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MEMOIRES
■DU LA
SOCIÉTÉ D'ÉMULATION
D U DOUBS
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BROYK-LEZ-PESMKS
HISTOIRE - STATISTIQUE - LANGAGE
M. le docteur Ch. PERRON.
$éance du tS décembre 1888.
0 o
VA \
BROYE-LEZ-PESMES
g I. - VESTIGES D'ANTIQUITÉ.
Pays d'avant-poste.
Broye-lez-Pesmes, en Franche-Comté, est situé au con-
Ûuenl «le deux importantes rivières, la Saône et l'Ognon,
dans un angle de terrain donl les côtés extérieurs conflnenl
;i droite e1 à gauche le duché de Bourgogne. I>e sorte que le
territoire de cette commune pénètre comme un coin dans
l'ancien pays des Eduens dont il est séparéau nord, par la
Saône, el au midi, par l'Ognon (1).
Comme ces deux cours d'eau sonl guéables en plusieurs
endroits, la traversée n'en a jamais été très dangereuse. C'était
comme une barrière naturelle pour les deux pays. En ren-
dant les communications difficiles, cette barrière pouvait,
jusqu'à un certain point, être un obstacle pour les relations
d'affaires, mais non pour des in airsion. d'une rive à l'au-
tre, La facilité du passage des deux rivières était même une
invile aux agressions entre Eduens et Franc-Comtois.
(1) A cet égard, la plupart de nos cartes sonl fautives. Elles indiquent
mal les limites de la Franche-Comté, en attribuant à cette province tes
deux rives de la Saône el de l'Ognon Jusqu'au confluenl de ces deuj
rivières.
— 332 —
Il est donc à présumer (pie les champs de Broyé mil été
le théâtre de bien des luttes sanglantes el de plus d'un
exploit guerrier à une époque où l'esprit de conquête e1 de
rapine prédominait si fort sur les sentiments d'humanité el
de justice. Car c'est par ce coin de terre qu'on pouvait le plus
facilement pénétrer par surprise en Séquanie.
Je ne crois pas qu'avant la conquête romaine, on ail songé
à fortifier les gués de nos rivières. En vertu de leur caractère
imprévoyant et de leur crânerie traditionnelle, les Gaulois,
dont nous sommes les fils, étaient plus portés à conduire
des attaques qu'à se garer des surprises. Ils estimaient
qu'il y a plus de gloire à surmonter des obstacles qu'à en
accumuler devant ses ennemis.
La stratégie des Romains était autre. Ces conquérants
modèles n'ont donc pas manqué d'établir à Broyé un double
système de défense sur la rive droite de l'Ognon el sur la
rive gauche de la Saône.
DÉFENSE DES PAS8AOE8 DE L'OGNON.
Il y a trente ou quarante ans, le ravage do eaux courantes
mit a découvert, sur la rive droite de l'Ognon, presque «'il
face de- Chassey, au lieu dit redoute <iu Grand-Bruyant^ une
doiii.ic rangée de gros pieux espacés d'un mètne environ el
planl île distance les uns de- autres, suivant le court
de i.i rivière, il- formaient deux lignes droites de plus de
cent pas d'étendue . <•) il- avaient dû servir a soutenir quel-
que endiguemenl destiné a fermer le passage du mie en cet
e|| lloll.
Aucune trouvaille archéologique n'a été laite jusqu'ici qui
■H- indiquer l'utilité m l'époque de «•«• travail
remarquable
\ , eiie époque indi terminée, mais déjà lointaine, puisque
ol de i., vallée <\<- i < )g i était alors de trois métros plus
que le nive tu du ol actuel, les belles prairies,
— 333 —
qui font aujourd'hui la richasse el l'ornemenl «lu paj -, n'exis-
taient pus. A la place d'un pâturage herbeux, il y avait une
vaste forêt sillonnée de mortes.. Ces mortes, anciens lits
de rivière, formaient de nombreux Uots boisés, désignés
comme îles au cadastre, et reconnaissantes par des noues
que le temps n'a pas encore comblées 0.
Quand les eaux de l'Ognon sont, très basses, l<- lit «le la
rivière, m aval de l'endiguemenl dont nous venons «le par-
ler, paraît établi sur un fouillis d'arbivs de toute grosseur,
couclit's ou renversés les ans par dessus les autres, on i<m^
ot on travers. C'est une véritable substructure de chênes dix*
huit t'ois séculaires, à demi fossiles, dont quelques rares
tronçons sont encore debout (25,
C'esl la constatation de ce fait, facile à vérifier, qui m'a
permis de dire tout ;i l'heure que le niveau du sol «'tait de
trois mètres au moins plus bas qu'il n'est à présent.
A quoi oo bouleversement, «pu s'est opéré dans un temps
(«ut court, doit-il être attribué?
Est-il lo résultat d'un cataclysme quelconque?
A-t-il été produit intentionnellement ?
do dernier sentiment me parait préférable.
On peul en effet, sans invraisemblance, rattacher la
destruction de cette ancienne forêt a des mesures de sécurité
pour ceux qui occupaient lo pays. \.r< Romains avaient peur
dos forêts profondes : Non te hoslem vereri, disaient-ils à
César, sed angustias itineria ei magnitudinem sylvarum,
ils no craignaient rien tant que les défilés ot le silence des
grands bois.
Les îlots nombreux, donl .j'ai parlé plus haut, devaient être,
avant cette destruction, dos lieux couverts très tacites à
(1) Ou connaît trois 'le cea îles en amonl de Broyé, au dessus 'lu gué
'lii le Grand-Bruyant, et cinq eu aval, à l'embouchure de l'Ognon, dans
les Imis île la Vaine.
(2) 11 serait facile d'en extraire île belles billes, que l'art .le nos ébéniste
pourrait utiliser. Mais Broyé est un paj i perdu !
— 334 —
défendre ; des abris où un ennemi invisible pouvait attendre
de pied ferme les assaillants, et se rire de la marche serrée
d'un corps de troupe.
Deux de ces îlots sont appelés îles des refeux ; n'est-ce pas
refeugs qu'il faudrait écrire? Car il est à présumer que plus
d'une fois les défenseurs du sol ont dû y chercher un abri en
s y réfugiant.
Une autre fortification paraît avoir été établie plus bas sur
l'Ognon, vers l'emplacement de l'église du village. C'est ce
que les anciens noramaienl la forteresse ou le château du
Fousset.
Il y a eu là certainement des constructions h l'embouchure
delà Régie ft), sur une roche compacte qui dominait les
alentours, gardant, comme un poste à sentinelle, I-' passage
de la rivière guéable eu cri endroit.
Ou a retrouvé des dalles, des pilotis, non loin du lieu dil
i c de la tour.
DÉFENSE DBS PASSAGES DE Uk SAÔNE.
Les Romains avaient aussi établi sur la rive gauche de la
Saône, au port Guerrin, non loin du port Saint-Pierre,à deux
kilomètres du village, un cattettwm ou petil fortin, d'où il
était facile de surveiller au loin, en aval h en amont, le oours
de i.i rh ière quiesl peu profonde en cet endroit. Ce <-tixtfiiiin>
pelé .1 Broyé le Chatelot.
une ôminence en terre d'environ mille pas de super-
ficie -> ; ''il'' est entourée d'un lai . el située
en '"Mit i onage sablonneux de Sainl Pierre "ù se
.iiiu.nl .i.' l'Ognon.
: i.. .1 étendu tutrtfoi . mai i II i onranl en •> dé«
h ml .1. | i un. (...) Ii.
— 335 —
voyait encore au siècle dernier une petite chapelle attenante
à un très vaste cimetière
Ce fortin était sans doute l'avancée d'un établissement
militaire plus considérable dont nous parlerons plus loin.
A la vérité, il ne reste rien des constructions ou baraque-
ments qui auraient abrité un corps d'observation ; mais à
défaut de constructions, il y a des vesiiges évidents du
chemin ou de la voie romaine qui y aboutissait. Un chemin
n'aurait pas eu de raison d'être s'il n'avait eu un groupe
d'une certaine importance ;i desservir.
Ce chemin est connu des gens du village sous le nom de
vie de Sauvigney. Il se dirige en effet de l'emplacement de
Saint-Pierre en droite ligne sur Sauvigney, et sans doute
bien au-delà, vers Salins, après avoir traversé la Rêsie au
gué des Laies. La chaussée en est si dure, qu'elle n'a pu être
détruite par la charrue, et qu'il est facile encore aujourd'hui
d'en suivre la direction sur une distance de plusieurs kilomè-
tres. On remarque que, sur le parcours de celle voie stra-
tégique, dans la forêt des Chazeaux, les futaies ne seul pas
de belle venue, et le taillis y reste rabougri, étouffé par les
broussailles.
Quoiqu'on l'ait dit, ce chemin ne figure sur aucune des
cartes modernes indiquant le réseau des voies romaines en
Séquanie (1). C'est certainement une lacune imputable à ce
que nos antiquaires ont négligé d'explorer l'intéressant pays
dont nous nous occupons; et M. Suchaux fait erreur quand
il écrit : « A la limite orientale du territoire de Broyé, entre
» cette commune et celle d'Aubigney, vestiges d'une voie
(1) La carte dressée et donnée comme fragment de la carte théodosienne,
par Ed. Clerc, La Franche-Comté à l'époque romaine, indique fort mal
les confins de la Séquanie, qui, d'après ce document, auraient embrassé
les deux rives de la Saône et de l'Ognon jusqu'au conlluent de ces deux
rivières. En réalité, le pays Eduen possédait la rive droite de la Saône jus-
qu'à l'embouchure de la Vingeanne, et l'embouchure de l'Ognon jusqu'à
Chassey.
— 336 —
•mairie qui se dirigeai! du Nord au Sud, el qui paraîl
» avoir été La ligne Gallo-Romaine de Langres à Dammartin,
i laquelle traversail l'Ognon entre Pesmes et Broyé M) ».
C'est une complète erreur. Au lieu d'aller du Nord au Sud,
notre voie Romaine allait de l'Est à l'Ouest ; prolongée elle
n'aurait pu traverser l'Ognon qu'à Banne ou à Marnay.
Trouvaille d'objets antiques.
Ce n'est pas le seul indice qui semble dénoter qu'une
station militaire importante avait été établie sur l'emplace-
ment de Saint-Pierre. Car on retrouve de nombreux tuileaux
caractéristiques dans les champs d'alentour, des fragments
de briques, de poterie, etc.
On a aussi recueilli dans ces parages une grande quantité
de monnaies à l'effigie des Antonin, et surtout de nombreux
Posthumes bien conservés (-'. « Il y a beaucoup de médailles
» de llroye au médaillier du collège (i\os Jésuites) de
i Besançon : on y conserve une petite statue en bronze de la
i Fécondité, qui est très curieuse et très rare ; el qui a été
i trouvée près de l'ancienne église de Saint-Pierre ('■') ».
.l'ai entendu dire qu'un aurait encore trouvé à Saint-Pierre
beaucoup d'autres objets curieux qui ont été perdus ou qui
sont enfouis dans des collections particulières. « En 1770,
» on a déterré a Broye-lez-Pesmes un superbe vase dans
i lequel étaient plus de quatre mille médailles romaines de
» différents métaux. On dit que le vase est au Musée de
on (•) ».
1 1) Dictionnaire hittoriquê, topographiqui et siniisii jue dea commu i
du départemonl do la liaulc s. e, p
i il hit don -"i Ifoeée di Besançon d'un petit Poithume d'aï
trouvé à SalnUPI que beaucoup d'autn médailles dislribui
mtro.
BniOT, notice manui 1 1 Ite.
/■, tionnaire de ta Uautê'8a6nêtpê\ ] \ Marc , Gray, 1815 , im-
Barbisol
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cl 1
— 337
A Broyé, on n'attache guère d'importance à ces choses là.
Vers 1835, Joseph Perron faisait creuser les fondations
d'un hangar devant sa maison. Enfants, nous sortions de
classe comme la pioche d'un ouvrier venait dé mettre à
découvert une grande quantité de ferraille, une grosse bra*
«le vieille ferraille
( )n exhume cette découverte sous nos yeux : on l'examine.
C'était des l'aulx en assez bon état de conservation ; mais des
faulx étranges dont L'emmanchure étail directe su moyen
d'une douille, et non à coude avec une virole, comme celles
d'aujourd'hui. On s'étonna de cette particularité dont un
assistant fit la remarque, ce dont je me souviens très bien.
Puis, la ferraille fut remisée par les soins du propriétaire.
Ku ce temps-là, le fer était cher.
Ayant rencontré par hasard, à vingt ans ,1e là, Joseph
Perron, je lui demandai s'il avait encore quelques-unes de
ses faulx. Eh ! non, me dit-il, et fm ai bien regret. J'en ai
conservé longtemps sur le cul de mon four ; mais <■<>,,
cfmcun m'en demandait pour faire des pendants de charrue
— coutres, — ma provision a fini par s'épuiser... Ah ! quel
fameux acier c'était !..< Et quel» pétulants on faisait avec
un licier pareil !..,
Je raconte ce souvenir uniquement pour montrer le peu
de cas qu'on l'ail au village de toutes les vieilleries qui ne
servent plus.
Un exemple encore. On a retiré du vieux cimetière de
Saint-Pierre une certaine quantité de sarcophages monoli-
thiques. Si des cercueils pareils n'avaient pas pu être Utilisés
comme saloirs ou comme auges à abreuver le bétail, croyez
bien qu'on en aurait t'ait du cassage pour servir aux presta-
tions. « Goquibus et son fils aîné ont mis à découvert,
» en 1872, un cercueil en pierre paraissant appartenir à une
22
— 338 —
» époque antérieure au xn° siècle. Cette tombe a la forme
» d'une auge à bestiaux, plus rétrécie aux pieds qu'à la tête,
» véritable grès en deux morceaux d'une coïncidence
» parfaite Le cercueil dont il s'agit sert de crèche pour
» abreuver les canards et les oies du fermier (•) ».
§ II. — TRADITIONS ET LÉGENDES.
Emplacement d'Amagétobrie.
Notre vieux Gollut a écrit ceci : « Besançon n'haï esté
» première et capitale, ains seulement la plus .mande et la
«plus forte au temps de César, comme précédemment
i Broyé l'estoit ».
El plus loin : i Brennus estoil de Praux, comme diel
i Strabon, ville do laquelle dous n'avons aucune mémoire,
i ce n'est celle que les auteurs Allemands appellent
» Broïa -
Praux, e'esi presque Hroue avec la prononciation germa-
nique. DU l'esté (in se redit à l'.n.ye de grand-père à petil-lils
(|Ue Broyé, jadis BrOlaC, avait été une Ville laineuse, une
rille capitale.
Des auteurs sérieux, comme Di d l'historien, comme
Amédée Thierry) ont aussi prétendu que Broyé ôtail Bitué
sur l'emplacement de l'ancienne ville d'Amagétobrie.
Ce serait donc à Broyé que les Eduens auraienl éprouvé
une défaite Bandante el perdu toute leur noblesse leur
i, leur cavalerie, omnem nobilitatem, omnenuenatumi
\cm equitatw/n ewiitiue.
il nr r.iut accepter cette opinion que roua toute réserve,
malgré l'affirmation de nos lavants historiens. Commenl
■ notii • ■ n
Ci) Mémoire* de lu République SéqutMoiêê, pp. 0 ■•! 18.
— 339 —
admettre en effet qu'une grande armée ait été acculée au
confluent de deux rivières en somme peu profondes el se soit
laissé anéantir quand il lui était si simple de les traverser?
Il est vrai que suivant certains auteurs, Axioviste n'aurait
pas acculé les ennemis ; il leur aurait tendu un piège, cachant
ses troupes dans Amagétobrie, la Ville des Marais^ et, sur-
prenant leur arrivée, l'aurail détruite parjlétaiâRîments isolés,
G'esl la version donnée par Ed. Clerc dans son essai sur
l'histoire de Franche Comté.
La Ville des Marais, c'est Pieu la dénomination qui devait
convenir à Broyé dans ce temps-là. Il y avait bien là des
marais; mais la ville, où était-elle*/ Comment n'a-t-on pas
jusqu'ici retrouvé les monuments de terre élevés à la
mémoire de tanl et de si nobles guerriers tombés au champ
d'honneur1? Où sont les armures, les lances, les boucliers
perdus dans la bataille? Où, les tibias el les fémurs? Où, tes
brimborions ei les colliers de bronze?....
Il ne nous déplairait pas qu'à notre cher village se ratta-
chât quelque souvenir de l'antiquité ; qu'un tait mémorable
s'y t'ùt accompli. Mais nous craignons bien que nos gra
auteurs, en plaçant Âmagétobrie mter Ararim et Lignonem
êonfluentes, n'aient lu et rapporté Bans vérification la conjec-
ture historique d'un chroniqueur peu scrupuleux.
Quoi qu'il en soit, la plupart des annotateurs d len-
tairea de César ont répété, l'un suivant l'autre, cette asser-
tion dont ils se sont contentés de varier la- formule.
Peu importe le nom que notre localité ait porté chez les
Celles et chez, les Romains, il est constant, il est évident
même qu'elle avait une importance stratégique et peut-être
commerciale assez considérable.
A quoi en effet aurait répondu un cimetière de plus de
quinze mille mètres de superficie, situé sur un plateau sablon-
— 340 —
neux dominant la Saône, à doux kilomètres du village actuel,
s'il n'y avait eu sur ce point un groupe populeux de quelque
importance ? On ne consacre pas un hectare et demi de
terrain clos pour les sépultures d'une petite bourgade de
quatre ou cinq cents manants. Sans compter qu'à quelques
pas de notre cimetière il existe un emplacement dit le»
Champs de feu, où les milices de certaines nationalités
devaient brider leurs morts...
Il existait donc à Saint-Pierre un gros centre de popula-
tion. Car c'est-là, c'est à Saint-Pierre et non au village actuel,
que la voie romaine, que la rie de Sauvigney aboutissait.
Elle ne traversait pas la Saône où il n'existe aucun vestige
de pont. C'était un chemin spécial se rendant au port Gnerrin
et qui avait pour point terminus le camp de Saint-Pierre.
C'est le sentiment de l'auteur anonyme de la découverte
de la ville d'Antre.
GASTRUM KliRODUNENSE.
i.« >s notices du l». Sirmond et de J. Scaliger mentionnent
dans la Séqnanie cinq grandes cités on villes de premier
rang, sièges d'évéché os d'administration civile; et quatre
camps, ou villes moins importantes, mais principales cepen-
dant, quoique de deuxième rang, qui sont :
I" GatttUMl raaraci ffl
2° Cailrtim ari/cntoritme,
Cctêtrwn ebrodwnemêf
i» Ccutrum viriduntnit 0).
Suivant l'auteur anonyme mie nous venons de citer, le
ébroduntme aurait été II \ ille de Broyé au confluant
de la Saône et de l't fgnon.
/ /:, i ,1,1,1111,1, iiune ou hauteur do table près de Broye^
ou Brohe, ou Broue (vieille orthographe), L'étymologie ici
Découverte t. h, ,.,//,• ,i'.\,a,;-. i il. p, I 18 (\u, -i. i .Lu... MDGCIX)
— 341 —
est tout à fait conforme à la réalité des objets. 1,'emplace-
ment dont il s'agit est en effet un plateau sablonneux qui do-
mine au loin l«' cours de la Saône.
a La belle situation de la ville de Broyé, les débris qu'on y
» voit, la tradition qui s'en esl eonservée, les auteurs qui en
» parlent, les médailles romaines qu'on y trouve, et qu'on y
» a toujours trouvées, sont les arguments convainquauls
» qu'il y eut en cet endroit une ville qui n'était pas cité,
y mais qui était assez grande et considérable à cause de son
i commerce, et qui servait de forteresse sur la Saône contre
d les Eduens Le nom de Broyé qu'elle a conservé est
» une autre preuve que c'est castrum ebrodunense de la
» notice (I) ».
El plus loin : « ... Au milieu du port de la Saône, il y avait
» un château qui dominait sur la rivière et qui servait de
» forteresse. On en voit encore les fossés où la Saône entre
» quand elle grossit. La place s'appelle encore le Chatelot, le
<> pori Guerrin... ». Ce qui esl exact.
G'esl par là qu'on exportail sur Lyon tes froments des
plaines de la Saône et de l'OgOOO, réputées les plus fertiles
de toutes la Gaule, ager optimut totiti» Galliœ. C'est aussi
par là qu'on devait en importer dans les temps de disette
pour le ravitaillement des postes militaires dispersés dans la
Séquanie.
La grande affaire, pour une expédition si lointaine, c'étail
de comparare rem frumentariam, de se procurer des vivres,
d'avoir du pain ; et les approvisionnements n'en étaient guère
assurés dans des contrées couvertes de bois et semées de
mauvais pas.
G'esl pourquoi les Romains, jusqu'à l'établissement des
(1) lbid.
— 342 —
Burgondes en Séquanie, ont entretenu an grand service de
navigation organisé sur le Rhône et sur la Saône. Une véri-
table Hotte de bateaux ravitaillait leurs places de guerre ei les
troupes campées à l'intérieur de la province sëquanaise. il y
avait un commandant spécial chargé de présider à la conduite
de cette batellerie impériale remorquée par des chevaux :
c'était le Ptœfectus classis araricœ caballoduno.
si j'osais, pour résumer, exprimer mon sentimenl dans
cette affaire, je dirais : oui, c'est à Broyé qu'on doit chercher
remplacement «lu castrum ebrodùnense . à Broyé où se
trouvait un port militaire, an port de guerre.
D'ailleurs ce qui vienl corroborer mon opinion, ce sont les
nombreux cadavres qui onl été exhumés au cimetièr< de
Saint-Pierre dans ces temps derniers et qui sonl à peu près
tous des cadavres d'adultes à la mâchoire bien garnie '
l.\ CONQUÊTE FRANÇAISE.
Nul doute, comme nous l'avons dit, que le territoire de
Broyé n'ai! été exposé à bien des incursions, n'ai! été ensan-
glanté dans bien des luttes. Mais il ne pouvait guère, à cause
des nombreux cours d'eau qui l'arrosent, servir de théâtre à
une action entre deux grandes armées.
Les Romains avaient eu la précaution, si l'on s'en souvient,
I i il est bien re n*ettable que ce cimetière n'ait pas été Fouillé méthodi-
quement. On h ''H b exhumé 'i" •< cidontellomenl doa ossements <'t dos ecr-
uttochei d'importance qui objets de bronze ou nux fragments
de poloi ie '|n on trouvait.
M. Vacher, le propriétaire actuel du terrain, n'a jamais pu retrouvoi une
liai bette en bronxe qui! avait mi jours nvaul ma vî tilu,
Il la I - '. dit il, </<••- tndroita où il y <> do» tnon*
II a moment la démolition dos fondations on ciment de l'an«
ipelle i»'iii ■.. ■ t . - 1 inui de ■ onsti u< lion •■ |)an
i dirait que les squelette ont été scellé dun la m. ne
il i i 1 1 ■ luirmiuhlu, • (Note du M lîharpillot.)
— 343 —
de l'aire élever quelques travaux de défense à Saint-Pierre,
sur la rive gauche de la Saône ; et, sur la rive droite de
l'Ognon, en face de Chassey, une redoute, ainsi qu'un
château mi fortin à l'embouchure de la Résie; c'est-à-dire
sur les points où nos rivières étaient guéables. C'est préci-
sément paires irois points que les troupes françaises ont
envahi la tranche-Comté en 1674.
Le due de NavaUles, chargé de conduire les premières
opérations de la guerre Franco/ Espagnole, après avoir
inspecté nos deux rivières, reconnut que le passage de
l'Ognon présentai! moins «le difficultés que celui de la
Saône.
En conséquence, il arriva d'Auxonne le lwJ février 1674 .
ei afin de distraire la petite troupe qui était venue de Gray
pour défendre nos rives, il lit mine de jeter un pon1 volant
sur la Saône, juste en face de Saint-Pierre. Ses adversaires
l'attendaient là en force et bien retranchés.
Pour n'avoir pas l'air de renoncer à cette tentative, il
laissa quelques troupes s'escarmoucher, pendant que dans la
nuit, à la tête des cuirassiers du li«»i, des gardes de Coudé et
du régiment de Villeroi,il se portait par Cléry sur la rive
gauche de l'Ognon.
Il franchit cette rivière, non sans peine, par un temps
pluvieux et froid, en face de l'endroit OÙ les lî.nnains avaient
jadis construit l'endigUement défensif dont nous avons pari/'.
Aucune précaution n'avait été prise par le capitaine Espa-
gnol qui commandait la place de Pesmes, pour s'opposer à ce
passage; el nos défenseurs, qui s'escarmouchaient sur la
Saône, se voyant pris eu liane et débordés, se retirèrent sans
combattre. Ce qui permit au reste des troupes françaises de
passer la Saône à Saint-Pierre , et l'Ognon, au gué de
Broyé
(I) Deux époques militaires à Besançon et en Franche-Comte, 101 'i,
1815, par l n Ordinaire (Besançon, 1856).
— 344 —
Quelques vieillards ont encore entendu parier de cette
invasion d'il y a deux siècles. On montre encore l'endroit OU
les Français ont effectué le passage de la rivière, en l'ace de
ChasseytU
Un mariage celtique.
Nous avons conservé à Broyé une tradition druidique
relative à une fontaine sacrée.
La source sort à mi-côte des terrains sur lesquels s, 'levait
autrefois l'ancien ermitage dé Saint-Pierre (2).
Cette fontaine sacrée était encore, il y a moins décent ans,
l'objet d'une très grande vénération, c'est là que les jeunes
gens se rendaient, avant la révolution, pour s'y fiancer; on
mieux, pour y Contracter un véritable mariage à la mode des
Celtes, l<i confarréation.
Les futurs choisissaient pour cette cérémonie, le jour de
la Chandeleur, parce «pie le matin de ce jour-là le père leur
avait dit : c'est aujourd'hui hl CJutndeleur : bonjour, bonne
œuvre \... Ils apportaient donc à In fontaine de Saint-Pierre
des gâteaux do pâte cuits dans nue tourtière, el qui figuraient
grosêo modo un homme et une femme ayant chacun les
attributs extérieurs do sou sexe, connue ces petits bons-
\ propos 'le Chassey, une autre tradition rapporte que, à une époque
. . niée, bien avant le vieux 'lue de travailles, bien avant les quatre lits
Aviin.ii. époque historique p les ^<-ii^ .le- campagnes, il j avait sur le
lien «lit Champ Jean Leblanc, dans la forêt 'lis Chazeaux, une petite bour-
■ j i i i .un. ni été un t.. mu Jour assaillie, détruite et expulsée par nu.'
troupe d'envahi débi le de cette bourgade i tuvésdans
ils s.- sont fixée, D'où le nom de Chat
il ..i vrai que la nom de Chazeaux donné a la forêt Indique qu il j i eu
habitations dont M ne reste absolument au-
. un.' li
"i. . ompte ii "i ■ "iii ,', -mu , .• , mi. h 1 1 -
• in plateau sablonnous de Saint Pierre i jota
On v.'ii i|u un . atnp établi dans coa i onditioni était abondamment i vu
— 345 —
hommes de pain d'épices qu'on vend sur les foires. Puis,
après s'être mutuellement donné leur foi, nos amoureux
trempaient dans l'eau leurs gâteaux peur les purifier, les
échangeaient ensuite et les mangeaient. Les fiançailles
étaient consommées.
Le mariage a La farine fut importé en Italie parles Gaulois.
Il était encore très usité à latin de la République romaine
dans la (jaule Cisalpine et parmi le petit peuple du Latin m
Mais il n'avait pas assez de solennité pour les riches Romains
qui le laissaient à la populace.
La gravité touchante et, honnête d'une cérémonie aussi
simple devait répondre au sentiment religieux de> pa\>an>,
des hommes des champs.
Voilà pourtant ce qui se faisait encore à Broyé il y a moins
de quatre-vingts ans ! Quelle race opiniâtre que celle des
laboureurs! Et comme elle assure la continuité des temps!
l'ue autre pratique superstitieuse dont je me souviens
encore, paràil s'être conservée jusqu'à uns jours « il y a
9 quelques années, écrit M. Charpillet, la personne à qui
> était confit' le soin d'ensevelir les morts ne manquait
" de leur mettre dans |a main une pièce de monnaie, sans
» doute pour qu'ils puissent payer la barque à Caron
J'ai vu mettre un sou dans la bouche d'un enfant décédé.
(Test ee qui explique sans doute qu'en relevant d'anciens
cadavres on ait trouvé si souvent des pièces à l'effigie de
Louis XIII, de Louis XIV et de Louis XV.
LES ORVALS DE SAINTE A.NNE Al' PORT SAINT-PIERRE.
On croit que la chapelle de Saint-Lierre, où sainte Anne
lui autrefois vénérée, aurait été construite sur l'emplacement
d'un ancien sanctuaire consacré à quelque taux Dieu.
On n'ignore pas qu'en effet, pour détruire peu à peu le
levain des superstitions païennes, saint Grégoire-le-Grand
avait prescrit de substituer partout aux noms du paganisme
— 346 —
les noms de saints vénérés dans la catholicité. Le culte de
^aiiiio Anne aurait ainsi succédé chez nous au culte de Diane
ou d'Hélène (la lune), que les Gaulois adoraient. Un clou
chasse l'autre.
Nous ne savons ce que vaut cette opinion fondée sur des
altérations étymologiques assez, vraisemblables. Toujours
est-il que sainte Anne était en grande vénération à Saint-
Pierre, où elle avait sa statue depuis un temps immémorial.
Un beau jour, on ne sait trop pourquoi, cette sainte prit la
résolution d'abandonner la Franche-Comté peur la Bour-
ne. Il y a plusieurs siècles de cela.
In matin on trouva l'image OU la statue de notre sainte
dans les champs d'Œilley, de l'autre côté de la Saône.
On s'empressa de la réintégrer pieusement dans la cha-
pelle. Mais comme Oïl se disposait à passer la Saône en
barque, il s'éleva une violente tempête qui rendu? la traversée
l"<»it pénible.
