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Full text of "Voyage en Portugal par M. le Comte de Hoffmansegg rédigé par M. Link et faisant suite à son voyage dans le même pays"

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BIBU10TECA DELiLiA R. CASA 

IN NAPOLI 


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VOYAGE 


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PORTUGAL. 

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Et se trouve -• 

Strasbourg, chez L ztr a oi t et compagnie, 
Imprimeurs-Libraires. 

Bale , chez Schoele et compagnie , Libraires* 

Darmstadt, à la Librairie de la Cour. 

». 


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K # 11 . 

VOYAGE 

E N 

■ "• ’ " ‘i 

PORTUGAL, 

par M. le Comte DE HOFFMANSEGG j 

• * 4 

Rédigé e a r M. LINK, 

Ht faisant suite à son Voyage dans le 
même Pays. 



Chez Le'vrault, Schobll et O*, Libraires» 
rue de Seine y hôtel de la Rochefoucault» 



\ • 


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AVIS 

DES ÉDITEURS. 


L’accueil qu’a reçu le Voyage 
en Portugal, par M. Link; * 
nous est un sûr garant du succès 
qu obtiendra cet Ouvrage, qui ren- 
ferme les rectifications de plusieurs 
passages contenus dans les deux 
volumes que nous avons publiés, 
et des développemens que ceux-ci 
ne présentent pas. Cet empresse- 
ment à profiter des nouveaux ren- 
seignemens qu’il a pu se procurer, 
et l’aveu qu’il fait des obligations 
qu il a eues pour son travail à M. Je ' 
Comte de Hoffmansegg , attes- 
tent le bon esprit de l’auteur, 
honorent son caractère, et doivent 


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àj Avis des éditeurs; 
mériter à ses observations une 
grande confiance. 

Les Voyages de M. Link ; tra- 
duits, il y a peu de temps, en 
anglais , ont obtenu les suffrages 
unanimes de toutes les personnes 
qui ont visité le Portugal, ou qui 
entretiennent des relations avec ce 
pays. Il est vrai que plusieurs Ou- 
vrages ont déjà paru sur cette 
contrée ; mais aucun n’est aussi 
impartial, aussi détaillé, ni aussi 
complet. Les talens de l’auteur et 
ses connaissances devaient lui offrir 
ce succès, sur- tout lorsqu’il s’est 
vu secondé par M. le Comte de 
Hoffmansegg, qui est aussi dis- 
tingué par son savoir et l’excellent 
esprit qui l’anime, que par l’emploi 
honorable qu’il fait de sa fortune. 


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I 


AVERTISSEMENT 

DE L’AUTEUR. 

J E me suis principalement attaché T 
dans ce troisième volume du Voyage 
en Portugal , que j’offre au publiç, à 
rectifier plusieurs passages contenus 
dans les deux premiers, et à donner la 
relation des Voyages entrepris dans ce 
pays par M. le Comte de Hoffmansegg , 
après mon départ. 

En 1802, j’ai eu le plaisir de revoir 
M. le Comte de Hoffmansegg à Ros- 
tock , où nous avons terminé notre tra- 
vail sur la Flora Lusitanien , que nous 
ferons paraître incessamment. Dans nos 
entretiens fréquens sur le Portugal , il 


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iv AVERTISSEMENT* 

I * 

me fit part de plusieurs observations 
qu’il avait été à portée de recueillir à 
Lisbonne, où il consulta des personnes 
qui ont une connaissance particulière 
de ce pays; et c’est d’après ses avis que 
je fis les rectifications que je soumets à 
l’approbation du public avec d’autant 
plus de confiance, que j’ai fait le sacri- 
fice de l’amour-propre d’auteur, au 
mérite d’une plus grande exactitude. 
Je n’ai omis aucune correction , même 
■sur les objets les moins importans, et 
je suis flatté de voir qu’en général mes 
observations aient été reconnues con- 
formes à la vérité, quoique mes recher- 
ches sur la botanique aient souvent dé- 
tourné mon attention de tout autre 
objet, et que la beauté du climat, la 
richessse de la végétation, la complai- 
sance et la politesse des habitans, même 


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•v 


DE l’AüTEüR, 

des classes inférieures de la campagne, 
m aient souvent fait préférer le séjour 
des champs à celui des grandes villes. 

. • t 

• M. le Comte de Hoffmansegg ne s’est 
* pas borné à me faire profiter de ses 
observations isolées sur le contenu des 
deux premiers volumes de mon voyage; 
il a encore eu la bonté de per- 
mettre que je me servisse du journal 
des excursions botaniques qu’il a faites 
en Portugal après mon départ. Lorsque 
1 expiration du congé que j’avais ob- 
tenu du prince auquel je suis attaché, 

me força de partir , il me restait encore 

- • ; 

une province intéressante, le Traz. os 
Montés, à parcourir, ainsi que les bords 
du Minho et les lieux où le Tage entre 
en Portugal. Le Comte de Hoffmansegg 
jisita toutes ces contrées pendant mon 


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i 



Vj AVERTISSEMENT 

absence. Il se rendit de Lisbonne à 
Portalègre, et de là à Montalvao, en 
passant le Tage, et il retourna par 
Castello - Branco. Dans un second 
Voyage, il parcourut avec tant de soin 
le nord du Portugal, et principalement 
la province de Traz os Montés, que 
l’on peut affirmer que personne ( sans, 
même en excepter les Portugais) ne 
connaît mieux que lui toutes les par- 
ties de ce royaume. La connaissance 
qu’il a des langues de l’Europe , le met 
à même d’acquérir des connaissances 
dans tous les genres , et ne le rend étran- 
ger nulle part. D’ailleurs , avant mon 
arrivée en Portugal, il avait séjourné 
six mois à Lisbonne, où il était accom- 
pagné de M. Tilesius. 

Si ce volume renferme plusieurs ob* 


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DE l’AUTEDJ, Vïf 

servations intéressantes, le public en 
est redevable à M. le Comte de Hoffl- 
mansegg ; mais s’il se trouve quelques 
inexactitudes dans la manière dont les 
objets sont présentés , ou bien dans les 
détails, il faut les attribuer uniquement 
à moi. Je dois ajouter que si M. de 
Hoffmansegg a eu quelque influence 
sur mon travail, même sous le rapport 
de la rédaction , ce n’est qu’à moi qu’il 
faut attribuer toutes les observations que 
renferme mon Ouvrage, soit sur plu- 
sieurs points de politique, soit sur le 
caractère national des Portugais, soit 
enfin le jugement que j’ai pu porter sur 
quelques individus. t 


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TABLE 

DES CHAPITRES. 


Chap. I La province du Traz os Montés , 

page i 


Ch AP. II. La province entre le Minho 


e Donrg , 

5i 

Chap. III. La province du Beira , 

89 

Chap. IV. La province d’ Estrémadure , 


i54 

Chap. V- La province dé Alemtejo , 

260 

Chap. VI. Le royaume des Algarves , 

* 1 , 

3o G 

Chap. VU. Coup -d'œil général sur 

tout 

le royaume , 

3i8 


Fin de la Table. 


Voyage 


' » 


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y O Y A GE 

% 

EN 


P O 11 T U G A L. 



CHAPITRE ■ . 1“ 



LA PROVINCE DE TRAZ OS MONTÉS. 
i.° Montéalègre , Chapes. 

• 

En parcourant le Portugal, nous n’avftns pas 
été à portée de visiter la province de Traz os 
Montés, qui est d’une étendue considérable; 
elle renferme des plantes que nous ne con- 
naissions pas jusqu’alors. Tournefort et jîn- 
toine de Jussieu , qui voyagèrent en Portugal 
au commencement du XVIIT.® siècle , dans 
le dessein d’enrichir la botanique de quel- 
ques nouvelles productions , y ont trouvé un 
grand nombre de plantes qui échappèrent à 
nos recherches. Le professeur Brotéro , à 


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Coimbre , -ne put nous donner aucun ren- 
seignement à ce sujet. Il était probable que 
ces plantes existaient dans cette province , 
car nous eûmes des indices que ces deux 
savans avaient traversé cette partie du Por- 
tugal, lorsqu’ils retournèrent en Espagne. M. 
le Comte de Hoffmansegg } én visitant les pro- 
vinces septentrionales du Portugal , en 1800, 
porta une attention particulière sur cette con- 
trée. Nous le suivrons dans ce voyage , et 
nous joindrons ensuite des* observations gé- 
nérales sur cette province. 

Une chaîne de montagnes, nommée Serra 
de Gérez , dont il a été fait mention dans 
la sec^de partie de ce voyage , sépare la 
province Entre Minho e Douro de celle de 
Traz os Montés. En partant des bains du 
Gérez pour aller à Montéalégre , on traverse 
Villar de Veiga ; la route tourne ensuite 
à gauche jusqu’au village de Salamonde , 
et à Vendas-novas , auberge située à trois 
lieues des bains chauds , dans la province de 
Traz os Montés. Cette route serpente le long 
de la chaîne de montagnes ; à gauche , on 
apperçoit une vallée au fond, de laquelle 



-\ 

(S) 

coule un torrent, traversé par un pont qui 
présente un coup-d’oeil pittoresque. Au-delà 
de Vendas-hovas on apperçoit une haute 
montagne , nommée Alturas de Barrozo , 
qui offre un aspect sauvage ; les villages sont 
entourés de bouquets de chênes et de bou- 
leaux ; la contrée présente ensuite un plateau 
élevé. Nous n’apperçûmes au bord des forêts 
que les fleurs violettes du chien - dent. 
Montéalègre est une petite ville dominée par 
un château en ruines; elle est située au centre 
de quelques collines, et entourée de forêts 
de chênes et de-bouleaux , de prairies et de 
champs cultivés.- La température y est très- 
rigoureuse. Dans la nuit du 21 au 22 mars,' 
il avait tellement gelé par un vent d’est , que 
les mares d’eau étaient couvertes de glace* 
et le 9 chemins impratica'bles pour les mulets. 
La montagne nommée Alturas de Barrozo , 
était couverte de neige dès le 21 du même 
mois. La situation de Montéalègre est fort 
.élevée ; elle surpasse même celle de la gorge 
de Portéla de Homen , dans les montagnes 
du Gérez. On compte quatre lieues de Ven* 
das-novas à Montéalègre. 

t. 


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( 4 ) 

Les montagnes aux environs de Chaves 
sont moins élevées. Cet endroit est caché par 
des collines ; on ne l’apperçoit qu’à une pe- 
tite distance. On est surpris de rencontrer 
dans ce pays de montagnes une plaine con- 
sidérable et bien cultivée. Le Taméga , dont 
la largeur est de vingt à trente pas , est tra- 
versé par un pont de pierre qui réunit le 
fort de Santa-Maria-Magdalena à la ville. 
Au-delà de cette rivière , la plaine s’étend à 
une demi-lieue vers l’est , jusqu’à quelques 
montagnes peu élevées; mais elle suit le cours 
du Taméga pendant trois lieues , et acquiert 
une plus grande étendue en entrant dans la 
Gallice qui est à deux lieues de distance. Le 
Portugal est tellement entrecoupé de collines 
et de montagnes , que l’aspect d’une plaine 
y produit la sensation la plus agréable. 

Chaves , ville assez considérable , à cinq 
lieues de Montéalègre , fait partie du distriet ' 
deBragance; le Corre'ge'dor Ouvédor y fait 
sa résidence habituelle. Une ville située, 
comme celle-ci , dans une plaine ( chose très- 
rare sur les frontières élevées du Portugal) , 
qui s’étend jusqu’en Espagne , devrait être 


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c 5 ) 

A 

bien fortifiée. Elle mériterait alors son nom et 
ses armes ( deux clefs en sautoir ) ; car elle 
deviendrait la clef du nord du Portugal et de 
la Gallice. Elle x-enferme une nombreuse gar- 
nison , qui consiste en deux régimens de ca- 
valerie , un régiment d’infanterie et un déta- 
chement d’artillerie de Porto. Les fortifi- 
cations sont en mauvais état ; elles ont été 
en partie détruites par l’hiver pluvieux de 
1799 à 1800. Dans la guerre de t*j 6 z -, 
Chaves tomba au pouvoir des Espagnols par 
surprise , ce qui fut cause que Pombal y fit 
ajouter après la paix quelques ouvrages ex- 
térieurs. Ne serait-on pas en droit de blâmer 
en Portugal et’ sur-tout dans l’étranger , la 
conduite de la gai’nison de Chaves , si cette 
place, que l’on met au nombre des forteresses, 
eût promptement capitulé ‘dans la dernière 
• guerre? Des soldats obligés défaire résistance 
dans une place dont les fortifications ont été 
dégradées par un hiver pluvieux , ne sont-ils 
pas fort à plaindre ? 

A peu de distance de la ville , dans la di- 
rection S. O. , on trouve plusieurs sources 
chaudes , dont les habitans font usage ; elles 

I • *, 


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(B ) 

ne sont pas renommées. Elles étaient connues 
du tems des Romains, qui nommèrent la ville 
située dans leur voisinage, Aquœ Flaviœ. 
Ce nom se retrouve sur quelques restes d’an- 
tiquités qu’on a découverts à Chaves. On pré- 
tend que le pont , sur le Taméga , a été éga- 
lement construit par les Romains du tems 
de Trajan. 

Le district de Chaves , à vingt-huit lieues 
carrées d’étendue , renferme cent quatre- 
vingt-seize villages , sept mille soixante-dix- 
huit feux, et trente-trois mille huit cents âmes , 
ce qui donne mille deux cent sept habitans 
par lieue carrée , population assez considé- 
rable. La ville de Chaves contient six cent 
quatre-vingts maisons et trois mille six cent 
cinquante âmes. L’industrie et le commerce y 
sont peu florissans. Les deux cinquièmes du 
district sont couverts de châtaigniers et de 
quelques autres arbres ; un cinquième est en 
friche , et deux cinquièmes sont cultivés. On 
cultive beaucoup de seigle ; on recueille du 
maïs , du froment et des pommes de terre , 
mais peu de vin et d’huile, et presque point 
de sole. Les’autres productions consistent en 


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( 7 ) 

lin, dont on récolte annuellement six mille, 
arrobes ( l’arrobe a vingt-huit livres ) ; en 
laine, quatre mille arrobes par an ; et en cire, 
deux cens arrobes. On se sert d’uné charrue 
particulière , dont le soc est courbé et qui ne 
trace que des sillons peu profonds éloignés de 
seize pouces ; comme la trace du soc n’a que 
quatre pouces de largeur , il rçste entre chaque 
sillon une espace de dix à douze pouces en 
friche. Cette méthode est usitée dans plusieurs 
provinces du Portugal ; elle est sans doute une 
des causes principales du peu de rapport des 
terres. On ne fume point les champs, parce 
qu’on s’imagine que cela est inutile. On la- 
boure quatre fois , et on herse autant ; les 
herses ressemblent, aux nôtres , mais leurs 
pointes sont en bois. Le rouleau n’est pas 
en usage , car on trouve qu’il est trop pénible 
de le conduire chaque jour' dans les champs 
et de le ramener. Quoique le cultivateur Por- 
tugais craigne le travail , il se livre cependant 
à une occupation pénible, qu’il répète deux 
fois par an , celle d’amonceler la terre autour 
du maïs et d’autre bled. Dans ces contrées * 
le bled est battu, au lieu que dans les 

i-.* 

t 


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( 8 ) 

provincês méridionales , il est foulé par les 
bestiaux. La population n’étant pas considé- 
rable, les paysans s’assistent mutuellement 
pour récolter leur bled. Il arrive souvent que 
dans les lieux où il y a de l’eau , on inonde 
les champs pour les laisser ensuite quatre ou 
cinq ans en friche. On conçoit aisément 
qu’un pays aride est, pour ainsi dire, forcé 
de produire par cette méthode. 

Il n’y a point de bestiaux dans ce district ; 
on les achète communément en Gallice. Les 
moutons sont de la plus mauvaise race ; on 
prétend même que ceux qui y sont trans- 
plantés, y dégénèrent. On doit en attribuer la 
cause aux mauvais pâturages ; on employé 
pour cet effet les communautés incultes. La 
division par communautés , qui fut entre- 
prise par ordre du Gouvernement , était si 
contraire au but que l’on s’était proposé , que 
les habitans détruisirent dans une nuit , non- 
seulement les enclos , mais jusqu’au bled qui 
couvrait les champs. 

Les mémoires de l’Académie royale de 
Lisbonne, tom. Il , pag. 35 1 , renferment une 
dissertation agronomique relative au district 


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( 9 ) 

de Cbaves , par José Ignace da Costa , que 
j’ai souvent consulté. L’auteur , quoiqu’inti- 
mément convaincu des avantages de la pra- 
tique sur la théorie, ne traite son sujet que 
théoriquement. Il paraît fort instruit ; mais 
comme beaucoup d’écrivains Portugais , il 
croit , par quelques observations nouvelles et 
peu connues , pouvoir résoudre toutes les 
questions. 

‘ 2. 0 Bragance , et ses environs. 

Depuis C hâves jusqu’à Fradizella on 
compte cinq lieues et demie ; savoir : trois 
jusqu’à Villarendella ; de-là au bac du Ra- 
baçal , deux; et une demie jusqu’à Fradi- 
zella ; mais on ne doit évaluer cette distance 
qu’à quatre lieues. En général , les lieues por- 
tugaises sont les plus fortes dans la province 
de Minho , et les plus petites dans celle de 
Traz os Montés ; elles ne sont guère plus 
grandes que les lieues espagnoles. Le pays 
est entrecoupé de collines. Le Rabacal, qui, 
réuni à la Tuela , forme la Tua , a environ 
soixante pas de large ; il est bordé de plan- 
tations d’aunes et de saules , et il roule son 


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C 10 ) 

onde paisible entre une chaîne de montagnes 
peu élevée, qui, quoique formée de rochers, 
est cependant entièrement cultivée. La ré- 
colte n’est pas aussi abondante ici que dans 
le Minho , probablement parce que le sol est 
plus aride que celui de cette province où les 
vallées sont arrosées par un grand nombre 
de ruisseaux. On n’a cependant jamais éprouvé 
de disette dans le Traz os Montés ; les récoltes 
y sont même abondantes dans les bonnes 
années. Il ne manque au Portugal que des 
routes et des canaux ; alors cette province 
pourrait exporter du bled. Des canaux et de 
bonnes routes sont les premiers besoins d’un 
pays , et c’est à quoi les Portugais et même 
leurs écrivains ont le moins pensé. 

A une demi-lieue de Fradizella, on tra- 
verse la Tuela sur un pont de pierre. On 
n’apperçoit de tous côtés que des montagnes 
cultivées jusqu’à leur sommet. Lamalonga , à 
deux lieues de Fradizella , a une certaine ré- 
putation, parce qu’on y recueille du vin blanc 
d’un goût agréable. De Lamalonga à Bra- 
gance , il y a cinq lieues par des montagnes 
escarpées. Cette chaîne se nomme la Serra de 


'X ’ 

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( II ) 

Nogueira , et sépare les plaines de Bra- 
gance du reste du Portugal ; elle est peu 
élevée au-dessus de la plaine qui elle-même 
est fort haute. Elle est couverte de quelques 
chênes rabougris , comme où en voit sur les 
montagnes de la vieille Castille. 

Bragance est située dans une plaine dé- 
couverte , dépourvue d’arbres , et entourée 
de pâturages et de champs cultivés. Cette 
ville a peu d’apparence ; elle est dominée par 
un vieux château. Quoiqu’elle soit fortifiée , 
ses portes ne sont point gardées , et on peut y 
entrer et sortir librement. Ce n’est que lors- 
qu’on vient de l’Espagne , qu’on est soumis à 
la visite des Préposés à la Douane. Le Gou- 
verneur de la province , qui résidait autre- 
fois à Chaves, habite actuellement cette ville. 
Les frontières d’Espagne ne sont éloignées 
que d’une lieue et demie. Une partie de la 
ville , située en amphithéâtre et séparée de 
l’autre , porte le nom de Villa , au lieu que 
celle bâtie dans la plaine , est appelée Ci - 
dade. La petite rivière de Fervema entoure 
la ville , et va se réunir à peu de distance au 
Sabor. 


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C 12 ) 

Bragance est une des plus anciennes, villes 
du royaume. Elle portait, du tems des Ro- 
mains , le nom de Brigantium. Elle est peu 
considérable , et n’est remarquable que par 
son nom quelle a transmis à la famille ré- 
gnante. Don Juan I , roi de Portugal , donna 
à son fils naturel, Don Alfonso , comte de 
Barcelos , la ville et le district de Bragance , 
en 1442, avec le titre de Duché. Don Juan I 
était lui-même le fils naturel du roi Don Pèdre, 
amant de la célèbre Inez de Castro. Ainsi la 
famille régnante doit doublement son origine 
à des enfans illégitimes ; on ne doit pas être 
surpris , si une grande partie de la noblesse 
Portugaise est dans le même cas. Les Ducs 
de Bragance ne résidèrent jamais à Bragance 
même ; mais choisirent pour leur séjour la 
ville de Villa Viçosa, dans l’Alentejo , qui 
est pl us grande et plus agréable. Ce fut là 
que Don Juan IV reçut l’offre de la couronne , 
à condition qu’il affranchirait son peuple du 
joug des Espagnols. Il hésita long-tems à se 
rendre au vœu de la nation ; car aucun roi 
n’a été, comme lui, élu par la voix unanime 
du peuple. De la douceur et de la bonté dans 


I 

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(, 3 ) 

le caractère ont été l’apanage constant des 
Ducs de Bragance ; ils l’ont apporté sur le 
trône. Leurs ancêtres n’étaient cependant pas 
doués d’un caractère aussi heureux ; on ne 
leur eût pas offert deux fois la couronne. Ce 
fut à Bragance que Don Pêdre apprit à con- 
naître sa chère Inez de Castro , et on pré- 
tend même que ce fut ici qu’il l’épousa. 

Une contrée monotone couverte de col- 
lines , règne depuis Bragance à Val de No- 
gueira , à la distance de trois lieues. Au cou- 
chant on apperçoit une chaîne de montagnes 
nommée la Serra de Chacim , avec un bourg 
du même nom. Le Gouvernement établit ici 
une famille Italienne , destinée à .introduire 
la filature de la soie. Les mesures qui furent 
prises , étaient sÿnconvenantes , que cet éta- 
blissement nuisit à cette branche d’industrie 
plutôt que de lui être favorable. J’en ai parlé 
plus haut , tom. II , p. 69 ; j’ajoutai que je ne 
pouvais pas affirmer la vérité de mon assertion ; 
elle m’a été confirmée depuis.Un Portugais me 
dit qu’il était assez singulier de voir que tout 
ce que ses compatriotes entreprenaient d’utile, 
ne leur réussissait ordinairement point. 


i 


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I 


C H ) 

Autour de Carrapatos , bourg à trois lieues 
et demie de Val de Nogueira, le pays est 
moins élevé , et ne présente que des collines 
et des terres bien cultivées. On traverse qilatre 
villages. A une lieue et demie de Val de 
Nogueira est situé Sa/se/as. En poursuivant 
son chemin depuis cet endroit jusqu'à Val de 
Porcos , on apperçoit des carrières près de ce 
village , à cent pas de la route. Elles sont 
formées par une couche de pierres calcaires 
feuilletées , qui s’étend du nord au sud ; elle 
est entremêlée de schiste micacé , dont les 
veines ont la même direction. Les montagnes 
aux environs de Chaves et de Montéalègre 
sont formées de granit qui est remplacé près 
de Bragance , par différentes sortes de schistes 
qui s’étendent jusqu’ici. L’étendue de la 
couche de pierres calcaires est de mille pas. 
On n’a pu encore déterminer son épaisseur 
qui est très-considérable. Toute la province 
tire de la chaux de cette carrière; son ex* 
traction occupe les habitans des villages voi- 
sins. On ne la brûle pas sur les lieux ; mais 
à Prudencia , au pied de la Serra de Chacim, 
à deux lieues de distance. C’est ici le seul 


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( i5 ) 

endroit du Portugal où l’on trouve de la 
chaux primitive , à moins d’y comprendre 
la pierre calcaire de Cintra et d’Elvas. 

4 

3.° Villaréal , Pe'zo da Re'goa. Le Campo 
de Villariça. 

Depuis Carrapatos à Mirandella , on compte 
trois lieues. Après avoir traversé les premières 
collines , où arrive dans un pays inégal , mais 
très-fertile, qui fait bientôt place â des mon- 
tagnes arides ; on descend ensuite dans la 
belle vallée où est située Mirandella. Cette 
ville est renommée pour la douceur du climat 
et la fertilité de son sol. Nous y arrivâmes 
au commencement du mois d’avril. Les mon- 
tagnes étaient ornées des grandes et belles 
fleurs du Ladanum , et les vallées couvertes 
de riches moissons. Les arbres fruitiers por- 
taient des fleurs , et les champs présentaient 
des fleurs champêtres qui étaient aussi belles 
qu’à la même époque à Lisbonne. Cette 
contrée est bien différente de la partie supé- 
rieure de la province formée par le plateau de 
Montéalègre, Chaves et Bragance. Une jolie 
variété de la barrelière que l’on rencontre 


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C 16 ) 

souvent dans le Traz os Montes , ornait 
les champs. Mirandella est adossée à une 
colline et traversée par la rivière de Tua ; 
elle ne se distingue ni par sa grandeur , ni 
par la beauté de ses édifices. L’auberge est 
des plus misérables^ le Juiz dos Orfaos de 
Golfeira , village situé à l’opposé de la ville, 
et qui semble en être un fauxbourg, quoiqu’il 
appartienne au district de Villaréal , a ce- 
pendant la complaisance de loger les étran- 
gers. Les montagnes des environs consistent 
en schiste micacé qui fait place au granit; 
leur cime est arride, quoiqu’elles soient bien 
cultivées à leur base. 

Entre Golfeira et Murza on apperçoit la 
Serra de Lamas d’une élévation médiocre , 
au pied de laquelle est situé le village de 
Pastor , entouré de champs cultivés et de 
plantations de châtaigniers. Des rochers 
amoncelés d’une manière effrayante cou- 
ronnent sa cime ; ils présentent l’image de la 
destruction. Il paraît qu’une grande com- 
motion a été la cause de ce bouleversement. 
Aux environs de Murza, à cinq lieues de 
Golfeira , le pays devient inégal , montueux 


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C *7 ) 

et sauvage ; le petit bourg de Murza est 
cependant situé fort agréablement sur le 
penchant d’une colline; il est environné de 
champs , de vignobles et de vergers. La route 
qui conduit à Villareal , distant de cinq 
lieues, traverse un pays agreste et désert. 

Villareal , chef-lieu d’une Cpmarça , est 
à tous égards une des villes les plus belles et 
les plus grandes- de la «province. Elle est 
située dans une contrée riante, au pied de 
la Serra de Marao. Des maisons bien bâties , 
beaucoup de boutiques , une grande activité 
annoncent que cette ville est le centre d’un - 
commerce considérable. Il y a i5oo feux. Sa 
proximité de Pezo da Regoa , d’ Amarante 
et du Minho en général , la grande route 
d’Espagne qui passe par Miranda , Villa- 
real jusqu’à O-porto , sont les causes aux- 
quelles il faut attribuer la prospérité de 
Villareal. 

Pezo da Regoa n’est qu’à la distance de 
quatre lieues. La route qui y conduit tra- 
verse un pays si bien cultivé , qu’on ne voit 
que peu d’endroits en friche. Les vignobles 
qui entourent Pezo da Regoa sont d’une 
1 , a 


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( *8 ) 

grande beauté. Cette route serait agréable si 
elle était mieux entretenue. Le Marao était 
encore couvert de neige au io avril. J’ai 
parlé de Pezo da Regoa dans le T. II. p. ; 
j’y ai joint l’histoire de la culture de la vigne 
en Portugal et du monopole du Douro su-*' 
périeur. J’aurai occasion de revenir sur cet 
objet. Il faut cependant rectifier une erreur 
qui s’est glissée dan&le T. II. Pezo da Regua 
se prononce ordinairement Pezo da Regoa; il 
faut l’écrire ainsi. Le district ( Concelho ) de 
Pezo fait partie de la Comarça de Lamego , 
et par conséquent de la province de Beira , 
quoique , selon sa position naturelle, il de- 
vrait appartenir à la province de Traz os 
Montes. 

La route de Pezo à Favayos , ville éloignée 
de quatre lieues , passe par des vignobles 
jusqu’à Poyares ; elle traverse ensuite un 
pays élevé et monotone jusqu’à Sabrozo , 
d’où l’on descend dans une vallée profonde 
couverte de vignobles. Favayos est dans une 
situation élevée. L’auberge du lieu se dis- 
tingue par la promptitude avec laquelle on 
est servi , et par la politesse de l’aubergiste. 


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C *9 ) " 

En avançant vers Torre de Moncorvo et 
les rives du Douro , on remarque des vigno- 
bles et une riche végétation. On passe la 
Tua dans un bac , là où elle se réunit au 
Douro. La rive opposée est bordée de quelques 
maisons isolées et d’un cabaret qui portent le 
nom de Faustua ou Fostua , qui dérive sans 
doute de Faux tuae , dénomination qui 
rappelle le souvenir des Romains. A une 
lieue et demie de Favayos on arrive à une 
maison isolée, nommée Capellao ; c’est une 
auberge , ou Estalagem , située dans une 
contrée sauvage et élevée. Quoique cette hô- 
tellerie ne soit pas une des meilleures , elle 
est cependant recommandable par l’honnêteté 
de ses liabitans. 

Aux environs de Villajlor , à trois lieues 
et demie de distance 3 le pays reprend son 
aspect ordinaire. Des champs cultivés dans 
une contrée dépourvue d’arbres, et des masses 
de rochers n’offi ent rien d’agréable à l’œil ; 
cette uniformité n’est interrompue que par 
quelques bouquets de chêne. Villaflor n’est 
rien moins qu’un lieu florissant ; c’est un 
misérable bourg , avec une mauvaise auberge , 

2 . 


i 


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( 20 ) , 

situé clans une gorge. Le joli nom qu’il porte 
a sans doute déterminé l’auteur des délices 
d’Espagne et de Portugal , à nommer Villa- 
flor une jolie petite ville. 

Au-delà de Villaflor, vers Torre de Mon- 
. corvo , on descend par une pente douce et 
à travers de beaux pâturages , dans la riche 
et fertile vallée nommée Campo de Villa - 
riça. Ce plateau est renommé par la douceur 
du climat, et par la bonté de son terroir; 
il ressemble à celui de Chaves , mais il est 
plus long , plus étroit et moins froid. Il est 
borné au levant , par la Serra de Estevaes , 
et arrosé par le Sabor , qui , en hiver , est 
sujet à. de fréquens débordemens qui inon- 
dent une partie de la plaine. Un ruisseau 
nommé Ribeirode Villariça , le traverse. 
Le sol est argi lieux , et entremêlé de chaux 
et de sable. Les terres ne sont point fumées, 
quoiqu’on soit dans l’usage de le faire aux 
environs. Les champs sont labourés d’abord 
au mois de novembre , ensuite vers le mois 
de mai , ce qu’on nomme dans cette pro- 
vince, estravessar. On sème le froment de- 
puis la fin de septembre jusqu’au commen- 


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C 21 ) 

cernent de novembre , et on récolte au mois 
de mai ; le bled est battu ou bien foule' par 
des bœufs. Outre le bled dont on recueille 
annuellement 3 oooo alqueires ( environ 8000 
muids ) , on cultive du chanvre dans les en- 
droits inondés par le Sabor ; on compte que 
cette plaine produit annuellement 220 à 264 
milliers de chanvre. La terre propre à re- 
cevoir le chanvre , est d’abord labourée au 
printemps , et ensuite hersée ; quinze jours 
après on répète la même opération , et on 
sème aussitôt le chanvre. Il reste ordinai- 
rement cent jours sous terre ; ensuite on 
le coupe , et on l’amoncèle dans de grands 
tas ( molhos ), pendant huit jours, dans un 
lieu destiné à cet usage (tendal) ; ensuite 
on en forme de petites gerbes ( estrigas ) , 
pour le faire tremper dans l’eau ( cor iis ) , etc- 
On récolte ici , chaque année, environ 12 à 
i 5 ooo alqueires de maïs , et on compte 
qu’un alqueir de semence produit 3 oo al- 
queires de grain. On le cultive comme dans 
les autres provinces du royaume. Outre 5 à ' 
6000 alqueires de fèves et d’haricots , oa 
recueille d’excellens melons, et des melons 

* a— 


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( 22 ) 

d’eau qui passent pour les meilleurs du 
royaume. On laboure trois fois la terre , 
et ensuite on sème. On arrache les herbes 
parasites , et aussitôt que la tige a 4 ou 6 

feuilles , la terre est remuée avec la herse 

\ 

( sachar ) , ce qui est répété quelque temps 
après. Cette plaine est , ainsi que toute la 
contrée , exposée à de fréquens orages qui 
causent des ravages d’autant plus grands , 
qu’ils sont accompagnés de grêle et d’ou- 
ragans qui déracinent les arbres et renver- 
sent les maisons. En général , les orages 
dans les contrées élevées , entre le 45 e . au 
40 e . degré de latitude nord , sont d’une 
violence extrême, sur -tout en été. 'Dans 
les plaines ils sont plus rares , et ne de- 
viennent impétueux qu’à l’époque des équi- 
noxes. En été , il tombe pendant la nuit , un 
brouillard très-froid qui , joint à la grande 
chaleur du jour , occasionne beaucoup de 
maladies ,|*ur-tout des lièvres qui paraissent 
endémiques à ce pays. 

Le Campo de Villariça est partagé entre 
plusieurs propriétaires qui afferment leurs 
terres par portions nommées Courellas , et 


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C *3 ) 

à un prix exhorbitant. Les inondations d'une 
rivière aussi rapide que le Sabor en hiver , 
empêchent toute démarcation de posses- 
sions , et sont la source de procès inter- 
minables. Il ne reste d’autre mojen que de 
désigner les possessions de chacun , dans un 
registre déposé à la justice. Le premier de 
ces registres fut ouvert sous le roi Phi- 
lippe III, en 1629; ainsi que tous les actes 
déposés aux archives , il porte le nom de 
tombo. Mais par la suite ce registre devint 
insuffisant ; plusieurs portions de terre furent 
réunies par des héritages , d’autres furent 
partagées , et les plaintes augmentèrent 
chaque jour. Des personnes mal intention- 
nées profitant de ce désordre , cherchèrent à 
empiéter sur leurs voisins. En conséquence 
on établit en 1 775 , un nouveau tombo qui 
est encore aujourd’hui en usage ; mais il 
passe pour être très - défectueux. Ainsi le 
Campo de Villariça est toujours la matière 
de procès et de chicanes. 

Après avoir quitté cette plaine fet repris 
la route de Torre de Moncorvo, on redescend 

3 ... 


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( M ) 

pour traverser le Sabor, sur un pont bien bâti,' 
long de i83 pas sur 4 de large, d’où l’on 
remonte jusqu’à Torre de Moncorvo, à trois 
lieues de Villaflor. 

3°. Torre de Moncorvo , Forge de Chapa - 
cunha. Mogadouro. 

