Skip to main content

Full text of "Revue musicale"

See other formats


Digitized  by  Google 


tome  it, 


l'imprihehie*de  E.   DU  VERGE  II, 


L'i  j  I  Zûd  C  '  GlH 


HgHMd  Google 


tïiEiiicha  • 
SKslsbiMiithA 


I 


Digilized  by  Google 


BoïWlrcîia 
..Stccisliil^otiieî: 

IflJBUtiKÎ 


mmm 


PUBLIÉE  PAR  M.  FÉTIS, 

SEUR  DE  COMPOSITION  A  t'ÉcOLB  ROYALE  DE  SWS1QHB, 
■T  B1BLIQIBBC11BB  DE  CM  BIlBMSaBHIflT. 


N"  25.  —  AOUT  1827. 


EXAMEN  DO  TRAVAIL  DE  M.  VLLLOTEAU 
SUR  LA  MUSIQUE  DES  PEUPLES  ORIENTAUX. 


DES  1KSTRCKEN3. 

L'examen  de  la  première  partie  des  recherches  do 
M.  Villoteau  sur  la  musique  «les  Orientauxa  démontré  que 
le  savoir,  le  soin,  la  conscience  ont  présidé  à  sou  travail; 
encore  n'ai-je  pu  donner  qu'une  idée  fort  imparfaite  du 
mérite  d'un  ouvrage,  qui  ne  peut  être  bien  connu  que  par 
une  lecture  attentive  des  mémoires  dont  il  se  compose. 

Celui  qui  concerne  les  instrumens  sera  l'objet  de  cet  ar- 
ticle; il  n'est  pas  moins  intéressant  que  les  premiers,  mais 
il  est  plus  difficile  de  l'analyser,  parce  que  les  détails  tech- 
niques dont  il  est  rempli  ne  peuvent  s'abréger.  Je  serai 
donc  forcé  de  me  renfermer  dans  la  partie  historique. 

Le  premier  instrument  qui  se  présente  à  nous  est  ce  fa- 
meux E'oud,  qu'on  trouve  également  chez  les  Arabes,  les 
Persans,  les  Turcs,  les  Égyptiens,  eniui  dans  toutes  les 
contrées  de  l'Asie  et  de'J'Afriquc  policées.  M.  Villotcau  nous 
apprend  que  le  nom  A'E'oud  n'est  point  un  nom  propre , 
mais  un  mot  qui ,  dans  la  langue  arabe ,  signifie  toute  es- 
pèce de  buis,  une  machine,  un  instrument  quelconque. 
Comme  nom  d'un  instrument  de  musique ,  il  a  passé  dans 
a*  vol.  1 


Digitizod  by  Cooglt: 


plusieurs  langues,  cl  y  a  été  plus  ou  mains  altéré.  Les 
Turcs ,  en  confondant  en  un  seul  mot  l'article  et  le  nom 
r  l-c'oud  (Vc'ond),  en  ont  corrompu  l'orthographe,  el  l'ont 
écrit  comme  ils  le  prononçcnl,  laoutah.  Les  Espagnols, 
qui,  selon  toute  apparence,  reçurent  lemOme  mot  directe- 
ment îles  Sarrasins,  en  ont  moins  altéré  la  prononciation 
et  l'orlliographc  dans  ùtoudo.  Le  même  nom  a  été  écrit 
parles  Italiens  (cvto,  et  prononcé  Uowto,  puis  ils  onl  écrit 
iiuto,  qu'ils  prononcent  (iouto.  Dcluul  cela  nous  avons  fait 
tuth.  Il  faut  avouer  (pie  voilà  une  origine  qui  ressemble 
un  peu  à  celle    Ai  fana  rte  ce  bon  Ménage. 

Quoi  qu'il  en  soit,  l'Eoutl  est  un  instrument  île  l'espèce 
des  guitares,  dont  la  forme  ressemble  à  celle  d'une  poïte 
lin  peu  aplatie  par  le  bas;  il  est  moulé  de  quatorze  cordes 
qui  ne  donnent  à  vide  que  sept  sous,  parce  qu'il  y  en  a 
deux  à  l'unisson  pour  chaque  note  ;  eiilin  il  se  pince  avec 
un  plcctre,  comme  la  mandoline.  Ce  pleclre  est  lait  en 
écaille  ou  en  plume  d'aigle.  La  longueur  lolalc  de  l'instru- 
ment est  de  sepl  cent  vingt-six  millimètres  (environ  vingt- 
six  pouces)  ;  ses  cordes  sont  de  boyau  et  diffèrent  peu  de 
gni-wur;  le  dos ,  ou  la  partie  convexe  dtt  c^rps  sonore, 
qu'on  nomme  ijaca'h,  est  composé  de  vingt-une  rnles  rte 
bois  d'érable,  séparées  par  vingt  petites  bandes  ou  lilets  en 
bois  rte  Sainte-Lucie;  c'est  sur  les  deux  dernières  côtes  ou 
filets  que  pose  la  table.  On  voit  que  TEourt  ressemble  beau- 
coup à  notre  mandoline  pour  la  forme,  mais  non  pour  la 
grandeur,  ni  pour  la  nature  de  ses  cordes. 

Tel  est  l'instrument  qu'on  peut  regarder  comme  la  base 
des  orebestres  orientaux.  Il  arrivera  sans  doute  a  quel- 
qu'un de  mes  lecteurs  de  sourira  rte  pitié  en  voyant  ceci  : 
doucement,  monsieur  le  rieur  !  sachez  que  ce  petit  instru- 
ment, avec  ses  cordes  à  l'unisson  et  son  pleclre,  a  opéré 
des  merveilles  aussi  bien  qu'un  autre.  Si  vous  eu  douiez, 
voici  une  petite  histoire  qui  vous  le  prouvera  autant  qu'une 
lustoirc  peut  prouver  quelque  chose.  Sachez  donc  que  le 
fameux  docteur  FaraH  ou  Fariabi,  ou  Aboit-Ntissar- 
Kohammed  Turkhani,  se  trouvant  un  jour  à  la  cour  du 
sultan  rte  Syrie,  Seif-ed-Doutat,  prit  un  E'oud,  et  joua 


Digitizcd  b/ Google 


une  pièce  de  sa  composition  qui  mil  la  cour  du  prince  eu 
si  belle  humeur  que  chacun  éclata  de  rire;  nue  jouant  en- 
suite une  autre  pièce ,  ii  fit  pleurer  rassemblée  à  chaudes 
larmes,  et  qu'enfin  ayant  changé  démode,  il  endormît 
l'auditoire.  La  tradition  de  ce  dernier  effet  n'est  pas  per- 
due; maïs  le  fait  n'est  pas  moins  honorable  pour  l'ii'oudet 
pour  celui  qui  le  jouait. 

Il  est  un  autre  infiniment  qui  joue  un  grand  rôle  dans 
la  musique  orientale;  c'est  celui  qu'on  nomme  en  général 
tanùour,  que  Labordc  écrit  mal  à  propos  tambour,  et 
qui  n'a  aucun  rapport  avec  l'instrument  barbare  qui  sert 
à  régler  la  marche  des  troupes  européennes.  Le  tanùour 
est  un  instrument  de  l'espèce  des  mandolines;  il  est  monté 
de  cordes  de  métal;  son  manche  est  divisé  en  touches] 
fixes,  et  on  le  jonc  avec  un  plectrc  en  écaille  ou  une  plume 
d'aigle.  Comme  il  y  a  plusieurs  sortes  de  lanùours,  on  les 
distingue  nrdi n.i innjent  par  une  épilhèle  qui  se  joint  au 
nom  générique  :  ainsi  l'on  dit  tanùour  k&byr  tourkt/ f 
grand  lanbour  turc,  ou  grande  mandoline  turque;  tatl- 
i/our  cfiitrt];/,  tatibour  oriental  ;  tanùour  ùouti/ari/ ,  tan- 
bour  bulgare;  tanùour  bouzourk ,  grand  tanbaur  persan, 
et  tanùour  Imglamali,  tanbour  ou  mandoline  d'enfant. 

Le  tanùour  kebyr  tourky,  ou  grande  mandoline  turque, 
est  un  instrument  haut  d'un  mètre  trois  cent  quarante 
millimètres,  c'csl-à-diie  d'un  peu  plus  de  quatre  pieds, 
dont  le  manche  et  le  chcvillct  occupent  1  ™  010;  le  corps 
de  l'instrument  n'a  pas  lotit-à-fall  un  pied.  La  partie  pos- 
térieure de  la  caisse  est  bombée  et  plus  qu'hémisphérique; 
la  partie  plate,  que  nous  nommons  (atablc,  est  parl'aile- 
ment  ronde.  Les  cordes  sont  au  nombre  de  huit ,  et  hq 
donnent  que  sept  sous  à  vide,  parée  qu'il  y  en  a  deux  pour 
une  noie  ;  les  autres  sont  accordées  à  l'octave  :  mais  comme 
le  manche ,  excessive  nient  long,  est  divisé  en  trente-sept 
touches  fixes  ,  il  en  résulte  que  chaque  corde  peut  produire 
trente-huit  sons  enharmoniques  renfermés  dans  l'espace 
de  deux  octaves  et  un  ton.  L'étendue  totale  de  l'instrument 
est  de  deux  octaves  çt  une  quinte. 

Je  regrette  de  ne  pouvoir  rapporter  ici  la  savante  dis- 


4 

cussion  par  laquelle  M.  Villoleau  entreprend  de  prouver 
que  cet  instrument  est  le  magadisdas  anciens  :  les  bornes 
de  cet  article  ne  permettent  pas  d'entrer  dans  d'aussi  grands 
détails.  Je  me  bornerai  donc  à  dire  que  ces  détails  sonl 
remplis  d'intérêt  et  peiivent  servir  à  éclaircir  un  point  fort 
obscur  de  l'histoire  de  la  musique. 

Le  tanbQurcharqy ,  ou  mandoline  orientale ,  est  moins 
grand  que  le  précédent.  lia  la  forme  d'une  longue  poire  un 
peu  aplatie  ,etson  manche  est  divisé  en  vingt-une  touches 
fixes.  Les  cordes  sont  au  nombre  de  cinq  ;  trois  sont  de  lai- 
ton, les  autres  sont  d'acier.  Elles  ne  rendent  que  trois  sons  à 
cause  des  unissons  de  l'accord.  Cet  accord  est  singulier.  Les 
dcuxpreuiiercscordcs  donnent  à  vide  le  su/  de  notre  clé  or- 
dinaire Bar  la  seconde  ligne;  la  troisième  rend  le  sou  du  ré, 
une  quarte  au-dessous,  cl  1cm  deux  antres  celui  du  fa,  en  re- 
montant d'une  quinte.  On  trouve  à  Venise  un  instrument 
du  même  genre,  eu  usage  parmi  le  peuple  ,  et  accordé  de  la 
même  manière. 

Le  tanùour  bouighary ,  ou  mandoline  asiatique,  est  In 
plus  petit  des  instrumens  du  même  genre ,  car  il  n'a  que 
5j8  millimètres  de  hauteur  totale.  Il  n'est  monté  que  de 
quatre  cordes  d'acier  et  de  laiton ,  dont  trois  ont  le  son  de 
la  à  vide  du  violon ,  et  la  quatrième  celui  du  ré  du  même 
instrument.  L'étendue  totale  de  son  échelle  est  de  deux 
octaves. 

Les  autres  variétés  des  mandolines  de  l'Orient  ne  pré- 
sentent rien  d'assez  intéressant  pour  mériter  d'être  détaillé. 
Ce  sont  toujours  des  instrumens  plus  ou  moins  grands, 
niontésde  cordes  métalliques,  qu'on  frappe  avec  un  pleo- 
tre ,  et  dont  le  manche  est  divisé  en  touches  fixes. 

Les  Arabes  elles  Persans  se  servent  d'une  espèce  de  violo 
ou  instrument  à  archet  qu'on  appelle  Umâmgeh  roumy, 
viole  grecque.  C'est  un  instrument  qui  a  beaucoup  de  rap- 
port avec  notre  aucienne  viole  d'amour.  Ses  dimensions 
tiennent  le  milieu  entre  le  violon  et  la  quinte  ou  allo.  11  est 
monté  de  do  uze  cordes ,  six  mobiles  et  six  stables.  Les  cordes 
mobiles  sont  faites  de  boyau  et  sont  tendues  sur  le  man- 
che ,  en  passant  sur  un  chevalet.  Les  cordes  stables  sont 


faites  de  laiton  :  mais  an  lieu  d'être  tendues  sur  le  silet  et 
Bur  la  touche,  comme  les  autres,  elles  passent  en  dessous, 
au  moyen  du  vide  que  l'on  a  conservé  entre  les  parties  et 
la  tige  du  manche,  afin  que  ces  cordes  puissent  y  être  in- 
troduites et  vibrer  librement  sans  heurter  le  bois  d'aucun 
coté;  ensuite  elles  traversent  le  chevalet  par  de  petits  trous 
pratiqués  dans  son  épaisseur  vers  la  moitié  de  sa  hauteur, 
vont  s'attacher  par-dessous  le  lire-corde  à  l'extrémité  op- 
posée à  celle  oùsont  attachées  les  cordes  mobiles  de  boyau. 

Ce  qu'il  y  a  de  singulier  dans  cet  instrument ,  c'est  son 
accord ,  qui  est  le  même  à  peu  près  que  celui  d'une  basse 
de  viole  de  Gaspard  Dniifopriigcar ,  luthier  tyrolien  du 
seizième  siècle.  MM.  Choron  et  Fayolle  ont  donné  dans 
leur  Dictionnaire  des  M nsidens  l'accord  de  cette  basse, 
qui  a  appartenu  à  H.  Roquefort. 

Parmi  les  diverses  autres  espèces d'instrumens  à  archet 
qui  portent  le  nom  de  kemângeh,  viole  où  vielle,  il  n'en  est 
pasde  plus  singulier  que  la  tojiiînje/trtjjouî.Ellealaforme 
d'une  sphère  dont  on  aurait  retranché  le  tiers.  Le  corps 
est  composé  d'une  noix  de  coco  ,  coupée  un  peu  au-dessus 
de  la  moitié  de  sa  profondeur.  Une  peau  tendue  sur  l'ori- 
fice sert  de  table  d'harmonie,  lîn  long  manche  y  est  atta- 
ché ;  une  tige  de  fer  qui  traverse  l'instrument  lui  sert  do 
pied  ;  deux  cordes,  formées  de  crins  de  cheval,  et  tendues 
sur  un  chevalet,  complètent  ce  mélodieux  violon,  qui  se 
joue  avec  un  archet.  Son  étendue  lotalcestde  deux  octaves 
et  demie. 

La  kemângeh  fark  ne  diffère  de  la  précédente  que  parce 
que  son  accord  est  d'une  quinte  plus  aiguë. 

Le  rebab ,  dont  le  nombre  de  cordes  varie  de  deux  à, 
une,  est  encore  un  instrument  à  archet  de  l'espèce  des 
kemângeh.  Il  est  plat,  et  n'a  guère  que  deux  pouces 
d'épaisseur;  il  a  la  forme  d'un  trapèze,  dont  le  sommet  est 
parallèle  à  la  base,  et  dont  les  côtés  sont  égaux;  les  éclisscs 
seules  sont  en  bois,  la  table  d'harmonie  et  le  dessous  do 
l'instrument  sont  en  parchemin  tendu.  Ii  est  traversé  par 
une  tige  en  fer  qui  sert  de  pied  pour  le  poser.  On  le  joue 
avec  un  archet,  Le  plus  répandu  est  celui  qui  n'a  qu'une 


6 

corde ,  laquelle  est  accordée  au  ré  de  la  clé  de  sol ,  au- 
dessous  de  la  portée.  L'étendue  iotaie  de  son  échelle  est 
d'une  sixte  mineure.  Voilà  sans  doute  un  instrument  bien 
barbare;  mais,  comme  le  remarque  M.  Villoteau,  il  no 
sert  presque  jamais  qu'à  régler  l'intonation  des  voix  on  des 
autres  inslrumous  ;  c'est  un  véritable  tonarion. 

Les  peuples  qui  habitent  l'jjgyptc  t'ont  usage  de  deux 
instruirions  de  l'espèce  de  uos  lyinpanons.  I.e  premier  est 
le  qdiwii,  (jui  est  moulé  de  soixante-quinze  cordes  do 
boyau;  l'étendue  totale  de  son  échelle  est  de  trois  octaves 
et  une  quarte ,  les  noies  sont  au  nombre  de  vingt-cinq; 
en  sorte  qu'il  y  a  trois  cordes  pour  chaque  son,  Ou  joue  le 
qinon  avec  un  pleclre  eu  écaille  qui  a  environ  trois  pouces 
de  longueur.  L'autre  instrument  est  le  sanïii'j  il  est  monté 
de  cordes  métalliques,  et  se  joue  avec  deux  baguette».  Les 
chrétiens  d'Orient  et  lesjuiïs  seuls  jouent  du  saillir.  Les 
Égyptiens  et  les  Arabes  le  méprisent  à  cause  de  cela. 

L'espèce  de  lyre  éthiopienne  qu'on  appelle  ieissur,  et 
dont  le  nom  donne  lieu  à  M.  Villolcan  de  l'aire  un  rappro- 
chement avec  noire  mot  de  guitare,  n'a  cependant  point 
d'analogie  avec  ecl  instrument;  c'est  une  véritable  lyre  à 
la  manière  des  anciens.  Les  lJarabras  ou  Berbères  qui  ha- 
bitent près  de  la  première  cataracte  du  Nil  ,  sont  les  seuls 
qui  s'en  servent;  M.  Villoteau  remarque  qu'elle  ressemble 
exactement  à  celle  de  Mercure ,  décrite  par  Homère  dans 
son  hymne  à  ce  dieu.  C'est  une  simple  sébile  de  bois ,  sur 
laquelle  une  peau  est  tendue  par  des  nerfs  de  bocuï;  on  y 
ajoute  deux  monlans ,  et  ceux-ci  sont  joints  par  une  tra- 
verse. Les  cordes  sont  au  nombre  de  cinq;  on  les  pince 
avec  un  picot rc.  La  manière  dont  ces  cordes  sont  accordées 
donne  lieu  à  M.  Villoteau  de  faire  des  recherches  curieuses 
sur  le  priucipe  harmonique  des  dispositions  de  ses  sons  et 
sur  l'analogie  de  ce  principe  avec  celui  de  la  musique  des 
anciens;  ces  recherches  terminent  ce  qui  concerne  les  in- 
struirons à. cordes  des  peuples  de  l'Egypte. 

La  seconde  partie  du  travail  de  M.  Villoteau  est  relative 
auicinstriimcnsàvent. 

Le  -premier  qui  se  présente  est  une  espèce  de  hautbois 


Digitized  by  Google 


7 

appelé  zamr  par  les  Égyptiens ,  et  zournâ  par  les  Persans. 
Il  y  en  a  de  trois  sortes  ;  le  grand ,  le  moyen  et  le  petit, 
qui  ne  diffèrent  que  par  leurs  dimensions,  â  peu  près 
comme  noire  flâle,  notre  tierce  et  noire  piccolo ,  et  con- 
séquemnient  par  la  gravite  de  leurs  sons.  Je  regrette  de  ne 
pouvoir  donner  une  idée  de  l'exactitude  des  détails  dans 
lesquels  le  savant  auteur  du  mémoire  que  j'examine  entre, 
pour  ce  qui  concerne  les  diverses  parties  de  ces  instru- 
mens ,  sur  leur  tablature  et  leur  usage.  L'étendue  du  petit 
zamr,  ou  zamr  goura,  est  de  deux  octaves  et  une  tierce, 
à  commencer  du  si  sur  la  portée  à  la  clef  de  sol;  celle  du 
zamr  moyeu  est  de  près  de  trois  octaves,  dont  le  son  le 
plus  grave  est  le  mi;  le  zamr  kebyr,  ou  grand  zamr,  est 
d'une  octave  plus  bas  que  le  pfttit.  La  manière  déjouer  de 
cet  instrument  est  singulière  ;  ce  n'est  point  l'anche  qu'on 
presse  avec  les  lèvres,  parce  que  celte  anche  trop  molle  ne 
résisterait  pas  à  la  pression  ,  c'est  le  bocal ,  en  sorte  qu'il 
faut  souffler  avec  force  pour  que  l'air  entre  dans  Tanche  et 
communique  le  son  à  l'Instrument.  Ce  son  est  dur  et 
rauque  comme  celui  du  hautbois  de  forêt  qu'on  voit  entre 
les  mains  des  habitai»  des  Ardcnnes. 

Les  Egyptiens  ont  une  antre  espèce  de  hautbois,  long 
d'environ  onze  pouces,  qu'ils  nomment  e'râgyeh,  et  dont 
i'élendue  est  depuis  le  mi  grave  de  notre  clarinette  jusqu'à 
Tut  Au  médium  du  même  instrument. 

On  ne  trouve  enEgypte  qu'une  seule  espèce  do  trom- 
pette, qu'on  nomme  nefyr;  elle  ressemble  à. la  notre  par 
la  forme  et  par  la  matière,  car  c'est  un  tube  mince  en 
cuivre,  recourbé,  et  avec  une  embouchure  très  étroite. 
Les  Arabes  ne  savent  en  tirer  que  quelques  sous  aigus  et 
glapissans. 

Il  parait  que  les  peuples  qui  habitent  l'ancien  royaume 
des  Ptolémées  sont  grands  Auteurs,  car  ils  ont  trois  espèces 
principales  de  (lûtes,  qui  se  divisent  chacune  eu  plusieurs 
autres.  Les  trois  espèces  principales  sont  r  la  souff'ârah,  le 
iiây  et  Vargltoul.  Le  souffllrah  est  une  espèce  do  fla- 
geolet, long  de  dix  pouces  environ  ,  et  percé  du  sept  trous; 
son  étendue  est  d'un  peu  plus  de  deus  octaves,  à  com- 


DigitizGd  t>y  Google 


8 

mencer  du  si  au-dessous -de  la  portée,  jusqu'à  Y  ut  au- 
dessus. 

Le  nûy  parait  être  fort  ancien  ;  il  se  pourrait  que  ce  fût 
de  lui  que  Méuaudre  a  parlé  _dans  ce  vers  de  sa  Messé- 
nienne  : 

«  Assurément  j'ai  joué  de  la  ilftte  arabe.  ■ 

Quoi  qu'il  en  soit ,  cet  instrument  est  très  varié  ;  on  en 
trouve  dans  presque  tons  les  Ions  principaux  de  la  musique 
orientale.  Les  derviches  ont  leur  îiay  ;  les  mendians  ont  le 
leur;  las  musiciens  de  profession  en  ont  jusqu'à  cinq  ou 
sis  différons.  Le  principal,  celui  qu'on  appelle  le  grand 
naiff  est  long  de  plus  de  deux  pieds  ;  il  est  percé  de  sept 
trous,  et  a  une  étendue  d'une  octave  et  demie,  à  com- 
mencer du  rê  grave  de  la  flûte  européenne.  Le  musicien 
tient  le  nay  de  la  main  droite  pour  le  jouer,  contre  l'usage 
de  nos  instrumentistes.  Le  nay  girtf,  variété  du  premier, 
est  d'une  quinte  plus  élevé.  Celui-là  est  percé  de  huit  trous. 
Ces  deux  espèces  de  flûte  sont  faites  avec  une  espèce  de 
grand  roseau  à  nœuds  dont  on  a  ôlé  la  moelle. 

Uarghout,  ou  flûte  champêtre,  se  divise  aussi  en  plu- 
sieurs variétés;  elle  ne  se  trouve  guère  que  dans  les  mains 
des  hommes  du  peuple.  M.  Yilloleau  dit,  en  parlant  de 
cette  flûte:  «  Certes,  on  ne  peut,  avec  des  moyens  plus 

•  simples ,  ni  avec  un  art  mieux  entendu  ,  composer  un 

•  instrument  plus  élégant ,  plus  en  harmonie  dans  son  en- 
i semble,  que  l'arghoul.  Comparé  aux  autres  instrumens 
a  de  musique  de  ce  genre,  il  ne  le  cède  à  aucun  autre  pour 
«la  grâce.  Il  n'est  nullement  vraisemblable  ni  possible  que 
«cette  espèce  d'instrument  ait  pris  naissance  chez  un 

•  peuple  absolument  dépourvu  de  goût  pour  les  arts  d'agré- 
f  nient  et  dans  des  siècles  d'ignorance.  » 

L'arghoul  est  une  flûte  double  et  à  tuyaux  inégaux  comme 
celle  de  l'antiquité  ;  il  y  en  a  de  trois  espèces  :  Yargfumt- 
el-kebir,  qui  est  la  plus  grave  ;  Yarghoul-et-sogayr,  flûle 
moyenne;  et  Yarghout-et-asgar,  petite  flûle.  Le  petit 
corps  donne  sept  sons  diatoniques;  le  grand  corps  donne 
quelques  sons  de  basse. 


Digitizod  by  Google 


Outre  ces  divers  instruniens,  on  trouve  aussi  en  Éjypic 
«ne  espèce  de  cornemuse  qu'on  appelle  xouggarah  ;  elle 
ne  peut  produire  que  quatre  sons  :  la,  si,  ut,  ré.  Les 
instruirions  de  percussion  delamèinecoiitréese  composent 
principalement  de  tambours,  de  cymbales  et  de  crotales. 
Ces  instrument!  étant  à  peu  près  les  mêmes  chez  tous  les 
peuples ,  ne  méritent  pas  des  détails  particuliers.  M.  Villo- 
teau  n'a  cependant  rien  laissé  à  désirer  sur  l'orthographe 
ou  l'étymologie  do  leurs  noms,  ainsi  que  sur  la  matière 
dont  ils  sont  formés,  leurs  formes  et  leurs  variétés. 

En  résumé ,  le  travail  de  ce  savant  est  ce  qu'on  a  de  plus 
complet ,  de  plus  satisfaisant  sous  tous  les  rapports  sur  les 
connaissances  musicales  positives  d'un  peuple;  je  u'cï- 
cepte  pas  même  la  nôtre.  Puisse  cet  hommage  que  je  me 
plais  à  rendre  à  un  savant  modeste  contribuer  à  faire 
connaître  ses  travaux  et  à  leur  assurer  le  succès  qu'ils  mé- 
ritent ! 


NOTICE 

D'UNE  COLLECTION  MANUSCRITE 

D'ANCIENNE  MB  SI  QUE  FBiNÇAlSE  , 

On  chercherait  en  vain  maintenant  les  traces  de  la  mu- 
sique vulgaire  des  Français  sous  les  règnes  de  François  I", 
de  Henri  II ,  de  François  II ,  de  Charles  IX,  de  Henri  III, 
de  Henri  IV  et  de  Louis  XIII,  si  Philidor  aîné,  musicien 
ordinaire  de  Louis  XIV,  et  garde  de  ses  livres  de  musique, 
n'avait  été  chargé  par  ce  monarque  du  soin  de  recueillir 
tout  ce  qui  restait  de  l'ancienne  musique  française ,  soit 
dans  les  copies  manuscrites,  soit  dans  la  tradition.  Ces 
traditions  existaient  encore,  et  l'on  pouvait  se  procurer 
des  copies;  aujourd'hui  tout  cela  est  perdu.  On  peut  ilouo 
considérer  comme  un  événement  heureux  la  conservation 


du  la  collection  (le  Philidor.  Celte  collection,  composée 
originairement  de  cinquante-neuf  volumes  in-folio  mai., 
a  été  transportée  à  la  bibliothèque  du  Conservatoire ,  oit 
elle  se  trouve  encore. 

Toute  la  musique  qu'elle  contient  est  en  partition ,  avec 
l'indication  îles  instrumens  alors  en  usage.  Le  premier  vo- 
lume contient  les  airs  les  plus  anciens  des  diverses  pro- 
vinces, et  particulièrement  ceux  de  la  Bretagne,  du  Poi- 
tou, de  la  Champagne  et  de  la  Lorraine,  tels  que  les 
branles,  les  courantes,  les  passepieds  ,  les  {/ouvrées,  les 
pavannes  et  les  gaillardes  ;  les  plus  anciens  remontent  h 
i54o.  On  y  trouve  aussi  les  airs  qui  ont  été  composés  pour 
des  circonstances  remarquables,  telles  que  le  retour  de 
Henri  Ilï  de  la  Pologne  ,  le  mariage  de  Henri  IV  en  ifioo. 
le  sacre  de  Louis  XIII  le  17  octobre  1610,  et  le  carouscl 
Fait  à  la  Place  Royale  pour  le  mariage  du  même  roi.  Toutes 
ces  pièces  sont  à  deux,  trois ,  quatre,  cinq  et  six  parties. 
La  suite  la  plus  considérable  est  celle  qui  a  pour  titre  : 
Concert  donné  à  Louis  XIII,  le  jour  de  la  Saint-Louis, 
en  1627,  par  tes  vingt-quatre  violons  et  par  tes  douze 
grands  hautbois.  Elle  est  à  cinq  parties  pour  violons, 
violes,  tailles  de  viole,  basses  de  viole,  hautbois,  cromorne 
et  larigot  ;  ce  concert,  dont  la  partition  forme  vingt-trois 
pages,  est  composé  d'airs  de  caractère  et  d'airs  de  danse 
des  plus  anciens  ballets. 

On  croyait  qu'il  ne  restait  rien  des  compositions  des  an- 
ciens rois  des  violons,  tels  que  Constantin  cl  Dumanoir; 
mais  le  premier  volume  de  la  collection  de  Philidor  con- 
tient quelques  pièces  de  ces  vieux  musiciens.  Celle  de 
Constantin  qui  a  pour  litre  te  Pacifique,  à  six  parties, 
annonce  du  talent;  elle  est  dans  le  style  fugué,  et  l'on  y 
trouve  quelques  cadences  inattendues  d'un  bon  effet.  En- 
fin ,  parmi  les  pièces  les  plus  singulières ,  on  remarque  le 
concert  de  grands  hautbois  et  de  cornets ,  pour  la  création 
des  chevaliers,  par  Henri  III  ;  une  branle  et  une  gagliarde 
eu  faux  bourdon  pour  les  musettes,  composées  en  i54°> 
sont  d'un  chant  fort  agréable.  On  y  trouve  aussi  l'air  de 
Dupont,  mon  ami,  avec  la  date  où  il  a  été  composé  (1607). 


Les  deux  volumes  snîvans  nu  sont  pas  moins  intéressaus; 
ils  contiennent  la  musique  de  tous  les  ballets  qui  ont  été 
dansés  à"  la  cour  depuis  i58a  jusqu'en  1649-  Presque  tous 
ont  des  titres  singuliers ,  tels  que  le  ballet  des  éventés,  le 
ballet  des  folles ,  le  ballot  des  coqs,  le  ballet  des  garçon» 
île  taverne,  etc.  Il  s'en  trouve  qui  n'ont  pu  être  joués  à 
l.-i  cour,  car  leurs  titres  seuls  annoncent  ces  grossières 
plaisanteries  du  temps  de  la  Fronde  qu'on  trouve  dans  une 
foule  de  pamphlets  ;  tel  est  celui-ci  :  Ballet  ridicule  des 
nièces  de  Matarin ,  dansé  devant  le  roi  et  ta  reine  ré- 
gente sa  mère,  par  le  trio  matarmique,  pour  dire  adieu 
à  la  France  ,  en  vers  burlesques  et  à  six  entrées.  En  la 
première,  Matarin,  vendeur  de  baume/  enta  deuxième, 
ses  deux  nièces  danseuses  de  corde;  en  ta  troisième,  tes 
pai-tisans,  arracheurs  de  dents;  en  ta  quatrième,  Ma- 
:arin,crieur  d'oubliés  ;  en  la  cinquième...  Je  m'abstiens 
de  rapporter  le  reste  du  litre  parce  qu'il  est  d'une  obscé- 
nité révoltante.  Ce  qu'il  y  a  de  singulier,  c'est  que  cette 
collection  est  dédiée  à  Louis  XIV  par  Philidor.  Tous  les 
airs  de  danse  des  ballets  sont  à.  deux  parties. 

Les  volumes  suivans,  depuis  le  quatrième  jusqu'au  sei- 
zième, renferment  la  musique  des  grands  ballets  qui  ont 
été  donnés  au  commencement  do  règne  de  Louis  XIV  ,  et 
antérieurement  à  l'établissement  de  l'Opéra,  par  C.imbert 
et  l'abbé  Perrin.  Les  principaux  sont  :  les  Fêtes  de  Bac- 
chus ,  en  if>5i  ;  le  Dérèglement  des  Passions ,  en  i65a  ; 
tes  Noces  de  Tftétys  et  Pétée,  et  le  ballet  des  Plaisirs.  Ces 
deux  derniers  sont  entremêlés  de  chants  et  de  danses,  fis 
sont  en  partition  et  a  plusieurs  parties. 

La  musique  originale  des  comédies  de  Molière,  ta 
Princesse  d' Élide ,  te  Mariage  forcé,  (es  Fêtes  de  Ver- 
sailles, le  Médecin  malgré  lui,  Pourceaugnac,  le  Matade 
imaginaire  et  le  Bourgeois  Gentilhomme ,  est  contenue 
dans  plusieurs  volumes.  LulH  est  l'auteur  de  quelques-uns 
de  ces  morceaux;  les  autres  sont  anonymes. 

Un  des  volumes  les  plus  curieux  est  celui  qui  renferme 
la  musique  des  ballets  qu'on  dansait  au  collège  des  jésuites. 


Digitized  by  Google 


Colle  'musique -esl  de  Beauchamps,  de  Dcsmatins  et  de 
Colasse. 

Un  événement  déplorable  a  privé  la  bibliothèque  de 
l'École  royale  de  musique  de  quelques-uns  des  volumes  les 
plus  intéressa  us  de  celte  collection ,  et  notamment  de  cens 
qui  élaient  cotés  17,  a5,  26,  3o,  45,  5i  et  54.  Le  sieur 

H  , employé  subalterne  delà  biliothèque,  les  a  détruits 

en  i8ao ,  ainsi  qu'un  grand  nombre  de  partitions,  pour  en 
vendre  les  cartons  et  le  papier.  Il  fut  cJiassé;  mais  cet  acte 
de  justice,  qui  aurait  pu  être  plus  sévère,  n'a  point  sauvé 
d'une  ruine  complète  des  monumens  qu'on  chercherait 
vainement  aujourd'hui. 

Le  dis-septième  et  le  vingl-sixièmevohimcs contenaient 
les  airs  composés  parles  violonsdela  grande  bande  des  vingt- 
quatre,  sous  Louis  XIII  et  Louis  XIV,  Leurs  noms  étaient 
Richamore.,  Belleville,  Constantin,  Lazarin ,  Branchu, 
Prévost ,  maître  à  danser  de  Louis  XIV,  de  la  Harpe,  Rr>- 
bichon,  Dumanoir,  Boulard,  Charpentier,  Lapiis,  Pé- 
court,  Converset,  Cuillegaut,  Le  Peintre,  Talon,  Bo- 
mestre,  Clos,  Faure,  Forcroix,  de  la  Chatennerayc  , 
Huguenet,  Bounard,  Joncques,  Baudy  l'aîné,  Plumet, 
Bonucfons,  Alaix,  Legrand, Toulon,  Queversin  ,  Ardeletz, 
Saliort,  Carlier,  Dubois,  Farinellc  et  Duclos.  Quelques 
amateurs ,  d'une  illustre  naissance ,  avaient  aussi  composé 
des  airs  qu'on  trouvait  dans  ces  volumes;  tels  étaient 
Louis  XIV,  la  maréchale  d'Estrées,  la  marquise  de  Nan- 
gis ,  le  marquis  de  Chaleauueuf  et  le  prince  de  Furstem- 
berg.  L'air  connu  sous  le  nom  de  la  Furstemb&rg,  et  qui 
est  (le  ce  prince,  s'y  trouvait. 

Le  vingt-cinquième  volume  n'était  pas  moins  précieux; 
ilrenfermaitlesairs  de  ballets,  les  symphonies  elles  contre- 
danses qui  avaient  été  composés  par  lous  les  membres  de  la 
famille  I'hilidor,  savoir  Michel  Danican,  surnommé  Phïli- 
dor  par  Louis  XIII,  et  chef  de  toute  celle  famille,  son  fils 
aîné,  nommé  Michel  comme  lui,  le  cadel,  Pierre  Phili- 
dor,  Fanchon  Philidor,  François  Pbilidor,  et  Anne  I'hili- 
dor , qui  établit  lesconcertsspirituelsen  1736.  Les  volumes 
cotés  45,  5a  ot  54conlenaientles  ballets  de  l'Amour  vain- 


Digitizod  by  Google 


.5 

qucur,  de  Diane,  et  Endymion,  et  les  opéras  de  la  Prin- 
cesse rfe  Crète,  et  du  Mariaije.de  ta  grosseCateau,  dont  la 
musique  avait  élé  composée  par  Philidor  aîné. 

On  a  heureusement  conservé  lo  quarante-unième  volume, 
qui  contient  la  partition  d'Orphée,  en  italien,  par  L.  Rossi, 
premier  opéra  qui  ail  élé  représenlé  en  France, en  1G47. 
Le  premieropéra  français  n'a  élé  écrit  que  vingt-deux  ans 
après. 

Telle  est  cette  collection  importante  pour  l'histoire  de  la 
musique ,  et  qui  n'a  été  connue  jusqu'ici  que  des  biblio- 
thécaires qui'se  sont  succédés  au  Conservatoire  et  à  l'École 
royale  de  musique.  J'en  publierai  quelque  jour  les  mor- 
ceaux les  plus  curieux. 

FÉTIS. 


BIOGRAPHIE. 


Y11DA.NA  (  Louis  ) ,  musicien  célèbre,  naquit  à  Lodi,  dans 
le  Milanais,  vers  i58o.  Nommtf  d'abord  mallre  dcchapellc 
à  la  cathédrale  de  Fano,  petite  ville  du  duché  d'L'rhain  , 
il  passa  ensuite  à  celle  de  Mantoue  ,  pour  y  exercer  les  mê- 
mes fonctions,  et  il  s'y  trouvait  encore  en  i64-'f*  O"  ignore 
l'époque  de  sa  mort.  Jusqu'à  Viadana  ,  les  compositions 
des  plus  habiles  musiciens  n'avaient  point  eu  d'autres  par- 
ties de  basse  que  celles  chaulées  par  les  voix  graves  ;  l'or- 
gue doublait  ces  parties,  et  lorsqu'elles  avaient  des  pauses 
ou  d'autres  silences  ,  ou  lorsque  les  voix  se  croisaient,  le 
ténor,  ou  le  coutr'atto  servait  de  basse  à  sou  tour,  jus- 
qu'à ce  que  la  basse  réelle  rentrât  dans  l'harmonie.  Blessé 
de  cette  imperfection  ,  Viadana  imagina  une  basse  indé- 
peudaute  de  celle  du  chant,  propre  à  être  jouée  parl'or- 
gue  ou  tout  autre  instrument  à  clavier,  et  dont  les  nota* 
sont  surmontées  de  chiffres  destinés  à  indiquer  l'harmonie 
qui  leur  appartient,  afin  que  l'accompagnateur  puisse  gui- 
der les  chanteurs  par  cette  harmonie  plaquée  sur  les  in- 
sl rumens  à  clavier.  Or,  comme  celle  basse  n'est  point  s..n- 


DigitizGd  t>y  Google 


mise  aux  interruptions  des  basses  vocales,  Viadana  lui 
'donna  le  nom  de  liasse  continue.  Les  principes  cl  le  mé- 
canisme de  CCltC  belle  invention  ,  qui  eut  tant  d'inlluence 
sur  les  progrès  de  la  musique,  furent  développés  par  lui, 
dans  une  instruction  écrite  en  latin,  eu  italien  et  en  alle- 
mand, et  placée  en  lûte  d'une  collection  de  motets  de  sa 
composition,  intitulée  :  Opéra  omnia  sacrorum  concen- 
tuum  ,  i ,  2  ,  5  et  4  vocum  ,  cum  tasso  continua  et  ge- 
nerati,  orga.no  appticato,  novaaueinventione  omni  gé- 
nère cantorum  et  organistarum  accomodata ,  autiwrc 
Ludovico  Viadana,  hujus  nova)  artis  inventera  primo. 
Adjunctœ  sunt  insuper  in  vasso  generali  hujus  novœ 
inventionis  instructtonesiatinœ,  ItaUcœ  et  Germanicœ. 
Venise,  1609,  et  Francfort-su r-ie-Mein,  i6i3,  in  fol.  ibid, 
Emmelius,  ifiao  ,  in-4°  maj.  Le  même Emmelius  le  réim- 
prima encore  en  i6j6  ,  in-4°maj. 

Il  est  juste  de  dire  que.  antérieurement  à  cette  publica- 
WffyAîon  de  Viadana,  Richard  Deering  ,  musicien  anglais. 
'J  avait  fait  paraître  à  Anvers  un  ouvrage  de  sa  compositinn, 
intitulé  :  Cantiones  sacrai ,  guinque  vocum,  cdm  basso 
cohtihdo  ad  ohcaïuh;  Anvers,  1597;  et  que  Grégoire  Ai- 
chînger,  organiste  à  Augsbourg  en  avait  donné  un  autre 
sou»  ce  litre  :  Cantiones  ecctcsiasticœ  3  et  4  vocum,  ohm 
sisso  geî<ebili  et  coBTiNco,  in  ttsum  organis tarum ;  Dil- 
lingue,  1607,  in-4'-  Mais  outre  que  ces  deux  musiciens 
avaient  fait  leurs  éludes  musicales  en  Italie ,  et  avaient  pu 
conséquemmenl  avoir  connaissance  de  l'invention  de  Via- 
dana ,  il  est  remarquable  qu'ils  a'ont  point  donné  cette 
invention  comme  leur  appartenant ,  et  qu'ils  n'ont  point 
réclamé  contre  les  prétentions  de  ce  musicien  lors  de  la 
publication  de  son  ouvrage.  D'ailleurs,  l'instruction  dou- 
née  par  lui  sur  celte  matière  prouve  évidemment  qu'il  en 
était  l'inventeur.  On  attribue  aussi  à  Viadana  l'invention 
»  du  coucerto  d'église.  Se»  autres  ouvrages  sont  :  1°  Madri- 
gati  à  6  voci  op.  5.  3°  Slissa  pro  defunctis  5  vocum,  op. 
1 5;  5°  Comptetorium  Romanum  8  vocibusdecanlandum, 
iib.  3,  Venise,  1008.  op.  16  ;  4"  V espertina  omnium  so- 
iemnitaluin  Psalmodia,  cum  duobus  Magnificat  et  fat- 


sis  bordonis  ,  cam  5  vocibus ,  Francfort-sur-lc-Mein  , 
itiio,  ïji-4°  ;  5°  Sinfonie  musicali  a  8.  op.  18;  6  '  Con- 
ccrti  ecclesiastici  av.,  5,4  v  oci.  op.  a4,  tib.  3  ;  7°  Fatsi 
éordoni  a  4e(8  voci,  Home,  1612;  8°  Salmi  e  Magni- 
ficat 4  foci,  Francfort,  16m,  ii]-4°  ;  9'  Opus  musicum sa- 
crorum  concentuum ,  yui  e(  wiico  t>oce,  née  non  clua- 
bus  ,  tribus  et  quatuor  voeibus  variatis  eoncinentur  , 
una  cum  éasso  continuo  adorganum  appticato,  ibitl, 
iGia  ,  in-4°  ;  10°  Concentuum  ecctesiastieorwm  2 ,  3  et  4 
vucibus,  opus  complétant,  cum  sotemnitate  omnium 
vesperlinarum,  ibïd,  i6i5,in-4";  w- Salmi  a  4  cori  con- 
certai*, op.  a?. 


ANECDOTE. 


H  y  a  quelquefois,  dans  la  manière  dont  se  manifeste 
l'amour- propre  d'un  grand  artiste,  une  certaine  candeur 
qui  fait  que ,  loin  de  blesser,  l'expression  de  cet  amour- 
propre  intéresse.  Voici  un  exemple  assez  curieux  de  la 
tendresse  d'un  auteur  pour  ses  ouvrages.  Traetta,  célèbre 
compositeur  napolitain,  avait  l'habitude,  lorsqu'il  était  au 
clavecin ,  à  la  première  représentation  de  ses  productions, 
de  se  tourner  vers  le  public  à  l'approche  de  quelque  pas- 
sage remarquable  ,  et  de  s'écrier  :  ■  Signori  !  badate  a 
questal  >  (Messieurs,  faites  attention  à  ceci);  le  public 
écoulait  et  applaudissait  avec  transport. 


NOUVELLES  DE  PARIS. 

La  stagnation  des  travaux  intérieurs  des  théâtres  est 
complète  en  ce  moment.  On  sait  que  l'Opéra -Comique  ne 
possède  pas  assez  de  ressources  pour  essayer  avec  succès 
démonter  des  ouvrages  nouveaux.  Quel  que  soit  le  zèle 
des  acteurs  qui  sont  à  leur  poste  ,  ceux-ci  sont  insiiffisaus 


)G 

pour  un  ouvrage  musical  ;  car  si  l'on  excepte  quelques  pe- 
tites comédies  sans  importance,  auxquelles  il  suffît  de 
joindre  des  couplets  et  des  chansonnettes,  il  n'est  plus 
possible  qu'une  pièce  attire  maintenant  sans  musique  et 
sans  chanteurs.  Que  faire  sans  Ponchard,  Chollet,  La- 
feuillade,  M"  Uigaut ,  Boulanger,  etc.  ?  Jouer  le  vaude- 
ville et  la  comédie  !  en  revenir  au  Bûcheron  ,  au  Tonne- 
lier, au  Diable  à  quatrel  Sous  ne  croyons  pas  qu  'on  soit 
tenté  de  l'essayer.  Cependant  on  ne  peut  pas  toujours  don- 
ner le  Dètvrz,  Camille  ,  Les  deux  Jatoux  et  Gulistan. 
On  ne  peut  pas  toujours  faire  des  recettes  de  i5o  francs. 
Il  faut  des  nouveautés  pour  se  tirer  de  la  ;  mais  où  en  trou- 
ver ?  quels  seront  les  auteurs  qui  voudront  se  hasarder 
arec  la  troupe  actuelle  ?  Lemonnier  et  Vizentini  ont  du 
talent ,  mais  ce  n'est  pas  comme  chanteurs  qu'ils  brillent. 
Ils  ne  peuvent  d'ailleurs  jouer  les  pièces  a  eux  seuls.  Tout 
cela  n'est  pas  consolant.  Attendons;  nous  verrons  bien. 

—  L'Opéra  se  borne  pour  le  moment  aux  répétitions  du 
ballet  de  la Somnambute:  après  la  représentation  de  cette 
pièce  ,  on  reprendra  les  éludes  de  Pygmalion,  opéra  en 
un  acte  de  M.  Halevy.  Viendront  ensuite  les  répétitions 
de  MazzanitUo.  C'est  surtout  sur  celte  production  d'au- 
teurs d'un  talent  reconnu  que  se  portent  les  regards  et  que 
se  fondent  les  espérauces.  Les  bruits  qui  ont  couru  sur  les 
obstacles  qui  se  seraient  rencontrés  à  sa  représentation 
paraissent  dénués  de  fondement. 

— L'un  des  bons  ouvrages  de  Morlacchi,  TébaUto  ed  Iso- 
tina,  a  été  joué  mardi  3i  juillet  ,  au  Théâtre  Italien.  A 
l'attrait  de  curiosité  qu'inspirait  un  opéra  inconnu  d'un 
des  musiciens  les  plus  distingués  de  l'Italie,  se  joignit 
celui  de  voir  M"'  Fisaroni  dans  un  rôle  nouveau.  Quoiqu'il 
soit  difficile  de  porter  un  jugement  sur  la  première  repré- 
sentation d'un  ouvrage  nouveau  au  théâtre ,  il  paraît  cer- 
tain que  celui-ci  n'obtiendra  que  peu  de  succès.  Le  défaut 
de  basses,  l'absence  de  morceaux  d'ensemble  développés, 
et  une  tendance  vers  un  style  qui  n'est  plus  de  mode,  ont 
causé  l'ennui  des  spectateurs.  Or,  on  sait  que  l'ennui  est 
un  mal  sans  remède  ,   le  pire  de  tous  les  maux.  Mous 


Digitizcd  by  Google 


,  '7 
donnerons  l'analyse  de  celle  pièce  et  do  l'effet  de  la  repré- 
sentation dans  le  prochain  numéro  de  la  Revue  musicale. 

— A  l'occasion  delà  fête  communale  de  la  Villette,  H.  le 
maire  de  cette  commune  vient  de  faire  jouir  ses  habita  os 
et  ceux  de  la  capitale  d'une  sorte  de  divertisse  ment  d'un 
genre  neuf  pour  ce  pays-ci,  mais  qui  est  fort  en  usage 
dans  les  Pays-Bas  et  dans  les  déparlemens  du  nord  de  la 
France.  11  s'agît  d'un  concours  entre  les  corps  de  musique 
militaire  des  régimens  d'infanterie  et  de  cavalerie  actuel- 
lement en  garnison  à  Paris  ou  dans  les  environs.  Ce  con- 
cours ,  qui  avait  été  annoncé  par  les  journaux  et  par  des 
afïiches,  a  eu  lieu  le  5i  juillet,  à  sept  heures  du  soir ,  sur 
le  bassin  du  canal  de  la  Villette  ,  à  l'endroit  dit  la  gare 
circulaire.  Une  assemblée  nombreuse,  parmi  laquelle  on 
remarquait  beaucoup  de  femmes  élégantes,  d'artistes  et 
d'amateurs  distingués,  s'était  réunie  sur  les  bords  du  ca- 
nal, et  dans  des  embarcations  qui  traversaient  le  bassin 
en  tout  sens.  Deux  grands  bateaux  étaient  destinés  à  rece- 
voir alternativement  les  dïfférens  corps  de  musique.  Le 
jury,  composé  de  MM.  Vogt,  Dauprat ,  Guillou,  Panseron 
et  Félis,  était  réuni ,  sous  la  présidence  de  M.  le  maire  ■ 
dans  uu  batetet  qui  voguait  d'un  bateau  à  l'autre.  Ce  spec- 
tacle animé  par  les  suns  de  la  musique,  une  soirée  sereine 
et  un  paysage  charmant,  faisaient  de  cette  féte  une  réunion 
de  sensations  délicieuses. 

Le  concours  était  divisé  en  deux  parties  :  l'une  avait 
pour  objet  une  lutte  entre  les  corps  de  musique  de  cava- 
lerie, qu'on  appelle  communément  musique  de  cuivre; 
l'autre  était  relatif  aux  corps  de  musique  d'infanterie. 
Ayant  procédé  à  l'appel  des  concurrens,  le  jury  trouva 
que  les  cuirassiers  de  la.  garde,  les  hussards  du  même 
corps,  le  train  d'artillerie  et  la  gendarmerie  de  Paris 
s'étaient  présentés  pour  le  premier  concours;  le  second  de- 
vait avoir  lieu  entre  le  14*  régiment  d'infanterie  légère,  le 
18",  le  aj*  et  le  3?*  de  ligue.  Trois  médailles  devaient  être 
distribuées  :  la  première,  qui  était  d'or,  de  la  valeur  de 
3oo  francs  ,  était  destinée  à  celui  des  corps  d'infanterie  qui 
obtiendrait  le  premier  prix;  une  autre  médaille  d'or,  d'une 


DigitizGd  t>y  Google 


valeur  de  120  francs,  devait  être  donnée  au  meilleur  corps 
de  musique  de  cavalerie;  enfin,  une  médaille  d'argent  de- 
vait cire  donnée  au  corps  de  musique,  soit  d'infanterie, 
soi!  de  cavalerie,  qui  se  distinguerait  le  plus  après  ceux  qui 
auraient  obtenu  le  premier  pris. 

L'ordre  du  concours  ayant  été  réglé  par  le  sort  comme 
il  suit  :  Premier  concours,  1°  la  musique  du  train  d'artit- 
ierie;  a°  celle  de  ta  gendarmerie,  de  Paris  ;  5°  celle  des 
cuirassiers  de  lagarde;  4°  celle  des  hussards.  Deoxièmk 
concoi'bs  :  1"  le  i4"  régiment  d'infanterie  légère;  a"  le 
ai*  régiment  d'infanterie  de  ligne  ;  3*  le  3j*  idem;  4°  le 
18'  idem.  L'exécution  commença  immédiatement.  Voici 
les  remarques  que  nous  avons  faites  sur  les  qualités  et  les 
défauts  des  coneurrens. 

La  musique  du  train  s'est  fait  distinguer  sinon  par  un, 
fini  parfait,  au  moins  par  son  ensemble  et  sa  précision.  Un 
hautbois,  placé  au  milieu  des  instrumens  de  cuivre ,  nui' 
sait  malheureusement  à  l'effet  général,  parce  qu'il  n'avait 
pas  un  volume  de  son  capable  de  lutter  contre  ces  instru- 
mens formidables.  Le  corps  de  musique  de  la  gendarmerie 
est  si  faible  que  noi-.s  ne  pouvons  rien  en  dire.  Quant  à  ce- 
lui des  cuirassiers,  on  y  a  remarqué  des  parties  estima- 
bles; mais  elle  élait  mal  accordée.  Une  petite  flûte  de  cui- 
vre était  surtout  beaucoup  trop  élevée.  11  n'y  a  que  des 
éloges  à  donner  à  la  musique  des  hussards,  surtout  sous  le 
rapport  du  style  et  du  fini.  Le  choix  des  pièces  qu'elle  a 
exécutées  présentait  d'ailleurs  de  grandes  difficultés.  Il  est 
vraiment  singulier  d'entendre  les  morceaux  les  plus  diffi- 
ciles de  Moïse  joués  par  ces  instrumens  de  cuivre  autrefois 
si  lourds. 

La  musique  du  i4'  régiment  d'infanterie  légère  néglige 
son  exécution  ,  et  n'a  eu  que  peu  d'efTet;  celle  du  21e, de 
ligue  s'est  montrée  fort  supérieure  dans  la  marche ,  mai 
elle  a  été  beaucoup  moins  satisfaisante  dans  le  morceau 
d'harmonie.  Ce  morceau,  qui  était  tiré  des  œuvres  de 
Hossini,  est  d'ailleurs  mal  adapté  aux:  instrumens  à  vent. 
Le  corps  du  57'  de  ligue  n'est  pas  bien  proportionné;  il  n'y 
.1  pas  assez  de  clarinettes  pour  le  nombre  d'inslrumens  de 


enivre  ol  de  basse;  aussi  n'a-l-it  produit  que  pe'j  d'effet. 
La  itiiisi([ue  du  i8"  de  ligne  esl  si  supérieure  aux  an- 
Ires  ,  qu'elle  n'a  pas  laissa  un  instant  le  jury  dans  l'indé- 
cision ;  aussi  remarquable  dans  le  pas  redoublé  que  dans 
l'harmonie,  cette  musique  réunit  à  la  fois  le  fini,  le  mérite 
des  proportions  et  l'énergie.  Les  insl rumens  solo  y  sont 
fort  bons ,  et  le  choix  des  pièces  qu'elle  exécute  est  excel- 
lent; ces  pièces  sont  arrangées  par  le  chef  de  ce  corps.  Des 
applaudissemensuiianimeslui  ont  témoigné  la  satisfaction 
du  public ,  el  son  dernier  morceau  a  été  redemandé,  quoi- 

La  séance  étant  terminée,  les  embarcations  se  sont  di- 
rigées vers  la  barrière  de  la  Villeite ,  où  un  très  beau  feu 
d'artifice  a  terminé  cette  charmante  soirée.  Le  jury,  réuni 
ensuite  chez  SI.  le  maire ,  a  procédé  à  son  jugement  par  la 
voie  du  scrutin.  Le  dépouillement  des  votes  a  donné  le  ré- 
sultat suivant  :  i"  le  premier  prix  du  concours  des  musi- 
ques d'infanterie  est  décerné  à  l'unanimité  an  1 8"  de  ligne; 
s°  une  mention  honorable  est  votée  par  acclamation  pour 
le  ai*  idem;  3°  le  premier  prix  du  concours  des  musiques 
de  cavalerie  est  décerné  aux  hussards  de  la  garde,  à  La  ma- 
jorité de  quatre  voix  contre  une  ;  4°  'e  deuxième  prix  est 
adjugé  à  la  musique  du  train  d'artillerie,  à  l'unanimité. 
Procès- verbal  a  été  dressé  des  opérations  du  jury;  M.  le 
maire  en  adressera  des  copies  certifiées  aux  chefs  des  dif- 
férens  corps  en  leur  faisant  parvenir  les  médailles. 

—  Les  concours  annuels  de  l'Ecole  royale  de  musique 
sont  commencés  depuis  quelques  jours.  Ces  concours  sont 
ordinairement  un  moment  de  crise  pour  les  élèves,  et 
même  pour  les  professeurs;  car  le  talent  du  professeur  n'a 
pas  moins  d'influence  sur  les  succès  de  son  élève  que  l'ap- 
plication de  celui-ci.  C'est  une  lutte  d'amour-propre  des 
deux  parts;  malheureusement  l'émulation  qu'elle  devrait 
inspirer  ne  se  manifeste  guère  dans  les  diverses  écoles  qu'à 
l'approche  des  contours,  àlors  chacun  s'aperçoit  qu'il  a 
perdu  du  temps,  et  qu'il  aurait  pu  mieux  faire.  On  veut  se 
hâter,  mais  il  est  souvent  trop  tard.  Eh  bien  !  cette  leçon 
de  l'expèj-icnce ,  répétée  chaque  année ,  ne  corrige  point  : 


on  l'orme  à  l'instant  même  tics  résolutions  pour  l'avenir, 
qu'on  oublie  à  la  rentrée  des  classes.  Il  semble  que  l'année 
scholaire  ne  doit  jamais  finir;  on  travaille  avec  négligence, 
et  l'on  suit  la  même  route  que  par  le  passé.  Ces  réflexions 
ne  paraissent  pas  toutefois  s'uppliquer  cette  année  à  l'école 
royale  de  musique,  car  les  concours  des  trois  premiers 
jours  ont  été  assez  forts  :  ce  sont  ceux  de  Contrepoint  et 
Fugue,  d'Harmonie  et  d\^  ccompagnement  pratique,  de- 
Solfège,  A'Orgue,  de  Harpe  et  de  Vocalisation. 

Le  29  juillet ,  les  concurrens  pour  le  contrepoint  et  pour 
l'harmonie  sont  entrés  en  loge  à  sept  heures  du  malin  ;  ils 
ont  rendu  leur  travail  le  même  jour,  et  le  jury  s'csl  assem- 
blé le  lendemain,  à  huis-clos,  pour  prononcer  son  jugement. 

Le  concours  de  contrepoint  consistait  en  une  fugue  à 
quatre  parties  et  à  trois  sujets,  sur  un  thème  donné.  Ce 
genre  de  travail  offre  de  grandes  difficultés  ;  néanmoins 
deux  des  concurrens  ont  rempli  les  conditions  d'une  ma- 
nière satisfaisante.  Le  premier  prix  a  été  décerné  à  M.  Fran- 
castel,  élève  de  M.  Fétis,  et  le  second  3  M.  Sausay,  élève 
de  M.  Heicha. 

Le  concours  d'harmonie  et  d'accompagnement  se  com- 
posait de  l'obligation  d'écrire  de  l'harmonie  à  quatre  par- 
ties sur  une  basse  donnée ,  qu'il  fallait  chiffrer,  de  mettre 
une  basse  et  une  harmonie  régulière  sur  un  chant  donné, 
d'accompagner  à  première  vue  une  basse  chiffrée  et  un 
morceau  pris  au  hasard  dans  une  partition  choisie  par  le 
jury.  Ce  concours  était  double,  parce  que  les  femmes 
étaient  aussi  admises  à  concourir  entre  elles.  Il  était  d'au- 
tant plus  juste  de  les  y  admettre  que  leur  travail  a  été  fort 
satisfaisant ,  et  en  général  plus  fort  que  celui  des  hommes. 
Le  premier  pris  du  concours  des  femmes  a  été  partagé  en- 
tre M""  Hotteaut  et  Cberonnet;  le  second  à  M1"  Croisilles 
jeune,  et  l'accessit  à  M"*  CLivel ,  toutes  élèves  de  M.  Ha- 
levy.  MM.  Alkan  .  âgé  de  douze  ans ,  et  Le  Carpentier,  ont 
partagé  le  premier  prix  du  concours  dus  hommes  ;  le  second 
a  été  décerné  à  M.  Darle.  Tous  sont  élèves  de  M.  Dourlen. 

Lecoiicours  pour  le  solfègo  ,  qui  a  eu  lieu  le  5i ,  a  offert 
trente-quatre  concurrens  réunis.  Celui  des  hommes  s'csl 


DigilizGd  by  Google 


montré  moins  brillant  que  celui  des  femmes;  néanmoins 
il  y  a  eu  lieu  à  décerner  un  premier  prix^  qui  a  été  partagé 
entre  MM.  Chollet  et  Lecorbellier ;  M.  Codiuc  a  eu  le  se- 
cond, M.  Tarïnt  jeune  a  obtenu  le  premier  accessit,  et 
M.  Dcldevez  le  second.  Quant  au  concours  des  femmes,  il 
a  été  si  bj  iljjjts  t  qu'il  a  mis  le  jury  dans  un  embarras  dont 
il  n'a  pu  s"irer  qu'en  partageant  le  premier  prix  entre 
MM""  Grandidier,  Gangey,  André,  Clara  Eugène  et  Dezème, 
et,  en  usant  du  même  moyen  à  l'égard  du  second  prix. 
Celui-ci  a  été  partagé  eutre  MM""  Leiellier,  Journot, 
Sleinemetz  ,  Barbé  et  Charlet.  Le  premier  accessit  a  été 
décerné  à  M11*  Rodolphe;  le  second,  à  M"'  Laurent. 

La  troisième  Béance  a  eu  lieu  dans  la  petite  salle  de 
l'école,  le  premier  août.  Le  public  y  a  été  admis.  Cette 
séance  avait  pour  objet  les  concours  d'orgue,  de  harpe  et 
de  vocalisation.  Le  premier  a  donné  lieu  de  partager  le  pre- 
mier pris  entre  SIM"'"  Rousseau  et  Lctourneur,  élèves  de 
M.  Benoist.  Nous  ne  ferons  qu'une  remarque  à  l'occasion 
de  ce  concours,  c'est  qu'il  serait  temps  d'en  changer  le 
mode;  il  faudrait  qu'on  entreprît  de  faire  cesser  l'usage 
barbare  d'accompagner  le  plain-cbant  comme  on  le  fait  à 
Paris,  et  seulement  dans  les  églises  de  Paris.  Partout  le 
plain-cbant  se  placeà  la  main  droite  et  s'accompagne  avec 
les  jeux  de  fonds,  ce  qui  est  dons,  agréable  à. l'oreille  et  re- 
ligieux à  la  fois.  A  Paris,  on  le  met  à  la  basse ,  on  le  joue 
avec  les  pédales  et  les  jeux  d'anches  les  plus  durs .  et  ou 
1'ar.conipngne  d'une  harmonie  plus  ou  moins  incorrecte. 
Il  en  résulte  l'effet  le  plus  désagréable  qui  puisse  déchirer 
une  oreille  délicate.  C'est  une  barbarie  digne  du  moyeu 
âge  :  tout  organiste  de  talent  doit  employer  ses  effets  à  la 
réforme . 

M.  Larivière  a  obtenu  le  premier  prix  du  concours  de 
harpe,  et  M.  Tariot  jeune,  le  second  ;  tous  deux  sont  élèves 
de  M.  Nadermau. 

La  vocalisation  ne  s'est  pas  montrée  sous  un  aspect  aussi 
avantageux  que  le  solfège.  Cette  partie  importante  de  l'art 
musical  appelle  tonte  l'attention  du  directeur  et  des  pro- 
fesseurs qui  sont  chargés  de  l'enseigner.  M"1  Tuclle  a  ob- 


DigilizGd  b/  Google 


tenu  le  premier  pris  ,  et  M1"  Miller  le  second.  Le  premier 
accessit  a  été  décerné  à  H1"  Emilie  Barri! ,  et  le  second  à 
M.  Béuéditt. 

Nous  donnerons  dans  le  numéro  prochain  de  la  Revue, 
le  résultai  des  concours  sm'vans,  el  nous  présenterons  en- 
suite nos  réflexions  sur  leur  ensemble. 


NOUVELLES  ÉTRANGÈRES. 


FiuticroBT-scK-iE-MeiN,  lojuUtet.  On  a  donné  le  i6sur 
notre  lliéalre  la  i"  représentation  du  Siège  de-  Corinthe  de 
Russini,  traduit  en  allemand.  Notre  ville  avait  encore  pris 
l'initiative  en  celte  occasion  ,  de  sorte  qu'il  s'agissal  d'un 
ouvrage  presque  entièrement  nouveau  pour  les  Allemands 
qui  ne  l'avaient  pas  entendu  à  Paris,  et  quelque  grand 
qu'on  en  suppose  le  nombre,  il  était  toujours  très  borné 
relativement  à  notre  population  d'amateur*;  aussi  la  foule 
a-t-clle  été  des  plus  grandes,  et  l'on  entendait  répéter 
du  toutes  parts  le  dicton  classique  :  Non  licet  omnibus 
adiré  Corinthum. 

L'ouverture,  sauf  la  marche  grecque  ,  a  paru  une  des 
productions  les  plus  ordinaires  do  Rosstni,  avec  les  beau- 
tés et  surtout  avec  les  défauts  qui  caractérisent  sa  ma- 
nière. L'introduction  ,  un  trio,  l'air  de  Païuira  ,  celui  de 
Néucles  au  5'  acte,  et  tous  les  finales  ont  fait  grand  plaisir  ■ 
mais  l'enthousiasme  était  réservé  pour  l'allocution  d'Hie- 
ros.  Cet  admirable  récitatif,  qu'on  place  déjà  ici  â  côté  de 
ceux  de  Gluck,  a  produit  un  grand  effet,  eu  dépit  de  la 
mauvaise  exécution  de  Marrder  chargé  du  rôle  d'Hiéros. 
La  méthode  de  ce  chanteur,  qui  a  d'ailleurs  une  bonne 
voix ,  trahit  l'inexpérience  la  plus  complète.  On  a  eu  lien 
d'être  satisfait  des  autres  chanteurs  et  de  l'orcheslre.  Tout 
semble  promettre  à  oet  ouvrage  un  succès  de  vogue. 

HiNiu.  Le  professeur  Mûller  a  fait  entendre ,  il  y  a 
quelques  jours,  un  concerto]  exécuté  sur  un  instrument 
nouvellement  inventé  par  lui,  lequel  au  lieu  des  cordes  de 


a3 

laiton  ordinaires,  est  garni  de  larges  bandes  de  fer.  Elles 
soin  levées  pur  les  touches  et  pressées  pat-  nu  cylindre  . 
probablement  de  métal,  mis  en  mouvement  an  moyen 
d'une  pédale.  Ce  frottement  produit  le  son.  On  no  petit 
comparer  cet  instrument  avec  aucun  de  ceux  actuelle- 
ment en  usage,  parce  qu'il  produit  différeus  sons  appar- 
tenant à  des  inslrumens  de  diverses  espèces  ;  mais  il  est 
susceptible  de  grandes  améliorations. 

—  Un  habitant  de  Venise,  nommé  l'abbé  Vincenzo 
Zenitr,  véritable  patriote,  a  fait  placer  sur  la  maison  qui 
fut  habitée  par  le  fameux  Benoit  Marcello,  l'inscription 
suivante  : 

HAHC.  PflOPE.  SïJHTiSI.  Evtebpes.  Cvltoh.  Exijiivs 
Benedicvs.SIàbcello.  P.  V.  Lvcem.  PeiMiM.  Consfexit 
Il  est  lilchcnxque  l'usage  de  recommander  ainsi  à  la  vé- 
nération publiijue  les  lieux  où  vécurent  les  hommes  qui 
honorent  leur  patrie  ne  soit  pas  plus  commun  parmi  nous. 


ANNONCES. 

Iîomakces  ,  mises  en  musique  par  M™*  du  Chambgc  :  — 
Tune  saurais  m'oublîer ,  paroles  de  M'"  Delphine  Gay. 
—  Comment  pourrais-je  t' oublier  !  paroles  de  M .  le  comte 
Jules  de  Besstguier.  —  Lu  Briijuntine,  ou  te  Départ, 
paroles  de  M.  Casimir  Delà  vigne.— La  Fiancée  du  Marin, 
paroles  de  M™  Desbordes  -  Valmore.  — La  jeune  Châte- 
laine, paroles  de  M"  Desbordes- Val  more. — L'Ange  et  te 
Rameau,  paroles  de  M™  De  s  bordes -Val  more. — LaSépara- 
tion,  paroles  de  M™  Des  bord  es-  Valmore.  —  Le  Réveil, 
paroles  de  M.  L.  Ilraull.  —  Lido,  stances  de  M.  Casimir 
Delà  vigne.  —  C'est  Me,  paroles  de  M"  Desbordes-Val- 
more  :  i  fr.  5o  c.  —  Sur  (a  Montagne.  —  Le  Pécheur, 
barcaroleàune  on  deux  voix ,  paroles  de  M.  le  comte  Jules 
de  Bességuicr  :  à  a  fr.  Cinq  romances,  une  valse  et  une 
écossaise,  composées  pour  le  piano-forlé  par  M"  du 
Chambgc.  Prix:  9  francs. 


Paris  ,  chez  J.  Pleyelet  fils  aimé ,'  boulevard  Montmartre. 

Ces  romances  se  distinguent  par  un  chant  élégant,  et 
par  une  expression  dramatique  qu'il  est  rare  de  rencontrer 
dans  ces  sortes  de  pièces. 

—  On  trouve  chez  Pacini,  éditeur  des  opéras  de  Hossini, 
boulevard  des  Italiens ,  n*  n,  les  airs  et  duos  de  Teèatdo 
ed  Isotina,  opéra  de  Morlacchi ,  ainsi  que  le  duo  de  celle- 
ci  qu'on  y  a  ajouté. 

—  Regalo  Lyrico,  coleccion  de  boleras,  seguidellas, 
tiranas  y  demas  cancioncs  Espaàolas.  Por  los  mejores  au- 
tores  de  esta  nacion.  Precio  :  4  duros. 

Se  hallera  en  el  Almacen  de  musica  de  Pacini ,  editor  de 
todas  los  opéras  de  Rossini ,  Mozart ,  etc. ,  boulevard  des 
Italiens  ,  n"  1 1. 

Cette  charmante  collection  d'airs  espagnols  est  choisie 
dans  les  œuvres  des  meilleurs  auteurs;  sou  exécution  typo- 
graphique en  fait  en  outre  un  des  plus  jolis  recueils  de  ce 
genre.  Nous  ne  doutons  pas  de  son  succès. 


i5 


EXPOSITION  DES  PRODUITS  DE  L'INDUSTRIE. 

VIOLONS,  ALTOS  ET  BASSES, 
<Perf«fifltTt!(s  jpar  <9ft,  ©Ç»6ouf 


La  viole ,  on  plutôt  les  diverses  espèces  de  violes ,  sont 
les  seuls  instrument  à  cordes  qu'on  trouve  dans  !es  orches- 
tres jusque  vers  le  milieu  du  seizième  siècle.  DuifTo- 
prugear,  célèbre  luthier  tyrolien,  qui  s'était  fixé  en  France 
sons  Je  règne  de  François  I",  parait  n'avoir  f.lit  que  des 
violes.  Le  erwth  des  Gallois  et  des  Écossais  n'était  qu'une 
viole.  On  trouve,  à  la  vérité,  parmi  nous,  dès  le  quin- 
zième siècle,  le  violon  rustique  qu'on  appelait  rebtC;  mais 
il  n'était  monté  que  de  trois  cordes,  re,  ta,  mi,  et  sa 
forme  était  si  grossière  qu'il  ressemblait  plus  à  un  battoir 
échancré  par  les  quatre  angles  qu'au  violon  de  nos  jours. 
Nachtigatt,  qui  s'est  caché  sous  le  nom  A'Oltomcirwt  Lus- 
cinius ,  a  donné  la  description  et  la  forme  des  geigen 
{  violons)  de  son  temps ,  dans  sa  Mttsurgic,  imprimée  en 
1 53C  ;  mais  ces  geigen  ne  sont  montés  que  de  trois  cordes, 
n'ont  point  d'échancrure  aux  éclisses,  et  ressemblent  plus 
à  la  mandoline  qu'au  violon  par  leur  partie  inférieure. 

Cependant  le  violon  avait  sa  forme  arrêtée  avant  la  fin 
du  seizième  siècle.  On  ne  peut  douter  que  les  Français 
fussent  auteurs  des  perfectionnemens  qu'il  avait  reçus  à 
cette  époque;  car,  dans  l'indication  des  instrument)  qui 
étaient  entrés  dans  la  composition  de  l'orchestre  iVOrfeo. 
par  Claude  Montcvcrde  ,  en  1607,  on  trouve  ttuoi  violini 
piccoli  atlafrancese  (deux  petits  violons  français).  Ces 
mots  piccoli  violini  n'étaient  employés  que  par  compa- 
raison avec  la  viola  da  brano.  Mais  la  supériorité  des 
Français  pour  la  construction  de  ces  instritmens  n'avait 
pas  tardé  à  leur  être  enlevée  par  les  luthiers  italiens,  et 
surtout  par  ceux  de  Crémone.  Nicolas  et  André  Amali 
sont  en  première  ligne  parmi  ceux  qui  arrachèrent  Lt 


au' 

palme  aux  successeurs  de  Duiffoprugcar  ;  ils  éfaient  frères, 
s'étaient  associés,  et  fabriquaient  déjà  îles  instrumenta 
d'une  qualité  parfaite  sous  le  règne  de  Charles  IX  ;  car  ce 
prince  leur  fit  commander  ceus  de  sa  chambre,  qu'ils  en- 
richirent de  peintures  et  d'armoiries  d'un  travail  exquis. 
Quelques-uns  de  ces  instrument  se  rencontrent  encore 
dans  les  cabinets  des  curieux. 

Antoine  et  Jérôme  Amati,  qui  succédèrent  à  la  réputa- 
tion d'André,  leur  père ,  adoptèrent  ses  formes,  et  en  per- 
fectionnèrent les  détails.  Leurs  violons,  d'une  qualité  de 
son  douce  et  moelleuse ,  n'ont  pu  être  surpassés  sous  la 
rapport  de  ces  qualités.  Malheureusement  leur  patron  est 
trop  petit  pour  que  ce  son  si  doux  ait  un  volume  considé  - 
rable ;  ils  ont  cherché  à  compenser  l'exiguïté  du  patron  et 
lo  peu  d'élévation  deséetisscs  par  la  hauteur  et  l'étendue 
des  voûtes.  Les  épaisseurs  de  la  table  sont  considérables 

qu'aux  bouts  dans  toute  l'étendue  de  la  circonférence. 
La  chanterelle  et  la  seconde  des  instrumens  de  ces  ar- 
tistes  donnent  un  son  brillant  et  argentin;  la  troisième 
est  moelleuse  et  veloutée,  mais  la  quatrième  est  faible. 
On  attribue  généralement  ce  défaut  au  manque  de  pro- 
portion entre  les  épaisseurs  et  la  capacité.  Pour  y  obvier 
un  peu,  les  luthiers  sont  obligés  d'élever  un  peu  plus  le 
chevalet  vers  la  quatrième  que  pour  les  instrumens  de 
Stradivarius.  Jérôme,  qui  a  eu  deux  patrons,  dont  l'un 
est  plus  grand  que  celui  des  violons  d'André  et  d'An- 
loinc,  Jérôme,  dis-je,  a  quelquefois  approché  de  la 
perfection  dans  ce  dernier.  Nicolas  Amati,  lils  de  Jé- 
rôme, qui  vivait  en  if)8o  ,  et  qu'il  ne  faut  pas  confondre 
avec  Nicolas,  frère  d'André ,  a  changé  peu  de  chose  aux 
formes  et  aux  proportions  adoptées  dans  sa  famille;  les 
éclisses  de  ses  violons  sont  seulement  plus  élevées.  Les  troi- 
sième et  quatrième  cordes  sont  excellentes;  la  chanterelle 
sonne  bien  ,  mais  la  seconde  est  souvent  nasale,  principa- 
lement an  si  et  à  Vut  naturels.  On  croit  qne  l'abaissement 
précipi*é-*lç  l'épaisseur  de  la  table  vers  les  ûancs  est  la 
.  Les  Amati  avaient  adopté  des  propor- 


»7 

lions  pour  leur»  basses  et  leurs  altos  qui  paraissent  être 
mieux  combinées;  aussi  ces  instrument  sont-ils  très  re- 
cherchés ,  principalement  ceux  d'André  Amati. 

Jacques  Sieiner,  né  à  Absom,  petit  village  près  d'Ius- 
pruck,  dans  le  Tyrol ,  fut  élève  d'Antoine  Amati,  et  vécut 
conséquemment  vers  Je  milieu  du  dix-septième  siècle.  Il  a 
travaillé  dans  la  manière  de  son  maître,  mais  son  modèle 
est  encore  plus  petit  ;  le  son  de  la  chanterelle  de  ses  vio- 
lons se  rapproche  de  celui  du  hautbois ,  mais  dans  sa  qua- 
lité clic  est  vraiment  admirable  ;  malheureusement  la  troi- 
sième et  ta  quatrième  ont  un  son  nasard  qui  n'a  rien 
d'agréable.  La  netteté,  la  grâce  et  la  hardiesse  de  ses  ouïes 
les  font  considérer  comme  des  modèles. 

La  beauté  des  instrumens  à' Antoine  Stradivari,  célè- 
bre luthier  crémonais,  qui  brilla  de  i?o5  à  1754»  les  fit 
rechercher  comme  te  qu'il  y  a  de  plus  parfait  en  leur 
genre.  Il  fut  élève  de  Nicolas  Amati,  mais  il  le  surpassa  ; 
ses  voûtes  sont  moins  élevées,  la  capacité  de  ses  iostru- 
men»  est  plus  grande ,  et  les  épaisseurs  de  leur  table ,  qui 
ue  présentent  rien  de  heurté  ,  semblent  mieux  calculées 
que  tout  ce  qu'on  avait  fait  auparavant,  et  que  tout  ce 
qu'on  a  tenté  depuis.  Les  luthiers  les  plus  habiles  de  no» 
jours  ont  adopté  Siradivari  comme  leur  modèle,  et  cher- 
chent autant  qu'ils  le  peuvent  à  se  rapprocher  de  ses 
formes.  Pierre-André  Guarneri,  élève  de  Jérôme  Amati, 
et  Joseph  Guarneri,  élève  de  ce  même  Siradivari,  ne 
peuvent  lutter  aveo  cet  habile  artiste,  malgré  tout  leur 
mérite.  Joseph  ,  qui  parait  surtout  avoir  voulu  être  origi- 
nal, a  fait  des  cliangemeus  dans  les  formes  et  dansles  pro- 
portions qui  ne  paraissent  pas  heureux.  Sou  modèle  est, 
plus  petit  que  celui  de  son  maître;  ses  voûtes  sont  apla- 
ties, et  ses  épaisseurs  plus  fortes;  ie  son  de  ses  instrumens 
a  de  l'éclat,  mais  il  manque  un  peu  de  rondeur. 

J'ai  dit  que  le  modèle  de  Siradivari  est  considéré  comme 
le  plus  parfait;  de  là  les  imitations  qu'en  ont  fait  les  lu* 
Ihiers  italiens  et  français.  Parmi  ceux-ci,  MM.  Lupot  et. 
Thiboutse  sont  distingués  ;  ce  dernier  no  s'est  point  borné 
cependant  à  une  imitation  sorvile.  Par  un  procédé  qui  lui 


38 

est  particulier  pour  la  pose  des  é clisses ,  il  donne  plue  de 
capacité  à  ses  mstrumens,  et  augmente  par  là  le  volume 
du  son,  dont  les  vibrations  sont  plus  faciles;  son  procédé 
réunit  d'ailleurs  il  cet  avantage  celui  de  rendre  les  bords 
moins  s  ai  lia  ns,  et  conséquemment  de  les  exposer  moins  a 
se  casser  ou  à  se  décoller.  C'est  une  chose  connue  que  les 
ïnstrumeiis  à  archet  ont  besoin  uon-seulement  de  vieillir, 
mais  aussi  d'être  joués  pour  se  dépouiller  d'une  certaine 
verdeur  de  son ,  qu'ils  ne  perdent  pas  sans  cela.  A  force  do 
recherches,  M.  Thibout  est  parvenu  à  découvrir  la  com- 
position d'un  liquide  dont  il  sature  les  parois, intérieures  de 
ses  violons ,  altos  et  basses ,  et  au  moyen  de  quoi  il  leur 
donne  la  qualité  qui  est  ordinairement  le  résultat  du  temps 
et  du  travail.  Par  le  moyen  de  la  combinaison  des  épais- 
seurs ,  qui  sont  beaucoup  plus  fortes  que  celles  des  violons 
ordinaires,  H.  Thibout  est  parvenu  à  faire  disparaître  les 
mauvaises  notes  qu'on  rencontre  dans  les  violons  neufs,  et 
même  souvent  dans  les  vieux.  Ils  sont  vernis  à  l'huile  sic- 
cative, en  sorle  qu'ils  n'ont  pas  l'inconvénient  de  se  dé- 
pouiller avant  d'être  secs,  comme  la  plupart  des  vernis 
modernes,  et  de  laisser  dans  le  bois  un  corrosif  qui  nuit 
beaucoup  à  la  qualité  du  son  de  l'instrument. 

M.  Thibout  avait  déjà  présenté  ses  instrumens  à  l'exa- 
men de  la  classe  des  beaux -arts  de  l'Institut,  en  1820,  et 
la  section  de  musique  avait  fait  un  rapport  dans  lequel 
elle  félicitait  l'arliste  de  ce  que,  sans  altérer  la  forme  exté- 
rieure ,  il  avait  pu  donner  à  ses  violons  une  qualité  de  son 
supérieure  à  tout  ce  qu'on  avait  fait  depuis  Slradivari  et 
Guarneri.  L'académie  avait  approuvé  ce  rapport  dans  sa 
séance  du  aa  avril  de  la  même  année;  mais  depuis  lors, 
M.  Thibout  n'a  cessé  de  chercher  à  perfectionner  ses  in- 
novations, et  les  résultats  qu'il  a  obtenus  sont  tels  qu'on  a 
lieu  de  croire  qu'il  n'est  pas  possible  de  faire  mieux  dans 
les  formes  admises.  11  vient  de  présenter  de  nouveau  ses 
violons,  altos  et  basses  à  l'examen  de  l'académie.  Dans  la 
séance  du  4  de  ce  mois,  il.  Lafont  a  joué  un  concerto  sur 
le  nouveau  violon',  et  M.  Baudiot  une  fantaisie  sur  la 

jl}  Vayci  les  Nouvelles  du  Pari». 


DigitizGd  t>y  Google 


>9 

basse.  Quoique  le  lieu  ordinaire  (les  séances  de  l'académie 
dc  soit  point  favorable  à  rémission  des  sons  ,  néanmoins 
ceux  des  instrument  de  M.  Thibaut  on)  paru  d'une  égalité, 
d'un  éclat  admirable.  L'académie  fera  un  rapport  sur  cette 
séance,  à  laquelle  ont  assisté  MSI.  Kreutzer,  Habeneck, 
et  beaucoup  d'autres  artistes  distingués,  qui  ont  témoigné 
leur  satisfaction  sur  ee  qu'ils  venaient  d'entendre. 

Le  succès  qu'obtient  SI.  Thibout  n'est  pas  d'une  mé- 
diocre importance  pour  les  artistes  et  les  amateurs  qui  ne 
peuvent  se  procurer  les  anciens  instrumens  de  Crémone 
qu'à  grands  frais,  et  qui  sont  menacés  de  voir  quelque  jour 
ces  mêmes  instrumens  périr  de  vétusté  sous  l'iniluence  de 
plusieurs  causes  qu'il  est  bon  d'examiner. 

Il  serait  difficile,  pour  ne  pas  dire  impossible,  de  fixer 
le  rapport  exact  du  diapason  actuel  avec  celui  de  l'époque 
où  travaillaient  les  Àmati,  Stradivari  et  les  autres  luthiers 
delà  môme  école;  mais  tout  démontre  qu'il  existe  entre 
eux  une  différence  énorme.  De  là  l'obligation  dc  changer 
le  manche  de  tous  les  violons  anciens,  comme  on  l'a  fait, 
et  de  rendre  l'angle  d'inclinaison  dc  la  touche  beaucoup 
plus  obtus.  Or,  ces  mêmes  violons  ont  été  fabriqués  sui- 
vant le  calcul  des  résistances  qu'ils  pouvaient  opposer  à 
la  tension  des  cordes.  Selon  Mcrsenne  (Harmonie  univ- 
des  instrum.  à  cordes),  celle  tension  était  dc  «on  temps 
j'en  i636)  égale  à  celle  qu'on  aurait  obtenue  par  des  poids 
faisant  ensemble  une  masse  de  quarante-sept  livres.  Qua- 
rante-sept livres  élaient  donc  le  poids  qui  devait  reposer 
sur  la  table  des  violons  anciens,  lorsqu'ils  ont  eu'  construits. 
Peu  à  peu  l'élévation  du  diapason  a  augmenté  la  tension 
et  le  poids.  Ce  poids  total  était  en  1806  de  soixante-quatre 
livres;  la  chanterelle  s'accordait  par  la  tension  d'un  poids 
de  dix-neuf  livres;  laseconde,  par  un  autre  de  dix-sept; 
le  troisième,  par  un  dc  quinze,  et  la  quatrième  par  un  de 
treize,  en  tout  soixante-quatre  livres.  Depuis  lors  la  pro- 
gression ascendante  du  diapason  a  continué,  et  la  grosseur 
des  cordes  a  augmenté,  en  sorte  que  la  tension  et  le  poids 
ee  sont  encore  accrus.  M.  Charles  a  trouvé  qu'ils  égalent 
quatre-vingts  livres.  La  table  des  violons  anciens,  qui  a 


3o 

été  construite  pour  supporter  un  poids  de  quarante-sept 
livres,  est  surchargée  maintenant  par  une  masse  beaucoup 
pli»  forte.  On  ne  peut  douter  qu'une  pareille  surcharge 
n'augmente  beaucoup  la  faligue  des  inslrumens,  et  ne 
finisse  par  amener  leur  destruction.  Les  violons  nouveaux 
n'auront  pas  le  même  inconvénient ,  parce  qu'il*  ont  été 
construits  pour  ics  conditions  actuelles,  et  qu'ils  ne  sont 
point  sujets  à  éprouver  les  variations  de  tension  que  les 
autres  ont  subies.  Ilssûntdonc  de  nature  à  résister  beau- 
coup plus  long-temps ,  et  cette  considération  est  assez  im- 
portante pour  leur  assurer  un  succès  durable. 

Dans  l'état  satisfaisant  où  on  les  trouve  maintenant,  ils 
offrent  d'ailleurs  une  chance  d'amélioration  qui  peut  faire 
présumer  qu'ils  seront  un  jour  supérieurs  aux  meilleurs 
inslrumens  des  anciens  luthiers;  la  voici.  Le  sapin  dont 
on  fait  les  tables  sonores  des  inslrumens  à  archet  est  rési- 
neux comme  tout  autre.  La  résine  ne  cesse  d'opposer  nne 
résistance  aux  vibrations  des  fibres  qu'avec  le  temps,  et 
en  se  détachant  insensiblement  sous  l'action  de  l'archet. 
Plus  la  table  se  dépouille  de  cette  résine  ,  plus  l'instrument 
gagne  en  sonorité.  On  a  la  preuve  que  des  violons  et  des 
basses  de  Stradivari  avaient  conservé  jusqu'à  nos  jours 
la  verdeur  de  son  des  inslrumens  nouveaux,  parce  qu'ils 
étaient  restés  dans  un  étatd'inertic  entre  les  mains  de  pos- 
sesseurs inhabiles.  Le  temps  et  le  travail  ajoutent  dune 
beaucoup  à  la  qualité  de*  inslrumens  bien  faits;  d'où  l'on 
peut  conclure  que  ceux  de  Bl.  Thibout  seront  un  jour  re- 
cherchés de  préférence  à  ceux  de  Crémone'. 

Après  avoir  considéré  les  inslrumens  à  archet  dans  les 
principes  de  construction  admis  par  les  luthiers  et  les  ar- 
tistes exécutans,  je  crois  devoir  parler  de  quelques  essais 
de  fabrications  singulières  qu'on  a  tentés .  et  des  recher- 
ches qui  ont  été  faites  pour  découvrir  les  bases  de  leur 
théorie. 

On  sait  que  le  plus  petit  changement  dans  le  placement 
dupetit  morceau  de  bois  qu'on  appcHel'an&des  inslrumens 

(i)  M.  Thibout,  lot  hier  ile'>  l'Académie  royale  de  musique,  rue  Ra- 
nieau^n'  8,  a  Paris. 


Digitized  by  Google 


à  archet,  dans  la  forme  du  chevalet ,  ou  dans  tonte  autre 
partie  de  leur  organisât  ion  ,  amène  pour  résultat  des  diffé- 
rences considérables  dans  la  qualité  des  sons.  La  barre  sur- 
tout exerce  une  telle  influence  sur  l'effet  général  de  l'instru- 
ment, qu'un  peu  plus  d'épaisseur  on  d'amincissement,  un 
simple  changement  de  place  de  quelques  fractions  de  li- 
gnes, peuvent  faire  un  sabot  du  meilleur  Stradivari ,  ou 
donner  de  l'éclat  et  du  moelleux  à  l'instrument  le  plus 
vulgaire.  L'élévation  du  diapason  ,  et  les  changemens  sur- 
venus dans  la  manière  de  monter  les  violons  et  les  basses , 
ont  rompu  l'équilibre  ,  commeje  l'ai  dit.  Il  a  fallu  songer 
à  parer  à  cet  inconvénient,  et  l'on  n'a  rien  trouvé  de 
mieux  que  de  rebarrer  la  table  pour  l'aider  à  supporter 
l'accroissement  de  poids.  Mais  la  barre  intercepte  les  vibra- 
tions longitudinales,  et  nuit  à  la  pureté  des  sons  et  à  leur 
éclat,  tout  en  servant  à  conserver  l'instrument.  Cette  con- 
sidération a  conduit  un  amateur.,  nommé  M.  Baud,  de 
Versailles,  à  essayer,  il  y  a  plusieurs  années ,  de  construire 
un  violon  sans  barre  qu'il  a  soumis  à  l'examen  de  l'Institut. 
Il  avait  laissé  au  bois  toute  l'épaisseur  qu'on  lui  Aie  ordi- 
nairement pour  la  remplacer  par  la  barre ,  et  avait  donné 
des  proportions  nouvelles  à  la  forme  de  son  patron.  La 
section  de  musique  déclara  dans  sou  rapport  que  H.  Baud 
avait  en  effet  obtenu  du  corps  de  l'instrument  une  plus 
grande  vibration  que  celle  qui  peut  être  fournie  par  les 
autres  violons,  mais  que  la  beauté  du  timbre  ne  répondait 
pas  à  ce  nouvel  avantage.  Mais  comme  M.  Baud  n'est 
point  luthier;  comme  il  n'avait  employé  que  le  bois  le  plus 
ordinaire  dans  la  construction  de  son  violon,  on  ne  sait 
point  encore  ce  que  son  procédé  pourrait  produire  si  un 
homme  habile  entreprenait  d'en  faire  usage,  avec  des  ma- 
tériaux convenables. 

Manpertuis ,  qui  ,  le  premier,  s'est  occupé  des  lois  phy- 
siques de  la  forme  des  instrumens  à  archet ,  suppose  qu'il 
est  néccssaire.que  la  caisse  ait  diverses  épaisseurs,  parce 
que ,  selon  lui ,  il  faut  que  le  bois  soit  composé  de  fibres 
longues  et  de  libres  courtes,  les  unes  favorisant  l'émis- 
sion des  sons  graves,  les  autres  celle  des  sons  aigus; 


3a 

d'oii  il  suivrait  que  les  fibres  des  labiés  sonores  vibrent  sé- 
parément. Celle  hypothèse ,  démentie  par  l'expérience ,  a 
de  l'analogie  avec  celle  qui  paraît  avoir  guidé  M.  Chanot, 
officier  du  génie  maritime,  qui,  en  18 ]-,  soumit  à  l'examen 
de  l'Institut  de  nouveau*  inslrumens  d'une  fgrme  très 
différente  de  celle  ijni  avait  élé  adoptée  jusqu'alors.  Cet 
officier  prétendait  que  Vante,  en  interceptant  la  continuité 
des  cordes  ligneuses ,  pour  en  l'aire  un  certain  nombre  de 
fibres  courtes,  qu'il  regarde  comme  propres  à  favoriser  les 
sons  aigus,  partage  l'instrument  en  deux  parties  dont 
l'une  est  en  rapport  avec  les  sons  graves,  et  l'autre,  avec 
les  sons  élevés.  Les  expériences  de  Chladni  prouvent  au 
contraire  que  les  vibrations  des  surfaces,  de  quelque  na- 
ture qu'elles  soient,  sont  uniformes ,  et  démontrent  consé- 
quemment  que  la  supposition  de  M.  Cliauot  ne  peut  être 
admise.  En  effet,  si  son  hypothèse  était  fondée,  Ie3  sons 
graves  seraient  proportionnellement  plus  forts  que  les  sons 
aigus,  quand  on  ôte  l'ame;  mais,  comme  personne  ne 
l'ignore,  c'est  le  contraire  qui  a  lieu.  Quelquefois ,  dans  ce 
cas,  les  sons  aigus  sont  presque  aussi  forts  que  quand  l'ame 
esta  sa  place,  tandis  que  les  graves  sont  constamment 
très  faibles.  C'est  donc  a  tort  que  M.  Chanot  a  jugé  né- 
cessaire de  changer  la  place  de  l'ame. 

Mais  si  cet  officier  s'est  trompé  sur  ce  point,  il  paraît 
avoir  eu  raison  dans  quelques-unes  des  niodilicalions  qu'il 
a  introduites  dans  la  forme  générale  des  instrumens  à  ar- 
chet, et  dans  quelques-uns  de  leurs  détails.  Ses  instru- 
irions ont  quelque  ressemblance  avec  la  forme  des  gui- 
tares, et  diffèrent  essentiellement  des  formes  anciennes 
par  la  suppression  des  échancrures  de  la  table  et  des 
éclisses.  Celles-ci  sont  remplacées  par  une  courbe  adoucie 
semblable  à  celles  des  guitares;  les  ouïes  sont  aussi  dis- 
posées autrement  que  dans  les  violons  ou  les  basses  ordi- 
naires ;  enfin,  M.  Chanot  a  supprimé  Je  cordier,  qu'on 
appelle  improprement  la  queue,  et  a  fixé  les  extrémités  des 
cordes  sur  la  table  même,  à  trois  ou  quatre  ponces  derrière 
le  chevalet.  -  ■ 

liieu  qu'une  fabrique  d'instrumens  selon  les  procédés  de 


Digitizod  by  Google 


53 

91.  Chauot  ait  été  établie  à  Parte,  ils  ont  eu  peu  de  succès; 
des  pré  yen  lie  tis  se  koiiI  élevées  contre  eus;  et,  par  cela  seul 
qu'ils  sont  autre  chose  que  ce  dont  on  a  l'habitude,  on  les 
a  rejetés.  11  aurait  mieux  valu  examiner  le  degré  de  recti- 
tude des  principes  qui  ont  présidé  à  leur  construction  ,  ad- 
mettre ce  qu'ils  ont  du  bon ,  et  discuter  ce  qui  est  défec- 
tueux; mais  la  routine  aveugle  a  tant  de  puissance,  que 
toute  innovation  déplaît,  outre  que  l'intérêt  personnel 
trouve  toujours  sa  place  en  pareille  circonstance  et  fausse 
l'opinion,  yuoi  qu'il  eu  soit,  M.  Chauot  n'a  pas  moins  eu 
le  mérite  d'attirer  les  regards  des  savaus  sur  la  théorie  de 
la  construction  des  instrumens  à  archet;  cette  théorie 
avait  été  négligée  jusqu'à  lui,  mais  les  recherches  faites 
postérieurement  par  Félix  Sa  van,  docteur  en  médecine, 
ont  jeté  un  grand  jour  sur  cette  matière  intéressante. 

Chladui  avait  découvert  que  toutes  les  fois  qu'un  corps 
rettd  lin-sou ,  les  parties  qui  le  composent  tendaient  tou- 
jours à  vibrer  symétriquement  et  régulièrement;  par  exem- 
ple, si  l'on  prend  une  plaque  ronde  do  cuivre,  ou  de  verre, 
dont  ira  deux  surfaces  soient  bien  parallèles,  qu'on  la 
recouvre  d'une  couche  légère  de  sable  fin,  et  qu'après 
l'avoir  saisie  fortement  avec  le  pouce  et  l'index  d'une 
main,  ou  avec  une  machine  appropriée  à  cela,  on  la  mette 
en  vibration  au  moyen  d'un  archet  appliqué  sur  le  bord  , 
on  verra  le  sable  s'arranger  et  former  une  figure  régulièrft 
qui  ressemblera  à  une  étoile  à  quatre,  à  six  points,  etc. 
On  voit  le  même  effet  se  produire  sur  la  surface  de  l'eau 
contenue  dans  nu  verre  ou  dans  uuo  cloche  d'harmonica, 
qu'on  frotte  avec  un  archet,  parce  que  la  circonférence  du 
vase  se  partage  en  nœuds  et  en  veutres  de  vibrations;  en- 
fin il  n'est. personne  qui  n'ait  remarqué  que  les  cordes  se 
divisent  régulièrement  en  plusieurs  parties  lorsqu'elles 
sont  soumises  à  l'action  de  l'archet,  phénomène  qu'on 
rend  sensible  en  appuyant  légèrement  te  doigt  sur  l'un  des 
nœuds  de  vibration,  ce  qui  produit  les  sons  harmoniques. 

De  tout  cela  L'on  conclut  que  la  régularité  et  la  symé- 
trie sont  si  nécessaires  à  la  production  du  son,  que  ce  n'est 
que  dans  les  corps  dont  les  molécules  approchent  de  l'ho- 

4 


r.4 

mogénéilé,  et  dont  la  fbrmo  est  symétrique,  qu'il  faut 
chercher  les  sons  les  ]>lus  beaux  et  les  plus  agréables.  C'est 
en  parlant  de  ces  données ,  que  U.  Félix  Savart  a  cherché 
les  conditions  les  plus  avantageuses  pour  construire  de 
bons  instrumens.  Pour  y  parvenir,  il  a  fait  un  grand  nom- 
bre d'expériences  au  moyen  d'une  corde  fendue  sur  un 
appareil  composé  d'une  règle  de  bois,  d'une  plaque  ds 
verre ,  de  cuivre ,  ou  de  bois  mince ,  posée  sur  un  suppnrl 
ru  liége  qui  repose  sur  la  règle,  et  d'un  chevalet  sur  lequel 
la  corde  est  tendue.  Elles  l'ont  conduit  à  remarquer,  i°que 
les  inégalités  dans  les  épaisseur»  des  plaques  de  bois  nui- 
sent à  la  régularité  des  figures  produites  par  l'arrangement 
du  sable  ,  lorsqu'elles  sont  mises  co  vibration  par  l'archet  ; 
a*  que  les  plaques,  pui'l'aileuiuiil  égales  dans  leur  épais- 
seur, donnent  les  figures  les  plus  régulières,  d'où  l'on  peut 
conclure  le  meilleur  mode  de  vibration  ;  3"  que  deux  pla- 
ques égales  eu  épaisseur,  cl  dressées  do  la  même  manière, 
donnent  des  figures  semblables,  et  conséqueminent  des 
vibrations  uniformes  si  on  les  met  en  contact  au  moyen 
d'une  tige  mince  eu  bois  .  telle  que  l'ame  du  violon  ,  et  si 
l'on  frotte  seulement  la  plaque  supérieure  avec  l'archet. 


théorie ,  il  montre  clairement  que  plusieurs  circonstances 
contribuent  à  rendre  la  transmission  par  l'ame  beaucoup 
plus  efïicaoe  :  aussi  les  luthiers  et  les  artistes  savent-ils 
tous  combien  le  choix  de  l'endroit,  ou  plutôt  du  point  où 
pose  cette  petite  pièce,  est  une  affaire  délicate,  cl  combien 
le  plus  léger  changement  dans  sa  position  a  d'influence 
sur  la  qualité  d'un  violon.  Personne  avant  M.  Savart  n'eu 
avait  déterminé  ni  indiqué  le  véritable  emploi  ;  on  n'avait 
là-dessus  que  les  làlonncu.ens  de  la  routine  pour  guide. 
Toujours  conduit  par  l'analogie  ,  M.  Savart  a  pressenti 
:s  tables  de  la  caisse  d'un  instrument.. 
L les  tasseaux,  les  éclisses,  l'ame  ,  la  barre 
Tt-diiT  même ,  cl  i.isim'.m  iiiiuu'ho  vibrent 


35 

par  communication  ,  chacun  selon  sa  constitution  et  sa 
nature,  c'est- à- dire  comme  îles  corps  solides  on  comme  de 
simples  plaques.  Il  a  vérifié  le  fait  en  répandant  du  sable 
fin  sur  toutes  celles  de  ces  parties  qui  pouvaient  manifester 
leurs  mouvemens  par  leur  division  spontanée,  et  de  cette 
manière  ït  a  vu  que  les  choses  se  passaient  comme  il  l'a- 
vait prévu.  Alors  il  s'est  proposé  de  chercher  dans  la  théo- 
rie de  ce  genre  de  vibration  quelle  coupe  et  quelle  forme 
de  surface  devaient  Être  les  plus  convenables  pour  donner 
au  violon ,  avec  dés  dimensions  rapprochées  de  l'usage 
ordinaire ,  les  qualités  les  plus  précieuses ,  savoir  la  pureté 
des  sons,  leur  égalité  et  l'ampleur  de  leur  volume.  Or,  se- 
lon sa  rigoureuse  théorie,  la  courbure  ondulée  de  nos  tables 
de  violons,  de  basses,  etc.,  n'aurait  été  dictée  que  parle 
caprice,  et  serait  dénuée  de  toute  raison.  Selon  M.  Savart, 
les  tables  planes  et  non  rabotées  dans  lesquelles  les  fibres 
sont  restées  intactes ,  sont  les  plus  favorables  à  la  produc- 
tion des  vibrations  régulières ,  et  conséqaentmeutà  l'émis- 
sion, à  la  pureté  et  à  l'égalité  des  sons.  M.  Savarl  ne  s'est 
pas  borné  aux  inductions  de  la  théorie  ;  il  a  opéré  d'après 
ses  principes,  et  a  construit  la  caisse  de  plusieurs  violons 
avec  des  tables  planes.  La  seule  modification  qu'il  s'est 
permis  de  faire  à  leur  constitution  naturelle,  c'est  de  leur 
donner  une  légère  dégradation  d'épaisseur,  à  partir  de 
l'axe  où  l'ébranlement  est  excité  par  le  contact  du  cheva- 
let; et  afin  do  leur  conserver  autour  do  cet  axe  une  symé- 
trie d'élasticité  parfaite,  il  a  fait  sa  table  de  deux  pièces 
qu'il  tire  d'une  môme  planche ,  non  pas  en  la  sciant,  mais, 
en  la  fendant  et  la  dédoublant  dans  le  sens  de  ses  fibres 
longitudinales.  M.  Savart  est  si  convaincu  que  ces  prin- 
cipes sont  les  seuls  qu'on  puisse  admettre,  qu'il  affirme 
que  si  les  Amati ,  Stradivari  et  Steiner  ont  réussi  par  une 
méthode  contraire,  c'est  au  moyeu  d'une  habileté  qui  est 
parvenue,  à  force  d'essais  et  de  pratique ,  à  en  éluder  on 
en  déguiser  les  iuconvéniens.  v      .  y-yil. 

Le  violon  de  M.  Savart  a  été  essayé  eu  1819  devant  la 
section  de  musique  de  l'Institut,  à  laquelle  s'étaient  réunis 
tltll.  Biot,  Charles  de  Prony  et  Haûy  de  l'Académie  des 


DigitizGd  t>y  Google 


56 

sciences.  M.  Lefebvre,  habile  violoniste  et  ancien  chef 
d'orchestre  de  l'Opéra- Comique  ,  l'a  compare  aveu  un  ex- 
cellent violon  de  Guurneri,  donl  il  se  sert  habituellement, 
et  les  a  joués  Ions  deux,  en  se  eaehaut  aux  regards  de  la 
commission  ,  sans  que  celle-ci  put  jamais  distinguer  l'un 
de  l'autre;  et  cependant  le  violon  de  M.  Savart  avait  été 
construit  grossièrement  et  sans  aucune  de  ces  recherches 
de  fini  que  les  luthiers  seuls  peuvent  donner. 

Malheureusement,  obli»é  d'obéir  ans  lois  physiques 
qu'il  avait  prises  pour  guide,  M.  Savart  est  obligé  de  don- 
nera ses  violons  une  forme  incommode  et  même  presque 
inadmissible  dans  l'usage;  car  ne  voulant  poiul  rompre  la 
régularité  des  vibrations,  il  a  du  se  pt  iver  des  éeliancrnres 
qnï  serrent  à  livrer  un  passage  libre  à  l'archet.  Son  vio- 
lon ,  qui  a  la  longueur  du  violon  ordinaire  ,  a  la  forme  d'un 
trapèze  dont  le  plus  petit  des  côtés  parallèles  est  situé  près 
du  manche.  Il  suit  de  11  que  l'artiste  habitué  aux  violons 
ordinaires  éprouverait  beaucoup  de  géni;  à  jouit  celui  do 

M.  Savart,  quoique  l'élévation  de  sou  chevalet  soit  calcu- 
lée de  manière  que  le  plan  qui  passe  par  le  bord  de  la  table 
supérieure  et  la  dernière  corde  de  chaque  côté  de  l'axe, 
fût  plusinclinéesurlc  plan  de  cette  table  que  ne  l'est  le  plan 
mené  par  deux  cordes  voisines,  en  sorte  que  l'archet  trou- 
vant une  place  suffisante  puur  passer  isolément  sur  chaque 
corde,  en  trouve  une  plus  grande  pour  passer  ,i,r  la  der- 
nière. Quoi  qu'il  en  soit,  l'inconvénient  de  n'être  point  en 
rapport  avec  la  pratique  ordinaire  est  très  grave,  et  c'est 
sans  doute  à  lni  qu'il  faut  attribuer  le  peu  de  succès  que 
ces  belles  recherches  ont  eues.  Il  n'en  est  pas  moins  vrai 
qu'en  cherchant  à  en  l'aire  une  application  raisonnée ,  on 
arriverait  à  porter  les  inslrumcus  à  archet  au  plus  haut 
pointde  perfection  dont  ils  sont  susceptibles. 

Il  faut  lire  le  mémoire  que  M.  Savart  a  publié,  en  1819, 
sur  celle  matière  intéressante,  ainsi  que  le  rapport  des 
commissaires,  pour  se  Taire  une  idée  de  tons  les  détails  do 
perleclion  nom  ont  qu'on  peut  introduire  dans  la  construc- 
tion des  iuslrumens  à  archet. 


DigmzBd  Oy  Google 


3-7 


NOUVELLES  DE  PARIS. 

THÉÂTRE  ROYAL  ITALIEN.  ."j 

première  rtfrhtntatm  &e  SSeGaf&e  eï>  <SîsoEimi, 
(  THÉOBALD  ET  ISOLINE) 

OPÉBl  SEB.IEEX  EN  IEDI  ACItS, 
MUSIQUE  DE  1IORLACCHJ. 

Aîbbs  huit  jours  d'intervalle,  c'est  encore  de  la  première 
représentation  de  Te.ùatdo  edltoiina  quej'Di  à  parler,  car 
une  maladie  aiguë  de  M"  Garcia  n'a  pas  permis  d'en 
donner  une  seconde.  II  a  donc  fallu  en  revenir  encore  à 
Sémîramide,  à  l'éternelle  Gazza,  et  aux  autres  nou- 
veautés de  même  espèce.  La  Donna  det  Logo  ne  peut  plus 
même  varier  le  spectacle,  à  cause  de  l'état  de  souffrance 
de  M1"  Ferlotli.  IJn  malin  génie  semble  planer  stir  ce  mal- 
heureux théâtre.  Réduit  à  M11'  Blasis  pour  toute  ressource; 
comme  prima  donna  ;  n'ayant  point  d'antre  choix  à  faire 
que  les  cris  de  Dsttfelll  ou  la  nullité  de  Bordogni;  enfin", 
placés  entre  la  belle  vois  sans  ame  de  Zuchelli  et  le  talent 
sans  voix  de  Pellegrini  ,  nons  n'avons  que  M™*  Pisarôni 
pour  nous  consoler  de  tant  d'infortunes;  encore  no  peut- 
elle  se. faire  entendre  que  dans  deux  ouvrages  usés  qtii^ 
pour  le  moment,  se  réduisent  à  un.  Je  le  demande  aux 
dileltanti  les  plus  intrépides ,  se  flattent-ils  de  supporter 
long-temps  un  pareil  régime?  Cependant  que  peuvent-ils 
espérer,  à  moins  que  Barbaja  ne  soit  chargé'  d'une  entre- 
prise que  nos  administrations  ne  peuventplus  diriger  dans 
l'état  des  ressources  disponibles..  Il  n'y  a  plus  rien  à  at- 
tendre du  répertoire  actuel;  je  dis  plus,  il  n'y  a  rien  à  at. 
tendre  du  réperloire  futur,  à  moins  qu'un  homme  do  génie 
ne  naisse  pour  donner  une  physionomie  nouvelle  à  la  rinn- 
sique  dramatique.  Je  sais  qu'on  attend  M''"  Son tag  ;  mais 
cela  sera  insuffisant,  et  l'on  ne  fera  rien  de  bien  à  moins 


3*5 

qu'on  n'ait  Ruhini  et  Lablache  ,  on  au  moins  Tamburiui. 
Mais  laissons  l'objet  de  nos  douleurs,  et  venons  a  Teùatdo. 

Le  sujet  do  cet  ouvrage  a  beaucoup  d'analogie  avec  ce- 
lui de  Roméo  et  Giulietta,  a  cette  différence  prèsqne  le 
dénouement  est  heureux  dans  la  pièce  nouvelle,  Isotine, 
fille  d'Hernland,  véritable  tyran  de  mélodrame,  est  aimée 
de  Théobald ,  fils  de  Boëmond  d'AItembourg,  dont  Her- 
mand  a  fait  périr  la  femme  et  la  fille.  Boëmond  passe  pour 
mort ,  et  depuis  quinze  ans  on  n'eu  a  plus  entendu  parler. 
Son  fils,  sous  le  nom  de  Sïgesle ,  a,  dans  un  combat, 
sauvé  la  vie  du  père  d'Isoline,  qui  s'est  emparé  du  château 
d'AItembourg;  Bermand  est  près  d'unir  sa  fille  à  Théo- 
bald, quand  lout  à  coup  Boëmond  reparaît,  et  l'ail  jurer 
à  son  fils  de  servir  sa  vengeance.  11  le  place  à  la  lête  des 
troupes  qu'il  a  rassemblées  pour  attaquer  le  château  d'AI- 
tembourg, maisHermand  est  vainqueur  ;  seulement  Théo- 
bald  lue  Gérold,  frère  d'Isoline,  au  momeut  ou  celui-ci 
allait  ôler  la  vie  à  Boëmond.  Boëmond  ,  poursuivi  par  les 
soldats  d'Hermand ,  se  sauve  dans  la  chapollc  du  château  ; 
il  y  est  bientôt  suivi  par  son  ennemi  et  par  son  fds ,  qui 
l'empêche  de  poignarder  Hermand.  Théobald  prend  en- 
suite la  défense  de  son  père ,  qu'on  veut  punir  de  son  en- 
treprise. Pénélré  de  reconnaissance  pour  le  fils.  Hermand 
pardonne  au  père,  et  la  pièce  finit  a  la  satisfaction  gé- 
nérale. 

-  Il  y  a  peu  d'imagination  dans  ce  triste  ouvrage  :  tout 
cela  est  usé,  froid  et  décousu.  Une  musique  supérieure 
aurait  peut-être  triomphé  des  vices  du  sujet;  mais  quoi- 
que celle  de  Morlaccbi  ait  des  qualités  fort  estimables,  elle 
n'est  point  assez  forte  pour  faire  une  puissante  diversion  à 
l'ennui  de  la  pièce.  Sa  couleur  générale,  qui  participe 
d'une  teinte  de  l'ancienne  école  et  de  quelques-unes  des 
innovations  à  la  mode  ,  manque  d'unité  et  de  nouveauté  ; 
on  y  trouve  des  chants  d'une  élégance  charmante ,  mais 
courts  et  continuellement  interrompus  par  un  déluge  de 
points  d'orgue  ou  accolés  à  des  phrases  peu  analogues.  Il 
semble  toujours  que  l'auteur  va  se  livrer  a  quelque  grand 
élan  ;  mais  tout  a  coup  il  s'arrête  sans  molli',  et  refroidit  le 


DigitizGd  t>y  Google 


30 

spectateur  prêt  ù  s'échauffer.  Ce  défaut  est  commun  à 
Mayr  et  à  Morlaochi;  mais  il  me  semble  que  le  dernier 
l'emporte  sur  l'auteur  <le  Mêdéctous  le  rapport  de  la  sua- 
vité des  canlilènes. 

Il  y  a  peu  de  morceaux  d'ensemble  dans  Tebaldo;  les 
airs  et  les  duos  y  dominent.  Parmi  ceux-ci  on  trouve  deux 
cuvalinesde  Paccrni  qu'on  y  a  ajoutées,  ainsi  qu'un  duo 
tic  Celli  qui  ne  méritait  pourtant  guère  d'Être  conservé. 
Un  duo  du  premier  acte,  l'air  de  M"  Pisaroni  ,  qu'on  ap- 
pelle improprement  une  cavatîne,  et  le  finale  du  premier 
acte  sont  des  morceaux  dignes  d'éloges.  On  les  aurait 
mieux  goûtés  si  l'exécution  eut  été  plus  satisfaisante.  Don- 
zelliabien  chanté  le  canlatitU  de  la  scène  des  tomheaux; 
mais  dans  presque  tout  le  reste  il  a  poussé  des  cris  que 
n'aurait  point  désavoués  notre  .fameux  Laintz.  Profeli  et 
M"'  Garcia  sont  restés  constamment  dans  une  médiocrité 
désespérante  ;  M"  Pisaroni  seule  a  mérité  qu'on  l'applau- 
dit. Ses  belles  inspirations  se  sont  manifestées  dans  pres- 
que toutes  les  scènes;  elle  a  phrasé  admirablement  sa 
cavatine,  plusieurs  passages  du  premier  duo  et  du  finale  du 
premier  acte;  mais  sa  malheureuse  voixfacticeaquelque- 
l'ois  g3lé  les  plus  belles  choses  par  les  sons  les  plus  grotes- 
ques. 11  y  a  quelque  chose  d'inexplicable  dans  cette  voix 
qu'on  retrouve  tantôt  dansle  médium,  tantôt  dans  le  haut, 
et  qui  est  suivie  de  beaux  sons  naturels  sur  les  mêmes  cor- 
des. Est-ce  l'effet  de  quelques  syllabes  défavorables  à  la 
voix  de  M™  Pisaroni,  ou  celui  d'un  système?  Je  l'ignore; 
mais  il  faut  convenir  que  de  pareils  sons  donnés  volontai- 
rement seraient  d'un  goût  bien  bizarre. 

La  représentation  avait  attiré  peu  de  monde.  Le  parterre 
ne  s'est  rempli  qu'après  le  lever  du-  rideau-,  et  les  loges 
n'ont  présenté  pendant  toute  lu  soirée  qu'un  demi-audi- 
toire. Le  public  a  paru  incertain  du  jugement  qu'il  devait 
porter;  pas  un  chul,  mais  des  applaudisseniens  fort  rares. 
Duusl'entr'acte,  ou  s'abordait  dans  les  corridors  et  dans 
le  foyer  en  parlant  d'autre  chose  que  de  la  pièce.  On  aurait 
dit  qu'il  était  défendu  de  donner  son  avis.  La  réputation 
méritée  de  Merlacchi  arrêtait  tes  critiques;  maison  ne 


n'était  p oint  amusé ,  et  l'on  n'osait  l'avouer.  Il  était  évi- 
'deut  qu'on  attendait  l'effet  do  la  seconde  représentation 
1>our se  prononcer;  mais  quand  viendra-t-elle  ?  Cela  est 
main  tenant  fort  inccrlain. 

THÉÂTRE  DE  L'OPÉRA- COMIQUE. 

Le  régime  affreux  dont  on  sortait  à  l'époque  où  l'opéra 
des  Deux  Journées  fut  joué  pour  la  première  fois,  la  res- 
semblance des  scènes  dont  ou  avait  été  témoin  avec  le  sujet 
de  l'ouvrage  ,  et  les  souvenirs  que  révélait  dans.  Haute  des 
spectateurs  le  laljleau  des  proscriptions  de  Mazarin,  furent 
les  causes  principales  du  succès  de  cet  ouvrage.  La  belle 
musique  de'M.  Cherubini  a  perpétué  ce  succès,  et  pendant 
vingt  ans  c'est  elle  qui  aatliré  les  amateurs.  Cette  musique, 
qui  brille  surtout  par  les  morceaux  d'ensemble  et  par  les 
chœurs,  était  exécutée  supérieurement  au  théâtre  Fcydeau 
dans  la  nouveauté.  L'excellent  orchestre  dirigé  par  La 
lloussaic,  des  chœurs  qui  avaient  alors  plus  de  réputation 
que  ceux  de^Opéra,  et  le  talent  admirable  de  H™*  Scio, 
donnaient  au  chef-d'œuvre  de  H.  Cherubini  un  effet  dont 
on  ne  peut  plus  se  faire  d'idée.  Jub'et  était  d'ailleurs  excel- 
lent dans  le  rôle  du  porteur  d'eau,  elles  autres  rôles 
étaient  remplis  convenablement  par  Gaveauï,  Jousserand 
et  Rosetle  Gavaudan.  Cent  cinquante  représentations  suf- 
firent à  peine  à  l'empressement  du  publie,  et  répondirent 
victorieusement  à  ceux  qui  prétendaient  que  M,  Clierubini 
ne  pouvait  obtenir  de  succès  au  théâtre.  Il  ne  lui  avait 
fiillu  qu'une  pièce  mieux  faite  ou  du  moins  plus  intéres- 
sante que  celles  qu'il  avait  mises  eu  musique  jusque  là 
pour  obtenir  ce  succès  et  pour1  y  contribuer  puissamment. 
:  A  la  réunion  des  deux  théâtres,  en  1801 ,  l'ouvrage  .fut 
repris  avec  une  nouvelle  faveur  :  quelques  changemens 
avaient  été  faits  dans  la  distribution.  Gavaudau  ,  jeune 
alors,  s'était  chargé  du  rôle  d'Antonio,  et  lui  avait  donné 


□igifeéd  by  Google 


plus  d'effet  que  ne  le  faisait  Jousscrand.  Lee  autres  rôle» 
étaient  remplis  par  les  acteurs  de  la  première  mise  eu  scène. 
L'espèce  de  lulte  qui  s'était  établie  entre  les  ouvrages  des 
deux  théâtres réuuiseu  un  seul,  faisait  quelcsactcursappoi- 
toienl  le  plus  grand  soin  à  l'exécution ,  et  cette  émulation 
tournait  au  profit  des  ailleurs;  l'opéra  des  Deux  Jour  nies 
y  gagna  aussi.  Tant  que  M""  Scio  vécut,  il  fut  bien  exé- 
cuté ;  mais  depuis  sa  mort  les  choses  ont  bien  change.  On 
cherche  en  vain  dans  son  rôle  l'expression  admirable 
iju'ellc  savait  y  mettre  ;  Ions  les  autres  rôles  ont  été  dou- 
blés, triplés,  abîmés;  les  chœurs  n'ont  plus  rieu  de  com- 
mun avec  ceux  de  1800;  l'orchestre  est  aussi  fort  différent. 
Enfin,  l'un  des  plus  beaux  ouvrages  de  notre  scène  reçoit 
tous  les  genres  d'onlrages  à  la  l'ois.-  Le  talent  réel  de  Vizen- 
tini  ne  convient  point  au  rôle  du  porteur  d'eau;  Julict  y 
a  laissé  d'ineffaçables  souvenirs.  Le  mou  nier  n'est  pus  dé- 
placé dans  le  rôle  du  comte  Armand;  mais  tout  le  reste 
approche  du  grotesque.  Si  Al.  le  .directeur  parvient  à  l'aire 
de  l'argent  avec  celte  caricalure,  son  habileté  sera  dé- 
montrée d'une  manière  incontestable.  ,  „ 

—  Il  y  a  de  la  hardiesse  à  montrer  au  public  la  Dama 
Blanche  eu  l'absence  de  Ponchard  et  de  mesdames  liigant 
et  Boulanger;  maïs  c'est  par  la  hardiesse  qu'on  réussit  dans 
ce  monde.  Un  jeune  homme,  nommé  Thian,  qui  a  italia- 
nisé son  nom  en  s'appeiaiil  monsieur  Thianni,  s'est  juté 
bravement  à  travers  la  scène,  dans  le  rôle  de  licorges,  et  y 
amériléquelquesapplaudissemens.  Ce  jeune  homme,  qui 
a  été  élève  de  Ponchard  à  l'École  royale ,  a  été  renvoyé  de 
celte  école  pour  quelques  fredaines.  Il  est  entré  ensuite 
dans  les  chœurs  de  l'Opéru-Comique,  et  s'est  quelquefois 
essayé  dans  quelques  bouts  de  coryphées.  Il  demanda  à 
M.  de  Fixérécourt  une  augmentation  de  cinq  ou  six  cents 
francs,  ne  put  l'obtenir,  et  s'engagea  au  théâtre  de  Ver- 
sailles, où  il  s'est  élevé  jusqu'au  grade  d'ElUviou.  Sa  voix 
est  d'un  volume  peu  cousidérable  ;  il  saccade  quelquefois 
son  chaut, et  sou  intonation  est  souvent  trop  haute;  mais  il 
a  de  la; facilité,  beaucoup  d'assurance, .et  copie  Ponchard 
assez  exactement,  ou  du  moins  en  fait  La  charge.  Cesera  un.e 


Digiiizcd  by  Google 


4a 

bonne  acquis i lion  pour  le  théâtre ,  parce  qu'il  est  jeune , 
et  parce  qu'il  peut  acquérir  du  talent,  si  on  ne  le  gâte  pas. 

M"  Casimir  nvaît  prêté  sa  taille  rondelette  nu  rôle  ingénu 
île  M"  Rigaut  ;  quelques  éclats  de  rire  ont  accueilli  son  en- 
trée en  scène;  mais  elle  ne  s'est  pas  mal  tirée  des  difficulté» 
du  chaut,  et  a  gagné  la  fin  de  la  pièce  sans  autre  accident 
que  les  sifflets  qui,  ce  soir-là  ,  ont  poursuivi  les  acteurs. 
Quant  àlM"'  Otz,  si  l'on  en  juge  parscs  intonations  fausses 
ou  hasardées,  elle  devait  avoir  bien  peur.  It  est  impossi- 
ble de  chanter  plus  mal  et  plus  faux.  Il  est  vraisemblable 
que  ce  rôle  lui  l'era  beaucoup  de  tort,  si  elle  continue  à  le 
jouer.  Le  formidable  appui  d'un  parterre  et  de  galeries 
composés  de  ces  hommes  bienveillans  qui  protègent  les 
lalcns  naïssans,  moyennant  le  plus  mince  salaire  ;  le  petit 
nombre  de  ceux  qui  avaient  acheté  à  la  porte  le  droit  de 
jouer  d'un  petit  instrument,  dont  le  nom  seul  fait  frémirles 
auteurs  et  les  acteurs  malencontreux  ;  la  précaution  qu'on 
avait  prise  de  faire  remettre  à  domicile  des  billets  de  loges, 
afin  qu'elles  ne  fussent  pas  vides,  rien  de  tout  cela  n'a  pu 
sauver  M"'  Otz  d'un  concert  dont  son  oreille  a  dû  être 
blessée.  Quelques  abonnés  du  balcon  et  de  la  première  ga- 
lerie, qui  s'ennuient  de  s'ennuyer  pour  cent  écus,  ont 
prolesté  peudant  toute  la  soirée  contre  l'ordre  de  choses 
actuel.  Il  se  peut  qu'on  n'écoute  pas  leurs  réclamations, 
mais  les  pauvres  acteurs  qui  sont  en  scène  sont  bien  forcés 
de  les  entendre. 


CONCOURS 

DE  L'ÉCOLE  ROYALE  DE  MUSIQUE. 

Les  concours  de  l'École  royale  de  musique  continuent 
et  tirent  à  leur  fin.  Dans  la  séance  du  a  de  ce  mois,  ou  a 
entendu  les  instrument  à  veut  et  le  chant.  Un  seul  concur- 
rent s'est  présenté  pour  le  pris  de  clarinette;  il  a  obtenu 
le  second  prix  l'année  dernière;  mais  ses  progrès  n'ont 
point  été  jugés  assez  grands  pour  qu'on  lui  accordât  le 


Digitizod  by  Google 


45 

premier;  le  Jury  a  décidé  qu'il  n'y  avait  point  lieu  à  le 
donner. 

■  Deux  premiers  et  deux  seconds  cors  se  sont  fait  entendre  ; 
on  n'.i  ptjinl  trouvé  que  leur  jeu  fut  assez  sûr  pour  qu'il  fut 
décerné  un  premier  prix;  le  second  a  été  partagé  entre 
MM.  Nourry  et  Choulet,  tous  deux  élèves  de  M.  Dauprat. 

Nous  avouons  qu'après  la  sévérilé  qu'on  avaii  montrée 
à  l'égard  des  cornistes ,  nous  n'avons  pas  élé  peu  surpris 
de  voir  M.  Caillet  obtenir  le  prix  du  hautbois.  Un  son  de 
cornemuse,  de  nombreux  accidens  nommés  vulgairement 
des  couacs,  et  l'absence  de  toute  élégance  dans  le  slyle,  no 
nous  ont  pas  paru  des  litres  suffisans  pour  cet  honneur. 

Le  concours  de  basson  avait  été  très  brillant  l'année  der- 
nière; il  a  été  satisfaisant  cette  fois.  Le  premier  prix  a  élé 
décerné  à  M.  Dyvoir,  élève  de  M.  Gebauer,  cl  le  second  a 
été  obtenu  par  M.  M  orvilliers  ,  élève  du  même  professeur. 

Le  premier  prix  de  flûte  a  été  donné  à  M.  Scarzella , 
élève  de  M.  Guillou;  le  seconda  été  partagé  par  MM.  Olivier 
et  Fabre  ,  élèves  du  même  professeur. 

■  Pour  la  troisième  ou  quatrième  fois,  depuis  plusieurs 
années ,  le  chant  a  présenté  le  tableau  déplorable  de  notre 
pauvreté.  Rien  parmi  les  hommes  et  presque  rien  parmi  les 
femmes,  voilà  nos  ressources  pour  les  théâtres.  Le  jury  a 
décidé  qu'il  n'y  avait  pas  lieu  à  décerner  de  premier  prix , 
et  n'a  fait  qu'un  acte  d'indulgence  en  partageant  le  second 
entre  M11"'  Verteuil  et  Fin  eaux.  Une  voix  mal  posée,  un 
phrasé  défectueux,  et  une  prononciation  à  peu  près  nulle, 
voilà  ce  que  le  public  a  trouvé  dans  la  première,  tant  à  ce 
concours  qu'à  ses  débuts  au  théâtre  de  l'Onéra-Comique. 
La  seconde  pourrait  en  travaillant  acquérir  peut-être  du 
talent  ;  maïs  il  y  a  bien  des  choses  à  faire  pour  cela.  Sous 
reviendrons  sur  ce  sujet. 

Le  concours  de  piano,  qui  a  eu  lieu  le  6  de  ce  mois,  a 
présenté  vingt-deux  enneurrens.  Il  nous  semble  qu'il  y  a 
un  vice  essentiel  dans  cette  facilité  d'admettre  au  concours 
des  élèves  qui  auraient  besoin  de  travailler  encore  long- 
temps, et  qui  ne  présentent  que  des  médiocrités  plus  ou 
moins  prononcées.  Il  en  résulte  que  le  jur  y  éprouve  beau- 


coup  d'embarras  pour  juger  dans  un  si  grand  nombre  de 
concurreus.qui  sont  presque  tous  jetés  dans  le  infime  moule, 
et  que  pour  se  débarrasser  de  l'embarras  du  choix,  il  par- 
tage le  prix  entre  un  si  grand  nombre  qu'il  devient  illu- 
soire. Celte  fuis  le  premier  prix  pour  le»  femmes  a  été 
partagé  entre  M""  Baime,  Bordes,  et  Vallet  Saint-Fal, 
élevés  du  M.  Adam ,  et  le  second  entre  M""  l'alker,  Heii- 
man,  Sarranlon,  Carbeault  et  Darroux.  Parmi  les  hum- 
mes,  un  a  remarqué  un  petit  prodige,  M.  Wagner,  enfant 
étonnant  qui  a  partagé  le  premier  prixavoc  M.  Systerman. 
Tous  deux  sont  ('levés  de  H.  Simmerman.  MM.  Piecini  , 
Hosselen  ,  Alerme,  Claveau  et  Codiiine  ont  obtenu  le  se- 
cond prix  conjointement. 

Le  concours  de  violon  ,  qui  a  eu  lieu  le  ; ,  s'est  d'abord 
annoncé  d'une  manière  assez  faible";  mais  JIM.  Sauzai, 
Mi  Haut  et  Arlot  ont  ensuite  relevé  l'honneur  de  l'école. 
M.  Sauzai  surtout  a  montré  dans  son  jeu  l'école  de 
M.  liaîllot  dans  toute  sa  beauté;  il  a  obtenu  le  premier 
prix.  M.  Millaut,  ayant  en  le  siicond  l'année  dernière,  et 
n'ayant  point  été  jugé  digne  du  premier,  n'a  pu  rien  ob- 
tenir celle  année.  Le  second  prix  a  été  partagé  entra 
MM.  Ailol,  Clément  et  Dugelay,  élèves  de  M.  Kreutzer 

Les  concours  de  violoncelle ,  de  déclamation  lyrique  et 
de  déclamation  spéciale  termineront  l'année  scolaire. 
Nous  en  rendrons  compte. 

—  La  séance  particulière  de  l'Académie  des  beaux-arts, 
du  4  de  ce  mois,  a  élé  fort  intéressante  à  l'égard  de  la 
musique.  L'examen  des  inslrumens  à  arcliet  de  M.  Tbi- 
bout,  dont  nous  rendons  compte  dans  ce  numéro,  était  à 
l'ordre  du  jour,  ainsi  qu'un  piano  mécanique  du  plus 
grand  intérêt.  Le  célèbre  violoniste,  M.  Lafont,  a  exécuté 
un  concerto  sur  un  des  nouveaux  violons  avec  accompa- 
gnement  d'un  quatuor,  et  a  excilé  le  plus  vif  plaisir  par 
la  pureté  de  ses  sous  et  l'élégance  de  sa  manière  de  chau- 
ler sur  l'instrument.  M.  Baudiot  a  fait  aussi  entendre  la 
basse  dans  une  fantaisie  dillicile ,  et  de  nature  à  faire  ap- 
précier l'égalité  de  l'inslrumenl  sur  ses  différentes  cordes. 


45 

De  justes  applaudissemens  ont  été  donnés  à  ces  deux  vir- 
tuoses, non-seulement  par  les  membres  île  l'Académie, 
maisanssi  par  plusieurs  artistes  que  l'attrait  do  celle  séance 
avait  attirés. 

le  piano  qu'il  s'agissait  d'examiner  est  destiné  à  écrire 
spontanément  la  musique  qu'un  pianiste,  un  composi- 
teur ,  un  improvisateur  enfin  exécute  sur  son  clavier.  De 
nombreuses  épreuves  avaient  été  faites  en  divers  pays  et  à 
diverses  époques  pour  arriver  à  ce  résultat,  mais  toujours 
infructueusement.  L'essai  fait  dans  la  séance  dont  il  est 
ici  question  a  complètement  réussi.  Kous  rendrons  compte 
eu  détail  de  celte  singulière  et  importante  découverte. 


CORRESPONDANCE. 

A  Monsieur  te  rédacteur  de  ta  Revue  musicale. 
Monsieur, 

Vous  avez  annoncé  que  l'un  des  objets  do  la  Rtvuemu- 
ttcate,  que  vous  publiez,  serait  de  répondre  aux  questions 
qui  pourraient  vous  être  adressées  sur  les  différens  points 
de  la  musique  ;  je  prends  donc  là  liberté  de  vous  prier  de 
vouloir  bien  résoudre  une  difficulté  sur  laquelle  je  n'ai  rien 
trouvé  de  satisCaisantjusqu'ici. 

Vous  savez  qu'on  désignait  autrefois  en  France  les 
tons  par  C solut,  Gré  sol.Dtaré,  A  mita,  Esi  mi,  etc. 
maintenant  on  dit  simplement  le  ton  d'ut  majeur  eu  mi- 
neur, le  ton  de  sot,  de  s»  bémol,  m»  bémol,  ctainsî  du 

Vous  savez  aussi  que  les:  Italiens  disent  C  sot  fa  ut, 
Gsotre  ut,  D  ta  sol  re ,  A  la  mire,  etc.,  et  cela  se 
conçoit,  parce  que  ces  nom»  indiquent  celui  de  la  to- 
nique, celui  de  la  dominante,  eteeluide  la  sous-domi- 
nante ,  qui  sont  les  cordes  principales  de  chaque  ton  ;  mais 
je  n'ai  jamais  pu  savoir  pourquoi ,  lorsqu'il  s'agit  des  tons 
bémols,  comme  mi *,<**,  ™fc,etc'.,  ce-  même» Italien» 


.  46 

.lisent  E4afat  A  la  fa,  D  la  fa ,  G  la  fa ,  etc.  Cela  doit 
être  fondu  sur  quelque  raison  :  c'est  celte  raison  que  je 
désire  savoir,  et  que  j'espère  que  vous  voudrez  bien  l'aire 
connaître  dans  un  de  vos  prochains  numéros. 
Agréez,  etc. 

B""*, 

Professeur  de  musique. 

Je  me  félicite  de  pouvoir  éclaîrcir  les  doutes  du  profes- 
seur anonyme;  maiscomme  il  s'agit  d'une  des  singularités 
de  l'histoire  de  la  musique,  je  ne  puis  faire  que  ma  réponse 
ne  soit  longue.  J'abrégerai  autant  que  je  le  pourrai. 

Lorsque  fini  d'Arczzo  imagina ,  dans  le  onzième  siècle  , 
de  tirer  de  l' hymne  de  Saint-Jean  :  Ut  qucant  taxis,  Re- 
sonare  fibris,  clc,  les  noms  des  notes  de  la  gamme,  il  n'eut 
besoin  que  de  six  syllabes ,  parce  que  sa  gamme  n'était  que 
de  six  sons,  c'est-à-dire  un  hexacorde.  Ces  syllabes  étaient 
ut,  ré,  mi,  fa,  sot,  ta.  Le  si,  comme  on  voit,  n'existait 
pas.  Hlais  comme  il  arrivait  que  le  chant  dépassait  souvent 
l't tendue  de  l'hcxacorde,  celui  qui  solfiait  était  oblige1  de 
changer  le  nom'des  notes;  et  de  donner,  par  exempte, 
celui  d'ut  à  sol,  celui  de  ré  à  ta,  ainsi  de  suite ,  ayant, 
toujours  soin  d'appeler  mi  et  /«.les  deux  notes  entre  le*-i 
quelles  il  n'y  a  qu'un  demi-ton,  afin  de  remplacer  ce  demi-, 
ton  qui,  dans  notre  gamme  moderne,  se  trouve  entre  si 
et  ut,  ou  plus  généralement  entre  la  note  sensible  et  la. 
tonique.  Ce  changement  de  notess'nppelait  muance. 

Une  pareille. méthode  de  solmisalïon  était  incommode , 
même  dans  le  temps  où  les  tons  étaient  bien  moins  mul- 
tipliés qu'ils  ne  le  sont  aujourd'hui  ;  aussi  dès  le  seizième 
siècle,  plusieurs  professeurs  ou  théoriciens  sentirent  la 
nécessité  d'ajouter  aux  six  noies  de  Gui  la  septième, 
dont  l'absence  causait  tout  le  mal.  Les  Français  attri-. 
buent  généralement  cette  invention  à  un  musicien  appelé 
ternaire.  11  paraît,  en  effet,  qu'il  fut  le  premier, à  lui 
donner  le  nom  de  si,  mais  long-temps  avant  lui  un  Fla- 
mand, nommé  Anselme,  Henri  vau  de  Put  te,  Carnrauel 
de  Lobkowiiz,  et  plusieurs  autres  eu  avaient  proposé 


47 

l'usage ,  en  lui  donnant  des  noms  qui  n'avaient  point  été 
adoptés.  Quoi  qu'il  en  soit,  la  méthode  fut  abandonnée 
par  tous  les  peuples  de  l'Europe,  â  l'exception  des  Italiens. , 
qui,  par  un  entêtement  inexplicable,  se  sont  obstinés 
à  conserver  celte  méthode  gothique,  dont  les  incon'. 
vériiens  se  sont  augmentés  à  mesure  que  les  tons  se  sont 
charnus  du  dièses,  de  bémols  et  d'accidens  de  tousgenres, 
qui  étaient  inconnus  au  temps  de  Gui.,  ,  ^  ,  -,.    ■■,•.„  >;ril;. 

Dans  leur  solmisatiou ,  si  naturel ,  ou  plutôt  toute  note 
sensible  d'un  ton  par  bécare  ou  par  dièse  s'appelle  B  mi, 
et  si  b  ,  ou  tout  quatrième  degré  d'un  Ion  par  bernoise 
nomme  B  fa.  Cela  est  fondé  sur  ce  que  B  mi  est  toujours 
la  note  inférieure  du  demi-ton  ,  et  8  fais  note  supérieure. 
Lorsque  la  leçon  qu'il  faut  solfier  est  chargée  de  modula-, 
lions ,  la  difficulté  de  reconnaître  à  l'instant  le  nom  qu'on 
doit  donnerà.la  note  est  quelquefois  si  grande,  que  les 
maîtres  eux-mêmes  sont  dans  l'incertitude  à  cet  égard.  En 
voici  une  preuve  :  un  élève  du  conservatoire  de  Saint-Ono- 
frio ,  à  Naples ,  demandait  un  jour  à  Durante,  le  plus  sa- 
vant musicien  de  l'Italie,  comment  il  devait  appeler  une 
note  équivoque;  ne  sachant  lui-même  comment  résoudre 
la  difficulté ,  ce  maître  fut  obligé  de  répondre  à  son  élève  : 
Jppelie- la  comme  luvoudras,  pourvu  que  tu  la  chantes 
juste.  Mais  revenons  à  la  question. 

Les  tons  par  bécarre  ou  par  dièse  s'appellent  C  sol  fa  ut, 
G  sol  ré  ut,  D  ta  sot  ré,  A  la  mi  ré,  etc. ,  parce  que, 
comme  le  remarque  fort  justement  l'auteur  delà  lettre,  il 
est  bon  de  faire  connaître  les  noms  de  la  tonique,  de  la 
dominante  et  de  la  sous-dominante;  mais  les  dénomina- 
tions des  tons  par  bémol  E  ta  fa,  A  ta  fa,  D  la  fa,  G  la 
fa,  sont  fondées  sur  les  raisons  suivantes  :  1°  le  dernier 
bémol  de  ces  Ions  étant  un  quatrième  degré  est  toujours 
fa,  puisque  c'est  la  note  supérieure  du  demi-ton  ;  or,  con- 
naissant la  Ionique  par  la  lettre,  on  trouve  a  l'instant 
quelle  est  la  note  bémolisée  qui  devient  fa  ,  et  c'est  pour 
cela  qu'on  appelle  l'attention  sur  celte  noie  en  disant  fa 
pour  chaque  ton.  Ainsi  fa  du  ton  de  mi  b  est  iah; 
fa  du  ton  do  la  b  est  ré.  b;  fa  du  ton  de  ré  b  est  solb; 


DigitizGd  t>y  Google 


4» 

enfin,  fa  ia  ton  de  sot  ti  est  ut  i>.  A  l'égard  du  nom  de 
ta  qui  précède  celui  de  fit  daim  la  désignation  des 
Ions  £  /H,  A  ta  fa,  D  ta  fa,  je  pense  que  c'est  pour 
indiquer  que  dans  Ions  ces  tons  ta  est  toujours  ou  la  Ioni- 
que, on  le  quatrième  degré,  on  la  dominante.  Ainsi .  dans 
E  ta  fa,  ta  est  la  sons-dominante  ;  dans  A  ia  fa,  c'esl  la 
Ionique;  dans  Dtafa,  c'est  !a  dominante.  .l'avoue  cepen- 
dant que  dans  G  ta.  fa  ,  il  me  parait  inexplicable.  Je  pré-^ 
sume  qu'il  ne  s'y  est  glissé  que  par  un  usage  peu  réfléchi , 
011  par  une  apparence  d'analogie  mal  raîsonnée.  Il  est  hait 
de  remarquer ,  au  reste ,  que  le  Ion  de  sol  h  est  le  dernier 
de  tûuslcs  tons  bémols  italiens,  et  qu'ils  n'en  ont  point  qui 
correspondent  à  noire  ut  h;  chez  eus  il  estremplacé  n;irB 
miaiesis. 

Voilà ,  ce  me  semble ,  la  seule  explication  qu'on  puisse 
donner  des  dénominations  italiennes  des  tous. 

FÉTIS. 


SUR  UN  MÉMOIRE  QUI  A  POUR  TITRE: 

EXPOSÉ  DE  QUELQUES  PB1ÏCIPES  NOUVEAUX  SUE  l/ACOUSTIQUE  ET  14 
laÊOBIB  DES  VIBBATIONS,  ET  LE  VU  APPLICATION  A  PLTSIBCBS 
PHÉNOMBMEB  DE  LA  PHYSIQUE  , 

PAR  LE  BARON  BLEIH, 

OTF1CIIB  cist  "IL  DD  CÉKIr  '. 

Cisq  ou  six  mémoires  ont  été  présentés  et  lus  à  l'Acadé- 
mie des  siences  par  l'auteur  de  celui-ci,  dans  les  années 
i8a5 ,  i8a4  et  i8a5.  Ces  mémoires  contenaient  le  dévelop- 
pement d'une  théorie  nouvelle  de  l'harmonie;  l'académie 
nomma  commissaires ,  pour  leur. examen ,  MM.  de  Prony, 
de  Lacépède  et  Duloiig.  M.  Fresnel  leur  fut  ensuite  adjoint, 
ainsi  que  MM.  Chérubini,  Lesueur  et  Baillot.  Mais  lamorf 
de  M.  Lacépède  ,  jointe  à  plusieurs  circonstances ,  ont  re- 
tardé jusqu'ici  le  rapport  écrit  que  M.  Blcin  espérait ,  e,t 
ont  déterminé  ce  savanlà  publier,  dans  le  Mémoire  que  je 
me  propose  d'examiner  ici ,  une  analyse  succ  incte  de  ses 
travaux.  ,  ■ 

Dès  171.4 ,  le  célèbre  violoniste  Tartini  avait  remarqué 
que  lorsqu'on  fait  résonner  à  la  fois  deux  cordes  ou  deux 
flûtes  assez  rapprochées,  et  produisant  deux  sons  différeu», 
un  troisième  sou  grave  et  faible  d'intensité  so  fait  entendre 
en  même  temps.  Ce  phénomène  devint  la  base  d'un  système 
que  ce  musicien  médita  long-temps,  et  qu'il  ne  publia  qu'en 
i;54,  à  Padoue,  dans  un  volume  in-4°  qui  a  pour  titre:  Trat- 
tato  di  Musica  secondo  ia  vera  scicma  deW  Armonia. 
Mais,  dans rintervalle,Romieu,  membre  delà  société  royale 
dessiencesde  Montpellier,  avait  (en  ]?45)  à  l'Académie, 
sur  cette  découverte ,  un  mémoire  intitulé  :  NouvetU  dé- 
couverte des  sons  Harmoniques  graves,  dont  Ut  réson- 
nance  est  très  sensible  dans  {es  accords  des  instrumens 
à  vent.  Ce  mémoire  fut  inséré  dans  le  compte  rendu  de 

(t)  Parii,  1817,  in-i"  de  41  pages  avec  une  planche.  Se  distribue  chrr. 
l'auleur,  rue  de[  Grands  Augustin! ,  n"  19. 


l'assemblée  publique  de  la  société  royalu  des  sciences ,  le 
16  décembre  ij5i. 

Serre,  de  Genève,  qui  était  bon  juge  dans  des  questions 
de  cette  nature,  et  qui  avait  eu  occasion  de  connaître  les 
expériences  de  Tarlini  avant  qu'elles  fussent  publiées,  eu 
donna  une  analyse  eu  ijSS,  dans  son  livre  qui  a  pour  tilre: 
Essais  sur  tes  principes  de  {'harmonie.  Les  principes 
qu'il  examine  dans  cet  ouvrage  sont  celui  de  {a  réson- 
nance  multiple,  sur  lequel  est  fondé  le  système  de  Ra- 
meau ,  et  celui  du  troisième  son,  d'où  dépend  celui  de 
Tartini.  Il  accumula  les  objections  contre  ce  dernier,  dnns 
le  deuxième  chapitre  de  son  livre,  et  le  combattit  par  des 
raisons  solides  que  Tarlini  essaya  de  détruire  dans" sa  Ri- 
posta di  Guiseppe  Tarlini  alla  critica  detdi  tuiTrattato 
diSIusica,diM.Serre,diGinevra,  Venise,  1767,  in-8*. 
Hais,  malgré  l'étalage  de  chiffres,  de  calculs  dont  Tartini 
avait  essayé  d'étayer  son  système,  il  n'était  point  assez  géo- 
mètre pour  combattre  sonadversaireavecavuntageiScheibe 
assure  même,  dans  son  Traité  de  composition  (Velier  die 
musiltuiische  composition,  Leipsick,  1773,  in-4'),  qu'il 
n'entendait  même  pas  l'arilhmélique  élémentaire.  II  se 
trouvait,  à  cet  égard,  dans  le  même  cas  que  Rameau  ,  qui 
avait  élé  obligé  d'avoir  recours  au  père  Caste!  poqr  ses  cal- 
culs; Tartini  f  ut  contraint  de  se  servir  delà  plume  du  père 
Colombo,  assez  bon  mathématicien,  mais  ignorant  en  musi- 
que. Rousseau ,  qui  a  voulu  donner  une  analyse  de  la  théorie 
de  Tarlini,  à  Varl\c\esy  stime  de  son  Dictionnaire  de  mu- 
sique, n'entendait  guère 'mieux  la  question  que  ce  grand 
musicien  ;  aussi  se  trouve-l-il  souvent  en  défaut  dans  son 
exposé.  Mercadier  de  Bêles  ta  a  donné  une  bonne  réfutation 
algébrique  dece  système,  dans  te  discours  préliminaire  de 
son  Nouveau  Système  de  musique  (  Paris,  1770,  in-8*); 
mais  Lagrange  est  celui  qui  a  donné  les  meilleures  remar- 
ques »ur  ce  troisième  son,  dansées  Mémoires  de  V Aca- 
démie de  Turin,  tom.  I,  p.  64.  On  peut  aussi  consulter 
l'ouvrage  de  Matthieu  Young,  intitulé  :  Enquiry  into  tfie 
principal  phanomena  of  Sound»  and  musical  slrings, 
part.  11',  sect.  6  (Of grave  Uarmonîcat  tones). 


Du  moment  où  l'on  a  commencé  à  se  faire  des  notion* 
justes  de  la  théorie  de  l'harmonie ,  on  a  abandonné  l'écha- 
iaudage  des  calculs  puérils  entassés  par  Hameau  et-Tor- 
tinl,  pour  chercher  les  bases  de  cette  théorie  dans  des 

considérations  d'affinité  ou  d'exclusion  des  sons  et  des 
intervalles  entro  eux ,  et  l'on  en  a  tiré  des  conclusions  do 
convenance  ou  d'inconvenance  dans  leurs  site-cessions,  qui 
jusqu'ici  ne  paraissent  pas  pouvoir  se  déduire  de  la  ré- 
sonnanec  isolée  d'un  corps  sonore,  de  quelque  maniera 
qu'on  envisage  les  phénomènes  auxquels  clic  donne  nais- 
sance. Néanmoins ,  voici  qu'un  savant  entreprend  de 
faire  un  nouvel  examen  de  ces  phénomènes,  et  muni 
des  connaissances  nécessaires,  veut  construire  l'édifice 
de  la  théorie  de  l'harmonie,  non  sur  une  seule  donnée, 
comme  l'ont  fait  ïartiiii  et  Hameau  ,  mais  sur  l'en- 
semble de  ces  données,  qu'il  analyse  avec  bien  plus 
d'exactitude  que  lie  l'ont  l'ait  ces  auteurs  ,  et  surtout 
sur  des  faits  qui  n'avaient  point  été  observés  jusqu'ici, 
savoir  l'existence  du  mode  mineur  dans  le  cylindre  isolé, 
et  celle  du  triton  et  de  la  sixte  majeure  dans  le  plateau 
carré.  Comme  il  s'agit  d'une  théorie  nouvelle  qui  csl sou- 
mise à  l'Académie  des  sciences  ,  il  eût  été  plus  prudent 
jieut-étre  d'attendre  la  décision  de  ce  corps  savant,  avant 
que  de  se  livrer  à  la  discussion  de  ses  principes,  si  M.  le 
baron  l)leiu,eu  publiant  son  résumé,  n'avait  manifesté 
l'intention  de  prendre  le  puldie  pour  juge ,  et  si ,  en  l'a- 
dressant au  bureau  de  la  Revue  musicale,,  il  n'avait. in- 
diqué le  désir  que  cet  écrit  périodique  en  rendit  compte. 

Frappé  de  l'inexactitude  îles  détails  donnés  par  Tartiuî 
sur  le  phénomène  du  troisième  sou,  ou  de  la  résul- 
tante de  deux  sons  donnés,  M.  le  baron  Blein  a  répété 
les  expériences,  et  en  a  complété  la  série,  en  les  appliquant 
à  Ions  les  intervalles  possibles ,  diasonaiu  ou  eonsonnaus, 
entre  l'unisson  etl'oclave,  au  moyen  de  deux  cordes,  dont 
l'une  étant  constamment  montée  à  un  Ion  tel  que  Vut  i , 
faisant  a56  vibrations  par  seconde ,  l'autre  est  élevée  suc- 
cessivement aux  divers  sons  ou  intervalles  chromatique* 
et  enharmoniques  de  la  gamme.  Après  avoir  donné  la  la- 


DiginzM  By  Google 


5a 

lile  des 'résultantes,  exprimées  en  nombres  de  vibrations, 
l'auteur  du  mémoire  avoue  que  l'oreille  a  peine  &  saisir 
les  intervalles  de  seconde  mineure  et  de  seconde  majeure; 
maïs  il  affirme  qu'elle  distingue  facilement  toutes  les  au- 
tres eapratiquant  les  doubles  cordes  sur  le  violon.  Selon 
lui ,  on  découvrira  mûme  qu'il  existe  une  seconde  résul- 
tante plus  ou  moins  sensible,  principalement  dans  le  triton 
et  la  seconde  majeure,  et  il  arrive  à  ce  résultat ,  qui  serait 
bien  remarquable,  s'il  était  prouvé  par  des  expérienecsin- 
cou testa  b les  et  sensibles  à  tout  organe  exercé. 

Lorsqu'on  fait  le  triton  exact  j  ^  et  j  i,  ,  on 
entend  les  deux  résultantes  j'g^et  ^  qui  constituent, 
avec  les  deux  sons  générateurs,  l'accurddissonailt  de  qualre 
tierces  mineures,  ou  de  septième  diminuée. 
s  Ma'?  voici  quelque  chose  déplus  singulier.  Si  l'on  fait  la 
quarte  superflue1  j  ^  ^JL  (1,  on  distingue  les  ré- 
sultantes {"50 1  g^.?1u'  constituent  l'accord  dissonant  de 
septième  de  dominante,  sous  les  formes  j^J^jf  ^J(L  J 

J'avoue  que  je  ne  comprends  pas  ce  que  c'est  que  cette 
quarté  superflue,  ut  fa$,  exprimée  par  a5tï  555 1,  diffé- 
rente du.  triton  exact  ul  fa$  (256  56a  (  »î  )■  Fa$né 
peu(  etre  que  ./a  jf  à  l'égard  de  ut  1  :  il  n'y  eu  a.  pas  de 
plusieurs  espèces,  dans  la  musique  européenne.  En  sup- 
posant que  ,  dans  une  expérience  bien  faite,  deux  données 
quelconques  fournissent  deux  résultantes,  qui  forment 
avec  elles  une  harmonie  analogue  à  notre  accord  de  sep- 
tième de  dominante,  j'admettrais  plutôt  que  ces  données 
seraient  urt  ÎÉ  ^  ■  mais  au  lieu  d'élever  le  nombre  de 
vibrations,  l'auteur  du  mémoire  le  réduit  de  5Ga  à  355  [J. 
D'ailleurs  les  mêmes  expériences  lui  fournissent  le  l'aif 

■  (1)  J<!  me  conforme  ici  an  langage  a*  l'auteur,  quoiqu'il  n'y  lit  paa 
plus  d'intervalle»  ou  d'accord»  superflus  ci  musique  qnll  a'f  en  de  fan*. 


53 

guifant  :  si  l'oa  fait  la  fatute  quinte1         gj*^  thiXh 

on  entend  les  résultantes  j  112  %  1UÎ  '  d!l  M"  Blein* 
forment  un  accord  dissonant.  J'avoue  que  discordant  nie 
paraîtrait  ici  le  mot  propre;  car,  quel  accord  isolé  peut 
résulter  de  ut,  ré,  sot    et  laj$?   

Tout  cela  me  parait  avoir  clé  légèrement  expérimenté , 
et,  dans  tous  les  cas,  est  d'une  moins  grande  utilité  que 
l'auteur  ne  paraît  le  penser;  car,  quoi  qu'où  eu  dise,  fa  $ 
un  peu  moins  élevé  que  fa§,  ne  peut  Cire  qu'un  son 
faux,  duquel  on  ne  peut  rien  conclure.  En  formant  ses 
séries  de  résultantes ,  M.  Blein  a  été  séduit  par  la  simpli- 
cité de  celte  loi  :  les  deux  sous  donnés  étant  représentés 
l'un  par  son  nombre  de  vibration  n,  et  l'autre  par  le 
nombre  n  +  m,  les  résultantes  sont  constamment  n  —  m 
elm.  Mais  celte  loi,  qu'il  ne  Irouve  que  par  induction, 
n'est  pas  même  démontrée  par  lui, 

La  deuxième  section  de  la  première  partie  du  mémoire 
est  relative  aux  harmoniques  naturels.  Après  avoir  cité  le 
phénomène  connu  d'une  corde  tendue  qui,  mise  en  vibra- 
tion et  abandonnée  à  elle-même,  fait  entendre ,  outre  le 
son  principal  j  "(,  par  exemple,  deux  résonuances  ai- 
guës j  so^  et  "î*,  dont  l'ensemble  constitue  l'accord  par- 
fait majeur,  dans  le  ton  d'uf ,  M.  Blein  passe  à  l'examen 
des  fails  résultans  de  la  résonnance  d'un  cylindre  isolé, 
dans  lequel  il  a  observé  qu'outre  le  son  le  plus  distinct 
on  entend  deux  résonuances  graves  j  ^  et  quf 

(i)  M.  le  baron  Illeîn  dit  dans  une  noie,  à  propos  de  celle  cjprcs- 
ilon,  qu'il  Eerail  plu»  convenable  d'appeler  cçl  intervalle  qmntodhht- 

plui  de  vingt-cinq  ans.  L'auteur  du  mémoire  parait  être  plus  au  courant 
de  la  science  du  temps  de  Hameau  qne.de  celle  de  l'école  modtrnc.  Le 
mCioe  autear  dit  dam  celle  nule  que  le  mot  do  dominante  no  convient 
qu'à  la  tonique  ;  il  n'a  pas  vu  que  ce  nom  vient  de  ce  que  la  cinquième 
noie  de  chaque  Ion  ae  trouve  dans  tous  les  accords  naturels,  et  eonié- 
qoemiaent  qu'elle  ntèmnulis â  l'égard  des  antre*,  i    l>  ■:.       '  i 


54 

constituent ,  non  l'accord  parfait  mineur  j       comme  il 

le  dit,  mai»  l'accord  de  sixte  majeure  *gK  Voilà  un  fait 
qui,  s'il  était  prouvé,  aurait  épargné  bien  des  embarras  et 
de  mauvais  raisonnement  à  Rameau,  auquel  il  a  fallu 
tant  d'efforts  pour  arriver,  tant  bien  que  mal,  à  ce  mode 
mineur,  éaueil  de  tous  les  systèmes. 

Examinant  ensuite  les  sons  produits  par  des  plateaux 
ronds,  élémens  des  cylindres  ,  M.  Blcin  a  trouvé  qu'il  ne 
s'en  manifestait  que  deux,  formant  la  consonnance  de 
sixte  mineure  (  i,  §).  Un  fait  curieux  s'est  montré  dans 
ses  expériences ,  c'est  que  le  plus  grave  de  ces  deux  sons 
se  développe  d'une  manière  plus  sensible  lorsque  le  pla- 
teau est  frappé  vers  sa  circonférence ,  et  le  plus  aigu ,  au 
contraire ,  lorsqu'on  frappe  le  cenlre  du  plateau. 

Après  plusieurs  expériences  sur  des  plateaux  de  différons 
périmètres ,  mais  de  même  surface  et  de  même  épaisseur, 
H.  Blein  arrive  à  un  phénomène  très  remarquable  qui, 
dit-il,  se  manifeste  dans  un  plateau  carré,  ou  trois  sons 
différens  se  font  entendre.  Le  plus  grave ,  obtenu  en  frap- 
pant les  angles  du  carré,  étant  supposé    Ut,  celui  qu'on 

,M 

obtient  en  frappant  le  milieu  d'un  de  ses  côtés  est  I  i 

et  le  troisième  au  milieu  du  plateau  est  un  j  'f;  en  sorte 
que  l'accord  est  celui  de  sixte  majeure  avec  quarte  nu- 
jeure,  qu'on  considère  en  harmonie  comme  le  renverse- 
ment de  l'accord  de  tierce  et  quinte  mineure.  .  ; 

Ce  sont  les  résultats  de  plusieurs  de  ces  expériences  qui 
ont  paru  à  M.  Blcin  susceptibles ,  par  leur  analyse  et  leur 
développement,  de  jeter  quelques  nouvelles  lumières  sur 
la  théorie  de  la  mélodie  et  de  l'harmonie.  Il  en  a  composé 
un  traité  qu'il, a  soumis  a  l'académie  des  sciences,  et  qui 
n'attend  pour  voir  le  jour  que  l'approbation  des  principes 
qui  lui  servent  de  base.  Ces  principes  sont  fondés ,  comme 
on  vient  de  le  voir,  1°  sur  l'existence  du  mode  mineur 


DigilizGd  by  Google 


55 

dans  le  Cylindre  isolé  ;  a'  celle  du  triton  et  de  la  sixte  ma* 
je ure  dans  le  plateau  carré.;  5°  et  enfin  celle  des  accords 
dissonans  dans  les  résultantes  des  intervalles  dissouans. 
J'ai  fait  voir  ce  qu'il  faut  penser  de  ce  dernier  fait;  à  l'é- 
gard des  deux  autres ,  M.  Blein  a  rendu  un  service  réel  en 
faisant  connaître  leur  existence.  Avant  d'en  tirer  des  con- 
clusions, il  est  nécessaire  de  les  soumettre  à  de  nombreuses 
expériences  bien  faites;  de  s'isoler  de  tout  instrument  so- 
nore en  les  faisant,  afin  de  ne  point  prendre  des  résonnances 
étrangères  pour  celles  du  cylindre  isolé  ou  du  plateau  ;  et 
surtout,  de  consulter  des  sens  très  délicats  et  très  exercés 
pour  apprécier  cessortes  de  résonnances,  qui  sont  toujours 
très  faibles  et  très  incertaines. 

Dans  le  cas  où  l'on  parviendrait  à  s'assurer  del'existence 
des  phénomènes  précilés,  il  ne  faudrait  point  encore  en 
conclure,  comme  le  fait  l'auteur  du  mémoire,  que  ces 
découvertes  pourraient  influer  sur  l'étude  de  l'harmonie  et 
de  la  composition.  Je  l'ai  déjà  dit,  la  science  de  l'harmonie 
repose  bien  moins  sur  desaccords  isolés  que  sur  des  lois  de 
succession,  sur  des  rapports  d'affinité  ou  d'exclusion,  dont 
les  causes  seront  peut-être  à  jamais  ignorées,  comme  le 
principe  de  nos  sensations.  Il  y  a  une  action  et  une  réac- 
tion continuelle  de  la  mélodie  sur  l'harmonie  ,  et  de  celle-ci 
sur  la  mélodie,  qui  sont  les  bases  réelles  de  l'art  de  la  com- 
position; les  chercher  ailleurs,  c'est  se  fourvoyer.  Toute- 
fois, il  est  curieux  d'observer  les  phénomènes  des  corps 
sonores,  d'en  découvrir  les  lois  et  de  déterminer  en  quoi 
ils  coïncident  avec  les  rapports  métaphysiques  des  sons. 
Une  théorie  physico-mathématique  de  la  musique,  basée 
sur  des  faits  incontestables,  qui  seraient  ramenés  à  des  lois 
simples  et  démontrées,  serait  intéressante  pour  quiconque 
voudrait  saisir  l'ensemble  du  système  musical,  mais  sera 
toujours  inutile  à  l'harmoniste  et  au  compositeur. 

Les  troisième  et  quatrième  sections  du  mémoire  de 
M.  Bleiu  ont  pour  objet  les  gammes  sonores  dans  tes  corps 
réguliers  de  formes  analogues,  et  les  formes  des  vibra- 
lions.  11  y  développe  quelques  circonstances  particulières 
des  phénomènes  qu'il  a  examinés  dans  les  premières  sec- 


DigiiizMBy  Google 


5G 

lions ,  et  y  établit ,  en  particulier ,  l'analogie  des  vibrations 
colorantes  avec  celles  des  sons,  sorte  de  théorie  qui  a  de 
de  l'analogie  avec  une  proposition  quo  Newton  a  avancée 
dans  son  Optique  (tib.  i,  p.  a,  prop.  5.),  et  qui  a  servi 
de  base  àl'idée  du  clavecin  oculaire  du  père  Castel. 

M.  Blcïn  va  plus  loin ,  dans  la  deuxième  partie  de  son 
mémoire;  il  y  établit  que  les  diverses  propriétés  des  corps, 
leur  élasticité,  leur  transparence,  leur  état  lumineux,  leur 
chaleur,  etc. ,  ont  de  l'analogie  avec  la  théorie  des  vibrations. 
Ces  matières  n'ayant  qu'un  rapport  fort  indirect  avec  la 
théorie  dessous,  je  me  dispenserai  d'en  parler.  En  ce  qui 
touche  cette  dernière,  je  me  bornerai  à  remarquer  qu'il  est 
fâcheux  que  ce  savant  n'ait  pas  employé,  dans  l'exposé  de 
ses  recherches,  les  formes  rigoureuses  de  l'analyse,  et  des 
'démonslralions  sans  lesquelles  les  expériences  les  mieux 
constatées,  et  même  les  lois  qui  en  découlent,  restent 
improductives. 

FÉTIS. 

EXPOSITION  DES  PRODUITS  DE  L'INDUSTRIE. 

NOTICE  SUR  L'HEPTÀCORDE, 

BASSE  DE  VIOLE  PERFECTIONNÉE, 
-    -'  ■  .  PARJ.-M.  RAOUL*.  . 

L'rssTivuM eut  auquel  j'ai  donné  le  nom  â'Heptacorde7 
tient  de  la  basse  (le  viole  (viola  cii  gamba) ,  par  le  nom- 
bre de  cordes  dont  il  eat  monté;  mais  il  en  diffère  par  les 
proportions,  retendue  du  manche,  et  parla  qualité  du  son. 


(i)  L'ïdslrnmcnt  dont  il  est  question  dans  celte  notice  est  an  nombre 
de  ccuï  qu'cujiose  ncitfi  annet,  an  Irtiiivre,  M,  fui/tourne,  luthier  ■ 
Paris,  rue  Croii-des-Petis-Chanips. 


Diaiiizcd  b/ Google 


ï>7 

C'est  "d'après  une  basse'  de  viole,  chef-d'œuvre  de  l'an- 
cienne lutherie,  <|iie  j'ai  conçu  l'Idée  des  change  m  en  s  dont 
je  viens  soumettre  les  résultats  aux  nombreux  amis  d'un  art 
porté  chez  les  Français,  et  par  les  Français ,  au  plus  haut 
degré  de  perfection. 

Feançois  1",  élan t  à  Bologne,  eu  i5i  5,  entendit  des  vio- 
les à  la  chapelle  de  Léon  X.  Ces  inslrumens  étaient  à 
peine  connus  en  France,  et  l'on  y  manquait  d'ouvriers 
propres  à  les  confectionner.  Des  offre  a  avantageuses  déter- 
minèrent uu  luthier,  alors  célèbre,  nommé  Gaspard 
Duiffbprugcar ,  à  suivre  le  monarque  dans  ses  états,  et 
à  s'y  fixer. 

lin  Ire  antres  inslrumens,  ce  luthier  lit  une  basse  de  viole 
dont  la  table  inférieure  représente  le  plan  de  Paris  et  ses 
environs  au  seizième  siecliï1,  en  bois  rapportés  de  diffé- 
rentes couleurs.  Au-dessus-  est  un  saint  Luc,  imité  de 
Rafibait,  aussi  en  marqueterie.  La  téte  du  manche  offre 
tes  attributs  de  ia  musique;  élégamment  sculptés.  On  voit 
surla  queue,  ou  cordier,  une  femme  jouant  du  luth. 

Devenu  possesseur  de  cet  instrument,  qu'on  croit  avoir 
appartenir  à  François  1"  lui-même,  je  fis  des  recherches 
sur  la  manière  de  l'accorder:  il  en  existait  plusieurs  ;  après 
les  avoir  successivement  essayées,  je  marrelaià  celle  qui, 
par  la  combinaison  des  intervalles,  rendait  le  doigté  fa- 
cile dans  tous  les  tons  et  dans  toutes  les  positions. 

Quoique  le  son  de  la  basse  de  viole  fut  agréable,  la  caisse 
trop  mince  et  trop  plaie ,  le  chevalet  trop  bas ,  la  touche 
trop  courte,  trop  rapprochée  de  la  table,  surchargée 
d'ailleurs  de  cases  inutiles,  obligeaient  d'employer  des 
cordes  trop  fines  pour  le  volume  de  son  qu'elles  auraient 
dû  provoquer,  et  qui  cédaient  trop  facilement  à  la  pres- 
sion de  l'archet. 

Un  instrument  calculé  sur  une  échelle  plus  grande  , 
exempt  de  ces  défauts,  et  monté  de  cordes  choisies  dans 

(i)  Ce  plan  es!  absulument  conforme  à  celui  qui  eiiile  en  lapiiierie  a 
l'Hùtel-dc- Ville  de  l'sria,  et  an  plan  donne  par  Vuhwrc  à  la  mile  de 
llÙMutK  de  celle  ville. 

a"  VOL.  6 


58 

des  proportions  convenables,  me  parut  devoir  produire 
un  tout  nuire,  effet. 

Encouragé  par  un  premier  essai ,  j'ai  voulu  ,  par  un  se- 
cond, obtenir  mieux  encore  ,  et  l'instrument ,  qui  est  l'ob- 
jet de  celle  notice,  établi  par  M.  V uUtaume.,  que  ses  con- 
naissances et  le  fini  du  son  travail  mettent  au  rang  de  nos 
meilleurs  luthiers;  cet  instrument,  dis-je,  a  réalisé  mes 
espérances. 

L'hcptacordc  est  donc  la  basse  de  viole  perfectionnée. 

Si  l'on  me  demande  pourquoi  j'ai  changé  le  nom  de  celle- 
ci  ,  je  répondrai  que  les  violes  n'entrent  plus  dans  notre 
système  instrumental  '  ;  que  celte  dénomination  n'a 
d'ailleurs  rien  de  caractéristique ,  tandis  qu'il  est  conslan  t 
que  les  Grecs  connurent  l'hcptacordc ,  auquel  ils  donnè- 
rent la  préférence  sur  tous  les  autres  instrumens.  Beau- 
coup d'auteurs  prétendent  qu'Orphée s'en  servait ,  et  Phi- 
iostrate  décrit  ainsi  la  position  de  ce  prince  de  i'harmo- 
nie  (c'est  ainsi  qu'on  le  nomme)  jouaut  delà  cythare1. 

Orpfteus  sinister  pes  adnixus  ierrœ ,  sustinet  cytha- 
ram  super  femore  posilam;  dexter  autem  gestum  et 
rfiythmum  proludit ,  sotum  calceo  ferieni.  Manus  au- 
tem dextra  guidera  ptectrum  flrmiter  tenens  extenditur 
ad  phtongos  et  tonos ,  cubilo  insidens ,  et  vola  manus 
intus  spectante,  lava  autem  (ides  redis  digitis  ferit. 

«  Orphée  ayant  le  pied  gauche  contre  terre,  soutient  la 

■  cythare  de  la  cuisse ,  et ,  frappant  en  même  temps  du 
«  pied  droit,  il  inarque  le  mouvement  de  ce  qu'il  joue. 

■  Quant  aux  mains,  la  droite,  tenant  l'archet  fortement, 
b  l'avance  sur  les  cordes....  le  poignet ,  plié  vers  le  dedans 
«  delà  main,  elles  doigts  étendus  de  la  main  gauche,  frap- 
•  pent  les  cordes. 

Celle  description  ,  qui  convient  à  peu  près  à  la  manière 
de  tenir  la  basse  de  viole  et  le  violoncelle ,  prouve  qu'il 

(i)  Ce  qu'on  appelait  1p.  ainecrt  de  viola  élail  compose  do  quatre  jn- 
strumens:  le  dessus  ,  la  liaulc-conlre ,  la  taille  et  la  basse. 

(i)  Cyltiarc,  lire,  chci  les  anciens;  viole,  dam  le  moyen  âge,  sont  des 
trrmes  génériques  sous  lesquels  on  comprenait  ics  instrumens  a  cordes, 
-ne  etpéce  atait  ensuite  un  m™  particulier. 


=9 

existait,  dans  ces  temps  reculés ,  des  instrumens  surmon- 
tés d'un  manche  ;  .que  ce  manche  était  destiné  à  recevoir 
la  pression  des  doigts  de  la  main  gauche  sur  les  cordes,  et 
que  le  plectre  ou  archet,  en  usage  dans  ce  cas,  différent 
de  celui  dont  on  se  servait  pour  les  instrumens  de  percus- 
sion, était  le  plectre  crépu,  formé  de  crim  de  queue  de 
cheval  fortement  bandés..-.  (  cum  arcu  compacte  ex  pi- 
lis  caudœ  eqninœ  forliler  astrictis.  ) 

Le  mut  heptacorde  exprime  doue  en  grec  francisé  que 
l'instrument  auquel  je  l'applique  est  armé  de  sept  cordes. 

Leur  ordre  de  résonnance  procède  ainsi  : 


7*  6«  5'  4*  S'  a*       i"  corde 


u       rl       sol       ci      m        ii  ré 

Un  musicien  aperçoit  au  premier  coup  d'oeil  qu'une  telle 
disposition  d'intervalles  préseule  des  ressources,  puisque  la 
distance  de  la  corde  la  plus  grave  à  la  chanterelle  est  d'une 
dix-huitième. 

La  septième  corde  donne  la  tierce  mineure  au-dessous  de 
l'wf  du  violoncelle,  et  le  ré  pris  du  quatrième  doigt  sur 
la  chanterelle  de  ce  dernier,  et  à  l'unisson  de  ta  chante- 
relle de  l'heptacorde. 

Les  proportions  du  corps  sonore,  celles  observées  dans 
la  grosseur  des  cardes,  déterminent  un  volume  de  son 
qu'on  ne  trouve  dans  aucun  autre  instrument,  tandis  que 
la  construction  du  manche,  de  la  touche  et  du  chevalet 
rend  facile  l'attaque  des  cordes  sans  gêner  l'action  de 
l'archet. 

L'échelle  diatonique  contient  cinq  octaves ,  sans  comp- 
ter les  sons  harmoniques,  qui  en  forment  une  sixième. 

Dans  le  premier  manche,  c'est-à-dire  de  la  septième 
corde  à  l'octave  du  ré  de  la  chanterelle ,  le  doigté  est  très 
simple  et  ne  varie  presque  jamais. 


Oo 

Dans  le  manche  inférieur,  commence  art  rf.,  octave 
di  lli  chanterelle,  le  pouce  s'emploie  comme  an  violon- 
celle. On  peut  s'en  servir  également  dans  tous  les  cas  oit' 
ori  l'empl oierail  sW  l'autre  înslrlimeiil. 

Maïs  des  attribuf*  particuliers  distinguent  l'heptacorde  ," 
qui,  seul  des  instrument  à  archet,  peut  rendre  les  effets 
île  l'harmonie,  e(  c'est  principalement  sous  ce  rapport 
qu'il  faut  ie  considérer.  Pr'u*  on  se  sera  rendu  familières 
ics  régies  de  ce  bel-art,  plus  l'iuslriimcnl  développera  de 
ressources  et  de  charmes. 

Traité  comme  instrument  récitant,  l'héplacordc  ,  par 
les  diffère »s  caraelères  de  sn  voix,  par  l'étendue  de  son 
clavier,  offre  des  moyens  inépuisables.  L'avantage  de  la 
tierce  mineure  qu'il  a  au  grave  sur  le  violoncelle  permet 
souvent  de  descendre  d'une  octave  la  bisse  proprement 
dite;  ce  qui  ajoute  à  l'effet,  principalement  dans  la  musi- 
que, oit  deux  violoncelles  sont  employés,  lorsque  l'un  ou 
l'autre,  n'étant  pas  obligés,  Ions  deux  sont  écrits  à  l'u- 
nisson. 

Enfin-,  il  est  une  circonstance  où  l'Iieptacorde  a  sur  le 
violoncelle  uu  avanlageet  un  degré  d'utilité  incontestable, 
l'accompagnement  du  récitât- j\  pour  lequel -,  eu  Italie, 
par  exemple,  ou  ne  se  sert  que  du  piano-forte  oit  du 
violoncelle.  Or,  quel  que  soit  lu  talent  du  violoncelliste,  il 
lui  esl  impossible  de  faire  entendra  tomes  les  notes  d'un 
accord;  il  est  le  pins  souvent  obligé  d'en  supprimer,  de 
changer  l'ordredes  intervalles,  de  mettre  à  l'aigu  tel  son  qui 
devrai)  résonner  au  grave,  et  vice  versà.  Ces  îiiconvéniens, 
je  dirai  même  ces  défauts,  qui  blessent  une  oreille  exercée, 
disparaissent  avec  l'heplacorde ,  en  ce  que  tous  les  accords 
possibles,  majeurs,  mineurs,  eonsonnans  ou  dissonans, 
s'y  présentent  complets  ut  dons  leur  ordre  naturel. 

Ainsi  le  complément  direct  des  accords  même  rédoublés 
du  grave  à  l'aigu  et, de  l'aigu  au  grave,  soutenus  par  la 
force  de  l'archet  et  répétés  suivant  le  besoin,  relativement 
à  la  nature  des  localités,  ne  laisseront  jamais  de  doute  aux 
chanteurs  surlcsinlonnation»  qu'ils  auront  à  prendre  pour 
suivre  le.recituUT,  ou  pour  rentrer  dans  les  mélodies  qui 
doivent  former  la  chaîne  du  discours  musical  ;  on  pressent 


déjà  que  l'ulililé  et  tes  nombreux  avantages  de  l'hepta- 
corde  seront  de  jour  en  jour  plus  appréciés  par  les  ama- 
teurs des  heureuses  découvertes. 

Ce  bel  instrument  offre  tantôt  ln  voixdc  la  nature  du 
violoncelle  ou  de  l'alto ,  tantôt  celle  de  l'harmonica  même. 

Bien  loin,  au  surplus,  que  l'étude  de  cet  instrument  nuise 
à  celle  du  violoncelle,  elle  lui  est  favorable.  Quand  ou 
iaailri.se  sept  cordes,  ou  en  dompte  plus  aisément  quatre. 
Ensuite,  le  doigté  de  chaque  corde  isolément  prise,  la  pose 
delamaiu  gauche,  la  tenue  de  l'instrument,  sont  les  mêmes. 
Il  en  est  ainsi  de  la  conduite  de  l'archet ,  dont  l'action  sur 
l'heptacorde,  étant  susceptible  de  plus  de  variété,  donne 
nécessairement  à  la  main  droite  plus  de  légèreté. 

J'ai  rassemblé  daus  un  ouvrage  qui  paraîtra  incessam- 
ment des  notions  suffisantes  pour  qu'un  musicien,  et 
surtout  un  violoncelliste ,  contracte  l'habitude  d'un  instru- 
ment digne  de  l'adoption  que  je  viens  solliciter  pour  lui. 
Ce  travail,  dans  lequel  je  n'ai  eu  d'autre  guide  que  mes 
propres observaliotis ,  traite: 

i'  Des  gammes  diatoniques  et  cltroma tiques  dans  tous  les 
tons  et  dans  toutes  les  positions  ; 

a"  De  l'élude  de  la  double  corde,  également  dans  tous 
les  loris; 

5"  Desaccordsconsonnans,  dissouaus,  complets, ou  in- 
complets, majeurs  ou  mineurs,  avec  ou  sans  répétition  de 
quelques  intervalles  ;  manière  de  doigter  ces  accords; 

4°  lie  la  direction  et  conduite  de  l'archet,  des  ar- 
pèges, etc.,  etc. 

A  la  suite  de  chacune  de  ces  divisions,  j'ai  placé  des 
exercices  d'une  difficulté  progressive. 

M.  PAER , 

EK-DJEECTLUn  DO  TBB1TBE  ROYAL  iriLIES  , 

À  MM.  LES  DUETTANTI '. 

ïxi  été  attaqué  plusieurs  fois  dans. tes  journaux  sur  .ma 
gestion  du  théâtre.  .le  n'ai  pu  répondre  à  ces  trait»  mal- 

(i)  Monsieur  Paer  nom  prie  d'iméier  diru  la  Rei  ut  muùwle  la  lettie 


62 

veillans,  attendu  que  j'étais  moi-même  sous  les  ordres  de 
l'administration  de  l'Opéra.  Maintenant  que,  malheureu- 
sement ,  je  suis  libre ,  et  qu'il  n'est  que  trop  vrai  que  M.  le 
vicomte  de  La  Rocliefoucault  a  prononcé  ma  destitution 
pour  raison  d'économie  (  dit-il  ) ,  je  crois  qu'il  est  de  mon 
honneur  do  repousser  ces  attaques,  ce  qui  ne  sera  pas 
difficile  :  il  suffira  de  rappeler  ce  que  i'ai  fait  dans  des 
temps  prospères,  et  le  zèle  que  j'ai  mis  depuis  huit  mois 
pour  faire  marcher  un  théâtre  qui  m'a  été  remis  dans  la 
plus  grande  pénurie  et  le  désordre  le  plus  complet. 

Il  est  nécessaire  d'abord  de  rappeler  que  ma  première 
gestion  date  de  1818  à  i8a3,  avant  l'arrivée  de  M.  Rossini 
à  Paris.  J'avais  porté  CC  t dédire  à  l'état  le  plus  florissant, 
puisque  j'avais  monté  douze  opéras  de  cet  auteur,  savoir: 
Oietto,  Barviere,  Ètisatotlh,  ia  Gazza  Ladra ,  Pitlra 
det  Paragone,  Inganno  Fetice,  l'Italiana,  Mosc,  Ric- 
cîardo  e  Zoraîde,  Torwaldo  e  Dortiska,  Tancrcdi, 
Turco  in  Itaiia;  en  outre  j'ai  fait  faire  douze  répétitions 
de  ia  Donna  dit  Lago,  cl  j'ai  monté  en  même  temps  des 
opéras  de  Mozart,  Cimarosa,  Maytr,  Mercadante.  J'ai 
donné  trois  seuls  opéras  de  moi,  Camitia,  Agnese,  et 
/  Fuor'uscili;  voilà  pour  ma  première  gestion;  maïs  alors 
j'avais  une  troupe  complète  qui  coûtait,  tout  compris, 
chœurs,  acteurs  et  orchestre,  quatre  cent  mille  francs; 
celle  d'aujourd'hui  eu  coûte  presque  six  cent  mille  :  alors 
la  foule  était  immense  ,  et  jamais  les  ouvrages  de  M.  Ros- 
sini n'ont  été  mieux  exécutés*. 

suivante,  adressée  par  lui  aux  dileltonli,  comme  une  apologie  de  sa 

tommes  faite  de  rendre  à  ebacun  la  justice  qui  lui  est  due,  nous  fait  un 
devoir  d'accueillir  la  demande  d'un  artiste  dont  te  talent  honore  cl  sa 
patrie  et  le  pays  oit  il  s'est  filé.  , 

(1)  On  ne  peut  méconnaître  cette  vérité  :  jamais  le  Théâtre  Italien 
ne  fut  dans  une  situation  plus  florissante  que  sous  la  première  adminis- 
tration de  M.  Paiir.  C'est  alors  que  les  ouvrages  de  M.  Rossini  ont  été 
présentés  au  public  pour  la  première  fois,  et  qu'ils  ont  obtenu  des  succès 
qui  tenaient  du  prodige  ;  c'est  alors  qu'on  n  vu  Don  Juan  et  les  Kocet  de 
Figaro  exécutés  supérieurement;  c'est  alors  enfin  que  nous  avons  en 
une  troupe,  sinon  parfaite,  ou  moins  tri»  satisfaisante,  et  que  mes- 
dames Fudur  et  I'asta  ont  charmé  le  public  avec  des  laites  d'un  genre 


65 

A  celte  époque,  M.  Rossini  passant  par  Pari»,  l'autorité 
crut  faire  une  très  bonne  affaire  en  lui  donnant  la  direc- 
tion de  ce  thédfre.  Tous  les  dileltanlt  savent  comment  les 
choses  se  sont  passées  à  cette  époque.  Voyant  que  je  ne 
pouvais  plus  avoir  aucune  influence  pour  la  prospérité  du 
théâtre,  je  voulus  donner  ma  démission  ;  cite  me  fut  re- 
fusée, et  jefus  nommé  directeur  adjoint.  C'est  alors  que, 
ne  pouvant  rien  empêcher,  j'ai  vu  partir,  presque  toutes 
à  fa  fois,  mesdames  Pa&ta,  Momùeiti,  Sçhiassetti  et 
Schutz.  Apres  cette  déconfiture,  en  octobre  1826,  M.  Ros- 
sini se  relira,  mais  en  gardant  le  titre  d'inspecteur  général 
du  chant.  Alors  M.  de  La  Roche  fou  cai  il  L  me  nomma  direc- 
teur du  théâtre.  Mon  premier  mot  fut  de  lui  dire  :  Mon- 
sieur te  vicomte ,  vous  me  faites  générai,  maintenant 
qu'il  n'y  a  plus  d'armée.  Séaumoins  je  pris  sur  moi  une 
responsabilité  dont  je  n'aurais  pas  dû  me  charger  par 
ainour-propre  ;  mais  quelquefois  les  pères  de  famille  doi- 
vent faire  des  sacrifices. 

Il  n'y  avait  en  novembre  que  M"*  Cantarclli,  arrivée 
d'Italie,  et  MUc  Cintï  pour  faire  le  service;  cette  dernière 
tomba  malade  pendant  deux  mois.  Aussi! <H  qu'elle  fut 
guérie,  on  la  garda  pour  toujours  à  l'Opéra ,  et  clic  ne  me 
fut  plus reudue.  Dans  cette  triste  situation,  je  fus  obligé 
défaire  plusieurs  relâches.  Lesautrcs  cantatrices,  Ctinzi, 

différent.  Nous  ne  prétendons  point  attaquer  l'a  dm  in  islr.nl  ion  qui  a  suc- 
cédé à  celle-là  ;  mais  il  serait  injuste  d'attribuer  à  M.  l'aerdcs  fautes  qui 
ne  sont  point  les  siennes.  Quand  il  est  rentré,  il  n'y  ivait  plus  ni  per- 
sonnel, ni  répertoire  :  il  n'y  avait  plus  de  succès  possible.  Nous  ajoute, 
rons  que  ,  dans  notre  opinion,  aucune  administration  n'en  obtiendra  dé- 
sormais. On  ne  peut  donner  les  anciens  ouvrages,  qui  paraîtraient  pairs 
après  les  orchestres  formidables  auxquels  on  es!  arcoutuiné  ;  les  produc- 
tions de  Hcssini  sont  usées;  i!  ne  tr;.v::ille  plus,  et  ce  qui  se  compose 
maintenant  en  Italie  ne  vaut  pas  la  peine  d'être-  entendu.  On  en  a  pu 
juger  par  la  l'astoretfa  Fcurlalaria ,  qui  est  nu  de*  meilleurs  opéra  s.  TJiie 

leul  pourra  varier  le  personnel  de.  manière  ;i  piquer  la  cminsilé  quelque 
temps.  Nous  disons  pour  quelque  temps  seulement,  parce  que  les  sucée, 
ne  deviendront  durables  que  loisqu'un  nouvel  homme  de  génie  aura 
saisi  le  sceptre  de  la  scène  italienne.  - 

[{fait  du  rédacteur.  ) 


Diojtized  by  Google 


64 

Albini,  Cesari,  Marinoiii,  Ferlotli  el  Garcia  arrivèrent 
après.  Il  fallait  en  hâte  former  un  répertoire  :  il  n'y  en 
avait  aucun  ;  il  fallait  faire  répéter  les  opéras  que  le  public 
avait  déjà  accueillis,  cl  renoncer  pour  le  moment  aux 
nouveautés;  d'ailleurs  j'étais  forcé  par  le  temps ,  puisque 
trois  chanteuses,  Marinoni,  Canzi,  Aibini,  n'étaient 
engagées  que  pour  six  ou  douze  représentât  ions.  J'ai  donc 
mis  la  plus  grande  activité  :  nous  avons  fait  deux  répéti- 
tions par  jour;  orchestre  ,  acteurs,  chœurs,  tous  y  ont 
mis  le  plus  grand  zèle.*  Malgré  tous  ces  embarras ,  en  huit 
mois  (comptant  du  jour  de  ma  nomination  à  celui  de  ma 
destitution  ),  j'ai  monté  quatorze  opéras,  savoir  :  Adetina, 
UTurcoin  Italia,  la  Donna  del  Lago ,  Sem  iramide 
(aveo  mesdames  Cesari  et  Blasis) ,  Zeltnira,  Matrimo- 
nioSegrelo ,  Elisae  Claudio,  laPastoretlaFeudataria, 
Barbiere,  Ricciardo  e  Zoraide,  ta  Gazza  Ladra,  Tor~ 
watdo  e  Doriisfca ,-ta  Cenerentoia,  el  dix  répétitions  de 
Tebatdo  e  Isolina ,  opéra  nouveau  de  Mortacchi  ,  pour 
la  continuation  des  débuts  de  M"  Pisaroni- 

Je  demande  maintenant  à  tout  homme  de  bonne  foi 
s'il  était  possible,  en  huit  mois  île  temps  et  avec  tant  d'en- 
1  raves ,  de  mettre  plus  d'activité?  Si  le  public  s'est  montré 
un  peu  trop  sévère  pour  la  Paslorella,  Tonvatdo,  Misa, 
on  ne  peut  me  le  reprocher;  je  n'ai  pu  lui  faire  entendre 
que  les  sujets  que  l'on  avait  mis  à.  mu  disposition. 

D'après  cet  exposé ,  messieurs  tes  dilettanti  peuvent 
apprécier  l'injuslice  et  la  mauvaise  foi  des  journaux  qui 
m'accusent  de  négligence.  Le  Courrier  Français,  dans 
>in  article  sur  l'Académie  royale  de  musique,  s'exprime 
ainsi  :  Quant  au  Thêdtre  Italien,  on  croit que  il/.  Paër 
n'en  resterapas  directeur,  à  ta  grande  joie  des  dilettanti, 
qui  se  plaignent,  avec  raison,  de  ta  triste  monotonie  du 
répertoire. 

Assurément  les  dilettanti  dont  parle  ce  journaliste  ne 
sont  pas  au  courant  de  tout  ce  qui  est  arrivé  à  ce  malheu- 
reux théâtre.  Ils  n'out  pas  été  insiruits  de  l'état  dans  le- 
quel il  m'a  été  remis,  et  de  ma  triste  position.  Les  vrais 
ditetlantime  connaissent  par  nies. compositions  ;  ilssavenl 


Digitizcd  t>y  Google 


(in 

les  peines  que  je  me  suis  données  pour  relever  ce  théâtre, 
et  ils  ne  peuvent  se  réjouir  du  coup  qui  mu  trappe.  Un 
autre  journal  [ta  Pandore) ,  parodiant,  ef  (n'appliquant 
un  mut  de  Bonaparte,  me  demande  ce  que f  ai  fait  de 
mon  armée  ?  Je  serais  bien  plus  fondé  à  faire  celle  ques- 
tion à  mou  prédécesseur ,  et  à  lui  dire  :  Je  vous  ai  laissé 
une  armée  florissante,  et  vous  me  Pavez  remise  déia- 

L'arrivée  de  M"™  Pisaroni  ct  son  beau  talent  ont  un  peu 
changé  la  face  du  théâtre.  C'est  à  présent  que  les  nou- 
veautés désirées  par  lés  dilcltanti' allaient  se  succéder; 
j'avais  déjà  commencé  par  Tebatdo  e  Isoliua,  et  par  un 
opéra  nouveau  que  je  composais  exprès  pour  le  retour  de 
M"'  Sonlag  ;  mais ,  par  économie,  et  pour  récompenser 
le  ïèie  que  j'ai  mis  dans  ma  direction  ,  on  m'a  destitué.... 

J'espère  maintenant  que  1rs  diletlanti,  au  lieu  de  se 
réjouir  de  mou  malheur,  me  plaindront.  Ils  n'oublieront 
pas  que  je  n'ai  pu  agir,  dans  ma  direction,  que  sous  les 
ordres  du  l'administration  de  l'Opéra,  qui,  sans  égard 
pour  ma  position,  m'avait  ôlé  les  partitions  de  Mosè  ,  de 
Mahomet  II  (  que  l'on  aurait  pu  donner  chez  nous),  du 
Crociato  que  l'on  veut  traduire  pour  sou  théâtre,  et  sur- 
tout M11"  Cinti  et  H.  Levasseur,  deux  sujets  indispensa- 
bles au  partage  des  rôles  et  au  charme  de  l'exécution  d'O- 
tcUo,  Tancredi,  et  autres  opéras. 

Toujours  soumisàma  destinée,  fier  d'appartenir  encore 
au  service  du  roi,  naturalisé  Français  depuis  la  restaura- 
tion, j'espère,  être  encore  de  quelque  utilité  à  l'art  que  je 
professe,  par  ma  réputation  et  nies  ouvrages;  et  surtout 
conserver  l'es  lime  des  bons  diletlanti,  qui  peuvent  juger 
maintenant  si  j'ai  mérité  la  persécution  à  laquelle  je  suis 
en  butte  depuis  trois  ans,  et  le  coup  qui  vient  de  m'ètre 
porté. 


NOUVELLES  DE  PARIS. 


THÉÂTRE  ROYAL  ITALIEN. 

DÉBUTS  DE  M.  FOGGI. 

La  prolongation  delà  maladie  de  M"1  Garcia  a  contraint 
l'administration  de  ce  théâtre  à  revenir  encore  à  son  an- 
cien répertoire ,  et  a  ajourner  indéfiniment  la  seconde  re- 
présentation do  Tebaldo  e  Isolina.  La  Donna  del  Lago 
est  l'ouvrage  qui  a  paru  le  moins  usé;  il  offrait  d'ailleurs 
une  occasion  de  faire  débuter  un  jeune  homme  nomme 
M.  Poggi,  qui  avait  di'jàdûse  montrer  dans  le  rôle  d'Otello> 
mais  qu'on  avait  trouvé  trop  faillie  pour  une  pareille  en- 
treprise. L'essai  qu'on  vient  d'en  faire  a  prouvé  qu'il  n'é- 
tait pas  meilleur  pour  le  rôle  de  Rodrigo  de  la  Donna  det 
Lago.  H  est  impossible  d'avoir  moins  d'expérience  des  pro- 
portions du  chant  et  de  la  scène.  La  voix  de  ce  prétendu 
chanteur,  quoique  d'un  timbre  assez  doux,  est  d'ailleurs 
insuffisante  pour  les  rftles  auxquels  il  se  destine.  Il  pour- 
rait prétendre  tout  au  plus  aux  seconds  ténors ,  et  sou  am- 
bition va  jusqu'aux  premiers  rôles.  Nous  ignorons  ce  qui  a 
pu  déterminer  l'administration  à  faire  l'acquisition  de  cette 
inutilité,-  mais  nous  lui  conseillons  de  s'en  défaire,  dût- 
elle  faire  des  sacrifices  pour  s'en  débarrasser. 

La  représentation  de  la  Donna  a  été  au-dessous  du  mé- 
diocre. H"'  Pisaroni  était  mal  disposée,  H1"  Blasïs  parais- 
sait gênée  et  peu  sûre  de  son  rôle ,  Zuchelli  avait  l'air  do 
chanter  par  grâce,  les  choeurs  chantaient  faux  et  l'orches- 
tre allait  de  travers.  Cependant  il  y  avait  du  monde,  et 
l'on  ne  peut  prendre  pour  excuse  la  froideur  du  public. 
Ces  pauvres  dilettanti  semblaient  prendre  leur  mal  en  pa- 
tience, et  n'ont  marqué  de  mauvaise  humeur  que  quand 
M.  Poggi  leur  en  adonné  de  trop  justes  sujets.  Encore  une 


Digilized  by  Google 


87 

représentation  semblable,  et  c'est  fait  du  reste  du  réper- 
toire. Nous  ne  voyons  plus  de  ressource  que  dans  Semira- 
mide  ;  mais  cette  pièce  ne  peut  pas  toujours  durer  1  Pau- 
vre Théâtre  Italien ,  que  vas-tu  devenir? 


CONCOURS 

DE  L'ECOLE  ROYALE  DE  MUSIQUE. 

La  séance  de  mercredi,  8  de  ce  mois ,  a  terminé  ce  qui 
concernait  spécialement  la  musique  dans  les  concours  de 
l'école  royale.  Cette  séance  était  destinée  nu  violoncelle  et 
à  la  déclamation  lyrique.  Un  élève  de  M.  Norblin  ,  H.  Che- 
yillard  ,  dont  les  dispositions  promettent  un  artiste  distin- 
gué ,  a  obtenu  le  premier  prix.  Le  jury  n'a  point  jugé  qu'il  y 
eût  lieu  d'en  accorder  un  second. 

Les  amateurs  du  dix-neuvième  siècle,  et  surtout  les 
étrangers ,  ne  savent  gnèrece  qu'on  entend  par  déclama- 
tion fyrique:  c'est  tout  simplement  ce  chant  grotesque 
qui  a  été  si  long-temps  en  usage  à  l'Opéra,  et  dont  les  Lai- 
nez,  les  Adrien  ,  etc. ,  ont  laissé  de  si  belles  traditions: 
c'est  enfin  l'art  de  diriger  sa  vois  avec  toute  la  grâce  de 
Dérivis.  M.  Bénéditt  et  M"'  Hyrthé  ont  été  jugés  dignes 
du  premier  prix;  ce  qui  n'empêche  pas  qu'ils  ne  soient 
des  chanteurs  déplorables. 

Ainsi  se  sont  aclievés  ces  concours ,  épreuves  redouta- 
bles non-seulement  des  progrès  annuels  des  élèves ,  mais 
des  espérances  qu'ils  peuvent  donner  pour  l'avenir,  et 
de  la  direction  qu'on  imprime  à  leurs  études.  Examinons 
quel  résultat  ont  donné  ceux  de  cette  année. 

Le  contrepoint  et  lu  fugue,  parties  matérielles  de  l'art 
de  lu  composition  ,  ren  ferme  ni  de  grandes  difficultés  que 
le  travail  le  plus  obstiné  nu  peut  pas  toujours  vaincre.  Il 
faut,  pour  y  faire  des  progrès  réels,  une  certaine  organisa- 
tion musicale  qui  n'est  pas  même  toujours  le  partage  du 
génie.  C'est  une  qualité  particulière,  sans  laquelle  on  ne 
peut  apprendre  cette  science.  Quelques  grands  muskiens, 


fia 

tels  q  ua  Hcndel,  Scarlatti,  Haydn ,  Mozarl ,  etc.,  l'ont 
possédée  et  se  sont  fait  des  réputations  durables;  d'autres, 
quoique  heureusement  nés  sous  d'autres  rapports,  en  ont 
été  entièrement  dépourvus.  Une  faut  donc  pas  être  étonné 
si  le  nombre  des  élèves  qui  parviennent  à  s'y  distinguer 
est  borné.  Cette  année  a  oÛert  des  résultais  satisfaisait*, 
lant  pour  ce  qui  coneerne  cette  science  que  pour  l'har- 
monie écrite  et  l'accompagnement  pratique.  Un  premier 
et  un  second  pris  de  fugue ,  des  premiers  et  des  seconds 
prix  d'harmonie  et  d'accompagnement  ont  été  accordés 
après  des  examens  sévèreset  sans  indulgence  tant  ponr 
les  classes  d'hommes  que  pour  celles  de  femmes. 

Ou  sait  l'importance  de  l'étude  des  principes  de  la  mu- 
sique et  du  solfège.  Les  avantages  de  cette  élude  bien  faite 
se  font  sentir  dans  tonte  la  carrière  du  musicien,  quel  que 
suit  son  genre  de  talent  :  les  concours  de  celte  année  ont 
fait  voir  des  améliorations  sensibles  dans  celte  partie  essen- 
tielle de  l'art  musical.  Les  femmes  surtout  se  sont  mon- 
trées habiles  dans  la  lecture  à  première  vue,  et  leur  supé- 
riorité a  été  telle  que  le  jury  s'est  trouvé  dans  un  assez 
grand  embarras  lorsqu'il  a  du  décerner  les  prix.  Ces  pro- 
grès sont  d'un  bon  augure  pour  l'avenir.  Nous  avions  déjà 
fait  remarqucL-que  nos  jeunes  artistes  sont  peu  musiciens; 
quelques-uns  des  concours  d'inslrnmeiis  en  ont  offert  la 
preuve.  Par  exemple  ,  il  est  impossible  de  lire  plus  mal 
que  ne  l'ont  fait  les  pianistes,  et  cependant  qu'est-ce  qu'un 
pianiste  dont  l'œil  n'est  pas  assez  exercé  pour  saisir  au 
premier  aspect  l'ensemble  d'une  partition  ,  et  dont  le  sen- 
timent musical  n'est  point  assez  perfectionné  pour  ne  pas 
manquer  il  la  mesure?  Nos  orchcslres  souffrent  aussi  beau- 
coup du  peu  d'expérience  des  jeunes  gens  dans  la  lecture 
â  livre  ouvert. 

Le  talent  de  M""  Rousseau  et  Le  tourneur  fait  honneur 
ù  SI.  Bcnotst,  leur  maître.  Dans  les  remarques  que  nous 
avons  faites  sur  la  manière  de  toucher  le  plain-chant  à 
Paris,  nous  n'avons  pas  prétendu  improuvcrla  méthode 
de  ce  professeur;  il  enseigne  selon  l'usage  reçu  dans  les 
églises  de  celte  capitale,  avec  celle  différence  que  son  con- 


69 

Irepoînt  csl  dans  des  formes  pures.  Nos  observations  ont 
pour  objet  de  solliciter  le  changement  d'usage  dans  ces' 
mêmes  enlise*,  et  pour  cela,  il  faut  plus  que  le  lalcnt  du 
professeur.  Le  consentement  de  l'archevêque  de  Paris, 
cl  la  participai  ion  des  conseils  de  fit  brique  sont  indipensa- 
liies,  car  la  routine  est  difficile  à  détruire.  Il  serait  digue 
de  SI.  Denoistde  joindre  à  soir  talent  le  courage  nécessaire 
pour  en  Ire  prendre  une  pareille  réforme  :  voila  ce  que  nous- 
avons  voulu  dire  dans  notre  article  sur  le  concours  d'orgue. 

Mous  avons  peu  de  cliose  à  dire  sur  celui  de  harpe, 
parce  que  le  progrès  des  élèves  n'est  que  d'un  intérêt  se- 
condaire, cet  instrument  Étant  plutôt  d'agrément  que' 
classique. 

Quoique  nous  possédions  plusieurs  virtuoses  sur  les  in- 
slrumeus  à  vent,  ce  genre  d'instrument  n'est  cependant 
point  parmi  nous  dans  le  même  état  de  prospérité  que  ce- 
lui des  inslrumensà  arcliel.  Les  compositems  et  le  public 
même  savent  qu'ils  sont  la  partie  faible  du  nos  orchestres, 
et  que  presque  toujours  c'est  d'eux  que  dépendent  les  fau- 
tes d'exécution.  Parmi  ceux  q*i  sont  en  France  dans  un 
état  tTinférioriié,  la  clarinette  se  présente  en  première  li- 
gne. No»  artistes  les  plus  célèbres  sur  cet  instrument  ont- 
toujours  attaché  plus  d'importance  à  la  puissance  du  son 
qu'à  sa  douceur  et  à  son  égalité.  Les  artistes  français  ont 
trois  instrumens  distincts  dans  un  seul  :  le  chalumeau, 
le  médium  et  le  clairon,  où  la  partie  aiguë  de  l'instru- 
ment a  une  nature  de  sou  différente,  peu  analogue,  et 
le  passage  de  l'jin  a  l'autre  se  fait  toujours  d'une. manière 
désagréable.  Le  style  n'est  pas  inoins  défectueux  que  ie 
système  du  son  :  on  y  trouve  un  certain  air  bourgeois  qui 
n'est  que  trop  en  harmonie  avec  le  genre  de  musique  des 
solos.  Il  est  fâcheux  que  ]»>s  artistes  n'aient  point  songé  à 
réformer  leur  manière  après  avoir  entendu  Itaërmann.  Ces 
réflexions  nous  ont  été  suggérées  par  le  jeu  de  la  plupart 
des  jeunes  gens  que  nous  avons  entendus  dans  les  concours 
depuis  plusieurs  années ,  et  notamment  celle-ci. 

Le  professeur  habile  (  M.  Dauprat  )  qui  enseigne  le  cor 
à  l'École  royale  de  musique  connaît  toutes  les  ressources- 


pi  les  défauts  île  son  instrument.  Il  a  formé  d'excelleus  élè- 
ves, qui  sont  devenus  des  artistes  distingués;  mais  la  plu- 
part des  jeunes  gens  qui  se  livrent  à  l'étude  du  cor  sont 
altachés  aux  musiques  militaires  des  régimens,  et  contrac- 
tent dans  ccscorpsdcsdéf'auts  qu'ils  apportent  ensuite  dans 
les  orchestres.  Le  plus  fâcheux  est  le  manque  de  sûreté , 
qu'ils  ont  tous  plus  ou  moins.  Certes,  l'instrument  est  dif- 
ficile, mais  la  difficulté  n'est  jamais  une  excuse  valable 
dans  les  arts.  C'est  par  des  soins  continuels  et  un  travail  as- 
sidu qu'on  parvient  à  la  vaincre  ,  et  l'art  n'est  quelque 
chose  que  parce  qu'il  est  difficile.  Ces  accîdens  si  multi- 
pliés se  sont  fait  remarquer  d'une  manière  affligeante  dans 
le  jeu  des  trois  premiers  et  des  deux  seconds  cors  qu'on  a 
entendus  au  concours  du  a  de  ce  mois.  La  sévérité  du  jury 
me  parait  Être  le  seul  moyen  de  rendre  les  jeunes  artistes 
plus  soigneux. 

Nous  avons  déjà  dit  que  le  seul  concurrent  qui  s'est  pré- 
senté pourle  haulbnisue  nous  paraissait  pas  digne  du  pre- 
mier prix  qu'il  a  obtenu.  Nous  répétons  ici  que  l'indul- 
gence dont  on  a  usé  à  sonjégard  nous  paraît  contraire  à 
la  prospérité  de  la  musique  en  général ,  et  de  l'École  royale 

Le  basson  est  un  instrument  mal  fait,  et  dont  toutes  les 
dispositions  acoustiques  ont  besoin  d'être  réformées:  ce 
n'est  donc  point  aux  élèves  que  nous  voulons  adresser  des 
reproches  sur  des  défauts  de  justesse  qui  sont  inhérens  à 
l'instrument,  et  que  les  professeurs  même  n'évitent  pas. 
Mais  ce  qu'il  faudrait  exiger  des  jeunes  artistes,  c'est  un 
meilleur  syslèim;  di'  respiration,  un  meilleur  phrasé,  et 

plus  de  goûl.  MM.  Dyvoiret  Morvilliers ,  qu'on  a  entendus 
celle  année,  ont  un  son  assez  joli,  mais  un  style  déplorable. 
L'école  restera  dans  la  médiocrité  tant  qu'on  ne  sera  pas 
plus  exigeant  pour  accorder  des  premiers  et  des  seconds 
prix. 

Parmi  les  instrumens  à  vent,  la  flûte  est  celui  qui ,  en 
général,  laisse  le  moins  à  désirer  en  France.  S'il  n'y  a  pas 
moins  de  difficulté  à  acquérir  un  grand  talent  sur  la  Uûlc 
que  sur  tout  autre  instrument,  il  est  cependant  vrai  que 


□igifeed  by  Google. 


7" 

c'est  celui  sur  lequel  il  eat  le  plus  facile  d'éviter  de  blesser 
l'oreille.  Nos  orchestres  renferment  des  flûtistes  assez  re- 
marquables pour  que  nous  n'ayons  rien  à  envier  à  nos  voi- 
sins. M.  Scarzilla,  qui  a  obtenu  le  premier  prix,  annonce 
le  germe  du  talent. 

A  l'aspect  de  vingt-deux  pianistes  réunis  pour  le  con- 
cours, on  aurait  pu  croire  que  l'École  royale  n'était  peu- 
plée que  de  virtuoses:  mais  ^'exécution  de  tous  ces  Cte- 
mtnti  en  berbo  n'a  pas  laissé  long-temps  l'assemblée 
dans  l'erreur;  non  qu'il  n'y  ait  des  dispositions,  du  talent 
même,  chez  quelques-uns  des  concurrens;  mais  il  s'en 
fallait  de  beaucoup  que  les  autres  fussent  dignes  de  se  mon- 
trer dans  une  lutte  publique.  Nous  l'avons  déjà  dit,  et 
nous  croyons  devoir  le  répéter,  c'est  un  tort  que  d'ad- 
mettre au  concours  des  élèves  dont  le  jeu  n'offre  qu'un 
mécanisme  incorrect,  et  qui  dans  len  traits  laissent  devi- 
ner une  parlie  des  notes  plutôt  qu'ils  ne  les  font  entendre, 
outre  qu'ils  sont  absolument  dépourvus  de  slyle.  Il  eu 
résulte  que  leur  égaillé  de  médiocrité  fait  qu'on  est  forcé 
de  leur  partager  le  prix  entre  cinq  ou  six,  attendu  que 
l'un  n'a  pas  fait  mieux  que  l'autre.  Parmi  tous  ces  con- 
curreus ,  uu  seul  s'est  présenté  avec  un  talent  précoce  qui 
fait  espérer  un  grand  artiste  pour  l'avenir:  ce  pianiste, 
encore  enfant,  nommé  W agner,  est  élève  de  M.  Zim-- 
mermann,  qui  parait  destiné  à  multiplier  parmi  nous  les 
merveilles  de  ce  genre.  Encore  uue  observation  :  ces  pia- 
nistes, qui  font  tant  dénotes,  ne  sont  pasmusiciens.  Aucun 
d'eux  n'a  lu  d'une  manière  satisfaisante  la  leçon  qu'il  fal- 
lait déchiffrer,  quoique  cette  leçon  fût  facile.  Cependant 
puisque  c'est  une  condition  du  concours,  il  faudrait 
qu'elle  fût  remplie. 

Il  n'y  a  que  des  éloges  à  donner  à  notre  école  de  violon  ; 
les  étrangers  les  plus  prévenusen  faveur  de  leur  pays  recon- 
naissent notre  supériorité  en  ce  genre.  Les  élèves  peuvent 
être  plus  ou  moins  heureux  au  concours,  mais  on  recon- 
naît toujours  dans  leur  Jeu  une  perfection  de  méthode 
qui  prouve  que  la  réputation  des  violoniste*  français  n'est 
point  usurpée.  M.  Sauzai,  qui  a  obtenu  le  premier  pris,  est 


Digitized  by  Google 


71 

déjà  digne  (te  figurer  parmi  tes  premiers  artiste?:  le  jeune 
'  Arlot  sera  certainement  un  jour  en  première  ligne. 

Pourquoi  faut- il  qu'ayant  ù  parler  maintenant  du  chant, 
nous  n'ayons  qtt'â  déplorer  l'état  de  toutes  ses  branche» 
dans  l'École  royale?  Dans  les  concours  de  vocalisation, 
lie  chant  et  de  déclamation  lyrique,  ce  ne  sont  plus  ces 
Coule»  de  concurrens  dont  nous  nous  plaignions  tout  à 
l'heorev  Quelques  élèves  seulement  se  présentent,  et  parmi 
eu»  pas  une  voix,  pas  t'ombre  d'un,  talent.  Des  sons  mal 
posés,  des  intoon, liions  douteuses,  une  articulation  lourde 
ou  molle  ,  voilà  ee  q  u'a  fait  au  tendre  le  concours  de  vc-ca- 
liwtiau.  Dans  le  chant,  M11*  Verteuil  n'a  eu  qu'un  style 
lâche,  utiO  prononciation  mille  et  une  monotonie  désespé- 
rante. M.  IténédUt  et  M1"  Hyrlhé-  n'ont  pas  été  beaueoup 
meilleurs  dans  la  déclamation  ,  sauf  leur  prononciation  , 
qnj  est  assez  nette.  Voilà  donc  toutes  les  ressources  de 
l'Écolert-yale  I  Voilà  l'espoir  des  théâtres  !  El  c'est  quand 
'  il  faudrait  songer  à  sortir  enfin  de  cet  état  de  choses  in- 
tolérable, quand  il  faudrait  à  tout  prix,  taire  arriver  de 
force  les  voix  qui  existent,  mais  qui  ne  se  présentent  pas, 
que  M.  le  vicomte  de  La  llochel'oucault  se  voit,  dit-on, 
contraint  de  faire  des  économies  sur  un  médiocre  budget 
de  cent  cinquante  mille  francs,  et  de  préparer  des  rétor- 
ques et  des  suppressions  dans  les  professeurs!  Il  est  peu t- 
^%tre  encore  temps  d'apporter  uu  remède  au  mal;  mais 
dans  trois  ans,  ii  sera  trop  tard.  Les  théùlres  périssent 
faute  de  renouvellement  du  personnel.  Il  n'y  a  rien  dan» 
ceux  de  province;  il  ne  peut  plus  rien  y  avoir,  et 
l' licol e royale  seule  peut  former  quelques  sujets.  Mats  il 
loi  faut  des  moyens  ;  il  lui  faut  de  l'argent,  et  non  desécOT 
nomics.  Sera-l-il  dit  qu'au  moment  où  le  goût  de  la  mu- 
sique s'étend  et  se  popularise  en  France,  cet  art  perd  la 
protection  du  gouvernement?  Espérons  qu'il  n'en  sera 
pas  ainsi,  et  que  la  France  florissante  ne  lui  sera  pas 
moins  favorable  que  la  Franco  agitée  :  espérons  qu'on  ne 
tardera  point  à  appliquer  à  des  maux  pressaus  des  re- 
mèdes elBcacci. 


Digitizcd  t>y  Google 


BU  CHANT  ET  DES  CHANTEURS. 


Que  de  choses  différentes  exprime  le  verbe  chanter  I 
Les  Grecs ,  dont  la  langue  était  si  accentuée ,  chantaient 
leur  poésie  au  lieu  de  la  réciter,  comme  le  font  les  peuples 
modernes.  De  là,  un  grand  poète,  tel  qu'Homère,  était 
appelé  chantre  divin.  Chez  nous,  un  chantre  est  un 
ivrogne  vêtu  d'une  espèce  de  chemise  sale ,  qui  tourne  la 
bouche  et  fait  des  grimaces  horribles  en  braillant  dans  une 
langue  qu'il  n'entend  pas.  Les  poètes  modernes  disent  en- 
core je  chante;  mais  ce  n'est  que  par  fiction  ,  et  pour  imi- 
ter ceux  de  l'antiquité.  Le  chant  est  à  la  fois  un  besoin 
pour  l'homme  le  plus  grossier,  et  un  art  difficile  chez  les 
nations  civilisées.  Les  chants  d'un  peuple  sont  une  partie 
caractéristique  de  sa  physionomie ,  de  ses  mœurs ,  de  son 
caractère,  etc.;  le  chant  d'une  école  est  la  mesure  cer- 
taine des  progrès  que  la  musique  y  a  faits. 

En  Fxance ,  on  n'a  commencé  à  s'occuper  du  chant  que 
vers  la  lin  du  dix-septième  siècle.  Louis  XIV,  qui  voulait 
avoir  des  chanteurs  ,  crut  avoir  trouvé  un  moyen  infail- 
lible J'en  former,  en  accordant  à  ceux  de  l'Opéra,  par 
leltrcs-patentcs  du  a8  juin  iCfig  et  du  mois  de  mars  1671, 
le  privilège  de  ne  point  déroger  lorsqu'ils  étaient  nobles. 
Quand  il  donnait  des  fêtes  sur  l'eau,  dans  la  crainte  que 
ses  chanteurs  s'enrhumassent,  il  disait  avant  qu'on  com- 
mençât le  concert  ;  Je  permets  à  mes  musiciens  de  se 
couvrir,  mais  seulement  à  ceux  qui  chantent.  Il  est 
fâcheux  qu'avec  de  si  beaux  privilèges  ,  notre  école  de 
chaut  ait  été  si  ridicule  jusqu'en  1770.  Jusqu'à  Garât, 
chanter  avait  éié  synonyme  de  crier;  il  nous  reste  en- 
core quelque  cliose  de  cela.  Quant  a  nos  agrémens  du 
chant,  ils  étaient  ce  qu'on  peut  enLeodre  de  plus  bizarre  ; 
les  ports  de  voix,  les  coûtés,  les  flattés,  les  marteiie- 
mens  de  Dumesnil ,  de  Maupin,  de  Rochois,  de  Chassé, 
feraient  aujourd'hui  pouffer  de  rire  l'auditoire  le  plus  sé- 

vol.  7 


Digiiizcd  by  Google 


M 

L'Italie  a  toujours  eu  t'avantage  sur  les  an  1res  nations 

pour  le  chant;  tuais  c'est  surtout  au  comme ticement  du 
dix-huitième  siècle  que  sa  supériorité  s'est  établie  d'une 
manière  incontestable.  Ce  fut  alors  que  les  principales 
villes  d'Italie  ouvrirent  des  écoles,  devenues  fameuses  par 
les  chanteurs  exiraordinaires  qui  eu  sortirent.  Modène  eut 
colle  de  François  Peli;  Jean  Paita  en  fonda  une  à  Gènes  ; 
Venise  en  eut  deux  qui  étaient  dirigées  par  Gasparini  et 
Lotit;  celles  de  Fedi  et  A'Amadori  brillèrent  à  Rome; 
enfin,  dans  le  mfnic  lemps,  on  compte  celle  (le  François 
Brivio  à  Milan,  celle  de  François  Redi  à  Florence,  et  sur- 
tout celle  de  Pistocuhi  à  Bologne ,  dont  le  fameux  Ber- 
■nacchi  devint  ensuite  le  chef. 

:  Naples,'si "justement  renommée  dans  les  fastes  de  la 
musique  moderne,  eut  nue  foule  d'écoles  qu'il  serait 
trop  long  de  compter.  Les  plus  distinguées  furent  celles 

d'Alexandre  Scartatti,  de  Dominique  Egizio,  de  Fran- 
çois Fto ,  et  de  Nicolas  Porpnra.  La  méthode  de  ces  illus- 
tres professeurs  ne  ressemblait  point  a  celle  qu'on  emploie 
dd'nos  jours  pour  former  des  chanteurs.  Si  l'on  veut  con- 
naître quelle  était  cette  méthode  .  eu  voici  un  exemple  : 
l'orpora,  l'un  ries  plus  illustres  maîtres  de  l'Italie,  prend 

en  amitié  un  jeune  castrato,  son  élève.  Il  lui  demande 

va  lui  tracer,  quelque  ennuyeuse  qu'elle  puisse  lui  pa- 
ratlre.  Sur  sa  réponse  affirmative ,  il  noie  sur  une  page  de 
papier  réglé  les  gammes  diatoniques  et  chromatiques,  as- 
cendantes et  descendantes ,  les  sauls  de  tierce,  de  quarte, 
de  quinte,  etc.,  pour  apprendre  à  franchir  les  intervalles 
et  à  porter  le  son  ;  des  trilles  ,  des  groupes ,  des  appogia- 
turcs  et  des  traits  de  vocalisation  de  différentes  espèces. 

Cette  feuille  occupe  seule  pendant  un  an  l'écolier  et  le 
maître  ;  l'année  suivante  y  est  encore  consacrée.  A  la  troi- 
sième ,  on  ne  parle  pas  de  la  changer  ;  l'élève  commence  à 
s  le  maître  lui  rappelle  sa  promesse.  La 
e  s'écoule  ,  la  cinquième  la  suit ,  et  tou- 
ç  feuille.  A  la  sixième  année,  on  ne  la  quitta 
fcjjraais  011  y  joignît  des  leçons  d'articulation, 


?5 

de  prononciation,  et  cntïii  de  déclamation;  à  la  tin  de 
celte  année  l'élève  ,  qui  ne  croyait  encore  en  être  qu'aux 
élémens ,  fut  bien  surprix  quand  le  maître  lui  dit  :  V a , 
mon  /ils,  tu  n'as  plus  rien  à  apprendre:  tu  e-s  ie  pre- 
mier chanteur  de  l'Italie  et  du  monde.  Il  disait  vrai,  car 
ce  chanteur  était  Caffarelti. 

Il  n'y  a  plus  maintenant  dans  toute  l'Europe  une  seule 
école  ou.  l'on  emploie  six  ans  à  enseigner  le  mécanisme  du 
chant.  Il  est  vrai  que,  pour  y  consacrer  un  temps  si  con- 
sidérable, il  faut  prendre  les  élèves  dans  une  extrême  jeu- 
nesse ,  et  que  les  chances  désavantageuses  de  la  mue  peu- 
vent rendre  inutile  tout  d'un  coup  le  travail  de  plusieurs 
années.  Les  voix  des  castrats  ne  présentaient  point  les 
mêmes  inconvéniens ,  et  avaient  en  outre  l'avantage  d'une 
mise  de  voix  naturelle  ;  aussi  ont-ils  été  les  chanteurs  les 
plus  parfaits  qu'il  y  ait  eus,  lorsque  l'opération  n'a  point 
été  suivie  d'accidens.  Si  c'est  un  triomphe  pour  la  morale 
que  l'humanité  ne  soit  plus  soumise  à  une  honteuse  muti- 
lation ,  c'est  une  calamité  pour  l'art  que  d'être  privé  de 
ces  voix  admirables.  On  ne  peut  se  faire  d'idée  maintenant 
de  ce  que  furent  des  chanteurs  tels  que  Ballhasar  Ferri 
et  Farinelli. 

Le  premier,  né  à  Pérouse ,  au  commencement  du  siècle 
dernier,  est  le  même  dont  J.-J.  Rousseau  parle  avec  tant 
d'éloges  à  l'article  voix  de  son  Dictionnaire  de  musique, 
et  dont  il  cite  le  talent  singulier  de  monter  et  de  descendre 
deux  octaves  par  tous  les  degrés  chromatiques ,  avec  un 
trille  continuel ,  parfaitement  articulé ,  et  sans  reprendre 
haleine,  en  conservant  une  justesse  si  parfaite,  que  n'étant 
point  accompagné  par  l'orchestre,  à  quelque  note  que  les 
instruirions  voulussent  l'arrêter,  ils  se  trouvaient  d'accord 
avec  lui.  Il  avait  été  élevé  à  Kaples  et  à  Rome ,  et  mourut 
fort  jeune.  On  a  encore  des  recueils  entiers  de  vers  dictés 
par  l'euthousiasme  qu'excitait  ce  chanteur  divin.  Cet  en- 
thousiasme était  général ,  et  se  manifesta  souvent  par  des 
démonstrations  qui  tenaient  du  délire.  Quelquefois  on  fai- 
sait pleuvoir  sur  sa  voiture  un  nuage  de  roses ,  lorsqu'il 
avait  seulement  chanté  une  cantate.  A  Florence^  où  il  a,vait 


76 

été  appelé,  une  troupe  nombreuse  de  personnes  de  dis- 
tfnclion  alla  le  recevoir  à  trois  milles  de  la  ville  et  lui  ser- 
vit de  cortège.  Un  jour,  qu'il  avait  chanté  à  Londres  avec 
tant  d'expression  qu'il  avait  fait  répandre  des  larmes  à 
tonte  l'assemblée,  un  masque  lui  offrit  en  sortant  du  spec- 
tacle une  cmeraude  d'un  grand  prix.  On  a  son  poitrait 
gravé,  avec  ces  mois  pour  légende  :  Qui  fecit  mirahitia 
invita,  et  une  médaille  frappée  pour  lui,  portant  d'un 
coté  sa  tête  couronnée  de  laurier,  et  de  l'autre  un  cygne 
mourant  sur  les  bords  du  Méandre,  avec  une  lyre  qui  des- 
cend du  ciel.  Où  sont  aujourd'hui  les  chanteurs  qui  pour- 
raient exciter  un  pareil  enthousiasme?  On  donne,  il  est 
vrai,  beaucoup  d'argent  aux  chanteurs;  souveut  même 
beaucoup  trop  pour  ce  qu'ils  valent;  mais  voilà  tout.  Le 
prix  élevé  que  nous  mêlions  à  leur  talent  prouve  seule- 
ment que  ce  talent  est  très  rare;  d'ailleurs,  il  n'est  que 
relatif.  Chez  le  plus  habile,  tant  d'imperfections  se  trou- 
vent à  côté  de  quelques  qualités,  qu'on  n'aurait  point 
daigné  l'écouter  au  temps  où  brillaient  les  grands  chan- 
teurs dont  je  parle. 

Eh  !  qui  peut  mieux  prouver  la  puissance  de  ceux-ci  que 
la  fortune  protligieuse  de  ce  fameux  Carlo  Broschi ,  si 
connu  sous  le  nom  de  FarineUi.  Né  à  Naples,  le  af|  jan- 
vier 1706,  il  fit,  dit-on,  dans  sa  jeunesse  une  chute  qui 
obligea  de  Je  soumettre  à  la  castration.  Ses  maîtres  furent 
Scartatti  et  Porpora,  Aucun  chanteur  n'a  possédé  une 
voix  plus  flexible,  plus  sonore  et  plus  étendue;  une  ima- 
gination créatrice,  jointe  à  nue  souplesse  d'organe  à  toute 
épreuve,  le  mettait  en  état  d'inventer  mille  formes  de 
chant  inconnues  et  ravissantes.  L'intonation  la  plus  par- 
faite, une  agilité  incomparable,  une  adresse  inouie  dans 
les  trilles;  la  richesse  et  la  sobriété  des  fioritures;  une  ex- 
cellence égale  dnns  ie  style  léger  et  dans  le  pathétique; 
l'art  de  graduer  l'intensité  du  son  selon  le  caractère  qu'il 
avait  à  exprimer;  telles  furent  les  qualités  qu'on  reconnut 
généralement  en  lui.  Après  s'être  fuit  admirer  en  Italie,  en 
Allemagne  ,  en  Angleterre,  et  même  en  Franco,  malgré 
«préjugés  qu'on  y  avait  alors  contre  la  musique  italienne, 


Digitizcd  by  Google 


77 

il  fut  appelé  en  Espagne  ,  non  pour  les  plaisirs  du  public, 
mais  pour  cens  du  monarque. 

On  sait  que  Philippe  V  fut  attaqué  d'un  affaiblissement 
et  même  d'une  sorte  d'aliénation  d'esprit  qui  le  rendit  to- 
talement incapable  d'affaires.  La  reine,  après  avoir  en  vain 
fait  employer  tous  les  moyens  pour  le  guérir,  résolut  d'es- 
sayer sur  lui  le  pouvoir  et  les  effets  de  la  musique,  auxquels 
leroiélait  fort  sensible.  Farinelli  venait  d'arriver  à  Madrid: 
la  reine  le  fit  appelerpour  chauler  dans  un  concerl,  qui 
était  placé  près  delà  chambre  du  roi.  Aux  premiers  accent: , 
Philippe  parut  surpris,  ensuite  ému.  A  la  fin  du  second 
aïr,  il  ordonna  qu'on  fit  entrer  le  virtuose ,  qu'il  combla 
d'éloges  et  de  caresses.  Il  lui  demanda  comment  il  pouvait 
récompenser  tant  de  talens,  et  l'assura  qu'il  ne  lui  refuse- 
rait rien.  Farinelli ,  qui  était  prévenu ,  pria  seulement  le 
roi  de  se  faire  raser  et  habiller,  ce  qu'il  n'avait  pas  fait 
depuis  long -temps,  et  de  tâcher  de  paratireau  conseil.  De- 
puis ce  temps,  la  maladie  diminua  sensiblement,  et  le  chan- 
teur eut  tout  l'honneur  de  cette  cure. 

Dès  lors  le  roi  ne  put  plus  se  passer  de  lui  ;  il  lui  accorda 
une  pension  de  quatre  vingt-mille  livres ,  et  le  fit  chevalier 
de  l'ordre  de  Saint- Jacques.  HT  éleva  enfin  à  un  tel  degré 
de  faveur,  que  Farinelli  était  regardé  comme  son  premier 
ministre.  Le  crédit  de  ce  chanteur  prodigieux  fut  à  peu 
près  le  môme  sous  Ferdinand  VI ,  successeur  de  Philippe; 
ce  prince  ajouta  l'ordre  de  Calatrava  a  celui  de  Saint- 
Jacques,  dont  Farinelli  était  déjàdécoré.  On  connaît  l'aven- 
ture du  tailleur,  qui,  lui  ayant  fait  un  habit  magnifique  et 
du  plusgrand  prix,  demanda  en  tremblant,  pour  tout  paie- 
ment, la  faveur  de  lui  entendre  chanter  un  air.  Retiré  il 
Bologne  en  1761  ,  Farinelli  fit  bâtir  dans  ses  environs  un 
palais  superbe,  où  il  passa  le  reste  de  sa  vie,  chéri  des  ha- 
bitans  de  Bologne ,  visité  par  les  plus  illustres  voyageurs . 
CI  toujours  aussi  simple,  aussi  modeste  dans  son  opulence, 
qu'il  l'avait  été  dans  la  faveur  de  la  cour.  Il  y  est  mort  en 
1782,  âgé  de  près  de  quatre-vingts  ans. 

On  peut  juger  d'après  ce  qui  vient  d'être  dit,  de  ce  que 
devaient  être  des  chanteurs  qui  excitaient  un  pareil  eu- 


□igilized  by  Google 


j8 

lliousiasmc,  dans  un  temps  ofi  l'école  était  si  belle  et  si 
pure  qu'elle  ne  produisait  que  d'habiles  artistes.  Ce  temps 
était  l'âge  d'or  du  chant.  Caffarelli,  Élisi,  Gizicllo,  Mau- 
zoli,  Victoire  Tesi,  Fausliue  Bordoni ,  el  ensuite  Guaria^ui, 
Guardncci,  Pacchiarolli ,  Harchesi ,  Gabrielli ,  Miiigutti, 
de  Amicis,  etc.,  ou  contemporains  ou  successeurs  de  ces 
chanteurs  admirables,  ont  eux-mêmes  donné  l'idée  de  la 
perfection,  chacun  en  leur  genre.  Les  personnes  qui  ont 
entendu  (kescentini  peuvent  seules  concevoir  ce  que  c'était 
que  cette  école  dont  je  parle.  On  se  rappelle  que ,  dans  la 
cour  de  Napoléon ,  qui  ne  passait  pas  pour  être  sensible  à 
l'excès,  ce  virtuose  fit  couler  les  larmes  du  prince,  des 
courtisans  et  de  toute  l'assemblée  dans  le  rôle  de  Romeo. 
Il  n'y  a  point  de  termes  pour  exprimer  un  tel  degré  de  ta- 
lent. Veluli  est  le  dernier  chanteur  de  cetle  école ,  mais  il 
ne  parait  pas  qu'il  ait  jamais  égalé  ses  devanciers. 