Le lendemain la statue fui de nouveau transportée comme
par miracle, osons le dire, par un vrai miracle, au lieu où
on l'avait trouver la veille.
Cette l'ois encore, on voulut la rapporter à Saint-Pierre.
Mais alors il se lit sur la Saône un ouragan si épouvantable
qu'on aurait Juré que la barque allail s'engloutir avec ceus
qui la conduisaient.
Comme pour la troisième Fois, l'image fui encore retrouvée
illey, il devint évident que c'était là ou-- la sainte enten-
il.lll rire h. MO
Œilley, à quelques pas du village que sainte
Inné a maintenant sa chapelle ; o'esl là qu'elle opère de
temps en temps quelque guérison, si l'on en juge par les
béquilles el les ex-voto <pii sont appendus aus murs de
i ini.i leur el b la voûte de l'édifice,
;uère un hou y ieillurd
de B U\ mémo tlpoquo, au moit do
juill a Saône dtu touvbiUonSf dot coup* de
— 347 —
vent, îles orages, ee que nous appelons ici les orcnls de sainte
Aune.... Jeûnais lei orvala de sainte Aune n'ont manqué au
port Saint-Pierre, soyez-en mr(l)\
A.UTHES CROYANCES si PERSTITIEUSES.
Une sorte de crainte superstitieuse s'attache S t<>ui ce qui
louche au petit territoire de Saint-Pierre.
On nous racontait, quand nous étions enfants, et on
raconte encore, je crois, qu'une vouivre gardant ses tr<
se tient cachée dans les souterrains du Cbâtelol ; que l'enfant
d'un pâtre âgé de sept ans la surprendra et découvrira ses
trésors, et qu'alors
Grande défense il y aura,
(>u l.i vouivre le maie
Je me souviens qu'on se demandait, quand on allait jouer
sur les prés ilu port Guerrin : Quel Cujeas-tn 9 Oublianl que
nous n'étions pas les enfants d'un pâtre.
On n'en finirait pas si l'on voulait rapporter toute.- les
idées superstitieuses qui avaient cours il y a cinquante ans
dans ce beau et riche village de Broyé ; village perdu, faute
île voies de conununicatiiin ; où I on allait , mais où Ton
ne passai! pas,
Grâce à leur isolement, nos Broyons oui encore conservé
leur physionomie ;i pari , un certain air d'antiquité. Ils
n'ont guère modifié leur caractère un peu défiant , ni
perdu leurs croyances et leurs habitudes, ni surtout oublié
les traditions de leur pays.
(1) Orvalia, dans Ducange, est une expression franc-comtoise pour dire
orage, ouragan, cyclone, etc. (voir ce mot au Glossaire).
On rail souvent dans les vieux baux de nos pays dès réserves stipulées
en cas d'orvals « 11 n'y auroit qu'eu cas d'on esles,
ndies qu'on devrait diminuer les chai [rch,
de l'Intendance, (.:. 114.)
— 348 —
Ils sont demeurés simples, comme autrefois, laborieux,
peu dépensiers. Ils ne sont, en général, ni présomptueux, ni
sots : rVst-à-diiv qu'ils ne se croienl pas toul de suite plus
sages ni plus éclairés que leurs parents, quoiqu'ils sachent
mieux lire dans les gazettes ; et qu'ils n'acceptent pas une
innovation, même on culture, sans un sérieux examen.
Cette réserve, composée de défiance et «le scepticisme,
suivant moi, les honore, parce qu'elle donne en général
beaucoup plus de solidité à leur jugement.
§ III. — LE VILLAGE.
Emplacement primitif du village.
La communauté de Brohe, de Broûe ou de Broyc-dans le
principe parail avoir été formée par plusieurs petits centres
de population. El cela se conçoit. Comme il n'y avail pas de
château Féodal S0U8 les murs duquel les manants du lieu
pussent abriter leur chaumière, ils la construisaient naturel-
lement là <»ii les commodités de la vie semblaient peur eux
plus faciles : dans les léréls OU SU voisinage des prairies,
s'ils élevaienl des troupeaux; auprès de la rivière, s'ils
vivaient de pèche. Ceal ainsi qu'un petit groupe de pécheurs
ii établi autour du château do Fousset, là eu est l'église
actuelle du village '••
Le hameau de Saint-Pierre, au dire de quelques ancien .
aurait été le noyau principal de la communauté.
I ni' rue i' ill. mi .m paquin • lu
. i"'i ic- le i ■!.• i (!-• il' i.i Jus. Kilo est ■< droite ai a gauchi
unillu i orquot ou Pourquoi, la plu» considérable et In plus |»ii si^.-
■ iin, pi qu du n m l< i le IN' i i h è "M nom a
niir tonne de bateau d< i • qu'où appelle encore i Broyé
ni"! nu ■ •
— 349 —
Il esl constant qu'on a toujours désigné par le mol de bout
<!<• lai velle, côté du village, le groupe de maisons qui se
rapproche le plus du finage de Saint-Pierre. Du reste, comme
le cimetière el une petite chapelle existaient vers le pori
Saint-Pierre depuis la plus haute antiquité, c'était une raison
pour que l'habitanl s'y établit.
Il n'en esl pas moins sûr que depuis mille ans peut-être
le centre du village de Broyé occupait son assiette actuelle.
Hue ou Huon, le porte troubadour de l'empereur Barbe-
rousse, était de Broie-Selve» (1) sur VOgnon, el non de
liroye sur la Saône...
Dans une requête présentée à l'intendance au nom du
village, en 1688, il y a juste deux cents ans, à l'effet d'obtenir
que la maîtrise des Eaux et Forêts les autorise à vendre
quelques grands bois, il est dit que c'est pour enclore leur
cimetière et pour réparer l'église. L'officier du baillage de
Gray, P. Balahu, commissaire à l'enquête, reconnaît le bien
ronde de la demande : « L'église, dit-il, avait besoin d'être
» replanchéiée dans la nef du milieu et reblanchie, les murs
» en étant tout noirs de vétusté. D'autre part, le cimetière
» qui était à Saint-Pierre, distant de plus de deux mille pas
d du village , et où il existait une ancienne chapelle, était un
» endos désert et en friche où les bêtes de la forêt pouvaient
» entrer librement V).... »
Le village, il y a plus de deux cents ans, n'était donc plus
sur la Saône ; et depuis bien longtemps la chapelle de Saint-
Pierre n'était plus l'église consacrée au culte de la paroisse,
si jamais elle l'avait été.
Il y a autre chose encore. L'existence d'un villagi
aécessité des rues, des trages, des chemins latéraux ; et
rien de cela n'existe à Saint-Pierre, qu'un chemin parallèle
(1) La prairie des Sèves se trouve à présent sur la rive gauche de l'Ognot,
par suite du déplacement du lit de la rivière.
(2) Archives de la Haute-Saône, B. 18G9.
— :m —
au cours de la Saône, e1 deux autres chemins qui vont de
celui-là vers le port Guerrin.
INSÉCURITÉ DES GUERRES.
Quelle a été l'importance de notre village pendant la
féodalité et jusqu'au règne de Louis XIV ?
Nos renseignements à cet égard sont très incomplets. Les
registres de paroisse antérieurs à 1G84 ont disparu et beau-
coup d'autres documents tout défaut.
A Saint-Pierre, comme nous l'avons dit, un centre de
population considérable a dû exister avant L'invasion lies
barbares, puisqu'il avait nécessité un champ de sépulture de
plus d'un hectare el demi ; et que les Romains avaient jugé
utile d'y construire une voie particulière y aboutissant. Mais
depuis, ce centre <le population a disparu.
/Vprès ta guerre de trente ans, et les fléaux de peste el de
(àmine qui l'ont accompagnée ou suivie, la ruine de Broyé
était complète.
En 1657, notre pauvre village n'avait plus que cent vingt-
cinq habitants <l<>nt voici la nomenclature
Roolr w.'s ,n<tnan8 et habitans de tout aages des villes, bourgs et
villages du rêêsori de Gray, faici par ordre du Parlement, en
Van l<>:,~, pour le règlement ordinaire tin tel (i),
Noël BurUlard , sa femme, un valet :t
François < uidin, sa femme, quatre enfanta <i
Claude BurUlard, sa femme, trois enfanta, nn valel »'>
Fourquet, sa femme i2
iard \ uiUemenol . sa femme, deux enfanta I
•h.- \ eme, sa femme, un enfant, un valet t
mme, un enfant 3
t reporter. 36
— ■ - i ii ■ ■ ■■ i ir
An h, „ihs, , .ni, ,n c
— 351 —
Report. 28
Claude Hugon, sa femme, deux enfants 4
Claude Vuillemenot, sa femme, deux enfants \
François Verne 1
Nicolas Verne, sa femme, trois enfanta 5
Jean Blanc, sa fille 2
Claude Thomas, trois curants 4
Jean Lépagnol, sa femme, un enfant 3
Jean Guaymey, sa femme, deux enfants, une servante :>
Claude Perron, sa femme, un enfant, une servante î
Antoine Roussel, sa femme, trois cillants, une servante.. . G
Perrine Gardol 1
Barbe Verne 1
Nicolas Gardot I
Isabel-Blanc l
Bénigne Gin, sa femme, deux enfants \
Bénigne Bipart, sa femme 2
Jos. Masson, sa femme, <\rwx enfants 4
Jacques Masson, sa femme, six enfants 8
Claude Thomas, sa femme 2
Jean Fidon, sa femme, un enfant
Jacques, dil Cerne, sa femme, un enfant 3
Claude Fourquet, sa femme, deux enfants I
Edme Thopin, sa femme, deux enfants 4
Jos. Laloy, sa femme, deux enfants 4
Jos. Fidon-Verne, sa femme, un enfant 3
Gérard Clave, sa femme, quatre enfants 1;
Jean Lambert, sa femme, un enfant 3
Edme Charmay, un enfant 2
IV. Kollin, sa femme, un enfant 3
125
Le présent roole faict et indiqué par Gaspard Vuillemenot
ci Cl. Hugon, esehevins dudict Broyé, lesquels ont attesté (15 fé-
vrier 1657.)
Cent vingt-cinq habitants ! Le dénombrement général qui
ne fut l'ait au comté de Bourgogne que trente ans après
donne déjà une population trois fois plus considérable.
— 352 —
On peut constater cependant, à vue des reconnaissances
des terriers, qu'une paix de quelques années, ce qui était rare
autrefois, rendait la vie et la prospérité à notre cher pays: cl
que chaque nouvelle guerre qui survenait entre la France et
la maison d'Autriche ou d'Espagne y amenait la dépopula-
tion. On avait peur et on se sauvait, cherchant un abri
derrière les murailles de quelque place fort i liée.
Pendant le xvi" siècle, la Franche-Comté n'ayant pas eu à
craindre d'invasion, le nombre des familles résidant à Broyé
s'élevait, en lôSô, à plus de cent cinquante. Vingt ans plus
lard, eu 1606, à eause de nos prises d'armes en laveur de la
ligue, le Dombre des feux tomba à quarante-cinq : puis à
trente-six seul. 'ment après la guerre de trente ans.
SOUS LA DOMINATION FRANÇAISE.
La population continua donc de s'accroître sous la domi-
nation française qui assurai! au pays la sécurité.
De trente-six feux 01 mages mentionnés en 1657, à
Broyé, on remonte 6 soixante, en 1688; puis à cent dix, en
1780.
En l'an h (1803), l'annuaire de la Haute-Saône portée "Il
le nombre des habitants de Broye-lez-Pesmes. Ce chiffre
depuis n'a cessé de décroître à chaque recensement.
Jusqu'à la Révolution de 1 7S1 >, sur les Cent maisons du
village, "ii peut assurer que quatre-vingt-dix-neuf, c'est-à-
dire toutes, sauf le presbytère, étaient de pauvres baraques
on des huttes bâties en bois, en torchis ou en clayonnage, et
enduites de terre glaise intùi ei extra. Cela résulte évidem-
ment des déclarât iu bailliage en 1750, quand il
lut question d'établir l'impôt du v ingtième (J i
habitations rustiques étaient adossées ou appliquées
mi, ii v tvait me Imnn
./.• i,i Haute Saône
— :?53 -
toiture de chaume, formant une seule maison, pour abriter
cinq ou six ménages de pauvres gens qui se tenaient chaud
pendant l'hiver.
Toutes ces chaumières étaient pouvues d'un auvent, d'une
rabattue, d'une avancée de toit qui descendait très bas.
Outre que cetauvenl servait à remiser le Lois à brûler el tes
récoltes d'automne, comme haricots, inrqaîe, etc.; il pré-
servait encore la maison des venis pluvieux et du grand
soleil.
Du soleil el de l'air, on en prenait bien .iss.'/. tmis les jours
dans la campagne ! Il faut, pensait-on, que Voûtait soit chaud
en hiver el frais en été, connue une taissonnière !...
Les paysans puisent volontiers des leçons d'hygiène dans
les exemples fournis par les bêtes du bon Dieu.
Quoiqu'il en soit, quand le feu se déclarait dans une agglo-
mération de maisons pareilles, il formait en un clin d'œil un
ardent brasier. Les incendies de Broyé de 1737 et de 1768
n'ont pas été moins terribles que ceux de -182ô et ,|t. 1854.
On s'en souvient encore dans la Franche-Comté.
§ IV. — COMMERCE ET INDUSTRIE.
La situation économique.
Os grossières maisons de chaume ne dénotaient pourtant
pas la misère autant qu'on le pourrait croire. Par rapport
aux pays voisins, Broye-lez-Pesmea était un bon village de
culture.
Le dénombrement de 1688 que nous avons déjà cité, pièce
très curieuse, relève la population ^- chaque commune de
la Franche-Comté en hommes, femmes et enfants ; en ser-
viteurs et servantes ; il donne le comptage des bœufs, des
vaches, des chevaux, des chèvres, des cochons, etc.
Sur les 354 habitants du village de Broyé , il y avait
23
— 354 -
quarante-six valets des doux sexes. Cette quantité de servi-
teurs à gage dénote que la population de ce village étail en
généra] dans une aisance relative, el que l'ouvrage ne man-
quait pas à qui en voulait trouver.
Pas plus alors qu'aujourd'hui Broyé n'exportait les travail-
leurs.
Mais celte aisance relative des anciens ferait la misère
grise pour nos contemporains. Qu'on en juge.
A peine comptait-on dans ce riche pays de culture trente
hœufs pour labourer la terre ci quatre-vingts petits bidets de
tout âge.
Trois cents tètes de bétail, ou plus exactement 297 vaches,
veaux el génisses, formaient la proie rouge de la commu-
nauté (t).
Toutefois on n'eu était plus à Broyé, connue à IVsnies ou
a Yalay, à compter les chèvres au demi cent, 08 qui montre
bien l'état de pauvreté de ces localités. Ou ne s'amuse pas à
tenir des chèvres quand on peut avoir une vache à l'écu-
rie !...
Le paysan ne se livrait pas à l'élève du bétail, parce
qu'autrefois la consommation de viande n'était pas générale
comme aujourd'hui.
De toutes les communes *\\\ bailliage de Gray, celle de
Broyé, avec ses 297 tètes de bétail, était pourtant la plus
riche comme productive de lait et de chair 6 manger. Le
viiia^o de Baujeu, qui venait après, ne comptait que 268 tètes
de bétail ; Ghamplite, 208 ; Chargey> 200 j toutes les autres
communes, n u de 180.
On élevait à Broyé une grande quantité de porcs qui étaient
livrés vivants au commerce. <>u mettait oee animaux à la
glandée dans les belles forets de la Vaivre, du Fah) et «les
Chazeaux, qui appartenaient à ta c mune usufruitière, el
qui comprenaient plus <!<• oinq cent arpents.
\"i' 'm. i iiin orapte pot > Broyé n ii de 060 boirai el va< lie
— :*55 —
Chaque Camille avail au moins une laie ou truie a gorets —
goroille (*)-— donl les portées étaienl vendues comme hour-
rhuou petits cochons à engraisser, aux foires de Pes sou
do Valay.
Difficulté des relations commercial]
La difficulté des communications, ta rareté el le mauvais
étal des chemins, ne permettaient guère que les gens d'un
pays qui était séparé du mondé par ses rivières el perdu
dans ses forêts, pussenl se livrer à un commerce un peu
suivi.
Il y a cinquante ans, la commune n'avait .le ponl ni sur la
Saône, ni sur l'Ognon. Il n'v avait qu'un seul chemin un peu
empierré ci praticable aux chariots dans la bonne saison:
c'étail le chemin foirei ferré «m empierré, où de temps
en temps «m déchargeait, aux mauvais endroits, quelques
voiimvs de prestation. Les autres chemins existant présen-
tement comme ceux d'Aubigney ci de Montseugny, de Perri-
gny, etc., OU n'existaient pas du (nul, mi n'étaient .pi.' i\r^
voies de défrichement, «pic des chemins sablonneux, étroits,
effondrés, bordés de haies vives ci de buissons.
ou n'y faisait aucun trais d'entretien.
Parfois cependant un paysan obligé de passer avec sa
voiture par des uécessités d'exploitation , jetait sur les
creux et dans les ornières des fagots d'épines pour servir
comme d'un ponl volant; et cette réfection ('tait fade pour
plusieurs aimé
Il n'existait pas même de sentiers pratiqués pour se rendre,
soit àClery et à Perrigny, soit à Œilley, à Maxillv et à Tal-
may, localités qui sont distantes de Broyé de deux, trois ou
quatre kilomètres, tout au plus.
Dans des conditions pareilles, le seul commerce possible,
• •'•'•lait la culture.
(1 ) Voir ce mut au Glossaire.
— 356 —
Culture dés céréales.
Comme aujourd'hui, nos gens de Broyé étaient, par la force
même des choses, des travailleurs de la terre, des labou-
reurs ou des manouvriers de cette grande famille du
labourage, robuste et saine, qui assure aux races la durée et
la stabilité.
La culture principale était celle des céréales.
D'après un état fourni à l'Intendance U) en 1759, et établi
en vue d'indiquer les possessions en terres des ecclésiastiques
et des seigneurs dans chaque communauté, le territoire de
Broyé comprenait 1800 journaux de terres Labourables, 5552
faulx de prés et 522 arpents de bois dont 138 étaient mis en
réserve.
La récolte annuelle s'éleva il en moyenne ;i 1,500 mesures
de froment, 1,500 mesures de seigle, 2,250 mesures d'avoine
el autant de menus grains.
On avait toujours soin, dans ces sortes de déclarations, de
minore? ses recettes et de s'appauvrir, afin de ne pas exciter
la cupidité des agents du lise. Mais on peut ôtrè sûr que le
rende ni des terres était bien loin d'égaler celui d'au-
jourd'hui.
On paratl avoir essayé la culture de la vigne, puisque
nous voyons mentionné dans un acte de partage (ail en 1707
un journal '■" nature de vigne siim- prêt du Breuil <-)....
Cette culture ni- pareil pas avoir donné de bons résultats,
puisqu'elle •> été abandonnée tout à faii. Quoi qu'il en soit,
I.- terrain situé prèi du Breuil b conservé le nom de /<" uai-
gnotte, ta petite vigne.
.1 \ r, 7imv. ilriuirlrmriiliilr du llmilis, i.iiIhii Ci III.
têtnentalet dé '<« Haut* Saône, n. ih<w.
357
Cultures industrielles.
Après la culture des céréales, celle du chanvre était certai-
nement la plus intéressante de toutes. On consacrait à (aire
venir la plante textile un temps considérable, et surtout à
préparer et à utiliser les produits de eet£e précieuse denrée.
on semait au printemps la graine récoltée l'année précé-
dente, dans une terre de choix, dans l;i terre la plu> pl.mtu-
reuse, la mieux préparée, la mieux fumée, qu'on appelait la
chenevière. On en confiait la garde a la vigilance des enfanta
un d'un bon chien chargé d'en éloigner la volaille et les
oiseaux qui sonl très friands de cbenevis, comme on sad
on arrachait te chanvre à la tin d'août pour le rouir.
Pour faire l'opération du rouissage, ou a employé à Broyé
jusqu'après 1830 exclusivement la méthode par voie humide.
Trente ou quarante gerbes de chanvre étaient empilées
dans la rivière entre quatre pieux solidement plantés, et I
entre elles de manière à résister au courant. Dix ou douze
joins après, on relirait le chanvre mïsi et on le taisait sécher
pour ensuite le décortiquer OU le teillcr.
Ce procédé de rouissage était répugnanl à cause de l'odeur
infecte ii1"' répandait la plante putréfiée.
Le teillage se taisait dans les veillées d'automne. A peine
était-il fini, qu'on voyait arriver, après l.i Toussaint, des
troupes de Bressands, — les pignardt ou les foirtoux, —
qui savaient peigner le chanvre et qui avaient l'art de pré-
parer la belle œuvre et les bonnes étoupes. On les payait
bien et on les nourrissait grassement, dans l'espoir que
l'ouvrage Berail soigné et l'œuvre facile à hier.
Dans les soirées d'hiver les femmes étaient occupées à
faire tourner les rouets, à hier l'œuvre et les étoupes. ouede
temps consacré à cette hesogne !
Mois c'était si bon d'avoir une provision de beau linge de
ménage '
— 358 —
La tâche des ûleuses achevée, on remettail au tisserand
d'un village voisin les vicie* — paquets de (il, — qu'on avail
bien sein de peser-
Mais on avait beau peser ; les tisserands étaient si
voleurs !
Etonnons-n<>us après cela que nos vieux parents aient été si
ûers île leur beau linge, de leur lin nappage, de leurs ser-
viettes ouvragées, el de leurs armoires où les elieimses en
toile d'œuvre el les draps étaient empilés et bien rangés.
C'était leur luxe.
Le l'ait est qu'une table garnie d'une belle nappe blanche
Halle bien ini«Mi\ les sens el L'appétit, que si elle était reeou-
verle d'une affreuse toile goudronnée, si bien peinturlurée
soit-elle.
On tenait à l'oeuvre et aux étoiipes à ce point que, dans
l'abandon de ses bien- par donation, on réservait tant de blé
«■/ de lard pour m pitance, et tant de livres d'œuvres ei
autant cFétovpes préparées, prêtes à être filées.
El dire qu'aujourd'hui la culturedu chanvre esl à peu près
abandonnée dans nos villages....
Une autre culture qui fui jadis très répandue, ei qui o dis-
paru depuis longtemps déjà, c'esl celle «lu millet.
Chaque petil ménage avait sa meillotère — son champ à
millet, • dont les produits étaieni conson ïs habituelle-
ment a la maison, comme la larme de mais l'a été après.
Le millet faisait d'excellentes bouillies. Avant de le ouire
du i m, on le pilait rement dans un mortier,
le nom de pilé ou de plû bous lequel il était connu.
le croi |u de < lomté en pilent encore dans
leurs [eux, qu mil oulèvent et -<• reuversenl alterna
iis.inriii. .1" ■' d . '■! qu'ils chantent
— 359 —
/ n'en peux pu!
Pilez le plâ !
I n'en peutt ma I
Les nourrices font aussi semblanl d'en piler sur le fronl
«les bébés quand elles disent, pour les distraire :
Groue œillot,
P'tiot œillot,
Toqu'meillot !
Le dernier marchand de raille! parcourait mélancolique-
ment, après ls;iu, tes nies de Besançon, avec sa petite
voiture, ou était attelé un vieux cheval qui avait nom Bavard,
comme celui de Renaud, L'aîné des quatre Ris Aymon. De
temps en temps l'attelage s'arretail à on carrefour et le pau-
vre marchand glapissait :
Au plâ! au plâ .'
Tro sous! tvo Uut
Quat'sous moins in in '
Et, après un petil temps d'arrêt,
Hue, bu<i<< '
La veille n'allait déjà plus. La mode était aux fécules
exotiques qui eut un nom plus distingué... Le millet, c'était
lien pour les ,^ens d'autrefois !
§ V. — ADMINISTRATION.
Pays de main-morte.
La féodalité n'ayant pas jugé à propos d'élever un caste! à
Broye-lez-Pesmes, les gens du pays n'ont jamais eu à souf-
frir du voisinage d'une maison seigneuriale sous aucun
rapport. De sorte que, quand ils avaient payé l'impôt aux
décimateurs et aux collecteurs de tailles, ils étaient à peu
près quittes.
— 360 —
La plupart dos terres et des maisons du village n'avaient
pas été affranchies. Elles sont restées biens de main-morte
jusqu'en 1789.
Mon aïeule paternelle, Jeanne-Bapt. Lefranc, pour sauve-
garder ses droits dans la succession de ses parents, «lut
mettre en œuvre M" Guillaume, notaire à Pesmes, le 26 jan-
vier 1789, à l'effet de constater par acte authentique a que
t comme elle était obligée, par les lois divines et humaines,
i de suivre son mari en sa résidence, el par là, quitter la
► communion de ses père et mère, voulant user et profiter
» du remède et de la laveur accordés par la coutume génë-
» raie de la province aux ailes de condition main-mortable,
•• elle a, à cet effet, eu présence desdits notaire et témoins,
i lui et mangé en ta maison résidentielle desdits Lefranc et
» Gruyot, pour manifester la volonté qu'elle a de ne point
mpre la communion d'avec ses père et mère, e1 par là,
l pouvoir leur succéder de la même manière que si elle était
i restée en leur communion jusqu'à leur mort, laquelle com-
» munion, nonobstant ledit mariage, elle entend et prétend
i conserver, de tout quoy elle a eu besoin de l'authorité de
i Bon 1 1 1 . 1 1 ■ > , présent et l'authorisant, etc.... »
Contrôlé à Pesmes, le 26 janvier 1189. Reçu l.~> sous.
Signé : Mu.i.ot, et, pins bas, Guillaume, notaire.
On appelait cela un acte de respect, sans doute pour
couvrir un peu ce que des exigences pareilles avaient d'igno-
minieux.
SANS \i i m i \ non.
i i de la commune consistaient en ce que chaque
m. h ni feu devait au Beigneur une poule en temps
■ i.- carême entrant ; et, poui chaque moix et maison de la
contenance d'une faulx de pré, deua gro ■' . pour chaque
■
'. ■ '■ m li i. iii en t raw ho i iointtf, d 'i",p Dotn ' Il appin
— 361 —
faulx de pré main-mortable, aussi deux gros ; pour chaque
journal do terre, trois blancs ; le tout taille à eux, payable
audit Broyé, le jour de feste Saint-Michel.
Les fours eti ilins bannaux étaient de partage entre le
baron de Pesraes el le commandeur de Montseugny. Comme
les fours étaient acensés annuellement à raison de :'><mi li> :
chaque ménage ou feu était imposé & :> livreU 7 ious.
Tous ces droits en somme étaient plus avilissants, plus
blessants ou contrariants que lourdsa supporter.
L'intervention de l'autorité, quelle qu'elle Boit, pour sur-
veiller et môme pour régler les agissements «les individus
dans la société, est légitime, ne servit-elle qu'à établir qu'il
y a quelque chose de supérieur & nos intérêts particuliers ou
corporatifs : la justice el l'intérêl de tout le monde, « >n com-
prend donc que cette autorité coûte à ceux & qui «'lie profite :
c'est-à-dire au corps social.
Mais si les charges imposées et destinées à payer des
services ne répondent plus à leur lin ; si les services ne Boni
plus rendus , et que les charges subsistent quand même, il
\ .1 fraude. C'est drainer une terre qu'on n'arrose pas. Cesl
par conséquent la dessécher.
\iirait-on crié autant contre les tailles el les redevani
si elles avaient été employées à des œuvres d'utilité géné-
rale, comme à la création de routes, au développement de
l'instruction, etc.
L'autorité civile, sous ce rapport, négligeait un peu ses
devoirs. On aurait dit qu'elle ne tenait qu'à ses droits doma-
niaux, qu'au produit pécuniaire de la seigneurie! Elle n'in-
tervenait pour ainsi dire jamais dans les affaires de la com-
munauté, si ce n'est puni' mettre sou veto aux changements
et aux réformes qu'on aurait eu Bure.
/.<■ franc = 13 sous el î deniers, monnaie de France ;
Le gros 5= I son, l denier et un liera de denier ;
Le blanc = 3 deniers et un tiers de denier;
Le sol = 8 deniers.
— 362 —
De temps en temps pourtant, après la conquête française,
le sub-délégué de Gray rendait compte à l'intendant de !;i
province de la situation matérielle qui était faite aux manants
de rendroil : mais en réalité il se bornai! à transmettre, en
les annotant, les états que les échevins lui fournissaient sur
des questions générales.
L'étal dressé en I7ô!) par ce fonctionnaire déclare que les
charges <\e< habitants «le Broyé sont suffisantes. Il n'y aurait
qu'en cas d'orvales, comme gresles, gelées et incendies qu'il
tiendrail de les diminuer. La communauté ne serait pu*
suffisamment imposée pri ; égard aux autres, qui Vavoisinent,
ei à l'étendue et bonté de son territoire ; mais f estime écrit
le sub-délégué, qu'elle l'est suffisamment par la généralité
île main-morte dont, elle est affectée, ainsi que des autres
redevanet
Libertés communales.
Kii appaivmv on no pouvait guère rêver une liberté mu-
Dicipale plus complète. Ecoutez !
Les manants el habitants de Broyé avaient le droil de s'as-
bler tout lu'il en était besoin pour la résolution
de.< affaires de la commune, sans, pour ce, demander licence
mir, me d gui gue ee sidl.
il- avaient le droit d'élire pour chaque année deux prit-
d'Iminmes rehrri,r< eliarges de négocier ces affaires et d'as-
■■-,- d,in I le /""/' Une lionne police.
imme ces échevins avaient qualité pour relever les
. assembl 'aie <
pour punir les contrevenants de telle peine gue bon leur
iblerait, cettu peine devant être applicable aux besoin i de
i,i fabrique el au profit de la communauté, aauf les trois
p>i ,-, r, ,,oir il ,) la seigneurie , il ivslillo
dnm chaque cora
iiiiiit.'iiiii ai h< (ii Ciiiton C 1 1 'i
— 363 —
de tout cela, qu'en vertu die leur constitution communale, les
échevins étaient chargés d'assurer les volontés des 'j,ru> du
village, comme les consuls de Rome de faire exécuter 1rs
décrets du Sénat el du peuple romain.
