, et fut un des dé-
fenseurs les plus intrépides du ja-
cobinisme expirant. Enfin, poursui-
vi par cette réaction post-thennido-
rienne qu'il avait si vivement com-
battue, il fut arrêté le 12 germi-
nal ( l^"^ avril 1795), et détenu quel-
que temps au château de Ham. Relâ-
ché avant le 13 vendémiaire (ô oct.
1795), ou le vit reparaître, dès la fin
du même mois, au Palai.s-Royal , et
RAI
se concerter avec Chrétien , ex-juré
du tribunal re'volutionnaire pour ré-
tablir les sociétés populaires. Cepen-
dant son zèle démagogique se re-
froidit. Nommé électeur eu 1798, il
se montra beaucoup plus terrifié
que terroriste, bien qu'il fît par-
tie de la fraction de l'assemblée élec-
torale opposée au Directoire. Il pu-
blia même une lettre où il conju-
rait ses collègues de s-icrifier leurs
prétentions au bien de la paix et de
la tranquillité. Envoyé, en 1799, en
mission à Turin , il fut accusé dans
le Dictionnaire des Jacobins ri-
can^v, d'y avoir suivi les traces de
Rapinat et autres; ce qui paraît dé-
nué de fondement, puisqu'il fut obli-
gé, à son retour, de solliciter un em-
ploi dans les bureaux du gouverne-
ment, pour faire exister sa famille, et
que, n'ayant pu l'obtenir, il vécut
long-temps des secours de r'^s amis.
Suivant le même Dictionnaire des
Jacobins, que nous avons cité. Rais-
son aurait fait à sa section en 1794, la
proposition de se défaire des gens inu-
tiles^ c'est-à-dire de les égorger, afin
de pouvoir nourrir les sans-culottes.
Nous avons peine à croire à un tel
délire, bien qu'il ne soit que trop
vrai qu'un pareil projet entra réel-
lement, à cette époque, dans la tête
de quelques insensés et que déjà
plusieurs maisons, où se trouvaient
des vieillards inutiles, furent mar-
quées à la craie pour son exécu-
tion ; mais nous ne voyons pas que
Raisson y ait figuré. Nommé par le
crédit de Merlin de Douai, son an-
cien ami, rédacteur au bureau par-
ticulier du ministère de la police, il
exerça cette place pendant plusieurs
années. La Restauration ne lui fut pas
trop contraire. Retiré à Sens depuis
1820, il y vécut paisiblement, dans
une modeste aisance, et mourut le
IXXVllI.
RAM
?89
24 avril 1835. —M. Horace Raisson,
son fils, s'est fait connaître par quel-
ques pièces de théâtre jouées à l'O-
déon, des romans, une Histoire po-
pulaire de la Révolution, et d'autres
écrits. M— Dj.
RAMBOUILLET (Charles d'An-
CENSES, cardinal de), naquit le 30
oct. 1530. Il fut nommé à l'ëvêché
du Mans en 1559 par Charles IX, à
la recommandation de Catherine de
Médicis. Envoyé comme ambassa fleur
auprès du pape Pie V, il fut fait car-
dinal en 1570, siégea au concile de
Trente et assista aux deux conclaves
dans lesquels furent nommés les pa-
pes Grégoire XIII et Sixte V. Il
mourut à Corneto le 23 mars 1587 ;
et y fut enterré dans l'église des cor-
deliers observantins, où s'est long-
temps vue son épitaphe. La ville du
Mans ayant été prise par les religion-
naires durant son épiscopat, la cathé-
drale en fut saccagée, et il contribua
puissamment à sa restauration. —
Rambouillet (Nicolas d'Angennet,
seigneur de), vidame du Mans, etc.,
frère du précédent, lieutenant-géné-
ral des armées de Charles IX et de
Henri III, fut envoyé en Angleterre en
1566 comme ambassadeur extraordi-
naire, pour y porter le cordon des or-
dres à deux seigneurs anglais, au choix
de la reine Elisabeth. Il fut gouver-
neur de Metz et chambellan du roi.
Envoyé en Pologne comme vice-roi,
en attendant l'arrivée de Henri III,
il montra un grand désintéressement,
car ayant fait des économies assez
importantes il les remit au roi, qui re-
fusa de les recevoir, en lui disant qu'il
en aurait bon besoin dans ce pays.
Il mourut au commencement du rè-
gne de Louis XIll. M— É.
RAMBOUILLET (Catherine de
VivoNNE, marquise de), née à Rome
19
290
RAM
vers 1588, était fille de Jean de Vi-
vonne, marquis de Pisani, habile né-
gociateur sous Henri III et Henri IV,
et, de Julie Savelli, dame romaine.
C'est une des personnes qui contri-
buèrent le plus à former en France
cette société polie, dont les manières
nobles et délicates, répandues peu à
peu dans les diverses cours de l'Eu-
rope, donnèrent naissance à cette
politesse recherchée, devenue l'ex-
pression et l'usage de la bonne com-
pagnie. Mariée dès l'âge de douze
ans, elle fut l'un des ornements de la
cour de Henri IV; mais, peu jalouse
d'honneurs trop chèrement achetés,
à peine avait-elle vingt ans, qu'elle re-
nonça d'elle-même à paraître dans les
assemblées de la reine-mère. Une mul-
titude de personnages illustres et
d'hommes célèbres dans les lettres
se réunissaient chez elle, et on peut
dire avec vérité qu'elle se relira de la
cour pour en présider une autre que
ses manières remplies de grâce et d'a-
ménité et son mérite extraordinaire
attiraient dans ses salons. L'honneur
d'y être admis était vivement ambi-
tionné ; on y voyait des femmes d'une
haute naissance , des princes et des
seigneurs français et étrangers, des
écrivains et des poètes, des cardinaux
et des prélats, et elle animait par son
esprit toute cette belle société avec
une dignité qui donnait à son cercle
une véritable puissance morale. La
marquise n'était pas seulement re-
marquable par cette disposition émi-
nemment sociale qui la faisait re-
chercher de tous les gens distingués;
elle portait à la perfection tout ce
dont elle s'occupait, et elle n'était
étrangère à aucune chose. Elle ju-
geait avec autant de goût les bien-
séances du monde que les produc-
tions des arts et de l'esprit. Ce fut
elle qui dirigea les travaux de son
RAM
hôtel, et elle inventa ces distributions
grandioses qui transforment les ap-
partements destinés aux réceptions
en une belle suite de galeries et de
salons, à tel point que Marie de Mé-
dicis, faisant construire le palais du
Luxembourg , donna l'ordre à ses
architectes d'aller étudier l'hôtel de
Rambouillet et d'en examiner avec
soin les dispositions intérieures. Elle
venait de le faire élever sur le terrain
de l'hôtel Pisani, près des anciens
Quinze- Vingts, où ont été depuis la
rue de Chartres et le Vaudeville. Elle
avait vu des alcôves en Espagne, et
elle fut la première à en introduire
l'usage en France 5 elle amena aussi
d'autres changements : aux couleurs
monotones derouge et detanné(^em7ie
morte), dont les chambres étaient
alors presque exclusivement déco-
rées , elle substitua l'emploi de cou-
leurs variées; de là vint cette célèbre
chambre bleue, éclairée sur des jar-
dins par de hautes fenêtres, et ce joli
cabinet, dit /a logedeZyrphée, chanté
par Chapelain et Voiture. A en croire
ces prophètes en Apollon, la divine
Arthénice^ comme l'appelèrent Racan
et Malherbe, préservée de l'injure des
ans, devait y vivre jusqu'à la postérité
la plus reculée; mais c'étaient pro-
messes de poètes et flatteries de Par-
nasse, dont la sage marquise ne se lais-
sait pas enivrer. Sa raison toujours
ferme mettait les choses à leur vé-
ritable valeur. Elle recevait Voi-
ture avec bonté, sans l'aimer; son af-
féterie et sa galanterie outrée, qui dé-
générait souvent en dévergondage ,
trouvaient diflicilement grâce devant
cette noble personne. Une des princi-
pales qualités de madame de Ram-
bouillet fut la bienveillance. «Ja-
« mais, dit Tallemant des Réauz, il
« n'y a eu une meilleure amie. » Il
en rapporte un exemple qui mérite d'ê-
RAM
trecité. Arnauld d'Âcdilly «qui faisait
- le professeur en amitié', » voulut lui
donner des leçons d'une science que
l'esprit n'enseigne pas au cœur; mais
la marquise, ennuyée de ses longs
discours : • Si je savais, lui dit-elle,
« qu'il y eût un fort honnête homme
• aux Indes, sans le connaître autre-
• ment, je tâcherais de faire pour lui
• tout ce qui serait à son avantage. »
- «Vous en savez jusque là ! s'e'cria
. d'Andilly ; je n'ai plus rien à vous
- montrer (1). » Elle aimait à sur-
prendre agréablement ses amis. Me -
nant un jour Cospean, évéque de
Lisieux, promener dans une partie
isolée du parc de Rambouillet, elle
se dirige vers un vieux rocher qu'on
appelait le Cheval- griffon , ou la
Marmite de Rabelais (2); le bon
ëvêque apercevait de loin des feux
qui brillaient, et au travers du feuil-
lage il vit en s'approchant des fem-
mes parées eu nymphes qui trans-
formaient celte partie du parc eu
une véritable décoration d'opéra.
C'étaient trois demoiselles de Ram-
bouillet, parmi lesquelles brillait
Julie d'Angennes, vêtue en Diane;
c'était M"* Paulel, cette fille aima-
ble et spirituelle, amie de Voiture,
qui l'appelait la Lionne, à cause de
ses cheveux d'un blond ardent ; c'é-
tait enfin toute la société du noble
château, reproduisant une scène poé-
tique de la mythologie antique. La
marquise u'a laissé aucun ouvrage;
on a seulement d'elle quelques let-
tres agréablement écrites, recueillies
par Cunrart, et un joli madrigal sur la
fontaine jaillissante de M"* de Mont-
pensier dont lejardia était situé dans
une partie de la cour des Tuileries;
(i) Historiettes de Talltmant des Recuit,
Paii$,i84o, 2* édit., t. III, p. il5.
(a)/6id..p. aiû.
KAM
991
mais si madame de Rambouillet a peu
écrit, elle n'en a pas moins contri-
bué à nous faire connaître son siècle.
C'est d'elle que Taliemant tenait la
plupart des anecdotes qu'il a racon-
tées sur l'ancienne cour de Henri IV
et sur celle de Louis XHI. Elle aimait
la conversation de des Réaux , et elle
se plaisait à lui apprendre les teuips
passés. • C'est d'elle, dit le spirituel
• chroniqueur, que je tiens la plus
« grande et la meilleure partie de
• ce que j'ai écrit et de ce que j'écri-
• rai...(3)> Malheureusement, enclin
à la médisance, des Ré^mx nes'est pas
contenté de puiser à une source aussi
pure; il a trop souvent souillé ses
mémoires d'anecdotes qu'il aurait dû
taire et que la vertueuse Arthénice
ne lui aurait pas confiées; mais ses
rapports fréquents avec cette dame
illustre n'eu donneut pas moins une
sanction à des parties importantes de
ses mémoires. Madame de Rambouil-
let eut la douleur de perdre, eu 1645,
le marquis de Pisani, son fils unique ,
tué à la bataille de Nordlingen, et
cl!e mourut en 1665, ne laissant que
des filles, dont Julie d'Angennes, du-
chesse de Montausier, a été la plus
célèbre (voy. Montausieb, XXIX,
460). Deux ont eu des abbayes; deux
autres, M"« de Rambouillet et M™« de
Grignan (première femme), quoique
véritables précieuses, ont été souvent
confondues avec les ridicules, si bien
stigmatisées par Molière. — Charles
d'Angennes.marquis de Rambouillet,
fils de Nicolas qui précède, était un
gentilhomme plein de grâce et de
distinction. Chevalier des ordres du
roi en 1619 ei grand-maître de sa
garderobe, il fut, en 1627, auibas-
sadeur en Espagne el eu Piémont; il
.3) Ibid., p. •>33.
19.
293
RAM
secondait noblement sa femme dans
les réceptions qu'elle faisait à son
hOtel. Il composa pour sa fille quel-
ques jolis madrigaux insére's dans la
Guirlande de Julie. H mourut à Pa-
ris, le 6 février 1652, à l'âge de
soixante-quinze ans. M— É.
RAMECOURT. Voy. Fourcroy,
XV, 371.
RAMEL de Nogaret (Jacques),
minis're des finances de la républi-
que française, remplissait avant la
révolution les fonctions d'avocat du
roi à Carcassone, et devait ainsi son
appui au pouvoir de l'ancienne mo-
narchie. Il s'en montra cependant un
des plus chauds adversaires, et fut en
conséquence nommé député du tiers-
état de la sénéchaussée de Carcas-
sonne aux États-Généraux de 1789,
ou il siégea dès le commencement
avec la majorité révolutionnaire. Doué
de peu d'éloquence, il parut rare-
ment à la tribune, mais il travailla
beaucoup dans les comités, et fut con-
sidéré comme l'un des meilleurs fi-
nanciers de l'époque. Admirateur
zélé de l'administration provinciale,
surtout de celle du Languedoc, qu'il
avait été personnellement à même
d'apprécier, il craignit que le chan-
gement de provinces en départe-
ments ne fût nuisible, et il s'opposa
vivement, mais sans succès, à une
nouvelle division de la France. Chargé
d'une mission sur les côtes de Bre-
tagne, où quelques troubles avaient
éclaté dans le mois de juin 1791, à
l'occasion de la fuite de Louis XVI,
il y rétablit l'ordre, et revint aus-
sitôt à l'assemblée, dont il fut nom-
mé secrétaire. Après la session, Ra-
mel se retira dans le département
de l'Aude, et il y fut élu en sept.
1792 député à la Convention, où il
siégea encore avec les partisans de
la révolution. Dan» le procès de
RAM
Louis XVI, il s'exprima ainsi sur les
différentes questions : Sur l'appel
au peuple : «Je voterai la mort,
« mais je veux que la nation sanc-
• tionne ce jugement; ainsi je dis
• oui; » Sur la peine : • Louis est
« convaincu de conspiration contre
« la liberté. Dans tous les temps un
« pareil crime mérite la mort; je la
« prononce. • Il rejeta ensuite le sur-
sis. Du reste, ainsi qu'à la première
assemblée, Ramel ne parut dans celle-
là que rarement à la tribune, et il ne
s'y occupa encore dans les comités que
de finances et d'administration ; prit
beaucoup de part à la vente des biens
naiionaux, à la création des assignats
et à la répartition des impôts. Moins
verbeux et plus habile que Cambon,
il eut sur les finances une influence
moins funeste, et, quoique faible et
timide, il osa quelquefois s'opposer à
des mesures désastreuses, comme le
maximum, la confiscation et la ban-
queroute; mais sa faiblesse était telle
que jamais il ne fit triompher ses
opinions. Ayant conçu le louable
projet de mettre un terme aux in-
nombrables arrestations qui se fai-
saient alors par ordre de tous les
pouvoirs, il proposa, au nom du co-
mité de salut public dont il était
membre, de former une commission
paternelle de magistrats et d'admi-
nistrateurs qui statuât définitive-
ment sur la justice et la régularité
de ces arrestations. Mais on conçoit
qu'à cette époque rien de pareil ne
devait être admis. Plusieurs orateurs,
notamment Thuriot et Jean -Bon
Saint-André, parlèrent contre cette
proposition; et, loin d'obtenir cequ'en
attendait sans doute Ramel, elle don-
na lieu peu de temps après à la créa-
tion des horribles comités révolution-
naires. Ce fut encore lui qui, au nom
de la commission des finances, fit,
RAM
àans la sëâDce du 19 août 1793, le
rapport du fameux emprunt forcé
d'un milliard, dont le principal but,
dit-il, était de relever le crédit des
assignats. Homme d'ordre , mais
sans pitié, sans entrailles quand il
s'agissait du lise, il n'hésita pas à dé-
noncer Fabred'Églantine pour la fal-
sification d'un décret sur la compagnie
des Indes, et il concourut ainsi évi-
demment à pousser sur i'échafaud son
compatriote et son collègue, qui du
reste était peu digne d'intérêt {voy.
Fabred'Églamine, XIV, 23). Envoyé
en Hollande dans les premiers mois de
1795, au moment où Pichegru venait
d'envahir cette contrée, Ramel écri-
vitplusieurs foisà laConvention,pour
lui rendre compte des succès de l'ar-
mée, el il revint à Paris vers la fin de
la session. Entré au conseil des Cinq-
Cents par le décret qui y introduisit
les deux tiers des conventionnels, il
s'occupa encore beaucoup, dans cette
assemblée, de finances et de contribu-
tions. Peu de temps après son instal-
lation, le Directoire exécutif le nom-
ma ministre des finances. C'était, il
faut en convenir, une tâche bien dif-
ficile alors que d'administrer les fi-
nances de la république! Après deux
ou trois banqueroutes simultanées et
surtout l'anéantissement absolu des
assignais, lecréJil public avait com-
plètement disparu. Le système des
spoliations et des emprunts forcés
n'était plus possible, et il n'y avait
pas moyen, comme au temps de Ba-
rère.de battre monnaie sur lesécha-
fauds. Cependant il fallait faire face
à des dépenses à peu près les mêmes,
car la guerre n'était pas moins vive
ni les armées moins nombreuses;
et c'était avec des valeurs réelles que
désormais il fallait tout payer. Ramel
se tira assez habilement de si gran-
des difficultés. 11 y eut, il faut le re-
RAM
293
connaître, contre lui, selon l'usage du
temps, quelques clameurs, quelques
dénonciations, notamment de la part
de Thibaudeau, de Genissieux et
d'autres, qui l'accusèrent de concus-
sions, d'intelligence avec les four-
nisseurs, etc. Ces plaintes furent ré-
pétées avec beaucoup d'aigreur par
les journaux de l'opposition démo-
cratique, surtout par celui des Hom-
mes libres, que rédigeaient Anlo-
nelle et Duvul; mais tout ce bruit
ne produisit aucun effet réel, et Ramel
resta ministre. Ce ne fut qu'un mois
après la révolution directoriale du 30
prairial (18 juin 1799), qu'il donna
sa démission, et fut remplacé par Ro-
bert Lindet. Ramel avait établi le sys-
tème des contributions sur des bases
de répartition aussi égales qu'elles
pouvaient Têtreavant le cadastre dont
il eut la première idée, et il avait
pourvu à toutes les dépenses sans
grever l'État d'une immense dette
comme on l'a fait depuis; enfin pen-
dant son administration la vente des
biens nationaux avait du moins pro-
duit quelque chose au fisc. Si tous les
désordres n'avaient pas disparu, on
ne peut nier qu'il n'eût opéré des
réformes utiles; et si un peu plus
tard on lui fit beaucoup de repro-
ches, on sait assez aujourd'hui que
la plupart de ces plaintes n'eurent
d'autre but que de faire ressorlir le
mérite de ceux qui lui succédèrent,
particulièrement de Gaudin, homme
fort estimable sans doute, mais dont
l'habileté financière nous paraît bien
inférieure à celle de Ramel. Dès qu'il
eut cessé d'être ministre, ce dernier
se retira paisiblement dans sa famille,
jouissant d'une fortune as«ez médio-
cre, ce qui prouve au moins pour sa
probité. Il resta sans emploi pendant
toute la durée du gouvernement im-
périal. Ce ne fut qu'en 1815, après
294
RAM
le retour de l'île d'tlbe, que Bona-
parte le nomma préfet du Calvados.
Il perdit bientôt cet emploi par la
seconde chute de Napoléon, et fut
compris en 1816 dans la loi d'exil
contre les régicides. Alors il se réfu-
gia à Bruxelles, où, par une sorte de
prévoyance instinctive, il avait acheté
des propriétés au temps de sa splen-
deur. Il se fît inscrire au tableau des
avocats de cette ville, mais nous ne
pensons pas qu'il y ait jamais paru au
barreau. Il y mourut le 31 mars 1839.
Ramel de Nogaret avait publié : I. Des
finances de la république française,
1801, in-8o. II. Du change, du cours
des effets publics etde Vintérêt del'ar-
genty 1807, in-8"; seconde édition,
1810. III. Quelques autres Mémoires
de peu d'importance sur des questions
de finances. M — Dj.
RAMEL (Pierre), général et lé-
gislateur, frère aîné de celui qui fut
massacré à Toulouse en 1815 {voy.
Ramel, XXXVII, 35), naquit à Cahors
en 1761 .Voué à la carrière du barreau,
où son père s'était fait une assez bril-
lante réputation, il fut d'abord avocat,
puis procureur. Ayant embrassé la
cause delà révolution ainsi que toute
sa famille, il fut un des membres les
plus zélés des assemblées électorales
du Quercy, qui nommèrent les dépu-
tés aux États-Généraux de 17S9, ce
qui le fît appeler l'année suivante
aux fonctions de procureur-général-
syndic du département du Lot, puis à
celles (le député à l'assemblée législa-
tive. Celte élection, où il eut pour
concurrent le fameux Jean-Bon Saint-
André, appuyé par les démocrates, le
plaça dès lors sur la ligne des prin-
cipes modérés et constitutionnels. Il
siégea dès le commencement au côté
droit de l'assemblée, votant avec
les Vaublanc, les Pastoret , etc. Lié
particulièrement avec Lafayette, il
RAM
s'opposa fortement à sa mise en ac-
cusation. S'étant retiré dans son dé-
partement après la session, il s'y
trouva de nouveau en opposition avec
Jean-Bon Saint-André dans les élec-
tions pour la Convention nationale ;
mais cette fois ce fut son rival qui
triompha par des menaces, des in-
sultes, et en forçant les électeurs de
voter à haute voix. Alors Ramel entra
dans la carrière des armes, et fut
chargé, par le ministre Servan, d'or-
ganiser un corps de cavalerie à l'ar-
mée des Pyrénées, où son ami Péri-,
gnon, qui plus tard a été maréchal
de France, le seconda merveilleuse-
ment. S'étant distingué dans les pre-
miers combats contre les Espagnols,
son avancement fut rapide, et dès la
fin de 1793 il était général de brigade.
Mais la haine de Jean-Bon Saint-An-
dré le poursuivit encore dans cette
nouvelle position. Dénoncé par lui
comme un modéré ou comme un par-
tisan secret de la cause royaliste, il
fut arrêté sous les plus futiles pré-
textes, c'est-à-dire parce qu'un jour il
avait assisté à une bataille sans porter
les décorations de son grade, et qu'une
autre fois il avait forcé un officier à
quitter le bonnet rouge dont il res-
tait couvert sous les armes. C'était
en vain que les amis de Ramel lui
avaient conseillé de prendre la fuite.
Ayant été traduit à un conseil de
guerre, ce tribunal fut recomposé
jusqu'à trois fois, les premiers et les
seconds juges refusant de le condam-
ner. Quand les troisièmes eurent enfin
prononcé l'arrêt de mort, dans la
crainte du soulèvement des troupes
et des habitants de la frontière qui lui
portaient un vif intérêt, on entraîna
secrètement le malheureux dans un
lieu écarté, où il fut exécuté. Le Ué-
moire qu'il avait composé pour sa dé-
fense fut publié en 1794, et produisit
RAM
RAM
iU
une douloureuse impression. C'est un
monument honorable pour la victime
et, pour les bourreaux, une ûétris-
sure éternelle. — Un second frère de
Ramel, officier dans un régiment ir-
landais au service de France, périt
après le lOaoût 1792. ayant refusédese
soumettre aux conséquences de cette
révolution.— Un autre, ofGcier de ca-
valerie, fut tué à l'armée du Rhin en
1797, sous les murs de Kehl. M— Dj.
RAMMEL ( le baron de), diplo-
mate suédois, né en 1758, était l'aîné
d'une famille d'origine danoise, qui
devint suédoise quand Charles X eut
conquis la Scanie. Il reçut une éduca-
tion très-distinguée, entra dès sa jeu-
nesse dans la diplomatie, et résida pen-
dant plusieurs années à Madrid,comme
ministre de la cour de Suède. Rappelé
dans sa patrie pour remplir les fonc-
tions de chancelier de la cour, il fut
honoré d'une estime toute particu-
lière par le roi Gustave III, et appelé
en 1788 à son conseil, comme séna-
teur du royaume. Ce prince voulait
continuer de l'employer dans son con-
seil, après l'abolition du sénat, en
1789; mais Rammel, dont la santé de-
venait chancelante, demanda sa re-
traite. L'ayant obtenue, il vécut en
philosophe dans ses terres en Scanie,
consacrant fout son temps aux lettres.
11 jouit peu de ce repos. Après l'assas-
sinat de Gustave III, son fils Gustave-
Adolphe IV, qui, dès son enfance,
avait appris à l'estimer, le pressa vi-
vement de venir auprès de lui et de
l'aider de ses conseils, et il lui donna
le titre de gouverneur du prince
royal, son fils; mais lorsque le jeune
roi eut été k son tour dépossédé de la
couronne, le baron de Rammel dut
encore une fois s'éloigner de la cour.
Il rentra avec joie dans sa retraite,
où il passa le reste de sa vie livré à
l'étude, et mourut au mois de février
1824, vivement regretté. C'était un
des hommes de la Suède le plus ver-
sés dans les sciences historiques. Il
était membre de l'Académie de Stock-
holm et de plusieurs autres sociétés
savantes. Il avait rassemblé un grand
nombre de matériaux historiques, et
l'on pense même qu'il a laissé des ou-
vrages terminés ; mais on n'espère pas
qu'ils soient jamais imprimés. Z.
RAMMODOX-ROÉ (suivant les
Anglais Rammohu^-Rot), célèbre
brahme , le premier homme remar-
quable de sa caste qui se soit déclaré
pour la civilisation européenne, na-
quit en 1774 dans le district de Bor-
douan , où son père Ram-Kanth-Roé
possédait des propriétés considéra-
bles. Tant de ce côté que de celui de
sa mère, il comptait des ancêtres illus-
tres.Son grand-père avait long temps
rempli des fonctions élevées au ser-
vice des monarques mongols ; mais,
soit disgrâce, soit lassitude, il s'était
retiré dans les vastes propriétés qu'il
possédait aux environs de Bor-
douan. Ram-Kanth, à son tour, suivit
la carrière des emplois à la cour de
divers princes musulmans; et natu-
rellement il destinait son fils au même
rôle. Dans cette vue il apporta un
soin tout particulier à son éducation,
et lui fit surtout apprendre l'arabe
et le persan, langues indispensables
à qui voulait entrer dans la carrière
politique à la cour des princes ma-
hométans de l'Inde ; puis de Patnah.
où le jeune Rammohon-Roé avait été
s'initier à l'étude de l'arabe, il l'en-
voya aux écoles de Benarès, la ville
sainte, où il apprit le sanskrit. Dès
l'âge de seize ans, s'il faut l'en croire,
Rammohon avait écrit un ouvrage sur
le peu de valeur des idolâtries hin-
doues. Ce précoce usage du raison-
nement lui fut peut-être inspiré par
le livre dans lequel il étudia l'arabe.
296
|RAM
car c'était une traduction d'Aristote.
Quoi qu'il en soit , et bien que son
ouvrage n'eût point été publié, il passa
parmi les siens pour un adorateur peu
fervent des divinités de ses pères; et
Ram-Kanth, que souvent il pressait
d'interrogations sur les légendes de
Brahmâ, de Siva, de Vichnou, sur la
pluralité de ces objets des hommages
publics, sur les formes tantôt bizarres,
tantôt obscènes du culte, sur le moyen
de concilier les contradictions de tant
de systèmes différents, était la plupart
du temps fort embarrassé pour ré-
pondre. Soit désir d'examiner une
autre forme de culte , soit aussi que
le bouddhisme tibétain eût aux yeux
de certains brahmes quelque chose
de respectable par son origine hin-
doue , le jeune Rammohon-Roé se
rendit bientôt après à Lahsa , moins
certes afin d'y voir le Dalaï-Lama et
son haut clergé qu'afin d'étudier sur
les lieux mêmes toutes les particula-
rités de la doctrine bouddhique. Il
passa ainsi trois ans dans la ca-
pitale du Tibet. Fort agréable de sa
personne, et fort bien accueilli, à ce
qu'il paraît des femmes qu'il eut l'oc-
casion de voir en cette contrée, il con-
tracta dès cette époque l'habitude de
cette politesse exquise et fine que
plus tard les Européennes remarquè-
rent en lui. Quant aux hommes, il
rencontra chez eux moins de sympa-
thie.Ses objections, ses interrogations
décelaient sans doute un fond d'incré-
dulité très-peu de nature à céder; et
plus il voyait, moins il se sentait dis-
posé à croire qu'un homme qui passe
ses hivers à Lahsa, ses élés à Botsala,
soit l'incarnation du créateur et con-
servateur de l'univers. Agé de dix-
neuf ans, il reprit la route de l'Inde,
Sans doute si cette excursion au Ti-
bet, k la ville sainte du bouddhisme,
au grand centre des Lamas , ne don-
KAM
nait pas comme un vernis de sainteté,
au moins c'était comme l'analogue de
nos hautes études après les études de
collège, comme la fréquentation des
facultés au sortir des classes; car, à
son retour, Ram-Kanth envoya au-
devant de lui et le reçut avec cette
nuance de considération qui indique
que le père commence à regarder son
fils comme son égal et comme pou-
vant voler de ses propres ailes. Ce-
pendant on ne voit pas qu'à cette
époque ait commencé pour lui la car-
rière des emplois. Au contraire il
continua de se livrer plus ardemment
à l'étude de l'antique langue sacrée de
l'Inde : les Védas, les Védanlas, leurs
commentaires furent pour lui l'objet
d'investigations profondes. Mais
comme la méditation de la Bible
éloigna Luther de plusieurs des doc-
trines de l'Église, de même, en ex-
plorant les Védas, Rammohon crut y
rencontrer des arguments contre ce
qu'était devenue la religion védique
en Inde. Sans avoir, sans pouvoir ex-
primer sur ce point des opinions tou-
tes formulées, il allait cherchant, in-
terrogeant , ne se déclarant pas im-
médiatement satisfait des solutions,
apercevant et signalant des contra-
dictions,en un mot cherchant la vérité,
mais ne prenant pas tout grand mot
ou tout beau mot pour elle. D'autre
part les dominations musulmanes
dans l'Inde étaient désormais en
ruine : l'instant était proche où Tip-
pou allait engager sa dernière lutte
avec l'Europe , représentée par la
Grande-Bretagne. La langue anglaise
devenait nécessaire à quiconque pré-
tendait jouer un rôle politique, même
au service des princes mahoniélans ou
indigènes. Rammohon, â^é de vingt-
deux ans,se mit à cette étude nouvel le,
que toutefois il ne poussa point avec
cette vivacité qu'il apportait à d'au-
RAM
très travaux, car au bout de cinq ans,
s'il était capable de s'entretenir tolé-
rablement sur des sujets familiers, il
ue pouvait encore ni écrire avec cor-
rection, ni comprendre les matières
relevées eu la poésie. 11 fawt dire qu'il
était parti d'un fonds de haine mar-
quccontreladomination britannique,
qu'il regardait comme oppressive et
ruineuse, et que dès lors il ne devait
que peu à peu prendre du goût pour
l'idiome des vainqueurs. Il finit ce-
pendant par se passionner véritable-
ment pour celte langue si inférieure
en richesse, en ampleur, en mélodie
et en flexibilité à la langue des Védas
et inème aux dialectes sortis de cette
source; et par la persévérance des
études, par la conversation, par une
active correspondance il parvint à la
parler et à l'écrire comme un gentle-
man de Regent-Sireet. Mais en 1799,
époque à laquelle nous sommes arri-
vés, il était encore bien loin de là.
C'est vers ce temps qu'il fut revêtu de
l'emploi de devan, un des principaux
offices de finance qui soient confiés
aux indigènes; et dans ce poste élevé
il fut en rapport avec nombre d'An-
glais, ses subordonnés et quelques-
uns ses supérieurs. Il n'occupait celte
position que depuis peu quand son
père mourut en 1803 (1210 de l'ère
du Beugale). Cet événement faillit lui
être funeste. Son père, malgré les
précautions dont Rammohon enve-
loppait, pour les adoucir, ses objec-
tions à la Trimourli et à la pluralité
des déités hindoues, l'avait déshérité
comme déserteur de la foi de ses an-
cêtres. Quelques années après cepen-
dant le jeune brahme é'ait possesseur
de propriétés considérables; et comme
le chiffre en était trop haut pour
qu'on pût y voir le fruit de ses écono-
mies, il est croyable ou que les dis-
positions du testateur ne furent point
RAM
297
exécutées, ou bien que, par la mort de
ses frères, il fut mis en possession
des richesses dont l'exhérédation l'a-
vait frustré.II ne tarda point à s'éloi-
gner de Bordouan pour aller résider à
Mourchedabad , jadis séjour de son
aïeul. C'est 1^ qu'il commença ses pu-
blications philosophiques ou théoio-
giques. Elles lui coûtèrent non-seule-
ment des veilles et des recherches,
mais aussi beaucoup d'argent. Il en
avait, mais il faut lui renlre cette
justice qu'il sut le sacrifier généreuse-
ment pour ce qu'il regardait comme
l'avantage de sa patrie et de la civi-
lisation. En effet, il répandait gra-
tuitement bon nombre d'exemplaires
de ce qu'il publiait. Son premier ou-
vrage fut écrit en persan sous ce titre :
Contre Vidnlâlrie de toutes les re-
ligions. Peut-être n'était-ce que cet
essai de son adolescence relatif aux
systèmes idolâtriques des Hindous;
peut-être, et celte hypothèse est la
plus probable, était-ce un remanie-
ment, une généralisation. Personne
alors, ni brahme ni autre, n'entreprit
de le réfuter, mais si les antagonistes
manquèrent au livre, les ennemis ne
manquèrent point à l'auteur. Il avait
prissoin pourtant de ne passe déclarer
contre les bases du système indien :
il posait en principe l'origine divine
des Védas et l'infaillibilité des saints
volimies; mais il soutenait que la doc-
trine de ces livres vénérés n'était
pas ce que l'on donnait présentement
comme extrait de cette source; il
s'attachait à dégager des replis de
l'expression védique, et surtout des
Pouranas et des autres commentaires
de haute antiquité, ce qu'il croyait
les dogmes primitifs de la religion.
Cettecirconspeclion, dont la sincérité
ne semble pas manifeste, et qui peut
avoir été pour Rammohon un moyen
afin de ne pas tomber dans un des
298
RAM
cas qui exposent un hindou h perdre
ses droits civils, ses biens, etc., ne fit
pas prendre le change aux fervents
adorateurs de Mahade'va. Abreuvé de
dégoûts et peut-être environné de pé-
rils, il eut beau s'attachera distinguer
entre l'idolâtrie etlareligion, s'élever
contre la première parut une aposta-
sie : on le traita, malgré ses richesses
et son savoir, comme un renégat 5 ses
parents même le voyaient avec défiance
et répulsion ; sa mère pleurait sur lui.
Cette excellente femme qui n'avait pas
un mot à répondre aux raisons, aux ci-
tations par lesquelles son fils préten-
dait lui prouver que le monothéisme
est dans les Védas, que le polythéisme
n'y est point, finit-elle véritablement
par adopter les sentiments de Ram-
mohon? On l'a dit ; le fait pourtant
est qu'elle mourut balayeuse dans la
pagode de Djagrenat, humble office
auquel elle s'était dévouée afin de ter-
miner sa vie dans la pénitence. Fina-
lement Rammohon-Roé jugea pru-
dent de faire ses adieux à Mourched-
abad et d'aller se fixer à Calcutta, où
il acheta dans le Circular-Read, à un
des bouts de la ville, une belle maison
à l'européenne avec jardin (1814).
C'est là, c'est au milieu de cette
énorme capitale de l'empire britan-
nique dans l'Inde qu'il acheva de se
rompre aux mystères de l'anglais.Il y
apprit aussi l'hébreu , le grec et les
principes du latin, du portugais et
du français. Calcutta ressemble un
peu à une Babel, et il est assez naturel
qu'en cette cité polyglotte se forment
des polyglottes. L'opulence de Ram-
mohon, sa vaste érudition, cette po-
sition hybride en quelque sorte, tout
attira les yeux sur lui. Il fitécole; et,à
partir de 1818, il se trouva au milieu
d'un groupe d'adeptes qui , au dire de
quelques brahmcs, était inorthodoxe
et incrédule, mais qui en réalité ado-
RAM
rait un Dieu unique, Parabrahmâ ou
Brahm, et qui prétendait démontrer
son monothéisme par les livres sa-
crés et par l'abrégé qu'en avait donné
Vyasa, sous le titre de Védanta. Déjà
nous avons comparé Rammohon à
Luther. Un nouveau point de simili-
tude se présente ici. La langue san-
skrite voilait en quelque sorte les
principes du dogme hindou formulés
dans les Védantas : il imagina d'en
donner une traduction en deux lan-
gues vivantes , toutes deux très-ré-
pandues dans l'Inde, le bengali et
l'hindoustani ; puis dans les deux
mêmes idiomes encore il publia un
abrégé des Védantas, et cet abrégé il
le traduisit en anglais, Calcutta, 1816;
2« éd., Londres, 1817. Il entreprit en-
core de faire paraître par fascicules
un choix de chapitres du Véda qui
proclameraient l'unité de l'Être-su-
prême; et, dès cette même année
1816, il publia, en bengali et en an-
glais, une traduction du Kena Ou-
panichad^ un des chapitres du Sama-
Véda, double traduction qui fut re-
produite à Londres en tête de la
réimpression de son abrégé du Vé-
danta. Cette attitude, plus nette de
jour en jour, que prenait le fils de
Ram-Kanth, était à coup sûr aussi
hardie que philosophique, si l'on
pense au peu d'habitude qu'ont les
Hindous de la critique historique; et
plus bas nous verrons qu'il y a un côté
plausible et même vrai dans ce que
proclamait Rammohon-Roé. D'autre
part, bien que le faux s'y trouve mêlé,
il nous semble qu'on ne saurait le
soupçonner d'avoir été le moins du
monde l'instrument de l'Angleterre
dans cette expression d'un système
qui tv-nd à supprimer l'idolâtrie. Non-
seulement le gouvernement anglais
s'est constamment montré peu dési-
reux de convertir les Hindous pt
RAM
n'est guère plus travaillé de l'ardeur
du prosélytisme que ne l'était Ponce-
Pilate en son temps , mais encore il
est aisé d'apercevoir chez Rammo-
hon-Roé,à partir de son adolescence,
une évolution de plus en plus nette
de l'idée que plus tard il devait pro-
duire sous une formule tranchée ; et
d'ailleurs ce n'est point au profit et à
la gloire du christianisme qu'il tra-
vaillait. Pendant long-temps ce fut à
l'islamisme qu'il accorda la préférence
sur la religion de ses compatriotes
telle qu'elle existait dans la réalité;
et lorsque, mieux instruit de la théo-
logie et de la morale chrétiennes, il
sentit et proclama la beauté de cette
dernière, il lui donna formellement
son adhésion. Quant au reste, il écrivit
que les miracles dont les Évangiles
présentent l'histoire sont controver-
sables, et en tout cas le cèdent à ceux
que les Hindous racontent de leurs
dieux. En un mot s'il fût devenu
chrétien, il aurait appartenu à quel-
que secte d'Unitaires, et nous ne sa-
vons pas même si au socinianisme il
n'eût pas joint l'arianisme. Évidem-
ment ce n'est là être chrétien que de
nom. Cependant, lorsque par l'inter-
médiaire de D'Acosta, éditeur du
Journal de Calcutta, qui, envoya
en 18t8 à l'abbé Grégoire, les publi-
cations de l'illustre brahme, le nom
de Rammohon-Roé fut pour la pre-
mière fois prononcé en France, on
voulut lui donner certain vernis de
chrétien. Mais probablement le libé-
ralisme qui l'adoptait ainsi savait ce
qu'il faisait, et voyait bien qu'il n'y
avait là guère plus qu'un déiste. Quoi
qu'il en soit, Rammohon-Roé pour-
suivit pendant plusieurs années ses
publications qui, en ajoutant à sa
réputation, l'engagèrent dans une
double série de controverses, les unes
arec des brahmes, fidèles champions
RAM
299
de l'idolâtrie, les autres avec les mis-
sionnaires soit anglicans, soit non-
conformistes, qui s'irritaient d'en-
tendre dire qu'un livre quelconque
non révélé, et rédigé indépendamment
de la sainte Écriture, eût proclamé
l'unité de Dieu et prohibé l'idolâtrie.
Aux premiers il opposa deux Apolo-
gies tendant à prouver le mono-
théisme primitif de la religion hin-
doue, puis peu à peu, comme le dé-
bat s'agrandissait et embrassait des
sujets nouveaux , un Essai sur les
moyens d'arriver à la béatitude in-
dépendamment des observances brah-
maniques, puis deux Récits de confé-
rences entre un adversaire et un
défenseur de l'usage qui prescrit
aux veuves de se brûler sur le bû-
cher ou le tombeau de leur mari,
ainsi que des Obsercalions sur les
altérations oppressives de la femme
qui ont été successivement intro-
duites dans la législation de l'Inde.
Quant aux missionnaires anglais, il
leur répondit par son premier et son
second Appel, et surtout par sou
Appel final au public chrétien pour la
défense des préceptes âe Jésus. C'était
un habile résumé des doctrines du
christianisme, mais abstraction faite
de l'histoire et du dogme. Ce dépè-
cement de l'Évangile avait achevé
d'indisposer ces hommes fort peu
édifiés de la prétention de l'ex-brahme
de trouver le monothéisme ailleurs
que dans les livres hébreux ; et un
des membres de la mission avait at-
taqué Rammohon dans l'Ami de
Vlnde. De là la polémique de ce der-
nier contre l'antagoniste inattendu ;
puis, quand r^ppef eut lui-même été
l'objet de censures assez amères de la
part du docteur Marsham de Seram-
pour, les deux répliques suivirent.
Mais en réalité ce fut surtout contre
l'intolérance brahmanique qu'il eut
300
RAM
à lutter. Vers 1820 il lui fut intenté
un procès très-sérieux et dont le but
était de le faire déclarer de'chudesa
caste, et comme tel de le dépouiller
de tous ses biens. Heureusement il
se trouva qu'à toutes ses autres con-
naissances il joignait celle delà ju-
risprudence à un degré peu commun,
et qu'il était abondamment pourvu
d'argent. Toutes ces circonstances ai-
dant, avec du temps et des peines il
parvint à se débarrasser des chicanes
qu'on lui suscitait. Il eut un autre
débat judiciaire fort grave en 1823
contre le radjah de Bordouan, Téï-
Tchond, qui lui réclamait de fortes
sommes comme indûment perçues
ou non remises à la caisse du souve-
rain par Ram-Kanth. L'origine de ce
procès était la rancune de Téi-Tchond,
qui attribuait aux conseils de Ram-
mohon - Roé l'adresse et la vigueur
avec lesquelles un petit fils de ce
dernier avait soutenu auprès du
radjah, après la mort de son fils, les
droits de sa veuve. Au milieu de
toutes ces luttes, Rammohon n'en
continuait pas moins ses efforts pour
extirper l'idolâtriede son pays. Il éta-
blit à ses dépens à Calcutta une grande
école pour l'éducation des enfants,
et il y vit venir uu nombre assez con-
.sidérable d'élèves. Il acheta la pro-
priété d'un journal, le Kaoumoudi,
qui devint l'antagoniste de la feuille
brahmanique la Tckandrika, et qui,
pendant son absence et après sa mort,
continua d'être rédigé par son fils
Radhapraçad-Roé. En 1829, nous le
voyons devenir co- propriétaire du
journal anglais \eBengal-Herald, et
à ce titre il se trouve derechef engage
dans un procès, mais par-devant la
cour suprême du Bengale. Le journal,
au reste, fut bientôt lalerrompu. Peu
après Rammohon en vint au grand
projet qu'il ipéditait depuis long-
RAM
temps. En 1830 enfin tout était se-
rein autour de lui,, tout lui permet-
tait de s'éloigner sans crainte. Ses pro-
cès étaient finis, et finis à son avan-
tage; son école d'enfants prospérait;
sesadhérentsdevenaient tous les jours
plus nombreux. De plus, c'était le mo-
ment où lord William Bentinck ve-
nait d'abolir la coutume des Sottis
et de déclarer que désormais le gou-
vernement anglais ne tolérerait plus
ces sacrifices des veuves; et bien que
Rammohon-Roéeût cru de bonne tacti-
que autrefois de se prononcer contre
l'intervention de l'autorité supé-
rieure, il avait fait partie de la députa-
tion envoyée pour féliciter le gouver-
neur à cette occasion. Un fort parti ce-
pendant s'agitait encore afin d'amener
la révocation de cet acte en s'adres-
santau roi de la Grande-Bretagne. Les
abolitionistes chargèrent Rainmohon-
Roé de les représenter, en démon-
trant par le fait qu'il n'était pas vrai
que l'ancien usage fût si unanime-
ment le vœu des populations. D'ail-
leurs le bill de l'Inde allait inces-
samment revenir aux deux chambres ;
et, si la présence d'un Hindou a
Londres pouvait être utile, qui mieux
que Rammohon -Roé présentait les
conditions désirables? Enfin le fan-
tôme d'empereur deDehIi le chargea
d'une mission assez épineuse : il
s'agissait d'augmenter le chiffre de
la pension que lui payait la compa-
gnie; les propriétés affectées à l'en-
tretien de sa cour donnaient, depuis
que la compagnie s'était chargée de
les administrer, un revenu très-su-
périeur à ce qu'elles produisaient
jadis, et l'indigent héritier des Akbar
et lies Aureng-Zeb, à la vue de ces
bénéfices, en réclamait sinon la tota-
lité, au moins une forte portion. En
équité il y avait lieu à le faire profiter
de l'amélioration , quoique le traité
RAM
KAM
301
pourl'exploitatioudesbieusnepoiiàl
point de clause formelle en ce sens.
Mais ni le Bureau de contrôle, ni sur-
tout, la Cour des directeurs n'en
avaient ainsi juge. L'empereur ne dé-
sespéra point; et en 1829 il imagina,
cédant peut-être au conseil de Ram-
raohon, d'en appeler à Georges IV en
son conseil et de lui députer un ambas-
sadeur. Rammohon lui - même fut
choisi et reçut à celte occasion le titre
de radjah.Le gouvernement de Calcut-
ta s'émut un peu de cette nouvelle; et,
bien que Rammolion-Roc eût toujours
été dans les meilleurs rapports avec
la compagnie, il refusa de le recon-
naître soit comme ambassadeur, soit
comme radjah. Cependant on n'en
vint pas au point de l'empêcher de
partir; et le 15 nov. 1830 il s'éloigna
de Calcutta sur le navire l'.4/6»on, ac-
compagné de Ram-Roé, Sun troisième
et dernier fils, et de deux domestiques.
Il débarqua à Liverpool le 5 avril sui-
vant, et fut à Londres quelques jours
après. Presque aussitôt on le présenta
aux ministres, qui reconnurent son
double titre d'ambassadeur et de rad-
jah, ce qui déplut assez à la cour de
Leidenhall , mais n'empêcha pas que
là même il ne fût reçu avec honneur
et que les directeurs ne lui donnassent
un dîner d'apparat à City of London
Tavern. Au mois de sept, il fut pré-
senté à la cour, et Guillaumel V (Geor-
ges IV avait cessé de vivre) l'accueil-
lit avec des égards marqués ; et quand
vint la cérémonie du couronnement, le
savant Hindou eut place parmi les
ambassadeurs. Mais déjà bien avant
ce lemps il avait été l'objet d'un grand
empressement dans nombre de cer-
cles distingués : savants, industriels,
grands seigneurs, tous le recher-
chaient, tous voulaient le voir et l'en-
lendre.ll y avait en effet de quoi être
frappé de ses manières et de sa
conversation. ISon-seulement il par-
lait l'anglais en maître, en puriste,
sans emphase et sans pédanterie,
mais encore il semblait savoir à fond
les coutumes, les modes anglaises,
l'industrie, l'histoire, ou du moins il
se familiarisait si vite avec ce qu'il
ne savait pas que l'on ne pouvait
s'apercevoir qu'il venait à peine de
l'apprendre. Avec les femmes il était
d'une politesse délicate, où respirait
comme un parfum de métaphores
orientales et qui partait du cœur, car
on sentait qu'il avait pour le sexe,
non cette galanterie banale qui n'est
qu'une forme de l'égoïsme masculin,
mais une tendre sympathie et une
vénération passionnée. Rammohon
avait fait mieux que de brûler un
peu d'encens aux pieds de la beauté,
il avait plaidé pour elle, il avait été
pour quelque chose dans les résolu-
tions qui arrachaient les sutlies aux
bûchers, et il avait travaillé à leur
rendre les droits d'héritage et de
propriété. L'envie que tant de per-
sonnes avaient de le voir ne fut pas
sans amener de leur part des incon-
venances; et Rammohon, malgré soa
extrême civilité, malgré le vif désir
qu'il manifestait de ne mécontenter
personne, en vint à être parfois obli-
gé de se cacher, tant l'insatiable cu-
riosité britannique était importune.
Ce qui rendait sa position p'us em-
barrassante encore , c'est que tout
en se livrant au mouvement de la
société anglaise, il portait une at-
tention particulière à ne point tom-
ber, par quelque acte ou par quelque
omission, dans un de ces cas qui ex-
posent un brahme à perdre sa caste,
et qui eussent entraîné pour ses en-
fants les mêmes dommages maté-
riels et la même dégradation que pour
lui. Cette préoccupation, à laquelle
se joignaient aussi parfois des orai-
J02
RAM
sons mentales, donnait alors à sa ma-
nière d'être et à sa parole quelque
chose d'incertain, de distrait, de di-
plomatique, qui contrastait avec la
franchise, l'abandon que plus fré-
quemment on lui trouvait. C'était
aussi peut-être un peu pour cela que,
lorsqu'il parlait et qu'on recueillait
ses paroles, il revoyait ce qui avait
été écrit par les sténographes ou pre-
neurs de notes et quelquefois le mo-
ditiait, mais en tenant excessivement
à ce que nul autre n'y fît la moindre
correction. Toutefois il s'y mêlait un
peu de vanité. JNé si loin de l'An-
gleterre et prétendant ne le céder à
personne en cette langue pour l'élé-
gance de la syntaxe et pour la pro-
priété de l'expression, il eiàt été dé-
solé que qui que ce fût, en mettant la
main à une de ses phrases,pût donner
lieu à expliquer les qualités de son
style par l'intervention d'un auxi-
liaire. La même crainte de passer
pour converti à une des sectes chré-
tiennes fit qu'il ne visita que quelque-
fois les chapelles des Unitaires pour
lesquels cependant il est visible
qu'il éprouvait certain penchant, et
qu'étant aussi allé voir les édifices
religieux et les fêtes d'autres sectes,
il s'arrangea pour que toutes ces ex-
cursions dussent être mises sur le
compte d'une curiosité qui veut tout
connaître en passant, mais qui n'ad-
hère à rien. On le vit aussi plusieurs
semaines en France, et plus d'une fois
il fut des convives de Louis-Philippe.
Au milieu de ces allées et venues pour-
tant, l'adroit radjah n'avait point ou-
blié les intérêts qui l'avaient déter-
miné à voir l'Europe. Les ministres ,
au moment de se décider sur le sys-
tème à suivre avec la compagnie,
interrogèrent Rammohon sur l'état
politique, financier, religieux et moral
du pays: et les réponses du sage Hin-
RAM
dou leur inspirèrent plus d'une fois
de l'admiration par la précision de la
pensée, la modération des vues, la
richesse et la justesse des renseigne-
ments. Rammohon s'y montra com-
plètement impartial et homme prati-
que : il ne donnaitpointdansdesdécla-
mations oiseuses, futiles, et il dénon-
çait et démontrait des abus et des fau-
tes. Ses paroles ne furent pas sans pro-
fit. Le succès fut encore plus complet
quant à la mission dont l'avait chargé
son souverain. Le conseil de la cou-
ronne déclara solennellement et sans
appel qu'il y avait lieu à revenir sur
le traité qui, en conférant lesproprié-
tés de ce prince à l'administration de
la compagnie, lui allouait une pension
trop faible, et fixa l'augmentation à
30,000 liv.sterlingparan(750,000fr.),
surlesquels il revenait au négociateur
un préciput annuel de 75 à 100,000 fr.
pour lui ou les siens. Mais Rammohon
ne devait pas aller lui-même porter
l'heureuse nouvelle en son pays. II
était à Bristol chez une riche mi-
neure (miss Castle), nièce d'un M.
Hare, auquel il avait été recom-
mandé et qui l'avait logé deux ans
chez lui, à Londres, lorsque tout à
coup il fut forcé de s'aliter le ï8 sept.
Il crut d'abord que ce serait une in-
disposition passagère, et il refusa d'ap-
peler le médecin. Mais dès le lende-
main son état donna des inquiétudes,
et le 27 il expira dans les bras d'un
des hommes de sa suite. Il avait
recommandé de l'enterrer dans un
emplacement acheté de ses deniers,
et sur lequel on bâtirait une chau-
mière où serait logé à perpétuité
un gardien de son tombeau. Miss
Castle remplit ce suprême vœu de
son hôte en faisant don d'(m déli-
cieux petit taillis d'ormeaux près de
la maison qu'elle habitait. Là fut
inhumé le radjah, le 16 oct. 1833,
RâM
RAM
303
sans cérëmonie et en silence, au mi-
lieu de spectateurs d'élite de l'un et
de l'autre sexe. 11 existe de Ram-
mohon plusieurs portraits. Le plus
beau est celui de Briggs : il est eu
pied et d'une admirable ressemblance.
Newton en a fait un en miniature, et
son buste a été exécuté par Clarke.
Nous avons dit qu'il avait été fort
bien de sa personne. Il en otfrait
encore des vestiges dans l'âge mûr:
son visage viril et ouvert avait une
belle et sympathique expression ; ses
yeux noirs et animés, son nez élé-
gamment recourbé, l'ensemble de ses
traits respirait en même temps la dis-
tinction et la bonté ; son front haut et
large promettait ce que tenait son cer-
veau : seulement l'âge avait courbé sa
haute stature de 5 pieds 9 pouces, et
il avait pris un peu de ventre. Nul
doute qu'on ne doive ranger parmi les
hommes de bien celui qu'on ne voit
tremper dans aucune intrigue, dans
aucun complot, soit contre lesanciens,
soit contre les nouveaux maîtres de
son pays, que l'intérêt d'ambition et
d'argent ne guide jamais et qui même
brave, pour être utile, les mépris et
les dangers, qui consacre sou talent
et sa fortune à éclairer ses compa-
triotes, à faire sentir la barbarie et
la brutalité de la polygamie, à sauver
de la mort les victimes qu'y dévouent
les préjugés, à ne pas laisser le sexe
faible nécessairement en proie à la
misère et à l'incapacité civile , qui
sans se ranger du côté de ceux qui
ne voient dans la domination an-
glaise aux Indes que dol, pillage et
oppression, et reconnaissant, au con-
traire, les services comme la supério-
rité lie l'Européen, essaie pourtant
et réussit à diminuer quelques abus,
à poser l'appareil sur quelques plaies.
On ne saurait non plus révoquer en
doute l'adresse et l'expérience de
Rammohon en affaires; et l'heureux
résultat de ses réclamations en fa-
veur de l'ex- monarque de Dehli,
le succès de ses précautions pour
éviter de perdre sa caste, décèlent
un esprit aussi délié que hardi. Com-
me théologien et philosophe, comme
controversiste et comme penseur, il
mérite aussi un rang. Que nul de ses
compatriotes et contemporains n*ait
connu mieux que lui les Védas et
leurs commentaires, et qu'indubita-
blement il ait rendu service k l'Eu-
rope en en donnant , en en ana-
lysant des morceaux, rien de plus
clair, et ce serait un grand éloge
pour tout autre, mais pour lui c'est
peu. Il appréciait ces livres sacrés de
l'Inde; et, par cela même qu'il en pé-
nétrait l'ensemble , il en démêlait
l'esprit et le but. Ce n'est point en
obéissant à de vaines imaginations, en
se livrant à de capricieuses hypothè-
ses qu'il essaya de montrer le mono-
théisme dans les Védas : il y est en
effet dans certaines portions de ce
grand recueil. Mais y est-il partout?
C'est là une ^haute question qu'il
eût dû se poser et qui eût pu l'ame-
ner à entrevoir, comme la critique
européenne l'a entrevu , qu'il y a
dans les Védas deux zones distinctes
de pensées, soit philosophiques, soit
religieuses, et que si le monothéisme
se trouve dans l'une, le polythéisme
est un des traits essentiels de l'au-
tre. Une autre voie peut-être pour
arriver à la solution qu'il chéris-
sait, c'était de poser en principe
que primitivement chaque localité Ue
l'Inde avait son dieu particulier, mais
un dieu unique, l'une, par exemple.
Si va, ou Vichnou, ou Brahuià, l'au-
tre Bhavani, l'autre Ganeja, etc.,
mais qu'après de longues et inutiles
luttes, il y avait eu concordat et fu-
sion des déités principales, d'où la
304
RAM
Trimolirti et celte foule de dieux se-
condaires qui s'échelonnent du haut
en bas du Panthéon hindou. Mais
cette façon de concevoir la multi-
plicité des divinités de l'Inde, Rain-
raohon ne l'a point eue : il a la
science des textes, il les comprend
et les combine, il est plein de péné-
tration, mais il n'est pas de longue
main rompu à la critique historique.
H reprend ses avantages quand il ne
s'agit que de procéder par raisonne-
ments, et son Dernier Appel est un
beau morceau de logique et d'élo-
quence. On pourrait dire qu'il ne
cessait de se perfectionner, que, par-
lant de l'autorité, mais avec le senti-
ment que souvent on a mal compris
et mal interprété les paroles de l'au-
torité, peu à peu, tout en n'ayant
d'abord voulu, par le raisonnement,
que dégager des nuages qui l'en-
veloppent la vraie pensée révélée
d'en haut, il en vint à raisonner in-
dépendamment de cette pensée. Cette
marche peut être blâmée, mais elle
n'en est pas moins l'indice d'un esprit
au-dessus de l'ordinaire, et l'on doit
reconnaître qu'elle est conforme à la
marche de l'esprit européen. Quant à
ceux qui, au lieu de trouver à redire
à la hardiesse de Rammohori, seraient
tentés de lui reprocher sa timidité,
qu'ils veuillent bien réfléchir que s'il
se fût posé de prime abord en ennemi,
en incrédule relativement au prin-
cipe fondamental et à l'ensemble de
la religion hindoue, le brahme apos-
tat n'eût eu aucune chance d'agir
sur l'esprit de ses compatriotes. Évi-
demment l'exagération, les extrê-
mes n'étaient point dans le carac-
tère de Rammohon. C'était l'homme
des réalités, l'homme des tempéra-
ments. Il y avait de l'homme d'État
en lui. Il flotte en quelque sorte sur
la lisière de l'Inde asiatique et mu-
RAM
sulmane et de l'Inde européiforme et
chrétienne : il n'a pas rompu avec
les siens; il ne répudie pas la let-
tre de leurs livres saints, mais, sous
cetfe lettre , il voit un esprit qui
est celui d'un autre culte, d'une au-
tre civilisation; il croit que l'Inde a
beaucoup à recevoir de l'Europe, il
s'étonne que des esprits d'élite en
Europe se préoccupent tant et du
sanskrit et des doctrines formulées
en cette langue, quand depuis long-
temps elles ont été dépassées par
celles de leur pays. Et pourtant il
était linguiste habile! A ce titre seul
il eut dû comprendre cette passion
des indianistes européens. Quoi qu'il
en soit, par le fait de cette physiono-
mie en même temps orientale et occi-
dentale, Rammohon est jusqu'ici un
homme à part. Que si on l'accuse
d'avoir été déserteur de la cause de
son pays, de s'être laissé prendre aux
fausses lueurs d'une civilisation su-
perficielle et funeste, d'avoir sacrifié
à un libéralisme étroit et hors de place
en voulant modifier la religion de ses
pères et en abolissant des usages en
quelque sorte sacrés, nous ne répon-
drons pas à ces accusations qu'on peut
apprécier d'après ce qui précède. Les
ouvrages de Rammohon-Roé se divi-
sent en deux masses, l'une où, com-
battant l'idolâtrie hindoue , il veut y
substituer de par les Védas le culte
d'un Dieu unique et où il plaide en
faveur des sutties et des droits de la
femme à hériter, l'autre où il porte
soit l'examen , soit la polémique sur
le christianisme. La première masse
comprend les brochures ou petits
écrits qui suivent : 1° Traduction du
Kéna Oupanichad^ etc. (A trans-
lation of... ), constatant l'unité et la
toute -puissance de l'Être -suprême
(Calcutta, 1816 et 1823, in-8"); 2"
Traduction d'un abrégé du Védanta,
RAM
qui «établit l'unité de l'Être-supr^nie
et le prosente comme seul objet d'a-
doration, etc. (Calcutta, 1816, in 8°);
3° Traduction de l'ichopanichad, un
des chap. de riadjour-Véda,contenant
l'unité et l'iucompréhensibilité de
l'Étre-suprême (Calcutta,! 8 1 6, in-8»);
<• Traduction du Moundoukoupani-
chad, un des chap. de l'Atharva-Ve'da
(Calcutta, 1819, in-8°); 5° Trad. du
Kathopanichad, tiré aussi de l'iad-
jour-Véda (Calcutta, 1819, in-8°) ;
6° (mais ici nous commençons une
autre série d'indications ) Défense du
théisme hindou en réponse à l'atta-
que d'un défenseur de l'idolâtrie Ain-
doue à Madras, Calcutta, 1807, in-8°;
7° Seconde défense du système mono-
théiste des Védas, en réponse à l'a-
pologie de l'état présent du culte hin-
dou, Calcutta, 1817, in-8"; 8» Oupa-
nichats {ou commentaires) sur le
Sania-Véda (en sanskrit, mais en ca-
ractères bengalis) , Calcutta, 1818;
9" Oupanichats (ou commentaires)
sur l'Iadjour-Véda (de même en sans-
krit , mais en caractères bengalis) ,
Calcutta, 1818; 10° Traduction d'un
Traité sanskrit sur le culte à rendre
à l' Être-suprême, au moyen de la
Gaiatri: \\° Apologie de cette thèse
qu'on peut tendre à la béatitude
finale (Apology for the pursuit of
final béatitude ) indépendamment
des observances brahmaniques, Cal-
cutta, 1820-, 12" Traduction d'une
conférence entre un adversaire et un
défenseur de la coutume de brûler les
veuves hindoues, Calcutta, in-8o ;
13" Seconde conférence entre un ad-
versaire, etc., Calcutta, 1829; U° Re-
marques succinctes (Brief Remarks)
concernant les modernes empiéte-
ments sur les anciens droits des fa-
milles , d'après la loi hindoue des
héritages, Calcutta, 1822, in-8°. In-
dépendamment de la traduction par-
LWVIII.
RAM
305
tielle faite de qaelques-uns d'entre
eux, presque tous ces opuscules, à
l'exception des 8* et 9^ qui sont en
sanskrit seulement, ont été réimpri-
més, réunis en un volume, sous le
titre de Traduction des principaux
livres, passages et textes des Védas et
de quelques ouvrages de controverse
sur la théologie brahmanique, Lod •
dres, 1832 (Harbury, Allen et C«),
et sous les yeux de Rammohon lui-
même. Tous sont écrits en anglais,
et quelques-uiis, on l'a vu, sont ac-
compagnés de textes en d'autres lan-
gues. Le caractère dominant de cette,
première série de travaux, c'est l'ap-
pel à l'autorité pour combattre ce
qui a vogue au nom et à l'ombre de
l'autorité : il cite des textes de livres
saints selon l'hindou, et il cite des
commentaires prévue aussi célèbres,
presque aussi infaillibles que ces li-
vres mêmes. Les deux noms les plus
illustres sur lesquels il s'appuie ainsi
sont, l'un Chankarâtcharia pour la
théologie, l'autre Djanavalkia pour
la jurisprudence, si Ton peut em-
ployer ce nom pour une science qui
ne semble qu'une branche de la théu -
logie. Le traité sur laGaiatri présente
ceci de remarquable que, suivant l'au-
teur traduit par Rammohou, le soleil
auquel s'adressent ceux qui chantent
cet hymne est le soleil intellectuel,
c'est l'Être- suprême dont le soleil
n'est autre chose que l'emblème. L'in-
terprétation est fort sujette à contes-
tation certes, mais on doit en tenir
note, et à ce propos on peut penser
aussi à l'identification, formellement
prononcée plus d'une fois dans le
Zendavesta, de Mithra et d'Ormouzd.
Les relations des conférences entre
l'adversaire et le champion de la con-
crémation et postorémation des veu-
ves (tels sont les ternies employés par
Rammohon) sont curieuses, non-seu-
20
306
RAM
lement par divers détails de mœurs,
par des textes , par des données
sur la cause et l'origine de cet usage,
mais aussi parce que l'on peut y pui-
ser une idée de la forme des argumen-
tations usitées dans l'Inde. — La
deuxième masse des travaux de Ram-
mohon se compose de bien moins
d'ouvrages, car le tout se borne aux
quatre que nous avons déjà nommés :
1" les Préceptes de Jésus pour con-
duire à la paix et au bonheur^ ex-
traits des livres du Nouveau-Testa-
ment, attribués aux quatre évangé-
listes (avec traduction en sanskrit
et en bengali), Calcutta, 1820, in-S"-,
i'^V Appel aupublic chrétien en défense
des préceptes de Jésus, par un ami de
la vérité, Calcutta, 1820; 3" le Se-
cond Appela etc., Calcutta, 1822; 4° le
Dermer i[ppei(FinalAppeal),etc., Cal-
cutta, 1823. Mais ce dernier ouvrage
est fort long relativement aux autres
(il a près de quatre cents pages, tan-
dis que ceux-là n'en atteignent jamais
cent, et souvent se réduisent à trois
ou quatre feuilles); et si l'auteur est
loin d'emporter la conviction quand il
prétend démontrer que le christia-
nisme a cessé d'être monothéiste en
admettant la Trinité, et que la Trinité
ne fut point un dogme connu au temps
des apôtres, il est du moins très-cu-
rieux de voir un brahme citant aux
docteurs du christianisme des textes
hébreux et grecs, les commentant, les
discutant, et ne les maniant même
pas avec la maladresse qu'on s'attend
à trouver chez le sauvage habitué à
l'arc et aux flèches, quand pour la
première fois on lui met une arque-
buse dans les mains. P — ot.
IlAlWOi\l) de Carbonnières
(Louis-François Elisabeth, baron
de), l'un des loiulnteurs de la géo-
logie en France, naquit le i janvier
1755 à Strasbourg, où son père, ori-
RAM
ginaire du Quercy, et marié à une Al-
lemande, était trésorier de l'extraor-
dinaire des guerres. Ramond de Car-
bonnières y fît non -seulement ses
premières études , mais aussi celles
qui devaient lui ouvrir une carrière.
Se proposant de suivre le barreau,
c'est au droit qu'il se livra de pré-
férence, mais en associant à l'étude
des lois et coutumes positives celle
des principes, et à l'étude du droit
civil des notions assez étendues du
droit des gens et de la diplomatie.
Nulle ville en France autant que Stras-
bourg ne présentait de facilités à cet
effet, car nulle ville alors en France
n'était aussi remarquable par la va-
riété, la profondeur de l'enseigne-
ment; et de plus le célèbre professeur
Schœpflin yattirait de tous les côtés de
l'Europe les jeunesgensdes plus gran-
des familles. Ramond eut là pour ca-
marades plusieurs des hommes qui,
vingtansplustard, comme politiques,
comme hommes d'État, firent le des-
tin de l'Europe. Ce n'est pas tout ;
agile, ingambe, doué d'un œil perçant
et d'un esprit observateur, il aimait
passionnément à parcourir lesmonls,
la plaine, herborisant, ramassant les
spaths et les quartz. A 22 ans il savait
la minéralogie, la botanique, en un mot
il possédait toutes les branches de
l'histoire naturelle, et de plus la
physique à peu près aussi bien que
le droit romain et la jurisprudence
française. Il lui eût été presque aussi
aisé de se faire recevoir niédecin que
d'être inscrit au tableau des avo-
cats du conseil supérieur d'Alsace.
Il sentait en poète et il écrivait en
littérateur; et, rare mérite chez ceux
dont la jeunesse se préoccupe du lan-
gage ou sent vibrer en soi la fibre
poétique, il savait penser. Cependant
les causes ne vinrent point le trouver
dès qu'il eut le droit de ploider ; ef il
RAM
eut tout le temps de se livrer à ses in-
spirations littéraires. Delà sondrame
anonyme, la Guerre d'Alsace, publié
en 1780. Aujourd'hui que les théo-
ries classiques ont été en fait
abandonnées par ceux mêmes qui
feignent de les défendre encore, mais
qui les ont tant modi6ées, tant adou-
cies qu'elles ont cessé d'être elles-
mêmes, ce drame pourrait sembler
la première tentative de tragédie
romantique en France. Ce n'est
pas tout : l'introduction ou avant-
scène que l'auteur avait placée en
tête du livre était un fort beau mor-
ceau d'histoire pour le temps. Aussi
la Guerre d'Alsace, si elle n'eut
point de retentissement en France,
fut-elle comprise et appréciée en Al-
lemagne , où l'on s'empressa de la
traduire. L'année suivante, encouragé
par ce demi-succès, Ramond fit paraî-
tre sa traduction des Lettres deCoxe
mr la Suisse, traduction qui sortait
complètement de l'ornière en ce que
le traducteur ajoutait, dans des notes
fort développées, ses observations
propres sur les sites, sur les terrains,
sur les mœurs, sur l'état politique,
et qu'il parlait de tous ces objets
en observateur, en appréciateur con-
sommé. Avant de se mettre à franci-
ser les lettres anglaises sur la Suisse,
il avait voulu voir la Suisse : familier
depuis des années avec les Vosges
qu'il avait visitées dès l'adolescence,
explorées à satiété pendant sa jeu-
nesse, il était allé, en 1777, chercher
dans les Cantons des aliments à cette
lièvre de curiosité qui le dévorait; et
habitué par des études presque en-
cyclopédiques à des notions d'espèces
très -diverses, il avait saisi avec le
même bonheur ce pittoresque dont
s'inspirent les artistes, ces détails
de structure qui frappent le géolo-
gue, ces coutumes, ces caractères
RAM
107
qu'enregistre le peintre des mœurs,
ces particularités de gouvernements
qui offrent tant à méditer au politi-
que. Il y avait entre Coxe et son tra-
ducteur toute la distance qui sépare
un touriste d'un voyageur. Coxe le
sentitsanssel'avouer^et, en véritable
fils d'Albion, il en conçut de la ran-
cune contre l'interprète devenu son
rival, d'autant plus qu'un de ses com-
patriotes s'était avisé de retraduire
en anglais la malencontreuse traduc-
tion française, et cette mauvaise
humeur perce plus d'une fois dans
la 2« édition anglaise de l'ouvra-
ge. On conçoit que si l'allure vive
et incisive de Ramond, sa hardiesse
de jugements, sa netteté de pensées,
sa vigueur de style avaient plu à
Londres bien autrement que la roi-
deur un peu morne, un peu stagnante
du gentleman, à bien plus forte rai-
son en fut-il ainsi à Paris. Nous
accorderons du reste qu'un peu de
recommandation venue de haut lieu
facilita ce succès, et que si Ramond
avait du talent, il eut aussi du bon-
heur. On savait que Voltaire," âgé de
83 ans et de 83 maladies,* l'avait reçu
à Ferney et s'était plu à lui montrer
tout ce qu'il avait fait pour sa colo-
nie. Plusieurs des meilleures maisons
de Paris lui furent ouvertes dès qu'il
se montra dans cette ville, entre au-
tres l'hôtel de La Rochefoucauld, qu
à cette époque était comme le quar-
tier-général de la philosophie et des
lettres ; l'originalité spirituelle de
sa conversation fit le reste,et quelque
temps il fut ce qu'on appellerait au-
jourd'hui à la mode. C'était de l'ori-
ginalité civilisée : il avait de la sail-
lie et tout le poli du monde; il lui
échappait de l'inattendu et il était
toujours correct. Il se plaisait beau-
coup d'ailleurs parmi ces hommes,
l'élite de la France par ItfS manières
20.
30g
RAM
et par l'esprit, et ce plaisir qu'il ne
dissimulait point l'aidait à plaire
lui-même. La duchesse d'Anville
le traitait comme son enfant. Males-
herhes l'honora de son amitié.
Le fameux cardinal de Rohan, obéis-
sant peut-être plus à la vogue dont
Ramond était l'objet qu'cà un véri-
table sentiment de son mérite, affecta
(le se charger de la fortune d'un lils
(le l'Alsace qui s'annonçait si bril-
lamment, et l'attacha comme conseil-
ler de régence à la petite cour qu'il
tenait à Saverne.Bientôt même, subis-
sant comme ses entours l'ascendant
que l'amabilité réunie à l'esprit et au
talent exerce toujours, surtout au
milieu d'un cercle borné, il ne put
se passer, de son nouveau conseiller,
qui devint ainsi un de ses familiers.
Ramond y perdit peut-être plus qu'il
n'y gagna, ou du moins il rendit à son
protecteur plus qu'il n'en reçut. On
sait à quel point le crédule cardinal
s'était laissé prendre au merveilleux
dont avait réussi à s'entourer Ca-
gliostro. Plein de confiance depuis
long-temps dans les hyperboliques
promesses du charlatan, c'est prin-
cipalement par Ramond que, lorsqu'il
n'était point lui-même à Paris, où
Balsamo s'était rendu au sortir de
Strasbourg,il communiquait avec l'a-
droit opérateur. Non-seulement Ra-
mond était chargé de l'active corres-
pondance que le prince de l'Église
entretenait avec celui qui exploitait
si lucrativement ses faiblesses, mais
plus d'une fois il le lui de'puta tantôt
à Strasbourg, tantôt à Lyon, à hîiU:;
il fallut même que le docile conseil-
ler secondât les opérations du thau-
maturge et devînt comme son garçon
de laboratoire. On ne peut s'arrêter
un moment à la pensée que Ramond
lût de moitié avec le misérable fils du
cabaretier de Palerme pour aider à la
RAM
spoliation de son maître. Est-ce donc
il dire qu'il donnait dans les visions
de la (iémonologie et de l'alchimie?
Nous ne le pensons pas; mais d'une
part il nous semble que né si près
de l'Allemagne, d'une mère allemande
et en quelque sorte sous la pression
de l'atmosphère germanique, il pou-
vait encore y avoir chez lui à cet
âge assez de vague instinct de mys-
ticisme pour qu'il fût non point un
adepte, mais un curieux des scien-
ces occultes. D'un autre côté, il est
probable que, sans croire Cagliostro
en possession de la pierre philoso-
phale, il pouvait le présumer déten-
teur de quelques secrets chimiques,
de quelques recettes orientales ou
autres, qui n'eussent pas été sans in-
térêt pour la science. Sans doute aussi
il pénétra plusieurs de ses ruses et il
tenta d'eu pénétrer d'autres, résolu
de les mettre sous les yeux du cardi-
nal, quand l'instant serait propice
pour des révélations qui devaient
froisser la vaniié du mystifié. Mais
probablement aussi , tout en discer-
nant assez pour n'être pas dupe
d'illusions grossières, il ne se dé-
fendit point suffisamment de tout
prestige en ces premiers moments. Il
crut encore Cagliostro plus habile et
moins ignare qu'il ne l'était ; et ce ne
fut qu'à la longue et repassant en sa
mémoire les circonstances de tout
ce dont il avait été témoin, qu'il
apprt>cia l'aventurier ce qu'il valait.
Ces relations duraient encore quand
survint la trop éclatante aventure du
collier (1785). Ramond, dans les tris-
tes conjonctures que l'imprudence
du cardinal avait accumulées autour
de lui, montra lUi dévouement qui
n'était pas sans courage, et fit preuve
de présence d'esprit autant que d'a-
dresse. Ayant trouvé moyen de com-
muniquvr avec son patron deux heu-
RAM
res après l'arrestation de wlai-ci, eu
dépit de sa garde, il reçut des indi-
cations sur le lieu qui renfermait ses
papiers secrets cl deiruisit rapide-
ment tout ce qui aurait pu embarras-
ser ou compliquer sa cause. Il par-
vint ensuite, malgré une lettre de ca-
chet lancée contre lui afin de para-
lyser ses démarches, à se rendre en
Angleterre, où l'on présumait qu'a-
vaient passé les diamants; à force de
recherches et de sagacité, aidé qu'il
était par une parfaite connaissance de
l'anglais, il constata pleinement ce
qui n'avait été que l'objet des soup-
çons, la translation et la vente des
magnifiques débris au delà de la
Manche -, il établit comment et par
qui avaient été vendus les joyaux •, en
un mot, il réunit les éléments capi-
tauxde l'apologie du cardinal. De re-
tour en France, il osa, malgré le se-
cret rigoureux auquel était condamné
le prélat, s'introduire à la Bastille au-
près de lui, à l'insu du gouverneur.
Cette intrépidité, ce sang-froid, qui
faisaient contraste avec la circon-
spection de plus d'un parent du pri-
sonnier, contribuèrent puissamment
au seul résultat heureux qui fût en-
core possible, après la fatale publici-
té donnée sans besoin à des débats
qu'il eût été utile et facile d'étouffer,
tout en punissant les imprudents et
les fripons. Ramond ne pouvait faire
que son maître échappât au ridicule
si mortel en France, mais au moins
le nom du prince ne fut-il pas couvert
d'une flétrissure imméritée; et l'arrêt
du parlement, en le <léclarant pur de
fraude, contraignit la cour de chan-
ger en simple exil une détention qui
eût pu être perpétuelle. L'abbaye de
la Chaise-Dieu dans les montagnes
du Vêlai, et plus tard celle de Mar-
moutier près de Tours, furent sncces-
siveuieiil les séjours du prélat disgra-
RAM
309
tic. Le premier surtout était pénible
pour un houmie habitué aux raffine-
ments du grand luxe. Ramond l'y
suivit pour adoucir sa solitude, et y
resta les quatre années que l'ex-au-
mônier dt; la reine fut forcé d'y pas-
ser. Il ne se sépara de lui que lorsque
enfin il fut permis au banni d'habi-
ter un ciel plus doux, de respirer
plus près des centres de civilisation
(1787) : il é'ait alors moins néces-
saire. Depuis long-temps Ramond dé-
sirait comparer les Pyrénées avec les
Alpes et les autres montagnes qu'il
avait visitées. Il se rendit sur cette
frontière méridionale de la France, et
ce fut après plusieurs semaines em-
ployées à examiner les monts eux-
mêmes, et les habitants de ces con-
trées, qu'il vint rejoindre son maî-
tre dans la Touraine et mettre en or-
dre les éléments qu'il avait recueil-
lis pendant cette excursion (1788).
Ce nouvel ouvrage parut en 1789.
Mais déjà les pacifiques recherches de
la science, les distractions de la lit-
térature étaient en baisse, et l'ardente
politique envahissait tout. Au milieu
des embarras qui dès avant l'ouver-
ture des États-Généraux environ-
naient Louis XVI et sa cour, le car-
dinal s'était trouvé libre comme par
enchantement, et il avait reparu à
Versailles comme député du clergé de
son diocèse. Ramond, de son cûlé, s'é-
tait établi à Paris où il suivait de plus
près les événements; et, bien que n'ap-
partenant point à l'Assemblée consti-
tuante, il avait quelque influence, car
partoutsavivacitéd'élocution, sa net-
teté de pensées le désignèrent à l'at-
tention de tout ce (|ui l'entendait, et
tendaient à faire de lui un homme
considérable. Il n'eut donc pas beau-
coup de peine à se faire élire membre
de l'Assemblée législative, et on pou-
vait deviner où il siégerait. Dcbccu-
310
RAM
dant parson père d'une de ces famil-
les que l'intole'rance religieuse avait
forcées de quitter le midi pour le
nord-est de la France, originaire
par sa mère de ce Palatinat si cruel-
lement ravagé par les ordres de
Louis XIV, et dont la tremblante po-
pulation était éparse partout , il lui
avait été en quelque sorte transmis
avec le sang un peu de défiance pour
la monarchie absolue. Son goût pour
la nature, son éducation dans Stras-
bourg si long-temps république et
gardant toujours des traces républi-
caines, son étude des gouvernements
de la Suisse, et pour comble le spec-
tacle de l'arbitraire avec lequel avait
été traité son bienfaiteur, n'avaient
pu que le fortifier dans ses antipa-
thies. Mais plein de sens comme de
probité, connaissant le positif de la
vie et le mécanisme des affaires hu-
maines, moins ignare dans la science
de l'administration et du gouverne-
ment que la plupart des hommes qui
allaient démolir le vieil édifice fran-
çais, il arrivait à l'assemblée ne
croyant pas qu'il ne s'agît que de
tout détruire. Ces principes ne cessè-
rent jamais de le guider, et il fut
loin (i'être populaire , au temps
même où les Girondins n'avaient pas
encore été débordés. Ainsi, le 29oct.
1791 , il demandait que les communes
pussent à leur gré choisir un prêtre qui
eût ou non prêté le serment, et le
29 mai 1792 il prenait la défense des
insermentés , suppliant l'assemblée
de ne pas être intolérante à son tour
et de ne pas compliquer par des ques-
tions religieuses des débats si ani-
més par eux-mêmes^ il réclamait pour
tout service ecclésiasti(iue un salaire.
Les lois contre les émigrants trouvè-
rent aussi en lui un adversaire intré-
pide : il essaya de les faire ajourner ;
n'y pouvant parvenir, il Icnta du
RAM
moins de faire admettre des distinc»
lions dans les peines, selon la conduite
qu'ils tiendraient vis-à-vis de leur pa-
trie. Il eut aussi le courage (31 mai) de
s'opposer au licenciement de la garde
royale, mesure trop significative et
qui révélait si clairement ce qui se
tramait contre le trône. Suivit bien-
tôt la fameuse journée du 20 juin.
Toujours animé du même zèle, bien
qu'échouant toujours contre Teffer-
vescence des passions, il réclama
le désarmement du rassemblement
qui s'était porté aux Tuileries, puis
il défendit contre les furibondes at-
taques de quelques-uns de ses collè-
gues Lafayette qui venait demander la
punition des attentats de cette jour-
née. Il en dit assez pour se mettre
lui-même en aussi grand danger que
lesdéfenseurs les plus invariables de
la monarchie et pour en être réduit,
quelques jours avant le 10 août, à se
rendre aux eaux de Barèges. C'é-
tait bien son médecin qui avait for-
mulé cette ordonnance, et l'on a
dit qu'il était tombé malade de dés-
espoir en voyant l'inutilité de ses
efforts, qu'il avait eu à supporter
une opération douloureuse. Nous ne
sommes point en mesure de démen-
tir ces assertions; cependant nous
inclinons à croire que sa précau-
tion hygiénique fut déterminée
par des symptômes politiques plus
que par des phénomènes (le patho-
logie. Et pour amener un homme j
aussi vigoureusement trempé que i
Ramond à fuir devant le péril, il fal-
lait que le péril fût grand : en réalité
il émigrait presque. Mais il ne vou- i
lut pas quitter la France, afin de ne
pas exposer sa famille aux dangers
qui entouraient les parents d'émigrés
Celte audace avec laquelle il s'était
déclaré contre la tentative du 20 juin
doit lui faire pardonner par les amis
RAM
de Louis XVI un de ses deux faux
pas, dont un surtout devint funeste
à la cause de la monarchie. Ce fut
lors du renvoi du ministre Narbonne:
on sait avec combien de défaveur cette
destitution fut accueillie par les cory-
phe'es de la révolution, et ce qui s'en-
suivit : un décret de l'assemblée mit
en accusation le ministre Delessart
et rendit désormais impossible à
Louis XVI d'avoir autour de lui de
(idèles dépositaires du pouvoir. Mais
ce décret que fit rendre Brissot avait
été précédé d'une motion tendant à dé-
clarer que l'assemblée regrettait Nar-
bonne et que le ministère, tel qu'il
restait, n'avait plus la confiance de la
nation. C'est Ramond qui avait fait
celte motion, de concert avec ceux qui
croyaient pouvoir sauver le roi en le
ramenant aux amis sincères de la cons-
titution et loin de prévoir la tour-
nure qu'allait prendre la discussion.
Cette fraction de l'assemblée fut jouée
ce jour-là et Ramond avec elle. Il se
repentit plus d'une fois d'avoir ainsi
frayé les voies à l'insidieux giron-
din. On doit reconnaître pourtant
que, même au cas où cette impru-
dence n'eût pas été commise, le dé-
cret accusateur n'en eût pas moins
été lancé. Ramnnd ne fut pas long-
temps tranquille à Barèges; et, quand
ia république fut proclamée, il fallut
qu'il se réfugiât dans les gorges les
plus âpres des Pyrénées, il finit par y
être découvert le 15 janvier 1794, et
alla dans les cachots deTarbes atten-
dre une mise en jugement, dont à
cette époque le résultat éiait trop pré-
vu. Heureusement le militaire qui
était chargé d'envoyer les victimes au
tribunal révolutionnaire connaissait
Ramond : il usa de délais, et non sans
quelques risques pour lui-même il
réussit à retarder le périlleux voyage.
Puis un officier du géaie (Lomet),
RAM
311
chargé d'établir des hôpitaux dans les
Pyrénées , prétendit avoir besoin de
consulter un homme qui réunît à des
habitudes scientifiques la connais-
sance du pays, et il obtint la permis-
sion de communiquer avec Ramond.
11 alla même jusqu'à solliciter de
Carnot sa délivrance, à quoi ce-
lui-ci répondit : « Il est trop heu-
• reux qu'on l'oublie. • Ainsi agit
aussi le conventionnel Monestier, en-
voyé dans les départements afin d'y dé-
couvrir et diriger sur Paris ceux qui
étaient désignés pour l'échafaud. Mal-
gré des ordres formels, il retarda sa
translation, et l'on atteignit le 9 ther-
midor. La vie de Ramond fut hors de
danger, mais la liberté ne lui fut pas
rendue; il attendit encore trois
mois: et quand enfin il redevint libre
(9nov. 1794), on lui recommanda
d'aller derechef respirer l'air des
Pyrénées. Il n'y répugnait pas, mais
il y resta encore plus qu'il ne l'eût
souhaité. Pécuniairement d'ailleurs,
il était loin du bonheur. Presque tou-
tes ses ressources s'étaient épuisées en
prison ; et , lorsque vint l'organisa-
tion des écoles centrales, il accepta
avec empressement, ou plutôt il sol-
licita une place de professeur d'his-
toire uaturelle à Tarbes. Il l'occupa
quatre ans, pendant lesquels sa belle
et vive étocution, son amour passionné
de la nature, le rendirent pour son au-
ditoire ce qu'il avait été dans la ca-
pitale, et attirèrent à la scieuce plus
d'amateurs qu'on ne s'y serait atten-
du. Il faisait fréquemment des ex-
cursions aux environs, tantôt entraî-
nant sur ses pas un petit groupe
d'auditeurs d'élite, tantôt solitaire,
s'enfonçant dans les profoudeurs des
Pyrénées. 11 acquit ainsi, à 200 lieues
de son pays natal, une intluence qui
lefitnommer en iSOOdéputéau Corps-
Législatif. Il reparut alors à Paris. On
,312
HAM
l'avait un peu perdu de vue. Tout le
personnel dans les hautes r<^gions
avait changé. Aussi, lors de son ap-
parition aux séances de la !>* classe
de l'Institut, produisit-il certain ef-
fet mêlé de surprise. Bonaparte fut
très-frappé de sa conversation, de
son esprit, de ses notions positives
en administration et en affaires, et
bientôt il eut l'idée d'en faire un de
ses préfets. Mais Ramond n'ambi-
tionnait nullement cette place, et il
s'en tint à ses fonctions législatives,
qui ne l'éloignaient que pour six se-
maines à peu près de ses montagnes,
et qui d'ailleurs lui donnaient une
importance personnelle fort marquée,
car elle le porta finalement à la vice-
présidence. On devine que, perspi-
cace comme il l'était, ayant si bien
connu par expérience, les ambitieux,
les charlatans, il ne fut pas long-temps
à comprendre vers quel but mar-
chait le premier consul ; il ne désap-
prouva point cette marche qui devait
ajouter à la stabilité de l'ordre enfin
rendu à la France, et même il se
posa publiquement le défenseur de
la monarchie, par sa brochure in-
titulée Légitime et nécessaire. Bien
qu'imprimé aux frais du gouver-
nement, et devant, selon le pre-
mier consul, aider à populariser son
avènement , on ne peut douter que
cet opuscule n'exprimât spontané-
ment et sincèrement l'opinion de
Ramond. 11 était de ces hommes po-
sitifs et modérés qui n'aiment pas
plus les mots vides de sens que le
désordre, et qui doivent préférer à
des rêves de république la monarchie
accompagnée d'institutions qui la ga-
rantissent d'enivrement et de grandes
fautes; et personne n'était plus loin
que lui d'être un complaisant. 11 le
prouvait eu s'exprimant de temps eu
lemp5 avec certaine verdeur sur ces
RAM
guerres trop promptement renais-
santes, sur cet anéantissement trop
complet des libertés publiques, les
deux caractères principaux de la do-
mination napoléonienne. Plusieurs
des mots de Ramond couraient les
salons, et, sans qu'ils fussent préci-
sément hostiles, la malignité publi-
que les accueillait presque comme
les épigrammes de M™» de Slaê'l.
L'empereur, pour l'éloigner d'un
théâtre trop retentissant, en revint
à son idée primitive de le faire pré-
fet, et aussitôt quele Corps-Législatif
dut être renouvelé, il fallut que Ra-
mond se mît à la tête de l'admi-
nistration du Puy-de-Dôme (180«)).
C'était une belle disgrâce, maiseulin
c'était une disgrâce, et la nomination
était un ordre sans réplique. Lui-
même plus d'une fois donna, dans
l'intimité, à l'ordonnance impériale
qui l'instituait préfet, le nom de
lettre de cachet. L'Auvergne pour-
tant était un lieu suivant son cœur.
Napoléon qui discernait, qui se rap-
pelait si merveilleusement les apti-
tudes de chacun, avait bien su où il
l'envoyait en l'exilant si près d'une
des chaînes de montagnes françaises
qu'il n'avait point vues encore, et qui
offraient un si riche sujet à la géo-
logie comme à l'orographie. Aussi
ne fut-ce pas uniquement d'adminis-
tration que s'occupa le préfet, et son
département ne l'en goûta que da-
vantage. Il eut le double mérite et
de ne pas trop administrer, science
plus délicate qu'on ne le suppose pour
l'ordinaire, et d'adoucir autant qu'il
était en lui les mesures rigoureuses
de la conscription; surtout il n'am-
bitionna jamais le triste honneur de
fournir aux levées impériales plus que
le strict contingent. Il ne resta point
oisif pourtant, et les roules, les éco-
les, l'agriculture furent l'objet de ses
RAM
soins : il fit faire aux eaux du Moul-
Daure de beaux travaux auxquels
cette localité doit en grande partie
la vogue et la prospérité dont elle a
joui depuis ce temps. Tout en sur-
veillant les travaux, il explorait en
savant tt la contrée aux environs de
Clermout , et ces monts, volcans
éieinis, monuments si insiructifs de
l'histoire du globe. Il en caractéri-
sait les formations, il en étudiait et
en enrichissait la flore, il en déter-
minait les hauteurs et perfectionnait
essentiellement, dans le pays même
où Pascal avait fait confirmer la théo-
rie du baromètre par une ascension
qui variait les hauteurs, la mesure
des hauteurs par le moyeu du baro-
mètre. Ses études, ses prédilections
étaient devenues proverbiales dans
le département. • Est-ce que M. le
« préfet mesurera les conscrits au
■ baromètre? » demandaient les plai-
sants de la Limagne. Enfin en janv.