La  chute  des  écoles  et  l'absence  des  castrats  ont  com- 
mencé la  perte  du  chant  en  Italie;  les  fioritures  écrites 
l'ont  achevée.  Outre  que  ia  mise  de  voix  n'est  plus  guère 
connue  que  de  nom,  outre  que  les  études  propres  à  assu- 
rer l'intonation  ne  sont  plus  pratiquées,  outre  que  les 
chanteurs  ne  jbni  plus  de  distinction  entre  les  différent 
caractères  des  morceaux,  pour  y  approprier  les  ornemens  , 
ces  ornemens  sont  empreints  de  tant  d'uniformité  que  le 
charme  de  la  variété  a  disparu  complètement.  Quoiqu'on 
entende,  il  semble  presque  toujours  que  ce  soit  le  même 
airelle  même  chanteur.  La  prodigalité  des  points  d'orijue- 
contribue  encore  à  affaiblir  la  physionomie  des  cantitènes, 
et  les  points  d'orgue  sont  placés  avec  tant  de  symétrie 
qu'on  sait  d'avance  où  ils  arriveront  et  ce  qu'ils  seront. 

D'ailleurs,  l'exécution  de  tout  cela  est  toujours  plus  ou 
moins  incorrecte  ;  nos  meilleurs  chanteurs  ne  sont  bous 
que  relativement.  M™  Fodor ,  par  exemple ,  avait  naguère 
un  charme  extrême  dans  le  timbre  de  la  voix;  il  lui  suffi- 
sait d'ouvrir  la  bouche  pour  satisfaire  l'auditoire;  mais 
sous  le  rapport  de  la  vocalisation  ,  de  la  prononciation ,  de 
l'articulation  el  îles  proportions  du  phrasé,  combien  ne 
laissait-elle  pas  à  désirer?  SI"*  Fauta,  susceptible  d'cxal- 


□igitized  by  Google 


70 

talion  et  d'ïnspiralions  heureuses,  douée  même  de  la  l'a- 
cuité d'inventer  dans  les  ornemens  ,  montre  à  chaque  in- 
stant quale  défaut  d'études  préliminaires  trahitsa  pensée, 
et  qu'elle  sent  mieux  qu'elle  ne  peut  exécuter.  Sa  voix  est 
inégale,  souvent  dure,  et  presque  tous  ses  Iraits  laissent 
a  désirer  pins  de  perfection.  M*'  Mombelli  a  beaucoup  de 
verve;  elle  domine  la  scène  dans  les  morceaux  d'ensemble; 
elle  entraîne  par  sa  chaleur  :  mais  elle  hasarde  ses  traits 
plutôt  qu'elle  ne  les  fait;  sa  manière  est  Irop  uniforme, 
et  son  organe  manque  de  sensibilité.  M"  Pisaroni  connaît 
l 'art  du  chant  beaucoup  mieux  que  les  cantatrices  que  je 
viens  de  nommer;  on  retrouve  en  elle  les  dernières  traces 
delà  helle  école  italienne  ;  elle  dit  fort  bien  le  récitatif; 
mais  elle  s'estfailunc  voix  factice  excessivement  désagréa- 
ble ,  et  ses  fioritures  sont  quelquefois  de  mauvais  goût. 

Les  hommes  ne  sont  pas  plus  exempts  de  reproches. 
Sfitli,  avec  une  puissance  d'organes  rare ,  avec  de  la  cha- 
leur et  du  sentiment  dramatique,  n'a  malheureusement 
point  égalisé  les  cordes  de  sa  voix ,  et  n'a  point  appris  à  lui 
donner  de  souplesse  dans  les  traits.  Zucclielli ,  que  la  na- 
ture a  pourvu  d'une  voix  douce,  sonore,  et  d'une  certaine 
facilité  de  vocalisation ,  manque  de  verve,  de  scaliment 
et  de  slylc.  Garcia  réunit  loutcs  les  qualités  d'un  grand 
chanteur; 'mais  l'éducation  première  lui  a  manqué.  Un- 
bini  connaît  les  élémens  du  chant  ;  il  est  pur  et  gracieux, 
mais  il  manque  de  force.  Je  ne  connais  ni  David  ni  La- 
hlache ,  et  ne  puis  conséquemment  en  parler  que  par  tia- 
dilion.  Il  parait  que  le  premier  joint  de  grands  défauls  à 
de  grandes  qualités,  condition  ordinaire  des  meilleurs 
(hauteurs  de  nos  jours;  le  second  est,  dit-on  ,  parfait  en 
son  genre  ;  je  le  désire  plus  que  je  ne  le  crois.  Il  faut  tant 
de  choses  pour  faire  un  chanteur  parfait,  et  si  peu  de 

liment  me  dit  que  nous  ne  verrous  plus  de  ces  merveilles 
de  l'ancienne  école,  rien  enfin  qui  approche  de  Crescen- 
tini.  Les  circonstances  sont  trop  défavorables;  il  n'y  a 
plus  do  modèles,  plus  d'enthousiasme  ,  plus  de  goût,  plus 
de  conscience  surfont,  et  c'est  là  ce  qu'il  y  a  de  pis.  Jl  n'y 


DiginzM  by  Google 


a  plus  de  chanteur  qui  chante  pour  lui  ;  il  n'y  a  plus  de 
compositeur  qui  compose  pour  se  plaire.  L'argent,  tou- 
jours l'argent!  voilà  le  but  de  tous  dos  artistes  :  jamais 
celle  pensée  dominante  n'a  rien  produit  degranw. 

Les  conditions  du  chant  français  diffèrent  a  certains 
égards  de  celles  du  chant  italien.  Une  voix  pure  et  sonore, 
une  prononciation  nette  et  régulière,  et  de  l'expression 
dramatique,  est  à  peu  près  tout  ce  qu'on  a  désiré  en 
France  daus  un  chanteur  pendant  long-temps.  Un  préjugé 
peu  raisonnable  avait  fait  considérer  les  traits  et  les  orne- 

l'opéra  comique  s'est  affranchi  des  entraves  qu'on  lui  op- 
posait sous  ce  rapport;  mais  l'opéra  avait  résisté  jusqu'ici  : 
il  vient  de  céder  enfin  à  l'empire  de  la  mode,  et  il  a  bien 
fait. 

Cependant  il  faut  se  garder  de  tomber  d'un  excès  dans 
un  autre  :  il  est  bon  de  conserver  à  la  musique  d'un  pays 
sa  physionomie  particulière.  Une  imitation  servile  n'est  ja- 
mais une  conquête.  L'usage  raisonnable  des  ornemens  est 
utile  :  l'excès  serait  nuisible.  Il  y  a  dans  nos  habitudes 
théâtrales  un  penchant  ii  la  raison  qui  exclut  ces  morceaux 
de  placage  qui  n'ont  d'autre  but  que  de  montrer  la  flexi- 
bilité d'un  gosier.  Admettons  les  traits  et  toute  espèce 
d'ornemeus,  mais  ne  bannissons  pas  nos  formes  dramati- 
ques ,  auxquelles  il  ne  manque  souvent  que  des  chants  plus 
faciles  et  plusolégans.  Ne  multiplions  pas  trop  le  récitatif, 
mais  n'oublions  pas  qu'il  y  a  telle  phrase  de  Gluck  qui  est 
plus  susceptible  d'effet  que  cent  points  d'orgue.  Ën  un 
mot  n'ayons  point  de  système. 

Ou  sent  combien  le  domaine  du  chanteur  français  s'a- 
grandit parla  fusion  dus  formes  italiennes  avec  les  nôtres, 
et  combien  son  art  devient  plus  difficile.  Nous  avons  eu 
un  modèle  de  la  perfection  de  ces  genres  réunis  :  ce  fut 
Garai.  Mon  dessein  n'est  point  de  m'élendre  ici  sur  le  mé- 
rite de  ce  chanteur  étonnant  ;  trop  d'artistes  cl  d'amateurs 
l'ont  connu  pour  que  je  nesois  pas  compris  en  me  bornant 
à  le  citer.  Un  grand  chanteur  français  sera  celui  qui  aura 
la  mise  de  voix  do  Garai,  sa  flexibilité,  sa  justesse;  qui 


6i 

phrasera  comme  lui,  qui  respirera  comme  tut,  qui  pronon- 
cera comme  lui ,  qui  aura  son  goût,  sa  fécondité  dans  le? 
ornemens  ,  et  Surtout  qui  sera  doué  d'un  sentiment  aussi 

Quand  l'Ecole  royale  possédera  des  Voix,  il  faudra  s'at- 
tacher de  préférence  aux  sujets  chez  qui  la  mue  se  sera 
opérée  de  bonne  heure ,  car  il  est  rare  qu'un  homme  pris 
à  vingt  ans  devienne  un  chanteur  habile.  La  mise  de  voix 
est  alors  à  peu  près  impossible;  les  organes  ont  acquis  trop 
de  roideur.  Il  faudra  surtout  s'attacher  à  former  de  bonne 
heure  l'élève  à  une  justesse  rigoureuse,  car  c'est  un  des- 
moyens d'effet  les  plus  puissans*  Combien  y  a-t-il  de 
chanteurs  à  la  mode  qui  pourraient  subir  l'examen  de 
l'intonation  parfaite  sur  tous  les  degrés  chromatiques  de 
l'étendue  de  sa  voix?  On  se  contente  presque  toujours 
d'une  intonation  a  peu  près  juste  ;  de  là,  l'espèce  de  gêne 
que  l'auditeur  éprouve  à  son  insu.  M"  Barbier-Vatbonne 
ne  possédait  qu'un  beau  timbre  et  une  justesse  naturelle 
admirable;  aussi  a-t-elle  toujours  fait  une  grande  impres- 
sion Sur  le  public,  quoiqu'elle  fût  d'ailleurs  une  cantatrice 
médiocre  ;  M""  Duret  a  possédé  les  mêmes  avantages  avec 
plus  d'art;  malheureusement  sa  respiration  était  courte  et 
vicieuse. 

Le  moment  est  critique  potlr  la  France  :  il  faut  se  hâter, 
car  il  reste  encore  quelques  traditions  ;  dans  quelques  an- 
nées,  il  n'y  aura  plus  rien.  Professeurs  I  sentez  toute  l'im- 
portance de  vos  fonctionsl  l'art  du  chaut  est  ce  qu'il  y  a 
de  plus  difficile  ;  ce  n'est  pas  trop  de  tous  vos  soins  unis  à 
d'heureuses  dispositions.  Agens  principaux  de  l'autorité  ! 
ne  négligez  rien  pour  trouver  promptement  des  voix  :  dans 
dix  ans  il  serait  trop  tard.  Sortez  tous  de  l'apathie  où  vous 
êtes  plongés ,  si  vous  ne  voulez  enfin  que  le  mal  soit  sans 
remède! 

FÉTIS. 


a*  vol.  .    .  8 


Digitizcd  by  Google 


89 


.  EXPOSITION  DES  PRODUITS  DE  I/IKDUSTRIE. 
PIANOS 

-     DE  MM.  "PFEIFFER,  ROLLER  ET  BLAKCHET»  PLEYEL ,. 
.      .  DlIiTZ,  KLEPFER,  btc. 

■  la  Revw  musicale  a  di'jà  donné  un  résumé  de  l'état 
actuel  de  la  fabrication  des  pianos  en  France '  ;  mais  telle 
est  l'aclivilé  de  nos  facteurs ,  telle  est  la  progression  rapide 
.iksiperEsoUonuemeus  qu'Us  introduisent  dans  la  fabri- 
cation de  ces  instrumens,  qu'en  moins  de  six  mois,  ibj 
m'obligent  à  revenir  sur  cette  matière  par  la  richesse  des 
produits  qu'ils  ont  mis  à  l'exposition.  Celte  richesse  est  si 
gfaijdet  que  pour  rendre  à  chacun  la  part  de  justice  qui 
lut  est'due,  mop  embarras  est  à  peu  près  semblable  à  ce- 
lui de  la  commission  chargée  de  distribuer  des  prix  ;  car  il 
y  a  dans  ce  genre  de  fabrication  des  qualités  positives  et 
relatives;  outre  les  questions  de  sonorité  et  de  mécanisme, 
il  y  a  des  considérations  d'économie,  de  facilité  ou  de  diffi- 
«uJ«é»l'ompl9eemeDt(résultantduvolumedesmstrumen8], 
ife  solidité  et  d'avantage  ou  de  désavantage  pour  l'exporta- 
tion, considérations  qui  méritent  d'Être  examinées,  et  qui 
m'obligent  à  entrer  dans  des  détails  fort  circonstanciés.  Je 
«ummencerai  par  les  pianos  dont  la  forme  est  lu  plus 
utweli*,  et  qui  ne  présentent  pas  d'abord  d'innovations 
♦ojHiibles  4 1,'ceil- 

Damai  ceux-là,  les  pianos  cadrés,  à  deux  et  à  trois  cordes 
se  font  d'abord  remarquer,  car  ce  sont  ceux  dont  l'usage 
«M  le  plus  répandu,  au  moins  en  France.  C'est  à  les  per- 
£iotionner  que  la  plupart  de  nos  bons  facteurs  se  sont  alta- 
cht's.On  a  vu  dans  la  île-  vue  musicale  ce  que  cet  instrument 
f  ut  dans  son  origine  (  voyez  le  n°  i,  page  3a  ) ,  et  quels  furent 
ses  progrès.  t)n  a  vu  aussi  que  la  sonorité  de  l'instrument 
a  changé  complètement  par  l'abandon  des  tables  d'har- 
monie courtes,  auxquelles  on  substitua  les  tables  longues, 
du  marteau  à  échappement,  qui  attaque 


In  note  avec  une  énergie  que  l'ancien  petit  marteau  ne  pou- 
Ce  fut  en  iSoU  que  MM.  PfeifTer  etPelzold  mirent  à  l'ex- 
position des  produits  de  l'industrie  des  piano»  de  forme 
verticale  à  longue  table  d'harmonie,  avec  un  nouveau  mé- 
canisme qui,  par  un  mode  particulier  d'échappement,  dou- 
blait la  puissance  du  marteau.  Le  nouvel  instrument  réu- 
nit les  suffrages  des  professeurs  du  Conservatoire,  et  valut 
à  ses  auteurs  un  encouragement  du  gouvernement. 

Ce  résultat  les  conduisit  à  une  découverte  beaucoup  plus 
importante ,  qui  consistait  à  appliquer  au  piano  carré  ta 
tottguetahted'harmonicellemécani&me  à  échappement, 
qui  parait  devoir  en  être  inséparable.  Dès  co  moment,  on  put 
prévoir  que  les  conditions  principales  de  sonorité  étaient 
fixées  à  l'égard  du  piano  carré.  Ce  nouveau  genre  de  fabri- 
cation, qui,  depuis, a  été  adopté  dans  toute  l'Europe,  doit 
être  considéré,  non  comme  un  perfectionnement  de  l'an- 
cien ,  mais  comme  une  'invention;  car,  à  cela  près  de  la 
forme  du  meuble  et  île  l'emploi  du  clavier,  la,  construction 
intérieure  était  absolument  différente  de  celle  des  pianos 
préexistans. 

Pour  mettre  en  rapport  les  dimensions  du  corps  sonore 
avec  l'effet  qu'on  pouvait  en  tirer,  il  fallait  augmenter  le 
volume  des  cordes  ;  dès  lors  la  force  de  traction  de  celle-ci 
l'augmentant,  il  fallait  songer  à  assurer  la  solidité  de  l'ins- 
trument; car,  l'action  opérée  par  la  tension  sur  un  piano 
à  trois  cordes  égale  celle  qui  résulterait  d'un  tirage  dd 
sept  mille  livres  de  poids.  Néanmoins  il  fallait  éviter  d'al- 
lourdir  considérablement  la  charpente  du  fond  et  des  som- 
miers, parce  que  cet  alourdissement  aurait  pour  e(Tct 
d'éteindre  en  partie  les  vibrations,  et,  d'autre  part,  ajoute- 
railAun  appareil  déjà  volumineux  un  poids  fort  incommode. 

C'est  à  éviter  tous  les  inconvéniens  et  à  atteindre  le  maxi- 
mum de  sonorité ,  de  solidité  et  d'élégance  possibles  que 
M.  Pfeiffer  s'est  attaché  constamment  depuis.  Une  foule 
d'essais  ont  été  tentés  par  lui ,  et  chaque  année  a  été  mar- 
quée par  quelque  perfection nement  nouveau.  Dès  l'expo- 
sition de  1819,  lerapporldujury  s'exprimait  en  ces  termes 
à  l'égard  de  ce  facteur: 


«M.  Pleîffer  a  perfeclionné  le  piano  carré,  qui  jusqu'à 
olui  élait  demeuré  inférieur  .iu  piano  à  queue.  Par  sa 
'construction,  le  piano  carré  élait  borné  aune  courte  table 
a  d'liarmoiiïe,  'Jlf.  Pfeiffer,  le  premier,  l'a  fait  à  longue 
«table,  avec  une  mécanique  qui  règne  sur  une  seule  ligne 
«d'un  bout  à  l'autre  du  clavier;  il  a  aussi  introduit,  dans 
■  les  détails  de  la  mécanique,  des  améliorations  qui  rendent 
«  le  son  plus  net.  Les  pianos  carrés  de  M.  Pleiffer  sont  re- 
i  cherchés  dansles  pays  où, jusqu'à  ce  jour,  on  ne  seser- 
«vait  que  de  pianos  à  queue. ■ 

Depuis  l'époque  où  ce  rapport  a  été  fait,  des  améliora- 
tions partielles  ont  été  faites,  et  les  instrumens  de  celle 
fabrique  semblent  avoir  atteint  le  point  de  perfection  de 
leur  forme,  tant  par  leurs  qualités  positives  que  par  celles 
qui  ne  sont  que  relatives.  J'appelle  qualités  positives  celles 
qui  concernent  la  sonorité,  l'égalité,  la  légèreté,  et  la  soli- 
dité du  mécanisme  ou  de  la  masse  de  l'instrument  ;  les  qua- 
lités relatives  sont  celles  qui  résultent  de  la  modicité  du 
prix  et  des  avantages  que  les  instrumens  présentent  pour 
l'exportation.  Sous  le  premier  rapport,  si  l'on  examine  le 
piano  à  deux  cordes,  petit  modèle,  celui  à  deux  cordes, 
grand  patron,  celui  à  trois  cordes  et  celui  à  queue,  on  voit 
que  chacun  d'eux  remplit  toutes  les  conditions  désirables. 
Les  pianos  à  deux  cordes  ont  même  un  volume  de  son  qui 
tient  du  prodige,  attendu  l'exiguité  de  leurs  proportions. 
4  l'égard  du  prix  et  des  avantages  pour  l'exportation ,  ces 
instrumens  ne  sont  pas  moins  satisfaisans.  Les  pianos  de 
M.  Pfeiucr  sont  à  peu  près  les  seuls  instrumens  français 
de  cette  espèce  qui  soient  admis  en  concurrence  avec  les 
produilsjies  fabriques  de  Vienne  et  de  Londres,  dans  les 
Pays-Bas,  la  Hollande  et  l'Amérique. 

Je  trouve  parmi  les  pianos  ordinaires  des  facteurs  expo- 
sant cette  année,  ceux  de  MM.  Pape,  Roller  et  Blanche  t , 
Philipp,  Caidon,  Klein  et  de  plusieurs  autres;  ceux  de 
MM.  Pape,  Roller  et  Blanchet  me  paraissent  mériter  une 
attention  particulière.  M.  Pape  n'a  rien  qui  lui  soit  propre 
dans  la  facture  de  ses  pianos;  ce  ne  sont  en  général  que 
des  imitations  du  système  de  M  M.  Pelzoldet  Pfeifter;mais 


la  qualité  de  son  est  agréable,  quoiqu'elle  soil  un  peu  lour- 
de et  empalée.  M.  Itoller  n'est  pas  un  simple  ouvrier,  com- 
me tant  d'autres  facteurs  ;  c'est  un  artiste  qui  connaît  et 
qui  raisonne  les  principes  qui  le  guident  dans  sa  fabrica- 
tion. L'addition  du  mécanisme  (le  la  transposition  infé- 
rieure ou  supérieure  aux  pianos  ordinaires,  es!  ce  qui  dis- 

surlout  à  L'instrument  qu'il  nomme  piano  droit  qu'il  pa- 
raît avoir  attaché  Ions  ses  soins.  Cet  instrument  rnérile  que 
nous  en  analysions  los  délails. 

C'est  une  espèce  de  piano  vertical  dont  la  hauteur  n'ex- 
cède pas  celle  des  pianos  carrés;  elle  est  de  98  cenlimètres 
(3  pieds  moins  a  pouces  environ  ). 

Sa  base  est  un  parallélogramme  rectangle  de  1,  78  sur 
aa  centimètres;  le  dessus  est  de  la  mémo  forme,  maïs 
moins  long;'  le  parallélogramme  est  de  1 ,  5G  sur  22. 

Le  clavier  en  avant-corps,  porté  sur  deux  consoles,  ne  fait 
saillie  sur  l'une  des  grandes  faces  que  de  aa  autres  cen- 
timètres, en  sorte  que  l'épaisseur  totale  est  de  44  centi- 
mètres ou  îG.pouees. 

La  forme  de  ce  piano  du  reste  est  entièrement  symétri- 
que ;  un  vide  circulaire  ménagé  dans  le  bas  de  la  caisse 
eu  allège  l'aspect  géométral ,  et  laisse  plaee  aux  pieds  de 
l'exécutant,  qui  s'assied  sur  une  chaise  ordinaire. 

Un  piano  de  concert  a  communément  pour  dimensions 
1,  88  sur  84,  ce  qui  donne  eu  surface  1,5^ ,99. 

Le  piano  droit  n'occupe  réellement  qu'une  sur- 
face de  1,  78  sur  o  ,  sa  (  puisque  le  clavier  étant 
isolé  ne  géne  en  aucune  manière  ),  ou  o,5g,  tlj. 

Cet  instrument  ne  tient  donc  que  le  quart  environ  de  la 
place  d'un  piano  carré,  avantage  qui  n'est  pas  à  dédai- 
gner, maintenant  que  les  salons  sont  si  petits.  Examinons, 
quels  sont  ceux  de  l'instrument  eu  lui-même. 

Les  cordes  sont  diagonales  ,  elles  s'accrochent  au  côté 
droit  de  la  caisse,  et  les  chevilles  trois  par  trois,  ou  deux 
par  deux,  suivant  que  lu  piano  esta  trois  ovfà  deux  cordes, 
sont  placées  près  du  bord  supérieur  au-dessus  du  clavier. 

La  courbure  du  sillel  près  de  ces  chevilles  ,  et  celle  du 


86 

chevalet  sur  la  table  d'harmonie  ont  été  calculées  do  sorte 
que  les  marleaux,  frappant  au  point  voulu ,  puissent  être 
à  peu  près  égaux  en  hauteur.  Les  touches  sont  égales  en- 
tre elles  comme  dans,  les  pianos  à  queue;  le  tact  peut  cou- 
séqiiemmeiit  être  égalisé  avec  facilité.  (.- 

L 'échappe ment  est  aussi  simple,  que  celui  d'un  piano 
ordinaire  ;  il  n'y  a  de  différence  qu'un  petit  ressort  place 
devant  le  marteau  pour  le  reebasser  sur  sa  barre  de 
repos,  parce  qu'étant  presque  vertical,  ton  propre  poids 
ne  l'y  ramènerait  que  d'une  manière  lente  et  indécise. 

L'attrape-marteau  est  fort  ingénieux  ;  au  lieu  de  le  pla- 
cer ku  lalon  du  marteau,  comme  cela  se  pratique  ordinaire- 
ment, on  a  placé  l'attrape  en  avant  du  chevalet  et  de 
l'échappement  sur  la  touche,  et  un  autre  est  fiohé  de 
manière  à  iie  pas  cogner  sur  l'échappement  derrière  le 
manche  du  marteau.  Quand  celgUoi  retombe  ,  la  touche 
n'est  pas  encore,  revenue  à  «on  repos  et  les  deux  attrapes 
vienuentsc  prendre  mutuellement. .  ■ 

L'étquffoir m  ou  té  sur  un  pivot ,  comme  le  matteau,  a 
la  formed'une  équerre  oblique,  qui  est  enlevée  à  l'angle 
par  un  pilot  qni  descend  sur  l'extrémité  de  la  touche;  en 
sorte  que  ta  partie  qui  porte  le  molleton  s'éloigne  des  cor- 
des et  les  laisse  vibrer  aussi  long-temps  qu'on  a  le  doigt  aur 
la  note. 

Pour  régler  le  frappement  des  marteaux ,  l'échappe- 
ment porte  un  petit  laiton  taraudé  que  l'on  tourne  ou 
détourne.  L'opinion  de  M.  Roller  est  que  le  timbre  des 
pianos  verticaux  est  plus  agréable  que  celui  des  antres 
pianos;  que  les  vibrations  en  sont  plus  pures  et  plus 
nombreuses,  parce  que,  selon  lui,  le  chevalet  n'est  pas 
écrasé  sous  le  poids  des  cordes  ;  que  l'action  de  la  pesan- 
teur est  nulle  sur  la  table  d'harmonie  elle-même  ,  et  que 
c'est  la  cause  de  la  supérlorîtédu  son  du  piano  vertical 
sur  celui  du  piano  horizontal'. 

{•t)  Je  pense  q^acet  Égard  M.  Boiter  est  dans  l'erreur.  Que  l'action 
soit  moindre,  cela  peut  se  conceroir;  mais  qu'elle  soîl  nulle,  cela  es! 
impossible,  car  le  clicvalel  êleïanl  nécessairement  la  corde  pour  lui 
donner  l'inlonalion  et  la  sonoiite,  celle-ci  fuit  un  angle  avec  le  point 


Si  d'un  autre  ootë,  dit  M.  RoUer,  on  remarque;  V  qu'il 
n'est  pas  nécessaire  de  pratiquer  une  ouverture  entre  le 
sommier  et  la  lable  pour  laisser  frapper  le»  marteaux  ; 

V  Que  les  chevilles  très  voisines  delà  partie  sonore  des 
cordes  son  t  bien  plus  faciles  à  fixer  que  dans  le  piano 
carré  ordinaire  sans  fatiguer  les  Cordes  ;  ■;■'>■ 

o°  Que  lô  choo  le  plus  violent  du  marteau  ne  peut,  comme 
dans  celui-ci,  couper  la-corde  à  la  pointe  qui  sert  de  uœuil 
acoustique  sur  le  sillet,  im  ne  balance  pas  à  donner  encore 
la.  préférence  au  piano  ïeriîcal  sous  le  rapport  de  l'accord 
et  de  la  solidité.  .•tmî-.'îi-  ■ 

Cependant  on  regrette  qu'un  instrument  aussi  parfait 
ait  le  grand  inconvénient  de  ne  pouvoir  se  placer  que 
contre  les  murs  des  appartenons,  d'obliger  par  censé" 
quent  le  pianiste  de  tourner  le  dos  à  l'auditoire, -et  rie 
refouler  la  voix  dans  lespoumons  des  personnes  qui  chau- 
lent en  «'accompagnant:'  1  *  ■* ■ 

On  regrette  aussi  que  le  poids  et  la  longueur  des  triangles, 
qui  transmettent  le  mouvement  de  la  touche  au  marteau  , 
nuisent  à  l'énergie  de  l'échappement,  et  par  suite  à  Tin  tén- 
uité comme  aux  nuances  délicates  du's'oti. 

Le  piano  droit  réunit  tous  les  avantages  que  l'on  vient 
d'énumérersans  avoir  les  défauts  qui  avaient  Uni  par  rebu- 
ter les  plus  grands  partisans  des  pianos  verticaux.  Il  peut 
se  mettre  dans  an  salon,  tourné  vers  les  auditeurs,  en 
sorte  que  les  exêcutans  ne  seront  pas  pins  masqués  qu'à! 
un  piano  horizontal.  Le  prix  de  ce  piano  n'est  pas  "plus 
élevé  que  celui  du  piano  ordinaire. 

Il  tient  très  peu  de  plaoe,  sans  que  la  force  de  son  har-i 
monîeën  soudre;  car  un  piano  droit  à  deux  cordihs  rivalise 

d'attache,  et  opère  une  action  qui  cat  d'autant  plus  grande  t|iii!  l'angle 
est  .plus  aigu,  que  le  diapason  est  plu»  élevé,  et  que  le  volume  île  la 
curde  est  plu  s  considérable.  La  position  droite  ou  verticale  dé  l'instru- 
ment ne  peut  détrniro  cette  action  ;  je  dis  même  plus  ;  c'est  qit 'il  faut 
qu'elle  extae  ,  «l  que  c'est  d'elle  que  résulte  la  sonorité.  D'ailWra ,  le 
marteau  opérant ,  dam  le  piano  rerticsil,  un  refoulement  sur  la  corde, 
■u  lieu  de  la  pousser  en 'haut,  comme  dans  les  piauos  ordinaire,  il  y  a 
nrcrssairciiienl  une  action  mniiirnlanée,  faible  a  la  Térilé  ,  muis  qui  est 
réelle,  tandis  qu'elle  est  à  peu  pies  nulle  dans  U  forme  lioriioutsle. 


avec  uu  bon  piano  à  queue  à  trois  cordes.  Cet  essai  a  été 
fait,  par  plusieurs  artistes  distingués,  dans  le  magasin  de 
MM.Rotleret  Blanchet. 

■  Il  doit  donc  être  recommandé  à  l'attention  des  artistes 
et  des  amateurs  qui  visiteront  les  produits  de  l'industrie  , 
comme  un  instrument  sinon  absolument  digne  de  leurs 
suffrages,  au  moins  comme  un  heureux  essai  qui  mérite 
leurs  conseils,  pour  arriver  au  but  que  les  auteurs  se  pro- 
posent, savoir:  l'aire  le  meilleur  piano  possible,  en  rédui- 
sant autant  que  cola  se  peut  le  volume  du  meuble  qui  le 
renferme. 

(  La  suite  au  prochain  numéro.  ) 

FÉTIS. 


NOUVELLES  DE  PARIS, 

ODÉON. 

OUVERTURE  DU  THÉÂTRE. 

&  #(tri«t.  —  &t  SfrrGwr  U  Sktàt. 


Après  beaucoup  d'incertitudes  sur  le  sort  du  tbéàtre  du 
l'Odéon  ,  on  vient  de  le  rendre  à  son  ancienne  destination. 
Ce  n'est  point  qu'il  n'ait  été  fait  des  efforts  pour  substituer 
le  mélodrame  à  la  comédie  et  à  l'opéra  sur  ce  théâtre  ;  il 
paraît  que  beaucoup  d'intrigues  ont  été  mises  eu  œuvre 
pour  y  placer  le  spectacle  de  la  Porte- Saint- Martin.  On 
attribue  à  la  persévérance  de  deux  gens  de  lettres  distin- 
gués l'abandon  de  ce  projet, 

.  Il  y  a  dans  la  position  du  Ibéâlre  de  l'Odéon  un  vice 
essentiel  que  tout  le  talent  ou  tout  le  bonlieur  d'un  direc- 
teur ne  vaincra  que  difficilement.  Des  sucres  comme  celui 
de  Robin  des  Bois^ont  des  événemens  fort  rares  au  théâ- 
tre :  une  bonne  entreprise  en  profite  quand  elle  les  trouve, 
maie  doit  savoir  marcher  sans  eux.  Si  elle  se  repose  sur.. 


□igifeed  t>y  Google 


ses  lauriers,  elle  esl  perdue  :  il  lui  faut  des  lendemains  nu 
succès  (lu  jour.  Quand  l'Odéon  rencontre  des  jours  heu- 
reux, ses  lendemains  sont  nuls.  L'ancien  dircclcur,  Ber- 
nard, l'a  senti,  et,  après  quelques  chutes ,  s'est  déridé 
sans  peine  à  céder  son  privilège,  se  contentant  de  garder 
les  bénéfices  du  chef-d'œuvre  de  Weber.  'Son  premiersuc- 
censeur  n'a  point  été  heureux;  le  second  le  sera-t-il  ?  nous 
le  désirons  plus  que  nous  ne  l'espérons. 

D'abord ,  nous  lui  demanderons  s'il  a  fait  tout  ce  qu'il 
devait  faire  pour  donner  à  l'ouverture  de  son  théâtre  tout 
l'éclat  nécessaire  !  Il  aurait  pu  employer  le  long  loisir 
d'une  clôture  de  plus  de  deux  mois  à  préparer  des  non- 

l'insouciance  de  la  population  du  faubourg  Saint-Germain. 
Au  lieu  de  cela,  il  choisit,  pour  attirer  le  public  à  la  pre- 
mière représentation  ,  une  tragédie  {ie  Paria),  qui,  mal- 
gré ses  beautés  de  stylo,  n'est  point  de  nature  à  piquer  la 
curiosité  du  public,  et  le  plus  usé  de  ses  opéras,  te.  Bar- 
bier de,  S  êvitle.  Outre  cela,  pas  un  acteur  nouveau,  pas 
l'ombre  d'un  talent.  La  môme  faiblesse  ;  la  morne  nullité 
d'exécution. 

M.  Caslil-Blaze  a  en  portefeuille  plusieurs  traductions 
prêles;  pourquoi  ne  pas  les  donner?  On  a  répété  long- 
temps les  Deux  Figaro  de  M.  Carafa;  pourquoi  u'a-t-on 
pas  joué  cet  ouvrage  ?  On  parle  de  plusieurs  opéras  en  trois 
actes;  qu'attend-ou  pour  les  monter?  Est-ce  qu'on  garde 
tout  cela  pour  une  meilleure  occasion  qu'une  ouverture 
solennelle?  Que  M.  Sauvage  y  prenne  garde!  tout  dé- 
pend du  début  dans  ce  pays  ;  on  se  dépêche  de  juger ,  et 
quand  l'opinion  est  faite,  il  n'est  pas  facile  de  la  réformer. 

Dans  la  reprise  du  Paria,  on  a  supprimé  les  choeurs 
qui  avaient  été  composés  par  M.  Aimon.  Ces  choeurs 
étaient  faibles  à  la  vérité;  mais  il  nous  semble  que  le  théâ- 
tre de  l'Odéon  étant  le  seul  où  l'on  trouve  la  tragédie  et 
l'opéra  réunis,  c'est  renoncer  à  une  partie  de  ses  avanta- 
ges, que  de  ne  pas  réunir  dans  un  même  ouvrage  des 
moyens  d'exécution  qu'on  chercherait  vainement  ailleurs. 
On  pouvait  retoucher  ces  chœurs;  on  pouvait  en  faire 


d'autres,  et  du  moins  on  aurait  offert  au  public  m  qu'il 
ne  peut  entendre  ni  au  Théâtre- Français,  ni  à  Feydcau.  Il 
nefautjamaisdéuaignerlesspécialités.  .    ,  t 

Quoique  déjà  l'orchestre  de  l'Odéon  ait  perdu  une  partie 
de  sa  verve  et  de  son  brillant,  c'est  cependant  ce  qu'il 
y  a  de  mieux  dans  l'opéra  qu'on  représente  à  ce  théâtre. 
M™*  Schutza  du  sentiment  musical ,  et  peut  être  fort  utile 
dans  certains  ouvrages,  quoique  sou  chaut  soit  plein  d'in- 
corrections; main  son  extérieur,  le  caractère  de  sa  vois, 
et  la  singularité  de  sa  prononciation ,  la  rendent  peu  pro- 
pre au  rôle  de  Rosine  qui  demande  tant  d'élégance  et  de 
légèreté;  Péronnet  est  faible  dans  le  comte,  et  Mondon- 
ville  est  lourd  dans  Figaro.  En  définitive,  le  personnel 
u'est  pas  satisfaisant.  Il  n'y  a  donc  de  moyens  de  succès 
que  par  les  nouveautés;  il  faut  les  multiplier,  ou  renoncer 
an  dessein  de  soutenir  ce  théâtre.  L'affiche  promet  bçaur 
coup  de  choses.  Mous  verronsbien.    ■   ■  ■ 

,'.     ,  THEATRE  DES  NOUVEAUTES. 
FIGARO, 

.','.[[■.''■         QU  LE  JOUR  DES  MOCES.       "'   "  '. 

Que  («.proposaient  les  gens  de  lettres  qui  ont  arrangé 
la  spirituelle  comédie  de  Beaumarchais,  telle  qu'on  la  voit 
maintenant  au  théâtre  des  Nouveautés?  Voilà  une  ques- 
tion qu'il  n'est  pas  facile  de  résoudre.  La  pièce  originale 
ne  peut  pas  être  jouée  sur  nos  théâtres  français  ;  MM.  Dar- 
win ont  essayé,  dit-on,  de  lever  Vemiàrgo  qui  s'oppose 
à  su  représentation  >  en  la  purgeant  de  sa  partie  politique 
et  philosophique-;  mais  ce  qu'ils  en  ont  été  est  précisé- 
ment ce  qu'on  veut  entendre  :  le  reste  n'intéresse  pas, 
parce  qu'on  le  sait  par  cœur.  Il  y  a  long-temps  qu'on  a  dit 
que  les  déclamations  et  les  épigramuies  du  Mariage  de 
Figaro  sont  souvent  da  mauvais  goût  :  le  public  était  à 
peu  près  de  cette  opinion  en  1818;  il  ne  pense  plus  de 
mèmo  eo  i8a?.  Quoi  qu'il  en  soit,  MM.  Darlois  ontréduit 


91 

la  pièce  en  trois  actes,  cl  ont  été  obligés  d'intervertir  soii- 
venl  Pordre  des  scènes.  D'après  les  conditions  qu'ils  s'é- 
taient imposées ,  ils  ont  fait  à  peu  près  tout  ce  qu'ils  pou- 
vaient faire.  La  pièce  n'est  point  amusante  ;  mais  ce  n'est 
point  leur  faute  :  quoi  qu'ils  eussent  fait,  elle  n'aurait  pu 
l'êlre. 

Si  ce  n'est  pas  la  comédie  de  Beaumarchais,  ce  n'est 
pas  non  plus  l'opéra  de  Mozart.  M.  Blangini,  qui  s'est 
chargé  d'arranger  la  musique,  a  bien  vu  que  l'inexpérience 
et  l'insuffisance  des  prétendus  chanteurs ,  qu'on  mettait  à 
sa  disposition,  ne  permettaient  point  de  leur  confier  l'exé- 
cution d'un  chef-d'œuvre  tel  que  les  Nocês  de  Figaro.  11 
a  pris  le  seul  parti  qu'il  y  eût  à  prendre ,  en  évitant  une 
profanation  inutile,  et  en  substituant  à  (a  musique  de 
Mozart  de  petits  morceaux  proportionnés  aux  petit* 
moyens  de  ses  acteurs.  En  un  mot,  il  a  fait  une  espèce  de' 
vaudeville,  trop  long  à  la  vérité,  mais  où  le  génie  est  dit 
moins  respecté.  •  ■ 1 

Il  faut  excepter  toutefois  l'air  Non  piu  andrai,  qui  sert 
de  finale  au  premier  acte,  au  moyen  de  quelques  arrange- 
ai ens,  l'air  délicieux  Mon  cœur  soupire ,  et  le  petit  chœur 
de  femmes  du  troisième  acte.  L'air  de  ia  calomnie ,  du 
Barbier  de  Séville,  et  un  chœur  tiré  dt»  finale  du  second 
acte  de  Léocadie  sont  aussi  intercalés  dans  la  pièce  ;  le 
reste  est  composé ,  comme  nous  l'avons  dit ,  de  petits  airs , 
de  couplets ,  de  duos ,  et  même  de  morceaux  d'ensemble 
composés  par  M.  Blangini,  pour  ses  chanteurs,  si  ckanA 
leurs  il  y  a.  Ce  sont  de  terribles  gens  que  Messieurs  et  Da- 
mes des  Nouveautés!  A  l'exception  de  la  petite  .Miller, 
pas  un  d'eux  ne  parait  avoir  les  plus  légères  notions  de 
musique.  M™  Albert,  la  Sontag  du  lieu,  n'est  passablé 
que  par  comparaison  avec  ce  qui  l'entoure.  Elle  ne  sedonie 
pas  de  l'art  de  diriger  sa  voix ,  car  c'est  toujours  par  éclats 
qu'elle  la  jette,  et  ses  intonations  son  trouvent  douteuses. 
M""  Miller,  qui  malheureusement  n'a  point  de  voir,  con- 
naît un  peu  plus  le  mécanisme  du  e liant;  mais  nous  ne 
pouvons  lui  pardonner  de  dénaturer  comme  elle  le  fait 
par  ses  variations  de  mouvemens  l'air  M  oh  cœur  soupira, 


DigiiizMBy  Google 


9a 

dout  le  ravissant  orchestre  est  anéanti  par  son  défaut  de 
mesure.  Il  y  a  aussi  dans  cette  pièce  une  voix  qu'on  ap- 
pelle Camille  et  qui  est  fort  drôle.  Nous  disons  une  voix 
et  non  un  acteur ,  car  celui  qui  en  est  pourvu  nous  a  pa- 
ru être  privé  totalement  d'intelligence  et  de  la  faculté  de 
se  mouvoir.  C'est  cette  voix  qui  entreprend  de  chanter 
l'air  de  lu  calomnie,  et  qui  s'en  tire  d'uue  manière  fort 
amusante* 

Vous  avez  vu  peut-être  de  ces  plaisans  de  société,  dont 
l'un  déclame  pendant  qu'un  autre  fait  les  gestes  :  la  voix 
dont  nous  venons  de  parler  donne  lieu  à  une  scène  gro- 
tesque du  même  genre.  Tandis  qu'elle  chante-J'air  Non 
piu  andrai  (dont  nous  ne  rappelons  point  les  paroles 
françaises),  Bouffé,  qui  n'a  point  de  voix,  mais  qui  sait 
se  remuer,  gesticule  pour  son  camarade.  Ce  pauvre  Bouf- 
fé se  trouve  lui-même  dans  un  grand  embarras  au  troisiè- 
me acte:  il  y  doit  chauLer  une  sorte  de  petit  nocturne  al- 
ternativement à  la  tierce  et  à  la  sixte  de  la  partie  de  fem- 
me; mais  sitôt  qu'il  entend  la  voix  de  M"  Albert,  il  lui 
est  impossible  de  garder  ses  intonations  et  il  se  met  à 
chauler  à  l'octave  où  à  l'unisson. 

-  Il  y  a  de  jolis  motifs  et  une  instrumentation  suffisam- 
ment fournie  dans  la  musique  de  H.  Blangini;  mais  l'exé- 
cution est  si  effroyable  qu'il  est  impossible  que  le  public 
s'en  doute.  s 

—Les  troubles  du  théâtre  de  l'Opéra- Comique  se  perpé- 
tuent :  l'état  de  choses  est  même  tel  qu'il  y  a  peu  d'espoir 
d'arriver  à  un  arrangement  amiable.  L'autorité  continue 
à  prendre  envers  les  sociétaires  des  mesures  chaque  jour 
plus  violentes;  et  ceux-ci  ne  cessent  d'opposer  une  résis- 
tance vigoureuse  aux  persécutions  dont  ils  sont  l'objet. 

Deux  pièces  importantes  viennent  d'êlre  publiées  pac 
eux:  l'une  est  un  mémoire  rédige  par  H.  Dupin  jeune; 
l'autre  est  uue  consultation  délibérée  et  signée  parles  célè- 
bres avocats  MM.  Petit-Dautrivc ,  lierrycr,  Parqnin, 
Mcriliiou,  et  F.  Nicod,  avocat  aux  conseils  du  roi  et  à 
la  cour  de  cassation. 

La  puissance  des  faits  et  des  rai  son  ne  meus  est  [elle,  dans 


Digitizcd  by  Google 


93 

ces  ilenx  pièces,  qu'à  moins  d'être  aveuglé  par  des  consi- 
dérations d'intérêt  personnel,  on  est  forcé  de  se  rendre  à 

l'évidence,  et  de  reconnaître  que  toutes  les  règles  de  la 
justice  et  du  droit  ont  été  brisées  à  l'égard  de  ces  malheu- 
reux artistes,  et  qu'ils  sont  victimes  d'un  arbitraire  dont 
il  n'y  a  point  en  d'exemple  depuis  la  restauration. 

Ce  ne  sont  pas  seulement  les  intérêts  des  acteurs  qUj 
sont  compromis  dans  l'état  actuel  des  choses;  ceux  des 
auteurs  qui  travaillent  pour  le  théâtre  de  l'Opéra-Comique 
ne  sont  pas  moins  aventurés.  Ces  auteurs  avaient  conclu, 
le  13  vendémiaire  an  X,  avec  la  société  de  l'Opéra-Comi- 
que, telle  qu'elle  venait  d'être  constituée  par  acte  notarié 
du  8  thermidor  an  IX  ,  une  convention  qui  avait  pour  but 
de  régler  les  intérêts  de  chacun.  Par  l'effet  de  l'ordon- 
nance du  17  juillet  dernier,  la  société,  n'existant  plus  que 
du  nom ,  les  auteurs  ont  senti  que  leur  convention  n'avait 
plus  de  base,  et  que  leurs  droits  ne  reposaient  plus  sur 
rien.  Ils  ont  en  conséquence  nommé  en  assemblée  géné- 
rale, en  date  du  14  de  ce  mois,  une  commission,  qui  est 

qui  est  composée  de  MM.  Etienne,  Dupaty,  PJanard, 
Delricu  ,  Boieldicu ,  Calcl  et  Fétis,  s'est  empressée  d'écrire 
à  M.  le  duc  d'Aumont,  premier  gentilhomme  de  la 
chambre  du  roi,  chargé  de  la  haute  surveillance  du  théâtre 
del'Opéra-Comiquc,  et  à  H.  le  baronde  la  Bouillerie,  mi- 
nistre d'état,  intendant  général  de  la  maison  du  roi,  à  l'effet 
d'obtenir  des  audiences  pour  exposer  £  ces  hauts  person- 
nages les  dangers  de  l'état  des  choses.  Nous  ferons  con- 
naître à  nos  lecteurs  les  résultats  de  ces  démarches,  qui 
intéressent  si  éminemment  la  situation  de  la  musique  dra- 
matique en  France. 


NOUVELLES  ÉTRANGÈRES. 


Bebuh  ,  te  8  août.  M11*  Sontag  a  chanté  pour  la  dernière 
fois  au  théâtre  de  Kcenigstadt  dans  [■  Italienne  à  A tger.  Le 


Digilizcd  by  Google 


94 

public  boudait  an  commencement  de  la  représentation , 
et  se  montrait  bien  plus  prodigue d'applauditisemens  pour 
lo  chanteur  Spilzeder,  qui  rentrait  à  la  suite  d'uo  voyage 
de  deux  mois,  que  pour  la  jeune  cantatrice  qui  préférait 
iléiinitivement  Paris  à  Berlin.  Cependant  elle  mit  tant  de 
grâce  et  de  coquetterie  dans  son  jeu  et  dans  son  chant , 
qu'elle  finit  par  enlever  tous  les  suffrages. 

Le  corps  de  musique  du  deuxième  régiment  de  chasseurs 
bavarois*  actuellement  en  garnison  a  Landau,  à  obtenu 
la  permission  de  voyager  en  masse  ,  et  s'est  mis  en  roule 
à  travers  l'Allemagne  méridionale,  en  donnant  des  concerte 
dans  tous  les  endroits  un  peu  considérables.  On  vante  gé- 
néralement l'ensemble ,  la  précision  d'exécution  et  le  pro- 
fond sentiment  musical  des  quatorze  artistes  qui  compo- 
sent celte  troupe.  Presque  tous  font  entendre  alternative- 
ment des  solos  sur  leurs  instrumens;  mais  on  remarque 
principalement  ceux  de  leur  chef,  M.  Kresz,  sur  le  cor  à 
clefs  (  Klappcnhom  ).  Les  morceaux  qu'ils  exécutent  sont 
bien  arrangés,  bien  choisis,  etse  distinguent  souvent  par 
une  grande  originalité.  Ces  artistes  militaires,  après  avoir 
parcouru  l'Allemagne  méridionale,  reviendront  par  Franc- 
fort, et  comptent  se  rendre  au  mois  d'octobre  à  Paris. 

Bologne.  A  la  Semiramide  de  Ilossini ,  l'entrepreneur 
du  théâtre  de  celle  ville  a  fait  succéder  Ponvpeo  in  Siria , 
musique  du  marquis  Français  Sampteri,  dans  l'espérance 
que  les]  Bojonaifi  entendraient  avéa  plaisir  l'œuvre  de  leur 
compatriote:  cependaut  il  n'en  fut  point  ainsi.  L'ouverture 
a  été  d'abord  fort  applaudie,  mais  dès  les  premiers  mor- 
ceaux, le  mécontentement  du  public  s'est  manifesté  d'une 
manière  non  équivoque,  et ,  malgré  les  efforts  de  M""Boc- 
cabadali  et  Mariant ,  deux  des  meilleures  chanteuses  de 
l'Italie  ,  avant  la  fin  du  premier  acte ,  il  n'y  avait  plus  de 
doute  sur  la  chute  de  la  pièce.  .  , 


□igilized  by  Google 


LITTÉRATURE  MUSICALE, 


La  littérature  musicale  étrangère  est  si  peu  connue  en 
France,  que  nous  croyons  qu'on  ne  verra  pas  avec  indif- 
férence quelques  détails  sur  les  principaux  ouvrages  qui 
ont  été  publiés  en  Allemagne,  en  Italie  et  en  Angleterre, 
sur  cette  matière,  depuis  quelques  années.  Nous  nous 
attacherons  de  préférence  à  ceux  qui  présenteront  un  in- 
térêt historique. 

Bet  Chorai-Geaang  sur  Zeit  der  lie  formation,  etc — Le 
plain-cliant  du  temps  de  la  réformation  de  Luther,  ou 
réponse  à  la  question  :  d'nù  vient  que  l'on  trouve  quel- 
que chose  dans  les  chœurs  des  anciens,  que  l'on  ne  peut 
pas  atteindre  aujourd'hui  3  Pur  P.  Momimgb  ,  in-4*  avec 
musique  et  le  portrait  de  Luther.  Berlin,  Reimer. 
5  rxâ.  13  gravures. 

Les  causes  de  la  décadence  de  la  musique  d'église,  en 
Allemagne,  sont  attribuées  par  l'auteur  à  la  guerre  de 
trente  ans,  à  la  prédilection  pour  la -musique  théâtrale, 
et  au  mauvais  goût  qui  s'était  introduit  en  Saxe.  M.  Mor- 
tùnor  fait  l'éloge  du  plaiu-chant  des  anciens  frères  Mora- 
Ycs^^p|^HflHtoM4^  ]'r  supplément 
trente-un  exemples  de  chants  d'église. 

GrundzUge  der  GescfUchlc  der  modernen  Musîk. — Élé- 
mens  de  l'histoire  de  la  musique  moderne.  Par  Fr. 
Stopcl,  avec  une  préface  de  G.  IVchtr,  in-Zj".  Berlin, 
Dunker.  1  rxd. 

La  première  partie  de  cet  ouvrage  contient  un  précis  de 
l'histoire  de  la  musique  depuis  Pyllingnre  jusqu'à  Cuidu 
d'Arczzo,  et  jusqu'à  la  fui  du  dix-huitième  siècle.  ï,,t 
seconde  renferme,  en  trois  colonnes,  une  liste  des  compo- 
siteurs célèbres,  avec  l'indication  de  leurs  ouvrages  et  des 
remarques  sur  leur  mérite. 


DiginzMBy  Google 


Dos  Leben  der  Kùnstterin  Mara,  c'est-à-dire:  vie  de 
madame.  Muu  (  célèbre- cantatrice  )  ;  par  C.  Gbosheim. 
i  vol.  iu'8°.  Cassel,  chez  Leukuabdt. 
Gertrude  Elisabeth  ScnuiiiLiNG  était  née  à  Cassel  en  i?4ffi 
à  l'âge  de  six  ans,  elle  montrait  déjà  de  grandes  disposi- 
tions pour  la  magique  ,  et  jouait  fort  bien  du  violon.  En 
1755,  elle  se  rendit  en  Angleterre,  quitta  le  violon  et  se 
voua  au  chant,  dans  lequel  elle  fit  des  progrès  si  rapides, 
qu'elle  s'attira  bientôt  l'admiration  des  connaisseurs.  En 
i7?3,  elle  épousa  un  Italien  nommé  Maua.  Peu  de  temps 
après,  elle  visita  les  principales  cours  de  l'Europe,  celles 
de  Vienne,  de  Berlin,  de  Paris,  et,  après  avoir  passé  quel- 
que temps  en  Italie,  principalement  à  Turin  et  à  Venise, 
où  elle  luttait  avec  les  plus  célèbres  chanteurs,  elle  se  ren- 
dit de  nouveau  eu  Angleterre.  Le  dernier  concert  qu'elle 
donna  à  Londres  lui  valut  a8,ooofr.  Retournant  ensuite 
dans  sa  patrie,  elle  y  fut  accueillie  avec  enthousiasme,  et 
partout  dans  ses  voyages  à  Francfort,  Vienne,  Berlin, 
Saint-Pétersbourg,  Moscou,  les  plus  grands  éloges  luïfu- 
rentprodigués.  A  l'incendie  de  celte  dernière  ville  ,  elle  per- 
dilenun  seul  jour  toutle  fruit  de  ses  épargnes.  En  i8i5,elle 
se  retira  à  ftéval  où  elle  se  proposait  de  passer  le  reste  de 
ses  jours;  mais  des  motifs  pécuniaires  lui  firent,  en  1819, 
entreprendre  de  nouveau  le  voyage  d'Angleterre.  Enfin  en 
183 1,  elle  revint  dans  sa  ville  natale ,  à  Cassel ,  où  elle  ter- 
mina sa  glorieuse  carrière.  ( 


DigitizGd  t>y  Google 


EXPOSITION  DES  PRODUITS  DE  L'INDUSTRIE. 


DE  MM.  PFEI F  FF.  H  ,  ROLLER  ET  RLANCOET,  PLEYEL , 
D1ETZ,  KLEPFEIt,  htc. 

Apbès  avoir  parlé  du  piano  droit  de  MM.  Roller  et  Blan- 
chel,  j'aurai»  dû  dire  un  mot,  dans  le  dernier  numéro 
dû  la  Revue  musicale,  du  piano  oblique,  exposé  par 
MM.  Bumler  et  Froning,  qui  a  également  pour  objet  de 
diminuer  le  volume  du  meuble  en  le  renversant.  Cet  in- 
strument est  un  piano  à  queue ,  de  petite  dimension,  posé 
sur  un  dos  côtés ,  et  le  clavier  se  détache  en  avant-corps, 
mais  de  telle  sorle  (pic  l'on  a  dû  avoir  recours  aux  tringles 
pour  porter  obliquement  les  marteaux  sur  les  cordes  ,  in- 
convénient grave  pour  le  toucher,  et  qui  rend  lea  répara- 
tions difficiles  pour  les  personnes  qui  ne  seraient  point  à 
portée  d'un  facteur  intelligent.  D'ailleurs  ,  le  volume  du 
son  est  faible  à  l'excès ,  en  sorte  qu'on  ne  peut  considérer 
le  piano  oblique  que  comme  un  de  ces  essais  infructueux 
que  chaque  année  voit  éclore. 

MM,  Pleyel  et  compagnie  ont  exposé  deux  inelrumons 
différens  ;  l'un  est  le  piano  unicordp-,  l'autre  est  le  piano 
à  queuC'barré  en  fer,  et  dé  barrasse,  jle  son  fond  massif. 

J'ai  fait  ressortir  les  avantages  du  premier  dans  mon 
article  sur  les  pianos  (n°  i  de  la  Revue,  p.  34);  ees  avan- 
tages résultent,  1°  de  ce  qu'il  dispense  du  soin  de  cher- 
cher dans  l'accord  du  piano  des  unissons  parfaits  entre 
les  diverses  cordes  d'une  même  note,  unit  sont  qu'on  n'ob- 
tient jamais  et  qu'on  ne  pourrait  conserver  long-temps, 
y  fût-on  arrivé;  a°  de  Vfiomog&iiéilé  du  son  qui,  n'étant 
produit  que  par  un  seul  corps  élastique  d'une  forte  di- 
mension ,  n'est  point  soumis  aux  accidens  vibratoires  de 
cordes  accolées  qui  peuvent  n'être  pas  du  même  volume , 
du  même  poids,  de  la  même  tensiou,  ou  qui  peuvent  étro 
attaquées  inégalement  ;  5°  et  enfin  du  volume  du  son, 


BoyerlfTha 
Statut  I.k.^lc 


9» 

comparativement  plus  fort  que  relui  des  pianos  à  trois 
cordes»  conséquence  de  l'isolement  des  cordes  et  de  la 
liberté  de  leurs  vibrations. 

Le  piano  unicorde  offre  un  phénomène  qui  prouve 
quelle  est  l'importance  des  perfectionuemeus  qu'on  a  in- 
troduits dans  la  courbe  du  chevalet.  Four  obtenir  un  sou 
très  volumineux  d'une  seule  corde,  il  fallait  qu'elle  fût 
d'unegrosseurbeaucouppius  considérable  que  celles  qu'on 
emploie  dans  les  pianos  ordinaires;  maïs  ou  sait  qu'une 
corde  très  grosse  ne  monte  ordinairement  qu'avee  beau- 
coup de  difficulté,  et  qu'on  en  diminue  le  volume  à  me- 
sure que  l'intonation  s'élève.  Néanmoins  M.  Pleycl  fait 
usage  pour  les  notes  les  plus  élevées  du  numéro  cinq  zéro, 
et  ces  cardes  énormes  montent  sans  difficulté.  Il  n'en  faut 
pas  douter,  c'est  là  une  des  conquêtes  les  plus  importantes 
delà  facture  moderne;  car  on  ne  peut  obtenir  de  beaux  sons 
avec  des  cordes  grêles  comme  celles  dont  on  faisait  usage 
dans  les  anciens  pianos.  Mais  dans  les  pianos  à  deux  el  a 
trois  cordes,  la  difficulté  se  complique  ,  parce  que  le  ti- 
rage ou  l'action  des  cordes  sur  la  caisse  augmente  en  rai- 
son de  leur  volume.  Pour  résister  à  cette  action,  il  faudrait 
augmenter  la  solidité.  Or,  on  ne  le  peut  qu'en  fortifiant 
la  charpente ,  el  Ton  sait  qu'ont  ru  l'allourdissement  qui 
résulterait  d'une  charpente  trop  massive,  la  sonoréité  per- 
drait par  là  une  partie  de  ce  qu'elle  gagnerait  par  l'aug- 
mentation du  diamètre  des  cordes.  Pour  porter  le  piano  à 
son  plus  haut  point  de  perfection,  sous  le  rapport  de  la 
sonoréité ,  le  problème  à  résoudre  serait  celui-ci  :  trouver 
le  moyen  de  faire  usage  de  cordes  excessivement  volumi- 
neuses, sans  augmenter  les  dimensions  du  piano  ordi- 
naire, eu  trouvant  des  combinaisons  simples  et  légères 
capables  de  résister  à  l'action  de  ces  cordes.  Si  l'on  arrive 
jamais  à  la  solution  de  ce  problème ,  et  si  l'on  parvient  à 
donner  en  même  temps  de  la  solidité  et  de  la  légèreté  au 
mécanisme,  il  n'y  aura  plus  rien  à  désirer;  le  piano  sera 
un  instrument  parfait. 

Cependant  il  est  une  considération  qu'il  ne  faudrait  pas 
négliger,  la  voici  :  la  corde  étant  très  grosse,  cinq  zOros, 


99 

par  exemple,  dans  le  haut  de  l' instrument,  est-il  bien  cer- 
tain que  l'excessive  raideur  résultant  de  la  tension  per- 
mette à  celte  corde,  si  courte  et  si  grosse,  d'enlrer complè- 
tement en  vibration,  et  de  fournir  des  sons  aussi  purs  que 
s'il  y  avait  une  proportion  élahlïe  en  raison  des  longueurs, 
et  qu'au  lieu  de  cinq  zéros  les  notes  aiguës  ne  fussent  mon- 
tées qu'en  deux  zéros? 

Le  son  du  piano  unieorde  est  puissant,  pompeux,  et  égal 
en  volume  a  des  plus  grandes  dimensions;  mais 

ce  son  flatteur  et  pénétrant  me  parait  plus  convenable  à 
un  harmoniste,  àun  accompagnateur,  à  un  improvisateur, 
qu'à  l'exécution  des  pièces  de  piano,  pour  lesquelles  il 
manquerait  peut-être  de  brillant.  Appliqué  à  l'exécution 
de  la  musique  de  Mozart,  de  Beethoven  ,  ou  de  Haydn,  il 
e(t  excellent;  mais  les  traits  brillansdo  l'école  actuelle  ont 
besoin  d'un  son  qui  se  résolve  plus  promptement. 

On  peut  considérer  le  piano  à  queue  de  MM.  Pleyel  et 
compagnie  comme  une  des  meilleurs  importations  faite» 
dans  ces  derniers  temps.  Le  patron  adopté  par  ces  fabricans 
e3t  celui  du  fameux  Broadwood,  de  Londres;  c'est  exacte- 
ment le  même  système,  ce  sont  les  mêmes,  proportions 
et  c'est  le  même  aspect  :  cette  importation  est  une  conquête, 
car  ou  sait  que  les  pianos  à  queue  anglais  jouissent  d'une 
réputation  d'excellence  justement  méritée.  Au  moyeu  d'un 
barrage  en  fer  qui  assure  leur  solidité,  ces  pianos  n'ont 
point  de  fond,  en  sorte  que  les  vibrations  de  la  table  souore 
se  propagent  en-dessous  comme  au- dessus.  Le  son  est  plein, 
volumineux,  onctueux,  parfait, enfin, pour  qui  ne  préfère 
pas  l'éclat  de  la  sécheresse  à  la  rondeur  et  au  velouté. 

Les  pianos  de  M.  Dietz  fils  sont  de  deux. sortes;  l'un  est 
un  piano  à  queue,  à  quatre  cordes;  l'autre,  qui  rappelle  un 
peu  le  piano  triangulaire  de  MM.  Pfeiffcr  et  Petzold  par  sa 
forme,  en  diffère  cependant  essentiellement,  comme  on 
le  verra  tout  à  l'heure. 

On  sait  par  expérience  que  l'Intensité  du  son  d'un  piano 
n'augmente  pas  en  raison  du  nombre  de  ses  cordes;  ainsi 
il  s'en  fant  de  beaucoup  que  deux  cordes  produisent  un 
volume  de  son  double  d'une  seule;  la  proportion  s'affaiblit 


Digilizcd  by  Google 


bien  davantage  flans  les  pianos  a  trois  cordes  ;  enfui  il  est 
permis  de  croire  qu'une  quatrième  corde  n'augmente  lé 
volume  de  sou  que  d'une  manière  insensible;  |)eut-ètrc 
même  plusieurs  causes  rendent-elles  l'augmentation  nulle, 
et  l'addition  nuisible  sous  de  certains  rapports.  Je  m'ex- 
plique. 

Quelque  soin  qu'où  ait  apporté  à  régler  la  course  du 
marteau  de  manière  à  lut  faire  frapper  les  cordes  avec 
égalité  et  sur  un  même  plan,  les  froltemena  inévitables , 
les  variations  de  l'atmosphère  (qui  influent  si  puissam- 
ment sur  les  dimensions  des  matériaux),  et  une  foule  d'ac- 
cidens  qu'il  est  impossible  de  prévoir  et  de  prévenir,  dé- 
vangent  communément  assez  le  mécanisme  pour  que  le 
marteau  ne  frappe  qu'inégalement  les  diverses  cordes  sou- 
mises à  son  action.  11  résulte  de  là  que  toutes  les  cordes  ne 
résonnent  point  avec  un  égal  degré  de  forée.  D'ailleurs, 
quoique  du  même  numéro,  toules  les  cordes  d'une  même 
note  ne  vibrent  pas  de  la  même  manière  ,  car  elles  n'ont 
pas  lotîtes  le  même  poids,  le  même  volume  ,  la  même  ho- 
mogénéité, ni  par  conséquent  la  même  tension. 

Ce  n'est  pas  tout.  On  sait  que  le  son  n'est  que  l'ébranle- 
ment de  l'air  produit  par  le  choc  des  corps.  Les  ondes  so- 
nores ou  les  couches  d'air  réagissent  de  proche  en  proche 
sur  le  corps  qui  les  a  mises  en  mouvement,  et  éprouvent  à 
leur  tour  de  nouvelles  impulsions;  ces  alternatives  se  ré- 
pètent en  s'afl'aiblissant  jusqu'à  ce  que  tout  rentre  dans 
l'état  de  repos,  et  que  la  résonnance  cesse.  Or,  une  question 
ne  présente  :  les  ondes  sonores,  mises  en  mouvement  par 
chaque  corde  en  particulier,  se  prêtent-elles  un  secours 
mutuel,  ou  s'affaiblissent-elles  en  s'entrechoquant  et  en 
se  pénétrant  réciproquement?  et  dans  le  cas  où  elles  s'af- 
faibliraient, quelle  compensation  d'intensité  le  son  tire-t-îl 
de  l'augmentation  d'ébranlement  de  la  lable  sonore  pro- 
duite par  un  plus  grand  nombre  de  cordes?  Voilà  des  con- 
sidérations délicates  qu'on  éclaircira  pcut-clre  par  des  ex- 
périences analogues  à  celles  de  Chladni  et  de  M.  Savart, 
pour  vérifier  la  régularité  des  mouveinens  vibratoires  de  lu 
abie,en  augmentantsuccessivemcutlc  nombre  dés  cordes 
à  l'unisson. 


C'est  précisément  cet  unisson  qui  est  difficile  à  obtenir 
en  multipliant  les  cordes,  et  c'est  là  un  lie  pins  grands  ïn- 
convéniens  de  leur  multiplicité.  L'oreille  peut  saisir  le 
rapport  exact  de  deux  cordes  à  l'unisson  ;  elle  éprouve  beau- 
coup plus  de  difficulté  «'il  s'agît  de  trois,  et  il  parait  à  peu 
près  impossible  déjuger  de  qualre,  parce  une  la  corde 
qu'on  vient  d'accorder,  et  qui  doit  servir  de  point  de  com- 
paraison avec  les'autres,  n'a  fait  quelquefois  que  s'étendre, 
et  reprend  sa  première  position  parla  percussion  du  mar- 
teau pendant  qu'on  en  accorde  une  autre. 

Ce  sont  ces  difficultés  que  M.  Dîelz  fils  a  voulu  résoudre 
par  l'expérience  :  voici  ses  résultats.  Son  piano  à  queue  n'a 
point  en  effet  un  volume  de  son  proportionné  a  l'emploi 
de  ses  moyens  de  production,  du  moins  autant  q*ic  j'en  ai 
pu  juger  dans  l'emplacement  extrêmement  défavorable  où 
il  se  trouve  à  l'exposition.  A  l'égard  de  l'accord,  M.  Dietz 
croit  que  la  difficulté  de  l'obtenir  est  moindre  qu'on  ne  le 
croit  communément;  d'ailleurs  il  pense  que  celte  difliculté, 
si  elle  existait,  serait  compensée  avantageusement  par  la 
solidité  de  cet  accord  une  fois  obtenu,  attendu  que  le  mar- 
teau frappant  sur  une  surface  considérable,  fatigue  moins 
les  cordes  que  dans  le  piano  ordinaire. 

Mais  le  piano  de  M.  Dietz  est  surtout  remarquable  par 
l'heureuse  application  d'un  principe  incontestable.  Consi- 
dérant que  les  vibrations  de  la  table  sonore  et  des  cordes 
sont  d'autant  plus  franches  que  toutes  les  autres  parties  de 
l'instrument  eu  sont  dépourvues ,  il  s'est  attaché  principa- 
lement à  rendre  inerte ,  autant  que  cela  se  peut ,  le  som- 
mier de  chevilles ,  et  pour  cela ,  il  fuit  ce  sommier  en  fer 
fondu,  doublé  en  bois.  Dans  le  même  dessein,  il  faut  aussi 
le  sillet  en  cuivre,  afin  que  les  cordes  soient  appuyées  sur 
un  corps  beaucoup  plus  dur  que  le  bois.  Il  résulte  de  là 
que  le  coup  de  marteau  ne  se  fait  pas  entendre  avant  le 
son,  ou  conjointement  avec  lui ,  comme  cela  arrive  dans 
lesaulres  pianos,  et  que  les  siens  se  prêtent  à  jouer  parfaite- 
ment doux,  sans  qu'aucun  bruit  étranger  se  mêle  au  son.  Le 
mécanisme  du  marteau  présente  aussi  une  simplification 
bien  entendue  de  la  mécanique  anglaise,  el  son  échappe- 


mciitext  combiné  de  manière  à  obtenir  lu  plus  grande  pré- 
cision.pos5iblc.  Si  M.  Dietz  parvient  à  donner  à  ses  pianos 
un  volume  de  sou  plus  considérable ,  nul  doule  (jue  ses. 
îastramens  n'acquièrent  une  brillante  réputation  parmi  le», 
amateurs  et  les  artistes. 

L'autre  piano  de  ce  fadeur,  auquel  il  n'a  point  encore 
été  donné  de  nom,  parce  que  sa  forme  ne  présente  aucun 
rapport  précis  avec  une  figure  quelconque  de  géométrie, 
offre,  dans  sa  partie  opposée  au  clavier,  une  ligue  droite 
de  sixpieds  de  longueur.  Ses  côtés  sont  une  courbe  alterna- 
tivement concentrique  et  excentrique,  et  son  clavier  est  eu 
avant-corps.  La  surface  totale  de  l'instrument  n'est  pas 
beaucoup  plus  considérable  que  celle  d'un  piano  carré  à 
six  octave^  et  demie  et  à  trois  cordes.  C'est  à  remplacer  ce 
dernier  que  M.  Dielz  le  destine,  mais  la  disposition  de  ses 
diverses  parties  est  telle  que  ce  n'est  en  effet  qu'un  piauo  a 
queue  d'un  moindre  volume,  car  le  sommier  des  chevilles 

tage  de  celte  disposition  consiste  à  permettre  de  coller  la 
table  sur  ses  divers  côtés,  et  conséqucmmeul  à  lui  donner 
une  grande  solidité, au  lieu  délaisser  un  de  ses  côtés  libres 
et  appuyé  sur  une  légère  traverse,  comme  on  est  obligé  rie 
le  faire  dans  le  piano  carré  ordinaire  ,  à  cause  du  passage 
qu'il  faut  livrer  au  marteau  pour  qu'il  attaque  les  cordes. 
Les  antres  principes  de  SI.  Dieta  ont  leur  application  dans 
ce  piano,  comme  dans  le  piano  à  queue.  La  médiocrité  du 
volume  de  son  est  encore  le  reproche  que  j'adresserai  à  co 
facteur  à  l'égard  de  ce  piano;  tontes  les  parties  en  sont 
évidemment  bien  combinées,  mais  ce  son  n'a  pas  l'ampleur 
qu'on  désirerait. 

Les  pianos  harmonicordes  <te  MM.  Klepferet  compa- 
gnie méritent  une  attention  particulière,  parce  qu'ils  sont 
eu  quelqucsorte  le  renversement  du  piano  carré  ordinaire. 
Ces  pianos  sont  d'origine  suisse.  M.  Kohi,  leur  inventeur, 
considérant  le  désavantage  qu'il  y  a  à  laisser  un  côté  de  la 
table  libre,  comme  dans  le  piano  carré,  et  de  frapper  la 
corde  eu  la  soulevant  de  son  point  d'appui ,  a  imaginé  de 
(lier  les  cordes  dessous  la  table  et  de  la  frapper  consé- 


□igiiized  by  Google 


io5 

q nomment  conlre  la  tableau  lien  de  les  pousser  en  liant. 
De  celte  manière ,  la  table  est  collée  et  appuyée  avec  une 
égale  solidité  sur  tous  ses  cùlés. 

Slais  des  inconvéniens  bien  graves  entraient  en  balance 
avec  les  avantages  dans  le  piano  (le  M.  Kobl,  qui  depuis 
s'est  établi  à  Vienne ,  car  lorsqu'une  corde  cassait ,  on  ne 
pouvait  la  remettre  qu'en  ouvrant  les  [râpes  qui  se  trou- 
vaient sur  les  différent  cùlés  de  l'instrument ,  et  en  ôtant 
le  clavier.  Cette  opération  embarrassante,  même  pour  un 
facteur,  était  à  peu  près  impossible  pour  un  amateur,  et 
même  pour  un  accordeur  ordinaire. 

M.  Klcpfer,  qui  avait  d'abord  établi  ses  ateliers  à  Lyon, 
et  qui  a  fondé  nu  établissement  à  Paris  depuis  plusieurs 
années,  a  senti  la  nécessité  de  peiTect ion ner  l'invention  de 
M.  Kohi ,  et  de  la  débarrasser  d'une  partie  de  ses  défauts. 
Le  point  important  était  de  pouvoir  mettre  facilement  à. 
découvert  les  cordes  et  leurs  points  d'allaclie  an*  pointes  et 
aux  chevilles;  c'est  ce  qu'il  a  obtenu  en  établissant  une 
charpente  rendue  mobile  au  moyen  d'une  charnière,  et 
sur  laquelle  la  table  est  assnjélie  et  collée  sur  tous  ses 
côtés.  Cet  appareil,  qui  s'isole  entièrement  de  la  caisse  en 
se  soulevant  sur  la  charnière,  présente  la  l'orme  d'une 
harpe  couchée;  le  mécanisme  du  clavier  et  des  marteaux 
pose  au  fond  de  la  caisse.  En  plaçant  le  châssis  sur  lequel 
la  table  est  assnjélie  dans  une  position  verticale  ,  on  met  à 
découvert  les  cordes,  qui  sont  fixées  par  un  bout  à  des 
chevilles  semblables  à  celles  de  la  harpe. 

Ces  chevilles  traversent  le  sommier  d'outre  en  outre ,  et 
s'accordent  sans  qu'on  puisse  voir  les  cordes,  lorsque  le. 
châssis  et  la  table  sont  placésdans  leur  position  horizontale 
ordinaire.  Hais  on  sent  que  la  difficulté  consiste  à  distin- 
guer entre  plusieurs  cordes  ,  qu'on  ne  peut  pincer  à  vo- 
lonté, celle  qu'il  faut  monter  ou  descendre.  M.  Kohi  avait 
imaginé  de  rendre  le  clavier  mobile,  alin  qu'on  pût  à  vo- 
lonté ne  loucher  qu'une  corde  à  la  fois;  mais  les  variations 
de  l'atmosphère  pouvaient  empêcher  quelquefois  le  cla- 
vier d'avancer  ou  de  reculer;  M.  Klepfer  a  préféré  d'em- 
ployer un  procédé  imaginé  il  y  a  environ  vingt  ans  par 


•°4 

H.  Smith,  facteur  lie  Paris,  lequel  cor  si  aie  à  étouffer  «ne 
ou  deux  cordes  au  moyen  d'une  pédale. 

On  voit  qu'une  idée  dominante  (celle  de  faire  frapper 
les  cordes  eu  dessus  par  les  marteaux  )  a' préoccupé  plu- 
sieurs facteurs  exposant  celte  année ,  et  notamment 
MM.  Klepfer,  Roller  et  Bumler.  M.  Streicher,  facteur  à 
Vienne ,  a  tenté  de  la  réaliser  dans  les  pianos  à  queue,  il 
y  a  plusieurs  années,  et  l'on  dit  que  M.  Pape  doit  exposer 
aussi  un  piano  de  même  espèce.  L'application  de  celte 
idée  présente  plusieurs  avantages  incontestables;  mais  on 
ne  peut  disconvenir  qu'elle  a  aussi  des  inconvénieus  Irès 
graves.  Le  plus  réel  est  celui  de  forcer  à  interrompre  l'exé- 
cution d'un  morceau  de  musique  lorsqu'une  corde  casse, 
car  cette  corde  restant  flottante  sur  les  autres  rendrait 
celle  exécution  insupportable.  Lorsqu'un  accident  de  cette 
espèce  arrive  aux  pianos  carrés  ou  à  queue,  on  peu!  facile- 
ment enlever  la  corde  pendant  que  le  morceau  continue  ; 
mais  dans  les  pianos  de  MM.  Klepfer,  Roller  et  Bumler,  il 
faut  séparer  momentanément  les  cordes  des  marteaux,  ou 
les  marteaux  des  cordes ,  en  sorte  que  l'exécution  devient 
impossible.  Quel  que  soit  d'ailleurs  le  mérite  de  ces  instru- 
meus ,  je  pense  que  ce  défaut  est  si  considérable  qu'il  suf- 
fira pour  s'opposer  à  ce  qu'ils  obtiennent  un  succès  popu- 

II  me  reste  à  parler  du  doyen  de  la  fabrication  française 
des  pianos,  c'est-à-dire,  de  M.  Erard.  On  serapelle  qu'eu 
rendant  compte  d'un  concert  où  M.  Hcrz  jeune  avait  tou- 
ché un  piano  à  queue  sorti  des  ateliers  de  cet  habile  fac- 
teur, j'ai  exprimé  une  opinion  sévère  sur  la  qualité  de  son 
de  cet  instrument.  J'ai  obéi  alors  franchement  à  l'impres- 
sion que  j'avais  éprouvée,  et  à  nia  conviction  intime  :  c'est 
.avec  la  même  franchise  que  je  déclare  aujourd'hui  que  le 
piano  à  queue  exposé  par  M.  Erard,  celle  année,  me  parait 
un  instrument  excellent,  dans  toute  l'acception  du  mol.  Je 
sais  que  la  place  qui  a  élé  accordée  a  M.  Erard  pour  l'ex- 
position de  ses  instrumeus  est  très  favorable  à  la  propaga- 
tion du  sou,  mais  à  part  celte  circonstance,  le  sou  m'a  paru 
volumineux,  pénétrant,  égal  et  brillant.  C'est  bien  la  qua- 


_.i  i  i.:u"j  Uv  L 


i05 

lité  éclatante  et  brîllanle  îles  pianos  français,  dont  H.  Erard 
aconservé  le  type;  mais  ici  le  son  est  dans  tonte  la  perfec- 
tion désirable ,  et  bien  supérieur,  selon  moi,  à  ce  qui  était 

goût  particulier  ine  fait  préférer  le  son  concentré,  mais 
puissant,  des  pianos  anglais;  mais  cela  n'ote  rien  au  mé- 
rite de  l'instrument  dont  je  viens  de  parler. 

J'aurai  occasion  d'examiner  dans  d'autres  articles  le 
^ranii  orgue  et  les  harpes  exposées  par  M.  Erard;  ces  in- 
strumens  méritent  une  attention  particulière. 

J'ai  dû  me  borner,  dans  la  revue  que  je  viens  défaire,  aux 
perfcctiouncmcns  et  aux  inventions  les  plus  remarquables; 
il  est  plusieurs  facteurs  qui  ont  exposé  des  pianos  esti- 
mables, mais  ijul  ne  se  recommandent  point  par  des  quali- 
tés assez  sensibles  pour  mériter  d'être  détaillés.  Je  crains 

^  1  8  FETIS. 

QUEi-QUES  DÉTAILS 
SDH  LA  MUSIQUE  EN  RUSSIE. 


Pakhi  les  peuples  qui  s'occupent  de  la  musique,  et  qui 
abondent  en  chanta  nationaux,  on  doit  sans  aucun 
doute  placer  la  Russie.  Là ,  l'artisan  ,  le  marinier,  le  sol- 
dat dans  la  marclie,  l'agriculteur;  le  postillon,  le  voitu- 
rier,  enfui  toute  la  population  chante  en  se  livrant  à  ses 
divers  travaux. 

L'origine  de  la  musique  d'église  en  Russie  remonte  au 
pape  Grégoire-Ie-Grand,  eo  58o;  elle  consiste  en  quatre 
parties  chantantes,  lesquelles  sont  souvent  doublées.  Les 
signes  représentant  les  notes  sont  écrits  en  partie  sur  des 
lignes ,  et  en  partie  sans  lignes ,  sous  les  paroles;  celles-ci 
sont  en  prose,  tirées  de  S.  J.  Damascène  et  autres  pères 
de  l'Église.  Dans  la  chapelle  de  la  cour,  on  se  sert  de  notes 
modernes.  Le  culte  divin  est  célébré  ordinairement  par 
deux  ou  trois  fljalschid  (chanteurs  d'église  J  à  la  chapelle 
a*  vol.  io 


Digitized  by  Google 


toG 

impériale  ;  cependant  il  y  a  des  chœurs  réguliers  de  dix  à 
viugt  chanteurs,  lesquels,  principalement  sous  le  règne 
de  l'impératrice  Elisabeth  ,  exécutaient  les  motets  les  plus 
difficiles  avec  la  plus  grande  précision.  Ils  se  perfection- 
nèrent encore  sous  Catherine  II,  qui  préférait  le  style  mo- 
derne. En  1768,  la  chapelle  impériale  comptait  quinze 
soprani,  treize  contraÀti ,  treize  ténors  et  douze  basses. 
La  chapelle  fut  dirigée  successivement  par  Maufredini  et 
Galuppi ,  compositeurs  italiens  ;  on  y  exécuta  toutes  leurs 
compositions,  ainsi  que  celles  de  Beresosky,  natif  de 
l'Ukraine.  Lorsque  Galuppi  entendit  pour  la  première  l'ois 
■la  musique  d'église  exécutée  dans  la  chapelle  de  la  cour  à 
Saint-Pétersbourg,  il  avoua  qu'il  n'avait  jamais  entendu 
de  chœurs  aussi  parfaits  en  Italie.  En  1  j68,  il  fit  exécuter 
sur  la  scène  impériale  son  opéra  tflflgenîa  in  Tauride , 
dans  lequel  on  entendit  dix  chœurs  diiïerens. 

Outre  leurs  chants  populaires ,  les  Russes  ont  divers  in- 
.strumens  nationaux ,  dont  plusieurs  paraissent  Cire  d'une 
origine  très  reculée  ;  parmi  ceux-ci  sont  la  pandora  ' ,  le 
gusti*,  le  gudok',  la  patalaika1',  le  dutka  ou  tchweran'1 , 
et  la  walinka  ou  walnUta'. 

Pendant  que  Pierre-le-Grand  fut  sur  le  trône  ,  ses  ré- 
formes s'étendirent  jusque  sur  la  musique;  il  fit  venir 
d'Allemagne  toutes  sortes  d'inslrumens,  institua  une 
compagnie  de  jeunes  Eusses  destinés  a  apprendre  la  mu- 
sique, encourageant  principalement  ta  musique  militaire. 

En  i?ao,  le  duc  Charles-Ulric  de  Holslein  Gottorp 

(i)  Espèce  de  luth,  qui  a  moins  de  cordes  que  le  lulli  urdioaire.  On 
le  croit  uriginairc  de  l'Ukraine,  où  il  est  en  usage,  soit  pour  l'accompa- 
gnement du  cLaul ,  soit  pour  l'exécution  des  danses  naliunales  et  polo- 

(î)  Harpe  russe,  qui  a  la  forme  du  psalteriiim  allemand. 
fi)  Violon  à  trois  cordes  dont  se  servent  les  paysans  russes. 

(4)  Guitare  à  deux  cordes ,  en  usage  parmi  le  Las  peuple  de  la  Russie:. 

(5)  Instrument  à  vent,  russe,  très  ancien  ;  il  est  furmé  de  deux  tuyaux 

unis,  ilt  gr.nulmr  tlill'iiLiîiiii;  ,  (lui  uni           -(■"!(■  i!iiib- mcliui-c  el  tri'ii 

trous. 

(6)  Chalumeau  en  usape  cbei  les  paysans  russes,  fait  avec  une  vessie 
de  bœof  et  deux  ou  trois  roseaux  qui  y  sont  attachés. 


Digitized  by  Google 


10J 

amena  à  Saint-Péteisbourg  sa  chapelle  cl  sa  musique  do 
chambre  allemande;  Pierre-le-Grand  assistait  souvent  i\ 
ses  concerts ,  et  faisait  jouer  les  musiciens  à  sa  cour  pres- 
que toutes  les  semaines.  En  ijaj,  ce  même  orchestre  se  fit 
entendre  publiquement  dans  lesfetes  données  à  l'occasion 
de  la  paix  (le  Moscou.  Beaucoup  de  jeunes  Husses  prirent 
des  leçons  de  ces  artistes  allemands ,  et  lorsque  le  duc  re- 
tourna chez  lui ,  les  meilleurs  sujets  de  sa  chapelle  furent 
engages  au  service  de  Catherine  P'.  Pierre-le-Graud  ap- 
prit d'eux  à  jouer  du  violoncelle,  comme  il  apprit  l'escrime 
du  fameux  ltiedel  le  Saxon. 

L'impératrice  Anne  porta  sur  le  trône  le  goût  de  la  mu- 
sique. Dans  les  premières  années  de  son  règne,  en  î^Sj, 
Araja  ,  compositeur  napolitain,  mit  en  scène  le  premier 
opéra  italien  qui  ait  été  exécuté  en  Russie,  intitulé  :  Abï- 
jazarc ,  et  l'année  suivante  ,  Scmiramidc. 

Après  la  mort  de  l'impératrice  Anne,  en  174°.  lorsque 
,1.  Alb.  Ristori  de  Bologne  était  maître  de  chapelle  à  la 
cour  de  Russie,  Piantanida  et  Beligradoki  (  de  l'Ukraine) 
se  rendirent  à  Dresde.  Araja  partit  pour  l'Italie,  d'où,  il  ra- 
mena, en  174*1  Par  ordre  de  la  nouvelle  impératrice  Éli- 
sabetli ,  le  soprano  Salclli ,  qui  avait  chanté  avec  Farinelli 
eu  Espagne,  le  hautbois  Slazzi ,  les  violonistes  Telo,  Pas- 
narïnï,  Vocari ,  etc.  On  exécuta  pour  le  couronnement  la 
Ciemmza  di  Tito,  de  liasse,  avec  un  dialogue  en  musique 
composé  par  Do  m.  Dall'-Oglïo,  et  qui  avait  pour  titre  :  La 
Russia  ajjliUti  r,  viconoscente.  Le  nouveau  théâtre  de 
Moscou  contenait  5ooo  speclaleurs;  les  chœurs  étaient 
composés  de  5o  individus. 

Sous  le  règne  d'Élisabeth,  dans  vingt  années  qui  forment 
une  brillante  époque  pour  la  musique  russe,  Araja  compo- 
sa uu  opéra  presque  chaque  année.  Pour  les  féles  données 
lors  de  la  paix  avec  la  Suède  en  1764  ,  on  exécuta  le  nouvel 
opéra  de  Bcttero  fonte.  Dans  le  mémo  temps ,  le  maître  de 
concert  Madonis  publia  a  Saint-Pétersbourg  six  nouveaux 
concertos  de  violon,  et  Dominique  d'Ail'  Oglio  six  sympho- 
nies. H  parut  ensuite  plusieurs  airs  cl  chansons  russes  de 
SamarkofT  Telagin  cl  autres  poètes  nationaux,  qui  avaient 


ùlgtiEod  Oi  Google 


j«8 

été  mises  en  musique  parle  conseiller  Grégoire  Tépinv.  Le 
romle  Uasuniowsky  forma  dans  soi)  pilais  une  chapelle  tio 
cinquante  musiciens  russes,  qui  se  firent  entendre  pour  la 
première  fois,  en  i  p55 ,  à  Moscou. 

Ce  fut  dans  cette  -innée  qu'on  fil,  en  présence  de  la 
cour,  l'épreuve  du  fameux  cor  russe.LechanleurGawrilase 
lit  aussi  alors  une  brillante  réputation.  L'impératrice  ayant 
conçu  l'idée  de  faire  exécuter  un  opéra  en  langue  russe, 
Sumartow  fit  les  paroles  de  CëphaU  et  Procris,  A  raja 
les  mit  eu  musique,  et  cet  opéra  fut  exécuté  avec  un 
grand  succès,  dans  le  carnaval  rie  t;55,  par  les  chanteurs 
russes  Belgradiski ,  Cawrila,  Marzcutowitz ,  Guarituska, 
et  la. cour  en  fut  extrêmement  satisfaite. 

Après  Saletli,  qui  retourna  dans  sa  patrie  comblé  de 
biens ,  on  eut  en  russie  le  fameux  Carestiui ,  qui  ne  quitta 
laltussie  qu'emj58. Saint-Pétersbourg  eut  ensuite  Luini  de 
Milan,  Joseph  Millico,  la  Durant!  de  Rome,  lè  ténor  Com- 
passi  de  Florence ,  Nunziata  Garana  de  Bologne ,  etc.,  etc. 
Araja,  après  vingt-quatre  années  de  service,  retourna  en 
Italie,  en  ij5o,  avec  Stazzi  le  hautbois.  Il  fut  remplacé, 
comme  maître  de  chapelle,  par  Raupach,  compositeur 
allemand. 

Le  grand-duc,  depnis  empereur  Pierre  Fedérowîtz,  était 
passionné  pour  la  musique;  il  contribua  puissamment  à 
ses  progrès.Il  avait  chez  lui  deux  concerts  hebdomadaires, 
dans  lesquels  il  jouait  du  violon  ;  dans  sa  maison  de  cam- 
pagne, il  faisait  exécuter  des  intermèdes  italiens,  et,  en 
175G,  Rinaldi  lui  éleva  un  nouveau  théâtre. 

En  1756,  le  directeur  Jean  Locatelli  amena  à  Saint-Pé- 
tersbourg une  nouvelle  troupe  de  chanteurs  et  de  danseurs, 
et  l'année  suivante  ils  y  exécutèrent  le  premier  opéra  bouffe, 
qui  eut  un  grand  succès;  mais  la  mort  d'Elisabeth,  et  di- 
verses circonstance»,  firent  que  celte  troupe  ne  put  se 
soutenir  ;  elle  ne  tarda  guère  à  se  disperser ,  et  plus  tard  , 
die  fut  remplacée  par  l' opéra-comique  français. 

Sous  Catherine  II ,  la  musique  acquit  une  nouvelle 
splendeur;  ou  représenta  ,  en  îjGa  ,  VOlimpiade  de  Man- 
l'rcritni ,  et  la  salle  était  toujours  remplie  par  plus  de  trois 


DigitizGd  by  Google 


mille  spectateurs.  Des  intermèdes  italiens  et  des  comédies 
russes  et  françaises  alternaient  avec  l'opéra.  Statzcr,  de 
Vienne,  était  maître  de  concert.  Ou  exécutait  les  sym- 
phonies et  les  œuvres  de  Holzcbauer,  de  Wagetiseil,  de 
Bcnda.de  Gluck,  dcGasmann  et  autres.  Dans  le  carême  de 
i;ti-l.  on  organisa  des  concerts  spirituels. 

Dans  l'automne  de  1765  Galuppi  fut  nommé  premier 
maître  de  chapelle  ,  avec  4,000  roubles  par  an  ;  le  loge-' 
ment  et  un  équipage.  Tous  les  mercredis,  il  faisait  exécuter 
de  la  musique  à  la  cour ,  et  ses  ouvrages  lui  acquirent  la 
faveur  de  l'impératrice  qui  le  combla  de  biens.  Par  ses  or- 
dres ,  il  composa  la  musique  de  la  Didone  abbandonata 
de  iUe  ta  stase  ,  qui  fut  représentée  et  fort  applaudie,  en 
1766.  Cet  opéra  fut  ebanté  par  Colonna,  Schadborca,  les 
soprani  Luini  et  Pultini,  et  le  ténor  Sandale-  de  Venise. 
Après  la  seconde  représentation  ,  Galuppi  reçut  «ne  bague 
de  diamant  de  1,000  roubles.  En  la  lui  faisant  remettre, 
l'impératrice  lui  fit  dire  1  que Pm fortunée  Didon,  enmou- 
•  raitt,  lui  avaitlaissé  ce  legs.»  En  1768,  il  fit  représenter 
17 figcnia  in  Tauride  dont  on  a  déjà  parlé,  et  dans  l'été  il 
retourna  à  Venise. 

A  Galuppi  succéda  Traetta,  qui  resta  attaché  à  la  cour 
jusqu'en  1775.  Il  y  composa  sept  opéras. 

Après  Traeiia,Paisiello  entra  au  service  do  Catherine  II, 
avec  des  appointemens  de  4,000 roubles,  plus  900  roubles 
comme  maître  de  la  grande  duchesse  Marie  Federowna,et 
plusieurs  autres  émolumeus  relatifs  à  sa  charge.  Pendant 
un  séjour  de  neuf  années  en  Russie,  Pafsfetlb  a  composé  les 
opéras  suivait»  :  ta  Serva  padrona ,  itMatrimonîo  inas- 
pettato,  il  BarHerede  Seviglia,  ÎFilosofî  immaginarii, 
la  Finta  amante,  il  Monda  delta  luna,  ta  Nitteti,  Lu- 
cinda-  e  Armidoro ,  Aloide,  al  Bivio,  Achille  in  S ciro  ; 
île  plus,  une  cantate  pour  le  prince  Potcnikin,  une  t'arco 
pour  le  prince  Orloff,  et  plusieurs  morceaux  de  musique 
instrumentale. 

Sarti  fut  maître  de  chapelle  de  la  cnur  depuis  1 785  jus- 
qu'en 180  1.  L'impératrice  le  combla  d'honneurs  et  île  biens, 
el  le  nomma  directeur  d'un  nouveau  conservatoire  de  mu- 


1  10 

siquc,  avec  une  augmentation  d'appo internent  assezeonsi- 
dérable. 

En  1788,  Vjncenzo  Martini,  l'espagnol,  écrivit  aussi 
pour  l'opéra. 

En  180a,  on  exécuta  sur  le  théâtre  de  Saint-Pétersbourg 
ia  Création  d'Haydn. 

Parmi  les  célèbres  virtuoses  qui  ont,  à  une  époque  plus 
récente,  visité  la  Russie,  on  remarque  Clementi  avec  son 
élève  Field ,  Rode  (  qui  entra  au  service  de  l'empereur 
Alexandre  en  1804),  Caillot,  Klengel,  Hummel  et  M.  Boiel- 

Les  Russes  ont  une  musique  de  cor  d'un  effet  étonnant; 
vingt ,  trente  ,  quarante  musiciens  ont  chacun  une  espèce 
de  cor  qui  ne  donne  qu'une  seule  note;  ces  cors  sont  ac- 
cordés de  telle  manière  qu'ils  fournissent , comme  les  tuyaux 
de  l'orgue,  toutes  les  notes  nécessaires  pour  exécuter  un 
morceau  demusiqueavec  les  accompagnemens.  Par  exem- 
ple ,  un  des  exécutans  l'ait  tous  les  ut,  de  quelque  octave 
que  ce  soit  ,  qui  se  trouve  dans  un  morceau;  un  autre  fait 
tous  les  ré,  etc. ,  et  la  précision  de  leur  exécution  est  telle 
que  ces  différons  sons  semblent  provenir  du  même  in- 
strument. Comme  il  y  -a  des  notes  qui  sont  d'un  usage 
peu  fréquent ,  un  musicien  se  charge  quelquefois  de  deux 
ou  trois  cors  pour  diminuer  le  nombre  des  exécutans. 

Cette  espèce  .d'orchestre  rend  un  son  plus  fort,  plus 
nourri  que  nos  tnstrumeos  à  vent.  Par  un  temps  calme ,  on 
entend  cette  musique  d'une  lieue  et  demie,  et  même  de 
deux  lieues,  lorsqu'on  l'exécute  pendant  la  nuit  et  sur  un 
lieu  élevé.  De  prés,  ces  cors  produisent  l'effet  d'un  grand 
orgue,  sur  lequel  ils  ont  l'avantage  de  pouvoir  augmenter 
ou  diminuer  le  son.  De  loin ,  an  croît  entendre  un  harmo- 
nica. Un  habile  orchestre  russe  peut  exécuter  des  quatuors, 
des. symphonies,  des  concertos,  des  fugues,  etc. ,  et  faire 
les  traits  cl  les  trilles  avec  la  plus  grande  netteté.  Il  existe 
à  Saint-Pétersbourg  et  a  Moscou  plusieurs  chapelles  dans 
lesquelles  se  trouvent  des  orchestres  de  ce  genre.  Pendant 
le  séjour  de  Sarli  dans  la  capitale  de  la  Russie,  on  y  exé- 
cuta une  messe  iertquiem ,  un  oratorio  et  plusieurs  antres 
morceaux  de  musique  sacrée  avec  ces  instrumens. 


Eu  1817  ,  eu  genre  de  musique  s'introduisit  en  Allema- 
gne. On  exécuta  dans  celle  année,  à  Maiiheim,  sur  la  place 
publique,  un  Te  D&um,  qui  fut  accompagné  du  haut 
d'une  tour  par  un  orchestre  composé  de  cors- de- chasse  et 
de  seize  trompettes  ;  cela  produisit  un  effet  difficile  à  ex-* 
primer. 

L'inventeur  de  celte  musique  de  cors  russes  se  nom- 
mait I.  A.  Maresch  ;  il  était  né  en  Bohème ,  en  1719;  il  s'en 
occupa  en  t?5i,  de  concert  avec  le  maréchal  Ftarischkin  , 
intendant  suprême  des  forets,  Les  chasseurs  russes  deectte 
époque  avaient  un  cor  de  cuivre  jaune,  d'une  forme  à  peu 
près  semblable  à  un  cône  parabolique  ;  ce  cor  n'avait 
qu'un  seul  son.  Maresch,  joueur  de  cor- de-chasse  au  ser- 
vice impérial,  fil  fabriquer  trente-sept  cors  de  différentes 
graudeurs,  lesquels  donnaient  entre  eux  une  étendue  de 
irols  octaves.  Les  plus  graves  avaient  environ  sept  pieds-de 
longueur,  et  les  plus  aigus,  un  pied.  Il  les  ^distribua  à  un 
nombre  égal  de  chasseurs,  et  les  fit  répéter  long-temps  avec 
cette  sévérité  qu'où  peut  se  permettre  dans  ce  pays-là. Enfin, 
en  i?53,  il  put  pour  la  première  fois  les  taire  entendre  en 
présence  de  la  cour  impériale,  réunie  à  la  maison  de  chasse 
Ismaïlow ,  à  peu  de  distance  de  Moscou. 


NOUVELLES  DE  SARIS. 
THEATRE  ROYAL  DE  L'ODÉON. 

OPÉBi  EN  3  ACTES  , 

MUSIQUE  DE  M.  CÀUAFA., 

Ries  ne  prouve  mieux  que  le  succès  de  la  comédie  des 
Dettœ  Figaro  combien  l'esprit  de' parti  peut  induire  en 
erreur  sur  le  mérite  ou  les  défauts  d'un  ouvrage  ;  l'inten- 
tion de  Martelly,  en  écrivant  cette  comédie,  fut  de  faire 
une  critique  du  spirituel  Barbier,  et  des  autres  caractères 
si  originaux  inventés  par  Beaumarchais.  Il  voulait  se  ven- 


111 

gcr  des  sujets  (le  plainte  qu'il  avait  conlre  l'auteur  des 
Mémoires ,  et  trouva  dans  les  nombreux;  ennemis  de  ce- 
lui-ci des  principes  de  sa  faible  pièce.  Rien  ne  fut  négligé 
pour  en  assurer  le  sucées ,  et  l'on  parvint  à  l'établir  au  ré- 
pertoire. Aujourd'hui  le  mérite  littéraire  des  ouvrages  de 
Beaumarchais  occupe  seul  les  spectateurs,  et  l'on  con- 
vient généralement  que,  malgré  leurs  défauts  ,  les  carac- 
tères de  Figaro,  deBarlholo,  de  Basile,  d'Almaviva,  de 
Suzanne,  de  Chérubin  ,  sont  des  créations  du  génie;  ces 
noms  sont  devenus  proverbes,  cl  resteront  éternellement. 
Marlelly  a  voulu  en  faire  une  contre- épreuve;  mais  qu'il 
est  loin  de  son  modèle  !  Son  Figaro  est  un  lourdcau  qui  ne 
connaît  qu'un  moyen  d'iutrigue,  savoir,  de  se  cacher  pour 
écouler;  son  Almaviva  est  un  imbécille  qui  ne  ressemble 
point  à  l'amant  de  Rosine  ;  Chérubin  a  perdu  sa  grâce  et 
son  enjouement  pour  prendre  le  ton  d'un  valet  de  co- 
médie; Suzanne  n'est  qu'une  suivante  acariâtre;  plus  de 
Basile  ,  plus  de  Bartholo ,  plus  rien  de  ce  feu  roulant  de 
bons  mots  et  d'ù-propos  si  plaisans;  une  intrigue  froide  , 
longue  et  pénible;  quelques  épigrammes  dont  on  ne  sent 
plus  le  sel ,  voilà  tout  ce  qui  reste  de  cette  pièce  tant 
vantée. 

Elle  semble  au  premier  coup  d'oeil  peu  favorable  à  la 
musique;  cependant  l'opposition  des  deux  Figaro,  la  pé- 
ripétie du  second  acte,  les  disputes  de  Suzanne  et  de 
Figaro,  sont  des  motifs  qu'un  musicien  habile  pouvait 
développer  d'une  manière  heureuse;  c'est  ce  qu'a  fait 
M.  Carafa.  Il  y  avait  quelque  danger  à  se  mettre  en  com- 
paraison avec  Mozart  et  avec  Rossini,  en  faisant  chanter  les 
mêmes  personnages  auxquels  ils  ont  prêté  des  accens  si 
séduisans.  M.  Carafa  s'est  tiré  de  cette  difficulté  d'une  ma- 
nière honorable;  non  que  je  veuille  établir  de  parallèle 
entre  son  ouvrage  et  la  merveilleuse  production  du  pre- 
mier de  ces  grands  musiciens,  ni  môme  avec  la  composi- 
tion si  éminemment  spirituelle  du  second;  mais  il  faut 
avouer  que  le  duo  de  Suzanne  et  de  Figaro  ,  l'air  de  celui- 
ci  ,  le  trio  du  troisième  acte,  et  quelques  parties  des  divers 
morceaux  d'ensemble  sont  digues  d'éloges  sous  plusieurs 
rapports. 


n8 

Iï  y  a  déjà  euvirnu  huit  ans  que  Al.  Cdraia  a  écrit  (es 
deux  Figaro  pour  le  théâtre  de  la-  Scala;  à  Milan.  Si  on 
nous  en  eût  offert  alors  une  traduction ,  elle  eût  eu  beau- 
coup de  succès  ;  mais  la  forme  des  chants,  celle  del'insln;- 
mentatiou,  le  système  enfin  de  l'école  liossimenne  sont 
main  tenait  t  si  usées  parmi  nous  que.  quel  que  soit  le  mérite 
qui  brille  dans  une  composition  établie  sur  ce  système  , 
l'auteur  ne  peut  plus  espérer  d'intéresser  vivement  le  pu- 
blic. Donnez-nous  autre  chose!  Voilà  le  cri  qui  s'échappe 
de  toutes  paris.  Je  sais  que  ce  bon  public  en  parle  fort  à 
sou  aise,  ct_qu'il  n'est  pas  facile  de  le  satisfaire  sur  ce 
point  ;  mais  jusqu'à  ce  qu'il  se  trouve  un  homme  né  pour 
le  conleuter,  il  ne  montrera  que  de  l'indifférence  pour  ce 
qu'il  connaît,  et  ne  cessera  de  répéter  :  Donne:- nous  au- 
tre chose  ! 

L'exécution  des  deux  Figaro  est  bien  faible  à  l'Odéou. 
Les  chœurs  crient  plutôt  qu'ils  ne  chantent ,  et  détonnent 
presque  tous  le  temps  de  la  représentation.  I.ecnnite  chante 
faux d'unemanière intolérable!  Mondonville elianteetjouc 
assez  bien  ,  mais  sa  voix  parait  s'affaiblir  et  ne  produit  point 
d'effet  dans  les  morceaux  d'ensemble.  Sa  femme  ne  se  tire 
pas  mal  de  ses  Iraits;  mais  elle  ne  sait  pas  phraser,  et 
se  rhume  si  peu  de  peine  pour  prononcer  qu'on  n'entend 
pas  un  mot  de  ce  qu'elle  chante.  Léon  ltuzot  a  de  l'aplomb 
et  du  métier;  mais  il  l'aul  avouer  que  sa  manière ,  le  son 
de  sa  voix,  son  style  ont  un  certain  air  commun  qui  ne 
convient  guère  au  personnage  si  élégant  de  Chérubin. 
L'orchoslre  a  de  la  vigueur,  de  la  jeunesse  et  une  élégance 
qu'il  serait  a  désirer  qu'on  trouvât  dans  celui  du  théâtre 
de  l'Opéra-Couiique  ;  mais  j'y  ai  reniai  qué  plusieurs  inex- 
actitudes qui  produisent  un  mauvais  ctfd  .  surtout  dans 
les  parties  de  cor.  J'ai  déjà  eu  occasion  de  signaler  plu- 
sieurs fois  les  négligences  des  artistes  qui  sont  chargés  de 
celle  partie. 

Les  deux  Figaro  n'enrichiront  pas  beaucoup  le  caissier 
du  théâtre  de  l'Odéon  ;  mais  cet  ouvrage  variera  agréable- 
ment le  répertoire. 

— L'honorable  intervention  de  MM.  les  auteurs  eteom- 


Uigittiod  by  Google 


I 


pusiteuvs  dans  les  différons  qui  compromettaient  l'exis- 
tence de  l'Opera-Comique,  vient  enlin  démettre  un  terme 
au  scandale  dont  gémissaient  tous  les  amis  de  l'art  drama- 

tique.  Dans  une  audience  que  MM.  les  membres  de  la 
commission  des  auteurs  ont  obtenue  de  Monsieur  le  pre- 
mier gentilhomme  de  la  chambre  du  roi,  chargé  de  la  haute 
surveillance  du  théâtre  de  l'Opéra  -  Comique ,  ils  ont 
aplani  les  difficulté*  qui',  jusqu'ici ,  s'étaient  opposées  à  la 
rentrée  des  sociétaires  dissidens  et  de  M.  Lemctheycr,  ré- 
gisseur général.  L'acte  social  sera  respecté  ainsi  que  les 
conventions  de  MM.  les  auteurs  avec  la  société,  et  la  com- 
mission nommée  par  M.  de  la  Bouilleric,  ministre  d'état, 
directeur  général  de  la  maison  du  roi ,  pour  examiner  la 
situation  des  théâtres  royaux,  sera  chargée  du  l'apurement 
des  comptes  qui  avaient  été  refusés  aux  sociétaires.  Laren- 
Irée  de  MM.  Ponchard,  Huet,  Lafcuillade,  Valcrc,  Féréol, 
Chollct,  et  de  M  M'"'  Boulanger,  Prévost  ,  Itigaut  et  Pon- 
cliard  aura  lieu  samedi,  i"  septembre. 


NOUVELLES  DES  DÉPARTEMENS. 

Nous  l'avons  dit  :  il  y  a  péril  en  la  demeure  si  l'on  ne 
prend  des  mesures  pour  faire  cesser  le  plus  tôt  possible  la 
disette  de  chanteurs  qui  se  fait  sentir  chaque  jour  davan- 
tage en  France.  Si  une  circonstance  particulière  nous  fait 
revenir  aujourd'hui  sur  ce  sujet ,  c'est  moins  pour  nous 
occuper  de  la  qualité  des  chanteurs  que  de  la  quantité 
qui  est  aussi  fort  importante.  On  ne  peut  disconvenir  que 
depuis  Gorat,  et  par  suite  de  ses  leçons  ou  de  son  influence, 
la  France  n'ait  produit  quelques  chanteurs  remarquables  ; 
mais  outre  que  le  nombre  en  diminue  tous  les  jours,  nous 
n'en  avons  jamais  possédé  assez  pour  satisfaire  la  popula- 
tion des  amateurs  sur  tous  les  points  de  la  France,  et  pour 
y  propager  le  bon  et  le  véritable  goût  musical.  Pour  parler 
k:  langue  de  l'économie  politique  qui  doit  être  en  cette 
occasion  delà  plus  grande  exactitude,  nous  n'avons  fourni 
en  ce  genre  que  des  produits  de  luxe,  en  petit  nombre  et 


Digitized  by  Google 


fort  chers ,  et  nou  (le  ceux  que  réclamaient  les  besoins  du 
plus  grand  nombre.  Ayons,  si  nous  ie  pouvons,  îles  chan- 
teurfi  aussi  habiles  que  Garât,  Marti.,  el  l'onchard,  mai» 
attachons-nous  provisoirement  à  former  des  chanteurs 
musiciens,  qui  soient  tous  eu  état  de  chanter  passablement . 
et  surtout  d'exécuter  avec  aplomb  nus  bons  ouvrages, 
même  dans  les  moindres  sous-préfectures. 

Il  n'y  a  pas  de  doute  qu'un  opéra  exécuté  par  des  chan- 
teurs médiocres,  mais  Ions  bons  musiciens,  ne  produisît 
un  meilleureffct.àcause  de  l'ensemble  et  delà  réussit»  de 
l'cllcl  général,  que  le  même  ouvrage  dans  lequel  deux  on 
Irois  virtuoses  feraient  disparate  à  côté  des  nombreuses 
nullités  qui  les  entoureraient,  comme  cela  arrive  presque 
toujours  chez  nous.  11  nous  semble  du  moins  qu'un  véri- 
table amateur  ne  balancerait  pas  s'il  avait  à  opter.  D'ail- 
leurs, il  ne  s'agit  pas  ici  d'une  Lhéorie;  des  faits  sont  là  pour 
appuyer  notre  opinion. 

Interrogez  les  véritables  connaisseur*  qui  ont  parcouru 
l'Allemagne. Ils  vous  diront  qu'ils  y  ont  rarement  entendu 
des  chanteurs  distingués;  et  pourtant,  il  n'est  pas  de  petite 
résidence  où  l'on  ne  puisse  entendre  presque  tous  les  opé- 
ras italiens  ,  français  et  allemands,  exécutés  avee  un  en- 
semble très  satisfaisant.  Quel  est  l'amateur  le  plus  forte- 
ment prévenu  contre  le  chaut  allemand,  qui,  dès  le  premier 
jour  de  son  arrivée  de  l'autre  côté  du  Rhin,  entré  par  dés- 
œuvrement au  théâtre  de  Francfort,  n'ait  pas  été  agréable- 
ment surpris  par  l'ensemble  de  l'exécution,  et  surtout  par 
l'excellence  du  sentiment  musical.  On  ne  connaît  pas  à 
Vienne  un  seul  chanteur  digue  d'être  cité  à  coté  des  Ita- 
liens, et  cependant  on  y  exécutait  naguère  Jean  de  Paris 
et  le  Cfiaperoii  rouge  deBoieldieu  beaucoup  mieux  qu'on 
ne  le  fait  la  plupart  du  temps  à  Paris. 

Enfin  un  fait  récent,  qui  a  donné  lieu  à  cet  article,  vient 
parler  fortement  en  faveur  des  chanteurs  dont  le  principal 
mérite  est  d'être  musicien.  Une  troupe  ambulante  qui  a 
débuté  le  a/j.  juillet  à  Mulhauscn  .  département  du  Haut- 
Rhin,  ville  qui  compte  plus  dans  l'industrie  des  cotons  , 
filés  et  des  teintures  rouge  il'  Andrinopie .  que  dans  le 


DignizM  by  Google 


nG 

domaine  des  beaux-arts,  a  exécuté  depuis  celte  époque 
jusqu'au  u  août,  les  opéras  delà  Dame  blanche,  de  Boiel- 
dîail,  la  démence  de  Titus  de  Mozart,  Tancrèdc  et  VI  tâ- 
tonne à  Atyer  de  Rossîni,  le  Freysch&ts  de  Wcber,  les 
Cantatrice  viMunelte  de  Fioravauti,  Soliman  11  de 
Sùssmayer,  le  Maçon  d'Auber,  et  plusieurs  autres  opérait 
renommés.  L'exécution  a  fait  le  plus  grand  plaisir  :  les 
rôles  de  Tancrède  et  d'Aménaïde,  ont  été  chantés  par  deux 
soeurs  à  la  satisfaction  générale.  L'acteur  chargé  de  repré- 
senter D.  Juan ,  a  été  obligé  de  répéter  le  fameux  rondo  ; 
l'orchestre,  dans  lequel  ou  comptait  un  bon  nombre  d'ama- 
teurs distingués,  a  laissé  peu  à  désirer;  les  chœurs  étaient 
fort  bons,  ce  qu'on  peut  facilement  croire  dans  un  dépar- 
tement dont  la  population  est  toute  musicale.  Quelle  était 
donc  cette  merveilleuse  troupe  qui  a  procuré  aux  heureux 
filateurs  de  Mulhauscn  un  ensemble  de  jouissances  qu'au- 
cun théâtre  de  noire  capitale  ne  pourrait  garantir  au  pu- 
blic? C'était  la  troupe  allemande  de  Fribourg  en  Brisgau, 
dans  le  grand  duché  de  Bade,  qui  est  venue  faire  une 
tournée  dans  les  départemens  de  la  France  où  l'on  parle 
la  langue  allemande.  Sans  doute  M.  Mayer  {  Don  Juan  ) 
n'est  pas  uu  Garcia,  ni  mademoiselle  Stehle  (Tancrède) 
une  Pasta,  mais  tons  ces  gens-là  devaient  plaire  par  l'en- 
semble de  leur  exécution  vraiment  musicale,  et  malgré 
leur  médiocrité  dans  l'art  du  chant,  considéré  d'une  ma- 
nière abstraite. 

Nous  le  demandons  maintenant,  quelle  troupe  des  dé- 
partemens de  la  France  serait  capable  de  faire  ce  qu'a  fait 
en  Alsace  celle  d'une  petite  ville  d'Allemagne?  La  réponse 
est  malheureusement  trop  facile. 

Si  l'on  n'y  prend  garde,  la  France,  qui  naguère  a  fourni 
des  chanteurs  aux  pays  étrangers,  ressemblera  bientôt, 
sous  ce  rapport ,  à  ces  régions  qui  s'enorgueillissaient  au- 
trefois d'une  culture  florissante,  et  dont  le  sol,  maintenant 
négligé  et  envahi  par  les  sables,  force  les  habitans  à  de- 
mander aujourd'hui  desalimens  aux  peuples  qu'ils  nour- 
rissaient dans  les  siccles  passés.. 

Ces  considérations  sont  plus  dignes  qu'on  ne  peusc  d'oc- 


DigitizGd  t>y  Google 


ouper  les  hommes  d'état  qui  veillent  chez  nous  à  la  pros- 
périté des  beaux-arts;  on  a,  dans  tous  les  temps  et  chez 
tous  les  peuples  civilisés,  considéré  les  jouissances  desuris 
comme  un  puissant  moyen  de  gouverner  en  paix. 


NOUVELLES  ÉTRANGÈRES. 


Nous  recevons  les  nouvelles  suivantes  du  théâtre  de  Ma- 
drid. Nous  les  donnons  textuellement,  afin  que  l'on  puisse 
juger,  à  part  les  éloges  exagérés,  des  succès  qu'obtient  dans 
ce  pays  M11*  Albini,  que  nous  avons  tant  dédaignée. 

Madrid,  S  août.  Le  second  opéra  dans  lequel  M1"  Albini 
s'est  montrée  ne  pouvait  lui  procurer  les  mêmes  succès 
que  Seiniramide  ;  c'était  le  Barbier  de  Sèville  de  Rossini, 
que  les  habilans  de  cette  ville  ont  vu  jouer  plus  de  cent  fois, 
tantôt  cri  espagnol,  tantôt  eu  italien,  opéra  trop  usé  et  trop 
connu  pour  produire  beaucoup  d'effet  sur  de  tels  specta- 
teurs; car  ce  ne  sont  pas  les  seuls  Parisiens  qui  aiment  la 
nouveauté;  on  l'exige  ici,  surtout  dans  les  spectacles.  Ce- 
pendant M"'  Albini  a  été  assez  applaudie  dans  la  cavatine 
Vna  voce  poco  fa,  dans  le  duo  du  billet,  Dunque  it>  son,  tu 
non  m'ingani,  comme  aussi  dans  la  cavatine  qu'on  a  In- 
tercalée dans  le  second  acte.  M1"  Albini,  pour  satisfaire  an 
public  en  donnant  quelque  nouveauté,  a  chanté  dans 
l'entre-acte  l'air  de  l'opéra  à'Andronîco  de  Mer  codante. 
Elle  s'est  montrée  habillée  en  guerrier,  et  a  paru  char- 
mante sous  ce  costume;  c'était  |e  plus  beau  guerrier  qu'on 
eût  vu  sur  la  scène  de  Madrid.  Les  souvenirs  qui  restaient 
encore  de  M1"  Sala,  lorsqu'elle  jouait  si  bien  le  rôle  delac- 
crède,  ont  été  effacés  par  la  beauté  de  M"*  Albini,  revêt  ut) 
de  la  cuirasse  et  du  casque  d'un  jeune  guerrier;  on  ne 
s'attendait  pas  à  la  voir  si  séduisante,  et  la  surprise  a  été 
générale.  C'était  absolument  la  fidèle  image  du  beau  R:~ 
naldo,  tel  que  nous  le  représente  le  Tasse  dans  ces  vers  :  . 

Se  "I  miri  tulmioar  nelf  arme  airolto 
Marte  lu  llirai  ;  Amur,  se«copreil  volto. 
ai1"  Albini  a  reçu  du  public  dcsapplauilissomens  réitérés 
qui  se  sont  prolongés  bien  long-tenip  après  que  la  toile  fut 


baissée.  Ceui  qui  ont  connu  Velluti  à  Londres  et  en  Italie 
disent  qu'elle  a  chanté  cet  air  de  même  que  ce  célèbre  ar- 
tiste :  ce  sont  ces  mêmes  traits  et  cette  même  originalité 
qui  le  distingue.  C'est  un  genre  tout-à-fait  nouveau  pour 
nous  et  dont  nous  n'avions  pas  d'idée.  Nous  souhaitons  que 
M11"  Albini  puisse  rester  long-temps  chez  nous;  car  en 
vérité  nous  n'avons  pas  eu  jusqu'ici  un  talent  pour  l'opéra 
italien  qui  puisse  rivaliser  avec  le  sien. 

On  nous  a  donné  aussi  la  première  représentation 
A'Eiena  e  Costantino,  opéra  de  m.  Carnicer.  M1"  Albini, 
qui  remplissait  le  rôle  d'Elena,  a  été  heureuse,  comme 
d'habitude,  dans  son  chaut  et  dans  son  jeu.  C'est  une  vir- 
tuose  qui  sait  tirer  tout  le  parti  possible  d'un  râle  qui,  pour 
un  autre,  serait  tout-à-fait  insignifiant;  elle  a  été  vivement 
applaudie  par  ie  public  toutes  les  fois  qu'elle  a  chaulé,  soit 
la  cavatine,  le  duo,  le  rondeau  ou  les  morceaux  d'ensemble. 
On  l'aurait  dû  charger  du  rôle  de  Costantino,  qui  se  trou- 
vait plus  daus  ses  moyens;  mais  l'administration  jugeant 
M11*  Cortesi  insuffisante  pour  le  rôle  à'Elena,  eu  chargea 
M"'  Albini,  confiant  celui  de  Costantino  à  M11"  Spontoni, 
Espagnole  qui  est  un  excellent  second  contralto  ;  mais  il  s'en 
faut  beaucoup  qu'elle  puisse  remplir  les  rôles  de  pre- 
mier, dont  nous  sommes  privés  depuis  le  départ  de  W 
Fabbrica.  Le  public  qui  connaît  depuis  long-temps  W 
Spontoni,  lui  ayant  toujours  vu  remplir  des  seconds  rôles, 
n'était  pas  trop  prévenu  en  sa  faveur ,  voyant  qu'elle  s'était 
chargée  de  celui-là.  Cependant  pour  l'encourager  après 
sa  cavatine,  qui  est  assez  bonne ,  on  l'applaudit  beaucoup; 
mais  tous  ces  applaudisscmens  n'eurent  plus  lieu  à  la  se- 
conde représentation.  Enfin  si  ce  n'était  pas  pour  SI1"  Al- 
bini, qui  seule  a  soutenu  cet  opéra,  on  l'aurait  vu  tomber 
tout-â-faitdÈslc  premier  soir.  M.  MaggiorotU  n'a  pu  mon- 
trer son  talent,  n'ayant  pas  un  rôle  dans  ses  moyens.  Le 
ténor,  qui  était  un  Espagnol,  n'est  point  eu  état  déjouer  un 
rôle  principal;  ou  eu  al  tend  incessamment  un  d'Ilalie,  et 
nous  en  avons  le  plus  grand  besoin .  W  Llcdo  ,  Espagnole 
qui  a  une  très  belle  voix  de  soprano  et  une  assez  bonne 
méthode,  n'avait  dans  cet  opéra  qu'une  simple  cavatine, 
où  elle  a  été  fort  applaudie  :  notre  administration  ne  con- 


suite  pas  ses  intérêts,  un  négligeant  H"'  Lledô  ou  en  ne  lui 
confiant  que  des  rôles  secondaires. 

Il  estdillicilo  déjuger  du  mérite  d'un  opér  i  ,  qui  n'avait 
d'autre  appui  que  le  talent  de  M11'  Albini  ;  nous  n'en  par- 
lerons que  par  ses  effets.  A  la  première  représentation  ,  le 
public  lui  a  donné  beaucoup  d'applaudissemens  ,  pour  en- 
courager plutôt  l'auteur,  qui  est  Espagnol,,  que  parle  plai- 
sir qu'il  en  ressentait:  mais  a  la  seconde  représentation 
les  applaudisscmcns  ont  diminué  considérablement.  Cet 
opéra  a  eu  aussi  le  malbeur  de  succéder  à  Scmiramidc . 
qui  ravissait  le  public.  H  y  a  d'assez  bonnes  choses ,  tom- 
me disent  les  connaisseurs,  dans  cette  musique,  et  même 
des  traits  originaux.  On  a  donné  la  préférence  au  second 
acte ,  et  en  clfet  il  est  mieux  que  le  premier.  Le  finale  sur- 
tout a  de  l'originalité. 

linlin  l'on  vient  de  nous  donner  l'opéra  de  Morlaechi . 
Tcùatdo  c  I satina,  sans  retranchemens,  ni  suppression  de 
morceaux.  Nous  dcVons  cet  avantage  à  la  lionne  volonté 
de  ill""  Albini ,  qui  ne  se  refuse  jamais  de  se  rendre  agréa- 
ble au  public,  par  le  zèle  et  l'activité  qu'elle  montre 
pour  son  art.  C'est  une  cantatrice  infatigable,  et  la  res- 
source de  noire  administration.  M.  Maggiorotti  s'est  prêté 
de  bonne  grâce  à  faire  le  rôle  de  Boemondo ,  faute  de  té- 
bon  gré,  car  il  lui  a  procuré  le  plaisir  d'entendre  M"*  Al- 
bini dans  le  rôle  de  Tabatdo,  qui  l'a  rendu  d'une  manière 
extrêmement  pathétique.  C'est  le  célèbre  Vclluti  qui  a 
créé  ce  rôle;  ceux  qui  ont  entendu  ce  grand  chanteur  dans 
ce  même  rôle,  assurent  que  M"*  Albini  en  a  saisi  toutes  les 
beautés.  Slais  c'est  surtout  dans  la  romance,  Cura  xm/nn 
llisinghiero  qu'elle  a  déployé  tout  son  talent.  Quoique 
M11'  Albini  eût  à  lutter  contre  l'opinion  de  ceux  qui  conser- 
vaient encore  des  souvenirs  trop  favorables  de  M'1*  Fabbri- 
ca ,  qui  avait  joué  ce  rôl#,  elle  en  a  triomphé  complète- 
ment. Celte  romance  a  été  chantée  par  il"'  Alhïm  avec  le 
sentiment  d'une  douleur  profonde,  et  d'une,  passipu  dé- 
sespérée: ses  accens  passionnés  perçaient  et  déchiraient 
le  cœur  des  spectateurs.  L'on  est  sûr  de  plaire  au  public 
lorsqu'on  sait  chanter  avec  l'accent  de  la  passion  :  mais 


Digitized  by  Google 


ce  talent  n'est  pas  commun.  M11*  Âlbïni  a  été  très  heureuse 
à  cet  égard  ;les  applaudissement  ont  élé  si  prolongés  après 
la  romance,  qu'un  n'a  pu  entendre  une  partie  du  chœur 
qui  ouvrai!  la  scène  suivante.  A  la  seconde  représentation 
les  applaudissscmens  ont  redoublé  après  la  romance,  et 
avec  justice ,  car  M"*  Albini  l'a  chantée  à  ravir.  On  attend 
sous  peu  de  jours  le  lénor  Basil! ,  qui  débutera  par  Olhcllo. 


ANNONCE. 


Souscription  pour  la  grande  partition  du  Cristo  suit'  Oli~ 
veto  (Jésus  au  jardin  des  Olives),  oratorio  avec  teste 
italien  ,  musique  de  L.  Van  Beethoven. 

Un  des  caractères  du  génie  est  la  flexibilité;  Moiart  a  tait  fait  arec 
une  égale  supérinrité  l'opéra,  la  musique  sacrée ,  ia  symphonie ,  le  qua- 
tuor el  le  quinlelli,  la  musique  de  piano,  etc.  Dec tho vert,  sans  l'imiter, 
a  mardi»  sur  ses  traces  et  a  produit  aussi  des  c lie fs-d 'œuvre  eu  musique 
de  piano,  en  trios,  quatuors,  quinteltis,  symphonies,  messes,  etc.  L'un 
de  ses  plus  beaux  ouvrages  est  sans  contredit  sou  oratorio  du  Christ  au 
jardin  des  Olives.  On  en  connaît  a  Paris  des  morecoux  qui  ont  été  exé- 
cutés avec  succès  dans  nos  concerts  spirituels;  mais  jusqu'ici  aucune 
édiliun  de  celte  belle  production  n'avait  élé  publiée  éo  France  ;  c'esl 
donc  un  sertice  réel  que  M.  Farrenc  rend  aux  amateurs  de  musique  et 
aux  artistes  en  leur  procurant  le  plaisir  de  l'étudier  cl  de  se  familiariser 
avec  ses  beautés.  îtous  ne  doutons  pas  du  succès  de  son.  entreprise. 

La  grande  partition  du  Cristo  suit  Oliitto  paraîtra  le  i5  septembre 
1&17;  elle  sera  gravée  avec  le  plus  grand  soin,  et  imprimée  sur  beau  pa- 
pier; les  exemplaires  seront  brochés  avec  une  couverture  imprimée  sur 
vélin  de  couleur,  et  ornée  d'une  jolie  vignette. 

Les  personnes  qui  prendront  l'ouvrage  d'ici  au  1"  décembre  le  paie- 
ront iS  Francs;  passé  cette  époque,  il  sera  marqué  36  francs,  et  suivra, 
le  cours  du  coinmcice  de  musique. 

On  souscrit  à  Paris , 

Cbex  l'éditeur,  n.  F*ahsxc ,  rue  des  Petit  s- Augustin  s,  n°  i3. 

Chez  MM.  J.  Fssr.placu  des  Victoires,  n°S; 

Jibet  et  CovKLUi,  rue  Saint-Honoré^i0  i  aô,  et  rue  de  Richelieu, n.  oïl 
IIbk«ï  LsnorM! ,  ru.,  de  l'Échelle  ,0.9; 
Pleïel  et  compagnie,  boulevard  Montmartre  ; 
Sinon  Ricntui-T,  boulevard  Poiuonnièrê,  ti.  16. 


Digitizod  t>/ Google 


DES  CHANTS  POPULAIRES 


U  (Eric*  wbemt. 


l)n  grand  peuple  tombé  dans  l'esclavage  et  l'abjection 
Inspire  pins  de  dégoût  que  de  pitié  ;  un  grand  peuple  qui 
se  relève,  qui  l'orge  des  armes  avec  ses  l'ers ,  et  qui  meurt 
en  combattant  pour  sa  liberté,  est  le  plus  beau  spectacle 
que  puisse  offrir  la  nature  humaine.  C'est  celui  que  pré- 
sente la  Grèce  en  ce  moment.  Quel  que  soit  le  sort  des 
armes,  quelque  avenir  que  la  fortune  leur  prépare,  les 
Grecs  serout  immortels  dans  l'histoire:  ils  vivront  libres  ou 
ne  vivront  pas!  honneur  à  la  Grèce,  dont  l'exemple  en- 
fantera quelque  jour  la  liberté  du  monde  entierl 

Qui  doue  a  pu  réveiller  ce  peuple  endormi  depuis  près 
de  quatre  siècles  P  Ce  ne  sont  point  des  orateurs.  Les  Dé- 
mosthènes,  les  Isocrates,  ne  naissent  point  sur  un  sol  souillé 
par  le  despotisme!  Ce  ne  sont  point  les  bienfaits  de  la 
presse,  bieufaits  inconnus  sous  la  domination  du  Musul- 
man! Qui  le  croirait?  des  chants,  de  simples  chants  popu- 
laires ont  fait  le  miracle,  et  l'ont  préparé  dès  long- temps.  Ce 
sont  ces  chants,  expression  directe  et  vraie  du  caractère  et 
de  l'esprit  national,  que  tout  grec  comprend  et  sent  avec 
amour,  par  cela  seul  qu'il  est  grec ,  qu'il  habite  le  sol  et 
respire  l'air  de  la  Grèce  ;  chants  dont  la  poésie  vît ,  non 
dans  les  livres  d'une  vie  factice  et  apparente,  mais  dans  le 
peuple  lui-même,  et  de  toute  la  vie  du  peuple. 

Ces  chants ,  seuls  monumens  historiques  de  la  Grèce 
moderne,  peuvent  se  diviser  en  trois  classes  principales, 
c'est-à-dire  en  chansons  domestiques,  en  chansons  hé- 
roïques, et  en  chansons  idéales  ou  romanesques. 

Sous  la  dénomination  de  chansons  domestiques,  on  peut 
comprendre  celles  qui  sont  composées  exprès  pour  être 
chantées  dans  les  circonstances  les  plus  solennelles  de  la 
vie  de  famille,  à  certaines  fêtes  déterminées ,  a  propos  de 


\ 

certains  usages  de  société  consacrés  par  une  habitude  im- 
mémoriale. Pour  en  donner  une  idée ,  il  suffira  de  dire  ce 
qui  se  passe  h  deux  époques  principales ,  la  Saint-Basile  et 
le  premier  de  mars. 

L'Église  grec  (pie  f'éte  la  Saint- Basile  le  i"  de  janvier,  et 
ce  jour  est  en  Grèce  un  jour  solennel.  Des  troupes  déjeunes 
gens  se  réunissent  pour  aller  dans  les  maisons  de  leur  con- 
naissance faire  les  complimens  et  quêter  les  étrennes  d'u- 
sage. Or.  ces  complimens  et  cette  quëtc  sont,  dans  chaque 
canton,  le  sujet  d'une  série  de  chansons,  qui  toutes  y  sont 
exclusivement  appropriées.  Tarmi  ces  chansons,  il  y  en  a 
en  l'honneur  du  maître  et  de  la  dame  de  la  maison ,  des 
eulans  et  de  chacun  des  membres  de  la  famille.  Tout  ce 
qui  l'intéresse,  tout  ce  qui  peut  fournir  l'occasion  de  lui 
exprimer  des  sentimens  de  bienveillance  et  de  tendresse, 
est  le  thème  d'une  chanson  particulière. 

Le  i"de  mars  est ,  en  Grèce,  un  jour  aussi  poétique 
que  celui  de  Saint-Basile.  Des  troupes  de  jeunes  gens  et 
■tl'cnfans  se  forment  pour  aller  de  porte  en  porte  chanter 
le  retour  du  printemps,  et  quêter  de  menues  étrennes  qui 
consistent  ordinairement  en  œufs,  eu  fromage,  ou  eu  tout 
i^utre  produit  des  champs.  Entre  plusieurs  chansons  des- 
tinées à  cette  Féte,  il  en  est  une  populaire  et  qui  y  est  plus 
spécialement  adaptée  que  les  autres.  Connue  de  toute  la 
Grèce  sous  le  nom  de  Chanson  de  €hirondeilé ,  elle  est 
une  effusion  naïve  de  l'indéfinissable  charme  du  premier 
souffle  du  printemps ,  dans  un  beau  climat.  Les  etifans  la 
chantent  portant  à  la  main  une  figure  d'hirondelle  gros- 
sièrement taillée  eu  bois,  et  ajustée  à  une  espèce  de  mou- 
linctoù  elle  tourne  rapidement  à  l'aided'ane  ficelle,  qui  se 
roule  et  se  déroule  autour,  d'un  petit  cylindre  à  L'un  des 
bouts  duquel  elle  est  fixée. 

Les  autres  chansons  domestiques  des  Grecs  sont  desti- 
nées à  célébrer  les  époques  principales  de  la  vie  :  la  joie , 
la  douleur,  le  départ  de  quelqu'un  pour  les  pays  étrangers, 
les  mariages  et  les  funérailles.  Avant  même  que  des  mal- 
heurs inouïs  eussent  pesé  sur  les  Grecs  et  les  eussent  ré- 
unis dans  un  intérêt  commun,  les  relations  de  famille 


Digitizod  by  Google 


avaient,  chez  eux  ,  quelque  chose  Je  plus  vif,  de  plu» 
profond,  île  plus  tendre  qu'ailleurs.  L'oppression  sous  la- 
quelle ils  vivaient  semblait  leur  faire  sentir  plus  vivement 
le  besoin  de  se  serrer  les  uns  contre  les  autres.  Quelque 
affreux  que  lût  leur  sort ,  l'amour  des  proches,  du  sol,  du 
tombeau  des  ancêtres ,  de  la  patrie  enfin  était  si  puissant, 
qu'un  départ  était  toujours  considéré  comme  un  malheur, 
quelle  qu'eu  lût  la  cause.  Pour  un  Grec,  la  terru  étrangère 
est  une  terre  d'exil  qu'il  ne  nomme  jamais  sans  y  joindre 
uneépithètc  (ff^a)  qui  exprime  à  la  fois  le  regret  de  ce 
qu'il  y  a  de  plus  doux,  cl  la  prévoyance  ou  le  sentiment  de 
ce  qu'il  y  a  de  plus  terrible.  D'ailleurs,  en  quittant  le  lieu 
natal,  un  Grec  ignorait  si  le  sort  lui  gardait  le  bonheur  de 
le  revoir;  si  les  Turcs  le  lui  permettraient;  s'ils  Épargne- 
raient  le  patrimoine,  l'honneur  cl  la  vie  de  ceux  qu'il  lais- 
sait en  leur  pouvoir.  Sa  famille  n'était  pas  moins  à  plaindre 

craignait,  elle  le  craignait;  de  !à ,  la  tristesse  des  chansons 
de  départ,  et  l'énergie  de  leurs  images.  Aujourd'hui  les 
Grecs  ne  voyagent  plus  ;  ils  existent  sur  les  débris  de  leur 
patrie,  sans  autre  espoir  que  de  donner  la.  mort  à  des 
Turcs  :  ils  combattent  encore;  mais  bientôt,  hélas!  ce  qui 
reste  de  ce  peuple  admirable  aura  vécu  peut-être. 

Le  chaut  et  la  poésie  interviennent  dans  tous  les  détails 
du.  mariage.  A  chaque  partie  lies  cérémonies  nuptiales 
correspond  une  chanson  composée  exprès.  Il  y  en  a  pour 

rauymphe  rase  le  futur;  d'au  très  encore  sont  pour  celui  où 
les  compagnes  de  la  fiancée  la  parent  et  la  voilent.  Les 
adieux  de  celle-ci  à  la  maison  paternelle  sont  aussi  le 
sujet  de  chansons  fort  touchantes;  c'est  en  chantant  que 
marche  le  cortège  qui  accompagne  lus  épuux  a  l'église ,  et 
ce  qu'il  chante  est  exactement  approprié  à  celte  partie  de 
la  féle.  Un  a  de  même  des  chansons  faites  pour  le  mo- 
ment où  l'on  oie  à  la  mariée  le  voile  sous  lequel  elle  est 
entrée  dans  sa  nouvelle  demeure  ;  il  en  est  d'autres  enfin 
pour  les  danses  du  lendemain  de  la  noce  ,  et  de  [dus  spé- 
ciales encore  pour  les  danses  du  troisième  jour,  à  reup 


Digitizod  t>y  Google 


!ït4 

tour  de  la  fontaine.  Quoique  semblables  partout  pour  le 
fond  des  idées,  ces  chansons  différent  cependant  d'un  lieu 
à  il n  autre  par  les  termes  ,  et  partout  elles'  sont  fort  nom- 
breuses; de  sorte  que  les  pièces  de  cette  espèce  forme- 
raient a  elles  seules  une  portion  considérable  des  chan- 
sons nationales  de  la  Grèce  moderne. 

Les  chants  funèbres  par  lesquels  on  déplore  la  mort  de 
ses  proches,  prennentle  nom  de myriotoguas,  c'est-à-dire 
discours  de  tamentatùm ,  complaintes.  Ces  chants  of- 
frent des  particularités  par  lesquelles  ils  tiennent  à  quel- 
ques-uns  des  traits  les  plus  saillans  du  caractère  national. 
Presque  toujours  ils  sont  improvisés  sur  un  chant  traînant 
et  lugubre,  et  (elle  est  la  force  d'imagination  de  ce -peuple 
singulier,  que  le  paysan  le  plus  grossier  trouve  souvent 
dans  sa  douleur  des  «pressions  et  des  images  dignes  de  la 
plus  haute  poésie. 

Cette  richesse  d'imagination  sefaît  aussi  remarquer  dans 
les  chansons  romanesques  ;  maïs  l'oppression  soiis  laquelle 
gémirent  les  Grecs  pendant  plusieurs  siècles  leur  a  donné 
un  fond  de  tristesse  ou  de  mélancolie  qui  perce  jusque 
dans  leurs  jeux  d'esprit.  On  en  peut  juger  par  la  chanson 
suivanle  : 

LE  VOYAGE  NOCTURNE. 

«  O  ma  chère  mère,  mère  de  neuf  fils  et  d'une  seule  fille 
■  (  d'une  fille  )qne  tu  baignes  en  lieu  obscur,  que  tu  pei-> 

*  gues  a  la  lumière ,  et  que  tu  laces  serrée  dehors  art  clair 
«  de  la  lune;  puisqu'on  te  la  demande  de  Bagdad,  puis- 
o  qu'on  te  la  demande  en  mariage,  (celte  fille)  ton  Arété, 

*  accorde-la,  ma  mère,  envoie-la  dans  le  pays  étranger , 
«pour  que  je  trouve  quelque  agrément  en  chemin, 

*  qnandje  voyage.»  —  "Tues  sensé ,  Constantin ,  tu  es 
x  sensé ,  mon  fils;  mais  (celte  fois)  tu  raisonnes  follement  : 
«  qui  m'amènera  ma  fîlle(de  si  loin),  pour  me  dire  la  joie 
»  ou  te  chagrin  qu'elle  aura?»  —  Et  Conslan  tin  donne  alors 
à  sa  mère  Dieu  cl  les  saints  Marlyrs  pour  garans  de  lui 
amener  sa  fille,  joie  ou  chagrin  qu'elle  ait.  —  Un  an  se 
passe;  le  second  vient;  les  neuf  frères  meurent,  et,  sur  le 


DigitizGd  b/ Google 


corps  île  Constantin ,  la  mère  «'arracha  les  cheveux  :  «  OU  ! 
«lève-loi,  Constantin  !  mon  fils,  lève-toi!  je  veux  voir 
«  mon  Arété;  tu  m'as  donné  Dieu  et  les  saint!  martyrs  pour 
.garans  de  me  l'amener,  joie  ou  chagrin  qu'elle  eût.  1  — 
Et  sur  le  minuit  Constantin  va  chercher  sa  sœur.  Il  la 
trouve  dehors,  se  peignant  au  clair  de  la  lune  :  —  s  Vile  ! 

•  viens,  Arété ,  notre  mère  te  demande.  •  —  a  Ah  I  mon 

•  frère!  qùty  a-t-il  donc?  Est-ce  l'heure  de  se  mettre  en 

«  bits  dorés  :  y  esZ-on  triste?  j'irai  comme  je  suis.  -  Ni 
.  joyeux,  ni  triste ,  ma  soeur ,  viens  comme  tu  es.  .  —  Et 
dansia  route,  tandis  qu'ils  vont ,  dans  la  route,  tandis  qu'il» 
cheminent,  ils  entendent  les  oiseaux  dire  :  «  Voyez  donc 
i  cette  belle  fille  qui  conduit  un  mort!  >  —  ■  Oh  !  entends- 

•  tu,  Constantin,  les  oiseaux, ce qu'ilsdisent? — Ccsontdes 
«  oiseaux,  laisse-les  chanter  ;  ce  sont  des  oiselets,  laisse-les 
«  dire.— Ohl  j'ai  peur  de  toi,  mon  frère;  tu  sens  l'encens. — 
i  C'est  que  nous  avons  été  hier  soir  à  l'église  de  Saint-Jean, 

•  et  que  le  papas  nous  a  encensés.  —  Ouvre  ,  ma  mère, 
■  ouvre,  voilà  ton  Arété! — Si  tues  bien  intentionné,  passe 
i  ton  chemin;  si  tues  bien  intentionné, éloigne-toi  :  mon 

•  Arété  est  absente  ;  elle  est  bien  loin  d'ici ,  dans  la  terre 
«étrangère.  —  Ouvre,  ouvre,  ma  mère,  je  suis  ton  fils 
«Constantin,  qui  l'ai  donné  Dieu  et  les  saints  Martyrs 
«  pour  garans  de  t'a  mener  Arété,  chagrin  ou  joie  qu'elle 
tcùt.  ■  — -La  mère  ouvre  la  porte,  et  l'âme  lui  sort  ilu 
corps.  ' 

Dans  presque  toutes  les  parties  de  la  Grèce,  tout  événe- 
ment public,  pour  peu  qu'il  ait  d'importance  et  qu'il  fasse 
du  bruit,  devient  aussitôt  le  sujet  d'une  ou  do  plusieurs 
chansons.  Ce  sont  ces  chansons  historiques  qui  composent 
en  quelque  sorte  toutes  les  annales  des  Grecs;  elles  ser- 
vent à  la  fois  à  conserver  la  mémoire  des  faits  et  à  échauf- 
fer l'amour  de  la  patrie  ;  elles  entretiennent  dans  les  cœurs 
la  haine  des  tyrans  et  la  reconnaissance  pour  les  défen- 
seurs du  pays  et  les  martyrs  de  la  liberté.  On  en  compte  de 
plusieurs  espèces;  les  unes,  ouvrages  des  habita ns  des 
villes  et  des  bourgs,  se  distinguent  par  une  poésie  soignée 


Digitizod  b/ Google 


et  un  langage  poli;  lus  autres,  incorrectes,  dures,  sau- 
vages même,  mais  brillantes  d'idées  et  d'images,  sont 
composées  par  les  habitans  des  montagnes  qu'on  nomme 
Ktephtes ,  et  prennent ,  à  cause  de  cela ,  le  nom  de  chan- 
sons  hlephtiques.  Je  parlerai  d'abord  de  celles-ci. 

En  grec  moderne,  comme  en  grec  ancien,  le  mot 
telcphta  (kIs'ow;)  signifie  voleur;  mais  on  jugerait  mal  ici 
de  la  chose  par  le  nom  :  rien  au  fond  ne  ressemble  moins 
aux  bandits  vulgaires  des  grands  chemins  de  l'Europe  que 
les  kl  e  pli  les  grecs.  Leur  institution  remonte  à  des  temps 
anciens.  Ils  composèrent  d'abord  une  milice  armée  qu'on 
désignait  sous  le  nom  d'Armatoie,  qui  était  soldée  aux 
frais  de  la  population  grecque ,  et  qui  ne  comptait  que  de» 
Grecs  dans  ses  rangs.  Elle  était  chargée  de  veiller  au  main- 
tien du  bon  ordre,  se  divisait  en  plusieurs  troupes,  qui 
avaient  chacune  un  chef  qu'on  appelait  capitaine(™«rcinî). 
Les  soldats  se  désignaient  par  le  nom  de  PaUikares,  qui 
siguifio  un  homme  dans  la  force  de  l'âge  et  dans  l'inté- 
grité de  ses  forces.  Leur  costume  et  leur  armure  étaientles 
mêmes  que  ceux  des  soldats  albanais.  Le  fusil,  le  sabre , 
un  couteau  ou  poignard  composaient  toutes  leurs  armes 
offensives.  Ce  furent  ces  PaUikares  ou  Armatoles  qui  com- 
mencèrent, et  qui  soutinrent  long-temps  seuls,  cette  guerre 
de  la  liberté  à  laquelle  la  Grèce  entière  prend  part  depuis 
plusieurs  années- 

L'invasion  successive  desprovinces grecquespar les  Turcs 
commença  parla Thessalic.  Les  habïtaus  des  vastesel  fer- 
tiles plaines  de  ce  pays  avaient  subi  sans  résistance  le  sort 
plus  ou  moins  dur  que  leur  avaient  fait  les  conquéraos. 
Mais  les  montagnards  de  l'Olympe,  du.  Pélion ,  des  Bran- 
ches thessalienues,  du  Pinde  et  des  monts  Agrapha  résis- 
tèrent au  vainqueur.  Ils  faisaient  fréquemment  des  des- 
centes àmain  armée  sur  les  terres  cultivées  etsur  les  villes. 
Ils  y  pillaient  le  vainqueur,  et  dans  l'occasion,  ceux  des  vain- 
cus qu'ils  accusaient  de  s'Être  soumis  à  lui  ;  delà  ils  reçu- 
rent le  nom  defc(epA(w.Lasde  guerroyer  contre  des  hommes 
intrépides  et  pauvres,  les  Turcs  traitèrent  avec  eux  à  des 
comblions  douces,  et  leur,  reconnurent  le  droit  de  se  régir 


117 

selon  leurs  propres  lais,  de  vivre  in  dépéri  dans  dans  les  dis- 
tricts montucus  qu'ils  occupaient  ,  de  porter  les  armes 
pour  leur  défense  ;  et  tout  cela,  sous  la  condition  de  payer 
un  faible  tribut.  Quelques  peuplades  qui  s'étaient  canton- 
nées dans  la  partie  la  plus  âpre  des  montagnes,  dans  des 
lieux  presque  inaccessibles,  rct'usère  u  I  lonlc  espèce  de  pacte 
avec  les  conquérons,  et  se  sont  maintenus  ,  jusqu'à  nos 
jours,  dans  une  indépendance  absolue.  Ces  cantons  plus 
sauvages  et  plus  escarpés  des  montagnes,  où  les  Crées  se 
crurent  plus  à  l'abri  des  Turcs .  prirent  le  nom  de  pays  ou 
de  villages  des  KUphtes,  qu'ils  ont  encore  aujourd'hui. 

C'est  dans  ces  peuplades  indépendantes  et  fières  que  s'est 
conservé  l'ancien  esprit  de  la  Grèce  antique.  Continuelle- 
ment en  gnerrc.avec  les  pachas,  tantôt  vainqueurs,  tantôt 
vaincus,  mais  monlranl  dans  toutes  les  circonstances  un 
courage  inébranlable*  ces  Klephtcs  célébraient  dans  leurs 
chants  les  hauts  faits  de  leurs  héros ,  ou  leur  fermeté  dans 
les  tournions  inouïs  que  leur  faisaient  endurer  les  bour- 

celte  poésie  étaient  sauvages  et  durs  comme  leurs  moeurs, 
mais  empreints  d'une  couleur  héroïque  qui ,  de  proche  en 
proche  ,  venait  réchauffer  le  coeur  des  esclaves  des  Turcs. 
On  peut  juger  du  caractère  de  ces  chansons  par  les  sui- 
vantes. La  première  se  rapporte  à  un  chef  fameux,  nom- 
mé Bonktwatias ,  qui  fut  long-temps  la  terreur  des  Turcs. 
BoDKOYALBiS.' 

"  Quel  est  le  bruit  qui  se  fait?  Quel  est  ce  grand  fracas? 
fcÉgorge-i-on  des  bœufs':1  des  bêles  féroces  se  battent-elles? 

•  —  On  n'égorge  point  de  bœufs;  des  bétes  féroces  ne  se 
t  battent  pas;  mais  lioukovallas  combat  ;  il  combat  contre 
«  quinze  cents  Turcs  entre  Rénouriaet  le  Kcrassovon.  Les 
■  coups  de  fusils  tombent  comme  pluie ,  les  balles  comme 
«■grêle.  Mais  tout  à  coup  une  fille  blonde  crie  de  la 

•  fenêtre  :  "Fais  cesser  le  combat,  ô  lioukovallas!  fais 
"cesser  lu  fusillade;  la  poussière  tombera,  le  brouillard 
«  s'élèvera  et  nous  compterons  Ion  armée ,  pour  voir  com- 
«  bien  d'hommes  manquent,  n  — «  Les  Turcs  se  sont  conip- 
«  tés  trois  fois  ,  il  en  manque  cinq  cents;  les  euf.tns  des 


DignizM  B/ Google 


.  138 

«  Klephtcs  se  comptent  :  il  leur  manque  trois  braves.  L'un 
«  est  allé  chercher  de  l'eau,  l'autre  du  pain  ;  mais  le  troi- 

■  sièmc,  le  plus  brave,  est  étendu  mort  sur  son  fusil.  ■ 
La  chanson  suivante  est  relative  à  un  chef  klephte  , 

nommé  Liakos,  qui  résista  long-temps  à  Ali  Pacha,  et 
que  celui-ci  ne  put  avoir  eu  sa  puissance,  soit  par  force, 
soit  par  ruse. 

Liikos. 

(  «  Soumets-toi  au  pacha,  Liakos,  soumets  loi  au  visir, 

■  pour  être  premier  Armalolc,  pour  devenir  Dervenagas.  » 
—  Et  Liakos  répond  au  visir,  il  lui  envoie  à  son  tour  des 
nouvelles  :  —  (Tant  qu'il  est  vivant,  Liakos  ne  se  soumet 

■  point  aux  pachas;  pour  pacha,  Liakos  a  son  nabre; 

»  pour  visir,  son  fusil,  n  —  AH  Pacha ,  comme  il  entend 
cela,  se  courrouce  grièvement;  il  écrit,  il  expédie  des  let- 
tres, il  envoie  des  ordres  :  — "  A  toi,  Véli  Guékas,  à  mes 

■  terres  et  à  mes  villes;  je  veux  Liakos  vivant  ou  mort,  a 
Vélï  Guékas  part  aveo  la  milice  et  donne  la  chasse  aux 
Klephtcs.  Il  va,  les  surprend  dans  la  forêt,  dans  leur  quar- 
tier, et  là  commence  le  combat,  la  tonnante  fusillade. 
Konloghiakoupis  crie  de  son  poste  :  ■  Du  courage,  mes 

■  enfans  I  mes  enfans ,  combattez  !  •  —  Et  Liakos  court  en 
avant,  le  sabre  à  la  bouche.  Ils  combattent  tout  le  jour  et 
toute  la  nuit  :  trois  jours  et  trois  nuits.  les  Albanaises 
vont  pleurer  et  se  vêtir  do  noir;  Véli  Guékas*a  roulé,  bai- 
gné dans  sou  sang  ;  et  Mouslapha  a  été  blessé  au  genou  et 
à  la  main.  ■ 

FETIS. 

(  La  suite  au  numéro  prochain.  ) 


EXPOSITION  DES  FltODUITS  DE  L'INDUSTRIE. 

ORGUE  EXPRESSIF  PERFECTIONNÉ, 

DE  M.  LU  A  ED. 

Les  opinions  sont  très  diverses  sur  l'origine  de  cet  in- 
slrumeiil,  ou  pin  tôt  de  celte  machine  immense  à  laquelle 


120 

on  donne  le  nom  d'orgue.  Les  uns  en  ont  cherché  la  pre- 
mière idée  dans  ce  passage  de  Virgile  : 

Pan  primui  ealamos  cera  conjungero  plurpfl 
Inslitnit.... 

Vno.  églog.  a,  p.  3  a. 

D'autres  ont  vule  premier  germe  de  son  invention  dans  la 
cornemuse,  connue  dans  l'antiquité  sous  le  nom  de  tibia 
utricuiaris,  comme  on  le  voit  par  quelques  monumens.  Le 
mot  organum  se  trouve  employé  par  un  grand  nombre 
d'auteurs  anciens  ;  mais  tout  porte  à  croire  que  ce  mot 
élait  générique  et  signifiait  un  instrument  quelconque. 
Nous  avons  mèmeàcet  égard  le  témoignage  de  saint  Au- 
gustin, qui  dit  {in  psat.  56.  n"  s6):  Organa  dicuntur 
omnia  instrumenta  musioorum.  Nonsottim  illud  orga- 
num dicitur  quod  grande  est ,  et  injlalur  foitibus  , 
sud  quidquid  aptatur  ad  cantitenam ,  et  corporeum  est , 
guo  instrumenta  utitur,  qui  cantat,  organum  dicitur. 
Isidore ,  evéque  de  Séville,  dit  à  peu  près  la  même  chose 
{inElymot.  tib.  5,  c.  ai). 

L'existence  du  nom  de  l'orgue  chez  les  écrivains  de  l'an- 
tiquité n'est  donc  pas  une  preuve  invincible  de  celle  de 
l'instrument  dont  il  s'agit,  dans  des  temps  très  reculés. 
Les  vers  de  Virgile 

Adjanxere  etiam  molli  conllala  métallo 

ne  se  rapportent  même  point  à  un  instrument  de  cette  es- 
pèce ;  les  tubes  de  métal ,  dont  il  s'agit,  ne  pouvaient  être 
que,  des  espèces  de  trompettes. 

Les  orgues  dont  il  estfait  mention  dans  une  épigramme 
grecque  de  Julien  ,  dans  saint  Augustin ,  dans  Isidore  de 
Séville,  et  dans  Cassiodore,  sont  les  orgues  hydrauliques, 
dont  Ctésibius  ou  Hiéron  d'Alexandrie  furent  les  inven- 
teurs, et  non  l'orgue  pneumatique  dont  on  fait  usage 
depuis  le  huitième  siècle.  Tout  porte  à  croire  nue  celui- 
ci  est  originaire  d'Orient.  Eu  j5^,  l'empereur  Constantin 
Gopronyme  en  envoya  un  à  Pépin  ,  père  de  Charlemagne  : 
ce  fut  le  premier  qui  parut  en  France.  On  le'  plaça  dans 
l'église  de  Saint-Corneille  à  Conipiègne.  Cet  orgue  était 


iSfl 

excessivement  pétil  et  portai  if,  comme  celui  qui  fut  con- 
Blruil  par  un  arabe  nommé  Giafar,  et  que  le  calife  île  Bag- 
dad envoya  à  Cbarierongne. 

Un  prêtre  vénitien,  nommé  Grégoire,  paraît  être  le  pre- 
mier qui  ait  essayé  de  construire  îles  orgues  en  Europe; 
En  82C,  il  l  ut  chargé  par  Lotiis-le-Pieuxd'en  Taire  un  pour 
IV^lise  d'Aix-la-Chapelle.  Walafrid  Strabqj  fait  on  éloge 
pompeux  de  cet  instrument,  qui,  selon  cet  auteur,  jo- 
uit en  extase  ceux  qui  l'entendaient.  Les  monumens  et 
les  vignettes  des  manuscrits  font  présumer  cependant  que 
l  i  construction  de  l'orgue  ne  fit  pas  beaucoup  de  pro- 
grès jusqu'au  douzième  ou  treizième  siècle,  car  cet  instru- 
ment n'y  est  représenté  que  comme  un  petit  appareil  pro- 
pre à  fitre  mis  sur  les  genoux  ou  sur  une  table,  et  auquel 
fin  fournissait  le  vent  par  un  soufflet  semblable  à  ceux  de 
nos  cuisines.  Il  est  vrai  que  Wolstan,  moine  bénédictin  de 
Winchester  fait  la  description  d'un  orgue  beaucoup  pins 
considérable  dans  un  poème  adressé  à  un  évâque  nommé 
Elseg.  Selon  lui ,  cet  évèque  l'aurait  fait  construire  pour 
l'église  île  Winchester,  en  o5 1.  Il  avait,  dit- il,  quatre  ccDts 
tuyaux  de  cuivre,  auxquels  te  vent  était  fourni  par  vingt- 
sis  sou  filets  qui  ne  pouvaient  être  mis  en  mouvement  que 
par  soixante-dix  hommes  robustes ,  et  rendait  des  sons 
fi  forts  qu'ils  ressemblaient  au  bruit  du  tonnerre  et  qu'ils 
faisaient  avorter  les  femmes  de  frayeur. 

11  jiarait  que  l'orgue  ne  commença  à  se  perfectionner 
que  dans  le  quatorzième  siècle.  François  Landino,  sur- 
nommé Francesco  d'egti  organi,  à  cause  de  son  habileté 
sur  cet  instrument,  y  fil  beaucoup  d'améliorations  vers 
l55o.  En  i.'ijo  ,  un  Allemand,  nommé  Bernard,  organiste 
à  Venise,  inventa  les  pédales.  Ce  fut  aussi  dans  le  quin- 
zième siècle  qu'on  ajouta  au  registre  de  rcoatVccux  deCro- 
morne,  de  voit  humaine,  de  trompette,  etde  flûtes  ouvertes 
ou  bouchées  de  16,  de8,  et  de  4  pieds. 

Dans  le  siècle  suivant  Barthotoméo  Anteguali  et  son  fils 
Oa/iadio  enrichirent  l'Italie  de  cent  quarante  orgues 
beaucoup  plus  parfaites  que  ce  qu'on  avait  vu  jusque  là, 
Erard  Smid,  Frédéric.  Krcbs,  Nicolas  Mûlluer,  Rodolphe 


Dipzed  by  Google 


Agricolase  distinguèrent  en  Allemagne  par  la  construction 
du  ces  instruirions.  L'invention  de  la  balance  pneuma- 
tiquepar  Chrétien  F  cerner,  organiste  a  Wetlîn,  dans  le 
dix-septième  sitcle  .  fournit  les  moyens  de  régler  In  force 
du  vent  nécessaire  à  chaque  tuyau,  et  de  donne*  aux  diffé- 
rent registres  leur  véritable  harmonie. 

Enfin  dans  le  cours  du  dix-huitième  siècle  l'art  de  la 
facture  d'orgue  parut  atteindre  la  perfection  entre  les  mains 
de  Azzolino  délia  Ciaja,  de  Sienne,  de  la  famille  Tronci, 
de  Pistoie,  d'Eugène  Biroldi,  de  Jean-Baptiste  lîamai,  et 
des  Scrasai,  de  Bergame  .  Nanchini,  prèlre  dalmate  et  son 
élève  Callido  sont  considérés  comme  lis  chefs  de  l'école 
vénitienne.  Ce  dernier  avait  construit,  en  i-()5,  trois 
cent  dix-huit  orgues,  dont  plusieurs  étaient  de  la  plus 
grande  dimension.  En  France,  les  Dallery  et  Ciicquot  ;  en 
Allemagne  Jean  Scheibe,  Godcfroi  Silbermann,  Jean- 
Jacques  et  Michel  Wagner,  Clirétien-Amédée  Schrœtker, 
Ernest  Marx,  Gabier  de  Ravensbourg ,  J.-G.  Tauscher  et 
l'abbé  Vogler  ont  successivement  amélioré  le  mécanisme 
et  l'harmonie  de  l'orgue.  Ce  dernier  s'est  surtout  distingué 
par  l'invention  de  son  système  de  simplification,  que  les 
bornes  de  cet  article  ne  me  permettent  pas  de  détailler. 

L'Espagne  et  l'Angleterre  ont  eu  aussi  de  très  habiles  fac- 
teurs d'orgues;  c'est  dans  ce  dernier  pays  que  les  premiers 
essais  ont  été  faits  pour  enfler  ou  pour  diminuer  les  sons.  11 
existait  déjà  en  i-Go  des  orgues  oùl'on  obtenait  ces  effets  '; 
niais  comme  ou  ne  les  obtenait  qu'au  moyen  de  trappes 
et  de  portes  qu'on  ouvrait  ou  qu'on  refermait  par  des  pé- 
dales ,  ils  ressemblaient  plutôt  a  des  bâillcmens  qu'à  une 
expression  véritable. 

RI.  lirardcst,  je  crois,  le  premier  qui  ait  imaginé  le 
moyen  de  donner  a  l'orgue  cette  expression  au  moyeu  de 
la  pression  plus  ou  moins  forte  du  doigt  sur  la  touche. 
Voici  ce  que  Grélry  écrivait,  vers  1793  (voyczses  Essais  sur 
lamusique,  t.  5,  p.  435)  :  •  J'ai  louché  cinq  ou  six  notes 
•  d'un  buffet  d'orgue  que  Erard  avait  rendues  suscep- 

ji)  Voycl  le»  «oyaRts  muairaui  de  Bumey  cil  France,  en  Allcmagna 
Et  en  Italie. 


..  liblcs  île  nuances;  et  sans  doute  lesecrel  est  découvert 
i  par  ad  tuyau  comme  par  mille.  Plus  ou  enfonçait  la 

•  touche ,  plus  le  son  augmentait  ;  il  diminuait  en  rcle- 
u  vaut  doucement  le  doigt  :  c'est  la  pierre  philosophais  en 

•  musique  que  cette  trouvaille.  La  nation  devrait  faire 

•  établir  un  grand  orgue  de  ce  genre,  et  récompenser 
i  Erard,  l'homme  du  monde  le  moins  intéressé.  > 

ni.  Érard  semblait  n'avoir  plus  donné  suite  à  son  in- 
vention, quoiqu'elle  fût  si  importante;  le  long  séjour 
qu'il  fit  en  Angleterre  pendant  les  troubles  de  la  révolution 
l'avait  forcé  de  se  diriger  uniquement  vers  la  facture  des 
pianos  et  des  harpes.  Dans  cet  intervalle  ,  M.  Grenié, 
amateur,  fit  des  essais  pour  découvrir  les  moyens  de  ren- 
dre l'orgue  expressif,  et  parvint ,  après  des  recherches  in- 
finies et  des  dépenses  considérables,  à  faire  des  instrumen» 
dignes  des  éloges  des  connaisseurs. 

Les  premières  orgues  dont  la  construction  a  été  dirigée 
par  M.  Grenié  ne  contenaient  que  des  jeux  d'anclies  et  de 
liâtes  ouvertes  ou  bouchées,  sans  aucun  registre  de  ces 
jeun  qu'on  appelle  de  mutation,  tels  que  les  nazards, 
fournitures,  cymbales,  etc.  ;  les  jeux  d'anches  seuls  étaient 
expressifs.  Pour  les  rendre  tels,  M.  Grenié  a  supprimé  les 
biseaux  contre  lesquels  l'anche  frappe  dans  les  orgues  or- 
dinaires, et  a  laissé  l'anche  libre  dans  ses  vibrations. 
Celle-ci  et  la  rasette  qui  la  fixe  sont  beaucoup  plus  fermes 
qu'on  ne  les  fait  communément.  Celte  fermeté  est  même 
telle  que  la  languette  des  jeux  de  seize  pieds  est  une  règle 
de  cuivre  dont  la  longueur  est  de  Hi\o  millimètres,  la  lar- 
geur de  o°,o35 ,  et  l'épaisseur  o",oo5.  Les  vibrations  d'une 
auche  semblable  sont  si  énergiques,  qu'elles  font  frémir 
le  tuyau  qui  leur  sert  de  prolongement ,  le  porte-vent  sur 
lequel  elle  est  moulée ,  le  plancher  même  cl  tous  les  corps 
élastiques  qui  sont  dans  le  voisinage. 

Pour  mettre  en  vibration  ces  anches  rigides ,  avec  fu- 
irai fé  de  renflement  et  de  diminution  d'intensité,  une  pé- 
dale, sur  laquelle  le  pied  de  l'organiste  est  appuyé,  ouvre, 

plus  considérable  à  l'air  qui  se  précipite  avec  pins  de  force 


□igifeed  by  Google 


i-53 

sur  l'anche,  cl  augmente  la  violence  de  ses  batlemens 
sans  les  précipiter  davantage.  Les  pédales  sont  expressives 
ilans  les  orgues  tle  M.  Grenié  comme  dans  les  jeux  du  cla- 
vier à  la  main,. 

Depuis  plusieurs  années,  M.  Grenié  est  parvenu,  à 
rendre  les  sons  de  flûte  également  expressifs ,  au  moyeu 
d'un  procédé  fort  ingénieux.  On  sait  que  ia  difficulté  con- 
siste en  ce  que  l'intonation  de  ee  genre  de  tuyau  s'élève 
lorsqu'on  augmente  la  force  du  veut.  Ou  sait  aussi  qu'où 
les  accorde  au  moyen  d'une  plaque  de  plomb  qu'on  élfcvc 
ou  qu'on  abaisse  au-dessus  de  leur  orilice.  M.  Grenié  a 
établi  dans  ses  tuyaux  de  bois  une  rainure  par  laquelle  s'é- 
chappe une  partie  du  vent.  Cette  rainure  est  recouverte 
par  un  petit  soufflet  qui  s'élève  poussé  par  le  souffle.  La 
partie  supérieure  du  soufflet  est  une  lame  de  plomb  qui , 
soulevée  en  même  temps  que  le  soufflet  par  un  de  ses  cô- 
tés, s'abaisse  de  l'autre  sur  l'ouverture  supérieure  du  tuyau, 
et  établit  un  compensateur  qui  maintient  la  justesse  de 
l'intonation.  ..  , 

M.  Érard  a  mis  celte  année  à  l'exposition  un  orgue  ex- 
pressif qui  présente  un  ensemble  de  qualités  parfaites, 
li'ayant  point  vu  l'intérieur  de  cet  instrument,  je  no  puis 
donner  fies  détails  sur  les  procédés  du  mécanisme,  cl  je 
dois  me  bornera  parler  de  ses  eirets  el  de  son  aspect  ex- 
térieur, qui  ne  laissent  rien  à  désirer. 

La  caisse,  qui  est  en  bois  d'acajou,  est  un  parallélogram- 
me percé  d'ouvertures  sur  lesquelles  des  châssis  garnis  de 
tentures  de  soie  sont  posés  afin  de  laisse!-  une  libre  eircu- 

Dcnx  claviers  élégans,  qui  peuvent  se  réunir  par  un  re- 
gistre, présentent  pour  la  première  fois  une  étendue  de  six 
octaves  et  demie.  Le  clavier  supérieur  est  celui  d'expres- 
sion ;  l'inférieur  est  destiné  à  remplacer  celui  du  grand 
chœur  dans  les  orgues  ordinaires.  Ces  claviers  présentent 
un  avantage  bien  rare ,  ou  plutôt  qu'on  ne  trouve  nulle 
part ,  celui  d'être  aussi  faciles  à  jouer  que  ceux  d'un 
piano.  Le  clavier  de  pédale  est  une  tirasse. 

Au-dessus  du  clavier  des  pédales  se  trouvent  d'autres 


□igifeed  t>y  Google 


.34 

pédalesenfcr,  destinées  à  ouvrir  ou  à  refermer  les  registres. 
L'une  lire  les  jeux  d'anches  :  l'autre  ceux  de  mutation  ;  la 
troisième  les  repousse,  pour  ne  laisser  parler  que  les  fonds. 
La  quatrième,  la  cinquième  et  la  sixième  produisent  îles 
effets  analogues  pour  le  clavier  d'expression,  et  les  derniers 
agissent  sur  des  registres  séparés.  Au  moyen  de  ces  res- 
sources, el  en  y  joignant  la  pédale  qui  est;  placée  de  coté , 
pour  produire  les  renflemens  et  les  decrescendo,  on  a  un 
système  complet  de  modifications  du  son  ,  et  le  génie  de 
l'organiste  peut  se  livrer  à  toutes  ses  inspirations  sans 
éprouver  de  difficultés  à  les  produire  et  à  les  exprimer. 

Les  fonds  se  composent  d'un  bourdon  de  8,  sonnant 
de  ifî  pieds  ,  et,  autant  que  j'ai  pu  en  juger,  d'une  flûte 
ouverte  de  huit,  d'une  autre  de  quatre,  et  d'un  jtrestant, 
Le  bourdon  est  le  plus  beau  jeu  de  cette  nature  que  j'aie 
entendu.  Sa  qualilédcson  est  si  belle,  si  pleine,  si  ronde, 
qu'on  le  prendrait  pour  un  jeu  ouvert  de  16  pieds.  Les 
autres  flûtes  ne  sont  pas  moins  remarquables. 

Je  dois  les  mêmes  éloges  au  registre  du  jeu  d'anche. 
Sonore,  pur,  parlant  avec  netteté  et  promptitude,  il  nu 
participe  point  de  ces  jeux  bâtards  qu'on  multiplie  mal  a 
propos  dans  les  orgues  ordinaires;  sa  qualité  est  celle  du 
registre  qu'on  appelle  improprement  trompette.  Peut-être 
serait-il  à  désirer  qu'il  fût  redoublé  à  l'octave  aiguG  par 
1111  clairon,  sorte  dè  jeu  qui  donne  du  brillant.  On  trouvé 
au  clavier  d'expression  un  hautbois  très  joli  :  le  registre  de 
la  voix  humaine,  dont  la  place  est  marquée,  n'est  pas 
encore  placé. 

Rien  de  plus  beau,  de  mieux  combiné  ni  d'un  meilleur 
effet  que  les  divers  registres  des  jeux  de  mutation,  dont 
l'ensemble  forme  le  plein  jeu.  Quoique  le  volume  clé 
l'instrument  n'ait  pas  permis  à  M.  Érard  de  multiplier  les 
tuyaux  sur  chaque  note,  la  combinaison  de  ces  jeux  sin- 
guliers est  si  heureuse  que  l'ensemble  en  est  parfait  lors- 
qu'ils sont  joints  aux  jeux  defonds.  La  grande  étendue  du 
clavier  dans  le  haut  a  obligé  à  faire  plusieurs  reprises, 
mais  elles  ne  nuisent  point  à  l'effet,  et  ne  se  font  point 
sentir. 


I.C  soin  que  j'ai  apporté  «latin  l 'examen  «le  I unies  1rs 
parlics  qui  peuvent  être  jugées  par  l'elfe I  ut  par  l'extérieur, 
m'a  convaincu  que  l'instrument  dont  il  s'agit  est  ce  qu'on 
peut  désirer  de  plus  parfait.  La  péilale  expressive,  les 
tira-tutto,  et  les  autres  moyens  de  modification  sont  Ici* 
(jue  les  nuances  les  plus  délicates  peuvent  èire  rendues 
comme  par  un  |>on  orchestre  ;  l'ampleur  du  sou.  le  gran- 
diose de  l'instrument,  remportent  d'à illeurs  sur  la  réunion 
d'inst rumens  la  meilleure  qu'on  puisse  imaginer.  Ces  qua- 
lités bout  telles  qu'on  peut  présumer  que  te  travail  inlérîeu  r 
a  la  même  perfection ,  soit  sous  le  rapport  du  jeu  du  mica-; 
nisuie,  soit  sous  celui  de  la  solidité. 

.  .  ■  FÉTIS. 


CORRESPONDANCE. 


Furis.le^uoùt  1837. 

Monsieur, 

Je  suis  extrêmement  flatté  et  reconnaissant  du  compte 
que  vous  avez  bien  voulu  rendre  de  mou  opuscule  .dans 
le  ir  27  de  votre  intéressante  Revue  musicale.  Comme  il 
n'est  que  ie  résumé  des  mémoires  que  j'ai  présentés  à. 
l'académie,  j'ai  trop  négligé  peut-être  d'y  insérer  «les  dc- 
veloppemens  et  des  preuves  dont  vous  avez  signalé  le  «lé- 
faut,  et  votre  critique  très  importante  pour  moi,  à  cause 
de  votre  connaissance  profonde  de  l'art  musical,  me  déter- 
mine à  vous  adresser  les  documens  suivans ,  que  je  désire 
que  vous  veuilliez  bien  communiquer  de  la  même  manière 
a  vos  lecteurs. 

Vous  n'ignorez  pas  ,  monsieur,  que  lorsque  deux  Bons 
rapprochés  de  l'unisson  et  produits  par  deux  liâtes  ou  deux 
cordes  voisines  l'une  de  l'autre  se  font  entendre. à  la  fois,  on 
entend  encore  en  même  temps  des  battemens  qui  semblent 
quelquefois  répéter  une  octave  do  l'un  des  «leux  premiers' 
sons. 

M  le  baron  Caignard  de  la  Tour  et  inoi ,  nous  avons 
soumis  à  celte  expérience  deux  polîtes  plaques  de  verre 


i36 

([iiî  donnaient  des  sons  déterminés  par  son  palarytlmie , 
l'un  à  a56  l'autre  à  a58  vibrations  par  seconde  .  et  nous 
avons  remarqué  que  deux  de  ces  battemens  avaient  lieu 
dans  une  seconde,  les  deux  plaques  résonnant  à  la  fois. 

Mous  avons  essayé  ensuite  deux  plaques  dont  les  sons 
étaient  formés  par, '356  et  266  vibrations,  et  nous  avons 
compté  10  de  ces  battemens  par  seconde. 

Or  les  deux  nombres  a  et  10  sont  précisément  les  dif- 
férences des  nombres  de  vibrations  des  deux  plateaux 
dans  les  deux  cas  cités.  Ces  battemens  représentent  donc 
exactement  les  résonnances  graves  qui  ne  se  manifestent 
comme  sons  à  notre  oreille ,  que  lorsque  leur  nombre  s'é- 
lève au  moins  à  5o  ou  5a  par  seconde- 

Lorsque  l'on  accorde  les  cordes  d'un  piano,  on  remarque 
avec  iine  extrême  facilité  ces  battemens,  qui  sont  très  pré- 
cipités lorsque  l'intervalle  des  deux  sons  générateurs  est 
d'une  seconde  mineure  nu  majeure  ,  comme  ceux  de  >a8 
à  i53  g  et  à  144  vibrations;  mais  si  l'on  abaisse  successive- 
ment la  corde  qui  donnait  le  son  le  plus  aigu,  on  recon- 
naîtra que  le  nombre  des  battemens  diminue  progressive- 
ment. Lorsque  les  cordes  seront  presque  d'accord ,  elles 
11e  feront  plus  entendre  de  battemens  que  de  loin  e»  loin, 
et  toujours  en  des  temps  égaux.  Lorsque  l'on  n'entendra 
plus  de  battemens,  on  pourra  être  certain  que  les  deux 
cordes  sont  parfaitement  d'accord. 

Telle  est,  monsieur,  la  preuve  matérielle,  expérimen- 
tale, de  la  loi  des  résonnances  graves,  que  l'oreille  confirme 
dans  les  intervalles  moyens  depuis  la  seconde  majeure  jus- 
qu'à la  septième  mineure,  et  même  au-delà;  cardes  bat- 
temens semblables  ont  lieu  pour  deux  cordes  dont  les  sons 
se  rapprochent  de  l'octave.  ;i 

Quant  au  fa  #  a  355  |  vibrations  par  seconde ,  qui  ne 
saurait  être  mathématiquement  le  même  que  le  triton 
exact  j~ ,  représenté  par  environ  56a  vibrations ,  il  pro- 
cède précisément  de  la  sixte  majeure  la,  faf,  de  la  pre- 
mière sixte  majeure  J  *'*  '°;  car  représentée  en  chiffres 


par  !x|,  clic  devient  ,  dont  l'o  cl  ave  grave  ~j  csl  le  fa  jf 
que  j'ai  porté  dans  mon  tableau  comme  quarte  superflue' . 

ha  sol  [>i  368  jf  vibrations  estait  contraire  produit  parla 
tierce  mineure  mi  [j ,  sot  \>,  de  la  première  tierce  mineure 
j  «(,  mi  [>.  ca|.  représen[ee  en  chiffres  par  5X5,  elle 

devient  f|  ,  expression  que  j'ai  portée  dan»  mon  tableau 
comme  quinte  diminuée. 

C'est  cette  différence  dans  les  rapports  exacts  de  la 
quarte  superflue  et  de  la  quinte  diminuée,  qui  rend  si 
dures,  si  désagréables,  les  modulations  où  l'on  est  obligé 
de  lc3  substituer  l'une  à  l'autre  ,  et  qui  détermine  l'artiste1 
qui  manie  l'instrument  à  archet  et  celui  qui  divise  une 
flrttc,  ou  accorde  un  piano,  à  employer  de  préférence  le 
triton  exact ,  et  moyen  proportionnel  géométrique ,  repré- 
senté par  ~. 

Je  ne  puis  m'étendre  beaucoup  ici  sur  la  définition 
exacte  des  consonnances  et  des  dissonances',  que  je  donne 
dans  mon  traité  d'harmonie.  J'y  propose  une  manière  de 
désigner  les  accords,  fondée  sur  les  principes  naturels  que 
j'ai  fait  connaître.  L'accord  j  **'  ff'       ,  qui  constitue 

dans  le  cylindre  isolé  l'harmonie  du  mode  mineur,  n'est 
pas  en  effet  l'accord  parfait  mineur  proprement  dit;  mais 

(i)  C'eat  celle  différence  que  l'on  ne  peut  concevoir  sans  supposer 
que  la  sixte  majeure  |"''  'j'  n'a  pas  été  prise  dans  un  rapport  exact,  el 
que  quelque  circonstance  inaperçue  a  dérange  la  justesse  de  cet  inter- 
valle, d'où  l'on  tire  la  resonnance  de  fa  555  | ,  antre  que  fa  #  56a  ; 
différence  qui  esta  peu  près  dans  le  rapport  de  5i  :  5a,  et  qui  serait  bien 
plus  désagréable  à  l'oreille  que  (felle  de  fa  $  36a  (triton  eiact]  avec  sot  \p 
368  i'ï  car  celle-ci  n'est  gufcrc  que  comme  80  :  81.  Je  n'affirme  point 
que  M.  le  baron  Bloin  se  soit  trompé  dans  ses  expériences;  mais  je  serais 
curieux  de  les  répéter  au  moyeu  du  palarythme  de  M.  le  haron  Caignard 
Je  la  Tour.  Il  s'agit  d'un  fait  qui  doit  changer  en  partie  la  lliéorio  du 
tempérament  s'il  est  reconnu  réel,  et  d'où  l'on  pourrait  tirer  des  con- 
séquences étendues  que  j'aperçois,  mais  qu'il  serait  trop  long  de  déve- 
lopper kl. 

(iVolfl  du  rédacteur.  ) 


il  en  est  le  lype  dans  une  de  ses  inversions,  «  dérive  im- 
médiatement des  rapports  .,  3,  5 ,  des  troissous  entre  eux 
leurs  vibrations  étant  dans  les  rapports  inverses  i    i  i 

J'appelle :  cantonnante  de  tonùjue  ce  que  l'on  nymme 
accord  parfit ,  j'appelle  cvnsonmmcc  de  quinte  ce  que 
ion  nomme  sixte  majeure,  et  consonnance  de  tierce  ce 
que  1  un  nomme  quarte  et  sixte.  En  général,  c'est  la  note 
grave  d'un  aeeurd  qui  régit  sa  dénomination. 

Eu  employant  l'expression  accord  dissonant  pour  un 
ensemble  de  notes  qui  ont  entre  elles  au  moins  Un  rapport 
dissonant  (que  cet  accord  soit  usité  ou  non),  je  n'ai  fait 
usage  que  du  mot  propre,  et  opposé  à  cantonnant;  je  n'ai 
pu  dire  accord  discordant,  parce  que  l'on  ne  dit  pas  ac- 
cord eoncordant.  r 

Veuille  agréer,  monsieur,  l'expression  de  mes  senti- 
menstrès  distingués. 

Le  Bàeon  BLEIN. 


NOUVELLES  DE  PAKIS. 

THÉÂTRE  ROYAL  DE  L'OPERA-COMIQUE. 
Nous  avons  annoncé,  dans  le  dernier  numéro  dé  la 
Revue  musicale  que  l'intervention  de  MM.  les  auteurs 
dans  les  différens  qui  s'étaient  élevés  à  l'Opéra-Comitjne 
a  eu  le  plus  heureux  résultat  ;  que  les  droits  des  sociétaires 
avaient  été  reconnus,  et  qu'ils  devaient  rentrer  dans  l'exer- 
cice de  leurs  taléns.  Depuis  lors,  de  nouvelles  dispositions 
ont  été  faites  par  l'autorité;  l'ancien  directeur,  M.  Guil- 
berlde  Pixérécourt,  a  été  révoqué;  M.  Bernard,  ancien 
directeur  de  l'Odéon ,  lui  a  succédé,  et  M.  Durais ,  ancien 
administrateur  du  matériel  à  l'Académie  royale  de  musi- 
que, a  élé  nommé  administrateur  du  contentieux  et  delà, 
comptabilité. 

La  rentrée  des  sociétaires  a  en  lieu  lundi ,  5  de  ce  mois, 
par  Michel  Ange,  Marie,  et  tes  Rentlez-vous  Bourgeois. 
Cette  rentrée  fut  une  véritable  fêle  pour  tous  ces  estimables 


i59 

ariïsles  ;  les  applaudissemens  qu'un  public  immense  s'est 
plu  à  leur  donner  a  dû  leur  prouver  que  la  justice  de  leur 
cause  était  généralement  sentie,  et  a  du  les  indemniser 
avec  usure  de  ce  qu'ils  ont  souffert.  Dès  le  malin ,  la  foule 
environnai!  les  bureaux,  et  peu  de  temps  après  l'ouverture 
de  la  salle  il  était  impossible  de  trouver  à  se  placer,  en  quel- 
que endroit  que  ce  l'ût,  Des  salves  d'applaudissemcns ,  aux- 
quelles les  dames  les  plus  élégantes  prenaient  part,  partirent 
de  tous  les  points  de  la  salle  ,  au  lever  du  rideau ,  lorsque 
■M™  Ponchard  parut  en  scène,  et  se  prolongèrent  long- 
temps. Elle  en  fut  si  émue  qu'elle  fut  obligée  de  s'asseoir, 
et  qu'elle  ne  put  qu'avec  peine  achever  son  morceau.  Les 
mêmes  applaudissement  se  répétèrent  à  l'entrée  de  chacun 
des  sociétaires;  l'enthousiasme  élaitàsoo  comble.  Le  pu- 
blic saisissait  toutes  les  allusions;  mais  lorque  Chollet  dit 
dans  Marie:  Enfin,  nous  voici  de  retour,  ce  fut  comme 
wn  délire. 

Un  pareil  accueil  a  laissé  dans  l'amc  des  sociétaires  une 
profonde  émotion ,  une  vive  reconnaissance  pour  le  public 
et  le  désir  de  la  lui  prouver  par  un  Iravail  constant  et  par 
de  nouveaux  efforls.  L'harmonie  est  rentrée  dans  son  do- 
maine, et  des  jours  de  prospérité  vont  succéder  aux  trislcs 
jours  qui  viennent  de  s'écouler.  Celte  prospérité  est  si  fa- 
cile à  obtenir  à  ce  théâtre  !  Le  public  a  voulu  le  prouver 
dès  le  premier  jour;  car,  malgré  le  nombre  considérable 
de  personnes  qui  jouissent  de  leurs  entrées,  et  qui  étaient 
accourues,  la  recette  s'est  élevée  à  h,oûo  francs  ;  beaucoup 
de  personnes  n'ont  pu  entrer. 

La  représentation  du  lendemain  se  composait  de  ta 
Vieille  et  de  (a  Dame  Manche;  l'élite  des  acteurs  s'y 
montrait ,  et  le  public  s'y  est  encore  porté  en  foule.  La  re- 
cette a  été  de  près  de  4'"00  francs.  Jamais  peut-être  ces 
deux  piècesn'onl  été  jouées  avec  autant  de  verve  et  de  soin. 
MM.  Iluet  et  Lemonnier,  ainsi  que  M1™  Pradhcr  ont  joué 
avec  un  ensemble,  un  fini ,  dignes  des  beaux  jours  de 
l'Opéra  Comique.  Ponchard ,  Féréol ,  Boulanger  et 
Kigautont  rivalisé  de  talent  dans  ta  Dame  Manche;  enfui 
celle  représentation  n'a  laissé  rien  à  désirer. 


, Des  ouvrages  no»yeawx  viennent  d'élrc  mis  à  l'èliidc, 
et  ceux  de  H  M.  les  auteurs  qui  avaient  des  pièces.  rtfÇflp» 
ont  élé  invilés  à  se  tenir  prêts:  tout  annonce  un  automne 
et  mi  hiver  fructueux.  Le  premier  opéra  en  trois  actes 
qui  doit  être  représenté  est,  dit-on,  de  MM-  Pluuardet 

Onslow.  Ces  noms  sont  de  bon  augure,-  r;,_n  ..;[,.,  .  ,  -, 
Ikstititi.  Académie-Royale  des  i>caux~arts.  Les  con- 
cours pour  les  grauds  prix  de  musique  sont  terminés. 
Le  sujet  de  la  scène  était  Orphée  déchiré  par  tes  bac- 
chantes- Les  diverses  sections  de  l'académie  s'étant  réunies 
samedi,  1"  do  ce  mois,  pour  entendre  les  travaux  des 
conçnrrens,  ont  décerné  le  premier  grandprixa  M.  Guiraud, 
elève  de  M.  Lesucur  ,  le  premier  second  pris  à  M.  Des- 
préaux,élèvcdeH!U.Berton  clFétis,el  le  deuxième  second 
a  M.  Alphonse  Gilbert,  élève  des  mêmes  professeurs.  La 
Mène  de  M.  Guiraud  sera  exécutée  à  la  séance  publique 
de  l'Académie,  le  premier  samedi  d'octobre  prochain. 

— Qn  annonce  deschangemens  prochains  dans  le  mode 
d'administration  de  l'Opéra  et  du  théâtre  Italien;  mais  au 
milieu  (les  bruits  contradictoires  qui  circulent  à  ce  sujet, 
il  est  difficile  de  saisir  la  vérité.  Nous  sommes  donc  forcés 
de  nous  abstenir  de  toute  conjecture,  et  d'ajourner  les 
détails  que  nous  voudrions  donner  à  nos  abonnés. 

—  Lp- célèbre  compositeur  H.  fioieldieu  vient  de  se 
casser  le  tendon  d' Achille  dans  une  ebute  qu'il  a  faite  à  sa 
maison  de  campagne,  près  do  Paris.  Tous  les  admirateurs 
et  les  amis  de  ce  musicien  distingué,  non  moins  recom- 
maudable  par  son  amabilité  et  ses  qualités  soeiales  que 
par  ses  talena,  ressentent  vivement  cet  accident.  Nous 
espérons  néanmoins  qu'il  n'aura  point  de  suites  fâcheuses. 


NOUVELLES  ÉTRANGÈRES. 

Féte  musicale  des  bords  de  VElbc.  — Nous  avons  déjà 
donné  dans  le  1"  volume  la  Revue  musicale,  page  555, 
iiuprécissuffisammentcîrconstanciédo  ce  qui  s'est  passé  à 
cette  solennité;  et  bien  que  nous  ayons  reçu  un  grand  nom- 


»4* 

bre  do  détails  nouveaux,  nous  ne  serions  pas  revenussur  ce 
sujet, si  l'examen  de  toutes  ces  circonstances  ne  nous  avait 
paru  digne  d'une  attention  particulière.  Il  s'agit  en  effet 
moins  du  récit  de  deux  jours  de  concert,  qui  pourraient  se 
ressembler  à  peu  prés  dans  tous  les  pays  oii  l'on  fait  do  la 
musique,  que  de  la  contemplation  d'une  existence  toute 
musicale  ,  fortement  liée  à  la  vie  sociale,  et  peut-être 
même  à  la  vie  politique.  Rien,  en  effet,  chez  ces  peuples 
si  graves  et  si  réfléchis,  oii  tous  les  goûts,  tous  les  attache- 
meus  ont  la  solidité  de  la  foi ,  et  deviennent  presque  une 
religion,  ne  se  fait  sans  musique,  que,  chez  nous,  bien  des 
esprits  graves  ou  frivoles  regardent  encore  aujourd'hui 
comme  un  art  à  peine  digne  d'attention.  Si  nous  passons 
nos  frontières  d'est  et  de  nord-est,  en  deçà  et  au-delà 
du  Hliin,  nous  trouvons, ou  contraire,  que  rien  de  publie 
ne  peut  se  passer  de  l'assistance  de  la  musique.  Un  sou- 
verain voyage-l-il,  il  est  reçu  dans  toutes  les  localités  avec 
le  chant  d'un  chœur;  c'est  encore  un  chœur  qui  accom- 
pagne le  Facfcelzug  (cortège  aux  flambeaux)  qui  va  rap- 
peler h  un  prince  une  époque  heureuse  pour  ses  états  ou 
pour  sa  famille.  Les  éludians  se  réjouissent  en  chœur ,  les 
journaliers  des  villages  se  délassent  le  soir  des  travaux  du 
jour  en  chantant  sous  le; tilleul  de  la  place;  c'est  aussi 
sous  le  tilleul  que  vont  chanter  en  chœur  ces  ouvriers 
que  les  lois  de  leur  corporation  obligent  à  voyager,  et  qui 
-s'y  réunissent  le  soir  après  avoir  fait  leur  étape,  en  parlant 
a  la  main  les  outils  de  leur  profession.  Naguère  encore, 
ils  en  étaient  récompensés  par  l'hospitalité  qui  leur  était 
offerte.  La  fondation  et  la  consécration  des  temples  catho- 
liques ou  protestant  et  de  presque  tous  les  édifices  publics 
ne  peut  se  passer  du  chant  de  plusieurs  chœurs.  Enfin ,  si 
l'on  voulait  recueillir  tous  les  faits  de  ce  genre ,  on  trouve- 
rail,  qu'indépendamment  des  amusemeus  quotidiens,  il 
n'estaucune  solennité  civile  ou  politique,  particulière  ou 
générale,  dont  la  musique  ne  fasse  partie  intégrante. 

Revenons  à  la  féte  des  bords  de  l'Elbe ,  dont  les  circon- 
stances extérieures  doivent  seules  nous  occuper  aujour- 
d'hui, puisque   dans  l'article  susmentionné  nous  avons 


parlé  des  morceaux  qu'on  y  a  entendus,  et  de  leur  exécu- 
tion. 

Un  comité  avait  été  formé  des  autorités  de  la  ville  de 
Zerbstetdes  habitons  les  plus  considérables  pour  veiller  a 
tout  ce  qui  pouvait  avoir  rapporta  laféte.  Presque  tous  les 
habitons  s'offrirent  à  loger  chez  eux  tous  ceux  qui  devaient 
y  prendre  une  part  active.  Le  maître  de  chapelle  Schneider, 
directeur  de  lafetc,  était  arrivé  à' Zerbst  dès  le  tojuin. 
Il  y  fut  suivi  le  i3  par  l'académie  de  chant  et  le  chœur 
de  l'école  principale  de  Dessau.  Le  14  arriva  la  chapelle 
du  duc  d'Anhalt-Dessau ,  et  la  société  musicale  de  Magde- 
bourg.  Lesexécutansse  trouvèrent  au  nombre  de3io,  dont 
jg3  chanteurs ,  savoir  :  6a  supra  ni ,  38  contralti ,  Ifi  té- 
nors  et  4?  basses.  On  n'oublie  pas  de  mentionner,  dans  les 
rapports  publiés  à  cette  occasion  ,  que  107  appartenaient 
à  l'académie  de  chant  et  au  chœur  de  l'école  ,  53  à  la  so- 
ciété de  Magdebourg  et  5a  à  la  société  de  chant  de  Zerbst; 
un  bassiste  était  venu  de  Leipzick.  Ces  instrumentistes 
étaient  au  nombre  de  116,  dont  £\5  violons,  i5  alto,  1a 
violoncelles ,  8  contre- basses,  5  flûtes,  4  hautbois ,  5  cla- 
rinettes, C  bassons,  G  cors,  i  contre-basson,  3  trombones, 
4  trompettes,  1  lymbate.  Sur  ce  nombre ,  la  ville  de  Des- 
sau avait  fourni  44  individus ,  Magdebourg  35 ,  Zerbst  i5 , 
Korwi'g  6,  Leipsicl.  4,  Nordhausen  3,  Berlin  a,  Cœthcn  3, 
Eaguhn  a,  Dresde  1,  Frankenberg  1,  Wœrtz  1 ,  Acken  1. 

L'Eglisede  Nicolaï  avait  été  préparée  aux  frais  du  Prince 
souverain  ,  de  manière  à  ce  que  tout  tendit  à  favoriser  la 
beauté  et  les  libres  vibrations  du  sou.  On  avait  fait  de 
grands  changemens  dans  l'intérieur  de  l'édifice.  Bous 
avons  parlé  de  l'exécution  de  l'oratorio  de  Samson  d'Haen- 
del,  dont  presque  tous  les  solos  furent  chantés  par  des  ama- 
teurs, dont  plusieurs  sont  fonctionnaires  publics.  Le  'soir 
de  la  première  journée  ,  tous  les  musiciens  sujets  du  Duc 
de  Dessau,  auxquels  s'étaient  joints  les  étrangers ,  se  ren- 
dirent au  château,  à  la  clarté  des  flambeaux,  et  chaulèrent 
un  chœur  composé  pour  cette  occasion  ,  par  le  maître  de 
chapelle  Schneider.  Le  prince  vint  remercier  en  personne. 
Le  second  jour  on  exécuta  comme  nous  l'avons  diti'ouver- 


DiginzMBy  Google 


■47 

turc  rî'Iphigénieen  Tauride  de  Gluck,  à  laquelle  Schnei- 
der avait  ajouté  des  clarinettes  et  des  trombones.  Parmi 
les  autres  morceaux,  on  n'en  comptait  que  deux  desti- 
nés à  faire  entendre  des  solos  d'instrument  ;  on  a  princi- 
palement remarqué  le  psaume  34 ,  de  la  composition  de 
Schneider,  qui  parait  avoir  été  traité  dans  de  grandes  pro- 
portions. 

Le  soir  de  cette  dernière  journée,  les  membres  présens 
des  sociétés  des  chansons  de  table  de  Dessan ,  Magde- 
bourg  et  Leipsick.se  réunirent  encore  avant  de  se  séparer 
pour  exécuter  des  chants  à  un  grand  nombre  de  voix. 


ANNONCES. 

Souscription  pour  la  publication  d'une  nouvelle  Mcsso 
solennelle  à  grand  orchestre,  avecsolosel  grands  chœurs, 
de  la  composition  de  M.  Lenteur,  surintendant  de  la 
musique  du  roi  (  M.  Frey,  éditeur). 

Cette  meise,  composée  d'un  Kyrie,  Gloria,  Credo,  Offertoire,  Sane- 
fui,  O  Salularii  et  Agnai,  n'a  encore  élé  exécutée  qu'à  la  Chapelle  du 
Itni  et  a  Nuire-Dame.  Elle  sera  sans  doute  recberchée  par  tous  les  ama- 

Ll'i  cathédrales  auront  la  Facilïlé  île  Taire  ciécutcr  celle  messe  ,  soit 
m  entier,  soit  par  fragmens,  avec  accompagne  ni  en  I  d'orchestre  ou  d'or- 

instrument  au  bas  de  chaque  accolade  de  la  partition 

Le  prii  marqué  de  cette  messe  sera  de  5o  l>.  ;  mai*  tontel  les  per- 
sonnes qui  souscriront  avant  le  1"  novembre  1837,  jour  de  la  publi- 
cation ,  ne  paieront  que  ao  fr.  en  la  recevant.  Les  souscripteurs  qui 
n'auraient  pas  d'occasion  pour  faire  retirer  leurs  eurmplaircs  à  Paris,  les 
recevront  en  ajoutant,  pour  le  port,  ifr.  5o  c.  pour  les  dép^rtemens. 

Les  lettres  de  demandes  doivent  être  adressées  allrancbies  à  I.  Faar, 
édilcur  de  musique,  place  des  Victoires,  n  8,  a  l'ari». 

Un  drjii  se  Féliciter  que  M.  Lesucur  ait  entrepris  la  publication  de  ses 
enivre*  sacrées,  qui  prouveront,  coujuinlement  avec  celles  de  M.  Che- 
rnbinî,  que  la  France  n'esl  point  arriérée  suus  ce  rapport,  et  qu'elle 
peut  lulter  avec  l'étranger.  Déji  sa  belle  messie  de  >"m-l  avait  vu  le  jour; 
â  celle  que  nous  annonçon.  .nijuu  nl'hui ,  mh  <  ciicra  l'oratorio  de  Dùtnira, 
cl  plusieurs  aulrcs  ouvrages  iiuportans. 


DigitizGd  by  Google 


■44 

Souscription  pour  la  grande  partition  de  Macbeth,  tra- 
gédie lyrique  eu  trois  actes,  représentée  à  l'Académie 
royale  de  musique  le  ap,  juin  1827,  paroles  de  M.***, 
musique  de  A.  Chetard. 

La  partition  de  Macbeth ,  précédée  d'une  notice  historique  fur  cet 
ouvrage,  et  de  considéra  lion  s  générales  sur  l'état  de  la  musique  en 
France ,  sera  publiée  dans  le  courant  île  mars  1S18. 

Le  pri*  de  la  souscription  est  de  4o  fr.  net. 

On  souscrit  a  Paris,  jusqu'au  3i  décembre  1857,  chei  Hïïiby  Lemoub, 
professeur  de  piano,  éditeur  et  marchand  de  musique,  rue  de  l 'Échelle, 
»"  9- 

Cette  partition  sera  pour  les  non-souscripteurs:  prii  marque  îao  fr. 
Les  morceau*  séparés,  avec  accompagnement  de  piano,  sont  en 
vente. 


—  5'  air  varié  pour  le  violon ,  avec  accompagne- 
ment d'orchestre,  par  de  Beriot,  10  * 

Idem,  avec  accompagnement  de  piano.  7  5o 

—  3  airs  du  ballet  de  Moïse,  arrangés  en  rondeaux 
pour  le  piano,  par  H.  Herz;  chaque  5  » 

—  Fantaisie  pour  harpe  cl  violon,  sur  les  motifs  de 
Moïse,  par  Labarre  et  de  Beriot.  7  5o 

—  Fantaisie  pour  la  harpe,  sur  les  motifs  de  Moïse, 

par  Labarre.  G  • 

Chez  E.  Troupcnas,  rue  do  Menars,  n"3. 


Digitizod  b/ Google 


DES  CHANTS  POPULAIRES 


Ç$t  f<t  <&ri<t  mofcnw. 

DEUXIEUE  ET  DERNIER  1RTICLE  '. 

Presque  toujours  les  auteurs  des  C liants  populaires  res- 
tent inconnus,  soit  qu'ils  négligent  de  se  nommer,  soit 
qu'ils  se  cachent  à  dessein.  Ce  qui  est  vrai  à  ectégard  pour 
les  diverses  nations ,  l'est  sans  exception  en  Grèce.  11  serait 
impossible  d'indiquer  avec  précision  l'auteur  d'aucune  des 
nombreuses  chansons  qu'on  y  entend.  Sauf  quelques  ex- 
ceptions, elles  sont  le  fruit  d'un  talent  poétique  naturel, 
spontané,  indépendant  de  toute  culture.  Tel  de  ces  chants 
dont  l'idée  est  un  trait  de  génie,  l'éclair  d'une  imagination 
originale ,  et  dont  l'exécution  et  les  détails  sont  en  harmo- 
nie avec  cette  idée  peut  être  l'ouvrage  d'uu  paire ,  d'un 
laboureur,  d'un  artisan,  d'une  vieille  femme  ou  d'une 
jeune  fille.  L'unique  chose  dont  on  puisse  être  à  peu  près 
sûr,  concernant  l'auteur  d'une  chanson  prise  au  hasard 
entre  les  médiocres  ou  parmi  les  plus  belles,  c'est  que  cet 
auteur  n'avait  appris  ni  à  lire  ni  à  écrire,  ne  savait  point 
par  théorie  ce  que  c'est  que  vers  ou  poésie,  et  qu'il  ne 
songea  en  composant  qu'à  satisfaire  un  besoin  de  son  ima- 
gination, qu'a  rendre  une  émotion  de  sou  cœur,  mais  non 
à  faire  preuve  de  talent  poétique. 

Ces  chansons  ont  des  physionomies  particulières  qui  font 
reconnaître  leur  origine;  celles  des  villesse  distinguent  aisé- 
ment de  cellesdeschamps,  desmoutagues,  ou  de  l'Archipel. 
Il  y  a  des  villes  où  te  talent  et  le  goût  de  la  poésie  et  de  la 
musique  semblent  être  plus  particulièrement  le  partage  de 
certaines  professions.  A  Jannina ,  par  exemple,  ce  souties 
tanneurs  qui  composent  la  plupart  des  chansons  qui,  de 
cette  ville  se  répandent  ensuite  en  Épire  et  au-delà.  Dans  les 

(ij  Viitce  la  Revue  nmneo/e,  a'  Sn,  p.  lai. 

a*  vol.  i3 


Digitized  by  Google 


*46 

poètes  et  de  musiciens.  Les  matelots  semblent  être  les  ati- 
Iciirsdcla  plupart  des  chansons  (jni  se  chantent  en  mer  par 
les  équipages  de  navires.  Enfui ,  il  y  a  dans  tonle  la  Grèce, 
des  femmes  qui,  indépendamment  des myriologues,  compo- 
sent aussi  ries  chansons  souvent  l'orl  belles  sur  toutes  sorte» 
de  sujets,  mais  de  piélerence  sur  les  plus  pathétiques. 

Quant  aux  chansons  klephliques,  elles  sont  en  partie 
composées  par  les  acteurs  ou  les  témoins  des  aventures 
sur  lesquelles  elles  roulent ,  et  en  partie  par  des  aveugles 
mendians ,  répandus  dans  toute  la  Grèce  ,  et  dont  la  res- 
semblance avec  les  anciens  rhapsodes  est  frappante. 

II  n'y  a  point  à  proprement  parler  de  mendians  dans  la 
Grèce.  Tout  homme  en  état  de  travailler  n'y  cherche  point 
a  vivre  d'aumônes.  Les  aveugles  seuls  sont  réduits  à  user  de 
celte  ressource;  encore  sont-ils  censés  exercer  une  profes- 
sion utile  par  leurs  chants  ;  car  ces  chants  sont  un  liesoin 
pour  les  Grecs.  Ils  sont  dans  l'usage  ,  tant  sur  le  continent 
que  danslcsllesdelaGrece.  d'apprendre  le  plus  grand  nom- 
bre possible  de  chansons  populaires  de  tout  genre.  Conti- 
nuellement en  marche,  ils  traversaient  naguère  le  pays  en 
tout  sens,  du  fond  delà  M  orée  à  Constanlinople.  des  côtes 
de  la  mer  Ëgée  à  celles  de  la  côte  d'Ion  Le.  Allant  de  ville  eu 
ville,  de  village  en  village,  chantant  à  l'auditoire  qui  se  for- 
Mail  an  tour  d'eux  partout  «ft  ilsse  montraient,  les  chansons 
qu'ils  jugeaient  convenir  le  mieux  à  la  localité  ,  aux  cir- 
constances, et  recevant  une  petite  rétribution  qui  compo- 
sait leur  revenu.  C'était  surtout  aux  réunions  nombreuses, 
aux  fêles  de  village ,  connues  sous  le  nom  de  panegflyris, 
que  ces  chanteurs  ambnlans  accouraient  le  plus  volontiers, 
cl  qu'on  était  sûr  d'en  trouver  un  grand  nombre. 

Composant  également  les  airs  et  la  poésie  de  leurs 
chansons,  la  plupart  des  Grecs  ne  connaissent  pas  mieux 
les  principes  de  la  musique  que  les  régies  de  la  versilica- 
tion;  ils  n'ont,  pour  se  diriger  dans  l'une  comme  dans 
l'autre,  qu'une  routine  plus  ou  moins  sûre  et  délicate.  Le 
■  aracière  de  leur  chant  ne  diffère  guère  de  celui  qui  est  en 
usage  dans  leurs  églises  et  dans  celles  d'Orient;  il  est  eu 


'47 

gémirai  chargé  d'ornemcns  et  de  petit»  tremble  mens  de 
vois  qu'on  ne  trouve  dans  aucune  autre  musique.  L'es  airs 
des  citants  klephliques  sont  simples,  traînans ,  et  tenant 
plus  du  plain-chanl  que  les  autres;  ces  airs  ont  toujours 
quelque  chose  de  plaintif,  lors  même  qu'ils  célèbrent  les 
victoires  des  Klephtes ,  ou  qu'ils  doivent  être  I  expression 
de  leurs  sentimeus  tes  plus  fiers.  Les  airs  des  chansons  de 
montagnes  ne  prennent  quelquefois  qu'un  seul  vers,  plus 
ordinairement  deux,  mais  jamais  davantage.  Ce  n'est  eu 
quelque  sorte  qu'une  phrase  qui  se  répète  pendant  toute 
la  durée  de  la  chanson. 

Quant  a  la  musique  des  chansons  rimées ,  composées 
dans  les  grandes  villes  ou  dans  les  îles  ,  elfe  a  plus  de  dou- 
ceur et  de  régularité.  Ce  sont  pour  la  plupart  d'anciens 
airs  italiens  importés  de  Venise. 

Les  aveugles  rhapsode*  chantent  en  s'aceompagnant 
d'uu  instrument  à  cordes  qui  a  la  forme  de  l'ancien  ne 
lyre ,  mais  qui  se  joue  avec  un  archet.  Cette  lyre  doit  avoir 
cinq  cordes,  souvent  elle  n'en  »<qoe  deux  ou  trois  dont 
l'effet  u'a  rien  de  bien  harmonieux;  mais  telle  qu'elle  est, 
cette  musique  suffit  pour  délecter  l'oreille  d'un  auditoire 
peu  exigeant. 

Il  est  rare  que  le  chant  de  ces  airs  ne  soit  pas  accom- 
pagné d'une  action  mimique  qui  ajoute  à  l'expression  des 
paroles ,  ou  d'une  sorte  de  danse  de  caractère,  particulière 
aux  Grecs.  Il  y  a  toujours  dans  les  danses  grecques  uue 
intention  mimique  plus  ou  moins  expresse ,  plus  ou  moins 
déguisée.  Chaque  province  a  sa  danse  particulière  qui  pa- 
rait n'être  que  la  tradition  d'une  ancienne  pantomime, 
destinée  dans  l'origine  à  représenter  uue  action  quelcon- 
que, historique  ou  feinte.  Chacune  de  ces  danses  a  sa 
chanson  qui  lui  est  exclusivement  appropriée,  et  qui  re- 
monte comme  elle  à  une  époque  immémoriale. 

Tout  porte  à  croire  que  les  divers  caractères  de  la  chan- 
son grecque  s'affaibliront  successivement  pour  ne  laisser 
subsister  que  les  chants  historiques ,  car  toute  l'existence 
delà  Grèce  est  maintenant  renfermée  dans  l'issue  des  évé- 
uemens  dont  elle  est  le  théâtre  depuis  quelques  années. 


Digilized  by  Google 


■46 

La  plupart  des  anciennes  chansons  seront  oubliées  en 
Grèce ,  parce  que  la  tradition  ne  conservera  que  celles  nui 
rappelleront  Je  grands  événemens.  Une  collection  de  ces 
anciennes  chansons  sera  donc  un  jour  fort  intéressante  ; 
sous  ce  rapport,  celle  qui  a  été  publiée  par  M.  C.  Fauriel, 
avec  une  traduction  française',  ne  saurait  être  trop  re- 
commandée, et  l'on  a  lien  de  s'étonner  que  les  journaux  en 
aient  si  peu  parlé  quaud  elle  a  paru.  C'est  de  cette  utile 
collection  que  j'ai  tiré  tous  les  renseigne  meus  que  j'ai 
donnés  sur  une  matière  neuve  et  peu  connue.  De  l'aveu 
même  de  M.  Fauriel,  sa  collection  est  loin  d'être  com- 
plète; mai*  telle  qu'elle  est,  elle  mérile  l'attention  des 
hommes  de  goût  et  des  amis  du  peuple  courageux  qui, 
quels  que  soient  ses  défauts,  effaoe  maintenant  les  autres 
nations. 

FÉTIS. 


DEUX  MOTS  SUR  LES  THÉÂTRES  DE.PARIS, 
PAU  M.  AMÉDÉE  DE  TISSOTi. 

El»  vain  on  se  pique  d'impartialité  lorsqu'il  s'agit  d'un 
ouvrage  nouveau  ;  en  vain  on  veut  se  dépouiller  de  toute 
prévention  favorable  ou  défavorable  ;  le  nom  de  l'auteur  agit 
sur  le  lecteur  à  son  insu.  Ce  nom,  s'il  est  connu  par  des 
succès,  nous  dispose  à  trouverbience  qui  n'est  quelquefois 
que  médiocre  ou  faible  ;  mais  l'écrivain  ignoré  ne  doit  at- 
tendre qu'une  justice  rigoureuse  ou  même  quelque  chose  de 
pire.  La  critique  prend  le  ton  de  la  politesse  et  de  la  défé- 
rence quand  elle  s'adresse  à  celui  dont  le  nom  est  devenu 
respectable  ;  mais  elle  est  souvent  dédaigneuse  à  l'égard  de 
ceux  dont  les  litres  ne  consistent  qu'en  espérances.  Ces  pré- 

(i)  Chaula  populaires  de  ta  Grtcc  moderne,  recueillis  et  publiés  avec 
une  traduction  fran\ïise  et  des  nutes,  a  vol.  in-S°  ;  Pari»,  Firmin 
Didot,  i8ai(. 

(a)  Brochure  in-8»  de  (o  pages;  Paria,  Delaforot,  rue  des  Fille»- 
Saint-Tbonitu ,  n°  7. 


■  49 

ventious  sont  très  condamnables  sans  doute;  mais  qu'y 
faire  ?  elles  sont  inséparables  des  faiblesses  humaines  :  il 
faut  bien  s'y  soumettre  ,  et  faire  à  ses  dépens  un  premier 
pas  qui  décide  souvent  de  l'avenir. 

Si  j'en  juge  par  la  liste  des  productions  imprimées  de 
M.  Amédée  de  Tîssot  (qu'il  a  placée  à  la  fin  de  sa  bro- 
chure), il  n'est  point  de  ceux  qui  ont  à  redouter  leur  ob- 
scurité; car  ces  productions  sont  nombreuses.  J'avoue 
qu'elles  m'étaient  inconnues;  maïs  cela  ne  prouve  rien 
contre  leur  célébrité;  je  suis  tout  simplement  un  ignorant 
comme  ceux  de  mes  lecteurs  qui  n'auraient  point  entendu 
parler  de  Darius,  tragédie  en  cinq  actes;  du  Massacre 
de  lu  Saint-Barthétemi,  autre  tragédie  en  cinq  actes  ; 
à'Eudaanc,  troisième  tragédie  en  cinq  actes  ;  d'Jrric, 
quatrième  tragédie  en  cinq  actes;  du  Médecin  libérât, 
comédie  en  un  acte  et  en  vers;  du  Minutieux,  comédie 
en  un  acte  et  en  vers;  de  la  Décoromanie ,  de  i'Aibio- 
nade,  ni  de  beaucoup  d'autres  comédies,  poèmes  et 
opéras.  Avec  un  pareil  bagage,  on  doit  être  fameux; 
je  ne  doute  point  que  M.  Amédée  de  Tîssot  ne  le  soit.  C'est 
donc  avec  des  dispositions  toutes  favorables  au  nouvel  ou- 
vrage  de  cet  écrivain,  que  j'entreprends  d'en  entretenir  le 
public,  et  je  n'ai  a  me  défendre  que  d'une  admiration 
anticipée. 

La  supériorité  de  Al.  Amédée  de  Tissot  se  manifeste  par 
le  Ion  superbe  qu'il  prend  dès  le  commencement  de  sa 
brochure.  11  y  dédaigne  les  formes  de  la  politesse,  et  traite 
durement  ceux  auxquels  il  adresse  des  réprimandes.  L'O- 
péra, autrement  l'Académie  royale  de  musique ,  est  le  pre- 
mier objet  de  ses  critiques.  La  salle,  sa  position,  son  as- 
pect extérieur,  ses  dispositions  et  ses  moindres  détails,  tout 
y  blesse  l'œil  de  notre  célèbre  écrivain.  Ce  ne  sont  point 
deux  mots  qu'il  dit  sur  cette  matière;  mais  de  longues 
phrases  où  je  n'ai  vu  que  les  critiques  qui  onl  Irniné  dans 
tous  les  journaux,  et  qu'on  répète  chaque  jour. 

Si  M.  Amédée  de  Tissot  traite  durement  les  hommes  , 
il  rachète  son  défaut  d'urbanité  par  sa  galanterie  pour  les. 
dames.  On  en  peut  juger  par  ce  passage. 


Digilized  by  Google 


■5b 

f  Le  maçon  .  car  on  ne  peut  pas  dire  l'architecte  ,  rmï  ,t 

•  Ole vi*  ce  bâtiment,  n'étant  pas  fort  sur  la  mythologie,  n'y 
«a  placé  que  liuil muses!  Cela  n'est  ni  galant  ni  classique. 
■  Si  M.  l'entrepreneur  aime  la  symétrie,  au  lieu  d'exclure 

•  du  temple  des  beaux-arts  «ne  de  ses  chastes  protectrices, 

•  que  ne  nous  tn  donnait-il  une  diadème  ?  avons-nous 
%pas  ta  muse  de  la  patrie?  N'est-ce  qu'après  ta  mort  de 

•  mademoisetle  D.  G.  qu'il  sera  permis  do  tuir  élever 
<  une  statue?  » 

L'enthousiasme  de  M.  Amédée  de  Tissot  est  sans  doute 
très  fondé,  mais  il  lui  fait, commettre  uu  petit  anachro- 
nisme. Wm  D.  G.  était  née  lorsqu'on  a  bâti  la  salle  de- 
l'Opéra,  mais  elle  ne  s'était  point  fait  connaître;  et,  a  tout 
prendre ,  ce  pauvre  M.  Debret  est  excusable  de  n'avoir  pas 
prévu  qu'elle  serait  un  jour  ta  muse  de  ta  patrie. 

Parmi  les  nombreuses  observations  qui  se  trouvent  dans 
le»  Deux  mois  de  SI.  Amédée  de  Tisgot,  on  remarque  celle- 
ci  :  *  Le  meilleur  moyen  d'éviter  le  mauvais  air  qu'on  y  res- 

•  pire  (  au  théâtre  ) ,  est  de  ne  jamais  rester  dans  la  salle 

•  quand  le  rideau  est  baissé ,  et  d'éviter  constamment  les 
«  premières  représentions,  les  représentations  à  béué- 
«  fiée ,  cl  toutes  celles  où  l'on  prévoit  que  doit  se  trouver 

•  la  foule.  ■  En  résumé ,  le  meilleur  moyen  d'éviter  la 
foule,  c'est  qu'il  n'y  ait  point  de  foule  :  vérité  incontes- 
table ! 

C'est  surtout  aux  directeurs  (Je  nos  théâtres  que  M-  de 
'L'issot  déclare  la  guerre;  MM.  Lubbert  et  de  Taylor  sont 
tour  à  tour  frappés  par  sa  férule,  il  faut  avouer  qu'il  abuse 
un  peu  de  sa  supériorilé  dans  celte  occasion ,  et  qu'il  dé- 
passe les  bornes  de  la  critique.  L'administrât  ion  d'un  di- 
recteur est  soumise  de  droit  â  la  censure  du  public  cl  dus 
journaux  ;  mois  sa  personne  doit  être  respectée,  et  nul  n'a 
Je  droii  de  s'immiscer  dans  ses  affaires  particulières.  M.  de 
'l'issot  insiste  fortement  sur  ce  que  l'un  de  ces  messieurs 
élait  employé  à  l'administration  de  la  loterie  et  l'autre 
peintre  de  décorations,  avant  d'être  appelés  à  leurs  nou- 
velles fonctions;  mais  qu'importe!  il  fallait  bien  qu'ils 
fussent  quelque  chose  avant  d'être  directeurs.  Des  jeux 


i5i 

île  mots  île  mauvais  goût  ne  sont  d'ailleurs  point  des  rai- 
mim,  et  l'on  est  condamnable  quand  on  se  permet  d'im- 
primer contre  un  honnête  liomme  des  phrase*  comme 
celle-ci  :  «  Cependant  le  nom  de  M.  Lubberl,  ({ni  jusqu'ici 
t  n'a  hrillé  que  d'un  éclat  an  peu  terne,  n'offre  pas  à 
.  l'Opéra  de  grandes  chances  de  sucées.  On  dirait ,  au  ru- 
■  pide  avancement  qu'il  vient  d'obtenir,  qu'il  est  poussé; 
m  par  quelque  haute  et  puissante  dame  :  cependant  l'objet 

•  rie  sa  prédilection  n'est ,  à  ce  qu'un  assure  à  l'Opéra  , 
o  qu'un  extrait  de  femme.  »  Ah  !  M.  de  Tissot!  vous  qui 
parlez  sans  cesse  de  bon  ton  et  d'éducation  soignée,  vous 
oubliez  ici  vos  principes. 

.  En  cherchant  avec  soin  dans  la  brochure  des  Deux 
mots  [en  qtiaranle  pages)  les  fjriefs  de  M.  de  Tissot  contre 
M.  Lubberl ,  je  n'y  ai  trouvé  que  le  tort  d'avoir  employé 
dans  Moïse  un  mauvais  nrc-cn-cicl,  et  de  ne  point  met  Ire 
au  lustre  des  verres  dépolis.  Si  j'en  crois  le  bruit  puhlic , 
l'expulsion  des  coulisses  de  l'Opéra  prononcée  contre...... 

Mais  n'imitons  pas  M.  de  Tissot,  et  disons  seulement  qu'il 
est  trop  sévère,  à  propos  d'un  morceau  de  loile  peinte  et 
de  verres  de  quinquets. 

Les  reproches  adressés  à  Itossini  sont  plus  positifs;  on 
peut  en  juger  par  ce  passage.  «  La  place  n'est  pas  lenahle 

•  quand  on  donne  des  pièces  de  Itossini.  La  nature,  qui 

■  nous  a  pourvus  de  paupières  pour  nous  donner  les 
t  moyens  de  nous  délivrer  d'une  vue  ou  d'une  lumière  qui 

■  nous  blesse,  aurait  bien  dû  nous  accorder  une  niem- 
i  hrane  avec  laquelle  nous  eussions  pu  fermer  l'oreille  et 
«  ne  point  entendre  des  sons  criards  et  assnnrdissans. 

•  L'homme  qui  inventerait  un  instrument  capable  d'opé- 
«rcr  cet  effet  aurait  bien  vite  lait  sa  forlune,  s'il  se  plaçait 
t  à  la  porte  de  l'Académie  royale  de  niusiqtio. 

*  J'avoue  que  je  n'ai  pas  lu  la  Vie  de  Ronrini;  mais 

■  quand  on  entend  sa  musique  do  caserne ,  et  l'iinuppor* 

■  Isble  charivari  que  produit  le  jeu  Continuel  de  la  grosse 

•  caisse,  des  timbales,  des  eimbalcs,  etu..  on  doit  supposer 
'  que  cet  homme  »*•' a  reçu  qu'une  triste  Muèatia»,  qu'il 
.  n'a  étudié-  ni  les  lettres  ni  t'anliquilc;  qu'il  n'a  j'ré- 


Digitizod  by  Google 


i5a 

t  quentè  que  des  gens  de  ta  lasse  classe  du  peuple.  C'est 

■  seulement  depuis  que  sa  position  sociale  s'est  améliorée, 

■  depuis  qu'il  habite  Paris  ,  que  son  goût  commence  à  se 

■  former,  comme  le  prouve  le  troisième  acte  du  Siège  de 

■  Corinthe,  qui,  sans  tapage,  est  bien  supérieur  aux  deux 

■  premiers.  Comment  peut-on  n'être  pas  choqué  des 
t  contresens  qui  abondent  dans  sa  musique?  Par  exemple, 
«  dans  son  opéra  de  Sêmiramis,  c'est  au  moment  terrible 

■  de  l'apparition  de  l'ombre  de  son  époux  qui  la  menace  , 
<  et  lorsque  la  terreur  est  à  son  comble,  qu'on  entend  un 
t  allegretto  de  la  galté  la  plus  bouffonne,  un  morceau 
•  indigne  de  Polichinelle ,  etc.  »  On  voit  que  M.  de  Tissot 
n'est  pas  de  ces  gens  qui  composent  avec  les  réputations; 
en  vain  le  monde  enlier  salue  tes  œuvres  du  chantre  de 
Pcsaro  par  des  applaudissement  unanimes,  M.  de  Tissot 
déclare  que  ce  n'est  que  de  ta  musique  de  caserne.  Passe 
pour  cela;  le  mot  n'est  pas  poli,  mais  chacun  est  libre  dans 
ses  goûts.  11  est  seulement  fâcheux  qu'à  l'expression  de 
son  opinion,  l'auteur  des  Deux  mois  ait  joint  des  assertiods 
audacieuses  sur  la  personne  d'un  grand  artiste,  et  des 
termes  de  dédain  qui  sont  plus  que  déplacés. 

Jusqu'ici  nous  n'avons  considéré  M.  île  Tissot  que 
comme  critique;  nous  allonslcvoirmatntenautinventeur. 
La  musique  de  caserne  lui  déplaît  à  l'Opéra;  mais  il  ne 
se  borne  point  à  bannir  de  l'orchestre  les  instrument 
bruyans  qu'on  y  a  introduits;  il  veut  éteindre  le  son  autant 
que  cela  se  peut;  et,  pour  cela,  il  propose  de  descendre  le 
plancher  de  l'orchestre  de  deux  pieds,  et  de  mettre  sous 
les  planches  du  lliéûlre  tous  les  instrumens  de  cuivre  et  de 
percussion  ,  ce  qui,  comme  on  voit,  contribuerait  singu- 
lièrement a  mettre  de  l'ensemble  parmi  les  symphonistes. 

<  J'ai  inventé  une  nouvelle  forme  do  violons ,  dit  M.  de 

<  Tissot,  qui  permet  de  démancher  sans  peine,  et  par  con- 
•  séq  lient  de  jouer  plus  juste;  elle  offre  aussi  la  facilité  do 
■  jouer  sur  la  touche  et  de  produire  des  sons  mités  extrê- 
mement flatteurs.  On  devrait  l'adopter  dans  les  or- 
»  cbestres,  où,  dès  qu'on  monte  à  l'ut,  les  exécutans sont 

<  ordinairement  a  cûlé  du  ton.  Je  me  sers  aussi  avec  succès 


■igitizod  t>y  Google 


iS3 

<  d'un  archet  garni  de  cheveux  de  femme ,  qui  produisent 
«des  sons  plus  doux  que  lecriu  :  en  douter  serait  unbla-, 
«  sphème!  » 

,  Vivent  les  esprits  inventifs  !  l'orchestre  sous  1b  théâtre;, 
des  archets  de  cheveux  ;  voila  du  nouveau.  On  cherchait 
uu  homme  de  génie  qui  pût  faire  autre  chose  que  Rosaini: 
le  voilà  tout  trouvé.  C'en  est  fait  du  rossinisme;  nous  al- 
lons avoir  le  tissotisme.  Honneur  à  la  France,  qui  a  pro- 
duit cette  merveille]  ...  ... 

On  pense  bien  qu'un  génie  si  universel  et  si  fécond  en 
ressources  que  .M,  Amédée  de  Tissot  ne. s'arrête  pas  à  ces 
découvertes  :  mille  autres  jolies  choses  de  sa  composition, 
sont  proposées  par  lui,  comme,  par.  exemple,  un  nouveau 
genre  de  peinture  sali*  ombras,  basé  sur  les  tableaux 
qu'offrent  les  danseuses  vues  de  la  rampe:  idée  sublime 
qui  a  manqué  à.  nos  David,  Gïrodet,  Gérard,  Gros,  In- 
gres ,  «te. ,  que  M.  de  Tissot  représente  comme  des  routi- 
niers sans  génie.  Heureux  siècle  qui  as  produit  AL  de 
Tissot  1  tu  n'auras  bientôt  plus  rien  à  désirer! 

Les  autres  théâtres  de  Paris  sont  aussi  l'objet  des  inves- 
tigations de  M:  de  Tissot  ;  mais  elles  sont  moins  étendues 
que  celles  qui  se  rapportent  à  l'Opéra.  Tout  est  sacrifié  à 
celui-ci;  on  voit  que  c'est  l'objet  des  prédilections  de  l'au- 
teur de  la  brochure.  Ou  ne  peut  douter  que  ce  spectacle 
n'obtienne  des  succès  d'un  genre  tout  nouveau ,  si  les  in- 
ventions dont  nous  avons  parlé  sont  adoptées. 


EXPOSITION  DES  PRODUITS  DE  L'INDUSTRIE. 

1HST1UMENS  DE  COIVBË. 

CORS  A  PISTONS. 

Inventer  des  chants  simples  et  naturels  devient  chaque 
jour  plus  difficile  et  plus  rare ,  soit  que  les  idées  radicales 
soient  bornées  à  un  nombre  déterminé,  au-delà  duquel  il  n'y 
a'vot.  14 


1 54 

ait  que  des  modifications  de  goût,  des  arrangement,  des 
déguisémens  de  phrases  connues,  soit  que  l'oreille  des  di- 
tettanti  ressemble  au  palais  des  gourmands,  qu'elle  se  blase 
et  finisse  par  se  dégoûter  des  émanations  les  pins  sublimes 
du  génie.  A  mesure  qu'on  avance  dans  l'art,  la  musique  sim- 
ple s'affaiblit  et  laisse  envahir  son  domaine  parla  musique 
d'effet,  par  le  bruit  même.  Tel  qui  supportait  à  peine  quel- 
ques ootéi  de  cor  autrefois,  a  besoin  aujourd'hui  de  tout 
l'attirail  des  trompe! les,  des  trombones  etàesophicléides; 
tel  autre,  que  le  bruit  des  timbales  assourdissait,  n'est  point 
Satisfait  s'il  n'entend  la  grosse  caisse,  les  cimbclea ,  les 
crotales ,  etc.  Les  effets ,  le  bruit  sont  devenus  la  ressource 
du  compositeur,  et  le  goût  dominant  du  public  ;  c'est  donc 
à  la  recherche  des  effets  que  chacun  applique  ses  facultés, 
èt  l'on  doit  Convenir  qu'on  s'y  est  rendu  fort  habile  depuis 
trente  ails.-   

Mais  si  le  génie  du  musicien  est  indispensable  pour  les 
découvrir  ,  l'art  des  luthiers  n'est  pas  moins  utile;  car  les 
découvertes  d'instrumens  nouveaux,  et  les  perfectionne- 
ttietis  dés  anciens,  ont  fourni  des  ressources  sans  lesquelles 
l'écoierriodernen'aUraitpu  produire  desefieissisurpredans. 
le*  instruirions  de  cuivré  ont  particulièrement  éprouvé  deB 
améliorations  Considérables.  Je  me  propose  de  les  exami- 
ner en  détail,  èt  je  Commencera*  pat  le  cor,  instrument 
Important  dans  l'état  actuel  de  nos  orchestres. 

On  a  vu  dans  un  article  de  la  Rewe,  musicale,  (n°  n , 
p-.2;o),  qu'il  n'y  avait  autrefois  d'autres  cors  dans  l'or- 
chestreque  le  carnet  àl/ouquin,  qui  était  percé  de  sept  Irons 
dont  l'un  se  bouchait  avec  une  clef,  et  qui  n'avait  d'autre 
embouchure  que  celle  de  la  trompette.  Le  cor-de-chasse 
fut  inventé  en  France  vers  1680  ;  mais  il  ne  commença  à 
s'introduire  dans  l'orchestré  qu'en  1.750,  du  moins  pour 
l'usage  de  l'Opéra.  Ce  n'est  même  qu'en  1757  que  cet  in- 
strument y  fut  employé  d'une  manière  avantageuse  par 
■  M.  Gossec,  dans  dooxair*  qu'il  composa  pour  les  début»  de 
M11*  Artlould  ,  et  où  l'on  trouvait  deus  clarinettes  et  deu« 
'Cers  oblifïés.  ■ 


Digitizcd  by  Google 


i55 

Borné  d'abord  aux  noies  naturelles, 


le  cor  était  de  peu  de  ressource.  Mais  une  découverte  do 
Hampi,  célèbre  corniste  de  lacourde  Dresde,  vers  1760, 
changea  tout  à  coup  son  échelle  et  agrandit  son  domaine. 
Dans  la  vuedefaireuneïFet  de  sourdine,  il  imagina  de  bou- 
cher en  partiele  pavillon  avec  un  tampon  do  coton;  mais  sa 
surprise  fut  extrême  de  s'apercevoir  que  boti  instrument  était 
haussé  d'un  demi-ton.  Ce  fut  pour  lui  un  traitdelumière,et 
sur-le-champ  il  essaya  de  présenter  et  de  retirer  son  tam- 
pon sur  toutes  les  posilîous  des  lèvres,  et  il  obtint  les  demi- 
tons  de  toutes  les  gammes  diatoniques  et  chromatiques. 
Les  sons  qu'il  obtenait  avec  le  tampon  étaient  à  ta  vériié 
plus  sourds  que  ceux  que  lui  fournissait  la  colonne  entiè- 
rement libre;  mais  ils  n'étaient  pas  moins  précieux.  Il  leur 
donna,  à  cause  de  cela,  le  nom  de  sons-iouofuSs.  Dans  la 
suite ,  il  s'aperçut  que  la  main  pouvait  remplacer  le  tam- 
pon avec  avantage ,  et  adopta  ce  dernier  procédé.  Rodolphe 
est  le  premier  qui  ait  fait  connaître  en  France  ces  notes 
bouchées. 