Torre de Moncorvo , ville et chef-lieu 
d’une Comarça , est située sur une colline 
entourée de hautes montagnes et de vallées , 
au sud du mont Roboredo ; le climat y est 
assez doux , mais la terre peu productive. 
Cette ville, défendue par quelques fortifi- 
cations , n’est pas considérable , et ne renferme 
que 383 feux j un vieux château la domine. 
Il n’y a ici aucune industrie ; la plupart des 
habitans sont employés dans les adminis- 
trations judiciaires. Lima , dans sa géographie 
du Portugal , lait mention d’une fabrique 
de soieries considérable , et porte le nombre 
des maisons à 460. Le grand magasin de 
chanvre, appartenant aux Domaines Royaux, 
n’existe plus depuis soixante ans. Voici 


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C *5 ) 

comme il était administré : outre l’Inspecteur 
et d’autres fonctionnaires , deux Experts 
( estimadores ) , y étaient attachés. Ceux-ci 
estimaient le produit des terres où le chanvre 
est cultivé, et le propriétaire était obligé de 
livrer au magasin royal la quantité de 
chanvre déterminée par eux et à un tanx 
fixe. Non-seulement le chanvre de cette con- 
trée , mais aussi celui du district de Mi- 
randella et de la province de Beira jusqu’à 
Penhel , devait y être versé. Il n’est pas 
étonnant qu’un pareil établissement qui met- 
tait des entraves à la culture du chanvre , ait 
cessé d’exister ; on doit plutôt être surpris 
de voir que le chanvre est encore cultivé 
dans cette province. 

Le revers des montagnes , du côté du nord , 
présente un coup - d’œil très - varié ; on y 
aperçoit de jolies quintas entourées de châ- 
taigniers , de vergers , de champs et de vi- 
gnobles , et, dans quelques endroits , le pin 
maritime qui est assez rare dans cette pro- 
vince. Le paysage est animé par des prés 
émaillés de fleurs , et des coteaux couverts 
d’arbustes de toute espèce. On rencontre ici , 


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C 26 ) 

pour la première fois , l’arbre à thérébinthe 
( Pistacia Therebinthus ). 

Le territoire de la ville renferme douze 
villages composés de 1434 feux. Les terres 
sont bien cultivées, la végétation est riche 
même jusqu’au sommet des montagnes ; on 
amende les terrains incultes avec du fumier 
ou des cendres. Les montagnes qui ne sont 
d’aucun rapport , forment des pâturages , 
sur -tout pour les moutons. La ville est 
entourée de beaux vergers qui produisent 
des pommes , des poires , des cerises , Ses 
figues et des melons. On ne recueille point 
de vin , mais beaucoup d’huile. Il existe ici 
différentes espèces d’oliviers ; le fruit est 
écrasé , ou conservé comme olives. Dans 
quelques endroits on cultive le mûrier et on 
récolte un peu de soie. Le troisième volume 
des mémoires de l’Académie royale de Lis- 
bonne , pag. 253 , renferme une Description 
économique de Torre de Moncorvo , par 
José Antonia de Sa , dans laquelle j’ai 
puisé differentes notices. Elle n’est pas fort 
bien écrite , mais l’auteur cite des faits sans 
aucune prétention ; on doit la mettre au 


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C 2 7 ) 

nombre des relations les plus fidèles sur ce 
district, qui ont été envoyées à l’Académie. 

Depuis Torre de Moncorvo jusqu’à Car- 
riçaes, mauvaise auberge, il y a deux lieues. 
Le chemin s’élève par une pente douce , et 
passe sur un plateau. Nous apperçûmes 
une montagne couverte de pins* maritimes , 
chose rare et fort agréable dans ces contrées. 
A quelque distance de Carriçaes, à Chapa 
Cunha on voit une forge de fer qui est la 
seule du royaume. A partir de Carriçaes , 
éloigné d’une demi-lieue , on traverse par le 
misérable bourg Mos , et à une lieue plus 
loin jusqu’à Chapa Cunha , le pays est mon- 
tueux. Cette usine est située dans une petite 
vallée , au bord d’un ruisseau qui fait mou- 
voir les soufflets , et consiste, outre le bâ- 
timent principal , en une mauvaise habi- 
tation pour le directeur. Celui-ci , nommé 
uintonio- José- Alves Braga , natif d’O- 
porto , a voyagé dans la Biscaye , et passé 
quelques années à Bordeaux. On lui écrivit 
de son pays , de faire des recherches sur tout 
ce qui a rapport à l’exploitation du minerai 
de fer. Le désir de s’instruire lui avait déjà fait 


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C 28 ) 

entreprendre quelques essais ; il se livra avec 
zèle àcette étude, parce qu’il conclut qu’il était 
probable que l’on avait découvert, en Portu- 
gal, des raines de fer dont on voulut lui con- 
fier la direction. A son retour d’Espagne , il 
visita cette province. Depuis longtemps les 
habitan» de Carriçaes travaillaient le fer , 
mais ils se servaient d’une mauvaise mé- 
thode; aussi était-il de médiocre qualité et 
très-pailleux. Il fit des observations sur les 
montagnes , et trouva un meilleur minérai ; 
cependant son fer était également cassant. 
Il crut en découvrir la cause dans l’humidité 
qui régnait autour de l’usine. Il tâcha delà 
faire disparaître en entourant le bâtiment de 
fossés profonds , et en établissant des cou- 
rans d’air ; il assure que depuis ce temps , 
son fer est de meilleure qualité. Le minéral 
se trouve pur ou entremêlé de schiste ar- 
gilleux. Quelques montagnes , comme par 
exemple, celle qui est couverte de pins ma- 
ritimes , et dont nous avons parlé plus 
haut , renferment la mine de fer le plus 
pur ; on voit aussi du minérai dans les 
champs , à une lieue de Torre de Moncorva. 


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( 29 ) 

Cette mine rend 3 o à 40 pour cent de fer 
brut. La forge qui appartient à Domingos 
Martino , négociant à O- porto , est établie 
depuis 19 à 20 ans , parM. Braga ; il croit 
cependant que ce n’est que dans ce moment- 
ci qu’il a surmonté toutes lès difficultés , et 
qu’il peut compter sur un bénéfice réel. Le 
charbon qui est employé dans l’usine, est 
mauvais et très-dur; il provient des racines 
de quelques espèces de bruyères que l’on fait 
brûler. Cet établissement manque de beau- 
coup de choses nécessaires , sur-tout d’bu- 
vriers. On ne rencontre le minerai qu’à une 
demi-lieue de la forge , vers Felgueira et 
Torre de Moncorvo. On travaille le fer 
comme on le fait en Biscaye , c’est-à-dire , 
qu’on ne le fond pas , mais qu’on l’amollit 
et qu’on le forge. M. Braga prétend avoir 
découvert aux environs de l’usine , du mi- 
néral de fer entremêlé de cuivre , ainsi que 
des indices de plomb. On trouve de la plom- 
bagine à Ventozello , à deux lieues de Mo- 
gadouro , vers Miranda. M. Braga en a dé- 
couvert dans cet endroit , et y a fait des 
recherches par ordre du Gouvernement , 


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C 3o ) 

qui lui a depuis ordonné de faire cesser 
les fouilles. On a aussi remarqué du minerai 
de plomb , à quelque distance de Moga- 
douro , vers le Sabor. On en exploitait autre- 
fois dans cet endroit. M. Braga et le comte 
de H.... possèdent quelques échantillons de 
ces deux minerais. Dans notre premier 
voyage , le professeur de physique , à Coim- 
bre, nous montra dififérens morceaux de 
mine de plomb provenant des environs de 
TMogadouro. 

La distance de Carriçaes à Mogadouro , 
est de 4 lieues. Avant d’arriver à ce dernier 
endroit et près du village Estavai , on ap- 
perçoit la Serra de Navalheira à une demi- 
lieue de la route , vers les rives du Sabor. 
C’est une vallée étroite, pittoresque et cou- 
verte de buissons , qui borde le torrent 
pendant quelques lieues ; plusieurs sentiers 
se croisent en tous sens , ils sont peu 
commodes , mais on y trouve de l’ombre. 
Le sol , très - fertile , offre par - tout la 
plus belle végétation , et produit des plantes 
remarquables. On voit souvent l’arbre à 
thérebinthe ( Corcinabra des Portugais ) ; 


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( 3i ) 

les ceps de la vigne sauvage , ont par fois 
un demi-pied d’épaisseur ; elle grimpe aux 
plus gros arbres jusqu’à une hauteur de 40 
à 5o pieds ; les rochers sont couverts de 
mousse et de la saxifraga hypnoïde. Cette 
province a un aspect tout particulier ; par- 
tout ailleurs on ne trouverait pas une Serra 
comme celle-ci. 

Le chemin depuis Êstavai jusqu’à Moga- 
douro est inégal ; ce dernier en droit , situé sur 
une colline, est petit et de peu d’importance; 
le pays est uniforme et ne présente que des 
champs cultivés et des rochers arides. A une 
demi-lieue de Mogadouro , vers l’est , ou trouve 
une Quinta nommée de Nogueira^qm appar- 
tenait autrefois à la famille Tavora . Cette 
campagne formée d’un petit château et d’une 
forêt de chênes nains et clair- semés, en- 
trecoupée de buissons et de collines; le parc , 
où l’on entretient beaucoup de gibier, est en- 
touré d’un mur. Une autre Quinta , nommée 
de Mirminiz , est plus rapprochée du vil- 
lage vers le sud ; il est vrai qu’elle est plus 
petite , mais elle est agréablement mélangée 
de buissons et de prairies. Ces deux Quintas 


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C 3* ) 

appartiennent au comte de San Vicenie ; 
mais elles rapportent peu, à cause de la stérilité 
du sol , et peut-être aussi par la négligence du 
propriétaire et des fermiers. Le sort de la mal- 
heureuse famille de Tavora est connu ; elle 
fut accusé d’avoir prit part à l’assassinat du 
Roi D. José' ; les principaux membres en 
furent exécutés à Belem , le i 3 janvier 1769 , 
par ordre de Pombal. Tavora était leur nom 
de famille , ainsi que celui du Marquisat 
qu’ils possédaient. Avant cette malheureuse 
catastrophe , cette famille habitait les deux 
Quintas , et répandait l’aisance dans les lieux 
circon voisins. A cette époque , Mogadouro 
renfermait , selon le rapport des habitans , 
700 maisons ; aujourd’hui on en trouve à 
peine cent. Il est possible que cette évalua- 
tion soit trop forte ( De Lima ne compte 
que i 58 feux); mais il est hors de doute 
que ce lieu est tombé en décadence : on n’y 
trouve pas même une auberge ; cependant 
celui qui en tenait une autrefois , a la com- 
plaisance de recevoir les étrangers chez lui. 

Le Monte do Azinhal , à quelque distance 
de Mogadouro , est aussi célèbre par la 


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C 33 ) 

richesse de sa végétation que la Serra de 
Navalheira , et lui ressemble beaucoup. On 
y arrive par le village Brunhozo , à une 
demi-lieue de Mogadouro , séparé de cet 
endroit par de beaux pâturages : au-delà 
de Brunhozo, on aperçoit quelques collines , 
et après une demi-heure de marche on des- 
cend jusqu’au rivage du Sabor. Des chemins 
difficiles traversent une épaisse forêt où croît 
ïa vigne sauvage qui rampe le long des 
arbres ; les habitans ignorent qu’on peut la 
cultiver ; des sangliers peuplent les endroits 
les plus touffus de la forêt. La température 
de la vallée est bien plus douce que celle 
des environs ; le revers des montagnes est 
entremêlé de champs et de vignobles. Il est 
probable que le torrent creusa son lit dans 
cette vallée, dont le climat tempéré fait 
éclore des plantes que l’on chercherait en 
vain dans les lieux d’alentour. Depuis les 
coteaux de Brunhozo , on remarque au nord 
la Sierra de Senabria en Galice , qui était 
encore entièrement couverte de neige au 3o 
avril. 

La route qui conduit de Mogadouro à 


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( 34 ) 

Vimiozo , à cinq lieues de distance , traverse 
le village d ' Algozo. Avant d’y parvenir , 
on passe le Rio Ingueira , qui coule dans 
une valle'e sauvage et pittoresque ; ensuite 
on n’aperçoit qu’un pays élevé et peu fer- 
tile , couvert de champs de seigle et de 
froment et de quelques prairies. Les villages 
entourés d’ormes et de peupliers présentent 
un coup - d’œil agréable. A Vimiozo , on 
trouve une mauvaise auberge ; depuis cet 
endroit jusqu’à Bragance , il y a cinq lieues 
par un pays aride et monotone , à l’excep- 
tion de quelques prairies ornées d’arbres; 
elles sont couvertes de vulpin des prés ( Alo- 
percus pratensis ) , qui offre une fort bonne 
nourriturè pour les bestiaux. Le Rio Ingueira 
et le Sabor , que l’on passe sur deux ponts 
de pierre, coulent dans deux vallées dont le 
paysage est assez monotone ; au reste la rçute 
est bonne. 

5 3 . Bragance , Miranda , Freixo t Fron- 
tières de Beira, 

Dans cette saison ( au commencement du 


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1 


( 35 ) 

mois de mai ) , les environs de Bragance 
sont fort intéressai pour les amateurs de la 
botanique. Une plante que Tournefort prétend 
être particulière au Portugal, l’élyme tête de 
Méduse ( elymus caput Medusœ ) , et que 
jusqu’alors nous avions cherchée en vain 
abonde autour de cette ville. Il paraît que 
Tournefort est entré en Portugal par le Traz 
os Montés , car il a observé cette province < 
avec attention. Les prairies des environs de 
Bragance sont couvertes de plusieurs plantes 
qui ne croissent que dans le nord de l’Europe, 
et que l’on ne trouvedans aucune autre pro- 
vince du royaume, par exemple, la crête de coq 
( rhinanthus crista galli ) ,• Ja reine des prés 
( spirœa ulmaria);et le vulpin des prés (alo- 
percus pratensis). Toutes ces plantes déposent 
en faveur de la grande élévation de cette pro- 
vince, qui renferme des végétaux qui lui sont 
particuliers, et qui n’ont point encore été dé- 
crits. Bragance est en effet dans une situation 
fort élevée ; elle est, pour ainsi dire, assise sur 
une des terrasses des chaînes de montagnes 
qui séparent le Portugal de l’Espagne. 

Une de ces chaînes , la Serra de Monte- 

/ ■ 3 . 


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( 36 ) 

zinho au norddeBragance, forme une branche 
de la Sierre de Senabrfe , dont nous avons 
parlé plus haut. On compte deux lieues et de- 
mie jusqu’au village de Montezinho ; la route 
cotoye le Sabor et traverse les villages de Ro- 
bal et de França ,dont ce dernier est situé fort 
agréablement au pied d’une colline couverte 
de bouquets de chênes. Plusieurs plantes de 
l’Europe septentrionale, qui sont très-rares 
partout ailleurs , se trouvent ici. Derrière 
le village assez considérable de Montezinho , 
l’on gravit sur la chaîne de montagnes qui 
est la plus aride de tout le royaume ; on n’y 
voit aucun arbre, pas même un arbuste: des 
bruyères la couvrent en totalité. Quoique 
cette chaîne soit plus basse que la Sierra 
de Senabria , elle ne le cède en rien aux 
sommets les plus élevés du Gerez ; il est 
même probable qu’elle le surpasse. Une butte 
( Pedrastante ) qui se trouve sur une des som- 
mités , marque la limite des deux royaumes. 
Les sources du Sabor sont à quelque dis- 
tance sur le territoire Espagnol. Les cimes 
des montagnes du côté du Portugal, étaient 
encore couvertes d’un peu de neige, aucom- 


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C 3 7 ) 

mencement du mois d’avril ; il en était 
même tombé dans le village de Montezinho. 
La végétation prouve également la grande élé- 
vation de cette contrée ; on ne voyait fleurir 
que le souci d’eau ( calsha palus tris} , plante 
que nous n’avons rencontrée dans aucune 
autre partie du Portugal. 

La route de Bragance à Miranda , distant 
de 8 lieues , est triste et désagréable. Il n’y a 
point d’auberge dans le village de S.-Joanica , 
et l’on est obligé de chercher un mauvais gîte 
chez quelque paysan^ Les bords de P/>z- 
gueira sont plats ici , quoiqu’ils soient escarpés 
auprès de Vimiozo. La crue subite de ces 
rivières occasionne en hiver de grands ra- 
vages. 

Bragance et Miranda sont les deux prin- 
cipales villes de la province. La dernière 
est une place forte sur les frontières de l’Es- 
pagne , située près du Doure qui coule à 
quelques pas de la ville.. Il roule ses eaux 
avec une grande rapidité entre des rochers 
escarpés et peu propres à la culture; on est- 
exposé à de fréquens dangers , lorsqu’on le 
passe au bac. Quand nous y arrivâmes >, 


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( 38 ) 

le bac avait été entraîné; et il ne restait 
plus d’autre moyen de communiquer avec 
l’Espagne, que de la traverser à califourchon 
sur un cable tendu d’une rive à l’autre. Les 
personnes craintives se font passer dans un 
panier attaché à ce cable. Les rochers qui 
bordent le Douro sont intéressans pour la 
botanique ; nous y vîmes fleurir une nouvelle 
espèce d’ Isatis , et au bord de la rivière , la 
Jonciole ou Aphyllante de Montpellier. 

Miranda do Douro , pour le distinguer de 
Miranda do Corvo , est un misérable endroit 
qui renferme environ 200 feux. Cette ville 
passe pour une place forte , mais ses forti- 
fications sont peu considérables. Elle souffrit 
beaucoup de l’explosion d’un magasin à pou- 
dre , lorsqu’elle soutint le siège des Espagnols, 
dans la guerre de 1762; et depuis cette époque, 
elle ne présente plus qu’un amas de ruines. 

Le bourg de Bemposta etft à 4 lieues de 
Miranda et à une lieue du Douro ; il est 
beaucoup plus élevé au - dessus du lit de la 
rivière que cette dernière ville. Le premier 
degré des montagnes , vers le fleuve , con- 
siste en un bon terrain qui produit du 


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( 3 9 ) 

bled, du vin et un peu d’huile ; mais plus 
bas , le pays est rocailleux et stérile , sur- tout 
près des bords de la rivièrê. De l’autre côté , 
sur le territoire Espagnol, on voit le Tormes 
se réunir au Douro. Dans les environs des 
villages à'Orroz et de Travanca on extrait 
de la chaux. La route de Bemposta à 
Freixo de Espada data , traverse le village * 
de Ventozello , où l’on trouve de la plom- 
bagine comme il a été dit plus haut , et le 
village de Lagoaça entouré de cerisiers. Le 
chemin jusqu’à Freixo passe par un pays 
inégal et désagréable ; à gauche on aperçoit 
les rochers qui bordent le Douro. 

Freixo de Espada data est situé dans 
un pays élevé , mais dont le climat est fort 
doux ; cette ville est entourée de coteaux fer- 
tiles qui produisent du vin, de l’huile, des 
amandes et des figues. Les maisons sont 
séparées par des plantations d’ormes et de 
mûriers , qui les ombragent agréablement en 
été , ce qui rend ce village un des plus beaux 
séjours du royaume. L’éducation des vers à 
soie est assez considérable; on recueille ici plus 
de soie que dans aucun autre endroit de la pn> 

3 . 


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C 40 ) 

vince. L’hôtellerie n’a pas grande apparence, 
mais la politesse prévenante des aubergistes 
qui s’empressèrent de nous apporter toutes 
sortes de provisions, nous dédommagea am- 
plement du mauvais gîte. Un voyageur re- 
çoit si fréquemment des témoignages de la 
politesse et de la complaisance des Portugais, 
qu’il deviendrait fatigant de le répéter. 

Le Douro est éloigné de Freixo à une 
lieue vers l’est. Une route large et bien 
entretenue y conduit et traverse d’abord un 
pays bien cultivé, ensuite des bruyères. La 
rive opposée, sur le territoire Espagnol, est 
mieux cultivée que celle du côté du Por- 
tugal; elle paraît couverte d’une forêt d’oli- 
viers. Ainsi que je l’ai déjà observé plusieurs 
fois , l’agriculture et l’industrie sont en gé- 
néral plus perfectionnés en Espagne qu’en 
Portugal. Je m’«n suis souvent convaincu , 
mais je ne saurais en déterminer les causes. 
Au sud , le Douro n’en est également éloigné 
que d’une lieue et demie, parce que dans cet 
endroit il prend sa direction à l’ouest; au-delà 
de Freixo, la route monte d’abord et redes- 
cend vers le Douro, Après l’avoir cotoyé 


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C 41 ) 

pendant une demi - heure , on le passe à 
B area de Al va , pour entrer dans la province 
de Beira. 

6°. Second voyage par le Traz os Montés. 
Observations générales sur cette pro- 
vince. 

Nous avons suivi le Comte de H . .... 
dans un voyage par la province de Traz os 
Montés , qu’il visita avec tant de soin , que 
même les lieux les moins intéressans n’ont pas 
échappé à ses recherches. Le grand nombre de 
plantes qu’il y» recueillit lui offrant un vaste 
champ d’observations curieuses, il entreprit, 
dans la même année , un second voyage par 
cette province. Il se rendit par le Beira, l’Es- 
trella et Coimbre, à O-porto, visita la province 
de Minho, et retourna dans le Traz os Montés 
par la Serra de Gerez et la route qu’il avait 
suivie précédemment. Le 25 juillet, il entra 
dans cette province par Vendas-Novas , et 
la traversa pour arriver à Montealegre et 
Chaves. A cette époque, les chênes étaient en 
feuilles, et répandaient une grande variété 


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( 4 * ) 

dans la campagne. La moisson ne se fait, 
dans les environs de Montealegre , guère plu- 
tôt qu’en Allemagne; les prairies étaient ta- 
pissées d’une riche verdure , et plusieurs 
déjà fauchées. 

De Chaves , il se rendit par Virihaes à la 
Serra de Montezinho. On traverse d’abord 
le plateau de Chaves , ensuite on parvient à 
l’ancien château Torre de Monforte , d’où 
s’étend un plateau élevé jusqu’à Labaçao , 
village à trois lieues de Chaves. Depuis cet 
endroit jusqu’à Vinhaes , on fait cinq lieues 
par un pays désagréable, rempli de montagnes 
et de rochers. Le Rabqçal coule dans une 
profonde vallée. Vinhaes est situé dans une 
gorge fertile , entourée de montagnes en partie 
arides et en partie couvertes de bouquets de 
chênes. Jusqu’à Montezinho, il y a cinq lieues. 
Les villages, sont entourés de prairies ver- 
doyantes , de plantations de châtaigniers , et les 
coteaux parsemés de chênes. Le séjour de 
Montezinho est un des plus agréables en été; 
les chênes et les bouleaux offrent par -tout 
une belle ombre. Les matinées et les soirées 
sont fraîches, mais pendant le jour il fait très- 


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( 43 ) 

\ 

chaud. Les prairies autour du village avaient 
déjà été fauchées , et étaient découvertes 
d’herbe dès le 3 i juillet. La végétation est 
plus tardive sur les montagnes. Nous nous 
étions proposé de recueillir un grand nombre 
de plantes, mais notre attente fut trompée, 
nous n’en trouvâmes pas une très - grande va- 
riété ; nous n’aperçûmes que quelques fleurs 
sur le doronic ( doronicum pardalianches ) t 
plante assez rare en Portugal. 

Bragance, que nous visitâmes pour la troi- 
sième fois, récompensa nos recherches par 
une nouvelle récolte pour la bbtanique. La 
vallée que traverse la rivière deFervenza, est 
très-fertile. La Serra de Nogueira , à trois lieues 
de Bragance , produit des plantes rares. Le 4 
août, nous vîmes encore de la neige sur la 
Sierra de Senabria, preuve que cette chaîne de 
montagnes est élevée à plus de 8000 pieds au- 
dessus du niveau de la mer. Les géographes 
ne font pas assez attention à la hauteur des • 
montagnes d’Espagne. Dans ce pays , il y a 
des chaînes de montagnes dont les sommets 

s’élèvent de 8 à 9000 pieds et au-delà. On le 

1 


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C 44 ) 

remarque moins, parce que leur base [reposa 
sur un plateau déjà fort élevé. 

De Bragance , on traverse une partie de la 
province pour se rendre , par Bornéo , à Torre 
de Moncorvo. Jusqu’à Bornéo , on compte 
sept lieues, et de là à Torre de Moncorvo, 
six. Le pays ne présente rien d’intéressant ; il 
est parsemé de collines et de montagnes. 
Derrière Bornéo, on aperçoit la Serra de 
Bornéo , chaîne de rochers ornée de divers 
arbustes. La principale vallée de ces mon- 
tagnes forme le campo de Villariça, dont nous 
avons parlé plus haut. Au mois d’aout , la vé- 
gétation n’était plus en vigueur autour de 
Torre de Moncorvo, et les rochers ne pré- 
sentaient qu’une herbe courte et sèche. A peu 
de distance de Torre de Moncorvo , on passe 
le Douro dans un bac commode pour entrer 
dans le Beira. 

La province de Traz os Montés forme une 
•terrasse de la haute chaîne de montagnes qui 
s’étend, par la Gallice, le long des frontières 
du Portugal , de l’ouest à l’est. Je nomme 
terrasses les plateaux élevés qui se trouvent 


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( 4 $ ) 

au pied des grandes chaînes de montagnes, 
et sur lesquelles celles-ci paraissent, pour ainsi 
dire , appuyées. Ces sortes de terrasses sont 
sur - tout particulières à la péninsule. La 
Sierra de Senabria forme une branche de 
cette chaîne ; la Serra de Montezihho et 
la Serra de Gerez appartiennent aux bran- 
ches parallèles. Cette terrasse s’abaisse au 
sud ; toutes les rivières prennent leur source 
dans les montagnes qui forment la frontière 
de la Gallice, et se dirigent au midi pour 
tomber dans le Douro. Ce grand fleuve 
suit d’abord la même direction , jusqu’à ce 
que les montagnes de l’Estrella l’obligent de 
prendre son cours à l’ouest. La partie sep- 
tentrionale de la province est composée de 
granit; ensuite on aperçoit du schiste mi- 
cacé et du schiste sablonneux qui s’étend 
jusqu’au bord du Douro. Dans le schiste 
micacé on doit trouver des filons de mi- 
néral , don# le gouvernement empêche l’ex- 
ploitation , comme nous l’avons observé plus 
haut. 

Vers le nord , où le plateau est le plus 
élevé, le climat est très-froid , tandis qu’au 


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C 46 ) 

midi , où les montagnes s’abaissent , il est 
plus doux ; la chaleur est même très-forte 
dans les vallées; par exemple , celle de Mi- 
randella et le Campo de Villariça. Ce pla- 
teau n’est pas dominé par de très - hautes 
montagnes , quoiqu’elles soient cependant 
à une grande élévation au-dessus du niveau 
de la mer ; il n’y a que quelques sommités 
qui paraissent dispersées sans ordre sur cette 
terrasse. D’après le coup-d’œil que présente 
ces montagnes depuis la Serra de Marao , 
elles semblent se diriger vers le sud-ouest, et 
tenir le milieu entre la chaîne qui forme la 
frontière de la Gallice et l’Estrella. Leur plu3 
grande élévation est au midi , car c’est là que 
les vallées sont le plus profondes et se diri- 
gent du nord au sud; c’est sans doute un effet 
des torrens qui se précipitent des mon- 
tagnes , dont la plus haute chaîne est la Serra 
de Monteziriho. 

Cette province présente un fspect par- 
ticulier par les amas de rochers dans les 
plaines, ou sur les sommités des collines et 
des montagnes. Comme elle est en général 
aride, elle n’offre rien d’agréable. Il n’y a 


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C 47 ) 

que la partie septentrionale qui ressemble 
un peu à la province du Minho, caron y ren- 
contre des forêts de chênes et de bouleaux ; 

„ elle a quelque ressemblance avec les climats 
tempérés, par ses vastes prairies. Les rivières 
sont très-encaissées ; le Douro roule ses eaux 
sur un lit de rochers ; la Tua et le Tamega 
coulent dans de profondes vallées , et sur les 
rives du Sabor on trouve les forêts agréables 
dont on a parlé plus haut, le Monte do Azin- 
hal, et la Serra de Naoalheira. La flore se 
rapproche de celle d’Espagne ; le paysage a le 
caractère de celui de la Castille , par de 
vastes champs dépourvus d’arbres. 

On nomme cette provinee Traz os Montés , 
probablement parce qu’elle est au-delà des 
monts , à partir d’O - porto , et sur - tout 
du Marao. Les géographes lui appliquent 
mal-à-propos le nom espagnol de Tra los 
Montés. On lui donne une étendue trop con- 
sidérable ; on prétend qu’elle a trente lieues 
de long sur vingt de large, quoiqu’on ne 
compte que vingt-huit lieues dans une direc- 
tion oblique, depuis Vendas-Novas par Bra- 
gance, jusqu’à Miranda. De Montezinho à 


\ 


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( 48 ) 

Torrede Moncorvo, il n’y a que quinze lieues; 
Cette province est en général assez bien 
cultivée. Dans plusieurs districts , et particu- 
lièrement dans celui de Torre de Moncorvo» 
on donne beaucoup de soins à l’agriculture ; 
on y récolte sur-tout du seigle et du froment , 
et les terres labourées s’étendent jusques vers le 
sommet des montagnes. Le plateau de Chaves , 
la vallée de Mirandella , et le Campo de 
Yillariça , sont très-fertiles. Aussi la province 
n’est-elle pas plus aride qu’une grande partie 
du Beira, de l’Estramadure et des autres pro- 
vinces, excepté celle de Minho. Depuis que 
l’éducation des vers à soie est tombée , on ne 
trouve , outre l’agriculture , aucune trace 
d’industrie. Aussi cette province renferme- 
t-elle un petit nombre de villes peu remar- 
quables ; et si j’en excepte la Comarça de Vil- 
lareal , qui est dans le voisinage des vignes 
du Douro supérieur et la province de Minho , 

- cette proportion si faible des villes aux cam- 
pagnes surprend beaucoup. Chaves et Bra- 
gance sont les seuls endroits où il y a plus de 
quatre cents feux. Il est hors de doute que 
le défaut de villes et d’industrie a une grande 




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C 49 ) 

influence sur la prospérité du pays. On ne 
trouve point de débouchés pour le bled que 
l’on recueille en quantité; dans les bonnes 
années le prix en est trop bas ; on n’y fait nulle 
attention , ce qui occasionne la disette dans 
les mauvaises années. En donnant des soins à 
l’éducation des vers à soie , cette province 
atteindrait un certain degré de prospérité; 
et , par de bonnes routes jusqu’au Minho, 
elle serait en état de vendre son bled superflu 
et de nourrir le grand nombre de personnes 
qui émigrent chaque année de cette province 
peu étendue , mais très-peuplée. Les habitans 
paraissent laborieux ; il faudrait que le gou- 
? vernement leur donnât quelques secours , ou 
plutôt ne leur mît point d’entraves; que les 
propriétaires, qui possèdent la plus grande 
partie du pays , apprissent à connaître leurs 
vrais intérêts, cultivassent eux-mêmes leurs 
champs , et n’entretinssent pas dans la misère 
les fermiers et les paysans , en leur fai- 
sant payer des redevances exorbitantes. Une 
grande partie de cette province appartient à 
la famille royale de Bragance , et ce n’est pas 
celle qui est la mieux cultivée. 

4 


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( 5o ) 

Les Espagnols s’emparèrent de cette pro- 3 
vince en 1672. Le général O-Reilly pénétra 
par Miranda ; son armée se répandit dans 
le pays , et se rendit maîtresse de Chaves. 
O - Reilly voulut aller par le Minho , jus- 
qu’à O-Porto : dans les gorges étroites du 
Minho il rencontra une troupe de paysans 
mal armés et indisciplinés , mais braves 
comme tous les habitans de ces vallées , et 
excités par l’amour de la patrie et leur haine 
contre les Espagnols. O-Reilly fut obligé de 
se retirer. Le Traz os Montés ayant beaucoup 
souffert , les Espagnols n’y trouvèrent plus de 
quoi subsister , et repassèrent le Douro pour 
se porter sur Almeida. 


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( Si ) 


CHAPITRE II. 


LA PROVINCE ENTRE M.I N H O E DOURO. 


i.° Additions à la relation du premier 
voyage par cette province. 

D Ans notre premier voyage que nous 
avons décrit tome I, p. 414, nous suivîmes 
la route d’O-Porto au Gerez , et de fà nous 
retournâmes à Pezo da Regoa. J’ai déjà parlé 
d’O-Porto; c’est le séjour le plus agréable 
qu’un étranger puisse choisir en Portugal : 
il n’y manque que la campagne délicieuse 
des environs de Lisbonne. Tous les agrémens 
de Porto se réunissent dans la belle vallée 
que l’on embrasse d’un coup - d’œil , et que 
sans doute on voit trop souvent. Le chemin, 
en côtoyant le rivière jusqu’au fort de St.-Joao 
da Foz ( et non Fez, comme il est écrit im- 
proprement dans le tome I ) , épuise toute la 
richesse du paysage. Mais on est voisin des 
délicieuses valle'esde la province, qui, peut- 

4 * 


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( 52 ) 

être sous un climat plus froid, présenteraient 
une contrée agreste et sauvage , mais qui dans 
ce pays , réunissant leurs ombres rafraîchis- 
chissantes à l’ardeur du soleil et à la pureté 
du ciel, répandent un charme inexprimable 
qui ne s'effacera jamais de ma mémoire. Un 
peuple laborieux et doux habite ces vallées ; 
ce furent ces montagnards qui repoussèrent 
les Espagnols en 1762. Malgré les avan- 
tages qu’offre cette province , il est étonnant 
que de tous les étrangers qui séjournent à 
O-Porto , la plus grande partie ne voye que la 
ville ou tout au plus le Douro supérieur. J’ai 
parlé à plusieurs Anglais et à d’autres étran- 
gers qui avaient été à Porto, mais la curiosité 
n’engage qu’un très- petit nombre à visiter 
Braga ou le Gerez. 

O-Porto est entouré de quelques anciennes 
murailles qui tombent en ruines ; une vieille 
tour qui ressemble à un château fort, existe 
encore au bord de la rivière , du côté du 
levant; mais au reste cette ville n’est point 
gardée. Les maisons s’étendent au-delà des 
murs de la ville , et forment quatre faux- 
bourgs. Les deux plus belles rues de la ville 


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C 53 ) 

basse se nomment rua dos Flores , et rua 
noua des Inglezes . On prétend que la rivière 
a 800 pieds de large. La ville ne renferme que 
huit couvens. Villa-Nova d’O-Porto , comme 
on doit le présumer d’une ville aussi voisine, 
est devenue importante aux dépens d’O-Porto. 
Anciennement O-Porto appartenait aux Evê- 
ques , qui étaient continuellement en dispute 
avec les rois de Portugal. Le roiD. AffonsoIII 
ordonna que tous les vaisseaux devaient 
mouiller devant Villa-Nova , y décharger 
leur cargaison et payer les droits, ce qui eut 
lieu au grand préjudice d’O-Porto. Ces diffé- 
rends furent terminés , et O-Porto échut à la 
couronne ; mais Villa-Nova resta une ville 
considérable, parce que la rive du Douro y 
est plus basse , et offre un meilleur emplace- 
ment pour les magasins que la rive opposée 
qui est escarpée. 