1813, quand l'empereur allait avoir
besoin de doubler et tripler ses le-
vées, il fut permis à Ramond de rési-
gner sa préfecture et de revenir aux
environs de Paris. Il est croyable que
cette démission n'était que le voile
d'un renvoi réel causé par la crois-
sante incompatibilité du maître et
du préfet. Ramond, alors presque
sexagénaire, résolut de consacrer ce
qui lui restait de jours à la mise en
ordre de tous les matériaux qu'il
avait réunis, à l'éducation de son
fils, et aussi, ajoute-t-on, à la rédac-
tion de ses Mémoires. On ne peut
douter que cette autobiographie d'un
homme si frauc et doué d'un coup
d'oeil si juste, et qui avait été à même
de tant voir sous trois régimes di-
vers, n'eût contenu de très-piquantes
et très -curieuses révélations. Mal-
heureusement, en 1814, les Cosaques
tombèrent sur sa maison des champs:
IVAM
313
et tout ce qu'il avait de notes, de cor-
respondance, fut saccagé en quel-
ques heures : il ne lui resta, de tant
d'utiles matériaux, dont quelques-
uns remontaient à quarante années,
que des souvenirs. Voulant donner
le change à ses regrets et occuper
cette activité d'un esprit toujours
jeune qui ne le quittait point, il ne
tarda pas à rechercher de nouveau
une position dans les affaires. 11 avait
assez déplu à Napoléon pour que,
malgré ses six ans de préfecture, la
Restauration l'acceptât. Il fut nommé
maître des requêtes le 24 août 1815 ;
et, cinq mois après, il était chargé,
avec un de ses collègues (Lechat), de
liquider les créances anglaises. On
sent combien l'opération était déli-
cate. Grâce à l'ascendant que hii
donnait sa réputation scientifique,
grâce aussi à son habitude des af-
faires et aux notions qu'il avait sur
la valeur de beaucoup de biens-fonds
en Alsace et appartenant à des An-
glais, il réussit au delà de tout es-
poir ; et , tandis que les chambres
avaient voté 3,500,000 fr. de rente
pour satisfaire à cette partie de la
dette nationale, le trésor n'eut à en
délivrer que pour 2,950,000 fr., c'est-
à-dire que le fardeau fut allégé de
350,000 fr. de rente, c'est-à-dire en-
core que les deux liquidateurs épar-
gnèrent à la France un capital d'au
moins 7 millions de fr., le tout sans
que le gouvernement de la Grande-
Bretagne élevât de réclamations. Ce
fut de toutes les liquidations la plus
heureuse; et le duc de Richelieu, qui
le reconnut hautement, nomma Ra-
mond conseiller d'État en service or-
dinaire (14 juin 1818). Mais il ne
jouit pas long temps de cette récom-
pense : l'homme qui n'avait pas
trouvé tout admirable sous l'empe-
reur ne iwuvait être en adoration
314
RAM
perpétuelle devant le gouvernement
de cette époque. Quatre ans après
son entrée au conseil , il ne figurait
plus que parmi les conseillers hono-
raires. Il survécut encore cinq ans
à cette disgrâce. Septuagénaire, il
avait toujours le feu, la verdeur du
jeune âge; on était souvent tenté
de croire qu'il avait gagné en viva-
cité : il donnait mêuie des travaux
à l'Académie. Sa mort eu lieu le 14
mai 1827. MM. Brongniart et Mirbel,
ses collègues, prononcèrent des dis-
cours sur sa tombe. Commandeur de
la Légion-d'Honneur dès 1804, che-
valier de l'ordre de Saint-Michel en
1819, il eut pour successeur à i'Insti-
tuî M. Berthier. Son Éloge, lu par
Cuvier au sein de l'Académie des
sciences , a été imprimé dans le
tome IX des Mémoires de cette com-
pagnie. Raiiiond était vraiment le
fils des montagnes : on respirait au-
tour de lui quelque chose de ces
senteurs alpestres si franches, si pu-
res qui retrempent et qui pénètrent;
son langage était éminemment pit-
toresque, même dans les descrip-
tions techniques, et, sous ce point
de vue, il est bien de cette époque
impériale qui fut celle de la poé-
sie descriptive, mais avec cette par-
ticularité que chez lui le pittores-
que n'est jamais cherché et qu'il
n'eût pas été en son pouvoir d'écrire
autrement ; et si quelque poète, son
contemporain, eût voulu décrire ce
qu'il n'eût pas vu, il eût pu s'inspi-
rer de Ramond et il eût presque sem-
blé copier la nature. Ajoutons que
ses termes sont tellement choisis, son
allure de phrase si correcte, si élé-
gante, qu'il n'eût point été déplacé à
l'Académie française. Ces belles qua-
lités du langage et de la lornie n'é-
taient, en quelque sorte, que le reflet
de ses belles qualités d'esprit et
RAM
d'âme. On peut le dire sans crainte
d'être dupe, Ramond était dans toute
la force du terme une intelligence
droite, un noble cœur. Sa probité, son
courage étaient à toute épreuve ; il y
joignait ce franc parler qui souvent,
faisant justice de charlatanismes ou
d'absurdités, déplut non-seulement à
plus d'un homme d'État, mais à plus
d'un savant. Par cette partie de son
caractère, il n'était pas sans ressem-
blance avec Courier; mais son urba-
nité, sa sérénité d'âme le mettaient
bien au-dessus du hargneux et irri-
table pamphlétaire, duquel d'ailleurs
ildiiférait tant par la justesse et la mo-
dération des idées politiques. Quelle
que fût sa franchise , il ne faut
pas croire qu'il dît toutes les vé-
rités qui s'offraient à lui. Toujours,
au contraire, même après la chute
des gouvernements, il s'expliqua sur
eux avec la plus grande réserve : sur
Cagliostro même il ne disait que la
moindre et la moins grave partie de ce
qu'il savait; interrogé sur cet homme,
il se bornait à dire qu'il avait vu des
choses extraordinaires, et si on le
pressait, il rompait la conversation.
Ce n'est pas cependant qu'on pût le
moins du monde le soupçonner de
donner dans les chimères de dé-
monologle ou de sciences occultes.
Le ton avec lequel il s'exprimait sur
les aventures surnaturelles et les ten-
dances à la magie était d'un homme qui
voit bien le dessous des caries. Non-
seulement il était infatigable autant
qu'agile et intrépide (d'où lui vint ce
nom caractéristique qu'on lui donna
dans les Alpes, /eC/iamoîs), mais il ex-
plorait avec bonheur; il apercevait où
d'autres n'eussent rien vu ; il variait
habilement les circonstances et le
mode des observations, il a ainsi,
dans le domaine de la géologie, révélé
beaucoup de faits uouveaux et cou-
RAM
staté beaucoup de faits anciens ; la
phytographie lui doit bon nombre
d'espèces nouvelles 5 son nom est in-
séparable de la mesure des hauteurs
par le baromètre. Nul savant euro-
péen, à l'exception des voyageurs et
des pâtres de ces districts, n'avait
autant que lui visité les montagnes :
les Vosges, les Alpes, les Pyrénées,
les monts de l'Auvergne, telles étaient
les chaînes qu'il avait examinées et
comparées. Il était allé 35 fois au
Mont-Perdu i enfin il avait atteint la
cime du Vignemale et du Maladetta.
On lui doit les ouvrages suivants:
I. Lettres (de William Coxe) à sir
W. Meltnoth sur l'état politique^ ci-
vil et naturel de la Suisse (trad. de
l'anglais ), augmentées des obser-
vations faites sur le même pays par
le traducteur, Paris, I78t, 2 vol.
in-8». Nous avons marqué pins haut
le caractère et la fortune de cet ou-
vrage, dont la 2e édit. anglaise, re-
faite par Coxe lui-même et enrichie
des précieuses additions du traduc-
teur ( que Coxe toutefois a soin
de ne pas nommer), a été traduite
eu français par Th. Mandar, Paris,
1790, 3 vol. iii-8». H. Observations
faites dans les Pyrénées, pour servir
de suite à des observations sur les
Alpes, insérées dans une traduction
des Lettres de Coxe sur la Suisse,
Paris, 1789, 2 vol. in-8"; I-iége, 1792,
in-80; trad. en allemand, Strasbourg,
1790, in-8' (l). Cet ouvrage, auquel
on ne peut reprocher qu'un titre
trop modeste, a la niême physiono-
mie originale et animée que les Ad-
ditions aux Lettres de Coxe. L'au-
(l) C'est à tort qu'on a quelquefois attri-
bué ces Observations a Bourrit (voj. ce nom,
LIX , 140). M. Quéiard (France litl., t. I et
yil) le* douDe siicopssivement à Bourrit et
à Raïuoud. Ce dernier eu est l'uuique et véii-
tiihle uuteur.
RAM
315
teur y fait connaître les populations
qui habitent les froides vallées de
ces districts; il apitoie sur le sort
de ces pauvres Cagots, peuplade pro-
scrite qui semble au bande l'Espagne
et de la France, et i I en recherche l'ori-
gine. Il étudie les glaciers avec un soin
particulier, et il arrive à des remar-
ques ingénieuses sur cet équilibre de
chaleur et de froid qui en maintient
les limites. Il jette aussi les premiers
linéaments d'une théorie des monta-
gnes pyrénaïques et des lois qui en
règlent la végétation ,théorie que plus
tard il devait élaborer plus largement
et amener à Pétat scientifique. III.
Voyage au Mont-Perdu et dans la
partie adjacente des Hautes - Pyré-
nées, Paris, 1801, in 8" avec pi. C'est
là que se trouve la théorie générale
des Pyrénées , que les géologues re-
gardent comme une des plus impor-
tantes de la science. Avant Ramond
on avait vu que, contrairement à ce
qui se remarque dans les autres gran-
des chaînes, les flancs des Pyrénées
offrent peu de coquilles, tandis que
les cimes contiennent en grand nom-
bre des débris organisés; d'où quan-
tité d'objections aux lois de Pallas et
de Saussure sur la structure des mon-
tagnes. Ces objections étaient res-
tées sans réponse ; Ramond les fit
disparaître en apercevant que les
bancs des calcaires coquilliers , qui
abondent au sommet de la chaîne,
s'inclinent au midi; que là des schis-
tes , des granits se glissent sous les
blocs calcaires ; que plus au nord ces
schistes et ces granits sont disposés
sur des lignes parallèles, mais infé-
rieures à Ja grande crête ; qu'encore
plus loin au nord les granits et les
schi.stes en lignes parallèles portent
les calcaires, et il en conclut la per-
manence de cette loi générale, que le
granit est partout l'axe de la chaîne
316
RAM
dont la violation apparente n'est diie
qu'il de simples accidents. IV. Mé-
moire sur la formule barométrique
de la Mécanique céleste et les dispo-
sitions de l'atmosphère qui en modi-
fient les propriétés, augmenté d'une
instruction élémentaire et pratique
destinée à servir de guide dans l'ap-
plication du baromètre à la mesure
des hauteurs, Clermont- Ferrand ,
1811, in-é". Le titre de ce mémoire
en annonce assez le sujet. Mais il faut
savoir de plus que la formule baro-
métrique de Lapiace , dont l'applica-
tion supposait la lixation positive des
chiffres propres à chacune et surtout
celle du coefficient principal, se trou-
vait inexacte en fait, parce que dans
ses premiers essais le grand géomè-
tre avait fixé le coefficient trop bas,
et que Ramoud, par une foule d'obser-
vations barométriques suivies avec
une attention minutieuse, fit con-
naître de combien devait être agrandi
le coefficient, précisa les autres chif-
fres et fixa l'attention sur nombre
d'autres circonstances perturbatri-
ces dont on n'avait pas tenu compte.
C'est depuis ce temps et c'est grâce
à ces expériences multipliées que le
baromètre est véritablement devenu
un instrument géodésique donnant
avec exactitude les hauteurs et grâce
auquel on économise le temps. V. Ni-
vellement barométrique des Monts-
Daures et des Monts-Dômes disposé
par ordre de terrains ( lu à la classe
lies sciences physiques et mathéma-
tiques de l'Institut, 2i et 31 juillet
1813). Ce travail est un de ceux qui
montrent la fécondité d'un simple
fait d'expérience. La comparaison du
nivellement de la région examinée
suggère à Ramond la reconnaissance
de ce beau fait, que les laves de diffé-
rents âges dans ces montagnes sont
aussi de différentes natures, que les
RAM
nouvelles s'élèvent à des hauteurs
moindres que les anciennes, que cel-
les-ci semblent avoir conservé plus
long-temps leur fluidité et s'être
étendues beaucoup plus loin, qu'elles
contiennent non-seulement des ba-
saltes proprement dits, mais aussi
des porphyres , des pétrosilex , des
kliugstein, en un mot qu'elles sont
d'une nature bien plus variée, enfin
que chacun de ces sols, de ces étages
a sa végétation propre. VI. Applica-
tion des nivellements exécutés dans
le département du Puy-de-Dôme à la
géographie physique de cette partie
de la France (lu à l'Institut le 7 août
1813). L'auteur y trace l'histoire de
cette végétation ou plutôt de ces végé-
tations diverses dont nous venons de
le voir poser le principe, et il l'ap-
puie sur la détermination de plus de
400 hauteurs prises par sa méthode.
VII. Mémoire sur la végétation du
Pic du Midi de Bagnères de Vigorre
(lu il l'Académie des sciences, lO jan-
vier et 13 mars 1826; Mémoires de
l'Acad. des sciences, au tome VI, p.
81). Ce morceau, le dernier que Ra-
mond aitdonné à l'illustre compagnie,
se lit avec le plus vif intérêt. 11 com-
mence par y poser en fait que le Pic
du Midi se trouvant sidiisamment
isolé des autres cimes pyrénaïques,
on peut en considérer la végéta-
tion comme l'expression simple de
l'action de la hauteur et de celle
de la latitude combinées, ce qui en
rend l'étude très-intéressante pour
l'histoire des influences détermina-
trices des spécialités de végétations.
Il décrit ensuite avec sa sève ordi-
naire cet îlot aérien de deux ares en-
viron qui forme le sommet principal
du pic. Il assigne les caractères do-
minants de la végétation à ces hau-
teurs oii« rien ne subsiste que ce qui
• rampe,ceqiusecacheouce«iui plie.»
RAM
RAM
317
H indiqae les rapports numériques
des cryptogames aux phanérogames,
des annuelles ou bisannuelles aux
vivaces et des familles entre elles;
il remarque que les nombres qui
expriment les rapports des familles
sont loin d'être ceux qui résulti-nt,
dans la phytographie considérée
dans son ensemble, des supputations
de Brown, de Candolle et de Hum-
boldt, et il explique à quoi licnnent
ces difFérences. Mais où vraiment il
est admirable, c'est quaud il compare
la végétation de son îlot aérien à
celle de l'île Melville, quand il re-
trouve danseelleci laconlre-épreuve
de celui-là, quand il y signale départ
et d'autre un seul arbrisseau et de la
même famille (de celle des saules) ;
c'est quand il nous mène à ce glacier
de Réouvielle dont il connaît si par-
faitement les limites, quaud il nous le
montre se rétrécissant une l'ois peut-
être en vingt ans, quand il fait poindre
des fleurs sur ce limbe où naguère
était la neige presque éternelle, puis-
qu'au bout de cinq ou six semaines
les fleurs ne sont plus ; l'été cesse et
le glacier reprend ses limites: ainsi
à ces hauteurs une plante ne fleurit
peut-être que cinq ou six fois en un
siècle ! Les nomenclatures plus tech-
niques qui terminent le mémoire sont
elles mêmes plus élégantes qu'on ne
peut s'y attendre, et à vingt reprises
la main du peintre s'y retrouve et fait
vivre l'aridité de sa table de plantes.
VIII. Plantes inédites des Pyrénées
{Bull, des se, no» 41 et 42, an VIII ,
nos 43 et 44, an IX). Beaucoup des es-
pèces ou genres que l'auteur indique
dans ces mémoires se retrouvent dans
l'ouvrage précédent; il en est beau-
coup aussi qu'on y rechercherait
rn vain; et c'est tout simple, les
Pyrénées sont plus vastes que le
Mont-Perdu. 1\. Voyage au som-
met du ^font-Perdu (extrait du
Journal des Mines ) , Paris , 1803 ,
in-8°. 11 faut joindre cet opuscule
au Voyage au Mont-Perdu qu'il
complète sur divers points. X.
Mémoire sur les neiges teintes en
rouge que l'on rencontre dans les
hautes montagnes (lu 21 pluv. an
VIII). Saussure qui, la première fois,
remarqua le phénomène des neiges
rouges et les recueillit pour les sou-
mettre à l'analysr, avait pensé que la
poudre à laquelle celles-ci devaient
leur couleur était la poussière sé-
minale de quelque plante peut-être
cryptogame ; et ce qui venait surtout
à l'appui de celte idée, c'est qu'il ne
se trouve plus d'apparence de neige
rouge sur les cimes du Mont-Blanc où
il n'y a ni plantes ni printemps. Ba-
mond reconnut par ses yeux et prou-
va que cette poudre se composait de
paillettes de mica dans un état de dé-
composition singiilière. • Ce n'est
• pas, dit-il, une simple oxydation du
«fer qui y est renfermé, mais une
« transformation de la substance en-
« tière en une matière rouge, gon-
« flée, pulvérulente. • Des épreuves
réitérées lui conlirmèrent la réalité
de ce résultat qu'il sut retrouver mê-
me dans des grès où d'abord on n'a-
percevait pas le mica, et qu'il conci-
lia d'ailleurs avec les observations
de Saussure, d'une part, on rappe-
lant que lui-même n'avait pu assi-
gnera quelle plante eut appartenu le
pollen qu'il supposait colorer la nei-
ge, et que même, pendant un temps,
il avait penché à prendre cette pou-
dre rouge pour une combinaison sin-
gulière de quelque terre distincte de
la neige avec l'air et la lumière ; de
l'autre, en notant que, suivant Saus-
sure lui-même , les hautes cimes al-
pestres, où rien n'altère la blancheur
de la neige, sont totalement dépour-
318
RAM
vues de mica. Il ajoute au reste qu'il
ne suffit pas de la pre'sence du mica
pour déterminer le phénomène, qu'il
faut encore certaines époques , cer-
taines températures, tel degré d'oxy-
génation dans les neiges, etc.-, et en
général une de ces élévations moyen-
nes et une de ces températures où
le printemps gagne en influence
ce qu'il perd en durée, et où tou-
tes les puissances de la nature se
réveillent et se déploient à la fois.
XI. La Guerre d'Alsace pendant le
grand schisme d'Occident, terminée
par la mort du vaillant comte Hu-
gues , surnommé le soldat de Saint-
Pierre, drame historique (en cinq ac-
tes et en prose), Bâle, t780 , in-8°.
Nous avons caractérisé plus haut cet
ouvrage, le premier de l'auteur. XII.
Opinion sur les lois constitutionnel-
les^ leurs caractères distinctifs, leur
ordre naturel, leur stabilité relative,
leur révision solennelle, 1791, in-S"
de 60 pag. XIII. Légitime et néces-
saire, lettre d'un solitaire de Paris
(Ramond) au solitaire des Pyrénées,
Paris, an XII (1804), in-8<>. XIV. Na-
turel et légitime (lettre du solitaire
des Pyrénéesà M.D....), an XII (1804),
in-8° de 40 pag. Cet opuscule, ano-
nyme comme le précédent et sur le
même sujet, fut imprime à l'Impri-
merie impériale, quoiqu'il n'en porte
pas l'indication, et composé, à la de-
mande (le Napoléon, en faveur de son
élévation au trône. On l'a quelque-
fois attribué, mais à tort, à Barère
de Vieuzac. Il y en a une autre édi-
tion, Paris, Maradan, an XIII (1805),
in-8°. XV. Lettre à M. de Chateau-
briand sur deux chapitres du Génie
du Christianisme , Genève et Paris ,
in-S". XVI. Lettres inédites de M. Ra-
mond, membre de l'Institut, adres-
sées à M. Roger La Cassagne, à Va-
lentine (Haute-Garonne), contenant
RAM
un coup d'œii général et de compa-
raison sur les Alpes et les Pyrénées ,
leurs productions, leurs lacs et leurs
flores, Vétat de leurs chaînes, la forme
de leurs vallées . la diversité du cli-
mat^Vorigine, la religion^ les mœurs
et caractères des habitants, Toulouse,
1834, in^» de 48 pag. (posthume).
XVII. Divers articles dans le Diction-
naire des sciences naturelles et dans
les Annales du Muséum d'histoire
naturelle. P— ot.
RAMOND du Poujet ( Cécile-
Etienne-Bernard) , frère du précé-
dent, naquit à Strasbourg, le 17 fé-
vrier 175C. Dès 1773, il partageait les
fonctions de son père , trésorier des
troupes de Neu-Bri.sach , Schelestadt
et Colmar. Dix ans après, il était ad-
joint au trésorier principal de la
guerre en Flandre. En 1786, il fut
nommé trésorier principal de la
guerre dans la province de Lorraine
etBarrois, où il se fit aimer et même
respecter, tant par toutes les autori-
tés du pays que par une nombreuse
garnison. En 1790, ses services lui
valurent une des quinze places de
commissaire de la comptabilité, qui
sont connues aujourd'hui sous le ti-
tre de conseiller maîlre des comptes.
Le nombre de ces places ayant été
réduit à cinq , en 1795 , il fut un de
ceux qui subirent le joug de la sup-
pression , et se vit ainsi privé d'une
récompense acquise par vingt-deux
années de travaux utiles et conscien-
cieux. Plus tard il saisit l'occasion
que lui offrait l'établissement de la
banque de France (1803), et y obtint
une place. Au mois de septembre delà
même année, la trentième de ses ser-
vices dans la finance, il se relira, ju-
geant que, par son âge avancé, il
était condamné au repos. Une pension
lui fut assurée. Ramond du Poujet
avait écrit, en 1818, une JVofice sur
RÀM
les anciennes enceintes de la ville de
Paris. Elle reçut des éloges de la
plupart des journaux de la capitale et
même des provinces. Rien ne le flat-
ta plus que le suffrage de Hoffmann ,
qu'il n'avait nullement sollicite', dont
il ne connaissait même pas la person-
ne autrement que de réputation.
C'était une surprise bien agréable
pour lui , de découvrir, comme par
hasard , ce jugement favorable dans
un numéro du Journal des Débats.
Il donna, en 1826, une seconde édi-
tion de ce petit ouvrage, qui est ac-
compagné d'un plan général de la
ville et des faubourgs de Paris, par
Robert deVaugondy, plan sur lequel
le frère de Ramond de Carbonnières a
marqué l'enceinte de Philippe-Au-
guste, l'enceinte de Louis XIII , d'a-
près le plan de Comboust, entiu l'en-
ceinte des bculevarts. Si Ramond du
Poujet Ogure en quelque sorte dans
la classe des historiens de Paris, il
Ogure aussi parmi les antiquaires qui
ont su le mieux déchiffrer les ancien-
nes monnaies de France, lesquelles
sont ordinairement ce qu'il y a de
plus barbare. Il avait réuni une suite
nombreuse et peu interrompue de
«^es monnaies, depuis la première race
de nos rois jusqu'à notre époque. Il
n'en existait nulle part de collection
aussi complète et aussi bien choisie ,
si ce n'est à la bibliothèque royale,
il s'était formé aussi une suite de
médailles impériales romaines bien
précieuses par ce qu'elle contient de
rare et par leur belle conservation. Il
possédait encore quelques médailles
parmi lesquelles le médaillon de Sy-
racuse. Tout cela a passé entre les
mains d'un neveu de Ramond du
Poujet, qui mourut à Paris le 7 jan-
vier 1832. C'était un homme d'esprit
et d'une instruction fort étendue. Il
était plein de goût et amateur pas-
RAM
319
sionné des arts. Ses recherches, ses
notes furent souvent utiles à des au-
teurs de ces derniers temps, et aux
journaux et recueils périodiques, où
il écrivait sans signer, ou bien en
ne se désignant que par ses initiales ;
mais il ne s'intéressait qu'aux publi-
cations royalistes ; c'était sa couleur,
et très-prononcée. Il différait essen-
tiellement , à cet égard , de son frè-
re : ils ne s'en aimèrent et ne s'en es-
timèrent pas moins. Ramond du Pou-
jet avait des amis distingués dans tou-
tes les classes de la société. La plu-
part d'entre eux furent bien surpris,
à ses obsèques, de faire connaissance
les uns avec les autres , car il ne les
réunissait jamais , n'ayant pas d'état
de maison, menant même, quoique
sociable et généreux, une vie modeste
et frugale. Sa haine des excès révo-
lutionnaires allait jusqu'à l'indigna-
tion et la colère, quand il trouvait
dans ses lectures des mots nouveaux
sans être nécessaires , bizarres jus-
qu'à la barbarie , et capables , selon
lui , d'altérer notre langue. La Noti-
ce sur les anciennes enceintes de la
ville de Paris., petit in-8°, parut
chez Belin-Leprieur; seconde édi-
tion, 1826. L— p— E.
RA.MO>'DI.\I (Vincent), natura-
liste italien, naquit le 10 octobre
1758, à Messine, où son père était
pharmacien. Après avoir achevé le
cours de collège dans sa ville natale,
il alla étudier la médecine à Naples
et se fit recevoir docteur. Toutefois
il ne s'adonna pas à l'exercice de cet
art, auquel il préféra la chimie et la
minéralogie, ce qui lui valut d'être
choisi par le gouvernement pour visi-
ter la nitrière naturelle de Molfetta,
et d'être compris au nombre des jeu-
nes gens (André Savaresi, Mathieu
Tondi, Joseph Melograni, Jean Fa-
licchio et C.-A. Cippi), qui furent en
320
RAM
voyés en 1789 en Hongrie pour étu-
dier les procédés employés dans l'ex-
ploitation des minéraux. Après trois
années d'éludés au collège de Schem-
nitz, Ramondini, accompagné de Mé-
lograni, parcourut scientifiquement
toute la Hongrie, la Transylvanie, la
Pologne, la Gallicie, la Bohême,
l'Autriche et le Tyrol. Il s'arrêta
quelque temps à Freyberg pour suivre
les leçons de Werner sur la minéralo-
gie. La Saxe lui coûta à elle seule
une année de pérégrinations, tant les
minières d'Ertzeburge et celles de
Harz lui offrirent d'intérêt. En 1794,
il passa en Angleterre et visita les
principales mines dont ce pays est si
riche. H ne fut de retour à Naples
qu'en 1796. Peu de temps après il lit
partie d'une commission chargée de
reconnaître une prétendue carrière
de charbon fossile dans la province
de Salerne, et d'examiner les fours de
Marino et de Cannetto. De là il passa
enCalabre, pour y visiter les miniè-
res de Stilo et les fonderies de la
Mongiana ; mais les convulsions poli-
tiques auxquelles le pays fut en
proie l'obligèrent de revenir à Na-
ples , avant d'avoir pu faire tout le
bien qu'il projetait. En 1801, il fut
de nouveau envoyé en Calabre pour
dresser, conjointement avec Savare-
si , la carte géographique et minéra-
logique de ces contrées. Cependant il
ne coopéra pas à l'exécution entière
de ce travail , car il fut, dans l'inter-
valle , rappelé à Naples pour occu-
per une chaire à l'université et diri-
ger le musée de minéralogie. On doit
à Ramondini la découverte d'une nou-
velle substance vomie par le Vésuve
et à laquelle il donna le nom de Zur-
lite, en l'honneur du comte Zurlo,
son protecteur. Ramondini mourut
àNapIcs, leis sept. 1811. On a de lui:
1. Luttera mlUt nitriera nai craie
RAM
del Pulo di Molfetta^ nella terra di
Bari in Puglia, Naples, 1788, in-S".
II. Memoria sulla preparazione délia
canapa, etc. (dans les Actes de l'In-
stitut royal d'encouragement, Naples,
1811). Il ade plus laissé en manuscrit
un Traité élémentaire deminéralogie.
MM. Tondi et délie Chiaie ont con-
sacré chacun une notice à ce savant
naturaliste. A — y.
KAMPEGOLO ou RAMPIGOLI
(Antonio), nommé aussi Rampelogo
et Ampelogo, religieux augustin, na-
quit à Gênes, et fut eu 1412 choisi au
concile de Constance pour disputer
contre les partisans de Jean Hus. Le
talent avec lequel il remplit cette
mission eut l'approbation du concile
et augmenta sa réputation déjà fort
étendue. Il est auteur d'un livre in-
titulé Biblia aurea , et quelquefois
Figurœ bibiiarum ou Repertorium
biblicum, dont il se lit, au XV"= siècle,
plusieurs éditions, ainsi que dans le
siècle suivant, toutefois avec des cor-
rections, car l'ouvrage en avait grand
besoin. Rampegolo, en le composant,
avait un louable dessein ; il voulait
faciliter aux prédicateurs de son
temps leur travail, en réunissant et
leur mettant , pour ainsi dire, sous
les yeux un grand nombre de textes
de l'Écriture sainte dont il indiquait
le sens moral. Malheureusement son
livre manquait d'exactitude; il s'y
glissa beaucoup de fautes et même
des erreurs contre la foi, de sorte que
Clément VIII le mit au nombre des
livres prohibés, jusqu'à ce qu'on en
eût fait disparaître toutes les proposi-
tions hétérodoxes, ce qui fut exécuté
en 1 628. On ignore en quel temps mou-
rut Rampegolo. Un auteur moderne
assure qu'il était au concile de Bàle,
eu 1433. L— Y.
RANPEN (Henhi) naquit, le 18
novembre 1572, dans la ville de Uni,
RAM
province de Liège. Ses humauilës
étaient h peine achevées que le désir
de voir Rome lui fit accompagner im
jeune seigneur liégeois qui partait
pour l'Italie. Il obtint, à son retour,
une bourse pour faire sa philosophie
à l'université de Louvain, où il sui-
vit les cours de théologie et fut ad-
mis à la prêtrise en 1597. Cette uni-
versité, qui le considérait comme
un de ses meilleurs élèves, le vit
bientôt siéger parmi ses professeurs.
Il y donna successivement des leçons
de grec , de philosophie et d'Écriture
sainte. Son zèle et ses talents furent
récompensés par la présidence du
collège de Sainte-Anne et du Graud-
Collége. Il mourut, à Louvain, fe 4
mars 1641. Rampen avait publié dans
cette ville , quelques années aupa-
ravant (1631-33-34), 3 volumes
in-4° de Commentaires en latin sur
les quatre évangiles, ouvrage qui était
fort estimé des théologiens en Bel-
gique, mênae dans ces derniers
temps. St— T.
RAMPOX (Antoine-Glill.xume),
général français, fut un des plus bra-
ves guerriers de notre époque, s'il
n'en fut pas un des plus habiles. Né
à Saint-Forlunat , dans le Vivarais ,
en 1759, il s'engagea, des l'âge de
seize ans, dans nu régiment d'infan-
terie, et revint dans sa famille,
après huit ans de service. Dès l'orga-
nisation des premiers volontaires
nationaux, en 1791, il s'enrôla dans
un des bataillons de l'Ardèche, et il
y fut nommé lieutenant. C'est en
cette qualité qu'il lit la campagne de
1792 en Italie. Il passa au mois de fé-
vrier 1793 à l'armée des Pyrénées, et
y obtint le grade de chef de batail-
lon sur le champ de bataille de Vil-
lelongue, le 5 octobre 1793. Employé
d'abord comme adjudant-général , il
fut nommé général de brigade, puis
LVXVIU.
RAM
Iflt
fait prisonnier par les Espagnols le
24 janvier 1794, et ne recouvra sa
liberté qu'à la conclusion de la paix-
Envoyé à l'armée d'Italie en 1796,
Rampon s'y signala les 10 et 15 avril,
auï batailles de Montenotte et de
Millesimo. A la journée de Mon-
tenotte, il défendait la redoute
de Montelezino avec quinze cents
hommes. Le général autrichien Beau-
lieu, après avoir culbuté le centre
de Tarmée française , arriva en per-
sonne à la tète de quinze mille hom-
mes devant cette redoute, et en for-
ma l'attaque. Rampon, au milieu du
feu le plus vif, lit jurer à sa troupe
de mourir plutôt que d'abandonner
son poste. Trois fois l'ennemi revint
à la charge et trois fois il fut repous-
sé. Le lendemain il revint encore , et
fut battu de nouveau. Rampon sou-
tint sa réputation à Roveredo le 18
fructidor an IV (4 septembre 1796),
et dans la campagne de l'an V (1797).
Il était un des généraux commandant
l'avant-garde, lorsque l'armée d'Italie
passa risonzo. les Alpes-Juliennes ,
et qu'elle envahit la Carinthie, la
Styrie et la Carniole. Il alla ensuite
combattre en Suisse sous les ordres
de Brune, puis il fit partie de l'expédi-
tion d'Egypte. A la bataille des Pyra-
mides il commandait les grenadiers
qui abordèrent avec tant d'impétuo-
sité les retranchements des Turcs et
soutinrent les charges réitérées des
Mameloucks. Le général en chef Bo-
naparte en fit , dans son rapport, la
mention la plus honorable. Envoyé
à la conquête de la Syrie, Rampon
entra le premier à Suez, soumit la
province d'Alfickély, commanda la
droite de l'armée à la bataille du
Mont-Thabor , fut promu pendant
cette expédition au grade de général
de division; revintcombattreà Abou-
kir, à Héliopolis, et fut chargé par le
21
322
RAM
général Klëber du commandement
des provinces de Damiette et de Man-
sourah, formant le 6« arrondissement
de l'Egypte. Après la capitulation
d'Alexandrie, dont il avait commandé
le camp retranché pendant le siège ,
RampoQ s'embarqua pour la France,
et arriva à Marseille en nov. 1801. Il
avait été nommé , pendant son ab-
sence, par son ancien chef devenu
premier consul , membre du sénat
conservateur. Peu de temps après son
retour, il fut nommé grand -officier
de la Légion-d'Honneur, et présida,
en 1803 , le collège électoral du dé-
partement de l'Ardèche. Il obtint
bientôt la sénatorerie de Rouen , fut
créé comte de l'empire , et reçut,
en 1805, le commandement des gar-
des nationales des départements de
l'ancienne Picardie, de )a Flandre et
de la Belgique. Il se trouvait dans ces
contrées en 1809, lorsque les An-
glais firent un débarquement dans
l'île de Walcheren, et tentèrent de
s'emparer d'Anvers, pour y détruire
la flotte et les travaux que Napoléon
venait d'y établir à grands frais. On
sait comment Fouché et Bernadotte
s'entendirent dans cette occasion ,
soit pour résister aux Anglais, soit
pour profiter dans leur intérêt des
avantages que pourraient leur offrir
les circonstances et surtout l'absence
de l'empereur, alors engagé dans une
guerre fort périlleuse avec l'Autri-
che. Rampon , qui était loin d'avoir
compris leurs projets, céda sans dif-
ficulté le commandement à Berna-
dotte, et il contribua avec un grand
zèle à l'expulsion des Anglais. En
1813, après la malheureuse campa-
gne de Saxe , il fut envoyé de nou-
veau en Hollande. N'ayant point assez
de forces pour résister aux alliés
quand ils s'approchèrent de celte
(.outrée, il se retira dans la place de
RAN
Gorcum, et s'y défendit long-temps
avec beaucoup de vigueur. Forcé en-
fin de capituler, il était prisonnier de
guerre, lors du rétablissement des
Bourbons en 1814. Il leur envoya
son adhésion , et fut créé pair de
France, le 4 juin de cette année.
II continua de siéger en 1815, dans
cette chambre, après le retour de
Napoléon, qui le nomma un de ses
commi.Ksaires extraordinaires dans la
4® division, où il exerça contre le rec-
teur de l'Université et contre des ec-
clésiastiques recommandables des ac-
tes de sévérité au moins inutiles.
Au second retour du roi , il fut rayé
de la liste des pairs, puis rétabli dans
la grande fournée faite après la , pro-
position de Barthélémy. Depuis cette
époque, jouis sant en paix de bons
traitements et d'une fortune méritée
par de glorieux services, Rampon
mourut dans le mois de mars 1 842,
laissant un fils qui est aujourd'hui
pair de France. M— Dj.
RANG (Jean), peintre, né à Mont-
pellier en 1674, était fils d'un habile
peintre de portraits, sous lequel Ri-
gaud {voy. ce nom, XXXVHI, 106) |
avait étudié, mais qu'il n'avait pas |
tardé à surpasser. Le jeune Ranc de-
vint lui-même l'élève de Rigaud dont
il épousa la nièce. Il imita avec bon-
heur la manière de son maître , sur-
nommé le Van Dych français, et
acquit dans le genre du portrait une
telle réputation que l'Académie de
peinture lui ouvrit ses portes eu 1703.
Philippe V, roi d'Espagne, l'ayant
nommé son premier peintre en 1724,
Ranc se rendit à Madrid, où il fit les
portraits de tous les personnages de
la cour; et, d'après les ordres du mo-
narque, il passa eu Portugal, y peignit
aussi tous les membres de la famille
royale, et en revint comblé de pré-
sents. Ses talents lui avaient procuré
RAN
une belle fortune ; mais, naturelle-
ment dissipateur, il ne sut pis la
conserver. Il mourut à Madrid en
1735. On rapporte sur cet artiste une
anecdote qui paraît plus plaisante que
réelle. De mauvais critiques ayant
trouvé peu ressemblant un portrait
qu'il avait fuit, Ranc voulut les con-
vaincre d'ignorance. Il prépara une
toile, et la découpa de manière à ce
que l'individu qu'il avait peint, et qui
se prêfa complaisaniment à ce strata-
gème, pût y ajuster sa têie au mo-
ment où les prétendus connaisseurs
entreraient dans l'atelier. « J'ai re-
commencé mon travail, et j'espèreque
cette fois vous serez satisfaits, leur
dit le peintre, en tirant le rideau qui
cachait la toile. — M<iis non , s'écrieiit-
ils aussitôt , ce ne sont pas encore là
les traits de notre ami. — Vous vous
trompez, répond la tête, car c'est
moi-même. » Cette aventure, vraie ou
fausse, a fourni à La Mutte-Houdar le
sujet de sa 5« fable du liv. IV, inti-
tulée le Portrait; et Anseaume y a
peut-être puisé l'épisode de son opéra-
comique du raô/eaupar/an/. P — RT.
RAN'COXET (AoiAR de), né sur
la fin du XV» siècle à Périgueiiï, ou,
selon Ménag" , à Bordeaux , était fils
d'un avocat distingué de cette ville,
et devint lui-même un habile juris-
consulte. A l'étude approfondie du
droit romain, il joignit celle de la
philosophie, des maîhémaliques et
des antiquités. Après des malheurs de
toutes sortes, il entra comme conseil-
ler au parlement de Bordeaux, où il
se fit remarquer par une vaste con-
naissance des lois et par une haute
«pacilé dans les affaires, il fut en-
suite nommé président d'une cham-
bre des enquêtes au parlement de
Paris; mais eu 1559, accusé fausse-
ment d'inceste avec sa fille, il fut en-
fermé à la Bastille, et y mourut decha-
RAN
3»S
grin, âgé de plus de 60 ans. Pithou as-
signe une autre cause à cette disgrâce.
Il dit que le cardinal de Lorraine vou-
lant consulter le parlement de Paris,
relativement à la punition des héré-
tiques, Ranconet se rendit à l'assem-
blée avec les œuvres de Su I pi ce Sé-
vère, et y lut. dans la Vie de taint
Martin, le passage où il est question
de l'hérésiarque Priscillien dont le
saint évêqiie de Tours implora la grâce
auprès de Maxime (roy. IkfftRTiN,
XXVII, 292, et Pbiscilliem, XXXVI,
lt4-15). Dès lors en butte au ressen-
timent du car<lin:il , Ranconet fut
traîné en prison Quoi qu'il en soit,
une suite d'afOiciions domestiques
avait empoisonné sa vie. Sa fille était
morte dans la plus affreuse misère;
son fils avait péri sur l'échafaud; sa
femme fut tuée d'un coup de ton-
nerre, et lui-même, avant de parve-
nir aux fonctions de la magistrature,
s'était vu contraint d'exercer le mo-
deste emploi de correcteur dans l'im-
primerie desEstienne. Pilhou assure
que le Dictionarium poeticum, im-
primé sous le nom de Cliarles Es-
tienne, est réellement de Ranconet,
également versé dans le grec et dans
le latin. On prétend qu'il eut aussi
une grande part à l'ouvrage de Bar-
nabe Brisson {voy. ce nom, V, 619-
20), intitulé : De verborum quœad
jui pertinent significatione, ainsi
qu'au De formulis que le même au-
teur publia plus tard, et pour lequel
il put d'ailleurs profiter des notes que
Ranconet avait l'habitude d'écrire sur
les livres de sa bibliothèque, ce qui
les fit ensuite rechercher. Ce savant
homme, livré aux affaires pendant le
jour, se couchait de bonne heure, se
relevait après son premier sommeil,
donnait quatre heures à l'étude ; puis
il se recouchait et achevait à son ré-
veil ce qu'il avait médité dans le si-
3^4 '^à'M
lence de la nuit. Il disait que ce ré-
gime était aussi favorable à la sauté
qu'aux progrès de l'instruction. Cujas
en parle avec éloge et lui dédia ses
Jnterpretationes ad Julii Pauli re-
ceplas sententias. Ranconet avait pu-
blié le Trésor de la langue française,
tant ancienne que moderne, ouvrage
que Jean Nicot (voy. ce nom, XXXI,
264) a refondu et considérablement
augmenté. C'est un monument de
l'état de notre langue à cette époque,
et les lexicographes l'ont souvent
consulté avec fruit. P — rt.
RANDOLPH (Jean), membre du
congrès américain pour la province
de Virginie, fut un des hommes d'É-
tat les plus considérés des États-Unis,
et se fit surtout connaître comme an-
tagoniste de Madison et du parti dé-
mocratique. En 1806 il combattit,
dans un long discours, la motion fai-
te par Gregg de prohiber l'impor-
tation des produits de manufactures
britanniques. « Je me suis opposé à la
• guerre navale de la dernière admi-
■ nistration, dit-il , et je suis égale-
• ment prêt à m'opposer à celle que
«peut méditer l'administration ac-
• tuelle. Prohiber l'importation des
• manufactures britanniques , c'est
« nous mettre en état de guerre avec
« l'Angleterre. Eh quoi ! faut-il que le
« grand Mammouth des forêts d'Amé-
• rique sorte de son élément natal,
«et qu'il se précipite follement dans
«lesflots pour y attaquer le requin?...
• Jetez les yeux sur la France; voyez
• ses bâtiments s' échappant à la dé-
• robée d'un port à l'autre sur ses
«propres côtes, et souvenez-vous
• qu'après l'Angleterre, c'est la pre-
« mière puissance navale du globe!
« Otez la marine anglaise, et demain
« la France sera le tyran de l'Océan.»
En 1809, il se prononça avec force
contre l'embargo, et chercha à jeter
d'avance de la défaveur sur les opi-
RAN
nions de Madison, dont il prévoyait
l'élection à la présidence. A la fin de
1815, il adressa à l'un des représen-
tants de Massachussets une lettre,
dans laquelle il s'efforçait de prouver
aux habitants de la Nouvelle-Angle-
terre combien il serait impolitique et
même dangereux de se séparer de
l'Union. " La guerre actuelle, dit-il ,
« est sans doute contraire à tous les
« vœux des vrais Américains ; un gou-
« vernement d'athées et de fous, tel
« que celui de M. Madison , est une
• malédiction pour notre pays; mais
« il faut se rappeler que ce n'est pas
« en nous divisant que nous pour-
« rous lui arracher une paix honora-
« ble. • La Gazette de Boston répon-
dit à cette lettre par un argument
personnel, tiré de la conduite de
Randolph en 1803. Lors du fameux
traité conclu à cette époque, mais qui
ne fut pas ratifié, les représentants de
la Virginie, et Randolph à leur tête,
déclarèrent que, si le traité était ac-
cepté, l'État de Virginie se séparerait
de l'Union. La même doctrine fut
alors professée par Madison. • Si
« donc, ajoutait la Gazette de Boston,
« les États de la Nouvelle-Angleterre
« voulaient se séparer de l'Union, jls
• ne feraient que mettre en pratique
« la doctrine de M. Randolph. » Jean
Randolph mourut en 1833. — Ran-
dolph {Edmond), frère du précédent,
ne partagea pas ses opinions politi-
ques, et prit les armes en faveur de
l'indépendance américaine, après
avoir fait des études pour suivre la
carrière du barreau. A la paix, il re-
prit ses anciennes occupations, mon-
tra de grands talents comme avocat ,
et obtint une nombreuse clientèle. Il
fut bientôt appelé, par les suffrages
de ses concitoyens, d'abord à la place
de secrétaire de la Convention de la
Virginie, ensuite à celle de procu-
reur général que son père avait occu-
RAN
pée sous le gouvernement royal. Ce
fut à peu près vers cette époque qu'il
épousa la fille de Robert Carter Ni-
cholas, dernier trésorier de l'État de
Virginie, dont il eut plusieurs en-
fants. Il était avocat-général de la
Virginie depuis quelques années,
lorsque Washington, ayant été élu
président, le fit nommer procureur
général de l'Union fédérale, fonction
qu'il exerça avec distinction jusqu'à
ce qu'il succédât à Jefferson dans
celle de secrétaire d'État. En 1794,
il fut compromis dans les dépêches
que l'ambassadeur français adres-
sait à son gouvernement, et qui fu-
rent interceptées par les Anglais.
Lord Grenville les ayant transmises à
M. Hammond, ministre d'Angleterre
à Philadelphie, elles parvinrent à
Washington, qui, après avoir réuni
son conseil, fit interroger Randolph;
celui-ci donna sa démission et se
retira en Virginie, où il reprit la pro-
fession d'avocat dans laquelle il
mourut vers 1835. Z.
RANDON, graveur de mérite,
quoique peu connu, naquit à Reims
dans le XVIl" siècle. On a de lui
plusieurs gravures et notamment
le Martyre de saint André, d'a-
près le Guide. Cette gravure a 66
centimètres de longueur sur 50 de
hauteur. Nous avons pensé un mo-
ment que Claude Randon , né à
Pontoise en 1674 et dont l'article se
trouve dans le Dictionnaire des gra-
veurs de F. Basan, pourrait être celui
dont nous parlons; mais, la gravure
du Martyre de saint André portant au
bas Randon Remus, tous les doutes
doivent disparaître. L — c — i.
RANGIERUS, Rangier, cardinal
et archevêque de Reggio en Calabre,
naquit à Reims ou dans le diocèse,
vers l'an 1035. Apres avoir étudié
^ou5 saint 3runo avec Eudes de Cl\l^->
RAN
tiB
tillon, chanoine de Reims, cardinal,
et enfin pape sous le nom d'Urbain 11,
Rangierus renonça au monde et se.
retira dans le monastère de Marmou-
tier. Il y mena une vie obscure jus-
qu'au temps d'un différend qu'eu-
rent les religieux avec les archevê-
ques de Tours. Bernard , abbé de.
cette maison , ayant confiance dans
Bernard- Ponce, Rémois, prieur du
monastère, et dans Rangierus, il
les fit partir pour Rome, espérant
qu'ayant été tous les deux condis-
ciples du pape, ils obtiendraient
sans peine ce qu'il sollicitait. Ils
l'obtinrent en effet : la bulle expédiée,
Bernard - Pouce revint en France ,
mais Rangierus resta près du saint-
père qui plus tard le fit cardinal.
L'archevêché de Reggio étant devenu
vacant par la mort d'Arnoul, Ran-
gierus y fut promu en 1090. L'année
suivante il souscrivit au privilège ac-
cordé par le pape au monastère de Ca-
ve, rapporté par Baroniusctpar le bul-
lairedu Mont-Cassin. Urbain II étant
venu en France en 1095, ce prélat l'y
suivit et assista au célèbre concile de
ClermontjOÙ la première croisade fut
décidée. Le concile fini, Rangierus aida
le souverain pontife pour la consé-
cration de l'église de Marmoutier, et
retourna ensuite à Reggio. En oct.
1106 il assista au concile de Guas-
talla avec le pape Pascal II. Ughelli
parle de lui comme d'un homme de
grande considération : Vir magnœ
existimationis, mais il ne dit rien de
sa mort. L — c— j,
RAXIERI-BISCIA (Louis), poète
et antiquaire italien, naquit le 27 dé-
cembre 1744, dans une villa que sou
père possédait à Salto, près de Dova-
dola en Toscane. Appartenant à une
famille riche et noble, il reçut de
bonue heure une éducation brillante,
et fut envoyé au collège de Faen?a.
326
RAN
où il se fit remarquer par la préco-
cité de son esprit et son assiduité au
travail. Malheureusement la faiblesse
de sa santé Tobligea d'interrompre
ses études et de rentrer sous le toit
paternel. Désormais livré à lui-même,
il sut se passer de maître ; appro-
fondit les classiques latins, étudia la
philosophie, l'histoire, et s'occupa
surtout d'archéologie. La poésie eut
pour lui des attraits, et il publia un
élégant petit poème sur la Culture
de l'Anis, qui lui valut d'éire admis
dans l'Académie des Géorgophiles de
Florence et dans celle des Arcades
de Rome, où il fut inscrit sous le nom
d.''Arnerio Laurisseo. Quelques opus-
cules sur des antiquités augmentè-
rent sa réputation au point que plu-
sieurs cardinaux le pressèrent vive-
ment d'aller se fixer dans la capitale
du monde chrétien ; mais il résista à
toutes leurs offres. Plus tard cepen-
dant il accepta un emploi; et fut
successivement podesta de Meldola,
puis gouverneur de Forli, et sous
la domination française intendant des
cultes dans la Haiite-Romagne. At-
teint dans ses dernières années
d'une maladie cruelle, il moïirut le
26 janvier 1826. On lui éleva un
tombeau pour lequel le professeur
Jean-Baptiste Zannoni composa une
inscription latine. Telle était l'a-
versiou de Ranieri pour les amu-
sements que dans tout le cours de sa
vie il n'était allé qu'une seule fois au
spectacle. Ayant épousé une petite-
nièce du cardinal Biscia, il en avait
uni le nom au sien. De neuf enfants
qu'il avait eus, trois seulement lui
survécurent, deux liiles et un gar-
çon , qui s'est fait une réputation
comme orientaliste. Outre lui grand
nombre d'ouvrages restés manus-
crits, Ranieri-Biscia a laissé : I.
Sulla eoltivaxione delf Anke (Cé-
RAN
sène, 1772, in-80), poème en deux
chants et en vers libres, dont les
Êphémérides littéraires de Borne, de
1773, parlèrent avec éloge. Une se-
conde édition, pins correcte que la
précédente et enrichie de nouvelles
notes, a été publiée à Florence en
1828. On y trouve en tête une notice
sur l'auteur. II. Dissertazione in cui
si dimostra che in Salto già dis-
tretto Forlirense era un tempio dedi-
cato a Giove ed a Giunone apparte-
nente agli antichi popoli del liosco
Galliano detti per sopranome Aqui-
nati. III. Dissertazione filologico-
criticasul legno délia crocedi Gesù-
Cristo, con allre tre dirette a sercire
di appendice aile lezioni di Giu-
seppe Averani sulla passione diNoi-
tro-S ignore. A — v.
RANS ou RAINS (Bertrand de),
ainsi appelé par corruption de Reims,
lieu de sa naissance , petit village
près de Vitry-sur-Marne, avait été
ménestrel, etenfin se lit ermite. Ilvé-
cut long-temps dans la forêt de Par-
thenay, puis dans celle de Glançon ,
entre Valenciennes et Tournai. Là
s'étaient retirés aussi, comme soli-
taires, plusieurs chevaliers revenus
de la croisade à laquelle avait pris
part Baudouin, comte de Flandre et
de Hainaut, qui, élu empereur de
Conslantinople , tomba dans les
mains des Bulgares, et périt cruel-
lement en prison {voy. Baudodin I"",
t. m, p. 544). Bertrand avait quel-
ques traits de ressemblance avec ce
prince ; son séjour parmi les anciens
croisés, les particularités qu'il racon-
tait sur l'expédition, toutes ces cir-
constances parurent mystérieuses à
beaucoup de monde. Ou questionna
l'ermite qui se renferma d'abord dans
le silence ; mais bientôt, cédant pro-
bablement à des instigations secrètet ,
il èôtisentitk jouer un rAle politique
RAN
RAN
lîT
et se donna, en 1225, pour Tempe-
reur Baudouin. Il disait qu'après une
captivifë de vingt ans en Bulgarie, il
était parvenu à s'échapper de prison,
et que, repris par des barbares, mais
racheté par des marchands allemands
auxquels il s'était fait connaître, il
revenait gouverner ses Etats de
Flandre et de Hain.iut. De nombreux
partisans, dans le peuple et dans la
noblesse, se déclarèrent pour lui. La
comtesse Jeanne [voy. Hainaitt.XIX,
317), lille de Baudouin, fut surprise
de l'apparition inopinée d'un père
qu'elle croyait mort depuis tant d'an-
nées, et lorsqu'elle était encore bien
jeuue- Elle envoya cependant en
Grèce Jean, évêque de Mételin (l'an-
cienne Lesbos), et Albert, religieux
de Saint-Benoît, atin de recueillir de
nouveaux renseignements sur le sort
de Baudouin. Le résultat de cette
enquête confirma authentiquement
toutes les preuves que l'on avait déjà
de la mort de l'infortuné prince,
mais ne désabusa pas les gens cré-
dules qui soutenaient les prétentions
de Bertrand. Enfin la révolte faisant
de jour en jour des progrès alarmants,
Jeanne quitta son château du Ques-
noy, se réfugia à Mons et implora
l'appui de Louis VIII, roi de France.
Ce monarque invita le prétendant à
venir le trouver à Péronne et lui ac-
corda un sauf-conduit ; Bertrand se
rendit en cette ville, accompagné
d'un brillant cortège, fut reçu ma-
gnifiquement et répondit d'abord
avec assez d'assurance et de préci-
sion; mais l'évèque de Senlis lui ayant
demandé où et par qui il avait etéarmé
chevalier, à quelle époque et en quel
lieu il avait épousé Marie de Cham-
pagne, le fourbe demeura muet à des
questions si simples et auxquelles le
vrai Baudouin aurait répondu sur-le-
champ. Redoutant Tindignation du
roi, il se sanva pendant la nuit, se
retira à Valenciennes, et, abandonné
de tous ceux qui l'avaient suivi jus-
qu'alors, il se travestit pour passer
en Bourgogne -^ mais il fut arrêté et
livré à la comtesse Jeanne. Appliqué
à la question, il avoua son impos-
ture ; et, par jugement de l'assemblée
des pairs , après avoir été promené
ignominieusement dans toutes les
villes de Flandre, il fut pendu à Lille
en 1226. Quelques personnes néan-
moins restèrent persuadées que c'était
réellement Baudouin qu'on avait fait
mourir; et une vieille tradition po-
pulaire attribue aux anxiétés de con-
science de Jeanne la fondation de
l'hôpital Comtesse, à Lille, où l'on
voyait des potences peintessur les mu-
railles et sur les vitraux. De tous les
historiens contemporains , Matthieu
Paris, dont la chronique contient bien
des erreurs, est presque le seul qui
n'ait pas reconnu l'imposture ; il va
rnêwe jusqu'à dire que la comtesse
Jeanne a commis sciemment un par-
ricide. Cette horrible accusation a été
reproduite dans une lettre anonyme
adressée au duc de Brissac et insérée
dans le Journal des Savants (mars
et mai 1771). Enfin, plus récemment,
Sismondi et M, Michelet ont tenté de
prouver l'identité de l'empereur Bau-
douin et de l'ermite Bertrand , mais
cette identité, démentie par les té-
moignages historiques les plus con-
vaincants, est généralement regardée
comme une fable. Elle n'en a pas
moins fourni à M. Hippolyte Bis le
sujet d'un drame en cinq actes et en
vers, intitulé : Jeanne de Flandre, ou
Régner à tout prix. Cette pièce, re-
présentée au Théâtre-Français, en
oct. 1845, n'a pas réussi, et l'auteur
Pa immédiatement retirée. P — bt.
RAXSIJAT (BosREDON de ).Voy.
BOSREDOÎS, L1X,41.
328
RAiN
IlAO
RAN/A (Jean Antoine), né àVer-
ceil en 1740, se livra dès sa jeu-
nesse à la culture des belles-lettres,
et eu i7Ci fut nommé professeur
de rhétorique dans le collège de cette
ville; ce qui ne l'empêcha pas d'établir
et de du'iger une imprimerie, d'où
sortirent des éditions d'auteurs latins
aussi exactes et aussi correctes que
celles des Elxevirs etdesAIdes.il était
en même temps poète et historien. Par-
mi ses poésies on distingue plusieurs
sonnets, publiés en 1764, 17r)5, etc.,
et un poème imprimé à Verceil en
1767, sous le titre de la Baila del
Tansillo, avec des notes remarqua-
bles pour prouver l'obligation im-
posée à lamère de nourrir ses enfants.
Entre les autres ouvrages qu'il a
composés, nous citerons : I. Disser-
lazione inserta nella Sercide del Te-
muro, Verceil, 1777. L'auteur y dé-
montre la possibilité d'obtenir une
seconde récolte de vers à soie dans
la même année. IL DeW antichità
délia chiesa maggiore di Santa-
Maria di Vercelli^ 1784. IIL Diflé-
rentes dissertations, publiées sépa-
rément, sur l'antiquité de la ville
de Verceil et ses monuments. Nous
en avons donné l'analyse dans notre
Histoire du Vercellais. On doit en-
core à Ranza, comme éditeur : Offi-
cia sanctorum quœ speciatim cele-
brantur in Vercellensi civilate ac
diœcesi, 1780. Après ces travaux d'é-
rudition sur l'histoire de sa patrie,
Ranza devait s'attendre à quelque ré-
compense honorilique; mais, desser-
vi par des envieux, il prit la réso-
lution de quitter le pays, et se retira
à Lugano en Suisse, où il fit paraître
divers écrits politiques et une réfuta-
tion des calomnies dont il avait été
l'objet. Revenu, en 1798, dans le Pié-
Uiont, alors occupé par les Français, il
fonda à Turin un journal intitulé/lnno
patriotico^ dans lequel il inséra un
grand nombre d'articles moraux et
politiques; mais après sa mort, ar-
rivée en 1801, ce journal ne fut pas
continué. Cependant le corps muni-
cipal de Turin témoigna à sa veuve
les regrets que lui causait sa perte.
G— G —Y.
RAOULX du complot de La Ro-
chelle. Voy. Ecries, LIX, 16.
RAOUX (Adrien-Philippe) na-
quit à Ath, dans la province de Hai-
naut, le 30 nov. 1758. Il appartenait
à une famille de bourgeoisie qui, mal-
gré l'exiguïté de ses ressources, ré-
solut de l'élever de manière à le ren-
dre capable d'entrer dans toutes les
carrières. Après avoir suivi au collège
de sa ville natale les classes élémen-
taires appelées, à cause d'une vieille
grammaire à images dont on ne se
servait plus , la petite et la grande
figure, le jeune Raoux fut envoyé k
Mons, au collège de Mondain, en pos-
session de fournir d'excellents sujets
à l'université de Louvain. Sa rhéto-
rique achevée, il alla se faire inscrire
parmi les étudiants de cette école, où
se rendaient tous ceux qui ambition-
naient d'être quelque chose, et qui,*
bien que déchue, conservait encore
son ancienne réputation, en la justi-
fiant dans certaines parties. Elle com-
mençait déjà à se ressentir des réfor-
mes calmes et prudemment ménagées
de la sage Marie-Thérèse. Muni de
son diplôme de bachelier en droit, il
vint postuler et patrociner (ce sont
les locutions d'autrefois) devant le
conseil souverain de Hainaut. La plai-
doirie orale n'était pas admise, et par
conséquent la déclamation et le lieu
coummu ne trouvaient point d'ali-
ment; on servait aux juges des mé-
moires où l'art de bien dire n'était
pas estimé à nu très-haut prix, et des
curieux en conservent encore un du
RAO
célèbre Vauder Noot, en faveur du
geôlier de Vilvorde, factura qui est
un chef-d'œuvre de barbarie et de ri-
dicule. Raoux ne crut pas que ses
conuaissances dans le droit écrit et
coutumier, dans le droit ancien et
moderne, lui donnassent une autori-
sation absolue d'outrager la langue.
Il chercha donc à se faire remarquer
par une rédaction soignée et correcte
dont on n'avait guère l'usage au bar-
reau. En ce lenips-là, les avocats s'oc-
cupaient des affaires de leurs clients
et ne gouvernaient pas encore le
monde. Raoux, quoiqu'il remplît scru-
puleusement les devoirs de sa pro-
fession , trouvait cependant quelque
quart-d'heure à consacrer aux lettres
et même à la politique. Ou a retrouvé
dans ses papiers plusieurs projets et
mémoires qui datent de celte époque,
et qui prouvent qu'il avait la voca-
tion des affaires publiques. 11 n'était
pas encore bachelier en droit à l'u-
niversité de Louvain quand il fit pa-
raître des réflexions politiques dont
Feller parla favorablement dans son
journal. En 1785, un M. de V. publia
à Bouillon, où la presse était libre,
une brochure intitulée : Le partage
des Pays- Bas, ou Moyens de pacifica-
tion. Vers le même temps, Linguet et
Mirabeau écrivaient sur la liberté de
l'Escaut, pour le compte l'un de l'em-
pereur, l'autre de la Hollande. On ne
sait si Raoux fut excité par cette po-
lémique. Quoi qu'il en soit, un de ses
mémoires, qui est imprimé, est sur-
tout digne d'attention. Il renferme
un Plan pour un échange des Pays-
Bas autrichiens (Mons, 8 p. in-é").
L'Académie fondée depuis plusieurs
années avait éveillé dans les esprits
une activité qui déjà produisait d'heu-
reux fruits. A la demande d'uu pa-
triote auquel on devait la fondation
d'un prix extraordinaire, cette com-
FxAO
a»
paguie proposa, en 1779 et eu 1780,
l'éloge de Viglius. Raoux, âgé au plus
de vingt-deux ans, descendit dans la
lice, mais ni lui ni ses concurrents
n'obtinrent le prix. VEssai d'un
éloge historique de Viglius, c'est le
titre modeste qu'il lui donna, ne pa-
rut à Bruxelles qu'en 1787. On y voit
que Raoux, tout jeune qu'il était, n'ap-
prouvait pas la ferveur philosophique
de Joseph II. Dans son discours, en
blâmant la sévérité de Philippe et
l'ambition cauteleuse du prince d'O-
range, il représente Viglius comme
le seul espoir de la concorde au mi-
lieu des partis rivaux. Les notes pui-
sées dans les lettres mêmes de cet
homme d'État ont pour but de prou-
ver la vérité de ce portrait. Elles sont
toutes saupoudrées de latin, langage
immuable comme la loi, suivant son
expression, et pour lequel il nourris-
sait une prédilection particulière.
Raoux, recommandé à l'attention du
pouvoir par sa capacité et l'influence
qu'il commençait à acquérir, fut
nommé le 17 avril 1787, aux termes
d'un décret de l'empereur Joseph II,
commissaire d'intendance au district
de Mons, et le 19 juin de l'année sui-
vante, échevin de cette ville. Cepen-
dant les troubles que lui avaient fait
pressentir les innovations du lils de
Marie-Thérèse commençaient à se
manifester. Joseph II, dont il serait
injuste de méconnaître les qualités
et les bonnes intentions, mais qui
était dupe des opinions régnantes, et
même de ses propres vertus, avait
poussé jusqu'aux dernières consé-
quences sou rôle de monarque phi-
losophe , si bien qu'un jour l'empe-
reur d'Allemagne, roi des Romains,
cessa d'être duc de Brabant, de Lim-
bourg et de Luxembourg, comte de
Flandre, de Hainaut, de Namur, mar-
quis d'Aqvers, et qu'il vit avec dQU-
330
' RAO
RAO
leur s'échapper ces brillants joyaux
de son diadème. Raoux, sans prendre
une part très-active aux événements,
resta fidèle au parti des États, qu'il
avait embrassé, et dont un des plus
chauds appuis dans le Hainaut était
son ami le pensionnaire Gendebien.
Sesopinions ne l'avaient pas empêché
néanmoins d'être nommé, le 18 mai
1789, par Joseph H, conseillerau con-
seil souverain de Hainaut, poste im-
portant, qu'il remplitavec conscience
et dignité, en magistrat qui rend des
arrêts plutôt que des services. Les
révolutions qui se font toutes pour
le bonheur des hommes*, comme on
sait, se présentent d'ordinaire riche-
ment fournies de projets et de plans
admirables. Le 11 janvier 1790, les
États-Unis des provinces Belgiques
avaient ouvert un concours, et pro-
posé un prix pour le meilleur mé-
moire sur les causes de la décadence
du commerce aux Pays-Bas, sur les
moyens de le régénérer et de l'a-
grandir. Le frère de Raoux, procureur
du conseil de Tournai, s'empressa de
répondre (1), ce que nous remar-
quons afin que l'on ne confonde pas
deux individus portant le même
nom (2). La philanthropique résolu-
(i) Cette réponse a été imprimée à Tour-
nai, en 1790, iu-8° de 56 p.
(2) Ou regarde encore comme sortie de la
plume du frère de Rhoiix, une brochure inti-
tulée : Mémoire et projet pour empêcher ou
du moins pour diminuer {es sources de diviiions
et de ruine entre les cilojens, qui pourrait
s'exécuter par forme d'esiai dans la petite pro-
vince de Tournai-Tournaisis en Flandre , pré-
senté à L. .4. li. te 5 sept, i -81, Jour de leur
passage en cette ville , 27 \i. in-4''. Cet essai,
sensément conçu, mais mal rédigé, se ter-
mine par CCS vers de caramel :
Si ce projet s'exc<!Utait
Tout au mieux mieux l'on chanterait:
La justice et la vérité.
Le bon ordre et l'humanité,
La paix, la vertu, la bonté
Çerartérisent Sa Majesté.
tion desÉtats n'eut pas de suite, et les
mémoires envoyés ne furent pas sou-
mis à l'examen. Cependant à côté de
la révolution brabançonne s'en dé-
veloppait une autre fort différente
dans ses principes, dans son but, et
bien plus formidable. En 1795, Raoux
fut envoyé à Paris par différentes
communautés religieuses de la Bel-
gique, pour réclamer de la Conven-
tion nationale la rentréeen jouissance
des biens que ces maisons possédaient
en France et qui avaient été mis sous
le séquestre au profit de la républi-
que. Avant l'absorption complète de
la Belgique par la France, il y eut un
semblant de respect pour l'indépen-
dance des peuples, et l'on feignit de
délibérer sur une réunion fortement
arrêtée d'avance. Raoux donna alors
une preuve de courage qui n'a pas eu
tout le retentissement qu'elle méri-
tait. Le 26 septembre 1795, il remit
au comité de salut public un mémoire
où il demandait sans détour la recon-
naissance de la Belgique comme État
indépendant et le maintien de ses
anciennes constitutions provinciales.
Ce morceau (3), dénué d'emphase, de
déclamation, mais écrit avec énergie
et une logique serrée, honore à la
fois le cœur et l'esprit de Raoux. L'o-
rateur, devenu citoyen français, ai-
ma réellement la France, car elle a
tout ce qu'il faut pour séduire et pour
plaire, et il seralliasans arrière-pen-
sée h. un gouvernement qui mettait
l'ordre sous la sauvegarde de la gloire.
Avocat à la cour d'ap|)el de Bruxelles,
il s'y fit bientôt une nombreuse
clientèle. Une fortune honorable vint
le récompenser de ses veilles, le con-
soler de ce qu'il avait perdu et lui
assurer cette liberté d'action et de
pensée qui rend la probité plus facile.
(î) Paris. Guéffier, in-S' de ai p.
RAO
La formation du royaume des Pays-
Bas sourit à la mémoire historique
de Raoïix. Il n'eut pas de peine à
faire apprécier son mérite au prince
qui prit alors les rênes du gouverne-
ment. Guillanme s'empressa de se
l'attacher en le nommant conseiller
d'Etat le 2 oct. 1815, et, au mois de
juin 1819, il le créa chevalier du Lion
belgique. Très- versé dans la connais-
sance de l'ancienne constitution, la-
borieux , doué d'un sens droit, d'une
raison inflexible et d'un sincère
amour de la justice et de la vérité , il
défendit constamment les intérêts de
son pays. Cependant l'âge et les cir-
constances avaient m(jdifié ses idées,
et il s'était rapproché des doctrines
joséphistes, du moins en ce qui con-
cerne les relations du pouvoir ten)po-
rel et du clergé. Le 22 août 1823,
il fut appelé à faire partie de la corn •
mission du culte catholique. Celui qui,
quarante ans auparavant, avait offert
à l'Académie les prémices de son ta-
lent, ne dédaigna pas, sexagénaire
et revêtu de fonctions supérieures,
d'ambitionner un prix qui avait ex-
cité l'émulation de sa jeunesse. En
1822 et 1823, l'Académie posa cette
triple question : Quelle est l'origine
de la différence qui existe^ par rap-
port à la langue, entre les provinces
dites flamandes et celles dites wal-
lonnes? A quelle époque cette diffé-
rence doit-elle être rapportée? Quelle
est la raison pourquoi des contrées
qui faisaient partie de la France
parlent le flamand, et d'autres, qui
appartenaient à l'empire germani-
que, se servent exclusivement de la
langue française? Le mémciire en-
voyé par Raoux fut couronné. H y
avait alors près d'un demi-siècle que
l'Académie et Raoux étaient unis
par des liens d'affection. Proposé
pour une place de membre ordi-
RAO S81
naîre, fé 21 juin 1824, il fut una-
nimement élu le 21 août suivant.
A peine avait-il pris séance parmi
ses nouveaux confrères , qu'il leur
communiqua de curieux résultats
de ses recherches. Le 2 février et le
28 mars 1825, il lut une Disserta-
tion historique sur Vorigine du nom
de Belge et sur l'ancien Belgium,
où il montre doctement que le nom
de Belge ne vient pas des peuples
germaniques mentionnés par César,
et que le Belgium, contrée distincte
de la Gaule belgique, restée à l'abri
des invasions des Germains, devait
contenir les pays représentés ensuite
par les diocèsesde Beauvais, d'Amiens
et d'Arras , probablement aussi une
partie de l'Ile- de France et de la
Normandie, à la droite de la Seine.
Le 26 nov. 1825, l'Académie écouta
avec un vif intérêt son mémoire sup-
plémentaire sur l'ancienne démarca-
tion des langues flamande et wallon-
ne , doot la conclusion est que
cette ligne topographique n'a pas va-
rié sensiblement depuis mille ans ,
c'est-à-dire depuis le règne des en-
fants de Louis-le-Débonnaire, qui se
sont partagé ses Ét.its vers le milieu
du IX* siècle. Après un silence d'une
année, Raoux apporta à la compa-
gnie, le 3 février 1827, une Notice
sur un passage remarquable de la
chronique de Sigebert de Gembloux,
relatif à Vautorité prétendue par les
papes fur les couronnes des rois.
Lorsque l'Académie perdit, en 1827,
le commandeur de Nieuport , chargé
de la diriger depuis son rétablisse-
ment, en vertu d'une réélection con-
tinue, son choix tomba sur Raoux. II
occupa le fauteuil jusqu'en 1832, où
il le refusa, s'excusant sur son grand
âge. Les événements qui marquèrent
l'année 1830 détruisirent un gouver-
nement auquel Raoux restait attaché
332
RAO
par le devoir et par son respect pour
Je chef de l'État. Mais, sans ambition
comme sans faiblesse, il renonça de
bonne grâce à sa position élevée ; et
accepta , peut-être avec reconnais-
sance, l'obscurité et le repos. L'Aca-
démie, au milieu delà crise, ne cessa
pas un moment de se réunir , et
Raoux suivit toutes ses séances. Il se
partageait entre elles et son château
de Rêves, une des plus anciennes ba-
ronnies du Brabant wallon , passée
successivement de la maison qui en
portait le nom, dans celles de Rubem-
pré , de Renesse , de Dongclberghe ,
etc. Quoiqu'il eût atteint sa soixante-
douzième année, il était encore plein
d'activité. Il jouissait d'une de ces
vertes et vigoureuses vieillesses que
contribuent à prolonger une vie ir-
réprochable, une âme vertueuse et
sereine. Le 4 juin 1831, il lut un ap-
pendice à son mémoire sur l'origine
du nom de Belge. Il s'y borne à réfu-
ter Des Roches qui avait allégué un
passage de Pomponius Mêla à l'appui
de son système, selon lequel le nom
de Belge avait été apporté de la Ger-
manie et imposé aux Gaulois indi-
gènes par des peuples germains. La
législation comparée était un objet
d'études fait pour captiver un juris-
consulte philosophe. Le 6 mars 1833,
Raoux présenta un mémoire sur le
rapport et la conformité des ancien-
nes coutumes et chartes du pays et
comté de Hainaut avec l'ancien droit
romain antérieur à Justinien et au
code théodosien. Le 9 mai 1837 et le
8 avril suivant, il revenait encore à
sa chère province de Hainaut ainsi
qu'à la jurisprudence du moyen-âge,
et il recherchait ce çuc Ton doî7 enten-
dre par TEHRA SAUÇA dans le titre 62
de la loi salique\ en second lieu,
quelle est V origine de quelques an-
pientiçs CQUtumcs de la Belgique, qui
RAP
excluaient les filles dans le partage
des biens immeubles de leurs pères et
mères. Enfin il examinait la question
si , dans le moyen-âge, le comté de
Hainaut était tenu en fief d'un suze-
rain et sujet à hommage, ou si c"* était
un alleu affranchi de tout hommage ;
et sur ce dernier point il se pronon-
çait pour la négative. Indépendam-
ment de ces mémoires en forme,
Raoux rédigea pour l'Académie de
nombreux rapports insérés aussi dans
les recueils de cette compagnie. Il
mourut à son château de Rêves le 29
août 1839, âgé de quatre-vingts ans.
M"" Lernould, qu'il avait épousée
dans sa jeunesse, ne lui avait point
donné d'héritier ; elle est morte à
Bruxelles, le 23 janvier 1842, à l'âge
de soixante-dix-buit ans. R— f-g.
RAPINAT, commissaire du gou-
vernement directorial en Suisse dans
rannéel798, dut une grande célébrité
beaucoup plus à la bizarrerie de son
nom qu'à ses déprédations, qui, au
fond, ne furent pas plus considé-
rables que celles de tant d'autres
dont on a moins parlé. Comme au
temps deMazarin, les Françaisétaient
alors toujours prêts à se venger par
des épigrammes et des chansons de
ceux qui les pillaient et les oppri-
maient, et comme au XVIF siècle
ils chantaient, riaient et payaient.
Comment, au reste, n'auraient-ils pas
ri d'une administration qui comptait
à la fois dans ses rangs un Grugeon,
un Volant, un Forfait et un Rapi-
nat? Il serait impossible de citer tous
les calembourgs, tous les jeux de
mots auxquels donna lieu ce plaisant
assemblage. Mais les épigrammes
n'empêchaient point ces messieurs
de remplir leurs fonctions. Rapinat
était protégé par le directeur Rew-
beli, son beau-frère, dont on di-
sait spirituellement qu'il n'était que
RAP
l'adjectif. Tous les deux, avant la ré-
volution, avaient été d'assez minces
avocats de Colmar. Quand Rewbell
fut une puissance, il n'oublia pas son
parent, et il le fit entrer dans la
chancellerie du Directoire, où il ne
put d'abord lui donner qu'un em-
ploi subalterne. Mais lorsque Pinva-
sion de la Suisse fut décidée, on
jugea que la connaissance qu'il avait
de ce pays et de sa langue , comme
aussi quelques penchants connus, le
rendaient très-propre aune telle mis-
sion. On le chargea donc d'accom-
pagner dans cette mémorable expé-
dition le général Schaumbourg qui
la commandait {voy. Schaumbourg,
au Supp.) Il ne fut d'abord que l'ad-
joint du conventionnel Lecarlier, qui
plus tard devint ministre de la police,
parce que le Directoire ne le crat pas
apte à opérer en Suisse selon ses vues.
Il fut rappelé, et Rapinat resta le maî-
tre absolu, le commissaire extraor-
dinaire près l'armée d'Helvétie, ayant
pour adjoint un certain Roulhière,
homme tout à fait digne de cet em-
ploi. «La rapacité du Directoire,
- est-il dit dans les Mémoires tirés
• des papiers d'un homme d'État,
■ n'avait encore eu que la moitié
« de son cours; Lucerne, Zurich,
- les cantons démocratiques, le Va-
«lais, les Grisons, la Turgovie,
« l'État de Saint-Gall , restaient à
- spolier... Rapinat, succédant à Le-
« carlier avec un pouvoir souverain,
« ne connut aucun frein ; il lit d'abord
- sceller et enlever les trésors et les
• caisses publiques à Lucerue, à Zu-
- rich , dans le Valais. Partout les
■ magasins furent confisqués ; enfin
« une grêle de réquisitions vint as-
> saillir la Suisse déjà ruinée. Une
• somme de 750 mille livres fut im-
• posée sur six abbayes; les patri-
< ciens de Berne furent imposés à six
RAP
sis
< millions, et ceux de Zurich, Lu-
« cerne, FribourgetSoleureàscpi...»
Des plaintes et des cris universels s'é-
levèrent de toutes parts. Partout on
accusa le lâche silence de ce fantôme
de législature helvétique qui, pendant
ce temps, phrasaii kArau surf o/^ran-
chissement de l'Helvétie.. .RàpinaifiQ-
llexible, déclara que la Suisse devait
être traitée en pays conquis, et il
poursuivit ses opérations. Cependant
le retentissement de tant de plaintes
parvint à Paris, et le commissaire
extraordinaire fut dénoncé, à plu-
sieurs reprises, dans les journaux
et à la tribune des conseils législa-
tifs, où Briot et Moreau de l'Yonne
l'attaquèrent avec beaucoup de force.
Son beau-frère Rewbell, qui n'était
plusdirecteur, prit sa défense au con-
seil des Anciens, dans un long dis-
cours où il le représenta comme une
victime, comme l'un des hommes les
plus vertueux de la république. Cette
étrange apologie ne persuada per-
sonne , et le Directoire fut obligé de
rappeler son commissaire. Mais l'or-
dre de révocation était à peine expé-
dié que les amis de Rapiuat repri-
rent le dessus. L'arrêté directorial
fut révoqué, et le commissaire
triomphant continua ses opérations
sans oppositiou et sans obstacle. Pour
faire bien juger de la nature et de
l'importance de ces opérations, nous
emprunterons la réponse qui fut faite
dans tous les journaux, même dans
U Moniteur, aux apologistes de Ra-
pinat, et particulièrement àJenner,
envoyé d'Helvétie à Paris, par un
patriote suisse (Usteri). « Comment !
« Rapinat ne serait pas l'objet d'une
« horreur éternelle pour la nation
« helvétique, Rapinat qui, malgré la
« déclaration solennelle et souvent
• répétée du gouvernement français,
• que les Français ne sont entrés
3S4
RAP
< armés en Helvétie que pour délivrer
«nos concitoyens du joug de l'oli-
> garchie, et pour les rétablir dans les
■ droits d'une nation libre et indé-
« pendante; qui, nonobstant cette dé-
' claration, soumit ce peuple à un
< despotisme de fer ; qui annonça au
• gouvernement helvétique gu'à lui
> seul, Rapinat, appartenait l'admi-
< nistration; qui s'empara de toutes
I les caisses publiques, et fit arra-
' cher par force, ea y joignant les plus
> grands outrages, les scellés que le
' gouvernement helvétique y avait
■ apposés, en réclamant et les droits
< d'une nation libre et indépendante,
« et la déclaration du Directoire delà
> république française ; qui aban-
1 donna le peuple aux vexations des
■ soldatsiiuïisciplinés sans écouter les
■ plaintes officielles, arrivées de tous
• les points de l'Helvétie; qui imposa
■ des taxes arbitraires ; qui , d'intel-
■ ligence avec l'homme le plus immo-
'ral, le plus débouté, Roulhière,
• lui livra tous les magasins publics
' et lui en laissa prendre les effets,
' comme fusils, instruments de toute
■ espèce, etc., à des prix très-mo-
' diques, comme nos fonctionnaires
le lui ont publiquement reproché;
■ qui ne craignit pas de dire devant
nombre de témoins qu'il s'appelait
'Rapinat^ et quHl aimait à ra-
'piner...j qu'il n'était pas venu en
'Suisse pour nos blondes et nos
» brunes...; qui enfin, irrité au der-
' nier point de la fermeté du Direc-
' toire helvétique et du corps légis-
«latif dans le soutien des droits de
' la nation, commit des actes arbi-
< traites contre les pouvoirs suprêmes
' de notre république, et par son fa-
■ meux arrêté, remis au président du
• grand-conseil en pleine séance
' par des militaires, menaça d'un
» conseil de guerre et de la peine de
RAP
« mort toute autorité qui s'opposerait
« à ses ordonnances, et étouffa toute
« liberté chez un peuple déclaré libre ,
«arrêté qui fut cassé parle Directoire
« exécutif de France comme ayant
« été fait sans aucune autorisation,
« parce que l'on craignait et l'opinioa
« publique en France, qui se pro-
« nonça avec énergie contre l'oppres-
« sion de l'Helvétie, et les effets de
« l'indignatiou générale du peuple
«helvétique prête à éclater : cassa-
« tion qui mit un terme aux pleins
«pouvoirs de Rapinat, et depuis
« laquelle il prit un ton aussi humble
«dans ses relations avec nous que
• sa conduite avait été auparavant
« celle d'un proconsul grossier et ar-
« rogant.. . Et le départ d'un tel homme
«serait un jour de deuil pour l'Hel-
«vétie! Et nous pourrions chérir,
« bénir sa mémoire ! » Rapinat essaya
de se justifier dans une brochure in-
titulée : Précis des opérations du ci-
toyen Rapinat en Helvétie, 1799,
in-S", qui donna lieu à une réplique du
ministre plénipotentiaire de la répu-
blique helvétique à Paris. « Com-
« ment le citoyen Rapinat, dit ce mi-
«nistre, jusiifiera-t-il ses attentats
« contre l'indépendance de la répu-
«blique helvétique, attentats qui lui
«attirèrent même l'improbation du
« gouvernement français, ainsi que la
< déclaration qu'il avait agi sans pou-
«voir et sans instructions? Et s'il
« n'est pas l'auteur des nombreuses
«vexations et dilapidations qui ont
« dévasté l'Helvétie, connue l'opinioD
• publique en France et en Suisse l'en
« accuse, comment se justifierii-t-il de
• ne pas les avoir réprimées et pu-
«uies?» On sent qu'après la chute
de Rewbell, Rapinat eut de la peine
à se soutenir. Son pouvoir fut défi-
nitivement révoque par le nouveau
gouvernement, et ii se retira au bruit
RAP
des sifQets etdes épigrammes. Ce fut
la seule satisfaction qu'eurent les
malheureux Suisses. Nous citerons
la meilleure de ces e'pigrammes, avec
d'autant plus d'exactitude que c'est
de l'auteur lui-même, M. de Saint-
Albin, que nous la tenons :
Les pauvres Suisses qu'on mine
Voudraient bien qu'on examinât
Si Rapinat vieat de rapine,
Ou rapine de Rapinat.
Méprisanttoutescesclameurs, le com-
missaire extraordinaire rentra pai-
siblement dans ses foyers, à Colmar;
et, lorsque la révolution du IS^bru-
maire eut mis le pouvoir aux mains
de Bonaparte, il réclama une protec-
tion qui ne pouvait être refusée à
celui qui avait envoyé de Berne les
premiers fonds destinés à l'expédi-
tion d'Egypte. Rapinat fut nommé con-
seiller à la cour impériale de Colmar
lors de la nouvelle organisation des
tribunaux, en 1805, ce qui étonna
beaucoup ceux qui se rappelaient les
missions de la Suisse, et donna lieu
à une nouvelle épigramme :
Des arrêts de la cour suprême.
Où Rapiuat juge le genre liuinain.
On peut bien appeler, si le cas est extrême^
Maùcedoitétreà Curtoucbe ou Mandrin.
Comme en Suisse, malgré les épi-
grammes, Rapinat continua de rem-
plir ses fonctions inamovibles jus-
qu'en 1815, Alors il fut mis à la re-
traite, et jouit paisiblement du fruit
de ses économies jusqu'à sa mort ar-
rivée dans les premières années de la
Restauration. M— Dj.
RAPINE (Cladde), célestin, né
au diocèse d'Auxerre, fut envoyé en
Italie pour réformer quelques mo-
nastères de son ordre, commission
qu'il remplit avec succès. Le chapi-
tre général le chargea de corriger
les coustiiutions des célestins suivaut
les règlements des chapitres précé-
RAS
385
dents. Ce pieux et savant religieux
mourut en 1493, simple conventuel
de Paris, après avoir exercé divers
emplois dans son ordre, et composé
plusieurs ouvrages dont les princi-
paux sont : |. Un traité De studiis
philosophicB et theologiœ. il. Un petit
traité De studiis monachorum, pour
faire voir que les moines doivent s'oc-
cuper d'étude. 111. De vita contem-
plativa, où il reprend certains reli-
gieux qui, sous prétexte d'humilité,
se dispensent d'une application né-
cessaire aux gens qui vivent dans
la solitude. Le livre des choses mer-
veilleuses en nature, 1542, in-4o, ne
convient pas à la piété du P. Rapine,
auquel le bibliothécaire des célestins
l'attribue. Il pourrait être plutôt
de Claude Dieudonné, du même or-
dre. La famille Rapine, établie en
Nivernais, a produit entre autres
personnages connus: Florimond Ra-
pine, député aux Étais-Géuéraui de
1614, dont on a une relation de ce
qui se passa dans cette assemblée,
Paris, 1651, in-4». — Charles Ra-
pine, récollet, auteur des Annales
ecclésiastiques de Chàlons - sur-
Marne, Paris, 1636, in-S" , et de
V Histoire des Récollets^ Paris, 1631,
in-4''. T— D.
RASK (Ébasme-Cbbétien), phi-
lologue danois, naquit eu 1787 à fireu-
dekilde, village de l'ile de Fionie, où
son père exerçait la médecine sans
être docteur. Déjà, à l'école d'Odeusée,
le jeune Rask se livra avec ardeur à
l'étude de l'ancien islandais; il com-
pléta celte élude lorsqu'il arriva en
1807 à l'Université de Copenhague,
elil porta eu outre ses investigations
sur bien d'autres langues nou-seule-
meui du Nord, mais aussi de 1 Orient.
Dans un voyage qu'il lii en 1812 avec
le professeur Nyerup en Suède et en
Norvège, il ne manqua pas de pren-
336
HAS
RAS
lire les langues finnoises pour sujet
de ses comparaisons philologiques. A
l'aide d'une subvention du gouver-
nement, il passa ensuite quelque
temps en Islande pour étudier les
monuments et les traces de l'ancienne
littérature du pays. L'Introduction à
la connaissance de l'islandais qu'il
avait publiée à Copenhague en 1811,
qu'il développa plus tard dans l'é-
dition suédoise donnée à Stockholm
en 1818, et les soins qu'il avait pris
de la publication du dictionnaire is-
landais de Biorn Haldersen, impri-
mé à Copenhague en 1814, 2 vol.
in-é", avaient prouvé au monde sa-
vant que Rask méritait les encoura-
gements du gouvernement, et que le
mettre à même de compléter ses con-
naissances linguistiques, c'était con-
tribuer aux progrès de la science.
Jusque-là il avait vécu pauvre et
pourtant heureux, car l'étude le dé-
dommageait de toutes les privations.
De retour en Danemark, il obtint une
place de sous-bibliothécaire de l'Uni-
versité; mais il ne resta pas long-
temps en repos. Aux titres qu'il avait
déjà à l'estime des savants, il venait
de joindre un prix qui lui fut décerné
par l'Université de Copenhague pour
ses Recherches sur Vorigine de la
langue islandaise, dont il possédait
alors, grâce à ses investigations faites
en Islande même, la connaissance la
plus intime. Cet ouvrage parut à Co-
penhague en 1817. Il brûlait d'envie
de pénétrer dans les contrées par
lesquelles on supposait qu'étaient
venues les nations qui ont peuplé le
nord de l'Europe, et de chercher l'o-
rigine de leur ancien idiome jus-
qu'au fond de l'Asie. Avec 2,000 da-
ler que lui procura le conseiller Bu-
low, et muni d'un congé, il se mit
hardiment en route pour ce long
voyage, passa l'année 1817 en Su^de,
et y répandit le goût de son étudt'
favorite par un cours public sur l'is-
landais, par des articles insérés dans
les recueils périodiques, et par l'édi-
tion amplifiée et en suédois de son
Introduction à la connaissance de l'is-
landais dont il a été parlé ci-devant.
S. Stockholm il publia aussi, en sué-
dois, une grammaire anglo-saxonne
en 1817, dont il fut donné, treize ans
après, une traduction anglaise, égale-
ment ampliliée par l'auteur. Il pré-
para encore à Stockholm une petite
édition de VEdda de Snorro et une
autre de VEdda de Saemund. Ces
deux éditions, qui ne furent ache-
vées qu'en 1818 , contribuèrent beau-
coup à répandre les anciens écrits,
des Islandais réputés sacrés. Ayant
obtenu du gouvernement danois un
supplément de secours et le titre de
professeur, Rask se rendit à Saint-
Pétersbourg et y demeura jusqu'en
1819, pour étudier les idiomes
finnois , slaves , ainsi que les lan-
gues orientales. Chemin faisant il
apprit même le français, comme
plus tard il apprit en Asie le por-
tugais. Il présenta au comte de
Romanzow le plan d'un diction-
naire finnois, et esquissa une classi-
fication des langues de l'Asie, de
l'Europe et de l'Afrique. Il alla en-
suite par le Caucase en Perse et
dans l'Inde, y étudia les idiomes an-
ciens et modernes autant que le lui
permit le peu de temps qu'il y
séjourna. Un naufrage qu'il fit entre
Ceyian et la côte de l'Inde le priva de
ses manuscrits, de ses livres et des
fonds qui devaient servir aux frais de
Son retour en Europe. Heureusement
il trouva des secours chez les auto-
rités danoises de Tranquebar. H ac-
quit de nouveaux manuscrits orien-
taux pour son pays, et en 1823 il fut
avec ses trésors de retour à Copen-
RAS
hague, après avoir charmé les loisirs
de la traversée en composant de cour-
tes grammaires du français et de Fes-
pagiiol.Ladernièreparut dans Tannée
qui suivit son retour. Il fut nommé
président de la Société islandaise et de
celle des antiquaires du Nord qu'il aida
à furiner, et aux travaux de laquelle
il prit beaucoup de part. En 1826,
on créa pour lui une chaire de langues
orientales, et il publia une Disser-
tation sur l'âge et l'authenticité
du Zcnd-aveata , une autre sur la
Chronologie égyptienne, une troi-
sième sur la Chronologie hébraïque.
Il préparait aussi un dictionnaire ar-
ménien et un aperçu des langues du
Malabar. Ce qui l'occupa plus que les
recherches sur l'Orient qu'on atten-
dait de lui et qui auraient pu avoir
un haut intérêt, ce fut un projet de
réforme pour l'orthographe danoise
que personne ne lui demandait ,
qui ne fit que lui susciter, non sans
raison, beaucoup de tracasseries, et ne
fut adopté que par peu de personnes.
Il en publia le système dans son Essai
d'une orthographe scientifique , Co-
penhague, 1826. A cet essai avorté
succéda, trois ans après, une Gram-
maire des nègres d'Ova sur la côte
occidentale d'Afrique, et en 1832 une
édition des Fables de Lockman, en
arabe, mais qui ne passe pas pour
être très -correcte. Les manuscrits
qu'il avait apportés de l'Asie furent
placés dans les bibliothèques du
roi et de l'Université ; Rask lui-
même n'en tira aucun parti ; d'au-
tres travaux prenaient son temps,
notamment un Dictionnaire méso-
gothique qu'il ne put achever,
et une Grammaire laponne raison-
née, 1832, qui fut son dernier ou-
vrage. Il avait rapporté de ses voyages
en Orient le germe d'une phthisie
qui se développa après son retour, et
LXXVIU.
RAS
337
à laquelle il succomba , le 14 nov.
1832. Il était depuis trois ans pre-
mier bibliothécaire de l'Université.
Son ami Petersena publié, à l'aide de
fonds qu'il lui a légués, un recueil de
ses petites dissertations, essais et
traités, Copenhague, 1834 à 1838,
3 vol. in-8°, recueil dans lequel il a
aussi compris les petites grammaires
de langues d'Europe que Rask semait,
pour ainsi dire, sur sa route savante
et dont on aurait pu se passer. Il faut
en excepter sa Grammaire de la lan-
gue frisonne, Copenhague, 1825, qui
a au moins le mérite de la nouveauté.
Dans jce recueil on s'est conformé à
l'orthographe inventée par Rask et
qui lui tenait tant à cœur qu'elle oc -
cupa ses dernières pensées. L'auteur
de cet article a donné dans la Revue
française, t. VIII, Paris, 1838 , une
notice plus étendue sur les travaux
et les ouvrages du savant linguiste
danois. D— g.
RASMUSSEX (Jands Lassen),
orientaliste, né en Danemark vers
1790, étudia l'arabe dans plusieurs
Universités d'Allemagne, et, voulant
se perfectionner, vint à Paris pour
y suivre les cours de Silvestre de
Sacy. De retour à Copenhague, vers
1814, il fut nommé professeur de
langues orientales à l'Université de
cette ville. L'ardeur de Rasmussen
pour cet objet spécial de ses études
ainsi que pour les recherches histo-
riques, et les résultats qu'elle avait
produitSjdonnaient lieu d'espérer que
son nom figurerait un jour parmi
ceux des plus célèbres orientalistes.
Malheureusement il ignorait ou avait
oublié que la tempérance est indis-
pensable, surtout pour les gens de
lettres. Les excès de débauche aux-
quels il se livra hâtèrent sa fin : il
mourut à Copenhague dans les pre-
miers mois de 1829. Il était de l'A-
00
338
RAS
cadémie royale de cette ville. On a
de lui : I. ÎEssai historique et géo-
graphique sur le commerce et les
relations des Arabes et des Persans
avec la Russie et la Scandinavie ,
durant le moyen-âge; publié en da-
nois dans le t. II du journal Athène,
1814. Cet ouvrage intéressant fut
traduit en suédois, Stockholm, 1817,
puis en allemand, et ensuite en an-
glais dans VEdinburgh Magazine^
1818-19. C'est d'après cette dernière
version que M. V. de C. en a donné
une traduction française dans cinq
numéros du Journal asiatique de
Paris, en 1824 et 1825. Comme l'au-
teur de cette dernière traduction,
suivant sa trop modeste habitude,
a désiré garder l'anonyme, Silvestre
de Sacy a cru devoir y ajouter des
notes où il at fait usage des observa-
tions de M. Frœhn qui, en 1823, dans
son livre intitulé : Ibn-Foszlan's und
anderer Araber Berichte uber die
Russen œlterer zeit (Relations d'Ibn-
Foslân et d'autres auteurs arabes sur
les Russes du moyen-âge), avait re-
levé plusieurs erreurs échappées soit
à Rasmussen, soit au traducteur an-
glais dans l'interprétation de quel-
ques textes arabes. II. Historia prœ-
cipuum Arabum regnorum, rerumque
ai eis gestarum ante islamismum,
Copenhague, 1817, in-4°. Cet ou-
vrage, principalement composé d'a-
près les fragments de Hamzah d'Is-
pahan, traduits par le savant Reiske
{voy. ce nom XXXVII, 293), contient
de plus les &^, 7«, 9^ et partie du lO*^
chapitres du même historien arabe,
avec la traduction latine de Rasmus-
sen quia écrit, en texte arabe, -des
notes utiles et savantes, puisées dans
d'autres auteurs orientaux. 111. His-
toire de la Compagnie africaine du
commerce (de Copenhague), en da-
nois:; Copenhague, 1818, in 8". IV.
RAS
Additamenta ad historiam Arabum
antc islamismum excerpta ex Jbn-
Nabetah Nuvaïrio atque Ibn-Ko-
faï6a/i , Copenhague, 1821, in-4°. Ce
supplément à l'un des ouvrages pré-
cédemment cités contient le texte
arabe des auteurs traduits par Ras-
mussen : il a profité aussi de la ver-
sion latine de plusieurs morceaux
publiés par Reiske. Ces divers frag-
ments sont curieux, parce qu'ils font
connaître des proverbes, des vers,
des anecdotes relatives à des tradi-
tions, des superstitions et des cou-
tumes bizarres des anciens Arabes.
V. Annales islamicœ , sive Tabula
synchronistico-chronologica chali-
farum et regum Orientis et Occiden-
iis; accedit historia Turcorum, Ka-
ramanorum, etc.; Copenhague, 1825,
in-4°. Cet important ouvrage offre la
chronologie de toutes les dynasties
musulmanes et des extraits d'histo-
riens arabes, traduits d'après les ma-
nuscrits de la bibliothèque de Co-
penhague. Rasmussen y fait mention
de quelques dynasties jusqu'alors peu
connues de l'Asie-Mineure, telles que
les Cadherides, les Ramadhanides,\es
Derbendides, etc., maison est étonné
de n'y pas trouver un mot sur les
Ismaëlides ou Assassins de Perse.