La  découverte  de  Hampi  fut  suivie  de  plusieurs  'autres 
non  moins  importantes,  qui,  successivement,  ont  porté  le 
cor  à  un  point  où  il  semble  qu'il  reste  peu  de  choses  à  faire. 
Par  exemple,  on  sait  que  tous  les  instrumens  s'élèvent 
avec  la  température;  mais  la  matière  dont  le  cor  est  formé 
est  plus  impressionabie  qu'aucune  autre;  aussi  cet  instru- 
ment monte-t-il  rapidement.  Pour  l'accorder  avec  l'or- 
chestre ,  on  n'avait  point  trouvé  d'abord  de  meilleur  expé- 
dient que  d'ajouter  un  certain  nombre  d'allonges  auprès 
de  l'embouchure  ;  mais  ces  allonges  avaien  t  l'inconvénient 
d'éloigner  le  pavillon  du  corps,  et  conséquemmeot  de 
priver  l'instrument  de  son  point  d'appui.  Un  facteur  de 
Hannu ,  près  de  Franefort-sur-le-Mein ,  nommé  I/alten- 
ftoff,  appliquant  au  cor  le  principe  de  la  construction  du 
trombonne,  imagina  la  coulisse  qui  permet  d'allonger  à 


Digitized  by  Google 


>Sfl 

volonté  In  colonne  d'air,  et  sur  laquelle  on  a  fini  par  poser 
les  différens  tons  de  l'instrument. 

Tel  était  naguère  Vélaï  où  le  cor  avait  été  amené  suc- 
cessivement. Divers  essai»  avaient  été  faits  pour  donner 
aux  sons  bondit1»  une  sonorité  analogue  à  celle  des  sons 
ouverts,  maislonjours  infructueusement.  Charles  Claggel, 
compositeur  anglais,  avuit  inventé, à  la  fin  du  siècle  dernier, 
un  cor  double  composé  des  deux  tons  de  ré  et  demi  p,  et 
qui  n'avait  qu'une  seule  embouchure.  An  moyen  d'une  clef 
ipii  ouvrait  la  coin  ni  uni  cal  ion  de  l'air  avec  l'un  ou  l'autre 
cor,  on  pouvait  donnerà  Volonté,  en  sons  ouverts,  à  peu  près 
toutes  les  notes  de  la  gamme  chromatique  ;  mais  l'insliu- 
meut  était  lourd  et  difficile  à  jouer  à  cause  du  calcul  que 
l'exécutant  était  continuellement  obligé  de  faire.  Cette  dé- 
couverte n'eut  donc  point  de  suite.  '  ■  ;  •' 

On  regrettait  cependant  qu'un  instrument  doué  d'une 
voix  aussi  Uatteuse  quele  cor  eût  si  peu  de  notes  naturelles, 
et  tant  de  sous  factices,  quand,  tout  à  coup,  un  musicien 
allemand,  inconnu  jusque-là,  inventa  le  cor  à  pistons, 
en  i8i5oui8i6.  Ce  musicien,  uoinmé  Stœlztt,  fatigué 
d'être  obligé  du  porter  partout  les  diversions  du  cor,  lors- 
qu'il allait  accompagner  les  danses  du  pays,  dans  les  or- 
chestres de  campagne,  conçut  le  dessein  de  se  débarrasser 
de  cette  obligation,  et  de  faire  un  cor  avec  lequel  il  put 
jouer  dans  tous  les  tons.  A  force  de  recherches  et  de  per- 
sévérance, il  vint  à  bout  de  ce  qu'il  avait  entrepris,  et  porta 
son  invention  encore  informe  à  Berlin ,  oh  M.  âchlot ,  fa- 
briquant d'iuslrumeus  de  cuivre,  chercha  à  la  perfec- 
tionner; .  ' 

Celle  invention  consistait  à  placer  sur  la  coulisse  deux 
boites  qui  contenaient  chacune  une  pièce  de  cuivre  percée 
de  trous  et  posée  sur  nu  ressort  à  spirale.  Lorsque  le  res- 
s/irt  était  dilaté,  il  poussait  en  haut  la  pièce  de  cuivre, 
dont  les  trous  ne  rencontraient  pas  alors  ceux  des  tuyaux 
additionnels  qui  étaient  destinés  à  baisser  l'intrument  d'm 
demi-ton  ,  d'un  ton ,  ou  d'un  ton  et  demi.  Mais  lorsque  lu 
doigt  était  appuyé  sur  le  piston,  les  trous  se  reucontraieni, 
'air  circulait  et  l'effet  était  produit. 


Digitizcd  by  Google 


A  celle  époque,  M.  Christophe  Schuncke ,  musicien  du 
prince  de  Bade ,  se  trouvant  à  Berlin  ,  conçtrt ,  au  premier 
exameu  du  cor  de  Slœlzel ,  tout  le  parti  qu'on  pouvait  en 
tirer,  et,  de  retour  à  CaHsrube,  il  invita  M.  Schuster.  f.ic- 
teur  fort  habile,  a  travailler  an  perfectionnement  de  l'ingé- 
nieux instrument.  Mais  le  mécanisme  ayant  été  appliqué 
par  lui  àla  coulisse  d'un  cor  soin,  cemme  l'avait  fait  Sticl- 
jtcl,  divers  inconvéniensassezgraves  en  résultaient.  D'abord 
on  ne  pouvait  obtenir  que  quatre  tous .  savoir  :  1°  celui  du 
eor  sans  piston  fa;  a'  celui  de  mi  Èj,  donné  par  le  piston 
qui  baissait  l'instrumeul  d'un  <lemi-ton;  3"  celui  de  mi\>, 
produit  parle  piston  du  ton;  et  enfin  4°,  celui  der<!,  qu'on 
obtenait  en  réunissant  les  deux  pistons. 

I  «second  inconvénient  consistaiten  ce  que  n'ayao'  point 
de  corps  de  rechange,  on  pouvait  être  conduit  dans  des 
modulations  difficiles,  qui  obligeaient  à  tenir  constam- 
ment les  doigts  appuyés  sur  les  pistons,  ce  qui  causait  de 
la  fatigue.  En  outre  ,  cette  obligation  d'employer  constam- 
ment les  pistons,  privait  l'instrument  des  sons  aigus  dans 
les  tons  élevés  tels  que  sol,  fit  et  si  é,  sorte  de  sons  dont  les 
timbres  sontbrillans  dans  les  cors  ordinaires,  ouïes  rendait 
très  difficiles  à  obtenir.  Far  exemple,  si,  dans  le  Ion  de 
fi  b,  on  doit  faire  fa  à  l'unisson  de  celui-ci 

au  lieu  de  jouer  dans  ce  ton  la  note  sot 
correspond,  est  obligé  de  prendre  ut  aigu  du  ton  de 

fa  ^  =jj  cette  note  sera  [infiniment  moins  aisée  à 
faire. 

Le  troisième  inconvénient  du  corà  pistons  de  M.  Sofa  aster 
est  d'obliger  a  transposer  presque  continuellement ,  et  de 
changer  dans  chaque  ton  le  jeu  des  pistons. 

Enfin,  ce  continuel  emploi  des  pistons  changeait  la  so- 
norité naturelle  de  l'instrument  et  l'altérait;  outre  cela,  la 
place  des  pistons  changeait  à  mesure  qu'on  était  obligé  de 


tirer  la  pompe,  ce  qui  occasionnait  un  déplacement  de  la 
main  qui  tenait  l'instrument. Cet  allongeincntde  la  pompe 
ne  se  trouvant  plus  proportionné  avec  l'étendue  des  ions 
produits  par  les  pistons,  nuisait  d'ailleurs  considérable- 
ment à  la  justesse1. 

Néanmoins  les  avantages  qu'offre  cet  instrument  sont 
tels,  que  les  artistes  les  plus  distingués  désiraient  qu'on 
pût  corriger  ses  défauts,  afin  de  l'adopter.  L'un  d'eux, 
M.  Meifred,  artiste  de  l'Opéra  et  de  la  chapelle  du  roi, 
ancien  élève  de  l'école  des  arts  et  métiers  de  Chàlous, 
imagina  d'adapter  au  cor  le  mécanisme  de  la  trompette 
perfectionnée,  et  d'ajouter  de  petites  pompes  particulières 
aux  tubes  qui  baissent  l'instrument  d'un  ton  ou  d'un  itemir 
ton  ;  au  moyen  de  quoi  il  est  facile  de  suivre  la  proportion 
géométrique  que  commande  l'augmentation  générale  du 
cor,  soit  qu'elle  résulte  du  changement  de  corps  de  re- 
change ,  soit  que  l'on  tire  ou  baisse  la  pompe  d'accord. 

M.  Meifred ,  au  lieu  de  placer  les  pistons  sur  la  pompe , 
les  a  appliqués  aux  branches;  en  sorte  que  la  pompe  étant 
devenue  libre,  il  a  pu  conserver  à  l'instrument  ses  corps 
de  rechange.  De  cette  manière,  le  jeu  des  pistons  est  de- 
venu plus  facile ,  ne  variant  point  de  place,  et  ne  servant 
plus  qu'à  éviter  les  sons  bouchés  ou  à  des,  modulations  in- 
cidentes. Le  compositeur  trouve  ainsi  des  ressources  iné- 
puisables dans  ce  bel  instrument.  Veut-il  des  sons  vigou- 
reux sur  toutes  les  notes?  les  pistons  les  lui  fournissent. 
A-l-il  besoin  d'énergie  dans  ses  modulations  éloignées  du 
ton  primitif?  il  n'est  plus  obligé  de  faire  taire  ses  cors , 
comme  par  le  passé.  Dans  d'autres  cas,  les  sons  bouchés 
lui  sont-ils  nécessaires  pour  Obtenir  des  effets  mélancoli- 
ques? le  cor  de  M.  Meifred  les  lui  fournit  également,  et  c'est 
encore  un  de  ses  avantages  sur  celui  de  Carlsrhue.  Enfin  , 

(i)  Je  dois  I.  MM.  Dauprat  cl  Meifred  tout  ces  détails  et  ceux  qui 
(oiyenl.  M.  Dauprat,  qui  a  compose  im  traité  de  cur  à  pistons  pour  faire 
suite  à  son  excellente  .VclhadeiU  cer-alio  el  de  cor  bassc,  a  bien  voulu 
me  communiquer  son  travail,  d'où  j'ai  citrait  la  plupart  de»  remeigne- 
iricm  que  contient  cet  article. 


Digitized  t>y  Google 


•  59 

le  oor  à  pistons,  tel  que  l'a  conçu  M.  Heifred,  conserve  les 
qualités  de  l'ancien  instrument,  et  lui  ajoute  toutes  celles 
c|iii  lui  manquaient.  ,,,..„  . 

M.  Labhaye ,  facteur  d'instrumens  de  cuivre  S  connu 
par  diverses  inventions,  l'a  exécuté  d'après  ses  dessins  et 
ses  instructions,  et  l'a  mis  à  l'exposition  des  produits  de 
l'industrie.  Nous  en  donnons  la  représentation  dans  la 
planche  ci-jointe,  et  l'on  pourra  facilement  le  comparer 
avec  celui  de  Carlsrhue  ,  dont  on  voit  la  pompe  accompa- 
gnée de  ses  pistons,  fig.  1. 

Des  fondions  des  pùtons. 

En  appuyant  le  doigt  sur  le  piston  n"  i  {fig.  2),  on  baisse 
le  cor  d'un  ton ,  c'est-à-dire  qu'on  livre  les  passages  0.0'  à 
l'air,  qui  parcourt  alors  un  espace  plus  grand  de  la  quan- 
tité opo'. 

Far  le  pistou  n"  3 ,  le  cor  est  baissé  d'un  demi-Ion  ;  les 
passages  s  s'  sont  ouverts,  et  l'air  circule  dans  un  espace 
plus  long  de  la  quantité  si  s\ 

Enfin,  en  appuyant  sur  les  pistons  1  et  a  à  la  fois,  le  cor 
se  trouve  baissé  d'un  ton  et  demi;  les  passages  00%  ss', 
étant  ouverts ,  l'air  circule  dans  toutes  les  parties  du  cor. 

Pour  la  perce  des  pistons,  voyez  la  ilg.  5  de  la  planche. 

De  ta  pompe  ou  coulisse  L  Q. 

C'est  sur  celte  pompe  que  se  placent  les  corps  de  re- 
change ;  elle  sert ,  sans  toucher  aux  pistons ,  à  prendre  le 
la;  mais  l'instrument  ne  peut  s'accorder  que  par  le  moyen 
des  petites  coulisses  A  et  fi  (Kg.  4). 

Des  fonctions  des  coulisses  A  B. 
Ces  deux  coulisses  servent  à  assurer  la  justesse  de  Vit  - 
strument,  en  établissant  celle  des  sons  correspondais  dans 
chaque  changement  de  ton,  par  l'effet  des  pistons.  Lorsque 
le  cor  est  arec  la  pompe  de  soi  (fig.  5) ,  elles  sont  entière- 
ment enfoncées. 


(1)  M.  Labbaye  demeure  lue  de  Cbutres  ,  0*  i4. 


■6o 

Mais,  par  exemple,  si  l'instrument  est  avec  les  corps  de 
rechange  mi  h  (fig.  0)  ,  le  piston  n*  i  le  baissant  d'un  ton, 
le  met  en  re.La  note  ut  [mi  fcj)  est  donc  à  l'unisson  de  re, 
et  l'on  accorde  cet  unisson  avec  la  coulisse  A,  en  la  tirant 
ou  en  la  poussant ,  suivant  que  la  note  est  trop  haute  ou 
trop  basse.  ••■  ■   

Le  cor  étant  en  mi  si  l'on  se  sert  du  piston  n°  a ,  la 
;  note  si  sera  à  l'unisson  de  mi  .),,  et  la  coulisse  B  offrira  le» 
moyens  d'accorder  parfaitement  l'instrument.  On  voit  par 
ces  exemples  que  ces  petites  coulisses  adaptées  aux  tubes 
des  pistons  donnent  les  moyens  d'obtenir  la  plus  grande 
justesse  possible. 

Les  vis  C  et  D,  ainsi  que  la  fig.  -,  serve»  l  de  point  d'ap- 
pui au  ressort  à  spirale  qui  est  contenu  dans,  chacun  des 
tabès  i  et  a,  ainsi  qu'il  est  figuré  au  piston  F,  et  dont  les 
fonctions  sont  de  renvoyer  promptement  le  piston  à  son 

état  primitif.  ...  .)<■•■«:,.'  

■  Chaque  piston  est  revêtu  d'un  couvercle  ou  chapeau 
(f .  A.  au  piston  F).  Ce  chapeau  est  à  mollette  et  a  Vis, 
afin  de  faciliter  le  nettoiement  du  mécanisme. 

Le  tenon  H  sert  de  point  d'appui  pour  le  pouce  de  la 
main  qui  tient  le  cor. 

L'antre  tenon  K  m  soutient  les  deux  branches  L  Q  de  la 
pompe  sur  laquelle  se  pincent  les  corps  de  rechange. 

En  général  les  pistons  adaptés  au  cor  ne  changent  rien 
à  son  étendue,  à  ses  ressources,  ni  à  la  manière  de  le  jouer, 
leur  usage  est  facultatif,  et  les  artistes  qui  voudront  ne  s'y 
accoutumer  que  par  degrés ,  pourront,  jusqu'à  ce  qu'ils 
aient  acquis  l'habitude  de  s'en  servir,  continuer  à  jouer 
Tinstrument  par  l'ancienne  méthode.  Insensiblement ,  la 
tacilité  d'obtenir  des  sons  pleins  et  justes  au  lieu  de  sou* 
bouchés  et  douteux ,  déterminera  à  s'en  servir  ceux  qui  y 
teront  d'abord  le  moins  disposés,  soit  par  paresse  ou  par 
préjugé.  La  nouvelle  méthode  de  cor  à  pistons  que  M.  Dau- 
prat  va  publier,  et  dans  laquelle  on  trouvera  toutes  les 
gammes,  facilitera  l'usage  d'un  instrument  si  utile.  On 
doit  donc  tout  attendre  du  temps,  et  ne  pas  se  presser  à. 
écrire  les  parties  de  cor  d'orchestre  avec  toutes  les  inodifi- 


iOi 

calions  îles  pistons ,  comme  si  elles  étaient  généralement 
adoptées.  Il  est  présumable  que  dans  dix  ans  on  ne  se  ser- 
vira plus  des  anciens  cors. 

Il  serait  fâcheux  que  les  compositeurs  considérassent 
les  perfection nemens  dont  je  viens  de  parler  comme  des 
moyens  de  faire  jouer  sans  cesse  les  cors  dans  leur  or- 
chestre. Outre  qu'uu  instrument  si  fatigant  exige  qu'on 
laisse  des  repos  aux  exécutans,  on  perdrait,  par  son  usapie 
trop  fréquent,  tes  ressources  des  oppositions  d'effets,  si 
nécessaires  en  musique,  et  l'on  tomberait  dans. la  mono- 
tonie. Les  ressources  multipliées  du  cor  à  pistons  ne  dis- 
pensent donc  pas  de  l'employer  avec  discrétion.  J'insiste 
sur  ce  point,  parce  que  la  nouvelle  école  n'est  que  trop 
portée  à  abuser  des  instruirions  bruyans. 

On  remarque  à  l'exposition  des  produits  de  l'industrie 
deux  sortes  de  cors  à  pistons;  l'une,  construite  par  M.  Lab- 
baye ,  sur  les  dessins  de  M,  Meifred,  et  dont  nous  venons 
de  parler;  l'autre,  fabriquée  par  M.  Antoine,  successeur 
de  M.  Halary.  Ce  dernier  instrument  a  trois  pistons,  à 
l'imitation  des  trompettes  dites  de  Berlin,  quioutétéjouées 
avec  beaucoup  d'effet  dans  l'opéra  de  Macbeth  de  M.  Che- 
lard,  par  MAI.  Dauverné,  Legros  et  Bénard. 

.Mais  ce  qui  est  très  bon  sur  la  trompette,  qu'on  tient 
d'une  main  pendant  que  l'autre  fait  jouer  les  pistons,  cesse 
de  l'être  sur  le  cor,  où  les  deux  mains  sont  employées  à 
tenir  l'instrument;  car  l'obligation  de  consacrer  trois  doigts 
au  jeu  des  pistons ,  fait  qu'il  ne  reste  plus  que  le  pouce  et 
le  .premier  doigt  pour  soutenir  le  cor,  ce  qui  est  très  fati- 
gant. D'ailleurs  le  troisième  piston  est  absolument  inutile , 
puisqu'on  peut  tout  faire  avec  deux. 

,  M.  Labbaye  s'est  rendu  recommanda ble  par  plusieurs 
inventions  et  perfectionnemens  importans  dans  la  con- 
struction des  instrument  de  cuivre.  C'est  à  lui  qu'est  dû  le 
procédé  pour  courber  les  tubes  des  cors,  trompettes,  etc., 
sans  y  employer  le  coulage  du  plomb,  dont  l'adhérence  est 
nuisible  au  son.  On  lui  doit  aussi  la  basse  d'harmonie.  La 
société  d'encouragement  pour  l'industrie  nationale  a  fait 
sur  ces  deux  innovations  un  rapport  avantageux  eu  i8u, 


par  l'organe  de  M.  F  rancœur.  Parmi  les  inslruraens  qu'il 
a  exposés  cette  année,  on  remarque  une  timùate  méca- 
nique qui  s'accorde  d'un  seul  coup  par  le  moyen  d'un 
commandeur  ou  régulateur,  qui  indique  le  degré  de  ten- 
sion nécessaire.  Cette  découverte  très  intéressante  ne  peut 
manquer  d'obtenir  beaucoup  de  succès,  et  je  ne  doute  pas 
que  les  timbales  de  M.  L abbaye  ne  soient  bientôt  substi- 
tuées aux  autres,  à  cause  de  la  facilité  qu'on  aura  démo- 
duler à  volonté  sur  cet  instrument  :  ces  timhales  sont 
d'ailleurs  d'un  très  petit  volume,  sonores  et  faciles  à 
manier. 

FKTIS. 


IVOUVETXES  DE  PARIS. 

THÉÂTRE  ROYAL  ITALIEN. 
■g?rfmiîrï  rtfrhtnMm  U  (StttC'wft*  %  Som«. 

Ce  que  nous  avons  dit  à  plusieurs  reprises  se  vérifie 
chaque  jour;  il  n'y  aura  plus  de  succès  possible,  jusqu'à 
ce  qu'un  nouvel  homme  de  génie  entre  dans  la  carrière 
théâtrale.  L'Italie ,  réduite  aux  ouvrages  de  Vaccai ,  de 
Paccini,  de  Mercadante,  de  Donizetli,  se  soumet  à  son 
sort.  Faute  de  mieux,  elle  se  contente  des  faibles  copies  du 
style  de  Rossini;  mais  nous  sommes  plus  difficiles;  et, 
comme  nous  avons  le  choix,  nous  fuyons  ce  qui  nous 
ennuie  pour  aller  où  nous  pouvons  trouver  du  plaisir.  On 
peut  le  prédire  avec  assurance,  aucune  des  productions 
que  l'Italie  voit  éclore  ne  réussira  à  Paris;  il  n'y  a  point  de 
vie  là-dedans ,  point  d'invention ,  point  de  charme  :  c'est 
de  la  musique  faite  par  des  procédés  et  non  avec  l'inspi- 
ration. Quel  que  soit  le  délai  qu'on  accorde  à  l'un  des 
musiciens  qui  viennent  d'être  nommés,  pour  écrire  un 
ouvrage,  ils  peuvent  toujours  assurer  qu'ils  auront  fini  leur 


■igitizod  t>y  Google 


i63 

tâche,  car,  comme  ils  ne  mettent  point  d'idées  dans  ce 
qu'ils  écrivent,  ils  ne  sont  jamais  arrêtés  dans  leurs  tra- 
vaux. Ce  sont  des  ouvriers  eu  musique,  mais  ce  ne  sont 
pas  des  compositeurs. 

Le  public  semblait  avoir  prévu  que  le  Romeo  e  Giulîetta 
de  Va ccai,  qu'on  lui  a  offert  le  11  de  ce  mois,  pour  la  pre- 
mière fois,  serait  de  même  étoffe  que  la  Pastoreila  Feu- 
dataria  du  même  auteur,  car  le  plus  grand  nombre  des 
diteltanli  s'était  dispensé  d'assister  à  cette  représentation. 
Les  loges  étaient  vides,  et  le  parterre  présentait  de  nom- 
breuses solutions  de  continuité.  L'événement  a  bien 
prouvé  que  les  absens  étaient  les  mien*  avisés.  Rien  de 
plus  pauvre,  de  plus  nul,  de  plus  soporifique  que  ce  drame: 
et  cependant  le  musicien  ne  peut  accuser  l'auteur  du  ii- 
tretto,  car,  à  l'exception  de  la  (in  ,  qui  est  ridicule,  il  y  a 
peu  d'opéras  italiens  conçus  avec  plus  de  raison  que  ce- 
lui-ci. La  marche  de  la  pièce  est  sensée,  les  scènes  se  suc- 
cèdent dans  un  ordre  naturel ,  et  la  catastrophe  est  bien 
amenée.  Juliette,  qui  se  relève  pour  chanter  un  aria  eon 
cori  après  la  mort  de  Roméo  ,  et  quand  on  la  croit  morte 
elle-même,  est  la  seule  inconvenance  qu'où  ait  remarquée 
dans  cette  pièce.  Ii  est  vrai  qu'elle  est  bien  forte;  aussi  les 
spectateurs  ont-ils  éclaté  de  rire  ;  les  uns  sont  sortis  en 
haussant  les  épaules  ,  et  les  autres  ont  achevé  leur  soirée 
comme  ils  l'avaient  passée,  c'est-à-dire  en  bâillant. 

Nous  u'avons  dit  qu'un  mot  de  la  musique  ,  et  l'on  ne 
peut  guère  en  dire  plus.  Le  peu  d'étendue  des  morceaux 
est  ce  qu'on  y  a  trouvé  de  plus  louable  ;  mais  leur  unifor- 
mité de  couleur,  leur  dénuement  de  phrases  neuves,  leur 
instrumentation  usée  combattaient  cet  avantage  et  l'annu- 
laient. La  cavatine  :  Se  Romeo  t'uccise  un  figlio,  et  la 
scène  :  Ah!  se  tu  dormi  svegliati,  sont  un  peu  moins 
faibles  que  les  autres ,  mais  ne  sont  pas  lions.  Nous  avons 
beau  chercher,  nous  ne  trouvons  rien  qui  mérite  d'être 
distingué. 

L'exécution  n'a  pas  été  satisfaisante  ;  soit  que  cette  mu- 
sique nauséabonde  ait  influé  sur  les  chanteurs ,  soit  qu'ils 
fussent  mal  disposés  ou  peu  surs  de  leur  mémoire ,  ils  ont 


eu  souvent  de  l'hésitation  et  ont  chanté  faux.  H"*  Ceiari 
va  de  mal  en  pis ,  et  ne  peut  plus  vocaliser  une  gamme  ; 
Bordogui,  qui  pourrait  le  croire,  a  perdu  sa  vois ,  et  Levas- 
se ur,  qui  n'a  qu'un  mauvais  rôle ,  semblait  s'en  occuper 
fort  peu.  M11-Blasis  a  eu  quelques  bons  momens,  mais  elle 
a  quelquefois  chanté  trop  haut.  En  somme ,  l'exécution  a 
élé  à  peu  prèsà  la  hauteur  de  la  musique. 

Nous  ignorons  ce  que  L'administration  prépare;  mais 
puisqu'elle  est  réduite  à  douter  de  tous  les  succès,  pourquoi 
n'essayeraît-elle  pas  de  quelque  ouvrage  ancien  de  Cima- 
rosa  ou  de  Paisiello,  par  exemple,  du  Roi  Tltéodors?  Quel 
que  soit  le  caprice  de  la  mode,  il  est  difficile  de  croire  que  la 
fraîcheur  ravissante  des  chants  qui  sont  répandus  avec  pro- 
fusion dans  ce  bol  ouvrage  ne  charmerait  pas  les  auditeurs, 
s'ils  étaient  exécutés  avec  soin.  On  pourrait  resserrer  l'ac- 
tion où  elle  languit  ;  jeter  quelques  morceaux  d'ensemble 
au  milieu  des  airs,  et  couper  le  récitatif  où  il  y  en  a 
trop  ;  l'on  aurait  du  nouveau  avec  du  vieux ,  et  ce  serait 
une  trouvaille.  Nous  livrons  cette  idée  à  M.  Lubbert;  et, 
dans  l'intérêt  du  public ,  nous  désirons  qu'il  la  goûte. 


THÉÂTRE  ROYAL  DE  L'ODE  ON. 
StfUttS*. 


L'activité  de  l'administration  ds  ce  théâtre  combat  contre 
les  chances  défavorables  de  sa  position  et  du  genre  auquel  il 
est  condamné.  Elle  obtient  des  succès;  mais ce  sont  de  ces 
succès  qu'on  est  convenu  d'appeler  d'estime,  et  qui  sont 
la  terreur  des  caissiers  dramatiques.  Point  de  théâtres  sans 
argent;  mais  point  d'argent  sans  nouveautés.  Ce  qu'on  prèle 
au  public ,  il  le  rend  avec  usure;  mais  il  faut  lui  prêter 
qitelnue  chose.  Or,  ce  serait  compter  un  peu  trop  sur  ses 
intentions  bénévoles  que  de  prétendre  lui  prouver  qu'on 
lui  donne  du  nouveau,  quand  ce  nouveau  se  compose  de 
vieilleries  qui  traînent  depuis  si  long-temps  sur  le  Théâtre- 


Digitizod  b/ Google 


i65 

Italien,  S?il  y  avait  en  Allemagne  et  en  Italie  beaucoup 
d'opéras  qui  valussent  Robin  des  Bois  ou  te  Barbier  de  Sé- 
vitle  ,  le  privilège  des  traductions  serait  nue  mine  d'or; 
mais  il  n'est  une  trop  prouvé  qu'il  n'y  a  plus  rien  au-delà 
des  Alpes  ou  du  Rliin  qui  mérite  d'Être  traduit;  Weber, 
n'est  plus,  Weigl  et  Conrad  Kreutzer  sont  vieux;  Rossini  a 
abandonné  la  scène  italienne;  Mayerbeer  écrit  peu,  et 
tout  le  reste  est  médiocre  ou  mauvais. 

La  plupart  des  canevas  italiens  ou  allemands  sont  si  dé- 
pourvus de  raison  et  d'art,  que  pour  les  faire  réussir  il  faut 
le  secours  d'une  bonne  musique.  Si  celle-ci  est  faible,  il 
n'y  a  plus  rien.  En  France,  nous  avons  aussi  de  mauvais 
opéras;  mais  l'esprit  qui  brille  dans  le  dialogue  sauve  quel- 
quefois l'œuvre  du  musicien.  Il  y  a  deux  chances  pour  les 
opéras  français  ;  il  n'y  eu  a  qu'une  pour  les  traductions. 

Pourquoi  donc  borner  les  ressources  de  ce  malheureux 
théâtre,  qui  succombe  bous  le  poids  de  son  privilège  ex- 
clusif? Pourquoi  fermer  la  porte  à  nos  compositeurs ,  pen- 
dant qu'on  l'ouvre  inutilement  aux  étrangers  ?  Pourquoi 
surtout  décourager  nos  jeunes  artistes  sans  béuéiice  pour 
d'autres?  Vous  voilà  ,  dira-t-on  ,  revenu  à  vos  anciennes 
idées ,  que  vous  répétez  sans  cesse  !  Eh  !  sans  doute ,  et  j'y 
reviendrai  encore,  mes  cris  dussent-ils  n'être  point  enten- 
dus. Mais  pourquoi  ne  le  seraient-ils  pas?  Pourquoi  l'au- 
torité, enfin  éclairée  sur  les  véritables  intérêts  de  l'art, 
s'obstinerait-elle  à  maintenir  un  état  de  choses  également 
funeste  à  l'entreprise  du  théâtre  de  l'Odëon,  aux  jeunes 
compositeurs  et  à  la  musique  en  général?  Je  ne  me  pique  pas 
d'être  prophète;  mais  jesuis  persuadé  que  l'administration 
actuelle  sera  ruinée  avant  un  au,  si  le  droit  déjouer  de  nou- 
veaux opéras  français  ne  lui  est  accordé.  Je  sais  que  parmi 
ces  opéras  il  y  aura  des  chutes;  mais  il  pourra  se  rencontrer 
des  succès  productifs,  et  j'alEmie,  qu'il  n'y  en  a  plus  île 
pussibles  avec  les  traductions.  Venons  à  Tancrède. 

Certes ,  ce  ne  sont  pas  les  beautés  musicales  qui  man- 
quent dans  cet  ouvrage  ;  ou  y  trouve  une  fraîcheur  d'idées, 
une  grâce,  une  jeunesse  qui  ne  brillent  pas  toujours  du 
même  éclat  dans  les  dernières  productions  de  son  auteur. 


□igifeed  t>y  Google 


t66 

Mais  deux  cents  représentations  donnéesau  Théâtre- lia  lié  il 
ont  fatigué  L'attention  des  plus  intrépides  (Mettait  ti;  mais 
les  airs  et  les  duos  chantés  bien  ou  mal  dans  toute  la 
France,  et  par  toutes  les  voix,  ont  usé  les  sensations  de 
plaisir  que  ces  morceaux  peuvent  procurer  ;  mais  tous  les 
motifs  transformés  en  fantaisies,  variations,  quatuors, 
<juin  tettis,  contredanses  et  valses,  pour  tous  les  instrumens, 
depuis  le  piano  jusqu'au  ûageolet,  n'ont  pas  même  laissé 
la  faculté  de  prêter  attention  à  ces  motifs  dont  ou  est 
saturé. 

D'ailleurs,  une  comparaison  trop  défavorable  s'établît 
naturellement  entre  l'ancienne  exécution  du  Théâtre-Ita- 
lien et  celle  de  i'Odéon.  M"'  Pasla,  M"'  Naldi,  ne  sont  point 
encore  oubliées .  et  leur  souvenir  n'est  pas  favorable  à  la 
nouvelle  distribution.  Non  que  M^Schutz  ne  fasse  preuve 
de  talent  dans  le  râle  de  Tancrède  ;  M*"  Pouilley  même 
ne  s'est  pas  mal  tirée  de  celui  d'Aménaïde.  Mais  le  bien 
n'est  ici  que  relatif  ;  c'est  bien  pour  I'Odéon,  mais  seule- 
ment pour  I'Odéon.  Ajoutez  a  ce.a  que  la  difficulté  est 
plus  grande.  La  langue  frauçaise  se  prête  mal  à  porter  la 
musique  qui  n'a  point  été  faite  pour  elle;  à  talent  égal,  un 
chanteur  a  du  désavantage  en  chantant  la  musique  ita- 
lienne traduite  en  cette  langue.  Aussi  ceux  qui  s'y  distin- 
guent ont-ils  un  double  mérite. 

La  traduction  de  Tancrède  avait  encore  contre  elle  de 
renfermer  plusieurs  morceau*  qui  ont  été  employés  par 
M.  Castil-BIazedans  d'autres  ouvrages,  et  notamment  dans 
les  Folies  amoureuses  et  Olello.  Depuis  long-temps  ce 
mucisien  littérateur  avaitjugé  que  le  libr&tlo  de  Tancrède 
n'était  pas  de  nature  à  être  traduit  ;  il  y  avait  renoncé  ,  et 
s'était  borné  a  dépecer  l'ouvrage,  de  manière  à  ce  qu'on 
ne  pût  plus  en  tirer  parti.  Il  ne  parait  pas  s'être  trompé 
sur  le  meilleur  parti  qu'il  y  avait  à  prendre. 

J'ai  dit  que  M"r  Schulz  a  fait  preuve  de  talent  :  elle  a  en 
effet  chanté  la  plupart  des  morceaux  avec  expression  et 
chaleur,  mais  laissant  beaucoup  à  désirer  sous  le  rapport 
de  la  correction  île  ses  traits  et  de  la  vocalisation.  On  sait 
quel  charme,  quelle  vapeur  mystérieuse  environnaient 


Digiiizcd  by  Google 


lojiti;  la  personne  de  M"*  Pasla  dans  la  première  scène  et 
dans  l'air  di  tanti  paipiii ,  si  improprement  appelé  cava- 
line.  Il  ne  faut  rien  chercher  de  tout  cela  dànsM—Schutz; 
mais  elle  chante  avec  énergie  le  finale  et  les  deux  duos  si 
connus  du  second  acte  de  Tancredi.  La  voix  de  Leclerc 
fait  bien  dans  les  morceaux  d'ensemble;  il  est  fâcheux 
qu'elle  manque  de  souplesse.  L'orchestre  est  toujours  la 
partie  brillante  de  l'exécution  dé  l'Odéon.  Tancrède  a 
obtenu  du  succès  à  la  première  représentation;  mais  la 
recette  a  été  très  faible  à  la  seconde. 

—  Le  sort  définitif  des  théâtres  royaux  parait  toujours 
incertain.  La  commission  instituée  jour  régler  ce  qui  les 
concerne  continue  ses  travaux,  mais  lentement,  et  ne  pa- 
rait s'occuper  que  de  ce  qui  a  rapport  aux  considérations 
financières.  C'est  sans  doute  un  point  fort  important;  mais 
il  en  est  d'autres  qui  ne  méritent  pas  moins  d'attention. 
Ce  qui  fait  vivre  les  théâtres,  c'est  le  zèle  des  administra- 
teurs et  des  administrés  ;  c'est  un  amour  de  la  chose  qui 
est  trop  rare,  et  sans  lequel  on  ne  peut  rien.  Ce  zèle,  cet 
amour  ont  besoin  d'être  excités  par  l'autorité  supérieure. 
M.  le  vicomte  de  Larochefoucault  a  élé  souvent  attaqué 
sur  son  administration  par  des  motifs  qu'il  ne  nous  est  pas 
donné  d'approfondir  ;  mais  il  est  une  vérilé  qu'on  ne  peut 
contester,  c'est  que  jamais  administrateur  n'a  eu  plus  que 
lui  de  bienveillance  pour  les  artistes ,  ni  plus  de  zèle  pour 
le  progrès  des  arts.  Ses  intentions  sont  pures;  et  si  le  suc- 
cès n'a  pas  toujours  répondu  à  sou  attente,  c'est  qu'il  n'a 
point  trouvé  dans  ce  qui  l'entourait  los  secours  qu'il  avait 
droit  d'espérer.  On  ne  doit  point  oublier  d'ailleurs  que  c'est 
sous  son  administration  que  l'Opéra  s'est  replacé ,  sous  le 
rapport  de  l'art,  dans  une  situation  florissante.  Nous  avons 
démontré  plusieurs  fois  que  le  théâtre  italien  souffre  par 
des  causes  qu'il  n'est  donné  â  personne  de  prévenir  on 
d'empècher.  On  sait  que  le  théâtre  de  l'Opéra-Comiqtie  n'a 
couru  dans  ces  derniers  temps  de  grands  dangers,  que 
parce  que  M.  de  Larochefoucault  n'avait  aucune  autorité 
directe  sur  lui.  Les  autres  établissemens  sont  susceptibles 
de  recevoir  des  améliorations  qu'il  fera  sans  doute,  s'il  ne 


Digiiizefl  by  Google 


i68 

se  trouve  entravé  dans  ses  opérations  par  quelque  came 
étrangère.  Mous  faisons  des  vœux  pour  qu'il  puisse  encore 
long-temps  tenir  les  rênes  de  l'administration  des  arts ,  et 
conserver  avee  les  artistes  des  relations  dont  ils  savent 
apprécier  le  charme. 


ANNONCES. 

Dix  napolitaines  en  mesures  mixtes  pour  piano,  dédiées 
aux  Lazzaroni,  par  T.  d'Outrepont.  Prix  :  4  fr.  5o  o. 
A  Paris ,  chez  À.  Petilbuu  ,  éditeur  de  musique  ,  rue  du 

Bac,  11"  5). 

—  Grande  fantaisie  brillante  sur  des  thèmes  égyptiens  et 
français,  composée  pour  pïauo  et  violon  ,  par  M"  Hé- 
rault et  P.  Lafonl.  Pris  :  9  fr. 

A  Paris ,  chez  Maurice  Schlesingcr,  marchand  de  mu- 
sique du  Roi ,  rue  de  Richelieu ,  n°  97. 

L'originalité  des  thèmei  véritablement  Égyptiens ,  et  la  manière  heu- 
reuse dont  iii  ont  été  traités  par  les  auteurs,  doivent  procurer  a  cet 
ouvrage  un  succès  de  vogue  dans  les  salons. 

—  Muterpe  vosgîemne;  collection  de  scènes,  hymnes, 
chœurs,  chants,  nocturnes,  romances,  etc.,  souvent  à  a, 
3  et  4  parties ,  sur  des  paroles  françaises ,  allemandes  et 
quelquefois  italiennes,  avec  accompagnement  de  piano, 
et,  suivant  le  sujet,  de  plusieurs  autres  instrument,  ré- 
digée par  J.-B.-M.  Braun,  maître  honoraire  de  l'Aca- 
démie philharmonique  de  Bologne ,  et  D.  Jeleusperger, 
professeur  de  composition  au  Conservatoire  de  Paris; 
u"  1  et  a.  Prix  :  6  fr.  chaque.  L'abonnement  pour  six 
numéros  est  de  iî  fr.,  et  de  ao  fr.  pour  douze. 

A  Paris ,  chez  Zelter  et  compagnie ,  rue  du  Faubourg- 
Poissonnière  ,  n*  5. 

Aucun  ouvrage  périodique  de  ce  genre  n'existait ,  et  cependant  rien 
de  plus  utile  pour  les  départe  mens  avoisinant  les  frontières  de  l' Alle- 
magne, où  l'on  parle  également  le  français  et  l'allemand.  Les  airs 
d'opéras  même  ne  peuvent  remplacer  les  morceaux  qu'on  y  truuve,  car 
ces  morceaux  se  composant  de  parties  d'une  exécuiiun  facile,  perniet- 
Icnt  aux  amateurs  les  plus  faibles  de  te  familiariser  avec  la  musique 
d'ensemble,  cl  de  ae  préparer  a  de  plus  grandes  difficultés. 


DigitizGd  t>y  Google 


ESQUISSE  DE  L'ÉTAT  ACTUEL  DE  LA  MUSIQUE 


Lorsqu'il  est  question  de  musique  en  Angleterre,  c'est 
presque  toujours  de  musique  étrangère;  car,  à  l'exception 
de  quelques  parties  dcl'exécutiou  dans  lesquelles  les  Anglais 
se  distinguent,  tout  ce  qui  a  rapport  à  cet  art  leuresl  fourni 
par  l'Allemagne  ou  par  l'Italie.  Dans  les  quinzième  et  sei- 
zième siècles,  leurs  compositeurs  étaient  à  peu  près  égaux 
en  mérite  à  ceux  du  reste  de  l'Europe ,  et  les  noms  de  Tye, 
de  Tatiis,  de  Bird,  de  Bull,  de  Mortey  et  de  Farnaùy 
étaient  à  peu  près  aussi  distingués  que  ceux  de  Porta, 
d'Auimuccia,  de  Nanino,  d'Anerio  et  de  Marcnzio.  Mais 
alors  la  composition  n'était  guère  que  le  fruit  de  la  patience. 
Depuis ,  il  a  fallu  du  génie  et  de  la  potion  :  l'Angleterre 
n'a  plus  ricu  produit.  Elle  se  lait  honneur  de  Handel  ;  mais 
on  sait  qu'il  était  Allemand,  et  déjà  célèbre  quand  il  arriva 
à  Londres.  Arnc  et  Arnold  ont  eu  quelque  célébrité ,  mais 
seulement  eu  Angleterre  :  c'était  des  hommes  sans  génie, 
et  d'un  savoir  médiocre.  Ou  peut  en  dire  à  peu  près  autant 
de  llishop  que  les  Anglais  admirent  aujourd'hui. 

A  l'exception  de  M™  Billington  et  de  Braham,  les  îles 
britanniques  n'ont  pas  fourni  plus  do  chanteurs  que  de 
compositeurs.  Depuis  Ilaudel  et  Purpura,  les  Italiens  ont 
été  presque  les  seuls  chanteurs  de  l'Angleterre.  Nous  allons 
passer  en  revue  ceux  qui  s'y  sont  montrés  dans  la  saison 
dernière.  Ce  que  nous  en  dirons  est  extrait  du  dernier  nu- 
méro de  l'écrit  périodique  intitulé  :  The  Quarlerly  musi- 
cal magazine  and  Revient. 

La  direction  du  théâtre  Italien  a  été  confiée  cette  année 
à  SI.  liochsa,  ella  circulaire  annonçait  l'engagement  do 
divers  exécutans  dont  les  noms  étaient  inconnus,  non-seu- 
lement en  Angleterre  mais  aussi  sur  la  scène  italienne.  II 
est  inutile  de  récapituler  les  promesses  qui  u'ont  pointété 
remplies;  si  les  souscripteurs  et  le  public  ont  été  satisfaits, 
a'  VOL.  i5 


Digitizod  by  Google 


le  directeur  n'est  bien  acquitté  de  sa  tache,  et  un  fait 
qu'un  ne  peut  nier,  c'est  cgite  la  saison  a  été  extrêmement 
heureuse. 

Le  théâtre  a  ouvert,  ie  5  décembre  iSafi,  avec  la  Vct- 
talù  île  Spoulini;  les  rôles  principaux  étaient  remplis  par 
M""  Caradori  AUan,  et  Curioni.  Cette  pièce  avait  probable- 
ment été  choisie  plutôt  par  rapport  au  nombre  exigu  de  la 
troupe ,  que  par  tout  autre  motif.  Puzzî  avait  été  envoyé 
sur  le  continent  pour  y  engager  des  chanteurs,  et  l'arrivée 
de  Zucliclli  vînt  bientôt  renforcer  le  personnel.  On  a  re- 
présenté successivement  les  opéras  suivans  : 
5  décembre.  La  Veslale. 
3o  La  Sehiava  in  Bagdad. 

3  février.       La  Gazza  Ladra. 
5  mars.         Il  Turco  in  Ilalia. 
îS  I'ietro  l'Iiremita. 

^4  Ricciardo  e  Zoraide. 

5  mai.  Le  premier  acte  de  Tancredï  et  le  dernier 

de  Romeo  e  Giuliella. 
io  Semiramide. 
ai  Hedea. 

7  Maria  Stuart. 

Zuchelli  a  débuté  pour  la  seconde  fois  en  Angleterre  (il 
y  était  déjà  venu  en  1822)  ,  dans  la  Sehiava  in  Bagdad. 
On  a  trouvé  qu'il  avait  fait  depuis  ses  premiers  débuts  ,'e 
très  grands  progrès  ;  sa  voix  est  plus  étendue,  ses  sons  sont 
plus  pleins  et  plus  égaux  ;  sa  facilité  est  encore  augmentée; 
enlin  peu  de  basses  ont  joui  d'autant  de  faveur  que  Zu- 
chelli auprès  des  ditttttanti  anglais. 

La  Gazza  Ladra  fut  donnée  pour  les  débuts  de  miss 
Fauny  Aylon.  Cette  jeune  Anglaise  a  été  pendant  quelques 
années  l'élève  de  Liveiaii;  elle  a  été  ensuite  en  Italie,  où 
elle  a  reçu  des  leçons  de  Maniclli  de  Florence,  et,  ce  qui 
est  peut-être  plus  avantageux  encore,  où  elle  a  exercé  sou 
talent  sur  quelques  théâtres.  Sa  voix  est  douce  et  flexible  ; 
clic  s'est  fort  bien  lirée  d'une  multitude  d'ornemens  dans 
lesquels  elle  semble  se  complaire,  Comme  actrice  ■  elle  est 
aussi  foit  habile.  11  existe  cependant  nu  milieu  de  tout 


DigitizGd  t>y  Google 


cela  un  obstacle  à  ce  qu'elle  puisse  jamais  acquérir  une 
grande  réputation  ;  cel  obstacle  consiste  dans  l'inégalité, 
de  non  chant.  Ainsi,  par  exemple,  elle  commence  un  air 
avec  la  nullité  et  l'insouciance  d'une  élève  apprenant  sa' 
leçon  ;  lotit  à  coup ,  elle  exécute  un  passade  avec  netteté  , 
t'ait  à  merveille  des  oriicmuns  difficiles  et  remplis  de  goût, 
et  retombe  l'instant  d'après  au-dessous  de  la  médiocrité. 
Ce  défaut  doit  peut-être  s'attribuer  en  partie  au  peu 
d'étendue  et  de  force  de  sa  voix;  mais  avec  de  l'énergie  elle 
pourrait  sans  doute  remédier  à  cet  inconvénient.  Cette 
jeune  cantatrice  a  bien  senti  toutefois  qu'elle  ne  pouvait 
remplir  les  rftles  de  prima  donna  au  théâtre  Italien  ,  et 
elle  a  acceplé  un  engagement  pour  Drury-Lane. 

Vers  le  milieu  de  mars,  M11'  Toso,  jeune  élevé  du  Con- 
servatoire de  Milan,  que  Puzzi  avait  engagé-:  à  venir  en 
Angleterre,  et  qu'il  a  épousée  depuis,  a  paru  pour  la  pre- 
mière fois  sur  la  scène  dans  Piclro  t'Erenûtn  ;  elle  n'avait 
jamais  chanté  sur  aucun  théâtre.  Elle  est  grande  et  bien 
fuite,  kcs  traits  sont  agréables  cl  expressifs  ;  mais  elle  man- 
que d'habitude  de  la  scène,  ce  qui  lui  donne  un  air  gauche 
et  embarrassé  ;  sa  voix  est  un  soprano  brillant  et  égal,  si  co 
n'est  dans  les  notes  hautes ,  qui  sont  un  peu  dures.  La  pre- 
mière impression  avait  été  très  favorable  à  M"'  Toso  ;  on 
croyait  qu'avec  ses  moyens  naturels  et  du  travail  elle 
pourrait  devenir  une  habile  cantatrice;  malheureusement, 
pendant  toute  la  saison,  on  a  retrouvé  chez  ellu  les  mûnlcs 
défauts,  c'est-à-dire  une  mauvaise  émission  de  voix,  une 
entière  ignorance  de»  transitions,  et  une  absence  totale 
de  cette  dignité  qui  seule  conduit  an  grand  dans  les  arts. 
On  a  enfin  acquis  la  certitude  que  M""  Toso  ne  sera  jamais 
une  grande  cantatrice.  Guibilei  a  aussi  débuté  dans  Pietro 
l'Jiramita,  par  le  rôle  de  l'ermite  ;  sa  voix  est  agréable  , 
ses  manières  sont  décentes;  il  peut  devenir  un  chanteur 
utile ,  mais  la  nature  ne  lui  a  pas  donné  ce  qu'il  faut  pour 
être  au  premier  rang. 

Au  mois  d'avril ,  la  Gazza  Ladra  a  été  représentée  ,  et 
Galli  a  joué  le  rôle  de  Fernando.  La  réputation  de  cet  ar- 
tiste est  établie,  sa  voix  est  étendue,  et  quand  les  sons  no 


sont  pas  assez  élevés  pour  devenir  nasards,  ce  qui  arrive 
quelquefois ,  ils  sonl  pleins  et  dous.  II  est  très  bon  musi- 
cien, et  son  style  sérieux  indique  un  sentiment  profond. 
On  n'a  point  eu  occasion  déjuger  de  son  talent  dans  le 
genre  bouffe  ,  où ,  dit-on,  il  ne  réussit  pas  moins  bien  que 
dans  l'opéra  séria. 

M™"  Pasta,  dont  la  renommée  a  toujours  élé  croissant 
depuis  son  dernier  séjour  en  Angleterre ,  en  1824 ,  est  ar- 
rivée à  Londres  au  commencement  de  mai.  On  a  si  souvent 
analysé  le  mérite  de  celte  inimitable  actrice,  qu'il  ne  resle 
plus  qu'à  s'étonner  qu'elle  ne  succombe  point  sous  le  poids 
de  l'admiration  qu'elle  excite.  Depuis  la  dernière  saison  , 
M"*  Pasla  a  traversé  l'Europe,  depuis  Londres  jusqu'à  Na- 
ples.  On  sait  l'enthousiasme  qu'elle  a  excité  à  Paris  ;  peut- 
être  a-t-elle  eu  moins  de  succès  en  Italie.  Il  est  bien  ex- 
traordinaire, et  cependant  il  est  vrai  qu'à  JN'aples ,  danslc 
rôle  de  Medéc,  elle  n'a  point  été  appréciée  comme  elle 
l'avait  été  parles  froids  habilans  des  capitales  de  la  France 
et  de  l'Angleterre.  On  fut  bientôt  obligé  de  substituer  à 
l'opéra  de  Moycr,  ISiobé* ,  opéra  nouveau  de  Paccini , 
qui  réussit  beaucoup  mieux.  Les  forces  de  H"  Pasta  sont 
en  harmonie  avec  sou  talent.  Elle  est  douée  d'une  énergie 
peu  commune.  Depuis  son  arrivée  en  Angleterre,  à  peine 
a-t-ellc passé  un  seul  jour  sans  chanter  dans  un  ,  deux  et 
trois  concerts,  nonobstant  son  service  au  théâtre.  Cepen- 
dant sa  santé,  sa  fraîcheur ,  ne  s'altèrent  nullement,  lille 
supporte  la  faligue  avec  tant  de  facilité,  qu'elle  est  venue 
de  Naples  à  Londres  eu  1;  jours ,  et  qu'elle  a  joué  le  qua- 
trième après  son  arrivée. 

La  seule  nouveauté  de  la  saison  a  été  l'opéra  de  Mari.:; 
Stuart,  Rci/inatleScoiia,  composé  par  Coccia,  et  repré- 
senté pour  lu  première  fois  pour  le  bénéfice  de  M"'  Pasta. 
La  musique  est  savante  et  forte  ;  niais  il  y  règne  peut-être 
trop  d'uniformité.  On  n'y  trouve  point  assez  de  variété, 
source  unique  d'effet.  "Le  morceau  qui  se  trouve  dans  la 
scène  où  Marie  s'échappe  du  château  de  Fotheriug.iy  est 

(i)  M»'  Paul»  1  cliantft  nnc  scène  de  cet  opéra  in  concert  Je  l'aca- 
démie roj»le  ;  il  b  produit  na  pantl  ttTct. 


Digitizod  b/ Google 


le  plus  estimé  de  l'ouvrage,  sans  doute  parce  qu'il  est  d'un 

genre  moins  sombre  que  le  reste. 

Le  caractère  do  Marie  Stuart  est  historique.  On  sait 
qu'elle  était  douce  ,  spirituelle  et  infime  un  peu  caustique, 
plutôt  que  majestueuse  et  imposante.  La  figure  et  les  qiiair 
lités  théâtrales  de  11"*  l'iisia  ct.dcnl-cllesbien  d'accord  avec 
ce  personnage  ?  11  semble  que  dans  cette  pièce  le  poète  et 
le  musicien  se  soient  plus  attachés  à  proportionner  leurs 
rôles  aux  moyens  de  leurs  chanteurs  qu'à  dépeindre ,  d'une 
manière  fidèle ,  le  louchant  original  qu'ils  devaient  nous 
représenter.  Ce  drame  fait  briller  les  acteurs  plutôt  que 
les  chanteurs.  Dans  la  dernière  scène,  où  Marie  prend 
congé  de  sa  suite,  M°"  Pasta  a  déployé  tout  son  talent. 
Pendant  la  durée  de  l'air  du  comte  de  Leicesterf  chanté  par 
Curioni  ),  Marie  est  agenouillée,  et  demeure  plongée  dans 
une.  religieuse  méditation  :  il  est  impossible  d'imaginer 
rien  de  plus  parfaitement  beau  que  M"'  l'as  ta  dans  cette 
attitude.  Gallî,  Curioni  et  M"  Puzzi  se  sont  montrés  avec 
avantage  dans  cet  opéra.  Un  air  chanté  par  Calli  est  l'un 
des  meilleurs  riinrcoaux  de  l'ouvrage 

M'1*  Brambilla  a  paru  dans  le  rôle  iVJrsace  de  Sémira- 
Diide.  Elle  possède  un  fort  beau  contralto,  est  très  jeune  , 
et  donne  les  plus  grandes  espérances.  Elle  a  été  entendue 
avec  plaisir,  même  par  ceux  qui  avaient  vu  ce  rôle  joué 
par  M"'  Pisaroni,  l'une  des  plus  grandes  cantatrices  de 
l'Italie. 

M"'  Brizzi  a  si  complètement  échoué  dans  Rtcciardo  e 
Zoraide,  qu'après  avoirdit  qu'elle  a  une  voix  de  contralto 
il  ne  reste  plus  rien  à  ajouter. 

Les  chanteurs  qui  ont  fixé  leur  séjour  en  Angleterre  sont 

sous  silence.  Le  talent  naturel  de  M™  Caradori  Allan  s'est 
développé  par  le  travail  et  l'exercice.  Sa  voix  a  gagné  en 
volume  et  en  qualité  ,  jamais  peut-être  aucune  cantatrice 
n'a  été  plus  aimée  du  publie.  Des  prodiges  tels  que  M"**  Ca- 
lalauicl  l'asia  sont  écoutés  avec  admiration;  SI™  Caradori 
se  recommande  par  des  qualités  moins  brillantes,  mais 


Digitized  by  Google 


elle  (>1à1t.  A  l'Opéra,  dans  les  concerts,  dans  la  capital, 
et  ilaiiH  les  proviuce»,  but  le  théâtre  et  dans  l'église,  01» 
l'écoute  avec  plaisir,  et  pendant  <|ue  ses  talens  charment 
le  public,  ses  vertus  privées  la  rendent  chère  à  sa  famille 
et  à  ses  amis.  Curioni  jouit  également  de  l'estime  due  à 
son  talent  cl  à  su  bonne  conduite.  De  Bcgnis,  qui  dans 
celte  saison  a  été  fort  peu  employé,  à  cause  du  séjour  de 
Galli  et  de  Zuchelli ,  doit  néanmoins  être  considéré  comme 
le  meilleur  chanteur  bouffe  qu'il  y  ait  eu  en  Angleterre. 
Dans  un  concert  où  il  a  chanté  avec  Galli,  on  a  été  surpris 
du  volume  de  voix  qu'il  a  déployé.  Il  est  vrai  qu'on  s'aper- 
cevait qu'il  faisait  beaucoup  d'efforts  pour  sou  tenir  la  com- 
paraison d'une  manière  avantageuse. 

Fendant  la  Raison  dernière,  lorsque  le  théâtre  Italien 
élait  sous  la  direction  de  Velluti,  on  a  représenté  douze 
opéras  dont  sept  étaient  de  liossini;  cette  année  on  eu  a 
donné  dix,  au  nombre  desquels  il  y  en  a  six  du  célèbre 
maestro.  Les  quatre  autres  ont  été  choisis  plutôt  pour  la 
convenance  des  chanteurs  qu'en  raison  de  la  beauté  de  la 
musique.  Aucun  nouveau  compositeur  habile  ne  se  mon- 
trant,  liossini  occupe  touiourslu  premierrang.  Ilestsou- 
lemcnlfàciieuxqiiesoii  indolenceTem péchant  de  travailler, 
oblige  à  représenter  toujours  les  mêmes  ouvrages.  On  re- 
marque toutefois  dans  cette  saison  ce  qu'on  n'a  point  vu 
dans  beaucoup  d'autres,  un  opéra  composé  dans  ce  pays 
et  exprès  pour  ce  théâtre.  Autrefois  il  y  avait  une  condition- 
essentielle  qui  obligeait  le  directeur  à  engager  un  Maestro 
pour  écrire  exprès  pour  les  chanteurs  attachés  au  théiltre  ; 
mais  depuis  Biauchi,  ou  ue  se  rappelle  point  que  cette 
règle  ait  été  observée.  Liverati  écrivit,  il  est  vrai,  il  y  a  quel- 
ques années,  un  opéra  intitulé  Gastoiie.  e  Baynnlo  ,  et 
ïtossini  s'engagea  a  composer  Ugo  re  d'Itatia;  mais  il  ne 
tint  pas  sa  parole.  Ou  ne  saurait  cependant  trop  insister 
sur  l'avantage  d'à  voir  un  compositeur  distingué  attaché  ai» 
théâtre  ;  cela  encourage  les  talens,  excite  l'émulation  et 
inllue  sur  les  chanteurs  qui  ont  quelquefois  besoin  d'être 
guidés  dans  leurs  travaux.  On  pourrait  quelquefois  les  ra- 
mener à  la  simple  et  belle  expression  des  anciens  maîtres, 


DigilizGd  by  Google 


dont  M—  Pauls,  etsnrtout  Velluti,  ont  fait  goùterle  charme. 

II  faut  maintenant  s'occuper  un  peu  de  l'opéra  anglais . 
(  Ihe  english  opera-housc  ).  H.  Arnold ,  qui  porte  ml  nom 

bien  connu  parmi  les  coin  pus  il  cuis  anglais,  et  qui  lui-même 
est  un  liabilc  musicien  ,  dirige  avec  soin  cet  établissement 
qui  lui  nppàflienK  On  a  représenté  sur  ce  théâtre  le  Freys- 
/:/tiï(;de\Ycbcr,  Tarare,  et  VOracte  de  Wintc.r,  chantés 
par  MM.  Sapio,  Phillips  et  MissFalon.  L'Oracte  a  obtenu 
un  grand  succès  musical. 

■Les  théâtres  d'hiver  ont  aussi  redoublé  de  zèle.  A  Caveiu- 
Gardcn,  sir  Georges  Smart  s'est  attaché  plutôt  à  une  amé- 
lioration générale,  qu'à  la  représentation  d'un  grand  nombre 
d'ouvrages  nouveaux.  Ou  a  remarqué  plus  d'ensemble,  plus 
d'énergie  et  d'expression  il  ans  l'exécution  générale  de  la 
musique  ;  les  principaux  ouv  rages  joués  sonf  :  la  reprise  de 
the  Cmtteof  Sorrenle  (le  Château  ileSorrenle);  inietra- 
iluctiimile  (a  Darne  blanche,  musique  de  lloicldieu,  et 
te  Sacrifice  interrompu  de  Win  ter.  Les  meilleurs  chan- 
teurs étaient  M.  Sapio  cl  Miss  l'alun  .  niais  celte  dernière 
à  la  lin  de  la  saison  abandonna  Covent-Ganlcu  pour 
passer  à  Drary-Lanc.  On  a  donné  souvent  aussi  l'Obcroii 
de  ll'ihcr,  ouvrage  qui  gagneàùtre  entendu.  L'ouverture 
a  élé  plusieurs  l'ois  redemandée,  ce  qui  prouve  eu  faveur 

Le  théâtre  de  Drury-Cane  a  passé  sons  la  direction  de  M. 
Priée,  américain.  M.  Braham  est  demeur» chargé  delà 
partie  musicale.  M.  Horn ,  Miss  Slephens  et  Miss  Uraddon 
sont  restés  attachés  au  théâtre.  Mistrcss  W.  Geesiu  ,  qui 
avait  paru  sur  les  théâtres  d'élé  .  il  y  a  quelques  années , 
a  été  engagée  a  Drtiry-Lauc ;  elle  a  débulé^au  oummenei  - 
jncntdu  mois  de  novembre  dans  un  opéra  composé)  par 
M.  Wade,  intitulé  :  The  iivo  housts  ^Omi.^  (  lesdeus 

Mislress  Gccsin  possède  une  jolie  voit  de  soprano,  douce 
et  juste.  Lors  de  ses  premiers  débuts,  elle  avait  de  la  faci- 
lité et  chantait  avec  une  grande  simplicité .  elle  a  reçu  de- 
puis celte  époque  des  leçons  de  Crivelli,  et  elle  eu  a  profité. 


Digitized  by  Google 


La  musique  de  l'opéra  de  M.  Wade  art  simple  et  agréable. 

Vers  la  fii)  de  la  saison ,  on  a  représenté  un  nouvel  opéra 
île  Bishop  intitulé  :  thcEnrjlhhman  in  Lontton,  (l'Anglais 
à  Londres),  mais  il  n'a  réussi  que  médiocrement.  Le  grand 
succès  de  L'année  a  été  obtenu  par  il  Turro  in  It/Hia  de 
Itossini  arrangé  pour  la  scène  anglaise  par  tii  Ileqihino 
Lacy.  Le  rôle  de  Turc  était  rempli  par  M.  liraham  ,  et  celui 
de  A^/v7/<'p:ir miss FaiiiiyAylou. Celle  pièce  toute  italienne, 
celte  musique  vive,  brillante  el  toute  Itossinicnne,  trans- 
portée et  reçue  sur  le  vieux  Drury-Lane,  prouve  mieux  que 
de  vains  discours  les  progrès  du  bon  goût  en  Angleterre. 

M.  Jîishop  a  eu  celte  année  l'entreprise  des  oratorios; 
il  a  loué  deux  maisons  dans  lesquelles  on  donnait  des  re- 
présentations alternativement.  Par  ce  moyen  il  a  évité 
toute  concurrence.  Les  oratorios  étaient  exécutés  parles 
principaux  chanteurs  des  théâtres  anglais,  auxquels  s'é- 
taient réunis  miss  FaiTàr,  madame  Cornega ,  M.  llorn- 
caslle  et  M.  E.  Taylor.  Madame  Toso  et  Z/ucbelti  ont  aussi 
chaulé  à  quelques  représentations.  On  a  exécuté  dans  ces 
soirées  plusieurs  morceaux  nouveaux,  entre  autres  un 
offertoire  d'Kybler,  compositeur  de  Vienne,  une  cantate 
sacrée  do  AVebcr,  plusieurs  morceaux  choisis  dufVej/i- 
chillz  et  de  Fidelio  de  Beelhovcn.  A  ces  nouveautés  ou  a 
joint  le  Messie,  et  plusieurs  autres  morceaux  de  Handel, 
de  Monart,  d'Haydn  et  de  Beethoven.  Cette  musique  sé- 
rieuse était  entremêlée  do  quelques  ballades  nouvelles, 
en  moins  grande  quantité  toutefois  que  les  années  précé- 
dentes. Il  esta  désirer  que  ces  soirées  soient  toujours  aussi 
bien  dirigées,  elles  propagent  le  goût  de  la  musique  en 
Angleterre,  on  y  entend  les  meilleurs  artistes  nationaux 
et  étrangers  el  même  quelques  amateurs ,  tels  par  exemple 
que  .M.  Taylor,  qui  possède  une  très  belle  voix  de  basse  et 
une  fort  bonne  méthode. 

Les  concerts  connus  s  jus  le  nom  de  tkr.  initient  concerts, 
se  sont  donnés  avec  le  même  soin  que  les  années  précé- 
dentes. Il  y  a  en  a  en  douze  ,  dirigés  chacun  par  un  grand 
seigneur.  Le  premier  l'était  par  l'archevêque  d'York  pour 
son  allasse  royale  le  duc  de  Cumbcrland;  le  second  par 


DigMtad  By  Google 


le  même,  pour  le  duc  de  Cambridge;  le  troisième,  par  le 

comte  de  Darnley,  etc.  La  musique  qu'on  y  a  exécutée  était 
de  Mozart,  de  Haudel,  de  Gluck,  de  Cimarosa  et  autres 
grands  compositeurs  doot  le  nom  seul  est  un  éloge. 

Les  concerts  piiilarmoiiiqucs  on!  commencé  le  i3  fé- 
vrier. Tout  le  monde  connaît  la  supériorité  de  ces  réunions, 

satist'aisans  ;  les  chefs-d'œuvre  des  grands  maîtres  ont  été 
exécutés  par  /.uehelli,  Galli ,  M.  Braham,  M""  Caradorï, 
Corncga,  MissStepheus.  M" Slockhausen,  M"Mosclielès, 
Cramer,  Lindley,  llegrez,  de  lleriot,  etc.,  etc.  Les  concerts 
étaientconduitsaltcrnativcnienlpar  H  M.  Cramer,  Dishop, 
Spagnoltcli ,  Atlwood ,  Mori  et  Kiescivcttcr.  Il  est  impossi- 
ble d'imaginer  une  exécution  plus  parfaite,  et  un  enthou- 
siasme plus  vrai,  que  celui  <lu  Ions  les  élus  qui  assistèrent  à 
ces  assemblées  musicales.  Dans  le  premier  concert  la  sym- 
phonie héroïque  de  llecllniven  a  été  exécutée  en  l'honneur 
du  duc  d'York.  Peut-être  aurait-il  mieux  valu  choisir  la 
marche  funèbre  du  même  compositeur.  M.  Schlesin^er. 
élève  de  Ries ,  a  joué  un  concerto  de  piano  avec  beaucoup 
de  talent;  dans  le  cinquième ,  M.  Moschelès  s'est  fait  en- 
tendre dans  un  concerlo  de  sa  composition.  Ce  morceau 
a  paru  aussi  bien  fait  que  parfaitement  exécuté;  plus/m 
entend  ce  grand  pianiste,  plus  on  est  frappé  de  la  supério- 
rité de  son  talent.  Jamais  l'oreille  la  moins  sensible  à  la- 
musique  n'aurait  pu  dire  après  avoir  entendu  M.  Mosche- 

été  entendus  dans  le  sixième  concert.  Le  premier  paraît 
réaliser  1rs  espérances  qu'il  avait  fait  concevoir;  quant  au 
second,  il  mérite  tous  les  éloges,  son  jeu  es;  doux ,  expres- 
sif, pur  et  brillant.  Lue  légère  blessure  à  la  main  l'avait 
empêché  déjouer  le  concerlo  qu'il  avait  préparé,  et  le 
morceau  plus  aisé  qu'il  a  exécuté  a  cependant  paru  être 
encore  d'une  extrême  difficulté.  L'ouverture  de  rte  Ruhr 
oflhexpirits  coin  position  extraordinaire  de  l'auteur  du 
Frri/srf)  iUz  et  d'Obcron,  a  été  entendu  avec  un  grand  in- 
térêt. Depuis  l'ouverture  du  Frcyscluïtz.  aucun  morceau 
de  musique  instrumentale. n'avait  fait  autant  de  plaisir. 


Les  concerts  du  l'académie  royale  dirigés  par  sir  Georges 
Smart  onl  dû  satisfaire  les  auditeurs;  ainsi  que  les  précé- 
dens,  ils  ontétébien  exécutés.  Il  est  cependantàregrelter 

<]tic  la  liste  des  souscripteurs  ait  été  moins  nombreuse 
qu'elle  ne  l'était  la  saison  dernière.  Cet  établissement  qui 
fuit  le  plus  grand  Iionnciirà  l'Angleterre,  a  besoin  de  fonds 
considérables  pour  se  soutenir;  il  faut  espérer  que  les  ama- 
teurs ne  L'abandonneront  pas.  The  antient  concert  s'at- 
tache à  la  conservation  d'un  stylo  particulier  ;  les  concerts 
philarmouiques  recherchent  le  perfectionnement  de  la 
musique  in  si  rumen  ta  le  ;  ceux  de  l'académie  royale  em- 
brassent toutes  les  parties ,  et  n'en  négligent  aucune. 

Les  concerts  particuliers  ont  été  très  fréquens,  trop  fré- 
quens;  ils  se  nuisent  les  uns  aux  autres.  Les  chanteurs  ne 
peuvent  y  suffire,  comment  ponrraicnt-ils  trouver  la  force 
de  chanter  dans  une  même  journée  à  deux  ou  Irois  con- 
certs? et  cela  tous  les  jours.  Il  en  résulte  souvent  une  dé- 
ception pour  le  public.  Craignant  de  désobliger  leurs  ca- 
marades, les  artistes  promettent  déjouer  ou  de  chanter, 
quelquefois  sans  en  avoir  l'intention  bien  déterminée  ;  et 
le  public,  attiré  par  des  noms  bien  connus,  ne  trouve  rie» 
de  eu  qu'il  est  venu  chercher.  Dans  l'intérêt  même  des 
"sles  ,  les  concerts  à  bénéfice  devraient  être  moins 
iibreux.  Ils  en  deviendraient  plus  altrayans  et  plus  pru- 


Digitizad  By  Google 


'79 

DIZIONARIO  E  BIBLIOGRAPHE 
DELLA  MUSICA, 
(  ©icficnnmrc  et  graphe  &c  fd  jSîlisiqW) , 

PAR  LE  DOCTEUR  L IC  HT  ENTH  AL  *. 

Chaque  art ,  chaque  science ,  ont  leur  vocabulaire  ;  ce- 
lui de  la  musique  est  le  plus  étendu,  parce  qu'il  est  à  la 
fois  une  science  et  un  an  ;  parce  que  ses  formes  et  son  lan- 
gage ont  varié  à  l'infini  depuis  l'antiquité  jusqu'à  nos 
jours,  et  parce  qu'elle  embrasse  une  prodigieuse  quanlilé 
d'éléinens ,  tan!  dans  sa  théorie  que  dans  sa  pratique. 

La  multiplicité  des  objets,  et  la  difficulté  d'établir 
entre  eux  l'enchaînement  nécessaire,  sont  vraisemblable- 
ment les  causes  de  l'état  d'imperfection  dans  lequel  les 
dictionnaires  de  cet  art  sont  restés,  quoique  de  nom- 
breuses teutatives  aient  été  faites  en  divers  pays  et  à  di- 
verses époques  pour  en  rédiger  selon  toutes  les  condition». 
Eh  !  comment  eu  serait-il  autrement  ?  les  meilleurs  musi- 
ciens ne  sont  même  point  d'aecord  sur  le  but,  la  forme  et 
l'utilité^i'un  dictionnaire  de  musique.  Les  uns,  assez  in- 
struits pour  n'avoir  pas  besoin  de  chercher  la  science  dans 
des  articles  détachés  qui  manquent  toujours  de  liaison, 
veulent  qu'un  ouvrage  de  ce  genre  ne  contienne  que  des 
définitions  de  mois,  et  de  courtes  explications  des  objets  ; 
les  autres,  et  c'est  le  plus  grand  nombre,  désirent  qu'un 
dictionnaire  puisse  suppléer  à  leur  défaut  de  savoir,  et  leur 
donne ,  dans  des  traités  par  ordre  alphabétique,  des  con- 
naissances qu'ils  sont  certains  île  retrouver  à  volouté,  et 
qu'ils  ne  sont  point  obligés  de  graver  dans  leur  mémoire. 
Mais  tous  veulent  que  l'ouvrage  soit  peu  volumineux,  et 
c'est  la  le  difficile.  Je  crois  que  la  sécheresse  d'une  simple 
nomenclature  et  l'excès  des  développemens  sont  des  dé- 

(i)  Milan,  Antoine  Fontana,  i8>6,  i  vol.  in-8*. 


fauts  qu'on  doit  éviler  avec  un  soin  égal,  car  ce  qu'où  doit 
chercher  en  toute  chose ,  c'est  l'utilité  ;  or,  de  simples  dé- 
finitions ou  des  explications  trop  succinctes  ne  peuvent 
instruire  le  lecteur,  et  des  articles,  quelque  étendus  qu'ils 
soient,  ne  peuvent  remplacer  un  livre  méthodique,  parce 
que  le  défaut  d'ordre  logique  est  le  vice  radical  de  tout 

La  rédaction  du  plus  ancien  vocabulaire  de  musique 
date  de  iiijo;  il  est  intitulé  :  Terminorum  musical  difft- 
nilûiium,  titre  qui  indique  clairement  sa  forme  et  son 
but.  Jean  Tinclor  ou  Tinctoris,  chapelain  et  chanteur  du 
roi  de  Sicile,  né  à  Nivelle,  dans  le  Brabant ,  eu  est  l'au- 
teur. On  en  a  plusieurs  manuscrits,  et  une  édition  du  quin- 
zième siècle,  que  Burncy  croit  avoir  été  imprimée  à  Na- 
ples  en  i4?4-  Forkel  et  Lichtcnthal  l'ont  réimprimée  dans 
leurs  bibliographies  musicales. 

Plus  de  deux  siècles  s'étaient  écoulés  depuis  la  publica- 
tion de  ce  dictionnaire,  lorsqu'il  en  parut  deux  à  la  fois, 
l'un  en  Allemagne,  l'autre  en  France.  Janowka,  orga- 
niste à  l 'rague ,  né  à  Ruttemberg  eu  Bohême ,  fut  l'auteur 
du  premier,  qui  a  pour  titre  :  C lavis  et  thesaurum  magnee 
artis  musicœ,  seu  eiucùlarium  omnium  ferc  rerwn  ae 
verborum,  etc.  Prague,  1701,  in-8°  de  3a4  pages.  L'autre 
est  l'ouvrage  de  Sébastien  de  Brossard,  maître  de  chapelle 
à  la  cathédrale  de  Aleaux.  Quoique  bien  imparfait,  il  mé- 
ritait l'estime  des  artistes  parce  que  c'était  le  premier  ou- 
vrage de  ce  genre ,  et  parce  qu'on  y  trouvait  une  foule  de 
choses  utiles.  La  première  édition  parut  en  1701,  sous  le 
litre  de  Dictionnaire  de  musique,  contenant  une.  expli- 
cation des  termes  grecs,  latins ,  italiens  et  français,  tes 
plus  usités  dans  ta  musique,  etc.  Paris,  Ballard,  iu:fol*. 
Plusieurs  éditions  publiées  jusqu'en  i;>3o,  attestent  l'uti- 
lité de  ce  livre. 

Mais  enfin  les  progrès  de  la  musique  idéale  et  la  publi- 
cation de  plusieurs  systèmes  d'harmonie  avaient  successi- 
vement étendu  le  vocabulaire,  et  finirent  par  rendre  le 
dictionnaire  de  Brossard  insuffisant.  En  1768,  parut  celui 
de  Rousseau.  Ce  grand  écrivain  était  bien  moins  bon  mu- 


OiqilizM  By  Google 


i8i 

sicie»  que  Brassard;  mais  il  avait  l'avantage  de  venir  après 
lui,  et,  quoiqu'il  fût  dépourvu  des  qualités  nécessaires 
pour  bien  faire  un  pareil  travail,  tout  en  profitant  de  ce- 
lui de  son  devancier,  il  fit  mieux  que  lui. 

l'ont  ce  qui  est  historique  ou  moral  bien  dans  le 
Div-tioiinaî  re  tic  musique  de  Rousseau;  mais  l'ignorance 

manifeste  à  chaque  page;  aussi  peu  d'années  s'écoulèrent- 
clles  avant  qu'où  s'aperçût  de  la  nécessité  d'améliorer  son 
travail.  Ginguené,  Framery,  l'abbé  Feytou  ,  et  quelques 
autres,  entreprirent  cette  tâche  au  commencement  de  la 
révolution  pour  \*Eiwi/clopédîs  méthodique  ;  mais  bientôt 
leur  travail  fut  interrompu  par  suite  des  troubles  politi- 
ques. Continué  depuis  par  AI.  de  Momïgny,  il  a  paru  en 
1818.  a  vol.  in-/|°.  Quoique  très  étendu ,  ce  dictionnaire 
ne  mérite  aucune  estime;  par  une  singularité  qui  n'a 
point  d'exemple,  chacun  des  auteurs  qui  ont  travaillé  à  sa 

que  ses  collaborateurs  ne  savent  ce  qu'ils  disent.  Le  der- 
nier en  date  n'a  eu  d'antre  Uni  qui'  de  développer  un  sys  - 
tème dont  il  est  l'inventeur,  mais  qui  n'a  point  été  adopté. 

Un  prétendu  dictionnaire  de  musique  ,  qui  a  pai  n  en 
1 788 ,  sous  le  nom  de  Meude-Monpas,  ne  mérite  pas  qu'on 
en  parle.  Celui  de  M.  Caslil-Blaze  est  trop  connu  pour  que 
j'aie  besoin  de  l'analyser,  je  dirai  seulement  que  dans  sa 
tonne',  il  est  le  pins  utile  de  ceux  qui  ont  élé  écrits  eu 
l'rauce.  M.  Caslil-lllaze  n'a  voulu  l'aire  que  le  dictionnaire 
de  la  musique  moderne  ;  c'est  donc  à  tort  qu'on  lui  a  re- 
proché de  n'avoir  point  complété  son  vocabulaire. 

Il  reste  à  taire  un  Dictionnaire  universel  do  la  mu- 
sique, pour  la  France  ;  depuis  long-temps  je  rassemble  des 
matériaux  pour  cet  objet,  mais  j'ignore  si  j'aurai  jamais  le 
temps  d'exécuter  mon  projet. 

L'Allemagne,  si  riche  en  littérature  musicale,  si  abon- 

dietioiniains  de  musique .  Outre  celui  de  Jaiiowka  .  dont 
j'ai  parlé,  elle  a,  1"  celui  de  Walt  lier  (  À  lté  und  nette  mu- 
sîtititisrkt'  BibUothi-h,  oder  musikalischts  Lexicon,  etr. 


Digitized  t>y  Google 


Leipsick,  ,  iri-S') ,  ouvrage  excellent  pour  le  temps 
0(1  il  a  paru,  mais  dont  la  suile  n'a  malheureusement  point 
élé  publiée;  20  celui  qui  a  été  imprimé  à  Chcmnilz,  chez 
Stcessel,  sous  le  tilre  de  Kurzgcfasstcs  musHcatlsehcs 
Leadcon,  etc.,  en  1757,  et  nue' Mathoson  appelle  un  extrait 
mutilé  'le  celui  de  Wall  lier;  5'  le  dictionnaire  abréyé  Hs 
Weimar  (MasHcali.sc//es  Hnnduwterbuch,  etc.  ),  i78G, 
in-8";  (\"  celui  de  Vo\f{Kui':ifcffissles  musikatisches  Lemi- 
etm).  Halle,  17S7,  ijfja  et  i8o5,  in-S°;  5°  le  pelit  diction- 
naire de  Kneclit  (Kttines  aiphabetisches  Jf'œrtertiuih 
der  vornehmsten  und  intcrcsstintcsten  JrtiicH  ans  der 
nivsibatischeiiThcorîe),  Ulm,  ipgSy  in-8°;  b'  'cl  enfin  ceiiti 
de  Koch  ,  le  meilleur  de  tous  et  le  plus  utile  {  Musikali- 
sclies  Lexicon,  jrtlrhts  dit  thtorcllxclit.  11111/  prar.lischv. 
Tohkunst  cnci/eto/itdixc/t  ii:i'.rl/i:i!ct,  clc.)  l'inucforl-Kur- 
le-Hein  ,  1802 ,  grand  in-8".  Le  même  autour  en  a  publié 
un  moins  étendu  ,  sous  le  litre  de  Kurzgefasstes  Hamtr 
watrlerbuch  der  Musik,  etc.  Leipsick,  1807,  Titft  in-K", 
qu'il  ne  faut  pas  prendre  pour  un  abrégé  du  premier  ;  car 
c'est  un  ouvrage  absolument  clifTérent.  M.  Godfroi  Weber, 
l'un  des  plus  savans  musiciens  de  l'Allemagne .  est  main- 
tenant occupé  de  la  rédaction  d'un  grand  dictionnaire  de 
musique,  dans  lequel  il  se  propose  d'éviter  les  dél'auls 
qu'on  peut  reprocher  a  celui  de  Koch.  On  doil  tout  atten- 
dre d'un  artiste  aussi  distingué  que  M.  Weber. 

Les  Anglais  ont  trois  dicliunnaircs  de  musique;  le  pre- 
mier, publié  sous  le  nom  de  Grassîneau,  n'est  qu'une  tra- 
duction de  celui  de  Erussard  {A  musical  dictionary,  etc. 
Londres,  1 7/|0 ,  în-8°) ;  le  second,  sous  le  nom  àvliolc., 
est  une  iinilation  du  mauvais  ouvrage  de  .llonpas  ;  le  troi- 
sième, composé  par  liusby,  n'est  qu'un  livre  médiocre. 
Un  prospectus  avait  annoncé  il  y  a  quelques  années  un 
dictionnaire  complet  de  cet  ail,  en  deux  volumes  in-4% 
auquel  H.  Clcincnli  et  d'anlrcs  musiciens  instruits  de- 
vaient prendre  pari  ;  mais  il  ne  parait  pas  que  celte  entre- 
prise ait  été  suivie. 

La  Hollande  a  le  dictionnaire  de  musique  de  Reynvaan 
{Mvtykaal  Kunst-woordenboek ,  etc.  .\mslcrdam,  179a, 


DlH  I  ZOd  D,  Cl) 


s  vol.  ïd-8'),  et  la  Suéde  a  celui  d'Envalson  (  Stvenskt 

musikaiisH  Lexikon  efter  grekiska ,  {alinska,  imtienska 
och  franska  Sprœchcn.;  Stuckolm,  1803  ,  in -8");  mais  il 
ne  paraît  pas  qu'un  livre  de  ce  genre  ait  jamais  clé  publié 
(Lins  les  auLres  pays  du  nord ,  eu  Espagne,  ni  en  Portugal. 
L'Italie  ne  fut  pas  plus  riche  eu  ce  genre  jusqu'au  coin- 

musicien  de  Venise,  nommé  Gianctli,  fit  paraître  1111  dic- 
tionnaire en  trois  petits  volumes  in-ia,  sous  ce  litre  :  Di~ 
iionario  delta  musica  sacra  cprofiitia,  r.fie  contient  In 
tpiegazione  délie  voci,  c  quanto  di  teoria,  di  crtuli.- 
zione,  etc.  ;  è  spettanie  aita  Musica  ,  cou  atcunc  dcgli 
ilromcnti  antichi  c  modurni,  e  dMe  personne  die  si 
dïstinstro  in  Ha.lia,  e  nti  paesi  stranieri  in  quest'  arte. 
Quoique  île  peu  de  valeur,  cet  ouvrage  a  clé  réimprimé 
en  1820,  à  Venise,  chez  .Santiui. 

M.  Lichtenthal ,  docteur  en  médecine,  et  amalenr  de 
milftiqtie  distingué,  né  à  Presbourg,  eu  Hongrie  (en  1.780). 
el  fixé  en  Italie  depuis  long-temps,  vient  d'enricliir  lit 
littérature  italienne  d'un  nouveau,  dictionnaire,  qu'on 
peut  considérer  comme  un  des  meilleurs  livres  sur  cetle 
matière  ;  il  est  intitulé  :  Dizlonario  c  bibliographia  delta 
musica;  Milan,  Fontana  ,  1826 ,  f\  vol.  iu-8"  Une érn- 
diliou  rare  ■  nue  connaissance  profonde  de  la  théorie  et  de 
la  pratique  de  la  musique  ,  un  sljle  simple  et  convenable 

(1)  Le  docteur  Lichtenthal  était  déjà  connu  dans  le  monde  musira! 
par  un  traité  de  l'inHuence  de  la  musique  sur  le  corps  humain  ,  et  de 
■on  influence  dam  tes  maladies,  publié  eu  allemand  sous  ce  titre  :  Der 
murikatitetut  Artt ,  oder  :  Abhandlung  von  dem  Einpnucdcr  Mmihauf  don 
menschlichcn  Korrper  ;  Vienne  ,  1807,  in  ■S"  de  107  page!.  On  en  a  donné 
une  traduction  italienne  a  Milan,  eu  1811.  On  a  auisi  du  même  au- 
lenr  :  I"  Cenni  tiografà  intorno  ai  cetebrt  maexlro  W.  A.  Mozart,  ei- 
tralti  an  datli  aatenliei.  Milan,  Sllvr-slrî ,  184.  \n  pages  in-8'i  1"  JBir- 
numik  f.ir  Damen  ,  oder  :  Kune  Ânweaung  die  Bc.^iln  d.-s  (',rnn;ill.,^srs 
au f eine  Icicht  fatsliche  Art  lu  erttrnen  (Harmonie  pour  les  dames,  on  iu- 
utruction  ahréjtée  sur  les  régies  de  l'accompagnement,  etc.  )  ;  Vienne  , 
iS"6,  m  pages  in-ful.  ohl  ;  3"  Orpheik,  oder  :  Ann-cixung  dit  Beçeln  dcr 
Composition  auf  cine  leieltlc  und  faisticlie  Art  iu  trhraen  (  Orphée  ,  on 
instruction  sur  Jei  règles  de  la  composition,  etc.;  Vitrine  ,  1807,  ij  pag. 
in-ful.  obi.  et  4"  pages  d'ciemplei.        ,  ■ 


>8i 

à  un  livre  de  cette  espèce ,  et  une  proportion  bien  établis 
entre  les  articles  du  dictionnaire  de  musique,  en  raison 
de  leur  importance,  sont  tus  qualités  principales  qui  re- 
commandent cette  production  à  l'attention  publique. 

L'ouvrage  se  divise  en  deux  portions  distinctes  et  indé- 
pendantes l'une  de  l'autre ,  bien  qu'elles  concourent  foules 
deux  à  complu t « ■  ■  ■  le  sj  slimc  des  nui  naissances  musicales. 
La  première  partie ,  qui  est  renfermée  dans  les  deux  pre- 
miers volumes,  contient  le  dictionnaire  de  musique;  la 
seconde  est  relative  à  la  bibliographie  de  cet  art. 

Le  dictionnaire  de  musique  de  M.  Lichtenthal  me  paraît 
tenir  précisément  le  juste  milieu,  dont  j'ai  parlé,  entre 
les  reeueils  de  traités  par  ordre  alphabétique  et  les  nomen- 
clatures sèches  et  arides.  Quoique  pourvu  d'un  savoir  très 
étendu  ,  l'autour  n'affecte  pas  de  le  montrer  dans  des  dé- 
veloppemens  trop  étendus;  il  se  home  à  expliquer  claire- 
ment la  nature  de  chaque  terme  ,  son  usage  et  ce  qui  s'y 
rapporte.  Son  but  est  d'être  utile;  il  remplit  sa  mission. 
Comme  la  plupart  dus  auteurs  Allemands  qui  ont  écrit  sur 
la  musique ,  M.  Lichtenthal  s'attache  avec  soin  à  la  partie 
philosophique  de  l'art  qu'on  appelle  Esthétique,  c'est-à- 
dire  aux  rapports  de  la  musique  avec  les  affections  mora- 
les,  avec  les  ïiisliluliriiis  sociales,  et  avec  le  jeu  des  passions. 
Celle  espèce  de  science  particulière  ,  d'autant  plus  étendue 
qu'elle  repose  moins  sur  des  idées  positives  et  finies ,  n'en- 
traîne cependant  point  l'auteur  du  nouveau  diction- 
naire bors  des  bornes  de  son  sujet  :  les  articles  qui  s'y  rap- 
portent sont  travaillés  avec  soin,  mais  ne  s'écartent  point 
de  la  concision  nécessaire  dans  un  dictionnaire. 

Pour  les  articles  historiques,  M.  Lichtenthal  a  suivi  à 
peu  prés  la  méthode  de  Ginguené,  consistant  à  placer  sous 
le  nom  d'un  peuple  quelconque  tout  ce  qui  a  rapport  à  sa 
musique.  Ainsi ,  au  mot  Italia  (brevi  cenni  stonci  mu- 
sicale suit'  )  il  donne  une  histoire  abrégée  de  toutes 'les 

tintes  et  ses  éerivaius.  Le  même  système  est  suivi  pour  tous 
les  peuples.  Les  détails  qui  n'ont  pu  trouver  place  dans 


Digilized  By  Google] 


i85 

ces  articles  généraux,  sont  donnés  dans  les  articles  parti- 
culiers tels  que  ceux  des  instrument!,  du  chant ,  des  systè- 
mes, etc. 

La  théorie  de  la  composition  et  celle  do  l'harmonie,  sur 
lesquelles  reposent  les  articles  qui  s'y  rapportent,  sont 
conformes  aux  principes  des  anciennes  écoles  d'Italie. 
Quoique  peu  étendus  ,  ces  articles  donnent  une  connais- 
sance suffisante  de  l'art  et  de  ses  procédés;  je  dis  suffisante, 
parce  que  l'auteur  d'un  dictionnaire  doit  moins  s'occuper 
d'enseigner  les  procédés  de  l'art  que  d'en  donner  une  idée 
claire  et  précise. 

Une  autre  partie  du  travail  de  M.  Lichtenthal  qui  ne  me 
parait  pas  moins  louable  ,  c'est  l'exposé  de  la  doctriue  du 
rapport  des  sons,  de  l'acoustique  et  de  toute  la  partie  phy- 
sique et  mathématique  de  la  théorie  musicale.  Sous  ce 
rapport,  il  me  semble  qu'aucun  autre  ouvrage  nu  l'em- 
porte pour  la  clarté  unie  à  la  concision. 

Sauf  quelques  erreurs  de  date  peu  importantes,  je  crois 
donc  que  le  dictionnaire  de  M.  l.ichtenthalest  le  plus  com- 
plet et  le  meilleur  qui  ait  été  publié  jusqu'à  ce  jour,  et  je 
ne  doute  pas  qu'il  n'obtienne  un  grand  succès. .Depuis  long- 
temps il  n'avait  point  paru  en  It-iie  de  livre  aussi  bien 
fait  et  aussi  utile ,  et  jamais  peut-être  il  n'en  fut  publié  de 
plus  à  propos,  pour  y  ranimer  le  goût  de  la  musique,  car 
l'art  musical  ne  vit  plus  guère  que  de  souvenir  dans  son 
ancienne  patrie.  Sous  devons  en  croire  à  cet  égard  M. 
Lichtenthal  lui-même  lorsqu'il  dit: 

*  Coiiviene  perô  confessa re  che  in  oggi  l'Italia  non  è  piit 
«quclla  de'  secoli  passati  rispetto  ai  compositori,  ai  can- 
itanti  cd  agli  autori  didattici  e  la  buona  musica  di  chiesa 
"  è  or  mai  quasi  dcl  tutto  scomparsa.  t 

L'immensité  d'écrits  quia  été  publiée  sur  la  musique  est 
telle ,  que  la  connaissance  et  la  classilieatîon  des  livres  de 
cette  nature  forment  une  science  Iris  étendue.  Ou  pourra 
le  concevoir  quand  on  saura  que  le  nombre  des  auteurs 
qui  ont  écrit  sur  cet  art  s'élève  à  près  de  dis  mille.  Le  sa- 
vant Forkei  a  composé  sur  cette  science  un  ouvrage  excel- 
lent qui  a  pour  titre  :  Atlgtmeine  Litteratur  tter  Mmih, 


Digitizod  by  Google 


i86 

«itc,  {littérature  générale de la  nmsiqu  c), Leifisict,  Schwic- 
kert,  1790,  in-B".  M.  Lichtenlhal  dans  la  seconde  parlie  de 
l'ouvrage  qui  est  l'objet  de  cet  article,  et  qui  a  pour  titre- 
Bibiiogkàphia  delta  musica,  a  non-seulement  traduit  le 
livre  de  l'oskel,  mais  il  l'a  considérablement  augmenté  , 
l'a  continué  jusqu'aujourd'hui,  en  a  corrigé  les  erreurs, 
et  a  mieux  coordonné  quelques  parties  accessoires.  En  un 
mot ,  il  en  a  fait  un  des  livres  les  plus  utiles  et  les  mieux 
rédigés  qu'on  ait  sur  celle  matière  intéressante. 

Déjà  ce  livre  jouit  d'une  réputation  bonorablc  eu  Alle- 
magne; il  ne  peut  larder  d'en  acquérir  une  semblable  en 
France  dès  qu'il  s'y  ssra  répandu.  Les  ai'Usles  el  les  ama- 
teurs apprendront  sans  doute  avec  plaisir  qu'on  peut  s'en 
procurer  des  exemplaires  chez  M.  Mongie,  libraire  ,  bou- 
levard des  Italiens. 


Digitized  by  Googfc^ 


BIOGRAPHIE. 


DALAYRAC  (Nicotis),  compositeur  dramatique,  naquit 
à  Muret  en  Languedoc,  le  i5  juin  ij55.  Dès  son  enfance, 
un  goût  passionné  pour  la  musique  se  manifesta  en  lui; 
mais  son  père,  subdélégué  delà  province,  qui  n'aimait 
point  cet  art,  et  qui  destinait  le  jeune  Dalayrac  au  bar- 
reau, ne  consentit  qu'avec  peine  à  lui  donner  un  maître 
de  violon  ,  qui  lui  fit  bientôt  négliger  le  digeste  et  ses  com- 
mentateurs. Le  père  s'en  aperçut ,  supprima  le  maître ,  et 
notre  musicien  n'eut  d'autre  ressource  que  de  monter  tous 
les  soirs  sur  le  toit  de  la  maison,  pour  étudier  sans  être 
entendu.  Les  religieuses  d'un.couveut  voisin  trahirent  son 
secret;  alors  ses  parens,  vaincus  par  laut  de  persévérance, 
et  craignant  que  colle  manière  d'étudier  n'exposât  les 
jours  de  leur  fils,  lui  laissèrent  la  liberté  de  suivre  sou 
penchant.  Désespérant  d'en  faire  un  jurisconsulte,  on 
l'envoya  à  Paris,  en  1774»  VoaT  Élre  placé  à"al18  les  gardes 
du  comte  d'Artois.  Arrivé  dans  cette  ville,  Dalayrac  ne 
larda  point  à  se  lier  avec  plusieurs  artistes,  et  particu- 
lièrement avec  Langlé,  élève  de  Calïaro,  qui  lui  enseigna 
l'harmonie.  Ses  premiers  essais  forent  des  quatuors  de 
violon ,  qu'il  puhlia  sous  le  nom  d'un  compositeur  italien. 
Poussé  parun  goût  irrésistible  vers  la  carrière  du  théâtre, 
il  écrivit,  en  1781,  la  musique  de  deux  opéras  comiques, 
intitulés  le  Petit  souper  et  le  Chevalier  à  ta  mode,  qui 
furent  représentés  à  la  cour,  et  qui  obtinrent  du  succès. 
Enhardi  par  cet  heureux  essai,  il  se  hasarda  sur  le  théâtre 
do  l'Opéra-Comique,  et  débuta,  en  178a,  parVÉclipse 
totale,  qui  fut  suivie  du  Corsaire  ,  en  i;83.  Dès  lors,  il 
se  livra  entièrement  à  la  scène  française;  et  dans  l'espace 
de  vingt-six  ans ,  ses  travaux,  presque  tous  couronnés  par 
le  succès ,  s'élevèrent  au  nombre  de  cinquante-six  opéras. 
En  voici  la  liste  avec  les  dates  :  I,' Éclipse  totale,  178a  ;  te 
Corsaire,  178!)  ;  les  Deux  tuteurs,  1  jS'i;  la  Dot  ;  l'Amant 


statue,  i;85;  Nina,  1786;  Azémia;  Renaud  d'Ast, 
1787;  Sargines,  ip88;  Raoul  de  Crèqui;  tes  deux  Petits 
Savoyards,-  Faiichcttu,  1789;  la  Soirée  orageuse;  Vert- 
Vert,  1-^90;  PhUippe\et  Georgette  ;  CamiUe ,  ou  te  Sou- 
terrain; Agnes  et  Olivier,  1791;  ÉUse-Bortense;  f  Ac- 
trice chez  Me,  179a;  Amiiroise,  ou  Voilà  ma  journée, 
Roméo  et  Juliette;  Vrgande  et  Merlin;  ta  prise  de 
Toulon,  i;r)5;  Adèle  et  Dorsan ,  1794;  Arnitl;  Ma- 
rianne; la  Pauvre  Femme  ,  1 79  5  y  ta  Famille  améri- 
caine, 1796;  Gulnare,  ta  Maison  isolée,  1797;  Prime- 
rose ,-  Alexis,  ou  l'Erreur  d'un  ton  Père;  le  Château 
de  Monténéro;  tes  Deummots,  1798;  Adolphe  et  Clara,- 
Laura;  la  Leçon,  ou  la  Tasse  de  glace,  1799  ;  Catinot; 
(c  Rocher  de  Leucadv;  Maison  à  vendre,  1800;  ta  Boucle 
de  cheveux;  la  Tour  de  Neustadt,  1801;  Picaros  et 
Diego,  i8oâ  :  Une  Heure  de  nxiriaqc;  la  Jeune  Prude, 
1804;  Gutislan,  i8o5;  Lina,  ou  te  Mystère,  1807;  Kou- 
touf,  ou  les  Chinois,  1808;  le  Poète  et  te  Musicien, 
1811.  lin  ]8o4<  il  vivait  donné  à  l'Opéra  un  ouvrage  inti- 
tulé :  Le  Pavillon  du  Calife,  en  un  aclc;  depuis  su  mort, 
ou  a  arrangé  celte  pièce  pour  le  théâtre  Feydcau,  où  elle 
a  été  représentée  en  181a,  sous  le  litre  Pavillon  de 
Fleurs. 

Dalayrac  avait  le  mérite  de  bien  sentir  l'effet  drama- 
tique, et  d'arranger  sa  musique  convenablement  pour  la 
scène.  Son  chant  est  gracieux  et  facile ,  surtout  dans  ses 
premiers  ouvrages;  malheureusement  ce  Ion  naturel  dé- 
génère quelquefois  en  trivialité.  Nul  n'a  fait  autant  que  lui 
de  jolies  romances  et  de  petits  airs  devenus  populaires , 
genre  de  talent  nécessaire  pour  réussir  auprès  des  Fran- 
çais ,  plus  chansonniers  que  musiciens.  Son  orchestre  a  le 
défaut  de  manquer  souvent  d'élégance  ;  cependant  il  don- 
nait quelquefois  à  ses  aeeompagnemens  une  couleur  assez 
heureuse  :  lels  sont  ceux  de  presque  tout  l'opéra  do  Ca- 
mille, de  celui  de  Nina,  du  chœur  desmalclots  i\'A:émia. 
et  de  quelques  autres.  Ou  peut  lui  reprocher  d'avoir  donné 
souvent  à  sa  musique  des  proportions  mesquines  ;  mais  ce 
défaut  était  la  conséquence  du  choix  de  la  plupart  des 


pièces  sur  lesquelles  il  écrivait,  pièces  plus  convenables 
pour  faire  des  comédies  ou  des  vaudevilles  que  des  opéras. 
Que  faire,  en  effet,  sur  des  ouvrages  lels  que  Ut  Deux 
tuteurs,  Philippe  et  Georgette,  Ambroise,  Marianne, 

Câlinât,  ia  Boude  de  çlieoeux,  Une  Heure  de  mariage, 
ta  Jeune  Prude,  et  tant  d'autres  ?  Dalayrac  (Huit  lié  avec 
quelques  gens  de  lettres  qui  ne  manquaient  pus  de  lui 
dire,  en  lui  remettant  leur  ouvrage  :  Voici  ma  pièce,  elle 
pourrait  se  passer  de  musique;  ayez  (loue,  soiu.de  ne 
point  en  ralentir  ta  marche.  Partout  ailleurs,  uu  pareil 
langage  eût  révolté  le  musicien;  mais,  en  l'rance,  le  pu- 
blic se  connaissait  en  musique  comme  les  poêles,  et 
pourvu  qu'il  y  eût  des  cliausous,  le  succès  n'était  pas  dou- 
teux. C'est  à  ces  circonstances  qu'il  faut  attribuer  le  peu 
d'estime  qu'ont  les  étrangers  pour  le  talent  de  ce  compo- 
siteur, et  l'espèce  de  dédain  avec  lequel  ils  ont  repoussé  ses 

ceauï  dignes  d'éloges.  Presque  lout  Camille  est  excellent; 
rien  de  plus  dramatique  que  le  trio  de  la  cloclic  au  pre- 
mier acte ,  le  duo  de  Camille  et  d'Alberti ,  cl  les  deux  pre- 
miers finales,  La  couleur  de  Nina  est  sentimentale  et  vraie; 
enfin  l'on  trouve  dans  Jzcmia,  dans  Ilomt'o  et  Juliette, 
et  dans  quelques  attires  opéras .  des  inspirations  très  heu- 
reuses. 

Deux  pièces  de  Dalayrac,  Nina  cl  Camille ,  ont  été  tra- 
duites en  italien,  et  mises  en  musique,  la  première  par 
Paisiello,  et  la  seconde  par  M.  Paër:  et  comme  on  ne 
peut  se  défendre  de  comparer  des  choses  faites  dans  des 
systèmes  très  différens ,  et  qui  n'ont  point  d'analogie  dans 
l'objet  qu'on  s'est  proposé,  les  journalistes  n'ont  pas  man- 
qué d'immoler  Paislello  à  Dalayrac,  et  d'exalter  l'oeuvre 
du  musicien  français  aux  dépens  de  celle  du  grand-maltrc 
italien.  Sans  doute  la  Nina  française  est  excellente  pour 
le  pays  où  elle  a  éié  faite;  mais  le  cheour  Dormi  o  cara, 
l'air  de  Nina  au  premier  acte ,  l'admirable  quatuor  ComeX 
partir  1  et  le  duo  de  Nina  et  de  Lindoro  ,  sont  des  choses 
d'un  ordre  si  supérieur,  que  Dalayrac,  entraîné  par  ses 


habitudes ,  et  peut-être  ses  préjugés  ,  n'eût  pu  même  eu 
concevoir  le  plan.  Il  est  vrai  que  le  public  parisien  a  pensé 
long-temps  comme  ses  journalistes;  mais  ce  n'est  pas  la 
faute  de  Paisiello. 

Le lalent estimable  de  Dalayrac  était  rehaussé  parla  no- 
blesse de  son  caractère.  En  îjgo,  au  moment  où  la  faillite 
du  banquier  Savalelte  de  Lange  venait  de  lui  enlever  le 
fruit  de  dix  ans  de  travaux  et  d'économie,  il  annula  le  tes- 
tament de  son  père,  qui  l'instituait  son  héritier,  au  pré- 
judice d'un  frère  cadet.  Il  reçut  en  1798 ,  sans  l'avoir  sol- 
licité, le  diplôme  de  membre  de  l'académie  de  Stockholm, 
et  quelques  années  après,  fut  fait  chevalier  de  la  Légion 
d'honneur  lors  de  l'institution  de  cet  ordre.  Il-  venait  de 
finir  son  opéra  du  Poète  et  du  Musicien,  qu'il  affection- 
nait, lorsqu'il  mourut  à  Paris,  le  27  novembre  1809,  sans 
avoir  pu  metlre  en  scène  ce  dernier  ouvrage.  Il  fut  in- 
humé dans  son  jardin ,  à  Fontenay-sous-Bois.  Son  buste, 
exécuté  par  Cartellier,  a'élé  placé  dans  le  foyer  de  i'Opéra- 
Comique,  et  sa  vie,  écrite  par  R.  G.  G.  P.  {René-Charles 
Guilbert  Pixérécourt  ),  a  été  publiée  à  Paris,  1810,  un  vol. 


NOUVELLES  ÉTRANGÈRES. 


La  première  représentation  du  Sièga  de  Corinthe  a  eu 
lieu  au  théâtre  royaj  de  Bruxelles  le  ai  août;  cet  ouvrage 
a  obtenu  le  plus  brillant  succès.  L'exécution  en  a  été  par- 
faite, et  la  mise  en  scène  fait  le  plus  grand  honneur  à. 
M.  Langle,  directeur  du  théâtre.  On  y  représentera  Moïse, 
avant  le  départ  de  la  cour. 


Digitizcd  t>y  Google 


ANNONCES. 


Duo  à  quatre  mains  pour  le  forté-pîano  sur  la  romance 
de  Wallace  (  Loin  du  tumuite  de  ta  guerre),  musique  de 
M.  Calcl ,  dédié  à  mesdemoiselles  Mary  et  Emma  Sullivan 
par  C.  L.  Rhein,  op.  a5.  Pris  7  fr.  5o  c. ,  à  Paris,  chez 
A.  Petit,  successeur  de  II.  Ch.  LaOillé,  éditeur  de  musique, 
rue  Vivienne,  n° 6,  au  coin  delà  galerie. 

Nocturne  et  variations  concertantes  pour  piano  et  violon, 
sur  la  prière  de  Moïse  de  Rossiui,  dédiées  à  madame  la 
marquise  Ducrest,  par  L.  Rhein  ,  op.  26.  Prix  7  fr.  5o  c. , 
à  Paris,  chez  E.  Troupenas,  successeur  de  madame  veuve 
Nicolo ,  éditeur  du  répertoire  des  opéras  français,  avec  ac- 
compagnement de  piano,  rue  de  Uénars,  n"  3. 

Nous  donnerons  dans  un  prochain  numéro  l'analyse  de 
ces  deux  ouvrages. 

— Musique  religieuse.  Cent  cantiques  chrétiens  à  deux 
et  à  trois  voix;  paroles  et  musique  de  M.  Maluri.  Prix: 
5o  fr.  brochés. 

Ave  regina,  musique  de  M.  Drocurt.  .  .  .  a  fr.  5o  c. 

Almaredemptoris  a  fr. 

Beati  qui  habitant  '  a  fr. 

Stabaimaur  6  fr. 

Veni,  sancte  spiritus  a  fr. 

Tous  ces  morceaux  avec  accompagnement  de  piano  ou 
d'orgue  :  tous  faciles  à  exécuter  dans  les  églises  et  dans  les 
pensionnats,  se  vendent  au  magasin  de  musique  de  Pacini, 
boulevard  des  Italiens,  n'  11. 

—  L' Echo  lyrique ,  nouveau  journal  de  chaut,  rédigé 
par  MM.  Pacini  et  F.  Grast.  Le  prix  de  l'abonnement  est 
du  a5  francs  par  an. 

Les  envois  seront  faits  franco  par  la  poste. 


Digitizod  by  Google 


l92 

La  ciii  quième  livraison  de  ce  journal  vient  de  paraître , 
elle  contient  les  morceaux  suivans  : 

Seconde-moi,  ma  Lyre,  romance,  musique  de  G rast. 

Le  Rendez -v ous ,  musique  <le  Brugnière. 

Nolturno  per  soprano  e  contralto  neW  Andronico , 
musica  di  Mercadante. 

On  s'abonne  h  Paris  chez  Pacînî,  éditeur  désœuvrés  de 
Beethoven  ,  Cimarosa,  Mozart  et  Rossini ,  boulevard  des 
Italiens,  n»  1 1 . 

A  Genève,  au  magasin  de  musique  de  Grast,  grande 
rue,  n°  207. 

— Les  airs,  duos  et  trios  de Giuliettae  Romeo,  musique 
de  Vaceai,  sont  gravés  au  magasin  de  Pacini,  éditeur  des 
opéras  de  Rossini,  boulevard  des  Italiens,  11°  11. 

-ajournai  4' Euterpe  et  des  amateurs,  nouveau  jour- 
nal de  chant,  dédié  à  S.  A.  R.  Madame  la  duchesse  d'An- 
gouléme. Quinzième  année,  neuvième  livraison,  n*33à36. 

A  Paris,  au  bureau  du  Jourat  d'Euterpe,  chez?.  Vail- 
lant, rue  Montmartre,  n°  158,  près  le  boulevard. 


OigilizM  By  Google 


MUSICAL  REMINISCENCES 

OF  AIT  OLD  AMATEUR, 
cnrefLY  bespechnc  the  itixuh  opéra  in  englard  , 

For  arij  JW1 ,  frbm  1773  la  1823 , 

(Réminiscences  musicales  d'un  vieil  amateur,  concernant  principale- 
ment l'opéra  italien  en  Angleterre  pendant  cinquante  annéea,  depuis 
l^pî  jusqu'en  i8a3  ;  seconde  édition ,  continuée  jusqu'à  ce  jour') . 

Ce  pelit  volume  a  été  écrit  par  le  comte  de  Mou  nt 
Edgecumbe.  Il  a  été  imprimé  il  y  a  trois  ou  quatre  ans; 
mais  a  vient  seulement  d'être  publié  avec  quelques  addi- 
tions. Il  renferme  des  jugemens,  fruits  d'utie  longue  ex- 
périence et  des  comparaisons  entre  les  divers  grands  chan- 
teurs qui  ont  charmé  l'Italie  et  l'Angleterre  pendant  une 
période  de  cinquante  années. 

Lord  Edgecumbe  est ,  comme  on  s'y  attend  bien ,  lau- 
datur  temporis  aeti.  Il  exprime  ouvertement  son  mépris 
jiour  la  musique  moderne ,  et  son  admiration  pour  la  mé- 
thode des  PacchiaroUi ,  des  Farinelli ,  etc.  Ce  dernier  sen- 
timent est  certainement  partagé  par  tous  ceux  qui  ont 
entendu  les  chanteurs  de  cette  école. 

«  En  écrivant  ces  réminiscences ,  dit  le  comte  Edge- 
cumbe, le  souvenir  du  passé  me  procure  plus  de  jouis- 
sances que  ne  peut  m'en  ofTrir  le  présent.  Aimant  la 
musique  avec  passion,  j'ai  vécu  dans  un  temps  que  je 
considère  comme  une  de  ses  plus  Hérissantes  périodes. 
Aujourd'hui  le  goût  est  changé;  quelques  amateurs  an- 
glais seulement ,  d'accord  avec  moi,  aiment  encore  le  bon 
vieux  style,  et  les  compositions  de  ces  excellens  maîtres , 
<jue  le  caprice  a  jetées  de  côté ,  mais  que  les  juges  éclairés 
doivent  toujours  considérer  comme  supérieures  au  clin- 
quant de  l'école  moderne.  Mes  remarques  paraîtront  peut- 


(t)  Londres,  W.CIarkc. 
2*  VOL. 


>9Î 

être  ottt-fashitnied  (surannées);  mais  s'il  ai-rive  qu'elles 
noient  lues  (Uns  cinquante  ans,. on  en  reconnaîtra  sans 
doute  la  vérité.  Les  formes  brillante!)  qui  sont  à  la  mode 

aujourd'hui  passeront,  et  l'on  en  reviendra  à  un  stylo  plus 
naturel.!  Cette  espérance  du  noble  lord  est-elle  fondée? 
on  aura  peine  à  se  le  persuader  en  suivant  les  progrès  de 
l'art  musiealjusqu'à  nos  jours. Oq*«lt  'quedu  temps  rtePale- 
slrina,  la  musique  en  parties  fut  au  moment  d'être  exclue 
ilo  l'église,  sous  prétcNlc  qu'elle  était  trop  vive  et  trop  légère 
pour  célébrer  dignement  le  service  divin.  Plus  tard,  Méta- 
stase censuralc  genre  adopté  de  sou  temps,  il  exprime  ainsi 
son  mécontentement.  «Les  chanteurs  du  temps  présent 
oublient  complètement  que  leur  but  doit  être  d'imiter  les 
accens  humains,  avec  le  nombre  et  l'harmonie.  Au  con- 
traire, plus  ils  s'éloignent  de  la  nature  et  plus  ils  so  croient 
parfaits.  Ils  prennent  pour  modèles  les  rus-J^iiols,  les  ci- 
gales, et  ils  oublient  les  personnages  qu'ils  doivent  repré- 
senter, et  les  passions  qu'ils  ont  à  exprimer.  Quand  ils  ont 
joué  une  symphonie  avec  la  gorge  ils  croient  que  l'art  ne 
peut  aller  plus  loin.  Aussi  le  cœur  des  auditeurs  resle-l-il 
toujours  parfaitement  tranquille.  •  Dans  un  autre  passage 
le  poète  lyrique  dit  encore  :  «Les  airs  qu'on  nomme  de 
ûrautntrii,  et  dont  vous  blâmez  le  trop  fréquent  usage 
constituent  maintenant  toute  la  force  de  notre  musique, 
qui  essaie  de  se  séparer  de  lu  poésie.  On  ne  cherche  plus 
dans  ces  airs  à  exprimer  la  situation,  les  passions,  le  ca- 
ractère du  personnage,  on  se  borne  à  imiter  les  violons  et 
le  gazouillement  des  oiseaux.  Ou  recueille  alors  les  mêmes 
appiaudissempus  qu'un  danseur  de  cordes,  un  bateleur, 
qui  excite  notre  surprise  par  sa  dextérité.  La  musique  mo- 
derne, fièrede  ses  succès,  veut  se  révolter  contre  la  poésie. 
Qu'elle  y  prenne  garde  néanmoins,  ies  plaisirs  qui  ne  tou- 
chent ni  le  cœur  ni  l'esprit  sont  de  courte  durée.  »  Ces  pas- 
sages furent  écrits  l'un  en  i  j55 et  l'autre  en  ij65.  En  i$eâ 
le  D.  Burney,  éditeur  des  œuvres  de  Métastase,  y  joignit  la 
note  suivante:. Si  Métastase,  il  y  a  trente  ans,  était  fatigué 
et  ennuyé  de  l'abus  des  ornemens,  que  dirait-il  mainte- 
nant? le  mal  a  certainement  l'ait  de  rapides  progrès,  depuis 


Digilized  b/Go^gJjj 


i95 

le  moment  oiiil  écrivait  cea  réflexion.*  Le  poète  italien  dans 
une  lettre  adressée  à  L.  Mattci,  fait  le*  remarques  suivan- 
tes, sur  ia  musique  des  anciens.  «Les  sens  sont  soumis  à 
de  fréquentes  variations,  motivées  par  le  changement 
d'habitudes,  de  lieux,  etc.;  la  musique,  qui  agit  si  puissam- 
ment sur  eux,  doit  subir  nécessairement  do  nombreuses 
modifications,  reut-étrelessplcndides  banquels  tVd/>ù-i>a, 
seraient-ils  repoussés  aujourd'hui  par  nos  plus  robustes 
estomacs,  peut-être  leBacchi  cura,  leFaiernus  agir,  ces 
vins  si  recherchés  jadis,  seraient  È  peine  jugés  bons  pour  des 
esclaves.  Le  café,  celte  amère  boisson,  pire  que  le  poison, 
selon  tiédi,  est  devenu  un  délicieux  breuvage,  en  usage 
parmi  presque  tous  les  liabitans  du  globe.  De  même,  les 
airs  qui  oui  charmé  nos  pères  nous  paraissent  aujour- 
d'hui grossiers  et  insupportables;  commentalors  détermi- 
ner la  perfection  de  la  musique  ?  cet  art,  en  hutte  à  tous 
les  caprices  de  la  mode,  ne  peut  être  soumis  i  des  règles 
fixes  et  invariables.  » 

Nous  avons  pensé  que  nos  lecteurs  ne  seraient  pas  fâ- 
chés de  connaître  l'opinion  de  Métastase  et  celle  du 
D.  Burney  sur  le  goût  musical  de  leur  époque.  Revenons 
maintenant  aux  réminiscences  du  comte  Edgccumbc. 
*  Depuis  vingt  ans  (dit  le  noble  lord)  j'ai  cessé  de  preudre 
un  vif  intérêt  à  la  musique ,  j'ai  même  passé  plusieurs  sai- 
sons sans  entrer  au  théâtre.  Les  bons  chanteurs  disparais- 
saient et  n'étaient  point  remplacés.  Le  s!ylc  des  composi- 
tions s'altérait  ;  enfui,  t'Ctifn  it'ot'  di-s  théâtres  lyriques 
s'évanouissait.  Depuis  quelques  années  ma  curiosité  s'est 
réveillée,  j'ai  encore  éprouvé  quelque  plaisir,  jo  l'avoue;, 
cependant  je  necrois  pas  que  jamais  la  musique  nouvelle, 
ni  les  chanteurs  modernes ,  puissent  valoir  ce  que  j'ai  en- 
tendu autrefois,  i  Parmi  les  chanteurs  qui  ont  excité  son 
admiration  se  trouve  Pacchîarotti.  Il  existe  aujourd'hui 
peu  de  personnes  qui  aient  entendu  ce  célèbre  soprano  ; 
mais  elles  s'accordent  toules  pour  reconnaître  que  c'est , 
après  Farinelli,  le  premier  chanteur  de  l'Italie.  Lord 
Edgccumbe  s'exprime  ainsi  surson  compte  :  «  La  voix  de 
Pacchiarutli  était  aussi  douce  qu'étendue.  Sa  facilité  était 
•  * 


Digitizod  by  Google 


içWÎ 

extrême;  maïs  il  avait  trop  bon  goût  pour  en  abuser.  It  se 
contentait  île  placer  dans  chaque  opéra  un  air  tic  bravoure; 
ariadi  agilità,  dans  lequel  il  pouvait  déployer  tous  ses- 
moyens.  Il  chantait  ensuite  le  reste  de  son  rôle  avec  une- 
grande  simplicité,  car  il  éluit  persuadé  que  le  triomphe  de- 
l'art  du  chaut  consiste  dans  une  grande  expression.  Il  était 
excellent  musicien,  savaitse  ployer  à  tous  les  styles  et  pouvait 
chanter  à- première  vue,  non-seulement  avec  exactitude, 
mais  en  saisissant  avec  un  art  admirable  tontes  les  in- 
tentions du  compositeur.  Les  traits  dont  il  ornait  son  chant 
étaient  variés  à  l'infini.  Jamais  il  ne  chantait  deux  fois  le 
même  air  de  la  même  manière ,  et  cependant,  ses  orne- 
meus  étaient  toujours  parfaitement  appropriés  au  caractère 
de  chaque  morceau.  Le  trille,  qui  était  alors  considéré 
comme  indispensable  et  sans  lequel  on  ne  peut  être  consi- 
déré coin  me  un  chanteur  parfait,  était  exécuté  par  lui  avec 
une  netteté,  une  pureté  incroyables.  Malgré  le  désavantage 
d'une  taille  trop  haute  et  d'un  embonpoint  trop  considé- 
rable pour  la  scène,  il  était  néanmoins  fort  bou  acteur,  car 
il  sentait  vivement  et  était  enthousiaste  de  son  art.  Son  ré- 
ci  tali l'était  tellement  admirable,  que  même  sans  entendre 
»>a  langue ,  on  comprenait  tout  ce  qu'il  voulait  exprimer. 
Comme  chanteur  de  concert ,  il  brillait  peut-être  encore 
davantage.  Il  chantait  avec  plus  de  passion  dans  un  petit 
cercle  d'amis,  et  il  était  plus  flatté  de  leurs  éloges  que  des 
upplaudissemens d'une  foule  parfois  ignorante.  Je  l'ai  sou- 
vent entendu  en  petit  comité,  il  s'abandonnait  alors  a  ses 
inspirations,  et  plus  d'une  fois  il  fit  fondre  en  larmes  tout 
son  auditoire.  Je  lui  ai  quelquefois  entendu  chauler  une 
cantate  de  Haydn,  intitulé  Ariane,  à  Naxos,  écrite  pour 
une  voix ,  avec  un  simple  accompagnement  de  piano ,  qui 
était  joué  par  Haydn  lui-même.  Iles!  inutile  d'ajouterque 
l'exécution  était  parfaite.  Sa  modestie  égalait  son  mérite, 
et  ses  bonnes  qualités  le  rendaient  cher  à  ses  amis.  »  Ses 
remarques  sur  M™  Mara  ne  s'accordent  point  entièrement 
avec  l'opinion  générale.  «Le  talent  de  Mara  comme  can- 
tatrice (car  elle  n'était  pas  actrice  et  convenait  peu  ou 
théâtre)  élait  du  premier  ordre.  Sa  voix  douce,  pure, 

t  • 


DiïtiJOd  by  Cl 


'07 

flexible  et  étendue,  liait  propre  à.  clin  nier  les  airs  de  bra- 
voure. Dans  ce  genre  elle  n'avait  point  de  rivale.  Elle 
réussissait  également  bien  en  chaulant  la  musique  solen- 
nelle et  pathétique  de  Haudcl;on  ne  pouvait  lui  reprocher 
aucune  faute,  et  néanmoins  on  voyait  qu'elle  manquait  de 
ce  sentiment  profond  qu'elle  savait  cependant  inspirur  a. 

En  parlant  de  IUibinclli,  il  dit:  «  Ce  ciiantcur  posséda  il 
une  voix  de  contre-alto  d'un  belle  qualité»  mais  do  peu  d'é- 
tendue. Il  excellait  surtout  daus  le  cantabile,  qu'il  chaulait 
avec  aine.  Il  avait  peu  de  légèreté  dans  la  voix,  mais  il  ne 
risquait  jamais  que  ce  qu'il  pouvait  exécuter.  I!  peut  êtro 
classé  parmi  les  meilleurs  chanteurs.  »  Mus  loin  ,  il  parle 
avccélogcdcMarchcsi:  *  Ce  chanteur  (dit-il)  dont  le  nom 
était  depuis  long-temps  connu  en  Angleterre ,  y  était  at- 
tendu avec  la  plus  \  j\  ■.:  impatience.  La  première  fuis  qu'il  se 
(il  entendre,  la  l'unie  ratu plissait  mm-.*e  uliiiiic n L  Iti  IIu-elIic, 

mais  au  lever  de  la  tuile  la  scène  était  tellement  encombrée 
qu'il  s'écoula  un  certain  temps  a  va  ut  que  l'ordre  et  le  silence 
pussent  être  rétablis.  Marches!  était  alors  dans  la  fleur  de 
l'âge;  il  était  bien  lait,  d'une  ligure  agréable  et  rempli  de 
grâce.  Sou  jeu  était  spirituel,  et  sa  voix  étendue  et  bril- 
lante; daus  les  récitatifs,  dans  les  situations  fortes  cl  éner- 
giques, il  était  inimitable  ;  et  s'il  avait  été  moins  prodigue 
d'ornemens,  qui  n'étaient  pas  toujours  d'un  goût  bien  pur, 
il  aurait  été  à  l'abri  de  tous  reproches.  Il  avait  choisi 
pour  ses  débuts  le  bel  opéra  du  Giul.it)  .Sabino  de  Sarti. 
J'avoue  que  jti  fus  peu  satisfait  de  la  manière  dont  Marches i 
chantait  ces  lieaux  airs  que  j'avais  souvent  entendu  chan- 
ter si  admirablement  par  Paccliiarolti.  Je  me  rappelais  sa 
touchante  simplicité,  et  je  souffrais  d'entendre  Marches! 
défigurer  cette  belle  musique  par  des  omemeus  déplacés. 
Ilubinclli,  Marchcsi  et  l'aceliiarolti,  les  trois  premiers  so- 
prani  de  l'Italie,  plaisaient  chacun  par  des  qualités  dillé- 
reh'tes  ;  le  premier  charmait  par  sa  simplicité ,  le  second 
par  une  verve  extraordinaire,  et  le  troisième  touchait  les 
coeurs  par  une  profonde  expression  '.  » 

(0  .De  ces  Lui*  tu  lubies  cliuiitwji.- .  Murclitsi  seul  e.\islc  eneort.  l'.j 


Digitizod  by  Google 


■08 

La  Ranti  parait  avoir  été  la  favorite  de  lord  Edgectimbe. 
11  parle  d'elle  en  ces  termes  :  «  Elle  avait  commencé  la 

carrière  comme  une  contante  di  Piazza;  mais  ayant  at- 
tiré l'attention  parla  beauté  de  sa  vois,  elle  fut  enlevée  à 
son  humble  situation,  et  bientôt  en  l'entendit  chaîner 
dans  les  concerts,  d'abord  à  Paris,  et  ensuite  à  Londres, 
où  elle  chanta  au  Panthéon  sous  le  nom  de  Georgi.  Quoi- 
qu'elle eût  les  meilleurs  maîtres ,  elle  était  une  très  mau- 
vaise écolière  ;  sa  paresse  était  excessive ,  et  jamais  elle  ne 
voulut  s'astreindre  à  des  éludes  sérieuses.  Heureusement 
son  génie  suppléait  à  la  science  ;  une  voix  parfaitement 
juste,  et  un  goût  exquis,  la  mettaient  à  même  de  chanter 
avec  plus  d'expression,  et  de  produire  plus  d'effet  que 
d'autres  cantatrices  bien  plus  habiles  qu'elle.  Elle  ne  fut 
jamais  bonne  musicienne,  jamais  elle  ne  put  chanter  un 
morceau  à  première  vue  ;  mais  lorsqu'une  fois  elle  avait 
appris  un  air,  elle  le  chantait  avec  une  expression  incom- 
parable. Sa  voix  étaitdoucc,  étendue,  et  d'une  égalité  par- 
faite. Dans  sajeunesse  elle  atteignait  facilement  les  cordes 
les  plus  hautes ,  et  la  légèreté  de  sa  voix  lui  permettait  de 
chanter  les  airs  les  plus  brillans.  Plus  tard,  ayant  perdu 
quelques  notes  supérieures,  elle  s'attacha  particulière- 
ment au  catitabile  dans  lequel  elle  n'avait  point  d'égaler 
Daus  la  section  vi  de  son  livre,  le  comte  Edgecumbe 
s'occupe  de  M"'*  Billington,  Grassini,  Catalan!  et  de  Lra- 
ham.  ■  La  voix  de  M"  Billington  (dit-il)  quoique  douce 
et  flexible,  n'avait  pas  le  charme  de  celle  de  la  llanti  ;  elle 
était  excellente  musicienne,  et  possédait  une  facilité  qui 
lui  permettait  (le  Caire  beaucoup  d'orncmetis ,  qui  étaient 
toujours  d'un  très  bon  goût.  Malgré  tous  ces  avantages,  il 
lui  manquait  cependant  quelque  chose;  elle  n'était  point 
iictrice;  se»  traits,  quoique  beaux,  étaient  sans  expression. 
Pendant  la  première  saison  ,  je  l'avoue,  je  ne  partageai 
point  l'enthousiasme  du  public  pour  M™*  Billington  ;  etpar 
nue  bizarrerie  assez  étrange ,  l'instant  où  elle  perdit  la  fa- 

bim-lli  r-sl  imu'l  (t,ms  la  i'.irci;  :1c  cl  P.icciiUrilli  a  Inrmiiiï  sa  car- 

litre  il  j  a  peu  li'annccs,  .i  Fiidouc,  oit  il  s'ilaït  relire  et  où  il  joiiiuaii 
d'une  grauiie  aisance.  Il  était  for!  igé. 


Digitizcd  by  Google 


199 

veur  publique  fut  celui  0E1  je  commençai  à  l'apprécier.  Jo 

veux  parler  de  l'arrivée  de  M°°  Grassini,  <[iii  était,  en- 
gagée |iour  chanter  les  prime  donne  conjointement  avec 
M™  BilliEigton.  M"  Grassini  était  eu  tout  point  opposée  à 
sa  rivale;  à  une  beauté  parfaite  clic  unissait  une  grâce 
tonte  particulière,  et  clic  élait  excellente  actrice.  Son 
genre  exclusif  était  le  cantabilc,  ce  qui,  à  la  longue,  de- 
venait un  peu  monotone;  sa  voix,  <|ui  autrefois  était  un 
soprano  1res  élevé ,  avait  été  transformée  par  quelque  ac- 
cident en  un  conlre-alto  très  bas.  Elle  débuta  dans  la  V er- 
yinii  tiel  sole,  opéra  de  Mayer;  mais  sou  succès  comme 
cantatrice  ne  fut  pas  décisif,  quoique  son  jeu  et  sa  beauté 
excitassent  l'admiration.  Déconcertée  de  la  froideur  qu'on 
lui  témoignait ,  elle  n'osa  pas  paraître  seule  dans  sa  repré- 
sentation à  bénéfice  ,  et  elle  appela  M™  lîillington  à  son 
aide.  W'inter  composa  exprès,  pour  celle  circonstance,  un 
opéra  intitulé  :  /(  ralto  di  Proscrpina.  M"  lîillington 
remplissait  le  rôle  de  Cércs,  et  la  Grassini  celui  de  Pro- 
serpino.  Ce  fut  alors  que  la  fortune  changea  subitement. 
La  gracieuse  Usure  de  M™"  Grassini ,  son  jeu,  l'expression 
avec  laquelle  elle  chanta  des  airs  simples  et  faciles,  tout 
cet  ensemble  ravit  le  public.  Les  sous  graves  de  sa  voix 
produisaient  un  effet  admirable  lorsqu'ils  se  joignaient  à  la 
voix  brillante  de  W  Billington.  Cet  opéra  fut  donné  sou- 
vent; mais,  rliose  extraordinaire,  on  ne  les  entendit  jamais 
chanter  ensemble  dans  aucun  autre  ouvrage.  La  Grassinij 

reçue  dans  toutes  les  assemblées  fu-shiima'ilM.  Quant  à' 
moi,  la  comparaison  entre  ces  deux  rivales  m'avait  fait 
découvrir  la  supériorité  de  M™"  Billington,  comme  canta- 
trice et  comme  musicienne.  Mais  un  le  sait,  tout  le  monda 
u  des  yeux ,  et  il  est  si  peu  d'oreilles  mnsicnli's  !  Les  sourds 
auraient  été  charmés  de  H""  Grassini;  mais  les  aveugles 
auraient  donné  la  préférence  à  M*"  liillinglon.  Apres  trois 
années  d'un  règne  partagé,  M" Billington  se  retira  entière- 
ment de  la  scène,  quoique  ses  moyens  ne  fussent  nulle- 
ment alicrés,  et  M""  Grassini  «'apercevant  que  sa  faveur 


commençait  à  diminuer,  prit  le  sage  parti  île  rcloiirner  cri 
Italie.  Je  lie  veux  pas  passersous  silence  Un  chanteur  aussi 
renommé  que  Brahani;  je  dois  lui  adresser  quelques 
observations.  Il  est  reconnu  nue  sa  voix  est  très  étendue 
et  très  pure,  qu'il  est  excellent  musicien,  et  qu'il  peut 
chanter  parfaitement  bien.  Pourquoi  donc  ne  le  fait-il  pas 
toujours?  pourquoi  quitte-t-il  le  registre  naturel  de  sa 
voix,  pour  prendre  un  désagréable  fausset?  pourquoi 
abandaniie-l-il  un  siyle  élégant  et  pur,  pour  tomber  tantôt 
dans  les  charges  italiennes,  tantôt  dans  la  rudesse  anglaise? 
Il  change  de  manière  selon  l'auditoire  qui  l'écoute;  ses 
compositions  offrent  la  même  variété,  et  le  chaut  le  plus 
vulgaire  peut  sortir  de  sa  plume  aussi  facilement  que  la 
beau  duo  qu'il  a  intercalé  dans  l'opéra  tics  Horaccs,  et 
qu'il  chantait  avec  M»  Grassini  '.  . 

Lord  Edgecumbe  a  consacré  plusieurs  pages  de  «es  ré- 
miniscences à  M™  Catalani.  Mais  on  a  déjà  tant  écrit  sur 
celte  célèbre  cantatrice,  que  les  remarques  de  notre  vieil 
amateur  offriraient  peu  rt'inlérèt;  il  serait  diiScilc  main- 
tenant de  dire  quelque  chose  de  nouveau  sur  une  femme 
qui  a  occupé  l'Europe  pendant  si  long-temps.  Après  avoir 
parlé  de  ces  malheureuses  variations  qu'elle  a  fait  entendre 
si  souvent,  je  rapporte  le  mol  attribué  au  D*  Johnson,  qui 
après  avoir  entendu  exécuter  des  passages  d'une  difficulté 
extraordinaire,  s'écria  :  Je  voudrais  que  cela  fût  impossible) 
Cette  saillie  appartient  non  au  U[  Joli  11  son,  mais  à  un 
homme  d'état,  plus  célèbre  par  son  esprit  que  par  son 
amour  pour  la  musique.  C'est  à  lui  qu'on  demandait  un 
jour,  pourquoi  il  ne  souscrivait  pas  à  the  ancient  coneei-t, 
ainsi  que  l'avait  fait  son  frère,  l'évéquc  dc\Y.  :  aOh  !  ré- 
pliqna-t-il,  si  j'étais  aussi  sourd  que  mon  frère,  j'aurais 
certainement  souscrit,  n 

(1)  Braham  .1  fait  grand  tort  an  chant  anglais  en  produisant  un  grand 
nombre  d'imitateurs.  Un  grand  talent  peut  Faire  admettre  de!  choses 
mauvaises  en  clles-m  ."■mes,  et  qui  deviennent  insupportables  chel  de  plata 
imitateurs.  M<"  Catalani  pourrait  mériter  le  même  reproche  ;  elle  a  ce- 
pendant fait  muins  de  mal ,  parce  que  f es  moyens  d'ciecution  sont  in- 
comparables. Beaucoup  d'hommes  peuvent  rivaliser  arec  lirabam',  au- 
cune femme  no  peut  prétendre  à  ttre  une  Catalani. 


Le  comte  Iïdgccumbc  établit  un  parallèle  entre  lus  cinq 
cantatrices  dont  il  a  parle.  11  place  M""  Mara  cl  Bulînglon 
sur  la  même  ligne.  Il  compare  ensuite  M"*  Grassini,  Ca- 
lalani  et  Rantt,  à  Rubinelli ,  Marchcsi  et  Pacciuarolli.  11 
trouve  une  grande  analogie  dans  leurs  talcns  comme 
chanteurs  et  comme  acteurs. 

Il  parle  avec  éloge  de  M™"  Roti/i  et  Camporese,  mais  II 
ne  rend  pas  justice  à  M™  Fodor.  Les  détails  qu'il  donne 
sur  les  débuts  de  Vclliili  en  Angleterre  sont  vrais  cl  inlé- 
ressans.  *  Je  vais  parler  maintenant ,  dit-il ,  de  l'arrivée 
d'un  soprano,  le  seul  existant  aujourd'hui  en  Europe.  Il 
vint  ici  avec  de  fortes  recommandations,  mais  sans  en- 
gagement pour  l'opéra,  et  il  se  passa  quelque  temps  avant 
«mêle  directeur  osât  présenter  au  public  un  chanteursi  ex- 
traordinaire. Presque  toute  la  généra  lion  qui  avait  entendu 
Pacchiarolli,  .Marchesi,  etc.,  élail  t'-lcirtlo  depuis  vingt-cinq 
ans.  Aucun  soprano  n'avait  parti  en  Angleterre,  et  un  fort 
préjugé  s'élevait  contre  ce  genre  de  vols.  Sa  première  ap- 
parition dans  les  concerts  fui  loin  d'être  brillante,  et  ce  ne 
fut  qu'en  tremblant  que  le  directeur  loi  (il  un  engage  meut 
pour  le  reste  de  la  saison.  Un  cri  général  .s'élevait  contre 
ce  chanteur,  et  ou  fut  obligé  de  prendre  des  précautions 
extraordinaires  pou  t  jle  soustraire  aux  violences  qu'on  pro- 
jetait contre  lui  à  sou  entrée  eu  scène.  Enfin  son  pre- 
mier début  est  annoncé;  il  doit  paraître  dans  le  Cro- 
cialo,  représenté  à  son  bénéfice,  indemnité  qui  lui  était 

cet  opéra.  Le  théâtre  se  remplit;  il  paraît,  et  le  plus  pro- 
fond silence  régne  parmi  tout  l'auditoire.  Les  premières 
notes  qu'il  fit  entendre  excitèrent  la  surprise  et  même  le 
dégoût  chez,  les  spectateurs  peu  expérimentés.  Mais  peu 
à  peu,  il  se  lit  écouter  et  applaudir.  Ce  chanteur  n'est  plus 
jeune,  sa  voix  qui  a  été  fort  étendue  est  altérée  ,  et  ce  qui 
est  fort  singulier ,  c'est  que  les  sons  du  médium  sont  ceux 
qui  ont  le  plus  souffert.  Ses  notes  supérieures  ont  encore 
une  douceur  ravissante  ,  et  dans  It^  lus  il  possède  fies  sous 
graves  d'un  grand  effet  II  sait  avec  beaucoup  d'art  esqui- 
ver ses  mauvaises  notes.  À  l'aide  d'uru émeus  exécutés  avec 
18 


beaucoup  de  talent,  son  style  est  gracieux,  mais  ne  s'élève 
jamais  à  lu  hauteur  du  cantabîta  de  la  vieille  école.  S;t 
manière  est  un  peu  uniforme;  cependant  malgré  la  mono- 
tonie «m  en  résulte,  il  obtint  un  grand  succès;  il  rappelait 
aux  vieillards  les  souvenirs  de  leur  jeunesse;  pour  les  jeune» 
gens  il  avait  l'a  tirait  de  la  nouveauté.  Quelques  personnes 
cependant  ne  purent  jamais  s'habituer  au  senliment  pé- 
nible qu'excita  en  elles  ce  genre  de  voix.  Madame  Caradori 
jouait  la  prima  donna  dans  le  Crociato.  le  jeune  Garcia  a 
paru  aussi  dans  cet  opéra  dont  la  musique  a  fait  grand 
plaisir.  M.  Mayerhec]'  a  déployé  dans  cet  ouvrage  un  véri- 
table talent.  Le  lecteur  sera  sans  doute  curieux  de  con- 
naître l'opinion  de  notre  critique  sur  M™  Pasla:  voici 
comment  il  s'exprime  sur  cette  célèbre  actrice.  «  J'enten- 
dis M"  Pasta  pour  la  première  fuis  dans  nu  concert,  et 
elle  me  fit  alors  beaucoup  moins  de  plaisir  que  je  ne  m'y 
attendais.  Dans  une  petite  salle,  sa  voix  est  lourde,  et 
même  dure,  et  ses  manières  trop  véhémentes.  Mais  lors- 
que je  la  vis  ensuite  à  sa  représentation  à  bénéfice,  dans 
Medca  de  Maycr,  j'appréciai  son  beau  talent  :  comme  can- 

rang.  Elle  mérite  d'autant  plus  d'éloges  qu'elle  doit  plus  à 
l'art  qu'à  la  nature.  Le  rôle  de  Médée  est  on  ne  peut  plus 
favorable  à  son  jeu  expressif;  elle  m'a  charmé  et  surpris , 
je  le  dis  Ira  ne  lie  ment;  depuis  la  Banli  je  n'avais  rien  en- 
tendu d'aussi  parfait,  peut-être  même  la  surpassc-t-elle 
comme  actrice ,  quoiqu'elle  lui  soit  fort  inférieure  sousle 
rapport  de  la  voix.  ■ 

Lord  MounlEdgecumbc  parle  longuement  du  change- 
ment qui  s'est  opéré  dans  la  forme  des  opéras.  Il  exprime 
sa  surprise  que  Mozart  ait  écrit  deux  de  ses  opéras  pour 
une  liasse,  tandis  qu'on  produit  toujours  plus  d'effet  en 
confiant  les  parties  chantantes  à  des  voix  élevées.  11  gémit 
aussi  sur  l'abus  des  morceaux  d'ensemble  ,  et  paraît  re- 
gretter tant  soit  peu  l'ancienne  manière.  Nous  ne  citerons 
(dus  maintenant  de  cet  intéressant  ouvrage  qu'un  léger 
fragment  sur  son  voyage  en  Italie.  «  Je  fus  vraiment  éton- 
né du  peu  de  bonnes  choses  dans  cette  contrée.  Dans  Us 


Digitized  by  Google 


so5 

petites  villes,  (elles  que  Nice,  Trieste,  etc.,  on  trouve  un 
théâtre  d'opéra,  si  on  veut  bien  lui  donner  ce  nom,  car  les 
chanteurs  ne  valent  guère  mieui  que  les  musiciens  am- 
bulansel  ils  ne  seraient  pas  soufferts  un  moment  à  Londres, 
mais  la  passion  pour  la  musique  est  bien  moindre  dans  celte 
terre  du  chant  qu'on  ne  le  suppose  en  Angleterre.  Lors- 
que j'arrivais  dans  une  ville,  et  que  je  demandais  si  l'opé- 
ra était  bon  ,  on  nie  répondait  :  Si  si  êcttissimi  itaUL  Je 
voyais  en  effet  qu'on  prêtait  plus  d'attention  aux  danses 
qu'à  la  musique.  On  met  les  tragédies  en  pantomimes  et 
j'ai  vu  damer  Romeo  et  Juliette. 


VARIÉTÉS. 


Le  mot  de  diapason  a ,  dans  la  musique ,  plusieurs  si- 
gnifications qui  ont  peu  de  rapport  entre  elles.  Ce  mot, 
d'origine  grecque  ,  était  dans  la  musique  ancienne  syno- 
nyme d'octave.  11  se  forme  de  par,  et  de  irian,  toutes, 
parce  que  l'octave  renferme  toutes  les  notes  de  l'échelle, 
t'est  dans  ce  sens  qu'un  ancien  registre  d'orgue  était  ap- 
pelé diapason;  il  était  composé  de  deux  jeux  de  flûtes  de 
8  et  de  4  pieds  jouant  ensemble,  et  sonnant  l'octave  l'un 
de  l'autre. 

Les  Français  emploient  ce  mot  dans  diverses  acceptions. 
Les  facteurs  d'instrumens  nomment  diapasons  certaines 
tables  ou  patrons  sur  lesquels  sont  marquées  les  propor- 
tions de  ces  ïnstrumeus  et  de  toutes  leurs  parties.  On  ap- 
pelle aussi  diapason,  dans  les  instrumens  à  cordes, 
l'étendue  qui  se  trouve  entre  le  chevalet  et  le  sillet,  et  se- 
lon que  cette  étendue  est  plus  ou  moins  grande,  on  dit 
que  le  diapason  est  grand  ou  petit.  Un  grand  diapason 
donne  des  sons  plus  intenses  qu'un  diapason  court.  C'est 
à  cause  de  cela  que  les  luthiers  de  nos  jours  changent 
presque  tous  les  manches  des  anciens  violons,  et  que  les 
facteurs  de  pianos  se  sont  attachés  à  perfectionner  la 
courbe  des  chevalets. 


Enfin  on  donne  le  nom  de  diapason  à  un  pelit  instru- 
ment monotone,  ayant  à  peu  près  la  forme  d'une  pelile 
fourche,  et  qui  est  fait  d'acier  trempé.  Le  son  unique  de 
cet  instrument  sert  de  régulateur  pour  accorder  les  voix 
et  les  inslrumcus  entre  eux.  En  Italie  et  dans  quelques  au- 
tres pays,  ce  son  est  celui  qui  correspond  à  ut;  en  France, 
il  est  à  l'iuiisfion  du  la,  et  selon  que  cet  ut  ou  ce  ia  sont 
plus  ou  moins  élevés ,  on  dit  que  le  diapason  est  haut  ou 
ïos.  On  met  eu  vibration  le  diapason  eu  frappant  l'une 
de  ses  branches,  ou  en  les  écartant  l'une  de  l'autre  avec 
violence,  et  l'on  donne  de  l'intensité  au  son  qu'il  produit 
en  appuyant  son  manche  sur  un  corps  dur. 

Les  Italiens  donnent  le  nom  de  corîsta  a  cet  instrument 
Hawkins  dit ,  dans  son  Histoire  de  la  musique ,  qu'il  fut 
inventé,  en  i;n,  parut)  Anglais  nommé  John  Shore. 

Paolucci  affirme  (Artepratica.  det  Contraji.,  tom.  3, 
p.  que  vers  le  même  temps  il  existait  en  Italie  trois 

sortes  de  diapasons;  le  Lombard  était  le  pins  haut,  le 
Romain  était  plus  bas  d'une  tierce  mineure,  de  telle  sorte 
que  le  re  de  Milan  correspondait  au  fa  de  Home.  Le  dia- 
pason vénitien  tenait  le  milieu  entre  les  deux  autres  ;  de- 
puis lors,  il  s'est  insensiblement  élevé  au  ton  de  celui  de 
Milan. 

Autrefois  le  diapason  de  l'Opéra  de  Paris  était  très  bas; 
il  s'est  ensuite  élevé  considérablement,  car  si  je  suis  bien 
informé,  celui  de  1820  était  d'uu  ton  plus  haut  que  celui 
de  1770.  Depuis  lors,  on  a  cru  devoir  le  baisser  pour  éviter 
la  fatigue  des  chanleurs;  mais  dans  un  temps  où  l'on  veut 
surtout  que  la  musique  soit  brillante,  les  îneonvéniens 
d'un  pareil  changement  surpassent  de  beaucoup  ses  avan- 
tages; c'est  ce  que  le  spirituel  auteur  de  la  Chronique 
musicale  du  Journal  des  Débats  '  a  établi  d'une  manière 
fort  piquante.  Ou  parait  l'avoir  senti  depuis,  car  déjà  le 
diapason  de  l'Opéra  se  rapproche  de  celui  de  l'Opéra? 
Comique ,  qui  est  d'ailleurs  un  peu  plus  bas  que  celui  du 
théâtre  Italien. 

Autrefois  il  y  avait  en  Allemagne  deux  sortes  de  diapa- 

(1)  M.  CMiil-Blwe. 


■  Digitizod  by  Google 


io5 

sous:  i* celui  de  chœur  ou  d'orgue-  (  chorton  ),  qui  était 
d'un  Ion  plus  haut  que  celui  des  orgues  modernes;  a*  ce- 
lui de  chambre  (fcammerton),  qui  était  à  l'unisson  de  ce- 
lai de  ces  mûmes  orgues.  Ou  trouve  aussi  dans  les  plus 
anciennes  orgues  allemandes  un  autre  diapason  qu'on  ap- 
pelait diapason  de  cornet;  il  est  encore  plus  haut  que 
celui  du  chœur i  Aujourd'hui  tous  les  constructeurs  d'or- 
gues règlent  leurs  instruinens  sur  le  diapason  de  chambre. 

Grande  est  la  confusion  entre  les  diapasons  actuels  de» 
divers  pays  de  l'Europe  ,  en  ce  qui  concerne  les  orchestres 
de  théâtres.  Non-seulement  presquechaque  ville  a  le  sien  ; 
mais  dans  diverses  villes  il  en  existe  plusieurs.  Par  exem- 
ple, la  capitale  de  l'Autriche  en  possède  trois,  savoir: 
celui  de  la  cour,  semblable  à  celui  de  Pélersbourg,  le- 
quel est  plus  haut  que  celui  de  l'Opéra  de  Paris ,  mais  qui 
est  moins  élevé  d'un  quart  de  ton  que  celui  de  Milan  ;  le 
diapason  le  plus  bas  de  Vienne  est  d'un  demi-ton  plus 
haut  que  celui  de  Leipsick.  Le  diapason  de  Home  est  tou- 
jours beaucoup  plus  bas  que  ceux  de  Milan ,  de  Pavie ,  de 
Parme,  de  Plaisance,  et  de  toutes  les  autres  villes  de  la 
Lombardie. 

On  remarque  que  le  diapason  de  chambre  s'est  sensible- 
ment élevé  dans  toute  l'Europe  depuis  un  siècle  environ. 
Eu  1er,  dans  son  Tentamen  novœ  thtoriœ  musicas,  eloi 
(Pélersbourg,  i?3q),  calculait  que  Put  de  la  clef  de  fa, 
au-dessous  de  la  portée,  donné  par  le  tuyau  ouvert  de 
huit  pieds,  faisait  118  vibrations  dans  une  seconde.  Eu 
1 771,  il  le  trouva  faisant  ia5  vibrations  ;  les  expériences  de 
Sarti,  eu  1796,  lui  tirent  voir  qu'il  en  faisait  i3i,  et  le  doc- 
teur Chladni  l'a  trouvé  dans  ces  derniers  temps  variant 
entre  i56  et  1 58  vibrations.  La  différence,  depuis  17^9, 
est  donc  de  près  d'un  demi-ton. 

Ou  a  souvent  mauifesté  le  désir  qu'il  n'y  eût  qu'un  seul 
diapason  pour  toute  l'Europe,  et  eelu  serait  en  elfet  néces- 
saire pour  conserver  à  la  musique  le  caractère  que  chaque 
compositeur  a  voulu  donner  à  ses  ouvrages;  car  les  effets 
de  lu  musique  sont  aussi  sensibles  aux  variations  du  tint, 
qu'à  celles  du  mouvement;  mais  pour  arriver  a  celte  unité 


DigitizGd  t>y  Google 


désirée,  Une  snflirpas  d'assembler  des  compositeurs,  quel- 
que- mérite  qu'ils  aient  d'ailleurs,  pour  leur  proposer  de 
décider  à  la  pluralité  des  voix  si  le  diapason  sera  haut  ou 
6aa,  il  faut,  pour  faire  une  opération  semblable,  user  de  plus, 
de  précautions  qu'on  n'a  l'habitude  dele  frire  en  pareil  cas. 
11  ne  suffit  poinl  en  elfetde  se  bornera  considérer  certaines- 
voix  qui  éprouvent  plus  de  difficultés  à  chanter  dans  des 
cordes  élevées  que  dans  des  cordes  basses;  car  si  le  ténor 
et  le  soprano  craignent  les  notes  trop  élevées,  la  basse  et 
le  contre-alto  souffrent  d'un  diapason  trop  bas;  si  les  inslru- 
menu  de  cuivre  s'accommodent  mieux  dans  certains  tons, 
d'uncélévalion  modérée,  le  relâchement  descordes  dans  1m 
instrumens  à  archets  est  un  obstacle  à  la  sonorité.  Toutes, 
ces  considérations  doivent  être  pesées,  et  une  moyenne 
doit  être  prise. 

Cette  moyenne  trouvée,  il  s'agirait  de  la  fixer  invaria- 
blement par  le  nombre  de  ses  vibrations,  et  le  Pataritkme 
de  M.  le  baron  Caignard  de  la  Tour  serait  d'un  merveilleux 
secours  pour  le  faireavec  une  exactitude  rigoureuse.  Si  l'un 
prenait  pour  étalon  le  tuyau  ouvert  de  I'ii(  grave,  pareiem- 
ple,  il  faudrait  déterminer  aussi  avec  beaucoup  de  soin  ses 
dimensions;  car,  quoique  ce  tuyau  soit  désigné  communé- 
ment comme  un  8  pieds,  ou  sent  bien  que  ce  n'est  làqu'uue 
longueur  approximative,  puisqu'elle  doit  varier  en  raison 
de  l'élévation  du  diapason.  L'énoncé  du  nombre  des  vibra- 
tions, et  de  la  longueur  du  tuyau  calculée  à  l'échelle  mé- 
trique est  donc  le  meilleur  moyen  de  fixer  invariablement 
le  diapason  pour  toute  l'Europe;  et  remarquez  qu'il  ne  se- 
rait peut-être  pas  inutile  d'observer  l'état  de  la  pression 
atmosphérique  au  moment  de  l'opération,  ainsi  que  le» 
autres  circonstances  météorologiques;  car  une  question  se 
présente  :  Est-it  bien  certain  que  deux  tuyaux  de  même 
dimension,  ]  et  absolument  identiques,  donneront  te 
■même  nombre  de  vibrations  sous  des  latitudes  très  diffé- 
rentes? Il  est  peut-être  permis  d'en  douter.  Au  reste,  on 
sent  bien  qu'une  pareille  exactitude  ne  serait  guère  que  de 
curiosité;  car  la  différence,  dans  tous  les  cas,  serait  imper-, 
ccptible  dans  la  pratique. 


Digitizod  by  Google 


Quanta  la  question  qu'on  a  fait  souvent,  s'il  est  plus  utile 
que  le  diapason  soit  au  ton  d'ut  qu'à  celui  de  la,  j'affirme 
que  cela  est  1res  indifférent  en  soi,  et  qu'on  fera  bien  de 
suivre  l'usage  reçu.  Un  musicien  français  aurait  beau  jouer 
ut,  il  croirait  toujours  donner  te  la. 

SUR  LE  COSCEETO. 

Concerto,  sonate  et  toceate  sont  des  mots  dont  tout  le 
inonde  se  sert  sans  en  connaître  la  signification.  Nés  en 
Italie ,  ils  ont  passé  dans  la  langue  française  par  l'usage  ; 
on  sait  quels  objets  ils  désignent;  mais  on  ignore  leur  ori- 
gine et  leur  acception  primitive. 

Sonata  ou  suonata  vient  de  suonare,  rendre  des  sous  : 
îl  se  disait  d'abord  d'une  pièce  de  musique  destinée  à  Être 
jouée  par  des  instrnmens  à  TCnt  ou  à  archet;  quant  aux 
pièces  d'orgue  ou  de  clavecin ,  on  les  appelait  toceate,  mot 
qui  dérive  de  loccare ,  toucher.  Plus  tard ,  on  a  étendu  le 
mol  sonala  aux  pièces  destinées  à  ces  deux  inslrumens,  et 
celui  de  toccata  n'a  plus  été  donné  qu'à  certains  morceaux 
d'un  mouvement  vif  et  brillant.  De  nos  jours,  la  sonate  est 
ordinairement  composée  d'un  allegro, à.' adagio  oa  d'un 
andante,  et  d'un  morceau  final.  Quelquefois  même  ou  y 
joint  un  scherzo  ou  menuet  viCavec  un  trio  ;  lu  toccata  n'a 
jamais  qu'un  seul  mouvement. 

Concerto,  concert,  se  dit  en  italien  d'une  assemblée  de 
musiciens  qui  exécutent  divers  morceaux  de  musique. 
On  disait  autrefois  concento,  du  verbe  latin  concinere. 
Dans  le  dix-septième  siècle  on  commença  à  donner  le  nom 
de  concerto  à  des  morceaux  composés  pour  faire  briller  un 
instrument  principal  que  les  autres  accompagnaient;  mais 
ce  ne  fut  que  vers  le  temps  de  Corelli  que  ce  genre  de 
pièce  devint  à  la  mode.  On  croit  généralement  que  To- 
relli,  qui  ne  le  précéda  que  de  quelques  années,  donna 
au  concerto  la  forme  qu'il  a  conservée  jusque  vers  1760; 
il  en  a  laissé  un  recueil  qui  a  été  publié  après  sa  mort,  en 
1 709  ,  sons  le  litre  de  Concerli  grossi  con  una  pastorale 
e  fer  il  santissimo  natale.  Ces  concertas  sont  à  huit  parties , 
c'est-à-dire  àviolon  principal,  deux  violons,  viole  et  basse 


Digitizod  by  Google 


3(1$ 

obligés , "et  deux  violons  et  violant,  ou  contre-basse  de- 
viole,  di  ripie.no. 

On  distinguait  alors  le  concerto  en  concerto  grosso  et  en 
concr-rtodu.  caméra;  le  premier  avait  des  espèces  de  tutti 
où  tous  les  instrnmcns  étaient  employés;  le  second  n'avait 
qu'une  partie  principale  avec  de  simples  accompagne- 
iiicns.  Le  violon  principal  s'apelait  violino  di  concertino ; 
et  les  violons  d'accompagnemens  se  nommaient  viotini 
di  grosso.  Il  n'y.a  plus  maintenant  qu'une  sorte  de  concer- 
to ;  c'est  celui  qui  est  accompagné  par  tout  l'or e lies tre. 

Les  admirables  compositions  de  Corelli  ont  long-temps 
servi  de  modèle  pour  ce  genre  de  pièce;  il  restera  probable- 
ment toujours  indécis  s'il  ne  fit  que  suivre  la  route  tracée 
parTorelli,  ou  si  l'invention  doit  lui  être  attribuée.  Il  ne 
les  publia  qu'a,  la  fin  de  sa  vie  1  ;  mais  ils  étaient  composés 
depuis  longtemps  quand  ils  parurent,  et  ce  fut  ceux  de 
île  ses  ouvrages  qu'il  travailla  avec  le  plus  de  soin,  et  qu'il 
revît  le  plus  souvent  avant  de  les  mettre  au  jour.  Quoi 
qu'il  en  soit  de  l'invention ,  il  s'en  est  attribué  l'honneur 
par  la  supériorité  de  sa  composition  sur  celle  de  son  rival. 
Le  style  instrumental  a  trop  changé  peut-être  pour  qu'on 
put  essayer  avec  quelques  succès  aujourd'hui  de  faire  en- 
tendre les  concertos  de  Corelli  en  public  ;  mais  ils  resteront 
toujours  comme  des  modèles  que  les  artistes  pourront  étu- 
dier avec  fruit. 

Vivaldi,  qui  vint  ensuite ,  rechercha  moins  dans  les 
sïens  le  chant  et  l'harmonie  que  des  traits  brillans,  diffi- 
ciles et  quelquefois  bizarres;  ce  fut  lui  qui  mit  à  la  mode 
les  concertos  imitalifsj  tels  que  ceux  qui  sont  connus  sous  le 
litre  des  saisons.  Son  concerto  du  coucou  fut  long-temps 
entendu  avec  admiration  dans  les  concerts.  Ily  a  aussi  par- 
mi ses  œuvres  des  pièces  intitulées  stravaganze  (extrava- 
gances), qui  ont  fait  les  délices  de  quelques  amateurs.  I.o- 
catelli,  violoniste  fameux  par  ses  caprices,  a  suivi  le  pin  h 
de  V ivatdi,  et  s'est  plus  occupé  du  soin  d'étonner  l'oreille 
que  de  celui  de  la  charmer. 

{1}  .L'èpBre  dédieatoire  csl  daKe  du  ô  décembre  i;as,  et  il  qiphu( 
1e  18  janvier  suivant. 


Digitizod  b/ Google 


a<!!> 

Tartitti,  compositeur  aussi  original  qne  virtuose  t-lort- 
nant,a  l'ait  une  révolution  dans  le  style  du  concerto  commo 
dans  le  jeu  du  violon  ,  et  a  préparé  la  forme  actuelle  de 
celle  espèce  de  pièce.  Ses  presto  oui  une  légèreté,  un  bril- 
lant dont  il  n'y  avait  point  eu  d'exemple  avant  lui,  et  ses 
allegro  d'introduction  sont  remarquables  parle  grandiose. 
Le  nombre  de  concertos  qu'il  a  composés  est  immense  ;  on 
en  a  gravé  plus  de  deux  cents,  mais  il  en  avait  laissé  un 
plus  grand  nombre,  dont  le  gouvernement  français  a  ac- 
quis les  manuscrits  originaux.  Ceux-ci  se  trouvent  main- 
tenant à  la  bibliothèque  du  Conservatoire  de  musique  de 
Paris,  avec  quelques  autres  ouvrages  inédits  du  même  au- 
teur. 

Les  concertos  de  Leclerect  ceux  de  quelques  autres  vio- 
lonistes de  son  lemps,  ne  sont  guère  que  des  imitations  de 
ceux  de  l'école  italienne,  et  pendant  plus  de  vingt  ans  co. 
genre  de  pièces  fit  peu  de  progrès.  Les  accompagnemens 
avaient  toujours  élé  bornés  aux  iyilrumeus  à  cordes,  deux 
violons  et  une  basse  étaient  toujours  les  seuls  soutiens  de  lu 
partie  concertante.  Stamitz  fut  le  premier  qui  mit  des  in-, 
slrumens  à  vent  dans' le*  tutti.  De  tous  les  compositeurs 
allemands  de  son  époque ,  il  fut  celui  qui ,  sans  se  régler 
entièrement  sur  le  slylc  de  Tartini,  sut  donner  le  plus  do 
grandeur  et  de  noblesse  au  style  de  concerto.  Ses  chant r 
u'étaient  pas  toujours  naturels  et  gracieux  ,  mais  ses  soins 
avaient  du  feu ,  de  l'originalité,  étaient  remplis  do  traits 
piquans  et  étaient  modulés  avec  assez  de  variété  pour  le 
temps  où  il  écrivit.  , 

La  forme  du  grand  concerto  (concerto  grosso)  était 
(îïéc.  Un  graniln(îe^tt>d'un  mouvement  noble  et  modéré, 
composé  pour  l'ordinaire  de  trois  solos,  séparés  par  des, 
tutti,  et  précédés  d'une  assez  longue  introduction  qui  an- 
nonce le  motif  principal ,  le  caractère  général  de  la  pièce, 
et  môme  quelques  traits  de  mélodie  qui  doivent  se  faire 
entendre  dans  les  solos;  ensuite  un  adagio  ou  largo, 
composé  d'un  ou  de  deux  solos  au  plus;  enfin  un  morceau 
tinal  d'un  mouvement  vif,  impétueux  et  rempli  du  traits  do 
Untaisic  ;  voilà  le  plan  qui  se  trouva  irrévocablement  ai- 


DigitizGd  b/ Google 


rftédès  l'époque  de  Slainitz,  et  qui  n'a  fait  qu'élre  modifié 
depuis  dans  quelques  détails.  Par  exemple.  Lolli  et  Jarno- 
tvick,  qui  n'excellaient  pas  à  jouer  Vadagio,  l'ont  beau- 
coup raccourci,  ou  l'ont  même  supprimé  tout-à-faït  dans 
leurs  concertos.  Ce  dernier  a  acquis  une  grande  célébrité 
par  ses  rondeaux,  sorte  de  morceau  qui  ne  s'était  intro- 
duit que  peu  de  temps  avant  lui  dans  l'opéra  ,  et  qu'il  fît 
passer  dans  la  musique  concertante.  Plusieurs  écrivains 
lui  refusent  le  mérite  de  la  priorité;  mais  on  convient  gé- 
néralement que  les  rondeaux  de  Jarnowick  étaient  du 
moins  plus  agréables  et  d'un  chant  plus  suave  que  ceux 
qu'on  fasait  de  son  temps. 

Enfui  Viotti  parut,  et  sans  rien  inventer,  quant  à  la 
forme  de  concerto,  se  montra  tellement  inventeur  dans  le 
chant,  dans  les  traits,  dans  la  forme  des  accompagnemens, 
dans  l'harmonie  et  dans  la  modulation,  qu'il  fit  bientôt 
oublier  ses  devanciers,  et  qu'il  laissa  ses  rivaux  sans  espoir 
de  soutenir  la  comparaison.  Quel  feu,  quelle  élégance, 
quelle  fécondité,  quelle  ame,  se  révèlent  dans  ses  admi-< 
rablcs  compositions!  On  a  surnommé  Viotti  le  Haydn  du 
violon;  celte  comparaison  me  semble  manquer  de  jus- 
tesse, à  moins  qu'on  n'ait  pris  la  supériorité  de  ces  grands 
musiciens  dans  un  sens  abstrait. Haydn  fut  inventeur,  il  est 
vrai,  mais  sans  profusion  d'idées;  à  peine  a-t-il  trouvé  un 
motif  heureux, qu'il  appelle  l'art  à  son  secours  pour  en  tirer 
tout  le  parti  possible;  on  dirait  toujours  qu'il  veut  épar- 
gner pour  l'avenir.  Viotti  ne  brille  point  par  le  savoir  :  ses 
éludes  avaient  élé  médiocres  ;  mais  sa  richesse  d'imagina- 
tion était  telle  qu'il  n'avait  pas  besoin  de  songer  a  écono- 
miser ses  pensées.  D'ailleurs  il  composait  bien  plus  par 
gentiment  et  par  instinct  que  par  réflexion.  S'il  y  a  quelque 
analogie  entre  le  créateur  de  la  véritable  symphonie  et  ce- 
lui du  concerto  ,  c'est  dans  le  développement  de  leur  ta- 
lent. Tous  deux  ont  commencé  par  être  au-dessus  de  leurs 
contemporains;  mais  leurs  succès  n'ont  point  borné  l'es- 
sor de  leur  génie ,  comme  cela  arrive  trop  souvent.  Gran- 
dissant avec  leur  renommée,  ils  l'ont  justifiée  chaque  jour 
davantage,  cl  leurs  derniers  ouvrages  ont  été  les  plus  beaux. 


Digitizod  by  Google 


On  n'a  essayé  de  faire  des  concertos  do  clavecin  que 
long-temps  après  les  premières  co mp osition s  du  même 
genre  pour  le  violon ,  et  plus  tard  encore  on  en  a  eu  pour 
les  inslrumcns  à  vent;  mais  les  unes  et  les  antres  n'ont 
été  qno  des  imitations  des  formes  arrêtées  du  concerto  h 
ta  Slamitz.  Cependant  ce  sont  précisément  ces  formes 

l'ennui  de  l'auditoire.  Comment  se  fait-il' qu'on  soit  reslé. 
jusqu'aujourd'hui  attaché  à  une  coupe  aussi  défectueuse 
que  celle  de  ces  concertos  où  le  premier  lulli  fait  en- 
tendre exactement  les  mêmes  phrases  que  le  premier 
solo?  où  il  suit  la  même  modulation  de  la  tonique  à  la 
dominante  pour  revenir  ensuite  à  la  tonique  et  recom- 
mencer la  même  marche?  oit  trois  solos,  qui  ne  sont  que 
le  développement  di:s  mêmes  idées,  les  reproduisent  sans 
cesse  en  variant  seulement  le  Ion  ?  oii  les  cadences  de  re- 
pos, multipliées  à  dessein  pour  avertir  le  publie  qu'il  doit 
applaudir  l'exécutant,  contribuent  à  rendre  le  morceau 
plus  monotone  ?  cnlin,  où  le  morceau  final  reproduit  à  peu 
près  le  même  système,  et  tous  les  défauts  du  premier 
tttlegro?  Quelque  languissante  que  soit  la  coupe  delà  so- 
nale-,  divisée  eu  deux  parties  symétriques ,  elle  serait  bien 
préférable,  appliquée  au  concerto,  à  celle  qui  est  restée 
en  usage  jusqu'à  ce  jour.  Non  queje  veuille  dire  qu'on  de- 
vrait adopter  celle-là  ;  la  fantaisie,  le  caprice,  l'irrégularité 
me  semblent  bien  mieux  appropriés  à  ce  genre  de  mor- 
ceau ,  qui  n'est  dans  son  objet  qu'une  débauche  de  musi- 
que, que  ces  éternels  cadres  de  même  l'orme.  Le  premier 
qui  joindra  l'audace  de  l'innovation  au  génie  de  la  canli- 
lène  et  au  talent  de  l'exécution,  relèvera  le  concerto  dans 
l'opinion  publique, et  lui  rendra  son  premier  lustre,  main- 
tenant effacé.  II  nous  débarasserait  d'ailleurs  des  airs  va- 
riés qui  ont  si  peu  de  variété,  et  des  fantaisies  froidement 
compassées  donl  nous  sommes  accablés.  Ainsi  soit-il  ! 

FilTIS. 


NOUVELLES  DE  PARIS. 


ACADÉMIE  R.OYALI!  DE  MUSIQUE. 
«StJrtuuiw  «fwsenfrttioit  h  C<t  S#mnam6ti(<^ 

BALLET  ES  T1SOIS  ACTES  ,  DE  MM.  SGI»!  El  ADMEh, 

MUSIQUE  DE  H.  HED.OLD. 

Décidément  noire  vieuxOpéra  veut  se  rajeunir;  il  avai* 
déjà  montré  de  la  grâce  et  de  la  fraîcheur  dans  ses  chanta, 
voilà  qu'il  devient  gaillard,  et  si  le  frein  de  la  morale  ne 
le  relient  pas,  la  fougue  de  la  jeunesse  l'emportera  plus 
loin  qu'on  ne  le  pense.  Titon  et  l'Aurore,  Thêlis  et  Fêlée, 
Alys  et  Cyhèle  ne  chantaient  plus  depuis  long-leinps  à 
l'Académie  royale  de  musique  ;  ils  pouvaient  du  moins  y 
danser  encore.  Ces  dieuxet  ces  héros  infortunés  prenaient 
patience;  ils  ue  pouvaient  plus,  j'en  conviens,  conter  leur 
martyre  en  vers  doucereux  et  filer  en  roades  leur  parfait 
amour;  mais  le  flic-ilnc  et  la  pirouette,  le  langage  muet 
des  yeux  et  des  bras ,  offraient  d'agréables  compensations 
a  leur  divinité  déchue.  D'imprudens  novateurs  veulent 
priver  l'Olympe  de  la  souveraineté  qu'il  avait  conservée 
dans  les  ballets;  ces  nouveaux  Titans  l'attaquent  dans  ses 
derniers  rctranchemens ,  cl  leurs  armes ,  quoique  légères, 
n'en  sont  pas  moins  redoutables.  Le  galoubet  provençal 
veut  imposer  silence  a  la  lyre  du  blond  Piiébus ,  et  la  lan- 
terne de  la  somnambule  Thérèse  fait  déjà  pâlir  la  lampe 
de  Psyché.  Le  l'inde  en  a  frémi,  le  Xanlhe  a  reflué  vers 
«a  source ,  la  fiére  Junon  s'est  écriée ,  J ttpitcr,  fanée  ta 
foudre,  en  sol  mineur,  et  Neptune,  qui  venait  de  sortir 
tout  frisé  delà  mer,  a  redit  le  fameux  quosego  sur  les  bords 
du  ruisseau  limpide  qui  fait  tourner  les  moulins  des  envi- 
rons de  Tiirascon. 

On  ne  s'ûLIciiliait  gniie 

A  voir  Ncplune  eu  celte  affaire. 


DigilizGd  by  Google 


ai3 

Son  redoutable  lia  capo  aurait  frappé  de  (erreur  et  les  ac- 
teurs et  l'auditoire ,  c'en  était  fait  des  amours  de  Thérèse 
et  des  galanteries  du  mousquetaire,  si  le  triple  trombone 
de  AI.  Hérold  n'avait  pas  assuré  la  victoire  en  voilant  de 
ses  robustes  accords  les  cris  impuissnus  de  l'époux  d'Am- 
pliilrile.  Le  brave  Neptune  a  fait  iilie  retraite  précipitée  , 
et  quelques  vieux  habitués  l'ont  vu  s'enfoncer  a  l'iiislanl 
«lans  les  ondes. 

Le  ballet  de  ia  Somnam&ule  n'est  point  une  Innova-* 
lion;  les  bergers  étaient  admis  à  danser  à  l'Opéra  depuis 
deux  siècles  environ  ;  mais  c'est  une  transition  pour  arriver 
à  un  autre  genre,  et  pour  donner  du  nouveau  au  pubiic 
qui  en  est  si  avide.  On  vent  arracher  enfin  le  ballet  à  l'es- 
pèce de  servitude  que  l'Opéra  lui  imposait  en  lui  faisant 
répéter  en  gestes  ce  que  ses  chanteurs  avaient  déjà  décrit 
et  exprimé  en  cavatincs,  en  duos,  en  récitatifs.  Il  n'y  a 
plus  maintenant  de  chances  d'un  succès  brillant  et  dura- 
ble qu'avec  des  choses  nouvelles ,  et  l'on  ne  se  soucie  pas 
plus  d'aller  voir  Cendrilltm  et  {'Épreuve  villageoise  eu 
ballet,  que  d'aller  entendre  à  l'Odéon  un  opéra  dont  les 
Italiens  nous  ont  déjà  donné  deux  cents  représenta- 

Le  sujet  de  la  nouvelle  somnambule  est  simple  et  inté- 
ressant. Le  rideau  se  lève  sur  un  divertissement  villageois, 
tout  le  b-allct  est  en  mouvement,  on  célèbre  In  noce  de 
Thérèse  et  d'Edmond,  jeunes  paysans.  Le  comte  de  Sainl- 
Ba m bert  arrive  accompagné  du  trompette  de  son  régiment  ; 
il  vient  prendre  possession  d'un  château  et  d'une  seigneu- 
rie situés  à  peu  de  distance  du  lieu  de  la  scène.  Sainl- 
Itambert  est  inconnu  ;  il  adresse  quelques  propos  gala  us  à 
la  mariée  et  à  Gertrude;  il  se  plaît  à  assister  aux  jeux  de  la 
noce.  Le  jeune  trompette,  que  le  vin  a  mis  en  gaité,  trahit 
l'incognito  de  son  colonel.  11  doit  passer  la  nuit  à  l'auberpe 
de  M"  Gertrude,  qui  est  éprise  d'Edmond  ;  mais  faute  de 
mieux,  celle  appétissante  veuve  rabat  ses  prétentions  sur 
le  tabellion  de  l'endroit.  Ou  danse ,  nu  signe  le  contrai  ; 
Edmondremet  à  Thérèse  l'anneau  nuptial ,  et  l'acte  fmil. 
Une  scène  de  rivalité  entre  Thérèse  et  Gertrude  a  donné  à 


Digitizod  b/ Google 


31 4 

H.  Hérolil  le  moyen  d'introduire  le  joli  duo  du  troisième 
acte  du  Maçon* 

Au  second  acle,  la  scène  se  passe  dans  la  chambre  une 
Saint-ltambcrt  occupe  dans  l'auberge;  il  y  est  introduit 
par  la  servante,  et  M"'Gerlrude  ne  tarde  pas  à  venir  dou- 
»er  ses  soins  à  un  hôte  aussi  recomniandablc.  Le  seigneur 
connaît  trop  bien  les  lois  de  la  civilité  pour  lia  pas  adresser 
nue  déclaration  vive  et  tendre  à  l'aimable  aubergiste;  il 
devient  pressant,  Ccrlrude  se  trouble ,  se  laisse  enlever  un 
mouchoir  qui  flotte  sur  ses  épaules  ;  lorsqu'on  entend  du 
bruit,  ellese  sauvedans  la  pièce  voisine.  La  fenêtre  s'ouvre, 
et  Thérèse,  endormie  et  dans  le  simple  appareil  d'une 
beauté  qui  vient  de  se  mettre  au  lit,  parait  sur  une  échelle 
avec  une  lanterne  à  la  main.  Saint-Rambert,  surpris  d'a- 
hord  de  l'arrivée  de  la  jeune  fille,  est  pénétré  de  respect 
quand  il  la  voit  se  mettre  à  genoux  pour  prier  et  recevoir 
la  bénédiction  nuptiale,  lîu  lit  est  dans  la  chambre  ,  elle 
s'y  repose  : 

La  faim  ,  l'occasion  ,  l'herbe  tendre,  cl  je  pente 
Quelque  diable  aussi  ic  poussant. 

Ne  craignez  rien,  ce  diable  est  combattu  parles  nobles 
sentimeus  du  colonel;  la  générosité  l'emporte ,  et  le  mous* 
que  la  ire  fuit  pour  la  première  fois  le  danger;  il  s'échappe 
par  la  même  fenêtre  et  descend  l'échelle  que  Thérèse  a 
montée.  Un  sait  que  le  nouveau  seigneur  a  couché  dans 
l'auberge  ;  tout  le  inonde  arrive  pour  le  complimenter,  et 
l'on  trouve ,  au  lieu  du  colonel ,  la  jeune  mariée  couchée 
sur  le  lit  et  dormant  du  sommeil  de  l'innocence.  Désespoir 
du  marié  et  des  parens;  Thérèse  reste  confondue;  elle 
veut  se  justifier;  Edmond,  furieux,  refuse  de  l'entendre, 
il  renonce  à  sa  main  et  revient  àGertrudc.  La  mère  emmène 
sa  fdle  et  la  couvre  d'un  fichu  qu'elle  trouve  sur  le  Ht.  Ce 
finale  est  très  animé. 

An  troisième  acte ,  Edmond  se  prépare  à  épouser  Ger- 
trude,  quand  on  lui  montre  le  mouchoir  de  sa  nouvelle 
fiancée;  celle-ci  est  forcée  de  le  reconnaître.  Mais  Edmond 
lie  se  rend  pas  davantage  aux  protestations  du  colonel,  aux 
prières  de  la  mère  de  Thérèse;  il  croit  toujours  à  l'infidé- 


□igilized  by  Google 


ai5 

lilé  prouvée  d'une  manière  si  convaincante',  lorsque  tout 
à  coup  on  aperçoit  la  Somnambule  à  l'une  des  mansardes 
du  moulin;  elle  arrive  sur  le  toit,  sa  lampe  à  la  main  et 
marche  sur  le  bord  :  tout  le  monde  frémit;  clic  avance  jus- 
un  instant  et  se  détourne  pour  aller  ik-sccnih-e  de  l'autre 
côté  ,  en  suivant  les  sinuosités  d'un  vieux  mur  en  ruine. 
Elle  arrive  sur  la  scène,  sa  mire  lui  tend  les  bras,  elle  s'y 
repose.  Edmond  reconuait  son  innocence,  lui  remet  au 
dotgt  l'anneau  nuptial  qu'il  lui  avait  enlevé;  on  la  revêt  de 
ses  habita  de  noce ,  on  la  coiffe  do  sa  couronne  et  de  son 
voile.  Thérèse  s'éveille,  son  désespoir  recommence;  mais 
il  est  bientôt  calmé  par  les  tendres  soins  de  son  fiancé  ; 
la  noce  s'achève  gâtaient,  et  Gertrude  épouse  le  notaire. 

Ce  petit  drame  intéresse  constamment,  et  la  perfection 
des  danses  qui  composent  le  divertissement  du  premier 
acte  en  abrège  en  quelque  sorte  la  durée.  Il"'  Moatessu  et 
Ferdinand,  chargés  des  rôles  de  Thérèse  et  d'Edmond,  les 
on!  joues  admirablement.  M11'  lïrocard  est  charmante  sons 
le  costume  du  petit  trompette.  W  Légal  lois  est  trop  jolie 
pour  être  dédaignée,  c'est  un  inconvénient  dont  personne 
ne  se  lâchera.  Monljoic  a  du  la  grâce  cl  de  la  noblesse  dan* 
le  rôle  du  colonel.  M.*"  Notilct,  Athalic  se  sont  distinguées 
dans  les  pas  du  premier  acte;  Albert  et  Paul  ont  fait  assaut 
de  talent.  La  scène  du  toit  a  produit  un  eue!  qu'il  serait 
dillicile  de  décrire;  elle  aurait  assuré  le  succès  de  la  pièce 
s'il  avait  été  un  instant  douteux.  Le  plan  de  M.  Scribe,  les 
danses  de  M.  Aumer,  la  musique  de  M.  Ilérotd,  les  décors 
de  M,  Ciccri,tous  ces  attraits  réunis  forment  un  ensemble 
délicieux  et  promettent  cent  représentations  à  la  Sont- 

M.  Ilérold  a  composé  la  plus  grande  partie  de  la  mu- 
sique de  ce  ballet.  On  distingue,  parmi  les  morceaux  qu'il 
a  empruntés  à  divers  musiciens,  le  duo  du  Maçon,  chanté 
par H—Rîgaut  et  Boulanger;  un  fragment  du  grand  <!m> 
'V Avniida  de  Ilussîui  ,  quelques  jolies  phrases  d'Elïm  e 
l,'laitdiii,\e  nocturne  si  coumiDoi'incz,  mes  cIici-l's aiiioui:-:, 
traité  avec  beaucoup  d'adresse  et  de  talent,  et  qui  d'abord 


3)6 

commencé  par  les  cors  à  [vois  temps ,  tel  qu'il  est  écrit  t 
continue  à  marcher  sur  le  deux-quatre  attaqué  par  tout 
l'orchestré  pour  l'a eli ou  deRosapibert.  Quelques  mesures 
dusextuordo  CeïicreiKofoannotieent  les  entrées  dclaSom- 
nnmlmlc;  j'attendais  que  cemotif  si iiien placé  en  situation 
fût  développé  dans  le  courant  du  ballet;  j'ai  été  trompé 
dans  mon  attente.  Peut-être  les  exigences  du  maître  de 
ballets  ont-elles  restreint  les  projets  du  musicien  ?  Quel- 
ques personnes  trouvent  que  les  clfets  d'orchestre  sont 
irop  broyons  ;  cela  peut  être  vrai,  mais  aujourd'hui  il  faut 
donner  aux  ouvrages  la  couleur  prononcée  que  l'on  re- 
marque daus  les  partitions  modernes.  La  partie  drama- 
tique est  bien  traitée;  les  airs  île  danse  reproduisent  Irop 
souvent  la  mesure  de  sis-huit ,  et  les  jeux  d'orclieslre  ros- 
siuiens.  On  aurait  pu  introduire  dans  ce  ballet  plusieurs 
airs  provençaux  d'un  elle!  original  et  d'une  é  t  range  lé  pi- 
quante ,  ils  auraient  servi  à  préciser  le  caractère  d'une 
musique  agréable  ,  mais  qui  n'appartient  pas  plus  à.  lu 
Provence  qu'à  lu  Bretagne,  ou  à  la  Suisse. 

V  C.  F. 


ANNONCES. 


Gorghe.ggi  e  Solfeggi,  Vocalises  et  Solfèges,  pour  ren- 
dre la  voix  agile  et  apprendre  à  chanter  selon  le  goût  mo- 
derne ,  par  Hossini  6  » 

—  Trois  duos  pour  deux  clarinettes,  par  Beuder, 

op.  5  ,  .  .  9  » 

—  Trois  quintetli  pour  flûte,  hautbois,  clarinette, 

cor  et  basson  ,  par  Brod,  i"  ,  2'  et  3*  livr.,  chaque. .  7  5o 

—  Mélange  facile  sur  les  airs  de  ta  Dame  du  Lac, 

par  Adam  '.  .  4  Co 

—  Le  Lac,  stances  de  Lamartine,  mises  en  mu- 
sique par  Riedermayer  3  1 

Au  magasin  de  Puciui ,  éditeur  des  œuvres  de  Rossiui , 
Mozart,  Beethoven,  etc. ,  boulevard  Italien,  n"  11. 


Digitized  by  Google 


EXI'OSITIO\  DES  PRODUITS  DE  L'INDUSTRIE. 

CLARINETTE  DE  M.  JANSSEN, 

BASSON  A  QUINZE  CLEFS  DE  M.  Al)  1,1", II. 


Parmi  les  instrumens  à  anche,  la  clarinette  est  un  des 
plus  modernes.  Jean-Christophe  Dernier,  célèbre  lui  hier 
de  Nuremberg,  en  fut  l'inventeur,  en  ifigo.  Elle  n'eut  d'a- 
bord qu'une  seule  clef  et  ne  fut  que  d'un  usage  fort  rare,  à 
cause  tic  ses  nombreuses  imperfections.  Mais  la  beauté  de 
ses  sons  détermina  quelques  arlistes  à  chercher  des  amé- 
liorations dans  sa  construction.  Insensiblement  le  nombre 
de  ses  clefs  s'accrut  jusqu'à  cinq;  mais  arrivée  même  à  ce 
■point,  elle  offrait  encore  peu  île  ressources.  On  peut  voir 
dans  le  Diapason  des  instrumens  à  ve-itt,  publié  par 
F  rancœur,  en  177a,  l'état  auquel  la  clarinette  était  réduite, 
elles  difficultés  que  rencontrait  le  musicien  qui  voulait 
écrire  pour  cet  instrument. 

C'est  cependant  sur  ce  même  instrument  que  Sliuhet 
Yost,  plus  connu  sous  son  prénom  de- Michel,  acquit  une 
grande  réputation,  et  parvint  au  plus  haut  degré  d'habileté, 
vers  1780.  Son  élevé,  M.  Xavier  Lcfebvre,  qui  a  formé 
tous  les  clarinettistes  que  la  France,  possède  aujourd'hui, 
ajouta  la  sixième  clef  île  soi  dièze  à  la  clarinette,  ce  qui 
lui  donnait  quatorze  trous,  dont  sis  se  bouchaient  avec 
des  clefs.  La  beauté  des  sons  que  cet  artiste  lirait  de  son 
instrument,  et  les  difficultés  qu'il  parvenait  à  exécuter, 
ont  fait  croire  long-temps  que  ce  même  instrument  avait 
atteint  la  perfection  ;  mais  M.  Lcfebvre  ne  se  faisait  point 
illusion  ;  car,  dans  la  méthode  qu'il  a  composée  pour  l'u- 
sage du  Conservatoire, il  a  été  forcé  de  donner  une  longue 
liste  des  trilles  qui  sont  inexécutables  sur  la  clarinette  à  six 
clefs, -la  seule  qu'on  connût  en  France.  Néanmoins,  telle 
est  la  force  do  l'habitude,  que  jamais  il  ne  voulut  adopter 

2' VOL.  .0 


!tl8 

lus  innovations  on  améliorations  qui  avaient  jn is  naîssanc 
à  l'étranger,  et  qui  lui  semblaient  changer  la  nature  de 
l'instrument. 

Ses  élèves  avaiont  hérité  de  ses  préjugés;  car  lorsque 
M.IwanMullersonmitàre:iamendiiConservatoire[eni8i4) 
une  nouvelle  clarinette  à  treize  clefs,  dans  laquelle  ilavait 
réuni  des  améliorations  déjà  connues  en  Allemagne^  d'au- 
tres qui  lui  étaient  propres,  plusieurs  d'entre  eux  ayant  élé 
adjoints  à  leur  maître,  et  à  d'autres  membres  du  Conser- 
vatoire, ces  messieurs  décidèrent  :  1  1'  Qu'avec  cet  inslru- 
t  ment  on  peu!  jouer  dans  tous  les  tons,  tant  qu'on  neren- 

■  contre  pas  île  pansages  dont  l'exécution  soit  diflîcullueuse; 

■  mais  que  quand  onvenl  faire  des  gammes  diatoniques  , 
«soit  en  montant,  soit  en  descendant,  elles  ne  peuvent 
«  s'exécuter  ni  avec  justesse,  ni  avec  vitesse  ;  a  '  que  ladiffé- 
«  rence  de  timbre  des  clarinettes  en  différons  tons  offre  des 
•  moyens  d'effet,  dont  les  compositeurs  seraient  privés,  si  la 
«nouvelle  clarinette  tic  M.  Mullcr  était  adoptée,  etc.,  etc.» 
Après  lousceft>eauxraisou.nemcns,  qui  n'étaient  dictés  que 
par  la  paresse  et  le  préjugé,  il  a  fallu  adopter  cette  même 
clarinette,  qu'on  dédaignait  parce  qu'il  fallait  l'étudier.  Dans 
le  fait,  au  moyen  <les  nouvelles  dispositions  de  M.  Iwan 
Millier,  de  ses  clefs  et  de  la  position  de  ses  Irons,  la  clari- 
nette était  devenue  juste  dans  toute  sou  étendue,  et  avait 
acquis  une  égalité  cle  son  qu'elle  n'avait  point  auparavant. 
Ces  prétendues  difficultés  d'exécution  qu'on  lui-opposait 
n'étaient  autrechoseqiicl'incxpértence'de  ceux  qui  s'y  es- 
sayaienl.  Avec  le  temps,  on  s'est  familiarisé  avec  le  nouveau 
mécanisme,  cause  innocente  de  tant  d'effroi,  a  rougi 
des  juyemens  précipités  qu'on  avait  portés. Cette  marche  est 

Néanmoins,  malgré' ces  améliorations  incontestables,  tout 
n'était  |),is  t'ait,  car  la  clarinette  restait  coupée  en  trois  en  ■ 
droits,  c'est-à-dire  que  le  passage  de  la  partie  qu'on  nomme 
chalumeau  à  celle  qu'on  appelle  clarinette  était  partagé 
parles  clefs  de  la à  si,  de  si  but  dièse,  etdewf  à  mi  h.  11  en 
résulte  que  certains  passades  ne  peuvent  se  faire,  parce  qu'il 
faut  •pic  le  même  doigt  débouche  à  la  fois  un  trnu  et  en 


H-  1 


bouche  mi  autre,  ce  qui  est  à  peu  près  impossible.  SI.  Jans- 
stn,  arlislc  do  l'Opéra-Coniiquc,  imagina,  pour  obvier  à  cet 
inconvénient,  de  garnir  ces  clefs  de  rouleaux  mobiles,  au 
moyen  (le  quoi  l'on  peut  glisser  facilement  le  doigt  d'une 
clef  à  l'autre,  et  lui  éviter  le  saul  qu'il  était  obligé  de  faire  : 
par  là,  tout  devient  facile,  elle  jeu  de  la  clarinette  peut  être 
lié  dans  toutes  les  parties.  11  est  vrai  que  ces  rouleaux  pré- 
sentent un  inconvénient  au  premier  abord,  celui  d'uue 
trop  grande  mobilité  qui ,  dans  une  tenue,  peut  exposer  le 
doigt  à  glisser,  cl  il  laisser  échapper  la  noie  ;  mais  la  prati- 
que enseigne  à  donner  à  ces  rouleaux  la  fixité  convenable. 
Lesavantages  de  cette  innovation  sont  si  généralement  re- 
connus maintenant,  que  les  meilleurs  artistes  en  font 
usage,  et  que  les  rouleaux  s'adaptent  aux  clefs  du  basson, 
et  même  à  celles  de  la  llûte. 

Il  nie  reste  Line  objection  ;i  fairu  à  M.  Jausseu.  Il  insiste 
sur  la  nécessité  de  pouvoir  couler  partout  des  clefs  au* 
clefs,  et  des  trous  aux  clef»,  .le  ne  puis  partager  sou  avis  sur 
ce  dernier  point  ;  car,  si  l'on  coule  il' nue  clef  à  l'autre,  les 
trous  se  bouchent  et  se  débouchent  avec  rapidité  comme 

si  l'on  coule  des  trous  aux  clefs,  le  doigt,  en  glissant  sur  le 
li  on,  débouche  inégalement,  et  peut  nuire  à  la  netteté  du 
son.  Au  reste,  ceci  n'est  qu'une  conjecture  que  je  livre  à 


Le  basson  ,  qui  fut  inventé  eu  1 53$  par  un  chanoine  du 
Pavie,  nommé  Aframo,  peut  être  considéré  comme  lit 
basse  du  hautbois.  On  a  vu  dans  la  Reçue  musicale  (  1. 1 , 
ii*  1 1,  p.  a?5  )  quelles  lurent  ,  dansle  dit-septième  siècle  , 
les  variétés  de  cet  instrument  :  depuis  long-temps,  on  ne 
se  sert  plus  que  du  basson  à  sept  clefs,  particulièrement 
en  France.  En  Allemagne,  ou  avait  adopté  neuf  et  dix  clefs 
depuis  plusieurs  années. 

Dans  l'état  ordinaire  de  sa  construction,  le  basson  est 
un  instrument  fort  imparfait;  plusieurs  de  ses  notes  sont 
sourdes  et  d'une  mauvaise  qualité  de  son  ;  il  manque  gé- 


Oiqiiized  by  Google 


aao 

néralemenl  de  justesse,  et  les  embarras  de  sou  doigté 
s'opposent  à  l'exécution  d'une  foule  de  traits  qu'il  est 
difficile  d'éviter.  Par  exemple  ,  le  passage  de  fa  $  à  sot§, 
dans  tin  mouvement  rapide,  est  à  peu  près  impossible,  parce 
que  le  même  doigt  sert  pour  les  deux  notes.  La  méthode 
de  basson  d'Ozi  contient  une  liste  de  ces  passages  impra- 
ticables, qui  remplit  deux  pages  in-folio.  Depuis  long- 
temps on  sentait  la  nécessité  d'obvier  a  ecs  nombreux  in- 
convéniens,  en  reconstruisant  l'instrument  sur  de  meil- 
leurs principes  acoustiques;  les  compositeurs  désiraient 
surtuul  vivement  ces  améliorations;  niais  la  paresse  des 
luthiers,  d'accord  peut-être  avec  celle  des  exéctilaus,  avait 
trompé  des  vieux  si  légitimes  ,  quand ,  en  M.  Almcil- 

raeder,  virtuose  allemand  sur  le  basson,  entreprit  de  ré- 
former complètement  son  instrument,  et  de  !e  reconstruire 
sur  de  meilleurs  principes.  Déjà  MM.  Grenzer,  luthiers 
renommés  de  Dresde,  avaient  lait  des  améliorations  sen- 
sibles dans  quelques  parties  ;  mais  i!s  n'avaient  point  at- 
teint complètement  le  but.  H.  Almonracder  fit  de  nom- 
breux essais  dans  les  ateliers  de  MM.  Scholt,  à  Mayenee. 
et,  à  force  de  persévérance,  parvint  enfin  à  combiner 
toutes  les  pai  lies  du  basson,  de  manière  à  obtenir  la  plus 
grande  justesse  possible,  et  à  faciliter  l'exécution  des  pas- 
sages qu'on  avait  regardé  jusqu'ici  connue  impossibles 
Afin  de  rendre  son  invention  plus  utile,  il  a  fait  imprimer, 
en  1824  ,ln  Iictii  ouvrage  qui  a  pour  titre  :  Traité  sur  le 
■perfectionnement  dit  basson*,  et  dans  lequel  il  a  donné, 
outre  la  figure  de  sou  instrument,  et  le  tableau  de  sou 
étendue  en  tablature,  des  détails  précieux  sur  lu  doigté 
■  li  s  passages  il iilieilrs .  lesquels,  ont.  cessé  d'opposer  îles 
obstacles  aux  exéeulaus.  depuis  ces  peri'ectionncmcns. 

Le  basson  de  M.  Àlmenraeder  est  armé  de  quinze  clefs. 
Celle  qui  sert  à  donner  Ies^<(#  et  les  re  }>  avait  déjà  été  # 
imaginée  par  MM.  Grenzer;  mais  elle  était  défectueuse 
par  la  place  qu'elle  occupait .  attendu  qu'on  était  obligé 
de  la  jouer  avec  le  petit  doigt.  M.  Almenraeder,  eu  la  pla- 
çant de  manière  qu'elle  pût  être  dirigée  par  le  pouce,  l'a 
rendue  beaucoup  plus  utile  et  plus  facile  à  jouer. 

(1)  Mavcncu,  ScfaoltEl*. 

« 


Digitizcd  by  Google 


Le  déplacement  du  troisième  trou  delà  pièce  inférieure: 
et  fiit  combinaison  a  vécues  clefs,  a  donné  le  moyen  défaire, 
en  sons  purs,  le  passage  du  ta  inférieur  à  son  octave.  De 
nouvelles  clefs  placées  sur  telle  pièce  facilitent  le  trille 
de  ta  avec  si]),  et  le  passage  de  fa  ff  à  sot  ft,  ou  de  sol  $ 

Une  autre  clef,  placée  sur  la  pièce  longue  du  milieu , 
donne  Vut  $  en  bas,  qui  n'existe  point  dans  les  bassons 
ordinaires.  Lie  nouvelles  combinaisons  donnent  également 
le  si  ^  en  bas ,  qui  manque  aussi  dans  les  anciens  bassons. 

Enfin  la  sonorité  et  la  justesse  sont  devenues,  par  ces 
changemens,  et  par  d'autres  améliorations,  lé  partage  d'un 
instrument  naguère  inégal,  sourd  et  faux. 

A  l'égard  du  doigté  de  tous  les  traits  difficiles,  M.  Almen- 
raeder  l'a  indiqué  avec  tant  de  soin,  que  les  artistes  ne 
tarderont  pas  à  se  familiariser  avec  le  nouvel  instrument. 
La  complication  des  moyens  d'exécution  pourra  intimider 
d'abord  les  exécutans,  qu'une  longue  pratique  aura  ac- 
coutumés aux  anciens  bassons  ;  mais  un  travail  de  six 
mois  les  familiarisera  avec  les  innovations  de  M.  Almen- 
raeder,  et,  lorsqu'ils  auront  vaincu  les  premières  difficul- 
tés, ils  en  sentiront,  si  bien  les  avantages,  qu'ils  abandon- 
neront leurs  mauvais  instruirons,  pour  adopter  celui  qu'on 
leur  présente. 

H.  Adler,  luthier  très  reçommaudabledeParis,  a  reconnu 
les  avantages  de  celui-ci,  cl  en  a  fabriqué,  d'après  son 
modèle,  qui  ont  été  essayés  par  quelques-uns  de  nos  artistes 
les  plus  habiles ,  et  approuvés  par  eux.  Les  instrumens  de 
M.  Adler  se  distinguent  ordinairement  par  un  fini  précieux 
dans  toutes  leurs  parties.  Le  basson  à  quinze  clefs,  qu'il  a 
mis  à  l'exposition  des  produits  de  l'industrie,  peut  être 
considéré  comme  un  chef-d'œuvre  sous  ce  rapport. 

Si  la  difficulté  de  changer  presque  entièrement  le  doigté 
du  basson  peut  empêcher  les  artistes  qui  ont  une  longue 
pratique  d'adopter  d'abord  celui  de  M.  Adler,  on  doit 
espérer  du  moins  qu'ils  le  mettront  entre  les  mains  de 
leurs  élèves ,  qui  n'ont  pas  à  vaincre  une  habitude  acquise. 
Déjà  M.  Gebauer.  professeur  <k>  basson  à  l'Ecole  royale  de 


musique,  s'est  prononcé  à  cet  egani,  et  a  reconnu  1j  né- 
cessité de  se  servir  du  nouvel  instrument  dan»  «a  classe; 
on  peut  donc  espérer  que,  dans  peud'années,un  instrument 
si  supérieur  à  l'ancien  basson  lui  sera  substitué  dans  les 
orchestres,  et  qu'^n  atteindra  dans  l'exécution  une  justesse 
et  une  égalité  de  sou  désirée  depuis  si  long- temps. 

Les  autre»  instrumens  à  vent  dont  je  n'ai  point  parlé, 
et  qu'on  remarque  à  l'exposition  des  produits  de  l'indus- 
trie ,  m'ont  paru  avoir  reçu  aussi  des  améliorations  et  des 
perfectionnemens. 

Il  y  a  loin  de  la  flûte  à  une  seule  clef,  dont  se  servaient 
Uugot  et  ses  contemporains,  à  ces  belles  flûtes  armées  d'un 
grand  nombre  de  ces  utiles  auxiliaires,  qui  sortent  main- 
tenant des  mains  de  uos  luthiers.  Ce  nombre  fut  d'abord 
porté  à  trois ,  et  l'on  crut  avoir  atteint  la  perfection  ;  mais, 
plus  tard,  M.  Tromlitz,  de  Lcipsick',  enrichit  la  flûte  du 
plusieurs  clefs,  dont  l 'effet  était  de  donner  des  sous  plus 
purs,  et  un  trille  meilleur  sur  plusieurs  notes.  M.  Droucl . 
habile  flûtiste  de  l'école  française,  adopta  en  partie  ces 
clefs,  fit  quelques  changemens  dans  leurs  dispositions ,  et 
en  fit  fabriquer,  d'après  ses  principes,  a  Caris  et  à  Londres. 

L'étendue  ordinaire  de  la'  flûte  a  été  long-temps  renfer- 
mée entre  le  re,  au-dessus  de  la  portée ,  à  la  clef  de  sol , 
jusqu'au  si  \f  sur-aigu.  Insensiblement  ou  a  voulu  àvuir 
des  notes  plus  graves;  il  a  dou^f'alhi  augmenter  la  lon- 
gueur du  tube ,  et  dès  lors  avoir  recours  aux  clefs  pour 
ouvrir  des  trous  auxquels  les  doigts  ne  pouvaient  atteindre. 
En  général,  on  se  borne  en  France  aux  flûtes  qui  descen- 
dent à  ut  ;  mais,  a  Vienne ,  ou  en  a  qui  vont  jusqu'au  la 
grave,  et  M.  Treiler,  luthier  de  cette  capitale,  en  a  même 
l'ait  qui  descendent  au  soi,  et  qui  sont  armées  de  dix-sept 
clefs.  Mais  comme  la  longueur  d'un  pareil  instrument  au- 
rait été  incommode,  il  en  a  recourbé  là  partie  inférieure. 
Il  donne  le  nom  de  panauton  à  cette  espèce  de  flûte. 

Dans  l'usage  ordinaire,  il  me  semble  à  peu  près  inutile 
d'avoir  des  flûtes  qui  descendent  a  dessous  si  graves  ;  mais 
peut-être  qu'eu  cherchant  à  perfectionner  cette  idée,  ou 
parviendrait  à  avoir  un. système  complet  de  ilûles  doul  ou 


pourrait  tirer  des  effets  nouveaux  dans  la  musique.  Alors, 
au  lieu  de  s'arrêter  au  sot,  comme  (tans  le  r.uiauloii,  on 
descendrait  à  X'ut  du  tuyau  do  quatre  pieds,  au  moyen  de 
la  courbure;  on  débarrasserait  cet  instrument  grave  des 
rlefs  qui  n'ont  pour  objet  q  ne  de  faire  iilre  avec  justesse 
et  nettelé  certaines  notes,  et  certains  trilles  dans  la  partie 
aiguë, et  l'on  aurait  un  quatuor  complet  de  flûte,  ou  même 
un  quintetto,  en  y  joignant  le  piccoto  flauto. 

,1e  n'ai  point  remarque  à  l'exposition  qu'aucun  luthier 
eût  adopté  un  perfectionnement  inventé  par  M.  Petersen, 
de  Hanovre,  qui  me  paraît  1res  utile  ;  on  sait  que  l'intona- 
tion de  la  flûte  est  1res  variable  par  les  impressions  de 
l'air  ;  c'est  ce  qui  a  fait  imaginer  (a  pompe  d'allongement 
qui  est  placée  dans  la  partie  supérieure  de  l'instrument. 
Mais  outre  celte  impression  générale,  l'intonation  de  la 
flûte  varie  encore  par  les  effets  du  crescendo  et  du  decres- 
cendo; quelle  que  suit  l'habileté  de  l'exécutant,  il  ne  peut 
empêcher  une  légère  perturbation  dans  la  justesse.  Pour 
obvier  à  cet  inconvénient,  M.  Petersen  a  imaginé  une  es- 
pèce de,  petite  manivelle,  ou  pluté-1  une  mollette,  qui  peut 
i  lie  mise  facilement  en  mouvement  par  le  pouce  de  la 
main  gauche,  et  qui  élève  ou  abaisse  à  volonté  l'intonation 
de  la  note  d'un  huitième  de  ton. 

On  remarque  à  l'exposition  un  instrument  nouveau  de 
ta  famille  du  hautbois,  lequel  a  été  construit  par  les  conseils 
et  sons  la  direction  de  31.  limd,  l'un  de  nus  artistes  les  plus 
distingués.  Cet  instrument  est  le  tenore  du  hautbois.  On 
sait  que  le  cor  anglais  eu  est  l'alto,  puisqu'il  sonne  précisé- 
ment une  quinte  au-dessous  des  notes  de  la  elef  dc.taf  or- 
dinaire. Le  tenore  de  hautbois  complète  le  système,  et  l'on 
pourra  avoir  désormais,  avec  le  basson  et  le  contre- basson, 
des  quiutetlis,  et  même  des  sextuors  de  ces  iiistrumens  du' 
même  genre.  Je  n'ai  point  entendu  le  tenore  de  hautbois  ; 
mais  je  suis  persuadé  qu'il  ne  laisse  rien  à  désirer,  puisque 
M.  lirod  y  a  donné  ses  soins. 

Ce  que  j'ai  dit  clans  celte  Revue  des  divers  perfection- 
nenieus  apportés  dans  le  système  général  des  insl rumens  ù 
vent,  sullit  pour  faire  voir  que  celle  partie  essentielle  de  la 


musique  est  près  d'atteindre  la  perfection,  cl  que  désor- 
mais l'on  n'aura  plus  à  craindre,  dans  les  beaux  effets  qu'on 
peut  tirer  de  ces  instrumens,  les  taches  qui  les  déparaient 
toujours.  Avec  plus  de  facilité  d'exécution,  l'art  de  produire 
ces  effets  étendra  sou  domaine,  et  cette  considération  n'est 
pas  à  dédaigner  dans  un  temps  où  les  idées  simples  et  na- 
turelles sont  si  difficiles  à  produire,  qu'il  ne  reste  guère 
que  la  ressource  des  effets  et  des  arrangemens. 

FETIS. 

■"  GÉNÉRATION  MÉLODIQUE, 

FORMATION  NATURELLE  DE  LA  GAMME  CHROMATIQUE, 


1,'hartuoiiic  du  mode  majeur  trouvée  dans  la  corde  cy- 
lindrique tendue  est  constituée  par  trois  sons,  dont  les 
vibrations  sont ,  en  un  temps  donné  -  dans  les  rapports  l  - 
nombres  i,  S,  5.  Lo  son  1  (ou  à  uoe  vibration  )  ayant  pour 
octave  aiguë  le  son  a,  on  voit  que  [iuur  placer  entre  cps 
deux  sons  les  sons  3  et  5,  il  faut  en  prendre  les  oclaves 
graves  |  et  J ,  en  sorte  que  le  type  du  mode  majeur  devient 
i,  i,  en  répétant  le  son  i  à  l'aigu,  et  en  plaçant  les 
sons  dans  l'ordre  de  leurs  rapports. 

Do  même  l'harmonie  du  mode  mineur,  trouvée  dans 
ic  cylindre  isole,  est  constituée  par  trois  sons  dont  les  vi- 
brations sont,  eu  un  temps  donné,  dans  les  rapports  in- 
verses 1,  3,  et  on  voit  que  pour  placer  les  sons  j  cl  j 
entre  les  deux  octaves  i  et  a  ,  il  faut  en  prendre  les  octaves 
aiguës  §  et     Le  type  du  mode  mineur  devient  donc  alors 

■•*.§.«■- 

(ij  Les  diinomi 


Digitizcd  by  Google 


32  3 

lies  deux  types  réunis  forment  une  première  gamme  i , 
|,  |,  2,  dont  ton»  les  termes  sont  consonnans  rela- 
tivement au  son  fondamental  1. 

Si  l'on  observe  que  les  sons  I,  i,  dtftypc  mnjoitr 
peuvent  être  intervertis  sans  (uni  le  caractère  de  l'har- 
monie soit  changé  ,  on  pourra  les  placer  dans  Tordre  s , 
3, a  et  l,  a,  £, et  on  pourra  supposer  aussi  que  le  son  £  de 
la  première  inversion,  et  celui  4  de  la  deuxième,  devien- 
nent tour  à  tour  le  son  i;  alors.cn  cITet,  en  multipliant 
■chacun  des  lermes  du  second  type  majeur  *  ,  § ,  a  ,  par  la 
fraction  g ,  il  se  change  en  i,  | ,  § ,  et  en  multipliant  les 
termes  f ,  a,  £  ifn  troisième  type  par  f .  il  se  change  en  j, 
*,  :'.  >"ous  aurons  donc  acquis  des  sous  nouveaux ,  savoir  : 
ï  et  2  qui,  intercalés  dans  notre)  première  gamme,  pro- 
duiront au  deuxième  type,  sous  la  forme  1,3,  £,  |,| , 
|',  2 ,  où  tous  les  termes  sont  consonuans  avec  le  son  fon- 
damental 1. 

Nous  n'avons  pas  besoin  de  faire  ta  même  opération  sur 
le.  type  mineur  qui  a  aussi  ses  deux  autres  inversions ,  elle 
nous  donnerait  les  mêmes  résultats  ;  nous  nous  bornerons 
à  f:iire  observer  que  les  sons  5,  ~  ....  i,  5,  ^. , . .  et  leurs 
octaves  sent  des  consonuances  du  premier  ordre  relative- 
ment au  son  fondamental  1;  que  les  sons  5,  |,  5,  *, 
g ....  et  leurs  octaves  sont  des  conson  minces  du  second 
ordre;  et  qu'enfin  les  consonnances  du  troisième  ordre 
sont  celles  que  forment  les  sons  !j,  f. .  ..  et  leurs 
octaves. 

Si  l'on  examine  la  série,  gamme,  où  le  type  i,  S,  jj,  *, 
1,  f , 3,  a,  on  trouvera  que  les  intervalles  |  et  ^ ,  de  même 
que  ceux  f  et  jj,  diffèrent  entre  eux  du  facteur  commun  ^: 
que  les  intervalles  2  et  * ,  de  même  que  cens  ;  et  | ,  dif- 
fèrent aussi  d'un  facteur  commun  ;  que  par  conséquent; 
les  intervalles  de  jj  à  £  et  de  §  à  jj  diffèrent  entre  eux  du 
même  facteur -£=J|  X  ±$;  que  les  intervalles  f  et  |  dif- 

méme  lun  donné.  Il  ciU  élù  a  désirer  que  le»  Italien»,  noi  premiers 
mailles,  leur  cmsonl  donné  des  noms  plus  caractéristiques,  tels  ijiik 
allegro  et  meito,  Allegro  ,  appliqué  au  niouicmeril,  est  une  yiul.liii^iiuu 
iusuflieanlc  tt  inciactc. 

a*  vox.  20 


ligitizGdùy  Google 


21i6 

fèrent du  facteur  §,  plus  grand  quo  du  y^.  On  remar- 
quera enfin  que  les  sons  1  et  |  diffèrent  ainsi  que  ceux  % 
et  a  du  même  facleur  5 ,  qui  est  presque  égal  à  f|  x  -rf 

+  îT  =  î^l^ï7>  car7T  ne  diffère  de  |  que  de 

On  voit,  par  suite  de  ces  observations,  que  le  plus  grand 
facteur  de  chacun  des  ternies  consécutifs  de  la  série  des 
sons  est  ,  et  le  plus  petit  que ,  par  conséquent,  il 
faudra  intercaler  entre  f  et  4  un  sou  moyen  proportionnel 
géométrique  égal  à  -^r ,  un  peu  plus  grand  cependant  que 
■>  x  4|  =  jji  mais  de  très  peu  de  chose  ;  qu'entre  i  et  5 , 
faudra  intercaler  deux  sons,  l'un  S,  qui  est  la  consou- 
nance  du  premier  ordre  |,  de  la  première  eonsonnance  l, 
du  sou  fondamental  1;  et  l'autre  7-5,  qui  est  la  coiisonnance 
du  premier  ordre  |,  de  la  consonuanee  du  deuxième  or- 
dre du  môme  sou  1  ;  que  de  méinc,  enfin,  entre  ^  et  2, 
il  faudra  intercaler  deux  sons,  l'un  X       et  l'autre 

*  ^  =  ;  x  4!  et  par  conséquent  résultant  des  combinaisons 

de  deux  consonnanecs. 

La  gamme  chromatique  se  trouvera  donc  composée  des 
t  reize  sonssuivans,  en  répétant  le  son  fondamental  à  l'aigu 

Savoir  :  1,       |,  5,  £,  f ,        l,  g ,      }£\  V'  a> 
dont  les  intervalles  sont  sensiblement  égaux  entre  eus,  et 
où  les  seuls  termes  jf,  h  "T1'  ~T>  xi  sonl'<ussona!ls  relative- 
ment au  son  fondamental. 

On  sent  que  la  dissonance  la  moins  dure  est  l'inter- 
valle jj-,  ou  son  inverse  parce  qu'il  est  le  produit  de 
deux  coiisonnances  du  premier  ordre,  et  que  la  plus  forte 
est  celle  exprimée  par  le  rapport  incommensurable  -p. 

On  sait  que  l'on  a  donné  des  noms  particuliers  à  plu- 
sieurs des  sous  de  cette  gamme ,  savoir  a  ceux 

1,  s,    ï,  h  3,  |,  Vs  =>• 

ci   ut,  ré,  mi,  fa,  sol,  ia,  si,  ut, 

qui  forment  ce  qu'on  appelle  la  gamme  diatonique  du 
mode  majeur,  malheureusement  les  autres  n'ont  reçu  que 
des  noms  dérivés  des  précédons,  et  qui  sont  alternative- 
ment affectés  d'un  dièse  ou  d'un  bémol ,  suivant  qu'on  les 
a  considérés  comme  immédiatement  pins  aigus  ou  plus 


DigitizGd  t>y  Google 


graves  que  celui  don!  ils  conservent  le  nom .  C'est  donc  ainsi 
qu'on  désigne  les  intervalles. . .    44»     i*     r»    |i  ^> 

par  les  nom»  des  notes  j M(  f  '  ref  >  fa%  Ht  H> 

I  «j,,  nw|*  sol\,,  tafc  si},. 
Il  eût  été  bien  plus  simple  et  préférable  de  désigner  tons 
ces  sons  par  le  rang  qu'ils  occupent  dans  l'ordre  de  numé- 
ration ,  en  donnant  à  la  note  de  départ  ou  fondamentale , 
le  nom  o ,  ou  i  s.  Ainsi  l'on  aurait  écrit  et  dit  pour  chacun 
des  sons  de  la  gamme  : 

ci.  .  .   o,      3,3,4,5,6,  7,8,9,10,-11,  | 

en  substituant  â  volonté  o  à  n,et  isào,  comme  octaves 

l'un  de  l'autre'. 

NOUVELLES  DE  PARIS. 

THÉÂTRE  ROYAL  DE  L'OPÉRA -COMIQUE. 
®ttxà\ttt  rc^mcnfdtion  b'unc  ffîmt  ht  (SitsfitM  £ffris<t, 

OPÉHi- COMIQUE  EN  DEUX  *CTI8, 
PAROLES  DE  M"",  MUSIQUE  DE  M.  G  AS  SE. 

Si  je  ne  me  trompe,  la  France  est  le  seul  pays  où  une 
pièce  de  théâtre  n'est  quelquefois  représentée  que  douze  , 
quinze  ou  vingt  aus  après  qu'elle  a  été  composée  et  reçue. 
Partout  un  iibretto  d'opéra  est  mis  en  musique  dès  qu'il 
est  écrit,  et  joué  aussitôt  que  le  musicien  a  terminé  sou 
travail.  Cette  méthode  est  fort  bonne  ;  car  le  goût  du  pu- 
blic est  variable  ;  c'est  dans  ce  sens  qu'on  peut  dire  que  ce 
qui  est  bon  un  jour  cesse  de  l'être  dix  ans  après. 

(i)  Nous  croyom  deioir  saisir  cette  occasion  de  déclarer  qu'ayant  ci  a- 
miné  avec  soin  les  calcula  de  M.  Blein  sur  let  rêsonnances  graves ,  pro- 
duites par  deux  sons  donné»,  nous  ca  atons  reconnu  l'exactitude,  et  que 
Ions  nos  doutes  ont  etc  dissipes. 

i  Note  do  ridacttur.  ) 


aî8 

En  effet,  que  ferait  un  musicien  de  la  nouvelle  école 
d'un  poème  de  Métastase,  quel  qu'en  soil  le  mériie,  n'y 
trouvant  ni  finali,  ni  morceaux  d'ensemble  ,  ui  Trios ,  ni 
airs  coupés  pour  trois  mouvemens?  que  deviendrait  au- 
jourd'hui  un  de  ces  imbroglio  mis  en  musique  par  Cima- 
rosa,  Pàisiello  ou  Guglielmi?  Assurément  personne  ne 
songerait  en  Italie  â  les  exhumer  pour  les  mettre  à  là 
scène ,  y  en  cùt-il  par  milliers  d'inédite. 

Le  peuple  français,  qu'on  accuse  d'être  le  plus  incon- 
stant de  tous  les  peuples,  est  celui  qui  tient  le  plus  a  ses 
habitudes,  à  ses  goûts,  et  qui  se  monlre  le  moins  avide 
d'innovations.  Son  premier  mouvement  est  de  rejeter  ce 
qu'il  ne  connaît  pas;  mais  enfin,  il  finit  par  suivre  la  roule 
qu'on  lui  a  tracée,  et  par  trouver  beau  ce  qui  lui  déplai- 
sait d'abord;  en  sorte  que  tôt  ou  lard  il  modifie  plus  ou 
moins  ses  opinions,  et  quelquefois  finit  pareil  changer 
complètement. 

Ajoutez  à  cela  que  souvent  un  ouvrage  est  écrit  pour 
telle  ou  telle  circonstance  dont  l'influence  doit  lui  être 
plus  ou  moins  avantageuse.  Si  on  laisse  échapper  le  mo- 
ment favorable,  il  n'y  a  plus  de  chances  de  succès.  Par 
exemple,  l'opéra- comique  qui  a  pour  litre  ;  Vne-  Nuit  dû 
Gustave  JVasa,  et  qui ,  comme  on  l'a  dit  assoit  plaisam- 
ment,  a  passé  une.  mauvaise  nuit  samedi  ag  septembre; 
cet  opéra  ,  dis-je,  fut  écrit  en  i8 1  5  pour  une  des  circon- 
stances de  l'époqtie.  Au  lieu  de  Gustave  Wasa ,  le  héros  de 
la  pièce  était  Henri  IV.  L'enthousiasme  que  les  Français 
montraient  alors  pour  ce  roi  du  peuple  aurait  peul-èlre 
sauvé  la  pièce,  qui  n'est  pas  bonne,  sans  doute,  mais  qui 
aurait  trouvé  son  excuse  dans  son  motif.  Il  n'est  pas  donné 
à  tout  le  monde  de  faire  des  pièces  de  circonstance  telle  que 
Itî  Héritiers  Michaut  (de  M..  Planard],  et  le  public  se 
monlre  d'ordinaire  assez  indulgent  pour  ces  sortes  de 
bludles.  Par  quelque  circonstance,  qu'on  ne  dit  pas,  ta 
Nuit  d'Henri  IV  ne  fut  pas  jouée;  une  foule  d'autres 
pièces  sur  le  même  personnage  se  produisit  sur  la  scène, 
cl  force  fut  de  transformer  le  Béarnais  en  libérateur  de  l;i 
Suède.  Celle  métamorphose  n'a  point  été  heureuse.  Lepu- 


Digitizod  b/ Google 


blic.  qui  n'avait  point  à  l'aire  preuve  do  patriotisme,  a 
nilllé  le  héros  du  Nord  et  ses  acolytes.  Examinons  si  c'est- 
U  tort. 

On  connaît  l'histoire  de  Gustave ,  qui ,  s'echappant  des 
mains  de  Christiern,  qui  le  retenait  dans  les  fers,  se  retira 
dans  la  Dalécarlie,  dont  il  souleva  les  hahilans,  finit  par 
.ilTranchir  son  pays  du  joug  îles  Danois,  et  fut  placé  sur  le. 
trône  parses  compatriotes.  Dans  la  pièce  nouvelle,  Gustave 
est  déjà  roi  de  Suède.  La  scène  se  passe  non  loin  des  camps 
suédois  et  danois,  sur  les  bords  d'une  rivière,'  et  près  de 
l'endroit  où  se  trouve  un  bac,  qui  sert  à  passer  d'une  rive 
à  l'autre.  Au  lever  du  rideau;  des  pécheurs  sont  assis  et  oc- 
cupés à  raccommoder  leurs  filets.  L'approche  d'un  orage 
les  force  à  chercher  un  abri  ;  un  seul  reste,  retenu  par  l'a- 
mour et  le  devoir  :  c'est  Éric,  le  passeur,  amant  de  Marie 
Miller,  dont  il  est  aimé ,  mais  que  la  mère  de  Marie  lui 
refuse,  parce  qu'il  n'a  rien,  et  qu'elle  lui  préfère  le  maître 
d'école  du  village,  M.  Soltmann.  Le  temps  où  Eric  peut 
voireamailresse  est  ordinairement  celui  où  il  lui  fait  passser 
l'eau.  Il  sait  qu'elle  est  allée  au  marché  de  la  ville  voisine, 
vendre  des  Heurs  et  du  lait  ;  il  l'attend ,  et  l'orage  Je  plus 
violent  tic  peut  lui  faire  quitter  sou  posle.  Marie  arrive; 
elle  est  effrayée  de  la  rencontre  qu'elle  a  faite  de  soldats 
danois,  qui  lui  ont  pris  ses  fleurs. et  son  lait.  Elle  veut 
passer  la  rivière,  niais  l'orage  la  force  de  s'arrêter.  Enfin 
lo  calme  reparait,  et  le  bac  transporte  sur  l'autre  rive  Eric 
et  sa  compagne. 

Un  soldat  parait ,  c'est  Gustave,  Il  est  poursuivi  par  les 
Danois  qui  l'ont  reconnu.  11  voudrait  traverser  la  rivière, 
mais  le  batcaù  est  de  l'autre  côté.  Il  sonne  du  cor,  Eric  re- 
vient! Au  moment  où  Gustave  va  monter  sur  le  bateau,  lo 
batelier  lui  demande'  un  scheling  pour  prix  du  passage  ;  lo 
roi  s'aperçoit,  en  voulant  le  payer,  qu'il  a  oublié  sa  bourse 
en  changeant  d'habit  ;  il  propose  au  jeuue  homme  de  lui 
faire  un  billet  payable  au  camp  de  Gustave.  Éric  refuse 
d'abord  et  finit  par  céder  ;  il  reçoit  le  billet  et  son  garçon 
conduit  le  bateau  sur  l'autre  bord.  Éric  voudrait  savoir  ce 
qui  est  écrit  sur  le  billet  du  soldat;  mais  il  ne  sait  pas  lire. 


a3o 

l'ti  officier  et  îles  soldais  danois  se  présentent.  Ils  pour- 
suivent Gustave,  et  interrogent  Éric,  qui  répond  n'avoir 
vu  qu'un  soldat  suédois,  lequel  est  maintenant  sur  l'autre 
rive.  Il  ajoute  que  ce  soldat,  ne  pouvant  le  payer,  lui  a 
donné  un  billet  dont  il  ne  sait  pas  le  contenu.  L'ollîcier 
prend  le  papier,  qui  est  Un  bon  de  cent  rixdales  d'or,  signé 
Gustave.  A  ce  nom,  les  Danois  veulent  passer  à  Tâutre 
bord  ;  mais  Éric,  dévoué  à  ta  cause  des  Suédois  et  de  Gus- 
tave, leur  résiste  et  tâche ,  par  ses  signes,  d'empêcher  son 
compagnon  de  ramener  la  barque.  Les  Danois  le  font  pri- 
sonnier, et  vont  passer  ailleurs  la  rivière. 

Cette  scène,  qui  termine  le  premier  acte,  produit  quel- 
que effet,  mais  ne  porte  pas  moins  à  faux.  Tout  ce  qui 
l'amène  est  déraisonnable.  Comment  supposer  qu'Éric  re- 
fuse le  passage  à  un  soldat,  dont  il  peut  craindre  la  colère; 
que  ce  soldat  veuille  récompenser  sa  cupidité  par  un  don 
magnifique,  et  surtout  que  ce  soldat,  qui  n'est  autre  que 
Gustave,  et  qui  a  tant  d'intérêt  à  cacher  son  nom,  le  révèle 
indiscrètement  au  premier  venu  dans  un  billet,  qui  peut 
tomber  entre  les  mains  de  ses  ennemis.  Tous  ces  ressorts 
sont  bien  forcés.  Il  est  vrai  qu'on  voit  beaucoup  de  choses 
semblables  dans  les  opéras-comiques;  mais  ceux  qui  se 
soutiennent  rachètent  ces  défauts  par  l'amusement  qu'ils 
procurent  au  public  ,  ce  qui  n'a  pas  lieu  dans  uneNuitde 
Gustave  JVasa. 

Le  second  acte  est  plus  faible  que  le  premier.  Use  passe 
au  moulin  de  Miller.  Les  premières  scènes,  qui  ont  lieu  entre 
Marie,  Catherine  sa  mère,  et  Miller  son  frère,  sont  insigni- 
fiantes. Gustave,  toujours  déguisé  en  soldat,  arrive  conduit 
par  Sotmann,  le  maître  d'école.  Il  est  bien  reçu  pat  Mil- 
ler, sa  mère  et  sa  sœur.  Gustave,  qui  se  dit  porteur  d'ordres 
du  roi,  demande  un  guide  ;  Miller  se  dispose  à  aller  chercher 
Éric,  lorsque  celui-ci,  qui  s'est  échappé  des  mains  des  Da- 
nois, arrive,  reconnaît  Gustave  et  le  presse  de  partir.  Il  n'est 
plus  temps;  les  Danois  arrivent;  le  roi  n'a  que  le  temps  de 
se  cacher  dans  une  chambre  voisine,  et  Éric  saute  par  une 
fenêtre  pour  aller  chercher  les  Suédois,  qu'il  a  rencontré 
près  du  village.  L'officier  danois  demande  à  souper,  et  dé- 


Di-gitizod  by  Google 


*3l 

signe  pour  su  chambre  celle  où  Gustave  est  enfermé.  Miller 
cherché  à  gagner  du  temps;  mais  Solmann,  dont  la  maison 

-vient  d'être  envahie  par  les  Danois,  vient  (on  rt Osait  pour- 
quoi) demander  où  est  le  soldat  qui  l'a  amené;  Miller  lui 
fait  des  signes  qu'il  ne  comprend  pus  ;  l'ollitier  veut  sa- 
voir de  quoi  il  est  question,  et  ce  qu'il  y  a  dans  la  chambre 
voisine  ;  .11  i  lier  prend  s  un  mousquet  pour  en  défendre  l'en- 
trée ;  Gustave  vient  se  ranger  près  de  lui.  l'épée  à  la  main, 
prêta  vendre  chèrement  sa  vie;  mais  Éric  survient  accom- 
pagné des  soldats  suédois.  Les  Danois  sont  faits  prison- 
niers, et  le  roi  uni!  Éric  et  Marie. 

Celle  lin  n'est  pas  ce  qu'il  y  a  de  plus  mauvais  dans  la 
pièce:  niais  le  publie  s'y  est  veillé  de  l'ennui  qu'il  avait 
éprouvé  en  écoutant  la  pièce  jusqu'au  boni,  et  le  rideau 
s'est  baissé  au  bruit  discordant  de  nombreux  sifflets.  Les 

À  l'exception  d'un  pelit  nombre  île  situations,  cette 
pièce  n'est  point  favorable  à  la  musique.  Nicolo  Isouard, 
qui  eu  avait  élé  chargé  primitivement,  avait  jeté  sur  le 
papier  quelques  idées,  cl  avait  écrit  tout  le  ebecur  de  la 
fin  du  premier  aclc.  Ce  chœur  est  bien,  quoique  un  peu 
trop  bruyant.  Le  reste  de  la  musique  a  été  composé  par 
M.  Casse.  Plusieurs  morceaux  se  ressentent  de  la  fafblesso 
du  poème.  Cependant  on  trouve  au  premier  aclc  un  duo 
entre  Eric  et  Marie  qui  a  de  la  grâce,  et  surtout  nu  quhi- 
tÊtle,  au  second  acte,  qui  est  le  meilleur  morceau  de  la 
pièce.  Lu  rûle  de  .Miller  avait  élé  écrit  pour  un  bariton,  et 
Tïlly  s'en  était  chargé  ;  mais  cet  acteur  étant  tombé  ma- 
lade. Féréol  a  en  la  complaisance  de  le  remplacer.  Sa  voix 
étant  un  ténore,  il  n'a  pu  chanter  un  air  qui  avait  été  écrit 
pour  Tilljr,  et  il  a  fallu  remplacer  cet  air  par  dcs'conplets. 
Cela  est  fâcheux,  car  on  assure  que  l'air  supprimé  était 
fort  bien. 

En  résumé,  cet  ouvrage  ne  peut  aller  loin;  mais  comme 

stances  qu'aux  auteurs.  Ceux-ci  n'ont  eu  d'autre  tort  que 
île  vouloir  faire  un  ouvrage  de  répertoire  de  ce  qui  ne 
devait  être  considéré  que  comme  une  bluette  du  moment. 


Digitizcd  by  Google 


La-  première  représentation  d'Une  Nuit  de  Gustave- 
Waaa  a  élë  précédée  de  VOpèra  ctrmiq-ue,  petit  ouvrage 
dont  lit  musique  est  assez  faible  et  inférieure  à  celle  du 
Vrisonnier,  opéra  du  même  auteur1.  Mais  que  ne  peut hs 
talent  de  chanteurs  tels  que  Po  richard  et  51"  Rigaut  !  Les 
chansons,  les  romances,  les  petits  riens  de  cet  opèra-vau- 
devitle  ont  été  exécutés  avec  tant  de  perfection  par  ces 
deux  artistes  distingués,  qu'ils  ont  fait  quelque  chose  de 
1res  agréable  de  ce  qui  n'est  rien  en  lui-même,  et  qu'ils, 
«lit  arraché  des  applaudissement  réitérés  à  des  spectateurs 
impatiens  d'entendre  lu  nouveauté  qui  les  avaient  attirés. 
On  a  beau  dire,  ce  siècle  est  celui  de  la  musique,  même 
au  théâtre  Feydeau.  Du  chant  avant  tout. 

......  FÉTIS. 

—  On  parle  d'un  projet  de  réunion  entre  le  Théâtre- 
Italien  et  le  Théâtre-Anglais,  sous  la  direction  de  M.  Lau- 
rent. Ce  projet  parait  être  la  suite  de  la  conviction  que 
l'autorité  supérieure  a  acquise  de  l'impossibilité  de  sou- 
tenir seul  ce  théâtre  italien ,  qui  naguère  était  si  florissant. 
Et  qu'on  ne  croie  pas  que  l'administration  suit  coupable 
de  l'état  de  langueur  où  se  trouve  maintenant  le  spectacle 
qui  éNjit  jadis  l'objet  des  prédilections  delà  bonne  société  : 
la  force  des  choses  a  amené  cette  langueur.  Le  génie  de 
Rossini  pouvait  seul  le  soutenir;  m:iîs  il  se  repose,  ou  se 
consacre  à  une  autre  scène.  Ce  qui  a  fait  sa  gloire  et  sa 
rénommée  européenne  semble  lui  être  devenu  indifférent, 
et  le  dolec  far  niente  est  maintenant  sa  passion  domi- 
nante. Quant  aux  compositeurs  qui  fournissent  aujoui- 
d'hut  les  théâtres  de  l'Italie,  ce  sont  eu  général  des  hommes 
si  médiocres  qu'on  ne  peut  rien  espérer  d'eux  pour  le 
Théâtre-Italien  de  Pavis,  car  nous  sommes  plus  difficiles 
en  fait  de  plaisir  que  les  hahitans  des  principales  villes 
d'Italie.  Ils  sunt  contraints  de  se  contenter  de  ce  qu'ils  ont; 
mais  noiis  avons  le  choix,  et  nous  prenons  ce  qui  nous- 
amuse.  Nous  l'avons  répété  plusieurs  fois,  et  cette  vérité 
parait  étrj  sentie ,  c'en  est  fait  du  répertuire  italien ,  jus- 


L'  :  J  I  :l'"J  111: 


qii'à  ce  qu'un  homme  de  génie,  encore  inconnu,  vienne 
lui  rendre  sou  lustre. 