Braga est une ville sans fortifications et 
une des plus anciennes du royaume. On y a 
trouvé des médailles romaines et les vestiges 
d’un amphithéâtre et d’un aqueduc. Selon 
quelques auteurs , la cathédrale doit avoir 
servi anciennement de temple aux Romains; 

4.. 


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( 54 ) 

je n’y ai remarqué que le style qu’on nomme 
ordinairement gothique . Mais je ne garantis 
point ce que j’ai dit tome II, p. 5, de l’admi- 
nistration judiciaire : la ville a un Corregedor 
et deux Juizes de Fora. Autant que je puis 
m’en rappeler , aucun d’eux ne nous inquiéta. 

J’ai parlé en détail, tome II, page i3, 
des bains de Caldas , des montagnes d’a- 
lentour et de la Serra de Gerez , nommée 
par les anciens Juressus. Aucun auteur 
n’a fait mention de cet endroit ; on dit seu- 
lement qu’il y a des bains chauds dans ces 
montagnes. Il est hors de doute qu’on n’a 
commencé à les visiter que dans les temps 
postérieurs. Cet établissement est dans un 
fort mauvais état. Il est vrai qu’il y a des 
auberges, mais on ne peut y loger que des 
chevaux ; et celui qui n’a pas eu soin de faire 
retenir d’avance , par un de ses amis , des 
logemens à Villar de Veiga, est exposé à n’en 
point avoir , d’autant plus que l’affluence des 
étrangers est très-grande. Toutes les maisons 
appartiennent aux liabitans de Villar de Veiga, 
et ne sont point occupées pendant l’hiver. Une 
famille qui arriva trop tard, fut obligée de 


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( 55 ) 

se construire des barraques. Nous n’aurions 
également pu être logés sans la complaisance 
d’un négociant anglais d’O-Porto, M. Wil- 
liam-Nassau , qui ne connaissait point le 
comte de H..... C’est à ses soins obligeans que 
nous fûmes redevables d’un logement com- 
mode. Je me fais un vrai plaisir de nommer 
ici cet homme aimable, car il m’est échappé , 
T . II. p% 3 1 , une expression que l’on pourrait 
appliquer à toute la nation anglaise. Quelques 
voyageurs, principalement des Anglais (j’en 
excepte cependant Murphy ) , se sont permis 
des remarques outrageantes pour les Portu- 
gais , et c’est ceux-là que j’avais en vue. 

Les denrées que l’on vend ici consistent en 
bœuf, poules , jambon, lard , du vin aigrelet 
du pays £ vinho perde), rarement du bon 
vin du Douro ( vinho maduro ) ; en choux , 
salade , oignons , huile, vinaigre , sel, oranges , 
sucre; il est difficile d’avoir des cerises et des 
poires. Celui qui se contente de ces objets 
peut vivre ici assez commodément ; mais 
quant aux autres provisions, on est obligé 
de les faire venir de Villar de Veiga , à une 
lieue de distance. Les alimens sont à bon 

4 • • • 


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i 


(56 ) 

marché; il n’y a que 1’entretien des chevaux 
qui soit dispendieux ; il coûte trois fois plus qu’à 

4 

Lisbonne. Il y a du foin ; mais il est si sec , 
qu’il a perdu tout son suc : l’orge est très-rare. 
Un cultivateur de Villar de Veiga , nommé 
José Pereira , est le meilleur guide dans ces 
montagnes. Non-seulement il a une connais- 
sance parfaite de tous les chemins , mais il 
sait aussi indiquer tout ce qu’il y a de remar- 
quable dans ces montagnes , comme le pont 
et les pierres milliaires des Romains , les 
endroits où l’on trouve des cristaux , des 
schorls et des chèvres sauvages; il connaît 
même les dififérens arbustes qui croissent sur 
les rochers. 

Je ne puis passer sous silence le nom d’une 
aimable famille qui nous reçut de la manière 
la plus obligeante dans le village de Villa- 
rinha do Furno. Le chef de cette famille se 
nomme Manoel de Outeiro , et sa femme , 
Donna Custodia. L’or des voyageurs a de- 
puis long-temps banni la franche hospitalité 
des vallons solitaires de la Suisse ; une guerre 
dévastatrice nous a mieux fait connaître les 
moeurs des montagnards suisses que les poésies 


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C* 7 ) 

de Haller. Ces vertus se seraient-elles peut- 
être réfugiées dans les vallées paisibles et 
oubliées du Gerez?.... Les bords du Homen 
sont habités par un autre peuple pasteur ; 
une nouvelle Arcadie est entourée de rochers 
inaccessibles; c’est -là que le voyageur est 
accueilli avec une confiance sans bornes , une 
gaîté inaltérable , qui lui fait passer les 
plus doux instans. Il est à, souhaiter qu’il 
n’y ait que les amateurs de la botanique 
qui franchissent les rochers de la Serra 
jimarella ; et puisse tout voyageur curieux 
rester éloigné de cette peuplade, pour qu’elle 
ne soit pas corrompue par l’or et le luxe! 

Cependant on n’a pas lieu de le redouter , 
car les chemins, dans la partie supérieure du 
Minho , sont fort mauvais , et rendent les 
voyages aux bains chauds très- difficiles. Il 
est impossible d’y parvenir avec des voitures; 
les habitans ne se servent que de petites 
charettes légères. Les hommes font usage de 
mulets pour voyager ; car non - seulement il 
est difficile de se procurer des chevaux , mais 
ils ne valent même rien dans ces montagnes. 
Les femmes sont obligées de se servir de leurs 


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C 58 ) 

chaises à porteur , suspendues sur le dôs de 
deux chevaux ou de deux mules , manière de 
voyager très- incommode, car ces chaises sont 
petites et fermées; aussi ne peut-on en faire 
usage dans les grandes chaleurs. Au reste , 
les chevaux et les mulets , lorsqu’ils sont 
dressés , ont le pas très-sûr, et l’on n’est exposé 
à aucun danger dans ces mauvais chemins. 
Le grand nombre de gorges et de passages 
étroits oblige d’attacher des clochettes aux 
animaux. Il paraît que cette manière de 
voyager a été autrefois usjtée dans tout le 
royaume. De nos jours elle paraît être abolie 
dans les provinces méridionales et dans les 
pays de plaines. 1 

Dans ces montagnes , on est accoutumé à 
conserver les épis de maïs sous de petits 
angars qui reposent sur des piles de pierres , 
et qui ressemblent à des poulaillers. Le pain 
ordinaire est fait ici , comme dans tout le 
Minho, d’un mélange de farine de maïs et 
de seigle, et se nomme broa. On bat le bled 
comme dans tout le nord du Portugal , ce qui 
a lieu aussitôt après la moisson. Les batteurs 
se rangent sur deux files , les uns vis-à-vis des 


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(*9 ) 

autres, et laissent tomber le fléau tous à la 
fois , en observant une certaine mesure. Nous 
avons déjà observé cette méthode singulière 
dans le Minho. 

La production naturelle la plus remar- 
quable des montagnes du Gerez , est la chèvre 
sauvage , dont j’ai donné une description 
abrégée , tom. II, pag. 24, J’èspère que nous 
pourrons offrir aux naturalistes une des- 
cription complète de cet animal, accompagnée 

d’une figure exacte que le Comte de H... 

a dessinée. J'ai dit que cet animal se nomme 
Capra Ægagrus ; cette assertion mérite 
quelques développemens. Le célèbre zoolo- 
giste Pallas fut le premier qui nous fit 
connaître cet animal comme une variété 
primitive de la chèvre domestique ; il nous 
en a donné une description accompagnée 
d’une figure représentant le crâne et les 
cornes de l’animal , que Gmelin lui avait 
envoyés des montagnes de la Perse, au bord 
de la mer Caspienne. La forme du crâne , 
ainsi que celle des cornes , prouve! que la 
chèvre du Portugal ressemble beaucoup à cet 
animal. La description qu’en donne Gmelin , 


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C6o) 

le poil qui est mêlé de gris et de roux, la raie 
noire qu’il a sur le dos , et d’autres particu- 
larités , s’accordent parfaitement avec le qua- 
drupède que nous avons observé. La descrip- 
tion que Kae mpfer àonne de la chèvre bezoard, 
s’y rapporte aussi. Cet animal, dit-il, ala forme, 
la couleur et la stature du cerf, la barbe et 
la taille d’une chèvre, un poil court, mêlé 
de gris et de roux. Pallas prétend que cet 
animal existe ailleurs qu’aux environs de la 
mer Caspienne et du nord de l’Inde; il ditqu’il 
y en a même en Europe. A cette occasion, 
il cite un passage de l’histoire des animaux 
de Gessner , où il est fait mention d’un 
animal pareil , transporté du nord de l’Afrique 
en Angleterre. On prétend cependant qu’il y 
a encore de nos jours des chèvres sauvages 
dans l’île de Tavolara, près de la Sardaigne, 
comme le rapporte Cetti dans son histoire 
naturelle de la Sardaigne ; mais il n’en donne 
pas une description exacte. Selon Pausanias , 
il y avait des chèvres sauvages en Sardaigne , 
et Varron affirme qu’on en rencontrait dans 
l’île de Caprasia et sur la terre-ferme d’Italie. 
Le climat de toutes ces contrées , la Perse sep- 


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(6i ) 

tentrionale, le nord de l’Inde, le Portugal et 
l’Italie s’accordent parfaitement ; car, quoique 
la Perse soit plus au midi, les montagnes y 
sont plus hautes qu’en Italie et en Portugal. 
En un mot, je ne doute point que nous n’ayons 
retrouvé la variété primitive de la chèvre 
domestique aux frontières les plus reculées 
de l’Europe, et il me paraît que ce fait est 
très-important pour l’histoire naturelle. 

A notre retour du Gerez , nous passâmes 
par Villar de Veiga , et un peu plus bas nous 
traversâmes un pont de bois, là où le Rio das 
Caldas , qui coule dans la vallée des Bains , 
tombe dans le Rio Caldo , qui vient de Mon- 
tealègre.La campagne est fort belle. Nous pas- 
sâmes ensuite devant l’église de Carniçada , 
près de laquelle se trouve la pharmacie la plus 
prochaine pour les bains. C’est ici qu’on aper- 
çoit pour la dernière fois la Serra de Gerez. 
Plus loin , nous traversâmes Pardieiros,Nossa 
Serihora do Porto, la rivière Ave , l’abbaye 
Villa. Cova , Fafé , Lixé , et nous arrivâmes 
à Amarante. Dans la seconde partie de ce 
voyage, on a commis quelques fautes dans 
l’orthographe de plusieurs de ces noms, comme 


l 


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• (60 

i 

Fofé , au lieu de Fafé ; Padrieiros , au lieu 
de Pardieiros. Amarante est une des villes 
les plus agréables du Minho ; le beau pont 
sur le Tamega ou Tamaga , n’avait été 
construit que depuis deux ans , et était garni 
de bancs. C’est le lieu où se réunissent les 
habitans en été. Le faubourg au-delà de la 
rivière se nomme Covelo , et appartient à 
une autre Comarca , comme formant un 
endroit particulier. Le pont , la rivière et 
l’aspect des coteaux boisés présentent un coup* 
d’œil enchanteur; le long de la rivière il y 
a des berceaux pour ceux qui veulent se 
baigner. v 

La Serra de Marao forme la limite entre 
les provinces de Minho e Douro , et Traz os 
Montes ; le village Campeao ou Campeani , 
fait partie de cette dernière. J’observe ici que 
le schiste dont sont formés les sommets de 
ces montagnes, n’est pas du vrai schiste 
argilleux , mais du schiste micacé qui se 
mêle au premier. Le fossile inconnu dont 
j’ai parlé dans le second volume , est une 
variété remarquable du chiastolite déterminé 
par K arstens y il y a peu de temps qu’on 

i t 


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( 63 ) 

a trouvé un fossile pareil dans le pays de 
Bareuth. 

2 °. Voyage en hiver par la Serra de 
Marao , Guimaraens et la Serra de 
Gerez. 

Les frimats couvrent maintenant les mon- | 
tagnes du Minho. Dans le premier voyage 
par le Traz os Montes , au commencement 
de l’année 1800, le Comte de H..... visita 
ces montagnes , pour y recueillir les plantes 
cryptogamiques qui croissent dans cette 
saison. Il avait déjà visité l’Êstrella , et 
le 25 février il arriva à Peza da Regoa. 
L’aspect de cette contrée était bien différent 
de celui qu’elle nous offrit il y a deux ans , 
au mois de juillet. La riviere qui , en été, 
est assez basse pour pouvoir la passer au 
gué, était ccfnsidérablement accrue, et avait 
inondé les promenades qui ornent ses bords. 

Un temps froid et brumeux , accompagné de 
pluies et d’un vent du sud-ouest , retardait 
les progrès de la végétation , et rendait ce 
séjour peu agréable. La vallée du Douro 


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I . 


( 64 ) 

supérieur portait le caractère des contrées de 
la Castille; la chaleur y est excessive en été, 
mais elle est froide et désagréable en hiver. 
La compagnie du Douro supérieur augmen- 
tait encore les difficultés qu’éprouvent les 
voyageurs , en faisant débiter un breuvage 
détestable, composé de différentes substances 
corrompues, et qu’elle qualifiait du nom de 
vio. Celui d’une qualité supérieure avait été 
accaparé et envoyé à l’étranger ; mais , comme 
elle possède le commerce exclusif du vin daus 
ces contrées et la ville de Porto , elle peut 
forcer les habitans de boire le mauvais, vin. 
Certes, il n’est pas étonnant que l’on s'opposa 
d’abord à cette compagnie , et qu’elle ne put 
être établie que par la violence. 

Le 2 mars il fit un orage affreux , accom- 
pagné de pluie , sur la Slrra de Marao. Les 
sommets étaient couverts de neige, mais le 
bord de la route de Campeao était orné de 
violettes , fleurs assez rares en Portugal , et 
que nous n’avions aperçues jusqu’alors que 
sur la Serra de Monchique. Il tomba un peu 
de neige dans la nuit du 3 mars. 

La route de Campeao à Guimaraens , à 


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C 65 ) 

six lieues de distance , traverse une partie des 
fertiles vallées du Minho et des montagnes 
d’un accès difficile. Guimaraens, ville et chef- 
lieu d’une Comàrça, est une des plus consi- 
dérables du royaume ; elle est située dans une 
plaine fertile, entourée de collines et de mon- 
tagnes peu élevées. Les champs sont divisés 
en portions égales , par des haies vives de 
coignassiers et d’autres arbustes , parsemés de 
chênes , autour desquels s’élèvent des ceps de 
vignes. La ville est grande , les maisons bien 
construites, les rues larges; elle est même 
plus propre que la plupart des autres villes du 
Portugal. On y remarque beaucoup d’activité, 
une quantité d’ateliers et des boutiques rem- 
plies de marchandises. Toutes les maisons sont 
enduites de plâtre et pourvues de fenêtres,*' 
chose assez rare dans les petites villes du 
Portugal et de l’Espagne; il n’en existe point 
dans les villages. Cette ville renferme quel- 
ques places régulières; plusieurs sont ornées 
d’arbres; on la divise en ville vieille et ville 
neuve. La première est bâtie en amphi- 
théâtre; on y remarque un ancien château 
flanqué de tours carrées , et entouré de 

5 


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( CG ) 

murailles ; cependant une partie des maisons 
est construite hors des murs. Il y a ici une 
riche abbaye royale , avec une belle église 
qui fut rebâtie par Don Jean I , fondateur 
de Batalha. Une image miraculeuse de la 
Vierge a non seulement donné lieu à la 
fondation de cette abbaye , mais aussi à celle 
de toute la ville. On trouve une description 
détaillée de cette église et des autres curiosités 
de Guimaraens, dans les Délices d'Espagne 
et de Portugal , par Colmenar. 

Guimaraens fût la première résidence des 
rois de Portugal ; c’est là qu’habitèrent le 
comte Henrique et son fils D. Alfonso- 
Henriquez. Celui-ci fit la guerre à sa mère, 
qui voulut lui disputer la couronne ; après 
•l’avoir vainque, il la fit charger de chaînes* 
Mais elle fut vengée par le roi de Castille , qui 
entra en Portugal , défit Alfonso , et le 
renferma dans Guimaraens. L action héroïque 
à'Egaz Moniz sauva la vie à Alfonso. Ce 
Portugais se rend dans le camp des Espa- 
gnols, assure au roi de Castille qu 'Alfonso se 
soumettra; qu’il se charge de les réconcilier , 
et persuade le monarque espagnol de lever 


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( e 7 ) 

le siège. Celui-ci , se fiant à sa promesse , lui 
accorde sa demande. Egaz Moniz re- 
tourne à Guimaraens ; les assiégés repren- 
nent courage, et slljonso rejette avec mépris 
les propositions du roi de Castille. Mais 
Egaz Moniz ne resta point à Guimaraens; 
il retourne avec sa femme et ses enfans 
dans le camp des Espagnols, pour offrir sa vie 
et celle de sa famille au roi de Castille outragé. 
Celui-ci, plus généreux que les Carthaginois, 
pardonna à ce second Régulus. Le Camoens , 
qui n’a oublié aucune circonstance remar- 
quable de l’histoire de son pays dans son - 
poème , raconte cette action héroïque d’ Egaz 
Moniz ; mais je ne trouve point que les vers 
où il en parle soient d’une beauté particulière. 

Dans les environs de Guimaraens on trouve 
des bains chauds : l’un à Saint-Miguel das 
Caldas , que l’on nomme aussi Caldellas et 
Lameiro , jouit d’une grande réputation. On 
suit d’abord, pendaqj une heure, la belle 
route d’O-Porto; ensuite on détourne à gauche, 
en traversant, pendant trois quarts de lieue , 
un pays bien cultivé. Ces bains sont entourés 
de plusieurs petites maisons isolées , mais fort 

5 . 


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( 68 ) 

agréables , qui ont été construites depuis peu 
par des personnes aisées. Une d’elles appartient 
au Jui'z de Fora , et une autre au prieur 
de Barcellos ; les propriétaires les louent avec 
bénéfice pendant le temps des bains. Les 
sources même se trouvent dans une petite 
plaine. Une maison en bois recouvre l’un des 
bains ; mais , comme tous les établissemens 
pareils du royaume, elle est mal distribuée. 
A quelque distance on voit plusieurs autres 
maisons isolées. Nous ne pûmes juger du degré 
de chaleur des sources , à cause de la rigueur 
de la saison. La grande source était tiède à 
environ zo° du thermomètre de Réaumur , et 
avait un goût soufré ; une autre était chaude 
à peu près 40° de Réaumur, et avait le même 
goût , quoique moins fort. U y a près des bains 
une promenade plantée de peupliers. Depuis 
quelque tems on a découvert ici des vestiges 
de bains romains , dont le parquet est en 
mosaïque. L’autre bain , S. Antonio de Taipa 
Vizella , est à une lieue de Guimaraens , sur 
la route de Braga. Toutes ces sources sortent 
d’un lit de granit. 

Depuis Guimaraens jusqu’à Pardieiros il y 


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C 69 ) * 

a quatre lieues , par un pays couvert de col- 
lines. Nous avons parlé plus haut de la route 
de Pardierios jusqu’aux bains du Gerez. 
Comme ce lieu n’est ni habité ni fréquenté en 
hiver , nous devions nous attendre à le trou- 
ver vuide et solitaire ; mais , à notre grand 
étonnement , nous y rencontrâmes une grande 
activité : nombre de maçons et d’ouvriers 

7 a 

étaient occupés , soit à construire de nou- 
velles maisons, soit à réparer les anciennes. 
Depuis notre dernier séjour on avait bâti 
plusieurs nouvelles habitations ; l’établisse- 
ment paraissait prospérer de plus en plus. 
Des bains aussi voisins que le sont ceux 
du Gerez et de Guimaraens , dont les effets 
sont également salutaires , et qui sont très- 
fréquentés, prouvent qu’il y a beaucoup de 
personnes aisées dans cette province ; le bon 
ton de la société règne dans ces lieux, et il 
paraît qu’il est de mode dans ce pays de visiter 
les bains. On pourrait demander pourquoi je 
n’en tire pas la conclusion bien plus naturelle 
de l’effet salutaire de ses eaux; majs parmi 
le grand nombre de personnes qui se trou- 
vaient dans le Gerez , il y en avait tout au plus 


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( 70 ) 

quatre ou cinq qui paraissaient réellement 
malades ; le reste n’y était venu que pour 
s’amuser. 

Quoique à cette époque, au i 3 mars, les 
chênes ne fussent pas encore verts , les diffé- 
rentes espèces de bruyères, le fraisier-arbre 
( arbustus unedo ), l’azereiro ou prunier du 
Portugaise tinusf uiburnum tinus), ornaient 
déjà de leur belle verdure le penchant des mon- 
tagnes; le long des ruisseaux fleurissaient les 
narcisses et l’anémone -des bois. Malgré la ri- 
gueur de l’hiver de 1799 à ï8oo, on n’aperce- 
vait point de neige dans les vallées; il n’y avait 
que la cime des montagnes , et sur-tout celle 
du Murrodo Butrageiro , qui en fût couverte. 
Nous trouvâmes beaucoup de mousses et d’al- 
gues , qui augmentent la liste des plantes du 
Portugal. Tout ceci prouve que la cime la 
plus élevée du Gerez n’est qu’à trois mille 
pieds au-dessus du niveau de la mer, comme 
je l’ai déjà observé T. II, p, 27. La province 
entre Minho e Douro, comparée à celle de 
Traz os Montés , est bien moins élevée ; les 
vallées fournissent la plupart des productions 
du midi du Portugal ; les montagnes ne sont 


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(7* ) 

que peu élevées au-dessus des profondes val- 
lées, et ne sont pas d’une hauteur considérable. 
Toute la contrée paraît partagée en vallées 
profondes , par le grand nombre de rivières 
qui descendent des frontières élevées du Traz 
os Montés. La province s’aplanit au couchant 
ou plutôt à l’O. S. O. , comme on peut s’en 
convaincre par le cours des rivières , en jetant 
un coup-d’œil sur la carte. 

i 

3.° Troisième voyage par la province du 
Minho. Tailla do Conde. Barcellps. La 
Lima . Vianna. 

La partie septentrionale de la province entre 
Minho eDouro n’avait point encore été visitée 
par nous; nous n’étions pas parvenus jusqu’aux 
bords du Minho. Les rives du Tage , du 
Douro et d’autres fleuves nous avaient fourni 
beaucoup de plantes rares ; nous espérions 
faire une récolte aussi abondante sur celles 
du Minho. Après avoir parcouru le Traz os 
Montés , l’Estrella et une partie du Beira , le 
Comte de If.... se dirigea vers O-Porto, où il \ 

S « • • 


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(7 2 ) 

arriva le 3 juillet 1800. On connaît déjà cette 
ville par nos précédens voyages. D’ici à Villa 
do Conde il y a quatre lieues. On sort par la 
ville supérieure , et on suit un chemin qui 
traverse des champs cultivés et des buissons. 
Villa do Conde est une ville assez considé- 
rable, sur les bords de la rivière Ave , qui, 
par le voisinage de la mer dont elle n’est 
éloignée qu’à une demi - lieue , acquiert 
auprès de la ville une largeur de deux cents 
pas, et forme une petite baie. Le commerce 
maritime est cependant peu important ; on 
ne fait que le cabotage avec des poissons et 
d’autres denrées. De l’autre côté de la rivière 
on passe par Azurar. On avait remplacé le 
mauvais pont de bois par un beau pont de 
pierre, et on levait un droit à cet efîèt. Le 
pays est uni et sablonneux , et par conséquent 
peu agréable. Ce n’est qu’à la distance d’une 
à deux lieues , au nord et au couchant , qu’on 
aperçoit quelques collines. Un aqueduc qui a 
une lieue de long, et qui repose sur -des 
arcades simples et peu élevées , règne d’une 
des collines les plus prochaines au nord , jus- 
qu’à cet endroit. 


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( 73 ) ' 

Jusqu’à Barcellos , à trois lieues de dis- 
tance , le pays est élevé , et présente l’aspect 
de tous ceux de la province; des vallées et 
des coteaux sont variés par des champs de 
maïs entourés de chênes nains , dans les- 
quels s’entrelace la vigne; les chemins sont 
bordés d’arbres élevés et de buissons , et des 
ruisseaux limpides contribuent à rafraîchir 
l’atmosphère dans les chaleurs de l’été. Les 
montagnes sont pelées et couvertes de bruyè- 
res. Le pays produit du maïs et une espèce de 
haricots ( fejao freidinho , dolichos cat- 
jang ) , un peu de lin et quelques fruits. La 
beauté de la campagne surpasse la fertilité 
du æoI ; et on nomme cette contrée le jardin 
du Portugal , parce que dans les plus grandes 
chaleurs on peut y voyager à l’ombre et au 
bord des ruisseaux. La ville de Barcellos est 
le chef-lieu d’une Comarça appartenant à la 
maison deBragance; elle est grande, propre 
et pourvue de maisons bien construites et de 
rues alignées. La petite rivière Cavado baigne 
ses murs; elle est traversée par un beau pont 
de pierre. C’était le temps de la foire ; une 
grande réunion de personnes déposait en fa- 


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( 74 ) 

veur de la population de la province. Depuis 
Barcellos jusqu’au village S. Juliao , il y a 
deux lieues, et de Ià 4 à Ponte de Lima deux 
lieues et demie. Le chemin conduit par un 
pays analogue à la province; les plaines sont 
cependant mieux cultive'es. 

Ponte de Lima est une ville de moyenne 
grandeur , mais assez bien bâtie. L’aubei’ge 
est bonne ; elle est située hors de la ville , 
dans un grand emplacement , à quelque dis- 
tance de la rivière Lima , et du beau pont 
de pierre dont ce lieu tire son nom. Devant 
la maison se trouve une fontaine qui fournit 
une eau excellente. La Lima est tellement 
célèbre à cause de la beauté de ses boçds , 
qu’on la compare au Lethe , qui charma 
tant les armées romaines , qu’elles ne vou- 
lurent plus le quitter. C’est un torrent 
qui descend des montagnes ; mais ici, ses 
eaux sont limpides, et coulent sur un fond 
de sable et de gravier ; elles sont échauffées 
par les rayons du soleil , et estimées pour 
le bain. Cette rivière est souvent cachée par 
des touffes de chênes et des buissons qui 
ornent ses bords ; mais ordinairement elle 


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C ?5 ) 

coule dans un lit large , et les allées restent 
à quelque distance du rivage. La contrée 
est en général plate ou parsemée de collines ; 
les montagnes s’aperçoivent dans l’éloigne- 
ment. Les bords de la Lima ne se dis- 
tinguent pas d’uoe manière particulière , par 
leur beauté , des autres contrées de la pro- 
vince ; ils sont même inférieurs à beaucoup 
d’entr’elles, par rapport aux sites pittoresques, 
et ne doivent sans doute leur réputation qu’à 
la campagne unie qui les environne , ce qui 
rend les promenades moins fatigantes que 
par-tout ailleurs. Il faut aussi considérer la 
sensation agréable .que produit sur un Portu- 
gais l’aspect d’une plaine ; et certes c’est une 
chose si rare dans ce pays , qu’elle nous fît 
même plaisir , à nous qui préférions les mon- 
tagnes. Le mot planiça fait seul l’éloge d’une 
contrée, 'et le Portugais le prononce toujours 
avec une certaine satisfaction. 

La Lima est devenue pour les Portugais 
ce qu’était le Lignon pour les Français , dans 
leurs romans modernes. Un de leurs meilleurs 
poètes dans le genre des Idylles , Diogo 
Bernardes , naquit sur ses bords , à Ponte 


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( 7 6 ) 

de Lima; il vécut quelque temps après le 
Camoens , et écrivit une collection de poésies , 
sur-tout des Idylles , qu’il intitula Lima. 
Déjà le Camoens et d’autres poètes portu- 
gais donnèrent à leurs bergers le nom des 
rivières où ils conduisaient leurs troupeaux ; 
il fait chanter souvent un Duriano dans 
ses poésies. Les autres rivières du Portugal 
ne portaient pas un nom aussi facile à changer, 
et le Camoens fut obligé d’apeler le berger 
du Tage , Anzino. Le nom de Limiano 
était bien plus agréable à l’oreille, et, selon 
Manoel de Faria e Sousa , le Camoens s’en 
servit. On dit que Diogo Bernardes commit 
un plagiat, en s’appropriant les Idylles, du 
Camoens. Les raisons de Manoel ne sont pas 
suffisantes pour me convaincre ; le Camoens 
n’a jamais été dans ces contrées , et Manoel 
est si partial à son égard , qu’il voudrait 
lui attribuer chaque beau poème. Quoi qu’il 
en soit , dans les Idylles des Portugais , Li - 
miano chante à côté de Duriano et à' An- 
zino ; ils disent que la rivière roule ses eaux 
avec moins de bruit pour écouter les plaintes 
de l’amour. 


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( 77 ) ' 

A l'embouchure delà Lima, à trois lieues 
de Ponte de Lima , on trouve Vianna , ville 
et chef-lieu d’une Comarca , qui renferme 
environ 7000 habitant. Cet endroit est for- 
tifié , mais c’est sur-tout le château de Sant- ■ 
Yago , qui défend l’entrée du port qui au- 
trefois était considérable, mais qui est comblé 
aujourd’hui et ne peut servir que pour les 
petits bâtimens. Ce n’est pas tant comme 
forteresse que cette ville est remarquable 
sous le rapport militaire, mais parce qu’elle 
est le séjour du gouverneur de la province 
( Governador das armas ) et de son état- 
major. On ajoute une grande importance à 
ce poste ; on le donne souvent à des étran- 
gers, et aujourd’hui il est occupé par le lieu- 
tenant - général David Calder. La province 
fournit beaucoup de bonnes troupes ; par 
cette circonstance , Vianna est devenue un 
endroit où il y a autant d’étrangers qu’à 
O-Porto : le. bon ton de la société n’y est 
pas inconnu. De Vianna jusqu’à Caminha 
il y a trois lieues : la route passe dans les 
champs et le long des dunes qui sont.au 
bord de la mer. Le pays n’est rien moins 


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C 78 ) 

que beau ; les montagnes sont arides et cou- 
vertes de rochers. 

4. 0 Les bords du fleuve Minho. Retour à la 
Serra de Gerez . 

On aperçoit dans Pe'loignement un fort 
situé sur une île , à l’embouchure du Minho. 
Ensuite on traverse une forêt de pins mari- 
times , qui borde pendant quelque temps le 
rivage orné d’arbres à liège. Cette forêt et 
ses dépendances sont une propriété de la 
Caméra à Caminha , nommée Caza do In- 
fatado . Au sortir de la forêt on se trouve 
près de Caminha et sur les bords du Minho , 
qui se rétrécit à son embouchure, après avoir 
formé une nappe d’eau de quelques milliers 
de pas de circonférence. Le rivage est élevé, 
tant sur le territoire portugais que sur celui 
d’Espagne , et bordé de montagnes pelées et 
peu él evées.Caminha est une ville de moyenne ' 
grandeur ; ses fortifications sont irrégulières ; 
l'embouchure du Minho y forme un port, 
qui ne peut cependant recevoir que de petits 
vaisseaux. A cent pas de l’endroit, la petite 


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( 79 ) 

rivière de Courra tombe dans le Minho. 
Elle coule le long des montagnes , et prend 
sa source dans un marais salan. Depuis Ca- 
minlia jusqu’aux bords delà mer, on compte 
une petite demi-lieue. 

Nous remontâmes le Minho jusqu’aux 
frontières de la Gallice. Non loin de Ca- 
minha et de l’embouchure du Minho, on 
passe la Courra dans un bac. La route tra- 
verse, à peu de distance du Minho, la plaine 
au pied des montagnes, dont les derniers 
degrés sont couverts de maïs , de chênes et 
de vignobles , et dont la cime est pelée et 
rocailleuse. Villanova de Cerveira , à deux 
lieues de Gaminha, est également une ville 
fortifiée, mais elle n’est ni aussi grande ni 
aussi pourvue de troupes. Du côté de Caminha 
se trouve un petit fort nommé Castelinho , 
et à l’opposé , vers Valença , le fort de Aze- 
vedo. Aux environs et sur-tout vers la rivière, 
on voit beaucoup de jardins potagers, où l’on 
cultive des oignons de l’espèse nommée chez 
nous oignons d’Espagne. Le Minho coule ici 
avec lenteur ; ses bords sont marécageux et 
couverts d’arbres et de quelques buissons. 


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( 8o ) 

mais peu intéressans par rapport à la bota- 
nique. 

Le chemin de Valença s’éloigne un peu 
plus de la rivière, et, après avoir traversé 
quelques collines , il s’en rapproche. Valença , 
à deux lieues de Villanova, ville et chef-lieu 
d’une JComarça , est située sur une éminence 
et entourée d’une plaine assez étendue. C’est 
un lieu où règne quelque activité; il est forti- 
fié, plu» considérable que Villanova, mais 
plus petit que Caminha. Lorsque le gouver- 
neur est absent, un sargento-major ou major 
commande ici. Après avoir lu nos passeports , 
il nous adressa la parole en allemand , et nous 
apprit qu’il se nommait François Ferar ; 
qu’il avait été élevé à Vienne, resté en gar- 
nison à Teineswar en Hongrie , servi dans la 
guerre de sept ans , et fait toutes les cam- 
pagnes en Saxe. Plusieurs Allemands , qui 
accompagnèrent comme soldats le Comte de 
la Lippe. en Portugal, habitent ce pajs et se 
sont décidés à J^finir leurs jours , déterminés 
soit par la beauté du climat ou par quelque 
intrigue amoureuse : je ne crois pas que le 
service les y retiendrait long-temps. 


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.(«O 

Bans cette contrée , les bords du Minho 
Sont plats et garnis de saules ou de champs 
de maïs très- étendus : la culture du maïs, 
qui s’est introduite depuis peu , a été plus 
nuisible qu’avantageuse au pays , à ce que 
prétendent des Portugais éclairés. Autrefois , 
les habitans semaient du bled sur les coteaux , 
et réservaient les plaines pour les pâturages. 
A cette époque , le Portugal exportait du 
bled , les villages étaient pçuplés et les bes- 
tiaux nombreux ; les plaines sont aujour- 
d’hui couvertes de maïs , dont le grand pro- 
duit a séduit le cultivateur • : les coteaux , 

* i 

au contraire , restent en friche , et la disette 
de fourrages a causé une diminution sensible 
dans les bestiaux. Je ne sais si cette asser- 
tion est fondée ; mais ce qui est certain , 
c’est que la culture du maïs a éloigné celle 
de toute autre espèce de bled. Les diffé- 
rentes sortes de millet sont devenués très- 
rares ; le froment a fait place au maïs , et 
on ne cultive du seigle que dans les lieux où 
la terre ne produit point de bled de Turquie. 
On doit être surpris que la nation portu- 
gaise soit tellement' portée à favoriser la culture 

6 


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C 82 ) 

des plantes exotiques. Outre les différentes 
espèces de bled , on cultive fréquemment du 
millet et du fenouil ; le premier provient 
de la Guinée t et s’est répandu en Portu- 
gal et dans d’autres contrées de l’Europe. 
La culture du maïs s’est accrue rapidement ; 
la faséole ( dolichos catjang , fejao frai- 
diriho ) n’est cultivée qu’en Portugal. Il est 
très-probable que ce furent les Portugais 
qui , les premiers r apportèrent les oranges 
et les radis de la Chine , et que les diffé- 
rentes sortes de raves sont passés des bords 
du Tage , dans nos jardins potagers. De 
même , l’aloès d’Amérique, le figuier d’Inde , 
et le ricin / ricinus communis ) , crûrent 
d’abord sans culture en Portugal. Ces faits 
prouvent que la nation portugaise n’a pas 
Un esprit aussi indolent que plusieurs peuples 
du nord , qui se départissent difficilement 
de leurs anciens usages , et auxquels on ne 
put faire adopter que très -tard la culture 
de la pomme de terre , cet excellent moyen 
contre la famine. La culture du maïs n’a 
pu séduire que par son grand produit; elle 
est plus pénible que celle du bled ordi- 


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( 83 ) 

naire, auquel il ne faut pas tant de soins. 