La communauté avait aussi le droit de présenter chaque
\e mi personnage bien qualifié 'eproche à Vagrê-
meni de I" prévôté du lieu /iota- être -ter,
c'est-à-dire pour faire le devoir requis << I" conservation
, tant du finage que des praiyi
C'était, comme on voit, une liberté municipale très grande.
C'étail l'autonomie, puisque uos manants de Broyé pouvaient
réglementer leur police, se prescrire des lois el nommer
leurs juges.
Décidément, ce qui paraissai) leur manquer, ce n'était pas
la franchise politique, mais bien la capacité de s'en servir.
D'abord ils n'étaient guère en état <le saisir toute l'impor-
tance des améliorations donl nous jouissons aujourd'hui, ni
des réformes dont ils avaient peur : ensuite ils n'étaient pas
non plus dans (les conditions h les appliquer. Ils n'avaient, en
un mot, ni l'esprit d'initiative qui conçoit, ni la force maté-
rielle qui exécute.
Autonomie illusoire, d'ailleurs, puisque nos manants
étaient de condition mainmortable comme aussi leur m<
maisons et héritages, tant envers ledit baron que d'autres
particuliers ayant droit de seigneurie, tailles, cens ou rede-
vances audit Broyé, chacun d'eux endroit soy.
Ce charabia «lu Terrier de 1660 prouve que Broyé ne s'ap-
partenait pas ; chaque habitant n'y était que le tenancier de
sa terre. Il ne pouvait disposer de rien.
On déclarail que le paysan étail maître dans sa commune ;
on en faisait quasiment un petit souverain.... Mais ce pauvre
souverain était tenu de reconnaître et confesser, pour l<<i
et / qu'il restait homme origi lel et juridique de
condition servile, taillable , corvoyable, etc.: el tout cela à
perpétuité.
Sa servitude devait être éternelle.
— 364
Combien nou&devons bénira Broyé la révolution salutaire
de 1 7S! ) ! Elle nous a débarrassés de toutes ces perpétuités
qui sont une image de la mort.
Monsieur le curé.
En fait, l'autorité des échevins étail nulle, parce que les
manants de Broyé ne pouvaient leur en conférer que ce
qu'ils en avaient eux-mêmes, c'est-à-dire zéro ; leur autorité
était nulle, dis-je, parce qu'ils étaient sans prestige ; parce
que, n'étant rien par eux-mêmes, ils n'étaient pas la repré-
sentation d'un pouvoir forl et conséquemment respecté.
Il y avait une seule autorité sérieuse et agissante d.ins la
commune: c'était l'autorité ecclésiastique. 1-e seul maître et
seigneur, c'était le curé.
Sans lettres patentes et sans investiture, en vertu de sou
caractère sacerdotal, le prêtre était devenu dans sa paroisse
l'œil et l'oreille du pouvoir séculier. Il suppléait ce pouvoir
absent ; H l<' représentait ; et il avail fini par en exercer les
principales attributions.
c'est bien lui qui réglait <•! qui surveillait la police îles
mœurs; qui maintenait la décence dans lea fêtes publiques
et privées ; qui autorisait ou qui faisait prohiber les jeux et
le- amusements frivoles.
: luiencorequi dirigeait l'instruction de la jeunesse ;
qui stylait et qui gourmandait les recteurs d'école ; qui pres-
crivait l'enseignement qu'on pouvait donner <'t les exercices
auxquels H était permis de ><• h\ rer.
lui toujours 'i111 tenait note, dans ses registres «le
paro le la vie ch lie, h m111 célébrai! les nais-
m- ôpultures, s'associanl ain i è
i unent in.' able* si louchants de chaque
famille . cho e ônormi
— 365 —
Son domaine étail spirituel. Mais I»' spirituel esi dans tout,
s'étend à tout et domino tout.
Auxiliaire du Christ el ministre de Dieu sur terre, l'auto-
rité d'un prêtre était bien autremen! solide et inattaquable
que celle d'un haut baron, mortel en définitive comme les
autres.
L'importance d'un curé dans la commune étail énorme.
Il esi dans la nature des choses dn resté que si un membre
prend ^\r^ développements excessifs, o'esl presque toujours
an détrimenl des autres parties du corps.
L'autorité du prêtre éclairée, disciplinée el surtout savam-
ment organisée, avait Uni par s'imposer absolument. Elle
avait grandi peu à peu, absorbant celle des autres pouvoirs
établis, <\cr< pouvoirs élus surtout qui n'étaient que
créatures el ses très humbles serviteurs.
Un pasteur avait tant de petits moyens pour diriger la
charrue administrative, Bans avoir Pair d'y mettre la main!
Il avail donc pris sans beaucoup de peine la direction
absolue de l'ordre politique el moral qui, croyait-on, ne
pouvail exister Bans lui ou en dehors de lui.
Le o<> janvier 17!)0 avait lieu l'élection des officiers niuni-
eipaux de Broye-lez-Pesmes. Sous l'influence de l'esprit de
révolte qui souflail partout, des éléments hostiles au clergé
flIIVIll élus.
Une élection aussi insolite bouleversait toutes les tradi-
tions. Aussi l'abbé Descourvières, curé du lieu, tonna-t-il en
chaire contre tes gens qu'on avait choisis pour administrer
les affaires de la commune. Ils ne sont pas faits pour rem-
plir de telles placée, dit-il, ce sont (/es- homme» captieux ei
de ^réputation équivoque, qui ne sachant pas te conduite,
étaient incapables de conduire lu communauté. Ceux qui
les ont nommés ont chargé leur conscience, et volé la veuve
et l'orphelin, etc.
— 366 —
Bref, le bon abbé déclara le scrutin nul et convoqua tous
les électeurs de la paroisse pour le dimanche 7 février
suivant, à l'effet-de procéder à de nouvelles opérations élec-
toral
Gelait donna lieu aune longue procédure.
Je ne sais ce que l'affaire devint : et cela importe assez
peu. Elle montre seulement combien était grjsmde l'ingé-
rance du curé dans l'administration de la commune.
Comme nous l'avons dit, l'intervention de l'Etal étail
nulle, ou peu s'en faut, dans les choses des communautés ;
et le rôle îles échevins, livrés à eux-mêmes, se bornait à
amodier des pâquis : l'intendance se chargeait d'aménager
leurs forêts, et l'église de manger leurs revenus.
u'esl pas que la cure de Broyé fût très riche [*), ni que
les titulaires qui l'occupaient tussent des hommes d'argent,
non ; car la plupart ont été de bons prêtres. Mais le servieo
(t) La 'lire .iv;iit en propriété quinze journaux de terres labourables et
neuf (aulx il'1 pi -
Il était ilù .-m curé, en dehors de cela, deux gerbes 'le blé par feu et par
ménage, >;m> compter la gerbe qui étail 'lui- comme dime par journal 'le
chaque es| ins.
in arrêt da Parlement (30 mai 1785) réglait les droits curiaux de Broye-
lez-Pesmes.
Le curé devait recevoir pour droîl de mariage et '!>• lettres de recedo par
iches, trois livres, par les médiocres, deux livres, et par les pauvres,
une livre : tant qu'il puiste exiger double droU lorsque lot <iri<.r mariât
su, ii d
Les droits mortuaires sont également de trois livres pour lot chefs
deux livres pour les médiocres, et une livre pour les
pauvret. Pta chefs d'hôtel on entendait le mari et la femme, et, i leur
ut, t.- plus ancien de la famille.
ii m i.. m [eux document, dont je dois la communication à mon dévoué
compatriol iot, nous voyons qu'il osl défendu eu curé de
propriei l< ■•! <•! d'argent qu'on faisait bénii par lui ■> l'occi
H pour tout, poui la i oui I" bon
lion puits i * ■ ■ —
. i ni tenu 'ii' payci une ;;'■! be de trois pieds de
., do la i' • nte Cvoiw
,< failli imptei la >
— 367 —
du culte, .ivre toul ce qui s'y rattache, a besoin d'apparat, de
décorum, d'un certain luxe extérieur....
Les dépenses faites en vue d'une amélioration communale
quelconque sonl simplement utiles, vous dira sérieusemenl
un théologien ; celles qui sonl relatives au culte, sonl les
seules nécessaires : porta unum est neeessarium.
Des nommée imbus d'idées pareilles seul de bien mau-
vais administrateurs.
La conquête française a apporté une atténuation sensible
a l'omnipotence du clergé dans im> campagnes. Mais ce ne
fui pas sans peine.
Ainsi , après HiTi , l'Administration française voulu!
imposer au clergé franc-comtois la tenue des livres de pa-
roisse, de registres spéciaux pour les baptêmes, les mariai
et les sépultures, comme cela bs pratiquai! dans les autres
parties «lu royaume. Or, pour exercer sur la tenue de
registres un contrôle presque dérisoire, l'Intendance et le
Parlement, el même l'Archevêché, jurent obligés d'agir avec
énergie el persévérance.
Les membres du clergé n'entendaienl pas Bubir le contrôle
de qui que ce fût, même dans un sei déminent d'ordre
public, ils tenaient à leur Indépendance,
A cet égard, les événements de I7S!) la leur uni donnée
complète; puisqu'aujourd'hui ils peuvent tenir leurs livres
de pamisse comme ils l'entendent et sans visa de personne.
; VI.— EDUCATION ET DRESSEMENT (i).
Les vieux laboureurs.
Bronzés par le soleil el les intempéries, amaigris par suite
d'un travail excessif, d'excès et de privations, négligés dans
(1) Tous nos renseignements sonl puisés dans '!<•- souvenirs ou dans les
— 368 —
leur tenue, flétris avanl l'âge, les paysans d'autrefois res-
semblaient plus à des êtres demi-sauvages qu'à des hommes
civilises.
Toutefois, on aurait tort de les juger ton! à l'ait d'après leur
accoutrement et sur la mine.
Nos vieux parents avaient leurs défauts sans doute, et des
vices dont, nous faisons bien de nous corriger; mais ils
avaient aussi quelques qualités que nous devons tâcher de
ne pas laisser perdre.
Leur système d'éducation s'adaptait très bien aux condi-
tions de demi servage dans lesquelles ils ôtaienl maintenus.
Leur indifférence n'était qu'à la surface. Sous des dehors
d'apathie se dérobait leur sensibilité, qu'il aurait été peu
convenable, croyaient-ils, et quelquefois dangereux de laisser
paraître.
Leur bonhomie, leur air en dessous, leur aspect sauvage,
toul cela n'éi.-iit l«> plus souvent qu'un masque qui servail
à cacher une àme ordinairement maîtresse d'elle-même.
Les paysans étaient habitués à cotte volonté énergique
le jeune âge, se gardanl bien de foire i itredes sen-
timents qu'ils éprouvaient, ils avaient doublement , el
comme campagnards el comme Comtois, oette timidité
défiante qui rend nos compatriotes en général gauches et
peu adroits.
ignaient souvent Bans approuver ; car résignation
sentiment, lis réglaient leur conduite sur des
toial et but la force des choses, n fallait
hien.se eourlier, obéir aux prescriptions de la loi et Bubir
le m titutiona au moyen desquelle lea castes nobiliaire el
on) '•!''' i.ni pai |i i i6 'i Rvnnl la Révolu
ii"ti ; dam h m "M ,iu m, -ux tâmpl ; 011 an mol ilani
•I. 'lui uni' ni U |.|u uiiM'iil un
— :36i» —
sacerdotale avaient espéré éterniser le régime féodal à leur
profit,
Ges pauvres gens ne craignaient rien tant que la licence
dans le gouvernement de leurs affaires. El cette crainte les
empêchait de rêver plus d'indépendance qu'ils n'en possé-
daient.
Ils no couraient dune pas après les Libertés politiques,
lesquelles ne vonl pas Bans une certaine capacité morale qui
leur manquait. Us estimaient avoir assez de libertés comme
cola.
Ils étaienl persuadés du reste, et cette croyance avait
alors, comme elle a encore à présent, beaucoup d'appareno
de raison, ils étaient persuadés qu'un régime de Licence,
qui est la liberté des inconscients, engendre plus de désordre
e1 de perturbations, plus de misères en somme qu'une -
vitude administrative appuyée sur des règlements de bien
public.
Respect de l'autqbitê.
L'éducation qu'ils donnaient aux enfanta était fondée sur
cette maxime morale qu'une crainte reapectu i /,•
principe de la . On ne discutait pas l'autorité établie-
on n'osait même pas raisonner contre elle.
()" morigénait dès le jeune ôge en Taisant sentir aux
enfants la nécessité d'obéir à leurs parents, et .le se montrer
soumis et respectueux vis-à-vis de ceux qui avaient qualité
[inur commander.
Obedientia fœlicitatU mater, on se trouve bien d'obéir.
Tout joug est plus eu moins lourd à supporter; et nous
sommes naturellement enclins à nous y soustraire.
L'espril d'obéissance a doue besoin d'être Bac \é par une
longue discipline, que les parents [e sachent bien, et aussi
par l'exemple, pour qu'on s'y habitue; tandis que l'esprit
d'insubordination pou •/. de lui-même chez tout |...
monde, eu peu s'en tant
24
— 370 -
De ces deux habitudes opposées, l'une est bien moins que
l'autre compatible avec la tranquillité sociale et l'ordre
public, moins favorable même au bien-être particulier.
Aussi les gens sages de tous les temps se sont-ils
efforcés de prémunir l'enfance contre cette tendance natu-
relle de l'esprit à l'insoumission.
Esprit de corps.
Une autre règle de conduite chez nos aïeux, c'était de ne
pas vilipender leur profession. En toute circonstance, au
contraire, on tachail d'inculquer à la jeunesse le sentiment de
la dignité du corps d'état auquel on se faisait gloire d'appar-
tenir.
Mauvais métier qui t'ait honte à son maître, a dit un vieux
proverbe. Et bien à plaindre celui qui a honte du métier
qu'il t'ait, ajouterons-nous; car il travaille sans plaisir, sans
entrain, sans courage. 11 n'est pas soutenu par ce qu'on
appelle le feu sacré ; et comme ces soldats qu'on l'ail marcher
à l'ei mi avec la persuasion d'une défaite, il est vaincu
d'avance,
Sous d' rapport, nos grand8-pôres avaient au moins I.'
sentiment de la convenance,
Etaient-ils sincères? Ils ne voyaient rien de plus inmo-
rable, partant rien de pins beau, que l'étal de laboureur. El
Ils élevaient, comme mais le disions tout a l'heure, leur
monde dans ces Idées-là; bien différents de ers parents
maladroite qu mdent en plaintes contre les misères
«le leur professi coin -i toutes i«'s professions n'en
avaient p
d< tu d'éducation, absoh ni opposés,
doivent produire dei fruil bien différent L'un raffermit le
moral <\> enfanta, pendanl que l'autre jette l'amertume el le
. ment au cœur de jeune citoyens, et, '-h.. <• pins
e plaire -m monde.
— 371 —
Il AlîITUDES DE TRAVAIL.
Il y a cinquante ans à Broyé, dès les minuit, un chef de
famille était debout. Dans la belle saison, c'était pour BC
rendre au labour avec son petit valet; dans la mauvaise,
c'était pour battre à la grange. On battait à la grange et on
labourait à la lanterne.
A sept heures, Yaplice (!) Unie, on naîtrait à la maison
pour déjeuner et pour envoyer les bêtes aux champs
Gela fait, la besogne ne manquait pas. Car par nécessité ou
par économie, c'est le laboureur qui réparait ou qui fabri-
quait tout son matériel de culture, ses chariots, sa charrue,
sa herse, ses râteaux, etc. Et ce matériel primitif et grossier,
comme on pense, se détraquait bien souvent.
Le bûcheron de la commune mettait dans chaque moule
de l'affouage des bois & toutes ans; des billes d'orme pour
faire des essieux, des perches pour entretenir la toiture ou
pour regarnir les chamarrù I3).
Après cela, vous savez, un bon chrétien ne se (aisait pas
faute d'aller cueillir en forêt, pendant que les gardes dor-
maient, les matériaux dont il pouvait avoir faute. Voler la
communauté, c'est ne voler personne.
Pas n'était besoin d'un charron pour remettre à neuf la
queue ou les oreilles de la charrue, pour ajuster des bres-
sots (l) de voiture ; pas plus que du forgeron pour les ferrer.
Charron, maréchal et forgeron, tout ce monde d'artisans
coûtait trop cher !
Le maréchal surtout !... C'est à cause de cela que dan.- nos
pays de sable, on ce terrait jamais les chevaux qui s'en
allaient nus-pieds, comme leurs maîtres du reste.
(1) Aiplèie. (Voir ce mot au Glossaire.)
C2) Champs, Champoy. (Voir au Glossaire.)
(3) Voir ces mois au Glossaire.
— 372
Lé vieux paysan, vrai Jean Fait-Tout, s'arrangeait autant
que possible pour n'avoir besoin de personne.
Homme de rude labeur, il suffisait à tout. Et il savait
utiliser son monde, je vous en réponds.
Dur pour lui-même, il n'était pas tendre non plus pour ses
compagnons de misère. Sa femme L'appelait notre ntaitve,
et ses enfants n'osaient lui parier qu'à la troisième personne :
le père veut-il qu'on fasse ceci !... Ou simplement: veut-il
qu'on aille là ".'.... h., c'était lui.
11 donnait à tous l'exemple d'Une sobriété phénoménale et
d'une activité infatigable.
Chiche, il Pétait même pool* ses terres auxquelles il
montrait le fumier plutôt qu'il n'en répandait.
Pour lui, un sou était un sou. Il était à cheval sur ses
droits, et il se serait fait étriper pour un quart de gerbe au
partage de la dime.
Son rêve, nous l'avons dit, c'était de pouvoir se passer
d'aid.-s. On n'est pas toujours sûr d'en avoir à l'heure du
beSÔifl, iin'iiie eu payant.
<:•• rôve chimérique avait pourtant été réalisé en partie par
noir.' laboureur de Broyé.
Son jardin lin donnait th's léonines <|ue le lard de son saloir
a--ai-oiinail. Sa l'ein pétrissait et cilisai! la inonluiv. Ses
filles façonnaient son linge de corps, lui tricotaient des
chautêêi •■! lui confectionnaient des vêtements avec un
net dont la trame avait été filée a la maison.
!»«• \ m, ou §»en pe i luanl ù la \ lande . on n'en
mangeai! chei noi geni qu'aux grand jours de fête et pour
les réjou de famille.
t in n'achetait presque rien
i. ,i genl ■ lait I rare t
— 373
On peinait beaucoup et on ne récoltait guère.
Les champs d'abord rapportaient peu, parce que la terre
manquai! d'engrais, on qu'elle était mal préparée, ou que la
saison avait marché de travers.... Et quand un laboureur
avait mis de côté la graine nécessaire pour les semailles
prochaines el pour la consommation de son ménage, le
produit «lu surplus suffisait à peine pour payer les tailles, le
valet et une petite redevance au vieil usurier de l'i'.-mo àqui
il avait emprunté cent écus depuis Tannée où tout son bétail
avait péri.
Aussi quand le pauvre homme passait le long des mares,
il entendait les crapauds qui lui chantaient ce refrain
monotone et bien vrai : pour'houme .'... pour'houme '....
pour'houme ! ! ! pauvre homme '
Ces mœurs simples et nide>, cette existence austère, toute
de privations, de modestie et de travail, nous avons encore
été témoins de tout cela.
Et ces braves gens ne récriminaient pas tout haut contre
la destinée; ils ne maudissaient p;is la vie; ils aimaient au
contraire avec une passion jalouse leur pauvre toit de
chaume et leur pays, et ils bénissaient Dieu de les avoir mis
au monde.
§ VU. — CARACTÈRE ET MŒURS.
Amour du clocher.
Ils aimaient leur pays.
Amante* beati : aimer, c'est être heureux. Leur existence
— 374 —
se passait généralemenl dans ce petit coin de terre et dans
cette chaumière paternelle où ils étaient nés. Ils y avaient
tout, souvenirs, affections, habitudes. Ils y étaient connus ;
ils y étaient à l'aise et ils s'y trouvaient bien. Partout
ailleurs, on aurait dit qu'ils portaient le monde sur leurs
épaules.
Ce manque de vie extérieure, L'habitude do se confiner
dans les limites de sa communauté, développait chez nos
gens de labour un sentiment tout particulier, ils étaient
jaloux de leur village comme des abeilles le sont de leur
ruche.
Chaque étranger qui venait y prendre résidence était ac-
cueilli avec une méfiance quasi hostile. Et cela se comprend.
Le nouveau venu allait avoir sa part d'affouage, sa pari ^\o>
M. 'us de la collectivité et taire d'autant plus petite celle des
autres. Car on euinptail pour rien OU pour peu de eliose sou
apport en force, en produits, en assistance.
1,1 seigneurie du lieu possédait à l'entrée du bois de la
Vaivre, près du port Saint-Pierre, un vaste terrain sillonné
de noues marécageuses et parsemé de broussailles avec des
sentiers herbeux où depuis un temps immémorial lebétail
de Broyé allait paître el se gratter aux buissons librement et
sans rétribution.
in ancien notaire de Ray, nommé Pyot, se rendit acqué-
reur de cette (riche.
Pour la mettre en valeur, en exécution de la déclaration
du Roy dU 18 amil 1766, el au mépris du droit d'USage des
l'endroit, il se rendit •> Broyé le 22 octobre 1770,
c quelque munis de pelles et de pioche el
ivoil de défrichement fut i ncé ! ».
ii me du Ui oye a fuit \ ;itei
ition, | i mettre du rapport In C Loul »i luu du
ndu à l'yot, qui était n t< • |utque-là uao JVichi couverte de
|ti lia laliu "n ii ■ lo i - .m que
— 375 —
A l'annonce de ce que les gens du village considéraient
comme un attentai frustratoire de leurs droits d'usage, droits
plus que séculaires, on fait sonner le tocsin. Une foule
armée de bâtons h môme de haches se porte à Saint-Pierre
où les défricheurs avaienl déjà commencé leur besogne.
On arrache les outils des mains des travailleurs ; on jette
à l'eau les pioches et les pelles des travailleurs; et, comme
Pyot veut résister, on le pousse dans une mare où l'on
s'amuse à le rouler dans la vase. On remplit môme de boue
son bonnet et on l'en coiffe après, pour lui bien barbouiller
la ligure, en lui criant par dérision : ooilà connue oit
arrange le général Paoli !....
Bref, l'ex-notaire de Ray, après s'être débarbouillé dans la
Saône et avoir changé d'habits, reprit piteusement le chemin
de Gray.
La justice fit arrêter cinq des habitants les plus compromis
qui furent, après une détention de quelques mois, condam-
nés à cent livres d'amende et la commune à trois cents (P.
Il me semble que si l'achat du terrain avait été lait par
un habitant du village, cette opération n'aurait pas donné
lieu à un pareil tumulte.
Si une fille de famille aisée se mariait avec quelqu'un d'un
pays voisin, on voyait de mauvais œil cet enlèvement qu'on
considérait comme humiliant pour les garçons de la localité.
Puis, c'était aussi mie question de soustraction de biens et
d'amoindrissement pour la communauté, on avait recours à
toutes sortes de manœuvres, et même à la violence, pour
empêcher un événement aussi fâcheux
Economie et privations.
Ils vivaient chichement d'épargne et de privations.
Ils avaient un idéal à cet égard : c'est qu'il faut être assez
(I) Archives départementales de la Haute-Saône (Bailliage de Gray\
— 376 —
prévoyant pour se suffire à soi-même el pouvoir se passer
des autri
Ils arrangeaient leur vie en conséquence, butinant et
emmagasinant tant qu'ils pouvaient, ménageanl leurs res-
sources el ne dissipanl pas, comme des étourdis, ce qu'ils
se procuraient par leur travail.
Le bon Bens leur disait que les doctrines qui l'ont consister
le bonheur dans les jouissances et les plaisirs coûteux
riaient une erreur et une folie.
Ils aimaient mieux se passer de bonne chair el de beaux
habits; el ne pas ensuite être obligés de recourir à l'assis-
tance ir.uitrui. C'est-à-dire qu'ils mettaient leur dignité,
chose durable, au dessus d'une satisfaction d'estomac ou des
joies passagères de La vanité.
Aussi bien ils obéissaient à un besoin de parcimonie qui
leur était commandé par leur situation particulière. Les
temps sont parfois Bi difficiles pour le pauvre laboureur, et
si irréguliers; les événements sonl si incertains que celui
qui est réduit à compter sur les fruits de la terre doit tou-
jours avoir peur d'être pris au dépourvu.
Ces braves gens par fierté ne voulaient pas être à charge
aux autres. Ce n'est pas un laboureur de Broyé qui aurait
adopté cette cynique formule, que V hôpital n'est pas fait
pour les chic
PRIT D'INTÉRÊT.
ou a beaucoup reproché fi ces fourrais laborieuses, à ces
travailleurs de la terre leur défiance sordide, et un esprit
d'intérêt qui semblait éteindre eu eux les entiments affectifs
lus naturels.
iiiuii les vieillards, les malades étaient une charge
poui la famille. < )n fai ait pour eux le ins de acrilices
• pi .ai | rail La te i n'était plus considérée c • une
ci. m ivublo, niaise le une aide utile Personnes
. i . i inii.nl qu au produit matériel qu'eHes
donnaient
— 377 —
Si nos campagnards se montraient durs à l'égard de leui*s
vieux parents devenus infirmes, c'est une trop souvenl ceux-
ci les avaient dresses à ne pratiquer que l'épargne, llsles
avaienl en quelque sorte façonnés aux vertus «lu comptoir
qui ne comportent guère la philantrophie.
On n'élève par des chats pour la multiplication des souris.
De même, on ne sème pas l'amour du lucre dans rame des
enfants pour y faire naître t\r* sentiments dévoués el gé-
néreux.
Il est difficile de développer chez un môme individu les
différents attributs du cœur ou de l'esprit qui ont t"ns
pourtant leur utilité ici-bas ; d'y faire germer des qualités
souvent opposées les unes aux autres : d'y unir par exemple
l'énergie à la souplesse el a la douceur, la libéralit
l'économie. El chaque individu n'a de propension naturel-
lement qu'à avoir les défauts de ses qualités.
Une race nomade ne se trouverait pas bien d'avoir les dons
d'une peuplade attachée au sol : un homme d'afiain
d'apporter dans le négoce la simplicité et le désintéressement
qu'un homme de charité mel dans ses actes.
A la campagne il faut être très ménager d<
Autrement, c'est la ruine.
Il n'y a pas de travailleur honnête dont l'avoir OU le profil
soit pins aléatoire et plus incertain que celui du paysan. En
quelques heures une maladie peut vider son écurie, comme
il dit, en détruisant son bétail, le plus liquide de son bien.
t'n ouragan, en anéantissant ses récoltes, lui (ait perdre
souvent en moins d'une heure le huit de son travail de
toute nue année '*. Qu'une aventure de ce genre se pro-
duise, et ses champs seront sa 3a maison détruite
famille dispersée....
il) Le 15 mai 1813, une averse mêlée de grêle détruisit presque touti
plantations. Les seigles ci les blés furent réduits à néaul cl fauchés de suite.
lui l'an V, une maladie épizootique lil périr en quelques semaines 400 bes-
tiaux a cornes.
— 378 —
Etonnez- vous > pie l'expression de sa figure brûlée par le
soleil et ridée avant l'âge, ait été soucieuse el triste !
Soucieux, on le serait à moins.
Et on ose rire quand on voit cet homme si dur, si impas-
sible en apparence, pleurer sur sa vache qui vient de périr!
Est-ce doue plus ridicule ou plus risible que ces prises
d'armes des ouvriers d'industrie qui s'insurgenj contre la
société, parce qu'une faillite leur aura fait perdre quelques
semaines de salaire.
Comparez l'attitude des uns avec celle des autres, et
voyez sur qui il convient de s'apitoyer.
En même temps qu'on enseignait aux entants du village
l'esprit d'économie, on les mettait en garde contre les pièges
<ln jeu commercial el contre les traquenards des entreprises
industrielles. Il ne faut se frotter qu'à l'herbe qu'on connail ;
or, le paysan ne peul rien savoir ni de l'industrie ni «lu
commerce.
Tout gain réalisé était donc mis en réserve e1 bien caché.
On rendait, à la vérité, son épargne improductive, en môme
temps qu'on privait la société d'un élément d'aisance
' vrai; mais au moins, on n'aventurail pas ce qu'on
avait acquis. Un peu de tranquillité valait bien, ce me si "ml de,
un petit profit pécuniaire. i>e la tranquillité, on en avait si
peu.
»re h présent, au village de Broyé, on n'esl ni épicier,
m boulanger, ni boucher Les bouchers el les boulangers y
apportent du dehors leurs produits ; et les épiciers, connue
Le de l'endroit, Boni de étrangers qui ont
venus j ii\' i
IImium. i i PION.
\mu venon de voir quelle otail la matérialité* el le terre
— 379 —
à terre du genre de vie de nos laboureurs, quelles étaienl
les conditions de leur dressement. Il sera facile d'en déduire
ce que pouvail être leur moralité.
l'n régime social où les vieux patriarches avaient legou-
vernemenl presque absolu des affaires domestiques el com-
munales, un régime pareil ne pouvail qu'imposer silence
aux innovations, en accoutumanl les gênera vivre dans cette
paresse d'espril qu'on appelle la routine.
De par l'éducation qui leur était donnée, nos grands-pères
étaienl des routiniers Indécrottables. Quand ils avaient ob-
jecté à une idée de changement ou de réforme que cela ne
s*étaii jamais fait, que cela ne se serait jamais »'<<, ils avaient
toul dit.
Leurs procèdes de culture, par exemple, Boni restés à
peu près les mômes qu'au temps de Triptolème ou de Cin-
cinnatus.