Renie  le  personnel  ;  mais  pour  le  renouveler,  il  faudrait 
•urifior  des  sommes  énormes,  dont  la  rentrée  serait  forl 
incertaine;  et  même  quelque  effort  qu'on  voulût  faire,  il 
n'est  pas  bien  certain  qu'on  pût  obtenir  du  grand  entre- 
preneur Barùaja  la  facilité  de  présenter  successivement 
quelques-uns  des  sujets  qu'il  tient  à  ses  gages.  David ,  La- 
biache,  Tambiirini,  Rubini;  M""  Méric-Lalande ,  Bram- 
billa  el  quelques  aulres  pourraient  exciter  la  curiosité  ,  un 
moins  pendant  quelque  temps  ;  mais  comment  les  avoir  ? 
Barbaja,  qui  exploite  l'entreprise  de  plusieurs  théâtres 
d'Italie  et  d'Allemagne,  a  besoin  de  ses  acteurs,  et  ne  lés 
aurait  probablement  cédés  pour  des  termes  fort  courts  , 
qu'à  des  conditions  fort  onéreuses.  Par  ces  motifs,  nous 
avions  pensé  que  c'était  avec  cet  entrepreneur  qu'il  serait 

veuliou  :  L'autorité  supérieure  n'a  pas  cru  devoir  Le  faire, 
l'eut  élrc  a-t-elle  pensé  qu'il  serait  dangereux  pour  les 
théâtres  français  d'accorder  à.  un  entrepreneur  étranger 
des  avantages  qui  lut  auraient  donné  les  moyens  de  faire 
pencher  la  balance  en  sa  faveur  pendant  deux  ou  trois  ans. 

Le  directeur  actuel  de  l'Opéra,  M.  Lubbcrl,  régit  en 
mcnric  temps  le  Théâtre-Italien.  Il  sent  tous  les  désavan- 
tages de  celui-ci  ;  et,  à  cause  de  cela,  il  veut  en  débarras- 

bcaux-arts;  mais,  avant  tout,  il  veut  la  prospérité  de  l'Opéra 
français,  cl  s'opposera  toujours  à  ce  que  sou  rival  prenne 
trop  d'extension.  Par  une  singularité  remarquable,  on  as- 
sure qu'il  est  secondé  dans  ses  vues  par  M.  Rossini  lui- 
même.  Transfuge  redoutable,  Rossini  ne  se  contente  point 
de  cesser  de  combattre  eu  faveur  de  ses  anciens  alliés,  il 
passe  dans  le  camp  ennemi,  et  leur  porte  au  grand  jour  et 
dans  l'ombre  des  coups  sous  lesquels  ils  doivent  suc- 
comber. 

L'appui  du  Théâtre- Anglais  scra-t-il  suffisant  pour  main- 
tenir les  chanteurs  ultra  m  on  tains  dans  une  position  ho- 
norable? On  peut  eu  douter.  De  deux  choses  l'Une  :  ou  les 


Digitizcd  by  Google 


a34 

deux  troupes  se  réuniront  pour  ne  donner  que  trois  repré- 
sentations par  semaine,  composées  d'une  tragédie  oh  d'une 
comédie  anglaise,  suivie  d'un  opéra  italien  ;  ou  elles  joue- 
ront alternativement,  en  donnant  une  représentation  cha- 
que jour.  Dans  le  premier  cas,  le  spectacle  sera  trop  long,  et 
les  dépenses  seront  trop  considérables  pour  être  couvertes 
par  la  recette  et  la  subvention;  dans  le  second,  si  les  acteurs 
anglais  ont  la  vogue,  ils  nuiront  aux  italiens,  qui,  loin  de 
leur  porter  secours,  leur  seront  à  charge.  Les  événement 
feront  voir  si  nous  nous  sommes  trompés. 

On  ne  dit  point  encore  si  le  nouvel  arrangement  dont 
nous  venons  de  parler  est  signé  ;  mais  on  assure  qu'il  est 
irrévocablement  arrêté.  M.  Laurent  s'est  charge  d'une  en- 
treprise bien  difficile  à  gérer;  mais  un  habile  homme  tire 
parti  de  tout.  Nous  verrons  s'il  mérite  ce  titre. 

NOUVELLES  ÉTRANGÈRES. 
OBSERVATIONS  FUGITIVES 

D'UN  VOYAGEUR  ALLEMAND, 

siih  l'état  de  tk  musique  *  dbesde  pendant  l'été  de  1837 

Dresde  jouit  depuis  long-temps  de  la  réputation  de  faire 
beaucoup  pour  la  musique  d'église.  La  protection  que  les 
souverains  du  beau  pays  de  Saxe ,  et  principalement  le  roi 
Frédéric-Auguste,  mort  cette  année,  accordaient  anr 
beaux-arts,  avait  enchaîné  à  cette  cour  des  hommes  tels 
que  Hasse  et  Naumann,  et  donné  un  grand  éclat  aux 
pompes  religieuses,  ainsi  qu'à  l'opéra  italien.  Cependant, 
depuis  la  mort  de  ces  maîtres ,  le  véritable  genre  de  la  mu- 
sique d'église  paraît  s'être  perdu  peu  à  peu,  et  il  ne  reste 
plus  à  louer  que  l'exécution  si  distinguée  de  la  Chapelle 
royale,  et  la  sonorité  de  l'église  catholique  de  la  cour.  Les 
cloches  argentines  appellent  encore,  les  dimanches  et 
jours  de  Tètes,  aux  vêpres  et  à  la  messe  en  musique;  mais 
ou  y  trouve  rarement  un  bon  choix  de  compositions  clas- 

[1)  Exlrail  du  n*  3j  de  la  Ca:cltc  muiieak  de  Berlin. 


a35 

niques,  et  l'on  n'y  entend  le  plus  souvent  que  des  messes 
surannées  ou  triviales,  à  inouvemens  vifs  et  pressés,  de 
telle  sorte  qu'on  croirait  qu'il  s'agit  d'avoir  terminé  le  plus 
promptement  possible.  J'y  ai  entendu  celle  année,  à  son 
retour  des  eaux  deTœplilz,  Sassaroli,  qui  est  maladif  cet 
été.  Sa  voix  m'a  paru  affaiblie.  Un  enfant  de  chœur  avec 
une  voix  pure,  mais  faible,  chantait  les  parties  de  soprano 
pendant  son  absence.  Le  contrallo  beaucoup  trop  pro- 
noncé d'un  mvsico  (  Muschictti  )  couvrait  souvent  le 
soprano.  Le  ténor  est  trop  faible;  mais  l'effet  produit  par 
la  basse  de  Zezi  est  proportionnellement  Irès  fort.  Le  chœur 
est  faible,  et  les  répons  desenfans  delà  chapelle  manquent 
souvent  de  celle  pureté  d'intonation  pour  laquelle  les 
élèves  de  Rreutz  étaient  si  renommés.  J'entendis  Irès  bien 
exécuter  deux  messes  solennelles  de  Naumann  (en  ut  et  en 
ia  jj  majeur  ) ,  el  le  bel  orgue  de  Silbermann ,  dont  tout.es 
les  ressources  étaient  mises  à  profit  par  l'excellent  orga- 
niste Klengel,  me  fit  un  grand  plaisir.  J'ai  regretté  que. 
la  disposition  ne  permît  pas  que  l'orgue  accompagnât  la 
musse  d'un  bout  à  l'autre.  Le  placage  de  l'accord  final  qui 
fait  explosion  à  la  fin  de  chaque  morceau  produit  un  effet 
peu  agréable. 

Dresde  possède,  dans  la  personne  de  Jean  Schneider, 
frère  du  compositeur  Frédéric  Schneider,  et  organiste  de  la 
cour  à  l'église  protestante,  le  premier  des  organistes  vi- 
vans.  Je  n'ai  jamais  entendu  depuis  Vogler,  un  maniement 
plus  parfait  de  ce  plus  puissant  des  i  mit  rumens,  réunis  à  la 
connaissance  la  plus  profonde  de  la  modulation  et  du  con- 
trepoint double,  à  la  richesse  des  idées  et  au  goût  le  plus 
exquis.  M.  Schneider  utilise  le  bel  orgue  de  Silbermann, 
tant  sous  le  rapport  du  choix  et  de  la  liaison  des  registres, 
que  pour  la  manière  d'entier  les  sous  depuis  le  soufflele  plus 
faible  jusqu'à  fortissimo  qui  ébranle  tout  le  temple  avec 
l'art  le  plus  rare,  cl  un  grand  talent  d'exécution,  particuliè- 
rement dans  la  main  gauche  et  dans  les  pédales.  Cet  artiste, 
aussi  complaisant  et  aussi  modeste  qu'habile,  épuisa  dans 
un  prélude  et  la  fugue  qui  suivait, .toutes  les  nuances  du 
slyle  sévère  dans  l'improvisation  d'une  composition  de  la 


DigitizGd  t>y  Google 


plus  grande  richesse.  L'orgue  tout  entier  fut  employé  de 
la  manière  Ja  plus  imposante.  A  la  fin  de  celle  séance,  qui 
data  plus  de  deux  heures,  et  qu'il  avait  consacrée»  par 
une  rare  complaisance,  à  un  petit  nombre  d'auditeurs, 
M.  Schneider  nousfitentendre,  demain  de  maître,  lafugue 
ùe  Sébastien  Bach  en  ta  mineur  avec  le  prélude,  et  dans 
le  feit,  ce  véritable  artiste  ne  pouvait  choisir  rien  de  plus 
élevé ,  pour  compléter  l'impression  que  sou  jeu  avait  pro- 
duits sur  moi. 

Je  ne  sais  si  les  oratorios  d'usage  sont  encore  exécutés 
dans  la  Semaine-Sain  le.  Pendant  la  durée  du  deuil,  la 
cour  ne  se  rendait  point  à  l'église  publique. 

L'opéra  italien  jouit  depuis  long-temps  de  la  protection 
particulière  de  la  cour  et  de  la  faveur  du  public.  Les  eban- 
leurs  de  cet  établissement  sont  encore  des  plus  distingués, 
quoiqu'ils  ne  lesoient  plus  au  métne  degré  qa'aulrefois.  La 
siguora  Pallazzesi  possède  une  vois  de  soprano  agréable, 
<font  lamezza  voce  fait  particulièrement  de  l'effet.  Cette  vois 
fraîche  et  délicate  semble  ne  pouvoir  supporter  de  longs 

roulades  ne  sont  pas  très  nettement  exécutées.  En  revan- 
che, la  légèreté  de  son  chant  plaît  beaucoup,  ainsi  que  son 
jeu  qui  est  fort  naturel.  M"  Schiassetli,  arrivée  de  Paris 
depuis  im  an,  convient  par  son  bel  organe  de  mezzo-con- 
tralto  aux  rôles  de  primo  uomo;  sa  manière  est  noble  et 
île  bonne  école,  mais  sa  voix  a  peu  de  séduction,  et  le  chant 
orné  loi  est  encore  moins  favorable  qu'à  la  siguora  Pallaz- 
zesi. Ces  deux  chanteuses  brillent  clas  la  Donna  det  Logo 
dcRbssini.  La  lièvrcrossiuienne  s'est  acclimatée  ici  comme 
à  Paris  et  à  Vienne,  et  à  l'exception  du  Crociato  de  Meycr- 
becr,  ou  n*a  vu  réussir  ici  que  des  opéras  de  Itossini.  On 
doit  à  ta  vérité  donner  Don  Juan  et  {es  Noces  de  Figaro, 
en  italien  ;  mais  de  tels  ouvrages  disparaîtront  bientôt  du 
répertoire,  parce  que  les  chanteurs  n'y  trouvent  pas  l'oc- 
casion de  prodiguer  les  cadences  cl  les  fîorituri.  Les  ténors 
Ittihini,  Pcsadori  cl  Bonliglisontd'hahileschanteurs;  mais 
leurs  voix  sont  faibles.  Pcsadori,  dont  le  ténorest  trèsagréa- 
blc,  laisse  à  désirer  sous  ce  rapport  delà  force.  Je  cousidèro 


Digitizod  by  Google 


a3j 

îlnbin  i  comme  un  des  premiers  chanteurs  ;  mats  son  exécu- 
tion est  un  peu  affectée  et  doucereuse.  Bcnincaga  est  connu 
comme  un  excellent  bouffe.  Sa  netteté  d'articulation,  sa 

voix  de  basse  sonore,  et  son  jeu  Vtf  et  aisé  lui  ont  assuré 
depuis  longtemps  une  honorable  réputation,  Z,ezi,  comme 
imtSQ  canlanle,  est  dislingué  sous  le  double  rapport  de  la 
vois  et  de  l'exécution  ;  son  extérieur  imposant  le  reud 
propre  aux  rùles  noWes.  [.-■-'■.     1    !  1 

J^xéctilion,  l'ennuyeuse  et  monotone  Pastorctlii  Fcuda- 
taria  de  Vacoai,  l'un  des  imitateurs  sans  génie  de  Kossini. 
Le  Crociato  de  Meyerbccr  est  exécuté,  par  les  mûmes 
chanteurs  italiens,  avec  un  grand  ensemble.  Quuicjiic  cet 
ouvrage  ail  été  donné  sauvant  depuis  un  an,  la  salle  était 
encore  entièrement  pleine  aux  jours  les  plus  chauds  de  cet 
été.  ill"'  Scbiasselti  cl  l'allazzesi  y  recueillent  de  grands 
apphiudiiisunieiis.  L'i  nslruinentalion  de  cet  opéra  est  très 

à  la  Bosstni,  ne  peut  être  bien  exécuté  que  par  des  chan- 
teurs italiens  aussi  l'ouvrage  est-il  accueilli  partout  où  il 
y  a  opéra  italien. 

Le  chœur  eut  assez  faible;  mais  l'orchestre,  composé  des 
premiers  virtuoses  (principalement  à  l'égard  des  insti'ii- 
mens  à  veut  )  est  Tort  dislingué.  En  l'absence  du  maître  de 
chapelle  Uorlacchi,  le  directeur  de  mnsiepte  Ileissiger  di- 
rige l'opéra  italien  et  allemand  avec  beaucoup  de  talent. 
On  pourrait  peut-être  désirer  quelquefois  un  peu  plus  de 
chaleur;  mais  le  nouveau  directeur  craint  probablement 
de  se  mettre  niai  avec  les  chanteur»,  et  se  voit  obligé  dj 
leur  céder. 

L'opéra  allemand,  qui  commençait  à  peine  à  fleurir.  .1 
éprouvé  une  perte  irréparable  par  la  mort  prématurée  de 
Ch.  M.  de  'VYebcr.  Cette  blessure  est  incurable,  et. ce- 
pendant la  mémoire  de  ce  grand  génie  est  déjà  presque 
oubliée  ici.  Son  Obcron  doit  cependant,  par  ordre  du  mi, 
Cire  donné  avec  beaucoup  Je  ma^nilicencc  au  commence- 
ment d'octobre;  malheureusement  le  local  est  trop  petit, 
cl  indigne  d'une  résidence  telle  que  Dresde.  Il  manque 
aussi  de  sonorité.  A  l'ouverture  de  l'opéra  allemand,  qui 


avait  été  fermé  depuis  le  1"  mai,  j'y  ai  entendu  la  Dame 
Manche  de  Boicldieu,  qu'on  exécutait  pour  la  première 
fois  à  Dresde.  M"  Devrient,  qui  remplissait  le  roIed'Anna, 
nous  a  rappelé  M1"  Sontag,  quoiqu'elle  lui  soit  inférieure 
sous  le  rapport  du  chant.  Tous  les  chanteurs  se  montrèrent 
d'une  manière  très  satisfaisante;  mais  on  distingua  surtout 
M™  Sandrini  qui  a  fort  bien  fait  ressortir  le  petit  rôle  de 
Marguerite- Jcn'ai  jamais  entendu  chanter  la  romance  du 
deuxième  acte  avec  autant  d'expression.  L'ensemble  de 
l'opéra,  qui  avait  été  bieu  étudié  par  les  soins  du  directey 
Reissiger,  était  tout-à- fait  satisfaisant,  ainsi  que  la  mise  en 
scène.  L'orchestre,  qui  aurait  besoin  d'être  renforcé  de 
quelques  basses,  est  très  remarquable  sous  le  rapport  des 
instrument  à  vent  et  de  l'égalité  des  violons.  On  aurait  pu 
désirer  un  peu  plus  de  vivacité  dans  la  manière  dont  on  a 
pris  quelques  mou vemens  de  cet  ouvrage,  qui  ne  trouve 
ici  que  des  applaudissemens.  -■; 

On  attendait  des  eaux  de  Tceplitz ,  Waechler,  qui  devait 
débuter  dans  le  Figaro  du  Barbier  de  Sévitte  de  Rossini, 
traduit  en  allemand.  On  a  engagé  pour  le  inémsaopéra  le 
ténor  Babnig,  qui  doit  venir  de  Peslh ,  et  dont  la  belle 
voix  et  la  méthode  sont  très  réputées. 

Je  ne  dois  point  passer  sous  silence  les  concerts  d'été 
qui  ont  été  chaque  soir  alternativement  donnés  au  Lin- 
kïsch-Bad,  dans  le  grand  jardin  et  sur  la  terrasse  de  Brûhl. 
Les  musiciens  de  la  ville  ont  exécuté  des  symphonies  et 
ouvertures  de  Mozart,  Haydn  et  Beethoven ,  étudiées  avec 
soin ,  ainsi  que  des  opéras  ou  parties  d'opéras  arrangés  en 
symphonie,  tels  que  le  final  de  Don  Juan,  la  Daine  du 
Lac,  etc.  Quoiqu'on  puisse  leur  reprocher  un  peu  de  len- 
teur et  quelques  autres  défauts  d'exécution,  on  leur  doit 
toujours  d'entendre  de  bonne  musique,  et  de  n'être  pas 
continuellement  assourdi  par  la  grosse  caisse. 

—  L'Oberon  de  Weber  a  été  donné ,  pour  la  première 
fois,  à  Francfort-sur-le-lttein .  le  16  septembre.  Cet  opéra 
n';t  pas  réussi.  On  y  a  trouvé  un  travail  pénible  et  pou  de 
mélodie  :  il  est  vrai  que  l'exécution  et  la  mise  en  scène 
étaient  également  mauvaises. 

Milan.  Le  second  acte  de  l'opéra  de  l'acini,  l'Uttimo 


25g 

Giorno  di  Poinpei,  attire  la  foule  au  théâtre  de  ta  Scafa 
depuis  près  île  dent  mois.  L'air  de  Itubini,  le  duo  chante 
par  Tamburini  et  M™"  Mérlc-Lalande ,  la  grande  scène  de 
celle  dernière,  cl  l'explosion  du  Vésuve,  merveilleux  effet 
dont  on  n'avait  pas  d'idée  auparavant,  satisfont  à  la  fois 
l'oreille,  le  cœur  et  les  yeux.  On  assure  que,  dans  le  duo 
qui  vient  d'être  cilé,  la  cantatrice  arrive  au  plus  haut 
ile^ié  d'expression  à  ces  paroles  :  Vivi  di  me  sicuro.  — 
Sono  innocent?,  il  giuro.  —  Ai  Numi,  ai  jîglio,  a  te. 
Après  la  chuta  du  rideau,  Rubini,  Tamburiuï  et  M^Méric- 

.Sainpiirico  iï!  tm  eiiei-d'œuvreï  une  véritable  création, 
où  l'illusion  est  portée  aussi  loin  que  possible. 

Le  Mosô  in  Ëgitto  do  Rossinî  est  joué  concurremment 
avec  l'opéra  de  l'acini,  et  obtient  aussi  un  grand  succès, 
dont  le  compositeur  et  les  chanteurs  peuvent  réclamer 
chacun  une  pari. 

CLASSE  DE  CHANT  ET  DE  VOCALISATION, 

SOLFÈGE,  ET  ACCOMPAGNEMENT  DE  LA  PARTITION, 
moussa  un  «  d'écoh  hoïalb  db  mlbkjui. 

La  classe  de  chant  et  de  vocalisation  du  matin  ,  pour 
les  dames,  aura  lieu  les  lundi  et  jeudi ,  de  9  à  11  heures. 

La  classe  de  chant  et  de  vocalisation  du  soir,  pour  les 
dames,  aura  lieu  les  mardi  et  vendredi ,  de  7  à  y  heures. 

La  classe  de  solfège  pour  les  dames,  aura  lieu  les  mer- 
credi et  samedi,  de  9  a  11  heures  du  malin.  Il  ne  sera  ad- 
mis que  six  personnes  \  cette  classe. 

La  classe  de  chant  et  de  vocalisation  du  matin,  pour 
les  hommes,  aura  lieu  lus  mardi  et  vendredi,  de  9  à 
1 1  heures. 

La  classe  de  chant  et  de  vocalisaHon  du  soir;  pour  les 
hommes,  aura  lieu  les  lundi  et  jeudi,  de  7  à  9  heures. 

La  classe  d'ensemble,  pour  les  dames  et  les  hommes, 
aura  lieu  les  mercredi  el  samedi ,  à  -  heures  du  soir  on 


n'y  chantera  que  des  duos ,  trios ,  morceaux  d'ensemble  el 
chœurs.  Il  n'y  sera  admis  que  six  personne». 

La  classe  d'accompagnement  de  ta  partition,  pour  les 
dames,  aura  lieu  les  lundi  et  jeudi  matin  ,  de  11  heures  et 
demie  à  1  heure  et  demie,  ' 

La  durée  de  chaque  classe  de  chant  et  de  vocalisation 
sera  de  deux  heures. 

Ces  classes  auront  lieu  deux  fois  par  semaine.  Il  n'y 
sera  admis  que  quatre  élèves. 

Les  classes  ouvriront  le jeudi  i"  novembre,  jour  de  la 
Toussaint. 

S'adresser,  pour  se  faire  inscrire,  chei  H.  Vanseron, 
houlevard  des  Italiens,  n'n,  tons  les  matins  avant  midi. 

Au  moment  où  la  bonne  société  va  quitter  les  plaisirs 
de  la  campagne  pour  retrouver  ceux  de  la  ville,  et  pour 
reprendre  les  travaux  de  l'Iiiver,  nous  croyons  qu'on  ne 
verra  pas  sans  intérêt  l'annonce  de  ces  cours.  Al.  Panseron, 
qui  est  classé  depuis  long-temps  parmi  nos  plus  habiles 
professeurs,  a  fait ,  sur  le  mécanisme  du  chant ,  des  études 
approfondies  qui  datent  de  son  séjour  en  Italie,  comme 
pensionnaire  du  gouvernement ,  et  qui  sont  un  garant  de» 
progrès  rapides  qu'il  doit  faire  faire  à  ses  élevés. 

Parmi  les  avantages  que  nous  remarquons  dans  l'an- 
nonce île  ces  cours ,  ceux  des  classes  d'ensemble  nous  pa- 
raissent mériter  l'attention  des  amateurs.  Combien  il  en 
est  parmi  eux  qui,  doués  d'une  voix  agréable  et  de  quelque 
facilité  pour  la  vocalisation  ,  manquent  cependant  d'habi- 
tude dans  l'exécution,  et  ne  peuvent  faire  valoir  leurs 
avantages  naturels,  faute  d'avoir  appris  à  les  régler. 
Écoutez  un  duo,  un  trio,  chanté  par  des  amateurs,  cha- 
cun s'occupe  de  sa  partie  sans  s'inquiéter  de  l'effet  gé- 
néral du  morceau,  effet  qui  est  presque  toujours  manqué, 
parce  qu'il  n'a  point  été  réglé  d'avance.  Il  est  vrai  que  les 
occasions  manquent  pour  faire  des  études  semblables; 
c'est  ce  qui  ajoute  encore  à  l'intérêt  des  cours  de  M.  Pan- 
seron. A  l'avantage  d'y  trouver  à  coup  sûr  des  chanteurs 
avec  lesquels  on  puisse  s'exercer,  se  joindra  celui  d'être 
dirigé  par  un  bon  professeur,  qui  donnera  à  la  fois  le  pré- 
cepte et  l'exemple. 


Digitizod  by  Google 


DISCORSO 

SCLU  OBICIKE,  PBOCÏESS1  E  STATO  iTrUllB 

DI  ANDREA  MAJER,  VENEZ IANO. 
(  Discours  snr  l'origine ,  Ie«  progrès  cl  l'état  actuel  de  l*  mmiqiis 
italienne,  par  Andrù  Majcr,  Vénitien 

La  lî  Itéra  turc  musicale  étrangerccst  si  peu  connue  par- 
mi noua  ,  que  l'on  y  sait  à  peine  les  noms  tien  uiivrages  les 
plus  recommandables.  Ce  n'est  que  par  hasard,  et  long- 
temps après  que  ces  ouvrages  ont  été  publiés,  qu'ils  par- 
viennent en  France,  où  ils  ne  sont  lus  que  d'un  putit  nom- 
bre d'érudits.  L'indifférence  des  musiciens  à  cet  égard  est 
complète.  L'Italie,  l'Allemagne,  l'Angleterre  même,  voient 
éclorc  chaque  année  des  livres  intérêt  sa  11  S  sur  quelque 
partie  de  la  musique,  dont  les  auteurs  ou  les  éditeurs  trou- 
vent sans  doutelc  débit,  puisque  le  nombre  s'en  augmente 
tons  les  jours.  Chez  nous  ,  le  défaut  de  lecteurs  rendrait 
de  pareilles  publications  ruineuses.  Toutefois,  je  crois 
qu'en  attaquant  sans  relâche  notre  paresse  sur  ce  poiut, 
je  parviendrai  à  la  vaincre;  c'est  ce  qui  me  détermine  * 
donner  une  analyse  des  meilleurs  livres  qui  traitent  de  cet 
Qf{  :  si  je  ne  parviens  pas  an  but  que  je  me  suis  proposé, 
j'aurai  fait  du  moins  ce  qui  était  en  mon  pouvoir. 

Quoique  peu  volumineux,  celui  dont  il  s'agit  ici  mérita 
l'ai  lenthm  de  tonsles  hommes  de  goût  par  les  choses  neuves 
et  excellentes  qu'il  renferme.  L'auteur  en  jeta  les  pre- 
mières idées  dans  une  brochure  qu'il  publia  à  Rome,  en 
iRiç),  sous  le  litre  de  Discorso  înlorno  aile,  vicende  dhlUt 
tnution  italiana*.  Les  faits  intéressai»  qu'il  a  recueillis 
depuis  lors,  l'ont  conduit  à  dévcloppcrson  plan,  et  à  lui  don- 
ner sa  forme;  ce  plan  très  simple,  contient  les  quatre  divi- 

(i)  Pailoue,  dclla  ttpograjihia  e  fondetia  délia  Mincrrï ,  iSai,  in  S* 
tin  ij3  pages. 

())  Rome,  Cido  Mordacbiiii. 

a'  vot.  a  i 


i4a 

sions  suivantes  :  i*  Considération!)  sur  la  musique  des  an- 
ciens; a"  Naissante  et  enfance  de  la  musique  italienne', 
5"  Adolescence  et  maturité  de  la  musique  italienne;  If  Étal 
présent  de  la  musique  italienne. 

Parmi  les  recherches  pleines  d'érudition  de  l'auteur  sur 
le  premier  point,  celles  qui  ont  rapport  à  la  connaissance 
quo  les  anciens  ont  eue  de  la  composition  à  plusieurs  par- 
ties l'ont  conduit  à  croire  qu'ils  ont  usé  de  ce  genre  de  mu- 
sique. M.  Majer  a  remanié  cette  question  dans  un  petit 
écrit  quia  pour  titre  :  Sutta  conoscenza  che  aveano  gti 
antichï  del  contrapunto,  iettera  di  Andréa  Majer,  Ve- 
neziano1,  et  qui  est  un  commentaire  excellent  sur  un  pas- 
sage de  Cicéron,  dans  le  Songe  de  Scipion. 

Rien  de  plus  instructif,  Je  mieux  élaboré,  que  la  seconde 
partie,  qui  a  pour  objet  la  naissance  et  l'enfance  de  la  mu- 
sique en  Italie.  Apres  avoir  examiné  avec  soin  les  diverses 
transformations  du  chant  ecclésiastique,  delà  notation, 
des  chansons  vulgaires ,  les  révolutions  de  la  composition 
à  plusieurs  parties,  l'influence  des  compositeurs  flamands 
sur  la  musique  eu  général,  et  les  écoles,  M.  Majer  arrive  à 
celte  époque  si  importante  de  la  naissance  du  drame  mu- 
sical ,  qui  changea  l'objet  et  !a  forme  de  toute  espèce  de 
musique.  Je  crois  ne  pouvoir  mieux  faire  que  de  donner  la 
traduction  d'un  passage  1res  curieux  de  son  livre ,  où  il 
éclaircit  quelques  points  obscurs  ou  mal  connus  de  celte 
époque  intéressante.  — 

On  sait  que  les  assemblées  qui  se  tenaient  dans  la  mai- 
son de  Jacques  Corsi,  à  Florence,  donnèrent  à  l'art  musical 
une  vie  nouvelle,  et  le  tirèrent  des  entraves  des  formes 
scolastiques.  Les  hommes  les  plus  remarquables,  qui  as- 
sistaient à  ces  assemblées  étaient  Jacques  Feri,  Jules  Cac- 
cini,  Vincent  Galilée,  père  du  célèbre  physicien  et  astro- 
nome, Doui,  Mci,  le  comte  de  Vernio,  etc.  Voici  comment 
M.  Majer  parle  de  leurs  travaux. 

(i)  llrncliure  de  liG  pagel  ÏD-11,  »ani  date  ,  ai  nom  de  lien,  mais  im- 
primée à  Venise.  Le  mi  ne  tcrii  a  été  iaiéré  dans  le  lome  lit  delà  Nueva 
Haeeotta  di  scelle  cptre  iiaUttnee  ilrcmien  di  icicxie,  tellm  ed  artl.  V*- 
niK,  i8na  ,     i;  Pictro  Milesi. 


Digitized  by  Google 


*45 

«Le  premier  ouvrage  qu'ils  mirent  nu  jour  fut  celui  tfitt 
a  pour  titre  :  Diatogo.  sutia  mttsica  antica  e  modem» 
(Dialogue  sur  la  musique  ancienne  et  moderne  )  'le  Viu- 
cctuo,  digne  père  du  grand  Galilée,  publié  à  Florence 
en  i58i.  Il  fut  suivi  de  II  Fronimo,  autre  dialogue  du 
même  auteur;  du  Traité  des  ffenrrs  it  dis  modes,  de  Doni, 
d'un  excellent  discours  du  même ,  suila  perfetioM  dette 
mélodie  (  sur  la  perfection  des  mélodies  ) ,  et  du  Traité 
desmodes,  de  Mei.  Dansées  divers  ouvrages, les  principes, 
théoriques  de  l'art  musical  étaient,  pour  la  première  fois, 
démontrés  dans  un  langage  clair,  noble  et  élégant.  Mais 
ils  sont  surtout  reeommandables  par  lea  réflexions  qu'ils 
renferment  sur  l'imitation  musicale. 

«  Les  écrits  de  Dubos,  Condillac,  Le  Batteux,  d'Alcm- 
bert,  Diderot,  Rousseau,  Algarotti ,  Artéaga  ,  et  autres 
philosophes  des  temps  modernes,  n'offrent  rien  de  plus 
vrai  ni  de  mieux  exprimé  que  ce  que  l'on  trouve  dans  ces 
écrivains  du  seizième  siècle,  dont  les  ouvrages  sont  au- 
jourd'hui presque  entièrement  ignorés. 

•  Du  exemple  de  l'application  des  sages  principes  con- 
tenus dans  les  écrits  dont  nous  venons  de  parler,  fut 
bientôt  offert  au  public  dans  l'opéra  de  Dafne,  écrit  par 
Riaueciiii,  et  mis  en  musique  par  Péri,  qui  fut  exécuté 
dans  la  maison  de  Corsi,  à  Florence,  en  i5ç)7.  Nous  n'eu 
parlerons  point ,  parce  qu'il  nous  a  été  impossible  de  nous 
le  procurer,  quoique  Quadrio  assure  qu'il  a  été  imprimé 
avec  la  musique,  eu  itioo.  On  peut  présumer  toutefois  que 
cet  opéra  était  fort  inférieur  ù  VEuridûe,  écrit  aussi  par 
Hinuccini,  puisque  tous  les  écrivains  se  sont  accordés, 
pour  désigner  ce  dernier  opéra  comme  le  type  du  mélo- 
drame moderne. 

«  Euridicti  fut  représenté  à  Florence ,  en  1G00 ,  à  l'oc- 
casion du  mariage  de  Marie  de  Hédicis.  En  voici  le  titre, 
fidèlement  copié  sur  un  exemplaire  existant  dans  la  bi- 
bliothèque Saint-Marc ,  de  Venise  : 

•  L'Euridici-,  runipostn  in  musica  in  stile,  rappresen- 
tulivo ,  daGiutio  Cactini,  lionunw,  Florence,  1600, 
pdf,  U  Marcscotli  [  Eurydice ,  mis  en  musique ,  eu  style 
théâtral,  par  .Iules  Caccini ,  Romain.) 


Di-gitizod  by  Cooglq 


*  Ici  s'élève  une  question  assez  curieuse.  Ataccî,  Qua~ 
drio,  Tira(/Oschi ,  Signoretli,  et  beaucoup  d'autres, 
siiribuent  la  musique  de  VEuridice  à  Péri,  et  le  seul  Ar- 
téaga  assure,  sans  dire  néanmoins  d'où  il  tire  celle con- 
naissance,  que  Péri  et  Caccini  la  composèrent  en -société. 
Hi  par  un  principe  inébranlable,  le  fuit  doit  l'emporter 
Mtr  toute  autre  autorité,  on  restera  convaincu  que  ton» 
tes  savans  historiens  ont  parlé  de  la  musique  A'Euridicc 
«ans  l'avoir  vue.  Il  est  cerlain  que  quand  on  voudrait  pré- 
tendre que  le  nom  de  Giuiio  Caccini,  Romano,  se  trouve 
imprimé  sur  le  frontispice  par  erreur,  celte  absurde  sup- 
position serait  détruite  par  les  premiers  mots  de  l'Épîlre- 
tlédicaloirc,  adressée  par  Caccini  au  comte  do  Vernio;; 

■  A  vendu  io  poslo  in  musica  (  dit-il)  in  slile  rappresenta- 

<  tivo  la  favola  fEuridîce,  el  fattala  stanipare,  mi  è  parsc 

•  parte  de!  rilo  debito  dcdicarla  a  V.  S.  illustrissima.  Ha 
«  usato  in  ouesia.  composizione  io  stesso  stiie  corne  nelV 
«egioga  dtt  Sannazzaro,  itene  ail'  ombra  degli  ameni 

•  faggi ,  ed  in  atcuni  miei  Madrigati  composti  netla 
«  stesso  tempo,  etc.  1  • 

«  Celte  églogue  et  ces  madrigaux  se  trouvent  dans  un 
recueil  de  musique  de  Caccini,  imprimé  en  1601,  el 
dédié  au  même  comle  de  Vernio.  Mais ,  quelque  soit  l'au- 
teur à'Euridicc,  a-t-il  réussi  daus  son  entreprise,  cl 
mérite-t-il  d'èlre  proclamé  le  créateur  du  slyle  draina-i 
tique?  Cette  seconde  question  est  plus  importante  que- 
ls première.  Si  on  s'en  rapportait  à  tous  les  écrivains  ci- 
dessus  mentionnés,  elle  serait  résolue  en  faveur  de/*eW,- 
mais  comment  accorder  sa  confiance  à  des  écrivains  res- 
pectables, sans  doulc,  mais  si  mal  informés?  Et  quand 
on  devrait  me  considérer  comme  un  Zoïle  attaché  à  dé- 
truire des  réputations  consacrées  par  le  temps,  l'amour  de 
la  vérité  me  porte  à  démontrer  le  peu  de  fondement  do 
(1)  Ayant  mis  «a  musique,  un  sryle  tliéMral,  la  fable  à.*Eurydîcc,  ut 

■  l'ayant  lait  iuinrimur,  j'airiu  qu'il  t  tait  Je  mon  devoir  de  lï  dédier  a, 
«  V.  S.  J'ai  employé  dans  cetlc  cuinpoiilion  le  mime  tlyle  dont  j'arais 

<  fait  usage  dam  l'eglogin  de  Sannaiar,  Jtcnc  ail'  ombra  degli  ameni, 

•  fvgS'i  ct  t'lina  quelques -uns  de  mci  madrijam  composés  dam  le  niSmc 
,  teo.ns,  etc.  k 


Di-gitizod  by  Google 


leur  opinion.  Je  commencerai  pur  le  récitatif,  qui  put 
précisément  la  partie  en  quoi  ils  font  consister  le  mérite 
principal  de  Péri.  , 

«Caccini  nous  apprend  loi-mémo,  en  parlant  an  comte 
de  lernio,  quels  furent  les  principes  qui  lui  servirent  de 
guide  :  *E  questa  ta  maniera,  la  quale  ncr/ti  anni  cite 
»  ftorivata  camerala  sua  in  Firenze,  discorrendo  etta, 
•  dicea  con  molli  altri  noUli  personiujui ,  essere  Mata 
«  m  ■usata,  dagti  antichi  nelta  rapprew.u/ti  zio  ne  ile.llc. 
.  loro  tragédie,  ed  alla  favolo  adoperando  il  canto1.  » 

Dans  l'avant-propos  do  son  œuvre  de  Madri^aus,  il  dit 
encore  :  «  Vedcnda  dunque  cfie  tali  musicltc  non  da- 
va.no  altro  ditetlo,  jïiori  di  qiiïlfo  clic  polea  dare 
i'armonia  ait'  udito  solo,  viriclie  non  potevano  essi 
muovere  V  intetlciio  smzat'  inittUyenza  dette  parole, 
mi  vr.ime  inpensicro  d' intradurremtasortedi  ntusica, 
per  vui  altri  pousse  quasi  chc  in  armonia  j'ave-tlarc, 
u&awio-in  essu  (corne  altro  voltc  ho  detto)una  certa  no- 
lite  spreszalara,  di  canto,  passando  per  alcune  fatze, 
ttnando  pero  ta  corda  dcl  basso  ferma,  etc.  !. 

Caeeini  ne  pouvait  assurément  pas  expliquer  avec  plus 
de  clarté  les  principes  du  gtyle  du  récitatif;  mais  ii  faut 
convenir  eu  mémo  temps  qu'il  était  difficile  de  les  mettre 

qu'il  ne  l'a  faU  dans  le  récitatif  VEuridice.  Los  Caniilenes 
60iit  composées  avec  des  espèces  de  plirases  et  de  ca- 
dences, qui,  loin  d'imiter  les  accens  et  la  prosodie  du  lan- 
gage, suivent  les  motifs  des  airs,  tellement  qu'on  ne  peut 

(i). Telle  est  la  manifci-e  rfnnt  les  îinriens  en  «salent  dans  la  rr|irésen- 

■  latiun  de  leurs  tragédies  el  de  leurs  autres  pièces  ornées  de  musique  , 

■  selnn  l'uni  ni  oui]  ne  vous  avez  manifestée  avec  d'aulres  nobles  peisonna- 
»gïi,  dans  le  iemps  ou-florissaii  l'assemblée  que  tous  teniei  a  Florence^. 

(1)  «Voyant  donc  qu'une  semblable  musique  ne  donnait  point  d'aulre 
plaiiir  que  celui  que  l'harmonie  peut  proeurer  a  l'oreille,  puisque  l'in- 
telligence des  paroles  peut  seule  paiera  l'esprit, j'imaginai  d'inlroduire 
une  espèce  de  chaut  par  lequel  on  pût,  en  quelque  sorte  ,  parler  en  mil  - 
tique  ,  y  employant ,  cnmmc  je  l'ai  déjà  dit ,  une  marche  plus  libre  que 
eHIn  du  clnnl  ordinale.  Formée  de  notca  de  passage  sur  une  note  de 


distinguer  la  moi  mire  différence  entre  cette  mélodie  rte* 
prétendus  airs,  et  celle  du  récitatif.  Les  notes  de  la  basse, 
an  lieu  de  rester  ferme,  comme  il  le  promet,  marchent 
toujours  avec  le  chant,  passant  à  chaque  temps  à  la  a4" ,  à 
la  4",  à.  la  5",  à  la  6"  pour  retomber  continuellement, 
avec  la  cadence  parfaite  ou  imparfaite  sur  la  corde  fon- 
damentale. Le  prétendu  mépris  du  chant  est  si  mal  ob- 
servé, qu'il  l'enfreint  quelquefois  dans  des  passages  de  deux 
mesures.  Mais  en  voilà  assez  sur  le  récitatif  A'Euridice. 

t  La  première  esquisse  du  véritable  récitatif  se  trouve 
dans  les  motets  et  les  cantates  de  Carissimî.  Il  fut  ensuite 
porté  à  la  perfection  par  Vinci,  Porpora  et  Marcello.  Le 
fameux  monologue  de  la  Didon,  de  Vinci,  a  été  le  premier 
modèle  d'un  récitatif  parfait. 

•  J'ai  dit  que  le  slyle  des  airs  à'Euridice  (etla  première 
cause  doit  en  être  attribuée  au  maître  choisi  par  Rinuccini) 
ne  se  distingue  point  de  celui  du  récitatif.  Artéaga  est  d'un 
avis  contraire,  et  combat  une  opinion  très  juste  dePIanelli, 
qui  dit,  dans  sou  traité  Dett'  Operainmusica:  »Chesoto 
verso  la  metà  det  secoto  xvh  cominciarono  a  introdursi 

te  arie  ne'  melodrammi  L'introduzione  dette  arie 

e  attribuita  al  Cieognini,  itqualc  net  suo  Giasone,  pu- 
dticato  net  1640,  comincio  a  inlerrempere  it  reeitativo 
con  quelle  anucreonliche  stanze.  Artéagarépond  que  l'on 
trouve  des  stances  anacréonliques  dans  VEuridice,  et 
pour  le  prouver,  il  cito  deux quarline,  chantées  parTÏMÏ, 
formées  de  vers  ertdécasy  liâtes;  ajoutant  que  ces  vers  sont 
un  air  parfait  :  i°parce  qu'ils  sont  précédés  par  la  sympho- 
nie; a"  parce  que  la  basse  suit  toutes  les  notes  du  chanteur; 
3"  parce  qu'ils  sont  accompagnés  avec  tous  les  instrumens; 
4°  parce  que  le  mètre  n'est  pas  le  même  que  celui  du  ré- 
citatif. Ces  raisons  ne  prouveut  rien,  sinon  qu'Artéaga 
n'avait  jamais  vu  la  musique  A'Euridice.  Quand  il  serait 
vrai  (et  cela  ne  l'est  pas),  que  la  symphonie,  ou  ritour- 
nelle, forme  une  partie  inséparable  de  l'air,  le  fait  est 
que  les  vers  ci-dessus  désignés  ne  sont  précédés  d'aucune 
ritournelle.  Il  est  vrai  que  ta  fiasse  suiL  toutes  tes  notes 
du  chanteur  ;  mais  clic  fait  absolument  de  même  sur  tous 


247 

les  vers  du  récitatif  ;  ies  divers  instrument  qui  accom- 
■/Httiiteut  ces  vers  n'existent  que  dans  L'iiu^^ÏLialioii  d'Ar- 
téaga.  Dans  roule  la  partition  de  VEuridice,  on  ne  dé- 
couvre d'autre  instrument  que  le  simple  basso  continue, 
et  les  chiffres  nombreux  qui  s'y  trouvent,  indiquent  qu'il 
s'agit  d'un  oigne  ou  d'un  autre  instrument  à  clavier.  Moud 
laisserons  décider  ans  lecteurs  si  le  quartine.,  en  vers  en- 
déeàsyiiaôes,  chanté  l'ar  Tirsi,  peut  être  la  munie  chose 
<(uc  les  sdmfi'i  anac.vcoiitiques  dont  parle  Planelli.  Dans 
la  l'ulile  A'Euridice,,  la  scène  la  plus  intéressante  et  la  plus 
dramatique,  est,  sans  aucun  doute,  celle  où  Orphée  s'ef- 
force par  son  chant  d'apaiser  le  courrons  des  dieux  infer- 
naux. j:h  bien  !  dans  le  drame  de  Rimiccinj,  celle  scène  se 
compose  de  récitatifs,  et  contient  un  dialogue  loiigct  en- 
nuyeux entre  Orphée,  l'Iuton,  Minos,  Rhadaniante  et  Ca- 
ron.  Les  chœurs  de  VEuridice  ne  méritent  pas  qu'on  eu 
parle;  il  suffit  de  dire  qu'ilssont  composés  à  quatre  et  cinq 
parties  réelles.  Les  professeurs  jugeront  de  l 'effet  que  devait 
produire  sur  le  théâtre  un  concours  de  voisuussi  compli- 
qué. Ce  genre  de  composition  est  abandon  né  depuis  long- 
temps à  la  seule  musique  d'église. 

«  On  pent  penser  avec  raison  que  la  musique  do  VEurî- 
dicc  n'obtint  p;:s.  même  dans  son  temps,  la  célébrité  qu'il 
a  plu  ans  écrivains  de  lui  accorder,  lorsque  l'on  voit  (pie  le 
cardinal  M ozarin,  ayani  appelé  a  Paris  une  troupe  de  chan- 
teurs italiens,  afin  de  faire  jouir  pour  la  première  fois 
Louis  XIV  du  spectacle  d'un  opéra,  on  choisit  une  autre 
pièce  sur  le  même  sujet;  c'csl-à-dire  VOrjeo,  mis  en  mu- 
sique, en  1 5()7,  par  Xarlino,  qui  avait  obtenu  en  Italie  un 

t  Mais,  indépendamment  de  toutes  ces  raisons,  et  ne 
considérant  la  question  que  sous  le  rapport  de  la  chrono- 
logie, comment  peut-on  soutenir  que  VEuridicà  de  Ri- 
nuccini  a  été  le  premier  drame  en  musique  qui  ait  été 
représenté  en  Italie?  laissant  de  côté  VO rjVo,  de  Poliziano, 
celui  de  Zarlino,  la  Disptrazionc  di  Sileno,  et  il  Salira, 
de  Laura  Guidiccioni ,  femme  noble  de  Lucques,  repré- 
sentés à  Rome,  en  i  iigo,  avoc  de  la  musique  d'Emilio  dei 


Cavalière,  f  Egte,  de.  Giraldi ,  représctilé  à  Ferrare,  à  la 
fin  de  1 545,  et  mis  en  musique  par  Antonio  del  Cornetto, 
les  deux  plus  célèbres  pastorales  italiennes,  t'Aminta  du 
Tasse,  mise  en  musique  par  Mardtta,  Sicilien,  el  le  Pastor 
fido,  deGuarini,ne  sont-elles  pus  antérieures  de  beaucoup 
à  YEuridice.?  Jl  sacrifitio.  de  Iteccari,  VAretusti,  d'Al- 
berto LoUiO  et  lo  SfOrtunatû,  d'Argenii,  ne  furent-ils  pas 
également  représentés  à  Ferrarc,  en  1 55ij  et  eu  1567,  avec  la 
musique  d'Alfoiwc  délia  Viola  ?  tous  ces  drames  sont  écrits 
dans  le  même  mètre  que  la  Daphne,  i'Euridice  et  YArian- 
na,  de  Rînucctni,  auxquelles  ou  voit  évidemment  qu'ils 
ont  servis  de  modèles.  11  est  également  certain  qu'on  y  fît 
usage  de  l'accompagnement  des  instrument  car  on  lit  dans 
les  premières  éditions  des  Pastorales  de  Bcccari,  de  I.ollio 
et  d'Argenti,  que  le  frère  d'Alfonsn  délia  Viola,  qui  repré- 
sentait le  personnage  principal,  faisait  précéder  le  eliant 
d'une  ritournelle  qu'il  exécutait  sur  le  luth,  dont  il  jouait 
parfaitement  bien.  Signorelli  et  Arléaga  ne  font  point  men- 
tion d'un  o/wivi-frw^ii  représenté  à  Venise  eu  '  '07 4)  lequel 
se  eiim posait  d'airs  e t de  réçila tifs.  Toutefois,  les  personnes 

pas'de  ces  anaebronismes,  fondés  sur  des  traditions  vul- 
gaires Un  écrivain  contemporain  ayant  avancé  un  fait 
comme  certain,  ceux  qui  écrivent  après  lui  trouvent  plus 
simple  et  plus  commode  de  s'en  rapporter  à  sa  parole  que 
de  prendre  la  peine  d'examiner  soigneusement,  et  voilà 
justement  comme  on  écrit  f  histoire,  n 

(  La  suite  11  l'un  des  numéros  prochains.  ) 

(1)  Kous  m  devons  pas  dissimuler  que  Signorelli,  dans  ton  Histoire 
du  Théâtres  [Storta  do'  Teatri) ,  prétend  que  seulement  les  cbiEOn  des 
pastorales  ci-dessus  mentionnées  furent  mis  en  musique.  Il  nous  semble 
que  cetle  opinion  11e  s'accorde  point  avec  les  faits,  puisque  sur  mus  les 
titres  on  lit  simplement  :  La  musique  fui  composée  par  Emitia  dot  Cm», 
lliro,  Anto»i<>deICorncilo,  Atfeiuo  dellu  l'iota,  et  un  auriit  do  dire  alors: 
La  niHsi'/i'e  d.s  rfinitn.  Ile  plus ,  Caceini,  dans  sa  clcdiraee  tir  Yliuridiec, 
et  dans  la  |>réface  des  ilWri -aa.f ,  ue  se  vante  pas  d'aiilre  chose  que 
d'avoir  invente  nu  nouveau  genre  de  «nfifenc,  autre  que  celui  en  iisa-fe 
parmi  les  ninitres  de  son  temps,  c'est-à-dire  un  interméi  iaire  entre  la 
parole  (impie  et  le  chant  soutenu.  S'il  avait  fié  le  premier  qui  eût  ima- 
pno  de  noter  le  récitatif,  ]■•><  MUoi  l'eût -il  US»lé  ignorer! 


Digitized  by  Google 


=49 

EXPOSITION  DES  PRODUITS  DE  L'INDUSTRIE. 

DISTRIBUTION  DES  MÉDAILLES 
AUX  FACTEURS  DE  PIANOS,  LUTHIERS, 

ET  FiBMClNS  D'IKSTBEMEHS  DE  TOUTE  BSÏÈCB. 

Le  jury  de  l'exposition ,  sur  le  rapport  de  la  Commis- 
sion des  instruirions  de  musique,  a  décerné  les  prix  ac- 
cordés à  ce  genre  de  fabrication ,  ainsi  qu'il  suit  : 

Pianos  :  Médaille  d'or,  à  MM.  Pleyel  et  compagnie; 
médaille  d'argenfy  à  MU.  Dictz  et  compagnie  ;  médaille, 
de,  bronze,  à  MM.  Confirmation  dû 

la  médaille  d'or  des  années  1H19  et  i8a3,  à  M.  Sébastien 
Erard;  idem,  de  la  médaille  d'argent,  à  M.  Pfeiffer  et  à 
MM.  Roller  et  Blanchet. 

Hibpes.  Confirmation  de  la  médaille  d'or  des  années 
précédentes,  à  51.  Sébastien  Érard;  confirmation  de  la 
médaille  d'argent,  à  M.  Nadcrmari, 

Violobs  et  autres  instrumens  à  archet.  Médaille  d'ar- 
gent, à  51.  Thibaut,  rue  Rameau,  n*  8;  idem,  a  M.  Vuil- 
laume,  rue  Croix- des -Petits- Champ  s,  n"  56. 

Isstrvmess  de  cm  vie.  Médaille  d'argent,  h  M.  De  Lab- 
bnye,  rue  de  Chartres,  n"  i4>  pour  ses  cors  à  pistons,  ses 
timbales  mécaniques,  dé- 
pendant la  durée  de  l'exposition,  nous  avons  présenté 
nos  observations  sur  la  nature  des  instrumens  qu'on  y 
trouvait;  maintenant,  quelle  que  puisse  £  Ire  notre  opinion, 
nous  croyons  devoir  garder  le  silence,  et  respecter  les  tra- 
vaux de  la  Commission  et  du  Jury. 

Toutefois,  des  réclamations  nous  sont  adressées;  ce 
journal  étant  ouvert  à  toutes  celles  qui  intéressent  l'art 
musical,  ou  ceux  qui  en  cultivent  quelque  partie,  nous 
ne  croyons  pas  pouvoir  nous  refuser  a  les  insérer,  laissant 
a  ceux  qui  les  font  la  responsabilité  qu'elles  entraînent. 
Telles  sont  et  la  lettre  et  la  note  suivantes. 

a*  vol.  2a 


Digitizod  by  Google 


a5o 

A  IL  FÉTis ,  rédacteur  de  la  Revue  Musicale. 

Parii,  le  9o.:tolirc  iSjj. 

Monsieur, 

J'ai  l'honneur  «le  vous  adresser  quelques  réflexions  sur 
l'cxamcu  des  pianos  qui  onl  été  exposes  au, Louvre,  et  vous 
aurai  la  plus  fraude  obligation  si  vous  voulez  bien  avoir  la 
bonté  de  le*  insérer  dans  le  premier  numéro  de  votre 
Revue  musicale,. 

Veuillez  agréer,  Monsieur,  l'assuranee  de  ma  considé- 
ration distinguée. 

Ddowsbu. 

NOTE. 

'a 

Il  faut  bien  reconnaître  que,  dans  les  arts,  le  public  est 
le  régulateur  suprême,  et  ce  juge  souverain  casse  souvent 
les  arrêts  portés  par  quelques  prétendus  connaisseurs. 
L'exposition  des  produits  de  l'industrie  française  de  1837, 
et  lu  distribution  des  récompenses  auxquelles  elle  a  donné 
lieu,  viennent  d'en  fournir  un  nouvel  exemple. 

Un  jury  a  été  nommé  ponr  examiner  les  différons  pro- 
duits de  celte  exposition  ,  plusieurs  commissions,  prises 
dans  son  sein,  se  sont  partagées  cette  honorable  tâche,  et 
chacune  d'elles ,  après  avoir  examiné  une  branche  parti- 
culière  de  la  fabrication  ,  a  émis  un  avis  qui  a  déterminé 
l'obtention  des  médailles;  ainsi  donc,  il  est  bien  reconnu 
que  blâmer  quelques-uns  des  choix  qui  ont  été  faits,  c'est 
attaquer  seulement  une  de  ces  Commissions;  mais  non  le 
jury  en  masse,  et  encore  moins  l'autorité  royale ,  dont 
les  intentions  paternelles  ont  été  si  mal  suivies.  Ce  prin- 
cipe bien  établi,  je  me  décide  a  vous  faire  part  des  ré- 
flexions qui  m'ont  été  suggérées  par  l'étrange  distribution 
des  médailles  accordées  aux  exposans,  pour  la  fabrication 
des  pianos. 

J'ai  acquis,  par  delongues  éludes,  le  droit  de  parler  d'un 
art  charmant  que  je  cultive  depuis  vingt  ans,  et  qui  fait 
le  charme  de  ma  vie.  On  sait  que  dans  les  salons  de  Taris 
e(  de  la  provùlcc  on  trouve,  soit  un  piano  carre  pour  ac- 


DigitizGd  t>y  Google 


compagner  la  partition,  §oit  un  piano  à  queue  pour  exé- 
cuter des  morceaux  à  grand  orchestre  ;  ceux  de  H.  Papo 
m'ont  paru  mériter  la  préférence  que  le  public  leur  ac- 
corde. La  rondeur  du  son,  leur  force,  leur  éclat  sont  éga- 
lement appréciés  desmaitres  et  des  amateurs.  Et  moi  aussi 
j'ai  visilé,  examiné  les  produits  de  l'industrie  française 
exposés  au  Louvre;  je  n'ai  pas  la  prétention  de  donner 

je  ne  parlerai  que  de  ce  que  je  connais,  et  plût  à  Dieu  quo 
chacun  en  eût  fait  autant!  nous  n'entendrions  pas  aujour- 
d'hui tant  de  récriminations;  il  ne  serait  pas  maintenant 
prouvé,  par  l'évétiemcnl,  que  dans  celle  bi/.arre  distribu- 
tion les  copistes  ont  été  préférés  aux  inventeurs,  les  élèves 
aux  maîtres,  et  les  jugeurs,  enfin,  ne  seraient  pas  jugés  à 
leur  tour,  par  le  public,  auquel  on  ne  refusera  certainc- 

dc  SI.  Pape  parmi  ceux  que  la  Commission  particulière 
de  musique  avait  juyés  dignes  d'uni:  médaille  d'or;  cepen- 
dant l'examen  que  j'avais  fait  des  instrumens  présentés 
par  ce  facteur  célèbre  à  l'exposition,  m'avait  mis  à  portée 
de  constater  que  M.  Pape  ne  s'est  pas  contenté  do  se 
montrer  digne  de  sa  réputation  méritée,  mais  qu'H  a  su 
l'augmenter  encore  par  l'utilité  incontestable  dés  perfeo- 
tionnemens  qu'il  a  apportés  à  la  fabrication  des  pianos  à 
queue,  et  des  pianos  carrés. 

C'est  ici  que  j'ai  encore  eu  l'occasion  de  le  reconnaître 
pour  un  mécanicien  habile,  puisque,  par  un  procède  nou- 
veau et  à  l'aide  de  machines  inventées  par  lui,  il  est  par- 
venu à.  débiler  l'ivoire  en  feuilles  de  douze  pieds  de  long 
sur  quinze  pouces  de  largeur,  ce  qui  avait  élé  regardé 
jusqu'à  présent  comme  impossible,  puisque  l'on  n'avait 
jamais  obtenu  que  des  laides  d'ivoire  de  cinq  à  six  pouces 
de  large. 

Les  rcnscigiicmens  que  j'ai  pris  sur  l'importance  do 
la  fabrique  de  M.  Pape,  rendent  encore  l'oubli  de  la  Com- 


Digitizod  by  Google 


a5a 

mission  plus  inexplicable  ;  en  effet,  ce  facteur  occupe 
plu»  de  quatre-vingts  ouvriers ,  et  il  s'en  faut  de  beaucoup 
qu'aucun  de  ses  confrères  eu  emploie  un  nombre  aussi 

considérable,  pour  les  pianos  seulement. 

Ce  qui  doit  faire  croire  enfin  que  les  jugemeris  de  la 
Commission  avaient  été  rendus  à  l'avance,  et  dans  la 
ferme  résolution  de  n'y  apporter  aucune  des  modifications 
exigées  par  une  toniiaissiitice  plus  approfondie  de  l'état 
des  choses,  c'est  le  refus  obstiné  de  la  Commission  de 
procéder  à  un  nouvel  examen,  qui  aurait  très  certaine- 
ment remis  chacun  à  sa  place.  Ce  refus  est  d'autant  plus 
singulier,  que  le  second  examen  était  réclamé  par  la 
presque  totalité  des  facteurs  exposans.  La  Commission  n'a 
donc  pas  cru  qu'il  lui  fut  nécessaire  de  s'entourer  do 
nouvelles  lumières  :  cette  circonstance  a  décidé  M.  Pape 
à  se  retirer  du  concours. 

Il  a,  au  reste,  par  devers  lui  de  quoi  se  consoler  faci- 
lement de  cette  partialité:  la  faveur  dont  le  public  l'ho- 
nore, la  prédilection  marquée  que  ses  pianos  obiienuent, 
lui  feront  aisément  oublier  une  injustice,  qui  fait  plus 
do  tort  à  ceux  qui  l'ont  commise  qu'a  celui  qui  eu  est 
l'objet. 

M.  Pape,  j'ose  le  prédire,  continuera  de  se  montrer, 
par  ses  efforts,  digne  d'occuper  le  rang  distingué  que  le 
public  lui  a  assigné  parmi  les  facteurs  de  pianos,  long- 
temps après  que  l'on  aura  oublié  et  les  noms  des  membres 
de  la  Commission ,  et  les  instrumens  qu'elle  a  osé  mettre 
en  parallèle  avec  ceux  qui  sortent  de  la  fabrique  de 
M.  Pape. 


I 


DialiZû'J  Cv  GOO 


NOUVELLES  DE  PARIS. 


3nstUut  ïrc  Statut, 
SÉANCE  PUBLIQUE  ANNUELLE 

DE  L'ACADÉMIE  ROYALE  DES  BEAUX-ARTS, 
(««iïDi6oerOBW.) 

la  foule  qui  so  presse  toujours  aux  séances  des  diverses 
académies  dont  se  compose  l'Institut,  est  surtout  immense 
lorsqu'il  s'agit  d'en  tendre  les  essais  desjeunes  compositeurs, 
sur  qui  repose  l'espoir  de  la  France.  Un  local  vaste  et 
commodément  disposé  ne  peut  contenir  les  femmes  élé- 
gantes, les  hommes  distingués  et  la  brillante  jeunesse  qui 
encombrent  toutes  ses  avenues;  car  jusqu'aux  bancs  des 
académiciens,  tout  est  envahi.  Ce  n'est  pas  seulement  une 
curiosité  avide  d'un  spectacle,  quel  qu'il  soit,  qui  rassemble 
tant  de  monde  dans  le  sanctuaire  des  sciences  et  des  arts  ; 
c'est  quelque  chose  de  plus  pur,  de  plus  digne  d'une  nation 
éclairée,  de  plus  analogue  &  la  solennité  de  la  séance  :  c'est  la 
manifestation  d'un  sentiment  de  bienveillance  qui  veut  en- 
courager les  premiers  pas  de  jeunes  artistes  dans  la  carrière, 
et  qui  s'empresse  d'applaudir  à  leurs  premiers  succès.  L'es- 
poir quechacun  y  conçoit  n'est  pas  toujours  justifié  par  la 
suite  ;  disons  plus,  il  l'est  même  rarement  ;  mais  si  les  ap- 
plaudissemens  qui  éclatent  de  toutes  parts  s'adressent  plus 
souvent  à  l'apparence  du  talent  qu'à  sa  réalité,  ils  ont  pour 
effet  d'élever  l'ame  de  celui  qui  les  reçoit,  de  lui  faire  com- 
prendre la  dignité  de  son  art,  et  de  développer  les  dons  qu'il  a 
reçus  de  la  nature.  Ces  séances,  et  le  prestige  qui  les  entoure, 
sont  donc  une  bienfaisante  institution,  dont  les  railleries  de 
quelques  esprits  frondeurs  ne  parviendront  pas,  j'espère, 
à  détruire  l'influence.  L'artiste,  dans  le  cours  de  sa  car- 
rière, n'est  que  trop  isolé  du  public,  et  ce  même  public  no 
se  montre  que  trop  égoïste  envers  celui  qui  lui  procure  dea 


254 

jouissances;  nu  privons  pas  la  jeunesse  de  brillantes  illu- 
sions, si  favorables  au  développement  du  talent,  et  dont 
ello  ne  sera  désabusée  que  trop  tôt. 

Suivant  le  programme,  la  séance  a  commencé  par  la 
lecture  d'une  notice  historique  sur  la  vie  et  les  ouvrages  de 
M.  Dupaty,  sculpteur,  par  M.  Quatremcre  de  Quincy,  se- 
crétaire perpétuel  de  l'Académie.  Cet  écrit,  dans  lequel  on 
a  remarqué  des  aperçus  fins  et  spirituels,  a  été  accueilli  par 
des  applaudïsscmens  unanimes,  lin,  rapport  sur  les  ou- 
vrages des  pensionnaires  du  roi,  à  l'Académie  de  France,  à 
Borne,  a  été  lu  par  M.  Raoul-Rochette.  11  a  été  suivi  de  la 
distribution  des  grands  prix  de  peinture,  de  sculpture,  d'ar- 
chitecture ci  de  composition  musicale. 

Les  sujets  de  ce  dernier  concours  avaient  été:  i"  une 
fugue  à  quatre  voix  et  à  trois  sujets  ;  -l'Orphée,  canialcà 
voiïseule  età  grand  orchestre,  composée  de  deux  récitatifs 
libres,  d  unrécilatifmMur-ï  d  une  cavaluic  il  de  :b.ix  air.- 
de  mouvement.  Le  premier  grand  prix  a  été  décerné  à 
M.Jcan-KaptisteGuirand,  né  à  Bordeaux,  dgé  de  vingt-trois 
ans  et  demi,  élève  de  M.  Le  Sueur,  membre  de  l'Institut, 
et  de  M.  iteicha,  pour  le  couliepoiut.  Le  second  grand  prix 
a  été  remporté  par  Ross- Despréaux,  âgé  de  vingt-cinq  ans, 
né  à  Cleinaont,  département  du  l'uy-  dc-Dôme ,  élèvQ  de 
M.  Bcrton,  membre  de  l'Institut  et  de  M.  FjJfisj  Un  deu- 
xième second  grand  prix  a  été  accordé  à  M.  Alphonse  Gil- 
bert, de  Taris,  âgé  do  vingt -deux  ans  et  demi,  élève  de 
M.  Eerton  et  de  M.  Félis. 

.  Après  la  distribution  des  prix,  le  concert,  composé  seu- 
lement d'une  ouverture  de  AI.  Iteicha  et  de  la  cantate 
couronnée,  a  commencé.  L'orchestre,  qui  était  formé  de 
la  réunion  des  mcilleins  Lirtislcs  îles  divers  théâtre  s.  et  dirigé 
par  M.  Kreutzer, a  exécuté  avec  un  Uni  et  une  énergie  qui 
luifontle  plus  grand  honneur.  W  Dabadie  qui  était  chargée 
de  la  partie  vocale  de  la  cantate,  a  fort  bien  chanté,  quoique 
sa  voix  parût  éprouver  quelque  embarras  dans  les  sons 
aigus. 

Ce  n'est  point  parmi  leseorrectes,  maïs  froides  composi- 
tions que  l'Académie  couronne  quelquefois,  qu'il  faut  ranger 


355 

le  travail  de  M.Guiraud;  la  correction  existe  dans  sa  cantate; 
mais  elle  y  est  compagne  de  l'imagination  et  du  talent  na- 
turel. Une  bonne  déclamation  dans  le  récitatif  ;  des  chants 
naturels,  clégans  cl  qui  prouvent  qu'il  a  le  sentiment  deee 
qui  convient  aux  voix;  une  harmonie  bien  modulée,  sans 
excès  de  transition  ;  enfin,  un  orchestre  brillant  sans  bruit, 
voilages  qualités  qui  ont  valu  1  M.  Guiraiid  les  su  Orages  de 
?es  juges  cl  le*  ;iii|)Lmili*se!iietisd»  public.  Il  y  avait  cepen- 
dant dans  le  choix  du  sujet  delà  cantate,  et  surtout  dans  la 
manière  dont  le  poète  l'avait  conçue,  des  diilicullés  assez 
grandes  pour  embarrasser, non-sculcmcntuu  élevé,  mais  un 
maître  consommé  dans  la  pratique  de  son  art. 

LaMort  d'Orphée,  tel  est  le  sujet.  Quel  est,  je  ne  dirai 
pas  le  musicien,  mais  le  poète,  mais  l' homme  du  monde 
qui  n'aperçoit,  au  premier  coup  d'œil,  tout  le  parli  qu'on 
pourra  tirer  dans  le  morceau  final  delà  cantate,  d#cliœui 
des  bacchantes,  dont  les  mains  déchireront  le  chantre  de 
la  Thrace.  Kh  bien!  ce  eheeur  n'existe  pas!  cl  néanmoins, 
comme  s'il  ne  sullisail  pas  du  sujet  pour  en 'dénion lier  la 
nécessité,  le  poète  a  pris  soin  de  l'annoncer  dans  ces 

Quel  bruit  iiitVi  in  se  l'ait  entendu! 
D'une  secrète  horreur  ju  ne  puis  me  défendre... 
O  ciel!...  en  cniirai-jc  mes  yeux?..: 
Ce  «ont  elles!...  les  bacehontes!... 
Des  cymbales  bru yanles , 
De  leurs  cris  nicnaçaus ,  du  leurs  elisnts  furieux, 
Retentissent  déjii  les  éebos  de  ces  lieux.. . 

Je  le  demande  à  qui  n'est  pas  entièrement  dépourvu  de 
goût  et  de  raison  ;  n'estr-ce  pas  cruellement  se  moquer  et  de 
l'art  et  de  l'artiste  que  de  les  obliger  à  prêter  leur  secours 
à  de  pareilles  conceptions?  Quoi  !  ces  cris  menaçons,  ces 
chants  furieuxi ,  ne  parviennent  pas  jusqu'à,  moi,  taudis 
que  j'entends  à  merveillela  faible  vois  d'Orphée  expirant? 
Je  puig  me  fermer  sur-le-champ  une  idée  de  cette  scène 
terrible  par  l'opposition  des  cris  et  des  supplications  d'Or- 
phée; quelques  mots  suturaient,  mais  non  ;  les  furies  su 
taisent,  et  leur  victime,  qui,  raisonnablement,  ne  peut  que 
laisser  échapper  quelque  accent  douloureux,  oie  débite  ce 


a56 

long  discours,  que  je  suis  obligé  de  suivre  péniblement 
pour  savoir  de  quoi  il  est  question. 

O  Dieu  puissant,  fils  de  Latonc, 
Toi  qui  fus  mon  maître ,  entends-moi  J 
Apollon  ,  lin  liant  de  ton  troue, 
Lance  le  fiait,  je  n'ai  d'espoir  qn'en  toi. 
Itarljares,  arrêtai;  pardonnei  a  mes  pleurs, 
Çu'ai'-jc  fait?  qu'aï-je  dit  î  ces  pleura  sont  tout  mon  crime  ; 
Épargnez  en  cejviir  Ll  ibeuduhtb  victihi 

Que  le  sort  livre  a  roi  fureurs-1 
Mais  rien  no  peut  toucher  leurs  infletiblea  cœurs  I 
O  Dieu  puissant,  Gis  do  Latono, 
Toi  qui  fus  mon  maUrc,  enteods-moi; 
Apollon,  du  haut  de  ton  trône, 
Lance  tes  feux,  je  n'ai  d'espoir  qu'en  toi. 
Tu  m'as  abandonné,  grand  dieu, 
Aui  horreur!,  d'un  nflVciix  supplice!  / 
flfcydicc,  altcnds-moi...  je  vais  mourir...  adieu... 
Jo  meurs...  je  Le  rejoins...  Euryilii  ^!...  Eurydice!... 

Sans  m'arrêtera  faire  remarquer  dans  ces  vers  l'absence 
de  lout  rhyllimcct  de  toute  césure  musicale;  sans  demander 
compte  à  Tailleur  de  ses-  expressions  impropres,  de  ses 
chevilles  et  desa  tremttantù  victime,  je  dirai  que  le  pauvre 
faiseur  (le  Ubrelti,  Tottola,  qui  n'afûciic  point  de  préten- 
tions académiques,  aurait  bien  mieux  servi  son  musicien, 
soil  sous  le  rapport  de  la  coupe  générale  du  morceau,  soit 
sons  celui  de  la  forme  des  vers;  quoique  la  raison  ne  soit 
pas  ce  qui  brille  le  plus  dans  ses  ouvrages,  il  n'aurait  ja- 
mais rien  imaginé  de  la  force  de  ce  qu'on  vient  de  voir. 

On  pourrait  demander  à  la  seclion  de  musique  de 
l'académie  des  beaux-arts,  si  elle  a  fait  lout  ce  qu'elle  de- 
vait dans  cette  circonstance;  et  si  ce  n'est  point  à  elle  qu'il 
:i]i[>.]|'ticii[  île  f.iiri;  di;>  ni  >j  ce  I  iuns  sur  les  su jei  s  qu'on  donne 
au  concours.  Certes,  ce  n'est  pas  le  talent  qui  manque 
dans  celle  section,  et  cependant  MM.  Bertoo,  lloieldieu, 
Catel,  Cherubini  et  Lesueur  auraient  frémi  à  l'idée  de 
mettre  en  musique  un  pareil  morceau.  On  dit  que  ces 
messieurs  en  avaient  si  bien  senti  les  difficultés,  qu'en  re- 
mettanl  le  manuscrit  du  poème  auiconcurrens,  ils  leur  ont 
dit  (à  propos  du  dernier  air):  tirez-vousde  {ii  comme  vous. 


a5? 

pourrez  !  Conseil  fort  lion  à  suivra,  mais  peu  secourable. 
Il  est  temps  enfla  que  les  gens  de  lettres  qui  travaillent  en 
France  pour  la  musique,  apprennent  à  parler  la  langue  qui 
lui  convient,  et  c'est  au*  musiciensdont  les  noms  sont  une 
autorité  qu'est  dévolu  le  droit  de  les  guider. 

C'est  sous  le  poids  îles  conditions  désavaiil  agences  qu'on 
vient  dédire,  que  M.  Cuiraud  a  écrit  son  ouvrage;  en  avoir 
triomphé,  comme  il  l'a  fait,  prouve  qu'il  est  né  pour  l'art 
qu'il  cultive,  et  qu'on  peut  tout  attendre  dé  lui.  Une  cha- 
leur peu  commune  règne  dans  tout  l'air  final.  N'ayant  pu 
rbylhmcr  le  chant  de  cet  air,  il  a  placé  habilement  le 
mouvement  cadencé  dans  l'orchestre,  et  a  disimulé  par  là 
un  défaut  considérble,  qui  n'était  pafle  sien.  Le  désordre  de 
la  bacchanale  qu'il  fait  entendre  sur  les  derniers  vcrs{Eury- 
dice,  attends-moi'....  )  fait  aussi  beaucoup  d'effet. 

Il  est  un  autre  pointeur  lequel  je  dois  fc  féliciter;  c'est  de 
ne  s'être  point  fait  le  copiste  des  formes  à  la  mode,  et  d'être 
resté  dans  le  sentiment  qui  lui  est  propre.  L'imitation  du 
style  de  son  maître  (M.  Lcsueur)  était  un  autre  écueil  au- 
quel on  pouvait  craindre  qu'il  ue  pût  sa  soustraire;  car 
c'est  le  défaut  commun  à  tons  les  élèves,  au  moment  où  ils 
sortent  de  l'école  :  il  n'y  est  point  tombé;  en  cela,  le  profes- 
seur n'est  pas  moins  louable.  Il  eu  est  si  peu  qui  consentent 
à  laisser  luire  aux  jeunes  gens  qui  leur  sont  confiés  ce  que 
la  nature  leur  dicte,  à  ne  pas  substituer  leurs  idées  à  celles 
qu'on  leur  soumet,  et  à  ne  pas  considérer  leur  manière 
comme  la  seule  admissible.  me  soit  permis  de  présen- 

ter quelques  réflexions  à  cet  égard. 

Tout  homme  doit  savoir  l'orthographe  de  la  langue  qu'il 
parle.  Celle  de  la  musique  présente  de  grandes  difficultés, 
et  son  étude  est  longue  et  difficile.  Il  faut  donc  qu'un  jeune 
homme  qui  se  sent  tourmenté  par  le  besoin  de  produire 
ses  idées,  apprenne  d'abord  cette  langue,  ses  formes,  ses 
procédés,  ses  ressources  ;  ou  plutôt  ii  faut  qu'il  sache  tout 
cela  d'avance  ;  car,  le  moyen  de  faire  taire  son  génie  pen- 
dant le  cours  d'éludesarides  auxquelles  il  faut  se  soumettre? 
C'est  dans  la  jeunesse,  ou  plutôt  dans  l'enfance,  qu'il  faut 
apprendre  tout  cela,  et  c'est  ainsi  qu'on  eu  usait  autrefois 


a&8 

dans  les  conservatoires  d'Italie.  A  quoi  se  bornent  donc  les 

fonctions  d'un  professeur  de  eomposilit'n?  A  l'aire  apprendre 
d'abord  à  son  élève  le  mécamsnuTdc  l'art  du  clianl,  sans 
lequel  il  ne  saurait  jamais  écrire  convenablement  pour  les 
voix'  ;  à  lui  enseigner  la  théorie  de  l'harmonie,  et  surtout 
l'accompagnement  du  clavier,  dont  l'étude  est  ai  favorable 
au  développement  du  sentiment  deia  modulation;  à  faire 
connaître  foules  les  règles,  tous  les  procédés  du  contrepoint 
et  de  la  fugue,  ou  de  l'art  d'écrire  à  deux,  trois,  quatre,  et 
jusqu'à  huit  parties  réelles  ;  à  indiquer  les  dispositions  et 
la  coupe  en  usage  pour  les  morceaux  de  différens  carac- 
tères, sans  les  prescrire  comme  d'inévitables  patrons;  en- 
fin, à  faire  connaître  Tes  ressources  et  les  burnes  des  iustru- 
mens.  Du  reste,  il  doit  bien  se  garder  de  dire  à  son  élève, 
après  lui  avoir  communiqué  tout  son  savoir,  ne  faites  que 
cela  ou  comme  cela  !  Loin  de  le  retenir  dans  des  borncB, 
qu'il  n'est  jamais  permis  de  fixer  à  un  art,  il  doit  l'exhorter, 
au  contraire,  à  faire  tout  ce  que  la  nature  lui  enseignera, 
à  tout  oser,  tout  entreprendre;  car,  enfin,  il  n'y  a  d'espoir 
que  pour  celui  qui  iuvente,  qui  fait  autre  chose  que  ce 
qu'ont  lait  ses  devanciers.  Malheur  à  l'artiste  qui,  s'en- 
thonaiasmant  pour  la  manière  d'un  mailre,  fût-ce  même 
du  plus  parlait,  se  le  propose  comme  modèle,  et  ne  voit 
rien  au-delà;  celui-là  ne  parcourra  jamaîsla  carrière  ré- 
trécie  qu'il  se  sera  prescrite.  La  perfection  est  un  réve  de 
l'humanité  :  nul  ne  peut  y-ai teindre.  Les  plusgrauds  géuies 
n'en  ont  qu'une  relative.  Il  n'y  a  donc  pas  de  terme  qu'on 
puisse  regarder  comme  le  dernier.  L'imagination,  la  fan- 
taisie, sont  les  qualités  essentielles  :  pourvu  qu'on  les  pos- 
sède, peu  importe  les  défauts.  lih  !  quel  est  l'ouvrage  où  il 
u'y  en  a  pas?  Quel  est  d'ailleurs  celui  qui  réunit  tous  les 
goûts,  ton  les  les  opinions?  Mozart,  le  divin  Mozart,  n'a-t-il 
pas  ses  détracteurs?  D'ailleurs,  cette  diversité  dans  la  ma- 
nière d'enTisager  et  de  sentir  les  arls,  loin  d'être  un  mal, 
agrandit  leur  domaine,  et  tourne  a  leur  profit.  Sans  clic, 
ou  n'aurait  qu'une  manière,  dont  l'uniformité  ferail  naître 

(i)  Celle  rlude  s  C'it  trop  négligée  Jusqu'ici  par  les  cumposilcuit, 
fiançais. 


a5a 

infailliblement  le  dégoût.  L'artiste  ne  petit  donc  avoir  trop 
de  liberté  dans  ses  travaux,  ni  trop  d'indépendance  dans  sa 
pcnsée,ct  lui  prescrire  une  route,  s'est  s'exposer  à  l'égarer. 

De  tout  ce  qui  vient  d'être  dit,  je  crois  qu'on  peut  con- 
clure que  l'enseignement  de  ta  composition,  tel  qu'on  le 
pratique  généralement  en  France,  est  une  des^auses  qui 
s'opposent!  ce  que  l'école  présente  les  résultats  sali  sfaisane 
qu'on  aurait  le  droit  d'attendre  des  sacrifices  du  Gouverne- 
ment. Une  leçon  dans  Icquellc  le  professeur  discute  la 
qualité  des  idées  de  son  élève,  n'est  point  une  leçon  ;  c'est 
une  question  d'opinion,  oii  les  droits  sont  égaux;  car,  si 
le  maître  a  l'avantage  de  l'expérience,  il  est,  par  compen- 
sation, soumis  aux  préjugés  qui  naissent  de  l'iiabitudo. 
Tour  lui,  la  régie  est  dans  le  passé;  l'élève  ne  vit  que  dans 
l'avenir.  Or,  de  deux  choses  l'une  :  ou  l'élève  se  soumettra 
à  l'autorité  du  maître,  dans  ces  discussions  de  goût,  ou  il 
lui  résistera.  Dans  le  premier  cas,  les leçonsserout dange- 
reuses; dans  le  second,  elles  seront  inutiles.  L'harmonie, 
le  contrepoint,  renferment  l'art  d'écrire;  le  géuieseul  donne 
celui  de  composer  ;  tout  le  reste  est  illusoire. 

men  pour  la  réception  des  ouvrages  dramatiques.  Le  savoir 
donne  certainement  les  moyens  de  juger  des  qualités  du 
Style  d'une  composition  ;  mais  qui  oserait  allinuer  qu'une 
simple  audition  suffit  pour  se  former  une  opinion  do  sou 
effet  ?  et  cependant,  c'est  toujours  sur  une  simple  audition 
qu'on  prononce  l'admission  ou  le  rejet  de  la  musique  d'une 
pièce. 

Supposczun  comité  composé  de  Rameau,  de  Rebel  et  de 
Francccur,  et  chargé  de  prononcer  sur  Vlphigtinit  c« 
Autùle  de  Gluck,  ou  Don  Juan  de  Mozart,  soumis  à  l'exa- 
men de  JonielU,  de  Traclla  et  de  Fenaroli  ;  que  pensez- 
vous  qui  serait  arrivé?  Si  vous  voulez  le  savoir,  examinez 
ce  qui  s'est  passé  dans  l'école,  lors  de  l'apparition  du  Bar- 
bier de  Sévitte  et  des  autres  productions  du  maître  de 
Pesaro.  De  quelle  réprobation  n'out-elies  pas  été  frappées  ? 
Qu'a-t-ou  vu,  si  ce  n'est  leurs  défauts?  Que  disaient  alors 
leurs  admirateurs  d'aujourd'hui?  Le  souvenir  en  est  trop 


a6o 

récent  pour  que  j'aie  besoin  de  le  rappeler.  Cette  histoire 
est  celle  de  tous  les  temps. 

D'ailleurs,  à  des  préjugés  excusables,  combien  de  motifs 
moins  purs  viennent  se  joindre  dans  l'âme  des  juges  d'un 
ouvrage  nouveau,  même  à  leur  insçu.  Eh!  comment  se 
défendre  de  préventions  favorables  pour  un  parent,  un 
ami,  un  élève  de  prédilection,  ou  d'éloignement  pour  un 
inconnu,  pour  un  rival  peut-être,  dont  on  prévoit  les  suc- 
cès, Je  ne  dis  pas  que  cela  se  voie;  mais,  enfin,  cela  peut 
arriver.  Ces  faiblesses  sont  celles  de  l'humanité  !  Et  ce  qui 
prouve  qu'an  moins  l'on  se  trompe,  c'est  que  chaque  jour 
on  voit  le  public  réformer  les  jugemens  de  nos  aréopages. 
Tel  ouvrago  est  prôné  d'avance,  et  ne  marque  son  entrée 
dans  le  monde  que  par  une  lourde  chute.  Tel  autre  est 
d'abord  l'objet  du  dédain  des  habiles,  et  parcourt  ensuite 
une  brillante  carrière.  A  quoi  servent  donc  les  comités?  Je 
le  dis  franchement  et  selon  ma  conviction,  à  rien,  si  ce 
n'est  à  nuire. 

Mais  cependant,  on  ne  peut  s'exposer  à  faire,  à  l'Opéra, 
par  exemple,  les  frais  qu'entraînent  la  mise  en  scène  d'un 
ouvrage,  qui  peut  n'être  qu'un  fatras  ridicule  !  D'accord  : 
que  l'Opéra  ne  soit  point  un  théâtre  d'essai.  Mais,  me  voilà 
revenu  à  mon  dire  habituel,  ayez  donc  un  théâtre  d'essai, 
qui  soit  ouvert  à  tout  le  monde,  qui  dispense  des  artistes 
estimables  des  fonctions  pénibles  de  jugeurs ,  et  qui 
donne  des  résultats  plus  concluans  que  des  décisions 
de  jury  ou  de  comités.  Chacun  y  gagnera  :  le  public,  en 
plaisir;  les  déhulans,  en  facilité;  leurs  maîtres,  en  consi- 
dération. 

FÉTIS. 


NOUVELLES  ÉTRANGÈRES. 

Beriin,  j"  octobre'.  S'il  existe,  disait  un  journal  alle- 
mand, cette  année  à  Berlin  un  dilettante-  qui  ne  se  croie 
pas  de  bon  ton,  c'est  qu'il  ne  l'aura  pas  voulu.  Ancuno 

(i)  Eïlrail  de  la  Gazette  musicale  de  Berlin. 


a8i 

ville  d'Allemagne  n'a  été  visitée  par  un  si  grand  nombre 

d'artistes  étrangers  qui  soient  venus  y  donner  des  repré- 
sentations et  des  concerts.  Indépendamment  de  madame 
Catalani  et  des  dernières  représentations  de  mademoiselle 
Sontag,  le  Théâtre-Royal  et  celui  de  Kœuigstadt  ont  pu 
offrir  à  leurs  abonnés  une  suite  de  chanteurs  et  de  canta- 
trices telle,  qu'on  en  oublie  déjà  les  noms.  La  rivalité  qui 
existe  entre  ces  deux  théâtres  profite  plus  au  publie  sous  ce 
rapport  que  sous  celui  du  répertoire.  Le  Théâtre-Royal  qui 
a  le  privilège  de  jouer  depuis  le  grand-opéra  et  la  tragédie 
jusqu'aux  plus  mauvaises  farces,  et  aux  singeries  de jocko, 
n'en  profile  pourtant  pas  assez,  quoiqu'il  possède  d'ailleurs 
un  personnel  remarquable,  on  l'on  complu  dus  arlislus 
tels  que  M—  Milder  et  Seidler.  Les  grands  opéras  y  sont 
en  général  mal  montés  et  mal  exécutés,  à  l'exception  des 
seuls  ouvrages  de  M.  Spontini.  On  a  même  été  jusqu'à  se 
permettre  d'y  faire  entendre  tes  Noces  de  Figaro  de  Mo- 
zart, arrangées  et  corrigées!!!  On  a  remarqué  que  la  plu- 
part des  opéras  traduits  de  l'italien,  et  surtout  ceux  de 
Rossini,  n'y  ont  pas  eu  de  succès,  tandis  que  les  mûmes  ou- 
vragesréussissaionlsurlc  théâtre  de  Kœuigstadt.  Quoiqu'il 
en  soit,  le  Théâtre- Royal  a  en  aussi  cet  été  un  grand  nombre 

et  une  expression  forte,  qui  la  rendent  particulièrement 
propre  au  genre  du  grand  opéra  :  elle  est  déjà  repartie  pour 
Munich.  Au  nombre  dus  artistes  qui  lut  on  t. succédé,  on  cite 
M^Rraiis-W  i  anit/ky.  à  laquelle  on  reconnaît  beaucoup  de 
talent,  et  M.  ttabiiigg.,  qui  était  arrivé  du  Hongrie,  et  qui 
vient  do  terminer  mis  représentations.  Ce  chanteur,  qui  pos- 
sède une  jolie  voix  de  ténor,  et  beau  coup  de  facilité,  pèche  par 
l'excès  des  roulades  et  des  ornemens.  Il  a  chante  ces  jours 
derniers  avec  un  grand  succès  les  rôles  de  Georges  de  la 
Dame  i/lanchc,  cl  de  Jean  de  Paris  dans  l'opéra  de  ce 

Le  théâtre  de  Kœnigsladt,  qui  est  limité  au  genre  de 
l' opéra-comique  et  auquel  il  a  été,  pour  celte  raison,  in- 
terdit de  donner  le  Faust  de  Spobr  et  VOteron  deWeber, 


36a 

que  le  Théâtre-Royal  n'a  pas  encore  montés,  tâche  de  lut- 
ter ainsi  bien  que  possible  contre  le  désavantage  de  sa  po- 
sition. Le  îrèle  et  l'activité  se  font  plus  sentir  dans  cette 
entreprise  que  chez  son  rival  privilégié.  Il  est  vrai  que 
dans  les  deux  dernières  années,  M"*Sonlag  al  tirait  la  Coule 
à  Kœnigslailt.  Il  est  difficile  de  prévoir  ce  qui  doit  arriver 
maintenant  qu'elle  est  partie,  d'autant  plus  que  le  public 
demande  du  nouveau  avec  instance,  cl  qu'on  ne  sait  trop 
où  en  trouver,  pu  attendant,  pour  remplir  une  partie  du 
vide  laissé  par  le  départ  de  M"*  Sonlag,  ee  théâtre  vient 
d'engager  M"'  Eva  Bambcrgcr,  jeune  personne  de  seize  ans, 
quia  débuté  le  21)  septembre,  dans  la  Cendritlon  de  Itos- 
sini.  On  lui  a  trouvé  une  jolie  voix,  de  la  facilité,  même 
du  talent;  mais  peu  de  force  physique,  ce  qui  n'a  rien 
d'étonnant,  vu  son  extrême  jeunesse. 

M11"  Son  ta  g  est  allée  recueillir  des  thalers  et  des  adora- 
tions à  Breslaa;  elle  se  rendra,  dit-on,  à  Hambourg  et  à 
Dresde,  d'où  elle  reviendra  n  licrlin,  pour  y  donner  dix 
représentations  au  Théâtre-Royal  avant  de  partir  pour 
Paris. 

Mumcn,  1"  octobre.  M.  Spontiui  avait  été  invité,  par 
l'intendance  des  théâtres  royaux,  à  venir  présider  à  la  mise 
en  scène  et  aux  répétitions  de  son  opéra  de  te  Vestale, 
dont  on  voulait  rendre  l'exécution  digue  du  mérite  de 
l'ouvrage.  La  représentation,  si  remarquants  sous  plus 
d'un  rapport,  a  eu  lieu  hier.  M.  Spontini  dirigeait  l'or- 
chestre. Il  avait  à  peine  pris  place,  que  le  public  le  salua 
par  les  acclamations  les  plus  flatteuses.  On  n'a  eu  qu'à 
louer  l'ensemble  de  l'exécution  de  la  part  de  l'orchestre 
et  des  chanteurs'.  On  doit  citer  parmi  ceux-ci  M**Sigl, 
aujourd'hui  M"'  Sigl-Wespermaun ,  qui  remplissait  le  rôle 
delà  Vestale,  et  M.  Loehle,  qui  chantait  celui  de  Licinius. 

R  aisées  LACTES!! ,  3;  septembre.  La  première  fête  musi- 
cale de  la  Bavière  rhénane  a  en  lieu  dans  nos  murs  le 
23  septembre.  Plusieurs  jours  auparavant,  la  ville  reten- 
tissait de  tous  cotés  des  exercices  des  voix  et  des  înstru- 
mens,  et,  le  jour  de  la  tête,  plus  de  quatre  mille  auditeurs, 
dont  la  plus  grande  partie  était  venue  des  pays  voisins  par 


a63 

tous  les  moyens  Je  transport  usités  dans  les  provinces  du 
Rhin  ,  se  réunirent  dans  l'église  protestante,  oîi  l'on  exé- 
cuta en  entier  ia  Création  d'Haydn,  qui  avait  été  spécia- 
lement choisie  pour  la  circonstance.  On  fut  surpris  de  la 
quantité  de  bonnes  voiï  et  du  bons  chanteurs  qui  avaient 
pu  être  rassemblés,  et  l'ou  entendit  surtout  avec  le  plus 
grand  plaisir  les  voix  de  femmes  qui  chantaient  la  partie 
d'Ève  et  les  solos  d'anges.  Un  bal  termina  la  journée. 

Fbancfobt,  4  octolre.  On  a  entendu  de  nouveau  et 
avec  plus  d'altention  l'Oberon  de  Weber,  sur  lequel  les 
idées  sont  maintenant  changées.  Grâce  à  une  meilleure 
exécution  et  à  plusieurs  nouvelles  représentations,  on  re- 
connaît dans  cet  ouvrage  un  grand  charme  et  des  beautés 
fort  originales. 

Flobewcb.  Trois  opéras  sont  maintenant  en  activité  dans 
celte  ville.  La  MatUdede  Shabran,  de  Rossini,  se  joue 
au  théâtre  de  ia.  Pergola.  Les  feuilles  italiennes  donnent 
beaucoup  d'éloges  au  chant  d'Amélie  Brambilla,  qui  joue 
le  rôle  principal,  quoiqu'ils  avouent  que  ce  théâtre  est 
un  peu  trop  vaste  pour  le  timbre  de  sa  voix.  Les  autres 
acteurs,  à  l'exception  de  Frezailini,  ne  plaisent  pas. 

Au  théâtre  Cocomero,  Genlili  et  les  cantatrices  Grisi  et 
Alberti  exécutent  la  Donna  Caritea  de  Mercadante  avec 
succès.  Enfin ,  la  Seniiramide  de  Rossini ,  chantée  par  la 
Boninî,  et  la  jeune  Veutùri,  contralto,  attire  la  foule  au 
théâtre  di  B&rgognissanti.  Une  semblable  réunion  ne- 
s'était  pas  vue  à  Florence  depuis  long-lemps. 

Rome.  Un  nouvel  opéra,  intitulé  VInnocenza  in  peri- 
gtio,  vient  d'être  représenté  avec  le  plus  grand  succès 
au  théâtre  Faite.  La  musique  est  d'un  jeune  compositeur 
napolitain,  nommé  Conti,  qui  s'est  déjà  fait  connaître 
avantageusement  par  quelques  autres  ouvrages  dans  sa 
patrie.  Les  principaux  chanteurs  de  sa  dernière  produc- 
tion sont  Zuccoli,  Verger,  Giordani  et  la  Boccabadati. 

—  Les  Vénitiens  ont  accueilli  avec  beaucoup  de  froi- 
deur la  Ginevra  di  Scotia  de  Mayer,  qui  a  élé  représentée 
pour  la  première  fois  sur  le  théâtre  Saint-Luc,  le  1 5  sep- 
tembre. L'entrepreneur  a  élé  obligé  de  substituer  Tan- 


Digitizod  by  Google 


s64 

crali  a  la  Ginevra,  et  l'ouvrage  de  Rossini  a  été  accueilli 
avec  transport.  La  cantatrice  Manfredini  s'est  fait  ap- 
plaudir dans  le  rôle  d'Aménaide;  mais  on  reproche  a 
M"' Caroline-Casimir  Nay  l'excès  des  fioritures  dont  elle 
a  accablé  celui  de  Tancrede. 


ANNONCES. 


F.  Ktoliu.  Trois  grands  duos  concertais  pour  deux 
Ilotes,  œuvre  87.  Prix  :  1a  fr. 

Idem.  Grande  sonate  concertante  pour  piano  et  flûte, 
œuvre  85.  Prix  :  9  fr. 

F.  Ries.  Trio  pour  piano,  violon  et  violoncelle,  œuvre 
143.  Prix:9fr. 

Paris,  les  fils  de  B.  Schott,  place  des  Italiens,  n°  1. 

—  1°  Premier  quadrille  de  contredanses  sur  le  Ballet 
delà  Somnamtoute,  arrangé  pour  le  piano ,  avec  accom- 
pagnement de  violon  ou  Ûûte,  ad  libitum,  par  Henri 
Lcmoine.  Prix  :  3  fr.  j5  cent. 

a°  La  Brigantine,  caprice  sur  la  romance  de  M™  Du- 
chambgc,  composé  par  J.-B.  Duvernoy.  Pris:  5fr. 

A  Paris,  au  magasin  de  musique  et  d'iustrumens  do 
Henri  Lemoine,  rue  de  l'iiche  Ile-Saint- Honoré,  a'  g. 

—  Le  trio  de  Giulettaet  Romeo,  chanté  avec  succès  au 
théâtre  royal  Italien,  musique  de  Vnccai,  vient  de  paraître 
au  magasin  de  musique  de  Pacïni,  boulevard  des  Italiens, 
n°  11;  prix:  4  fr.  Go  c.  M.  Pacïni  publie  ce  trio  tel  qu'il  a 
été  indiqué  par  H.  Rossini,  et  tel  qu'il  a  été  chanté  par 
M11"  Blasis ,  MM.  Bordogni  et  Levasseur. 

On  trouve  à  la  même  adresse  tous  les  autres  morceaux 
du  même  opéra ,  et  toute  la  musique  de  Rossini ,  Pacini , 
Mcrcadante,  etc. 


Digitizod  t>y  Google 


QUELQUES  NOTIONS 

SUR  JOSQTJÏN  DESPRÉS, 

ILiiTBE  DE  linSHJCfi  DE  LOUIS  XII. 

Si  noire  but  était  d'entreprendre  de  donner,  sur  le  plu* 
célèbre  des  compositeurs  du  quinzième  siècle,  une  uolice 
par  laquelle  on  pût  se  convaincre  des  immenses  progrès 
que  Josquin  Després  fit  faire  à  l'art  musical ,  tant  par  ses 
excellentes  compositions  que  par  le  nombre  des  maîtres 
fameux  qui  se  formèrent  à  son  école ,  nous  ne  pourrions 
mieux  faire  que  de  traduire  textuellement  ce  que  Forkel 
en  a  publié,  eu  soixante-quatorze  pages  in-quarto,  dans  sa 
précieuse  Histoire  universelle  de  la  musique  et  de  rcu- 
voyer  à  l'article  Josquin  dans  le  Dictionnaire  des  musi- 
ciens1, article  traduit  et  abrégé  d'après  le  texte  de  Forkel; 
mais  nous  Mous  bornerons  à  relever  quelques  détails 
inexacts,  à  préciser  quelques  époques  de  la  vie  de  cet  an- 
cien compositeur,  dont  plusieurs  ouvrages  existent  oncore 
dansjesbïbliotlièques  publiques  de  France  et  de  l'étranger. 

Forkel  dit  expressément  que  le  lieu  de  la  naissance  de 
Josquin  n'est  point  connu,  mais  qu'on  le  croit  natif  des 
Pays-Bas.  Cet  historien  voudrait  ensuite  insinuer  qu'en 
raison  du  mérite  de  ses  compositions,  Josquiu  pourrait 
itre  considéré  comme  Allemand,  puisque  Vitus-Ortel  de 
Wiadsheim  le  metau  nombre  des  meilleurs  compositeurs  de 
cette  nation,  tels  que  Seufel,  Ucnry-Isaac  et  autres.  Foui' 
appuyer  encore  plus  ses  présomptions ,  Forkel  dit  qu'un 
peut  d'ailleurs  considérer  Josquin  comme  compositeur  al- 
lemand, puisque  les  Pays-Bas  font  partie  de  l'Allemagne. 
Les  Italiens  ont  aussi  la  prétention  de  le  considérer  cuinnm 
■originaire  d'Italie.  Us  ne  l'appellent  que  JacopoPralnua 
ou  Jusquin  DclPrato,  le  con»idéra*it  comme  étant  né  à. 
Pralo  eu  Toscane- 

(1)  Aligtmcine  Geichicbta  der  Uuïik ,  vof.  1,  p.  SSo. 
(i)  Article  Jwtjuin  Duprés,  tu™,  i",  p.  337. 

a*  vor..  a  5 


Pour  noua  attire*  Français,  dont  l'école  de  mnsïque 
Gallo-Batavc  élait,  sans  contredit,  la  plus  répandue  et  la 
plus  estimée  en  Europe,  an  quinzième  siècle,  tant  pour  le 
chant  que  pour  la  composition,  nous  nous  en  tien  droits 
au  nom  de  Josquin  Després  qui  est  Français.  De  plus, 
nous  ajouterons,  pour  preuve  que  ce  compositeur  est  né 
en  France,  ce  qu'en  dit  Cl.  Hémeré  dans  ses  Tablettes 
chronologiques  des  doyens  de  Saint-Quenlin,  pape  161. 
'  Josquimis  à  Pratis,  magister  sj/mphonim  rcgùe  suù 
«Francisco,  eanonicus  Simcli-Quinliiti.  Huic.  Fràn- 

•  eisco  rege  potlicito  sape  prïmam  prœbcndam  vacatu- 

•  ram,  elc.  Josquin  Després,  matlre  de  la  musique  du 
«  roi  sous  FrançoisI,  chanoine  de  Saint-Quenlin,  ayant 
>  demandé  plusieurs  fois  au  rot  la  première  prébende  va- 

■  cante,  elc,  elc.'o  Claude  Hémeré rapporle  ici  l'anecdote 
du  motet  :  Memor  esto  verbi  tui,  composé  par  Jnsquin  , 
à  l'occasion  de  celle  prébende,  puis  il  ajoute  :  »  Fuit  itte 
«  cantandi  arte  cfarîssimtis.infantuius  cantor  in  choro 

•  Sancti -  Quintini ,  tvm  ibid  musical  prœfeetus ,  pos- 

•  tremo  magister  sijmpkoniœ  regia;.  Cet  homme  célèbre 
t  dans  l'arl  du  chanl,  encore  enfant  fut  chanteur  dans  le 
c  chœur  de  l'église  de  Saint-Quentin,  ensuite  il  en  devint 
«le  maître  de  musique,  et  enfin  matlre  de  chapelle  du 

Il  paraît  donc  évident  que  les  parens  de  Josquin  ,  s'ils 
eussent  élé  Allemands  ou  Italiens,  ne  l'eussent  pas  amené 
de  leur  pays  pour  le  placer  enfant  de  choeur  chantant  à 
la  collégiale  de  Saint-Quentin.  La-Croii-du-Maine  et  Du- 
verdier,  lom.  a,  p.  7,  parlent  ainsi  de  Josquin.  1  Josquin 

•  Des  jP-rc;,  natif  du  pays  d'Haynaultcn  la  Gaule-Belgique, 
«  l'un  des  premiers  et  des  plus  exccllcnset  renommés  mu- 
«  sicîens  de  son  siècle.  Il  a  mis  plusieurs  chansons  en  mu- 
«  sique,  imprimées  a  Paris,  à  Lyon,  à  Anvers  et  autres  licuï 
«  par  une  infinité  de  fois.  »  M.  De  la  Monnoye  fait  au  su-  . 
jet  do  celte  citation  les  remarques  suivantes.  1  II  fallait 

■  écrire  Desprez.  Simler,  qui  dans  son  Abrégé  de  Gesntr 

(1)  Op  pfut  voir  tlnns  le  Tlielionnaire  det  Muiiàtni,  à  l'article  cili 
ci  dessus,  ries  dtlûils  rp.i  noiis  croîtras  pouvoir  omettre  ici. 


Dipzed  by  Google 


»  a  ilit  Jodocus  à  Prato,  ilevail  dire  à  Prat'is. Drrvo.it  que 

■  Josquin,  comme  si  l'un  écrit-ail  Jossequin  est  un  dimi- 
«  nuliï  de  Josse.    La  musique  do  Josquin  était  fameuse 

■  même  en  Italie.  Le  Doui,  dans  sa  Libraria,  au  chapitre 
«  intitulé  la  Musica  stumpata  ,  n'oublie  par  <e  Messe  'le 
«  Josquino,  cinquciibri.  »  .». 

Mais  nous  avons  trouvé  dans  les  sMppWmeiis  manus- 
crits à  l'ouvrage  de  T.acroix-du-Maine,  parl'abbéMereicr 
dit  l'abbé  de  Saint-Léger,  des  renseignement,  qui,  éloi- 
gnant toutes  conjectures,  nous  donnent  le  lieu  de  la  nais- 
sance de  Josquin.  Dans  ces  supplémens  manuscrits,  dont 
nous  devons  la  communication  à  l'obligeance  de  M.  Van- 
l'ract,  conservateur  des  ouvrages  imprimés  de  la  Biblio- 
thèque du  lioi,nous  trouvons  ce  qui  suit,  t  Jodocus  de 
«  Pratis,  Josquin  Desprez,  musicien  célèbre estoit  de  Garn- 
it bray.  Voicy  ce  qu'en  dit  Lcduchat  dans  la  note  48>  sur  le 

■  nouveau  prologue  du  4' livre  du  Pantagruel  de  Rabelais, 
«  qui  en  parle,  aussi  bien  que  de  plusieurs  disciples  de  ce 
«  Josquin1,  tom.  4,  pag.  4-'l  ■  P> i&  d'entre  ceux  que  Ralio- 
«  lais  nomme  icy ,  dit  Leduchat,  furent  tes  disciples  de 
a  cet  ex  cellent  musicienquï  estoil  de  Cambray,  et  duquel 
ait  y  a  plusieurs  chansons  imprimées  avec  la  note ,  à 
"Paris,  à  Lyon,  à  Envers  et  en  d'autres  lieux:  V oyez  La 
«Croix-du-Mainc  et  la  préface' d' un  recueit  de  cliun 
«  sons,  imprimé  chez  [ïaliard.  Van  1672  '.  Jl  ètoit  con- 

(1)  Les  disciples  de  Josquin,  nommés  dans  le  mCmc  prologue,  sont  : 
Moula,  Jean  Mouton,  itiebafort,  Bcrcbem,  Adrien  Wnillaert ,  Clément 
Jannequïn  (do  qui  noua  avons  la  fameuse  ebanson  de  la  déTaili:  dr~ 
Suisses  à  la  bataille  de  Marignan),  Claudin  (le  jenne)  de  Valcnciennes, 
Bourgogne ,  Certon  et  Maillait. 

(1)  Ronsard,  dans  sa  Préface  au  roi  Charles  IX,  mise  a  la  télé  du  re- 
cueil dont  parle  ici  l'abbé  de  Sainl-I-i-p-Ri -,  s'c\i>rirue  aimi:  ■  Et  pour 

■  ce,  Sire,  quand  il  se  manifeste  quelque  eircîlpnt  ouvrier  en  ce!  arl . 

•  tous  le  devez  soagn  en  sèment  garder  comme  chose  d'autant  eicul- 

■  lente  que  rarement  elle  «pparoist.  Entre  lesquels  se  sont,  depuis  sït 
«ou  sept  ringli  anseslevet  Josquin  Desprei,  Hennjer  de  nation,  cl  se* 
.disciples  Mouton  ,  Yuillard ,  Richafort ,  Jancquin,  Maillard.  Cltodin, 

•  Moulu,  Jaque),  Certon,  Arcadct,  et  de  présent  le  plus  que  divin  Or- 

■  lande,  qui,  comme  une  muucbe  a  miel,  a  eueilly  toutes  les  plus  belles 

•  Heur»  des  anliens,  et  outre  semble  avoir  seul  dérobé  l' harmonie. ri  i.~ 


ï68 

.  temp0rui1v.de  Jean  Lemaire  des  lietyes,  et  de  mémeiett 

•  nommés LogSct  et  Compère,  témoins  cm  vers  du  mêmt 

•  Jean  ternaire,  dans  son  poème  du  temple  de  Venus.- 

An  fin  milieu  du  chreur  ouir  pouTcs 
Enlrnhriscr  musique  ilcianiltine  , 
Et  de  Joaquin  Ic3*verbea  coulourer. 
Puis  d'Ockeghem  l'arnioole  trèl  fine , 

Les  termes  dum  de  LujSL'l  et  Cnmp*ïc  f  , 
l'uni  mùludii:  i-jx  cii-uï  mime  confine. 

•  Lamasique  de  Josquin  estoit  simple,  et  s'il  arrivait 
«  à  quelqu'un  de  eeuat  qui  chantaient  Us  mottts  au 
«  chœur  de  vouloir  les  broder,  il  se  faschoil  et  te  que- 
■  rettoit,  très  dispose  d'ailleurs  à  se  corriger  iui-mème 
«  sur-le-champ,  comme  il  lui  arrivait  quelquefois  lors- 
«  que  certains  endroits  de  ses  compositions  venaient  à 
%  choquer  son  oreiltedans  les  répétitions.  Voyezaucha- 
tpitre  de  sioDns,  les  lieux  communs  de  Metanclhon, 
a  cotUgés  par  J.  Manluis.  » 

]1  parait  donc  constant  que  Josq\t[ti  élait  .le  Cambrai  et 
que  ses  parens  le  placèrent  comme  cnfantde  chœur  chan- 
tant à  Saint-Quentin.  Parvenu  à  l'âge  de  puberté,  il  de- 
vait chanteur  et  ensuite  mallre  de  chapelle  et  chanoine 
de  la  collégiale;  mais  Cl.  Hcmeré  se  trompe  lorsqu'il  dh 
que  Josquin  fut  maître  lie  musique  de  François  I";  il  eut 
dû  dire  Louis  XII,  ainsi  que  l'assurent  Pierre  Opmeer,  dans 
sa  Chronographio  imprimée  in-8",  à  Cologne,  en  i6a5,  cl 
Glareau,  dans  sou  Dodecachordon ,  page  François 

cette  époque,  comme  nous  le  verrons  par  la  suilc. 

II  n'est  pas  facile  de  préciser  l'année  de  la  naissance  de 
ce  fameux  musicien.  Cependant,  si  l'on  considère  que  le 
maître  sous  lequel  il  fit  se»  études  de  composition,  Oken- 
beinion  Okcghem,  vivait  encore  eu  14  jG,  puisque  Tinctor, 

lie ,  sept  et  huict  partiel.  A  Paru  ,  par  Adrian  le  Hoy  et  Robctl  finïW, 


Digitized  t>y  Google 


i«0 

celte  même  année,  lui  dddia  son  ouvrage.  De  fa  nature 
m  de  fa  propriété  des  tous ,  ou  peut  présumer  que ,  né 
vers  i44°i  époque  à  laquelle  florissuit  Juan  Okcghem,  .los- 
quin  aurait  fait  ses  éludes  musicales  au  sortir  de  la  maî- 
trise de  la  collégiale  de  Saint-Quentin,  vers  i/|55  ou  1460, 
et  que,  devenu  chanteur  de  cette  église,  après  la  mue  de 
sa  voix,  ses  talens  acquis  l'auraient  fait  recevoir  comme 
inaitre  de  musique,  place  à  laquelle  était  attaché  un 
canonicat,  ■»  ria  .9U3*:i.0iii 

Après  avoir  obtenu  une  réputation  méritée,  Josquin 
passa  en  Italie,  où  ses  ouvrages  le  faisaient  déjà  considérer 
comme  l'un  dus  premiers  compositeurs  modernes  de  sou 
temps.  Appelé  àêtre  le  premier  chanteur  du  pape  Sixte IV1, 
il  parait  qu'il  composa  et  fit  exécuter  à  Rome  une 
partie  de  ses  messes  et  de  ses  motels;  mais  ou  peut  assu- 
rer que  la  grande  réputation  de  Josquin  en  Italie  n'était 
pas  encore  A  sou  apogée  lorsque  Tinclor  écrivit  nés  divers 
traités  de  musique  et  de  contrepoint,  car  cet  auteur  n'eût 
certainement  pas  oublié  de  citer  Josquin  parmi  les  grands 
maîtres  à  imiter,  si  les  années  1476,  77  et  78  n'eussent  pas 
été  précisément  celles  où,  tandis  que  Tiuctor  composait 
ses  ouvrages  didactiques,  Josquin  faisait  exécuter  ses  ouvra- 
ges pratiques  à  la  chapelle  du  pape.  Ce  ne  fut  doue  que 
sous  les  dernières  années  du  pontificat  de  Sixte  IV  que  sa 
réputation  était  tellement  répandue  qu'on  regardait,  alors 
Josquin  comme  le  prince  de  la  musique,  et  que  les  auteurs 
didactiques  ne  donnaient  pour  modèles  des  règles  nou- 
velles A  suivre  que  des  exemples  presque  tous  tirés  des 
oeuvres  de  Josquin. 

Il  importe  peu  de  savoir  précisément  si ,  après  la  mort 
de  Sixte  IV,  Josquin  resta  encore  en  Italie  ou  revint  en 
Franccy  occuper  unematlrise  de  musique,  et  un  canonicat, 
soit  A  Saint-Quentin,  soit  A  Cambrai;  mais  il  n'est  pas  in- 
différent de  fixer  l'époque  A  laquelle  il  a  pu  être  attaché 
A  Louis  XII,  comme  son  maître  de  musique,  ou  comme 
le  dit  judicieusement  Glareun,  le  premier  de  ses  chan- 

(0  SUte  IV  occnpa  lu  saint-siÉge  depuis  l'année  '  îiji  jusqu'en 


Digiiizcd  by  Google 


leurs'.  Ce  prince  moula  sur  le  tronc  en  1/198;  Josqnin  n'a 
donc  pu  être  le  maître  do  musique  de  sa  chapelle  quo 
très  peu  de  temps,  et  l'anecdote  des  motels  :  Mentor  eslo 
ve.rbi  lui  :  Portia  mca  non  est  in  terrà  viventium:  Bo~ 
nitatem  feeisti  aum  servo  tuo,  vient  confirmer  ce  que 
nous  avançons.  Ce  compositeur  pouvait  avoir  alors  près 
de  soiïante  ans.  Dans  la  seconde  année  de  son  règne, 
Louis  XII  épousa,  à  l'âge  de  trcnle-sept  ans,  Anne  de 
Bretagne,  et,  celle  même  année  (1499)1  'fi  ro'  quilla  la 
France  pour  s'emparer  du  Milanais.  Il  entra  en  personne 
à  Milan,  le  6  octobre.  Louis  XII  n'est  donc  resté  sans 
voyager  hors  de  France,  depuis  son  avènement  au  trône 
jusqu'à  la  première  invasion  dans  le  Milanais,  qu'environ 
dix-huit  mois.  Le  sacre  et  le  mariage  du  roi  auront  été 
cause  que  la  musique  qui  était  déjà  en  grande  faveur  dans 
lescours  des  souverains,  n'aura  pas  été  dédaignée  de  celle 
de  France,  lors  de  ces  évéuemens,  et  soit  que  Josquin  y 
ait  été  appelé  lors  du  sacre  ou  du  mariage ,  il  est  constant 
que  ce  grand  inailre  a  composé  les  motels  que  nous  venons 
de  citer,  à  l'occasion  de  la  promesse  que  le  roi  lui  avait 
faite  de  lui  donner  un  canonicat.  Un  sait  aussi  qu'il  tut 
asseis  habile  pour  faire  exécuter,  par  le  roi,  une  partie  de 
tùior,  dans  un  canon  composé  ctprès  pour  prouver  à  ce 
prince  qu'il  pouvait  participer  aux  concerts  de  la  cour, 
quoique  la  faiblesse  de  sa  voix  ne  lui  permit  pas  de  l'es- 
pérer. 

Il  est  probable  que  Josquin,  quoique  peu  favorisé  de  la 
fortune,  ne  se  serait  jamais  proposé  de  demander  un  ca- 
nonicat au  roi,  s'il  y  eût  eu  un  grand  avantage  d'être  at- 
taché à  la  cour,  comme  maître  dé  chapelle;  mais  cet 
emploi  honorable  et  lucratif  n'existait  pas  encore  à  cette 
époque,  elle  plus  habile  musicien  n'était  encoreconsidéré, 
dans  les  cours  souveraines,  que  comme  primusinter  pa- 
res. C'est  donc  pour  cette  raison  que  Josqnin,  dont  la 
carrière  était  déjà  avancée,  et  les  moyens  d'existence  peu 
assurés,  profita  de  son  séjour  à  la  cour  pour  obtenir  du  roi 
un  canonicat  qui,  sur  la  fin  de  ses  jours,  le  mît  à  l'abri  do 

(1)  (ilarean,  P«g,4G8,  %.  17. 


'rindigcuce;  car  il  avait  déjà  éprouvé  en  Italie»  en  diffé- 
rentes occasions,  que  les  talens  ne  sorti  pas  toujours  ac- 
compagnies  «le  l'aisance1.  Prenant  soin  de  ne  perdre  au- 
cune occasion  pour  arriver  à  san  but,  il  s'était  adressé 
aussi  à  un  seigneur  de  la  cour,  pour  le  prier  d'appuyer  sa 
demande  auprès  du  roi;  mais  ce  seigneur  qui,  comme  tant 
d'autres,  craignait  d'employer  son  crédit  si  ce  n'était  pour 
lui-même,  éludait  toujours  Josquin  en  ne  répondant  à 
ses  instances  réitérées,  <]uc  ce  peu  de  mots  :  Laissa  faire 
moi,  laisse'  faire  moi.1  Josquin,  dont  le  caractère  était 
à  la  fois  profond',  sérieux  et  plaisant,  composa  à  ee  sujet 
une  messe,  dont  le  llième  obligé  était  les  mots  :  ia,  sot,  fa, 
re,  mi,  sur  lesquels  il  badina  tant  de  fois  les  mêmes  redites, 
que  le  seigneur  s'aperçut  enfin  qu'il  était  l'objet  d'une 
plaisanterie  dont  la  cour  se  diverlissait.  Ce  trait  l'aida  de 
même  à  faire  entendre  an  roi  que  sa  majesté  avait  oublié 
de  lui  tenir  parole,  plusieurs  eanonicals  ayant  été  donnés, 
sans  que  Josquin  eût  participé  aux  grâces  du  monarque. 
Le  motel,  Mcmor  eslo  verti  fut,  fixa  sur  son  compositeur 
les  yeux  de  la  cour;  mais  le  roi  n'entendit  pas  ou  ne  voulut 
pas  entendre  le  sirns  des  paroles  de  ce  molet  exécuté  pen- 
dant la  messe.  Il  n'y  avait  donc  plus  que  la  plainte  indi- 
recte qui  fût  permise  au  peu  fortuné  Josquin.  Enfin  son 
autre  motet  :  l'ortio  mea  non  est  in  terrd  viventium,  l'ut 
composé  dans  un  stjle  si  touchant,  que  le  roi  accorda  à 
sou  premier  musicien  le  canonical  qu'il  lui  avait  demandé 
avec  tant  d'instances  et  d'une  manière  si  ingénieuse.  Soit 

que  le  motet  :  ISonitateni  fec.hti  cum  servo  tuo,  que  Jos- 
quin compo-a  p'jur  témoigner  au  rui  ses  rcmerciuieus. 
était  loin  de  valoir  le  précédent;  quoi  qu'il  en  soit,  Josquin 
obtint  un  cauonieat  qui  fut  le  doyenne  de  Coudé ,  comme 
le  prouve  Aubert  Mirants,  (  Lemire  )  dans  son  ouvrage 

(i)  Zarlïn  rapporte,  jis^r.  ~ni\  (le  sus  Si,pp!rm.-:n  musicaux,  un  ïunjirt 
Sli;. |>hici  Aquilanu  avait  un  jour  composé  et  cnvovi'i  il  soa  ami  J re- 
quin ,  pour  le  consoler  de  ce  que  la  fortune  ne  lui  souriait  pa>  ,  nialgrù 
»on  grand  génit. 

(a)  En  italien,  Lascia  fan  mi. 


in-fr  intitulé  :  de  canonicorum  cottsgiit,  capi  iC,  pi  4a1 
de  b.  Maria;  et  Sancti-Waguulpliii  Collegîo  Coudateusi  iii 
Hannonïà. 

zEstautem.  Condatum[vu(gà  Condé)Hannoniai  op- 

•  pidum  (dit  cet  auteur)  in  quo  moniatium  insigne 

•  canonicorum  cotlegiutn,  à  muUisjam  sœoutis  resedit. 
»  Hvjus  cottegii  Decanus  patrum  memoria  fuit  Josqui- 
«hcb  l'ikTWfmusicusexcetlentissimtts,  quiprimus  ferè 
«  arlem  musicam  in  ordintm  rtdegit,  muilitque  eam 
*vartiùus  attxit.  Obiit  anno  Chritti  l5oi.  Condati 

«  Il  existe  à  Condé  ,  ville  du  Hainault,  un  célèbre  cha- 
«pitre  de  chanoines  réguliers,  fondé  depuis  plusieurs  siè- 
■  cles.  Josquin  Jlcsprés,  excellent  musicien,  le  premier 

•  presque  qui  mit  de  l'ordre  dans  l'art  de  la  composition 
«musicale  et  l'augmenta  de  beaucoup  de  parties,  fut, 
«  d'après  le  témoignage  des  anciens,  doyen  de  cette  collé- 
.giale.  Il  mourut  l'année  de  J.-C.  i5oi,  et  ilaélé  inhumé 
o  sous  le  jubé  de  Coudé,  devant  le  maître-autel.  * 

D'après  un  pareil  lémoignage,  il  ne  peut  plus  y  avoir  ds 
doute  sur  les  dernières  années  de  l'existence  de  cet  homme 
célèbre,  que  les  auteurs,  tant  nationaux  qu'étrangers,  re- 
gardent tous  comme  le  musicien  et  le  compositeur  le 
plus  étonnant  de  son  siècle. 

PERSE, 

Correspondant  de  l'Institut. 

Le  savant  auteur  de  la  notice  qu'on  vient  de  lire,  const* 
dère  le  passage  d'Aubert  le  Mire,  qui  fixera  'la'le  dela'mort 
de  Josquin  Després  à  1 5o  i ,  comme  sans  réplique  :  j'avoue 
que  je  ne  parlage  pas  sa  conviction,  et  qu'il  me  reste  des 
doutes,  dont  je  vais  expliquer  les  motifi.  J'espère  qu'on 
me  pardonnera  les  détails  fastidieux  dans  lesquels  je 
suis  forcé  d'entrer,  en  faveur  du  grand  musicien  dont  il 

On  avu  dans  la  notice  de  M.  Pcrne  que  Josquin  avait  en 
pour  maître  de  composition  Okegtiem,  chapelain  de 
Louis  XI,  et  trésorier  de  Saint-Martin  Je  Tours.  Après  la 
mort  de  celui-ci,  Josquin  composa  tin  chant  funèbre  à 


273 

-cinq  vois,  sous  le  nom  de  Déptoralion ,  sur  ces  pa- 
-roles  : 

Kymphes  des-bois. 
Déesses  des  fontaine», 
Chantrei  eipcrts  de  tantes  nations. 
Changes  f  os  voi*, 
Fort  clairet  et  hautaines , 
Fn  cris-tranohanli.  et  lamentations; 
C>r-d'Atropos,lestnoieitatioo« 
Vostre  Oheghtm  pat  sa  rigueur  atrappe ,  etc.  * 

Il  est  donc  prouvé  par  là  que  Josquin  Després  survécut 
à  son  maïlre.  Or,  si  nous  découvrons  que  celui-ci  Vivait 
encore  après  l'époque  fixée  par  Le  Mire  comme  celle  de  la 
mort  de  l'élève,  fl  me  semble  que  l'autorité  de  cet  écrivain 
perdra  beaucoup  de  sa  valeur.  C'est  précisément  ce  qui  a 

Jean  Le  Blaire ,  poète  etliistorien,  surnommé  de  Beiges, 
parce  qu'il  était  né  à  Bavai  (en  l4;5),  petite  ville  du  liai- 
riant,  qui  portait  alors  ce  nom,  dans  son  éptlre  à  maître 
François  Le  Rouge  *,  datée -de  Blois,  iSia,  parle  d'Okeg- 
liem  en  ces  ternies  :  • 

«  En  la  fin  de  mon  troisième  livre  des  illustrations  dé, 
•.France,  j'àî  bien  voulu,  à  la  requesle  et  persuasion 

•  d'aucuns  mes  bonsamys,adiouter  les  œuvres  dessus  es- 
«criples,  et  mesmement  les  communiquer  à  la  chose  pu- 

•  bliquede  France  et  de  Bretagne,  afin  de  leur  monstre  r 
«par  especiaulte  comment  la  langue  gallicane  est  enrl- 
.  chie  et  exaltée  par  les  œuvres  de  monsieur  le  tlirésoricr 
«  du  boys  de  Vinceunes,  maistre  Guillaume  Crétid,  tout 
■«  ainsi  comme  ta  musique  fut  ennoblie  par  monsieur  tb 
%  thrisoritr  de  Saint-Martin  de  Tours,  Okegkem,  ores 

•  mon  voisin  et  de  nostre  nation,  etc. 1 

{0  Voyee  1>  mtrtîfnie  de  ce  morceau  singulier  dans  l'HïiWre  gêmrëtt 
He  la  musique,  de  Forkel,  f.  i ,  p.  S\ttis«iv. 

[%)  À  la  mite  de  ifs  Ulmtratuau  rfe  Franc*,  Paris,  iStj,in-8°,  ri 
1548, in-8-,  Jean  Le  Maire  fut  secrétaire  d'Anne  de  Hrclague,  et  Vivait 
à  Tours  lorsque  ceci  fol  ecrtt. 

(3)  D-uprè.™  passage,  on  voit  qu-Oacghem  était  ne  dans  té  Hainant, 
«t  peut-être  »  Bavai.  A  l'ég.tddct*  date  do  si  naissance,  il  est  v,hU 
semblable  qu'elle  tit  antérieure  t  \Uo ,  car  Jean  Tïncloris  lui  I  rKHié 

a'toL.  ,  a4 


Ainsi  donc  Okeghem  vivait  encore  en  i5ia,  et,  à  moins 
de  supposer  que  la  déplora  lion  attribuée  à  Josquin  n'a 
point  fié  composée  par  lui,  on  est  forcé  d'avouer  qu'Au- 
bert  Le  Mire  a  parlé  de  la  date  de  sa  mort  un  peu  légère- 
ment. Mais,  dans  celle  supposition  même,  il  resterait  en- 
core quelques  autres  difficultés  qui  ne  sont  pas  moindres. 
D'abord  ,  une  autre  dèpioration  sur  la  mort  d'Okegliem  , 
composée  par  Guillaume  Crespel ,  prouve  que  Josquin  a 
survécu  à  son  maître,  car  les  paroles  le  disent  positive- 
ment : 

;■  .        Agricola,  Verbonnct,  Priori», 

Jotquin  du  Prés,  Gaspard  ,  Brumel,  Compère, 
Ncparlctplusdejuyeu.chants.neris, 
Main  compose!  un  ne  rtcortkrîi , 
'  Pour  lamenter  noslre  laaiatre  et  bon  pire. 

Un  autre  luit,  non  moins  remarquable,  est  celui-ci  : 
Jean-Georges  Schilen  cîle  dans  sa  Bibliothèque  choisie 
(Biblioth.  enucieata,  p.  ?>î?) ,  un  traité  de  musique  com- 
posé par  Josquin,  sous  le  titre  de  Carnpeiulium  musicale, 
qui,  selon  lui,  portait  la  date  de  i5o;.  Ou  ne  peut  croire 
que  l'existence  de  ce  Irailé  soit  supposée;  car  llcrurdi  en 
parle  positivement,  et  comme  l'ayant  vu,  dans  sa  Staffetta 
miisicaU  (p.  ia.)'. 

Enfin,  cl  ceci  est  encore  plus  concluant  :  Adrien  Pclit, 
surnommé  Coclius  ou  Cocticus,  musicien  français,  qui 
était  maître  de  musique  à  Nuremberg,  vers  le  milieu  du 
16"  siècle,  et  qui  éiait  né  en  i5oo,  a  publié  un  traité  de 

son  Irailè  de  Ntttttràtt  proprkt  .le  lonorum,  daté  du  G  nOï'mbrn  1(76, 
et  il  le  qualifie  de  premier  chapelain  du  roi  de  France,  Louis  XI ,  et  de 
tri»  excellent  et  très  ecjfcbrc  professeur  de  musique;  d'oui!  suit  qu'il  ne 
pouvait  avoir  alors  beaucoup  moins  de  quarante  ans,  puiaqu'il  jouissait 

premier  chapelain  de  Louis  XI  n'eiolut  pas  celui  de  trésorier  de  Saint- 
Martin  de  Tours,  puisque  ce  prince  tenait  sa  cour  au  Pkssh-kt-Tcuts , 
prèa  de  cette  ville. 

(i)  Voici  ce  qu'il  cd  dit:  •  Mena  pan»  c  un  tospiro  non  aakanu  due 

■  consoname  perfette  d'una  medeaima  «petic,  qnando  non  vi  nia  il  moto 

■  contrario,  perche  00a  sono  liameiiatc  da  allie  comou  au  lu,  esentendo 

■  si  ignude,  non  generano  variaiione  alcuna  nell'  armonia  corne  ben 
.  nalo  Attfifina.' jtCHta  umibneit  inlegram  imparti  mauunm  obitnat.  ■ 


□igitized  by  Google 


ï75 

musique,  oïl  il  expose  la  doctrine  <le  Josquin  dont  il  était 
élève.  Voici  le  titre  de  ce  livre  :  Compendiummusicw  des- 
cription ab  Adriano  Petit  Coclio,  disciputo  Josquini 
desPres.inquaprœur  cœtera  tractanturhœc:  1° demodo 
ornate  caneiidi;  a°  de  regutâ  contrapuncti  ;  3'  de  com- 
positions-; Nuremberg,  i55a,  in-4°.  On  y  trouve  dans  la 
seconde  partie  un  chapitre  sur  le  contrepoint  intitulé  :  De 
■  reguiâ  contrapuncti  tccundùm  doctrinam  Josquini  de 
Pratis.  On  voit  qu'il  est  impossible  qu'un  homme  né  en 
i5oo  ait  eu  pour  maître  un  autre  homme  mort  en  i5oi. 

Voilà  bien  du  fatras  pour  une  date  ;  mais  j'ai  cru  devoir 
livrer  ces  objections  ans  réflexions  et  à  la  sagacité  de 
M.  Perue. 

FÉTIS. 


NOUVELLES  DE  PAKIS. 

THÉÂTRE  ROYAL  DE  L'OPÉRA-COMIQl*. 
.  $ttmùrt  ttyrfonfarf»»  U  V&tff$.n  et  U  &ngni>i«-, 

OPÉBA-COMIQUB  ES  DEUX  1CTES  , 

MUSIQUE  DE  M.  PROSPER  DE  GIWKSTET, 

Samedi  i3  octobre.  Quoles  esprits  forts  se  moquent  tant 
qu'ils  voudront  des  frayeurs  qu'inspire  le  nombre  treize! 
décidément  il  porte  malheur.  Je  n'en  veox  poinl  d'autre 
preuve  que  le  funeste  treize  octobre  dernier.  Ou  donnait 
ce  jour-là  quatre  pièces  nouvelles  sur  trois  théâtres  do 
Paris,  et  pas  une  n'a  échappé  à  sa  maligne  influence. 
Opéras  comiques,  vaudevilles,  musique  française,  musi- 
que allemande,  (oui  s'en  est  ressenti,  et  se  porte  plus  ou 
moins  mal.  liais  aussi  quelle  imprudence  aux  acteurs,  aux 
comédiens,  aux  directeurs  de  tliûâtrcs,  d'aller  se  jeter  à 
l'étourdie  à  travers  ce  jour  malencontreux!  Un  écrivain, 
dont  le  nota  m'échappe,  a  publié  naguère  un  livre  qui  cou  - 


tient,  scion  lui,  douze  cents  vérités  dramatiques:  je  ne 
gais  si  l'on  y  trouve  ce  conseil  :  dépex-vous  du  treize,  mais 
celui-là  en  vaut  bien  un  autre.  Mais  laissons  les  réflexion» 
philosophiques  où  cabalistiques ,  et  voyons  si  le  quan- 
tième est  seul  coupable  de  tant  de  désastres. 

Les  histoires  d'eufans  qui  ne  commissent  pas  leurs  pires 
0V1  de  pires  qui  Sont  à  la  recherche  de  leurs  enfans  ne 
dont  pas  rares;  elles  servent  depuis  longtemps  de  fond  à 
des  rom;uis.  à  des  coules,  à  des  nièces  de  ilu'-ùiie.  Ces  évé- 


père  s'informe  peu  d'à  résultait  de  certaines  passades.  Ce- 
pendant, comme  celle  insouciance  n'est  pas  dramatique, 
les  auteurs  se  gardent  bien  de  la  mettre  en  scène.  Les  hé- 
ros de  leurs  diurnes  sont  presque  tous  d'une  sensibilité  ex- 
quise. II  y  a  toujours  une  voix  secrète,  un  cœur  qnî 
parle,  et  qui  porte  les  parens  vers  leurs  enfans,  ou  ceux-ci 
vers  lenrs  parons  inconnus.  Malheureusement ,  le  publie 
saisît  plus  vile  le  côté  ridicule  que  le  côté  moral  de  ces 
sortes  «o  reconnaissances,  et  le  moment  critique  est  tou- 
jours celui  où  on  les  voit  venir. 

Dans  t'Orpheiin  et  te  Brigadier  il  y  a  aussi  de  la  sen- 
sibilité, des  voix  secrètes,  et  une  reconnaissance:  et  rien 
de  tout  cela  n'a  paru  plaire  aux  spectateurs,  qui,  peut- 
être,  se  sont  montrés  trop  sévères.  Voici  le  sujet  de  cet 


une  jeune  femme,  mère  d'un  enfant  do  quatre  on  cinq 
ans.  Cet  enfant  est  le  fruit  d'un  amour  malheureux.  Sa 
mère,  qui,  je  crois,  se  nomme  Amélie,  et  dont  les  cha- 
grins ont  détruit  la  santé-,  meurt  en  recommandant  son 
fils  aux  soins  du  brave  Francœur,  et  en  lui  confiant  sa 
faute ,  mais  sans  lui  apprendre  le  nom  de  son  séducteur. 
Le  hussard  remplit  sa  promesse,  et  par  ses  soins,  l'enfant 
se  développe  et  devient  un  brave  soldat.  Elevé  de  grade  en 
grade  jusqu'à  celui  d'adjudant  sous-officier,  il  a  été  couvert 
de  blessures  dans  la  dernière  affaire v  en  défendant  les 
jour»  deso  u  colonel  qu'il  n'a  pu  sauver.  Atj  lever  du  ri- 


*77 

deau,  la  scène  se  passe  dans  la  maison  de  campagne  d'uni 
original  nommé  Monsieur  de  Belle  chas  te,  qui  a  la  prè- 
le n  lion  d'è  Ire  noble,  et  qui  appelle  sa  maison  un  château. 
Le  nouveau  colonel  du  régiment  de  Francœur  est  arrivé 
la  veille  dans  cet  endroit ,  où  se  trouve  cantonné  le  régi- 
ment. C'est  nu  homme  peu  communicalil",  peu  aqii  dus 
plaisirs,  et  qui  a  voulu  avoir  un  logement  isolé  dan»  un 
pavillon  du  jardin. 

Le  jeune  Victor,  fils  adoplif  de  Francoeur,  a  été  soigné 
de  ses  blessures  dans  la  maison  de  M.  do  Bel  léchasse;  il 
est  devenu  amoureux  de  sa  fille,  en  est  aimé,  mais  il  a  un 
rival  d'autant  plus  redoutable  dans  sou  capitaine,  que 
oelui-ci  a  l'aveu  du  gentilhomme  campagnard,  et  que  lui, 
inconnu,  simple  sous-officier,  ne  peut  prétendre  à  la  m.iiu 
de  sa  fille.  Francœur  s'est  aperçu  de  son  amour,  el  veut 
l'arracher  à  ce  danger  en  obtenant  du  nouveau  colonel  un 
congé  de  quelques  mois.  Ils  vont  partir  tous  deux,  lorsque 
le  capitaine  amoureux  de  M"*  de  Bcllechassc  surprend 
Victor  à  ses  pieds.  Furieux,  il  ordonne  à  son  jeune  rival 
de  se  trouver  le  lendemain  à  la  pointe  du  jour  au  même 
endroit.  Fidèle  a  son  devoir,  celui-ci  se  trouve  au  rendez- 
vous.  Son  capitaine  lui  parle  avec  hauteur,  l'insulte;  Vic- 
tor ne  se  contient  plus ,  et  propose  à  sou  rival  de  se  mesu- 
rer avec  lui.  Celui-ci  accepte  et  lui  promet  le  secret.  Tous 
deux  s'enfoncent  dans  les  bosquets;  on  entend  le  cliquetis 
des  épées  ;  un  cri  s'échappe ,  tout  est  en  rumeur,  le  capi- 
taine est  tombé  baigné  dans  son  sang.  On  découvre  que 
Victor  s'est  batluavec  son  supérieur  :  il  va  être  jugé  par  nu 
conseil  deguerre.  Francccur au  ilrsei[nm',  kli[i<iIïu  le  colo- 
nel de  sauver  son  jeune  ami,  et,  par  ses  révélations,  finît  par 
faire  découvrir  à  celui-ci  que  Victor  est  son  fils.  Cepen- 
dant telle  est  la  rigueur  des  lois  militaires,  qu'il  reste  pe^i 
d'espoir  de  le  sauver,  quand  une  dépêche  du,  maréchal 
arrive  ,  et  fait  connaître  la  nomination  de  Victor  au  grade 
d'officier.  Dès  lors  il  est  sauvé.  Le  capitaine  a  repris  ses 
sens  et  ne  mourra  pas ,  et  Victor,  dans  le  môme  moment, 
retrouve  un  père  et  obtient  la  main  de  celle  qu'il  aime. 

Ce  sujet,  bien  qu'il  n'ait  rien  de  bien  neuf,  ne  parait  oc- 


37S 

pendant  pas  assez  défectueux  pour  avoir  mérité  la  rigueur 
du  public.  Mais  la  longueur  de»  scènes  qui  précèdent  le 
moment  où  l'action  se  noue;  les  discours  du  .colonel,  qui 
font  prévoir  dès  le  commencement  du  premier  acte  le  dé- 
Doùment  du  second,  un  malheureux  portefeuille,  moyen 
usé  pour  les  reconnaissances;  quelques  négligence*  dans 
les  détails  et  un  trop  grand  nombre  de  morceaux  de  mu- 
sique au  premier  acte,  dont  l'effet  a  été  de  ralentir  la 
marche  déjà  trop  lente  de  cet  acte,  ont  amassé  insensible- 
ment un  orage  qui  a  éclaté  à  la  fin  de  manière  à  ne  per- 
mettre de  nommer  les  auteurs  qu'au  milieu  d'un  bruit 
affreux.  Débarrassé  des  scènes  inutiles  et  réduit  à  un  acte, 
je  pense  que  l'ouvrage  pourrait  obtenir  quelques  repré- 
sentations et  serait  agréable-  On  dit  que  les  auteurs  ont 
reconnu  les  défauts  de  leur  pièce  et  ont  fait  des  coupures 
utiles  pour  la  secundo  représentation. 

La  musique  de  M.  deGinestcta  été  jugée  sévèrement  par 
les  journalistes.  Elle  n'est  sans  doute  pas  exempte  de  re- 
proche; son  défaut  le  plus  remarquable  est,  selon  moi, 
l'uniformité  de  couleur.  Mais  en  la  comparant  avec  celle 
du  Maréchal  Fabert,  première  production  du  même  au- 
teur, j'y  trouve  des  progrès  sensibles.  Elle  renferme  des 
réminiscences;  niais  les  chants  ne  sont  pas  dépourvus  de 
grâce.  L'orchestre  annonce  del'babitude,  quoiqu'on  puisse 
y  désirer  plus  d'effet.  Il  est  un  morceau  dont  personne  n'a 
parlé,  quoiqu'il  mérite  des  éloges  :  c'est  le  sextuor  avec 
choeur  du  second  acte.  Lo  caractère  est  convenable  à  la 
scène;  la  disposition  des  voix  est  bonne,  et  l'effet  général 
est  très  satisfaisant.  La  musique  de  l'Orpketintlie Briga~ 
dier  n'est  sans  doute  pas  celle  d'un  maître;  maisclle  classe 
M.  deGenislel  parmi  les  unniteurs  distingués. 

Il  y  a  eu  beaucoup  d'incertitude  dans  l'exécution  de  cet 
ouvrage.  Les  acteurs  paraissaient  craindre  le  résultat  de  la 
représentation,  et  cette  circonstance  n'a  pas  peu  contribué 
au  peu  de  succès  qu'elle  a  eu.  Chollcl  qui,  depuis  prés 
d'un  mois,  éprouve  une  sorte  d'extinction  de  voix,  a  voulu 
faire  preuve  de  zèle,  cl  parait  avoir  repris  trop  lût  les  fati- 
gues du  théâtre.  Il  se  voit  forcé  de  nouveau  de  reprendre 


Digitized  by  Google 


a? 

du  repos,  cl  le  jeune  Thianni  s'est  chargé  de  sou  rôle  pour 
la  seconde  représentation.  Vnlèrc,  qui  jouait  le  rôle  di»co- 
leiiel,  el  qui  a  éprouvé  aussiune  longue  indisposition,  n'en 
est  pas  encore  rétabli  ;  6a  vol*  n'a  pas  repris  son  timbre  et 
réclame  encore  îles  ménagemeus.  Viienlhri  a  tiré  du  rôle 
de  Monsieur  de  Bellechasse  luutle  parti  possible  ;  Huct  est 
bien  placé  dans  celui  du  vieux  hussard,  el  Loin  on  trier  s'est 
bien  acquitté  de  celui  de  Victor.  On  doit  des  éloges  a  Mes- 
dames Pradher  et  Prévost.  Plus  d'ensemble,  plus  d'assu- 
rance, voilàeo  qu'on  pouvait  désirer. 

L'orchestre  de  l'Opéra-Comi<pie  vient  d'être  considéra- 
blement augmenté  et  mis  au  compte).  On  y  trouve  main- 
tenant vingt  violons,  si*  violes,  huit  violoncelles,  six  con- 
trebasses, deux  flûtes,  deux  clarinettes,  deux'  hautbois, 
deux  bassons,  quatre  cors,  deux  trompettes,  trois  trom- 
bones et  des  timbales.  Ce  sont  là  les  moyens  matériels  de 
l'exécution;  le  directeur  mérite  des  éloges  pour  n'avoir 
pas  craiul  d'augmenter  ce  chapitre  des.  dépenses,  cl  pour 
avoir  senti  ijue celle  augmentation  est  devenue  nécessaire. 
Le  talent  des  exécutans  fera  le  reste.  On  doit  espérer  que 
l'émulation,  le  désir  de  bien  faire,  l'amoùr  de  l'art  enfin, 
mettront  bientôt  cet  orchestre  au  rang  des  meilleurs  de 
Paris,  el  le  rendront  digne  de  lutter  avec  ceux  de  l'Opéra 
et  du  Théâtre-Italien  pour  la  perfection  d'exécution. 


THÉÂTRE  ROYAL  DE  L'ODIÏON. 
tytttd'àrt  ttyxismtatm  fa  ï'âeatt  fa  ÂmWrm, 

OFÉBi-COHIQUE  EN  ON  ÀCTB  , 
MUSIQUE  DE  M.  CONRADIN  KREUTZER. 

Il  devient  chaque  jour  plus  évident  que  ks  théâtres 
étrangers  n'offrent  pas  un  assez  grand  nombre  de  pièces 
susceptibles  d'être  traduites  en  français,  pour  alimenter 
un  théâtre  musical  tel  que  l'Odéon.  Déjà  l'administrai! 0n 
de  ce  théâtre,  convaincue  de  celle  vérité,  cherche  à  démon- 


sSo 

Irer  à  l'autorité  l'impossibilité  où elio  se  trouve  d'exploiter 
smi  fvivitige,  et,  dans  l'attente  des  concessions  qu'elle 

demande,  est  réduite  à  faire  venir  de  l'Allemagne  et  de 
l'Italie  des  <:imi Lit'.-Ltcni's  dniit  In  qualité  dYrIr.'m:;<T-<  sert 
de  passeport  aux  ouvrages  nouveaux  [jn'ellc  fait  l'aire.  Sin- 
gulière condition,  que  les  musiciens  français  soient  les 
seuls  auxquels  il  n'es!  pas  permis  de  composer,  en  franco, 
punr  certains  théâtres!  Je  consentirais  volontiers  à  me 
taire  sur  ce  point  si  l'on  pouvait  alléguer  quelque  avan- 
tage résultant  d'un  pareil  ordre  de  choses.  Ce  qu'il  jade 

on  reconnaît  même  tout  le  poids;  mais  les  choses  restent 
ainsi  parc«; qu'elles  existent,  el  par  la  difficulté  qu'on, 
éprouve  4  faire  le  bien,  lors  même  que  rien  ne  s'y  oppose. 
jr.  Quoi  qu'il  en  soit,  une  innovation  vient  d'avoir  lieu  â 
ÏÎJ'Odéou;  un  opéra  français,  écrit  en  France,  et  nue  mu - 
■Bique  allemande,  composée  4  Paris,  ont  apparu,  pour  ta 
première  fois,  sur  ce  théâtre,  le  i3  octobre  dernier.  Le 
succès  n'a  pas  répondu' à  l'attente  de  l'administration  ; 
mais  le  succès  est  uucohosc  fort  rare  qu'on  n'achète  qu'au 
prix  de  beaucoup  de  chutes.  Au  reste,  le»  auteurs  se  sont 
montrés  un  peu  trop  téméraires  dans  lo  défi  qu'ils  ont 
porté  à  la  fortune  qui  protège  les  mauvais  ouvrages. 

Uti  jeuue  homme  aime  sa  cousine;  il  eu  est  aimé.  Au 
momeu  tofi  l'hymen  va  combler  ses  vœux,  il  reçoit  une 
leltrcqui  lui  annonce  la  maladie  d'un  oncle  fort  riche,  et 
qui  l'appelle  près  de  lui,  4  Lisbonne.  Quoiqu'il  en  coûte  à 
son  cteur,  il  part  après  avoir  prévenu  sa  cousine,  par  une 
lettre,  des  causes  de  son  cloiguoment.  li  arrive  à  Lisbonne, 
el  trouve  son  oncle  bien  portant.  Cet  oncle  ne  lui  a  point 
écrit.  Il  soupçonne  quelque  intrigue;  mais  bientôt  il  ap- 
prend que  sa  belle  en  épouse  un  autre.  Il  iuro  de  l'oublier. 
Cependant  l'oncle  meurt.  Son  neveu  recueille  sa  succes- 
sion, et  revient  en  France,  liu  vieux  domestique  lui  ap- 
prend que  sa  taule  el  certain  cousin  Bastifiuaav^huji- 
guais  de  iVoulauhau  sont  dans  la  maison ,  et  y  attendent 
l'oudc,  do«t  ou  veut  le  conseil tcmcul  pour  le  mariage,  du 


Constance  aveo  Rastignao.  Le  jeone  homme  prend  lu  parti 

de  se  déguiser,  de  passer  pour  son  oncle  ot  de  sonder  les 
dispositions  de  sa  cousine.  Constance  a  l'ait  donner  l'hos- 
pitalité à  un  charlatan  pendant  un  orage.  Ce  charlatan 
vient  pour  remercier  sa  bienfailriee,  et  l.i  prie  d'accepter 
une  bouteille  de  son  eau  de  Jouvence.  Elle  pose  le  flacon 
sur  une  table.  Rastignac  snrvient,  et  croit  reconnaître  le 
charlatan,  oui  n'est  en  effet  qu'un  matelot  donl  il  s'est 
servi  pour  faire  remettre  à  son  cousin  la  lettre  supposée 
qui  l'a  envoyé  à  Lisbonne ,  et  qui  lui  a  remis  celle  qui  était 

reçu  par  sa  cousine  et  par  Ilastiguac.  Dans  une  scciii:  qu'il 
a  avec  celui-ci,  il  feint  de  vouloir  le  faire  son  héritier.  Il 
allecle  une  toux  qu'il  n'a  point,  afin  de  paraître  plus  vieux, 
Rastignao  le  force  à  boire  quelque  chose;  c'est  un  verre 
de  l'eau  de  Jouvence.  Constance  apprend  enfin  à  son  cou- 
sin, qui  passe  toujours  pour  l'oncle,  qu'elle  n'a  cessé  de 
l'aimer  et  qu'elle  déteste  Rastiguac.  Transporté  de  joie,  il 

vacité,  le  charlatan  ne  sait  comment  l'expliquer  quand  il 
s'aperçoit  que  la  bouteille  d'eau  de  Jouvence  est  débou- 
chée; il  ne  doute  pas  que  cette  eau  n'ait  fait  la  cure  mer- 
veilleuse dont  il  est  Le  témoin.  Tout  se  découvre;  les 
amans  s'unissent ,  et  Rastiguac su cun tente  de  sa  part  dans 
la  succession  de  l'oncle. 

Il  était  difficile  de  rien  imaginer  de  plus  mauvais  et  de 
moins  musical  que  ec  triste  canevas.  On  ne  doit  doue  pas 
être  étonné  que  M.  C.onradin  Kreutzer  ait  eu  peu  d'inspi- 
rations pour  un  pareil  sujet.  Ce  compositeur,  qui  jouit  en 
Alk'iiiiiguc  d'une  réputation  méritée,  n'a  point  trouvé  dans 
le  faible  vaudeville  qu'il  avait  à  traiter  une  seule  situaliou 
vraiment  dramatique.  Aussi  la  musique  s'esl-elic  ressentie 
du  ton  glacial  de  ton  poème.  L'orchestre  est  élégamment 
disposé,  mais  le  chant  est  généralement  commun  et  peu 
soigné.  11  estlàcheux  que  l'auteur  du  CordUia  n'ait  pas  en 
pour  son  début  eu  France  quelque  chose  qui  lui  eut  foui  ni 
l'occasion  de  montrer  sou  talent. 

Je  ne  dirai  rieu  de  l'exécution,  parce  qu'elle  esl  à  peu 


a8a 

pris  aussi  nulle  que  l'ouvrage.  Uuprez a  chanté  avec  goût 
quelques  phrases;  mais  su  vois  est  bien  faible.  Quant  à 
M™  Mondonville,  son  chant  est  toujours  incertain  et  d'une 
mollesse  cxlrPme.  On  croit  quelquefois  qu'elle  va  chanter 
avec  amc,  mais  ce  qu'on  attend  n'arrive  jamais. 

NOUVELLES  ÉTRANGÈRES. 

REVUE  DES  THÉÂTRES  DE  VIENNE. 
Théâtre  Karnthncrtlior.  La  troupe  italienne  .1  rempli 
les  promesses  qu'elle  avait  (ailes  au  commencement  de  la 
saison ,  en  représentant  déni  nouveaux  ouvrages,  de  Pac- 
cini.  La  Getosia  corretta,  mélodrame  semi-seria  en  deux 
actes,  est  une  bien  faible  production  ;  elle  n'a  obtenu  que 
quatre  représentations.  Cette  pièce  a  élé  donnée  pour  les 
débuts  de  M"  Dardanelli,  qui,  il  y  a  deux  ans,  avait  déjà 
débuté  à  Vienne  sans  aucun  succès.  Pourquoi  a-t-elle 
voulu  renouveler  un  malheureux  essai?  En  vérité,  on 
l'ignore;  sa  voix  est  encore  affaiblie,  et  elle  n'a  fait  aucun 
progrès,  si  ce  n'est  dans  l'art  de  chanter  faux.  C'est  aux 
efforts  de  David  que  cet  opéra  fut  redevable  de  sa  courte 
existence,  malgré  son  défaut  de  chanter  du  nez,  défaut 
qui  augmente  tous  les  jours ,  l'ensemble  de  l'exécution  de 
cet  artiste  qffre  un  attrait  irrésistible,  et  il  a  réussi  à  donner 
du  charme  aux  trois  derniers  morceaux,  lesquels  sont,  en 
y  joignant  un  duo,  tout  ce  qu'on  peut  remarquer  dans  cet 
ouvrage.  Le  sujet  de  la  pièce  est  la  Framisca  von  Foitn 
(Françoise  de  Foix)de  Welgl ,  refaite  et  gâtée.  Le  second 
opéra  a  été  annoncé  sous  le  titre  pompeux  de  Gli  Arabi 
nette  Gattie,  ossia,  it  Trionfo  delta  fede  (les  Maures  en 
France,  ou  le  Triomphe  de  la  foi },  mélodrame  sérieux  en 
deux  actes,  musique  detsig.  cavalière  Giovanni  Pacini, 
maestro  di  capetla  alla  carte  di  S.  A.  R-  l'Infante  di 
Spagna,  duea  di  Lueca,  e  socio  correspondante  dct'Aca- 
demiadi  scienze  ed  arti  di  S  a  poli.  L'introduction  avait 
fait  concevoir  un  peu  d'espérance;  mais  elle  a  été  bientôt 
détruite.  Le  premier  finale  est  d'une  faiblesse  excessive. 


M-  Lalandc,  pour  le  bénéfice  ,1c  qui  col  opéra  était  .Ion- 
né,  n'a  rien  négligé  P°ur  lc  raire  f*»"****  el  ««  a  fW 
habilement  secondée  par  David;  ils  ont  obtenu  le  plus 
lirill.-ml  succès  dans  le  duo  qu'ils  chantent  an  second  aclc. 
Il  i  été  redemandé  unanimement.  La  Dardanetli  a  joué 
'  un  rôle  de  musivo  dans  cet  ouvrage;  mais  elle  a  paru  bien 
mal  sous  son  costume  masculin,  el  elle  a  chaulé  hornble- 
mwlhta.GUArahinMU  Gattîe  ont  été  su.v.s  de  i  Ajo 
nett'imbarrazzo  (le  Gouverneur  dans  l'embarras opéra- 
bouffe  en  deux  actes,  musique  de  Domzctt..  Ensuite  on  a 
«mlslechef-d'œiiïTOdûCImanwa.i^Vatrn.w-u.js^Mo. 
monté  par  les  meilleurs  acteurs  de  la  troupe.  Il  a  été  reçu  par 
lepuljlicavceleplusvifenlhousiL.smuiaprr.sccli.iU.uvr.iye, 
£  représent  :  ~n  grand  ballet  :rlil.:lé  iie  Frai-  -:.  i  . 
und  der  Raja  {Vx  Française  et  lc  Raja),  par  Baptiste  Pe- 
tit- la  mnsiquecsldoGyrowelz,  si  renommé  pour  les  com- 
pc  «tirr.c  .la  »  getrî.  Calle-cî  est  pleine  de  r^ritc  •  "jUs 
abonde  en  cbantslieureux,  qui  seraient  dignesd  être  plac  s 
dans  un  autre  lien. 

Le  personnel  de  l'Opéra  allemand  s'est  augmenté  1res 
avantageusement  par  l'acquisition  de  H™  Finke,  qui  a  dé- 
buté dans  la  Dame  Manche,  où  elle  a  reçu  des  applau- 
dissemens  très  mérités.  Elle  a  jouéensuite  IcrûlcdUf/atfce 
dans  le  Freischillz,  et  n'y  a  pas  obtenu  moins  de  sucées. 
C'est  dans  ce  même  ouvrage  que  M.  Forli  a  fait  sa  rentrée 
à  son  retour  de  flapies,  où  il  avait  eu  nu  engagement.  Ou 
n'avait  peint  oublié  la  manière  distinguée  dont  il  avait 
joué  Gaspard,  et  il  a  reçu  l'accueil  le  plus  flatteur. 

Parmi  les  concerts  qui  ont  été  donnés,  un  des  plus  inlé- 
ressans  a  été  celui  du  chef  de  musique  Soliindler,  artiste 
très  estimé  à  Vienne,  cl  ami  intime  de  Beethoven  ,  dont  il 
a  reçu  les  derniers  soupirs.  On  y  a  donné  un  inlcrmèdo 
comique  de  Holbcin,  intitulé der  Vorsnt:  (la  Indétermi- 
nation ).  précédé  de  l'ouverture  en  ut  de  Beethoven. 

Les  compositions  sacrées  qui  ont  été  exécutées  son!  (es 
Sept.  Parâtes  de  Haydn,  un  gra'id  Te  Deum  duméme  au- 
teur, un  Miserere  u  r.apeUa,da  Léonard  Léo.  le  Stabat  de 
Pergolèse,  avec  le  nouvel  accompagnement  dcSalieri,  le 


Digitized  D/  Google 


■84 

Regina  cœti  de  Seyfried,  la  Grande  Messe  en  ré  de  Ché- 
rubin!, et  nue  nouvelle  Musse,  avec  graduel  et  offertoire  par 
Hummel,  que  les  amateurs  considèrent  comme  son  meil- 
leur ouvrage  dans  ce  genre, 

SrBTGABD.La  saison  d'été  a  commencé  par  lu  grandopéra 
de  Faust,  de  Spohr,  représenté  pour  la  première  foi» 
dans  cette  ville  ;  le  mérite  de  celte  production  est  trop  con- 
nu pour  avoir  besoin  d*un  nouveau  commentaire.  Elle  a 
été  montée  avec  le  plus  grand  soin  par  les  meilleurs  ac- 
teurs de  la  troupe.  Les  costumes  et  les  décorations  ont 
surpassé  de  beaucoup  l'attente  du  public.  AI.  Bœser,  dans 
le  rôle  de  Méphistophélés,  et  M.  Pezold,  dans  celui  de 
Faust,  ont  obtenu  le  plus  grand  succès  ;  ils  ont  été  rede- 
mandés tous  deux  après  la  représentation. 

On  a  joué  aussi  deux  petites  nouveautés  :  dos  W erths- 
haus  zum  goiden  Lcewen  (l'Enseigne  du  Lion  d'or), 
dont  la  musique,  qui  est  du  chevalier  Seyfried,  est  fort 
agréable;  et  Schutermutkwitlen  {  les  Tours  d'écoliers  ), 
vaudeville,  qui  a  du.  son  succès  au  jeu  de  M.  Rohde.  Pen- 
dant la  saison ,  on  a  remis  Fcrnand  Corlùz  de  Spontiui, 
et  le  Tréior  supposé  de  Méhul.  L'ouverture  A'Oberon  de 
Weber  a  été  exécutée  pour  la  première  fois  sous  la  direc- 
tion du  maître  de  chapelle  Lindpaintner  :  elle  a  fait  le 
plus  grand  plaisir. 

L'anniversaire  de  la  naissance  de  Schiller  a  été  célébré 
avec  une  grande  pompe.  Après  la  représentation  de  son 
Guillaume  TeU,  on  a  donné  sou  superbe  poème  de  die 
Glocks,  mis  en  musique  par  Romberg  ;  le  tout  terminé  par. 
un  épilogue  arrangé  exprès  pour  l'occasion,  et  qui  se  com- 
posait en  partie  de  diverses  scènes  prises  dausscs  meilleurs 
ouvrages. 

Wbuub.  Les  directeurs  de  l'opéra  méritent  des  éloges 
pour  le  zèle  qu'ils  ont  déployé  dans  la  saison.  Ils  ont  re- 
présenté pour  la  première  fuis  l'opéra  de  Wolfram  :  die, 
betauberteRosc,{\&  rose  enchantée);  les  Tours  a" écoliers, 
très  joli  vaudeville,  sitben  Mwdchcn  in  Unifbrm,  (  les 
sept  filles  en  uniforme),  cl  die  Hasen  au  f  der  Ifa&cnfècidc , 
(leslièvi'os  dans  les  bruyères),  opérette  français,  miscu  mu- 


slque  pàrlsouard1  .  La  pièce  est  bien  misérable  ;  mais  on  y 
trouve  de  très  jolis  chants.  Quant  à  ta  Rose  enchanté*, 
elle  a  été  montée  avec  une  splendeur  vraiment  remar- 
quable. Quelques  airs,  et  même  quelques  morceaux  d'en- 
semble font  honneur  à  leur  auteur;  mais  on  remarque 
beaucoup  de  faiblesse  dans  les  accompagnemens,  et  il 
règne  généralement  dans  l'ensemble  de  l'ouvrage  une 
sorte  de  négligence,  qui  indique  qu'il. a  élé  écrit  par  un 
amateur,  et  non  par  un  artiste. 

M™  Eberwein  cl  Heygendorf  ont  obtenu  les  honneurs 
de  la  saison,  comme  chanteuses  et  comme  actiiees.  Par- 
mi les  chanteurs,  on  a  remarqué  M.  Slomeier,  qui  possède 
une  excellente  école,  et  qui  est  1res  gracieux  ;  M.  Molllie, 
qui,  avec  peu  de  voix,  sait  à  force  d'art  produire  un  effet 
agréable,  et  qui  l'emporte  mémo  sur  M.  Laroche,  qui  pos- 
sède cependant  une  plus  belle  voix,  mais  qui  veut  souvent 
faire  plus  qu'il  ne  peut. 

Les  concerts  ont  été  nombreux  et  généralement  intéres- 
sans.  On  peut  citer  celui  donné  par  M.  Horak,  membre 
de  la  chapelle  du  roi  de  Saxe,  qui  a  charmé  tous  les  con- 
naisseurs. (  a  la  10 te  desquels  on  a  remarqué  avec  plaisir 
le  vénérable  Gcelhc),  par  son  admirable  exécution  sur 
l'alto.  Dans  un  autre  concert  on  a  entendu  M.  Uomberg, 
fils  du  célèbre  André  Rnmbcrg.  Il  a  joué  un  concerto  et 
un  rondo  de  sa  composition  sur  le  violon  ,  avec  un  talent 
très  distingué.  Lue  réunion  musicale  a  eu  lieu  aussi,  pour 
célébrer  l'anniversaire  du  Grand-Duc. On  y  a  exécuté  l'ou- 
verture d'Oberon  ,  suivie  d'une  nouvelle  grande  cantate, 
composée  par  le  professeur  Riemcr,  mise  eu  musique  par 
Iluminel,  ei  qui  a  été  fort  applaudie.  Vu  nouvel  air  italien 
composé  parle  chef  de  musique  Gœtzc,  et  parfaitement 
chanté  par  M.  Mollke  a  fait  aussi  beaucoup  de  plaisir. 

KoESir.sBEnc.  La  saison  a  été  productive  ;  elle  a  offert 
boaiteoup  de  nouveautés  aux  habitans  de  Kosuigsboig  ; 
Je  premier  ouvrage  représenté  a  élé  le  grand  opéra  dcJes- 

(i)  Nicolo 'Isounrd  n'a  jamai»  donné  d'opéra  de  ce  tiireen  France;  il 
Bit  iraiseroblobl*  qu'il  csl  qncution  d'un  paiticcto. 


sonda,  de  Spohr;  der  aite  Fetdherr,  (le  vieux  général), 
petit  ouvrage  tiré  d'une  anecdote  de  la  vie  de  Kosciusko, 
mis  en  musique  par  flollei  ;  das  Ehepaar  ans  der  alten 
Zeit  (les  époux  de  la  vieille  roche),  jolie  petite  pièce 
mise  en  musique  par  Augely,  et  enfin  VItaiianii  in  At- 
gteri,  de  Rossiui. 

On  a  exécuté  Cosi  fan  tut  ta  à  l'occasion  de  l'anniversaire 
de  la  mort  de  Mozart,  d'une  manière  qui  n'était  point  in- 
digne d'une  si  belle  composition.  Dans  la  même  soirée 
on  a  entendu  plusieurs  morceaux  de  musique  instrumen- 
tale de  ce  grand  maître. 

Plusieurs  concerts  ont  été  donnés  :  un  entre  autres  mé- 
rite d'èlre  cité  ;  il  a  commencé  par  l'ouverture  de  Precio- 
sa,  suivie  d'une  grande  symphonie- bataille ,  accompa- 
gnée de  chants  et  de  choeurs,  composée  par  le  chef  de 
musique  Wurst.  Les  chœurs  furent  chantés  par  plus  de 
deux  cent  cinquante  personnes,  avec  une  précision  rare. 
On  a  remarqué  aussi  un  autre  concert,  donné  par  le 
fameux  violoniste  Edmond  Maurcr.  Après  l'ouverture 
d'Oberon,  exécutée  pour  la  première  fois  à  Kœnigsberg, 
et  qui  à  excité  l'enthousiasme,  M.  Ed.  Maurcr  a  joué  un 
nouveau  concerto  de  sa  composition.  Ce  morceau  a  fait 
■grand  plaisir,  ainsi  qu'une  concertante  pour  deuxviolons, 
exécutée  par  liti  et  M.Hutzier,  chef  de  musique. Une  fan- 
taisie pour  la  clarinette  ,  admirablement  jouée  par  M.  H. 
Brermann,  H  été  fort  applaudie,  ainsi  que  la  bulle  scène  de 
Beethoven,  Ah!  per/ido,  qui  a  été  très  hieu  chantée  par 
M"  Carlellari.  La  séance  s'est  terminée  par  le  quatuor 
A'Oberon  :  over  tkt  Dark  Blue  WaUrs  (sur  les  sombres 
Eaux).  Ce  morceau,  parfaitement  chanté,  a  charmé  tout 
l'auditoire.   .■•*'■  ' 

Dans  une  assemblée  musicale  ,  donné  par  le  chef  de 
musique  Saemann,  on  a  fait  entendre  pour  la  première  fois 
à  Kccnigsbcrg  tes  fêtes  a" Alexandre  de  Handel.  Ce  ma- 
gnifique morceau  a  excité  l'enthousiasme  de  tous  les  amis 
de  la  bonne  musique,  et  l'exécution  en  a  été 'satisfaisante, 
surtout  si  l'on  considère  et  la  difficulté ,  et  le  peu  de  répé- 
titions qu'il  avait  été  possible  de  faire. 


a87 

Daaïf  efyejncAtfio  JugcmeDt  dernier),  oratorio  de  Fr- 
Schneider,  a  été  exécuté  sous  la  direction  du  chef  de  mu- 
sique fiiel,  au  profit  des  établis  se  m  en  a  de  charité  de  La 
ville. 

Piï.iuue.  Le  répertoire  du  théâtre  de  celte  ville  a  été 
augmenté  par  trois  nouveaux  opéras  ;  If  Corradino  de 
Itossini,  LaDame  blanche  de  Doïeldieu  et  XaMaçon  d'Au- 
ber.  Ce?  deux  derniers  ont  fait  le  plus  grand  plaisir. 
Quant  au  Corradino,  il  a  paru  devoir  élre  rangé  parmi  les 
plusf.ublcs  ouvrages  de  Rossiui.  A  l'exception  d'un  ou  deux 
'morceaux ,  on  n'y  trouve  que  des  passages  tirés  de  ses  autres 
opéras,  et  défigurés  par  dos  accoinpagncmens  qui. ne  sont 
pas  trop  bons;  pour  s'éviter  la  peine  de  composer  line 
nouvelle  ouverture,  il  a  adapté  celle  de  la  Centrenlota  h 
Corradino.  Au  nombre  des  nouveautés ,  on  compte  aussi 
un  vaudeville  orné  d'une  musique  très  spirituelle  , 
composée  par  Cari  lïlum  ;  cet  ouvrage  a  pour  titre  :  (1er 
Bœr  undder  Bassa  (l'Ours  et  le  Pacha).  Les  autres  opéras 
représentés  pendant  le  cours  de  la  saison  sont  :  Tancredi, 
deux  fois;  la  Gazza  ladra,  quatre  fois;  die  Prinzessin 
von  Navarre,  (la  princesse  de  Navarre)  ;  Sargine,  deux 
fois;  Don  Juan,  deux  fois;  die  Zaïeberflotle  ('la  flûte 
enchantée),  quatre  fois  ;  le  Freischûlz,  quatre  fois  ;  et  la 
.Neige,  -deux  fois.-     •  ■  ....... 

On  a  exécuté,  pour  l'anniversaire  <lela  naissance  de  l'em  - 
pereur,  une  nouvelle  cantate  mise  en- musique  par  WurfcJ. 
Cette  composition,  un  peu  faible  dans  l'ensemble,  présente 
cependant  quelques  mou  vemens  d'une  grande  beauté  d'ex- 
pression. 

F.  W.  Pixïs  a  donné  dernièrement  un  concert  dans  le- 
quel il  a  déployé  son  double  talent  di:  compositeur  et 
d'exécutant,  dans  un  concerto  de  violon,  qu'il  a  joué  avec 
un  rare  talent.  La  manière  expressive  dont  il  a  joué  un 
adagios  transporté  tout  l'auditoire,  Dans  lu  cours  de  la 
soirée  on  a  joué  .l'ouverture  de  tfer  Zaubtrspruch  (la  Ba- 
guette enchantée,  opéra  de  J.  P.  Pixis.  Celte  belle  composi- 
tion est  d'un  grand  effet;  elle  est  écrite  un  peu  dans  le  style 
de  Cherubiui.  Un  air  tiré  du  même  opéra  a  été  aussi  fort 


applaudi.  M.Trlcbensée,  maître  de  chapelle,  a  donné  line 
séance  musicale,  composée  de  trois  morceaux  :  l'ouverture 
d'Overon,  Léonore,  ballade  de  Zumstecg,  composée  pour 
quatre  voix,  avec  accompagnement  d'orchestre,  par 
51.  Triebenséc,  ctun  nouveau  Requiem  de  W.  Tomaschek . 


■  ••»•■«•  >■  ■  ANNONCES. 


Sigismosdo,  opéra  séria,  musica  di  Rotsini,  ridotta  per 
piano- forte  :  presto  3fj  fr.  ;  faisant  partie  de  la  collection 
d'opéras  italiens  des  plus  célèbres  compositeurs,  avec  ac- 
compagnement deipiano-forté;  dédiée  <mx  amateurs  du 
chant,  publiée  par  Carli, 

—  Grande  Messe  à  quatre  voix,  do  Niccolo  Porpora  avec 
accompag.  d'orchestre  ou  d'orgue,  à  volonté  :  prix  24  fr. 

—  Collection  de  musique  sacrée;  Ave  verum,  chant 
seul  ou  motet,  propre  à  toutes  les  voix  et  à  tous  les  temps 
de  l'aimée,  avec  orchestre  ou  orgue;  par  W.  A.  Mozart, 
nouvelle  édition  :  prix.  ,  ...  r  7  fr,  5o  c. 

—  Ave  verumeorpus,  chant  sacré,  à  quatre  ou  à  deux 
voix,  ad  (ibilum,  aveo  accompagnement  d'orchestre  ou 
d'orgue  ;  par  W.  A.  Mozart  :  prix  6  fr. 

A  Paris,  chez  Carli,  éditeur,  marchand  de  musique  et 
de  cordes  de  Napies,  boulevard  Montmartre,  n*  14,  en  face 
le  jardin  Frascati.  i.r  ■ 

Parmi  ces  publications,  nous  recommandons  particu- 
lièrement aux  amateurs  la  belle  messe  de  Porpora,  de  ce 
.compositeur  de  l'ancienne  école  si  peu  connue  parmi 
nous,  et  qui  mérite  de  l'être  à  tant  de  tilres. 

Los  héritiers  Carli  préparent  en  ce  moment  divers  ou- 
vrages importais,  qui  feront  suite  à  ceux  qui  oui  été  déjà 
publiés  par  celle  maison. 


msconso 


SDLH  ORIGINE,  PBOGRESS1  E  STATO  SÏTOME 

^ff.v  iïïitsic.i  "Sïfatiiituî, 
Dl  ANDIiliA  MAJEIl,  VBNEZIANO. 
(  Discours  sur  l'origine  ,  Ici  propres  et  l'état  actuel  de  la  musique 
italienne,  par  ândro  Major,  Vénitien'.  ) 

DErsihlE  iBTlCLE. 


Une  érudition  rare  cl  des  connaissances  positives  dam 
la  théorie  do  la  musique,  sont  les  qualités  par  lesquelles 
M.  Majer  se  distingue  dans  cet  écrit.  On  a  vu  dans  notre 
premierarliclc  qu'il  ne  se  borne  point,  datif  ses  nxlierdief . 
a  copier  des  autorités,  quelque  respectantes  qu'elles  soient, 
et  qu'il  vérifie  sur  les  nionumcns  mûmes  les  laits  qu'il 
rapporte.  Ses  investigations  sur  les  instruirions  en  Usage 
en  Italie ,  dans  les  seizième  et  dix-sep [iètne  siècles ,  sont 

Il  est  un  reproche  qu'on  peut  cependant  faire  S  M.  Major, 
c'est  son  penchautàaccorilcr  aux  anciens  desconnaissances 
très  étendues  dans  la  musique,  et  de  leur  attribuer,  sur 
l'autorité  do  quelques  textes  obscurs,  l'invention  d'une 
foule  de  choses  qui  appartiennent  évidemment  au  moyen 
âge  ou  à  la  renaissance  dos  arts.  Tels  sont  le  contrepoint  cl 
les  divers  instrutnens  dont  l'origine  est  généralement  cou- 
sidérée  comme  moderne.-  Pur  exemple,  le  beau  travail  que 
M.  Cartier  a  fait  sur  l'Histoire  du  violon  démontre  que  cet 
instrumenta  pris  naissance  dans  les  Gaules,  dans  des  temps 
assez  rapprochés  de  nous1;  eh  bien!  M.  Majer  le  trouve  ;tit 

(i)  Padoue,  1S11,  in-H"  de  i;3  pages.  VojW la  Jlci>*«  mimen/e, n" 55. 
p.  3-1 1. 

(a)  Co  travail  île  M.  Carlin1  iU:  aiinruicé  pnm  parai  Ire  par  snusrri|i  - 
lion  ,  ilans  la  Hume  mu  «mit- :  ninis  reAU:  tu  .'■uni  i  n  il  illV- ronce  ,  dont  je 
me  suis  plaint  plusieurs  fols,  s'csl  encore  manifestée  dam  celte  DèrirW 
sion,  et  M.  Cartiei  n'u  ti'uui'é  ipi'un  lu  lit  nombre  r!o  siiii»rii|ilc[iii, 

3"  VOL.  3  5 


temps  d'Horace,  chez  les  Romains.  Il  se  fonde  sur  un  pas- 
sage iln  Traité  (les  Hiéroglyphes  de  Jcan-I'icrre  Valériane, 
qui  se  rapporte  il  une  médaille  d'argent  <|ue  Scribonius  Li- 
brmus  avait  fait  frapper,  en  mémoire  d'un  puits  qu'il  avait 
fait  dans  le  Forum,  à  Rome.  Cette  médaille ,  dont  Valc- 
riano  rapporte  la  figure ,  porle  l'emprcinle  d'un  violon  à 
l'une  de  nés  faces.  M.  Majcr  trouve  ce  violon  parfaitement 
semblable  aux  nôtres,  et  en  conclut  que  nous  nous  attri- 
buons à  tort  l'iiivciilioii  du  cet  instrument.  Mais,  outre  qu'il 
est  difficile  de  disliuguer  sur  le  dessin  d'une  1res  peltle 
médaille  si  un  instrument  à  manche  est  un  violon,  qui 
oserait  affirmer  que  le  dessinateur,  dans  l'impossibililé  de 
reconnaître  ce  qui  se  trouvait  exactement  sur  la  médaille, 
n'a  pas  suppléé  par  sou  crayon  à  ce  qui  manquait  au  mo- 
nument ?  Ces  sortes  d'embellissetuens  ne  sont  pas  rares  : 
j'ai  eu  occasion  de  voir  quelque  chose  de  semblable  sur 
une  médaille  de  Néron  (médaille  restituée),  citée  par 
lllanchini,  dans  sou  traité  De  tribus  gemeriùus  instru- 
mentorum  musical  veterum  organisai,  et  qui,  selon  lui, 
portait  l'empreinte  d'un  orgue  dont  il  donne  le  dessin.  J'ai 
vérifié  la  médaille,  et  je  n'y  ai  trouvé  qu'un  objet  peu  sen- 
sible ,  qui  a  quelque  ressemblance  avec  un  buffet  d'orgue 
portatif,  mais  auquel  le  dessinateur  n'a  pas  laissé  manquer 
un  tuyau. 

Que  sont  d'ailleurs  de  pareils  inonumens,  quand  on  les 
oppose  à  des  preuves  historiques  invincibles?  La  médaille 
de  Néron,  dont  je  viens  de  parler,  est,  comme  je  l'ai  dit, 
n.sùluCc,  c'est-à-dire,  frappée  plusieurs  siècles  après  la 
mort  de  cet  empereur,  ce  quisercenunaitau  style;  il  se  peut 
que  celle  de  Seribonius  Lil/onus  soit  dans  le  infime  cas, 
et  même  qu'elle  ne  soit  qu'une  de  ces  fraudes  innombra- 
bles des  graveurs  du  seizième  siècle. 

La  reproche  de  partialité  en  faveur  des  anciens  est  le 
seul  qu'on  puisse  adressera  M.  Uajer,  car,  sous  tout  autre 
rapport,  son  travail  ne  mérite  que  des  éloges.  C'est  surtout 
dans  la  troisième  partie,  qui  a  pour  titre  :  Adolescence  et 
maturité  de  ia  munit]  ue  italienne,  qu'il  se  montre  à  la 
homme  degoûl.  Le  tableau  rapide  qu'il  tract 


des  progrès  tic  cet  ait,  depuis  je,  milieu  du  dix-septième 
siècle  jusqu'à  la  fin  du  dix- huitième,  renferme  u on -seule- 
ment des  i'ails  curieux  et  des  vues  fines,  mais  des  pages 
entières  empreintes  d'un  sentiment  profond  des  véritables 
beautés  de  style,  sentiment  qui  a  toujours  manqué  a  ceux 
de  nos  littérateurs  qui  ont  écrit  sur  la  musique.  Après  y 

la  canlilène,  et  sur  ie  draine;  après  avoir  donné  des  détails 
intéressans  sur  les  théâtres,  sur  la  castration  .les  chanteurs, 
et  sur  una  foule  d'objets  qui  se  rattachent  plus  ou  moins  di- 
rectement aux  diverses  branches  de  l'art  musical,  M .  Major 
passe  à  l'examen  des  chanteurs  prodigieux  sortis  des  di- 
verses écoles  de  Home,  de  Naples,  de  Bologne  et  de  Flo- 
rence, et  à  celui  des  productions  de  Sçarlatti  et  de  tous  les 
illustres  maîtres  sortis  des  conservatoires  de  Naples  et  do 
Venise,  jusqu'au  temps  de  l'.iisiello  et  de  Cimarosa.  Il  faut 
l'avouer,  celte  époque  est  le  siècle  d'or  de  la  musique  ita- 
lienne. M.  Major  en  parle  avec  un  enthousiasme,  qui  lu 
rend  peut-être  injuste  pour  ce  qui  a  suivi  ces  temps  de 
prospérité. 

Il  est  un  fait  remarquable ,  c'est  que  tandis  que  la  mu- 
sique à  la  mode  obtieni  un  succès  général  en  Italie,  parmi 
les  gens  du  monde ,  beaucoup  d'artistes  italiens  et  d'écri- 
vains de  cette  nation  s'attachent  à  la  déprécier,  cl  à  rabais- 
ser le  mérite  de  celui  qui  en  est  le  promoteur.  Le  docteur 
LÎchlenthal ,  dunl  l'excellent  ouvrage  a  clé  analysé  dans 
celle  revue,  ne  manque  pas  de  se  joindre  à  eux,  et  de  déplo- 
rer la  .décadence  de  l'art  du  chaut  et  du  goût;  mais  il  paraît 
très  modéré  sur  ce  sujet,  quand  on  compare  ce  qu'il  en  dit 
avec  la  diatribe  violente  sorlic  de  la  plume  de  M.  Majcr. 
Celui-ci  ne  garde  aucun  ménagement,  et  se  livre  à  toute 
sa  colère  contre  ce  qu'il  appelle  les  Vandales  de  la  musique. 
Peut-être  ne  scra-l-on  pas  fâché  de  connaître  l'opinion  d'un 
Italien  sur  ce  sujet.  Nous  croyons  devoir  satisfaire  celle 
curiosité,  en  donnant  la  traduction  de  quelques  pages  de 
l'écrit  que  nous  analysons.  Voici  comment  s'exprime 
M.  Majcr.  B 


Digitizcd  by  Google 


•<  Anivé  à  ce  point,  je  devrais  par  prudence  terminer 
mon  ouvrage  et  prendre  congé  de  mes  lecteurs.  Il  en  est 
pourtant  quelques-uns  qui  pourraient  avoir  la  fantaisie 
de  me  demander  quelle  est  mou  opinion  sur  l'état  actuel 
île  la  musique  en  Italie  ?  si  je  crois  qu'elle  ait  continué  S 
décliner,  ou  bien,  si  quelque  génie  puissant  a  su  l'arrêter 
sur  le  bord  du  précipice ,  et  lui  rendre  sa  splendeur  pre- 
mière. Connaissant  l'intempérance  des  jugemens  du  pu- 
blic sur  les  beaux-arts,  et  la  tyrannie  de  la  mode  et  du 
goût  régnant,  j'éprouve  une  juste  l'rayeur  d'avoir  à  remuer 
collé  question.  Cependant,  quand  ma  franchise  devrait 
armer  contre  moi  tout  le  genus  irritaMie  rnusieorum, 
l'amour  de  la  vérité ,  et  de  ce  bel  art  qui  a  fait  les  délices 
île  mes  jeunes  années,  mo  donne  du  courage;  et,  puisque 
je  trouve  l'occasion  do  faire  connaître  ma  manière  de 
penser,  je  la  saisirai  sans  hésiter. 

«  Je  crois  donc  (et  j'espère  u'CIrc  pas  en  Italie  le  seul 
do  celte  opinion)  que  la  musique  a  éprouvé  le  sort  inévi- 
table de  tous  les  arts  d'imitation,  lesquels  parvenus  au 
plus  haut  degré  do  perfection,  ne  tardent  point  à  se  cor- 
rompre et  a  décliner  rapidement.  One  horrible  tempête 
•boréale  a  éclaté  sur  notre  belle  pairie,  et  l'a  presque  en- 
gloutie sous  la  neige  et  les  frimas  de  la  musique  du  nord, 
ftous  avons  élé  transportés  bien  rapidement  du  siècle  des 
Jrioste,  des  Tasse,  à  celui  des  Marini,  des  Cianipali 
et  des  AchUlini;  mais  comme  il  serait  inutile  de  s'élever 
contre  les  imperfections  de  la  musique  moderne,  sans 
indiquer  la  cause  de  ces  imperfections ,  et  eu  quoi  elles 
consistent,  je  vais  essayer  d'cxprimerclairemcnt  ma  pensée. 

■11  mo  parait  que  les  extravagances  les  plus  notables  de 
la  musique  d'aujourd'hui  sont  :  ta  confusion  des  genres, 
lo  défaut  de  proportion  et  la  trivialité  des  cantiiinies; 
l'assemblage  de  cent  molij's  opposés,  l'abus  d'un  style  /«- 
rioso,  ditiramùico,  destiné  seulement  à  étourdir  les 
oreilles,  sans  jamais  arriver  au  cœur;  les  cbangcmeris  ir- 
l'é^ulicrs  et  fréquons  do  mesures  cl  de  tons,  sans  aucune 
harmonie  avec  les  paroles;  l'ennuyeuse  uniformité  des 
cadences,  variées  seulement  dans  la  ligure  des  noies;  la, 


DigitizGd  t>y  Google 


»S|3 

t'aligne  que  font  éprouver  ces  chœurs  oùtigôs  qui  se  re- 
produisent sans  cesse;  le  charlatanisme  de  l'aire  exécuter 
par  les  instrumens  à  vent  Ja  partie  do  violon  ,  pour  cher- 
cher à  couvrir,  par  l'habileté  des  exécuiaus;  la  pauvreté 
des  caiilil fines;  l'artifice  encore  plus  ridicule  dû  déchique- 
ter les  plu-anus  niiioil'tqiics ,  pimr  len  disl  nbuer  à  divers 

prononcés  par  plusieurs  inturluiinteurt-  :  la  pédanterie  de 
miti-'i-  jusqu'au  )in)j mire  appogiutiivi!  .  t r;i i ■  s I < > rrn a n L  ainsi 
les  ornemeus  spontanés  du  chant  en  un  solfège  scolastiqne 
et  puéril;  le  défaut  d'originalité  et  d'expression  caracté- 
ristw/iic  dans  les  chants,  composés  le  plus  souvent  comme 
des  variations  sur  les  mômes  thèmes,  auxquels  on  adapte 
indifféremment  toute  espèce  de  paroles;  les  merveilleuses 
sonates  de  gosier  des  chanteurs  modernes,  auxquelles  il  ne 
manque  rien ,  si  ce  n'est  la  mise  de  voix ,  l'art  de  respirer, 
ia  mesure  et  l'intonation;  la  profusion  des  gorgheggi  Iil- 
Kignilians  et  maniérés,  qui  détruisent  toute  idée  de  rhythme 
musical  ■  cl  divisent  les  mesures  en  autant  de  parties  qu'il 
plaît  au  chanteur;  le  mépris  de  la  prosodie,  qui  fait  qu'un 
plaoc  à  volonté  les  longues  et  les  brèves,  et  qu'on  s'arrête 
à  Gorghcggiare  sur  i  et  w,  voyelles  sourdes  el  ingrates 
(choses  que  n'auraient  point  faites,  il  y  a  trente  ans,  les 
moindres  élèves);  l'introduction  d'une  nouvelle  pronon- 
ciation qui  coupe  les  mots  en  deux  parties,  frappant  la 
dernière  syllabe  avec  une  espèce  de  mouvement  de  gorge , 
semblable  à  un  coup  de  marteau.  (  Par  exempte ,  V mulet- 
tàaaa,  amo-rùsca.,  cam-pàooo);  le  nouvel  usage  de  se 
mettre  à  chanter  sans  avoir  commencé  par  apprendre  a 
parler,  ce  qui  l'ait  qu'il  est  jiupussî l.ile  de  deviner  en  quelle 
langue  s'expriment  les  aclcurs,  et  convertit  le  théâtre  en 
un  hôpital  de  sourds  et  muets;  la  confusion  des  instrumens 
auxquels  on  l'ail  abandonner  ce  qui  leur  est  prupre  pour  les 
contraindre  à  jouer  ce  qui  n'est  point  dans  leur  nature  ;  le 
ftifRëmeûi des ootavins,  le  bruit  de  la  grosse  caisse,  des  trian- 
gles, des  timbales,  des  cymbales  el  de  toute  la  bande  turque; 
enliuj'aeeonipjgiicnienl  obligé  des  arpèges  d'accords  par- 
faits el  de  quarto  et  sixte  sur  tous  les  degrés  chromatiques  de 


904 

la  gamme,  (|iiellc  que  soit  la  cacophonie  qui  en  résulle;  lotit 
cela,  dis-jc,  forme  un  lintamare  semblable  à  celui  de 
fa  place  Saint-Marc,  dans  la  dernière  nuit  du  carnaval. 
Voilà  les  causes  qui,  joinlcs  à  beaucoup  d'autres,  qu'il 
serait  trop  long  d'éuuuiércr,  oui  fait  subir  à  la  musique 
italienne  la  même  décadence  qu'éprouva  la  poésie  dans 
le  dis-seplicme  siècle,  par  l'introduction  dés  frai  dure, 
des  trustait,  des  aittilcxi ,  ipcrliolL  des  fuaeki  sudanii, 
du  Soleil,  iunlcrna  dut  cicto ,  des  étoiles ,  det  celesto  cri- 
vcliuc/ii  lucenti,  (du  crible  céleste,  les  Irons  brillans), 
cl  autres  absurdités  du  parnasse  italien  ',  atteint  de  folie. 
Une  des  plus  funestes  conséquences  de  ces  révolutions 
llié.i traies  est  la  ruine  des  panvrrs;iji^JY,«(fW  (directeurs), 
qui,  victimes  des  novateurs,  peuvent  s'écrier  en  masse, 
sur  le  seuil  des  lliéillres  déserts  :  qvomoda  isedel  solo,  citii- 
tas  quoiidam  piena  populo 2. 

«  Dans  aucun  lieu  de  mou  discours,  je  n'ai  plus  regretté 
do  ne  pouvoir  appuyer  mes  observations  d'exemples  de 
musique,  d'après  la  manière  de  P.  Paotucvi,  dans  son 
jtrtepTiiticadelcoiitrcipttnto.  Je  sais  que  c'est  la  meilleure 
réponse  que  j'aurais  pu  faire  à  cens  qui  me  reprocheront 
probablement  de  m'ûlrc  montré  trop  sévère,  et  qui  m'ac- 
cuseront d'élre.  un  critique  passionné.  Ceci  csl  une  dis- 
grâce à  laquelle  doivent  s'attendre  tous  ceux  qui  tenteront 

(i)  Le  Mariai  de  la  musique  moderne,  semblable  à  l'ancien  Mariai 

ment  oii  sa  musique  plût,  il  a  atteint  son  but.  A  dire  h:  vrai,  l'argument 
est  UH  concluant,  et  je  du uto  que  l'ancien  Marinioiït  pu  en  trouver  un 
meilleur. 

Lopez  da  Ve$a  su  sert  d'une  semblable  justificatiur!  dans  ce  passage  : 

•  Puisque  c'est  le  vulgaire  aveugle  qui  paye,  il  est  juste  de  composer 

•  aveuglement  comme  il  le  délire.  • 

(a)  Les  relierions  que  j'exprime  sur  lu  majorité  du  compositeurs  eL 
des  chanteurs,  n 'ei  élue  nt  point  la  possibilité  de  quelques  «copiions. 
Si  l'on  m'oppoee  les  noms  illustres  de  CAemKjii,  Pair,  Sponliti',  de 
mesdames  Calalani,  Fnifor,  etc. ,  je  repundrai  que  dans  les  pestes  Ica 
plus  all'rcuBCSlOlIlIc  miulili:  ii'i  -1  [.ninl  .illrml  itc  la  eouluj'irin  ;  mais  que 
ceui  qui  ont  le  bnobeur  de  s'en  préserver  ne  sont  pas  une  prouve  que 
le  pojs  soit  généralement  saiu. 


de  s'opposer  aux  progrès  iln  mauvais  goilt ,  qui  prouveront 
l'existence  il»  mal,  et  qui,  avec  un  zèle  imprudent  et 
souvent  inutile,  chercheront  ù  désabuser  des  milliers  d'in- 
firmes qui  se  croient  en  parfaite  sanlé.  Dans  le  cas  présent, 
la  faute  est  commune  a.  tous  :  les  auteurs,  avec  leurs  Toiles 
compositions,  le  public,  avec  ses  applaudissemeus  non 
moins  insensés,  se  corrompent  mutuellement  ;  il  y  a  doue 
lieu  de  redouter  qu'on  n'accueille  pas  trop  favorablement 
nies  représentation!),  et  qu'on  ne  se  nioqtic  du  médecin 
et  de  la  médecine.  Hais  au-dessus  du  public  se  trouve  en- 
core un  tribunal,  celui  du  temps,  qui  ne  laisse  pénétrer 
ses  secrets  qu'à  un  petit  nombre  d'esprits  justes.  C'est  h 
eus  seuls  de  prononcer  sur  la  question  présente. 

i  Après  avoir  parlé  de  1  opéra  sérieux,  je  devrais  pousser 
mon  examen  jusques  sur  l'opéra  hou  Ile  ;  mais  comment 
rendre  compte  de  l'état  actuel  d'une  chose  qui  n'exïstu 
plus?  il  y  a  déjà  plusieurs  années  que  l'opéra  6uffa  et  la 
gailé  ont  disparu  de  nos',lbéâtres.  Une  lièvre  maligne  sen- 
timentale a  saisi  tous  les  esprits;  le  public  ne  va  plus 
maintenant  à  t'opéra  ùuffa  que  pour  calmer  avec  de» 
farces  larmoyantes  et  des  drames  semi-sérieux  les  trop 
vifs  transports  de  sa  joie.  La  distinction  entre  la  musique 
sérieuse  el  !.i  musique  boull'e  est  donc  lout-i-fait  évanouie, 
cl  il  faudrait  être  fort  habile  pour  découvrir  la  pins  légère 
différence  entre  une  partition  d'opéra  série  met  celle  d'un 
opéra  bouffe.  En  lisant  aujourd'hui  sur  les  affichés  des 
spectacles,  qu'un  des  premiers  emplois  est  cidui  de  liujfo 

si  ce  n'est  de  faire  l'oraison  funèbre  de  l'opéra  fat/fa,  et 
du  pauvre  sens  commun.  L'excessive  délicatesse  du  publie 
est  choquée  maintenant  du  seul  mot  de  l/ufjb  cariealo, 
et  cependant  les  bons  bouffon*  d'autrefois  n'avaient  de 
charge  que  le  nom.  Nous  appellerons  en  témoignage  tous 
ceux  qui  ont  entendu  Caribtildi,  Poggi,  Bassi,  Morelti, 
et  l'inimitable  Casaccielto.  L'art  de  faire  rire  les  specta- 
teurs est  encore  plus  difficile  que  celui  de  les  faire  pleurer. 
L'école  des  actrices  bouffes  est  aussi  tout  à-fait  perdue  en 
Italie.  La  dernière  qui  ait  rappelé  les  l'ami,  Zampierini. 


ag6 

Cottcitini,  Manscruisi,  Moric/ictti,  elo.j  a  été  la  Marco- 
Uni.  Il  en  est  Je  mime  des  faiseurs  rte  libretti  :  Casti  et 
Anelli  sont  les  derniers  qui  aient  soutenu  l'honneur  do 
l'opéra  bouffe  italien. 

«  Ces  tristes  réflexions  peuvent  également  s'appliquer  1 
la  musique  d'église.  Il  y  a  déjà  plusieurs  années  que  la  gra- 
vité rte  la  musique  sacrée  commence  à  s'altérer  par  le 
mélange  du  style  dramatique.  Paisidto,  Zingarciii,  Fur- 
lanello,  Brizti  et  Mattci,  dans  leurs  messes  et  leurs 
psaumes,  tout  en  accordant  quelques  concessions  au  goût 
moderne,  dans  la  partie  instrumentale,  ont  su  conserver 
la  simplicité  majestueuse  qui  convient  au  chant  sacré;  mais 
peu  à  peu  le  torrent  a  renversé  toutes  les  digues.  Ces  im- 
pures cantilènes,  ces  mêmes  airs  de  ballet,  qu'on  entend 
répéter  tous  les  jours  sur  les  lbé;itrcs,  ont  osé  s'introduire 
dans  l'église;  et,  comme  si  ce  n'était  pas  encore  assez,  on  a 
ose  y  transporter  les  accompagiiemcns  do  la  Baïutc  turque, 
et  de  toute  espèce  d'inslrumens  militaires.  I.orsqu'en  en- 
trant dans  le  temple,  on  entend  un  semblable  fracas ,  on 
croirait  qu'au  lieu  de  prier,  on  fait  nue  déclaration  de 
guerre  au  Tout-Puissant  '. 

•  Il  me  resterait  à  parler  de  quelques  points  qui  se  rat- 
tachent à  la  musique  dramatique,  savoir  :  la  composition 
des  mélodrames  sérierne  d'aujourd'hui,  dans  lesquels  ou 
a  supprimé  peu  à  peu  le  récitatif,  comme  si,  dans  une  ac- 
tion dramatique,  tous  les  personnages  pouvaient,  depuis 
le  commencement  jusqu'à  la  fin,  se  trouver  dans  une  si- 
tuai ion  passionnée;  la  substitution  des  femmes  aux  So- 
pruni,  lesquels  avaient  au  moins  l'apparence  d'hommes; 
car  rien  n'est  plus  ridicule  que  de  voir  de  jeunes  femme» 
représenter  Jason,  Pyrrhus,  Horace,  Tancrctlc,  etc.; 
maïs  je  n'en  ai  déjà  que  trop  dît  pour  mon  repos.  > 

(1)  Dieu  aie  pltifi  de  celui  qui  introduis! !  le  premier  la  bande  tun/ai 
dans  nos o  relie  itrei.  Peut -on  imaginer  une  plus  grande  brutalité  que  de 

gner  oui  jeunes  coin  po  si  leurs  les  règles  de  l'harmonie,  le  tic  tac  lies 
niDi ili us,  tt  le  bruit  des  inorteoui ,  deviendrunt  bientôt  la  meilleure 
école  de  c:)utrej-ujnl. 


i{>7 

Les  plaintes  de  M.  Majer  ne  sont  pas  dépourvues  de  mo- 
tifs; ce  qu'il  «lit  de  la  confusion  des  genres ,  de  l'excès  du 
bruit  des  orchestres,  des  défauts  des  chanteurs,  etc.,  eH 
fondé  sur  la  raison  ;  quiconque  n'est  pus  dominé  par  d'a- 
ve us  le  s  préventions  doit  1:11  sentir  l,i  justesse,  Mais  il  règne 
dans  sa  manière  de  s'exprimer  nu  Ion  d'aigreur,  qui  peut 
faire  soupçonner  qu'il  n'est  plus  jeune,  e(  qu'il  regrette  les 
plaisirs  de  sa  jeunesse.  A  quoi  servent  d'ailleurs  les  décla- 
mations contre  le  gnfii  géniTaU  les  adversaires  de  ceux  qui 
les  fout  ne  manquent  jamais  de  les  traiter  de  pédant;  ré- 
ponse qu'ils  croient  excellente  et  sans  réplique,  et  qui 
d'ailleurs  dispense  de  donner  des  raisons. 

Quoi  qu'il  en  soit,  le  livre  de  M.  Majer,  bien  que  peu 
volumineux,  n'en  est  pas  moins  fort  instructif,  rempli  de 
vues  solides  r'I  i\a  reelin-rlies  intéressantes.  I[  est  iln  nombre 
de  ceux  dont  la  traduction  serait  un  service  rendu  à  la  lit- 
térature musicale  française.  On  en  peut  dire  autant  de  la 
lettre  du  même  auteur  sur  ia  connaissance  que  tes  anciens 
ont  eue  (ht  contrepoint.  De  tous  ceux  qui  ont  agité  celle 
question,  et  qui  se  sont  prononcés  en  faveur  de  l'antiquité, 
aucun  n'a  soutenu  son  o[)inion  par  des  faits  si  plausibles,  et 
ne  l'a  discutée  avec  autant  de  sagacité.  La  brièveté  de  cet 
écrit  et  sa  rareté  me  fait  croire  qu'on  n'en  verra  pan  la 
traduction  sans  intérêt  dans  cette  revue. 

Fiins. 


NOUVELLES  DE  PARIS. 

ACADÉMIE  ROYALE  DE  MUSIQUE. 

Le  succès  constant  du  ballet  de  la  Somnambule  a  ramené 
sur  la  scène  des  opéras  qui  étaient  un  peu  négligés  depuis 
l'apparition  du  Siège  de  Corinthe  et  de  Moïse.  Le  direc- 
teur, profitant  des  chances  favorables  que  lui  présentait  la 
jolie  composition  de  MM.  Scribe  et  Aumer,  a  rendu  aux 
vieux  amateurs  de  ce  spectacle  les  anciens  objets  de  leurs 
prédilection».  Orphée,  Iphigénie  en  Taurûlr,  Fernanit- 
■2-  vol.  afi 


Corttz,  et  même  te  Rossignol,  que  la  voix  délicieuse  de 
M"'  Chili  a  le  tort  de  faire  trouver  bon. 

La  manière  dont  Adolphe  Nourrit  chante  le  beau  rôle 
d'Orphie  lui  fait  beaucoup  d'honneur.  Il  est  difficile  d'a- 
'  voir  un  style  plus  pur,  une  mise  de  voix  plus  soignée,  une 
expression  plus  touchante  que  lui,  dans  son  air  du  premier 
acte,  dans  la  scène  des  enfers,  et  dans  l'air  :  J'ai  perdu 
mon  Euridice;  il  dit  aussi  avec  beaucoup  de  chaleur  l'air 
Écho  et  Narcisse,  qu'on  a  in  troduiladans  cet  ouvrage;  en- 
lin  il  se  montre  digne  du  personnage  qu'il  représente  et  de 
la  musique  de  Gluck,  ce  qui  n'est  pas  un  petit  mérite.  Ce 
riilc  a  été  composé  pour  une  voix  de  contralto  dans  l'Or- 
phée italien,  dont  celui-ci  n'est  qu'une  traduction.  Gluck 
avait  besoin  d'uue  voix  extraordinaire;  un  castratto  pouvait 
seul  la  lui  fournir;  aussi  ce  fut  Gnadagui  qui  fut  chargé  de 
le  chanter,  et  qui  y  déploya  un  talent  dont  on  n'a  plus 
d'idée  aujourd'hui.  Gluck  fut  obligé  de  transposer  la  plu- 
part de  ses  morceaux  en  arrangeant  son  ouvrage  pour  la 
scène  française,  afin  que  Legros,  dont  la  vois  était  un  ténor 
élevé,  pût  le  chanter.  Ces  eh  ange  mens  n'ont  pas  été  heu- 

Plusietirs  morceaux  de  la  musique  d'Orphée  ont  vieilli; 
on  n'imaginerait  point  aujourd'hui  de  faire  un  troisième 
acle  avec  une  seule  scène,  comme  est  celui  de  cet  opéra, 
et  surtout  de  le  prolonger  jusqu'à  le  rendre  aussi  fatigant; 
mais  qui  oserait  se  flatter  d'inventer  l'admirable  scène  des 
enfers,  qui  seule  vaut  un  opéra?  Quelles  proportions  colos- 
sales! quel  e£fel!  Dès  les  premières  mesures  de  la  ritour- 
nelle, on  se  sent  dominé  par  une  puissance  irrésistible. 
Depuis  le  premier  chœur  :  Quel  est  €  audacieux  etc.,  jus- 
qu'au Smorzcndo  de  la  fin ,  une  gradation  merveilleuse 
est  observée.  Les  trois  cavatiues  d'Orphée  présentent  une 
variété  de  ton  qui  était  bien  difficile  à  trouver  dans  une 
sefcne  aussi  longue.  Peu  de  compositeurs  consentiraient  à 
terminer  nue  scencsi  importante  parmi  smorzando  comme 
l'a  fait  Giuek;  On  voudrait  aujourd'hui  couronner  cette 
par  un  grand  fracas,  et  obtenir  ic  tonnerre  d'apptau- 
ens  qui  ne  peut  être  excilé  que  par  le  bruit;  mais 


a9!) 

qu'il  y  a  loin  de  ces  moyens  mécaniques  à  la  profonde  pen- 
sée de  la  stupéfaction  des  démons,  vaincus  par  un  charme 
inconnu.  Gluck  négligeait  peut-être  trop  la  forme;  mais 
on  lui  donne  maintenant  une  trop  haute  importance  en 
lui  sacrifiant  la  vérité  et  le  sentiment  des  convenances. 

Les  défauts  qu'on  peut  reprocher  h  quelques  parties 
d'Orphée  n'existent  point  dans  Iplrigénie  en  Tauride.  De 
toutes  les  compositions  de  Gluck,  celle-ci  me  semble  ëlre 
la  plus  parfaite.  Il  n'y  a  rien  au-dessus  du  premier  acte  de 
cet  opéra;  rien  de  plus  beau  que  le  rôle  d'Oreste;  si  quel- 
ques longueurs  se  fout  remarquer  à  la  fin,  ou  doit  les  at- 
tribuer plutôt  au  changement  des  idées  sur  la  conduite  du 
drame  musical  qu'au  génie  de  l'auleur.  Il  se  peut  aussi  que 
la  force  de  conception  du  premier  acte  et  d'une  partie  du 
second  nuise  à  ce  qui  vient  ensuite;  car  il  était  impossible 
de  se  maintenir  à  la  même  hauteur  pendant  loute  la  durée 
d'nn  opéra. 

L'exécution  de  la  dernière  représentation  A'Iphigênic  en 
Tauride  a  été  bien  faible;  un  air  de  négligence  se  faisait 
remarquer  depuis  les  rôles  principaux  jusqu'aux  chœurs, 
et,  à  l'exception  de  Nourrit,  personne  n'a  semblé  se  douter 
qu'un  pareil  ouvrage  valut  la  peine  d'être  chanté  juste. 
J'en  lais  la  remarque  avec  d'autant  plus  d'étounemeut 
que,  peu  de  temps  auparavant,  ce  même  opéra  avait  été 
joué  avec  ensemble  par  les  mêmes  acteurs. 

Fernand  Cortez  a  été  joué  plusieurs  fois  avec  le  nou- 
veau ballet,  et  avec  celui  des  Filets  de  Vvicain.  Massol 
est  bien  faible  pour  le  rôle  de  Cortez;  toutes  les  fois  qu'il 
chante  à  mezza  vocef  il  est  au-dessous  du  ton ,  il  ne  re- 
trouve la  justesse  que  dans  les  choses  de  force.  Cela  est 
d'autant  plus  étonnant,  que  ces  défauts  sont  ordinaire- 
ment ceux  d'une  voix  usée,  et  que  Massol  est  jeune. 
Dabadîe  est  fort  bien  dans  son  rôle  de  Tetasco  ;  mais  la 
palme  du  chant  est  due  à  M11"  Cinli.  Les  progrès  de  celte 
charmante  cantatrice  sont  très  remarquables  ,  particuliè- 
rement dans  le  style  expressif.  Il  est  impossible  de  chanter 
mieux  qu'elle  ne  fait  dans  le  duo  du  premier  acte ,  dans 
l'air .-  Arbitre  de  ma  destinée,  et  dans  celui  du  troisième 


acte.  Les  inflexions  les  plus  heureuses,  jointes  à  une  voca- 
lisation pu  rf ai  te  se  sont  lait  remarquer  danssamanièrede 
phrascr  cesdïvcrs  morceaux.  Depuis  long- temps,  la  pureté 
delà  voix  de  51"°  Cînti  était  connue,  ainsi  que  son  habi- 
leté dans  la  vocalisation;  mais  on  pouvait  quelquefois 
désirer  un  peu  plus  d'ame  el  d'expression  ;  félicitons-la  de 
ce  qu'elle  ne  veut  point  d'un  triomphe  incomplet,  et  de 
ce  qu'elle  travaille  si  efficacement  à  acquérir  des  qualités 
auxquelles  son  doux  organe  est  si  propre. 

Malheureusement  une  indisposition  subite  assez  grave 
éloigne  H11' Ci  ni  i  de  lu  scène  depuis  quelques  jours.  Cet 
accident ,  joint  à  l'interruption  du  ballet  de  ia  Somnam- 
bule, oecasionée  parla  grossesse  deM™  Uontessu,  a  causé 
quelque  embarras  a  la  direction  de  l'Opéra,  car  on  ne 
pourrait  donner  Moïse  convenablement.  11  a  fallu  avoir 
recours  à  ta  Lampe  merveilleuse,  autrefois  lu  Providence 
de  ce,  spectacle,  mais  dont  le  règne  est  fini.  On  craint 
que  cet  état  de  choses  ne  se  prolonge  ;  car  la  maladie  de 
H"'  Cinti  a  été  assez  grave  pour  ne  pas  lui  permettre  de 
rentrer  d'ici  à  quelques  temps. 

On  se  prépare  aux  répétitions  de.  Ma;:anietto  qui  doit 
prendre  le  titre  de  ta  Muette;  cette  pièce  sera  suivie  do 
Guittaume  Tell,  opéra  de  MM.  de  Joui  et  Uossini. 

THÉÂTRE  ROYAL  ITALIEN. 

.  A  défaut  de  nouveautés ,  l'administration  de  ce  théâtre 
essaie  de  reprendre  des  ouvrages  ipti  avaient  eu  peu  de 
succès  d'abord ,  mais  qu'une  nouvelle  distribution  lui  a 
paru  devoir  rendre  plus  heureux.  C'est  ainsi  que  Giutietta 
e  Romeo  a  reparu  il  y  a  peu  de  jours.  On  se  rappelle  que  le 
rôle  de  Romeo  fut  joué  d'abord  par  M1"  Cesari  ;  depuis  le 
départ  de  cette  jeune  cantatrice,  M"  Pisaroui  a  consenti 
à  prêter  uu  faible  ouvrage  de  Vaccai  l'appui  de  son  beau 
fuient.  • 

Celte  nouvelle  disposition  avait  fait  concevoir  de  grandes 
espérances;  j'avoue  que  je  ne  les  purlugeais  pas,  quelle 


□igilized  by  Google 


que  [fil  la  baille  opinion  que  i'eûsfe  du  mérite  de  SI—  l'i- 
surnni.  Ilomeo  est  un  pri  son u.igr  qu'un  représente  jeune, 
gracieux,  élégant  ;  M™  Fauta  nous  a  du  moins  accoutumés 
à  le  considérer  ainsi  dans  l'opéra  de  Zangarelli.  H"*  Cosari 
estime  cantatrice  médiocre,  mais  elle  a  du  moins  les  qua- 
lité* extérieures  du  rôle,  et  lorsqu'elle  ne  chaulait  pas,  elle 
y  était fort  bien.  Mal  heureusement  aucun  des  morceaux 
île  Giutictta  e  Roms.o  ne  demande  la  vigueur  de  talent 
dont  M™  Pisnroni  a  fait  preuve  dans  Scmiràmùlù  et  dans 
la  Donna  dût  Logo.  La  scène  des  tombeaux,  scène  si  lou- 
chante et  si  terrible  à  la  fois  dans  le  Romeo  de  /.ingarolli. 
est  gâtée  dans  l'opéra  nouveau,  et  ne  prèle  pas  aux  déve- 
loppcmens  de  passion  que  51™*  Pîsaroùi  serait  propre  à 
exprimer.  Celte  scène,  qui  se  prolonge  Irop  .  est  froide  h 
l'exeès,  et  ta  musique  n'esl  pas  de  nature  à  la  réchauffer. 
Ko  définitive,  l'habile  cantatrice  j  a  produit  peu  d'effet, 
ainsi  que  dans  le  reste  du  rôle  ,  soit  que  les  canlilènes  in- 
signifiantes de  Vaecai  n'aient  pas  eu  le  pouvoir  de  lui  pro- 
curer ces  émotions  qui  provoquent  le  talent ,  soit  qu'elle 
se  fût  aperçue  qu'elle-même  n'avait  pas  son  ascendant  ac- 
coutumé sur  le  public,  et  (pie  cette  conviction  ail  influé 
défavorablement  sus  ses  [acuités,  suit  enfin  qu'elle  lui  mal 
disposée  le  jour  de  la  reprise  de  GiutieUa  u  Romeo,  il  ciî 
certain  qu'elle  ni:  s'est  jamais  élevée  au-dessus  du  mé- 
diocre. Les  sons  désagréables  de  sa  voix  nazfllo  se  firent 
entendre  souvent  pendant  le  coin  s  de  la  rcpréseulalion.  et 
ne  lurent  point  rachetés  par  ces  élans  sublimes,  qui.  dans 
Stmiramïdc  et  dans  ta  Donna,  dut  Laijo .  font  si  facile- 
ment oublier  le  défaut  dont  je  viens  de  parler. 

Plus  on  entend  la  musique  rie  ee  prétendu  chef-d'œuvre 
de  Vaecai,  moins  on  comprend  le  succès  qu'il  a  obtenu  en 
Halle.  Cependant,  à  en  croire  les  journalistes  ultranion- 
tains,  il  ne  s'agissait  pas  moins  que  d'une  de  ces  produi- 
rions qui  l'ont  époque  il  ans  l'histoire  d'un  art.  On  vantail 
beaucoup  l'în traduction  .  cl  ee  n'est  qu'un  morceau  sa  ns 
couleur,  où  l'on  ne  trouve  rien  de  choquant,  il  est  vrai, 
mais  où  rien  ne  suri  des  idées  les  plus  vulgaires.  Les 
autres  morceaux  du  premier  acte  sont  luus  plus  bu'  moins 


Dlgiitzad  by  Google 


3oa 

décolorés.  On  se  sent  atteint  d'une  sorte  de  défaillance  en 
écoutant  celle  musique,  dont  on  n'a  même  pas  la  force  de 
critiquer  les  défauts.  Le  Irio  chanté  par  Bordogni,  Levas- 
seur  et  M"*  Illasis,  et  l'air  de  Bordogni,  à  la  fin  du  second 
acte,  sont  uu  peu  meilleurs  que  les  autres  morceaux;  ce 
dernier  cependant  est  trop  long. 

Quoique  Bordogni  eût  lait  réclamer  l'indulgence  du 
public  pour  une  indisposition,  il  ne  s'est  pas  mal  tiré  de  ce 
qu'il  avait  à  chanter.  Levasseur  a  peu  de  chose  à  faire  dans 
cet  ouvrage;  mais  le  peu  qu'il  chante  fait  regretter  que 
son  rôle  ne  soit  pas  plus  considérable.  Quant  ù  Profcli ,  il 
est,  comme  de  coutume,  au-dessous  du  sien  dans  le  per- 
sonnage du  médecin.  Depuis  le  commandeur  de  Don 
Juan  ,  ce  pauvre  homme  a  toujours  été  déclinant.  Il  est 
cependant  nécessaire  qu'il  s'arrête,  s'il  veut  être  encore 
Loti  à  quelque  chose. 

Le  rétablissement  de  la  santé  de  M"  Garcia  a  fait  repa- 
raître aussi  Tebatdo  ed  liolina ,  ouvrage  de  Morlacchi 
qui  avait  été  interrompu  immédiatement  après  la  pre- 
mière représentation.  Cette  reprise  n'a  pas  été  plus  heu- 
reuse que  celle  de  Giuiie.Ua  e  Romeo ,  quoique  M°"  Pisa- 
roni  y  ait  déployé  uu  talent  très  supérieur.  L'appui  d'une 
farce  anglaise,  mal  jouée,  n'était  pas  de  nature  à  piquer  ht 
curiosité;  aussi  y  avait-il  fort  peu  de  monde.  Il  y  a  pour 
chaque  chose  qu'on  voit  à  Paris  nu  public  différent:  le 
nombre  de  ceux  que  la  comédie  anglaise  peut  amuser  est 
fort  borné  dans  ce  pays ,  et  n'a  rien  de  commun  avec  les 
dilettauli,  dont  les  oreilles  délicates  ne  peuvent  s'accomo- 
der  des  sons  grotesques  qui  sortent  des  gosiers  venus  des 
bords  de  la  Tamise.  La  tragédie  bien  jouée  peut  intéres- 
ser sans  doute;  mais  elle  ne  peut  marcher  concurremment 
avec  la  musique;  il  faut  que  celle-ci  domine  ou  succombe. 
Eu  résumé,  ce  mélange  ne  sera  point  productif. 

Il  y  a  une  très  grande  différence  entre  la  musique  de 
Yaçcai  et  celle  de  Morlacchi.  Quoique  celte  dernière  ne 
soit  pas  exempte  de  défauts,  on  y  reconnaît  le  maître,  tan- 
dis que  l'autre  ne  montre  qu'un  écolier.  On  trouve  dans 
Tebaldo  un  mélange  de  l'ancienne  et  de  la  nouvelle  écolo 


qui  n'est  pas  sans  charme.  Il  y  a  rte  la  grâce  dans  li!  chaut;  ' 
il  es!  fâcheux. seulement  mie  les  mot  ils  soient  généralement 
si  courts,  et  si  souvent  interrompus.  La  multiplicité  des 
points  d'orgues  est  un  des  plus  grands  llé.iux  de  l'expres- 
sion et  de  l'effet  musical  ;  c'est  à  la  décadence  de  Part  du 
chant  qu'il  faut  attribuer  l'abus  qu'on  eu  fait  aujourd'hui, 
et  c'est  cet  abus  qu'il  faut  surtout  accuser  du  peu  d'effet 
que  produit  la  musique  de  Morlacchi.  La  monotonie  qui 
résulte  du  trop  grand  nombre  d'airs  et  de  duos  est  aussi 
une  des  causes  de  ce  manque  d'effet.  Ou  est  maintenant 
si  bien  accoutumé  aux  morceaux  d'ensemble ,  qu'ils  sont 
devenus  nécessaires.  Un  duo  du  premier  acte,  l'air  de 
M""Pisaroni,  et  le  finale  sont  des  morceaux  distingués ,  et 
qui  méritent  plus  d'applaudisscmcns  que  le  public  ne  leur 
en  accorde.  M""  Pisaroni  s'est  montrée  digne  de  sa  réputa- 
tion ,  mais  tous  les  autres  acleurs  ont  été  d'une  médiocrité 
désespérante.  Il  est  douteux  que  col  ouvrage  se  soutienne. 

—  Il  régne  en  ce  moment  une  grande  activité  dans  les 
études  de  njpéra-Comiquc.  Acteurs  et  directeur,  chacun 
sent  qu'il  faut  redoubler  d'ellbrts  pour  combler  les  pertes 
qu'ont  occasionnées  les  crises  de  cet  été.  Un  ouvrag--  de 
circonstance,  destiné  pour  la  fêle  du  Itoi,  et  qui  je  crois  a 
pour  titre  te  Roi  et  te  Batelier,  sera  joue  le  5  nov.  prochain . 
La  musique  a  été  composée  par  MM.  Iliiaut  et  Halevy. 
Cet  opéra  ne  tardera  pas  à  être  suivi  du  Colporteur.,  drame 
qui  est  dù  a  la  plume  féconde  de  M.  Planard,  et  qu'on  dit 
cire  rempli  d'intérêt.  M.  Onslow,  dont  lenom  est  un  éloge, 
a  prêté  les  acecus  de  sa  lyre  a  celte  pièce,  sur  laquelle  de 
grandes  espérances  se  fondent.  M.  Carafa  viendra  ensuite 
avec  son  Mazzanielto;  M.  Boicldieu,  qu'un  accident  dou- 

i  sou  opéra  de*  Deux  Nuits.  Nommer  ce  compositeur 
élégant  et  gracieux,  c'est  annoncer  un  succès  d'enthou- 
siasme. Enfin,  un  drame,  intitulé ia  Muette,  vient  d'èlre 
reçu  par  acclamations,  et  confié  à  la  plume  spirituelte'de 
M.  Herold.  Avec  de  pareilles  ressources,  l'Opéra-Comi  que- 
ue peut  manquer  de  retrouver  ses  beaux  jours  et  d'ou- 
blier bienlolles  calamité*  auxquelles  il  vient  d'êireeu  proie. 

FÉT1S. 


3o 


.  NOUVELLES  ÉTRANGÈRES. 

Cusel.  La  saison  a  commencé  par  Die  Prinzessin  von 
Provence  (la  Princesse  de  Provence),  opéra-féerie,  mis  en 
musique  par  le  baron  de  Poisl.  L'opinion  est  partagée  sur 
cet  ouvrage;  cependant  l'on  convient  généralement  que 
les  chants  sont  expressifs,  et  que  les  accompagnemens  sont 
bien  faits.  Il  aété  donné  pour  l'anniversaire  du  prince,  et 
l'on  n'a  rien  épargné  pour  les  costume*  et  les  décorations. 
M'"  Schweiaer  et  M.  Fceppel  ont  joué  el  chanté  de  ma- 
nière à  recevoir  des  applaudissement  unanimes.  Cet  ou- 
vrage a  été  suivi  de  la  Dame  Blanchi,  qui  n'avait  point 
encore  été  représentée  à  Cassel,  etqui  a  parfaitementréussi. 
La  ballade  du  premier  acte,  le  second  et  le  dernier  finales 
ont  été  très  applaudis.  Après  la  Dame  Blanche,  on  a  donné 
Joconde,  de  Nicolo,  qui  a  obtenu  aussi  beaucoup  de  suc- 
cès. On  a  remis  ensuite  la  Zétnire  de  Spohr,  et  puis  on  a 
profité  d'une  occasion  favorable  pour  faire  entendre  de  très 
beaux  chœurs  de  Seyfreid,  el  la  musique  des  entre-actes  du 
Moite  de  Klûigemann,  qui  étaient  inconnus  à  Casse! . 
ainsi  que  l'incomparable  musique  que  Beethoven  a  com- 
posée poiirle  comte  d'Egmont,  de  Goethe.  Les  autres  opéras 
donnés  dans  la  saison  sont  :  la  Ctemenza  di  Tito,  (deux 
fois);  ta  Flûte  enchantée,  (quatre  fois)  ;  Fernand  Cortis, 
(deux  fois);  Joseph,  de  Méhul ,  (trois  t'ois);  le.  Freischatz, 
(quatre  fois);  Don  Juan,  (quatre  fois);  le  Mariage  de 
Figaro,  (  deux  fois)  ;  Otetlo,  (  deux  fois  )  ;  il  Barbicre  di 
Seviglia,  (  troid  fois),  et  Jestonda,  (deux  fois). 

Les  deux  cantatrices  qui  ont  brillé  dans  le  cours  de  lu 
saison  sont  :  HB*  Scbulz,  du  Théâtre-Royal  de  Berlin,  et 
AV'Heîneifetler.du  théâtre  de  Francfort.  La  première  s'est 
distinguée  dans  les  rôles  àeJessonda,  doDonnaJnna,  et 
de  Detdemona.  La  seconde,  dans  ceux  de  Pu  mina .  de 
Suzanna,  et  de  Sexlus.  M.  Rase,  membre  de  la  chapelle 
royale  de  Hanovre,  a  donné  un  concert  en  passant  par 
Casse).  Il  est  connu  comme  uu  excellent  hautboïste.  11  a 


DigitizGd  by  Google 


3o5 

exécuté  un  concerto  de  Maurer,  et  un  nocturne  de  Hum- 
me),  avec  une  mélhode  et  un  sou  qui  ne  laissaient  rien  à 
désirer. 

LiMtEBg.  Le  Requiem  de  Mozart  a  été  exécuté  à  Limberg 
pour  célébrer  l'anniversaire  de  la  mort  du  grand  composi- 
teur. Le  fils  cadet  de  cet  homme  célèbre  conduisait  l'or- 
chestre, et  cette  circonstance  n'a  pas  peu  contribué  à  jeter 
de  l'intérêt  sur  celte  cérémonie.  Les  solos  étaient  chantés 
par  les  membres  d'une  société  musicale  établie  depuis  peu 
sous  le  nom  de  Cœcitienchors.  Deux  dames  d'un  très  haut 
rang  en  faisaient  partie  ;  la  foule  remplissait  la  cathédrale, 
et  une  émotion  profonde  s'était  emparée  de  tous  les  cœurs. 

—  M.  Bayr,'  professeur  de  flûte  à  Vienne,  vient  de  trou- 
ver le  moyen  de  produire  sur  cet  instrument  des  sons 
doubles  effeclifs  et  simultanés.  Jusqu'ici,  les  recherches 
nombreuses  qii'on  avait  faites  pour  résoudre  ce  problème 
avaient  été  infructueuses;  car  le  résultat  s'était  borné  à 
trouver  le  moyen  de  chanter  une  partie ,  tandis  qu'on  eu 
jouait  une  autre;  ce  qui  n'était  qu'une  sorte  d'escamotage; 
mais  les  sons  doubles  que  M.  Bayr  obtient  par  le  moyen 
de  certaines  combinaisons  de  trous  ouverts  et  bouchés, 
sont  réels ,  et  sortent  par  la  séparation  de  la  colonne  d'air 
en  lames  distinctes.  Le  merveilleux  de  cette  découverte 
est,  que  tessons  obtenus  sont  permanens  àvolqnlé,  de 
telle  sorte  que  l'on  peut  tenir  un  son  dans  le  haut  de  l'ins- 
trument pendant  qu'on  exécute  des  passages  rapides  dans 
le  lias,  suit  par  degrés  conjoints,  soit  par  sauts,  et  les  sons 
peuvent  être  en  outre  forts  ou  doux,  coulés  ou  détachés. 
Une  semblable  découverte  a  paru  si  importante  pour  la 
théorie  de  l'acoustique,  que  des  commissaires  ont  été 
nommés  pour  en  faire  un  rapport,  lequel  a  constaté  les 
fails  qui  viennent  d'être  rapportés. 

—  Trieste.  On  a  représenté  dernièrement  sur  le  théâtre 
de  cette  ville  un  opéra  nouveau  qui  est  intitulé  :  Âlman- 
zor.  La  musique  est  de  Tadolini,  compositeur  peu  rc~ 
nommé.  Le  succès  eu  a  été  douteux.  On  cite  cependant 
avec  éloge  quelques  morceaux,  et  particulièrement  l'ou- 
verture, deux  duos  et  un  cation  d'un  travail  singulier.  Les 


3o6  ' 

chanteurs  principaux  étaient  M""  Bettoc ,  Favcili,  cl  le 
lénore  Blanchi. 


PUBLICATIONS 
DE  MUSIQUE  RELIGIEUSE  CLASSIQUE'. 


Dans  la  tâche  imposée  à  la  période  actuelle  de  l'art,  de 
sortir  d'une  existence  mécanique  et  aveugle,  et  du  rêve 
d'une  vie  abstraite  de  sensations ,  pour  s'élever  à  la  con- 
science et  à  la  clarté  de  l'existence  intellectuelle,  se  trouve 
aussi  compris  le  devoir  de  remettre  en  lumière  les  trésors 
des  grands  maîtres  long-temps  enfouis  dans  l'obscurité. 
L'orgueil  qui  jugerait  le  monde  indigne  d'en  jouir,  ne  re- 
cueillerait certainement  que  le  blâme  et  le  mépris  des  con- 
temporains et  de  la  postérité ,  tandis  que  la  gratitude  et  la 
considération  sont  assurées  à  ceux  qui  reconnaissent  par 
le  fait  le  besoin  et  les  droits  de  leur  siècle. 

On  doit  certainement  ranger  parmi  les  derniers  M.  Foel- 
chau,  qui,  dès  l'année  1818,  commença  une  cotUction 
des  chefs-d'œuvre  de  musique  religieuse  classique  des 
Allemands  anciens  et  modernes,  par  la  publication  de 
deux  ouvrages  précieux:  1°  Chœur,  Guide-moi  selon  ton 
désir,  à  quatre  voix  et  orchestre,  par  Charles- Philippe- 
Emmanuel  Bach  ;  a"  Hissa  canonica,  Kyrie  et  Gloria , 
pour  treize  voix  réelles,  par  Godefroi-Hcnri  StoelLzel , 
qui  ont  paru  chez  Hasliuger  à  Vienne. 

1  M.  P6elcb.au,  dit  alors  la  Gazette  musicale  de  Vienne, 
invesligaleur  infatigable,  penseur,  connaisseur  en  litté- 
rature musicale,  tant  nouvelle  qu'ancienne ,  de  celle  que 
les  nombreuses  apparitions  éphémères  des  dernières  épo- 
ques ont  fait  oublier  trop  long-temps ,  publiera  une  col- 
lection de  chefs-d'œuvre  classiques,  principalement  d'Al- 
lemagne, qui  ne  peut  être  que  bien  accueillie  par  tous  les 
amis  de  l'histoire  de  l'art,  de  l'étude  de  l'harmonie,  ainsi 

|i)  Extrait  de  la  Oautlé  mmieaiidt  Berlin. 


3o; 

que  du  chant  noble  çt  plein  de  vérilé,  et  particulièrement 
par  les  membres  des  sociétés  et  académies  de  chant  qui 
.se  forment  mainfenantei)  si  grand  nombre. 

M.  Poclchau  possède  pour  une  pareille  entreprise  des 
ressources  que  personne  eu  Allemagne  ne  pourrait  avoir 
comme  lui.  Au  moyen  de  grands  voyages  uniquement 
entrepris  dans  ce  but ,  et  de  profondes  et  iufatigubles  re- 
cherches ,  il  s'est  procuré  une  précieuse  bibliothèque 
d'écrits  théorétiques  et  historiques  sur  la  musique,  et 
sous  le  rapport  pratique,  do  manuscrits  originaux  ou 
de  copies  exactes  des  maîtres  renommés.  Plus  sont  rares 
les  ouvrages  d'art  vraiment  authentiques,  plus  il  est  diffi- 
cile de  les  déchiffrer  el  de  les  traduire  de  l'ancienne  nota- 
tion en  nouvelle,  plus  les  véritables  amis  de  l'art,  doivent 
se  réjouir  de  voir  arrachés  à  l'oubli,  les  travaux  des  anciens 
maîtres,  et  surtout  de  nos  ancêtre».  Le  sentiment  pieux, 
la  sensible  naïveté,  le  calme  religieux,  eulin  pour  tout 
exprimer  en  un  mot,  le  pur  germanisme  (  Dcutscheit  ), 
d'un  Louis  Seuil,  (l'ami  de  Luther),  do  Jean  Waller, 
d'Orlaudu  Lasso,  à  Munich,  d'Henri  Schùlz,  à  Dresde, 
et  de  ses  deux  illustres  contemporains  Samuel  Schcidt  et 
Hcrmau  Scbein  ,  de  Sébjslicn  Kniipfer,de  lloscumùller, 
ùLeipzick,  Jean-Christophe  et  Michael  llacli,  (ancêtres  du 
grand  Sébastien  Bach),  Jérôme  Schultz,  Thomas  Selle  et 
lleiiibard,  Kaiser,  à  Hambourg,  Fuxet  Gaspard  do  Kerl, 
à  Vienne,  et  beaucoup  d'autres,  ainsi  qu'à  une  époque 
plus  rapprochée,  les  excellons  travaux  des  Bach  de  Londres, 
liùekebourg  llalie  de  Hambourg,  de  Stoelzel  et  de  Geor- 
ges Bcnda^de  Joseph  et  Michel  Haydn  ,  de  Mozart  et  de 
son  (u:ru,  méritent  fiirtaiiteiricnl  qu'on  veille  à  leur  con- 

trop  lard,  et  ce  moment  né  tarderait  pus  à  arriver.' 

Comme  pendant  de  cette  collection,  suivra  la  publica- 
tion d'une  galerie  des  maîtres  italiens  qui  ne  doit  pas  être 
moins  attrayante,  puisqu'elle  contiendra  les  ouvrages 
d'Animuccia,  l'ah'sti  iua,  Asola  de  Vérone,  Corso,  Canni- 
cianni,  Leonardo  de  Vinci,  Franocsco  Gasparini,  Lco, 
Vco,  Durante,  Scarlatti,  Caldara,  Lolti,  Valolli,  Sabba- 


I  . 


DigitizGd  by  Google 


tini,  Sala  et  autres  noms  célèbres  qui  restent  immortels 
dans  l'histoire  de  l'art. 