C'est dans l'abrégé de l'Histoire uni-
verselle d'Abou'l Abbas Ahmed de
Damas , manuscrit rapporté du Le-
vant par le célèbre Niebuhr (voy..ce
nom, XXXI, 267), que Rasmussen a
puisé la plus grande partie de ses ex-
traits. Il n'en a pas donné le texte,
mais seulement les noms d'hommes
et de lieux, en caractères orientaux,
et il les a accompagnés de savantes
et utiles notes historiques et géo-
graphiques. Dans le Journal des Sa-
vants, années 1818, 1821 et 1826,
Silvestre de Sacy a rendu un compte
avantageux des trois derniers ou-
1^
RAS
339
vrages de ce jeune orientaliste. Ras-
mussen s'occupait , sur la tin de sa
vie, d'une nouvelle édition, tradui-
te en latin, et corrigée, de son pre-
mier ouvrage, VEssai sur les rela-
tions des Arabes et des Persans avec
la Russie, etc. Elle n'a paru qu'après
sa mort, Copenhague, in-é». A t.
*RASOIlI (Jean), célèbre médecin
italien dont la notice a été insérée
dans le tom. XXXVII, pag. 115-19,
par erreur, puisqu'il était encore vi-
vant à cette époque, a publié en 1830
deux volumes d'Opusailes de méde-
cine clinique, précédés de VExùmen
d'un jugement de Sprengel , etc.,
Milan, 2 vol. in-8°. Vers le même
temps, il fit réimprimer sa traduction
de la Zoonomie de Darttin (6 vol.
in-S"), avec une biographie de ce sa-
vant. Lorsque le choléra sévit à Mi-
lan en 1836, Rasori fut un des méde-
cins qui montrèrent le plus de zèle à
visiter les malades, et il publia sur
celte maladie un opuscule du doc-
teur Pirondi, auquel il ajouta une sa-
vante note. Ce fut cette même année
qu'il mit sous presse son dernier ou-
vrage qui a pour litre : Théorie de la
phlogose ou inflammation; mais il
n'eut pas la satisfaction de voir termi-
ner l'impression de son livre. Atteint
d'unej affection catarrhale, il mourut
après deux jours de maladie, le 13
avril 1837, laissant des regrets una-
nimes , malgré les dissensions politi-
ques et scientifiques auxquelles il
avait été mêlé. De grands honneurs
furent rendus à sa mémoire. On ou-
vrit une souscription pour sou tom-
beau, et plusieurs artistes s'empres-
sèrent de reproduire ses traits ; nous
citerons entre autres sou buste par le
sculpteur Benzoni et sa statue colos-
sale en marbre de Carrare, par Gan-
dolfi. Il fut aussi question de lui éle-
ver un monument à Parme sa patrie.
Rasori n'était pas seulement grand
médecin mais encore bon poète, et
tous ses écrits se distinguent par
une pureté et une élégance de style
vraiment remarquables. Au reste il
avait eu aussi en partage le don de
la parole , et l'on sait que rien
n'était 'plus agréable, plus intéres-
sant que sa conversation. Il était
d'une taille au-dessus de la moyenne,
maigre et fluet ; ses yeux étaient
grands, vifs et à fleur de tête. Il avait
conservé jusque dans ses derniers
jours la liberté de tous ses membres
et l'usage complet de tous ses or-
ganes ; sa chevelure même était in-
tacte, quoique d'une extrême blan-
cheur. Les œuvres complètes de Ra-
sori ont été publiées à Florence,
1837 , 1 vol. in-8° à deux colonnes.
La biographie la plus détaillée qui ait
été faite de ce médecin célèbre est
celle qui a pour titre : Délia vitadi
Giovani Rasori libri sei, par le pro-
fesseur Joseph Del Chiappa, Milan ,
1838, in-S» de 377 pages. Un mé-*
decin italien, établi à Marseille,
M. Sirus Pirondi, déjà cité, et avec
lequel Rasori avait été fort lié, a publié
une traduction française de la Théo-
rie de la phlogose ou inflammation^
Marseille, 1839, 2vol. in-8°. A— y.
RASPOM (Doua F elicb) , née à
Ravenne en 1523, descendait d'une
ancienne et illustre famille qui a
produit un grand nombre d'hommes
de mérite. Ayant eu le malheur, dans
son enfance, de perdre son père, elle
resta sous la tutelle d'une marâtre
qui, jalouse de ses attraits naissants,
la fit entrer dans le monastère de
Saint-André de Ravenne, et la con-
traignit d'y prendre le voile. Doua Fe-
lice, douée d'une grande vivacité
d'esprit, ayant tourné ses idées vers
l'étude, apprit le latin et parvint par
ce moyen à lire au moins dans les
n.
340
RAS
m
traductions les traites philosophiques
d'Aristoteet de Platon, et les ouvrages
des saints pères. L'e'tude l'aidait à
supporter les contrariétés qu'elle
éprouvait chaque jour de la part de
la supérieure et même des simples
religieuses, qui se plaisaient à exer-
cer sa patience. Elle peignit ses tri-
bulations dans un sonnet h. Jérôme
Rossi, son neveu, et celui-ci lui répon-
dit par un discours sur le courage
nécessaire dans l'adversité, qui con-
tient l'éloge des talents et des vertus
de doua Felice. Les religieuses, tou-
chées de sa douceur et de sa résigna-
tion, la forcèrent d'accepter le gou-
vernement du monastère, où elle fit
refleurir la discipline antique et le
goût de l'étude. Au bout de trois ans,
elle fut continuée dans une charge
qu'elle remplissait si bien ; mais elle
mourut le 3 juillet 1579, à 56 ans.
Plusieurs poètes, parmi lesquels on
cite Annibal Caro et Jean Arrigoni,
ont célébré sa beauté et ses talents.
'Outre quelques pièces de vers, on
a de cette dame deux opuscules as-
cétiques : I. Délia cognizione diDio
ragionamento, Bologne, in-S». IL
Dialogo délia eccellenza dello stato
monacale, ibid., 1572, in-i». W— s.
RASPONI (César), cardinal, cé-
lèbre par sa piété, et son talent
pour les négociations, naquit en 1615
à Ravenne d'une famille alliée aux
principales maisons de l'Italie. Sa
mère, restée veuve fort jeune , ne
voulut point se remarier , afin de
soigner l'éducation de ses enfants et
surtout celle de César, qui montrait
déjà les plus heureuses dispositions;
elle le conduisit à Rome où il lit ses
études d'une manière distinguée. Il
n'avait que quatorze ans quand il
fut désigné pour réciter en public des
harangues et des pièces de vers, sui-
vant un usage qui se conserve en Ita-
lie. Sur les éloges qu'on faisait du jeu-
ne orateur, le pape Urbain VIII té-
moigna le désir de l'entendre. Il pro-
nonça dans la chapelle du Vatican le
panégyriquednh.LowsdeGonzdgue,
en latin, puis en hébreu; et le pape,
charmé non moins de son érudition
que des grâces de son débit, lui donna
une abbaye. Après avoir terminé ses
premières études, la philosophie, les
lettres, l'histoire et les antiquités
l'occupèrent tour à tour; mais il fut
obligé d'interrompre ses recherches
numismatiques pour se livrer à l'é-
tude du droit canonique, et bientôt
après il reçut le laurier doctoral dans
les deux facultés. Pourvu, dès l'âge de
21 ans, d'une prébende de la collégiale
de Saint-Laurent in Damaso, il l'é-
changea dans la suite contre un ca-
nonicat de Saint-Jean-de-Latran, et
il devint archiviste de ce chapitre.
Ses talents joints aux avantages de
sa naissance lui procurèrent des em-
plois importants; il les remplit avec
tant de zèle et de prudence qu'il se
maintint dans la faveur du pape In-
nocent X, quoique le pontife fût mal
disposé pour les Barberins. César fit
en 1649 le voyage de Paris pour tra-
vailler à la réconciliation du cardinal
Fr. Barberin,son parent, avec la cour
de Rome, et il eut le bonheur d'y con-
tribuer. Il fut confirmé dans tous ses
emplois par le pape Alexandre VII,
dont il avaitmérité depuis long-temps
l'estime et'la confiance. II rendit des
services signalés dans sa |ilace, en
préservant Rome de la peste et de la
famine qui désolaient le royaume de
Naples et menaçaient d'envahir les
États de l'Église. Il eut la plus grande
part aux négociations que nécessita
l'insulte faite à l'ambassadeur de
France par la garde corse (voy.CRÉ-
QUI, X, 229, et RÉGNIER UES MaKAIS,
XXXVII, 254), et Huit par terminer
RAS .
les différends qui s'étaient élevés à
ce sujet. L'habilelé qu'il avait mon-
trée dans cette affaire lui mérita la
barette, qu'il reçut en 166!) (1). Clé-
ment IX, en arrivant au pontificat,
nomma le cardinal Rasponi gouver-
neur du duché d'Urbiu. L'affaiblisse-
ment de sasanlé, qu'il crut occasionné
par l'air de cette ville, l'ayant bientùt
obligé de revenir à Rome, il allait don-
ner la démission de cette place ; mais
le pape la refusa dans l'espoir qu'il
ne tarderait pas à se rétablir. Cepen-
dant son état ne fit qu'empirer , et après
avoir supporté , pendant plusieurs
années, de vives douleurs, il mourut
Ie2l novembre 1675, à l'âgede 60ans.
Le cardinal Rasponi fut inhumé dans
l'église de Saint-Jean- de-Latran, où
l'on voit son tombeau près de celui
qu'il avait élevé à sa mère, qui ne
l'avait précédé que de cinq ans dans la
tombe. C'est à son neveu, son héri-
tier, qu'on doit la fondation de Vhos-
pice des catéchumènes. Outre quel-
ques opuscules, on a de ce prélat : De
basilica et patriarchio lateranensi,
libri quatuor, Rome, 1656, in-fol.,
Ug., ouvrage curieux , mais pour
la rédaction duquel l'auteur a beau-
coup profité des recherches de Pan-
vinio {voy. ce nom, XXXII, 501}.
11 a laissé en manuscrit des haran-
gues; un poème qu'il adressa au pajie
Urbain VIM, pour le remercier du
don qu'il lui avait fait d'une abbaye,
intitulé : Princepshieropoliticunydes
Rime série et facete; le journal de
son voyage en France en 1649; des
(l) Les Raveonais lëinoignèrent leur re-
connaissance au pape Alexandre Vil en lui
élevaut une statue en bronze sur la place
principale de leur ïijle en i6-3. Une in-
scription, qu'on lisait sur le piédestal , in-
diquait les bienfaits que cette cité avait
reçus da pontife; le plus grand, aux yeux
des Ravennais, était d'avoir créé Ruspout
cardiiul.
RAS
v34i
Mémoires de sa vie; un Recueil de
sentences extraites de la sainte Écri-
ture et des Pères, etc. On trouve
des détails dans Ginanni, Scrittori
Ravennati, II, 239-56. W— s.
RASSÏCOD (Etienne), juriscon-
sulte, né à la Ferté-sous-Jouarre, en
1646, fut destiné à la vie religieuse;
mais la faiblesse de sa complexion no.
put lui permettre de suivre un état
qui exige l'observance de règles quel-
quefois austères. Après avoir fait des
études aussi solides que brillantes au
collège du Plessis, il s'attacha à la
personne de M. de Caumartin, maî-
tre des requêtes, depuis intendant de
Champagne, qui savait allier à l'exer-
cice des devoirs du magistrat le goût
le plus prononcé pour les belles-let-
tres. 11 devint le compagnon d'études
du fils de M. de Caumartin qui suivait
les leçons de la faculté de droit, et se
fit recevoir avocat au parlement.
» Mais la délicatesse de son tempéra-
« ment l'obligea à se renfermer dans
• le cabinet, c'est-à-dire à écrire et à
• consulter. Il s'y attira la confiance
« du public, aimant mieux rétablir la
• paix entre les parties que de proU-
« ter de leurs divisions. Malgré sa
« modestie , qui lui faisait fuir le
« grand jour, on ne laissait pas de
• sentir son mérite. En 1692, la fa-
« culte de droit le choisit pour être
• docteur agrégé d'honneur (1). »
11 fut aussi censeur royal des livres
de droit. En 1701, M. de Pontchar-
train, chancelier de France, le com-
prit au nombre des peràonnes habiles
qui devaient travailler au Journal
des savants. 11 fut naturellement
chargé de la rédaction des articles de^
jurisprudence, et, depuis 1702 jusr,
qu'au 6 septembre 1708, il s'acquitta,
(i) Éfogc de .11, Ratiia}d , dans le Journal
dti Safantt, in-io, année 1718.P. 367^ — Lov^
342
RAS
de cette tâche avec le zèle éclairé que
l'on devait attendre d'un homme
également versé dans la connais-
sance du droit et de la littérature an-
cienne et moderne. 11 mourut acca-
blé d'infirmités le 17 mars 1718. Il
avait composé pour son instruction
de nombreuses notes et apostilles sur
le texte des lois et des coutumes;
mais ce travail est resté en grande
partie inédit. On doit à Rassicod : I.
Notes sur le concile de Trente, tou-
chant les points les plus importants
de la discipline ecclésiastique et le
pouvoir des évêques; les décisions
des saints Pères, des conciles et des
papes; Cologne, 1706, in-8«; Bruxel les,
1708 et 1711, in-8''. Rassicod avait
tenu la plume , lors des conféren-
ces sur ces matières, entre quatre
conseillers d'État, MM. de Caumar-
tin, Bignon, Le Peletier et Bezons. Il
fut chargé de mettre en ordre et de
rédiger les observations qui furent le
résultat de ces conférences. Aussitôt
qu'il parut, le livre fut « recherché
« avec empressement, parce que la
« lecture en parut utile, et que les
« points les plus importants de la
« discipline ecclésiastique y sont sa-
« vamment éclairais (2).» UneDisser-
tation sur la réception et l'autorité du
concile de Trente en France, dans la-
quelle sont marqués les endroits qui
sont contraires aux usages de ce
royaume, et que Mylius attribue à
Rassicod (3), vient à la suite de cet
ouvrage dont la publication paraît
avoir eu lieu sans la participation de
(a) Journal des Savants, loco citato.
(3) Barbier (^Dictionnaire des anonymes,
tom. I*', p. 328) ne partiige pas ce senti-
ment et attribue la dissertation à Froma-
ger; mais il ne cite pas l'édition originale
que nous avons sou» les yeux, in-S" de 4i
pages eu petits caractères, laquelle ne por-
te ni date, ni lieu d'impression.
RAS
l'auteur. Gibert, célèbre canoniste,
avait préparé des additions et des
corrections aux notes de Rassicod;
mais elles n'ont pas vu le jour. II.
Notœ et restitutiones ad commenta-
rium Caroli Molinœi de Feudis, Pa-
ris, 1739, in-4». C'est par les soins
du fils de l'auteur que fut publié ce
travail utile sur l'un des ouvrages les
plus estimés de Du Moulin. On trouve
dans la préface une revue de toutes
les éditions du commentaire sur les
fiefs, et l'exposé de la méthode qui
a été suivie pour la restitution des
textes altérés ou supprimés. Dans une
seconde partie, Rassicod donne la
conférence des éditions posthumes
avec celles que Du Moulin publia de
son vivant. Il serait à désirer qu'une
pareille conférence des œuvres de
tous nos grands écrivains fût entre-
prise et publiée par des hommes d'un
esprit éclairé et judicieux. Il en jailli-
rait sans doute de nouvelles lumières
sur les premiers élans du génie, et le
secret de sa composition qu'il ignore
souvent lui-même.— Rassicod {Etien-
ne)^ fils du précédent, né en 1686,
suivit la carrière du barreau, djevint
bâtonnier de l'ordre des avocats, et
fut nommé censeur royal. Il mourut
le 16 mars 1755. C'est à lui qu'on
doit la publication posthume de l'ou-
vrage de son père intitulé : Notœ et
restitutiones, etc. L — m — x.
RAST de Maupas (Jean-Lodis),
agronome, né en 1731 à la Voulte,
dans le Vivarais, était fils d'un méde-
cin distingué , qui alla plus tard s'é-
tablir à Lyon. Livré de bonne heure
au commerce, il entreprit pour cet
objet plusieurs voyages, pendant les-
quels il recueillit une foule d'obser-
vations sur l'histoire naturelle et l'a-
griculture, genre d'étude qui lui plai-
sait beaucoup. Lors d'une excursion
qu'il fit en Italie , il ne craignit pas
RAS
d'exposer sa vie, à l'exemple de Pline,
afin d'examiner de près une éruption
du Vésuve. 11 avait fixé sa résidence
à Lyon, où il jouissait, comme négo-
ciant et agronome, d'une considéra-
tion méritée, lorsque cette ville tenta
de secouer le joug du terrorisme qui
pesait sur elle en 1793. Quoique les
événements de la révolution eussent
porté une grave atteinte à sa fortune,
Rast de Maupas ne recula point de-
vant de nouveaux sacrifices; il garan-
tit par sa signature les bons de sub-
sistances militaires pendant toute la
durée du siège; mais cette conduite
généreuse envers ses concitoyens
devint pour lui un titre de proscrip-
tion quand la malheureuse cité eut
succombé. Parvenu cependant à se
soustraire aux recherches , il reparut
après le 9 thermidor, et fut successi-
vement nommé membre du conseil-
général du département , de la cham-
bre de commerce , dn jury de l'école
vétérinaire, etc. Il appartenait à l'an-
cienne société d'agriculture de Lyon,
[ui lui dut la conservation de ses ar-
chives à l'époque où toutes les cor-
porations furent détruites -, il y ren-
tra aussitôt qu'elle fut réorganisée et
continu^ de prendre une part active
à ses travaux; il obtint même, en 1 8i0,
une des-médailles d'honneur que le
gouvernement décerna aux plus ha-
biles agriculteurs français. Rast de
Maupas avait été adjoint à l'abbé
Rozier (coy. ce nom, XXXIX, 209) ,
pour la direction de la pépinière pro-
vinciale établie aux portes de Lyon
peu de temps avant la révolution, et
plus tard il présida l'administration
de la pépinière départementale. Lui-
même , sur ses propriétés , en avait
formé de très-belles que les amateurs
et les él rangers s'empressaient de vi-
siter. U fonda aussi à Lyon un éta-
blissement connu sous le nom de
RAS
343
Condition des soies, où, par une mé-
thode de son invention , on donnait
aux soies le degré convenable de des-
siccation. H ne retira qu'une faible
indemnité de ce procédé aussi ingé-
nieux qu'utile et tombé aujourd'hui
dans le domaine public. On~Iui doit
encore d'autres inventions indus-
trielles et agricoles : 1*> un moyen
pour peindre et dorer l'étoffe à la
manière des Chinois, découverte men-
tionnée honorablement dans un rap-
port du Conservatoire des Arts et Mé-
tiers de Paris; 2° un bateau insub-
mersible et inchavirable, essayé avec
succès sur une pièce d'eau, à la vérité,
de peu d'étendue ; 3' un moulin pour
écraser le raisin qu'on veut jeter dans
la cuve, employé pendant long-temps
par l'inventeur à son usage particu-
lier, et dont on trouve la description
et le modèle gravé dans le Compte
rendu de la Société d'agriculture de
Lyon (année 1819); 4* une greffe,
dite greffe-Uaupas, du genre de cel-
les qu'on nomme par 5C/on ; elle a été
décrite et appréciée avec éloge par
André Thouin (coy. ce nom , XLV,
515), dans sa Monographie des gref-
fes. Rast de Maupas était en relation
avec les plus célèbres agronomes de
l'époque. Il mourut nonagénaire à
Lyon le27 marsI82i. Outre desObser-
vations relatives à son établissement
de laCondi/ion des soies, Lyon,anVlU
(1800) , brochure in-4°, il a laissé
plusieurs mémoires sur les végétaux
qu'il cultivait dans ses jardins et dans
ses pépinières , ainsi que des détails
sur l'éruption duVésuve, dont il avait
été témoin en Italie. Ces écrits sont
déposés aux archives de la Société
d'agriculture de Lyon. Le Compte
rendu des travaux de cette Société
(année 1821, p. 241-50), contient une
Notice sur J.-L. Rast de Maupas, rédi
gée par M. Grognier, secrétaire. —
344
RAT
Rast de Maupas (JeanBaptiste-An'
toine)^ frère du précédent, suivit la
carrière inédicale et reçut le docto-
rat à l'Université de Montpellier. S'c-
tant fixé à Lyon il y devint profes-
seur agrégé au collège des médecins,
puis lut nommé médecin de l'hôpital-
général de la Charité. En 1755, l'A-
cadémie des siences, belles-lettres et
arts l'admit au nombre d^ ses mem-
bres, et la Société d'agriculture de la
même ville le choisit pour associé.
On a de lui un Éloge inédit d'An-
toine-Joseiih Pestalozzi, médecin lyon-
nais {voy. cenom, XXXllI, 457), des
explications de monuments antiques,
plusieurs rapports et mémoires sur
des questions médicales, etc. , indi-
qués par Dolandine dans son Cata-
logue des manuscrits de la bibliothè-
que de Lyon, toui. I et 111. Les écrits
imprimés de Rast de Maupas sont :
1"^ Réflexions sur l'inoculation de la
petite vérole, Lyon, 1763 , in-12 ; 2°
Avis sur Vélahlissemcnt dhm cime-
tière hors de la ville de Lyon, 1777,
in-8°. Il y a inséré les Observations
de Petetiu {voy. ce nom, XXXIII,
468) sur le même sujet: P — ut.
RATALLER (Georges), philolo-
gue et poète latin, mérite une place
parmi les savants précoces. Né en
1528 àLeuwarde, en Hollande, d'une
famille noble, il fut placé de bonne
heure dans l'école de Macropedius
{voy. ce noiij, XXVI, 83), à Louvain,
et puisa dans les leçons de cet habile
maître, avec le goiit des lettres, une
connaissance approndie des langues
grecque et latine. Ses parents le des-
tinaient à la carrièra de la magistra-
ture; et, après avoir terminé ses hu-
manités et sa philosophie, il alla étu-
dier le droit dans les plus célèbres
universités de France et d'Italie. Il
fréquenta successivement les écoles
de Bourges, de DôlCj de Padouc, et
RAT
partout il sut se ménager des loisirs
pour continuer une traduction en vers
latins de 5op/ioc^e qu'il avait commen-
cée à Louvain. Des amis, auxquels il
communiquait sa traduction à mesure
qu'il la faisait, furent si charmés de
l'élégance et de la pureté du style,
qu'ils publièrent à son insu les trois
premières pièces : Ajaœ (\irieux, An-
tigone et Electre, Lyon, 1560,,in-S''.
De retour dans les Pays-Bas^ précédé
d'une réputation méritée, Rataller fut
nommé membre du conseil souverain
d'Artois, et en 1560, maître des re-
quêtes au conseil de Malines. La du-
chesse de Parme, gouvernante des
Pays-Bas, le choisit, en 1566, pour
son ambassadeur à la cour de Dane-
mark, où il demeura trois ans. La
prudence et l'habiletéqu'il avait mon-
trées dans les négociations furent ré-
compensées par la place de président
du conseil d'Utrecht. Au milieu de tant
d'occupations importantes, son ar-
deur pour l'étude ne s'était point
ralentie, et il travaillait h une traduc-
tion d'Euripide, quand il fut frappé
d'une apoplexie foudroyante, dans la
salle même du conseil,Ûe 6 oct. 1581 .
Bataller emporta les regrets de ses
collègues et des littérateurs dont il
était le protecteur. On a de lui les
traductions suivantes en vers latins :
I. Les Veuves d'Hésiode, Francfort-,
1546, in-8»; Rataller n'avait que 18
ans quand il publfti cette version ; il
y joignit un livre d'Êpigrammes.
IL Les tragédies de Sophocle, Anvers, .
1570 ou 1576 et 1584, in-8''; c'est la
même édition dont on n'a fait que re-
nouveler le frontispice. L'auteur l'a
dédiée à Frédéric Penenot, frère du
cardinal deGranvelle, par uncépilrc
que Bayle trouve bien digne d'être
lue. III. Trois tragédies d'Luripide :
les Phéniciennes.^ Uippolytc et An-
dromaque., suivies des l<'ragvtents
RAT
d'anciens poètes, tirés de Stobe'e,
ibid., 1581, in-16. On peut consulter,
pour de plus grands de'tails, le Dict.
de BayJe, et le Trajectum erudilum,
de Biirniann. \V — s.
RATEL (l'abbé), agent secret
des Bourbons en France , pendant la
révolution, était né vers 1760, à
Saint-Omer, lils d'un chapelier sans
fortune et chargé d'une nombreuse
famille. Élevé par les soins d'un on-
cle qui était dignitaire dans l'une des
plus riches abbayes de l'Artois , il fut
de bonne heure destiné à l'état ecclé-
siastique ; et, des qu'il eut achevé ses
études dans la capitale , il eut la pré-
tention , sous les auspices d'un abbé
de Langlade, bâtard de la maison de
La Rochefoucauld, d'être curé de Dun-
kerque, mais ne put y réussir. Il sui-
vit alors son protecteur dans la capi-
tale; mais celui-ci ayant été privé
par la révolution de ses riches béné-
fices , puis massacré dans les prisons
le 2 septembre 1792, Ratel, se consi-
dérant comme son héritier, alla ha-
biter Mantes, où la famille de La Ro-
chefoucauld disputait à la révolution
les riches propriétés qu'elle y possé-
dait. 11 fit beaucoup d'efforts pour
leslui conserver, et parvint, en mani-
festant les principes d'un républica-
nisme outré, à se faire nommer secré-
taire de la mairie de cette ville. Après
la mort de Robespierre, il revint à
Paris et s'y lia avec Brotier et Le-
maître, agents royalistes {voy. Le-
MAiTRE, LXXI, 244), qui ne l'employè-
rent toutefois que dans des circon-
stances de peu d'importance, ne l'i-
nitièrent point dans tous leurs secrets
et ne l'associèrent pas à leurs principa-
les opérations, ce qui fut très-heureux
pour lui, puisque le conseil de guerre
qui envoya Lemaître à l'échafaud ne
put le condamner qu'à la déportation
par contumace. Il s'était réfugié en
RAI
345
Normandie, où il a prétendu qu'un
peu plus tard il contribua beaucoup
à l'embarquement de Sydney Smith,
échappé du Temple {voy. Smith,
au Supp.), ce dont il ne manqua pas de
se faire un titre de recommandation
auprès du ministère anglais. Chargé
ensuite avec Robert d'organiser à
Rouen une corrt-spondance pour l'An-
gleterre , il reçut d'assez fortes som-
mes; mais on reconnut bientôt que
sa correspondance était sans intérêt,
et elle fut supprimée à la fin de 1799,
époque où Ratel passa à Londres pour
rendre ses comptes et surtout se faire
payer ce qu'il prétendait lui être
encore dû. Appuyé par Dutheil {voy,
ce nom, LXIII, 258), il réussit à se
faire compter sur-le-champ une som-
me de mille livres sterling, et fut
chargé de porter à Paris une somme
plus forte encore qu'on lui recom-
manda de distribuer aux royalistes
malheureux, surtout à ceux qui
étaient arrêtés ou forcés de fuir, par
suite de la saisie des papiers de
M. Hyde de Neuville, imprimés par
la police consulaire en un vol. in-8",
sous le titre de Correspondance an-
glaise, dans laquelle Ratel est dési-
gné en plusieurs endroits sous le nom
de Lemoine. On a dit que toutes les
sommes qu'il fut alors chargé de re-
mettre ne parvinrent pas à leur
adresse, et nous avons quelques rai-
sons de croire à cette assertion; mais
il ne porta pas moins ces sommes en
ligne de compte, et l'on pense même
qu'il en doubla quelques-unes, car il
s'arrangeait toujours pour ne rien
perdre. Mais il y eut des plaintes, des
réclamations; et lorsque l'abbé re-
tourna en Angleterre, vers 1803, on
exigea qu'il rendit ses comptes et qu'il
donnât des preuves autant que le com-
portaient des affaires naturellement
secrètes et dans lesquelles il a toujours
346
RAT
été facile de pêcher en eau trouble.
11 fut clairement démontré que c'é-
tait ce qu'avait fait Ratel , et on lui
fit restituer de fortes sommes. Il lui
en resta toutefois assez pour vivre
très à son aise, et on l'a vu long-
temps à Londres mener joyeuse vie.
Il essaya, en 1814, de rentrer en
France, mais il fut mal accueilli par la
Restauration, et retourna bien vite en
Angleterre, où il mourutpeu de temps
après. M— D j.
RATIIMAN ( Hebman) , ministre
protestant , vivait au commencement
du XVIF siècle et exerçait le minis-
tère évangélique à Danlzick. Il fut
accusé par Jean Corvin, son collègue,
de s'écarter en plusieurs points de la
doctrine de Luther, et éprouva une
persécution qui lui causa d'amers
chagrins. Elle avait pour prétexte
son attachement aux principes de
Jean Arndt et un livre que Rathman
publia, en 1621, sur le royaume de
grâce de J.-C. 11 résulta de là une
controverse dans l'église luthérienne
qui ne finit qu'après la mort de Rath-
man, arrivée en 1628. L — Y.
RATIER (le P. Vincent) , prédi-
cateur, né en 1634, à Langres, prit
l'habit de Saint-Dominique à l'âge
de seize ans, dans le couvent de Pro-
vins, et se distingua bientôt par son
talent pour la chaire. Animé d'un
zèle infatigable, il se fit entendre
plusieurs fois dans les principales
villes du royaume , et partout ses
exemples et ses discours produisirent
les plus heureux effets. Après avoir
successivement rempli différents em-
plois, il fut élu en 1694 supérieur-
général de l'ordre en France. Au bout
de quatre ans, il se hùta de remettre
les marques de sa dignité dans les
mains de son successeur, et revint à
Provins reprendre ses travaux évangé-
liqucs; mais, atteint d'un mal qu'il
RAT
négligea de soigner, il y mourut le a
février 1699. On a de lui : I. Discours
surlerétahlissementdel'égliseroyale
deSaint-QuiriandePr ovins, Orléans,
1666, in-12. II. Octave angélique de
saint François de Sales^ renfermée
dans le discours du P. V. Ratier,son
septième panégyriste , donnée au pu-
blic par l'un de ses amis, ibid., 1667,
in-8° de 43 p. Cet opuscule est en
vers de huit syllabes. L'avertissement
est signé des initiales J.-P. III. Orai-
son funèbre de mad. Jeanne-Ga-
brielle Dauvet des Marets, abbesse
du Mont-^otre-Dame près de Pro-
vins, ibid., 1690, in-4" de 27 p. Voy.
Bibl. ord. prœdicat. des PP. Que-
tif et Échard, II, 750. W— s.
RATTI (Nicolas), archéologue
italien, naquit le 19 mai 1759 à Rome,
d'une famille de négociants originaire
de Gênes. Il fut envoyé de bonne
heure chez les Pères des écoles pies,
et tels furent ses progrès que,
n'ayan#pas encore atteint l'âge de 1.")
ans, il faisait déjà partie de l'académie
des Yarii, rétablie par le père du cé-
lèbre archéologue Ennius-Quirinus
Visconti. Ratti se destinait d'abord à
l'état ecclésiastique, et il se fit rece-
voir docteur en théologie -, cependant
il n'entra pas dans les ordres, et finit
même par quitter l'habit ecclésiasti-
que. Choisi en 1785 pour accompa-
gner Jules-César Zollio, archevêque
d'Athènes et nonce apostolique au-
près de la cour de Bavière, il resta
deux ans à Munich, puis revint à
Rome, où il fut nommé, le 13 avril
1787, secrétaire du collège des avo-
cats consistoriaux. Le cardinal Inno-
cent Conti le donna ensuite pour pré-
cepteur à son pupille, le duc François
Slorza Cesariui. L'éducation de celui-
ci achevée, Ratti devint archiviste et
secrétaire de la" famille , fonctions
qu'il conserva toute sa vie, et qu'il
RAT
cumula avec les emplois du gouver-
nement. Le pape Léon XII ayant e'tabli
la nouvelle chancellerie de l'uuiver-
sité romaine, le nomma directeur
de son propre mouvement. Avec plus
d'ambition, Ratti aurait pu parcourir
une brillante carrière; car, outre le
souverain pontife que nous venons
de nommer, il e'tait particulièrement
estimé du roi de Saxe, Antoine. Ce-
lui-ci, lorsqu'il apprit la mort de ce
savant, arrivée le 12 janv. 1833, ne
dédaigna pas d'adresser à son fils aîné
une lettre de condoléance. Ratti avait
épousé en 1805 la fille de Pierre An-
geletti, peintre de quelque réputa-
tion. Ses restes furent déposés, ainsi
qu'il en avait manifesté l'intention ,
dans l'église de Sainte-Marie in Val-
licella, où on lit son épitaphe. Le
Diario di Rêma et le Giomaie arca-
àico (tome 77. année 1839), lui ont
consacré l'un une notice nécrologi-
que, l'autre un éloge plus étendu,
qui fut imprimé séparément avec une
dédicace au P. Degola, secrétaire de la
congrégation de VJndex. Ratti avait
publié:!. Lettera sopra VUecisione
dei CCCVI Fabi al tignor N. N. (l'ab-
bé François Caiicellieri), Rome, 1784.
Dans cette lettre, l'auteur soutient
que deux ou trois Fabius seulement
furent tués dans l'expédition contre
les habitants de Véies, et que l'armée
sortie de Rome se composait de vo-
lontaires romains de'pendants de la
famille des Fabius, dont ils portaient
le nom à cause de cela. II. Memoria
sulla vita di Quattro donne illustri
délia casa Sforza, e di Monsignor
Virginio Cesarini, Rome, 1785. Les
femmes illustres dont il s'agit sont:
Constance de Varano, Hippolyte Sfor-
za, Jeanne-Baptiste et Isabelle d'Ara-
gon, qui toutes vécurent au XV' siè-
cle. Comme on le pense bien, ces bio-
graphies de personnes appartenant à
RAT
347
une famille où Ratti était employé ne
contiennent que des éloges. III. Délia
famiglia Sforza, Rome, 1794-1795,
1« et 2'°« partie, 2 vol. in-8°. Cet ou-
vrage est fait dans le même esprit que
le précédent, mais sur un plan beau-
coup plus vaste ; car il embrasse la
biographie de tous les Sforza et offre
même des notices sur les familles
dont les derniers rejetons s'allièrent
à eux. IV. Selecta doctorum virorum
iestimonia de Camilla Valentia. ft-
mina sut temporis prœstantissima
in unum collecta et adnotationibus
aucta, Rome, 1795. C'est un recueil,
avec commentaires, de tous les élo-
ges que reçut de ses contemporains
Camille Valenti, une des dames ita-
liennes les plus courtisées par les
beaux esprits du XVI* siècle, mak
qui eût probablement moins attiré
l'attention de Ratti , si elle n'avait
pas eu un cardinal parmi ses arrière-
petits-neveux, au XVIII* siècle. V. I$-
toria di Genzano con note e docu-
menti, Rome, 1797. Cette histoire,
la première dont la ville de Genzann
ait été l'objet, est divisée en deux
parties : l'une embrasse neuf cha-
pitres de texte et l'autre dix-huit
pièces justificatives entièrement iné-
dites. VI. L' Àutenticità degli al-
heri genealogici stampati pel signor
duca ContiSforza-Cefarini nel som-
mario délia causa romanae primo-
geniturae de comitibus dimostrata
contro le faite imputazioni del di-
fensore del signor principe Ruspoli.
Lettera apologetica a schiarimento
delta présente causa, ed illustrazione
délia storia délia nobilissima fami-
glia Conti; Rome, 1821. VII. .Vuort
docun\enti in conferma delV Auten-
ticità, etc., Rome, 1824. C'est un sup-
plément à la pièce précédente qui fut
publié ^4 l'occasion d'un procès en-
tre les familles Sforza et Ruspoli.
348
IIAT
RAT
\U\.LetteraalsignoravvocatoCar-
lo Fea, commissario délie antichità,
suldi luiParallelo : « Giulioll con
Leone X,-" Rome, 1822. Ralti y réfute
l'opinion émise par Charles Féa que
« le règne de Jules II fut véritable-
« ment l'époque où Rome se releva
« et eut une grandeur stable, tandis
« qu'elle déclina rapidement sous les
• pontificats de Léon X et de Clément
« VII, après avoir eu une splendeur
« éphémère. » IX. Sulle rovine del
tempio delta Pace, disseriazione ^
Rome, 1823. X. Sulla vita di Giusto
Conti, romano poeta volgare del se-
cofoXF,iVofme;Rome,1824.XI.Z)/5-
serlazione sulla basilica Liberiana,
Rome, 1825, dédiée au pape Léon XII,
qui avait été archiprêtre de cette ba-
silique. Xll. Lettera al canonîco Do-
inerdco Moreni soprd un pretesode-
posito di Michel Àngelo Buonarotti.
L'auteur y apporte de nouveaux ar-
gunjents à l'appui de ceux que l'abbé
Moreni, dans un examen critique
d'une médaille de Michel-Ange re-
présentant Bindo Altovito, avait déjà
donnes pour prouver qu'un tom-
beau attribué à cet illustre sculpteur
n'étaitpointde lui. En reconnaissance
de ce service, Moreni dédia à Ratti
son édition des Letteredi Carlo Dali,
Florence, 1825. XIII. Sopra una is-
crizione Ficulensc scavata nella te-
nuta délia Cesarina, colla quale
s'illustra l'antica Flculea , Rome ,
1826. L'auteur y détermine la situa-
tion de cetle ville antique. XIV. Sopra
un antico sarcofago cristiano, Rome,
1827, in-8°. XV. Notizia délia chiesa
interna del romano archigimnasio,
Rome, 1833, dédiéeaucardinal Pierre-
François Galeili. Ratti fut surpris
par la mort au milieu de l'impression
de cet ouvrage. II avait encore donné
plusieurs dissertations aux Actes de
l'académie d'archéologie : l" Sulla
villa di Pompeo nelV agro Âlharîo
(tom. I, part. II). 2" Dissertazione
intorno ad una iscrizione antica
rinvenuta nel terriiorio di civita La-
vinia, spettante alla città di Lanu-
vio (tom. II). 3° Sulle opère di bene-
fieenza de' cristiani de' primi ire se-
coli (tom. III). 4" Délie arti d'italia
ne' primi ire secoli di Roma ; délia
cognizione de' Romani de' cosi delli
vasi etruschi di Velulonia, città deW
antica Etruria (tom. V). Membre de
l'Académie archéologique, Ratti l'é-
tait aussi de l'Académie de la religion
catholique, où il avaitlu (le SOjuill.
1827) une dissertation qui n'a pas été
imprimée, et dans laquelle il démon-
trait que « la révélation est prouvée
« par le sentiment universel de toutes
« les nationset de leurs législateurs.»
» A— Y.
RAÏÏON (Jacquks), né en France
en 1736, alla très-jeune en Portugal
où il se tixa et suivit la carrière com-
merciale. Il créa plusieurs établisse-
ments utiles à l'industrie, et devint
membre du tribunal de commerce,
de Pagriculture, des fabriques et de
la navigation à Lisbonne. Joseph F^
Marie F*' et le prince régent (depuis
Jean VI), lui donnèrent des témoi-
gnages de bienveillance. Nommé che-
valier du Christ, il fut attaché à la
maison du roi copime gentilhomme
{fidalgo cavalleiro). Mais, en 180»,
tandis que la famille royale était reti-
rée au Brésil, la régence, sur de va-
gues soupçons, lui ordonna de sor-
tir du royaume. Il se rendit eu An-
gleterre où il resta jusqu'en 181ô.
Rappelé en Portugal, il préféra venir
en France; s'établit à Paris, et y
mourut le 3 juillet 1820. Plusieurs
Portugais de distinction, entre au-
tres l'ambassadeur, assistèrent à se^
funérailles. Il avait publié, pendant
sou séjour en Angleterre, un ouvra-
RAU
RAU
349
ge intitulé : Recordacoes de Jacome
Ration (Souvenirs de Jacques Rat-
ton), Londres, 1813. Ce livre, où les
faits sont présente's d'une manière
confuse et souvent errone'e, est
écrit dans un style incorrect et avec
l'amertume d'un vieillard , aigri par
les injustices qu'il avait éprouvées.
Cependant il s'y trouve des choses
vraies et curieuses. La famille de l'au-
leur s*est efforcée d'en détruire les
exemplaires, qui d'ailleurs ne furent
•distribués qu'à des amis. Z.
RAUCOURT (Louis-Marie), der-
nier abbé de Clairvaux, né à Reims
le 10 juin 1743, se distingua de bonne
heure dans son ordre par une excel-
lente conduite. Après avoir ensei-
gné la théologie à Clairvaux , il fut,
• «n 1768, nommé procureur.de l'ab-
baye, prieur en 1773, et en 1780, sur
les instances de l'abbé Leblois, dési-
gné pour son coadjuteur. A la mort
de ce prélat , arrivée en 1783 , il lui
succéda comme abbé de Clairvaux et
chef de l'ordre de Saint-Bernard. Son
administration fut telle qu'avait été
sa conduite précédente. Employant
de la manière la plus noble et la plus
utile le superflu des revenus de la
maison, il acheta pour 500,000 francs
la riche bibliothèque du président
Bouhier de Dijon {voy. Bouhier, V,
305); aiais il n'eut pas le temps de la
mettre en place, la révolution ayant
arrêté ses travaux. Cette belle collec-
tion fut dans la suite donnée à la ville
de Troyes. Un autre dessein occupait
l'abbé Raucourl ; il voulait ériger
dans son monastère un monument à
saint Bernard, et pour cela il fit ve-
nir des marbres de Carrare. La statue
de la Charité était arrivée à Clair-
vaux; elle (levait faire partie du mo-
nument formé en groupe. Les autres
marbres, restés à Lyon, furent sai-
sis au commencement de la révolu-
tion. Ainsi il ne put pas non plus
exécuter ce second projet. Le duc de
Penthièvre , qui passait tous les ans
quelque temps à sa terre de Chàteau-
villain, à trois lieues de Clairvaux, té-
moignait à l'abbé Raucourt une bien-
veillance affectueuse. Il lui fit pré-
sent d'un grand tableau, où il était
représenté comme grand-amiral de
Franc-e . avec les attributs de sa char-
ge. L'abbé Raucourt eut le bonheur
de sauver ce don précieux, qui, étant
tombé dans les mains du vicomte de
Sainte-Maure, est aujourd'-hui au châ-
teau de Dinteville. Avant la révolu-
tion, l'abbé Raucourt, faisant de lar-
ges concessions aux idées du temps,
avait introduit dans son abbaye des
changements, tant pour la discipline
que pour le costume des religieux
qu'il cherchait à rapprocher des prê-
tres séculiers. Lorsqu'il fut expidsé
par les autorités révolutionnaires, il
se retira, emportant'les débris des re-
liques auxquelles on avait arraché
leurs ornements, et alla se cacher, à
une lieue de Clairvaux, dans le petit
village de Juvancourt, où il vécut pen-
dant quatorze ans, oublié du monde,
mais respecté des habitants qui, dans
les temps les plus orageux, ne cessè-
rent de lui marquer uu respectueux
dévouement. Souvent il exerça en se-
cret le saint ministère dans cette pa-
roisse et dans les environs. En 1804,
il vint se fixer à Bar-sur-Aube , où il
mourut, le 6 avril 1824, regretté Ues
habitants qu'il édifiait par sa résigna-
tion, et qu'il charmait par la douceur
de ses manières. Il fut le dernier suc-
cesseur de saint Bernard. C'était en
l'année 1115 que ce saint docteur,
l'ornement de son siècle, avait été en-
voyé de Cîteaux, avec quelques au-
tres religieux , dans la Vallée d'Ab-
sinthe ^ où ils fondèrent ce monas-
tère, dans un désert affreux, qui,
S50
RAUj
traversé par la rivière d'Aube, pas-
sait pour une retraite de voleurs.
Bernard et ses compagnons, vivant
dans une grande simplicité, le dé-
Irichèrent eux-mêmes, et y établirent
le chef-lieu d'un ordre devenu depuis
si florissant. Le député Chauvelin
acheta pendant la révohition cette
magnifique propriété. G — Y.
RAULHAC (Charles-Jean-Fraïs-
çois), ecclésiastique qui renonça à la
prêtrise pendant la révolution, de-
vint premier adjoint du maire d'Au-
rillac et membre de la Société d'ag'ri-
culture, arts et commerce de cette
ville, fonctions qu'il remplissait en-
core sous le gouvernement de la Res-
tauration, lorsqu'il mourut en nov.
1823. On a de lui : I. Lettre à M.Jo-
mard, membre de l'Institut et com-
missaire du gouvernement près la
commission d'Egypte, sur la signi-
fication du nom d'Hercule, et sur la
nature de ce dieu, Paris, 1818, in-8°
( anonyme). 11. Discours sur les hom-
mes de l'arrondissement d'Aurillac
qui, dans les temps connus, se sont
distingués par l'exercice d'éminentes
fonctions, par de hautes vertus^ par
des talents particuliers^ lu en assem-
blée publique, le 20 août 1819, lors
de la distribution des prix du collège,
suivi deiVofes historiques et d'éclair-
cissements sur chaque sujet, Aurillac,
1820, in-S". m. Discours lu en séance
publique de la Société d'agriculture,
arts et commerce d' Aurillac, le 8
juillet 1822, sur le développement
successif de ces trois branches de L'in-
dustrie humaine, dans le départe-
ment du Cantal, depuis les temps les
plus reculés jusqu'à la fin du XIU^
siècle de notre ère, Aurillac, 1822,
in-8». Z.
RACTENSTRAUCII (FuANÇois-
ÉTiENNE de) entra jeuue encore daus
l'ordre de Saint-Benoît en l'abbaye
RAV
de Braunau. L'abbé du monastère,
ayant remarqué en lui des disposi-
tions pour les sciences, le fit étudier
à l'université de Prague, et l'envoya
ensuite aux universités le plus en ré-
putation. Devenu professeur de théo-
logie à Braunau, Rautenstrauch y écri-
vit et enseigna le droit canon suivant
les maximes de l'église gallicane, ce
qui lui attira des contradicteurs. Il
lut cité au tribunal de l'université de
Prague, qui prononça sa déposition,
surtout à cause de son Traité du pou-
voir du pape; ce qui n'empêcha pas
l'impératrice mère de lui accorder une
médailleetdelefaireensuiteélireabbé
de Braunau, puis directeur de la fa-
culté de théologie à Vienne. Il exerça
les fonctions de cette pface pendant
onze ans avec beaucoup d'habileté et
de succès. Joseph II l'avait chargé de
visiter les écoles de théologie et les sé-
minaires de Hongrie et de Transylva-
nie, lorsqu'il mourut le 30 sept. 1785.
Ce religieux avait introduit diverses
réformes dans les études et publié
quelques écrits sur le droit ecclé-
siastique. T — D.
RAVARDIÉRE, voyageur, entre-
prit en 1604 un voyage au IJrésil et
vers l'embouchure du fleuve des Ama-
zones, où la France avait alors quel-
ques établissements. Il y rotourna
en 1611, et fit une association pour
le bien du commerce. Les Français
y bâtirent un fort ; et Ravardièie éten-
dit ses conquêtes dans l'intérieur du
pays. Il fut souvent en guerre avec
les Indiens, dont la plupart, assez fé-
roces, passaient pour des anthropo-
phages; mais les Portugais, qui pré-
tendaient avoir seuls le droit de s'éta-
blir dans le Brésil, tombèrent sur les
Français; et coumie ils étaient en
force, ils firent Ravardière prison-
nier. Sa détention fut lougiie. Enfin,
remis en liberté, il revint «la us sa
RAV
patrie et y mourut peu de temps
après. M— LE.
RAVENEAC (Jacques) (1), maître
écrivain juré à Paris dans le XVII*
siècle, fut employé comme expert
pendant une partie de sa vie au par-
lement et dans les autres juridfctions,
pour la vérification des écritures et
des signatures. Il consigna le résultat
de ses recherches et de sa longue
expérience dans un ouvrage devenu
très-rare, le premier qui ait été pu-
blié sur celte matière, sous ce titre :
Traité des inscriptions en faux et
reconnaissances d'écriture et signa-
tures, par comparaison et autrement,
Paris, 1666, in-12. L'auteur passe en
revue les différentes espèces d'alté-
rations que l'on peut faire subir aux
écritures, ainsi que les moyens à l'ai-
de desquels les faussaires opèrent des
substitutions dans les registres, etc.
Les faits et les considérations qu'il
développe pourraient nous éclairer
aujourd'hui sur nn sujet que les tra-
vaux des criminaliïtes n'ont pas en-
core entièrement approfondi. Il n'est
pas aussi heureux lorsqu'il traite de
l'enlèvement et de la revivification
des écritures. La chimie et la science
du faussaire, quoique pratiquées de
toute ancienneté, n'avaient pas en-
core fait les progrès où elles sont
parvenues de nos jours. L'expert juré
tombe donc dans plus d'une erreur
pour ce qui concerne cette partie de
son art, mais sur le reste il est passé
maître, et donne plus d'une leçon
dont ses successeurs ont profité. Ce-
pendant le livre et l'auteur eurent
une destinée fâcheuse. Le premier
fut proscrit comme pemtcieuar, parce
RAV
361
(i) Les éditeurs do Moréri, de 1759,
ODt commis uue errenr eu donnant l'ar'dclè
de ce personnage sons le nom de RAore-
HBAD (toœ. IX, p. a3).
que, disait-on, tout en signalant les
moyens dont se servaient les faussai-
res pour contrefaire ou altérer les
écritures, il mettait à la portée de
tous l'usage ou l'abus qui pouvait en
être fait. Quant à l'auteur, il suc-
comba lui-même à la tentation d'em-
ployer dans un but coupable les pro-
cédés dont il avait si bien révélé le
secret. Des poursuites criminelles
furent dirigées contre lui, et en 1682
il fut condamné à une prison perpé-
tuelle. On a même lieu de croire que
cette peine eût été plus grave, sans
la protection du président LAmoi-
gnon. Cet illustre magistrat ne put
refuser son appui à celui qui avait
été le maître d'écriture de ses en-
fants. Jacques Raveneau, dans la
préface de son livre, se plaint d'être
en butte à la haine et à la jalousie de
ses confrères , • qui se sont ligués
«contre moi, dit-il, pour me faire
• tous les outrages possibles et tou-
« tes les diffamations imaginables ;
• et quoique j'aie obtenu des senten-
« ces et arrêts qui m'ont fait toute
« la réparation et satisfaction qu'on
« peut espérer, néanmoins par un
« complot concerté ils continueni
- de plus en plus leurs calomnies et
' diffamations. » On est fondé à pen-
ser que tout n'était pas calomnieux
dans les imputations dont Raveneau
fut l'objet, puisqu'il finit par être ir
révocablèment condamné. L— m— x.
RAVE.\E.4C DE LCSSAN. Yoy.
LUSSAN, LXXIl , 230.
RA\1ZZA (Domimqle), littéra-
teur] italien, naquit en 1707, à Lan-
ciano, dans les Abruzzes. Après avoir
étudié au collège de cette ville, il alfa
à Naples , s'y fit recevoir avocat et
exerça pendant quelque temps cette
profession. II obtint ensuite, dans le
duché de Parme, un emploi qu'il ne
garda pas long-temps, car il revint
352
RAV
bientôt daos sa patrie, où il épousa
une rich^hêritière, ce qui lui permit
de se livrer à son penchant pour les
belles -lettres. Cependant il accepta
en 1750 une place {luogotenente
délie doganelle ) dans l'administra-
tion de l'octroi de Lanciano , qu il
ne cessa d'occuper jusqu'à sa mort,
arrivée le 9 oct. 1767. La plupart
de ses ouvrages ne furent publiés
que long-temps après. Son hls lit
imprimer en 1786 (ÎS'aples, 2 vol.
in-8°) les œuvres poétiques, com-
posées de pièces lyriques, comiques
et dramatiques, dont fut rendu un
compte favorable par deux critiques,
P -N Signorelli et le P. Valdera, qui
alla jusqu'à dire que Ravizza « avait
. ôté à Métastase le mérite d être
a seul. - C'est un éloge qu'on doit
bien se garder de prendre à la
lettre Les œuvres en prose paru-
rent en 1794 (Naples, in-S"), par les
soinsde Janvier Ravizza (V02/.1 art.
suivant), petit-tils de l'auteur et juge
au tribunal de Chieti. Elles embras-
sent • I. Dissertazione sul culto dei
lacio délia mano a' Vescovi. 11. Sup-
vlica per la cresima di unamiova
chiesa di Lanciano. IIL Difesa del
marchese Antonio Castigliom accu-
sato d'essersi intruso nell'eserazio
d'un puUico impiego. IV. Osser-
vazionisopraunaiscrizioneiromta
fra le rovine del tempio d'Isidein
Pompei.Y. lettera in difesa dun
amico.yi.mïn une Dissertazione
dans laquelle il examine. SI les horn-
« mes doivent prendre exemple des
« bêtes, tant dans les choses qui re-
. tardent l'instinct commun que dans
.îerèglementdelavie..Cestrois
volumes ne comprennent pas cepen-
dant tous les écrits de Ravizza car
l'éditeur du dernier volume a oublié
d'Y insérer «ne Dissertazione sur
n iterprétation à donner au mot
RAV
amoholium qu'on lit dans une in-
scription trouvée à Chieti. Cette dis-
sertation avait déjà été insérée par le
père AUegranza dans ses Opuscoh
(Crémone, 1781). Quelques-uns des
travaux de Ravizza avaient paru de
son vivant, soit dans les Novelle lette-
rarie Florentines^ Lami.soit dausla
Raccolta d'opuscoli scientifîci e let-
ferani , publiée à Venise par Calogera.
Il en est d'autres que des littérateurs
peu délicats s'approprièrent ; mais le
véritable auteur se vengea dans une
épigramme contre les pères plagiai-
res, taisant ainsi allusion au P. Jean-
Chrysostôme Trombelli, qui s'était
emparé d'une traduction de plusieurs
fables d'Ésope, et au P. Isidore Blan-
chi, qui avait fait imprimer, comme
sienne, dans la iVuoua raccolta calo-
geriana, la dissertation sur une in-
cription trouvée dans le temple d'isis
et que nous avons citée. A— y.
RAVIZZA (Janvier), petit-fals du
précédent, naquit à Lanciano, le 15
mai 1776. 11 entra dans la carrière
de la magistrature et exerça de hau-
tes fonctions judiciaires dans les vil-
les de Chieti et d'Aquila. L'état de
sa santé l'ayant obligé de demander
sa retraite en 1830, il l'obtint, avec
une pension convenable et les titres
déjuge de grand'cour criminelle et
de conseiller à la cour suprême de
justice de Naples. Depuis cette épo-
que il ne quitta plus la ville de Chieti,
sa patrie d'adoption, et il se consa-
cra tout entier à des recherches ar-
chéologiques et littéraires, jusqu à
sa mort arrivée le 8 janvierl836.
Outre l'édition des œuvres de son
aïeul que nous avons citée dans l ar-
ticle précédent, il avait pu^'e : I.
Raccolta didiplomiedi altridocu-
menti deitmpi di rnez^^ rç^e^^)
da servirc alla storia délia cttta di
Chieti: ouvrage ostîmé. 11. Fp»-
RAV
grarmii antichi dt^ mezzi tempi e
récent i.pertinenti alla città di Chieti,
e spiegati da diversi autori. III. No-
tizie biografiche, che riguardano gli
uomtnt illustri délia città di Chieti,
1830. Cet ouvrage esl assez bien
dcrit, mais il a le défaut de la plu-
part des biographies locales, c'est
d'abouder en éloges exagérés , et
d'accorder une place à des person-
nages fort insignifiants. IV. Appen-
dice aile Notizie biografiche, etc.,
Chieti, 1834. C'est un supplément a
l'ouvrage précédent. A — y.
RAVRIO (Antoine-iVndrê), bron-
zier célèbre, naquit à Paris le 23
oct. 1759, et, après y avoir fait d'as-
sez bonnes études , apprit à mouler
chez son père qui suivait la même
profession. Il dessina ensuite , mo-
dela à l'Académie, apprit à ciseler
sous d'habiles maîtres. Enfin il pra-
tiqua l'art du fabricant de bronzes do-
rés dans toutes ses parties, et c'est
ainsi qu'il rendit sou nom célèbre
eu Europe. On admire à la fois dans
ses ouvrages la pureté du dessin, un
style noble et des compositions in-
génieuses. Les connaissances variées
de Ravrio et ses éminentes qualités
le favorisèrent beaucoup dans ses re-
lations commerciales et dans sa vie
privée. Son obligeance et la gaîté de
son caractère le firent rechercher.
Livré tout entier à son état qu'il ai-
mait avec passion, il ne cultiva les
lettres que fort tard et comme délas-
sement. Ou lui doit cependant plu-
sieurs vaudevilles qui ont eu de nom-
breuses représentations, et il a pu-
blié avec M. Chatillou deux volumes
de poésies, où l'on trouve de la faci-
lité et du naturel. N'ayant pas d'en-
I lut et voulant perpétuer son souve-
nir dans l'état qu'il avait exercé avec
tant de succès, il légua, en mourant,
son nom avec sa fortune à M. Lenoir,
ixxvm.
RAY
353
son ami. Il avait demandé qu'une
simple pierre couvrît sa tombe ; mais
la reconnaissance lui éleva un monn-
ment plus digne de lui, au cimetière
de l'Est. Ravrio, à son heure dernière,
s'occupadu sort des ouvriers doreurs.
Voulant remédier à l'insalabrité de
leurs ateliers, il légua par son testa-
ment une somme de 3,000 francs à l'io-
venteur d'une méthode qui, au juge-
ment de l'Académie des sciences, les
préservât des dangers auxquels les
expose l'emploi du mercure. M. Darcet
remporta ce prix en 1818. Ravriu
mourutàParisle4déc. 1814. Sesou- •
vrages publiés sont : L Arlequinjour-
naliste, vaudeville en un acte et eu
prose, 1799 , in-S". II. La Sorcière,
vaudeville en un acte et en prose ,
1800, in-S". III. LaMaisondes Fous,
comédie en un acte et en prose mê-
lée de vaudevilles, Paris, 1803, in-8*.
IV (avec M. Chatillon^ Mes délasse-
ments, ou Recueil de chansons et au-
tres pièces fugitives^ composées pour
mes amis, Paris, 1805, in-8°. Ravrio
fut encore l'un des auteurs de Mon-
sieur Giraffe^ ou la Mort de rOurs
6Zanc,vaudevillejoué en 1807. M— Dj.
RAYMOND (Jean-Abnacd), ar-
chitecte, né à Toulouse, le 9 avril
1742, était ûls d'un entrepreneur de
bâtiments, homme fort habile dans sa
profession, et qui lui donna les pre-
mières notions de stéréotomie et d'ar-
chitecture. Il aurait désiré l'envoyer
à Paris pour compléter son éducation,
mais les sacriOces qu'il fallait faire
excédaient de beaucoup ses ressour-
ces ^ M. de Puymaurin {voy. ce nom,
ci-dessus, p. 179), amateur éclairé et
protecteur généreux des sciences et
des arts, se chargea de^cette dépense.
Le jeune Raymond, arrivé dans la ca-
pitale , étudia successivement sous
Blondel , Hilaire et Leroi. £o 1767 ,
il remporta le grand prix d'architeo-
23
354
RAY
ture, et partit bientôt pour Rome. 11
explora avec un soin particulier les
thermes et les nombreux monuments
antiques qu'offre l'Italie j mais les ou-
vrages de Palladio (voy. oe nom,
XXXII, 429) attirèrent surtout son
attention. Il visita Venise , Padoue ,
Trévise et Vicence, pour y examiner
en détail les travaux de ce Vitruve du
XVP siècle, dont il voulait propager
le système artistique en France. II
avait composé à ce sujet de savantes
notices, accompagnées d'un grand
nombre de dessins, recueil important
« qu'il se proposait de mettre au jour ;
mais la publication inattendue de
l'œuvre de Palladio, par Cameron,
d'après les dessins appartenant à Ri-
chard Burlington {voy. ce nom, VI,
326) , le fit renoncer, non sans chagrin,
à un projet dont il s'était occupé pen-
dant huit ans . Raymond revint en 1775
à Paris, où ses talents ne tardèrent
pas à être appréciés. Appelé à Mont-
pellier, il y resta trois ans, chargé de
diriger divers travaux publics; mais
il ne termina que la belle place du
Peyrou. Plus tard, Joubert, inten-
dant des États de Languedoc, lui de-
manda, pour des établissements de
Nîmes et autres villes de cette pro-
vince, des plans ^qm furent adoptés
par les États, mais dont le manque de
fonds empêcha l'exécution. Raymond
dut se borner à réparer quelques-
uns des précieux débris de l'antiquité
romaine, encore si multipliés dans le
midi de la France. Il désirait ardem-
ment d'attacher son nom à un seul
monument remarquable-, cette loua-
ble ambition ne put être satisfaite.il
avait cependant présenté différents
projets qui attestent le bon goût et le
profond savoir de leur auteur, et
parmi lesquels celui qu'il avait conçu
pour la restauration complète du
▼iètix Louvre est regardé coninie un
RAT
chef-d'œuvre. Malheureusement au*
cun de ces projets ne fut effectué.'
Voyant ainsi toutes ses espérances
déçues, Raymond passa les dernières
années de sa vie dans la retraite, et
mourut à Paris le 18 janv. 1811. L'an-
cienne Académie d'architecture l'a-
vait admis comme professeur en 1784,
et l'Institut l'appela dans son sein
dès l'époque de sa création. Il était
membre du conseil des bâtiments près
le ministère de l'intérieur et archi-
tecte du gouvernement. On a de lui :
I. Mémoire sur la construction du
dôme de la Madonna délia Salute, à
Venise, comparée avec celle du dôme
des Invalides, accompagné de 7 pi.
Ce mémoire, inséré dans le Recueil de
l'Institut (Littérature et Beaux-Arts,
tom. III , 1801), à été tiré séparément
à un petit nombre d'exemplaires.
II. Projet d'un arc de triomphe, dont
Vexécution avait d'abord été arrêtée
pour l'emplacement de VÉtoile, sur
la grande route de Paris à Neuilly,
gravé au trait, d'après les dessins
originaux de feu Jean- Arnaud Ray-
mond, ouvrage posthume, précédé
d'une notice historique sur la vie et
les ouvrages de l'auteur, Paris, 1812,
in-fol. avec 6 pi. et orné du portrait
de Raymond. P — bt.
RAYMOND (James Grant, dit),
acteur anglais, directeur de Drury-La-
ne , né eu 1769, était fils d'un officier
qui succomba dans la lutte avec ks
Anglo-Américains. Sa mère, mistress
Grant , ne pouvant disposer que de
faibles ressources pécuniaires, le lais-
sa peu de temps à l'école , après quoi
il mena pendant quelques années une
vie errante. Un ancien ami de Gar-
rick, qui reproduisait son jeu avec
succès , ayant un jour récité le rôle
d'Oroonoko devant le jeune James,
celui-ci crut aussitôt se seutir uuu
YOCiiliou pour la scène, et résolut de
RAY
s*f consacrer. Le directeur du théâtre
de Dublin l'admit bientôt à débuter,
et le succès qu'il obtint dans quelques
rôles tragiques le fixa dès lors dans
cette voie périlleuse. C'est à cette
ëpoque qu'il commença à prendre le
nom emprunté de Raymond, sous le-
quel il est le plus connu. Il joua en-
suite à Lancaster, à Manchester, et en-
fin à Londres, sur le théâtre de Dru-
ry-Lane, auquel il rendit d'importants
services, surtout à la suite de l'incen-
die qui consuma la salle. Aussi fut-ii
appelé plus tard à prendre la direc-
tion de la troupe qu'il avait empêchée
de se disperser , et il montra dans
cette position ardue une activité et
un dévouement qui contribuèrent
sans doute à miner sa constitution
et à abréger sa vie. Il' mourut, presque
subitement, en 1817. Comme lit-
térateur, on a de lui , indépendam-
ment de deux tragédies dont l'une a
pour sujet les malheurs de Louis XVI :
la Vie de Thomas Dermody, 1805,
2 vol. in-80; la Harpe d'Êrin, on
OEuvres poétiques de Thomas Der-
mody^ 1807, 2vol. in-S». James Grant
Ra>-mond, marié en 1792, laissa une
veuve et six enfants. L.
RAYMOND (Georges -Mabie),
littérateur et savant distingué, na-
quit à Chambéry en 1769, d'une fa-
mille originaire de Sixt en Faucigny.
Une ardente passion le domina toute
sa vie, ce fut le double désir d'appren-
dre et d'enseigner. A peine fut-il sorti
du collège de sa ville natale qu'il se
livra laborieusement à l'étude appro-
fondie de la haute littérature et des
sciences exactes, sans autre maître
que les bons livres et les impulsions
d'une forte intelligence. Obligé tou-
tefois d'associer à ses études un em-
ploi lucratif qui pût alléger les dé-
penses d'une famille peu aisée, il
accepta dans l'administration du ca-
RAY
3SS
dastre les modestes fonctions que
l'illustre philosophe de Genève y
avait remplies un demi-siècle aupa-
ravant. Le jeune Raymond, à l'époque
où la Savoie fut incorporée à la répu-
blique française, passa de cette place
à celle de secrétaire-général du dé-
partement du Mont-Blanc ; et en 1794,
fatigué d'exercer des attributions qui
n'étaient point en rapport avec ses
goûts ou avec son attachement à l'an-
cienne monarchie, il obtint la chaire
d'histoire et de géographie à l'école
centrale du Mont-Blanc, qui avait
remplacé l'ancien collège. En 1800,
il joignit à cette chaire l'enseigne-
ment des mathématiques. L'année
suivante, il fit partie du conseil établi
à Chambéry pour veiller à l'encou-
ragement de l'agriculture et de l'in-
dustrie nationale. En 1803, l'école
centrale, organisée sur un nouveau
plan, fut confiée à sa direction, sous
le titre d'école secondaire. Au rétablis-
sement de la maison royale de Savoie,
revêtu du titre de préfet honoraire du
collège des jésuites, qui fut substitué
à l'école secondaire, il y professa la
géographie et les mathématiques jus-
qu'à l'âge de 70 ans. Il mourut dans
l'exercice de ce professorat le 24 avril
1839, universellement regretté. A la
nouvelle de sa mort, ceux de ses an-
ciens élèves qui habitaient Turin se
réunirent à la voix de l'un d'eux (l'au-
teur de cet article) pour faire célé-
brer une messe de requiem, dont le
défunt avait composé lui-même la mu-
sique. Les paroles suivantes, extraites
de son testament, révèlent les vertus
et les saines doctrines de cet homme
de bien : « Que mes enfants ne cher-
• cheut point les richesses, et qu'ils
« redoutent la funeste influence d'un
« seul denier acquis injustement. Pie.
• té solide, intégrité rigoureuse, tra-
- vail , courage et résignation dans
23.
356
RAY
RAY
« les peines; soumission sans mur-
«mure aux volontés du ciel; com-
« bat soutenu des passions dange-
« reuses et des penchants désor-
• donne's; mépris des vanités mon-
« daines -, privation de tout superflu
• afin de pouvoir exercer le précepte
• de la charité chrétienne en ve-
• nant au secours des infortunés ,
« dans toutes les occasions ; voilà en
•«peu de mots les règles de conduite
• que mes enfants doivent se pres-
^)fi^ire,et qui seules peuvent amener
^ leur véritable félicité. » Nous ter-
minerons cette notice par le catalogue
des principaux ouvrages sortis de la
plume de ce vertueux et docte Savoi-
sien : I. A l'auteur de la Chaumière
indienne, ou Réfutation du système
de M. Bernardin de Saint - Pierre
sur la figure de la terre, Chanibéry,
1792. IL De la peinture considérée
dans ses effets sur les hommes de tou-
tes les classes, et de son influence sur
les mœurs et le gouvernement du peu-
ple^ Paris, 1799; seconde édition, ib.,
1804. Cet ouvrage fut l'objet d'une
mention honorabl^e de l'Institut. III.
Essai sur l'émulation dans Vordre
social et sur son application à Védu-
cation, mentionné aussi par l'Insti-
tut, Genève, 1802. IV. Manuel mé-
trologique du département du Mont-
Blanc^ Chambéry, 1803. Y. Rapport
sur Véchelle des plans du cadastre de
la Savoie, et rapport de cette échelle
avec le terrain^ Chambéry, 1803. VI.
Métaphysique des études, ou Recher-
clies sur l'état actuel des méthodes
dans la culture des lettres et des scien-
ces^ etc., Paris, 180i. VII. Lettre à
Jl/. de Chateaubriand sur deux cha-
pitres du Génie du christianisme,
Genève, 1800. VIII. De la musique
dans les églises, considérée dans ses
rapports avec*V objet des cérémonies
religieui^cs, Chanibéry, 1809. IX. Let-
ires à M. Millin sur l'utilité de VétU'
hlissement des maîtrises de chapelle
dans les cathédrales de France, et
sur l'usage de la musique dans les
églises, Chambéry, 1810. X. Let-
tre à M. Villoteau , touchant ses
vues sur la possibilité et Vutilité
d'une théorie exacte des principes
naturels de la musique, Paris, 1811.
XI. Plan d'un cours de logique,
ou Essai d'un choix de matières pro-
posées pour un traité élémentaire de
Vart du raisonnement, Paris, 1811.
XII. Notice sur les Charmettes et les
environs de Chambéry, Genève, 1811;
2« édit., Chambéry, 1817; 3« édit.,
ib., 1824. (La maison des Charmettes,
qui fut habitée et décrite par J.-J.
Bousseau, appartenait à Raymond.)
XIII. Essai sur la détermination des
bases physico - mathématiques de
Vart musical, Paris, 1813. XIV. Let-
tres sur rétablissement d'éducation
d'Yverdun, Chambéry, 1814. XV.
Éloge de Biaise Pascal, accompagné
dénotes historiques et critiques; dis-
cours qui a remporté le prix double
d'éloquence (une églantine d'or de
valeur double) décerné en 1816 par
l'Académie des Jeux-Floraux, Lyon,
1816. Cet écrit fut d'abord imprimé
dans le recueil de cette Académie.
XVI. Éloge historique du comte Jo-
seph de Maistre, inséré dans le tome
xxviï des Mémoires de l'Académie
de Turin. XVII. Éléments de géogra-
phie moderne, Annecy, 1821, 2 vol.
XVIII. Des principaux systèmes de
notation musicale, usités ou propo-
sés chez divers peuples tant anciens
que modernes , ou Examen de cette
question : Vécriture musicale, géné-
ralement usitée en Europe, est-elle
vicieuse au point qu'une réforme com-
plète soit devenue indispensable?
Turin, 1824 (extraitdesMem.de l'Aca-
démie des sciences de Turin, t^x-Vît).
RAY
XIX. VErniite de St-Saturnin, re-
cueil d'articles de mœurs et critiques,
Ch^mbe'ry, 1833, 2 vol. XX. Ua grand
nombre de Mémoires et de Notices in-
sérés dans les recueils de la Société
royale académique de Savoie dont il
fut le secrétaire perpétuel depuis sa
fondation. Voici les principaux : Slé-
moire sur la nature et la significa-
tion de Véxpression analytique gêné'
raie -^ — Observations critiques sur
le système de Bailly touchant l'ori-
gine drs arts et des sciences. — Ob-
servations sur le principe philoso-
phique de M. de Lamennais touchant
le fondement de la certitude, — Saint
François de Sales considéré comme
écrivain. — Notice sur la position
géographico-topographiquede Cham-
béry. — Notice sur itf . Bigex, arche-
vêque de Chambéry. — Mémoire sur
la canière militaire et politique du
général de Soigne. — Quelques re-
marque» sur les mots Savoisien et
Savoyard. — Nouvelle dissertation
sur le principe d'action chez les ani-
maux. — Observations faites au sujet
d'un système sur l'origine des êtres or-
ganisés, et en particulier celle du
genre humain.— Remarques sur quel-
ques expressions et quelques tournu-
res défecteuses employées même par de
bons écrivains. Indépendamment de
ce5 diverses productions, G. -M. Ray-
mond a fourni ua grand nombre d'ar-
ticles il la Biographie universelle, au
Magasin encyclopédique de Millin,
aux Annales de mathématiques pu-
bliées par Gergonne, et au Journal
de Savoie qu'il a fondé et dirigé
sans interruption. 11 appartenait, en-
tre autres Académies, à celles de Tu-
rin, de Lyon, Dijon, Nîmes, et à ïa So-
ciété philotechnique de Paris. Le roi
Charles-Albert couronna la carrière
de Georges-Marie Raymond en lui con-
férant, en 1834, la croix de l'ordre
RAY 35T
y- ' y.
royal du Mérite Ci\il de Savoie que ce
prince, ami des lettres, a institué
pour que les travaux de rintelligencc
fussent aussi noblement récompensés
que les vertus militaires. B— f— s.
RAYNEVAL (Fr\j«çois-Maximi-
LiEN GÉRARD, comte de), uaquit à Ver-
sailles le 8 oct. 1778. Sa famille, origi-
naire d'Alsace, remplissait dans cette
province des charges municipales et
judiciaires. Le duc de Choiseul, pen-
dant son ambassade à Vienne, ayant
connu l'oncle de Raynevaf, C.-A.
Gérard (1), qui était alors secrétaire
de l'ambassade près cette cour, l'avait
appelé, dès son entrée au ministère,
aux fonctions de premier commis des
affaires étrangères. Gérard occupa
cette place importante avec une gran-
de distinction sous les ministres Choi-
seul, d'Aiguillon et Vergennes; il ne
la quitta que lors de l'enroi de Fran-
klin en France, pour aller, par réci-
procité (1778), comme ministre plé-
nipotentiaire aux États-Unis d'Amé-
rique, nouvellement reconnus par le
cabinet de Versailles. Un an après,
au retour de cette mission, il fut nom-
mé préteur royal à Strasbourg, et
mourut à Paris, en 1 790, Il avait pour
frère puîné Joseph-Mathias Gérard
{voy. ce nom, XVII, 172) (2), père
(t) Conrad-Alexandre Gérard avait été dé-
signé à la conCaoce du duc de Cboi»eul par
Ic «uv.iot profeiseur Scboepflia, auteur de
l'.4Uatia illuslrata, dont il avait suivi les cours
et récité les leoons, de même que Pfrffel
(Chrétien-FrédéricJ; on l'appel.iit ]e gruftd
Gérard. Il fut plusieurs lois, notamnunt
en 1761, clurgé d'affaires [lar intérim , en
l'absence de l'iimbassadeur. G — & — ».
(a) Gérard (Josepli-Matbias), cosnu de-
puis son retour en Frjnce et sou entrée dans
les bureaux, en 1774, sons \s nom de P07-
neval , ponrle distingner de son frère aine,
le grandGérard, débuta dans la carrière po-
litique en 1764, comme secrétaire de léga-
tion en Saxe sons le baron de Zackm'atoh;!,
et servit en la même qaaHté sons le comte
duBaat, nomme ministre pJ.éuu>.olentiaire
•a 17735 il a'ait épousé nne arrjcre'bfetit«-
'•'I !■("■; , .';^.;!i(|,f^ ■''N'xf.t^:- r
358
RAY
du comte de Rayneval, résident de
France à Dantzig, qui devint son col-
laborateur au même ministère, éga-
lement en qualité de premier commis;
celui-ci gagna la confiance particu-
lière du comte de Vergennes. Nommé,
en janvier 1783, ministre plénipoten-
tiaire à Londres, il y signa les préli-
minaires de la paix avec l'Angleterre.
A la mort de ce ministre, en 1787, il
continua de demeurer attaché aux af-
faires sous MM. de Montmorin et de
Lessart. Il se retira, en mars 1792, à
l'avènement de Dumouriez -, en sorte
qu'on peut dire que la révolution
seule, personnifiée dans ce nouveau
ministre, mit un terme aux longs ser-
vices de Gérard de Rayneval père,
dans un département où son nom est
encore justement honoré. Dans un
temps ordinaire, cette position de fa-
^ mille eût ouvert au jeune Rayne-
val tous les accès de cette brillante car-
rière ; mais les circonstances étaient
autres, et il n'en fut pas ainsi. S'il
parvint successivement à tous les
emplois diplomatiques, il ne le dut
qu'à son propre mérite. Pendant la
tourmente révolutionnaire, son père
s'était retiré à Chatou, près Saint-
Germain. Là, dans une complète so-
litude, il se livra tout entier à l'édu-
cation de ses deux filles, devenues
mesdames de Joguet et Didelot, et
de ce fils dont il fut l'unique maître.
Son esprit docte et grave, découvrant
des dispositions peu communes, les
développa par une exigence de tra-
vaux variés et soutenus. 14 n'admet-
tait d'autres délassements que les
changements d'occupation. C'est ainsi
qu'à l'étude des langues anciennes
il fit succéder celle des langues vi-
niôce du célèbre Pascal, MU»' GauclirrcI, fille
•t sœur d'uo conscilUr à la cour des aides
dcClermont. G — n— d
RAY
vantes, et au droit public les chefs-
d'œuvre historiques ou littéraires
dans leurs langues originales. En-
nemi des occupations frivoles, il ne
tolérait que les lectures instructi-
ves ou les textes sérieux de conver-
sation! Si la discussion faisait naître
quelque doute, il recourait aux sour-
ces. Alors il travaillait à ses Institu-
tions du droit de la nature et des
gens, publiées en 1803. Dans la com-
position de cet ouvrage, recherches,
traductions, analyses, copies même,
tout lui parut devoir profiter à la jeune
et docile intelligence de ce fils. Quand
cette grande œuvre fut achevée, le
penchant du jeune Rayneval, d'accord
avec les vœux de son père, lui fit
suivre de préférence la carrière diplo-
matique; et, peu après le 18 brumaire,
il partit pour Copenhague, comme
attaché à la mission dont Bourgoing
venait d'être chargé. Ce fut son pre-
mier pas dans les affaires politiques.
Puis il passa, comme on va le voir,
douze années consécutives à l'étran-
ger, dans les diverses cours , et en
s'initiant aux intérêts les plus va-
riés. Dès le rétablissement des rela-
tions de la France avec la Russie, à la
fin de 1801, il fut nommé second se-
crétaire de légation à Pétersbourg ,
et, lors du rappel du général Hédou-
ville, il remplit six mois à cette
cour les fonctions de chargé d'aflai-
res, jusqu'en novembre 1804. Au
commencement de l'année suivante,
il fut envoyé comme premier secré-
taire d'ambassade à Lisbonne, et de-
vint de nouveau chargé d'affaires jus-
qu'à l'invasion de l'armée française
en Portugal (oct. 1807). De retour à
Paris, il quitta, un mois après, son
père qu'il ne devait plus revoir, et
alla occuper le poste de, premier se-
crétaire d'ambassade en Russie, où il
resta jusqu'à la guerre de 1812. Pour
RAY
RAY
359
UD esprit si bien préparé , ces cinq
années le mirent hors de ligne parmi
ses collègues. Pétersbourg était alors
le plus vaste théâtre pour les affai-
res, et, par suite, le plus profitable,
puisqu'il n'y a de diplomatie que là
où la force n'impose point ses volon-
tés. Déjà Rayneval préludait brillam-
ment au rôle d'homme d'État. Si les
circonstances difficiles sont une con-
dition pour miirir et développer le
talent, elles ne vont pas lui manquer,
tant l'avenir de la France s'assom-
brissait chaque jour. Mandé à Wilna
par le ministre des affaires étrangè-
res , puis à Moscou par Napoléon, il
ne put arriver à temps dans cette ca-
pitale ; le mouvement de retraite était
commencé. 11 en supporta avec éner-
gie toutes les épreuves, et à force
de constance et d'efforts il parvint
à joindre l'empereur. Mais la gravité
de la situation dominait alors les plus
sages pensées, et l'audieuce se borna
à quelques brèves paroles échangées
à un bivouac. C'est le seul contact
qu'il ait jamais eu avec Napoléon. La
campagne de 1813 allait commencer.
Dès le début, la bataille de Lutzen,
l'occupation de Dresde, la présence
de l'armée française sur l'Oder, réla-
Wîrent la fortune qu'avec quelque
modération Napoléon eût affermie. Ce
. fut en vain qu'on espéra!.... Cepen-
dant des conférences allaient s'ouvrir
à Prague; Rayneval, qui avait suivi
Maret, à Dresde, comme chef de di-
vision adjoint, fut nommé conseiller
d'ambassade du duc de Vicence (Cau-
laincourt) et du comte de Narbonne,
plénipotentiaires à ce congrès. On
sait qu'il fut sans résultat et que
bientôt les hostilités recommencè-
rent. L'année 1814 s'ouvrit par l'en-
vahissement de la France. De nou-
veaux revers rendaient chaque jour
la paix plus urgente, mais plus diffi-
cile. L'entrée du duc de Vicence aux
affaires étrangères parut un gage de
modération. Doué d'une de ces orga-
nisations qui ne fléchissent pas sous
le poids des affaires désespérées , ce
ministre réunissait tous les genres
d'aptitude qui assurent le succès,
alors qu'il n'est point impossible.
Dès le 6 janvier, il quitta Paris avec
l'intention formelle de procurer la
paix à la France. Rayneval et la Bes-
nardière, chef de la première di-
vision, partirent avec lui. A leur
arrivée, les conférences de Châtillon
commencèrent. Elles duraient depuis
deux mois, quand la marche des ar-
mées alliées sur Paris consomma la
chute de Napoléon. On citera long-
temps ce congrès comme la plus dif-
ficile des situations que des négo-
ciateurs aient jamais eu à ', soute-
nir. Que l'on considère en effet la
multiplicité des protocoles, des notes
échangées , des conférences avec les
hommes d'État les plus renommés de
l'Europe ; qti'on songe à ce que de-
vait être, dans de telles conjonctures,
la correspondance journalière avec
l'empereur ^ car c'est de lui auss; qu'il
s'agissait de triompher, non moins
que des exigences étrangères; qu'on
se reporte enfin à l'importance de
l'enjeu sur lequel la fortune et ses
hasards allaient irrévocablement pro-
noncer, et l'on comprendra tout ce
qu'il fallut de talent, d'activité, de
prudence de la part des négociateurs
français. Chose digne de remarque!
jamais si grand revers ne lit rejaillir
plus de considération sur ceux qui
l'éprouvèrent. Partout, dans lastiite,
où se retrouva Rayneval , il recueillit
de ses antagonistes des témoignages
d'estime. C'est qu'il est vrai de dire
qu'on n'aborde pas cette époque sans
que la pensée se reporte involontai-
rement sur les conférences de Ger-
360
truydenberg, les seules à comparer
k celles de Cliâtillon , dans l'histoire
de la diplomatie moderne. Au retour
des Bourbons, Rayneval avait trente-
six ansl Sa capacité était générale-
ment élablie , et , chose assez rare
alors, avait été constamment supé-
rieure à ses emplois. Inconnu per-
sonnellement du chef de l'empire,
il n'en avait reçu ni protection ni
Hiveur, et ne recueillit rien de son
apparition sur la scène du monde ,
hormis l'expérience qui , de bonne
Jicure, lui fit pressentir sa chute.
A cette époque, les difficultés de
gpuvernement étaient immenses ;
le'^ relations à établir à l'étranger y
ajoutaient encore par la rareté des
hommes unissant la convenance de
position à la spécialité des connais-
sances. On disposa de l'ambassade à
la cour d'Angleterre pour récompen-
ser la fidélité. Le duc de La Châtre y
fut nommé. Mais l'importance des
intérêts politiques et commerciaux
réclamait un homme d'affaires. On ne
balança pas à accorder à Rayneval les
fonctions réunies de premier secré-
taire d'ambassade et de consul-géné-
ral à Londres. La seconde rentrée du
roi, en 1815, le retrouva au poste
qu'il occupait en Angleterre. Bientôt
Te duc de Richelieu entra au minis-
t'ère des affaires étrangères et y joi-
'gnit la présidence du conseil. Il avait
■^cbnnu Rayneval en Russie : ill'avait
'iù entoure de l'estime publique, et
ce souvenir le détermina à lui accor-
(ïer sa confiance. Il l'associa aux af-
'feaires de ce département avec le titre
ttc directeur des chancelleries. C'é-
'^tait déjk les attributions de la place
j^e sous- secrétaire d'État qu'il devait
remplir en 1820, sous le ministère
du baron Pasquier. Ici commence
une ère nouvelle pour Rayneval. Ini-
liç journallement aux affaires les plus
RAY
délicates, il ouvrit toutes les dépêches,
donna toutes les instructions. Tout ce
qu'il écrivit est remarquable de recti-
tude et de méthode. Trop long-temps
il avait souffert des arrière-pensées
et des directions vagues ou versatiles
d'une politique qui ne voulait jamais
se révéler , pour continuer un systè-
me de relations sans confiance eu-
vers les agents du dehors, sauf,
comme il y en a eu tant d'exemples,
à les rendre responsables des mau-
vais succès. Ses longs séjours à l'é-
tranger lui avaient donné une con-
naissance approfondie des intérêts de
chaque pays et de la politique de cha-
que cabinet. Les traditions diploma-
tiques lui étaient familières, et il en
faisait un usage fréquent pour résou-
dre mille affaires par les analogies.
Après six années de fonctions la-
borieuses, qui ne furent pas sans
éclat, puisque le traité d'Aix-la-Cha-
pelle, auquel il prit une part active,
fait partie de cette période , il les
quitta pour aller, en déc. 1821, com-
me envoyé extraordinaire et minis-
tre plénipotentiaire à Berlin. Ceux
qui l'ont connu à cette cour savent
qu'il appliqua toute la bienveillance
de son caractère à éteindre l'irrita-
tion entre les deux peuples. Il y réus-
sit et ne quitta cette résidence qu'en
y laissant d'universels regrets. Ce fut
grâce à cet esprit de conciliation que
cessa un anniversaire douloureux
pour tout cœur français, la commé-
moration de la bataille de Leipzig. En
juin 1825, il passa à l'ambassade de
Suisse. Jusqu'à son arrivée, les droits
des Français dans ce pays, et récipro-
quement ceux des Suisses eu France,
étaient l'objet de difficultés conti-
nuelles. On eu prévint le retour par
une sage convention due i ses soins.
Peu après, il fut créé ministre d'Étal
et choisi pour gérer par luKrim le
RAY
^.
UAY
.'56 1
ministère des affaires e'frângerès pen-
dant la maladie du comte de la Fer-
ronnays, son ami. 11 eut, en cette
qualité, entrée au conseil du roi.
L'Europe s'occupait alors de donner
à h Grèce une organisation politique,
et Ton sait quelle part noble et dé-
sintéressée y prit la France. Le dé-
partement où Rayneval avait autant
d'amis que de collaborateurs vit ce
choix avec une satisfaction marquée;
et !e comte de la Ferronnays, à cause
de rétat fâcheux de sa santé, persis^
tant à n'en pas reprendre la direc-
tion, on espéra qu'il lui succéderait.
Il est même sûr qu'il fut proposé et
agréé par le roi. Mais cette combinai-
son échoua, et tout ce qui connaissait
Rayneval le regretta dans l'intérêt
des affaires. Le roi,'ne voulant pas le
laisser retourner en Suisse sans un
témoignage de sa satisfaction, lui
conféra le titre de comte. Vers la lin
de 1829, il fut promu à la dignité de
grand-croix de la Légion-d'Honnenr
et nommé à l'ambassade de Vienne.
Dans les premiers jours de l'année
suivante, il prit possession de ce
nouveau poste, en tout temps consi-
déré comme d'une grande impor-
tance, à laquelle ajoutait encore la
présence d'un jeune prince qui appe-
lait les regards des partisans d'un
passé glorieux, mais impossible à
reproduire. Rayneval conserva cette
ambassade jusqu'aux événements de
1830. Telles furent ses fonctions pu-
bliques depuis l'époque qui ramena
sur la France les premières lueurs de
l'ordre social jusqu'à la commotion
sans précédent dans l'histoire qui,
trente ans plus tard, l'agita si pro-
fondément et faillit ébranler l'Europe
entière. Depuis son retour de Vienne,
il vivait dans la retraite, lorsque le
présidfnt du conseil, Casimir Périer,
lui offrit l'ambassade de Madrid, un
au avaut la^mort de Ferdinand VII.
Ce n'est pasici le lieu de retracer les
divisions qui déchirent ce malheu-
reux pays : qu'il suffise de dire que.
dès le début de sa mission, Rayneval
sut prédire de point en point et avec
une incroyable sagacité les calamités
qui affligent l'Espagae. Pendant plus
de quatre années qu'il y résida, ses ef-
forts pour diminuer les maux de ce
pays, et sa modération éclairée ^ lui
acquirent l'estime de tous les partis
Mais sa santé éprouva de graves al-
térations. Il avait quitté Madrid déjà
souffrant pour rejoindre la reine,
quand le passage des montagnes dé-
termina en lui une fluxion de poitrine
qui se compliqua d'une attaque de
goutte à laquelle il succomba, le 16
août 1836, au milieu même des scènes
sanglantes de la Granja. Nous ne re-
laterons, parmi les questions délicates
et multipliées à la solution desquel-
les il concourut, que l'importante
question des créances étrangères,
dans laquelle il fit prévaloir le prin-
cipe de la négociaiion sur celui d'un
compte financier, en attribuant à
chaque État une somme fixe et in-
variable, pour satisfaire aux récla-
mations incessantes des pays où la
France avait porté ses armes. Noos
citerons encore, au nombre de ses uti-
les travaux, les nouveaux tarifs des
douanes et les modifications aaxdivers
traités. Le comte de Rayneval parlait
bien quatre langues et n'était étran-
ger à ancnne. En 1832, il donna ujjie
édition nouvelle, revue et annotée par
lui, des Institutions du droit àe fa
nature et des gens^ publiée par son
père. On sait aussi qu'indépendaqi-
ment d'un goût éclairé pour les art*,
il possédait au plus haut degrë'îa
science et le sentiment musical. Il en
a laissé des preuves dans des mor-
ceaux pleins d'originalité, d'imagiua-
362
RAY
tion et de grâce. Son caractère me-
Sure',son égalité constaoïe d'humeur,
sa conversation féconde et le tour par-
ticulier de son esprit, répandaient un
charme infini sur ses relationsintimes;
mais les qualités du cœur dominaient
toutes les autres. On ne saurait dite
combien il a rendu de services et se-
couru d'infortunes. Pendant son am-
bassade en Espagne, il fut élevé à la
pairie. Il était grand-croix de la Lé^
gion- d'Honneur et des ordres de
Charles III d'Espagne et de Saint-
Janvier de Naples. Il a laissé une
Veuve, quatre fils et une fille. Le fils
aîné a fait sous ses yeux les premiers
pas dans une carrière où sa famille
lui a légué un nom illustre (3). Le se-
cond, quoique fort jeune lorsque le
deuil paternel vint l'affliger, était of-
ficier dans la marine royale^ le troi-
sième est attaché à l'ambassade fran-
çaise en Russie. P — v— t.
RAYNOUARD (François-Juste-
Marie) , législateur et académicien ,
naquit à Brignolles en Provence, le
18 sept. 1761, et, après y avoir fait ses
éludes, vint suivre le barreau comme
avocat au parleraeut d'Aix. Quelle
que fût son activité et sa constance
au travail, il réussit peu dans cette
profession, et il cherchait à se faire
une autre existence lorsque la ré-
volution commença. D'un caractère
toujours calme et prévoyant, il n'en
adopta les principes qu'avec modéra-
tion, et nommé, en 1791, député sup-
pléant à l'Assemblée législative où il
ne siégea pas, il se déclara même con-
tre les premiers excès révolutionnai-
res. En 1793, il fut mis en arres-
lâtîdn '|>ar le parti de la Montagne, à
(3) Il est mainten.iDt (t8ii5) cliargé d'af-
l'dices-M Saiat-Pctersbourg , uprè» .ivoir été
itremier secrétaire d'auihiissade à Mail ri J et
Komc. (> — R — 1).
RAY
l'époque qu 31 mai, et ne recouvra la
liberté qu'après le 9 thermidor. Ray-
nouard reprit alors, pendant quel-
ques années, sa première profes-
sion, puis il se rendit à Paris pour
s'y créer des ressources dans la lit-
térature, et fut nommé, en 1806,
membre du Corps législatif par le
département du Var. En 1804, il avait
remporté un prix au concours de l'In-
stitut pour un poème intitulé : Socrate
dans le temple érAglaure, ouvrage
moins remarquable peut-être par le
talent qui le fit distinguer que par
des principes très-hardis, qui avaient
alors'' peu d'approbateurs et que sur-
tout le souverain maître n'aimait pas.
L'année suivante, on donna au Théâ-
tre-Français la tragédie des Tem-
pliers, qui, après beaucoup d'autres
publications, est peut-être encore le
plus beau titre de son auteur. Le suc-
cès que cette pièce obtint fut loin
d'être sans contestation , mais l'op-
position même de quelques criti-
ques ne fit qu'assurer ce succès. On
ne peut au moins douter que tel ne
fût le sort des censures acharnées
de Geoffroy, rédacteur du Journal
de VEmpire. Chaque représentation
était suivie d'une violente attaque
de ce journaliste, et chacune de ces
attaques était vengée le lendemaiti
par un concours et des applaudis-
sements inconnus au Théâtre-Fran-
çais depuis les années de Voltaire,
et plus encore par un débit inouï
des exemplaires qu'on criait à tue-
tête dans les rues. Dans son rap-
port pour les prix décennaux fait eh
1810, l'Institut considéra cette tra-
gédie comme digne du grand prix,
et proposa à l'empereur de la cou-
ronner. Il est probable que cette pro-
position , jointe à d'antres du riiêrhe
genre, en faveur de quelques hommes
que n'aimait pas Napoléon, notam-
RAY
RAY
ses
ment Deliile et M. de Chateaubriand,
contribua à faire ajourner indéfini-
ment la distribution de ces prix. Ce-
pendant Raynouard reçut dans ce
temps la de'coration de la Légion -
d'Honneur; il avait été élu, en 1807,
membre de la seconde classe de l'In-
stitut à la place du poète Lebrun.