Leurs sentiments religieux el leur morale n'étaient non
plus guère supérieurs à ce qu'ils axaient été chez 1rs Grecs
et les Romains.
Il n'a pas fallu moins que le génie diabolique des inven-
tions modernes pour bouleverser de fond en comble les idées
culturales et les procédés agricoles des laboureurs «le Broyé.
Qu'est-ce qu'il faudra encore? (Miellé révélation nouvelle,
quelle doctrine el quels enseignements peur affiner leur
sens moral el hausser leur conscience?....
Un régime de liberté, le temps aidant.
En pratique de morale, pas plus qu'en procédés de cul-
ture, nu ne cherchail à innover. Toul paraissait avoir été
réglé définitivement par les usages établis.
La franchise du bon vieux temps, la tempérance ou la
sobriété, la gravité, la simplicité naïve et bon enfant îles
gens d'autrefois, toul cela étail <le la pose et du convenu"
toul eela n' existait qu'en apparence.
— 380 —
La était avant tout une affaire de bienséance et de
bon exemple, un hommage rendu à des qualités ou ados
vertus qu'on n'avait pas le plus souvent.
A la campagne, je le répète, une étiquette rigoureuse ré-
glait, comme elle règle encore, les habitudes, les manières,
toute la conduite ; el l'ion de ce qui y est conforme ne blesse
les sentiments, les convenances.
Ainsi, pour ne citer q»'un l'ait à l'appui, on sait bien que
le chagrin ne nourrit pas ; on sait bien qu'après avoir
pleuré ceux qu'on a perdus, on éprouve tout de même le be-
soin de manger. La veillée des morts s'accompagnail donc
DÔcessairemenl d'un repas de nuit, servi aux gardiens du
corp- du défunt. Or,cel usage était devenu peu à peu un pré-
texte à «les orgies qui 'ne scandalisaient personne. Une
ripaille de voisins et d'amis ne détonnait pas sur la douleur
Sincère des parents du mort ; elle n'avait pour nos villageois
rien de choquant, rien d'inconvenant.
Il fallait voir aussi avec quelle attention minutieuse nos
honnêtes campagnards étaient à cheval sur l'étiquette dans
émonial d'un grand diner.
Chez les plus pauvres ,^ens, on était tenu de mettre ses
plus beaux habits pour prendre part au festin.. <>n récitait
del t le Benedicite, comme pour demander d'avance par-
don li Dieu du gros péché de goinfrerie qu'on allait com-
mettre, sans préjudice des autres petits péchés de médi-
sance et de propos impies ou libertins. Puis, on s'asseyait
•lennité, chacun à la place que lui assignait son
.ri toul devait e passer comme les usages le
rivaient,
Il n'était pas convenable de boire sans élever son verre et
de if p i dire, quand on buvait : t A votre santé, com-
i !'■ pai i <im . . ompcroa ; le
lu pore 'lu parrnin, pore»; le parrain el le m. ni de la
iinèra, i omp<
— 381 —
Il n'était pas convenable de né point vider boii verre
quand on buvait I la santé de quelqu'un.
Il n'était pas convenable.... etc., etc.
L'usage réglail tout ; et l'usage aussi créait tous les droits :
C'tu qu'fd quement wwi uoiatn
Ne fd ni niait ni bin!
g VIII. -■- HYGIÈNE ET SAM I
Instruction publique.
Dans la marche en avant des choses on aurait tort d'im-
puter absolument le progrès d'une société aux institutions
politiques ou économiques qui la régissent ; de môme qu'on
se tromperait en attribuant la taille et le volume d'un nour-
risson au système d'alimentation auquel il a été soumis.
L'évolution dans les doux cas est fatale.
Mais il ne faudrait pas non plus i lit i- l'influence d'une sage
administration et d'un bon régime sur le développement
îles individus et des SOCÎétl
On est forcé, en effet, de reconnaître qu'il existe une cer-
taine coïncidence entre l'adoucissement des maux et l'aug-
mentation du bien-être général; entre les progrès sociolo-
giques et l'application d'un régime de liberté, c'est-à-dire
d'égalité et d'instruction.
Ces progrès sont évidemment facilités par l'instruction,
parce que l'ignorance en tout, en morale comme en esthé-
tique et comme en science, est coupable <lc ta plupart de nos
erreurs de jugement.
On comprenait peut-être cette vérité dans le vieux temps.
Etpourtanl on méprisait l'instruction qui est une des fenê-
tres de la conscience humaine.
Cette fenêtre, on la tenait fermée soigneusement, parce
qu'elle aurait pu favoriser les idées de réforme et l'esprit de
— 382 —
discussion, c'est-à-dire, livrer passage à dos malfaiteurs
Oui, mais ces prétendus malfaiteurs sont des accidents.
tandis que le jour et la lumière sont les conditions essen-
tielles de la vie.
Le recteur de la paroisse a toujours rempli réellement ou
fait remplir à sa volonté les fonctions d'instituteur du vil-
lage.
L'instruction était très élémentaire. Pourvu qu'on tût à
même de lire dans un psautier ou dans un missel, afin de
pouvoir suivre les chantres au Lutrin pendant la messe,
pourvu qu'on fût assez lettré pour signer son nom, c'était
bien tout ce qu'il fallait.
Sans cette nécessité d'avoir t\r< chantres pour les offices,
le prêtre n'aurail certainement pas songé à taire apprendre
aux enfants L'alphabet.
En définitive, à quoi autrement Leur eût servi de savoir
lire? Lire quoi? On n'avait point de livres àépeler; point
de correspondance ô déchiffrer.... Luis, a-t-on besoin d'être
.v.uil pour tenir les ipieues de la eliarrue '.' Est-On meil-
leur Bujet, meilleur fila ou meilleur père de famille, quand
mu sait que quand on ne Bail pas lire? En vaut- on mieux?
S'en porte-t-On mieux ?...
Fraîchement, toul cela s'embrouillail dans la cervelle de
laboureurs.
< >n prenait pour raccorder raieodai <•) — les enfants du
village quiconque se présentait, n'ayant rien de mieux à
nelque pauvre Infirme, capable seulement d'allumer
de en ir et de chanter une messe de requiem,
onner La cloche.... Songez donc? Un homme valide au-
inde honte de le faire un fouette-eult I
t fond d du maître étaient de BurveiUer Les enfanta
— 383 —
pendant les Offices, et de faire épeler aux heures de classe
les rares écoliers que leurs parents lui envoyaient.
Depuis 1789, nos parlements se sonl attachés à répandre
L'instruction. Mais que de difficultés pour foire un peu de
bien ! Comment imposer à des campagnards récalcitrants el
têtus les frais d'un enseignement donl ils ne se soucient pas,
qu'ils méprisent, qu'ils considèrenl quasi comme dégradant?
Voici le taux des honoraires fixés en l'an II par la munici-
palité républicaine de Broyé en faveur de son maître d'école.
Il lui était dû par chaque élève :
Pour apprendre ;'i lire û fr. 25 c. par mois.
Pour apprendre 6 écrire t» ti\ 30 c. —
Pour apprendre à chiffrer Ofir. 35 c. —
Il lui était alloué en plus, par la commune, quatre st. i
de liois et deux cents fagots ; puis 150 francs pour se procu-
rer un local suffisant — Car il n'y avait pas de maison d'école.
lui l'an Xlll, cette redevance scolaire si minime fut élevée
;i 35, 15 et 50 c. Mais l'année suivante on trouva que c'était
trop, et on osa revenir au taux de l'an II.
H est bien difficile de reculer dans la nuit. Tout pas fait eu
avant compte. On fui donc obligé, en 1808, d'en revenir au
taux supérieur de l'an XIII.
A ce taux là, le pauvre instituteur pouvait compter BUT
une recette moyenne de (> à 7 livres par mois ; ce qui n'était
p;is ('nonne.
Il esl juste d'ajouter qu'il encaissait deux nu trois et même
quatre sous de libéra à chaque messe de requiem, et quel-
ques revenants-bons Les jours d'enterrement!
Cette misère des maîtres d'école a sans doute contribué à
les rendre féroces. Que la jeunesse était à plaindre de tom-
ber sous leur férule !
Superstitions.
Les progrès économiques étaient entravés non seulement
— 384 —
par la routine, mais encore par quelque chose de plus tenace
-•i de plus insurmontable : par les idées de superstition.
En 1789, les gens de Broyé ne croyaient certes plus à la
baguette «les fées ni même aux apparitions de loups-garoux :
mais ils croyaienl fermement aux esprits de L'air, aux reve-
nants, aux sorciers.
Tous les grands phénomènes de la nature, pestes el con-
tagions, tonnerre, météores, arç-en-ciel, ouragans môme
étaienl considérés par ce monde ignorant comme jeux des
puissances célestes, ou «les démons, agents mystérieux mal
définis, mais à la merci desquels la pauvre humanité était
livrée par la volonté du bon Dieu. Et quand on était affolé
par la peur, on croyait fermemenl que des prières pouvaient
fléchir ces agents redoutables, comme aussi des invocations
bien faites les mettre en œuvre.
Tout événement qui déroutait leurs petits calculs., tout
sinistre, tout mal extraordinaire qui tombait sur les gens ou
sur le bétail d'une maison était de provenance suspecte. Ça,
ne s'expliquail pas; ça n'était pas naturel; il «lovait y avoir
quelque influence maligne en jeu !...
Une maladie tj phoïdique ou charbonneuse se déclarait-elle
dans une écurie ? < m n'imputail pas cette calamité au manque
d'hygiène, ô l'agglomération des botes dans un local mal
. obscur, insuffisant; ni à l'usage d'aliments avariés el
de fourrages mal récoltés... non ; on se souvenait seulement
qu'un mendiant de mauvaise mine avait passé par là, qu'on
ni renvoyé sans l'assister, qu'on l'avait entendu proférer
quelque ChO n allant, des n.ico lum SÛT. Nul
dout i mendiant, qu'on n'avait pas revu, n'eût jeté un
on, Et ii preuve, c'est que l'aération de
■ touj la, el que cependant
i mu m . im le années pn ■ une pareille maladie
On attribuait donc aux maléfices les influences morbides
• pu tombaient m le bétail ol quelquefois mémo sur les
— 385 —
gens; ce quiégarail la thérapeutique du temps en la mettant
sur une piste padicalemenl fausse.
Nos grands-pères, bien sûr, n'auraieni pas fait poursuivre
en justice <•• ae adonné à ces pratiques diaboliques un
voisin dont les champs auraient été drus, pendant que les
champs <l<vs autres seraient restés maigres et clairsemés.
Sous ce rapporl ils étaient moins enfoncés dans le bourbier
des superstitions que les romains du temps «les rois ou que
les paysans duxvt siècle 0. Os ne l'auraient pas dénoncé
à la justice; mais ils ne l'auraient pas vu d'un très bon œil,
persuadés qu'il pourrail bien avoir eu avec le diable
quelque accointance el des arrangements.
Imbus d'idées pareilles, uos pauvres gens n'employaient
que des médecins et des artistes vétérinaires élevés à leur
niveau scientifique. Un pâtre ou un bûcheron illettré,
chaut charmer, sachant taire comme il faut des signes de
croix et marmotter des prières leur suffisait
Us n'auraient pas compris, ils auraient même accueilli
connue un mauvais plaisant celui qui leur aurait [tarie
(1) Un vieux paysan du Latium avait été traduit en justice par ses voi-
sins, parce que sa étaienl de belle venue, tandis que oellea des
autres n'avaient pas réussi. Il expliqua au juge que par son mode de cul-
ture il avait évité que la semence se perdit, ce que les autres n'avaient pas
t'ait. El comme le juge était [plus :>ensé (jue superstitieux, le paysan tut
renvoyé sans dépens.
« tTn païsan de la Beausse avoit este accusé en justice d'astre sorcier,
- pource que -es brebis ne mouraient point, et toutes celles de ses roysins
» périssoient. Surquoy estant interrogé devant les juges, il list response
» que jamais il ne permeUoil que son bestail -ortist lorsque premièrement
"le soleil n'oust consommé la rosée, el que plusieurs petites bestioles
» qu'estoienl sur les herbes ne lussent retirées dedans la terre; et dict
■• que quelquefois il t'avoil déclaré a aucuns de ses voysins : ce qui l'ut
» trouvé vray, et fut absouU pour les raisons SUSdictes, etc. » (Amb. I'akk.
Œuvres, Paris, |i>07, p. S-J7.
■20
— 386 —
d'hygiène, de miasmes, de ferments; et conseillé plus de
ventilation et de propreté. Eh ! lui auraient-ils crié : ètes^vous
fou ? C'est justement uncourant d'air qui a fait tousser nos
vaches Vannée dernière : ei c'est pour avoir été lavés que les
feux du petit sont rentrés et que l'humeur s'est portée sur
les yeux .'....
Les paysans de Broyé n'auraient doue accordé aucune
créance au médecin <lcs bêtes et des gens qui leur aurait
fait entendre un langage vraiment scientifique.
Un homme qui n'entre pas dans nos préjugés ei nos
croyances, quelquefois môme dans nus passions, possède
rarement notre confiance. En choquant nos idées, il déroule
notre conscience <'t nous mel toujours mal à l'aise.
Les progrès moraux, quoique nous nous en vantions, ont
été assez incertains, assez contestables môme, pour qu'on ail
pu, sans trop d'invraisemblance, soutenir cette thèse que les
hommes sont toujours et partout les mêmes, que l'humanité
.•-i Btationnaire, etc.
si les anciens Grecs ei Romains croyaient le monde
rempli de démons ou d'esprits répandus dans l'air, qui
envoient tes Bouges, qui sèment les maladies, cette, croyance
est bien encore celle du peuple dans les campagnes, e1
même b la ville.
il n\ a pas bien longtemps qu'on faisait encore dire à Broyé
i.i prière du loup, quand nur bête était restée égarée dans la
brêt
ii.ui- toute la Franche-Comté on fait encore barrer com-
munément les dartres, les brûlures, les entorses, les
ophthalmies, les maladies aphtheuses, etc.
On ne croit plus aux revenants : et pourtant <»n obtiendrait
difficilement du premier venu qu'il B'aventuràl la nuit but
un cimel ' té, ou dans un tournant obscur où quel-
qu'un erail mort quelque (ours auparavant.
H i m qur I-- upei titlôn propres au génie des
iu'.i la condition de Be modifier en
— 387 —
^appropriant ail génie de ceux qui les acceptent. Il y avait
sûrement une fantaisie moins incorporelle, quelque chose de
plus matériel el de plus grossier dans la croyance au monde
des Faunes el des Satyres, que dans la conception idéale de
nos fées, de nos dames blanches, voire de nos Klàs (M plain-
tifs qui symbolisent le remords.
Nos magiciens el nos sorciers n'étaient pas malfaisants
comme Médée ; parce que L'esprit Gaulois répugne aux
conceptions tragiques, ou qu'il n'y croît pas.
L'église catholique, pénétrée elle-même de cette foi aux
esprits, ne pouvait en débarrasser le monde. Elle a <at le tort
cependant, avec ses exorcismes ridicules, quelquefois cruels
et malfaisants, de donner un corps à la superstition.
Après cela, elle ne pouvait pas Eure autrement.
Comme le soleil dissipe les ténèbres, de même l'instruction
Qnira par avoir raison des entités chimériques el des fan-
tasmagories inventées par la peur <■( transmises de siècle en
siècle , en s'accommodanl à l'ignorance particulière <!*'
chaque époque.
RÉGIME ALIMENTAIRE.
Les gens de Broyé étaient dans des conditions d'hygiène
exceptionnelle.
Us avaient à peu près tout ce qu'il faut pour se porter
bien. Les travaux de culture, qui se font au grand air,
exigenl beaucoup d'exercice et une certaine activité. Mais
leur variété récrée l'esprit en môme temps qu'elle tempère
ce que la fatigue corporelle pourrait avoir d'excessif.
(i) lu Klâ, en Franche-Comté, esl la réapparition sur terre d'un voisin
ou d'un parent défunt retenu loin du paradis jusqu'au jour où une per-
sonne amie aura réparé sa faute d'ici-bas, remis en place une borne, par
exemple. Aussi, pour 8e débarrasser de ses obsessions, doit*on crier au
revenant : Klù ! mairque, ;/ boûnera, marque, H je remettrai la borne en
place !
— 388 —
Si avec cela, un homme- adonné à de pareils travaux riait
tempérant, il réaliserait indubitablement le type de la bonne
santé.
Mais la tempérance leur taisait foute assez souvent.
Leur régime ordinaire était misérable.
Avant 1789, et longtemps après, on ne consommait à
Broyé que de la viande fraîche ou salée, niais surtout salée.
Cette viande bouillie servait à assaisonner des légumes qui
formaient le repas principal de la journée.
On n'usait de vin et dé viande de bœuf ou de mouton
qu'aux grandes fêtes et dans des circonstances excep-
tionnelles.
Le pays produisait diverses céréales, du froment, du
méteil, du seigle, de l'orge, etc. Le paysan ne consommait
pour son usage à la maison que la graine de seigle el d'orge,
rarement de méteil, — cerné 0). — et, de préférence, la
graine qui n'aurait pas été "le vente.
Le pain était un aliment de luxe. <>n n'eu mangeait pas à
tous les repas. Kt encore voulait-on qu'il fui bien rassis (2).
On le remplaçait par des substances plus grossières, plus
viles, ins coûteuses.
On préparait dans de grandes chaudières des bouillies do
brins de mulet, de mais, des rceaui de potirons, etc.,
délayés avec de l'eau, un peu de sel et de lait. Onnusait
cuire des pot ros légumes, de haricots, de fèves ou
de pois avec un peu d< et du Bel : et on mangeait ces
aliments 6 la poignée (•'*).
Ou m n-'iii i isssit encore habituellement de crudités,
li iii\, raves, etc., plus ou moins as
de \ inaigre et d'huile d'oeillette □ ipurée.
(i i \..n i e m"' "•
/.- / ftitc/ir ConUéi p
t'.\) \«>ii la i
— 389 —
Oui ; mais on a beau 86 priver par raison d'économie et
faire de nécessité vertu, le goût de la bonne chère n'en est
[•as détruit pour autant. Qu'une occasion se présente de le
satisfaire, ce goût, sans blesser les convenances, on s'y
laissera aller outre mesure.
Quand on tuait le cochon gras pour le saler, on invitait ses
parents, ses amis et ses bons voisins au boudin, c'est-à-dire
aux trois ou quatre repas obligés qu'où donnait à l'occasion
de cet événement, qui était une vraie fête de famille,
On taisait à ces repas nue bombance incroyable de viande
de porc fraîche. Les plats défilaient sur la table, nombreux,
énormes ; et ils étaient servis assez lentement pour permettre
que chaque convive pût y revenir plusieurs fois.
0 sobriété du vieux temps !...
Comment la vertu de nos vieux parents s'arrangeait-elle
de ces infractions aux lois de la tempérance '.' On peut étr.
sûr en tout cas que leur santé s'en arrangeait fort mal. Après
une série de ripailles successives, après ces dîners de
boudin ou de tue-ebien, après d'autres excès encore commis
au carnaval, il n'était pas rare qu'un paysan robuste lut pris
de froid et emporté par une pblegmasie eatarrbale en
quelques jours.
La vertu, la tempérance de nos gens n'était au fond
qu'une affaire de convenance et une question d'économie.
Leur régime de vie, misérable en somme, n'était p
pour affermir la santé générale.
La capacité à digérer, les fonctions stomacales en un mot,
ne constituent pas à elles seules la santé. Aussi les anciens,
quoique digérant mieux que nous, présentaient une résis-
— 390 —
tance vitale moindre à L'assaut des cuises morbides. En
d'autres termes, nous sommes mieux organisés à présenl
pour réagir contre Les causes de destruction, contre les in-
fluences morbides quionl sévi dans tous les temps.
Quand une épidémie se déclarail autrefois dans Le village,
elle ne manquait pas d'y l'aire ilVlTray;inls ravages.
Nous avons entendu dire souvenl que malgré un genre de
vie -i contraire aux règles de l'hygiène, Le peuple des cam-
pagnes était vigoureux el bien portant. C'est invraisem-
blable.
- pauvres habitants de nos campagnes, dil l'anno-
i tateur de Tourtelle, mangenl raremenl delà viande.. A la
» vérité, peu jouissent d'une lionne santé et atteignent Le
•• terme ordinaire de la vie. Il est vrai que la misère el la
» malpropreté dans lesquelles ils vivent, contribuent beau-
» coup à L'état de cachexie dans lequel ils languissent
.. presque toujours ' . ■•
Soins de propreté.
Mais en dehors des actes d'intempérance que riOUS avons
rappelés, et qui étaient intermittents, nos paysans commet-
taient d'autres écarts d'hygiène plus funestes encore,
puisque ces écarts étaient de tous les jours.
On croyait à la campagne que ta plupart de nos maux,
rhumes ou catarrhes, fluxions, pleurésies, etc., proviennent
du froid ; et on avait recours 6 d'étranges pratiques pour
s'en pi i
(in voulait que le logement fût bas, peu éclairé, ù l'abri
!, comme un terrier : el od se
confinaient i dire dans
rmétiquemenl cln
m n mi, ,iu heu d'armer l'écoi ■ vivante contre les
> i. h 1 1 1 |i 20U i Nota ilu profo oui lliilli' i
— 391 —
variations de la température, on la calfeutrait dans une
atmosphère viciée el on la débilitait. Car en se privant d'air
pur, "ii se rend frileux et, par surcroit, plus accessible à
toutes les influences morbides.
Le taudis des pauvres gens, qu'on ne lavait jamais, qu'on
nepouvail môme pas laver, puisque l'aire en était faite d'ar-
gile battue, ce taudis n'était balayé qu'une fois par semaine
tout au plus, le dimanche matin.
La propreté pour qos aïeux était une superfluité :
l.ai r'messe et le torchon
Ne raipotant ran ai lai nuisait .'
On n'était pas plus soigneux de bs personne que de son
ouUui .
[I aurait été si facile eu été de se baigner dans l'Ognon
mi dans la Saône dont les rives sablonneuses sont partout
ssibles.
Oui.... mais la besogne commande ; el un laboureur n'a
guère le temps de s'amuser dans la belle saison.
Quant à se livrer chez soi à des ablutions corporelles, on
ne le pouvait pas. il aurait fallu [mur cela avoir un cabinet
de toilette, nue petite pièce où l'on put se retirer. Kt les
pauvres gens n'avaient qu'une chambre «m toul le mondi
tenait, encombrée de lits, de l'armoire, des Sièges* d'une
table, sans compter les bahuts et fauteuil du grand'père.
G'esl à peine si l'on avait la latitude de S'y faire la barbe le
dimanche avant la messe.
Voilà pourquoi la propreté était un luxe que nos campa-
gnards n'étaient pas en situation de se payer.
D'ailleurs mi avait peur des kiins.
D'après les idées du temps, les lavages n'étaient pas sans
présenter quelques dangers. Les feux, le> dartres, les
boutons u'ont-ils pas une utilité évidente*? Ne purifient-ils
pas le sang eu donnant issue aux buuieurs mauvaises '.'.....
On croyait cela, el on craignait de les faire passer pard
— 302 —
lavages intempestifs. El cette crainte chimérique étail cause
que les pauvres gens entretenaient soigneusement les affec-
tions parasitaires qui ne vont pas sans altérer la santé él
sans attrister le caractère.
Il n'esl pas douteux du reste que des habitudes de mal-
propreté et de suppuration ne soienl de nature à
eugendrer certaines formes de scrofule, et à enlaidir la
race. Voyez comme des bêtes proprement tenues, bien
soignées, bien bouchonnées et bien nourries ont meilleur
aspect que les autres ! comme elles ont plus de vivacité e1
de gaieté! Ceci soit dit sans comparaison; mais aux gens
comme aux bêtes les bons soins procurent les attributs de
La santé.
En général, nos laboureurs étaient d'une stature au
dessous de la moyenne, un peu trapus, plutôt maigres ou
bouffis que gras.
Le voisinage des prairies un peu marécageuses inondées
souvent, exposait les habitants du pays à des engorgements
de viscères, à des accès intermittents qui aggravaient cer-
tainement chez eux les maladies courantes.
Même Bans compter les victimes de la variole, contre
laquelle on n'avait pas encore de spécifique, il mourait
beaucoup plus d'enfants qu'aujourd'hui, attendu que les
accidents d'impaludisme sont funestes surtout dans le
jeune
ni d'aliment les paysans étaient lourds
pecl . i intelligence ne rayonnait pas but leur physio-
nomie qui in.iiKpi.nl le pin- Bouvent d'expression
— ?m —
§ IX. — CONSCIENCE.
LA KO RALE UTILITAIRE.
Gomme nous l'avons vu, les alimenl lonl nos
villageois se nourrissaient, leur genre 3e vie, leurs préoccu-
pations matérielles, etc., tout cela n'était pas Eût pour don-
ner des ailes à leur pensée, ni pour agrandir leur horizon
moral.
L'éducation de famille les avait trop habitués à ne juger
des choses que d'après leur utilité; à ne voir dans les faits
accomplis que le résultai et non la lin.
Le terre à terre absorbait leur existence. Ils ne compre-
naient îicn à l'apostolat on à l'esprit de propagande et de
prosélytisme, rien non plus à la pratique de l'art pour l'art.
Ils ne supposaient pas qu'on pût ainsi de gaité de C03UT
travailler avec désintéressement el sans rétribution ferme à
moraliser les autres, à eiirielur les auti.
La gymnastique morale à laquelle on soumettait les enfants
du village n'étail pas de nature à développer chez eux le
goûl des distractions artistiques, ni à leur affiner les sens, à
en faire des dilettanti, «les jouisseurs.
A Broyé, en fait d'instruments de musique, on en est
resté aux pipeaux rustiques, au roseau troué, au sifflet taillé
dans une branche de saule, aux trompettes d'écorce de cou-
drier, etc., à l'enfance de l'art... On n'y a jamais entendu
que le violon de quelque aveugle de p >u le cornet à
piston et la clarinette des musiciens venus pour taire danser
aux noces et aux fêtes du village.
Oui bien chante et qui bien danse
Fait an métier qui peu avance.
dit-on en commun proverbe.
— 394 —
L'art y esl donc considéré comme une amusette et non
comme une occupation sérieuse. On s'y contente des beaux
clianls d'éfflis
Tout chez eus était servilemenl conduit e1 préparé, parce
que tout semble avoir été combiné pour les vouer à une ser-
vitude perpétuelle.
l»rs le bas âge, on élevait les enfants avec une sévérité
quasi monacale; et leur nature, fmvelle généreuse, étail bien
obligée de prendre l'empreinte du moule où on la coulait :
elle ne pouvait manquer d'être refoulée ou dévoyée.
Ainsi dressée l'obéissance e1 forcé même de reconnaître
la nécessité et les avantages pratiques de la soumission,
l'évidence induisait le campagnard à conclure que la vie du
terre à terre, des humiliations et des aplatissements, était
encore la plus sûre el partant la plus sage.
on sentait là l'influence directrice des pères spirituels
dans l'éducation des enfants, el l'action réfrigérante du cé-
libat.
Les gens sans enfants ont beau être affectueux el bons, Us
ne le Boni jamais autant qu'ils l'auraient été s'ils uvaienl
eu de la progéniture. En d'antre- termes, la paternité et la
maternité surtout, font naître une sentimentalité nouvelle,
Inconnue de ceux qui n'ont pas d'entants.
Dans ces sortes de questions, je nie qu'un célibataire,
quelque soit le caractère dont ij est revêtu, puisse en par-
faite connaissance de cause contrôler ce que je dis.
Moralemont, H n'est pas complet. Il lui manque toujours,
pour drosser les hommes, quelque chose, comme à l'eu
nuque i ■ en engendrer, Kt s'il a la hante main sur l'édu
cation des enfants, rarement la chose tourne a bien.
eronl ôl< cette bonne affection ma-
ternelle qui réchauffe le uceur; lia manqueront des senti-
ment i'' plu propn > leur inculquer l'esprit de sacrifice
- 395 —
qui esl le fond de la piété filiale el de toutes les vertus.
ii, célibataire ne peut pas donner ee qu'il n'a pas.
Amour-propre.
Les pauvres mainmortables de Broyé étaienl dans des
conditions de vie trop précaires pour avoir ta conscience
IkuiI placée.
En quoi faisaient-ils consister le sentiment de leur dignité
personnelle? Garc'esl là le premier jet de la conscience.
Ils se faisaient gloire d'être mieux pourvus physiquement
que les autres; de paraître plus forts ou mieux portants;
mais non d'être plus justes ou meilleurs, ni même plus
riches.... Car ils avaient des raisons particulières pour ne
pas se targuer d'être riches. Ils en avaient même d<
déclarer plus pauvres qu'ils ne l'étaient véritablement, La
fiscalité guettanl sa proie
Ils Déconsidéraient comme honorables que les occupa-
tions se rapportant au labourage, comme !»'.> travaux des
champs et les soins donnés au bétail, où une certaine I
physique et quelque adresse sont indispensabl
Suivani eux, la besogne du ménage, aussi bien (pu- la
tenu.1 .l'un magasin, ne pouvait convenir qu'à un.- femme ou
à des êtres débil
Un vrai laboureur se serait exposé aux moqueries de ses
voisins, et il aurait été montré au doigt s'il avait été vu
pétrissant de la pâte, chauffant le four, tirant les vaches,
surveillant sa marmite et son fricot : tout cola, c'était l'affaire
des ménagères. Il aurait certes mieux aimé ne rien faire et
se chauffer au coin du feu que se livrer à «1rs travaux pa-
reils, réputés avilissants [tour un laboureur.
aussi méprisait-il les gens à vie sédentaire, les artisans
qui travaillent en chambre, comme les tailleurs, les cordon-
niers, 1rs tisserands, et même ces désœuvrés de maîtres
d'école qui n'étaienl bons qu'à taire «les paresseux.