Les  deux  morceaux  que  nous  avons  cilés  ci-dessus  tien- 
nent là  preuve  de  ce  qu'on  peut  attendre  du  gout  de  l'édi- 
teur dans  le  choix,  et  des  soins  apportés  à  l'exécution. 
Ou  peut  regarder  comme  plus  beaux  encore  deux  ouvra- 
ges dontle  premier  surtout  trouverait  peu  d'égaux  dans 
la  littérature  musicale.  Nous  vou'ous  parler  :  j' d'un  Matj- 
nificat  à  5  voix  avec  orchestre,  et  a°  d'une  messe  ert  la 
majeur,  à  quatre. voix,  avec  orchestre,  tous  deux  de  Jean 
Sebastien  Bach,  que  M.  Poelchau  a  fait  publier  chez  Sim- 
rock.  à  Bonn.  Nous  attendons  avec  le  plus  vif  désir  le  mo- 
ment où  nous  pourrons  parler  plus  en  détail  de  ces  deux 
ouvrages,  d'un  des  plus  grands  hommes  qui  aient  jamais 
paru  sur  la  terre,      :•  :.'.s'.  j'.l  --i:f,l 

Comme  preuve  que  tout  arrive  en  tenips  utfleyoïi  poùr- 
raità  peine  trouver  dans  le  domaine  de  l'art,  d'exemple 
plus  frappant  que  le  sort  des  grands  ouvrages  de  Bach  . 
qui  furent  oubliés  par  ses  successeurs-  immédiats,  aux- 
quels ils  s'auraient  pu  être  que  désavantageux',  et  qur 
reparaissent  maintenant ,  qu'est  arrivé  le  temps  où  ils 
peuvent  être  appréciés  et  produire  un  effet  salutaire.  L'art ; 
incommensurable  qui  préside  aux  créations  de  ce  maître, 
n'aurait  pas  été  compris  par  l'intelligence  encore  cirdor1" 
mie  et  trop  peu  avancée  de  ses  successeurs ,  et  -de  tonte 
leur  époque,  ilsl'auraicnt  même  choisi  pour  modèle,  qu'ils 
n'auraient  produit  que  de  l'affectation  de  métier  (  Kans-  ' 
telei),  et  des  êtres  de  raison  abstraits.  Tel  est,  tout  bien 
considéré,  le  portrait  manqué- qu!a'  voulu  noua^aisscr  tic 
ce  chantre  divin  Forkcl,  qui  était  regardé  comme  le  plus 
grand -connaisseur  des  travaux  de  Bach,  et  qui  a  indiqué 
à  peine  dans  la  biographie  le  nom  do  ses  plus  beaux  oû-!l 
vrages.  Maintenant  que  l'on  a  passé  l'époque  du  règne  ex- 
clusif du  sentiment,  de  la  fantaisie  sans  limites,  de  l'arbi-1 
traire  même;  maintenant  s'offre  à  nous  une  époque  de re- 
na  issau  oc  pour  les  belles  productions  du  génie  musical. 
Des  éditions  des  Geuvrcs  de  Hanulcl  su  préparent  et  se  pli-  ; 
blient  partout,  clin  collection  que  nous  annonçons, nous  - 


3o9 

offrira  les  moyens  de  remonter  à  des  temps  d'inspiration 
ail  lu  génie  produisait  par  amour  de  l'art,  et  ne  sciait 
point  encore  l'ait  spéculateur. 

Deux  autres  collections,  qui  semblent  devoir  compiler 
l'iioijornble  entreprise  de  M.  Poelchau,  sont  aussi  mainte- 
nant en  activité  ;  l'une ,  uni  a  pour  litre  :  Kircftengesœngc 
der  berilhmiesten  œileslen  itaiiœnischen  Meister  (mu- 
sique d'église  des  plus  célèbres  maîtres  de  l'Italie),  est  pu- 
bliée à  Vienne,  chez  Artaria,  par  le  chevalier  Théophile 
de  Tucher.  La  première  livraison,  qui  a  paru,  contient 
cinq  motets  lie  Patestrina,  trois  de  Felice-  Anerio,  cl 
ilevtK  de  Vitlotia.  Ces  morceaux  sont  en  partition. 

La  seconde  collection  est  intitulée  :  Bibliothèque  de 
musique  d'église.  Ulle  paraît  par  livraisons  chez  les  fils  de 
J.-ll.  Schotl  à  Mayence,  et  h  Paris,  place  des  Italiens.  Les 
premières  livraisons  contiennent  quatre  livres  de  Bespoii- 
noria  de  Valotti,  et  deux  antiennes  d'Orlandc  Lassos,  Nnus 
l'aison.i  des  vécus  pour  que  ces  en  treprïsessoient  assez  avan- 
tageuses pour  qu'elles  soient  continuées. 


ANNONCES. 

M.  leMiere  de  Corvey,  qui  vient  d'arranger  pour  la  scène 
française  l'opéra  du  Tancrede,  voulant  en  faire  jouir  les 
nombreux  amateurs  de  la  musique  de  Ilossïni ,  et  faciliter 
la  mise  en  scène  de  cet  ouvrage  en  province,  a  eu  l'heu- 
reuse idée,  en  faisant  graver  sa  partition,  du  transposer 
le  rôle  de  Tancrede  pour  un  ténor.  D'après  ce  travail,  les 
directeurs  de  tons  les  théâtres  de  France  pourront  monter 
aisément  cet  opéra,  dans  lequel  il  n'y  a  que  quatre  ac- 
teurs principaux.  Tous  les  airs,  duos  et  morceaux  d'en- 
semble sont  déjà  publiés  avec  accompagnement  de  piano 
et  de  guitare,  et  se  trouvent  chez  M.  A.  Sleissonnier,  édi- 
teur de  musique,  boulevard  Montmartre,  n"u5.  La  par- 
tition et  les  parties  séparées  paraîtront  à  la  fin  do  ce  mois, 
avec  une  nouvelle  ouverture  de  Rossini ,  qui  n'a  encore 


3io 

été  exécutée  sor  aucun  théâtre  de  France;  on  les  trouvera 
à  la  même  adresse,  et  chez  M.  E.  Troupenas  éditeur  de 
musique,  rue  de  BIcnar.i,  n't. 

Le  septième  cahier  de  i' Écho  lyrique  vient  de  paraître, 
Use  compose  de  deux  jolies  romances  :  (fe  Lacde  Genève, 
et  qui  htesse  peut  guérir),  et  d'un  duo  italien  de  Ctari. 

Le  succès  qu'obtient  eu  journal  a  décidé  H.  Garaudé  à 
céder  la  propriété  de  son  Journatd'Euterpe,  au  rédacteur 
de  l'Écho  lyrique;  ainsi  MM.  les  abonnés  du  journal 
d'Eulerpe  recevront  les  cahiers  des  mois  de  novembre  et 
de  décembre  de  CÉcho  lyrique  ,  et  s'adresseront  pour  re- 
nouveler leur  abonnement,  à  Paris,  au  magasin  de  musi- 
que de  Pacini,  éditeur  des  opéras  de  Rossini ,  boulevard 
des  Italiens,  n"  1 1,  et  à  Genève,  chez  M.  Grast,  Grande- 

Le  prîco  de  faionnement  est  de  a5  fr.  par  an. 

—  Vingt-quatre  préludes  pour  le  piano-forte,  dans 
tous  les  tons  majeurs  et  mineurs ,  pouvant  servir  d'exem- 
ples pour  apprendre  à  préluder,  dédiés  à  mademoiselle  Clo- 
tilde  de  Courbonne,  par  F.  Kalkbrenner,  op.  88.  Prix: 
i5francs. 

Paris ,  I.  Pleyel  et  fils  ainé,  boulevard  Montmartre. 

Voici  un  ouvrage  qui  sort  de  la  foule  des  publications 
éphémères  dont  le  commerce  de  musique  est  inondé. 
Son  succès  ne  sera  pas  seulement  fondé  sur  le  nom  de  son 
auteur;  mais  sur  son  mérite,  qui  est  très  considérable. 

Ce  n'est  pas  d'aujourd'hui  qu'on  entreprend  d'écrire 
des  préludes  pour  un  instrument  quelconque;  mais  tel 
virtuose  qui,  lorsqu'il  improvise  trouve  d'heureuses  in- 
spirations, et  cette  fantaisie  qui  fait  le  charme  de  ce  genre 
de  compositions,  ne  trouve  plus,  quand  il  écrit  que  des 
phrases  trop  cadencées,  trop  symétriques  pour  le  prélude, 
auquel  on  demande  surtout  un  air  de  liberté  et  d'indépen- 
dance. Tel  était  Meslrino,  dont  les  préludes  improvisés 
étaient  ravissans,  et  qui  n'a  jamais  rien  écrit  qui  ne  fut 
médiocre.  Un  autre  genre  de  difficulté  consiste  à  varier  le 
style  d'une  collection  semblable  a  celle  que  nous  aruion- 


Digitizod  b/ Google 


Su 

çons.  Un  artiste  habile  n'est  point  exposé  a  se  répéter  lors- 
qu'il prélude,  parce  qu'il  se  fait  rarement  entendre  plu- 
sieurs fois  dans  la  même  séance  ;  mais  dans  un  cahier,  les 
morceaux  se  touchent,  et  il  faut  bien  que  leur  caractère 
soit  varié  pour  plaire. 

Ces  difficultés,  M.  Kalkbrcnuer  nous  parait  les  avoir 
vaincues  avec  un  rare  bonheur.  Sans  parler  des  qualités 
classiques  de  ses  préludes ,  qualités  qui  sont  inséparables 
de  sou  talent ,  et  dont  le  moindre  mérite  est  d'offrir  un 
doigté  parfaitement  régulier,  on  y  trouve  des  motifs  pleins 
de  chaleur,  de  l'élégance,  de  la  variété,  et  l'abandon  qui 
convient  à  ce  genre  de  musique.  Nous  ne  croyous  pas  nous 
tromper  en  affirmant  que  cette  nouvelle  production  de 
H.  Kalkbrenncr  mettra  le  sceau  à  sa  réputation,  déjà 
établie  à  tant  de  litres. 

— Grande  sonate  concertante  pour  piano  et  flûte,  com- 
posée par  F.  Kuklau  ,  op.  85;  Paris,  chez  B.  Schott  fils, 
place  des  Italiens,  a'  i,Mayeuce,  même  maison,  et  Anvers, 
chez  A.  Scott. 

— Trois  grands  duos  concertons  pour  deux  flûtes,  par 
F.  Kuklau,  op.  87,  aux  mêmes  adresses. 

Le  nom  de  Kuklau  est  peu  connu  en  France  ;  mais  il 
jouit  en  Allemagne  de  quelque  considération.  L'examen 
que  nous  annonçons  nous  a  prouvé  que  celte  considéra- 
tion est  méritée.  La  musique  de  M.  Kuklau  sort  de  l'es- 
pèce de  routine  où  les  inslrumens  à  vent  restés  Irop  long- 
temps ,  malgré  les  efforts  de  Tulou  et  de  quelques  autres 
artistes  du  premier  ordre.  » 

—  Nouveau  choix  des  Cantiques  de  Saint-Sulpice,  pu- 
bliés pour  l'usage  des  collèges  royaux,  communautés  et 
maisons  religieuses,  mis  en  musique  pour  une  ou  deux 
voix  avec  accompagnement  d'orgue  ou  de  piano ,  par 
T.  A.  Moreau,  op.  35;  h  Parisftchez  Carli,  boulevard  Mont- 
martre, 11°  14,  et  chez  l'auteur,  à  Douai  (  département  du 
Mord.) 

— Fantaisie  avec  variations  pour  le  violon,  composées 


3ia 

par  H.  Désiré  Lemire,  memhre  correspondant  de  Ja  société 
des  Enfans  d'Apollon,  sur  l'air  de  H.  Panscron,  intitulé  : 
Le  petit  Manc. 

A  Paris,  chez  Atilagnicr,  marchand  de  musique,  rue  île 
la  Paix. 

—Coilcctiondes  Œuvres  composées  pour  le  piano-forté, 
par  J.  N.  Hummel;  Paria,  cliez  Maurice  Schlcsingcr, 
marchand  de  musique  du  Roi,  rue  de  Richelieu,  n°  97. 

Hummel  est  dans  la  force  de  l'âge  et  du  talent  :  c'est  un 
des  auteurs  dont  les  pianiste»  affectionnent  le  plus  les 
compositions,  qui  réunissent  la  science  à  la  mélodie,  l'é- 
nergie à  la  grâce.  Sa  réputation  l'avait  précédé  long-temps 
d'avance  à  Paris,  et  le  séjour  qu'il  a  tait  parmi  nous  l'a 
portée  à  son  plus  haut  terme. 

C'est  en  étudiant,  et  sans  interruption,  les  ouvrages  d'un 
tel  maître ,  qu'on  parvient  à  se  former  une  méthode ,  uu 
style,  et  qu'on  peut  espérer  enfin  de  lui  dérober  sou  secret. 

C'est  donc  rendre  un  service  immense  à  tous  les  pia- 
nistes, que  de  publier  la  collection  complète  des  œuvres 
de  Hummel  avec  toute  l'exactitude  et  l'élégance  typogra- 
phiques, qui  rendent  les  études  plus  agréables  et  plus  fa- 
ciles. 

La  collection  se  compose  de  vingt-une  livraisons  qui 
sont  gravées  par  MM.  Slarquerie  etRichommc,  et  corrigées 
par  M.  Pixis.  Chaque  livraison  contient  de  i5  à  3o  francs 
de  musique,  suivant  leurs  prix  de  vente  comme  œuvres 
s'éparés.  Le  prix  de  souscription  n'est  que  de  sept  francs, 
tirée  sur  beau  papier  et  brochée  avec  couverture.  11  parait 
une  livraison  tous  les  quinze  jours. 

La  souscription  close ,  le  prix  de  chaque  livraison  sera 
de  i5  francs. 

On  peut  livrer  de  suite,  aux  personnes  qui  le  désireraient, 
la  collection  complète  des  œuvres  de  Hummel,  l'ouvrage 
étant  tout  gravé. 


Digitizod  b/ Google 


REVUE  DES  JOURNAUX  DE  MUSIQUE 

PUBLIÉS  DANS  LES  DIVERS  PAYS  DE  L'EUROPE. 


Si  tous  ceux  qui  cultivent  une  science  ou  un  art  s'inté- 
ressaient à  ce  qui  concerne  ses  progrès,  ses  vicissitudes  et 
les  découvertes  qu'on  y  fait,  les  écrits  périodiques,  cri- 
tiques et  historiques  d'un  olijet  spécial  auraient  des  succès 
faciles  et  durables;  maïs  il  n'en  est  point  ainsi.  On  aime 
les  arts  pour  les  délassemeus  qu'ils  procurent,  et  non  pour 
l'étude  qu'il  faut  en  faire.  Un  besoin  de  ces  écrits  se  fait 
sentir,  il  est  vrai ,  chez  quelques  adeptes;  mais  ils  sont  en 
petit  nombre  :  tout  le  reslc  est  indifférent.  La  musique, 
par  exemple,  est  de  tous  les  arts,  celui  dont  ou  parle  le 
plus,  et  qui  occupe  le  plus  l'oisiveté  des  gens  du  monde  ; 
mais  ceux-ci  sont  bien  plus  avides  des  légers  articles  de 
journaux  quotidiens,  des  criliques  banales,  et  de  certaines 
phrases  de  convention  qui,  si  elles  ne  leur  présentent  point 
d'idées  positives  sont  du  moins  familières  à  leur  oreille, 
que  des  discussions  approfondies  d'un  professeur,  qu'il  faut 
se  donner  la  peine  de  comprendre.  Telles  sont  les  habi- 
tudes île  la  plupart  des  lecteurs  que,  pour  peu  qu'un  homme 
ail  l'air  de  savoir  ce  qu'il  dit,  on  ne  se  soucie  point  de  l'en- 
tendre. 

Cependant,  à  diverses  époques,  il  s'est  trouvé  des 
hommes  dévoués  '  qui,  séduits  par  leur  amour  pour 
cet  art  ont  voulu  affronter  l'i «différence  publique  par  des 
entreprises  de  journaux  ou  d'écrits  périodiques  qu'ils 
lui  consacraient.  Leurs  vains  efforts  ,  et  le  nombre  de  ces 
écrits,  qui  n'ont  eu  qu'une  courte  existence,  prouve  assez 
qu'ils  s'étaient  trompés,  et  qu'ils  avaient  pris  leurs  dé- 
sirs pour  les  besoins  de  la  société.  Cependant  plusieurs  do 
ces  écrits  renferment  des  morceaux  excellons  eu  tout 
genre  :  ce  ne  sont  donc  point  leurs  auteurs  qu'il  faut  aecu- 
(i)  Je  supjxi.i  ijuVn  in'  ;i>r:i  [>oiul  tenté  du  les  [ircudiu  puiv  des  spf- 


□igiiized  by  Google 


ser  de  leur  peu  de  succès.  Il  m'a  paru  curieux  d'en  faire 
la  récapitulation. 

Le  premier  qui  essaya  'le  publier  une  espèce  de  journal 
sur  la  musique  fut  Scheibe ,  maîlre  de  chapelle  du  roi  de 
Danncmarek.  Ce  journal  parul  à  Hambourg,  en  1^3?. 
sous  le  titre  de  Crhisi-liei-  Musicun,  (le  Musicien  Cri- 
tique). Il  fut  ensuile  réimprimé  à  Leipsick  (en  17^5),  en 
un  volume  in-8"  de  io5g  pages.  C'était  plutôt  une  suite  de 
dissertations  scientifiques  qu'un  véritable  journal.  On  le 
consulte  encore  avec  fruit. 

Laurent  Milzlcr,  qui  fut  successivement  libraire  à  Leip- 
sick. conseiller  et  médecin  à  Kouskin,  en  Pologne,  publia 
ensuite  un  journal  intitulé  Musikatischcr  Slaitrstechcr 
(l'Oculiste  Musical);  il  en  parut  nu  numéro  chaque  se- 
maine dans  le  cours  de  l'année  i^a,  à  Leipsick.  On  y 
trouve  quelques  détails  inlércssans  ;  mais  le  style  en  est 
lourd,  pédanl,  et  rempli  île  critiques  amères,  à  la  manière 
de  Maltheson.  Il  n'eut  qu'environ  une  année  d'existence. 

Il  fut  suivi  d'un  écrit  anonyme,  également  hebdoma- 
daire, qui  parul  à  UruuswicL,  eu  et  et  qui  avait 
pour  titre  lier  Musikalische  Patriol(\e  Musicien  Patriote  . 
Il  renferme  de  bonnes  choses;  mats  il  n'en  a  été  publié 
jjne  trente  numéros. 

Alnrpurg,  homme  supérieur,  qui  a  marque  d'un  cachet 
de  perfection  tout  ce  qu'il  a  entrepris,  a  montré  sa  profon- 
deur accoutumée,  sou  érudition,  et  son  goût  dans  son  Mu- 
sicien Critique  de  lu  Spréc  (der  Crïstische  Musi'cus  an  der 
Spree)  1  ,  clans  ses  Essais  Historiques  et  Critiques  sur 
tes  progrès  de  la  musique  (  Histoi  isch  li  ritischt]  llcylricge 
zur  Aut'nahme  der  Musik)  et  dans  ses  Lettres  criti- 
ques sur  (a  musique  (Kritischc  Bricfe  ûber  die  T011- 
kunsl) 5.  lie  pareils  écrits  sont  peut-être  trop  sérieux  pour 
la  masse  du  public;  mais  ce  sont  des  recueils  précieux 
pour  les  artistes,  et  pour  quiconque  cherche  une  instruc- 
tion solide. 

(1)  Berlin,  I7S0  ,  cinquante  numéro!  ta-i°- 

(a)  Berlin  ,  1754-1760,  trente  numéros  en  cinq  volume!  in-ia. 

(  )  Berlin,  1760- 1763 ,  huit  numéro!  in-4° ,  formant  ioiu  pogït. 


SiS 

L'Allemagne  vil  encore  éclore  mic  l'oulc  d'autres  feuilles 
I  it-r  ir  iil  i  1 1  nos  sur  I  '■  musique,  dans  la  seconde  moitié,  du  siècle 
dernier.  Telles  sont  les  Notices  ftctidonurdiiii-cs  concer- 
nant ia  muiiijue,  lle  Hiller  (  Wœchculliehe  Nachrichlcn 
und  Anmcrknngeu  die  Musik  Iletreuend  ) ,  dont  il  parut 
quatre  années  à  Leipsick,  de  17G6  i  1770;  le  journal  de 
l'école  de  musique  de  Maulieim  (Helrar.fatMyer  der  M<m- 
iieimcr  Tomchute),  donl  l'abbé  Voglerfit  paraître  un  ca- 
hier  chaque  mois  pendant  les  années  1778—  1781;  leJHa- 
yasin  musical  (  Musikalischcs  Kunslmagazin  )  de  Hei- 
chardi,  Berlin,  1783 — 1791,  in-fol";  le  Magasin  de  musique 
de  Cramer,  Hambourg,  i785  —  178O,  iu-8-,  la  lliùliotkèijue 
■musicale  (Musikalische  Bibliolhckliir  Kunstler  und  Lieb- 
haber)  d'Ksclitrulh,  Warbourg  et  Giesscn,  178/,— et  1785; 
La  Gazette  Musicn  ie  de  Spire  [  Musiealischc  llealzeituug) 
publiée  par  Dossier.  1788  —  1791;  La  Gazette  Musicale  de. 
Berlin  (  Berlin ischc  Musikalische  Zcitung),  rédigée  par 
Spazicr,  mais  qui  ne  se  soulinl  que  depuis  le  9  lévrier  1793 
jusqu'au  4  janvier  179^;  et  le  Journal  de  Musique  de  Cock, 
dont  il  ne  parul  que  huit  numéros  eu  170.5. 

Tous  ces  journaux  ont  élé  remplacés  avantage  use  ment 
par  l'excellente  Gazette  de  musique  de  Leipsick  (  AUgc- 
meinc  Musikalische  Zcitung  ).  Ce  journal ,  entrepris  en 
1798,  se  continue  encore,  et  sa  collection  forme  29  vol. 
in-4";  mais,  malgré  son  mérite,  qui  est  certainement  1res 
considérable,  il  n'a  dû  sa  longue  existence  qu'aux  sacrifices 
laits  par  la  maison  lireilkopf  cl  li;crlel  puur  sa  continua- 
tion. Les  vingt  premières  années,  qui  ont  élé  rédigées  par 
Frédéric  lîodilitz,  cl  auxquelles  beaucoup  d'écrivains  dis- 
tingués ont  coopéré,  sont  les  pins  remarquables.  On  en  a 
publié  une  table  en  deux  volumes  in-8'.  Une  foule  d'articles 
inlerrussans  el  instructifs,  sur  tous  les  points  de  la  théorie 
de  la  musique,  sur  sou  histoire,  et  sur  les  inventions  ou 
perfection  11  émeus  d'instrument;  des  analyses  excellentes 
des  livres  qui  concernent  cet  art,  et  dus  compositions  en 
tout  genre  ;  cent  soixante-cinq  notices  bien  faites  des  mu- 
siciens ou  des  théoriciens  les  plus  célèbres  ;  des  nouvelles 
musicales  de  tous  les  lltéàlres  cl  de  tous  les  concerts  de 


l'Europe  ;  enfin  des  revues  sur  l'état  de  lu  musique  dans 
les  principales  villes  du  monde  s'y  trouvant. 

Tous  les  journaux  oui  ont  paru  depuis,  sur  le  môme  ob- 
jet, ont  été  formés  sur  le  modèle  de  cette  gazette.  Parmi 
les  imitations  qu'on  en  a  faites,  celles  qui  méritent  le  plus 
d'estime  sont  :  r  La  Gazelle  musicale  de  Berlin  (  Berii- 
niicher  Musikalische  Zeitung),  que  Iteichardt  a  rédigée, 
en  i8o5,  avec  son  talent  ordinaire;  mais  la  mort  de  Frœli- 
lich,  qui  en  était  l'éditeur,  et  le  départ  de  Rctchardt  pour 
la  Russie  en  interrompirent  la  publication  dans  l'été  de 
1806;  a"  La  Gazette  musicale  tics  Etats  de  t' Autriche , 
(  AUgemeinc  musikalhchc  Zeititng,  mit  besondercr 
Ruecksicht  auf  den  OEstreichischen  Kaiserstaal),  dont 
Steiner,  mareband  de  musique  à  Vienne,  était  éditeur.  11 
est  radieux  que  cette  entreprise  n'ait  pas  été  assez  avan- 
tageuse pour  être  continuée,  car  la  plupart  des  articles 
fournis  par  les  rédacteurs  étaient  faits  avec  talent  et  sa- 
voir, Son  origine  date  de  1817,  et  sa  fin  de  1S20;  ensorte 
que  la  collection  des  numéros  forme  sept  volumes  in-4"; 
5°  La  Gazette  musicale  de  llerlin,  {  lin-tinische  allge- 
meine  musikalische  Zeitung  ),  publiée  par  Schclesinger 
pfcre,  libraire  et  marchand  de  musique.  Ce  journal,  qui  a 
paru  pour  la  première  fois  au  commencement  de  i8a4>  au 
continue  avec  succès.  Son  principal  rédacteur,  H.  Marx , 
s'attache  principalement  à  la  partie  .-esthétique  de  l'art,  et 
se  distingue  autant  parl'indépendance  de  ses  jugemensque 
par  le  talent  qu'il  déploie  dans  son  style,  et  parla  solidité 
de  ses  observations.  M.  Marx  est  Allemand,  dans  toute  l'ac- 
ception du  mot,  et  parait  n'estimer  que  la  musique  alle- 
mande. Son  patriotisme  est  respectable;  mais  je  pense  qu'il 
montre  trop  de  sévérité  à  l'égard  de  nos  compositeurs  et 
de  quelques-uns  des  plus  célèhres  musiciens  de  nos  jours. 
Mozart,  Beethowen,  sont,  sans  doute,  des  géans  en  musi- 
que; personne,  pins  que  moi,  n'est  l'admirateur  de  leur 
génie  ;  mais  il  reste  après  eux  des  places  honorables  aux- 
quelles Méhul,  Boieldieu  ut  Aubcr  peuvent  prétendre. 

A  l'exception  de  ce  penchant  un  peu  trop  prononcé  à 
déprécier  la  musique  française  et  italienne,  le  rédacteur 


Oc  la  Gazette  Musicale  de  Berlin  se  montre  critique  ins- 
truit, et  sait  donner  à  son  journal  beaucoup  d'intérêt.  Je 

le  louerais  davantage,  s'il  rie  m'avait  donne  beaucoup 
d'éloges  dans  les  articles  qu'il  a  consacras  ;i  la  Revue  Mu- 
sicale, et  si  je  en  craignais  de  sembler  vouloir  le  payer  en 

L'Allemagne  a  possédé  c.\  possède  encore  d'autres  éc  rits 
périodiques  sur  la  musique;  mais  ce  sont  plutôt  des  Revues 
mensuelles,  ou  paraissant  à  des  époques  indéterminées,  que 
de  véritables  journaux.  Tels  sont  l'Apollon,  que  les  frères 
Werdcn  et  Vf.  Schneider  ont  publié  a  l'euig,  en  i8o5;  le 
Musikaiicke  Manattchrifl ,  qui  parut  à  Lin/.,  dans  la 
même  année,  et  dont  le  maitre  de  chapelle  1'.  X.  Glu'ggl 
était  le  rédacteur;  et  la  Ctecitia,  excellent  ouvrage  publié 
par  les  frères  Schott,  de  Maycnce, -depuis  i8a/j,  et  dont  le 
septième  volume  paraît  en  ce  moment,  par  cahiers  de  Go  à 
80  pages.  L'un  des  principaux  rédacteurs  de  cetle  intéres- 
sante collection  est  M.  Godcfroi  Wcber,  compositeur  et 
théoricien  distingué,  auquel  ou  doit  beaucoup  de  travail* 
importons  sur  l'art  musical. 

lin  :7?5.  le  premier  journal  anglais,  sur  la  musique, 
parut  sous  le  titre  de  Thencw  musical  and  uni  versai 
Matjaziite:  il  lui  continué  jusques  vers  le  milieu  de  1776, 
où  il  cessa  de  paraître,  faute  de  souscripteurs.  Ce  journal 
était  composé  de  dissertations  sur  divers  points  de  théorie 
et  d'histoire  de  la  musique,  et  accompagné  de  pièces  de 
chant.  Quelques  articles  de  Burncy  sont  ce  qu'on  y  trouve 
de  meilleur,  lin  intervalle  de  quarante-trois  an»  s'est  écoulé 
ensuite,  avanl  qu'aucune  antre  entreprise  du  même  genre 
ait  élé  tentée;  enfin,  la  Gazette  .Musicale  anglaise  (  The 
English  Musical  Gazelle)  parut  au  commencement  de 
1818;  mais  ee  journal  était  si  mal  rédigé  qu'il  ne  put  se 
soutenir)  et  qu'il  cessa  de  paraître  au  mois  de  juin  de  la 
même  année. 

Sur  ses  ruines  s'éleva,  presque  aussitôt,  la  Revue  intitulée 
The  Quarterly  Musicul  Magazine  and  Review.  qui, 
ainsi  que  l'indique  son  litre,  paraît  tons  les  trois  mois', 

(1)  Londres,  Balihviu,  Cradock  and  Joy,  et  maintenant  Tli.  ltu>t  et 
rompait  nie  ■  1818.1817,  "n*8"- 


3i8 

pur  cahiers  de  1 5o  pages  environ.  M.  Bacon,  de  Norwich, 
qui  rédige  cet  écrit,  eu  a  fait  un  des  meilleurs  recueils  pé- 
riodiques qui  aient  paru  sur  cette  matière.  On  y  trouve  peu 
de  chose  sur  les  pays  étrangers  ;  mais  tout  ce  qui  concerne 
l'Angleterre  y  est  traité  avec  beaucoup  de  soin  et  île  savoir; 

Deux  autres  journaux  anglais  ont  été  essayés  en  i8a5  : 
l'un  avait  pour  titre  The  Montfitg  Magazine  of  Music 
{ illagagiu  mensuel  de  illusique  )  ;  son  premier  numéro  fut 
le  dernier,  et  il  ne  méritait  pas  une  plus  longue  exislence. 
l'autre  était  intitulé  The  Journal  of_  Music  and  The 
Drama;  il  n'était  pas  meilleur  que  ic  précèdent,  et  ne 
vécut  pas  pins  long-temps. 

Il  n'en  est  pas  île  même  du  The  lïarmonicon,  qui  pa- 
raît le  premier  de  chaque  mois,  par  cahiers  de  trois  à 
quatre  feuilles  de  texte,  et  de  deux  feuilles  de  musique 
in-4*.  On  trouve  peu  d'articles  originaux  dans  ce  recueil; 
presque  tous  les  journaux  étrangers  y  sont  mis  à  contribu- 
tion, et  la  Revue  Musicale  remplit  maintenant  une  partie 
de  ses  pages;  mais  si  sa  rétlactiou  ne  peut  apprendre  que 
peu  de  chose  aux  érudits,  elle  est  assez  convenable  pour  les 
gens  du  monde.  De  là,  sans  doute,  le  succès  de  celte  revue, 
qui  compte  déjà  cinq  ans  d'existence. 

Le  prospectus  d'un  autre  journal  de  musique  a  paru  4 
Londres,  en  i8a4,  sous  le  titre  de  La  Bilancia,  orajour- 
nutofthealricat  music  (  La  llalance,  journal  de  musique 
dramatique)  *.  Celte  feuille  périodique,  imprimée  à  deux 
colonnes,  l'une  en  anglais,  l'autre  en  italien,  devait  pa- 
raître tous  les  samedis,  et  former  deux  volumes  par  an. 
J'ignore  si  celte  entreprise  a  été  continuée. 

Quel  que  soitle  goût  des  Italiens  pour  la  musique,  ils 
lisent  peu  sur  cet  art,  parce  que  chez  eux  toutes  les 
jouissances  sont  d'instinct  plutôt  que  de  raisonnement.  Il 
n'est  donc  point  étonnant  qu'ils  aient  eu  peu  de  journaux 
sur  la  musique ,  et  que  ceux  qu'où  a  voulu  l'aire  pour  eux 
n'aient  pu  se  soutenir.  La  première  publication  de  ce 
genre  fui  faite  par  Marlorefii,  marchand  de  musique,  à 
Home ,  sons  le  titre  de  Fogtio  perwdico  e  ragguagtio  de 

(i)  LoQiirti ,  J.  F.  Dore  St.  JqW»  square. 


5,0 

spettacoii  musicaii.  Les  premiers  numéros  parurent  un 
1H08  ,  in- 12 ,  et  les  derniers  nu  mois  de  septembre  180g. 
C'était  un  recueil  assez  ma!  fait,  et  qui  ne  pouvait  être 
que  de  peu  d'ulilité,  à  cause  des  éloges  exagérés  qui  y 
étaient  donnés  sans  discernement. 

La  Potinnia  Europea ,  ossia  BibUoteca  universaie  di 
nntsîea,  qui  fut  ensuite  publiée  à  Bologne,  *  méritait  une 
plus  longue  existence.  C'était  un  bon  journal,  rédigé  avec 
Soin  et  connaissance  de  l'art.  Une  nouvelle  entreprise  du 
même  genre  s'est  formée  dans  le  cours  de  celte  année; 
c'est  celle  du  journal  dramatique ,  musical  et  corégraphi- 
que  qui  est  intitulé  :  /  Theatri.  Les  rédacteurs  propriétai- 
res sont  :  MM.  Gaelano  Barbieri  et  Giacînto  BattagHa.  Le 
prospectus  promettait  que  MM.  Simon  Mayr,  G.  Taccini, 
AH.  liolia.  G.  Piautaiiida,  P.  Bonficlù,  le  docteur  Licb- 
t  en I h:d  e(  D.  Bnnderoli  fourniraient  des  articles  à  ce  jour- 
nal ;  mais,  jusqu'à  ce  moment,  ces  promesses  n'ont  point 
été  remplies.  On  peut  reprocher  a  ceux  qui  dirigent  la  ré- 
daction de  ne  donner,  sur  ce  qui  concerne  l'art  musical,' 
que  des  articles  superficiels;  c'est  sans  doute  à  ce  défaut 
qu'il  faut  attribuer  le  peu  d'empressement  qoe  les  artistes 
qui  viennent  d'Être  nommés  ont  montré  à  fournir  des 
articles.  Quelques  morceaux  extraits  de  la  Revue  musi- 
cale sont  tout  ec  qu'on  y  trouve  sur  la  théorie  et  l'histoire 
de  l'art. 

J'ai  déjà  dit ,  dans  un  autre  endroit ,  que  la  France  n'a 
pu  posséder  jusqu'ici  aucun  journal  de  musique ,  quoique 
plusieurs  fois  on  ait  essayé  d'en  établir.  En  1  -?3 ,  il  en  pa- 
rut un  sous  le  litre  de  Journal  de  musique  par  une  so- 
ciété d'amateurs,  t'ramery  était  un  des  principaux  rédac- 
teurs; mais  quoique  ce  journal  ne  manquât  pas  d'intérêt, 
il  ne  trouva  pas  d'abonnés,  et  quatre  numéros  seulement 
furent  publiés. 

Un  amateur,  nommé  M.  Cocatrix,  de  La  llochelle,  fil 
paraître,  de  1800  à  1804  ,  une  Correspondance  des  ama- 
teurs musiciens,  qui  contenait  principalement  des  articles 

;<]  Uolog.11;,  Dilta  Ciprionl  et  compagnie ,  in-8". 


Dipzed  by  Google 


321) 

de  critique  sur  les  morceaux  de  musique  qu'on  exécutait 
dans  les  concerts.  Ce  cadre  était  trop  resserré  pour  qu'il 
put  intéresser  les  savarin  ni  les  gens  du  monde  ;  il  est  donc 
étonnant  que  la  Correspondance  se  soit  *oulenuc  pendant 
près  de  quatre  ans. 

Après  sept  ans  d'intervalle,  M.  de  Garaudé,  aidé  de 
Cambiui,  et  de  quelques  autres  artistes,  entreprit,  en  1810, 
de  ranimer  le  goût  des  amateurs  pour  la  littérature  musi- 
cale, par  la  publication  des  Tablettes  de  Polymnie,  jour- 
nal hebdomadaire  de  musique;  mais,  soit  que  I"  moment 
ne  fût  pas  venu,  soit  que  l'on  y  trouvât  trop  d'articles  sur 
des  concerts  et  des  représentations  do  peu  d'importance , 
cette  feuille  ne  trouva  jamais  d'abonnés  en  assez  grand 
nombre  pour  couvrir  ses  frais,  et,  à  la  fin  deiSi  1,  elle  cessa 
de  paraître. 

Depuis  cette  époque ,  jusqu'en  i8aj,  c'est-à-dire,  pen- 
dant l'espace  de  seize  ans,  il  n'y  eu!  plus  d'ouvrages  pério- 
diques en  France  consacrés  à  la  musique.  Dans  l'espoir 
d'être  utile ,  j'ai  entrepris  la  publication  de  la  Revue  mu- 
sicale. Je  suppose  qu'on  me  dispensera  de  dire  ce  que  j'en 
pense;  mais  je  puis  affirmer  que  les  encouragemens  que 
je  reçois  de  toutes  parts  et  des  hommes  les  plus  éclairés 
de  l'Europe,  suffiraient  pourm'engager  à  la  continuer  long- 
temps, lors  même  que  je  n'y  serais  pas  déterminé  par  d'au- 
tres motifs. 

FÉTIS. 


NOUVELLES  DE  PARIS. 

THÉÂTRE  DES  NOUVEAUTÉS. 
rtftfs(nt.ttton  U  &nusf , 

UÈLODIUHE  m  TROIS  ACTES,  FiBOLES  DE  M.  THEICLOR. 

Gucthc,  eu  écrivant  son  célèbre  drame  de  Faust,  pa- 
raît avoir  cédé  au  désir  d'imprimer  le  cachet  de  son  talent 
à  une  action  dialogucc  plutôt  qu'à  celui  de  faire  une  pièce 


□igilized  by  Google 


5a. 

qui  pût  être  représentée.  Il  n'a  point  obéi  aux  règles  ordi- 
naires de  la  scène  Les  larges  c  un  cession  s  de  la  poétique 
théâtrale  germanique  lui  ont  mémo  semble  des  entraves 
trop  rudes.  Sa  fantaisie,  sou  imagination  ,  si  bizarres 
qu'elles  pussent  paraître,  voilà  ce  qu'il  a  pris  pour  guide, 
et  l'on  voit  qu'il  n\i  cherché  qu'à  se  plaire. 

Sou  sujet  no  lui  appartient  pas.  D'anciens  écrivains  alle- 
mands l'avaient  traité  avant  lui,  et  ceux-là  même  n'avaient 
t'ait  que  recueillir  une  tradition  populaire.  Jean  Faust  ou 
Fust,  l'uu  do(  ceux  auxquels  on  attribue  l'invention  de 
l'imprimerie,  a  paru  à  quelques  criliques  le  type  de  ce 
personnage  singulier.  On  sait  eu  effet  que  les  premiers 
produits  de  la  presse  furent  considérés  comme  apparie- 
nant  il  la  magie.  Cependant  d'autres  criliques  assurent 
que  ce  Faust  est  différent  du  magicien  {Sciuvarzk&iutiar) 
qui  est  le  sujet  de  la  tradition  et  des  drames  dont  il  s-'agit, 
Selon  eux,  ce  dernier  Faust  serait  né  au  commencement 
<Iu  seizième  siècle  ,  à  Maulluonn  en  Souabe ,  et  aurait  fait 
ses  éludes  à  Willonbcrg.  De  la  il  serait  passé  à  Ingolstadt , 
où  il  aurait  étudié  la  théologie,  qu'il  y  aurait  ensuite  pro- 
fessée pendant  trois  ans.  11  aurait  quitté  cette  science  pour 
la  médecine,  l'astrologie,  la  magie,  et  se  serait  livré  à  la 
recherche  île  la  pierre  philosophait!  avec  un  de  ses  com- 
pagnons, nommé  Jean  Wagner,  Gis  d'un  prédicateur  â 
Wasserhourg.  Voilà,  comme  on  voit,  îles  détails  fort  cir- 
consianciés.  Ou  va  même  jusqu'à  désigner  le  jour  où  ,  en 
il  fit  un  pacte  avec  le  diable,  eg>v  minuit  et  une 
heure  du  malin.  Toute  cette  histoire  à^lé  publiée,  avec 
tous  les  faits  qui  s'y  rapportent  ,  par  Georges-Rodolphe 
Wiedemann,  à  Hambourg,  en  1599,  sous  ce  titre:  His- 
torien von  tlcnen  Grevticken  (Urundtickcn)  Siinden 
I).  Johann  Faut  Un. 

La  première  pièce  qui  ail  été  faite  sur  Faust  est  une 
farce  pour  les  marionnettes,  rilée  par  Gœrr.es,  dans  sou 
ouvrage  sur  les  livres  populaires  allemands.  Elle  esl  fort 
ancienne.  Plusieurs  imitations  en  ont  été  faites  dans  le 
dit-septième  siècle.  Long  temps  après  Leasing  a  traité  en 
dialogue  l'épiso  lc  iic  l'évocaliuii  dit  diable  par  Faust:  mais 
a'  vol..  'jS 


Lessing,  Allemand  francisé,  n'était  pas  né  pour  de  pa- 
reilles conceptions.  Enfin  Gœthe,  l'une  des  plus  grandes 
illustrations  de  l'Allemagne;  Cœlhc,  dont  le  génie  semble 
avoir  été  forme  pour  un  pareil  sujet,  Gœlhcen  a  fait  un  des 
plus  beaux  titres  de  sa  gloire  littéraire.  Ce  n'est  point 
comme  pièce  de  théâtre  qu'il  faut  juger  son  œuvre,  mais 
comme  une  des;  plus  belles  créations  de  caractères  origi- 
naux qu'il  y  ait  au  monde;  comme  un  tableau  passionné 
des  progrès  de  l'amour  dans  une  ame  ardente,  et  comme 
le  développement  de  celle  pensée,  que  nul  ne  peut  se 
soustraire  à  la  fatalité  qui  le  dirige  :  croyance  dès  long- 
temps établie  chez  les  rêveuses  populations  du  nord.  Quel- 
ques-unes des  scènes  de  cet  ouvrage,  considérées  isolé- 
ment, sont  des  morceaux  parfaits  en  leur  geure  ,  qui  n'ont 
pu  «r«  imaginés  que  par  un  génie  vigoureux  qui  s'élève 
jusqu'au  sublime,  même  daus  ses  écarls. 

La  popidarité  que  les  chefs-d'œuvre  des  théâtres  étran- 
gers ont  acquis  en  France  depuis  quelques  années,  a  fixé 
les  regards  de  nos  faiseurs  d'opéras ,  de  drames ,  de  vau- 
devilles et  de  mélodrames, sur  l'ouvrage  de  Gœthe,  comme 
sur  une  mine  a  exploiter  ;  mais  la  difficulté  d'arranger  ce 
sujet  pour  la  scène  frnçaise  avait  retenu  jusqu'ici  les  plus 
intrépides.  M.  Théaulon  vient  d'être  plus  hardi ,  et  le  sue- 
cès  a  justifie  sou  audace.  Convaincu  que  pour  réussir  parmi 
nous,  il  faut  qu'une  pièce  se  termine  heureusement, 
M.  Tbéaulon  aéléforcéde  suivre  un  plan  entièrement  op- 
posé à  celui  dt^Ujustre  littérateur  allemand,  et  de  ne 
prendre  que  lu  fonds  du  sujet.  Voici  comme  il  a  arrauge 
sa  fable. 

Conrad,  dernier  rejelon  de  la  famille  d'Ernestadt,  est 
un  vieux  soldat  qui  n'a  recueilli  de  la  succession  de  ses 
ancêtres  que  les  ruines  d'un  vieux  château  où  il  demeure 
avec  sa  fille  Marguerite.  Faust,  amoureux  de  celle-ci,  s'est 
présenté  à  elle  sous  le  nom  d'un  neveu  supposé  nommé 
Frédéric.  Il  est  aimé  de  Marguerite;  mais  Conrad  ne  veut 
lui  donner  sa  fille  qu'après  qu'il  aura  obtenu  le  consente- 
ment de  son  oncle  ,  et  assez  de  bien  pour  assurer  le  sort 
<!e  celle  qu'il  aime;  car  lui,  Conrad,  ne  vit  que  des  of- 


DigitizGd  by  Google 


fiandes  que  l'on  fail  à  la  Madone  révérée  des  ruines  d'Er- 
iiestadl.  Au  premier  acle,  Faust,  sous  le  nom  de  Frédéric, 
vient  annoncer  à  Conrad  qu'il  a  ohtenri  le  consentement 

île  son  oncle  pour  son  mariage  .  mais  que  cet  oncle ,  aussi 
pauvre  que  lui,  ne  peut  rien  lui  donner.  Conrad  refuse 
d'unir  les  amans,  el  leur  assigne  le  terme  de  Irois  ans  pour 
<[ue  Frédéric  ail  le  lemps  de  songer  à  sa  fbrlune.  Jusque- 
la  ,  Marguerite  vivra  an  m  on  a  itère  des  orphelines  de  llo- 
senthal.  Resté  seul .  Faust  déplore  (ton  sorl  el  la  pauvreté 


évoquer  1rs  esprits  infernaux.  Dans  ce  moment  le  li- 
e  désiré  tombe,  a  (cs  pieds  ;  il  le  prend  et  y  lit  qu'il 
a  qu'à  se  rcudre  la  nuit  près  du  vieux  chêne  de  Ro- 
Dthal  s'il  veut  faire  l'essai  de  non  pouvoir.  Son  vieux 
rviteur,  Wagner,  vient  lui  annoncer  que  ses  livres  et  ses 
s  de  physique  et  d'astronomie  sont  saisis  par  ses 
.  Faust  se  décide,  et  part  pour  se  reudre  au 
diéne  de  Rosenlhaf. 

La  scène  change,  et  représente  la  forêt  de  Hosenthal 
avec  le  monastère.  Faust  y  arrive;  il  est  prêt  de  faire  la 
conjuration,  quand  les  chants  des  urplielines  parviennent 
jusqu'à  lui  et  ébranlent  sa  résolution.  Cependant  ces  chants 
cessent,  et  l'idée  de  Marguerite  qu'il  ne  peut  posséder  se 
présente  à  lui;  il  se  décide  et  faitTévocation.  Mépbislo- 
phélès  parait ,  et  dit  Fausl  <|ii'jtfH^t  a  le  servir  en 
esclave  pendant  >.  nus .  [imm^^^^U . 
l'engagement  d'èlre  à  lui  pour  l'étffl^^Faust  demande 
vlugt-qnalre  heures:  elles  lui  sont  accordées,  maïs  à  la 
condition  que  si  l'engagement  n'est  pas  signé  an  bout  de 
ce  lem|is,  Méphislophélès  reprendra  tons  lies  dons.  Aus- 
silél  des  esprits  infernaux  apportent  les  litres  d'une  baronio 
el  de  l'or.  Fausl  soi  t  jiuur  chercher  Marguerite .  mais  elle 
arrive  avec  son  père  par  des  chemins  détournés  pour  se 
rendre  au  couvent.  Elle  est  au  désespoir,  mais  les  reli- 
gieuses viennent  la  chercher;  elle  va  quilter  son  père, 
lof«que  Faust  arrive,  se  fait  connaître,  et  annonce  à 


5s4 

Conrad  qu'il  n'a  voulu  que  l'éprouver,  que  §es  travaux 
l'ont  enrichi,  et  qu'il  mot  sa  fortune  aux  pieds  de  celle 
qu'il  aime.  Conrad  consent  à  son  union  avec  sa  fille.  On 
va  faire  les  apprêts  de  la  noce  ,  et  l'acte  finit. 

Au  second  acte ,  la  scène  se  passe  dans  le  nouveau  ciiâ- 
.leau  de. Faust.  Tout  y  est  magnifique.  Wagner  ne  revient 
.pas  dej'étonnqment  que  lui  cause  laforlune  de  son  maître, 
lui  qui  n'avait  vu  que  de  la  cendre  au  fond  des  creusets, 
ue  conçoit  pas  que  cette  cendre  fût  de  l'or.  Tous  les  ap- 
prêts d'une  grande  fêle  se  font  par  le  pouvoir  diabolique 
de.  Méplu'slophélès.  Cependant  il,  craint  que  l'amour  de 
Çausl  pour  Marguerite  ne  finisse  par  le  ramener  à  la 
vertu ,  et  il  veut  tout  faire  pour  le  rendre  infidèle.  Dans  ce 
dessein  ,  il  fai^  sorlir  du  tombeau  CJéopdlre,  Aspasic,  Sa- 
pho,  etc. ,  et  leur  rend  l'éclat  etia  fraîcheur  dont  elles  bril- 
laient autre  lois.  A  la  vue  de  ces  femmes,  Faust  est  séduit  ; 
niais  bientôt  Marguerite  le  rappelle  à  lui-même.  Elle  con- 
sidère avec  effroi  ces  femmes  qu'un  pouvoir  surnaturel 
rend  témoins  de  ses  noces,  cl  se  sent  avertie  par  une  vois 
intérieure  que  ce  ne  sont  que  des  ombres.  Mais  sa  terreur 
no  connaît  plus  de  bornes  quand  elle  a  jeté  les  yeui  sur 
Méphistophélès ,  et  surtout  quand  elle  a  vu  son  bouquet  et 
fia  couronne  changer  de  couleur  et  devenir  noirs.  Elle  de- 
vine alors  le  pacte  fait  entre  Faust  et  les  puissances  infer- 
nales, et  s'enfuit  en  poussaut  des  cris.  Faust  et  Conrad  la 
suivent.  Des  soldats  se  présentent  pourarrêler  le  premier, 
mais  Mé[)hlFi[ophJÉ|^^r  fascine  la  vue  ,  et  descend  aux 
enfers  avec  U  s^^^^Bn'il  a  fait  sorlir  du  tombeau. 

Av.  troisicme^^^^e  théâtre  représente  l'entrée  des 
ruines  d'EruestnuT.  Marguerite  implore,  aux  genoux  de 
son  père ,  le  pardon  de  Faust.  Elle  veut  le  voir  pour  le  ra- 
mènera la  vertu.  Mais  Conrad  demeure  inflexible, et  force 
sa  fille  à  rentrer  pour  prendre  du  repos.  Faust  vient  aux 
ruines  dans  l'espoir  de  voir  Marguerite  II  reproche  à  Mé- 
phistophélès  d'être  la  cause  de  son  malheur;  mais  celui-ci 
lui  promet  la  possession  de  sa  maîtresse  pourvu  qu'il  signe 
l'engagement  d'Otre  à  lui.  Faust  se  décide  et  accepte  la 
proposition.  La  décoration  change, et  représente  la  cham- 


3a5 

brc  de  Marguerite.  Elle  entre  suivie  de  sa  jeune  compagne 
Miuu.  C'est  dans  cette  chambre  que  se  trouve  ta  statue  de 
bronze  de  !a  Madone  révérée  d'Ernesladt.  Marguerite  et 
Mina  la  prient  de  changer  le  cœur  de  Faust.  Un  bruit  sou- 
terrain les  effraie  ;  pour  chasser  la  peur  elles  chantent  une 
ballade ,  et  s'endorment  au  refrain.  Faust  et  Méphistophé- 
lës  sortent  des  entrailles  de  la  terre.  Faust  pressé  de  tenir 
sa  promesse  signe  le  pacte ,  et  Mépliistophélès  lui  apprend 
que  ta  verlu  de^llarguerite  est  attachée  h  la  couronne  qui 
est  placée  sur  la  tête  de  la  Madone;  et  que  celui  qui  s'em-  ' 
parera  de  la  couronne  triomphera  de  la  jeune  fille.  Resté 
seul  avec  Marguerite  et  Mina ,  il  prend  celle  qu'il  aime 
dans  ses  bras;  elle  s'éveille,  pousse  des  cris;  Faust,  ne" 
pouvant  vaincre  sa  résistance,  veut  s'emparer  de  la  cou- 
ronne :  mais  elle  a  disparu.  Faust  tombe  évanoui.  Conrad 
survient  et  tire  son  épée  pour  punir  Faust  de  l'outrage  qu'il 
a  voulu  faire  à  sa  fille.  On  entend  des  cris:  ce  sont  ceux  de 
Méphistophélès,  qui  a  voulu  saisir  la  couronne ,  et  que  la 
Madone  relient  avec  ses  mains  de  bronze.  Faust  seul  peut 
le  dégager.  Celui-ci ,  revenu  a  lui ,  exige  que  le  démon  lui 
rende  le  pacte  qu'il  a  signé.  Après  l'avoir  rendu,  Méphis- 
lophélès  s'abîme  dans  les  enfers.  Conrad  pardonna  à' 
Faust,  et  lui  accorde  la  main  de  Marguerite. 

Je  ne  sais  si  je  me  trompe;  mais  il  me  semble  que 
M.  Théaulon ,  en  ôtanl  du  sujet  de  Faust  la  fatalité  qui  le 
oonduit  de  crime  en  crime  jusqu'aux  enfers,  et  qui  cause 
les  fautes  et  la  mort  de  Marguerite,  l'a  privé  de  tout  l'in- 
térêt dont  il  est  susceptible.  Du  moment  où  l'on  s'aperçoit 
qu'il  y  a  un  pouvoir  qui  combat  celui  de  Méphistophélès, 
et  qui  protège  l'innocence ,  ce  n'est  plus  qu'un  conte  des 
MiiU  et  une  Nuits  dont  on  prévoit  le  dénouement.  Quel' 
intérêt  peut  inspirer  la  vertu  d'une  jeune  fille  qui  dépend 
de  la  possession  d'une  couronne  de  (leurs?  C'est  l'hisloire 
du  Petit  Chaperon.  Je  regrette  aussi,  je  l'avoue,  les  ca-  ■ 
ractères  si  bien  tracés  par  Gœlhe ,  et  dont  il  n'y  a  pas  de 
trace,  dans  la  pièce  du  théâtre  des  Nouveautés.  Telle 
qu'elle  est,  il  faut  bien  cependant  qu'elle  ait  un  charme 
que  je  n'ai  point  aperçu  ,  car  elle  a  réussi  complètement , 


3aS 

et  la  foule  s'y  porte  chaque  soir.  H  est  vrai  qu'on  y  trouve 
des  décorations  dont  l'effet  est  fort  beau,  et  qu'on  est  étonné 
de  voir  sur  un  théâtre  secondaire. 

La  musique  de  Faust  est  ce  qu'on  appelle  un  Pastic- 
CÎO..A  l'exception  d'un  chœur,  d'une  ballade, 'et  de  quel- 
ques autres  morceaux  de  peu  d'importance,  qui  ont  été 
composés  par  M.  Béancourt ,  chef  d'orchestre  du  théâtre , 
tout  le  reste  est  tiré  de  divers  opéras  français  ou  étran- 
gers. On  y  trouve  l'ouverture  A'Euryantke,  de  Weber  ; 
un  air  des  Rosières  de  M.  ilérold  ,  un  chœur  de  Joseph, 
de  Méliul  ;  un  fragment  de  trio  du  Chaperon  Rouge,  de 
M.  Boieldieu;  une  marche  du  même  ouvrage,  une  prière  de 
Robin  des  Bois;  la  bacchanale  des  Danaïdes,  de  M.  Spon- 
tiul ,  et  beaucoup  d'autres  morceaux  connus  qu'il  serait 
trop  long  de  détailler.  L 'exécution  de  tout  cela  est  bien 
défectueuse.  L'orchestre,  trop  peu  nombreux  pour  rendre 
d'une  manière  convenable  des  compositions  telles  que 
l'ouverture  d'Euryanlhe,  ne  peut  y  produire  d'effet.  Les 
basses  et  les  violons  surtout  sont  trop  faibles.  Aussi  cetie 
ouverture,  qui  d'ailleurs  n'est  pas  bonue,  fait-elle  éprou- 
ver un  sentiment  pénible.  H  y  a  cependant  quelques  hom- 
mes de  talent  dans  cet  orchestr.  ;  mais  on  ne  peut  rien 
sans  le  nombre  nécessaire.  Quant  aux  acteurs,  ils  chan- 
tent d'une  manière  curieuse ,  sans  excepter  même  H™  Al- 
bert, la  Posta  du  lieu.  Cette  actrice  a  de  la  chaleur,  il 
même  de  la  voix;  mais  cette  voix  n'est  point  posée.  Les 
sons,  sans  être  précisément  faux,  ne  sont  pas  justes  non 
plus  :  ils  sont  dans  ce  mezzo  termine  presque  aussi  cruels 
pour  l'oreille  d'un  musicien  qu'un  délonnement  complet. 
Du  reste ,  pas  la  moindre  connaissance  de  la  vocalisation 
,  nî  du  phrasé.  Rien  ne  m'a  paru  plus  comique  que  l'air  du 
troisième  acte,  air  prétentieux,  dont  tous  les  traits  ont 
été  manqué*,  W  MiUcr  aime  aussi  beaucoup  les  points. 

les  taire.  11  serait  trop  dur  de  parler  du  chaut  de  Casa- 
neuve  et  d'Armand,  et  je- me  tairai  à  leur  égard.  11  m'a 
semblé  que  Bouffé  ouvrait  la  bouche  daus  les  moçONMtix 
d'euieuible,  mais  je  ne  suis  pus  certain  que  ce  fut  pour. 


chanter.  En  somme,  toitle  cotte  exécution  m'a  rappelé 
certains  petits  linéaires  île  province,  nii  je  me  suis  trouvé 
quelquefois,  pour  mes  péchés.  Il  y  a  cependant  dans  la  salle 
grand  nombre  de  gens  qui  applaudissent  :  je  ne  puis  ex- 
pliquer cela  qu'en  pensant  que  ces  messieurs  sont  du 
nombre  de  ces  Dilettanlts ,  si  plaisamment  signalés  par 
le  spirituel  rédacteur  de  la  Chronique  musicale  du  jour- 
nal des  Débats,  dans  un  de  ses  articles  sur  l'Opéra- Co- 
mique. Ce  qu'il  y  a  de  singulier,  c'est  que  le  véritable 
public  a  l'air  d'être  le  compère  de  tes  messieurs,  au  moins 
par  son  silence  !  à  cela  je  n'ai  rien  à  dire  :  Chacun  prend 
son  plaisir  où  il  te  trouve. 

FÉTJS. 


NOUVELLES  ÉTRANGÈRES. 

Beuin.  Mademoiselle  Nanelte  Scheckner,  première 
chanteuse  de  la  cour  de  Bavière,  a  passé  par  celle  ville  en 
se  rendant  de  Vienne  à  Munich.  Pendant  son  séjour  ici, 
elle  a  donné,  à  l'Opéra  une  suite  de  représentations  qui  ont 
procuré  au  public  des  jouissances  qu'il  n'oubliera  de  long- 
temps. Les  rôles  principaux  dans  lesquels  elle  a  paru  sont 
ceux  d'Emmetine,  dans  la  Famille  Suisse,  de  Weigbl, 
A' Anna,  dans  la  Came  Blanche,  de  Boyeldieu,  do  Léo- 
nore,  dans  Fidetïo,  de  Bcetliowcn,  du  Ninctla,  dans 
la  Gazza  Ladra,  de  Rossini,  d'Agathe  et  Annette,  dans 
le  Freischûtz,  de  Weber,  de  Julia,  dans  la  f  estaie,  île 
Sponlini,  de  Cordelia,  dans  l'ouvrage  de  ce  nom,  de 
Kreutzer,  d' I phi  génie,  dans  t'Iphigénie  en  Tauride,  de 
Gluck,  et  de  Dona  Elvira,  dauala  Don  Juan  de  Mozart. 
Le  cours  dcscsrcprésenlationss'est  terminé,  le  16  septem- 
bre, par  la  Vestale,  qui  a  été  jouée  pour  son  bénéfice. J.u 
nom  de  cette  jeune  cantatrice  nous  était  presque  inconnu  : 
nous  savions  seulement  qu'elle  avait  reçu  de  vifs  appluii- 
dissemens  àl'Opéra-ïtalien  de  Vienne,  conjointement  avec 
M"  Lalande.  Elle  s'est  acquis  parmi  nous  une  réputation 
qui  doit  avoir  une  heureuse  influence  sur  sa  carrière.  U 


5a8 

n'y  a  peut-être  pas  d'exemple  dans  les  annales  dramatiques, 
d'une  réputation  si  distinguée  acquise  en  si  peu  de  temps. 
En  quelques  jours,  elle  Était  devenue  la  favorite  du  public; 
elle  avait  excité  dans  son  ame  un  sentiment  d'admiration 
difficile  à  décrire.  Il  est  inutile  de  l'examiner  en  détail 
dans  les  divers  rôles  qu'elle  a  joués  ;  elle  a  été  parfaite  dans 
tous.  Les  chants  doux  et  purs  d'Emmeline,  et  les  accens 
passionnés  d'Iphiginieel  de  Jutia  ont  été  rendus  par  elle 
avec  tant  de  talent,  que  l'auteur  de  ta  V estais  a  déclaré, 
que  c'était  la  première  fois  que  ses  intentions  avaient  été 
saisies  et  exprimées.  Enfin,  à  la  seconde  représentation  son 
Mitlumsi.-isme  l'emporta,  il  laissa  tomber  le  bâton  de  me- 
sure, en  s'écriant  :  «  M"M  Sehechner  est  taptus  grande 
cantatrice  du  monde!  i   

Nous  croyons  devoir  copier  ici  la  relation  de  la  dernière 
représentation  de  taVe&tate;  car  l'impression  qu'elle  a 
produite  sur  le  public  ne  peut  être  mieux  décrite  qu'elle 
ne  l'a  été  par  l'habile  critique  chargé  de  la  partie  musi- 
cale du  journal  de  Vosx.  • 

Hier  soir,  dit-il,  mademoiselle  Sehechner  a  terminé 
ses  représentations  à  notre  théâtre ,  avec  un  éclat  qui  n'a 
peut-être  jamais  couronné  les  efforts  d'aucune  des  actri- 
ces qui  ont  paru  ici.  L'enthousiasme  du  public  était 
croissant  à  chaque  représentation;  mais  il  faut  avouer 
qu'en  cela  il  était  d'accord  avec  le  talent  de  cette  canta- 
trice, qui  semblait  se  surpasser  sans  cesse.  N'est-ce  pas 
une  chose  merveilleuse  qu'une  femme  dont  on  connaissait 
à  peine  le  nom,  il  y  a  dix-huit  mois,  se  soit  tout  à 
coup  élevée  au  premier  rang  et  soit  aujourd'hui  la  pre- 
mière chanteuse  dramatique  de  l'époque?  Elle  n'a  été 
avec  nous  que  quatre  mois ,  mais  cette  période,  quoique 
bien  eourle,  a  suffi  pour  produire  une  grande  sensation. 
Elle  est  douée  par  la  nature  des  facultés  les  plus  précieu- 
ses, elle  a  eu  ici  l'occasion  (  qu'elle  n'avait  point  trouvée 
sur  d'autres  théâtres  )  de  s'essayer  daus  les  plus  beaux 
rôles  des  meilleurs  opéras;  ici,  elle  a  chaulé  la  musique 
de  Gluck ,  le  premier  des  compositeurs  ;  enfin  ici ,  elle  a 
trouvé  un  public  juste  apréciateur  du  talent,  cl  dont  le 


3*9 

goût  n'est  point  gâté  par  l'insipidité  des  obéras  italiens 
modernes. 

Avec  quels  regrels  on  a  vu  arriver  le  départ  de  cette 
admirable  actrice  I  La  multitude  se  pressait  pour  la  voir 
dans  la  dernière  représentation  à'Emmtline;  et  les  ap- 
plaudisscmens  qu'on  lui  prodigua  prouvaient  que  le  prix  j-*^» 
d'un  tel  trésor  était  encore  augmenté  par  l'idée  qu'on 
allait  bientôt  en 'être  privé  :  mais  tout  cela  n'était  rien 
auprès  des  transports  qu'elle  a  excités  la  dernière  fois 
qu'elle  a  joué  dans  l'opéra  de  la  V  atate ,  représenté  pour 
son  bénéfice.  A  son  entrée  ,  elle  a  été  accueillie  par  un  , 
tonnerre  d'applaudissemens,  qui  a  recommencé  après  le 
premier  grand  air.  Maïs  c'est  surtout  au  second  acte  que 
spn  triomphe  a  été  complet.  Quand  elle  eut  chanté  son 
air  avec  une  expression  sans  égale,  et  pendant  qu'on  ' 
l'applaudissait  à  tout  rompre,  des  vers  en  son  honneur 
lui  ont  été  jetés  du  haut  de  la  salle.  A  la  lin  de  l'acte, 
elle  a  été  redemandée ,  des  vers  lui  ont  été  jetés  de  nou- 
veau ,  et,  hors  d'état  de  parler,  elle  montrait  seulement 
par  >es  gestes  la  reconnaissance  que  son  émotion  l'empê- 
chait d'exprimer.  A  la  fin  du  troisième  acte,  le  rideau 
commençait  déjà  à  tomber,  lorsque  l'auditoire,  frappé  de 
l'idée  qu'il  allait  la  perdre ,  a  voulu  revoir  encore  celle 
qui  lui  avait  fait  éprouver  des  plaisirs  si  vifs.  Tremblante 
agitée,  elle  a  reparu,  accompagnée  de  tous  les  acteurs, 
qui  prenaient  un  vif  intérêt  à  son  triomphe.  Lorsqu'on  la 
vit,  on  lui  jeta  une  troisième  fois  des  vers  de  toutes  les 
loges,  et  des  fleurs  couvrirent  le  théâtre.  Une  couronna, 
tomba  à  ses  pieds  et  les  spectateurs  voulurent  absolument 
qu'elle  lui  fût  posée  sur  la  téta.  Sou  émotion  était  au 
comble,  cependant  après  être  parvenu  à  la  maîtriser,, 
elle  a  remercié  le  public  de  ses  bontés,  et  s'est  engagée  à , 
revenir  à  Berlin.  Cette  promesse  a  fait  éclater  les  plus 
vifs  transports  de  joie.  Après  le  spectacle,  de  nouveaux 
témoignages  de  l'admiration  publique  lui  ont  encore  été 
prodigués.  On  lui  a  donné  une  sérénade  composée  des 
morceaux  des  opéras  dans  lesquels  elle  avait  joué,  et  de 
nombreuses  acclamations  l'accueillirent  lorsqu'elle  se 


Digitizod  by  Google 


33o 

présenta  à  sa  fenêtre  pour  témoigner  sa  reconnaissance 
par  ses  salutations. 

On  a  donné  le  18,  au  théâtre  dcKœnigstadl,la  première 
représentation  des  V oitures  versées,  de]  Boîeldieu ,  qui 
ont  obtenu  beaucoup  de  succès,  quoique  les  amateurs  ne 
mettent  pas  cette  musique  sur  la  même  ligne  que  celle  de 
Jean  de  Paris  et  de  la  Dame  Blanche,  du  même  auteur. 
On  y  avait  intercalé  deux  morceaux  étrangers.  Vn  fait 
assez  curieux  est  que  le  principal  rôle  de  ténor  y  a  été 
chanté  par  un  contralto  italien  (M11*  Tibaldi] .  Un  journa- 
liste trouve  la  substitution  d'autant  plus  heureuse,  que  le 
traducteur  allemand  a  fait  de  ce  rûle  un  florentin,  nommé 
Fiorillo,  ce  qui  justifie  la  prononciation  italienne  de  ma- 
demoiselle Tibaldi  :  on  pourrait  peut-être  croire  que  la 
prononciation  de  la  cantatrice  justifie  la  substitution. 

Cassei,  18  octobre.  On  a  donné,  te  i5,  un  nouvel  opéra 
de  Spohr,  Pietro  d'Albano,  dont  le  poème,  romantique 
«'il  en  fût,  est  emprunté  à  un  roman  de  TiecL.  Autant 
qu'on  en  a  pu  juger  à  une  première  audition,  on  a  trouvé 
la  musique  trop  fréquemment  coupée  par  le  dialogue, 
mais  on  y  a  reconnu  de  grandes  beautés  harmoniques  et 
beaucoup  de  vérité  d'expression. 

Dresde.  On  devait  donner  le  iS  octobre,  la  première  re- 
présentation A'Oberon,  au  bénéfice  de  la  veuve  et  des  en- 
fans  de  AYcber,  mais  le  ténor  Babnigg,  qui  devait  chanter 
le  rôle  de  Huou,  a  été  frappé  d'apoplexie  en  enlraut  dans 
une  chaise  à  porteur  :  on  craint  pour  lui  une  inflamma- 
tion cérébrale. 

Le  SUge  de  Corînhte  a  été  représenté  le  3  octobre  pour 
la  première  fois,  sur  le  théâtre  de  Mayence,  avec  un  succès 
qui  paraissait  devoir  être  confirmé  aux  représentations 
suivantes. 

FÊTES  MUSICALES  ANGLAISES. 

Deiu  de  ces  grandes  fêtes  musicales,  qui  ont  lieu,  à  de 
certaines  époques  en  Allemagne  et  eu  Angleterre ,  vien- 


Dipzed  by  Google 


lient  il'êlre  célébrées  avec  beaucoup  d'éclat  daim  ce  der- 
nier pays.  Un  tait  quel  développement  colossal  ces  sortes  île 
solennités  j'ont  ordinairement.  La  fêle  d'York,  a  offert  ily 
a  quelques  années,  un  spectacle  qu'où  ne  reverra  peut-être 
plus.  Un  orchestre  composé  de  plus  de  six  cents  musi- 
ciens, et  un  auditoire  si  nombreux  que  la  recetle  s'est 
élevée  à  a4,ooo  livres  sterling  (  six  cent  mille  francs). 

La  première  fête  de  celle  année  a  élé  celle  île  Norwicb; 
elle  a  eu  lieu  les  18,  19  et  20  septembre.  L'orchestre  et  les 
chanteurs  étaient  au  nombre  d'environ  trois  cent  cin- 
quante. On  y  a  exécuté  le  Messie  de  llajodel ,  et  plusieurs 
morceaux  choisis  dans  les  oeuvres  de  ce  grand  musicien, 
et  dans  les  ouvrages  de  Haydn,  de  Mozart  ,  de  Craun  et 
de  Méhul,  Les  principaux  chanteurs  étaient  H™  l'as  la  , 
Miss  Stcpheus,  Miss  Bacon,  MisslI.  Cawse,  M*"  Caradori- 
Allan,  et  MM.  Brabara,  Vaughan,  Terrai! ,  Taylor  et  Zuc- 
chelli.  Les  chefs  d'orchestre  étaient  MM.  F.  Cramer  et 
Kcïswelter,  el  l'organiste  sir  Georges  Smart.  Le  prix  était 
d'une  guinée  par  billet,  et  la  recetle  s'est  élevée  à  dix  mille 
livres  sterling  (deux  cent  cinquante  mille  francs).  L'exé- 
cution a  été  généralement  satisfaisante.  Dans  ces  sortes  do 
concerts,  les  chefs  de  pupitres  seulement  son  t  choisis  parmi 
les  artistes  de  Londres;  les  autres  exécutans  sont  pris  dans 
les  provinces. 

Le  charlatanisme  anglais  se  montre  dans  les  moindres 
choses.  Nous  avons  sous  les  yeux  l'affiche  de  la  fête  musi- 
cale qui  s'est  donnée  à  Liverpool  les  a  ,  3 ,  !\  et  5  octobre 
derniers.  Les  dimensions  de  cette  affiche  sont  de  dix  pieds 
de  hauteur  sur  trente  pouces  de  large.  La  liste  des  patrons 
de  la  fête,  au  nombre  desquels  se  trouvait  le  roi,  occupe 
une  partie  de  l'affiche.  On  y  voit  ensuite  les  noms  des  prin- 
paux  chanteurs  en  lettres  de  deux  pouces  :  c'étaient 
M"  Pasta,  M"  Knyvclt,  Hliss  Wilkinson  ,  Miss  Farrar, 
Miss  Slephens,  et  MM.  Braham,  Vaughan,  Phillips,  Ter- 
rail,  Taylor,  et  de  Bcgnis.  Parmi  les  exécutai»  de  foi  - 
cheslre  on  remarque  MM.  F.  Cramer,  Mori,  Dan  ce  et 
White  pour  le  violon;  MM.  Uime  et  Daniels  pour  l'alto; 
Lindlcy  aîné  et  Lindley  jeune  pour  le  violoncelle;  Dragu- 


35i 

nctti  etïaylor  pour  la  cou  Ire  basse  ;  Nieholson  et  Weiss 
pour  la  flûte  ;  Lïng  et  Hughes  pour  le  hautbois  ;  Witman 
et  Powel  pour  la  clarinette  ;  Mac  tint  ose  h  et  Tully  pour  le 
basson  ;  Platt  et  Rue  pour  le  cor  ;  Harper  et  Hyde  pour  la 
trompette;  Smilhies  et  Woodham  pour  le  trombone. 

La  fête  a  ■commencé  par  un  bal  suivi  d'un  sermon.  Le 
mercredi,  3  octobre,  on  a  exécuté  à  l'église  de  Saint-Pierre 
l'oratorio  de  la  Création  de  Haydn,  et  plusieurs  morceaux 
extraits  des  oratorios  deHœndel,  et  de  la  Palestine,  ora- 
torio du  docteur  Crotch.  Le  jeudi  matin,  4  octobre,  fut 
employé  à  l'exécution  du  Meute  de  Haendel,  Là  fête  se 
termina  le  vendredi  par  l'oratorio  d'Israël  en  Egypte 
du  même  compositeur.  Le*  mardi  et  jeudi  soir,  il  y  eut 
deux  grands  concert»  au  nouvel  amphithéâtre  de  la  grande 
rue  Charlotte. 

H"  Pasta  avait  un  engagement  pour  les  quatre  jours  de 
de  la  fête,  à  raison  de  six  cents  livreB  sterling.  Elle  a  pro- 
duit peu  d'effet,  ce  qui  lui  arrive  presque  toujours  quand 
elle  ne  peut  déployer  son  talent  dramatique.  Sous 1  d'autres 
rapports,  la  fêle  a  été  satisfaisante. 


ÉCOLE  DE  LA  LYRE  HARMONIQUE, 
FONDÉE  PAR  B.  PASTOU, 
Ancien  artiste  du  TheSIre  rdjal  Italien,  professeur  d'harmonie ,  de 
violuo  ,  de  guitare  et  d'accompagnement;  rue  de  ta  Vrillière, 

L'École  de  la  Lyre  harmonique  reprendra  ses  cours  le 
samedi  27  novembre  i8aj, 

M.  Pastou  étant  forcé  de  consacrer  les  autres  jours  de  la 
semaine,  soit  aux  leçons  qu'il  donne  dans  les  iuslitutions  , 
soit  aux  soirées  musicales  dans  lesquelles  il  sefait  entendre, 
ne  pourra  tenir  ses  séanceschez  lui  que  deux  fois  par  se- 
maine ,  les  mardi  et  samedi,  de  sept  heures  et  demie  à  neuf 
heures  du  soir  pour  les  hommes,  et  les  mêmes  jours  de  deux 
heures  et  demie  A  quatre  heures  pour  les  dames. 

L'expérience  et  une  étude  toujours  plus  constante  do 


335 

l'art  musical  oui  mis  M.  Pastou  à  même  d'introduire  dans 
la  méthode  qu'il  vient  <lc  publier  des  perfection nemens  qui 
tourneront  au  profit  des  élèves. 

Les  cours  dureront  sept  mois,  à  compter  du  l5  novembre 
au  iS  juin  suivant. 

D'après  la  disposition  de  l'ouvrage  nouvellement  im- 
primé, il  en  résultera  pour  les  élèves,  que  des  circonstances 
particulières  obligeraient  à  des  absences  plut  ou  moins 
fréquentes,  l'avantage  de  ue  point  perdre  le  fruit  des  le- 
çons déjà  suivies,  puisqu'ils  auront  la  facilité  de  les  étudier 
dans  la  Méthode,  où  ils  les  trouveront  écriles,  à  peu  de 
chose  prés,  telles  que  M.  Pastou  les  donne  dans  ses  cours. 
Ils  pourront  aussi  être  admis  à  quelque  époque  que  ce 

L'abonnement  est  fixé  a  ao  francs  par  mois,  ou  100  fr. 
pour  le  cours  entier,  qui  est  de  sept  mois.  Tontes  ces  sommes 

On  pourra  donc  suivre  le  cours  auquel  on  aura  souscrit 
aussi  peu  et  aussi  long-temps  qu'on  le  voudra.  On  conçoit 
pourtant  que  ta  rapidité  de  l'instruction  dépendra  aussi  de 
l'exactitude  à  suivre  les  leçons,  qui  seront  en  grande  par- 
lie  de  musique  pratique,  puisqu'on  aura  toute  la  théorie 
dans  le  livre  de  M.  l'astou.  Pour  répondre airï  réclamations 
qui  lui  ont  élé  faites,  M.  Pastou  s'engage  a  ne  plus  se  faire 
remplacer  dans  ces  cours  par  aucun  sous-professeur. 

Trois  ou  quatre  mois  mettront  les  élèves  assidus  à  même 
de  lire  sur  toutes  le  clefs,  de  transposer  el  par  conséquent 
défaire  une  partie  dans  un  morceau  d'ensemble,' ou  de 
chanter  la  romancesi  on  a  assez  de  voix.  Ces  connaissance* 
ne  sont  pas  moins  utiles  àccux  qui,  n'étant  pas  doués  dlirnc 
voix  propre  à  l'exécution,  jouent  déjà  ou  voudraient  jouer 

L'appel  el  les  amendes  auxquels  les  élèves  des  années 
précédentes  étaient  assujettis,  devenant  sans  objet,  n'rais^ 
terout  plus.  ,  *■  «  il 

Les  élèves  n'ont  d'autre  dépense  à  faire  pour  les  cours 
que  a.'i  francs  pour  la  Méthode,  qui  leur  est  indispensable 
par  les  raisons  données  ci-dessus.  Hi  Pastou  s'oblige  à 


□igiiized  by  Google 


554 

composer  ou  à  fournir  toule  la  musique  nécessaire  pour 
l'instruction  des  Élèves  qui  se  confient  à  ses  soins,  pendant 
les  cours. 

On  souscrit  tous  les  jours  depuis  huit  heures  du  matin 
jusqu'à  quatre  heures  après  midi,  rue  de  la  Vrillière,  n°  8, 

Nota.  A  cause  du  changement  de  domicile  les  cours  se- 
ront affichés. 


JOURNAUX  DE  MUSIQUE 

M  OS  ILE  ET  UUG110». 

Les  éditeurs  du  Journal  de  musique  religieuse,  qui  a 
commencé  au  i"  janvier  1837,  ont  l'honneur  d'informer 
le*  personnes  que  cet  objet  peut  intéresser,  que  d'après 
les  observations  et  les  demandes  qui  leur  ou  tété  faites  par 
un  grand  nombre  d'abonnés ,  ce  Journal  sera ,  à  compter 
du  1"  janvier  prochain ,  partagé  en  deux  autres,  savoir  : 

■  ImnNAI    DE  CHANT  ET  HUSFQOE  D'ÉGLISE, 
JoUKNiL  MUSICAL  D'ÉDDCATION. 

Ces  Journaux  continueront  d'offrir  un  choix  de  textes 
ou  de  poésies  morales  ou  sacrées,  mises  en  musique  à 
une  ou  plusieurs  voix,  avec  ou  sans  accompagnement 
d'orgue  ou  de  forté-piauo ,  par  les  meilleurs  auteurs  : 
mais  ils  différeront  quant  au  nombre,  au  genre  et  au  ca- 
ractère des  pièces,  ainsi  que  nous  allons  l'expliquer  eu 
peu  de  mots. 

Journal  de  chant  et  de  musique  d'église. 

Ce  Journal  de  musique  d'église  contiendra  uniquement 
nés  compositions  propres  aux  usages  de  l'Église ,  placées 
principalement  sur  des  textes  latins,  telles  que  Messes, 
Psaumes,  Motets,  Offertoires,  Hymnes,  Litanies,  La- 
mentations ,  Te  Deum  et  autres  du  même  genre. 

Il  sera  composé  de  vingt-quatre  numéros,  formés 
chacun  de  trois  à  quatre  pages  d'impression  ,  qui  paraî- 
tront le  1"  et  le  i5  de  chaque  mois;  le  prix  sera  de  l5 
francs  par  an,  ou  <j  francs  pour  six  mois,  franc  de  port 


□igiiized  by  Google 


355 

pour  Paris  et  les  déparlemens  ;  il  faut  ajouter  5  centimes 
par  numéro  pour  l'étranger. 

!f.  I>.  Quoique  essentiellement  propres  aux  usa^s  de  l"Egliie ,  toui 
jus  iilijr^ts  compris  en  ce  recueil  conviendront  également  pour  l'enbei- 
gnement  et  lei  réunions  musicales. 

Journal  musical  d'Éducation. 

Ce  Journal,  spécialement  destiné  aux  jeunes  person- 
nes qui  apprennent  à  chanter ,  offrira  un  choix  de  poésies 
morales  ou  sacrées,  soit  françaises,  soit  italiennes  :  telles 
que  cantates,  odes,  romances,  scènes  ou  fragmens 
d'oratorio  et  même  d'opéra,  tant  anciens  que  modernes  , 
toutes  les  fois  que  les  paroles  seront  de  nature  à  pouvoir 
être  mises  entre  leurs  mains. 

Il  sera  composé  de  trente-six  numéros,  qui  paraîtront 
les  io  ,  ao  et  3o  de  chaque  mois.  Le  prix  de  l'abonnement 
sera  de  aa  francs  5o  centimes  par  an,  et  de  i3  francs 
5o  centimes  pour  six  mois,  franc  de  port  pour  toute  la 
France  ;  il  faut  ajouter  5  centimes  par  numéro  pour 
l'étranger. 

Le  prix  de  l'abonnement,  pour  les  deux  journaux  réu- 
nis, sera  de  3o  francs  franc  de  port  pour  toute  la  France; 
et  de  53  francs  pour  l'étranger. 

Les  lettres  de  demande  et  l'argent  devront  être  adressés, 
franc  de  port,  à  mademoiselle  Alexandrine  Choron, 
à  l'Institution  royale  de  Musique  religieuse,  à  Paris  ,  rue 
de  Vangirard,  n*  69. 

On  s'abonne  également  chez  Ions  les  libraires,  mar- 
chands de  musique  et  d'estampes,  et  chez  tous  les  direc- 
teurs des  postes  de  France  et  de  l'étranger. 


ANNONCES. 

1°  Premier  recueil  de  contredanses  et  valses  pour  piano 
et  guitare,  oeuvre  35,  par  P.  L.  Àubéry  du  Boullcy.  Prix  : 
3  fr.  So  c. 

a'  Deuxième  recueil  de  contredanses  et  valses  pour  piano 
et  guitare  ,  œuvre  56,  par  le  même,  Prix  :  6  fr. 


556 

5°  Troisième  fantaisie  avec  des  sous  harmoniques  pour 
guitare  seule,  œuvre  37,  parie  même.  Prix  :  3  fr.  5oc. 

4°  Duo  facile  pour  piano  et  guitare,  œuvre  58,  parle 
même.  Prix-:  5  fr. 

5°  Troisième  quadrille  de  contredanses  et  valses  suivi 
d'un  thème  varié  pour  guitare  seule,  œuvre  5g,  par  le 
même.  Prix  :  5  fr.  5o  c. 

A  Paris,  chez  ltichault,  boulevard  Poissonnière,  n'  16. 

— Af  oîse,  opéra  en  quatre  actes,  représenté  pour  la  pre- 
mière fois  sur  le  théâtre  de  l'Académie  Royale  de  musique 
le  26  mars  iSaj.  Prix:  i5o  fr. 

Paris,  E.  Trou  p  en  as,  rue  de  Hénars,  n°  3. 

Les  amateurs  attendaient  avec  impatience  la  publication 
de  cet  important  ouvrage;  chacun  pouvait  Être  curieux  eu 
effet  de  voir  par  quels  moyens  l'auteur  avait  pu  préparer 
les  grands  effets  qui;  produit  l'exécution  de  ce  chef- 
d'œuvre.  Nous  croyons  leur  rendre  service  en  leur  annon- 
çant qu'il  vient  Uo  paraître,  et  que  l'éditeur  n'a  rien  né- 
gligé pour  que  la  beauté  et  la  correction  de  l'édition  ré- 
pondissent au  mérite  de  l'ouvrage. 

—  Fantaisie  pour  piano  et  violon,  sur  le.  motifs  de  l'o- 
péra français  de  Moïse,  par  T.  Labarre  et  C.  de  Beriol. 
7.fr^.5oc..       ,      .-.  . ,  .  _ 

— Variai  ions  de  concert  sur  la  marche  des  Grecs,  du  siège 
de.Corinlhe  pour  piano-forlé,  avec  accompagnement 
de  quatuor  ad  libitum,  par  Charles  Czeruy  op.  i56.  7  fr. 
5o  c. 

—Fantaisie  pour  piano  et  violon,sur  les  motifs  de  Moïse 
et  du  siège  de  Corinthe,  par  Snel,  premier  violon  du 
théâtre  royal  de  Bruxelles,  7  Ti.  5o  c. 

Paris,  E.  Troupenas,  rue  de  Menars,  11*  5. 


Lu  li:0"J  I3y 


SUR  LA  HARPE  A  DOUBLE  MOUVEMENT 
DE  M.  SÉBASTIEN  EIIAIID; 


»»,  PIB  OCCllIOn  ,  BOB  (.'OBICISB  HT  LES  PBOQBBI  DI  CEI  I1IITBUIIBMT. 

La  harpe  parait  avoir  atteint  la  perfection  dont  elle  eut 
susceptible.  Mais  avant  d'y  arriver,  elle  a  passé  par  des  va- 
riations de  formes  qui  sembleraient  indiquer  des  origines 
différentes,  ou  du  moins  que  des  instrument  analogues 
ont  été  inventés,  à  diverses  époques,  chez  diffère ne  peuples, 
et  que  c'est  de  la  réunion  de  ce  qu'ils  avaient  déplus  avan- 
tageux qu'on  a  formé  celui  que  nous  connaissons  aujour- 
d'hui sous  son  nom. 

L'inspeetiondes  plus  anciens  monumens  de  l'Egypte  y  a 
fait  découvrir  aux  voyageurs  des  harpes  do  diverses  formes, 
et  a  fait  voir  que  l'invention  de  ces  instrumens  remonte 
aux  temps  les  plus  reculés.  Celui  de  tous  ces  instrumens 
qui  a  le  plus  d'analogie  aveo  la  harpe  moderne  a  été  dé- 
crit pour  la  première  fois  par  le  voyageur  Bruce,  d'abord 
dans  une  lettre  qu'il  a  adressée  à  Burney,  et  ensuite  dans 
la  relation  de  son  voyage  en  Abyssinie  ;  mais  la  ligure  qu'il 
en  a  donnée  est  fort  inexacte.  Elle  a  été  reproduite  de- 
puis, avec  les  rectifications  nécessaires,  dans  la  belle  Desr 
cription  de  l'Egypte,  publiée  par  les  ordres  et  aux  frais  du 
gouvernement  français.  Cette  harpe,  et  le  musicien  qui  en 
joue,  sont  peints  à  fresque  dans  un  des  Hyppo'gées  qui  con- 
tiennent les  tombeaux  des  rois  de  l'Egypte,  à  Thèbes.  La 
conservation  en  est  parfaite.  Le  corps  de  l'instrument ,  sa 
base,  et  sa  partie  supérieure,  ou  console,  ont  une  grande 
ressemblance  avec  ces  parties  de  nos  harpes  ;  mais  on  n'y 
trouve  pus  comme  dans  celles-ci  le  montant  qui  lie  la  teto 
à  la  base.  J'ajouterai  qu'en  cela  il  ressemble  parfaitement 
au  e/iaf,  ou  harpe  du  Martaban  ,  dont  la  description  se 
trouve  dans  la  Revue  Musicale  (  tom.  I,  pag.  140  et  i/ji), 
ce  qui  pourrait  faire  croire  qu'il  tire  son  origine  de  l'Inde. 
Le  nombre  de  ses  cordes  ne  s'élève  pat  au-dessus  de  treize  ; 
a*  vol.  ag 


Digilizod  by  Google 


338 

mais  il  ne  faut  pas  en  conclure  que  les  harpes  égyptienne* 
n'en  avaient  jamais  davantage ,  car  sur  un  bas-relief  des 
ruines 'de  Ptolémaïs,  on  voit  une'  harpe  à  trois  côtes 
(  trigone)  qui  est  montée  de  quinze  cordes. 

L'usage  de  la  harpe  chez  les  anciens  peuples  de  Ilntle 
et  de  i'Égypte  doit  faire  présumer  que  les  Grecs  et  les 
Romains  eu  ont  eu  connaissance ,  et  qu'ils  s'en  servaient  ; 
mais  le  nom  que  nous  lui  donnons  ne  se  rencontre  chez 
aucun  des  écrivains  de  l'antiquité.  On  croit  généralement 
que  le  trigone  on  la  sambuque  des  Grecs  n'était  que  cet  in- 
strument; et  l'on  se  fonde  en  cela  sur  ce  que  Sophocle, 
dans  un  fragment  cité  par  Athénée1 ,  donne  l'épithÈle  de 
phrygien  au  trigone;  et  sur  ce  que  Porphyre,  dans  son 
commentaire  sur  les" harmoniques  de  Ptolémêe,  dît  positi- 
vement que  la  sambuque  était  un  instrument  à  trois  côtés , 
dont  les  cordes  étaient  différentes  en  langueur  et  en  grosseur. 
Turiièbe  a  dit  aussi,  sur  l'autorité  de  ce  philosophe  (inLcct. 
il))  :  Sambuca  triangulum  instrumentant  est,  i/uod  ce  inut/aa- 
tibia Itmgitudine,  skul  et  crossitudine  nercis  efftcitur''.\  l'égard 
des  Romains,  on  présume  que  chez  eux  la  harpe  est  fin- 

(i)Deip.  Lil>.  i.  Cap.  .3. 

(?)  Le  «avant  Spanbeim,  dsns  son  eicellent  Commentaire  sur  I» 
Hjmnis  lit  C*lliniaquc,  a  prouve(  tum.  a,  p.  i?4  el4j5),  sur  l'autorité 
de  Slraliou  cl  il'Ai  islDiène ,  rilé  par  Ailiénri:,  que  tous  les  inslnimens  il 
cordes  obliques,  teb  que  le  natlum,U  b,.rlillas,  U  magarte,  Upsatlerium 
et  \t'tanbique,  K>nt  (l'urigîNp  1.|,<>nivimnef  chaldaîqut  ou  syrienne.  Le 
passage  eatcurieu»  el  mérite  d'itre  mppoité;  leioicl  ; 

a  ïil  nomïnfLil m,  uliqea  Je  nabla,  barbîto,  magnttî,  ohierycl  Strnho,  I,  i,  p.  471, 
. .  el  qnon  prirlcre.  do  piattcrie ,  iamt*Ka  ,  ipluqn»  ct'nunw  nonine  ib  bibriToD 
.  ciiuar,  cl  .1  I    ir      r      i  i  .1,1    ;,  i  ni  %       1  ti  ikIeu  poMu, 

i  mïïidi  Hifli'ni  a  ikiIil-.  inl'r-  iilLui'  .U.'itliv.  I  mlo  l'Ij.lm  uii  A ri>l im:nn  peregrina 

■  intrrumma  rec*nseiï,  phaRiciait  peelittat  T  ma^aïU'lus ,  ïamhnrai ,  triffwui  , 
r  icrrJ.tf.jf.i.j*,  KM  i  .l.-iik  iiii.:  nl.i  ttmi  Ji  in-i  nulle  ma  ,  i  l'Icrl  Alhcnicilf ,  t.  IV,  p.  1B1^ 
.  imu  i|uuiL  iKiLi.li.i, ,1^  iryjjr:,..  u.  a  Svfii  reperio;  el  do  lamimn,  taoqnaoi  Syrn* 

■  lui  iq 

.  Altepmu ,  I.  rtfcpJÇjS  ,  il  Ht.  *Vfpi  637.  Aul  tero  ,  qood  do  erlfam.  ,  ipiw, 
•  .inHotitf,  linquam  in  Asia  reperla  fnoiil,  dicla,jaiuinlocilanol>ii  oliservalum.. 
Il  paraît  que  l'usage  de  la  birpe,  autrement  dite  trigone  ou  wnitti'/no 


DigiiizGd  ti/ Google 


33g-.  . 

slfiment  nommé  cinnira,  mut  qui  parai!  Être  ta  traduction 
de  celui  de  kinnor  ou  lùnnar,  qui ,  dans  te  texte  hébreu  de 
l'Écriture  sainte,  désigne  la  harpe  de  David.  On  trouve 
plusieurs  trigones  dans  les  peintures  à  fresque  d'Hercula- 
num  (voyez  Mus.  Ercol,  Pitture,  toui.  i ,  p,  16g). 

Quoi  qu:il  en  soit  de  cette  origine  antique  de  la  harpe, 
il  paraît  certain  que  plusieurs  peuples,  qui  n'avaient  dû 
avoir  que  de»  rapports  fort  indirects  entre  eux,.  l'un t  con- 
nue dans  des  temps  très  reculés,  ce  qui  peut  taire  croire 
que  le  même  instrument  a  été  inventé  chez,  plusieurs 
peuples,  à  des  époques  différentes..  On  a  vu,  dans  le  pre- 
mier volume  de  la  Revue  Musicale  { p.  le  passage  de 
Papias'  qui  attribue  à  un  ancien  peuple  d'Italie,  nommé 
Arpes,  l'invention  de  cet  instrument:  Harpa  dicta  d  genU 
Arporum  qui  hoc  instrumentant  muticum  invencrunt.  D'autres 
auteurs,  avec  plus  de  fondement  peut-être,  alteibuent 
cette  invention  aux  barbares  du  nord.  Ménage1  assure  que 
harpe  vient  du  vieux  mot  allemand  harpon,  qui  se  trouve 
employé  dans  une  très  ancienne  traduction  saxonne  de  ces 
mots  du  Psaume  146:  Psattite  Dea  nottro  in  cythara.  For- 
tunatus  est  aussi  de  cette  opinion  lorsqu'il  dit1  : 

Rornaniisque  lyra  plaudct  libi ,  barbants  harpa 

Gracuj  achillinca  croit  a  britanna  canet. 
Les  Saxons  et  les  Danois  ont  purlé  la  harpe  dans  lus  îles 
britanniques  dans  le  moyen  age  ;  les  formes  variées  sous 

«'Était  introduite  à  Rome,  long  temps  ayant  [a  conquête  île  la  Syrie  par 
Ici  Romains ,  car  le  mime  auteur  dit  ensuite  : 

■  Imo  nec  obliquai  ehordas  ,  de  lali  inaLrumiinlo  ,  e  tyriaco  luïil  in  urbain  ad. 

<  içliii  ili:  !  .1  S.iu  :  riiiijlii'.hji;  m  i]  i  i '.'rrnj.jjtrmr ,  a  quo  jflrrttrrcirlrrV  vel  mmbw 
1  cùut,  qutf  illud  pulsare;  aoque  Romanoruni  ludo»  cl  epula*  ut  d.  I.  Livûis,  oblec- 
■  Tare  eraiit  docile  ,  Uigoaale  ce  cum  ina  quaiibu*  nervia  jeu  ebordi*  exuliïM;  aul 
i  obliqua  tsueroquin  yulgo  luiue,  ipu  lyrœ  aeu  cv  liions,  aUflruioque  id  geain 

<  Ij/âfSurt  inammenlorum  lilera  al  tarnai.,  Polluci  p.  Ifiî.  m.yiïn,  «para 
.  pool  oola  al  obiia  eoruni  in  monnmsnlù  aaliquis,  cl  da  quibui  moi,  scbcmala  id 
•  abuude  DMf  nilunt.  • 

(1)  Ohiiar.  Mannicril  de  la  Bibliothèque  du  Boi,  fondi  de  l'tglÎM  d* 
Patin,  cite  par  Dncangc. 
(j)  Diction,  etymol.  an  mol  harpe. 
(3)  Lit.  j.  Carm.  S. 


lesquelles  tel  instrument  se  présente  à,  nous,  sur  les  mo- 
nument rapportés  par  Strult,  dans  son  Angleterre  ancienne, 
prouvent  évidemment  combien  l'usage  s'en  était  répandu. 
Je  ne  répéterai  point  ici  ce  que  j'ai  dît  ailleurs  sur  la 
Harpe  irlandaise  *  ;  il  me  suffit  d'y  renvoyer. 

Ce  n'était  pas  seulement  dans  les  pays  du  nord  que  la 
harpe  était  cultivée;  les  invasions  de  toutes  les  hordes 
barbares  qui  en  étaient  sorties  en  avaient  répandu  l'usage 
dans  toute  l'Europe.  On  sait  qu'elle  fut  l'instrument  de 
prédilection  des  troubadours,  des  trouvères  et  des  ménes- 
trels. Les  miniatures  des  manuscrits  et  d'autres  monu- 
mens  ne  nous  laissent  point  de  doute  sur  sa  forme,  et 
plusieurs  passages  des  poètes  du  douzième  et  du  treizième 
siècles  prouvent  que  sou  nom  était  semblable  à  celui  que 
nous  lui  donnons.  En  voici  quelques  exemples.  Dans  une 
version  française  du  livre  des  Unix,  faite  au  douzième 
siècle ,  on  trouve  :  «  David  e  tuz  ces  de  Israël  juerent  de- 
avant  nostre  Seigneur  od  multes  menïeres  d'estrumens , 
■  od  lutrpe»  è  lires,  è  tympans  et  frestels  et  cymbals.  •  L'au- 
teur du  roman  de  ta  Rose  a  dit  aussi  : 

.  Car  Dieu  merci,  bien  forgier  ht 

•  Si  voua  de  bien  que  plut  ebier  »y 

•  Met  deu*  martelé»  et  m'eicbarpc 
■  Que  ma  citqle  et  ma  harpe.  » 

Enfin  on  trouve  dans  le  Lucidairt,  espèce  de  roman  du 
même  temps  : 

•  En  eitrumeai  uïr ,  soner, 
.  Pial'èrc  ,  harpei  et  lielea 

•  Et  gigei  er  ehifonie  belei.  • 

On  pourrait  multiplier  les  citations  de  ce  genre,  mais 
celles-là  suffisent. 

Depuis  le  dixième  siècle  jusqu'au  quinzième,  la  harpe 
fut  l'instrument  le  plus  estimé.  On  croyait  alors  qu'il  avait 
le  pouvoir  de  calmer  la  fureur,  d'apaiser  les  souffrances, 
de  dissiper  le  chagrine!  la  mélancolie.  Tristan,  se  croyant 
trahi  par  sa  maîtresse,  la  belle  ï  seuil,  est  dans  une  Iris- 

(i)  Itttue  Muiicalc ,  loin.  i.  p.  5oj 


Digitizcd  by  Google 


fente  profonde;  il  entend  les  sons  d'une  harpe,  et  son  cha- 
grin se  dissipe.  «  Tout  incontinent  que  Tristan  oit  la  da- 
■  moiselc  (pu  atrempoit  la  harpe,  si  lessa  son  deul  et  priât 

*  à  regarder  la  damoisele.  Si  11  dist  :  Damoisele,  se  Dieu 

•  vous  garl,  dites  un  lai.  »  Le»  vers  suivans  de  Guillaume 
de  Macliault  prouvent  que  la  harpe  était  considérée  com- 
me le  premier  des  instrumens. 

■  Mais  la  harpe  qui  tout  instrument  pane  , 

•  Quant  sagement  bien  en  joue  et  compassé. 

Et  ceux-ci  ; 

•  A  la  harpe  partout  telle  renommée 

•  Qu'autre  douceur  à  li  a'ctt  comparée. 

On  voit  par  deus  vers  du  Dante,  que,  de  son  lemps,  le» 
Italiens  n'avaient  pas  moins  de  goût  pour  la  harpe  que  les 
ri  meure  français  des  douzième  et  treizième  siècles. 

•  E  corne  Ijra,  et  harpa  in  ttmpra  te» 

•  Di  moite  curde  Si  dolcu  linlinno. 

Parodia,  V. 

Les  progrès  que  lit  la  musique  dans  les  siècles  suivans, 
l'invention  de  plusieurs  instrumens,  et  les  perfectionne- 
ment de  quelques  autres,  diminuèrent  peu  à  peuU  faveur 
dont  celui-lùavaitjoui;  car  il  parait  qu'il  resta  long-temps 
dans  l'état  d'imperfection  où  il  s'était  trouvé  lors  de  la 
renaissance  des  arts.  Les  ligures  de  harpes  que  Mersenne, 
Kirclicr,  et  quelques  autres  auteurs  ont  données,  nous  font 
voir  cel  instrument  avec  un  assez  grand  nombre  de  cordes, 
mais  sans  aucun  moyen  de  modulation,  puisqu'elles  n'ont 
ni  pédales  ni  crochets.  Ces  crochets,  destinés  à  élever  les 
cordes  d'un  demi-ton,  ne  furent  imaginés  que  vers  1090, 
dans  le  Tyrol.  N'y  ayant  point  de  pédales,  on  était  obligé 
de  s'en  servir  avec  lu  main,  comme  font  encore  les  musi- 
ciens ambulaus.  Quoique  cette  manière  de  moduler  fût 
fort  incommode  et  fort  bornée,  la  harpe  resta  dans  cet 
état  pendant  plus  de  trente  ans.  Ce  ne  fut  qu'en  1700 
qu'un  luthier  de  Donawerth  ,  nommé  Hochhructer,  in- 
venta les  pédales,  nu  moyen  desquelles  on  pouvait  éle- 
ver les  cordes  d'un  demi-ton,  sans  interrompre  l'exécution 


Mais  la  difficulté  de  mouvoir  les  pieds  en  même  temps  que 
les  mains,  difficulté  à  laquelle  on  n'était  point  habitué,  fit 
rencontrer  beaucoup  d'obstacles  à  l'inventeur.  En  17^0, 
la  harpe  à  pédales  n'était  point  encore  connue  en  France. 
Ce  fut  un  musicien  allemand,  nommé  Stecht,  qui  l'y  in- 
troduisit. Bochbrucker,  neveu  du  luthier,  et  bon  harpiste, 
pour  le  temps,  en  perfectionna  l'usage  vers  1770.  Mais  ce 
fut  surtout  Krumpholz,  dont  la  femme  avait  un  talent  ad- 
mirable sur  la  harpe,  qui,  conjointement  avec  Naderman  , 
luthier  de  Paris,  donna  au  mécanisme  de  la  harpe  à  cro- 
chets toute  la  perfection  dont  il  était  susceptible. 

Cependant,  malgré  tant  d'efforts,  ce  mécanisme  était 
bien  imparfait.  Ses  plus  graves  inconvéniens  consistaient 
à  tirer  les  cordes  hors  de  la  position  perpendiculaire  lors- 
que les  crochets  agissaient  sur  elles  pour  les  élever  d'un 
demi-ton,  et  à  ne  pouvoir  assurer  la  position  de  la  pédale, 
qui,  n'étant  acerochée  qu' à-une  cheville  de  fer,  s'échappait 
quelquefois.  Ces  inconvéniens  parurent  si  graves  à  M.  Sé- 
bastien Érard,  célèbre  l'acteur  de  pianos,  qu'il  se  mit  à  la 
recherche  des  moyens  de  changer  ce  mécanisme,  et  d'y 
substituer  un  autre  qui  fonctionnât  dans  un  plan  parallèle 
a  celui  des  cordes.  Sesrecherches  le  conduisirent  à  l'inven- 
tion de  la-  fourchette,  don  11' effet  est  deraccourcir  la  corde 
de  la  quantité  voulue,  pour  l'élever  d'un  demi-Ion,  et  de 
lui  donner  la  même  fermeté  et  conséquent  ment  la  même 
sonorité  que  lorsqu'elle  est  appuyée  en  liberté  sur  le  sillet, 
et  cela,  sans  la  déplacer  de  la  verticale.  Outre  ces  innova- 
tions importantes,  M.  Érard  perfectionna  aussi  la  courbe 
de  la  console,  de  manière  à  donner  une  meilleure  propor- 
tion au  diapason,  et  à  faire  disparaître  en  partie  l'incon- 
vénient du  peu  de  solidité  des  cordes;  inconvénient  si 
grave  autrefois,  qu'il  était  rare  qu'on  pût  jouer  un  mor- 
ceau, sans  élre  interrompu  par  la  rupture  d'une  corde.  La 
première  harpe  construite  sur  ce»  principes  parut  eu  1794, 
à  Londres,  où  M.  Érard  venait  d'établir  une  maison.  Après 
Jes  résistances  d'usage  pour  tout  ce  qui  est  nouveau,  tons 
les  facteurs  de  harpes  ont  adopté  les  procédés  de  cet  habito 
artiste,  et  l'ancien  mécanisme  à  sabot  a  disparu. 


545 

Dans  le  même  temps  que  M.  Érard  s'occupait  de  ses  re- 
cherches pour  substituer  un  meilleur  mécanisme  à  l'an- 
cien, un  amaleur,  nammé  M.  lluellc ,  voulait  arriver  an 
même  résultat,  mais  par  des  moyens  différons  et  dans  un 
autre  bul.  Persuadé  que  l'expression  dépend  du  renflement 
des  sons  dans  le  passage  d'une  note  a  la  note  voisine  bé- 
mollc  ou  dièze,  M.  Ruelle  n'imagina  par  de  meilleur 
moyen  que  de  rendre  les  chevilles  mobiles,  de  manière  à 
élever  les  noies  d'un  demi- ton ,  en  sorte  qu'on  put  rendre 
te  passage  sensible  à  l'oreille.  Ce  procédé  présentait  de 
grandes  difficulté*,  à  cause  de  l'isolement  où  il  fallait 
laisser  les  chevilles  dans  l'érat  de  repos,  pour  pouvoir  ac- 
corder l'instrument.  A  force  de  persévérance,  M.  Ruelle 
parvint  a  exécuter  ce  qu'il  voulait.  Il  céda  ensuite  la  pro- 
priété de  son  mécanisme  a  M.  Cousineau ,  qui  y  fit  quel- 
ques chnngemcns  et  des  améliorations,  mais  qui  ne  put 
jamais  lait  e  adopter  les  iiistrumens  auxquels  il  l'avait  ap- 
pliqué ,  parce  que  le  principe  en  était  vicieux.  Rie»  en  ef- 
fet n'est  moins  expressif  que  cette  espèce  de  bâillement 
continuel  qui  se  l'ail  entendu1  dans  le  passade  des  notes 
naturelles  aux  noies  diésées  ou  bémolisées. 

Quelle  que  fût  l'importance  des  amélioralions  intro- 
duites par  M.  Erard  dans  la  construction  de  la  harpe,  tout 
n'était  pas  fait.  Des  dîllicullés  insurmontables  se  rencon- 
traient lorsqu'on  voulait  moduler  dans  certains  Ions,  et  lu 
seul  expédient  qu'on  connut  était  de  s'interdire  l'usage  de 
ces  tons.  Ceci  demande  mie  explication.  On  sait  que  la 
harpe  s'accordait  en  mi  J,,  en  sorte  qu'on  obtenait  le  si  §  , 
le  un'  t]  el  le  la  §  par  les  pédales  qui  élevaient  d'un  demi- 
Ion  les  mêmes  noies  alfeelées  d'un  \>.  Mais  le  r<!  f>  ne  pou- 
vait s'obtenir  qu'en  élevant  l'ut  §  à  l'état  A'ut  le  sot 
que  par  le  fa  et  ainsi  de  suite,  il  en  résultait  que  dans 
le  ton  (le  la  }),  par  exemple,  on  ne  pouvait  l'aire  une  gamme, 
parce  que  la  même  corde  devait  servir  pour  ai  et  pour 
re  [>.  Cependant,  on  sait  que  les  deux  systèmes  de  modu- 
lation les  pins  usilés  el  les  meilleurs  sont  ceux  par  les- 
quels on  passe  à  la  dominante  et  au  quatrième  degré  d'un 
Ion  quelconque.  Dans  le  ton  de  mi  [> ,  par  exemple ,  il  fout 


Digilized  by  Google 


pouvoir  passer  en  si  ou  en  la  [> ,  sans  compter  le  relatif 
mineur  ut.  On  voit  par  là  que  la  harpe  était  privée  de  l'une 
des  modulations  naturelle»  du  ton  qui  lui  était  le  plus  fa- 
vorable. La  musique  de  harpe  était  donc  bornée,  étroite, 
et,  en  quelque  sorte,  hors  du  domaine  de  l'art. 

Ces  considérations  avaient  frappé  Consineau  père,  dès 
i  j8a.  Ilessaya  d'y  rémédier  par  un  double  rang  de  pédales. 
L'abbé  Houssier  fit  paraître  à  celte  occasion  un  mémoire* 
dans  lequel  il  développait  les  avantages  de  cette  harpe, 
sous  le  rapport  de  la  considération  du  tempéramcul. 
Mais  l'embarras  que  causait  ce  grand  nombre  de  pédales; 
la  difficulté  de  saisir  avec  promptitude  celle  dont  ou  avait 
besoin,  et  les  dérangemens  auxquels  le  mécanisme  était 
«posé  empêchèrent  que  cette  invention  fût  bien  accueillie 
des  artistes.  Cependant  des  essais  de  divers  genres  furent 
faits  pour  procurer  à  la  harpe  des  moyens  de  modulations 
illimités.  Vers  179g,  un  médecin  saxon,  nommé  Pfanger, 
imagine  un  instrument  de  cette  espèce,  qu'il  appela  H arpe 
Chromatique,  et  à  laquelle  il  donnait  autant  de  cordes 
qu'il  y  a  de  demi-tons  dans  l'étendue  de  cinq  octaves.  Les 
cordes  de  l'échelle  diatonique  étaient  Imites  blanches; 
toutes  les  autres  étaient  rouges,  en  sorte  que  l'instrument 
représentait  le  clavier  du  piano.  Cette  multiplicité  dp 
cordes,  qui  obligeait  à  changer  la  manière  de  jouer  de  la 
harpe,  empêcha  le  succès  de  celte  invention.  Depuis  lors, 
Lighl,  musicien  anglais,  fit  fabriquer  un  instrument,  qu'il 
nommait  Ditat-Harp,  sur  lequel  tes  demi-tous  se  faisaient 
sans  pédales,  par  le  moyeu  des  doigts.  Ne  sachant  précisé- 
ment eu  quoi  consistait  son  procédé,  je  ne  puis  eu  parler; 
je  dirai  seulement  qu'il  est  reslé  au  nombre  de  ces  inven- 
tions que  chaque  jour  voit  éclore,  et  qui  tombent  daus 
l'oubli. 

Enfin,  M.  Sébastien  Érard,  qui  était  destiné  à  porter  la 
harpe  à  son  plus  haut  point  de  perfection,  imagina  de  faire 
faire  à  chaque  pédale  une  double  fonction  qui  pût  élever 
à  volonté  chaque  corde  d'un  demi  -ton  ou  d'un  ton.  La 
(i)  Mémoire  lat  li  nouvelle  barpe  de  M.  CuUiineau,  luthier  de  U 
teine.  P»ri» ,  I.amy,  i;8i.  -  , 


Digitizod  b/ Google 


545 

combinaison  d'un  semblable  mécanisme  offrait  des  diffi- 
cultés considérables ,  à  cause  de  la  courbe  de  la  console  et 
de  plusieurs  autres  problèmes  non  moins  embarrassans 
qu'H  fallait  résoudre;  aussi  H.  Érard  fut-il  obligé  d'y  em- 
ployer plusieurs  années  d'un  travail  constant,  et  des 
sommes  considérables  en  essais.  Enfin  le  succès  cou- 
ronna ses  travaux,  et,  le  16  juin  1801,  il  prit  à  Londres 
une  patente  pour  une  harpe  à  double  mouvement.  Cet  instru- 
ment est  accordé  eu  ut  :  le  premier  accroehement  des  pé- 
dales le  met  en  ut  f|,  cl  le  second  en  ut  On  conçoit  que, 
par  cette  combinaison,  toutes  les  modulations  possibles 
peinent  s'exécuter;  que  les  appogïatures  de  notes  natu- 
relles contre  les  notes  bémolles,  ou  des  notes  dièzes  contre 
les  naturelles  peuvent  se  faire  à  volonté,  et  que,  d'un  in- 
strument borné  à  de  certaines  combinaisons,  la  harpe  est 
devenue,  comme  le  piano,  propre  à  toute  musique. 

Quant  au  mécanisme,  il  présente  a  l'œil  des  connais- 
seurs une  des  plus  ingénieuses  conceptions  de  l'esprit  hu- 
main ,  cl,  en  même  temps,  l'une  des  plus  simples,  quant  à 
son  objet.  J'ai  parlé  de  la  fourchette  qui,  dans  la  première 
harpe  de  M.  Érard  remplace  si  avantageusement  le  cro- 
chet ou  sabot  ancien.  Dans  la  harpe  à  double  mouvement, 
il  y  a  doux  de  ces  fourchettes.  Au  premier  mouvement  de 
la  pédale,  la  première  fourchette  saisit  la  corde  et  l'élève 
d'un  Html  ton;  au  second  mouvement,  la  seconde  fourchrtte 
agit ,  et  porte  l'élévation  à  un  ton.  Le  relâchement  de  la 
corde  peut  s'opérér  ou  successivement,  ou  d'un  seul  coup. 

Au  mois  d'avril  181 5,  M.  Érard  soumit  sa  nouvelle  harpe 
à  l'examen  de  l'Académie  des  Sciences  et  de  l'Académie 
des  Beaux- Arts  réunies  ;  une  commission  fut  nommée ,  Ct 
celle-ci,  parl'organc  de  M.  de  l'rony,  son  rapporteur,  pro"- 
posa  aux  académies  d'approuver  les  découvertes  de  l'ha- 
hili:  artiste,  ce  <|iiï  fut  adopté.  Je  crois  qu'on  ne  verra  pifs 
sans  intérêt  comment  s'exprimait  H.  de  Pronysur  ces  Im- 
portantes améliorations. 

•  Le  mécanisme  de  la  crosse  ou  console  de  la  nouvelle 
•  harpe  de  M.  Sébastien  Erard,  (  disait  le  savant  rappor- 
teur )  est  absolument  lu  même  que  celui  qu'il  avait 
a*  vol.  5o 


34G 

«adapté  eniSoo.àsa  précédente  harpe;  ainW,  l'auteur 
i  s'est  procuré  le  grand  avantage  de  doubler  le  nombre  des 

•  changemens  île  ton  des  cordes  ,  sans  doubler  le  nombre 

■  de  systèmes  de  renvoi  qui  opèrent  tous  changemens. 

■  Il  a  ainsi  conservé  la  facilité  de  leur  construction  et 
i  de  leur  réparation-,  il  a  de  plus  ûlé  de  la  crosse  les  res- 

■  sorts  destinés  a  rappeler  la  pédale,  quand  elle  est  dé- 

■  croebée,  pour  les  placer  à  la  base  de  l'instrument ,  où 
0  leur  poids  favorise  la  stabilité,  à  laquelle  elle  nuisait  lors- 
t  que  ces  ressorts  étaient  attachés  à  sa  partie  supérieure. 
>  Ce  changement  a  de  plus  l'avantage,  favorable  à  l'exé- 

•  cutiou,  d'évider  ou  alléger  la  partie  de  la  console  qui 

■  répond  aux  cordes  aiguës . 

■  Pour  rendre  chaque  corde  représentative  de  trois  sons 
.  diffère™,  au  lieu  de  deux,  SI.  Sébastien  Erard  n'a  fait 

'  •  qu'augmenter  l'étendue  du  mouvement  de  va-et-vient 
ides  tringles  intérieures,  de  manière  à  faire  faire  suc- 
a  cessivemen  tune  portion  de  révolution  à  deux  disques  mu- 
t  nis  déboulons  polis  :  l'un  de  ces  disques  sert  à  raccourcir 

•  la  corde  d'un  premier  demi-loti  ;  l'autre  d'un  second. 

<  Le  disque  inférieur  est  celui  qui  est  mis  immédiate - 

■  ment  en  mouvement  par  le  mécanisme  intérieur  de  la 

•  crosse'.  Ce  disque  inférieur  détermine  ensuite  par  de« 
,  renvois  intérieurs  le  mouvement  du  disque  supérieur  ; 
tet  voilà  comment  l'auteur  a  pu  se  dispenser  do  rien 

■  changer  au  mécanisme  renfermé  dans  la  console. 

■  Pour  que  chaque  pédale  produise  successivement  le» 

■  deux  effets  dont  on  vient  de  parler,  elle  a  deux  crans 
«d'arrêt  ou  de  repos;  elle  s'accroche  au  premier  cran 

•  pour  le  premier  demi-ton ,  ce  qui  fait  faire  un  premier 

•  mouvement  à  la  tringle  de  renvoi;  et  la  continuation  du 

•  ce  mouvement,  qui  a  lieu  quand  on  accroche  la  pédale 
4  an  deuxième  cran,  donne  le  second  demi-ton. 

a  Sept  pédales  suffisent  ainsi  pour  rendre  chaque  corde 

■  représentative  de  trois  cordes  différentes,  ■ 

(i)  Ceci  «t  une  erreur  échappée  il  M.  de  Frony  :  ii  est  éTKlen!  que  le 
(.ui'inirr  mouvement  doit  Cire  fih  par  k  r(it  r(  n  suptrii'iir,  rar  ii  ne  pour- 
rail  faire  le  tecond. 


La  suite  du  rapport  de  H.  de  Prony  était  relative  aù'r 
conditions  du  tcmpéramment.  II  y  fait  ressorlir  l'avan- 
tage de  n'être  pas  obligé  de  se  servir,  sur  la  harpe  à  double 
mouvement,  que  de  la  mêmecorde  pour  une  notcquclcon- 
quc  diérée  et  la  note  supérieure  bémolisée,  et  conséquem- 
ment  de  donner  à  l'échelle  générale  autant  de  justesse  que 
cela  est  possiblcdans  la  constitution  de  notretonalilé.  iVéau- 
moins,  M.  Henri  Naderman,  harpiste  de  la  Chapelle  et  de  la 
chambre  du  roi,e1c.,aessayé  de  démontrer  dans  un  opuscule 
qu'il  a  publié  sur  la  harpe  à  double  mouvement  que  cet 
avantage  est  illusoire,  parce  que  la  précision  du  mécanisme 
oblige  à  faire  tous  les  demi-tons  égaux,  et  que  fùt-il  réel 
ilu'en  résulterait  aucun  bien  pour  l'accord  dç  l'instru- 
ment, et  cela  par  dcs.raisons  qu'il  déduit  longuement 
Hais,  sans  entrer  dans  des  détails  de  théorie  qui  me  mène- 
raient fort  loin  dans  cet  article  déjà  ftrt  étenduje  dirai  que 
depuisle  i»  avril  i8i5,  époque  où  le  rapport  de  M.  de  Fro- 
ny  a  été  fait,  la  question  de  supériorité  de  la  harpe  à  double 
mouvement  a  été  résoluesans  réplique  parle  succès  qu'elle 
a  obtenu,  et  par  l'adoption  qu'en  ont  fait  les  harpiste,  les 
plus  renommés,  tels  que  MM.  Dizi,  I.abarre  et  Bochsa.  Ce 
succès  confirme  la  conclusion  du  rapport  de  M.  de  Pronv 
laquelle  était  ainsi  conçue  :  ■ 

•  La  nouvelle  harpe  de  M.  Érard  nous  paraît  réunir  au 
.mérite  d'un  mécanisme _  fort  ingénieux ,  et  qui  rempli. 

■  très  bien  son  objet,  «lu,  d'augmenter  considérablement 
.  les  propriétés  musicales  de  cet  instrument,  puisque,  sans 
-double  emploi,  elle  renferme  vingt  -  sept  gannin'v  ',,,, 

■  échelles  diatoniques  complètes,  tandis  que  l'ancienne 
«  n'en  contient  que  treize. 

.Nous  pensons  que  celte  invention,  par  laquelle  l'au- 
.tcur  acquiert  de  nouveaux  droits  à  la  reconnaissance  de, 
.hommes  qui  s'intéressent  aux  progrès  des  mérite 

■  les  éloges  et  l'approbation  des  deux  clas 

H  nie  reste  a  parler  d' 

(i)  Otservalinni  de  MM.  iïi 


parler  d'une  invention  qui  a  do  l'analogie. 


frères,  mr  la  harpe  à 


 '  "/llplJi  <:><ri.r  «  ariil.tt 

'""«•""•.•«•.p.™,  v.»,d,„„„,,s,s,u,,,ii,„i„.M,„splMr;ti 


DigitizGd  t>y  Google 


348 

avec  celle  de  M.  Erard  et  qui ,  pendant  quelque  temps,  a 
été  mise  en  parallèle  avec  elle;  il  s'agit  de  la  harpe  d  bascule 
de  M.  Dizi,  laquelle  parut  en  1808,  et  qui,  ayant  subi  quel- 
ques modifications,  a  été  appelée  depuis  ta  harpe  perpendicu- 
laire (ihe  perptndicutar  harp).  M.  Dizi,  harpiste  distingué, 
dont  le  talent  jouit  d'une  estime  méritée  en  Angleterre, 
avait  senti  dès  long-temps  la  nécessité  d'enrichir  la  harpe  ' 
de  moyens  de  modulation  plus  étendus  que  ceux  qu'elle 
possédait  autrefois,  lorsqu'un  Polonais,  dont  le  nom  n'est 
pas  présent  à  ma  mémoire,  lui  proposa  de  construire  un 
instrument  qui  réunirait  toutes  les  qualités  qu'il  désirait, 
Des  essais  qui  demeurèrent  long- temps  infructueux  furent 
faits  ;  mais  enfin ,  vers  la  fin  do  1807,  Al.  Dizi  prit  un  brevet 
d'invention  pour  la  nouvelle  harpe,  résultat  de  ses  re-  ' 
cherches  et  de  ses  dépenses.  Dans  celte  harpe,  la  console 
était  séparée  en  deux^arlics  à  son  extrémité  inférieure; 
les  cordes  étaient  attachées  au*  chevilles  dans  la  partie 
creuse,  perpendiculairement  au  centre  du  la  tahle.  L'élé- 
vation du  son  avait  lieu  au  moyeu  d'une  bascule  <jui  sor- 
tait en  poussantla  corde  hors  de  la  parallèle,  et  qui  tenait 
lieu  d'un  nouveau  sillet. 

M.  Dizi  soumit  cette  harpe  à  l'examen  de  l'institut  de 
France,  vers  18 iG ;  le  rapport  de  la  Commission  qui  fut 
chargée  de  l'analyse  des  qualités  et  des  défauts  du  nouvel 
instrument,  tout  en  rendant  justice  au  zèle  qui  avait  di- 
rigé les  efforts  de  l'auteur,  mentionne  le  regret  qu'éprou- 
vait la  Commission  de  ce  que,  pour  obtenir  les  effets  qu'il 
voulait  produire,  il  avait  été  obligé  de  tirer  les  cordes  hors 
de  la  parallèle,  cl  de  ce  que  la  position  de  ces  cordes  les 
rendait  difficiles  à  mettre  aux  chevilles.  M.  Dizi  parait 
avoir  scnli  la  force  d'une  partie  de  ces  objections;  car  peu 
de  temps  après  il  renonça  à  sa  bascule,  et  adopta  lu  double 
fourchette  de  M.  Erard,  mais  en  conservant  son  ancienne 
séparation  de  la  console  en  deux  parties,  et  le  placement 
des  cordes  dans  l'intérieur  de  celte  séparation.  J'ignore  si 
parmi  les  artistes,  quelques-uns  ont  adopté  cette  innova- 
tion. 

Telle  est  l'histoire  des  variations  de  forme  et  de  méca- 


liisme  du  la  harpe.  Il  est  vraisemblable  que  les  améliora- 
tions qu'on  (entera  d'y  faire  désormais  n'auront  plus  pour 
objet  que  des  détails  de  peu  d'importance. 

FÉTIS. 


BIOGRAPHIE. 

Delu-Mibii  (Domenieo),  né  à  Marseille,  de  parens  ita- 
liens, vers  ij61,  se  livra  de  bannne  heure  à  l'élude  de  la 
musique,  et  manifesta,  dès  sa  plus  tendre  jeunesse,  d'heu- 
reuses dispositions  pour  cet  art.  A  dix-huit  ans,  il  fit  re- 
présenter, au  théâtre  de  Marseille,  un  grand  opéra  dans 
lequel  on  reconnut  parmi  les  défauts  inséparables  d'un 
premier  essai,  les  traces  du  talent.  Peu  de  temps  après,  il 
partit  peur  l'Italie,  persu  nié  qu'il  lui  restait  peu  de  chose 
à  apprendre,  quoique  ses  études  musicales,  fuites  dans 
une  ville  de  province,  eussent  été  très  faibles.  Il  ne  tarda 
point  à  reconnaître  son  erreur,  et,  pendant  un  séjour  de 
dix  ans  en  Italie,  il  étudia  sous  plusieurs  maîtres.  Le  der- 
nier fut  Paisiello,  qui  avait  conçu  pour  lui  beaucoup  d'a- 
mitié. Sorti  de  l'école  de  ce  grand  compositeur,  it  écrivit 
pour  quelques  théâtres  secondaires  de  l'Italie  six  opéras 
bondes,  dont  trois  ont  eu  du  succès.  Dans  la  suite,  il  se 
pl;iis;iil  à  redire  des  morceaux  de  l'un  d'eux,  intitulé  :  it 
Maestro  di  Capella. 

Il  arriva  à  Paris  vers  1796,  absolument  inconnu;  mais 
le  hasard  se  plut  à  lui  aplanir  les  difficultés  que  rencon- 
trent presque  toujours  a  leur  début  le3  artistes  ou  les  gens 
de  lettres.  Voici  ce  que  dit  à  cet  égard  M.  Duval,  dans  une 
notice  sur  Della-Maria,  insérée  dans  la  Déeaiie  philoso- 
phique (10  germinal  an  vm)  :  •  Un  de  mes  amis,  auquel 

■  il  avait  été  recommandé,  me  pria  de  lui  donner  quelque 

*  poème.  Sa  physionomie  spirituelle,  ses  manières  sim- 

•  pies,  vives  et  originales,  m'inspirèrent  de  la  confiance  : 

■  elle  fut  justifiée.  Je  linissiiis  alors  !;i  petite  pièce  du  Pri- 
4  sonnicr,  que  je  deslinais  au  Théàlrc-r'rançais.  Le  désir 


35n 

■  île  l'obliger  m'eut  bientôt  décidé  à  en  Èijrfl  un  opéra. 
«  Quelques  coupures,  quelques  airs  l'eurent  aussi  toi  nit'r- 
«  la  m  or  p  h  osée  cd  comédie  lyrique.  Il  ne  mit  que  liuit 

•  jours  à  en  faire  la  musique;  et  les  artistes  de  l'Opéra- 
<•  Comique,  qui,  séduits  comme  moi,  l'avaient  accueilli 
«  avec  intérêt,  mirent  aussi  peu  de  temps  à  l'apprendre  et 

*  à  la  jouer.  Cette  pièce  commença  sa  réputation.  ■ 

Le  Buccèfl,  qui  fut  prodigieux,  tint  à  deux  causes.  La 
première  fui  la  diversion  opérée  par  le  style  chantant, 
brillant  et  léger  de  Della-Maria  au  milieu  de  celte  musi- 
que, forte  d'harmonie,  mais  trop  souvent  dénuée  de  chant, 
que  nos  habiles  compositeurs  avaient  adoptée  depuis  la 
révolution.  La  seconde  est  la  perfection  du  jeu  des  acteurs 
chargés  des  rAles  principaux.  On  se  rappellera  long-temps 
l'ensemble  délicieux  que  formaient  les  talens  d'Elleviou, 
de  Jl""  Saint-Aubin  et  Dugazon,  comédiens  excellens,  qui 
trouvant  dans  la  musique  du  Prisonnier  des  proportions 
en  rapport  avec  leurs  moyens,  brillaient  sans  effort.  Dans 
cet  ouvrage,  Délia- M  aria  ne  s'élève  pas  à  de  forles  concep- 
tions; mais  sa  manière  est  à  lui,  .et  c'est,  comme  on  sait, 
la  condition  importante  pour  obtenir  des  succès  de  vogue. 
Malheureusement  celte  manière  s'affaiblit  dans  les  opéras 
qui  suivirent  le  Prisonnier;  on  en  trouve  encore  quelques 
traces  dans  l'Opéra-Comique  (en  un  acte),  dans  l'Onde 
valet  (en  un  acte),  et  dans  te  View  château  (en  trois 
actes);  mais  dans  ta  Fausse  duègne  (en  trois  actes),  il  n'y 
a  plus  rien.  Tous  ces  ouvrages  furent  donnés  en  quatre 
ans  :  ainsi,  dans  ce  court  espace,  Della-Maria  semble  avoir 
épuisé  tout  ce  que  la  nature  lui  avait  donné  d'idées  musi- 
cales. 

Doué  d'un  caractère  doux  et  facile,  ce  jeune  artiste  s'é- 
tait fait  de  nombreux  amis  :  M.  Duval,  l'un  d'eux,  se  dis- 
posait à  se  rendre  à  la  campagne  avec  lui,  dans  l'intention 
de  travailler  à  un  nouvel  ouvrage,  lorsque  Délia  Maria, 
revenant  seul  un  soir  vers  sou  logis,  dans  l'automne  de 
1800,  tomba  sans  connaissance  dans  la  rue  Saint-Iîonoré. 
Il  fut  recueilli  par  une  personne  charitable,  chez  laquelle 
il  expira  au  bout  de  quelques  heures,  sans  pouvoir  profé- 


Digitizod  b/ Google 


indication  (le  son  nu  m  ou  <le  sa  demeure,  les  ageus  de 
police  Curent  plusieurs  JOUM  sans  pouvoir  découvrir  qui 
ii  était.  Ainsi  péril,  à  trente-six  aus,  uq  artiste  dont  lu 
nom  brillait  encore  d'un  viféclal. 


NOUVELLES  DE  PARIS. 

THÉÂTRE  ROYAL  DU  L'OPÉRA-COMIQUE. 
$wtnii«  ttfristuiaùw  foi  SEot  et  U  ïfetffetW, 

Opiira -Comique  en  un  au  le  ,  paroles  de  M.  de  Siikt-Giusgis  , 
musique  de  MIL  IIaleïï  et  Rliriur. 

La  fête  du  roi  est  chaque  année  l'occasion  de  quelque 
pclil  opéra  qui  n'a  souvent  que  le  mérite  de  la  circon- 
stance. Cette  fois  les  auteurs  ont  été  assez  heureux  pour 
iiue  leur  ouvrage  puisse  survivre  à  l'époque  qui  l'a  fait 
nattre.  En  voici  le  sujet. 

Henri  IV  assiège  Paris,  et  celte  ville  éprouve  toutes  les 
horreurs  de  la  famine.  Touché  de  pitié  pour  les  maux  que 
souffrent  ses  sujets,  le  bon  roi  a  résolu  de  faire  entrer  de* 
vivres  dans  la  ville,  mais  à  l'insu  de  ses  troupes,  qu'il 
craint  de  voir  se  débander.  L'exécution  de  son  dessein 
l'appelle  souvent  sur  l'autre  rive  de  la  Seine.  Le  batelier 
qui  le  passe,  sans  le  connaître,  est  un  ligueur  nouinié 
Claude ,  dont  la  femme  ni  la  sœur  ne  partagent  l'opinion. 
Un  envoyé  de  .Mayenne  ,  chargé  d'approvisionner  la  ville 
est  tombé  depuis  peu  de  jours  dans  les  mains  du  duc  de 
Bellegarde.  Le  roi  a  découvert  que  cet  émissaire  avait 
ordre  de  se  glisser  sous  les  murs  de  l'aris ,  et  de  donner  le 
mot  qui  devait  faire  ouvrir  les  portes  au  convoi  de  vivres 
que  Mayenne  l'avait  chargé  de  f«ire  préparer.  Henri  IV, 
profilant  des  dispositions  de  son  batelier  ligueur,  le  dé- 
termine a  se  rendre  dans  son  bateau  sous  les  murs  Uc 
Paris,  et  à  chanter  Fivt  Henri-Qaatrc,  qui  est  le  mot 


DigitizGd  t>y  Google 


35a 

d'ordre.  Il  est  prêt  à  partir  lorsque  sa  femme  lui  apprend 
que  le  soldat  auquel  il  vient  de  parler  n'est  autre  que 
Henri  IV  ;  touché  de  la  bonté  du  roi ,  Claude  devient  un 
de  ses  partisans,  et  part  pour  exécuter  ses  ordres.  Cepen- 
dant le  duc  de  Bellegarde,  voulant  déjouer  les  projets  de 
Mayenne,  et  hâter  la  reddition  de  Paris,  a  répandu  ses 
troupes  sur  les  rives  de  la  Heine ,  avec  ordre  de  tirer  sur 
tous  les  bateliers  qu'on  apercevra.  André,  beau-frère  de 
Claude ,  espèce  de  niais  poltron  ,  est  l'une  des  sentinelles 
qu'on  a  chargées  d'exécuter  cet  ordre.  Malgré  sa  frayeur, 
il  veut  faire  le  brave,  et  lâche  son  coup  de  mousquet  sur  la 
nacelle  de  son  beau-frère;  l'alarme  est  au  camp;  André 
vient  raconter  sa  prouesse;  mais  un  instant  après  Claude 
arrive  et  rend  compte  au  roi  du  succès  de  sa  mission.  Cha- 
cun bénit  le  prince;  les  ligueurs  prisonniers  jurent  de 
suivre  le  roi  ;  pendant  ce  temps  on  aperçoit  le  convoi  qui 
se  dirige  sur  Paris ,  et  la  pièce  finit. 

Les  détails  agréables  semés  sur  ce  fond  léger  rendent  In 
représentation  de  la  pièce  fort  amusante.  La  musique  de 
MM.  Halevy  et  Riffaui ,  anciens  pensionnaires  du  roi  à 
l'académie  de  Rome,  est  fort  supérieure  à  ce  qu'on  attend 
de  ces  sortes  d'ouvrages.  On  y  dislingue  surtout  l'intro- 
duction, un  quatuor  qui  se  termine  en  trio ,  le  chœur  des 
ligueurs  prisonniers,  et  un  charmant  duo  chanté  par  Fer- 
réol  et  madame  Fradher.  L'instrumentation  est  soignée, 
élégante,  et  l'ensemble  de  la  composition  est  de  nature  à 
donner  des  espérances  pour  les  travaux  futurs  des  jeunes 
musiciens  à  qui  ou  ia  doit.  La  pièce  a  été  fort  bien  jouée 
par  MM.  Vizentini,  Ferréol,  Lemonnier,  Lafeuillade, 
mesdames  Boulanger  et  Pradher. 

—  Deux  représentations  de» Voiture*  versées,  opéra  de 
MM.  Dupaty  et  Boïeldien  ,  viennent  d'être  données  au 
théâtre  de  l'Opéra- Comique.  Par  suite  de  la  relraite  de 
madame  Lemonnier,  madame  Boulanger  y  a  rempli  hi 
rôle  de  madame  de  Hotval  de  manière  à  mériter  les  ap- 
plaudissmiens  du  public,  comme  actrice  et  comniccanta- 
Irice. 


555 

THÉÂTRE  ROYAL  DE  I/O  DÉON. 
PREMIÈRE  REPRÉSENTATION  DE  CHARLES  V 
ET  DUGUESCLIN , 
Opéra -Comique  en  acte,  paroles  de  MM.  Vm  el  Gishodchb, 
musique  de  MM.  Gileist  cl  Gdihiod. 

'  Duguesclin  est  prisonnier  des  Anglais  dans  un  château 
forl.  Profitant  d'une  trêve,  Charles  V,  accompagné  du 
sire  de  Bcaujeu,  vient  incognito  traiter  de  la  rançon  du 
brave  capitaine ,  et  obtient  sa  liberté  sur  parole,  jus  qu'à  ce 
<jue  l'argent  nécessaire  soit  rassemblé.  Les  habita»»  du 
village  où  se  passe  la  scène  veulent  célébrer  la  fête  du  roi, 
et ,  suivant  l'usage,  se  disposent  à  nommer  un  notable  de 
l'endroit  pour  représenter  le  souverain.  Ils  ont  jeté  les 
yeux  sur  Dugucsclin,  mais  celui-ci  parvient  à  se  faire 
remplacer  par  Charles  V  lui-même.  Pendant  ce  temps,  le 
général  anglais  Chaudos,  par  une  de  ces  trahisons  fort 
communes  alors,  a  rompu  la  trêve  et  recommencé  les 
hostilités.  Il  n'a  laissé  pour  la  garde  du  fort  que  son  lieu- 
tenant Felton  et  cent  soldats.  Les  Français  surviennent: 
Dugucsclin,  dont  la  rançon  vient  d'être  payée,  se  met  à 
leur  tête ,  s'empare  du  château ,  et  fait  les  Anglais  prison- 
niers. Le  roi  est  reconnu,  et  tous  ses  sujets  tombent  à  ses 
pieds. 

Cette  pièce  a  été  fort  mal  accueillie  à  la  seconde  repré- 
sentation par  les  spectateurs  payans.  Dès  l'ouverture,  ils 
se  sont  montrés  peu  favorables  au  genre  de  l'ouvrage. 
Malheureusement  les  défaulsde  la  pièce  ne  leur  ont  fourni 
que  trop  d'occasions  de  montrer  leurs  dispositions  hos- 
tiles. Il  faut  l'avouer,  cette  pièce  est  d'une  faiblesse  ex- 
trême, et  l'on  aurait  peine  à  croire  qu'elle  est  l'ouvrage  de 
deux  hommes  d'esprit,  qui  comptent  plus  d'un  succès.  Une 
scène  où  toutes  les  filles  du  canton  apportent  leur  rouet , 
et  filent  pour  payer  la  rançon  de  Duguescliu,  a  excité  l'hi- 
larité générale;  les  huées,  les  sifflets  ont  pris  le  dessus, 


Dinitizcd  by  Google 


554 

et  dès  ce  moment  il  est  de  vu  un  fort  difficile  d'entendre  les 
aclcuw. 

Les  jeunes  musiciens  sortis  de  l'école  royale  semblent 
avoir  voulu  saisir  l'occasion  de  la  fête  du  roi  pour  se  faire 
connaître.  Mil.  Guiraud  et  Gilbert  sont  les  auteurs  de  la 
musique  de  Charles  V  et  Dugueidin.  L'un  a  obtenu  cette 
année  le  premier  grand  prix  de  composition  au  concours 
de  l'institut;  l'autre  a  partagé  le  second.  Tous  deux  mé- 
ritent des  éloges  pour  le  petit  opéra  qu'ils  viennent  de  pro- 
duire. Leur  musique  est  remplie  de  choses  charmantes. 
Malheureusement  les  poètes  ne  leur  avaient  pas  fourni 
l'occasion  de  faire  le  plus  petit  morceau  d'ensemble.  Des 
chœurs  et  des  couplets  sont  tout  ce  qu'ils  ont  eu  à  mettre 
en  musique;  mais  ces  couplets  sont  fort  jolis.  Ccui  que 
chante  Léon,  avec  accompagnement  de  chœur,  et  ceux 
dont  les  paroles  sont  :  Si  j'étais  roi,  ont  été  surtout  remar- 
ques. L'inslrumcntalion  est  de  la  nouvelle  école,  c'csl-à- 
dire,  brillante  et  légère.  Il  est  fâcheux  que  ce  premier  essai 
de  la  muse  des  jeunes  lauréats  n'ait  pas  été  fait  pour  nue 
meilleure  pièce. 

L'exécution  devient  chaque  jour  plus  mauvaise  à  L'O- 
déon.  A  l'exception  de  l'orchestre,  on  aurait  peine  à  se 
croire  à  Paris,  quand  on  entend  de  pareilles  choses.  Si- 
rant,  qu'on  avait  vanté  à  ses  débuis,  chante  presque  tou- 
jours de  la  gorge,  et  n'a  qu'une  vocalisation  factice.  Quant 
à  Théuanl,  on  peut  dire  que  c'est  un  rude  chanteur.  Mal- 
gré ses  nombreux  défauts,  Léon  est  le  meilleur  de  tous  ceux 
qui  paraissent  dans  l'opéra  nouveau.  Qu'on  juge  du  reste. 

— Damoreau  ,  ténor  qui  faisait  autrefois  partie  de  la 
troupe  du  théâtre  de  l'Opéra-Comique,  et  qui,  depuis,  s'est 
fait  une  réputation  en  province,  et  s'est  fixé  à  Bruxelles, 
a  débuté  à  l'opéra  par  quelques  râles  de  l'ancien  réper- 
toire, cl  notamment  ]>ar  ceux  de  Corlez,  de  Licinius 
dans  la  Vestale,  et  de  Polinicc  dans  Œdipe.  Nous  n'avons 
pas  voulu  juger  cet  acteur  sur  ses  premiers  débuts ,  parce 
que  nous  avons  du  faire  la  part  de  l'émotion  et  de  l'em- 
barras qu'on  doit  éprouver  la  premier c  t'ois  qu'on  parait 
sur  une  scène  et  dans  une  salle  aussi  vastes.  Nous  oxoyone 


Digitizod  by  Google 


555 

pouvoir  émeltrc  maintenant  notre  Ojiinion  ,  cl  nous  le  fo- 
rons avec  franchise. 

Damoreau  est  doué  d'un  physique  avantageux,  propre: 

l'intelligence;  mais  il  nous  parait  manquer  des  qualités 
d'un  chanteur  destiné  à  dire  la  musique  moderne.  Dès 
qu'il  veut  chanter  avec  douceur,  sa  voix  baisse  au-dessous 
du  ton,  et  il  ne  reprend  la  justesse  que  lorsqu'il  crie, 
Quoique  Damoreati  soit  jeune,  un  pareil  défaut  semble 
indiquer  une  voix  usée.  L'habitude  de  chanter  en  pro- 
vince, et  d'obtenir  des  succès  par  des  éclats  de  voix,  lui 
a  vraisemblablement  forcé  le  timbre.  Il  y  a  du  remède  à 
cela  ;  mais  il  faut  du  temps,  du  repos  ,  et  un  régime  de 
vocalisation  tout  particulier.  Si  Damoreau  continue  a 
chanter  comme  il  Ta  fait  jusqu'ici ,  il  n'y  aura  bientôt  plus 
de  ressource. 


CONCERTS. 

Tiiéatbe  de  Mabamk.  Concert  de  M,  Lalonl.  —  Théami  Italie*  . 
Conreri  votai  et  instrumental. 

I.n  fête  delà  Toussaint,  qui  fait  fermer  les  théâtres,  nous 
a  procuré  deux  concerts  le  même  jour,  l'un  donné  par 
SI.  Lafont,  l'autre  par  l'administration  du  théâtre  Italien. 
Il  y  avait  lieu  de  croire  que  le  besoin  de  distraction,  si  ce 
n'était  l'amour  de  la  musique,  aurait  porté  la  foule  aux 
deux  asiles  ouverts  aux  amateurs  et  aux  oisifs;  il  n'en  a 
point  été  ainsi.  Il  y  avait  du  monde  au  concert  de  M.  La- 
font; mais  Li  salle  des  Italiens  était  presque  vide.  Les 
dilktt&nti  qui  devaient  Être  curieux  de  comparer  le  talent 
de  madame  Pisaroni  dans  un  concert  avec  celui  qu'elle  dé- 
ploie dans  les  situations  dramatiques,  avaient,  on  ne  sait 
pourquoi ,  déserté  leur  poste.  Il  faut  qu'ils  eu  soient  punis 
en  apprenant  qu'elle  a  été  admirable,  sublime  quelque- 
fois: mais  n'anticipons  pas,  cl  suivons  l'ordre  que  nous 
nous  sommes  tracé. 


556 


On  connaît  le  fini ,  le  précieux  du  jeu  de  M.  Lafont,  Que 
dirons-nous  sur  la  manière  dont  il  a  joué  son  concerto  que 
loul  le  monde  ne  sache  d'avance.  C'esl  toujours  la  même 
justesse,  la  même  pureté,  la  même  perfection.  Ce  virtuose 
semble  avoir  défié  les  migraines,  les  mauvaises  digestions, 
les  distractions,  tout  ce  qui  peut  enfin  troubler  le  calme 
nécessaire  pour  être  maître  de  soi.  Il  ne  hasarde  rien  dont 
il  ne  soit  sûr,  elje  suis  certain  qu'il  ne  lui  est  jamais  arrivé 
de  pousser  par  mégarde  son  archet  sur  une  note  qui  de- 
vait être  tirée, 

La  lutherie  moderne  a  obtenu  dang  ses  mains  un  triom- 
phe dont  elle  doit  s'enorgueillir,  car  il  n'a  pas  été  possible 
de  distinguer  de  différence  entre  le  violon  de  M.  Thibout, 
dont  il  s'est  servi  dans  son  concerto  et  celui  de  Guarnc- 
rius  sur  lequel  il  a  joué  ses  autres  morceaux. 

Les  autres  solos  d'instrumcns  se  composaient  d'un  nou- 
veau duo  avec  variations  sur  ta  marche  de  Moïse,  composé  par 
M.  Henri  Herz,  et  exécuté  par  lui  et  M.  Lafont,  d'une  fan- 
taisie pour  le  trombone,  jouée  par  M.  Vobaron  ,  du  varia- 
tions pour  le  violon  ,  composées  par  M.  Lafont ,  et  exécu- 
tées sur  le  violoncelle  par*M.  Lolli,'d'un  solo  de  clarinette 
joué  par  M.  LandcllE ,  et  d'une  grande  fantaisie  composée 
et  exécutée  par  M.  Lafont.  Le  morceau  du  M.  Herz  est 
brillant,  rempli  de  traits  originaux,  et  nous  semble  des- 
tiné à  avoir  un  de  ces  succès  de  vogue  auquel  l'auteur  est 
accoutumé.  Son  exécution  prodigieuse  en  a  fait  ressortir 
tout  le  piquant  et  doit  servir  de  modèle  aux  amateurs  qui 
voudront  jouer  celte  pièce.  De  bruyans  applaudïssemeus 
ont  témoigné  à  M.  Herz  tout  le  plaisir  qu'il  avait  fait  au 
public.  SI.  Lolli  sait  jouer  de  la  basse,  mais  sou  talent  est 
au  nombre  de  ceux  qu'on  rencontre  partout,  et  dont  on 
ne  parle  pas.  On  peut  en  dire  à  peu  près  anlant  de  M.  Lan- 
delli;  mais  il  n'en  est  pas  de  même  de  M.  Vobaron.  Ce 
qu'il  fait  sur  son  trombone  est  vraiment  étonnant.  Les 
difficultés  les  plus  grandes,  les  sons  coulés  et  doux,  toutes 
les  choses  enfin  auxquelles  cet  instrument  semble  se  re- 
fuser sont  faites  par  lui  avec  une  facilité  remarquable.  Il 
oit  fâcheux  que  taut  de  dextérité,  d'intelligence  et  do  pa- 


DigiiizGd  by  Google 


35? 

liencc  aient  été  employées  à  triompher  d'un  instrument 
rebelle  qui  semble  toujours  faire  de  mauvaise  grâce  ce 
«jue  l'exécutant  exige  de  lui;  mais  M.  Vobaron  n'en  est 
pas  moins  un  artiste  fort  recommaudable. 

La  partie  vocale  du  concert  de  M.  Lafont  n'était  pas  la 
pllis  brillante:  on  sa»  qu'il  en  est  souvent  ainsi.  M-Scbutz 
et  M11"  Marinoni  faisaient  les  honneurs  de  cette  partie. 
L'air  de  Bossinï,  clianlé  par  la  première,  n'a  produit  que 
peu  d'effet  :  on  sait  que  ce  n'est  pas  la  musique  qu'il  faut 
eu  accuser.  H  y  a  dans  celle  seène  et  dans  cet  air  des  pro- 
portions que  M™"  Schutz  semble  n'avoir  point  comprises, 
et  qui  ne  paraissent  pas  appartenir  au  caractère  de  sa  voix. 
Le  duo  qu'elle  a  chanté  ensuite  avec  M"*  Marinoni  a  été 
mieux  dit.  La  voix  de  celle  jeune  cantatrice  me  parait 
avoir  gagné  en  volume  et  en  étendue;  mais  elle  a  besoin 
d'être  exercée. 

Si  le  chant  était  la  partie  la  plus  faible  au  concert  de 
M.  Lafont,  c'était  le  contraire  à  celui  du  Théâtre-Italien. 
La  symphonie  d'Haydn  a  été  fort  bien  exécutée  par  l'or- 
chestre; mais  les  morceaux  île  harpe  el  de  flûte  ne  sont 
pas  sortis  d'une  honnête  médiocrité.  M.  A.  Schott,  ancien 
musicien  de  la  chapelle  du  roi  de  Bavière,  a  mérité  les 
honneurs  de  la  soirée  comme  instrumentiste,  par  le  talent 
qu'il  a  déployé  sur  la  clarinette,  dans  un  airvarié  de  Ba;r- 
inann.  Jeunes  gens  qui  vous  livrez  a  l'élude  de  cet  instru- 
ment, allez  entendre  souvent  H.  Schott,  lorsque  vous  en 
trouverez  l'occasion,  car  il  a  la  véritable  école,  l'école  al- 
lemande, l'école  de  Behrel  (leBsennann.  Dans  cette  éeole, 

velouté,  égal  dans  toute  l'étendue  de  l'Instrument,  elune 
exécution  nuancée. 

Bordogni  et  Galli  ont  été  excellons  dans  le  duo  de  l'itu- 
liana  in  Atgieri,  qu'ils  ont  chanté  d'une  part  avec  un  fini 
délicieux,  et  de  l'autre  avec  une  verve  entraînante.  On  ne 
peut  pas  en  dire  autant  du  duo  de  M  osé,  chanté  par  Don- 
zelli  et  Zuchelli.  Le  premier  a  pris  une  habitude  de  pous- 
ser des  cris  qui  a  6té  le  velouté  à  sa  voix,  et  qui  le  rend 
iuhabtle  à  nuancer  son  chant.  M"*  Blasis  a  été  faible  dans 


Digitizod  by  Google 


358 

l'air  du  Siège  de  Corinilie  ;  mais  le  trio  de  Ricciardo  et  Zo- 
raide,  chaulé  par  Donzelli  et  M""  Pisaroui  et  Blasis,  a  pro- 
duit le  pins  grand  effet.  Le  duo  de  Coccia,  chanté  parGalIi 
et  Zuchelli,  manque  d'originalité;  mois  on  y  trouve  l'an- 
cienne coupe  italienne,  excellente  pour  les  morceaux 
bouffes;  ces  virtuoses  l'ont  d'ailleurs  chanté  avec  une 
verve  et  un  comique  parfait.  Mais  ce  qui  mérite  surlout 
d'être  cité,  c'est  le  talent  admirable  de  M™  Pisaroni  dans 
l'air  de  l'iiaiiana  in  AtgUri.  On  peut  affirmer  que  cet  air 
a  élé  entendu  pour  la  première  fois  au  concert  du  i"  no- 
vembre, car  la  musique  est  si  dépendante  de  l'exécution, 
que  le  même  morceau  peut  paraître  ou  médiocre  ou  par- 
fait selon  qu'il  est  bien  ou  mal  exécuté.  C'est  une  véritable 
création  que  celle  d'un  chant  qui  fait  jaillir  lout  à  coup 
des  beautés  du  premier  ordre  de  ce  qui  parait  être  fort 
ordinaire  au  premier  coup  d'œil.  Quel  dommage  qu'un 
talent  tel  que  celui  de  M"  Pisaroni  soit  retenu  dans  l'inac- 
tivité par  les  bornes  d'un  répertoire  Irop  resserré.  Ce  beau 
talent,  dernière  émanation  de  la  grande  école  italienne, 
quittera  Paris  sans  y  avoir  été  en  quelque  sorle  connu. 
Pendez-vous,  diletlanti;  vous  n'étiez  pas  au  concert  du 
i"  novembre. 


PRÉCIS 

L'institution  royale  de  musique  religieuse,  créée  dans 
la  vue  de  régénérer  la  musique  d'église  ,  a  adopté  à  cet 
effet  deux  moyens  qui  concourent  au  même  but. 

Le  premier  est  d'exécuter  et  de  faire  entendre  publi- 
quement les  chefs-  d'oeuvre  de  musique  sacrée  et  classi- 
que, ainsi  que  les  ouvrages  les  plus  propres  au  service 
de  l'Église. 

Le  second  est  déformer  des  professeurs  capables  de 
propager  son  enseignement  cl  ses  procédés. 

Elle  est  composée  de  deux  pensionnats  séparés,  l'un 
d'hommes  ,  l'autre  de  femmes ,  élevés  et  instruits  graluU 


359 

(Binent  aux  frais  du  Roi.  A  chacun  de  ces  pensionnais 
est  attaché  un  externat,  oii  les  élèves  de  l'un  et  de  l'autre 
sexe,  doués  d'une  belle  voix  et  de  disposions  pour  le 
chant)  sont  admis  à  recevoir  gratuitement  toutes  ks 
connaissances  qui  composent  une  bonne  éducation. 

Outre  la  lecture,  récriture  et  le  calcul,  l'instruction 
y  comprend  encore  les  objets  suivans  : 

L'enseignement  spécial  et  principal  de  la  musique  vo- 
cale, ce  qui  renferme  le  solfège  ou  art  de  lire  et  noter, 
la  musique,  et  l'art  du  chaut  proprement  dit; 

Celui  de  la  musique  instrumentale,  notamment  le 
forté-piauo  ou  l'orgue ,  le  violon  et  le  violoncelle  ; 

Celui  de  l'harmonie  pratique  et  de  la  composition 
musicale. 

Celui  des  langues  française,  latine  et  italienne,  des 
belles-lettres  ,  de  la  géographie ,  de  l'histoire  ;  en  un  mot , 
l'éducation  religieuse ,  morale  et  grammaticale,  en  usage 
dans  les  établisscmens  désignés  sous  la  dénomination  de 
pensionnat,  au  titre  1",  art.  10,  n°  5,  de  la  loi  du  17 
mars  1808  ,  portant  organisation  de  l'Université. 

Ceux  des  élèves  qui  se  distinguent  par  leur  talent  et 
leur  bonne  conduite ,  reçoivent  des  enconragemens  de 
tout  genre  ;  ils  reçoivent  en  tout  ou  en  partie  la  nourriture 
et  l'habillement  ;  ils  sont  chargés  de  fonctions  lucratives  , 
et  peuvent  même  obtenir  la  faveur  d'être  reçus  à  demeure 
dans  riitablis.iement,  et  d'être  entièrement  élevés  et  entre- 
tenus aux  frais  du  roi ,  ou  d'être  placés  avantageusement. 

Tous  les  élèves,  tant  internes  qu'externes,  sont  soignés 
gratuitement  dans  leurs  maladies,  au  moyen  des  cartes 
dedispensaires  fournies  par  l'établissement. 

Les  classes  commencent  en  été  à  six  heures  du  malin  , 
et  Unissent  à  six  heures  du  soir;  en  hiver,  elles  suivent  le 
progrès  du  jour. 

Lts  personnes  qui  auraient  connaissance  de  jeunes  su- 
jets ayant  une  belle  voix  et  du  goût  pour  la  musique  et  le 
chant,  sont  invitées  à  les  présenter  ou  à  en  donner  avis. 

L'institution  reçoit  à  titre  de  pensionnaires  les  jeunes 
gens  cpii  veulent  se  perfectionner  dans  l'étude  de  la  mu- 


5ft> 

siqwe;  elle  fournit  aux  cathédrales,  paroisses  el  chapelles, 
sur  la  demande  de  MM.  lès  éveques,  les  curés  et  aumô- 
niers ,  des  maîtres  de  chaut,  chantres,  enfans  de  chœur, 
des  musiciens,  des  organistes,  etc.  Elle  fournit  des  pro- 
fesseurs pour  les  maisons  d'éducation  de  l'un  et  de  l'autre 
sexe;  elle  procure  des  œuvres  de  musique  d'église  en  tout 
genre,  soit  française,  soit  étrangère  ,  des  instrument  d'é- 
glise, tels  qu'orgues,  serpens  ,  etc.  ;  et  entreprend  de  gre 
a  gré  la  composition  de  toute  sorte  de  musique  d'église  , 
plain-chaut,  contre-point ,  messes,  motets,  etc. 

S'adresser,  de  vive  voix  ou  par  écrit,  franc  de  port,  à 
M.Chohon,  directeur  de  l'institution,  à  l'adresse  ci-dessus. 
Il  est  visible  à  l'établissement ,  tjus  les  jours  ,  depuis  dix 
heures  du  malin  jusqu'à  deux  heures  après  midi. 


ANNONCES. 


SOUSCRIPTION. 

Trois  grands  quatuors  pour  deux  violons,  alto  et  vio- 
loncelle, dédies  à  S.  M.  le  roi  de  Prusse,  par  L.  Jabik, 
chevalier  de  la  Légion-d'Houneur,  gouverneur  des  pages 
de  la  musique  du  Itoi. 

Ces  quatuors  paraîtront  du  ao  au  3o  novembre  prochain; 
on  souscrit  chez  M.  Frey,  marchand  de  musique,  place 
des  Victoires,  n'  8,  et  chez  l'Auteur,  rue  Bergère,  n*  a;  le 
prix  de  la  souscription  est  de  5  francs  :  l'œuvre  est  marqué 

Nota.  On  ne  paiera  qu'en  recevant  l'ouvrage.  Les  lettres 
de  demandes  et  envois  de  fonds  devront  Être  adressés 
franc  de  port. 

—  Sonate  pour  violoncelle  et  piano.  Concertais,  op.  io, 
par  A.  de  Sayvc.  Chez  Zctler,  rue  du  Faiibour-l'oissou- 

—  Quatuor  pour  a  violon,  alto  et  basse ,  œuvre  i3,  par 
A.  de  Sayve.  Chez  Rie  haut,  Boulevard  Poissonnière,  11°  16. 


SUR  LE  MÉTRONOME  DE  MAELZEL. 


Li  nécessité  'le  mesurer  le  temps  en  musique  par  des 
règles  fixes  et  in  variables  a  été  reconnue  de  tout  temps,  et 
les  efforts  de  beaucoup  de  musiciens  et  de  mécaniciens 
pour  atteindre  à  ce  but  datent  de  loin.  Loutié,  dans  ses  Élé- 
ment ou  Principes  de  Musique,  publiés  en  1698,  proposa  une 
machine  nommée  chronomètre  dont  il  donne  la  description. 
Sauveur,  dans  ses  Principes  d'acoustique,  en  cite  une  autre 
qui  avait  été  imaginée  par  l'Affilant.  Plus  tard,  Harrison, 
fameux  mécanicien  anglais,  qui  s'est  illustré  parsesmontres 
marines,  inventa  une  machine  qui  parait  avoir  été  par- 
faite, maïs  dont  le  prix  élevé  ne  permettait  pas  d'en 
rendre  l'usage  populaire.  11  en  a  donné  la  description  dans 
un  écrit  qui  a  pour  titre  :  Description  concerneng  such  a  me- 
cmùtm  as  nilt  a/fard  a  nice  and  true  mensuration  of  time,  etc. 
(Description  d'un  mécanisme  propre  à  donner  une  mesure 
exacte  et  vraie  du  temps,  etc.)  Londres,  1775,  in-8". 

En  1782,  Duelos,  horloger  à  Paris,  fit  une  machine  qu'il 
appelait  R hytmomètre,  dont  le  but  était  à  la  fois  de  donner 
la  mesure  exacte  des  temps  de  la  musique',  et  de  trans- 
mettre aux  exécutans  les  internions  des  compositeurs.  Les 
professeurs  de  l'École  royale  de  chant,  à  la  tète  desquels 
était  M.'Gossec,  approuvèrent  cette  machine,  et  firent  un 
rapport  dans  lequel  on  trouvait  le  piissagc  suivant  \  1 , 
h  précision  la  plus  exacte  ,  celle  machine  joint  la  faculté 
'  de  donner  toutes  les  modifications  de  mouvement,  et 
-tons  les  degrés  de  vitesse  que  l'on  peut  désirer,  sans 
■  qu'elle  fasse  éprouver,  dans  les  <  haugeuicos  de  mesure, 
»  comme  dans  les  siens  propres,  le  moindre  retard.  Cette 
a  qualité  est  d'autant  plus  précieuse,  que  dans  le  cours 
•  de  l'exécution  d'un  morceau  de  musique,  ■ 
«  peut,  à  volonté,  par  des  moyens  simples  et  aisés  ,  presser 
»  et  ralentir  le  mouvement,  eu  suivre  avec  facilité  toutes  Ici 

2"    VOL.  5l 


Digitizod  by  Google 


«  diverses  variations  auxquelles  l'expression  du  chanteur  ou 
«  d'un  exécutant  peut  donner  lieu,  d'au  il  résulte  qu'à  ces 
«  diverses  variations ,  il  peut  aussi  sans  peine  soumettre 
«  toujours  les  accompaguemens.  s 

Dans  le  même  temps,  un  autre  mécanicien,  nommé 
Pelletier,  proposa  aussi  un  nouveau  chronomètre,  dont 
ou  Ignore  aujourd'hui  la  forme  et  le  mécanisme.  Eu  1784 , 
Davaux,  amateur  connu  pur  ses  concertos  et  ses  quatuors, 
lit  insérer  dans  le  Journal  Encyclopédique  (juin,  p.  534)  une 
Lettre  sur  un  instrument  ou  pendule  nouveau ,  gui  a  pour  but  de 
déterminer  avec  la  plus  grande  exactitude  les  diffèrent  degrés  de 
rilcsse  depuis  te  prestissimo  jusqu'au  largo,  avec  les  nuances  im- 
perceptibles d'un  degré  à  l'autre.  Le  pendule  avait  été  con- 
struit par  Rencaudin ,  horloger  de  Paris.  Lo  fameux  Bre- 
guet  en  a  fait  un  qui  avait,  comme  celui  de  Harrisou, 
l'inconvénient  d'Être  d'un  prix  trop  élevé. 

Despréaux,  ancien  professeur  au  Conservatoire,  pro- 
posa, en  i8ia,  de  substituer  à  toutes  ces  machines  un 
poids  quelconque  ,  ayant  une  forme  lenticulaire  ou  sphé- 
rïque ,  suspendu  par  un  fil  ayant  une  longueur  déterminée 
pour  un  mouvement  donné,  par  exemple,  celui  du  pen- 
dule astronomique ,  avec  une  échelle  graduée  pour  varier 
ces  longueurs,  selon  le  mouvement  qu'on  veut  obtenir. 
Les  avantages  de  ce  chronomètre  consistent  dans  la  sim- 
plicité de  sa  construction  ,  et  dans  la  loi  physique  qui  rend 
les  vibrations  isochrones*  quelle  que  soit  la  diminution  de 
l'are  décrit  par  te  pendule ,  à  mesure  qu'il  tend  à  l'état  de 
repos.  Ses  in  con  vente  a  s  sont  de  ne  point  rendre  sensibles 
à  i'oreitlu  les  temps  de  la  mesure,  et  de  ne  point  donner 
d'unité  de  mouvement  pour  tous  les  pays,  les  vibrations 
du  pendule  variant  selon  les  latitudes. 

Plusieurs  autres  professeurs  ou  théoriciens  ont  aussi 
proposé  des  moyens  différons  pour  arriver  à  des  mouve- 
mens  déterminés.  Je  citerai  parmi  ceux-là  Burja,  profes- 
seur de  mathématiques  à  Berlin,' qui  a  publié  une  brochure 
de  a4  pages  in-8*  sous  ce  titre  :  Beschreibung  cincs  musikalis- 
clien  zeitmessers,  (  Description  d'un  Chronomètre  musical), 
(1)  Ci  si-» -dire  d'un  temps  «gai. 


Digitized  by  Google 


363 

Berlin;  i  jg».  Wenk,  claveciniste,  mécanicien  et  fabricant 
ifinstrumens,  auteur  d'un  livre  intitulé  :  Beachreibung  eines 
Chronometers,  oder  musikolischen  zeitmtssers,  (Description 
d'un  Chronomèlrc  ou  régulateur  de  la  mesure  musicale), 
Ma  gde  bourg,  169S,  in-8°;  Thiémé ,  professeur  de  musique 
à  Rouen,  à  qui  l'on  doit  une  brochure  intéressante  qui  a 
pour  titre  :  Nouvelle  théorie  sur  les  différais  mouvemens  des  airs, 
fondée  sur  ta  pratique  de  la.  musique  moderne,  avec  le  projet  d'un 
nouveau  chronomètre,  destiné  à  perpétuer-  d  jamais,  pour  tous 
les  temps,  comme  pour  tous  tes  lieux,  te  mouvement  et  la  mesure 
des  airs  de  toutes  tes  compositions,  Rouen  et  Paris,  1801,  70  p. 
111-8°;  enfin,  Stcekel ,  chanteur  à  Burg,  M.  Gudefroy  We- 
ber,  célèbre  théoricien  et  compositeur,  Sparrovogens  et 
Zumeskal ,  qui ,  dans  les  Omettes  Musicales  de  Leipsick.  et 
de  Vienne,  ont  inséré  des  dissertations  plus  ou  moins  in- 
structives sur  cette  matière. 

Malgré  tant  d'efforts,  l'usage  d'un  chronomèlrc  quelcon- 
que ne  s'était  point  introduit  dans  le  monde,  soit  que  les 
machines  fussent  trop  compliquées,  trop  dispendieuses, 
ou  trop  incommodes ,  soit  que  leur  effet  ne  répondit  pas 
à  ce  qu'on  en  attendait.  Enfin,  en  r8i5,  l'habile  méca- 
nicien Maelzel  soumit  à  l'examen  de  l'Institut  de  France 
une  petite  machine,  à  laquelle  il  donnait  lo  nom  de  Mé- 
tronome, et  qui  était  destinée  à  remplir  les  mêmes  fonc- 
tions que  tous  los  autres  chronomètres.  Cette  machine, 
dont  l'enveloppe  a  la  forme  d'un  obélisque,  et  dont  l'un  des 
côtés  s'enlève  pour  laisser  osciller  un  balancier,  qui  est 
appuyé  sur  un  point  vers  son  extrémité  inférieure,  et  libre 
vers  le  haut.  Un  mécanisme  à  engrainage,  mû  par  un 
ressort,  agit  sur  le  balancier,  et  le  met  en  mouvement.  Un 
poids  mobile,  qui  glisse  à  volonté  sur  la  tige  du  balancier, 
détermine  la  vitesse  ou  la  lenteur  en  déplaçant  le  centre 
de  gravité,  et  remplace  avec  avantage,  par  le  moyen  d'une 
merveilleuse  simplicité,  le  pendule  le  plus  long  dont  on 
puisse  .avoir  besoin  pour  mesurer  tes  mouvemens  lents. 
Une  échelle  graduée,  et  portant  des  nombres  qui  correspon- 
dent à  chacune  des  nuances  de  vitesse  ou  de  lenteur  ad- 
missibles dans  la  musique,  indique  les  points  du  balancier 


364 

où  le  poids  doit  être  fixé,  Plu*,  ce  poids  s'éloigne  du  point 
d'appui  du  balancier,  plus  le  mouvement  est  lent,  et 
conaéquemment  plus  il  s'en  rapproche,  plus  le  mouve- 
ment est  vif. 

M.  Maclzel  a  pris  pour  unité  de  temps  la  niinute,  ou  la 
soixantième  partie  do.  l'heure.  Le  mouvement  le  plus  lent 
est  celui  qui  est  marqué  du  nombre  5o,  c'est-à-dire,  celui 
où  cinquante  oscillations  du  balancier  se  font  dans  l'in- 
tervalle d'une  minute.  Le  plus  vif  est  celui  où  le  même 
balancier  fait  160  oscillations  dans  le  même  temps.  Cha- 
que oscillation  exprime  la  durée  d'un  temps  musical  d'une 
mesure  à  quatre  ou  à,  trois  temps,  simple  ou  composée. 
Toutes  les  nuances  de  lenteur  ou  de  vitesse  sont  comprises 
entre  .ces  deux  termes  5o  et  160. 

..On  conçoit,  d'après  ce  qui  vient  d'être  dit,  que  pour 
indiquer  le  mouvement  exact  d'un  morceau  ,  le  compo- 
siteur n'a  qu'à  .marquer  le  nombre  du  métronome  auquel 
il  répond ,  et  que  ce  moyen  est  bion  plus  sûr  que  d'em- 
ployer les  mots  si  vagues  dp  largo,  d'adagio,  de  lento, 
aadanff,  aiidantînv,  allegretto,  allegro ,  tivace ,  presto ,  etc. 
Aussi  l'Institut  a-t-il  hautement  approuvé  cette  invention  ; 
les  avantages  du  métronome  ont  même  été  si  généralement 
sentis  que,  malgré  la  puissance  de  la  routine,  cette  machine 
s'est  assez  rapidement  popularisée.  Au  reste,  il  est  bon  de 
remarquer  que  c'est  principalement  pour  la  transmission 
des  mouvemens  qu'elle  est  utile;  car,  si  l'on  en  faisait 
usage  comme  régulateur  de  la  mesure,  on  détruirait  toute 
idée  d'expression  et  de  verve  dans  l'exécution. 

Un  habile  coustructeur  d'orgues  d'Amsterdam,  nommé 
Winkcl,  a  réclamé  l'invention  du  métronome,  dans  une 
lettre  insérée  au  n"  a5  de  la  Gazette  Musicale  de  Leipsick, 
eu  iti it>.  11  déclare  que  M.  Maelzel  ayant  vu  chez  lui  le 
mécanisme  de  cet  ingénieux  instrument,  s'est  emparé  de 
sa  découverte,  et  l'a  donnée  frauduleusement  comme  la 
sienne.  J'ignore  jusqu'à  quel  point  celte  réclamation  est 
l'ondée,  M.  MaeUel  n'y  ayant  p  oint  répondu. 

.,   .  .,  fÉTlS. 


Digitizod  b/ Google 


DISL'ACCOUD  DES  INSTRLMEHS 
ET  DE  LA  DÉTERMINATION  D'UN  DIAPASON  , 
Pab  M.  le  Bako»  Bieik. 


La  gamme  chromatique  ayant  été  formée  d'après  les 
principe*  constitutifs  des  hurmonies  des  deux  modes,  sous 
le  type  des  rapport»  de  Vibrations  : 

On  trouvera  qu'à  partir  du  son  i,  les  premières  con son- 
na nces  ascendantes  }  et]f  où  $,  et  les  premières  conson- 
nances  inverses  j  et  sont  parfaitement  justes  ;  mais  le 
son  f  n'est  pas  la  première  oonsonnance  de  ^ ,  qui  devrait 
erre  rk  ;  car  f|  est  plus  grand  que  £  de^,;  de  même  g  n'est 
pas  en  descendant  la  première  consonnance  de  ,  qui  se- 
rait %j  pins  petit  que  devis- 

Comme  les  premières  consonnanecs  sont  celles  dont  la 
justesse  est  mieux  sentie  par  l'oreille,  il  faut,  en  prenant 
Je  son  i  comme  régulateur  fondamental,  accorder  dans  un 
instrument,' 

■  'r  Tons  les  son*  i,  a, 4 ,  6....  ^ ,  \ ,  £ ,'  et  antres  octaves; 

ar»Ta  série  ascendante  des  premières  coiisonnances 
et  fontes  leurs  octaves;  et  la  série  inverse  des  antres  pre- 
mières consonnaiices  i  et  4f ,  et  leurs  octaves. 

5"  Former  l'accord  eon  sonnant  1,  £,'4 ,  qui  donneia, 
par  le  moyen  de  Poieille',  la  facilité  de  déterminer  le 
son  ? ,  et  ses  octaves  ; 

■  4"  Prendre  ensuite  le  son  jj ,  comme  première  conson- 
nance de  |  ou  \;  et  le  son  comme  première  oonsonnance 
du  précédent.  Les  accords  consonnans  i)Jiï>et|,J,^ 
leur  serviront  de  preuves.  1 

(i)  Ceci  s':i]>]  iriijiiuiMrLiL-tLliritmeiit  :i  l'accord  des  clavecins,  pianos, 
ïrautteHnsUtlmons  semblables,  la  géométrie  donuant  les  moyens  pré- 
ei»  de  déterminer  le*  cliviiioii!  des  troua  de  la  «nlo  et  instrument  d" 
raCme  genre  ,  «t.lçn  la^gtftuia  dei  tuyau»,  d'orfiue. 


366 

5°  L'accord  conaonnant  i,  $,  servira  à  déterminer, 
par  l'oreille  ,  le  son  $  et  ses  octaves. 

6"  Le  son  |  sera  déterminé  comme  première  conson- 
nance  de  •  ou  de  J,  et  l'accord  consonnanc  i,  |,  lui 
servira  de  preuve. 

7°  Le  son  ^  sera  déterminé  comme  première  conson- 
nauce  inverse  du  son  {,  et  l'accord  consonnant  {*,  |, 
lui  servira  de  preuve. 

8"  Enfin ,  le  son  ^  devra  seul  être  déterminé  comme 
première  consonnance  relativement  à  f|  et  à  sans  pou- 
voir satisfaire  parfaitement  l'oreille,  parce  que,  d'après 
son  expression ,  sa  valeur  mathématique,  il  présente  un 
rapport  incommensurable,  et  par  conséquent  nécessaire- 
ment faux  à  l'oreille.  En  effet,  la  première  consonnance 
inverse  de  y|  est  ou  fj,  et  la  première  consonnance  de 
est  4|  ou  Or,  le  sou  ~  est  précisément  le  moyen 
proportionnel  géométrique  entre  et  ,  la  fraction  qui 
le  représente  étant  plus  grande  que  la  dernière  et  plus  pe- 
tite que  la  première ,  ce  qui  indique  que  les  intervalles  de 
14  à  et  de  ^  à  sont  plus  petits  qu'ils  ne  devraient 
être. 

En  d'autres  termes ,  le  son  1  élant  représenté  par  l'ut 
de  la  gamme  diatonique  en  usage ,  il  faut  accorder  les 
quintes  sot  et  re  en  montant ,  et  fa,  ji  [j  en  descendant, 
avec  précision;  faire  les  tierces  fa,  la  et  fa,  la  |>  justes  à 
l'oreille,  et  les  vérifier  par  les  accords  ut,  fa,  ta  et  ut,  faf 
la  J,;  faire  ensuite  les  quintes  justes  du  la  au  mi  et  au  si, 
et  les  vérifier  par  les  accords  ut,  mi,  sol,  ut,  mi,  ta,  et 
net,  sol,  si;  faire  la  quinte  la  \f,  mi  \>  juste  ;  la  vérifier  pan 
les  accords  ut,  mi  \f,sol,  et  ut,  mi\,,  la\^;  faire  en  descen- 
dant la  quintejuste  la  [>.  re  [>,  et  la  vérifier  par  l'accord  re|j, 
fa,  /»[,  ;  et  enfin  faire  le  fa  g  ou  sot  \,  comme  quarte  in- 
termédiaire et  faible,  entre  j  ^  jj  et  ifc 

Mais  si  les  clavecins,  orgues,  pianos,  etc.,  sont  ac- 
cordés d'après  ce  procédé,  il  est  nécessaire  que  tous  les 
autres  instrument,  s'ils  sont  dans  le  cas  d'être  joués  en- 
semble, aient  leurs  sons  distribués  de  la  même  manière, 


DigitizGd  by  Google 


36? 

s;iiis  i|uoi  ils  seront  nécessairement  forcés  de  produire  dans 
beaucoup  de  cas  des  sons  autres  que  ceux  des  premiers ,  et 
leur  ensemble  produira  un  très  mauvais  effet. 

Les  basses  et  les  altos ,  par  exemple  ,  auront  un  son  (  le 
la  de  leur  chanterelle  )  qui  ne  sera  pas  celui  de  l'orgue , 
dont  l'ut  est  le  régulateur,  et  dont  il  est  la  sixte  majeure. 
Dans  les  violons ,  le  la  et  le  mi  ne  seront  point  non  plus  les 
mêmes,  par  l'habitude  où  l'on  est  d'accorder  ces  instru- 
ment par  quintes  justes,  que  ceux  qui  résulteraient  d'un 
ut  commun  à  tous  les  instrumens.  Les  clarinettes  con- 
struites en  fa,  eu  si  les  hautbois  et  les  flûtes,  ayant  un 
re  pour  son  fondamental,  pourront  bien  moins  encore 
donner  les  mêmes  sons. 

Il  faudrait  donc,  en  prenant  l'ut  pour  régulateur  com- 
mun, construire  les  instrumens  avec  un  ut  pour  son  grave 
et  générateur;  et  dans  les  instrumens  à  archet,  accorder 
les  ut ,  les  sol  et  les  re  par  quintes  justes ,  mais  déterminer 
les  la  comme  sixtes  majeures  d'uf,  et  non  pas  comme 
quintes  de  re;  et  ensuite  les  mi,  comme  quintes  justes  de 
ces  mi. 

On  sait  que  le  son  ut,  le  plus  grave  de  l'orgue,  est  celui 
donné  par  un  tube  de  3s  pieds  de  roi,  que  l'on  a  trouvé 
résulter  d'un  nombre  de  3a  vibrations  par  seconde  Le 
nombre  des  vibrations  doublant  à  chaque  octave ,  il  en  ré- 
sulte qu'un  lubc  d'un  pied  donne  la  cinquième  octave  ai- 
gué  du  premier  ut ,  provenant  de  1034  vibrations  par  se- 
conde. Nous  ferons  remarquer  que,  si  au  lieu  d'un  tube 
d'un  pied  de  roi  de  longueur,  on  avait  pris  un  tube  d'un 
tiers  de  inctre,  ou  d'un  pied  métrique,  mesure  mainte- 
nant en  usage,  le  son  qui  eu  serait  résulté  aurait  été  pro- 
duit par  1000  vibrations  en  une  seconde,  car  le  pied  de 
roi  est  au  pied  métrique,  très  approximativement,  comme 
inoo  est  à  ioa5  ° ,  et  la  différence  d'environ  un  millième 
peut  être  négligée-  Ce  son  ,  à  1000  vibrations  par  seconde, 

{■)  Je  crois  que  le  palaritbmc  de  M.  le  baron  Coignard-de-lni'our 
indique  que  ce  son  est  produit  par  64  vibration)  au  lieu  lie  5a  ;  mais 
peu  importe,  quant  aux  couac  que  ni:  es ,  puisque  ce  sun  isl  alors  repré- 
senté par  son  octave. 


368 

pourrait  être  pris  pour  diapason  ou  régulateur;  main 
comme-  il  est  plus  grave  d'un  quart  de  Ion  que  l'ut  dé 
l'orgue,  et  que  celui-ci  est  d'environ  trois  quarts  de  ton 
plus  grave  que  celui  en  usage  dans  les  temps  modernes  , 
on  voit  qu'il  se  rapporterait  assez  au  de  nos  instrument 
actuels. 

Or,  puisque  le  si  \>  est  le  son  le  plus  grave  de  la  série  des 
quintes  justes  ascendantes  do  noire  gamme  chromatique, 
rien  n'empêche  de  le  prendre  pour  régulateur.  La  coïnci- 
dence d'un  nombre  millénaire  ,  d'une  mesure  métrique, 
et  d'une  unilé  de  temps  usuelle  ,  concourront  à  le  rendre 
désormais  inaltérable.  Le  sou  mi  (j,  s'il  était  considéré 
comme  la  quinte  renversée  de  ce  si  serait  un  son  à  666  ' 
vibrations,  produit  par  un  tube  d'un  demi-mètre  de  lon- 
gueur, et  son  octave  grave  donnée  par  le  tube  d'un  mètre, 
serait  un  son  à  333  j  vibrations  par  seconde. 

Notre  gamme  chromatique  serait  donc  composée  des 
sons  suivans,  représentés  en  nombres  de  vibrations,  sa- 
voir: 

o,       i,       a,        5,       4,       5,  6, 
56a      fioo,  65i-^,  675,  ?o3^,  760,  798  è, 
7-       «.      9>  la- 
«45 ï»  900,  739;,  '«on,  ioS44s.  "*5. 
On  voit  que  la  formation  de  notre  gamme  chromatique 
nous  couilnil  naturellement  à  une  dénomination  particu- 
lière pour  chacun  des  intervalles,  soit  consonnans ,  soit 
dissonani  des  sons  qui  la  composent,  tirée  du  raug  qu'y 
occupent  ces  mêmes  sons.  Comment,  en  effet,  ne  pas 
donner  un  nom  absolument  indépendant,  1"  À  tous  les 
sous  consonnans  avec  la  note  fondamentale  ou  tonique 
j  £ ,  savoir  les  intervalles  3,4.5,7,8,9,  que  d'après  la 
division  diatonique  il  faut  nommer  j  ™^ , 

se/,|™'^,  ta,  suivant  les  circonstances;  a"  Aux  inter- 
valles dissonnns  1,2,6,10,11,  qu'il  faut  nommer  dans 
ce  système  j  "'jj,  y.  ^^'rif'        :  cc  qui  entraîne  la 


Digitizod  by  Google 


36a 

distinction  entre  des  tierces,  des  six  les,  des  secondes,  des, 
septièmes  ,  majeures  on  mineures  ,  des  quartes  ,  des 
quintes,  diminuées  ou  superflues,  el  jusqu'à  des  secondes, 
des  sixtes  et  des  septièmes  superflues,  qui  n'auraient  pas 
dû  exister,  puisqu'elles  se  confondent  nécessairement  avec 
les  tierces  mineures,  les  septièmes  mineures  et  les  octaves. 

Nous  oserons  donc  proposer  de  revenir  à  cette  réforme 
générale,  jadis  indiquée  dans  la  manière  de  noter  la  mu- 
sique, et  qui  ia  rendrait  d  une  lecture  et  d'une  étude  in- 
comparablement plus  faeiles  par  la  suppression  absolue 
des  dièses  et  des  bémols.  Ou  sait  qu'elle  consiste  à  établir 
des  portées  à  six  lignes,  où  chacun  des  douze  intervalles 
chroma licj nés  trouve  sa  place  alternativement  sur  les  li- 
gnes et  sur  les  espaces  qui  les  séparent,  ainsi  qu'il  suit. 

lia  fallu  créer  les  nouveaux  noms  dé,  lié,  da,  ta,  di , 
pour  les  notes  qui  eu  manquaient. 


RÉPONSE  . 
k  une  QuranOR  qui  Boni  i  été  fiite  par  quelques-uns 

DE  NOS  ABONKÉS. 


Nous  nous  sommes  servi  quelquefois*  d'un  mot  généra- 
lement adopté  en  Allemagne,  mais  peu  connu  en  France  ; 
ce  mot  est  celui  d' /Esthétique.  Quelques-uns  de  nos  ahon- 
nés  nous  ont  fait  observer  qu'il  serait  utile  de  définir  les 
mots  peu  usités  dont  nous  avons  occasion  de  nous  scrv.îrî 
ét  lioùs  ont  demandé  ce  que  signifie  exactement  celui 

(1)  Notamment  dam  notre  article  mr  les  journaux  de  inoiique 
(  Vny.  la  Raue  Ibnnft,  n-  38). 

l' vot.  3a 


Digitizod  by  Google 


5;o 

d' /Esthétique.  Nous  nous  faisons  un  devoir  de  les  satis- 
faire. 

UJEstliêlique  est  exactement  la  philosophie  des  arts. 
Cette  science  ébauchée  vers  le  milieu  du  dix-huilième 
siècle  par  l'idéologue  allemand  A.  G.  Baumgarteu ,  a  pour 
objet  la  doctrine  du  beau,  du  sublime,  du  goût  et  du 
jugement  dans  les  arts.  Elle  se  divise ,  comme  la  logique  et 
la  métaphysique,  en  pure  et  appliquée.  V /Esthétique  pure 
est  celle  qui  considère  abstractivemeirt  les  idées  de  beau, 
de  sublime,  de  goût,  etc.  ;  on  la  nomme  Crimalologie  ccslhè- 
tique.  L'esthétique  appliquée,,  qu'on  désigne  par  le  nom  de 
Calléothecnie ,  embrasse  les  beaux-arts  en  général ,  et  leurs 
diverses  espèces,  quise  divisent  en  arts  toniques  (la  musique, 
la  poétique  et  la  rhétorique),  eu  arts  plastiques  (la  peinture, 
l'architecture,  la  calligraphie,  etc.),  et  eu  arts  mimiques 
(la  danse,  la  chorégraphie,  la  gymnastique,  etc.  ) 

L'idéologie  aestliétiqne  se  divise  aussi  en  doctrine  du 
beau  (Calléologie),  du  sublime  (Hypsicologie),  et  des  affini- 
tés eesthétiques  {Syngenciotogic),  comme,  par  exemple,  l'a- 
gréable, le  gracieux,  l'élégant,  le  magnitique,  le  colossal, 
le  majestueux,  l'étonnant,  le  pathétique,  le  sentimen- 
tal, etc.  1 

Telles  sont  les  branches  étendues  de  cette  science  plus 
on  moins  cultivée  par  les  théoriciens  allemands,  mais  qui 
est  peu  connue  parmi  nous. 


ANECDOTE. 

Tous  les  peuples  du  nord,  et  particulièrement  les  Scan- 
dinaves, ont  cultivé  la  musique  dans-  les  temps  les  plus 
reculés.  Les  Finlandais  ont  conservé  diverses  mélodies  qui 
leur  ont  été  transmises  d'dge  en  âge  depuis,  le  siècle  de 
Fingal  et  d'Ossian.  Telle  est  la  chanson  appelée  Huna, 
qu'on  joue  encore  sur  l'instrument  nommé  Harpa,  lequel 

[i)  Voyei  le  dictioDMire  de  musique  de  H.  Lichtenthal ,  tom.  i , 
p.  a63  et  364. 


Digitizod  b/ Google 


3,. 

n'est  qu'une  imitation  grossière  de  la  cithare  ancienne 
Mais,  par  suite  d'ovénemons  inconnus,  cet  art  était  tombé 
en  Suè'le  dans  un  tel  discrédit,  que  les  lois  en  défendaient 
l'usage,  et  que  les  musiciens  étaient  considérés  comme 
infâmes.  Il  était  même  permis  de  les  tuer  partout  où  l'on 
en  rencontrait;  le  meurtrier  était  seulement  tenu  de  don- 
ner auï  héritiers  du  mort  mu;  paire  de  souliers  neufs,  une 
paire  de  ganls,  et  nu  veau  île  trois  ans.  A  l'égard  de  cette 
dernière  parlie  de  l'indemnité,  l'héritier  n'y  avait  droit 
qu'après  s'être  soumis  à  une  épreuve  humiliante,  digne 
de  ces  temps  barbares.  Ou  enduisait  de  graisse  la  queue 
du  veau,  qu'on  menait  sur  le  haut  d'une  colline;  l'héritier 
prenait  celte  queue  dans  ses  mains,  le  meurtrier  frappait 
ensuite  le  veau  avec  un  fouet  et  le  forçait  a  s'enfuir.  Si 
l'hérititr  pouvait  le  reteuir,  l'animal  lui  appartenait;  mais 
si  la  queue  glissait  entre  ses  mains,  il  perdait  ses  droits  et 
restait  exposé  aux  railleries  des  assistans. 

Toutes  ces  horreurs  se  perpétuèrent  .jusqu'au  règne  de 
Gustave  Wasa  (élu  en  i5a5) ;  ce  prince  abolit  des  lois  et 
des  usages  si  ridiculement  féroces,  appela  à  sa  cour  des 
musiciens  étrangers,  eL  introduisit  en  Suède  l'art  de  la 
danse,  qui  y  était  inconnu  auparavant.  [  Voyez  l'Histoire 
de  Gustave  Wasa,  par  Archenhnlz.  Tubinge,  1801,  tome  i, 
page  il  3,  et  tome  h,  page  agft.  )'  i      •■  •- 

NOUVELLES  DE  PARIS: 

Vendredi 9  novembre,- on.  a,  repris  à  l'Opéra  le»  repré- 
sentations AeMoise,  qui  avaient  été  interrompues.  ]icudant 
quelque  temps;  l'eiécutiou  a  été  trps.  salisfaijçante.  Adol- 
phe Nourrit,  Dabadiç(Levassuijr  etiW"  Cï»ti  ,sb .sont  diou: 
très  digues  de  ce  bel  ouvrage,  .v  ,        _  Sm./;  A ,_.  ..  ( 

cinq  rortfes  de  métal,  quirfonr  accordées  en  la  mineur,  tùn  que  les  peu- 
ples du  nord  »flectionoeol.  Onle  joue  d'une-. seule  maia  coqirne  la  lyre 
uliqnc. 


5;. 

Les  répétitions  de  la  Muette  de  Portici  (Marzaniello)  ont 
commcucÉ;  on  parle  Je  la  musique  de  M.  Auhcr  avec 
beaucoup  d'éloges.  Espérons  que  nousjouirons  bientôt  do 

—  Les  répétitions  du  Colporteur  se  poursuivent  avec  ac- 
tivité au  théâtre  de  l'Opéra-Comique.  Cet  ouvrage  sera 
vraisemblablement  joué  vers  le  a5  de  ce  mois.  Ce  qu'en  a 
entendu  de  la  pièce  et  de  la  musique  l'ait  espérer  un  suc- 
cès éclatatit.  '   ■  ' 

— V Amant  et  le  Mari,  opéra -comique  en  deux  actes,  pa- 
roles de  MM.  de  Jouy  etllogcr,  musique  de  ill.  Fétis,  sera 
repris  samedi  prochain.  Cette  pièce,  qui  a  eu  plus  de  cent 
représentations  dans  la  nouveauté,  n'avait  pas  été  jouée 
depuis  pris  de  trois  ans.> 

.  — SI.  Sabasliani,.  virtuose  sur  la  clarinette,  solo  au 
théâtre  de  Saint-Charles  et  de  la  musique  particulière  du 
roi  de  Ha  pies,  est  arrivé  à  l'aris.  lise  propose  de  donner 
un  concert  et  de  se  faire  enleudre  en  public  plusieurs  fuis. 
On  assure  qu'il  est  d'une  habileté  remarquable  sur  son 
instrument.  ; 

—  Le  fameux  Pagauini,  qu'on  attendait  à  Paris  cet  hi- 
ver,, ne  viendra  pas  dans  celte  ville.  Il  est  maintenant  à 
Milan,  et  so  dispose  à  partir  pour  la  Russie,  en  passant  par 
l'Allemagne,  cl  s'arrélant  à  Vienne.  On  assure  qu'il  craint 
le  séjour  de  Paris;  il  a  tort.  Les  réputations  usurpées  s'é- 
vanouissent devant  le  publie  parisien;  mais  les  grands  ta- 
lens  y  mettent  le  sceau  à  leur  gloire.  ■ 

—  Le  jeudi  22  de  ce  mois,  jour  de  la  Sainte-Cécile,  les 
élèves  de  l'Institution  royale  de  musique  religieuse  donne- 
ront un  premier  exercice,  où  ,  indépendamment  de;  plu- 
sieurs morceaux  non  encôre  exécuté*,  m'i  entendra  la 
belle  ode  de  Dryden,  le  -Pouvoir  de  V Harmonie,  dédiée  à 
Sainle-Cécile,  et  l'un  des  chefs-d'œuvre  de  Haendel.  Cet 
exercice  aura  lieu  à  deux  heures  très  précices  après  midi , 
en  la  salle  de  l'Institution,  rue  de  Vaugirard,  n"  6y.  Les 
prix  des  places  sont  les  mêmes  que  Cannée  dernière. 

—  Le  au  de  ce  mois,  les  principaux  acteurs  des  divers 
théâtres  de  la  capitale  se  réuniront  pour  donner,  au  théâtre 


DigitizGd  t>y  Google 


S?3 

Feydeau,  une  représentation  au  bénéfice  de  H  net,  a  la- 
quelle cet  acleur  estimable  a  droit,  après  Vingt-cinq  ans 
de  service.  Elle  se  composera  du  Colporteur,  op.!ra  nou- 
veau en  trois  actes ,  des  deux  derniers  actes  de  Roméo  et 
Juliette,  tragédie  de  Shakespeare,  dans  laquelle  les  ac- 
teurs anglais,  et  notamment  mademoiselle  Smilhson  et 
Abbott  joueront  à  Paris  pour  la  dernière  foi»,  et  d'un  in- 
termède qui  ne  peut  manquer  de  piquer  la  curiosité  pu- 
blique. Quarante  un  acteurs  y  auront  un  rôle.  Dans  ce 
nombre,  on  compte  mademoiselle  Mars,  Monrose  et  Fir- 
min  du  théâtre  Français;  mademoiselle  Chili,  Adolphe 
Nourrit  et  Dabadie  de  POpéra;  Chollet,  Ponchard,  Va- 
lère,  Vizentinî,  Lemonnicr,  Lafcuillade,  Huet,  Féréol, 
Mesdames  Rigaut,  Pradher,  Prévost,  Ponchard,  et  tous 
les  autres  sociétaires  et  pensionnaires  de  t'Opéra-Comique  ; 
Chenard,  Lesage  et  tous  les  acteurs  retirés  du  même 
théâtre;  le  célèbre  violoniste  Lafont,  qui  parlera,  chan- 
tera et  jouera  du  violon ,  etc. ,  etc.  On  y  entendra  ,  dans 
un  concert  mû  en  action,  tous  les  premiers  chanteurs. 
MM.  Vogt,  Dacosla  et  d'autres  célèbres  artistes.  Enfin  les 
danseurs  de  l'Opéra  termineront  la  fête  par  un  ballet  où 
madame  Monlessu  jouera  la  dernière  scène  du  ta  Som- 
nambule. Peu  de  représentations  à  bénéfice  ont  offert  un 
ensemble  plus  attrayant.  Tout  Paris  voudra  assister  a 
celle-ci. 


NOUVELLES  ÉTRANGÈRES. 


Hil»h.  On  vient  de  représenter  au  théâtre  Alla  Satin 
un  opéra  nouveau  qui  a  pour  titre:  It  Pirata  (le  Pi- 
rate). Le  sujet  est  tiré  du  roman  de  W aller  Scott  qui 
porte  ce  nom.  La  musique  est  l'ouvrage  d'un  jeune  com- 
positeur napolitain  nommé  Beitini,  dont  nous  avons  déjà 
parlé  dans  la  Revue  Musicale.  Ce  jeune  homme  parait  être 
né  pour  se  faire  un  nom,  remarquable.  Sou  chant  se  rap- 


3?4 

proche  de  la  simplicité  de  l'ancienne  école ,  et  sa  manière 
n'est  point  une  imitation  de  celle  de  Ross i ni  :  ces  deux 
points  sont  déjà  de  favorable  augure.  Toutefois  ils  ne  suf- 
fisent point.  Pour  se  faire  un  nom,  il  faut  avoir  un  style 
particulier,  de  l'invention  ,  de  la  chaleur,  de  l'effet  enfin. 
On  ne  dit  pas  si  l'on  trouve  ces  qualités  dans  les  produc- 
tions de  M.  Bellini  :  mais  il  est  peu  vraisemblable  qu'elles 
y  soient ,  ce  compositeur  étant  encore  dans  une  extrême 
jeunesse.  De  quelque  talent  naturel  qu'on  soit  doué,  on 
commence  par  être  imitateur.  Mozart,  Bcethowen  ,  Ros- 
siui  l'ont  été  dans  leurs  premiers  ouvrages.  Le  premier  ne 
se  montre  que  le  copiste  de  Basse  dans  ses  partitions  de 
Mitridate,  de  Lucio  Sitlaet  d'il  lté  pastore  ;  il  est  évident  que 
Beethowcn  se  proposait  Mozart  pour  modèle  dans  ses  pre- 
miers quatuors  et  dans  ses  promières  sonates,  et  l'auda- 
cieux Rossini  lui-même  ne  sortait  pas  de  la  manière  de 
ses  prédécesseurs  dans  sa  Cambiale,  di  Malrimonio,  et  dans 
sa  Scata  di  sela.  Il  faut  essayer  ses  forces  d'abord,. acqué- 
rir l'habitude  des  procédés  de  l'art,  et  surtout  pressentir 
l'opinion  publique.  Peu  à  peu  la  confiance  vient;  avejc 
elle  nait  l'audace,  et  celle-ci  crée  les  innovations.  Au 
reste  ce  qu'on  dit  de  la  musique  d'il  Pirata  doit  nous  en 
donner  une  bonne  opinion  :  on  y  trouve,  dit-on  ,  simpli- 
cité, grâce,  énergie  et  passion.  C'est  beaucoup.  Ainsi 

L'ouvrage  a  obtenu  le  plus  grand  succès.  Tous  les  soirs 
l'auteur  et  les  acteurs  principaux  sont  redemandés  par  le 
public.  Madame  Méric-Lalande  et  Rubini  s'y  sont  distin- 
gués, et  ont  reçu  beaucoup  d'applaudissemens. 

—  On  annonce,  comme  devant  paraître  sous  peu  de 
temps,  le  livre  posthume  du  célèbre  compositeur  G.  M.  de 
Weber  qui  a  pour  titre  Kiinsterleben  (la  Vie  d'Artiste). 
Quelques  biographes  ont  indiqué  cet  ouvrage  comme  un 
roman  musical;  mais  il  paraît  certain  que  c'est  une  bio- 
graphie de  l'auteur,  avec  des  notes  très  étendues  sur  la 
musique,  sur  les  artistes  les  plus  célèbres  et  sur  leurs 
compositions.  Un  pareil  livre  ne  peut  manquer  d'exciter 
la  ciiriosilé  publique.  La  naïveté  qui  faisait  le  fonds  du  ca- 


Diaitizcd  by  Google 


-  5;5 

tactère  île  ce  grand  musicien ,  ses  idées  pittoresques  et  sa 
mélancolie  habituelle,  doivent  préler  du  charme  à  son 
style  et  rendre  piquant  le  récit  des  événemens  de  sa  vie. 
Ses  opinions  en  musique,  exprimées  par  lui-même,  pré- 
sentent aussi  beaucoup  d'intérêt.  Nous  nous  empresserons 
de  nous  procurer  ce  livre  après  sa  publication,  et  d'en 
donner  des  extraits  dans  ta  Revue  musicale. 

GALERIE 
ïScs  ffinîtewns  ctîifires, 

COMPOSITEURS  ,  en ASWrjlS  El  IN  STUC  ME  BUSTE  8  , 
Contenant  leur»  portraits  lilhographiés  par  tes  meilleurs  artiste , 
des. /oc  limite ,  et  leurs  biographies, 
Par  F.  S.  Fini. 


Nous  ne  craignons  pas  d'être  démentis  en  déclarant  que 
l'ouvrage  que  nous  annonçons  est  le  plus  beau  monument 
qui  ait  été  élevé  à  la  gloire  des  grands  artistes  qui  ont  il' 

(t)  A  Paris,  du-/,  les  Éditais,  quai  Voltaire, n°  ai,  diei  l'.tisoa, 
rue  Bleue  ,  n"  4,  Gamum  Ponuu,  rue  Sainl.IIonnrè ,  n-  i(o,  S*ew, 
lut  et  Cie,  place  de  la  Bourse ,  et  Lakolob* ,  imprimeur  lithographe , 
roe  de  l'Abbaye  n'  4-  A  Bruiellcs ,  S«b.  Avmioet  Cie. ,  rue  de  U  Mag- 
delcine,  n°  397. . 

La  Galerie  des  Musiciens  célèbres  esl  publiée  par  livraisons  qui  con- 
tiennent quatre  portraits,  format  grand  in-fplin  ïfom-de  Jésus,  avec  un 
ou  deui  fac-similé,  et  trois  feuilles  de  teile  imprime  en  caractères  de 
Didot. 

L'ouvrage  entier  le  composera  de  trente  livraisons.  11  erj  paraîtra  au 
moins  huit  par  an,  et  au  plui  doua. 

La  première  livraison  a  paru  le  1er  novembre  1837. 

Le  prii  de  chaque  livraison  est  rué  à  îafr.  Les  eiemplaires  sur  papier 
de  Cliinc  se  paieront  10  fr. 

On  ne  paie  tien  d'avance. 

Il  suffit,  pour  être  compté  comme  souscripteur,  de  se  faire  inscrire  a 
l'une  des  adresses  ci-dessus,  ou  chez  les  principaux  libraires,  marchands 
d'estampes  et  de  musique  des  principales  villes  de  France  et  de 
l'étranger. 


lvjslrù  l'ar\  musical,  ou  plutôt  qu'il  n'existe  rien  qu'on 
puisse  lui  comparer.  Son  plan ,  comme  loules  les  parties 
de  son  exécution  ,  nous  semblent  le  remire  digne  de  son 
objet.  Nous  croyons  devoir  entrer  daua  quelques  détails  à 
cet  égard.  / 

Plusieurs  recueils  de  portraits  d'artistes,  et  particuliè- 
rement de  musiciens ,  existent  ;  maïs  ceux  qui  les  ont  pu- 
bliés se  sont  bornés  a  une  nation,  ou  à  une  époque.  Tels 
sont  te  Parnasse  Français,  de  Tilon  du  Tillct,  où  l'on 
trouve  les  portraits  et  les  notices  abrégées  Ue  quelques 
musiciens  de  l'école  française.  Le  volume  qui  contient  les 
portraits  et  les  biographies  des  compositeurs  et  dus  chan- 
teurs napolitains,  dans  l'ouvrage  qui  a  pour  titre:  Biogra- 
phie degti  aomini  ittusirt  det  régna  di  Nàpoli,  ernata  deî  toro 
rtspettivi  riiratti  {Naples,  1819,  in-41),  et  la  collection  de 
portraits  de  musiciens  italiens  publiés  à  Milan.  Mais  le 
premier  de  ces  recueils  3  le  défaut  de  ne  contenir  qu'un 
petit  nombre  de  portraits  et  des  notices  inexates;  le  se- 
cond, borné  aux  musiciens  du -royaume  de  Naplcs ,  n'of- 
fre que  des  portraits  d'une  exécution  pire  que  médiocre, 
et  des  notices  incomplètes  ou  fautives;  enfin  le  troisième, 
dépourvu  de  texte,  ne  renferme  que  des  portraits  d'une 
petile  dimention  qui  n'offrent  à-peu-près  que  le  trait. 

La  Gâterie  des  Musiciens  célèbres  est  conçue  sur  un  plan 
plus  étendu.  Elle  embrasse  toutes  les  époques,  toutes  lus 
nations  et  tous  les  genres.  Là ,  Rameau ,  Lullï .  Searlalti , 
Carissimi,  Bach,  Mozart,  Haydn,  Méhul,  Grétry.  Gluck, 
Rossîiii,  Palestrina,  Handel,  Somclli  ,  l'ergolesc  ,  Gheru- 
bioi,  Jioïckticu,  Beethoven,  Weber,  Mayerbecr,  Clemcnti, 
Dusset, "Crâmer,  Steibell,  Kalkbrcnner,  Uerz,  Laillot, 
Viotti,  Rode,  Pagauîni,  Corelli,  Tartini,  Pugnani,  Benrla, 
Spohr,  Garât,  Guadagni,  Marchesi,  Gresceulini,  Itaff,  Vj- 
ganoni,  Braham,  Fuusliua,  Gabricll! ,  Saînt-Huhcrti ,  le 
père  Martini,  Matlci,  Marpurg,  Kiruberger,  Fortcl,  et  une 
foule  d'autres  compositeurs,  chanteurs,  instrumentistes 
et  théoriciens  célèbres  se  trouveront  réunis  et  jugés  avec 
impartialité,  quelque  soit  l'école,  le  temps  et  la  nation 
auxquels  ils  appartiennent.  Dans  le  but  de  soutenir  l'in- 


3j? 

térét  que  celte  publication  doit  inspirer  à  Ions  les  profes- 
scurs  et  amateurs  de  musique,  on  placera  dans  chaque 
livraison  un  compositeur  allemand  ou  italien  cl  nn  com- 
positeur français,  nu  chanteur  et  un  instrumentiste ,  ou 
deux  instrumentiste!  appartenant  à  des  genres  différents. 
Des  tables,  qui  seront  publiées  à  la  fin  de  l'ouvrage,  coor- 
donneront la  collection  sous  trois  aspeots  différents  :  i°  par 
ordre  de  genre;  a°  par  ordre  chronologique;  51  par  ordre 
de  nations.  Une  préface  générale,  et  des  litres  pour  la 
division  des  volumes,  seront  fournis,  et  compléteront 
l'ensemble  de  celle  belle  iconographie. 

Le  talent  de  MM.  Maurin,  Mauzaise  et  Grève-don  est 
assez  connu  pour  n'avoir  pas  besoin  d'éloges;  c'est  à  leurs 
soins  que  .sont  confiés  les  portraits  de  la  Galerie  des  Mu- 
siciens célèbres.  Les  portraits  de  la  première  livraison  peu- 
vent donner  une  idée  de  ce  qu'on  doit  attendre  d'eux 
pour  la  suite.  Cette  livraison  qui  contient  Gluck,  Viotli  , 
Méhul  et  Garât  a  excité  l'admiration  générale.  Jamais  la 
lithographie,  si  supérieure  à  la  gravure  pour  le  porlrait, 
ne  s'est  élevée  plus  haut.  Au  mérite  d'une  ressemblance 
parfaite  se  joint  celui  d'un  crayon  spirituel  et  plein  d'effet. 
La  dimcnlion  est  grande,  et  telle  qu'il  convenait  qu'elle 
fut  pour  le  papier  qu'on  a  choisi,  c'est-à-dire  la  demi- 
feuille  de  grand  papier  vélin  N  om-de~  Jésus. 

11  ne  nous  appartient  pas  de  parler  du  mérite  des  no- 
tices biographiques  qui  accompagnent  les  portraits  ;  mais 
il  est  un  point  sur  lequel  nous  croyons  pouvoir  insister  : 
c'est  l'exactitude  des  faits,  et  l'impartialité  des  jugemens. 
Ondoit  des  égards  aux  vivans;  ou  ne  doit  aux -morts  que 
ia  vérité,  a  dit  Voltaire  :  l'auteur  de  la  Galerie  des  Musi- 
ciens célèliresa  cru  qu'on  devait  la  vérité  à  tout  le  monde, 
et  il  l'a  dit  avec  des  formes  qui  conviennent  en  parlant 
d'hommes  du  premier  ordre ,  chacun  dans  leur  genre. 

Les  fac-similé  ajoutent  à  l'intérêt  de  celte  collection. 
Pour  les  gens  du  monde  ,  cet  intérêt  n'est  que  celui  de  la 
curiosilé  salisfaile  :  pour  les  artistes ,  il  va  plus  loin.  La 
vue  d'une  page  du  parlilion  autographe  (l'un  grand  com- 
positeur enseigne  plus  de  choses  sur  son  savoir,  sur  sa  cc'r- 


titude  des  combinaisons  harmoniques  et  <Ies  effets,  queue 
pourrait  le  fai^e  beaucoup  de  détails  historiques.  On  sera 
fort  étonné  de  voir  dans  ceux  des  musiciens  qu'on  croit 
avoir  travaillé  facilement,  parce  qu'ils  ont  un  style  incor- 
rect et  lâche ,  des  talonnemens  et  une  timidité  puérile , 
tandis  que  d'autres,  qu'on  appelle  des  calculateurs  et 
des  musiciens  savans ,  jettent  leurs  idées  au  premier 
coup,  avec  tout  l'orchestre,  librement  et  rapidement. 

La  beauté  de  l'exécution  typographique  complète  tout 
ce  qu'on  pouvait  désirer  du  perfection  dans  la  Galerie  des 
Musiciens  célèbres  ;  les  soins  qu'ya  apporté  M.  Duverger, 
jeune  imprimeur  d'un  grand  mérite,  en  ont  fait  un  ou- 
vrage digne  des  presses  de  Didot  et  des  autres  eélèbres  ty- 
pographes. Enfin  il  nous  semble  que  rien  n'a  été  négligé 
pour  faire  de  celte  intéressante  collection  un  ouvrage  de 
luxe,  en  même  temps  qu'un  ouvrage  utile. 


PUBLICATIONS  D'OUVRAGES  CLASSIQUES. 

Le  Messie,  oratorio  eu  grande  partition  avec  paroles  fran- 
çaises et  anglaises,  musique  de  Hâïndel,  accompagne- 
ment de  piano,  et  harmonie  en  petites  notes,  par  V, 
Gasse.i"  et  a*  parties  in-folio. 

Paris,  F.  Gasse,  rue  des  Fi  Iles-Sain  l-Th  ornas,  vis-à-vis 
celle  des  Colonnes,  et  Slarquerie  frères,  rue  Saint-Ho- 
boré,  n"  .'i'i. 

Un  siècle  s'est  écoulé  depuis  que  Hœudcl  a  composé 
ses  oratorios;  néanmoins,  à  l'exception  de  quelques  ar- 
tistes et  d'un  pelit  nombre  d'amateurs,  personne  ne  con- 
naissait en  France  ces  admirables  productions  d'un  talent 
colossal.  Le  nom  de  l'auteur  du  Messie,  des  Machabèes, 
d'Athalie,  des  Fêtes  d'Alexandre,  et  de  tant  d'antres  chefs- 
d'œuvre,  n'était  parvenu  jusqu'au  public  français  que  par 
tradition,  et  comme  un  de  ces  noms  historiques  qu'on 
connaît,  mais  sans  avoir  sur  les  personnages  auxquels  ils 
appartenaient  aucune  idée  précise,  sans  savoir  dans  quel 
temps  ils  vécurent,  ni  quels  fureul  leurs  travaux.  1,'Alle- 


379 

magne  même  n'était  pas  sans  reproche  à  cet  égard  ;  au- 
cune édition  de  ses  œuvres  immortelles  n'y  avait  été  pu- 
bliée; le  Messie  seul  avait  été  tiré  de  l'oubli  par  le' soin  que 
Mozart  avait  pris  d'ajouter  des  parties  d'instrumcns  à  vent 
dans  la  partition- originale. 

La  patrie  de  Hscndcl  abjure  enfin  une  indifférence 
coupable  :  les  éditions  des  ouvrages  de  ce  grand  artiste  s'y 
multiplient  depuis  quelques  années,  et  les  grandes  réu- 
nions musicales  qui  s'y  font  ont  souvent  pour  objet  de  les 
exécuter  avec  une  pompe  digne  d'eux.  Les  exercices  de 
l'Institution  de  musique  religieuse,  dirigée  par  M.  Choron, 
ont  commencé  à  les  naturaliser  parmi  nous;  une  émula- 
tion louable  s'empare  de  quelques  vrais  amis  de  l'art,  et 
nous  a  von  9  la  satisfaction  d'annoncer  des  publications  qui 
promettent  aux  vrais  amateurs  de  Paris  et  des  départe- 
mens  des  jouissances  qui  leur  sont  inconnues. 

Un  grand  obstacle  s'opposait  à  ce  que  les  oratorios  de 
Hœndel  fussent  connus  en  France,  savoir,  la  langue  an- 
glaise dans  laquelle  ils  sont  tous  écrits.  La  difficulté  de  tra- 
duire pour  la  musique;  le  peu  d'avantage  qu'il  y  a  pour 
les  traducteurs  dans  un  travail  ingrat,  et  l'incertitude  du 
succès  étaient  plus  qu'il  ne  fallait  pour  arrêter  le  zele  des 
plus  ardens  admirateurs  de  celte  belle  musique.  Les  pa- 
roles latines  du  Messie  qui  a  été  chanté  chez  M.  Choron 
sont  une  paraphrase  plu  tôt  qu'une  traduction.  Un  les  doit 
à  la  persévérance  de  MM.  Pernc  et  Adrien  qui,  s'ils  n'ont 
pas  triomphé  complètement  de  tous  les  obstacles,  ont  du 
moins  réussi  en  quelques  parités,  et  ont  mis  l'ouvrage  en 
état  d'être  entendu.  Cette  traduction  est  manuscrite. 

Les  difficultés  dont  nous  venons  de  parler  sont  bien  plus 
considérables  encore  s'il  s'agit  d'une  traduction  en  fran- 
çais, langue  qui,  comme  on  sait,  est  bien  loin  de  posséder 
la  concision  latine.  Ces  difficultés  sont  telles,  qu'il  parait 
à  peu  près  impossible  de  les  vaincre  entièrement.  Il  faut 
donc  se  contenter  de  ce  qui  n'est  bon  que  relativement, 
en  faveur  du  plaisir  que  la  musique  doit  procurer,  il  faut 
bien  l'avouer,  plusieurs  endroits  de  la  traduction  publiée 
par  M.  Casse  sont  loin  d'être  irréprochables;  mais  était- 


DigitizGd  t>y  Google 


5Sg 

il  possible  de  faire  mieux?  Il  est  permis  d'en  douter.  Ac- 
cueillons donc  le  résultai  des  efforts  d'un  professeur  zélé, 
et  sachons-lui  gré  de  son  courage. 

Sous  le  rapport  de  l'exécution  typographique,  il  n'y  a 
que  des  éloges  à  donner  à  l'édition  de  M.  Gasse,  et  l'on 
n'en  sera  pas  surpris,  quand  on  saura  qu'elle  est  due  aux 
soins  de  MM.  Marquerie  frères.  Déjà  nous  avons-annoncé1 
que  celle  partition  serait  digue  de  tout  ce  qui  sort  des 
mains  de  ces  graveurs  habiles;  les  deux  parties,  qui  ont 
paru  à  quelques  mois  de  distance,  ont  vérifié  nos  prédic- 
tions. L'ouvrage  est  maintenant  complet.  Nous  désirons 
qu'il  obtienne  assez  de  succès  dans  le  monde  pour  que 
les  éditeurs  soient  encouragés  à  suivre  leur  entreprise,  en 
publiant  les  autres  oratorios  de  Hœndel,  de  la  même  ma- 
nière. 

La  partition  du  Messie  esl  telle  qu'elle  est  sortie  des 
mains  de  Hœndel.  L'accompagnement  de  piano  que 
M.  Gasse  a  ajouté  pour  faciliter  l'exécution  aux  amateurs 
qui  n'ont  pas  l'habitude  de  lire  beaucoup  de  portées  à  la 
fois,  se  détache  du  resls  de  l'instrumentation.  Les  avis  se- 
ront partagés  sur  le  parti  qu'a  pris  l'éditeur  de  ne  donner 
que  l'orchestre  primitif,  sans  y  ajouter  les  parties  d'inslru- 
mens  à  vent  que  Moaart  y  a  ajustées  avec  un  goût  parfait. 
Nous  pensons  que,  sous  le  rapport  de  l'exécution,  ces  par- 
ties seraient  indispensables  de  nos  jours,  parce  que  l'habi- 
tude que  nous  avons  des  orchestres  bruyans  ne  nous  per- 
mettrait pas  de  goûter  un  simple  accompagnement  de 
violons,  de  violes  et  de  basses  ;  mais  nous  croyons  qu'il  est 
bon  ds  respecter  le  faire  d'un  grand  artiste,  et  de  présenter 
comme  études  ses  ouvrages  dépouillés  d'ornemens  étran- 
gers, quel  que  soit  d'ailleurs  le  mérite  qui  brille  dans  ces 
ornemens. 

Nous  invitons  tous  ceux  qui  aiment  le  vrai  beau,  le 
grand,  le  sublime,  à  faire  l'acquisition  de  la  partition  du 
Messie.  Les  amateurs  qui  se  réunissent  pour  exécuter  les 
productions  des  anciennes  écoles,  et  pour  les  soustraire  à 
l'oubli,  les  directeurs  de  concerts,  les  sociétés  philliarmo- 

[i)  Yojenla  Revue  Musicak ,  !.  i  ,  p.  liifi. 


DigitizGd  by  Google 


niques,  y  trouveront  des  airs  c!  des  chœurs  d'un  effet  ad- 
mirable. Ces  morceaux  ne  ressemblent  guère  à  ce  qu'on 
entend  aujourd'hui,  et  nos  gens  à  la  mode  ne  manqueront 
pas  de  leur  trouver  un  air  gothique;  mais  ce  golbïque 
durera  plus  long-temps  que  le  nouveau  que  nous  voyons 
éclorc. 


Il  Convito  d'Alessasdbo,  o  sia  l»  Fouza  dell'  ahnobià  (les. 
Fûtes  d'Alexandre,  ou  le  Triomphe  de  l'harmonie),  oda 
di  Dryden,  trailolla  in  tersi  ilatiani  da  S.  Pazzaclia,  nutsica 
ili  Hsudel,  con  accompagnamenio  di  pian-forle.  Prix  :  3lifr. 
Paris,  Carli,  boulevard  Montmartre,  n°  14,  et  PÎcyel, 
boulevard  Montmartre,  au  coin  de  ln  rue  Grange-Ba- 
telière. • 

Tout  le  inonde  connaît  la  belle  ode  de  Dryden  sur  le 
pouvoir  de  la  musique  ;  ce  morceau,  qui  est  célèbre  dan» 
la  poésie  anglaise,  a  été  traduit  plusieurs  fois  dans  toutes 
les  langues  de  l'Europe.  Les  images  en  sont  vives,  animées, 
variées  et  pleines  d'élévation.  Jamais  sujet  ne  fut  plus  fa- 
vorable aux  accens  de  la  musique.  Tiinothée,  assistant  au 
banquet  du  vainqueur  de  Darius,  cl  faisant  naître  à  sou 
gré  dans  l'âme  du  héros  des  émotions  de  tout  genre  par 
ses  chants  et  par  les  sons  de  sa  lyre,  ne  pouvait  manquer 
d'inspirer  aux  musiciens  de  génie  des  morceaux  d'un  ordre 
supérieur.  Plusieurs  compositeurs  ont  en  effet  produit  de 
beaux  ouvrages  sur  les  vers  de  Dryden;  mais  aucun  n'a 
été  inspiré  si  heureusement  que  Hœndel,  et  jamais  peut- 
être  lui-même  ne  s'est  élevé  à  ce  degré  de  sublime.  Que 
ceux  qui  prétendent  que  ce  grand  homme  ne  connaissait 
que  le  style  fugué,  ouvrent  cette  merveilleuse  partition, 
et  qu'ils  voient  s'ils  trouveront  dans  aucun  ouvrage  mo- 
derne  autant  de  variété  de  style,  autant  de  nouveauté; 
d'élévation,  et  même  de  dramatique.  Dans  ce  chef-d'oeu- 
vre, point  de  phrase  de  convention;  point  de  cabalette  qui 
se  reproduit  à  chaque  instant  ppur  laisser  reposer  le  génie 
fatigué  de  l'auteur.  Le  génie  de  celui-ci  est  du  petit  nom-  - 
bre  de  ceux  qui  ne  se  fatiguent  pas.  Après  avoir  illustré 


38a 

sa  carrière  par  cent  productions  admirables,  après  avoir 
traité  avec  un  égal  succès  l'opéra,  le  slyle  d'église,  l'ora- 
torio et  la  musique  instrumentale,  llaendel  jouissait  dans 
sa  vieillesse  d'une  force  de  tête,  d'une  richesse  d'inven- 
tion qui  faisait  trembler  ses  rivaux. 

Dans  Us  Fêtes  d' Alexandre,  il  a  réuni  tant  de  beautés, 
qu'en  cherchant  a  désigner  quelque  morceau  de  préfé- 
rence à  l'admiration  des  amateurs,  nous  éprouvons  le  plus 
grand  embarras.  Où  tout  est  beau,  l'on  ne  peut  choisir. 
Le  morceau  qu'on  préfère  dans  un  ouvrage  tel  que  celui- 
là  est  toujours  celui  qu'on  entend.  Les  exercices  de 
M.  Choron  feront  juger  si  les  éloges  que  nous  donnons  à 
celte'produclion  de  Rxndcl  sont  exagérés.  Espérons  que 
l'exemple  du  directeur  de  l'Institution  de  musique  reli- 
gieuse sera  imité  par  l'administration  de  l'Opéra  dans  les 
conccrls  spirituels,  et  qu'à  des  ouvrages  usés  et  sans  effet 
succéderont  ceux  de  oc  génie  colossal.  Nous  savons  que 
l'exécution  en  est  fort  difficile.  Ce  n'est  pas  avec  une  ou 
deux  répétitions  qu'on  peut  comprendre  ce  qui  est  néces- 
saire pour  qu'ils  produisent  leur  effet.  Il  fauten  saisir  l'es- 
prit, l'intention,  et  cela  demande  des  études  sérieuses. 
Les  chanteurs  qui  veulent  rendre  cette  musique  n'y  peu- 
vent apporter  le  mezza,  voce  de  la  musique  moderne;  elle 
exige  une  véritable  mise  de  voix,  une  véritable  vocalisa- 
tion, une  exécution  large ,  cl  non  les  jolies  petites  choses 
qu'on  nous  donne  habituellement.  Peut-être  se  tirera-t- 
on de  la  difficulté  eu  déclarant  que  celte  vieille  musique 
ne  vaut  pas  la  peine  d'être  étudiée,  comme  un  l'a  fait  cette 
année  à,  propos  des  chœurs  du  Messie.- 

On  ne  saurait  trop  louer  le  zélé  et  le  goût  de  l'amateur 
distingué  auquel  on  doil  l'édition  des  Files  d'Alexandre 
que  nous  annonçons.  Ce  digne  élève  de  Cresceutini,  qu'il 
ne  nous  est  pas  permis  de  nommer,  mais  que  les  initiés 
reconnaîtront  sans  peine  à  ces  indications,  n'a  rien  1167 
gligé  pour  que  cette  édition  fût  aussi  parfaite,  qu'il  était 
possible.  Au  texle  anglais,  il  a  substitué  une  bonne  iny? 
ductioo  italienne,,  qu'Hit  adaptée  à  la  wHisjjjue  ayee 
sfliu  extrême  et  de  la  manière  la  plus  heureuse,  L'indica- 


DigiiizGd  by  Google 


383 

lion  des  mouvemcDS  par  le  métronome  de  Maelzel  donne 
les  moyens  d'exécuter  les  morceaux  dans  leur  tradition 
exacte.  L'accompagnement  de  piano  est  fait  avec  soin,  et 
rend  autant  qu'il  est  possible  l'effet  de  l'orchestre.  Nous 
y  avons  trouvé  quelques  passages  difficiles  pour  des  ac- 
compagnateurs ordinaires,  mais  ils  étaient  inévitables 
pour  l'effet  de  l'harmonie. 


ANNONCES. 

Galopade  hongroise,  dansée  au  théâtre  de  la  Porle-Saint- 
Martin  dans  le  ballet  de  la  Neige,  par  M.  Mazurier  et 
M"*  Minii-Dupuis,  arrangée  pour  le  piano  par  Henri  Blan- 
chard. Prix  :  a  fr.  Paris,  A.  Petibon,  rue  du  Bac,  n'  5t. 

—  Le  Départ  de  Jeannette,  rondo  dédié  à  M™  Angelica 
Calalani,  par  J.  11.  Woets,  prix  :  3  fr.  ?5  c.  Même  adresse. 

Ce  morceau,  dont  la  coupe  est  originale,  est  avec  ac- 
compagnement de  piano  et  violoncelle  ad  libitum.  Quoique 
la  partie  de  violoncelle  ne  soit  pas  obligée,  elle  produit 
cependant  un  bon  effet. 

—  Trois  grands  quatuors  pour  cor  obligé,  violon,  alto  et 
basse,  par  SI.  Corret  jeune,  premier  cor  du  théâtre  de 
Rouen.  Paris,  Corret  aine,  marchand  de  musique,  rue  de 
POdéon,  n"  33. 

Les  artistes  qui  ont  exécuté  ou  entendu  ces  quatuors  en 
font  beaucoup  d'éloges. 

—  Duo  d  quatre  mains  pour  le  forté-piano  sur  la  romance 
de  Wallâce  :  Loin  du  tumulte  de  la  guerre,  musique/de' 
H.  Catel,  dédié  à  M1"-  Mary  et  Emma  Sullivan  par  G.  L. 
ïthein,  op.  q5,  prix  :  7  fr.  5o  c.  Chez  A.  Petit,  successeur 
de  M.  Ch.  Laffillé,  rue  Vivienne,  11°  6. 

': — Nocturne  et  variations  concertantes  pour  piano  et 
Violon  sur  la  prière  de  M  aise  An  Uossini,  dédié  à  SH  la 
marquise  Ducrest  par  L.  Ilhein;  op.  a6,  priî  :  7  fr.  5o  c.; 
Paris,  Troupcuas,  rue  de  Ménars,  n"  3.'  '  ' 

Les  composition*  de  M.  Mie  in  se  distinguent  ordinaire- 


584 

ment  par  l'énergie  et  «ne  certaine  élégance  (l'harmonie; 
ce  sont  aussi  ces  qualités  qu'on  remarque  dans  le  duo  à 
quatre  mains  que  nous  annonçons;  mais  nous  ferons  ob- 
server à  l'auteur  que  le  thème  qu'il  avait  choisi  aurait 
peut-être  demandé  plus  de  simplicité  et  d'abandon.  Nous 
ne  pouvons  rien  dire  du  nocturne  avec  variations  sur  la 
prière  de  Moise,  n'ayant  point  eu  l'occasion  de  l'entendre 
avec  l'accompagnement  de  violon,  'qui  est  obligé. 

—  M.  G.  Carulli,  cédant  aux  vœux  de  plusieurs  de  ses 
élèves,  se  propose  d'ouvrir  un  cours  de  musique  vocale 
dans  son  domicile,  rue  du  Helder,  n°  1 1,  où  il  enseignera 
l'art  difficile  d'exécuter  les  morceaux  d'ensemble,  depuis 
les  duos,  trios,  quatuors,  etc.,  jusqu'aux  chœurs. 

S'élanl  appliqué  pendant  plusieurs  années  à  perfec- 
tionner son  art  en  Italie,  véritable  pairie  du  chant,  il  s'ef- 
forcera de  transmettre  à  ses  élèves  les  bons  principes  qu'il 
a  puisés  dans  le  pays  qui  l'a  vu  naître. 

Le  nombre  borné  d'élèves  qu'il  admeltra  dans  ses  cours 
lui  permettra  d'y  démontrer  à  chacun,  comme  dans  une 
leçon  particulière,  l'art  de  respirer  à  propos,  de  phrascr 
le  chant  et  de  prononcer  l'italien. 

Les  amateurs  qui  n'ont  pas  encore  l'habitude  de  lire 
facilement  la  musique  peuvent  néanmoins  suivre  ces 
cours,  parce  que  le  professeur  aura  soin  do  placer  tou- 
jours à  côté  d'un  élève  faible  un  autre  plus  avancé  poul- 
ie guider. 

—  La  huitième  livraison  de  l'Echo  lyrique ,  nouveau 
journal  de  chant  faisant  suite  au  Journal  d  Etitcrpc,  vient 
de  paraître  chez  Pacini ,  boulevard  des  Italiens ,  n°  1 1 .  Le 
cahier  se  compose  d'un  nocturne  de  Field  à  deux  voix, 
^'linc  romance  de  M.  Gassc ,  et  d'un  air  de  la  Didone  ab- 
batidonataAe  Mercadanle  {Addio  fe/iti  sponde^. 

—  Danse  hongroise.  Nocturne  concertant  pour  flûte  et 
piano,  composé  par  A  Petibon.  Prix  (avec  une  jolie  li- 
thographie) :  6  fr.  „ 

(La  partie  de  piano  a  été  arrangée  par  M.  Karr).  Paris, 
Petibon,  rue  du  Bac,  n'  Si.  , '    ,  _ 


DiqiiizM  by  Google 


SLR  LA  SOLHISATION  ET  LE  SOLFÈGE. 


La  nécessité  d'exercer  les  voix  à  entonner  Jes  sons  avec 
justesse,  avant  <le  leur  enseigner  à  joindre  le  chant  à  la  pa- 
role, a  été  reconnue  par  tous  les  peuples,  et  même  par  ceux 
de  l'antiquité.  Mais  les  sons  acquérant  de  la  netteté  par 
l'articulation  de  la  langue  et  des  lèvres,  on  a  senti  en  même 
temps  le  besoin  de  se  servir  île  certaines  syllabes  dont  cha- 
cune est  adaptée  à  uu  son  déterminé.  Les  Grées,  qui  divi- 
saient leur  échelle  musicale  en  Tètraeordes,  c'est-à-dire  en 
suites  de  quatre  sons,  affectaient  au  premier  son  de  chaque 
tétracorde  la  syllabe  ta,  au  second  the,  au  troisième  lo  et  au 
quatrième  lé;  mais  si  celui-ci  devenait  eu  même  temps  le 
premier  son  du  tétracorde  suivant,  ils'appelait  ta*. 