En 1811 , il fut appelé une deuxième
fois au Corps législatif; et cette no-
mination lui fouruit bientôt une occa-
sion de jouer un rôle politique très-
• important. Lorsque la puissance im-
périale commença à s'ébranler, vers
la fin de 18lS, Raynouard fut nommé
Fun des membres de la commission
extraordinaire que Ton chargea de
faire un rapport sur l'état de la Fran-
ce {voy. Laine, LXIX, 447). On
sait combien les observations et les re-
montrances cou rageuses de cette com-
mission irritèrent Bonaparle. Dans sa
fureur, il prononça la dissolution du
Corps législatif; mais cette assemblée
se réunit de nouveau quelques mois
plus tard sous les auspices de la con-
stitution royale, et elle recouvra la
parole avec la publicité des délibéra-
tions dont elle avait été privée sous
le gouvernement impérial •, ce qui
donna à Raynouard une nouvelle oc-
casion de se faire remarquer par Tin-
dépendance de sps opinions. Ce fut
surtout dans le rapport qu'il tit au
nom d'une commission sur la répres-
sion des délits de la presse que cet
esprit d'indépendance se manifesta
davantage. Le rapporteur se montra
tout à fait contr^iire aux vues des
ministres du roi, et il conclut à ce
que le projet qu'ils avaient pré-
senté fût rejeté {voy. Momesquiou,
LXXIV, 255). Au mois de septem-
bre 1814, il parla sur la loi de ua-
turalisâlion, et parut disposé à lui
donner une grande extension. Actes
le retour de Bonaparte, en 1815,
Raynouard fut nommé membre de la
chambre des représentants par les
électeurs de Draguignan, et conseiller
de l'université par Napoléon; mais il
n'accepta ni l'une ni l'autre de ces
fonctions. Peu de temps auparavant
on avait repris au Théâtre-Français
la tragédie des Templiers, que l'au-
teur avait considérablement rema-
niée. Celte pièce eut encore alors
un très-grand succès, et ce fut une
sorte (le dédommagement delà chute
qu'avait essuyée la tragédie des É/af*
de Blois , donnée l'année précé-
dente, après l'arrivée du roi, et dont
Bonaparte n'avait pas permis la re-
présentation au Théâtre -Français,
après l'avoir fait jouer en sa présence
à Saint-Cloud, le 22 juin 1810. Le
peu de succès qu'elle obtint devant
le public donna lieu à l'épigramme
suivante :
A présent, moi qai l'ai Tue,
Je dU du meilleur de taoa cœur:
Celui qui l'avait défendoe
Etait un ami de Tauteur.
La pièce eut néanmoins huit repré-
sentations, mais elle n'ajouta rien à la
réputation de Raynouard qui, depuis
ce temps, parut pea disposé à s'oc-
cuper de poésie et d'ouvrages dra-
matiques, ne se livrant guère qu'à
des travaux d'histoire et d'érudition
qui éliiient, il faut en convenir, beau-
coup plus dans la nature de ses goûts
et de son talent. Ayant passé au pied
des Alpes une grande partie de sa vie,
il avait conservé toutes les manières
des habitants de ces contrées et
même quelque chose de l'àpreté de
leur langage. Jamais il n'avait pu en
perdre l'accent, et nous l'avons plus
d'une fois entendu dire, avec le ton
et la rudesse d'un charretier pro-
vençal, en parlant des tragédies qu'il
36i
RAt
devait donner après les Templiers :
J"m ai encore de iien plus consé-
î^uentes. On ne conçoit pas en vérité'
(iommènt, avec un pareil langage et
de telles manières, Raynouard était
parvenu aux premiers degre's de la
hiérarchie politique et littéraire.
4.ors delà réorganisation de l'Insti-
tut, en mars 1816, il fut maintenu
inùri*''lk liste des membres de l'Acadé-
lîiîe' française , et le 26 oct. même
innée il obtint l'honneur, encore
ftirt rare, de siéger dans deux classes,
par le choix que lit de lui l'Académie
dés inscriptions. En 1817, ses col-
lègues de l'Académie française l'ap-
pelèrent aux fonctions de secrétaire
perpétuel en remplacement de Suard.
îl fit preuve de beaucoup de zèle dans
ses fonctions, et donna du moins
par des lectures fréquentes, entre
autres de son poème de Maccha-
bée, l'exemple de l'activité à un corps
qui, depuis long-temps, était accusé
de se reposer sur ses lauriers de deux
éiècles. Du reste, Raynouard était,
dans la véritable acception du mot,
nu homme de probité et de courage.
Aucune crainte, aucune séduction ne
purent jamais le faire varier dans ses
opinions; et cependant il était très-
âpre sur les questions d'intérêt, on
pourrait même dire sans exagération
qy'il était avare. Logeant à Passy,
u^in de l'Académie, on ne le vit ja-
jiiaîs, tnême en temps de pluie, preu-
^dre une voiture pour s'y rendre. Plu-
sieurs fois il a fait à pied le voyage
de la Provence jusqu'à la capi-
■'talé.' On sait que, sous la Restau ra-
VÎbn, il concourut à la rédaction dn
journal des Savants, recevant pour
cela un très-modique traitement du
tfïînistèré. C*c'st dans ce travail qu'il
'Vht dupé d'une assez plaisante niysti-
' ficatibn, retativemeut à la collection
des Chefh-d'œuvre des théâtres étran-
gers, publiée à Paris eii 1825, et
dont l'éditeur pensa qu'il ne pou-
vait se dispenser de donner quelqiie
chose de polonais ; mais n'ayant per-
sonne qui connût la langue ni le
théâtre des bords de la Vistule, il
imagina de faire fabriquer une tra-
gédie qu'il annonça comme traduite
d'un auteur qui n'était pas moins que
le Corneille de la Pologne, et une
comédie émanée d'un autre Molière.
Nous ne sommes pas étonnés que les
lecteurs du Journal des Saimnts, qui
ne sont ni nombreux ni fort érudits
en œuvres dramatiques, aient été
trompés, mais ce qui doit surpren-
dre, c'est que le secrétaire perpétuel
de l'Académie française, le double
académicien, enfin l'auteur des Tem-
pliers, Raynouard, s'y soit laissé pren-
dre, qu'il ait très-sérieusemerit ana-
lysé et loué ce théâtre polonais, et
fait à cette occasion de longues dis-
sertations sur l'art dramatique chez
les peuples du nord de l'Europe. On
s'en étonne d'autant plus qu'à cetti^
époque il ne semblait vouloir s'oc-
cuper que d'érudition, d'histoire
littéraire, et qu'il mettait toute son
ambition à se faire remarquer sous
ce rapport. Ses travaux sur la langue
romane et sur les troubadours sont
assurément fort remarquables , mais
peu de personnes peuvent les appré-
cier, et il s'y trouve sur les origines
beaucoup d'assertions que l'on pour-
rait contester. En 1827, il fut un des
signataires de l'adresse au roi que l'A-
cadémie française vota, sur la proposi-
tion de M. Lacretelle, pour lui expri-
mer son inquiétude sur le projet de
loi contre la liberté de la presse ; et
dans le même temps il donna sa dé-
mission de secrétaire perpétuel, fonc-
tions dans lesquelles il fut remplacé
par Auger. llniourut à Passy, le 27 oct.
1836, et eût pour successeur à l'Ao»-
RAY
demie française M. Mignet, qui par
conséquent a fait son éloge, à la ma-
nière acade'mique, dans son discours
de réception. On a de Raynouard : I.
Caton d'Utique, tragédie en 3 actes et
en vers, Paris, 1794, in-8°, tiré à qua-
rante exemplaires. H. Socraie dans
le temple ^Aglaure, poème qui a
remporté le prix décerné par Tlnsti-
tut, en l'an XII (1801), in-4". III. Les
Templiers, tragédie en 5 actes, 1805,
in-S". plusieurs éditions. Cette tra-
gédie a été traduite eu vers allemands
par Stoeber, Strasbourg et Paris,
180.3, in-12. IV, Sîonuments histo-
riques relatifs d la condamnation
des chevaliers du Temple et à Cabo-
lition de leur ordre, 1813, in- 8». V.
Les États de Blois, tragédie en 5 ac-
tes, 1814, în-8°, avec une relation très
détaillée du meurtre des Guises (1).
VI. Recherches sur l'ancienneté de la
langue romane, 1816, in-8° de 32 pa-
ges. VII. Éléments de îayranjmaire de
la langue romane^ avant Van 1000,
précédés de recherches sur l'origine et
la formation de cette langue, 1816,
in 8° de 105 p. YlII. Grammaire ro-
ttiane, ou Grammaire de la langue des
troubadours^ 1816, in-8^ de 351 p.
IX. Fragments <fun poème en vers
romans sur Boëce, imprimé en entier
pour la première fois d'après le ma-
nuscrit du XI' siècle, avec des notes,
Paris, 1817, in-8''. X. Des Trouba-
dours et des cours d'amour, 1817,
, , (l) Raynouard lut en 1S14, chez le mi-
oistre Chaptal, unetragcdie qu'il n'a donnée
nlân théitre nî à rimpressiou , et dont le
snjet étmit la Mort de Charltt l" , roi d' An-
gleterre. L.1 rfine n'aiipreud lexérution du
iitOD.irqDe que par ces mots que lui-adresse
un (les priiuipaux personnages de l« pièce :
f'ot/v filt eu mon roi. L'application Uèj-re-
nu>rqa;ible de cet hémisliche, faite dans ces
deruiers temps par un illustre écrivain à nne
princesse française. n<" «erait-fUe qu'Soe ré-
«aiiii^reBre ^ ' ■
RAZ
36î
grand in-8°. XI. Camoi^s, ode, avec
la traduction portugaise de Francisco
ManoeljParis, 1819, in-S". XII. Gram-
maire comparée des langues de l'Eu-
rope latine dans leurs rapports avec
la langue des troubadours, Paris,
1821, iurS^. Xllf, Choix des poésies
originales des troubadours , Paris^
1816-1821, 6 vol.gr. in-S". On y re-
trouve tous les ouvrages que l'auteur
avait déjà publiés séparément sur les
troubadoars, et que nous avons indi-
qués plus haut, tels que la Gram-
maire romane, elc. XIV. Rapport sur
la grammaire espagnole de M. Cha-
lumeau de Verneuil, lu à l'Académie
des inscriptions, Paris, 1821, in-S''.
XV. Le dévouement de Malesherbes,
ode tue dans la séance des quatre
académies composant l'Institut, le
21 avril 1822, Paris, 1822, in-8°. XVI.
Rapports sur le concours d'éloquence
de r année 1818 et sur celui de 182i,
in-*». XVII. Rapports sur le concours
de poésie de l'année 1823 et sur celui
de 1825, in-l". XVIll. Histoire du
droit municipal en France sous la
domination romaine et sous les trois
dynasties, Paris, 1829 , 2 vol. in-8".
XIX. Observations philologiques et
grammaticales sur le ronmn du Rou
et sur quelques règles de la langue
des trouvères au XII' siècle, ^oucn,
1S29, in-S". XX. Influence de la lan-
gue romane, Paris, 1835, iu-8''- XXI.
Nouveau choix de poésies originales
des troubabours, 1836, in-8\ Cet ou-
vrage est resté inachevé; il devait
former G vol. dont un seul a paru.
Piayaouard avait annoncé le projet de
publier un Recueil d'inscriptions, no-
tamment celles de Michel Fourmont,
qu'il a'a pas exécuté. M— d j.
RAZI (Abulfadi-Zeineddjln-àa-
DALP.AttMAs) , poète de rOrieat. au
XV* siècle, était originaire de Zaran,
ville près (V.Vrbelles; il oaqiijt au
ZQ6
RAZ
Caire en 725 de l'hégire (1324 de
J.-C), et mourut dans la même ville
en 806 (1403). Il avait à peine huit
ans lorsqu'il apprit la grammaire, la
rhétorique el la poésie; il devint
ensuite si profond, si vei;sé dans tou-
tes les sciences, qu'il composa plus
de cent beaux ouvrages dans tous les
genres. On distingue entre autres son
Alfia, poème à la louange de Maho-
met, qu'Abdalrauf-ben-Almanavi a
commenté, et qu'on trouve manuscrit
avec ce commentaire dans la biblio-
thèque de l'Escurial , n° 444. {Yoy.
Casiri, Biblioth. arabico-hispana,
t. 1«S p. 130.) Z.
KAZl.Voy. RAZZi,t- XXXV1I,192,
et ci-après.
RAZIAS, Juif célèbre par sa fin
tragique, vivait à Jérusalem dans le
temps où la Judée était sous la domi-
nation des rois de Syrie. Sa fidélité à
observer la loi de Moïse lui avait at-
tiré la vénération publique et sa
bienfaisance lui avait mérité le sur-
nom de Père des Juifs. Judas Macha-
bée {voy. Judas, XXII, 99) combat-
tait alors glorieusement pour déli-
vrer sa patrie du joug étranger.
Nicanor, qui commandait dans Jéru-
salem au nom de Démétrius Soter
{voy. DÉMÉTRIUS, XI, 37), reçut de
ce monarque l'ordre de se saisir de
Judas, et, n'ayant pu y parvenir, il
éclata en menaces, en blasphèmes, et
lit investir par 500 hommes la mai-
son de Razias, qu'on lui avait signalé
comme exerçant sur le peuple une
grande iniluence. Il espérait que, s'il
réussissait à le séduire, sa défection
nuirait beaucoup aux Juifs. Hors d'é-
tat de résister et sur le point de tom-
ber entre les mains des soldats, Ra-
zias se donna un coup de couteau,
puis se précipita du haut d'une mu-
raille. Il eut encore assez de force
pour se relever tout ensanglajité,
RAZ
monta sur june pierre élevée, et, s'ar-
rachant les entrailles qui lui sortaient
du corps, il les jeta sur la foule ras-
semblée autour de lui, et il expira en
priant Dieu de le ressusciter un jour.
Cet événement arriva 162 ans av.
J.-C..Les Juifs mettent Razias au rang
des martyrs de leur religion ; mais
les docteurs chrétiens ont jugé di-
versement sa mort volontaire. Les
uns, notamment saint Augustin, la
condamnent formellement; les autres
ont considéré cette action comme un
mouvement surnaturel dont il y a
plusieurs exemples dans l'Ancien-
Testament et dans l'histoiredes saints
de la loi nouvelle. P — rt.
IlAZILLY ( Claude Df.launay
de), né, vers 1 590, en Touraine, d'une
famille noble et ancienne, entra
dans la marine et s'y fit remarquer.
On citera notamment son fait d'armes
contre les Rochellois , dans le voi-
sinage de l'île de Ré, en 1 625. Par
une grande persévérance et beau-
coup de courage, Razilly réussit à
s'emparer de la Vierge , le plus fort
et le mieux équipé de tous les na-
vires de la Hotte protestante. Deux
ans après, en 1627, lorsqu'une flotte
anglaise , aux ordres du duc de Buc-
kingham, vint investir la citadelle de
Saint -Martin de l'île de Ré, Ra-
zilly partit des Sables d'Olonne sur
une frégate conduisant un convoi de
navires chargés de troupes, de mu-
nitions et de vivres pour les assié-
gés. Dans cette circonstance, il tra-
versa, de nuit, la ilutte anglaise avec
ses .embarcations et les fit arriver au
jour sous les canons de la côte, en po-
sition d'opérer leur débarquement
sans obstacle. Lui , avec la frégate
qu'il montait ei un autre vaisseau de
guerre de moindre force , avait ré-
sisté à tous les etforts des ennemis,
et il ne se reudit k eux que quaud
RAZ
RâZ
367
il n'y eut plus moyen de combattre
et que son convoi fut en sûreté'. Il
décida ainsi le départ des Anglais,
qui , admirant le courage de Ra-
zilly, lui laissèrent la liberté. Par
suite de ce beau fait d'armes, cet of-
ficier fut élevé au grade de vice-ami-
ral. Il devint, plus tard, gouverneur
des îles de Ré et d'Oleron , et vice-
roi du Canada. — Plusieurs antres
membres de cette femille se font aussi
foit remarquer dans la marine.
F— T— E.
RAZILLY (Marie Deiau:«ay de),
nièce du précédent , née au château
de Razilly en Tourame, en 1624,
d'une branche cadette qui comptait
beaucoup d'enfants, resta orpheline
à peine âgée d'un an et assez mal
partagée des dons de la fortune. Son
frère aîné, mort lieutenant-général
des armées, lui fit donner une édu-
cation soignée qui développa en elle
le talent, ou plutôt le goût de la poé-
sie. Répanduedaiis les plus brillantes
sociétés de la capitale, où les agré-
ments de son esprit et de sa conver-
sation la firent rechercher, elle le
fut également parmi les gens de let-
tres. La Conformité des goûts l'avait
étroitement liée avec M"« de Scuderi,
à la mort de laquelle M"« Lhé-
ritier de Villandon en fit une apo-
théose qu'elle dédia à M"' de Razilly.
On trouve de celte dernière, dans les
recueils du temps, plusieurs pièces de
vers qui lui Ureiit donner ie nom de
Calîiope, probablement à cause de sa
prédilection pour les vers héroïques.
On distingue eu ce genre un sonnet
sur la prise de Luxembourg , ainsi
qu'un placet adressé à Louis XIV à
qui elle fut présentée par le duc de
Noaillcs, son parent, et qui lui accorda
une pension de 2,000 liv., faveur due
peut-être moins à son talent poétique
qu'au souvenir des importants ser-
vices rendus à l'État par divers mem-
bres de sa famille. Bien qu'il fût
sorti de sa plume plusieurs produc-
tions poétiques, elle n'y attacha
pas plus d'importance que n'en mé-
ritent des pièces de circonstance ou
de société, car on ne voit pas qu'el-
le se soit occupée d'eu publier le
recueil. Elle mourut à Paris en
1707, célibataire et âgée de 83
ans. L — s— D.
RAZOU3IOFSKI (le comte Alexis
Gregorowitsch), célèbre favori de
l'impératrice de Russie Elisabeth,
était né en 1709 dans une condition
fort obscure. Sans autre éducation
que celle d'un paysan de l'Ukraine,
mais doué de quelques avantages ex-
térieurs et aussi d'un caractère doux
et poli , il s'enrôla dans les gardes
comme simple grenadier, et fut bien-
tôt distingué par la grande-duchesse
Elisabeth. Alors il devint officier et
fut un de ceux qui contribuèrent le
plus à faire monter cette princesse
sur le trône après la mort de Pierre IF.
Devenue impératrice, Elisabeth eut ,
comme l'on sait, plusieurs amants,
mais elîe n'oublia pas celui qui le
premier .Hvait été l'objet de son affec-
tion. Continuant avec lui d'intimes
rapports, elle le combla de toutes sor-
tes de bienfaits, et finit par l'épouser
secrètement. De ce mariage naqui-
rent les comtes Tarrakanoff et leur
sœur , morte si malheureusement
(foy. Tarrakanoff, XLIV, 567). Il
fut fait comte et grand- veneur, che-
valier de tous les ordres de Russie ,
et eufin feld-maréchal , sans avoir
jamais commandé un régiment. En
même temps l'impératrice lui fit don
du palais d'Ânitzkof , qui , après la
mort du favori, rentra dans le do-
maine de la couronne , et , ce qui est
assez remarquable, fut donné plus
tard à Potemkin par Catherine U
368
RAZ
Lorsque Elisabeth fut morte, le comte
Alexis Razoumofski se retira dans ce
palais avec une grande fortune et
jouissant d'une considération méri-
tée par sa bonté autant que par sa
haute position. L'impératrice Cathe-
rine II, qu il avait aussi parfaitement
secondée à son avènement au trOne ,
allait le complimenter chez lui au
moins ime fois tous les ans, le
jour de sa fête ; et , quoiqu'il voulût
chaque fois lui baiser la main , elle
ne le permit jamais, lui donnant
toujours elle-même très-affectueuse-
ment un baiser sur la joue. Alexis
Razoumofski mourut à Saint-Péters-.
bourg le 6 juillet 1771. — Son frère,
le comte Cyrille Razodmofski, né
ainsi que lui dans les déserts de l'U-
kraine, dès qu'il sut la faveur dont
jouissait Alexis auprès de l'impéra-
trice, se hâta d'accourir à Saint-Pé-
tersbourg, et y vint avec sa guita-
re, comme un simple ménétrier de
village. Plus adroit et peut-être plus
ambitieux que son frère, il profila
mieux que lui encore des faveurs im-
périales. Comme il était sans édu-
cation , ou l'envoya à Berlin où
il fut instruit par les meilleurs maî-
tres, et notamment par le célèbre
Euler, qu'il décida dans la suite à
venir eu Russie. Aussitôt après son
retour, on le fit comte, puis comman-
dant des gardes d'ismaïloff, chevalier
de tous les ordres, hetman des Co-
saques, et enfin président de l'Acadé-
mie des sciences et des arts de Saint-
Pétersbourg. Naturellement soupleet
fort adroit, il s'insinua très-habile-
ment dans les bonnes grâces du
grand-duc, qui fut depuis Pierre III,
qui alors l'appelait son frère et son
ami, et que plus tard il concourut
à renverser du trône. Le comte Cy-
rille Razoumofski jouit long-temps
pe ses richesses et survécut h sou
RAZ
frère. Sa postérité, plus heureuse que
celle du comte Alexis, a conservé son
nom et sa fortune {voy. l'article sui-
vant). M — Dj.
RAZOUMOFSKI ( le prince), fils
du précédent, lui succéda dans ses ri-
chesses et la faveur de l'impératrice
Catherine II. Élevé de la manière la
plus brillante, doué de beaucoup d'a-
vantages extérieurs, il réussit à plaire
à la première femme du grand-duc,
depuis Paul 1", qui en conçut de la
jalousie. L'impératrice Catherine II,
ayant eu connaissance de cette intri-
gue, ordonna que le jeune Razou-
mofski fût envoyé hors de la Russie,
et il reçut une mission pour la cour
de Naples, où l'impératrice lui en-
joignit de se rendre sur-le-champ.
Lorsqu'il passa parvienne, quoiqu'un
lui demandant ce qu'il allait faire
dans ce pays, il répondit avec sa fa-
tuité ordinaire : Je vais y régner. Ce
propos , ayant été répété , parvint à
Naples avant même l'arrivée du jeune
comte, qui à cause de cela fut très-
mal reçu à la cour, surtout par la
reine. Surpris d'un pareil accueil, il
en demanda l'explication au chargé
d'affaires Italiski qui l'avait précédé
dans cette résidence, et qui lui avoua
franchement ce qu'il en était. Ra-
zoumofski ne parut point étonné,
et n'en persista pas moins dans ses
projets de séduction auprès de la
reine, ce qui lui réussit parfaitement.
Mais d'un caractère très-inconstanf,
il se lassa bientôt de régner, et lit
venir de Paris une comédienne qu'il
présenta à la cour comme sa parente.
La reine en fut instruite, et, vivement
i rritée, elle rompit avec le comte, qui ,
obligé de quitter Naples, fut bientôt
remplacé par le fameux Acton (voy.
Caroline, LX, 194). Continuantd'être
employé dans la diplomatie, Razou-
uiofski fut surressivcment envoyé' à
Venise, puis à Stockholm, où il fit
d'inutiles efforts pour empêcher l'ia-
vasioQ que méditait Oustave IiX«.
Nomm^ ambassadeur près la cour
de yienue^ en 1^^^^ il y ooo^qurut
actiyemeut au^ négociations qui
amenèrent le partage de La . Polo-
gne. Ce fut aussi Razoumofski qui ,
pendant toute la dure'e de sa lon-
gue mission en Autriche, prépa-
ra Jes traités d'alliance et de
coalition contre la France. Il assista
au congrès de Cbâtillou, puis à celui
de Yieuàe, eX fnt un des signataires
delà fapeuse déclaration du 13 mars
1815 contre Bonaparte échappé de
V" """ '■. Enfin il fut nommé prince
( me temps que Hardenberg
et M. de Metternich. Très-zélé pour la
culturedesarts,ilfitencûre,lorsquela
pi^x fut rétablie, plusieurs voyages en
Italie, et partout on y admira son
savoir et sa politesse. Il mourut à
Vienne le lî sept. 183G.Ou le regar-
dait comme le doyen de la diploma-
tie européenne. Il avait épousé une
Allemande, M''"' de Turheim , fenune
de beaucoup d'esprit, qui avait été
chauoi liesse. — Son Irère puiné, le
comte Grégoire Razoumofsk.1 , sa-
vant distingué, passa une partie
de ^a vie en Suisse et en Italie. II
mourut dans le mois de juin 1837
dans sa terre de Rudoletz en Mora-
vie, où il s'était retiré. Il a laissé
sur la géognosie de ces contrées des
ouvrages importants qui sont restés
manuscrits. Ceux qu'il a publiés sont
tous écrits en français,savoir : l.Toya-
ge minéraîogique et physique de
Ipruxelles à Lausanne, fait en 1782,
par M. le comte Grég. de R., Lausan-
ne, 1783, in-8o. II. Voyages minéralo-
giques dans le gouvernement d" Aigle
etune partie du Bas-Talais, et sur
les iacsi de Lucerne, Lausanne, 1784,
iM-8'\ III. Essai d'un syslème des
Lxxvin.
Ml
transitions de la nature dans le rè-
gne minéral, Lausanne, 1785, in-S".
IV. Histoire ttaturelU du Jorat ei de
ses avirons , des trois lacs de A>i*-
châtelj Morat et Sienne, Lausanne •:
1789, in-so. V. Coup d'œil géognos-
tique sur le nord de l'Européen gé-
néral et la Russie en particulier^
Saint-Pétersbourg, 1816, et Berlin,
1 82 0 , in- 8°. VI . Observa lions m inéra-
logiques sur les entirons de Tïwwie»
Vienne, 1821, in-é". Le comte Gré-
goire Razoumofski a encore donné
plusieurs Mémoires à la Société des
sciences physiques de Lausanne et à
la Société minéraîogique de Saint-Pé-
tersbourg. M— Dj.
, RAZOt'T (LoLis-NicoLAs), géné-
ral français, naquit à Paris en 1773,
d'une famille noble de Bourgogne et
qui prétend descendre de la maison
de Bourbon-Busset. 11 étudia d'abord
le droit, et fut sous-lieutenant dans
un régiment d'infanterie, où il se
trouva avec Joubert. Ils se lièrent
promptement, et quoique celui-ci ne
partageât pas toujours l'opinion poli-
tique de Razout, ils ne s'en estimè-
rent pas moins. Joubert, devenu gé-
néral, le prit pour aide-de-camp, et
blessé mortellement à la bataille de
Novi, il expira dans ses bras. Peu de
temps après, Razout passa à l'état -
major d'Augereau , et en 1801 il fut
nommé colonel de la 104* demi-bri-
gade. Jusque-là il s'était fait remar-
quer par une grande activité et un
courage impétueux; il déploya alors
des talents qu'on ne lui connaissait
pas ; son corps, formé en Suisse des
débris de tous les régiments, devint
l'un des plus beaux de l'armée. Razout
reçut ensuite le commandement du
94s <iui bientôt ressentit les effets
de l'esprit d'ordre de sou nouveau
chef. A Austerlitz, marchant en co-
lonnes par bataillons pour al^r rem-
3To
RAZ
placer sur la ligne deux autres ré-
giments renversés par l'ennemi ,
la cavalerie de la garde impériale
russe entoura ses bataillons, traversa
plusieurs fois ses intervalles sans l'en-
tamer, et lui fit éprouver de grandes
pertes. A la prise de Lubeck, la 27"
légère ayant été repoussée, Razout se
précipita à la tête de son régiment
sur la porte de Burg , défendue par
les Prussiens, et pénétra dans la ville
jusqu'à la place d'armes. Tous ces
exploits lui valurent le grade de gé-
néral, le 12 février suivant. En 1808,
il commandait en Espagne une bri-
gade du corps du maréchal Moncey,
dans l'expédition sur Valence. Il con-
courut ensuite au siège de Sarragosse,
et prit une part brillante aux assauts
meurtriers qu'il fallut y livrer. Après
la prise de cette place, il passa en
Allemagne,et reçut le commandement
de Vienne le jour où l'armée française
y entra. Cet emploi convenait peu au
caractère de Razout; il fut bientôt
mis à la tête d'une brigade qui oc-
cupa les îles du Prater. A la bataille
d'Enzersdorf, cette brigade, compo-
sée de nouvelles levées, attaquait les
retranchements du village de Bau-
mersdorf sur la ligne ennemie ; le feu
des troupes quiles garnissaient causait
beaucoup de ravages 5 Razout se porta
en avant de ses tirailleurs pour les
encourager; son cheval fut tué et se
renversa sur lui; alors le désordre se
mit dans les troupes qui plièi'ent ;
heureusement on les rallia à quelque
distance, et il put les rejoindre, à
pied, au milieu d'une grêle de balles.
A Wagram , il courut à peu près les
mêmes dangers, précédant encore
ses tirailleurs dans le village de ce
nom, et se trouvant seul, entouré de
cavaliers ennemis, lorsque ses trou-
pes arrivèrent pour le dégager. 11 ne
put voir sans chagrin qu'on uitiibuàt
RAZ
à un autre corps l'enlèvemtnt de ce
village et s'en plaignit vivement , ce
qui lui attira une disgrâce momenta-
née. On lui^donna une autre brigade,
et il fut envoyé dans la Zélande pour
y organiser de nouvelles troupes. Le
31 juillet 1811, il fut nommé général
de division, et commanda une des
divisions du corps du maréchal Ney
qui se distinguèrent au cqmbat de
Valontina, à la bataille de la Moskowa
et dans la retraite de Moscou. En
1813 , il fut nommé comte et grand-
officier de la Légion-d'Honneur. Il
organisa et commanda ensuite une
division du corps de Gouviou Saint-
Cyr, qui, après avoir pris une part
glorieuse à la bataille de Dresde et à
un grand nombre de combats, fut
laissé dans cette ville, y fit une dé-
fense vigoureuse et sortit de la place
après une capitulation honorable que
les alliés n'observèrent pas {voy.
GouviON Saint - Cyr , LXV , 562).
Razout eut besoin de toute sa fermeté
pour contenir les troupes de sa divi-
sion, exaspérées par cette infraction.
Il prévoyait depuis long- temps la
chute de Napoléon, et fut le premier
à adresser, de Raab en Hongrie où il
étiait prisonnier, sa soumission au
roi, et à provoquer celle des officiers
qui s'y trouvaient avec lui. Quand il
fut de retour en France, Louis X VIII le
créa chevalier de Saint-Louis. Le mi-
nistre lui proposa le commandement
d'un département; Razout le refusa
parce qu'il le regardait comme incom-
patible avec son grade, et resta sans
activité; mais il se rendit auprès du
roi , lors de l'invasion de Bonaparte, en
1815, et après sou entrée duns la ca-
pitale, il resta caché plusieurs jours.
Cependant il se décida plus lard à
prendre du service, et fut chargé du
cummandeuieut de la 2V division
militaire, à Bourges, où il coopéra
RAZ
beaucoup au maintien de l'ordre pen-
dant le licenciement de l'armée de la
Loire. Il accepta, en 1819, le com-
mandemeut de la 3« division dont le
quartier-général était à Metz. 11 mou-
rut dans cette ville le 10 janvier 1820,
et y fut enterré avec de grands hon-
neurs militaires. M— Dj.
RAZZl (Stlvain), religieux ca-
maldule, et, selon Échard, abbé dans
cet ordre, naquit à Florence. Il s'ap-
pelait Jérôme, mais il changea ce
nom en celui àeSylvain, lorsqu'il en-
tra en religion et prit l'habit monas-
tique dans le couvent de Sainte-Marie-
des-Anges. Ce double nom a donné
lieu à quelques auteurs de supposer
que Sylvain et Jérôme étaient deux
personnages ; erreur que détruit l'ex-
plication ci -dessus. Il paraît que
Sylvain Razzi avait vécu plusieurs
années dans le monde avant de se
faire religieux, et qu'il s'y était rendu
célèbre par divers ouvrages qu'il
avait publiés à Florence et que lui
eût interdits l'état qu'il embrassa de-
puis. Telles étaient quelques comédits
et diverses tragédies yla Ceeca, la Ba-
lia, la Costanza, la Gismonda, etc.).
Les autres ouvrages qu'il a composés
sont : I. Raccolta di orazioni a
Crislo ed alla beatissima madré
Maria, Florence, 1556. H. Miracoli
dtlla gloriosa Yergine Maria , Flo-
rence, 1576 111. Vite di quattro uo-
mini illustri, Farinata degli Uberti,
duca d'Ateiie , Silvestro Medici , e
Cosimo Medici il.più vecchio, Flo-
rence, 1580. IV. Vite di cinque viri
illustri, Florence, 1602. V. Vita ov-
vero azioni délia contessa Matilda^
Florence, 1587. VI. Vita di Benedtt-
to Varchi, Florence, 1590. Cette
Vie, insérée d'abord dans un recueil
de Leçons de Benoit Varchi {voy.
ce nom , XLVII , 482), dont Sylvain
Razzi avait été l'ami , se retïouve en
RE
371
tête de VHistoire florentine du mi-mt
Varchi, publiée en 1721. VII. Vita
àella gloriosa Vergine Maria , Flo-
rence, 1594. Vlll. Vite délie donne
illustri per la santità , Florence,
1595, 6 vol. in-4''. IX. Vita de' santi
e beati delV ordine de' Camaldoli,
Florence, 1600. X. Vita di Pietro
Soderini^ gonfaloniere perpétua dél-
ia republica fiorentina , Padoue ,
1637, in-40, belle édition ornée de
figures. On doit encore à ce labo-
rieux écrivain une traduction italien-
ne de la Somme des Sacrements, com-
posée en latin par le P. Francisco de
Victoria, dominicain espagnol , Flo-
rence, 1575, in-12. Sylvain Razzi,
non moins distingué par ses ver-
tus que par ses écrits, mourut en
1611, âgé de quatre-vingt-quatre ans.
— R.\zzi {Séraphin)^ frère puîné du
précédent, naquit à Florence le 16
déc. 1531, et embrassa dans cette
ville, en 1549, la règle de Saint-Do-
minique, au couvent de Saint-Marc.
On ignore la date de sa mort, mais
il vivait encore eu 1613. Sa vie fut
occupée tout entière soit à enseigner
la théologie, soii à diriger divers cou-
vents, soit enfin à composer en latin
ou en italien difl'érents ouvrages, dont
les principaux sont : 1. Centocasi di
coacienjsa, 1578, recueil imprimé plu-
sieurs fois à Florence, à Venise et à
Gènes. II. Prediche, Florence, 1590.
m Giardino di esempi, oviero Fiori
délie vite de' santi^ Florence, 1594.
IV. Istoria di Ragugia (Raguse),
Lucques, 1595, iû-4''. V. Jstorie degli
uomini illustri deW ordine dei pre-
dicatori, Lucques, 1596, ia-S*». VI.
Vite de' primi santi deW ordine dei
predicatorij Palerme, 1605, in-4».
Vil. De locis thiologicis prakctio-
nes^ Pérouse, 1603. C. T— y.
RÉ (Jean - François) occupe un
rang distingué parmi les botanistes
24.
372
RE
piémontais. Né en 1773 d'une fa-
mille agricole, qui habitait le vil-
lage de Condove , au pied des Alpes
coltiennes, la vue des travaux cham-
pêtres et l'aspect d'une riche ve'géta-
tion lui suscilèrent de bonne heure le
désir d'étudier les plantes spontanées
du sol natal. Aussi déroba-t-il à ses
premières études, et plus tard à l'é-
tude de la médecine , tout le temps
dont il put disposer pour explorer les
vallées alpines, et se former un her-
bier qu'il continua d'accroître jusqu'à
SCS derniers jours. Fixé à Suso, dès
qu'il eut reçu le diplôme de docteur
en médecine de l'université royale
de Turin, il y pratiqua son art avec
désintéressement , accepta, quelques
années après, une chaire de philoso-
phie au collège de la première de
ces deux villes, passa ensuite à la
chaire de mathématiques du collège
de Carignan et obtint, long-temps
après, le titre de professeur de ma-
tière médicale et de botanique à l'é-
cole royale vétérinaire établie non
loin de Turin, dans la petite ville de
la Vénerie. Nous ne mentionnerons
point divers opuscules que Ré a pu-
bliés sur la doctrine médicale de
Brown, sur le système métrique, sur
l'économie rurale , sur plusieurs
points de la médecine vétérinaire,
mais nous signalerons avec distinc-
tion ses deux principaux ouvrages : le
premier est la Flore de Suse, sous le
titre de Flora seguslcnsis^ sive stir-
piumin circuitu segusiensi nccnonin
Monte-Cinisio^ aliisque circumeunti-
busmonîibussponte enagcentium enu-
meratio, Turin, 1805. Cet ouvrage
contient la nomenclature de 1682 es-
pèces de végétaux, dont les plus pré-
cieux appartiennent aux zones su-
périeures du Mont-Cenis. Le second
est la Flore de Turin, imprimée en
1835ffi2«- Cette Flore, réfligéo en
REA
langue latine sous le titre italien de
Flora torinese, pour la distinguer de
celle que Balbis avait publiée sous
celui de Flora taurinensis , présente
un cadre plus étendu que cette der-
nière, et ajoute aux phrases linnëen-
nes quelques observations descripti-
ves propres à mieux caractériser les
espèces. Nommé successivement mem-
bre titulaire de la Société royale d'a-
griculture et de l'Académie des scien-
cesde Turin , Bé ne tarda pointa enri-
chir les mémoires de ces deux corps
scientifiques de plusieurs écrits,parmi
lesquels on remarque une dissertation
sur l'emploi du Lycopus europœus.
Lin., proposé comme succédané du
quinquina. Cet académicien mourut
le 2 novembre 1833 , à la suite d'un
catarrhe chronique qu'il avait con-
tracté en s'exposant avec trop de har-
diesse aux variations atmosphériques
des montagnes. Doué d'une probité
rigoureuse, qui ne fléchissait dans
aucune circonstance, on rapporte que,
lorsqu'il était étudiant en médecine,
il fit une course à pied de vingt lieues,
en vingt -quatre heures , pour aller
chercher une somme de sept sous et
demi, qu'il voulait restituer exacte-
ment. Marié à une descendante des
comtes de Saint-Second, cet homme
de bien, dont la devise fut toujours
science et conscience^ a laissé un Gis
qui a embrassé le sacerdoce. Bertero,
peu de mois avant de périr, dans sa
traverséed'OtahitiàValparaiso, avait
dédié à Ré un genre de la famille des
chicoracées, sous le nom de rea, dont
toutes les espèces, au nombre de sept,
habitent l'ile de Juan-Fernandez.
B--F— s.
REAL (Guillaume-André), dé-
puté conventionnel, né en 1752, était
avant 1789 l'un des avocats les plus
distingués du parlement de Greno-
ble. Cumme tous ses confrères, il
REA
embrassa dès le commencement avec
beaucoup de zèle la cause de la révo-
lution, et fut en conséquence nommé
en 1790 président du directoire du
district de Grenoble, puis député du
département de l'Isère à la Conven-
tion nationale en sept. 1792. Dans
le procès de Louis XVI, qu'il jugea
n'être ni dans les pouvoirs ni dans les
attributions de l'assemblée, et qui ce-
pendant fut une des premières et des
plus importantes de ses opérations,
Real, tout en le déclarant coupable,
comme le fit la presque unanimité
des suffrages, exprima l'opinion la
plus sage et la plus modérée, c'est-
à-dire qu'après s'être opposé à ce
que ce prince fût jugé par la Con-
vention, il vota pour qu'il y eût ap-
pel au peuple du jugement à inter-
venir, et qu'ensuite il conclut non
comme juge, mais comme législateur
et par mesure de sûreté générale, à
la détention provisoire, sauf à conh
muer cette peine en un bannissement
perpétuel dans des temps plus cal-
mes. La peine de mort ayant prévalu
et le sort de Louis XVI semblant ir-
révocablement décidé , Real vota
contre tout sursis à l'exécution, il
fut ensuite envoyé en mission à Lyon,
fit rendre un décret portant confir-
mation de l'impôt extraordinaire éta-
bli sur cette ville. Il présenta, en
fév. 1793, un rapport sur un im-
pôt de même nature, pour les sub-
sistances de la ville de Paris. 11 pro-
voqua encore plusieurs décrets sur
les pensions de la liste civile, et dé-
fendit Buzot à l'époque du 31 mai. Il
se montra en général opposé autriom-
phe de Robespierre dans cette jour-
née fameuse. Cependant il ne fut pas
au nombre des députés proscrits, et
réussit à s'effacer. Envoyé en mission
à l'armée des Alpes, il écrivit contre
les mouvemeals et les liaisons des
REA
373
émigrés dans le midi. Il n'est pas
vrai, comme l'ont dit d'autres bio-
graphes, que le 20 mars 1795 il ait
demandé que la question de restitu-
tion des biens des condamnés à leurs
héritiers fût ajournée. Il résulte, au
contraire, dune lettre que nous avons
sous les yeux, quil vota dans toutes
les occasions pour accélérer la resti-
tution de ces bieus, ayant toujours
regardé la peine de confiscation com-
me souverainement injuste. En con-
séquence, il n'est pas vrai non plus
qu'il se soit opposé à l'admission, en
paiement des biens nationaux, des
bons délivrés aux héritiers des con-
damnés. Devenu membre du conseil
des Cinq-Cents, il demanda, dans la
séance du 16 mai 1796, que le Direc-
toire fût autorisé à faire célébrer la
fête de la Victoire le 10 prairial (26
mai)^ parla sur les droits des enfants
naturels, et proposa un mode d'accu-
ser les juges de la haute-cour en for-
faiture. Il s'éleva contre l'envoi des
garnisaires pour le paiement des con-
tributious; fut nommé secrétaire le
21 déc; appuya le recours en cassa-
tion contre les jugements des conseils
de guerre ; présenta des observations
sur l'échelle de dépréciation du pa-
pier-monnaie; sortit du conseil en
mai 1797, et devint, en 1800, juge au
tribunal d'appel de l'Isère, puis pré^
. sident à la cour royale de Grenoble,'
place dont sa démission fut acceptée-
le 30 nov. 1815. On sait que dans le
mois de mars précédent, au passage
de Kapoléon par Grenoble, la coui*
royale était venue lui rendre hom-
mage, sans toutefois lui adresser de
discours. Pendant les Cent- Jours, le
présidentRéal n'accepta aucune nou-
velle fonction , et il ne vota point
l'Acte additionnel. Ainsi sous aucun
rapport l'exception des régicides dans
la loi du 12 jauv. 1816 ne pomail lui
Zti
REA
REA
être appliquée, comme cela fut re-
connu par les ministres de LoiiisXVIII,
qui l'autorisèrent formellement à
rester dans ses foyers, où il vécut en
paix, et jouissant d'un traitement de
retraite jusqu'à l'époque de sa mort,
en oct.1832. — Il était le père de M. Fé-
lix Real, avocat - général et membre
de la chambre des députés. M — d j.
REAL (Pierre-François) a été un
des personnages les plus actifs et les
plus influents dans les temps de la ré-
publique et de l'empire, c'est-à-dire
sous la Convention, le Directoire, le
Consulat et le règne de Napoléon.
Avant la révolution procureur au Châ-
telet ; depuis, et successivement, sub-
stitut du procureur de la commune
( le fameux Chaumette ) ; accusateur
public près le tribunal révolutionnai-
re du 10 août (1792); journaliste,
historiographe de la république *, dé-
fenseur officieux de Carrier et du co-
mité révolutionnaire de Nantes, de
Babeuf et de ses complices; commis-
saire du Directoire près le déparle-
mentde Parjs ; conseiller d'État après
le 18 brumaire; attaché an ministère
de la police générale , ayant Paris
dans ses attributions; préfet de poli-
ce dans les Cent -Jours; comte de
l'empire, avec majorât ; commandant
de la Légion-d'Honneur et de l'ordre
de la Réunion, Real , fils d'un garde-
chasse, naquit à Chatou, près Paris, .
vers 1765. — Jeune encorequand éclata
la révolution, il s'en montra un des
plus chauds partisans. On sait que
trois grands partis se manifestèrent
après la session de l'Assemblée con-
stituante, les Robespierristes, les Gi-
rondins, les Dantonistes; Réal se ran-
gea parmi ces derniers qui furent les
véritables auteurs de l'affreuse jour-
née du 10 août. H fut nommé accu-
sateur public près le tribunal révolu-
tionnaire institue le 17 août, époque
qui fut signalée par l'arrestation de
la princesse de Lamballe et par le
supplice de Durosoi et de Bachmann
(voy. ces noms, tom. XII , LVII et
LXX ). Au mois de janvier 1793,
Réal était, avec le fameux Hébert,
substitut de Chaumette , procureur
de la commune de Paris. C'est en
cette qualité que, le 24 janvier, il
fit insérer dans le Moniteur une let-
tre ayant pour but de démentir des
bruits répandus sur la famille de
Louis XVI. C'est aussi comme sub-
stitut qu'il dénonça au conseil-géné-
ral Forestier, principal du collège
Mazarin, pour avoir fait célébrer par
ses élèves la Saint-Charlemagne; mais
Forestier se justifia et fut reconnu
bon citoyen [Moniteur du 3 février).
Réal donna aussi à la Convention
(séance du 27 février) des détails sur
la conduite courageuse du maire Pa-
che, lors du pillage des épiciers. Dans
cette apologie il raconta que Pache
s'était jeté au milieu d'un rassemble-
ment, et avait arrêté, à deux reprises,
un gendarme qui s'était réuni aux pil-
lards. Ennemi des Girondins, Réal fit
adopter par la commune une adresse
justificative du 31 mai; mais il s'op-
posa à ce que la commune présentai
une pétition contre le général Beau-
harnais, tout en le soupçonnant, di-
sait-il , de fmillantisme. Les artistes
de l'Opéra étaient devenus suspects :
Réal fit rapporter un arrêté pris par
la commune contre les administra-
teurs de ce théâtre, et annonça qu'ils
allaient représenter, en spectacle gra-
tis, le Siège de Thionviile. Peu de
jours «près il déclara que les ac-
teurs de l'Opéra, et surtout Laïs, se
faisaient dans les départements les
plus fervents npùtres de la liberté.
Presque à la même époque il s'éleva
fortement contre l'insouciance des
Parisiens siu- les succès et sur l'ap-
REA
proche des brigands yendéens, et
peu après il fit un réquisitoire sur les
moyens de défense à employer. Plein
d'un zèle quelquefois excentrique, il
fit interdire, sur son réquisitoire, à
toute jolie solliciteuse, l'entrée des
bureaux de la police à l'Hôtel-de-
Ville. Tous ces faits sont consignés
dans le Moniteur. Il figura comme
témoin dans le procès des Girondins,
et déposa contre eux, surtout contre
Brissot. En 1794, il avait été envoyé
dans les départements; la commune
prit un arrêté qui le força d'opter
entre cette mission et sa place de
substitut. Il revint à Paris, et s'étant
aussitôt rendu au club des jacobins ,
il demanda qu'il fût fait une adresse
a la Convention nationale pour arrê-
ter les persécutions exercées dans plu-
sieurs départements contre les pa-
triotes depuis la révolution du 9 ther-
midor. Dans un autre discours, il traça
un horrible tableau des vexations
qu'on avait fait souffrir dans les pri-
sons, surtout dans celle du Luxem-
bourg, oîi il avait été détenu. Il cita
plusieurs faits révoltants sur l'espion-
nage, et le trait singulièrement atroce
d'un faiseur de listes de proscription
qui fut trouvé courtisant la veuve d'un
homme qu'il avait dénoncé et fait
guillotiner pour satisfaire une pas-
sion infâme. Le 8 août, il prit encore
la parole aux Jacobins après qu'un
membre eut proclamé, dans son in-
dignation, que le modérantisme le-
vait hideusement la tête dans le mi-
di, et que lecture eut été taite d'une
adresse de la société populaire de
, Marseille , ainsi terminée : Tonne .
frappe, écrase, et la république est
sauvée. Enfin le 16 août, Real prit la
parole une troisième fois en faveur de
l'entière liberté dç la presse qu'il
déclara regarder comme seule capable
de soutenir le gouvernement révolu-
REA
875
tionnaire. Le conventionnel Chasle
appuya vivement cette opinion, at-
tendu, dit-il, que dans beaucoup de
communes on ne craignait pas d'at-
taquer la mémoire de l'immortel Ma-
rat. Tous ces faits sont consignés dans
le Moniteur. Après la chute de Ro-
bespierre, le système du gouverne-
ment révolutionnaire durait encore :
seulement , il était passé en d'autres
mains. Les nouveaux meneurs sen-
taient la nécessité de justifier la ré-
volution du 9 thermidor en poursui-
vant les complices du dictateur et en
rejetant sur eux tout l'odieux des cri-
mes qui avaient été commis. Le procès
des 132 Nantais fournit uue occasion
dejustifier la réaction thermidorienne,
Real s'étant fait , devant le tribunal
révolutionnaire qui, après le 9 ther-
midor, fonctionnait tous les jours
comme auparavant, le défenseur offi-
cieux de Carrier et du comité révo-
lutionnaire de Nantes, on va faire
connaître ce qui amena ce fameux
procès.Le comité avaitétéétabli par le
conventionnel Phélippeaux , en mis-
sion dans l'ouest. La première arres-
tation avait été celle de l'auteur de
cet article : elle eut lieu le 9 septem-
bre 1793. Alors la terreur commença
à se répandre; mais les administra-
teurs craignaient de se compromettre
et n'osaient réclamer. Leur silence en-
hardit, et deux jours après tous les
administrateurs se trouvèrent arrê-
tés. Carrier arrive : la terreur s'orga-
nise; une compagnie, dite deMarai^
entreen fonctions. Les prisons se rem-
plissent.Plusieurs couvents, plusieurs
maisons en deviennent succursales.
Environ cent prêtres, arrêtés dans le
département de la Nièvre, sont en-
voyés a Nantes par Fouché, et, par or-
dre de Carrier et du comité, jetés
sur un bateau à soupape et submergés
dans la Loire, vers la fin de brumaire
376
REA
an II. Ce fut la première noyade. Peu
de jours après, la mort de 132 Nan-
tais est résolue, et parmi eux se trou-
vent plusieurs membres de l'adminis-
tration départementale, dont Sotin,
qui fut depuis ministre de la police
générale; le procureur de la commu-
ne, Dorvoi le commandant du châ-
teau de Nantes, Menou; le général
Kerverseau, nommé depuis, par le
Directoire, commandant des Iles sous
l.e Vent ; l'auteur de cet article •, un
parent de Charette et qui portait son
nom ; des médecins , des avocats , et
beaucoup de négociants. Sur la liste
des proscrits figuraient tout ce qui
restait à Nantes d'ex - oratoriens ,
dont un membre du comité (Chaux)
avait acheté la maison de campagne ;
et c'est ainsi que deux autres mem-
bres du comité, l'un horloger, l'autre
avoué, avaient fait porter sur la fatale
liste bon nombre d'horlogers et d'a-
voués, compétiteurs qui leur faisaient
ombrage. — Il fallait un prétexte au
départ des victimes. On fit répan-
dre le bruit que les 132 étaient en-
voyés au tribunal révolutionnaire,
les uns comme fédéralistes, les au-
tres comme complices des Vendéens.
Mais le comité ne pouvait formuler
des charges contre les proscrits : il
le savait bien. L'envoi devant le tri-
bunal révolutionnaire n'était donc
que le masque d'un projet d'assassi-
nat, qui devait être exécuté sur la
route. Voici ce qu'imagina le comité.
11 prit un arrêté portant que si, pen-
dant le voyage, un seul des 132 ve-
nait à s'évader, tous les autres se-
raient fusillés à l'instant. En même
temps , un horloger nommé Ernoux,
qui était détenu, fut amené devant le
comité, et il lui fut dit : « Écoule : tu
« pars demain avec tes camarades qui
« sont traduits au tribunal révolu-
' tiunaaire. A la hauteur d'Ânceuis
REA
' tu t'évaderas et tu pourras revenir
« à Nantes où tu ne seras plus in-
« quiété. - En même temps, il fut ar-
rêté <{u'on commanderait pour l'es-
corte un bataillon de noirs qui venait
d'arriver à Nantes pour passer, dans
la Vendée . Mais le commandant de la
place , prévenu à temps , se hâta de
faire partir les noirs pour leur desti-
nation, et il envoya, en remplacement
pour l'escorte des 132, un bataillon
de volontaires de Paris , levé dans le
quartier du Luxembourg , et com-
mandé par le brave Boussard. — Les
1 32 partirent de Nantes le 27 nov. 1 793
(7 frimaire an 11). L'horloger Ernonx,
qui voyageait en bonnet rouge, tint
sa promesse et s'évada près d'Ance-
nis ; mais le digue commandant re-
fusa d'exécuter l'ordre atroce qu'il
avait reçu. Les 132 arrivèrent à An-
gers,et le généreux Boussard dénoncé
sur-le-champ par l'horloger Bolo-
gniel , membre du comité de Nantes
et commissaire nommé pour surveil-
ler les détenus et leur escorte, fut mis
en prison et n'en sortit que plusieurs
mois après!... La maison de détention
à Angers était trop étroite pour conte-
nir les 132 Nantais : on les conduisit,
liés par vingt à une même corde, dans
les bâtiments de l'ancien séminaire.
Mais là quel spectacle s'offrit à leurs
yeux! Dans beaucoup de chambres le
feu était allumé ; des tables mises et
couvertes de comestibles, des four-
neaux allumés, des barbes préparées,
des lits en train d'être faits.... Tout
annonçait des lieux habités, et pas un
être vivant n'apparaissait!... On ve-
nait d'enlever précipitaumient les
nombreux détenus qui remplissaient
le séminaire, et ils avaient été noyés
au Pont-de-Cé, pour faire place aux
132 Nantais! Mais à peine ceux-ci
étaient-ils installés que les Veiukens,
battus au Mans par Wosiermanu,
REA
s'avancèrent pour attaquer Angers
et repasser la Loire. Or , la prison
du séminaire e'tait trop éloignée du
centre de la ville et trop voisine
du point qu'allaient attaquer les Ven-
déens. On craignit que les 132 Nan-
tais ne fussent délivrés , et l'on se
hâta de les conduire dans l'étroite et
ancienne prison de la sénéchaussée.
Mais là s'offrit encore à leurs yeux un
spectacle eflVayant : ils virent accro-
chés de toutes parts , aux murs de la
cour intérieure, des vestes, des cha-
peaux, des sabots, des pantalons de
toile, et pas un seul individu... On ve-
nait encore de noyer, au Pont-de-Cé,
tous les détenus pour faire place aux
1 32 Nantais ! .. . Bientôt commença l'at-
taque de la ville par les Vendéens. Des
prisonniers fureiU amenés : on en vit
le lendemain plusieurs tomber morts
sur le fumier ; d'autres, dans un accès
de fièvre chauile,se précipitèrent dans
le puits, placé au milieu de la cour.
La petite chapelle de la prison était
encombrée par une partie des Nan-
tais entassés les un» sur les autres.
L'un d'eux assis, faute de place , sur
l'autel, tomba mort sur le corps de
son père couché sur les marches et
presque inanimé.... Les Vendéens ne
parent pénétrer dans la ville, et peu
de jours après , les 132 furent remis
en route parlalevée, sur laquelle s'a-
vançait, pour entrer dans la Vendée,
un corps de quinze cents hommes,
appelé l'armée révolutionnaire. Ce
corps devait rencontrer les Nantais
et les égorger ou les précipiter dans
la Loire. Tout avait été prévu et com-
biné pour cette rencontre. Les ordres
étaient donnés ; mais alors l'honneur
delaFranceet l'humanité semblaient
s'être réfugiés danslesarmées.Lecom-
mandant de l'escorte qui avait reçu
des instructions, informé que les
quinze centsrévolutionnaires allaient
REA
377
arriver près de Saint-Mathurin , fit
entrer tous les Nantais dans l'église
de ce village, en leur recommandant
le silence le plus absolu. Bientôt, à
travers les vitraux, les proscrits vi-
rent défiler les quinze cents baïon-
nettes; peu après ils reprirent leur
marche vers Paris; et dès lors le
complot (lu massacre échoua définiti-
vement. Le général Danican, qui était
alors à Angers avec le représentant
Francastel, écrivit et publia quelque
temps après une brochure où il se
vantait d'avoir sauvé les 132 de la
noyade au Pont-de-Cé. Ils arrivèrent
dans la capitale et furent répartis dans
diverses prisons. — Aucune charge
n'avait été envoyée contre eux. On
s'étonna; Fouquier-Tinville ne savait
sur quoi motiver un acte d'accusa-
tion. Il lui fallait des faits vrais ou
faux et des charges quelconques. Il
écrivit plusieurs fois à Nantes pour en
demander ; et, pris au dépourvu, trois
fois Carrier et le comité révolution-
naire n'envoyèrent et ne purent en-
voyer que des notes insignifiantes ou
ridicules. La plupart des prévenus
n'avaient pour acte d'accusation que
les seuls mots fédéraliste ouroyalis-
/e; et l'un d'eux, nommé Perrotin, ne
se trouvait recommandé à l'échafaud
que par l'épithète de muscadin. Ce-
pendant la mise en jugement se trou-
vait ainsi retardée, et le 9 thermidor
n'était pas éloigné. Aidé par deux
de ses compagnons d'infortune, Pec-
cot,ex-administrateur du départ.de la
Loire-Inférieure, et Pineau du Pa-
villon, ex-juge du tribunal civil de
Nantes, l'auteur de cet article rédi-
gea une Relation du voyage des cent
trente -deux Nantais , envoyés à Pa-
ris par le comité révolutionnaire de
Nantes (l). Cette pièce porte la date
(i) Cette Relation, quoique réimprimée
378
REA
du !«'' messidor *, elle est suivie d'un
post-scriptum date' du 30 thermidor.
On souscrivit volontiers pour les
frais d'impression, mais il fut difficile
de trouver des signataires; on ne put
en re'unir que dix ; et même l'un des
rédacteurs (Pineau du Pavillon) crai-
gnit, en signant, de se compromet-
tre. Plusieurs autres , qui avaient un
moment montré plus de courage ,
vinrent rayer le seing qu'ils avaient
d'abord donne'. Un honnête homme ,
l'imprimeur Ballard , portant un
nom ancien dans la librairie, se char-
gea d'imprimer la Relation; et se
conformant avec zèleauxinstructions
qui lui furent données, il en fit por-
ter six cents exemplaires à la Con-
vention nationale et six cents à la So-
ciété des Jacobins. Le ballot destiné
à celle-ci fut remis au secrétariat oii
se trouvaient seulement alors deux
frères et amis. Le ballot est défait par
eux ; le titre leur paraît piquant :
«Mais, dit l'un des frères, si, au
« lieu de faire distribuer cet écrit à
« la séance de ce soir, nous le fai-
« sions crier et vendre dans Paris, ce
" serait pour nous une bonne aubai-
« ne, et nous partagerions. »■ 11 y eut
adhésion de la part du camarade. A
cette époque, les rues de Paris étaient
remplies de crieurs. La Relation fut
d'abord vendue jusqu'à dix francs, et
le premier jour le prix ne baissa pas
au-dessous de cinq. Le lendemain, la
Relation parut réimprimée, et, pen-
dant huit jours, de nouvelles édi-
tions furent criées. Enfin, le prix
descendit à dix sous. Dès lors le suc-
cès de la révolution de thermidor pa-
rut assuré, et l'acquittement de ceux
riiiqou six fois dans l'ospaiedc quinze jours,
est (Jevenuc aujourd'hui assez nue : un con-
seiller d'Etat du roi de Prusse, Siliœll,a re-
inHM|ué et fuit iinj)rimer que icVeMelation
iv^it clé traduite en plusieurs langues.
REA
des 132 Nantais qui vivaient encore,
car le tiers en était déjà mort de mi-
sère et de chagrin, ne se montra plus
douteux; le comité révolutionnaire
de Nantes dut, ainsi que Carrier, pré-
voir une prochaine mise en jugement ;
et c'est ainsi que la cupidité de deux
jacobins rendit impossible la conti-
nuation du règne de la terreur (2). —
Il avait été arrêté que les membres
du comité révolutionnaire de Nan-
tes ne seraient mis en jugement
qu'après que le tribunal aurait pro-
noncé sur les 132 Nantais qui , déci-
més par les souffrances et par les ma-
ladies, se trouvaient réduits à 92.11
avait aussi été convenu que ces deux
tiers survivants seraient tous acquit-
tés pour rendre plus odieux le parti
vaincu qui les avait proscrits. Cepen-
dant il y eut des conclusions à mort
prises par le substitut de Fouquier-
Tinville (Petit) contre l'auteur de cet
article qui, dans ce procès, avait le
triste honneur d'occuper ce qu'on
appelait le fauteuil^ et contre Sotin,
qui devint bientôt après administra-
teur du département de Paris, et puis
ministre de la police générale. Un fait
étrange, qui suffirait seul pour faire
connaître jusqu'où s'étendaient, à
cette époque, l'anarchie et le mépris
des lois, mérite d'être ici consigné.
Pendant le réquisitoire du nunistère
public, le tribunal révolutionnaire
leva brusquement la séance sans lais-
ser achever la lecture d'une pièce si-
gnée Lan juinais , Lesage (d'Eure-et-
Loir), et autres députés proscrits qui
s'étaient réfugiés à Caen après la jour-
née du 31 mai. Cette pièce, quâlifi('e
de liberlicide, portait aussi la signa-
ture imprimée de Sotin ci colle do
(•i) Le» faits cité» ci-dessus sont cunsigiiéa
iivre des détails ruricux pt d'iiutros faits în-
tércsMnts dan» «ette bwM hure .
REA
l'auteor de cet article, qne le terrible
substitut accnsait non-seulement d'a-
voir été l'un des signataires, mais
aussi le coupable rédacteur de l'acte
fe'déraliste. Si la lecture eflt été ache-
vée, il devenait difficile, sinon im-
possible pour le parti dont Real suivait
la bannière, de faire acquitter, comme
il était convenu , la masse entière
des accusés. La séance ayant donc été
soudainement levée , le résumé du
président et le jugement furent re-
mis au lendemain. Mais à peine les
Nantais étaient-ils rentrés dans leur
prison, que le concierge Richard vint
trouver l'auteur de cet article : • Ci-
« toyen, lui dit-il, on te demande an
« greffe. » Le concierge est à l'instant
suivi, et c'est un desjnrés, le fameux
Topino-Lebriin , qui se présente et
dit : « Citoyen, je viens t'annoncer
« que le jury est indigné des conclu-
« sions prises contre toi par l'accu-
■ sateur public (il avait commencé
• par les prendre une première fois
• avant de les motiver.) Sois tran-
■ quille, demain tu seras acquitté;
« dis à Sotin d'être tranquille aussi :
« i! sera acquitté comme toi. » Et le
juré se retira. Cependant le lende-
main, la lecture commencée rie la
pièce liberlicide par l'accusateur pu-
blic ne fut point continuée. Après le
résumé du président, le jury étant
réuni pour délibérer, il y Ciit d'abord
dix voix à mort sur douze contre Vil-
le nave et Sotin. Mais alors Topino-
Lebrun, que les deux accusés ne con-
naissaient nuilensent et qu'ils n'a-
vaient jamais vu qut^ dans ses ter-
ribles fonctions d'arbitre suprême de
leur vie; Topino- Lebrun qui avait
déjà envoyé à l'écbafaud tant d'illus-
tres victimes (car les jurés du tribu-
nal révolutionnaire étaient presque
inamovibles), s'inquiéta sans doute
de ce qne pourraient penser de son
REÂ
379
peu de crédit deux hommes à qui il
était venu, de son chef, annoncer d'a-
vance comme certain leur acquitte-
ment; Topino qui devait être aussi,
comme Real, initié dans les secrets
du nouveau parti, prit la parole, et
comme il avait une grande inQÎience
sur ses collègues, il les ramena si
bien que les dix voix pour la con^
damnation se métamorphosèrent sou-
dain en dix voix pour l'acquitte-
ment. Ainsi finit ce procès mémora-
ble dont les débats, ouverts le 22 fruc-
tidor an II (8 septembre 1T94), furent
terminés par un acquittement géné-
ral le 28 fructidor (14 sept.). Une
autre circonstance mérite d'être re-
marquée : le tribunal révolutionnaire
crut ne pouvoir s'empêcher de recon-
naître qu'il y avait eu à Narites, au
mois de juil let 1 793, ce qu'on appelait
alors une conspiration fédéraliste
contre l'unité et l'indivisibilité de la
république. En const-quence, huit ac-
cusés duut trois administrateurs du
départeuient, le procureur de la com-
mune et un officier municipal furent
déclarés convaincus d'être auiewrs ou
complices des actes fédéralistes, etc.
Mais comme on ne voulait dans ce
procès aucune condamnation, le ju-
gement porte que tous ceux qui ont
conspiré ne l'ont pas fait mécham-
ment et avec des intentions contre-
révolutionnaires, comme si l'on pou-
vait conspirer la subversion d'un gou-
vernement avec les intentions de ne
pas le renverser! Telle était la logi-
que d'un parti qui voulait dominer.
En même temps, le Bulletin des lois
de la république publia de nombreux
décrets accordant des indemnités,
d'ailleurs bien méritées, aux Nantais
acquittés qui, du moins en grande
partie, ne les avaient point récla-
mées , et ces indemnités piu-ent pa-
raître avoir un but politirpie étranger
380
REA
à Ja justice et à l'humanité. Bientôt
après , le comité révolutionnaire de
Nantes fut mis en jugement devant le
même tribunal et les mêmes jurés qui
venaient d'acquitter les Nantais. Des
crimes inouïs allaient être judi-
ciairement dévoilés. Tronson duCou-
dray, avec l'auteur de cet article
et Real , siégeaient au banc des dé-
fenseurs. Les deux premiers, qui ne
voulaient qu'une occasion de plaider
la cause nationale et celle de l'huma-
nité , ne pouvaient être entendus
qu'autant qu'ils défendraient chacun
un des accusés. Ils se concertèrent
donc, et firent choix de deux êtres
passifs, sans volonté, sachant à peine
lire, et qui n'étaient que des machines
obéissantes au mouvement imprimé.
Les débats s'ouvrirent le 25 vendé-
miaire an III (16 oct. 1794), pour ne
linir que le 26 frimaire (6 déc). Ils
duraient déjà depuis une quinzaine
de jours, et le principal coupable,
Carrier, siégeait encore à la Conven-
tion , qui tenait alors double séance,
le matin et le soir , an château des
Tuileries. Carrier se défendait à la
tribune nationale; il y lisait des mé-
moires justificatifs qui furent impri-
més. Les hommes dits de la Monta-
gne appuyaient leur collègue, et ob-
jectaient sans cesse que deux ou
trois cents Nantais, qui avaient fait
et signé des déclarations contre Car-
rier, ne méritaient aucune créance,
parce qu'ils étaient des contre-révo-
lutionnaires, amis et complices des
brigands de la Vendée. Ils insistaient
surtout sur ce qu'il n'était produit au-
cun acte coupable émané de Carrier,
et signé de sa main. Entin la majorité
do la Convention paraissait, quoique
à regret, disposée, faute de preuve, à
ne pas traduire le proconsul en juge-
jnent, lorsque le comité de sûreté gé-
nérale fut informé par Clausel , l'un
REA
de ses membres , que dans le 'greïïe
du tribunal criminel de Nantes se
trouvaient deux actes signés Carrier,
portant ordre à l'accusateur public
(Phelippes de TronjoUy) de faire sur-
le-champ exécuter, sans jugement, une
vingtaine de prisonniers, au nombre
desquels se trouvait une tille de qua-
torze ou quinze ans. Le comité de
sûreté générale fit partir immédiate-
ment son secrétaire -général ponr
Nantes, d'où il revint, trois jours
après, avec les deux pièces en origi-
nal et signées Carrier. Elles furent
produites à la tribune de la Conven-
tion nationale. Les Montagnards éba-
his se turent , et Carrier fut envoyé
au tribunal révolutionnaire. Dans
une des séances de ce tribunal , Car-
rier qui avait eu des préventions con-
tre Real, et qui les avait manifestées
en voulant récuser quelques jurés,
Carrier se félicita d'avoir Real pour
défenseur : alors celui-ci s'écria qu'il
se faisait gloire de le défendre; cl aus-
sitôt Carrier s'élançant du haut de
l'estrade oîi siégeaient les principaux
accusés , et Real s'élançant aussi du
banc des défenseurs, se joignirent au
milieu de l'estrade, et s'étreignircnt
cordialement. 11 est juste de dire ici
que le proconsul alléguait, pour sa
défense, la conduite qu'il avait tenue
dans de précédentes missions en Nor-
mandie et à Rennes, défiant qu'on pût
citer aucune arrestation par lui ordon-
née avant son arrivée à Nantes. « Mais
«j'étais, dit-il, à peine entré dans
« cette ville,où les arrestations avaient
« déjà commencé par ordre du co-
« mité qui n'avait point été institué
• par moi, que cette ville me fut re-
« prtîsentée comme un repaire de bri-
« gands, comme le foyer Icplus ardent
« des guerres de la Vendée. Je ne con-
« naissais personne à Nantes , et de
« mon chef je n'y ai fait arrêter un
REA
« seul chat, si ce n'est les Arnoux ,
• qui logeaient dans ma maison.
« Mais le comité me dénonçait sans
• cesse les habitants comme des con-
« tre- révolutionnaires, et moi je
« donnais des ordres d'arrestation. »
Tontes ces assertions, énoncées en
présence du comité, restèrent sans
réfutation. Plusieurs membres de
la Convention vinrent déposer de la
bonté de Carrier et de la douceur
de son caractère. Ajoutons qu'il est
bien connu à Nantes que c'était
Goullin, meneur absolu du comité,
qui gouvernait tout et Carrier lui-
même, par des meuaces de le dénon-
cer comme modéré. D'ailleurs on ne
peut vouloir ici défendre Carrier qui,
en état d'ivresse, était capable de
tons les crimes. Dans les premières
séances du procès, uue grande quan-
tité de témoins à décharge fut, à la
requête du ministère public, placée
au rang des accusés. Bientôt ces nou-
veaux prévenus dépassèrent du dou-
ble le nombre des membres du co-
mité portés dans l'acte d'accusation.
Plusieurs de ces témoins, changés en
accusés, avaient fait partie d'une com-
pagnie dite de Marat , qui procédait
à Kautes aux arrestations domici-
liaires, aux noyades, etc. On pa-
raissait d'abord vouloir faire une
éclatante justice de tous les coupa-
bles, lorsque subitement ce zèle s'é^
vaiiouil, et voici quelle en fut la cau-
se : ce qu'on appelait alors la Jeu-
neise dorée, oubliant toute sage et
prudente politique , commença vive-
ment à déclamer, dans la société , au
théâtre et dans les journaux , contre
Tallien , Fréron , et autres personna-
ges qui, se voyant menacés, dénon-
cés à l'opinion publique comme na-
guère révolutionnaires fougueux, se
ravisèrent en disant : « Où allons-
• nous? si nous continuons de mar-
REA
381
« cher dans cette voie de réparation
« et de modérantisme . nous sommes
« perdus. » Antonelle, Real, Dufour-
ny, d'Obsent, président du tribunal
révolutionnaire, sentirent aussi, dans
leur intérêt, le besoin de revenir sur
leurs pas, et ils procédèrent si bien
dans leur revirement, que bientôt
le si long procès de Carrier et du Co-
mité révolutionnaire de Nantes pa-
rut devoir aboutir à une absolution
générale. Les témoins qu'on avait fait
asseoir en si grand nombre au rang
des accusés ne semblaient d'avance
courir aucun danger. Il n'y eut en clfet
que trois condamnations; celle de Car-
rier ne pouvait être évitée. 11 était con-
vaincu pardeux actes effroyables: mais
tous les membres influents du comité
furent acquittés. On ne condamna que
deux bourreaux obscurs, noyeurs
presque aussi peu intelligents que les
bateaux à soupape. Cependant tous
les accusés furent déclarés atteints et
convaincus d'avoir donné, exécuté
ou fait exécuter des ordres abomina-
bles ; mais ils furent reconnus avoir,
les uns agi sans discernement, et les
autres sans intentions coupables.
Il y avait donc alors plus que des cir-
constances atténuantes : il y avait ju-
diciairement, dans le crime prouvé,
effacement du crime.Voici un incident
curieux et tout à fait inconnu de ce
procès mémorable. Le G décembre
1794, l'audition des témoins finie et
le ministère public entendu, la parole
fut donnée à Tronson du Coudray, qiii
plaida la cause générale ou l'ensem-
ble du procès. Son plaidoyer lut ter-
miné à onze heures du soir. Alors Real,
qui défendait les principaux accusés,
ayant été invité à prendre la parole :
• Citoyen président, dit- il, je de-
« mande à ne plaider qu'après le ci-
« toyen Villenave, prévoyantque j'au-
« rai à lecombattre.» D'Obsentaectteil^
382
REA^
lit cette demande, et l'auteur de cet
article commença sa plaidoirie. Un
quart d'heure s'était à peine écoulé,
lorsqu'une assez vive agitation se
montra parmi les juges et les jurés.
Le président se lève, annonce que la
séance est un moment suspendue, et
les juges, les jurés et Real entrent
dans le greffe. Bientôt le greffier en
chef du tribunal révolutionnaire Pa-
ris, qui se faisait appeler Fabricius,
vient inviter le défenseur plaidant à
venir se rafraîchir avec les juges et
les jurés. La porte du greffe qui don-
nait dans la salle du tribunal (3) était
restée ouverte; le défenseur entend
prononcer son nom avec colère et suivi
de l'épithète scélérat. Quel était donc
son crime?... Il venait de plaider que,
dans la journée du 31 mai, les seuls
coupables avaient été ceux (jui firent
cette journée, ceux qui poursuivirent
Ie;s Girondins comme fédéralistes et
conspirateurs. Il y avait à celte épo-
que courage et danger dans cette dé-
claration; car alors Laiijuinais,Le Sage
d'Eure-et-Loir, Louvet et d'autres con-
ventionnels se trouvaient encore hors
la loi; car alors les 71 députés empri-
sonnés comme fédéralistes n'étaient
pas encore rendus à la liberté. De plus ,
les jurés qui siégeaient dans le procès
de Carrier avaient pour la plupart con-
damné les Girondins. Le président
d'Obsent avait aussi joué un rôle
dans la journée du 31 mai. Il racon-
tait, dans le greffe, la part qu'il y
avait prise. « Eh bien! disait-il, il est
« vrai que, le 31 mai, je me rendis en
« pantoufleseten bonnet de nuit, suivi
«de cinq àsix jacobins, dans lasalle où
« siégeaient les officiers nuinicipaux,
i et que je leur dis : Au nom du peuple,
(!J) Cette salle du tribunal rcvuiution-
nairt! est uujuurii'liiii veUc <lti lu ruur de
V'Miatiou.
REA
« je vous destitue. 11 est vrai qu'une
« demi-heure après je revins, dans le
« même costume, avec le même cor-
« tége , dire : Au nom du peuple , je
« vous rétablis dans vos fonctions...
« Et si l'on veut me guillotiner, qu'on
« me guillotine! . Et Real alors s'é-
crie : « Laissez faire, laissez faire:
« demain je vous vengerai. » Le vieux
Dufourny , présent à cette scène ,
écumait de rage. Antonelle qui n'é-
tait plus membre du jury, mais qui
le dirigeait , ne cachait point son
émotion. Le défenseur avait regagné
son banc, le tribunal et les jurés
avaient- repris leurs sièges. La plai-
doirie continua et ne fut terminée
qu'à deux heures du matin (4). Le
lendemain, fidèle à sa promesse, Real
commença sa défense de Carrier et
du comité révolutionnaire par plai-
der pendant une demi-heure contre
l'auteur de cet article qu'il signal»
comme un indigne fédéraliste, comme
un an>i de Lanjuinais et de Louvet, et
il fit une longue apologie de la jour-
née du 31 mai.— L'acquittementdu co-
mité révolutionnaire de Nantes, dé-
fendu par Real, avait soulevé l'indi-
gnation publique. La Convention la
partageait. Le rapporteur du comité
de législation demanda et obtint que
l'affaire du comité fût renvoyée devant
un autre tribunal, et ce renvoi fut
motivé par une distinction subtile
qui pouvait être comUàttue avec suc-
cès. Le rapporteur avait dit : « Vous
« pouvez remettre en jugement les ci-
(4) Pendaut plusieurs semaines les jour-
naux puLilicreut diuque jour des extraits Ue
ce plaidoyer (jui fut iuiprinié séparément,
in-8o de 8 et 9 pages, et qui il été traduit en
plusieurs langues. Le plaidoyer de Trouson
du Coudray lut imprimé à part, in 80. An-
tooelle publia une lougue brochure sur cei
deux plaidoyers, mais Réul ue iit doouer au
sien aucune publicitét
REA
• toyens acquittés par le jugement du
« 20 brumaire , 1° parce que , dans le
• droit, le jury révolutionnaire n'a pas
• pu prononcer sur l'intention pure-
« ment criminelle : il ne pouvait pro-
« noncer que sur l'intention contre-
« révolutionnaire; 2» parce que, dans
« le fait, le jury n'a pas voulu, n'a pas
« entendu prononcer sur cette inten-
« tion purement criminelle; parce que
• le jury n'a considéré l'intention cri-
- rainelle, sur laquelle il a prononcé,
«que relativement au délit contre-
• révolutionnaire. » Ce raisonnement
pouvait n'être pas sans réfutation
puissante. Real sentit le besoin de se
justifier, et fit insérer dans quelques
journaux (5) une lettre curieuse dont
voici le début : « Défiez- vous de votre
• sensibilité lorsqu'il s'agit de pro-
• noncer sur les principes. Défiez-
• vous de l'enthousiasme quand il s'a ■
• git de la vie des hommes. Méfiez-
• vous de tous ceux qui demandent du
« sang. » Puis il entre en matière. Ses
raisonnements ne manquent point de
force, et il termine en ces termes : « Il
• sera possible de répondre à ces
« moyens par des injures. Ou pourra,
• comme sous Robespierre, dire qu'il
• n'y a que l«s complices qui puissent
' défendre les coupables; mais il sera
« un peu plusdifficilede répondre par
• des raisons.» Les membres du comité
de Nantes, et ceux de la compagnie
Marat, acquittés par le tribunal révo-
lutionnaire de Paris, furent renvoyés
devant le tribunal criminel d'Angers,
puis acquittés une seconde fois et
mis en liberté. — Real se montra ,
dans sa carrière politique, sous des
aspects plus d'une fois contradictoi-
res. C'est ainsi que la même année
(1795) on le vit défendre avec une
KEA
383
égale chaleur Carrier, le comité révo-
lutionnaire de Nantes, et Lacroix, ré-
dacteur du Spectateur français , ac-
cusé, dans le sein de la Convention
nationale, par Bourdon, d'avoir pro-
voqué le rétablissement de la monar-
chie. Real lit insérer dans les jour-
naux du temps (ti) une lettre dans la-
quelle il s'emporta contre le conven-
tionnel dénonciateur : « Je veux
• croire , Bourdon , que , comme lo
- purgatoire, tu es rempli d'excellen-
« tes intentions; mais as-tu réfléchi
• qu'en traitant cet homme de scé-
« lérat, qu'en parlant de supplice, ce
• n'est plus au jugement. Bourdon,
« c'est à la mort que tu l'envoies...
«Ne te souvient-il pas. Bourdon,
« de ce décret sollicité par toi, qui
• casse un tribunal pour n'avoir pas
« assez tué? » Plus bas il s'écria :
« Je jure que Lacroix n'a point pro-
« voqué, n'a point voulu provoquer
• le rétablissement de la royauté. »
Et il ajoute : . Dans un écrit qui pa-
• raîtra sous deux jours, je démon-
• trerai l'innocence de l'homme et
« l'absurdité de l'accusation (7). . Ci-
tons encore ce passage de la lettre de
Real qui fait bien connaître l'esprit de
cette époque: «Ruez-vous donc, mal-
' heureux, dans le sens des opinions
• dominantes ; faites-vous, comme
• sous Robespierre, une réputation de
« palriotismeaux dépensdes victimes
« dont vous demandez aussi l'égor-
• gement. Continuez à fouJer aux
• pieds les principes pour suivre vos
- passions, vos haines, vos vengean-
« ces. Ressuscitez, contre les hommes
• que vous n'aimez pas, le régime de
• terreur et de mort que vous mau-
{^) Voy. le Journal du matin ( i«f iaur.
1795).
(6) Voy. le fameux Journal du hommes ti-
bres, du 14 ventôse an lll (4 mars 1795).
(7) Cet écrit dut paraître imprimé; il n'est
poiat cité dans la France littérairt de H. Que»
rard.
, « direz wa jour, io»ift tersqu'il .vous
o4 alteindra. » Or, ,éa]«)ratoeBçant
kfiélteletlre, Béai disait :«iLorsque je
ii'fctidéfendis de si iottwe foiAos raem-
^«•ibres du comité réyolutionnaire de
-2»jNantes , ks messieurs) les élégants
-«a ^le déc!arèrent4*u*«Mr <ie sang; et,
'. !!« !après la publicité decette lettre que
>!ntjéTécianie, il sera évident que je
i'(>*jguis;un royaliste. »i Et^ en effet, le
edëftînacur <lfi Carrier^ du comité de
«ffïfautes, et de l'auteur d*i Spectateur
iiftiançaiSf à la même époque, pouvait
■donner, lieu à cette double inculpa-
- tion.— Real défendit Babeuf et ses co-
accusés devant la haute cour de Ven-
dOme (an V, 1797). Il se montra si
violent et si passionné , pendant les
longs débats de ce procès, qu'il pa-
raît convenaWle de neciter ici que les
faits suivants extraits du, il/omïewr.
> On vit plusieurs fois les accusés, ex-
cités par les déclamations et les eni-
portement& du défenseur, traiter les
juges de royalistes , de coquins, de
scélérats. Tandis que Real prenait à
i partie l'accusateur pid)lic Bailly, un
des prévenus , nommé Germain , se
J .mit à crier à ce magistrat : « Tu n'es
/ * qu'une bétc : tais-toi." Les accusés se
mirent plusieurs fois à chanter des
hymnes révolutionnaires. Un jour,
Real parut passer toutes les bornes,
•:et le désordre du scandale devint si
grand qiie,parjugement rendu, la pa-
role fut ôtée.au défenseur vainement
rappelé au respect dû à la haute cour.
, Dans la séance du 27 avril, un autre
jugement lui Ote encore la parole. Sou-
/ tlain les accusés l'ont entendre de yives
. imprécations vils vocifèrent, ils chan-
j tent, et les plus exaltés sont enlevés
de la salle d'audience, traînés ou re-
portés dans leurs cachots : les débats
', ,<;pntinucnt non sans confusion. Dans
îila séance du 18 mai , Vieillard, ad-
joint à Faccusatciir ']Hiblic, ayant
REA
ayaqeéqueJa famine de l'an «iJwait
eu son principe dans le règne de k
terrem-i, Real s'écria que cette lami^
avait été causée par ta réaction «jai
suivit la chute de Robespierre. Peii-
danl les débats, un billet aait porté
à l'un des accusés, l'eX'ConvenbMU-
. nel, Laignelot: ce billet est saisi.
Soudain d'ftornfties cris sont enten-
dus, et. la voix de Real est inek'e;'à
celles de LaigneM et des autres ac-
cusés. Dans son plaidoyer du 18 et du
19 mai, Real fit l'histoire générale de
la révolution et l'apologie de ses prin-
cipales époques. 11 alla jusqu'à se
plaindre de ce que les rues de Paris,
qui avaient été débaptisées comme
portant des noms royalistes, ou aris-
tocratiques, ou religieux, avaient re-
pris leurs vieilles déuominatrons ; il
déclama contre l'ex-conventionael
Cochon, alors miqistre de la poli«e,'
et il l'accusa d'une parfaite intelli-
gence avec les royali&tesj En vain le
substitut Vieillard traita-t-il cette
accusation de calomnie j Real persista;
puis il soutint que la conspiration de
Babeuf et des ex-conventionnels rà'é-
tait qu'wnc conspiration de niuets f.t
qn'unniensonge dugouvemetmnt (8).
Real termina son plaidoyer , q^i
dura deux jours, en ces termes:
« Si vous déclareii qu?ily a eu con-
« spirafion, les patriotes n'ont plut
1 d'asile et personne ne peut .s'o«-
« surcr un paisible somme il.., hriaez
« dans la main du gouvernement, sou-
• vent égaré, ces armes de dévastation
• etdemort.»— Béalétait uudes hom-
mes qui ont le plus agi, mais pas tou-
jours dans le môme esprit et ilans le
même sens; ioiis la république, le di-
(8) T^ox- ÏUiiKrp, ni, i5t>, «-t 1rs dchats
<1h «on jirocès qui fuient rociitillis en iix
vol. In-S". f^o}-. îitjssUe» .-ivi. LATCNKf.oi'.
J.\l1i,\',r,f„ ut nnnvvti IiKii, S94.
nu fr i
mw
^RtA
S^r,
rectojn', le consulat et l'ernpire; nous
rnppeUerons ici sommairement qaeU
t]ues actes de sa vio dont plusiears
sont antéripurs au procès de Babeuf.
Le IG août 179i, h la iribune des ja-
cciliins. Re'iil s'éleva contre les com-
missions popul^tfcs dont Robespierre
avait Doinmé^^Pb membres et les
agents, et qui avaient rejupli les pri-
sons d'une multitude de citoyens in-
offensifs. Il appela l'altpntion des
frères et amis sur ces commissions
populaires: mais les frères et amis
ajournèrent leur ddcision, se déliant
de Rral qui, l'année précédente, leur
avait été dénoncé. Il reprit la parole
aux jacobins dans la séance du 26 août
179J. Chacune des iH sections de
Paris avait encore alors soir comité
révolutionnaire ; on proposait de faire
nommer les membres de tous ces co-
mités par le peuple convoqué en as-
si'!iibléesiiéca(Kiire>'. Thuriot trouvait
la proposili-n insidieuse: Kéal la dé-
clara dangoivuse, mais il ne fut point
favorableujeut écoulé. Il sévit même
dénoncé comme intrigant, et son ar-
restation fut proposée comme étant
partisan de la liberté' illimitée de la
presse dont les terroristes étaient les
plus ardents* ennemis. Real passait
alors pour modéré. Dans une lettre
écrite au Jl/ontïfur (23 avril 1794), il
racontait le dévouement de Loizerol-
Ifs qui s'était substitué à son HIs con-
damné k mort par le tribunal révolu-
tionnaire, et qui avait ainsi voulu lui
donner une seconde fois !avie(9).Car-
rier avait d'abord regardé Real comme
,'. On trouve «lans le Honileur ilu jn
étant son ennemi: v
les trois jurés, Sanbas, o , l .
pIno-Lebrun. comme parents de Real
et amis de Tallien et de Fréron, qu'il
appelait ses plus cruels adversaires;
mais le tribunal arri'i
séo!jtrp''10^.f.el0j<ï;:
mença son discours à la (Jonventiou
en ces termes : La Rcpubliqxie démo-
cratique o*t la mort ! On trouve , dans
le Jl/o/u/ fur du Qfévrier 1795 (il plu-
viôse an ni), des détails sur l'oppo-
sition de Real aux arr
mune de Paris contr-
tion nationale, le 31 mai 179:^.— Héa!
rédigeait , dans les derniers mois de
ITO."», une feuille publique ayant pour
titre: Journal du Patriote de 1789;
il avait pris Mt-hée pour collabora
teur. Bientôt l'intitnlé de cette ffuille
fut changé en celui de Journal rf'*
Pntriotes de 17«9. Le 30 novt:
un numéro <le ce journal fut dr;
au conseil des Cinq-Cents par le ia-
meux André Dumont; maisGéoissteu
et Tallien défendirent Real avec cha-
leur: firent valoir son patriotisme et
les services qn'il avait rendus. Alors
le journal de R-' 'stribuéaux
membres des {.: «. aux frais
du gouvernement; il
cette distribution c.^?
l'insistance de plusieurs membres,
et surtout du safee Defermon , les
observations do Tallien l'emportè-
rent, et les Cinq-Cents passèrent à
l'ordre du jour. Real publia, dans
Fan IV, sou Efi$ai mr Uf journée^
blée Ic^isijtiTe et maire de r«"tu; rilie, ;n.iit
»anïé un iiuminé V;innk* <!«• U firreiir df
pluMrius \ii;fiine» tit uiation» ,
quoiqut! ve Viinrike • «1<5 p!u»
;'"•''''■• ennismi» du • -m'-a
LXWIl.
iteu l'iipptri BOiiiiaJii- Ctuq •.-
Tot«>rent: '.rjS furent pour l'ac
386
REA
du 13 et du 14 vendémiaire (lî),et il
fut nommé historiographe de la Ré-
publique. Mais, le 14 novembre sui-
vant, Lenoir-Laroché fit insérer au
Moniteur un article sur l'inutilité
dé la place d'historiographe créée
pour Real, et dont il ne prit pas
long-temps le titre qu'il ne cher-
cha pas d'ailleurs à justifier. Le Di-
rectoire exécutif avait créé cette place
pour Real avec appointements. En
outre , il lui faisait payer le prix
d'un millier d'exemplaires de chaque
numéro de son journal qui était dis-
tribué aux deux conseils. Mais l'his-
toriographe-journaliste ne se montra
pas très- reconnaissant. Barthélemi
Tort de la Sonde , accusé de conspi-
ration contre l'État en complicité
avec Dumouriez, fut défendu par
Real et acquitté. Alors le défenseur
rédigea et fit imprimer (an V, 1798,
in-S"), à la suite du Procès de Tort
de la Sonde, un acte par lequel il
dénonce et accuse devant le conseil
des Cinq-Cents le Directoire exécu-
tif et lé ministre de la justice (Merlin
de Douai) comme coupables de pré-
varication et d'oppression. Cepen-
dant Real fut nommé le 3 sept. 1799
(17 fructidor an VII) commissaire du
Directoire executif près l'adminis-
tration centrale de la S^ine, et un de
ses premiers actes fut la dénoncia-
tion aux tribunaux d'un pan)phlet
qui avait pour titre : Pendez les jaco-
bins {Moniteur). Déjà Real était en
relation avec le vainqueur de l'Italie
dont il se montrait le partisan dé-
voué dans son Journal des Patriotes,
s'il faut en croire Saignes (12), qui
(il) Brorhure in-8" qui fut traduite en
alleinuo J dans deux jouiuuux intitulés , J'uu
Mlnerva, l'autre i'Va/i A rei'c/i, I7y5.
(la) Voy. ses Mémoiret pour frrcir c r FTis-
toirt :da France touf le pi
poUon, loiu. I, j>. a:i5.
ajoute ' çn ' parlant de Bonaparte :
« Lui-ifnëme insérait quelquefois des
« articles dans cette feuille. » Et Sal-
gues rapporte encore ce trait singu-
lier : « Après la fête des victoires,
• faisant ses adieux au rédacteur qu'il
« tutoyait,sui vant l'^^ge de ces temps
« glorieux, Bonap^rlui dit : Son-
« ges-y bien : toujours moi , jamais
« que moi. » Et Salgues ajoute encore
que le rédacteur tint parole, ce qui,
dans la suite, fut cause de sa fortune
et de son élévation. Real contribua au
succès de la révolution du 18 bru-
maire. Ainsi , partisan de la républi-
que en 1793, il travailla sous le Di-
rectoire à défaire la république; ainsi
après s'être comme tant d'autres paré
du titre de sans-culotte sous la répu-
blique, il se vit avec joie enrichi et
fait comte sous l'empire. — Dans ses
Mémoires pour servir à Vhistoirc de
France sous Napoléon (13), M. le gé-
néral G^ourgaud fait connaître la part
que prit Real à la révolution du 18
brumaire.' Le directeur Barras tenait
encore, jusqu'au dernier moment, à
son autorité défaillante, et il dissi-
mulait avec Bonaparte. Réàl et Fouché
allèrent le trouver et le firent chan-
ger de résolution. Barras se rendit le
lendemain à huit heures du matin
chez le général qui était encore au
lit. Voulant absolument le voir, il
entra et dit qu'il craignait de s'être
mal expliqué la veille ; que Bonaparte
pouvait seul sauver la république,
qu'il venait se mettre à la disposition
du général, faire tout ce qu'il lui
plairait et prendre tel rôle qu'il lui
donnerait; que, dans tous les cas,
quelque parti que Bonaparte vouirtt
prendre, il pouvait compter sur Bar-
ras. Real et Fouché avaient opt'ré ce
changement remarquable; mais l'his-
REA
torien.amidévoué de Napoléon, ajou-
te que, se défiant encore du directeur,
le général lui répondit, après avoir
d'ailleurs pris son parti, « qu'il était
« fatigiii', indispose', qu'il ne pouvait
« s'accoutume^ à l'humidité de l'at-
« mosphère de la cupitale , sortant
- du climat des sables de l'Arabie, et
• il termina l'entretien par de sem-
• blables lieux communs.» Oq trouve
de plus amples et curieux détails sur
la part que Béai et Fuuché prirent à
la révoluiion du 18 brumaire, et sur
une mystification du directeur Go-
hier par Real, dans un ouvrage qui a
pour titre Indiscrétions, 1798-1830;
jouvenirs anecdoliques et politiques
tirés du portefeuille d'un fonction-
naire de l Empire, mis en ordrepaf
McsMER Desclozeaux (14). Cet ou-
vrage est rare et mériterait d'être
mieux connu. Deux bibliographes qui
en ont parlé en peu de mots.MM.Beu-
chot et Quérard, ont pensé» sans
oser rien aflirmer, que Real pouvait
bien n'être pas étranger à la com-
position dudit ouvrage; mais il suf-
fit de le lire, et même de le parcou-
rir, pour être convaincu que le grand
nombre de faits importants, où il a
(iguré dans ses fonctions secrètes ,
n'ont pu être rédigés et présentés
comme ils le sont que par lui-même.
Il est des mots qui n'ont pu être en-
tendus que par lui dans les instruc-
tions et dans les ordres qui lui ont
été donnés; et, chef de la police se-
crète, il a pu seul rédiger une partie
deces «ou i;gnirs;joh(iÇue«quinesont
pas souvent mal à propos appelés (par
l'éditeur sans doute) indiscrétions.
On pourra en juger par ce qui va
suivre, tout en regrettant que Real
n'ait rien laissé sur sa vie politique
Cr4) Paris, Dufey, libraire , i835 , 2 vol
REA
887
avant l'époque du consulat : il y au-
rait eu des matériaux curieux pour
l'histoire secrète de la révolution.