— 396 —
Il était lier aussi d'avoir une bonne fressure (l), c'est-à-dire
de bons poumons, et un estomac à digérer des cailloux. Il
était, partant, glorieux de mieux boire et de mieux se tenir
à table que les autres. Et si l'un des convives vomissait
après avoir trop bu : ce n'eei pas un homme, disait-on, c'est
un estomac de papier mâché ! H n'a pas de cœur (2)! Dans
leurs légendes et dans leurs contes de veillées, ils se com-
plaisaient à glorifier la force. Ils semblaient n'avoir d'admi-
ration que peur les personnages rusés et adroits, que pour
les bercules qui tranchent les montagnes, ou les magiciens
qui changent les ronds de carottes en louis d'or....
Il faut reconnaître qu'à cet égard uns villageois d'aujour*
d'iuii ont un peu changé à leur avantage. Leur amour-
propre a des objectifs plus relevés.
Justice.
Les sentiments d'amour-propre sont les premiers degrés
île la conscience humaine ; les idées de justice en seul les
seconds.
laboureurs avaient du juste une notion assez, rudi-
mentaire.
Il- admettaient encore comme règle d'équité et de justice
l'application du talion.
Que i'"i /ii. fâ li, qu'meni dit\Vauiéj ce qu'il t'a fait, fais
lui, comme dit l'oiseau. C'était une de leurs maximes. Rends
ennemis la pareille. Et cette conception busse les indui-
nl .i Caire comme les .-mires, c'est-à-dire & s'arroger les
droits dont leurs voisins B'étaient saisis Indûment. Us se
lient uni amment autorisés par le bou comme par le
mauvais exemple U rtitn fourrageaient dan- les Pois
'I M tilt A\ il ni ■ m ni . • • ■ I BVOil l'UVIr
11.11
— 397 —
de la commune ? On aurait été bien bète de n'en pas faire
autant !
Que l'ai fâ, fâ li En 1882, le conseil municipal de
Broye-Jez-Pesmes, appliquait cette singulière règle de con-
duiteaux incendiés de Vaux qui demandaient un secours à
la commune. La délibération porte que la commune de Vaux,
n'ayant rien accorde aux incendiés de Broyé, en 1825, Broyé
rejetait la demande qu'on lui adressait pour ceux de Vaux.
On n'était pas juste à L'égard aies faibles ë1 des infirmes
dans la communion desquels on vivait. On invoquai! contre
eux une égalité toute judaïque, mettant sur un des plateaux
de la balance tout ce qu'on avait donné en force, en pro-
duits matériels, en activité physique ; el ue mettant pas sur
l'autre l'apport moral des êtres chétife, ce qu'ils avaient pu
donner en bien-être, en gaieté, en dôvouemenl el en soins
affectueux. On taisait cela et On aurait voulu que la balance
ne | Kiuliàt ni d'un coté ni de L'autre.
Cette manière de comprendre et d'appliquer la justice est
indigne.
Ce n'est pas de la justice, ce n'en est que L'apparence.
La justice consiste quelquefois à donner plus à celui qui
parait rapporter moins.
Humanité.
Lapins hante expression de la conscience humaine est la
sentimentalité qui nous apparaît tout juste comme le oon*
traire de l'égoïsme. C'est cette sentimentalité qui nous fait
vivre en dehors de nous-mêmes, qui nous fait aimer les
autres plus que nous-mêmes. Faculté morale si remarquable
et si caractéristique de l'espèce humaine, qu'on l'a appelée
humanité.
La conscience de nos ancêtres n'atteignait pas souvent ce
niveau sentimental. Nous sommes bien forcés de convenir,
en effet, que cette conscience n'était pas souvent inspirée
— :W8 —
par l'esprit d'altruisme, en vertu duquel un homme supé-
rieur, un homme digne de respect, pense aux autres avant
que de penser à lui-même.
Ils riaient charitables. Mais leur charité procédail rare-
ment d'un élan du cœur vers le sacrifice. Elle leur était le
plus souvent inspirée el en quelque sorte arrachée à la vue
d'une misère poignante, à l'audition d'un malheur ou d'une
calamité qui les impressionnait.
Parfois aussi, elle n'étail qu'un acte de superstition. On
faisait l'aumône pour l'amour de Dieu, en vue de mériter la
réc pense éternelle et d'éviter parfois les châtiments dent
sonl frappés les mauvais cœurs.
Leur charité n'allait pas tant au bien public qu'à leur
bien propre.
maux physiques du reste les touchaient beaucoup plus
que les peines morale-. Leur commisération ne s'étendait
pas aux douleurs muettes; et si un infortuné était trop dis-
cret pour se plaindre, on ne l'assistait p
Qtendaienl que le malheureux fui un men-
diant et qu'il s'avilit. Il n'\ avait ni grandeur ni délicatesse
dans leurs procédés de bienfaisance ; et parfois môme leur
ièreté «'■tait tout à Lut ignoble.
-, les aliénés, le- boiteux, les bossus,
etc., ion- lee infirmes étaient pour eux un objet de raillerie
quand ils les rencontraient,
( >n Faisail eenre chaque année la
hommes du village qu'on savail trompés par leur
femme; et cette liste leur était envoyée a tous, individuel-
lement, le jour de la fête de uni Joseph.
o, qui florissail encore eu 1840, dénote un manque
i moral chez les pay sans du bon \ ioux temps.
\ '-, i égard tnble que no mœur ni eu
- 399
Disons, pour terminer, que le système de sévérité em-
ployé autrefois dans l'éducation des jeunes gens, que les
principes de rigorisme et de compression mis en usage,
n'étaient guère propresà taire des hommes indépendants,
des hommes de vraie liberté , ni à lés rendre simplement
bons et affectueux.
Les paysans «ht vieux temps étaienl façonnés & la
vertu comme un chien l'est aux exercices de la parade.
g X. - PÉRIODE MODERNE.
Scepticisme m: s villageois.
Il y a juste cent ans que l'Assemblée nationale lit table
rase des droits féodaux, abolissant dans une nuit les dîmes,
redevances el servitudes auxquelles nos pauvres mainmor-
tables de Broyé étaienl soumis.
Une révolution aussi bienfaisante ne pouvait manquer
d'être accueillie avec satisfaction el reconnaissance par ceux
qu'elle intéressait particulièrement.
Kt cependant elle leur causa peut-être encore plus d'éton-
nemenl que de joie, On tut longtemps à se làire à l'idée que
c'en était fini et bien fini du régime des seigneurs. <>n s'as-
sociait, en apparence, aux solennités et aux fêtes nationales
que le gouvernement prescrivait à l'occasion de chaque évé-
nement un peu mémorable ; niais on s'y associait avec cette
arrière-pensée que la bourrasque politique du moment au-
rait un retour, qu'une réaction inévitable se produirait, etc.
On était donc assez peu enthousiaste, on voulait voir
venir, comme on dit.
D'ailleurs, si le cens avait été aboli, si les droits curiaux
et seigneuriaux avaient été supprimés, d'autres charges fis-
— 400 —
cales, au moins aussi Lourdes, étaienl imposées aux contri-
buables. Payer les tailles à un percepteur de L'Etal ou bien
les payer à un intendant de seigneurie, où étail la diffé-
rence ?
— La différence était en ceci, observerez-vous, que le
produil des tailles se dépensait pour la satisfaction et le
plaisir des grands, tandis qu'à présent il allait être employé
à faire marcher les services publics...
— Oui, mais ces services publie.- peur lesquels ils payaient,
les gens de Broyé n'en profitaient guère. Ils manquaient de
pouls : leurs chemins vicinaux étaient mal entretenus. Puis,
ils avaient toujours, sous le nom plus moderne d'agents
forestiers, des officiers de Gruerie pour les tracasser et les
empêcher d'exploiter leur bois, d'y faucher l'herbe, d'y
conduire leurs bestiaux, etc. Ils étaienl donc à se demander
si la Révolution avait été bonne à quelque chose.
Il y avait des sceptiques.
Il y avait aussi des impatients ou des caractères aigris,
pour qui les réformes a'allaient pas assez, vite.
divergences d'esprit économique, ou, si Ton aune
mieux, de sentiments politiques, ne devaient pas tarder ;'i se
Eure jour.
Quand il l'ut question de célébrer un service funèbre à
Broyé, en l'honneur de Mirabeau, le maire refusa de donner
.m commandant de la milice nationale, Jos. Lefranc,
abstint, bu et ses amis, d'assister ;i la cérémonie qui eul
lieu quand môme. Un procès-verbal <\r cette cérémonie fui
mais il n«' put être Inséré aux actes de la co une,
du mauvais vouloir du secrétaire greffier qui s'étaii
ab enté ave< le mécontents du conseil.
dh ■ intestines ont du être les mé s dans
tout ait ''H finalement ce résultat
ux, que chaque parti, pour agir sur l'opinion, a dû
c pin. du moins de proposer des
amélioration loi il
— 401 —
Ce serait trop long, mais forl amusant de descendre dans
ions les détails des luttes politiques qui se sont poursun
sur un aussi petil théâtre.
ÂHÉLI0RATI0N8 LOCALES.
Les choses marchaient quand même vers le mieux. On
voyait peu à peu circuler plus d'argent qu'autrefois; la
consommation des vrilles devenait plus active, le peuple des
campagnes vendait mieux son bétail et ses denrô
Le village de Broyé, qui comptait déjà <»<><) âmes en l'an II,
atteignit lu chiffre de 700 dix ans après.
Plus tard la prospérité du paya l'ut encore accrue par une
source assez inattendue, smis i.t Restauration, le Tn
payait la somme de 11 ,500 francs à 23 militaires pensionnés,
mis ;i la retraite nu à la réforme, en résidence à Broyi
Les M,r><>() francs encaissés par >ï.) chefs de famille ne lais-
saient pas (le profiter au pays; ils s'y dépensaient ou
niellaient à l'épargne.
Peu à peu les vastes masures de chaume, abritantquatre
ou cinq ménages, tirent place à des maisons plus confor-
tables, couvertes de tuiles, mieux éclairées et séparées les
unes des autres : parce que chacun voulut avoir sa demeure
exempte de servitudes et de mitoyennet
Les pues étaient o lanceuses et aquatiques •>, suivant les
termes d'une délibération de 1826. On les empierra el on les
élargit en les bordant de rigoles pavées. On en lit, en un
mot, des rues vraiment superbes.
On répara et on rendit praticable aux voitures l'unique
chemin vicinal qu'on possédait et qui menail à Pesmes,
chef-lieu du canton.
(1) Ces vingt-trois pensionnés comprenaient un cher de bataillon, deux
capitaines, quatre lieutenants et sous-lieutenants, sept Bous-officiers el uenf
caporaux ou simples soldats. Actuellement il n'existe pas à Broyé un seu
pensionnaire de l'Etat.
26
— -402 —
Plus tard encore on fit quelques prestations sur un autre
chemin de défrichement qui allait d'Aubigney sur Gray e1
V;ilay.
Ces améliorations de voirie en facilitant les relations de
voisinage, favorisèrent un peu le commerce local.
Pendant que ces changements se produisaient l'un après
l'autre, d'autres progrès s'opéraient dans les esprits e1 aussi
tl;ms les procédés économiques. La routine était battue en
brèche par des observations que précisément les habitudes
de libre discussion favorisaient. Et il s'en suivit une émula-
tion extraordinaire pour tout ce qui a rapport à la culture.
C'était à qui aurait les plus belles récoltes ! A qui 1 écurie la
mieux entretenue !
Aujourd'hui, Broyé possède une proie rouge d'environ
700 tètes ^ gros bétail, 81 bien que le bo! y soit en général
médiocre, le rendement des terres est considérable. Le vil-
lage B un excédent de production moyenne en blé, de plus
de 's<x» hectolitres.
On ne cultive plus guère de méteil : pendanl que la cul-
ture du seigle est conservée à cause de la paille qui sert à
façonner des glus donl le commerce est assez, recherché.
LAiioutKints n'MJjomiD'HUI.
Je pro ird de mes compatriotes une estime
trop admirative pour ce pas suspecter l'expression d'un
aliment. C'est pourquoi, dans l'examen auquel je
m. • livrer sur le caractère de nos gens, j'emprunterai
d'abord le appréciations d'un étranger, d'un I ime né
un autre village, mais 'i111 ■' vécu b Broyé, qui est bien
placé pour voir b1 i r compai ippréciations ne sau
- 409 —
M. Charpillet, instituteur communal, a fourni l'année der-
nière à l'inspection Académique de la Saute-Saône, cm tra-
vail assez étendu sur Broyé.
Je copie: « La population, dit-il, s'y distingue par Hé
9 tares habitudes de travail. L'agriculture est a peu i
» son occupation exclusive. Elle s'y livre av§c ardeur et
» n'économise pas ses bras. Sou- ce rapport ''lie peul ser-
» vir d'exemple. Ce qui lui fait honneur surtout, c'est son
'• attachement au pays natal et à la rie des champs. I.'éini-
» gration que l'on combat ailleurs est inconnue à Broyé. La
» ville et les emplois publics y recrutent peu. Le td> y suc-
» cède à son père; et ses occupations lui procurent toujours
» le nécessaire et souvent l'aisance. Cela, avec la liberté,
•> snl'Ht à son ambition
Voilà qui esl l'exacte Vérité.
Le village est resté ce qu'il était jadis, une colonie abso-
lument agricole. On naît où l'on devient laboureur, et labou-
ivur on reste.
Gomme il n'existe au pays ni couvent, m château, ni
fabrique ou usine, on n'y connaît pas la mendicité ni la domes-
ticité servile, ni le travail débilitant et souvent avilissant de
l'atelier.
Chacun y cultive ses champs, et, par esprit de fierté el
d'indépendance, personne ne voudrait aliéner sa liberté pour
se rendre le serviteur ou l'homme lige de qui que ee soit.
Après 1880, la forge de Pesmes expédiait sur la Saône
beaucoup de gueuses et de 1er en barre, pour de là ces mar-
chandises être expédiées par bateaux sur différents points.
Les transports de Pesmes au port Saint-Pierre, assez bien
rémunérés, transitant par Broyé; d était naturel qu'ils fus-
sent effectués par les voituriers de l'endroit. Or, nos labou-
reurs ont toujours préféré laisser l'aire ce VOiturage par ceux
d'Aubigney et de Sauvigney, estimant qu'il ne faut pas ré-
pondre par les grands chemins un fumier dont la terre a si
grand besoin. Puis, d'ailleurs, à charrier tout n'est pas
— 404 —
profit; on néglige le travail des champs qui n'admet pas les
atermoiements; et quand on a tout bien compté, le coût du
maréchal et du charron, on s'aperçoit que le train mange le
train.
Ils se livrent donc à la culture sans partage.
Toutes les maisons du village et leurs dépendances sont
appropriées en vue des aisances agricoles. C'est dire que
l'agrément en est exclu. Ecurie, remises, grenier occupent
pins des trois quarts des bâtiments.
On n'y sacrifie rien au luxe.
Cependant, depuis quelques années, les propriétaires les
plus riches ont l'ait (''lever sur rue de beaux murs surmontés
d'une grille pour enclore leur devanl de maison. Espérons
qu'on en viendra prochainement à ties clôtures moins coû-
teuses et plus pittoresques <le charmille, de lilas et de chè-
vrefeuille.
A Broyé, on ne connaît pas la domesticité Bervile. Les
i .m en service, domestiques, valets, Berviteurs
srvantee, qu'on les appelle comme on voudra, ne rap-
pellenl en rien la valetaille qui une dans Les maisons
boni Os sont considérés comme des membres de la
famille, comme des aides el des compagnons, et ils mangent
table commune , car
Qui m n t.i table
Mange .1 i .i.iiitr. ......
ii | • , Broyé, dit m. Charpillet, il
on toi! et quelques sillon
— 405 —
» qu'il l'ait produire »>. La mendicité n'y est pratiquée que
par les pauvres des paya voisins.
Presque tous les épiciers, meuniers, marchands el auber-
gistes du village sont encore des étrangers qui sont venus
s'y fixer el dont les descendants, par une sorte de contagion,
prendront le goût du Labourage, goût caractéristique de
notre vaillante population.
Chez nous, comme l'observait M. Charpillet, on ne
s'expatrie pas. <>n acquitte pas son pays pour devenir en
ville garde de police ou cocher de bonne maison.
Non ; un attrail irrésistible nous rappelle au villaj
nous avons vécu sainement dans une sorte de familiarité
générale, indépendante, avec des mœurs simples et un
profond sentiment du droit qu'on a d'être maître chez soi et
d'y vivre à sa guise.
C'esl pourquoi dos jeunes gens, revenus du régiment,
rentrenl chez eux tous pour reprendre la queue de la
charrue.
Et pourtant je ne crois pas qu'à l'armée on ait des recrues
plus intelligentes el taisant un meilleur service que celles
de Broyé. En effet, quand on a été tonné aux vertus
champêtres par l'exemple de ses parents ; quand on a con-
tracté dès le bas âge des habitudes de sobriété, l'esprit
d'économie et l'amour du travail, on ne saurait être qu'un
soldat modèle et i|u'un bon citoyen.
Sans compter qu'avec ces vertus-là, on n'est jamais
pauvre.
La crise agricole passe presque inaperçue à Broye-lez-
Pesraes >>.... Et les crises politiques, ajouterons nous, n'ont
(1) M. GHABPILLET, manuscrit cité.
— 400 -
jamais agité te pays qu'à la surface. Kilos ont servi plus ou
moins à masquer dos jalousies ou des animosités person-
nelles : mais elles ont laissé la masse des paysans assez
Indifférente en somme. Car, république on monarchie, ne
faut-il pas des sacrifices et de la subordination sous n'im-
porte quel régime?
On cultive peu, on ne cultive môme pas du tout les beaux
arts à Broye-lez-Pesmes. A cet égard, on a des idées fausses
parce qu'elles Boni exagéré
On croit que la peinture n'est propre qu'à distraire les
riches el les désœuvrés; et la musique, qu*à faire danser.
En dehors dès chants d'église el de quelques chansons
grivoises on patriotiques, <»n ne connaît que les airs de
bastringue popularisés à l'occasion d'uni' noce ou de là fête
patronale par les ménétriers, cornistes et joueurs de cla-
rinette, artistes venus de Pesmes.... Car je ne sache pas
qu'à Broyé il y ail un seul Instrumentiste.
il est évident qu'un grand musicien ne saurait se déve-
lopper dans un pareil milieu.
Le village n'a vu naître auci célébrité artistique, aucun
nd écrivain, aucun homme de guerre fameux ; mais une
multitude de braves gens dont quelques personnes fort
mmandables.
Qaude Hubert et François Goyot (1712-1714), deux frères
dont l'un, chanoine de Comines, fut professeur de rhétorique
ollège de Lille en Flandre; «'i donl l'autre, cordelier,
docteur en Sorbonne, devint procureur général de son
ordre el cordon-bleu de l'ordre du Saint-Esprit, <'.<• dernier
mourut •' Sellière Jura) dans le eouvenl des Cordeliers.
m in i,in( filles de la charité, néei dans les
dei nièn du w ur ièele ■< Broyé ; i, l'une
iin.iii ni 1 1 1 •• 1 1. ■m.- de i hôpital de Méziôre - . l'autre, de
pital cii i Iroi iôme, de l'hôpital de Corbeil.
— 407 —
a Devaal la grande croix centrale du cimetière de Corbeil,
» se trouve un monument où es! gravée l'inscription sui-
» vante : Cï GIT JEANNE PIERRE OUDIN, FILLE DE LA
» charité , NÉE a BR0YES-LEZ-PesMES (Haute-Saône) ,
p DÉCEDÉE SUPÉRIEURE DE L'HOPITAL DE CETTE VILLE LE
» 6 AVRIL 1851, ÂGÉE DE 70 v.\s DONT 40 DE VOCATION
» CONSACRÉS A.UX MALADES.
<>.... Qne vie entièrement consacrée à l'humanité souf-
b frante, dont chaque jour a $té employé au secours <ln
t pauvre, qui a'esl éteinte calme et sereine, comme elle
.) avail été simple et modeste, au milieu de ceux qu'elle
9 avait assistés depuis 39 ans a Corbeil.... Une pareille vie
» a droit aux respects, aux regrets Bincères de toute la
» population à quelque classe qu'elle appartienne.... ileuil
» public... La s. nu- Oudin lit ses débuts a Corbeil en I8i c
p au moment oc la bataille de liontereau nous envoyait son
» déplorable tribut. <>n la vit prodiguer, etc tt). »
Broyé tut aussi la patrie de François Perron, qui fut pro-
fesseur au collège de Nancy; puis, plus tard, professeur de
philosophie à la Faculté des lettres de Besancon, et long-
temps secrétaire perpétuel de l'Académie, où il faisait des
rapports brillants et faciles, el pour ainsi dire improvisés.
Il l'ut sous l'Empire chef de division au ministère d'Etat,
directeur du journal ['International, créateur des assurances
agricoles, directeur et fondateur du Petit Caporal, etc. Fran-
çois Perron, aé en 1804, mourut à Paris en 1<s7ô.
L'étude plus sociologique qu'historique que nous con-
sacrons à une commune absolument livrée au travail des
champs prouve une fois de plus que l'agriculture est la
plus saine et la plus murale ile> professions.
(1) Note communiquée pw M. Goyot-Briot
— 408
ï XI. — LE PATOIS DE BROYE-LEZ-1'KSMES.
De nos patois confus procèdent les langues écrites,
comme de celles-ci devra procéder la langue univer-
SELLE.
Dans les pays voisins on taquine volontiers les gens de
Broyé au sujet de leur patois qui est moins mélodique que
celui «1rs villages de Bourgogne, mais aussi moins lourd et
moins traînant, moins chargé de diphthongues que celui
des villages de 'Franche Comté : el on leur jette en passant
par moquerie, [cette phrase de leur vocabulaire: Aipotè
Vtotot, Vtrirot, lai coude .'... Le totot, le viroi el la corde sont
toutes i,.s pièces de l'appareil nécessaire pour serrer une
voiture de foin.
Je me figure qu'à Broyé, localité essentiellement agricole,
qui s'esl toujours complu dans la routine, < 1 < >i 1 1 la population
n'a jamais été exterminée à fond ni par conséquent renou-
velée, dont les croyances, les coutumes, les usages n'onl
presque pas varié depuis deux mille ans ; je me figure, dis-je,
que le langage n'a dû > subir que peu de transformations, el
qu'il j a conservé son originalité, au moins dans ladési-
tion nominale des choses vulgaires et dos objets les plus
usuels aussi bien que dans Bes éléments constitutifs et sa
ixe.
Quand i' Grammairiens, exclusivement préoccupés
,|n m étaient écrite ont daigné examiner d'un
peu | • ■ - le |)atol il ont été bien \ ite frappés de l'affinité
,i .i ■ taienl entre les mol de tous
; | , pour d ner li même objets ; el ils
n ont pa- manqué de proclamer que ce mol ■ titaienl
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d'origine grecque ou latine; que nâ par exemple venait de
nasus, e1 que /'/•"' el lenne né pouvaienl qu'être une
variante des termes latins fructus et 'ioc(. El cette manière
de voir êtail d'autanl plus spécieuse que les mots luna,
fructus et nastw étaient déjà employés chez les Romains au
temps des douze tables....
— Eh bien ; el nâf el frutt pourquoi ces mots
n'auraient-ils pas été employés clvéz les Celtes a la même
époque '.'
— Rien ne le prouve, puisque aucun texte écril n'en Bail
mention....
— .l'en conviens. Mais à, défaut de textes imprimi
manuscrits, le bon sens nous indique que bien avant l'in-
vasion des Romains dans la Gaule, on y récoltail des Bruits;
eu y Voyait la lune et les étoile-, el les Celtes eoiuiue les
Romains devaienl être pourvus d'un appendice nasal, d'yeux
et d'oreilles !.. El sans doute qu'ils avaient aussi des vocables
[tour désigner toul cela !
Or, je ne vois pas bien pourquoi étant en possession d'un
langage traditionnel, adapté à ses besoins et à sa civilisation,
les Gaulois l'auraient changé pour en prendre un autre, eux
qui étaient par nature si fortement attachés à leurs habitudes
et si Qers de leurs traditions.
A priori, il parait donc vraisemblable que la population de
chaque pays a dû conserver une bonne part des éléments
et «les formes primitives de son langage, à moins que le pays
n'ait été saccagé el détruit de tond en comble.
Une horde qui s'installait dans une contrée veuve de ses
habitants devait nécessairement y apporter avec elle son
idiome, en même temps que ses traditions et ses mœurs;
cela va de soi. Il n'y a pas de doute par exemple, comme l'a
dit Fallut, que les Celles, en envahissant la haute Italie
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plusieurs siècles avant l'ère chrétienne el en refoulant les
colonies d'Ibères et de Ligures vers les deux Siciles, n'aient
importé dans la Cisalpine leur jargon, leur patois, qui (Mail
plus ou moins celui des Arvernes, des Eduens él des
Séquanais. Cola devait être, ou la vérité historique n'aurait
aucune vraisemblance.
Et cependant l'élément indigène vaincu, refoulé et dis-
persé, était resté encore si vivace, qu'il a fini par imposer
son ancien idiome, ses tonnes, ses accents, aux enva-
hisseurs.
Gomment admettre, après li1 tait historique que nous
citons, que des conquérants de passage dans la Gaule,
comme l'ont été les Romains, aient imposé si facilement leur
langue aux peuple- qu'ils avaient vaincus?... Jamais ces
peuples n'avaient pu uniformiser les différents dialectes de
leurs tribus, qui ne se comprenaient pas de Tune à l'autre :
et l'un voudrait qu'il <'ùt suffi d'une occupation temporaire
de- citadelles et di^ bourgs de quelques points de leur vaste
territoire, pour changer radicalement leur Idiome ?... Est-ce
admissible?...
o serait en toul cas un miracle qu'on n'aurait plus
jamais re\ u.
Non , ce n'esl pas quand un peuple occupe simplement
les cités principales d'un grand pays qu'il peut y implanter
ie, changer les mots techniques en usage dans ce
pays, ^ (aire oublier le nom des choses et des objets qui y
lient auparavant.
\ m - donc qu'elle n'ait complètement disparu h pour
i peu qu'il en reste, la race autochl ne perdra pas faci-
lement le expi e ion qui lui ont familières et qu'elle tient
• m h uctiona spécj inunaire.
il v tinqueur et le vaincu ; des
m. m. c li i "ni emprunté i de l'un 6
— 4M —
l'autre, qui nécessiteront des vocables nouveaux. Mais les
objets dont les colons anciens continueront à se servir;
mais les vieux procédés retenus, les vieilles croyances, les
produits du sol, les lieux dits, etc.. i « .ut cela aura chance de
conserver s;i dénomination connue et de garder la situation
acquise. Cela même ne pourrait pas se faire autrement,
l'étranger ne pouvant dénommer que ce qu'il connaît.
On fait observer que le latin (Haut devenu la langue reli-
gieuse du | >.i > -, a dû nécessairement introduire beaucoup de
mots dans nos vocabulaires.... .Mais les pauvres gens qui
l'ont entendu chanter dans nos églises pendant des siècles
n'y uni jamais rien compris. Ils n'uni pas dû par conséquent
v foire de bien larges emprunts pour enrichir leur langue
maternelle. Le clergé a certainement plus latinise'' de vieux
mots patois en les affublant d'une terminaison en us on en
um qu'il n'a procuré de mots latins au langage vulgaire.
Nous avons moins reçu que donné.
Est-ce que nous n'avons [tas imposé à l'Italie l'article qui
simplifie si fort les déclinaisons ? ... Est-ce que nous n'avons
pas imposé pareillement nos constructions do phrases, si
régulières, si méthodiques, >i opposées aux amphibologii
Et les pronoms \'
Les patois ne sont donc pas des dérives du latin. Ils sont
bien des idiomes primitifs, et dans toute la force du terme
des langues mères dont les tangues savantes dérivent
assurément.
C'est donc avec ce qui nous reste du patois que nous
pourrons retrouver l'étymologie d'une feule de mots au
sujet desquels la philologie est dans la mut.
La recherche des origines des mots devient de plus eu
plus difficile avec la disparition des patois.
Quelquefois un phénomène observé, un t'ait physique
quelconque aura été le point de départ d'une série de mots
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composés pour désigner des actions ou des choses qui s'y
rapportant de près ou de loin. Or, il peut se l'aire que ce
phénomène ait disparu ou soit oublié, et que les composés
qui en dérivent soient conservés. Par exemple, le mot frein
— linge de corps — n'a plus cours depuis longtemps ;
quoique le mol enfretoilHe qui lui doit son origine soit
encore employé assez souvent.
Ainsi encore, bretu — rapière — ne se dit plus ; mais le
mol breteUe nous est resté pour désigner ce qui soutenait la
rapière.
C'e.-t SOUVenl dans ces radicaux oubliés ou peu connus
qu'on retrouvera la clef de plus d'une étymologie.
Demandez à nos lexicographes d'où provienl le oio1
d'éblouissement*? Ils vous répondront qu'il vient d'éblouir.
— Et éblouir? — Ouvrons Littré: ».... 8», préfixe, et un
idical qui est aussi dans le provençal eiit-hhinzir ,
i étonner, d'origine incertaine. On a proposé bleu : faire
» bleu devanl les yeux, il est certain qu'au \i\ siècle, on a
» dit rx-hh'nir. Mais hic/, objecte que bleu, de l'allemand
i hhui, n'aurait pas pris un /. en provençal pour éviter an
■i hiatus, — et en effet, btaveuc} bUweza, etc., dérivés de
i Mau, et non pas blauzeuc^ blauzeza, etc. Il se range donc
de l'avis de Grandgagnage qui Indique l'ancien haut
i allemand blôdi, interdit, incertain. Y aurait-il deux
i thèmes, sic?.... ..