Il  parait  que  chez  les  Romains  ces  exercices  de  la  voix 
se  faisaient  par  les  premières  lettres  de  l'alphabet.  Saint 
Grégoire,  en  établissant  sur  les  ruines  de  la  musique  an- 
tique les  règles  du  chant  ecclésiastique,  dans  le  sixième 
siècle,  conserva  les  lettres  romaines  comme  signes  dessons, 
et  l'usage  de  ces  lettres  se  conserva  jusqu'au  milieu  du 
neuvième  siècle,  ou  Hubald  de  Saint-Aniand  en  proposa 
d'autres  qui  paraissent  avoir  été  adoptés  dans  une  partie 
de  la  Gaule.  Mais,  en  1032,  Gui  d'Arezzo,  moine  de  l'ab- 
baye de  Pompose,  enlreprit  de  réformer  le  système  musi- 
cal, et  particulièrement  le  citant  ecclésiastique,  Son  but 
était  principalement  de  faciliter  l'étude  de  l'autiphonairc; 
il  crut  en  trouver  les  moyens  en  substituant,  aat  tètraeor- 
des anejens,  une  suite  de  six  sons  renfermés  dans  un 
intervalle  de  sixte  mineure  qu'il  appela  du  nom  i'heracarde. 
11  tira  le  nom  de  ces  six  sons  des  premières  syllabes  des 

(1)  Ce  changement  de  tétracorde  a  beaucoup  d'analogie  aTcc  les 
muanan  du  plain-chant  ;  car  quoique  Uni  d'Arciin  ait  baie  son  sys- 
tème sur  Vh&cacardc,  il  a  élé  obligé  de  rentier  par  ses  inuancis  dans  la 
totalisation  par  ttlracorde»,  toutes  les  fois  que  le  chant  sort  des  borne»  Je 
l'hexacoide. 

a'  vol.  55 


586 

vf.r<  du  l'hymne  île  saint  Jean  ,  qu'on  attribue  au  diacre 
Paul  d'Aimitëe,  el  dont  voici  le  commencement  : 

VT quant  Iaxis, 
REsanare  jibrU , 

Mira  gtttoram 
FAmulituorum, 
SOLve  poltuli 
LAbil  rcatum. 

Les  sons  de  l'hexacorde  s'appelèrent  donc  ut,  re,  mi,  fa, 
soi,  la.  Le  chant  par  ces  syllabes  prit  le  nom  de  salmisatio, 
mot  que  nous  avons  traduit  littéralement  par  celui  de  sai- 
misation.  Tout  le  secret  de  la  méthode  de  Gui  consistait  à 
se  servir  de  la  mémoire  de  ceux  auxquels  on  enseignait  la 
musique  par  cette  méthode,  en  leur  faisant  trouver  l'into- 
nation de  chaque  syllabe  par  le  souvenir  qu'ils  avaient  des 
sons  de  l'hymne  qui  y  correspondaient.  Pour  comprendre 
ceci  il  est  bon  de  savoir  que  le  chant  de  cette  hymne  monte 
d'un  degré  à  chacune  deH  syllabes  ut,  re,  mi,  etc,  et  que 
tout  le  monde  connaissait  ce  chant  parce  qu'il  éiait  alors 
considéré  comme  un  remède  efficace  contre  l'enrouement. 

Les  inconvénient  de  cette  échelle  musicale  bornée  ans 
six  sous  de  l'hcxacorde  sont  considérables;  je  lésai  exposés 
dans  une  explication  de  la  désignation  des  tons  en  Italie'. 
Quelques  auteurs  se  fondent  sur  ce  que  le  mot  d'hexacorde 
ne  se  trouve  point  dans  les  écrits  de  Gui,  et  sur  ce  que  ses 
successeurs,  tels  que  Beruon,  abbé  de  Saint-Gall,  Her- 
mamt,  surnommé  Contractas  parce  qu'il  était  contrefait,  et 
Guillaume,  abbé  du  monastère  d'Hirschau,  ne  parlent 
point  des  syllabes  ut,  re,  mi,  etc.  Jean  Cotton,  dont  on 
ignore  le  véritable  nom,  la  patrie,  et  même  l'époque  ou  il 
vécut,  est,  après  Gui,  le  plus  ancien  auteur  qui  en  ail 
parté.  Mais,  si  on  l'en  croit,  les  Anglais,  Ifis  Allemands  et  les 
Français  étaient  les  seuls  qui  s'en  servissent.  Il  prétend 
que  les  Italiens  avaient  adopté  d'autres  syllabes,  ce  qui 
serait  d'autant  plus  singulier  que  celles-là  avaient  pris 
naissance  en  Italie',  cl  que  c'est  dans  ce  pays  que  la  mé- 

(i)  Voyez  ta  Revue  musicale ,  loin,  a,  p.  4& 

Voici  le  pajsagi:  du  Imité  de  Jean  Cutton,  qui  se  rapporte  à  cette 
lingnlarilÉ  :  •  Sri  sunt  syllabe ,  quas  ad  opi»  nmiica;  asiumiinii»,  iti- 


□igitized  by  Google 


08; 

lliodu  de  solmisaiioQ  par  les  muances  s'est  conservée, 
taudis  qu'elle  a  élé  abandon  née  dans  tous  les  autres. 

Quoi  qu'il  en  soit,  lasolmisatiou  par  les  six  syllabes  de 
Gui  avait  introduit  dans  la  musique  de  grandes  difficultés, 
et  avait  constitué  la  tonalité  du  plain-chant ,  par  le  soin 
que  prenaient  les  compositeurs  d'an  tien»  es,  d'hymnes  ou 
de  graduels,  d'éviter,  autant  que  cela  se  pouvait,  de  sortir 
des  bornes  de  l'hexacorde. 

Lorsque  les  formes  du  chant  obligeaient  à  s'étendre  au- 
delà  de  ses  bornes,  il  fallait  avoirrecours  à  un  changement 
de  nom  des  notes  qu'on  appelait  muances.  Pour  comprendre 
ce  mécanisme  des  muances,  il  faut  savoir  que  l'extension 
totale  de  toutes  les  voix,  et  de  tous  tes  instrument  était 
originairement  comprise  dans  deux  octaves  et  cinq  notes, 

depuis  £)'     ^  jusqu'à  ^=3=  et  tpie  celte  extension 

était  divisée  en  sept  hexacordes,  comme  dans  la  table 

i,      Ut,  rè,  mil»,  «ol,  ta. 

T,.         Fa,  .01,  ta,  tep,  «t,  r.. 
«<,  re,  mi,    fa,  toi,  la. 

«(,'«,'  mi,  fa! sol',  la. 

5.  Ut,  ig,  mi,  fa.  sol,  la. 

6.  Fa,  H)t,  laT'i  1>.  ™- 
ut,   re,  mi,  fa,  tôt,  la. 

ut,  re,  mi,  fa,  tel,  la. 
Ces  hexacordes  étaient  divisés  en  durs,  mois  et  naturels. 
Celui  qui  s'étendait  de  sol  à  nu  s'appelait  hexacorde  dur  parce 
qu'il  contenait  le  t]  à  la  troisième  note;  celui  de  fa-re  se 
nommait  hexaconle  moi,  parce  qu'il  avait  le  jj  an  si;  enfin 

•  Feras  cjuidem  apud  diiersos  ;  verum  Angli ,  Franeigenx ,  Alemauni 
«  utunlur  ut,  re,  mi ,  fa,  toi,  la.  Itali  lutcm  alias  lialuml  ;  tjuas  qui 

•  nosse  desideraot  slipulcDlur  ab  ïpsis.  •  (  loin.  Cottonli ,  Tract,  da 
nuuien,  c.  î,  apud  Gerberto ,  t.  i,  p.  i3a.  ; 


588 

i'hexncorde  tY'd-ln  s'appelait  ln\incoi-di:  naturel ,  parce  qu'il 
n'avait  aucun  de  ces  signes.  De  ià  1rs  expressions  en  usage 
lorsqu'on  employait  cette  méthode ,  chanter  par  bécarre ,  par 
bémol  ou  par  -nature,  selon  qu'on  se  servait  de  l'hexacordc 
sol-mi,  de  celui  fa-re  on  de  celui  Ut-la.  '  '  '" 

Si  l'on  ne  sortait  pas  des  bornes  de  l'hexacorde  dans  le- 
quel le  chant  se  trouvait ,  le  nom  des  notes  tic  changeait 
paa.  ■  ;        *  •'■  •  ■'  *  ■■ 

EXEMPLE  IlXSS  L'HEÏACC<RDE  SÀrUKEL:  ' 


i7T^— — — . 

sol  .ut  ri-  mi  fa  mi  la  sut  ni  fa  mi  re  ut 
niiiis  sî  le  chant  avait  une  extension  plus  grande  que  celle 
<Ic  l'hexacorde,  on  était  obligé  de  changer  le  nom  des  noies, 
el  ce  changement  n'appelait  niucnce  ou  mutation. 


-■y  -,  v  *  *  "  *  '-  "  "  '■  ■ 

On  conçoit  que  ce  genre  de  difficultés  s'est  excessive- 
ment compliqué  à  mesure  que  l'art  s'est  perfectionné  ,  et 
que  les  accidens  de  modulations  se  sont  multipliés.  Des 
musiciens  habiles  sentirent  lit  nécessité  d'apporter  un  re- 
mède à  une  méthode  si  vicieuse;  mais  il  est  difficile  de 
vaincre  l'habilude  et  la  routine  des  maîtres,  même  lors- 
qu'il s'agit  des  améliorations  les  plus  importantes;  aussi 
fallut-il  beaucoup  de  temps  pour  faire  adopter  uu  meil- 
leur système  de  sol  misa  lion. 


Digitizod  by  Google 


56y 

Eu  l547i  "il  musicien  Belge  ,  nommé  Huberl  W  a  ci- 
rant*,  tenta  de  réformer  l'échelle  musicale  et  la  solmisa- 
lion ,  en  ajoutant  une  septième  note  aux  sis  premières ,  et 
en  leur  donnant  les  noms  suivans  :  bo ,  ce ,  di ,  ga,  lo,ma, 
ni.  Cette  nouvelle  méthode ,  qu'on  appela  habitation,  ou 
bocedisation,  fut  adoptée  dans  quelques  écoles  des  Pays-Bas, 
et  prit ,  à  cause  de  cela ,  le  nom  de  sotmisation  beige.  Au 
moyen  de  cette  méthode,  le  nom  des  notes  ne  changeait 
jamais,  et  la  musique  devenait  beaucoup  moins  difficile  à 
enseigner  et  à  apprendre.  Néanmoins,  il  parait  que  l'u- 
sage s'en  était  peu  répandu,  car  plusieurs  musiciens  furent 
obligés  de  tenter  à  différentes  reprises  la  réforme  du 
système  des  heiacordes. 

Le  premier  qui  essaya  cette  réforme  en  Italie  fut  encore 
un  Belge;  il  se  nommait  Henri  Van  de  Putte  (en  latin 
Ericius  Puteanus)'*.  Hubert  Waelraiit  n'avait  introduit  sa 
méthode  dans  le  s. écoles  des  Pays-Bas  que  par  ses  leçons 
et  par  la  pratique  ;  mais  de  Putte  développa  son  système 
dans  un  ouvrage  qu'il  publia  sous  ce  titre  :  Modulata  Pat- 
las,  sive  septem  discrimina  vocum,  ad  harmonica  tection'ts  usum 
aptata  philoiogo  qaodam  filo  (Milan,  îSyo,,  in-8*)1.  De 

(i)  Hubert  Waelrant,  □'«dons  les  PflJS-Bta,  en  iSi;,  passa  en  Italie 
dans  sa  jeunesse ,  e(  y  appiit  la  musique  dans  l'école  d'Adrien  Willaerl, 
■on  compatriote.  De  retour  dans  su  patrie,  il  j  publia  des  chansons,  des 
madrigaux  et  des  napolitaines ,  à  5,  6  et  8  mil,  en  iS58,  et  dam  le» 
années  suivantes.  Plusieurs  éditions  da  ses  ouvrages  ont  été  faites  en 
Italie.  Il  est  mort  le  ig  novembre  i505,  a  l'âge  de  78  ans.  ' 

(a)  Henri  Van  de  Pulle,  que  les  biographes  français  appellent  Dupais, 
naquit  a  Venloo,  dans  la  Gueldrc,  le  4  novembre  liji-  Apres  avoir  Tait 
set  études  à  Dordrecht,  a  Cologne  et  a  Louvain  ,  tons  Juste  Lipse,  Use 
rendit  en  Italie,  et  fut  nommé  professenr  d'éloquence  latine  k  l'uni- 
versité de  Padoul,  en  1G01.  La  cliaire  de  belles-lettres  à  l'université  de 
Louvain  lui  ayant  tté  offerte  ,  il  saisit  cette  occasion  Je  se  rapprocher 
de  sa  famille  cl  de  son  povs.  L'archiduc  Albert  le  nomma  l'un  de  ses 
conseillers  ,  et  lui  confia  le  gouvernement  du  château  de  Louvain  ,  où  il 

[3]  Cet  ouvrage  est  divisé  en  vingt  chapitres:  Do  Putte  le  réduisit  à 
dii-sept  dans  lu  ..(-cLindc  ûiliiion  qu'il  pnblia  snus  le  titré  de  Mamtbena, 
«u  notarumhcptas,  ail  liarnwnkm  leclioait  novum  et  faciltm  ujum.  Franc- 
fort,  160s,  iu-ia.  C'est  dans  cette  forme  et  sous  ce  titre  qu'il  fut  inséré 
dans  le  deuxième  volume  des  œuvres  de  De  Putte  (pag.  109  —  107),  inli- 


DigitizM  By  Google 


l'ulte  y  propose  l'addition  d'une  septième  note  aux  six 
premières,  et  lui  donne  le  nom  de  bi.  Ce  qu'il  y  n  de  sin- 
gulier ,  c'est  que  le  vers  de  Virgile ,  dont  il  donne  un  frag- 
ment dans  le  titre  de  son  livre,  lui  semble  la  meilleure 
raison  pour  composer  la  gamme  de  sept  notes  :  de  pareilles 
puérilités  snnt  dans  l'esprit  du  siècle  où  il  écrivait. 

Zacconi,  dans  sa  Praiica  di  masica  (part.  II ,  lib.  i,  c,  10), 
donila  seconde  partie  a  été  imprimée  en  t6aa,  assure 
qu'un  Flamand,  nommé  Anselme ,  musicien  du  duc  de 
Bavière ,  avait  aussi  entrepris  de  compléter  la  gamme,  eu 
nommant  si  ta  soplième  notent  *  et  frôla  même  note  affectée 
d'un  bémol.  D'un  autre  côté,  Mersenne  [Quest.  inGenesim, 
p.  i6a3)  cite  Pierre  Maillard,  lequel  affirme  qu'un  Fla- 
mand anonyme  avait  proposé  l'addition  de  pareilles  syl- 
labes vers  i54j.  Il  est  impossible  de  savoir  maintenant  s'il 
s'agit  d'Anselme  ou  d'Hubert  Waelrant. 

La  bocédisalion  de  celui-ci  fut  introduite  en  Allemague 
au  commencement  du  dix- septième  siècle  par  Sethus 
Calwitz,  qui  publia  sur  ce  sujet  un  livre  intitulé  :  Musicie 
artis  prtscepta  nota  et  faciiiisima,  per  aeptem  voces  'musicales, 
quibus  ornnis  difficullas  ,  i/am  ex  ditersh  clavibus,  et  ex 
dhersis  mntilenarum  generibus ,  et  *tx  vocum  musicalium 
mutatione  oriri  potest,  tollitur.  Pro  incipienUbus  conscripta, 
Jena.  1612,  in-801.  Calwitz  y  proposait  l'admission  des 

lulé  Amanitatum  hamanarum  diatriba  XII,  operiim  omnium  ,  lamut  tc- 
rundtix,  Francfort,  ifilS,  in-ia. 

De  Puttc  avait  donné  précédemment  no  abrégé  de  suo  livre  ,  Bons  le 
titre  de  Pteint-muiita,  Veuille,  iGon,  in-ia,  dont  il  j  a  une  seconde  édi- 

hendil ,  ade/ariuimum,  V.  Ltât.  Septaticam.  Pair,  et  medicum  mediol. 
Francfort,  1601,  in- 13.  (H  paraît  mit  d'après  ce  titre  qu'il  y  avait  eu  uni: 
édition  de  la  M uaatbcna  antérieure  a  celle  de  1601).  Ou  trouve  cet 
abrégé  danales  amanit.  humanar.  p.  198  —  309.  C'eat  ito  entretien  de 
l'auteur  avec  Aruold-Catliius ,  l'un  de  lei  amis.  TWa/mrn  eut  le  nom 
d'une  maison  de  campagne  qu'ils  allaient  voir,  et  qui  aïait  apparlcou  a 

(1)  CalïiU,  astroouiue,  astrologue,  poète  et  chanteur  a  l'école  de 
Saim-'Fliumaadc  Leipsick,  néa  Grosehleben  en,Tluitingue,  le  ai  Février 
i5at>,  était  liU  d'un  simple  paysan.  Il  est  mort  a  LeipticL,  le  a3  no- 
vembre 1  (i  1  7. 


DigitizGd  t>y  Google 


59i 

syllabes  bo,  ce,  di,  ga,  lo,  *na.  ni  ;  mais  en  donnant  comme 
line  méthode  nouvelle  ce  qui  datait  de  plus  de  cinquante 
ans ,  il  cachait  le  nom  du  véritable  auteur  de  celte  mé- 
thode, qui  fut  attaquée  par  Daniel  HiUler 1  dans  un  livre 
intitulé  :  Muska  Nova.  Il  ;  n'est  pas  facile  de  comprendre 
l'avantage  que  cet  auteur  trouvai!  à  substituer  à  la  booé- 
disation  ,  ce  qu'il  appelle  la  bèbisation  de  la, M,  ce,  4e,  me, 
fe,ge;  car  ce  n'est  pas  le  nom  de  la  note  qui  importe,  main 
la  noie  elle-même.  ......  ■ -.  . 

Les  efforts  qui  avaient  été  faits  eu  Belgique,  en  Italie  et 
en  Allemagne  pour  améliorer  la  sol  misât  ion  «furent  imités 
en  Espagne,  en  i6ao,  par  un  moine  nommé  Pedro  de 
Vrena.  Ce  musicien  conserva  les  noms  des  six  premières 
notes,  tels  que  Gui  d'Arezzo  les  avait  établis,  et  se  contenta 
d'y  ajouter  la  septième  qu'il  nomma  ni.  Le  fameux  évéque 
de  Vigcvauo,  Carjmuel  de  Lobkowi[z,  qui  fut  successi- 
vement moine ,  .professeur  de  théologie  à  Alcaja,  ingé- 
nieur, abbé  de  Dissembourg,  ambassadeur  du  roi  d'Es- 
pagne à  la  cour  de  l'empereur  Ferdinand  III,  capitaine  de 
moines  enrégimentés  au  siège  de  Prague,  et  évèque  de 
Campagna,  dans  le  royaume  de  Naplcs,  adonné  un  exposé 
de  la  méthode  de  Pierre  d'Ureoa  dans  un  livre  qui  a  pour 
titre  :  Arle  nuevade  Mttsica  inventoria  a>mo  de  fioo  por  S.  Gre- 
goriano,  iktconasriado  anno  de  loaôpor  Guidon  Arelino,  res- 
tituida  à  i«  primera  perfection,  anno  1620,  por  Fr.  Pedro  de 
Vrena,  redaeiila  a  este  brève  compendio,  anno  iC44,  etc.,  Rome, 
1669,  iu-4*.        -  ■   i  . 

Enfin  ,  vers  le  milieu  du  dix-septième  siècle,  un  maître 
de  musique  français,  appelé  Jean  Lemairc,  essaya  d'in- 
troduire dans  son  pays,  la  solmisatïon  par  la^gamme  com- 
plète, et  nomma  si  la  septième  note  fc  .  et  sa,  la  même 
note  bémoliséc.  Son  système  fut  développé  par  lui  dans 
une  Méthode  facile  pour  apprendre  d  chanter  la  musique,  Paris, 
1666,  in-8°'.  C'est  cette  méthode  qui  a  prévalu  en  France, 

(1)  Daniel  Hitler  ,  prevot  de  Sluttgard ,  né  a  lleidenheim  dans  lu 
Wurtemberg  en  1576,011  mort  a  S  liai  bourg  en  l63S. 

(a)  Celte  édition  Ht  cilée  par  Brassard  ;  s'il  ne  te  trompe  point,  elle 
doit  Être  la  seconde ,  coi  Mcracnno  rite  l'ouvrage  de  Lemaire  dam  le 


39* 

quant  à  la  syllabe  «J  on  a  aussi  appelé  in  le  si  [j  pendant 
deux  siècles1.  On  nommait  communément  la  sol  misât  ion 
de  Lcmaire,  lagamme  dusi.    •■     '<  .    -V  '>'■    r:  ''  >■  •  '■  .-■< 

Si  la  soimisation  par  lu  sepl"syllabes  trouva  des  par- 
tisans en  grand  nombre,  elle  eut  aussi  d'intrépides  adver- 
saires; le  plus  ardent  fut  Bnltfttedt  ,  organiste,  à  Erfurt1. 
Il  défendit  avec  violence  le  système  des  hexacordes  ;  dans 
un  écrit  singulier  qui  a  pour  titre:  Ut,  re,  mi,  fd, 
sot,  la,  tola  Musica  et  liarmonia  œterna,  etc.-  (toute  la  musi- 
que et  l'harmonie  éternelle  contenue  dans  àt,  re,  mi, 
fa,  sol,  la,  etc.),  Erfurt,  a3  feuilles  in-4',  sans  date.  Se- 
lon lui,  la  soimisation  de  Gui  était  parfaite ,  et  devait 
survivre  aux  innovations  qu'on  voulait  lui  faire  subir. 
Mattheson  répondit  à  Buttstedl  aveé  sa  grossièreté  ordi- 
naire dans  son  livre  intitulé  Dos  berckiltzte  Orchestre,  etc. 
(l'Orchestre  protégé,  etc.),  Hambourg,  1717,  in-8". 

De  leur  côté,  les  Italiens  ont  toujours  résisté  aux  tenta- 
tives qu'on  a  faites  pour  leur  faire  abandonner  un  système 
de  soimisation  qui  de  tout  temps  a  été  défectueux,  niais  qui 
est  devenu  intolérable  dans  l'état  actuel  de  la  musique- Telle 
est  la  force  de  l'habitude  ,  que ,  bien  que  les  inconvéniens 
de  cette  méthode  aient  été  reconnus  et  avoués  par  tous  les 
grands  musiciens  de  l'Italie:  aucun  n'a  eu  assez  de  pou- 
voir ou  d'influence  pour  la  l'aire  abandonner.  Le  seul 
changement  qui  ait  été  fait  dans  ce  pays  à  la  syliabatiori 
de  Gui  d'Arezzo ,  est  la  substitution  de  do  à  at ,  substitu- 
tion dont  Doni  est  l'auteur1,  et  qui  date  de  1640*  r  ■  '  ■■ 

sixième  livre  de  ton  .Harmonie  universelle,  p.  54'  ;  or,  le  litre  de  Mce- 
»enoe  a  été  public  tu  i636. 

(>|  L'bistuirc  de  la  soimisation  a  été  donnée  arec  des  détails  inté- 
ressons dans  un  livre  d'Otbon  Gibelins  qui  a  pour-litre  i  /tuner,  jahch 
grfmdlleher  Btricht  non  den  Fueïbut  mui'iealibui,  darinn  gclianiiclt  ivird 
von  der  mmikatîicken  Syttabation,  oder  SolmimUon,  nann,  l'on  item,  und 
irai  End*dieMelhe  tr[undii,,.  clc.  [Notice  courte ,  niais  exacie ,  des  syL 
label  niulicales,  uii  l'on  (route  les  éjini|iii's  tli:  l'invriiliini  cli-  ia  iuluiisn- 
tion,  les  noms  des  inventeur» ,  etc.)  Brème,  iGigjinS". 

(!)  Jean  Henri  ttuitstedl,  né  à  Biudenleben,  prés  d'Erfurt,  en  1666, 
est  murt  dans  cette  ville  en  1737. 

(S)  Voyez  la  Renne  matieale ,  luni.  1,  p.  43o. 


5o3 

Les  Allemands  et  les  Anglais  ont  abandonné  toute  espèce 
de  sjllabation ,  ei  solfient  par  les  lettres  de  l'alphabet.  Ih 
seretrouventàpcu  près,  sous  ce  rapport ,  dans  la  situation 
des  musiciens  du  moyen  âge ,  après  la  réforme  do  Saint- 
Grégoire.  Leur  nomenclature  est  :  G  (ut),  D  {r«),  E  (mi), 
F(/fc),G(«0»MHB(WlO,etH(«-t|). 

Quelques  auteurs  ont  proposé  de  substituer  de  nouvelles 
syllabes  à  celles  ({ui  sont  maintenant  en  usage  ;  le  célèbre 
composileur  Graun,  entre  autres ,  a  essayé  de  faire  adop- 
ter ce  qu'il  appelait  la  Daménisation ,  c'est-à-dire  ,  la  suite 
des  syllabes  da,  me,  ni,  po,  tu,  ta,  lie,  sous  prétexte 
qu'ellessont  plus  harmonieuses  que  les  ancien  nés;  mais  une 
pareille  réforme  serait  maintenant  sans  objet ,  car  co  n'est 
pas  le  nom  de  la  note  qu'il  importe,  mais  l'existence  dp 
sept  syllabes  représentatives  des  sept  sons  qui  constituent 
notre  tonalité. 

Je  dois  à.  uu  des  abonnés  de  cette  Revue ,  l'article  suivant 
sur  les  diverses  méthodes  d'enseignement  du  solfège  et  du 
citant,  qui  me  semble  être  une  suite  naturelle  de  celui- 
ci.  Nul  n'était  plus  compétent  que  lui  pour  traiter  cet  ob- 
jet, sur  lequel  il  possède,  outre  des  connaissances  théo- 
riques très  profondes,  une  expérience  consommée. 

FETIS. 


DE  L'ENSEIGNEMENT  DE  LA.  MUSIQUE, 

f.T  ês  FjaVncr/MEH  de  celui  dd  solfège  et  du  chant; 

Réflexion!  sur  les  diverse»  méthodes  qui  ont  été  proposées 
pour  cet  objet. 


Le  solfège  ou  art  de  lire  la  musique  et  celui  de  la  notation 
musicale  ou  art  de  l'écrire,  qui  est  l'inverse  du  premier, 
sont  avec  raison  regardés  comme  des  parties  très  essen- 
tielles de  l'art;  car,  premièrement,  elles  servent  d'introduc- 
tion et  forment  un  préliminaire  indispensable  à  l'étude  de 
toutes  les  autres,  et  en  outre  elles  offrent  des  difficultés 
a*  vol.  34 


^94 

très  dignes  de  iixer  l'attention  des  professeurs.  C'est  donc 
également  avec  beaucoup  île  raison  que  depuis  plusieurs 
année!),  on  s'est  beaucoup  occupé  de  l'améliora liou  des 
méthodes  propres  à  leur  enseignement  ;  et  l'on  doit  re- 
gardé» comme  un  véritable  service  les.  perfection  ne  m  en  a 
qui  ont  pu  être  introduits  en  cette  partie,  puisqu'ils  ten- 
dent à  faciliter  l'accès  de  ia  science  et  à  propager  la  con- 

Si  l'on  on  croit  les  inventeurs  des  nouvelles  méthodes, 
ils- ont  la  plupart  obtenu  des  succès  très  brillons,  très  su- 
périeurs, et  surtout  beaucoup  plus  prompts  que  ceux  que 
l'on  obtenait  par  les  anciennes  méthodes;  cependant  ils 
né  sont  point  parvenus  à  détruire  l'estime  et  le  crédit  dont 
jouissaient  plusieurs  de  ces  dernières,  que  leurs  partisans 
assurent  être  demeurées  très  supérieures  aux  nouvelles, 
et  dans  la  comparaison  que  l'on  a  même  faite  de  celles-ci 
entre  elles,  on  est  encore  demeuré  incertain  sur  le  mérite 
de  chacune  d'elles  et  sur  le  choix  de  celle  à  laquelle  on 
devait  accorder  la  préférence. 

Cette  incertitude  et  ces  contradictions  n'ont  rien  qui 
nous  é:onne;  elles  nous  paraissent  une  conséquence  iné- 
vitable de  l'état  de  la  question  qui  nous  semble  posée  d'une 
manière  beaucoup  trop  générale,  aucune  méthode  ne 
pouvant,  selon  nous,  quel  qu'en  soit  le  mérite,  convenir 
en  toute  circonstance  ,  et  chacune  d'elles  devant  être  ap- 
propriée à  la  nature  et  au  but  do  l'enseignement. 

En  effet,  relativement  à  l'objet  dont  il  s'agit,  l'enseigne- 
ment doit  être  considéré  sous  deux  points  de  vue,  savoir  : 
quant  à  lu  quantité  et  quant  à  la  qualité  des  élèves. 

Quant  à  la  quantité  ou  au  nombre  des  élèves,  il  est  col- 
lectif ou  individuel  ;  collectif,  quand  il  est  appliqué  simul- 
tanément à  un  nombre  indéfini  d'élèves  le  plus  souvent 
d'un  degré  d'avancement  inégal  ;  individuel,  quand  il  s'a- 
dresse à  un  seul  ou  a  un  nombre  limité  d'élèves  d'un  même 
degré  d'avancement. 

Quant  à  la  qualité,  c'est-à-dire  quant  à  la  capacité**bu  à 
la  portée  des  élèves,  il  est  transcendant  ou  élémentaire; 
transcendant,  lorsqu'il  tend  il  faire  franchir  auxélèves  les 


395 

plus  haules  difficultés  ;  élémentaire,  quand  il  se  borne  à 
leur  comniuniijiter  les  notions  cl  le  degré  d'habileté  suffi  - 
sans  pour  l'usage  ordinaire,  distinction  qui  est  lu  plus  sou- 
vent inolivée  par  les  circonstances,  notamment  par  la 
condition  et  les  facultés  des  élèves  et  l'emploi  qu'ils  se 
proposent  défaire  de  leur  talent  musical.  Ainsi,  l'enseigne- 
ment transcendant  convient  généralement  aux  artistes  de 
profession  et  à  ceux  des  amateurs  en  qui  l'on  reconnaît 
une  organisation  supérieure  ;■  renseignement  élémen- 
taire, au  contraire,  suffit  au  plus  grand  nombre  des  ama- 
teurs, aux  individus  qui  ne  sont  point  destinés  à  faire  leur 
profession  de  la  musique,  ou  à  cette  classe  d'artistes  des- 
tinés par  la  faiblesse  de  leurs  moyens  a  occuper  les  der- 
niers rangs  de  la  profession  musicale. 

On  voit  d'après  cela  que  l'on  doit  admettre  quatre  gen- 
res ou  sortes  d'enseignement  musical. 

L'enseignement  collectif  transcendant  qui  convient  aux 
écoles  spéciales,  telles  que  conservatoires,  maîtrises  de 
cathédrales,  écoles  communales,  s'il  en  est,  des  plus  hauts 

L'enseignement  collectif  élémentaire,  suffisant  généra- 
lement pour  les  pensionnats  et  maisons  d'éducation  de 
l'un  et  l'autre  sexe,  pour  les  écoles  primaires  et  autres  éla- 
blissemens  du  même  genre. 

L'eijseigncment  individuel  transcendant  cl  l'enseigne- 
ment individuel  élémentaire,  dont  nous  avons  fait  connaî- 
tre précédemment  l'application  et  la  destination. 

Il  est  en  quelque  sorte  évident, -d'après  celte  division, 
que  les  mêmes  procédés  et  les  mêmes  méthodes  ne  peu- 
vent convenir  pour  les  quatre  genres  d'enseignement.  En 
effet  la  méthode  destinée  à  l'enseignement  élémentaire 
ne  doit  avoir  ni  la  même  étendue  ni  la  même  profondeur 
que  celle  qui  est  destinée  à  l'enseignement  transcendant; 
elle  doit  omettre  un  grand  nombre  d'objets  qui  excèdent 
la  portée  et  les  besoins  de  ceux  à  qui  elle  est  destinée,  et 
doit  présenterions  ceux  qu'elle  renferme  avec  une  gradua- 
tion et  dos  dévcloppcmens  qui  paraissent  trop  minutieux 
am  sujets  doués  d'une  organisation  supérieure.  La  nié- 


596 

thode  destinée  à  ces  derniers  doit,  au  contraire,  ne  rien 
laisser  à  désirer  pour  la  profondeur  et  l'étendue  ;  elle  ne 
doit  rien  omettre,  et,  tout  en  les  graduant  et  les  disposant 
d'une  manière  régulière,  elle  doit  accumuler  les  difficul- 
tés, de  sorte  que  l'élève  qui  les  aura  franchies  et  s'y  sera 
familiarisé  ne  puisse  plus  rien  rencontrer  qui  l'étonné. 
Elle  ne  peut  donc,  convenir  aux  élèves  destinés  à  recevoir 
l'enseignement  élémentaire. 

Ces  réflexions  s'appliquent  à  l'enseignement  collectif 
aussi  bien  qu'à  l'enseignement  individuel,  et  nous  remar- 
querons en  outre  qu'à  raison  de  la  différence  du  nombre 
des  élèves,  il  doit  exister  dans  la  forme  des  ouvrages  des- 
tinés à  chacun  de  ces  deux  genres  d'enseignement  des  dif- 
férences de  disposition  telles  que  celui  qui  est  approprié 
à  l'an  d'eux  doit  nécessairement  Cire  tout-à-fait  incom- 
mode pour  l'autre. 

En  résumé,  iousies  ouvrages  et  méthodes  composées  pour 
renseignement  doivent  donc  difTérer  autant  pour  le  fond 
que  pourla  forme,  selon  qu'ils  sont  relatifs  à  l'un  ou  à  l'autre 
des  quatre  genres  d'enseignement  que  nous  avons  précé- 
demment énumérés.  Le  sentiment  de  celte  vérité  a  do 
intérieurement  diriger  les  auteurs  des  divers  travaux  qui 
ont  été  entrepris  dans  celle  vue.  On  a  donc  lieu  de  s'élon- 
ner  que,  dans  les  jugemens  que  l'on  a  portés,  et  dans  ceux 
que  l'on  porte  encore  tous  les  jours  de  leurs  ouvrages,  on 
ait  perdu  de  vue  cette  première  considération.  La  plupart 
des  méthodes  modernes  ont  eu  évidemment  en  vue  l'en- 
seignement collectif;  il  ne  fallait  donc  pas  tes  comparer 
aux  méthodes  anciennes  qui,  a  leur  tour,  n'ont  eu  la  plu- 
part évidemment  pour  but  que  l'enseignement  individuel. 
Parmi  les  premières  comme  parmi  les  autres, quelques-unes 
oui  eu  en  vue  l'enseignement  transcendant,  d'autres  l'en- 
seignement élémentaire  :  il  fallait  observer  cette  distinc- 
tion. 

En  un  mot,  avant  de  porter  un  jugement,  il  fallait 
d'abord  reconnaître  et  établir  la  distinction  que  uous  avons 
exposée  des  dïversgenres d'enseignement; puisaprèsavoir 
déterminé  auquel  de  ces  genres  chaque  ouvrage  était  des- 


Digitizod  b/ Google 


397 

tiué,  examiner  s'il  possédait  les  qualités,  s'il  remplissait  les 
conditions  propres  à  leurfaire  atteindre  le  but  proposé.  Par 
là,  on  eût  évité  uu  rapprochement  absurde  entre  des  objets 
qui  n'étaient  point  susceptibles  de  comparaison,  et  les  ju- 
ge mens  ridicules  qui  devaient  être  la  conséquence  de  ces 
rapprochemens.  On  n'eût  pas  vu  des  personnes  et  des 
sociétés  même,  d'ailleurs  fort  respectables,  mais  tota- 
lement étrangères  à  notre  art,  placer  au-dessus  des  plus 
grands  maîtres  quelque  professeur  inconnu,  préférer  à 
leurs  savantes  leçons  le  barbouillage  d'un  écolier,  et  pro- 
clamer des  productions  ténébreuses  comme  des  titres  de 
célébrité. 

Les  méthodes  anciennes  ont,  comme  nous  l'avons  déjà 
dit,  la  plupart  pour  objet  l'enseignement  individuel  :  dans 
ce  genre,  le  recueil  connu  sous  le  nom  de  solfège  d'Italie, 
est  et  sera  à  perpétuité  l'ouvrage  le  plus  convenable  que 
l'on  puisse  employer  pour  l'enseignement  transcendant 
c'est  le  plus  propre  à  être  mis  entre  les  mains  d'un  élevé 
destiné  à  devenir  artiste  et  doué  d'une  organisation  supé- 
rieurs. Le  reproche  que  l'on  fait  à  cet  ouvrage  de  manquer 
d'ordre  dans  la  disposition  des  leçons,  et  de  ne  point  offrir 
assez  de  développement  pour  les  parties  élémentaires*,  eBl 
ici  sans  objet;  des  élèves  tels  que  ceux  auxquels  il  confient, 
n'ayant  pas  besoin  de  toutes  ces  sortes  de  ménagement;  en 
revanche,  la  beauté  de  ses  compositions,  lu  style  noble  ** 
sévère,  et  cependant  gracieux  de  ses  mélodies  ,  leur  beU° 
conduite,  la  riche  et  savante  harmonie  dont  elles  sont  poa"^ 
tenues,  sout  des  avantages  que  rien  ne  peut  coinpc«seC'  g 
qui  placent  à  jamais  cet  admirable  recueil  au  premief  raW° 
des  classiques  en  ce  genre.  On  peut  y  joindre  avec  aV*n. 
tage  les  solfèges  plus  modernes  d'Aptile,  de  Cwâeen*"^ 
de  Danzi  surtout,  et  quelques  autres  que  j'omet»  P 

DaSns  l'enseignement  individuel  élémentaire,  le  ■S°t^^[ 
de  Rodolphe  a  acquis  et  conserve  jusqu'à  ce  jour  une  »a 
méritée  à  plusieurs  égards;  mais  la  hauteur  à  laqueUe 
écrites  ses  leçons  les  rend  très  fatigantes  pour  le  pUtB  SrU  cfl 
nombre  des  élèves;  ou  doit  donc  approuver  lu  propre» 


DigitizGd  b/ Google 


396 

que  commencent  à  donner  plusieurs  professeurs  aux  sol- 
fèges île  M.  Félis  et  de  M-  Garandé,  qui,  avec  les  mêmes 
avantages,  portés  à  un  plus  haut  degré,  n'offrent  pas  le 
môme  inconvénient. 

Les  ouvrages  que  nous  venons  de  citer  seront  toujours 
précieux  pour  renseignement  individuel  de  l'un  ou  de 
l'autre  genre  ;  mais  il  ne  faut  pas  beaucoup  d'expérience 
pour  reconnaître  qu'ils  nu  sont  nullement  propres  à  ren- 
seignement collectif.  C'est  ce  dernier  genre  que  semblent 
avoir  eu  en  vue  la  plupart  des  m  él  h  odes  modernes,  qui, 
nous  devons  l'ajouter,  se  rapportent  presque  toutes  à  l'en- 
seignement collectif  élémentaire.  C'est  en  ce  sens  que  ri- 
valisent entre  elles  la  méthode  d'enseignement  mutuel  de 
M.  Wilhelm,  celle  de  AI.  Massimino,  celle  du  méloplaste, 
proposée  par  RI.  Galin  et  développée  par  ses  élèves,  MM. 
Jue,  Le  Moine  et  de  Geslin,  et  celle  de  la  lyre  harmonique 
de  M.  Pastou.  Notre  objet  n'est  point  ici  de  comparer  ces 
méthodes  entre  elles,  mais  seulement  de  faire  connaître 
la  cathégorie  à  laquelle  elles  appartiennent;  nous  la  h  son 
aux  personnes  intéressées  à  faire  un  choix  le  soin  d'eu 
faire  l'examen  et  la  comparaison. 

Une  seule  méthode,  la  première  eu  date  parmi  les  mé- 
thodes modernes,  paraît  avoir  eu  pour  but  exclusif  rensei- 
gnement collectif  transcendant  :  c'est  celle  que  M.  Choron 
a  publiée  sous  le  titre  de  Méthode  concertante  transcendante, 
et  qui  sert  de  base  a  renseignement  dans  l'établissement 
qu'il  dirige.  Cette  méthode  destinée  à  former  des  artistes 
offre  en  effet  une  graduation  remarquable  dans  ses  exer- 
cices, depuis  les  traits  les  plus  simples  jusqu'aux  difficultés 
les  plus  extraordinaires,  et  par  cela  même  elle  serait  tout- 
à-fait  déplacée  dans  un  enseignement  ordinaire,  ainsi  que 
M.  Choron  déclare  l'avoir  reconnu  lui-même  d'après  le 
raisonnement  et  d'après  sa  propre  expérience  ;  comme 
nous  croyons  aussi  que  les  méthodes  dont  nous  avons 
parlé  précédemment,  d'ailleurs  très  bien  appropriées  à 
leur  objet,  seraient  trop  lentes  et  Irop  peu  efficaces  pour 
uu  enseigne  meut  spécial. 

Noua  terminons  ici  ces  réflexions  dans  lesquelles  nous 


DigitizGd  t>y  Google 


^99 

n'avons  pas  eu,  comme  on  le  voit,  pour  objet  d'établir 
aucune  comparaison,  de  former  par  conséquent  an  héuè- 
fice  d'un  seul  des  jugemcns  également  injustes  et  ofTeu- 
sans  pour  les  autres,  pendant  qu'il  est  possible  d'accorder 
satisfaction  à  Ions  ou  du  moins  à  plusieurs.  Mais  ici  noire 
intention  a,  au  contraire,  été  de  faire  remarquer;  comme 
«lit  Montaigne,  en  quoi  différent  les  choses  qui  se  ressemblent, 
d'indiquer  l'ordre  qui  règne  entre  elles,  et  de  mettre  cha- 
cun à  portée  de  faire,  à  l'occasion  de  chacun  de  eus  objets, 
un  choix  et  un  usage  analogue  à  ses  besoins. 

Article,  communiqué. 


BIOGRAPHIE. 


Cerone  (  Dominique-Pierre ) .  prêtre,  lié  à  Bergamc  eu 
i366,  lit  ses  études  dans  cette  ville  et  y  apprit  la  musique. 
En  i5ga  il  se  rendit  eu  Espague,  où  il  devint  chapelain  de 
Philippe  II  etdeson  successeiir.il  nous  apprend  que  ce  fut 
dans  ce  pays  qu'il  conçut  le  plan  de  son  grand  ouvrage  mu- 
ta musique ,  intitulé  Et  Meiopco ,  qu'il  écrivit  en  espagnol  , 
mais  qui  ne  fut  publié  que  quelques  aimées  après  son  re- 
tour en  Italie.  Il  ne  quitta  l' Espagne  que  pour  se  rendre 
à  Naples,  où  il  fut  nommé  musicien  de  la  chapelle  royale. 
On  ignore  l'époque  de  sa  mort.  On  a  de  lui  :  I.  'Rrgole  pet- 
it canto  ferma,  Naples,  1G09.  II.  E/Mclopcoy  Maestro,  trac- 
tado  deMusica  theorïca  y  pratica ,  Naples,  ifii3,  iu-fol. ,  ou- 
vrage important,  dans  lequel  on  trouve  d'excellentes 
choses,  surtout  dans  les  livres  5*,  4'. et  5',  qui  traitent 
ilu  plain-chant,  u'jia*  i4"eti5',  relatifs  au  contrepoint, 
a  la  fugue  et  aux  canons ,  cl  enfin  dans  le  17',  qui 
explique  les  temps  ,  les  modes  et  les  prolatious.  Tout  ce 
qui  concerne  les  intervalles  y  est  clair  et  beaucoup  plus 
satisfaisant  que  ce  qu'on  en  avait  écrit  auparavant.  Il  est 
vrai  que  pour  découvrir  ce  qui  est  estimable  dans  ce  livre, 
il  faut  le  chercher  dans  un  fatras  d'inutilités,  écrites  d'un 
style  prolixe  et  fastidieux;  mais,  je  le  répèle,  si  l'on  a  ce 


Digitizod  b/  Google 


courage,  on  en  est  récompensé  par  l'instruction  solide 
qu'on  peut  y  puiser.  Au  mérite  réel  qui  le  distingue,  ce 
livre  ajoute  malheureusement  celui  de  la  rareté;  il  est 
si  difficile  (le  s'en  procurer  des  exemplaires,  que  le  P. 
Martini  en  avait  payé  un  100  sequius,  à  Naples,  où  il  fut 
publié.  Walther  (Musik.  lexic.)  dit  qu'il  fut  réimpriméà 
Anvers,  en  i5io.  Cette  édition  me  parait  supposée;  si  elle 
existe ,  elle  est  encore  plus  rare  que  la  première.  Cerone 
a  écrit  aussi  de  la  musique  d'église,  qui  n'a  point  été  pu- 
bliée. Il  dit  (Metopeo,  p.  197),  que  plusieurs  de  ses  com- 
positions ont  été  chantées  à  la  chapelle  royale  de  Madrid 
en  i5g6.  11  n'est  peut-être  pas  inutile  de  rapporter  ici  des 
faits  qui  peuvent  faire  douter  que  Cerone  soit  le  véritable 
auteur  du  Metopto.  D'abord ,  il  parait  peu  croyable  qu'un 
homme  qui  aurait  possédé  la  somme  de  connaissances 
musicales  répandues  dans  ce  livre , 'n'eût  été  qu'un  simple 
musicien  h  Naples,  dans  un  temps  où  l'école  napolitaine 
ne  comptait  que  des  maîtres  d'un  ordre  inférieur.  En  se- 
cond lieu ,  te  traité  de  plain-chant  publié  par  Cerone  cinq 
ans  avant  le  Metopeo  n'est  qu'une  œuvre  vulgaire ,  où  l'on 
ne  trouve  que  des  lieux  communs  répandus  dans  une  foule 
délivres  publiés  sur  la  même  matière,  plus  d'un  siècle 
auparavant;  ;  enfin,  et  ceci  parait  presque  décisif,  Zarlin 
nous  apprend  ,  en  divers  endroits  de  ses  écrits,  qu'il  avait 
composé  un  traité  général  sur  la  musique  intitulé  Melopeo 
0  Musico  Perfcllo;  voici  ce  qu'il  en  dit  à  la  fin  des  Soppti- 

menli  Musicali  (  page  35o  )  :  «         Havendo  parlato  hora  à 

«  sofficienza  deli'  ultima  parte  délie  cose  che  considéra  in 
•  universaleet  in  particolare  la  musica,  e  délia  ftlelopiea, 
11  un  altra  fiata  vederemo  quelle  cose  che  app  a  r  ta  1150110  al 

0  Mtlopeo,  0  Masico  Perfelto.  Laonde  rendendo  gratie  im- 

1  mortati  a  quelle  che  habita  col  suo  Figliulo  nostro  re- 
■1  dentore  et  cou  loSpirito  santo  céleste  Regno;  di  h  ave  r  mi 
"  concesso  lantagracia,  ch'  io  habbiaposto  inluce  queste 
«mie  fatiche,  oltra  gli  altri  doni  ricevuti  da  sua  Maes- 
«tà,  spero  che  di  nuovo  mi  sarà  da  lei  concesso  ch' 
«  ïo  potro  satisfarc  al  debito  ,  che  già  molto  tempo  hô 
«  contralto  coi:  cliiascheiluuo  slndioso,  poil  eu  do  in  luce 


Digitized  by  Google 


4oi 

«hormai  i  promess  i  venticinque  libri  De  tU  Muiica  , 
<•  fatti  in  lingua  latina  ;  con  quello  ch'io  nomioo 
tMelopeo,  6  Masico  perfetlo.  •  (Ayant  parlé  maintenant 
suffisamment  de  la  dernière  partie  des  choses  qui  concer- 
nent la  musique  et  la  mélopée ,  tant  en  particulier  qu'en 
général,  une  autre  fois  nous  considérerons  ce  qui  appar- 
tient au  mélopéisle,  ou  musicien  parfait.  Il  ne  me  reste  plus 
qu'à  rendre  des  actions  de  grâces  à  celui  qui  habite  dans 
le  royaume  céleste  avec  son  fils,  notre  rédempteur,  et  le 
Saint-Esprit,  pour  m'avoir  permis  de  mettre  au  jour  le 
fruit  de  mes  travaux,  outre  les  autres  dons  que  j'ai  reçus 
de  lui.  J'espère  qu'il  m'accordera  de  nouveau  de  satisfaire 
à  l'engagement  que  j'ai  pris  depuis  long-temps  envers  les 
hommes  studieux,  en  publiant  les  vingt-cinq  livres  que 
j'ai  promis  du  traité  de  Re  musica,  faits  eu  langue  latine, 
avec  celui  que  je  nomme  Mttopeo  o  Musico  perfetto.)  Or,  ce 
grand  travail  de  Zarlin  n'a  point  été  publié  pendant  sa  vie, 
et  le  manuscrit  ne  s'est  pas  retrouvé  depuis.  N'y  a-t-il  pas 
quelque  vraisemblance  qu'il  a  passé  dans  les  mains  de 
Ccrone,  qui  l'aura  traduit  en  espagnol,  parce  qu'il  lui 
était  plus  facile  de  passer  pour  en  être  l'auteur  en  Espagne 
qu'en  Italie?  et  ce  qui  semble  confirmer  cette  conjecture, 
c'est  l'excessive  rarelé  du  Metopeo  dans  ce  dernier  pays, 
qui  prouve  que  toute  l'édition  avait  été  envoyée  dans  la 
Péninsule. 


NOUVELLES  DE  PARIS. 
THEATRE  ROYAL  ITALIEN. 

T»nc>«Di.  —  Débuts  de  M-<  Itaoïn. 

Dans  l'état  désespéré  du  Théâtre-Italien,  un  début  sans 
importance  n'est  pas  propre  à  ramener  la  foule,  à  moins 
qu'il  ne  soit  accompagné  de  quelque  nouveauté  ;  mais  ces 
nouveautés  n'existcnl  pan  :  car  on  ne  peut  donner  ee  nom 


Di-gitizod  by  Google 


403 

aux  nauséabondes  compositions  ries  imitateurs  de  Rossini. 
Quel  intérêt  peut  exciter  un  opéra  qui  porte  le  nom  de 
Paccini,  de  Vaccai,  de  Sapienza,  de  Donizclti,  et  autres  ? 
Ne  sait-on  pas  d'avance  tout  ce  qu'on  y  trouvera  ?  Encore 
si  cette  musique  dépourvue  d'idées  se  recommandait  par 
des  formes  correctes  et  élégantes,  ou  par  une  certaine 
force  d'harmonie,  on  pourrait  trouver  quelque  plaisir  à 
l'entendre.  Anfossi  n'était  point  un  homme  de  génie;  mais 
sa  musique  était  bien  faite,  et  il  a  mérité  les  succès  qu'il 
a  obtenus.  Dans  l'école  allemande,  Z.umsteeg  et  Winler 
ne  brillent  point  parles  idées;  Mais  leur  harmonie  réveille, 
leur  instrumentation  est  piquante,  et  cause  du  moins  une 
sorte  de  plaisir  qui  fait  oublier  le  peu  d'originalité  des 
mélodies.  Mais  les  Mercadante,  les  Paccini,  les  Vaccai,  etc., 
qui  ne  vivent  que  de  réminiscences,  ont  toute  la  négli- 
gence de  l'homme  de  génie  qu'ils  imitent,  et  ne  savent 
point  comme  lui  racheter  ce  défaut  par  des  cantiiènes 
charmantes  et  des  effets  inattendus. 

Cependant  faut-il  donc  entendre  toujours  Tancrcdt,  la 
Donna  del  Lago,  Otelto,  4a  Gazia,  il  Barbiere  et  Semiramidt, 
dont  nous  sommes  saturés  ?  Nous  savons  tous  ces  ouvrages 
au  point  que  de  nouveaux  chanteurs  ne  peuvent  mémo 
plus  les  rajeunir.  Quel  est  donc  l'avenir  à l'une  adminis- 
tration du  Théâtre-Italien  à  Paris?  Je  n'ose  le  dire,  mais 
on  me  devine.  Il  est  des  maux  contre  lesquels  il  n'y  a  point 
de  remède  connu.  L'inconnu,  le  nouveau  musicien  créa- 
teur qui  pourrait  raviver  notre  goût,  se  cache  encore,  si 
toutefois  il  est  né. 

&  son  défaut,  la  privation  d'un  Opéra-Italien  pendant 
quelque  temps  serait  peut-être  le  seul  moyen  de  retremper 
notre  fantaisie  pour  ce  genre  de  spectacle.  Ou  assure  que 
le  nouveau  directeur,  M.  Laurent,  y  a  songé,  et  qu'il  vient 
de  se  rendre  à  Londres,  dans  l'intention  d'y  traiter  de 
l'administration  vacante  du  Théâtre-Italien.  Il  y  condui- 
rait toute  la  troupe  actuelle  de  Paris,  au  mois  d'avril  pro- 
chain, el  Levasseur  seul  nous  resterait  pour  rentrer  à 
l'Opéra.  On  assure  que  M.  Ilossini  doit  être  du  voyage,  et 
qu'il  s'est  engagé  à  écrire  un  ouvruge  nouveau,  moyen- 


Digitizcd  by  Google 


4o3 

nanl  une  somme  considérable  qui  lui  sera  payée  par  l'ad- 
ministration. D'après  ce  projet,  les  mêmes  chanteurs  fe- 
raient alternativement  le  service  des  théâtres  de  Paris  et 
de  Londres.  Ce  mode  est  peut-être  le  plus  convenable 
pour  entretenir  à  Paris  le  goût  de  la  musique  italienne  et 
pour  indemniser  l'administration  de  ses  dépenses.  Reve- 
nons au  début  de  M""  Rob  ni. 

Cette  dame  est  douée  d'une  vuix  de  contralto  assez  belle  : 
mais  elle  paraît  fort  Inexpérimentée  dans  l'art  du  chant  , 
et  assez  peu  musicienne.  Elle  a  produit  peu  d'effet  dans  le 
rôle  de  Tancrède,ses  intonations  peu  sûres.,  sa  vocalisât! ou 
molle  et  incorrecte ,  jointes  à  une  émotion  excessive  n'é- 
taient pas  propres  à  faire  oublier  le  charme  que  M"Pasta 
répandait  sur  ce  rôle.  M™  Robert  n'est  pas  d'un  âge  à  don- 
ner des  espérances  pour  l'avenir.  Elle  est  ce  qu'elle  sera 
toujours,  c'est-à-dire  quelque  chose  de  moins  que  mé- 
diocre. Cependant,  il  est  juste  de  dire  qu'elle  a  montré 
quelque  énergie  dans  le  duo  //  vivo  lampo,  et  que  le  public 
l'a  applaudie  dans  ce  morceau. 

Uonzelli  jouait  pour  la  première  fois  le  râle  à'Argirio 
que  nous  avons  toujours  vu  représenter  par  Bordogni.  Il  y 
met  plus  de  chaleur  que  son  prédécesseur;  il  le  joue 
mieux,  mais  il  fait  quelquefois  regretter  sa  pureté  par  su 
manie  de  pousser  des  cris.  Je  sais  que  ces  cris  sont  les  signes 
certains  d'une  voix  usée,  qui  ne  peut  plus  chanter  avec 
douceur;  mais  s'ils  sont  la  conséquence  d'un  mal  réel ,  ils 
l'augmentent  chaque  jour.  Douze  11  i  est  jeune  encore;  le 
repos  pendant  quelques  mois  lui  rendrait  sans  doute  le 
velouté  que  sa  voix  a  perdu. 

Je  ne  puis  rien  dire  de  M1"  Garcia,  dont  l'état  de  santé 
parait  être  déplorable,  et  dont  le  chant  est  en  raison  de  la 
santé;  mais  je  dois  des  éloges  à  Lcvasseur  pour  la  manière 
dont  il  a  chanté  le  rôle  d'Orbassan.  La  belle  voix  de  ce 
chanteur  ,  son  aplomb  et  son  goût  font  un  fort  bon  effet' 
dans  tous  les  morceaux  :  il  ne  lui  manquait  que  de  la 
confiance;  ses  succès  cl  les  applandissemcns  des  connais- 
seurs doivent  lui  en  donner.  Il  parvient  même  souvent  à 


4o4 

vaincre  les  préventions  injustes  de  certains  dilettantis 
contre  tout  ce  qui  n'est  pas  italien. 

FÊTIS. 


THÉÂTRE  ROYAL  DE  L'OPÉRA-COMIQUE. 

M""  Hirié,  élève  de  l'École  royale,  et  de  la  classe  de 
M.  Ponchard,  vient  de  débuter  à  ce  théâtre  avec  quelque 
succès.  Le  premier  rôle  dans  lequel  elle  a  paru  est  celui  de 
Rose-d' Amour  dans  le  Petit  Chaperon  :  l'émotion  insépara- 
ble d'un  premier  début  l'a  privée  d'une  partie  de  ses 
moyens  dansle  premier  acte  de  cette  pièce;  mais  lorsqu'elle 
eut  reprit  un  peu  de  confiance,  on  a  du  s'apercevoir 
qu'elle  chante  juste  et  avec  goût,  quoique  le  timbre  de  sa 
vois  soit  un  peu  faible.  Son  second  début,  dans  le  rôle  du 
page  de  Jean  de  Paris,  lui  a  été  plus  favorable.  Elle  a  par- 
ticulièrement bien  chanté  le  duo  Rester  à  la  gloire  fidèle. 
Enfin,  dans  le  Nouveau  Seigneur,  elle  s'est  fait  remarquer 
dans  tous  les  morceaux  et  surtout  dans  les  couplets  :  Oh  ! 
vous  axez  des  droits  superhes.  M"'  Hirté  n'est  pas  une  canta- 
trice du  premier  ordre  ;  mais  elle  chante  convenablement 
pour  l'emploi  qu'elle  a  adopté.  Je  lui  conseillerai  seule- 
ment de  se  défaire  d'un  grasseyement  assez  prononcé  qui 
gâte  soncliant.  Cette  jeune  personne  est  engagée  au  théâtre 
des  Nouveautés. 

—  La  reprise  de  l'Amant  et  le  Mari,  opéra-comique  en 
deux  actes,  musique  de  M.  Fétis,  a  eu  lieu  le  ao  de  ce 
mois.  Ponchard,  Huet,  Cavé,  Henri,  et  Mesdames  Bou- 
langer, Ponchard  et  Paul  ont  fort  bien  joué  et  chanté. 
Néanmoins,  cette  pièce  qui  avait  eu  du  succès  dans  la 
nouveauté,  et  qui  avait  eu  ceut  trente  représentations,  a 
été  sifllée  lorsque  le  riieau  s'est  baissé.  L'Auteur  s'attendait 

"  à  expier  ainsi  l'indépendance  qu'il  a  prise  pour  règle  dans 
la  rédaction  de  la  Revue  Musicale. 

—  L'administration  de  l'Opéra  va  éprouver  quelque 
embarras  dans  son  répertoire  par  le  départ  imprévu  de 


■igitizod  t>y  Google 


4o5 

M'"  Cinli.  Celte  dame,  qui  vient  d'épouser  Damoreau, 
l'un  des  premiers  acteurs  du  théâtre  de  Bruxelles,  dont 
les  débuis  à  l'Opéra  ont  été  annoncés  dans  la  Renie  musi- 
cale ,  avait  depuis  quelque  temps  des  discussions  avec  le 
directeur  pour  ses  intérêts  et  pour  ceux  de  son  mari;  elle 
parait  avoir  voulu  mettre  l'administration  dans  la  néces- 
sité de  lui  céder  en  celte  circonstance.  Une  lettre  adressée 
par  elle,  avant  son  départ,  à  un  journaliste,  pour  lui  ex- 
poser ses  griefs ,  a  été  publiée.  Il  n'entre  pas  dans  notre 
plan  de  nu  us  occuper  de  ces  sortes  de  discussions;  mais 
nous  regrettons  qu'une  cantatrice  si  distinguée,  et  qui 
contribue  tant  à  l'amélioration  du  système  de  chant  à 
l'Opéra,  se  soit  crue  dans  la  nécessité  de  recourir  a  la  fuite 
pour  obtenir  justice.  H"*  Cinti  avait  un  rôle  dans  l'opéra 
de  ta  Muette  de  Portici,  qu'on  répète  en  ce  moment;  nous 
iguorons  quelle  sera  la  nouvelle  distribution. 

Ou  dit  que  M"*  Démery  est  engagée  à  ce  théâtre;  mais 
plusieurs  mois  se  passèrent  avant  qu'elle  puisse  débuter. 
On  sait  d'ailleurs  que  la  vocalisation  très  lourde  de  cette 
actrice  ne  la  rend  pas  propre  à  chanter  les  rôles  qui  ont 
été  écrits  pour  M1"  Cinti.  Un  malin  génie  semble  planer 
sur  nos  théâtres. 


NOUVELLES  ÉTRANGÈRES. 

Behun,  m  novembre.  Le  célèbre  violoncelliste  Bernard 
Kombcrg  donne  maintenant  ici  des  soirées  de  quatuors  et 
de  quintettis. 

Marie  vient  d'être  traduite  en  allemand  et  exécutée  sur' 
le  ihéâlre  de  Kœnigstadl  sour  le  titre  de  l'amour  secret 
(die  rerbogene  tiebe\  Cet  opéra  a  obtenu  un  grand  succès. 
Un  journal  de  Berlin,  en  parlant  de  la  parlilion,  dit  qu'elle 
a  été  écrite  par  Hérold,  jeune  compositeur  allemand  qui 
rit  d  Paris.  Nous  pouvons  assurer  le  journaliste  de  Berlin 
qu'ilérold,  en  dépit  de  son  nom  germanique,  est  Français 
et  des  plus  Français. 


4°6 

Un  autre  journal  de  Berlin,  a  propos  de  la  représenta  tion 
dos  Fvitttrès  versées  sur  le  théâtre  de  Krcnigstadt,  dit  que 
Buïcldieu  est  devenu  le  compositeur  favori  (Uebling  c-om- 
panist)  des  Allemands,  comme  il  l'est  depuis  long-temps 
des  Français.  •  Boïeldieu,  ajoute  ce  journaliste,  ne  s'est 

■  jamais  écarté  du  véritable  genre  de  l'Opéra-Comique  : 

■  c'est  ce  qui  fait  la  base  de  l'édifice  de  gloire  qu'il  s'est 
*  élevé  pour  la  postérité,  et  le  piédestal  de  la  statue  que 
i  ses  contemporains  lui  ont  érigée,  n 

—  On  écrit  de  Francfort  :  H"*  Sontag,  qui  a  terminé 
ses  représentation*  sur  le  théâtre  royal  do  Berlin,  vient 
d'arriver  ici.  Nous  croyons  qu'avant  de  continuer  son 
voyage  À  Paris,  elle  va  donner  quelques  représentations 
dans  notre  ville. 

—  Nous  recevons  deux  jugemens  différons  sur  le  Pielro 
d'Âlbano  ,  nouvel  opéra  de  M.  Spohr.  L'un  des  deux  cor- 
respondana,  Allemand  du  nord,  se  montre  enthousiaste 
du  poème,  principalement  à  cause  dos  contrastes  et  des 
situations  fortes  qu'il  a  fournis  au  musicien.  Le  sujet  de 
cet  ouvrage  appartient  au  même  ordre  d'idées  que  le 
Faust  de  Goethe,  à  part  le  talent  du  poète.  Pietro  est  un 
magicien  qui,  par  son  art  diabolique,  rappelle  à  la  vie 
une  jèunc  fille,  dont  l'enterrement  entre  comme  élément 
principal  dans  l'introduction  du  premier  acte.  Ou  vante 
beaucoup  la  musique  de  ce  morceau,  où  un  joyeux  chœur 
d'éludians  contraste  avec  les  chants  funèbres  du  convoi. 
On  cite  aussi  particulièrement  une  situation  du  deuxième 
acte,  oii  la  jeune  fille  qui  vient  d'être  ressuscitée  se  plaint 
à  son  amant  d'avoir  été  arrachée  au  bonheur  des  deux  : 
la  terre,  même  avec  l'amotir,  lui  parait  insupporlable.  Le 
.désespoir  du  jeune  homme,  en  entendant  ces  tristes  aveu*, 
est  a  son  comble,  et  le  musicien  appelle  à  son  secours, 
pour  l'exprimer,  loules  les  puissances  des  instrumeus  à 
vent  de  l'orchestre.  Les  instrument  i>  archet  armésde  sour- 
dines accompagnent  seuls  le  chant  de  la  morte  ressuscité^. 
On  louo  aussi  un  quatuor  avec  chœurs.  Un  Allemand  du 
midi  dit  que  cet  ouvrage  n'a  pas  eu  beaucoup  de  succès  à 
cause  du  sujet  devant  leqnelles  Allemands  même  reculent. 


■igitizod  r>y  Google 


I 


407 

11  s'accorde  en  générai  avec  le  premier  correspondant  sur 
le  mérite  île  la  musique,  mais  îl  ne  va  pas  comme  cclui- 
ci  jusqu'à  assurer  que  cette  partition  est  le  plus  beau  litre 
île  gloire  de  Spolir. 


ANNONCES. 


Variations  brillantes  pour  le  piano-foj-ié  sur  le  choeur 
favori  du  Crociato  in  Egitto  de  Meyebeer,  dédiés  à  M.  Alex. 
Aguado,  cl  composées  par  P-  Albeniz.  Prix  :  4  fi"-  So  c.  A 
l'aris ,  au  magasin  de  musique  de  Paccini ,  boulevard  lia  - 

Cet  ouvrage  a  été  composé  pour  des  élèves  d'une  force 
médiocre,  et  n'offre  conséquemmenl  que  des  difficultés 
faciles  à  vaincre;  mais  il  est  agréable.  M.  Albenitz  s'est  fait 
connaître  avantageusement  par  d'autres  compositions. 

—  Deuxième  qaartttto  da  Caméra ,  composé  par  Itossini 
et  dédié  par  lui  à  M.  Aguado.  Prix:  4  fr.  5o  cent.  Paris, 
i'acini,  éditeur  des  opéras  (le  Rossini,  boulevard  des  Ita- 

—  Troisième  qaartttto  da  Caméra,  composé  par  Itossini 
et  dédié  par  lui  à  madame  Carmen  Aguado.  Prix:  4  fr. 
5o  cent,  chez  le  même  éditeur. 

On  se  rappelle  le  succès  qu'a  obtenu  dans  le  monde  le 
premier  Quartette  du  célèbre  Maestro  :  Bidiamo,  Cantiamo, 
Ceux-ci  sont  destinés  à  y  faire  suite,  et  à  former  un  ré- 
pertoire pour  les  amateurs  que  le  défaut  de  nouveautés 
dramatiques  oblige  à  redire  les  mômes  morceaux  depuis 
long -temps.  Les  premières  paroles  du  second  quartetto 
sont  :  in  Giorno  si  bctlo,  et  celles  du  troisième,  O  giorno  sereno. 
Tout  ce  qui  sort  de  la  plume  d'un  compositeur  tel  que 
Itossini  a  droit  de  fixer  l'attention;  nous  analyserons  ces 
morceaux  dans  le  prochain  numéro. 


DigitizGd  t>y  Google 


4<>8 

—  Solfèges  progressifs,  avec  accompagnement  de  piano  , 
précédés  des  principes  élémentaires  de  la  musique,  dis- 
posés dans  l'ordre  le  plus  naturel  et  le  moins  compliqué, 
par  F.  Fétis,  professeur  de  composition  à  l'Ecole  royale  de 
musique ,  bibliothécaire  de  cet  établissement ,  et  rédac- 
teur de  la  Revue  musicale.  Pris  :  i!\  francs. 

A  Paris,  chez  l'auteur,  rue  Bleue,  u°  3;  Janet  et  Cotelle, 
éditeurs  de  musique ,  rue  de  Richelieu ,  n°ga ,  près  la  rue 
Feydeau,  et  rue  Saint-Honoré,  près  l'hôtel  d'Àllgre  ;  et 
chezPh.  Petit,  rue  Vivienne,  n-  18. 


DU  CHARLATANISME  DES  MUSICIENS. 


On  je  me  trompe  fort,  ou  le  titre  de  cet  article  a  déjà 
l'ait  frémir  quelques-uns  de  mes  lecteurs.  A  quoi  pense  ce 
fou,  ou  plutôt  ce  méchant  homme,  diront-ils  ?  Quel  démon 
le  pousse  à  révéler  nos  secrets?  Pourquoi  veut-il  mettre 
le  public  dans  la  cou  fi  J  en  ce  de  nos  faiblesses,  et  qu'espère  - 
t-il  en  tirer  pour  lui-même?  £h!  Messieurs,  rassurez- 
vous  :  H  ne  s'agit  point  ici  d'une  satire  personnelle,  maïs 
d'un  tableau  de  quelques  ridicules,  où  vous  serez  libres 
de  ne  point  vous  reconnaître.  Aucun  do  vous  n'est  préci- 
sément l'homme  dont  je  veux  parler,  et  si,  par  hasard, 
vous  découvrez  quelque  trait  de  ressemblance,  ce  n'est 
pas  moi  qu'il  faut  en  accuser.  Si  je  nomme  quelqu'un, 
j'aurai  soin  de  le  prendre  dans  des  temps  assez  éloignés 
pour  qu'il  ne  puisse  se  plaindra.  Quant  au  reste,  supposez 
que  je  vous  montre  des  portraits  de  fantaisie,  dont  les 
originaux  n'existent  point. 

Far  un  penchant  naturel  pour  le  merveilleux  et  l'extra- 
ordinaire, les  hommes  ont  toujours  dédaigné  ce  qui  n'est 
que  raisonnable,  simple  et  vrai.  Telle  est  leur  disposition 
à  cet  égard  que,  même  avec  la  certitude  d'Être  trompés, 
ils  courent  au-devant  des  illusions.  L'existence  de  ce  pen- 
chant funeste  dans  la  multitude  a  fait  jusqu'ici  la  fortune 
des  fourbes  de  toute  espèce.  L'histoire  est  remplie  des 
tours  de  passe-passe  des  charlatans  de  politique,  de  reli- 
gion, de  môrale,  et  des  maux  affreux  qu'ils  ont  causés.  Le 
charlatanisme  des  gens  de  lettres  et  des  artistes  a  du  moins 
cet  avantage  qu'il  n'est  que  ridicule,  et  que,  s'il  procure 
quelques  triomphes  à  la  médiocrité  sur  le  vrai  mérite,  la 
postérité  rétablit  les  choses  en  leur  place,  et  venge  les  in- 
justices des  contemporains. 

A  l'égard  de  la  musique,  son  histoire  nous  montre  des 
charlatans  dans  les  temps  les  plus  reculés.  Les  fictions 
d'Orphée  apprivoisant  les  animaux  féroces,  et  d'Amphion 
a*  vol.  35 


Digitized  by  Google 


4io 

bâtissant  tes  murs  de  Thèbes  au  son  de  la  lyre,  ont  pris 
naissance  dans  la  vanité  d'an  peuple  jaloux  de  donner  une 
origine  divine  à  tout  ce  qui  se  rapportait  à  lui.  David  chas- 
sant le  Diable  avec  sa  harpe,  et  Timothée  excitant  ou  cal- 
mant h  son  gré  la  colère  du  vainqueur  de  Darius,  sont 
des  contes  de  nourrices,  sur  lesquels  des  hommes  graves 
ont  cependant  disserté  longuement.  Il  s'est  aussi  trouvé 
des  écrivains  qui  ont  répété  sérieusement  pendant  plu- 
sieurs siècles  l'histoire  du  charlatanisme  de Pythagore  qui, 
après  avoir  écouté  les  sons  produits  sur  l'enclume  par  les 
marteaux  de  plusieurs  forgerons,  fit  peser  ces  marteaux 
pour  calculer  les  rapports  des  sons;  histoire  qui  montre 
une  ignorance  grossière  des  lois  de  la  physique. 

Le  charlatanisme  qni  consiste  à  s'attrilffier  le  mérite 
d'autrui  n'est  pas  plus  nouveau.  Néron,  qui  mettait  sa 
gloire  à  passer  pour  un  habile  musicien,  en  usait  soutint, 
soit  en  s'emparant  des  ouvrages  dès  musicïens  de'Çfbfes- 
sion,  qui  n'osaient  se  plaindre,  soit  en  se  mêlant  à  leurs 
concerts  et  prenant  pour  lui  les  a p p la u di^fémenV "ÇU'on 
leur  donnait.  Il  fut  aussi  le  'premier  qui  fit  usage"  de  ces 
upplau  disse  urs  à  gages  qua  nous  nommons  des  claque  an  ; 
la  seule  différence  entre  lui  et  nos  artlftcs,  c*eff  que  ceux- 
ci  paient  les  applaudissëmeiis,  et  qu'il  faisait  mourir  qui- 
conque gardait  le  silence.  'A  "  ■'  J  ^.•*.fc*WlI' 
Le  seizième  siècle,  si  fertile  en  grands  hommes  dëTbut 
genre,  vit  naître  beaucoup  d'habiles  musiciens.  C'est  dans 
ce  siècle  que  la  théorie  de  l'art  musical  se  perfectionna, 
et  que  les  bases  de  celle  qu'on  suit  gériëValemenrr' aujour- 
d'hui furent  posées.  C'est  dans  ce  même  siècle  que  t'opéra 
fut  inventé;  -c'est  enfin  dans  ce  siècle  que  Palestrinâ,  tti- 
renzio,  Monteverde,  Zarlin,  et1  tant  d'autres  quIfrTsff&it 
trop  long  de  nommer,  ont  donné  à  la  musique  une  impul- 
sion dont  elle  se  ressent  encore.  Mais  s'il  s'est  trouvé  alors 
des  hommes  de  génie,  des  inventeurs  qui  suivaient  par 
instinct  leurs  heureuses  inspirations/  il  y  eut  aussi  bon 
nombre  de  gens  qui,  dans  l'impossibilité  de  rien  imaginer, 
égayèrent  de  déprécier  les  cn'efe-d'œuvre  qu'ils  voyaient 
éclorc,  affectèrent  de  leur  préférer  l'ancienne  musique 


Digitizod  b/ Google 


*  4'* 
des  Grecs,  dont  ils  ne  pouvaient  avoir  d'idée,  et  prétendi- 
rent la  tirer  de  l'oubli  pour  la  substituer  à  celle  de  leurs 
contemporains.  Les  écrits  de  ce  temps  sont  remplis  de 
rêveries,  sur  cette  matière,  et  d'us  échafaudage  de  fausse 
science,  qui  trouvait  alors  beaucoup  de  partisans  et  qui 
nuisait  aux  progrès  de  l'art.  Des  hommes  recommanda - 
bles,  tels  que  Vincent  Galilée  et  Zarlin  même,  n'étaient 
pas  étrangers  à  ce  charlatanisme  qui  gâte  souvent  leurs 
ouvrages,  si  utiles  d'ailleurs.  Dgni,  qui  possédait  un  savoir 
réel,  fut  le  plus  ardent  champion  de  cettëTSiuslque  pré- 
tendue antique,  dont  El  n'aurait  p\t  citer  une  phrase,  et 
passa  une  partie  de  sa  vie  à  la  louer  aux  dépens  de  celle 
des  grands  artistes  qui  brillaient  alors  en  Italie. 

A  peine  était-on  devenu  raisonnable  sur  ce  point,  qu'un 
autre  genre  de  charlatanisme. 'prit  naissance,  et  fit  encore, 
des  réputation»  usurpées.  Dés  long-temps  les  principes 
de  l'harmonie  avaient  été  réduits  dans  les  écoles  à  des 
considéra  lions  fort  simples.  Les  mouvemens  des  inter- 
valles avaient  surtout  attiré  l'attention  des  professeurs;  et 
comme  eeynouvemeus  se  bornent  à  un  petit  nombre,  on 
eu  avait  conclu  des  règles  de  pratique  qui  avaient  l'avan- 
tage, d'être  faciles  à  apprendre, et  de  donner  aux  composi- 
teurs un  style  pur  et  élégant.  Tout  à  coup  Rameau,  qui 
lui-m&u,e  ,ét>iit  devenu  bon  musicien  par  cette  méthode, 
imagina  de  baser  la  théorie  de  la  musique  sur  des  phéno; 
menés  de  physique;  et,  quoiqu'il  sût  à  peine  l'arithméti- 
que ,  appela  à  son  secours  le  calcul  et  les  procédés  de  la 
géométrie  pour  bâtir  un  système  qui  a  failli  perdre  la  mu- 
sique en  France.  Des  chiffres  furent  entassés  par  lui ,  dans 
des  livres  obscurs,  pour  élablir  entre  les  intervalles  des 
proporlions  arithmétiques  et  géométriques ,  et  pour  dé- 
duire ces  proportions  de  la  résoouance  d'un  corps  sonore 
grave. 

Dès  qu'il  fut  question  d'appeler  les  mathématiques  au 
secours  de  la  musique  s\\o us  les  mathématiciens  se  crurent 
musiciens  nés ,  et  se  mirent  à  discourir  hardiment  sur  un 
art  dont  ils  n'avaient  pas  les  premières  notions.  D'Alcra- 
bert,  qui  ne  pouvait  distinguer  une  tierce  majeure  d'une 


4>a  :  • 

mineure  ,  écrivit  des  élémeus  de  musique  d'après  le?  prin- 
cipes de  Rameau  ;  La  Baillière,  Jamard,  Serre  de  Genève, 
qui  étaient  à  peu  près  dans  le  même  cas,  entrèrent  aussi 
en  lice.  Ce  qu'il  y  eut  de  singulier,  c'est  que  Rameau,  mé- 
;  content  de  ce  que  ses  commentateurs  n'adoptaient  pas 
toutes  ses  idées ,  les  tança  d'avoir  voulu  corriger  son  ou- 
vrage, et  que  d'Alembert,  qui  avait  fait  un  livre  pour  dé- 
montrer l'évidence  du  système  de  Rameau,  finit  par  écrire 
que  ce  système  est  erroné,  et  que  le  corps  sonore  ne 
donne  par  lui-même  aucune  idée  de  proportion. 

Ce  n'oit  pas  tout;  J.-J.  Rousseau,  qui  n'était  guère  plus 
géomètre  que  musicien,  mais  qui  avait  un  goût  naturel 
assez  pur,  prit  pour  base  de  sou  Dictionnaire  de  Musique. 
les  folies  du  système  de  la  basse  fondamentale,  tout  en  lui 
préférant,  dit-il,  le  système  deTartïni,  qu'il  ne  comprenait 
pas  plus,  et  qui  ne  vaut  pas  miens.  Un  pédant  qui  n'était 
ni  musicien,  ni  calculateur,  ni  homme  de  goût;  mais  qui. 
ayant  feuilleté  les  livres  de  Rameau,  se  persuada  qu'il  était 
devenu  grand  harmoniste-,  quoique ,  de  son  aveu,  il  ne 
connût  pas  une  note  a  quarante  ans;  ce  pédant,  nommé 
l'abbé  Roussier ,  enchérit  encore  sur  les  autres  charlatans 
de  science,  et  entassa  chiffres  sur  chiffres  pour  démontrer 
que  Durante,  Léo,  Pergolèse  et  Jomellt,  étalent. dr  pauvres 
gens  qui  n'entendaient  rien  à  l'art  qu'ils  cultivaient,  et 
que  s'ils  trouvaient  des  chants  heureux  et  de  bonne  har- 
monie, c'étaitpar  un  instinct  aveugle  et  irréflichi.  Le  bon  abbé 
méritait  d'être  mis  aux  Petites-Maisons,  et  cependant  il  se 
fit  de  chauds  partisans,  devint  l'oracle  d'une  secte,  et  acheva 
de  tourner  la  tete  aux  musiciens  français. 

Lu  musique  est  à  la  fois  un  art  par  ses  résultats  et  une 
science  par  ses  procédés.  Comme  science,  elle  exige,  outre 
les' qualités  naturelles,  une  élude, asses  longue,  non  parce 
qu'elle  est  difficile  à  comprendre;  mais  parce  qu'il  faut  quo 
les  connaissances  qu'on  y  acquiert  tournent  en  habitude 
pour  être  utiles.  De  là,  la  nécessité  d'entreprendre  cette 
étude  de  bonne  heure,  afin  de  n'avoir  plus  à  s'en  occuper 
lorsque  l'imagination  commence  àse  développer.  Lo  de- 
voir d'un  professeur  est  de  cacher  à  ses  élèves  les  dégoûts 


Digitizod  by  Google 


4-5 

qui  naissent  quelquefois  deadiffloullés  qu'on  éprouve;  mois' 
loin  d'en  user  ainsi,  il  semble  que  la  plupart  des  harmo- 
nistes prennent  plaisir  à  présenter  la  science  comme  un 
dédale  inextricable,  soit  qu'ils  veulent  se  faire  un  mérite 
de  leur  savoir;  soit  qn'îls  craignent  de  voir  s'augmenter  le 
nombre  des  initiés.  Bien  de  plus  curieux  que  l'air  de  mys- 
tère dont  ils  s'enveloppent  lorsqu'ils  sont  interrogés  sur 
cette  matière.  Oti:  dirait  qu'il  s'agit  de  quelque  science 
occulte,  où  toutes  les  ressources  de  l'esprit  humain  sont  à 
peine  suffisantes.-  Écoutons  le  langage  que  Fus  met  danw 
la  bouche  de  Félève  et  du  maître  dans  son  Gradus'adPitr- 
titxssam. 

,  ..  ..  .■  :  l'itidfffc 

■  .le  viens  auprès  de  vous,  monsieur,  dans  le  dessein 

•  d'apprendre  la  composition  de  la  musique,  i     :  "   "  ' 

-.,  ..       ...    ,    ....  .        .  J^'H^frtj/. 

■  Tu  ne  sais  pas,  mon  ami,  à  quoi  tu  t'exposes t  tu  ne 
»  connais  pas,  sans  doute,  l'étendue  immense  de  cet océan 
«  qneto  veux  parcourir.  Quand  *u parviendrais  dfdge  de  Net- 
vtor,  la- aurais  encore  beaucoup  d  travailler.  Je  sais  que  tous 

•  les  étatsont  leurs  difficultés;  personne  ici  bas  «'est  exempt 
«  de  peines;  mais  je  crois  que  Téta t  de  compositeur  en 
«  offre  plus  que  tout  autre.  »  1 

Le  vieux  Fux,  malgré  sa  bonhomie  allemande,  n'était 
pas,  comme  on  voit,  exempt  du  charlatanisme  dont  jevîeris 
lie  parler.    <■-■'■"  ■  »iu 

S'il  est  des  charlatans  de  savoir,  il  en  est  aussi  d'igne^- 
rance.  Bien  que  ceci  ail  l'air  d'un  paradoxe.  H  suffit  de  je- 
ter un  regard  sur  ce  qui  se  passe  maintenant  pour  .être 
convaincu  que  je  n'avanceWeu  qui  ne  soit  vrai.  Louis  Kl  V 
appelait  le  duc  d'Orléans  un  fanfaron  de  vices;  ce  genre  de 
fanfaronnade  qui,  S  bus  la  régence,  donna  le  ton  à  la  cour, 
était  alors  de  bon  genre;  aujourd'ui  il  est  de  bon  goiît  qu'un 
musicien  ne  sacherieu  de  ce  qu'avaient  appris  f  (rende! , 
Haydn  et  Mozart;  et  l'on  ne  peut  giière  passer  pour  homme 
de  génie,  à  moins  qu'on  ne  se  moque  ouvertement  des 
entraves  auxquelles  ces  bonnes  gens  avaient  la  simplicité 
de  se  soumettre.  Hais  comme  il  n'est  pas  possible  qu'un 


Digitizod  by  Google 


4'4 

homme  de  génie  n'acquière  par  lui-même  des  connais- 
sances positives  un  ticrivaut  beaucoup,  on  affecte  de  mettre 
dans  ses  ouvrages  de  grossiers  solécismes,  afin  de  conserver 
l'air  d'indépendance  .qui  sied  à  un  beau  talent  naturel. 
Qu'est-ce  que  cela,  si  ce  n'est  du  charlatanisme? 

It  est  une  autre  espèce  de  charlatans,  qui,  sans  nier  l'uti- 
lité du  savoir,  affirment  que  rien  n'est  plus  facile  à  acqué- 
rir, et  s'engagent  i  le  communiquer  en  un  tour  de  main, 
comme  s'il  ne  s'agissait  que  de  la  marche  du  jeu  d'échecs 
ou  des  règles  du  domino.  Que  de  livres  remplis  de  ces  pro- 
messes trompeuses  et  vides  de  oe  qu'on  y  cherche  1  Que 
d'écoles  ouvertes  avec  éclat,  et  bientôt  désertées  par  les 
.  dupes  que  le  charlatanisme  avaient  faites!  Et  qu'on  ne  croie 
pas  que,  séduits  par  une  apparence  d'amélioration  de  mé- 
thode, les  professeurs  se  sont  fait  illusion  sur  leurs  préten- 
dues découvertes  ;  il  n'en  est  pas  un  qui  nie  sache  qu'un 
long  usage  peut  seul  donner  la  sorrpltsse  d'organes  qu'exige 
la  pratique  d'un  art  difficile;  maison  veut  se  faire  un  nom, 
bien  qu'on  soit  né  pour  rester  dans  l'obscurité;  on  veut 
faire  sa  fortune,  et  les  progrès  du  l'art  et  l'intérêt  des  élèves 
sont  les  dernières  choses  dont  o»  s'occupe.  , 
II  est  possible,  sans  doute,  de  perfectionner  les  méthodes 
d'enseignement;  car  de  toutes  les  sciences,  la  musique  est 
celle  dont  la  langue  est  ta"  plue  défectueuse.  C'est  à  cet 
usage  que  devraient  servir  les  académies;  mais  les  acadé- 
miciens, qui  aiment  le  repos,  assurent  qu'elles  sont  in- 
stituées pour  ne  riendaire.  Cependant  l'assentiment  d'une 
réunion  d'artistes  distingués,  -serait  un  motif  de  sécurité 
pour  le  public,  lorsqu'il  s'agit  d'innovations  quelconques  : 
on  ne  doit  donc  pas  être  surpris  de  voir  que  les  auteurs  de 
méthodes  nouvelles  les  soumettent  à  l'examen  des  sociétés 
savantes.  Malheureusement  il  y  a  dans  les  sociétés  de  cette 
espèce  une.  sorte  de  charlatanisme  qu'on  appelle  l'esprit 
de  corps,  l'our  peu  qu'un  des  académiciens  se  soit  occupé 
de  l'objet  dont  il  s'agit:  pour  pou  qu'il  ait  écrit  ou  publié 
quelque  chose  de  semblable,  ses  confrères  croient  qu'il  est 
de  leur  humeur  de  (.'opposer  à  la  publicité  de  ce  qui  pour- 
rait être  meilleur,  et  toutes  les  mesures  sont  prises  pour 


Digitizod  by  Google 


4i5 

étouffer  la  vérité.  Voici,  à  ce  sujet,  une  anecdote  dont  je 
garantis  l'authenticité.  - 

Dans  un  pays,  dont  je  ne  me  rappelle  pas  le  nom,  un 
professeur,  retiré  dans  une  ville  de  province,  avait  remar- 
qué les  imperfections  du  système  d'harmonie  générale- 
ment adoplé,  et  s'était  attaché  à  les  faire  disparaître  dans 
qn  ouvrage  élémentaire  dont  la  composition  était  le  fruit 
de  plusieurs  années  de  travail  et  de  ré  flexions.  Convaincu 
de  l'importance  de  ses  découvertes,  mais  incertain  de  la 
manière  dont  elles  seraient  reçues  dans  le  monde,  il  crut 
devoir  adresser  son  manuscrit  à  la  première  académie  du 
pays,  et  lui  demander  de  l'examiner  et  d'en  faire  un  rap- 
port. Une  lettre  fort  polie  du  secrétaire  perpétuel  vint  lui 
apprendre  qu'il  s'était  trompé  dans  la  marche  qu'il  avait 
suivie;  que  les  réglemensde  l'Académie  ne  lui  permettaient 
pas  d'examiner  un  ouvrage  nouveau ,  a  moins  qu'elle  ue 
fût  invitée 'à  le  faire  par  .le  ministre,  et  qu'on  l'invitait  à 
faire  retirer  son  manuscrit.  Notre  professeur  est  entêté  ;  il 
écrivit  au  ministre  pour  lui  rendre  compte  des  farts,  et, 
quelques  mois  après,  il  en  reçut  cette  réponse:  D 

■  D'aprèê'TOtre  désir,  monsieur,  j'ai  demandé  à  l'Acadé- 
«  mie  un  rapport  sur  -votre-  ouvrage;  il  résulte  do. ce  qu'on 
.  m'écrit  rm'e  cet  ouvrage  a  été  examiné,,  alqu'on  n'y  a  rien 

•  trouvé  qui  ne  fit  déjà  connu' ou- ifui  méritât  un  rapport  détaillé. 

•  Je  ne  -puis ,  oit -conséquence ,  que  vous  inviter  à  faire  re- 
«  tirer  «îrfrnnoWWBt.  »    fiai  tu      i  •■  ■  »■'  •  .• .» 

Dans  lé-ràlîmeât  oftste  ministre  signait  la  lettre  qu'on 
vient  de  lire,  le  courrier  en  apportait  une  autre  du  secré- 
taire perpétriez  conçue  eu  «es  termes  :  ■ 

Momie™,  ■"«*»»•■."  ;  ,. 

.  Sur  l'invitation  de  S.  Éxc.  le  ministre  de  l'intérieur, 
t  l'Académie  a  examiné  votre  ouvrage;  mats  la  doctrine  que 

■  vous  y  développez  différant  tssentietlement  de  cette  qui  est  gêné- 
oralement  admise  dans  f École l'Académie  n'a  pas  or u  de- 
«  voirémettre  d'opinion,  eta  pensé  qu'il  n'appartient  qu'au 

■  public  de  prononcer  sur  cette  matière.  Je  vous  invite 
«  donc  à  faire  retirer  votre  mamiscrit,  eto.  • 

Ou  je  me  trompe  fort ,  on  l'Académie1  fi  t  voir,  dans  ces 


4>6 

deux  versions  si  différentes,  le  charlatanisme  de  l'esprit  <U 
corps  dans  tout  son  développement.  Depuis  lors  le  profes- 
seur s'est  fixé  dans  la  capitale  du  pays  dont  il  s'agit,  il  s'y 
est  tait  quelque  réputation ,  et  sa  doctrine  est  devenue  celle 
de  l'Ecole.  Mais  ee  n'est  pas  de  cela  qu'il  est  question. 

L'amour  de  l'art,  Iesoiu  de  ses  progrès,  la  bienveillance 
pour  les  commençans,  rien  de  tout  cela  ne  se  trouve  com- 
munément dans  l'ame  des  musiciens,  ou  plutôt  dans  celle 
des  artistes  co  général.  La  conservation  d'une  réputation 
sans  cesse  attaquée  par  les  succès  d'autrui  est  ce  qui  les 
occupe  exclusivement.  L'amour- propre,  premier  principe 
d'émulation,  dégénère  chez  eux  en  égoïsme.  Pourvu  qu'ils 
obtiennent  des  places,  de  l'argent,  déshonneurs,  tout  leur 
semble  bien  et  dans  l'ordre;  mais  les  succès  des  autres,  lors 
mèmequ'ils  ne  leur  portent  point  préjudice,  leur  donnent 
la  lièvre,  et  c'est  d'eux  surtout  qu'on  peut  dire  qu'ifs  mai- 
grissent de  l'embonpoint  d'autrui.  Un  inconnu  s'unnonce- 
i-il  par  quelque  apparence  de  talent;  aussitôt  tout  s'émeut, 
tout  frémit!  Un  ignore  sou  nom,  ses  dispositions,  son  ca- 
ractère; c'est  peut-être  un  fort  honnête  homme;  n'importe, 
c'est  un  ennemi,  puisqu'il  ose  sortir  de  l'obscurité.  Dés 
lors,  toutes  les  manoeuvres  sont  employées  pour  lui  nuire, 
pour  retarder  au  moins  ses  triomphes,  et  les  mêmes  jour- 
naux qu'on  assiège  pour  obtenir  quelque  éloge  bannal, 
sont  entourés  de  préventions  défavorables  au  nouveau 
venu,  ce  qui  est  d'autant  plus  facile  qu'il  est  inconnu,  ce 
qui  est  toujours  un  grand  tort  auprès  des  journalistes,  qui 
aiment  fort  les  opinions  toutes  faites.  Le  même  soin  qui  a 
|irij[iLiré  les  ;ip|il.iiLiliss(:i]ii!iis  qu'où  reçoit  est  mis  en  œuvre 
pour  causer  la  chute  de  son  rival.  Mais  comme  le  véritable 
talent  finit  par  triompher,  l'inconnu  devient  célèbre  à  son 
lotir;  alors,  ne  pouvant  plus  le  repousser,  on  l'enrégimente, 
et  lui-même  devient  pour  les  autres  ce  qu'on  a  été  pour 
lui.  ,  '  . 

0  vous!  qui  vous  donnez  tant  de  mal  en  pure  perte,  com- 
ment ne  voyez-vous  pas  que  le  temps  se  joue  de  vos  petites 
manœuvres.  Lui  seul  met  chaque  chose  à  sa  place,  et 
l.i  critique  juste  et  l'éloge  peu  mérité  disparaissent  de- 


4.?  . 

vaul  sa  justice.  Ne  vous  privez  donc  pas  du  plaisir  si  doux 
de  la  bienveillance  et  de  l'appui  que  vous  devez  à  cent  qui 
suivent  vos  traces  dans  la  carrière,  et  si  quelque  talent 
doi.t  l'emporter  sur  te  vôtre,  qu'il  vous  reste  du  moins  la 
gloire  de  l'avoir  protégé  1 


NOUVELLES  DE  PARIS.    '    .  ' 

THÉÂTRE  ROYAL  DE  L'O  PÉRA- C  O  M IQ  0  E. 
<5V<mi<«  nptimUtiW  ô»  Sfptyorfdttr,  ' 

Drame  lyrique  en  trois  acte»,  paroles  de  M,  Fuiui,  ,  , 
'     '       musique  de  M.  Obsidvi;. 

Us  répertoire  fatigué,  quelques  pièces  tombée?,  et  la 
suspension  des  études,  occasionnée,  par  les  troubles  de 
Tété  dernier,  rendaient  la  situation  de  l'Opéra- Comique 
fort  pénible.  Chargé  de  frais  énormes  auxquels  ne  pou- 
vaient suffire  les  recettes  journalières,  ce  théâtre  avait 
benoin  de  nouveautés  productives  qui  vinssent  combler  son 
déficit  et  lui  préparer  un  avenir  heureux;  plusieurs  ou- 
vrages importans  étaient  à  l'étude,  ou  prêts  à  y  Être  mis; 
mais  quelles'  que  soient  les  espérances  qu'une  pièce  fait 
naître  avant  la  représentation ,  le  succès  est  incertain  jus- 
qu'à ce  qu'il  ait  été  soumis  au  jugement  du  puhlic.  Le  ta- 
lent connu  des  auteurs  les  plus  renommés  n'est  pas  une 
garantie  suffisante ,  car  les  plus  habiles  se  trompent  quel- 
quefois. Sedaine,  après  avoir  produit  le  Philosophe  sans  te 
savoir,  Richard  et  te  Déserteur,  a  fait  de  lourdes  chutes ,  et 
le  nom  de  Rossini  n'a  pu  sauver  Torvatdo  e  Dortiska,  Er- 
mione  ou  Corradino.  Il  ne  suffisait  donc  pas  qu'on  sût  que  le 
drame  du  Colporteur  était  dû  à  la  plume  féconde  et  sou- 
vent heureuse  de  M.  Planard,  ni  que  la  curiosité  des  mu- 
siciens fût  excitée  par  une  œuvre  nouvelle  de  IH.  Onslow; 
a*  vol.  36 


Digitizcd  by  Google 


4iS 

il  /allait  réussir;  il  fallait  plaire  au  public,  qui  ne  lien! 
compte  du  mérite  que  lorsqu'on  l'amuse,  et  qui  a  parfois 
des  caprices.  Heureusement ,  ce  qu'il  fallait  faire),  les  au- 
teurs de  la  pièce  nouvelle  l'ont  fait ,  et  le  succès  a  cou- 
ronné leur  entreprise. 

Que  de  fois  on  a  agité  cette  question  :  Quel  est  te,  meilleur 
genre  d'opéra  comique?  Question  oiseuse  et  insoluble;  car, 
ce  ne  serait  pas-répondré  que  de  dire  que  le  meilleur  est 
celui  qui  plaît ,  attendu  que  ce  qui  plail  dans  un  temps 
cesse  de  plaire  dans  un  "autre.  Au  temps  de  Grétry,  la  co- 
médie que  ce  compositeur  savait  embellir  d'une  musique 
spirituelle  et  gaie,  était  un  fort  bon.  genre  d'opéra  comi- 
que ;  aujourd'hui ,  je  ne  sais  si  tout  le  talent  de  Boïeldieu 
ferait  réussir  une  pièce  du  genre  de  f/imi  de  ta  Maison  ou 
des  Evénement  imprévus.  Plus  tard,  le  goût  de  la  musique 
ayant  changé,  on  fit  des  opéras  sérieux  qui  n'étaient  guère 
composés  que  pour  donner  aux  musiciens  l'occasion  de 
faire  da  la  musique  sombre  et  forte  «l'harmonie ,  mais  dé- 
nuée de  chap,( ,  et  cela  eut  beaucoup  de  succès.  La  mode  a 
changé/On  n'aime  plus,  la  comédie,,  parce  qu'elle  n'est 
pas  musicale ,  et  parce  que  le  goût  de  la  musique  est  plus 
répanduel  plus  perfectionné  qu'autrefois  ;  ou  n'aime  point 
l'opéra  purement  sérieux,  parce  que  le  besoin  de  rire  est 
impératif  chez  les  Français.  Que  faut-il  donc?  Un  heureux 
mélange  d'intérêt  et  de  gatlé  qui  se  prêle  iiux  oppositions 
de  scène  et  de  musique.  Si  j'avais  besoin  d'appuyer  mon 
opinion  par  des  exemples,  je  n'en  manquerais  pas  ,  puis- 
que tous  les  succès  obtenus  depuis  quelques  années  Tout 
été  par  des  pièces  de  ce  genre.  C'est  celte  conviction  qui  a 
guidé  M.  Planard  dans  la  composition  do  ses  opéras  de  la 
Bergère  Châtelaine,  d'Emma,  de  Marie,  et  en  dernier  lieu  du 
Colporteur.  Examinons  la  con texture  de  ce  dernier  ouvrage. 

Le  sujet ,  pris ,  comme  le  dit  l'affiche  ,  dans  de  vieilles 
chroniques  russes,  nous  représente  une  de  ces  époques,  si 
communes  dans  l'histoire  de  tous  les  peuples,  où-un  usur- 
pateur s'est  emparé  du  trône  de  la  Russie  en  faisant  périr 
les  princes  légitimes.  Un  seul  rejeton  de  cette  famille  infor- 
tunée, enfant  encore  aubcrccau.a  été  sauvé  par  un  officier 


Digiiizcd  by  Google 


4«9 

lîdèle,  nommé  Igor,  qui  transporta  son  précieux  fardeau 
dans  une  forêt ,  et  qui ,  après  avoir  fait  une  marque  pro- 
fonde avec  un  fer  rouge  au  bras  du  jeune  Alexis,  ie  laUsu 
dans  la  cabane  d'un  bûcheron ,  avec  une  bourse  d'or. 
Ce  bûcherou ,  homme  dur  et  grossier,  s'est  servi  de  cet  or 
pour  acheter  la  place  de  geôlier  d'une  forteresse  où  sont 
détenus  les  prisonniers  d'état. 

Vingt  ans  se  sont  écoulés  depuis  ces  évènemens  lors- 
qu'au lever  du  rideau  la  scène  représente  l'intérieur  de  La 
forteresse.  Alexis  y  a  été  élevé  coinme  fils  du  geôlier  et 
comme  frère  de  Koli.  11  aime  Mina,  jeune  batelière  des 
environs,  et  obtient  la  consentement  du  geôlier  pour  l'é- 
pouser. Son'  édSur  généreux  lie  peut  s'accoutumer  aux 
crimes  dont ibest^chkque  joôr  le  témoin  dans  celte  forte- 
resse, auxetnpoisdnjiçmens  et  aux  meurtres  qui  sont  pres- 
critspar  le-  tyran -qui  gouverne  la  Russie;  son  indignation 
éclate  à  chaque  inSiant-et  amène  des  scènes  viole  ni  es  avec 
le  geôlier,  qui  est  dévoue  au  pouvoir  qui  le  paie. 

Le  brave  officier  Igor  qui  sauva  Alexis  est  devenu  com- 
mandant de  la  forteresse.  Il  a  fait  long-temps  de  vaines 
recherches,  pour  découvrir  les  traces  du  bûcheron-ct  du 
jeune  prince  qu'il  lui  avait  confié;  mais  enfin  ila  découvert 
que  le  geôlier  n'est  autre  que  ce  bûcheron,  et  que  sons 
le  nom  d'un  de  ses  fils  doit  être  cache  l'iiériliet;  du  trône. 
Mais  quel  est-il?  ifèst  ce  qu'il  ignore.  Il  u'ose  confier 
son  secret  à  personne,  parce  qu'il  sait  qu'il  est  entouré  de 
satellites  du  lynm,  ci'ses  craintes  sont  d'autant  mieux  fon- 
dées, qu'un  espion  vient  de  s'introduire  dans  la  forteresse 
sous  t'haliil  d'un  colporleur.  Cet  agent  est  d'autant  plus 
dangereux  qUo,  muni  d'un  ordre  signé  du  prince  qui  doit 
lui  soumettre  tous  les  agens  du  gouvernement,  il  peut 
employer  le  fer  et  le  poison  pour  se  défaire  de  tout  homme 
suspect.  Cependant  ,  des  conspirateurs  sont  répandus 
dans  toute  la  Russie .  et  jusqu'au  milieu  du  palais  de  l'u- 
surpateur. Igor  leuf  a  révélé  le  secret  de  l'existence  d'un 
prince  légitime;  il  ne  lui  reste  .plus  qu'à  le  reconnaître  sous 
l'habit  grossier  qui  le  cache;  ses  yeux  se  sont  portés  sur 
\lexis;  mais  au  moment  oii  il  se  dispose  i  édairoir  ses 


doutes,  un  nouveau  commandant  du  lit  forteresse  arrive  ; 
et  Igor  est  envoyé  dans  un  autre  poste.  Désespéré  de  ce 
contretemps,  il  ne  sait  quel  parti  prendre,  lorsqu'il  recon- 
naît, dans  le  nouveau  commandant,1  Oscar  son  ancien  ami. 
Il  n'a  point  un  moment  a  perdre;  il  lui  eonfie  son  secret, 
le  charge  de  découvrir  le  prince  légitime  au  milieu  de  ceux 
qui  habitent  la  forteresse,  lui  parle  de  la  trace  profonde  du 
fer  rouge,  qu'il  lui  a  faite  au  bras,  laquelle  pourra  lui 
servir  à  le  reconnaître ,  le  met  dans  la  confidence  de  la 
conspiration, 'et  lui  donne  lemot  de  reconnaissance,  qui  est 
l'enfant  du  bûcheron.  Il  part,  et  se  rend  dans  le  château  d'un 
boyard,  à  quelque  distance  de  la  forteresse,  et  sur  la  roirté 
de  la  capitale,  où  it  attendra  des  nouvelles  d'Oscar.   "  ' 

Le  colporteur,  caché  dans  une  chambre  voisine,  a  tout 
entendu.  Il  forme  aussitôt  son  plan  pour  découvrir  le  prince 
et  pour  lui  donner  la  mort.  Une  noce  qu'on  célèbre  au  second 
acte  lui  en  fournit  les  moyens.  Il  fait  une  loterie  de  ses  mar- 
chandises; chacun  lui  apporte  son  argent.  Mina  veut  aussi 
courir  les  chances  de  la  loterie;  mais  comme  les  hommes 
seuls  sont  admis  à  ce  jeu,  Alexis  tente  la  fortune  pour  elle. 
Une  croix  d'or  avec  sa  chaîne  doit  elrc  le  gros  lot.  Le  col- 
porteur, qui  feint  d'être  oreier,  déclare  qu'il  doit  appar- 
tenir à  celui  qui  porte  nue  marque  au  bras  près  dit  poi- 
gnet. Alexis  montre  son  bras ,  il  gagne  ;  mais  il  est  re- 
connu par  Oscar  et  par  l'espion.  Celui-ci  propose  aux  gens 
delà  noce  de  leur  faire  boire  d'une  liqueur  excellente  qu'il 
-porte  avec  lui;  il  en  verse  à  chacun,  et  remplit  de  poison 
le  verre  d'Alexis,.  Au  moment  où  il  va  porter  le  vase  à  ses 
lèvres,  le  geôlier  l'arrête  pour  boire  à  la  santé  du  roi;  mais, 
à  ce  nom,  Alexis  jette  son  verre.  Furieux,  les  soldats  et  le 
geôlier  vont  lui  donner  la  mort,  lorsque  Oscar,  pour  le 
sauver,  le  fait  arrêter  et  conduire  dans  une  tour  délabrée, 
dont  les  spectateurs  voient  une  partie  de  l'intérieur.' 

Le  colporteur,  qui  veut  la  mort  d'Alexis",  s'approche 
d'Oscar,  et  se  présente  à  lui  comme  un  des  conjurés,  en 
lui  disant  le  mot  de  ralliement,  l'enfant  du  bûcheron.  II  lui 
représente  l'impossibilité  d'enlever  le  prince,  environnés 
de  soldats  comme  ils  le  sont  ;  mais  il  lui  conseille  de  se 


L'  :  J  I-:l'-J  111: 


4»! 

rendre  au  château  du  boyard,  de  rassembler  les  conjurés, 
et  de  venir  délivrer  Alexis  avec  eux,  tandis  qu'il  restera 
dans  la  forteresse  à  veiller  sur  les  jours  du  prisonnier. 
Oscar  saisit  celte  idée,  mais  c'est  pour  faire  évader  Alexis. 
Il  monte  dans  la  tour;  révèle  au  prince  le  secret  de  sa 
naissance,  change  avec  lui  de  manteau,  et  l'envoie  au 
bateau  de  la  jeune  Mina,  qui  doit  le  conduire  auprès  de 
ses  amis.  Après  son  départ,  le  colporteur  saisit  un  poi- 
gnard et  s'élance  dans  la  tour;  mais,  au  lieu  d'Alexis,  il 
y  trouve  Oscar  qui  lui  donne  la  mort.  Ainsi  linitle  second 
acte.. 

Ou  sent  que  l'intérêt  principal  finit  aussi  après  cet  évé- 
nement, et  que  le  troisième  acte  ne  peut  être  qu'un  dé- 
uoûment.  Le  théâtre  représente  une  serre  d'un  château 
voisin  du  palais  do  l'usurpateur.  Les  conjurés  s'y  rassem- 
ble^. Igor  y  amène  Mina;  et  bientôt  arrive  Alexis,  con- 
duit par  Oscar.  Le  signal  est  donné,  et  les  conjurés  mar- 
chent au  palais;  Mina  ne  comprend  rien  à  ce  qui  se  passe, 
mais  elle  s'inquiète  sur  Alexis,  Bientôt  on  entend  le  beffroi 
du  palais  qui  annonce  la  victoire  du  prince  légitime.  Les 
conjurés  reviennent.  Alexis  veut  recevoir  sa  couronne  des 
mains  de  Mina,  et  lui  pose  à  son  tour  le  diadème  sur  la 
tête. 

Le  personnage  comique  de  Koli,  véritable  fils  du  geô- 
lier, tempère  le  genre  sérieux  de  cet  ouvrage,  et  y  jette  de 
la  galté  dans  quelques  scènes.  Considéré  comme  cadre 
musical,  il  était  ditficile  dé  faire  une  pièce  qui  fût  plus 
favorable  aux  inspirations  du  musicien.  M.  Planardale 
bon  esprit  de  sentir  que  ce  genre  de  mérite  est  le  plus  im- 
portant dans  un  opéra,  éL  lui  sacrifie  tout  ce  qui  n'est 
qu'accessoire.  Personne  uc  connaît  mieux  que  lui  la  coupe 
des  morceaux  d'ensemble  et  les  rhythmes  favorables  à  la 
musique;  aussi  compte-t-il  de  nombreux  succès.  C'est  le 
poète  des  musiciens. 

Une  grande  réputation  justement  acquise  par  de  nom- 
breux et  beaux  ouvrages  de  musique  instrumentale  était 
d'un  heureux  présage  pour  les  triomphes  qui  attendaient 
M.  Onslow  sur  la  scène.  Déjà-il  avait  préludé  à  celte  nou- 


Digitizod  by  Google 


4m 

vclle  carrière  par  Bon  opéra  de  C  Alcade  de  ta  Viga.  Mais 
tout  en  admirant  dan»  celte  production  dea  morceaux  d'uni: 
facture  remarquable.  les  connaisseurs  y  avaient  aperçu  la 
gêne  inséparable  d'un  premier  essai  dramatique,  et  de 
l'incertitude  dans  les  effets  scéniques.  L'orchestre,  supé- 
rieurement écrit,  contenait  trop  de  ces  détails  qui  font  un 
exccllenteffel  dans  un  quatuor  ou  dans  un  quintetto,  mais 
qui  compliquent  inutilement  dans  la  musique  théâtrale. 

On  conçoit  que  pour  un  homme  doué  du  talent  de 
M.  Onslow  un  pareil  essaies!  une  leçon  profitable-,  aussi 
tous  ces  défauts  out-ils  disparu  dans  le  Colporteur.  Dans  cet 
ouvrage,  le  sentiment  dramatique  brille  au  même  degré  que 
le  sentiment  musical.  Une  rare  énergie  se  manifeste  dans 
la  couleur  des  situations  fortes,  et  notamment  dans  le  final 
du  premier  acte,  et  daoB  le  morceau  de  la  lolerte,  morceau 
capital,  et  qui  seul  vaut  un  opéra.  Je  citerai  aussi  l'air  du 
geôlier,  qui  ne  demanderait,  pour  produire  plus  d'effet, 
qu'un  peu  plus  de  timbre  dans  les  sons  graves  de  la  voix 
de  Henri.  ■'  -  ■ ■—  -  —t'  •  «-■' 

Ce  n'est  pas  seulement  à  de  l'énergie  et  à  de  grands  ef- 
fets que  M.  Onslow  s'est  borné;  il  n'a  point  hégngé  le 
chant  et  la  grâce.  Le  chant  du  colporteur  dans  le  final  du 
premier  acte,  le  trio  chanté  par  Lafeuillade,  Féréol'et 
M"  Pradher,  l'air  de  Lemonnier,  et  le  duo  chanté  par  le 
même  acleur  et  M"  Pradher,  que  les  exigences  de  la  scène 
française  ont  malheureusement  forcé  à  supprimer  depuis 
la  première  représentation,  le  petit  air  de  M"  Desbrosses, 
et, les  charmamt  complets  de  la  fin  du  troisième  acte,  ont 

-fait  la  part  des  mélodistes,  et  ont  montré  que  la  muse  de 
M.  Onslow  sait  prendre  plus  d'un  ton. 

Il  n'a  pu  échapper  cependant  au  reproche  si  grave  parmi 
nous  d'être  un  musicien  sortant,  reproche  qui  est  le  cheval 
de  bataille  de  nos  journalistes,  quand  il  s'agit  d'un  musi- 
cien qui  ne  se  borne  point  à  faire  dos  ponts-neufs.  Naguère 
un  compositeur  était  à  peu  près  déshonoré  quand  on  lui 
appliquait  cette  qualification  ;  mais  elle  est  devenue  moins 

<  iojurieuse  depuis  que  le  public  a  appris  à  entendre  la  mu- 
sique. M.  Onslow  fera  donc  bien  de  ne  pas  s'en  effrayer, 
cl  de  n'écouter  que  ses  inspirations  et  son  expérience. 


Digitizcd  by  Google 


4*5 

La  conviction  où  je  suis  que  H.  Onslow  est  un  digne 
artiste  qui  cherche  non -seule  m  eut  le  bien,  mais  le  mieux, 
dans  ses  ouvrages,  m'enhardit  à  lui  faire  part  de  deux  ob- 
servations que  j'ai  faites  en  Écoutant  sa  musique  du  Col- 
porteur. II  m'a  paru  que  ses  modulations  incidentes  se  font 
souvent  dans  le  mode  mineur,  et  que  celte  régularité  pro- 
duit quelque  monotonie  dans  le  milieu  des  morceaux; 
c'est  un  petit  défaut  très  facile  à  éviter.  Quoique  l'instru- 
mentation soit  en  général  celle  d'un  maître  du  premier 
ordre,  j'ai  cru  m'apercevoir  aussi  que  les  violons  n'ont 
.pas  tout  lo  brillant  qu'on  pourrait  désirer  parce  qu'ils1  sont 
tenus  un  peu  trop  dans  le  médium.  Il  en  résulte  que  l'or- 
chestre manque  quelquefois  d'éclat  :  ce  défaut  n'en  est 
un  que  relativement  à  la  musique  a  la  mode,  qui  nous  a 
accoutumés  à  des  effets  brlllan*. 

En  résumé,  te  Colporteur;  soutenu  de  sa  belle  musique, 
d'une  mise  en  scène  soignée,  du  jeu  des  acteurs  et'du  luxe 
des  décorations  et  des  costumes,  a  obtenu  un  succès  bril- 
lant qui  s'est  consolidé  aux  représentations'  qui  ont  suivi 
la  première.  La  foute  s'y  porte,  et  l'on  est  obligé  chaque 
soir  de  refuser  l'entrée  à  beaucoup  de  spectateurs. 

— L'Italiana  'jri  dtgitri  sera  reprise  ce  soir  au  Théâtre- 
Italien  pour  M*'  Pisaroni.  Les  amateurs  qui  ont  entendu 
cette  habile  cantatrice  cliaulerl'airdecet  opéra  au  concert 
de  la  Toussaint  se  réjouissent  du  cetle  bonne  fortune. 

—  Vendredi  5o  de  ce  mois,  la  distribution  des  prix  de 
l'École  royale  de  Musique  aura  Heu  dans  la  grande  salle 
de  cet  établissement  ;  elle  sera  suivie  d'un  concert  exécuté 
par  les  élèves,  dont  voici  le  programme  : 

1°  Ouverture  de  Beethoven;  a*  air  dé  ta  Dame  blanche, 
de  M.  Boïeldleu,  chanté  par  M"*  Hirté  (pensionnaire); 
3°  concerto  de  violoncelle,  par  SI.  Platel,  exécuté  par 
M.  Chevillard;'4°  air  de  Moïse,  par  M.  Rossini,  chanté  par 
M"*  Verle,uil;  Mu"'Graudidier,  Çlara,  Eugène,  et  MM.  Ri- 
chelme-Dclsarte  et  Hurteanx,  donneront  les  répliques; 
5*  thème  varié,  par  MSI.  Vogt  et  Guillou,  exécuté  par 
M.  Scarzella  (flûte).  M.  Caille!  (hautbois),  M.  Divoir 


4*4 

(basson)  ;  6°  quinletto  de  Cimarosa,  chanté  par  M""  Hirté 
et  Rigal,  MM.  Rrcliclmc,  Bénédil  cl  Hurteaus;  7"  concerto 
de  violon,  .par  M.  Rode ,  exécuté  par  M.  Sauzai.j—  Décla- 
mation spéciale  ;  8°  fragment  du  cinquième  acte  d'Épic/iarig 
et  Néron  (tragédie),  M.  Mayer  (Néron),  M.  Horion  donnera 
la  réplique;  pause  musicale  ;  9°  le  premier  acte  des  Folies 
amoureuses  (comédie)  :  M.  Marin  (Crispin),  M.  Alvarez 
(Valére),  M.  Prost  (Albert),  M1"  No  blet  (Agathe),  M"'Laïné 
(Lisette).—  Pause  musicale. — Déclamatian  lyrique;  io'  frag- 
ment des  Voitures  versées,  par  M.  Boïeldieu  (opéra-comi- 
que) :  M.  Bénédit  (Dormeuil),  M.  Blés  (Armand). 

—  C'est  par  erreur  que  nous  avons  dit  que  H11'  Hirté, 
qui  a  débuté  au  théâtre  de  POpéra-Comique,  est  élève  de 
M.  Ponchard;  celle  jeune  personne  a  reçu  son  instruction 
musicale  dana  la  classe  de  M.  Plantade,  l'un  de  nos  plus 
habiles  professeurs. 

—  Les  exercices  de  l'institution  royale  de  musique  reli- 
gieuse qui  devaient  commencer  le  as  de  ce  mois,  sont  re- 
mis au  ao  décembre  prochain.  Son  altesse  royale  Madame 
a  fait  savoir  a  M.  Choron ,  directeur  de  cet  établissement, 
qu'elle  honorerait  ces  exercices  de  sa  présence. 

—  Lorsqu'on  considère  le  petit  nombre  d'ouvrages  que 
les  diverses  administrations  de  l'Opéra  ont  données  pen- 
dant les  vingt  dernières  années ,  on  est  étonné  de  l'activité 
qui  régnait  autrefois  à  ce  théâtre ,  ou  du  moins  dans  cer- 
taines années.  Voici  ce  qu'on  lit  dans  le  calendrier  musical 

t  Jamais  peut-être  année  dramatique  n'a  offert  un  plus 
1  grand  nombre  de  nouveautés.  L'Académie  a  donné  six 

•  grands  ouvrages  neufs  à  Paris,  et  deux  à  la  Cour.  Ceux 
«  qui  savent  combien  la  mise  d'un  opéra  exige  de  temps,  de 

•  soins,  de  peines  et  de  dépenses ,  concevront  difficilement 
«  comment  les  sujets  de  tous  les  genres  ont  pu  tenir  à  un 
«  si  prodigieux  travail,  et  applaudiront  aux  efforts  del'ad- 
« minisliation  actuelle,  qui  n'épargne  rien  pour  donner, 
ta  ce  spectacle  plus  d'éclat  qu'il  n'en  a  jamais  eu. 

<  Les  ouvrages  sont  :  Ttiémistocte,  musique  de  M.  Phi- 
"  lidor;  Rosine,  musique  de  M.  Gosscc  ;  la  Toison  d'or,  mu- 


Digitizod  t>y  Google 


4»5 

«siquedeM.  Vogel;  Phèdre,  musique  de  M.  Lcmoiue;  les 
*Roraces,  musique  de  M.  Saliéri;  et  enfin  Œdipe dCotonne, 
«  musique  de  Saccfaini. 

s  Outre  ces  sis  ouvrages,  on  a  appris  pour  la  Cour  Stra- 
*  tonice,  tragédie,  etdlcindor,  comédie  héroïque,  musique 
«  de  Dézède.  On  a  de  plus  répété  Artire  et  Evétina,  musi- 
«que  de  Saccbini. 

•  Le  répertoire  habituel,  composé  des  deux  Iphigénies, 
«  de  Didon,  d'Armide  ,  de  Panurge,  de  la  Carananne,  a  été 
t  enrichi  A'Àicestt,  de  Roland,  du  Devin  du  village  et  dii 
<■  Seigneur  bienfaisant.  »     '  < 

Il  faut  convenir  qu'une  pareille  activité  vaut  bien  les 
profondes  combinaisons  de  nos  directeur»  modernes.- 


NOUVELLES  ÉTRANGÈRES. 

Lisbonne.  L'inganno  fetice  a  été  représenté  sur  le  théâtre 
royal  de  Saint-Charles ,  dans  la  soirée  du  16  octobre.  Les 
chanteurs,  qui  avaient  obtenu  des  applaudissemens  dans 
plusieurs  autres  ouvrages,  n'ont  point  été  heureux  dans 
celui-ci.  Ils  ont  été  tous  en  butte  au  mécontentement  du 
public  ;  on  a  même  été  jusqu'à  jeter  des  gros  sous  â  la  tête 
de  la priina  Donna.' 

Houe,  ta  Bûccabadati ,  Giordani  et  Vergé,  qui,  parleur 
excellente  exécution,  ont  soutenu  la  gloire)  du  Jlfoj^sur  le 
théâtre  Vallt,  et  conjointement  avec  %uccoli,  ont  fait 
ressortir  le  mérite  de  X'InnocenzainPtrigtio ,  opéra  de  Conti, 
viennent  de  procurer  à  la  Cenerentala  un  nouveau  succès. 
Cet  opéra  a  été  représenté  le  3;  du  courant  sur  le  théâtre 
Valte,  et  y  a  produit  un  effet  que  d'habiles  artiste  s -n'ont 
pu  lui  procurer  cette  aunéesur les  autres  théâtres  de  l'Italie. 

PiDons.  Si  les  acteurs  de  Inganno  ftlice  à  Lisbonne,  ont 
eu  à  gémir  sur  leur  peu  de  succès,  ceux  qui  ont  repré- 
senté Topaldo  eDorlhca  à  Padoue,  le  38  octobre  dernier, 
n'ont  pas  eu  à  se  réjouir  de  l'accueil  qu'on  leur  a-  fait.  Les 
seuls  rieurs  étaient  les  spectateurs,  qui  chantaient,  en 


Digitized  by  Google 


4x6 


même  temps  que  la  signora  Cressotti ,  prima  Donna,  l'air 
si  connu  :  un  bel  Giorno  di contenta,  inséré  à,  propos  de  botta 
dans  une  partition  de  Rossini.  Celte  cantatrice  était-elle 
indisposée  avant  de  monter  sur  la  scène,  ou  l'aocueîl  dé- 
favorable du  publie  a-t-il  produit  un  fâcheux  effet  sur  sa 
santé?  c'est  ce  qu'on. ignore  ;  mais  le  fait  est  qu'il  a  fallu 
que  le  directeur  engageât  en  loute  hâte  une  autre  prima 
Donna,  la  signora  Lugnani,  qui  a,  dit-on,  chanté  à  Na- 
ples,  mais  sans  désigner  sur  quel  théâtre.  FÎUppo  Spada, 
premier  buffa  comité,  et  Giustppe  Lombardi,  premier  ténor, 
n'ont  pas  beaucoup  mieux  réussi  que  la  prima  Donna. 
Antonio  Colla,  premier  buffo  cantanU,  a  obtenu  quelque  suc- 
cès dans  plusieurs  morceaux.  .  j 

Gëhes.  On  travaille  avec  le  plus  grand  soin  pour  que  rien 
lie  manque  à  la  magnificence  du  nouveau  Grand-Théâtre 
qui  s'ouvrira  pendant  le  cours  du  printemps  de  1838.  On  y 
représentera  pour  l'ouverture  deux  opéras  nouveaux,  l'uu 
séria,  l'autre  buffa,  un  grand  ballet  et  un'ballet  de  mtzio 
carattere  (de  demi-caractère  ).  La  musique  de  l'opéra  sé- 
ria doit  être  écrite  par  Morlacchi. 

•  Les  chanteurs  engagés  pour  l'opéra  séria  sont  :  la  signora 
Adélaïde  Toti ,  prima,  donna  ;  la  signora  Brigida  Lorenza- 
ni,  primo  inusico;  David,  ténor;  et  Taml'ttrini ,  basse 
chantante.  ■  :n  ,  ■■'  ■*  ■ 

Pour  l'opéra  buffa  :  la  signora  Letizia  Corleii,  prima 
Donna;  Tamburfai,  premier  bouffe  chantant,  et  Frtzzotini, 
premier  bouffe  comique. 

.  MiiiN.  Sa  Majesté  la  reine  douairière  de  Bavière  a  en- 
voyé une  médaille  d'or,  à  l'effigie  de  l'auguste  donatrice, 
accompagnée  d'une  lettre  très  flatteuse  ,  au  docteur  Licb- 
tenthal ,  qui  réside  à  Milan.  Ce  célèbre  littérateur  avait 
envoyé  à  Sa  Majosté  un  exemplaire  de  son  ouvrage  inti- 
tulé :  Dicionario  e  Bibtiografia  délia  Musita,  .■ 

Ècossb.  Pendant  le  cours  du  mois  d'octobre  ,  M™  Pasla 
a  fait  jouir  du  charme  de  sa  présence  et  de  son  chant  le» 
habilans  du  Glascow»  et  en  quittant  cette  ville  pour  se 
rendre  dans  la  capitale  de  récosse ,  elle  a  fait  la  promesse 
de  leur  oonsaorer  encore  trois  soirées  à  son  retour  d'Édira- 


'4i7 

bourg.  Il  est  superflu  de  répéter  lès  éloges  qui  lui  sont 
prodigués  dans  les  diverses  feuilles  de  l'Angleterre;  on  sait 
que  partout  od  cette  célèbre  actrice  porte  son  talent,  elle 
reçoit  un  juste  tribut  d'admiration. 

On  avait  dit  qu'elle  gérait  peut-être  engagée  au  Théâtre- 
Impérial  deVienrie  pour  lé  carnaval  prochain;  on  disailaussi 
que  le  Grand  impressario  lui  avait  envoyé  un  engagement 
en  blanc,  Il  comptait,  à  ce  que  l'on  assure,  sur  le  désir  mani- 
festé parM°"Pasta  de  profiter  dé  son  voyage  à  Vienne  pour 
traverser  l'Italie  et  revoir  ses  parens  et  ses  compatriotes. 
Il  paraît  cependant  que  l'espérance  que  les  Italiens  avaient 
conçue  de  la!  revoir  est  évanouie ,  et  que  les  offres  magni- 
fiques faites  parlés  îiabitaus  de  la  Grande-Bretagne  à  cette 
célèbre  actrice  /éloignent  un  moment  si  justement  désiré. 


.     ■■    ■  ■  .  O  .  .31  . 

PUBLICATIONS  CLASSIQUES. 


Collection  coinplcle.de  Trios,  Quatuors  et  Quinte "i  scom- 
pesés  pour  instrumens  à  cordes  par.  L-  Vàh  Bbëïhoven. 
Prix  :  apo  francs.  Paris,  Maurice  Sch  le  singer,  mar- 
chand de  musique  durai,  rue  de  Richelieu,  a" 97. 
Qu'elle  fut  grande  et  belle  l'imagination  de  celui  qui , 
.après  Haydn  et  Mozart  sut  s'ouvrir  une  route  nouvelle 
dans  le  champ  de  la  musique  instrumentale,  et  qui,  lors- 
que toutes  les  formes  semblaient  être  épuisées,  sut  en 
créer-  d'iuconnues!  Comme  tous  les  hommes  de  génie, 
Beethoven  révolta  par  ses  innovations  tous  ceux  qui,  ad-  . 
mirateursenclusifsdece  qu'ils  connaissaient,  ne  voulaient 
pas  admettre  d'innovations;  mais,  comme  inus  les  hommes 
de  génie ,  il  triompha  de  ses  adversaires ,  et  s'en  fît  des 
partisans.  .  '  1  .■:»■' 

On  ne  trouve  pas  dans  les  œuvres  de  ce  compositeur  lu 
majesté,  le  calme  et  l'admirable  simplicité  d'Haydn;  on 
n'y  voit  pas  non  plus  Pâme  passionnée  et  la  prodigieuse 
variété  dcMotart.  Bien  moins  oorrect  que  ces  deux  6ra,1UB 


4a8  - 
maîtres,  il  hasarde  beaucoup  ;  mais  il  réussit  souvent  et 
montre  dans  toutes  ses  productions  une  originalité  pi- 
quante. Ne  prenant  jamais  que  lui  pour  modèle  et  pour 
guide  ,  il  ne  ressemble  à  personne,  et  marque  d'un  cachet 
d'individualité  tous  ses  ouvrages.  En  un  mot,  Beethoven, 
malgré  quelques  défauts,  figure  parmi  les  plus  grands  mu- 
siciens dont  l'Allemagne  s'honore. 

Deux  époques  très  distinctes  se  remarquent  dans  les 
œuvres  de  ce  compositeur  célèbre  :  dans  la  première,  ses 
idées  originales  l'emportent  quelquefois  dans  un  système 
démodulations  singulières,  mais  les  chants  sont  suivis 
avec  simplicité  et  clarté;  dans  la  seconde,  il  semble  dé- 
daigner cette  simplicité  qui  fait  le  charme  de  ses  six  pre- 
miers quatuors,  de  ses  trios  de  violon  et  de  piano ,  et  de 
ses  quintettis.  A  dater  de  son  œuvre  cinquante- neuvième, 
qui  contient  ses  quatuors  dédiés  au  prince  de  Lobkowîtz. 
cette  seconde  manière  fut  celle  qu'il  adopta.  Il  parait  que 
des  lectures  qu'il  fit  ù  cette  époque  changèrent  la  nature 
de  ses  idées  sur  le  beau  dans  les  arts.  Les  idées  positives 
lui  parurent  dès  lors  absolument  opposées  aux  grands  ef- 
fets qu'il  cherchait.  Son  admiration  profonde  pour  Goethe 
lui  fit  considérer  le  vague  et  la  rêverie  comme  des  moyens 
puissants  pour  émouvoir;  il  dédaigna  ses  premières  pro- 
ductions, et  considéra  celles  qui  naissaient  de  son  nouveau 
système  comme  leur  étant  fort  supérieures. 

Un  accident  affreux  pour  un  musicien  vint  ajouter  à 
ses  dispositions  mélancoliques  :  il  devint  sourd  au  point  de 
n'avoir  plus  qu'une  sensation  faible  et  vague  des  sous  de 
son  piano.  Pur  l'inertie  de  l'organe  auditif,  le  sentiment 
des  relations  mélodiques  parait  s'être  affaibli  en  lui  :  de  là 
les  duretés  et  les  incohérences  qu'on  remarque  dans  ses 
dernières  compositions,  duretés  auxquelles  il  paraît  avoir 
été  insensible.  Toutefois  la  supériorité  de  son  génie  brille 
encore  ,  même  dans  ces  ouvrages,  et  des  éclairs  d'une  ri- 
che imagination  s'y  font  encore  apercevoir. 

Plusieurs  éditions  des  œuvres  de  Beethoven  ont  été 
faites ,  tant  on  Allemagne  qu'en  France.  MM.  Janetet  Co- 
tcllecn  ont  publié  une  fort  belle  de  ses  quatuors,  quintette 


4»9 

et  trios,  destinée  à  faire  suite  aux  collections  de  Haydn, 
de  Boucher  in  ï  et  de  Mozart ,  qui  ont  paru  chez  les  mômes 
éditeurs*.  L'exécution  typographique  de  leur  édilïon  de 
Beethoven  ne  laisse  rien  à  désirer  ;  mais  clic  a  l'inconvé- 
nient de  ne  point  contenir  les  six  derniers  quatuors  de  ce 
maître,  formant  les  œuvres  137,  i5o,  i3i,  i3a,  i55  et 
»  34-  Ce  sont ,  si  l'on  veut ,  des  œuvres  choisies  ,  mais  non 
des  œuvres  complètes.  ■  •; 

Ces  six  derniers  quatuors  sont  la  propriété  de  M.  Schlc- 
siuger,  en  sorte  que  s  on  édition  est  la  seule  où  Von  peut 
rouver  réunies  toutes  les  compositions  de  Beethoven  pour 
les  in st rumens  à  cordes.  Elle  renferme  dix-sept  quatuors, 
six  trios  et  trois  quiotettis ,  et  forme  cinq  volumes  carton- 
nés avec  élégance,  et  ornés  du  portrait  de  Beethoven  et 
du  facsimile  de  sa  notation  et  de  son  écriture.    ■   'lOfciH  1 

On  ne  peut  douter  du  succès  qu'obtiendra  cette  intéres- 
sante collection  parmi  les  vrais  amateurs.  Il  sera  à  désirer 
que  quelque  éditeur  entreprit  de  publier  les  :  mêmes  ou- 
vrages en  partition,  pour  faire  suite  à  la  collet-lion  que 
MM.  Pleyel  ont  donnée  des  quatuors  et  symphonies  de 
Haydn  et  de  Mozart.  yi.iuiih 

ANNONCES. 


Le  Souvenir  îles  Ménestrels,  recueil  de  poésies  et  d'œuvres 
musicales  composées  par  les  meilleurs  auteurs,  et  orné 
de  jolies  gravures  en  taille-douce.  Le  nombre  des  roman- 
ces insérées  dans  les  quinze  volumes  s'élève  à  848,  et 
celui  des  gravures  à  1 1 1.  M.  Chaules  Lai-fille,  auteur  et 
éditeur,  à  Paris,  galerie  Vivieune,  11*70.         "  1  IL,':) 
Tel  est  le  titre  d'un  charmant  recueil  entièrement  con- 
sacré au  cube  de  la  romance,  et  dans  lequel  nos  hommes 
de  lettres,  nos  compositeurs  et  nos  peintres  les  plus  renom- 
més n'ont  pas  dédaigné  d'associer  leurs  taléns. 

C'est  sous  leurs  auspices  que  l'éditeur,  M.  Charles  Laf- 
fillé,  a  commencé  cel  ouvrage  qui  a  paru  chaque  année 


43o 

depuis  jSiij.  Idée  heureuse,  tendante  il  perpétuer  le  son- 
venir  d'un  genre  de  chant  tout  français-  et  dont  la  nais- 
sance remonte  a  l'époque  des  premiers  troubadours.  Ce 
sera  donc  pour  l'avenir  un  répertoire  d'autant  plus  inté- 
ressant que  plusieurs  romances  de  nos  grands  maître.* 
n'onl  jamais  éfé  publiées  ailleurs;  et  nos  dames  trouveront 
un  délassement  fort  agréable  a  feuilleter  cette  collection, 
qui  déjà  se  compose  de  romances,  avec  la  musique 
gravée,  et  les  aceompagnCmcns  en  très  grande  partie,  cl 
de  ni  gravures  eu  taille-douce.  Nous  ajouterons  que. 
comme  poète  et  comme  compositeur,  M.  Laflîllé  a  con- 
tribué à  sa  formation  d'une  manière  distinguée. 

No.us  nous  faisons  un  plaisir  de  recommander  cet  ou- 
vrage dont  le  succès  est  reconnu  en  France  comme  dans 
l'étranger,  cl  d'annoncer  que  le  quinzième  volume  paraî- 
tra le  i"  décembre  prochain.  Pris  :  C  francs,  broché. 

S'adresser,  franco,  à.  M,  Charles  Lafiïlié,  galerie  Vi- 

Lc  Trauiadour  des  Salons ,  journal  de  chaut,  rédigé  par 
MM.  Romaines)  et  Meisonnicr ,  avec  accompagnement  de 
piano  ou  de  guitare.  4 

Ce  journal  qui ,  depuis  dix-sept  ans  /  s'est  fait  remar- 
quer par  l'heureux  choit  des  morceaux  qu'il  renferme  est 
orné  de  lithographies  dont  les  sujets  sont  tirés  des  ro- 
mances auxquelles  elles  sont  adaptée!:.  Ces  lîthograhics 
sont  exécutées  par  MM.  Thomas ,  Cliarlet;  Schcfifer ,  Scr- 
rur,  Btrrdet,  Wallier,  etc. 

Le  prix  de  l'abonnement  est  de  fr..  par  an ,  à  dater  du 
i"  janvier,  avec  accompagnement  de  piano)  18  fr.  avec 
accompagnement  de  guitare,  avec  des  pièces,  et  10  fr.  pour 
le  chant  seulement... 

On  s'abonne  toujours  au  magasin  de  musique  de 
A.  Meissonnier ,  boulevard  Montmartre ,  n»  a5. 

Il  vient  de  paraître  à  la  même  adresse  :  1       ,..  . 

i*  L'Écho  de  Nazarin,  romance  avec  chnpnr,  ad  libitum, 

mise  en  musique  par  M.  Kubri  ,  ornée  d'une  belle  lilho- 

graphie,  prix  r  a  fr. 


M0bMty  Google 


43 1 

a*  Bonbonnière  Musicale,  ou  Repos  de  l'Étude,  font  guitare 
Berne,  composée  d'air»  ■variés,  rondos,  valses  et  autres, 
pièces  récréatives,  d'unefacililé  progressive,  par'fe;'Pàu- 
lian.prix:  6  fr.       ■  ' 

— Cinquième  solo  polir  cor-alto,  avec  accompagnement 
de  grand  orchestre  ou  de  forté-piano,  dédié  à  M.  Dominer! . 
pensionnaire  de  la  Chapelle  du  Roi  et  du  Conservatoire, 
par  Gallay,  op.  i  a.  Prix  :  9  fn 

Paris,  Zetlcr  et  comp.,  rue  du  Faubourg -Poissonnière, 
n"3.    ->■.  ■■  ■-■ 

Le  nom  de  M.  Gàltay  est  d'itn  bon  augure  pour  le  succès 
de  ce  morceau;  car,  outré  son  talent  comme  exécutant, 
ii  a  le  mérite  d'avoir,  à  l'exemple  de  M,  Dauprat,  dont  il 
est  élève,  tiré  la  musique  de  cor'des  borne»  étroites  dans 
lesquelles  on  la  tenait  autrefois.  Il  fait  moduler  cet  instru- 
ment qu'on  atfrfit  l'habitude  dé  tenir  constamment  dans 
les  tous  de  fa,  de  mi  majeur. 011  de  mi  bémol;  ses  chants  ont 
de  l'élégance,  et  ses  traits  de  la  hardiesse.  Le  morceau 
dont  H  Vagit  a  été  exécuté  par  M.  Gallois  dans  plusieurs 
concerts  à  Paris,  élà  toujours  fait  plaisir. 

—  Cinquante partis  français,  mis  en  musique,  pat  .Rouget 
deXilie,  volume.de  zog  pages,  prix  :  5o.fr.  A  Parrç,,  che^ 
l'auteur,  passage  Saithiier,  11°  ai.  1    .  .*,  ,  yl.. 

Les  inspirations  de  toute  la  vie  de  l'auteur.  d,e  l'Hymne, 
des  Marseillais  se  trouvent  réunies  dans  ce  recueil  :  c'est 
dire  assez  qu'on,  doit  y  trouver  de  la  verve. et  tlo  l'origina- 
lité. Cet  hymne  fameux  s'y  trouve,  avec -cette  note  qu'on 

o  Je  fis  les  paroles  et  l'air,  de  ce  chant  à  Strasbourg,  dan» 

•  la  nuit  qui  suivit  la  proclamation  de  la  guerre,  lin  d'a- 
«  vril  1793.  Intitulé  d'abord  le  Chant  de  l'armée  du  Rhin,  il 
■  parvint  à  Marseille  par  la  voie  d'un  journal  constitution- 

•  ucl,  rédigé  sous  le» auspices  de  l'illustre  et  malheureux 
u  Diétrick.  Lorsqu'il  fit  son  explosion  quelques  mois  après, 
«j'étais  errant  en  Alsace  sous  le  poids  d'une  destitution 
«  encourue  à  Hùningue  pour  avoir  refusé  d'adhérer  à  la 


43a 

t  catastrophe  du  10  août,  et  poursuivi  par  la  proscription 

•  immédiate  qui,  l'aimée  suivante,  dès  le  commencement 
i  de.fa -.terreur,  me  jeta  dans  les  prisons  de  Robespierre, 

•  d'où  je  ne  sortis  qu'après  le  9  thermidori  j> 

Le  recueil  que  nous  annonçons  se  distingue  aussi  par  le 
luxe  et  l'élégance  de  l'exécution  typographique. 

—  Trois  romances  d'Édouard  Bruguière  viennent  de 
paraître  chez  J.  Meissounier  jeune,  rue  Dauphine,  et  chez 
tous  les  marchands  de  musique.  Ces  romances  sont  : 

Sois  paisibtes,  paroles  de  Saint-Elme-Champ  ;  Les  adieux 
(flsaure  à  ia  Brigantine,  du  même  ;  Jeune  btrgérc  espère,  à 
deux  voix,  paroles  de  M.  Poisson. 

— Thème  et  variations  pour  le  violon  avec  accompagne- 
mentd'un  second  violon,  alloet  basse,  ou  depiano,  dédiés 
à  son  ami  M.  Daix  Deshayes,  amateur,  et  composés  par 
3.  Luce,  chef  d'orchestre  et  président  de  la  société  phil- 
harmonique de  Douai.  Œuvre  2.  Prix  :  7  fr.  5o  cent.,  à 
Paris,  chez  Bichault,  éditeur  des  œuvres  de  Cxernis,  bou- 
levard Poissonnière,  n*  16,  au  premier. 

—  Méthode  pratique  de  piano,  composée  pour  les  en- 
fans  par  Zimmerman ,  professeur  à  l'École  royale.  Trois 
parties  réunies,  a5  francs.  La  première  partie  renferme  les 
gammes  et  les  exercices,  prix  :  7  fr.  5o  c.  La  seconde  con- 
tient douze  préludes  et  vingt-cinq  thèmes  favoris,  prix  : 
7  fr.  5o  c.  ;  et  la  troisième  partie  se  compose  d'airs  variés, 
rondeaux,  morceaux  à  quatre  mains,  elle  final  de  la  Créa- 
lion  d'Haydn,  arrangé  à  six  mains  pour  un  seul  piano, 
prix  :  10  francs.  Chez  l'auteur,  rue  Sain  [-Lazare,  11°  58,  et 
cheE  tous  les  marchands  de  musique. 


BIOGRAPHIE. 


CiNAROS*  (  Dominique  )  ,  génie  fécond ,  original ,  et  l'un 
des  plus  grands  musiciens  qu'ait  produits  l'Italie,  naquit 
à  Aversa,  dans  le  royaume  de  Naples,  en  de  pareils 

pauvres  et  obscurs.  Son  père,  qui  avait  été  se  fixer  à  Naples 
en  i  j57,  mourut  en  i  j6i  ,  laissant  une  veuve  et  sou  fils, 
âgé  de  sept  ans ,  dans  un  état  voisin  de  la  misère.  La  mère 
de  Cimarosa  ,  dépourvue  de  moyens  pour  élever  ce  fils  , 
le  recommanda  à  la  pitié  de  son  confesseur,  le  père  Porzio, 
moine  anlonin.  Celui-ci  commença  à  lui  donner  quelques 
leçons  de  latinité  :  mais  bientôt  frappé  de  l'esprit  et  des 
heureuses  dispositions  de  son  élève,  il  offrit  à  sa  mère 
de  se  charger,  non-seulement  de  son  instruction,  mais 
aussi  de  son  entrelieu. 

Par  un  heureus  hasard,  le  père  Porzk»  était  organiste 
de  son  couvent  ,  et  s'amusait  souvent  dans  sa  cellule  a 
jouer  du  clavecin  et  à  chanter  en  s 'accompagnant.  Le 
jeune  Cimarosa  ne  le  quittait  pas  ;  les  occasions  qu'il  eut 
ainsi  d'entendre  de  la  musique  éveillèrent  son  génie,  et 
révêlèrent  sa  vocation.  Le  bon  moine  ne  tarda  point  à 
s'apercevoir  de  la  passion  de  son  pupille  pour  l'art  qu'il 
cultivait  :  il  lui  en  enseigna  les  premiers  élémens,  lui  fit 
ensuite  donner  des  leçons  de  chant  par  Aprïle,  et  le  fit 
enfiu  entrer  au  conservatoire  de  Lorettc.  Là  ,  il  puisa  les 
principes  de  l'école  de  Durante  dans  les  leçons  de  Feua- 
roli,  et  acquît  ce  style  pur  et  élégant  qu'ont -ou  tous  les 
maîtres  sortis  des  conservatoires  de  Naples,  dans  le  <lix- 
huitième  siècle. 

Ses  premières  compositions  annonçaient  ce  qu'il  devait 
être  un  jour  ;  on  y  trouvait  déjà  l'imagination  brillante  et 
les  chants  heureux  qui  abondent  dans  tous  ses  ouvrages. 
Outre  les  talens  qu'il  manifestait  comme  compositeur,  il 
jouait  bien  du  violon  et  du  clavecin ,  et  chantait  parfai- 
tement,  surtout  dans  le  genre  bouffe.  On  rapporte  que 
a'  vol.  37 


Digitizod  by  Google 


434 

Sacchini,  ayant  composé  un  intermède  intitulé  FraDonato, 
le  fit  exécuter  au  conservatoire,  et  que  Cimarosa,  qui 
n'était  alors  âgé  que  de  douze  ans ,  joua  le  personnage  de 
Protagoniste,  avec  un  talent,  une  verve,  qui  furent 
admirés  de  tnus  les  spectateurs. 

A  peine  sorti  du  conservatoire,  en  ipj3,  il  reçut  un 
engagement  pour  écrire  la  musique  d'une  farce  intitulée: 
La  Baronessa  Stromba.  Celte  première  production  fut  cou- 
sidérée  comme  un  prodige,  à  cause  de  son  âge  (  il  avait 
o.  peine  dix-neuf  ans  ).  L'année  suivante ,  il  alla  à  Rome  , 
où  il  composa  Vltaliana  in  Londra.  Après  le  carnaval ,  il 
retourna  à  Naples,  et  donna  au  Tetttro-Ntiovo ,  ta  Finis 
Frascatana ,  et  la  Finta  Par'tgina.  En  1  j;5 ,  il  écrivit  /(  Fa- 
•natico  per  gti  antkhi  romani,  pour  le  théâtre  des  Florentins. 
Déjà  Piccini  avait  donné  l'idée  des  finati;  mais  c'est  dans 
l'opéra  qui  vient  d'être  cité  que  Cimarosa  fit  entendre, 
pour  la  première  fois,  des  trios  et  des  quatuors  dans  le 
cours  de  l'action .  En  1  776 ,  il  retourna  à  Rome,  où  il  com- 
posa //  Pittor  partgino ,  et  /  dite  Baroni. 

Chaque  ouvrage  nouveau  de  Cimarosa  lui  valait  un 
succès,  et  le  goût  capricieux  des  Romains  semblait  se 
fixer  en  sa  faveur.  A  son  retour  à  N  a  pies ,  il  trouva  les 
liabitans  dans  l'enthousiasme  des  dernières  compositions 
de  Paisiello ,  et  il  eut  à  lutter  contre  la  réputation  formi- 
dable de  ce  grand  musicien  ;  mais  déjà  le  talent  de  Cima- 
rosa était  dans  toute  sa  force  :  il  ne  craignit  point  de  se 
mesurer  avec  son  redoutable  émule.  A  peine  fui-il  arrivé 
(  en  I777  ) ,  qu'il  écrivit  pour  le  théâtre  des  Florentins  f 
Finit  Nobili ,  l'Armida  ïmmagïnaria,  et  Gti  Amant i  Comici. 
Tous  ces  ouvrages  réussirent,  et  l'on  ne  savait  ce  qu'on 
devait  admirer  le  plus,  nu  d'une  fécondité  presque  sans 
exemple,  ou  de  l'invention  qui  brillait  dans  tout  ce  qui 
sortait  de  la  plume  de  ce  jeune  musicien.  Cimarosa  re- 
tourna à  Rome  en  1779  :  il  y  mit  en  musique  //  Ritorno  di 
don  Calandrino,  et  son  fameux  Cajo  Mario,  l'une  de  ses 
plus  belles  productions.  Dans  la  même  année  ,  II  Mtrrato 
diMatmantiU,  V  Assaionte  et  laGiuditta  obtinrent  beaucoup 
de  succès  i  Florence. 


435 

De  retour  à  Naples,  en  1780,  il  écrivit  pour  l'ouverture 
«lu  théâtre  Del  Fonda,  l'Infidella  fedek ,  II  Fategname ,  et 
l'Amante  combatutto  dalle  donne  di  punto ,  pour  le  théâtre  des 
Florentins.  En  1781,  il  donna  à  Rome  YAtlessandro  netf- 
Indie  ,  et  à  Turin  VArtaserse.  L'année  suivante,  il  alla  à 
Venise,  où  il  écrivit  II  Convito  di  Pietra.  Cet  ouvrage  excita 
un  tel  enthousiasme,  qu'à  la  lin  delà  première  représen- 
tation il  fut  ramené  chez  lui  en  triomphe,  à  la  lueur  des 
flambeaux.  Revenu  a  Naples,  il  y  composa  son  délicieux 
opéra  de  La  Balkrina  Amante,  et  Nina  e  Mariuflb ,  pour  le 
théâtre  des  Florentins ,  La  F~Ulana  riconosciula  pour  celui 
Del  Fendo ,  YOreste  et  VEroe  Cincse  pour  le  grand  théâtre. 
En  1784,  on  le  trouve  à  Viceucc ,  composant  son  OUmpiade 
pour  l'ouverture  du  nouveau  théâtre  delà  foire,  et  en- 
suite à  Milan  ,  où  il  fait  représenter  /  due  supjiosti  Contù 
Enfin  l'année  suivante,  il  revint  à  FJaples  pour  y  faire  re- 
présenter son  opéra  de  Giannina  e  Bcrnadone,  qu'il  avait 
composé  précédemment  à  Venise,  et  auquel  il  ajouta 
plusieurs  morceaux.  Il  donna  ensuite  II  Màrito  disperato  , 
au  théâtre  des  Florentins  ,  la  fameuse  farce  d'il  Crédule ,! 
la  Donna  al  peggior  si  appigll,  le  Trame  delta* ,  et  Vtmpres- 
tar'to  in  angustia,  au  Teatro-Nuovo  ,  il  Fanatka  Burlcto  et  it 
Sacrifiùo  d'Abramo,  au  théâtre  Del  Fonda. 

Tant  de  productions  étincelantes  de  beautés  du  premier 
ordre,  portaient  la  réputation  de  Cimarosa  dans  toute 
l'Europe.  L'Impératrice  de  Russie,  Catherine  II,  lui  Gt 
offrir  un  engagement  pour  se  rendre  a  su  cour,  avec  le 
titre  de  compositeur  de  sa  chambre  et  du  théâtre  Impé- 
rial; les  avantages  pécuniaires  dont  on  accompagnait 
cette  offre  déterminèrent  Cimarosa  a  l'accepter,  et  il 
partit  de  Naples  au  commencement  de  1787.  Forcé  de 
s'arrêter  à  Turin ,  il  y  écrivit  1 1  V aldomiro  ,  composition 
admirable  qui  fut  applaudie  avec  transport.  Arrivé  à  la 
cour  de  Catherine,  il  se  mil  à  travailler  aussitôt;  La  V er- 
gine  del  Soie,  La  Félicita  Inaspetata ,  La  Cléopatre  et  VAtene 
Edificata  sortirent  en  peu  de  temps  de  sa  plume;  mais  ce 
qu'on  peut  à  peine  croire ,  c'est  que  près  de  cinq  cents 
morceaux  détachés  furent  composés  par  lui ,  pourlcser- 


DigitizGd  t>y  Google 


436 

vice  (le  la  cour,  dans  l'espace  de  quatre  ans.  Il  écrivit 
aussi  pour  ie  prince  Polemkim ,  une  grande  cantate  hiti-- 
lulée  :  La  Seraia  non  Pretedutai  Les  principaux  seigneurs- 
russes  l'accablèrent  de  présens  et  de  caresses,  et  Paul  I" 
lui  fit  l'honneur  d'Être  parrain  d'un  de  ses  enfans.    .  il 

Cependant  la  santé  de  Cimarosa  commençait  à  souffrir 
de  la  rigueur  d'un  climat  si  différent  de  celui  qui  l'avait 
vu  naître':. ce  mot  i  fie  détermina  à  quitter  la  Russie  ,  polir 
aller  à  lie  une  :  il  :y  arriva  tiers  la  lin  de  179a.  L'Iim- 
pereur;d*iUfriohe,  Léopbld,  qui  désirait  l'attacher  a, sa 
cour,  lui  assura  un  itraitemenl  de  ia,ood  florins  ;  lui 
assignd  'lin  logement  et  lui  donna  le  titre  de  maître  de  sa 
chapelles  Ce  l'ut  là  qu'il  écrivit  son  opéra  ItMatrimenio 
Segreto,  , qu'on  regarde  géoéralcmcnt  comme  son  chef' 
d'oelivre  ;  il:  avait  alors  :|rcntc-huit  ans,  el  en  avait  em- 
ployé irioiiit  do  dix-sept  à  écrire. près  de  soixante-dix  ou- 
vrages dramatiques,  outre  une  prodigieuse  quantité  de 
musique  de  tout  genre.  Ainsi  c'est  lorsque  tant  de  pro^ 
duclions  semblaient  avoir  dû  épuiser  son  génie  mi'H  cri- 
fafltàTè'cnef-d'œuvre;  a*"1'  ,OIls  morceaux  peuvent 
être  c ftés  comme  des  ■  modèles  de  l'orme  ,  d'élégance  et 
d'originalité.  L'effet  de  la  première  représentation  fut 
tel,  que  l'empereur, -après  avoir  donné  à  souper  aut 
acteurs  et  aux  musiciens  de  l'orchestre,  les  renvoya  stir- 
lu-champ  au  théâtre  pour  lui  donner  une  deuxième  re- 
présentation,  à  laquelle  il  ne  prit  pas  moins  de  plaisir 
qu'à  la  première.  Jamais  ouvrage  dramatique  n'avait  pro- 
duit un  pareil  effet  à  Vienne,  car  Mozart,  qui  venait  do 
mourir  ,  n'avait  point  vu  le  succès  des  siens;  succès  qui 
ne  commença  que  plusieurs  années  après  sa  mort.  Avant 
de  quitter  Vienne,  Cimarosa  composa  encore  pour  l'em- 
pereur La  Catamita  de  Caori,  et  Amor  Tende  tagace. 

Après  six  ans  d'absence,  il  arriva  à  Naples  uu  i?g5;  la 
renommée  de  son  Matrimonto  Segreto  l'y  avait  précédé,  et 
ce  fut  cet  ouvrage  qu'un  lui  demanda  d'abord  :  il  y  ajouta 
plusieurs  morceaux,  entre  autres  le  duo  D«h  Signore. 
jamais  opéra  n'excita  un  plus  vif  enthousiasme  ;  soixante- 
sept  représentations  suffirent  à  peine  à  l'empressement 


DigitizGd  by  Google 


437 

du  public;  et,-  ce  qui  était  sans  exemple,  l'illustre  com- 
positeur fut  obligé  de  tenir  le  clavecin  aux  sept  premières, 
pour  y  recevoir  les  témoignages  de  l'admiration  générale  : 
/  Traci  Amanli  succédèrent  à  cette  belle  composition  , et 
furent  suivis  de  la  Astazie  Femminill,  de  Pénélope  et  de  Vlm- 
pegno  Stiperalo ,  que  Cimaros a  écrivit  pour  le  théâtre  Del 
Fonda.  En  1796,  il  alla  à  Rome  et  y  composa  I  Nemici  Ge- 
nerosi  ;  de  là,  il  se  rendit  à  Venise  pour  y  écrire  Gli  O.rau 
e  Curiazi.  Retourné"  a  Home  -  en  1798,  il  y  fit  représenter 
pendant  le  carnaval ,  Achille.  AU' A ssedio  di  Troia,  et  t'Inù-. 
prudenlt  Fortitnato.  Dansla  même  année,  il  donna  à  Haplëi, 
au  théâtre  des  Florentins  X'Apprensivo  Ragg'trato,  qui  fut 
suivi  d'une  grande  cantate  intitulée  :  La  Félicita  Compita. 
Une  maladie  grave  le  conduisit  aux  partes  du  tombeau 
dans  l'été  de  la  même  aimée  :  à  peine  rétabli ,  il  pari  it  pour 
Venise  ,  où  il  avait  un  engagement  pouryéerire  l'Arte- 
misia  ;  mais  il  n'eut  point  le  temps  d'achever  cet  ouvrage , 
car  il  mourut  après  en  avoir  composé  le  premier  acte,  lu 
11  janvier  1801  ,■  à  l'âge  de  quarante-sept  ans-  ..■ 

Des  bruits  singuliers  ont  couru  sur  la  mort  de  ce  grand 
musicien.  Il  avait  embrassé  vivement  le  parti  de  la  révo- 
lution napolitaine,  lors  de  l'invasion  du  royaume  de  Na- 
ples  par  l'armée  française.  Après  la  réaction,  il  fut,  dit-on, 
emprisonné  par  ordre  de  la  reine  Caroline,  et  les  journaux 
du  temps  ont  annoncé  qu'il  avait  succombé  aux  mauvais 
traitemens  qu'on  lui  lit  éprouver  dans  sa  prison.  Il  parait 
que  l'opinion  publique  en  Italie  accusait  hautement  le 
gouvernement  de  cet  attentat.  Le  lieu  de  son  décès  n'était 
pas  bien  connu  ;  les  uns  assuraient  qu'il  avait  été  étranglé, 
d'autres  qu'il  était  mort  empoisonné  a  l'a  donc.  Enfin  la 
cour,  qui  voulait  détruire  celte  fâcheuse  impression,  fi) 
publier  l'avis  suivant  :  1  II  fu  signore  Domiuico  CEma- 
«  rosa,  maestro  di  capclla,  6  passalo  qui  in  Vcnezia  agli 
>eterui  riposi,  il  giorno  undici  di  gciiiiajo  delf'  auno 
«corrente,  in  consequenza  di  un  tumorii I'  ché  avéa  al 
"  basso  ventre ,  in  quale  dalla  stato  scirroso  ù  passatu  ailo 
1  stato  cancrenoso.  Tanto  altesto  sul  niio  onorc.  ut  per  la 
"  pura  veritil  ,  cd  in  fede  etc.  Vcnezia ,  il  5.  Apr.  1801. 


438 

.  Signe  D.  Giovanni  Piccioli,  red.  deleg.  e  medico  ono  - 
.rario  di  sua  santiia  di  H.  S.  Pio  VII'.. 

Cimarosa  était  excessivement  gros;  mais  sa  figure  était 
belle  et  son  aspect  agréable.  Il  avait  beaucoup  d'esprit,  et 
faisait  fort  bien  des  vers.  Il  avait  été  marié  deux  fois.  Sa 
première  femme,  M"*  Ballante,  mourut  en  lui  donnant  un 
fils  ;  la  seconde  perdit  aussi  le  jour  après  lui  avoir  donné 
deux  enf ans.  ■  i. 

Trois  grands  compositeurs,  Cimarosa,  G  uglielmi  et  Pai- 
siello,  ont  illustré  l'Italie  à  la  même  époque.  La  manie 
qu'on  a  de  comparer  des  choses  qui  ont  entre  elles  peu 
d'analogie  a  fait  souvent  établir  des  parallèles  entre  les 
productions  de  ces  musiciens  ;  mais  personne  n'a  songé  à 
distinguer  les  qualités  qui  sont  propres  à  chacun.  Des 
hommes  doués  d'un  génie  égal  diffèrent  nécessairement 
par  quelque  endroit  ;  ce  qui  fait  la  gloire  de  l'un  ne  brille 
souvent  d'un  vif  éclat  qu'aux  dépens  de  quelque  autre 
chose  par  ou  son  rival  s'est  illustré.  C'est  ainsi  que  Cima- 
rosa se  distingue  par  sa  verve  comique  et  sa  piquante  ori- 
ginalité, tandis  que  Paisiello,  moins  bouffe  et  moins  bril- 
lant, charme  par  la  suavité  de  ses  chants,  et  surtout  par 
une  expression  dramatique  supérieure  à  celle  de  son  émule. 
Paisiello  semble  n'abandonner  ses  idées  qu'a  regret;  il 
répète  souvent  les  mêmes  phrases  jusqu'à  l'affectation, 
sans  varier  l'harmonie  ni  les  ornemens  ;  cependant  il  lire 
les  plusbeauxeffetsdeces  redites.  Cimarosa,  au  contraire, 
comme  s'il  se  fatiguait  de  ses  propres  idées,  les  fait  se  suc- 
céder avec  une  abondance  qui  tient  du  prodige,  et  nous 
entretient  ainsi  dans  une  sorte  de  délire  continuel.  Qu'en 
peut-on  conclure?  Que  tous  deux  sont  de  grands  musi- 
ciens d'une  manière  différente.  Eh!  qu'importe,  après 

(i)  ■  Feu  Dominique  Cimarosa  ,  maître  de  cbapelle ,  est  décédé  en 
.  celle  .ville  de  Venise ,  le  ome  janvier  de  celte  année ,  par  mile  d'une 
■  tumeur  qu'il  avait  dans  le  bas-ventre  ,  laquelle  de  l'étal  squirreui  est 
•  passée  à  l'clal  gangréneux;  ce  que  j'alteste  sur  mon  honneur,  clc. . 
Celle  déclaration  du  médecin  Piccioli  ne  parait  pas  avoir  alteint  le  bul 
qu'on  te  proposait,  celui  île  dissiper  les  soupçons,  car  l'opinion  publique 
est  toujours  resiée  la  mémo  s»r  le  fait  delà  moi  t  violente  de  Cimarosa. 


Digitized  byGoogl 


439 

tout,  cette  prééminence  qu'on  veut  donner  à  l'un  aux 
dépens  de  l'autre?  Ce  qui  importe,  c'est  que  tous  deux 
nous  procurent  des  jouissances,  et  nous  n'avons  rien  à 
désirer  sous  ce  rapport.  Qui  songe  à  autre  chose  qu'à  Nina 
et  à  Negacle  lorsqu'on  entend  leurs  accens?  Qui  a  jamais 
désiré  que  Carotina,  Paotino  et  Bernadone  eussent  un  autre 
langage?  Le  duo  de  VOlimpiade  est  le  chef-d'œuvre  des 
duos  dramatiques,  comme  Pria  che  spunti  est  le  modèle 
des  airs  de  demi- caractère,  et  Set  Moretli  celui  des  airs 
bouffes. 

Ces  éloges  paraîtront  sans  doute  quelque  jour  un  rado- 
tage aux  gens  du  monde,  qui  n'ont  de  sensations  que  celles 
permises  par  la  mode.  Cette  musique  que  je  vante  semble 
aujourd'hui  trop  simple  d'harmonie.  Déjà  morte  pour  le 
théâtre,  elle  ne  vit  pins  qu'au  salon,  et  bientôt,  peut-être, 
elle  sera  complètement  oubliée.  Mais  à  quelle  époque  que 
ce  soit,  lorsqu'un  véritable  connaisseur,  dépouillé  des  pré- 
jugés d'école  et  des  habitudes  de  l'éducation,  jetera  les 
yeux  sur  les  partitions  de  Cimarosa,  il  reconnaîtra  que 
mil  n'a  reçu  de  la  nature,  dans  un  plus  haut  degré,  les 
qualités  qui  font  le  grand  musicien,  et  que  nul  u'a  mieux 
rempli  sa  destinée. 

Nous  croyons  devoir  finir  cette  notice  par  la  liste  com- 
plète, et  chronologique  des  ouvrages  de  ce  maître  :  i°  La 
Baronessa  Stramba,  i?;5;  a"  L'Italiana  in  Londra,  1774; 
3*  La  F inta  Frascatana,  1774;  La  Finta  Parig'ma,  ip?4; 
5°  //  Fanat'ico  per  gti  antichi  romani,  1775;  6"  La  Contessina, 
1775;  7°  ItGiorno  felice,  cantate,  i7?5;  8°  Un  Te  Deum, 
1776;  9°//  Pillor  parigino,  1J75;  10°  Due  Bar ont,  1776; 
11°  Amor  costante,  1776;  ia°  Il  Matrimonio  per  industrie, 
1776;  i5°  /  Finti  nob'tli,  1777;  i4'  L'Ârmida  immaginaria, 
1 777;  i5"  Gti  Amanti  eomici,  1777  ;  16°  llDiieilo  per  com- 
piimento,  1778;  17°  II  Matrimonio  per  raggiro,  1778;  18*  La 
Circe,  1778;  19*  ItRitornodidonCalandrino,  1779;  10°  Des 
litanies,  1779;  21"  Cajo  Maris  1779;  aa"  Il  Mercato  di  Mal- 
mantite,  1779;  a3°  L'Assalonte,  1779;  a4°  La  Giuditta,  ora- 
torio, 1779;  a5°  L'Infedetta  fedete,  1780;  a6°  Il  Falegname, 
1780  ;  ap"  L'Amante  combattit lo  dalle  donne  d't  pttnto,  1 780  ; 


44o 

28°  L'Avvisoaimaritati,  1780  ;  ag*  il  Tritmfo  délia  retigione, 
oratorio,  1780;  3o°  Alessandrô  netl'Indie,  1 781  ;  3i°  L'Ar- 
tasersc,  1781  ;  3î*  fi  Caprido  dramatico,  1781;  55° //Marïi- 
rftf  Gennaro,  1782;  34"  L'Amer  contrastât»,  1783; 

35°  IlConvhodïPietra,  178a;  36°  La  Batterina  amante,  1783; 
'ôj'NinaeMartujfo,  178a;  38°  La  Viltana  ricortosciuta,  1783; 
39°  L'OresIe,  1785;  4°°  L'Eroe  Cinese,  1783;  4'°  Gitinio 
Bruto,  1  p83;  4s°  Chi  ifAltrai  si  veste  presto  si spoglia,  1783; 
43°  L'Otimpiade,  1784;  44°  /  Due  saposii  conti,  1784;  45°Le 
Statue  parlanti,  1784;  46"  L>eitE  messes,  dont  une  de  Requiem, 
1784;  47°  Gi'annina  e  Bernadone,  1785;  48'  fi  Marito  dispe- 
ratff,  i785;49°fi  Crediito,  1785;  5o°  La  Donna  al  peggior 
slappigti,  1785;  5i°  LaScitfliara,  1785;  5t- Gti  Amanti  alla 
prora,  1786;  55°iU;V«lc<fa delDeifîno, cantate,  1786;  54°Le 
Trame  delusé,  1786;  55°  L'Impressario  in  angustie,  1786; 
56'  IlFanalico  barlato,  1786;  67°  fi  Sacri/izïo  d'Abramo, 
1786;  58°  fi  Vatdomiro,  1787;  5çf  L,e  Feste  d'Apotto,  1787; 
fio*  La  Vcrgine  del  sole,  1787;  61°  La  Félicita  inaspettata, 
1788  ;  6a°  La  Cteopatra,  1788  ;  63*  Messe  de  Requiem  pour  les 
funérailles  de  la  duchesse  de  Serra  Caprioia,  morte  à  Pé- 
tersbourg,  1788  ;  64°  L'Alêne  edijicata,  1789;  65°  La Serata 
non  prevettuta,  cantate,  1789;  66"  Cinq  cents  morceaux  dé- 
tachés pour  le  service  de  la  cour  de  Russie,  de  1787  à  1791; 
67°  Il  Matrimonio  segreto,  1793  ;  68*  La  Calamita  de  Cuori, 
1792;  69°  Amor  rende  sagace,  1793;  70°  Deux  Dixit,  I'ud 
pour  l'empereur  d'Autriche,  l'autre  pour  le  prince  Ester- 
nazi,  179a  ;  71°  /  Traci  amanti,  1793;  73°  Le  Astuzie  femi- 
niti,  1793;  73"  Pénélope,  1794;  74°  L'Impegnosuperalo,  1795; 
75°  /  Nemiei  generosi,  1796;  76°  Gli  Orati  e  Curiazi,  1797; 
77°  Achille  nelt'  assediodiTroja,  1798;  78'  L'Imprudente  for- 
tunato,  1798;  79"  L' Apprsnsivo  raggiralo,  1798;  80°  La  Fé- 
licita compîta,  1798;  81*  Semiramide,  1799;  82°  Artemisia, 
1801. 

FÉTIS. 


VARIÉTÉS. 


Tout  ce  qui  a  quelque  rapport  à  la  vie  ou  aux  produc- 
tions d'un  homme  célèbre  adroit  dépiquer  noire  curiosité, 
ï.es  ouvrages  des  artistes  et  des  gens  de  lettres  sont  cousi- 
dérésien  général  comme  ce  qu'ilya  de  plus  important  dans 
leur  histoire ,  et  cela  doit  être  ainsi ,  puisque  c'est  par  eux 
qu'ils  se  mettent  eu  communication  avec  le  public  :  aussi 
O-t-on  dit  souvent  que  leur  histoire  n'eut  autre  que  celle 
de  leurs  ouvrages.  Nous  avons  donc  pensé  qu'on  ne  verrait 
pas  sans  intérêt  un  tableau  fidèle  de  toutes  les  productions 
de  Rossini ,  avec  l'indication  des  lieux  et  des  époques  oii 
elles  ont  été  représentées  pour  la  première  fois,  et  la  com- 
position des  troupes  chantantes  qui  les  ont  exécutées.  Nous 
tenons  ces  renseignemens  de  bonne  source,  et  nous  pou- 
vons garantir  leur  authenticité. 


Carême. 


Rosa  Morandi,  Luigi  Raflant! 

cola!  de  Grecis ,  Xommaso 
Mariette  Marcolini,  Domcoicc 

cani,  Paolo  Rosicfi. 
Mmnbclli  le  père,  ses  fîllei  e 


Oii- 


Tcresa   Uelloc,   Rafacle  Monelli  , 
Luigi  RaHanellï,  Filippo  Ualli. 
:»ii!'iu  Marciiliiij.riisaljettaMaii. 
fredini,  Eliodoro  Blanchi, 
iaria  Cantarelli,  Rafaël.!  Monelli, 
Tacoi,  de  Grrcis. 
larictta  Marcolini,  Claudio  Bo- 
noldi,  Filippo  Galli. 
Grai-i;il;t  ,  Liiid  l'aciui,  Tommajo 
Berti. 


TewJolinda  Ponligf;la,  Toramî 
Bcrli.Luigi  HalTanrUi,  <]•■  Grec 
Adélaïde  Mainnotli,  Elisabella  Mi 


Argent: 
a  Hon 


Algeri. 
AuidiiK 
n  Palmira 


Barbie  rc  di 

Siriglia. 
LaGanetta. 

Oielln. 

Cenerentola. 


Gimeppe  Kabris,  El 
cbi.ïilippo  Galli. 


Maffei  Fe.ta ,  David,  Galli,  et  Luigi 

Elisabetta  Culbran  ,  (a  Dardanelli, 

Nom  ri  el  Garcia. 
AuVlaide  Sala,  Douselli,  Galli,  Ri- 

Ciurji  liij;ltetti ,  Garcia  ,  Bolticelli, 

Luigi  Zaniboni. 
Margbcrila  Cbambrand  ,  Pelice  Pel- 

kgrini,  Carlo  Casaccia. 
Elieabetb  Colbran  ,  Notxari,  David, 

Gellrurft  Righetti ,  Calterina  Rosti, 


Automne. 
8  Carnaval. 

.  Carême. 
Automne. 

.  Prinleroi. 


,î.  Cath, 
a  ISaplej. 
Stala, 


c  Zoralde. 
Brmioue. 


dcl  Lago. 
-,  ['alliti.-i. 


Tertsa  Belluc,  Savina  Mouelli, 
Bolticelli,  Galli,  Antonio  Am- 
brai et  Mit'  Galian». 

Eliaabetla  Colbran  ,  Noixari  et  Be- 


i  Elisabetta  Pinotti, 


fredin; 


Savino  Mouelli,  Gio>- 


chino  Sciarpelletti. 

Elisabetta  Colbran,  Nouari,  Mil- 
ieu Porta,  Bcnedetti. 

E.  Colbran,  ffoiiari,  David,  Bt- 

E.  Culbran ,  R.  Pisaroni ,  Rouan  t 
David. 

Rosa  Moraodi,  Carolina  Cor  lui , 
Eliodoro  Biancbi ,  Luciano  Bian- 
cbl 

E.  Colbran ,  H.  Piiuroni ,  [ïouari , 
David,  Benedetti. 
arolina   BaȔ ,  Violante  Campa- 
re.si,  Claudio  Bonoldi ,  Gimeppe 


arc  on  do. 
Matilde 
de  Shabran. 


lamagni  ,  P£iu«eppe     Fusconi  , 


El.  Colnran.Koiiari,  David,  Ad- 
brosi,  Heuedelti,  et  M"«  Crccuiii. 


Digiiizod  by  Google 


«3 


0P»B1. 

i8i3 
<8>5 

■SiG 
1S17 

Carnaval. 
Été. 

Automne. 
Printems. 

Ftnict, 
à  Venue. 

Opéra  Italien, 
à  Pari». 

Grand  Opéra, 
à  Pari!. 
Idem. 

Semiramidc. 

■  Reims. 

La  Siège  de 
Corimhe, 

El.  Colbran  Rossini ,  Rosa  Mariant, 
Sinclair,  ténor  anglais,  Galli, 

Pasla ,  Momhelli ,  Schiasetli,  Cînli, 
Amigo,    Zucchelli,  Lenuenr, 

Pellegrin'i,  M11"  Dotll' 
M""    Cinti,   Frémoot,  Dérivis, 

Nourrit  père  el  fila,  ProToat. 
M""  Ginti,  Mori,  Ad.  Nourrit,  Al. 

Dupant,  Levasseur,  Dabadie  , 

HM  Dabadie,  P.  Prevot. 

CANTATES. 


,  Il  P 


..  R.  la  ducLise 
.  erri,  au  théâtre  dti 
Fonda,  à  Napk*. 
„  Pour  le  roi  de  Piaplcs. 
Pour  l'empereur  d'Au- 
triche, au  théâtre»  .St. 
Charles. 
1  Pour  le   bénéfice  de 


.  DidoDe  abbando- 
Egle  c  Irène. 
Thetis  et  Pelée. 


La  Rieonoaceni 


,  Jl.croOmaggi. 


ri  point  été  eiècutéc  publi- 
quement. 

Ëlisabetla  Col  bran  ,  Gerola- 
ma  Durdanelli,  Merghcrila 
Cbambraud,  Noiiarï,  Darid. 

Elis  ab  et  ta  Cnlbran. 

Eiisabclta  Colbran,  David,  et 
Gio.  Bottieta  Itubioi. 

.  Gerolama  Dardanelli ,  M«« 
Chaumel ,  Rubini  et  Benc- 
delli,  :  .  1 

H"  Tosi,  Velhili,  CriielU, 
Galli  a  Campileffi. 


s  fuite 


1  noire  der- 


—  Dans  la  critique  que  n< 
nier  numéro  du  la  lenteur  des  administrations  qui  .se  sont 
succédées  à  l'Opéra  depuis  vingt  ans,  nous  n'avons  point 
prétendu  comprendre  celle  de  M.  Choron,  quia  pu  trouver 
des  censeurs  sous  d'autres  rapporta,  mais  qui.  quant  à 


Digitizod  by  Google 


444 

l'activité,  a  fait  une  exception  digne  de  remarque.  En  effet, 
dniis  le  cours  d'une  administra  lion  qui  n'a  duré  que  dix- 
sept  moi»  (du  ao  novembre  i8i5auaomars  1817),  M.  Cho- 
ron a  mis  en  scène  sept  ouvrages  nouveaux  et  remis  qua- 
torze anciens,  dont  plusieurs  en  trois  actes,  avec  des 
flécorations  nouvelles.  Lu  voici  la  note  détaillée  : 

i*  Ouvrages  nouveaux.  Opéras  :  te  Rossignol,  composé 
et  monté  en  six  semaines;  tes  Dieux  rivaux;  Nathalie,  trois 
actes;  Roger  de  Sicile.  Ballets  ;  Flore  et  Zcpkyre,  que  H.  Cho- 
ron a  établi  et  soutenu  contre  toutes  les  intrigues  de  cou- 
lisses; le  Cainarat  de  Venise,  composé  et  monté  en  trois 
semaines;  les  Sauvages  de  la  mer  du  Sud,  ballet  sur  lequel 
l'administration  des  Menus  lui  fit,  malgré  lui,  perdre  trois 
mois  en  essais  infructueux,  pour  trouver  un  lever  du  soleil, 
dont  l'effet  ridicule  lit  donner  au  machiniste-opticien  le 
sobriquet  de  Grippe-Soleil. 

2°  Ouvrages  remis.  Opéras  :  tes  Myetèrcs  (CIsis,  réduits 
en  trois  actes;  les  Abencèrages,  réduits  en  deux;  Panwge, 
en  trois  actes  (décorations  nouvelles)  ;  Astyanam,  les  Pom- 
miers et  le  Moulin,  Castor  et  Pollux,  Sait!  et  Us  Bardes.  Bal- 
lets :  ta  Chercheuse  d'esprit,  Pâris,  le  Déserteur,  la  Dansa- 
manie,  Psyché,  Paul  et  Virginie  ;  ces  deux  derniers  avec  des 
décorations  en  partie  nouvelles. 

M.  Choron  avait  préparé  la  mise  de  ta  Lampe  merveilleuse, 
composée  à  son  invitation,  et  la  remise  des  Danaldes  et  de 
Fernand-Cortez,  et  nous  l'avons  entendu  assurer  que  s'il 
n'a  pas  offert  un  nombre  encore  plus  considérable  d'ou- 
vrages, c'est  1°  grâce  aux  entraves  de  tout  genre  qui  em- 
barrassaient sa  marche,  a"  à  raison  de  la  disette  d'ouvra- 
ges prêts  à  être  mis  en  scène,  disette  qui  était  telle  que 
l'on  était  obligé  de  faire  composer  et  d'apprendre  scène 
par  scène. 

Il  est  un  fait  reconnu  par  les  anciens  administrateurs 
de  la  Maison  du  Roi;  c'est  que  de  toutes  les  directions  de 
l'Opéra,  c'est  celle  de  M.  Choron  qui  a  coûté  le  moins 
et  qui  a  produit  le  plus. 


DigitizGd  t>y  Google 


NOUVELLES  DE  PARIS. 


THÉÂTRE  ROYAL  ITALIEN. 
&'maùm  in  %tqtri 

Le  véritable  style  bouffe,  supérieurement  traité  par  Ci- 
marofia,  était  négligé  depuis  plusieurs  années  en  Italie, 
quand  Rossini  commença  à  le  faire  renaître  dans  Vln- 
ganno  Ftfice  et  dans  la  Pielra  del  Paragom.  Mais  ce  fut  sur- 
tout dans  l'/tetâtna  inAlgeri  que  ce  style,  création  de  l'é- 
«>li:  italienne,  brilla  de  l'éclat  le  plus  vif.  Avec  autant  de 
verve  que  sou  admirable  modèle,  Rossini  avait  reçu  de  la 
nature  le  don  précieux  d'un  sentiment  d'harmonie  plus 
riche ,  et  celui  d'inventer  avec  facilité  des  cnntilèucs  char- 
mantes. Moins  abondant  peut-être  en  motifs  heureux, 
moins  propre  à  produire  de  grands  effets  par  dus-  moyen* 
simples,  il  remplaçait  ces  avantages  par  ceux  d'une  grande 
habileté  a  présenter  des  phrases  analogues  avec  un  air  du 
nouveauté,  d'une  harmonie  vigoureuse  et  d'un  système 
d'instrumentation  rempli  d'élégance  et  de  charme.  Enfin , 
sa  musique,  vive,  gaie,  bouffe  au  plus  haut  degré,  était 
nouvelle  et  de  forme  inconnue,  lillu  devait  donc  plaire: 
aussi  plut-elle  généralement.  Que  dis-je  P  elle  mit  en  dé- 
lire presque  toute  l'Europe,  et  son  succès  surpassa  tout  ce 
qu'on  avait  vu  jusqu'alors.  ( 

Quoiqu'il  y  ail  moi  us  d'invention  dans  Vltaliamin  Algert 
que  dans  le  Barbier  de  SéeiiU  et  dans  la  C/merattota  ,  on  ne 
peut  disconvenir  que  le  style  bouffe  y  est  plus  franc,  plus 
décidé,  plus  indigène  que  dans  ces  belles  compositions. 
Toute  la  folie  italienne  ne  peut  avoir  d'accens  plus  vrais  , 
plus  libres,  que  le  finale  du  premier  acte,  depuis  le  chœur. 
Viva,  vira  il  flagel  iUIU  donne  ,  jusqu'au  dernier  ensemble 
V ù  sossapra  il  mio  ctrvetlo,  ou  que  le  triu  Papataci.  Le  der- 


44» 

nier  finale,  bien  qu'il  ne  soit  pas  un  morceau  du  premier 
ordre,  est  aussi  une  de  ce  débauches  de  musique  bouffe 
qui  ne  peuvent  naître  que  dans  le  cerveau  d'un  musicien 
né  dans  le  midi  de  l'Italie.  Itie»  de  plus  élégant  que  le  due 
de  Mustapha  ef  de  Lindoro  :  Se  melitmii  a  prender  nwgtie; 
rien  de  plus  gracieux  que  l'air  Languir  per  una  bella, 
qu'on  appelle  improprement  une  cavatine.  La  délicieuse 
phrase  de  cet  air  Contenta  i/uiuf'  aima  est  une  de  ces  heu- 
reuses inspirations  qui  sont  si  familières  à  Kossini.  Enfin  , 
presque  tous  les  morceaux  de  cet  opéra  ont ,  sur  ceux  des 
derniers  ouvrages  de  ce  maître,  l'avantage  de  n'être  pas 
trop  longs,  et  de  faire  marcher  l'action. 

Tout  n'est  pas  de  la  même  force  dans  VItaliana;  on  y 
remarque  beaucoup  d'inégalités,  et  Il  osai  ni  n'y  semble  pas 
encore  bien  affermi  dans  sa  manière  nouvelle.  Le  duo  Ai 
caprici  délia  sort*  est  taillé  sur  le  patron  de  quelques  duos 
de  Guglieltni  et  même  de  Mosca.  Les  accompagnemens 
de  plusieurs  phrases  rappellent  des  traits  de  Cimarosa  :  tel 
est  celui  du  chœur  Quanta  robba,  qui  semble  calqué  sur 
l'allégro  du  premier  finale  de  la  Baltertna  amante.  Un  em- 
ploi trop  fréquent  des  roialies  s'y  fait  apercevoir  ebgdte  les 
plus  jolies  phrases.  Par  exemple,  dans  le  charmant  duo 
Se  inciinassi  a  premier  moglie,  le  trait  un  appena  in  cento  sposo 
se  répèle  eu  descendant  d'un  degré  sans  aucun  change- 
ment d'harmonie,  et  choque  l'oreille  par  deux  accords 
parfaits  complets,  qui  se  suivent  en  descendant  d'un 
degré,  et  cette  phrase  se  répète  plus  loin  dans  un  autre 
ton ,  en  reproduisant  le  même  défaut. 

Ccl  ouvrage  n'eut  point  desuccès  à  Paris  lorsqu'il  y  fut 
représenté  en  1816,  et  ne  s'est  jamais  relevé  complète- 
ment de  ce  premier  échec.  Soit  qu'un  ne  fût  point  accou- 
tumé au  nouveau  genre  de  musique  qu'il  annonçait,  soit 
qu'on  fût  plus  choqué  des  endroits  raihtcs  que  satisfait  des 
beautésqu'onylrouve.il  c*t  certain  qu'il  n'eut  alors  qu'un 
très  pelit  nombre  de  représentations,  qui  ne  laissèrent 'que 
des  impressions  défavorables  dans  l'esprit  des  amateurs. 
VInganna  Ftlict  qui  succéda  à  Vltatiann  au  théâtre  de 
Paris  ne  fut  guère  plus  heureux  :  c'est  sans  doute  à  ces 


Digitizod  b/ Google 


44; 

deux  essais  infructueux  qu'il  font  attribuer  le  peu  d'em- 
pressement des  hnbilans  de  celte  ville  pour  la  musique  de 
Bosxini  jusqu'à  l'apparition  du  Barbier,  qui  changea  l'in- 
différence en  enthousiasme1. 

Ou  pouvait  croire  que  le  beau  talent  de  Al"  Pisaroni 
serait  suffisant  pour  ramener  la  foule  à  VItaliana;  mais  le 
même  air  de  solitude  qui  règne  depuis  si  long- temps  au 
théâtre  Italien  s'est  encore  montré  dans  cette  occasion. 
Quelques  amateurs  épars  dans  la  salle  cherchent  en  vain  à 
ranimer  l'ancien  enthousiasme:  le  froid  d'uuc  représenr- 
talion  délaissée  les  gagne  malgré  eux,  et  arrive  jusque  dans 
l'orcheslre.  On  a  cependant  recherché  des  spectacles  ou 
l'exécution  était  moins  salifaisante  que  dans  celte  reprise  de 
VItaliana.  M°"  Pisaroni,  un  peu  trop  sérieuse  peut-être 
pour  le  rôle  d'Isabella,  n'en  a  pas  moins  montré  le  plus 
beau  talent  dans  tous  les  morceaux,  particulièrement  dans 
son  air  Pensa  a'ia  patria.  Je  l'ai  déjà  dit,  les  proportions 
qu'elle  sait  donnera  son  chant  sonl  les  derniers  témoignages 
delà  supériorité  d'une  école  qui  se  perd,  et  dont  il  ne  res- 
tera bientôt  plus  de  trace.  Le  caractère  de  sa  voix  est  plus 
propre  au  genre  dramatique  qu'au  genre  bouffe;  mais 
partout  Où  la  phrase  se  prête  à  l'expression  du  grandiose, 
cette  cantatrice  est  admirable ,  malgré  les  défauts  qu'on 
lui  connaît ,  ei  que  j'ai  signalés  plusieurs  fois. 

Galli  est,  comme  on  sait,  un  bouffe  excellent  qui  sait 
animer  la  scène  comme  il  le  faut  dans  une  composition 
du  genre  de  VItaliana.  Parmi  les  acteurs  qui  vienent  de 
jouer  cet  ouvrage ,  il  est  le  seul  qui  l'ait  chanté  d'origine, 
car  ce  fut  pour  lui  et  la  Marco] ini  que  l'ouvrage  fut  écrit. 
Il  est  fâcheux  que  sa  vocalisation  soit  devenue  lourde  au 

(i)  Ce  fait,  bien  connu  des  amateurs  qui  ont  suivi  le<  représent  al  ions 
du  théâtre  Italien  depuis  long-temps,  démontre  l'injustice  de  l'accu- 
sation qu'on  a  portée  contre  M.  Faer,  d'avoir  retardé  le  succès  da  Ros- 
sini  A  Paris.  J'ajouterai  une  le  Parbitr  ds  SèviUt  rnémp  avait  manqué 
tout  son  effet  aui  deux  premières  représentations,  qu'il  n'obtint  son 
triomphe  qu'après  que  madame  Rouzi  Debcgois  eut  cédé  son  rôle  a 
madame  Mainviellc-Fodor,  et  que  ce  fut  M.  Paer  qui,  par  une  négo- 
ciation entre  cet  deui  cantatrices ,  •aurai  ce  bel  oavrage  de  l'outra}» 


Diaiiizcd  by  Google 


44» 

point  de  ne  pouvoir  exécuter  les  traits  en  mesure.  C'est 
surtout  dans  les  morceaux  d'ensemble  qu'il  produit  du 
l'effet  :  on  y  sent  la  supériorité  d'un  talent  qui  mène  Ions 
les  autres ,  et  qui  eut  certain  de  l'effet  qu'il  doit  produire. 

fiordogni,  toujours  pur  dans  sa  vocalisation ,  mais  dé- 
coloré dans  son  style ,  a  chanté  fort  proprement  son  aie 
Languir  per  itna  bella ,  mais  n'a  pas  aussi  bien  réussi  dans 
le  duo  que  lorsqu'il  l'a  exécuté  an  concert  de  la  Toussaint. 
Quant  à  Graziani,  ma;gr£  sa  mauvaise  voix.,  il  n'y  a  que 
des  éloges  à  lui  donner,  car  il  est  impossible  d'être  pins 
divertissant  qu'il  ne  l'est  dans  tout  son  rôle  ,  et  particu- 
lièrement dans  le  trait  dufînaledu  premier  acte  :  Sono  corne 
una  cornaxchia  cke  spennata.  fa  crâ ,  irà. 

En  résumé,  l'exécution  de  VItaliana  a  éTé  très  satisfai- 
sante, surtout  dans  les  morceaux  d'ensemble.  ï.cs  musi- 
ciens français  ne  sont  point  assez  persuadés  de  ta  supé- 
rïorilé  des  Italiens  en  ce  genre ,  et  ne  les  prennent  pan 
assez  pour  modèles.  L'unité  de  sentiment  des  Italiens  lient 
du  prodige ,  et  ressemble  à  l'effet  d'une  commotion  élec- 
trique ,  tandis  que  chez  nous  les  chanteurs  ne  s'occupent 
jamais  de  ceux  qui  doivent  concourir  avec  eux  à  l'effet 
général.  Quatre  Italiens  d'un  talent  médiocre  produisent 
toujours  de  l'effet  dan  un  quatuor  ;  quatre  bons  chanteurs 
français  ne  pourraient  réussir  aussi  bien  qiCaprcs  de 
nombreuses  répétitions  :  je  doute  même  qu'ils  pussent 
parvenir  à  ne  faire  qu'un  seul  instrument,  comme  les 
Italiens.  Cela  tient-Il  à  la  différence  d'organisation,  ou 
au  peu  d'importance  que  nos  chanteurs  attachent  aux 
morceaux  d'ensemble?  c'est  ce  que  j'ignore. 


ÉCOLE  ROYALE  DE  MUSIQUE. 
Dïstribntlon  lien  Prix.—  Cuncert  des  élèves. 

Dans  tous  les  établissemen s  d'instruction  publique,  le 
triomphe  des  élevés  suit  d'ordinaire  leur  victoire,  et  les 


Digitizcd  t>y  Google 


prix  qu'ils  obtiennent  leur  sont  distribués  aussitôt  que  dé- 
cernés. Il  n'en  est  pas  de  même  à  l'École  royale  de  Mu- 
sique; c'est  à  la  fin  de  l'année  scolaire  que  les  concouru 
ont  lieu;  mais  ce  n'est  qu'après  la  rentrée  des  classes  que 
les  prix  sont  distribués.  Peut-être  a-t-ou  cru  qu'il  est  né- 
cessaire de  multiplier  les  occasions  solennelles  qui  peuvent 
exciter  l'émulation  ;  mais  peut-être  aussi  attache-t-on 
moins  d'importance  à  des  prix  qu'on  ne  reçoit  que  long' 
temps  après  qu'on  les  a  mérités.  Au  reste,  je  n'insiste  pas 
Hur  celle  objection  qui  peut  Cire  cou  traversée,  et  je  me 
hâte  d'arriver  a  la  distribution  mémo. 

La  solennité  dont  il  s'agit  se  partage  depuis  plusieurs 
années  en  deux  parties  dont  l'effet  est  bien  différent  sur 
une  assemblée  désintéressée.  Le  premiiir  spectacle  qui 
s'offre  à  ses  yeux  est  une  réunion  imposante  déjuges  et 
de  professeurs  d'un  talent  plus  ou  moins  distingué,  et 

dont  la  réputation  a  plus  ou  moins  d'éclat.  Des  prix  ■ 

breux  sont  décernés;  des  salves  d'applaudissemen  t  accueil- 
lent les  lauréats;  ou  est  donc  fonde  à  croire  que  les  tjlcus 
pullulent  dans  l'école,  et  que  le  jury  n'a  eu  que  l'embarras 
du  choir;  car  comment  croire  que  des  hommes  dont  to 
goût  doit  être  sûr  et  sévère,  aient  usé  d'une  indulgence 
funeste.  Tout  se  passe  donc  a  merveille  pendant  la  distri- 
bution. Mais  enfin  arrive  le  concert  qui  doit  soumetl'-0 
non-seulement  les  triomphateurs,  mais  le  jury  lui-nie«»e, 
au  jugement  du  public.  Là,  plus  d'illusions  possibles  ;  pl,lfi 
de  lalens  métaphoriques;  des  réalités  bonnes  ou  mauvais68 
sont  tout  ce  qui  reste  devant  un  juge  incorruptible.  - 

H  faut  bien  le  dire,  depuis  la  dissolution  de  l'ancien 
Conservatoire,  l'effet  de  celte  seconde  partie  de  la  séance 
ne  ressemble  guère  4  celui  de  la  première-  *>«  i"»trU~ 
men  listes  habiles  ont,  il  est  vrai,  recueilli  les  suffrage  s"**" 
public;  mais  léchant,  sauf  un  petit  nombre  d*«cèpUtA»»» 
n'a  pas  même  offert  d'espérances  pour  l'avenir;  et  l'art 
dramatique  n'y  a  rien  trouvé  pour  réparer  ses  pertes.  J 
l'aspect  de  ces  exercices  mesquins,  le  public  demande  où 
«ont  ces  jeunes  artistes  qui  ont  mérité  tunt  de  récompenses* 
cl  ne  les  trouve  pas.  Les  mûmes  choses  se  répétant  pl  »*- 


45o 

sieurs,  années  de  suite,  les  murmure»  se  font  entendre,  et 
le  discrédit  arrive.  On  n'accuse  pas  seulement  l'École 
royale  de  Musique  de  ne  pas  produire  de  talent,  on  affirme 
qu'il  l'empêche  de  naître.  Autrefois  un  élève  du  Conser- 
vatoire marchait  la  tête  haute  et  tout  fier  de  sa  qualité 
d'élève,  comme  on  l'est  en  d'autres  lieux  de  celle  de  pro- 
fesseur. Aujourd'hui,  à  peine  ose-t-on  avouer  l'école  dont 
on  sort. 

Disons-le,  si  les  reproches  du  public  et  des  journalistes 
sont  mérités  en  partie,  il  y  a  de  l'injustice  dans  leur  sévé- 
rité, et  quelquefois  de  la  légèreté  dans  les  juge  mens  qu'on 
porte.  Il  y  a,  dans  l'examen  des  produits  d'une  école  sem- 
blable à  celle  dont  il  s'agit,  deux  choses  distinctes  :  la  pre- 
mière  est  l'effet  absolu  qui  résulte  de  l'exécution  bonne 
ou  mauvaise:  c'est  de  celle-là  que  le  publîo  est  juge-né; 
la  seconde  est  l'effet  relatif,  c'est-à-dire  la  comparaison 
des  produits  d'une  année  avec  ceux  d'une  autre.  Ici  le  pu- 
blic ,  et  même  les  gens  qui  font  profession  de  juger,  peu- 
vent se  trouver  en  défaut,  parce  que  leur  mémoire  est  fu- 
gitive, et  parce  qu'Us  manquent  de  documens  pour  décider 
s'il  y  a  progrès  ou  décadence  ;  c'est  ce  qui  est  arrivé  cette 
année.  Tous  les  journaux  se  sont  accordés  à  présenter  le 
concert  qui  a  suivi  la  distribution  des  prix  comme  le  der- 
nier terme  de  la  nullité,  et  comme  une  décadence  arrivée 
au  plus  bas  degré.  J'affirme  que  ce  jugement  est  erroné. 
Considéré  en  lui-même,  cet  exercice  était  peu  satisfaisant; 
mais  comparé  à  ceux  des  années  précédentes,  il  a  présenté 
des  améliorations  notables,  même  dans  le  chant.  Eu  sup- 
posant même  qu'on  ue  voulût  poiut  m'accorder  qu'on  y 
trouvât  des  chanteurs,  il  faudrait  bien  convenir  qu'il  of- 
frait des  voix;  c'est  du  moins  la  matière  première.  Le 
temps  fera  le  reste.         .  , 

D'ailleurs,  à  quoi  servent  tant  de  déclamations  contre 
l'École  royale  de  Musique?  de  ce  qu'elle  produit  peu. 
faut-il  en  conclure  qu'elle  empêche  de  produire?  et  s'il  eu 
est  ainsi,  d'où  vient  que  rien  ne  se  présente  ailleurs?  Paris 
et  les  départemeus  regorgent  de  professeurs  de  chaut, 
d'harmonie,  de  composition  :  où  sont  cependauL  les  ar- 


Digitizcd  b/Coogl 


45. 

listes  qu'ils  ont  formés?  Quels  sont  le  grand  chanteur  on 
le  compositeur  qui,  préservés  des  entraves  prétendues  de 
l'éducation  de  l'École  royale ,  ont. charmé  le  public?  Les 
produits  de  V  École  royale  ne  sont  pas  ce  qu'il  pourraient 
être;  mais  enfin  ce  sont  des  produits  ,  et  ce  qu'elle  donne, 
est  tout  uo  qu'on  possède.  Laissons  donc  les  déclamations, 
oiseuses,  et  si  nous  regrettons  que  les  sacrifices  du  gouver- 
nement n'aient  pas  de  plus  heureux  résultais ,  n'arrivons 
pas  jusqu'à  celte  conclusion  absurde  qu'on  n'a  point  de 
chanteurs ,  parce  qu'il  y  a  dos  maîtres  de  chant,  cl  qu'on 
manque  de  compositeurs,  parce  qu'il  y  a  des  gens  qui 
enseignent  l'art  d'écrire  la  musique.  Quoi  qu'en  disent  les . 
Arislarques,  ce  n'est  point  en  détruisant  qu'on  édifie.  Ve- 
nons à  l'examen  du  concert  du  5o  novembre  dernier. 

Due  ouverture  de  Beethoven  servait  d'introduction  ;  elle 
fui  exécutée  avec  chaleur;  mais  les  iiislrumens  à  veut 
avaient  négligé  de  s'accorder,  et  en  plusieurs  endroits 
cette  partie  essentielle  de  l'orchestre  Kl  un  mauvais  effet; 
les  mêmes  défauts  se  sont  représentés  pendant  toute  la 
séance,  et  particulièrement  dans  l'accompagnement  des 
morceaux  de  chant.  Dans  un  concerto  de  violoncelle, 
M.  Chevillard,  très  jeune  encore,  a  donné  les  plus  belles 
espérances.  A  un  joli  son  et  k  la  justesse  la  plus  rigou- 
reuse, il  unit  une  manière  de  chanter  fort  agréable  sur  sou 
instrument.  On  ne  peut  lui  reprocher  qu'un  peu  de  timi- 
dité dans  l'exécution  des  traits;  mais  la  hardiesse  et  l'é- 
nergie sont  des  qualités  qui  ne  s'acquièrent  qu'avec  le 
temps.  MU.  S  carie  11  a  (flûte),  Caillet  (hautbois),  et  Divoir 
(basson)  se  sont  fait  entendre  dans  un  thème  varié  par 
KM.  Vogt  et  Guillou.  Ce  morceau  n'a  pas  produit  l'effet 
qu'il  aurait  pu  faire,  à  cause  du  défaut  d'accord  qui  ré- 
gnait entre  les  instrument;  le  hautbois  était  au  ton  do 
l'orchestre,  mais  la  flûte  ot  le  basson  étaient  trop  bas. 
M.  Caillet  promet  un  digne  successeur  de  M.  Vogt,  son 
maître.  Le  concerto  de  violon  qu'on  avait  conservé  comme 
le  bouquet  de  la  partio  instrumentale  n'a  pu  être  entendu; 
il  devait  cire  exécuté  par  M.  Saurai,  élève  distingué  do 
M.  Baillot;  mais  ce  jeune  artiste,  atteint  d'une  douleur 


4  fer 

rhumatismale  a»  bras,  s'est  trouvé  hors  d'état  de  jouer 
son  morceau. 

Dans  la  partie  vocale  du  concert.  M11*  ïlirlé,  élève  dé 
M.  Plan  tjilc,  qui  a  débuté  à  l'Opéra- Comique  pour  passer 
ensuite  au  théâtre  des  Nouveautés,  a  chaulé  l'air  du  troi- 
sième acte  de  la  Dame  blanche.  La  voix  de  cette  jeune  per- 
sonne n'est  pas  d'un  volume  considérable;  mats  elle  est 
agréable.  Dans  l'air  qu'elle  avait  choisi,  la  justesse  de  ses 
intonations  n'a  pas  toujours  été  parfaite,  et  sa  vocalisation 
a  laissé  beaucoup  à  désirer.  En  se  présentant  pour  jouer 
l'emploi  de  M"'  Gavaudau,  an  théâtre  de  l'Opéra- Comique, 
emploi  qu'on  appellerait  de  seconda  donna  au  Théâtre-Ita- 
lien, M1"  Hirté  me  parait  avoir  mieux  calculé  ses  forces 
que  dans  te- choix  de  l'air  de  la  Dame  btanohe.  Cet  air  est 
difficile,  et  ne  demande  pas  moins  que  le  talent  de  M™  Ri- 
gant  pour  produire  son  effet.  Au  reste,  ce  n'est  ni  dans 
l'âge  de  Al"'  Hirlé,  ni  après  aussi  peu  d'exercice,  qu'oit 
peut  prononcer  sur  ce  qu'elle  sera  un  jour.  "' 

Quel  dommage  que  M"°  Yerteuil  ne  soit  point  musi- 
cienne :  avec  une  si  jolie  voix,  une  vocalisation  facile  et 
un  assez  bon  sentiment  d'expression,  elle  pourrait  devenir 
une  cantatrice  distinguée;  mais  chez  elle  l'instinct  de  la 
mesure  est  nul  au  point  qu'elle  est  obligée,  pour  ne  pas 
la  perdre  lout-à-fail,  de  marquer  les  temps  par  des  nioii- 
vemens  du  corps.  Il  y  a  eu  de  fort  bonnes  choses  dans  le 
bel  air  de  M oise  qu'elle  a  chanté;  seulement  je  l'engagerai 
à  ne  pas  pousser  sa  voix  à  des  cris ,  comme  elle  le  fait  de 
temps  en  temps,  et  à  soigner  davantage  sa  prononciation. 
M"*  Verteuil  est  élève  de  M-  Blangini. 

Le  qninlcllo  de  Cimarosa  qui  a  été  exécuté  par  Mu" 
Hirlé  et  Rigal,  et  MM.  Hichelmc,  Bénédit  et  Burteanx, 
est  délicieux.  Mais  il  demande  un  ensemble,  une  unité, 
un  piquant,  qu'on  ne  pouvait  guère  espérer  de  la  part 
d'élèves  inexpérimentés.  On  remarquait  dans  l'exécution 
de  ce  morceau  une  timidité  qui  en  détruisait  tout  l'effet. 
Jeunes  gens,  allez  étudier  cette  partie  de  voire  art  au 
Thédlre-Italicn  ;  n'y  eût-il  aucun  chanteur  remarquable, 
vous  y  apprendrez  ce  que  c'est  que  l'ensemble  dont  je 


DigilizGd  Google 


455 

parle,  et  quelle  est  sa  puissance.  J'ai  remarqué  dans  ce 
morceau  mie  assez  belle  voix  île  basse,  qui  est,  je  crois, 
celle  de  M.  Uurlcanx. 

Un  air  des  Voitures  versées,  chanté  par  M.  Bénédit,  fait 
concevoir  quelques  espérances  sur  ce  jeune  homme,  dont 
la  voix  est  un  peu  sourde,  mais  qui  ne  manque  ni  de  cha- 
leur ni  d'intelligence. 

Je  le  répète,  si  cette  épreuve  des  progrès  faits  dans  l'an- 
née écoulée  n'est  pas  sans  reproche,  elle  est  plus  satisfai- 
sante que  celle  des  années  précédentes. 

FÉTIS. 

—  Les  soirées  de  salon  que  la  mode  a  substituées  aux 
concerts  d'apparat  ont  commencé  leur  cours  jeudi  29. 
M.  Panseron,  l'un  de  nos  professeurs  de  cliant  les  pin» 
renommés,  a  montré  l'exemple  aux  virtuoses  de  la  capi- 
tale par  une  charmante  réunion  d'artistes  distingués. 
MM.  Habeneck  aîné,  Tulou,  Payer,  Petit ,  Rigel,  Baudiot, 
Vogt,  Gallay,  Panseron  et  M™  Dabadie  feraient  les  hon- 
neurs de  la  soirée.  Les  morceaux  les  plus  remarquables 
ont  été  un  air  varié,  joué  par  M.  Habencck  avec  une  rare 
perfection  ;  une  fantaisie  pour  la  flûte  où  M.  Tulou  a  mon- 
tré son  talent  prodigieux;  une  romance  suisse  supérieure- 
ment chantée  par  Lcvasseur,  etfortbien  accompagnée  par 
M.  Vogt,  sur  le  cor  anglais.  Les  ranz  de  vaches  qui  forment 
les  ritournelles  de  cette  romance  et  qui  l'accompagnent 
font  un  cifet  charmant  sur  cet  instrument.  On  a  aussi 
beaucoup  applaudi  un  quatuor  pastoral,  chanté  par 
M"*  Dabadie,  Ad.  Nourrit,  Levasseur  et  Panseron,  et  ac- 
compagné sur  le  hautbois  par  M.  Vogt.  La  partie  vocale 
était  composée  principalement  de  romances  et  de  noctur- 
nés  composés  par  H.  Panseron ,  parmi  lesquels  on  a  sur- 
tout remarqué  la  romance  avec  accompagnement  de  cor 
obligé  que  ce  professeur  a  publiée  l'année  dernière,  el  qui 
a  eu  tant  de  succès.  M .  Gallay  a  joué  supérieurement  la 
partie  de  cor  obligé.  En  somme  cette  soirée  a  été  remar- 
quable par  le  fini  d'exécution  de  la  plupart  des  morceaux, 
et  a  fait  le  plus  grand  plaisir  à  l'assemblée. 

—  Itarcment  une  affiche  paraîtassczremplie,  quand  il 


454 

s'agit  d'une  représenta  lion  à  bénéfice,  dont  le»  prix  sont 
fort  élevés;  mais  presque  toujours  le  spectacle  est  fatigant 
par  sa  loDgueur.  A  la  lecture  du  programme ,  il  semble 
qu'on  ne  peut  avoir  assez  de  choses  pour  son  argent  ;  mais 
une  fois  entré  dans  la  salle ,  les  spectateurs  feraient  volon- 
tiers la  remise  de  la  moitié  de  leur  plaisir,  et  ce  plaisir  dé- 
génère souvent  en  ennui  par  sa  longueur.  Il  n'en  a  point 
été  ainsi  de  la  représentation  an  bénéfice  de  Ruet  qui  a  eu 
lieu  le  5  de  ce  mois:  car  bien  qu'elle  ait  duré  depuis  sept 
heures  du  soir  jusqu'à  une  heure  du  matin,  l'ennui  n'a  pu 
trouver  place  un  instant  dans  la  soirée.  Une  réunion  im- 
posante des  acteurs,  chanteurs  et  danseurs  les  plus  renom- 
més des  divers  théâtres  de  la  capitale,  et  de  plusieurs  mu- 
siciens distingués,  a  si  bien  varié  les  plaisirs  du  public, 
qu'il  n'a  point  eu  le  temps  de  s'apercevoir  de  l'heure  avan- 
cée ou  finissait  le  spectacle,  et  que  l'on  n'a  point  vu, 
comme  d'ordinaire,  abandonner  les  places  avant  que  tout 
fût  But. 

Le  spectacle  se  composait  de  Picaros  etDiègo,  où  Chollel 
paraissait  pour  la  première  fois;  des  deux  derniers  actes 
de  la  tragédie  de  Romeo  et  Juliette,  joués  parles  principaux 
acteurs  du  théâtre  anglais;  de  Valérie,  comédie  du 
Théâtre  Français;  et  enfin  d'unintermède  piquant  où  tous 
lesacteurs  des  divers  théâtres  ont  paru,  et  qui  s'est  ter- 
miné par  un  divertissement  dansé  par  les  premiers  sujets 
de  l'Opéra,  et  par  un  concert  exécuté  par  MM.  Yogi,  La- 
font,  Ponchard,  Chollel  el  M"  Schutz.  Nous  rendrons 
compte  de  cette  représenliou  intéressante. 

ANNONCES. 

— Trois  grands  quatuors  pour  deux  violons,  alto  et  violon- 
celle, dédiés  à  Sa  Majesté  le  roi  de  Prusse,  par  L.  Jadis, 
chevalier  de  la  Légion-d'Honnetir,  gouverneur  des  pages 
de  la  musique  du  Roi .  Prix  :  11  fr. 

Paris,  l'auteur,  rue  Bergère,  n°  a,  etFrey,  place  des  Vic- 
toires, n-  8. 


DigitizGd  by  Google 


455 

Cet  ouvrage,  dont  nous  avons  annoncé  la  souscription, 
a  été  exécute  avec  le  plus  grand  succès  par  M.  Baillot  et 
autres  artistes  distingués,  dans  unematinée  musicale.  Ces 
quatuors  tiennent  le  milieu  entre  les  compositions  intri- 
guées de  l'école  allemande,  et  lessolos  accompagnés  dans 
le  style  de  Viotli,  de  Rode  et  de  Fracnzel.  La  partie  de 
premier  violon  est  brillante,  mais  n'exclut  pas  l'intérêt  des 
autres  parties.  On  a  remarqué  surtout  le  second  quatuor, 
en  fa  mineur,  qui  est  d'un  caractère  à  la  fois  uoble  et  pas- 
sionné. Le  menuet  de  ce  quatuor,  alternativement  à  trois 
etàdeux  temps,  est  original.  Quoique  le  genre  du  quatuor 
instrumental  soit  maintenant  peu  cultivé  en  France,  nous 
ne  doutons  pas  que  les  artistes  et  les  amateurs  s'empresse- 
ront à  faire  l'acquisition  de  l'ouvrage  de  M.  Jadin.  qui 
variera  agréablement  leur  répertoire, 

— Journal  de  musique  religieuse,  offrant  un  choix  de  textes 
et  de  poésies  morales  ou  sacrées,  soit  françaises,  soit  latines, 
mises  en  musique  à  uue  ou  plusieurs  voix,  avec  accompa- 
gnement d'orgue  ou  de  forté-piauo,  par  les  meilleurs  com- 
positeurs, et  également  susceptibles  d'être  employées  pour 
l'étude  de  la  musique,  pour  le  service  de  l'église,  et  les 
réunions  ou  sociétés  de  musique;  publié  pour  l'usage  des 
communautés  et  des  maisons  d'éducation  de  l'un  et  de 
l'autre  sexe,  par  M.  Choron,  directeur  de  l'Institution 
royale  de  musique  religieuse. 

Première  année,  u"  4?>  48  et  4ç). 

Paris,  rue  de  Vaugirard,  n"6g. 

Parmi  ces  derniers  numéros,  se  trouve  un  Rorate  à  quatre 
voix,  par  l'abbé  Vogler.  Cette  composition,  peu  remarqua- 
ble sous  le  rapport  de  l'invention,  est  cependant  d'un  effet 
charmant  par  l'heureuse  disposition  de  l'harmonie  et  des 
voix.  Le  chant  est  d'ailleurs  gracieux  et  se  rapproche  du 
style  moderne  plutôt  que  celui  des  compositions  scolasli- 
ques.  Nous  ne  pouvons  qu'engager  M.  Choron  à  multi- 
plier en  France  les  ouvrages  de  cette  espèce,  qui  y  sont 
fort  rares,  à  cause  du  défaut  d'encouragement  que  les  mu- 
siciens y  trouvent  à  traiter  le  style  religieux. 

— Le  Goiït  du  jour,  album  musical,  ou  choix  de  roman- 


Digitizcd  by  Google 


456 

ces  nouvelles,  composées  par  divers  auteurs,  avec  accom- 
pagnement de  pian».  Un  volume  orné  de  lithographies 
et  cartonné  avec  élégance.  Prix  :  lafr. 

L'époque  du  jour  de  l'an  fait  écloreune  foule  de  recueils 
de  romances  et  de  chansons  destinés  à  Ctrc  donnés  eu  pré- 
sent ;  celui-ci  est  un  des  plus  agréables  qu'on  puisse  offrir. 
On  y  trouve  trois  romances  nouvelles  de  M.  Paer,  trois  de 
M.  Edouard  Brugicre,  un  nocturne  de  madame  Martin- 
ville,  etc.,  etc. 

—  Fantaisie  pour  la  flûte  sur  l'air  Portrait  charmant, 
avec  accompagnement  de  piano  ou  d'orchestre,  composée 
par  A.  Pctibon.  Prix  :  6  francs,  avec  accompagnement  de 
piano,  et  7  francs  5o  cent,  avec  orchestre. 

—  Le  Berger  tt Appen-.el,  nocturne  à  deux  voix  égales, 
paroles  de  H.  Scribe,  musique  de  A.  Audrade.  Prix,  avec 
accompagnement  de  piano,  etlilhographie,ja  francs.  Paris, 
Pelihon,  rue  du  Bac,  n°  5t. 

—  Air  varié  et  rondo ,  pour  deux  violoncelles ,  avec  ac- 
compagnement d'orclieslre  ou  de  piano,  par  C.  Baiidiut, 
premier  violoncelle  delà  chapelle  du  Roi,  œuvre  26. 

N.\  La  partîo  de  premier  violoncelle  est  arrangée  pour 
le  violon. 

—  Air  varié  |el  rondo,  pour  violon  et  violoncelle,  avec 
accompagnement  d'orchestre  ou  de  piano,  par  le  même, 
œuvre  27. 

j  Piano  6  fr. 

Prix  de  chaque,  avec  air  :      Orchestre   9 

(  Orchcst.  et  piano  ia 

A  Paris,  chez  Pleyel,  boulevard  Montmartre,  n"  1. 

Ces  m'orecaux,  qui  sont  a  la  l'ois  hrillans  et  remplis  de 
de  mélodie,  jouissent  dans  le  monde  du  plus  grand  succès. 
L'air  varié  pour  deux  violoncelles  présente  de  l'intérêt  aux 
amateurs,  par  le  petit  nombre  de  compositions  de  celte 
espèce ,  et  par  la  manière  dont  l'auteur  a  traité  les  deux 
parues  principales. 


Digitized  b/Coogl 


WOTICE 


donne  les  principes  pour  accorder  ei  jouer  la  vielle  et  la  mbcblie, 
déni  des  princïpaui  instruirions  a  cordes  cl  à  archet  de  «ou  tempi. 

Nous  avons  vu  avec  regret ,  dans  la  Revue  musicale 
qu'un  travail  précieux  surl'tustoirè  ilu  violon,  commencé, 
il  y  a  nombre  d'années  par  H.  Cartier,  et  enfin  terminé  par 
cet  estimable  et  laborieux  professeur,  n'a  pu  encore  pa- 
raître faute  d'un  nombre  suffisant  de  souscripteurs  pour 
couvrir  les  frais  de  publication. 

Cependant  nous  pensons  qu'un  ensemble  de  notions  liia- 
toriquessurle  violon  devient  d'autant  plus  intéressant  que, 
jusqu'ici ,  le  violon  est  peut-Être,  de  tous  les  instrumens , 
celui  dont  les  auteurs  se  sont  le  moins  occupés,  faute  do 
matériaux  certains  pour  trailcr  de  l'origine,  de  la  forme 
et  de  la  manière  d'accorcler  et  de  jouer  cet  instrument  ; 
car  tout  musicien,  ou  tout  amateur  qui  s'occupe  de  son  art, 
n'ignore  pas  quels  sont  ces  auteurs,  qui  ont  tenté  du  faire 
connaître  les  principales  sortes  d'instrumens  de  musique, 
tant  anciens  que  modernes.  Parmi  les  diverses  espèces  d'in- 
strumens, il  eu  est  sur  lesquelles  nous  avons  des  détails 
intéressans ,  en  raison  de  l'importance  que  nous  pouvons 
y  mettre  :  tels  que  les  instrumens  à  vent  des  anciens  et 
des  modernes,  les  instrumens  de  percussion,  et  quelques 
instrumens  à  cordes  de  laiton  ou  de  boyau  ;  mais  ni  Bar- 
tholini,  ni  Blanchini,  ni  Labordc  n'ont  fait  autant  île 
recherches  sur  les  instrumens  à  cordes  et  à  archet  que  sur 
toutes  les  autres  espèces  d'instrumens.  Ce  dernier  auteur 
dans  sou  Estai  tur  ta  Musique1,  avoue  que  les  renseigne- 
mens  sur  le  violon  lui  manquent ,  parce  qu'ils  ne  lui  ont 
pas  été  fournis  (  comme  la  plupart  de  tous  cou*  qu'il 
donne  sur  les  autres  instrumens). 

(0  Tome  II,  n°  3;,  page  s8q. 
[))  Tome  I,  pige  3Sfl. 

a*  vol.  5g 


456 

On  peut  donc  croire  que,  quand  même  l'Essai  hit- 
torique  sur  le  violon  de  M.  Cartier  n'atteindrait  pas  la  per- 
l'eclion  qu'un  premier  ouvrage,  dans  lel  genre  et  aur  telle 
malien:  <|uc  ce  soit1,  ne  peut  avoir  ,  cet  lissai  historique 
étant  le  premier  mis  au  jour  en  Europe,  devient  par  cela 
même  d'une  importance  réelle  pour  l'histoire  de  l'art,  et  de 
l'exécution  musicale.  Nous  ignorons  el  nous  ne  connaissons 
nullement  quels  son!  les  matériaux  dont  M.  Cartier  a  pu  tirer 
parti  pour  son  ouvrage;  mais,  d'après  le  preris  qu'en  donne 
l'auteur  de  l'article  inséré  dans  la  Ko  vue  musicale1,  on 
peut  croire  qu'ils  sont  d'un  grand  intérêt  .  et  nous  sai- 
sissons l'occasion  de  la  publication  de  cet  ouvrage  ,  qui, 
lot  ou  tard,  ne  peut  manquer  d'avoir  lieu  ,  pour  donner 
ici  la  traduction  d'un  manuscrit  de  la  ISibliuthèque  du  roi, 
iuconuu  jusqu'ici;  el  seulement  mentionné  dans  la  Littéra- 
turemusicale  de  Forkfil  *,  d'après  l'abbé  I.cbœuf,  qui  en  parle 
dans  sa  Dissertation  sur  l'Histoire  ecclésiastique  J.  ,11.  Cartier, 
n'ayant  pas  eu  connaissance  de  cet  important  manuscrit  , 
comme  il  y  a  lieu  de  le  présumur .  ne  parle  probablement 
de  l'usage  du  violon  moderne  que  depuis  le  siècle  de  la 
fllcneslrandic  (en  i3âo)     (ou-  en  pouvant  croire  ccpcxi- 

(i)  Tome  I,  n„  g,  page  ajà. 

(a)  Atlgemcmc  LittcraUr  der  Wu,!k ,  page  49l . 

(5)  Tome  II ,  page  1 16;  le  maouicrit  de  Jérôme  de  Moravie  sur  la 
miuiqnc  (dit  l'abbé  Lebanf)  fut  trouvé  «boa,  que  Pierre  de  Limoge*, 
docteur,  le  légua  à  lu  chapelle  du  collège  de  Sorbonne  pour  j  renier  en- 
chaîné. 

(4)  Lu  chapitra  XXI  de  VEitai  air  ta  Madqut,  par  iaborde  ,  tome  I , 

moyen  !ige  était  un  instrument  dont  la  forme  ressemblait  a.  peu  près  i 
celle  de  notre  violon  aciucl ,  comme  le  prouve  le  manuscrit  donl  nom 

vielle,  cl  qui  n'a  toujours  été  qu'un  instrument  de  mendia»  ,  s'appelait 
alors  rôle  ou  rotite.  C'est  ici  l'occasion  de  prévenir  le  lecteur  qu'il  n'eil 
peul-PIre  pas  d'ouvrage  «tir  la  musique  doul  il  doit  plut  se  délier  que 
l'Ewai  de  Laborde,  ouvrage  rempli  de  beaucoup  de  recherches,  mais 

et  Bornent  infidèle;  cet  historien  donnant  eomille  occasions  uo  sent  force 
a  ici  citations ,  et  cela  selon  les  connaissances  et  l'opinion  qu'il  avait  de 
U  matière.  Nous  trouvons  encore  deui  autres  preuves  de  ce  que  nous 


DigiiLrefl  by  Google 


459 

daut  qu'à  celte  époque  le  violon  de  ces  temps-là  devait 
être  déjà  très  ancien.  Le  manuscrit  de  Jérôme  de  Moravie 
ne  peut  donc  que  compléter  ce  que  l'auteur  de  l'Essai  his- 
torique, du  violon  est  dans  le  cas  de  donner  sur  l'élut  de  cet 
instrument,  pendant  les  XII,  XIII,  XIV,  ei  XV  siècles. 

En  parlant  des  violons,  ailes  ut  basses  perfectionnés  par 
(U.  TÏiiboust,  l'érudil  rédaclcur  de  la  llcvtic  musicale' 
donne  un  aperçu  de  la  structure  du  violon,  telle  qu'elle 
était  au  XV"  siècle,  cl,  d'après  Luscinius,  dit  que  cet  instru- 
ment n'avait  pas  d'éclisses  et  ressemblait  plutôt  à  une 
mandoline  qu'au  violon,  quant  à  sa  partie  inférieure.  Celte 
assertion  est  parfaitement  exacte,  comme  nous  allons  1<; 
démontrer  ;  mais  l'accord  du  rebec  ou  violon  rustique  , 
moulé  de  trois  cordes  la,  mi)  était-il  celui  des  vielles 
(ou  violons  ) ,  entièrement  consacrées  à  la  musique  et  joués 
parles  ménestrels  connue  dans  les  siècles  antérieurs5?  (/est 
une  question  qu'il  sera  facile  de  résoudre,  du  moins  nous 
le  pensons,  au  moyeu  des  docuineus  certains  i[ue  nous 

avançons  dans  ce  même, chapitre  ;  car  Labotde  dit ,  paga  4 '6,  ligne  la  ,. 
que  le  rebec  succéda  i  la  vielle,  tandis  que  la  vielle ,  le  rebec,  U  nulle. 

au  d'une  roue  Faisant  la  Fonctionlle  l'orchef,  estaient  tons  ensemble 
dans  le  temps  ou  lei  troubadours,  les  ménestrels,  les  jongleurs,  Ici  viel- 
laurs  ,  loua  gens  qui  faisaient  leur  occupation  de  poésie  uu  de  musique ,. 
ou  de  l'un  et  l'autre  de  cei  deux  art*  ensemble ,  en  liraient  parli  pour 
subvenir  a  leurs  moyens  d'eiisLence.  Cet  auteur  dit  encurc  ,  page  4 17, 
lignes  8  et  9  ,  qu'il  y  avait  en  1 33o  des  basses  et  dea  dessus  de  rehec ,  'rt 
qu'alors  les  mènes  trie  rs  s'intitulèrent  joueurs  d'ins  (rumens  tant  Août  ific 
ha*.  Iticn  cependant  ne  prouve  que  le  rebec,  instrument  rustique,  dftt 
ittt  ainsi  distingué  ;  car  certainement  les  villageois  ne  savaient  pas  ciér 
cuter  une  partie  plus  grave  que  celle  de  la  mélodie,  cjuc  ne  li^  s:ivcni  ac- 
tuellement nus  joueurs  de  violon  de  campagne.  Il  est  plutôt  probable 

raison  de  son  étendue,  et  sur  la  rnbebbe,  des  mélodies  tantes  et  basses 
pour  Former  plusieurs  partiel  simultanées,  qui  auront  pris  In  dénomina 

vent  les  trois  manières  d'accorder  la  vielle,  doonées  par  Jérôme  de  Mu- 

(i)Tome  1,  n"  a6,  page  :'>. 

(1)  Il  aoiinait  dut  le  XIII* ' sitolo.  Son  oianusiri*  est  le  l'an- 


46o 

fournît  l'auteur  du  manuscrit,  Jérôme  de  Moravie,  qui  dans 
son  ouvrage,  parle  très  clairement  des  deux  principaux 
instrumens  à  cordes  et  archet  de  sou  temps. 

Ce  manuscrit,  comme  le  dit  Forte!,  était  effectivement 
dans  la  bibliothèque  de  la'Sorbonne,  sous  le  n*  1 244.  H 
est  heureusement  passé  à  la  Bibliothèque  du  Uni ,  et  il  fait 
présentement  partie  du  Fonds-Sorbuune,  sous  le  rr  1817, 
des  manuscrits  latins.  Nous  avons  fait  un  extrait  de  cet 
unique  et  précieux  manuscrit.  Laissant  à  part  ce  qui  cou- 
cerne  tei  proportions  ,  les  interxattes,  et  tes  règles  données 
pour  le  plain-éhant,  nous  avoiiB  renfermé  dans  notre  extrait 
des  principes  de  notation,  de  mesure  musicale  du  temps,  les 
règles  du  déchant ,  rémunération  des  différentes  manières 
de  former  l'harmonie  simultanée,  que  l'auteur  distingue  en 
discantus  (déchant),  organum,  duplex  organum,  conduc- 
tus  et  Mothetus  divisé  en  six  modes  ou  manières.  L'au- 
teur traite  ensuite  des  ctnsoimances  et  des  dissonances-.  11 
examine  et  discute  le  plus  ou  moins  de  concordance  et  derfis- 
cordance  qu'elles  ont  de  leur  nature.  Tous  ces  articles  sont 
très  intéressant  pour  l'histoire  de  l'harmonie  en  général  : 
maïs  le  chapitre  a8 ,  qui  est  le  dernier  de  l'ouvrage ,  nous 
parait  être  le  plus  curieux  et  le  plus  utile  ,  en  ce  que  les 
données  que  l'auteur  met  sous  nos  yeux  sont  uniques  et  ne 
se  trouvent  dans  aucun  des  manuscrits  des  siècles  anté- 
rieurs et  postérieurs  à  celui  dans  lequel  ce  Traité  de  Musi- 
que a  été  composé. 

Mous  pensons  que  ce  chapitre  est  trop  important  pour 
l'histoire  du  système ,  de  l'accord  et  de  la  manière  de  jouer 
les  instrumens  à  cordes  et  à  archet  de  ces  temps  reculés, 
pour  ne  pas  fin  donner  la  traduction.  Quant  au  texte  latin, 
où  il  existe  plusieurs  mots  forgés  par  l'auteur  en  raison  de 
la  matière  qu'il  traite  ,  nous  renvoyons  au  manuscrit  que 
l'on  peut  voir  à  la  Bibliothèque  du  roi. 

<  Chàpitïk  xviii.  Nous  avons  démontré  ci-dessus  [dit 
1  l'auteur  du  manuscrit)  de  quelle  manière  ou  peut  trouver 

•  théoriquement  les  progressions  harmoniques  par  le 
€  moyen  des  nombres,  des.  poids  et  des  mesures  ;  ilnenous 

*  reste  donc  présentement ,  dans  ce  dernier  chapitre,  qu'à 


4«. 

€  parler  de  la  pratique ,  et  de  quelle  manière  on  trouve  les 

■  proportions  harmoniques  dans  ses  [tnstramens  d)  cordes  '. 
«  Or  comme,  selon  le  philosophe 1 ,  tin  peut  tirer  grand 
«  parti  de  peu  de  chose,  nous  parlerons  d'abord  de  la  ru- 

•  bebbe  et  ensuite  des  vielles.  1 i'  -,'  : 

■  la  ru  bebbe  est  tin  instrument  de  musique  qui  n'a  que 
d  deux  cordes  qui  sont  à  la  quinte  l'une  de  l'autre,  et  cet 
«  instrument  se  joue  ;  ainsi  que  la  vielle,  avec  un  archet. 
«  Ces  deux  cordes,  tant  par  elles-mêmes  qu'au  moyen  de 
«  l'appKcation  des  doigts  (sur  le  manche  de  l'instrument) , 
«  donnent  dis  olefs  {dix  sons)  savoir,  depuis  C,  fa,  tit 
«  (  UT  grave),  jusqu'à  d,  la,  sot,  re  (RE  d  ta  neuvième  d'UT 

•  grave)  *,  et  cela  de  la  manière  suivante.  Celui  qui  joue, 
o  la  rubebbe  doit  tenir  cet  instrument  dé  la  maiu  gauche  , 
«  entre  le  pouce  et  l'index ,  près  de  la  léte  {  de  l'instrument  ) 

■  et  dans  le  milieu  [de  la  main),  de  la  même  manière  que 

■  l'on  lient  la  vielle.  S'il  touche  avec  l'archet  la  première 

■  corde  en  ne  posant  sur  elle  aucun  doigt ,  la  cerde  donne 
-  loson  C,fa,ut  (UT  grave  d  vide);  si  l'on  applique  l'index 

•  en  le  tournant,  comme  nous  l'entendons  dans  l'appli- 

i..1  -i>    .  .         -  ■    .  J'Jîl!  i  |*t*  .  I,"ji(j|i  jili  'u  tiirnji 

(l)  Toui  les  mots  qaî ,  dans  celle  traduction ,  eiisttnt  entre  deux  pa- 
renthèse! ne  sont  point  dans  le  manuscrit,  mais  nous  les  irons  ajoutés 
pour  servie  à  l'intelligence  du  teite  traduit  fidèlement. 

(a)  Quoniam  atitem  seeuodum  pbilosopUum  in  paucioribus  «ia  ma- 
gna, ideo,  primo  de  rnbeba,  pustea  de  viellis,  dicemus.  Est  autem  ru- 
beba  niusiciim  inatrumtntum  habens  lolum  duos  chordas ,  iono  distan- 
tes a  se  perdiapente,  quod  quidem  sicut  et  vieJla  et  cum  arca  tangitur. 

(3)  Dans  le  système  de  la  Main  harmonique  et  mélodique,  de  Gui  d'A- 
rciio,  chaque  lettre  désignait  une  corde  (ou  son)  appelée  clef,  d'où  cet 
Tenu  le  nom  de  elef  donné  au  G,  qui  primitivement  était  la  clef  de  sol, 
et  de  même  au  C,  qui  était  la  ciel'  -l'ut,  et  enCu  h  1'*'  qui  était  la  clef 
de  fa. 


□içjtized  t>y  Google 


46a 

•  c.iiioo  (les, autre»  doigt»,  soil  sur  la  rubebbe  ou  nur  la 

•  vielle,  et  qu'il  tombe  ainsi  nature llemc ut  sur  cette  même 

■  corde,  on  obtient  le  iati  D,  soi ,  re  (CE  gravi).  Si  l'on  ap- 
i  pligue  le  doigt  du  milieu  près  de  l'index,  dans  le  mi- 

■  lieu  *,  ce  que  l'on  doit  Taire  sur  In  rubebbe  pour  tous  les 

■  autres  doigts,  on  forme  le  son  E,  ta,  mi  (Ml  grave).  Si  l'on 

■  applique  l'annulaire  ou  quatrième  doigt  \  ou  obtient  le 
«spn  F,  /*,  ut  (FA  grâce).  Or  il  est  nécessaire  que, 

•  pour  passer  outre,  ce  soit  la  corde  suivante  qui  forme 

■  les  .autres  sons  1  :  savoir,  G  ,■  sot,  re,  ut  (SOL),  qu'elle 

•  donne  sans  application  de  doigt  {d  vide),  et  par  l'appli- 
"  cation  de  l'index  A  ,  la,  ml,  re  (LA).  De  même  par  l'ap- 

>  pli  g  «lion  du  doigt  du  milieu  tombant  naturellement  sur 

■  la  corde,  mois  tourné  et  tiré  en  dessus  près  de  la  Le. le  de 

•  la  rubebbe.,  on  obticot  le  son  0,  fa  (SI  bémol).  Au 
»  moyen  de  l'application  de  ce  même  doigt,  mail  non 

•  tourné  et  tombant  naturellement ,  on  l'orme  le  fc)  mi  (SI 
"  naturel),  ce  qui  démontre  clairement  quo  du  même 
<  dofgt  ou  forme  deux. sons  diBérens,  c'esl-à-dïrc  |>  fa  et 
.  t]  mi  (  SI  bémol  d  SI  naturel).  Enfin  ,  par  l'applioa^qp  du 
»  quatrième  doigt,  on  obtient  C  ,  soi,  fa,  at  (ut  octave  rf'UT 

•  içrave),  et,  par  l'application  de  l'auriculaire,  on  oblicul 

•  pour  complément  le  son  d,  la,  sol,  re  (re  ociace  de  RE 
»  gravi),  et  la  rubebbe  ne  peut  monter  davantage. 