La ville de Monçao est éloignée de Valença 
de deux lieues ; le paysage est à-peu-près 
le même , excèpté que l’aspect des mon- 
tagnes est plus sauvage. Cette ville, située 
sur une colline , au bord du Minho , est 
fortifiée , mais n’a qu’une faible garnison. 
Ce lieu est assez considérable-; il était autre- 
fois très-florissant par l’exportation du vin, 
qui jouissait d’une grande réputation en Angle- 
terre : on l’embarquait à Lapalla , à quel- 
que distance en descendant le fleuve. A 
cette époque, plusieurs familles nobles habi- 
taient cette ville ; mais lorsque le commerce 
du vin se porta vers le Douro 1 ces familles 
s’établirent ailleurs; la garnison fut diminuée, 
et c’est ainsi que Monçao tomba en déca- 
dence. Les hahitans des campagnes négli- 
gèrent la culture de la vigne , pour se livrer 
à celle du maïs ; on exporte d’ici du maïs 
dans d’autres parties de la province. Le Minho 
n’a ici qu’une largeur de deux à trois cents 
pas ; ses rives n’offrent rien d’intéressant pour 
la botanique. 

A une lieue de Monçao , les bords du 

a 1 

6 . 


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/ 


( 8 4 ) 

fleuve sont formés par des rochers ; la route 
s’en éloigne sensiblement. On cultive la vigne 
avec assez de soin ; la contrée s’élève et 
se rapproche des hautes montagnes de la 
frontière. Melgaço , à deux lieues et demie 
de Moniçao , est un endroit peu considérable ; 
il est pourvu d’un ancien château et d’une 
faible garnison. Ce lieu est dans une situa- 
tion élevée à* une demi - lieue des bords du 
Minho ; les rives de ce fleuve deviennent 
plus escarpées vers les frontières d’Espagne, 
et sont à la fin tellement couvertes de brous- 
sailles , qu’on ne peut plus les cotoyer. Quel- 
ques plantes que l’on ne trouve pas ordi- 
nairement eu Portugal , et qui ne sont d’ail- 
leurs pas très -rares , l’épervière en ombelle 
(hieYaaium umbellatum) , et la potentille des 
roches ( potentilla rupestris ) , furent tout ce 
que nous recueillîmes le long de ce fleuve , 
suivi sans relâche depuis son embouchure 
jusqu’aux frontières d’Espagne. 

Nous retournâmes dans les montagnes du 
Gerez , et de-là à Bragance. Près de Mel- 
gaço , on monte pendant une heure , an bout 
de laquelle on arrive entre des rochers élevés 


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( 85 ) 

et pelés, sur le revers septentrional d’une haute 
chaîne de montagnes. Dans les environs $ Al- 
cobaça , le paysage ressemble à celui du nord 
de l’Allemagne ; on aperçoit des champs de 
seigle , des bouleaux , des myrtilles et de 
belles prairies parsemées de fleurs. On est en- 
touré de rochers, dont les aiguilles, découpées 
en forme variée , se dessinent dans les nues; 
et le Gerez se distinguent dans le lointain. 
Le bourg Castro Laboreiro n’est qu’un mi- 
sérable village sans auberge, où il faut passer 
la nuit en rase campagne, à moins que quel- 
que paysan honnête ne vous offre un gîte. 

La route la plus prochaine par Lindoso 
au Gerez , est impraticable pour les mulets. 
Il ne nous resta d’autre moyen que de tour- 
ner vers Soazo , à cinq lieues de Castro 
Laboreiro. Au bout d’une demi-heure, on ar- 
rive au village Alcobaça , et à deux lieues 
plus loin , à Nossa Senhora do Venedo , lieu 
de pèlerinage , situé dans une vallée agréable, 
couverte de forêts de chênes et entourée de 
rochers. Depuis cet endroit , la route conduit 
à deux lieues et demie plus loin, par la Serra 
de Soazo , chaîne de montagnes affreuses et 

6 .. 

I 


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\ 

( 86 ) 

pelles , jusqu’au misérable bourg de Soazo , 
où l’on ne trouve pas la moindre commodité 
et à peine de quoi manger. Les branches 
du Gerez à l’ouest , deviennent plus arides , 
plus pelées et plus rocailleuses. 

Il nous restait encore six lieues à faire 
pour arriver à Villar de Veiga , dont nous 
avons déjà parlé. A quelque' distance de 
Soazo , on passe la Lima ; les villages que 
l’on traverse , sont Vertellos San-Miguel , 
Sant-Y a go de Villachao, Bragance , CarvaL 
hera , Covide et Rio-Caldo. On monte sur 
des rochers escarpés , ensuite on descend dans 
des vallées où les villages sont entourés de 
champs de maïs et de, bouquets de chênes. 
Des ruisseaux limpides offrent par-tout leur 
onde rafraîchissante. De Villar de Veiga 
nous continuâmes la route jusqu’à Montea- 
legre , et nous visitâmes le Traz os Montés 
pour la seconde fois. 

La province entre Minho e Douro y ap- 
pelée vulgairement en ‘Portugal le Minho, 
a été décrite T. 11 , p.z ,* elle mérite l’atten- 
tion particulière des voyageurs. L’Europe 
méridionale ne renferme aucun pays où, sous 


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( 8 7 ) , 

un climat tempéré et même chaud , on ren- 
contre autant de vallées ombragées par de 
beaux arbres et arrosées par des ruisseaux 
limpides , et où la culture de la terre et 
l’activité d’une nombreuse population s’unis- 
sent aux beautés de la nature ; j’ose ajouter , 
où un peuple aimable accueille avec confiance 
et bienveillance tout étranger qui passe dans 
ce pays. 

Le Minho , comparé aux autres provinces, 
renferme un grand nombre de villes consi- 
dérables et de bourgs ; une partie de la po- > 
pulation est cependant dispersée dans les 
maisons isolées. Il y a des Concelhos de 2000 
et même de 5 ooo feux ; il ne faut pas croire 
que l’endroit même les renferme , car on y 
comprend les maisons isolées et dispersées à 
une certaine distance : c’est ce qui fait un 
des principaux agrémens de cette province. 
Lorsqu’on a atteint une de ces belles vallées , 
on voyage toujours parmi des hommes ; les 
habitations se succèdent , une ombre conti- 
nuelle garantit des ardeurs du soleil, et des 
ruisseaux limpides répandent cette agréable 
fraîcheur que l’on ressent sous ces degrés 

6 « « « 


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(88 ) 

de latitude, avec un plaisir inconnu aux 
habitans des contrées septentrionales. Les 
belles campagnes du midi de l’Europe , 
comme , par exemple, les plaines de l’Italie, 
empruntent leur charme de l’art. L’Apennin , 
à quelques vallées près, présente un aspect 
triste et uniforme; et la partie supérieure de 
l’Italie , ainsi que le midi de la France , 
sont déjà trop reculés vers le nord. D’après 
la description que nous ont donnée des au- 
teurs anciens et modernes , de la belle vallée 
de Tempé , elle doit] ressembler à une de ces 
délicieuses vallées du Minho. 



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( 8 9 ) 



✓ 

CHAPITRE III. 



XA PROVINCE DE BEIRA. 

I. ° Additions au premier voyage par 

le Beira. 

IN otre premier voyage par cette province 
fut entrepris depuis Coimbre jusqu’à O-Porto,. 
cependant par une route qui n’est pas ordi- 
naire , et nous revînmes de Lamego par l'Es- 
trella , jusques dans les environs de Coimbre. 
( Voyez tome I , pages 378 , 4*4 î et tome 

II , pages 68 , 72 ). 

La première ville que l^on rencontre sur 
cette route est Cundeixa ; je me suis trompé 
dans l’étymologie de ce nom , et on m’en a 
fait des reproches en Portugal. J’ai dit que 
le nom de Condeixa dérivait de corbeille 
de Jleurs ; mais ce lieu s’appelle Condeça , 
et jamais on ne confond Yx avec le c, quoi- 


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( 9 ° ) 

qu’il soit précédé d’un- i. Je suis fâché que 
l’étymologie de ce nom soit fausse, car elle 
s’applique parfaitement à ce charmant séjour. 

A quelque distance de l’auberge , on voit , 
dans le jardin d’un meunier, une grotte en 
tuf, de 20 pieds de long sur autant de large, 
du fond de laquelle sort un ruisseau qui 
fait mouvoir aussitôt les roues du moulin. 
Cette grotte se nomme Lapinha ; dans son 
intérieur brillent des stalactites. On dit que 
l’on trouve dans les environs , du minérai de 
fer et du soufre. 

La route de Coimbre est pavée, mais très- 
dégradée. La campagne , aux environs de 
Coimbre, est une des plus belles du royau- 
me; des ruisseaux descendant des collines , 
forment dès vallées et tombent dans le 
Mondego ; leurs bords sont ornés de jardins 
potagers , et entourés de collines couvertes 
de bois agréables. C’est plus qu’une simple 
tradition populaire qu ’ltiez de Castro a été 
assassinée dans la quinta des larmes , car 
d’anciens auteurs rapportent que la maison 
se nomme encore le séjour des larmes , et 
le Camoens parle de la source des larmes. 


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( 9 1 ) 

D. liiez est reconnue par les historiens por- 
tugais , comme l’épouse du roi D. Pèdre , 
surnommé le cruel ou le justicier. Il a eu 
beaucoup d’en fans avec elle, qui lui donnèrent 
une nombreuse postérité par 4e mariage de 
ses deux fils, D. Diniz et D. Juan , avec 
les filles de Henri II , roi de Castille. Une 
de ses filles , Donna Béatrice , épousa D. 
Sanche , seigneur d’Albuquerque , fils à! Al- 
phonse XI , roi de Castille. Antonio de 
Oliveira , auteur d’une géographie du Por- 
tugal , dit que c’est d’elle que descendent 
tous, les rois de la chrétienté ; apparem- 
ment qu’il n’y comprend pas les rois pro- 
testans. 

Les vallées près de Coimbre, qui se di- 
rigent en partie vers la vallée principale, sont 
arrosées par le Mondego , et portent des noms 
particuliers; par exemple, Val deJSozelhas , 
J Val de Coselhas , etc. La végétation y est 
très-riche , et le Mondego embellit la belle 
flore de cepayfc, par beauooup de plantes 
qui proviennent des montagnes élevées. Les 
rivières du Portugal répandent de cette ma- 
nière plus de plantes que je n’en ai jamais 


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(90 

remarqué près d’aucun fleuve. Elles aug- 
mentent en hiver à l’époque de la sève; au 
lieu que chez nous, elles ne s’accroissent qu’au 
printemps , ou l’hiver a déjà détruit la sève. 
Nos rivières , et sur-tout les torrens qui des- 
cendent des montagnes , dispersent aussi les 
graines des plantes. 

On ne trouve point de schiste argilleux 
aux environs de Coimbre ; les montagnes 
sont formées par du schiste micacé et des 
pierres calcaires. Au midi du Mondego , on 
trouve beaucoup plus de pierres calcaires 
qu’au nord ; les montagnes , dans cetle di- 
rection, accompagnent le Lousao ; celles-ci , 
les branches de l’Estrella. Dans le voisinage 
d’Ovar, on ne voit que du schiste argilleux 
et des couches de granit. 

J’apprends que la Ferrugem ( et non Fer' 
ragem ) ou la rouille des oliviers , qui régna 
pendant quelque temps aux environs de Coim- 
bre , a tout-à-fait cessé. Ce n’est pas seu- 
lement l’olivier , mais aussi le figuier qui 
est attaqué, en Portugal, par les vers. 

Selon Lasterin ( et non C asterie ) , les 
poteries que l’on fabrique • en Portugal , et 


/ 


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( 93 ) 

sur -tout à Estremoz , reçoivent leur peu 
dedensité du sel marin que l’on y mêle en 
Espagne. J’en ai douté T . I. p. 41 3 ; au- 
jourd’hui j’apprends que ce mélange est to- 
talement inconnu en Portugal. 

J’ajouterai plus bas quelques notions sur 
l’académie de Coimbre. 

La route depuis O- Porto jusqu’à Aveiro 
traverse Vendas - Novas et Palhaza , deux 
petits villages. Le chemin que nous suivîmes 
est cependant le moins ordinaire; aussi ne le 
choisîmes-nous que pour observer les plantes 
des marais qui entourent Aveiro. On nous 

avertit de ne point prendre ce chemin, 

#■ 

parce que les étrangers sont souvent attaqués, 
dans ces contrées marécageuses, de fièvres 
putrides, de dyssenteries et d’autres maladies. 
Nous en courûmes les risques et nous fûmes 
exempts de toute maladie, tant ici que pen- 
dant le cours de nos voyages. Les rives du 
Vouga sont -plates et marécageuses jusqu’à 
Angeja ; on aperçoit cependant, dans quel- 
ques endroits, de bons pâturages. Derrière 
Angeja s'élèvent des collines bien cultivées: 


/ 


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( 94 ) 

la navigation sur le Vouga , dans de petites 
barques, est très-active. Nous allâmes d’A- 
veiro à O-Porto , par le canal d’Ovar , mais 
qui ne mérite ce nom que là où il est garni 
de digues en pierres ; ensuite il devient un 
lac. La navigation n’est pas dangereuse , 
dans quelques endroits on voyait le fond} 
mais en hiver , où les eaux sont grossies 
par les rivières qui se débordent , la naviga- 
tion , par un vent fort , est très-difficile et 
souvent périlleuse. 

A notre retour des provinces septentrion 
nales, nous traversâmes la province de Beira, 
après avoir passé le Douro à Pezo da Regoa. 
Notre voyage s’étendit principalement sut 
l’Estrella, dont nous parlerons plus bas*. Entre 
Lamego et l’Estrella se trouve la ville de 
Viseu , où l’on tient une foire célèbre au 
commencement de septembre; on y vend 
pour plusieurs millions de crusades de bijoux, 
d’ouvrages d’or et d’argent , de drâps et de 
bestiaux. Notis recommandons à d’autres 
voyageurs de visiter les bains chauds dè 
St.-Pedro do Sul , sur la droite du chemin de 


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/ 


( 95 ) 

Viseu; car nous nous hâtâmes d’arriver à 
FEstrella, et à notre retour le Comte de 
n’eut pas le temps de s’y arrêter. 

route depuis l’Estrella jusqu’aux fron- 
tières de l’Estremadure, passe par S.-Romao % 
Caragoça, Gallizes , Moite , VendadoValle , 
Sovereira - Formosa , Ponte de Murcclla , 
Poyares , Foz de Aronce , et Corvo . On 
pourra , d’après ces noms, rectifier les erreurs 
qui se sont glissées dans le Tome 1 , dam 
l’orthographe de ces mots. 

2. 0 Voyage à Bussaco et VEstreüa: 

Le dessein du Comte de/L... était de visiter 
pendant l’hiver l’Estrella , le GerezetleMarao, 
pour y recueillir des plantes cryptogamiques. 
Il arriva le 16 janvier 1800, à Coimbre. 
A cette époque même les environs de Coimbre 
présentaient un coup - d’œil aussi agréable 
que varié, et on a raison de dire que ce 
paysage est un des plus beaux du royaume. 
Pour bien s’en convaincre , il faut avoir 
parcouru les promenades charmantes qui 
en font le principal ornement. L’aspect 


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C 96 ) 

des coteaux boisés, et des sites pittoresques 
des hautes montagnes, est enchanteur; nulle 
part l’œil n’est blessé par des objets désa- 
gréables. Le séjour de la ville supérieure est 
sur-tout attrayant par la belle perspective 
dont on y jouit. 1 

On nous avait souvent parlé avec éloge du 
couvent de Bussaco, situé sur une haute mon- 
tagne, à trois lieues de Coimbre, à cause des 
belles quintas qu’il renferme; il était digne 
de toute notre attention à cause des plantes 
cryptogamiques que nous espérions y trouver. 
Les moines qui l’habitent sont des carmes de 
l’ordre des Marianos . Outre la règle générale 
de l’ordre, ils sont soumis à des règlemens 
particuliers très- sévères. Aucun étranger ne 
peut entrer dans le couvent sans une per- 
mission du général de l’ordre. Quoiqu’il soit 
souvent en voyage , on le trouve ordinairement 
dans le couvent dos Remedios , à Lisbonne. 
Le chemin jusqu’au village Pampilhosa , à 
deux lieues de Coimbre , est passablement 
uni ; bientôt il s’élève , et une vallée profonde 
et entourée de rochers annonce de hautes 
montagnes ; elles sont pelées, et on n’aperçoit 


) 


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C 97 ) 

des forêts de chênes que dans quelques en- 
droits. Plusieurs croix annoncent le voisinage 
du couvent, et bientôt après on arrive à la 
porte du mur d’enceinte : elle est ornée des 
images de la mort ; des crânes et des ossemens 
figurés par des pierres noires et blanches 
incrustées , l'entourent. Après avoir sonné, 
on est introduit par un frère lai. 

L’étranger, préparé par cet esprit sinistre, 
est agréablement surpris de se trouver à 
.l’ombre de chênes antiques. Une épaisse 
forêt environne le couvent ; de beaux arbres 
ombragent les chemins qui serpentent dans 
. toutes les directions , et qui aboutissent tantôt 
à une chapelle, tantôt à un crucifix, tantôt à 
un autel caché par des buissons ; une mousse 
épaisse et verdoyante couvre le sol et le tronc 
des arbres ; des ruisseaux sortant des rochers 
disparaissent sous le touffu des broussailles; des 
cyprès majestueux , dont les troncs existent 
depuis deux siècles, groupés pittoresquement ; 
des pins maritimes élevés et d’antiques chênes 
couronnés de lierre, forment cette forêt sacrée. 
Un brouillard épais qui régnait dans cette triste 
journée d’hiver , nous déroba la vue de la cime 

7 


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. ( 98 ') 

des arbres; ce séjour solitaire, ce couvent 
consacré a u silence , l’habillement bizarre des 
moines, remplissent l’ame d’une terreur invo- 
lontaire. Oubliant le monde , oubliés par lui , 
les habita ns de ces lieux se promènent à 
l’ombre des cyprès , en gardant un silence 
religieux. On dirait que la religion a établi ici 
son trône majestueux et formidable. 

Le couvent est situé sur le revers septen- 
trional d’une montagne qui a environ la hau- 
teur de celle de Cintra; la mer reste à la 
distance de cinq lieues en ligne directe. Un 
espace d’une lieue de circonférence est entour- 
ré de murs et consiste en une forêt épaissse, 
à l’exception du jardin potager et de quelques 
champs cultivés. Le bois taillis est formé par 
le tinus (viburnum tinus ) , le houx ( llex 
aquifolium ) , le fraisier- arbre ou arbousier 
(arbutus unedo ) et quelques autres epèces ; 
le bois de haute futaie se compose de chênes , 
de pins maritimes et de pins de Goa. Ce bel 
arbre , dont j’ai fait mention T. I , p. 401 , a 
été apporté ici de Goa, il y a plus de deux 
cents ans. On voit encore les premiers arbres 
qu’on a plantés , et de cette quinta sont sortis 


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C 99 ) 

originairement tous ceux qu’on voit dans le 
royaume, et peut-être en Europe. La cime la 
plus élevée de la montagne est à une demi- 
lieue du couvent. On y jouit d’une vue très- 
étendue jusqu’à la mer , et dans les environs 
on ne voit pas de montagne plus élevée , 
excepté au nord la Serra de Caramulo , et 
au nord-ouest la Serra de Estrella. 

Le froid est bien plus vif ici qu’à Coimbre. 
Depuis quelques semaines il avait gelé conti- 
nuellement ; il était tombé de la neige à la fin 
de janvier , mais elle ne restait pas long-temps 
sur la terre ; cependant la cime de la Serra de 
Caramulo en était couverte. 

Le genre de vie des moines est très-rigou- 
reux. Plusieurs heures du jour et de la nuit 
sont consacrées à la prière et à chanter au 
chœur fils ne mangent jamais de viande, et 
il ne leur est permis de parler que tous les 
quinze jours , le soir en se promenant. Il n’y 
a que le prieur ou padre hospideiro , qui est 
obligé de recevoir les étrangers et de s’entre- 
tenir avec eux , qui soit excepté de cette règle. 
Il se dédommagea amplement du silence qu’il 
avait été contraint de garder , parce que depuis 

7 * 


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( *00 ) 

long-temps il ne voyait plus d’étrangers; il 
parla continuellement , et il e'tait bien excu- 
sable. Les terreurs de la religion disparaissent 
bientôt dans ces couvens austères, par la con- 
versation animée des moines. Au reste nous fû- 
mes bien accueillis , et traités parle prieur avec 
politesse et beaucoup d’égards. On nous servit 
à dîner des légumes , des œufs et de la morue : 
toutes ces choses étaient fort bien accommo- 
dées : le vin était bon. En sortant on laisse une 
petite offrande qui n’est jamais refusée, car 
on prétexte qu’elle servira à dire des messes. 

De Coimbre nous continuâmes notre voyage 
à l’Estrella. A une lieue de la ville , près de 
Torres , on passe le Mondego ; et après avoir 
traversé des montagnes élevées , on arrive à 
Ponte de Murcella , à trois lieues de Torres. 
La route depuis cet endroit jusqu’à Cea a été 
décrite dans le tome II. Dont Louis Bernardo , 
dont le vrai nom est Dont Louis Bernardo. 

t 

Pinto Homen e Mendoza, fit encore l’accueil 
le plus flatteur au Comte, à Cea. Le 9 février 
nous gravîmes l’Estrella. Dans le petit village 
de Poooa , sur les premiers degrés de l’Es- 
trella, nous trouvâmes de la neige ; mais il n’y 


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C I°» ) 

en avait point dans la vallée qui entoure Sabu- 
geiro. Le rio de Al va était très -large. A 
l’opposé de Sabugeiro et du rio de Alva on 
aperçoit une petite forêt de bouleaux , dont 
la situation ne paraît guères plus élevée que 
celle du village. Mais , avant d’y parvenir , 
tout était couvert de neige ; elle était si épaissè 
en montant, qu’il nous fut impossible d’avan- 
cer. Dans les vallées moins fertiles nous aper- 
çûmes à travers la neige une jolie variété de 
la narcisse; dans les lieux exposés au soleil 
elle était en fleurs. 

4 

Nous continuâmes notre route par Con- 
tenças jusqu’à Mangualde ; il en a été fait 
mention T. Il , p. 76 , où il faut rectifier 
l’erreur relative à ces deux noms. Mais de 
Mangualde nous nous dirigeâmes sur Alca- 
videque , petit bourg à trois lieues de cet 
endroit , par une contrée montagneuse , mais 
fertile et bien peuplée , comme c’est l’ordi- 
naire sur les premiers degrés de l’Estrella. 
Un ci-devant jésuite , qui habitait le bourg 
voisin de Ferreira , et qui avait été pendant 
18 ans à Vienne , vint nous visiter pour 
nous conduire à Ferreira de Ares, couvent 

l 

7.. 


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\ 


C 102 ) 

de religieuses , où il avait une sœur et quatre 
cousines. On les appela au parloir , où se 
rendit aussi l’abbesse. La conversation fut 
très-gaie ; ces femmes parlèrent beaucoup, et 
éclataient de rire à chaque occasion. On nous 
servit du thé et des pâtisseries. Ces sœurs 
sont bénédictines. 

La route depuis Alcavideque à Mondein , 
traverse un plateau élevé. Le temps était 
affreux ; un ouragan accompagné de pluie et 
de grêle * et d’un froid très-vif , continua 
pendant toute la journée ; les torrens étaient 
grossis , et augmentèrent la difficulté du 
Voyage. Mondein est à quatre grandes lieues 
d’ Alcavideque. Avant d’arriver à ce bourg , on 
descend une montagne considérable, garnie, 
comme les environs , de châtaigniers. On 
aperçoit quelques champs et des pâturages , 
au bord de la rivière Varosa. De l’autre 
côté, on voit des montagnes dont la cime 
est couverte de* neige, et dans l’éloignement 
nous aperçûmes la Serra de Mctrao au-delà 
du Douro , qui était entièrement couverte de 
neige. En été , cette contrée doit être fort 
agréable. Il y a beaucoup d’industrie dans 


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/ 


C 103 ) 

le bourg de Mondein; les habitans s'adonnent 
à l’éducation des vers à soie , et fabriquent 
des bas et d’autres objets de cette matière ; 
on y fait aussi des bas de laine. Mondein 
n’est qu’à deux, lieues de Lamego qu’on 
connaît par nos précédens voyages ; il est 
situé sur la chaîne de montagnes élevées 
qui bordent le Douro. La route, depuis La-* 
mego à Peza da Regoa , ou aux rives du 
Douro, à laquelle on travaillait du temps da 
notre premier voyage , n’était pas achevée. 

3 °. Troisième voyage à VEstrella , par 
' Almeida et Guàrdai 

I 

Après avoir visité le Traz os Montés , le 
Comte de H*... se dirigea de nouveau vers 
l’Estrella et une partie de la province de 
Beira. Ainsi qu’il a été dit plus haut , il 

* passa, le 22 mars 1806 , le Douro à Bûrcà 
de Alvû, près de Ereixo de Espada cinta y 
et quitta le Traz os Montés , pour se rendre 

* dans le Beira. Les montagnes de ce côté-ci , 
sont arides , mais la pente est douce. Le 
sommet en est applati et parsemé d’amas dé 


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( io4 ) 

rochers. Scathao est un mauvais village à 
trois lieues de Freixo , où nous ne trou- 
vâmes d’autre gîte que celui que nous offrit 
le juge de l’endroit , dans la maison commune. 

La forteresse Almeida est à trois lieues 
plus Join ; le pays est toujours le même, 
excepté que près d’Almeida il est plus désert 
et plus aride. A une demi-lieue de la ville, 
le torrent Coa se précipite des montagnes 
ses bords présentaient un aspect si triste, 
que nous ne fûmes pas tentés d’y faire une 
excursion botanique. Almeida est située sur 
une colline ; cette ville n’est point désagréable, 
l’auberge y est bonne, mais d’une cherté 
excessive. On prétend que c’est une des meil- 
leures forteresses du royaume ; sa position 
avantageuse la rend importante, car elle do- 
mine sur toute la plaine. Elle est pourvue 
d’une citadelle ; cependant ses fortifications 
ne sont point régulières. En 1762, Almeida 
fut prise par les Espagnols , après un siège 
de peu de jours , ce qui couvrit de honte les 
Portugais et les Espagnols. Le commandant 
se comporta en homme lâche, et parlait déjà 
de capitulation, lorsque l’ennemi n’était pas 


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/ 


( io5 ) 

encore au pied des murs; le général espagnol 
commit faute sur faute. Le commandant de 
la place fut enfermé et mourut en prison. 
Après la prise d’Almeida, l’armée espagnole 
se répandit dans une partie de la province, 
jusqu’à ce qu’elle rencontrât le corps com- 
mandé par le Comte de la Lippe. Les deux 
armées se dirigèrent presque en ligne paral- 
lèle, vers les bords du Tage. 

La route de Guarda passe par une contrée 
qui est d’abord couverte de collines , et 
ensuite parsemée de rochers et de monta- 
gnes; elle traverse les villages Aldea nova , 
Freixo et Pincio. Les environs de Pincio sont 
couverts de genêt du Portugal ( genista lusi- 
tanica ) , arbuste singulier , sans feuilles et 
pourvu d’épines et de jolies fleurs jaunes. Des 
champs entiers en étaient couverts; il forme 
des buissons de cinq à six pieds. On aperçoit 
de loin Guarda , situé sur une hauteur au 
pied de laquelle croissent des châtaigniers , 
mais dont le sommet est triste et pelé. On 
compte six lieues d’Almeida à Guarda. 
Quoique Guarda porte le nom pompeux de 
jpidade, on ne peut cependant pas faire l’éloge 


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C 106 ) 

de cette ville qui est triste et déserte. À unê 
lieue de distance on aperçoit te Mondego qui 
serpente dans une vallée profonde. A mesure 
que l’on descend vers ses bords , le pays est 
plus chaud et mieux cultivé, et l’on voit se 
succéder des champs, des plantations d’oli- 
viers , des vignes et des vergers. Lés eaux du 
Mondego sont très-iimpides ; on s’y promène 
avec plaisir en bateau. Plusieurs habitans de 
Guarda ont ici de belles propriétés, accom- 
pagnées de jardins agréables et ombragés. Il 
y a beaucoup de poissons dans cette rivière , 
sur-tout des truites. Un village voisin et un 
pont de pierre donnent à la contrée le nom 
de Ponte de Faya. La belle plantation de 
mûriers du colonel Oliveira d’O-Porto mérité 
une attention particulière. 

Depuis Guarda à Covilhao , à six lieues, le 
.chemin n’est pas fort agréable. A quelque 
distance de Guarda on traverse une belle 
vallée qui ne continue cependant pas pendant 
long-temps. On passe le Zezeré , et on aperçoit 
Belmonte sur une montagne aride. Avant 
d’arriver à Covilhao , on monte considérable- 
ment, car ce lieu est situé sur la branche 


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C io 7 ) 

orientale de l’Êstrella. Il est renommé par 
ses manufactures de draps qui furent établies 
au commencement du 1 8.® siècle , par le 
Comte Ericeira , et qui sont encore en bon 
état. On y fabrique de gros draps pour les 
troupes et les classes inférieures du peuple ; 
ils ne sont pas chers. Ce bourg jouit par- là 
d’une nombreuse population et d’une certaine 
aisance, quoiqu’il ne soit ni aussi joli, ni aussi 
considérable qu’on a lieu de l’attendre. Des 
châtaigniers et des oliviers rendent le pays 
supportable , mais ne peuvent détruire l’im- 
pression désagréable que laissé l’âspect d’un 
sol aride et pierreux. Au reste cette situation 
est bien choisie pour des manufactures de 
draps. La Serra de Est relia sert , dans toute 
Son étendue, de pâturage aux moutons; elle 
nourrit presque tous les moutons du royaume; 
ces montagnes sont très -peuplées, mais les 
moyens de' subsistance sont nuis à cause de 
l’aridité du sol et de la rigueur du climat. J’ai 
déjà observé dans le tome II, que l’EstrelIa 
donne naissance à bien moins de ruisseaux 
que le Gerez ; et si ces ruisseaux deviennent 


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( *°8 ) 

de grandes rivières , cela ne tourne pas à son 
profit. 

Un chemin pierreux qui traverse une con- 
trée triste et déserte , conduit à Manteigas 
( et non Monfeigas, comme il est dit T. II, 
p. 83 ) , situé à trois lieues de Covilhao , sur 
la rive gauche du Zezeré. Ce bourg consi- 
dérable ou régnent la gaîté et l’industrie , se 
trouve dans une vallée ornée de vergers , 
de châtaigniers , de jardins et de champs , 
et qui ressemble un peu à celle de Cea, 
Nous vîmes d’ici les sommets couverts de neige 
de l’Estrella. Le village Sabugeiro n’est qu’à 
la distance de deux lieues. On monte d’abord 
à l’ouest , ensuite on traverse une forêt de 
chênes , et on parvient à Sabugeiro par un pays 
agreste et couvert de rochers. Quoique nous 
fussions au printems dans ces montagnes , 
les environs du village n’étaient guère plus 
beaux qu’à notre premier voyage au mois de 
juillet. Nous fûmes accueillis avec une égale 
politesse par les habitans ; mais la misère 
règne dans ce village. Les fèmmes et les 
enfans étaient couverts de haillons et de- 


I 


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( , io 9 ) 

mandaient l’aumône. Un hiver long et ri- 
goureux était sans doute la cause de cette 
pauvreté. Us n’ont pour tout moyen de subsis- 
tance que leurs troupeaux de moutons; mais ils 
sont obligés d’envoyer ceux-ci pendant cinq 
mois de l’année dans l’Alemtejo * et la cherté 
des pâturages , ainsi que les frais du voyage, 
absorbent presque la valeur de la laine. Il 
ne leur reste comme profit que le fromage 
et la viande , deux articles bien modiques 
en comparaison de tant de denrées qu’ils sont 
obligés d’acheter argent comptant. Ils gra- 
vissent, au danger de la vie, des rochers inac- 
cessibles , pour recueillir de la racine de 
gentiane, qu’ils vendent dans les pharmacies. 

Le 3 1 mai , il y avait encore de la neige 
à quelque distance de Sabugeiro ; elle n’em- 
pêchait cependant pas de parvenir aux deux 
lacs Lagoa Redonda et Longa. Dans quel- 
ques endroits nous fûmes obligés de passer 
sur la neige , qui était couverte d’une croûte 
de glace assez épaisse pour nous porter ; il 
y a cependant du danger lorsque la neige 
est amoncelée, et qu’il se forme une croûte 
pareille ; il arrive souvent que cette neige 


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C "O ) 

fond , et que la glace forme une voûte sur 
laquelle on ne peut pas marcher avec sé- 
curité. Les deux lacs dont les eaux tran- 
quilles réfléchissaient les rochers couverts de 
neige , offraient un aspect qui doit étonner 
en Portugal. La neige qui se confond quel- 
quefois à la verdure des prés , nous rappela 
les Alpes. La température qui est chaude à 
Sabugeiro, était ici d’une fraîcheur agréable. 
Nous vîmes fleurir trois sortes de narcisses 
dans les prés ; elles se faisaient souvent jour 
à travers la neige. L’épaisseur de la neige 
nous empêcha d’aller du Lagoa Longa au 
Lagoa Escura. Cependant la neige ne sé- 
journe jamais aussi long-temps dans ces mon- 
tagnes ; la grande quantité qui en était 
tombée est un phénomène si extraordinaire # 
que les habitans les plus âgés ne se rappellent 
pas d’en avoir vu un pareil. Les hivers ri- 
goureux de 1798 , 1799 , et de 1799 ® 1800, 
étaient la cause de ce phénomène. En hiver 
et au printems , le Lagoa Escura décharge 
ses eaux dans le Lagoa Longa 3 et ces deux 
se jettent , par le moyen de plusieurs tor- 
rens, dans le rio de Alva. Ces trois lacs 

\ 


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(MI ) 

sont formés par des sources et la fonte des 
neiges ; ils se débordent aussitôt que l’eau 
n’est plus au niveau des bords. Ils ne pos- 
sèdent aucune des propriétés miraculeuses 
que leur attribuent plusieurs voyageurs. 