Réal^ut , sous le consulat , lié inti-
mement avec Fouché, et la confiance
du premier consul lui futd'aburd ac-
quise. H joua un rôle dans les grands
événements qui précédèrent, à Paris,
l'élévation de Bonaparte à l'empire.
Réal se trouvait avec Fouché à l'O-
péra au moment de l'explosion de
la machine infernale. L'un et l'autre
sortirent précipitamment à pied, al-
lant à la découverte, chacun de son
côté, et après s'être donné rendez -
vous au ministère de la police^ la
rueSaint-îiicaise était encombrée de
curieux , de soldats , d'agents de la
police : Réal y pénétra^ et, dans les
débris de la machine, alla chercher
l'indication des auteurs de l'attentat.
Parmi ces débris était le cadavre mu-
tilé d'un cheval : une jambe pouvait
encore être reconnue; RéaU'examine:
il aperçoit, attaché au sabot, un fer qui
paraissait nouvellement placé, il pose
des sentinelles ; bientôt après, les de-
bris de la charrette et du cheval sont
conduits, par son ordre, à la Préfec-
ture de police. Le lendemain, tous les
charrons et tous les maréchaux-fer-
rants de la^capitale y sont mandés : un
maréchal recounaît le^fer comme
étant sorti la veille de sa forge. Il ne
s'agit plus que d'avoir le signalement
de l'individu qui avait amené le che-
val ; le maréchal le donne ; l'individu
avait une cicatrice au-dessus de l'œil
gauche : c'était le signalement de Car-
bon, complice de Saint-Réjant {voy.
Saim RÉJAM, au Supp.). — Dans le
procès de Georges, il y eut plusieurs
individus arrêtés et interrogés par
Real. Un parfumeur, demeurant ruede
l'Abbaye , prévenu d'avoir prêté son
domicile , comme point de r^nion ,
aux conspirateurs, fut mis eh arresta-
25.
:i8.s • ^ A
iiii; .■yt^^|■l([^n -JOg -
tisu, o. .p. e seSiUièc^ii'^iKeal
jeûr Ut subir un interrogatuire; v^jici
quelque^ mcls de celui.de la nièce.
« D; Qui a pu décider vos: pai^jils à
« iteeevoir chez vous des ge^is qui s'y
. i. réunissaient pour conspirer? R. Je
* ne saispas. Je uclc crois pas..., mais
« ce que je sais^ c'est que mes pa-
' «reals les oat reçus sur la recpm-
« mandaliAB tle M, Je yicaire de Saiut-
« Sulpiee. fîi.I+a recommandation du
f vicaire a'sulli pour le^ d^ie^miner?
« R. Oh! non , uionsieur; ils onti^iit
" dire une messe du Saiut-Esprit.
- D. Ah! et qu'a répondu le Saint-Es-
«prit? R. Monsieur, il n'a.pas rc-
» pondu du tout. D. Alors, puisque le
- Saint-Esprit refusait de" répondre,
«comment... R.Mai.s. monsieur, qui
i^ ne dit mot consent (il5).»—Lesdeux
JTjrères^Poliguac, jugés. comme com-
: plHHi^rde Georges, lurent condaujnés;
Armand (un des Ueu.x) à la peine de
mort (qui fut commuée, eu. déten-
tion perpétuelle), et Jules à deu.K ans
d'emprisonnement. Peu de jours
après le jugement rendu, Jules de Po-
lignac demanda à faire une commu-
nication. Real le fjiit amener devant
Ipvetj^'iufprme s'il a des plaintes à
i î'^jrmfxeoptje ses gardiens ou quelque
ïfaveur à. demander. «Kon, répond le
MU jeune hon^e, jen'ai qu'âme louer:
:. «jedois au gouvernemcntet avons des
r,,;, • remercîuieuts pour i"liumiinilé et
,«,,la^ouccur qu'on nu; témoigne.»
j,J^jui^jj|f.pfii:le,(Je ses opinions légili-
yjipistê?i\ AiÇltie, de rendre un grand
.3er'yice si on veut le lajsser aller eu
Angleterre négocier la paix;,, elçi, Real
iie hâte dercudre compte iui préniicr
cp)usul,d,e cette proposition', niais le
ni; T^yt;.' l^àlsCi-elik}À'i;'étë',tàtn. ï,"p.l*)(Sl-iroo.
Le parfumeur se iioniiuaU L. Cliiion ; (ii-o-
tégé, sou.s la lle.stauriition , piir la cluclies»e
(l'Augoulcme et par M. Hvde de Neuville,
il fut nommé raessMger H'Rt«k de In (;!i:itn-
1>I(? <lpB lltMllltf'S.
ru: A
Kiiot-, !>a6fq i.*}'; ii/oiîu'iiKAvi; Irrqi ; ••':
i)>reinM«,aQn6>ul lie voit ià.qiriMU'jyi<lr
ftïfi, qu'w» rêve, et ditséfieuseiifeytj:
« MoMsieur Real, vous ne o^'^yez. rien
•s dit, eutejadez-yQus?,J[l-fle, faut pas
« qu'on; suppose que vous m'entre-
« tenez de pareilles niaiseries (i6]. »
Lorsque Pichegru futarrêté, le pre-
mier consul dit à Réa| : « Voy? al-
« lez interroger Pichegru. Avant de
" commettre une faute, il avait bien
• pi honorablement s^rvi sf^n pays.
;sf, Jfe n!ai pas besoin de, soU(Sa.iigi dilçs-
<j!«(lpi qu'il faut regardée. .,tt>ut cela
" comme une bataille perdue; il ne
« pourrait rester en France -, pressen-
.« tez-le sur Cayenne; ilconuait le
« pays; on pourrait lui faire la une
.«belle position. =» Real alla donc au
Temple iuterrogçr le générai. Il le
: sondasto: laproposiî ion d'un ctablis-
seuient à Cayenne : -, B^ais, dit Real ,
. « il avait trop de finesse pour ne pas
« comprendre tout; d'abord l'inten-
. « tiou, de celte demi-coulidencc. Il
«parla avec abandon de Cayeune et
« de ce qu'on pourrait y opéicr.
" Avec six millions, dit-il, et six mille
« nègres, on Jerait de Çayenne, le
« plus important de ..nçs étahlisse-
« ments coloniaux, f • îilajlheureiise-
,. « ment, ajoute Real, jeiie rçsvis.plus
" Pichegru auquel j'avais très-ouver-
« tement olVert mes bons pfjiees an-
. « près. du premier a)ijsu),,fJi|;JU'«'
ajoute encore ; « Quelqiic? joiirs
" avant que Iç cornplice, de, Ççorges
«fût trouvé, étranglé dani!^ ^sou lit,
.. « il avajt dit , au çonpierge .i^\\\ ,Tem-
'/|.|)le : Je çroi^ hien que JVl., Real a
., i » vouU^ nj'ab user avec sou histoire de
. Cayeune, » On ne trouve d'aMleurs,
, dans ks Indiscré lions , aupi|U détail
sur la tin tragique de Pichegru. Real
rapporte seulement que, depuis quel-
ques jours, le gé)^éfi4 y'^tait pas gar-
t-"-il •! .1 •.!■■■■' '■
(irtl Inrii'cr., t, I, p. l'i i.
VA A
liKA
>S'.i
de ; qu'il avait d'abord été jjlaee sous
lasiîTVeilfancè (îêi!euî?pnflarmpçtfm
ne q«lt>àieht i 'le
lé pr^rtii^" "■ ,...>..: ..... c.ue
's*âide f- i.risonni^f ,'ài»ait
'jfilàHéai: - ynaiitltin bonimé'rïot
^ se In^t', ît en tronvt» fdiijnurs Toc-
-cûsVon. N^e'lôiiri: Piehf-
r ;rhf; Gt^z-!ti^ «es ■ . pu»^-
:ùl Rt'al
....; „ ..__; ,..; ^ . ' . .iHSUl la
strStiguJatton de Pichegru, en Ccà tcr-
....... . \,>„J5 avons p?rdn fa meîihéme
cei contre Moreaii; • e'tle '
prei^KT consul répliqua : « Voilà Une
ir telle fin pour !e tainqnenr de la
= Hollande. - Ensuite Real s'attache
à justifier Napoléon cotitre toute ac-
eusaiioii de eniaiite et contre ee mut '
de M*^" de Staël-: * Bonaparte est
« nialiienreiix; tons ses ennemis hii
'meurent <laus iâ ' main • ■ (17).
-r Le nom de Real se trouva mêlé à la
triste catastrophe du dnc d'Biighien.
« Il est pins que probable , est-il dit
" dans les Indixcrétionx (Ifi), qae Jo-
" séphiiie etCambacérès n'ont eu con-
naissance de l'arrestation, du juge-»
• ment et de l'exécution du duc d'En- ,
« ghien, que le 21 mars au matin ,
« avec la population de Paris, avec
« M. Real luî-mèhiè, l'un des chefs
' • les plus importants de la police
A Je ne sais par" quel sentiment
' - défiance le premier consul laissait
.■ la policf ::h? Iiinient de côté : nn
• niot r' r.irait tout écîairci
- " 1 1 ■ • î'Enghien était
■unes, jugé et
- > ^ . uiiiva-, aui iiuc icsministre'set
- i : i iice en sussent rien. M. Real se
- rendait à Vincennes, le :*1 mars, à
' ger le prince, non p.is en veriu d'une
•i« misswn qui lui. aurait été donnée.
«maissurransdcs
« mis piir h' directeur
B«: Viivcennes, dacs k rapport ji)iiïn;i-
■'«lier t^Q^il- adressait àaioonseï] U^r
'« d'État, spécialeu^ent'idtan^ \u-
' « l'instruction et de la suilef^de tt'Ji-
'-itesles «flaires relatives à la tr.)4i-
« q'dliité et à la si".
• de Ift répirbiimje. 1' .
' • heures,' fe'dtio d'Engiiien avait ces-
'^« se d^existt-r, lorsque M. Real rcn-
''' < contfa, il la barrière Saint- Miîoine,
"le gch»?fal Savarv qui lui lit rc-
'«' broos^ «Iheraiti <19)- « Real y qui
dut écrire ces détails , -
ration, en rapporte
' rieuv '
auge
' .i prie de me transmettre le jugt-
« ment rendu ce matin contre le Aie
- d'Enghien, ainsi que les interroga-
« toires qu'il a prêtés. Je vous^serai
• oblige si vous poorigles remel-
ispo
• tre à l'agent qui vous portera cett»-
■ lettre. J'ai l'honneur de voti<; >• :-
• luer. RÉAT.. ' Un peu plus 1 ;
envoyée crtle socoiu'o missive ; ■
• né, iinent et les
« ghièn, poiM ';-
lispu auprès lUi j.remicr cousmI.
;ill«'7 me faire savoir k qnelle
•■ charge;
• soit p;
• avancé ■
• REAL. -
et Real le ,
0 singulier df.
:e-
netifhpures du matin, pourinterro- mehtse trouve
2_ ^^'*'i'1?P^fl^soluoie|,^;,^<ij[*l>fi^Vf'' ""
390
REA
REA
autre, non à Vincennes, mais à la Mal-
maison ; et il ne pourra être lu , aux
termes de la loi, au condamne', puis-
que le condamné n'existe plus. D'ail-
leurs la publication ne peut plus être
relardée. On rédige donc à la hâte un
nouveau jugement; il est crié dans
les rues. « La minute originale avec
« les signatures n'existe plus , dit
« Real. « Il s'y trouvait d'étranges la-
cunes, par exemple : .... «Le prési-
dent, à l'unanimité des voix, l'a dé-
claré coupable...., et lui a appliqué
l'article de la loi du... ainsi conçu...,
et en conséquence l'a condamné à la
peine de mort. » Tous ces points ou
ces blancs se trouvaient dans l'origi-
nal dont Real sans doute avait pris
copie ; le délit n'y était pas même
spécifié, et le texte de la loi qui con-
damne, était aussi resté en blanc.
Real ajoute : « Le nouveau jugement
« fut rédigé tel qu'il a été publié. On
" n'avait pas sous la main les meni -
" bres de ^ commission militaire
- pour prenOTe leurs signatures ; on
« se contenta de faire figurer leurs
« noms au bas de la nouvelle rédac-
« tion, et l'ancienne /^Mt annulée (2Ô).»
Real revieni encore sur cette derniè-
re assertion, en ces termes: «Ainsi
«donc, il est vrai de dire qu'il
« n'existe aucune minute authenti-
« que et signée du jugen)ent par suite
« duquel le duc d'Enghien a été fu-
« sillé (21).* Real rapporte aussi la
pièce suivante : • Paris , le 2 gernii-
. nal de l'.Mi XII {-23 mars 1804). Le
« conseiilt'r d'Éiat, etc.. etc., a reçu
« du général de brigade Hullin,com-
« mandant les grenadiers à pied <Ie
«la g;irde, un petit paquet conte-
« naut des cheveux, un anneau d'or
• et une lettre. Ce petit paquet
« portant la suscription suivante :
« Pour être remis à madame la prin-
« cesse de Rohan , de la part du
>^ ci -devant duc d'Enghien. Signé
« REAL (22). »— Le consulat avait fait
place à l'empire; Real devint comte
et chef de la police impériale. 11 était
souvent en rapport avec Napoléon. Il
avait une jolie maison de campagne
à cinq lieues de Paris. L'empereur
trouva que c'était trop loin , qu'il
avait besoin d*civoir Réid sous la
main : il lui donna 500,000 fr. pour
acheter une maison de campagne
moins éloignée, et Real devint pro-
priétaire de la belle maison de Boulo-
gne que possède aujourd'hui M. Rot-
schild (23). Napoléon lui donna
aussi, à titre de majorât, des actions
sur le canal de Languedoc. Real con-
tinua de mériter la faveur de Napo-
léon. Citons quelques traits : l'em-
pereur venait d'être excoujmunié à
Rome. La bulle était secrètement
arrivée à Paris où déjà ejle circulait
imprimée. Real fut chargé d'arrêter
M. l'abbé d'Ast ros, alors grand-vicaire
jju diocèse, qui se trouvait un jour
aux Tuileries, attendant avec beau-
coup de monde que la réception com-
mençât- « Vous allez l'arrêter, dit
« Napoléon à Real, vous le mettrez
« dans votre voiture, vous le con-
« duirez chez lui, et, en sa présence,
« vous visiterez ses papiers , et si
« vous trouvez quelque ciiose qui
« vous mette sur la voie de l'affaire
«de la bulle d'excommunication,
« vous>nverrez le grand-vicaire à
« Vincennes. > Entré dans le cabinet
de M. d'Astros, Real comiuehce ses
rechercbes par le panier contenant,
sous le bureau, les papiers de rebut.
Le troisième ou le quatrième papier
(ao) Tom. I, pag. t,i8 etsuiv.
(ai) /*., p. 124. ;
(la)/*., p. I
(aï) /*., p. i-iî
REA
qu'il <*n retire est la minute de la
1 éponse faite à la lettre d'envoi du'
pape, accusant réception de la bulle
et annonçant sa publication. Real fit
donc conduire à Vincennes le grand-
vicaire, ëfcrivant lui-même à Rome
que la bulle avait été publiée por«»
soins. M. l'abbé d'Astros ne recouvra
sa liberté que vers la tin de 1813 (24).
— Napoléon avait depuis long-temps
cessé de donner sa confiance au mi-
nistre de la police Fouché, qui possé-
dait un grand nombre de secrets po-
litiques du consul et de l'empereur.
Fouché se vit enfin disgracié et rem-
placé par le duc de Rovigo. Real fui
chargé de lever les scellés que le pré-
fet de police Dubois avait apposés sur
les papiers de. l'ex-ministre. Ajais il
reçut l'ordre exprès de s'abstenir de
toute recherche, et de se borner à de-
mantler à Fouché la remise* des lettres
qu'à diverses époques Napoléon lui
avait confidentiellement écrites. Dans
cette mission difficile, Real panit te-
nir beaucoup à ce que l'ex-ministre,
dont il s'était toujours montré l'ami,
ne le regardât pas pendant sa dis-
grâce comme nn ennemi. En consé-
(|uenoe il se rendit à Ferrières (oîi
se trocvait alors Fouché) en calèche
découverte, et seulement accompagné
de 5a fille, M"""^ la baronne Lacuée.
Mais quand il arriva au château de
Ferrières, Fouché n'y était plus. A
l'approche de Real, « un cheval qu'on
■ tenait tout sctllé dans la coiir dis-
« parut. » 11 attendit jusqu'à onze
heures du soir Fouché qui, « après
« avoir couru toute la journée, muni
» d'une forte somme prise chez sou
« fermier, ne sachant s'il devait venir
« à Paris ou fuir en Angleterre, prit
« le sage parti de rentrer chez lui.
« Les scellés furent levés sans forma-
24) Ib., p. 290.
REA
391
• lités ; et, sur la demande des lettres,
« Fouché protesta qu'il les avait tou-
« tes brûlées sans exception. L'em-
• pereur et M- Real n'en crurent pas
• un mot ; niais,ea pareil cas, quand
• on ne peut administrer la preuve
< contraire, le mieux est de paraître
« croire (25). » — Le général Mallet
avait déjà voulu s'agiter en 1809. Du-
bois, préfet " , vit, dans cette
agitation, i. ie conspiration ;
mais Fouché, alors ministre de la pe-
lice, et le comte Real ne voulurent
pas même y voir un complot. De re-
tour à Paris, l'empereur fit venir Real ;
il le prit par l'oreille, et lui dit ; «Vou»
> êtes bien fiers, bien contents (Real
« et Fouché) en faisant signer à ce
• pauvre Dubois qu'il n'est qu'un
«sot. — Sire, c'est lui qui le dit;
■ nous ne lui avons pas couduit la
« main. — Et c'est vous qui me l'a-
« vez donné ! — Oui, sire, pour sur-
« veiller les filous, les lanternes, em-
■ ploi auquel il est éminemment pro-
« pre ; mais je me serais bien gardé
« de le donner à votre majesté pour
« toute autre chose.» L'empereur r.ait
par rire lui-même de la fameuse con-
spiration de Dubois (26). Le général
Mallet eu était à sa troisième ti uta-
tive en 1812. Dubois avait été rem-
placé à la préfectura de police par
M. Pasquier^Le duc dOtranle était
disgracié. Lorsque Napoléon, dont on
avait annoncé la mort, fut de retour
à Paris, il convoqua le conseil d'État
et dit : «Vous allez entendre Real. »
Le préfet de la Seiue,Fipchot, se trou-
vait compromis dans Paffaire Mallet :
Real le justifia (27). Après la chute de
l'Empire, il resta sans emploi. Pen-
dant les Cent-Jours, il fut nommé pré-
{2.S) Ib,, tom. I,p. a4i'
(26) Ib., tom. I, p. ^27,
'î-'i A., tom. I, p. 23o.
m.,
Hil^V
fjet dpjpoliç^. M. Decazys, ^lors ,mpifl--
(lestU^Q :1e (lvc,,4'0'^''*^^'''^ «^Ij^geSi
Bti.>J (|i^ lui riu|;e,(;qnpaîti-e Jad^^^Oi^l
iiiiiivi'iale et de le juettre eu arr<>sta-'
^içiU s'il persistait dans son refus v
niais le nqiivfau préfet. se conduisit
de manioi;e à joçritcr. la. ,rf"econnais-
sapce, (lu magistrat destjtiip. Or, par
un singulier jeu du liasard, dans la'
rapide siiccessiou des eveuexuc.iits ,
M. Deca/.cs ne tardapas à s'acquit-
ter euy ers Uéal. Peu de jours s'é-
taiçntjécouies.; Lauis.XVllI se trou-
yait,,une j^econde fois, restauré^ Real
u^^Uit pLus^. préfet vde polit^ç^ (28)»
et i!JV:I)eci*z«is, sqp succesgeur, était
charge.4e.rejBpIic auprès de Real la
iji^,nj«^naissiQq que Real avait remplie
aupjçès,de lui. Mais s'il ne put le sau-
ver de l'exil, du moins il en sut abré-
ger la durée : elle ne fut que de trois
ans ; et Real rentra dans sa jiatrie, en
1818, par les bons oflices de M. Deca-
xq^. il s'était rendu en Amérique, oii
l'on a dit qu'en 1820 il habitait une
ferme du côté du. Canada, sur la rive
dri^itej^u tl^uve Saint-I^aurent ; mais
il^lt^jt i;enti:ié.<en Fraoce à cette épo-
que (depuis 1818). Il vécut retiré des
affaires publiques. Cependant il eut
sa part d'action dans les trois grands
^purs de 1830. Le gouvflrneinent pro-
TjjjiOi^e,,siégeiint à J'Hôtel-de-Ville,
^y^jj^uçiçuié Bayo^^x prÂfet de; police
à lii^la^e de Ma,ngvnqui, depuisJQ pror
c^^(%,%f tftJM^vaiç, ji*5ii.i»<lf<Hliiui
«''(UsyAfirr^s'lÀ'ifcconJé afit^ii-àtion,' Rcai .sô
|gn&cli«i!l|«r;U iluc.d¥3(rante quiprciridaititf
gouverpe^neiit i>«|>jvisoire , alnr» jfçuw.çi)
séance. II anoouça qu'il veniiit donn.vi; »a
dèttil.isJtrri.' Ôti ^ijlfrfènnn'fla pburqrtiii-?" Je
« (nq 'vetjx pas , ;<li t^ril'* rtoster uti jflaïc ' JtoUé
•< ouvrir les i)oite.s_de^l*ai'is à l'étrarij»er.,
''>lêominê"6û Valait en 1814. " Ou ne put
«aiiicre ia'ré»yi6H6o «f« fet?(«tV rt >t r^otra
r}an> U Me jiri'f».
tant de haine. L'un des membres de
IM icoitttni^sjon municipale, M. Mau-
grtihiiifnîrfQ^a.au nouveau préfet te
cctinte RéaiV initié depuis si long-
teujps aux mystères de la police. Real
devait servir de conseil et de col-
laborateur à Bavoux. La femme de
Mangin venait d'accoucher. Celui-ci,
fuyant avec précipitation, s'e'tait ré-
fugié, avec elle, chez un; de ses
eijiployés qui liii aTait donné asile,
mais qui, craignant de se voir com-
promis, crut devoir avertir le nou-
veau préfet. Ce dernier consulta Real,
quille détourna de l'idée de ftiire ar-
rêter son prédécesseur, et l'engagea
même à Uii donner nn passeport sous
un faux nom. Matjgin se hâia de ga-
gner'la frontière du côté de la Suisse;
et, plus' heureux que Ift prince de Po-
lignac, il put revcwir libre dans sa pa-
trie. Pendant le procès des minisires
devant la Cour des pairs, Martignac
défendait le prince, à qui ses en-
nemis reprochaient non-seulement
les fameuses ordonnances, mais en-
core une odieuse complicité dans
l'explosion de la machine infernale.
Martignac demanda des éclaircisse-
ments à Real, et dans une lettre qui
fut lue devant la Couf des pairs, par
le défenseur, Real déclara que, dans
toute l'instruction du procès de l'at-
tentat du 3 nivôse , qu'il avait été
chargé de suivre, le nom de Polignao
n'avait pas été une seule fois prouon-.
ce. Réaf était alors présent dans U
tribune des journalistes, et, quand s»
lett re fut lue, l'accusé promenant soi*
lorgnon dans la salle, le montra a
M. de Pcyronnet, et lui lit un jaiut
gracieux. L'ex-uiinislre n'avait point
oublié la conduite et les bons procé-
dés de Réttl envers lui, lors du pro-
cès de G£orges, et depuis -cette épu-
que il se regardait coniiiiç son ohligc.
—Les actions >ïiir «.-f ■«^t <'" r-iii<:u'^-
HtA
doc^tkmnées à Real par Napoléon, lui
avaiénf été enlevées pendant son exil,
et se trouvaient rendues à Iji famille:
fie Caraman par une ordonnaoefcde
Louis XVUK Revenu e» Fftfticê.'
(1818!, il voulut les recoip
une affaire longue et diftici!
encore pendante au conseil d'État
lorsdel'avénementdu prince de Poli-
gnac au ministère. Il lémoigna beMH'
coup tl'intBrèl à ftéal; mais, sans la
révolution de juillet, celui-ci aurait
vraiseiiiblabletnent perdu son procès.
— Dans les dernières années de sa vie,
Rédl était devenu étrint^er aux affai-
ry^j ou l'a reoctunré plus d'une ft)is
cherchant , chez les épiciers et chez
les marchaniis liebric à brac, sur le
quai Malaquais, etCv dts autiquités
ou des antiquailUa^ de petites bro-
chures ou pamphlets sur la rérolu-
tioD, et des autographes. 11 mourut
subitement à Paris le 7 mars 1834.
Ou litdausle 1*"^ vol.desilfémotre«(29)
qu'on peut lui attribuer, du moins
en grande partie, que Real était f/»i-
mùle, mécanicien, et qu'il est autour
d'un phiUre généralement estimé.
L'éditeur ajoute :■ 11 a laissé inache-
« vée une machine k vapeur, d'après
« un nouveau système , sur laquelle
> beaucoup de savants avaient déjà
• émis une opinion très- favorable...
• Il a consacré la majeure partie
• d'une grande fortune, honorable-
» ment acquise sous l'empire, à des
• essais de tout genre.»— Real aimait
souvent à rire, et il se délassait des
fonctions delà hante police par des
mystifications. L'architecte du Corps-
Législatif, Poypt, homme crétUde ,
servit plus d'une fois de jouet au con-
seil 1er d'état. Nous ne citerons qu'un
trait (30) : Real fait un jour écrire à
KIJB
Poyet que fe ]ïape s'est i
a th.
le ftftrt! tU'.iifJU'', r( ■
pluypr^sséqdlêd'dHér '
■ Ile h rarc1>
•;*ren'î'a':
;!;al
1' . .
archeȐque
La dernière |,u^. .^^,.u,.,.. .
Ltilfrt itti iirécteut àè la
Parist sur l?s articles ^
intitulés Statittique
de p'roxyince en Angletcrr
trouve une Ifoticf sur ??>•
Biogr
La vje
tes , c'est-a-dire de bien (
l'histoire doit dire l'un et !'....> . . ...us
passion ni déguisement. A l'éxafla-
tion révointionnaire se joignirent Aéi
services rendus en des temps où la
vertu était crime ou danger. If r
eut dans la conduite de Real des actes
blâmables et sans excuse. Mais il fut
dénoncé plusieurs fois aux jacobins;
mais il fut mis en arrestation dans la
prison du Ln.xembour"- î' •"^•« '^>^
dantoniste, ennenii
Quand ou élait aux i
république, if était dj
possible, de né pas dévier dans;
ces. Et quel homme influent li
teujps déplorables a pu laisser une
renommée sans fâche?... L'histoire
ne l'a pas encore nhmmé! V-vè.
REBM.4NK (A.WHB-OEORGB-FBÉ-
DÉRic), néà Kitzittgen, en Franconie,
le 24 nov. 1768, était un avocat obs-
cur de cette contrée, lorsque les
Français l'envHhirent à la lin de
1792. Use déclara aussitôt leur par-
tisan , et fut d'abord emplové dans
394
REB
l'administrafion de l'armée. Dès que
laréumon à la France et la division
en départements furent de'crétées, il
devint juge à Trêves, puis à Cologne,
et enfin président du tribunal criini-
nélà Mayence. Dans le cours de ses
fonctions, Rebmann fut chargé de
l'instruction de plusieurs procès cri-
minels importants, notamment de
celui du fameux Schinderhannes
(bo;-. ce nom , XU, 15?). Il mourut
à Wisbaden, en 1824. On a de lui •
I. Rapport fait au divan par Essew-
Aly - Effendi , ambassadeur de la
Porte ottomane près derla Républi-
fjuç française, sur la situation ac-
tuelle de la France et sur l'esprit pu-
blic, il97, in-S". II. Coup d'œil sur
les quatre départements de la rive
gauche du Rhin , considérés sous le
rapport des mœurs de leurshabitants,
de l'industrie et des motjensde l'amé-
liorer, Trêves, 1802, in- 12. On à
encore de Rebmann plusieurs mor-
ceaux politiques dans les journaux
du temps, et quelques mémoires et
rapports judiciaires, notamment dans
TalTaire Schinderhannes. M— Dj.
REBOUli (Guillaume) , né à Nî-
mes, dans la dernière moitié du
XV^çiècle, d'abord protestant zélé,
et attaché eu qualité dfe secrétaire au
maréchal de Bouillon , se fit chasser
par son maître, pour cause de vol ,
et excommunier par le consistoire de
son église, pour avoir cherché à y
mettre le trouble. Alors il changea de
religion, et non-seulement publia
contre ses anciens co-religionnaires
Mil grand nomUre de libelles, mais
voulut même se faire passer pour
l'auteur de quelques-uns, qui n'étaient
pas de lui. Les méjuoires du temps,
tels que Ja Satire Méuippée , la Con-
fession de Sancy, etc., ont conservé
les titres de ces pamphlets aujour-
d'hui sans' intérêt. Iliï attirèreat à
REC
Reboul des poursuites qui l'obligè-
rent à chercher un refuge dans Avi-
gnon, Il passa peu après à Rome sous
les auspices du P. Cottou ; protégé,
par Viileroi et par le cardinal d'Os-<
sat, il y sollicita la récompense de sa
conversion et des services qu'il pré-
tendait avoir rendus à l'Égiise ro-
maine. Mais, ses démarches étant res-
tées sans succès, il se vengea par une,
satire des refus du pape , qui le fit,
juger par une commission, laquelle,
le condamna à être pendu , ou , sui-
vant une autre version, à être déca-
pité ; ce qui fut exécuté le 25 septem-
bre 1611. , ' , V. S. L.
IlECCO (l'abbé Joseph), publiciste
et théologien italien, naquit le 21 mai
1743 à Ripatransoue, d'une famille
noble qui avait déjà produit quel-
ques hommes remarquables. Après
avoir fait ses études dans sa ville na-
tale, il se rendit à Rome et y em-
brassa l'état ecclésiastique. Le 20,
mai 1794 , il fut élu membre de l'A-
cadémie des Forti, à laquelle il lut,
le 3 août de la même année, une dis-
sertation intitulée : Ercole latino.
Il dédia plusieurs ouvrages au pape
Pie VI, qui avait pour lui une estime
particulière. Sa santé ayant été gra-
vement altérée par l'extàs du travail,
il quitta Rome, d'après les conseils
des médecins , et se retira à Castel-
Madama; mais le changeuient d'air
ne lui fut d'aucune utilité , car il
mourut peu de temps après, en août
1801. L'abbé Recco avait publié : 1.
Dell' esistenza d'unçi giiirisdizione
nella chicsa caltoiica stabiiita neW
autorilà del Ponte fice romano, e dél-
ia sua sede. Rouie, 1791, iu-S". 11.
DisserlazionecpistolareintornoaUa
célèbre controvcrsia del, battesimo
degii eretici fra S. Stefano e S. Ci-
priano^ Rome, 1791, in-S". lll./i«jt-
cussione delU dut podMtà spirilua-
REC
Ipe temporale, Borne, 1793, in-8».
IV. Diicono politico intorno aW
occultazione délie monete nello staio
pontificio, ed intorno ai moài di ri-
metterle in giro {szns nom d'auteur),
Rome, 1795, in-8«. V. Discorso sul-
la riprovazione délia sinagoga, e
sulla tocazione délie genti , Rome ,
1796, in-V. Mais les principaux ou-
vrages de l'abbé Recc<>, ceux qui de-
vaient le placer parmi les philoso-^
phes et les publicistes ; sont reste's
inédits. Ce sont : l» Analisi e confu-
tazione dei Diritti deW uomo, di Nie-
cola Spedalieri {voy. ^pepalieri,
XLIII , 205 ). L'impression de cet
ouvrage en était déjà à !a 208* page,
lorsque la mort de l'auteur la fit sus-
pendre, et elle ue fut pas reprise, bien
que Recco eu eût expressémeni char-
gé ses héritiers. 2." Dubbio se ilpmi-
tefice romano possa dirsi sucressnre
nel trono de' SS. Aposloli Petro e
Paolo. 3** Le plan il'un ouvrage inti-
tulé Lo Spirito délia société, et qui
pvait avoirciuq volumes. — Recco
Philippe), frère du précédeul , na-
init comme lui à Ripatransone , et
ila s'étiblir à Naples, où il publia
i!ie Raccolta di romanzi ^ ouvrage
périodique dédié aux dames. Il revint
dans sa patrie vers 1811, ety mou-
rut en 1826. plus qu'octogénaire.
A— Y.
RECEVEUR [Laurent), religieux
(le l'ordre des Minimes , fut du nom-
bre de ceux qui accompagnèrent La
Pérouse dans son funeste voyage de
découvertes. Le père Receveur, phy-
sicien et botaniste, périt à la biie
de Botanique, ainsi que dix-huit au-
tres, n()tau)ment les frères de la Bor-
de, qui furent massacrés par les na-
turels du pays. La Pérouse fit gra-
ver, à l'endroit où son corps fut
enterré, l'inscription suivante :
Hicjacet L, Receveur,
REC
395
e FF.minimis, Galliœ sacerdos phy-
sicus, in circumnatigatione mundi;
Duce de la Pérouse.
Obiit die 17 februarii anno 1788.
(Voy. le Journal de Paris ^ du ven-'
dredi 26 juin 1789.) C'était on savant
très-distingué et qui avait déjà réuni
d'immenses matériaux, lesquels mal-
heureusement ne seront jamais pu-
bliés, z.
RÉCHAC DE SAIXTE MARI»
r|e p. Jean Giffre de), dominicain ,
né àQuillebeuf en 1640, et mort à
Saint-Symph<.rien, près de Lyon, en
1660, a composé un grand ntmibre
d'ouvrages (voy. Script, ord. Prœd.,
II, 595). parmi lesquels nous ci-
terons : l. La vie et actions mé-
morables des irois plus signalez
religieux en «aincteté et en vertu
de l'ordre des frères Prescheurs
de la province de Bretagne j "du P.
M ah y eue , d'Alain de la Roche, du
P. Quintin, Paris, 16JI, in-ri; ib.,
1664, in-I2. II. Les Vies et actions
mémorables des saintes et bienheu-
reuses, tant du premier que du tiers -
ordre de Saint- Dominique , Paris,
1635. 6 vol. in-4'». lli. Vie du bien-
heureux Regnault de Saint-Gilles,,
doyen de Saint- Agnan d'Orléans, et
depuis religieux de Saint-Domini-
que (mort en 1220), Paris. 1616, iii-S",
IV. La fondation de tous les couvents
des frères Prescheurs de l'un et de
Vautre sexe dans toutes les provinces
du royaurtie de France tt dans Us
dix -sept provinces des Pays-Bas
(pièce imprimée avec la vie de saint
Dominique), Paris, 1648, 2 vol.
in-4". V. Vies, gestes et actions mé-
morables des saints , bienheureux
et autres personnes illustres de l'or-
dre des frères Prescheurs (Ug ) ; Pa-
ris, 1650, 2 vol. iu-i". P. L— T.
RËCU10-MËHË31ET , l'un des
hommes les plus extraordinaires de
3^6 fltjC
à Ktitaiiy^Ii, eii Asie-Muieiirê, et ein-
priinta nu lien (î,« sa naissaiice le sur-
i^.m.de KutaliycUi. Il ÇQinmença sa
^ri'ière soii^ Khosrcw, (}(ai',.iijoyea-
panl liiio somme modique, l'acheta,
ejtjcore ei^ffint, let, l'a,tta(;I>çi à sou ser-
^ïj^'^'i P^o<5e^iya<^'î^f» R!"s fictif que
J-eel, analogue' à respèce de marché
qui se passnit au inoycu-ùge entre un
^aut barou et les pages de sa maison,
Khosrew acquérait sur son jeune ma-
meluk le droit d'un maître et eon-
tractait le devoir d'un patron. Grâce
à cette protection et à de brillantes
qualités, Réchid-Méhémet iil rapide-
i^jïpt son chemin. Lors de la révolu-
tion grecque, il fut nomme' séraskier
de Roumclie, et ce fut lui qiii assiégea
Missolonghi, où il avait jugé que se
trouvait le destin de la campagne de
|V!oréé. Le sultan lui avait écrit : Mis-
SQlonghi ou ta téte.Stconru par Ibra-
him-Pacha, il s'empara de cette place
au commencement de 182(j, L'année
suivante, au mois de mai, il remporta,
sous les murs d'Athènes, une victoire
éclatante sur l'armée des Grecs,
nombreuse et bien dirigée. La déroute
des illustres Philhellènes, Church,
Gochraqe et Gurdon, et le blocus
de Fabvier dans l'Acropolis rehaus-
sèrent la gloire du général turc. De
retour à Constantinople,il avait fuit
unnoncer sa visite à Khosrew, alors
capitan-pacha. Celui-ci, en accueil-
lant avec les plus grands honneurs le
«éraskier victorieux , prit plaisir à
faire remonter jusqu'à lui-même la
gloire de sa créature. Après rav.oir
{Splendidement félicité, il frappa (^ès
mains, et, à ce signal, un essaim de
jeunes mameluks, richei?i,ei^t,,|Kibjjli-
lié.5, parut dans fÇ; divan.,.* j^jÇjjPins
«-piéisente, dit-il, p|i,s'a(ij*ess^^^ .,à
; nécUJd-Mttliejjiç;t^;, yo-s frèrjçs ; ,çt
," v,ers.,l.^.s,en,i:autsi,Toyez pç.,<iiiei)fi^t
« le mente ! Réchid-Méhémè'f ,^;,ceh«
"heure assis auprès de moi et cç>i\r
-vert, de, la faveur du sultan ',j^sji
« .sorti (le ,vos rangs et (le ma njaisqn :
* il m'a autrefois, coûté tre^te-çjnq
-piastres.» À ces mots, Réchï&é-
hénjef laissa retonjber sa pipe, et de-
vînt taciturne. Soit qu'il rougit de îH»
première conditiun, soit fj[u'il soup-
çonnât dans son astucieux pafrou
l'intention de l'humilier, if se retira
irrité, et, arrivé près de la porîe'"il
murmura, avec l'accent d'une colère
contenue, ces mots (pie recueillii
Khosrew: «Est-ce que je suis doric
«de la chaii* hacHéé'a ventîré'fi
Bientôt une occàsidri' plus gi^aVé dé-
veloppa entre Réchid-Méhémet ''Vl
Khosrew ùhé aînimp'$ité inafqaée.
Khosrew était devenu séraskier ' et
l'installateur décidé de la uouvellfe
organisation milifaire. Réchid-Mf^hjl-
met, en se pliant à la volonté du sou-
verain , conservait pour ces in-
novations une répugni^nce qui 'te-
nait à ses vieilles habitudes et ît Ifi
fougue de son génie. Cependant , il
obtint de nouveaux succèi!^ dans la
guerre de 1829 contre la Russie. Il
fut ensuite envoyé en Albanie, avec
le titre de grand-visir et la mission
de pacifier cette province soulevée
par Mustapha , pacha de Scojra.
Ayant pris la place de Scodra, il
parvint à réduire toute la contrée.
Ce fut là qu'il déploya sa bravoure
habituelle, et des talehts d'admi-
^uistrateur qui lui vjilurcat U|i« po-
pularité immense parmi les rebel-
les qu'il avait, défaits et les rayas
qu'il avait protégés. Enfin, en 18:^2,
il fut chai-gé de marcher contre Ibra-
him , qui avilit pris \n;\ défait à
llorms et à Beylan les généraux du
,^^uUan et passé 1e Taurus. Les deiiv
r,ft
i;fV
m
leurs T'.o'.ipes, (levant Koniçii.
. î, Pmporté'pàr son coarage, tut
lait prisonnier, et, avec lui, la vie -
Toire resta à Ibrahim. Renvoyé à
' onsfanîinople, il reconquît la faveur
iipe'rialf, et fut investi du comnidn-
'<'me!ilen cheEde l'année ^'Anaîolie.
-' m dernier exploit fut la soumis-
ion du Kourdistan, et sa deiiiière
Ijuteiinacte de précipitation contre
les Persans, qui fiillit con:pr''n;etl'e
la paix de la Turquie et >'
('aiiiît; aux fidnlières de ;_. , .i
jipatieDice l'prJrc d^e
t . *'<^ province, afin
'I'' se ;;;-:-' .;oude foi^ P9nf
1, et de venger
lorsqu'il mou-
ique suLiicwer^l Wi déc. I83r».
l-Mchéinet était sans contredit
le plus grand bouime de guerre de
reB.pire^çt sa lin prématurée laissa
le sul^n ^ns généraux expérimeu-
tés-.. .' ''."' . '".! ',,',. " . Z. ".
UÇtlCÔUBT (Fbançois de),, co-
lonel, directeur du génie Irançaiset of-
ficier de la Légion-d'Honnenr, naquit,
en 1744, à Reims, d'une honorable
famille, et mourut à Lille en Flan-
dre en 181 1. Ses études faites au col-
lège de l'Université et à l'école de
rnaljiématiques de Reims, il passa à
réi.ile royale de mathématiques de
I : >, puis entra dans. le génie- Offi-
' tf liistinguéjil en donna des preu-
l'S dans plusieurs circonstances, no-
'.i:;.';!ent par les ouvrages qu'il pu-
!'!ia: 1. Une traduction du système de
canaux (navigables dji célèbre Ful-
î jn (voy. ce nom, XVI, 172), sous ce
; Recherches mr lc>i moyens de
, , . :i>ovnir les canaux de navigâ-
Hou rt ..iir lis nombreux avant' ge-'i
' ' ' /■ donl les bateaux
2 jusqu'à 5 pieàs de
Il ^Jirnnt rnnteniYuni' car-
■ iiancnes iie
nouvelles, r
bois et en fer: P... 1 (1799),
îr^-S". U. Mémoir- re sur le
canal de jonction de ta Sathbré à
l'Oise, étmr l'amélioration delà na-
vigation de la baf se Sàmbh,' t8d2,
in-4*. ilT. Da commerce iriténcur de
l'empire français, et des moyens de
V accroître en fnémé temps que fa force
publique pendant la guerre et lerom-
mtrci extérieur à la pai.i
in-8o avec tablcauv On ti
càtc, d;rns ] c Jour ? //*-
ches (fc la Chair "-t
l*àvocat Havé.trci
trs dé Recicourt sur ic canii [)r<iir(f
de Reims a Bëfrv-ati Bac, pour Jorù-
dre U Nesle. î» l'Aisne. L — c.—jl
RFX!KE (ÉLISABETH-CHAHr.OTtE'-
CoNSTA^cE , baronne de la ), liée le
20 mai 1756, en Courlande , àa châ-
teau de Schœnbnrg , qni appartenait
à son père , le comte de m- 'om per-
dit sa trière dans les t ari'-
iiées de son enfance, n ni- rirrit
q'n'une éducation incompfète. Sa beau-
té la fît bientôt rechercher. Mais douée
d'un esprit délicat, dSnie ame tendre,
passionnée et portée au mysticisme,
elle se sépara, an b iut de six ans de
mariage, du comte de la Recke qu'el-
le avait épdnsé, eu 1771, par ihs
considérations de famille^, et dont- le
caraeière ne sympathisait poiiit av«r
le sien. Retirée à Mittaii, ce iàlik
qif'elle eut occasion de connaître
CagliostrO.qui exalta encore son ima-
gination, ^affaiblissement de sa santé
l'ayant contrainte de se rendre aux
Vanx dfe Caris bad, la conversatioB des
hommes sages et éclairés qu'elle y
rencontra, entré anti-es Spalding, Ni-
colaî," Strupnsée, ies deux Stotberg,
etc., dis^^pa sa mélanéotieetté trou-
ble que Te fameux imposteur avait
398
REC
jeté dans son âme. Ce fut en 1787 que
parut son ouvrage sur Cagliostro^
dans lequel elle tit si bien connaître
ce fourbe. Elle se rendit ensuite à St-
Pe'tersbnurg, où elle reçut l'accueil
le plus favorable de l'impératrice Ca-
therine, qui lui fit présent- d'un do-
maine en Courlande. Revenue dans
ce pays, elle s'y occupa pendant
quelques années de l'éducation des
jeunes filles, puis alla en Italie
pour sa santé , et n'en revint qu'en
1806, dans le moment où sa j^trie
était livrée aux plus funestes calami-
tés de la guerre, cç qui fit sur elle
une vive impression. Depuis 1818,
elle vivait à Dresde au milieu d'un
cercle d'amis peu nombreux ; c'est
là qu'elle mourut, le 13 avril 1833,
dans sa soixante-dix-septième année.
Outre le livre que nous avons cité ,
on lui doit plusieurs ouvrages ascé-
tiques et de piété, ainsi que la rela-
tion de son Voyage en Italie, etc.^
imprimée à Berlin en 1815, et tra-
duite en français par M«"^ de Moulo-
lieu {voy. ce'nom, LXXIV, 307); le
premier volume de son Histoire^ qui
a paru en même temps que son
Voyage, et enfin son livre de Prières
ei de Méditations religieuses, publié
en 1826. Pour augmenter les fonds
destinés aux jeunes étudiants grecs,
M""^ de la Recke publia à Leipzig,
en 1826, sa comédie intitulée Scènes
de famille, ou la Rencontre d'un bal
mflsgue, qu'elle avait composée, tren-
te-deux ans auparavant, dans l'île
d'Alsen , au milieu de la famille du
prince d*Halst-Au;i;ustembourg. Ses
OEuvres, imprimées à Berlin en 1826,
sont principalement composées de
Prières ei dcJHédilations^ dignes de
tout éloge. Z.
RÉCI.AINVILLE ( Jean d'Al-
LONViLLE, seigneur de), chevalierde
l'ordre du roi, gouverneur deCliartres
REC
puis de Blois, naquit en 1520 , de la
même famille que le marquis et le che-
valier deLouville(t)oy. ce nom, XXV,
284). Ardent catholique, d'une pro-
bité à toute épreuve, et • dont la mé-
« moire sera toujours chère au pays
« chartrain, ■ dit l'historien de la
ville de Chartres (Doyen, t. II, p. 93),
il y jouissait d'une haute considéra-
tion acquise par de longs services.
Ennemi à la fois des huguenots et des
ligueurs, il fut, dans ces temps diffi-
ciles, souvent et utilement employé
par Henri III et Catherine de Médicis
qui entretinrent avec lui une corres.
pondance déposée dans l'étude du
notaire Gibé, d'où elle fut révolu-
tionnairement enlevée lors de son
incarcération en 1792. Dès l'année
1568, Charles IX l'avait chargé d'as-
sister le sieur d'Éguilly au gouver-
nement de Chartres (Doyen, t. II,
p. 74), et, par sa prudente intrépidité,
il avait puissamment contribué au
salut de cette place, alors considérée
comme une des plus importâmes et
qui fut vivement attaquée par les hu
guenots. C'est en qualité de lieute-
nant de ce gouverneur qu'il y reçut,
le 14 mai 1588 , Henri 111 échappé la
veille, par l'adresse de sa mère, k- la
journée des Barricades (Sully, t. I,
p. 309). Le roi, qui avait repoussé les
excuses mensongères du duc de Guise,
celles moins fausses peut-èlre. de la
députation de Paris (Sully,t. I,p.ïi4),
ayant publié, le 20 août, la tenue des
États de Blqis, demanda au seigneur
de Réclamviile (Doyen , t. II , p. 93).
• d'employer toute son influence pour
porter à la députation de la noblesse
le sieur„ de Maintenon, Jacques
d'Angennes, ce à quoi il opposa res-
pectueusement un refus motivé sur
ce que Maiutt-non ne pouvait inspirer
assez de confiance , étant couché sur
l'état de la maison dh roi, tenant de
REC
REC
399
lui des bénéfices pour ses enfants , et
son frère Moiitlouet ayant un com-
raaiidenientdans l'armée huguenoUe.
Il alléguait qu'un député aux États
« de vaut tenir pour la religion catho-
« lique contre la nouvelle, il n'y arait
« pas apparence qu'il se portât pour
' les catholiques, puisqu'il suppor-
tait les huguenots; que voilà pour-
' quoi l'on ne pouvait faire choix de
« sa personne pour député aux États.»
Heun m insista vainement ; il ne put
vaincre la résistance d'un homme dont
la loyale fermeté lui avait ouvert un
asile à Chartres, homme de convic-
tion et de cette force morale qui fut
un devoir sacré aux temps passés, et
qu'on ignore ou méconnaît à cette
époijue (l'indifférence relieieuse. Ré-
îdinviileétait r-
u roi; mais bit-,
•assiuat des deux Guise, il jura et lit
• urer la sainte union à la ville de Char-
tes, dont il resta gouverneur et dont
ii ouvrit les portes au duc de Mayen-
ne. Pour cela il eut à lutter contre
^ îTjrts du sienr de.SourdiS qu'il lui
arracher aux fureurs du peu-
r qui , rendu à la liberté sur sa
fisse de ue pas attaquer Char-
ne tarda pas à venir l'insulter,
iinville défendit vaillamment la
jilace contre les troupes réunies des
leux rois de France et de Navarre.
Henri llï, vivement irrité de cette
*ance, fit rendre , le 20 jnillet
. un violent arrêt contre le gou-
ur, sa famille et ses adhf
. le \" août suivant, il [
-Cloud, assassiné par Jacqu'
ent.Leroide Navarre, flenri IN ,
devenait ainsi légitime héritier du
lrône,m;iisnun reconnu par la grande
inajoritédeUnaiiou française. M. Md-
zas, dans sou nouveau cours li'bisr
toire de France, dit» qu'avant de le-
• ver son camp derant Paris , pour
« se jefter dans- la -Normandie , il
« essaya, auprès du dnc de Mayenne,
• quelques démarches qui furent rc-
' poussées avec dédain. » Il ne fut
pas plus heureux vis-à-vis du sei-
gneur de Réclain ville, qui répondit à
ses brillantes offres : • Mes ancêtres
• n'ont servi que des rois catholi-
• ques, je suivrai leur exemple; je
« serais infidèle à ma religion si je
« reconnaissais pour souverain uii
« prince non catholique. » Henri vou-
lant, en 1591, relever ses affaTres«qui
• paraissaient décliner (Mazas, t. HI,
« ch. 2, p. 37), entreprit le siège de
• Chartres. Le brave Jean d'Allon-
« ville n'y commandait plus ; il ve-
« hait d'y être remplacé par La Bout-
• daisière (l).» Ce siège fut long et
meurtrier; commencé le 10 février,
il se prolongea jusqu'au 10 avril ,
jour auquel La Bourdaisière capi-
tula, en dépit de Topposiiion de Re'-
clainville, qui représentait que le roi
était plus embarrassé que lesaHiégés.
« Partez, dit-il au gouverneur qui
(0 II est bo- -'■- •-
ce thjDgernei. .
(leminent snu]
capitaine FaldUtire (^u'uu «uulait lui donner
]ioar lieuteodDt-gnufero^Dr. Il i»v,*rt «"««tiife
refusé de traiî
très avec le L
(xiDtre lui le pi^,
serTÏ, et par lequel
une émeute. Délivr,
Mayenne et \
refusa de rep:
'■lOîif u qu îl L,
iompter le-
n . ni la ;
ois. » Il deijga,» ie sieur «le LjBour-
-lU duc de Mayenne, qui enjoisuit
fo:
dTiut a ewpiojer le créait dont
dans Is pro*iD<-e en-favenr d-
c*mpatr!
'■es euoL
quila^i„ .^™„. ..o.^.„coui.
>' sioos,n>«is)ainaudaiisd'anssiperiileuse.>
. rendait pas, nous saurons bie*! ac-
- fendre la place sans vous -, » et il
refusa de signer la capitulation
(Doyen, T.'li, p. 103). M. Mazas,aprc3
avoir rappelé les marchés auxquels
Henri IV avait dii cônsenlir, tant
pour réduire Paris que pour gagner
les chefs de la ligue qui tenaient di-
verses'provinccs (t. 111, chap. 3), avec
ramiral d'^ Villars - Brancas pour
Rouen et la Normandie, avec le jeune
(lac de Guise, lils du Balafré, pour
la Champagne, avec Claude de La
Châtre pour le Berry, etc., et avec
Charles de Cessé -Brissac pour Pa-
ris (1) , ajoute : « Nous allons citer
^ un trait de noble désintéressement
u pour prouver que, dans les lemps
" les plus corrompus, il se trouve
. encore des hommes de guerre qui
« savent, pour l'honneur du pays,
« conserver leur dignité. Jean d'Âl-
u lonville, gouverneur de Chartres,
. avaitfrepoussé, en 1589, les offres
. avantageuses qu'on lui faisait pour
a rendre cette ville au roi. En 1594,
« lorsque, dans l'espoir de hPiter la
« fin de la guerre, Henri IV prit le
« parti d'acheter les principaux ofh-
. ciers de la ligue, il lit ollrir à Jean
a d'Âllonville, alors gouverneur de
.Blois, une. forte somme; ce guer-
. rier répon.lit : - Aujourd'hui le
(v^l Voici comv.n-ut M. Ma^as caractérise
.vVouverneur : ■< 1 - <!'.- <1- Mayenne venait
„ âe <Téer maiécbal de France Charles d«
, (;oi,f,é-llrissac. le même qui avait ,,rfM.le
,. :n.x ISavri.ades, homin.f MUgnlier ^M'"?
.ciiHi ans avant, si l'on en cr.-it b.illv
„ uvYiir r^.vc le i.rojet d'énger la l-n.uc« «a
. république. Il promit de servir les inlç.
... ivis de Ut-mi IV, pourvu qn on !•• > l'ar
..-fort olier. On ignpre U soinni
Oiiittro jours après, il »'""VM'
ùr.ion au syiidie Ll)U4llier, eu hiMi.
. j , l'istf de rendre à Chnr ce qui '-.
r . n Cêiar. — Oui , répond.' ' ' :
V,KC
=- scLUCe et service ae sujei,co!iu
• dû le lui refuser avant sa cf
« sion; ce devoir n'est pas de n; 'i;ue,
« à être acheté ni vendu. » Kt li uu-
' vrit les portes de Biois sans vouloir
« accepter aucune indeurmité. » Peu
de temps après, Récla inville termina
sa ; carrière dans un âge très-
avancé. L— s— D.
IVECLAJSI (Frédéiîic), peintre et
graveur à l'eau-forte, naquit à Miigde-
hourg,en lî3i.Son père était joaillier.
Voyant ses dispositions pour les arts
du dessin, il l'envoya ii Berlin, sous la
direction de Perne. A l'Age de dix-
huit ans, et déjà avancé dans la prati-
que de son art , il vint à Paris, où it
fut fortement Recommandé à Lempe-
reur, joaillier de la cour, qui possé-
dait un riche cabinet de tableaux, l.e
jeune Reclam proiitade l'accueil qui
lui fut fait pour se.peifectionner dans
ses études et suivre les leçons de
Pierre, alors premier peintre du roi.
Il peignait avec succès le paysage et
le portrait. En 1755, il fit le voyage
d'Italie, et après avoir parcouru cette
contrée, et surtout les environs de
Rome, en artiste jîiloux de s'instruire,
Jl revint à Berlin rapportant avec lui
une grande quantité d'études qu'il
avait esquissées d'après nature. Une
fois tixé dans cette ville, il se mit à
cultiver la gravure à Peau-forte et
exécuta, suivantce procédé, une suite
de onze différentes vues d'après ses
propres comiiositious , eC deux vues
d'Italie représentant le malin et le
soir, l'une d'après Moucheron, et
l'autre d'après Dubois. Ces divers ou-
vrages promettaient un artiste très-
disliugué, lorsqu'une mort prema-
iniée l'emporta dans la force de rài;e,
1774. ''—*•
siWll.AiW (FRÉnÉuic), savant nn-
iiisire !>'
RFC
des familles que la rrvoralion ùe IV-
dit de Nantes obUgoa de sortir de
France. Né dans les États da roi de
Prusse vers le milieu du XVIII" siè-
cle, il reçut une éducation très-soi-
gnée et devint pasteor de l'église
française de Berlin, place qu'il con-
serva jusqu'à sa mort, arrivée dans
les premières années de ce siècle. I.e
pasteur Reclam avait publié : I. Des
penchants, trad. de l'allemand de
Cûchios, 17C9, in-8*. Il (avec le
pastwïr J.-P. Erman, voy. ce nom,
Xfll, î58). Mémoires pour servir à
rhistoire des réfugiés français dans
les États du roi de Prusse, Berlin,
1782-99, 0 vol. in-8«. III (avec le
même). Mémoire historique sur la
fondation des colonies françaises
dans les États du roi de Prusse, pu-
blié à l'occasion du jubilé du 29 oct.
1785, Berlin, 1785, in-8\— Reclam-
Sioscn{Marie-Henriette Charlotte),
épouse du précé^fent, était fille d'un
pasteur de Liiio. Elle cultiva ;ivec
un égal succès la poésie allemande
et la poéiie française. Nous citerons,
parmi ses productions en langue fran-
çaise, son Recueil de pièces fugitives,
Berlin, 1777, 1 vol. in-ri, qu'elle dé-
dia à Bitaubé. La dédicace se termi-
nait par ces vers touchants :
L'immortalité que j'espt-re
I st daus le cœar de mes ann.t.
C— AU.
RECOING (Jean -Baptiste -An-
toine), né près de Joigny, en 1770,
fut d'abord oratorien, puis, atteint
par la réquisition, devint soldat en
1793. Toutefois 11 ne porta pas le
mousquet long-temps, étant entré en
1795, dès la fondation, à l'École Poly-
technique, où il compléta ses études
sous le rapport des sciences mathé-
matiques. Il obtint ensuite le litre
d'ingénieur des ponts el chaussées
dont il exerça les fonctions jos-
tXïVlII.
RED
401
qn'k sa mort arrivée en 1831. On a
de lui : I. Dissertation sur les puits
a'^tésiens. II. Méthode pour appren-
dre à lire. III. Syllabaire dactylo-
logique, 1823, in-4". rV. Nouvel es-
sai de sténographie, 1826. V. Le
Sourd-muet entendant par les yeux,
1829, in-i". Tous ces ouvrages ont
été publiés anonymes. Z.
REDERN (le comte Sigismosd
Ehrenreich de), fils du grand-ma-
réchal de la cour de Prusse de ce
nom (voy. Redern , XXXVII. 216),
naquit à Berlin, en 1755, et fut d'a-
bord destiné à la diplomatie. Après
avoir été, pendant quelques années,
ministre de Saxe en Espagne, puis
mini.stre de Prusse en Angleterre, il
quitta Londres en 1792, pour venir k
Paris, où la révolution était dans
toute sa force. Le comte de Redern
n'en fut point effrayé , et loin de là,
s'étant intimement lié avec le fa-
nieu.v Saint-Simon, qui n'était point
encore entré dans son système de la
communauté des biens, ils achetèrent
en société pour plusieurs millions de
propriétés nationales, dont ils n'a-
vaient pas même payé le premier dou-
zième, lorsque le régime de la terreur
vintporterl'effroidanstous les esprits,
et obligea Redern de quitter la Fran-
ce, où il ne revint qu'après la chute
de Robespierre. Saint-Simon, qui
avait été mis en prison, sortit à la
même époque, et loos deux réuni-
rent leurs efforts pour rentrer dans la
propriété des biens nationaux dont ils
étaient déchus, faute d'avoir acquitté
le premier douzième. Ils y réussirent
complètement, et payèrent la totalité
deTacquisilionavecdes assignats sans
valeur. Ce fut pour eux une fortune
considérable, et la liquidation qu'ils en
firent peu de temps après ne produisit
pas moins de 200,000 francs de ren-
tes pour chacun d'eux. Saint-Simon-
26
402
REO
dont l'esprit fut toujours aventu-
reux, s'ëtant jeté dans des entrepri-
ses de voitures publiques et d'autres
spéculations , même un peu dans le
système qui plus tard a fait tant de
bruit sous le nom de saint-simo-
nisme{voy. Saint-Simon, au Supp.),
dissipa bientôt cetteimmense fortune,
au point qu'il fut obligé de s'adresser
à son ci-devant associé pour en tirer
de quoi vivre. N'ayant pas d'abord
obtenu tout ce qu'il désirait, il lui
intenta un procès qui fut long,
et dans lequel il y eut de part et
d'autre des Mémoires aujourd'hui
bien curieux, mais devenus très-
rares. L'affaire se termina par la
concession, de la part de Redern,
d'une pension viagère de 1,200 fr.
qu'il fit à Saint-Simon, et c'est de
cela que celui-ci a vécu long-temps.
Quant à Redern, il conduisit d'abord
assez bien ses affaires, et tira grand
parti de l'hôtel des Fermes à Paris,
qui était entré dans son lot, et qu'il
avait eu à très-bas prix, comme aussi
de la magnifique terre de Fler^, et de
très-belles forges situées en Norman-
die. Mais il fit ensuite des pertes sur
des spéculations de fer dont il voulut
avoir une sorte de monopole, ce qu'il
ne put réaliser, les maîtres de forges
de toute la contrée s'étant ligués
contre lui. Ce fut alors qu'il épousa
une demoiselle de Montpezat {voy.
ce nom, LXXIV, 312), et qu'il devint
ainsi le beau-frère de M. de Saint-Al-
bin et l'oncle de M. Hortertsius de
Saint-Albin, aujourd'hui membre de
la chambre des députés. S'étant char-
gé de l'exploitation de plusieurs forges
dont il était propriétaire, le comte de
Redern leur donna une grande impul-
sion. 11 publia en 1814 deux Mémoires
contre l'importation des fers étran-
gers, qui furent présentés aux cham-
bres en 1815. Il fut alors nommé
RED
membre du conseil des manufactures
et candidat à la chambre des députés
par le département de l'Orne, S'étant
rendu à Nice en 1835, il y mourut
comme tant d'autres que les médecins
y envoient pour rétablir leur santé.
Oh a de lui deux ouvrages empreints
de toute l'obscurité du philosophisme
germanique, et qu'en conséquence
personne ne lit, savoir ; I. Modes ac-
cidentels de nos perceptions^ ou Exa-
men sommaire des modifications qiie
des circonstances particulières ap-
portent à L'exercice de nos facultés et
à la perception des objets extérieurs,
DEUXIÈME ÉDITION (uous ignorons à
quelle époque et en quel endroit a
paru la première), revue par l'au-
teur, Paris, 1818, in-8». II. Considé-
rations sur la nature de Vhomme en
soi-même et dans ses rapports avec
l'ordre social^ Paris, 1835, 2 vol.
in-8°. — Redern ( la comtesse Hen-
rieffe de Montpezat de), était née en
1770 et mourut à Nice en 1830. C'éc
tait une femme de beaucoup d'esprit-,
d'une extrême sensibilité, et fort at-
tachée à l'ancienne dynastie. Elle
avait publié ; I. Le retour de
Louis XVIII en juillet 1815, Paris,
1815, in-S". II. Zélie, reine des bra-
ves, ou le Génie du bien, conte mo-
ral et politique, suivi de quelques
poésies, Paris, 1819,2 vol. iu-i2. 111.
Épisodes tirés d'un poème inédit :
Mort du duc de Berri, Paris, 1823,
in 8". IV. Les Grecs (en vers), Paris,
1826, in-S". M— Dj.
REDËSDALE. Voy. Mitford,
LXXIV, 135.
REDON, célèbre avocat de l'Au-
vergne, fut du petit nombre de
son ordre qui, dès le commencement
de la révolution, se montra opposé
aux innovations, et parut en pré-
voir toutes les conséquences. Né à
Riom, il était avocat à la sénéchaus-
RED
RED
40S
sée de cette ville, et passait pour le
plus bloquent orateur de ce barreau.
II fut nomme' un des premiers dépu-
tés de SOI] pays aux Eiats-géiiéraux,
et siégea constamment dans le côté
droit. Avant la réunion désordres, il
fut un des commissaires nommés par
le tiers-état pour tâcher d'opérer,
avec ceux du clergé et de la noblesse,
une conciliation à laquelle on ne
put parvenir. Redon fit partie d'un
premier comité de constitution qui
fut presque aussitôt dissous que for-
mé, et plusieurs fois secrétaire de
l'assemblée. Lorsqu'il fut question
d'asseoir les premières bases de la
nouvelle constitution , on commença
par supposer qu'il n'y avait pas de
gouvernement en France, et qu'il
fallait organiser toute la population
en corps de nation. Le premier point
mis en délibération fut de savoir si
le gouvernement serait monarchi-
que , en d'autres termes , si le prince
régnant serait privé de sa couronne,
ou si elle lui serait conservée. Le 29
août 1789, Redon s'éleva avec for-
ce contre une si dangereuse délibé-
ration. Lorsqu'il prit la parole, on
avait proposé de traiter concurrem-
ment l'oiganisatiou du Corps légis-
latif et celle du pouvoir exécutif.
« Avant d'examiner ce que c'est que
« le Corps législatif, dit le député
• d'Auvergne, examinons ce que nous
• sommes nous-mêmes pour agiter
« ces grandis questions. Sorames-
« nous une puissance ou des délé-
• giiés? Avons-nous des droits à exer-
• cer ou des devoirs à remplir.? Qui
« prétendrait que nous sommes une
• puissance? Elle réside dans la ua-
«tion; c'est par elle que noussom-
• mes; ce n'est pas seulement en son
« nom, mais par sa volonté que nous
• devons agir, et dire, pour nous
• conformer à cette volonté, que, le
« gouvernement français est un gou-
« vernement monarchique. Ce n'est
« pas un droit que nous créons, mais
■ la volonté de nos commettants que
• nous déclarons, d'après les cahiers
• dont nous sommes porteurs.. .. »
Dans toutes les circonstances, Redon
se montra fortement attaché aux
principes de la monarchie , et fit ses
efforts pour que le veto absolu fût
conservé au roi , qui y avait lui-mê-
me renoncé. Le système qu'il défen-
dait étant écarté , il n'eut plus d'au-
tre moyen de le soutenir que de si-
gner la protestation du 12 sept. 1791.
Redon était très-lié avec Malouet, son
compatriote, qui avait fait aux prin-
cipes libéraux quelques concessions,
dont le premier s'était abstenu. Il
échappa aux proscriptions pendant
le règne de la terreur, vint à Paris
après le 9 thermidor , et fut, dans la
section Lepelietier, un des opposants
les plus prononcés à la Convention,
à l'époque du 13 vendémiaire (5 oc-
tobre 1795). Il retourna ensuite dans
son pays, fut nommé en 1800, par
le gouvernement consulaire, premier
président de la cour d'appel deRiom,
place que, vu sou grand âge, il cessa
d'occuper en 1818, et mourut peu de
temps après. En 1814, il était venu
présenter ses hommages au roi qui se
rappela sa conduite à l'Assemblée
constituante, et l'accueillit avec
beaucoup de distinction. Redon avait
été nommé chevalier de la Légion-
d'Honneur par le gouvernement im-
périal. Nous igiiorous si celui de la
Restauration lui donna quelque té-
moignage de la reconnaissance qu'il
méritait si bien. B— u.
REDOUTÉ (PiERBE-JostPH),piin-
tre célèbre, que ses couleuiporaijis ont
surnommé le Raphaël des fleurs, na-
quit le 10 juillet 1759, à Saint-Hu-
bert, bourg du pays de Liège, situé
26.
404
RED
;m sein des Ardennes. Fils, petit-fils
et arrière-petit-fils de peintres plnsou
moins habiles , dont les tableaux et
les fresques ornent encore divers édi-
fices religieux de la Belgiqiie, il ap-
prit, dès le berceau, à esquisser,
comme en jouant, tout ce qui frap-
pait sa vue, lorsque, poussé par le
désir d'exceller dans son art, il alla
de ville en ville étudier les chefs-
d'œuvre de l'ancienne Flandre et de la
Hollande pours'appropriercettft fran-
chi se de ton et cette touche délicate
qui caractérisent les deux écoles. Ce
fut dans le cours de cette pérégrina-
tion que les gracieux tableaux de Van
Huysum révélèrent au jeune Redouté
tjue lui aussi était né pour peindre
les fleurs; mais, forcé de lutter con-
tre la pénurie de ses moyens pécu-
niaires, le pauvre artiste, qui n'a-
vait d'autre richesse que ses pinceaux
et sa palette, se résigna à faire, com-
me ses ancêtres , des tableaux d'é-
glise, des portraits ou des dessus de
portes. Fixé ensuite (1782) dans l'a-
telier de son frère aîné, Antoine-Fer-
dinand, qui exerçait à Paris la pein-
ture de décors, il s'attacha à tracer
des fleurs d'ornement, non à la ma-
nière heurtée des peintres d'arabes-
ques, mais en dessinateur et coloriste
attentif à donner aux plantes leurs
formes, leurs poses et leur physio-
nomie. Il abandonna, peu de temps
après, la peinture à fresque pour s'a-
donner exclusivement à l'étude ap-
profondie (le la nature, le premier de
tous les maîtres, disait-il , sans ja-
mais perdre ce faire large et rapide
que ses travaux antérieurs lui avaient
fait acquérir. Bientôt le succès inat-
tendu de ses aquarelles, exécutées
avec une vérité d'mjitation, un colo-
ris diaphane et moelleux ignorés jus-
qu'alors, firent renoncer à l'usage où
4'9n était de peindre les fleurs h la
RED
gouache, et obtinrent au jeune inno-
vateur le double patronage de L'Hé-
ritier et de Van Spaendonck. Le pre-
mier fit dessiner à Redouté les figures
d'un très-grand nombre de plantes,
ainsi qu'une partie du Serlum angli-
cum. Le second, en sa qualité de
peintre du cabinet de Louis XVI, li^
fit peindre les vingt plantes rares
qu'il devait fournir, chaque année, à
la collection de vélins, commencée en
1650 par ordre de Gaston d'Orléans,
et continuée de nos jours par les
soins du Muséum d'histoire naturelle
de Paris. Redouté, que la reine Ma-
rie-Antoinette avait voulu s'attacher
comme dessinateur de son cabinet,
fut nommé, en 1792, dessinateur de
l'Académie royale des sciences, et, à
la création de l'Institut, dessinateur
en titre de la classe de physique et de
mathématiques de ce même corps.
En 1805, il reçut le brevet qu'il am-
bitionnait le plus, celui de peintre de
fleurs de l'impératrice Joséphine, qui,
juste appréciatrice de son caractère
et de ses œuvres, lui adressa encore
de touchantes paroles le jour même pu
cette princesse succombait au chagrin
d'un funeste abandon. En 1822, Redou-
tésuccédaàG.VanSpaendonijJc comme
professeur d'iconographie végétale
au Jardin du roi. Les principaux ou-
vrages auxquels le premier il attacha,
l'éclat de son pinceau, indépendam-
ment de ceux déjà cités, sont : la Flora
atlaniica, de Desfontaines; le Jardin
de la Malmaison et les Plantes rares
du jardin de Cels, pî^r Ventenat; lès
Plantes rares du château de Navarre,
par Aimé Bonpland ; les Arbres et Ar-
bustes du Nouveau Duhamel, par M.
Loiseleur-Deslougchamps; la Botani-
que de J -J. Rousseau; VÂKlragalogia
et les Plantes grasses de Decaudollej
la Flora boreali-Americana et l'HiS-
toire des chêiu-s de l'Amérique sep-
RED
tentrionalë d'AntIré Michaux ; l'His-
toire des arbres forestiers de PAme'-
rîqne du Nord, par M. André-Fran-
çois Michaiiï (le fils de ce dernier);
l*flistoire naturelle du maTs, de Bona-
fous, etc. Il est peu de grands ouvra-
ges de ce genre, édite's à Paris de-
puis le commencement dn siècle,
auxquels Reiiouté n'ait prêté sa bril-
lante coope'ration ; mais ses deux plus
belles productions, celles qui justi-
fient le mieux sa supériorité, sont les
Liliacées et les Roses. Les LUiacées,
accompagnées d'un texte descriptif
par Delaunay, furent publiées de
1802 à 1816, en 80 livraisons,
composées chacune de six plan-
ches et de six feuillets de texte, in-
folio, tes Roses, publiées de 1817 k
1821, décrites et classées dans leur
ordre naturel par C.-A. Thory, for-
ment 30 livraisons de six planches,
format idem. De 1827 à 1833, Redouté
lit paraître, en 36 livraisons in-4° :
Choix des plus belles fleurs prises
dans différentes familles du règne vé-
gétal, de quelques branches des plus
beaux fruits, groupés quelquefois, et
souvent animés par des insectes et
des papillons. En 1835 et années sui-
vantes, il publia 12 livraisons in 4»,
de quatre planches chacune, sous
le litre de Collectioti de jolies petites
fleurs choisies parmi les plus gracieu-
ses productions de ce genre, tant en
Europe que dans les autres parties
du monde. En 1836, il mitau jour,cn
1 5 livraisons in-4°, cliacunede qnatre
planches : Choix de 60 roses dédiées à
la rei;ie des Belges, avec une Intro-
duction de M. Jules Jmin. Enfin, son
dernier travail fut encore un Choix
de quelques roses, publié depuis sa
mort, sous le titre de Bouquet royal,
dédié, par sa veuve (Marthe Gobert),
à II faniille régnaute de France. Re-
douté, très-orgueilleûx d'avoir ini-
RED
405
tié dans la peinture des fleurs Ma-
rie-Antoinette, Joséphine, sa fiUe
Horlense, Marie-Louise, la duchesse
de Bcrri, la reinedes Français, madame
Adélaïde et d'autres princesses de
sang royal, compta, parmi ses élèves
d'un autre ordre, madame Panc-
koucke, l'un des peintres de laFioïc
médicale, mademoiselle Arson, ma-
dame de Chantereine et bien d'antres,
plus ou moins renommées, toutes
formées aux cours publics qu'il fit
pendant dix-huit années au Jardin
du roi. Son dernier disciple fut un
jeune Savoisien (Félix Rassat), que
Panteur de cette notice lui avait
confié dans le but d'importer en
Italie l'école du célèbre iconographe
français. Redouté venait de doniter,
dès la pointe du jour, une leçon à son
élève de prédilection, lorsque, frappe
d'une congestion cérébrale, il mou-
rut, entouré des larmes de sa femtne
et de sa lille, le 19 juin 1840, tenant
encore entre les mains un lis à co-
rolle blanche, qq^ le jeune élevé avait
cueilli pour lui. Deux jours après,
un grand nombre d'artistes et d'hom-
mes de lettres accompagnèrent ses
testes au cimetière du Père-Lachaise.
Une couronne de lis et de roses, en-
lacée aux insignes de l'ordre royal
de Léopoldelde laLégion-dHonneur,
fut déposée sur son cercueil, près du-
quel un des amis du grand peintre
(l'auteur de cet article) improvisa une
courte élégie, terminée par ces deux
vers :
O peintre aimé de Flui e t-t Ju riant empire .'
Tu nuos quittes le jtftlr ou le x>riotnops ex-
pire ! ;,^ '■.■-;/:,; i i: , . ; :,
Ventenat a consacré à la mémoire de
Redouté, sous le nom de Redoutea,
un genre de la famille des malvacées,
originaire des Antilles, dont on con-
naît deux espèces : R. heterùphyflla ,
B. tripartita. Sou portrait, peint
406
REE
REE
par Gérard, àéié gravé en 1811 par
C.-S. Pradier. Enfin le gouvernement
belge a fait élever en 1846 sur la
place publique de Saint-Huhert une
font.iinf monumentale, surmontée du
buste de ce célèbre artiste.— M. Del-
sart a lu une Notice iur Redouté ,
dans la séance de la Société du dé-
partement du Nord, à laquelle il ap-
partenait. Cette notice, insérée dans
les Archives historiques du Nord^
a été imprimée séparément, Valen-
ciennes, 1841, in-S". D'autres no-
tices ont été publiées. — Redouté
{Henri- Joseph), frère du précé-
dent, né en 1766, après avoir débuté
dans la peinture des fleurs, ettravaillé
avec lui à divers ouvrages d'icono-
graphie botanique, se livra spéciale-
ment à l'art de peindre les animaux.
Il fit partie de l'expédition d'Egypte,
et nommé ensuite peintre du Mu-
séum d'histoire naturelle, il continua
àenrichir la zoologie d'un grand nom-
bre de dessins d'une touche correcte
et légère. . B — F — s.
REES (Abraham), savant anglais,
membre de la société royale de Lon-
dres, de la société Linnéenne et de
plusieurs autres sociétés savantes,
naquit en 1743 dans le nord du pays
de Galles, où son père était ministre
protestaat. Il commença ses études
sous les yeux de ses parents, et vint
les terminer à l'institution d'Hoxton,
près de Londres, où il obtint bientôt
une place de professeur de mathé-
matiques qu'il occupa pendant vingt
ans. 11 fut ensuite reçu professeur de
théologie au collège d'Hackiiey, et
remplit ces fonctions jusqu'en 1795,
époque à laquelle il se consacra à
l'église. On a du docteur Rees diffé-
rents ouvrages de physique et de
mathématiques; le plus connu est sa
Nouvelle Encyclopédie {the New En-
eyclopedia), 44 vol, in-4*, composée
sur le plan de l'Encyclopédie fran-
çaise, et qui est très-estimée en Angle-
terre. Ce travail prouve que le docteur
Rt'es posséilait un savoir immense.
Au.ssi v«'rtueuxquesavant,il était très-
tolérant sous le rapport religieux. II
mourut le 9 juin 1825, à l'âge de 82
ans. Z.
REEVE (miss Clara) , née vers
1725 à Ipswich , d'un ecclésiastique
anglican, s'est plu à rapporter à son
père toute l'instruction qu'elle pos-
séda. M. Reeve, qui partageait l'opi-
nion des anciens whigs, se faisait lire,
par celte enfant, les débats parlemen-
taires qu'il écoutait en fumant sa pipe
après son souper. « Je bâillais alors
« sur le journal, dit miss Clara, mais à
« mon insu il fixait les principes que
« j'ai toujours conservés.' VHistoire
d"" Angleterre, par Rapin Thoiras, les
Lettres deCaton, par Gordon etTren-
chard, les histoires de la Grèce et de
Rome, les Vies de Plutarque, furent
lues successivement par elle dans un
âge où peu d'individus savent lire leur
propre nom. Mistriss Reeve , ayant
perdu son mari, vint résider avec trois
de ses filles à Colchester , et ce fut
dans cette ville que Clara mit pour la
première fois au jour le fruit de son
travail littéraire, la traduction du
latin en anglais du fameux roman de
J. Barclay, V Argents, sous le titre du
Phœnix, 1762. Cinq années après,
elle publia celui de ses ouvrages qui
la fit le plus connaître et sur lequel
seul se fonde aujourd'hui .sa réputa-
tion : Le Champion de la vertu , his-
toire gothique. Ce roman, dont la
lecture du Château d'Olrante, par
Horace Walpole, lui avait inspiré l'i-
dée, et dont Tintérôt repose sur le
goût assez général pour ce que, l'on
appelle des histuires de revenants,
eut un grand succès, et l'on en fit
une deuxième édition dans la même
REE
annéf, en lai donnant alors le titre
du Vitux baron anglais. L'auteur
l'avait dédié à mistnss Bridgen, fille
du célèbre romancier Richardson, qui
paraît avoir relouché le manuscrit.
L'accueil favorable fait à cette pro-
duction engagea miss Reeve à com-
poser d'autres écrits, qui furent pour
la plupart assez bien reçus dans leur
uouveauté, mais qui depuis ont été
presque délaissés, tandis que le pré-
cédent trouve encore des lecteurs, et
a même, été traduit eu langue étran-
gère. Le Vieux baron anglais a été
admis dans ia collection des compo-
sitions choisies de ce genre éditées à
Edimbourg [Halantyne'i novelist's
library), et pour Jdquelle Walter
Sc«jtt a écrit des notices biographi-
ques et critiques. C'est à la notice
qu'il a consacrée à l'objet de cet ar-
ticle que nous devons le peu de do-
cuments restés sur une existence si
peu accidentée, du moins à notre con-
naissance. Clara Reere mourut le 3
décembre 1803, dans la ville où elle
était née, âgée de 78 ans. Quelques-
uns de ses frères et de ses sœurs lui
ont survécu ; l'un d'eux est parvenu
à un rang élevé dans la marine. Les
mérites littéraires de miss Clara sont
un sens droit, une morale pure, de la
méthode dans la narration: il ne faut
' pas s'attendre à trouver dans ses ou-
vrages l'éclat de la passion, ni l'es-
sor d'une imagination riche et puis-
sante. Son principal roman pèche
d'atileurs par l'inobservation du cos-
tuuie et des mœurs du temps où les
fdiis se sont passes ; on reconnaît
qu'elle n'était pas familiarisée avec
Froissard et Olivier de la Marche,
comme elle l'était avec Plutarque et
Rapin. C'est là un défaut qui ne pou-
vait pas échapper à l'illustre auteur
de Quentin Duncarà. On a de miss
Re«ve : 1. Le Phnsnix-^ 1762. liw]Iie
REE
40T
Vieux baron anglaie^ 1767, 1768,
etc., mis en français (tout an plus)
par de la Place, 1787, in-12, et 1788
dans le tome VU* de la CoUec4io»
de romans et contes imilés de l'an-
glais, in-8°. 111. Les deux Mentors^
histoire moderne (en forme de let-
tres), traduits librement de l'anglais
par de la Place, sous ce titre : Us
deux Mentors^ ou Mémoires pour
servir à l'histoire des mœurs an-
glaises du xviii* siècle^ 1785, ia-
12-, et dans la collection précitée,
1788. IV. Le progrès du roman dans
les divers siècles, contrées, et maurs.
V. L'Exilé , ou Mémoires du comte
de Crotistadt. dont les principaux in-
cidents sont empruntés d'une nou-
relle de d'Arnaud. VI. L'École des
FeutJM, roman. VU Plan d^ éduca-
tion , avec des Observations sur te
système d'autres écrivains, in-12.
VIII. Mémoire» de sir Roger de Cla-
rendon . fils naturel d'Edouard, le
Prince Noir, avec des anecdotes sur
plusieurs éminents personnages du
XIV* siècle. Clara Reeve avait com-
posé un autre roman , le Château de
Connor, histoire irlandaise , dans
lequel elle avait encore introduit
des apparitions; mais le manuscrit,
confie à des mains négligentes ou in-
fidèles, ne lui revint jamais. L.
REEVES (John), jariscousulte
et homme d'État des plus distingués
de l'Angleterre, naquit à Londres en
1753, et commença son éducation à
Eton. Après avoir terminé ses études
à Oiford, il suivit la carrière du bar-
reau, où il débuta en 1780, et bientôt
après fut nommé commissaire aux
faillites. Le ministère l'envoya en
1791 à Terre-Neuve, en qualité de
président de la justice. Il résigna ces
fonctions l'année suivante, et occupa
toujours depuis l'emploi de cierc-lé-
i giste, auprès du corps du commerce
¥)^
M«
e$ç>4fs.|$o|(>^i^ ]^fi«!:Jes fonctions
qui lui donnèrent le plus de célébrité,
celles dans lesquelles il déploya avec
le,plMS d'éclat son liabileté et la pro-
f9j^leur de sa poiiticjiie, furent sans
^i^Çitredit celles de surintendant du
bureau des étrangers {aUen-of/ke).
Dans un lemps de guerre et de révo-
lution cet emploi était de la plus haute
iiijporlauce, et Reeves y seconda rner-
\jfeiileusenient le ministère par $a fer-
meté et son énergie. Parfaitement
SQuIenii par les célèbres Piit et Dun-
das dont ii suivait les plans, il tint
toujoHrs éloignés de l'Angleterre les
agents secrets qui y furent envoyés
de tous les pays de l'Europe, et sur-
tout de la France, pour y fomenter
l'esprit de désordre et de révolution.
Au moyen des suspensions de Vha~
beau corpus qui furent accordées à
plusieurs reprises par la législature
britannique , il expulsa ua grand
nombre de ceux qui s'y étaient intro-
duits, et contribua beaucoup ainsi à
maintenir dans les trois royaumes la
paix ^t le bon ordre. Pour résister
aux associations démagogiques il
avait réussi à en former une autre
très-nombreuse, et composée de tout
ce qu'il y avait en Angleterre d'hom-
mes sensés et intéressés à l'ordre.
Les ayant un jour (20 nov, 1792)
réunis à la taverne de la Couronne et
de V Ancre, il leur adressa un discours
admirable par l'éloquence, la profon-
deur et surtout le courage. C'était un
appel |i la religion, à la loyauté, au
bon sens et à l'honnêteté du peuple;
auçsi fut-il parfaitement entendu.
L'esprit qui régnait dans ce discours
et'!dans plusieurs autres se propagea
bréritôt par tout le royaume, et les
prqaaoieurs jdc révolutions furent
déconcertés. Il était naturel qu'un
tel liomme devînt odieux à ce parti;
KEE
brc dea communes pour une brochure
(ju'il avait fait paraître sur la consti-
t ul iun de P Angleterre.En conséquence
de cette dénonciation, le procureur-
général dirigea contre lui des pour-
suites pour avoir soutenu dans sou
ouvrage que la monarchie resterait
toujours sur ses bases, quand biëii
même les deux branches du pouvoii-
législatif viendraient à être détruites.
Ainsi, poursuivi avec acharnement
par le parti des démocrates, et, com-
me il arrive trop souvent, mal sou-
tenu par les siens, de même que par
les ministres dont il était l'ajjpui;
John Reeves fut traduit devant un
jury qui, après une longue délibéra-
tion, prononça un verdict remarqua--
blepar la contradiction des motifs, ei-
qui fut généralement blâmé. Nous en
citerons le texte : « Le pamphlet re-
« connu pour être l'ouvrage de John
« Reeves est un écrit très-inconve-'
« nant (improper) ; mais, convaincus
• que les motifs de l'auteur ne sont
« pas ceux que mentionne l'informa-
« tion dirigée contre lui, nous le dé-
« clarons non coupable. » Cet acte
d'une justice incomplète ne satisfit
pas le caractère absolu et invariable
de Reeves. Des ce moment les fonc-
tions publiques eurent moins d'at-
trait pour lui. Après la mort du cé-^
lèbre Pitt, qui avait été son pro-'*
terteur, il obtint sa r<'traite avec'
une forte pension, et passa toht
son temps dans l'étude de l'histoi»^':
et des lois, jusqu'à sa mort qui eut;
lieu en 1830. Ses écrits, tons re- *
marquables par le savoir et la pro»*
fondeur, sont : 1. Recherches sur la
nature de la propriété et des biens-
fonds suivant /w lois de i Angleterre,
1779, in-S". il. Charte de loi pénale^h
eu une feuille in fol., 1779. 111. His- -
taire des lois anglaises, 1783, 2 vol.
iu-lr, 'î* éli^tti.avee «ne continuittivu
REG
comprenant le règne de Philippe *t
Marie, 1787, 4 vol. in-8°. IV. Consi-
dérations légales sur la régence en
cequi concerne l'Irlande. 1789, in-8*.
\'.Loidesbàtimentsmaritimes{sh\p'
ping) et delà navigation, in-S",
1792; 2« édit. , 1807. VI. Histoire
du gouvernement de Terre-Neuve,
1793, iii-S". VU. Le Mécontent., let-
tre à Francis Plotcden, 1794, in-8".
Vm. Ejcamen et réfutation de.< motifs
énoncés dans la pétition des aldermen
WilkesetBoydeU,en faveur delà paix,
1795, iij-8'. W. Pensées sur le goucer-
»»«me«/aH5iaj5,iti-8", del795àl799.
X. Considérations sur le serment du
couronneinent, in 8»; 2* édit., 1 801 .XI.
Collection des textes hébreux et grecs
des psaumes, 1800, ia-S^. Xll. Le
Livre des prières ordinaires { cotn-
mon prayers), avec une préface et
des notes, 1801, in-8'. XIH. La sainte
Bible, imprimée d'une nouvelle ma-
nière, avec des notes, 1802, 10 toI.
iu-8^ XIV. Le Livre des prières or~
dinaires, avec des observations sur
les services, etc., 1801, in-8». XV.
Nouveau Testament grec, 1803 ,
in-12. XVI. Psalterium ecclesiœ an~
glicanœ hebraïcum , 1804, in-i2.
XVII. Proposition pour une société
de la Bible sur un nouveau plan,
imb,ia-^\X\m. Observations sur
ce qu'on appelle le bill des catholi-
ques, 1807, in-8<'. M— D j.
REGIS (l'abbé Piebke) né le 17."
juillet 1747, à Roburenio, dans ia
province de Mondovi, porta de bonne
heure l'habit ecclésiastique: et, après
avoir fait ses études au séminaire de
son diocèse, alla prendre ses degrés
à Turin. Trois ans plus tard il fut ad-
mis au nombre des docteurs agrégés
de la Faculté de théologie, et nomnté
répélii'eur au collège des Provinces.
11 obtint ensuite la chaire d'Écriturc-
.':^ainle et de langues orient^ks. L'U-
UEG
469
niversité ayant ét^ fermée en 1794,
par saife des événements pofititjues,
ne fut ranverte qu'fSn 1T99; mais
comme, dans la noiiveffe organisa-*
lion , les cours dé thé»>logie (îc fai-
saient plus partie de l>nseig^e!nent
universitaire., Tabbé Régis fn! appe-
lé d'abord ii lachairede philosophie',
puis, en 1800 , à cdie de droit natu-
rel et de droit des gens. Il obtFwflittl
retraite en 1805, et rtoùrut lè!''?J'
nov. 1820. On a de loi : f MoséS^îè'^
gislator, sou de mosaïcarum legunt
prastantia^ Turin, 1799, l vol. in-4*.
Dans cet ouvrage, dédié aa roi Vic-
tor-AniéJée III, l'auteur défend l'ai»-
torité des livres sacrés contre les at-
taques de Bolingbroke, de Boulanger,
de Fréret, eto. Les Èphémérides de
Rome, du 15 janvier 1780 (rmm. 5,
p. 20), en rendirent compte d'une
manière très-favorable. II. Dejudasol
cive libri III, Turin, 1793, 2 vol.
in-8o. m. Dere theologica, ad Sub-
alpinos^ Turin, 1791, 3 toI. in-S".
Régis adressa ce traité à ses élèves
dispersés, afin que leur instruction
souffrît le nroins possible de la sus-
pension des cours. — Régis (Fran-
çois), né à Montaltn. près Mondovi,
enseigna d'abord la rhétorique à No-
vare , puis à Turin, et fut enfin pro-
fesseur de littérature italienne et
grecque à l'université de cette der-
nière viHe. Il publia, tant en italien
qu'en latin , un assez grand nombre de
poésies et de discours qui se distin-
guent bien moins par la force, l'ant-
pleur ou la nouveauté des pensées
que par un style de bon goût et cor-
rect; mais son principal titre de
gloire est une traduction estimée de
la Cyropédie de Xénophon. Fr. Régis
mourut à Turin , en 1811. Voici la
liste de ses oiiviagcs : I. Quarania
stanze pcr le auguste nozzc délie
ÂA.HR. Viftôrto- EmntéiueU. dûcct '
410
REG
di Aosta e Maria Teresa^ arcidu-
chessa d^Austria , Turin , in-S». II.
Poemetjto lirico nel fausiùsimo gior-
no délia nascita di S. M., Turin ,
1778, in-8°. III. Un petit poème la-
tin sur les animaux microscopiques.
IV. Laudatio Francisa Lanfranchi,
comitis Ronsieci, Turin, 1789, in-îo.
V. Laudatio Corte e PeyreUi. VI.
Canzone nello appellato ritorno di
S. M. Carlo-Emmanuele IV. VII.
Orazione per Vanniversario délia
battaglia di Marengo, Turin, an XI,
iD-4°. VIII. Gliorti di Pomona, car-
me (en vers libres). IX. Ode alla pa-
ce. X. Orazione pel riaprimenio dél-
ia università, Turin , an XII, in-é".
XI. Orazione per Vincoronazione di
Napoleone , Turin it &n XIII, in-é».
XII. Pel riaprimenio delluniversità^
orazione. Turin, an XIV, in-4°. XIII.
Traduction italienne de la Cyropédie
deXénophon, Turin, 1809, 2 vol.
in-8"5 réimprime'e en 1821 par Jean-
Baptiste Sonzogno, dans la Collana
degli antichi storici greci volgariz-
zati. XIV. Orazione per l'anniversa-
rio délia consecrazione e del corona-
mento di S. M. l' imper atore Napo-
léons (discours prononcé le 2 déc.
dans la cathédrale de Turin), 1810,
in-i". XV. Carmen genelhliacon ré-
gi Romœ Auguste Napoleoni^ Turin,
1811 in -4°. Fr. Régis a déplus laissé
inédits des commentaires sur la Di-
vine Comédie de Dante et une Can-
zone au roi Charles-Emmanuel IV.
— Régis (J.-G.), ecclésiastique alle-
mand, mort en 1830 , à Leipzig, fut
un prédicateur très-distingué, eidont
on a un grand nombre de sermons im-
primés. A— Y.
REGNAt^D de Paris (Pierre-
Étienne) fut un des Français qui,
dans nos révolutions , montrèrent le
plus d'attachement à l'ancienne mo-
narchie. Né à Paris , en 1736, il était
REG
fils d'uù procureur au Parlement,
et fut dès l'enfance destiné à la même
profe.ssion. Après avoir fait d'assez
bonnes études à l'Université de cette
ville, il se fil recevoir avocat, et exer-
ça jusqu'en 1766 , époque à laquelle
son père étant mort, il lui succéda
dans sa charge. Regnaud semblait
alors, par sa position et ses principes,
fortopposéau pouvoirroyal, etquand
le Parlement fut supprimé, en 1771,
il écrivit l'histoire de cette révolu-
tion dans un sens parlementaire, et
par conséquent hostile au ministère.
Il la dédiaà Malesherbes, à qui il l'en-
voya dans son exil. Plus tard, lors-
qu'il vit tout le mal que l'opposition
des Parlements avait causé à la monar-
chie, il reconnut franchement son er-
reur, et fit tout ce qui était eu lui pour
la réparer. En 1777, Regnaud, qui
s'occupait toujours de littérature et
de politique,tout en exerçant sa charge
de procureur, concourut pour le prix
proposé par l'Académie française,
pour l'Éloge du chancelier de Lhôpi-
tal. Son discours fut imprimé dans la
même aimée. Dès le commencement
de la révolution,il s'en montra l'un des
adversaires les plus prononcés. Per-
sonne ne comprit mieux que lui les
dangers des États Généraux. Dès le
mois de février 1789, il écrivit à ISec-
ker, alors ministre, pour lui conseil-
ler d'ouvrir une souscription, afin de
rentplir le déficit, cause apparente de
celte convocation, et il offrit de la si-
gner le premier, pour une somme de
dix mille francs, payable dans l'année,
à condition qu'il n'y aurait point d'É-
tats-Géuéraux. On sent qu'une telle
proposition dut rester sans réponse.