•  Pour  ce  qui  est  de  la  vielle,  quoiqu'elle  monte  plu* 

>  haut  que  la  rubebbe,  elle  ne  monte,  plus  ou  moins  . 

(  i)  la  medietate,  dit  l'auteur.  Nous  croyons  .qu'il  veut  dira  le  dorgl 
appuyant  par  U  phalange  du  milieu ,  ce  qui  pourrait  faire  croire  que  ce- 
lui qui  jouait  île  la  rubebbe  et  de  la  Tielte  devait  tenir  l'inalra  ment  sur 
ou  entre  ses  genoui,  puisque,  s'il  l'eut  tenu  sur  la  clavicule  près  île  ri- 
pante gauche,  comme  nui  violonistes  modernes,  il  n'aurait  pu  former  Ici 
"Om  qu'en  appuyant  les  doigU  par  lu  milieu  de  leur  eilrémilé.  C'est 

décider  la  question,  n'ayant  pas  de  données  certaines  sur  la  grandeur, 
ni  sur  la  longueur  et  le  volume  de  ces  deux  instrument:. 

(l)  L'auteur  appelle  le  quatrième  doigt  le  médecin ,  mais  celle  deno- 

quatrième  doigt.  ^  ""^ 

(1)  Ce  qui  prouve  qu'une  fub  la  main  posée  on  ne  lu  dii  angtait  ja- 
mais pour  prendre  une  autre  posiliuu. 


Uigilized  t>y  Cooglp 


46» 

«  qu'en  raison  de»  diverses  manières  dent  on  t'accorde  : 

■  car  la  vielle  petit  être  accordée  de  trois  manières. 

*  Cet  instrument  n'a  que  cinq  cordes  et  ne  doit  pas  en 
«  avoir  davantage.  La  première  manière  dont  on  l'accorde 
«  est  comme  il  suit  :  Première  corde ,  D  (HE  grave)  ;  se- 
»conde,F  (gamma  ut;  SOL,  corde  la  plus  grave  de  tout  le  sys- 

■  terne)  ;  troisième,  G .  dans  les  graves ,  (SOL  grave ,  octave 

0  de  gamma  ut.  Ce  sol  octate  est  préstntement  la  quatrième  du 

•  violon.)  La  quatrième  et  la  cinquième  cordes,  toutes 
«  deux  a  l'unisson,  donnent  le  son  d  dans  l'aigu  (re  aigu). 
«  et  alors  elle  (la  vielle)  peut  monter  depuis  le  gamma  UT 

1  (SOL  le  plus  grave)  jusqu'à  aa  double  ('a  aigu'  à  la 
u  quinte  de  RE  aigu  ),  de  la  manière  suivante  *.         i  w  n  « 

■  Or,  nous  disons  que  la  seconde  corde  Tonne  par  elle- 

■  même  le  son  r  (SOL  le  plus  grave).  Par  l'application  dé 

•  l'index,  elle  donne  A  (LA  grave);  parle  médiaire,  B 
«  (Sienne);  par  l'annulaire,  C,  dans  le  grave  (UT  grave). 

•  La  seconde  corde,  qui  est  la  première  dans  la  vlèllc 
«  (c'est-à-dire  placée  ta  première),  et  qui  est  le  bourdon  des 
«  autres  ne  donne  qn'nn  seul  son  qui  est  D  (  RE  grave). 
»  Cette  corde,  étant  en  dehors  dit  corps  de  là  vielle  et  at- 
o  tachée  sur  le  côté  de  l'instrument,  se  dérobe  à  l'applica- 


(i)  Étendue  de  ll  vielle, 


Ici  cordes  a  vide*  sont  désignée!  par  lv>  rondes. 

(3)  Celle  qui  bourdonne  ou  forme  harmonie  simultanée  me  les  anitei 
son»  de  rimtrumenl ,  comme  nous  le  Terrons  par  la  tuile. 


464 

•  tion  des  doigls;  mais  les  deux  sons  qu'elle  ne  peut  don- 
ci  ne  r,  savoir  E  et  F  (MI  et  FA  graves) ,  sont  donnés  à 
a  l'octave  par  les  quatrième  et  cinquième  cordes  qui  y 
a  suppléent,  La  troisième  (corde)  donne  par  elle-même 
«  (avide)  G  (SOL  octane  de  SOL  grave);  par  l'application  de 

•  l'index.  A  (LA  octave  de  LA  grave)  ;  par  le  doigt  du  milieu 

■  recourbé,  b  (SI  [>  ),  et  le  ultime  doigt ,  tombant  naturel' 

•  leinent  sur  la  corde,  donne  {'î  SI  naturel  octace  de  SI 
«  grave).  L'annulaire  donne  c  aigu  (UT  aigu).  La  qua- 
a  trlème  et  la  cinquième  (cordes)  donnent  par  elles-mêmes 

■  (àride)  d  aigu  (RE  aigu).  En  appliquant  l'index,  on  ou- 
«  tient  e  (MI  aigu).  Par  le  médiaire ,  f  (FA  aigu)  ;  par  l'an- 
«  nulaire,  g  (  SOL  aigu),  et  par  l'application  de  Fauricu- 
"  luire,  on  obtient  aa  double  (LA  aigu).  Et  telle  est  la 
«  vielle,  qu'elle  renferme  la  faculté  de  (  rendre)  tous  les 
«  modes,  ainsi  qu'on  vient  de  le  voir  clairement  *.  Or, 
«  c'est  cette  manière  d'accorder  les  vielles  qui  est  la  pre- 

■  La  seconde  manière  est  nécessaire  aux  laïcs  \  surtout 
Ȉ  ceux  qui  veulent  parcourir  tous  les  autres  chauts, 
t  principalement  les  irréguliers  par  toute  la  main  '.  Alors 

(i)  Il  est  bien  évident ,  par  ce  que  dit  ici  J.de  Moravie,  que  la  vielle 
était  alors  L'instrument  a  cordes  et  a  archet  le  plus  parfait ,  puisqu'on  y 
pouvait  exécuter  tous  les  modes  du  système  qui ,  en  musique  ecclésias- 
tique, étaient  an  nombre  de  huit;  mais  en  musique  de  chambre  ou  pro- 
fane, ces  mêmes  modes  étaient  au  nombre  de  douze.  On  en  peut  voir 
la  constitution  dans  le  Dodtcachorde  de  Glaréan ,  ouvrage  publié  a  Basle 
en  1S47,  et  que  l'on  trouve  i  la  Bibliothèque  du  roi,  sous  le  n"  V,  in-fol. 
61S. 

(1)  L'auteur  veut  dire ,  aux  musiciens  et  autres  personnes  qui  ne  sont 
pas  dans  les  ordres  sacrés  et  qui  décident  U  musique  profane.  Il  faut 
remarquer  que  celte  autre  manière  d'accorder  la  vielle  prouve  que  ,  de 
tout  temps,  l'exécution  de  la  musique  de  chambre  on  d'orchestre  a  tou- 
jours été  plus  avancée  et  plus  fleurie  que  la  musique  ecclésiastique; 
on  y  employait  probablement  des  notes  de  passage,  de  fioriturci,  dei 
notesaltéréeiparla  dièse,  surtontdans  lescadences  finales  pour  donner 
de  la  douceur  et  de  la  grâce  à  la  mélodie  ,  ce  dunt  la  musique  d'église 
n'était  pas  susceptible.  C'est  ainsi  qu'il  faut  entendre  ce  que  dit  ici  J 
de  Moravie  des  chants  irrégulieri. 
(4)  Dans  toute  l'étendue  du  «jstème. 


DigitizGd  b/ Google 


4«5 

■  il  est  nécessaire  que  toutes  le»  cordes  de  la  vielle  soient 

•  attachées  an  corps  solide  {de  l'instrument) ,  et  qu'il  n'y  en 

•  ait  aucune  de  ce  cillé,  afin  qu'étant  ainsi  disposées,  elles 

*  puissent  recevoir  l'application  des  doigls  selon  le  son 
«  (que  l'on  veut  obtenir).  Or,  dans  cette  manière  d'accorder, 
»  la  première  corde,  c'est-à-dire  le  bourdon  (le  RE  grave) 

■  donne  E  et  F  (  MI  et  FA  graves)  au  moyen  de  l'index  et 

*  dumédiaire,  afin  qu'ils  forment  ces  mêmes  clefs  [sont  ) 
«  de  la  même  inauière  que  la  première  corde  (de  l'autrt 
«  accord  cite  ci-dessus).  Les  seconde,  troisième  et  quatrième 
«  cordes  sont  comme  dans  la  première  manière  [il' accorder 
t  ta  vielle),  mais  non  la  cinquième  qui  doit  être  à.  la  quarte 

•  de  d  (re)  ( c'est-à-dire)  placée  dans  l'aigu  à  la  quarte  en 

*  dessus  g  [sol  aigu),  et  alors  celte  cinquième  corde,  au 
-  moyen  de  l'application  de  l'index,  donne  aa  (ta  doublé 
"  aigu).  Par  le  doigt  du  milieu  recourbé  (si  \,  double 
«  aigu).  Par  le  même  doigt  tombant  naturellement  [sur  ta 
«  corde)  (si  naturel  double  aigu).  Par  l'application  de  i'au- 
«  nulaire  ce  (ut  double  aigu),  et  enfin  par  celle  de  l'aurïcu- 
«  laire  dd  (re  double  aigu)  *. 


(i)  Étendue  de  li  vielle, 


proinLLi  p  corde  qui  se  jiriMcnic  ;i  l'ardu:!  èlre  re.  Cl  la  seconde!  cOrdciol 
à  la  quinle  en  dessous  de  ce  même  re;  mais  en  voici  la  raison. Comme 
le»  cordes  graves  de  la  vielle  m:i  vaii'iii  non -seulement  à  rendre  les  mé- 
lodies graves,  mais  aussi  les  sous  qui  luisaient  harmonie  sous  les  mélodies 
forints  de  sons  miiios  graves,  il  éiaii  uéeessaiic  de  laiic  cette  Irans- 

4o 


466 

t  ta  troisième  manière  (</' 'accorder  la  vielle)  est  oppo- 
i  sée  à  lu  première  en  rc  tm<:  la  première ,  rude  donne  r 

•  ni  {  SOI,  le  plus  «rave).  G  (  UT  grave)  est  donne  par  la  sc- 
-  conde  corde  ;  G  (  SOL  ocluredr  SOI,  griire  )  est  donné  par 

■  la  troisième  (  corde)  ;  D  ('RE  aigu  )  par  la  quatrième  et  la 

■  cini|uiéme  cordes.  Et  dans  cette  troisième  manière  {d'ac- 

•  corder  ta  vielle)  excepté  le  |>  aigu  (SI  [,  aigu),  que  l'on  ne 

■  peut  former  sur  la  cinquième  corde ,  toutes  les  autres 
o  voix  médiaircs  (  tet  sons  obtenus  par  l'application  des  doigts  ) 
v  se  trouvent  comme  dans  la  première  manière  (a"accor- 

■  der)  ci-dessus  désignée  '. 

[nation  (hn.s  !.i  disposition  île  l'accord  de  l'instrument,  pour  que  chaque 
corde  grave  du  système  col  sa  quarte,  sa  quinlect  son  octave;  et  comme 
le  quatrième  doigt  formant  l'ai  grave  sur  ta  corde  sot  efit  été  obligé  de 
faire  Bonncren  même  temps  le  sol  â  sa  quinte  en  dessus,  si  l'accord  dr 
l'instrument  cnl  été  1"  corde  soi  grave,  a'  «à  la  qniute  en  dessus,  ô'sol 
j  l'or  la  vi'  de  ml  grave,  etc.  Le*  vielleurs  auront  trouvé  plus  commode  de 
placer  ce  rc  comme  première  corde,  pour  que  Val  donné  sur  la  seconde 
corde  toi,  par  le  quatrième  doigt  eût  pour  quinte  sol  troisième  corde  a 
vide.  Ce  qui  prouve  que  lins  trament  avait  un  manclie  plus  grand  et  plu' 
large  que  celui  de  notre  violon  actuel,  puisque  dcui  sons  formés  simul- 
tanément par  le  même  doigt  auraient  géné  l'exécutant,  qui  puur  plus  di 
facilité  ne  se  servait  même  Je  l'auriculaire  que  sur  !c  dernier  son  de  la 
cinquième  corde  {Voyez  la  note  i,  page  463.) 
[i]  Étendue  de  La  vielle 


Il  faut  remarquer  que,  dans  cette  troisième  manière,  les  deux  cordes 
i  vide  les  pins  graves  sont  la  quarte  l'une  de  l'autre,  pour  donner  plus 
(!<■  iai'ilité  de  jouer  le  cinquième  et  te  sixième  modes  rrrlèpiastiques  . 
modes  que  réunit  dans  son  échelle  relui  de  fa  majeur  de!  modernes. 


i  tjiii  que  ce  soil  pourra  donc  posséder  entièrement 
«l'art  du  vîéller,  ayant  présent  à  la  mémoire  et  niellant 
«  en  pratique  par  l'usage  te  que  l'on  vient  du  voir. 

•  Enfin  il  n'y  n  plus  à  remarquer  que  le  plus  difficile;  Is 
plus  estimé  et  le  meilleur  de  cette  science  est  de  savoir 

•  répondre  avec  les  premières  consonnanecs  que  forment 
«  les  bourdons  à  chacun  des  sons  dont  se  compose  chaque 
«  mélodie  ,  [et  que  le  bourdon  ne  doit  être  touché  avec  le 
«  ponce'  o'u  avec  l'archet,  comme  le  sont  les  autres  cordes, 

■  quclorsqu'il  forme,  avec  les  sons  donnés  par  elles,  l'une 
il  des  snsdîtes  consonnanecs,  c'est-à-dire  la  quinte  ,  l'oc- 
«tave,  la  quarte,  etc.;  car  la  première  corde,  c'est-à- 
i  dire  la  plus  inférieure  (  quant  d  la  place  qu'elle  occupe  ) ,  et 

•  la  plus  forte,  que  l'on  appelle  bourdon,  selon  la  première 

■  manière  d'accorder  la  vielle,  donne  I)  grave  (  Itlî  grave ), 

•  et  selon  la  troisième  manière,  elle  donne  r  grave  (SOI,  le 
aptui  grave).  Or,  en  suivant  la  main     ces  deux  cordes  for- 

■  ment  consonuanec  avec  ces  mêmes  lettres',]  ce  qui  de- 

■  vient  facile  à  une  main  habile  qui  n'ajoute  ces  moyens 

•  secondaires  qu'en  raison  de  ses  progrès  et  de  la  con- 

•  naissance  d;  la  main  qui  est  a  la  fin  de  cet  ouvrage.  « 

Apres  une  espèce  de  péroraison  en  l'honneur  de  Notre 
Seigneur  J.-C,  dclasaintc  Vierge,  de  saint  Dominique. etc., 
l'auteur  dit  qu'il  a  écrit  sou  ouvrage  pour  la  plus  grande 
utilité  des  étudiana,  et  le  termine  ainsi  ; 

■  Functo  libro,  sït  laus  et  gloiia  Clnislo.  r'xplicîi  Trac- 
o  talus  de  Musica  ,  fratris  Jeronimi  du  Moravia,  nrrtini' 
t  Fratrnm  Fraîdicalorum.  ■ 

t  Ce  livreétant  terminé ,  louange  et  gloire  soient  à  J.-C. 
.Ici  finit  le  Traité  do  Musique  de  frère  Jérôme  de  Mora- 
<  vie ,  de  l'ordre  des  Frères  Prêche urs. 

PebsE,  Correspondant  ik  l'Iiisliini . 

(Latuite  au  numiro  prochain.) 

(i)  Pincé  avec  le  pouce  on  Pizzicato. 

())  I.amainiletiuicl'Arciio,  qui  servait  d'ecbclle  mélodique. 
(S)  Tout  ce  qui  es!  liucrc  ii  i  mire  le*  ileun  crochet!  (.        ]eiiite  ito 
même  ilans  le  leMe. 


CORRESPONDANCE. 


A  M.  h  rédacteur  de  la  Revue  Musicale. 

i'cnnctlez-moi,  monsieur,  de  vous  adresser  quelques 
observations  sur  le  premier  article  du  numéro  l\t  de  votre 
Revue,  et  veuillez  bien  les  considérer  comme  des  preuves 
île  l'intérêt  que  j'allache  à  l'utile  entreprise  que  vous  di- 
rigez avec  un  zèle  si  honorable ,  un  savoir  si  étendu ,  et  uu 
gOÛt  si  délicat. 

D'abord  un  trait  mal  à  propos  lancé  contre  le  philosophe 
renommé  qui,  le  premier,  en  découvrant  L'influence  do 
certains  nombres,  a  su  eu  appliquer  quelques  résultats  à 
l'élude  des  sons  cl  à  la  mélodie  qui  en  dérive,  dépare  vé- 
ritablement cet  article  de  votre  recueil'.  • 

Pythagore,  un  charlatau  !  et  qui,  plus  est,  précisément 


(i)  A  Diei 


c  plaise  quej 


ands  boi 
/iian.eUnîtne  Je  pluadéoo 
rapojBÎble  du  nier.  M.  lu  ba 
c;  main  quêtait -ce  donc  qi 
a  miM.riiijnyL'osK,  se  vanta; 
«ait  habité  avant  que  d'tl 


Qu'. 


iqut 


ini.de  plus,  U  lltrair««o;»d»ip[e 
Abaris,  prêtre  d'Apollon,  pour  lui  prouver  qu'il  était  lui-o.fn.cce  dieu. 

ilu>  fiii.iii^  ;iu dît-  cr  ïu  i  -  lii  :  il  est  v  i  ;i  i  ^i.r:  mai-  ni:  ^nuililts  pas  si  cré- 
dules que  lus  Grcca  ou  les  Hurnoius. 

(.lofs  </"  ndaclcur.) 


Digiiized  by  Google 


4*>9 

à  l'occasion  d'un  fait  qui  honorait  i 
eilé  !  Oui ,  monsieur,  l'ylliagore  avait  entrevu  un  dut  alors 
ignoré,  et  qui  n'est  devenu  certain  que  par  des  décou- 
vertes, des  expériences  récentes.  Ce  fait,  le  voici  :  deux 
corps  sonores  étant  donnés  de  formes  absolument  sem- 
blables, maïs  de  dimensions  doubles ,  celui  de  la  petite 
dimension  donnera  l'octave  aigùe  du  son  produit  par  ce- 
lui de  la  dimension  double.  C'est  ce  principe  qui  préside 
h  la  fabrication  des  cloches;  car  deux  cloches  du  même 
métal,  dont  les  dimensions  seront  comme  les  nombres 
8  et  9,  ou  dont  les  poids  seront  comme  leurs  cubes  U12 
et  ^at),  donneront  deux  sons  à  l'intervalle  de  seconde  ma- 
jeure, dît  (on  majeur,  el  représentés  jiar  les  rapporls  de 
leurs  nomhres  de  vibrations  8  et  9,  en  un  même  lemps 
donné'. 

Une  conséquence  de  te  principe  est  que  des  marteaux 
mis  en  élat  de  vibration  par  leurs  chocs  sur  une  enclume, 
fcro.it  entendre  des  sons  qui  seront  entre  eux  dans  le  rap- 
port des  racines  cubes  de  leurs  poids,  si  toutefois  ils  sont 
de  formes  absolument  semblables. 

Vous  voyez  donc  bien  ,  monsieur,  que  loin  de  trouver 
du  charlatanisme  dans  celle  expérience  de  Pythagore,  il 
fallait  y  admirer  la  perspicacité  du  philosophe  qui  avait  la 
prévision  d'un  principe  physique,  base  de  la  science  des 
sons  et  de  In  mélodie. 

En  second  lieu  ,  Hameau  ,  dans  des  lemps  assez  rappro- 

(1)  Jesuts  étonné  mie  le  M.  baron  Blein  me  mette  dans  la  nécessité  ci,, 


c|iii  le  frappe.  Si  l'un  veut  enfin  une  preuve  que  les  vibration*  il< 
team  ne  itonnc  nl  |mi„l  ,!c  :;.jhs  ;t | j [Jj  Ljf  i  jti li-s .  iju'uii  les  frappe 
grè4,'uuVaura  plus  .pi «  i!u  [irait, 

[iïtttc  du  ràl,!c:<iir.  ) 


cités  de  nous,  avait  découvert,  ainsi  que  Tartiui,  une  partie 
des  influences  de  certains  nombres  sur  la  succession  des 
sons  ;  mais  ils  se  sont  trompés ,  suit  en  ne  considérant  les 
corps  sonores  que  sous  la  forme  d'une  corde  tendue,  tandis 
qu'il  eu  existe  d'une  infinité  d'autres  espèces,  soit  en  don- 
nant une  extension  fausse  à  leurs  bases  fondamentales  et 
à  leurs  progressions  harmoniques,  qui  n'ont  rien  d'harmo- 
nieux. Ce  n'est  que  depuis  quelques  années  que  l'on  a  dé- 
couvert que  l'influence  des  nombres  sur  la  mélodie  ne 
s'étendait  pas  au-delà  des  trots  premiers  nombres  impairs, 
1,  3,  5,  qui,  dans  cet  ordre,  ont  donné  naissance  au 
mode  majeur,  et  dans  l'ordre  inverse;  7,  \,  \,  au  mode 
mineur,  eu  attribuant  à  un  et  à  plusieurs  son  s  des  vibrations 
dans  les  rapports  de  ces  nombres  ;  de  sorte  que  lout  inter- 
valle exprimé  dans  d'autres  rapports  est  nécessairement 
plus  ou  moins  dissonant  et  choquant  pour  l'oreille  '. 

D'Alembert,  à  qui  Rameau  confia  la  parlie  scientifique 
de  sou  système,  n'était  pas  musicien,  et  cela  le  fit  tomber 
malheureusement  dans  des  fautes  graves  en  harmonie. 
L'abbé  Roussier  ne  fut  pas  plus  heureux  que  J.-J.  Rous- 
seau, dont  la  mélodie  avait  tant  de  pureté.  Il  faut  en 
convenir  toutefois,  la  plupart  des  musiciens  compositeurs, 
même  les  plus  célèbres,  n'ont  eu  malheureusement  que 
les  connaissances  les  plus  bornées  en  mathématiques ,  et 
c'est  une  bien  grande  fatalité  pouri'art  charmant  de  l'har- 
monie, qu'il  se  soit  constamment  trouvé  entre  l'alterna- 
tive filcheusc  de  géomètres  non  musiciens  ou  do  musiciens 
non  géomètres.  De  nos  jours  pourtant  on  aurait  pu  voir 
cesser  un  inconvénient  aussi  grave.  L'un  de  nos  premiers 
mathématiciens  est  en  même  temps  un  amateur  très  dis- 
tingué, qui  s'est  amusé  parfois  à  écrire  des  romances 
charmantes  et  des  choeurs  d'un  très  bon  effet;  mais  des 

(i)  Eiemple  :  l'intervalle  de  liite  mineure  ut,  la  |j,  est  représenté 
par  les  rapports  de  vibration ,  1  et  ~ ,  ce  dernier,  troisième  octave  aigu 
de  et  il  est  consonnant.  L'intervalle  de  quinte  superflue  ut ,  10/ jj  doit 
être  représente  comme  formé  par  la  tierce  majeure  de  mi ,  par  lei  rap- 
ports i  et  ij;  ce  dernier  égal  au  carré  rie  >  ,  qui  est  mi,  et  cet  intervalle, 
forme  une  dissonance  réelle  ,  quoique  tris  Faible. 


4;> 

occupations  d'un  genre  plus  élevé  l'ont  presque  toujours 
détourne  (l'un  objet  <|ui  ti\iur;iii  été  pour  lui  qu'un  délas- 
sement agréable.  Peut-être  aussi  a-l-il  été  rebuté  par  les 
élude*  préliminaires  des  principes  obscurs  île  ce  >|uc  l'on 
appelle  le  eontre-poitit  ,  ilonl  l'arbitraire. el  le  non-sens  ré- 
voltent nécessairement  tous  les  esprits  justes  et  surtout  les 
géomètres*.  Maïs  alors  il  aurait  Uù  lui-même  chercher  , 
découvrir,  et  publier  les  vrais  principes  d'une  nouvelle 
science  harmonique. 

Je  désire  beaucoup,  monsieur,  que,,  rendant  justice  à 
l'exactitude  comme  à  la  bienveillance  de  mes  observations, 
vous  veuillez  bien  les  insérer  dans  le  numéro  le  plus  pro- 
chain de  voire  Bévue, 

J'ai  l'honneur  de  vous  saluer, 

Le  Baron  Bum. 

Choiiy-le-Riri ,  le  4  décembre  1817. 

P.  S.  J'ai  eu  occasion  d'exposer  dans  l'opuscule  dont 

bien  remarquable  des  trois  mêmes  premiers  nombres  im- 
pairs, 1,  5  et  5.  Après  avoir  expliqué  la  transparence  des 
corps  par  ma  théorie  des  vibrations  ;  après  avoir  démontré 
l'impossibilité  de  l'existence  île  la  lumière  comme  matière. 

(1)  Des  phénomènes  ]iliisn]uu>  tuicieiueul  jvrr  nm  sensations;  gn  les 
soumet  au  calcul,  et  l'un  en  lire  des  règles  de  prupurtious  et  des  for- 
mules pour  h  gêné™  lion  cl  lu  eUssilicalion  des  intervalles.  Jusque  U 
[nul  est  bien  dans  le  domaine  des  mathématiques  ;  mais  <;cttc  partie  de 
la  science  m!  peut  s'appliquer  qu'A  des  faits  isoles.  Quant  sut  affinités 
de  succession,  elles  dépendent  uniquement  de  nos  sensations  ,  et  iiir- 
ment  la  partie  la  plus  esse  miellé  de  l'art,  partie  qui  est  purement  méta- 
physique. Toute  la  science  du  contrepoint  a  pour  objet  d'expliquer  les 
raisons  de  ces  affinités,  et  d'en  donner  les  règles,  règles  qui  sont  dictées 
par  l'oreille  à  laquelle  il  faut  plaire.  Ces  règles  ne  sont  dune  point  arbi- 
traires, puisqu'elles  sont  sanctionnées  pat  le  seul  juge  qu'un  puisse  rc- 

d'Alemberl,  de  lloussier  cl  de  tous  1rs  miituéiii.'iliciuis ,  es!  de  croire 
que  la  science  de  l'harmonie  soit  contenue  dam  des  accords  isolés  ;  c'est 
leur  succession  qui  est  l'objet  essentiel ,  le  point  de  la  difficulté,  cl  c'est 
là  que  le  secours  des  mathématique?  devient  inutile  M.  lllcin  pnrlnp 
l'erreur  de  tous  ses  devancier!  A  cet  égard. 


4?s 

l'établis  qu'elle  est  un  produit  de  vibrations ,  dont  on  peut 
supposer  le  nombre  de  1  comme  de  plusieurs  millions  par 
seconde,  et  dont  la  vivacité  diminue  par  octaves,  lorsque 
ces  vibrations  diminuent  en  raison  des  nombres  i ,  £,  j,  £, 

Mais  en  intercalant  entre  deux  octaves  de  lumière  ,  i 
etj,  un  nombre  quelconque  de  moyens  proportionnels, 
et  en  observant  que  le  spectre  coloré,  formé  par  la  dis- 
persion lumineuse  des  vibrations,  distribue  toutes  les  cou- 
leurs par  nuances  rapprochées  entre  le  rouge  vif  d'un 
côté,  et  la  limite  du  violet  ou  rouge  pale  de  l'autre,  je  fais 
remarquer  que  l'on  trouve  le  bleu  et  le  jaune  purs,  cou- 
leurs primitives,  placés  précisément  ans  rangs  assignés 
auxsons  qui  forment  l'harmonie  du  mode  majeur,  c'est-à- 
dire  dans  l'ordre  suivant,  en  descendant  de  l'aigu  au 
grave: 

>  l  î  h 

ut  sol  mi  ut. 

rouge.  jaune.  bleue.  rouge, 

en  sorte  que  |  étant  une  octave  de  5,  et  |  une  octave  rie  5, 
il  est  évident  que  si  dans  un  temps  donné  î  vibration  lu- 
mineuse donne  la  couleur  rouge,  5  donnent  la  couleur 
jaune,  el  5  la  couleur  bleue. 

L'harmonie  des  nombres  de  Pylhagore  n'était  donc  pas 
une  vaine  chimère. 


NOUVELLES  DE  PARIS. 
THÉATBE  DE  L'OPÉRA- COMIQUE. 

Eepréscn  talion  an  Lt office  de  Hum.-  Ficjios  et  Diïco.  -  Coiicett  en 
«ction.-  Chollct,  fWliard ,  M"'  Schuli,  .VM.  V'ugt,  I.afuut ,  il 
Ebner. 

Pans  les  derniers  jours  de  la  carrière  théâtrale  île  Mar- 
tin,la  voix  étonnante  de  ce  dianleur  avait  subi  les  outrages 


4?3 

du  temps.  En  vain  cherchait-il  non-seulement  à  cacher  aux 
autres  ,  mais  à  se  dissimuler  à  lui-même  l'altération  prog- 
ressive d'un  organe  aulrcfois  prodigieux  par  son  Étendue 
et  sa  pureté ,  l'âge  de  la  décadence  était  arrivé  ,  et  toute 
l'adresse  du  chauteur  ne  pouvait  en  imposer  a  cet  égard 
aux  connaisseurs.  Cependant  le  rôle  de :  Pù-aros  était  un 
de  ceux  où  Martin  avait  conservé  tu  plus  de  jeunesse  et 
d'eflet;  sa  verve  et  quelques  sons  enchanteurs  luttaient 
encore  dans  ce  rôle  contre  le  goût  parfait  de  Ponchard , 
lorsqu'il  n'était  plus  que  l'ombre  de  lui-même  dans  les 
autres.  Aussi  élait-ce  celui  qui  paraissait  le  plus  difficile  ù 
aborder  par  ceux  qui  se  partagent  sa  succession.  Chullet 
même,  malgré  les  succès  qu'il  a  obtenus  dans  son  emploi, 
n'y  semblait  pas  destiné  ;  car,  bien  que  tout  le  chant  île 
Picarossoit  écrit  en  clef  d'ui  sur  la  quatrième  ligne ,  il 
a  été  composé  pour  la  voix  grave  de  Martin  :  or,  on  sait 
que  les  sons  de  Chollct  sont  faibles  dans  le  bas.  En  homme 
habile,  il  a  senti  la  nécessité  d'arranger  le  réle  pour  ses 
bonnes  cordes,  cl  il  en  a  fait  un  ténore  élevé.  On  ne 
peut  que  louer  son  intelligence  à  cet  égard ,  et  je  pense 
que  les  critiques  qu'on  a  faites  de  celto  transposition  sunt 
peu  raisonnables. 

Le  succès  a  couronné  l'entreprise  de  ce  chanteur  dans 
le  duo  qui ,  comme  on  sait ,  forme  a  peu  près  toute  la  par- 
tie chantante  du  rôle  de  Picaros.  Il  a  très  bien  phrasé  le 
début,,  dont  le  chant  posé  est  dans  la  nature  de  sa  voix  et 
do  sa  méthode  ;  mais  je  l'engagerai  ù  être  plus  avare  d'or- 
ne mens  saccadés  que  le  bon  goût  réprouve,  quoiqu'ils 
ajoutent  peut-être  du  comique  au  personnage.  Les  Italiens 
ne  font  jamais  une  charge  de  la  musique  ,  à  moins  que  ce 
ne  soit  dans  un  rôle  de  bouffe  non  chantant,  et  l'on  ne 
peut  que  les  approuver  en  cela.  Martin  est  le  premier  qui 
ait  donné  parmi  nous  l'exemple  de  la  vocalisation  par  sac- 
cades; mais  quoique  le  public  ait  été  souvent  dupe  de  ce 
charlatanisme,  les  connaisseurs  l'ont  toujours  ïmprouvé , 
et  ce  n'est  point  a  un  chanteur  qui  fait  souvent  preuve  de 
goût  à  l'imiter. 

Je  n'examinerai  pas  le  motif  qui ,  depuis  quelque  temps. 


m 

fait  déchaîner  plusieurs  journaux  de  spectacles  contre 
Ponchard ,  et  qui  dévoue  son  talent  à  des  sarcasmes  quoti- 
diens plus  ou  moins  amers  ,  plus  nu  moins  injustes  ;  mais 
j'affirme  qua  quoiqu'on  disent  de  sévères  aristarques,  cet 
acteur  n'enest  pas  moins  l'honneur  de  notre  école  actuelle 
de  chaut.  Je  sais  que  sa  voit  a  peu  de  volume  ,  et  qu'on 
s'aperçoit  quelquefois  de  la  fatigue  qu'il  éprouve  ;  mais  je 
sais  aussi  que  jamais  on  n'eut  un  goût  plus  pur,  une  vo- 
calisation plus  libre  ,  plus  facile ,  ni  une  prononciation 
plus  parfaite.  Dans  le  duo  de  Pkaros  et  Diego ,  il  ne  cher- 
chait point  à  lutter  avec  Martin  par  des  tours  de  force  : 
il  ne  faisait  que  quelques  traits;  mais  ces  traits  étaient 
de  si  bon  goût,  et  si  bien  exécutés,  qu'un  murmure 
flatteur  annonçait  de  (outes  les  parties  de  la  salle  le 
plaisir  qu'il  avait  fait  éprouver  au  vulgaire  comme  au  con- 
naisseur. 11  n'a  rien  perdu  de  son  ancienne  supériorité 
dans  ce  morceau;  aussi,  quoiqu'il  eut  affaire  aupublic  exi- 
geant des  représentations  à  bénéfice,  n'a-t-il  pas  été  moins 
goûté  qu'autrefois. 

Le  reste  de  la  pièce  s'est  un  peu  ressenti  de  la  précipilu- 
tion  avec  laquelle  on  l'avait  remontée,  surtout  dans  le 
niorceau  d'introduction ,  où  plusieurs  entrées  musicales 
ont  été  manqué  es.  Le  petit  duo  del'onchard  et  de  M"  Pra- 
dlier  a  élé  cependant  bien  chanté. 

Quoiqu'il  ue  soit  point  dans  mes  attribution»  de  parler 
do  comédie,  de  tragédie  et  surtout  do  tragédie  anglaise,  je 
ne  puis  me  refuser  au  plaisir  de  payera  l'admirable  talent 
de  M1"  Mars  et  à  celui  de  M"-  Smilhson  le  tribut  d'éloges 
qu'ils  méritent  à  tant  de  titres.  Notre  grande  comédienne , 
malgré  la  fatigue  qu'elle  devait  éprouver  après  avoir  joué 
dans  la  même  soirée  au  Théâtre- Français  une  comédie 
nouvelle  en  cinq  actes,  s'est  montrée  parfaite  dans  Va- 
lérie ,  et  a  été  fort  bien  secondée  par  Armand ,  r-'irmiu . 
M  on  rose  et  M""  Du  puis.  Quant  il  M"-  .Smithson .  clic  a  joué 
supérieurement  quelques  seines  des  deux  derniers  actes 
Je  Roméo  et  Juliette  ,  et  surtout  la  dernière,  oii  elle  a  re- 
cueilli îles  ajqilau disscnie n.s  unanimes. 

J.'iulerinfcde  qui  ;i  terminé  la  représentât  ion  de  Huct, 


Digitized  û/ Google 


et  qui  a  pour  titre  la  Réunion  d'Artistes ,  est  un  vaudeville 
dans  lequel  ou  avait  intercallé  un  concert ,  et  un  dïverlis- 
sement  dansé  par  quelques  danseurs  de  l'Opéra.  La  dans.' 
semble  toujours  dépaysée  sur  le  théâtre  Feydeau;  la  scène 
est  trop  petite  pour  les  pas  des  danseurs,  et  ceux-ci  ont 
toujours  un  air  de  gène  qu'ils  communiquent  au  publir. 
Dans  cette  circonstance  on  a  cependant  applaudi  un  pas  de 
deux  dansé  par  Gossch'n  el  M"'  Julia  sur  un  solo  de  violon, 
qu'un  jeune  artiste  allemand  nommé  M.  Ebner  a  fort  bien 
exécuté.  Une  justesse  parfaite,  un  beau  son  et  une  grande 
netteté  d'exécution  assurent  à  ce  violoniste  une  place  dis- 
tinguée ;  mais  je  lui  reprocherai  d'avoir,  comme  la  plupart 
des  violonistes  allemands,  quelque  chose  de  sec  et  de 
pointu  dans  .son  jeu.  Il  a  besoin  d'élargir  son  style  pour 
le  mettre  en  harmonie  avec  ses  autres  qualités. 

J'ai  donné  des  éloges,  que  je  crois  mérités,  à  Choilct  et 
à  I'ouchard,  pour  la  manière  dont  ils  ont  chanté  dans  Pi- 

dans  ces  éloges  m'oblige  à  déclarer  qu'ils  n'ont  eu  qu'une 
exécution  défectueuse  dans  l'air  du  Barbier  de  Sévillc 
(Fuie  largo) ,  el  dans  le  duo  (atl'  ideadiqual  métallo)  qu'ils 
ont  chanté  en  français.  Le  long  intervalle  qui  s'était  écoulé 
depuis  le  commencement  do  la  représentation,  cl  l'heure 
avancée  (minuit)  où  le  concert  a  commencé  avaient  dis- 
sipé l'heureuse  disposition  où  ils  s'étaient  trouvés  au  com- 
mencement de  la  soirée.  D'un  autre  côté,  l'orchestre 
n'avait  pas  eu  le  temps  de  répéter  ces  morceaux,  et  les  a 
accompagnés  avec  mollesse. 

Une  triple  salve  d'applaudisseinens  a  témoigné  à  ma- 
dame Schutz  le  plaisir  qu'elle  avait  fait  au  public  dans  la 
scène  de  Tancrède;  ces  applaudissemcns  étaient  mérités  à 
certains  égards;  cependant,  au  risque  de  troubler  un  in- 
stant la  satisfaction  qu'en  a  dû  éprouver  la  cantatrice ,  je 
lui  dirai  qu'il  y  a  une  grande  différence  entre  la  vocalisa- 
tion des  traits  et  le  chevrottement  ;  or,  c'est  ce  dernier 
effet  qu'elle  fait  souvent  entendre.  Je  sais  que  le  public 
ne  s'y  connaît  guère  ,  et  qu'il  prend  souvent  la  charge  du 
bien  pour  le  bien  lui-même;  mais  un  véritable  artiste. 


4?6 

plaire  aux  gens  de  goût,  dont  le  suffrage  lait  tes  succès 
du  rntiles. 

MM.  Vogt  et  Lafont  composaient  à  eus  seuls  là  parti.; 
instrumentale  du  concert;  c'est  dire  que  celle  partie  avait 
toute  la  perfection  désirable,  line  circonstance  inattendue 
y  a  cependant  jeté  quelque  monotonie  :  la  voici.  M.  Lafont 
était  sur  la  route  de  la  bourgogne  à  Paris  la  veille  du  con- 
cert et  n'avait  pu  répéter,  en  sorte  qu'il  ignorait  que 
M.  Vogt  dut  jouer  des  variations  et  une  fantaisie  sur  des 
thèmes  de  l'opéra  de  Léocadie  ;  lui-même  avait  choisi  pour 
sb  faire  entendre  une  fantaisie  sur  les  mêmes  motifs ,  et  ce 
n'esl  qu'au  moment  de  jouer  qu'il  s'est  aperçu  de  celte 
circonstance  défavorable.  Néanmoins  son  talent  a  triom- 
phé et  lui  a  procuré  de  nombreux  applaudissemens. 

Adolphe  Nourrit  et  Dahadie  devaient  chanter  le  duo  de 
Moïse;  mais  il  était  line  heure  du  matin  ,  et  malgré  les  ré- 
clamations d'une  partie  du  public,  ils  ont  cru  devoir  lu 
supprimer.  \ 

En  résumé  ,  celte  soirée  a  été  fort  amusante  par  sa  va- 
riété, et  pour  la  première  fois  ,  les  spectateurs  sont  sortis 
satisfaits  d'une  représentation  à  bénéfice. 

—  Les  deux  j)/fl;;unie//o,  attendus  depuis  long-temps,  se- 
ront représentés  dans  le  cours  de  cemois, le  premier  au  théâ- 
tre Feydeau,  lesecond,  sous  le  litre  de  la  Muette  de  Purtici, 
il  l'Opéra.  On  croit  que  celui  de  l'Opéra-Comique  sera  re- 
présenté le  jeudi  20,  et  que  l'Opéra  do  n  liera  le  sien  ven- 
dredi 28.  L'administration  de  ce  théâtre  a  grand  besoin  de 
celte  nouveauté  pour  ranimer  son  répertoire ,  qui  est  foi  l 
languissant  depuis  le  départ  de  H11*  Ginli.  Elle  doil  s'aper- 
cevoir maintenant  qu'il  eut  mieux  valu  se  préparer  à 
tout  événement,  en  moulant  quelque  ouvrage  moins 
important  pendant  l'été  ,  que  de  rester  dans  un  repos  im- 
productif. En  fait  d'administration  théâtrale  ,  c'est  tou- 
jours une  faute  que  de  se  mettre  dans  la  nécessité  d'obte- 
nir un  grand  succès  ;  car  tout  succès  est  incertain  avant 
la  représentation;  si  l'ouvrage  sur  lequel  on  comptait  ne 
l'obtient  pas,  on  se  trouve  dans  une  position  critique. 


DigitizGd  t>y  Google 


4:7 

Heureusement ,  les  noms  et  (s  [aïeul  connu  des  auteurs  île 
la  Nucltc  de  l'ortici  sont  d'un  bOD  augure. 

—  Quelques  journaux  ont  annoncé  que  SI"'  Méric-La- 
lan.de  est  engagée  au  théâtre  de  l'Opéra;  nous  pouvons  as- 
surer qu'il  u'en  est  rien  ,  à  moins  que  ce  ue  soit  pour  un 
temps  éloigné  ,  car  cette  cantatrice  a  uu  engagement  avec 
llarbaja  qui  ne  unira  <|uc  dans  deux  ans.  Nous  savons 
d'ailleurs  qu'elle  a  peu  Ue  penchant  à  venir  à  Paris. 

—  M"*Sontag  a  terminé  )e  i  ours  de  ses  représentations 
en  Allemagne  et  a  quitti:  Francfort.  Ses  débuts  au  théâtre 
Italien  auront  lien  sous  peu  de  jouis. 

—  Des  chaugemens  dansTorganisaliou  de  l'Ecole  royale 
de  musique  et  dans  le  personnel  des  professeurs  se  pré- 
parent pour  le  mois  de  janvier  prochain  :  nous  en  dirons 
notre  opinion  en  les  faisant  cpnnaltrc. 


NOUVELLES  ÉTRANGÈRES. 

Un  amateur  distingué  de  Vienne,  M.-J.  A.  Schlosser, 
prépare  pu  ce  moment  une  biographie  très  étendue  de 
Mozart  ,  laquelle  sera  ornée  d'un  portrait  et  d'un  foc  simih 
de  la  notation  île  ce  grand  musicien  ,  ainsi  qu'une  biogra- 
phie de  Beethoven ,  avec  l'analyse  de  ses  couvres,  sou  por- 
trait cl  le  foc  simite  d'une  lettre  de  sa  inaiu. 

—  Deux  nouvelles  gazettes  musicales  paraissent  en  Al- 
lemagne, l'une  à  Slunich,  l'autre  à  Offenbaçhsur  IcJklein. 
Le  rédacteur  c»  chef  dç  la  première  est  le  docteur  Slœpel. 
Le  pasteur  Spiess  dirige  la  seconde. 

—  Une  traduction  hollandaise  du  livre  excellent  de 
M.  Godefroy  Webersurla  théorie  de  la  musique  (Théorie 
<ler  Tonsetîkunst)  est  maintenant  sous  presse  à  Leyde. 
Ou  en  prépare  aussi'une  traduction  française  à  liruxelles. 

—  On  vient  de  mettre  en  venlc  chezTobic  llasliugcr,  à 
Vienne ,  quatre  morceaux  nouveaux,  savoir  :  i"  un  Libéra 
qui  fut  exécuté  en  choeur  aux  obsèques  de  Beethoven ,  le 
ao,  mars,  18a;,  composé  par  le  cheyaljer  deScyfricd;  a"  J|/i- 


47» 

wcre  pour  quatre  voix  d'hommes,  avec  accompagnement 
de  q u aire  trombones  ou  de  piano-forté,  tiré  des  manus- 
crits de  Beethoven ,  avec  le  texte  arrangé  par  le  chevalier 
de  Seyfricd.  Ce  morceau  a  été  exécuté  à  la  même  cérémo- 
nie funèbre  ;  5°  le  Tombeau  de  Beethoven  (  Beethoven'»  b«- 
graebnïs),  poème  arrangé  sur  la  composition  de  cet  homme 
célèbre  qui  [a  pour  titre  :  Marica  funèbre  sutla  morte  tfun 
eroa  ,  à  quatre  voix,  avec  accompagnement  de  piano,  par 
le  chevalier  de  Seyfried;  4*  Chant  ètigiaque  (Elegischer 
gesang)  à  quatre  voix,  avec  accompagnement  de  deux  vio- 
lons ,  alto  et  violoncelle ,  ou  de  piano-forté,  de  Louis  van 
Beethoven ,  œuvre  1 18. 

—  La  saison  d'automne  vient  de  finir  pour  les  théâtres 
d'Italie;  elle  n'a  été  signalée  nulle  part  par  l'apparition 
d'aucun  opéra  digne  d'être  cité,  ou  par  le  début  de  quel- 
que chanteur  de  marque.  On  voit  cependant  de  loin  en 
loin ,  dans  les  journaux  italiens ,  l'éloge  de  quelques  chan- 
teurs dont  le  nom  était  jusqu'alors  resté  inconnu.  Par 
exemple  on  parle  avec  faveur  du  basso  Cianni,  qui  était 
pendant  cette  dernière  saison  à  Venise.  C'est  encore  une 
basse  que  M.  l'altoni ,  mari  de  M"  Corry-Paltoni ,  qui  a 
débuté  dernièrement  à  Naples  dans  le  rôle  de  Magnifico  de 
la  Ccncrcntota,  et  s'y  est  fait  applaudir  à  côté  de  la  Blachc. 
On  n'entend  parler  d'aucun  ténor  nouveau.  Nous  venons 
de  parler  de  M"  Corry-Paltony;  elle  a  eu  beaucoup  de 
succès  à  Naples  à  son  retour  de  Vienne.  On  loue  beaucoup 
à  Turin  la  voix  et  le  talent  de  M""  Otto,  soprano. 

—  Le  jour  de  la  Toussaint ,  on  a  donné  à  Berlin  un  con- 
cert spirituel  qui  se  composait  d'une  marche  funèbre  de 
Heichardt,  du  Requiem  de  Mozart,  et  d'une  messe  de  Ch. 
H.  de  Wcber. 


Grand  Album  pour  le  piano-forté,  composé  par 
MM.  Charles  Cltanlicu  cl  Antoine  Moeker,  joli  volante 


in -fol.  ;  à  Paris  chez  II.  Lemoinc  ,  tue  de  l'Échelle  Saiuf- 
Uonorc ,  et  à  Lyon,  chez  Arnaud  ,  place  de  fa  Fromagerie 
cl  rue  Gentil,  n"  1. 

—  Le  jiune  Aveugle,  romance,  paroles  de  M.  Jules 
Delacour,  miac  en  musique  et  dédiée  a  son  ami  Augusle 
Panscron,  par  Ch.  Chaulicu,  prix  i  fr.  5o  C.  et  a  fr.  avec 
accompagnement  de  violon  ou  violoncelle. 

Paris,  Jean  Mcissonnier,  me  Dauphine,  u°  28. 

—  Thème  de  Prêciosa  variée  pour  le  violon ,  avec  accom- 
pagnement des  deux  violons,  alto  et  violoncelle  ou  de 
piano  ,  dédié  a  M.  Urhan  par  V.  Itlagnien.  Op.  a,  prix 
5  francs. 

Paris  ,  S.  Itichaùll ,  boulevard  Poissonnière,  n"  16. 

Ce  qui  prouve  que  la  musique  fait  des  progrès  dans  les 
départemens,  c'est  qu'on  y  rencontre  des  professeurs  dis- 
tingués, soit  par  leur  talent  d'exécution,  soit  comme 
compositeur.  M.  Victor  Magnien  ,  professeur  à  Mulhauscn, 
tient  une  place  honorable  parmi  les  meilleurs  par  son  dou- 
ble talent  comme  violoniste  et  comme  guittarisle.  Ses 
compositions  sont  à  la  fois  gracieuses  et  brillantes;  on  y 
retrouve  le  cachet  de  la  manière  de  Mayscder  et  de  Sor. 

—  L'Album  ,  intitulé  le  Goût  du  Jour,  que  nous  avons 
annoncé  dans  notre  dernier  numéro,  se  trouve  chez  A.  Pe- 
tit, marchand  de  musique,  rue  Viviennc,  au  coin  du  pas- 
sage Vivieune. 

—  M.  Paccini,  boulevard  des  Italiens,  n"  11,  éditeur 
des  opéras  de  Rossini,  vient  de  publier  une  nouvelle  et 
belle  édition  de  l'Italienne  d  Alger.  On  trouve  aussi  chez 
lui  les  airs,  duos  et  trios  de  Thcmistocle,  de  /'  Ultima  giorno 
di  Pompei,  Au  Gianni  di  Pariggi,  et  tous  les  ouvrages  nou- 
veaux que  l'on  représente  sur  les  théâtres  d'Italie. 

—  Parmi  les  romances  qui  obtiennent  le  plus  de  succès 
dans  les  salons,  il  faut  distinguer  Theresina,  bar  car  oie  à 
deux  voix  de  M.  Pauseron;  ou  la  trouve  aussi  chez  M.  Pac- 
cini, boulevard  des  Italiens,  n'  11,  ainsi  que  trois  noctur- 
nes pour  piano  et  basson,  par  lïochsa  et  Gucbaucr,  prix  ; 
0  francs  chaque. 

—  Les  trois  parties  réunies  de  la  mélhode  de  piano  que 


48o 

M.  Zimmcrman  vient  tic  composer  pour  ses  enfann  sont 
du  prix  de  20  francs,  au  Heu  de  a5,  que  nous  avions  an- 
noncés. 

—  Atome  tt  Cora,  scène  dramatique  pour  forté-piano 
et  hauibois  solo,  ou  violon,  ou  violoncelle,  suivie  de  pro- 
téines ou  variations  sur  un  llieme  de  M.  F.  Paer,  compo- 
sées et  dédiées  à  son  ami  Vogl,  premier  hautbois  de  l'Aca- 
démie royale  de  Musique,  par  J.  B.  Y/oels,  op.  3?.  Pris  : 

l'a  ris.  hauteur,  rue  des  Martyrs,  t)°  42,  et  chez  tes  mar- 
chands de  musique. 

—  Rondo  élégant,  composé  pour  le  piano  par  J.  B. 
Woets,  op.  C?.  Pris  :  G  fr. 

Paris,  Meissonnier,  marchand  de  musique,  rue  Dau- 
pliinc,  □*  a3. 

— .  Le  Colporteur,  opéra- comique  en  5  actes,  paroles  de 
M.  Planard musique  de  M.  G.  On  slow,  arrangé  pour  le 
piauo. 

N*  3.  Air  chanté  par  H.  Henry.  Prix  ;  3  fr.  j5  o. 

—  Duo  et  trio  chantés  pas  MM.  Lafeuillade,  Féréul  et 
M-  Pradher.  Prix  :  5  f r.  .    .  . 

—'p.  Romanre  chaulée  par  M— Pradher.  Pris:  1  fr.  5oc. 
Le  mémo  morceau  à  deux  voix,  chanté  par  M0"  Pradher  til 
M.  Lemonuier. 

—  8.  Ronde  1  hantée  par  M.  Féréul.  Prix  :  3  fr.  ?5  c. 

—  »o.  Couplets  chaulés  par  M"*  Dcsbrosacs.  Pris:  2  fr. 

—  11.  Ronde  chantée  par  M.  Féréolct  M" -Pradher. 
Prix  :  3  fr. 

—  11  bis.  Mémo  morceau  arrangé  à  voix  seule.  *Hx  1 
1  fr.  5oc.  : 

Paris,  Ignace  Plcycict  lils  aîné,  boulevard  Montmartre. 

Nous  rendrons  coin  pic  avec détails  de  la  musique  remar- 
quable de  let  ouvrage,  dont  les  morceaux  nous  onk  été 
remis1  trop  lard  pour  que  nous  ayons  pu  les  analyser  dans 
ce  numéro. 


48) 


NOTICE 

donuc  lei  principes  pour  aci-ordur  cl  jouer  la  vkllc  cl  lu  rùbobb*  , 
deux  ilts  principaux  inslrurucns  à  cardes  cl  à  arcbul  de  son  tonipi. 


Noos  devons  main  tenant  examiner  quel  pouvait  être  l'em- 
ploi de  la  rubebbe  et  de  la  vielle,  el  l'influence  que  ces  deux 
iustrumens  ont  pu  avoir  sur  les  progrès  de  la  mélodie  et  de 
l'harmonie.  Nous  remarquerons  d'abord  que  la  rubebbe  est 
un  instrument  a  cordes  el  à  areliet  appartenant  au  système 
grave  puisque  ,  par  son  accord,  il  n'a  qu'une  octave  et 
un  ton  d'étendue,  à  partir  de  notre  UT,  au-dessous  de  la 
clef  de  FA,  jusqu'au  rc,  neuvième  de  ce  même  ut.  L'échelle 
mélodique  du  temps  n'admettant  aucun  dièze  constitutif 
et  seulement  le  si  bémol  cousidéré  tantôt  comme  tel  el  tan- 
tôt comme  accidentel,  on  ne  voit  figurer  dans  la  rubebbe 
que  le  J<  bémol  et  si  naturel  dans  rémunération  queJ.  de 
Moravie  donne  des  cordes  formées  par  les  sons  à  vide  et 
par  l'application  des  doigts;  cependant  nous  pouvons  croire 
que  si  quelquefois  il  arrivait  que  l'exécutant  voulût  faire 
le  fa  dièze  que  l'on  trouve  dans  quelques-unes  des  compo- 
sitions des  XIII' et  XIV' siècles,  il  lui  était  facile  de  le  doig- 
ter avec  le  petit  doigt  ;  mais  le  silence  de  l'auteur  sur  cette 
faculté  que  donne  l'accord  de  l'instrument ,  dont  l'étendue 
est  déjà  si  bornée ,  nous  prouve  que  la  rubebbe  n'était  pro- 
pre qu'a  rendre  des  mélodies  graves ,  et  à  accompagner  les 
mélodies  médiaires  ou  aiguës,  renfermées  dans  le  système 
général  des  voix  et  des  inslrumens.  La  rubebbe  pouvait 
donc  Être  considérée ,  dans  son  temps,  comme  une  espèce 
de  petite  basse,  qui  servait  à  rendre  la  partie  grave  de 
toutes  les  compositions.  Or,  nous  savons  que  celte  partie 
grave  n'était  aulrc  qu'une  courte  antienne ,  ou ,  comme  on 
l'appelait  dans  le  temps,  un  pclil  mot  (mollet  ou  molhct) 
r  vol.  '  qi 


4«3 

en  plaiu-<  liant,  qui  servait  de  basse  et  de  base  à  la  compo- 
sition placée  dans  une  partie  supérieure,  ou  aux  deux  par- 
ties supérieures ,  média  ire  et  aiguë  ,  lorsque  la  pièce  de 
musique  était  à  trois  parties.  Il  est  évident  que  c'est  cet 
emploi  de  la  rubebbe,  emploi  bicu  moins  répandu  que 
celui  de  la  vielle,  sur  laquelle  on  pouvait  exécuter  toute 
sorte  de  musique,  qui  aura  été  cause  que  peu  d'aulcurs  en 
out  parlé. 

Dans  sa  ballade,  pour  déplorer  la  mort  de  Mâchant, 
ISustache  Deschamps  1  fait'une  éuuméralion  des  instru- 
ment, et  il  cite  la  rubebbe  parmi  ceux  eu  usage  ».  Or, 
comme  J.  de  Moravie  écrivait  plus  d'un  siècle  avant  Des- 
champs, et  qu'il  donne  l'accord  et  le  doigté  de  cet  instru- 
ment, il  est  à  croire  que  la  rubebbe  existait  bien  avant  lui 
et  qu'elle  aura  été  inventée  pour  être  jouée  conjointement 
avec  la  vielle.  Gerson,  cliancelier  de  l'Université  de  Paris, 
en  iSgS  ,  fait  aussi  mention  de  la  rubebbe,  en  parlant  du 
rcbtc,  espèce  do  viole  que  l'on  jouait  avec  un  archet  ique 
l'on  tire  et  que  l'on  pousse ,  dil-il ,  pour  obtenir  le  son  de 
l'instrument  !,  comme  dans  la  vielle  et  la  rubebbe.  « 

L'Anglais  John  Gunn  ,  professeur  de  violoncelle ,  qui  a 
publié  à  Londres,  dans  le  dernier  siècle,  au  moyen  d'une 
souscription  ,  une  méthode  de  violoncelle,  dans  laquelle  il 
a  inséré  une  dissertation  savante  et  curieuse  sur  l'origine 
du  violon  et  du  violoncelle,  n'ayant  pas  eu  connaissance 
du  manuscrit  de  J.  de  Moravie,  n'a  pu  voir  dans  la  ru- 
bebbe l'origine  des  inslrumens  graves  à  archet ,  présente- 

(1)  Drivait  khi sCharlca  VI,  qui  monta  mrlfl  trône  en  i38o  et  mourut 

Trnveriaints,  et  vont  nymphei  des  bals 
Tympans  bhiiÏ,  niella  en  itiwrt  dois 
El  le  Chère  :  n'y  ail  nul  qui  réplique. 
Faictes  devoir,  picores  geulila  Galois 
La  mort  Machiiu,  le  noble  rbclotiquc. 
(3)^k(  Iraelu  aut  ritractà  liait  h<  Ficlla  et  Hubclta,  Cerjon,  op.  t. III, 
p.  618. 


485 

menl  en  usage.  Il  n'en  parle  qu'en  citant  le  passage  tiré 
des  œuvres  de  Gerson,  que  nous  venons  de  rapporter'. 
Les  savans  historiens,  Burney  et  Forkcl,  n'ont  pu  même 
donner  le  véritable  nom  de  cet  instrument,  parce  que  M.  de 
la  Ravallièrc,  dans  son  ouvrage  iu\ïlv\è  Ancienneté dts  chan- 
tons 1  (  dont  ces  auteurs  ont  tiré  parti ,  en  parlant  des  in- 
Strumensdu  moyen  âge),  n'a  pas  toujours  rendu  fidèlement 
l'ortbograplic  du  manuscrit  de  Guillaume  de  Macliaut;  car 
M.  de  la  Ravallièrc  écrit  nubctle1,  et  Forkel d'après  lui,  ce 
qui  doit  être  écrit  fluicie.  Kalkbrenner 1  donne  aussi  ce  pas- 
sage dans  sou  Histoire  de  la  Musique ,  si  toutefois  on  peut 
considérer  un  ouvrage  si  coort  comme  l'histoire  d'un  art 
qui  embrasse  tant  départies,  et  plus  de  trois  mille  ans  d'exi- 
stence connue.  Cet  auteur  a  copié  lui-même  sur  les  manu-' 
scrils  de  G.  de  Macliaut ,  celte  tirade  intéressante,  où  tous 
les  iustmmeos  du  temps  sont  passés  en  revue;  et  il  écrit 
fidèlement  rubebe  et  non  nubelle*. 

Mais  cet  instrument ,  appelé  aussi  par  quelques  auteurs 
rubetW,  nous  étant  maintenant  bien  connu,  nous  allons 
examiner  la  structure  de  ta  vielle  ou  violon  dont  J.  de  Ho- 

(i)  Ce  professeur  de  violoncelle  a  été  plus  bcureui  que  M.  Cartier, 
car  s™  ouvrage,  imprimé  in-fulio  avec  (ont  le  line  Je  ta  grature  en 
cuivre  pour  les  planches  et  en  étain  ponr  la  musique,  a  du  #trc  tiré  à 
cinq  cents,  puisque ,  paria  liale  des  souscripteurs  mi  je  en  lélede  i'eium- 
pUiw  que  nous  possédun-,  l'an  leur  avait  déjà  deur.cml  vingt-neuf  exem' 
l'iaircs  au  m  uni  uni  (Si;  In  ]iulj  liralii.ui.  L'immunïc  érnditiuu  rcpnn- 

due  dans  ecl  uuïiogc  ternit  cou.- ii! Lue  en  t'i-ancir  comme  un  pédanlismc 
ridicule;  mais  les  arlislcs  et  les  amateurs  parmi  les  peuples  dont  nous 
sommes  entourés  sont  loin  de  n'apprécier  que  ta  brillante  superficie  des 
Ulena. 

(a)  Cet  opuscule  est  inséré  dans  le  tome  I  des  Poésies  du  rai  de  Na- 
varre, publiées  en  deui  volume)  io-i»,  Paria ,  cbei  Guérin,  ijja. 
(3)  Tome  I,  page  >4j. 

(.()  Allgenu  ■inr!  ii  ■])(<■  drr  Mu-.il.,  tnme  ■>,  p.  7  {7. 

(5)  Kalkbrenner.  Hjst.  de  la  Musique.  Tome  I,  p.  ioj, 

(6)  •  Car  ,  en  dançant,  tint  me  lassa  , 

■  Que  ma  musc  a  bruiant  cassa , 
•  Et  nies  nacaircs  pourfendi 

■  Onques  puis  corde  ne  lendi 

■  Sur  labourin  ,  ne  sur  rebelle. 

Jehan  Midinel  ,  pnf:te  du  XV'  siècle  ,  cité  pur  M.  Roquefort  dans 


Digilized  by  Google 


484 

avie  donne  des  détails  assez  circonstanciés,  quant  ans 
trois  manières  de  l'accorder  et  à  celle  de  la  jouer,  pour  que 
nous  considérions  celte  partie  de  son  ouvrage  comme  la 
première  méthode  de  violon  qui  a  pu  exister  depuis  l'ori- 
gine de  cet  instrument. 

La  vielle  se  tenait  de  la  main  gauche .  le  manche  placé 
entre  le  pouce  et  l'index ,  près  de  la  tfilc  de  l'instrument; 
et  il  n'est  pas  indifférent  de  foiré  remarquer  que  cet  instru- 
ment ayant  une  corde  appelée  bourdon,  placée  en  dehors 
du  corps,  celte  corde  devait  nécessairement  forcer  l'in- 
strumentiste qui  voulait  atteindre  les  quatre  autres  cordes, 
à  tenirl'instrument  moins  près  de  l'épaule  que  maintenant 
l'on  tient  le  violon  et  l'alto;  car.  s'il  en  eût  été  autrement, 
le  joueur  de  vielle  n'aurait  jamais  pu  atteindre  les  qua- 
trième et  cinquième  cordes,  à  moins  que  de  lever  très  haut 
le  bras  qui  tenait  l'archet,  ou  que  l'instrument,  au  lieu 
d'Être  tenu  dans  un  plan  à  peu  près  horizontal,  comme  le 
tiennent  nos  violonistes ,  eût  été  un  peu  tourné  sur  la  gau- 
che de  celui  qui  le  jouait.  On  sait  que  quand  on  tient  le 
violon  de  celle  manière ,  ce  qui  arrive  lorsque  l'on  exécute 
négligemment,  celui  qui  le  joue  est  loin  d'obtenir  la  même 
facilité  et  la  même  qualité  de  son  que  lorsque  cet  instru- 
ment est  bien  élevé  et  bien  fixé,  selon  les  règles  de  la  bonne 
école,  surla  clavicule,  près  de  l'épaule  gauche;  mais  dans 
la  vielle  il  devait  en  élre. autrement,  par  la  nécessité  où 
celui  qui  la  jouait  était  d'exécuter  la  double  corde  pour  for- 
mer harmonie  et  accompagnement ,  mérite  et  talent  qui 
étaient  considérés  comme  le  plus  haut  et  le  plus  parfait  de- 
gré d'exécution  sur  cet  instrument.  La  vielle,  ainsi  tenue1, 
n'avait  donc  pas  besoin  de  ces  espèces  d'échancrures  que 
l'on  nomme  éclïsses,  puisque  du  côlé  du  vielleur,  le  bour- 
don ,  placé  en  dehors  de  l'instrument,  empêchait  d'atta- 
quer la  seconde  corde ,  ou  pour  mieux  dire  la  première , 
placée  sur  la  louche  de  l'instrument  en  baissant  un  peu  le 

son  mémoire  sur  l'ilalrlclo  poésie  française  dans  les  Xll'  et  XII  [<  liéelcs. 
Paris,  Foamicr , j8iS, p.  108. 

(1)  Et  quanti  rnêmt  elle  efit  cl*  tenue  sur  le  genon  gauche, ou  entre 
les  deui  genoux. 


485 

poignet.  Quant  au  coté  gauche  de  l'instrument,  l'éclisse 
était  de  même  inutile ,  parce  que  les  deux  dernières  cordes 
(les  deux  plus  aiguës  dans  l'accord  général  de  l'instrument) 
pouvaient  être  facilement  atteintes  par  l'archet  qui ,  rare- 
ment quittant  les  cordes,  était  promené  par  l'exécutant, 
en  tirant  ou  en  poussant  sur  l'une  ou  l'autre  des  cinq  cor- 
des, et  même  sur  deux  cordes  ensemble ,  sans  être  dérangé 
du  plan  incliné  qu'il  avait ,  en  raison  de  la  manière  aussi 
inclinée  dont  l'instrumentiste  devait  tenir  la  vielle.  On  peut 
donc  être  fondé  à  croire  que  la  vielle  et  la  rubebbene  pou- 
vaient être  tenues  aussi  élevées  près  de  l'épaule  gauche  que 
maintenant  nos  violonistes  tiennent  leur  instrument;  car, 
outre  le  peu  de  facilité  que  cette  position  eût  donnéà  l'in- 
strumentiste, la  tension  du  bras  droit,  pour  soutenir  l'ar- 
chet à  la  hauteur  de  l'instrument  et  le  faire  marcher  libre- 
ment sur  une  ou  deux  cordes  à  la  fois,  eût  été  très  fatigante 
et  nuisible  à  la  dextérité  de  l'instrumentiste,  toute  faible 
que  pouvait  être  l'exécution  musicale  sur  ces  instrumens, 
dans  ces  temps  reculés. 

Il  est  généralement  reconnu  que  la  monture  des  instru- 
mens à  cordes  ou  à  archets  est  présentement  bien  plus 
forte  qu'il  y  a  trente  ou  quarante  ans  ;  le  ton  d'orchestre 
est  aussi  conséquemment  beaucoup  plus  élevé;  ce  qui 
prouve  que ,  dans  les  beaux  jours  des  vielleurs  des  XII*, 
XIII"  et  XIV  siècles,  la  tension  des  cordes  était  au  moins 
aussi  lâche  que  l'était  autrefois  celle  des  basses  et  contre- 
basses de  nos  cathédrales,  dont  les  montures  étaient  si 
faibles,  en  comparaison  de  celles  de  nos  jours,  et  si  près  de 
la  touche,  qu'un  enfant  de  chœur  de  treize  à  quatorze  ans 
jouait  cesinstrumens  sans  beaucoup  de  peine,  tandis  qn 'ac- 
tuellement il  faut  toute  la  vigueur  et  la  dextérité  du  poignet 
d'un  homme  fait  pour  attaquer  convenablement  les  cordes 
graves  du  violoncelle  et  de  la  contrebasse,  dans  les  pas- 
sages d'exécution  qui  exigent  de  la  force  jointe  à  la  netteté1. 

Préciser  l'époque  à  laquelle  on  a  commencé  à  donner 
des  éclisses  a  la  vielle  ou  au  violon  serait  assez  difficile  : 

(i)  Vojei  à  la  fin  de  ce!  orliclc  une  note  sur  la  f  untrïbosst ,  telle 
qu'elle  est  montée  du  nos  jours. 


mais  il  est  probable  que  ,  dès  le  moment  où  l'harmonie 
aura  obtenu'  plus  d'extension ,  et  que  les  vielles  auront 
été  classées  comme  les  vois  en  aiguës  ,  en  média  ires  ou 
tenon  ,  et  en  basses  ou  graves,  selon  l'étendue  du  système, 
on  aura  senti  l'inconvénient  du  bourdon;  celte  corde 
étant  supprimée  ou  reportée  sur  le  corps  de  l'instrument , 
les  édisses  auront  été  inventées  pour  donner  plus  de  fa- 
cilité à  l'archet,  et  l'on  aura  arrondi  davantage  le  cheva- 
let pour  que  les  quatre  ou  cinq  cordes  dont  l'instrument 
était  monté  fussent  placées  assez  prés  l'une  de  l'autre  et 
sur  un  plan  plus  ou  moins  circulaire,  ce  que  l'on  peut 
voir  sur  les  planches  qui  donnent  la  représentation  des 
anciens  instriunens ,  tels  que  vielles,  violons,  luths ,  etc., 
dans  les  ouvrages  cités  dans  celle  notice  *. 

Quant  à  la  position  des  doigts  sur  la  rubebbe  et  sur  la 
vielle,  on  voit  par  le  manuscrit  de  3.  de  Moravie  que, 
pour  obtenir  les  différons  sons,  l'instrumentiste  laissait 
tomber  nalurellement  les  doigts  sur  les  cordes,  excepté 
dans  le  cas  où  il  n'avait  qu'un  demi-ton  à  faire,  car  alors 
il  recourbait  un  peu  le  doigt  qui  devait  former  lofa,  soit 
le  fa  naturel  ou  le  fa  feint  [si  p-) 

Maintenant,  passant  à  l'emploi  que  l'on  pouvait  faire 
de  la  vielle  et  de  la  rubebbe,  et  au  parti  que  l'on  lirait  de 
ces  deux  instrumens  dans  l'exécution ,  nous  sommes  per- 
suadés qu'au  moyen  des  trois  manières  d'accorder  la 
vielle  que  donne  notre  auteur,  et  en  y  joignant  l'accord 
et  l'étendue  de  la  rubebbe,  il  était  possible  d'exéculer 
toutes  les  pièces  de  musique  du  temps,  eussent-elles  été 
composées  à  trois  el  à  quatre  parties. 

Ou  sait  que  le  système  général  représenté  par  la  Main 

(ij  Estai  sur  la  Musique  par  Labordo,  lum.  I  ,  p.  aSfi,  sS;,  — 8  ;, — 6g 
-  go,  5uj  et  Juj;  A  Senerat  Ilistary  ofMusic  par  lidiwj,  lonn:  J,  p.  lG$. 
Iho  IVcory  and  Practicc  of  ftngering  Ihc  vïohnetlla  amlaiuing  rates  and 
progressives  Lestons  for  aUninirig  Ihe  KnoitwMge  and  commmtd  oj  (*< 
aholc  eèmfntê  of  Ihe  instrument ,  by  John  G  «un.  Tanna  of  tlanaùm- 
citlu.  Landon.  [  Lj  lliiiui  ii:  (■[  l.i  pl-jUiquc  ]>iinr  \  fw:t  le  l'iuluDCnlIc  ,  con- 
tenant de»  rî-f-tc»  i-l  <!i -s  Im;ull-  piEigrc.-^ivrs  piuir  parvenir  à  connaître  et 
ii  posséder  l'étendue  rntièie  de  cet  instrument  ;  par  Julio  Gunn,  pro- 
fesseur de  violoncelle.  Londrw. 


Digitizcd  t>y  Coogle 


48? 

harmonique  de  Gui  d'Arezzo,  en  usage  depuis  le  XI*  siè- 
cle jusqu'au  XVII',  comprenait  vingt  cordes  ou  sons ,  de- 
puis le  m/ grave  (appelé  gamma  UT)  de  noire  clef  de  FA, 
jusqu'au  mi  chanterelle  de  notre  violon  actuel,  appelé  E 
la.  Ce  système,  établi  en  raison  de  ta  tonalité  du  chant 
grégorien  pour  les  voix  d'homme .  de  femme  et  d'enfant , 
devait  avoir  la  m  Orne  extension  pour  les  inslromens  réu- 
ni». Ed  effet,  nous  voyons  par  la  réunion  des  trois  ma- 
nières d'accorder  la  vielle,  citées  par  J.  de  Moravie,  quo 
l'ensemble  de  toutes  les  cordes  du  système  instrumental 
était  de  dix-neuf  cordes,  E  la  étant  la  seule  corde  aiguë 
que  la  vielle  ne  pouvait  rendre,  et  le  si  ou  te  si  jj  n'étant 
considérés  que  comme  une  seule  et  même  corde,  parce 
que  ces  deux  sons  étaient  formés  par  le  même  doigt,  l'un 
excluant  nécessairement  l'autre  On  voit  que  ce  système 
vocal  et  instrumental  comprenait  toutes  les  cordes  néces- 
saires à  l'exécution  musicale  du  temps,  parce  que  les  voix 
et  les  iuslrumens  ne  devaient  pas,  à  ce  que  l'on  croyait, 
descendre  plus  bas  ni  monter  plus  haut,  sans  forcer  la  na- 
ture de  chaque  voix  *■  Le  ton  du  chœur  qui  servait  de  iona- 


(■)  ETES  DP  E  GÉlfAltAlE  11E  Ll  VIELLE, 


opulent  tempt ,  et  que  ai  nous  elitnlom  infiniment  mieux  ,  comme  ou 
ll'no  peut  douter,  nom  pouvons  croire  jns-i  'jiu;  sinivrnt  nous  crinni 
Lieu  ii  m. ml  agi'  ;  u.nis  lout  n Vit-il  paj  |uiur  II  mieux  eu  musiqur,  svI'j" 
[e  temps  où  l'on  existe. 


488 

riam  pour  l'accord  de  tous  les  instruirions ,  était  aussi 
beaucoup  plus  bas  qu'aujourd'hui.  Les  musiciens  aetuels 
qui  ont  entendu  tes  orgues  de  France  il  y  a  quarante  ou 
cinquante  ans,  doivent  se  rappeler  que,  lorsqu'on  exécu- 
tait des  messes  et  des  vêpres  en  musique  à  grand  choeur 
et  à  symphonie  dans  la  cathédrale  et  les  collégiales  de 
Paris,  où  il  y  avait  musique  fondée ,  les  symphonistes  de 
l'Académie  royale  de  musique  (  l'Opéra  )  qui  concou- 
raient à  l'exécution  trouvaient  leur  ion  d'orchestre  plus 
élevé  d'un  demi- ton  au-dessus  des  nouvelles  orgues  con- 
struites, et  un  ton  plein  au-dessus  de  celles  qui  avaient 
près  d'un  siècle  d'existence.  S'il  en  était  ainsi  vers  la  se- 
conde moitié  du  dernier  siècle ,  on  peut  présumer  que  le 
ion  général  était  encore  plus  bas  dans  les  XII*,  XIII',  XIV*  et 
XV*  siècles  ;  et  la  preuve  en  est  que  les  cordes  graves  du 
système  ne  descendaient  pas  alors  plus  bas  que  le  sol  au- 
dessous  de  notre  clef  de  FA,  et  ne  montaient  qu'au  mi  au- 
dessus  de  notre  clef  de  SOL. 

Les  trois  manières  d'accorder  la  vielle  prouvent  aussi 
que  l'emploi  de  cet  instrument  pouvait  être  divisé  comme 
les  voix  l'étaient  du  temps  de  G.  de  .Mâchant ,  au  com- 
mencement du  XIV"  siècle,  en  triptum,  qui  tenait  lieu  de 
notre  soprano  ou  superius;  motetas  que  notre  alto  ou  ait  us 
contra  a  remplacé;  ténor,  qui  tenait  le  plain-chant  ou  le 
sujet  sur  lequel  l'harmonie  simultanée  était  formée  par 
les  autres  parties,  et  dont  la  dénomination  s'est  conser- 
vée jusqu'à  nos  jours  ;  et  enfin  conlra-tenor,  qui  tenait  lieu 
de  notre  basso  ou  basse  chantante  ou  instrumentale. 

Mous  ferons  connaître  par  la  suite  que,  dans  les  X',  XI' 
et  XII'  siècles ,  les  compositions  de  musique  vocale  n'é- 
taient le  plus  souvent  qu'à  une  seule  partie,  mais  qu'il  y 
avait  cependant  des  occasions  dans  les  cérémonies  reli- 
gieuses où  de  certaines  pièces  étaient  à  deux  parties  ;  et 
nous  pouvons  croire  que  la  rubebbe  a  été  inventée  pour 
servir  à  exécuter,  soit  en  accompagnant  le  chanteur,  soit 
eu  jouant  séparément,  la  partie  la  plus  grave,  qui  était 
toujours  le  plain-chant;  H  parait  donc  constant  que ,  dès 
le  moment  où  le  système  de  la  Maiu  de  Guy  d'Arczzo  aura 


□  igilizedby  Google 


I 


489 

été  adopté  (en  ioao  ou  îoaa  ),  tes  instrumentistes  auront 
du  employer  des  inslrumens  qui  pussent  donner  toutes 
les  cordes  de  ce  système,  comme  orgues  déjà  existantes 
mais  non  complètes,  vielles ,  luths  et  autres. 

Quoique  J.  de  Moravie  cite  et  donne  l'accord  de  la  ru- 
bebbe,  comme  si  cet  instrument  eût  été  d'un  usage  assez 
général  de  son  temps ,  ou  peut  présumer  que ,  d'après  son 
peu  d'étendue ,  il  n'y  avait  que  les  joueurs  de  plain-chant 
ou  les  harmonistes  qui  s'en  servaient;  et  que  le  bourdon 
de  la  vielle  aura  élé  inventé  et  mis  en  dehors  ds  l'instru- 
ment par  les  vielleurs  les  plus  habiles  pour  former  har- 
monie sons  la  mélodie,  et  se  passer  d'un  second  exécu- 
tant. Car  si,  de  nos  jours,  les  harmonistes  et  les  accom- 
pagnateurs à  première  vue  au  piano  ne  sont  pas  com- 
muns en  France,  à  plus  forte  raison  peut-on  croire  que 
les  harmonistes,  capables  de  mettre  quelques  notes  de 
basse  formant  octave  ou  quinte  ou  quarte  en-dessous  de  la 
mélodie,  dans  ces  anciens  temps,  devaient  être  très  rares. 
Le  vielleur  habile  et  doué  d'une  imagination  vive,  que 
l'on  ne  peut  pas  plus  refuser  à  certains  hommes  dans  un 
siècle  que  dans  un  autre,  aura  cherché  il  suppléer  à 
l'absence  d'un  exécutant  ou  d'un  harmoniste  sur  la  ru- 
behbe  ,  en  plaçant  en  dehors  de  son  instrument  une  corde 
qui  pût  remplacer  en  quelque  sorte  les  sons  donnés  par 
la  rubebbe.  Or,  cette  hypothèse  nous  parait  probable  et 
même  démontrée  par  les  deux  manières  d'accorder  ce 
bourdon  qui ,  dans  le  premier  accord  de  la  vielle ,  donne 
la  note  RE  au-dessous  de  notre  clef  de  FA,  et  dans  le  troi- 
sième accord  donne  SOL  au-dessous  de  ce  même  FA;  et 
cela,  dit  notre  auteur,  ■  pour  pouvoir  donner  ta  quinte ,  l'oc- 
tant, la  quarts,  etc.  *  » 

Il  ne  nous  reste  plus  qu'à  remarquer  que  cesinstrumens 

(i)  Par  l'et  cotera  de  l'auteur,  on  ne  doit  pal  entendre  lei  tierces  ci 
les  sillet,  et  a  plut  forte  raison  les  dissonances,  mais  les  consonnances 
doublées  ;  car  si  l'exécutant  ne  pouvait  faire  la  dixième ,  la  douzième  et 
la  double  oelave  avec  l'archet ,  il  lui  était  facile  de  former  le»  conson- 
nances  simples  ou  doublées  au  moyeu  du  pUzicalo.  Quant  aux  notes  de 
passage ,  on  n'y  avait  pas  plus  d'égard  qu'actuellement. 

9,  VOL.  l\t 


;i  conleselà  arcliet  étaient  susceptibles  aussi  d'être  joués  par 
le  lad  autarcuauttactu,  dit  l'auteur,  ce  qui  nous  prouve  que 
l'on  iouait  aussi  ces  instruniensen  pinçant  les  cordes,  piwi- 
cato, elméme  eti  double pinicato,  lorsque  le  bourdon  pouvait 
Être  pincé  conjointement  avec  l'une  des  autres  cordes ,  ou  ' 
que  l'exécutant  pinçait  plusieurs  cordes  à  la  fois  pour  for- 
mer harmonie. 

Nous  concluions  de  tout  ce  que  nous  venons  de  dire, 
que  le  violon,  l'alto,  le  violoncelle  et  la  contrebasse,  qui 
forment  ac  tu  elle  meut  le  système  complet  de  notre  mu- 
sique instrumentale ,  quant  au*  inslrumens  à  cordes  et  à 
archet,  ne  sont  parvenus  à  l'élat  de  perfection  où  nous 
les  voyons  présentement  qu'après  un  laps  de  temps  consi- 
dérable, et  que  l'on  peut  estimer  être  de  plus  de  huit 
ceuts  ans.  Nous  voyons  de  plus,  dans  les  diverses  périodes 
d'amélioration  que  ces  divers  instrumens  oui  pu  subir', 
l'exécution  suivre  les  progrès  que  l'art  leud  continuelle- 
ment à  faire  en  raison  des  cou  naissances  acquises  succes- 
sivement dans  la  théorie-pratique  par  les  plus  habiles 
instrumentistes ,  et  cette  exécution  enfin  est  arrivée  au 
point  où  nous  la  voyons  de  nos  jours.  Nous  la  considé- 
rons comme  étonnante;  mais  elle  sera  probablement  en- 
core surpassée  par  celle  de  nos  successeurs. ,  la  musique 
étant  de  tous  les  arts  le  pb»  fugitif  et  le  moins  stable, 
mais  aussi  peut:-eire  le  plus  aimable  et  le  plus  influant 
sur  les  mœurs  publiques  ai  privées  des  nattons. 

Peine, 

Corrcgprm  riant  de  t'Inititiit. 

Ci)  t^L'«^.Mki«MUiM«  r<MM»,  f«  M.  F*ti.,t.  1 

lit  la  Revue  muticalc,  n.  1 1,  p.  ajo. 


Digitizod  by  Google 


CORRESPONDANCE. 


A  M.  le  Ridactcar  de  la  Revue  musicale. 
Monsieur, 

Un  article  inséré  dans  le  4''  numéro,  vol.  n  ,  p,  3n3,  de 
voire  estimable  journal,  m'a  suggère  quelques  réflexions 
que  je  soumets  à  vos  lumières  et  à  celles  (ie  votre  savant 
collaborateur.  L'importance  des  études  de  solfège,  que 
l'auteur  de  l'article  sait  si  bien  faire  ressortir,  appelle  na- 
turellement la  réflexion  de  tous  ceux  qui,  un  peu  versés 
dans  la  connaissance  de  la  musique,  s'intéressent  ù  la 
perfection  de  ses  méthodes ,  c'est-à-dire ,  en  dernière  ana- 
lyse, à  sa  propagation,  lis  doivent  être  an  courant  de 
toutes  les  tentatives  qui  en  concernent  l'enseignement. 
Qu'elles  soient  faites  par  un  amour  désintéressé  de  l'art  et 
dans  des  vues  d'utilité  générale,  ou  qu'elles  soient  l'œuvre 
des  spéculations  d'un  fort  médiocre  savoir,  ce  mobile  leur 
est  indiffèrent,  l'estime  ou  la  défaveur  publique  rendront 

L'auteur  de  l'article  sur  l'enseignement  de  la  musique 
est  très  accommodant.  Toutes  les  méthodes  semblent  avoir 
droit,  à  ses  yeux,  à  une  égale  approbation;  elles  répon- 
dent toutes  à  des  besoins,  et  remplissent  pareillement 
leur  but.  Voulez-vous  une  instruction  élémentaire  ?  ceci 
vous  convient;  une  instruction  transcendante  ?  cela  sera 
plus  etBcace;  une  instruction  collective?  vuicî  ce  qu'il 
vous  faut;  une  instruction  individuelle?  voilà  ce  qu'il  y  a 
de  meilleur.  Mais,  malgré  la  justesse  de  ers'aperçus,  n'y 
a-t-il  entre  ces  différentes  catégories  aucun  point  de  rap- 
prochement. De  quoi  s'agil-il  ici  ?  de  montrer  le  solfège. 
Ce  ne  sont  pas  dei  virtuoses  que  nous  voulons  instruire, 
ce  sont  des  écoliers  qui  commencent  fa  gamme.  Il  n'est 
donc  question  ici  que  d'enseignement  élémentaire.  Le  pro- 
blème vraiment  intéressant  qui  occupe  maintenant  la 


Digiiized  by  Google 


pensée  des  amis  de  l'art ,  cl  que  l'auteur  de  l'article  élude 
avec  tant  de  soin,  est  de  choisir  entre  les  divers  modes 
d'enseignement;  ut  la  question  me  semble  se  réduire  à 
ceci  :  l'instruction  élémentaire  de  la  musique  étant  donnée 
comme  but.  quel  moyen  peut  opérer  les  progrès  les  plus 
rapides,  de  renseignement  individuel  ou  de  l'enseigne- 
ment collectif?  Bien  entendu  qu'il  y  aura  plus  tard  un 
enseignement  transcendant  pour  ceux  qui  se  destinent  à 
être  artistes;  il  ne  contrariera  pas  le  précédent ,  mais  il  y 
ajoutera.  Il  est  clair  encore  qu'on  ne  pourra  pas  toujours 
faire  usage  de  renseignement  collectif;  alors  le  maître 
procédera  d'après  ses  lumières, et  son  expérience.  Mais  à 
quoi  bon  nous  arrêter  à  des  exceptions?  Ce  qu'il  importe 
de  rechercher  et  d'établir,  ce  sont  les  caractères  de  la  mé- 
thode la  plus  utile  et  la  plus  généralement  applicable. 
Encore  une  fois,  il  n'y  a  ici  qu'une  seule  catégorie,  toute 
composée  de  gens  qui,  ne  sachant  rien,  veulent  apprendre, 
et  demandent  la  voie  la  plus  courte. 

Les  méthodes  anciennes,  dites-vous,  ont  pour  objet 
]\:iisi.'ij;injmciil  individuel:  celle  observation  m'avance 
peu.  Je  veux  commencer  la  musique  ;  il  m'est  Indifférent 
de  prendre  ma  leçon  seul  ou  avec  d'autres  élèves  :  dites- 
moi  le  procédé  qui  promet  le  plus  de  progrès ,  je  l'adopte 
à  l'instant?  En  dépit  de  l'auteur,  qui  ne  se  prononce  pour 
aucune  méthode,  je  tirerai  de  ses  paroles  une  inductiou 
légitime.  Être  fidèle  aux  anciens  solfèges,  qui  ont  pour  ob- 
jet l'enseignement  individuel ,  dans  les  conservatoires  où , 
pins  qu'ailleurs ,  l'enseignement  collectif  est  facile  à  in- 
troduire ,  c'est  se  décider  en  faveur  du  premier  système. 

Adoptant  Icsélogcs  que  l'auteur  donne  au  solfigt  d'Italie, 
et  la  justification  qu'il  l'ait  de  cet  ouvrage ,  accusé  de  man- 
quer d'ordre  et  de  développement  pour  les  parties  élémen- 
taires, j'abandonne  celle  méthode  transcendante,  et  j'ar- 
rive à  Rodolphe,  que  l'auteur  me  parait  traiter  avec  bien 
de  l'indulgence.  Il  y  a  autre  chose  à  lui  reprocher  que  le 
Ion  élevé  de  ses  leçons:  il  faut,  avant  tout,  se  plaindre  de 
l'insuffisance  de  ses  éludes  élémentaires,  i"  sous  le  rap- 
port de  l'intonation.  Elles  se  réduisent  à  luire  parcourir 


193 

un  certain  nombre  de  degrés  conjoints,  pour  enjamber 
immédiatement  après  un  intervalle  de  quarte  on  de 
quinte,  lorsque  l'écho  du  dernier  son  dlire  encore  pour 
ainsi  dire.  L'élève  qui  saisira  bien  l'intonation  dans  ce  cas, 
la  manquera  quand  il  n'aura  plus  le  secours  de  ce  voisi- 
nage. Je  ne  dis  pas  qu'il  ne  faille  commencer  ainsi  ;  mais 
ensuite  il  faut  isoler  ces  intervalles  dans  des  leçons  faites 
ad  hoc.  i"  Sous  le  rapport  de  la  mesure.  Très  peu  de  com- 
binaisons y  sont  passées  eu  revue.  La  méthode  du  Conser- 
vatoire me  paraît  bien  supérieure  ;  je  me  plaindrai  seule- 
ment de  ce  nombre  infini  de  gammes  en  rondes  qui  ne 
font  point  avancer  l'élevé,  et  dont  les  acconipagnemens 
variés  semblent  la  leçon  de  quelque  élève  d'harmonie.  Les 
tableaux  de  M.  Williem  me  paraissent  plus  méthodiques , 
résoudre  un  plus  grand  nombre  de  difficultés,  et,  en 
somme ,  plus  profitables  à  l'instruction  élémentaire.  Us 
conviendraient  à  l'enseignement  individuel  comme  à  l'en- 
seignement collectif.  Ici  encore  les  divisions  si  tranchées 
de  l'auteur  de  l'article  me  paraissent  illusoires. 

En  résumé,  cherchons  une  bonne  méthode  élémeu- 

commandahlcs  par  leur  date  même.  Quand  l'esprit  d'ana- 
lyse ,  s'appliquant  à  toutes  les  branches  des  connaissances 
humaines,  simplifie  toutes  les  théories,  et  facilite  la  trans- 
mission de  toutes  les  sciences,  il  serait  bien  téméraire  de 
prétendre  que  la  musique  seule  ne  peut  rien  gagner  à 
cette  heureuse  disposition.  Je  suis  loin  de  croire  aux  pro- 
messes emphatiques  des  novateurs,  et,  dans  leur  intérêt 
même,  je  conseillerais  à  quelques-uns  de  rabattre  un  peu 
de  leurs  fastueuses  prétentions  qui  les  déconsidèrent  aux 
yeux  de  ceux  qui  sont  pénétrés  des  difficultés  réelles  de  la 
musique.  Mais  les  véritables  amis  de  l'art  doivent  suivre 
toutes  les  améliorations  et  y  applaudir,  de  quelque  source 
qu'elles  viennent.  Une  fois  ces  améliorations  constatées 
par  les  juges  désintéressés,  le  Hoeplre  de  la  routine  est  bien 
aventuré  M  elle  refuse  do  transiger  avec  elles.  Elle  pourra 
bien  fermer  les  yeux  pour  ne  pas  voir  des  progrès  dont  elle 


4g4 

s'indigne;  mais  quand  elle  les  rouvrira;  elle  sera  bien 
étonnée  de  se  trouver  seule. 

Agréez,  monsieur,  l'assurance  de  la  parfaite  considé- 
ration avec  laquelle  j'ai  l'honneur  d'être  '.'*'. 

Voire  très  humble  et  très  obéissant  serviteur , 
Undsves  abonnés. 


NOUVELLES  DE  PARIS. 


Depuis  la  première  représentation  du  Colporteur,  qui 
jouit  toujours  du  même  succès  ,  aucune  nouveauté  musi- 
cale n'a  paru  sur  les  théâtres  royaux.  Nous  avons  annoncé 
qu'on  s'occupe  activement  au  théâtre  FeyiLeau  de  Mazza- 
niello,  et  à  l'Opéra  de  ta  Muette  de  Portici.  A  ces  ouvrages 
il  faut  joindre  l'Exil  de  Roc/tester,  ancien  vaudeville  de 
M.  Moreau,  joué  avec  succès,  dont  ou  vient  de. faire  un 
opéra-comique  qu'on  répète  depuis  plusieurs  jours,  et 
Don  Juan  de  Mozart,  traduit  et  arrangé  pour  la  scène  fran- 
çaise par  M.  Castil-Dlaze.  Les  répétitions  générales  s'en 
font  à  l'Odéon,  et  la  représentation  aura  lieu  incessam- 
ment. 

—  La  manière  dont  l'Ilatiana  inÀlgeri  est  montée,  et  le 
talent  de  AL**  Pi*aroni  commencent  à  triompher  des  pré- 
ventions du  public,  et  attirent  du  monde  nu  théâtre  Ita- 
lien. Tel  est  l'effet  d'une  exécution  soignée  ;  elle  rend  tou- 
jours de  la  fraîcheur  aux  ouvrages  les  plus  dédaignés. 
Celui-là  mérite  d'ailleurs  par  lui-même  l'attention  des 
amateurs.  :«l  ■ 

—  Des  matinées,  des  soirées  do  musique  ,  des  concerts 
de  toute  espèce  s'annoncent  de  toutes  parts.  Nous  avons 
le  concert  de  M.  et  de  M™  Slocltausen  pour  le  19  de  ce 
mois,  à  la  salle  de  la  rue  de  Clêry,  le  20,  un  exercice  des 
élèves  de  l'Institution  royale  de  musique  religieuse  nous 
fera  entendre  la  Fête  0?  Aiemamlrt,  de  Hœndel ,  et  plusieurs 


Digitized  t>y  Google 


495 

autres  beaux  morceaux;  le  a5,  M.  Henri  Hcrz  donnera  an 
théâtre  île  Madame  an  concert  composé  de  manière  à  pi- 
quer la  curiosité  des  amateurs;  el  le  même  jour,  MM.Boh- 
rer  frères  en  donneront  un  autre  à  la  salle  de  l'Opéra. 
Pourquoi  faut-il  qu'il  y  ait  disette  de  musique  dans  un 
temps  et  profusion  dam  un  autre?  Il  vaudrait  mieux  par- 
tager ces  sortes  de  solennités  que  de  le»  mettre  en  concur- 
rence, car,  dans  roliligation  .de  choisir,  le  public  perd 
d'un  côté  ce  qu'il  gagne  de  l'autre. 

—  Une  nouvelle  clarinette  à  dix-neuf  clefs,  construite 
par  M.  Sîmioht,  facteur  d'instrumens  à  vent ,  à  Lyon,  a 
clé  essayée  ;i  l'Institut,  samedi,  8  de  ce  mois,  par 
M.  Beer,  artiste  distingué  dn  théâtre  Italien ,  et  a  été  gé- 
néralement approuvée.  SI.  Beer  assure  que  cette  clarine!  le 
n'offre  pas  plus  de  difficultés  que  celle  à  quatorze  clefs , 
qu'elle  est  plus  juste,  et  qu'elle  facilite  l'exécution  d'une 
foule  de  passages.  Nous  donnerons  le  rapport  de  l'Institut 
sur  cet  instrument. 


VARIÉTÉS. 


NOTE  SOJl  LA  CONTREBASSE.  ..  ; 

La  contrebasse  est  tellement  montée ,  en  France  ,  avec 
des  cordes  si  fortes  et  tellement  élevées  sur  la  touche ,  que 
cet  instrument  est  vraiment  fatigant  a  jouer  dans  les 
passées  de  force,  et  difficile  dans  les  piano  et  pianissimo, 
surtout  par  la  manière  dont  l'archet  es!  généralement  con'-. 
struit  et  celle  dont  il  est  tenu  par  l'instrumentiste  ;  car  la 
longueur  de  l'archet ,  en  raison  de  la  forme  île  sa  baguette, 
nuit  à  sa  flexibilité  par  le  trop  de  raideur  q'tc  celle  fijrnic 
donne  à  lit  tension  du  crin.  La  forme  de  l'archet'  fiançais 
nuit  donc  à  l'attaque  vigoureuse  des  cordes,  «ans  rendre' 
l'exécution  plus  facile  dans  les  metzo  forte  et  les  piano.' 
Nous  avons  vu  dans  la  Revue  mnsicale  (t.  I,  p.  4G8,)  un 
article  ou  plutôt  une  dissertation  lumineuse  et  1res  exacte 


496 

dans  tous  les  points  de  discussion  ou  de  comparaison  que 
l'auteur  établit  entre  l'archet  français  et  l'archet  italien, 
et  H  suffirait  de  nommer  M.  Dragonetti  pour  trancher  la 
difficulté  sur  le  choix  à  faire  entre  les  deux  archets,  en 
s'appuyant  d'une  autorité  si  généralement  reconnue,  si  les 
raisons  que  l'auteur  de  l'article  donne  de  la  préférence  qu'il 
accorde  à  l'archet  italien  n'étaient  pas  concluantes.  Nous 
ne  sommes  cependant  pas  étonnés  que  MM.  Sorne ,  Lamy, 
Chenier  et  quelques  autres  contrebassistes  ne  se  soient  pas 
rendus  à  l'évidence,  te  talent  et  le  mérite  réels  sont  tels,  que 
peu  doi  t  le  ur  i  mporter  ac  tuel  I  emen  l  l'u  n  e  ou  l'a  u  I  re  ni  an  i  ère 
dont  l'archet  de  la  contrebasse  est  construit  et  tenu  par 
l'instrumentiste.  L'habileté  qu'ils  ont  sur  leur  instrument 
est  d'ailleurs  toute  différente  de  celle  des  contrebassistes 
étrangers.  Ceux-ci  exécutent  avec  force,  netteté  et  exacti- 
tude toutes  les  notes  écrites  dans  la  partie  de  basse  ou  de 
contrebasse,  et  cela  au  moyen  de  leur  archet  dont  la 
forme  et  le  degré  de  tension  du  crin  leur  permet  aussi 
d'exécuter  pianissimo,  legalo,  etc.  A  ces  mêmes  qualités 
d'exécution ,  pour  lesquelles  la  formel  de  l'archet  n'est  point 
un  obstacle,  les  bons  contrebassistes  français',  dont  nous 
venons  de  parler,  joignent  un  autre  talent ,  qui  nous 
semble  mettre  le  comble  à  l'excellence  de  la  manière  dont 
on  doit  jouer  la  contrebasse,  celui  de  ne  faire  ,  dans  cer- 
tains cas,  que  les  notes  qui  font  ressortir  davantage  la 
masse  de  l'ensemble  harmonique.  Ces  contrebassistes 
harmonistes  et  même  compositeurs  connaissent  mieux 
l'effet  de  leur  instrument  que  beaucoup  d'auteurs  et  com- 
positeurs d'opéras,  et  cela  par  l'habitude  et  le  talent  qu'ils 
ont  de  juger  de  l'effet  total  de  l'orchestre  dont  ils  font  par- 
lie  ;  ils  savent  que,  si  dans  un  mouvement  assez  vif  ils  fai- 
saient toutes  les  notes  qui  font  partie  d'un  même  accord, 
cette  multitude  de  notes  graves  ne  formerait  qu'un  bruit 
sourd  et  un  effet  peu  distinct  dans  l'ensemble.  Mais ,  d'un 
autre  côté,  il  ne  s'ensuit  pas  que  leur  manière  de  tenir  l'ar- 
chet soit  préférable  à  la  manière  italienne ,  parce  que  leur 
talent  réel  d'exécution,  acquis  par  l'habitude,  parleur  con- 
naissance et  encore  plus  par  l'observatiou  continuelle  des 


Digitized  by  Google 


497 

effets,  les  met  au-dessus  de  pareilles  considérations;  car, 

supposons  qu'il  y  ait  eu  France  cinquante  ou  soixante 
contrebassistes ,  en  trouve-t-on  beaucoup  ,  parmi  ce  nom- 
bre, qui  soient  à  la  fois  habiles  instrumentistes  et  harmo- 
nistes exccllcus ,  comme  les  artistes  que  nous  venons  de 
nommer?  A.'  part  ce  noyau  d'hommes  de  mérite  qui  com- 
mence à  n'Être  plus  dans  laforec  de  l'âge,  où  trouverait-on 
leur  remplacement  ';'  L'exécution  musicale  a  marché  à  pas 
de  géant  depuis  un  demi-siècle.  Les  parties  de  violoncelle  et 
de  cou  u-ebasse  sont  presque  aussi  difficiles  à  cxécnlcrquc  les 
concertos  de  basse  de  la  première  moitié  du  siècle  dernier.  Il 
faut  donc  prendre  les  moyens  de  former  des  instrumentistes 
qui  puissent  exécuter  la  musique  de  nos  jouis.  M.  le  direc- 
teur actuel  de  l'Kculc  roy.ilo,  le  célèbre  C  brnilm'.i,  a  donc 
agi  avec  une  grande  prévoyance  en  instituant  dans  l'École 
une  classe  de  contrebasse,  et  surtout  eu  y  faisant  donner 
les  leçons  selon  la  manière  dont  on  joue  cet  instrument  en 
Italie  et  en  Allemagne.  C'est  ici  le  cas  de  féliciter  M.  Gc- 
lincek,  l'un  des  plus  habiles  contrebassistes  de  Taris,  de 
n'avoir  voulu  prononcer  sur  une  question  importante 
pour  son  instrument  qu'avec  connaissance  de  cause  ;  et 
nous  ne  doutons  pas  que  la  propre  expérience  de  cet  ar- 
tiste n'ait  influé  ,  avec  raison  ,  sur  la  décision  de  M.  le 
directeur  de  l'École  royale  de  musique. 

Correspondant  de  l'Inititul. 


On  lit  dans  le  Voyage  a  la  Chine  du  conseiller  russe  Tim- 
kowski  que  les  genres  n'étant  pas  distingués  sur  le  théâtre 
chinois,  la  même  jn'èce  est  presque  toujours  tout  à  la  fois 
tragédie,  comédie  et  opéra.  On'y  fait  en  général  peu  d'u- 
sage de  la  musique  pour  elle-même.  Mais  c'est  surtout 
quand  l'auteur  est  arrivé  au  paroxysme  de  la  passion,  qu'il 
appelle  la  musique  au  secours  des  paroles,  qui,  acides, 
eussent  été  in  suffisantes.  Il  est  remarquable  quece  peu- 
ple, si  arriéré  par  rapport  à  nous  dans  les  arts  ,  ait  natu- 
rellement découvert  le  véritable  emploi  de  la  musique  dra- 


matiqtie,  sur  lequel  on  ne  paraît  pas  toujours  bien  fixé  chez 
nous,  et  qu'il  ait  senti  que  la  musique,  qui  ne  peint  pas 
dans  le  sens  que  beaucoup  de  littérateurs  musiciens  don- 
nent  ace  mot,  exprime  d'une  autre  manière,  el  mieux  que 
les  paroles,  un  sentiment  unique  et  tellement  fort,  qu'il 
occupe  seul  l'ame  du  personnage.  Ceei  une  fois  bien  com- 
pris, les  épîlugueurs  à  propos  4e  musique  devraient  bien 
aussi  reconnaître  que  la  répétition  des  paroles,  poussée 
même  à  l'excès  dans  une  situation  passionnée,  loin  d'a- 
voir besoin  d'être  tolérée  par  égard  pour  la  musique ,  loin 
d'être  nu  coulrc-seiis,  est  au  contraire  une  exactitude  ;  car 
il  n'est  aucun  homme,  habitué  à  réfléchir  el  observer  en 
lui  la  nature  humaine,  qui  ne  se  soit  aperçu  que,  dans  les 
momens  de  grande  émotion,  il  nous  serait  le  plus  souvent 
impossible  de  sortir  pendant  un  temps  plus  ou  moins  long 
du  même  cercle  d'idées ,  et  de  trouver  d'autres  mots  pour 
traduire  la  préoccupation  qui  nous  maîtrise.  C'est  de  celte 
observation,  que  nous  croyons  d'une  justesse  rigoureuse, 
que  devraient  partir  les  poètes  d'opéra  pour  la  charpente 
de  leurs  ouvrages.  Qu'ils  lassent  une  large  part  à  la  mu- 
sique dans  les  momens  où  la  passion  subjugue,  elle  ne  pa- 
raîtra jamais  longue.  Qu'ils  veuillent  l'introduire  sans  dis- 
cernement dans  les  inslans  où  faction  doit  marcher  avec 
rapidité,  ils  obligent  le  compositeur  à  l'aire  des  bors- 
d'œuvre  ou  de  la  musique  sèche.  Il  est  sans  doute  des  si- 
tuations où  celle  règle  peut  être  modifiée,  mais  c'est  une 
appréciation  de  circonstances  qui  ne  peut  guère  être  laite 
que  par  le  poêle  qui  s'est  donné  lu  peine  de  réfléchir  iur 
la  nature  de  l'art  musical. 


-,rèi  Le  numéro  iïVj  du  Breton  ,  journal  de  littérature  ,  de 
sciences  et  d'arts  qui  se  publie  à  Nantes ,  contient  les  dé- 
tails suivaiis  sur  un  instrument  nouvellement  inventé  par 
M.  Gaina.,  facteur  de  pianos,  à  Nantes;  instrument  qni  , 
d'après  ce  qu'on  en.  dit,  nous  paraît  être  du  même  genre 
que  le  piano  à  archets  cylindriques,  que  Schmidt,  fac- 
leui-  de  pianos  à  Paris,  avait  mis  à  l'exposition  des  pro- 


$99 

duits  de  l'industrie,  en  1806.  Au  reste,  ceci  n'est  qu'une 
conjecture  qu'il  est  impossible  de  vérifier  sans  avoir  en- 
tendu le  pleçtrofupkon  de  M.  Ganta. 

il  PLEciaoEi;pnos. 

«  L'orgue,  le  plus  ancien  des  inlrumens  à  touclies,  a 
donné  lieu  à  la  découverte  du  clavecin,  et  celui-ci  à  Vin* 
veution  du  piano  ,  qu'on  trouve  aujourd'liui  partout.  De- 
puis, on  a  constamment  essayé  ,  sans  succès  durable,  de 
donner  au  piano  ce  charme  d'exécution  auquel  s'oppose 
l'impossibilité  où  il  se  trouve  de  prolonger  les  sons ,  seule 
chose  qui  manque  à  son  organisation.  Dans  ce  but,  des 
tentatives  multipliées  ont  été  faites.  Ou  a  surtout  tenté  de 
suppléer  au  défaut  d'expression  parla  variété  des  effets.  C'est 
probablement] dans cel teintention  qu'eu  1810,  un  amateur, 
M.  de  Saiut-Pern  ,  a  inventé  sous  lenom  d'organon-lyrtcon , 
un  instrument  réunissant  aulour  du  piano  ordinaire  une 
douzaine  d'instrumens  à  veut,  toujours  pretsà  converser 
avec  lui.  Par  un  mécanisme  très  ingénieux,  mais  un  peu 
embarrassant ,  l'exécutant  peut ,  à  l'aide  d'un  double  clar- 
vier,  faire  entendre  isolément,  ou  le  piano,  ou  tel  jeu  de; 
flùlc  ou  hautbois,  ou  mêler  ensemble  leurs  voix  réunies. 

«Plus  tard,  M.  Dielz  a  fait  paraître  sou  claxi-harpe.  Il 
a  mis  en  vibration  des  cordes  de  harpe ,  au  moyen  de  pe- 
tites pinces  agissant  à. peu  près  comme  les  doigts  sur  ces 
cordes,  à  l'aide  d'un  clavier  ordinaire.  M.  Dietz  est  par- 
venu ainsi  à  résoudre  une  grande  difficulté,  celle  de  mo- 
dilier  et  de  graduer  à  volonté  les  sons ,  mais  non  de  lys, 
soutenir. 

o  Le  même  facteur  a  livré  au  public  le  troeâleon,  instru- 
ment de  forme  ronde,  garni  de  touclies  métalliques mist s 
en  vibration  par  un  archet  circulaire  qu'une  pédale  fait 
mouvoir.  -, 

»  Beaucoup  d'amateurs  connaissent  Vorc/iesirim,  confec- 
tionné à  Moscou  par  M.  Poulleau,  et  que  son  inventeur 
a  fait  entendre  à  Nantes.  Cet  instrument,  qui  a  précédé  le 
troehtim,  se  jouait  comme  un  clavecin  :  il  imitait  le  vio- 


5oo 

Ion ,  la  basse,  le  violoncelle,  lu  viole  d'amour  cl  les  orgues. 
M.  l'oulleau  en  a  emporté  le  secret  dans  la  tombe. 

■Sans  doute ,  la  vielle ,  à  laquelle  on  accorde  plus  d'an- 
cienneté qu'au  violon  même  ,  a  fourni  la  première  idée  de 
Vorchestrino  ;  car  on  sait  qu'on  joue  de  la  vielle  au  moyen 
de  touches  et  d'une  roue-archet  bien  polie  et  frottée  de 
colophane.  Les  touches  étant  pressées  en-dessous  du  cla- 
vier par  les  doigts  de  la  main  gauche,  pressent  à  leur  tour 
l'une  des  cordes  de  la  vielle  et  la  portent  sur  la  roue-ar- 
chet, qui  la  fait  résonner  au  grave  ou  à  l'aigu,  selon  que  Tac- 
lion  des  touches  lui  enlève  plus  ou  moins  de  sa  longueur. 
L'autre  corde,  n'étant  passoumise  à  cette  action,  donne 
toujours  la  même  note  ,  qui  est,  pour  l'ordinaire,  la  domi- 
nante, et  forme  ainsi  une  espèce  d'accompagnement.  On 
voit  des  joueurs  de  vielle  gouverner  leur  manivelle  avec 
tant  d'art,  qu'elle  imite  souvent  la  pureté  de  l'archet  du 
violon  de  manière  à  exciter  l'élonnemcnt  des  musiciens 
exercés. 

■  Récemment,  M.  Eschcmbach  ,  dans  son  Eolodicon, 
a  imaginé,  eu  trouvant  le  principe  de  sa  découverte  dans 
la  harpe  d'Eole  et  la  guimbarde  ,  de  produire  à  volonté 
les  vibrations  sonores  par  un  soufflet  employé  à  faire  vi- 
brer, non  des  cordes  tendues  ,  mais  des  ressorts  métalli- 
ques fixés  par  uneextrémité  et  libres  de  l'autre. 

>  M.  Léonard  Maélzel,  frère  du  célèbre  inventeur  du 
Métronome ,  a  trouvé  à  Vienne  l'harmonie  a? Orphée.  Cet  ins- 
trument produit  des  sons  flùtés,  qui  se  prolongent  aussi 
long-temps  que  le  doigt  ne  quitte  pas  la  touche,  et  qui 
peuvent  être  renforcés  ou  affaiblis  à  volonté. 

«  H.  Mott,  de  Brighlon  ,  a  fait  connaître  un  instrument 
oii  les  notes  sont  soutenues  et  qu'il  appelé  Sostenantc 
piano -forte. 

«  En  novembre  1831,  M.  Hackela  fait  entendre  à  Vienne 
un  î  nstrumenlqu'il  nomme  Phys-harmonica  :  il  a  huit  oc- 
taves, imite  les  instrumeos  à  vent,  et  est  susceptible  de 
toutes  les  modulations  musicales  *. 

{1)  Nous  peinons  qu'il  y  a  ici  cruur  de  cljiffr es,  cl  que  M.  DacLul  n'a 
pai  fait  de  Phys -harmonica  qui  eût  plu»  ilï  6  octaves. 


DigitizGd  by  Google 


5o» 

■  Enfin,  en  1823,.  M.  l'abbé  Grégoire  Trentin  a  donné 
un  instrument  de  son  invention  :  le  moticimbalo.  II  3  ia 
forme  d'un  grand  piano  à  queue ,  et  est  monté  en  cordes 
de  boyau,  lesquelles,  accrochées  tour  à  tour  ou  simulta- 
nément par  les  touches  du  clavier,  sont  mises  eu  contact 
avec  uu  archet  cylindrique  que  le  pied  de  l'exécutant  fait 
tourner.  Cet  archet  est  garni  de  crins  comme  celui  du 
Violon;  ces  crins  sont  retenus,  par  leurs  extrémités,  dans 
un  tissu  de  laine.  Ce  nooveau  piano  est  de  sis  octaves  ■  il 
est  peut-être  le  plus  perfectionné  parmi  ceux  du  même 
genre;  cependant  il  pèche  par  la  composition  de  l'archet 
qui  lui  donne  des  sons  criards  :  il  ne  possède  point  l'archet 
sans  suture  de  M.  Poulleau,  d'une  composition  dent  ce 
dernier  n'a  pas  révélé  le  secret  avant  de  mourir,  mais  qui 
si  nous  en  jugeons  par  les  effets ,  est  remplacé ,  avec  beau! 
coup  de  supériorité,  par  l'instrument  que  vient  d'inventer 
M.  Gama  ,  facteur  de  pianos  à  Nantes. 

c  Toutes  les  découvertes  que  nous  venons  d'indiquer 
étaient  connues  de  H.  Gama  ;  mais  il  n'en  redoute  pas  la 
concurrence,  parce  qu'il  eu  sait  les  iuconvéniens.  Dans 
quelques-unes,  les  cordes  se  rompent  avec  facilité  ou  se 
montent  difficilement;  les  autres  tiennent  beaucoup  trop 
de  place  ou  causent  une  grande  fatigue  à  l'exécutant.  Il 
s'est  donc  bien  gardé  de  les  copier;  toutefois  ,  en  homme 
instruit  dans  son  art,  il  a  profité  des  fautes  de  ses  prédé- 
cesseurs pour  les  éviter.  ' 

«  M.  Gama  donne  à  cet  instrument  le  nom  de  pltctroeu- 
fkii,^™,^*,,, archet  harmonieux.  Aussi  facile  à  toucher 
que  le  piano ,  il  offre  le  précieux  avantage  de  filer  les  sous, 
de  les  renforcer,  et  de  les  affaiblir  à  volonté  et  par  grada- 
tion. En  remplaçant  à  l'occasion  uu  quatuor  d'instru- 
mens  à  cordes,  il  offrira  bien  autrement  de  ressources  que 
le  piano  pour  reproduire  les  partitions  qu'il  est  impossible 
d'arranger,  pour  ce  dernier,  sans  de  nombreux  change- 
mens;  au  point  que  les  intentions  de  l'auteur  en  devien- 
nent méconnaissables.  En  outre,  nous  croyons  que  les 
chanteurs  ne  balanceront  pas  un  instant  à  choisir  le  plec- 
Irotuphon  pour  accompagnateur  :  il  soutien  !ra  mieux  la 


502 

voix  que  le  piano  ,  sans  cependant  la  couvrir.  Nous  avons 
dit  qu'il  pouvait  remplacer  un  quatuor  d'instrutneris  à 
cordes  ;  nous  ajouterons  qu'il  rappèle  les  sons  si  agréa- 
bles  du  médium  du  violoncelle  et  les  sons  graves  de  la 
basse ,  de  manière  à  faire. une  illusion  complète.  On  con- 
çoit alors  quelle  <  xpression  ravissante  il  peut  offrir  dans 
les  mouvemens  lents  ,  qu'il  ne  faut  pas  songer  à  obtenir 
du  piano  ordinaire.  Mais  il  sera  surlout  reciierclié  par  les 
musiciens  qui,  privés  d'orchestre  et  fatigués  de  ne  pou- 
voir demander  au  piano  que  des  notes  frappées ,  l'aban- 
donnaient la  plupart  du  temps  avec  dépit ,  dans  l'impossi- 
bilité de  produire  les  effets  des  compositions  dramati- 
ques dans  leurs  accompagnemens.  Avec  l'instrument  de 
M.  Gama  ,  Il  n'est  plus  besoin  de  ces  trémolo  et  de  ces  bat- 
teries monotones  pour  remplacer  les  noies  soutenues  ;  car 
ces  dernières  noies  sont  rendues  avec  le  même  sentiment 
que  sur  les  instrumens  à  cordes. 

n  M.  Gama  a  fait  beaucoup  d'essais  ,  et  par  conséquent 
beaucoup  de  dépenses  pour  parvenir  aux  résultats  heureux 
qu'il  présente  aujourd'hui;  mais,  n'en  doutons  pas,  il 
en  trouvera  le  juste  dédommagement  dans  les  suffrages 
du  public,  et  ses  compatriotes  ne  seront  sans  doute  pas  les 
derniers  a  apprécier  le  mérite  de  son  invention.  Elle  lui 
fait  honneur,  ainsi qu'àson  fils';  car  ils  j  ont  seuls  travaillé 
à  l'exclusion  de  tous  ouvriers. 

n  M.  Lupperger,  que  nous  avons  entendu  sur  le  plec- 
iroeuphon,  le  touche  avec  uu  véritable  talent.  Nous  savons 
qu'il  l'étudié  avec  assiduité  et  avec  tout  le  désir  de  prou- 
ver combien  ,  sous  des  doigts  habiles  ,  cet  instrument  peut 
avoir  de  charmes  et  offrir  de  ressources.  C'est  ce  que  les 
amateurs  seront  bientôt  a  même  (l'apprécier. 

«Nous  n'avons  pas  parlé  de  sa  construction  :  c'est  un 
de  ses  moindres  mérites  ;  cependant ,  comme  H.  Gama  est 
facteur  à  Nantes,  et  que  l'exécution  extérieure  n'est  pas  a 
dédaigner  dans  uu  instrument  destiné  à  orner  nos  salons', 
nousdirons  que  c'est  un  petit  chef-d'œuvre  d' ébéniste  rie.  • 


5o3 


ANNONCES. 


AVIS. 

La  place  d'organiste  de  la  paroisse  de  Gray  (Haule- 
Saonc),  étant  vacanle,  le  maire  de  cette  ville  fait  savoir 
qu'il  sera  ouvert  a  l'Hôtel- de-YiUe ,  le  i"  mai  i8a8,  nu 
concours  pour  déterminer  le  choix  parmi  les  concurrens, 
qui  devront  justifier  d'ailleurs  de  bonne  vie  et  mœurs.  Un 
traitement  de  800  fr.  est  affecté  à  cette  place ,  indépen- 
damment d'un  bon  casnel.  La  ville  offre  beaucoup  de  res- 
sources à  un  musicien  qui  pourrait  professer  plusieurs 
îuslrumcns,  et  il  y  trouverait  un  grand  nombre  d'élèves. 

—  On  demande  ,  pour  une  ville  agréable  et  qui  a  dos 
communications  faciles  avec  la  capitale  ,  un  professeur  de 
musique  qui  puisse  enseigner  Je  violon  et  la  clarinette;  on 
lui  assurerait  la  place  de  chef  de  musique  de  la  garde  na- 
tionale. 

S'adresser  h  HT.  Charles  Laffillé,  galerie  Vivicnne,  u°  70, 
le  matin  de  S  à  9  heures ,  et  le  soir  de  4  à  6  heures. 

Trois  romances  détachées,  mises  en  musique  avec 
accompagnement  de  piano  ou  guitare  ,  par  Ch.  LafGlIé. 

i°  Le  Petit  malheureux,  romance  religieuse,  avec  une 
jolie  gravure  en  taille-douce. 

2*  Si  lu  m'aimais  1  romance,  avec  gravure  idem. 

3°  L'Amour  et  l'Amitié,  romance  avec  lithographie. 

A  Paris,  chez  l'auteur,  galerie  Viviennc,  n"  po,  et  au 
magasin  de  la  Lyre  moderne ,  rue  Vïviemie ,  n"  6. 

—  Album  lyrique  composé  de  douze  ^romances  et  noc- 
turnes avec  vignettes,  dédié  à  S.  A.  R.  Madame,  duchesse 
de  Berry,  par  MM.  Bruguièrc  et  Panser  on.  Paris,  Aula- 
gnicr,  rue  de  la  Paix,  n'  9,  1  vol.  in-4"  oblong. 


5o4 

Faire  des  romances  et  s'appeler  ou  Bruguière,  ou  Panse- 
ron,  ou  Amédée  de  Beauplan,  ou  Romagnesi,  c'est  com- 
mander au  succès.  Si  tout  ce  qui  sort  de  la  plume  de  ces 
aimables  troubadours  n'est  pas  également  bon,  il  y  a 
toujours  quelque  chose  de  gracieux  qui  fait  pardonner 
le  reste.  Dans  l'album  que  nous  annonçons,  MM.  Bru- 
guière et  Panseron  n'ont  pas  abusé  de  la  puissance  de  leur 
nom,  et,  comme  on  pourrait  dire,  n'ont  pas  escompté 
leur  réputation  :  tout  y  est  fait  en  conscience.  L'Orpheline, 
romance,  Soyez  heureux  et  Jeunes  Bergerettes,  nocturnes  de 
M.  Panseron;  la  Rose  de  Bagdad,  romance,  et  Quandtient 
la  nuit,  nocturne  de  M.  Bruguière,  sont  des  bagatelles 
charmantes  qui  survivront  au  moment  qui  les  a  fait 
naître. 

—  Les  Animaux  chantons,  quatre  canons  a  quatre  voix 
égales,  avec  accompagnement  de  piano ,  suivis  d'un  qua- 
tuor. Prix  ;  8  francs ,  a  Paris,  chez  tous  les  marchands  de 
musique  et  de  nouveautés. 

Ces  morceaux  ne  sont  que  des  plaisanteries;  mais  ils 
remplissent  bien  leur  but,  qui  est  de  faire  rire.  Rien  de 
plus  de  bouffon  que  les  canons  du  canard,  du  chat,  de 
la  poule  et  de  l'âne.  Ces  morceaux  sont  tirés  séparément 
sur  un  carton  mince,  et  contenus  dans  un  joli  porte- 
feuille. 


Digitizod  by  Google 


HISTOIRE  DE  LA  MUSIQUE. 

Cb  n'est  pas  toujours  dans  des  traités  ex-profcsso  qu'on 
rencontre  les  meilleures  observations  ou  les  faits  les  plus 
curieux  sur  l'histoire  des  arts  ou  des  sciences  :  les  livres 
les  plus  étrangers  en  apparence  à  ces  matières  nous 
révèlent  quelquefois  l'existence  de  documens  qu'on  cher- 
cherait vainement  ailleurs  ,  ou  qui  ne  se  présenteraient 
pas  sous  des  formes  aussi  piquantes.  D'ailleurs ,  quoiqu'il 
en  puisse  coûter  à  notre  orgueil  de  faire  cet  aveu,  l'esprit 
humain  n'est  point  encyclopédique;  il  s'accommode  mal  de 
ces  grands  tableaux  qui  embrassent  toutes  les  parties  d'un 
art,  et  surtout  d'un  art  si  compliqué  que  la  musique,  d'un 
art  susceptible  de  prendre  tant  do  formes  ,  et  qui  a  été 
si  différent  de  lui-même  à  différentes  époques,  non-seu- 
lement sous  les  rapports  de  la  théorie  et  de  la  pratique, 
mais  de  son  effet  moral,  et  delà  considération  dont  il  a  joui. 
Les  livres  qui  traitent  d'une  époque,  d'un  pays,  d'une 
ville  ,  d'un  ordre  religieux,  tous  ceux  enfin  dont  l'objet  est 
spécial,  circonscrit,  et  qui  sont  l'ouvrage  d'hommes 
consciencieux  ,  savans ,  ou  doués  d'un  esprit  original  ijui 
leur  fail  considérer  les  faits  sous  un  aspect  nouveau  ,  sont 
donc  des  sources  où  l'on  peut  puiser  des  renseignemens 
précieux  qui ,  rattachés  ensuite  à  un  plan  général,  passent 
dans  l'histoire  de  l'art  pour  n'eu  plus  sortir. 

Ces  réflexions  me  déterminent  à  parler  ici,  mais  uni- 
quement sous  le  rapport  de  l'histoire  de  la  musique,  d'un 
livret  qui  vient  d'élre  publié,  et  qui  se  rapporte  a  des 

Les  journaux  n'ont  point  assez  parlé  de  cet  ouvrage,  qui 
a  pour  titre  :  Histoire  des  Français  de*  divers  étais  aamem-j  der- 
niers siècles,  par  M.  Amans- Alexis  Monteil  *,  ouvrage  d'une 
érudition  immense ,  écrit  aiec  une  bonhomie  spirituelle, 

(>}  XlV'iiècle,  a  vol.  in  S".  Paria,  Janct  El  C «telle ,'libr.lii.,  tue 
Sainl-AndrÉ-des-Arcj,  n*  55. 

»•  vol.  ,  Zj3 


Digitized  by  Google 


5oC 

lui-même.  Vingt  années  de  la  vie  de  M.  Montcit  ont  ilé  em- 
ployées ù  recueillir  les  matériaux  de  ce  grand  travail.  Ce 
qu'il  a  fallu  de  savoir,  de  patience  et  de  sagacité,  pour  dé- 
couvrir, dans  la  fange  du  moyen  age  ,  lout  ce  que  ce  livre 
renferme  d'instructif ,  est  incroyable.  Ce  n'est  point  la 
forme  sèche  d'un  récit  historique  que  M.  Monteil  a  adoptée; 
H  a  senti  que  pour  peindre  les  mœurs  de  chaque  siècle,  il 
fallait  qu'il  employât  les  couleurs  du  temps,  et  rien  ne  lui 
a  semblé  plus  propre  à  remplir  cet  objet  que  de  mettre  en 
cène  des  personnages  de  chaque  époque.  Au  quatorzième 
iècle,  les  moines  tenaient  la  première  place  dans  la  société 
en  Kin  iipe  ,  et  surtout  eu  France  ;  c'est  parmi  eux  que 
M.  Moulcil  a  choisi  ses  principaux  personnages,  lin 
commerce  épistolaire  entre  un  cnrdelier  de  Tours  et 
un  cordelier  de  Toulouse ,  amène  d'une  manière  natu- 
relle et  piquante  tout  à  la  fois  l'occasiou  de  parler  de  tout 
ce  qui  concerne  les  mœurs,  les  usages,  les  sciences,  les  arts 
et  la  politique  de  ce  siècle  ,  où  l'on  voit  déjà  se  préparer 
les  révolutions  qui,  dans  la  suite,  ont  tant  amélioré  la 
condition  des  homme*. 

Eu  ce  qui  concerne  la  musique ,  je  ne  puis  donner  trop 
d'élogesà  l'auteur  deVHistvirctles divers  états,  pour  l'exacti- 
tude de  ses  recherches.  Il  a  consigné  le  résultat  dans  deux 
épttres,  dont  l'une  est  intitulée  :  l'Enfant  de  chœur,  et 
l'autre  ,  YOrganislc.  Je  ne  puis  me  refuser  au  plaisir  de 
citer  eu  entier  Je  premier,  qui  révèle  des  faits  curieux, 
ignorés  eu  partie,  même  parles  érudits  en  musique.  C'est 
frère  Jehan  ,  de  Tours,  qui  écrit  a  frère  André  de  Tou- 
louse* ." 

a  Sauf  l'honneur  de  l'ordre  de  Saint-François,  j'ai  .nu 
«cousin  sergent'.  C'est  d'ailleurs  un  bon  père  de  famille, 
*  nui  a  douné  uu  état  à  tous  ses  enfans  ,  excepté  au  plu* 
.jeune.  Ce  matin  j'ai  appris  qu'il  allait  lui  donner. celui 
■  de  ménétrier,  .l'ai  aussitôt  co'.iru  chez  lui  et  me  suis 

(i)  ilajîiicr.  ■  1  1 


Digitized  by  Google 


5or 

*  expliqué  assez  vertement  sur  sou  projet.  Il  m'a  répondu, 
.  la  tète  baissée,  qu'il  était  fort  pauvre,  qu'il  comptait  sur 
«les  profits  considérables  qui  ne  pourraient  manquer  à 
«son  fils;  et  il  me.  les  a  énuniérés.  Mais,  lui  ai-jc.  dit,  faite* 
«  donc  entrer  dans  vos  calculs  le  déshonneur;  sachez  que 
tles  joueurs  d'inslrumens  ne  témoignent  point  un  Justine'  : 
«  les  avez  vous  vus  jamais  en  robe,  en  fourrure,  en  cliape- 
i.  ron  ?  jamais1.  Les  avcz-vons  jamais  vus  le  bonnet,  sur  la 
k  tête  quand  ils  sont  en  fonctions  ?  jamais1.  Faites  entrer 
«  encore  dans  vos  calculs  les  pertes  :  si  les  joueurs  vont 
j  aux  l'êtes  eu  plus  grand  nombre  qu'on  ne  les  a  demandés. 
"  ils  perdent  leurs  gages  ';  t'aites-y  entrer  les  dangers  :  qui 
1  ne  vous  dira  qne  les  instruments  à  vent,  surtout  les  liants 
c.  inst  rumens 6,  les  hautbois,  affectent  la  poitrine  ?  .Faites-y 
«  entrer  les  difficultés: il  n'y  a  aucun  instrumenta  eorde  dont 

■  l'apprentissage  ne  soit  fort  long;  la  trompette  marine 
cr  mémo,  cette  longue  caisse  on  bierre,  montée  d'une  seule 
".corde,  n'est  pas  aisée  à  manier.  Quant  au  rebee  e,  les 
<  sons  doujt.et'purs ,  qu'à  force  d'art  les  rnéjiétriers  tirent 
»  aujourd'hui  de  leur  archet  .vous  étonnent,  vous  jra- 

■  vissent;  la  harpe,  la  guitare  veulent  la  plus  grande  deit- 
«  térilé  de  tous  les  doigts.  Il  n'y  a  pas  jusqu'au  lympmion  à 
uleux  baguettes,  jusqu'au  tambourin  frappé  desdeux  côtés 

(1)  -Ccult  sont  vilains  natres  de  quclronquc  liguapr  qu'ils  sufeiii... 
■Vilimencjtr;crs...ne  sont  digne*  dp  su  entremettre  de  droitfl....Chî|>. 
i3;  d'une  Tifiilln- coutume  de  Bretagne  manuscrite. 

(>)  Aux  miniatures  des  manuscrit*  de  la  Bibliothèque  du  Roi  fit  de: 
l' Arsenal,  les  ménétriers  et  joueurs  d'insi  rumens  snni  tous  iv|iiésentéi  ru 
longues  eliausscs  et  eu  teste  courte,  a  pli  de  eorpi, 

(S)  "A  la  vûrile  quelques-uns  uni,  dans  ces  miniatures ,  le  bonnel  et 
même  une  plume  sur  le  bonne!;  mais  ce  n'en  jjmais  lorsqu'ils  font  dan- 
ser, on  qu'ils  jouent  de  leurs  insirumeiis  dans  les  salles  des  paiai»  >im  des 
ehatcnui. 

(4)  Traité  de  la  police,  par  Del  a  m  arc,  liv.3,  tit.  3,  cLap.  a. 

L'Ordonnance  de  Charles  VI,  de  janvier  1ÔS6,  ra[.pnrti>  .ho-  rhUniie 
de  Juvénaldb  Ursim,,  porte  qu'il  ynura  sii  fat  «fa  menetlrlers et  trOurE» 
mcncslrïcri. 

(5)  Le  reliée  était,  comme  on  l'a  la  dans  la  Rem*  musicale,  !<■  violon 


Ko8 

s  qui  n'oblige  à  un  lang  exercice.  Ne  vous  le  dissimulez  pas, 

*  il  faudra  à  votre  fils  encore  bien  des  années  avant  qu'il 
t  puisse  devenir  un  joueur  médiocre.  Ne  vous  laissez  pas 
mon  plus  éblouir  par  la  fortune  des  ménétriers  de  la  cour. 
«  H  y  en  a  fort  peu,  et  ce  son  t  tous  gensdu  plus  grand  talent, 
«  qui  n'en  sont  pas  moins ,  je  me  trompe  ,  qui  sont  plus 
«  immédiatement  soumis  k  l'autorité  du  roi  des  ménétriers 
«de  France'. 

«  Vous  dites  que  votre  fils  Ci  un  goût  invincible  pour  la 
«musique.  Eh  bien  1  que  nele  faites-vous  enfant  dechœur? 
«  Vous  parlez  de  profits  ;  c'est  alors  qu'il  en  aurait.  Il  re- 

*  viendrait  tous  les  jours  à  la  maison  les  mains  pleines  de 
«  pièces  de  monnaie .  de  chandelles ,  et  d'autres  distribu- 
tions   il  serait  houssé,  fourré  et  aurait  un  joli  chaperon 

■  d'agneau  blanc  les  fondations  obituaircs,  les  testament 
<  necessenl  de  mentionner  les  jeunes  clercs  *,  qui  forment 

*  les  trois  quarts  de  la  musique  de  France  ■■;  et  quant  à  l'au- 

■  tre  quart,  composé  de  musiciens  laïques  ,  voulez-vous 
«m'en  croire?  presque  tous  sont  pauvres,  mourant  de 
«faim6;  et  cela  est  juste,  car  ils  ne  chantent  que  les 

■  louanges  du  Diable. 

e  Enfin,  j'ai  pris  congé  de  lui  en  ces  termes:  sergent, 

(1)  Lettres-patentes  du  M  avril  1407,  contenant  tes  statuts  des  me- 
ta) Anciens  statuts  des  chapitre!  au  paragraphe  Ditlribuliimtt  «M- 
rfmmr,  entre  outres  ceux  de  Saint-ScTerin  de  Bordeaux. 

(3)  Constitutions  des  trésorier,  chanoines  et  collège  de  la  Sainte- 
Chapelle  du  Palais.  Paris,  1779,  chap.  Mal triie  du  enfant  de  durur. 

(4)  ■ft«m.  A  chacun  enfant  de  cuer  11  soi».,.  .  Compte  des  lais  et 
ordonnances  contenues  au  testament  de  feu  bonne  mémoire  mesure 
Jehan  le  seneschal ,  jadis  chanoine  de  Laon  ,  de  l'année  i38j.  Ce  ma- 
nuscrit est  en  rua  possession  ;  j'ai  aussi  l'obïtuaire  de  Saint-Hippolyte, 
de  Paris  ,  et  celui  de  Saïnte-Croii ,  de  Bordeaux ,  qui  mentionnent  des 
fondations  en  faveur  des  enfans  de  chœur. 

(5)  On  ne  peut  éialucr  a  moins  de  mille  le  nombre  des  Église»  de 
France  qui,  au  quatorzième  siècle,  avaient  une  musique,  et  à  moins  da 
dix  le  nombre  des  musiciens  qu'entretenait  chaque  église.  Les  maîtrises 

(G)  Ordonnance  de  Saint- Louis,  citée  par  Delamarre,  Traité  (fa  la. 


5°9 

■  suffit  pour  aujourd'hui  !  à  la  première  place  v  acan  te,  allez 
<  présenter  votre  fils  ;  mette/ votre  belle  épée  à  poignée  de 
«  cuivre ,  et  dites  que  vous  êtes  cousin  du  frère  gardien.  » 

L'épi  tre  qui  a  pour  titre  YOrgaaitU,  contient  des  notions 
fort  exactes  de  l'élat  des  connaissances  musicales ii la  fin  du 
quatorzième  siècle,  quoique  présentées  d'une  manière  abré- 
gée ,  comme  il  convenait  au  cadre  choisi  par  M.  Monteil. 
Elle  est  terminée  par  un  paragraphe  qui  fera  sourire  nos 
diletlanti;  mais  qui  rappelle  le  langage  qu'on  a  tenu  dans 
tous  les  temps  sur  la  musique  à  la  mode.  Le  voici  : 

■  Vous  trouvez  des  personnes  qui  osent  bien  vous 
«demander  si  la  musique  des  anciens  était  meilleure  que 
«la  nôtre?  Ah  !  frère  André  !  qu'il  est  des  hommes  ma I- 
"  heureusement  nés  !  Pour  eus  la  magnificence  du  déchant 

■  n'existe  pas.  Pour  eux  n'existent  pas  les  mélodieuses  com- 

■  positions  d'àdam  de  la  Halle  et  de  Guillaume  de  Ma- 
li cheau,  qu'on  entendra  encore  avec  transport  dans  mille 

■  ans  d'ici;  car  nos  plus  fameux  c  h  antre  b  ne  cessent  de 
»  vous  dire  qu'il  on  sera  de  la  musique  actuelle  comme 
«  du  vin  dont  ils  boivent  :  plus  cite  vieillira,  plus  on  ta  trou* 
•  vera  bonne.  » 

On  voit  que  M.  Monteil  fait  parier  nés  personnages 
comme  ils  auraient  pu  le  faire  réellement  à  l'époque  qu'il 
a  choisie .  Le  reste  de  son  livre  est  rempli  de  détails  inté- 
ressans  sur  l'usage  de  la  musique  dans  toutes  les  circon- 
stances de  la  vie  civile.  C'est  ainsi  que  nous  y  voyons  qu'il 
y  avait  au  quatorzième  siècle ,  à  Paris,  une  rue  d*s Méné- 
triers t  où  demeuraient  tous  les  musiciens  de  profes- 
sion, et  qu'on  y  entendait  de  la  musique  en  plein  air, tous 
les  joursà  certaines  heures  marquées  ;  nous  y  apprenons 
aussi  que  le  flutet  et  le  tambourin  étaient  les  instrument* 
dont  on  se  servait  pour  les  petites  danses,  que  l'orgue 
était  réservé  pour  les  grandes  danses,  que  l'heure  des  re- 
pas était  annoncéedanslcs  châteaux  par  le  son  des  trom- 
pettes ,  etc.  On  y  trouve  aussi  des  renseignenieua  sur  les 
cloches  les  plus  renommées. 

Les  deux  premiers  volumes  de  l'Histoire  des  Fran~ 
fais  ne  sont  relatifs  qu'au  quatorzième  siècle  ;  les  siè- 


des  suîvans  nous  promettent  une  moisson,  de  faits  dont 
l'intérêt  ne  peut  que  s'accroître  à  mesure  que  l'art  se 
perfectionne.  Les  quinzième  et  seizième .  qu'on  peut  ap- 
peler les  grands  siècles  de  la  musique  ,  parce  que  cet  art 
y  a  reçu  toutes  les  formes  scientifiques,  ne  peuvent  man- 
quer de  fournir  à  M.  Montcil  l'occasion  d'une  foule  do 
révélations  curieuses.  J'en  rendrai  compte  ,  à  mesure  que 
les  volumes  paraîtront. 

FÈTIS. 


CORRESPONDANCE. 

A  M.  F£ns,  rédacteur  de  la  Revue  musicatr. 
J'ai  lu  dans  votre  journal  deux  articles  de  M.  Bleui  sur 
la  génération  mélodique  de  la  gamme  chromatique  et 
l'accord  des  instrumens,  dans  lesquels  il  prétend  exprimer 
par  des  nombres  rationnels  les  douze  sons  compris  dans 
l'intervalle  d'une  octave,  ce  qui  est  I  ou  t~à -l'ait  contraire 
aux  principes  de  la  comparaison  des  sons;  aussi  les  résul- 
tai présentés  par  M.  Blein  sont-ils  absolument  faux,  et 
lié  pourraient,  même  avec  quelques  modifications,  servir 
que  dans  lèsent  Ion  d'ut.  En  effet  les  douze  sons  chroma- 
tiques étant  calculés  d'après  les  nombres 
'  »    H    f    S  •  5    S    ''a  ï     §     â  -¥'t?  » 

al    «/#  rt    reft  mi    fa    fa%  sol    sotft  la    ta#  si  ut 
l'intervalle  de  la  ù  u($  sera  exprimé  par  le  rapport  ^,  qui 
diffère  de  j,  valeur  de  la  tierce  majeure  exacte  de-f$f, 
c'est-à-dire  de  près  d'un  quart  de  ton. 

L'intervalle  de  u(#  à  la .  exprimé  par  le  rapport  j£,  'li 
fère  en  sens  contraire  de  la  tierce  mineure  exacte  Ç.di* 
même  intervalle  -Hr";  ''y  aurait  donc  près  d'un  ton  de 
différence  entre  la  tierce  majeure  la  titft,  et  la  tierce  mi- 
neure «(#  mi,  ce  qui  serait  toul-à-lail  intolérable- 

Il  pouvait  paraître  étrange  de  voir  figurer  dans  la  série 
des  douze  sons  chromatiques  de  la  gamme  exprimés  eu 
nombres  rationnels,  la  quantité  /--s,  lorsqu'on  pouvait 


Digitized  û/ Google 


5n 

prendre  pour  expression  du  faft  soit  la  tierce  de  re  $r  soit 
la  sixte  de  la  fjj ,  soit  la  sixte  mineure  de  si|>  soit  enfin 
la  tierce  mineure  du  hu[>  4ç-  M-  lltfciri  se  fonde ,  pour 
l'emploi  de  cette  expression,  sur  une  expérience  décrite 
dans  un  Mémoire  sur  l'acoustique  et  la  théorie  des  vi- 
brations, et  sur  lequel  l'académie  des  sciences  a  été  invitée 
par  l'auteur  a  faire  un  rapport ,  qu'il  attend  depuis  quatre 
ans.  Voici  en  quoi  consiste  celle  expérience: 

Si  l'on  fait  résonner  un  plateau  de  verre  on  de  métal  t 
et  dont  la  forme  soit  celle  d'un  polygone  régulier,  il  se 
manifeste  deux  sons  dont  le  plus  grave  se  développe  d'une 
manière  plus  sensible  lorsque  le  plateau  est  frappé  vers  sa 
ciiruiif'ércnce ,  et  le  plus  aigu  lorsqu'on  frappe  le  centre 
du  plateau;  l'intervalle  de  ces  deux  sons  varie  suivant  le 
nombre  de  côtés  du  plateau.  Dans  le  plateau  octogone 
c'est  une  sixte  mineure  un  peu  forte;  dans  l'hexagone  cette 
sixte  est  encore  plus  forte;  dans  le  pentagone  elle  devient 
une  sis  le  majeure  ;  enfin  dans  le  carré  le  son  le  plus  grave 
étant  représenté  par  i,  l'antre  est  exprimé  par  Kl, 
t'est -à -dire  qu'il  existe  entre  ces  deux  sons  un  intervalle 
de  triton  moyen;  or,  je  demande  à  M.  Bleui,  qui  a  jugé  à 
propos  d'introduire  dans  la  génération,  de  la  gamme  l'in- 
tervalle produit  par  le  plateau  carré,  pourquoi  il  a  négligé 
cette  sixte  mineure  un  peu  forte,  et  cette  autre  sixte  un  peu 
plus  forte,  que  donnent  l'bcxagone  et  l'octugoue  ;  je  pense 
qu'il  serait  embarrassé  de  répondre  à  cette  question,  11 
résulte  de  cet  examen  que  les  expériences  de  M.  Blcin 
sont  purement  géométriques  et  dépendent  du  rapport  qui 
existe  entre  les  rayons  des  cercles  inscrits  et  circonscrits 
aux  plateaux,  et  ne  peuvent  avoir  aucune  influence  sur 
la  génération  de  la  gamme  et  la  théorie  des  accords. 

Je  terminerai  celte  lettre  pur  l'exposé  de  la  génération 
de  la  gamme  enharmonique,  dans  laquelle  les  résultats 
de  M.  Bleio  se  reproduiront  sous  leur  véritable  point  de 

faire  apprécier  l'inexactitude. 

Les  huit  sons  dont  se  compose  ta  gamme  diatonique 
étant  donnés  par  la  réunion  des  trois  accords  parfaits  ut 


5l3 

mi  sot ,  sol  si  re ,  fa  la  ut ,  ont  pour  expression  les  quantité* 
suivantes,  indiquant  leurs  nombres  de  vibrations  dans  un 
temps  donné ,  pendant  lequel  le  son  ut  ne  rendrait  qu'une 
seule  vibration. 

'     î    ï    !     ■     5     T  1 

ut  re  mi  fa  sol  ta    si  ut 

En  comparant  ensemble  les  divers  sons  dont  se  com- 
pose cette  gamme  construite  au  moyen  des  trois  cou  son - 
nances  de  l'accord  parfait,  savoir,  la  quinte,  la  tierce  ma- 
jeure et  la  tierce  mineure,  on  s'aperçoit  que  la  quinte  et 
la  tierce  mineure  sont  susceptibles  de  deux  expressions 
différentes ,  tandis  que  celle  de  la  tierce  majeure  est  tou- 
jours la  même.  En  effet, 

Les  quintes  ut  sol,  sol  re,  la  mi,  mi  si,  fa  ut,  ont  pour 
expression  le  rapport  ?. 

La  quinte  re  la  est  exprimée  par  le  rapport  fÇ,  qui  dif- 
fère du  rapport  £  do  f^. 

Les  tierces  mineures  mi  sot,  la  ut,  sire,  ont  pour  ex- 
pression f. 

La  tierce  mineure  re  fa  est  exprimée  par  le  rapport  r' , 
qui  diffère  du  rapport  jj  de  -|J . 

Toutes  les  tierces  majeures  ut  mi,  fa  la,  sot  si,  sont 
exprimées  par  le  rapport  . 

Ce  rapport       indiquant  l'intervalle  de  deux  sons  dont 
l'un  produirait  81  vibrations  pendant  que  l'autre  en  ren- 
drait 80 ,  s'appelle  en  musique  un  coma  majeur  ;  c'est  l'ex- 
pression de  la  tolérance  accordée  pour  la  justesse  des  in- 
tervalles. Si  l'on  veut  modifier  les  différens  sons  de  la 
gamme  diatonique  de  manière  à  obtenir  pour  tous  les  sons 
dont  elle  se  compose  une  gamme  semblable  à  celle  du  ton 
d'ut,  le  moyen  le  plus  naturel  qui  se  présente  est  de  cal- 
culer ces  nouveaux  sons  sur  l'intervalle  de  tierce  majeure, 
le  seul  des  trois  intervalles  consonnans  qui  ne  soit  suscep- 
tible que  d'une  seule  expression  ,  on  aura  par  ce  moyen  : 
fafy  tierce  majeure  de  re  =  S  x  |  _.4S 
«t#  tierce  majeure  de  la  ^  S  ^  S  M'jJ 
soiff  tierce  majeure  de  mi  ^=  J  x  J  =  tj! 
re  #  tierce  majeure  de  si        x  |  =  $ 


Digitized  û/ Google 


r.  5,3 

tierce  majeure  de /il  g  —  ii^  |  =  «J| 
tierce  majeure  de 'if#  =      X  |  =  nnr 
*if|  tierce  majeure  desûijf  ^  tI  X  l 
«j,  lieree  majeure  de  re  ^  *   :  | 
mip  tierce  majeure  dejci  =•  ■}   :  j=  f 
/a|)  tierce  majeure  de  ut  =  a  :  J  =  £ 
^  tierce  majeure  de  fa  =  $  :  ^  =  *-§ 
îo/  [j  tierce  majeure  de  si  [,  =  |  ;  5  _  |£ 
uf  £  tierce  majeure  de  mi  \f  =  ^  :  jj  =  £| 
/îi  [>  tierce  majeure  dc/n  |>     f  :  ;  =  -§3 
Ces  expressions,  rangées  dans  l'ordre  d'élévalion  des 
sons  qu'elles  représentent,  donneront  la  gamme  enhar- 
monique. 


Tels  sont  les  nombres  qui  indiquent  exactement  les 
rapports  des  sons  composant  la  gamine  enharmonique  ; 
ou  pourrait,  en  continuant  ces  calculs,  trouver  une  infi- 
uilé  d'autres  valeurs  qui  correspondraient  aux  doubles 
dièzes,  aux  doubles  bémols,  etc.  ;  mais  cela  serait  lout-à- 
fait  inutile  pour  la  pratique  de  la  musique,  dans  laquelle 
on  ne  fait  usage  que  des  sons  ci-dessus  auxquels  on  peut 
toujours  revenir  par  l'emploi  des  transitions  enharmo- 
niques. 

On  remarquera  que  les  intervalles  ut$rc\},  rejf  mi|», 
mi #  fa,  etc.  sont  tous  exprimés  par  le  même  rapport  -'r~ï  . 
ces  intervalles  équivalent  environ  à  un  cinquième  de  ton 
et  s'appelle  coma  enharmonique. 

On  conçoit  de  quelle  utilité  serait  pour  l'étude  de  l'har- 
monie et  de  la  composition  un  piano  qui  donnerait  tous 
ces  intervalles;  un  seul  exemple  suffira  pour  en  con- 
vaincre. On  enseigne  dans  tous'lcs  traités  que  l'intervalle 
de  sixte  mineure  ni  la\,  est  consonuant,  et  que  celui  de 
quinte  augmentée  m  soif,  est  dissonant,  ce  qui  résulte 

3.     VOL.  44 


Digitized  by  Google 


évidemment  de  U  comparaison  des  nombres  ï  et  V;  qui 
les  expriment,  el  cependant ,  sur  les  pianos  ordinaires, 
ces  deux  intervalles  «Haut  confondus  en  un  seul,  il  est  im- 
possible de  se  rendre  raison  do  l'effet  différent  qu'ils  pro- 
duisent. 

Le  piano  enharmonique  .serait  beaucoup  plus  facile  h 
accorder  que  le  piano  ordinaire,  puisque  les  tierces  ma- 
jeures étant  rigoureusement  justes  dans  tous  les  tons,  tous 
les  intervalles  ci-dessus  seraient  donnés  par  la  suite  des 
quintes  et  des  tierces  : 

ut  fa,  ut  sot,  sot  re,  fa  ta,  la  mi,  mi  si,  si  fa$,  la 

«g,  «g  »it|,  .ois  "S.  "8  '««-  «'»  Ht*  Ht  »#, 

re  sl\j,  si\,  mil,,  mi\l  H>  fab  r4>  5'!>  w<[>>  '°' 1» 

«,|,  r.y 

Toules  les  gammes  diatoniques  de  la  gamme  enharmo- 
nique sont  justes,  mais  elles  ne  sont  pas  toutes  sembla- 
bles, el  se  divisent  en  quatre  classes  correspondant  aux 
intervalles  ci-après: 

Tons  de /à  1,,  H'  ut>  mi      '    8    î    i     l  T  "» 

•tfc  «i],,  Ml,  «       i  ?    )     |     1     }  • 

«>,  ™,  Ajf         !  U  U  ' 

/Si»  <«,  uCtf  i  I  !  w  5  ft  ¥  3 
Lorsqu'on  veut  remplacer  la  gamme  enharmonique  par 
la  gammochromaliquc,  c'est-à-dire  exprimer  par  le  même 
son  les  diezes  et  les  bémols  correspondans  ,  dopt  l'inter- 
valle est  exprimé  par  le  rapport  y|4,  le  moyen  le  plus 
simple  consiste  à  accorder  la  série  des  douze  intervalles 
de  la  gamme  par  demi-Ions  égaux  :  cette  répartition  d'er- 
reur se  nomme  le  tempérament,  Ilya  diverses  manières 
de  l'opérer,  qui  lotîtes  ont  leurs  partisans,  mais  celle-ci 
offre  l'avantage  inconteslable  de  moduler  dans  tous  les 
tons,  avec  le  même  degré  de  justesse.  Dans  la  gamme 
chromatique  moyenne,  les  tierces  majeures  sont  plus 
fortes,  et  les  tierces  mineures  et  les  quintes  plus  faibles 
que  dans  la  gamme  enharmonique  exacte.  Les  difTércns 
sons  de  celte  gamme  correspondent  aux  longueurs  gui- 


vantes  d'une  corde  tendue  divisée  en  200 

t  parties  égales 

et  donnant  l'ut  naturel. 

5d( 

■  355 

u(Jf  ou  rej»  1888 

jcifl  ou 

/n|>  1260 

re    —  178a 

/a 

.189 

rejf  ou  mi\f  1682 

(«if  ou 

usa 

mi  i58j 

io5g 

f«  .498 

oi 

1000 

/àfl  ou  îo(i>  1414 

La  répartition  des  erreurs  de  cette  gamme  est  telle,  que 
quoique  tous  les  intervalles  soient  altérés,  à  l'exception  de 
l'octave,  la  différence  avec  un  intervalle  juste  n'est  jamais 
plus  grande  que  le  coma  majeur  fj. 

La  manière  la  plus  simple  d'accorder  une  gamme 
moyenne  consiste  à  partager  l'octave  de  ta  à  la  en  trois 
tierces  majeures  un  peu  fortes,  mais  parfaitement  sem- 
blables entre  elles ,  savoir  : 

ta  «(((,  ut$  mi#  ou  faty,  fa  la, 
après  quoi  l'on  accorde  toutes  les  autres  notes  par  quintes 
un  peu  faibles. 

la  mi,  mi  si,  si  fa#,  faQ  at# 

Ut$  «./#,  ,01$  ««,   Kg  kg.  '*#  «•'«  O»  W 

fa  ul,  ut  sol,  sol  r»,  re  la. 
Les  Irois  sons  «f  jf  faty  et  /a  serviront  de  preuve,  chacun 
à  leur  tour,  de  l'exactitude  de  l'accord. 

J*ai  l'honneur  d'être,  Monsieur,  votre  très  humble 
serviteur, 

E.  TnODFENIS. 


INVENTIONS  ET  PERFECTIONNEMENS  D'INSTBUUENS. 

CLARINETTE  DE  M.  S1HIOT. 

Nous  avons  dit,  dans  notre  dernier  numéro,  que  H.  Si- 
miot,  fadeur  d'inslrumens  à  vent,  de  Lyon,  avait  soumis 
a  l'examen  de  l'académie  tics  beaux-arts  une  nouvelle  cla- 


5.6 

rineltc  à  dix-neuf  clefs;  il  résulta  des  renseigncmcnssque 
nous  avons  pris,  que  cet  instrument  présente  les  perfec- 

i*  Transposition  du  trou  de  si  [>  par  une  clef  mécanique 
qui  ouvre  dessus,  et  qui  présente  l'avantage  de  faire  dis- 
paraître un  tuyau  saillant  dans  l'intérieur  de  l'intrument, 
lequel  divisait  la  colonne  d'air  insuuluée;  l'écoulement 
d'eau  qui  avait  lieu  par  ce  Irou  a  disparu,  et  le  si  [>  fixé  des- 
sus est  devenu  plus  sonore  qu'avant  ce  nouveau  procédé. 

2°  Transposition  du  trou  de  sol,  remplacé  par  une  clef 
mécanique  plus  facile  a  l'aire  mouvoir  que  le  ponce  des- 
tiné à  bouclier  ce  trou,  d'après  l'ancienne  manière. 

5'  Clef  mécanique  pour  faire  le  trille  du  la  avec  si  jj. 

4*  Charnière  mécanique  qui  donne  avec  facilité  le  moyen 
de  couler  le  si  tj  avec  ut      et,  au  grave ,  le  mi  fc|  avec  fa 
ou  même  de  faire  le  trille  entre  ces  notes. 

5°  Charnière  mécauique  pour  couler  le  re  -,  avec  mi  j>, 
et  au  grave,  fa  $  avec  sol  (j ,  ou  même  de  faire  le  trille  entre 
ces  notes. 

6°  Autre  disposition  de  la  clef  de  si  au  grave  ,  on  fa  Jf  au 
clairon  ,  au  moyen  de  quoi  les  trilles  de  mi  ^  avec  fa 
dans  le  ton  de  Te  majeur ,  et  celui  de  la  jj  avec  si  b ,  dans  le 
ton  de  sol  majeur ,  sont  devenus  parfaitement  justes,  de 
faux  ou  même  iin pratiqua b les  qu'ils  étaient  par  l'ancienne 
manière. 

7"  Clef  de  si  i\  au  chalumeau  ,  indispensable  pour  faire 
la  trille  avec  ta  fc|. 

6'  Clef  d'ul  ?  on  si  fc| ,  pour  faire  le  trille  avec  si  \,  ou  ta  ff . 

Au  nom  de  la  .section  de  composition  musicale  ,  M.  Ber- 
ton  a  fait,  sur  ces  améliorations,  le  rapport  suivant,  dans 
la  séance  du  samedi  i"  décembre. 

«  Messieurs, 

<  fil.  Simiot,  enhardi  par  l'honorable  encouragement 
«  que  vous  lui  avez  donné,  lorsqu'cn  1817  il  vous  fit  en- 
«  tendreson  nouveau  basson,  vient  de  soumettre  à  l'exa- 
«men  de  votre  section  de  musique  le  procédé  imaginé 
«  et  exécuté  par  lui ,  tendant  à  corriger  les  imperfections 


Digitized  b/ Google 


.signalées  depuis  long-temps  par  tous  les  proWuw, 
-  dans  la  facture  dcsclarir.ciics.  Plusieurs  faetcurs  de  mé- 
■  rite  sont  parvenus  A  faire  quelque»  améliora  lion  s  par- 
«  belles;  ma  s  M.  Simiot  noua  parait  être  le  seul  qui  ait 
»  vér.tablcmcnt  le  plus  approché  du  bol.  Les  améliora 

*  "ons  annoncées  et  détaillées  dans  Je  mémoire  d-iolnl 

*  *o"t¥a7e"eS  ',e'1  i'exam|clJ  1ue  «on»  O"  avons  fait  ..oua  a 

.  De  plus.  M,  Simiot  a  fait  une  clarinette-alto;  depun 
«  long-temps,  Ja  symphonie  exécutée  par  des  instrumens  a 
«vent,  et- que  l'on  nomme  vulgairement  nwiqtu  d' har- 
«  monte,  réclamait  celte  nature  d'ïnslrumcns;  car  toute 
"  pièce  de  musique  composée  de  plusieurs  voix ,'a  toujours 
«  besoin  d'un  intermédiaire  entre  les  parties  graves  et  les 
■  parties  aiguës.  La  clarinette  alto  de  M.  Simiot  nous  a 
«  semblé  être  liés  propre  à  remplir  cette  l'onction. 

«  Mous  avons  l'honneur  de  proposer  à-  l'académie  de 
.  vouloir  bien  accorder  son  approbation,  à  noire  rapport, 
«  nori-scuIcment:  comme  une  chose  juste  et  hunorahlc 
T  S'nlio1,ln;lîs  al,S!iisou;j  les  apports  de  l'intérêt 

Signé  BoiELDrEU,  CiTEL,  Cbebebisi  ,  Lescebb. 

H.  Bestoï,  rapporteur, 
rapport  est  fuis  aux  voix  et  adop|é:par  l'académie. , 
Nous  avons  , parlé,  dans  notre  numéro,  du  9  août  der- 
iiJcr,  d'une  expérience  faite  par  M.  Caieyrc,'  devant  l'a- 
cadémie, dans  sa  séance  du  4  du  même  mois,  d'un  piano 
mètograplie ,  destiné  à  écrire  la  musique  ù  mesure  qtl'on 
l'exécute,  cl  nous  nous  somme* -e;ii;;i-Os  j  l'aire  connaître 
le  rapport  qui  serait  fait  à  cette  société  savante  sur  ccll' 
invention;  mais,  jusqu'à  ec  jour,  le  rapport  n'a  point  été 
fait. 

Depuis  lors  ,  le  j 5 septembre,  H.  Bandouiu  a  lu  à  l'aca- 
démieun  mémoire,  accompagné  de  dessins,  sur  un  autre 
piano  «télégraphe,  dont  il  est  inventeur.  Sur  l'observation 
que  le  jugement  de  ce  procédé  exigerait  le  concours  de 
quelques  membres  de  l'académie,  des  sciences  avec  ceux 
de  la  section  de  musique  ,  la  discussion  est  ajornoÉe, 


VARIÉTÉS. 


Nous  tirons  d'un  almanach  de  spectacles  italien  les  dé- 
tails suivans  sur  les  chanteurs  Lablache  et  Davide.  Ou  sait 
que  tous  les  suffrages  se  réunissent  en  faveur  du  premier; 
il  n'en  est  pas  de  mémo  du  second;  sî  son  talent  trouve 
des  admirateurs,  il  a  été  aussi  l'objet  de  critiques  amères. 
Tous  les  deux  parcourent  une  brillante  carrière. 

Louis  Lablache  est  né  à  Naples,  en  1795.  On  a  dît  qu'il 
était  originaire  de  Marseille;  mais  il  parait  certain  que 
ses  parens  étaient  fixés  en  Italie  depuis  long-temps.  Il  fut 
des  sou  enfance  destiné  a  la  musique ,  et  entra  au  eonser- 
valoire  de  Naples.  U  se  fit  surtout  remarquer  par  une 
merveilleuse  facilité  pour  apprendre ,  et  il  eh  donna  une 
preuve  trop  curieuse  pour  ne  pas  être  rapportée. 

Il  était  question  de  faire  exécuter  une  grande  sympho- 
nie par  les  élèves  du  conservatoire  de  Naples;  mais  on 
n'avait  pas  un  nombre  suffisant  de  joueurs  de  contre- 
basses. On  pensa,  non  à  en  faire  venir  un  du  dehors, 
mais  à  le  remplacer,  seulement  pour  la  symé trie,  à  laquelle 
il  paraissait  qu'on  tenait  beaucoup,  parmi  élève  qui,  se 
tenant  derrière  une  contrebasse,  ferait  semblant  déjouer, 
tandis  qu'il  lui  serait  réellement  interdit  de  pousser  une 
seule  fois  l'arc li et.  On  jeta  A  cet  effet  les  yeux  sur  La- 
blache, élève  des  classes  de  chant,  dont  la  grande  taille 
pouvait  produire  plus  d'illusion.  Le  jour  de  l'exécntio" 
définitive  arrivé,  quels  sont  et  l'étonncmcnt  de  tous  les 
symphonistes  qui  étaient  dans  le  secret  de  l'école ,  et  l'ef- 
froi du  pauvre  compositeur  en  voyant  que  Lablache  ne 
faisait  pas  semblant  de  jouer  de  la  contrebasse,  mais  qu'il 
poussait  cl  tirait  l'archet  en  conscience.  La  surprise  re- 
doubla quand  on  s'aperçut  que  tout  allait  au  mieux,  et 
que  le  symphoniste  improvisé  s'acquittait  de  sa  partie 
tout  aussi  bien  que  les  autres.  Depuis  le  moment  0(1  il 
avait  été  désigné  pour  l'emploi  de  mannequin ,  il  avait 


DigitizGd  t>y  Google 


5,9 

travaillé  jour  el  nuit  en  sécréta  se  familiariser  avec  le 
doigté  de  la  contrebasse  et  le  maniement  de  l'archet,  et' 
était  ainsi  parvenu  en  fort  peu  de  temps  à  se  rendre  utile. 
La  fatigue  que  lui  avait  occasionné  cet  exercice  violent , 
et  les  efforts  qu'il  avait  faits ,  lui  causèrent  une  maladie 
longue  et  douloureuse,  qui ,  heureusement,  le  dégoûla  de 
la  musique  instrumentale,  et  le  décida  à  s'adonner  aux 
éludes  de  chant. 

Son  premier  début,  comme  chanteur  dramatique,  eut 
lieu  au  petit  théâtre  San-Cartino,  à  N  a  pies,  dans  quelques  ' 
farces  oh  il  jouait  toujours  le  personnage  appcléflu//a  Na* 
poletano.  De  là,  il  passa  au  théâtre  de  Messine  oii  il  jeta  les 
fondent  eus  de  sa  réputation  dans  Lt  Trame  de/use,  et  dans 
gtiSposi  in  Cimenta.  Ce  fut  dans  cette  ville  qu'il  épousa 
Thèrise  Pinotli,  cantatrice  hahile  ,  dont  il  a  eu  plusieurs 
eufans.  Apiès  avoir  quitté  Messine,  il  passa  à  Païenne,  où 
il  chanta  alternativement  aux  théâtres  S.  Ferdinnndo  et 
Carolino.  Dans  l'automne  do  iSai,  le  succès  qu'il  a  ob- 
tenu à  la  Scala ,  à  Milan  ,  dans  les  opéras  de  la  Scioeca  ptr 
astuzia  et  daus  Elisa  e  Claudio,  l'a  sigualé  à  l'Italie  comme 
sa  meilleure  basse  chantante.  Rome,  Naples,  Milan  et 
Vienne  ont  entendu  Lablncshc  à  diverses  Époques,  et  ont 
payé  un  juste  tribut  d'éloges  et  d'applaudissemcns  à  son 
talent.  L'empereur  d'Autriche  t'a  nommé  l'un  des  mem- 
bres de  la  chapelle  Palatine,  et  le»  habitans  de  Vienne  ont 
fait  frapper  une  médaille  eu  son  honneur. 

Lablache,  qui  est  dans  la  plénitude  de  ses  moyens,  pos- 
sède une  voix  de  basse  grave,  étendue  et  souple.  Comme 
chanteur  et  comme  acleur,  il  excelle  également  dans  le 
genre  bouffe  et  dans  le  sérieux.  Il  chante  presque  toujours 
la  musique  de  Itossini  et  de  ses  imitateurs  ,  quoique  son 
goût  le  porto  vers  celle  de  Cimarosa  ,  de  Paisiello  et  des 
anciens  compositeurs  napolitains.  Il  est  excellent  musi- 
cien, et  compose  même  avec  facilité,  lia  donné  une  preuve 
de  sa  facilité  h  écrire ,  lorsque  le  marquis  don  Gregorio, 
de  la  famille  des  princes  de  Squilaee  ,  s'étant  charge  de 
mettre  eu  musique  l'opéra  Casa  da  Vendere,  et  étant  tombé 
malade  avaut  d'avoir  écrit  sa  partition  ;  fut  nhligé  de  i*~ 


m  élire  les  brouillons  informes  (le  ses  idées  à  Lablachc,  qui 
écrivit  l'ouvrage  eu  quelques  jours. 

Les  rôles  qui  ont  fait  le  plus  d'honneur  à  ce  chanteur 
sont  ceux  de  Figaro,  dans  le  Barbier  de  Sé ville,  Acdon  Ma- 
gni(îcot-,  dans  la  Cencrenlola .  île  Maomtllo  /,  A'Auur,  etc. 
Il  joue  et  chante  aussi  supérieurement  dans  //  Matrimo- 
nio  segreto  ,  dans  II  Sowalc  Lmniaginario  ,  de  Paisiello ,  et 
dans  la  Serra  Padrima  du  même  auteur. 

Aux  qualités  d'artiste  distingué,  Lablache  joint  celles 
d'honnête  homme,  de  bon  père  et  de  bon  époux;  il  jouit 
de  l'estime  de  tous  ceux  qui  l'ont  connu  et  qui  ont  des 
relations  particulières  avec  lui. 

—  Jean  Davide  est  né  à  Bergame ,  en  1790.  Son  père  , 
dont  le  nom  est  justement  célèbre  en  Italie,  etnièmedan» 
toute  l'Europe,  le  destinait  ainsi  que  lui  à  la  carrière  théâ- 
trale, et  semblait  lui  avoir  transmis  avec  l'existence  les 
plus  heureuses  dispositions  pour  l'art  du  clianl.  Il  parait 
toutefois  que  des  folies  de  Jeunesse  le  forcèrent  à  l'envoyer 
dans  le  Levant;  là,  Jean  Davide  se  livra  à  l'élude,  et  le  suc- 
cès couronna  ses  efforts.  C'est  à  Venise,  sur  le  grand  théâ- 
tre de  la  Feuice,  qu'il  chanta  pour  la  première  fois.  11  fut 
ensuite  engagé  par  le  directeur  Barbaja  pour  le  théâtre  de 
Vienne,  11  demeura  long-temps  dans  cette  capitale  ,  oii  il 
se  Gt  une  brillante  réputation  dans  Mosé  ,  la  Zeliflira  et 
dans  plusieurs  autres  beaux  ouvrages.  La  fatigue  d'un  ser- 
vice pénihle  et  la  rigueur  d'un  climat  si  différent  de  celui 
d'Italie,  altérèrent  sa  santé  et  l'obligèrent  à  quitter 
Vienne.  Il  revint  à  Venise  avec  Crivelli ,  auquel  Barbaja 
le  céda,  moyennant  une  somme  de  7,000  fr. ,  l'engagement 
de  Davide  avec  lui  n'étant  pas  entièicnient  terminé. 

Ce  chanteur,  doué  parla  nature  de  beaucoup  de  moyens, 
te  contente  d'étourdir  la  foule  par  des  tours  de  force.  11 
abuse  d'uuc  facilité  qui,  mieux  dirigée,  aurait  pu  lui  assu- 
rer un  beau  nom  dans  les  fastes  du  théâtre.  Les  difficultés 
qu'il  exécute  appartiennent  plutôt  à  un  inslrument  qu'à 
la  voix.  Sans  doute  ce  qu'il  l'ait  est  prodigieux  ;  aucun  au- 
tre que  lui,  peut-être,  ne  pourrait  même  le  tenicr;  mais 
jamais  il  ne  touche  le  coeur,  jamais  il  n'excite  la  moindre 


Digitizcd  b/ Google 


émotion.  Il  est  impossible  (l'être  moins  acteur  que  lui  , 
dans  les  momens  les  plus  passionnés  ,  il  demeure  immo- 
bile, il  n'est  sur  la  scène  que  pour  chanter.  On  le  voit  se 
balancer,  battre  la  mesure  avec  les  épaules  et  les  bras, 
remuer  la  lète,  etc.,  etc.  On  pourrait  encore  l'accuser 
des  erreurs  les  plus  grossières  dans  les  paroles  ,  erreurs 
qui  semblent  dénoter  une  profonde  ignorance  ,  si  ce  n'é- 
tait une  bien  légère  faute  ,  aujourd'hui  que  la  poésie  dra- 
matique n'est  plus  considérée  que  comme  une  chose  in- 
signifiante par  elle-même ,  destinée  seulement  à  recevoir' 
les  noies  du  compositeur.  Quoique  disent  les  enthousiastes 
de  Davide,  il  ne  pourra  jamais  compter  au  nombre  de 
ses  admirateurs  ceux  qui  vont  au  théâtre ,  non-seulement 
pour  entendre  chanter,  mais  aussi  pourvoir,  pour  sen- 
tir, pour  Être  émus. 


NOUVELLES  DE  PARIS. 


INSTITUTION  ROYALE  DE  MUSIQUE  RELIGIEUSE. 

PREMIER  BKEn  CI  CE. 


L'ode  de  Drydcn,  ou  le  Banquet  d' Alexandre ,  musique 
d'IIxndcl,  vient  d'être  exécutée  par  les  élèves  de  M.  Cho- 
ron, avec  un  ensemble  qui  fait  donneur  aux  principes  éta- 
blis par  cet  babile  professeur.  Ce  magnifique  ouvrage  a 
été  entendu  et  écouté  dit  commencement  à  la  fin  dans  un 
religieux  silence ,  et  universellement  applaudi  par  tout  ce 
que  l'art  offre  de  plus  distingué,  soit  en  professeurs,  soit 
en  amateurs.  Les  suffrages  ont  été  unanimes  et  énergiques 
tout  à  la  fois.  Qui  pénétrera  les  secrets  d'une  si  vaste  com- 
position ?  qui  osera  s'introduire  dans  l'arche  sainte  pour 
en  expliquer  les  mystères  ?  Pwu/  esteprofani!  Pour  juger 
■.m,  tel  monument,  dix  séances  ne  seraient  pas  suffisantes. 
Ce  ne  serait  même  pas  assez  qu'une  grande  instruction  et 


53'i 

l'habitude  do  J'analyse  pour  remplir  une  si  haulc  tâche 
avec  quelque  utilité.  Il  OB  faut  dune  pas  recourir  à  un  es- 
prit étranger;  c'est  l'œuvre  m 6 me  qu'il  faut  d'ahord  bien 
consulter;  il  faut  bien  comprendre  comment  l'an  leur  l'a 
fondé,  ne  jamais  lui  prêter  un  autre  langage  que  celui 
qu'il  préfère.  Alors  de  cet  œuvre  étonnant  jailliront  des 
flots  de  lumière  dont  l'art  s'éclairera  pour  jamais.  C'est 
par  cet  unique  moyen  que  l'observateur  obtiendra  le  fruit 
de  ses  méditations  et  le  prix  de  son  amour  pour  un  art  que 
le  eiel  a  mis  sur  la  terre  comme  un  lénitif  consolateur 
des  humaines  misères. 

Quoiqu'il amdel  écrive,  c'est  toujours  1c gcantdcB musi- 
ciens, c'est  toujours  Homère.  Ses  œuvres  sont  innombra- 
bles, et  presque  tous  ont  triomphé  du  temps.  lia,  jusqu'à 
plus  de  quatre-vingts  ans,  conservé  intact  son  génie  et  son 
talent;  il  n'a  jamais  dévié  de  la  noble  route  qu'il  s'était 
tracée;  des  concetti,  des  mignardises ,  de  la  mode,  jamais.  Il 
semble  que  Haydn,  Mozart,  Chérubin!,  Beethoven  et 
quelques  autres  privilégiés  se  soient  donné  le  mot  d'ordre 
avec  lui  ù  ce  sujet.  Gaudeant  henc  nali! 

Je  termine  ce  petit  article  par  les  trois  morceaux  qui 
ont  préludé  à  la  cantate;  savoir,  le  Splenditc,  de  Mozart, 
mêlé  de  solos  bien  exécutés  et  bien  nuancés  ;  ensuite  le 
beau  duo  Lauda  Sîon  ,  de  Cherubiui.,  chanté  par  deux  voix 
angéliques;  et  enfin  le  Laudate,  de  llolle.  II  est  également 
juste  de  proclamer  hautement  les  brillantes  voix  de  ténor 
et  de  basse  ',  de  distinguer  encore  les  soprani  *,  et  enfin 
le  riche  et  magique  ensemble  que  produisent  les  masses 
d'harmonie  dans  leurs  développemens  et  dans  leurs  effets. 
Par  les  applaudissement  généraux  et  sincères  qui  ont  cou- 
ronné cette  première  séance,  M.  Choron  a  du  juger  que 
la  reconnaissance  publique  sait  apprécier  le  vrai  mérite. 

P.  PORRO. 

(i)  MM.  Varlel  ti  de  Villen. 
(s)  SI11"  Tardicu  cl  Krambé. 


DigrtiroO  ai  Google 


535 


CONCERTS 

Ut  M""  SîWihAUSEK  ,  ue  M.  Mesbal,  IIE  M.  Heiu, 
ET  DE  MM.  BOHEEE  FRFRE». 


On  peut  considérer  les  concerts  multipliés  qu'on  entend 
à  Paris  chaque  hiver  sous  deux  rapports  principaux  :  d'a- 
bord sous  celui  du  talent  des  exécutans  ;  ensuite  sous  celui 
du  choix  de  la  musique.  Si  la  critique  et  l'éloge  se  balan- 
cent en  ce  qui  concerne  le  premier  objet,  il  [n'en  est  pas 
de  même  du  second.  Le  système  des  peliles  dimensions  se 
développe  chaque  jour  davantage  :  a  la  majestueuse  sym- 
phonie a  succédé,  dans  beaucoup  de  soirées  ,  le  modeste 
quatuor;  le  piano  lient  souvent  lieu  d'orchestre;  le  con- 
certo a  disparu  devant  la  fantaisie  ou  le  rondo,  et  l'insi- 
pide air  varié  se  reproduit  plusieurs  fois  dans  la  même 
soirée.  Plus  de  Gluck,  plus  de  Mozart,  plus  de  Païsiello, 
plus  Je  Cimarosa  ,  plus  du  Chérubini  parmi  les-auteurs  de 
morceaux  de  chant  qu'on  nous  donne;  un  seul  homme  eu 
fait  tous  les  frais.  Cet  homme  se  distingue  à  la  vérité  par 
son  génie;  mais  toujours  le  même  ton,  toujours  les  mêmes 
formes ,  toujours  les  mêmes  chants  qu'on  reproduit  encore 
comme  thèmes  de  morceaux  de  musique  instrumentale  1 

Encore  si  l'on  cherchait  à  varier  un  peu  cette  uniformité 
en  puisant  dans  toutes  les  compositions  de  ce  maître; 
mais  non  :  l'intrépide  amateur  qui  ose  affronter  toutes  les 
soirées  de  musique  est  exposé  à  entendre  trente  ou  qua- 
rante fois  dans  l'hiver  le  même  air,  le  même  duo,  la  même 
romance  ou  le  même  nocturne.  Aussi,  malgré  la  bonne 
contenance  affectée  de  la  plupart  de  nos  ditettanti,  l'ennui 
se  peint-il  sur  leur  visage.  Eu  vain  s'en  prennent-ils  aux 
exécutans  (qui  ne  sont  pas  toujours  irréprochables,  j'en 
conviens);  en  vain  cherchent-ils  i\  dissimuler  le  mal  qui 
les  oppresse;  ce  mal  réel,  la  satiété,  les  poursuit  sans 
cesse,  et  ne  leur  laisse  pas  même  l'espoir  de  changer  de 


5a(i 

condition.  Chez  eux  les  ressorts  île  la  sensation  sont  re- 
lâchés; l'excessif  usage  (le  celte  musique,  naguère  leur 
idole,  en  les  dégoûtant  de  toute  autre  musique,  a  é  moussé 
leurs  sens,  et  les  a  rendus  tout  à  la  fois  inhabiles  à  en 
apprécier  d'autre,  et  incapables  de  continuer  à  n'entendre 
que  celle-là.  C'est  une  génération  morte  pour  la  musique. 

M  aïs  nous!  nousqui  sommes  leurs  victimes, que  nous  est-il 
réservé?  Fontenelle  s'écriait  :  Sonate,  que  me  veux-tu?  Nous 
dirions  volontiers:  Sonale,  oàcs-tu?  Je  l'ai  dit  quelque 
part,  l'art  ne  périra  pas  ;  mais  je  crains  que  nous  ne  soyons 
à  l'entrée  d'une  période  de  langueur  dont  il  est  difficile 
d'assigner  latin.  Hais  laissons  ces  tristes  réflexion*,  et  ve- 
nons à  ces  concerts  qui  les  ont  fait  naître. 

Le  joli  talent  de  madame  Slockhauscn.  soutenu  de  ce- 
lui de  tous  les  artistes  qui  l'environnaient,  n'avait  pas  cL; 
suffisamment  prôné  pour  attirer  une  nombreuse  assemblée 
à  la  soirée  quelle  a  donnée  à  la  salle  Cléry.  Cependant 
cette  aimable  cantatrice  a  déployé  assez  de  talent  dans 
celte  soirée  pour  inspirer  des  regrets  à  ceux  qui  n'y  ont 
]  oint  assisté.  Dans  le  duo  de  la  Donna  de!  I.ngo,  qu'elle  a 
chanté  avec  M .  Dommange,  elle  a  approché  de  la  perf  ection; 
elle  a  aussi  fort  bien  chanté  un'  air  insignifiant  de  Soltia, 
et  surtout  des  airs  suisses  dont  elle  possède  dieu  la  tradi  - 
tion.  Moins  heureuse  dans  le  grand  air  de  Moïse,  el  e  a 
été  inférieure  à  mademoiselle  Cintî,  qui  cependant  n'y 
était  pas  irréprochable.  Il  est  remarquable  que  ce  beau 
morceau  n'a  pas  été  compris  jusqu'ici  par  les  cantatrices 
qui  s'y  sont  hasardées.  A  l'égard  de  madame  Slockllauscn, 
je  crois  qu'il  demande  une  énergie  que  ses  moyens  ne  lui 
permettent  pas  de  donner. 

La  partie  instrumentale  du  concert  de  M™  Slockhauscn 
se  composait  d'un  solo  de  cor ,  qui  a  été  fort  bien  exécuté 
par  M.  Mengal  ,  d'un  rondo  pour  le  piano,  dans  lequel 
M-  Hérault,  qui  s'est  déjà  l'ait  connaître  par  quelques 
compositions  agréables,  a  montré  un  talent  réel  de  la  plus 
belle  école,  et  d'une  fantaisie  pour  piano,  hautbois  et  vio- 
loncelle ,  sur  des  thèmes  de  Moïse  ,  exécutée  par  la  même 
dame  et  MM:  Vogt  et  Baudiot.  Ce  morceau  a  été  fort  ap- 


Dijitizod  by  Google 


5aS 

plaudi.  M.  Stockhauscu  ajoué  aussi  deux  morceaux  sur  la 
harpe;  pourquoi  faut- il  que  j'aie  ù  parler  de  M.  Slockhau- 
sen  ?  C'est ,  dit-on  ,  un  bon  professeur,  et  c'est  de  plus  un 
honnête  homme  ;  mais  il  a  grand  tort  déjouer  de  la  harpe 
eu  public,  car  il  n'en  joue  pas  bien. 

—  La  soirée  musicale  de  M.  Mental,  qui  a  suivi  celle 
de  M™  Slockhausen,  et  qui  s'est  donnée  dans  les  salons  de 
M.  Dietz  '  ,  avait  réuni  la  plus  brillante  soi  iété.  Le  bé- 
néficiaire s'est  distingué,  dans  une  fantaisie  pour  le  cor, 
de  la  plus  grande  difficulté,  dans  un  duo  pour  harpe  et 
cor,  qu'il  a  joué  avec  M.  Jacqmaiu,  et  dans  l'accompa- 
gnement de  la  jolie  romance  d".  M.  Panserou,  qui  a  pour 
tilre  :  te  Cor.  M.  Guebauer  a  joué,  avec  une  grande  netteté 
et  le  plus  beau  son,  une  fantaisie  sur  des  thèmes  du  Freîs- 
ehutz.  M.  Camille  Pclit,  qui  s'est  fait  entendre  dans  un 
rondo  et  dans  une  fantaisie  ,  est  un  très  habile  pianiste. 
Son  jeu  est  d'une  grande  précision;  ses  grandes  mains 
lui  permettent  d'embrasser  unje  partie  du  clavier  et  de  lier 
son  jeu.  Je  crois  qu'il  a  eu  tort  déjouer  deux  morceaux 
de  suite  sans  intermédiaire;  il  en  est  résulté  de  la  moiïo- 

Les  débuts  do  M.  Tilmant  avaient  promis  un  violoniste 
habile;  il  ne  justifie  pas  aujourd'hui  les  espérances  qu'il 
avait  données.  11  n'a  été  que  médiocre  dans  le  rondo  qu'il 
a  joué  dans  cette  soirée.  A  propos  de  violons  ,  à  quoi  pen- 
saient donc  les  artistes  qui  composaient  le  quatuor  d'ac- 
compagnement du  solo  de  cor,  et  de  celui  de  violon.  Il  est 
impossible  déjouer  avec  plus  de  négligence  :  disons  le  mot; 
il  est  impossible  de  jouer  plus  mal.  Ces  messieurs  devraient 
se  souvenir  que  s'il  n'y  a  pas  de  gloire  à  acquérir  dans  un 
accompagnement  soigné  ,  il  y  a  du  plaisir  à  donner  et  à 
recevoir. 

On  a  entendu  avec  un  nouveau  plaisir  M"  Slockhausen 
dans  cette  soirée:  elle  y  a  redit  avec  H.  Douimange  le  duo 
de  la  Donna  det  Lago,  et  un  air  avec  accompagnement  de 
harpe.  Des  romances  de  M.  Romagnesi  ont  terminé  le 
concert,  dont  l'exécution  générale  a  été  plus  satisfaisante 

(i)  Rue  N cuve- Saiul- A ugmlin ,  à.  a3. 


5a6 

qu'elle  nt  l'est  ordinairement  dans  ces  sortes  de  réunions 
hétérogènes.  —La  fêle  de  Noël,  en  faisant  fermer  tous  les 
théâtres,  ne  laissait  que  deux  concerts  pour  dédommage- 
ment; l'un  donné  par  M.  Herz  jeune  nu  théâtre  de  Ma- 
dame ,  l'autre  par  MM.  Bolirer  frères  à  l'Opéra. 

Comme  il  arrive  fort  souvent,  le  programme  du  pre- 
mier a  été  peu  respecté  quant  à  l'ordre  des  morceaux. 
Mais  pourvu  qu'on  entende  des  artistes  comme  MM.  Herz, 
Lafont,  Pixis,  Lût  et  Schot,  peu  importe  l'ordre  dans 
lequel  ils  se  présentent.  M.  Henri  Herz  a  fait  des  prodiges 
d'adresse  et  de  légèreté  dans  son  concerto  et  dans  ses  au- 
tres morceaux.  Ses  variations  pour  piano  et  violon  obligé 
sur  la  marche  de  Moïse  ont  eu  un  succès  d'enthousiasme. 
11  est  impossible  d'avoir  un  jeu  plus  fini  et  plus  brillant 
que  celui  de  MM.  Lafont  et  Herz  dans  ces  variations. 
Le  morceau  pour  piano  à  huit  mains  est  d'un  bel  effet  : 
en  nommant  MM.  Herz  frères,  Pixis  et  Lizt,  je  n'ai  pas 
besoin  de  dire  qu'il  a  été  bien  exécuté.  Quant  au  solo  de 
clarinette  joué  par  M.  Schot,  j'ai  déjà  eu  occasion  de 
vanter  le  beau  talent  de  cet  artiste,  dont  le  jeu  rappelle 
celui  de  son  maître  llacrmann. 

Le  trio  de  Rkciardo  était  destiné  à  être  chanté  médio- 
crement deux  fois  dans  la  même  soirée ,  l'une  à  l'Opéra , 
l'autre  au  théâtre  de  Madame,  par  M"'  Schulx,  Marinooi 
et  M.  Dommango.  La  suppression  du  chœur  de  femmes, 
si  joli,  qui  interrompt  ce  trio,  a  beaucoup  nui  à  son  effet 
aux  deux  concerts.  En  général,  le  chant  a  été  faible  au 
concert  de  M.  Herz.  N'étant  arrivé  dans  la  salle  qu'après 
l'ouverture  d'Obéron ,  je  ne  puis  en  parler  ;  elle  paraissait 
n'avoir  fait  sur  quelques  amateurs  que  l'effet  d'uu  mor- 
ceau bizarre. Quant  à  celle  du  jeune  Henri,  il  semble  qu'on 
soit  décidé  ù  en  dégoûter  le  public,  car  on  la  joue  partout  : 
la  veille  encore  elle  avait  été  exécutée  a  l'Odéon. 

La  fatigue  d'un  service  accablant ,  tant  a  l'Opéra  qu'à 
la  chapelle,  sous  lequel  succombent  la  plupart  des  ar- 
tistes, ne  permet  pas  d'être  sévère,  ni  d'insister  sur  la 
médiocrité  de  l'exécution  dans  le  concort  de  M.  liohrer. 
Je  ne  parlerai  donc  que  de  ces  deux  artistes  étrangers.  Tout 


Digitized  û/ Google 


S27 

en  rendant  justice  à  leur  (aient  comme  exécutaiis,  je  ne 
puis  m'empécher  de  leur  faire  remarquer  que  s'ils  man- 
quent souvent  l'effet  sur  lequel  ils  comptent,  ils  ne  doi- 
vent s'en  prendre  qu'au  choix  de  leur  musique.  Le  con- 
certo de  MM.  A.  Bolirer  est  un  labyrinthe  de  traits  dans 
lequel  on  n'aperçoit  qu'un  plan  défectueux,  que  des  idées 
communes  déparentencore.  Mais  qu'a-t-on  prétendu  faire 
dans  cette  prière  de  Moïse  à  cinq  basses?  Avec  un  sem- 
blable appareil  de  moyens,  il  faut  produire  une  augmen- 
tation d'effet  ;  cependant  il  n'est  personne  qui  n'ait  désiré 
d'entendre  ce  beau  chant  seul  et  avec  son  accompagne- 
ment accoutumé  ,  au  lieu  d'un  morceau  prétentieux. 
Maïs  ce  n'eut  rien  encore  que  cela  en  comparaison  du  duo 
de  violon  et  basse.  Ah!  messieurs  Bohrcrï  vous  qui  êtes 
Allemands  !  vous  qui  aimez  la  musique  de  Beethoven,  et 
qui  la  jouez  bien  ,  pouvez-vous  descendre  à  de  pareilles 
choses?  J'avoue  que  j'ai  été  la  dupe  du  charlatanisme  de  ce 
morceau,  et  que  j'ai  cru  qu'à  la  suite  de  ces  phrases  incohé- 
rentes le  morceau  commencerait;  mais  il  n'eu  a  rien  été, 
et  le  tout  s'est  terminé  par  une  mystification.  Quand  on  a 
un  talent  réel,  il  faut  se  respecter  davantage. 

M"  Pisaroni  était  dans  un  mauvais  jour,  et  n'a  pas 
aussi  bien  chanté  l'air  de  Vltatlana  que  de  coutume. 

—  Don  Jaa<t,  opéra  de  Mozart,  arrangé  pour  la  scène 
française  par  M.  Castil-Blazc,  a  obtenu  beaucoup  de  suc- 
cès à  l'Odéon ,  le  a4  de  ce  mois ,  quoique  les  acteurs  eus- 
sent peu  d'assurance,  et  que  l'exécution  ait  été  bien  faible. 
J'attendrai  que  deux  ou  trois  représentations  aient  donné 
h  chacun  plus  d'habitude  de  son  rôle  pour  rendre  compte 
de  l'effet  de  cette  pièce.  Je  ne  puis  cependant  me  décider 
à  retarder  les  élnges  qu'on  doit  à  Duprez  pour  la  manière 
distinguée  dont  il  a  chanté  son  air.  J'engage  M™  Schutz  à 
chanter  plus  vite  le  rondo  batli,  batti;  du  mouvement 
dont  elle  le  prend,  cet  air  est  dénaturé.  Me  trompé-jé?  Je 
crois  être  certain  qu'il  y  a  des  contrebasses  sons  les  traits 
du  violoncelle  dans  l'allégro  de  cet  air ,  et  cependant  elles 
n'ont  pas  joué. 


528 

—  M.  Boïeldieu ,  que  le  Boin  de  sa  santé  oblige  à  passer 
la  plus  grande  partie  de  l'année  à  la  campagne ,  sollicitait 
depuis  long-temps  sa  relraite  de  la  place  de  professeur  de 
composition  à  l'École  royale  de  musique;  II.  le  vicomte  de 
larochefoucault  vient  de  la  lui  accorder,  avec  la  pension 
à  laquelle  il  a  droit  après  trente  ans  de  service. 

—  M11*  Sbntag  est  arrivée  à  Paris;  elle  débutera  le  pre- 
mier janvier  prochain  par  le  rôle  de  Desdemona  dans  Otctlo; 
les  ouvrages  qu'elle  jouera  ensuite  sont  :  i"  le  Barbier;  a*  la 
Donna  del  Lago;  3'  taCcnerentola. 


ANNONCES. 

—  Album  musical  de  M.  Amédée  de  Bcauplan  ,  un  joli 
volume  cartonné,  doré  sur  tranche,  huit  romances  , 
chansonnettes  ou  nocturnes ,  avec  huit  lithographies. 

Piano,  la.  — Guitare  8  fr.  Chez  Frère,  passage  des 
Panoramas,  n"  iG. 

—  Six  grands  duos  pour  violon  et  violoncelle ,  compo- 
sés et  dédiés  à  S.  A.  It.  monseigneur  le  duc  de  Cambridge, 
par  les  frères  Bobrer,  œuvre  4»3  liv.  î  et  a.  Pris  la  fr. 
chaque. 

Paris,  les  fils  B.  Schott,  place  des  Italiens,  n*  î. 
Mayencc ,  chez  les  mêmes.  — Anvers,  chez  A.  Schott. 

Ces  duos  ne  sont  point  dans  le  genre  de  ceux  que 
MM.  Bohrer  ont  jouéàleurs  divers  concerts,  c'est-à-dire, 
des  espèces  de  fantaisies  sur  des  thèmes  choisis  ;  maïs  des 
morceaux  dans  la  manière  classique. 


5*9 


BIOGRAPHIE. 


Bvun  (Charles  ),  docteur  en  musique,  est  né  à  Shrews- 
bury,  dans  lo  mois  d'avril  1736.  Les  premiers  élémens  de 
son  art  lui  furent  enseignés  par  un  organiste  de  la  cathé- 
drale de  Chester,  nommé  Baker.  Son  beau-frère,  maître 
de  musique  à  Shrewsbury,  lui  donna  ensuite  des  leçons  de 
basse  chiffrée.  A.  l'âge  de  dix-huit  ans,  il  fut  envoyé  à  Lon- 
dres, et  placé  sous  la  direction  do  docteur  Ame.  A  peine 
avait-il  achevé  ses  études  près  de  ce  oélebre  compositeur, 
qu'il  fut  nommé  organiste  de  l'église  de  Saint-Denis  iti 
Fenchwch-Street.  Il  entra  aussi,  commo  instrumentiste,  au 
théâtre  de  Drury-Lane,  pour  lequel  il  écrivit,  en  ij5i,  un 
petit  opéra-comique  intitulé  Robln-Hood  qui  n'obtint  pas 
de  succès.  Dans  l'année  suivante,  il  composa  pour  le  même 
théâtre  la  pantomime  de  la  Reine  Mab  (QueenMai ) ,  qui 
fut  mieux  accueillie;  mais  Burney  ne  retirait  de  tout  cola 
que  peu  d'argent,  et  ses  moyens  d'existence  étaient  si  peu 
assurés  qu'il  fut  obligé  de  quitter  Londres,  et  d'acccptcr 
une  place  d'organiste  à  Lynn,  dans  le  comté  do  Norfolk. 

Il  passa  neuf  années  dans  ce  lieu,  et  y  conçut  le  plan 
d'une  Histoire  générale  de  In  musique,  pour  laquelle  il  lit 
des  éludes,  et  rassembla  desmatériaux.  Sesdevoirs,  comme 
organiste,  ue  l'empêchaient  pas  défaire  quelquefois  a  Lon- 
dres des  voyages  pour  y  faire  graver  ses  ouvrages.  Enfin  les 
sollicitations  de  ses  amis  le  ramenèrent  dans  cette  ville,  où 
il  se  fixa.  Il  y  fit  imprimer  en  1766  plusieurs  concertos 
pour  le  piano,  et  composa  pour  le  théâtre  de  Drury-Lanc 
un  divertissement  intitulé:  The  cwming  mon  (l'Homme 
adroit),  qu'il  avait  traduit  du  Devin  du  village  de  J.J.  Rous- 
seau. Cet  ouvrage  ne  réussit  pas,  quoique  la  musique  fut, 
dit-on,  fort  jolie.  Ce  fut  vers  le  même  temps  que  l'univer- 
sité d'Oxford  lui  conféra  le  grade  de  docteur  en  musique. 
En  1770,  il  fit  un  voyage  en  France  et  en  Italie,  dams  le 
but  de  recueillir  des  matériaux  pour  son  Histoire  ne  ta  mu- 
1,  vol..  45 


58b 

sique.  Du  retour  en  Angleterre,  il  y  publia,  en  ijji,  le 
journal  de  son  voyage.  L'aimée  suivante  il  parcourut  l'Al- 
lemagne, les  Pays-Bas  et  la  Hollande,  sous  le  même  point 
de  vue,  et  il  fit  également  paraître,  en  I7j3,  le  résultat 
des  observations  faites  dans  ce  second  voyage. 

Dès  l'arrivée  de  Burney  sur  le  continent,  le  plan  de  l'ou- 
vrage qu'il  projelait  était  an-été,  et  s'il  y  fit  quelques  légers 
changement,  ils  lui  furent  suggérés  plutôt  par  des  circon- 
stances particulière»  que  par  des  observations  profondes 
oui  auraient  motivé  ces  modifications:  C'est  sans  doute  à 
cette  cause  qu'il  faut  attribuer  la  marche  un  peu  super- 
ficielle qu'on  remarque  dans  le  Journal  du  docteur  Burney. 
Il  s'était  fait  un  cadre,  et  ne  cherchait  que  ce  qui  pouvait 
y  entrer,  au  lieu  de  s'être  proposé  de  l'agrandir,  si  quel- 
que découverte  inattendue  venait  lui  révéler  des  faits  dont 
ses  lectures  précédentes  n'avaient  pu  lui  donner  l'idée. 
Aussi  le  voit-on  passer  à  côté  de  monumens  curieux  exis- 
tant dans  nos  bibliothèques,  sans  les  apercevoir.  Je  cite- 
rai à  cet  égard  ta  musique  du  moyen  âge  et  antérieure  an 
quinzième  siècle,  qu'il  n'a  fait  qu'entrevoir.  L'avantagele 
plus  réel  qu'il  lira  de  ses  voyages,  fut  de  rassembler  une 
belle  collection  de  livres  anciens  et  de  manuscrits  relatifs 
à  son  art,  lesquels  deviennent  chaque  jour  plus  rares. 
Quoi  qu'il  en  soit,  le  moment  do  mettre  sou  projet  à  exé- 
cution était  arrivé,  et  il  se  livra  à  la  rédaction  de  son  livre, 
qui  l'occupa  pendant  quatorze  années.  Le  premier  volume, 
intitulé  :  A  général  Hïstory  of  Music ,  parut  en  1-76.  Il 
contient  l'histoire  de  la  musique  chez  les  peuples  de  l'an- 
tiquité, jusqu'à  la  naissance  de  Jésus-Christ.  Le  second, 
publié  en  ij8a,  traite  de  la  musique,  depuis  le  commen- 
cement de  l'ère  chrétienne  jusqu'au  milieu  du  seizième 
siècle.  Le  troisième,  qui  fut  imprimé  cinq  ans  après, 
contient  l'histoire  delà  musique  en  Angleterre,  en  Italie, 
en  France  ,  en  Allemagne,  en  Espagne  et  dans  les  Pays- 
Bati.  Enfin,  le  quatrième  volume,  sorti  de  la  presse  en 
i;8(S  ,  comprend  l'histoire  de  la  musique  dramatique  de- 
puis sa  naissance  jusqu'à  la  fin  du  dix-huitième  siècle. 
Da  ns  le  temps  oii  paraissait  le  livre  de  Burney,  HawLins, 


e«J  by  Google 


.-i  il  Ire  toriv&io  anglais,  en  publiait  uD  sur  le  même 
sujet,  en  cinq  volumes  in-4';  mais  cos. deux  ouvrage?- 
curent  un  sort  bien  différent.  Celui  de  Hawkms,  dé- 
précié à  son  apparition  par  tous  lesjouruaux  littéraires, 
n'eut  aucun  succès.  Celui  de  Burney,  au  contraire,  pour 
lequel  lesprinces,  les  grands.lessavansetlesarlislcs  avaient 
souscrit,  fut  prdné  dans  loute  l'Europe  ;  et  tellofutla  faveur 
qui  l'accueillit,  que  la  lenteur  de  sa  publication  ne  nuisit 
point  a  son  succès.  Convenons-eu,  il  y  eut,  dans  cette  dif- 
férence de  destinée  des  deux  livres ,  tin  nouvel  exemple  des 
caprices  de  la  fortune  et  de  l'injustice  qui  préside  souvent 
aux  jugemens  humains.  Bien  supérieur  à  l'histoire  deHaw- 
kins,  sous  le  rapport  du  plan  ,  l'ouvragede  Burney  lui  cÈdc 
quelquefois  pour  les  détails,  et  n'est  pas  exempt  de  re- 
proches ù  d'autres  égards.  J'ai  dit  la  cause  do  ses  défauts  en 
parlant  des  voyages  de  l'auteur.  Toutefois,  les  choses  esti- 
mables qu'on  y  trouve  ont  consolidé  sa  réputation.  Plu- 
sieurs ouvrages,  qu'on  a  publiés  depuis  sur  le  mémo  sujet, 
ne  sont  guère  que  des  copies  de  celui  do  Burney,  en  tout 
ou  en  partie.  (F oyez  Busby,  Forkel  et  la  Nouvelle  Ency- 
clopédie anglaise.  ) 

Après  les  grandes  fêtes  musicales  données  à  l'abbaye  de 
Westminster  ,  en  )j84  et  ij85,  en  commémoration  d<: 
liaendel,  le  docteur  Burney  fut  chargé  d'en  publier  la  des- 
cription ,  accompagnée  d'une  notice  sur  ce  musicien  cé- 
lèbre ;  elle  parut  a  Londres,  en  un  vol.  in-folio.  Il  est  aussi 
l'auteur  d'une  vie  de  Métastase  et  de  quelques  autres  ou- 
vrages littéraires. 

Lc  docteur  Burney  habita  pendant  plusieurs  années  la 
maison  de  Newton  ,  St.  -  Martiu'i  strect ,  Lciccster-fieUU  ; 
mais  ayant  été  nommé  organiste  de  l'hôpital  do  Cheisea 
eu  1790,  il  eut  dans  cet  hôpital  un  logement  qu'il  occupa 
pendant  les  vingt-quatre  dernières  années  de  sa  vie.  Il  est 
mort  en  i8i4,àgédequatre-viugt-huitans.  Les  hommes  les 
jilus  distingués  de  l'Angleterre  assistèrent  à  ses  funérailles. 

Recommauduble  pur  ses  talens  et  son  savoir,  Burney 
ne  l'était  pas  moins  par  l'amabilité  de  son  caractère  et  ses 
vertus  sociales  ;  aussi  était-il  généralement  aimé  de  cchjl 


55a 

qui  avaient  eu  (les  relations  avec  lui.  Il  avail  été  marié 
deux  fois,  et  avait  eu  huit  enfiins,  parmi  lesquels  or  re- 
marque, i°  Charles  Burney  de  Grecnwich,  l'un  des  plus 
savuns  hellénistes  de  l'Angleterre;  3°  le  capitaine  Burney, 
qui  a  faille  tour  du  monde  avec  le  capitaine  Cook,  et  qui 
a  publié  une  Histoire  des  découvertes  maritimes ,  ouvrage 
fort  estimé;  3°  Miss  Burney;  depuis,  madame  d'Arblay, 
auteur  des  romans  i'Évetina,  de  Céeitia,  de  Camilta,  et  de 
quelques  autres ,  qui  ont  eu  beaucoup  de  succès.  La  riche 
bibliothèque  du  docteur  Burney  a  été  vendue  k  l'encan  en 
i8i5,  et  le  catalogue,  qui  présente  des  objets  d'un  haut 
ïnlérGt ,  a  été  imprimé. 

Il  ne  me  reste  plus  qu'à  donnerquelques  détails  sur  ses 
écrits  et  ses  composions.  On  lui  doit  :  I.  Plan  of  a  publie 
music  Schoel.  (Plan  d'une  école  publique  de  musique  )  , 
Londres,  ij6j.  II.  Translation  of  sign.  Tartini's  Lettir  ta 
sign.  Lombardini  published  as  an  important  Lésion  to  performers 
on  the  viotin.  (  Traduction  d'une  lettre  de  Tartini  a  Lom- 
bardini, publiée  comme  un  avis  import  an  t  à  ceux  qui  jouent 
du  violon),  Londres  1771,  in-4°.  III.  The  présent  state  of 
Blusic  in  France  and  Jtaty,  or  the  Journal  of  a  toart  hrough 
tkose  countries  ,  underiaken  to  eotlect  materiaU  fora  générât 
history  of  music  (  L'état  actuel  de  la  musique  en  France  et 
eu  Italie  ,  ou  Journal  d'un  voyage  entrepris  dans  ces  con- 
trées pour  rassembler  les  matériaux  d'une  histoire  générale 
delamusique),  Londres,  1771»  in-8".  Il  parut  une  deuxième 
édition  de  ce  voyage  en  1773,  Londres,  in-8".  IV.  Thepre- 
sent  state  of  music  in  Germany,  the  Netherland,  undUnited-Pro- 
vinces,  or  the  Journal,  etc.  Londres,  1773,  a  vol.  in-8". 
deuxième  édition,  Londres,  1775,  a  vol.  in-8".  Ce  jour- 
nal du  Voyage  en  Allemagne,  en  Hollande  et  dans  les  Pays- 
Bas  ,  est  fait  sur  le  même  plan  que  celui  du  Voyage  en 
France.  Ebeliug  a  traduit  en  allemand  le  premier  Voyage 
de  Burney  sous  ce  titre  :  Tagebuch  elner  Mu&ikal'tschen  reise 
durch  Frankreich  und  Italien,  etc..  Hambourg,  177a,  in-8". 
Les  deuxième  et  troisième  volumes,  contenant  les  Voyages 
en  Allemagne  et  en  Hollande,  ont  été  traduits  par  Bode , 
et  publiés  à  Hambourg,  en  1773.  J.  W.  Lustîg,  organiste  à 


533  ' 

Groniugue,  eu  a  donné  une  excellente  traduction  hollan- 
daise avec  des  notes  intéressantes  :  elle  est  intitulée:  Ryt 
Gestoffeerd  Geschiedverhaat  van  der  clgenlicken  StaatdeHeden- 
daagsche  toonkunst  of  str  Karet  Burney's,  Dagboek  van  Zyne  on- 
langs  Gedaane  Reizen  door  Franhryk  en  Ditetschtand>  etc.  Gro- 
niiigue ,  1786,  in-8°  maj.  Enfin,  M.  Bract  a  publié  une 
traduction  française  fort  médiocre  de  ces  mêmes  voyages , 
Gènes,  1809  et  1810,  3  vol.  in-8*.  V.  A  gênerai  HUtory  of 
Music ,  front  the  tarliett  âges  to  the  présent  period  to  which 
is  prefixed  a  Dissertation  on  the  Music  of  the  ancîents  {  Histoire 
générale  de  la  Musique ,  depuis  les  temps  le»  plus  reculé» 
jusqu'à  nos  jours ,  précédée  d'une  Dissertation  sur  la  mu- 
sique des  anciens),  Londres,  1776 — 1788,  4  vol.  iu-4°< 
J.  J.  Esclienburg  a  traduit  en  allemand  la  Dissertation  sur 
la  musique  des  anciens,  sous  ce  titre  :  UeherdicMwsikder 
alten,  Leipsick,  1781,  in-4".  VI.  Account  of  the  Musical  per- 
formances in  Westminster  abbey,  in  commémoration  of  Hœndet, 
Londres,  1785,  in-4°.  maj.  Le  même  Eschenburg  a  donné 
une  traduction  allemande  de  cette  notice,  intitulée:  Na- 
chrichtvanGeorg.Friedrkh  Haendet's  Lebensumstœnden  undder 
ihmZu. Londonin  mai  undjun.  i?84j  AngestelltenGedtechtnis- 
sftyer,  Berlin,  1785,  gr.  in-4s.  VII.  Paper  on  Crotch,  theinfant 
Musician,  presented  to  the  royal  society,  dans  les  transactions 
pliilosophiqucsde  1779,  t.  69,  p.  i83.  C'est  «ne  noticesur 
le  musicien  Crotch ,  qui  n'a  pas  justifié  les  espérances  qu'il 
avait  données  dans  son  enfance.  VIII.  Striking  Vhœs  of 
Lamia ,  the  cttebrated  Athénien  flute  player  (Anecdotes  re- 
marquables sur  Lamia,  célèbre  joueur  de  flûte  athénien), 
dans  le  Massachusetts  Magazine, y,  1789,  novembre  p.  684. 
IX.  Memolrs  oftke  LiftaruiWritings  of the  abbot  Mctastasio, 
in  wich  are  incorporated  translations  of  his  principal  tetters  ,  vol. 
3,  in-8",  Londres,  1796.  On  est  redevable  au  docteur  Ilurney 
de  la  publication  des  morceaux  qui  se  chantent  à  la  Cha- 
pelle Pontificale  pendant  la  Semaine-Sainte,  tels  que  le 
i'ameux  miserere  d'Allegri,  celui  de  Bay,  les  Lameutations 
de  Jérémie,  par  Palcstrnia,  etc.  Ce  recueil  paruten  1784, 
sous  ce  titre  :  1"  LaMusica  che  si  rantaannualmcnte  nellc fun- 
zitmi  délia  Seltimana-Santa ,  netla  Capclla  l'onteficia ,  com~ 


534 

posta  Uett'  Palestrina,  Altegri  e  Bai  raccolla.  M.  Choron  ci)  a 
donné  une  nouvelle  édition  à  Paris,  on  1818,  in-8*  maj. 
Lee  compositions  do  fiuruey  les  plus  connues  sont  :  i°  Sis 
sonates  pour  le  clavecin  seul,  Londres,  in-l'ol.  ;  a°  deux 
sonates  pour  la  harpe  ou  le  piano,  avec  accompagne  m  eut 
de  violon  et  violoncelle;  3°  sonates  pour  deux  violons  et 
basse,  Londres,  i?G5;  4°  six  laçons  pour  clavecin  ,  iÈirfj 
5°  hiï  duos  pour  deux  flûtes  allemandes,  ibid;  6° trois  con- 
certos pour  clavecin,  ibid  ;  -°  Six  cornet  puce»,  mith  an  in- 
troduction and  fugue  for  the  organ  ;  8°  six  concertos  pour  le 
violon,  à  huit  parties;  g"  cantateset  chansons  anglaises; 
10°  antiennes,  etc. ,  etc. 


MÉTRONOME  PERFECTIONNÉ 
DE  M.  lilli.li  AlMïi  '. 

Lorsque  nous  avons  donné  une  notice  sur  le  métronome 
de  Mnclzel ,  nous  ignorions  qu'un  artiste  habile  travaillait 
à  perfectionner  cette  intéressante  invention  ,  ou  plutôt 
qu'il  avait  déjà  trouvé  la  perfection  qu'il  cherchait. 
Al.  Bieuaimé  fils,  horloger  à  Amiens,  vient  île  nous  com- 
muniquer le  résultat  de  ses  recherches  à  cet  égard,  en 
mettant  sous  nos  yeux  le  nouvel  instrument  qu'il  a  con- 
fectionné. 

Considérant  que  l'usage  du  métronome  de  Maelzcl  offre 
trois  inconvéuicns,  savoir  :  1°  De  ne  pouvoir  donner  des 
vibrations  égales  que  lorsqu'il  est  placé  sur  un  plan  par- 
faitement horizontal  ;  îi"  de  nu  permettre  de  changer  le 
degré  de  vitesse  on  de  lenteur  qu'en  interrompant  le  mou- 
vement du  balancier;  3"  de  ne  rendre  scueiblcs  que  des 
temps  isolés  ,  que  les  amateurs  ne  peuvent  décomposer 

(i)  Ën  itcrpût  chei  MM  Jauut  m  Cutcllï  ,  mardi  an  ils  dt  tnu»ii]<i^  Ji. 
Koi,  rue  de  Rirtielieii  ,  pria  la  rue  Fcyitcau  ,  n.  et  mu  Sninl-Ilo- 
norr,  n.  "S;  rh*i  M.  HcnliJntivr ,  l'a lois- Royal ,  galarfe  tlv  pierrrt, 
rôle  du  perron.  l'ti\ ,  iou  fr. 


535 

qu'avec  peine  en  mesures  à  deux,  à  trois,  on  à  quatre 
temps,  M.  Bicnaimé  s'er.t  attaché  à  faire  disparaître  tous 
ces  défauts,  cl  y  a  réussi  complètement.  L'extérieur  de  hou 
métronome  estime  boite  en  acajou,  offrant  l'aspect  d'un 
parallélogramme  rectangle  ,  et  ornée  d'un  cadran  qui 
porte  à  sa  circonférence  tous  les  numéros  de  mouvemens 
correspondons  à  ceux  du  métronome  de  Màelzel.  Une  ai- 
guille mobile,  qu'on  fixe  à  volonté  sur  chacun  de1  ces 
nombres  ,  ralentit  ou  accélère  le  mouvement ,  sans  inter- 
rompre les  vibrations  du  balancier.  Comme  son  prédéces- 
seur, M.  Dienaimé  a  pris  la  minute  pour  unité  de  temps. 
Quelle  que  soit  la  position  de  l'instrument,  les  vibrations 
du  balancier  sont  parfaitement  égales;  enfin,  un  échap- 
pement ingénieux,  qu'on  règle  par  le  moyen  d'un  rogistro, 
décompose  à  volonté  chaque  nuance  de  mouvement  en 
mesures  h  deux,  à  trois  ou  à  quatre  temps,  à  six-huit,  etc. 

Peut-être  sera-t-on  tenté  de  croire  que,  pour  obtenir  île 
pareils  résultats  ,  il  a  fallu  faire  une  machine  fort  com- 
pliquée ,  et  con séquem ment  susceptible  de  se  déranger 
souvent;  mais  on  serait  dans  l'erreur.  Rien  de  plus  simple 
que  le  mécanisme  imaginé  par  M.  Bicnaimé.  Un  eu  peut 

juger  par  l'analyse  suivante.   

Un  ressort,  enfermé  dans  un  barillet,  met  en  mouve- 
ment une  roue  qui  engraioc  avec  un  pignon  ,  dont  la  tige 
porte  la  roue  à  échappement  qui  règle  immédiatement  le 
balancier.  Celui-ci  se  termine  à  sa  partie  inférieure  par 
un  arc-de-cercle-denté  qui  engraine  avec  le  pignon  d'un 
volant  de  va-et-vient.  A  la  tige  de  ce  volant  est  attachée  une 
chaîne  qui  est  retenue  à  l'autre  bout  par  un  ressort  droit. 
Un  arrêt  qui  glisse  sur  une  tige,  lorsqu'on  tourne  l'aiguille, 
raccourcit  ou  allonge  la  partie  libre  du  ressort.  Lorsque 
celui-ci  est  dans  toute  sa  longueur,  son  action  est  faible, 
et  laisse  agir  en  liberté  le  va-et-vient ,  qui,  dès  lors,  fait 
décrire  au  balancier  un  angle  considérable,  d'où  il  suit 
qu'on  a  le  mouvement  le  plus  lent  possible.  On  conçoit 
qu'à  mesure  que  le  ressort  se  raccourcit,  sa  force  s'uc- 
croit ,  qu'il  ramène  plus  promptement  le  volant  du  vâ-et- 
Eienf ,  et  couséqucmmcnl  que  le  mouvement  est  plus  ra- 


pide.  Le  même  effet  se  reproduit  jusqu'au  mouvement  le 
plus  accéléré. 

A  l'égard  du  temps  fort  de  chaque  mesure,  que  M.  Bicn- 
aimé  est  parvenu  à  rendre  sensible ,  le  moyen  est  aussi 
facile  qu'ingénieux.  Quatre  roues  dentées  à  dents  de  loup, 
portées  sur  la  lige  de  celle  qui  règle  le  balancier,  rencon- 
trent un  arrêt  qui  est  rendu  mobile  au  moyen  d'un  re- 
gistre, et  qui  se  place  à  volonté  devant  chacune  d'elles. 
Le  bruit  que  font  les  dents  de  loup  en  s'écbappant  de  l'ar- 
rêt marque  sensiblement  le  temps  fort  de  chaque  mesure. 
Un  conçoit  que  les  divisions  de  ces  roues  sont  calculées 
pour  donner  l'une  la  mesure  à  deux  temps  ,  une  autre 
celle  à  trais,  et  ainsi  de  suite.  Lorsqu'on  ne  veut  que  des 
vibrations  simples,  on  repousse  l'arrêt  avec  le  registre. 

Il  nous  semble  qu'arrivé  a  ce  point,  le  métronome  rem- 
plit toutes  tes  conditions  désirables,  et  nous  ne  croyons 
pas  nous  tromper  en  assurant  qu'il  est  ce  qu'il  sera  désor- 
mais. Nul  doute  que  la  vogue  ne  récompense  M.  Bienaimé 
de  ses  efforts  et  des  dépenses  qu'il  a  laites  pour  obtenir  ce 
résultat. 

FÉTIS. 


NOUVELLES  DE  PARIS. 


THÉÂTRE  ROYAL  DE  L'O  DÉON. 

.  Bon  Juan, 

OpÉra  CD  i  actes ,  de  MouD,  arrangé  pour  U  sciât  française  , 
par  M.  Cutii-BLir.s. 

C'est  une  question  délicate  et  difficile  à  résoudre  que 
celle-ci  :  lorsque  lo  goûl  d'un  peuple  est  vicié,  est-il  avan- 
tageux do  tirer  de  l'oubli  certains  chefs-d'œuvre  des  arls 
qu'une  ancienne  réputation  défend  contre  les  folles  préven- 
tions de  l'époque ,  et  n'est-ce  pas  les  exposer  inutilement 


55; 

auxoutrages  d'une  multitude  incapable:  de  les  comprendre? 
De  bonnes  raisons  peuvent  être  données  pour  el  contre; 
car  Ni  le  meilleur  moyen  de  bannir  le  mauvais  goût  est  de 
présenter  souvent  aux  regards  de  bous  modfclcs.  it  est  cer- 
tain que  pour  apercevoir  les  qualités  de  ceux-ci ,  il  faut 
que  nous  soyons  placés  dans  des  circonstances  favorables  ; 
il  faut  que,  dépouillas  de  préjugés  et  renonçant  à  des  ha- 
bitudes que  nous  sommes  toujours  portés  à  croire  les 
meilleures  possibles,  nous  conseillions  à  voir  ou  à  tu  tendre 
ces  chefs-d'œuvre  dans  l'esprit  où  ils  out  été  faits  :  or,  c'est 
ce  qui  n'arrive  jamais.  Lorsque  Lebrun  et  Mignard  com- 
mençaient la  décadence  de  la  peinture ,  et  surtout  lorsque 
l'école  détestable  des  Bouclier  el  des  Vanloo  jouissait  de 
toute  la  faveur  publique,  on  avait  fort  peu  d'estime  pour 
les  tableaux  de  Raphaël.  Les  ailleurs  des  galettes  qui  cou- 
vrent maintenant  les  murs  du  salon,  ne  manquent  pas 

rodet  ctabnl  dans  une  mauvaise  route. 

Il  en  est  de  même  en  musique.  Façonnés  que  nous 
sommes  au  style  de  l'époque,  nous  croyons  que  tout  ce 
qui  s'en  éloigne  est  ou  médiocre  ou  mauvais.  Nous 
nous  gardons  bien  de  croire  que  le  tort  soit  de  notre 
coté  quand  nous  nous  ennuyons  a  l'audition  d'un  ancien 
ouvrage:  il  est  plus  satisfaisant  de  dire  que  c'est  la  musique 
qui  est  ennuyeuse.  Je  sais  qu'on  peut  réunir  un  certain 
nombre  d'amateurs  éclairés,  dignes  d'culendre,  de  goû- 
ter et  d'applaudir  les  belles  productions  de  tous  les  temps  ; 
l'enthousiasme  qu'excitent  aux  séances  de  M.  Choron  les 
admirables  compositions  de  Hamdc! ,  les  applaudisse  mens 
qu'on  y  donne  même  à  Paleitrina  en  sont  une  preuve  évi- 
dente, à  laquelle  je  pourrais  ajouter  celle  du  succès  de 
la  belle  musique  instrumentale  dans  les  soirées  de  M.  Bail- 
lai ;  mais  ces  exemples  ne  sont  que  desexceptions  presque 
inaperçues  dans  la  masse  du  public. 

D'ailleurs ,  les  traditions  d'exécution ,  celle  des  mouve- 
mens,  l'expression  propre  à  chaque  ouvrage,  sont  des 
choses  qui  se  perdeul  si  facilement,  ci  dont  l'influence  est 
si  grande  sur  la  musique,  que  presque  loutcs  les  compo- 


ailions  ancien  uns  manqueulleur  effet  par  celle  cause,  sur- 
tout au  théâtre.  Le  public  qui  ne  juge  que  par  les  résul- 
tais, et  qui  est  incapable  de  discerner  si  un  mouvement 
est  trop  vif  ou  Irop  lent ,  si  une  transposition  maladroite  a 
été  l'aile  ,  si  l'expression  convenable  a  été  donnée,  el  mille 
autres  choses  semblables,  ne  décide  que  de  ses  sensations, 
et  ne  revient  guère  sur  son  premier  ingénient. 

Telsétaicntles  molifs  qui  pouvaient  faire  douter  du  suc- 
cès du  chef-d'œuvre  de  Mozart  à  l'Odéon.  Déjà  les  admi- 
rateurs exclusifs  de  Rossini  avaient  fait  des  comparaisons 
on  l'auteur  de  Doit  Juan,  le  plus  beau  génie  de  la  musique, 
n'avait  point  l'avantage;  déjà  l'on  avait  dit  et  répété  que 
sa  manière  était  bonne  pour  son  temps,  mais  que  Joui 
avait  changé.  Il  ne  suffisait  pas  qu'on  eût  comparé  cè  qui 
est  incomparable ,  il  fallait  insulter  à  d'anciennes  admira- 
tions. Le  souvenir  du  succès  de  Don  Juan  au  Théâtre 
Italien  était  importun  :  ou  cherchai!  à  l'affaiblir  par  des 
attaques  journalières.  J'ai  dit  ce  que  je  pensais  (lu  dessein 
que  l'on  a  eu  de  donner  cet  ouvrage  à  l'Opéra  ,  cl  les  rai- 
sons que  je  croyais  bonnes  pour  qu'on  y  renonçât.  Ces 
raisons  me  paraissaient  plus  fortes  encore  à  l'Odéon,  à 
cause  de  la  faiblesse  de  la  troupe  chantante;  néanmoins 
cette  merveilleuse  musique  a  rési  ,.é  à  toutes  les  chances 
défavorables,  cl  M.  Castil-Blare  est  parvenu  à  sauver  du 
naufrage  l'honneur  du  génie  de  Mozart,  ou  plutôt  celui 
du  goût  français. 

Sa  traduction  me  parait  être  une  des  plus  soiguées  qu'il 
ait  faites  :  les  paroles  sont  arrangées  avec  goût ,  el  de  ma- 
nière à  ne  point  altérer  les  rhythmes  primitifs  ;  genre  de 
mérite  dont  le  public  tient  peu  de  compte,  mais  qui  n'en 
est  pas  moins  fort  rare  ;  car  les  difficultés  qu'offre  un  pa- 
reil travail  sont  innombrables.  On  doit  aussi  savoir  gré 
à  M-  Castil-Blaze  d'avoir  conservé  l'œuvre  de  Mozart  dans 
son  intégrité,  sans  mélange  de  choses  étrangères  et  dis- 
parates; la  symphonie  du  tableau  de  l'enfer  qui  termine 
la  pièce  est  le  seul  morceau  qui  ne  soit  point  de  la  par- 
tition originale.  L'obligation  que  le  traducteur  s'était  im- 
posée de  reproduire  dans  le  dialogue  une  partie  de  la  pièce 


S5„ 

Je  Molière,  l'a  obligé  de  couper  l'opéra  en  quatre  actes,  en 
finissant  le  premier  après  l'air  :  Fin  clie  dal  tino  (dont  je  ne 
nie  rappelle  pas  les  paroles  françaises  ) ,  et  le  troisième, 
après  le  duo  de  la  statue.  Cette  coupe  me  paraît  conve- 
nable pour  la  scène  française.  L'idée  de  rétablir  la  scène, 
si  plaisante  de  M.  Dimanche,  me  paraît  aussi  fort  bonne; 
la  gatré  de  cetle  scène  coupe  agréablement  le  (ou  un  peu 
sévère  de  l'ouvrage. 

L'exécution  générale  de  cet  opéra  a  élé  très  faible  à  la 
première  représentation  ;  elle  s'est  améliorée  aux  suivantes, 
quoi  que  plusieurs  rôles  laissent  encore  beaucoup  à  désirer. 
Il  y  a  loin  de  Garcia  à  Lecomtc  dans  le  rôle  de  Don  Juan  ; 
mais  néanmoins  ce  dernier  s'est  liré  avec  honneur  de  ce 
rôle  difficile.  Contre  sou  habitude,  il  n'a  point  chanté  faux; 
et  s'il  ne  s'esl  pas  montré  comédien  fort  habile,  il  a  joué 
du  moins  avec  une  chaleur  convenable.  Le  seul  morceau 
où  ses  moyens  sont  insulïisans  est  le  fameux  finale  du 
premier  acte,  qui  est  devenu  celui  du  second  dans  la  pièce 
li  ,mi:;iisL'.  Garcia  nous  avait  accoutumés,  dans  cet  admi- 
rable morceau,  à  des  effets  prodigieux  que  I.ecomle  ne 
peut  reproduire.  Puisque  j'en  suis  sur  ce  finale,  je  ferai 
remarquer  que  la  mise  en  scène  du  dernier  mouvement  ne 
me  paraît  pas  motivée  j>ar  les  paroles  originales.  Il  n'y  a 
rien  dans  ce  que  dit  Don  Juan  qui  sente  le  défi,  ni  qui 
indique  le  mouvement  de  théâtre  où  il  sort  l'épéc  à  la  main 
poursuivi  parle  chœur,  mouvement  qui  nuit  à  l'ensemble 
el  affaiblit  l'effet  musical. 

Mondonvillc  montre  de  L'intelligence  dans  le  rôle  de 
Sganarelle  (  Lcuorello  )  ;  malheureusement  sa  voix  est  in- 
suffisante dans  les  morceaux  d'ensemble.  Je  lui  ferai  ob- 
server qu'il  chante  trop  vile  le  premier  mouvement  de  l'in 
traduction.  I.c  morceau  qu'il  dil  le  mieux  est  l'air  où  it 
fait  le  dénombrement  îles  maîtresses  de  Don  Juan  (  Mni/a- 
mim'i!  catalogo  i  qittsto  }.  Dilpreï  u  la  voix  bien  faible  dans 
les  morceaux  d'ensemble;  mais  la  manière  dont  il  a  chante 
son  air  (  M  h  ttsoro  )  lui  fait  le  plus  grand  honneur,  cl  n'a 
pas  peu  contribué  an  succès  de  l'ouvrage  :  un  «lylepur,  une 
vuc.'ilisaiion  légère  et  des  ornemeus  de  bon  goût  lui  ont 


S4« 

procuré,  dans  cet  air,  tic»  applaudissemens  unanimes  cl 
bien  mérités.  Quant  à  Léon  Bizot,  malgré  sa  mauvaise  voix, 
il  ne  se  serait  pas  mal  lîré  du  rote  de  Lacas,  ni  une  basse, 
franche  et  prononcée  n'était  nécessaire  dans  ce  rote  ,  sur- 
tout depuis  que  Don  Juan  est  'devenu  un  tenorc.  La  seule 
voix  dé  ba»»e  réelle  qu'on  trouve  dans  l'ouvrage  ,  est  celle 
de  Leclerc,  (lui  jonc  le  commandeur.  Cette  vois  fait  un 
bel  effet  en  plusieurs  endroits.  Je  conseille  à  Leclere  de  se 
tenir  plus  immobile  dans  la  scène  du  quatrième  acte  ,  et 
de  marquer  d'une  manière  plus  effrayante  le  miracle  d'Un 
marbre  qui  se  meut.  Peut-être  n'a-t-il  jamais  vu  Profeli 
dans  ce  rôle;  il  y  était  parfait ,  sauf  lu  voix;  sons  ce  rap- 
port, Leclere  n'a  rien 'à  désirer. 

Par  une  singularité  qu'on  a  peine  a  expliquer,  M"  Main- 
vielle-Fodor  avait  choisi  le  rftle  de  Z.orli'nu  (Jeannette  dans  la 
pièce  française),  au  lieu  de  celui  de  Donna  Anna  (Lêonort) , 
qui  semblait  lui  appartenir;  depuis  lors,  ce  rôle  est  con- 
sidéré comme  le  premier  de  la  pièce.  C'est  ce  qui  a  déter- 
miné, sans  douie,  M"'  Schtilz  a  le  prendre  de  préférence, 
quoique  celui  d'Elvireeût  été  bien  plus  dans  ses  moyens  et 
plus  convenable  a  won  extérieur.  Le  rfile  de  Jeannette  de- 
mande presque  toujours  de  la  légèretéct  de  la  finesse  ;  'or 
ces  qualités  ne  sont  pas  dans  le  caractére  du  talent  de 
H"  Scliuti!.  Ce  n'est  que  dans  le  dernier  mouvement  du 
finale  qu'elle  reprend  ne»  avantages.  Kl  Je  chaule  beaucoup 
trop  lentement  le  premier  mouvement  de  l'air  délicieux 
Batti,  Batti;  aussi  cet  air  ne  produil-il  point  d'effet.  J'ai 
déjà  dil  que  l'allégro  de  cet  air  manque  de  cuntrebasscs  : 
il  est  certain  que  Mozart  leur  a  écrit  une  partie  séparée 
des  violoncelles  ;  pourquoi  donc  ne  jouent  -  elles  pas  à 
l'Odéou  ? 

M™  Mondonvtlle  est  faible  dans  le  rôle  de  Léonore,  et 
M""  'Buffardiu  est  écrasée  par  celui  d'Klvire.  Depuis 
M"  llunzi-Debcgnis,  a  qui  Garai  avait  enseigné  le  premier, 
et  qui  ne  s'en  tirait  pas  mal ,  ces  deux  rôles  ,  qui  sont  si 
beaux  et  si  im  portails,  oui  toujours  été  fort  mal  chaulés. 
IlesL  vrai  qu'ils  soûl  très  difficiles.  M"  Pareil!  et  même 
M-'Pastay  on!  échoué  complètement. 


54  L 

Le»  chœurs  n'avaient  point  d'ensemble  et  chantaient 
faux  à  la  première  représentation  ;  ils  vou(  maiuleuaut 
anse*  bien.  QuJWt  à  l'orchestre,  on  sait  que  c'est  la  partie 
brillante  île  l'Odéon  :  les  violons  surtout  y  sont  excelleng. 

L'idée  de  teriuincr  la  pièce  par  le  spectacle  de  Don  Juaii 
aux  enfers  est  assez  heureuse  ;  bien  que  celte  scène  ne  soit 
qu'une  copie  de  l'enfer  des  Danaïdes,  elle  produit  beau- 
coup d'effet.  Les  décorations  en  sont  fort  belles.  Ko  résumé, 
Don  Juan  paraît  devoir  procurer  de  bonnes  recettes  au 
théâtre  del'Odéon,  et  lui  douner  le  temps  de  monter  des 
nouveautés. 