Le Comte de AT.,., désirant passer quelques 
jours sur ces montagnes , avait fait venir 
pour cet effet une tente de Coimbre à Co~ 
vilhao. Il choisit , pour l’établir , un pré qui 
se trouve au pied des grands amas de ro- 
chers dont j’ai parlé T. II , pag. 85. Il 
y a deux masses de rochers , dont l’une se 
nomme Cimadouro dos Caes , et l’autre 
Cantaro Delgado ; elles sont séparées par 
un étroit vallon. Le pré porte le nom d Al~ 
bergaria. Pour y parvenir , nous fûmes 
obligés de retourner à Mantaigas. On suit 
le cours du Zezeré dans une vallée entourée 
de montagnes arides et pelées , au pied des- 
quelles les habitans récoltent un peu de bled 
à force de travail et de soins. A une lieue 
de Manteigas , on voit se précipiter du haut 
des rochers le rio da Candieira , torrent 
impétueux qui forme une cascade d’une hau- 



( 112 ) 

teur et d’un volume considérables. Après 
avoir gravi quelques rochers, nous parvînmes 
au petit pré Albergaria , au pied et à l’est 
de ces masses de rochers. Le Zezeré sort 
de dessous la neige , et serpente comme 
un petit ruisseau dans le pré. Il est cepen- 
dant séparé de cet amas de rochers par un 
autre pré nommé Argentaria , et par des 
précipices efFrayans. Un de ces rochers , Cï- 
madouro dos Cass, est épais et forme plusieurs 
aiguilles; l’autre, Cantaro Belgado , paraît 
un cône pointu , dont le sommet , selon le 
témoignage unanime des habitans , n’a ja- 
mais été gravi ; on le regarde même comme 
inaccessible. Derrière la première masse des 
rochers, se trouve la vallon Cavar das Va- 
cas , |qui se termine par une montagne escar- 
pée. Le rio de Unhals en sort et forme plu- 
sieurs cascades ; il se dirige au midi pour 
aller joindre le bourg Unhals , où k il y a des 
bains chauds. 

Le Comte de II... faillit perdre la vie dans 
les précipices et dans les neiges de l’Estrella , 
le 4 juin 1800. Je citerai le passage de son ~- 

i 

I 


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( n3 ) 

Journal , où il fait mention d’un événement 
auquel on n’avait pas lieu de s’attendre dans 
un pays comme le Portugal. 

« Je me proposai de visiter ce matin le 
» vallon au pied du Cantaro Delgado. Après 
» avoir monté pendant quelque temps , en 
» poursuivant le cours de Zezere , j’arrivai 
» dans une jolie prairie nommée Covao de 
» Metade , et qui ressemble un peu à l 'Al- 
» bergaria. Bientôt après j’eus le plaisir de 
» rencontrer, pour la première fois en Por- 
» tugal , la narcisse jaune , peu estimée dans 
j) nos jardins , mais qui est fort belle dans 
» ce pays. Elle croît sur le penchant d’une 
j) colline couverte d’une riche verdure , et 
» nommée par les habitans Malhcida do 
3 ) Covao Cimeiro . Le Covao Cimeiro est 
» un petit pré dans une situation plus élevée, 
» et auquel je ne parvins .qu’après avoir 
3> gravi avec peine un rocher escarpé. J’avais 
33 le ruisseau à gauche ; à l’opposé s’élevait 
» le Cimadouro dos Caes , et à droite , à 
» peu de distance , le Cantaro Delgado. Le 
» pré était encore couvert de neige dans 
» plusieurs endroits , mais elle commençait 

8 


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( 1 *4 ) 

» à fondre : deux espèces de narcisses se fai- 
V saient jour à- travers la neige. Le vallon 
» était entouré de toutes parts de précipices 
» et de rochers à pic ; à droite et au 
» nord , les rochers s’élevaient perpendicu- 
» lairement, et formaient différons degrés 
» jusqu'au Cantaro Gordo , masse de roches 
» qui ressemble au Cantaro Delgada , mais 
» qui est plus considérable et éloignée de 
» celui-ci , en ligne directe , d’un quart de 
» lieue. Les précipices étaient remplis de 
» neige que le vent avait amoncelée , et qui, 
» fondant à sa base , formait plusieurs sources. 
» Souvent les précipices se rapprpchaient de 
» manière à produire de petits vallons cou- 
» vertsde neige; celle-ci était si dure , qu’a- 
» près avoir hésité un moment , je résolus 
» de la franchir. Mon dessein était de me 
» rendre sur le plateau le plus élevé des 
» montagnes , que je connaissais déjà par 
» mes précédens voyages ; j’étais curieux de 
» voir quel effet la neige y produisait, et si 
» sa masse était considérable ; ce que je pou- 
» vais à peine concevoir, en le comparant à 
» l’état où jele visalors , quoique le bord supé- 


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C ) 

» rieur fût couvert d’une neige très-épaisse. 
» Après avoir gravi , avec les plus grandes 
» difficultés .et pendant plusieurs heures , les 
» rochers à pic , j’atteignis le bord supé- 
* rieur; mais il était si élevé , et sur -tout 
» si escarpé , que ce ne fut qu’avec le plus 
» grand danger que je hasardai de le gravir. 
» Je redescendis un peu , et je traversai un 
» vallon de neige large de cinquante pas. 
» Ensuite je parvins à la lisière des rochers 
» arides , et enfin au plateau le plus élevé , 
» dont les aiguilles ont à-peu-près la hau- 
» teur des Cantaros. Le temps était sec et 
» doux-; mais le vent d’est , qui amène tou- 
j» joura le beau temps dans ces contrées,’ 
» avait tourné au sud-ouest, et le ciel se 
v couvrit de nuages , et d’un brouillard épais 
, 3) qui se répandait déjà sur X Argenteir al 
» J’avais entendu dire qu’un brouillard subit 
» couvre ces montagnes et devenait dan- 
» gereux pour le voyageur ; cependant je ne 
j> m’attendais pas à trouver cette vérité cpn- 
33 firmée aussi promptement. Après avoir 
» franchi quelques amas de neige , je vis 
» que le plateau supérieur en était entiè- 

8 . 


! 


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C "6 ) 

» rement couvert ; et jusqu’au sommet le 
» plus élevé , nommé Malhao da Serra , je 
» traversai une étendue de plus de deux: 
» mille pas sur la neige , qui avait trois à neuf 
» pieds d’épaisseur. Le Malhao était peut- 
» être entouré , pendant une demi - lieue 
» et plus , d’un pareil amas , car je ne vis 
» que le ciel et la neige. Lorsque j’eus 
» franchi ce sommet , où ma curiosité 
» fut amplement satisfaite par cette triste 
j) monotonie d’hiver , et que le brouillard 
v couvrait déjà une partie de l'horizon , je 
» crus prudent de me retirer. J’avais eu le 
» dessein de tourner le Cantaro Delgado et 
» le Cimadouro dos Caes au midi , et de 
» pénétrer par le Covao dus Vacas et 1 ' Ar- 
» genteira , jusqu’à Albergaria. J’aban- 
» donnai ce projet , et j’essayai ( ce que je 
» crus possible ) de gagner le revers de ces 
» masses de roches qui nie paraissaient s’unir 
» à celles qui séparaient notre camp de YAr- 
» ■ genteira . Depuis le bord du plateau je ne 
» vis en effet qu’un médiocre vallon de 
» neige à traverser pour y parvenir ; ainsi 
» je crus devoir le franchir. Dès le premier 


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V 


( »«7 ) 

» instant j’eus quelques craintes ; je descendis 
» passablement bien depuis le bord du plateau; 
» ensuite je fus arrêté par un amas de neige, 
» dont le bord , qui était dégelé, se détachait 
» des rochers et présentait peu de solidité. 
» Je fis un faux pas et glissai pendant quel- 
» ques minutes. Bientôt après j’eus l’inapru- 
- » dence de sauter, quoique sans danger, sur 

v un rocher avancé ; ce qui mettait un se- 
» cond obstacle à ma marche , si je ne pou- 
j> vais pas aller plus loin par le chemin que 
» j’avais d’abord choisi : et cet obstacle se 
» présenta aussitôt , à mon grand déplaisir ; 
» car l’endroit où je me trouvai ne présen- 
» tait aucune issue. De tous côtés je n’a- 
» perçus que des précipices affreux et aiv 
» cune possibilité de poser le pied avec as- 
» surance. Il ne me restait qu’une seule 
» issue : un énorme amas de neige régnait 
» jusqu’à une certaine profondeur le long 
» des rochers ; mais le bord en avait été 
y dégelé , et offrait une crevasse dont je 
» n’osai mesurer la profondeur. J’essayai 
» cependant d’y poser le pied ; mais paiv 
» tout la neige se détachait , et j’étais bien 

8 .. 


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' P 

( ïi8 ) 

» content de pouvoir me retirer sans ac- 
» cident. Je vis bientôt qu’il ne me restait 
» d’autre moyen que de gravir de nouveau 
» jusqu’au plateau supérieur , et de là soit de 
» reprendre ma première route , soit de me 
» tourner du côté opposé , vers Sabugeiro , 
j) où je n’avais point de risque à courir, 
» car les montagnes sont accessibles dans 
33 cette direction , et il y avait peu de 
3 > neige. Il fallut gravir d’abord le rocher 
3 ) escarpé ‘ au pied duquel je me trouvai ; 
j> mais ce fut en vain que j’en fis la ten- 
» tative : il était perpendiculaire, trop élevé 
3» et trop glissant , car je ne pus poser le 
» pied nulle part ; j’essayai à différentes re- 
» prises , mais toujours inutilement , et la 
» crainte s’empara bientôt de moi. Je me 
3 > disais : si je ne réussis pas à gravir le 
» rocher , et que la nuit et le brouillard 
» qui peut me devenir très -funeste , me 
33 surprennent dans ce lieu ? Quel était 
» celui de mes compagnons qui pouvait me 
» chercher ou m’entendre dans cette soli- 
» tüde ? Ainsi j’étais résolu de faire les essais 

» les plus désespérés pour sortir de ma cruelle 

/ 


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( ”9 ) 

» position. Après quelques instans de réflexions 
» et de tentatives réitérées , je mis en usage 
» toutes les forces qui me restaient , et ce fut 
» aveeun plaisir inexprimable que je vis mes 
» efforts couronnés d’un heureux succès , eu 
» parvenant au sommet de ce fatal rocher. 

» Cependant tous les obstacles n’étaient pas 
»» surmontés; il me restait encore l’amas de 
» neige à gravir : comme on sait , je ne l’avais 
» pas descendu, mais je m’étais laissé glisser. 

» J’essayai de grimper sur le rocher qui en 
» est voisin, mais il était trop escarpé; et 
» quoique l’amas de neige le fût également, 

» je pouvois y faire des trous , et y monter 
» comme sur une échelle. C’est ce qui eut 
» lieu en effet ; ce ne fut qu’à l’aide des 
» pieds , des mains et de ma canne , que 
» je parvins à monter au haut de cette 
» échelle de neige. Me voilà donc parvenu 
» au plateau supérieur , et en état de con- 
» tinuer ma route ; ce ne fut plus par plaisir 
» ou par curiosité , mais parce que c’était le 
» moyen le plus court et le moins difficile, ' 
» que je résolus d’exécuter mon premier 
» projet et de tourner le Cantaro . L’épais- 

8 . ». 


J 


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I 


. ( 120 ) 

5) seur du brouillard qui m’empêchait de 
v distinguer les objets , me fut très-con- 
y traire ; pendant long temps je marchai sur 
3) de la neige gelée. De crainte de retomber 
» dans le précipice à gauche, je me tins du 
3 > côté du plateau méridional , et il n’était 
» pas étonnant que j’eusse été trop loin. 
» Lorsque je me crus assez éloigné du rocher 
3) escarpé de Covao das Vacas , il me parut 
» qu’il était temps de quitter la neige. Je 
» descendis de la montagne à tout hasard , 
3> et, comme je l’appris par la suite, j’avais 
3> tenu la bonne, direction : je me trompais 
3 > cependant d’un seul vallon; car* au lieu 
v de descendre dans celui qui conduit de 
3> l’ Argenteira à Unhaes , j’en pris un autre 
» plus étroit et moins accessible , à l’ouest 
» du premier. Je vis bien que j’y étais à 
» l’abri de la neige et des précipices , mais 
» de hautes montagnes sans aucune trace 
» de chemin , m’entouraient. Je remarquai 
» que j’avais pris trop à droite ; ce ne fut 
s> qu’après avoir escaladé une montagne à 
» gauche , que j’aperçus dans le lointain un 
3) village que je reconnus pour être Unhaes 


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( 121 ) 

» et je remarquai que je me trouvais dans un 
» vallon inconnu. Il était trop tard , mais 
» la nécessité et la» certitude d’ètre échappé 
» à un danger évident , ranimèrent mon cou- 
» rage ; je résolus de descendre dans la vallée 
. » jusqu'au village , malgré son éloignement, 
» et de marcher jusqu’à ce que j’eusse ren~ 
» co’ntré des hommes. La montagne était 
» haute et escarpée ; des buissons et des 
» pierres énormes la rendaient fort difficile. 
» Je parvins cependant à la descendre-, et 
» à quelques pas du village , je rencontrai 
» un paysan , qui m'informa que je n’avais 
» qu’à passer le ruisseau üUnhaff sur un 
» pont voisin , et de monter la val* à 
» droite , pour parvenir à Y Argenteira , 
» dont la distance n’était que d’une lieue. 
» Le soleil était près de se coucher , et je 
» me hâtai de gagner la vallée ; mais je ne 
* » pus. avaucer très-vîte , car depuis 7 heures 
» du matin j’avais «continuellement marché 
» ou plutôt grimpé, sans prendre la moindre 
» nourriture. J’avais encore un rocher à es- 
» calader pour parvenir à Y Argenteira , 
» lorsque le brouillard s’épaissit subitement , 


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( ' 2 * ) 

» et me déroba la clarté du jour. Je coo- 
» tinuai ma route aussi bien que je le pus; 
9 j’a perçu$ un pré et je me crus déjà rendu 
» dans ma tente ; je le traversai , mais il 
j» me parut moins considérable , et j’entendis 
» le bruit d’une cascade , trop voisine pour 
» être V Argenteira. Lorsque je fus au bout 
9 de ce pré , je m’aperçus que je m’étais 

* trompé. Je vis reparaître de hautes mon- 
» tagnes, et briller la neige dans le crépus- 
» cale ; je fus bientôt convaincu d’avoir 
9 atteint l’extrémité du Covao das Vacas. Il 
9 ne me resta d’autre moyen que de re- 
» tourne^ sur mes pas et de chercher la 
9 b&ine route. Pendant ce temps , la nuit 
» était arrivée ; et si la lune n’eût répandu 
» quelque clarté , malgré l’épaisseur du brouil- 
» lard qui tombait en pluie très-fine , j’aurais 
» été obligé de rester dans le lieu où je me 
9 trouvais; mais j’espérais toujours atteindre 
9 notre camp , et je Redescendis la mon- 
9 tagne. Bientôt j’aperçus un pré que je 
» crus être X Argenteira , mais c’était le 
9 même que j’avais vu d’abord. Il ne me 

* fut plus possible de m’orienter. Enfin , 


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( 123 ) 

» je perdis toute espérance de retrouver ma 
» route, et je résolus de joindre un pâtre, 
» que j’avais aperçu conduisant un trou- 
» peau de bœufs , lorsque je montai la 
» montagne. Au même instant le brouil- 
» lard se dissipa un peu , et me fit aperce- 
» voir une montagne pelée que j’avais déjà 
» vue depuis l’ uirgenteira , et dans le loin- 
» tain je vis le rocher qui sépare ce pré 
» du nôtre. Je pus donc m’orienter , et je 
» montai aussitôt vers l’Argenteira , que j’at- 
» teignis bientôt après. Je le reconnus au 
» silence qui y régnait , à sa grande Ion- 
» gueur , à son peu de largeur , et à plu- 
» sieurs petits ruisseaux dont il était arrosé. 
» Il me restait encore le dernier rocher à 
» escalader : il faisait très-sombre ; il était 
» entre neuf et dix heures du soir ; il y 
» avait près de quinze heures que je mar- 
» chais , et j’étais tellement épuisé , que je 
» fus obligé de me reposer à chaque ins- 
» tant , et de faire des efforts pour m’em- 
» pêcher de dormir. Le désir d’abréger mon 
» chemin par la ligne la plus directe , fut 
» cause que je manquai le sentier très-peu 


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( 124 ) 

p battu , qu’on a de la peine à reconnaître J 
p même en plein jour. Je m’étais trop rap- 
p proché des montagnes élevées, et j’arrivai 
» parmi un amas de rochers et des buissons 
p épais. J’entendis appeler dans l’éloigne- 
p ment, et je répondis aussitôt de toute la 
« force de ma voix. La proximité d’un être 
» vivant me donna de nouvelles forces ; 
» j’avançai le pins promptement possible , 
» et j’entendis toujours la même voix ; elle 
» approcha , et je reconnus , à ses lamenta- 
» tions , un vieux pâtre qui m’avait servi 
» de guide ; il fut bientôt près de .moi. On 
» avait été fort inquiet sur mon absence ; 
v et lorsqu’il entendit où j’étais allé , il caî- 
p cula si bien la route que j’avais dû tenir , 
» qu’il vint à ma rencontre. La certitude 
p d’être bientôt au terme de* ma pénible 
3» excursion ranima mon courage. Nous nous 
» traînâmes lentement parmi les brouis- 
» «ailles , car il était impossible de marcher. 
» Le vieux pâtre ne put pas reconnaître le 
» sentier , et nous arrivâmes dans notre 
» camp , dont nous aperçûmes les feux de 
» loin, par une route toute opposqe. Mon 


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( 125 ) 

» plaisir fut inexprimable , de me retrouver 
*> au milieu de mes compagnons , et le lait 
» que je bus me rétablit entièrement. Je 
» crus pouvoir bien dormir , mais j'avais 
» fait des efforts trop violons ; j’eus un 
» sommeil inquiet et agité par des rêve* 
» effrayans. Pendant quelques jours je res- 
» sentis une douleur très-vive dans tous les 
» membres ». 

Ce récit suffira pour donner au lecteur une 
idée de la Serra de Estrella , que nous au- 
rons occasion de visiter une seconde fois , et 
que l’on peut nommer avec raison les Alpes 
du Portugal. 

i 

4,° Voyage depuis la Serra de Estrella , 
jusqu à la Serra de Louzaa. 

Après notre excursion dans les mon- 
tagnes, nous retournâmes à Manteigas. A 
une demi-lieue de cet endroit , en remontant 
le Zezeré , on rencontre sur les bords une 
source d’eau douce , qui est visitée par les 
malades des environs. Elle sort entre des 
blocs de granit , et n’a ni goût ni odeur. 
On a eu moins égard ici que dans toute 




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C la® ) 

autre province du royaume où se trouvent 
des bains chauds , à la commodité de ceux 
qui visitent ces sources ; on était cependant 
occupé à construire quelques nouvelles ha- 
bitations. Ici , comme partout ailleurs en 
Portugal , les sources chaudes sortent du 
granit , et prouvent qu’il existe un feu sou- 
terrain qui menace le pays de ses éruptions 
et de ses bouleversemens, . 1 

La route de Covilhao était aussi désa- 
gréable qu’ auparavant. Pour atteindre Fun- 
dao.i on descend dans la plaine; là on tra- 
versé le Zezeré sur un pont , et ensuite op 
parvient dans un pays inégal , où on aper- 
çoit , tantôt des bouquets de chênes , et tan- 
tôt des champs fertiles , parsemés de fleurs et 
de plantes rares. Le joli bourg de Fundao • 
à trois lieues de Covilhao , est renommé 
par la beauté de son site. Il y fait bien 
plus chaud qu’à Covilhao : le bled était plus 
près de sa maturitéque dans cet endroit, et 
des vignobles considérables entourent le bourg. 
Il est adossé à une colline ornée de vergers 
et de vignobles , dont le sommet est cou- 
ronné par une sombre forêt de châtaigniers. 


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C *27 ) 

traversée de promenades agréables. A Top- 
posé de la colline , on remarque un beau 
vallon arrosé par un ruisseau ; dans le 
fond la Serra de Alpedrinha présente sa 
cime pelée, d’où Ton jouit d’une vue très- 
étendue. L’Estrella se montre du côté le 
plus avantageux ; on voit distinctement son 
sommet le plus élevée ,le Malhao da Serra , 
et d’autres parties do la montagne , entre 
les Cantaros , ainsi que le rocher qui sépare 
l ’ Argenteira de Y Albergaria. Ensuite , la 
vue se promène sur la vaste plaine , à l’est 
de TEstrella , qui s’étend jusqu’à Almeida, 
et les frontières d’Espagne au pied de la 
Sierra de Gata . On remarque que l’Est relia 
n’a aucune communication avec la Sierra 
de Gata , quoiqu’on prétende qu’elle en 
forme une branche. Au pied de la monta- 
gne, vers le nord-est, se trouve le bourg 
Alpedririha. De l’autre côté, au sud et au 
sud-est , on distingue les plaines vers Idunha , 
Castel Franco et le Tage ; ce n’est qu’au 
sud-ouest que la perspeçtive est bornée par 
une partie de* l’Estrella. Cette vue magni- 
fique , la charmante vallée , la belle forêt 


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C »8 ) 

de châtaigniers , et la plaine fertile, rendent 
le séjour de Fundao un des plus agréables 
du royaume. 

On suit pendant quelqiie temps les environs 
fertiles et bien peuplés de Fundao ; ensuite 
on découvre des montagnes arides , vers 
Sobral , petit bourg situé dans une gorge à 
cinq lieues de Fundao ; nous essuyâmes ici 
un orage dans la nuit du io juin. Le climat , 
près des hautes montagnes, ressemble à celui 
des contrées septentrionales , parce que les 
orages y sont plus fréquens en été qu’aux 
environs de Lisbonne. 

A peu de distance de Sobral, vers Ar- 
ganil , on monte sur la Serra de Cerveira , 
chaîne de montagnes assez haute , mais 
aride et désagréable ; les deux tiers de la 
route la traversent , et ensuite on descend 
dans la belle et fertile plaine d 'Arganil , 
qui est ornée de forêts de pins maritimes 
et de châtaigniers. L’évêque de Coimbre est 
comte d 'Arganil , titre qui réunit des pos- 
sessions considérables. Dans nos précédens 
voyages on nous apprit qtfil y avait des 
mines d’argent autour d? Arganil; mais tout 


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( I2 9 ) 

ce que nous pûmes apprendre à ce sujet , 
c’est qu’on les avait decouvertes à une lieue 
d 'Arganil , dans le district de Goes. Arganil 
est à six lieues de Sobral. 

La contrée , jusqu’à Louzaa , est égale- 
ment bien cultivée et ornée de pins mari- 
times, de châtaigniers et de quelques chênes. 
Le petit bourg de Louzaa , à quatre lieues 
d’ Arganil , est situé au pied de la Serra, 
de Louzaa , haute chaîne de montagnes cal- 
caires qui forme l’extrémité de celle qui 
s’étend depuis Lisbonne jusque vers Coimbre. 
On recueille , en hiver , de la neige dans ces 
montagnes pour la conduire à Lisbonne , lors- 
que le magasia de Montejunto a été épuisé 
en été. La Caza de Neve , ou magasin à 
neige , est à une lieue du bourg de Louzaa. 
Pour y parvenir , on est obligé de gravir 
des montagnes arides , couvertes de bruyères. 
Ce lieu est aussi élevé au-dessus de Louzaa , 
que Sabugeiro dans l’Estrella l'est au-dessus 
de Cea. Le magasin à neige e§t situé près 
d’une chapelle nommée Saut - Antonio du 
Npve > qui a sans doute*été construite par 
le fermier , d’une partie de ses bénéfices. 

, 9 


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1 


( i3o ) 

C’était la fête du saint ; on y disait la messe* 
à laquelle assistait le peuple des environs. 
Le gouvernement portugais a tâché de ré- 
duire tout en monopole ; il n’est donc pas 
étonnant que le commerce de la neige soit 
affermé à Lisbonne , et que la neige et la 
glace soient vendues très -cher dans ces cir- 
constances. La méthode de ramasser la neige 
est différente de celle observée à Montejunto: 
là , on s’attache plutôt à la glace ; ici , à la 
neige : là , on a des puits profonds ; ici , des ' 
magasins souterrains , où la neige , amasssée 
par les habitans voisins , est entassée : il y a 
plusieurs de ces magasins. Ils ne sont pas 
situés sur le sommet le plus élevé de la 
Serra de Louzaa , mais sur le revers sep- • 
tentrional de la montagne. Peur transporter 
la neige , on la jette dans des paniers et 
on la sort du magasin ; ensuite on la foule 
dans des moules allongés qui consistent en 
deux pièce#* de façon à pouvoir les diviser. 
Après que la neige a été foulée , on la sort 
du moule et on l’emballe dans de la paille 
et de la toile ; ensmte elle est chargée sur les 
voitures. On ne marche que la nuit ; et , 


* 


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C» f 3r ) 

quoique l’eau découle continuellement de ces 
voitures , une grande quantité de neige est 
rendue à sa destination sans être fondue. Les 
mauvais conduits de calorique dont la neige 
est entourée , empêchent l’effet de la chaleur 
extérieure ; peut-être que T-évaporation de la 
paille imbibée d’eau occasionne un certain 
degré de froid. Journellement il part d’ici 
des cargaisons de neige qui prennent la rou'ce 
d' Espinhal et de Vallada , et descendent 
ensuite le Tage jusqu’à Lisbonne. On trans- 
porte aussi de la neige à Coifhbre. 

Du haut des montagnes , la plaine de Lou- 
zaa , qui a une lieue d’étendue , présente un 
coup-d’œil agréable , parce qu’elle est par- 
tagée en champs réguliers entoures d’arbres. 
Ces montagnes sont fort peu intéressantes 
pour la botanique; Il n’y a point d’auberge 
à Louzaa : un paysan eut la complaisance 
de nous offrir sa maison. 
i De Louzaa à Goimbre il y a quatre lieues. 
On prend la route de la plaine où est situé 
le village ; ensuite on parvient , en passant 
sur des montagnes , à Nossa Senhora da 
Serra, d’où l’on aperçoit la belle campagne 

9 - 


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( <30 

autour de Coimbre. Avant d’y arriver , il 
faut passer le Rio de Eça et le Mondego 
dans un bac. 

5°. Les environs de l'embouchure du 
Mondego. 

Le Mondego se partage au-dessous de 
Coimbre , et jusqu’à son embouchure , eu 
plusieurs bras , et inonde en hiver une grande 
étendue de pays qui est rendu par -là très- 
fertile , mais mal-sain à cause des eaux crou- 
pissantes. Nous n’avions trouvé encore que 
peu de plantes des marais dans le royaume ; 
Brotero en cite plusieurs qui croissent dans 
ces contrées : il nous conseilla de suivre la 
rive méridionale du fleuve , et de passer 
par Pereira. On traverse d’abord le beau 
pont du Mondego , et on arrive par un pays 
tantôt plat et tantôt raboteux , mais bien 
cultivé , au bourg de Peireira , à deux lieues 
de Coimbre, où il y a une bonne auberge. 
Ce bourg est situé dans une grande plaine , 
large de plusieurs lieues et bornée par des 
collines ; elle est inondée en hiver lorsque 


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( ,33 ) 

la rivière sort de son lit , et fournit d’abon- 
dantes récoltes de maïs , de fruits et de 
melons. 

De Pereira à Montemor o Vclho , on 
compte deux lieues , mais il y a à peine 
une lieue et demie. Au-delà de Pereira on 
passe le bras principal du Mondego dans 
un bac ; on traverse ensuite des champs jus- 
qu’à ce que la route s’approche des collines 
sur la droite. Sur une de ces collines , et au 
nord de la rivière , est située l’ancienne et 
grande ville de Montemor o Velho , entourée 
de mprs élevés et ornés de tours et d’un 
antique château. D. Alfonso IV y logea , 
lorsqu’il se rendit à Coimbre pour faire 
assassiner Inez de Castro. Cette ville lui avait 
été donnée par son père D. Diniz, après que 
les ditférends avec lui furent terminés ; elle 
tomba en partage à son fils D. Pèdre, qui 
l’habita pendant quelque temps. Ensuite elle 
échut à la riche et puissante maison de 
Aveiro , et fut réunie à la couronne après 
l’extinction de cette famille. 

Au-delà de Montemor , le Mondego se di- 
rige au sud-est , et forme un arc vers Fi- 

9 . . 


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C i3 4 ) 

gueira , et la route suit la corde de cet arc. 
La contrée est parsemée de collines et bien 
cultivée. On ne trouve des plantes des marais 
qu’à une lieue de Montemor, au bord de la 
rivière, près le village May or ga. Fi gueira 
est une ville à trois lieues de Montemor , 
située au nord et à l’embouchure du Mon- 
dego , qui a ici une lieue de large , et se 
partage en deux bras. Vis-à-vis Figueira est 
l’île Murraceira. L’entrée du port est dé- 
fendue parle fort de Santa-Catharina\ elle 
est très-étroite ; la barre considérable est dif- 
ficile à franchir ; les vaisseaux mouillent en 
sûreté derrière une langue d,e terre qui part 
de la rive opposée. Des maisons neuves et 
bien bâties , à Figueira , prouvent que le 
commerce de cette ville est florissant. On 
exporte d’ici du sel, du vin et des fruits 
des environs de Coimbi*e. Le vin est trans- 
porté dans les colonies , depuis que la reine 
actuelle a déclaré le commerce libre ; le sel 
et les fruits vont en Angleterre. Le port 
s’encombre journellement ; c’est pourquoi les 
habitans ont résolu de construire un quai. 

Le Cabo de Buarcos forme la pointe 


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. ( i35 ) 

septentrionale de l’embouchure du Mondego; 
il est remarquable par une mine de charbon 
de terre. Pour la visiter , nous eûmes besoin 
non seulement d’une permission du gouver- 
neur de Figueira , qui ne commande ce- 
pendant qu’une compagnie d’invalides , mais 
de celle du Juiz de fora et du Juiz de ^4.1- 
fandega (directeur des douanes). La route 
cotoie la rivière jusqu’au village de Buarcos , 
à trois quarts de lieue de Figueira ; de-là il 
n’y a qu’une demi-lieue jusqu’à la houillère. 
Elle est située au bord de la mer , et ado- 
sée à quelques montagnes qui s’étendent le 
long du rivage. Elles sont formées par une 
pierre calcaire compacte et grisâtre, entre- 
mêlée de coquillages pétrifiés , dans lesquels 
on a découvert trois couches de charbon de 
terre , de 4 à 6 pieds d’épaisseur chacune. 
Elles se dirigent de l’ouest à l’est , et ont 
une inclinaison de 40 degrés. On a établi 
dans ces couches trois galeries qui en suivent 
la pente. Un escalier commode est taillé au 
milieu ; aux deux côtés se trouvent des sil- 
lons , pour le transport du charbon et pour 
puiser l’eau. L’entrée est voûtée ; dans l’in- 
. 9 . . . 


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( I3G ) . 

térieur , les murs sont de pierres et de chaux 
et soutenus par un échafaudage. Les baquets 
destinés à recevoir le charbon , sont mis en 
mouvement par des bœufs , dont il y a six 
paires pour cet usage. Les courans d’air sont 
bien établis; les galeries ne sont pas fort éloi- 
gnées et sont réunies par des allées latérales. 
On est parvenu aujourd’hui à une profondeur 
de soixante-quinze brasses , dont soixante- 
cinq au-dessous du niveau de la mer. Les 
"charbons de la couche inférieure sont les 
meilleurs; en général , la qualité du charbon 
varie peu. Dans la profondeur , on a trouvé 
des empreintes de végétaux , sur-tout de 
fougère, et, depuis peu, de l’ambre fossile. 
L’établissement est dans un si mauvais état , 
qu’on ne peut pas se rendre maître de l’eau, 
et en effet deux puits sont déjà submergée. 
On a tâché de les vuider, et en conséquence 
on a proposé l’établissement d’une pompe à 
feu. Dans la troisième galerie , des maçons 
travaillent aux réparations indispensables , 
de façon qu’on n’exploite plus de charbon ; 
le directeur espérait cependant en extraire 
de nouveau sous un mois. Cette mine ne 


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C I3y ) 

rapporte rien aujourd’hui , et a beaucoup de 
peine à se soutenir. Les charbons sont trans- 
portés par terre jusqu’à Figueira , et de-là 
par mer jusqu’à Lisbonne, mais unique- 
ment pour le compte du gouvernement. On 
prétend qu’ils contiennent trop de soufre 
pour en faire un usage domestique ; (nais la 
petite quantité qu’on en exploite , est sans 
doute le principal obstacle de son usage gé- 
néral. On tire des pierres calcaires de la chaux , 
qu’on exporte également. 

L’île Murraceira , près Figueira , a une 
lieue de long , mais à peine une demi-lieue 
de large; elle est presqu’en décernent divisée 
par des marais salans ( marinhas ) , qui four- 
.nissent beaucoup de sel; un grand nombre 
de petites maisons servent à le conserver. Une 
multitude de fossés creusés en tout sens , 
former^ un vrai labyrinthe, dans lequel on 
risque de s’égarer sans conducteur. Sous le 
rapport botanique , cette île est remarquable 
par une plante rare en Europe , le mesem- 
bryanthcfrium noiiflorum , et qui y croît en 
abondance. En parlant de Sétuval , T. I, 


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C 138 ) 

p. 336 , j’ai fait mention de la préparation du 
sel marin. 

La route de Figueira à Mira passe d’abord 
par un pays raboteux , qui se change bientôt 
en une plaine unie et sablonneuse , dont 
quelques parties sont inondées. Dans ces ma- 
rais nous aperçûmes plusieurs plantes re- 
marquables , et surtout une scorzonère d’une 
forme singulière et qui n’a pas encore été 
décrite. On suit les bords de la mer , et on 
passe par quelques villages et devant une 
église qui attire beaucoup de pèlerinages. 
Mira , bourg peu considérable , est à cinq 
lieues d’Aveiro. Non loin d’ici , il y a une 
baie où se rassemblent , en hiver , une quan- 
tité prodigieuse d’oiseaux de mer : on ne l’a 
pas désignée sur les cartes. Il y a deux lieues 
jusqu’au bourg de Vagos , par des plaines 
‘de sable ; ensuite on s’embarque sur^un lac 
d’une étendue considérable, et qui commu- 
nique avec celui d’Ovar ; de sorte que l’on 
peut aller par eau d’ici à Ovar : ce lac n’est 
point marqué sur les cartes. Depuis Vagos 
à Aveiro , à trois lieues., on passe par un 


n 


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# 

• ( '3g ) 

pays couvert de collines , où il y a tant de 
sentiers différens , qu’il est difficile de tenir 
la bonne route. Nous continuâmes notre route 
depuis Aveiro, non par eau comme précé- 
demment, mais par terre. Jusqu’à l’endroit 
où l’on passe le Vouga , il n’y a qu’une lieue. 
Une pluie d’orage avait tellement grossi la 
rivière, qu’il nous fut difficile de la passer. 
Le reste de la route traversait un pays ra- 
boteux. Le bord de la mer est assez bien 
cultivé, sur-tout avec du maïs; il y a aussi 
des forêts de pins maritipies. 

6°. Quatrième voyage à l’Estrella. 