H est clair que Grandgagnage, Diez, Littré, et tutti quanti
u'\ ont vu que du bleu.
i h paysan de Broyé un peu avisé vous dira : ablouit Mrfl
tMoui, bien quand on s les abluottot I Abluottet
que jignifle*? Ehl oui; avoir les abluottes, c'esl voir
trente ix chandelles, comme l des apluet vous dansaient
li cea apluea, qu'est-ce encore ? <>u
appelle apluet chez nou le particules de fer incandescent,
Lincelle 'i111 jailli enl ou le m. nie. m du forgeron.
h. .plue- i aiplues, comme on dll È Be onçon, sont
— 413 —
issues les aibluottes ; et (V aibluottes ;i éblouir il n'y a qu'un
pas.
Un autre exemple encore : cherchez dans les dictionnaires
L'étymologie «lu mot breloque, vous trouverez que i breloque
» est formé par une particule péjorative, — bre ou bér, —
» et par le mot loque, qui viendrai! «lu haut allemand loc,
» chose pendante.... » Mais c'est chercher uinli à quatorze
heures.
Une breloque est une machine dont l'intérieur esl dé-
traqué, dont le mouvement ne vit plus, qui loque ou ber-
loque comme un œuf dont le germe .:i demi formé est morl
dans l.i coquille. (Voir le mot loquai).
Ce qui prouve bien, comme l'a «lit notre compatriote Bullet
dans ses éléments primitifs des langues, que pour faire
Vanalyee du français il faut attendre </'"■ noue ayons de*
dictionnaires de tous les patois de nos provinces.
- \\\
GLOSSAIRE
A.
Abanaie, adj. fém. Se dit d'une porte ouverte. Littéralement
elle est banale, c'est un passage public.
Aboilli, s'aboilli, s'étonner, être étonné. N'est guère employé
qu'à la 1" personne du singulier. I m'aboilli voue si ù vinrant :
je me demande vraiment s'ils useront venir!
On l'ait souvent précéder ce mot des accentuations bin ou pas
mau. I seroue bin aboilli, si... i ne seu pas mau aboilli que. .A
Abluottes, s. f. pi. Se ilit aussi abrelues; aivoi las abr élues,
être ébloui, étourdi. (Voir Aplues.)
Abroussures, s. f. pi. Menus débris, sommités élaguées des
baies.
Abrugnai, ebarbonné. i-e brun est le charbon des grains,
l'ergot
Acampourai, v. a. Répandre 'in t 1er, étendre des herbes,
■ in foin, etc.
Acbeille, s. f. Eclat de bois piquant , esquille, épine quel-
oonque qui s'introduit sons la peau Eehaille (Besançon),
éeharde (francs
Achemé, ^. m., le dessous du corps d'essieu «in derrière d'une
voiture mm lequel s'implante les ranci
Achomé, s. m., bois m double équerre "ii en are qui soutien!
t' t.. uni.- .i une barque 81 tes empêche de se rapprocher ou de
lléchlr. fc)tymologie archt ou nirchot h tnê, arc ou arçon du
milieu.
âehtvboti m pi Macre Eoharbot, di< Littrô, esl le nom
de la chai au ou trape nageante, C'esl un Iruil
commun dant la vieille Saône, On le mange cuit dans l'eau
Miinr la châtaigne ordinaire
- 415 -
Achaulons, s. m. pi. Noix.
Acofiai, v. a., écraser, aplatir dans me cofieu. (Voir ce mot.)
Acoure, v. a., battre au fléau. D'où le français écosser, excu-
tere. L'acoussou, c'esl le fléau; un acousserè, c'est un batteur
en grange.
Acressi, s. m. Se dit d'un enfant ohétiï et malingre; et aussi
d'une personne très maigre, petite et ratatinée.
Acrigneule-aiguesse, s. f., pie-grièche. Dans le patois de Be-
sançon, cet oiseau s'appelle lai creuilloure.
Acrousai, v. a., écraser dans la coquille; de ereute. (Voir ce
mot.)
Afiai,adj., éventé, qui a été laissé à l'air H qui S'en trouve
altéré, comme le vin qu'on laisse dans un verre OU dans un
flacon débouché el qui a perdu son bouquet.
on veut que le mot afiai dérive de flatus. Ne peut-il pas dé-
river aussi bien de fier, aigre; ou de fieu, fleurs, mycodermes
ou mucédinées qui viennent sur le vin d'un tonneau en vidange?
Afiai, v. a., cuver. Vai-t'en afiai ton vin pu loin, dit-on a
l'ivrogne qu'on repousse.
Agiquiai, v. n., éclabousser. De Ci<iuieu (voir ce mot).
A.gceutiau, s. ni , ôcope, sasse ou épuisette d'une barque;
pelle creuse à manche très court servant à épuiser l'eau. Ety-
mologie : gœute, goutte, égoutter et eau.
Agrailli (11 mouillés), desséelié, éliaioui. Se dit d'une futaille
ou d'une seille dont les douves sont disjointes par l'action du
soleil.
Agueillotai, v. a., jeter des pierres à
Agueveilles, s. f. pi. balayures, tâtots, vieux tessons, etc.;
en un mot, tout ce qu'on jette dans un coin, puis à la voirie.
Aiboucheton ou aibouchon. Se mettre aiboueheton pour
I h lire, c'est boire couebé et à même au ruisseau.
Aiboucheu. (s'), v. n., c'est s'endormir sur la table ou sur un
lit pour sommeiller, la tête appuyée sur l'avant-bras. Vai t'ai-
boucheu in moment!
— 416 —
Aichetai (s*) ou s'aissetai, v. n.. s'asseoir.
Aicoeilleu, v. a., fouetter Les bœufs à la charrue. {Aicœure à
Besançon.)
Aicreboton, se mettre aiereboton ou s'aicrebotai , c'est s'ac-
croupir, se baisser en repliant ses talons sous ses fesses.
Aifauti, ailj. Se dit d'une créature quelconque, d'un enfant
surtout qu'on a privé de nourriture, qui est affaibli par un ré-
gime insuffisant.
Aigrippai, v. a., prendre, saisir. L'aigrippesous est le hap-
pechard, L'usurier, l'avare.
Aiguebi, adv. Même sens ^naicreboton.
Aiguebi, v. a. Assommer.
Aiguesse, s. f. Pie.
Aijoulot , s. m., trébuche! ou quatre-en-chiffre destiné à
prendre les petits oiseaux. Panier sur Lequel une planchette
retombe par son propre poids quand L'oiseau s'est posé sur la
détente du piè
Aille, s. f. Aigle, oiseau de proie en général. Etrembitu que-
ment enne poule qu'ai vu Vaille ; il tremble connue une poule
qui a vu L'aigle '
Aimetti (participe). Affaibli, Languissant. De mette (voir ce
mot).
Aimouilicu, v. n. Quand la va. in- prend son premier Lait avant
de mettre bas, elle aimouille,
Aipléiou, v. a. Mettre les bœufs au joug pour le laboui
un pour un charroi. L'aiplèie est La quantité >\>' travail fait dans
• matinée par La charrue au Labour.
Aip'.n. rattacher bout à bout. Raipondn a Le môme
pond une cordi
Aiqueutai, taiqutHtal, caler, s'appuyer. De oouto, ôtai, mot
e dd enoo
Air<-h«»M n petit bol c 'bé en arc et placé ui L< ber
i upporter Le filet qui les met b t abri de
— 4-17 -
Aire, s. f., provenance, race, nid.
Enfant de bonne (tire
Par lui sait tout faire ;
C'est-à-dire qu'un enfanl bien aé — débonnaire — se fait de lui-
même. D'où le vieux mol roman de pute aire, mauvais sujet,
oiseau d'Un sale nid.
Airie, s. (., espi poules de la grande ou de la grosse
airie ne valent pas celles du pays. De aire.
Airie, s. f. Gerbe étendue sur l'aire de la grange pour j être
battue au Qéau. Se coucher sur Voirie, c'est fouiner, c'est ne
rien faire quand l'ouvrage commande.
Aivan, s. m. Osier. C'est l'osier commun Bervanl a fabriquer
des paniers et à confectionner des objets de vannerie, Osier-
à-vans et, par abréviation, arans. I»'où aivanehé, oseraie, lieu
planté d'osiers.
Aivau, adj., profond. Ce mot es( Indéclinable. On dit d'un
puits, d'un précipice, d'une eau dormante, etc., qu'ils sont
aivau, c'est-à-dire qu'ils ont une grande profondeur. Chez tire
aivau, c'est chez un prodigue, tire à bas. Vau ou val est un ra-
dical fournissant d'innombrables dérivés : aivolai, avaler; davo-
lai, descendre; raivolai, mettre bas, etc.
Aivoidre, v. a., c'est prendre avec effort et en se haussant
un objet un peu élevé, difficile à atteindre ou à décrocher.
Ajâfrai, bouleversé. Dne poule qui a perdu sa couver est
ajâ fraie.
Alude, s. f., éclair. D'où aludai, faire des éclairs.
Amboichot, s. m., gros furoncle.
Ambruai (s'), prendre son élan ; ambruai, donner l'impulsion
à un objet pour le mettre en mouvement. On amortie le pendule
• l'une horloge.
Anvai, s. m., petit furoncle.
Apanchai, v. a., étendre du fuinier dans les champs,
Apettie, s f., poupée d'ceuvre. Le chanvre peigné donne
— 448 —
l'œuvre el les étoupes qui sont mises en paquets. Le paquet
d'œuvre esl VapettiefeA le paquel d'étoupes, l'ateupon.
Une bonne fileuse pouvait filer dans sa soirée une apettie et
faire ainsi deux bobines de til d'œuvre.
Apiettai, avancer à la besogne; ce qui n'implique pas la mal
façon.
Aplues (ailleurs éplues), particules de fer incandescent qui
jaillissent sous le marteau du forgeron. Petites étincelles qui
jaillissent du feu, surtout quand < >n tisonne, en s'accompagnant
<l'iin pétillement.
Aquot, s. m. Vieux cheval maigre, rosse. Mâgre quement
enne aquot. D'equns, diront les linguistes, comme si le cheval
chez les Latins eût été nécessairement décharné.
Arennesons, s. f. pi., pour ernaisons. C'est le nom vulgaire
du lumbago. Renaie, à, Montbéliard.
Argonnier, mauvais voiturier. chicaneur, marchand de rosses.
in argonnier, dit-on à Broyé, est peu comptable; il n'y a pas
à B€ lier à 06 qu'il dit.
Arquai, Marcher péniblement. É ne peut p>< arguai, Il ne
peut plus avancer.
Arriet, oonj. Par contre.
Asement, s. m. La vaisselle, vaisseau ou vase de cuisine,
ustensile quelconque, tasse ou coquelle, pot ou terrine. Etym. :
immode.
Asquintai, éninter.
Assanner, as-. nnmer, ennuyer. Me sonne, sommeil.
Assi . m , essieu. Evidemment analogue à axi$.
Aisourbi. .. gommer, étourdir.
Pendit u forci a noter en mer
Ani u fou >m Eetorbêf (Roman dn renard .
■ iteur du glossaire de ce roman (ait venir suopoer de
ait plu rationel de lui donner le sens
ifa$$ourbit le gorpll ayant lait plui d'une fol h sommer son
i Brun, Il oui , et n , on compère,
— èiô -
Atonies, s. f. pi., tiges de céréales restant sur (Sied après la
moisson.
Atout, mauvais sujet, homme à fout (aire.
Aulemelle, s. i'., lame d'un couteau. Changer Bon bon couteau
contre une vieille aulemelle, c'esl faire un marché de dupe.
Atrots, s. m. pi. L'nc fricadelle à Nancy. Le feie du porc ar-
rangé dans des morceaux du péritoin i de ta coiffe des intes-
tins.
Avadai, par!., égaré. Xoues poules sont aradaies, perdues de
sens, affolées, comme quand elles oui été vivemeni pourchas-
sées par un chien.
Avillonne. Aveline, grosse noisette.
B
Bachut, s. m., réservoir à poisson.
Bailoyai, v. à. L'opération consiste b séparer ce qui •!> >i t être
vanné, i»1 bolà, d'avec ce qui est rejeté toul d'abord, comme la
pousse et les épis vides. Le râteau qui sert à baûoyer s'appelle
le hailoyou.
Le bolà aux Fourgs est dit las ribolais; ce sont les impuretés
mêlées au grain qui vient d'être séparé de la paille par te bat-
tage ou le dépiquage (Tissot, p. ±21).
Baînon, s. ni., sonnerie «les morts, sonnerie triste. Les cloches
semblent dire : /•.'/ à don moue? — Nenni, è doue]...
Bainotte, s. f. Cadre «le bois allongé donl le vide est rempli
par un tressage d'osier on de mancenne. On mettait autrefois
des cadres pareils sur le chariol en guise de planches ou d'à/ie-
es — planches ;t fumier.
Bainotte, s. t., panier ou petite baine d'osier destinée à laisser
les haricots, pois ou fruits cuits pour les égOUtter. D'où bainai,
passer à la bainotte d<><. fruits ou des légumes assaisonnés d'un
peu de sel. D'OÙ encore haiuons, haricots ou puis cuits à l'eau,
avec un peu de sel et de graisse, puis versés tout chauds dans
la bainotte où on les mangeait à la poignée. C'était dans le temps
un régal très recherché.
— ik20 —
Radical : haînc on benne, long- panier qui sert encore à voî-
turer le charbon. Cesl l'ancien char celtique servanl ;i trans-
porter même les grands. En commençant un conte à la veillée,
on ne manquait jamais de débuter par cette tirade prépara-
toire :
C'était une fois un roi et une reine
Oui cli dans une benne;
Pierre ou Jean était dessous
Qui ramassait tout
Baique, expression de dégoût. Pour inspirer du dégoûl ;iu\
«Mitants, on leur erie : Pouih, baiquel
Baliste, s. f., petite bille à jouer.
Bâne, adj., borgne.
Barbe ai bœu, s. f., salsifix sauvage.
Bardai, v. n. Une voiture bardr quand le train de derrière
glisse sur un plan incliné latéralement, de manière à aller plus
vite et dans une autre direction que le train on les roues de
devant.
Beillâ, beillâde, adj., boiteux. Abréviation, pour gambeillard
on gcunbiUard. (Voir gambi et ganibiUer.)
Bé-mA, interj. Ce n'est pas étonnant!..., El ai bé-mà !.... i y
ai bii-nu'i !... Ce qui signifie : c'est facile dans des conditions pa-
rellli
Berré, s. m., porte à claire-voie placée à l'entrée de Vmilnu
pour empêcher la volaille d'y entrer. Un amoureux Inconstant
[.prie toqu+btrri.
Besilleu, v. n., exprime l'action d'un .mimai qui s'enfuit époti-
vanté, la queue en trompette. Lies petits bergers imitent le sif-
flement ou le bourdonnement d'un taon pour (aire bottier les
de leur troupeau Même ions que taguai (voir ce mot)
Bét«- , - in Support de la lampe; sorte de grand chandelier
en i pi e mettait au milieu de la pièce où l'on travaillai! et
on i mu veillait
Beunho, s. i , bûche ou lige On dit aussi bien une bûche de
paille qu'une bûohi U jeu de la bûohette btsuhotu
— 421 —
— se pratique en prenant deux pailles d'inégale longueur dont
on l'ail tirer l'une h Bon adversaire.
Betture, s. f., Liquide obtenu après Le battage du lait, quand
on en a extrait Le beurre et Le fromage ou caseum. De bet, pre-
mier lail delà vache après qu'elle a vêlé. (Dana le Saugeais.)
M. Contejean veut que baiture vienne du mot battre.
Beuffe, s. ('., halle d'avoine, de blé, de céréale quelconque.
On la répand comme engrais sur les prés au printemps. (Radi-
cal de bouffi.)
Beuillai ou beuilleu, v. a., regarder avec convoitise '■
qui mangent.
Beulai, v. a., rouler. Se brûlai dans lai bot-bc, se rouler dan8
la boue.
Beuné, s. ni., DUage pluvieux.
Beurre, s. I". Choc P6ÇU par OOntre-COUp. Be beurrai, c'est se
heurter Le corps contre un objet plus ou moins volumineux. 8e
heurter le pied se .lit topai (voyez ce mot).
Beuson, s. m. Celui qui se tient boudeur dans un coin.
Bigot. Doigts bigots, c'est-à-dire engourdis par le froid.
Biguenne, s. f. Cire ou chassie des yux. (Besançon, bigàne.)
Bigueu, s. m. Croohel en ter ;i deux branches pour sortir le
hunier de l'étahle.
Biondenai, v. a., élaguer un arbre ou une haie.
Biosson, s. m., petite poire ou pomme des bois qui n'est
lionne à manger que si elle est blesse et douce. On trappe les
pommes pour les amollir, les talcr, les blettir — blesser.
D'où biossené, poirier sauvage dont les fruits sont mis dans
le loin pour se faire, pour faiuousai (voir ce mot).
Boicheu. Se dit d'un œuf qui BSt ouvert en un point et prêt
h éciore. Ci' petit poussin a déjà Prisé La coquille.
Boichot, s. m. Heurt du gros orteil contre une pierre.
Bola, s. m. Ce blé H les crirntes (voir Ce mot).
Bolotte, s. f , belette. D'où bolottai, manger les œufs au nid,
— 422 —
comme fonl les belettes. Les enfants crient coucou bolottou au
coucou quand ils entendent cet oiseau ou qu'ils l'aperçoivent.
Borbe, s. f., bouc. D'où emborbai.
Borli, s. m., agaric desséché. On préparail l'agaric du chêne
en le mettant dans le cuvier ;'i lessive; et. après dessiccation,
il prenait l'eu au briquet.
Bossands, bossandes, jumeaux, jumelles.
Boubanceu. Se livrer à des dépenses folles ri superflues dans
un ménage, notamment pour la .cuisine. Une boubancère est une
femme de désordre et de dissipation. (Vieux français boban, su-
perfluité, ih'-pcns^ qui ne profite pas.)
Bouge, s. f., vieux nid.
Boui-bian, s. ni. .Mercuriale. Celle herPe purgative demie la
diarrhée aux porcs et l'ail périr proinpleinenl les lapins qui en
mangent.
Bouille, s. i'.. épis de turquie mis en grappe pour être sus-
pendus.
Bouliguai (sei, se leiirmenter.
Bourenfle, atteint de QuxJOQ dentaire.
Bouron, B. in., gros QUage isolé.
Bourrot, s. t., canard.
Boussottes, s. f. pi. La petite vérole, petites bosses en petites
tumeurs. Autrefois on réservait ce nom de bosse» aux bubons
de ii peste h en dénommait bosserands ceux qui étaient char-
ainlr les maisons en lemps <i épidémie.
Bout, i, m . moroeau. in bout <\>- pain; un bout «le lard,
B<" • . moyen dune r ■.
Br.'iimai \ n., beugler.
Br ' 'ner le devant de 1.1 voiture pour faire dé
vier le train on faisant marche en arrière (Voj broeheu.)
i | | ■ LU .
m-.- m !• de la voiture
— 423 —
Brechon, s. m. Vannette OÙ se met la pâte [tour lever avant
que d'être mise au four.
Bredaque, étourdi. Bredaque, brcdaule, bredaulou, bredouil-
lait, bredi-breda, etc.; tous ces mois sonl les dérivés d'un radi-
cal qui n'est plus employé chez nous, brade, divagation,
Bregi, s. ni., étable à moulons.
Breniquiai, v. n., loucher.
Brenotte, s. ('., nuage pluvieux.
Brequeillons , s. m. pi. Etre dans 1rs hrcjucillons, c'e>t être
ivre.
Bressot, s. m., partie de la voiture qui sert à la tourner, à la
brùteler, à la brocher.
Breussot, s. m., lait nouveau d'une vache qui vient île rôlef
Ailleurs : bacoillot, bet, dans le Saugeais.
Bretu. Ce mol n'existe plus que dans ce vieux dicton :
11 n'a ne iivtu
Ni' bretu
L-à-dire, il n'a ni haillons ni rapière, Unité ou bretu nous
aurait donné bretelle, iiil.aii destiné à supporter la Invite.
Breuilleu, v. n., beugler avec animation. Quand ranimai
pousse Ac^ cris, parce qu'il est en proie à la terreur, il breuille ;
quand il crie pour appeler ses compagnons d'étable, il braime-
quand il appelle son maître avec des accents plus doux, soit
pour lui demander des caresses, soit pour en obtenir ta pâture
accoutumée, il meûne ou il miotte (voir tous ces mots).
La breuillade est la mêlée générale d'un troupeau qui est plis
d'une fureur soudaine. Quelquefois une bête rouge renifle, la
tète eu bas et le museau contre terre. On dit qu'elle llaire du
sang. Son œil est hagard, irrité. Mlle breuille avec fureur, et les
autres bêtes accourent, comme prises de vertige par imitation,
eu poussant des beuglements épouvantables. Puis elles se ruent
les unes contre les autres, jusqu'à ce qu'un bouvier énergique
intervienne et disperse la mêlée, de spectacle vraiment terrible
s'appelle une breuillade.
— 424 —
Breule-fé, s. m., brûle-fer, sobriquet injurieux donné au mau-
vais forgeron.
Brigneulai, adj., tacheté.
Bringue, s. I'. Vache. Vieille bringue, vieille vache. On ap-
plique aussi ce vocable à une femme âgée qui parle à lorl et à
travers.
Brique, s. f. Morceau. Brique de pain, de tuile-, de faïence.
Brocheu, v. a. Cesl faire tourner la voiture sur le brcssot.
Brôlai, v. 11. C'est lier et serrer sur une voiture à planches
un chargement'au moyen d'une chaîne et d'un pliant. A Besan-
çon, "ii dit brélà.
Brou, s. in. Gui des arbres.
Brousses, s. f. pi. Menu foin qui tombe du râtelier et dent le
bétail ne se Boucle plus.
Broussu, hérissé.
Brun, s. in. BrgOl OU charbon des céréales. On dit aussi
abrun, el le grain malade est dit abrugnai.
Bue, s. f., lessive. M'en btto», faire la lessive. Celui qui fait la
ve à la Toussaint, bue son suaire (Prov. franc-comtois).
Bure, s. t. Cruche à mettre de l'huile. Diminutif, bureton.
i part, Faussé, qui a reçu un renfoncement. Se dit
dune enveloppe arrondie, métallique autre, qui porte l'em-
preinte 'I mi ofaoo.
Gft<l« ' tl 'He.
chien i llle-oy , oagne, dit-on à un
chien '• he en le repoussant du pied. D'où le mol cagnâ,
lonm a d( di i aut si oagncl , Jeune
chien
Caidruie i bai ique élevée en arrière des bateaux de ma
une 00 le m. nie loul leur cm me I DÛ
m. d coni truite el peu lollde
- 425 —
Gaifot, s. m., épi de maïs ou de turquie égrené après avoir
été séché au four. On s'en chauffe l'hiver à la veillée. Etymol. :
de /'", four; qui a été au four.
Gaimaie, s. 1'., grande quantité, l'une caimaie d'enfants.
Gairon, s. m., carreau, brique, l » < » 1 1 eaironnait daller de bri-
ques.
Cambouis, s. m., la graisse noire '•! sale qui a servi à graisser
les voitures.
Gancoire, s. I'., hanneton.
On connaît cechanl des enfants pour exciter le hanneton a
S'envoler, quant ils lui ont mis un lil à la patte : cancoirolle,
veille, veulotte !
Gaule, s. i'., bonnet d'homme, de laine ou de coton, rarement
un bonnet de femme. Crie i>u /"<>«<■ tu aire mai eaule, dit-on à
un marmot qui s'égosille à crier. D'où cavlurot, câline; dacau-
lai, découvrir.
Gautaine, s. t'., femme curieuse et bavarde qui va traîner
nippes fin'/, les voisins pour cautenai) tuer le temps.
Gauvaine, s. 1'., trou plus on moins profond Creusé SOUS I eau
dans la berge d'une rivière et où se logent les lottes, le- êcre-
visses.
on dit ailleurs, à l'.esaneon, par exemple, caubeune a peu pies
dans le môme sens. Trou eivusé dans un vieux trône d'arbre.
Gelésotte, s. f., peigne fixe à dents d'acier, dont les peigneurs
de chanvre font usage.
Gernô, s. m., noix incomplètement mûre dont la partie co-
mestible est mangée après avoir macéré dans une eau acidulée.
Chai. s. m., chariot ordinaire, voiture à planches on à claies.
D'ou chairotte ou eliarretil (v. IV.).
Ghaipiai, v. a., couper par quartiers, des fruits, des pommes
de terre.
Ghaipusai, v. a., couper le Pois en menus morceaux.
Ghairère, s. f., clairière dans une forêt. N'a pas d'autre sens
à Broyé.
— 426 —
Ghalé, s. ni., bois de lit — chas ou châssis et le, lit.
Ghamarri, s. ni., grenier supérieur à l'aire de la grange. Ce
grenier est perche el non planchéié, à cause des souris. On y
entasse 1rs gerbes d'orge el d'avoine.
Ghambelère, s. l'., chevalet sur lequel on scie le bois à brûler.
Ghambelère, s. t'.. appareil de lieis destiné à soutenir en avant
la couverture du lit et à L'empêcher de tomber. Autrefois, par
vanité, les lits étaient très hauts, i-i la couverture risquait fort
d'être entraînée en luis — ai lai volaie — par son propre poids.
Champai, v. a., jeter.
Ghampoi, s. in., terre Livrée à la pâture. D'où ehampoyai, qui
signifie aUer <>n conduire el mettre les animaux au pâturage.
Chanté, s. ni. .Miche entamée à Laquelle ou coupe.
I.e chanteau esl la dernière pièce mise à une futaille, et elle
a la forme semi-circulaire. Une miche coupée en deux forme
deux chanteaux.
Chasal, s. ni., construction en ruines.
Chat, s. m., prendre ou faire le chat, c'est terminer une l>e-
- importante.
Ghâtelot, s. m., petit château formé par quatre noix, dont
LrOÎS -"lit à la hase et la quatrième SUperpOSée ferme le som-
met.
/ iw il , /i/ic hcllc >ttlii>r
in. pouill' I eourini tjuçÀtrê ni quailre
Et in pue' l'a chdttloi (Vieille chanson .
nu appelle aussi ohàtelot plusieurs noisettes réunies sur un
seul pédicule.
llllr. I lie .||| Ohan\ l'e l'nlll C8JI 06 el dedU'Il-
,,rrr,,,lh ;. ,,lu .ju'lillr, <>|| Mil! eellli <|lll Irasaille
t la quantité de débri qui ront devant lui (Vieux prov.) Etym. :
ohénovre, ehanvn ii, voler, veuloi eu voulût t duvet, brin
il il les qui volenl
île- que le balai fali
voler \\ h i il'-"' dan i œil
— 427 —
Chairmouge, s. f., coryza, rhume de cerveau.
Cherra, s. f. G'esl le bois de lurquie fraîchement coupé el
dépouillé de L'épi. Les vaches en sont très friandes. On va à la
cherra pour la distribuer au bétail.
Chet, s. m., chat. D'où ohettenère, trou pratiqué au bas
portes pour permettre au chai d'aller d'une chambre à L'autre.
Ghevé, s. m., tête du lit.
Ghevêtre, s. ni., t'aiture du toit.
Ghevris, s. m. pi., grésil, il tombe '1rs chevris.
3 aima saivoyâ, bise de ma, chevria d'aivri, n'aim'nan l'aibon-
dancc au pays. (Vieux prov.)
Ghie-nid, s. m., dernier né d'une couvée, ordinairement le
plus faible. <>n prétend qu'en quittant le nid, il y dépose une
ordure, parce qu'il croit ne plus avoir besoin d'j revenir.
on appelle aussi ohie-nid eu queulot (culot alias) le plus jeune
îles enfants d'une famille.
Ghoucheu, v. a. entasser, presser dans un sac avec la main
pour l'aire tasser les objets.
Ghoue, s. f. Chouette, onomatopée. Ce mot représente le
bruil du vol de cet oiseau.
Ghouignai, v. n., pleurnicher.
Ghouillou, aliàs cheulai, c'est sucer sa langue. D'OÙ cliouil-
tuii, celui qui suce sa langue.
Cimai, v. n., suinter, suppurer.
Gion, s. ni., rejet d'arbre (v. IV.).
Gocue, s. r., ciguë ordinaire.
Gœulou, s. ni., aliàs coillot, ustensile à passer le lait : Caillot
bin taira, fwnie frisé bin releva, danotant feille ai mairiù (vieux
Prov.).
Cœure, s. f., coudrier, ailleurs coudre. A Broyé, on change
Va eu e et on supprime volontiers les gutturales et les den-
tales. Exemple : cenre pour cendre, penre pour prendre, crainre
pour craindre, etc.; roiche pour croche, renouille pour gre-
nouille, etc.
— 428 —
Gœuquereille, s. f., coquillage, moule de rivière desséchée.
Gœuquelle, s. t.. casserolle.
Gofîeu, s. f., enveloppe du lïuit des légumineuses, ou cofle
(en mouillant l).
Goiseu (se), se taire.
Gollot, s. m., bol.
Combe, s. f., d'où combotti-, petite combe, est une dépression
>ir terrain de forme arrondie, un petit valonnement circulaire;
pendant que la noue est allongée, comme un lit d'ancien cours
d'eau.
Consé, s. m., méteil. Fromenl el seigle mélangés.
Goquefredouilie, s. m. l'n homme qui se mêle de l'ouvrage
■ 1rs Femmes, qui tate 1rs poules pour savoir si elles feront un
œuf, un Imbécile.
Corgeon, s. m. Cordon. C'est le dédoublement du l; italien,
dont nous avons conservé la prononciation douce à Broyé.
Corgie, s. t.. fouet [ooorge, fouet du charretier, glossaire du
roman du renard).
Cot ou coteré, s. ni., gros vers blanc, larve du hanneton.
D'où cutioot, ver de la viande ou du fromage.
Gotto, s. !'., 0OU1
Coue, s. t., queue. D'où oouà, croupion; et oouot, privé de
queue.
Couèche, s. t., pruneau,
Couignai, v. n., crier comme nu cochon qu'on saigne. Par
exten ner.