ACADÉMIE  ROYALE  DE  MUSIQUE. 

Mous.  —  Débuta  de  M"  Oi»m. 


Le  départ  subit  et  imprévu  de  M""  Cinti  a  laissé  l'admi- 
nistration de  l'Opéra  dans  un  grand  embarras;  car  plu- 
sieurs pièces  de  l'ancien  répertoire  et  l'espoir  du  nouveau 
reposaient  sur  celte  cantatrice  dïslinguée.  A-t-on  pu  pré- 
voir et  empêcher  celle  défection  ?  C'est  ce  que  je  ne  veux 
pas  examiner.  Des  bruits  circulent  à  ce  sujet;  mais  des 
bruits  de  coulisses  sont  toujours  plus  ou  moins  menson- 
gers. Pour  prononcer  à  cet  égard  ,  il  faudrait  Cire  instruit 
de  tous  les  détails  et  entendre  tous  les  intéressés.  D'ail- 
leurs, de  quoi  servirait  de  connaître  aujourd'hui  les  causes 
d'un  mal  qui  est  fait?  l'important  c'est  d'y  porter  remède, 
ut,  si  l'on  a  fait  des  fautes ,  de  les  réparer. 

Malheureusement  cela  n'est  pas  facile;  lés  cantatrices 
de  l'ordre  de  M1"  Cinti  sont  fort  rares.  11  s'en  présente  une: 
c'est  M™  Millihrau,  fille  de  Garcia,  arrivée  récemment  a 
Paris.  Son  talent  est  remarquable,  et  le  long  séjour  qu'elle 
a  fait  à  Paris  dans  son  enfance  lui  rem!  la  langue  fran- 
çaise familière;  niais  les  conditions  qu'elle  impose  parais- 
sent, dit-on,  fort  dures  à  ('administration  (ou  parle  de 
cinquante  mille  francs  d'apnointeinens  et  de  quatre  mois 


.v(2 

de  congé  ) .  On  assure  qu'on  lui  a  offert  trente-cinq  mille 
francs  et  un  congé  (le  trois  mois.  Si  l'on  ne  peut  réussir  à 
conclure  cet  engagement,  je  serais  tenté  de  conseiller 
d'accorder  à  M"'  Garcia  tout  ce  qu'elle  demande  ,  afin 
d'avoir  quelqu'un  qui  assure  l'avenir  de  l'établissement  et 
qui  Casse  recette ,  si  je  ne  savais  que  ces  sortes  d'exemples 
sont  dangereux;  car  après  les  talens  indispensables  vien- 
nent les  talens  utiles,  qui  ont  aussi  leurs  prétentions.  C'est 
un  grand  mal  que  celte  augmentation  progressive  du 
traitement  des  acteurs;  c'est  par  là  que  périssent  toute» 
les  entreprises  théâtrales;  mais  ce  mal,  qui  est  la  consé- 
quence de  la  rarelé  des  sujet* ,  ne  cessera  que  lorsqu'on 
aura  pris  des  mesures  utiles  pour  former  beaucoup  de 
chanteurs. 

J'ignore  si  les  rapports  que  l'administration  de  l'Opéra 
a  reçus  de  l'Italie  sur  M™  Démeri  lui  ont  fait  concevoir 
l'espoir  de  remplacer  M11'  Cinli  par  elle;  mais  si  cela  est, 
elle  a  du  âtre  cruellement  détrompée  par  l'essai  qu'elle 
vient  d'eu  faire.  J'avais  prévu  cet  échec,  et  l'avais  annoncé 
dans  un  des  numéros  précédent»  de  la  Revue  musicale, 
M™"  Démeri,  qu'on  a  entendue  pendant  quelque  temps  au 
Théâtre-Italien,  possède  une  belle  vois;  je  me  trompe,  elle 
a  de  beaux  sons;  mais  ces  sons  n'ont  point  de  liaison  en- 
tre eux.  M.  Pacr,  qui  avait  pris  soin  de  faire  travailler  sa 
vocalisation ,  a  trouvé  en  elle  un  organe  si  lourd,  si  peu 
flexible ,  qu'il  a  été  forcé  de  renoncer  à  l'espoir  d'en  faire 
une  cantatrice;  et  ce  qui  prouve  qu'il  ne  s'était  point 
trompé  dans  le  jugement  qu'il  en  avait  porté,  c'est  qu'elle 
vient  de  passer  infructueusement  deux  ou  trois  ans  en 
Italie.  Il  n'y  a  point  de  ressource,  M."  Démeri  chante 
comme  elle  chantera  toujours. 

Elle  aurait  pu  être  utile  à  l'Opéra  il  y  a  quinze  ou  vingt 
ans  ;  car  son  défaut  principal ,  qui  est  de  uc  pouvoir  voca- 
liser les  traits  et  les  ilori turcs,  aurait  été  inaperçu,  le  genre 
de  musique  de  l'ancien  répertoire  n'admettant  aucun  de 
cesomemeus.  Anligone,  les  Iphigénies,  Alceste,et  même 
Hypeimncstrc  et  Armide  auraient  pu  lui  convenir.  Ses 
beaux  sons  y  auraient  fait  merveille,  et  peut-être  s'y  se- 


DigitizGd  by  Google 


543 

rait-elle  fait  une  grande  réputation.  C'est  donc  une  faute 
que  de  l'avoir  obligée  a  chanter  le  rôle  d'Anaï  dans  Moïse, 
pour  lequel  elle  n'est  point  laite.  On  n'a  pu  se  faire  illu- 
sion à  cet  égard;  car  les  répétitions  ont  démontré  son  in- 
capacité. Dans  ce  début  funeste  pour  son  avenir,  51°"  Dé- 
ineri  a  été  forcée  de  ralentir  tous  les  mouvemens  pour 
avoir  le  temps  d'arriver  à  la  fin  des  traits,  et  de  ces  ra- 
lentissunicns  est  résulté  un  défaut  d'ensemble  qui  s'est 
fait  sentir  pendant  toute  la  représentation.  Sun  duo  du 
premier  acte  avec  Adolphe  Nourrit,  le  finale  du  troisième, 
et  le  bel  air  du  dernier,  ont  été  surtout  très  pénibles.  Ce 
n'est  pas  tout  :  les  efforts  qu'elle  était  obligée  de  faire 
pour  chanter  eelto  musique  ont  déplacé  son  intonation, 
qui  était  juste  autrefois;  et  de  tous  ces  défauts  est  ré- 
sulté un  ensemble  déplorable.  La  politesse  habituelle  du 
public  de  l'Opéra  a  sauvé  à  31"  Démeri  l'expression  éner- 
gique du  mécontentement;  mais  un  silence  ,  qui  n'était 
troublé  que  par  quelques  gyclamutions  involontaires,  a 
dû  lui  faire  comprendre  qu'elle  s'est  trompée  sur  sa  voca- 
tion, cl  qu'elle  n'a  rien  à  espérer  dans  la  route  où  on  l'a 
jetée  maladroitement. 


THÉÂTRE  ROYAL  DE  L'OPÉRA- COMIQUE. 
$Mm»r<  rtfvwntatm  t»  'SHtiMttttt, 

Opiira  comique  en  i  actes,  paroles  de  MM.  HoillD  CI  Lihuthilk  . 
musique  i!c  M,  Chafl 

Il  n'y  eut  peut-être  jamais  de  sujet  plus  favorable  à  une 
action  dramatique  que  celui  de  Masaniello.  lin  simple  pé- 
cheur napolitain  dirigeant  une  émeute  populaire,  s'en  fait 
le  chef,  et  affranchit  en  quelques  heures  ses  compatriotes 
du  joui;  des  Espagnols.  Devenu  nii,  el  se  montrant  d'abord 
digue  de  sa  fortune,  autant  par  la  force  de  son  génie  que 
par  sa  sagesse  et  son  humanité,,  il  est  ensuite  sanguinaire 
cl  furieux.  Des  vins  i  mpoisonni's  que  le  vkr-i'oi-lm  a  fait 


544 

servir,  allèrent  sa  raison,  et  le  portent  à  des  actes  de  folie 
et  de  cruauté  qui  le  rendent  odieux  au  peuple  auquel  il  doit . 
son  élévation,  et  bientôt  il  trouve  la  mort  dans  une  émeute 
semblable  à  celle  qui  le  porta  sur  le  trône.  Tant  d'événe- 
mens  renfermés  en  huit  jours,  permettent  au  poêle  de  ne 
pas  enfreindre  la  vérité  historique  dans  la  disposition  de 
sa  pièce  ;  car  c'est  avec  un  sujet  pareil  qu'il  est  facile  de 
s'affranchir  de  l'unité  de  temps  sans  choquer  la  raison. 
Frappés  de  ces  considérations,  MM.  Moreau  et  Laf or  telle 
ont  entrepris  de  mettre  sur  la  scène  de  l'Opéra-Comique, 
toute  cettq  histoire,  en  montrant  d'abord  Masanicllo  dans 
sa  condition  de  pêcheur,  elle  conduisant  jusqu'au  mo- 
ment de  sa  mort.   Voyons  comment  ils  ont  conçu  leur 

Au  premier  acte,  la  scène  représente  la  place  du  marché 
de  Naplcsr  des  marchands  de  fruits  et  de  poissons,  an 
nombre dcsquelsse  trouve Ltwio.femme de  Masanicllo,  éla- 
lenl  leurs  denrées  et  sont  en  vMnnés  d'acheteurs.  Plus  loin, 
Polichinelle  attire  un  groupe  de  curieux.  Des  employés  du 
fisc,  suivis  de  soldats,  viennent  faire  la  perception  d'un 
nouvel  impôt  qui  vient  d'être  mis  sur  les  fruits,  et  qui  ex- 
cite le  mécontentement  du  peuple  napolitain.  C'est  a  la 
femme  de  Masanicllo  qu'ils  s'adresseut  d'abord;  celle-ci 
refuse  de  payer,  en  déclarant  qu'elle  ne  vend  point  ses 
fruits,  mais  qu'elle  les  donne  :  ce  qu'elle  prouve  en  renver- 
sant son  panier  sur  la  place.  Le  collecteur  la  condamne  à 
payer  une  amende  de  eent  ducats  ou  à  allcrcn  prison.  Elle 
appelle  le  peuple  ù  son  secours;  l'indignation  éclate  de 
toutes  parts,  des  groupes  se  forment,  ou  repousse  les  sol- 
dats, niais  ceux-ci  sont  les  plus  forts,  el  Leona  est  conduite 
eu  prison. 

Masanicllo  qui  ignore  cet  événement,  arrive  portant  ses 
filets  el  se  disposant  à  aller  a  la  pêche  ;  mais  bientôt  il 
apprend  son  malheur  par  la  bouche  de  Itufîno,  intrigant 
qui  fomente  la  révolfn  parmi  le  peuple,  tandis  qu'il  semble 
être  dévoué  au  duc  d'Arcos,  gouverneur  de  Naples.  C'est 
le  même  homme  qui  informe  Masanicllo  que  le  comte  île 
TonUas,  auquel  sa  femme  a  autrefois  sauvé  la  vie,  et  dont 


DigitizGd  by  Google 


545 

la  reconnaissance  s'est  changée  en  amour,  est  de  retour  il 
Naples.  Au  désespoir  de  ce  qu'il  vient  d'apprendre,  Masa- 
iiiello  ne  sait  comment  tirer  sa  femme  de  prison,  car  tout 
ce  qu'il  possède  ne  vaut  pas  le  quart  de  la  somme  qu'on 
exige  d'elle  ;  mais  tout  à  coup  son  beau-frère  Matlèo,  qui 
est  le  personnage  comique  de  ia  pièce,  vient  lui  apprendre 
que  le  peuple  s'est  soulevé ,  qu'il  demande  l'abolition  de» 
nouveaux  impôts  et  la  liberté  de  Leona,  et  que  le  duc 
d'Arcos  a  été  forcé  de  faire  jeter  de  l'argentpour  se  sous- 
traire à  la  foule  qui  environnait  sa  voiture.  Les  Napolitains 
paraissent  portant  des  armes  et  des  llambeaux;. Masaniello 
se  met  à  leur  tête,  et  le  peuple,  sui  t  en  incendiant  plusieurs 
bâlimens. 

An  second  acte,  la  scène  représente  la  cabane  de  Ma- 
saniello ;  ît  est  assis  et  abattu  par  le  chagrin.  Par  un  de 
ees  caprices  communs  dans  les  émeutes  populaires,  les 
Napolitains  se  sont  bientôt  dispersés  et  l'ont  abandonné 
avant  qu'il  ait  pu  rendre  Leona  à  la  liber^f-  Un  bruit  se 
fait  entendre  ,  et  des  femmes  paraissent  conduisant  lu 
femme  de  Masaniello,  qu'elles  ont  délivrée  en  cachant 
des  armes  sous  leurs  habits.  La  fureurdu  peuple  s'est  ral- 
lumée ;  Masaniello  se  mut  ;'i  sa  tète  et  sort,  laissant  Leona 
dans  sa  cabane.  Tout  a  coup  parait  le  comte  de  Torellas. 
qui  n'a  échappé  à  la  poursuite  des  Napolitains  qu'à  la  fa- 
veur d'un  déguisement.  Il  reconnaît  Leona  ,  et  lui  parle 
du  danger  auquel  il  est  exposé  et  de  l'amour  qu'il  ressent 
pour  elle.  Quoique  offensée  de  cet  aveu  ,  Leona  ne  songe 
qu'à  le  faire  échapper;  mais  il  n'est  plus  temps  :  Ruffino 
parait  conduisant  Giacomo,  chef  des  révoltés  delà  cam- 
pagne. 11  reconnaît  le  comte,  et  recommande  à  Giacomo 
de  veiller  sur  lui  pendant  qu'il  va  chercher  Masaniello. 
Giacomo,  espèce  d'imbécillc  et  d'ivrogne  ,  montre  sa  no- 
mination de  commandant  des  révoltés  de  la  campagne  au 
comte  de  Torellas,  qui  la  lui  enlève.  Leona  l'envoie  à  la 
cave  pour  y  chercher  du  vin  ;  ou  l'y  enferme ,  et  le  comte 
se  dispose  à  quitter  la  cabane  quand  Masaniello  parait. 

Étonné  de  trouver  un  étranger  chez  lui ,  Masaniello  in- 
terroge le  comte  de  Torellas ,  qui  se  présente  à  lui  sous  le 


Digitized  by  Google 


546 

nom  de  Giacomo,  et  qui  sort  sous  le  prétexte  Je  réunir 
les  hommes  soumis  à  son  commandement  aux  révolta  de 
flapies.  Peu  de  temps  après  arrive  iUatleo,  qui  déclare 
que  l'homme  qu'on  vient  de  laisser  échapper  n'est  point 
Giacomo;  liuflîiio  apprend  à  Masaniello  que  c'était  le 
comte,  et  éveille  la  jalousie  du  pécheur.  Cette  passion  et 
l'amour  de  sa  patrie  l'agitent  tour  à  tour  ;  mais ,  cédaut  à 
ce  dernier  sentiment,  il  ne  s'occupe  plus  que  du  soin  de 
régulariser  l'insurrection  et  sort  avec  les  conjnrés.  Matleo, 
resté  seul  avec  Lcona,  entend  frapper  à  la  porte  do  la 
cave;  il  ouvre,  et  Giacomo  en  sort  ivre.  Peu  de  temps 
après  ,  on  les  vient  ions  arrêter  par  ordre  du  gouverueur. 
C'est  RuQîno  qui,  pour  dissiper  les  soupçons,  a  fait  ce 
coup  d'autorité. 

Au  troisième  acte,  le  spectateur  est  transporté  dans  lu 
palais  du  gouverneur.  Celui-ci  commence  à  comprendre 
toute  l'importance  de  la  révolte,  et  eu  est  fort  inquiet. 
Ilufiino  se  présente  et  annonce  l'arrestation  de  la  famille 
de  HJasamcllo.  Le  duc  lui  reproche  le  peu  de  franchise  de 
sa  conduite,  et  lui  ordonne  d'amener  au  palais  le  pêcheur, 
avec  qui  il  veut  traiter.  On  amène  Leona ,  Matteo  et  Gia- 
como, qui  sont  reçus  par  le  duc  d'Arcos  avec  des  démon- 
strations de  bienveillance.  Leona  retrouve  le  comte  de 
Tore  lias  dans  ce  palais.  Bientôt  on  annonce  Masaniellu, 
qui  vient  seul  et  qui,  dans  sou  entrevue  avec  le  duc 
montre  autant  do  fermeté  pour  les  intérêts  de  son  pays 
que  de  désintéressement  pour  lui-même.  Le  peuple,  in- 
quiet sur  sa  personne,  pousse  des  cris  sous  les  fenêtres 
du  palais;  il  se  montre,  et  ordonne  qu'on  se  relire,  ce 
qui  est  exécuté  à  l'instant.  Connaissant  par  là  quelle 
est  l'étendue  de  son  pouvoir,  le  duc  d'Arcos  prend  le 
parti  de  feindre;  il  lui  montre  les  titres  des  anciens 
privilèges  que  Charles-Quint  avait  donnés,  et  annonce 
qu'il  veut  rendre  ces  privilèges  aux  Napolitains;  mais  Ma- 
saniello, qui  sait  par  tradition  que  ces  titres  sont  écrits  en 
lettres  d'or,  reconnaît  que  ceux  qu'on  lui  présente  sont 
faux;  il  veut  rompre  l'entrevue;  mais  le  gouverneur  lui 
déclare  qu'il  le  gardera  comme  otage  ainsi  que  sa  famille. 


54; 

Alors  du  entend  un  grand  bruit  ;  le  peuple  a  forcé  les  por- 
tes du  palais;  il  entre  en  foule ,  et  lu  duc  d'Arcos  est  forcé 
de  fuir  avec  sa  cour. 

Au  quatrième  acte,  Masaniello,  vèlu  d'Iialiils  magni- 
fiques ,  est  dans  un  palais,  entouré  par  le  peuple,  qui  lui 
témoigne  sa  reconnaissance.  Des  concessions  ont  été  faites 
par  les  Espagnols;  un  traité  a  été  conclu,  et  les  privilèges 
donnés  par  Charles-Quint  ont  été  rendus  aux  liabilans  de 
Naplcs.  Mais,  dans  un  repas  donné  à  Masaniello  par  le 
due  d'Arcos,  des  vins  empoisonnés  lui  ont  été  versés  et  out 
troublé  sa  raison.  Sa  folie  se  déclare  dans  un  conseil  qui 
s'est  assemblé  pour  délibérer  sur  le  débarquement  que 
les  troupes  espagnoles  veulent  opérer  ;  il  propose  d'abord 
de  marcher  pour  s'opposer  à  elles  ;  mais  bientôt  il  devient 
furieux  et  s'enfuit  en  poussant  des  cris.  La  scène  change , 
et  représente  une  campagne  an  pied  du  Vésuve.  Masa- 
niello paraît  poursuivi  par  le  peuple.  Leona  implore  le 
secours  du  comte  de  Torellas  et  du  duc  d'Arcos,  mais  le 
libérateur  des  Napolitains  tombe  sous  leurs  coups. 

Je  n'entreprendrai  pjs  d'analyser  cet  ouvrage  sous  ie 
rapport  du  mérite  littéraire,  parce  que  tel  n'est  pas  l'objet 
de  la  Reçue  musicale;  mais  je  ne  puis  m'empôcher  de  re- 
marquer qu'il  offre  une  foule  de  situations  musicales  ,  et 
d'heureuses  oppositions  de  couleur  entre  les  mœurs  du 
peuple  et  celles  des  gens  du  monde,  oppositions  dont  un 
musicien  délaient  tire  toujours  parti. 

La  musique  de  Masaniello  nous  montre  un  changement 
remarquable  dans  la  manière  de  M.  Carafa  ;  renonçant  à 
la  plupart  des  effets  du  style  rossinieii ,  il  se  rapproche 
beaucoup  de  la  coupe  française ,  quoiqu'il  ait  employé  en 
plusieurs  endroits  des  airs  napolitains  pour  motifs  de  ses 
morceaux.  L'introduction  et  parliculièrémcnt  l'entrée 
des  collecteurs  sont  d'un  bon  effet.  J'aime  moins  l'air  de 
Valère  et  le  duo  chanté  par  le  même  acteur  et  Lcmonnier, 
et  leur  trouve  une  couleur  monotone.  Il  y  a  de  la  mélodie 
dans  l'air  de  Poncbard  ,  au  second  acte ,  mais  je  le  crois 
trop  long.  Les  couplets  sur  Notre-Dame  de  Mont-Carmel 
sont  d'un  chant  populaire;  le  refrain  eu  Irio  es!  bien 


5A8 

arrangé  pour  les  voix.  Le  morceau  d'ensemble  <lu  troi- 
sième acte ,  où  Masaniello  invite  le  peuple  à  se  retirer  ,  est 
l'un  des  meilleurs  de  l'ouvrage  ;  les  détails  en  sont  jolis, 
et  l'ensemble  du  trio  est.  bien  ramené.  On  doit  aussi  des 
éloges  au  duo  chanté  par  Pouchard  et  Valère,  an  qua- 
trième acte;  la  phrase  principale  de  chant  est  remar- 
quable, et  la  partie  de  basse  fait  un  bon  effet,  quoique  les 
paroles  en  soient  répétées  trop  souvent.  En  général,  la 
musique  de  Masaniello  est  bien  écrite  ,  quoiqu'on  n'y 
trouve  pas  une  invention  très  remarquable.  Elle  a  obtenu 
beaucoup  de  succès  ainsi  que  la  pièce. 

A  l'exception  des  rôles  de  Masaniello  et  de  Ruffino, 
qui  sont  joués  par  Pouchard  et  Valère,  ceux  de  cet  ou- 
vrage sont  généralemcntpeu  importai)*.  A  l'égard  de  celui 
de  Masaniello ,  je  dois  dire  franchement  à  Pouchard  mon 
opinion  sur  l'effet  qu'il  a  produit.  Il  n'ignore  pas  combien 
j'estime  son  talent;  mais  ce  talent  est  par  sa  nature  propre 
aux  choses  gracieuses,  légères  et  élégantes.  Ce  qui  de- 
mande une  grande  force  physique  ne  lui  convient  pas ,  et 
le  rôle  de  Masaniello  est  de  ce  genre.  J'avoue  que  l'im- 
pression que  Pouchard  m'y  a  faite  a  été  pénible;  on  y 
seul  la  fatigue  qu'il  éprouve,  et  l'on  prévoit  que  cette  fa- 
tigue peut  avoir  de  funestes  résultats.  Valère  chante  hien 
son  rôle ,  et  les  autres  acteurs  sont  convenablement  placés 
dans  les  leurs. 


THEATRE  ROYAL  ITALIEN. 

Otiixo.  —  Début»  de  M»'  Sonne. 


Les  souvenirs  qu'avait  laissés  H,u  Sontag  après  les 
brillantes  représentations  qu'elle  a  données  à  Paris,  il  y 
a  deux  ans,  ne  pouvaient  manquer  de  procurer  a  sa 
nouvelle  apparition  un  air  de  fête  et  de  triomphe;  ses  suc- 
cès en  Allemagne,  depuis  cetle  époque,  ajoutaient  encore 
au  désir  qu'on  avait  de  la  revoir.  On  était  curieux  de  la 


comparer  à  elle-même,  cl  de  juger  si  sa  voix  avait  gagné 
ou  peritu,  si  sa  méthode  s'était  perfectionnée,  eL  même, 
disons-le,  s'il  n'y  avait  pas  eu  quelque  exagération  dans  les 
éloges  qu'on  lui  avait  donnés:  aussi  chacun  était  à  son 
poste.  DileUantis  italiens,  musiciens  allemands,  flâneurs 
français,  tous  étaient  venus,  tes  un»  pour  juger,  les  autres 
pour  applaudir,  qtuind  mime,  les  derniers  pour  prendre  dit 
plaisir  s'il  y  avait  lieu.  C'est  déjà  une  belle  position  que 
eello  où  l'on  a  acquis  tant  d'impur  tance,  et  c'est  toujours 
une  preuve  détalent. 

M"'  Son tag  n'avait  chanté  que  dans  des  ouvrages  bouffes, 
ou  semi-sérieux,  lors  de  son  premier  voyage  à  l'aris  ;  dans 
celui-ci,  elle  a  voulu  se  faire  entendre  dans  le  genre  sérions. 
Le  rùle  de  Desdeiuona,  rôle  d'autant  plus  difficile  à  abor- 
der que  M"  l'asla  le  jouait  admirablement,  est  celui 
que  ftl1"  Sontag  a  ohoisi.  Sou  triomphe  y  a  été  complet,  si 
j'en  juge  par  les  applaudisscmens  qu'elle  a  reçus:  mais 
ces  Hpplandissemens  ont-ils  été  tous  mérités?  A  celajo 
répondrai:  souvent,  mais  pas  toujours.  Je  m'explique. 

Une  voix  pure,  sonore,  Ikxiblo.  .su^i'rpiibh'  de  se  modi- 
fier depuis  le  plus  haut  degré  d'intensité  jusqu'uladouceur 
la  plus  suave,  sont  les  avantages  dont  la  nature  a  pourvu 
M1"  Sontag,  Elle  y  joint  ceux  d'une  intonation  toujours 
juste  et  d'un  goût  souvent  heureux.  Voilà,  sans  doute,  bien 
des  qualités  ;  il  est  certain  cependant  qu'elles  ne  suffisent 
pas  toujours,  surtout  lorsqu'il  s'agit  de:  lu  musique  sérieuse. 
Je  n'eu  veux  pour  preuve  que  le  finale  du  second  acte 
A'Otello,  dans  lequel  se  trouve  la  phrase  :  Se  il padre  m'aban- 
donna! phrase  de  la  plus  grande  élévation,  et  que  51"'  Pasta 
rendait  avec  l'accent  le  [dus  pathétique.  AI "*  Sontag  en  a 
fait  une  phrase  d'eifet  calculé  ;  elle  détache  toutes  les  notes 
ascendantes  et  les  dit  dans  un  meiza-voce  presque  imper- 
ceptible, afin  de  réserver  ses  moyens  pour  le  trait  suivant; 
cela  produit  de  l'effet  ;  mais  dramatiquement  parlant,  cela 
est  petit,  mesquin,  smis  passion  et  sans  douleur. 

Soit  qu'elle  fût  fatiguée,  suit  qu'elle  n'eût  pas  bien  conçu 
le  troisième  aclc,  M11'  Sontnj;  y  a  clé  faible  dans  la  romance 
et  dans  le  duo  ;  ses  amis  n'ont  pas  même  osé  l'applaudir. 


55o 

A  tes  défaut*  près,  elle  a  montré  beaucoup  de  taleul  dans 
le  reste  de  l'ouvrage,  et  a  mérité  lesapplaudissemeus  una- 
nimes qu'elle  a  reçus  dans  le  finale  du  premier,  dans  le 
trio  et  dans  la  première  partie  du  finale  du  second.  Je  suis 
convaincu  que  le  rôle  de  Desdemona  est  un  de  ceux  qui 
lui  conviennent  le  moins,  ci  qu'elle  reprendra  tousses 
avantages  dans  le  Barbierc,  dans  la  Cenerentola,  dans  ta 
Gana  ladra  et  dans  la  Donna  itcl  lago.  Il  me  tarde  de  l'en- 
tendre, dans  ce  dernier  ouvrage,  unir  sou  talent  avec 
celui  de  M"  Pisaroni. 

—  Une  soirée  musicale  du  plus  haut  intérêt  a  eu  lien 
dans  les  salons  de  MM.  Pleyel  et  compagnie,  le  27  du  mois 
dernier.  Cette  soirée  était  consacrée  à  la  grande  musique 
instrumentale  qu'on  entend  trop  rarement,  cl  le  talent 
des  virtuoses  était  digne  de  celui  des  compositeurs.  Jamais, 
peut-être ,  l'admirable  septuor  de  Beethoven  pour  violon , 
alto ,  violoncelle  ,  contrebasse ,  clarinette,  cor  et  basson, 
n'a  élé  rendu  avec  autant  de  perfection  qu'il  l'a  été  dans 
cette  séance  par  MM.  liaillot,  Lrhan  ,  Norblin  ,  Lamy,  Pé- 
chinier,  Dauprat  et  Barizel.  Un  auditoire,  composé  de  tout 
ce  qu'il  y  a  de  plus  distingué  parmi  les  amateurs  et  les  ar- 
tistes, ne  savait  ce  qu'il  devait  le  plus  admirer  ou  du  génie 
qui  a  enfanté  ce  chef-d'œuvre,  ou  de  l'ensemble  délicieux 
de  cette  belle  réunion  de  talens. 

Un  trio  pour  piano,  violon  et  violoncelle,  exécuté  d'une 
manière  au-dessus  de  tout  éloge  par  MM.  Kalkbrcnncr, 
Baillot  et  Sorblin,  et  un  morceau  très  original  pour  si\ 
pianos,  composé  par  M.  Kalkbrenner  et  exécuté  par  lui  , 
MM.  Camille  Plcyel,  Pixis,  Bertini,  Camille  Petit  et  Iti- 
gcl ,  complétaient  toute  la  partie  inslrnmcnlalc  de  ce  con- 
cert. Ou  paraissait  craindre  que  l'effet  de  ce  dernier  mor- 
ceau ne  répondît  pas  à  l'appareil  qu'il  exigea  il  ;  mais  011 
lut  agréablement  trompé.  On  peut  affirmer  que,  sous  le 
rapport  de  la  composition,  il  est  au  rang  de  ce  qu'on 
connaît  de  plus  beau  dans  le  genre  instrumental.  Un  ex- 
cellent piano  a  queue,  joué  par  M.  Kalkhrenncr.  dialogua  il 
avec  un  piano mùeorde  qui  élait  louché  par  M.  Pleyel,  ci 
do  ni  la  voix  pénétrante  se  mariait  parfaitement  avec  celle 


du  grand  piano.  Quatre  pianos  carrés  à  trois  cordes  ac- 
compagnaient. H  est  bien  regrettable  que  la  difficulté  de 
réunir  tant  de  moyens  d'exécution  prive  le  public  de  ce 
bel  ouvrage. 

Adolphe  Nourrit,  dans  un  air  de»  Abencirages  et  dans  un 
duo  de  Moïse  chanté  avec  Al.  Dabadie  jeune,  el  madame 
StocLhausen,  dans  un  air  de  Sap'tenza  et  dans  des  airs  suis- 
ses, ont  mérité  les  applaudissemeus  unanimes  de  ras- 
semblée. 

—  M,  Adam  fils,  jeune  compositeur,  élève  deM.  Boïel- 
dieu  ,  connu  déjà  par  de  la  musique  instrumentale  et  de 
jolis  airs  intercalés  dan»  quelques  vaudevilles  ,  vient  de 
donner  un  échantillon  de  ses  talens  dans  la  musique 
qu'il  a  arrangée  et  composée  pour  ta,  Batelière,  opéra- 
vaudeville  de  MU.  Scribe  et  Mêles  ville  ,  dont  la  première 
représentation  a  été  donnée  au  théâtre  de  Madame  ,  le 
uo,  décembre.  Celte  musique  est  peu  prétentieuse  parce 
qu'il  fallait  l'approprier  au  petit  cadre  pour  lequel  elle 
était  composée  ;  mais  on  y  trouve  de  l'élégance,  de  la 
fraîcheur  et  un  bon  système  d'instrumentation.  L'ouver- 
ture est  jolie  ,  cl  l'on  remarque  un  chœur  et  un  petit  air 
agitato,  qui  sont  d'un  bon  style.  M.  Adam  travaille  à-deux 
opéras  pour  le  théâtre  Feydeau  ;  il  sentira  sans  doute 
qu'en  composant  pour  un  grand  théâtre  ,  il  faut  chercher 
à  agrandir  su  manière  plutôt  qu'à  la  rapetisser. 

—  Uu  grand  événement  vient  d'avoir  lieu  à  l'École 
royale  de  Musique.  Par  arrêlé  de  M.  le  vicomte  de  La  Uo- 
chcfoucault,  les  classes  de  déclamation  spéciale  et  lyrique 
viennent  d'être  supprimées  ,  ainsi  que  celles  de  plusieurs 
professeurs  de  chaut,  de  vocalisation  et  de  piano.  Treize 
professeurs  sont  compris  dans  cette  réforme,  ce  sont 
MM.  St.  Pris,  Lafou ,  Cossard,  Provosl,  Lebrun  ,  Gérard, 
Plaulade,  Blangini,  lierton  fils, Baptiste  aîné  ,  Pradhcrct 
M1"  Michu.  L'économie  résultant  de  ces  suppressions  est 
de  a3,aoo  francs,  de  quoi  il  faut  déduire  les  pensions  qu'il 
faut  accorder  à  ceux  qui  y  ont  droit ,  et  le  traitement  de 
M.  Banderali,  qu'on  a  fait  venir  d'Italie  pour  professer  le 
chant  français.  On  présume  que  l'économie  sera  d'envï- 


Dipzed  by  Google 


55a 

roi)  ia,ooo  fr.  !  Cet  événement  es!  trop  important  pour  que. 
je  n'en  parle  pas  sérieusement.  Ce  sera  l'objet  d'un  article 
dans  le  prochain  numéro.  FEUS. 

—  Le  jeune  Aikan  donnera  uit  concert  dans  les  salons 
de  M.  Pape,  facteur  de  piano,  rue  de  Valois ,  n°  10 ,  et  rue 
des  lions-Enfans ,  n"  19,  le  i5  janvier  prochain  ,  à  7  heures 
du  soir.  On  y  entendra  H'  et  SI™"  Moudonvillc,  SI"*  Mari- 
noui,  M""  Alkau,  MM. Camus  ,  Ch.  Tolbecq  ,  etc. 


NOUVELLES  ÉTRANGÈRES. 


HIilmi.  La  troupe  chantante  du  théâtre  de  la  <Scata,  au 
prochain  coruaval,  sera  coniposéo  de  M"'  Mcric-Lalande . 
prima  donna,  de  N""  Unpher  et  Dubertuu,  et  de  M'11'  Adé- 
laïde Cesari ,  primo  mitsim.  Les  ténors  seront  David  et  Louis 
Ravaglia  ;  les  basses  chantantes,  Biondini  et  Lalande  ,  et 
le  primo  buffb  ,  Philippe  llicci.  Le  premier  ouvrage  sé- 
rieux qui  sera  représenté  est  VElisabetla;  de  Kossïui,  et  le 
premier  opéra  bonde  J.  Due  Pietri ,  .de  BoniEctti. 

Vej;isb.  Deux  opéras  nouveaux  «ont  annoncés  comme 
devant  être  représentés  sur  le  théâtre  délia  Feiùce  ,  à  la 
saison  prochaine;  l'un  est  Gaston  de  Faix ,  musique  de 
Persiani  ,  l'autre,  Mnfemio  di  Mutina ,  de  Morlacchi. 
Les  principaux  eiiantcurs  engage»  sont  Stéphanie  Favelli. 
primo,  donna  ,  Caroline  Franchini,  autre  prima  donna, 
M'"'  Bassi  Manua.  primo  mtiiko,  Tacdùnardi ,  premier 
ténor,  et  André  Spagni,  première  basse.  ..1.  ., 

Nice.  La  composition  de  la  troupe  du  tkeatra  nuoie, 
pour  le  carnaval  prochain  est  comme  il  suit  :  1'  M?"*Sed- 
laeek  ,  élève  du  conservatoire  de  Milan  ,  et  eu  particulier 
de  M.  Bandcrali,  que  M.  le  vicomte  de  Larocbefoucault 
vient  d'engager,  comme  professeur  au  conservatoire  de 
Paris;  a"  Giovanni  Lainer,  premier  bouffe  comique;  j"  Gin- 
seppe  Loïra,  premier  ténor;  5°  Raphaël  Scalési,  premier 
bouffe  chantant.  /(  barotte  di  Doteheim  ,  opéra  de  Pacfni. 
ouvrira  la  saison. 


Digitizod  t>y  Google 


CONSIDÉRATIONS  SUR  LES  RÉFORMES  NOUVELLES 

OUftilS  Djm  L'(COL«  BOYAU  DI  KUS1QDI. 


Pénétbé  «les  devoirs  ijuc  m'imposent  mes  fonctions  de 
journaliste;  résolu  do  les  accomplir,  nonobstant  la  posi- 
tion délicate  ou  je  me  trouve;  fort  du  témoignage  de  ma 
conscience,  je  n'hésite  pas  à  aborder  l'examen  d'une  me- 
sure que  vient  de  prendre  l'autorité  à  l'égard  de  l'École 
royale  de  musique;  mesure  qui  doit  avoir  do  graves  résul- 
tats, non-seulement  à  l'instant  même,  mais  dans  l'avenir. 
Il  s'agit  des  intérêts  d'un  art  que  j'aime  avec  passion  :  il 
s'agit  de  la  position  morale  des  artistes  et  des  relations 
du  pouvoir  avec  eux  ;  il  s'agit  enfin  de  montrer  comment 
l'action  do  ce  pouvoir  peut  être  ou  salutaire  ou  funeste: 
de  pareils  objets  sont  trop  important!  pour  que  je  n'en 
dise  pas  franchement  ma  pensée,  quoiqu'il  doive  en 

11  est  rare  que  le  chef  d'une  grande  administration  v 
apporte,  en  y  entrant,  des  lumières  suffisantes  pour  eu 
embrasser  tous  les  détails  d'un  coup  d'œil  ;  quelle  que  soit 
sa  capacité,  il  a  besoin  d'appeler  à  son  aide  des  hommes 
expérimenté! ,  capable»  de  l'éclairer  sur  une  foule  d'ob- 
jets ,  et  de  lui  présenter  des  vues  utiles.  C'est  par  celle 
défiance  de  soi-même  qu'un  esprit  juste  parvient ,  avec  le 
iemps,  à  connaître  les  hommes  et  les  choses.  Mais  si  une 
pareille  sagesse  est  nécessaire  lorsqu'il  s'agit  de  finances, 
d'administration  civile,  de  police,  etc.,  elle  est  bien  plus 
indispensable  en  ce  qui  concerne  les  arts  ,  où  tout  est  de 
sentiment ,  de  convenance  et  d'expérience  locale. 

Bonaparte,  qui  jugeait  sainement  de  toutes  les  choses 
uù  son  despotisme  n'était  pas  intéressé  ,  sentait  si  bien 
le  peu»  d'analogie  des  formes  administratives  ordinaires 
avec  ces  objets,  qu'il  avait,  en  quelque  sorte,  borné  les 
a  11  ri  binions  du  minisire  de  l'intérieur  sur.  le  musée,  le 
conservatoire  et  l'opéra  ,  à  régler  leur  bu  d  jet  ;  mais  il  avait 

?•  voi.  4r 


554 

mis  Ions  ses  soins  à  choisir  «les  hommes  pourvu»  de  teilles 
les  qualités  nécessaires  potir  diriger  ces  élablissemens. 
Ainsi,  Deuon  était  devenu  le  directeur  du  musée,  et 
Sitrrctte  celui  du  conservatoire;  tous  deux  avaient  une 
action  indépendante  sur  rétablissement  qui  leur  était 
coolié  ;  tous  deux  savaient  exciter  l'émulation,  et  connais- 
saient les  ressources  qu'il  y  a  dans  l'amour- propre  des 
artistes;  ce  temps  fut  celui  de  la  gloire  de  la  peinture  et  de 
là  musique  française. 

C'est  celfe  action  morale  qu'on  ignore  dans  les  bureaux. 
L'erreur  commune  de  ceux  qui  les  habitent  est  de  croire 
que  tout  se  fait  avec  des  règlement,  desordonnances  et  des 
arrêtés,  tandis  qu'il  rie  peut  y  avoir  pour  un  bon  adminis- 
trateur de  Uu'atre  ou  d'IScole  de  musique  d'autre  règlement 
queTes  'bésoiris,"d'a'utre  ôrdoniiarice  que  sa  volonté.  Les 
hit  réunie  se  persuadent  que  tout  le  bien  vient  d'eux  :  c'est 
exacteihent'  le  contraire.  Ils  ne  sont  pas  en  position  de 
ermria'ître  le  fond  des  choses.  "Quand  vous  verrez,  dit  lord 
a  Cliristerlield  à  son  fils,  une  assemblée  d'administrateurs 

eiï  donnera  .  et  vous  verrez  tonjours  que  le  motif  qui 
.'i'nûr'àiÈ  du  v  ilt-irnuiiier  est  précisément  celui  auquel  on 
"'.n'aura  pas  pensé:  »  ■" 

Eés'înlet.tionsde  SI.  le  vicomte  de  La  Ilocbefoucaultsont 
-p'ûres'fS  «siricerement  le  bien  ;  '  mais  dans  l'impossi- 
bitiïé'dc  connaître  par  lui-même  une  foule  de  détails  ,  il 
serit  'le  besoin1  de  s'éntonrer  dé  conseils;  ce  n'est  pas  sa 
faute  si  la  v'é  rite  ri 'arrive  pas  jusqu'à  lui;  on  ceux  qu'il 
consulte  l'ignorent  eux-mêmes,  ou  ils  n'osent  la  dire  ,  ou 
ils  noie  veulent  pas.  D'ailleurs,  M.  de  Lu  Rochefoucault  ne 
jo'.'.it  pas  dtiu'e  action  libre  :  son  département  n'est  qu'une 
section'  de' Vin  t  erni  ance  générale  de  la  Maison  du  roi.  Son 
budjél  sé'trotive'rédriit  en  masse  d'une  somme  considéra- 
ble; il  e st 'forc'é'dcl^ure  dé  son  cflté  des' réductions  partie  fies 
sur  les1  diverses' brahehes  de  son  administration  *  de  là 
celles  que  vïétiï  d'éprouver  l'École  royale  Se  musique. 
/  Celles-ci  seront-elles  profitables'?  C'est  ce  que  je  me  pro- 
pusc  d'examiner.  '    "  '■ 


OiQllizMOyCoOglî 


555 

Depuis  long-temps  les  classes  (le  déclamation  .  dépen- 
dantes de  l'École  royale  île  musique ,  sont  frappées  tic  ré- 
probation. Les  journaux,  les  écrits  de  tout  genre  sont 
remplis  du  critiques  et  de  sarcasmes  contre  ce  mode  d'en-, 
seigiiemeut  théâtral.  Il  se  peut ,  en  effet ,  qu'il  ue  soit  pas 
le  meilleur  possible;  peut-être  l'art  du  comédien  ne  com- 
porte-l-il  pas  une  tbéurie  assez  compliquée  pour  avoir 
besoin  d'Être  enseigné  méthodiquement;  peut-être  ,  à 
défaut  de  science  positive  du  beau  ,  les  professeurs  sont- 
ils  réduits  à  ne  donner  à  leurs  élèves  que  des  traditions  . 
\  érïtahles  fléaux  du  talent  naturel  ;  peut-être  ,  enfin ,  les 
professeurs  de  déclamation  ont-ils  trop  compté  sur  leur 
art,  et  n'ont-ils  point  été  assez  sévères  sur  te  choix  dé 
leurs  élèves.  Trop  souvent ., ils  ont  entrepris  i]e  faire  des 
acteurs  tragiques  avec  des  nains  dépourvus  d'organe  cl 
de  sentiment.  Les  qualités  physiques,  sont  à  l'acteur  ce 
que  la  voix  est  au  cbauleur,  c'est-à-dire  la  condition  pre- 
mière. Cependant  il  s'en  faut  de  beaucoup  qu'il  n'y  ail 
rien  à  apprendre  dans  l'art  de  Molé  ou  de  l'aima.  Sup- 
posez l'homme  le  mieux  organisé  ,  mais  n'ayant  appris  ni 
à  se  faire  une  bonne  prononciation,  ui  à  respirer  à  propos, 
nia  tirer  parti  du  volume  de  sa  voix,  ni  entiu  à  marcher 
et  à  se  tenir  sur  la  scène  :  sou  débit  et  son  jeu  seront  le 
comble  du  ridicule.  Combien  de  fois  n'avoos-nous  pas  en- 
tendu notre,  lioscius  parler  de  la  difficulté  de  fixer  une 
intonation  heureuse,  et  d'cnipéehcr  la  voix  de  monter 
dans  la  passion  ?  Il  avouait  que  ircuie  ans  d'études  lui 
avaient  été  nécessaires  pour  triompher  complètement  de 
cet  obtlaclt^ 

Autrefois  ou  jouait  lahaule  comédie  et  lu, tragédie  sut 
tous  les,  théâtres  des  villes  de  province,  ("était  la  qui:  se 
formaient  Ions  ceux  qu'une  vocation  décidée  jetait  dans  la 
carrière  du  théâtre;  c'est  du  là  que,  soul  venus  tous. nos 
grands  acteurs.  Mais parla  protection  insensée  qu'on  a  ac- 
.  cordée  depuis  au  vaudeville  et  au  mélodrame,  et  par  toutes 
les  entraves  qu'on  a  mises  à  la  propagation  delà  bonne  co- 
médie, tout  a  péri.  La, comédie,  la  tragédie  sont  des  choses 
à  peu  près  inconnues  dans  les  départemens.  Je  ne  sais  si 


Dlgifcod  0/ Google 


l'on  pourrait  y  trouver  deux  acteurs  supportables.  11  ne 
restait  donc  qu'un  seul  refuge  pour  ceux  qu'un  goût  pro- 
noncé portait  vers  le  théâtre ,  et  qu'une  ressource  pour  le 
théâtre  français  :  c'était  l'École  de  déclamation.  On  pou- 
vait modifier  le  mode  d'enseignement  si  ou  le  reconnais- 
sait vicieux;  on  pouvait  convertir  la  classe  en  théâtre, 
faire  jouer  aux  élèves  des  actes  ou  des  pièces  entières,  et, 
au  lieu  de  leur  donner  la  manière  du  professeur,  se  borner 
à  les  avertir  de  leurs  défauts,  en  leur  laissant  tout  ce  que 
leurs  intentions  auraient  d'original.  La  dépense  était  peu 
considérable,  et  l'on  avait  du  moins  une  chance  favorable 
qui  n'existe'  plus]1  On  était  fondé  à  reprocher  à  l'École  de 
déclamation  de  n4avoir  rîeri  produit;  mais  affirmer  qu'elle 
était  un  obstacle  a  l'a  production  du  talent  est  une  propo- 
sition qui  iVa'pu  être  articulée  que  dans  un  temps  où  l'on 
ose  dire  qùej  pour^èt^e  un  musicien  de  génie,  il  ne  faut  pas 
a  pprendré'là1  musique. 

Il  est  un  autre  point  de  vue  sous  lequel  on  peut  consi- 
dérer la  suppression  dé  l'École  de  déclamation.  Malgré  les 
progrès  du  siècle,  on  convient  assez  généralement  que  le 
chant  est  un' art  dont  il  faut  apprendre  le  mécanisme. 
Mais  en  France  cet  art  ne  suffit  pas  pour  faire  un  chan- 
teur dramatique;  car  on  exige  aussi  qu'il  soit,  sinon  co- 
médien distingué,  au  moins  acteur  supportable.  Celui  qui 
se  destinera  à  la  scène  n'aura  désormais  d'autre  ressource 
qué:  d'aller  dans  les  '  déparlemehs  pour  y  apprendre  ce 
qu'on  appelle  le  mUièr  tl<  .<  planches  ;  mais  ce  qu'il  y  gagnera 
sous  ce  rapport,'  ii  le  perdra  cmutn!e,lchanteur;  car  ou  sait 
ce  que  c'est  que  le  goût  de  la  province:  Je  doute  qu'on  ait 
pensé  à  relie  difficulté.  0  VOus!  >ii  g cïrtî testez- chaque  jour 
sur  réuractuèï'dc  nos'tliéafrés\:(ét  qWi  WmS 'êtes  tantale. 
vés  contre  fÈcol^'dc  déclamation  ,- je  vbuJ  afté'imVu'  dix 
ans.  Ce  que  Vous'blamiik  àvec'rànl  d'aimaVhfenïentVous 
semblcra,,un état' dé' prospérité  eti'ctinrp,a«aisBh flé  <Jè"*p*é 
YousaUr&'alor'sï'  aU  -"'l»'"" '<        «''«!*»»'  • 

On'parle,'  ÏVékt  Vrai,  de  la  ïébrga  irisât  ion  d'une  classe 
de  déclamation  attachée  au  théâtre  Fraiteafe  ;  mais  une 
pareille  institution,  devenue  en  quelque  sorte  un  établis- 


sèment  particulier,  n'aura  qu'une  existence  précaire, 
parce  qu'il  dépendra  tôt  ou  tard  d'une  décision  des  socié- 
taires pour  le  supprimer;  d'ailleurs,  une  pareille  école 
serait  aussi  nécessaire  auprès  du  théâtre  Feydean  ,  et 
même  de  tous  les  grands  théâtres  ;  ou  sent  que  cela  est 
impraticable. 

Il  y  a  long-temps  que  j'ai  démontré  au  ministère  la  né- 
cessité de  retrancher  de  l'école  royale  de  musique  celte 
classe  qu'où  appelle  de  déclamation  lyrique;  car  ce  n'est  pas 
d'aujourd'hui  que  la  situation  de  nos  théâtres  et  le  soin 
de  leur  recrutement  m'occupent.  Laine»,  de  tragique  et 
de  criarde  mémoire,  venait  de  mourir  ;  le  temps  me  parut 
opportun  pour  faire  cette  suppression.  A  la  manière  do  ni 
il  donnait  ses  leçons,  j'avais  jugé  qu'il  n'y  avait  point  de 
voix,  si  bien  constituée  qu'elle  lut,  qui  pût  résislcr  au 
travail  qu'il  faisait  faire  à  ses  élèves.  Son  système  était 
celui  de  l'ancieune  école  ;  c'était  celui  de  l'opéra  d'alors  : 
on  avait  donc  la  certitude  que  ceux  qui  lui  succéderaient 
n'en  changeraient  pas.  Tout  en  parlant  sans  cesse  de  vues 
d'améliorations ,  les  administrateurs  n'écoutent  guère 
ceux  qui  sont  animés  d'un  zèle  véritable  et  qui  leur  don- 
nent de  bons  avis.  La  place  de  Laincz  fut  donnée  à  Adrien, 
et  l'on  continua  à  détruire  toutes  los  voix  qui  se  présen- 
taient ;  la  plupart  n'arrivaient  pas.'  jusqti'à  ia  porlc  de  l'A- 
cadémie royale  de  musique.        ..      .  j?  (.j  ^  r/,.((('j,.  |  ^a 

A  la  mort  d'Adrien,  je  renouvelai  mes  instances  pour 
qu'on  examinât  sérieusement  le  vite  que  je  signalais; 
pour  toute  réponse  on  nomma  M.  Baptiste  aine  professeur 
de  déclamation  lyrique.  J'estime  fort  la  personne  et  les 
talens  de  M..  Baptiste;  mais  l'idée,  de  lu*  confier  rensei- 
gnement du  chant  me  parut  si  grotesque  que  je  désespérai 
du  salut  de  l'École,  et  que,  je. pris  le, parti  de,  garder  (e  si- 
lence. Les  engage  me  us  que  j'ai  pris  depuis  lors,  envers  le 
public  ne  .ine, permettent  Kius  de.  me  taire  .  quoique  je 
sois  convaincu  de  l'inutilité  de  mes  avis.  Én.  ôlau'l  à 
M.  Baptiste  alué.  l'ens^suemejit  dR  Ja  Réclamation  spé- 
ciale pour  lui  cppûer  celu^tie  la  déclamation,  lyrique,  on 
avait  fait  une  laute.  Maintenant  ou  veut  la  réparer;  mais 


558 


il  est  faeheu-x  que ,  pour  prix  de  sou  zèle  .  on  n'ait  a  offrir 
à  un  homme  estimable  qu'une  destitution.  Les  faute»  mi- 
nistérielles sont  toujours  graves.  Adolphe  Nourrit  est,  dit- 
on,  désigné  pour  occuper  la  place  devenue  vacante  parla 
retraite  de  M.  Baptiste;  on  ajoute  que,  par  égard  pour 
son  ancien  professeur,  il  n'a  point  accepté.  Ce  refus  l'ho- 

Quatre  professeurs  de  chant  et  de  vocalisation  ont  reçu 
leur  démission  ;  ce  sont  MM  .  Plantade,  Gérard ,  Blangini 
et  Berton  fils.  On  les  rend  ainsi  responsables  du  petit 
nombre  de  chanteurs  qui  sont  sortis  de  l'École;  mai»  sans 
parler  de  il"  Albert,  de,  M"'  Gintv,  de  M™  fiabadie,  et 
d'autres  qui  se  sont  formés  dans  leurs  classes,  a-t-on  bien 
examiné  loutes  les  causes  oui  les  ont  empêchés  d'en  pro- 
duire davantage?  Ont-ils  eu  des  voix  à.  leur  disposition? 
Et  s'ils  en  ont  eu,,  la  condition  qu'on  leur  imposait  de 
fournir  promptement  des  sujets  à  des  théâtres  en  déca- 
dence ne  les  a-t-elle  pas  contraints. à  ne,  leur  donner 
qu'une  éducation  trop  hâtive  ?  Il  y  a  tant  de  choses  à  con- 
sidérer dans  les  causes  de  cette  rareté,  de  chanteurs  qu'on 
remarque  maintenant  dan»  U>«U;  llBurope ,  qu'il  ne  faut 
pas  se  hâter  Je  conclure ,  au  risque  de  se  tromper  lourde- 
ment. D'ailleurs,  lorsque  ce»  professeurs  omt  é#ér  flhoisU 
pour  remplir  les  places  qu'ils  occupaient ,  ou  h  sans  doute 
reconnu  leur  «apacjté , ,  et  leurs  juges  s'y  connaissaient  au- 
tant que  ceux  d'aujourd'hui,  .l'examinerai  tout  à  l'heure 
l'effet  m9ral.de,  celte  instabilité  dans  le  sort  /des,  artistes  > 
et  me  borne  maintenant  à  considérer  ce  qui  est  substitut 

M*  -Banderali,  professeur  distingué  du  Cuiiwr- 

v^uffi,,dq,-r^||BpH,iary  W»trti4lg<Mrj|PBMT1  IWtffléfW* 
Jonctions  à  .cçtuL.dei  l'aris.  .Son  «*rww1çto*WWrWr*,.«0 
mois  d'avril  prochain.  M.  JBamicraJi,  qu'on  dit  otro  âgé  de 
cinquante  et  qunlqucs  années,  n'est  point  familier  avec  .la 
langue  française;  et  comme  on  no  pourra  le  borner  am 

o:*wl  eeL  qu'il  sait  taire-. rou*^u^'^,,l«i*>UBui«e.des 


sujets  pourvus  d'une  belle  vois  et  d'un  bon  sentiment  de 
musique,  je  suis  persuadé  qu'il  formera  d'exccllens  chan- 
teurs; mais  quel  avantage  en  retireront  no»  théâtres  ?  C'est 
d'eux  cependant  qu'il  s'agit  ;  car  que  nous  importe  que 
nos  chanteurs  brillent  ailleurs  qu'en  France? 

On  m'objectera  sans  doute  qu'un  Français,  sachant 
bien  chanter  eu  italien  ,  peut  appliquer  «ans  peine  oe 
qu'il  sait  à  la  langue  française  ;  mais,  outre  que  l'articu- 
lation de  cette  langue  offre  de  grandes  difficulté*  dans  le 
chant,  outre  qu'il  est  plus  facile,  de  bien  chanter  l'italien 
que  le  français,  les  avantages  d'un  chanteur  italien  sont 
tels  qu'aucun  élevé  de  M.  Banderai!  ne  consentira  à  les 
échanger  contre  le  dur  noviciat  qu'il  faii!  fairé  au  théâtre 
de  l'Opera-Comiquc  ou  à  l'Académie  royale  de  musique. 
Les  moyens  de  recrutement  étaient  boritésnàguercsMlK 
seront  nuls  désormais,  à  moins  qu'oii'iie'eonsmile  à  entrer 
en  concurrence  avec  les  théâtres  étrangers'  et  à, disputer 
au  poid  de  l'or  des  acteurs  devenus  indispensables. 

J'ai  déploré  souvent  l'état  de  décadence  du 'se  trouvent 
nos  théâtres  lyriques  et  l'art  du  chant  à  Ptëéole  royale  de 
musique  ;  j'ai  dit  que  le  péril  était  imminent  ;  que  des 
améliorations  promptes  étaient  nécessaires,  qu-H  fallait 
se  procurer  de»  voix ,  etsurlont  ranimer  l'émulation  prèle 
à  s'éteindre;  à  Dieu  ne  plaise  que  j'aie  voulu  insinuer  qu'il 
fallait  faire  venir  des  professeurs  de  chaut  d'Italie  et  ren- 
voyer les  nôtres.  Eli  !  comment  aurtii&vjeeu  celte  pensée  ? 
L'Italie  trouve  à  peine  en  elle-même  des  ressources  pour 
ses  propres  besoins,  ce  qui  prouve  que  ses  écoles  ne  sont 
point  dans  un  étatllorissaut.OnsaitquéleS'Uantntrîccsquiy 
ont  brillé  le  plilB,  depuiw quelques  aniiées.'SOiilfrançaiscs. 
Telles  sont  mesdames'  'Mainvielle-Fodor,  Mérie-Lalande . 
Coloiribelle  ^CorMÏ)  et  Favellî.  Jê  ^répète,  je  suis  foin 
de  contester  h;  mérite  «te 'Ml'  Sanaefâii;  mais  ce  mérite 
ne  petit  ê^atiIt?<qti(<pO«r  frtrnrer  des  Oliaulcurs1  (teslmée 

a  ftiier'brniev  mnmêfl  w        »  ;  MiffM  9  mm 

Il  est  vtn  autre  pttMttte-vtie  sons!  [^«el  W  font  envisage  v 
la  réforme réeente-des profcMffars de l'KcttleroyaJc  dc-musi- 
rjue  :  il  mérite  l'attention  d'un  administrateur,  car  il  s'agit 


56o 

tin  moral  des  artistes  qu'on  ne  blesse  point  en  vain.  La  plus 
grande  sévérité  doit  présider  an  choix  des  professeurs  dans 
une  école  importante  comme  l'École  royale  de  musique; 
mais  ce  choix  ayant  été  fait  doit  élre  respecté,  à  moins  que 
par  une  négligence  coupable  à  remplir  leurs  devoirs  ces 
professeurs  n'aient  provoqué  leur  destitution.  Un  artiste, 
pour  Être  quelque  chose  ,  a  besoin  d'avenir  et  de  sécurité. 
Les  réformes  ,  les  réorganisations,  que  j'ai  toujours  vues 
suivies  d'un  état  de  choses  pire  qu'auparavant,  enfantent 
le  découragement  au  lieu  de  l'émulaliou  qu'on  veut  faire 
naître.  Ceux  qui  échappent  au  naufrage  ne  sont  guère  plus 
heureux  que  ceux  qu'il  engloutit;  on  s'habitue  à  considé- 
rer sa  situation  comme  un  état  précaire,  et  comme  le 
ïèle  est  compté  pour  peu  de  chose,  chacun  n'en  a  que  ce 
qu'il  faut  pour  n'être  point  répréltensible.  Il  est  une  vérité 
incontestable,  c'est  qu'un  état  de  malaise  et  d'inquiétude 
existe  parmi  tous  les  musiciens. 

Parlerai-je  de  l'économie  qui  parait  avoir  été  la  pre- 
mière cause  de  la  réforme  actuelle  P  Mais  cette  économie 
même  est  une  illusion  ;  car  s'il  est  vrai ,  comme  on  le  dit , 
que  le  traitement  ostensible  ou  secret  de  M.  Banderali  ex- 
cède dix  mille  francs,  ce  traitement:,  joint  aux  pensions  de 
retraite  auxquelles  plusieurs  professeurs  ont  droit,  absor- 
bera la  plus  grande  partie  de  celte  misérable  épargne. 
D'ailleurs,  qu'est-ce  qu'une  dépense  de  cent  eiuquanie 
ou  de  cent  soixante  mille  francs  pour  l'entretien  d'une 
école  sans  laquelle  il  n'y  aurait  point  de  musique  en 
France  ?  d'une  école  â  laquelle  on  doit  au  moins  do  la  re- 
connaissance ,  puisqu'elle  a  fait  à  peu  près  tout  ce  qui 
brille  sur  nos  théâtres,  dans  nus  orchestres,  et  qui  a  im- 
primé l'essor  que  l'art  musical  a  pris  dans  toute  l'étendue 
du  royaume  P  Eh  1  sans  la  passion  qui  domine  les  artistes 
dignes  de  ce  nom,  croit-on  qu'il  se  trouverait  un  seul  pro- 
fesseur qui  voulût  livrer  son  talent  pour  les  faibles  ap- 
pointerons qu'on  accorde?  Quoi!  un  grand  violoniste, 
un  habile  chanteur,  un  professeur  de  composition  ,  un 
homme  qui  a  consacré  tonte  sa  vie  à  pénétrer  les  secrets 
d'une  théorie  obscure  et  à  en  aplanir  les  difficultés  ,  bor- 


Digitized  by  Google 


nentlcur  cspqirà  la  somme  annuelle  de  deux  mille  franc»; 
sur  cette  somme  une  retenue  de  trois  pour  cent  est  faite 

au  bénéfice  de  la  caisse  des  pensions,  et  après  dix-sept  ou 
dix-huit  ans  ils  sont  exposés  à  être  réformés  sans  obtenir 
celle  pension,  parce  que  les  réglemens  ne  l'accordent  qu'au 
bout  de  vingt  ans  de  survice,  et  sans  qu'on  leur  restitue 
les  retenues  qui  leur  ont  été  faite.*!  Ce  n"cst  pas  tout  :  ceux 
qui  font  un  double  service  à  l'Opéra  et  à  l'École  royale 
subissent  une  double  retenue  sur  leurs  appointemens  de 
l'un  et  de  l'autre  emploi;  néanmoins,  par  de  nouveaux 
réglemens,  ils  ne  sont  point  admis  a  cumuler  deux  pen- 
sions qu'ils  auraient  légalement  gagnées,  parce  qu'on  a 
jugé  à  propos  de  réunir  les  deux  caisses  on  une  seule. 

Je  sais  qu'il  est  diflicile  qu'un  administrateur  connaisse  , 
tous  les  détails  et  saisisse  tontes  les  conséquences  de  ses 
décisions  ;  mais  c'est  à' ceux  qui  l'entourent  qu'il  appar- 
tient de  l'éclairer,  surtout  quand  on  est  certain  de  ren- 
contrer en  lui  l'amour  du  bien.  Je  me  garderai  bien  tou- 
tefois d'imputer  à  M.  Cbérubini  les  réformes  qui  viennent 
d'Aire  faites  à  l'École-  royale  de  musique  ■.  je  ,,.i,  certain 
qu'il,  a  été  le  premier  à  les  désapprouver,  ^et  qu'il  n'est 
point  dans  son  goût  d'administrer  des  débris  ;  mais  il  s'est 
soumis.  Je  sais  à  quels  conseils  on  doit  imputer  ces  cuan- 
gemeusj.mais  je  ne  le  dirai  pas,  parco  que  Ics.ariistcs  me 
comprendront  sans  que, je  m'explique  ,  et  parce  qu'il  est 
inutile  que  d^autres  sachent  ce  que  je  tais.  1 

.J'aÂ*cjnpli  un  devoir  pénible  ;  mais  par  cela  même  que 
c'est  .un,  devoir,  j'ai  d»  leiremplirJ  Mes  paroles1  pourront 
èu-e  envuuiinée»,  et  l'on  pourra  me  faire  un  crime  do  ma 
hardiesse;  mais,  quoi  qu'il  en  soit,  j'aurais  témoignage 
deinu, conscience.  e  H  !ns  sentîmes  des  gens  de  bien. 
imJàM  «ol  afrkMé  top  ■flfaiqPftMoj  î*»  'fjWtf01 ,,( 
-uii|  iiint  MÎ  ihWniWlf*  !i'up(i«-tini!>  ,murt  »  arî  èur%V 
.([i.  MlliUn)  KM  -wioq  l<i«l".  in^'-  .  rjlt  iOIiiov  r»|»  ww»»1 
,  ttltlIMItUIf  l"lfli;t  II»  !wu^  'JîlTii  T,  ttu'llf  ttWllMMKf 
■  H  ,  uDilinoqm  >3  oh  WSWitnW|  nu  ,nmh»il'»  >'iiii  'l 
MnlM*  sol  iSilW.q  c  air  M  ./«loi  i-  .i.hii.v.  »,  mti  ..«nminl 
•  'ml  .  nHntStife  <"•)  »'fr*Vir  n  •  /  i"  ■.-u  >"J»  t ■■>..':•<  tun'l'- 
2,  vol.  48 


,  r—  .-  ■  CORRESPONDANCE. 


■i  '  Choitj-le-Roi ,  le  ijinTiei  i8a8. 

Les  lecteurs  de  la  Rnua  itusteale  ayant  pu  croire  que  le* 
critiques  de  M.  Troupeuas  sur  ma  gamine  chromatique 
sont  fondée»,  je  me  trouve  dans  l'obligation  de  les  réfuter. 
Toutefois  je  rendrai  justice  au*  intentions  de  cet  amateur 
éclairé,  qui  n'a  évidemment  pour  but  que  d'être  utile  à 
l'art  musical,  de  même  que  ja  ne  soutiendrai  mes  prin- 
cipes que  par  amour  pour  le  vrai.  J'ai  établi  ainsi  les  rap- 
ports des  sons  de  la  gamme  chromatique .  savoir: 
ai,  re\»  re,  mt  j»  mi,  fa,  faf,,  toi,  ia\,,  la,  siL  si,  ut. 

(  i,  fa  h  i>  i*  u  %  h  h  h  Y.  «• 

M.  Troupenas  improuve  seulement  l'expression  -r* ,  de 
la  seconde  mineure,  celle  ^,  du  triton,  et  celle  de 
la  septième  mineure.  Il  n'a  point  reconnu  le  principe 
constitutif,  de  eelle  gamma,  *rai  la  rend  la  pius-*égulièr© 
qu'il  soit  possible  de  l'être,  lés  intervalles  de  Put  grave 
au V*L.  à  r«,  à  mi},,  à  mi,  à  fa  et  au  triton,  étant 
égaux,  deux  par  deux,  à  ceux  de  Vul  aigu,  au  si,  à  lify, 
a  la,  à  fa[>,  à  sol  et  au  triton.  \\  s'est  refusé  à  reconnaître 
que ,  destinée  à  t'accerd  des  nutrunena  à  douze  demû-tons 
invariables ,  i\  est  impossible  d'y  admettre  dea  rapporte  plu* 
rapprochés  des  moyens  proportionnels  géométriques  OU 
demi-tons  égaux,  que  l'on. a  voulu  introduire  jadis,  et 
que  leur  fiuisselé  universelle  a  dû  faire  rejeter  à  jamais. 
Eu  elfet,  le  rapport  -if,  qui  exprime  le  re\,,  a  dû  être 
admis  an  lieu  de  celui  qui  représente  fVjf,  parce 
que  le  moyen  proportionnel  géométrique  entre  i  et  g  est 
ivf  égal  à  4-?-  h  peu  de  chose  près ,  et  par  conséquent  plus 
rapproche  de  f|  que  de  De  même  le  moyen  propor- 
tionnel entre  'J,  qui  exprime  le  lael^,  qui  représente  le 
si,  t»t;-$*r  qui  ne  diffère  de  ^  que  de  «Jft,.  ou  environ 


5bS 

■fc,  tandis  qu'il  diffère  de  -,  ti\f  de  AI.  Troupeuas,  de 
^777,  ou  environ  ^;  eu  sorte  que,  quelle  que  soit  la  dif- 
férence entre  ma  tierce  majeure  te,  uf# ,  et  ma  tierce  mi- 
neure «ffl,  mi  (et  elle  est  do  ou  un  peu  moins  de 
expression  du  (on  mineur),  il  est  indispensable  d'admettre 
celte  anomalie  apparente;  car  si  l'on  emploie  l'ut  g  de  ~  , 
on  aura  la  tierce  majeure  re\,  fa,  de  la  valeur  de  jf,  et  la 
tierce  mineure  j  **  P,  n  ^,  de  la  valeur  |£S ,  qui  différe- 
ront de  ,  à  peu  près  égal  à  \i,  de  sorte  que  l'incon- 
vénient est  presque  le  même,  Si  l'oit  emploie  le  si  J>  de  " 
de  M.  Troupenas ,  il  sera  plus  grave,  car  lu  tierce  mineure 
sera  exprimée  par  y°-j} ,  et  sa  différence  avec  la  tierce  ma-  ' 
jenre  sera  de  iff^,  <l»i  »R  diffère  de     que  de  7^;'. 

Il  ne  reste  plus  à  justifier  que  l'expression  f  1  du  IHton  ; 
mais  l'impossibilité  absolue  d'admettre  le  fit$,  a  l'exclu- 
sion dus»ip,ou  ce  dernier  à  la  place  de  l'autre,  suffit  à 
cet  égard. 

S'est-il  pas  injuste  de  m'accuser  de  négligence  relati- 
vement anx  sixtes  uni  varient  du  mineur  au  majeur  dans 
les  plateaux  dont  les  cotés  diminuent  en  nombre  du  cercle 
au  carré  et  au  triangle ,  quand  c'est  moi  rj ni ,  le  premier, 
ai  fuit  celte  observation  ?.j"en  ai  fait  nsage  autant  que  je 
l'ai  dû  uaas  mun,  tableau  de*  résonna  nées  graves  /en  y  in- 
sérant parmi  les  sons  générateurs  le  tot§  et  le  tu  (,.  Je 
n'ai  pas  ern  devoir  (aire.meDlion  des  sixtes  intermédiaires, 
et  entre  autres  d'un  ia[>,  de 41 3  vibrations,  qui  eût  été  ex- 
primé jfAV  |f)  (apport  eHse.utielJcmciit  faux  et  qui  au- 
rait donné^puur,  résonances  graves  un  mi  de  160  vibry- 
lions,  et  uu  toldft  9G,  vibrations.     «  . -1 

Lu  plié nomùne.qua  j'ai, constate,  la  présence  de  l'accord 
de  triton  et  rte  sixte  majeure- dans  le  plateau  carré,  ne  me 
parait  peint  purement  géométrique,  puisque  cet  accord 
est  le  lype  naturel  de  l'harmonie  dissonante,  et  fait  né- 
cessairement partie  îles  dissonances  dites  de  seconde  et  de 

(il  M.  TréupcnM  y«l  trompé  <1ini  fet  Titeuri  comparée  de  htlils 
utiaeirrcn'^,  la ,  1  t  de  la  titre»  mu  jour,.  la ,  </(§,  La  prcmiir  intervalle 
en  npfiiné  par  il ,  «(.non  pat  J|, 


564 

septième  diminuée,  distinctes  l'une  de  l'autre  par  la 
tierce,  qui  est  ou  mineure  ou  majeure,  comme  dans  uf, 

lin  article  adressé  à  M.  Fétts  ,  et  qui  traite  des  diverses 
expressions  des  modulations  dérivées  de  ma  gamme  ,  eût 
répondu  à  une  autre  critique  de  M.  Troupenas;  en  atten- 
dant sa  publication,  je  dois  faire  observer  ici  qu'il  s'est 
lort  mépris  sur  les  résultats  de  mes  rapports ,  en  les  accu- 
sant absolument  trjus  de  fausseté. 

Par  la  construction  de  tua  gamme ,  les  accords  couson- 
nans  qui  suivent  y  sont  exprimés  avec  la  plus  grande 
justesse,  quelles  que  soii 

ut,  fa,  ta. 
reif,fa,  ta\,. 
re,   fa,  si. 

Je  ne  crois  pas  qu'aucune  autre  gamme  chromatique 
puisse  présenter  des  résultats  aussi  satisfaisais. 

Je  désire  que  ces  éclaircisscmens  m'épargnent  de  la 
part  des  musiciens  le  reproche  de  n'être  qu'un  géomètre 
harbare ,  et  de  la  part  des  géomètres  celui  de  n'être  qu'un 
musicien  ignorant. 

Le  baron  Bleui. 


NOUVELLES  DE  PARIS. 


Les  répétitions  générales  de  la  Muette  de  Portici  ont 
commencé  à  l'Académie  royale  de  musique' samedi  5  jan- 
vier. On  s'accorde  à  donner  les  plus  grands  éloges  à  cette 
nouvelle  composition  de  M.  Auber.  L'administration  ne 
néglige  rien  pour  hâter  la  représentation  de  cet  ouvrage, 
sa  seule  ressource,  depuis  le  malheureux  essai  de  M"*  Dé- 


ut,    mi\»  sot. 

al,    fa,  ta  \>. 
Mb,/*,  si- 
mi,   sol,  si. 


Lu  I  :'j"J  Uv 


565 

A  propos  de  M"  Dénier! ,  on  assure  qu'elle  a  demandé 
à  tenter  une  nouvelle  épreuve  dans  le  Siège  de  Corinthe, 
consentant  à  rompre  son  engagement  si  elle  ne  réussît 
pas.  Nous  craignous  bien  que  le  proverbe,  Tout  te  monde 
ne  peut  aller  d  Corinthe,  ne  se  trouve  encore  vérifié  dans 
cette  cîrcoustance. 

—  Le  succès  de  M"*  Soutag  s'est  soutenu  à  la  seconde 
représentation  à'Otelto  :  mêmes  qualités ,  mêmes  défauts 
sont  tout  ce  qu'on  y  a  remarqué.  Cette  cantatrice  devait 
jouer,  le  8  de  ce  mois ,  le  rôle  d'Elena  dans  la  Donna  det 
Lago,  rôle  dans  lequel  elle  a  recueilli  les  plus  vil's  applau- 
dissemens  en  1826;  mais  une  indisposition  subite  ne  lui 
a  pas  permis  de  paraître  au  jour  indiqué.  On  espère  que 
cette  indisposition  ne  sera  pas  de  longue  durée ,  el  qu'elle 
ne  privera  pas  les  amateurs  d'un  spectacle  qui  doit  réunir 
le  grand  talent  de  M*"  Pisaroni  à  celui  de  M"'  Sontag. 

—  On  annonce  une  représentation  au  bénéfice  de  Galli 
qui  ne  peut  manquer  de  piquer  la  curiosité,  On  y  en- 
tendra ,  dans  la  Semîramide,  M'*  Mallibran  {  M"'  Garcia)  , 
qui  jouera  le  rôle  de  Sëmiraniis  pour  celte  fois  seulement , 
avant  son  départ  pour  Londres.  La  voix  de  cette  cantatrice 
étant  un  mezzo  soprano  du  plus  beau  timbre,  il  est  fâ- 
cheux qu'elle  n'ait  pu  chanter  le  rùle  d'Arsace,  tandis 
que  celui  de  Sémiramis  aurait  été  confié  à  M11*  Soutag; 
mais  M™  Pisaroni  n'a  point  voulu  consentir  à  céder  son 
rôle ,  même  pour  une  fois,  Certes,  personne  ne  peut  le 
chanter  mieux  qu'elle;  mais  il  y  aurait  eu,  dans  l'ensemble 
projeté,  un  attrait  de  curiosité  très  puissant  pour  le  pu- 
blic. Cette  représentation,  au  bénéfice  de  Galli,  est,  dit- 
on, très  prochaine;  on  assure  même  qu'elle  précédera  la 
première  'représentation  de  ta  Muette  de  Portiei  à  l'Opéra. 

—  Les  représentations  de  Masanielto  et  du  Colporteur 
ont  été  interrompues  par  l'indisposition  de  M"°  Prévost  .et 
de  11""  Pradber,  qui  y  jouent  les  principaux  rôles.  Ces  in- 
terruptions ont  toujours  un  fâcheux  effet  lorsqu'elles  ont 
lieu  dans  la  nouveauté  des  pièces,  parce  qu'elle*  l'ont 
perdre  au  public  l'habitude  de  se  rendre  au  théâtre  où  on 
les  joue.  Heureusement  les  iudisposilions  dont  nous  ve- 


nous  de  parler  ont  cessé,  ét  l'on  a  repris  Maianielto  le  8  de 
ce  moi» ,  et  le  Colporteur  le  ç. 

L'administration  du  théâtre  de  l'Opéra-COmiquc  a  be- 
soin Je  redoubler  d'efforts  pour  se  préparer  &  la  saison  dé- 
favorable de  l'été.  Malheureusement  il  Mous  parait  que 
ses  ressources  sont  en  core  dans  l'atenir*.  On  prépare  en  ce 
moment  l'Exil  de  Racketter  et  l'Officier  casaque;  mais  (les 
pièces  en  un  acte  ne  soiit  pas'  propres*  à  faire  des  recettes 
productives;  d'ailleurs,  VExll  de  Racketter  a  été  joué  au- 
trefois au  théâtre  du  Vaudeville,  et  n'aura  pas  conséquem- 
meut  l'attrait  de  la  nouveauté.  Quant  à  V Officier  casaque, 
nous  ignorons  si  c'est  le  même  opéra-comique  qui  a  été 
joué  autrefois  sous  ce  tiirW  au  théâtre  de  la  Porte-Saînt- 
Martin,  et  dont  un  compositeur  peu  connu,  nommé  Du- 
monchau,  avait  fait  la  miisique.'  "  '  ' 

Il  ne  parait  pas  que  la  Sablé  de  M.  Boieldieu  lut  ait  per- 
mis dé  finir',  perur  cette  année,  son  opéra  des  Oeux  Nuit*; 
l'ouvrage  de  M.  Scribe,  intitulé  Robert-le-Diaèlc ,  dont 
M.  Meyérbéer  feit la  musique',  n'est  pas  prêt;  M.  Chéru- 
bin i>ïratt  hésiter  a  bonner  son  Ail-Baba,  ou  les  Quarante 
V oleiirs  ;  il  ne  reste  douÇ.que  la  Htuette  qui  puisse  offrir  la 
chance  d'un  grand  succes.  M.  Hérold  y  travaille,  dit-on, 

L'un  des  plus  habiles  instrumentistes  de  l'époque  ac- 
tuelle, M.  Thomas  Delcambre,  est  mort  à  Paris  le  7  jan- 
vier dernier.  Né  à  Douai  (Nord),  en  ij6G,  il  entra  d'abord, 
en  qualité  de  musicien  dans  un  régiment  qui  était  en  gar- 
nison dans  cette  ville.  A  l'âge  de  dix-huit  ans,  il  se  rendit 
à  Paris,  et  y  devint  l'élève  d'Ozy,  pour  le  basson  ,  instru- 
ment sur  lequel  11  acquit  un  talent  très  remarquable. 
En  1790  il  entra  à  l'orchestre  du  théâtre  de  Monsieur,  Cl  y 
partagea  l'emploi  de  premier  basson  avec  Devienne.  C'é- 
tait l'époque  des  fameux  bouffons  italiens  ;  l'orchestre,  di- 


DigitizGd  by  Google 


56, 

rige  par  Puppo,  était  excellent,  et  Delcambre  y  forma  NUI 
goût.  Les  concerts  du  théâtre  Feydeau ,  en  i 794,  lui  don- 
nèrent l'occasion  de  faire  connaîtra  son  talent  au  public 

dans  il  n  concerto  de  «a  composition  ,  et  dans  les  sympho- 
nies concertantes  de  Devienne  pour  hautbois,  flûte,  cor 

et  basson,  qu'il  joua  de  création  avecHugot,  Salentin  et 
Frédéric  Duvernois. 

Admis  comme  professeur  au  Conservatoire  de  musique, 
lors  de  sa  formation,  il  en  remplit  les  fonctions  jusqu'à 
la  fin  de  i8a5,  oii  il  prit  sa  retraite  après  trente  ans  de 
service.  Ce  fut  aussi  ver»  le  même  temps  qu'il  se  retira  de 
l'orchestre  de  l'Opéra,  où  il  était  entré  après  avoir  obtenu 
la  pension  de  retraite  au  théâtre  Feydeau.  De  tous  ses 
emplois  il  n'avait  conservé,  dans  ses  dernières  années, 
que  celui  de  premier  basson  k  la  Chapelle  du  Kol.  Lors  de 
la  promotion  des  chevaliers  de  la  Légion- d'Honneur,  à  la 
fête  du  Roi,  en  1834,  il  avait  obtenu  la  décoration  de  cet 

Un  beau  sou ,  une  exécution  uetle  et  pure,  étaient  Ees 
qualités  par  lesquelles  Delcambre  se  distinguait;  mais  «on 
jeu  laissait  à  désirer  sous  les  rapports  de  l'élégance  du 
style  et  de  l'expression.  Il  a  publié  pour  son  instrument  : 
i*  Six  sonattsavic  accompagnement  débatte,  oeuvre  i"; 
duos  pour  deax  bassons,  œuvre  s*,  Paris ,  1 796  ;  S*  Six  duos 
idem,  œuvrB  3* ,  Paris ,  1 798  ;  4-  Goitoato  fxW  èaston  prin- 
cipal, avtc  accompagnement  d'orchestre,  œuvre  4' .  Ces  mor- 
ceaux sont  peu  remarquables. 


NOUVELLES  ÉTRANGÈRES. 

Mut*.  ConttrtdePaganini.  Le  cour»  de*  représeaUtiouï 
de  la  saison,  au  grand  théâtre,  s'est  terminé  dimanche, 
a  décembre,  par  le  Pirate  de  M.  Bellini.  La  foule  était 
immense,  presque  Ions  les  morceaux  ont  été  redeman- 
dé»; les  cavalines  de  M-  Lalande  et  cellr  de  Bubini  , 
leur  duo  et  l'air  de.  1tubiui,l«  chetur  d»  premier  aotq.  i«Wt> 


568 

out  été  de  ce  nombre.  Le  public  aurait  bien  voulu  l'aire  ré- 
péter celui  de  Al"  Lalande,mais  son  intérêt  pour  la  santé 
de  cotte  charmante  cantatrice  l'a  emporté  ,  et  la  crainte 
de  la  fatiguer  a  prévalu  sur  se»  désirs.  Itubini ,  M—  La- 
landc,  Tamburini  elleaompositcurontétôappeîés  après 
le  premier  et  le  second  acte ,  pour  recevoir  le  témoignage 
de  la  satisfaction  générale. 

Le  lendemain  de  cette  représenta  lion  de  clôture,  les 
amateurs  se  sont  rendus  au  même  théâtre;  on  allait  y  en- 
tendre ,  après  du  an  d'absence  ,  te  célèbre  violoniste  ,  la 
gloire  de  l'Italie.  Deux  chanteurs  qui  devaient  jeter  de  la 
variété  dans  le  concert,  manquèrent  au  rendez-vous; 
mais  le  public  ne  s'en  inquiéta  nullement  :  toute  sou  atten- 
tion était  concentrée  sur  le  héros  de  ta  fête.  En  effet,  Pa- 
ganini  l'a  complètement  dédommage,  de  cette  légère  pri- 
vation. Il  est  impossible  d'imaginer  les  difficultés  exécutées 
par  cet  homme  étonnant.  Il  passe,  avec  la  même  perfec- 
tion ,  du  genre  grave  au  gracieux  ;  du  boudé  au  pathé- 
tique. Entre  les  divers  morceaux  exécutés  par  Paganini, 
0.9,3  çnteodu  M'11*  Biauchi ,  jeune  cantatrice,  qui  possède 
une  voix  légère  et  bien  timbrée;  elle  a  reçu  du  public  des 
applaudissemens  d'autant  plus  mérités  qu'elle  parait  ex- 
trêmement modeste.  *.it 

Paganini  a  donné  trois  autres  soirées  qui  ont  encore 
attiré  les  nombreux  amateurs  de  musique. 

Dans  le  mouvement  des  autres  théâtres  d'Italie,  on 
remarque  à  Bologna,  la  signora  Lugaui ,  prima  donna, 
et  Colla,  première  basse  chantante;  à  Trévise,  Caroline 
Graziosi  ,  prima  donna  contralto,  élève  do'M.  Banderali;  à 
Turin,  au  théâtre  royal,  Violente  Camporcsi , prima  donna; 
Rose  Mariani,  primo  musico,  Joseph  Binaghi ,  premier 
lén  or,  Jean  Bot  ta  ri  et  Lucien  Mariant ,  premières  basses; 
dans  la  même  ville ,  au  théâtre  Su  ter  a ,  lilena  Alessaudri , 
contralto  ,  etc.  .  1  . 

—  Le  rédacteur  du  journal  de  Milan,  intitulé  :  /  Teatri, 
nous  reproche  d'avoir  élevé  des  doutes  sur  les  qualités  re- 
marquables qu'on  accorde  dans  les  journaux  italiens  à  la 
musique  du  PintteAc  M.  Bellini;mais  a  près  île  i  éloges  que 


n#us  avons  vu  faire  des  partitions  décolorées  de  Vaccai, 
de  Paccini,  de  Donizelli  ,  et  autres  compositeurs  de 
même  force ,  il  est  permis  de  se  défier  de  l'enthousiasme 
ultramontain.  D'ailleurs ,  eD  formant  des  vœux  pour  que 
la  musique  de  M.  Bellini  fût  digne  des  louanges  qu'on  lui 
accorde.il  nous  semble  que  nous  ne  portons  point  de  juge- 
ment défavorable  ,  puisque  nous  ne  pouvons  juger  de  ce 
que  nous  ne  connaissons  pas. 

Berlin,  28  novembre.  On  donne  depuis  quelque  temps 
au  théâtre  de  Kccnigstadt  une  traduction  allemande  de 
l'opéra  de  Weigl ,  intitulé  Amor  marinaro.  Cet  ouvrage, 
qui  n'est  pas  dépourvu  de  charme,  n'a  cependant  au- 
cune influence  sur  les  recetles.  On  y  a  intercalé  beaucoup 
de  morceaux  de  musique  plus  on  moins  modernes  ,  qui 
tranchent  beaucoup  trop  avec  la  partition  originale,  dont 
la  date  est  déjà  un  peu  ancienne. 

Le  deuil  de  la  cour  de  Saxe  a  amené  ici  le  basso  ïezi  et 
Bl"*  Palazzezi ,  tous  deux  attachés  au  théâtre  de  Dresde. 
Ils  ont  donné  plusieurs  de  ces  concerts  qu'on  appelle  re- 
présentations scëniques  en  costume.'  Ces  sortes  de  soirées, 
auxquelles  on  ne  saurait  donner  un  nom  bien  exact,  car 
celui  sous  lequel  011  a  essayé  de  les  meltre  à  la  mode  ne  leur 
convient  guère,  ont  été  introduites  par  M"*  Catalani ,  et 
ne  font  pas  fortune  depuis  son  départ.  Ces  deux  artistes, 
assistés  par  plusieurs  autres,  attachés  aux  théâtres  lyriques 
de  Berlin,  ont  fait'  entendre  un  assez  grand  nombre  de 
morceaux  de  musique  moderne  qui  n'ont  pas  tous  été 
également  goûtés,  particulièrement  quelques-uns  de  la 
Pastoreiladd  Vaccai,  qu'on  ne  se  soucie  pas  d'entendre  plus 
souvent. 

On  annonce,  comme  devant  donner  prochainement  un 
concert ,  M™  Paravicini ,  violoniste ,  élève  de  M.  Kreutzer, 
de  Paris,  qui  vient  de  parcourir  l'Italie  et  la  Sicile. 

M.  Bacrmann  a  fait  applaudir  récemment,  dans  un 
concert,  son  talent  sur  la  clarinette. 

Fbàhcfoht-sch-Mein.  Le  maître  de  chapelle  Guhr,  chef 
d'orchestre  du  grand  théâtre,  avait  organisé  pour  le  jour 
de  Noël  un  concert  fort  remarquable  pour  le  choix  des 


5,„ 

morceaux,  presque  tous  inconnue  jui  amateurs  de  framv 
fort,  ou  inédits.  Voici  la  composition  du  programme. 
Première  partie,  i"  Ouverture  de  PUtro  d'Jtbano,  opéra 
nouveau  de  Spohr.  m'.  àirde  basse  du  même  opéra,  chanté 
par  M....  3"  Concerto  de  pi  a  do  composé  et  exécuté  par 
Hiller,  élève  de  Hummel.  4'  Quartette  arec  chœur  de 
Pietro  d'Atbano.  Deuxième  partie,  i*.  Ouverture  de  Don 
Carlos,  de  Ferdinand  Ries,  a"  Trio  de  ta  F'tancU  du  Brigand, 
opéra  inédit  du  même  auteur.  3*  Concerto  de  Boehm  pour 
la  flûtei  exécuté  par  l'aveugle  Grùuberg.  4*  Chant  des 
brigands,  à  quatre  voix». par  P.  Ries.  5' Improvisation 
sur  le  piano,  par  Hiller.  6*  Chant  du  matin  de  Jauger. 
7*  Finale  de  S'ugmar,  opéra  de  Guhr.  Les  journaux  de 
Francfort  ne  parlent  pas  de  l'effet  produit  par  tous  le* 
morceaux  ,  mais  ils  mentionnent  particulièrement  la  bulle 
ouverture  de  Don  Carlos,  le  trio  brillant  de  la  Fiancée  du.  Bri- 
gand, la  brillante  exécution  et  l'improvisation  de  M.  Hil- 
ler, et  l'instrumentation  fort  remarquable  de  l'air  de  basse 
de  Pietro  d'Albano. 

—  On  a  exécuté  le  jour  delà  Toussaint,  dans  l'oratoire  des 
RR.  PP.  l'hilippini,  à  Rome,  un  nouvel  oratorio  II  Para- 
dao  perduto ,  musique  du  maestro  Boufichi.  Ce  morceau  , 
auquel  ou  doune  beaucoup  d'éloges,  a  été  exécuté  deux 
autres  fois  depuis  cette  époque,   . , 

—  On  donne  depuis  quelques  jours  à  la  Fenice  ,  à  Ve- 
nise, Gastoue  di  Foi$ ,  opéra  sur  lequel  uous  n'avons  aucun 
renseignement  ;  la  musique  est  de  M.  Persiani ,  jeune  mu- 
sicien que  uous  ne  connaissons  encore  que  par  les  grands 
éloges  que  lui  ont  prodigués  les  journaux  italiens,  qui 
malheureusement,  n'eu  refusent  à  personne.       ...  , .. 


PUBLICATIONS  ÉTRANGÈRES. 


Mutaovmpotiia,  et  êrrenitiime  ac  tminentUaimo  domino  Ru- 
dolpho  Joanni  Casareo  Prineipi  et  Archiducl  Auttriœ  S,  R. 
E.  TU.  S.  Pétri  in  monte  Aurto  Cardmati  et  Ardùepucopo 
Oiomuceiui,  profundieeima  cum  vénération*  dedicata  a  Ludo- 
vico  non  Beethoven,  Opus  1*5,  (Messe  solennelle  eu  re 
majeur  par  Louis  van  Beethoven,  œuvre  133).  Blayetlce, 
cliee  les  filii  de  11.  ScliOU ;  Paris ,  même  maison ,  place 
des  Italiens,  d"  i  ;  Anvers,  A.  Schotl.  Partition  et  par- 
tics  séparées. 

L'infirmité  qui  isola  en  quelque  sorte  Beethoven  du 
reste  du  monde  dans  ses  dernières  années,  celle  surdité 
complète  qui ,  en  le  privant  pour  toujours  du  plaisir  d'en- 
tendre de  la  musique,  ne  lui  avait  point  ôté  le  besoin  d'eu 
composer,  avait  développé  en  lui  un  sentiment  de  mélan- 
colie profonde  dont  tous  ses  derniers  ouvrages  sont  em- 
preints. Celui-ci  n'en  est  point  exempt;  niais  ,  moin* 
chargé  de  modulations  élr.ingtïs  que  quelques-unes  de  ses 
compositions  instrumentales,  il  frappe  d'abord1  par  «m 
caractère  de  grandeur  et  par  sa  couleur  religieuse  et  lo- 
cale. Conçue  BUr  la  plus  grande  échelle ,  cette  messe  peut 
être  considérée  comme  une  des  productions  les  plus  im- 
portantes de  ces  derniers  temps.  Toutes  les  ressources  des 
voix  et  des  iostrumens  y  sont  mises  a  contribution  pour 
produire  les  plus-beaux  effets.  Un  chœur  à  quatre  parties 
dialogue  avec  quatre  voix  de  solo,  et  se  marie  aveo  un 
orchestre  formidable  et  avec  l'orgue.  Le  système  d'instru- 
mentation y  est  riche,  mais  analogue  au  style  sévère,  de 
la  musique  sacrée.  Quelque»  incorrections  d'haro»*» nie  s'y 
font  a  la  vérité  remarquer;  mais,  comme  elles  ne  **  Uou- 
veut  que  dans  de  grandes  masses,  elles  sont  de  nature  à 
choquer  plutôt  l'œil  que  l'oreille. 

Le  Kyrie  n'est  presque  qu'un  travail  d'harmonie  dans 
un  mouvement  sestenuto  ;  mais  ce  travail  est  du  plus  bel 


Digitized  by  Google 


573 

effet,  et  préparc  à  merveille,  par  son  Ion  majestueux, 
l'espèce  de  fantaisie  du  Ckriste  après  laquelle  le  molif  du 
Kyrie  est  ramené,  mais  enrichi  de  modulations  nouvelles 
et  d'un  travail  exquis  de  voix  et  d'iustrumens  où  l'on  re- 
connaît le  génie  original  de  Beethoven. 

Le  début  du  Gloria  est  extrêmement  brillant  :  quoique 
traité  de  manière  à  ne  pas  répéter  les  paroles  à  rexeeh  et 
d'une  manière  courante,  ce  morceau  n'a  pas  la  sécheresse 
de  ce  qu'on  appelle  une  messe  brève  ou  courante.  Les  plus 
beaux  effets  s'y  trouvent  réunis  malgré  cette  marche  ra- 
pide; le  Qui  toltis,  d'un  mouvement  lent,  est  le  seul  mor- 
ceau oii  le  développement  du  sujet  musical  ait  obligé  Bee- 
thoven de  répéter  les  mots.  Le  Qtamiam  ramené  le  système 
de  l'introduction  du  Gloria  jusqu'à  la  fugue  In  gloria  Dd 
pétris.  Gétle  fugue  est  traitée  en  réponse  réelle;  son  sujet 
est  riche';  mais  c'est  dans  ce  genre  qu'on  aperçoit  ce  qui 
a  manqué  aux  éludes  premières  de  Beethoven,  non  que 
cette  fugue  ne  soil  assez  régulière;  mais  on  y  remarque 
■une  certaine  raideur  qui  prouve  que  ce  genre  de  musique 
n'était  pas  familier  à  ce  grand  mnsfeien.  Plusieurs  des 
marches  d'harmonie  qu'on  y  rencontre  portent  à  faux, 
notamment  une  succession  d'accords  de  neuvième,  où  la 
dissonance  ne  peut  avoir  de  résolution  qu'en  montant. 
Combien  cette  fugue  est  inférieure  à  celles  qu'on  trouve 
dans  toutes  les  messes  de  M.  Chérubin!)  Dans  celles-ci 
l'art  est  porlé  si  haut  qu'il  s'évanouit,  en  quelque  sorte, 
pour  ne  donner  que  des  résultats  qui  ressemblent  à  des  in- 
spirations libres. 

Conçu  sur  les  plus  grandes  proportions,  le  Credo  ren- 
ferme une  prodigieuse  quantité  de  motifs  originaux  et 
d'effets  piquans  ;  mais  autant  qu'on  peut  en  juger  à  l'as- 
pect d'une  partition,  il  manque  peut-être  d'unité.  Le 
mouvement  final,  et  ùiSH'ttnturi,  est  de  la  plus  grande 
beauté.  On  peut  en  dire  autant  du  Sanctus,  du  Benedtclus, 
et  de  VJgnas  D«",  véritables  créations  qui  sont  dignes 
d'être  rangées  parmi  ce  qui  existe  de  plus  heau  cl  do  plus 
original  eu  musique.  Jamais,  peut-être,  Beethoven  ne 
s'est  élevé  si  haut  que  dans  ces  morceaux ,  dont  les  cora- 


5;5 

binaisons  i  m  me  uses  sont  de  nature  à  frapper  d'étonne- 
meut  les  artistes  les  plu?  habiles  et  les  plus  instruits.  Mal- 
heureusement le  grand  nombre  de  voix  et  il'instrumens 
nécessaires  pour  l'entendre,  et  les  difficultés  d'exécution, 
ne  laissent  que  peu  d'espoir  d'en  jouir  souvent.  Il  serait  ce- 
pendant digne  des  artistes  de  la  capitale  de  se  réunir  pour 
exécuter  ce  bel  ouvrage  avec  tout  le  soiu  et  tout  le  luxe 
qu'il  exige. 


Vottstœndige  Singschuie  in  vier  Jbtheilungcn  mit  fatschen, 
italicnischen  and  franzœs'tscken  V orbemerkungen  urtd  Er- 
tœuterungen  [  Méthode  de  chant,  divisée  en  quatre  par- 
ties, avec  un  avant-propos  et- des  explications  en  alle- 
mand, en  italien  et  en  français,  par  Pierre  de  Win  ter }, 
Mayence,  chez  les  fils  de  11.  Scliott,  et  à  Paris,  même 
maison ,  'place  des  Italiens  ,n'i. 

Il  serait  difficile  de  dénombrer  tous  les  traites  élémen- 
taires qui  ont  été  écrits  sur  l'art  du  chant  et  sur  le  solfège  ; 
mais  malgré  cette  quantité  prodigieuse  de  méthodes,  le 
nombre  des  bous  ouvrages  est  fort  borné.  Les  uns  ne  sont 
que  les  erreurs  de  la  médiocrité  qui  essaie  inutilement 
de  sortir  de  l'obscurité  a  laquelle  elle  est  condamnée;  dans 
d'autres,  on  ne  trouve  que  des  systèmes  plus  ou  moins 
obscurs,  plus  ou  moins  exlravagans;  d'autres,  enfin,  ne 
sont  que  des  spéculations  de  marchands  de  musique.  Il 
n'appartient  qu'à  des  hommes  supérieurs  d'écrire  avec 
utilité  sur  les  élémens  des  sciences  et  des  arts.  Ils  sont 
aussi,  je  le  sais,  sujets  à  l'erreur;  mais  dans  les  fausses 
routes  où  ils  s'engagent  quelquefois,  ils  ne  manquent  ja- 
mais de  faire  des  découvertes.  D'ailleurs,  qui  ne  connaît 
qu'une  méthode  n'a  qu'une  inslruclion  bornée;  il  est  donc 
nécessaire  qu'il  y  en  ail  plusieurs  ,  afin  d'en  comparer  les 
résultats  et  de  pouvoir  choisir. 

La  méthode  de  chant  de  Winler  diffère  essentiellement 
en  plusieurs  points  de  quelques  autres  qui  jouissent 
d'une  réputation  justement  méritée;  néanmoins  c'est 
un   fort  hon  ouvrage.    La  première  partie,  destinée  à 


Digitized  by  Google 


5?4 

former  «atonal ion  de»  élève» ,  n'est  guère,  qu'un  solfège  ; 
malheureusement  ee  solfia  est  peu  développé  et  ne  oon- 
lietit  qu'un  petit  nombre  rte  combinaisons  mélodiques. 
Cette  partie  (te  termine  ,  je  ne  sois  pourquoi,  pur  quatre 
morceaux  de  musique  sacrée  a  quatre  parties. 

C'est  dans  la  seconde  par  lié  que  commence,  à  propre- 
ment parler,  la  méthode  de  chant.  Les  première*  leçons 
ont  pour  objet  la  manière  de  porter  la  voix  et  d'unir  les 
sons ,  d'abord  sur  de  simples  voyelles,  ensuite  sur  des  pa- 
roles. Viennent  après  ces  exercices  ceux  qui  doivent  former 
la  vocalisation,  eu  commença»!  pllr  le»  traits  les  plus  ahn. 
pics  el  Unissant  par  les  plus  difficile*  Winler  me  parait 
cire  le  premier  qui  ait  placides  paroles  sous  les  traits,  en 
les  disposant  dans  un  ordre  méthodique,  pour  accou- 
tumer à  vocaliser  sur  toutes  sortes  de  syllabes;  c'est  une 
fort  bonne  mélhode,  préférable  à  ceUeïde  n'employer 
pour  les  exercices  que  des  voyelles  isolées.  ■   ■    ■  ■ 

Après  les  exercices  partiels  contenus  dans  la  seconde 
partie  4c 'ta  méthode.  Wioter  a  réuni  toutes  les  espèces 
de  Iraits,  MWtfWJM,  les  »wrf«nftt ,  les  a ppog Salures,  dans 
les  vocalises  qoi  composent  la  troisième  partie..  Dan»  la 
quatrième,  toute»  le»  espèces  de  broderie»  dont  oh  peut 
oraer  lea  phrases  les  plus  simples;  les  terminaisons  et  les 
Cadesca»,  s»  lrouvei.il  réunies  cl  complètent  un  système 
généra;!  d'enseignement  q«i;  ne  me  para»  laisser  rie«  à 
iésirer,  «'autres  ouvrages  peuvent  wuierruer  des  chose» 
qui  sont  peut-être  pl«s  eu  rapport  avec  nos  habitudes  ac- 
mellesi  mai»  aucun  ne  we  parait  plus  psopre  que  celui-ci 
à  former  de  grands  chanteur»  à  la  manière  de  Marchesi 
gudaCrescwtini.  En  écrivant  sur  l'art  du  chant,  Winler 
n'était  pas  seulement  un  théoricien ,  Il  dévoilait  la  mé- 
thode qu'il  avait  suivie  dans  l'éducation  de»  habile»  dou- 
leurs dont  il  avait  enrichi  l'Allemagne:  rien  m  remplace 
l'expérieuee. 

FKTiS. 


□igitized  by  Google 


575 

—  Mayr  e  la  Musica ,  Alnanneeo  ptr  fanno  bitutil*  i8»8. 
Milan ,  Fr.  Ep.  Artarfa.   ■ 

On  petit  volume  élégamment  imprimé  a  été  publié  à  la 
fin  de  1896  par  le  même  éditeur,  imu  le  litre  de  Rouini  c 
lamusiea.  Outre  une  notice  asseï  étendue  sur  la  vie  et  le* 
ouvrages  du  célèbre  maître  de  Pesaro,  il  contenait  quel- 
que» détails  concernant  plusieurs  artistes  distingués,  tels 
que  Philippe  Gallï ,  M"  Pasta,  etc.  Celui  qui  parait  cette 
année  sous  le  titre  de  Mayr  »  la  Musica  est  destiné  à  taire 
suite  à  ce  premier  essai;  outre  la  vie  dn  mai  Ire  dont  il 
porte  le  nom ,  il  renferme  des  notices  sur  H"'  Méric-L.i- 
lande,  Nicolas  Zingarelli,  Remorini ,  Jean-Baptiste  Ru- 
bini ,  Antoine  Tamburinî ,  Jean  David  et  Nicolas  Pagaulni. 
Les  portraits  dont  ces  notices  sont  accompagnées  ne  man- 
quent pas  de  ressemblance,  et  ne  sont  pas  mal  gravés. 

—  BreviNotitie  intorno  ad  alcunipid  ceUbri  compositori  aï  ma- 
tiea,  ecennitalto  stato presentedttcanto  UaHano.  Roverelo,  Mar- 
ehesani ,  1897,  in-8"  de  87  pages.  L'auteur  de  cet  opus- 
cule, M.  Joseph  Bridi,  a  fiit  preuve  d'une  impartialité  bien 
rare  dans  son  pays,  en  plaçant  quatre  Allemands  au  nom- 
bre des  plus  célèbres  compositeurs.  Les  musiciens  dont  il 
a  écrit  ta  vie  sont  sacohetii ,  Hœndel,  Gluck,  Jomelli, 
Haydn,  Palestr  ina  et  Mozart  .Noos  avouons  que  son  célèbre 
Saccbetlf  nous  est  toul-à-fcil  Inconnu,  et  comme  nous 
ne  connaissons  l'ouvrage  de  M.  Bridi  que  par  un  article 
de  la  Gazette  de  Milan,  nom  présumons  que  le  rédaetcnr 
de  cet  srtioie  s'est  trompé ,  et  qu'il  a  éerit  Sateketti  au  lieu 
deJwwww.   


ANNONCES.  '  - 

ellLl 

PniHlUE  MESSE  SOLENSELLE  i  CB1ND  OftCHKSTEI,  eOmpOsée 

et  dédiée  à  M.  le  duo  de  G  raniment  par  M.  Lesueur,  sur- 
intendant de  lu  musique  du  Roi,  chevalier  des  ordres 
royaux  de  Saint  -  Michel  et  de  la  Légion  -  d'Honneur, 
membre  de  l'Institut,  etc.,  avec  accompagnement  d'orgue 


5?G 

un  de  piano,  par  Ennui,  pension  nuire  du  Roi  a  Rome, 
rrix,  5o  fr.  Paris,  chez  ïrey,  place  des  Victoires,  n*  8. 

Celle  messe  est  l'une  de  celles  que  M.  Lcsueur  a  com- 
posées pour  le  service  de  la  chapelle  du  Roi;  la  publication 
de  la  belle  messe  de  Noël  du  même  auteur  avait  fait  naître 
chez  les  amateurs  le  désir  que  d'aulres  compositions  du 
même  auteur  fussent  mises  au  jour.  C'est  pour  satisfaire 
aux  demandes  qui  lui  ont  été  adressées  à  ce  sujet  que 
M.  Lesueur  s'est  décidé  à  faire  paraître  la  messe  que  nous 
annonçons,  laquelle  sera  suivie  de  plusieurs  autres  ou- 
vrages de  musique  sacrée.  Ces  productions  d'un  des  chefs 
de  l'école  française  offrent  l'avantage  d'être  d'une  exécu- 
tion facile,  et  de  convenir  aux  villes  des  départemens  oii 
l'on  ne  peut  rassembler  des  orchestres  nombreux. 

—  E.  et  M.  (elle  et  moi) ,  duo  romantique  à  quatre 
mains,  pour  le  piano-forté,  composé  par  Chrétien 
Urhan,  de  la  chapelle  du  Roi  et  de  l'Académie  royale  de 
musique,  et  dédié  à  L.  Van  Beethoven  ,  œuvra  1",  prix 
7  fr.  5o  c. 

Paris  ,  Richault,  boulevard  Poissonnière,  n°  16,  au  1". 

Voici  une  production  originale,  s'il  en  fut  jamais  :  l'au- 
teur n'a  consulté  évidemment  que  ses  propres  sensations 
en  la  composant ,  sans  s'inquiéter  des  formes  convenues , 
et  probablement  sans  autre  but  que  de  se  plaire.  Ce  qu'on 
y  trouve  surtout ,  c'est  de  la  passion ,  do  l'abandon  ,  du 
délire  même  ;  les  effets  d'harmonie  sont  souvent  neufs  et 
piquans  ;  malheureusement  la  mélodie  est  rare  dans  ce 
morceau ,  et  quelquefois  on  la  désire  pour  se  reposer  des 
modulations  multipliées.  Nonobstant  ce  défaut,  qui  est 
moins  sensible  que  s'il  s'agissait  d'un  autre  genre  de  piè- 
ces, la  composition  de  H.  Urhan  est  d'uu  ordre  fort  dis- 
tingué. 


□igilized  by  Google 


DE  L'EXÉCUTION  MUSICALE. 


Poui  un  musicien  vulgaire  la  musique  n'est  qu'un  amas 
de  noies,  rie  dièses ,  de  bémols,  do  pause», tic  soupirs; 
jouer  juste  el  en  mesure  lui  paraît  le  comble  de  la  perfec- 
tion ;  et  comme  ce  genre  de  mérite  est  assez  rare,  on  est 
forée  de  convenir  qu'il  n'a  pas  lort  de  L'estimer.  Mais  qu'il 
y  a  loin  de  cetie  exécution  mécanique,  qui  laisse  l'amc  de 
l'auditeur  dans  l'étal  d'inertie  OÙ  se  trouve  celle  du  sym- 
phonislc ,  à  l'accord  de  sentiment  qui ,  de  proche  eu  pro- 
che ,  se  communique  des  exécutai)  s  au  public;  à  ces 
nuances  délicates  qui  colorent  ta  pensée  du  compositeur, 
en  montrent  le  sublime,  et  souvent  lui  prêtent  de*  beau- 
tés ;  à  celle  expre  ssiiin  ,  en  lin .  sans  laquelle  la  musique 

fîffel  remarquable  et  qui  prouve  la  puissance  du  vrai 

médiocres,  qui.  daus  leur  exécution  terne,  laissent  nos  sen- 
sations eu  repos;  qu'un  chef  ardent .  un  musicien  doué 
d'une  organisation  furie  arrive  au  milieu  d'eux,  tout  à 
coup  le  feu  sacré  embrasera  ces  êtres  inanimés  ;  la  méta- 
morphose opérée  dans  un  instant  pourra  même  élre  telle 
qu'on  aura  peine  à  se  persuader  qu'où  entend  les  mêmes 
symphonistes,  les  mêmes  chanteurs.  Le  net  plus  nllra  de 
l'cIFet  musical  ne  peut  avoir  lieu  que  lorsque  ions  les  exé- 
cutans possèdent  non-seulement  une  égale  habileté,  mais 
une  même  flexibilité  d'organe»,  un  pareil  degré  de  cha- 
leur et  d'enthousiasme.  De  semblables  réunions  ont  tou- 
jours été  rares  et  ne  sont  que  des  exceptions.  La  fameuse 
troupe  des  bouffons  de  1789  en  a  offert  un  exemple  ;  depuis 
lors  Violli,  accompagné  par  M™  de  Mongeroult  ;  Caillot , 
dans  un  Irio  joué  par  lui;  ilode  et  Lamarre,  au  Conser- 
vatoire .  ont  donné  l'idée  d'une  perfection  qu'on  petit  re- 
trouver dans  des  réunions  peu  nombreuses,  mais  à  laquelle 
il  est  bien  difficile  d'allcindrc  avec  (les  chtcurs  ou  des  or- 


5j8 

chcstrcs  complets.  A  défunt  de  ce  beau  idéal,  un  secoutcnle 
du  beau  relatif,  parce  qu'on  n'en  connaît  point  d'autre. 
C'est,  comme  je  l'ai  dit,  celui  qui  réduite  de  la  réunion 
de  quelques  artistes  du  premier  ordre  à  d'autres  moins 
heureusement  organisés.  Tel,  qui  n'a  pas  été  dolé  par  la 
nature  assez  libéralement  pour  communiquer  de  vives 
sensations  à  cens  qui  l'entourent,  est  du  moi  us  suscep- 
tible d'en  recevoir;  c'est  ce  qui  explique  les  transforma- 
tions subites  qu'on  remarque  quelquefois  dans  les  mêmes 
individus,  selon  qu'ils  sont  bien  ou  niai  dirigés. 

L'habileté  dans  le  mécanisme  du  chant  ou  dans  le  jeu 
des  instrumens  est  sans  doute  nécessaire  pour  atteindre  à 
une  bonne  exécution;  mais  elle  ne  suffit  pas.  C'est  dans 
sa  sensibilité,  dans  son  enthousiasme,  qu'un  arllsle  trouve 
le  plus  de  ressources  pour  émouvoir  ceux  qui  l 'écoulent. 
J(a  dextérité  peut  quelquefois  étonner  par  ses  prodiges; 
mais  l'expression  véritable  a  seule  le  privilège  de  toucher. 
Ce  que  j'appelle  expression  n'eat  pas  ce  jeu  grimacier  qui 
cousistc  à  se  tordre  les  bras,  à  se  pencher  avec  affectation, 
à  agiter  le  corps  et  la  tête,  sorte  de  pantomime  dont  quel- 
ques musiciens  font  usage  et  dont  eux  seuls  sont  dupes; 
l'expression  vérilahlc  se  manifeste  sans  effort  par  les  ac- 
eens  de  la  voix  ou  des  instrumens.  I.e  musicien  qui  en  h 
le  Ken  liment  la  transmet  comme  par  enchantement  de 
L'âme  an  gosier,  an  bout  des  doigts,  à  l'archet,  à  la  corde, 
au  clavier.  Le  timbre  de  sa  voix,  sa  respiration,  son  tou- 
cher en  soûl  empreints  ;  pour  lui ,  il  n'y  a  pas  de  mauvais 
instrument,  parce  qu'il  améliore  tout;  j'oserais  presque 
dire  qu'il  n'y  a  pas  de  mauvaise  musique,  quoiqu'il  soit 
pins  sensible  qu'un  autre  aux  beautés  de  la  composition. 

On  serait  dans  l'erreur  si  l'on  croyait  qu'il  n'y  a  d'ex- 
pression possible  que  celle  de  là  tristesse  ou  de  la  mélan- 
colie :  chaque  genre  a  des  a c cens  qui  lui  sont  propres  ;  le 
talent  consiste  à  s'identifier  au  style  du  morceau  qu'on 
exécute,  a  être  simple  dans  la  simplicité,  véhément  dans 
la  passion,  avare  d'ornemeus  dans' la  musique  sévère, 
brillant  de  finritures  dans  les  élégantes  fol  les  à  la  mode ,  et 
toujours  grand ,  même  dans  les  petites  couses.  Il  n'est  pas 


579 

besoin  de  beaucoup  d'efforts  on  de  grands  dévcloppcmcns 
pour  nous  procurer  des  émotions  de  diverses  espèces  :  mie 
phrase  Avcantabile,  un  motif  de  rondo,  suffisent.  Que  dis-jc? 
une  simple  noie,  un  appogiature  bien  senti,  un  accent, 
lirent  quelquefois  des  cris  d'admiration  de  tout  un  audi- 
toire. Dût-on  m'accuser  d'exagération ,  je  dirai  même  que 
j'ai  souvent  pressenti  le  grand  artiste  à  la  manière  dont 
l'archet  attaquait  la  corde,  ou  dont  le  doigt  frappait  la 
louche  pour  s'aceorder.  Je  ne  sais  quelle  émanation  se  ré- 
pandait alors  dans  l'atmosphère  pour  annoncer  la  pré- 
sence du  talent;  mais  je  m'y  suis  rarement  trompé.  Je  me 
persuade  que  je  serai  compris  par  quelques-uns  de  me» 
lecteurs. 

La  nature  a  placé  dans  tous  les  pays  des  êtres  heureu- 
sement organisés  pour  les  arts;  mais  leur  nombre  diffère 
selon  que  les  circonstances ,  le  climat ,  ou  d'antres  causes 
difficiles  a  apprécier  sont  plus  ou  moins  favorables.  Ainsi, 
parmi  les  exécutans,  la  France  a  produit  Garât,  itode, 
Baillot,  Kreutzer,  Duport,  Tulou ,  et  beaucoup  d'autres 
que  je  pourrais  citer,  et  qui  rivalisent  avec  les  plus  grands 
artistes  de  l'Italie  ou  de  l'Allemagne  ;  cependant  tes  dispo- 
sitions naturelles  de  la  nation  française  ne  sont  pas  favo- 
rables à  la  musique;  l'état  florissant  dans  lequel  ou  y 
trouve  certaines  parties  de  cet  art  est  plutôt  le  fruit  de 
l'éducation  que  celui  d'un  goût  inné.  Les  Français  con- 
naissent la  perfection  cl  la  cherchent  ;  mais  quoique  leur 
goût  soit  exigeant,  ils  obtiennent  rarement  de  bons  résul- 
tats dans  leur  musique  d'ensemble,  parce  qu'il  n'y  a  point 
d'unité  dans  leur  manière  de  sentir.  Les  Italiens,  au  con- 
traire ,  s'accommodent  assez  facilement  de  la  médiocrité  ; 
ou  les  voit  assister  patiemment,  pendant  toute  une  saison, 
à  un  mauvais  opéra ,  pourvu  qu'il  y  ait  dans  le  cours  de  la 
représentation  une  cavaline,  un  air,  un  duo,  assez  bien 
chantés  pour  les  indemniser  du  resto.  Mais  ce  même  peu- 
ple, indifférent  en  apparence  sur  le  mérite  de  l'exécution, 
est  susceptible  d'atteindre  aux  pins  beaux  effets  d'ensemble 
par  l'unanimité  de  sentiment  qui  dirige  les  chanteurs;» 
les  instrumentistes.  L'expérience  prouve  que  quatre  ou 


cinq  chan leurs  médiocre,* ,  pris  au  hasard  parmi  les  lia- 
liens,  et  soutenus  par  un  accompagnateur  qui  pourrait 
jouer  a  peine  nue  sonate  de  Nicolaï,  ont  nue  verve,  un 
brio  qu'on  ne  trouverait  pas  dans  le  mémo  morceau  exé- 
cuté par  d'excellens  chanteurs  français ,  et  accompagné 
par  un  virtuose,  quoique  aucun  des  Italiens  ne  pût  sou- 
tenir la  comparaison  avec  les  Français  pris  individuelle- 
ment. 11  y  a  chez  nous  je  ne  sais  quelle  distraction  qui 
s'oppose  au  concours  d'intentions  nécessaire  pour  obtenir 
de  grands  effets  d'ensemble,  tandis  que  les  Italiens  sont 
évidemment  captivés  par  la  puissance  de  la  musique. 

L'absence  de  dispositions  naturelles  dans  la  masse  de  la 
nation  rend  nécessaires  les  institutions  pour  propager  dans 
nos  provinces  le  goût  d'un  art  si  nécessaire  à  noire  bon- 
heur, et  qui,  dans  quelques-unes,  est  fort  négligé,  A  Paris 
les  maîtres  abondent  ;  dans  un  grand  nombre  de  villes  ils 
sont  rares,  et  dans  d'autres  ils  manquent  tout-à-fail.  Je 
crois  que,  concurremment  avec  l'École  royale  de  musique 
et  les  autres  écoles  établies  à  Lille  ,  à  Douai,  à  Toulouse, 
etc.,  le  i établissement  des  maîtrises  serait  le  meilleur 
moyen  pour  répandre  et  perfectionner  le  goût  de  la  mu- 
sique ;  car  c'est  par  l'église  que  le  sentiment  de  cet  art 
s'introduit  dans  le  peuple.  L'Italie  elle-même  n'a  point 
perdu  impunément  ses  institutions  de  musique  sacrée; 
car  c'est  de  leur  suppression  que  date  la  décadence  de 
toutes  les  autres  parties  de  l'art  dans  ce  beau  pays.  On 
comprend  qu'eu  indiquant  le  rétablissement  des  maîtrises 
comme  un  moyen  pour  développer  dès  l'enfance  les  légères 
dispositions  que  le  peuple  peut  avoir  pour  la  musique,  je 
ue  prétends  pas  qu'on  doit  faire  entendre  dans  les  églises 
la  mauvaise  musique  qu'on  y  chantait  avant  la  révolution; 
l'Allemagne,  l'Italie  et  nos  compositeurs  fourniraient  au- 
jourd'hui les  moyens  de  remplacer  avantageusement  ces 
ouvrages  gothiques.  . 

11  faut  l'avouer,  bien  que  nous  ne  soyons  pas  arrivés 
au  point  de  perfection  désirable,  nous  avons  fait  do  grands 
pv^res  depuis  l'établissement  du  Conservatoire  ;  non  qu'il 
y  ait  aujourd'hui  de  plus  grands  talcns  qu'il  u'y  eu  avait 


58 1 

avant  celle  époque,  car  Rode,  Kreutzer,  Maillot ,  Diiport, 
Ozy,  etc. ,  sont  restée  les  modèles  de  tous  nos  jeunes  ar- 
tistes ;  mais  le  nombre  de  gens  habiles  s'est  beaucoup 
augmenté  ;  plusieurs  se  sont  dispersés  dans  les  provinces, 
et  y  ont  excité  une  émulation  inconnue  auparavant.  L'é- 
tude de  l'harmonie,  devenue  générale,  commence  à  fa- 
miliariser les  amateurs  avec  des  combinaisons  qu'on  au- 
rait a  peine  supportées  autrefois.  L'organe  auditif  des 
exécutans,  rendu  plus  sensible  par  celle  étude,  saisit  beau- 
coup plus  promptement  les  intentions  du  compositeur,  et 
par  cela  seul  ils  s'y  prêtent  davantage  et  les  rendent  mieux. 
Si,  nonobstant  ces  améliorations ,  l'on  remarque  souvent 
un  défaut  d'ensemble  dans  l'exécution  des  masses;  si, 
même,  des  artistes  distingués  laissent  quelquefois  beau- 
cou  p  à  désirer  dans  l'ensemble,  c'est,  ce  me  semble,  parce 
qu'on  n'apporte  pas  assez  d'attention  à  des  dispositions 
préliminaires  d'une  grande  importance ,  et  parce  que  cer- 
tains préjugés  ont  retenu  dans  un  état  d'infériorité  des 
parties  essentielles  qu'il  serait  facile  de  perfectionner.  Je 
crois  devoir  présenter  quelques  idées  à  cet  égard.  Les  ob- 
jets qui,  dans  l'état  actuel  des  choses,  me  paraissent  mé- 
riter le  plus  d'attention  sont  : 
1°  La  disposition  des  orchestres. 

a'  Les  proportions  de  ces  mêmes  orchestres  ,  soit  à 
l'égard  des  voix ,  soit  par  rapport  aux  instrumeus  entre 

3°  Les  instrumensà  vent. 
4°  Les  contrebasses. 

5  L'exécution  vocale  dans  les  chœurs  et  dans  les  mor- 
ceaux d'ensemble. 

ti*  L'accompagnement. 
•}'•  L'ensemble. 

Les  orchestres  ne  se  disposent  pas  de  la  même  manière 
pour  les  concerts  et  pour  les  représentations  théâtrales, 
quoiqu'on  n'aperçoive  pas  trop  la  cause  de  cette  différence. 
La  place  du  chef  y  est  surtout  choisie  d'une  manière  toute 
opposée,  à  l'exedpliondeceluidu  Théâtre- Italien.  Tout  le 
monde  avoue  qu'il  faut  qu'un  chef  d'orchestre  ait  sous  ses 


58a 

yeux  les  musiciens' qu'il  dirige,  et  néanmoins  l'on  n'obstine 
à  le  placer  près  de  la  rampe,  de  manière  que  tous  les  ins- 
trumentistes sont  derrière  lui,  et  qu'il  doit  se  tourner  pour 
les  voir.  C'est  ainsi  qu'on  en  use  à  l'Opéra ,  à  l'Opéra-Co- 
wique,  à  l'Odéon ,  et  dans  toutes  les  villes  de  France.  Ce- 
pendant, oulre  l'avantage  qu'il  y  a  pour  le  chef  de  voir 
ses  subordonnés,  pour  les  surveiller,  exciter  leur  attention, 
et  les  ramener  promptement  au  mouvement  qui  a  subi 
quelque  altération ,  il  est  aussi  fort  important  que  les  mu- 
sicienspuissentrenconirer  quelquefois  les  yeux  de  celui  qui 
les  dirige;  carie  moindre  signe  de  tète,  est  souvent  siguifica- 
tif,  et  détermine  avec  promptitude  l'intention  d'un  effet  qui 
est  comprise  à  l'instant  par  tout  le  monde.  D'ailleurs,  il 
est  presque  impossible  qu'un  orchestre  reste  indifférent  ou 
froid  lorsqu'il  voit  son  chef  attentif  et  plein  d'ardeur.  La 
disposition  de  l'orchestre  du  Théâtre-Italien ,  et  la  place 
occupée  par  M.  Grasset  rappellent  à  peu  près  l'arrange- 
ment de  l'orchestre  du  théâtre  Feydeau ,  à  l'époque  où  il 
était  dirigé  par  La  Houssaye-  Cette  disposition ,  qui  place 
le  chef  vers  l'un  des  côtés  de  la  scène ,  et  qui  range  tous 
les  musiciens  devant  lui,  est  excellente ,  quant  à  la  partie 
instrumentale;  mais  elle  me  parait  moins  heureuse  en  ce 
qui  concerne  le  théâtre,  parce  qu'elle  isole  le  {jhef  des 
acteurs  et  des  chœurs,  et  qu'elle  oblige  celui-ci  à  tourner 
la  Tête  pour  voir  la  scène.  Cet  inconvénient  est  moins  ^rave 
au  Théâtre-Italien  qu'ailleurs,  parce  que  tous  les  acteurs  y 
sont  bons  musiciens,  et  parce  que  le  chœur,  rangé  en 
'  espalier  des  deux  côtés  du  théâtre ,  y  prend  peu  de  part  à 
l'action  ,  cl  n'est  occupé  que  de  l'exécution  musicale  ;  mais 
à  l'Opéra  ,  au  théâtre  Feydeau  ,  à  l'Odéon,  et  dans  tous 
les  théâtres  de  France, il  n'eu  est  point  ainsi.  Par  un  reste 
de  notre  ancienne  barbarie,  ceux  de  nos  acteurs  qui  savent 
bien  la  musique  sont  en  petit  nombre;  les  autres  sont  obli- 
gés d'avoirsouvent  recours  au  chef  d'orchestre ,  et  le  cher- 
chent des  yeux.  Les  chœurs  y  marchent  souvent  ci)  chan- 
tant ,  et  sont  enclins  à  perdre  la  mesure  s'ils  ne  sont 
soutenus.  [lu  répertoire  immense  et  dans  lequel  il  se  trouve 
des  opéras  qu'on  joue  quelquefois  sans  répétitions,  après 


583 

une  interruption  Je  six  mois,  ajoute  encore  aux  difficultés 
de  l'ensemble.  II  est  donc  nécessaire  que  le  chef  d'orchestre 
ysoit  placé  eu  face  de  la  scène  et  au  centre;  mais  au  lieu 
d'avoir  son  pupitre  attaché  à  la  rampe,  je  pense  qu'il  doit 
être  près  de  la  séparation  de  l'orchestre  du  public  ou  du 
parterre ,  afin  de  voir  d'un  coup  d'œil  toute  la  scène  et  tous 
les  musiciens.  On  sent  que  cette  disposition  obligerait  à 
avoir  un  souffleur  à  l'Opéra.  Il  est  ridicule  que  ce  soit  le 
directeur  d'orchestre  qui  fasse  cet  office. 

line  autre  question  se  présente  parmi  nous  :  est-il  plus 
avantageux  de  diriger  avec  le  bâton  de  mesure  qu'avec  le 
violon  ?  Je  pense  que  l'usage  gothique  de  se  servir  d'un 
bâton  pour  indiquer  la  mesure,  usage  qui  a  pris  naissauce 
dans  les  églises,  n'est  point  applicable  à  l'exécution  du 
thédtre.  Quand  il  s'agit  do  déterminer  prompte  m  eut  un 
changement  de  mouvement ,  ou  de  ramener  â  la  mesure 
un  orchestre  en  désordre,  ce  bâton  n'est  presque  d'aucune 
utilité,  À  moins  qu'on  ne  prenne  le  parti  de  frapper  à 
grands  coups  les  temps  sur  le  pupitre,  ce  qui  produit  tou- 
jours un  fort  mauvais  effet.  Le  chef  d'orchestre  qui  joue 
bien  du  violon  ,  et  qui  a  de  l'énergie,  imprime  bien  mieux 
le  mouvement  avec  son  instrument,  et  donne  mieux 
l'exemple  de  la  chaleur  :  c'est  une  chose  dont  on  peut  se 
convaincre  au  Théâtre-Italien  et  dans  nos  bons  concerts. 
Quelques-uns  de  nos  directeurs  d'orchestre  ont  imaginé 
une  méthode  qui  me  paraît  plus  vicieuse  que  celle  du 
bâton  de  mesure  ;  elle  consiste  a  tenir  à  la  main  un  vio- 
lon dont  on  ne  se  sert  pas  ,  et  à  battre  la  mesurcavec  l'ar- 
chet :  cette  frèle  baguette,  qui  n'a  pas  même  l'énergie 
du  bâton  ,  ne  sert  qu'à  marquer  des  temps  vagues  en  l'air. 
Je  ne  comprends  pas  comment  un  homme,  doué  do  quel- 
que chaleur ,  ne  pulvérise  pas  plusieurs  archets  dans  une 
soirée  en  suivant  cette  méthode.  Sans  parler  de  ce  qui  se 
fait  dans  les  pays  étrangers ,  Mcslrino,  Bruni,  La  Houssuyc, 
lllasius  et  Grasset  ont  toujours  conduit  avec  le  violon ,  et 
ce  sont  les" meilleurs  chefs  qu'on  puisse  citer  parmi  nous. 

Film 

(  l.a  .tuile  au  prochain  numéro.  ) 


5&j 


NOUVELLES  DE  PARIS. 
THÉÂTRE  ROYAL  ITALIEN. 

La  Dont»  dkl  L.eo.  —  M11'  Sdstac  ;  ; 
M—  PiHïom. 

Depuis  l'époque  des  riva li Les  de  Ha? miel  et  de  Porpora  . 
od  a  vu  souvent  le  public  se  diviser  et  former  des  partis  en 
faveur  d'un  compositeur  ou  d'un  chanteur  contre  un  aulre, 
qui  avait  aussi  ses  admirateurs  et  ses  partisans.  Ainsi  Lon- 
dres a  long-temps  retenti  du  bruit  des  querelles  des  Fari- 
nellistes  et  des  Senéùnhtes  ;  la  guerre  d'opinion  s'est  cusuite 
rallumée  à  l'occasion  de  la  fameuse  Faustina  Bord uni  et 
de  la  Cuzzoni.  En  France,  on  se  rappellera  longtemps 
des  disputes  des  Gluckisles  et  des  Ptccinistes ,  qui  ont  été 
suivies  de  celles  des  partisans  de  M""  Mara  et  Todî.  Plus 
lard,  M""  Barilii  et  Festa  ont  partagé  l'opinion  des  ditet- 
tanti.  Si  nous  n'avons  pas  vu  se  rallumer  ces  discussions 
entre  les  partisans  de  M"  Mainviellc-Fodor  et  ceux  de 
M"  Pasta,  cela  tient  à  ce  que  la  première,  qui  ne  voulait 
pas  admettre  de  partage  dans  ses  succès,  préféra  d'aller 
recueillir  en  Italie  des  applaudissemeus  saus  conteste. 
-  Si  je  ne  me  trompe,  voici  venir  des  Pharanistes  et  des 
Stintaghtes ,  qui  s'élancent  dans  l'arène,  et  qui  vont  com- 
battre a  outrance.  Déjà  des  défis  ont  été  portés;  déjà  l'en- 
thousiasme et  l'injustice  se  sont  signalés  dans  les  deux 
camps,  el  les  virtuoses  ont  été  averties  par  des  signes  non 
équivoques  qu'elles  avaient  à  la  fois  à  satisfaire  leurs  admi- 
rateurs et  à  combattre  leurs  ennemis.  De  paisibles  ama- 
teurs, qui  ne  décident  point  entre  Parme  et  Berlin  ,  assistent, 
il  est  vrai,  aux  représentations  qui  réunissent  les  deux 
cantatrices  sur  la  scène  ,  dans  le  seul  but  de  prendre  du 
plaisir ,  de  quelque  coté  qu'il  vienne  ;  mais  ils  ne  pourront 
pas  garder  long-temps  cette  neutralité.  Malgré  eux  ,  ils  se- 


585 

font  entraînés,  subjugués,  et,  tét  ou  lard,  forcés  de 
prendre  parli  pour  le  Nord  ou  i>our  l'Élrurie. 

L'amour- propre  des.artistes  s'alarme  ordinairement  de 
ces  sortes  de  rivalités  où  le  publie  les  jette  en  dépit  d'eus; 
eJ  cependant  rien  n'est  plus  favorable  à  leur  réputation  , 
quand  leur  t. lient  est  réel.  Il  es!  doux ,  j'en  conviens  ,  de 
trïompbor  sjiis  obstacle  ;  mais  les  succès  faciles  qu'on  ob- 
tient à  côté  de  ta  médiocrité  conduisent  quelquefois  à  la 
négligence,  et  l'on  décroît  sans  cri  être  averti.  La  rivalité, 
au  contraire,  qui  met  toujours  en  péril  celui  qui  s'y  trouve , 
oblige  à  faire  des  efforts  continuels,  qui  tournent  au  pro- 
fit du  talent  et  du  public.  C'est  la  vie  enfin;  vie  agitée, 
si  l'on  veut;  mais  les  artistes  ne  sont  ooint  faits  pour  le 
repos  ,  car  le  repos,  c'est  la  mort. 

Les  entrepreneurs  sont  cem  qui  se  plaignent  le  moins 
de  ces  petites  guerres,  car,  tant  qu'elles  durent,  elles 
alimentent  la  caisse  en  remplissant  la  salle.  Dans  le  fait , 
chacun  y  trouve  son  profit.  Les  indifférons  même  eu  re- 
tireut  avantage;  car  les  petites  scènes  qui  ont  lieu  dans 
la  salle  varient  le  spectacle  et  rompent  la  monotonie. 
Quant  aux  journalistes ,  eu  recueillant  les  opinions,  ils 
sont  dispensés  d'eu  avoir  une  ,  et  leurs  articles  se  trouvent 
tout  faits ,  sans  qu'ils  y  aient  mis  du  leur  ,  car  ils  vivent 
aussi  de  rapine.  Cela  posé  ,  voyous  quel  a  été  le  résultat 
de  la  lutte  qui  s'est  engagée  entre  M"*  Sonlag  et  M"'  Pis  :- 
roni ,  dans  la  Donna  ilel  Lago.  , 

Cet  ouvrage,  comme  on  sait,  est  l'un  de  ceux  ou 
M"*  Sonlag  avait  eu  le  plus  de  succès  en  182(1.  Les  pl  aces 
de  sa  personne,  la  douceur  de  sa  voix,  et  la  flexibilité  de 
son  gosier,  la  rendent  éminemment  propre  à  douner  au 
rôle  d'Etoia  le  charme  nécessaire.  Les  plus  vifs  applaudis- 
semens  l'ont  accueillie  à  son  entrée  en  scène.  Quelques 
traits  heureusement  jetés  dans  la  cavatine  O/i .'  maiutini  al~ 
bori ,  ont  justifié  les  dispositions  favorables  du  public.  Je 
ferai  cependant  observer  à  M"*  Soutag,  qu'eu  voulant  don- 
ner de  la  légèreté  à  la  phrase  oh  agombra  ornai,  elle  en  ré- 
trécit les  proportions  ;  j'aimerais  mieux  qu'elle  chaulât 
la  valeur  des  notes  comme  elle  est  écrite.  Il  n'y  a  rien  eu 


586 

île  remarquable-  dans  lu  duo  Set-  g'ta  sposa;  on  pourrait 
même,  sans  trop  de  rigueur  ,  dire  qu'il  a  été  mal  chanté; 
Vendante  et  le  dernier  mouvement  de  ce  morceau  sont 
charmans  ;  mais  le  premier  allegro  me  paraît  faire  un  con- 
tre-sens complet  avec  les  paroles.  Il  n'ya  rien  dans  le  chant 
d'Etena  qui  exprime  ces  mots  :  le  mie  barbare  vicende,  etc.  ; 
et ,  quoique  la  phrase  soit  jolie,  on  en  désirerait  une  qui 
fût  moins  bien  et  qui  exprimât  mieux  la  situation. 

Cesl  à  l'entrée  de  M"  Pisaroni  dans  le  récitatif  Ma ra 
felici  que  la  représenta  lion  a  commencé  à  prendre  un  éclat 
qu'elle  a  conservé  jusqu'à  la  fui.  Celle  grande  cantatrice 
a  senti  tout  ce  qu'elle  avait  à  faire  pour  lutter  contre  les 
plus  heureux  dons  naturels  ',  elle  a  appelé  à  son  secours 
lotîtes  les  ressources  de  son  ame  et  de  son  beau  talent  ; 
elle  a  &é  admirable  dans  le  récitatif,  dans  Vandantino 
et  dans  Vattegrc-  de  son  air.  Le  soin  qu'elle  mettait  k  évi- 
ter les  sons  gutturaux  que  je  lui  ai  quelquefois  reprochés , 
élait  remarquable;  elle  en  a  donné  fort  peu  ;  aussi  son 
succès  a-l-il  été  complet.  C'est  dans  celte  scène  que  les 
premiers  symptômes  des  divisions  dont  j'ai  parlé  se  sont 
manifestés  dans  le  parterre. 

L'air  de  Duglas  fait  ordinairement  peu  d'effet  :  Zucchellt 
avait  renoncé  à  le  chanter;  il  n*a  point  élé  favorable  à  Le- 
vasseur.  Celui  deRodrigo  est  aussi  peu  remarquable.  Don- 
ïclli ,  qui  le  crie  d'un  bout  à  l'autre  plutôt  qu'il  ne  le 
chante,  y  fait  éprouver  nue  sensation  pénible. lise  tire  mieux 
de  Vandatttino  qui  sert  d'introduction  au  finale.  M"  Pisa- 
roni produit  toujours  beaucoup  d'effet  dans  la  phrase  la  mia 
tpadaë  ta  phi  fida,  etc.  Cette  phrase  ,  qui  fournit  le  motif 
tin  dernier  ensemble ,  eut  d'un  fort  beau  caractère. 

C'est  surtout  dans  le  deuxième  acte  que  M™"  Pisàroniet 
Snntag  ont  fait  éprouver  aux  amateurs  un  plaisir  sans 
mùlaiige.  Jamais  peut-être  lu  duo  de  Bianca  e  Faliero  n'a 
élé  chanté  avec  autant  de  fini  et  d'ensemble.  C'est  là  que 
j'ai  retrouvé  un  exemple  excessivement  rare  d'une  justesse 
sans  reproche ,  et  d'une  telle  union  dans  les  voix  qu'elles 
ne  semblaient  en  former  qu'une  seule.  Inflexions,  apogia- 
tures,  orntmens  de  tous  -cures  semblaient  être  inspirés 


S87 

ans  deux  virtuoses  par  l'effet  d'une  étincelle  électrique. 
L«s  exemples  d'une  pareille  perfection  sont  devenus  .si 
iWs  qu'on- ne  peut  trop  y  donner  d'éloges,  ni  Irop  cn- 
cotn4ger  les  artistes  à  les  chercher;  c'est  le  beau  idéal  du 
chant  d'ensemble. 

Le  quatuor  de  Bianca,  qui  vient  immédiatement  après 
ce  duo,  ne  laisse  pas  le  temps  de  respirer  aux  de  lis  can- 
tatrices :  néanmoins,  H™  Pisaroni  et  Sontag  y  ont  re- 
trouvé ce  feu  sacré  dont  elles  venaient  d'être  animées; 
mémo  verve,  même  fini,  même  perfection  ,  et  enlïn  même 
imité ,  quoiqu'elle  soit  bien  plus  difficile  à  obtenir  dans  un 
quatuor  que  dans  un  duo.  Lcvasseur  et  Donzelli  s'y  sont 
montrés  dignes  de  seconder  les  virtuoses  qui,  dans  tout 
cet  acte ,  se  «ont  montrées  vraiment  inspirées. 

On  pouvait  craindre  que,  fatiguée  par  les  deux  morceaux 
qu'elle  venait  de  chanter  avec  tant  de  feu ,  M™  Pisaroni  ne 
put  retrouver  tous  ses  moyens  pour  sort  fameux  air.  qui 
vient  immédiatement  après;  mais  il  n'y  a  point  de  lassi- 
tude qui  tienne  contre  l'ardeur  et  la  volonté  d'un  grand 
talent.  Supérieure  à  elle-même,  évitant  avec  soin  les  dé- 
fauts qu'on  lui  a  reprochés ,  et  «'observant  sans  nuire  à 
rin.jpii-.ïlion  ,  l'habile  cantatrice  est  arrivée  dans  cet  air 
au  plus  liant  degré  de  perfection.  Depuis  la  retraite  de 
Crcsccutioi ,  j'avoue  que  je  n'avais  pas  entendu  chanter 
avec  cette  supériorité.  Aussi  le  triomphe  a-l-il  été  com- 
plet. Il  semblait  que  les  spectateurs  n'avaient  plus  rien  à 
désirer  lorsque  H"'  Snulag  a  déployé,  dans  trois  variations 
du  couplet  final,  toutes  les  ressources  du  chant  le  plus 
léger,  le  plus  suave,  le  plus  brillant  qu'on  puisse  imaginer. 
Les  plu*  grandes  difficultés,  exécutées  avec  la  voix  la  plus 
douce  et  une  facilité  prodigieuse ,  ont  l'ait  passer  quelques 
minutes  au  public  dans  une  sorte  d'extase.  On  a  remarqué 
avec  plaisir  que  pendant  que  ta  charmante  cantatrice  éta- 
lait ainsi  tontes  les  merveilles  de  sa  délicieuse  voix, 
M™  Pisaroni  regardait  jvoc  bienveillance  sa  jeune  rivale, 
et  souriait  com plaisamment  a  ses  tours  de  force. 

Celle  représentation  était  décisive  pour  l'opinion  qu'on 
peut  se  faire  du  talent  de  M1"  Sontag  :  voici  celle  que  je 


Digitized  by  Google 


588 

m'en  su»  faite  .'La  nature  l'a  pourvue  de  l'organe  le  plus 
heureux  pour  le  geurc  brillant,  léger  et  gracieux.  Sa  vpix 
égale,  pure  et  sonore  dans  toute  non  étendue,  se  prèle 
merveilleusement  à  toutes  les  formes  de  fioritures,  et  exé- 
cute les  traits  tes  plus  difficiles  avec  un  fini  précieux  qu'au- 
cune autre  cantatrice  ne  me  paratl  avoir  au  même  degré. 
Le  choix  qu'elle  fait  des  fioritures  est  souvent  original  : 
personne  ne  sait  mieux  qu'elle  modifier  sa  voix  de  la  force 
à  la  douceur;  enfin,  elle  ne  manque  pas  d'une  certaine 
expression  mélancolique  qui  a  beaucoup  de  charme.  Hais 
M11'  Sontag  ne  me  paraît  nullement  destinée  à  aborder  les 
choses  larges  et  dramatiques.  Sa  manière,  quelque  par- 
faite qu'elle  soit  ,'a  quelque  chose  d'étroit  dans  ses  propor- 
tions, et  ne  peut  se  prêter  à  de  grands  dèveloppemens  de 
passion.  Un  moyen  lui  est  offert  pour  obtenir  toujours  des 
succès  non  contestés;  c'est  de  ne  chanter  que  des  rôles 
analogues  aux  facultés  que  la  nature  lui  a  données  ,  et  de 
ne  point  se  hasarder  dans  le  style  séricui,  pour  lequel  elle 
n'est  point  organisée. 


ACADÉMIE  ROÏALE  DE  MUSIQUE. 

Représentation  au  bénéfice  de  Gitu.— SuuuHiDk.—  M—  bTiixinui 
et  Puiiiwi,  —  Lr  premier  aeie  du  BtiBni  du  Suvh.lb. —  M11*  Soim. 

On  a  parlé  souvent  de  l'intérêt  du  public  pour  certains 
acteurs ,  comme  un  motif  su  fusant  pour  rendre  fructueuses 
leurs  roprésentations  à  béuéiice;  mais  le  public  est  ingrat 
par  nature,  et  ne  va  qu'où  il  espère  s'amuser.  Il  s'agit 
donc  moins ,  en  pareille  circonstance ,  d'émouvoir  sa  sen- 
sibilité que  de  piquer  sa  curiosité.  C'est  ce  dernier  moyeu 
qu'a  employé  Galli,  et  ce  moyen  lui  a  réussi  complètement, 
car  la  foule  s'était  rendue  à  son  appel.  La  crainte  que 
M"  Mallibran-Garcïa  ne  chantât  que  cette  fois  à  Paris, 
M"'  Smithson  dans  les  deux  derniers  actes  de  Roméo  et 
Juliette,  et  M11-  Sontag  dans  le  .premier  acte  du  Barbier, 


DigitizGd  t>y  Google 


5Bg 

étaient  plus  qu'il  ne  fallait  pour  rassembler  à  l'Opéra  Mile 
de  la  bonne  société;  el  Galli  n'est  pas  en  reste  avec  le 
public,  car  s'il  en  a  reçu  beaucoup  d'argent,  il  lui  a  me- 
suré largement  le  plaisir. 

Une  grande  réputation ,  faite  par  les  journaux  étrangers 
et  deB  succès  de  société,  avait  précédé  le  début  de 
M**  Mallibrati  ;  cew  sortes  d'avant-coureurs  sont  quelque- 
fois funestes  au  succès,  car  le  public  n'aime  pas  qu'on 
prévienne  ses  jugemens  :  dans  cette  circonstance  ils  n'ont 
pas  nui.  Des  apf.luudisscmeus  vigoureux  ont  accueilli  la 
uantalrice  à  son  entrée  eu  scène.  Sa  taille  élevée  et  la  ré- 
gularité de  ses  traits  ivnient  prévenu  eu  sa  faveur.  Lu  ma- 
nière noble  et  ferme  dont  elle  a  dit  sa  première  phrase, 
fra  tanti  régi  e  papoii,  a  justifié  d'Abord  l'accueil  qu'on  lui 
avait  fait;  mais  la  phrase  si  difficile  tréma  il  lempio  a  été 
pour  elle  un  écucil  qu'elle  n'a  pu  surmonter.  Cette  phrase 
est  ingrate  et  n'est  pas  faite  pour  les  voix;  toutes  les  can- 
tatrices qui  ont  joué  le  Me  de  Sémiramis  à  Paris  y  ont 
échoué.  M"  Mallibrau,  effrayée  par  cet  échec  ,  n'a  pas 
même  tenté  de  vaincre  la  difficulté  à  la  seconde  reprise  ; 
elle  a  laissé  tomber  sa  voix,  a  terminé  le  morceau  sans 
effet,  el  a  fait  sa  snrtiu ,  laissant  le  public  dans  l'Indécision 
cl  le  mécontentement. 

Le  talent  prodigieux  déployé  par  M™  l'isaroui  dans  les 
scènes  suivantes  est  venu  ensuite  faire  établir  des  compa- 
raisons d'autant  plus  fâcheuses  pour  M™  Mailibran ,  qu'il 
paraissait  certain  qu'elle  ne  chanterait  que  cette  seule 
fois  à  Paris,  et  qu'elle  n'aurait  pas  le  temps  de  prendre 
sa  revanche.  Sa  rentrée  fut  très  froide;  mais  les  disposi- 
tions du  public  ne  tardèrent  point  à  changer,  car,  dans 
l'amiante  de  l'air  Bel  raggio  Lusinghicr ,  la  jeune  cantatrice 
mit  une  (elle  énergie  ,  déploya  une  voix  si  étendue  et  si 
sonore  en  quelques  parties ,  enfin  fit  entendre  des  traits 
d'une  telle  hardiesse,  que  le  public  fut  vaincu,  et  passa 
de  la  froideur  la  plus  dédaigneuse  à  l'enthousiasmé  le  plus 
immodéré. 

A  mesure  que  la  confiance  revenait  à  H"  Mailibran, 
elle  hasardait  de  plus  grandes  difficultés,  el  bientôt  son 


5oo 

courage  se  changea  en  témérité.  Des  applaudissement 
tels  que  je  un  me  rappelle  pas  d'en  avoir  entendu  de  sem- 
blables la  récompensèrent  de  ses  efforts,  et  l'hidemnf* 
sèrent  avec  usure  de  son  premier  début.  Il  fout  le  dire  ,  lé1 
public,  dans  cette  circonstance,  a  fait  preuve  d'un  défaut 
de  goût  égal  à  celui  que.;  M™  Mallibran  avait  montré 
dans  cette  profusion  de  traits."Lors  même  que  mes  fonc- 
tions de  journaliste  ne  m'obligeraient  pas  à  dire  ce  que 
je  crois  être" la  vérité,  l'amitié  qui  me  lie  an  père  de 
M"  Mallibran  me  ferait  un  devoir  de  lui  parler  avec  .fran- 
chise. Je  lui  dirai  donc  que  la  nature  l'a  dotée  des  qualités 
les  plus  précieuses;  d'une  voix  rare  qui  réunit  les  sons  vigou- 
reux du  plus  beau  contralto  à  ceux  du  soprano  le  plus  aigu 
(car  cette  voix  embrasse  toute  l'étendue  comprise  cuire  1ère 
grave  du  contralto  et  le  contre- re);  que  sa  facilité  à  faire  les 
traits  les  plus  difficiles  est  prodigieuse;  que  sa  riche  imagi- 
nation lui  fournit  des  fioritures  neuves  et  élégantes;  enfin, 
qu'elle  a  de  l'ame  et  de  la  verve  ;  mais ,  malgré  tous  ces 
avantages,  son  chant  est  absolument  dépourvu  de  gouïet 
de  méthode.  Ses  ornemens  qui  seraient  bons  ,  pris  isolé- 
ment ,  sont  incohérens  &t  ne  se  lient  point  ensemble.  Sa 
respiration  n'est  point  assez  ménagée  ,  et  souvent  elle  lui 
manque  quand  elle  serait  nécessaire,  ce  qui  l'oblige  à 
altérer  continuellement  les  mouvemens.  Par  exemple, 
dans  le  duo  Serbami  ogner ,  elle  n'a  pas  dit  deux  mesures 
de  suite  dans  le  mouvement  indiqué  de  Vendante;  eteela 
pour  placer  une  abondance  de  traits  inutiles  ;  mais  quand 
M™  Pisaroni  a  repris  le  même  chant  il  la  dominante ,  elle 
a  fait  voir  que,  saus  altérer  la  mesure ,  ou  peut  chanter 
avec  a  me  et  de  la  maniéré1  la  plus  brillante. 

M™  Mallibran  n'a  que  dix-neuf  ans  ;  clic  arrive  de 
l'Amérique  du  nord  ,  où  les  modèles  lui  ont  manqué; 
elle  n'a  donc  besoin  que  d'entendre,  et  de  ne  pas  dédai- 
gner les  conseils  de  l'expérience,  pour  arriver  an  plus 
haut  degré  dans  son  art.  Ce  qui  m'en  donne  l'assurance, 
te  sont  les  passages  nombreux  qu'elle  a  exécutés  dans  un 
bon  sentiment.  J'avoue  que  la  sévérité  de  mes  remarque* 
pourra  paraître  au  moins  singulière  à  celte  cantatrice  „ 


5g, 

après  le  succès  éclatant  qu'elle  a  obtenu  dans  la  repré- 
sentation du  14  ;  mais  c'est  précisément  pour  lu  prému- 
nir contre  l'opinion  que  ce  succès  pourrai!  lui  douoer 
d'elle-même,  que  je  crois  devoir  lui  tenir  ce  langage. 

J'ai  parlé  de  SI™  Pisaroni,  et  j'ai  dit  combien  elles'esl 
distinguée  dans  les  premières  scènes;  (G  puis  ajouter 
qu'elle  a  été  sublime  dans  celle  de  l'épée  ,  et  qu'elle  n'a 
pas  été  faible  un  seul  instant.  Levasseur  a  eu  plusieurs 
beaux  momens  dans  sou  rôle, qui  n'est  malheureusement 
pas  assez  important  :  il  a  chanté  dans  ta  plus  belle  ma- 
nière sa  phrase  tlilantiregicpopali,ety  a  été  fort  applaudi. 
La  voix  de  Galli  s'altère  chaque  jour  davantage  ;  elle  a 
perdu  toute  légèreté  et  presque  toute  justesse  ;  il  a  été 
constamment  au-dessous  du  ton  dans  son  rnle  d'Assur. 
Peut-être  le  climat  de  l'Italie  lui  rendrait-il  les  qualités 
qu'il  a  perdues. 

La  tragédie  anglaise  qui  a  fait  peu  d'effet,  et  dans  la- 
quelle M"'  Smilhson  a  été  moins  heureusement  inspirée 
que  précédemment ,  a  été  suivie  du  premier  acte  du  Bnr- 
UerdeSëtilU,  qui  n'a  commencé  qu'à  onze  heures  et  demie. 
Bien  qu'il  y  eût  eu  un  intermédiaire  entre  les  deux  opéras, 
le  passage  de  la  musique  bruyante  de  Scmiramulc  à  l'élé- 
gante conception  du  Barbier,  a  été  très  sensible.  Les  con- 
naisseurs ont  pu  remarquer  que  celte  délicieuse  musique  . 
si  spirituelle ,  si  fraîche,  si  originale,  semblait  avoir  perdu 
la  moitié  de  sou  instrumentation.  Tel  est  le  danger  des 
proportions  exaRérécs;  elles  font  paraître  maigres  des  com- 
positions qui  naguère  étaient  renommées  pour,  le  brillant 
de  leur  orchestre.  .    .  i-s  .  tll  . 

M1"  Sontag  a  senti  qu'elle  venait  fort  ta.nl  se, faire  en- 
tendre d'un  public  fatigué ,  .et  qu'il  fallait  des  merveilles 
pour  l'intéresser.  Ce  qu'il  fallait  faire,  elle  l'a  fait.  Toutes 
les  coquetterie»  du  chaut  le  plus  miguard,  tous  les  pres- 
tiges delà  voix  la  plus  douce  et  lu  plus  flexible,  ont  clé  mis 
en  œuvre  par  elle  dans  son  charmant  air.  Parmi  les  traits 
qu'elle  a  misa  foison  dans. cet  air,  et  qu'elle  a  parfaite- 
ment vocalisés,  on  a  remarqué  une  gamme  détachée, 
sorte  d'exercice  qui  n'est  guère  connu  que  dans  les  écoles 


5ga 

de  citant,  cl  tlonl  M"*  Sonlag  a  l'ait  un  ornement  du  meil- 
leur goût,  par  la  manière  dont  elle  l'a  exécuté.  Le  duo 
avccGalli,  quoique  bien  chanté  aussi,  a  été  cependant 
moins  remarquable  que  l'air.  Il  est  vrai  que  Galli  est  bien 
lourd  dans  cette  musique  légère,  et  n'est  pas  propre  à 
mettre  du  fini  dans  un  morceau.  Bonlogni  a  Tort  bien 
chanté  le  duo  Alt'idea  di  quai  mttallo.  La  représentation  a 
fini  àune  heure  du  malin. 

—  Deux  soirées  musicales  ont  eu  lieu  dimanche  et  lundi 
dernier.  Lu  première,  qui  était  donnée  par  le  jeune  Àlkau  , 
a  eu  lieu  dans  les  salons  de  M.  Pape ,  l'un  de  nos  premiers 
fabricans  de  pianos.  On  y  a  remarqué  particulièrement  nu 
rondo  de  concerto  pour  le  piano,  avec  orchestre ,  composé 
etexécuté  par  le  jeune  bénéficiaire  avec  une  énergie  et  un 
fini  qui  liennenl  du  prodige,  si  Ton  considère  son  âge.  Il  y  a 
du  fort  jolies  choses  dans  son  rondo,  et  l'on  ne  se  doute- 
rait nullement  que  c'est  l'ouvrage  d'un  enfant.  M.  Toi  bec 
jeune  a  joué  passablement  un  air  varié  de  BériiH  :  c'est  un 
tort,  quand  on  joue  en  public,  de  n'être  que  passable  dans 
une  chose  qui  a  été  si  bien  jouée  par  l'auteur.  La  partie 
vocale  était  remplie  par  M""  Marinoni  etTuelle.  La  pre- 
mière est  connue;  la  seconde  est  élève  de  H.  Garaudé; 
elle  promet  de  devenir  une  cantatrice. 

Le  concert  de  lundi  était  au  bénéfice  de  MM.  Benaxet 
et  Andrade.  Un  concerto  et  un  air  varié  pour  le  violoncelle 
y  ont  été  exécutés  avec  un  très  grand  succès  par  M.  Bena- 
zbL;  M.  Woets,  l'un  de  nos  pl;w  habiles  pianistes,  s'y  est 
l'ait  remarquer  dans  des  variations  très  brillantes  pour  le 
piano ,  et  M.  et  M"  Andrade  y  ont  chanté  des  romances  et 
des  nocturnes  qui  ont  été  fort  goûtés.  PËTIS. 

—  Les  vrais  amateurs  de  musique  Rapprendront  pas 
sans  une  vive  satisfaction  que  quatre  soirées  de  quatuors 
et  de  quinietli  seront  données  par  M.  Baillol,  les  mardis 
ai ,  ut)  jauvïer,  5  et  ta  février  prochain ,  rue  Saint-Lazare  , 
ii*  59,  chaussée  d'Aiilin.  Ou  s'abonne  pour  ces  quatre  soi- 
rées audit  local;  chez  M.  Baillof,  place  des  Messageries, 
ii"  o;  ou  au  magasin  de  musique  de  M.  Pleycl,  boulevard 
Montmattre. 


5g3 


'■  NOUVELLES  DES  DÉPARTKMENS. 

On  lit  dans  le  Breton,  journal  de  Nantes,  l'article  suivant 
sur  lu  l'iectroeuphon  ,  et  sur  le  concert  de  MM.  Gaina  et 
Luppcrger  : 

«C'est  avant-hier,  daus  la  grande  salle  de  la  mairie, 
qui:  le  public  a  été  admis  à  entendre  le  nouvel  instru- 
ment de  Al.  Gama.  Celle  épreuve,  comme  nous  t'avions 
prévu  ,  a  été  tout-à-fait  favurable ,  ci  H.  Lupperger  a  tiré 
un  excellent  parti  de  cet  instrument  dans  plusieurs  mor- 
ceaux qu'il  a  exécutés.  Les  notes  busses  sont  parfaites; 
l'archet  attaque  bien  les  cordes:  elles  donnent  un  son 
plein  et  pur,  qui  reproduit  avec  vérité  ceux  de  la  contre- 
basse ,  du  violoncelle  et  parfois  de  l'alto  ;  le  violoncelle , 
principalement,  semble,  suivant  nous,  laisser  peu  de 
chose  à  désirer.  M.  Lupperger  est  parvenu  à  nuancer  son 
jeu  ,  et  à  rendre  l'effet  de  ces  légers  coups  d'archet  qui 
font  vibrer  les  cordes  de  ce  bel 'instrument  il  la  manière 
de  Kohrer.  L'alto  est  pur  el  assez  vrai  dans  les  notes  bas- 
ses ;  les  tons  hauts  ne  nous  paraissent  pas  aussi  pleins, 
aussi  nourris  :  c'eut  le  reproche  que  l'on  peut  faire  a  uns  i 
au  violon  ,  dont  les  sons  quelquefois  sont  assez  agréables, 
maïs  qui  .  par  leur  faiblesse,  forment  un  peu  disparate 
avec  les  cordes  basses.  Nuus  savons  que  MM.  Gama  ont 
déjà  avisé  au  moyen  de  remédier  d  cet  inconvénient  en 
donnant  une  table  plus  légère  à  leurs  cordes  hautes. 
S'ils  parviennent,  comme  nous  n'en  doutons  pas,  au  même 
résultai  qu'ils  ont  déjà  obtenu  pour  leurs  basses,  nous 
pouvons  prédire  d'avance  que  cet  instrument  si^ra  adopté 
avec  empressement  par  les  amateurs,  auxquels  il  peut 
révéler  de  nouvelles  jouissances  et  «le  grandes  ressources. 
L'exécution  demande  une  élude  sérieuse:  M.  Lupperger 
(ils  parait  bien  comprendre  la  méthode  à  suivre)  en  tra- 
vaillant assidûment,  il  doit  obtenir  des  effets  plus  variés 
el  plus  vrais  eucore.  Les  spectateurs  se  sont  plu  à  rendre 


594 

une  justice  méritée  à  cet  instrument ,  et  les  divers  mor- 
ceaux exécutés  par  M.  Lupperger  (ils  o  nt  été  vivement 
applaudis. 

■  Apres  avoir  loué  l'invention  de  MM.  Gama  il  est  junte 
de  rendre  hommage  aux  artistes  distingués  qui  ont  em- 
belli cette  soirée  musicale.  L'orchestre  dirigé  par  M.  De- 
lanoue,  a.  exécuté  une  ouverture  et  accompagné  plusieurs 
morceaux.  M.  Lucas  fils,  dans  un  concerto  de  violon,  s'est 
fait  remarquer  par  un  jeu  franc  et  pur.  M.  Peligry  a  très 
bien  exécuté  des  variations  sur  la  flûte ,  avec  accompa- 
gnement duPlectroeuphon.  Une  jeune  dame%qui  se  des- 
tine ,  dit-on ,  à  l'enseignement,  a  chanté  plusieurs  mor- 
ceaux ;  le  timbre  de  sa  voix  est  agréable  et  sonore.  Enfin 
M.  Welsch,  qu'on  aime  à  entendre  dansuoscoucerts  comme 
sur  la  seèue ,  a  fait  beaucoup  de  plaisir  dans  un  morceau 
de»  Noces  de  Figaro.  •   


NOUVELLES  ÉTRANGÈRES. 


.  Dàhtzick.  Décembre.  1897.  La  société  des  amateurs  de 
chant  de  cette  ville,  accompagnée  d'un  orchestre  uoiu- 
breux  dirigé  par  M.  Urban,  a  exécuté,  le  1a  de  ce  mois, 
dans  l'église  de  S.iiol- Pierre,  le  Heqaiem  d'Eybler.  au  bé- 
néfice do  quelques  familles  indigentes.  Cette  réunion  .  qui 

c\i*lc  tli-ja  di'pms  ]>lu*ii:iir*  années,  sous  l.i  direction  de 

M.  le  D'  Kniewel .  m<-t  tieaucoup  de  soin  a  exécuter  li  - 
<  ompotj  lions  Im  *. ■  1 . ■  -~  ballot  M.  Knicwel.  runn.iisseur  très 
distingué,  qui  a  f.til  preuve  déjà  bien  souvent  d'un  goul 
exqula  en  fait  de  musique,  a  fondé  celle  société  et  l'a  di- 
rigée jusqu'ici  avec  succès.  Les  premières  familles  de  la 
ville  en  font  presque  toutes  partie  et  contribuent  de  leur 
mieux  à  sa  conservation.  Elle  est  organisée  de  manière  à  ce 
que  les  fonds  versés  par  les  sociétaires  11e  soient  employés 
qu'au  soutien  de  rétablissement,  sans  que  personne  puisse 
en  tirer  aucun  avantage  personnel.  Tonte  l'administration 


Sç5 

est  bien  conduite,  aussi  est-il  probable  que  celte  société 
lté  maintiendra,  s'étendra,  et  exécutera  encore  plus  d'un 
chef-d'œuvre.  Les  sulos  sont  tous  très  bien  chantes  par  les 
amateurs  qui  s'en  sont  chargés.  M™  H.  dont  la  voix  est 
pleine  et  sonore  exécute,  d'une  manière  brillante,  les 
soles  de  soprano;  H.  Y.  s'est  chargé  de  ceux  de  lenore  ; 
M.  Sch. ,  de  ceux  de  basse-taille.  Tous  se  sont  distingués , 
mais  surtout  M.  F.  M.  Urban  est  venu  d'Klbing ,  pour  diri- 
ger l'exécution  du  Requiem.  On  s'occupe  maintonantl  fon- 
der une  Académie  do  musique  qui  ne  saurait  qu'exercer 
une  influence  très  favorable  sur  toute  la  Prusse.  Nous  en 
parlerons  dès  que  ce  projet  aura  eu  un  commencement 
d'exécution. 

Vikksb.  Novembre.  M.  Naurer,  directeur  de  musique 
d'Hanovre,  a  donné  six  concerts  au  théâtre  de  la  Porie 
de  Cdrinthie,  dans  lesquels  il  n'a  exécuté  que  des  morceaux 
de  sa  composition  ;  des  concertos,  des  variations,  des  polo- 
naises, des  rondeaux,  etc.  ,  dont  le  mérite  est  singulière- 
ment réhaussè  par  l'expression  de  sou  jeu  qui  est  moins 
éclatant  et  brillant,  que  tranquille,  large  et  vigoureux. 
H.  Muurcr  manie  parfaitement  bien  son  archet  ;  son  accent, 
surtout  dans  le  piano  ,  est  délicieux.  Dédaignant  tous  tes 
tour*  île  force  qui  sont  à  l'ordre  du  jour  pour  éblouir 
l'auditeur,  il  se  borne  à  augmenter  la  jouissance  par  son 
goût  éprouvé  ,  sa  finesse  et  sa  délicatesse  ;  pendant  qu'un 
si  grand  nombre  de  ses  collègues  s'efforce  de  surprendre 
les  applaudissemens  de  la  foule,  il  n'aspire  qu'à  ceux  des 

produisit  le  plus  de  sensation  parmi  nous  par  un  duo, 

charmante  pour  quatre  violons  obligés,  ou  il  fut  très  bien 
secondé  par  MM.  les  professeurs  lloehm  11  ell  mes  berger 
et  Saint- Lubin;  celle  composition  a  produit  un  enthou- 
siasme général  et  fut  redemandée  à  quatre  'reprises.  Il 
nous  reste  encore  à  parler  d'un  accident  qui  aurait  pu 
avoir  des  suites  fâcheuses1:  H.  Maurer  a  été  blessé  parla 
chute  d'une  lampe  pendant  la  répétition  ;  mais  les  secours 
du  médecin  et  les  remèdes  employés  à  temps,  l'ont  rétabli 


□igilized  by  Google 


5»6 

au  bout  de  buit  jours.  11  est  retourné  dans  sa  pairie,  em- 
portant l'estime  et  l'admiration  de  tous  ceux  qui  l'ont 
entendu. 

—  On  écrit  de  Fribotirg  eu  Brisgau  :  *  On  a  donné ,  le 
a4  décembre ,  sur  le  théâtre  de  cette  ville ,  un  opéra  nou- 
veau intitulé  :  Le  Siège  de  Miisolonghi.  La  musique  est  de 
Frei  et  révèle  du  talent.* 

—  Dans  les  derniers  jours  du  mois  de  décembre,  ou  a 
exécuté  à  Rome,  dans  l'Oratoire  de»  RR.  PP.  Filippini  , 
deux  œuvres  do  musique  sacrée  du  maestro  Bonfichi ,  in- 
titulées :  La  Notte  di  Natale  et  il  Trcuparto  deW  Aveu. 

Venise.  Le  théâtre  de  la  Fenice,  comme  tous  ceux  d'Ita- 
lie ,  a  fait  son  uuveriure  le  36  décembre  dernier.  Ce  jour 
a  été  particulièrement  un  jour  de  féte  pour  les  habita  u« 
de  Venise,  parce  que  le  théâtre  de  la  Fenice  était  fermé 
depuis  près  d'un  an.  L'ouvrage  qui  avait  été  écrit  pour 
cette  circonstance  est  intitulé  Gattom  di  Foia  :  le  Hbrelto 
est  de  Felice  Romani ,  et  la  musique  d'un  jeune  composi- 
teur nommé  Ciuseppe  Persiani.  D'après  les  renseigne- 
mens  qui  nous  sont  parvenus  ,  la  contexture  do  la  pièce 
est  une  des  plus  grandes  absurdités  qu'on  ait  jamais  ima- 
giuécs  ,  et  malheureusement  elle  ne  rachète  point  ses  dé- 
fauts par  des  situations  musicales. 

11  ne  parait  pas  que  l'œuvre  du  musicien  soit  branconp 
pluit  estimable  que  celui  dopoite  :  on  assure  que  le  mu- 
sicien est  précisément  dans  cette  honnête  médiocrité  ,  qui 
peut  faire  le  bonheur  de  la  vie  d  ms  le  sens  d'Horace, 
mais  qui  est  le  pire  de  tous  les  maux ,  lorsqu'il  n'agît  de 
musique  dramatique.  Le  public  vénitien  a  cependant  ap- 
plaudi l'ouverture,  un  choeur,  le  tirello  du  finale  du  pre- 
mier acte,  et  une  prière  du  seoond.  M""  Favelli  a  eu  beau- 
coup de  succès  dans  cet  ouvrage  :  on  s'accorde  à  louer 
l'étendue,  la  sonorité  de  sa  voix,  sa  méthode  de  chant, 
et  l'énergie  de  son  jeu.  La  Bassi,  très  bonne  prima  donna  in 
contralto,  s'est  aussi  distinguée  dans  celte  pièce ,  et  a  re- 
cueilli d'unanimes  applaudîssemcns.  Le  vieux  Tacchi- 
nardi,  qui  chaule  toujours  bien  ,  malgré  la  perte  de  sa 
voix,  était  chargé  du  rô4a  de  premier  ténor. 


$97 

—  L'Elisabetta  de  Rossini  ayant  été  choisie  pour  l'ouver- 
ture du  théâtre  Alla  Scata  de  Milan ,  a  été  jouée,  le  36  dé- 
cembre, par  M""  Méric-Lahmle,  Ungher,  et  par  David. 
Le  rôle  de  la  reine  d'Angleterre  a  fourni  à  M™  Lalande 
l'occasion  de  déployer  un  talent  réel  ;  Mu"  Ungher  a  chanté 
celui  de  Mathilde  avec  beaucoup  de  grâce;  mais  David  n'a 
eu  aucun  succès  dans  le  personnage  de  Leicester. 

—  Les  plus  vifs  applaudissement  ont  accueilli  XcCrocïato 
in  Egitto  de  Hayerbeer,  au  théâtre  Filarmonlco  de  Vérone  ; 
les  principaux  chanteurs  étaient  M"'  Belloc ,  Rubini ,  et  le 
le  11  or  Bianchi. 

Le  Tancredi  de  Rossini  n'a  pas  été  si  heureux  à  Gènes  : 
il  est  tombé  à  plat.  Est-ce  à  quelque  caprice  du  public 
qu'il  faut  attribuer  cette  chute,  ou  à  l'insuffisance  do 
M'"  Passe  ri  ni  et  Ekerlin  pour  jouer  les  rôles  de  Tancrède 
et  A'Amcnaidc*  c'est  ce  qu'il  n'est  pas  facile  de  décider. 
Pour  comble  de  malheur,  le  nouveau  ballet  de  Genstr'uo 
in  Roma  a  eu  le  même  sort  que  l'opéra  ,  et  les  danseurs  ont 
été  sifllés  à  outrance. 


ANNONCES. 


MUSIQUE. 

Méthode  de  chant,  ou  Études  du  solfège  et  de  la  vocalisa- 
tion, par  M.  GÉBiBD,"  ex-professeur  de  chant  à  l'école 
royale  de  musique  ,  et  membre  de  la  société  d'émula- 
tion de  Liège.  Ouvrage  divisé  en  deux  parties,  dont  la 
première  se  vend  10  fr. ,  et  la  deuxième  3o  fr.  Paris,  chez 
l'Auteur,  rue  de  la  Tour-d' Auvergne,  n.  3o,  et  cheu 
MM.  Carli,  Plcycj,,  Frey,  Petit,  et  autres  marchands 
de  musique. 

D'après  tes  additions  et  changemeos  laits  à  cette  mé- 
thode depuis  sa  publication  ,  la  première  partie  se  trouve 
être  augmentée  d'un  plus  grand  nombre  de  leçons  avec  la 
clef  de  toi;  de  quelques  tableaux  instructifs  et  d'aperçus 


5g8 

également  propres  à  faciliter  la  lecture  de  la  musique 
\  par  les  intervalles.  Cette  première  partie,  comme  sol- 
fègé,  contient,  r,  des  petites  leçons,  dont  la  grada- 
tion est  presque  insensible,  à  l'usage  des  commençans 
et  à  la  portée  des  voix  les  moins  étendues;  i'  des  le- 
çons progressives  ,  avec  la  basse  chiffrée ,  écrites  d'abord 
en  majeur  et  ensuite  en  mineur,  pour  apprendre  à  bien 
distinguer  le  mode  où  l'on  chante;  3°  des  duos  et  des  trios 
composés  pour  Être  chantés  sans  accompagnement ,  dans 
le  but  de  s'exercer  à  lire  avec  la  même  facilité  un  second 
comme  un  premier  dessus,  ou  la  partie  basse  d'un  en- 

La  seconde  partie ,  qui  traite  spécialement  de  la  voca- 
lisation ,  renferme  des  gammes  diversement,  combinées  . 
pour  la  pose  et  le  développe  menthe  la  voix  :  des  exercice» 
pour  apprendre  à  faire  et  à  placer  convenablement  les 
petites  notes  et  les  autres  ornemens  du  chant  ;  et  des  leçons 
de  vocalisation  pour  toutes  les  voix,  avec  accompagne- 
ment de  fortê-piano.  Les  petites  leçons  de  la  première 
partie,  ainsi  que  les  divers  exercices  de  la  seconde ,  sont 
précédées  d'explications  pour  en  faciliter  l'intelligence  et 
l'exécution. 

Un  critique  du  Journal  des  Débats  n  dit,  en  parlant  de 
cet  ouvrage (20  novembre  1816}:  Un  musicien  distingué  , 
M.  Gérard,  dont  le  goût  naturel  se  perfectionna  dès  sa 
première  jeunesse  par  nu  long  séjour  en  Italie  ,  qui  a 
composé  une  foule  de  morceaux  r  barmans ,  et  qu'on  cite 
comme  un  des  plus  savans  et  des  meilleurs  professeurs  du 
Conservatoire,  vient  de  publier  un  ouvrage  vraiment 
classique ,  où  il  développe  un  talent  particulier  pour  ren- 
seignement de  la  musique  vocale. 

Le  plan  de  cet  ouvrage  est  simple  et  ingénieusement 
combiné  :  chaque  article  se  trouve  a  la  place  qu'il  doit 
convenablement  occuper  dans  l'ordre  de* éludes  que  l'on 
doit  faire  et  suivre ,  pour  bien  connaître  l'art  du  chant , 
te  pratiquer  et  le  transmettre. 

—  Méthode  complète  et  extrêmement  simplifiée  pour 
la  guitare,  par  P.-L.  Aubéry  du  Boulley,  œuvre  4>i  P*0- 


599 

priété  de  l'éditeur.  Prix,  i5  fr.  A  Paris,  chez  Richault, 
éditeur  des  œuvres  de  Booltsa,  Hummel  et  Mayseder,  bou- 
levard Poissonnière,  n°  16,  au  i"'. 

La  guitare  est ,  de -tons  les  instrument»,  celui  qui  a 
éprouvé  le  plus  de  révolutions  depuis  vingt  ans,  et  consé- 
quemmenl  celui  pour  lequel  les  ouvrages  élémentaires 
ont  dù  se  multiplier  le  plus.  Après  les  dévcloppemens  qu'il 
avait  acquis  entre  les  mains  de  Carulli  sont  venues  les 
difficultés  imaginées  par  Sor;  d'autres  viendront  proba- 
blement qui  agrandiront  encore  son  domaine.  M.  Aubéry 
du  Boulley  n'a  point  eu  cette  prétention  ;  mais  il  a  donné, 
dans  un  cadre  assez  resserré,  tout  ce  qu'il  est  à  peu  près 
nécessaire  de  savoir  pour  bien  jouer  de  l'instrument  qu'il 
prufesse. 

—  Variations  brillantes  pour  le  pi  a  no-for  ié  sur  l'air  fa- 
vori de  la  Dame  Blanc  lie  de  Boieldieu  :,  Viens,  gentille 
dame  ;  dédiées  à  madame  la  duchesse  de  Reggio,  par  Jac- 
ques Herz,  œuvre  17.  A  Paris,  chez  Janctet  Colelle,  édi- 
teurs marchands  de  musique  du  Soi,  rue  Saint-Honoré, 
n*  ia3,  et  rue  de  Richelieu,  11°  9a  ,  près  celle  Feydean. 

Ces  variations,  d'un  genre  neuf,  jouissent  de  l'estime 
des  professeurs  et  la  méritent.  On  les  trouve  maintenant 
sur  tous  les  pianos.  ( 

—  Grand  quatuor  pour  deux  violons,  allo  et  violoncelle, 
composé  et  dédié  à  S.  A.  M.  le  prince  Nicolas  de  Galilzin, 
par  Louis  van  Beethoven,  op.  127.  Prix,  g  fr. 

—  Grand  quatuor  en  ut  mineur,  pour  deux  violons,  allo 
et  violoncelle,  composé  et  dédié  à  S.  E.  H.  le  baron  de 
Stutterbeim,  par  L.  van  Beethoven,  op.  i3i.  Prix,  10  fr. 

Paris,  chez  les  fils  de  li.  Schott,  place  des  Italiens,  n"  1  ; 
Maycncc,  même  maison  ,  et  Anvers,  chez  A.  Schott. 
Ces  quatuors  sont  les  derniers  que  Beethoven  ait  écrits. 

—  Douze  adagios  ou  andante ,  douze  menuets  et  douze 
trios  tirés  des  symphonies  d'Haydn,  arrangés  pour  piano 
et  violon  par  Mcsplet.  Prix ,  5fi  fr.  A  l'École  royale  de  mu- 
sique. 

—  Bien  que  le  prix  marque  de  la  Mme  solennelle  de 
M.  Lcsueur,  que  nous  avons  annoncé  dans  notre  dernier 


6oo 

numéro,  soit  de  5o  francs,  le  prix  rte  souscription  n'est 
que  rte  ao  francs. 

—  C'est  samedi,  a  février  prochain,  que  le  cours  du 
chant  d'ensemble  s'ouvrira  ohez  M.  Panieron.  Il  n'y  sera 
étudié  que  des  duos,  trios,  quatuors,  morceaux  d'ensem- 
ble et  chœurs.  Les  dames  et  les  messieurs  seront  admis  à 
celte  classe  deux  fois  la  semaine,  les  mercredis  et  les  sa- 
medis rte  7  heures  du  soir  à  9  heures.  Ou  peut  se  faire 
inscrire  d'avance  chez  M.  Panseron ,  boulevard  des  Ita- 
liens, n"  11,  Le  prix  est  de  a5  francs:  les  autres  classes 
ont  toujours  lieu  matin  et  soir. 

—  Rondo  brillant,  précédé  d'une  introduction  pour  le 
piano-iorté,  composé  et  dédié  à  M"*  la  Maréchale,  prin- 
cesse d'Kckmiihl ,  par  Joseph  Pohl ,  œuvre  6.  Prix  :  6  fr. 

Paris,  H.  Lemoine,  professeur  de  Piano,  éditeur  rte 
musique,  rue  de  l'Échelle,  n"  9. 


AVIS. 

M.  Schlcsingera  inséré,  de  notre  consentement,  dans 
sa  collection  complète  des  quatuors  et  quinletli  de  L.  van 
Beethoven,  les  deux  quatuors  œuv.  137,  en  mi  [>  majeur, 
et  œuv.  i3i  en  al  £  mineur.  Nous  nous  sommes  réservé 
ta  vente  séparée  desdits  deux  quatuors. 

MM.  les  possesseurs  des  collections  des  quatuors  et 
quititelti  de  Beethoven,  publiées  chez  MM.  Janet  et  Co- 
letle  etchez  Pleyelel  fils,  qui  désireraient  rte  les  complé- 
ter par  ces  deux  quatuors,  correctement  imprimés  sm 
beau  papier,  voudront  bien  s'adresser  aux  éditeurs  légi- 
times. 

Pmris,  !e  ta  janvier  iSafl. 

Les  fils  de  B.  Smart, 

Flirt-  des  Mitai,  a.  1. 


□igitized  b/ Google 


VARIÉTÉS. 


Les  opinions  d'un  grand  arlisic  sur  l'objet  de  nés  travaux 
et  de  ses  éludes  sont  toujours  intéressantes  a  connaître  , 
ne  fussenl-elles  point  inattaquables.  Nous  croyons  donc 
qu'on  verra  avec  plaisir  la  lettre  suivante,  qu'un  journal 
anglais,  Ihe  Sun,  a  publiée,  et  que  nous  nous  empressons 
de  faire  connallre  k  nos  lecteurs  ;  elle  a  été  adressée  par 
CI)  a  ries- M  a  rie  Weber  au  directeur  de  musique  du  théâtre 
do  Lcipsick-,  en  réponse  à  quelques  questions  sur  le  chant 
dramatique,  que  celui-ci  avait  soumises  au  célèbre  auteur 
du  Freyschûlz. 

«  Tout  chanteur,  dit  Wcbcr,  prèle,  sans  le  vouloir,  la 
couleur  de  son  individualité  au  caractère  lyrique  qu'il  re- 
préscnle.  Ainsi  deux  sujets,  dont  le  premier  serait  doué 
d'une  voix  douce  et  flexible,  et  le  second  d'un  organe 
puissant  et  étendu,  rendraient  la  même  composiliuii  d'une 
manière  bien  différente.  L'un  ,  sans  doute,  produira  plus 
d'effet  que  l'autre,  et  tous  deux  néanmoins  se  conforme- 
ront également  à  la  pensée  du  compositeur,  s'ils  expriment 
avec  fidélité  foules  les  nuances  de  la  passion,  d'après  la 
nature  et  le  degré  de  leurs  moyens  respectifs.  Mais  le  di- 
rceleur  de  musique  aura  soin  d'empêcher  qu'ils  ne  se  li- 
vrent trop  exclusivement  à  une  routine  qui  souvent  est  en 
opposition  directe  avec  le  caractère  du  morceau.  L'allen- 
tion  qu'on  exige  de  lui  à  cet  égard  est  surlout  nécessaire 
quand  l'effet  général  d'une  pièce  de  musique  risque  d'être 
sacrifié  à  quelque  roulade  favorite  qu'on  voudrait  y  intro- 
duire à  tout  prix.  Si,  par  exemple,  Tunisie  est  incapable 
de  meitre  dans  les  derniers  passages  de  l'air  d'Eglantine 
la  chaleur  et  l'énergie  d'expression  qu'ils  exigent,  il  fera 
beaucoup  mieux  de  le  simplifier  que  d'y  ajouter  des  orne- 
mens  hétérogènes  qui  détruiraient  le  caractère  passionné 
de  cette  composilipn.  De  même,  lorsque  les  moyens  d'une 
cantatrice  no  lui  permettent-  puftit  d'exécuter  avec  l'ex- 
vol.  5i 


Dipzed  ûy  Google 


6oî 

pression  convenable  le  grand  air  tl'Elviro  ',  dont  le  senti- 
ment de  vengeance  qui  anime  le  personnage  doit  préci- 
piter tous  les  mouvemens,  l'omission  du  morceau  serait 
encore  préférable  au  déplaisir  de  l'entendre  chanter  comme 
un  solfège. 

■  Un  des  problèmes  les  plus  difficiles  en  musique,  c'est 
d'accorder  le  chant  avec  la  partie  instrumentale ,  dans  te 
mouvement  rhythmjque  d'une  composition,  de  manière 
qu'il  en  résulte  un  amalgame  parfait,  ou  en  d'.intres  ter- 
mes ,  de  foire  servir  l'orchestre  à  appuyer,'  à  corroborer  et 
à  exalter  les  accent)  de  la  passion  ;  caria  voix  elles  tu  rit  ru- 
men s  se  contrarient  mutuellement  de  leur  nature. 

n  Au  moyen  de  l'emphase  et  de  l'articulation  verbale  , 
te  chant  imprime  à  la  mesure  un  mouvement  que  l'on 
pourrait  comparer  peut-être  au  brisement  uniforme  des 
vagues  contre  te  rivage.  Les  instrument,  au  contraire,  et 
surtout  ceux  à  cordes,  divisent  le  temps  en  intervalles 
précis  qui  ont  la  justesse  mathématique  des  oscillations 
du  pendule.  Or,  la  vérité  d'expression  exige  t'accord  de 
ces  propriétés  si  difficilement  conciliâmes.  Le  mouvement 
ne  doit  donc  pas  être  un  frein  lyrannique  ou  une  impul- 
sion machinale  et  irrésistible  ;  il  est  ù  l'œuvre  du  musicien 
ce  que  la  pulsation  est  à  l'économie  animale.  Il  n'y  a  point 
de  mouvement  lent  où  il  ne  se  trouve  quelques  passages 
qui  demandent  une  légère  accélération,  comme  d'antre 
part,  il  n'est  pas  de  mouvement  rapide  qui  ne  puisse  être 
ralenti  en  certains  endroits.  L'expression  le  veut  ainsi  dans 
-quelques  cas  particuliers. 

"i"À  Dieu  ne  plaise  que  ces  remarques  deviennent  un 
encouragement  pour  les  chanteurs  qui ,  adoptant  le  mode 
d'exécution  le  plus  déréglé  ,  se  permettent  de  rompre  et 
de  défigurer  le  rhylhmc  pendant  un  nombre1  ta  défini  de 
mesures;  cette  déplorable  licence  ne  manque  jamais  de. 
produire  sur  l'homme  de  goût  un  efTet  analogue  a  celui 
qu'on  éprouve  en  voyant  un  jongleur  disloquer  ses  mem- 
bres pour  plaire  à  la  populace.  L'accélération  et  le  rclar- 

(i|  D«n«  le  Satri fia  interrompu ,  de  Win  ter. 


6o5 

dément  ne  sauraient  èlrc  motivés  que  dans  les  cas  où  l'au- 
diteur lui-même  en  sentirait  lu  besoin.  Jamais  non  plus 
de  pareilles  modifications,  soit  qu'on  les  considère  sous 
le  point  de  vue  musical,  ou  qu'on  les  prenne  dans  leur 
signification  poétique,  ne  devraient  avoir  lieu  qu'autant 
qu'elles  seraient  en  harmonie  avec  le  ton  et  le  caractère 
de  la  passion  qu'il  s'agit  d'exprimer.  Ainsi,  dans  un 
duo,  deux  caractères  divers  emploient  un  mode  d' expres- 
sion différent.  Prenons  pour  exemple  le  duo  entre  Lici- 
nlusei  le  grand-prêtre,  dans  la  Vestale.  Plus  on  meltra 
de  véhémence  passionnée  dans  le  premier  de  ces  rôles  et 
de  dignité  calme  dans  le  second,  plus  l'effet  du  morceau 
y  gagnera.  Cependant  la  musique  n'a  point  de  signes  pour 
indiquer  ces  nuances,  qu'il  est  si  important  d'observer. 

•  C'est  uniquement  dans  son  ame  que  l'artiste  exécu- 
tant ou  le  directeur  de  musique  doit  puiser  les  indications 
que  le  compositeur  n'a  pu  lui  fournir;  et  s'ils  n'y  trouvent 
rien  ni  l'un  ni  l'autre,  le  métronome  ne  saurait  suppléer 
à  un  tel  secours.  Tout  ce  qu'on  obtiendra,  à  défaut  de  tact 
individuel,  sera  d'éviter  les  contre-sens  les  plus  grossiers  ; 
quanl  1  dénoter  par  des  Niques  visibles  les  nuances  les  plus 
délicates  du  senliment  et  cette  foule  de  modifications  cor- 
respondantes ,  de  l'exacte  observance  desquelles  l'exécu- 
tion d'un  ouvrage  de  musique  reçoit  tout  l'effet  dont  il  est 
susceptible,  j'ai  dû  renoncer  à  un  tel  but,  tous  mes  efforts 
pour  l'atteindre  ayant  été  infructueux. 

i  Je  vous  adresse  ce  peu  de  remarques,  non  dans  l'es- 
poir qu'elles  auront  de  quoi  vous  satisfaire,  mais  seule- 
ment pour  répondre,  autant  qu'il  est  en  moi,  à  la  demande 
d'un  ami.  »  C.  M.  W»M. 

—  H.  Henri  Nadcrmann,  harpislede  la  Chapelle  et  de  la 
Chambre  du  Roi ,  et  professeur  adjoint  de  son  frère  à  la 
classe  de  harpe  de  l'École  royale  de  musique,  vient  de  pu- 
blier un  écrit  qui  a  pour  titre  :  Réfutation  de  ce  qui  a  été 
dit  en  faveur  des  différent  mécanismes  de  la  harpe  d  double 
moitummitj  au  Lettre  d  M.  Fétis ,  professeur  de  comp'>?îtîoi\ 
dCÊaiû  royaU  de  musique  et  bibliothécaire  de  cet  établissement,  1 
en  réponse  à  son  article  intitulé.  Sur  la  liarpe  à  double  mou- 


vaillent  de  M.  Sébastien  Erard,  cl,  par  occasion,  sur  l'orï- 
giue  cl  les  progrès  rie  cet  instrument,  inséré  dans  la 
Revue  [musicale  du  8  novembre  j8î;.  Brochure  ïn-8  '  de 
kl  pages. 

Paris,  i8a8,  chez  les  marchands  de  nouveautés ,  et  chez 
Kadermann,  fat  leur  de  harpe  du  Roi  et  de  5.  A.  R.  Madame, 
rue  Richelieu,  h"  47- 

Après  avoir  lu  cetlc  brochure  ,  qui  a  paru  le  :G  de  ce 
mois,  31.  Fétis  s'est  empressé  d'écrire  sa  réponse  ;  mais 
J'i.<]>li;;a(ittn  de  faire  lilhographier  une  planche  nécessaire 
pour  l'intelligence  de  la  question  ,  n'a  pas  permis  de  faire 
paraître  celte  réponse  dans  lu  Reçue  musicale  de  cejour; 
clic  sera  insérée  dans  le  numéro  prochain. 

—  On  se  rappelle  l'article  que  nous  avons  donné  sur  les 
discussions  qui  se  sont  élevées  à  propos  du  nouvel  archet 
de  contrebasse  adopté  pour  renseignement  dans  l'École 
royale  de  musique  ,  ainsi  que  lu  note  du  31.  I'ernc  ,  juge 
compétent  eu  cette  matière.  Le  digne  professeur  qui  en- 
seigne le  maniement  de  cet  archet  dans  l'école  (M.Cno- 
nié),  convaincu  que  ie  temps  est  venu  où  il  faut  joindre 
l'exemple  ou  précepte  .vient  d'abandonner  l'ancien  archet 
français  et  d'adopter  le  nouveau  pour  son  service  de  l'O- 
péra et  de  la  Chapelle  du  Roi.  Nous  ne  doutons  pas  qu'il 
ne  soit  bientôt  imité  parles  autres  contrebassistes  de  la 
capitale  ,  et  que  nus  orchestres  n'en  reçoivent. une  amé- 
lioration sensible.  .         .  . 


NOUVELLES  DE  PARIS. 


La  situation  de  l'Opéra  est  très  critique  depuis  le  départ 
de  M"'  Ciuli-Damoreau.  Diverses  négociations  ont  été  en- 
tamées sans  succès  :  M**  Mallibran ,  ù  qui  l'on  a  fait  des 
offres  d'appoinlemcus  considérables  et  de  congés,  se  re- 
fuse à  tout  arrangement  et  ne  veut  pas  chanter  l'opéra 
français.  Quelques  personnes  assurent  que  les  difficultés 
qui  s'étaient  élevées  pour  l'engagement  de  K~  Cinti  au 


Digitizod  by  Google 


(io5 

théâtre  île  Bruxelles  sont  levées,  et  que  celle  cantatrice  se 
fixe  définitivement  dans  le  royaume  des  Pays-Bas.  L'état 
de  grossesse  avancée  de  M™  Dabadie  ne  lui  permet  pas  de 
chanter,  et  surtout  de  se  charger  d'un  rôle  nouveau,  en 
sorte  (pie  le  répertoire  n'a  d'autre  soutien  que  M11*  Jawu- 
ret ,  et  que  les  auteurs  de  la  Muette  de  Porlki  n'ont  point 
d'autre  ressource  pour  faire  représenter  leur  ouvrage. 

Bercée  d'espérance  et  d'illusion,  l'administration  re- 
larde l'apparition  de  la  pièce  nouvelle,  qui,  seule,  peut  la 
tirer  des  recettes  déplorables  qu'elle  fait  depuis  long-temps; 
cependant,  les  chances  de  succès  sont  si  belles  pour  l'opéra 
de  hl H.  Scribe ,  Delavigne  et  Auber,  qu'il  vaudrait  mieux 
le  donner  promptement,  avec  une  actrice  médiocre,  que 
de  rester  dans  une  inaction  funeste  sur  l'espoir  d'un  re- 
crutement fort  incertain.  On  nous  promenait  plus  de 
ressources  au  commencement  de  1827;  mais  les  promesses 
sont  faciles. 

Quel  que  soit  l'événement,  il  paraît  certain  que  H.  Ros- 
sini  n'écrira  pas  Guillaume  Tell  pour  celte  année,  parce 
que  la  saison  sera  tro.p  avancée  après  la  représentation  de 
la  Muette.  D'après  les  promesses  qui  ont  été  faites  à 
M.  Zimmerman,  il  est  vraisemblable  que  l'opéra  de  ce 
compositeur  sera  mis  en  répétition  au  commencement  du 
mois  de  mars. 

—  Divers  ouvrages  nouveaux  sont  à  l'élude  à  l'Opéra- 
Comique:  On  cite  particulièrement  l'Exil  de  Rochester ,  le 
Prisonnier  d'état  et  le  Camp  du  drap  d'or.  Ces  opéras  ont 
obtenu  des  tours  de  faveur.  On  dit  que  les  auteurs  d'un 
opéra  en  trois  actes  îulilulé  tes  Rencontres,  se  fondant 
sur  les  conventions  stipulées  avec  M.  le  duc  d'Aumont, 
réclament  le  tour  de  droit  qu'ils  ont  acquis,  et  sont  réso- 
lus de  s'opposer  à  la  mise  en  scène  des  deux  derniers  ou- 
vrages qui  viennent  d'Être  nommés. 

I.e  succès  de  Musanietlo  se  soutient  d'une  manière  très 
brillante,  ainsi  que  celui  du  Colporteur;  l'opéra  comique 
est  décidément  le  genre  de  spectacle  que  les  habitans  de 
Taris  affection  tient. 

—  M.  Schulz  et  ses  deux  lils ,  artistes  très  distingués  de 


6o6 

Vienne,  sont  arrivés  à  Paris  depuis  peu  de  jours  ,  et  gc 
proposent  d'y  l'aire  entendre  un  genre  de  musique  d'un 
effet  neuf  et  original.  L'aillé  lies  fils  de  M.  Schulz  est 
pianiste  et  louche  d'un  instrument  appelé  Eol-Hannonica, 
ijiii  est  le  Pftys-HarmQnica  perfectionné.  Le  plus  Jeune  est 
un  guilarisle  d'une  force  prodigieuse,  quoiqu'il  ue  soit 
âgé  que  de  treize  ans,  et  M.  Schulz,  qui  a  été  te  maître 
dq  ses  enfans,  est  à  la  fois  guitariste  et  compositeur.  Les 
morceaux  d'ensemble  qu'ils  exécutent  avec  YEol-Harmo- 
niça  et  deux  guitares  ,  et  que  nous  avons  entendus,  sont 
d'un  effet  charmant  et  lout-à-fait  inconnu.  Nous  ne 
cloutons  pas  du  succès  qu'ils  obtiendront  dans  les  concerU 
où  ils  se  proposent  de  .se  faire  entendre  cet  hiver. 

Nous  engageons  MU.  les  luthiers  a  examiner  avec  soin 
la  guitare  dont  se  sert  M.  Schulz  fils  :  elle  nous  parait 
tire  un  instrument  très  perfectionné.  La  louche  se  déta- 
che du  manche  comme  celle  du  violon  ,  et  peut  s'élever 
ou  se  baisser  à  volonté  ,  selon  qu'on  veut  obtenir  un  sou 
plus  ou  moins  fort;  elle  avance  aussi  beaucoup  sur  la 
taille,  et  permet  de  monter  beaucoup  plus  haut  que  sur 
les  autres  guitares;  enfin  la  disposition  de  la  tête  ,  et  la 
manière  dont  les  cordes  sont  attachées  ,  nous  semblent 
elro  des  améliorations  qu'on  ne  doit  pas  négliger. 


SOIRÉES  DE  QUATUORS  ET  DE  QUINTETT1S, 
Ue  M.  BliLLUt  '. 


La  perfection,  le  beau  idéal  de  la  musique,  qu'on  cher- 
che partout  et  qu'on  ne  rencontre,  dans  les  meilleure!! 
répréscutatious  théâtrales,  qu'à  de  courts  inslans,  s'est 
jrjéfugiée  dans  un  salon  de  la  rue  Saint-Lazare.  Là,  Caillot, 
excitant  la  verve  de  MU.  Vidal ,  lirhan ,  Norbliu,  HialU- 
et  Vaslin,  en  donne  l'idée  la  plus  exacte  qu'on  puisse, s'en 

(ij  Rue  Sainl-L.imTi  ,  11°  59. 


DigitizGd  by  Google 


6o; 

former.  Si  les  gens  du  inonde,  ei  avides  de  plaisirs,  savaient 
quel  est  celui  qu'on  peut  goûter  pendant  trois  heures  à 
entendre  les  chefs-d'œuvre  de  Mozart,  de  Haydn,  de  Bee- 
thoven et  de  Boccherini,  exécutés  comme  ils  le  sont  par 
ces  artistes,  au  lieu  d'un  simple  salon ,  ce  serait  une  salle 
immense  qu'il  faudrait ,  et  la  foule  eu  assiégerait  les  portes. 
Mais  les  gens  du  monde  ne  connaissent  et  ne  comprennent 
que  la  musique  de  théâtre  ;  le  reste,  si  parfait  qu'il  soil , 
leur  semble  à  peine  en  mériter  le  nom.  Pour  eux,  il  n'y  a 
que  des  uoles  dans  la  musique  instrumentale;  leurs  orga- 
nes n'y  sont  point  accoutumés  ;  ils  n'en  aperçoivent  point 
le  plan,  n'en  goûtent  pas  les  accciis,  et  ne  se  doutent  même 
pas  qu'elle  renferme  du  chant.  Ils  ne  savent  pas  qu'au 
mérite  dramatique  près,  qui  est  sans  doute  fort  considé- 
rable, il  y  a  beaucoup  plus  d'idées,  d'inspiratious  et  du 
chant  dans  un  quïntctto  de  Mozart,  que  dans  certains  opé- 
ras qui  ont  joui  de  la  faveur  publique.  Ils  ne  savent  pas 
qu'au  milieu  des  petits  riens  dont  nous  sommes  accablés, 
c'est  seulement  en  écoulant  cette  musique  qu'on  s'aperçoit 
qu'il  y  a  quelque  chose  de  durable  dans  an  art  qui  paraît 
si  fugitif.  , 

Le  vieux  Itcinken  ,  le  nestor  des  organistes  allemands . 
après  avoir  entendu ,  à  l'iige  de  près  de  cent  ans,  Jean 
Sébastien  Bach  sur  l'orgue  de  Sainte-Catherine,  à  Ham- 
bourg, lui  dit  avec  attendrissement  :  "Je  croyais  notre  art 
«  perdu  :  vous  le  faites  revivre.  Tanl  que  vous  vivrez,  la 
(musique  aura  un  interprète.!  On  peut  en  dire  aillant  à 
Uaillut.  La  musique  instrumentale,  jadis  si  cultivée,  a 
presque  disparu  de  la  France.  À  peine  deux  ou  trois 
réunions  peu  nombreuses  existent-elles  encore  à  Paris. 
Mais  Baillot  suffit  pour  perpétuer ,  parmi  les  vrais  ama- 
teurs, le  goût  des  belles  choses.  On  peut  être  aussi  habile 
que  lui  sur  son  instrument;  on  peut  même,  si  ce  qu'on 
dit  de  Paganinï  est  vrai,  faire  plus  de  tours  de  force  qu'il 
n'en  fait  :  mais  personne  n'a  celle  ame,  ce  feu,  cet  accent, 
cette  variété  qui  tiennent  du  prodige.  Personne  ne  sait 
comme  lui  donner  à  chaque  auteur  une  physionomie  par- 
ticulière, et  créer  des  beautés  dans  des  choses-  qui ,  jouées 


6o8 

par  un  aulr.e,  paraîtraient  communes.  Et  quand  on  songe 
que  pendant  près  de  trois  heures  le  même  enthousiasme, 
le  même  fini,  ie  même  entraînement  se  soutiennent,  sans 
apparence  de  fatigue  ou  de  distraction;  lorsqu'on  songe 
que  son  influence  s'étend  non-seulement  sur  ses  accom- 
pagnateurs, dont  il  agrandit  le  talent,  mais  sur  tout  son 
auditoire,  dont  il  excite  la  sensibilité  au  plus  haut  degré, 
on  doit  convenir  que  ce  sont  là  des  facultés  bien  rares, 
ou  plutôt  uniques. 

Les  morceaux  qui  ont  été  exécutés  dans  la  soirée  du  as 
sont  un  charmant  quinletto  de  Boccherini,  un  quatuor 
en  sot  de  Haydn,  tiré  de  l'ancien  oeuvre  20,  le  quintetto 
en  la  de  Mozart,  un  quatuor  de  Hummel,  et  un  rondo  de 
Rode.  Le  quatuor  de  Hummel,  seul  morceau  qui  ne  fût 
pas  généralement  connu,  renferme  un  menuet,  un  trio 
et  un  morceau  final  dans  lesquels  on  trouve  de  belles 
choses;  mais  le  premier  morceau  et  l'an  dan  le  m'ont  paru 
peu  remarquables.  Il  y  a  de  la  grâce  dans  le  rondo  de 
Rode;  mais  il  est  un  peu  froid,  et  le  motif  revient  trop  sou- 
vent sous  la  même  forme. 

La  seconde  soirée  doit  avoir  b'eu  mardi  a& 
FÉTIS. 


NOUVELLES  ÉTRANGÈRES. al 


Nafibs.  La  destinée  de  la  Nargherita  it  Anglo  {  Margue- 
rite d'Anjou) ,  de  Pacini,  a  été  fort  singulière.  Cet  opéra, 
sifflé  à  outrance,  au  théâtre  Saint-Charles,  aux  deux  pre- 
mières représentations,  mit  l'entrepreneur  dans  la  nrecs- 
\  ';é  de  lui  substituer  U  Donna  dtt  Lago;  mais  une  indispo- 
sition passagère  de  M™  Tosi,  prima  donna,  et  de  Win  ter, 
rtnortf  ainsi  que  l'étal  du  faiblesse  de  Lablactte,  à  ta  suite 
d'une  maladie  assez  longue,  n'ayant  pas  permis  de  leur 
confier  des  rôles  dans  cette  production  de  Rossiui ,  elle 
ne  fui  pas  beaucoup  mieux  reçue  du  public  que  la  Marghe- 
rita  d'Angio;  il  fallut  en  revenir  à  oelle-ci.  Adélaïde  T*": 


Digilized  by  Google 


et  Lablaeiie,  rendus  à  la  sanlé,  y  reparurent  avec  Ions 
leurs  avantages  :  alors  la  fortuite  de  la  pari i lion  de  P.tcini 
changea  complèlcment,  cl  le  succès  devint  aussi  éclatant 
que  la  chute  avait  été  honteuse.  Un  duo'chanlé  parées  deux 
arlistes,  la  stretta  du  finale  du  premier  acte  ,  un  air  avec 
chœur,  par  Lablaclie,  un  duo  entre  M"  Tosi  et  Winter, 
et  une  cavalinc  de  ce  dernier,  sont  maintenant  applaudis 
avec  fureur,  et  l'on  assure  que  jamais  Pacirii  n'a  rien  écrit 
de  meilleur. 

SoiBLH  DE  a6  DÉCEMBRE  A  QUELQUES  THG1TKBS  Ii'ItILTE '. 

Nice.  L'ouverture  du  nouveau  théâtre  a  i'ié  brillante; 
une  nombreuse  assemblée  s'était  réunie,  autant  pour  juger 
des  dispositions  de  la  salle  et  de  sou  architecture,  que  pour 
enieudre  la  musique.  Nous  avons  déjà  dit  que  l'opéra  qu'on 
avait  choisi  était  IIBarone  di  Dolsheim,  suivi  du  ballet  sé- 
rieux de  Gabriella  di  Vergy,  sujet  qui  paraît  être  peu  propre 
à  la  danse.  Parmi  les  chanteurs,  le  publie  a  particulière- 
ment distingué  Elisa  Sidlacek  et  Giovanni  Lainer.  Les  prin- 
cipaux danseurs  ont  eu  aussi  beaucoup  de  succès. 

Novabb.  M™  Lamlini-Bionili  a  été  fort  applaudie  dans 
Elisa  e  Cta<ulio;ïc  premier  tenore  Lcga,  Keniorini,  fils  du 

Bariola,  premier  bouffe  comique,  ont  éié  aussi  bien  ac- 
cueillis par  le  public. 

Pàhhe.  Théâtre-Ducal.  L'opéra  de  Caritea,  par  Merca- 
daute,  qui  avait  eu  quelque  succès  à  Venise,  à  Viccncc,  a 
Trîestc  ,  à  Bologne  et  à  Florence ,  n'a  pas  été  fort  goûté 
dans  cette  ville.  Les  chanteurs  étaient  Reina.  Genero, 
M—  GHsi  cl  Otlo.  Le  ballet  de  Paolo  e  Virginia  n'a  pas  été 
plus  heureux.  Pour  réparer  cet  échec,  l'administration 
prépare  la  mise  en  scène  de  VAssedio  di  Corinto .  et  un 
nouveau  ballet. 

Pi»is»Nce.  La  salle  de  spectacle,  restaurée  par  le  fameux 
Sanquirico,  était  un  attrait  pour  attirer  le  public,  auquel 

(1)  Ou  lait  que  c'est  dans  relie  soirée  que  tous  les  théâtres  foui  l'ou- 
verture do  la  saison  ,  après  quelques  jmirs  de  repos. 


6io 

on  n'avait  pas  d'opéra  nouveau  à  donner.  Otello,  chanté 
par  M1"  Émilie  Bonini,  Bonoldi,  lenort,  Domenico  Winter, 
Biscottini,  et  Berini,  basse  cantante,  a  obtenu  du  succès. 
Celle  troupe  est  composée  en  partie  de  chanteurs  qui  n'ont 
pas  réussi  à  Paris. 

Florence.  Théâtre  delta  Pergola.  Un  jeune  compositeur 
avait  écrit  l'opéra  nouveau  qui  avait  pour  titre  Monten- 
ciel.  Nous  disons  qui  atait,  car  le  pauvre  opéra  est  défunt, 
malgré  l'exécution  des  chanteurs  Amalie  Brambïlla,  An- 
gelo  Hanfagna,  premier  bouffe  comique ,  Fasciotti ,  pre- 
mier bouffe  chantant,  et  Harchionni,  premier  tenore, 
auxquels  on  donne  des  éloges. 

Bologne.  Quelques  lignes  du  journal  I  Tkeatri  nous  ap- 
prennent que  l'opéra  et  le  ballet  sont  tombés  à  plat,  mais 
sans  en  indiquer  les  tilres.  Nous  serons  mieux  instruits 
dans  quelques  jours. 

Fehrahe.  L'opéra  qu'on  avait  choisi  était  Tebatdo  ed  Iso- 
lina.  Crivelli  s'y  est  fait  applaudir  en  plusieurs  endroits  ; 
la  signora  Fanti,  prima  donna,  y  a  eu  du  succès  dans  la  ca- 
vatine  du  premier  acte,  ainsi  que  M™  Casimir  Ney,  mu- 
sico,  dans  la  romance  du  second,  et  Orlandi,  basso  vantante, 
dans  l'introduction  ;  néanmoins  l'ouvrage  a  fait  peu  de 
plaisir. 

Ta  i  este.  Ametiae  Patmer,  opéra  bouffe  de  Celli,  d'une 
extrême  faiblesse,  n'a  pu  être  soutenu  par  le  chant  de 
Frezzolini,  de  Coselli,  basso  cantante,  du  lenore  Centili, 
ni  de  M"  Ferlotti.  On  ignore  quel  doit  être  l'ouvrage  qui 
sera  substitué  à  cette  triste  production. 

Beeecu.  Teairo  grande.  La  partition  de  Rossitu  ,  Matitde 
dl  Shabran,  qui  a  rarement  été  heureuse,  a  eu  cette  Ibis 
un  succès  complet.  On  s'accorde  à  donner  des  éloges  à 
M"  Valesi  et  au  primo  basso  cantante,  César  Bndiali.  Les  an- 
tres chanteurs  étaient  Joséphine  Mcrola  ,  primo  musiro, 
Boccacini,  premier  tenore,  et  Valesi,  premier  bouffe  co- 
mique. 

.Mas  ion:.  VOtetlo,  exécuté  par  La  Uardanclli,  Mari,  lc> 
ténors  Mosca  et  Bonola,  cl  le  basso  vantante  Cugliclmu  G<i- 
gliulmi,  n'a  plu  que  médiocrement.  La  réputation  de  ce 


DigilizGd  by  Google 


Su 

bol  ouvrage  est  maintenant  trop  bien  établie  pour  qu'on 
puisse  attiibueràla  musique  le  défaul  de  succès;  les  chan- 
teurs seuls  sont  coupables. 

C  tt  m  une.  Malgré  la  faible  troupe  des  chanteurs  de  cette 
saison,  la  Scmiramidc.  a  eu  du  succès.  Quant  au  ballet, 
dont  le  sujet  était  un  Irait  historique  de  la  vie  de  Frédé- 
ric-le-Grand,  il  a  paru  si  ridicule  que  les  Éclats  de  rire  et 
les  huées  se  sont  mêlées  aux  sifflets ,  et  que  le  public  est 
sorti  sans  attendre  la  fin  de  la  pièce. 

Chêmr.  Ttbaldoc  Isolina,  qui  n'a  point  réussi  à  Fcrrarc, 
a  eu- ici  le  succès  le  plus  heureux.  Parmi  les  chanteurs , 
on  cite  avec  éloges  Sirletti  et  sa  femme. 

Loin.  Les  ouvrages  préparés  pour  la  saison  étaient  II 
Posto  abbandonato,  opéra  de  Mercadanlc,  el  Le  Notzesa- 
voiarde,  ballet  :  lous  deux  ont  réussi.  La  troupe  chantante 
se  compose  de  Vasoli .  Sirletti ,  De-Sïmoni ,  et  de  M™"  Co- 
s:i1i  et  Massari. 

A  llcrgamc,  le  public  indigné  qu'on  ne  lui  eût  point 
dunné  d'opéra  pendant  le  carnaval,  a  sifflé  la  troupe  co- 
mique de  Bonmartini. 

La  récapitulation  que  nous  venons  de  faire  prouve  la 
trisle  Vérité  que  nous  avons  énoncée  plusieurs  fois  ,  savoir 
que  la  musique  est  dans  un  élat  de  décadence  complète 
en  Italie.  Ce  qu'il  peut  y  avoir  encore  de  compositeurs 
estimables  a  quitté  la  carrière  du  théâtre,  et  le  reste  est 
an-dessous  de  la  critique.  11  y  a  plus ,  c'est  qu'il  ne  reste 
pas  même  de  quoi  'composer  de  mauvais  opéras,  puisque 
tous  les  entrepreneurs  sont  réduits  à  donner  d'anciens 
ouvrages  qui  traînent  depuis  dix  ou  douze  ans  sur  lous  les 
théâtres,  el  cela  à  l'ouverture  de  la  saison  du  carnaval, 
saison  qui  était  autrefois  U  plus  brillante  de  l'année  ,  el 
qui  voyait  éclorc  des  chefs-d'ocuvre  aux  lempsde  Jonicllï, 
de  fllajo,  de  Galuppi,  de  Tractla,  de  Paisiello,  de  Cima- 
rosact  de  Giiglielml. 

La  partie  du  chant  n'est  guère  plus  satisfaisante,  puis- 
que des  ouvrages  éprouvés  comme  ceux  de  Hossini,  ont 
manqué  leur  effet  dans  une  foule  de  villes.  Les  Italiens 
de  nos  jours  ^'indignent  quand  on  leur  tient  ce  langage 


6is 

sévère;  maie  les  faits  sont  là  qui  prouvent  d'une  manière 
incontestable  combien  il  est  fondé. 

— Itcnicr  lie  m  or  mi,  l'un  des  meilleurs  chanteurs  de  l'Ita- 
lie, pour  les  rôles  de  basse,  est  mort  à  Bologne  dans  la 
nuil  du  a8  au  29  décembre,  d'une  maladie  de  consomp- 
tion, à  l'âge  de  quarante-quatre  ans. 


PUBLICATIONS  CLASSIQUES. 


Sfhèbe  hahmothquBi .  pn  r  Léopold  Aimoii  ,  une  feuille 
grand-raisin,  prix,  j  fr.  5o  cent.  A  Paris,  chez  Collinct, 
place  du  Louvre,  n*  4,  près  la  rue  du  Coq,  et  clici  l'au- 
teur, rue  Sainte-Aune,  11°  29. 

On  a  souvent  essayé  de  présenter  les  élémens  do  l'har- 
monie dans  un  seul  tableau;  celle  méthode  a  quelque 
chose  de  séduisant  par  l'avantage  de  présenter  aux  yeux 
tous  les  groupes  de  sons  dont  ou  fait  usage  dans  la  com- 
position ou  dans  l'accompagnemcut  ;  mais  son  défaut  ra- 
dical est  de  faire  évanouir  les  circonstances  qui  précèdent 
ou  qui  environnent  ces  groupes  ou  accords ,  celles  qui  les 
font  naître  ou  qui  eu  résultent,  en  un  mot,  les  lois  de  leurs 
successions.  Par  ce  genre  de  méthode,  on  reulre  ilaus 
l'ancien  enseignement  de  l'harmonie  dans  l'école  fran- 
çaise, et  dausla  théorie  des  harmonies  isolées  de  Hameau. 
Le  point  essentiel,  l'a rt.de  l'aire  usage  de  ces  harmonies, 
ne  peut  être  montré  daus  des  espaces  si  rétrécis  ;  c'est  ce 
qui  s'est  toujours  opposé  au  succès  de  ces  sortes  de  ta- 
bleaux. 

Celui  de  M.  Aimon  ,  sans  renfermer  toutes  les  harmo- 
nies possibles,  contient  les  plus  usuelles.  Un  grand  cercle, 
qui  occupe  le  centre  du  tableau,  offre  aux  yeux  les  accords 
primitifs  parfait  et  de  septième  dominante,  avec  leurs 
dérivés ,  classés  sous  les  nombres  1  et  1.  Jusque  là  ,  tout 
est  bien;  mais  ceux  de  neuvième  majeure  et  mineure  de  la 
dominante,  ceux  de  septième  do  sensible,  de  septième  di- 


Digitized  by  Google 


6i3 


minute  ;  tous  ceux  enfin  qui  s'attaquent  sans  préparation, 
et  qui  proviennent  de  substitution,  auraient  dû  suivre  im- 
médiatement ,  et  être  rangés  sous  les  numéros  5 ,  4  et  5. 
Au  lieu  de  cela,  Il-s  neuvièmes  se  trouvent  au  n"  g,  la 
septième  île  sensible  au  11°  (%,  et  ta  septième  diminuée  au 
r"  5,  tandis  que  l'accord  do  septième  du  second  degré, 
provenant  de  prolongation  el  de  substitution  réunies,  se 
trouve  un  n"  3,  cl  précède  les  retardemens  simples  ds 
quarte  dans  l'accord  parlait ,  qu'on  ne  rencontre  que  sous 


i'armi  ces  retardemens  simples,  ou  du  moins  parmi 
leurs  résultais ,  car  on  ne  voit ,  dans  la  sphère  harmonique 
de  H.  Aimon,  ni  prolongations  ,  ni  rien  de  ce  qui  produit 
les  harmonies  composées,  on  cherche  en  vain  l'accord  de 
septième,  retardement  de  celui  de  si&tc  simple,  cl  l'accord 
de  septième  et  quarte ,  relardement  de  celui  de  quarte  cl 
sixte.  Je  ne  parle  pas  de  toutes  les  harmonies  qui  peuvent 
provenir  de  la  prolongation  des  intervalles  altérés  dans 
les  résolutions  de  cadences,  et  qui  ne  se  trouvent  pas  non 
plus  dans  le  tableau  de  M.  Aimon,  Ces  harmonies,  qui 
sont  des  acquisitions  toutes  récentes  faites  par  l'art,  n'é- 
tant pas  d'une  nécessité  absolue  pour  écrire  ou  pour  ac- 
compagner. Mais  je  reprochent î  à  l'auteur  de  la  sphère  har- 
monique d'avoir  présenté  quelquefois  des  successions  vi- 
cieuses, telles,  par  exemple,  que  la  résolution  de  la  quinte 
diminuée  en  montant,  qui  produit  entre  les  parties  des 
extrémités  deux  quintes  successives  plates  et  dures. 

Je  ferai  aussi  remarquer  à  SI.  Aimon  qu'en  présentant 
lout  autour  de  son  grand  cercle  les  accords  parfaits  et  de 
septième  dominante  dans  tous,  les  Ions,  il  peut  faire  croire 
aux  élèves  qu'il  s'agit  d'harmonies  différentes ,  ce  qui  est 
un  mal;  en  outre,  au  lieu  de  faire  précéder  l'accord  de 
septième  par  l'accord  parfait,  il  aurait  mieux  valu  prendre 
l'ordre  inverse,  qui  aurait  du  moins  fait  voir  la  résolu- 
lion  de  la  dissonance. 

Il  m'en  coùle  d'affliger  un  homme  estimable;  mais  je 
dois  lai  déclarer  qu'eu  admettant  l'idée  première  de  6ou 
tableau,  l'exécution  aurait  besoin  de  grandes  améliora- 


le  11°  7. 


Diaiiizcd  by  Google 


Oi4 

lions,  dont  mes  critiques  lie  peuvent  même  lui  donner 
que  les  indications  principales. 


ANNONCES. 


Vous  qui  priez,  priez  pour  moi,  romance  avec  accompa- 
gnement de  piano,  par  Endrès.  Pris  :  a  fr. 

—  Variations  concertantes  pour  piano  et  violon ,  sur  un 
thème  d'Armide  de  Gluck,  par  Chaulieu  et  Fontaine. 
Prix:  7  fr.  5o  cent. 

—  Romance  chantée  par  M.  Derval ,  dans  Galcb  ,  mu- 
sique d'A.  Adam.  Prix  :  1  fr.  5o  cent. 

~~-t.es  Canards,  couplets  chantés  par  M"*  Albert ,  dans 
Caleb,  musique  d'A.  Adam.  Prix  :  i  fr.  5o  cent. 
A  Paris,  à  l'adresse  ci-dessus. 

Variations  brillantes  pour  piano  seul ,  dédiées  à  Made- 
moiselle Ëlisa  de  llegnon,  et  composées  par  C.-L.  H  hein. 
Op.  37.  Prix:  G  fr.  A  Paris,  chez  Zetter  et  Comp*,  rue  du 
Faubourg-Poissonnière,  d*  3. 

—  Fantaisie  pour  piano  et  harpe  sur  des  motifs  du  siège 
de  Coriiithe,  dédiée  à  Madame,  duchesse  de  Bcrry.  par 
M"*  Desargues.  Prix  :  g  fr. 

•—Souvenir  de  Moïse  pour  piano  et  violon,  dédié  a 
Madame  la  princesse  de  Chimay,  par  G. -A.  Osborne  et 
A.-J.  Oury.  Prix,  7  fr.  5o  c.  A  Paris,  chex  K.  Troupenas, 
rue  de  Heurts,  n°  3. 

Les  auteurs  de  coite  légère  production  n'ont  eu  qu'un 
but,  celui  de  reproduire  dans  un  arrangement  agréable 
les  motifs  brillansetélégans  de  l'opéra  do  Moïse;  ils  se  sont 
fort  bien  acquittés  de  la  tache  qu'ils  avaient  entreprise. 


Digitizod  t>y  Google 


TABLE 

DES  MATIÈRES  PRINCIPALES 


CO  FI  TENUES  DANS  LE  SECOND  VOLUME. 


(Opérai,  V-  16,  m-,  S71  et  i,\ 
—  Première  re  pré  «11  talion  dt 


t.  Début»  de  M-<  Dé- 


Conci.ra  (.urle).  307-111 
Couciit  de  M.  L»fonl  ;  voyez 
théâtre  de  Madame.)    35S— 3S8 
de    M™'  Stnciiiucn  ,  de 
M.  Mcngal,  rte  M.  et 
dcMH.TlolirerrWn^.  5S:>— S,- 


BlInitT  (  Charlc*  )  ;  m;r:  Biu- 

■ob.  (Domioiijue-Pier 
tgyfj  lllORrapliie.  


Cwkmt  (du )  «t  du  ohiutt» 


—  f  Diiiribuiian  3m  [>■  Jx  i 
cinecrt  rte*  .■[;.■■,.■„  <L  ~ 

-  fflnr  le.  rifarmu  opère. 

EnflKCimm  (le  r^nTÏTi  M,,,,»!) 
ealet. 

ExummjiTile  In  miuiniu. 


—  (Objections  contre  cette  For- 
mation de  la);  par  M.  Trou- 
penas.  £ 

—  (  Réponse  de  M.  Illein  oui 
Objection!  ïtmlrc  la).  a 

Oiniumn  mélodique,  a 
H.  art  (Sur  la)  à  double  mou- 
vement. 3Î7-5 
U»FNBOiM(I<0lk>enu'l']-  *G 
iMiiin  D'  F."».  Séance 
publique  aunudlc  de  l'ara- 


ritaiM(l)    ■    .  .  ' 


ubie  do  la  ) ,  pat  le  docteur 
Lichtcnthal.  1 70  — 

Mosioui  (Observation»  fugi- 
tif es  d'un  voyageur  alFe- 
mand  sur  l'État  de  la  )  à 
Dresde    pendant  l'été  do 


-  (  Dise 


i,  la 


de)  religieuse. 

3c-6 — 3  on 
(Revue  des  joornaui  de  1 
|-..,!,li,  H  ,l;ms  lei  di 


■  (Del 


dignement  delà). 
rJela).    ^  j5oà~-l?o 


pliie  de  la  musique.  I 

ils ,  '79-  îaî.  ïil>  ï3D- 
3?5,  Sui 
Mu» (Andréa); son  discours 
sur  l'origine,  les  progrès  , 


Mtii  (Vie  de  M'« 
AUisonoua  (  Sur  le)  de  Mael- 
■tl  36.-3G4 

—  perfectionné  de  M.  Bicn- 
aimé.  SM 

Manges  (Eiamcn  du  travail 
de  M.  Villote.u  sur  la)  des 
peuples  orientaui.  1—9 

—  (Quelques  détails  sur  la  )  en 
Hussic.  10S— lu 


fÊ  lai;  ifê  IzL 

Koantim  ÉraisCKnus,  îSj 

<p,  MJj  lie  î'io, 

■177,  5.1  a.  557r 
Ooiov  [théâtre  rojol  de  i"J ;  le 
Paria,  IcRarliir-r  lie  Séville. 

—  Les  Deui  Figaro.  1 

—  Ta.icri-de.  1 

—  Première  représentation  lie 
l'Eau  de  Jouvence.  5 

—  Première  représentation  de 
Cliarlea  V  et  Duguesclin.  3 

—  Don  Juan.  J 
OutBi-Comur»  (théâtre  royal 

de).  Les  Deui  Journées;  la 
Dame  Ulanelie. 

—  ".entrée  des  Sociétaires. — 


DigiuzeO  By  Google 


O  PS  a  4  Cri  H  TOUS  (théâtre  rut  al 
de).  Première  rcpréscnta- 
liun  du  Roi  El  le  Batelier.  S5i 

-- Débuts  de  M"'  Hirté.  Re- 
prise de  l'Amant  et  le  Mari.  4t>4 

—  Première  représentation  du 
Colporteur.  417 

—  Hiipr.Mrnt.iliiin  au  bénéfice 

de  tluet.  47> 

—  Première  représentation  de 
Masaniello.  543 


Oiflui.  eipreuif  perfectionné 

de  M.  Erard. 
l'.r.n  (Lettre  de  M.Jaui  di- 

IciUntl*. 

r.isos  de  MM.  Pfeiflcr,  Roi 
1er,  Plejel ,  Dfctl,  Klepfcr, 
de.  8a, 

Pubo  mélcgraphc  de  M.  Ca- 

 ""cli  ■  M.  Baudouin. 

«(le). 


Iiiuln  de  Bologne,  ge} 

—  de  Madrid.  117-iao 

—  royal  de  Rrtiïelles.  igo 

—  de  Francfort-sur-le-Mcin.  aîS 

—  de  la  Scala  ,  a  Milan.  a38-a3r, 

—  royal  et  de  Kosoigstadt,  à 
Berlin.  a6o— aSa 

—  de  Munich,  a6i 

—  de  Francfort.  a63 
— -  (^irnriieriijCt  dï  Borgognis- 

santi  a  Florence.  »G3 

—  Valle  ,  a.  Rome.  s63 

—  Saint-Luc  ,  a  Venitc.  J.63— 1S4 

—  Karntbnerthor,  4  Vienne. 

a8a-aS4 

—  de  Stutlgard.  s84 

—  de  Weimar.  a84-s85 

—  de  Ktcnigsberg.  186—387 

—  di*  Piamie.  ïBj 
3o4-3o5 

—  dcTricste.  3o5— 5o6 

—  royal ,  de  Kcenigstatd  ,  a 
Berlin.  317— 3!o 

—  de  Casse],  5So 

—  de  Dresde.  33o 

—  de  Mayence.  33o 
""0.S7S-574 


4S  ,  517     —  de  Cassel. 

5o3 


balilu  ed  Iiulina.  3; 

—  La  Donna delLago.  Dèbuti 
du  M.  Puggi.  6i 

—  Première  représentation  d< 
Ciulclta  c  Romeo.  i6j-[G4 

—  Concert  vocal  et  imtrt 
— Tanctedi.  Déb.  de  M"  Ru 


-40 


—  delà  Scala,  a  Milan 

—  délia  Fenice,  à  Venise. 

—  Nuovo  ,  à  Nice. 

—  de  Milan 


S5i 

55a 
S67 


—  L'itaiiana  in  Algeri.  415—448 

—  Olellu.  Dcb.  de  M"«  Son- 
tag.  548-55o 

ThSiiss  dus  Nouïbuit*!.  Fi- 
garo ,  ou  le  Jour  des  Noce*,  go 

—  Première  représentation  de 
Faust.  3au 

Thsities  de  Francfort  sur- le. 
Mcin.  a  a 

—  deKoinigstadtàBcrlin.  o3-o4 


igstadt ,  a  Berlin. 

4o5  5% 

—  de  La  Fenice,  a  Venise.  570 
-3o3     TH»nass  (  dcui  mots  sur  les) 

de  Paris.  148— lSS 

355     Tous  (désignation des)  en  Ita- 
lie ;  sur  quoi  fondée.  4S 
-Jo4     VAitïTts.        io3,4Ai,4g5.  5iB 
uoisi  (Louis)  ;  wyes  Bio- 
graphie. 


V,«tLi,  instrument  du  moyen 

âge;  manière  de  l'accorder.  40: 
—  Son  étendue  générale.  48: 


1  étendue  généi 
Y 1  ilôt*  m.  Son  Ira  Ta  il 

instrumens  des  Orientaui. 
Violobs,  altiu  et  basses  per- 
fectionnés, par  M.  Thibaut 


487 


E  Dr  SECOSD  VOLUME. 


Digitized  by  Google 


ERRATA 

DES  DEUX  PREMIERS  VOLUMES  DE  LA  REVUE  MUSICALE. 


TOME  1". 

l'ugc    55  ,  ligne  i,  au  lieu  ,lc  Ztumpl ,  lias  Zumpf. 


4> 

a,  du  /<eu  de  hfargtni ,  rfinK  Marginc. 

74. 

39,  an  d'eu  ife  57,a5o  l'ranos,  (iic;  67,060. 

95 

170118,  nu  lieu  rf<™i  3TrYia  piû>,  'ùk.iSv  inguouftûv. 

iî3 

36,.au  h'cu  de  Fraentil,  litet  Fraeml. 

i53 

3,  au  /icu  de  Federici ,  fini  Farinelli. 

■65 

3  1,  au  lieu  de  il,  Guiflon  ,  /iie:  M.  Guillou. 

i7S 

118 

S,  au  lieu  de  rappelé,  liiez  rappelée. 

Idem. 

8,  au  lieu  de  engagé  ,  lise-  engagée. 

56o 

7',  oprei  les  mots  clef  de  Jol ,  effaeL  el  n'étend. 

385 

36,  ou  lieu  de  M.  Pésaroni,  /i*«î  M™  Pisarunï. 

5i3 

ag,  au  /ieu  de  Creamllilne  cruit ,  d'ici  Crcamthine  1 

ISS9 

au  /(eu  de  musicales ,  liiez  instrumentales. 

545 

dans  la  note,  ligne  dernière,  au  lieu  de  sic* ta , 

S78 

18,  au  lieu  de  Frawlini ,  liées  Frciiolioi. 

TOME  II, 

35 

16,  nu  (ieu  de  lii  pointa,  lisez  lii  pointes. 

36 

g,  au  lieu  de  obligé ,  lisez  forcé. 

44 

■  1,  au  lieu  de  Simmcrnian ,  (iiei  Zimmerman. 

65  6,  au  (ieu  de  prédécesseur,  liiez  successeur. 

68  1,  au  (ieu  de  Ilentkl,  lisez  Hœndel. 

101  16,  au  (ieu  de  ces  mots  croit  que  la  difficulté,  liiez  pense 

que  la  difficulté. 
104  avant-dernière  ligne  ,  au  lieu  de  le  son,  lisez  ce  100. 

109  3o,  au  Heu  de  intinaginarii ,  (iiei  imnginari. 

i35  avant-dernière  ligne  ,  au  lieu  de  Caignard  de  la  Tour, 

(ire:  Cagnard  de  la  Tour. 
16g  13  et  31,  nu  lieu  de  Handel,  (iie;  llj:nde]. 


Digitizod  by  Google 


âge  171  i 

et  So,  ou  d'eu  de  Toso,  «m*  Tosi. 

S,  dont  celle  phrase  :  tou 

t  en  profitant  de  celui,  etc., 

34; 

4,  an  lieu  de  que  de  la  1 

nOme  corde,  lue:  de  la  même 

4fi'i 

a,  au  lieu  de  dans  ses  (i 

astrumenji)  corde),  liiez  dani 

noie  1,  quatrième  ligue 

496 

10,  aux  Mil  le  taieat  El 

■  tels ,  que  peu  doit  importer  actuellement  à  cei  »r- 
•  tiilea  l'une  ou  l'autre  manière,  etc.  • 
5io  i5,  au  lieu  de  l'intervalle  deut  jf  a  la,  lisez  l'intervalle  de 


Digitized  by  Google 


Digitized  by  Google 


wBÊBË