À son retour des prbvinces septentrionales, 
du fleuve Minho par la province de Traz os 
Montés , dans l’été 1 800 , dont nous avons 
déjà parlé , le comte de H... visita encore une 
fois l’Estrella , et retourna de-là à Lisbonne 
par Coimbre. Il termina par là ses excursions 
botaniques en Portugal. Le 7 août il passa 
le Douro , près de Torre de Moncorvo , et 
coucha à Poucinho , village qui fait partie 
du Beira. Toute la province, dans ses parties 


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m 

( Ho ) 

\ 

orientale et septentrionale, jusqu’à l’Estrella, 
est aride et désagréable. Pendant deux lieues 
on traverse un pays nu et raboteux , jusqu’à 
la mauvaise auberge Marvao ; ensuite on 
monte , par une vallée , à un plateau élevé où 
est situé le bourg Marialva , qui donne son 
nom à un marquisat , dont la famille des 
Menezés porte le titre. Près de Marvao , 
dans une vallée vers Marialva , la pefite ri- 
vière Prisco prend sa source , et se dirige 
dans les environs de Longxoiva . Au bord 
de cette rivière , un muet du bourg Touça 
trouva en 1740 , lorsqu’il alla faucher son 
pré , un morceau de minerai qu’il apporta 
à son père. Celui-ci se rendit dans cet endroit 
avec ses fils , fouilla la terre et découvrit une 
veine de plomb. La chose s’étant répandue 
dans le pays , les habitans du voisinage dé- 
gagèrent cette veine , et en tirèrent une quan- 
tité considérable de minerai. Des négocians 
d’Espagne, qui passèrent près de l’endroit, 
en furent informés , et achetèrent l’arrobe de 
minérai , 3 ooo reis ( environ 24 francs ) ; 
ils l’emportèrent dans leur pays , et cet évé- 
nement donna lieu à une franche de com- 


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C H 1 ) 

merce assez considérable. Enfin le Corregedar 
de la C omarça I, en ayant été instruit , dé- 
fendit les fouilles, et fit fermer les puits qui 
avaient été creusés. Les choses en restèrent là 
jusqu’en 1762. Dans cette année , un certain 
Juan Manoel du Traz os Montes prétendit 
faire partie de la compagnie qui avait été 
chargée par le roi d’exploiter cette mine. 
Il fit aussitôt venir des ouvriers , creusa un 
puits, et en tira ii 5 arrobes de minérai; il 
établit des fourneaux , mais administra si 
mal son établissement , qu’il fit des dettes , 
et disparut au bout de deux ans. Le minérai , 
les instrumens, enfin tout ce qu’il laissa fut 
enlevé par ordre de la justice , et se trouve 
encore sous le séquestre. Le minérai consistait 
dans du plomb qui donnait pour un quintal 
92 livres de plomb, et 2 onces 2 grains d’ar- 
gent , et méritait d’étre fondu , si on avait 
eu du bois ou des charbons. On avait re- 
marqué que la couche était très-épaisse. Juan 
Botelho de Lucena Almeida Beltrao fait 
mention de ce minérai , dans le i* r . volume 
des Mémoires économiques de l’Académie de 
Lisbonne. 


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( * 4 * ) 

Près de Longroiva , il y deux source* 
minérales : l’une est .chaude et a une forte 
odeur de soufre; l’autre contient de l’acide 
carbonique. i 

Un pays aride règne jusqu’à Sant-Mar- 
tiriho , à cinq lieues de Marvao. Ce n’est 
qu’au de-là de ce bourg que le paysage est 
varié par des chênes et des châtaigniers. 
Le bourg de Celorico , à trois lieues de St.- 
Maitinho , est situé sur une colline au pied de 
l’Estrella ; jusque-là , on a des plaines parse- 
mées de collines ; à quelque distance de Celo- 
rico , on passe le Mondego sur un pont de 
pierre. Les plaines , arrosées par le fleuve , 
sont agréables et bien cultivées; le reste de la 
contrée est varié par des champs , des vi- - 
gnobles , des chênes et des pins maritimes ; 
mais en général elle est aride et couverte 
de rochers. 

Au de-là de Celorico , on vit paraître les 
promontoires del’Estrella, que l’on traverse 
sur la route de Manteigas , à cinq lieues de 
Celorico . On a déjà parlé du bourg de Man- 
teigas, situé sur le revers de l’Estrella. 

Nous gravîmes ces montagnes le i3 août 


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( 143 ) 

1800 , en partant de Manteigas , et nous 
suivîmes Je chemin qui traverse Carvalheira , 
grande forêt de chênes , jusqu’au Val da 
Barca. C’est un vallon à une lieue et demie 
de Manteigas , vers la partie nord de la 
montagne : il est plus éloigné du sommet 
et des grands amas de rochers que 1 ' j 4 .l~ 
bergaria dont il a été parlé plus haut , 
mais on parvient bien plus facilement par 
ce chemin au revers de la montagne. En 
avançant vers la Cantaros , on arrive à un 
quatrième lac nommé Lagoa de Pachao , 
à gauche du chemin. Il ressemble aux trois 
autres , et a la même étendue que le Lagoa 
Escura; mais il est entouré , d’un côté, d’un 
pré arrosé par un ruisseau. Il est moins 
élevé que les autres , et se trouve sur la 
pente orientale de la montagne ; c’est pour- 
quoi uous ne l’aperçûmes pas dans notre 
premier voyage. Il donne naissance au Rio 
de Candieira , ruisseau qui descend de la 
montagne , et se répand aussitôt dans la 
vallée de Candieira , pour former ensuite la 
belle cascade dont nous avons parlé plus 
haut. Le mot pachao signifie passion , et 


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( *44 ) 

on prétend que ce fut dans ce lac qu’une 
sainte , dont j’ignore le nom , fut noyée. 

L’herbe était déjà déséchée à cette époque, 
et les moutons ne trouvaient que peu de pâ- 
ture. Nous aperçûmes , tant sur les sommets 
les plus élevés que daus les fentes des ro- 
chers et dans les vallons , des amas de neige 
considérables qui avaient roo à 200 pas 
de long sur 10 à 12 pieds d’épaisseur, et 
qui ne purent fondre cette année , parce que 
la chaleur ne se fait ressentir dans ces contrées 
que pendant quelques heures du jour ; les 
matinées et les soirées sont fraîches , et les 
nuits très - froides. Cette neige ne se trouve 
pas sur lés plateaux les plus élevés , mais 
dans les précipices. Les pâtres nous appri- 
rent que la neige séjournait souvent pendant 
toute l’année dans les vallons , mais qu’il 
n’est pas rare de la voir fondre entièrement 
( comme nous nous en sommes convaincus 
dans nos premiers voyages ) ; cependant on 
ne se rappelait pas d’en avoir vu une quantité 
aussi considérable , 'rester aussi long- temps 
sur les montagnes que cette année. 

Maintenant, je suis en état de rectifier 


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C ’45 ) 

mes notions sur l’élévation des montagnes 
du Portugal. Le sommet le plus élevé de 
la Serra de Gerez ( que j’ai estimé de trois 
à quatre mille pieds au-dessus du niveau 
de la mer, a été évalué à une trop grande 
hauteur. Il a à peine trois mille pieds d’élé- 
vation , comme le prouve son état dans uu 
hiver rigoureux. Ces montagnes paraissent 
hautes , parce que le pays d’alentour est très- 
plat , et qu’elles forment des aiguilles qui 
présentent un aspect sauvage. Le sommet 
de la Serra de Marao est plus élevé au- 
dessus du niveau de la mer ; mais il l’est 
moins au-dessus de la plaine qui entoure sa 
base, comme je l’ai présumé T. 27 ,/?. 38 . 
L’Estrella est plus élevée que je ne l’ai es- 
timé T. Il , p. 88. Le froid qui y règne 
suppose , sous ces degrés de latitude , une 
élévation qui ne doit pas être moindre de 7000 
à 8000 pieds au-dessus du niveau de la mer. 
Cette montagne offre un autre aspect que le 
Gerez ; elle est posée sur un plateau élevé, qui 
forme lui-même des montagnes vers le rivage 
de la mer. 

Nous vîmes fleurir, sur le bord de la neige, 

iO 


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( H 6 ) . 

des fleurs printannières , comme la petite 
narcisse, qu’on trouve à Sabugeira dès le 
mois de février , et nous aperçûmes , dans 
d’autres parties de la montagne , des plantes 
desse'chées ; par exemple , une nouvelle espèce 
de Cardaminé . La superbe gentiane jaune, 
qui était encore enterrée sous la neige* au 
mois de juin , avait déjà cessé de fleurir. 
Comme les pâtres , les moutons et les chèvres 
recherchent beaucoup cette plante , les pre- 
miers pour en vendre la racine dans les 
pharmacies , les autres pour brouter ses 
feuilles , elle ne se conserve que dans les 
crevasses des rochers inacessibles. Pour en 
avoir quelques échantillons , on fut obligé 
de descendre des paysans par le moyen de 
cordes. Cette plante est une des plus rares 
du Portugal , sur-tout comme on ne la trouve 
nulle part ailleurs qu’ici. Les Portugais la 
nomment uirgenciana , et même dans les 
anciennes géographies du Portugal , on en 
parle en faisant mention de ces montagnes. 
Une autre plante remarquable , une nouvelle 
espèce de Çenecio , nommée par les habitans 
hervaloira (l’herbe blonde) , fleurissait dans 


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/ 


C H7 ) 

les précipices , derrière l’amas de rochers 
Cimadouro dos Caes , et vers la vallée Covao 
das Vacas. 

Au reste , ces montagnes sont déjà assez 
connues par nos précédées voyages. Le Comte 
retourna à Manteigas , et de - là par Sant- 
Romao , G alizés , Ponte de Murcella , par 
la route ordinaire , à Goimbre , d’où il se 

rendit à Lisbonne. 

♦ 

7°. Castello Branco. Coup -d'œil général 
sut" la province de Beira. 

Une petite partie de la province de Beira 
s’étend derrière l’Estremadure jusqu’au Tage. 
Elle fut visitée par le comte de H...,, dès 
l’<^é de 1799 , lorsqu’il retourna de son 
voyage à Portalègre. Cette contrée est formée 
par un désert affreux, qui est aussi aride, 
aussi triste et aussi solitaire que les landes 
de l’Alemtejo , et qui n’a rien d’intéressant 
pour un étranger. Le Comte passa le fleuve 
entre Montalvao et Monforte , à’ quatre 
lieues de ce dernier endroit. Castello Branco 
est à trois beues plus loin. On n’aperçoit 

10. 


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\ 

C 148 ) 

que les tristes collines de grez qui régnent 
le long du fleuve jusqu’à Rosminhal , et 
qui s’étendent au nord de Castello Branco ; 
elles sont arides , monotones et couvertes 
de cistes. On voit dans l’éloignement la Serra 
de Est relia. Ce n’est qu’au tour de Castello 

% 

Branco que des champs cultivés et quel- 
ques bouquets de chênes rendent la contrée 
supportable. Cette •ville est le chef- lieu de 
la Comarca qui forme cet angle de la pro- 
vince de Beira ; elle est considérable ( elle 
contient environ 1100 feux), fort ancienne 
et pourvue d'un château qui appartenait au- 
trefois aux templiers , et aujourd’hui à l’ordre 
du Christ. Celte ville , ainsi que beaucoup 
d’autres dans les contrées arides , était plus 
florissante jadis qu’elle ne l’est à présent. 
Le bourg Sarzedas est éloigné de trois lieues 
au couchant , et renferme cinq cents feux : 
on prétend que c’est le Oppidum Sarze- 
dense des anciens. Le Juiz de Fora nous 
raconta qu’au mois de mars 1798 , on 
avait trouvé dans un champ une pierre 
sur laquelle était gravé le nom ancien de 
ce bourg. On conserve encore cette inscrip- 


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( *49 ) 

tion ; mais lorsque le Comte voulut la voir," 
elle ne s’y trouvait pas. Il existe à la vérité, 
dans les archives , un procès-verbal du dé- 
pôt qui en a été fait ; mais plusieurs cir- 
constances font présumer que cette inscrip- 
tion est apocryphe. On a cependant trouvé 
beaucoup d’antiquités en cultivant la terre; 
le Juiz de Fora , et sur-tout son père, qui 
est Capitao mor à l’armée , s’occupent spé- 
cialement de l’étude des antiquités. Les ha- 
bitans des bords du ruisseau- Liça , près Sar- 
zedas , en tirent une petite quantité d’or ; 
c’est pourquoi on le nom me Bandieiros ( de 
bandeiar , remuer ). On raconte à cette 
occasion , que les habitans de Lisbonne ont 
enlevé, il y a peu de temps, beaucoup d’or 
et d’argent de cette contrée. Les anciens 
disent que le Tage roulait de l’or ; il paraît 
que cela était en effet , parce que le Liça 
tombe dans le Tage. Je n’ai cependant point 
entendu dire qu’on tire encore de l’or du 
sable du Tage , et je ne connais d’autre en- 
droit en Portugal où ceci a lieu , que près 
de Sarzedas. 

Depuis Sarzedas, par Sovereira , Corti- 

10.. 


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C i5o ) 


çada ; ( Proença Nova J , Certao , Sarnacke 
jusqu’au Zezeré , il y a neuf lieues par 
une contrée triste et déserte $ on n’aperçoit 
que des collines et des montagnes couvertes 
de cistes , et quelque peu de culture au- 
tour des villages; enfin, tout étranger doit 
fuir ce triste pays. 

On divise la province de Beira en su- 
périeure et inférieure (Beira Alla et BaixaJ, 
Il est assez étonnant que l’on comprenne 
dans la dernière les côtes de la mer et la 
partie septentrionale , et dans la première les 
environs de Penamacor et Castello Brancû. 
Il est difficile dé donner des observations 
générales sur cette province , car elle est 
très -étendue et diversifiée. Vers les bords 
de la mer elle est plate , sablonneuse et 
marécageuse 
malais qu’aucune autre pçovince du royàumé. 
C’est ainsi que la lisière qui règne depuis 
l’embouchure du Mondego jusqu’à celle de 
Dourô , est fertile et bien cultivée là où 
il n’y a point de sable , mais mal-saine à 
cause des marais. Une chaîne de montagnes 
calcaires, la Serra de Louzaa t qui fait partie 


; elle renferme même plus de 


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( i5i ) 

de celle de l’Estremadure, s’étend ati sud de 
la province , règne le long des bords du 
Mondego , et s’applanit dans les environs de 
Coimbre. Tout se réunit près de cette ville 
remarquable ; un pays plat s’étend à l’ouest 
du fleuve , et les montagnes calcaires sont 
remplacées par des montagnes d'ardoise. Par- 
tout où il y des montagnes calcaires, le sol 
est assez fertile et la végétation riche j ce 
qui n’a pas lieu autour des montagnes de 
grez. Vers la frontière orientale de la pro- 
vince , s’élève une chaîne de montagnes de 
granit , la Serra de Estrella , d’où des- 
cendent des ruisseaux et des rivières qui 
fertilisent la contrée. Mais autour de ces 
hautes montagnes , s’étendent les sommets 
pelés de pierre sablonneuse et de schiste 
micacé, qui remplissent la partie de la pro- 
vince, à l’est del’Estrella jusqu’aux frontières 
d’Espagne, et au nord et au midi jusqu’au 
Douro et au Tage. Ces montagnes s’é- 
tendent non-seulement sur une vaste étendue 
de pays, mais accompagnent le Douro jus- 
qu’à son embouchure ; d’autres se dirigent 

io. .. 


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1 


C i5* ) 

à l’ouest de l’Estrella , depuis le Douro jus- 
qu’au Mondego , et dans les environs de 
Coimbre. En général , la majeure partie de 
la province est montagneuse , aride et stérile. 

Les montagnes d’ardoises et de pierre sa- 
blonneuse contiennent souvent du minéral. 
J’ai déjà dit qu’on en rencontre près de La- 
mego. Il a été également fait mention plus 
haut d’une riche mine près de Rio Pisco. 
Ajoutez à cela l’or qui se trouve près de 
Sarzedas , et on peut présumer avec raison 
qu’il y a beaucoup de mines dans ce pajs. 

La culture du maïs s’est répandue à un 
tel point dans les plaines , qu’elle a éloigné 
celle de toute autre espèce de bled. Aux 
environs de Coimbre et d’ Aveiro , on cul- 
tive beaucoup de légumes ; on recueille du 
vin autour de Coimbre , et principalement à 
Lamego , qui est située près des vignobles du 
Douro supérieur. Les revers de l’Estrella sont 
renommés par les fruits qu’on y récolte , et 
les montagnes par leurs excellens pâturages. 
On cultive du seigle dans les contrées élevées 
et froides des chaînes de montagnes, au bord 


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C 153 ) 

du Douro et autour de l’Estrella ; mais une 
grande partie de la province , surtout celle 
qui est à l’est et au nord , est mal cultivée 
et bien inférieure , sous ce rapport , au Minho 
et peut-être au Traz os Montés. 


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( lS 4 ) 


CHAPITRE IV. 


LA PROVINCE D’ESTREMADURE. 


i.° Lisbonne. 

U n proverbe portugais dit que celui qui n’a 
pas vu Lisbonne , n’a rien vu de beau , et 
en effet cela est vrai. Il ny a que Gênes et 
Naples qui puissent rivaliser avec Lisbonne ; 
aucune autre ville ne se présente mieux de 
loin , aucune ne réunit les agrémens d’un 
beau fleuve couvert de vaisseaux , et d’une 
situation en amphithéâtre, sur des coteaux 
fertiles et bien cultivés. Il manque à Gênes 
et à Naples un grand fleuve , et des rivages 
qui soutiennent l’ensemble du tableau ; on ne 
voit là que l’éternelle monotonie d’une mer 
immense. 

J’ai donné une description de la ville de 


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( *55 ) 

Lisbonne, T. I,p. 21 3 . J’ajouterai quelques 
additions ,et rectifierai plusieurs erreurs que 
l’on m’a fait remarquer à Lisbonne , en li- 
sant mon voyage. Les notions qui m’ont été 
transmises proviennent d’hommes qui con- 
naissent le Portugal , et sur-tout Lisbonne , 
depuis long-temps et très-particulièrement. 

Lisbonne se nomme en portugais Lisboa. 
Ceux qui se piquent de bien parler prononcent 
IV si fort, qu’il approche un peu de sch , 
et Y a à la fin du mot , si doucement , qu’on 
n’entend qu’un e. Le nom de Lisbonne pa^ 
fait dériver de l’ancien Olisipo , au lieu qu’où 
doit attribuer l’étymologie de Lisboa à la 
corruption du nom arabe Ischbuna. La pro- 
nonciation des Portugais répond parfaitement 
à cette dénomination , en éloignant l 'n entre 
deux voyelles , ce qui ne s’accorde pas dans 
la langue portugaise. Les contes sur l’origine 
de cette ville, sont très-ridicules : tantôt on 
prétend quelle fut bâtie peu de temps après le 
déluge par un nommé Eliza , et tantôt on 
raconte quelle fut rétablie par Ulysse , etc. 
Pendant fort long-temps les écrivains portu- 


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C «56 ) 

gais ont osé accréditer ces absurdités. La 
dernière version a donné lieu à un poème 
héroïque, par de Souza M ace do , nommé 
Olyssipo, où l’on rencontre de beaux pas- 
sages à côté d’une infinité d'asbsurdités. Il est 
hors de doute que, du temps des Romains, 
il existait ici une ville considérable , car on 
a trouvé des inscriptions romaines dans la 
ville, en 1798. Plusieurs inscriptions, dont 
une a été consignée dans les délices d’Es- 
pagne et de Portugal , par Colmenar , TV III, 
p. 264 , nous apprennent que cet endroit 
se nommait Olisipo et non Olyssipo. Man - 
nert , dans sa géographie des Grecs et des 
Romains , préteud à la vérité , selon les as- 
sertions des anciens, qu 'Olisipo était situé 
sur la rive méridionale du fleuve , mais 
aucun de ces auteurs ne l’affirme. Les cir- 
constances, qu’on n’a trouvé qu’au nord de 
la rivière, des inscriptions , que le Cabo de 
Rocca est nommé Promontorium Olisipo* 
num par les anciens ; enfin , que la rive 
septentrionale du fleuve est formée par des 
coteaux fertiles , tandis que la rive méridionale 


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( i5 7 ) 

consiste en collines sablonneuses , paraissent 
déposer en faveur de sa situation au nord 
du fleuve. 

Dans le premier volume des Mémoires de 
l’académie des sciences de Lisbonne , on 
trouve une dissertation sur la position géo- 
graphique de cette ville , par Custodio 
Gomes de Villasboas. Il conclut de dif- 
férentes observations qu’il a faites , que la 
latitude du collège des nobles ( collegio dos 
nobres ) , est de 38 degrés 42 minutes 58 
secondes 5 dixièmes; celle du couyent das 
Necessidades est déterminée d’après les 
calculs de Le Monnier , qui se fondent 
probablement sur les observations du père 
Chevalier , à 38 degrés 42 minutes 20 se- 
condes ; ce qui coïncide avec son éloigne- 
ment du collège des nobles. En supposant 
que le couvent das Necessidades se trouve 
sous la même parallèle que la place du 
commerce , ce qui est en effet , on peut 
déterminer la situation de celte place comme 
point central de Lisbonne, à 38 degrés 42 
minutes 20 secondes, latitude nord. Villas 
Boas détermine , par les mêmes observa- 


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C <38 ) 

lions , la longitude de celle ville ; il les a 
faites dans le collegium de Sant-Antao ; 
il suppose que ce collège est sous le même 
méridien que la place du commerce, et en 
conclut que la longitude de cette ville est de 
1 1 degrés 29 minutes i 5 secondes , à l’ouest 
du méridien de Paris ; ou 9 degrés 46 se- 
condes , à l’est du premier méridien. Voilà 
ce qui peut servir à rectifier les notions 
contenues dans le premier volume de ces 
voyages. 

Je ne puis rien dire de positif sur la po- 
pulation du Portugal en général , et de Lis- 
bonne en particulier, parce qu’on n’a pas 
ftit un dénombrement exact. On ne connaît 
que le nombre des feux , mais il est très- 
difficile de préciser celui des habitans pour 
chaque maison. Le nombre de trois cent 
mille âmes qu’on compte à Lisbonne et à 
Belern , est trop fort. On ne peut pas s’en 
rapporter aux certificats de communion , 
parce que les enfans au-dessous de sept ans 
et les étrangers en sont exclus, quoique ce 
soit la manière ordinaire des géographes 
portugais de calculer la population. 


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( IS 9 ) 

Lisbonne est une ville ouverte , dépourvue 
de portes et de murs. Il est surprenant que , 
dans la dernière édition de la géographie 
de Busching , on trouve une description des 
tours et des murs ; probablement parce 
que de Lima , que Busching a souvent tra- 
duit littéralement , en fait mention. Mais , 
il ajoute que Lisbonne s’est étendue au-delà 
des murs qui ne servaient aujourd’hui que 
de démarcation pour les deux diocèses. Ce- 
pendant , depuis le dernier tremblement de 
terre , ceci n’a plus lieu, et on ne voit que 
dans quelques endroits des vestiges de ces 
murs. Le roi Z). Fernando fit entourer la 
ville de bonnes murailles , pourvues de 67 
tours et de 36 portes, 16 du côté de terre 
et 20 du côté de la rivière. II n’existe plus 
rien de la muraille du côté du fleuve. 

La frontière orientale de Lisbonne est 
formée par la Cruz da Pedra ; l’occidentale, 
par le port de Belem , et non par le pont 
d’Alcantara , car les deux faubourgs Jun- 
queira et Alcantara sont présentement réunis 
à la ville ; ils portent encore un nom parti- 
culier dans la vie commune. Tous ceux qui 


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( ï6 ° ) 

connaissent cette ville conviennent que la 
divisioh des auteurs portugais en sept col- 
lines est- très-inexacte ; on pourrait la par- 
tager plus naturellement en trois collines. Les 
deux premières n’en forment , à vrai dire, 
qu’une seule ; car , depuis le couvent das 
Necessidades jusqu’à la Patriarcal Quei- 
mada , c’est la même élévation qui est 
partagée en deux branches , par la rua de 
San - Bento. Il faut y ajouter une autre 
colline , le Campo de Santa- Anna , qui 
s’applanit près d ' Anjos y et remonte par le 
Calçada de Saint-André , jusqu’au château. 
Cette division , qui est conforme à la si- 
tuation naturelle de la ville , mérite d’être 
appréciée. 

J’ai cru que la dernière colline à l’ouest , 
était la plus élevée ; mais celle où est bâti 
le château , est plus haute , quoique la flèche 
du nouveau couvent , sur la colline occi- 
dentale , soit plus élevée que le château. 
Tout le côté sud-ouest de cette colline , et 
non une seule rue , porte le nom espagnol 
de Buenos- Ay res, à cause de la salubrité de 
l’air ; on devrait plutôt lui donner le nom 


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( i6i ) 

portugais de Bonos-Ayrcs. Cette partie est 
couverte de maisons ou partagée en rues par 
des enclôs ; c’est pourquoi on n’y rencontre 
plus de champs ou de grands emplacemens. 
Les étrangers ou ceux qui vivent de leurs 
revenus , préfèrent ce quartier ; les négocians 
au contraire recherchent le centre de la ville, 
pour être plus près de la bourse. 

Sur cette colline occidentale , à peu de 
distance du nouveau couvent , se trouve le 
cimetière des protestans , où est enterré Fiel- 
ding. J’ai dit, T. J, p, 21g : « Non loin de 
» ce couvent et de l’autre côté d’une place , 
» on trouve le cimetière des protestans avec 
» différens monumens, parmi lesquels on re- 
» marque le tombeau de Fielding , mort en 
» cette ville ». Cette phrase est obscure; car 
on pourrait croire qu’on y rencontre le mo- 
nument de Fielding ; mais parmi le grand 
nombre , le tombeau de cet auteur célèbre 
se trouve sans inscription. Fielding fit le 
voyage de Lisbonne pour rétablir sa santé ; 
c’est la coutume de la plupart des Anglais; 
il publia la relation de son voyage dans un 
petit recueil où on ne rencontre que rarement 

u 


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C 162 ) 

l’esprit de l’auteur de Tom-Jones. Il mou- 
rut à Lisbonne , et fut enterré ici. On se 
disputa à qui lui érigerait un monument ; 
ce qui est cause qu’il n’en a point encore à 

La seconde division de la colline occi- 
dentale commence par la rua de S.-Bento , 
et s’étend jusqu’à la vallée large et unie du 
centre de la ville. A l’extrémité orientale, 
ou la colline est escarpée , on jouit de la 
vue magnifique dont j’ai parlé T. I , p. 221. 
On voit à ses pieds la place de Rocio , la 
promenade et de belles rues alignées ; en face, 
le château situé sur une colline élevée ; à 
gauche , la campagne couverte d’oliviers et 
ornée de maisons de campagne , de couvens 
etd’églises; adroite, le Tage, où mouillent un 
grand nombre de vaisseaux. Vers la partie 
orientale , sur le penchant de la colline , est 
construite la salle de l’opéra , et des maisons 
qui appartiennent à un riche négociant por- 
tugais, nommé Quintella. Il est très-douteux 
qu’on puisse l’appeler le plus riche, comme je 
l’ai fait ; aussi n’est-il point fermier du com- 
merce des diamans , car ce commerce n’est 



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( iG3 ) 

point affermé. Il n’est que commissionnaire 
. de la couronne pour l’expédition de cer- 
taines parties , depuis que les Hollandais ont 
résilié leur contrat avec la couronne, en 1791. 
Les diamans sont cherchés au Brésil , aux 
frais du gouvernement , amenés en Europe 
comme sa propriété , et déposés dans le 
trésor ro^al. Lorsque la couronne en veut 
expédier une certaine quantité , elle en charge 
Quintella , depuis que le contrat avec les 
Hollandais n’existe plus. Au reste on ne 
fait aucune difficulté de véndre des diamans 
à celui qui fait des offres avantageuses ; maÎ 9 
lorsque ceux-ci ont une certaine grosseur , 
on ne les vend pas. Ceux que l’on apporte 
depuis quelques années du Brésil , sont plus 
petits qu’à l’ordinaire. 

Au pied de cette colline s’étend une large 
vallée qui renferme toute la noüVelle ville , 
les grandes places , les principaux édifices 
publics et les promenades. Le ti'emblement 
de terre de l’année iy 55 détruisit totalement 
cette vallée ; l’feffet en fut si singulier , que 
les rues , sur le penchant de la colline oc- 
cidentale, restèrent intactes; on remarquait 


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C *64 ) 

parmi celles-ci la rua Suja ( littéralement 
rue de boue ) , ou la rue des filles publiques. 
L’anecdote que fai rapportée, T.I,p. 222, 
doit être rétablie de la manière suivante : Le 
roi parla à la cour d’une maison sifuéeq>rès 
l’église de Santa-Madalena , qui appartenait 
au marqûis de Pombal , et qui était restée 
intacte , comme une preuve que son mi- 
nistre était un homme protégé par la divi- 
nité. Un des premiers gentilhomraes , le 
comte d’ Obidos , observa que la rua Suja 
était également restée intacte ; il paya son 
imprudence par une prison de plusieurs an- 
nées. Ce fut ainsi que gouvernait Pombal. 

Cette belle partie de la ville commence 
au bord de la rivière , par une grande place 
qu’on nommait autrefois , lorsque le château 
s’y trouvait encore , Terreiro du Paço , et 
aujourd’hui^fVtffa do Commercio , place du 
Commerce. Terreiro est le synonime du mot 
terrasse , mais il désigne aussi chaque em- 
placement dépourvu de maisons, et enfin un 
marché : paço , au lieu de palaço , signifie pa- 
lais. Les quais et les escaliers au bas des- 
quels abordent les chaloupes , sont inagni- 


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( *65 ) 

fiques , et je ne connais aucun endroit qui 
renferme un aussi beau mouillage pour les 
vaisseaux. Au milieu de cette place et pres- 
que au centre de Lisbonne ( suivant la la- 
titude ) , se trouve la statue équestre du roi 
Joseph f el|c’est avec raison que Villasboas 
réunit sur cette statue ses observations de 
latitude et de longitude de Lisbonne. Le 
piédestal était orné du portrait en relief du 
marquis de Pombal; mais avant le couron- 
nement de la reine actuelle , on Ta enlevé 
et remplacé pa* les armes de la ville de 
Lisbonne, figurées par une barque avec trois 
voiles et deux corbeaux. La statue n’a d’autre 
mérite que celui d’avoir été coulée par deux 
Portugais, de Castro et da Costa , qui n’a- 
vaient reçu aucune instruction préliminaire 
sur cet art. 

Deux rues nouvellement percées et une 
rue de traverse conduisent à celte place ; la 
troisième rue principale n’y parvient pas di- 
rectement. La rua Augusta , qui est celle 
du milieu , n’est pas habitée par les orfèvres 
et les bijoutiers, comme je l’ai rapporté, T. J» 
p. 224, mais par des marchands de draps 

11.. 




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1 , 


( i66 ) 

et de soieries. Quelques ateliers de chau- 
dronniers , de ferblantiers , etc. , qui incom- 
modent beaucoup leurs voisins par le bruit 
qu’ils font , s’y sont glissés par abus. Les 
deux autres nies principales vont parallè- 
lement, dans toute leur longueur è*jt esj, et a 
l’ouest de la première. Dans celle qui est 
au couchant , se trouvent les bijoutiers , dans 
l’autre les orfèvres ; c’est pourquoi la pre- 
mière est appelée rua dos Ourives de Ouro , 
ou vulgairement rua udurea ; et l’autre rua 
dos Ourives de Prata , ou plutôt rua de 
Prata. C’est dans cette partie de la ville que 
se trouve la limite de l’ancienne division de 
Lisbonne en orientale et occidentale , dont 
j’ai parlé, T. I. Au coin de la rua de Prata , 
était écrit en grandes lettres , Lisboa oriental ; 
mais au reste la différence a cessé totalement 
depuis q,ue l’évêché de Lisbonne a été réuni 
au patriarchat. Les trois rues principales 
aboutissent à la place de Rocio , où se trou- 
vent les bâtimens de l’inquisition; plusieurs 
petites ruelles conduisent de cette place à une 
autre moins vaste, qui renferme le jardin ser- 
vant de promenade. 


* 


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( i6 7 ) 

Près de cette place et dans une rue étroite f 
se trouve la grande salle de spectacle por- 
tugaise , dont l'entrée principale donne dans 
une des plus longues rues de Lisbonne , 
qui la traverse dans toute son étendue ; selon 
les divers quartiers, elle porte des nomsdif- 
férens , et là elle s’appelle rua dos Condes. 
Plus loin. Vers le nord, dans une rue qui 
est la continuation de celle qui avoisine la 
promenade , et là où elle commence à porter 
le nom de o Salitre , est située une salle de 
spectacle plus petite, et immédiatement après 
la place qui sert aux combats des taureaux. 

Avant d’arriver à la place du Commerce , 
et à l’occident , au bord de la rivière , on 
voit le Caes ou quai de Soudre , où l’on em- 
barque beaucoup de marchandises ; c’est 
pourquoi les négocians ‘ et les navigateurs 
, qui veulent veiller à cet embarcation , le 
, visitent très-souvent dans l’après-midi. On 
pourrait le nommer la bourse où ils se réu- 
nissent dans l’après-dinée. Un canal le sépare 
d’un autre quai appelé Ribeira Nova , qui 
sert de marché au poisson. C’est par erreur 


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( *68 ) 

qu’on a donné ce nom, T. 1 , p. 225, au 
premier de ces quais. 

Maintenant retournons au Rocio , par la 
place du Commerce et les trois rues prin- 
cipales. A l’est de cette place se trouve la 
Praça da Flgueira ou le grand marché ; il 
n’en est séparé que par une rangée de mai- 
sons. Ce marché est très-vaste , ' entouré do 
maisons bien construites et de boutiques ré- 
gulières. On pourrait le comparer à la Plaça 
May or , à Madrid , quoique cette dernière 
soit plus belle. Au reste aucune place à Ma- 
drid ne peut rivaliser avec la place du Com- 
merce de Lisbonne , quoique la calle de 
Alcala, le Prado et les jardins de Buen 
Retiro surpassent tout ce qu’on peut voir en 
ce genre à Lisbonne. 

La seconde colline de Lisbonne, dont je 
n’ai point parlé dans ma première descrip- , 
tion , parce qu’elle me paraissait trop petite 
et trop basse , et que je la regardais comme 
une continuation de la suivante, commence 
derrière la rua dos Coudes , et s’élève jus- 
qu’au Campo de Santa- Anna , qui est une 


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C r6 9 ) 

place vaste , mais irrégulière , ornée de palais 
de trois côtés, qu’on est maintenant occupé 
à embellir. La fontaine dont elle sera ornée 
n’est point encore terminée. Cette colline 
descend près du couvent des Bernardins , 
nommé Dasterco , où est actuellement l’hô- 
pital de Sainte-Marie , jusqu’à la longue rue 
dos Anjos. Derrière la rua Augusta , près 
de la rivière , s’élève avec le Calcada de 
Saint- André , la plus haute colline de Lis- 
bonne, par une vallée tortueuse qui s’étend 
depuis le Rocio jusqu’à la rua dos Anjos; 
elle est visiblement détachée de la colline 
précédente. Son sommet est coqpnné par 
le château nommé Castello de Saint-George , 
et vulgairement Castello dos Moiros ou plu- 
tôt o Castello y qui domine Lisbonne. 