Coupe l tneSUn qui BSt la pari du meunier | ' pn\
d'une mouture.
iujmHj n.. in. sens.
Couvi.r m . nu de bois renfermant un peu d eau et où le
faucheur trempe ■•< pli rre quand il aigui e .1 (aulx
1 1 porte attaché a la ceinture.
CrA. 1. latopée. Comme coucou.
— 439 —
Graichie, s. f., matière, résidu qai monte à la surface du
beurre quand on le tond.
Grampir (se). Se raidir, contracter ses muscles, comme si la
crampe les raidissait. Un homme se crampit pour soutenir un
fardeau qui tombe ou retenir une voilure qui dévale.
Gressi, v. a., écraser. I te creciroue, je te briserais.
Creu, s. ni. Son. Un maquiller a toujours du sou s'il n'a pas
de creu.
A Vadans, ils ont toujours du creu, s'il n'ont pas de farine.
(Mauvais jeux de mots devenus proverbes.)
Creuilleu, v. a., creuser avec un couteau ou un outil tran-
chant.
Creuse, s. f. Coquille d'œuf ou de noix.
Creusot, s. m., écuelle, bol.
Grientes, s. f. pi. C'est le petit blé et la zizanie qui sont n-
jetés par le vanneur.
Tissot dit creiantès et il l'ail venir ce mot du grec xpeloc, sorte
de pois chiche. (Patois des Fourf
Grotot ou creux de lai foussotte, s. m. Fossette de la nuque.
Gude, s. f. Mauvais marché. D'eu euderie, même sens; cudot,
celui qui fait des cudes; ciidai, en faire.
D.
Daboudreilleu (se), v. n. Cesser de s'allonger pour croître eu
largeur, se former, se développer. Se dit des jeunes gens.
Dacherqueilleu, v. a. Démêler les cheveux quand ils son!
très embrouillés.
11 était, d'usage autrefois de s'empoigner à la tignasse et de
se donner, suivant l'expression consacrée, une bonne peignée.
Aussi disait-on de deux hommes qui s'étaient battus, « se sont
Inu dacherqueilleu l (V. encherqueilleu !)
Dacombrai, v. a. Enlever les herbes qui s'entassent devant
le pendant de la charrue. Le laboureur se sert à cet effet d'urc
bâton fourchu appelé dacombrou.
- 430 —
Dafressureu, déchiré, déguenillé.
La freesure est un organe mal défini. Mais quand on pèche
par l.i fressure, c'est sans remède ni rémission, comme on dit
en Comté. N'avoir pas de fressure, c'est avoir un toul petil tem-
pérament; c'est être affaibli, essoufflé el mauriant; c'est ne
pouvoir supporter ni la boisson ni 1rs excès d'aucune suite.
Dagueilleu, débraillé.
Damoûlai, v. a., mélanger avec de l'eau une farine qui prend
une consistance semi liquide. Damoûlai las gaudes. Etym. : de
môles ou maules, nom donné dans bien des localités à ce mets
national.
Danengeu (se), v. n., se démunir, se défaire d'une chose en
général peu avantageuse, opposé à s*ennengeu (voir ce mot).
Davireu, v. a., écarter les botes du dommage. Signifie aussi
mettre 'le côté, séparer les meilleurs objets pour s'en servir
plus tard.
Deigne, s. I'., brin de chanvre roui.
pour teiller, on casse la deigne, le Pois cassé formant des
chenevêuille» et ta peau ou le chanvre étant recueilli sur le doigt
médian de la main gauche pour taire une doiUii (voir ce mot).
Delère, v. a., inonder, nettoyer, trier grain à grain, en pre-
nant le bon pour laisser le mauvais.
Derré, d lernier, dernière.
Devante, s. m., tablier, vêtement du devant du corps.
le tablier à essuyer l.i vaisselle, connue le jum
(voir ce mot); c'est un tablier des dimanches, voire un vêtement
babillé et d'un certain luxe, dont les petites Qlles se montraient
lez, vous disaient-elles, mon M <i>-r<uitr!
(m en faisait eu indienne, on m. i m i. • ri même en sole
Diale-SoHHo ' dtabf*M9M ' itobt-M-dOfl I juron familier au
contre quelque chose, qui ne trouve pa ce
qu d cherche
Dogue .ni) Sensible, qui t. ut mal Se dit d'une partie du corps
OÙ le moindre 0OD Munie de l.l dolllelll
Dodhe i Chanvre 'tout le doigt médian osl eliargi dam
— 434 —
l'opération du teillage. Plusieurs doMies de chanvre forment la
roillie ou riête, c'est-à-dire un paquel roulé e( comme ficelé.
Une (loillie doit ê,tre alignée à sa grosse extrémité pour ôtrè
propremenl faite, si ta doillie n'a pas une belle tête, dit-on pro-
verbialement, in auras une femme bavouse!
Dôrbon, s. m. Taupe-grillon, courtilière.
Drajon, s. m., rejet. D'où drajonnai, pousser < i« -^ rejets,
comme font les noisetiers.
Drosseu, v. a., dresser. l> russe lai seupe! trempe la soup
la mets sur la table, sur le dressoir autrefois.
Dreue, s. f., bardane.
Dreule, s. m., garçon. I!"ii dreule ; bon garçon.
Drouillou, adj. Coureur de tilles, débauché.
Dru, adj. Bien venant. « m dit des oiseaux qui ont leurs plumes
qu'ils sont drus comme père et mère
Druerie, s. ï. Galanterie obscène.
Druillot, adj. G-ras, en bon étal et bien venant. Se dit souvent
dos jeunes pores.
I
Embaitre, v. a., c'est battre la faulx sur une petite enclume
plantée en terre pour dernier du lil à l'instrument ou l'amincir
ei le rendre tranchant. On dit aussi enehaipiai dans le même
sens. L'enclume et le marteau constituent les emboîtera.
Emboichot, s. m. Clou, furoncle.
Empâtures, s. f. pi. Entraves. Empatureu, c'est mettre des
entraves
Enehaipiai (voir embaitre).
Encherqueilleu, se dit des cheveux mêlés et enchevêtrés.
Encherbeutai , se dit du lil qui est embrouillé et difficile à
pelotonner.
Encrotai, v. a. Enfouir, mettre ou terre une charogne idrvrot).
Endains, s. m. pi. Chenets. On dit d'un domestique qui t'ait
ses embarras : Vai! vai! tu ne veux pas emporter les andairul
— 432 —
Endévai, v. a. Contrarier, l'aire enrager.
Enfoncure, s. f. Placard fermé. Il existe une enfonçure dans
le poêle derrière la cheminée de chaque outau.
Enfretoilleu, v. a., envelopper, entourer d'un linge. Avoir la
main enfretoillie. Radical : fretu (voir ce mot).
Engiiai, v. a., propager. .Merde embue, merde engïic.
Ennengeu (s'), ennengeu. Ensemencer de mauvaise graine.
Se pourvoir Aiun- manière durable. Ces! pris ordinairement
dans un mauvais sens.
Ennoucheu (s'), s'étrangler en buvant.
En pour. Eu retour, en échange.
Enrotai, embourbé.
Ensaigné, ensanglanté.
Entemeli, engourdi, .l'ai la main entemelir,
Entremé, le milieu, l'entre deux.
Entrieulai, v. a., tromper avec linesse, aveb ruse.
Entrouilleu , s'entvouiileu , s'endormir trop profondément,
dormir trop longtemps. (Voir troutUot.)
Envaî, s. m. Furoncle.
Enviré Etre tmrirê, avoir le vei
Erpions, doigtfl du piôd.
Erpiotte.s, même signification.
F.
Fnnno, i Femme,
i'i"\ Ision de fruits, pommes, noix ou noi
du \ illage amassenl l'automne el
mettent i ■ pour en donner l'hiver à leur bonne amie.
« m ■ i ., de foin "ù les fruits se 00n
■ ni bion i /-'" m quand le fruits sont à polnl
.1 onl perdu leur orudti
Faub-n- f., feu di
— 433 —
<»ii allume do la paille el des matières très inflammables avec
îles branchages en guise de réjouissance. Quand, par exemple,
on avait flni de teiller, le dernier jour on mettail en tas les che-
neveuilles el on les allumail pour faire une faulère.
Il y avail autrefois dans chaque village trois faulèrei banales
auxquelles tou( le monde prenail part, une a la Chandeleur, une
autre aux Rois el une troisième à Carnaval. C«sl dans celle-ci
qu'on brûlait le père Mardi-Gens
Fégnant, altération de (oignant. Injure qu'on adresse a un
adversaire qui se dérobe el qui a peur. Viens voire, fégnant!
Peneuilieu, v. n. Fureter.
Peunai, v. a. Flairer, sentir dans un bul d'excitemenl sexuel.
Le taureau el l'étalon feunent leur femelle avani là BailUe.
Fichecu, s. m. Le manche. Le fichent de M rem*899, le manche
à balai.
Fié, adj. Aigre, vert, acide. N'a pas de féminin.
Fiemmeusse, s. f. Pour préparer ce mets, on étend une couche
légère de pâte faite de lait, de gaudes el de farine avec un peu
de sel, sur le couvercle d'une marmite qu'on a au préalable ren-
versé, chauffé, puis graissé chaud au moyen d'une plume huilée.
On flambe au dessous, el (a fiemmetuee est bientôl cuiteà point.
Fieuré, s. m. Charrier pour la lessive.
Alias fleuré (Besançon), fleurie (Saugeais), etc.
Flâche, s. ni. Aubier, bois blanc.
il y a .lu flâohe dans ce bois; c'est-à-dire il n'est pas de re-
cette.
Fot, s. m., four. D'OÙ fonot, petit four mie les entants l'ont
dans la terre pour cuire .les pommes «le terre.
Foinre, v. n. Lâcher, abandonner une besogne presque ache-
vée. Môme sens que fouignai (voir ce mot).
Fondrère, s. f. Planche du milieu d'une voiture, planche du
fond d'une barque, d'un lit.
Forgon, s. m. Long bois donl on se s.-rt pour opérer une be-
sogne à distance, par exemple pour remuer, ranger el attiser le
28
— m —
bois au four. Dans ce dernier cas, le fourgon est dit rouôlc. (Y.
ce mot.)
Forquette, s. f. Barque plus légère que le barquot, parce
qu'elle n'est pas munie d'un bachut ou réservoir à poissons.
Fosseu, v. a. Ramener de la couverture sous le matelas, afin
qu'elle ne tombe pas.
Fouie, s. f. Gâteau à la fouie fait de pâte étendue et cuite au
four, frotté de jaune d'œuf, avec «le la crème fraîche e1 du sel.
ateau excellent doit cuire dans un four qui flambe encore.
Fouignai, v. n. Céder, faiblir, se décourager, lâcher. El ai
fouignai, il a euponné.
Signifie quelquefois diminuer de volume, le contraire de re-
venir (voir ce mot).
Foussou, s. m. Houe servant à creuser des trous ou à Barder
dis pommes de terre.
Fouillot, s. m. Petite scie montée sur un cadre
Fouitot, s. m. Esprit follet, petit espiègle.
Foûsenai, v. n. Profiter, cire avantageux. Se dit de certains
aliments plus substantiels que d'autres.
Foussotte, s. f. Nuque. Le creux de lai fdtusottt, le derrière
île lai fowêotte, le bas do lai foussotte même sens.
Foyotte, s. t. Jeune brebis qui n'a pas encore porté.
Fracheu, v. a. c'est détruire en luisant, mettre eu désordre,
défraîchir.... Ce moi n'a pas une signification précise et définie.
Frandeule , s. f. h' ronde dont se servent les bergers pour
lancer des pierres ;i de très distances.
Fràsiiiot, s. m. Troène.
Frogueilleu, v. n. S'agiter vivement et eu totalité. Fregueille-
• lui qui l'agite au point de disparailre dans la poiis-
qu n ou
Freleuge, |, f Wli
Fressure, h. i Le poumon el le oœui dire les vis-
le thorax, il a p. min flrtuure ; il est soli-
dement oc il ■> un bon coffre
— 435 —
Pretu, s. m. Haillon, chiffon. Radical de quelques mois, comme
enfretoilleu, mais qui ne se dit plus que dans ce proverbe : //
n'a ne fréta ne bretu !
Fricot, s. m. Mets un peu recherché.
Frilleu, v. a. Brûler superficiellement, passer à la flamme.
frilleu le gouri, c'esl l'opération qui consiste à flajnber avec des
poignées de paille les soies du porc après sa mort. On aime
mieux flamber un porc que l'échauder; le lard en esl meilleur
el plus Tenue, dil-on.
On appelle au village frille-raites — brûle-souris — celui qui
esl supposé avoir mis le l'eu à sa maison.
nu frille ><-* cheveux à la chandelle.
Le froid aussi frille les piaule-, les bourgeons tendres au prin-
temps.
Frimousse, s. c. .Mine, apparence 'le santé, lionne frimout
avoir la figure pleine el le teinl clair.
Fromaigeots, s. m. pi. Graine d'althéa.
Frouilleu, v. n Tromper au jeu. D'où frouiUou, celui qui
triche.
Froutaie, s. f. ( )u froltail une brique île pain avec un veau
'le laid, el on la donnait aux enfants : c'était la froutaie. Ou
disait aussi : ennc froillie,
<i.
Gaichon, s. m. Garçon. D'où gaichenot, petit garçon; gaXche-
tWtte, jeune tille.
Gaitoillot. Cheville en Pois servant à lever le hclel. Ou l'était
après, pour que la porte tùi fermée.
Galendure, s. f. Cloison.
Gambi, adj. boiteux, (lambilleu, boiter.
Gaudes, s. m. pi., potage de maïs très usité autrefois.
Gauger (se), se mouiller les pieds dans la chaussure, par ex-
tention, se gauger, c'est s'enivrer légèrement.
Gaupe, s. f., salope. D'où se gaupai, se salir.
— 436 —
Genne ou geine, s. ni., marc de raisins après le pressurage.
Gergé, s. m., vesces sauvages.
Gergillot, s. m., vesces sauvages.
Cette plante produit une graine luisante recherchée par les
pigeons. (Voir Lusottes.)
Gesses, s. f. pi. On a les gesses, quand les dents sont agacées
par le contact dès fruits acides. Faire les gesses à quelqu'un,
c'est lui donner envie d'une chose sans le satisfaire.
Gigi, s. m., Jabot des volailles.
Ginguai, v. n., s'amuser à jouer des pieds étant au lit.
Gipai, v. n. Sauter pour s'amuser.
Giquiai, v. Lancer de l'eau avec \ngiquieu, tige creuse d'oni-
bellifère ou de sureau dans laquelle on met un pision qui Foule
IVau et la lance à travers un trou plus ou moins étroit.. D'où
agiquiai, éclabousser, crotter.
Au village on donne plaisamment le surnom d'«;/n/ia(n à celui
qui est maculé de lentilles.
Goilie, s. t., morceau de vieille toile, chiffon. La goille du re-
laivou est le chiffon qui sert à relaver la vaisselle.
Goille, s. t., Femme âgée et qui se tient mal.
Goui, s. m., serpe. i('"ù gouillâ ou goyâ, serpe à manche long
qui sert à élaguer les arbres, <"eSi une véritable arme de guerre.
D'OÙ aussi ÇfOUitOttt, petite serpe appelée à lîesancoii un loitrrot.
Le nu ii aiguiser ne dériverait-il pas plus naturellement de goui
que tldrittUt?
GouifFon, s. m. donjon.
Gouiiiot, s. m., tiaque d'eau.
Gouine, s. t.. Femme de mauvaise vie, Femme Impudique, (de
Gtoime, \ tous celtique, prétend Delacroix.)
Goum.-au i, m., mélange ucré de <-,,\iv-t, 9'œufs el de
Farine, quelquefol de rix ou de semoule qu'on étend sur une
fouille de pale, et qu'on met outre au Four,
ht Imilir de II, num
I .a. , ./'rit/ m, i pi -.»\ . franc comtoii).
— 437 —
Goûnai (se), se salir. Mail gounai, mal arrangé.
Gouri, s. m., cochon. D'où gourillot, petit cochon.
Gouri de mer, cobaye.
Gouri de saint Antoine, cloporte.
Graibeussons, s. m. pi. Morceaux de panne ou graisse de
i»mv quand elle a été fondue. On en exprime, ••• l î< i u î< le à chaud
autant qu'on peut, et on mange les graibeussons par gourman-
dise. (Dans le Saugeais, Grebons.)
Graillun, s. ni. GrOÛl de graillun, c'est le mauvais goût d'un
fricot cuit dans un vase malpropre, où il y a eu do la graisse
brûlée,
Graivolons, s. 1'. pi., frelons.
Greilleu, v. D., faire du liruil comme avec un grelot.
Gremé, s. m., noyau dur do certains fruits, prunes, cerj
île l'u de pêches, pu de greméil C'est-à-dire les ennuis sont on
rapport avec les honneurs.
Gremissé, s. m., peloton de lil
Grenaie, s I'. Seigle et colza.
Gresaule, s. t., cartilage. On dit aussi du croquot.
Gresé, s. m. Morceau de pain bénit porto après l'office au
voisin qui doit l'aire l'offrande du pain bénit le dimanche suivant.
D'où ces expressions : Aivoi le yresé, passai le gresé.
Greu, s. m. Zizanie du blé,
Greube, s. t. Souche, racine d'un vieux tronc. Grol/a, dans
\ ise-lon-lieu. C'est sons une greube de rerne que l'ÔoreVÎSSe
attend sa proie.
Greulai, v. a. Secouer.
Grèves, s. l'. pi., les tibias, les Jambes. Ne s'emploie plus
guère que dans cette locution : Se Chauffer les grèves; il est lion
pour se chauffer les grèves devant le l'eu. D'où grèvi — monter
aux arbres, — grèvissou, celui qui grimpe aux arbres.
Gri, adj. Gri se COUChe, gri se lè\e: celui qui se couche de
mauvaise humeur se lève de même.
.M. Contejean pense d1'1' le mot gri signifie paresseusement
— 438 —
avec difficulté. Mais une autre locution populaire donne à ce
mol le sens que DOUS indiqih >ns.
On «lit d'un entant rebelle qu'il obéit gri!
Grignai, v. a., ne s'applique guère qu'à la denture. Celui qui
grigne les dents; les t'ait grincer, OU les montre avec une ex-
pression sardonique.
On appelle grigne-denU certaines personnes contrefaites qui
ont les dents fort longues et l'esprit méchant.
Grimon. s. m., Chiendent. D'où grinwnai, extirper le chien-
dent.
Griveûlai, adj. Marqué de taches qui tranchent sur le fond de
la peau. D'où le oom de grweUe* donné aux vaches griveulaie».
Gruilleu, v. u., trembler de peur ou «le froid. (V. tï., Gruller.)
Gueille. S. I'.. petite crotte, (iurillrs de mouton . de chè\ re , de
lapin.
Gueiliot. b. m., longue quille de bois qu'on suspend au cou
de> beie< rouges pour les empêcher de courir.
Guenne, s. f. Morceau de bois plus ou moins arrondi, ordinai-
rement un nœud, avec lequel les petits patres jouent dans la
prairie. Chaque joueur a le pied dans son lion qu'il ne doit pas
quitter, excepté celui qui jaugue (voir ce mot) et qui cherche à
lancer l.i guenne dans un trou du milieu que tous les autres
Joueurs défendent avec leur bâton.
Gucrlot, s. m. Cache-aiguille.
Gucrroillc. : le qualificatif ajouté à la truie qui porte
(ui .1 fait des petits. Alias gorùye. S'applique quelquefois ft
f< mine .te mauvaise v le,
Qtu elure Par extension, contusion, coup,
i
<; mu m.- i . i . i.i u.- ou gros rizôme de nénuphar. On en voit
il cil" l in ( , I un (Ii.iiikI I ( du 0,20 A lU ni I.h e de . e;ni\ i lui mailles
•le | |\ Kl ,
i i rente on quarante mâ$»$t «le chan> re en
lidcinunl ; ' une cm courante pour nfair.
lidftUi i . fruit du pi n r|ul uppelle guidellè,
— 430 -
II.
Houppai, v. n. C'est pousser le cri de iou-kou-kou ! iou-kou-
kiiI! pou mai blonde!
(in pousse ce cri en l'honneur de son amie... C'est le chant du
coii. C'est un cri éclatant qui, lancé dans la nuit avec une voix
de tète particulière, retentit fort loin.
J.
Janfoutre, s. ni., grosse injure. Altération An mot airoutre,
qui serait encore usité dans le pays de MontbéHard. Avoutrer
quelqu'un, c'est le traiter de misérable et d'adultère. Ce mot,
ajoute M. Gontejean, est la plus grosse injure qu'on puisse
adresser à un homme de la campagne. Le sens d'adultère est
aussi le sens que donnent au mot iïavoutre les glossaires des
vieux fabliaux et du roman du renard.
Je crois que de j'avoutre, nous avons l'ait à Broyé et ailleurs
j'envoutre, puis janfoutre.
Jaspi, s. m. Voix perçante, parole vive et criarde. Jeus! que
jaspi ! tu nous perces les oreilles...
Jauguai, v. n. C'est attendre son tour déjouer, être en péni-
tence, se morfondre.
Jetun, s. m., essaim. Nos mouchottes ont jetai , nos abeilles
ont essaimé.
Jume, s. t., écume. Jumai, éeuiner.
Jû, s. m., jeu. Ce nuit t'ait jure, jouer.
L.
Lcâchottes, s. f. pi., chicoracées lactescentes.
Lanciron. s. m., jeune brochet.
Las-moi ! exclamation de pitié et de condoléance, équiva-
lente au pécaïre îles gens du midi.
Lessus, s. m., eau alcaline ayant servi à lessiver du linge.
— 440 —
Leu, s. m., ivraie. LoUum.
Levaie, s. t., fumier fraîchement retiré de l'écurie el étendu
devant la porte peur rire mis en tas ultérieurement.
On 'lit : levai le fmè ou l'aire lai levaie pour désigner l'opéra-
tion qui consiste à renouveler tous les huit jours la litière du
bétail. C'est le samedi qu'on se livrait à cette opération autre-
fois et peut-être encore aujourd'hui.
Quant à la levaie, elle était relevée el mise en tas ou au gros
fumier tous les six mois.
Liette, s. t., tiroir.
Ligoûneries, s. f. p., propos sales et orduriers. Ce mol n'est
guère usité qu'au pluriel; radical, goûnai,
Lingaîne, s. t., pièce de terre beaucoup plus longue que
large, très pou large.
Liseû, v. m., glisser. D'où lisude, sente ou sillon que les
enfants pratiquent sur la glace ou le verglas en s'amûsahl à
glisser. D'où encore Usou, pièce de l'avant-train d'un chariol
qui tourne en glissanl sous la Ligne.
Dans tous ces mots la gutturale disparaît comme dans iaude
pour Claude; miche, |ioiir crèche ; renouillc pour grenouille ;
etc.
Loichet, s. m., boche.
Loichcu. s. m., loichie, s. t., repas particulier donné au bétail
qu'on veul en ou qui est malade : ee sont des betteraves
ou des pommes de terre cuites el du son mêlés.
Lodk (le ou au). Auprès b côté, le long du boue, /<"'/ au long
•tu boue, auprès, tout auprès du Pois. Cela se disait en France
mi encore communément au \\ n
Loquai, \ . n.. i. ii loquent, eu étant secoués d lenl
m. un t.i entation b i Intérieur d'un corps mobll i un
bruit tic clapotement «le liquide el d'au- Cela indique en
I i H oui
< m dit b Kfontbéliard berloquai
Lou, m , louve, i loup et louve D'où louvèn . ropaire à
loup \ ii louvière, l incoru louvâche, vor vu iculuirc qui
— 441 —
s'attache à la peau «les moutons particulièrement. D'où a
louvairou ou loup-garou, (lou el vair) loup gris, vieux loup qui
mange les petits enfants.
Louvairrou exclamation el Juron familier pour exprimer la
surprise et un étonnemenl désagréable.
Louches, s. 1., morceau de pain coupé en tranche mince.
Louches, s. i'., grand el petil carex : plantes de marais.
Loûne, s. f., femme nigaude el paresseuse. D'où loûnariet,
propos sans valeur, de désœuvré.
Loûson, s. f., maladie courante, petite épidémie au poinl de
vue de la gravité, mais s'étendant à bien du monde, comme la
grippe, qui est le type des loâsons.
Lusâde, s. f., lézard.
Lusottes, s. r. r. (I.. la graine du gergillot (voir ce mot).
M
Maquevin, s. m., vin ouil <m mieux jus de raisin cuil el con-
servé.
Mailieu, v. a., tordre avec la main. Je lui ai maillé les poignets.
E' faut mailieu lai route quand clic a tenre. 11 Tant tordre le
lien quand le bois esl encore jeune ; c'est-à-dire corriger les
enfants.
MailloD, s. m., manche «lu fouet.
Maillon, s. m. boucle du lien «les gerbes. Cette boucle esl
faite en tordant les extrémités du lien qui sont repassées par
dessous (de mailieu).
Mairichau, s. m., cocoinelle.
Malassu, goût de sec que prennent les futailles vides.
Malbrou s. f., grosse voiture à fortes roues dont la bande à
une largeur et une épaisseur doubles de celles des roues ordi-
naires.
Mal d'effet, adverbe qui si-nitic cela n'est pas étonnant !
Mal d'effet, cela ne pouvait pas se l'aire autrement !
— 442 —
Mangeotte, s. t.. petite manche d'étoffe fermée comme un
sac et OÙ les enfants conservent leurs provisions de fruits. Par
extension, c'est la provision elle même qui est dite mangeotte.
Maon, s. ni., gésier «le la volaille.
Marouau, s. m., maton ou marmot, chat mâle, onomatopée.
Masheu. nieshuy, désormais.
Masse, s. t., assemblage de plusieurs, mennevéê (voir ce mot)
attachés ensemble. La masse a le volume d'une gerbe ordinaire.
Elle esl Formée par quinze ou vingl paquets de chanvre réunis
par un lien.
Matras, s. m., fumier, d'où matrasseu, fumer.
Menai, v. a., se dit de la vache qui est en chaleur; elle mène
ou mieux, elle meAne (voir ce mot) /a* boeus; elle appelle les
boeufs.
Mennevé, s. m., paquet de chanvre qu'oïl peut embrasser
dans les deux mains. C'est à qui trillrru le plus de iiirinicrrs
dans sa soirée.
Messe, s. I'., grappe de tUrquie avec tontes ses enveloppes,
épis et feuilles. Oiiand la mrssr esl surchargée de feuilles, dit-
on. i ne de gros hiver.
Mette, ad., alangul, D'OÙ nniirtli. |]| r« • mette, c'est se sentir
brisé, faible, sans court
Metton, s. in., gàteaU de COlza, de fhenevis ou de navelle
dont l'huile a été exprimée, et dont le résidu pressé est moulé
en carrés aplatis.
Moule, s. t., tas de loin on de -ciliés faits pour en faciliter le
chargement. Les mêûlotê de i -oui de petites meules faites à
la h. ite. par crainte de la pluie.
Mcuii-u. v. n. « avec douceur. Le paj an
comprend jusqu'il nu certain i i les cria des animaux avec
le qui i i1 s ii n interprète pourd tinguer quand
le ii fureur ou d une passion douce, el il
a di caractériser ainsi . la jument
qui hennit, quand elle appelle ■>■- comp vouine, quand
on Iti chatouille
— 443 —
Meûrie, s. I'., bète corrompue, putréfiée, charogne, se dit
aussi pour putain. Alias, mûrie (de mûre, pourri. Sau-meâre, sel
corrompu.)
Meusseu (se), se cacher, se mucer (v. r. n.), d'où meussot,
boudeur, dissimulé.
Miâle, s. m., merle.
Miguai, v. a., guetter, ajuster.
Miollot, s. m., moelle nu amande 'l'un noyau de fruit, de
poche, d'abricot, 'l'un gremè quelconque.
Mirlique, s. !'., hydromel. G'esl l'eau dans laquelle on a
lavé les '-.Hit. '.mis ci 1rs instruments qui ont servi à retirer le
miel des m. 'h. 's ci à l'approprier; doux comme de la mirlique.
Misot, s. m., petite Scelle à nœuds qui se met au boni 'lu
fouel pour claquer. A Besançon, mite.
Misse, s. f., la rate on dit d'un homme qui es1 bon coureur
qu'on lui a enlevé la misse, qu'il es! dératé.
Mitou, ad., plaigneux. D'où ruimitmtler, ramener quelqu'un
en le plaignant, par des caresses, de mette (voir 06 mol
Mondure, s. f., arrière faix «lie/. 1rs animaux.
Motrequeur, s. m., quantité d'une chose, lard, pommes de
terre, farine de mais, etc., à mettre en une fois dans la mar-
mite pour un repas.
\
Nai, s. m., ne/., d'où naque, pour désigner l'humeur qui
s'écoule des narines; d'où encore naiquâ et naiquâ de, morveux;
naquet, homme de peu d'importance, gamin, qu'on moucherait;
d'où aussi renâré, qui a du Qair, nui est lin ; etc.
On l'ail peur aux petits enfants du grand nmiquâ, du père
naiquâ, du reilte naiquâ, du /"'•)•'■ dos naiquas.
Naidouilieu, v. n., agiter l'eau avec les mains pour s'amuser,
comme l'uni les enfants.
Nâsir, v. a., rouir, on l'ait nâair le chanvre en le mettant dans
l'eau ou simplement en l'étendant sur la terre.
— 444 —
Népié, s. m., néflier.
Niau, s. m., l'œuf qu'on laisse au nid, mot composé très
simple comme on voit.
Nonotte, s. I'., petit tubercule et surtout bulbe du colchique
d'automne. Se «lit aussi de la màcre, de l'annotte, tic la rai-
ponce, etc.
Noue. s. t., ancien lit d'un cours d'eau. D'où nouotte, petite
nulle.
NouriD, s. m., petit cochon, cochon de lait.