Lorsqtie la convocation fut décidée,
malgré de pareils avis, et que là révo-
lution devint inévitable, Regnaïul ne
pouvant mieux faire, se mit à écrire
dans les journaux royalistes, et sur-
1
REG
tout dans les Actes des Apôtres et
dans VAmi du Roi de Durosoy et de
Royon avec qui il était fort Hé, et
même dans le Moniteur dont il était
loin de partager les opinions. Il fit
imprimer l<s articles qu'il envoya
à ce dernier journal sons le nom
d'un procureur au Parlement. En
1791, il sortit de France, et se rendit
à Coblenlz auprès des princes, frè-
res de Louis XVI , qui alors se pré-
paraient à faire la guerre à la révolu-
tion ; et, dans la position difficile où
l'avait placé la perle de sa charge et
de sa fortune, il leur offrit ce qui lui
restait de plus cher, son fils aîné,
qu'il fit entrer dans l'armée de Cou-
dé, où ce jeune homme prit part à
toutes les campagnes de cette épo-
que, et fut grièvement blessé, le 8 dé-
cembre 1793. Plus tard son s^'cond
fils, allant rejoindre le comte de Frot-
té {voy. ce nom, XVI, 123), fut ar-
rêté et fusillé. Revenu bientôt à Pa-
ris, P. Regnaud continua d'écrire dans
les journaux royalistes, et composa
diverses brochures pour lesquelles il
courut de grands périls. Il échappa
surtout avec beaucoup de peine aux
milites de la révolution du 10 aoiit
1792, mais son zèle ne se démentit
pas; il se mit sur les rangs, pour être
l'uQ des défenseurs de Louis XVI,
par une lettre insérée au Moniteur,
le 18 uov. 1792, comme firent Malouet
et Lally-ToUendal , à qui l'on refusa
un sauf-conduit pour rentrer en Fran-
ce. Regnaud publia dans le mois sui-
vant le discours qu'il avait composé
à l'occasion de ce grand procès, et
cet écrit remarquable eut alors deux
éditions. L'auteur reçut même de Ma-
lesherbes uue lettre de remercîment
au nom de l'infortuné monarque.
Cette Défense a été réimprimée en
1811 , et suivie d'un discours sur la
loi salique. L'analyse en a été insérée
REG
411
dans VHistoire impartiale du Procès
de Louis XVI, par Janffret. En même
temps Regnaud se présenta pour otage
du roi, ce qui fut également refusé par
la Convention nationale. Sur la fin de
sa vie, il s'intitulait /e Doyen des
Otages^ ce qui n'eût été vrai qu'a-
près la mort de Guelon-Marc, qui lui
aSurvécu (voy. Guelon-Marc, LXVÏ,
202). Quand le système de la Ter-
reur eut complètement prévalu . Re-
gnaud fut dénoncé aux autorités dé
la police républicaine, et il ne dut
son salut qu'à un jacobin des plus
furieux , alors vice-président du tri-
bunal révolutionnaire {coy. CoFPiî»-
HAL, LXI, 174), qui avait été son
confrère, et qui le prévint à temps,
en lui conseillant de fuir, ce que Re-
gnaud ne manqua pas de faire aussi-
tôt. H se tint caché pendant deux
ans. et les scellés restèrent ap-
posés tout ce temps sur son do-
micile; il ne reparut qu'après la
chute de Robespierre. Alors il se
remit à écrire dans les journaux, et k
faire des brochures politiques arec
Montjoie et le frère de Royou , qui ,
■ comme lui , avaient échappé à i'écha-
faud. Ce hit aussi dans ce temps-là
qu'il fit imprimer sa Journée du 10
août, dédiée au roi Louis XYll (pri-
sonnier au Temple). C'est dans cette
dédicace que se trouvent ces vers bien
courageux pour l'époque où ils furent
publiés :
Puisse uo p«aple égaré, pleuraDt lur son
erreur.
Se rallier enCa soos cr«t auguste emblème.
Et ne troarer d'ap[iiii, de gloire et de bon-
heur
Que sous l'omlire des lis et de too diadème!
Comme la liberté de la presse était
alors assez grande , il n'arriva rien
de fâcheux à Regnaud , et il con-
tinua d'écrire dans le même sens.
Il avait longuement étudié les lois
et les principes de l'ancien gou-
412
REG
foVf'èôrî^ii**' mfifulë :'"Diéoûrs'^M
l'dnliqué gouvernement de la Fran-
ce etèùr la sagesse des rois qui l'ont
fondé. Cet ouvrage , qui fut imprimé
secrèteiiieiit en 1799, est devenu fort
rare , parce que l'imprimeur Giguet,
èti ;iy;tnt lui-rnèrae présente et fait
accepter un exemplaire à Monsieur,
comte d'Artois à Londres, et lui éh
ayant ensuite expe'die'un grand nom-
bre de Paris, la caisse fut jetée à la
mer, par ordre du rommissaire Men-
gau*I, qui la fit arrêter à Calais. Sous
lé gouvernement impérial , Regnaud
s'occupa encore de politique, disant,
ainsi que Job à qui il ressemblait
sous plus d'un rapport : Expectaho
donec vcniatimmutaliomea. Lorsque
enfin cette immutation fut arrivée,
quand les Bourbons rentrèrent en
1814, il était k Paris,' et l'on doit pen-
ser que l'un des premiers il salua leur
Restauration. Ce fut le chancelier
Dambray, de qui son dévouement était
bien connu, qui se chargea de le pré-
senter au roi Louis XVill, et qui lui fit
accorder,sinon toutes les récompenses
etles dédommagements qui lui étaient
dus, au moins de quoi ne point finir
sa vie dans un dénûment absolu 5 car.
depuis long-temps le pauvre Regnaud
était bien déchu de l'opulence d'un
procureur au Parlement de Paris. Par
ordonnance du 9 nov. 1814, le roi
Louis XVllI lui accorda des lettres de
noblesse, « pour le récompenser, est-
« il dit, de l'attachement qu'il a mon-
• tré pendant vingt-cinq ans h la cause
« de no? princes proscrits, noblesse à
• laquelle, ajouta le chancelier, peu
• de personnes ont plus de droit. » Le
roi lui permit, par la même ordon-
u.-iHcë, de prendre pour armes un.
chiéh d'î^fgent, couChé au pied d'un
lis'v portant trois fleurs d'or, avec
(xlik re^ên'tle : îïftVtf fi'dés! - légen-'
REG
« (ï^ qfièVôùs' avéi: d'avance si' bïeii
«jiïstifié'e » , écrivit le ministre Fer-
rand, en lui annonçant cette déci-
sion. Par ces lettres de noblesse,
Louis XVIII autorisa Regnaud a
prendre le surnom de Paris, sou^
lequel il s'était fait connaître dans ses
écrits. Le 18 déc. suivant, le chance-
lier lui annonça qu'il serait presen--
lé le lendemaiiT au roi. « Je veux
« vous annoncer auparavant, lui ecri-
« vit ce magistrat , la grâce que
■ S. M. a daigne' vous accorder, en
• vous donnant une pension dé
« douze cents francs.'C'est avecgrah4
• plaisir que j'ai vu récompenser la
« fidélité avec laquelle vous avez
« constamment défendu la cause du
• trône et des principes ^ recevez-en
« ma sincère félicitât ion. • Le lende-
main , Regnôud de Paris fut en effet
présenté au roi, et ce prince lu(
adressa ces courtes et consolantes
paroles : « J'ai bien du plaisir, mon-
« sieur, à vous voir. » Nous n'avons
pas appris que P. Regnaud ait reçu
d'autres témoignages de la reconnais-
sance royale. Ce fut en vain qu'il de-
manda à être conseiller de l'Univer-
sité, disant qu'il était son plus an-
cien élève vivant. Toujours simple
et sans ambition, il vécut heureux
pendant quelques années, ne man-
quant pas un dimanche d'aller à la
chapelle des Tuileries, pour y enfey-
dre la messe et saluer le roi, Louis
XVIII, dont nous savons qu'il n'ai-
malt point la personne à cause de ses
opinions philosophiques et de sa con-
duite dans les premières années de la
révolution, mais qu'il vénéraii comme
son légitime souverain. Regnaud de
Parislmourut dans cette ville, le IG,
janvier 1820. ladépendaiurnent ,dès,
ouvrages que nous avons cités, on a
de lui : l. Réflcœiofis sur la nuit au i
aoûl\' *Paris; 179Ô, in-8". 11. Ùis-
cnurs sur les beautés de Virgile, pro-
noncé le '23 août 1810 , suivi d'u-
ne lettre adressée au petit-fils d'un
ancien magistrat, en réponse à la
sienne, pour prouver la nécessité de
garder fidélité à la famille des Bour-
bons, nos anciens et légitimes souve-
rains, Paris, 1815, in-8°. III. Éloge
de Louis XVI, qui a concouru poiir
le prix proposé par racadéuùe. de
Toulouse, en 181G. L'auteur le dcJia
à Louis XVIII qui raccueillit de la
manière la plus flatteuse.— frc/ipo «5
Regnaud, frère puîné du précédent, et
Tune des premières viciimes de la
révolulion, p^r la suppressiou de
son office d'expéditionnaire en cour
de Rome, était désigné comme éche vin
notable de la ville de Paris, pour
l'année 1793. Partageant les opinions
et les périls de son frère, il se fit
comme lui inscrire sur la liste des
fages de Louis XVI en 1793. If
mourut à Sainte-Périnede Chaillol,
vers 1825. M— D j.
REGXAULDÏX (Thomas), sculp-
teur, naquit à Moulins, en 1C27, et
fut élève de François Anguier. II eut
une grande part aux travaux de sculp-
ture que Louis XIV fit exécutera Ver-
sailles; et ce prince, pour lui témoi-
gner sa satisfaction, l'envoya à Rome
et le gratifia d'une pension de raille
écus. C'est à son ciseau que l'on doit
le groupe en marbre représentant
VEnlr cernent de Cijbéle, placé dans le
jarJin des Tuileries, du côté de la
terrasse des Feuillants. L'Académie
l'admit au nombre de ses membres,
en 1657, Son morceau de réception
fut un saint Jean-Baptiste, appuyé
sur un rocher et tenant d'une main
une croix de roseau et de l'autre un
agneau. L'hOtel de Hollande , rue
Vieille du Temple, offre des Renom-
mées sculptées par Regoauldin dans
un fronton circulaire. En 1704. il fit
RtG
i\'
uitn à rixOpital de S.iinte-Catlierinç
d'une figur^ en mjrl>re de la sainte,
revêtue de S4's lial^it^ de princessr.
Mais c'est k VersaiUesqjif l'onyi^it s^
meilleiirs ouvrages. Ce: sont ies^^r
tues de V Automne et de Faustine, ^jt
les trois Nymphes placées d^ns les
bains d'Apullou, derrière le diei,i,dQat
l'une preod soin de sa cheveliurjB et les*
deux autres lui préseuteat des vases
remplis de parfunas. Elles passent pour
le chef'd'œutre de l'artiste, est furent
exécutées sur les dessins de ,Lebrua.
En général la touche de ce sculpteui:
est lourde, maniérée, et son style maa-»
que d'élévation et de chaleur. Il mou-
rut en 1706. P— 5.
REG N .4 ULT (JEAN-BAPTisrE),
peintre célèbre, né à Paris, en 1754,
d'une famille obscure et sans for-
tune, fut tran.sporté dès sa jeunesse
avec tous les siens aux États-Unis
d'Amérique. Le spectacle des dangers
de la mer et de la vie agitée des marina
produisit sur lui nue vive impression,
ce qui ne l'empêcha pas de .s'enrOler
dans l'équipage d'un bâtiment de
commerce sur lequel il lit plusieurs
voyages de long cours comme simple
mousse, sans que sa famille sût c<i
qu'il était devenu. Ayant perdu son
époux et trois de ses enfants, la mère
de Rpgnault revint en France, et fit
beaucoup de recherches pour retrou-
ver le seul fils qui lui restât. Enfin le
capitaine qui l'avait accueilli à son
bord le ramena au foyer maternel.
Poussé par des dispositions naturel-,
les, le jeune Regnault n'avait pas
cessé en naviguant de dessiner tous
les objets qui s'offraient à sa vue. Jl
s'adonna avec plus de zèle à celte
étude dès qu'il eut quitté U mer, et,
fut bientôt remarqué par le pein-
tre Bardin qui, partant pour Rome,
l'emmena avec lui. Dès qu'il fut ar-
rivé dans cette capitale des arts. Re-
AU
REG
REG
gnault ne se livra pas seulement avec
ardeur à l'étude du dessin, il voulut
encore s'instruire dans les lettres, et
acquérir ce qui avait manqué à sa
première éducation. Il apprit aussi la
musique. Revenu à Paris, il obtint,
à l'âge de vingt ans, le grand prix
de peinture par un tableau, Diogène
»cf Alexandre, qui est encore l'un des
meilleurs que l'on ait couronnés. Il
retourna en conséquence à Eome
comme pensionnaire, et y termina
ses études artistiques de la ma-
nière la plus brillante. Le grand ta-
bleau représentant le Baptême de
Jésus-Christ qu'il acheva à cette épo-
que est d'une belle exécution, et sur-
tout remarquable par la couleur. Son
temps de pensionnat étant expiré, il
revint en France et refusa de se fixer
à Marseille par un mariage très-avan-
tageux, mais qui l'aurait empêché de
retourner à Paris. En 1782, il fut
agrégea l'académie de cette ville pour
son tableau d^ Andromède et Persée,
et l'année suivante il fut reçu acadé-
micien pour ÏÉducation d^Achille.
Il fit successivement un grand nom-
bre de tableaux, parmi lesquels on
distingue une Descente de croix, des-
tinée à la chapelle de Fontainebleau,
et qui est maintenant à la galerie du
Luxembourg, laiHort de Pnam^JpW-
génie en Tauride, le Déluge, Hercule,
Mars désarmé par Vénus, la Mort de
Cléopdtre^ celle de Dtsaix, Alcibiade
et Sacrale, la Mort d'Adonis, les Trois
Grâces, V Amour endormi, la Toilette
de Vénus, lo et Jupiter, Danaé. Sous
l'empire Regnault représenta Napo-
léon sur un char de triomphe, sujet
diflicile, qu'il n'avait pas choisi et
dans lequel il réussit, médiocrement.
Plus tard on a eu la pensée de rem-
placer la lèledii principal personnage
par celle de la France, et le tableau
est devenu ridicule. Regnault a fait
un grand nombre de dessins et d'es-
quisses aliégoriqucs dont quelques-
unes ont un intérêt politique qui
les a fait rechercher momentané-
ment •, mais toui cela est aujour-
d'hui complètement oublié. Ses vé-
ritables titres de gloire sont la Des-
cente de croix, le Déluge, V Éduca-
tion d'Achille, Jupiter enlevant lo :
le premier parce qu'il est savam-
ment étudié dans toutes ses parties.
La tête est d'une si belle expression,
qu'on pourrait l'attribuer à l'un des
Carrache, dont il rappelle la manière;
enfin, Regnault, traitant le même su-
jet que Poussin, a eu la gloire de ne
pas être resté trop' au-dessous de son
devancier. VÉducation d'Achille est
une production de haut style, qui ho-
nore l'école française. Gravée par
Berwick, elle ligure dans tous les ca
bmets des amateurs. Quant à celle de
Jupiter et lo^ il y règne un ton de
volupté déceut, une exprt-ssion déli-
cate et qui parle à l'imagination sans
blesser les regards. Dans sa jeunesse,
Regnault avait composé beaucoup de
petits tableaux de Ijoudoir encore à
présent recherchés des amateurs et
qui lui valurent une assez jolie for-
tune, qu'il sut toujours fort bien
conserver. Ce peintre mourut à Paris
en 1831. — Regnault de Lalande
{François- Léandre) , graveur, né à
Paris en 1762, s'esi fait une réputa-
tion par son lalent à apprécier les ta-
bleaux et estampes dont il a fait plus
de 300 catalogues, où toutes ces pro-
ductions .«ont admirablement clas-
sées, il les accompagnait souvent de
bonnes notices biographiques. On
cite parmi ces catalogues ceux des
cabiuets de Basan, Saint-Yves, Valois,
Sylvestre, Ri^vil, elc Regnault de La-
lanile mourut à Paris en 1824. Z.
RËfiNAUJLT de Beaucaron (Jac-
ques-Edme), littérateur médiocre,
REG
naquit en 1759, à Chaource, dans la
province de Champagne, et, après
avoir terminé ses études , embrassa
la profession d'avocat. Le travail du
cabinet ne le détourna point de son
penchant pour les lettres. Dès 1780,
il inséra, presque chaque année, dans
VAlmanach dêf Muses, quelques piè-
ces de vers, parmi lesquelles on dis-
tingue une épitre à François de Neuf-
château, dont il resta l'ami. Il s'asso-
cia, peu de temps après, à la rédaction
du Journal de Nancy, qu'il soutint
seul pendant deux ans, et où il don-
na : la Veillée bourgeoise, Florimond
et Herminie, etc., imitations assez
faibles des contes que Marmontel pu-
bliait à la même époque dans le Jlfer-
cure. Adniis en 1788 à l'Acidémie des
Arcadiens de Rome, cet honneur ne
put le garantir des épigrammes de
Rivarol. qui l'inscrivit dans son Petit
Almanach des grands hommes. En
1790, il fut élu juge au tribunal d'Er-
vy, et l'année suivante, député du
départemeni de l'Aube à l'Assemblée
législative où , quoique avocat, il ne
prit pas uue seule fois la parole.
Après la session il se hâta de venir
reprendre ses modestes fonctions
qu'il remplit dans les temps les plus
désastreux, avec un courage qai lui
concilia l'estime publique. A la réor-
ganisation de l'ordre judiciaire sous
l'empire, Regnauli fut nommé pré-
sident du tribunal de Nogent-sur-
Seine. Il mourut dans cette ville, le
25 septembre 1827, regretté de tous
ceux qui Tavaient connu. Le Recueil
des poésies philosophiques et descrip-
tives des auteurs qui se sont distin-
gués dans le Xflll^ siècle, Paris, 3
vol. in- 18, contieut une épitre de
Regnault de Beauearon sur les avan-
tage* de la vie champêtre. Elle est
précédée d'une courte notice sur cet
écrivain. W— s.
REG
411
REGNAULT (Jean- Baptiste-
Étiesne- Benoît- Olive), médecin
français, naquit à Niort le 1^^ octobre
1759, et fit d'assez bonnes études
dans cette ville. S'étant rendu à Pa-
ris aussiiùl aprè5, pour les terminer,
il fut distingué par le célèbre Vicq-
d'Azyr, dont il devint l'élève et l'on
pourrait dire l'ami. Ayant commencé
sous ses auspices à pratiquer la mé-
decine, il étaildéjàfort répandudans
la capitale lorsque la révolution com-
mença. Il en adopta d'abord les prin-
cipes, et fut en conséquence nommé
en 1789 président de la section de
Saint-Eustache; puis membre de la
première municipalité constitution-
nelle de Paris sous le maire Bai II y, et
l'un des commissaires aux approvi-
sionnementsde cette ville. En 1791,
il devint médecin de l'hôpital mili-
taire du Gros-Caillou, et plus tard
médecin ordinaire à l'armée de la
Moselle. Bientôt le sysîème de dé-
nonciation dirigé contre tous les
hommes modérés atteignit Regnault.
Un mandai lancé par le comité ^ sû-
reté générale allait le conduire à l'é-
chafaud : il prit la fuite et se rendit à
Hambourg, où, pemlant dix années, il
exerça la médecine avec le plus grand
succès, surtout auprès des Français
émigrés, alors très-nombreux dans
cette ville. De nouvelles circonstan-
ces l'ayant obligé de passer en An-
gleterre, la eontiance publique Ty
suivit : son assiduité auprès de ses
compatriotes lui fit, comme à Ham-
bourg, beaucoup d'amis, qu'il re-
trouva dans un temps plus pros-
père pour eux et pour lui. Il se
lia particulièrement avec le père
Elisée, qui suivait la mêine profes-
sion {voy. Elisée, LXI1I,333), celui-
ci le présenta au roi Louis XVIII, et
le fit nommer un des médecins con-
sultants de ce prince, à l'époque de
4t6
î\E6
la RMtanraliofi ^'n 1814, f)ù R^gnanU
se hilta dé revenir à Paris; puis mé-
decin en chef de la garde royale, et
enfin médecin des pages de la cham-
bre de S. M., et chevalier de l'ordre
de Saint-Michel. Regnault conserva
SCS emplois sous le règne de Char-
les X, mais il en perdit la plus grande
partie après la révolution de 1830 ,
et se borna alors à sa clientèle. Il
mourut à Paris en 1836. On a de lui :
I.' Discours prononcé le 20 juillet
1790 à la fête donnée par le dis-
trict de Saint - Euslache aux dé-
putés des provinces pour le pacte
fédératif, J790, in-S». II. Aux aris-
tocrates et aux républicains, 1791,
in-S». 111. Rapport des commissaires
chargés de Vexamen des mémoires
concernant les approvisionnements
de Paris, lu au conseil de la commune
le 13 janvier 1792, in-é". IV. Second
Rapport sur le même sujet, lu le 13
janvier 1792, in 4". V. Observations
sur la phthisie pulmonaire et sur le li-
chen d'Islande considéré comme mé-
dicament et comme aliment, 1802,
in-S". Cet puvragea eu trois éditions à
Londres et deux à Paris. VI. Consi-
dérationssur l'état de la médecine en
France depuis la révolution, Paris,
1819, in-S*». Vil. Mémoire sur l'hy-
drocéphale, Paris, 1819, in-S». VII.
Mémoire sur les altérations et l'in-
fluence du foie dans plusieurs mala-
dies, Paris, 1820, in 8'. Regnault fut
aussi le rédacteur principal du Jour-
nal universel des sciences médicales,
dont il parut un numéro par mois de-
puis janvier 1813 — Son lils, Elias
Regnault, est avocat à la Cour royale
de Paris. '^•
REGNAVLT-WARIN (Jean-
Baptistf. -Joseph -Innocent-Phu-a
delphe), l'un des écrivains les plus
féconds et les plus variés de notre
époque, fut successivement auteur
(Iratnatique, poète, historien, roman-
cier et publiciste. Il écrivit dans
tous les genres, sans qu'on puisse le
citer dans aucun , cl professa toutes
les opinions, se mêla à tous les paf-^'
lis sans y être remarqué, sans y avoli^*
jamais obtenu le moindre crédit rii'
la plus légère influence. RegnauTti'
Warin, né à Bar-le-Duc le 25 déCJ»
1775, eut k peine reçu dans cette'
ville un commencement d'éducation
qu'il se mit à ébaucher des Essais
dramatiques tout à fait dignes de
son âge. Ce qui n'est pas moins éton* '
nant, c'est qu'à cette même époque''
la révolution ayant éclaté, Regnault,
à peine âgé de quinze ans, se mêla
aux discussions, et qu'il composa', '
sous le titre d'Éléments politiques
et de Conseils au peuple, etc. , des
brochures aussi extraordinaires que
ses Essais dramatiques, et dont lui-
même riait plus tard avec autant dé
franchise que de raison. Ce qui ca-î
ractérise aussi ces temps de délire ef'
d'illusions, c'est que tout cela trouva
des lecteurs. II en résulta même en
Lorraine, pour le jeuneauteur p»trio-
te, une renommée telle , qu'il ne lui
fut plus possible de rester confiné dans
les montagnes des Vosges. Pressé par
les conseils de ses amis, il se rendit
dans la capitale, et s'y présenta à
Bonneville, qui rédigeait et impri-
mait la Bouche de fer, et beaucoup
d'autres écrits révolutionnaires {voy.
Bonneville, LVIII, 568). Il a dit lui-
même que, dès son arrivée, on le fit
concourir à la rédaction de la Bou-
che de fer ; mais nous pensons que ce
fut d'une manière subalterne. Au
reste, il y eut au moins l'avantage
de se' faire connaître de quelques
chefs de la Gironde, notamment de
l'abbé Fauchet , qui travaillait à
cette feuille, et de Brissot, qui était
l'ami de Bonneville. Ce fut h. la suite
M^
i^\
de ces hurmui^s céU-bres que lejeuiie
Keguaiilt-Wariu coiUril)u;i , uutaal
t;n lui. au reuvers&uieot
. . , dans la journée tlu JO
aoiU 1792. Cependant il ne réussit
point encore à se faire remarquer, et
vi?ant avec peine dans la capitale^ il
la quitla «u coinmepcement 'i-- »-"s
pour titre secr^laire du eu
de la place de Verdun. ; '^ye
à l'état-major de l'an. dén-
ués, sous l'adjudant-geuerai Sion-
viile, dont il a dit qu'il futradjoint;
ce que nous ue pensons pas, parce
qu'il eût fallu pour cela qu'il eût up,
grade militaire, et qu il est itieu sûr
q|i'(l. n'en eut jamais, li a dit aussi
qu'a la même époque il sauva plu-
sieurs proscrits, et que, dénoncé
pour ce fait au gouvernement de la
Terreur, il se vit obligé de sortir de
France, que squ nom fut inscrit ^ur
la liste des émigrés, et qu'étant ren-
tré il fut emprisouné et ne recouvra
la liberté que long-temps après U
chute de Robespierre. Il y a évidem-
meut dans ces assertions quelque
chose de fabuleux et .d'invraisem-
blable, d'abord parce qu'on n'a ja-
mais vu son nom sur une liste d'é-
migrés , ensuite parce que s'il y eût
été réelleiuent inscrit et qu'on l'eût
arrêté, il u'aurait pas échappé à l'é-
chafaud. Ce qui est certain, c'est que
Regaault s'éclipsa tout à coup au
milieu de la Terreur , qu'il ue se
montra que beaucoup plus tard, et
qu'alors, dégoûté ou effrayé de la po-
litique, il ue parut s'occuper que de
littérature, de romans qu'il vendait
aux libraires et dont il vivait avec
peine. Voyant cependant le succès
qu'avaient alors les écrits royalistes,
il hasarda son Cimetière de la Made-
leine , où sont décrits uin'. partie des
malheurs de Louis XVI et de sa fa-
miHe. Cet ouvrage eut un succès dont
I.XXVHI.
il faut attribua au moins lu^ç p^vtie
à i'iutcr^tdu sujet. C'ctail du resie a
celte époqiie uu acte <'< -y et
qui attira sur l'autçur î iiai-,
ue* du parti, révolution iiauf iiicofei
trèsrpuissapt. Le livre fut>iiisi par la
police consuUirç, .^t j'auteur, mis eu
arrcstatioa, n'eu sortit. fli^e^^i l)/iu-;
terveution de mada^^^ ^on^pa^fc^'q^i,
l'avait lu et qui avaijt pleure' -■- ' -
malheurs delà famil/e roy..
nouvelle lotion ue fut :Jue.
pour Regnault;il ranij». ^'u-,
cèrement à de pareils ouvrages et,
ne composa plus ^ue des , romans '
et quelques écrits historiques de
peu d'importauce. Ce ne fut qu'en ,
1814, après la chute de Napoléon^
qu'il rentra dans la carrière polili-
que, alors ouverte à tout le monde. ,
Il écrivit d'abord en faveur de, la
Restauration, mais n'ayant pas oli-
tjjp^u ce qu'il désirait, voyant d'ail-,
leurs que le parti contraire acqué-
rait chaque jour de nouvelles forces
et que le gouvernement royal ne sa-
vait point le réprimer, il passa dans
les rang? de ses adversaires, et pu-'
blia, de coucert avec le libraire,
Plancher, un grand nombre d'écrits
fort médiocres, mais ^rès-audacieux,
qui lui firent beaucoup d'ennemie et
qui, s'ils ne lui attirèrent pas des
poursuites comme au temps de Ro-Î
bespierre et de Bonaparte, ne CQii-
tribuèreut point à leurichir et ne.
lui valurent pas même une gratifica-
tion^ou un emploi lori que le parti ^
qu'il avait servi avec tant de zèle
triompha en 1830. Dans les deniiers
temps de sa vie. Régnai,
concourut à la rédaction du . . , -,
et il mourut eo uov. 18^4, K P^<t)
près ea même temps que ce journaJ-^
ne laissant aucun héritier de .^QÙ"
nom ni de son bien. Il n'avàït fait '
aucune disposition, testau^utaire, ei
27
as
REG
REG
les feuilles publiques annoncèrent,
dans le mois de mars 1845, que l'ad-
ministration des domaines allait faire
vendre à l'encan, au profit de l'État,
son mobilier peu luxueux, ajoute le
journaliste, ainsi que celui d'un poète
démocratique, H. -A. Louis Bertaud.
Voici comment les journaux du
temps racontèrent les circonstances
de sa mort : « Les habitants de la rue
Saint- Victor avaient remarqué depuis
plusieurs années un homme âgé, d'une
figure expressive et intelligente, mais
dont l'extérieur annonçait la misère.
On le voyait, le matin, aller chercher
lui-même son lait, son pain et les
objets de première nécessité : mais
malgré sa pauvreté apparente, il ne
coHtractait aucune dette, et rien en
lui n'annonçait l'homme nécessiteux.
Cette existence mystérieuse préoccu-
pait surtout les locataires de la mai-
son n** 21, où demeurait le vieillaHl
inconnu ; bien souvent un regard in-
discret avait essayé de pénétrer dans
son intérieur lorsqu'il lui arrivait
d'entr'ouvrir sa porte, mais on n'a-
percevait que quelques meubles mes-
quins et des papiers ou des livres en
désordre ; les plus curieux avaient
appris seulement qu'il s'appelait
Saint-Ednie. Enfin, par la raison que
M. Saint-Edme ne songeait à per-
sonne, tout le monde s'occupait de
lui. On remarqua, il y a quatre jours,
qu'il avait cessé de faire ses provi-
sions quotidiennes. Avis en fut donné
aussitôt au propriétaire, qui frappa
inutilement à la porte du mystérieux
personnage, et finit par avertir le
commissaire de police. La porte ou-
verte, on trouva l'incounu étendu
sur un grabat, sans chemise et don-
nant à peine quelques signes d'exis-
tence. Il fut aussitôt transporté à
l'hospice de la Pitié où, malgré les
soins les plus empressés, il vient de
mourir. D'après l'inventaire qui a été
fait après sa mort, on a découvert
que ce personnage mystérieux était
M. Regnault-Warin, homme de let-
tres, auteur de divers romans et de
diverses brochures, sous le nom de
Saint-Edme. On a trouvé sur lui une
centaine de francs, ce qui laisserait
supposer qu'il n'était pas dans la mi-
sère et que ce serait par goîit qu'il
avait adopté un genre d'existence
qui lui donnait tous les semblants
de la pauvreté. » Les écrits publiés
par Regnault-Warin sont : I. Élé-
ments de politique, 1790, in-S"*.
II. La Constitution française mise à
laportée de tout le monde, Paris, 1791,
2 vol. in-S". III. Bibliothèque du ci-
toyen, contenant le catéchisme civi-
que, ou les devoirs de l'homme et du
citoyen, Bar-le-Duc, 1791. IV. Éloge
deMirabeau, Paris,1791,in-8''.V.Ré- j
vision de la constitution française^ I
1792, in-8o. VI. Conseils au peuple
sur son salut, ou Opinion sur le
danger de la patrie, 1792, in-S".
VII. Vie de J. Pétion^ maire de Pa-
ris, Bar-le-Duc, 1796, in-12., VIM
(avec Bajot et Lombard). Cour* d^étu-
des encyclopédiques, 1797, in-8o. IX.
La Caverne de Strozzi, Paris, 1798,
iu-8o; trad. en espagnol, ibid., 1826,
in-18. X. Roméo et Juliette, roman
historique, 1799, 2 vol. in-12. XI.
Le Cimetière de la Madeleine, 1800,
4 vol. in-12 ; 18Q1, 4 vol.; traduit en
espagnol par D. Salva, avec les Vies
de Louis XVI, de madame Elisabeth,
de la duchesse d'AngouIcme, de
Louis XVllI, de Charles X, etc., Pa-
ris, 1833, 4 vol. in-18. XII. La Jeu-
nesse de Figaro, 1801, 2 vol. in-12.
XIII. Le Tonneau de Diogène^ imité
de l'allemand de Wielaud, par Pre-
nais, avec des remarques et additions,
1802, 2 vol. in-12. XIV. Les Prison-
niers du Temple i suite du Çim^ièn.
REG
REG
419
de la Madeleine, 1802, 3 vol. in-12.
(Regnault n'avouait que les deux pre-
miers volumes et les 60 premières pa-
ges du troisième.) XV. Le Paquebot
de Calais à Douvres, roman politique
et moral, trouvé sur une échoppe de
bouquiniste du quai des Ormes, 1802,
in- 12. La police n'en permit la pu-
blication qu'avec de nombreux car-
tons. XVI. Spinalba, ou les Révé-
lations de la Rose-Croix^ 1803, 4 vol.
iD-t2. XVII. Clémence, 1803, 3 vol.
in-12. XVIII. Lille ancienne et mo-
derne, 1803, in-12. XIX. L'Homme
au masque de fer^ 1804, 4 vol. in-12;
4» édit., 1816, 4 vol. in-12. XX. La
Diligence de Bordeaux, ou le Ma-
riage en poste, 1804, 2 vol. iu-l2.
XXI. Loisirs littéraires, iSOi, in-l2.
XXII. M'"' de Maintenon, l'06, 4
vol. in-12. XXlll. Napoléonide sur
la campagne de deux mois, 1806,
in-8°. XXIV. La Nouvelle France,
ou les Hommes et les choses au \l\e
siècle, 1815, in-8°, un seul cahier.
XXV. Réfutation du Rapport sur l'é-
tat de la France fait au roi dans son
conseil, par le vicomte de Chateau-
briand, 1815, in-8**^ deux éditions.
XXVI. Pour et contre, ouEmbrassons-
nous^ mémoire adressé au roi , 1815,
in-S". XXVII. Cinq mois de l'histoire
de France, ou Fin de la vie politi-
quede Napoléon, îSii^m-8°.\XYlïl.
L'ange des prisons (Louis XVII), élé-
gie, 1816, in-12. XXIX. Le Mal et
le Remède des cours, où l'on cher-
che à prouver contre M. de Chateau-
briand 1° que les élections de 1816
ont^été libres i 2» que les députés
sont élus légalement ; 3<* que la re-
présentation nationale est légitime,
1816, in-8o. XXX. Henri II, duc de
Montmorency, maréchal de France,
romau historique, 1816, in 8°. XXXI.
LEspril de tnadan^e de Staël, 181 8,
2 vol. in-8». XXXn. Manuel de* bra-
ves^ tom. VI; Biographie héroïque,
1818, in-12. XXXIII. Mémoires et
correspondance de l'impératrice Jo-
séphine, Paris, 1819, 2 vol. in-8°. Le
prince Eugène Beauharnais, par une
lettre datée de Munich, le 15 janvier
1820, et adressée aux journalistes de
France, désavoua cet ouvrage comme
apocryphe, tout en remerciant l'au-
teur anonyme de la justice qu'il rend
à sa mère dans les lettres qu'il lui
attribue (voy. Joséphi.ne, LXVIII,
278). XXXIV. Les Carbonari. ou le
Livre de sang, 1820, 2 vol. iii-i2.
XXXV. Introduction à l histoire de
l'empire français, ou Essai sur la
monarchie de Napoléon, 1820-1821,
2 vol. in- 18. XXX VI. Rosario, ou
les Trois Espagnoles^ mémoires his-
toriques, 1821, 3 vol. iu-12. XXXVII.
Médailles biographiques. 1822. Il
n'en a paru que deux livraisons, qui
contiennent les notices sur Frances-
co Espoz y Mina et don Pablo Mo-
rillo. XXXVIII. Mémoires pour ser-
vir à la vie du général Lafayette et
à l'histoire de l'Assemblée consti-
tuante, 1824,2 vol. in-8\ Regnaull-
Wariu avait promis une Histoire po-
litique et militaire du général La-
fayette, avec des notes et documenté
du général lui-même, en 4 vol., mais
le premier seulement a paru, Paris,
1831, in-8o ; il a été reproduit sous le
litre d'Histoire du général Lafayette
en Amérique, précédée d'une Notice
sur sa vie, Pans, 1832 et 1833 ; la
Notice a reparu séparément en 1834.
XXXIX (avec M. Lahalle et Roque-
fort). Chronique indiscrète du JIS'
siècle. Esquisses contemporaines ex-
traites de la correspondance duprin-
ce de ***, Pans, 1825, iii-S». Barbier,
qui est fort maltraité dans cet ouvra-
ge, en parle comme d'un écrit men-
songer {Dict. des Anonya^et^ t. IV,
n° 22156). XL. Mémoire» histori-
21.
fi20
(^Hff?t <'t,,çritiq^e.% sur F.-J^,.Tq,lm
et' mr l'art théâtral, 1827, in- 8*.
ReguauU-Warin avait commencé un
journal intitulé le Contemplateur,
dont n n'a paru qu'un cahier, Paris,
1801, in -8°. II a encore eu part à
quçlques ouvrages périodiques sans
l,es signer. C'est à tort qu'on lui a at-
Jr|ï)ué un Siècle de Louis XVI, tom.
t*';» qui fut imprimé à Paris, chez
Cussac, en 1791, in-12. M-d j.
REGNAUT (CuARLES-DouiN),
curé du village de Bezannes près de
Beims, naquit dans cette ville sur la
liu du XVIi^ siècle, et y devint cha-
noine de la collégiale de Saint-Sym-
phorien par nomination royale. On
a de lui : Histoire des sacres et cou-
ronnements de 710S rois, faits à
Reims, à commencer par Clovis jus-
qu'à Louis XV, avec le recueil du,
formulaire le plus moderne qui s^ ob-
serve au sacre, etc.; une Dissertation
historique touchant le pouvoir ac-
cordé aux rois de France de guérir
des écrouelles, accompagnée de preu-
ves touchant la vérité de la sainte
ampoule, et une Relation exacte de
la cérémonie du sacre et couronne-
ment du roi Louis XV; Reims, 1722,
1 vol. in-12. Regnaut avait fait un
recueil d'épitaphes des hommes qui
se sont distingués dans l'État et dans
ia robe, ainsi que dans les arts libé-
raux et mécani(iues, auquel il a joint
un abrégé des faits qui les ont rendus
recommaudablos.il proposa l'impres-
sion de ce recueil aux imprimeurs et
libraires, les laissant maîtres d'en
lixer les conditions. Cette proposition,
qui se trouve dans le Journal histo-
rique de Verdun, mai I72I, ne fut
point acceptée. 11 composa ainsi sa
propre épilaphe :
Islo canonicus recubal sub marmore adroso
Qui scriptor sludiot munere patior erat.
REG
^j.^lfy^lQi^IEJIi (EflMp) , célèbre; ,wé.-
canicien, naquit à Seraur, le lii juin
I7r>l. Ayant perdu son père pendant
qu'il faisait ses études dans sa ville
natale, il resta l'aîné de onze enfants,
et fut retiré du collège pour êlre pla-
cé chez un arquebusier de Dijon, où
il se distingua par son adresse et son
application au travail. Quoique bien
jeuHe encore, il sentit la nécessité,
comme l'aîné de la famille, de se met-
tre promptement en état de rempla-
cer son père, et remporta un premier
prix de dessin à l'âge de dix- sept
ans. Le professeur Déroge s'intéres-
sait vivement à lui : sa jeunesse, sa
position, tout parlait en sa faveur.
Enfin, rentré dans sa famille, il exerça
à Semur l'état d'arquebusier avec le-
quel il fit exister sa mère devenue in-
firme et établit ses frères et ses
sœurs. S'étantmarié, il fit donner une
éducation soignée à cinq enfants qu'il
eut, et trouva dans son industrieseule
les moyens d'élever cette nombreu-
se famille. Le prince de Condé, qui
l'avait connu dans un de ses voyages à
Dijon et qui avait admiré son adresse,
lui lit donner le titre de mécanicien
de la province de Bourgogne. Kn
1783, Régnier eut l'honneur d'offrir
à Louis XVI un modèle réduit dn
méridien sonnant qu'il avait com-
posé pour la ville de Semur. Ce prince,
qui avait spécialement étudié les arts
mécaniques, examina avec intérêt
cette invention qui ressemble beau-
coup au canon méridien du Palais-
Royal, et dont Régnier, jusque dans
les derniers temps de sa vie, prenait
plaisir à préparer et à voir l'explo-
sion. Une de ses premières inventions
fut son éprouvette pour .essayer la
force des poudres de chasse, supé-
rieure k toutes celles qui avaient
été imaginées jusqu'alors, parce que
^ , les degrés gravés .5|ii;j|n 4J:ç, fj^^ÇÇ^S'^
scfiït l^cxpression de^Dfa?détfcWmnés
et que les régulateurs sont cotistâtits.
Ce premier produit de son esprit in-
ventif fut montré à Gue'neau de Mont-
béliard , ami de BufTon , qui i'ad-
mira et accorda sa protection à
Régnier. C'est à peu près à la même
époque qu'il inventa sa serrure et
ses cadenas à comMnaisons. Buf-
foii et Guéneau, qui désiraient faire
des expériences sur la force de
l'homme et des animaux et qui n'a-
vaient à leur disposition que des
machines lourdes et peu commo-
des, proposèrent à Régnier de tâcher
d'en inventer une qui fût applicable
au plus grand nombre de cas possi-
bles. C'est de cette demande que n'a-
qoit le dynamomètre, instrument
simple, commode, et dont l'appli-
cation pent s'étendre aux machines
pour en déterminer avec précision
la force et la résistance. Le dynamo-
mètre resta long-temps inconnu. Il
en fut fait mention dans un mémoire
publié en l'an VII (1798). Depuis il
a été mis en usage par le docteur
Chaussier pour faire des expériences
sur la force musculaire, et il a fourni
le sujet d'une thèse soutenue par le
fils de l'auteur à l'École de Médecine.
Enfin Pérou s'en est servi dans son
voyage de découvertes à la Nouvelle-
Hollande, et i 1 a démontré que la force
des peuples sauvages est constam-
ment moins grande que celle des
hommes civilisés. Régnier fut encore
le premier qui construisit des para-
tonnerres en Bourgogne. Il les per-
fectionna ensuite, en remplaçant les
conducteurs établis avec des barres
. de fer plantées dans les murs par
des cordes faites avec des fils de fer
qui ont l'avantage d'être à la fois so-
lides, flexibles, et de pouvoir être
isolés des édifices. A l'époque de la
révolution , persécuté dans la ville
fxEG ^^>1
^ii^iFhai)îta\t par le sèï^l^ motif
qn'it avàff été t^TOtégé et f écdnùpeh-
sé par Tancien gouvernement, il fut
obligé de se réfugie^ K Paris, où le
comité de salut public, éclairé par
Carnot, son compatriote, sut Tap-
précier, et le chargea de diriger In
fabrication des armes portatives. Rc
gnier commença dès lors à réunir les
matériaux qui ont servi depuis k foV-
mer le Musée central d'artiTîérîe,
dont il devint plus tard le conserN'a-
teur. Un incendie, qui détruisit en
1799 une maison située au coin de la
rue Saint-Roch et où périrent pltr-
sieurs personnes, donna l'occasion à
l'Institut d'ouvrir un concours, dans
lequel un prix fut proposé à celui
qui exécuterait la meilleure machine
à incendie. Régnier composa une
échelle perfectionnée, et il obtint le
prix. Le modèle de cette machine
est déposé au Conservatoire des arts
et métiers. Régnier fit encore à cette
époque des recherches utiles sur les
platines des fusils de munition. La
machine qu'il inventa pour régulari-
ser l'action des ressorts fut approu-
vée par rinsiitut et par plusieurs
officiers d'artillerie, ainsi que par
les premiers arquebusiers de Paris.
Enfin une de ses dernières inven-
tions est le sécateur destiné à la
taille des arbres, et fort en usage
aujourd'hui. Cet instrument est frès-
expéditif, puisqu'on peut faire en
quatre jours ce qui en demandait
douze, et qu'il est impossible de se
blesser, ce qui arrive souvent avec la
serpette. Edme Régnier, k qui Ton
peut donner avec tant de raison
le titre d'utilitaire, mourut à Paris
le 10 juin 1825. Il était membre de
plusieurs sociétés savantes et faisait
partie du comité de mécanique de la
société d'encouragement pour Tiu-
dustrie. Âa nombre des services qu'il
422
REG
a rendus à sa patrie, on ne doit pas
oublier qu'il sut, à force de soins,
conserver presque intact, pendant
l'invasion étrangère de 1814 et 1815,
le Musée d'artillerie, qui est aujour-
d'hui l'un des établissements les plus
curieux de la capitale. A la rentrée
du roi en 1815, il obtint une pension
de retraite et la décoration de la Lé-
gion - d'Honneur. INous donnerons,
d'après lui-même, unç liste de ses
inventions :
10 Plusieurs Dynamomètres de différentes
grandeurs, employés daus les arts pour me-
surer la force des pompes à feu, celle des
charrues au labourage des terres, et d'au-
tres pour les exercices gymnastiques. 2" Di'
vers instruments pour connaître en fabri-
que la force et la qualité des différents fila
de soie, de coton, de lin et des laiues brutes
prises sur les animaux. 3° Différentes éprou-
vETXKS pour les poudres de chasse et de
guerre, d'autres pour connaître la force et
la vitesse du courant des rivières, etc. 4° Un
nouvel ANÉMOMiTRE qui, par l'effet d'une
girouette, marque dans l'intérieur de l'ap-
partement, pendant l'absence de l'observa-
teur, la force et la direction des vents, et
remonte en même temps une pendule sur
laquelle le mécanisme est établi. ÀifÉMOMÈ-
TRE, idem, plus simple, pour la marine et
l'Observatoire royal de Paris. 5» Divers mk-
RiDiEtrs A CANOH de différentes grandeurs,
qui conviennent à tous les pays; leur amorce
n'est pas apparente et se trouvé préservée des
injures de l'air. 6° Uu nouveau méridien a
MUSIQUE n'HORi-OGERiE, SOUS la forme d'un
petit tableau élégant, qui joue à midi des airs
agréables daus l'appartement, sans avoir be-
soin de reinonter le rouage de la sonnerie.
70 Diverses serrcres et cadenas a combi-
naisons , qui ont remporté le premier prix
dès leur origine. Idem. Différentes fermetu-
res de s6reté à petites clefs, incrochetables.
8" Tïonveaux serre-papiers qui les garan-
tissent de foute indiscrétion, employés dans
plusieurs ministères de l'VaUce et de l'étran-
ger, rtniuniii d'un brevet d'invention. Porter
feuilles et coffrets {Miur ,1« même usage.
9" NouvpIIcs pre.sses a xi MB RE s/c de 4>f-
'i ( lu s,^wplo^fe.s,pi|,r plusiçui^
REG
légations. 10" Divers instruments d'agricnU
ture, comme plateau pour peser facilement
le bétail qu'on engraisse. Une nouvelle pince
A INCISION pour la vigne et les arbres à fruits.
Le SÉCATEUR perfectionné, préférable à la
serpette, pour tailler facilement les rosiers
et antres arbustes.Un piquet a thermomè-
tre pour régler la chaleur des couches des
jardins; an autre idem , pour déterminer le
degré convenable au décuvage des vins.
ii°Un nouveau modèle d'ÉCBELLE a incen-
die très-portative, peu dispendieuse, «t
d'un facile usage. la» Divers objets pour la
sûreté des voyageurs et pour prendre Tin-
fidélité sur le fait, i3° Nouvelle cafetière
en plaqué, très -commode en voyage et pour
la toilette. 140 Un petit modèle d'une grande
marmite à deux ro4jes, destinée au service
des hôpitaux ambulants, et pour procurer
facilement des soupes écomiques aux ou-
vriers des ateliers des ponts et chaussées.
Régnier a lait imprimer la descrip-
tion ou le programme de quelques-
unes de ses inventions : I. Descrip-
tion et umge d'un nouveau méridien
à canon, Paris, 1798, in-t". ; réim-
primé en 1809, dans la Bibliothèque
phy si co économique. 11. Mémoire ex-
plicatif du dynamomètre et autres
machines inventées par le citoyen
Régnier, 1798, in-4o. Ce mémoire
parut d'abord dans le Journal de
rÊcole Polytechnique ( tom. II,
1798). M— D j,
REGNIER à'Estouriei (Hippo-
lyte) , littérateur, né à Langres en
1804 et mort à Paris le 23 septembre
1832, ne vécut ainsi que vingt-huit
ans, et en si peu de temps compo-
sa une infinité d'ouvrages dans tous
les genres et de fontes les couleurs.
1. Histoire du clergé de France pen-
dant la révolution , par M. R ,
auteur de plusieurs ouvrages politi- .
ques et religieux, Paris, 1828-29,
3 vol. in-12. 11. Histoire de tout le
monde, publiée sous le pseudonyme
d'Eugène de Dulman, 1829, 3 vol.
in-ji. Ul. Les Septembriseurs^ scènes
REG
historiqwt., Paris , 1829 , in - 8". Ce
vohitne contient dix drames dont les
titres indiquent suffisamment le su-
jet : la Mairie^ VAhbayeMi Carmes^
la Salpélrière^ Bicétre^ un Souper
chez Vénua, la Mort de Marat, la
Mort de Danton , la Mort de Ro-
bespierre. IV. Louisa, ou les Dou-
leur» d:'une fille dejoie^ 1830, 2 vol.
in-r2 et in-18, publiés sous le pseu-
donyme de l'abbé Tiberge, nom de
l'ami du chevalier Des Grieui, dans le
roman de Manon Lescaut. V. Mé-
moires de la marquise de Pompa-
rfottr, Paris, 1830, 2 vol. in-8° (revus
liar M. Amédée Pichot ). VI (avec
M. Dupeuty). Napoléon, ou Sch^en-
brunn et Sainte-Hélène, drame his-
torique , joué au théâtre de la Porte
Saint-Martin, 1830. VII. Charles 11^
(m l'Amant espagnol, Paris, 1S31,
4 vol. iu-i2 Vlil. Charlotte Cor-
daify drame en cinq actes et en
prose, Paris, 1831, in-8». IX. Ma-
nuel populaire de la méthode Ja-
cotot, ou Application simple et fa-
cile de cette méthode à la Jecture,
l'écriture , l'orthographe , les lan-
gueSy etc., dédié aux pères de famil-
le, 1831,in-8°, publié sous le pseu-
donyme du docteur Retter de Brig-
ton. X. Un Bal chez Louis-Philippe,
1831, publié sous le pseudonyme d£
l'abbé Tiberge. XI. La mort des Gi-
rofulifu, seénts historiques^ 1832,
in-iS». Z.
REGOL<)TTI(Domimque), lit-
térateur italien, né à Rome vers 1675,
s'appliqua dès sa première jeunesse
à l'étude de la langue grecque, ce
qui, dans la suite, lui fit obtenir du
pape Clément XI la place de conserva-
teur des manuscrits grecs, à la biblio-
thèque du Vatican. C'était une petite
sinécure demandant fort peu de
temps et qui permettait au titulaire
d'exercer conjointement la profe^-
REG
433
sion d'avocat qu'il avait embrassée.
Regolotti comptait déjà huit années
de barreau lorsqu'il fut appelé, en
1720, à Turin, par le roi Victor-
Amédée, qui venait de réorganiser
l'université et qui , sur la réputation
de savant helléniste qu'avait Rego-
lotti, loi confia la chaire de grec, àla-
quelle fut jointe quatre ans plus tard
celle de poésie. Due traduction en
vers des Idylles de Théocrite et de
Moschus lui ayant attiré d'amères
critiques, même de la part de ses
collègues, il prit le séjour de Turin
en horreur et mit en mouvement
tous ses amis pour lui procurer un
emploi dans une autre ville. Il écri-
vit lettres sur lettres au célèbre
Muratori pour qu'il le recommandât
au comte d'Aguirre, qui déjà avait
pourvu au placement de Lama, au-
tre professeur démissionnaire de
l'université de Turin. Mais toutes ses
démarches restèrent Uns résultat. car
il était encore dans cette ville lors-
qu'il fut surpris par la mort, le 3 1 ja n-
vier 1735. On a de lui : I. Teocrito
volgarizzato da Dominico Regolotti,
Romano, professore di poesia e lin-
gua greca nella R. Università di
Torino (Turin, 1729, 1 vol. iu-s").
Dans sa dédicace en vers à Charles-
Emmanuel, alors prince royal, l'au-
teur ne fait promettre par Théocrite
à la maison de Savoie rien moins que
l'empire du monde. Cette traduction
est en vers libres, mais au lieu de
refléter les beautés de l'original, on
peut dire qu'elle ne fait que le défi-
gurer, tant le style de Regolotti est
incorrect, dur et trivial. Il n'y a pas
jusqu'aux règles les plus ordinaires
de la versification qui n'y soient vio-
lées. Aussi l'abbé Fédérici se mon-
tra-t-il fort indulgent quand, dans
ses Notices sur les traductions d'ou-
vrages grecs en îlalién, il écrivit
4S4
K£G
que^ Re^olutiti «avait moins lait! une
vsrs^uu^èle qu'une paraphrase, il.
OraHQ>de4ie natali €aroli-Emma'
nuelis^Sardiniœ régis, habita in ar-
càti- gymnasio Taurinensi, Y Kal.
fàUpai, Turin, 1733,1 in-S*». m. De
Pùeieos iHilitate-, discours prononcé
par Regolotti le jour de l'ouverture
de soti cours. Il ne fut imprimé qu'a-
près la mort de l'auteur, avec une
courte notice biographique dans la
Miscellanea di varie opérette, recueil
publié à Venise par Lazzaroni. A — ^.
■•■ REGOURD (ALEXANDRE), jésuite,
né à Castelnaudari , en 1585, entra
dans la société dès l'âge de 17 ans,
fut professeur de philosophie et de
théologie dans plusieurs collèges, et
se livra, non sans succès, à la prédi-
cation. Ses efforts tendaient surtout
à id conversion des réformés. Il eut
même des conférences avec plusieurs
ministres, principalement àLectoure,
en 1618, avec fa célèbre Daniel Cha-
rnier, qui avait préparé l'édit de Nan-
tes, et quelques-uns de ses confrères
de l'Armagnac et du Quercy. Cette
dernière conférence, comme on peut le
croire, fut sans résultat, et ne donna
lieu qu'à la publication d'un pam-
phlet que Charnier fit paraître peu de
temps après, sous le titre de Jésui-
tomanie. On peut conjecturer que le
P. Regourd, dont l'esprit était natu-
rellement porté à la controverse, ré-
pondit à cette attaque par une repré-
saille dp même genre, en mettant au
jour l^Âpocarteresis Chamerii. Le P.
Alegambe, qui nous a conservé le ti-
tre latin de cet ouvrage écrit en fran-
çais (1), ne fait connaître ni la date,
ni le lieu de l'impression. Joly, dans
ses Remarques critiques sur le die-
lionnmre de JiayleikTiS, in-foK, p.
Vif) 'ih wuiûri fA nrf.fvafmf, l'.ui , i.'.unriit
RE6
3T»oi<3»ït7^^=p»ëte!Kf (q[irer*^!l{«fÉ^ %
pour titre les Désespoirs de Chamêi^
par le P. Timothée de Sainte -FdV
(nom sous lequel se serait (Sache le P.
Regourd), Cahors, 1618, in-S». Le P;
Garasse (Rabelais réformé, l(j2l,
in-S", p. 185-194) a rendu compte de
cette conférence d'une manière facér*
tieuse à son ordinaire. 11 assure que
le P. llegourd ayant fait quelque ci*
tation en grec, l'un des ministres
s'écria : « C'est de l'allemand ! » D'au-
tres écrits, tels que VÂnti-Calvin ca-
tholique, \e Ministre infidèle, vinreiit
successivement mettre en relief le
zèle apostolique du P. Regourd.
Baillet lui-même n'a pu recueillir de
renseignements précis sur l'époqu*
et le lieu de la publication de ces ou-
vrages de controverse. H nous ap-
prend seulejnent que Charles Andrieu ,
ministre protestant, ht une répou.se
à V Anti-Calvin , intitulée ^ntî-6ro-
liath , ou Réfutation d'un livre fait
par le P. Alexandre Regourd, etc.,
Bergerac, 1611,in-8''(2). Après avoir
été recteur du collège de Cahors, le
P. Regourd mourut à Toulouse, le 26
mars 1635. Alegambe dit de lui : Vit
fait singulari eruditione ac pietatt\
Dei gloriœ salutisque hominwn
amantissimus. Ou doit, en outre, à
cet infatigable athlète, des Démons-
trations catholiques, ou l'Art de ra •
mener les hérétiques à la foi ortho-^
doxe. Paris, 1635, in-8*, et un Recueil
d'œuvres théologiques sur des ma-
tières de controverse, S vol. Moréri,
qui a consacré un article au P. Re-
gourd (édition de 1759), tom. IX, p.
108), a copié textuellement la courte
notice donnée par Baillet, sans mf me
prendre la peine de consulter Ale-
gambe. C'est ainsi que les diclion-
lih — -.
''^yihi^iments dis sa\'anlf, 1'.
.■>i>i»totm Vil, |U2*a. if'MP
RtH
uaires historiques se faisaient à coups
de ciseaux avant l'apparition de la
Biographie universelle. L—n—x.
HEHBE RG ( AtOLSTE-GUILlAOME
de), écrivain ailenianil, né en 1757,
«l'une famille noble, fit ses études à
Grettingrue, à Leipzig, et fut destiné
dès sa jeunesse à la carrière de l'hom-
me d'État. Devenu conseiller de la
régence à Hanovre, il s'acquitta de
ses fonctions avec autant de zèle que
d'exactitude, sans cesser de s'occu-
per de littérature et surtout de re-
cherches historiques. Ce fut ainsi
qu'il composa la Vie de Rodolphe de
Habsbourg^ l'un des meilleurs ou-
vrages historiques qui aient été pu-
bliés en Allemagne dans ces derniers
temps. Ses Remarque.^ pour servir à
l'hisloire des années 1805, 180G et
1807, publiées à Francfort, sont aussi
un ouvrage très-remarquable et fort
précieux pour l'histoire contempo-
raine. L'auteur, qui d'abord ne l'avait
point signé à cause d« l'oppression
qui pesait alors sur l'Allemagne, l'a-
voua hautement après les revers de
Bonaparte. Rehberg avait été colla-
borateur de la Gazette littéraire de
Halle, où il a fourni de très-bons ar-
ticles de 1788 à 1793, et de 1805 à
1813. Un Traité $ur la tolérance
qu'il avait publié dans sa jeunesse
contenait des maximes dont plus tard
l'expérience le désabusa. Il se pro-
posait d'en faire une rétractation
quand la raori vint le frapper au coni-
meucement de l'année 1824. Meusel
a donné une liste de ses ouvrages qui
est très-considérable. Z.
REHBOCK (Jacqubs), ou, selon
quelques-uns, Stenickede Be/rts, im-
posteur qui prit le nom de Walde-
MAB, avait d'abord été meunier,
puis employé dans, la maisou du
duc Waldemar de Brandebourg. La
ressemblance qu'il a?ait avec ce
ïitM
«SS
prince l'engagea,. 29 4ns après ta
mort (1M8), à se bire passer poar
Ini. H donnait poar prétexle de sa
disparition les scrupules que lui avait
inspirés sa parenté avec Agnès, son
épouse, scrupules dont le résultat
avait été la supposition desa maladie
et de sa mort. Mais enfin Agnèskrait
cessé de vivre , et après avoir en^
près de 30 ans dans toute l'Allewiaf
gne, Waldemar venait rêvendiquet
ses biens et faire valoir ses droili.
Cette fable si invraisemblable trouva
cependant des oreilles crédules , soit
parmi le peuple, toujours avide de
merveilleux et de nouveautés, soit
parmi les ennemis de la maison de
Bavière que l'extinction de la bran-
che Ascanienne de Brandebourg avait
rendtie maîtresse de la marche de ce
nom. Bientôt l'imposteur vit autour
de lui la plus grande partie de la no-
blesse du pays. Les ducs de Saxe, de
Poméranie et de Mecklerabuurg, le«
princes d'Anhalt, l'archevêque Olhon
de Magdebourg soutinrent ouverte-
ment ses prétentions; l'empereur
Charles IV lui-même le reconnut so-
lennellement margrave de Brande-
bourg ; presque toutes les villes tum-i
bèreut en .son pouvoirs; le nouvel
électeur Louis, dépouillé de la plus
grande partie de ses possessions, al-
lait reprendre la route de la Bavière,
quand tout à coup la chance tour-
na. Rehbock, ayant sans doute mé-
contenté quelqu'un de ses protec-
teurs, fut desservi auprès de l'empe-
reur qui n'eut pas plutùicessé de l'ap-
puyer que tous ses amis l'abandon-
nèrent et qu'il fut forcé de se retirer
à Dessau, où il mourut dans la même
année. Quelques écrivains attribaent
à l'électeur de Saxe Rodolphe I* l'en-
treprise, les succès et la. chule-dexet
aventurier. Yoy. pour plus de détails
Scripiorcs Brandenbtarg. iP^ot;: c
426
REI
KEICHA (Antoine-Joseph), com-
positeur de musique, moins renom-
mé par ses compositions que par ses
écrits sur la the'orie et l'enseigne-
ment, naquit à Prague, le 27 février
17i70, et fut dès l'enfance voué à
cette carrière. Ayant perdu son père
de très-bonne heure, ce fut sous la
direction d'un oncle, puis à l'Univer-
sité de Bonn, qu'il fit d'excellentes
études. Cet oncle, ayant été nommé
maître de chapelle de l'électeur de
Cologne , lui donna une place dans
son orchestre. Après l'invasion des
Français en 1794, Reicha se réfugia
à Hambourg, où il composa, sur des
paroles françaises, un opéra intitulé:
Obaldo, ou les Français en Egypte,
qu'il ne put faire jouer, ce qu'il attri-
bua à l'influence des émigrés alors
nombreux dans cette ville. Espérant
être plus heureux à Paris, il s'y ren-
dit en 1798; mais il ne réussit pas da-
vantage, et l'on refusa déjouer sa
pièce dont le poème était très-faible.
Cependant une Symphonie à grand
orchestre lui valut ensuite quelques
applaudissements ; ce qui ne l'empê-
cha pas de retourner à Vienne en 1802.
Il passa six ans dans cette capitale, in-
timement lié avec Haydn, Beethoven;
et il y publia un Oratorio, un recueil
de fugues, et la cantate de Lenore sur
la ballade de Burger. Invité à se
rendre à Berlin pir le prince Louis
Ferdinand, très-habile pianiste, qui
voulait apprendre de lui la fugue et
le contre-point, il était au moment
de partir lorsque la mort de ce prince
(1806) le fit changer de projet. Étant
retourné à Paris en 1808, il y ouvrit
des cours de composition qui furent
très-suivis. Les quintetti qu'il com-
posa pour instruments à vent eurent
aussi lui très-grand succès ; mais le
Cagliostro qu'il donna en 18 to avec
Doulen à l'Opéra - Comique n'eut
REI
qu'une représentation qui fut très-
orageuse. En 1816 il donna à l'Opéra
Nathalie, ou la Famille suisse, et
en 1822, Sapho. Ces pièces eurent
peu de succès et sont aujourd'hui
complètement oubliées. La seconde
ne valait pas, à beaucoup près, la 5a-
pho que M"^ Pipelet (depuis prin-
cesse de Salm-Dyck) et Martini avaient
donnée 27 ans auparavant au théâtre
Louvois. Mais Reicha, grand théori-
cien, savant harmoniste, ne possédait
pas le talent de la mélodie qui n'est
qu'une inspiration du génie; et il
aurait pu dire à ses élèves : Faites ce
que je dis et non pas ce que je fais.
Aussi renouça-t-il, fort heureuse-
ment pour sa gloire, à composer des
opéras. Nommé professeur au Conser-
vatoire, en 1818, à la place de Mehul,
il y attira par ses leçons un grand con-
cours, et plusieurs de ses élèves, cou-
ronnés par l'Institut, sont eux-mêmes
devenus maîtres. Il avait conçu une
méthode beaucoup plus claire, plus
précise que tout ce qui avait été
fait jusqu'alors. La publication de ses
œuvres, qui se répandirent prompte-
ment dans toute l'Europe, y opéra
une véritable révolution dans l'en-
seignement de la musique, et lui fit
une réputation qui lui ouvrit les por-
tes de l'Institut de France, en mai
1835. Il ne jouit pas long-temps de
cet honneur, étant mort le 28 mai
1836. M. Garnier prononça un dis-
cours sur sa tombe. Une souscription
fut ouverte pour lui élever im mo-
nument ; nous ignorons si elle a été
remplie. Reicha a publié : I. Traité
de mélodie, abstraction faite de
ses rapports avec Vharmonie, suivi
d'un supplément sur Vart d'ac-
compagner la mélodie par l'harmo-
nie, lorsque laprcmière est prédomi-
nante, Paris, 1814 ou 1832, in-4».
II. Cours de composition musicale.
RES
ou Traité complet et rationné d'har-
monie pratique, Paris, 1818. in-i".
III. Traité de haute composition mu-
sicale, faitant tuite au Cours d'har-
monie pratique et au Traité de mé-
lodie, Pans, 1824-25, 2 part. 111-4».
IV. Petit traité d'harmonie pratique
à deux parties, suivi d'exemples de
contre-point double, et de douze duos
pour violon et violoncelle, pouvant
se jouer aussi sur le piano, in-4°.
V. A MM. les membres de V Académie
des Beaux- Arts à l'Institut. Ré-
flexions sur les titres d'admission
dansUisectiondemusique^tii:.,iiii,
in-4». VI. Art du compositeur dra-
matique, ou four* complet de com-
position vocale, 1833, in-4°. VII. Des
articles sur la musique dans VEncy-
clopédie des gens du monde. A — t.
REKJISTADÏ (Napoléon-Fbak-
çois-Charles-Joseph), fils de Napo-
léon Bonaparte et de l'archiduchesse
d'Autriche Marie-Louise, naquit à
Paris le 20 mars 1811, au moment où
son père e'tait à l'apogée de sa puis-
sance, et par le bonheur de sa nais-
sance uift le comble à ses prospérités.
L'accouchement futdiffîcile. et le chi-
rurgien Dubois eut la crainte de ne
pouvoir sauver l'enfant qu'en expo-
sant la mère à perdre la vie. Conster-
né de cette cruelle alternative, il con-
sulta l'empereur. • Ne pensez qu'à la
• mère, lui dit celui-ci, et traitez-la
• comme vous feriezd'une bourgeoise
« de la rue Saint-Denis.» Mais ou ne
fut pas long-temps dans cette incerti-
tude; après l'emploi du forceps et de
tous les moyens extraordinaires, l'ac-
coucheuieut linit de la manière la plus
heureuse, et cent un coups de canon
annoncèrent au monde que c'était un
enfant mâle. Napoléon, transporté de
joie, l'annonça lui-même à la foule, qui
se pressait dans les appartements, les
cours des Tuileries; et révélant tout
REI
Art
à coup un nouveau projet d'ambition,
il s'écria : • Cest un roi de Rome! »
Dans le silence des journaux et l'op-
pression absolue de la presse, on ne
savait pas même alors à Paris que te i>
pape eût été expulsé de ses Biats, et
qu'il était prisonnier dans la forte-
resse de Savone :tous les habitants de
la capitale crièrent donc : Vite leroi
deRome! sans comprendre ce que cela
voulait dire. Les ambassadeurs, les re-
présentants des puissances qui de-
vaient le savoir mieux vinrent égale-
ment présenter leurs humbles féli-
citaiions à Teiiipereur. Entin toutes
les autorités , tous les courtisans
se prosternèrent à leur tour devant
l'idole. Le conseil municipal qui, trois
ans plus tard, aevait, le premier de
tous les pouvoirs, proclamer la dé-
chéance de Napoléon et de son fils,
vota ce jour-là 10,000 fr. de rente
pour celui des pages qui viendrait
lui annoncer la naissance d'un héri-
tier du trône impérial (1). L'enfant
fut tenu si:r les fonts de baptême au
nom de l'empereur François II, son
grand-père, et de madame Lœtitia,
mère de Napoléon, sa grand-mère. Les
puèles et les prosateurs, les artistes
et les comédiens de tous les genres
chantèrent à l'envi et sur tous les
tous ce graud événement; ils pré-
dirent au nouveau-né les plus hautes
dM|uées, et comme au mariage de
1*1^0 précédente ils reçurent d'am-
ples gratiticalions. On sait tous les
soins qui furent donnés à son ber-
ceau, et avec quelle joie Napoléon le
vit chaque jour croître et prendre de
nouvelles forces. Mais ce bonheur
(i) 11 n'est pas sans intérêt de faire re-
marquer que lliomine qui eut assez de bon-
}ieur. ce jour-tà, pour qu'au tel message lui
fut dévolu, n'a pas cessé de jouir de cette
pension que la ville de Pari» lui f^*it depui<«
treotercinq ans!
9.U
as
dura pei^; le jeune prince avait a peinô
(iiii sa première année que déjà Napo-
léon, impatient du repos, s'éloignait
des lieux qui devaient lui être si
chers, pour s'enfoncer dans les froi-
des régions du nord^ et son fils n'a-
vait pas atteint sa seconde année
quand il le revit, échappé au désastre
de Moscou, puis aux défaites de Leip-
sick, qui suivirent de si près et qui ou-
vrirent à la coalition les portes de la
France. Napoléon eut à peine le temps
de passer quelques jours auprès de
son lils bien -aimé, de l'offrir aux
hommages des peuples pour le 1" jour
de l'an 1814; et déjà il fallut re-
tourner à de nouveaux combats. Il y
eut cependant avant i;e départ, pour
la réception des officiers de la garde
nationale, une scène un peu théâ-
trale,oùNapoléon, présentant le jeune
prince à ces officiers, le mit sous leur
sauve-garde. On se rappelle que cette
scène fut suivie de promesses, de ser-
ments qui devaient rester sans effet
lorsque le conseil de régence, voyant
devant Paris les armées de la coalition
victorieuse, prit le parti d'une retraite,
devenue indispensable, par les ordres
de l'empereur lui-même, qui avait
écrit à son frère Joseph d'éloigner sur-
tout le roi de Rome, /jarce qu'il aime-
rait mieux le voir noyé qu'aux mains
des Prussiens. Ainsi le jeune NapçJ^n
et sa mère durent quitter Paj
une faible escorte, et ils étaiei
vés à Blois lorsque la capitulation du
30 mars livra la capitale aux étran-
gers. Quand l'abdication fut signée
Citle rétablissement des Bourbons as-
suré, Napoléon, partant pour l'ile d'El-
be, demanda avec de vives instances ,
mais en vain, que sa femme et son fils
lui fussent rendus. Tous les deux fu-
rent dirigés sur Vienne, où le jeune
prince, dès son arrivée, reçut le nom
de duc dé Reichstadt, qui est celui
d'uilè 'p'èf ite prîncipaùie 'âe 1a' ^Ké-
me, et dut renoncer à tous ceux qu'il
avait reçus en naissant héritier du
trône impérial de France. U fut confié
aux soins d'un grand-maître, le comté
de Dietrichstein, qui l'environna aus-
sitôt de toutes- sortes de précautions
et de surveillance,et qui veilla surtout
à ce qu'il n'eût point de communica-
tions avec des étrangers, particulière-
ment avec des Français. Ces précau-
tions devinrent d'autant plus sévères
que, dans le mois d'avril 1815, quel-
ques tentatives furent faites pour l'en-
lever et le ramener à son père, qu'à
l'époque de la seconde abdication un
parti puissant à Paris le proclama em-
pereur sous le nom de Napoléon II, et
que l'empereur lui-même, en en-
voyant son abdication aux chambres,
fit en faveur de son fils une réserve qui
fut mal accueillie par le parti républi-
cain, maisfortement appuyée par celui
de Bonaparte et surtout par l'armée
(voy. Napoléon, LXXV, 263). On
ne peut pas douter que si, dans cette
circonstance, l'Autriche prit beau-
coup de soin pour garder cet en-
fant, c'est parce qu'elle le con-
sidérait comme un dépôt mis en ses
mains par ses alliés, plutôt que com-
me un prince de la famille impéria-
le. Elle fut loin, en conséquence, de
lui laisser la liberté et l'indépendance
dont il eilt joui à ce dernier titre. 11
est d'ailleurs assez probable que son
arrière-pensée fut toujours de s'en
servir comme d'un épou vantail , 'et,
suivant les circonstances , de l'oppo-
ser aux princes de la Restauration
que certainement elle n'avait jamais
aimés ni favorisés. Nous savons même
assez positivement que plusieurs fois
le cabinet de Vienne en a menacé le
gouvernement de Louis XVHI^ et
celui de Charles "X. O'ïo' ^u''' fP
soitj depuis que Bonaparte eut été
m.
reléguft il Saiute-Hélène, aucune te»
}alive sérieuse ne paraît avoir été
aitepourtirerleducdeReichstadtde
j'espèce de captivité où il était rete-
pu. Ou ne permit pas qu'un seul
Frauçais eût avec lui la moindre
communication j et M. Barthélémy,
qui avait publié, à sa louange, sous
le titre du Fils de VHomu.e^ un
poème, pour lequel il avait été
condamné à un emprisonnement dé
trois mois , ayant fait le voyage de
Vienne afin de lui offrir un autre poè-
me en l'honneur de son père, sous le
titre de Napoléon en Egypte, ne put
le lui présenter, malgré de vives in-
stances auprès du grand-maître, l^
réponse que lui fit à ce sujet M. de
Dietrichstein est assez curieuse. « Ne
• savez -vous pas que la politique
• de la France et celle de l'Au-
« triche s'opposent à ce qu'aucun
• étranger, et surtout un Français,
« soit présenté au prince?... Est-il
« bien vrai que vous soyez venu à
« Vienne pour le voir?... On se fait
• en France des idées bien fausses et
• bien ridicules sur ce qui se passe
« ici... Le prince n'est pas prisonnier,
<( mais il se trouve dans une position
• toute particulière. Soyez bien per-
• suadé qu'il ne voit, ne lit et n'en-
• tend que ce que nous voulons. S'il
• recevait une lettre, un livre qui
• eût trompé notre surveillance, il
' ne le lirait pas sans que nous lui
' eussions dit qu'il peut le faire sans
« danger. Son premier soin serait de
• nous le remettre... » C'est dans cet
état de docilité , d'abnégation, que le
petit-fils de Marie-Thérèie, le fils de
Napoléon et de Marie-Louise, passa les
quinze dernières années de sa vie. Pen-
dant tout ce temps, le nom qui , à
son berceau, avait retenti dans l'uni-
vers, fut à peine articulé en Europe.
wu
429
à Sainte-Hélène Napoléon le joignis
quelquefois aux expressions de ses re-
grets et de ses douleurs; Quand il fiit
près d^'expirer, le grand homme lÙ
placer sous ses yeux *|é portrait de
son fils, et dans son testament il
inséra cette phrase remarquable : «îe
• lui recommande de ne janiais ou-
« blier qu'il est né prince français,
« et de ne jamais se prêter à ^tre un
• instrument ..entre les mains des
« (rîinn\irs (2) qui oppriment les pco-
« pïes de PEorope. Il oe dort jamai^
• combattre ni unireî en àucdiie ma-
■ nière à la France; ii doit adoptéi"
• ma devise : Tout fwr le peuple
« français... *Tie tels conseils, donn^
à son fils en monrant, étaient assuré-
ment très-louabîes de la part de
Napoléon , mais ils prouvent que
l'ex- empereur se faisait encore de
bien fausses idées sur les destinées
de sa race, quand déjà le monde né
s'en occupait guère. Il arriva seule-
ment qu'en 1831 , lorsqu'il fut ques-
tion de donner un roi à la Belgique ,
quelques enthousiastes songèrent sé-
rieusement au duc de Reichsiadt, ce
qui devait être à la fois repoussé par
l'Angleterre , la France, et même par
l'Autriche. « Nous ne souffrirons ja-
« mais, dit Casimir Périer, qui était
« alors ministre du nouveau roi
• Louis-Philippe , qn'un membre de
« la famille Bonaparte règne auxpor-
« tes de la France , ni qne Bruxelles
"Soit un foyer de révolutions. ..^^
Nous ne pensons pas qne le jeûhfe
prince eût été consulté pour cette
candidature. Vivant dans l'ignorance
et l'abnégation la plus complète fit
tout intérêt politique , il était coTo^
nel d'un régiment autrichien qu'il
n'avait jamais vu, et gouverneur de
(a) C'était éridemmeDt les souTcrnissaW
li«fr des trois grande i ^làsîaDcesrootiliea-
430
REI
la ville de Graetz où il n'était jamais
allé. A peine âgé de vingt ans , il ne
prenait aucun plaisir à ce qui se pas-
sait autour de lui , et disait sans cesse,
long-temps avant d'expirer : • Qu'on
« me laisse mourir en paix. » Dans
les premiers jours d'avril 1832, il se
trouvait à Schœnbiunn, lorsqu'il res-
sentit les premières atteintes d'une
maladie qu'on a dit être une phthisie
pulmonaire, et qui fit des progrès si
rapides quesa mère, alorsduchesse de
Parme et résidant dans ses nouveaux
États, eut à peine le temps d'accourir
et de recevoir ses derniers soupirs.
Le fils de Napoléon expira le 22 juil-
let 1832 dans le palais de Schœn-
brunn.aux lieux mêmes où sou père,
vingt-troisai»sauparavant,avaitdicté
des lois au monde et imposé à TAu-
iriche les conditions d'une alliance à
laquelle ce jeune prince dut le jour. Il
remplit avant de mourir tous ses de-
voirs de religion. Ses funérailles se ti-
rent avec une grande solennité, et ses
restes furent déposés dans le caveau
de la famille impériale. Le duc de Rei-
chstadt était un prince véritablement
aimable, doux, et d'un extérieur fort
agréable. MM. Barthélémy et Méry
ont consacré à sa mémoire un poème
intitulé : Le Fils de V Homme, ou
Souvenirs de Vienne, Paris, 1829,
in-S". Un grand nombre de notices
ont été publiées sur cette courte vie.
Kous citerons celle du chevalier Pro-
kesch, oflicier autrichien, qui avait
été employé auprès de lui sous le
comte de Dietrichsieiu ( en alle-
mand), et celle de M. de Muntbel ,
écrite en français , sous ce simple
iitre : te Duc de Reichstadt, Pa-
ris, 1833. M— Dj.
RE IFFENBEIIG (Frédéric de)
appartenait à la famille du savant
jésuite de ce nom dont on a parle,
tome XXXVII, p. 271, famille que le
REI
généalogiste J.-M. Humbracht fait
remonter, par une filiation non in-
terrompue , jusqu'au milieu du IXe
siècle. Ce personnage, né sur les
bords du Rhin au commencement
du seizième siècle, était fils du che-
valier Cunon de Reiffenberg et de
Catherine Schneissin von Grensau. Il
représente un de ces anciens sei-
gneurs féodaux de l'empire germa-
nique , pleins de confiance dans leur
indépendance personnelle et se
croyant dépositaires d'une partie de
la souveraineté. A bien des égards il
rappelle son parent, le célèbre Franck
de Siekingen , et son allié le fameux
Goetz de Beriichingen , à la main de
fer. Ayant pris jeune le parti des ar-
mes auquel l'appelait sa naissance, il
acquit bientôt la réputation d'un des
meilleurs hommes de guerre de son
temps. Robertson l'appelle un soldat
de fortune., mais cette épithète hono-
rable ne peut convenir à un homme
qui faisait partie de la plus haute
aristocratie. Il avait levé à ses frais
un régiment d'infanterie qu'il renou-
vela plusieurs fois et avec lequel il
servit en Angleterre, en Allemagne,
et en dernier lieu en France. Ayant
osé se déclarer contre l'empereur
Charles-Quint et se montrer partisan
actif du landgrave de Hesse , Phi-
lippe-le-Magnanime, qui en faisait un
cas particulier et le considérait com-
me son ami , il fut mis au ban de
l'empire par un acte daté d'Ulm, le
17auût 1048, avec le rhingrave et
d'autres personnes de distinction.
Mais comme il était redoutable et
qu'il avait des protecteurs puissants,
il fut réconcilié nominalement par le
traité de Passau, le 2 août 1552. Ce-
pendant, le l'^sept. de celte année, il
s'empara encore pour son compte de
l'abbaye d'Ëpternaoh. En 1542 il avait
été question de l'attacher au service
REI
des Pays-Bas. Ayaot fait sa paix, il
se relira en France où il prit du ser-
vice, toujours en chef iadépendant.
. Entreprenant et rivant à une e'poque
r4e troubles et de révolutions, il con-
çut, en 1565, un vaste projet politi-
que. L'électeur de Trêves l'avait en-
voyé à Vienne. Nous lisons dans une
lettre du sieur de Chantoray, ambas-
sadeur de Phdlippe II, que Fr. de Reif-
fenberg avait proposé de faire une
coalition entre les Pays-Bas, le duc
de Clèves, les électeurs ecclésiastiques
et l'ancienne ligue de Lantzberg. Il
roourut sans eufants, le 12 mai 1595,
à Sayn, après avoir épousé deux fem-
mes, Anne de Schouenbourg et Ca-
therine de Selbach. — Reipfenbebg
Jean-Philippe, baron de), petit- ne-
l'U du précédent, co-seigueur de
Reiffenberg et de Buldensiein, sei-
gneur deMontabaur, Hersbach, Greu-
sau, Vallendar, Sayn etHaymbach,
conseiller de l'Ordre - Équestre du
Riiin et bourgmestre noble de Co-
blentz, eu 1681 et 1701, cultivait les
lettres avec succès et possédait de
profondes connaissances en antiqui-
tés et en histoire. L'illustre de Hou-
iheim lui a rendu témoignage à cet
égard. On a imprimé en 1830 ses An-
tiquitates saynenses (Aix-la-Cha-
pelle et Leipzig , par les soins de
M. le conseiller Engelmann), et l'on
annonçait, en 1822, la pubhcation
<ie ses notes sur les Annales trevi-
renses du jésuite Brower ; mais ce
curieux travail n'a point paru, il
mourut le 4 février 1722, à l'âge de
soixante-dix-sept ans. Il avait épou-
sé Marie-Marguerite de Huheneck.
— Reiffenberg {Philippe - Louit ,
baron de), cousin des précédents,
était de la branche nommée Reif-
fenberg-mit-ohren (B»nffenberg-aUiC-
oreiUes, à cause de certaine dé-
coration héraldique), entra dans l'é-
R£I
431
tat ecclésiastique, obtint successive-
ment de nombreux bénéfices et fut
nommé, le 28 avril 1649, coadjuteur
de rélecteur de Trêves, Piulippe-
Christophe de Soettern. Ses ennemis
réussirent à le faire déposer et en-
fermer dans le château de Koenig-
slein. Quelques-uns le font mourir à
Lankirgsteiu , le 2i mars 1686. Il
laissa son immense fortune à sa
sœur, qui avait épousé le baron Jeao-
Lothaire deBassenhetm,d'un<i maison
comtale aujourd'hui médiatisée. —
REiFFENBERG(PAt/jppede),lieuteaant-
géuéral de l'électeur de Trêves dans
tous ses Etats et seigneuries, protégea
efficacement les lettres. C'est à lui
qu'on est redevable de la prfmière
collection d'historiens belges. L'im-
primeur Feyrabend la publia sous
ses auspices, à Francfort, l'an 1580,
en 1 vol. in-fot. intitulé : AnnaJes
sive hisloriœ rerum belgicanuH. Ce
volume est orné de son portrait
équestre , gravé sur bois. Z.
RËIXA (François), avocat et lit-
térateur italien, naquit eu 1772, à
Malgrate, province de Côme, d'une
famille de négociants aisés, qui l'en-
voyèrent de bonne heure a Milan
pour y étudier sous le célèbre Pari-
ui. Il alla ensuite faire son droit à
Parie, et suivit en même temps les
cours de Grégoire Foniana sur les
mathématiques et ceux de Spallan-
zani sur la physique. Ses études fi-
nies, il se rendit à Milan. C'était l'é-
poque où les événements de la révo-
lution française mettaient en fermen-
tation toutes les tètes au delà comme
en deçà des Alpes, et Reina ne fut pas
le dernier à embrasser les nouvelles
idées. Aussi lorsque Bonaparte con-
stitua la république cisalpine, il
nomma le jeune avocat membre du
grand-conseil. Reina fit preuve de
quelque indépendance dans ces fonc-
Wl
m,
lions, et il ne craiguit pas de résister
(nivertement aux hommes qui dispo-
saient du pouvoir en Lombardie. Mais
il fut le seul à s'opposer k la mesure
proposée par le commissaire Haller,
d'affermer les finances de l'État. Dans
une autre circonstance il empêcha
que l'on mît du papier-monnaie en
circulation. Impuissant contre la ra-
pacité d'un commissaire français, il
donna sa démission philôt que de cé-
der, et mfusa de reprendre ses fonc-
tions, malgré les pressantes sollici-
tations du général Brune. Les succès
des armées austro-russes ayant fait
momentanément rentrer la Lombar-
die sous le pouvoir de l'Autriche,
Reina fut, ainsi qu'une foule d'autres
hommes turbulents, mais de talent
et de cœur, enfermé d'abord dans les
prisons de Milan, puis conduit dans
ia forteresse des bouches du Cattaro,
et enfin à Sirmio. D'une complexion
naturellement faible, il eût peut-être
succombé aux souffrances d'une dure
captivité sans| le dévouement d'une
de ses sœurs qui le suivit à Venise
et eut l'adresse de coudre des objets
de valeur dans la camisole préparée
pour le prisonnier. La victoire de
Marengo ayant rendu à Reina la li-
berté, il revint à Milan et fut appelé
au conseil législatif de ia république.
H paria plusieurs fois dans cette
assemblée, entre autres, pour dé-
montrer la nécessité d'une amnistie
générale. Aux comices de Lyon , il
fit partie de la commission chargée
de rédiger la constitution du nou-
veau royaume d'Italie. Voyant bientôt
que tout pliait devant la volonté du
maître et que toute opposition était
inutile, il renonça entièrement aux
affaires publiques, pour s'occuper
des intérêts de sa famille et de recher-
ches littéraires. Il s'était formé une
biblinthèquf si riche.«5t|i bien clmi-
sie qu'on la citait comme une des plus^
belles qu'un particulier eût ëfi ïtàli^.;
Dans la dernière période de sa '«'il; flj|
se livra au commercé, et y a^^l^')^^
une fortune considérable, dont il fai-
sait un noble usage. Il mourut à âa
villa de Caneto, dans le Mantouairï'lj
le 12 novembre I82G. Son ami,le ci^-
lèbre Melchior Gioia, lui consacra utte
notice dans le Nuovo Ricoglîtore:^
Reina était surtout connu dans 'W^^
monde littéraire par plusieurs e'dii.^
lions d'auteurs italiens, éditions eli-
richies par lui de notes et de notices
biographiques. Ce sont: L Opère pos-
tume M Giuseppe Parini, avec une
vie de l'auteur, Milan, 1801-1804, -
6 vol. in-8". II. Opère di GiamH-
tista Gelli, Milan, 1804-1807,3 vol.
in-8°. III. L'Orlando furioso, de l'A
rioste. Milan, 1812-1814, 5 vol. in-8°.
IV. Opère scelle di Alfonso Varano.
Milan, 1818, 1 vol. in-8°. V. Opère
scelle diFrancesco M. Zanoili, Mi-
lan, 1818, 2 vol. in-8'. Reina mit à la
tête de ces deux ouvrages des notices ,
sur les auteurs. VI. Drammi di Pie-
tro Metastasio, Milan, 1820, 5 vol.
in-8°. VII. Yeronaillustratadi Sci-
pioneMaffei, Milan, 1825-1827, 5 vol.
in-8». Les derniers volumes furent
publiés après la mprt de Reina, par
les soins de MM. Pierre Villa et Jo-
seph Donadelli. Il avait aussi donné:
1» une vie de Muratori, pour la réim- ,
pression des Annali d'if aita, Milan, ,
1818-1821, 18 vol. in-8»; 2» une no- ,
tice critique sur les ouvrages de Ch.
Denina, pour être mise en tête des ,
Revoliizioni d'Italia, Milan, 1820,,
.3 vol. iu-8°. Une Vie de Grégoire
Foniana est restée manuscrite. Bar-
thélemi Gamba, bibliographe italien
distingué, a inséré une notice sur ,
François Reina dans la Biografia
degliltaliani illustri, publiée à Ve-,
Dise par M. le professeur Tipaldo. ^
RCT'
Rît
m
bsr
O^MOuj^^ ^ussi sur lui un article në-
cplogigue dû à la p'ume de F Salfi,
d^riS le tom. XXX (1826) de la Revue
encyclopédique. A— y.
.BEINERCWenceslas-Laurest),
pè^'tre> i^quit à Prague en 1686.
So^ P^fC». sculpteur médiocre, lui
(Ifinoa les premières notions du des«-
sim Q)ais ce, fut chez un de sps on-
cles, lotit ai Ja f is distillaUnir et
marchand de tableaux, que le ieijuc
Reintn- manifesta ses heureuses dis-
positions. Obligé de travailler à des
dessins et à des copies de tableaux
nécessaires pour le commerce que
faisait son'nncle, il attira l'attention
dt' et d'Halwachs, peintres
hru,,.-5. vjiiise phirent à seconder le
talent du jeune artiste. 11 existait à
cette ëpoqiie à Prague un riîglement
qui prescrivait à tout élève de de-
meurer pendant trois ans sous un
maître peintre avant de pouyoir ob-
tenir lui mcuie la maîtrise, et exercer
librement Sun art. Reiner, pour s'y
conformer, se mit en apprentissage
chez un barbouilleur, et durant tput
le temps qu'il demeura chez lui, il
ne cessa de cultiver tous les genres
de peinture, et de s'y perfectionner.
Histoire, paysage, batailles, peinture
à fresque, tout semblait être de son
ressort, et il de'ployait dans chacun
le genre de mérite qui lui est propre.
11 se rendit à Vienne pour y étudier
les beaux ouvrages qui s'y trouvent.
Il s'y maria; et, après avoir exécuté
pour la cour des travaux importants,
il revint à Prague où le rappelait
le voeu de ses concitoyens. II pei-
gnit il Graming les tableaux qui or-
nent la Chartreuse, ainsi que ceux
d'une des églises de Breslau. La ga-
lerie de Dresde possède quf-lques-UDCS
de ses compositions. Ses tableaux
dénotent une grande abondance d'i-
dées ; son dessin et sa couleur lui
LXXVIil.
ont mérité les plus grandi éloges.
Ses paysages sout touchés avec vi-
gueur ; Taspeçt en est plein de natu-
rel ; les figures et les animaux dont!
il les embellit sont dans la manière,
de Pierre Van Bloemen, Ses hatail^çs
sont peintes avec feu et vérité. Pei-
ner mourut en tTi^, universerleineiil
regretté. P— s.
KEINHARD (CHAr.t.ES,, Tim des
diidoœates de nos temps de rJvoiu-
tion les plus obscurs et les moins ha-
biles, fut cependant un de ceux qui en .
eurent les premiers emplois et qui en
recueillirent les plus grands avanta-
ges. Du reste il ne doit çw'evo ■-.i cô-
lébrité qu'à un éloge
qu'inattendu que lepriu..int laurj-
rand, au déclin de sa vie, vint faire
de ses vertus et de son savoir, à TA-
cadémie des sciences morales et poli-
tiques, dont ils étaient membres l'un
et rautre,depuis la création, en 1795.
Né eu 1762 dans un vil.'age du Wur-
temberg, fils d'un nu'nistre protes-
tant, Reinhard fut destinée la même
carrière, et il fit en conséquencp ses
premières études aux séminairesd'Al-^
kendorf et de Tubingue. Son apolo-
giste a dit qu'aussitôt après il se lia .
avec Schiller , \Vie!and et Gessner,
mais rien n'est prouvé à cet égard.
Ce qui est sûr, c'est que Reinhard
eut réellement à cette époque quel-
ques rapports avec Goethe; que de-
puis,étant venu en France, il entretint
une correspondance littéraire avec ,
ce grand écrivain, et que leurs lettres ^
ont été publiées en Allemagne saris y
être remarquées, ce qui ne | f .iVt»
pas qu'elles fussent très-intcrc^-ai;-
tes, quoi qu'en ait dit Taileyrand. Ce
futen I787.ju'une famille protestante '
de négociants appela Reinhard à Bor-
deaux, pour y faire Tédiication d'é
ses enfants. Les Guadet et les Ver-
gniand, qui plus tard eurent dans
J8
434
REI
rQos assemblées législatives une si
malheureuse influence, avaient dé-
jà dans ce pays une grande re-
nommée. Reinhard eut des relations
avec eux; et, lorsqu'il les vit à la
tête du mouvement politique, il se
fiîita de venir à Paris, et, sous leurs
auspices, il entra dans la carrière
diplomatique. Nommé d'abord secré-
taire d'ambassade à Londres, il y vit
pour la première fois Talleyrand.
Nous ne pensons pas que dès-lors leur
liaison ait été aussi intime que le
vieux diplomate a bien voulu le dire ;
car ils ne furent que bien peu de temps
réunis , la cour de Saint-James ayant
expulsé tous les agents de la républi-
que française aussitôt après la mort
de Louis XVL L'ancien évêque d'Au-
tun se sauva prudemment en Améri-
que, pour fuir l'échafaud qu'il n'eût
probablement pas évité s'il fût re-
venu en France, Reinhard, au con-
traire, houime obscur et sans consé-
quence, se hâta d'y rentrer, afin de
se mêler au mouvement de la révolu-
tion et d'en tirer bon parti. Toujours
protégé par les députés de Bordeaux
et leur ami Brissot de Warville, il fut
nommé premier secrétaire d'ambas-
sade à Naples, d'où ie meurtre de Louis
XVI le lit encore une fois repousser.
Mais toujours fortement appuyé par
les Girondins et le ministre Lebrun-
Tondu , leur ami , il' fut chargé d'un
emploi bien plus important, celui de
ministre plénipotentiaire de la répu-
blique française près des villes an-
séaliques, qui reçurent toujours fort
bien les envoyés de cette république.
Reinhard n'y resta toutefois que
peu de temps. Rappelé aussitôt .iprès
la chute des Girondins (31 mai 1793),
il renia sans peine ses premiers amis,
et fut employé par le fumeux co-
mité de salut public comme chef de la
3' division du ministère des relations
REI
extérieures. C'était une place de £pn-
fiance,bien difficile en un pareil temps.