La partie orientale de la ville est. formée 
par des rues étroites , tortueuses et mal 
pavées , parce que c’est la plus ancienne , 
et qu’elle a le moins souffert par le trem- 
blement de terre et par l’incendie qui s’en 
est suivi. D’anciennes maisons , qui mena- 
çaient ruines , ont cependant été remplacées 
par de nouvelles j et dans les rues , au bas 


I 


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C «7° ) 

de la colline , se trouvent plusieurs beaux 
palais. Une de ces rues , nommée rua dos 
Cavalleiros , a été élargie d’un côté. Un 
étranger s’aperçoit bientôt , en entrant der- 
rière le Rocio , dans cette partie de la ville , 
qu’elle est bien plus ancienne que les autres 
quartiers de Lisbonne. 

Le bourg de Belem est situé à l’occident 
et réuni à la ville; un pont sur un ruisseau 
le sépare , mais la rangée des maisons con- 
tinue sans interruption.. C’est dans cet en- 
droit que le célèbre infant D. Henri le 
navigateur , cet homme précieux auquel 
les Bortugais sont redevables de leur gran- 
deur dans ces temps , possédait une petite 
maison de campagne. Lorsque Vasco de 
Gama fut de retour de son voyage aux 
Iudes, le roi D. Manoel y fit bâtir une 
église nommée de N. Senhora de Bethleem , 
et un couvent de Hiéronymites. Les Portu- 
gais ont transformé , par une abréviation 
Bethleem en Belem. Les maisons , dans cet 
endroit, se sont tellement multipliées, sur-tout 
dans les temps modernes , que Belem forme 
aujourd’hui un bourg considérable , habité 


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( *7* ) 

par un grand nombre de gentilshommes et 
d’employés, parce qu’ici , comme dan.- tous 
les quartiers éloignés du centre de la ville , les 
loyers sont moins chers , et qu’on s’y pro- 
cure facilement des écuries et des remises. 
Ainsi ,ce couvent et l’église furent construits 
en commémoration des événemens les plus 
remarquables de l’histoire du Porlugal, et 
ce temple gothique est un monument digne 
de la grandeur du sujet. 

La ville s’étend le long des rives du Tage, 
et celui-ci ne baigne pas seulement les 
maisons, mais les magasins, les forts, les 
quais et d’autres édifices publies. Les maisons 
se trouvent cependant par-tout à une petite 
distance du rivage. Lorsque nous fumes à 
Lisbonne, la quantité de vaisseaux dqnt le 
fleuve paraissait couvert, et parmi ceux-ci 
souvent des flottes anglaises , présentaient un 
coup-d’œil magnifique. 

2°. Environs de Lisbonne . Climat de cette 
, ville . 

• L A campagne , autour de Lisbonne , est 
agréablement variée par une multitude de 


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jardins. J’ai dit , T. I , p. 2Z2 , que la langue 
portugaise a une foule de mots pour dési- 
gner les difierens jardins. J’ai dit plus haut 
ce que c’est qu’une quinta ; mais j’avoue 
que j’ignore totalement l’étymologie de ce 
mot , quoique je l’aie cherchée. Quinta est , 
à proprement parler , le jardin potager der- 
rière la maison ; jardin signifie jardin de 
plaisance , et horta jardin potager sans en- 
clos. C’est par erreur que j’ai dit qu’il n’y 
avait pas de jardins potagers au nord de 
la rivière; il y en a au contraire beaucoup; 
au midi, on voit plus de vignes ou plutôt 
des vignobles. Au nord , on trouve aussi 
plus de quintas qu’au sud. Il n’y a , à 
proprement parler , point de quintas dans 
l’intérieur de la ville ; ce qui le paraît être 
et ce que les étrangers nomment ainsi, sont 
les grands jardins des couvens , entourés de 
hautes murailles et appelés cercas. Ainsi 
lisez , T. I y p» 262 , cercas au lieu de 
quintas. 

Les environs de Lisbonne sont très-fertiles. 
La plus grande partie au nord est formée 
par des collines calcaires ; des montagnes 


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( * 7 3 ) • 

calcaires , lorsqu’elles ne sont ni trop hautes 
ni trop rocailleuses , surpassent en fertilité 
les montagnes sablonneuses. Les collines de 
basalte sont ornées d’une riche végétation» 
J’ai fait mention , T. 1 , p. 234 , de la col- 
line d’Alcantara , où nous trouvâmes quinze 
espèces de trèfle commun , des prés , et sept 
espèces de trèjle en cosse ( medicago ), ainsi 
qu’un grand nombre de plantes rares et ma- 
gnifiques. Cette colline, dont on peut faire 
le tour dans quelques minutes , devrait êtr; 
nommée le jardin de Dieu ( liortus Dei ) , 
comme on a coutume d’appeler un endroit 
près de Montpellier , qui est connu , depuis 
plus de 200 ans , de tous les botanistes. La 
fertilité des collines , autour de Lisbonne , 
provient sans doute de la quantité de sources 
et de ruisseaux dont elles sont arrosées; ces 
eaux sont fournies en partie par les montagnes 
de Cincha et. par' la Cabeça de Montachique . 
Sans elles la disette d’eau serait fort grande 
sous ce climat brûlant, parce que l’eau salée 
du fleuve ne peut servir à l’atrosement des 
végétaux. 

Lorsque j’arrivai à Lisbonne , j’étais curieux 


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• ( m) 

d’observer le sol d’une ville qui éprouva de* 
secousses aussi violentes que si elle eût été 
située dans le voisinage de volcans consi- 
dérables. Différentes relations , ainsi que l’as- 
sertion verbale du célèbre Dolumieu , nous 
apprirent que le basalte est très- fréquent aux 
environs de Lisbonne ; et , quoique je ne croje 
pas à l’origine volcanique de cette pierre, j’étais 
cependant assez raisonnable pour faire coinci- 
cer les tremblemens de terre avec le basalte et 
les volcans. Mais je ne trouvai qu’une ^étrbi te 
Isière basaltique qui , commençant à une 
demi-lieue derrière Belem , se perd en partie 
vers Quelus , continue sans interruption der- 
rière Belem et la vallée d’Alcantara , vers les 
hautes arcades de l’aqueduc , tourne de-là vers 
Bemfica et Bel/as , et revient ainsi vers la 
première branche. Le basalte ne paraît com- 
munément former que des sommets élevés; 
ici il se présente sous la forme de collines domi- 
nées de toutes parts par des montagnes cal- 
caires plus élevées. Il me parut donc que la 
pierre calcaire recou vx'ait le basalte (chose fort 
rare) , et je fus confirmé dans mon opinion , 
en examinant un endroit au bord du fleuve; 


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( r 7 5 ) 

mais il est possible que cette pierre calcaire 
soit tombée des collines plus élevées , et que 
le basalte soit adossé aux côtés des montagnes 
calcaires. La petite lisière de basalte quernous 
remarquâmes au Cap Saint- Vincent , se 
présentait de même. D’ailleurs nous n’avons 
observé aucune trace de basalte et de véri- 
tables volcans , et l’endroit de la ville où le 
tremblemeut de terre a fait les plus grands 
ravages , repose sur un fonds de pierres cal- 
caires , comme je m’en suis convaincu par des 
observations répétées. La cause du tremble- 
ment de terre , quelle quelle soit , existe au 
dessous de ces couches de pierres ; le Portugal 
en offre la preuve. Ce pays renferme une 
quantité de sources thermales , qui , selon 
Vasconcellos , sont au nombre de deux 
cents ; et , quoique cette évaluation soit trop 
forte , on en rencontre plus ici que dans au- 
cun autre pays de l’Europe de la même éten- 
due. Ce qui est digne de remarque , c’est que 
la plupart de ces sources et les plus chaudes 
sortent du granit, qu’on doit regarder comme 
composant les montagnes primitives. Nous 


( 


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( 176 ) 

savons que le granit forme généralement la 
base de toute autre espèce de pierres ; elles le 
recouvrent toutes, et on n’en a pas jusqu’à 
présent rencontré au-dessous. Le foyer qui 
échauffe ces sources réside donc dans le gra- 
nit ou au-dessous de lui; de là sortent les 
sources les plus chaudes , qui sont refroidies 
plus elles passent par une autre espèce de 
pierres. De là provient la chaleur modérée 
des sources qui sortent des montagnes cal- 
caires ou sablonneuses. Ce n’est pas une 
observation rassurante pour les habitans de la 
terre, que le foyér des sources thermales, des 
volcans et des tremblemens de terre , soit si 
profond ; car les explosions doivent produire 
un effet violent et dévastateur. 

On pourrait dire que le basalte est enlevé 
par un feu volcanique , et que le Portugal 
éprouverait moins de secousses , s’il avait des 
montagnes de basalte plus étendues , qui 
pussent donner *un libre cours au feu des 
volcans. Il est vrai que l’Espagne a moins à 
craindre les tremblemens de terre ; aussi n’y 
trouve-t-on point de basalte. Cette hypothèse 


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C *77 ) 

serait assez vraisemblable , si l’on pouvait 
prouver que le basalte a pénétré d’autres 
couches de pierre. 

•Les environs de Lisbonne sont intéressans 
pour l’art , par les arcades hardies qui sup- 
portent le superbe aqueduc dans la vallée d’AI- 
cantara : on les nomme os arcos das agoas 
livres, ou vulgairement agoas livres. En dé- 
terminant la hauteur et la largeur de la plus 
grande arcade , j’ai suivi Vandelli dans les 
Mem. da ^Lcad. real da Lis boa. Selon 
M. Tilesius, la hauteur en est encore plus . 
considérable; il l’estime de 263 pieds. Comme 
je ne l’ai pas mesurée moi-même , je ne suis 
pas en état d’en juger. La longueur de cet 
aqueduc, là où il repose sur cette arcade pour 
traverser la vallée, est environ de 2400 pieds. * 
En sortant de cet aqueduc , l’eau tombe dans 
un réservoir nommé 0 Rata , situé dans la 
ville , près d’un^ couvent de religieuses. Le 
marquis de Pombal établit ici une fabriqua 
de soieries et de velours , et fit planter de 
mûriers la place qui se trouve entre le bâti- 
ment principal et les habitations des ouvriers; 
c’est pourquoi on la nomme encore praça das 

12 


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J 


C >78 ) 

Amoreiras ou as Amoreiras . Cette fabrique 
n’existe plus . 

L’eau est excellente à Lisbonne , quoiqu’elle 
soit imprégnée d’un peu* d’acide carbonique. 
Dans les grandes chaleurs elle conserve toute 
sa fraîcheur dans des vases de terre, nommés 
puçaros et non buçaros. Ces vases sent péné- 
trés par l’eau qui s’évapore aux parois exté- 
rieurs, et par -là rafraîchit toute la masse 
d’eau. Il paraît que ce procédé est très-ancien ; 
car dans beaucoup de pays chauds , comme 
dans l’Orient et en Egypte , on se sert du 
même moyen pour rafraîchir l’eau. 

Pu haut de l’aqueduc on aperçoit une 
petite plantation d’orangers , qui embaume 
la vallée par ses douces exhalaisons. Cette 
circonstance m’a fourni l’occasion de parler , 
T. I,p. 240 , du plus bel arbre que la nature 
produis dans ces lieux. On ne voit pas 
croître l’oranger , à Lisbonne , en plein champ 
comme l’olivier ; les plantations d’orangers 
ont une légère enceinte. J’ajouterai encore 
qu’on ne greffe pas toujours les orangers ; 
les meilleures oranges proviennent des arbres 
qui ont été semés , et qui n’ont subi aucune 


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( *79 ) 

opération pendant leur croissance. Mais, pour, 
avoir plutôt des fruits , on plante des sauva- 
geons , et on les greffe ensuite sur quelque 
bonne espèce. Ces arbres greffés ne donnent 
pas des fruits aussi bons que ceux qui n’ont 
point subi cette opération, et ne durent pas 
aussi long - temps. Dans les environs de 
Coimbre , il y de nombreuses pépinières 
d’orangers qui ont été semés. On expédie les 
oranges non seulement au mois de février# 
mais aussi en décembre , et on peut penser 
combien ces oranges sont différentes de celles 
que l’on cueille au mois de mai. 

Il est reconnu que le climat de Lisbonne 
est si agréable et si salutaire , que les Anglais 
envoient en Portugal des personnes étiques, 
pour rétablir leur santé. L’auteur des Lettres 
de Costigan s’étonne que la peste ait pu faire 
des ravages à Lisbonne, quoique l’air soit 
aussi salubre; il croit que les immondices 
entassées dans les rues en ont été la cause. 
Mais il se trompe; selon le témoignage de 
tous les médecins , la peste peut se propager 
par la contagion, dans les lieux où l’air est le 
plus pur. L’opinion d’un auteur moderne, 



( *8o ) 

' Hippolito da Costa ( voyez Medical Repo- 
sitory , New- York , vol. III , p. i ) , est bien 
plus singulière : Quoique Lisbonne soit une 
ville mal-propre, dit-il, elle est cependant 
salubre, parce que ses édifices sont construits 
en marbre et en pierre calcaire ; de l’autre 
côté du fleuve , où les maisons sont bâties avec 
du grès , les endroits les plus propres sont 
mal-sains. Quelle assertion ! La cause de 
l’insalubrité des lieux au-delà du fleuve et de 
la salubrité de Lisbonne est cependant évi- 
dente. Là , un pays plat , des marais et de 
grandes plages au bord du fleuve , qui , 
lorsque les eaux se retirent, répandent une 
odeur méphitique. L’expérience et des essais 
ont prouvé que les marais exhalent un air 
très - nuisible à la santé , et qu’un petit ' 
marécage dans un pays chaud suffit pour 
rendre insalubre une grandeétendue de terres. 

Je crois avoir observé que les maisons au- 
delà du fleuve sont construites en pierre cal- 
caire, car les bruyères ne fournissent point de 
grès ; les montagnes qui renferment celte 
pierre sont très -éloignées, et les montagnes 
calcaires sont voisines. Je n’aurais pas fait 


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( i8i ) 

mention d’une assertion aussi erronée, si Da 
Costa n’était pas un auteur moderne , et de 
plus un Portugais , qui doit bien connaître 
son pays. » . . - 

L’été de 1797 était d’une chaleur excessive, 
A Lisbonne on m’a assuré que le thermomètre 
de Réaumur a été , pendant quelques jours, 
à 28 degrés. Gomme dans cette année nous net 
fûmes de retour des provinces septentrionales 
que vers l’automne , nous ne pûmes faire au- 
cune observation sur la plus grande chaleur 
à Lisbonne. Il arriva souvent qu’au commenr 
cernent de septembre la chaleur était % danp 
l’après-midi, à 25 degrés, de Réaumur. AÙ 
reste on peut rapporter au Portugal tout ce 
que l’on dit des pays chauds ; la chaleur 
moyenne est de 20 à 23 degrés , rarement de 
25 ; il est même extraordinaire de la voir 

i 

surpasser ce degré. Dans nos pays septentrio- 
naux la chaleur est souvent aussi forte et 
même plus grande (dans l’été 1802, elle 
monta à Rostock à 27 degrés ) ; mais elle ne 
reste à ce point que pendant quelques jours » 
parce que quelque orage la fait bientôt dimi- 
nuer et redescendre le thermomètre le lende- 

ia.s 


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( i8a ) 

main à 12 , 10 et même 8 degrés. ïl n’ën est 
pas ainsi du Portugal : le ciel est toujours pur; 
aucun orage ne fait varier la chaleur de 1 at- 
mosphère, et pendant six semaines à deux 
mois il régnera continuellement une chaleur 
qui surpassera vingt degres. Il ne faut cepen- 
dant pas s’imaginer qu’elle soit aussi insup- 
portable que chez nous ; la pureté du ciel la 
rend agréable , et dans nos contrées septen- 
trionales la chaleur devient incommode à 
l’approche d’un orage. Je ne me suis jamais 
mieux porté que dans les chaleurs excessives 
des mois d’août et de septembre 1797, en 
Portugal. Les vents de mer tempèrent au 
teste la chaleur en Portugal , sur-tout à Lis- 
bonne, à O-Porto et sur les côtes; j’avouerai 
Jnême qu’ils me furent d’abord fort incom- 
modes. Ils rafraîchissent trop; car , en donnant 
sür un corps couvert de sueur, ils contri- 
buent à l’évaporation de cette humidité , et 
augmentent la fraîcheur. C’est par cette raison 
que le Portugais se sert de son manteau eu 
été. Dans l’intérieur du pays, où les vents de 
mer ne peuvent atteindre , la chaleur est beau- 
coup plus forte que sur les côtes. Le Portugais 


* 


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( *83 ) 

dit, il fait calme (faz calma), lorsque nous 
dirions, il fait très-chaud. 

. On se garantit aisément de la chaleur ; il 
faut pour cet effet fermer les maisons , pour 
que les rayons du soleil ne puissent pénétrer 
dans l’intérieur desappartemens. Les Romains, 
les Grecs , les Maures, les Italiens , les Espagnols 
etlesPortugais,enun mot tous les peuples qui 
habitent la zone torride, bâtirent des villes 
garnies de rues étroites, où le soleil ne pou- 
vait pénétrer; les habitans des pays septen- 
trionaux les imitèrent , sans cependant avoir 
les mêmes raisons. Dans le nord on a élargi 
de nos joürs lês rues , et les habitans des 
contrées méridionales imitent maintenant les 
septentrionaux , peut-être aussi mal-à-propos 
qu’autrefois ceux-ci. C’est donc à tort que l’on 
blâme les maisons élevées et les rues étroites 
des villes du midi; il serait également injustb 
de blâmer le défaut d’ombre autour des mai- 
sons , sur - tout autour des maisons de cam- 
pagne , et d’attribuer à la paresse des habitans 
leur peu de soin de planter des arbres. Une 
trop grande quantité d’arbres , et priûéipâlé- 
ment des forêts , interceptent Jè courant d’air 

13 ,.» 


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( > 8 4 ) 

et rendent la chaleur insupportable. Dans les 
charmantes vallées du Minho , il fait souvent 
line chaleur étouffante ; on ne pourrait même 
pas y résister, si l’on ne trouvait par-tout des 
sources qui humectent le sol et qui répandent 
de la fraîcheur. Pour s’en convaincre , on n’a 
qu’à visiter une épaisse forêt pendant les 
grandes chaleurs. 

Le midi du Portugal a , à proprement par- 
ler, deux printemps. La campagne brûlée est 
recouverte de fleurs après les premières pluies. 
Alors on voit paraître les belles plantes dont 
j’ai parlé dans le premier volume > et qui sont 
connues de tous les botanistes. L’une a été 
décrite par Ramond , qui en a formé un nou- 
veau genre nommé merenâera bulboco di vi- 
de s ÿ l’autre n’a point encore été décrite; nous 
l’avons appelée colchicum fritillatum. Le 
Safran d’automne n’est point le crocus sati- 
ru^dont nous avons parlé T. I,p. 245 , mais 
le crocus nodiflorus déterminé par Smith . 
Ensuite arrivent les pluies de novembre et de 
décembre, qui produisent de nouvelles fleurs, 
par exemple, la renoncule, la jolie cochlea- 
riu acaulis (Desfont.) et autres. Le mois 


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. ( i85 ) 

de janvier est plus serein et plus froid , mais 
on dit que février l’est encore plus. Ce fut le 14 
février 1781 ou 1782 qu’il tomba de la neige 
à Lisbonne, événement qui jeta l’épouvante 
parmi les habitans. Je ne trouvai pas le com- 
mencement de mars 1797 aussi chaud que 
je l’avais présumé ; il fit pendant quelques 
jours un froid très -vif. Le brâsier, brasero 
des Espagnols, brazeiro des Portugais, est le 
moyen ordinaire de se chauffer dans les bonnes 
maisons. C’est cependant au mois de février 
que les belles fleurs printanières ornent les 
coteaux de Lisbonne , et où les formes bisarres 
des diverses espèces d 'ophrys qui paraissent 
indigènes en Portugal, excitent un étonnement 
que les anciens botanistes ont déjà exprimé. 
C’est ainsi que passe le mois de mars , jusqu’à 
ce qu’en avril la belle et riche végétation paraît 
dans toute sa splendeur. Dès le mois de mai 
disparaissent les belles fleurs printanières ; 
d’autres fleurissent en juin. Il n’y- a que les 
plantes épineuses qui montrent encore des 
fleurs en juillet et août , pendant que le pays 
paraît brûl^ et que leurs feuilles sont des- 
féçhées. . , • , ’ 


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( i86 ) 

Des observations exactes sur le passage des 
oiseaux dans ces contrées seraient intéressantes 
pour l’histoire naturelle ; je désirerais que des 
amatçurs de l’ornithologie s’y livrassent en 
Portugal. Nos voyages dans ce pays nou9 
empêchèrent d’étudier cet objet dans les lieux 
où nous aurions dû le faire. Je ne citerai ici 
que quelques observations. Les rossignols ne 
paraissent pa6 plutôt ici qu'en Allemagne ; je 
me rappelle de ne les avoir vus que dans les 
premiers jours d’avril. On voyait les cicognes 
au contraire , non seulement plutôt qu’ed 
Allemagne , mais même dans les environs de 
Lisbonne, au mois de novembre. Ne pourrait- 
on pas conclure de là que les premiers se 
dirigent vers le sud-est, et ceux-ci vers le 
sud -ouest ?. 

Un printemps pluvieux annonce en Portu- 
gal une abondante récolte; un printemps sec 
est très-nuisible. Le bled ordinaire , au nord 
du fleuve ,• est le froment , au midi le maïs ; 
on ne se sert , dans le midi du Portugal , du 
seigle que pour la nourriture des bestiaux. On 
cultive peu d’orge et point d’avoine , parce 
qu’on prétend qu’elle est nuisible aux ohevaux 


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( i8 7.) 

de ces contrées. Dans le raidi du Portugal le 
bled est en général foulé par des bœufs ou des 
chevaux; l’on se sert, pour cet effet, d’aires 
( eiras ) bien battues ou bien pavées. On fait 
usage de la houe dans les terres légères, et 
d’une charrue très - pesante dans les terres 
fortes. Les charrettes dont j’ai fait mention 
T. 1 ,p. a5i , sont les mêmes que celles dont 
on se sert en Afrique et dans l’Orient. Les 
roues ne sont pas faites d’un seul morceau , 
mais de différentes pièces grossièrement rap- ' 
portées ; ce qui est fort extraordinaire , c’est 
qu’elles tournent avec l’essieu. Plusieurs Por- 
tugais m'ont dit que le bruit qu’occasionnent 
ces roues non graissées , sert à exciter les 
bœufs ; d’autres , qu’il éloigne les animaux 
féroces , et qu’on l’entend de loin dans les . 
gorges des montagnes. Cette dernière raison 
est la plus probable. Au reste je ne crois pas 
qu’on Jeur fasse faire ce bruit exprès; c’est 
plutôt l’effet de leur construction, de la pa- 
resse , du défaut de matières grasses , etc. Le 
conducteur précède les bœufs , parce qu’il y 
est obligé par une loi positive à Lisbonne, et 
le bâtpn dont il se sert a une longueur déter- 


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C 188) 

minée par la même loi, qui l’empêche d’at- 
teindre facilement les boeufs attelés à la 
charrette. Il faut donc qu’il la conduise de 
près, pour pouvçit prévenir plus facilement 
tout accident. 

Pour ce qui concerne les alimens, j’obser- 
verai que l’on commence à cultiver la pomme 
de terre, et qu’on la vend au bas-peuplesur les 
marchés. Les confitures ( doce ) sont faites non 
aveal’espèce longue des citrouilles, mais avec . 
celléqui est ronde ; on s’ea sert dans les soupes. 
Dans le pays on trouve cependant du lait, et 
dans les montagnes du lait de vaches. Parmi 
les poissons les Portugais mangent le plus 
souvent la sardine. La sole commune, 
ronectes linguatula , n’est pas aussi bonne 
que le pleuronectes solen ; l’alose ( clupea 
alosa ) serait fort délicate , si elle n’était pas 
pourvue d’une quantité d’arêtes très-fines ; la 
petite espada ( peixa espada ) n’est pas le 
meilleur poisson. A la fin de l’alinéa de la 
page 258 , T, I , où l’on parle de frigidieiras , 
on pourrait confondre ces femmes avec celles 
qui cueillent les châtaignes; mais elles sont 
très-difîërente$. •• * . ; t :,•>'* 


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3 .* Police de Lisbonne. Divertis sèmens des 
habitons de cette ville. Etablissemens 

m 

publics. 

Quoique le peuple paye annuellement 80,000 
crusades pour le balayage des rues et pour être 
éclairé, Lisbonne était cependant, sous l’inspec- 
teur Diogo- Ignacio de Pina Monique , une 
des villes les plus mal- propres de l’Europe. 
Elle n’était point éclairée; des brigands et des 
assassins la rendaient peu sûre pendant la 
nuit. Les temps les plus dangereux sont les 
journées d’hiver, l’époque du paiement des 
loyers , de la presse des matelots, les jours de 
fêtes et les dimanches. J’ai dit, T. I ,p. 263, 
qu'un homme fut assassiné en plein jour, dans 
une procession; un motif de jalousie fit com- 
mettre cet assassinat. On ne sévit pas avec 
assez de rigueur contre les criminels et sur- 
tout les bandits ; le peuple est même porté 
à excuser un meurtre causé par vengeance ou 
par jalousie; il le regarde comme un moyen 
d’avoir satisfaction ; et, lorsque l’assassin est 
poursuivi, il le plaint et même le prend sous 



« 


( *9° ) 

sa protection. Il est vrai que la peine de mort 
n’est point abolie , mais elle est cependant 
peu commune. La grande modération de la 
reine a sans doute beaucoup contribué à cor- 
rompre cette nation , qui ordinairement est 
douée d’un bon caractère. C’est un malheur , 
dans beaucoup d’états , que le successeur à la 
couronne veuille réparer les sottises de son 
prédécesseur par d’autres fautes. La sévérité 
de Pombal a révolté une grande partie de la 
nation , sur-tout la noblesse ; la reine ne put 
considérer qu’avec peine sa manière de se 
conduire. Elle tomba dans le défaut opposé ; 
elle accorda la grâce sans distinction aux 
coupables comme aux innocens. On pouvait 
s’attendre qu’un grand nombre de personnes 
mal intentionnées profiteraient de cette modé- 
ration pour obtenir, pour eux et leurs amis, 
le pardon de leurs crimes; les Lettres de 
Costigan sont remplis d’exemples pareils, 
et on ne peut malheureusement disconvenir 
que la plupart de ses histoires ne soient vraies. 

Les choses ont bien changé depuis ce temps; 
le prince de Brésil s’est fait déclarer régent du 
royaume; il a renvoyé le ministre de l'inté- 


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( I 9 I ) 

rieur, José de Ceabra da Silva , qui a été 
remplacé provisoirement par le sieur Monique. 
D. Rodrigo de Sousa Continho , ci - devant 
ministre de la marine et maintenant ministre 
des finances, homme très-aetif , fut nommé 
ministre de l’intérieur. Il a fait éclairer la 
ville comme elle était autrefois ; il a eu soin 
de faire nettoyer les rues et de veiller à leur 
sûreté pendant la nuit; en un mot , Lis- 
bonne n’est plus reconnaissable. Puisse ce 
digne homme, dont le zèle pour le bien de 
son pays est connu de tous les Portugais im- 
partiaux , rester long-temps dans son emploi ! 
^Ce que j’ai dit T. I. , p. 264, des nègres à 
Lisbonne , n’est pas constaté. Un homme qui 
connaît bien le pays, a nié qu’une grande 
partie des nègres fussent des brigands. Les 
nègres sont libres, non après sept ans de ser- 
vice, mais à leur arrivée dans le port , en 
vertu d’une loi du 19 septembre 1761. On 
s’est vu obligé , pour engager les proprié- 
taires d’un trop grand nombre de nègres au 
Brésil, de les faire servir comme matelots sur 
les vaisseaux, de leur assurer, par une loi de 
1800, leur droit de propriété dans ce cas. 


C ) 

avec la condition que le maître s'entende 
avec son esclave, pour le partage de la solde. 
J’ajouterai encore qu’il y a au Brésil des ré- 
gimens complets, de nègres libres qui se sont 
rachetés, ou qui ont été affranchis. Ancien- 
nement on avait déjà donné la liberté à plu- 
sieurs familles nègres qui avaient contribué à 
chasser les Hollandais de ce pays. Selon. le 
témoignage de tous ceux qui connaissent bien 
les colonies des Européens dans les autres 
parties du monde , les nègres sont en général 
bien traités dans les colonies portugaises : les 
Espagnols et les Portugais méritent la préfé- 
rence à cet égard sur les nations qui 
croient plus policées , les Français, les Anglais 
et les Hollandais. 

Tous les auteurs qui ont décrit Lisbonne, 
parlent des mendians qu’on y rencontre en 
foule dans les rues. Ce tableau n’a rien d’exa- 
géré; leur aspect, leurs cris, et les exclama- 
tions qu’ils répètent continuellement, sont in- 
supportables pour un étranger; peu-à-peu on 
s’y habitue. Leurs cris "sont souvent très- 
plaisans ; j’ai parlé, T. I. . p. 266 , d’un 
mendiant, dans la Caîcada d'Estrella , qui 


C 193 ) 

demandait du tabac en poudre pour les âmes. 
Le mendiant n’entend point demander le tabac 
pour les âmes, mais de l’argent pour en ache- 
ter, ou plutôt la pièce pour le tabac; car 
c’est ainsi que les gens du peuple demandent 
le pour-boire. Ajoutez à cette mendicité in- 
dividuelle celle des couvents , dont j’ai fourni 
un exemple , en parlant de la vente du raisin; 
elle mérite cependant des détails plus exacts. 
Depuis le 2 novembre, c’est-à-dire, depuis 
le jour des morts , les confréries qui men- 
dient pour le salut des âmes du purgatoire , 
ont la permission de demander l’aumône 
dans les rues de chaque paroisse , autour 
des églises et des chapelles. Le peuple dévot, 
accoutumé à cette momerie , donne ce qui 
est en sdn pouvoir. C’est ainsi que les 
paysannes , dans le temps qu’elles apportent 
du raisin à la ville , et qu’elles n’en ont 
point encore vendu , donnent de ce fruit ; 
d’autres offrent des oranges , d’autres un 
pigeon ou un poulet ; et jusqu’aux mar- 
chands de colifichets, qui vont de village en 
village , donnent une poupée ou des joujoux. 
Vers midi, lorsque le beau monde est aux 

i3 


( r 94 ) 

croisées , les procureurs des âmes vendent ces 
denre'es aux plus offrants , et la rivalité de 
deux voisines donne souvent lieu à ce que ces 
bagatelles se vendent bien au-dessus de leur 
valeur. C’est alors qu’on entend crier dans les 
rues : raisin des âmes , quatre pour un vin- 
tems , etc. 

Un des traits caractéristiques qui distin- 
guent les Portugais des Allemands et des 
autres nations , c’est que l’argent pour le 
tabac est chez eux ce que pour nous est le 
pour-boire. Le tabac en poudre y tient lieu 
du tabac à fumer et de l’eau-de-vie des peuples 
septentrionaux. L’homme ne se contente pas 
uniquement de la nourriture; il exige d’autres 
moyens pour émouvoir ses sens, et ceux-ci 

diffèrent selon ses divers besoins. Dans les 

* 

pays du nord , où le froid affaiblit le corps, 
il faut que le moyeu irritatif soit plus violent; 
il est obligé de remplacer le défaut de chaleur 
naturelle par une, chaleur factice. Il choisit 
l’eau-de-vie et d’autres liqueurs fortes, dont 
l’usage répété' lui en. fait contracter l’habitude. 
Dans les pays chauds au contraire , où la 
beauté du climat fortifie et ranime le corps, 


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•t 


C >95 ) 

on sent moins le besoin de moyens irritatifs 
violens; on en choisit donc de plus doux , et le 
tabac en poudre est un de ces moyens. L’habi- 
tude en a bientôt fait un besoin , et des 
personnes qui prennent beaucoup de tabac eu 
poudre m’ont assuré qu’il n’est pas extraordi- 
naire en Portugal qu’une femme qui depuis 
long-temps n’a pris de tabac, dise : Je suis au 
désespoir , estou desperada. T. I , p. 267. 

On fume rarement du tabac; je ne me 
rappelle pas d’avoir vu une pipe , et je crois 
qu’il n’y a pas de nom en portugais pour la 
désigner; mais les cigarres sont devenues 
très-communes , même parmi les personnes 
de distinction, et probablement que l’exemple 
des Anglais a contribué à mettre cet usage à 
la mode. 

L’habillement du bas -peuple en Portugal 
consiste en un gilet d’une couleur vive , 
rouge, jaune, vert; une veste, et par-dessus 
un manteau ( capote ) ; les manches pendantes 
à ce manteau sont une imitation de costumes 
étrangers ; mais ce qui leur est particulier , 
c’est le grand capuchon attaché au collet , 
et qu’on nomme salé . De là dérive le mot 

v ' i3. 


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( r 9 6 ) 

Salvio , dénomination que l’on applique aux 
paysans qui habitent le voisinage des grandes 
villes, quoique le costume soit le même 
dans tout le royaume; on prétend qu’il pro- 
vient des Maures de Salé, . Les femmes por- 
tent un bonnet pointu , mais ce sont ordinai- 
rement les Salvias. Le filet espagnol ( rede- 
cilla) qui couvre les cheveux, se nomme en 
portugais coejfa ; le voile espagnol est main- 
tenant assez commun. Le costume des femmes 
portugaises ressemble beaucoup à celui de 
quelques villes impériales , par les grands 
manteaux ( manta ) qu’elles portent ; ce man- 
teau consiste en un grand capuchon de taffetas 
moir attaché à la ceinture , dont un bout , qui 
chez les personnes de distinction est garni de 
dentelles , couvre la tête ( ces dentelles cou- 
vrent une partie du visage , et tiennent lieu 
4e voile ) ; l’autre bout retombe sur les jupons. 
J’ai fait mention de cette manta en parlant 
de Coimbre; mais comme je n’avais vu que 
des femmes du peuple dans ce costume, je 
je n’avais pas remarqué les dentelles dont 
elle est garnie. On s’en sert aussi dans les 
autres villes du royaume, quoique moins 


I 


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(197 ) 

fréquemment. Le mouchoir en marmotte; 
dont un bout pend par derrière, et sous le- 
quel plusieurs femmes portugaises portent la 
coeffa , n’est qu’un bout de voile, et elles 
savent si bien l’arranger , qu’il en tient lieu ; 
il est sur-tout en usage à Lisbonne. Des con- 
naisseurs prétendent qu’il y a une espèce de 
coquetterie dans la manière de porter ce 
mouchoir ; qu’il allonge des figures trop 
larges , qu’il couvre les joues creuses , et ne 
fait apercevoir que de beaux yeux et un nez 
bien fait. , 

Murphy y dont j’ai blâmé les assertions 
T. I , p, 269, est un des meilleurs auteurs 
du Portugal , quoiqu’il ait le défaut d’étendre , 
des observations particulières sur toute une 
nation; mais ce défaut est si ordinaire, parce 
que des observations partielles font porter des 
jugemens généraux, que l’on doit l’excuser % 

Les domestiques en Portugal jouent beau- 
coup; mais Murphy s’énonce singulièrement, 
en disant que les valets jouent aux cartes dans 
l’antichambre de leurs maîtres. En général le 
bas-peuple , à Lisbonne et dans les environs, 
est adonné au jeu; je ne l’ai pas observé aussi 

i3.. 