Nouvô, s. in., avancée du toit, toit prolongé pour abri et
fort bas en avant des maisons. Il servait à remiser les voitures,
du bois, d'antres <>lijets. C'était très coiuinun autrefois. Ajouté
à la construction principale, un appendice pareil présentait
quelques avantages ; mais il avait aussi le grave inconvénient
de rendre obscures les habitations, d'y empêcher absolument
l'entrée des rayons solaires.
<> mot nouvô est une altération grossière par interversion du
mot auvent.
Nun, personne. Il n'y a mm, il n'y ;i personne. Ne /'« tous ai
rtwti poi d'vant quéquun, ne fais t<»rt à personne par devant les
L'eus.
0
Orbcu, terre d'orbeu, marin' pour servir au torchis. Cette
terre était emploj lutiner la paille des rouleaux qu'on
appliquait les uns contre les antres.
Or m p . lentes les intempéries ; Ifs btnirrasipies,
:i-. radical iVintnijnn.
Ouri le mâle de l'oie
OUL\ Mille, .Mil.
mauvai cheval
' , oli
hotte de mi ervanl & porter le
un. n
— 446 —
Ouseraule, s. f., érable, mauvais b<>is de ohauûage donl un
proverbe a dit :
(ja'il laisse mourir de froid
Sa mère au bais !
Ouvai, v. n., pu in Ire.
Pâ, s. t., lard, chair el viande quelconque qu'un distribuai!
parcimonieusement aux convives dans chaque famille. l>'"û
pari ou portion, p&. BeUlé-me de Un mon pain, don-
nez-moi du lard avec mon pain.
Paipai, s. m., bouillie composée de fartite et de lait, sucrée
mi salée, qui Bervail de nourriture aux enfants en lias
(Saugeais : papet.)
Paitrovdlleu, v. n., tremper scs pieds dane l'eau ; littérale-
ment, mettre ses pattes au ruisseau.
On naidouille avec les mains : on poMrouUle avec les pieds.
Paittenailles, s. f., panais.
I ne te crains pas pu que las paittenailles ne craignant lai
greûle. < \ ieux proverbe.)
Pattenaillo, s. i'., le jeu de la patteuaillc consiste à s'asseoif
lace à face, pieds centre pieds, el à s'eiile\er à la force d68
poignets.
Pan, s. ni., tablier de cuisine, vêlement servant surtout à
essuyer la table OU la vaisselle.
On dit à nue femme en lui jetant un objet quelconque : tends
ton pan ! ouvre ton pan !
On dit encore : elle en a plein son pan, c'est-à-dire une pan-
naie.
La punnaie est donc ce que peut contenir le tablier. De ce
mot sont tonnés : 1° pannai, essuyer, torcher.
Panne Ion wil d'aivou ne mitaine
l'aune le bas, panne le haut
Prends bin gâde de t'faire du mau
(Vieille sauteuse.)
2° panne-tnotna, s. m., ou pan-de-main ; A0 pan-de-nâ , s. m.,
— 446 —
mouchoir ; 4° panmeur*», s. f., tablier (!»> cuir que portent les
maçons el d'autres artisans ; 5° pantot, s. m., derrière de la
chemise : etc., etc.
Pansurot, s. m., estomac. A la lettre, petite panse.
Les anatomistes ont appelé l'estomac ventricule, ou le petit
ventre. C'est identique.
Pas-moins, adv., pourtant, cependant, néanmoins qui en
donne à pou près le sens et qui a le môme point de départ. El
û moue? OnVaivai pas moin» bin soigne. Il est mort".' on l'avait
pourtant bien soigné !...
Pâssot, s. m., drapeau d'enfants. A Besançon pOB.
In brë, das pas, das chemisottes. (Noéls bisont.)
Paule, s. f., pelle à long manche sur laquelle on met la pâte
pour enfourner.
Paulemelle , s. f. , ferrement de porte pour recevoir les
gonds.
Pautenère, s. t., double poche que les femmes portaient atta-
chées sous leur jupe avec <\>^ cordons.
Pauvêne, s. t., bourdaine. Espèce d'aulne (voir le mol vêne),
Pé, s. t., peau écorce, pé de chêneveuilles au lieu «le chanvre.
Jean, p'tit Jean Ii'uli. mon atml, que bel liaibit
Aicheteré tn ai toi fenne, dis moi lu dis? —
In bel haibit d'pé de eheneveidlle, mire, i vo le dis.
l'un rnn' haibil d'soie. oit! qU6 neniii .'.'. . .
t \ âpres i astiques.)
Pégnots, s. m. pi., chardons, fruits du carde a foulons.
Pcn.-i. ptmâêêt ■"ij. . | sis. Etymologie simple (pttri el nai).
IImh
Poneii. ptmetuê, ad., honteux et confus.
Perré, - m., endiguemenl Corme en talus aveo des pierres.
Pcrrèrc-
Pervouillen ■ aux <■! autres débi ipportôs
■us les an e par le
remo
On donne ce nom nusi i aux copeaux de menuisier,
— 447 —
Pesettes, s. f. pi., vesces. <>u prononce aussi besettes.
Peuche, s. f., ou peûchon, s. m , cuillère à polai
Peut, peute, adj., vilain, laid, malpropre, ai pente chaitte,
bés minons !
Pé-vannoure, s. f., peau de mouton que 1rs batteurs en
grange portent en guise de tablier pour appuyer leur van. Litt :
peau pour vanner.
Pidance, s. f., tout ce qui se mange avec Le pain, l'idance
signifie aussi aliment copieux : un œuf, c'est bien ; deux, i
mieux; trois, c'est pidance, «lit un vieux proverbe.
Piépoux, mauvaise herbe.
Pieute, s. f., à Besançon plot, tronc debout haut d'environ
deux pieds, et sur lequel on aiguise les échalas, des manches
d'outil, etc. Cest à proprement parler nue enclume de bois
servant à toutes lins.
La pieute est un meuble indispensable dans loutau.
Piteu, s. m., putois.
Pléiant, s. m., levier de bois flexible long et fort, servant à
serrer et à fixer à l'aide 'l'une chaîne <>u d'une corde, le char-
gement d'une voiture.
Poêle, s. m., chambre à coucher. Elle fait suite à Voutau qui
est pavé nu dallé, où st.- l'ail la cuisine et où l'on travaille.
Poidessus, s. m., crème nouvelle, la crème qui s'est formée
sur le lait de la veille.
Mot composé devenu simple par lu-
Poi, s. m., poil, brin. Ne s'applique guère dans ce dernier
sens qu'à l'herbe. On dit un poi-d'herbe, pour un brin d'herbe.
Nos pères autrefois considéraient l'herbe comme la chevelure
de la terre ; chaque brin d'herbe était un poil de cette CE
lure.
Poi-feu, s. ni., houx.
Poi-foultot, s. m., duvet, barbe naissante.
Poille, (les 11 mouillées), s. f., écorce des plantes, du chan-
vre. Il faut attendre que la Saint-Laurent ait mis lai poille au
chanvre pour l'arracher, dit un vieux proverbe.
— 448 —
Porchot, ou pourchot, s. ni., porc (Vais. Ce doit être un mot
nouveau dont l'étymologie est facile à deviner.
Porgalai, v. a., poursuivre à fond île train.
Pouchot ou p'chot, adv., peu.
Pouillots, s. m. p., fruits de L'aubépine.
Poulot. s. m., mâle do la poule, coq. La chanson du rico-
chet est appelée à Broyé la chanson du ronge poulot.
Poul'vaudai, v. n., aller venir sans ohjet déterminé; perdre
son temps.
Pouson. s. t., puanteur. D'où le verbe ampousenai. sentir
mauvais.
Preugeu , v. n. l'n aliment accommodé de certaine façon
preuve plus que s'il était accommodé d'une autre; o'est-à-dire
qu'il profite plus, qu'on eu mange moins (v., fo&sentti qui a le
môme sens).
Prou, adv., assez.
Quart, s. m., coin, se chantier au quart du feu.
Quechot, s. m., la sommité. Au quechot du toit ; pour an plus
haut du toit. Le qtieohot d'un chêne est le sommet.
Qucnou, s. m., bois épineux cl fort dur.
Quenillou, v. n., perdre son temps à des choses futiles, indi-
d'occuper quelqu'un. Celui qui tue le temps à redresser
de vieux clous par exemple esl dit qumiilot.
Qucrquolin, --. m., pancréas du porc.
QuoHHi... quand ta pâte a eu froid, le pain i itineux ci
il empâte le couteau il esl du qunti.
Quottcrie ou queulerie, >. I. Quantité de lit mis à l'aicuille.
• mi -/<• grande* qu9tt«riiê... ■> Besançon
on dit
Qu i renflemenl de le racine au point où la l
qu'elle upfioru émerge du ol. in batoa fe qtêêuohe est un
m n Tiniiié |i.n un n nlli'iui'iil rilcillOUX en ■ * 1 1 1 -e de pomme
- 449 —
Il est d'usage au village de porter la queuche en bas, comme
;i [a ville de porter la pomme en haut.
Queuquelle, s. ('., casserole en terre ou en fonte.
Queuquereilles, s. f. p., coquilles de moules de rivière.
Queutai, v. a., appuyer, étayer. E foui queutai Uti talv
que ché, il faut étayer le unir de façade qui tombe. (Voir
aiqueutai.)
Queuti, s. m., jardin, ailleurs : oàuti, V. t'r. courtil.
Quiaquai, v. n., faire claquer bod fouet.
On dil pourtanl abusivement : quiaque las bœufs, pour aieceiUe
las...
Quignieu, s. m. Cadeau qu'on t'ait à son filleul à Noël, On lui
donnail jadis une miche de deux on trois livres jusqu'à i âge de
dOUZe ans.
Quinson, s. in., pinson.
Quioues, s. 1'. p. Claies «l'une voiture
Quiousseu, v. n., s'évanouir, panier.
Quivotte, s. 1'., sorte de (amis pour Cribler les grains. I
une peau de mouton sans poils, garnie de trous plus on moins
grands appropriés à la graine qu'ils doivent laisser passer et
faits à l'emporte pièce. <>n dit quivai pour cribler. On appelle
quivou, celui qui crible, el quivures la petite graine et la Biga-
me qui passent par les trous de la quivolte.
II
Rache, s. f., teigne, dartres >\\i cuir chevelu. <>n appelle
aussi de C6 nom la CUSCUte îles prairies. D'OÙ ràchrt, enfant
malingre, chétif et rabougri, comme sont en généra] ceux
qui ont été épuisés par de [ongUOS suppurations à la tête,
étant jeunes.
Raflai (se), v. pr., compter sur quelqu'un pour l'aire une
besogne qu'on devrait taire soi-même. / m'étQHfi rafiai su lu,
j'avais compté sur lui.
Raibaisse, s. f., forte averse, grande pluie.
29
— 450 —
Raibaitue, s. f.. construction pour remiser 1rs voitures et le
bois de chauffage.
Raicodai, v. a., instruire, enseigner la grammaire, faire dire
la leçon.
Raidrosseu, v. a., mettre les choses en place, tenir îles objets
avec soin et précaution.
Quand on met ai son aipoint
On treuvc ai son besoin,
dit on ancien ada
Raigaucheu, v. a., attraper au vol un objet lancé, le recevoir
adroitement comme une paume, un fruit, etc.
Raigonnai, v. a. Sermonner quelqu'un en maugréant.
On «lit aussi raivonnai.
Raigreumi. Etre transi, avoir des frissons.
Raim, s. m., branche de bois petite et menue, destinée à être
liée avec d'autres en ragots el à servira divers usages, comme
de ramer des pois, des haricots, etc., radical de remeste (voir
Ce mot).
[1 est probable que primitivement, i • dirigerune barque,
00 9*681 Bervi d'un ratm; d'OÙ les mots de rame, de ramer.
Ramilles, ramoner, etc., sont aussi des dérivés du même élé-
ment
Raimaiget, s. m., un étranger qui s' implante au villa
Raimandons, s. m. p., restes d'un repas.
Raimitoulai, v. a, consoler. C'est prendre par de d0U<
ses un enfant, voire une personne quelconque, pourga-
i i mttou, peut «être amitié.
Raintri, adj , ridé, Qétri,
Raipondro, I i B< rapprocher el unir les extrémités
d'un.' corde, d'un iii . rattacher el réunir des choses disjointes.
Qq t. , ni/Hunii-r (Voir m mol i
i m laii uni nUpona i un babil déchiré.
ippe de turquie, de mille! ou de panis. C'esl
Ulie imn.r • I • - 1 m nillh '■•■ dr se . i n \ « |. >| .(■■
,i. de ici 'ii parut) comme dans rolohe, renouillei, etc.
— 451 —
Rampé. Etre manche à manche an jeu dans une partie; avoir
parité de points. <>n dil indifféremment avoir, être el faire
rampé : j'ai rampé ; je suis rampa ; j'ai fait rampé...
Rancos, s. m. pi., I.' râle de l'agonie. El en û as raneos, il
■ lise. D'où ràncoilleû, râler, respirer comme si l'on avait des
mucosités dans la trachée.
Raitroupai, v. a., ramasser, faire ses provisions de réserve;
faut faire qu'ment le coucou, raitrpupai pou son hivai !
Rassotte, s. 1'., abri. Se mettre at hn nusotte, pour éviter la
pluie. Dans lr Saugeais, sota, abri,
Rassuai (se) v. n. s.> mettre au beau, eu pariant du temps.
En été >iaaiid le soleil lu
Las chemin* sont toue voêsus l (Ptot. iv.-r.nnt.)
Rasurc, s. f. Gratin qui se forme au fbad delà marmite quand
on l'ait cuire des gaudes, du riz au lait, .-le.
La râaure des gaudes esl uni' friandise très recherchée des
enfants en Franche-Comté. Qui est-ce qui racle lard* r
A cette demande du chef de famille, tous les entants répondent :
moi ! moi ! moi !
Ratonaie, s. r., réplique, répartie. /><• bonnet ratonaiet, benne
riposte. Ratonai, écarter les bêles du dommage, a la même
racine.
Ratouleux, s. in. pi. la pie des seigles, liatoalai signifie
refaire des atoales (voir ce mot), c'est-à-dire faire succéder une
réCOlte de céréales à l'autre.
Ratrombi, v. n., résonner dans la tête, retentir... Cèiài w'aî
rutrombi <ia>is las oreilles, ça m'a étourdi... à Besançon, hm-
sombi.
Rebi, adj., se dit du pain qui n'est pas cuit, quoiqu'il soit
resté très longtemps au four. Le four n'était pas assez chaud, et
le pain n'est pas recuit ni trop cuit, ce qui ne le rendrait pas
mauvais ; niais il est rebi et détestable. Ce met, je émis n'a pas
d'analogue eu français.
On dit du linge qu'il est rebi quand il a été séché à un soleil
trop ardent, séché trop vite.
— 452 —
Recarroilleu, v. n., c'est avoir une certaine ressemblance
éloignée, mais frappante, avec certains ascendants; ê rccarroille
son grand père.
Recerci, v. a., rapprocher les trous ou les déchirures d'une
étoile sans mettre cte pièce. Au Bguré, dédommager, réparer.
Redouilleu, v. a, tromper.
Rejannai, v. a., imiter en contrefaisant. Copier, singer quel-
qu'an.
Relanguai, v. n. Ce n'est pas être rapporteur; c'est relanguai,
c'est redire par légèreté ou par ôtourderîe ce qui a été confié
dans l'oreille. D'où relangarde, personne qui s'en va raconter
tout ce cpi'on lui dit.
Remesse, s. I'., balai; de rwfofl (voir ce mot.)
Remettre, v. a., vomir.
Renaidai, v. n., vomir.
Renouille, s. t.. grei i 1 1 « • . Hrnoi<iii<\ pécheur de grenouilles.
Reseilieu, v. a., couper l'herbe ; itié, mai faucher.
Ressannai, v. n., ressembler à quelqu'un.
Reuiaie, s. f. t ot rennes des bonnes tètes. Au premier janvier,
cadeaux divers ; à Pâques, œufs colorés ; à Noël, le quignieu...
oie Rêûle, rouie, contribution.)
Routie, s. I'., rôtie.
i* itemie étendu but du pain ;
Pain grillé, trempé dana le vin. On portail autrefois la
rôtis poivrée aUX jeunes mariés.
Ribouiai. \ a Ribeulai Uu auiUtê, signifie leur donner une
expression menaçante on lea ouvrant démesurément.
ohanvre roulé et mis eu paquet de moyen volume
i\«.n i
Roflou, s. r., pelUouléi ôpldermlquea 'in cuir chevelu, abon
enfant) et ohea lea petits oiseaux.
Rogno-ii.urii.-. m i. ni. mi qui Burvient dana une famille,
m lequel on ne oomptail po et qui réduit sensi-
blement la pari de auti
— 453 —
Roi-de-guille, s. m., roitelet.
Roillie, s. m., même sens que riéte. Ces deux mots s'emploient
indifféremment pour exprimer un marne objet.
Roiche, s. 1'., crèche d'établi-, où les brousses du râtelier sont
recueillies, où l'avoine el les aliments pâteux sont dépoe
La consonne dure tombe, comme dans raippe, iaude, etc.
Rondotte, s. t., lierre terrestre.
Rouailleu, v. a., grignoth-r. Le rouaillon est ce qui reste
(l'un irait dont la chair a été mangée tout autour.
Roue, s. t., fossé peu profond, roue, rô,reue, sillon de cbarrue.
Rouegeu, v. a., remuer doucement et en rond les liquides
plus ou moins épais.
Rouetotte, s.f.,brioche fil (orme de couronne, faite de beurre,
de farine el d'oeufs.
Rouillot, s. m , battoir de lessiveuse,
Rouôle, s. t., outil en 1er à Ion- manotM do bois servant à
retirer la braise du four, a Besançon ri&U.
Ru, s. m , petit cours d'eau ou, plus exactement, eau cou-
rante : tout bon soldat a deux chemises, une au cul, une au ru ;
suivant un ancien dicton.
D'OÙ russe, ruisseau. Le ru D'est souvent (prune eau ipu
dévale dan- les rigoles d'un chemin.
Sairgot, s. in., cahot. D'OÙ sairyotai, cahoter, être cahoté.
Saivaie, s. i'., plaie allongée, comme celle résultant d'un
coup de corne qui laboure la peau superficiellement. A Besan-
çon, saivade.
Saune, s. in., sommeil.
Sauvoillot, s. ni. Yehle, sambucus ebulus.
Seillin, s. ni., saindoux.
Sennai, v. a., semer. D'où le mot de sonnons qui désigne en
Franche-Comté ces inombrablea tils qu'où voit au temps des
— 454 —
semailles, chaque feuille et chaque brin d'herbe ayanl sa toile
d'araigné
On appelle aussi cela a Broyé des petRtns. (Voir ce mot.)
Seu, seule, adj.. fatigué. D'où seûlai, fatiguer, être fatigué.
Seut, s. t., étable ;'i porcs. Quand les cochons sont^trop gras,di1
un vieil adage, é cassant lai seul.. .* Il en esl ainsi jle bien des
serviteurs.
Siésant, siésante, adj., s'applique à une personne gracieuse,
liien faite, à tournure agréable.
Cette fille est liieu siésttulr.
Simot, s. m., lisière du drap.
Soicherot, s. ni., ôpervier. Chasserel, oiseau chasseur. A
Broyé on a interverti les consonnes : ce qui arrive assez souvent .
nu dit preti, pour pétrir; bré, peur berceau; fromai, pourfer-
mer : aprovier, | répervier, etc.
Sombrai, v. a., c'est donner un deuxième coup de charrue
après la récolte «les céréales.
i.e premier coup, on ratoule, cachant eu terre les atoules] le
deuxième < p. "ii sombre.
joie eu pie des sombres est celle où l'on a récolté du seigle
l'année précédente. Autrefois, elle restait en friche; en laissait
reposer la terre. Aujourd'hui, eu y fait des semailles de carême;
du turquie, des pommes de terre, etc.
Sopai (se), c'est heurter du pied une uresse pierre, un corps
dur quelconque qui dé] u sopai t Oh ! qui boi
ri, ni | (Voir ce I j n . f . »
!.. haie. De $sp$s, dit l'abbé Dai :
Son. reniera fourrage. Le solier (vieux français)
Souiiu.-i-, m. me .1 supporter les Immenses che-
min* Olir donner par en liant du
un,,- ôtail le plui i " hoi de la
il en reliai) deux autres qui étaient
e du brenie,
. h., iiiii i .
— 455 —
Quand l'enfant bat l'écorce du saule ou du coudrier en sôve
pour la détacher facilement et en confectionner un sifflet pri-
mitif, un (ieutot, ou une trompette, il chante sur un ton mono-
tone :
Subicu, subieu, mon ftoutot.
Su lai coue de Jean Jacijuot;
Subieii, subieu. mai trompette,
Sn lai coue de Jean Jaquette! . . .
On ne comprend pas le sens dé cette Invocation; mais on
croit bien que sans cela \efieutot ne sifflerait pas et que la trom-
pette resterait muette.
Taivane, s. t., mur de façade.
Tantoue, mot vague et sans précision qui signifie dans un
temps indéterminé. Ainsi j'irai tantoue, c'est-à-dire de bonne
beure dans l'après midi. Sur le tantoue, c'est sur le soir, à une
beure qu'on oe saurait préciser.
Taifourots, s. m. p., cousins, moucherons dont les piqûres
sont si désagréables. Littéralement : petit taivins. On devrait
dire taivourots.
Taivin, s. m. taon
Quand enne mouche le pique é se croit qu'ça in taivin, (l'rov.
popul.), par moquerie des ^vn< qui se croient plus malades
qu'ils ne le sont.
Tasson. s. m., blaireau. D'où tassenère, tanière à blaireaux.
Tatots, s. m. p., débris «le poterie cassée, Objets et usten-
siles de ménage mis au rebut. On appelle tatillon celui qui perd
son temps à des inimitiés, à ranger des tdtots ; et tatillonnaige,
cette occupation habituelle.
Taulai, s. v., contusionner. Taulure, meurtrissure, contu-
sion suivie souvent d'abcès.
Taule, s. t., table.
Tavillon. s. m., bardeau, encolle. Tovolion, à Montbéliard.
Tésse, s. f., la tésse ou tisse est un arrangement symétrique
des gerbes, symétrique comme la natte. Faire une tésse se dit
— -450 —
entésseii las gerbes. Ce n'est pas les entasser ;e'est les mettre
en piles bien ordonnées, par alternance, celle-ci, dans un
sens; celle-là. dans un autre.
Le tas est confus; tandis que la tisse présente la symétrie»
D'où tisser, tisserand, taxonomie, texus, etc.
Teuffe, t|([. f. Touffe (vieux français) touffeur, air pesant
chargé d'électricité, qui rend mal à l'aise.
Teumai. v. n., renverser, répandre du liquide qu'on porte
dans un vase plein, ou qu'on décanté. 'Fumer, dans le sau-
ÎS, c'est s'épancher hors du vase, en bouillonnant. Du
lat, tumere, gonfler.
Teurre, s. 1'., faire la leurre, c'est bouder.
Tine, s. i'., mesure employée pour la vendange, évaluée à
50 lit]
Tiquiot, s. m., loquet d'une porte.
Tirvacheu, v. a., même sens que tirvoipnii.
Tirvognai, v. a., tirer de droite et de gauche, comme on
tirerait une chose inerte.
Tocons, s. m. p., morceaux, pièces rapportées.
Toillon, s. m., ou Toueille, s. I.. nappe qu'on laissait sur
la taiiie en permanence et dans laquelle on enveloppoil la
miche pour empêcher les mouches de la souiller. Après
chaque repas on retroussai! le toillon.
Le vieul français dit t<><"uii<- en toaitte.
Topai, \ a., frapper pour faire du bruit • S tope <i<ms sus
.le sureau donl la moelle est enle-
\ l'aide d'un mandrin, en \ Introduit successivement
deux balles d'étoupe, et l'air comprimé par la seconde chasse
ec bruit.
ii.-u, \ toque /■-
Tomhou 1er, 'i "u toMOVj toseerotte, etc
ouffo 'i herbes ilrui
Touillou m , n mi
— 457 —
Tourie, s. 1'., unisse.
Trac, s. m., vertige, maladie du bétail et particulièrement
du porc. Avoir le trac se dil quand les jambes manquent.
Traîne-Bousson, à Besançon, trah ■■ de passereau.
Tramuai, v. n., transmuer, changer, s'applique au temps
qu'il fera. Le ciel tramue. Ce verbe n'existe plus guère que
dans notre proverbe franc- comtois: quand las taie» faisant lai
feue Je oteïiramue; c'est-à-dire, il se met a la pluie. Le temps va
changer : donc il va pleuvoir.
Muance esl un vieux mol français <|ui a exactemenl lemi
sens que changemenl de temps.
Tran, s. f., fourche de fer à trois dents courtes el solidef
Iran sert à jeter le fumier par mottes 6 travers le champ on
elles sonl ensuite frâchées avec la main.
Trateiai, v. n., marcher comme un homme ivre.
Travoi, v. n., voir peu distinctement. / travoi, je vois comme
a travers un brouillard, à distance, etc.
Treige, s. m., trage, passage étroit, petit chemin serré entre
lieux haies.
Trequet, s. m., mais sur pied.
Trési, v. n., pousser, paraître. S'applique plus spécialement
aux céréales. Les tvêsies sonl les blés ou les seigles en herbe.
Treuchie, s. I'., ensemble de branche poussées sur une même
tige, ou seulement rapprochées les unes des autr<
Tricheu, s. a., corner. Une bique l'ai triche
Tricheu, v. n., tromper au jeu.
Tripai, v. a., fouler aux pied-.
Trouillot, s. m., trèfle des prés. Cette berbea la réputation
d'endormir. On dil d'une personne qui a manqué l'heure d'un
rendez-vous, qu'elle s'est entrouilhû, qu'elle s'est endormie
sur du trouillot. A Besançon, on * I i t ctrulu, elle s'ètrule.
Tunai, v. n. Quémander; aller chez les voisins pour ei
obtenir quelque chose; solliciter d'une manière indirecte, pa"
des insinuations, «les bassesses, etc.
La tune est le procédé du tuneur,
— 458 —
Vambe, expression adverviable qui signifie en plein mouve-
ment, sonner en vambe; sonnera grande vambe.
D'où '•*iiti",ttlai , agiter à lour de bras. Quand on voulait
avoir du feu, on entourai! le borli ou l'amadou allumé avec
des herbes et des feuilles sèches; puis on vambeulait.
M. l'abbé Dartois donne bamboula; el à Besançon, on <lii
vandoulà.
Vaine, s. t., aulne.
Vaupoiraie, s. 1'., une vesprée. G'esi le travail de l'après
midi. On <lit : nous en avons à labourer pour une vaupoiraie.
Veillie. s. m. Automne, saison des semailles ou mieux des
veillées. D'où reveillins, regain, foin récolté ou automne.
Veillins, s. m. pi., oc sont les inombrables toiles d'arai-
gnées, qui couvrent les prés ou automne.
Veillie. s. f., liseron.
Vermeusselai, participe Mangé des vers, troué par les vers.
Viau, s. m., I" nu veau.
2" larcin de denrée, de blé, d'avoine . etc. . commis par un
fils au préjud ii père :
."." moule de rivière.
tfrand-père , s. m., hisaioui. El revire-grand-père,
anlébisaïeul.
Vire-main* s, m., dans nu vire-main, pour dire instantané-
ment, le temps de i ner la main.
tourner. VUn toi tète I la tôte lui a oit*6l
.. du radical '•'»•<• qui n'existe plus ijue dans
le i précédent, mal donné une foule de composés,
"'". i ner de côté et d amie.
i |, . haï • tricot de la jambe qui «les
ii. m. ni |n (|u .i la >\i>\ llle, '■. le bu i ci il < lonté
I i i du i '• le plu pui' économie,
— 459 —
beaucoup de femmes à la campagne allaient nu-pieds, et par
décence portaienl des virottes.
Voillottes, s. f., colchique d'automne.
Vouig-nai, v. u., c'est une manière de hennir particulière
au cheval chatouilleux ou à la cavale qui est en rut.
Vbuinner dans le saugeais , signifie çjôer, pleurnicher!
M. Barthelel fait venir ce mol de L'Allemand weinen. <
tout simplement une onomatopée,
Vourie, s. t., tapage scandale,
z.
Zaguai, \. n. Courir d'une façon exfravqgante.
On fait zaguai les vaches en imitant derrière elles le bour-
donnement des taons, ou !<• sifflement des serpents. A ce
bruit, tout le troupeau dresse les oreilles, lève la queue el
■i en mesure de décamper.
— 460
TABLE
g 1. — \i stiges d'antiquité p. 3.H
Pays d'avant-poste. — Défenses de l'Ognon. — Défenses 'le la
Saône. — Trouvailles antiques.
■;. il. - Traditions et légendes p. 338
Emplacement d'Amagétobée. l Castrum ebrodunenbe. - La con-
quête française. — Mariage celtique. — Orvals de Sainte-Anne.
— Autre- superstitions.
. m. — Le village p. 348
Emplacement primitif. — Insécurité îles guêtres. — Sons la domi-
nation française.
i; iv. — Commerce ex industrie p,
Situation économique. — Difficulté îles relations commerciales. —
Culture de- céréales. — Cultures diverses.
- - AOkOMISTRATIOM |'
Pays 'le main-morte. — Impôts sans affectation. - Libertés com-
munales. - Monsieur le Curé.
| VI — Education et drbssemeni p. 367
Les vieux laboureurs. Respect 'le l'autorité. Esprjl de corps.
— Habitudes de travail.
j VII. Caractère ei mœurs p,
\ni du cloch nomie et privations, Esprit d'intérêt,
Routine '■' convention.
, MM IIm.iim i i BAMT1 p. 881
Instruction publique, Superstitions, Régime alimentaire
Soins >\<- propi i
i ' 303
La morale utiliti njnoui propre. Justice. Humanité,
IUOD1 MODI I'
un \iin ii.ii atioim locali Les laboui oui • 'l tujour-
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