Reinhard la conserva néanmoins, à
force de souplesse, même après la
chute du gouvernement de Robes-
pierre qu'il avait servi avec beau-
coup de zèle. Ce ne fut qu'en 1797
que le Directoire exécutif l'en éloi-
gna, pour lui confier une mission en
Toscane, où il fut d'abord ministre de
France et où il finit par réunir tous
les pouvoirs, lorsque cette contrée
fut laissée à la disposition de la
France par le traité de Campo-For-
mjo. Chargé d'en prendre posses-
sion après le départ du grand-
duc , Reinhard se hâta d'y faire
jouir les peuples, si long-temps heu-
reux sous leurs anciens maîtres, de
tous les avantages d'une complète
régénération^ comme cela se disait
alors, et par lui ils furent soumis
aux bienfaits des contributions, des
réquisitions et des emprunts forcés
de cette époque. Nous avons lieu de
croire que ses intérêts personnels n'y
furent point oubliés. Lorsque, bien-
tôt après , le Directoire exécutif le
nomma son ministre des affaires étran-
gères, les journaux de l'opposition
radicale , et particulièrement celui
des Hommes libres, que rédigeaient
Antonelle et Real, lui adressèrent des
reproches très-vifs à cet égarJ, et
ils le présentèrent comme un roya-
liste, comme un agent de l'Angle-
terre, ce qui était une véritable ca-
lomnie et n'eut d'ailleurs aucune
suite. Reinhard continua d'être mi-
nistre jusqu'à ce qu'il se vît obligé
de remettre le portefeuille à Talley-
rand, revenu d'Amérique, où il s'é-
tait sauvé pour échapper aux consé-
quences d'une révolution que lui et
ses amis avaient commencée et dont
il venait recueillir les fruits quand
il n'y av^il plus de danger à .s'en
REI
mêler. Oa comprend que son aDcien
confrère Reinhard ne fut pas ainsi
de'placé sans recevoir un dédom-
mag«'ment ; ce fut le titre de mi-
nistre plénipotentiaire en Helve'tie
'jju'on lui donna, et il eut l'ayan-
' tage de préctid r, dans ces importan-
tes fonctions, le fameux Rapinat,qui
ne le fit pas oublier, quand il lui suc-
céda, vers la fin de 1798, Reinhard
passa alors à Milan , comme consul-
ge'néral, puis à Dresde, en Moldavie,
et enfin dans sa patrie, à Stuttgart .
comme ministre plénipotentiaire. Il
traversa ainsi les événements, et ser-
vit avec le même zèle, la même im-
passibilité tous les gouvernements
qui se succéifèrent. Sous l'empire ,
il fut nommé comte et directeur de la
chancellerie des affaires étrangères.
C'est dans cette position que le trou-
va la Restauration- On pense bien
qu'en 1814 Talleyrand dut lui faire
conserver tous ces avantages. D'abord
il fut naturalisé , ce dont on n'avait
pas besoin sous la république, et en-
core moins sous Napoléon, qui vou-
lait que tous les" habitants du monde
fussent nés ses sujets. Ensuite il de-
vint uieuibre de l'Académie des in-
scriptions et belles-leitres (3^ dasse
de l'institut), ce qui a été raconté
d'une manière assez piquante. Chargé
de dresser une liste d'académiciens,
le prince de Bénévent, selon l'usage,
avait commencé par s'y placer lui-
mênie. Reinhard, qui se trouvait à
côté de lui, et qui déjà avait éié son
confrère à l'Académie des sciences mo-
rales, pensa qu'il pourrait bien l'ê-
tre encore dans celle-là. « Mais vous
• n'avez rien fait ni rien écrit pour ce-
«la, lui dit le prince. — Et foire
« haltesse y a rien fait non plus, .
répondit Reinhird en ce tudesque
langage dont il ne put jamais se
défaire; • jé$m de V Académie de
REI
435
« Gœttîngue , et vous pas , monsH-
• gneur... • Le prince resta convain-
cu ; et il écrivit à l'instant le nom de
Reinhard à côté du sien; d'un trait de
plume il fit deux académiciens. C'est
de lui-même que nous tenoQs celte
anecdote, qu'il racontait dans ses mo-
ments de gaîlé et lorsqu'il ne vou-
lait pas parler de Reinhard sérieuse-
ment, comme il l'a fait une seule fois
en sa vie. Mais tout en le raillant et
se moquant de lui , comme il faisait
de beaucoup d'autres, Talleyrand le
protégeait et le soutenait de tout son
pouvoir , parce qu'il le regardait
comme sûr et dévoué à sa personne,
et qu'il l'avait initié à beaucoup de
ses secrets. Sous la Restauration,
il le fit ministre plénipotentiaire à
^^ancfort, d'où Reinhard passa à
Dresde en la même qualité, après la
révolution de 1830, qui lui valut de
plus le titre de pair de France. Ain-
'si, jusqu'à la fin de sa vie ce di-
plomate fut comblé d'honneurs et
de richesses; il mourut à Paris le 25
décembre 1837. Malgré tant d'em-
plois et de fonctions qui assurèrent
sa fortune et qui devaient rendre son
nom célèbre, on ne peut pas douter
qu'il ne lût resté fort obscur si, par
une résolution tout à fait imprévue,
son ancien ami le prince de Talley-
rand n'eût paru tout à coup, dans la
séance du 3 mars 1838 de l'Académie
des sciences morales et politiques, où
il n'était pas venu depuis treute aus
et ou il annonça qu'il ne viendrait
plus; s'il n'y avait pas prononcé
ce jour-là un éloge de Reinhard aussi
extraordinaire que peu sincère, et si
tous les journaux, tous les pamphlets
ne s'en étaient pas moqués à ^jui
mieux mieux. Ce qui étonua surtout
dans ce discours de l'aiicieu évéque
d'Autua , ce fut sa prétention de dé-
montrer que l'étude de la théologie
28. .
m
MA
a^j^it is\vfï^é les plus habiles diploma-
tQ;^,j^l)pjii|Ben preuve les plus grands
^§«^1^ l'histoire, tels que d'Ossat,
RitQ^lAeu , etc. Ou peut croire qu'il
eût'.jwen désiré y ajouter le sien;
njais, forcé d'être modeste sur ce
point," il se montra dans tout le
reste à chaque phrase, à chaque
mot-, tnlin , il se désigna, il paria
delui heaucoup plus que de Rein-
hard, qui, du reste, intéressait bien
moins l'auditoire. L'apologie d'un
pareil homme n'avait évidemment
été , pour le vieux diplomate, qu'un
cadre, une occasion de publier son
testament politique, on une espèce
de confession que personne ne crut
tràte. Le tableau qu'il (it de ce
qtic'doit être un diplomate consom^
nté^ an ministre des affaires étraff^
gères, est surtout fort remarquable.
• Il faut, dit-il, que ce ministre soit
«doué d'une sorte d'iustincl qui ,
• l'avertissant promptement, l'tm-
• pêche, avant toute discussion,
• (le jamais se compromettre. Il lui
• faut la faculté de se montrer ou-
» vert en restant impénétrable ;
« d'être réservé avec les formes
«de l'abandon, d'être habile jus-
« que dans le choix de ses distrac-
•clions; il faut que sa conversation
««oit simple, variée, inattendue,
«^toujours naturelle et parfois naïve ;
• en un mol, il ne doit pas cesser un
'rtinomeut, dans les vingt- quatre
«heures, d'être ministre des affaires
• ;ëtrangères. Cependant toutes ces
• qualités, quelque rares qu'elles
i*isodent, pourraient n'être pas suf-
jf'fisantes, si la bonne foi ne leur
• donnait une garantie dont elles ont
.* presque toujours besoin. Je dois le
«;ra|)peler ici, pour délmire un pré-
• jugé assez généralement répandu^
<i non , la diplomatie n'est point une
« scienf pd<» ru.ie et de duplicité. Si la
REÎ
• bonne foi est nécessaire quelqivç
» part, c'est surtout dans les trausaqFt
" lions politiques , car c'est elle (\\^
" les reiul solides et durables. Onfft
• voulu confondre la réserve avec la
« ruse. La bonne foi n'autorise j«rT
• mais la ruse ; mais elle admet la téf
« serve, et la réserve a cela de i>aRf
« ticulier qu'elle ajoute à la conlia%
« ce... » On remarqua qu'en pronoih
çant les mots de bonne foi et de verr
tu, le vieux diplomate s'animait, qu'il
levait la tête et forçait sa voix, ayant
l'air de délier l'auditoire. Nous re-
viendrons si.r ce discours dans lana^
tice de Talleyrand, dot.t il ne doit pas
être la page la moins curieuse. Quant
à Reinhard, on peut direqu'il ne fut
que l'occasion ou le prétexte de
t'une des pins piquantes comédies
que nous ayons vues. — Un autre
Reinhakd {Charles- Frédéric), non
moins obscur que son homonyme,
mais qui ne fut pas ministre et que
nous croyons parent du célèbre pré-
dicateur (yoy. ce nom, XXXVII, 284)
a publié eu français vu Abrégé de
l'Histoire d'Allemagne à l'usage de
la jeunesse^ 1 vol.iu-8o, Nuremberg,
171)5; seconde édition, 1797. 11. Anec-
dotes cioiles et militairts, tirées de
l'Histoire de Bavière, Nuremberg,
1812, in-S". M— Dj.
KElNilOLD (Charles-Léonabd),
auteur philt'isopiiique allemand, lié
en 1758 . était lils d'un inspccieur de
l'arsenal de Vienne qui, ay.int sept
enfants, destina l'aîné de ses (ils k
l'état ecclésiastique. Au gymnase ou
collège où le jeune homme lit ses
éludes, les jésuites le déterminèrent
à entrer dans leur ordre. Eu consé-
quence, il fut admis, vers la lin de
1772, au noviciat des jésuites de
Vienne. Dès l'aunée suivante, les ré-
vérends pères tirent part ù loues nu-
vices du danger qui menaçait leur n\
ll£I
stitutiofn , et çrescririrent, poiir le
det nrner, des actes de flévolionsm-
eulier», qne ReinhyJfi a décrits dans
ne lettre adressée à «es parents. Ou
«;xposa pendant troi* jours et trois
nuits daos le amveiit riinage de la
Viergfl ; les religieux se couvrirent
la tète de couronnes de paille , aiau-
gèrcnt par terre, et se donnèrent la
discipline, non-seulenieiit la disci-
pline ordinaire, mais aussi la disci-
pline espa;:nole, qui s'appliquait,
comme, nous l'apprend le lils de
Reinhotd dans sa bi<ti:raj>lue, quel-
ques pouces plus bas que le do$.
An milieu de ces pratiques , on ac-
cordait aux novices quelques in-
nocenfRS récréations , entre autri'S
le jeu de billard , dans lequel le gain
cousistïit en Àte Maria, que le
perd.uit était obligé de réciter au
profil du gagnant. Cependant l'orage
«éclata, les jésuites furent supprimés^
et les novices reçurent ordre d'é-
crire à leurs familles pour qu'elles
vinssent les retirer. Notre jeune no-
vice éJait déjà tellement façonnée la
règle de l'ordre, qu'il demanda au
P. recieur la permission de penser à
son père et à sa mère, ce qui leur
était généraleiuent défenilu. 11 U-
pria aussi de lui lever un scrupule de
conscience, concernant l'infaillibi-
lité du pape, qu'il ne pouTait acct^r-
der arec la buile de la suppression
des jésuites, que ses supérieurs rcr
présentaient comme obtenue subrep-
ticement par leurs ennemis. Le P.
recteur lui répondit que le pape
éliiit infaillible quand il décidait
ex cathedra, et non pas ex curia.
fiendu à sa famille, l'i-x-novice, ani-
jné encore de toute la ferveur reli-
^eose , voulat virre d'abord comme
au couvent. £u 1774, il entra an
collège des barnabites,y acheva ses
clml^ ^ eà fut chargé ^ est 1 78 u , de
KËi
m
Vernséf^ùcmefit W^'tk logkjflHÎ.'^é*
mathejnatiqires et it}*autres scieii|ces.
Là,un auirc esprit vint s>mp«rep
de cet^e jeune tête, avide d'imfnr*^
sious et d'instruction. Un «onfrèrfe
ué en Angleterre tinitia dwâ laUt^^
térature anglaise: le poêle Denis en-
fidUMua son imaginatioa , et le* re-
formes radicales, ordonaées par l'eui-
perenr Jxspph il, discntées p-ir iei
ho:n:«tesécUirés et par la presse, ou-*
vrirent un nouvel horizon à s^ pen*^
sée. il ne tarda pas à se trouver en-
gagé dans la société des Bom, des
Blumauer rt autres écrivains libé-
raux, qui formèrent une espèce de
franc-maçounerie, dont le but était de
souttTiir le souverain pour rendre
coiiiplèie la réforme religieuse et
politique dans ses États. Dès lors
Rcinh'dd ne vit plus d^ns son état
religieux qu'une gène insupportable,
et, comme le collège des barnabites
ne fat pas du nombre des couvents
supprimés, il s'en évada, se rendit
à Leipzig, et s'y appliqua à l'étutle de
la philosophie, continuaDt en même
temps de travailler au journal ma-
çonnique établi par ses amis de Viei>-
ue. Us l'engagèrent ensuite à se ren-
dre auprès du célèbre Wieland k
Weimar, espérant obtenir bientôt sa
sécularisation et le pardon de ^sa
fuite; jQsis ils n'y purent réussir.
Dès lors Wieland l'attacha à la ré-
daction du journal le Mercure aile-
mand , qui paraissait sous sa direc-
tion , et lui donna même sa tiUe aùsée
eu mariage. Rompant ainsi tuut à
fait avec le catholicisme, Reiaheid
signak son changeuit^ut de religion
par la publication d une apologie
de la réforme, contre l'historteo
Schniidt. qui Tavait vivement hi^
mée. A cette apologie suecédècent-,
daos U Mercure allanaai , des let-
tres sur ia philos'jphtede^Kaitt^iqm.
438
REI
REI
jusqu'alors, n'avait guère excité l'at-
tention que chez les professeurs ;
Reinhqld la rendit accessible à tous
les lecteurs éclairés. Ces lettres, insé-
rées dans les années 1787et 1788, fu-
rent ensuite publiées à part, en deux
vol. in-8», Leipzig, 1790 1792. Elles
valurent à l'auteur une chaire surnu-
méraire de philosophie à l'université
d'Iéna. Ses cours ne tardèrent pas h
attirer une foule de jt'unes auditeurs,
et la chaire de Reinhold, qui avait
le talent d'être clair et précis dans
des matières si abstraites , devint
une des principales non-seulement
d'Iéna, mais aussi de toutes les chaires
philosophiques de l'Allemagne. Pour
complément de son exposition de la
philosophie de Kant , Reinhold publia
ssi Nouvelle Théorie delà facultéima-
gînalive de l'homme, Vraf^ue et léna,
1789, 2^ édition, 1795 1796; ses J^/a-
tériaux pour servir à lever la més-
intelligence entre les philosophes,
léna, 1790-1 794, 2vol.in-8% et une
brochure sur les fondements de la
science philosophique. Il avait com-
battu ce qu'il voyait dans les écrits
de Lavater , une tendance au mysti-
cisme, tout en rendant jusiice aux
intentions du pasteur Suisse. Ce-
lui-ci , loin d'en garder rancune , le
recommanda au ministre danois com-
te de Bernstorf, pour la chaire de
philosophie, vacante à l'université de
Kiel; Reinhold s'y rendit en 1794,
après avoir reçu une adresse flatteu-
se de ses auditturs d'Iéna, qui firent
frapperuue médaille en son honneur.
Il fut remplacé dans cette ville par
le célèbre Flchte, dont le système
eui encore plus d'éclat, et fut adopté
paf son prédécesseur. A Riel, notre
philosophe n'eut ni moins de Succès
iil t'ioins d'activité que dans son pos-
te précédent. 11 s'entendit avec quel-
qiieS hommes de mérite, pour établir
un ensemble des principes de morale
qui pussent servir à une juste appré-
ciation des affaires politiques, judi-
ciaires et religieuses. Les initiés de-
vaient eu communiquer le plan à
leurs amis , demander leur signature
approbative , et provoquer leurs ob-
servations et leur avis. Cela fut mis
en pratique, et il en résulta un re-
cueil de Mémoires sur les principes
de moralité dont Reinhold publia le
premier volume en 1798, à Lubeckef
Leipzig; mais il paraît que l'affaire erf'
resta là. Un choix de ses OEuvres
mêlées fut publié à léna en 1796 et
1797, 2 volumes. En 1796, il rem-
porta le deuxième prix au concours
ouvert par l'Académie de Berlin sur
cette question : Quels progrès la mé-
taphysique a-t-elle faits en Allema-
gne depuis Leibnitz et Wolf? Impri-
mé d'abord à Berlin avec deux au-
ires pièces couronnées, ce mémoire
fut dans la suite considérablement
augmenté par l'auteur et publié sé-
parément. Deux petits écrits de Rein-
hold , qui parurent à Hambourg, en
1799 , sous les titres suivants : Sur
les paradoxes de la philosophie mo-
derne, et Lettre à Lavater et à Fichte
sur la croyanceen DtVu, eurent pour
but de justilier la philosophie du der-
nier contre le reproche d'athéisme
qui lui avait été fait. Dans cette jusli-
(icatiim , la raison est désignée com-
me étant une manifestation divine,
une révélation. En 1800, nous voyons
Reinhold s'associer à Bardili, autre
philosophe, pour la publication d'un
recueil iniitu'é: Matériaux pour fa-
ciliter la revue de Vctat de la philo-
sophie au commencement du XlX*'
siècle^ H.mibourg, i80l-1803, dont
il parut six cahiers. Celte associa-
tion, ()ui ne plut pas à tous les admi-
rateurs de Reinhold , n'eut pas d'au-
tres suites; Bardili fut enlevé d'âil-
REI
leurs bientôt par U mort à la science
qu'il honorait i)ar ses travaux. On
imprima, en 1804, à Munich, la cor-
respondance qu'il avait entretenue
avec son associe sur des matières
philosophiques. Reinhold e'crivit en-
core un Guide pour connaître et ju-
ger la philosophie dans tous ses sys-
tèmes; manuel pour les cours et pour
l'étude parliculière , Vienne, 1805;
Essai d'une solution de la question
proposée par l'Académie des sciences
de Berlin [ceWe d'indiquer exacte-
nient la nature de l'analyse et de la
méthode analytique en philosophie)
Munich , 1805 ; un Essai d'une cri-
tique de la logique, sous le point de
vue de la terminologie , Kiel , 1806;
des Principes de la connaissance de
la vérité pour les investigateurs de la
vérité non encore satisfaits, Kiel,
1808, in-8° ; un Blâme d'une confu-
sion remarquable du langage parmi
les philosophes, Weimar, 1809. En-
fin, comme dernier résultat de ses
uivestigations, il donna la Synony-
mie dans les sciences philosophiques,
Kiel, 1812, qui couronna en effet
tous ses travaux dans la science qu'il
avait professée avec tant d'éclat ,
quoique celte- publication fût suivie
encore de deux autres : Recherches
sur la faculté humaine de connaître,
Kid, 1816, et sur la vieille ques-
tion: Qu'est ce que la vérité? Allo-
ua, 1820. La vie sédentaire qu'il avait
menée le conduisit à une caducité
prématurée; il mourut de pulmonie,
le to avril 1820 , laissant plusieurs
enfants, entre autres un fils qui a
obtenu une chaire de philosophie à
la même université. Envoyé , en
1815, en qualité de représentant
de cette université , au couronne-
ment du nouveau roi de Danemark,
Reinhold avait été créé chevalier
de Danebrog, et, rannëe suivante,
REI
439
il avait recule simple titre de con-
seiller d'Etat. Son ami Jacobi, nom-
mé président de la nouvelle Acadé-
mie royale de Munich , aurait voulu
l'avoir pour secrétaire-général de ce
corps savant, mais il paraît que l'an- •
cien état monastique de Reinhold fut
un obstacle invincible auprès de la
cour de Bavière. — Le fils a fait pa ■
raître à léna, en 1825, un ouvrage in-
téressant sur la vie elles travaux de
Reinhold, suivi d'un choix de lettres
qi%e lui ont écrites Kant, Fichte, Jaco-
bi et d'autres contemporains philoso-
phes. Dans ce nombre il y a aussi un
Français, Charges Villers. La piétjé fi-
liale a guidé la plume du biographe;
cependant il s'exprime avec modéra-
tion, et a soin de ne blesser ni la vé-
rité ni les convenances. Ceux qui ju-
gent Reinhold avec sévérité ont fait
observer qu'il a eu plutôt le talent
d'exposer d'une manière lucide les
idées d'aulrui que le grnie de la dé-
couverte. H était d'une grande dou-
ceur, et, par cette raison, il comp-
tait beaucoup d'amis. D— g.
REINXEIN (Jacques), médecin
allemand, né à Amberg dans Je Haut-
Palatinal, le 30 mai 1744, fit ses étu-
des médicales à Vienne, et y reçut le
grade de docteur en 1768. L'année
suivante, il fut envoyé à Pavie com-
me médeciu principal d'armée, et il
y eut l'inspecfion des hôpitaux mili-
taires de Milan, Lodi et Côme 11 re-
vint en 1774 à Vienne, où il obtint
la protection spéciale de Stork, pre-
mier médecin de l'empereur, qui le
fit nommer d'abord professeur à l'é-
cole chirurgicale, puis en 1788 pro-
fesseur de clinique à l'université, à
la place du célèbre Maxiiuilien StoU,
qui venait de mourir. Reinlein occupa
celte chaire jusqu'en 1795, époque à
laquelle ii fut remplacé psr J.-P.
Frank. U mourut en 1S16, Ses uu-
«440
•REI
«MgM^SOTitiS'ii Disgertatio de pho»-
phoriSy\'\crme, 1768, in-8o. II. Xc-
(o»s médàco - pathologiques pour les
chirunQitm (iAitfk.) , Vienne, 1896,
iiTH&ojt HI^ Animadversmnes circa
4Tiufi%)4r,cr0mmtum, causas^ fytnp-
tomata et curam imite lalm in intcs-
ihm bumani» widulmtis, casibus
practids illustmlœ. Vienne, 1811,
ïnv8«v!lig.' Cet <«ivrage ;i .'lussi paru
en nlloroand en 1812. IV. Ensai abro-
gé de physiologie (allem.), Vienne,
tôl4, in-8". V. Leçons sur les prin-
cipes de l'art de guérir (allem.),
Vrettne^ï8l6, in-s". G— t--b.
'fiiREISCII (Georges), philologne
^ XV^ siècle, fut prieur de la Char-
treuse de Fribourg et confesseur de
l'empereur Maxirailien. H a laissé un
ouvrage rentre' dans la classe nom-
breuse des livres qu'on ne lit plus,
Jîiais que recommandent des vues
judicieuses pour l'dpoque, et qui at-
teste un vaste savoir, une vive ardeur
de connaître. Cet ouvrage porte le
titre de Margarita philosophica; il
est divisé en douze livres, dans la
forme du dialogue. Le but de l'au-
teur a été (telles sont ses expressions)
d'exposer les principes de toute la
philosophie rationnelle et morale ; il
en est résulté une sorte d'encyclopé-
die, où l'on remarque, entre autres
objets, toutes les idées sur lesquelles
est basé le système de Gall pour
les fonctions du cerveau. Le cin-
quième livre est digne de l'attention
'idèS amateurs qui étudient les anciens
'ëÉi'iti relatifs à la musique-, il s'y
-tirèsave dix-ineuf chapitres de musica
èpeculativa, et treize chapitres de
musiea practica. La première édition
de la Margarita parut sans indica-
tjiin dft lieu ni de dat<». ; mais on sait
qu'elle fut imprimée à Heidelberg en
,][49G. pes réimpressions successives
faites à Fribourg en 1503, à Stras-
r«SL
bQin^(]a^^4^5i)!8 ^f'tiai2|^idâd«t«»t
le succès qu'obtint cette œmt^iks
diverse éditions sont ornées,idje..g«-
gures sur bois, q^ii ne sxMtt poiot swis
mérite et qui sont intfr(5aj[t»es,;au
milieu du texte. La dernière ré<iiti on
est de BàJe, 1535, av«'c dcs^p<m-
tious d'Onmce Fine. En 154y^ on,^|>
tira ce qui concernait la géomctiic
et l'arpentage, et cet extrait painitii
Paris sous le titre d'Ars vielimd,i,
seu Geomelria libtr fx (r.Jieisehli
Margarithq. . i , ; ^ . Çt-tN— i,, , , . , |
BçLiNGUEW, plu;s coijnu,5QasJe nom
de), issu d'une aucienne et lUusUe
famille d'Allemagne, déboîta daws la
carrière militaire sous Gustave-Adol-
phe, dont la mort prématurée anéantit
les espérances qM!iJ, avait conçues
d'une prompte élévation. Adoptant
alors la France pour patrie, il se voua
au service de la mer, où. il justifia
bientôt la coniiance de Loui^ XIV. Il
n'était encore que capitaine de vais-
seau lorsque le navire qu'il uiontait
fut cerné devant Gènes par deux
vaisseaux de guerre espagnols et dix-
huit galcresde la même nation. Ne pre-
nant conseil que de son courage, il se
détermina au combat qu'il soutint
avec une opiniâtreté héroïque et si
heureuse que ses adversaires funnt
assez maltraités pour être obligés de
le laisser continuer sa rotite ei de, re-
noncer à le poursuivre- H était chef
d'escadre depuis le 1" nov. 1689,
lorsqu'une flotte de 25 vaisseaux an-
glais, aux ordres de l'jinirral Rnssel,
tenta, en 1695, de bombarder Dun-
kerqtie. Relingne, habilement secon-
dé par le chevalier de Luynes, capi-
taine de vaisseau, conduisit un grand
nombre de chaloupes carcassières au-
devant des brûlots qin se proposaient
d'incendier les batteries fran(;aises,.cl
les désarma, arantqwe^ics' ennrmiN
RHM
fassent pu«ti faire usage, après di-
verses lentaliies aussi infructueuses
les unes que les autres. Relingtie, <p»i
avait '^téelevé.-jn {^ratle de liCHtenaiit-
.îîérrer^l le l" avril 1697, servait sous
'le c«mte de Toulouse à la bataille
de Mahiga, et y remplissait les fonc-
tions rfe second matelot de l'amiral,
lorsque, peu après le commencement
de l'action, où il avait déjà donné des
preuves de sou coursgr* ordinaire, il
eut la jambe emportée. Il succomba le
leiidHuaiu «le sa blessure. P. L— T.
RE.MAKD (Ch VBLts), né h €lià-
teau-Thierry, le 9 jnnv. 1766, lit ses
t'iodesaox collèges de Louis-le-Graud,
de RIonlaign, à Paris, et se livra plus
particulièrement h l'étude de la langue
et de la littérature anglaises. S'éfant
établi dans les premières années de la
révolution à Fontainebleau, il t prit
un magasin de librairie. Ce commerce
ne l'empêcha point de suivre son
goût pour les lettres. Doué d'un es-
prit bizarre et original, il consacra
son talent à une œuvre de poésie
dont on ose à peine transcrire le
titre (te Chézomanie , ou l^Art de
ch...). Ce poème didactique en quatre
chants parut en 1806, sous la ru-
brique de Scoropof «(Paris). On par-
doniiequelquefois,mêmeaux hommps
sérirux, desjeuxd'espritqui peuvent
servir de délassement à de graves
travaux, surtout lorsque dans ces
compositions exhilarantes l'heureux
emploi de l'euphémisme déguise ce
que le fond du sujet a de repoussant.
Mais ici rien de p.ireil ; les termes
techniques du privé y sont répandus
avec profusion; il n'est point de mys-
i ère s de la garde-robe que Vau\r:ur
ne dévoile, et cela avec une crudité
d'expression qui ne provoque pas tou-
jours le rire, seul genre de succès au-
quel il semble avoir aspiré. Au sur-
plus, ce poème didactique oii les for -
tàM
oui
mes du geure^ont bien observées,
à la rareté des épisodes ^rès, est
recherché par les anatciirs de facé-
ties, et un exemplaire sur TiiJm s'est
vendu jusqu'à 200 fr. à Foii'aitiB-
bleau, au mois de ju: (1).
Il a probablement Uuiin . i po.-
bliCAliou d'une autre faceiie «lu w&à6t
genre qui partit à Pans en 18t5,fiiNiç
le titre de VArt dft p..;., poème «mé
chautStCt ^uL, écrit avec no p«u moins
de sérieux que celui de Remard, eiU
quelque succès. Ce triste début dais- la
littérature iullui d'une manière û\-
cheuse sur sa carrière poétique. Reti-
ré à Fuutaiuebieau, où il futDonmé
conservateur de la bibliothèque du
château, il vécut éloigné des cote-
ries, et employa les instants que lui
laissaient les devoirs de fa place et
sa mauvaise sauté à cultiver les mu-
ses punr elles-mêmes. U mourut le
20 septembre 1828. On connaît de
lui plusieurs pièces de vers imitées
de l'auglats, ou originales, qui au-
raient pu lui valoir quelque réputa-
tion SI elles eu>seuL été publiées. Le
bibliographe Barbier parle eu ces
termes, dans son Examen critique
et complément de$ dictionnaires his-
toriqœfi, d'un ouvrage inédit de cet
homme de lettres : • M. Ch. Remard
« m'a communiitué un manuscrit do
■ sa composiiiou intitulé : Supplé-
« ment nécessaire aux ctuvreé (U_4.
• Ddille. ou Examen général de »4$
- différents poèmes originaux et de
'ses iraductiona mverf^iiâus kquel
« ou uiel eu évidence les empruuts
« iunoiiibrables qu'a faits ce poète à
< une foule ti'auleurs qui ont traité
« avant lui les mêmes sujets... Ce
• travail, dans le(}ttel je iruuve uqe
• grande connaissance des littératu-
« res latine, anglaise et italienne,
(i) 3faT/iiW du f.ibruirt , p'ar Nî. Brune!.
I»Ç3. téin. [.
442
REM
" sera utile à la jeunesse studieuse ;
« elle y verra par quelles études pro-
« fondes et variées le chantre de
« V Imagination s'est préparé à la
« composition de ses ouvrages.» Cet
honorable témoignage pourrait faire
regretter que le nianusorit de M.
Remard n'ait pis été publié; mais
nous ajouterons à ce jugement du
savant bibliographe que ce manu-
scrit de Remard fut aussi mis sous
nos yeux par l'auteur dans un temps
où, e'diteur du chantre des Jardins et
de Vlmagination, nous connaissions
asàez les productions de "ce grand
poêle pour juger des empï-unîs qu'en
effet il a sou vent j ugé h pi'opos de faire,
et dont ou doit bleu se garder de le blâ-
mer, puisque c'est en réunissant avec
tant de grâces et de goût duns un ca-
dre étroit les beautés de cent poètes
obscurs, c'est enfin en fouillant dans
les fumiers d'Ennius qu'il a, comme
sort divin nioilèle, produit de vérita-
bles chefs-d'œuvre, beaucoup plus
classiques et f)1us utiles à la jeunesse
que ne pourraient jamais ^.tre les trop
minutieux commentaires de Remard,
dont nous refusâmes d'être les édi-
teurs. Du reste , ce dernier parta-
geait l'aduiiration de tous les amis
de la bonne poésie pour le chan-
tée des Jardins, et l'on en trouve la
preuve dans plusieurs notes de la
Chézomanie, où il dit positivement :
* Je ne puis être que te sincère
• admirateur d'un si grand maî-
« tre.» — IndépenUauunent du poème
dont nous venons de parler, nous
né pensons pas que Remard ait fait
impriuicr d'autre ouvrage que le
Guide du voyageur à Fontainebleau,
ou Description historique de celte
ville, 1820, 1 vol. in-t2. H a laissé
quelques compilations manuscrites
que l'on n'a pas encore imprimées
et qui probablement ne le seront j«-
REM
mais, entre autres un recueil de tons
les morceaux de poésie, composés sur
le cheval, dans la littérature an-
cienne et moderne, et un autre re-
cueil de toutes les traductions et imi-
tations du Cimetière de Gray; enfin
une traduction française des Leçons
de littérature latine de Noël et Dela-
place. Remard a compris dans ce
travail les bonnes traductions qui
avaient paru jusqu'à lui-, mais il a
fait lui-même la version des mor-
ceaux qui n'avaient pas encore été
traduits, et de ceux qui l'avai^-nt été
d'une manière peu satisfaisante.—
Son fijs, Cftctr/fs Remard , mort à
Fontainebleau le 15 oct.1825, a don-
né quelques articles à la Biographie
universelle. L-m-x. et M— d j.
IlEMBRANDSZ (TuÉODOBE-Cou-
drick), célèbre astronome hollandais,
né à Nierop, village de la North-Hol-
lande, en 1610, y mourut en 1682.
On a de lui : une Astronomie fla-
mande , imprimée à Amsterd., 1G58,
in -4°. II. Un Traité de navigation ,
estimé. 111. Plusieurs Dissertations
philosophiques, dont la plupart sont
relatives à l'astronomie, Z.
RËMOND, dit le Grec. {Voy.
quelques détails sur ce personnage
à l'arlicle de sou frère Rémoisd de
Saint-Mard, XXXVll, 320, note, et
à l'article Sevin, XLII, 18», note 2.)^
UÉinONI). Voy. Raimond, Raï-
MOND et Reymond , tomes XXXVè^
XXXVll, et dans ce vol.
IIE.^IUSAT ( Claire-Élisabeth-
Jeanne) , [)etite.-nièce du comte de
Vergeniies , qui fut ministre sous
Louis XVI, naquit à Paris en 1780, et
épousa , en 1 796 . le comte de Remu-
sat, frère de Pierre-Françoig de Re-
musat {voy. ce nom , XXXVll , 322),
qui avait été avocat-général à l.i cour
des comptes du parlement d'Aix, «t
qui étaitissu d'une fsmillA originaire
REM
dcMarseille, et connue dans l'histoire
de cette ville dès avant le XIV« siècle
(voy. Guys, Marseille ancienneet mo-
demt, pag. 91). Son père, ancien in-
teudant d'Auch, qui avait pris quel-
que part aux premiers faits de la ré-
volution, périt néanmoins, en 1794 ,
sur réchafaud révolutionnaire. Après
avoir éprouvé des persécutions dans
le cours de la révolution, M. de Re-
musat parvint à une grande faveur
auprès du premier consul Boiiaparie,
qui le nomma en 1802 préfet de son
palais, puis surintendant des specta*
clés de Paris el comte de l'empire.
Madame de Remusat eut d'autant plus
de part aux bienfaits du nouveau
maître de la France, que c'était par
elle ou plutôt par sa mère, depuis
long-teuips liée avec madame Bona
parte ^ que son mari les avait obte-
nus. Elle fut nommée dame du palais
de l'impératrice Joséphine , emploi
qu'elle conserva après le divorce qui
sépara Napoléon de sa première fem-
me. Sous le gouvernement de la Res-
tauration, elleisuivit son mari , qui
fut successivement préfet des dépar-
tements de la Haute-Garonne et du
Nord. Madame de Remusat mourut à
Paris, le 16 décembre 1821 , après
avoir rempli tous ses devoirs de reli-
gion, par le ministère de l'abbé Le-
gris-Duval. M. Charles de Remusat,
son^ls, publia, en 1824, son œuvre
ponnume intitulée Essai sur l'éduca-
tion des femmes, qui obtint un grand
succès et valut à la mémoire de l'au-
teur les plus honorables suffrages.
L'Académie française lui décerna le
prix d'une médaille d'or. On croitque
ce n'est pas le seul ouvrage que cette
dame ait laissé. M. Sainte-Bruve, qui
lui a consacré un long article dans
s«9 Portraits de femmes, indique le
manoscrit de deux romans qu'il a
lus et dont il parle avec floge^ ainsi
REM ÀAi
que ûtsMémoiretiur l'Empire^ que
la peur fit jeter au fen par l'auteur en
18t5, et dont il ne reste que des frag-
ments. Madame de Rejnusat avait
donné au Lycée frar\çais une A'oti-
velle qui est insérée au tome 111,
page 28! de ce recueil. M— Dj.
ROIISAT (Jban-Pierrb-Abel),
l'un des plus célèbres orientalistes de
notre époque, s'est distingué surtout
par la connaissance qu'il possédait, à
peu près exclusivement en France, des
langues chinoise et tartare-mand-
cbou. Il était né à Paris le 5 sept.
1788, lenant à la Franche-Coraië par
sa mère, à la Provence, el probable-
ment à la famille dont il s'agit dans
l'article précédent,'parson père qui,
natif de Grasse, u'elail point un des
chirurgiens du roi par quartier, et
ne figure pas dans les Almanachs
royaux, sur la tisie des chirurgiens
de Paris. On le trouve seulement
dans celui de 1789, sous le nom de
Remusat. parmi les chirurgiens «wi-
vant la Cour, atiachés à la pré-
vôté de rhôtel du roi. Une chute
que fit Abel Remusat, dans sa premiè-
re enfajjce, de la terrasse des Tuile-
ries sur le pavé du quai , mit sa vie
e» ddUger. Il ne la conserva que par
un rej>os absolu de plusieurs années ,
et perdit l'usage d'un œil ; mais la
vie sédentaire, développant son intel-
ligence, lui lit de l'étude un besoin
et un plaisir. A onze ans, il s'était
composé un petit dictionnaire utyibo-
logique,et à quatorze il lit un tableau
chronologique, généalogique et syn-
chronique des rois de la Grande-Bre-
tagne. Il étudiait en même temps la
botaiiiqiie, etse formait un herb er, en
faisant sécher les fleurs el les plantes
qu'il rapportait de ses prometiades.
A défaut des collèges supprimés de-
puis la révolution, il n'eut pour maî-
tre de létin que son père qii'il perdit
lU
KEM
en ■i805]ei'e%ipej\â3x\t il écrivàitiset
parlait cette langue av^ec la plus gran-
de facilité. Devenu l'unique soufien
detsaimère, il sacrKia ses goûts à la
ii«e'éssilP de se créer une position •, et
eollime le vœti de ses pirents l'aviit
appelé, dès soîi enfance, à la pratique
de la médecine, il en soi vit les cours
dans la capitale. Quoique celte étude
semble exiger tout le temps et toutes
les facultés de celui qui veut y obte-
nir des succès , Abel Remifsat , dun
ewactère reuuiant et laborieuï, créa
avec quelqnesHus de ses condis-
eipiesiine Société philanlhropique ,
pour conduire à la perfection intel-
leciuelle et morale; mais cette socié-
té, dont il avait rédigé les statuts en
ktin, fut de courte durée. Remusat
compléta son éducation, en suivant
les cours de sciences et de haute lit-
térature de l'école centrale, au palais
des Quatre-Nations. Il y connutSaint-
lilartin {voy. ce nom, au Supplém ),
avec lequel il se lia d'une étroite
atnitié Ayant vu un magniliciue her-
bier chinois à l'Abbaye-aux-Buis , où
l'abbé de Tersan avait fdrméune bel-
le collection d'antiquités et de curio-
silés, le jfune savant s'enflamma de
lapassion d'apprendre la langue qui
pouvait loi en expiicpier toutes les
planches. Ainsi ta botanique fut la
câiLSfi primitive de son goût pour les
kiigues orientales, n)êine les plus
difficiles, telles que le chinois, le ti-
bétain et le tartare. Encouragé par
Itiibbé de Tersan, qui lui prêta des
iiy.res chinois ; aidé par ceux qtie la
bipaiveilUinteamitiédeSilvt*8tre(deSa-
oy lui faisait venir de BerlinetdeSaint-
piéter^boarg, et aussi paf la gram-
mairedeFourtnont et par les ouvrages
de« missionnaires ett Ghin»', Reunisut
pBt, sans maître, copier à la dérobée
twis les atlphabets qu*il découvrit^ et
coihpés«»l«i^€évè','îptfUr'sontisagie',
de^ dictionnaires et des g'^amiîia'ii^^
Il ne Ini avait pas nK^e été ^ossîldé^
d'avoir communication des dietièn-
naires chinois-qui soïit'à la flij)lib^
thèque du roi; parce qhe le minis-
tère, en ordonnant rimpre?sîori' d?
celui du P. Basile de Glémonav'ï^^
avait tous mis à la disposition dfe
Deguignes fils, chargé de cette pii-
blication. Abel Remusat nése'Iaissâf
point rebuter par ces difficultés -eé
l'opiniâtreté du travail suppléant atix
secours qui lui manquaient, il pal?»!
vint, au bout de cinq ans, à pnbllet-^
en 181 1 , son Eumi sur la langue ëi
la littérature chînoixes. Cet ouvrage
qui. dans un étudiant de 23 ans, mott^
trait un sinologue du premier ordre,
fixa dès lors sur Ini l'attention du
petit nombre de cent qui, en Europe,
ctdtiVaient cette littérature, et tous
s'empressèrent d'entrer en relation
avec lut. Les académies de Grenoble
et deBesançon le reçurent partni leitr'^
membres. L'explicat'on d'une inscrip-
tion en chinois et en mandchou du ca-
binet des antiques de Grenoble valût
à Remusat, en 1812, son admission à
l'académie de cette ville. II publia eri- j
core, dans d?s recueils périoditjuei^ 1
trois on quatre opuscules sur le chi-
nois, dont un en latin sur la méile^
citie de cette nation, et cela ne ra-
lentit en rien ses étlides médicales,
puisque à peine âgé dé 25 ans il^tt^
tint une thèse sur Fa médecinWïé§
Chiuoi'5, et fut itçii docteur à fa
Faculté de Paris. Louche d'an œil
et lils unique d'une veuve, il avait
échappé h la conscription; inaiS l'en-'
vahissemént de la France par îei
armées étrangères hî-iifit provortaé le
rappel des couscnts libérés; Rëmirsat
avait pca de chance dVnêt¥c exemp-
ta'. L'active bienveillance de Sri vestre
deSacy lui valut alors l*|itotection du
dW'de'TeKW,' rtîniUfre de la guerre.
HEM
Nouio>é xhirurgien aidermajor U«s
hôpitaux militaires, succursaox <le
Paris, IW'i«iJJ0'nt3" iiieileciu en chef
(^ J'hôpilal de Montaigu.il se montra
digfle de ces fonctions i>ar Its soins
qn'il donna, en 18J4, aux soldais
blesses , réunis dans les abattoirs
de Çdris transfurinés «-n hôpitaux.
Ces services oui été consignés ho<K>-:
rableiuent dans la Biographie des
hommes vivants et dans celle des
Contemporains, qui l'a copiée, selon
spn usage. Mais on sait que, crai-
gnant par-dessijs tout de conipro-
mettre sa fdveur auprès du gouver-
nementde la Restauration, il n'aimait
point qu'on en parlât C'est en eflet
dans la première anué* de la Restau-
ration que commenç.^ la fortuue lit-
téraire tli' RemusiU. Il Cf ssa d'exercer
une professiou où le talent ne Siiflit
pas sans le courage. Le uiiuistère
ayant créé, au collège d-*. France, les
deux chaires de chinois et de sans-
krit, Abel Reuiusat, sur la proposi-
tion de Silveitre de Siicy, fut nom-
mé à la première, et son aiiii Chezy à
la seconde, par une ordonnance du 20
novembre 1814. Bemusai fut ciiargé
en outre de cataloguer tous les li-
vres chinois de U Bibliothèque roya-
le. Il Ut l'ouverture de son cours au
mois de janvier suivant, par un dis-
cours dont Silvestre de iiacy donna
une analyse obligeante dans le Mo^
nileur du t" février 1815 (morceau
imprimé à part,in-8°).Le 5 avril 1816,
apppuyé pdr l'influejice de ce protec-
teur, Bemusat fut élu par l'Acadé-
mie, des inscriptions à la première
des trois places v^icantes dans -cette
acaUémie, et en mars 1S18 il rem-
plaça Vi&coati dans lacollabi/ration du
Journal des Satants, auquel il avait
déjàtXouraiplusteursarticie^.L'unde»
pciuyupâiux foudateurs de la Société
a4iAi,iqy<s,,de-rA«i^fl€ft î^|ïç^l=B»r*»t
K£M
44d
bwig-temps se eouteirief d'en êtr&le se»
crétaire, au muyendti triumvirat qu'il
y avait formé avecK{a|>rothet Saiirt-
Martin,eliLco(iiniit des: acte» injostes
et arbitraires dont il sera pariéà l'iTt*
ticlede S^ifit-Mariia. £a 14123, Re-
musat fut nuiimiécbevaiier 4c}« Lé*
gion d'Qonnew et membre corre^poH-
dunldes Sociétés asixtiqursdeLonihïS
et de Calcutta £n i82if il.obtiut.par
lu protecUqn des ministres Cijrbièfé
et Frayssinous, des ktir«'Sde nebiesj;e
qu'il a tenues secrètes, et bi place
de conservatettr-aduiiaistrateur dps
manuscrits orientaux , viu^ante à Ut
Bibliotlièque du roi par la mort de
Langlès et rrfusée par Silvestre thi
Sacy. Ce ne fut qu'après uae longue
lutte qu'il l'emporta sur son confrère
et collègue Chezy, dont les droits plus
authentiques et plus aond>reur,
comme premier employé et comme
orientaliste, étaient fortement ap-
puyés par Sacy. Mais déjà Remusat
et Saint Martin, ardents molinistes ,
avaient abjuré toute reconuaissanc*
envers uu protecteur janséniste t(ui,
ne siégeant plus au conseil royal dé
riuilructiou publique, n'avait conser-
véaucuue influente. Ils cessèrentde te
ménager et l'abreuvèreulde déguûl».
Beumsat avait été nommé roem-'
bre du conseil de perfectionnement
de l'inslitnlion des sourds-muets, de
la commissiou chargée de surveiltec
l'impressiou des niauusci'rtsorienlaur
à rimprimerieroyale^et de iacouiaiis^
siou littéraire établie, en 1828, au ai-»
nislère de l'intérieur, pour surveiller
et examiner les œuvres et les deman-
des des gens de lettres. On sent que
ces derniers entploisD'éiaietit ^om
que des sinécureis produisant Béifin
moins k. Beoiusat uu cumul de f^
bons traitemeut s. Mais tout ce^aeiMi
surtis^it, pas eoçore. fEaimyé ^Je^ine
jcam que le s€Co|»^Ç|$|^|dpf^^T$d-
.M^
m^
ç^^té asiatique , il en enleva [h pré-
sidence à son protecteur , à son
ami , au commencement de 1829.
Ses opinions et ses relations l'avaient
lancé ainsi que Suint-Murtin dans la
Société des bonnes lettres, et parla
ipuplesse de son esprit et de son ca-
«f^clère il s'y était mis facilement au
diapason de l'auditoire. Il y avait lu
des épisodes de son roman chinois
lu-Kiao-li, ou les Deux Cousines,
publié en 182(i,4 vol. in- 12, et divers
morceaux sur l'histoire, la législation
et les usages des Orientaux, où, dépo-
sant la gravité d'un savant, il discu-
tait les questions les plus impor-
tantes avec des plaisanteries d'as-
sez mauvais goût. On trouve dans
le Journal asiatique de janvier
1828 un échantillon de ses pasqui-
nades, sous le titre de Fragments
d'un ouvrage traduit du danois et in-
titulé Considérations sur les peu-
ples et les gouvernements de l'Asie.
Quoiqu'il h'y ait pas mis son nom,
on 'y reconnaît bien son style.
Reinusat, par reconnaissance pour le
gouvernement qui l'avait comblé de
faveurs, et voulant en propager les
doctrines, concourut avec Saint-Mar-
tin et d'autres amis à fonder le jour-
nal l'Universel, rédigé dans le sys-
tème de dévouement le plus absolu
au ministère Poliguac, et qui parut
le 1" janvier 1829. Quand ce minis-
tère fui tumbé avec la monarchie, en
\%'iO, l'Universel cessa de paraître.'
Remusat conçut de cet événement
une frayeur si grande que sa santé eu
fut altérée. Toutefois, craignant de
perdre ses sinécures, comme Saint-
Merlin, il louvoya prudemment et lit
même partie, eu 1831, d'une commis-
siouqui, bien que présidée par Cuvier
et comptant parmi ses membres des
hommes très-honorables, ne reforma
(IMÇUU des abus des bibliothèques pu-
REM
biiques, ce qui fut une sorte de triom-
phe pour Remusat qui administrait
alors la Bibliothèque royale, sous le
nom du vénérable Van -Praet. Il per-
dit sa jnère, lamême année, et lui sur-
vécut peu. Dès l'apparition du choléra,
à la Gnde mars 1832, il ûtmettre, dans
toutes les salles des manuscrits , des
vases remplis de chlorure; mais peu
rassuré sur l'effet de ce préservatif, il
ne sortit plus de son appartement, où
il mourut le 3 juin 1832, soitd'un can-
cer dans l'estomac, soit d'une inflam-
mation d'entrailles, et fut enterré le
même jour que le général Lamarque.
Ce qu'il y a de siir, c'est qu'il mourut
très-pieusement et après avoir rempli
tous ses devoirs de religion. C'était
du reste un homme de beaucoup d'es-
prit et de savoir, un peu charlatan,
comme quelques-uns de ses confrères,
et sachant aussi comme eux tirer bon
parti de sa position. Quoiqu'il ne lût
marié que depuis environ deux ans
et qu'il n'eût point laissé d'enfants, sa
veuve obtint une pension de 3,000
fr. qu'elle conserva eu se remariant,
mais dont une mort prématurée ne la
laissa jouir que peu d'anuées.Remusat
était correspondant de la Société asia-
tique de la Grande-Bretagne et d'Ir-
lande et de celle de Calcutta, de l'In-
stitut des Pays-Bas, de la Société asia-
tique de Bdtavia,associéélranger de la
Société royale de Gœltingue, des Aca-
démies de Berlin, Turin, Saint-Pélers-
bourg, etc. Silvestre de Sacya pro-
noncé deux éloges de Remusat, l'un
à la Société asiatique, dont il était re-
devenu président; l'autre à l'Acadé-
mie des inscriptions. La nioderatiuu
de son caractère et de ses principes
lui a lait un devoir de ménager sua
ingrat confrère. Un disciple de Re-
musat a publié aussi son éloge dans
deux numéros du Journal asiatique;
mais cette biographie s'arrête à la
REM
première partie de ia rie de Reinnsat,
l'auteur oe croyant pas pouvoir con-
tiouer dans la seconde les justes élo-
ges qu'il lui avait décernés. Nous
n'ayons pas cru devoir user des mê-
mes ménagements envers un savant
dont nous apprécions l'érudition in-
contestable et les utiles travaux, mais
dpnt la conduite morale et politique
n'est pas exempte de blâme. Quoique
doué d'une certaine audace, Remusat
était faible etsans courage : il connais-
sait les méfaits de Klapruth, en Rus-
sie, en Prusse, en Angleterre et mê-
me à Paris ; mais comme il avait
besc<n de lui, et qu'il craignait un
homme qui passait pour sabreur, il le
ménagfait et se contentait de le faire
surveiller à la Bibliothèque royale,
sans pouvoir empèclier qu'il dccom-
plétâtdes livres chinois pour complé-
ter ceux de sa bibliothèque particu-
lière. Les ennemis et les envieux de
Remusat ont avancé qu'il n'était pas
fort sur le chinois, et qu'il n'en con-
naissait pas tous les dialectes. Ce que
nous pouvons assurer, c'est que nous
lui avons présenté une pièce qui lui
était totalement inconnue et qu'il l'a
parfaitement expliquée. At)el Remu-
sat a publié les ouvrages suivants :
I. Essai sur la langue et la litté-
rature chinoises, Pans, 1811, in-8°,
avec 5 phinches. Dans un petit vo-
lume, ce livre, malgré l'incohérence
et la précipitation qui s'y font sentir,
Contient plus de notions saines et
d'instructions vraiment utiles que
les deux volumes de Bayer, ou les
deux in-folio de Fourmout; mais
Remusat a mieux fait depuis. II. De
VÉlude des langues étrangères chez
Us Chinois, in-S^de 32 pages, mor-
ceau extrêmement curieux du Maga-
sinxncyclopédique. où l'on voit que,
depuis six siècles, il existe à Pé-
kin un collège pour les langues de
REM
447
l'Occident. Cet opusule se trouve
aussi dans le Magasin encyclopédi-
que d'oct. 1811. llï. Explication
d'une inscription en chinois et en
mandchou^ gravée sur une plaque
de jade du cabinet drt antiques
de Grenoble, dans le Journal du dé-
partement de [l'Isère. u« 6 de 1812,
et tirée à part, in -8". IV. Notice
d'une version chinoise de l'Évangile
de saint Marc^ publiée par les mis-
sionnaires anglais du Bengale (datis
le lUonileur du 9 nov. 1812 ; et tirée
k part, in-S" de 12 pag.). C'est une
critique sévère, mais écrite avec
tant de politesse, et appuyée d'ailleurs
de raisuns si convaincantes, que les
ratesionnaires anglais, loin d'en être
choqués, sollicitèrent l'amitié de leur
jeune censeur, et ont continué depuis
de lui faire hommige de leurs nom-
breux travaux. V.D/«5fr<a/ iode ff/o/î-
so-semeiotice, site de oignis morio-
rum quœèlingud sumuntur,prœser-
tim apud Sinenses, 1813, in-i® de 21
pag. C'est la thèse que Remusat avait
soutenue pour son doctorat. VI. Con-
sidérations sur la nature monosyl-
labique attribuée communément à
la langue chinoise, in-S" de 11 pages.
Cette savante et curieuse dissertation
avait été insérée, en latin, dans les
Mines de l'Orient, lom. III, pag. 279-
288, avec une planche gravée qui n'a
pas été mise dans la traduction fran-
çaise due à M. Bourgeal. Celle-ci com-
prend d'ailleurs le Pater en chinois,
quin'est pasdans l'original latin,et lés
exemplesdechinoisnesontpasiesmé
mes.\\].Rechercheshistoriquessurla
médecine des Chinois, elcidiins le Mo-
niteur du 21 oct. 18t3: et imprimées
à part, in-8* de 12 p ig ) C'est l'exa-
men critique d'une Jiièse de 8h Le-
page, in-i» de tOi pag. VIII. Tke
Works of Confucius, etc. (dans le
Moniteur du 5 février 1814; et tiré à
P8r^ iq,-&"4^ If pag.) C'est la notice
raisonuée du 1*"^ volume de l'édiiion
chinoise et anglaise des Œuvres de
Confiicius, publie'e à Serainpour (au
Bengale), par Marshman. IX. Plan
d'mi dictionnaire chinois, avec des
nplicys de plusieurs dictionnaires
chinois manuscrits, et des réflexions
sur les travaux exécutés jusqu'à ce
jour par les Européens, pour faci-
liter l'étude de ta langue chinoise,
1814, in-8»de 88 pag. X. Remusat a
eu part à la publication du touie XVI
des Mémoires concernant les Chi-
nois^ et an Traité de Chronologie
chinoise, par le P. Gaubil , qui
en, fait la suite, publié en 1814, par
Silvestre de Sacy, in-l». XI. Pro-
gramme du cours de langue et de lit-
térature chinoises et de iariare-
mandchou, précédé du Discours pro-
noncé à la première séance de ce
cours au collège de France, le 16
janv. 1815, in-S" de 32 pag. Xli. Fo-
thou îchhing, in-18 de 16 pag.; mor-
ceau entièrement neuf, tiré de la
Biographie universelle, à laquelle
Abel Remusai a fourni un grand nom-
bre d'articles, parmi lesquels nous in-
diquerons Four. MOi\T,GAtiBiL,KH akg-
HI,KHlAN-L0UNG,MENG-TSEU.XIII.Z,e
Livre des récompenses et des peines,
traduit du chinois, avec des notes et
des éclaircissements, 1810, in-8° de
84 f ag. XIV. JJthographie (dans le
Moniltur du 7 avril 1817, et tiré à
part, in-8°). On y voit combien ce
genre d'impression peut faciliter l'é-
tude du chinois et des autres langues
de la Haute-Asie, en permettant d'en
multiplier à peu de Irais les te:?tes,
si peu répandusjusqu'àcejour. L'au-
teur l'avait déjà employé pour une
Table des clés chinoises, plus com-
mode que celle que Fourmunt avait
donnée dans ses Meditationes Sini-
c«, |)onr U9« Carte de* iles Bo-nin,
REiW
tirée de i'original japonais, et qu'Ai--'
rowsmith s'est hâié de reproduire
dans la dernière édition de sa Càrtè'
d'Asie. Abel Remusat a donné Sut^'
ces îles (colonie japonaise) une cn-«>
rieuse notice dans le Journal des Sa-'
vants de 1817, page .387. XV. L'in-
variable milieu, ouvrage moral dé
Tsèu-ssé, en chinois et en mandcht u,"
avec une version littérale laiine, une
traduction française et des notes /v
précédé d'une notice sur les quatre'
livres moraux, communément attri-
bués à Cx)nfuciiis, 1817, in-4" de 160
pag., inséré au tome X des Notices
et exlr., sons ce titre : Les quatre
livres moraux, etc. Remusat a com-
posé cet ouvrage d'après une traduo -
tionlatine publiée par des missionnai*
rcs, mais peu connue. On peut voir,
sur ce travail, la Notice sur une tra-
duction inédile de Confaciun, par
Abel Eemusat, insérée en 1814 dans
le Mercure étranger {n'^ 13,lom. III,
p. 311), par L -A.-M.Bourgeat. XVI.
Mémoire sur les livres chinois de la
Bibliothèque du roi, et sur le plan
du nouveau catalogue, dont la com-
position avait été ordonnée par le
ministre de l'intérieur (dans les An-
nales encyclopédiques de 1817, vi,
30 et 193; et publié à part, 1818,
in-8o de 60 pag.). XVII. Description
du royaume de Camboge, par un
voyageur chinois qui a visité cette
contrée à la fin du X IIP siècle, trad.
du chinois, 1819, in-S». XVIII. Re-
cherches sur les langues tarlares, ou
Mémoires sur différents points de la
grammaire et de la littérature des
Mandchous, des Mongols^ des Oui-
gnurs et des Tibétains, tome 1", Paris,
1820, in-4°. Cet ouvrage est un des
plus importants de ceux qu'a publiés
Remusat : le tome II, annoncé de-
puis long-temps, n'a jamais paru; il
est re.sté, dit-on. manuscrit, et peut-
dpire^terehemarHtrpiirt*-^ ÏV'èt ire r
lejttepc û-t otKSiam^ < rMi^^lAI^'^;'^ iii(^r< '
ch(n<*vu>m^lÊÊiepgVàris!\8'îi:'\fi^l'0r ;phm mun-
S'^^\%bj\ÉUimÊifi9 ihlag'-ammcffrt- gai -î'r'i C\\>t
LW)tr<if a lijis à |iM(it f» ^r.Mii- (l'«|»fvs I
inBirc»>iiciUte du P. Premaro. XKTl. 2<* Foh.
Afànotise)««r<a rt> et lex opinions
de- AdAiFim; pMdignphe chin'ili du
Vt* siècle €ivaut tion
prefiseé les opinions c i..^i.,.i.: .......
atirièueea à Ptfilwifor4, à Ptatnn et uoûté < :
« Itws d<>c»jv<€«, Pwis, *Af3, m-l". -biiUir* ; .nrim,- a la
WWi. Aperçu d'unwemoire intitulé :- ClUke'L i e<n à fn Bi-
Ilc(hec(à»$ ^t/tntmfftwtttftiè» Mif tV>H( - ' bl rM iib^w w ar
gilve^U Imk^ uMkiHahaitfm, PM^,'^ le P. Amittt. •
1864 , tii^4*. O inrnjfiirip c ' e^ti'oSa essirvcr de le !;
scnecliroiiolo^'hîiieiii'spatri . t prfs F»- àiiMcnT oViîs'\
lareligiuu aotiB/M^dini XXiV. Me-
mqire.S(ir ietmtArièoiM po'itiq Hr$ det , . .
dfs^mis^iFtanee, antp^t^^^pè-^^'^'^av
reurs nouffolx, Paris^ilMif V^^aH.'^^ui i.
iH-4?^ ; ?ikY. AoUfesaria^Oè fl>WrQtwrt,
ouiffageftik M. Lani^/6'^vPai(|«ç«0Sf ,ttÛéttt.
i u-8». N n u il e sur <plltnUl/¥t^Jl 8 l7 , su ,
quesiiv ■:es d la gêo^iapttr-^rols di- i
de l'Âsif crNUca^>ft«r^4MtJ^<}n>4>.
de nioTicmiuB criùqitcs e* *» inf>
resunltitifs aux reiig ?>»».«; o** .<■
ces, mmicemitumes, é rki$t»ire
la giograph ie des natii
Paris, 1625» 'i vfl. !
No^eauxiv
2 voi^CfS .11.
ges icuuii&iiiieiU
des j»ubl»«»> p«i- . :, . .; -, ..>...;, ^. ^.,.^ ...;,„ ..^.t,.
i wvin. 29
450 rJ^EN
Vempire chinois, où l'ou prouve que
les frontières de cet empire se sont
étendues plusieurs fois jusqu'à la nîvr
Caspienne. Remusat n'a rien fourni
pour les Chefs- d'OEuvre des théâ-
tres étrangers^ quoique son nom fi-
gure sur le titre de cette publication
du libraire Ladvocat : il n'a rien don-
né non plus dans les Contes chinois ,
publiés en 1827. A— t et C. M. P.
RENARD (Je AN- Claude), méde-
cin , pratiqua long-temps la médeci-
ne à Mayence où il était membre de
la Société départementale des scien-
ces et des arts. S'étant retiré à Stras-
bourg lorsque Mayence cessa d'être
français, il y continua avec succès
l'exercice de sa profession et publia
plusieurs ouvrages. 11 mourut en
1827. On a de lui :J. Ramollissement
remarquable des os du tronc d'une
femme et quelques observations sem-
blables, Mayence, 1804, in-4°. 11.
Médecine légale, ou Considérations
sur l'infanticide, 1819, in-8''. III. In-
fluence du traitement sur les mala-
dies, Strasbourg, 1825, in-8°. —
Renard (N.-J.), médecin à La Fère'
(Aisne) , a publié : Essai sur les
écrouelles, ?dns, 17C9, iu-12. Z.
RENAUD. Voy. Raynaud , Rey-
naud, Regnaulï et Renault, tome
XXXVI H, et dans ce vol.
UENAIIDIN (Léopold), juré du
tribunal révolutionnaire, lui un des
plus cruels agents du systènie de ter-
reur qui pesa sur la France en 1793
et 1794. Né en 1749 à Saint-Reoii en
Lorraine d'une-famille obscure, il re-
çut dans son pays une éducatioirfort
incoHïplète, et se reiidif très-jeune à
Lyon, où il passa qm-iiiues années
dans le cooiuierce. Étant ensuite
venu à Paris, il s'j in.ria. Ainsi il
se trouvait dans celle ville lorsque
la, révolution comi;)eni;a. S élançaiii
aussitôt dans cette nouvelle car-
REN
rière, il fut très-assidu dès le com-
mencement aux séances des jaco-
bins. Cependant if ne parvint à s'y
faire remarquei- que sous le règne de
la terreur et par le crédit de Robes-
pierre dont il devint l'intime ami.
C'était un de ceux qui le suivaient par-
tout, armés de gros bâtons, et qu'on a
nommés les gardes-du-corps du dic-
tateur. Il portait même quelquefois
un poignard ou des pistolets. Maxi-
milien le fit nommer un des jurés du
tribunal révolutionnaire, et ce fut là
qu'éclata avec plus de violence encore
son caractère sanguinaire et féroce.
Toujours l'un des coryphées de la
société des jacobins, il y provoquait
sans cesse l'arrestation de ceux
qu'il devait condamner le lendemain
lui - même au sanglant tribunal.
C'est ainsi qu'il dénonça succes-
sivement Brissot et tous les députés
de la Gironde, puis Danton, Chabot,
Lacroix, Camille Desmoulins, etc.
Ce dernier essaya vamement de le
récuser; le tribunal décida que de
pareilles récusations devaient être
faites d'avance, par des accusés que
l'on ne prévenait pas même la veille
de leur comparution, par des accusés
qui étaient interrogés^ condamnés et
exécutés en moins d'une heure, sou-
. vent ne sachant pas même les noms de
leurs juges ou de leurs bourreaux.
Renaudin fut encore un des junis
qui condamnèrent la reine Marie-An-
toinette , la sœur de Louis XVi ,
madame Éljs^beth, et tant d'autres
illustres victime.*. Toujours occupé
d'en trouver de nouvelles, il arrêta
lui-même un jour le député isnard
qu'il rencontra dans la rue. Ayant
autrefois connu le fameux Chaslier,
i,l éliit resté fort lié avec lui, et par
sa correspondance, qu'il lut souvent
aux. jacobins , il contribua beau-
coup à aigrir les esprits, et it eut
REN
REN
U\
ainsi une grande part aux malheurs
de Lyon. Quelques jours avant le
31 mai 1793, il fit de'cider que la^so-
ciété enverrait dans cette ville 40 de
ses membres les plus énergiques, po*ir
soutt-nir les patriotes. Cependant la
révolution du 9 thermidor ayant en-
fin renversf^ Robespierre, il n'était
guère possible que son agent, son
séide le plus dévoué, le pins connu,
échappât à la même destinée. Ce ne
fut qu'environ un an après cet évé-
nement que la Convention , pressée
par d'universelles réclamations, or-
donna que l'accusateur public, les ju-
ges et les jurés parussent devant ce
même tribunal dont tout le personnel,
tontes les formes étaient changées. Le
procès dura plqs d'un mois. Après un
demi-siècle on s'étonne encore de
tout ce qui y fut rapporté ^ l'acte
d'accusation, bien que sommaire, est
un tableau des plus iiideuses turpitu-
des qui aient jamais souillé la justice
humaine. Il y fut établi que les fa-
meuses conspirations des prisons n'a-
vaient été inventées que pour faire
périr sous la forme déguisée d'un
jugement une foule d'individus de tout
âge et de tout sexe. Fouquier-Tain-
ville et Renaudiu furent reconnus au-
teurs et exécuteurs de ces horribles
trames. Us eurent beau dire que c'é-
tait par ordre des comités de la Con-
vention qu'ils avaient agi, il fut en-
core établi par la procédure qu'ils
avaient souvent compris dans le
même acte d'accusation trente, qua-
rante et jusqu'à soixante individus
qui ne se connaissaient pas, qui ne
s'étaient jamai- viis, et qu'ils enve-
loppaient dans une même accusation
{coy. Admiral, LVI , 78, et Renault
{Cécile) lians ce vol.) ; qu'ils avaient
fait périr des femmes enceintes, quils
avaient entassé, pour les conduire au
suppFice, tous ces malheureux sur des
charrettes préparées d'avance, qu'il
était souvent résulté d'affreuses mé-
prises de la précipitation qu'on avait
mise à dresser les listes, que le père
avait été immolé pour le fils et le fils
pour le père, etc., etc. En présence
de tant et de si graves accusations, ces
misérables, surtout Fouq«ier-Tain-
ville et le vice-président Scellier,
montrèrent beaucoup d'impudence et
d'audace. Il y en eut seize de condam-
nés à mort; Fouquier-Tainvjlle et
Renaudin le furent à l'unanimité.
D'après le Moniteur, la contenance
de celui-ci dans ces derniers mo-
ments fut plus timide qu'oB ne s'y
attendait. « Cet homme, dit le jour-
« naliste, dont l'exagération révolu-
• tionnaire était devenue célèbre ,
« se défendit avec une modération
< surprenante. En parlant de sa
« moralité, de son attachement pour
« sou épouse, de sa piété filiale, il
« paraissait vivement énni, et quel-
« ques sangluts étouffèrent sa voix, •
Tout cela contrastait singulièrement
avec la principale accusation qui
pesait sur lui : c'était d'avoir, dans
le procès d'une jeune fille de dix-
sept ans , nommée Bois-Marie, quit-
té son siège de juge pour déposer
contre elle en qualité detémoin^et
d'avoir ensuite opiné pour sa mort
comme juré. Quand il entendit pro-
noncer son arrêt, il s'écria,: « Je péris
• innocent et pour avoir aimé ma pa-
• trie. J'atteste que je n'ai jamais eu
■ aucune mauvaise intention... » Cet
arrêt fut rendu pendant la nuit, et
le lendemain (7 mai 1795) les sei-
ze condamnés furent exécutés sur
la place de Grève, à 1 1 heures du
matin, aux applaudissements de
cette même populace, de ce vil peu-
ple (expression de Delille), qui avait
tant lie îï> applaudi au supplice de
leurs victimes. M— î j,
29.
4i3 IVEfS^
âijijf^l ÇrfjIfÇjjis^ naquit le 27 mars
1757, à. Siiut-M;irtJn-du-Gua, près
de Saujon et M;in'riues, e.n, Poiiou,
Eiitrft fort jftinc dans i.i niariuc, il
y avait obtenu le grade (Je capi-
taine de vais-eau et coiiirnandait le
Vengeur, d>ni l'escadre de l'auiiral
Viliarel, lois du fiuieiix cotjihat
d'Ouessanl, entre les Hottes franc use
etanglaise, le i3 prairiil an II (t" JKiu
IT'Ji) Assez de détails p'usou moins
vrais, sur cette nialli ureuse .ilTaire,
se trouventdans divers ouvrages his-
toriiiucs, pour (jue nous no!. s abste-
nions lie les répéter. Nous nous bor-
nons à renvoyer sur ce point le
lecteur à la notice i>ur Vdlaret-
Joyeiise (t. XLyill, p. 515). Mais
comme elle n'en contient aucun de
spécial sur la perte du Vengeur^
comme les rapports oflii-iels de l'é-
poJpie dnniiè.ent h Théroïsme de nos
ni,irins,daiis ce lutu-sle naufrage, une
couleur en (jneltiue sorte romanesque,
nous jugeons convenable d'en cnsi-
■ giur ici une relation exacte, en irans-
criVant textuellement le rapport ré-
digé par Renaudin, dont l'original
est dépose' aux archives de la m;.rine.
- Rappoiit du capitaine Renaudin,
commandant le vaisseau le Vengeur
le i^^ juin 1794 (13 prairial an II),
envoyé d'Angleterre, où ilélail pri-
sonnier, ainsi que le reste de son égui-
page.^^ « Aujourd'hui, l*»- niessidor,
« Vm t\^ de la répubtique française
• îih\ et iiidivisible ( l9 juin 1794),
« Mùs^Oussigués capitaine, ofliciers,
« èbdf éivil et autres prrsonnes de
• Téij'uipàge du vaisse.iu te Vengeur,
• coulé bas le 13 prairial deaiier,
« nous trotivant prisonniers degiier-
- rt';kij''é^dUtiohneinent deTavistock,
• tA^ A'ti^jeterr'e, iiSsétnblés pour ré-
- dj^frt^ Ib' ^éciit des^'èv^uenu-nts qui
. ëht^iil^é(^^^'^biHîh^laperte du
« vaisseau ie Vengeur, faisant partie
« de l'escadre aux ordres du contre-
« amiral Vdiaret, y avons procédé
« ainsi qu'il suit- Nous trouvant,
« le 9 dndit mois de prairial, par la
« latitiide de 47° 24' noni, et par la
« longitude de 17" 28', méridien de
« Paiis, les vents de la partie sud,
« l'armée naviguant sur trois colon-
« nés, à 8 heures du matin, les fré-
• gifes françaises k la découverte
« signalèrent l'armée ennemie com-
• posée de 36 voiîes, 26 vaissennx de
« ligne, dont 7 ;i 3 ponts, un de 50,
«servant d'hôpital, i frégates,. 3
« corvette^ et 2 brûlots, le tout, an-
« glais. Sur-le-champ , le général,
« pour mieux reconnaître l'ennemi,
« fit arrêter l'armée française en cou-
« servant l'ordre de trois colonnes,
« nous faisant arriver à deux lieues
« environ de lui. Le signal fut fait de
■ former la ligne de bataille dans
• l'ordre naturel, en se forutant sur
« la coioîine du centre. L'expérience
• de notre marine ne répondait pas,
« selon nous, à la bonne volonté de
"plusieurs ofliciers; nous eiîmes !a
" douleur de voir que celte manœu-
« vre ne put être exécutée. Cepen-
• danî i vaisseaux et 4 frégates, dé-
" tai hés de l'armée anglaise, ser-
" relient le vent, et paraissaient vou-
« loir attaquer la queue de la nôtre.
« Alors le général Villaret, se voyant
« pressé, et niéconleni .Siins doute
« d'éprouver des diflicultes, donna
« ordre à chacun des vaisseaux de
«prendre r;uig , sans avoir égard
« à son pttste , et au vaisseau le Ré-
• volulionnaire d'aller ii la goerre.
« A 8 heures du soir, celui ci et deux
« ou trois antres se trouvèrent en-
«gigés; nous Irtmes témoins du
« combat jiisqu'ii 10 heures; il nous
• parut ne leur être pas avantageux.
• L'esçad*re^ed«nni»pQipjldesf5<'o^rs
ftB?J
' i^ fert vaTS*»»âux>f ëcirt^rio*fOM3ours
■ à l'esl , courant mémo bnrdee fi*ié
' IVnnPiiii à vue ; au jour noiK ri*a-
> vons pitis aperçti le v.iisseau rie
' notre arrière-garde. Le lendeiiiain.
< 10, sur les 9henres du malin,- Ten-
r tant gri'S frais, toujours dti sud,
1 renneini vira d'abord vent devant
I pnr la cohtre-uiarche, et porta de
■ nouveau sur le devatit dé l'armée
I rc'puldicaîne en clierchant à gagner
■ le veut. Nous exécutâmes la même
■■ manœuvre lof pour lof, et reçûmes
' Tordre de nous disposer au combat.
Les vaisseaux de la tête des deux
I flottes se joiguireut bientôt, et le
' combat comnienM; mais favantage
' b'était pas égal : IVnnemi pouvait
se servir de sa batterie b;L<ise, et
nous, au vent, la bamle de son cô-
'té, tVau s'élevant au-dessus des sa-
bords, nous étions dans Tlmpossi-
'bilité.dVn faire usage. Ces incou-
véiiifnts néanmoins irétaient pas
cap.ibles de déconcerter des répu-
blicains. Le feu fut très-vif, et se
soutint avec la même ardeur jus-
qu'à midi. Les Anglais, s'aperce-
varit d'un peu de désordre dans la
queue de noire armée, voidurent
en prolifer; la téfe de leur ligne
vira l.f pour lif, par la conire-
ni.irche, en prolongeant notre ar-
mée sous le vent. Ils maltraitèrent
plusieurs de nos vaisseaux, et le
yengair, pour les empêcher de
couper lu ligne, reçut le feu de dix
des leurs. Il fallait faire la même
tnanoeuvre que IVnnemi, et le gé-
néral français donna l'onlre d'a-
1)0 d à la tête de Tarnu-e de virer
vent devant par la conire-marclie;
crtie évolution ne paraissmt pas
s'exécuter, imus ne savons pour-
quoi, ri lit le signal pour la ques-
tion de savoir si on ne le pouvait
pa«- 11 n'eut point de Véponsé; il
ï(é^
in
et ne fut pas plrre heureux. L*ià-
stant était critii^e. et. (îans cétît^
circonstance pressante, le chef rit
l'armée duf s'irriter de trouver
tant d'obstacles; mais soti génie Sut,
les surmonter; car nous rie pôiivonsv
pas nous emp/'ùher dé dire, avec la
sincérité qui dicte cet écrit, qne fe
citoyen Villaret a montra, dans
celte crise, toirt le' talent d'un gé-
néral, et qu'il ajustifi.' la conliance
des braves républicains qu'il com-
mandait. If donna l'ordre enfin de
virer de la mérfie manière, tous à la
fois , sans avoir égard au rang. '
Cette manœuvre réussit, et dans un '
quart d'heure l'ordre de batnille
fut formé d'nne manière salisfai-
.sante. Nous nous trouvâmes sous
le vent ; le vaisseau le Vengeur,
par ha«ard, ou peut être .par Ta
pnimptitude de son évolution, était^
à la tête de la colonne, (hefde GIe\
ilu commandant. Il se battit contre /]
deux vaisseaux à trois ponts»^et;
aurait éié maltraité si les vaisseaux'*
la Monfagne et le Scipion ne fiis-i
sent venus à son <ecours. La Blon-.l
tagne seconda ses t-fforts contre
r«'nneiui, et i!s le canounèrent en-
semble pen<lant enviroi^ une heure.,
et demie; mais ^ Scipion e^t l^<^
précaution de se uietlre à cnuyert,,
du Vengeur, et lui coupa $o_n grand. '
étai et les bras de sa u»i^ain«i. S.uf ,
les observations qui lui fureut ^au
tes qu'il n'était pas à son poste, par
le général' et par nous , il alla le
prendre vresqu'ài'iiistant,Tou.s le? .
vaisse.iux ennemis^ trouyaieut ejç »
peloton, ils étaient Ç(>np;/Ji,dM5ç;, )g ,
désordre graissait ê^ff; pk)|:u/^j^u^, .
et CfrleSi, ,u<»"s osemii^Je jiii;ç> 'iÇ^ a
Français auiaieutpu en liref parti;
mais ilsétdieuL trop <ift;i^4&.?^us je .
vent, ■ îoignèreal. Lé 11.
45i
REN
dans la matinée, l'ennemi parut h
trois lieues et demie ou environ,
courant la même bordée que l'ar-
mée française. Nous l'observâmes
autant que put le permettre un'
brouillard très épais, et bientôt, la
brume ayant augmenté, nous le per-
dîmes tout à fait de vue. Le 12, la
brume était si épaisse qu'à peine
apercevait-on un vaisseau à portée
de pistolet. Le 13 prairial an II
(1er juin 1794), le vent petit frais,
de la partie du sud-est. sur les 8
beures du matin, le temps s'étant
éclairci, l'armée ennemie parut au
vent, h la distance de deux lieues ;
elle ne tarda pas à arriver sur nous
en dépendant. L'ordre de serrer
la ligne et de se préparer au com-
bat fut donné à l'armée française
et aussitôt exécuté. Nous allions à
petites voiles ; l'ennemi forçait da-
vantage et en prolongeant notre
colonne. Le Feu s'engagea ; le vais-
seau le Vendeur avait essuyé le feu
de deux vaisseau*, dont un à trois
t)onts , lorsqu'un troisième vint
pour lui cwjper la ligne ; il fallait
IVn empêcher; en conséquence,
nous forçâmes de voiles et vînmes
au lof. Cette manœuvre aurait réus-
si, et le feu terrible de nos batte-
ries, que notre équip;ige servait
avec un courage et une ardeur mé-
morables, aurait criblé le vaisseau
ennemi ; mais une circonstance im-
prévue rendit nos efforts infruc-
tueux. Ce vaisseau s'obstinait à
vouloir couper chemin; le Vengeur,
déterminé à ne pas le souffrir,
tenta l'abordage; il y parvint ; mais
en élongeant, il se trouva accroché
dans son bois par l'ancre de l'enne-
mi. Il lui envfiya d'abord toute sa
bordée, et ne put ensuite lui tirer
qne quelques coups de canon de
l'iirf i»'iv- et f]f l'avant, p;in'<» qti*i|
REN
«n'y avait pas assez d'espacé entre
« les deux vaisseaux pour passer les
« écouvillons de bois. L'Anglais, aii
« contraire, avec des écouvillons de
« corde, avait l'avantage de pouvoir
« se servir de tous ses canons. Dans
« ce moment, nous donnâmes l'or-
« dre à un détaclîement de sauter à
« l'abordage fl). Tout était disposé
• pour l'exécution ; mais il fallut
« bientôt renoncer à ce projet. Nous
« aperçfiines deux vaisseaux enne-
« mis , dont un à trois ponts , qui
« arrivaient à l'autre bord. Cha-
« cun alla reprendre son poste
« dans les batteries, et le feu recom-
« mença. L'équipage , encouragé par
« les officiers , soutint ce nouveau
« choc avec une intrépidité vraiment
« républicaine ; nous reçûmes plu-
« sieurs volées à couler bas. De ce
• côté l'ennemi nous abandonnait,
« lorsque la verge de l'ancre du vais-
• seau (2J avec lequel nous étions
« abordés depuis plus de deux heu-
« res cassa. Le vaisseau à trois ponts,
« le voyant s'éloigner, vira de bord,
• revint sur nous, et nous tira deux
« autres volées qui tléniâtèrent/eFen-
« geurde tous ses mais, excepte celui
« d'artimon, qui ne tomba qu'une de-
- mi- heure après. Nous ne pûmes
• lui riposter, parce que l'eau avait
« pénétré subitement dans les soutes
(r) Si la ligne n'av.iit pas rté roiipéf, nons
eirlevious ce vais.seau , «ht personue de »ou
équiji.ige ue piiraiss^nt .sur le puut, plu>ii'iU!i
(les nôtres y moulèrent et étei<>niri'nt le feu
qui avait pris en «jeux «nilroits. Ils furent
obligés de (iescen<lre loi «que nous fùnie»
uttaf|iics pur deux uulies vaisse;iux.
(i) Nous avions sii|>io>p que le Rruiiavict
avait eoulé b»s ^ ainsi qu« nous, ayant dis-
p/iru après le i-oiuliat, niuis nous iivoiis ap-
pris depuis qu'il elail arrivé eu AugU'terre,
coulant l>:is d'citii Ce vaisseau nVst plus sus-
reptiide de rendre iiUiMio service; il a eu,
dans le eoinUtt, le «apitMue, iilutieurs nfli-
. iers . ijK. liVJOflV?'» 'Jf,^^»,|\?.V f*,-î»i""('t?""
I»les«ës.
REN
« et qae l'équipage se disposait à pom-
« per et à puiser. L'ennemi, se trou-
« vaut 'Je nouveau en désordre et con-
« fondu avec quelques-uns de nos
« vaisseaux, qu'il avait engagés, l'ar-
« mée française étai t sous le vent avec
• deux vaisseaux anglais , et s'éloi-
« gnait beaucoup. Nous avions l'es-
• poir, sinon qu'elle reviendrait pour
• recommencer le combat, au moins
• qu'elle en ferait la feinte pour obli-
« ger les Anglais à abandonner nos
• vaisseaux démâtés et deux des leurs
• dont'ls ne paraissaient pas s'occu-
« per- n< ns n'eûmes pas cette conso-
• lation. Des raisons majeures, sans
• doute, y mirent obstacle : mais nos
"frégates où étaient -elles? Quelle
« était leur mission? Dans cette cir-
« constance vinrent-elles nous don-
« ner du secours? Nous n'en reçûmes
• aiicun, et nous n'en pouvons devi-
• ner la cause. Le vaisseau le Vengeur
' cependantapprochaitdu momentoù
• la mer allait l'engloutir; le danger
« s'accroissait de la manière la plus
• alarmante, malgré les efforts de l'é-
« quipa»e à pomper et à puiser. Nous
• vîmes sorlirdugroupeennemidenx
« de nosvaisseaux,dontun,feTr€nî«-
• et-un Mai, venait de passer près de
«nous; mais notre espérance fut
• L«ientôt évanouie. Il se disposait
« à nous «prendre à la remorque,
• lorsque les Anglais le forcèrent
« de s'éloigner, en chassant de notre
• côté. L'eau avait gagné l'entre-
« pont; nous avions jeté plusieurs ca-
• -uonsà la mer; la partie de l'équi-
• page qui connaissait le danger ré-
• pandait l'alarme. Ces mêmes hom-
« mes, que tous les efforts de l'ennemi
« n'avaient pas effrayés , frémirent à
« l'aspect du malheur dont ils étaient
« menacés. Nous étions tous épuisés
• de fatigue ; les pavillons étaient
amarrés ♦•n berne. Plusieurs vais-
REN
455
< seaux anglais ayant mis les canots
• à la mer, les pompes et les rames
• furent bientôt abandonnées. Ces
« embarcations , arrivées le long du
« bord , reçurent tous ceux qui les
• premiers purent s'y jeter. A peine
■ étaient-ils débordés que le plus af-
« freux spectacle s'offrit à nos re-
« girds : ceux de nos camarades qui
« étaient restés sur le Vengeur, les
« mains levées au ciel , imploraient,
« en poussant des cris lamentables ,
« des seconrs qu'ils ne pouvaient plus
■ espérer : bientôt disparurent et le
• vaisseau et les malheureuses vjcti-
« mes qu'il contemit. Au milieu de
■ l'horreur que nous inspirait à tons
« ce tableau déchirant , nous ne pû-
« mes nous défendre d'un sentiment
• mêlé d'admiration et de douleur.
« Nous entendious , en nous éloi-
• gnant, quelques-uns de nos catiia-
■ rades f< >rmanl encore des vœux pour
• la patrie. Les derniers cris de ces in-
• fortunés étaieut ceux de: Vive la ré-
• publique! Ils moururent en les pro-
• nonçant. Plusieurs hommes revin-
« rentsur l'eau, les uns sur des plan-
« ches, d'autres sur des mâts et au-
« très débris du vaisseau; ils furent
• sauyés par un entier, une chaloupe
• et quelques canots, et conduits à
«.bord des vai$se<iux anglais. Nous
• nous sommes occupés, depuis cette
« malheureu.se journée, à connaître
« le nombre des hommes échappés
« au péril , et d'après nos différentes
« demandes verbales ei par écrit, nous
• avons connu qu'il s'éXait sauvé la
• quantité de 2ft7 personnes (3), non
• compris quelques unesaver ic seul
« habit qu'elles avaient sur le corj^s,
«d'autres même sans chemise; ea
« sorte que, de 723 hommes qui coin-
tpijt^tnç âne) •'■>
df»
"*»*.-
m
'"REIN
3^4
«■j^b^aiétit 'wdff eéqnipap'aN^arit' f,e
'U'fô6,'tJéS(|Mels il y'a èii',«UÏraht >i]rt»î
'^'i'^WtiV^s bi^ Wpje^é^'illiîiS le tombât,
J'«'oiiinàl;fd^&EhFt/i'(I^(|iioi'nôiisaVbiîs
*4<Hi*Psà(* Féi)rt'sé'iiTf>r(fcoS*Vfr'l)al pour
i'J'Vàlb'iir \t Servir ce, (piê dt^ raison.
' ir 5t*i^Wé ReN AUDI. V, Jean iruGiM,Loius
>i'B6tisS^ÂD, l'EiLKT. TlîOL'VLE, Lus- '
' '«i^ET, Perdin , GnA^JA.^T, Tallo?!,
*i^ferc. » Cos olliciers fiirent coinbiés
irégarrls en Au^n^trë; tit RenaU-
âin obfirit la Javclir ée relournèt,
à'^aiit échange, en France, où il fut
promu au giatle de coiitrc-ainiial ,
grade soiis \e]w[ \\ est compris
dans VAlmanach de l'an IV et jus-
qu'à celui de l'iin VIII. 1! lut nommé
connuiindant d'une escadre de G vais-
Seaux, 3 frégates et 3 corvettes qui
appareilla de Brest Ie2 vcntoseati III.
Il partagea, avec les amiraux Marliu
et DeluToie, le comiiiandenifut diine
flotte armée à Toulon, dans la même
année. Il fut envoyé, k G ventôse
an VU (1799'), à N pks, comme
couimandant d'armes. Eu 1801, le
gôuveriiieHiènt consulaire le nonuna
inspééteifr-gétiéral dfS])oris mariti-
nies.depuisCherbourg jusqu'à Bayi.n.
ne. DfS iufiruiiiés, ri'sul tant dfs fa-
tigues du service, i'ayai'if t rcé à une
retraite prémàtu.iée,il rentra dans ses
foyers, ety mourut le 30 avril 1809.—
fiéNÀtiiiiN (Waz/tifu-Cî/pm?;) , né en
i76l à Saiut-Oenis.île d'Uleron, f. ère
tiàniédé3èati-Fr.ir cois,étaii conimati-
"d ih'^éri >éè'bii ird u rtvi'flfetii^/n u cbuibàt
'dii i'âl pï^iinàll'^t cil ji.Vi'/àgtà toits '(«
'pl'rilsVCtMiJHie Irri'il éVhap|)a au hati-
fra^éié.t'riïti'oliduitjirisoiini^crcn Vii-
ileteHrcl A Sfiti rJ^fimr dans sa p.ilrie,
il Itlt litimmé i tr/).ihVné de H .lit bOi d
et peVïSiii/in'é, ;i|tiè^'dé longs et ho--
nbi^aljlf!^'àWvJCes';"il''njourut le 14
m\i-'¥fMmsm Mathféd-evi^ién
iàVait înipres de lui, le 1 3 prairial, un
'liiS^ L'^tifiet t'aulre, pii^fés mousses
Siir le'iôfe da vaisseaii, cftrenl anî^si
7e;'bonlieur d'être recueillis à l'in-
"Sl«^itt du naufrage pjr le Caiiot d'un
vaisseau anglais. L — s— b.
UENAULT (AiiviÉE-CÉciLF)J'uhe
des p'us déplorables victiues de 'la
tyrannie de Robespierre, était lafille
d'un marchand de papiers, chargé de
beaucoup d'enfants', et qui, sans autre
mobile que des princip'es de probité
et de religion puisés dans son éduca-
tion et l'exemple de sa fimille, ne
voyait qu'avec iiidi|:nation les excès
et les désor.lres de la révolution,
pomme il habitait une des rues voi-
sines du tribunal révolutionnaire,
d'où Sfirtaient iui'essaïu'nent des cliar-
rett^es d»- mulheureux qu'un menait à
réchafdud, sa fille, à peine âgée de
vingt ans, d'un caractère lrès-iH|- • j
press!onnable,fu! exalté* au dernier |
piiiut par cet aflVenx spectacle. Elle
conçut pont- les autfurs de ces crimes
une haine qui al'a jusqu'au délire, et
dans un moment d'exaliation, shus
prévenir personne, elle se rendit,
dans la soirée du 4 pi'airiat an II
(23 mai 1791), à 9 heures, au do-
micile de Maximilien Robespi'-rre ,
et demanda à le voir. Sur la décla-
ralinu de la lille Diiplay, qu'il était
al»sent , elle montra de l'humeur,
dit qu'un fonctionnaire public de-
vait recevoir tout le mcuide, et elfe
ajfiiila : « Quand nous n'avions qu'un
'•i-oi, on entrait l<inl de suite chez
'•'lui... Je ver<erais la dernière goutle
«de iiiiiu s.uig pour oji «voir un.»
Arrêtée sur-le-ch uiip. et conduite au
comité de' sûreté gi-'iiérale, elle y
subit un iiiterro^'a oire. « Conn iis-
« sez-v(<iis Robcspiene? lui .lit-on.
« — Non. — Que lui vouliez-vous?
. — Cela ne vbiis '^ë^dë ' pàél —
. Avcg-votts dit que vous désiriez
• un roi? — Oui, car vous êtes cii>q
. cents tyriins, et je me suis rendue
« chez Rcibespierre pour savoir cp'U-
« aient est fait nu tyrau. — Pour-
- quoi portiez -vous ce paquet (elle
• avilit du liitgp dans un in-'Hchoir)?
. _ M'atieiidant à aller où vixis «'lez
. me conduire, j'ai été bien aise d'a-
« voir du linge pour en changer. —
• Qu'enlendez-vous par la? — La
« prison , ensuite la guillotine. —
« Quel usage vouliez-vous faire de
• deu.v couteaux qu'on a trouvais sur
• vous (c'étaient (lenx petits couteaux
• à peine d'usage pour la table) ? —
« Aucun, n'ayant linteation de faire
• de mal à personne.» Comme lamal-
heureuse Cécile l'avait prévu, on la
con<iuisit aussitôt en prison; et trois
jours après,Barère établitsur ccfdit,à
la tribune de la Convention natio-
nale, une immense conjuration, dans
laquelle figurèrent Pitt et Cobourg,
tous les princes et tous les rois de
l'Europe, conune correspondants et
complices d'une lille de vingt ans,
évidemment en déuicnce... Qiielques
jours plus tard, Élie Lacoste, au nom
des comités de salut public et de sûreté
générale, enchérit encore sur celte
absurde déclamation ; et à la suite
d'un long rapport sur la conspiration
<k/'é<ran^er, que, seon lui, dirigeait
le baron lie Balz(roy Lacoste, XXIII,
61), il fit (lécréler d'accusation la
malheureuse Ren.>nlt avec le (lorte-
faix Admirai {voy.cc nom, LVI, 78}.
Par le même décret il fut enjoini aux
terribles comités do rechercher les
conspiraîenrs dans toutes l« s prisons,
et en cons qiience Cécile Benaiili et
Admirai parurent, le lit) prairial an U
(17 juin 17iH),d''vaiit le sanglant tri-
bun jl, a veccinquante-deux au très ac-
cusésdoat la pliisgrandeparlie, notam-
ment les dames Saiuie-Amaranthe,
B^
.:^.i"
leur étaient absolumeut inconnue;^.
Tons furent conduits immédialtiWDt
à l'éclwfau.l avec dt-s chemises, 4'M-
ges comme assa^ssius. C ^ '""igfa
le plus la malheureuse r sur
tout le re.«.te elle fut impassible. (:'»'5t
que son père, sa tante et un autre pa-
rent fnrrnl condamnés el périrent
comme ses complices... Leci-mil* de
.Mireté générale avait aussi orJ.'OUé
l'arrestation de ses deux ftères, iw^s
ils étaient soldats à l'ariMée du Kord,
et lorsqu'ils furent amenés à Parjs.
la tyranuiede Robespierre avait ces-
sé par la mort du tyrau. Us fM-
reni mis en liberté sur la proposition
de Bourdon de l'Oise dans la séance
du 1*^^ fruct. (août 1794). Un autre dé-
cret leur accorda des secouis. et leur
fjible patrimoine qui avait été contis-
que fut rendu par la lui de restitu-
tion en faveur des héritiers des con-
damnés Comme l'influence de Robes-
pierre commençait à diminuer, lors
de rarre>talion de Cécile Renault «t
d'Adiniral, on a pensé que c'était pour
la recouvrer que, »le c«»ucertavec Ba-
rère et Collol d'Heibois, il avait ima-
giné ce complot ou celle Carmagnole^
comme on a nooiuié ce» rapports
niensongrrs que faisait ordinaire-
nienl Barère. M -D j.
*UE\AZZI (Philippe-Marie), ju-
riscon-'ultc , ne a Bologne le 4 jiiin
1742, étudia (e droit d.ins cette ville,
et se rendit â Rome ou, à peine â§é
de 25 ans, il fut uoiituié professeur
adjoint de d^oit à runivfrsiié. L'an-
née suivautt-, 1760, un lui coMlia la
chaire de droit criminel. U publia
alors pour sou cours un traité qui
Valu à r.iuieur de ll.i;ttus«'Sdi>tJuc-
tious. C éiiient XiV lui lit une p.n-
sion. elle cardunl Uerzen lui oifpjt,
au nom de l'i-mp- itur d'AlienJSgne,
la première chaire ue droit à l'uni-
versité de P<vi<' ';iPffi^ qi;p f]p S'iiJ
458
REN
côtp Catherine II le faisait inviter k
se rendre à Saint-Pétersbourg. Mais
Renazz.i était retenu à Rome par trop
de liçns, pour accepter ks offres des
souverains étrangers ; une nombreuse
ffimille, les bienfaits du souverain
pontife, plusieurs emplois honorables
et lucratifs dans la magislrature et
l'administration, tout l'engageait à
rester en Italie, et il y resta en effet. Ce
ne fut qu'après 34 ans de professorat
qu'il deniaiiila sa retraite, et encore y
ful-il obligé par le mauv.iis état, de
sa santé. Le souverain' pontife ré-
compensa ses longs services en lui
conservant tout son traitement et en
lui conférant des lettresde noblesse, le
30 sepl.^ 1803. Mais Renazzi ne put
jouir que peu de temps de ces fa-
veurs. Ses infirmités ne cessèrent de
le tourmenter, et il mourut le 29
juin 1808. Ses restes' furent déposés
dans I église Sauf Eustachi oîi on lit
son épitaphe par Fabbé Cancellieri.
Renazzi avait publié : I. Index con-
dusionum in decisionibus S. Rotce
Romanœ, Rouk-, 17G0, in-8». II. Pi-
tonii iddit. ad dlsceptatrone^ ec-
clesiast. opus poslhumiun recensuit
Phil.-M.lienaiius, Rome, 1767, in-S".
III. Elementajuris cùminalis, Rome
1773-1775-1781 , 3 vol. in-8». Ces
Éléments furent adoptés par plusieurs
uiiiversités,onire auf res Cille de Pise,.
et traduits en différentes langues.
Ils ont été fréqueninient réimprimés
depuis à Venise, à Naples, avec des
notes do Ferrante ; à Sienne en
1794 , avec d'autres ouvrages de Re-
nazzi ; à Rome en 1802 et 1805, puis
de nouveau en 1819, in-I2; euliu à
Bologne en 1825,5 vol. in-12. IV.De
ordine nm forma judiciorum^ etc.,
Rome, 1776, in-8"; 2*^ édition, 1828,
in -12. V. Oratio de studiis littera-
rum ad bonunii^reipub. refvrendis,
Bp^ U^J^in-g". VI. De sortilegio
REN
et magia lihet singularisa Venise,
1792, i»-8";réimprimé plusieurs fols^j^
Vil. Oratio de laudibus Leonis Jf,
P. M, Rome, I793,in-8''.VI1I. Camp,
di teoria e pratica per uso de' com-
missariied uffiziati délia R- F.di S .-
Pietro, Rome, 1793,in-8o. IX. Annali
degli elementi di diritto criminale ,
Sienne, 1794, 1 vol. in-8<'. Cet ou-
vrage a été traduit en latin sous le
titre de Synopsis elementorum juris
cnmma/is,Rome,1828, in-8°. X.Stato
délia R. Fabrica di S.-Pietro dal
1783 al 92, Rome, 1795, in-8''. XI.
Notizie storiche degli antichi vice-
domini del palriarcato lateranense
_ e de' moderni prefdti del S. Palaz-
zo aposloUco, Rome, 1796, in-8°.
XII. Oratio de optimo sludiorutn fine
adsequendo, Ronie,.1796, in-8". XIII.
Ragionamento sull' influenza délia
poesia suUa morale, Rome, 1797,
in-8°. XIV. Sloria dell' università
degli studi di Roma. etc.. Rouie,
1803-4-5-6, 4 vol. in-8". XV. Lettera
al chiarifisimo monsignor Brencia-
glia, con cui s'illustra Vintaglio di
unniccoloantico, Rome, 1805, in-S".
XVI. Ricerche suite varie manière
di conlrar le nozze e sui loro diversi
effetti pressa gli antichi romani.
Sienne, 1807, in-8". Selon l'abbé
Cancellieri, Renazzi a laissé en ma-
nuscrits des vers latins el italiens,
différents discours académiques, une
lettre à l'abbé dom Sepiime Costanzi
en réfutation du Contrat social, un
parallèle de Deuys d'H-ilicarnasse et
de Plutarque, avec des notes sur les
mariages des anciens romains, en
réponse aux Ricerche de l'abbé Coti-
sai ve (Adorno, 1,807, un vol. in-8");
enfin, une Vie de Niiolas Zabatro.
A -Y.
IIKMËR (IÎtienne-Andre), natu-
raliste italien, naquit, eii 1759, à
Chioggia, d'une fauiilie de patriciens.
RETI
Après avoir fait ses études au sémî-
naî're de Padoue, ii entra dans la car-
rière de la médecine pour laquelle
il avait peu de goût, mais il se con-
forma en cela à la volonté paternelle.
Il suivit particulièrement les cours
des professeurs Délia Boiiaet Léopold
Caldani; piiis, nyant reçu le titre de
docteur, il fit sa pratique danç les hô-
pit. iix de Boiiigiie et de Fiori'nce. 11
rentra ensuite dans sa patrie, et tout
en exerçant son art il se livra^d'nne
manière particulière à l'élu !e de la
zooldgie, q; i avait toujours eu pour
lui beaucoup d'attrait. Ce penchant
fut vivement encouragé par l'ichthyo-
logue Barthéluyi Boltari avec lequel
il s'était lié et qui l'aida de ses con-
seils. Il approfondit le système de
Liimée qui régissait encore, surtout
au dfià des monts, toute Pliistoire
natur»'lle ; car la méthode de Jussieu
pour la tlassilicatiori des i)lautes n'é-
tait pas alors généralement admise,
d'oies grands travaux de Gt-orges
Cuvier n'avaient pas «"ncore païu.
Renier s'occupa surtout «le cette par-
lie de la zoolugit' qui regarde le> mol-
lusques, et lit, pour le golfe de Venise,
ce que Poli {voy. J.-X. Pou.LXXVll,
371) exécutait à l'autre exiréuiité de
l'Palie pour les mollusques des Deux -
Sicilt'S. 11 avait déj? employé jUu-
siéiirs auii'ées à de longues et péni-
bles recherches, lorsqu'il publia, en
1793, dans les Opuscoli scelti d' Mi-
lan, un article sur une espèce de Bo-
trilles, à laquelle Lamark donna de-
puis, dans VHistoire des animaux
sans vertèbres (t. Ml, page 106), le
nom de Polycydus Renieri. Après
neuf ans de silence il publia le Ca-
taloyo ragionato dclle conchiglie,
qui est devenu fori rare , puis les
Tavole di zoologia ^ où il essaya
d'introduire sa uouvelle méthode de
classification, fondée sur la présence
REN
459
elle développement sncccssif du sys-
tème nerveux. Ces publications lui
acquirent une grande réputation dans
le monde savant , et il n'aurait tenu
qu'à lui d'accepter une place hono-
rable à Paris; mais il la refusa, afin
de ne pas trop s'éloigner de ses chè-
res lagunes, où il faisait chaque jdut
de nouvelles et intéressantes décou-
vertes. Il les quitta cependant à la
fin de rani)ée 1806 pour aller pren-
dre possession de la chaire d'histoire
nalure'lle à I iqueile Muscati , alors
directeur général de Pinstruction pu-
blique, l'avait fait nonmier. Renier
s'occupa alors de mettre en ordre et ,
de réduire en un corps de traité toUt
ce qu'il avait écrit sur les mollus-
ques ; mais soit que les ressources
pécuniaires lui manquassent , soit
tout autre motif, il ne publia point
son ouvr.rge. C'esi vraiusent une perle
pour la science, car tous les savants
à qi;i il a été donné de le consulter
n'i n parlent qu'avec les plus grands
éloges, téuîoin le célèbre Brocchi dans
sa Conchiologia fossile. Comme Re-
nier avait recueilli uneiuiuiense quan-
tité d'animaux marins et qu'il eu pos-
sédait plusieurs doubles, il fut invilé
par le gotivernement à former, avec
lesnpe-llu, vingt-quatre collections
destinée» aux lycées alors existants
dans le royaume d'Italie. Pour les
rendre plus complètes, il alla passer
de nouveau quelque temps à Venise,
et il eut ainsi occasion d'enrichir en-
c ire son musée. Les événements po-
litiques n'influèrent en rien sur la
carrière de Renier. Il fut conh'rmé
dans sa chaire en 1814, et il professa
sans interruption jusqu'en 182fi, épo-
que à laquelle il fut appelé à Vienne
par l'empereur François l*"", qui avait
acheté sa collection de mo.'liisqueset
qui le chargea du soin de la placer
dans le local destitié X cet objet. Après
m\
Rtff^
'njbaiq n9i.d
'nw,Jl^iei^^nfVé^^ se (l'titf^ èHcvafâ ïrai^^ qm
)pS a'('iiiiivérîSM<! iiîë pfeïérfnlf èif Angletern; avcc^uU-'
f)Ti»ï(iiré' Sfi'tJ coui
Pajiouè, <iùrnf>pHait^à<js$Tla |)iib!i-' I;i<riiié-le-C<»n<iu^iMnt. Le père ^^eT:
catJoiidcs Èléinenls de minéralogie Reiinell,cj|iiiaiiie d'ariilli-rip, fut tue'
(Ja'ili avait CHnïdii-nCée dès 1 8*25, et à la bataille de Lawl'eldf, et l'cJuca-r
qïi'iinemairtdifériè voyage de Vienne lion d» jeune orphelin Ibuiba k là
a?&iierHftiitsuspel*dre. Quelque int^rite charge d'un de ses cousins, le doc-
qii'aJt'cet ouvrage coniiiie livre élé- leur Rontiell, qui s'aicjuitta d^ cette
meriféire, on regrette que l'auteur y tûcheavec un zèle paternel et un suc
aft'cdttsïlcré un'tcinpsdont il eût pu ces dont il fut flatté; car d.ins' sa
fâr'éRhhittlléurÙ!<age,enîfui(5ru)rant vieillesseil ne manquait jamais, lors-
s^^n^gHind o^iVi'iigè s^ur les molltjs- qu'on faisait de v; nt lui l'éloge du
grand gi^ographc, de dire avec un
qiifes'; En effet, les Elemenli di mine-
rà/b^»a, bien que conçus d'après un
plan nouveau f n i)artie, n'offrent dans
le funil rien d'assez remarquable pour
ajbuterà la gloire de Renier, ei ils
OKt de plus le défaut d'être écrits dans
uri style fort négligé et incorrect.
L'oirvrage cotrii)lèt devait avoir ileux
juste orgueil : « C'est moi qui ai ap-
« pris à lire à ce g^rçoii. » A l'âge de;
14 ans, Reiiuell entra dajis la marine,
et pasa dans l'Inde avec l'ainirai ;
Hyde-Parkcr. C'é ait à IVpoque où fa
Compagnie des Indes ân;;l,iises, dé-
pouiilaiii ce caractère piudeiitet mo-
voîunies. mais le premier seulement deste d'une sociéié mercantile qu'elle
a été publié ((\uloue, H2.')-28,in-8''). avait conservé jusqu'alors, cessa de
"Vers la même époque Renier livrait à vouloir agir sous la protection fhs ,[
la presse ses Nuove Tavole di zoolo- souverains du p.ivs, et, pour se sous-..!
gia, dans lesquelles il c assa tmis les traire à leurs exigences, se lança dans
animaux d';ipiès la méthode proposée les chances de la guerre. Lord Clive,
par Virey, qu'il avait tâché de per- par la victoire de Plassey, assura à la
fectionner. Renier mourut à Padoue Compagnie', sur ces riches contrées,
le 6 janvier 1830. Il était membre celle prééminence qui lut la cause
honoraire de l'Institut italien, et il ap- principale de ces prodigieux accrois-
partenait à plusieurs autres sociétés st nienls de la puissance anglaise que
savantes, n.dionales et éirangères. nous avons vus se développer de nos
Son Éloge fut lu, le 18 janvier, par joiu's. Durant cette lutte sanglante,
M. r^bbé A. -M. Caiagi'.o, dans la le jeiipe Reunell se lit remarquer par
CithédraledeCtiioggli, patrie du dé- s s talents ei sa bravoure. En 1761,
funt^, et iuqirimë diihs ta même vilif. il se dis'iiigua par p'usieurs actions
M.'T.'-^.V;^CatuJlo a consacé à ce sa- d'éclat. La g lerre n'était cepiuidaiit
vah'é*'iihe''rt<')ïïce. qu'on trouve dans pa.^ remploi veisJequel l'entraînaient
le t.^V>tdAÏaf/?/»r/ofrCfl ï7a/îV7n«.Ay,j .^.^•es pei.ciiauls. La pro.fes>ion qu'il
îlENIKR-^nClIlKL (Mme JtsTi- '/avait .embrassée dirigea .^ui es-
ne). foy. Mxiiin,. LXXiy, iil. pri" vers les ^eienceç exacte*. Se.s
KKXXKI.ll (Jacçu^^s), 'membre progrès eu ce genre lui iu^p;rèT,eut
ass(» ' "
le
d.i
daitVl(<f(ùisl()hg-temps, dans ce lipu^^j le calcul pei
un pïM hi'ènVet'elVe se preienda'itis- ■résultats certains. ' Renne» ' était «i.
, bien péoëtré, poux la prospérité 4^>
sii^' pays, «le Pimportonce il'-s pro-
gr^s (îe rfiyiIroiîraiihiV, que cVst par
dt'S travaux sur celte branche de lu
science q'i*iî a coamie/ice sa cairicre
efj'qïi*il Ta lenniiu'f. Li pr«-iiiiore
càhê (iu'ir publii Tul celle du banc et
dê^ coiiirints du cap «les A.i^uilU'S, k
iri^i^tféiiiiié sud île l'AfriciHe. Il .ic-
Codipagnà cette carie d''iiii iiieiiigirCt
où jf donna la descnj>ti«jn de celle
parlie (le l'Océtii sans o<*sse traversée
par les vaioseaii.v de raiicicu et du
noiiveau monde. Ce mémoire a élé,
quarante ans après, réimprinié pres-
que en entier dans le Navigateur
oriental de M. Purdy, cumme une
des meilleures instructions que l'on
puisse donner 4UX marins pour ,cc^
parages. Mais Dieu avant celle pre-
mière publication, Reunell avait éic
employé à lever le phn du banc de
sable nommé le Pont d'Adam^ qui
ferme le passage aux » aisseaux eulre
le continent et Ceyjan. et qui les
oblige à faire le tour île cette grande
île quand ils veulent se rendre d'une
côte de l'Inde à Tautre. R- nnell af-
firma dès lors qu'un p uvaii franchir
ce passage par le détroit de R.imisse-
ram, et il proposa d'en creu-^er le lit
de quelques pieds pour en faciliter la
navigation. Mais comme le mémoire
qu'il enrova au gouvernement, suï
sujet, était l'ouvrage d'un jeune
:iime alors sans réputation, ou n'y
lucune attention; ce n'est que
ncs-réceinment qu'un vaî-seaii tirant
RlLÎti
iûtk
notre pays la çéai^ des Dupleii tt
des Bus>y, aidé d'iui trop peli4««ft»i
bre de solJals vaieurfujc, fur^nS
anéanties par le ix^jléicBuclu eoa
17o3 La paix ne laissait à Benlle^^
qu'un espoir incertatu et éluigué dct
s'aviincer dan^ la uiariiie,; il qf<itlat>
cei te arme Uirsqu'ii »'y a v.ait> ^tu$i4ip
dan»T> il eour r eu y resta i.i^loijstii
que l'rmfdoi de «es '.alcnts y élAit de-^&
venu moins uécessaire il prutitikdes-
preuves qu'il «vaii d-winees de-, son.
h ibiletéet de sou savoir pour eatrcr,
à rage de 24 ans. dans ic corps des -
ingénieurs militaires au seruce de (a
Compagnie des ludes 11 r fui nommé
capiu ne, et |ieu ajirès coiitmi^Sionné ^
arpenteur-générai uu bengaie el «Hio
Bahar. En celle qualité, il s'occupA;;
de dresser des cartes de ce* deux i
grandes provinces qui, au couimen-
cemenide ce siècle, cou»plaieul qua- =
rante millions d'iiabitanis. Reunell/
niit sept ans à leruuuer sou travail,,,)
et en le rendant à la Compagnie, ili
lui demanda a se retirer dans son
piys natal. Sa &auté éuil ruinée par
les fatijjues el les blessures graves ,
qu'il avait reçues eu couibuuaiit,;
Contre nies populations in>oumise«,r,i
particulièrement les Sauyassys ,
sorte de religieux pénitents qui se
réunissent en troupes uornbiensç» <,
pour visiter les lieu.\ de pèlerinage, [/.
et qui uiendirnt k main armée^ ^^i^! o
nell dtmanda sa rètraiie. Le -goUj^,,]
verneur et sou conseil deoidèrept'}^
spontanément qu'il /ui serait allo^i^.,
sept pteils deau , ayant traversé ce une pension de 500 roupies par mois, .5;
détroit, on se' re'ssouviiit des asser- "environ 15,OoO. fr., yjr, au;, maif
tious lie Re.inell, et l'on reconnut pour que cette iléoi> on «dl joV^^
la possibilité d'éxéoutér un projet effft, il fallait qu'elle fût, jipfjrouj
suggéré par lui ily a plds de "soixante 'véépaf' la cour jîes directeurs rt»sji-,,
an.s. Là prise de Pun'lichéry niit fîh daiil à lion 1res., tTanslei^ieltrç^ qui .
à !a luîtf iiii oxisîait dans l'Inde, èii- furent écrites à ce st.jet et qiu pous ;
ire (t l'Angleterre. LfS es- ' avons eUcs sous les yeux, il est dU
it pour .que éfetic Davieur acco'râée au eapi-
pe;
ti..^^ <l n'avait^ fait 'naîtriè^
* IfBT^ «j»On^H ,'f»i6tl90
462
REN
taine Rennell , et qu'il n'a point sol-
licitée, s'écarte des règlements, que
cependant elle ne peut pas y porter
atteinte, parce qu'aucun officier de
la Compagnie n'a rendu des services
qu'on puisse égaler aux siens ; qu'au-
cun ne s'est exposé à de plus grands
dangers et ne s'est montré aussi peu
soucieux de l'avancement de sa for-
tune ; qu'aucun enfin n'a été plus to-
lérant envers les naturels du pays, et
n'a plus bontribué à faire respecter le
nom anglais par sa bravoure et à le
faire chérir par son humanité. La
cour des directeurs, en approuvant
la décision prise par le gouverneur
et son conseil, accéda encore à une
autre demande qui lui fut faite, ten-
dant à ce que ^e cipitaine Rennell
fût promu au grade de major. C'est
donc avec ce titre que Rennell revint
en Angleterre an co)nmencement de
l'année 1777. Comme il se retirait du
service actif, il dut renoncer à l'es-
jîoir d'obtenir dans l'armée un grade
militaire plus élevé que celni dont il
venait d'éire pourvu. Mais ce simple
titre de major, qup l'on s'est habitué
il ne point séparer du noirt du géo-
graphe anglais, pour le distinguer de
ses homonymes, semble, lorsqu'il est
question de lui, acquérir un lustre
supérieur aux antres titres ; tant il
est vrai que le culte rendu à la science
produit des etteté pareils à ceux d'un
culte plus vénérable; il élève les,
humbles chargés de bonnes œuvres,
et abaisse les superbes enflés des
vains honneurs du monde ! Aussitôt
après son retour en Angleterre, Ren-
nell iit paraître la Description de
toutes les routes du Hengale et du
Jiahar, peiit, volume in-12, (|ui n'é-
tait que le précurseur de l'atlas de
ces mêmes contrées en 2*i feuilles,
publié, en 1781, par ordre de la Com-
pagnie des indus. Dix ans aprc^ cette
REN
publication, sir Joseph Banks eut,
dans une séance publique^ des prix
à décerner pour les mémoires les
plus utiles publiés dans le cours de
l'année : Rennell avait obtenu un de
ces prix ; et, dans celte occasion, le
président de la société royale de
Londres après avoir parlé du iwé-
moire couronné, fit ressortir le mé-
rite de l'atlas du Bengale et du Bahar
par un aveu plus important encore à
recueillir pour l'histoire des progrès
de la géographie en Europe que pour
la gloire de Rennell. Sir Joseph
Banks dit alors : « Que la nation
« anglaise, "qui se flatte de marcher
a au premier rang pour l'avancement
« des sciences, serait Irès-heureuse
" si elle pouvait se vanter de possé-
« der des iles de la Grande-Bretagne
« un atlas de cartes aussi exactes que
«celui que Rennell a dressé pour
<• dès provinces indiennes qui les
« surpas-^ent en étendue ; et il ajouta
« que les parties de cet atlas, levées
« par Rennell, sont supérieures aux
« meilleures cartes des comtés an-
« glais publiées jusqu'à ce jour. » Le
m;ijor Rennell avait été reçu en An-
gleterre avec un empressement égal
à la ré()ûtatîon qu'il s'était faite et
aux services qu'il avait rendus. Par
ses qualités sociales plus encore que
par ses talents, il se fit des amis puis-
sants. Un emploi élevé, qui cou.ve-
nait à la carrière qu'il avait parcou-
rue, lui fut offert; il le refusa; mais
il montra beaucoup de satisfaction
lorsqu'il fut successivement nommé
membre de la société royale de Lon-
dres, de l'Institut de France, de l'a-
cadi'inie impériale «le Saint-Péters-
bourg, delà société de Gœltingue.
Comme Fontenelle,'il aurait pu dire ;
« De 'ons les titres de ce monde, je
• n'ai ambitionné que le titre d'aéa-
« déuncien. « Si Rennell ne voulait
REN
accepter ni dignités, ni richesses, ce
n'était pas pour se livrer au repos,
mais pour conserver son indépen-
dance et pouvoir s'adonner entière-
ment aux projets qu'il avait conçus.
Il aspirait à une renommée plus haute
que celle qu'il s'était acquise par la
publication de ses cartes : il voulait,
par ses écrits, prendre place parmi
les géographes critiques ; ou plutôt
il ne faisait qu'obéir à cette passion
pour la géographie qui, une fois
qu'elle s'est emparée de l'intelligence,
s'accroît à mesure qu'elle la satisfait,
et qu'elle, lui fournit de nouveaux
moyens d'acquérir une connaissance
plus complète du globe que nous ha-
bitons, des phénomènes qui s'y pro-
duisent, des productions qui s'y re-
iiuuveUent, des peuples qui ont paru,
et qui s'agitent sur la surface. La
pensée, quand elle est parvenue à se
maintenir à cette hauteur dans le
temps et dans l'espace, n'aperçoit
plus les événements qui se succèdent
et les intérêts qui se combattent qu'à
1.1 distance où les placera un jour
l'histoire. Le premier mémoire géo-
graphique que Renneil publia con-
cerne les deux grands fleuves qui,
dans le Bengale, coulent l'un vers
l'autre de deux directions opposées,
se réunissent en un immense delta et
versent dans l'Océan 80,000 pieds
cubes d'eau par seconde, Reuuell a
déterminé leur niveau , sondé leur
lit, observé leurs crues périodiques,
mdiqué les courants' qu'on y ob-
serve et l'effet des vents et des mous-
sons à feurs embouchures. Trois ans
après cette publication, il fit paraître
sa carie de Tlndouslati en deux gran-
des feuilles, et il laccumpagua d'un
mémoire ou il rendit compte de sa
construction. Une fusion habile d'un
grand nombre de, documents nou-
veaux et .importants, une conuais-
f:jREN
463
sance complète de tout ce qu'on avait
fait sur le même sujet , l'histoire
des temps anciens éclaircie par la
science moderne, des détails statis-
tiques et politiques d'un grand in-
térêt, une méthode savùnti- et luci-
de, un style correct sausaifectation.
tels étaient les divers genres de
mérite de cette nouvelle production
de Renneil. Elle lui assigna le pj«e-
mier rang parmi les géographes vi-
vants; car d'Âiiville venait Je mou-
rir. On n'a point d'exemple, pour
une œuvre de discussions géographi-
ques, d'un succès égal à celui du até-
moire de Renneil sur l'indoustan. Il
s'en fit, en moins de dix ans, quatre
éditions, il est vrai que, dans cet in-
tervalle de temps, l'auteur ne cessa
point d'y travailler, et que, par l'im-
portance des additions qu'il y iit,
chaque éiiilion pouvait être considé-
rée comme un nouvel ouvrage. La
troisième fut remarquable par une
nouvelle carte dei pays situés entre
les sources du Gange et -la mer Cas-
pienn»', accompagnée d'une savante
analyse. Mais la quatrième excita en-
core à un plus l.aut point la curiosité
publique, parce qu'elle parut à l'é-
poque de la guerre avec TippiJO-
Saïb, et que, par les augmentitaons
qu'elle contenait, elle devint un
utile instrument de la conquête. Ren-
neil avait ajouté à celle éiliiion mie
nouvelle carte de la péninsule de
rinde, où se trouvaient tracées les
limites, des possessions anglaises,
coaformémeni au traité de 1792, con-
clu entre Tippoo-Saïb et lord Corn-
wallis; Le géographe . lut bientôt
forcé de changer ces limiies; malgré
la paix, !es États de Tippoo-Saïb fu-
rent de nouveau envahis, puis con-
quis et réunis aux autres possessions
de la Compagnie. Renneil retoucha
sa carte, et la publia de uouveaa
«^
i{m
ain^t c^ri^)^ av»c la di^edu 9 avHl
1800. Nous répétons celte tlafe, parce
qu'elle ilidique la Ijii de tons les tra-
vtiix d« Rciirifll sur rindoiisiaii.
Un sujit jiliis dilicile à écluircir et
iton ttioins iui|ioriaiit pour la scieii-
cé: vint s'yH'rir aux «it'ilitaùoiis de
RentK'il^t fitt le but de ses «ilurts.
Une soett-i€ s'étaii fouuée |K)nr cih
C()ur«g<»r !*■* ddcou vertes ei» Afrique,
le iiKjiii-s cofiiiit (les cuntiiienlSi, et
ce^ieiidritit celui sur lequel sidisisteut
les plus anciens , les plus gi.iiuuies-
qucs iHOuumeuIs de IhoUMue. Cette
s-aîiété uiv«)qua le secours de Reii-
xvetàs et cVst pour être utile aux voya-
geurs <juVhe se proposait d'euvoyer
au delà du grand désert qu'il com-
piosa ce uiéuioire sur le calcul des dis-
taoces paicourues à dos de diaujeau
dans un temps donné, qui fut cou-
ronné par la Société royale de Lon-
dres. Les communications du .major
Houghtou et du consul M.igra, ies re-
lations des voyages de Ledyard , de
Mongo-Park, «le Hornemaun, fourni-
ront a Renne! I les moyens de dresser
ces cartes et de conipo'cr ci-s s<tvauis
mémoires qui, en 179i), 1794, 1798
et 1802, ont enrichi le recueil de la
société africaine^ et marqué dans cet
intervalle luus les [,rogrès de la géo-
graphie dans le nord de l'Afrique.
Reuneil, à rexeifipiede d'Anvilleren-
Irepril aussi, k l'iiide de Ptoléuiée et
des Arabes , de suppléer k l'iusulti-
sance des explorations modernes, et
(le préparer les voies aux voyageurs
futurs. Déveiié k celle iioble tâ-
che, Rennell. comprit la néeeSMté
d'embrasser dans sou culier laiîcience
gwgiaphique et de jscruter les no-
1i»ns que les auleur.s anciens pou-
vaient nous {(utrnir pour la conuai.s>
.«ntac«>. du globe. Il prouva que ses
plus importanls travaux sur la géo-
^aphie moderne notaient que des
REK
délassements aux travaux plus oons«>
dériiblt-s qti'il avait entref>ris sur la
géo>iraphie ancienne, eu pui liant,
eu 1800, son Sysiime géographique
d'Uérodole, accouip .gué lie onze car-
ti'S. C'est de tous ses ouvragm celui
qoi, a)uès son uiémoire sur l'indoo»:-
tau, s'est acquis. un {dus grauti noift^>
br^". de leceurs. Connue pour les su^t
jels qu'il avaii déjà iraiiés, Beiiuèllp
tnmv.iit encore raiiemion dupubhc^
lettié disposée à se iixer sur Tobjêtl
de ses reciieichts. Les observatiun»r
scioiitiliqties des Français en I^gyple^'
celles (le plusieurs voyageurs eu Asie-
Miueure et en l'erse, aviiient singun ;
lièiOinerit rectilié l'opinion qii'o»s*é.i<;
taii foriqée depuis loug-Icmps sur'
l'historien grec. L'ouvr.ige de Ren-^
nell,en faisant mieux counaitrc Hé-
rodote sous les rapports géograv
pbiques, n'a pas peu contribué à'-
cette justice tardive. Mais, dans îftî
cours de son travail, le géograpliéi'
anglais avait été singuli^reriieirtl'
frappé du défaut de connaissanc^SP
précises des modernes sur les con-*
Irées les plus aneieunement civili-
sées, sur celles où s'étaient form<^s
les plus grands ét.ibliîiseuients, li-
vrées L'S plus grandes batailles, qui;
renfermaient les jilus longues routeS'
p.ircourues par des armées et des ca- '
ravanes, ou mesurées par desarpen-».'
teurs de l'ansiquité. il vit que ce qu*it -
y avait de plus important k faire poak^ *
les sciences historiques, c'était d'é-
claircir, par tous les documents des
temps anciens et mo<lerne<, la géo-
gr,iphie de la pnriie occidentale d«-*'
l'Asie, depuis l'Iiidus jusqu'au Pont-;'
Kiixiu. depuis la mer Caspienne jus-
qu'à l'Océan indien. Il s»* livra avec
ardeur aux recherches ([u'il avait eon-
çu»s, ef dont il a développé le plan
dans nue de ics |)réfaees. Il divisait''
son ouvrage en trois pirties disfinc-'
tttgoàans k pri>Bu(>rp, il commence}!
pat* HihiiT la géographie posilive <fes
vastes contrées soumises à ses inves-
tigalions ; dans la seooii Je, il traitait
fie JVïpédilion de Cyriis et de la re-
traite des iJix mille Grecs qu'accom-
pagna Xf'nophon : ta troisième partie
derait être censacrf^e aux marches
d'Alexatidre-I^Grand et à ses con-
qtiéles. La première partie, act-ompa-
gnée d'un atlas de quatorze feuilles ,
fat publiée, mais seulement après la
mort de l'auteur, parce qu'il s'occupa
toujours à recueillir de nouveaux ma-
tériaux pour la perfectionner. Il fit
paraître, de son viv;fnt, la seconde
partie, qu'il accompagna de trois car-
tes exécutées avec un grand soin;
mais, plus jalotix des progrès de la
science que du succès de ses ouvra-
ges, toujours sincère et toujours mo-
deste, il indiqua lui-même ce qni res-
tait encore à faire pourécîaircirdune
manière complète le sujet difticile
qn'il a traité, et ce qui lui avait man-
qué pour asseoir sur des bases fixes
et certaines les résultats de ses re-
cherches. H ne semble pas qu'il ait
trouvé le temps de composer la troi-
sième partie qui complétait le plan
qa'il' s'était tracé; mais il nous ap-
prend que plusieurs dissertations dé-
tachées, qu'il a publiées, devaient for-
mer autant de clmpitres de ce grand
ouvrage. Dans ce nombre sont ses
Observations sur la plaine de Troie,
qu'il fit paraître séparément. On sait
que cette fois il eut le tort de trop se
lier à la périlleuse parole d'un doc-
teur Carliste, dont il reçut une carte
qu'il croyait exacte, et au moyen de
laquelle il se flatta de pouvoir triom-
pher des difficultés d'un sujet qui est
devenu de nos jours le thème chéri
des illusions des antiquaires. Mais ne
nous en plaignons pas , puisque ces
illu«i"ni nous ont valu de si bonne»
twxiu.
•lescriptiûns d'un canton de i'As<>qn«
la mythologie, ia poésie et l'histoire
ont rendu célèbre depuis tant de siè-
cles. 11 faut encore mettre au nviu-
bre des fragments intéressants et
l'ouvrage que Bennell avait projeté
les mémoires sur la topographie de
Babylone; sur les ruine» éécoutertes
à Djerasch^ par M. Seetzen, en 1806-,
sur les voyages de l'apotresmntPaMlf
qui ont enrichi le recueil de ia so-
ciété archéologique de Londres. Mais
Rennell publia dans ce nnèaie recueil
une dissertation sur le lieu cùJulee
César débarqua dans la Grande-
bretagne^ qui ne se rapporte pius a
cet ordre de travaux, mais à ceux
dont il n'avait jamais cessé de s'occu-
|>er sur l'hydrographie. Eo effet, dès
1793, il avait lu à la société royale de
Londres un mémoire sur un courant
qui prévaut à l'ouest des îles S<jrlin-
gues. Le nom de Rennell fut donné à
ce courant, parce qu'en le faisant
bien connaître, il avait contribué k
garantir de grands dangers les ma-
rins qui veulent traverser la Mauclie.
Lorsque le major Rennell eut marié
sa tille au contre-amiral Tremayue-
Rodd, les progrès de l'hydrographie
devinrent pour lui l'objet d'un inté-
rêt plus pressant. C'est alors qu'on
le détermina k entreprendre ce grand
ouvrage sur les couraras de VOcéan
dans la mer Atlantique et éUins l'O-
céan indien^ qui occupa les dernières
années de sa vie. Le duc de Claren-
ce, depuis roi sous le nom de Guil-
laume IV. qui, comme Rennell, a^it
commencé par être wtdsAipman (élè-
ve), communiqua au géographe les ob-
servations qu'il avait recueillies du-
rant sa longue carrière de marin, et
toutes celles dont il pouvait disposer
comme chef de l'amirauté. C'est à l'ai-
de de ces documents et de tous reux
qu'ij a pu recueillir lui-même dans
i66
REN
,Jçs livres de voyages que Rennell, a
construit ces grandes cartes de la
mer Atlantique et de la mer des In-
des, où la multitude <ie chiffres et
dViidicationsquiy sont accumulés té-
moignent assez avec quelle laborieuse
attention il a mis à proGt les maté-
paiix qu'il avait rassemblés. Ces
matériaux étaient insuflisauts pour
accomplir entièrement la tâche qu'il
s'était imposée. Au nombre des plus
grands, des plus constants phéno-
mènes de la nature, sont dus les
mouvements de l'atmosphère et ceux
de rOcéan, et surtout l'existence de
ces courants qui, comme d'immenses
fleuves, roulent leurs flots rapides au
sein même des mers, et dont il im-
porte tant pour la navigation et l'his-
toire physique du globe de connaître
les directions et les sinuosités, de
mesurer l'étendue, de calculer la ra-
pidité, de déterminer la profondeur
et d'évaluer la température. Mais ce
n'est que sur une mer calme que les
mouvements des eaux peuvent être
appréciés avec quelque certitude, et
cette circonstance est rare. On ignore
encore comment on doit mesurer
l'action de l'eau en mouvement sur
un vaisseau qui en est entouré, quand
i! est sollicité par le vent à se mou-
voir dans une direction oblique; et
bien d'autres causes d'erreur, qu'on
n'a pas encore trouvé les moyens de
faire disparaître, sont attachées à ce
genre d'observations. Les grandes
cartes de Rennell et le volume qui
les explique n'en forment pas moins
la plus savante tentative qui ait été
faite sur cette partie de la science.
Mais la preuve que lui-iiiéme n'était
pas eiitiift'uieut s.Uisfait de son œu-
vre, c'tst qu'il travaillait sans cesse
à la reclilîer, et qu'il n'a pu se déter-
miner à la publier de son vivant- Ce-
pen^lant il a vécu JpiJgrleraps, qnoi-
REN
que d'un tempérament délicat, en-
core altéré par les blessures reçues
dans sa jeunesse, La sobriété,, un
exercice modéré de chaque jour, les
délassements de la société après les
heures de travail, les soins d'une fa-
mille qui le chérissait, produisirent
cet heureux effet. 11 ne faut pas ou-
blier aussi de remarquer que lés
tourments de l'ambition et les jias-
sions de la politique ne Iroublèjrent
jamais ni ses jours ni ses nuits : non
qu'il fût indifférent sur ce qui con-
cernait les affaires de son pays ni
étranger aux dissentiments de ceux
qui s'en partageaient la direction. Ami
de Fox et de lord Spencer, il appar-
tenait à ce parti qui croit que la
constitution anglaise court plus de
danger d'être altérée par les empié-
tements de la couronne que par les
envahissements de l'autorité parle-
mentaire. Il était donc whig dans le
vieux sens de ce mot. Mais lorsqu'on
le consultait sur l'objet de ses con-
naissances spéciales, il mettait un
zèle égal à éclairer tous ceux qui
avaient le pouvoir de mettre à profit
ses conseils pour l'avantage de sa
patrie, quel que fût le parti auquel
ils appartinssent. Sa taille était mé-
diocre, mais bien proportionnée; sa
physionomie, naturellement sérieuse,
s'imprégnait facilement d'une ex-
pression de bienveillance et de syip-
pathie qui lui conciliait ralfectiou de
tous ceux avec lesquels il s'entrete-
nait. Quand la conversation tombait
sur des sujets où devait éclater sa su-
périorité, il avait un art tout parti-
culier de la déguiser ou de la faire
publier. L'instruction dont on av.iit
besoin pour le bien c<tmprendre était
inculquée avec tant de, i^impliciié et
de clarté qu'on croyait se rappeler
ce qu'il venait de vous apprendie.
Dans les derniers moments de sa vi«'.
REN
REN
467
tourmenté par la gontte ei affaibli
par l'âge, il se vit obligé de renoncer
au monde qu'il ne fuyait pas et dont
il était bien accueilli. Mais alors mê-
me il ne vécut pas solitaire; un petit
nombre d'amis venait à des heures
choisies de la matinée s'entretenir
avec lui près d'une grande table, sur
laquelle reposaient les compas, les
cartes, les livres nécessaires pour la
composition de l'ouvrage dont il s'oc-
cupait. Les autres heures de loisir, il
les passait dans la société de son
* gendre et de sa fille , lady Rodd ,
qu'accompagnaient toujours ses en-
fants en bas-âge, qui étaient pour
lui la plus chérie des distractions.
Le major Rennell , âgé de 87 ans ,
tomba en se promenant dans son
salon , et se cassa le col du fémur :
on le mit au lit d'où il ne devait plus
se relever. Il se souvint ded'Anville
qui, comme lui plus qu'octogénaire,
avait survécu à lui-u)éme dans la
dernière année de son existence.
Rennell fit promettre à sa fille de
n'admettre personne près de lui sans
qu'elle fût présente, et de ne pas le
quitter dans le moment suprême.
Cette précaution était inutile. 11
conserva jusqu'à la fin une luci-
dité d'esprit , une force de volonté
qui étonnèrent les témoins de ses
derniers soupirs. Les intentions qu'il
avait manifestées n'en furent pas
moins fidèlement rpmplies. Pujs
après, accompagnoe de son mari, sui-
vie d'illustres amis, lady Rodd con-
duisit elle-même les restes vénérés
d'un père à l'abbaye de Westminster,
à ce lieu de sépulture des grands
hommes d'Angleterre, d'où la reli-
gion n'est point exclue. La tombe
qui renfermait Rennell ne mit pas
fin aux sollicitudes filiales dont il
était l'objot. Il laissait après lui,
nous l'avons dit, d'importants ouvra-
ges manuscrits : lady Rodd les pu-
blia. Le major Rennell avait été reçu
membre associé étranger de l'Institut
de France le 26 décembre 1801; il
est mort le 29 décembre 1830. Nous
avons fait connaître dans cet article
tous les ouvrages de ce célèbre géo-
graphe qui ont été publiés. Nous
ajouterons ici leurs titres principaux
danslalangueoriginale: Chartofthe
banJCyO fourrent and cape LaguUas,
1778, A. Bengal Atlas, containing
maps ofthe théâtre oftcar and com-
merce from the original surreyx tcith
tables ofrouts and distances from
Calcutta through the principal in-
land navigations, 1781 , in-fol. Les
tabifs des routes ou les itinéraires
avec les distances ont été imprimés
à part en un petit volume in-12 pour
l'u-^age des voyageurs. Memoirs of
a map of Hindostan or the Mogul
empire^ 1 783, in-4», 1788, in-4», 1793,
in-4°. Memoir of a map of the Pe-
ninsula of India, 1793, in-4<*. Me-
moir ofthe geography ofAfrica, 1 790,
in-4°. Geographical System of He-
rodo/ua, 1800, in-4*;nne édition plus
récpnte, in-8°, a été donnée par lady
Rodd , 2 vol., 1830. Observations on
the topography of Troy, 1814, in-4°.
Divers opuscules dans les Transac-
tions philosophiques , 1791 , et dans
Nicholson' s journal, 1798, tom. II,
p. 233. Illustration ofthe expédition
of Cyrus, London, 1816, in-4''avec
atlas. A. Treatise of the compara-
tive geography of Western India,
London , 1831, 2 vol. in-S", avec un
atlas in-folio. An investigation of
the currents of the Atlantic Océan
and those tchich prevail in the In
dian 0:ean, Lond-, 1832, in-4* avec
un atlas in-fol. Le portrait de Renneil
a été très-bien gravé, et un beau))a«-
relief de sa têie vue de profil a été
exécuté en porcelaine par les habiles
30.
A§8
£N
» (■ t ijtes (le la manufacture de Sevrés..
Son éloge a e'té prononcé dans la
séance publique de l'Institut de
France, le 2 août 1842, par l'auteur
(le,|cet article. \V~R.
,,, |î.ÉNNEYILLE(M'»= Sophie Sen-
N^EKBE de), auteur d'un grand nom-
Ijre d'ouvrages destinés à l'amuse-
ment et à l'instruction de l'enfance ,
était née en 1772 dans la province de
ÎNormaudie , d'une famille noble ^et
qui perdit beaucoup à la révolution.
Elle avait reçu une éducation distin-
guée, et fut à même de bonne heure
de se livrer à des travaux littéraires
dont elle Gt l'usage le plus honorable
en, consacrant leurs produits au sou-
lien de ses parents, et surtout de sa
mère, à laquelle elle ne survécut pas
long-temps. M"'" de Renneville mou-
rut à Paris le 15 octobre 1822, des
suites d'une petite vérole tardive,
et qui , en ce cas, est , comme l'on
sait, beaucoup plus dangereuse. Ses
ouvrages imprimés sont : I. Lettres
(TOctavie, jeune pensionnaire de la
maison de Saint-Clair, 1806, in-ri.
II. Stanislas, roi de Pologne, 1807,
3 vol. in-12; 2" édition, 1808. 111.
Galerie des femmes vertueuses,, 1808,
jn-12; fi, édition, 1830, iu-12. IV.
Lucile, ou la lionne Fille, 1808, 2
vol. in-12. V. De VInfluence du cli-
mat sur l'homme, Nouvelles, 1808,
2 vol. iu-12. YI. Vie de sainte CLo-
tilde, reine de France, 1809, in-12.
Vil. Le petit Charbonnier de la Fo-
rét-NoirCy ou le Miroir magique,
1810, in-18. VUl. Contes à ma petite
fille et à mon petit garçon, 181 1,
iu-12; 6« édition, 1830, iu-12. IX.
La Mère gouvernante, ou les Prin-
cipes de politesse fondés sur les qua-
lités du cœur, 18U, iu- 12. X. Le Re-
tour des vendanges, contes variés,
1812, 4 vol. in-12. XL Éléments de
LffHnm> é-^^^^age de* enfants,j\^).î,^,
REN
1^-12. Ml. Les deux Éducatiovs, ou
le Pouvoir de Vexemple, 1813, in-
12. XIII. Conversations d'une petite
fille avec sa poupée, 1813, .1817, in-
18. XI V. Ze/ie, ou /o Bonne ^i/e, 1 81 3,
1826, in-18. XV. La Fée gracieuse,
ou la Bonne amie des enfants, 1813,
in-18; 2« édit., 1817, iu-18. XVI.
La Fée bienfaisante, ou la Mère in-
génieuse, 1814, in-18; 1817, in-80.
XVII, Le petit Savinien, ou l'His-
toire d'un jeune orphelin, 18ii, iu-
18. XVMI. Les Récréations d'Eu-
génie, contes, 1814, 1819, in-18.
XIX. La Fille de Louis XVI, ou
Précis des événements les plus remar-
quables qui ont eu quelque influence
sur la fille de nos rois, 1814, iu-12.
XX. L'École chrétienne, 1816, in-
18. XXI. Le Conteur moraliste, ou
le Bonheur par lavertu, contes, 1816,
in-12; nouvelle édit., 1835. XXII.
Les Secrets du cœur, ou le Cercle du
château d'Églantine, romans -nou-
velles, 1816, 3 vol. in-12. XXIII.
Miss Lovely de Macclesfield, ou le
DommoîîOîr, 18 17, 3 vol. in-12. XXIV.
Correspondance dedeuxpetites filles,
1817, in-12. XXV. Lesbonspetits en-
fants; portrait de mon fils et de ma
fille ; contes et dialogues à la portée
dujeunedge, Paris, 1817, 1821,2 vol.
in-18. XXVI. Le Précepteur des en-
fants, ou le Livre du second âge, 7*
edit., 1818, in-12. XXVll. Les Aven-
tures de Télamon, ou les Athéniens
sous la monarchie, Paris, 1819, 3
vol. in-12. XXVllI. Coutumes gau-
loises, ou Origines curieuses et peu
cotmuesde la plupart de nos usages,
Paris, 1819, in-12. .XXlX. Galerie
des jaunes vierges, ou Modèle des
vertus qui assurent le bonheur des
/cmwt's, 1819, in-12, ng.;nouv. édit.,
1834. XXX. Contes pour les enfants
de 5 o 0 ans, Paris, 1820, in-18; 8"
«onn«s,liouTe)le», Parisi 1S2(), 8V<!>!'.
in-l2;3« édir., 1824. XXXIl. Beàtttés
de l'histoire du jeune âge, 1820, in-
12. XXXIII. Nouvelle mythologie des
dtmoisdles, Paris, 1821, 1824, 2 vol.
in-l8.XXXIV.C/iar/esff Eugénie, ou
la liénédictionpaternelle, Papis,1821,
1829, 2 vol. in-18. XXXV. Palmyrt^
ou V Éducation de l'expérience^ 1822,
2 vol. in-12. XXX VI. Le petit Phi-
lippe, ou l'Émulation excitée par Va-
mour filial, 1822, l vol. in-18. On a
publie sous le nom de M"" de Reiine-
▼ille, après sa mort, d'autres ouvra-
ges qui ne sont pas d'elle. Z.
REXOt'LT (JeavB.\ptiste), moi-
ne apostat, entra d'abord dans l'or-
dre des cordeliers et se livra à
la prédication, puis, abandonnant la
vie monastique, se lit protestant
et devint ministre à Londres. Il
mourut dans fa première moitié du
XVIII* siècle, après avoir publié
quelques écrits contre l'église ro-
maine : I. Histoire de dona Olympia
Maldachini. traduite de l'italien en
français, Levde, 1666, in-12 {voy.
Leti, XXIV, 344, et Maidalchim-
Pawphili, XXVI, 228). C'est une sa-
tire violente contre la cour de Rome.
H. Le vrai tableau du papisme, ou
Exhortation faite à un prosélyte,
Amstf-rdani, 1700, in-12. III. Taxe
de la chancellerie romaine, traduite
de l'ancienne édition latine avec des
remarques et augmentée d'une nou-
velle préface, Londres, 1701, in-8°
{voy. DupiNET, XII, 275). IV. Les
aventures de la Madona et de Fran-
çois d'Assise, écrites d'un style ré-
créatif, Amsterdam, 1701, in-8°, fig.;
ibid., 1707, in-12, fig.; réimprimé
dans la même ville, 1745 et 1750,
in-8o. V. Le Protestant scrupuleux,
Amsterdam, 1701, in-8o. C'est la
réponse à une critique qu'on avait
faite de l'ouvrage précédent. VI. La
'RËN
469
târhsptîon àe VÊgUséiomàine prë-
dilé par l'Écriture, La Haye, 1703,
in-S". VIL Histoire d(s variations
àe l'Église gallicane, en forme de
lettres écrites d M. de Meaux (Bos-
suet), pour servir de réponse à son
livre des Variations des protestants ,
Amsterdam, 1703, in-12. VIIL L'an-
tiquité et la perpétuité àe la religion
protestante, démontrée en forme de
manifeste d tous les Franciscains,
au sujet de l'excommunication ful-
minée contre l'auteur, Amsterdam.
1703 et 1703, in-8'; réimprimé ji
Neuchâtel, 1821,in-8». Z.
REXOt'T (JEAN-JUUES-COSStA-i-
tin), auteur dramatique, né à Hon-
fleur en 1725, obtint la place de se-
crétaire du gouvernement de- Paris ,
et mourut vers 1785. Outre le Petit-
Poucet, la Soubrette rusée , comédie
en un acte , la Mort d'Hercule.^ tra-
gédie (1755), qui probablement n'ont
pas été imprimées, on a de lui : I.
Les Couronnes, ou le Berger timide,
pastorale en un acte, parodie de la
Fête de l'Hymen, deuxième entré»*
des Amours de Tempe, Paris, 1753 ,
in-8o.lL Zélide,o\i V Art d'aimer et
de plaire, comédie en un acte et en
vers , Paris , 1755, in-8o. IIÏ. Le Ca-
price, ou VÈpreuve dangereuse, co-
médie en trois actes et en prose, Pa-
ris, 1T62, in-12. IV. Le fleuve Sca-
manrfr*, pastorale en un acte et en
prose, mêlée d'ariettes, Paris, 1769,
in-S'. Les ariettes mises en musique
ont été gravées séparément , in-8°.
V. La Cacophonie, comédie en un
acte et en prose, Amsterdam (Paris),
1782, in 8". VI. la Brebis entre deux
loups .1 comédie-proverbe en on acte
et en prose , Paris , 1783 , in-8^. VU.
Le Devin par hasard , comédie en
un acte et en prose, Amsterdam (Pa-
ris), 1783, in-S". Malgré leur M»#dio-
crité , plmicufs des pièce» de Renout
4tO
REN
REN
obtinrent dans le temps quelque suc-
cès, mais elles sont complètement
oubliées aujourd'hui. Z.
RENUSSO.\ (Philippe), juriscon-
sulle français, né au Mans en 1632 ,
titde bonnes études dans celte ville,
fut reçu avocat au parlement de Pa-
ris en 1653, et acquit beaucoup de
réputation par ses ouvrages qui ont
éié réimprimés jusqu'à la fin du siècle
dernier, et peuvent encore être con-
sultés avec fruit. Il mourut à Paris,
en 1699. On a de bii : I. Traité des
propres réels, réputés réels et cort-
ventionnels, Paris, 1G81 , in-fol. 5
ibid., 1700,1714, ITiS.in-i". II. Trai-
té de la subrogation de ceux qui suc-
cèdent au lieu et place des créanciers,
Paris, 1685, in-4''; ibid., 1723, avec
des notes de Ch. de Fourcroy; 1732,
1742, in-4''. m. Traité de la commu-
nauté de l'homme et de la femme con-
joints par mariage, Paris, 1692,
in-fol. ; ibid., 1722, in-4». IV. Traité
du douaire, et de la garde noble et
bourgeoise , Paris , 1699 ; nouvelle
édition, 1713, in-40. Tous les ou-
vrages de Renusson ont été réunis et
publiés avec des augmentations et des
annotations par J.-A, Sérieux, avo-
cat, 1760, 1777, 1780,in-fol. Cette der-
nière édition est la plus complète. Z.
UENZI (ANTOiNii), littérateur ita-
lien, naquit, eu 1780, à Castelsalfi,
dans la province de Vol terre. Son
père, quoique pauvre et d'une hum-
ble condition, ne négligea rien pour
lui faire donner une éducation bril-
lante; et le jeune Antoine en pro-
fila tellement qu'à peine âgé de 20
ans, il fut jugé digue d'occuper la
chaire de pinlosophie au collège de
Pistoic. Bien qu'il eût peu de goût
pour l'état ecclésiastique , il entra
dans cette carrière, pour condescen-
dre aux désirs de sa mère, qui ne lui
avait permis d'éMidier qii«dan.< l'es-
poir de le voir un jour revêtu du ca-
ractère sacerdotal. Renzi avait trop
de fougue dans le caractère pour se
consacrer paisiblement dans une pa
roisse au soin des âmes, et il pré-
féra se livrer à la prédication. Mais,
quoiqu'il eût du succès comure ora-
teur, il se dégoûta bientôt de la chai-
re et se rendit à Florence pour se
charger de l'éducation d'un jeune
homme de grande famille. Il eut à
cette époque occasion de se lier avec
Georges Cuvier et de Géraudo, qui
lui firent obtenir, de Napoléon, une
place dans l'administration. Mais son
intégrité et sa haine des abus lui
suscitèrent de nombreuses inifnitiés,
et il se repentit d'avoir préféré la
carrière des emplois à la chaire qu'on
lui avait offerte à l'université de
Pjse. Se trouvant sans ressources
au moment de la chute de l'empire,
il fonda un journal avec quelques-
uns de ses amis, et y publia entre au-
tres un article mordant contre mada-
me de Staël, qui, dans sa Corinne^
n'a guère ménagé, comme on sait,
l'Italie actiielleel ses habitants. Ayant
des connaissances philologiques fort
étendues, il fut choisi parMolini pour
diriger les écVitions de quelques clas-
siques italiens, tels que Dante, l'A-
riosie et Pétrarque. Non-seulement
il revit les textes avec soin, d'après les
meilleurs manuscrits et les éditions
les plus célèbres, mais il y joignit en-
core de savantes et judicieuses anno-
tations. L'Orlando furioso et les
Rime de l'Arioste furent pour lui
l'obj^ d'une allenlion spéciale; il eut
la patience de relever tous les mois
employés par ce poète et de noter
ceux que les lexicographes italiens
avaient omis. Ce dépouillement con-
trihua sans doute a améliorer la der-
nière édition du Dictionnaire de la
Crusca. Cependant, les ressource* '
REP
que Renzi retirait de ses travaux Ht-
ténires étant fort rDO(liq'ies,il réso-
lut de venir tenter la foriune à Paris.
li y revit Cuvier, et obtint, par
son entremise, l'autorisation d'ou-
vrir un cours public de littérature
italienne. Toutefois il ne mit point
ce projet à exécution, et soit amour
liu pays natal, soit que le séjour de
Paris n'eût pas répondu à son atten-
te, il ne tarda pas à retourner à Flo-
rence, où il se livra à renseignen-.ent
l>rivé, et concourut à la rédaction de
VAntologiay recueil mensuel fort es-
liiiié et qui a cessé de paraître depuis
1835. Attaqué d'une violente péri-
pneumonie, Renzi succomba en 1823,
.1 vaut d'avoir pu achever une biogra-
phie des historiens les plus célèbres,
:i laquelle il travaillait depuis quel-
(|uc temps, et qui devait, au moins
par la forme et le plan, rappeler les
Vies de Plutarque. A— Y.
REPTOX (HoMPHREï), architecte
et jardinier-paysagiste anglais , hU
iMie granie célébrité en cette par-
tie dé l'horticulture qui, au siècle
précédent, fut portée dans la Gran-
de-Bretagne à un si haut degré de
perfection. Né en 1752 à Saint-Ed-
mnnds' Bury, dans le comté de Suf-
lolk, il eut l'avantage de recevoir
une éducation soignée , et manifesta
de boune heure un vif enthousiasme
pt ur les beautés de la nature, et un
g(;ùt égal pour les arts du dessin. 11
mauiii le crayon dès sa tendre enfance
et ne le quitta guère qu'avec la vie.
Toutefois il fut sur le point d'être
enlevé, psr une circonstance particu-
lière, à l'art dans lequel il ^'est dis-
tingué. Une de ses sœur» avait
épousé un avoué établi à Aylesham,
au comté de iNorfolk. Vraisemblable-
ment afin de se rapprocher d'elle, il
alla demeurer dans la même provin-
ce, et y 6i un séjour de huit années.
REP
471
C'est alors qu'il connut Windham ,
(Jont la résidence était voisine de la
sienne Laconformitéd'âgeetdegoiits
ne tarda pas à amener cutre eux «ne
grande intimité. Aussi lorsque Win-
dham fut promu à un poste éminent
en Irlande, enl783,Beptonoffrildel'y
suivre, et il eut un emploi dans l'ad-
ministration; mais cette prospérité
fut passagère : les whigs ne gardè-
rent que peu de temps le pouvoir,
et Repton revint en Angleterre avec
son ami. Marié fort jeune, déjà père
de plusieurs enfants et peu favorisé
de la fortune, il dut chercher dans
ses talents littéraires et artistiques
des moyens d'existence La publi-
cation d'une statistique du canl'U
où il vivait depuis plusieurs années
commença à le faire connaître en
178t. il publia ensuite des juge-
ments sur quelques expositions de
tableaux. La possession d'une petite
propriéié qu'il acquit vers 1786, à
Hare-Street, en Essex, fut pour lui
une occasion d'appliquer legéniedont
il était doué pour tirer parti des lieux
et des sites même les plus ingrats.
D'une maison très-incommode et de
la plus chetive apparence il parvint à
faire une habitation confortable, et
ce fut la première et une des plus
heureuses transformations pro<1uites
par son génie. Grand admirateur de
Brown, qui passe en Angleterre pour
le législateur des jardins, il se péné-
tra de ses travaux , prit part en sa
faveur à la pi»lémique engagée entre
Uvedale Price et Payne Kuight , et
croyant qu'on ne pouvait pas, dans
cet art, aller plus loin que celui qu'il
nommait son aiaître, il suivit d'abord
ses traces à la rigueur. Ce fut plus
tard q'ie; laissant l'essor à son pro-
pre géuie, il rectifia et perfectionna
le système de sou premier mode. e. Il
touchait à sa quarantrème aunée lors-
m
m^
se faire joyirv et bientôt il se vit ap-
ppld de tQus côtés à diriger de gran-
di p^^uiéjlior.it ion s dans les vastes r«'-
si(d[fin(;es de l'aristocratie. Ce qu'il fit
à.jC^çblviin-HalI , dans le comté de
^ut, chez lord Daruiey;; ciWoburnr
|À))bey;àWiiite-Lodgf,/cheZil(>rdSid-
mouth; à Beau-Désert, chez le raar-
«juis d'Aii^iesea, etc., se trouve ex-
posé avec intérêt dans le plus impor-
tani de ses écrits, les fragments sur la
ijiéorie et Id pratique de l'art des ^ar-
jiLins;^it^<^^e§queSf qui parut en 1816.
Çj'csjLjl^^qui a <lwiné les plans de la
j),lupart des beaux jardins que pos-
sèdré aujourd'hui l'Angleterre. Repton
inourut en 1818, laissant plusieurs
eefants des deux sexes. Un de ses lils
épousa la fiUe du lord chancelier El-
don. 11 comptait parmi ses amis plu-
sieurs hommes illustres, notamment
Wiudham etWilberforce. AHolUvood
U eut maintes fois occasion de voir
Pitt; et il se flatta un moment qu'il
pourrait faire du comte de Chulbam
lin ami des champs, un contemplateur
de la nature. Voici la liste de ses
écrits : 1 An account of the hun-
dredy tic \ description du canton de
Nfrlh Erpingham, dans le comté de
^'pr/bZ&,avecunei)ré/iace,178l,in-8°.
il. Yariiétés , collection d'essais ^
4j7j^8,i«i-12. m, L'Abeille, ou Criti-
quiâ^ur l'exhibilion de tableaux àSo-
merset-House, 1788, 10-8". IW.UA-
peUl£^ ci;itique surs la galerie shak-
speVri^'>ae^ 1789, in-S". V. Esquisses
efiti^^essurVart des jardins, 1794,
^TS?t:Qn regarde cet ouvrage comme
]e meilleur qui ait paru sur la matière.
NI. Lettre à Uvedale Price, sur le
ijuîinç. sujet, t7<J4,i»-8». Vil. Obser-
^}atiQi'is,sur leS' cliangemcnis turvc'
nt^t\ idçtn» ,1^'art des jardins, 1806,
if>,-T^"HiVm. Fanlaiiieibizaireg {Odd
.w/t»#»#)»-.l80 ff^ît i*<*. 4|i)'8Pi. €'eit la
r^irp|Mfeî^:H<¥i '^^ diverses p^^^ «jjéjîi
publiées, auxquelles il ajouta une co-
médie et quelques poèmes. IX. Sur
Vlntroductiond^V architecture et dp
Vart des jardins des Indiens, t8o!^
X. Observations sur la théorie et jfi
pratique de Vart des jardins, 1 vol.,
2 éditions. XI. Fragments sur la théo-
rie et la pratique de Vart des jardins
pittorcsques^ren fermant des observa-
tions sur la théorie et lapratigue des
architectures grecqueet gothique, in-
4" illustré de 52 planches, 1816, Ces
éditions sontenrichies de dessins faits
par l'auteur, qui a, pendant 20 ans,
fourni des vignettes au Polilc repo-
sitory pocket Boolt. On peut ajouter
aux Œuvres de Repton plus de trois
cents manuscrits sur divers sujets, ac-
compagnés degravures explicatives.
Sa famille possède eu manuscrit 2 vol.
de Souvenirs de sa vie privée. JL.
RtLSSEGtlEli (JKAN de), p.rési-
dent de la chambre des enquêtes au
parlemeur de Toulouse, naquit ùans
cette ville, le 22 juillet 1G83, d'une
famille originaire du Bouergne, qui
depuis trois siècles a donné au même
corps des magistrats distingués. 11
fut reçu conseiller en 1705, et dans
le même tejnps membre de l'Acadé-
mie des Jeux-Floraux. Plus tard il fut
un des fondateurs de l'Académie des
sciences de Toulouse, et sut coRci,i.ier
les devoirs de ces deux, sociélés
avec ses fonctions au parlement,
qui le choisit bientôt pour son dé-
puté auprès du grand-conseil, où il
avait à traiter quelques affaires déli-
cates. Resseguier réussit complète-
ment dans cette mission, et par son
caractère de douceur et de politesse
il sut se faire de nombreux amis dans
la capitale C'est à son retour qu'il fut
nommé président. H mourut à Tou-
louse, le 25 sept. 1735, laissant plu-
sieurs ouvrages inédits, enirtfaulr^s
RI*'
mie Histoire du parlement de Ton-
touse, dont le manuscrit Piist<* f ncéir*
Hans-^ètfe ville. — Ressfgtibr (Ife
chfevaffér CU)neni -Ignace dp), de la
th^e faiïiiîleqiie le précédent, na-
quit à Tonîouse le 23 nov.1754, et frit
destiné dès l'enfance à l'ordre de Mal-
te. Il passa en conse'quence fort jeune
dans cette île. où it prononça ses vœnx
et fît ses caravanes sur un vaisseau de
l'ordre. S'étant distingué dans pTn-
sieurscxpéditionscohtrelesinfidèles,
il devint général des galères, obtint
de riches commanderies. et eut l'a-
tantage de séjourner long-temps en
France. Doué de beaucoup d'esprit,
mais naturellement caustique, il com-
posa plusieurs épigrammes dans les-
quelles il ménagea pen les gens en
crédit ; ce qui le lit emprisonner plu-
sieurs fois à la Rictiiip r.iu qg»]!
composa contre unpa-
dour If conduisit ail cnaieau ù'if.d'uù
il n e sortit qu'à la prière de son frère,
conseiller clerc au parlement de Tou-
louse, qui partit en poste de cette ville
pour venir à Versailles implorer ma-
dame de Pompadour elle-même. Celte
dame n'hôsita point à lui faire grâce,
et Resseguier sortit de son cachot. Ce
qui es: fait ponr étonner, c'est que
non-seulement il ne sut aucun gré à
son frère de cette obligeante démar-
che, mais qu'il lui reprocha durement
ThumiliaMon à laquelle il s'était sou-
mis auprès d'une pareille femme, et
qu'il continua de publier contre elle
cette mordante épigramme :
Hlle d'une sangsue, et, jangsue e]le-m*«e,
Hûisson {i}, Jâns son i.aTais, sans remords,
sans effrcM,
KuJe an» Tcnx de toussoniu«olcni-e extrême
La dej,ou.He du peuple et la boute du roi.'
Le commandeur de Resseguier, ayant
1 O iXLidanie de Pompadour Vjimetalt
til^
4T8
perdu par la ïévïitetioh^trt b^fëfi-
ces qu'il possédait en Ffance,'se re-
lira d arts Plie de IfeHe, où i ravivait
en pais lorsque la^plàeè fe<? Tfiidit
à Bonaparte, en itdS/NdWsne^éiV''
sons pas qn'il ait tu part iu-t l/tHie*
tés qui mirent ponr i- ^
la main des Fi-an*>=!'
dela.Wëdiferran^
Ransijat, LfX, i -
duisait alors à nne nullité qlié Phi^
(oire pent d'autant m^!"< '<- .r..,.-.
cher qu'il monrut dai
Bée, et fut enseveli dans j ife enc it^
"occupée p,ir les Français. Outre uù
grand nombre de p'
dans divers rectieils, 1
Resseguier a iHissé mamiscrit un
poème sur la Prise de if/.'oiM. Ses
ouvrages imprimés sont : f. roi/at^e
^Amathunte^ mêlé de prose et de
rers, 1750, în-8». 11. Dissertation
sur la trahison imputée à André Ùa-
mar al, chancelier de l ordre de Saint
Jean de Jéru$aleiR. lors du siège de
fif>odesenioTi,nb7,\n-i2.ni.£loge
de M. Lefrane et de ses œurres: IV.
Le Traité de l'Amitié et celui de là
Vieillesse de Cicéron. trad. en fran-
çais, 1780, in-go, M— D)
RESTIE£R (AwotNB.Ji^ifo.^.
l'un des comédiens les pins paVraî^s
du dernier siècle, naquit à Lydn, en
1726, de parents pauvres, qui n'a-
vaient pas les moyens dè-kii donner
un état. Aus5i, dès son eUfance, il èn-
iradans nneiroupe de sëltimbanqoes
ou il futsautenr et pailfas«e. Sa sW-
piesse et sa gentillesse lui valurent,
quelques j.nnees après, la permissif
de débuter comme danseur sur: un
théâtre «le province: m^ji$ \\ a>-ait
trop d'esprit et de ^lîté pour s'eh
tenir long-iemps à la panloiuirtw^ il
chmssa le brodequin et pritremploi
de premier comique. H faisait ^rat-.
t«e de fa tw>upe4el*on.'itMH irsfs'
m
RES
où se flt l'ouverture du grand théâtre
construit par Soutllot. Hlalgré son ta-
lent supérieur dans lnsvaleis et dans
certains rôles spéciaux, tels que Tar-
tuffe, il .idopta de bonne heure les
manteaux et les financiers qui con-
veuiiient mieux à son physique. Sur
le bruit de sa réputation, on le dési-
gnait,à Paris, comme le double et suc-
cesseur futur de Bonneval, qui a rem-
pli cet emploi au Théâtre-Français
jusqu'en 1773. Mais Restier rejeta les
brillantes offres qu'on lui lit pour l'at-
tirer dans la capitale , et ne voulut
pas quitter Lyon où il était chéri du
public et admis dans les meilleures
sociétés. Si dans les financiers il
parut inférieur à Desessarts et à
Grandmesnil , qui avaient remplacé
Bonneval, parce qu'il n'avait pas le
gros ventre du premier ni l'itir dur
et insolent du second, il les surpas-
sa incontestablement dans les man-
teaux et les grimes auxquels son or-
gane, sa physionomie et son grand
nez se prêtaient admir.iblement. Per-
sonne n'a mieux ']o\u'.Iiernadille dans
la Femme juge et partie, Orgnn dans
la Pupille et dans le Consentement
forcé; Armante dans les Fnurberiex de
Scapin; Géronte dans le Légataire^
etc., mais surtout Hirpas^on dans VA-
vare, où il était inimitable, parce qu'il
le jouait d'après nature. On raconte
à ce sujet qu'ayant un peu légère-
ment promis à un de ses camarades
de lui prêter une petite somme, il ou-
vrit un tiroir en rechignant et lit
rouler, par la secousse, plusieurs pi-
les (l'écus. « P.iuvres petits, dit-il,
« vous crie;?, vous ne voulez pas sor-
« tir; eh bien ! restez. - Et il referma
son tiroir. Déj"ar;;)lus (luesexai^éitaire,
Reslierquittak théâtre, peu de temps
avant la révolutionvraais le parterre,
n'ayant pu goûter les médiocres ac-
teurs qui l'avaient remplacé, finit par "
RET
le redemander à grands cris. Alors
Restier remonta sur la scène en 1790,
et continua d'y être applaudi jusqu'à
l'époque du siège, en 1793.Arrété pen-
dant le régime de la terreur et triduit
devant ses juges, il se tira d'affaire
par sa présence d'esprit. « J'espère,
« citoyens , dit-il en terminant son
« petit plaidoyer, que vous n'aurez
« pas l'ingratitude de faire pleur«r
«celui qui vous a tant fait rire.»
Toutefois, emmené prudemment à
Strasbourg par un de ses camarades,
il ne revint à Lyon qu'après que
l'orage fut passé. Il rep.irut sur la
scène m.ilgré son grand âge, mais
il retourna bientôt dans sa maison de
campagne, à la Croix-Rousse, où il
termina sa carrière le 16 mars 1803.
Peu de temps avant sa mort, dînant
chez son curé : • Paiera-t-on, lui de-
« manda-t-il , la mes.se qui STa dite
« après mon décès?— Non, mon ami.
• — Et les vêpres? — Non plus. — Eh
« bien ! je mécontenterai des vêpres.»
Av;ire jusqu'à la fin , Restier mourut
d'ailleurs chrétiennement.
A-T.
HETZ de Rochefort, médecin de la
marine royale à Rochefort, n'éîait pas
nédanscetteville, quoiqu'il eilt ajouté
son nom au sien, commeoiitfa't beau-
coup d'autres, tout en repoussant des
prétentions de féodalité. Il fit ses étu-
des médicales à Paris, et fut employé
comme médecin militaire dans la
guerre d'Amérique, puis à Rochefort,
lorsque la paix se fit en 1783, avec
le titre de médecin du roi. Ayant alors
adressé au dui' de Castries, uunistre
de la marine, plusieurs demandes et
projets sur divers sujets, notamment
sur les travaux de Cherbourg, non-
seulem^'ut il eut le chagrin de ne
pas les voir accueillis, mais il pf-rdlt '
son «mploi, par suite d'un duel avec
lin M. Gerinonière, contrAleur, tui
RET
avait pris la défense d'oo fébrifuge,
appelé po«dr« du pilo, employé dans
les hôpitaux par ontre du ministre.
Le docteur Retz fnt deMitué souspré-
teite qu'il traitait avec nne extrême
légèreté les malades confiés à ses soins.
Alors il alla s'établir à Arras. où il
exerça sa profession avec quelque
succès. En 1778, il avait reoiporté
un prix sur ce snjet mis au concours
par l'Académie de Bruxelles: Décrire
la température la plus ordinaire des
saisons aux Pays-Bas, etep indiquer
les influences, tant sur l'économie
animale que végétale ; marquer les
suites fâcheuses que peuvent avoir
les changements notabUs danx cette
température, avec les moyens d'y
obvier. Cet ouvrage , qui lut im-
primé en 1780, lui lit le plus grand
honneur. Pendant son séjour à Ar-
ras le docteur Retz se lia avec Ro
bespierre, et, dès le romnicncemf-nt
de la révolution, il partagea ses opi-
nions politiques. S'étar.t rendu à Pa-
ris en août 1790, il écrivit au prési-
dent de l'Assemblée nationale, pour
être réintégré dans son emploi. Nous
ignorons s'il l'obtint, mais il est sOr
que depnis ce temps il ne fut plus
question de lui, et il y a lieu de croire
qu'il monrutdatis lesdernieresannées
du XVlll* siècle, hnlépendauiment
des ouvrages que nous avoiis cités,
on a de ce docteur : 1. Météorologie
appliquée à la médecine et à l'agri-
culture. Paris, 1779, iii-8'';2«ediiion,
1784. On trouve à la suite le Traité
d'un nouvel hygromètre comparabe^
imité de celui de M. Deluc.U. Lettre
sur le secret de Mesmer, 17»2. lil.
Recherches pathologiques, anatomi-
ques et judiciaires sur les signes de
l'empoisonnement . 1784. IV. Mé-
moire pvur servir d i'hisloire de ia
x.jon^lerie^ dam lequel on démontre
tesphénomènes du Mesmérisme, 1 784.
RET
475
V. Observations sur les maladies
épidémiques qui régnent tous les ans
àRochefort, 1784. VI. Fragment sur
l'électricité htinuiine. Paris, 17S5. in-
S^. \l\. Nouvelles instructites. biblio-
graphiques, historiques et eriliques
de médecine^ chirurgie et pharmacie,
Paris, 1785, 1786, 4 vol — Continoa-
tion sous ce titre : Nouvelles, ou An-
nales de médecine, chirurgie et phar-
macie, recueil raisonné de tout ce
qiCil importe d'apprendre po'Jr être
au courant des connaissances et â
l'abri des erreurs relatives à l'art
de guérir, formant les tomes V à VII
du rectieil précédent, Paris, 1789-91,
3 Toi , en tout 7 vol. in-l». VIH.
Nouvelles littéraires et critiques de
médecine. chirurs;ie et pharmacie,
servarit de réponse à P. Sue, parun
étudiant en médecine. Paris. 1786,
in-18. IX. Préfi* sur les maladies
épidémique <f,qui son t les sources de la
mortalité parmi les gens de guerre,
les qen* de mer et les artisans, 1788.
\.Des maladies de la peau, particu-
lièrement de celles du visage, et det
affections morales qui les accompa-
gnent, 1790, in-8°. XI. Le Guide des
jeunes gens de Vtin et de l'autre sexe,
à leur entrée dans le monde, pour for-
merle ccettr. le jugement, le goût et la
santé, 1790. 2 vol. ni-t2. XII. Notict
et projet de décret sur la constitution
de l'armée navale, 1790, in-S*. Le
(lorieur Retz, u<iant amplement de la
liberté qui renaît d'être donnée à tout
le monde pour faire et défaire des
constitutions, ne pn>po.sa pas m'»ins
dans cet ouvrage que d'introdiiire
dans li marine la moitié de l'armée
de tene, ce qui pouvait avoir pour
l'avenir de granils résultats; mais ce
n'était pas^ vers l'accroissement de
n<is forces maritimes que les idées de
la Francfi étaient alors dirigées, XIII.
Instruction sur les maladies le» pltis
4Î6
Mu
WHimitiés'fMî te^eiijpTe,à fiisâ^
'des '^i'é^sotiUes hienfaisdniés qui lid-
bitem lès campagnes, I79i;' if^. ' "
IIETZIUS (AM)r!É-jAHAN), cé-
lèbre naturaliste suédois, élève et
contiiiiiatciir de. Linné , naquit le
^ octobre 1742 à Christianstadt ,
flrs;'k?liÀ' c'.iirurgieii de rarniée sué-
doi^cVquî lui donna les premières lé-
chons de son art et fut assez heureux
^oiir lui ihspirer le goût des études
qui l'ont, illustré. Mais ce bon maître
Itii fut'enlèvé lorsqu'il avait à peine
atteint sa treizièn^e année, et sa
Ihère, no pouvant' le soutenir' au
iiollé^e, fut obligée dé le garder chez
èll'e.'^è'^iïd' tligne femme lit néan-
ttihiiik tbu's'ges efforts pour qu'il étu-
diât à l'école de sa ville natale, mais
ses ressources furent bientôt épui-
sées, et le jeune Retzius se vit forcé
d'abandonner les livres et de choisir
"lin'^enre de vie où il pût du moins
'gagner le nécessaire. Conduit par sou
g()ût pour la botanique et la chimie,
il chercha une place chez un phar-
macien de Lund en Scanie, où se
trouve une université, ce qui lui don-
'ha occasion d'y fréquenter les cours
d'histoire naturelle. En 1758 il s'y ht
inscrire comme étudiant. L'année sui-
vante on lui offrit une place dans
îtné pharmacie à Carlshamn, mais il
lié l'occupa qu'un an, et se rendit à
Stockholm où il subit les examens
exigés pour être pharmacien. Son
cours étant terminé, il essaya d'établir
utie pharmacie dans une petite ville ap-
pelée Cimbritshamni mais ayant été
'délourné de ce. projet, il vint à ^uhd
^ pvur y continuer ses études , et pu-
i)lia eu 1761, une dissertation intitu-
' lée -Dénatura elindole chemiœ pu-
rœ. A peine âgé (,1e 22 ans, il di'cou-
vril le moyen ^e plus simple dç pré-
parer le salep avec, les bulbes de
iorrhfs mono, t reçut, peu de temps
^iiW^;j^V^i^i^è)6^*'H^|i»ê^
coimîe,'et ti-ois aris'pïus tÀViî (ff^ïtiiVe
(lès cours publics d'histoire naturelle.
Eh 1766 il fut reçu docteur. Rcvénià
deux ans après à Stockholm, il cnti'li
an collège dès mines. Ce fùt'pen-
daht ce séjour dans la capitâlè'que le
collège de santé le cli.irgea d'une
partie de la rédaction d'une pharma-
copée suédoise, et d'ouvrir un coins
de pharmacie. 11 professa en même
temps l'histoire naturelle dans l'é-
tablissement fondé par le célèbre
Jenstedt, et appelé schola illustrîs.
En 1771 il fut nommé démonstrateur
de botanique h l'université de Lund,
et en 1777 le roi lui donna Iç litre de
professeur d'histoire naturelle; mais
ce ne fut qu'en 1795 qu'il en exerça
les fonctions. L'année suivante il oc-
cupa la chaire de chimie. En 18U,
quand le buste de Mnné fut placé au
musée de l'Université, le professeur
Retzius prononça un discours eu
l'honneur de ce grand homme, qui
avait été son maître et son ami. Ce fut
à cette occasion qu'il fit don de ses
collections sur l'histoire naturelle,
qui étaient considérables, à l'Univer-
sité de Lund. L'année suiv|nte il re-
çut du roi un congé perpétuel, mîiis
il exerça toutefois la place d'inten-
dant du jardin botanique, dont le soin
fut sa plus chère occupation Le roi
le nomma, en 1814, chevalier del'É-
toile-Polaire. Retzius continua ses
études et ses recherches scientifiques
jusqu'en 1810, où uae maladie grave
viul troubler le calme dont il jouis-
sait et le mit dans Timpossibililé de
suivre aucun travail. Enfin il succom-
ba à Siockholm, le (> octobre 1821. H
était membre de il sociétés savantes.
Les ()uvrai;es qu'il a laissés sont: 1.
Abrégé des principes de la pharma-
cie, Slo'ckhohn. 1769, ih-8o,lraduit eu
ùtïnciènadema'iut. II. Xomenclator
RET
|jO(^^(CM« enumerans planfa$ on\tif8
tn syslemàte naturœ, etc., Leipzig,
^J-i in-S". m. La Flore de Suède
par ^i^iiié ëlant devenue fort rare,
Re^zius conçut le projet d'eu donner
une nouvelle édition, elil réunit pour
cela un grand nombre de uiiitériaux,
Aendaulses recherches à toutes les
contrées septentriona'es. Enfin ilpu-
JSIiâ cet ouvrage sous ce titre : Flora;
sçandinaviœ prodromus, mumeràns
plantas Sueciœ., Laponiœ, Finlan-
àicB, Pomeraniœ ac Daniœ , Nor-
vegiœ, Jslandiœ, Groenlandiœque^
Stockholm, t77!), in-8", et Lfipzîg,
{795, in -8". Ce livr| est resté comme
émeilleur répertoire botanique pour
^scontrées du Norfl. IV. Jntroduc-
Jtîon au règne animal diaprés lesyi-
^Ume de Linné, atec des gravures ,
Stockholm, 1772, in-S". V. Gênera
et species insectorum , secundum 1er-
rninologiam Linneanam, Leipzig,
1783, in-S". Lés Mémoires pour ser-
vir à l'histoire des insectes, du ba-
ron de Geer, le Réaumur suédois
(1757-1768, 7 vol. in-4'') , étaient
d'un prix si élevé que leur cherté
en rendait l'acquisition peu acces-
sible au plus grand nombre des
naturalistes. Dans leur intérêt, Ret-
. zius s occupa de résumer en un
seul volume la substance de cet ou-
vrage capital, en y ajoutant la ter-
iijinologie de Linné et la synony-
mie des autres entomologistes. Ce
travail a beaucoup contribué à po-
pulariser l'étude des insectes dans
un pays où ils abondent. VI. Dis-
cours sur ce qui nous persuade d'ap-
prendre l'histoire naturelle , Stock-
holm, 1770. VII. Prolegomena in
pharmacologiam regni vegetabiîis,
Leipzig, 1783 Wll. Lectiones puili-
^■œ de vervnbus intestinalibus prœ-
rtim humanis, Stockholm, 17.^ fi,
-sr L*duleiu- divise Us vers intes-
iUET
4]'
li(|iaux en sept espèce, et il combat
iès méfïecin^ qui ont pensé que, lieç
œufs de ces vers naissent avec l'hoinf
me. On trouve en tfte i^ jiv^v uujca-
taloguft des ouvrages dans Jesqufjs
est traité ce sujet injporlant, l\,. 06-
servationes bolaniçf^ - sex fq^çiic^l^
ciimprcliensœ , mni .iqbuUi^isfn^^
Leijizig, 1 779- 179 1 ,ln' fql, C'est ^oii,.
vrage capital de R,^tzius et cçiui qui
a le plus éleudu sa répufa,tion, Lés
planches dont il ^t accompagné ai-
dent beaucoup à la deieraiiuaticnj des
caractères des plantes, que Itautew
décrit avec autant de clarté que de
précision. Il relève, les erreurs , dans
lesquelles sont tombée d>uti;ês-jM^
tanistes , et se plaint aussi de la xa^
nie de pluslears. d'entre eux, de mul-
tiplier les espèces à raison de légères
différences dans quelques parties de
la même plante, ce qui n'est pro-
pre, dit-il avec raison, qu'à jeter de
la confusion dans la science. X. Essai
d'un système du règne minéral abrégé
pour s'en servir en professant, hat^^
n95^in-S''.\\. FaunœSuecicceavim
Linné, emendata tt aucta, pars l,f,
Leipzig,180 1, grand iii-S". Dès l'année
1781 Betzius avait préparé les maté-
riaux de cette Iroisième édition de
la Faune suédoise. Le nombrp ries
espèces ajoutées à la nomenclature
de Linné est assez considérable ,ft
quoique les descriptions du grand jià-
tiiraliste soient textuellement res-
pectées par réditeuf, il tes ét^hd,
quand it est besoin, d'après les nou-
velles observations qui ont été faites,
depuis les premières publications de
la Faune suédoise. XII. Essai d'une
Flora œconomica suecica , Luud ,
1806, 2 vol. in-8°. XïlI. Traàuctipn
d'un traité, de Kirvan, sur tes dif-
férentes espèces de funùer, Lunà,
1797, in-8^ XIV. Trad^tcïion ctun
trailéa d'Andersoïi, »uf Té imï et
ïqfnfî ^n !!5q îin-jï ll'.oslOftt ^^n^to i
478
REU
le beurre^ 1802, in-8». XV. Traduc-
tion des indications pour Vamélio-
ration de la race des brebis, par
Abilfl^aard et Wiborfi, Stockholm,
1806, in-8°. XVI. Flora Virgiliana,
avec un appendice sur les plantes qui
étaient servies sur la table des Ro-
mains, Lund, 1809,in-8«. XVIl. En-
seignement au peuple pour la plan-
tation des arbres, surtout dans la
province de Scanie. Retzius a publié
en laliii plusieurs disserta1ion« insé-
rées dans les mémoires de différen-
tes sociétés savantes. Thunbcrg lui
a dédié un nouveau getire de plantes
t|u'il a découvert au Cap, et auquel il
a donne le nom de Relzia.
B— L— M et L — M — X.
REUSS-P/aiicn (Henri XV,prince
de), général d'artillerie au service de
l'Autriche, né le 22 février 1 75 1, d'une
branche collatérale de cette famille
princière, l'une des plus anciennes
du corps germanique, reçut une édu-
cation très-soignee comme destiné à
la carrière des armes, et entra fort
jeune dans l'armée autrichienne, avec
laquelle il fit la guerre contre les
Turcs, sous le prince de Cobourg, ce
qui lui valut le grade de colonel. Re-
venu avec ce prince en Allemagne
lorsque la paix fut conclue, il le sui-
vit encore dans les Pays-Bus en 1793,
pour y combattre les Français. Après
avoir concouru à la victoire de JNer-
winde, il commanda, dans les mois
ii'avriletde mai, un corps détaché près
de Bavai, et obtint quelques succès.
11 fut fait général-major après l<i ba-
taille de Watigiiies, près de Maubeu-
ge , et lit, en cette qualité, la mémo-
rable campagne de 179t. Eu 1796, il
passa à l'armée d'Italie, où il se dis-
tingua dans plusieurs occasions, uo-
tamiueitt à l'aifaire du chAteau de
Pietra et k celle de Baselga. En fé-
vrier 1797, il devint feld -maréchal-
RÈU
lieutenant, continua d*être' employé
en Italie, et comVnanda, en 1799 et
1800, un corps formant l'aile gauche
de l'armée du général Kray, qui assié-
gea Mantoue et força cette place à
capituler. Le prince de Reuss fut en-
suite chargé d'entretenir les com-
munications, par le Tyrol et les Gri-
sons, entre l'Allemagne et l'Italie;
puis nommé, en 1802, directeur- gé-
néral du recrutement des armées im-
périales. Eu Î812, il commanda un
cnrps d'observation, et l'année sui-
vante, s'élant trouvé à la tête de ce
corps en présence de l'armée de Ba-
vière, sous les ordres du prince de
Wrède, il fut chargé de négocier la
paix avec cette puissance, et parvint
à la faire entrer dans la coalition contre
la France, par le traité de Ried, qu'il
signa pour l'Autriche le 8 avril 1813.
Le prince de Reuss • Plauen commanda
ensuite un corps dans la grande armée
des alliés sous le prince de Schwar-
zenberg, puis il fut nommé com-
mandant de laGalicie. En 1814, il ftit
chargé du gouvernement civil et mi-
litaire de la ville de Venise, et mou-
rut vers 18.^, dans uh âge avancé. 11
était colonel-propriétaire d'un régi-
ment d'infanterie autrichien, grand'
croix de Tordre impérial de Léopold,
chevalier de Marie - Thérèse et de
Saint-Hubert de Bavière. — Le prince
de Reuss-Lobstein, qui conunnndait
un corps de la confédération du Rhin
k la grande armée de Napoléon, fut
tué sur le champ de bataille près de
Dresde, dans le mois de sept. 1818.
M — D j.
KEUTII (Bernard), historien
russe, né à Mayence vers le milieu
du XVIII* siècle, reçut dans cette
ville sa première éducation , et ,
acheva ses études à (éna, Leipzig et j
Gœttingue. Revenu dans sou pays,
il entra au .service civil dans le dé-
REU
parlement du Mont-Tonnerre, sans
abanclnner ses occupations litié-
rairfs. H se rendit ensuite à Dorpat,
nù il remplit les fonctions de vice-
directeur de Vlnstitut pédagogigue.
.^ue i'invitation du comte Potoçki,
alors orateur de l'arrondissement
universitaire de Kharkof, Reuth se
rendit en 1801 dans cette ville, pour
( nseigner à l'université l'histoire des
États de l'Europe et leur statistique.
'>fut làqu'il mourutleS janvier 1825.
Voici la liste de ses ouvrages , pu-
bliés soit en Russie, soit en Allema-
"gne. I. Lettres politiques, accompa-
gnées d'un Essai sur l histoire de
l'ancienne ville de Mayence^ Man-
heim , 1789. II. Histoire de la
^^{fuerre civile en Ffance, par Davila;
trad. de i italien en allemand , avec
une Histoire de la puissance des rois
et (les révolutions de France, depuis
l'origiue de la monarchie jcsqu'à la
Ligue, Leipzig, r792-1795, 5 vol. gr.
in-8\ Celle tradiiction fut réimpri-
mée à Vienne en 1 8 17. III. Histoire de
la puissance des rois et de la révolu-
tion en France, depuis la dissolution
de la Ligue jusqu'à la république,
Leipzig, 1796-17^7, 2 vol. in-8o
IV. Révolution de la république de
Venise, Leipzig, 1798. V. Tableau
historico-slalistique du Portugal ,
par le général Dumouriez , trad du
français en aUemam^ Leipzig. 1798
VL Voyaie en Sicile, à Athènes, à
Constant inople, etc.; trad. libreusent
de l'anglais, Leipzig, 1798, in-4«.
VIL Essai d'histoire des Russes (en
latin), re partie, Kharkof, 181 1,
in-8°. VII L Esprit des productions
littéraires de l'Orient et de l'Occi-
dent, Kharkof, I8U, in-4''. IX. L'O-
rient, discours prononcé le 25 déc.
1814 ^v. st.), Khark'jf, in-i". Reuth
prononça encore à Kharkof deux au-
tres discours, dont le premier eut
REU
479
pour objet la Confédération du Rhio,
et l'autre le Droit public des royau-
mes unis de la Grande-Bretagne.
Quelques autres de ses productions
ont été imprimées dans des ouvra-
ges périodiques. H est à désirer que
ses papiers soient conservés à la
bibliothèque de l'université de Khar-
kof, surtout ceux qui ont rap-
port au traité sur les Rus$es, qst^il
se proposait de publier. La vivacité
de son imagination lui a liait admeUrf
quelquefois des « ' ' .s hasar-
dées, mais ses co, -histori-
ques n'en sont pas luuius aiguës d'at-
tention. Sun Essai d'histoire russe
et V Histoire de Daviia, qu'il a cora-
plélec, doivent être regardés comme
ses principaux ouvrag/>$.. 6-^b>-d.
KEUVËAS (JeA.N ÉVERARO), ju-
nscoitsulle, né à Harlem en 1763, fit
de bonnes études à l'université de
Leyde, et soutint, pour êtie gradué
en droit, une théi.e sur cette question:
De cautione muciana.S'ttdul fëUrr-
cevoir avocat à La Haye, il y forma en
peu de temps une beîle clientèle.
Après i'mvasion des Français, en
1795, il fut nommé conseiller à la
cour de justice de la province de
Hollande. Le gouvernement batave
ayant encore subi une révolution en
1799, ReuvMis fiit mis à la télé de
la magistrature sous le titre d'o^«if.
général de la justice^ emploi (n»^
eu 1801, fut supprimé. Alors Reuvens
devint président de la haute-cour de
justice. Lors de la création du royau-
me d.^ Hollande en faveur de Loui.<
Bonaparte (1806), il fut nommé con-
seiller d'État, pids prési ient de sec-
tion elvice-pré^dent. Quand la Hol-
lande fut réunie à l'empire français,
en 1810, il fut d'abord nommé prési-
dent de la C"ur d'appei à La Haye, et,
bientôt appelé à Paris où sa répota-
tion de savoir l'avait dès long-tetnps
480
REU
prt>cedt'. Il y fut nommé cousoiller ii
la cour de cassation; et Merlin,
alors procureur- ge'n»'ral, le pré-
sentant à ses collègues, leur dit ;
« J'ai l'honneur de vous présenter
« l'un des plus grands jurisconsultes
« d'un pays qui a fourni tant d'honi-
« mes distingués en cette partie. •
Reuvens justifia bientôt cet éioge par
d'excellents rapports sur des affaires
importantes dont il fut chargé. Lors-
que la puissance de INapole'oii tomba
et que h royaume des Pays-Bas fut
établi, en 18i4, Reuvens retourna
dans sa patrie ; il fut nommé pré-
sident de la cour d'appel à La Haye,
et en même temps membre d'une
commission chargée de rédiger un
Code pour le nouveau royaume. S'é-
tant rendu à Bruxelles, en 1816,
pour ce travail, il y périt victime
d'un complot dont on ignore en-
core la cause et les auteurs. Le pro-
fesseur Tewater a fait pour la So-
ciété de littérature de Leyde un
éloge de son confrère Reuvens. —
Reuvens ( Gaspard-Jacques-Chré-
tien) ^ archéologue hollandais, ii!s-
du précédent, s'est parliculièreitient
distingué par ses connaissances dans
l'archéologie égyptienne. Il naquit à
La Haye en 1793, et lit de très-bonnes
études à Amsterdam, sous la direc-
tion de Van-Lennep; puis à Leyde,
sous Wittenbach , et à Paris sous
M. Boissonade. EnlSliilaccompagna
son père dans cette ville, et y reçut le
REU
grade de licencié en droit. Étant re-
tourné dans sa patrie, par suite des
événements de 1X14, il fut nommé
professeur à l'athéncede Hardevich,
et, après la suppression de en collège,
à l'université de Leyde. Il mourut à
Londres le 22 jnin 1835, à l'âge de 42
ans, le jour même où il se prépa-
rait à rentrer dans si patrie. C'est à
lui qu'est due la fondation du mu-
séum d'antiquités égyptiennes, at-
taché à l'université de Leyde. Entre
autres ouvrages, on a de Reuvens :
I. Lettres à M. Letromie sur les pa-
pyrus bilingues et grecs, et sur quel-
ques autres monuments gréco-égyp-
tiens du musée d'antiquités de Leyde,
vol. in-i" avec un allas in-ful. def»
planches, Leyde, 1830. La Revued^É-
dimbourg a donné plusieurs analyses
de cet ouvrage (juin, 1831, etc.). II.
Notice et plan des constructions ro-
maines trouvées dfins les fouilles
faites en 1827-29 sûr l'emplacement
présumé du forum Hadriani, à la
campagne nommée Arentzburg, près
deLaHaye, Leyde, 1830, in fol. III.
Histoire des momies égyptiennes, ou-
Vfiige important. IV. Nouveau Jour-
nal de la littérature, des sciences et
des arts^ dont il n'a paru que 5 cah.
in-8". V. Colleclanea litteraria, où
se trouvent des recherches et remar-
ques très-érudiies sur Attius, Dio-
inède, Lucilius,.Nidus, Nonius, Var-
ron et quelques autres écrivains la-
tins peu connus. M— d j.
PIN DU 801XANTB-DIX-HUIT1RMB VOLUMK.
Biographie universelle,
ancienne et moderne
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