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( * 9 8 ) 

souvent dans d’autres parties du royaume. En 
entrant un jour de fête ou un dimanche dans 
une auberge de village, je trouvai dès le matin 
les paysans assis autour d’une table , occupés 
à jouer aux cartes. Murphy dit ensuite que 
les perruquiers portent le dimanche l’épée au 
côté et le chapeau sous le bras, c’est-à-dire, 
que les coiffeurs les portent plus souvent à 
Lisbonne , et se conforment plus à la mode 
que dans aucune autre grande ville. Autrefois 
ils portaient l’épée, et le chapeau sous le bras; 
maintenant ils paraissent vêtus de fracs comme 
les jftdalgos. On dit mal-à-propos que les Por- 
tugais cèdent la droite à un étranger par 
politesse ; ils font au contraire marcher les 
étrangers là où le chemin est le meilleur et 
le plus propre , et s’inquiètent fort peu de la 
droite ou de la gauche. Ces observations sur 
les voyages de Murphy ne doivent point au 
reste diminuer le degré d’estime que mérite 
cet auteur. 

J’ai parlé, T. I , p. 271 , avec éloge du 
bas-peuple en Portugal , parce qu’il ne mêle 
à ses discours aucun jurement , aucun terme 
indécent : je ne veux pas dire par- là que la 


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C '99 ) 

langue manque de telles expressions ; la basse 
classe du peuple en fait en certain cas un 
usage aussi fréquent que dans d’autres pays. 
Mais si dans d’autres pays on entend ces 
expressions dans les rues , il faut du moins en 
Portqgal entrer dans les tripots les plus ordu- 
riers pour s’instruire de cette partie de la 
langue. 

J’ai fait mention, T. I ,p. 275 , d’une dame 
de distinction , à Galdas dans le Gerez , qui, 
assise devant sa porte, avait mis sa tête dans 
le giron de sa femme-de-chambre, pour se 
faire débarrasser de sa vermine; les Portugais 
m’ont objecté que leurs femmes n’avaient 
point de vermine , mais trouvaient un certain 
plaisir à se faire gratter la tête. Cela est pos- 
sible , car je n’ai pas pris des informations 
exactes sur cet objet. Il est au reste dans«le 
caractère des habitans de ces belles contrées 
de se procurer un pareil moyen d’irritation. 
Si les femmes, à cause de cette douce sen- 
sation , ne savent pas assez ménager les 
apparences, je leur en fais ici mes excuses 
publiquement. 

J’ajouterai encore quelques mots sur les 

ii. . » 


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; 


( 200 ) 

divertissemens de Lisbonne. Ôn doit compter 
parmi les réjouissances publiques , dans les 
jours de marchés , ou à l’occasion des fêtes 
populaires , la seguedilla ou tiranna , qui , 
considérée comme danse , n’est pas aussi re- 
cherchée que le fandango , mais qui pn gé- 
néral lui est supérieure ; car , dans la segue- 
dilla , le chant et la danse sont réunis à une 
pantomime qui amuse beaucoup les étrangers, 
quoique les différens mouvemens paraissent 
peu gracieux et même gênés. Les danses du 
peuple espagnol sont au reste plus volup- 
tueuses que celles des Allemands, des Fran- 
çais et des Anglais; mais il ne faut pas l’attri- 
buer à la chaleur du climat. Le peuple russe 
qui habite sous le 6o. e degré de latitude nord , 
danse avec grâce et agrément. 

# Le Long Room est un établissement, à 
Lisbonne , qui est uniquement soutenu par 
le6 étrangers et par souscription. Les direc- 
teurs actuels de cet établissement son!; les 
’ * souscripteurs qui ont donné les premiers 
leur argent sur des actions , et qui ont sti- 
pulé entr’eux les règlemens. Ils ont soin de 
les faire observer , et chacun des souscripteurs 


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✓ 


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( 201 ) 

est obligé de promettre de se soumettre en 
tout aux statuts de cette association. Les Por- 
tugais , même les plus distingués , ne sont 
point admis au nombre des souscripteurs ; 
chaque directeur a cependant un certain 
nombre de billets à distribuer, qu’il donne 
à des Portugais. Dans les fêtes particulières, 
par exemple , à l’occasion du bal pour le jour 
de la naissance du prince, etc., les membres 
des principales administrations , ainsi que les 
négocians portugais les plus distingués, sont 
invités. Chaque étranger qui se fait intro- 
duire par un des souscripteurs , peut fré- 
quenter la société pendant un mois; à cette 
époque , on lui présente le livre des souscrip- 
tions ; et lorsqu’il veutcontinuer de fréquenter 
la société, il est obligé de souscrire au moins 
pour six mois. La souscription , pour toute 
l’année, est de 32,ooo reis (environ 260 fr. ). 
Les ambassadeurs étrangers ne peuvent pas 
être admis au nombre des souscripteurs , 
mais ils sont invités aux bals. L’exclusion 
des Portugais a eu lieu par ordre du gou- 
vernement. 

Il y a quelques bonnes auberges à Lis- 


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( 202 ) 

bonne. La principale était tenue par un Anglais 
nommé Williams. Elle est bien supérieure 
à la première auberge de Madrid, la Croix 
de Malte , soit par l’élégance , soit par la 
propreté et le service. Parmi les auberges 
du second rang , on doit compter celle de 
M. r Pulnois , située dans la Calçada de 
Estrella. M. me Mon tan , qui est allemande, 
en tient une plus mauvaise dans le centre 
de la ville , où se rendent ordinairement 
les capitaines de vaisseaux allemands ; elle a 
été distinguée, quoique mal-à-propos , dans 
différens voyages. Je dois recommander l’au- 
berge de M. Pulnois à chaque étranger qui 
aime la tranquillité et la propreté; car on 
trouve bien celle-ci , mais non la première 
dans les auberges du premier rang. Chaque 
étranger qui veut visiter Lisbonne , doit bien 
considérer que tout est fort cher en Portugal 
et sur-tout à Lisbonne. Le dîner coûte huit 

è. 

tostoes (neuf fr. ) pour une personne ; et, 
quoiqu’il soit bon, il n’est cependant guère 
meilleur que chez nous pour la moitié de ce 
prix. Il est vrai que le vin y est compris ; 
il consiste ordinairement en vin de Colares , 


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J 

( 2.3 ) 

qui est fort bon. Il y a des traiteurs portu- 
gais dans toutes les rues , mais on ne peut 
les recommander qu’à ceux qui savent se 
contenter de peu de chose. J’ai déjà dit que 
les cafés sont, à quelques exceptions près, 
fort mauvais ; il y en a un grand nombre. * 
On les reconnaît , parce qu’ils portent le 
nom de caza de café , ou loja de café , de 
bebeidas (loja signifie boutique ouverte). 

On y trouve , outre du café et du chocolat , 

toutes sortes de rafraîchissemens. J’ai trouvé 

» 

du punch dans les meilleurs cafés; il est bien 
fait et peu cher. On se sert ordinairement du 
sirop de capillaire comme rafraîchissement. 

L’opéra à Lisbonne possédait, en 1798, des 
chanteurs tellement célèbres , qu’il pouvait 
rivaliser avec celui de toute autre capitale. Il 
- était soutenu par la cour et les grands ; les 
principaux chanteurs reçoivent de riches 
présens , mais la cour ne leur donne pas 
d’appointemens fixes. La salle de l’opéra se 
nomme teatro de S. Carlos. Il y a en outre 
deux théâtres portugais à Lisbonne (et non 
un seul , comme je l’ai marqué T. /, page 
280 ) , teatro do Salitre et na Hua dos 



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( 204 ) 

Condes. Ce dernier était ferme', lorsque je 
me trouvai à Lisbonne; c’est pourquoi je 
n’en ai point parlé. J’ai fait mention d’une 
comédie intitulée o jinno 1798, qui excita 
toute mon attention. Elle a quelque ressem- 
blance avec le drame anglais the PVestindian, 
quoiqu’au reste elle soit originale. C’est un 
tableau fidèle des indécences et des escroque- 
ries que l’on commet dans les différentes so- 
ciétés portugaises. Elle a fait un tel éclat , que 
je doute qu’on la représente dorénavant. Une 
pièce intitulée o Duque de Burgogne , qui 
a été représentée il y a quelques années , et 
qui offrait une peinture des abus de l’autorité 
et des injustices des gouverneurs dans les 
provinces et les colonies, eut le même sort; 
après trois représentations , on la défendit , 
parce que des gentilshommes , qui avaient 
occupé des places de gouverneurs au Brésil, 
n’eurent pas honte de s’en plaindre et de dire 
qu’on les représentait. 

Au reste, ce qui contribue maintenant à 
l’agrément des spectacles à Lisbonne , c’est 
que les femmes ont la permission d’y pa.- 
raître. Les rôles de jeunes bergères ne sont 


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( 2o5 ) 

plus remplis par des personnages qui ont de 
la barbe, et qui parlent entre les dents pour 
adoucir leur voix. Les graziosos , ou arle- 
quins de la scène portugaise, sont toujours les 
valets et les vieillards. Les petites pièces sont 
farces ; les say nettes des Espagnols sont 
préférables à ceux des Portugais. On repré- 
sente souvent des pièces traduites de Molière, 
qui ont beaucoup de succès. 

A l’occasion des combats de taureaux , 
j’observerai que la place n’est point quarrée , 
mais octogone, et que ce n’est pas toujours 
le corregedor qui en a la surveillance, mais 
parfois le saint ou la Vierge Marie , lorsque 
le combat a lieu le jour de leur fête. Ceux-ci 
sont considérés comme présidant la solemnité, 
et sont salués en conséquence. 

Celui qui veut se convaincre que les exei*- 
cices de religion forment un des principaux 
divertissemens des Portugais , et sur-tout des 
femmes , doit visiter Lisbonne pendant la 
semaine-sainte. A cette époque et surtout le 
jeudi-saint , on visite toutes les églises comme 
on le fait dans d’autres pays ; mais les femmes 
portugaises , qui mènent en général une vie 


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( 2o6 ) 

très-retirée, profitent de cette circonstance. 
C’est alors que Ton peut voir combien les ce'ré- 
monies de la religion animent ce peuple , et 
influent sur la gaîté de son caractère. L’exer- 
cice de ses devoirs religieux est un plaisir pour 
le Portugais; il suit exactement les préceptes de 
sa religion; il est dévot, sans être fanatique. 
J’en ai cité plusieurs exemples, T. 1 , p. 287 
et 288. La nation a toujours été de même , 
quoique des ministres et des rois aient été 
aussi fanatiques que les Espagnols ; quoique 
le roi D. Juan V accompagnât au bûcher 
les malheureuses victimes de l’inquisition , 
et dinât , le jour d’un auto-Aa-fé , dans un 
appartement d’où il pouvait entendre les ju- 
gemens de l’inquisition. Ce que Tombal fit 
contre le clergé , aucun ministre n’aurait osé 
l’entreprendre en Espagne. L’inquisition n’a 
jamais été en Portugal ce qu’elle était en 
Espagne ; elle n’a jamais été aussi zélée ni 
aussi cruelle que cette derniere. Elle n’etait 
que le fléau des nouveaux Chrétiens ou 
Juifs convertis qu’elle cherchait à retenir dans 
le pays , pour avoir un objet sur lequel elle 
put exercer sa puissance. Elle était fort tolé- 


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( 20 7 ) 

rante envers les anciens Chrétiens ; on avait 
même fait une loi qui portait qu’un nouveau 
Chrétien , lorsqu’il tombait entre les mains de 
l’inquisition , ne pouvait témoigner contre un 
ancien sans encourir une punition. Au reste, 
il est certain qu'un grand nombre de ces 
nouveaux Chrétiens ou descendans des Juifs, 
qui restèrent dans le pays lors de leur expul- 
sion , et adoptèrent la religion chrétienne , 
élaientde véritables Juifs. Tout cela n’excuse 
pas , il est vrai , les injustices de l’inquisition; 
mais il y a cependant une grande différence 
lorsque toute une nation tremble devant un 
tribunal , ou lorsque ce n’est qu’une classe 
du peuple qui le fait. Pombal fit cesser les 
différends entre les anciens et les nouveaux 
Chrétiens , mais il ne put empêcher que le 
peuple ne distinguât toujours le frère nou- 
veau ( irmao novo ) de l’ancien Chrétien. 
Aujourd’hui l’inquisition n’est plus redou- 
table ; les ecclésiastiques et les auteurs y 
doivent cependant faire attention, quoiqu’elle 
n’ait aucun droit sur ceux-ci , en cette qua- 
lité. 

Les pères de l’Oratoire ( appelés par déri- 


f 


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C 208 ) 

.«ion Manugrecos ) , sont les plus acharnés 
à poursuivre les hérétiques. On ne peut ce- 
pendant faire ce reproche qu’à quelques an- 
ciens membres de l’ordre, qui se sont éloignés 
des autres dans le collège das Necessidad.es, 
et qui habitent le grand chapitre du royaume, 
nommé de Spiritu-Sanio , situé au centre 
de la ville , sur le Chiado. Parmi ces pères , 
il y en a plusieurs qui sont très-éclairés , f mais 
qui vivent dans la retraite. Le confeseur de 
la reine est , à la vérité , de cette congrégation, 
mais il ne se nomme pas Francisco Gomes , • 
comme nous l’avons dit , T. I , p. 290 (1) ; 


( 1 ) C’est ainsi que se nomme l’évêque actuel des Algarves; 
un défaut de mémoire m’a fait confondre son nom. Rien de 
plus facile pour un voyageur en Espagne et en Portugal , 
que de confondre les noms. En société , on nomme les per- 
sonnes par leur titre ou leur prénom , par exemple : Senhor 
Antonio , Don José , etc. Il y a souvent une telle quantité 
de noms propres, qu’on a de la peine -à les retenir, et qu’il 
faut connaître la famille pour trouver le nom principal. 
J’ai parlé souvent à des Portugais , dont je n’ai su le nom 
que par l’almanach royal. Lorsque nous nous rendîmes à 
Leiritt, le comte de H reçut une lettre de recomman- 

dation adressée à Donna Maria , sans autre nom. L’hôte 
auquel nous demandâmes conseil, choisit trois personnes du 
même nom , et nous fûmes assez heureux de rencontrer celle 
à qui la lettre était adressée. 

v 

. < ) 


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1 ' » 


C 209 ) : 

mais D. José-Maria de Mcllo; il a été évêque 
des Algarves. Maintenant il n’en porte que 
le titre ; il est grand inquisiteur. Il est connu 
comme un homme très-dévôt , qui , par le 
peu de connaissances qu’il a des hommes , a 
beaucoup contribué à déranger l’esprit de la 
reine. II est redevable de sa place de con- 
fesseur à sa famille , qui est une des pre- 
mières du royaume ; à son alliance avec la 
plus haute noblesse , et sur-tout à la ci-devant 
favorite de la reine, l’abbesse des religieuses 
carmélites , dans le nouveau couvent. 

m 

J’observerai encore que la permission de 
travailler les jours de fêtes, ne peut s’acheter 
d’aucune manière en Portugal ; le Portugais 
travaille plutôt les dimanches que les jours 
de fêtes. Son raisonnement , d’après les pré- 
jugés généraux , c’est qu’un dimanche revient 
cinquante-deux fois chaque année , et que 
Dieu est plus indulgent que les saints, qui 
n’ont qu’un jour de fête chaque année. On 
accorde des dispenses pour des jours de fêtes , 
mais on ne les fait point payer. 

Comme je parlerai en détail , à une autre 
©ccasion , de la littérature des Portugais et 


4 



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( 210 ) 

de l’état des sciences dans ce pa^s , je me 
contente d’ajouter ici quelques additions , et 
de rectifier des erreurs commises dans le 
T. J. Il n’est pas facile d’engager un libraire, 
en Portugal , à publier un ouvrage relatif 
aux sciences, parce qu’il ne pourrait en dé- 
biter tout au plus que deux cents exemplaires. 

Le nombre des amateurs est trop petit ,et on 
est trop accoutumé à puiser ses connaissances 
dans des ouvrages étrangers; de sorte que des 
hommes médiocrement instruits ne regardent 
même pas les traductions portugaises (qui 
d’ailleurs sont souvent fort négligées), lors- 
qu’ils peuvent se procurer l’original. Au reste 
l’étude des langues étrangères s’accroît tous 
les jours , et les Portugais apprennent non 
seulement le français, mais même la langue 
anglaise. Depuis quelque temps , la cour a 
fait imprimer à ses frais, par la médiation 
du ministre D. Rodrigo de Sousa CoUténho , 
quelques livres de science , et a donné la 
moitié des exemplaires aux auteurs, comme 
gratification. Autrefois , cela n’avait lieu que 
pour quelques petits écrits dédiés aux princes , 
ou aux princesses; par exemple, un livre 
■ ' f* 

t 

* 

' - Digitoed üyGoOfile 


( 211 ) 

d’équitation, dont les gravures ont été faites 
à Paris; des élémens de mathématiques et de 
fortifications à l’usage des élèves de Pécole 
militaire, etc. Les libraires commencent main- 
/ ^nant à se charger des commissions pour 
l’étranger. Le libraire ne peut vendre les 
livres nouveaux qu’au prix indiqué sur le 
titre de l’ouvrage; il a quelque bénéfice sur 
la reliure. Les livres rares et anciens ne sont 
soumis à aucun prix fixe, et sont par consé- ' 
quent bien plus chers. 

J’ai mentionné, T. I. er , page 294, qUe 
le célèbre Kaestner est en tête de la liste des 
membres correspondans de l’académie des 
sciences à Lisbonne. Cet homme a cependant 
une grande réputation, me dit à ce sujet un 
de mes amis. Ce n’est pas sa réputation qui 
lui a donne cette place , mais son prénom. 
udbraham ; car, en Portugal, l’ordre alpha- 
bétique des personnes se règle toujours d’après 
les prénoms. Ce digne homme ne pourrait 
s’empêcher de rire, s’il était encore à même 
de lire ces lignes. . 

Le prince régent (et non la reine, comme il 
a été dit T. I.'r, p. 294) a fondé, en 1799, 

> 4 -. 


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( 212 ) 

une société, dont les travaux ont pour but 
de faire publier de bonnes cartes du royaume 
et des cartes marines à l’usage de la marine 
portugaise. Les membres de cette société ont 
déjà terminé leurs travaux sur plusieurs dis- 
tricts du royaume. On travaille toujours à 
la carte générale, quoiqu’avec lenteur. 

On m’a accusé d’avoir porté un jugement 
trop sévère sur les différentes écoles , comme 
le collège des nobles , l’académie de la ma- 
rine , etc. , dans le tom. I. er , pag. 2g5 , lors- 
que j’ai dit qu’elles sont dans un état de fai- 
blesse et qu’elles végètent à peine. Il y a , il est 
vrai , plusieurs excellens professeurs dans ces 
écoles; mais s’ils n’ont pas toute l’influence que 
l’on désirerait sur les progrès de l’instruction, 
il faut sans doute l’attribuer à quelque cause 
qui lui est étrangère. J’avoue cependant qu’un 
voyageur qui n’a pas le temps de suivre les 
cours, s’en rapporte nécessairement, dans ses 
jugemens, aux ouï-dire qu’il recueille. 

Quoique j’aie souvent visité la bibliothèque 
du couvent de N. Senhora de Jésus , je ne 
connais pas assez les institutions pour dire à 
quel ordre il appartient. Ge n’est pas un cou- 


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r 


( 2l3 ) 

vent de Bëne'dictins , mais de Minorités. J’y 
trouvai une quantité d’excellens ouvrages Es- 
pagnols. Dans chaque bibliothèque publique, 
en Portugal , on voit à côté des slctis Sanc- 
torum , l’encyclopédie par ordre des matières. 

Je ne connais la bibliothèque du couvent de 
S.-Vicentede Fora , que parles relations d’un * 
ami qui la visita souvent. 

Je ne puis rétracter mon jugement sévère 
sur Vandelli, dans le tom . J, p. 3 oo. Je cor- 
rigerai quelques fautes d’impression qui s’y 
sont glissées. Il ne suivit pas autant Ponte - 
dera qui fut son maître, que Linne'e qui le 
combla d’éloges. Il n’a pas 800, mais 8oco 
crusades d’appointemens.Il n’est pas assesseur 
de l 'aula do Commercio , mais de la junta 
do Commercio ; car aula est un coljège pour 
l’instruction ; et junta , un collège adminis- 
tratif. J’ai mal-à propos donné le titre dom , 
au second "conservateur du cabinet. 

L’observatoire das Necessidades que j’ai 
cité, n’existe plus. J’entendis souvent vanter le 
grand hôpital de S. -José. Le docteur Longs - 
dorf , médecin du prince de W aldek , a 
publié, en portugais , une petite brochure su* 


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C 214 ) 

Cet établissement , qu’il assure ne rien valoir. 
J’avoue qu’il n’est pas sans défauts ; mais le 
docteur Langsdorf a-t-il pu le comparer avec 
les hôpitaux de différentes villes ? Je pense 
qu’à tout prendre , cet hôpital est à ranger 
parmi ceux de ces établissemens qui sont bien 
dirigés. àiinHiifc 

Tous les médecins, dans quelque ville qu’ils 
aient étudié , lorsqu’ils veulent pratiquer en 
Portugal , doivent avoir obtenu du proto - 
medicat , la permission d’exercer leur art. On 
désigne , à cet effet , plusieurs jours pour les 
examiner sur la médecine pratique et théo- 
rique. Ils sont obligés de visiter des ma- 
lades à l’ hôpital , en présence des députés du 
collège , de rendre compte de leur état , et de 
déduire les raisons de ce qu’ils leur prescrivent. 
Il faut aussi qu’ils soutiennent au collège 
une thèse sur des sujets d’anatomie et de 
pharmacie, qui leur sont distribués au' sort, 
et qu’il réponde aux questions proposées par 
les assesseurs. Il est nécessaire qu’ils aient 
reçu le grade de docteur dans quelque uni- 
versité; s’ils n’en présentent le diplôme, ils 
ne sont point admis à l’examen. On n’a de 


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C «5 ) 

l’indulgence sur ce point que pour les chi- 
rurgiens praticiens et leurs aides ignorans; 
j’ai vu même souvent ces derniers ordonner 
des médecines. Je sais par moi-même qu’il y 
a de mauvais médecins , parce que je fus 
obligé , contre mon gré, d’écrire des ordon- 
nances dans les villages aux environs de Lis- 
bonne , où je jouai le rôle du médecin malgré 
lui. On supposa que celui qui recueille des 
plantes, devait être nécessairement un mé- 
decin ou plutôt cirurgiao. Les médecins 
étrangers peuvent pratiquer , pendant quelque 
temps , sans permission ; mais ils ne doivent 
traiter que des étrangers : car s’ils entre- 
prenaient de traiter un Portugais , et que 
celui-ci ne guérît point , ils s’exposeraient à 
ce qu’on leur intentât un procès , qui leur 
causerait de grands désagrémens. 

Les pharmacies portugaises sont sous l’ins- 
pection du premier médecin et président du 
protomedicat , qui peut les faire visiter lors- 
qu’il le juge à propos ; elles sont obligées de 
se conformer aux règlemens qu’il leur prescrit. 
Ces règlemens portent le titre : Pharmaco- 
peia gérai para o reino c dominios de Par- 

14. . . 


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( «6 ) 

tugal , publicada por ordem da rainha Jîde - 
lissima D. Maria I. er . Lis boa, n a reg. off. 
typ., z vol . , 1794. -. . .. 

Voici encore quelques observations à ajouter 
à la description de l’université de Goimbre , 
tom. l . er , pag. 38 i. Le recteur ( reitor') est 
toujours un ecclésiastique; cette place est 
réunie aujourd’hui à celle d’évêque; Castro 
n’occupe plus cet emploi. Les professeurs ne 
se nomment point lertes , mais lentes. Le 
grade de docteur , les médecins exceptés , 
n’est pris que par ceux qui se destinent aux 
places de professeurs ou à celles de juges dans 
les tribunaux suprêmes. Ils ne font point 
imprimer de dissertation pour leur réception , 
mais sont obligés de soutenir une thèse pu- 
blique sur une question qui est indiquéé par 
le sort. Il n’y a plus de maitres-ès-arts en 
Portugal; mais il faut que tous ceux qui 
désirent avoir un emploi près de l’université, 
soient bacheliers. Ceux qui étudient en théo- 
logie , et qui se destinent aux fonctions du 
ministère, peuvent avoir-fait leurs études 
autre part ; par exemple, à Evora. J’ai déjà 
dit que les chirurgiens proprement dit* 


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( 2r 7 ) 

( cirurgiaos') doivent avoir fait leurs éludes. 
Le nombre des étudians , avant la réforme , 
était en effet très-grand , parce qu’on se faisait 
inscrire à cause des privilèges , sans suivre les 
cours, et il n’y avait point d’examen comme 
maintenant. • 

M. de Zacli a prouvé, par des relations du 
chevalier Aranja , que j’avais eu tort de dire 
que l’observa toite de Coimbre manquait d’ine- 
truraens. Je suis cependant obligé d’affirmer 
que cet observatoire me parut plutôt être une 
chambre de parade, qu’un cabinet de travail; 
et par cette raison , j’ai pu ne pas remarquer 
tous les instrumens qui s’y trouvaient; il eu 
était de même des instrumens de physique. 
Nous désirâmes avoir des baromètres pour 
faire à Coimbre des observations, qu’on aurait 
pu comparer ensuite avec celles que nous 
avions dessein de faire sur le Gerez et l’Es- 
trella ; sur-tout avec ce dernier , parce que 
Coimbre est presque située au pied de l’Es- 
trella. Le professeur de physique nous présenta 
un baromètre portatif de Hurter; mais il s’j 
prit si mal-adroitement , que sans le secours 
du comte de Hoffmansegg , qui connaît fort 


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C 218 ) 

bien les inslrumens de physique, le mercure 
aurait été répandu. Il paraît que ce fut pour 
la première fois que l’on sortit ce baromètre 
de son étui. J’ai encore quelques notions à 
donner sur des institutions littéraires parti- 
culières en Portugal ; je les réfferve pour une 
autre occasion. 

J’ai donné mal-à-propos le titre dom aux 
professeurs de chimie , de jAysique et de 
botanique. Brotero ne se nomme point Feliz de 
Avellar, comme le dit l’almanach royal, mais 
Feliz Avellar-Brotero. Il vient de publier 
une Phytographia Lusïtanice selectior fasc . 
I. er Olissip. , 1801 , fol. , où ' beaucoup de 
plantes rares et nouvelles sont supérieurement 
bien décrites. L’auteur s’est plaint que cet 
ouvrage fourmillait de fautes typographiques, 
et qu’il voulait le faire réimprimer. Je lui 
ai répondu qu’un homme qui fait preuve 
de tant de connaissances , ne serait pas taxé 
d’ignorance à cause de quelques fautes d’im- 
pression. 

Tous les étudians à Coimbre portent, avec 
leur costume bizarre, un petit sac noir, qui 
renferme le mouchoir et la tabatière. J’ai 


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% 


( 2I 9 ) . 

commis une erreur en disant qu’ils s’en ser- 
vaient à défaut de poches ; il sert de bonnet 
( gorra ) , et c’est un abus d’en faire l’usage 
d’un bonnet. Ils n’osent cependant pas porter 
ce bonnet dans la ville ; au reste ils le mettent 
rarement. Du temps de Jean III , d’où date 
ce costume , la mode était de porter le bonnet 
à la main au lieu de chapeau. En général le 
costume des étudians de Coimbre est celui 
qui était généralement en usage lorsque cette 
université fut fondée ; l’on a cru que des per- 
sonnes graves et des savans ne devaient jamai# 
varier leur costume. 

4. 0 Lieux situés dans le voisinage de 
Lisbonne. 

• • . I 

* ' . * . • • , • * r 

Au midi du fleuve, en face de Lisbonne, 
se trouvent trois baies et les lieux où l’on 
débarque les marchandises. T)' fétide a Gallega 
l’on expédie pour l’Espagne , de Moita pour 
Setuval ; de Coina pour la route d 'Azeytas, 
et de Seixal pour le chemin de Cezimbra. 
Vis-à-vis ce dernier endroit et de l’autre côté 
de la baie, est remplacement où l’on éprouve 


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» < 

. ( 220 ) 

les canons, et où se font les exercices et les 
manœuvres de l’artillerie. Ce fut sur cette 
place qu’un officier d’artillerie ignorant fit 
fane, en i une déchargé de cent vingt 
pièces de canon à la fois} ce qui occasiona 
une telle secousse a Lisbonne, qu’une église, 
qu’on était occupé à réparer, s^écroula et en- 
terra sous ses débris plusieurs personnes. Le 
peuple, chez qui le souvenir du grand trem- 
blement de terre n’était point encore effacé, 
fut consterné , et crut qu’il allait encore éprou- 
ver un événement pareil. A peu de distance 
de cet endroit, vers l’embouchure du fleuve , 
est situé le bourg Casilhasj et là où le rivage 
s éleve subitement, le bourg j4.lm.ada , près 
duquel se trouve l’hôpital pour les marin» 
anglais ; en temps de guerre il n’est pas assez 
spacieux , et on loue des maisons dans le 
voisinage pour loger les malades. Sur le bord 
de la rivière on voit un petit fort et différens 
magasins ; la Vieillç-Tour (Torre-Velha ), en 
face de la tour de Belem , est pourvue de 
plusieurs batteries et d’une bonne garnison. 
Au midi , et à l’embouchure du fleuve , est 
situé Traffaria , ancien fort avec des bâtimens 


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( 221 ) 

très-vastes , qui servent , selon les circons- 
tances , de quarantaine, de prison pou» les 
criminels condamnés à la déportation , et de 
casernes pour les régi mens destinés à être 
embarqués. Le village est à côté et porte le 
même nom. Le véritable séjour des pêcheurs ' 
de Lisbonne sont les cabanes de jonc sur la 
côte, à A-Costa ; et ces hardis marins font 
usage de barques qui portent le nom de sa- 
veiros. Au bout d’un banc de sable est situé 
le fort de Santo - Lourenço da Barra , qui 
protège l’entrée du fleuve ; mais il ne sert pas 
de prison aux criminels qui doivent être dé- 
portés , comme je l’ai dit T. 1 , p. 3o8, mais 
à ceux qui sont condamnés à terminer leurs 
jours dans les fers. Parmi les criminels nous 
aperçûmes l’homme qui avait un jour frappé 
le roi Joseph avec sa canne, probablement 
dans un accès de folie. 

Les coches d’eau , qui vont plusieurs fois 
par jour dans les lieux au-delà du fleuve , se 
nomment carreiras ou harcas de carreira. 

La tour de Belem , située au nord de la 
rivière, près du bourg de Belem , est un aucieti 
ouvrage commencé par le roi D. Manoel , et 


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( 2 22 ) 

terminé par Jean III. La gravure qui la 
représente dans les Délices d’Espagne et de 
Portugal par Çolmenar , et qui a été copiée 
en grand dans le Voyage du duc de Châtelet , 
est assez exacte , excepté que les environs tm 
sont plus inhabités ; ils ont été considérable- 
ment embellis. 

Le fort de S. Juliao défend l’embouchure 
du fleuve du côté du nord, et à peu de distance 
de là se trouve la petite ville d’ Œyras , dont 
les quintas et le canal rappellent le marquis 
fle Pambal , qui était comte d’Œyras. Entre 
Santo- Juliao et Belem se trouve l’église de 
S . Amato , située sur une hauteur d’où l’on 
jouit d’une belle vue; elle est fort bien repré- 
sentée dans l’ouvrage de Çolmenar. 

Quel est l’étanger qui ayant resté peu de 
temps à Lisbonne, ne connaisse pas Cintra ? 
Dans toutes les relations de voyages on trouve 
des descriptions des quintas dont ce lieu est 
orné , de l’ancien château et d’autres objets , 
et l’on peut être assuré de la vérité de ces 
notions , pourvu qu’on ne prétende pas y 
trouver des observations sur l’histoire natu- 
relle. Quoique le séjour de Cintra soit un des 


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C 2 23 ) 

plus beaux sous ce climat, quoiqu’il soit peut- 
être difficile de trouver un paysage pareil , 
même dans le midi de la France et en Italie, 
il est surpassé, à mon avis, par celui de 
Monchique. On rencontre ici , comme à 
Cintra , de l’ombre et des sources limpides , 
mais on y trouve de plus de belles prairies 
émaillées de fleurs et entourées de châtai- 
gniers. La Serra de Foja est plus facile à 
gravir que le sommet des montagnes de Cin- 
tra ; et la vue qui s’étend presque sur tout le 
royaume des Algarves, est une des plus ma- 
gnifiques dont on puisse jouir. 

« Il ne faut pas croire, ai- je dit T. I,p. 3rg, 
que l’art contribue en rien à embellir cette 
campagne». Cette expression n’est pas pré- 
cise ; l’art y a produit ces belles quintas om- 
bragées de verdure , qui en rendent le séjour 
si agréable ; mais il n’y a rien fait pour les 
plaisirs de la société; on n’y rencontre ni 
spectacles, ni bals, ni concerts, ni aucun 
autre amusement. 

Les montagnes de Cintra , nommées par 
les anciens , Mons Lunce , se terminent par 
le Cabo de Rocca , le Promontorium mag- 


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C 22 4 ) 

num ou Promontorium Cinthiœ des anciens. 
J’ai estimé sa pente du côté de la mer , par 
apperçu ; je la suppose être de cinquante à 
quatre-vingts pieds ; M. le comte de H...., 
croit cependant que cette évaluation est trop 
modique. 

J’ai parlé des eaux minérales de Bollas , 
T. J, p. 3i6; elles méritent , sous tous les 
rapports, une analyse chimique. L’on arrive à 
Bellas d’abord par la route de Cintra ; ensuite 
on tourne à droite jusqu’au village Idenha ; 
et après une demi-heure de chemin , on arrive 
à un autre petit village nommé Venda Seca , 
près duquel se trouvent les eaux minérales. 
Les deux sources sortent d’une petite cavité 
où l’on peut descendre ; elles sont fermées 
l’une et l’autre. On prétend que l’eau de l’une 
de ces sources a la propriété de faire avorter; 
et ceux qui sont chargés de la surveillance , 
ont les ordres les plus sévères pour n’en pas 
donner une goutte. En effet , ce fut avec 
beaucoup de peine que nous pûmes obtenir 
un verre pour la goûter. Autant que j’ai pu 
m’en convaincre par le goût , ces eaux pa- 
raissaient contenir du vitriol ferrugineux , 


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mais point d’oxide de fer. L’eau de l’autre 
source est bien moins forte ; elle ne contient 
que de l’oxide de fer ; on la vend un tostao 
la bouteille. Près de ces sources on voit une 
forêt de pins maritimes, qui offre une pro- 
menade agréable. Le sol est formé par du 
grès , mêlé de fragmens de minérai de fer. 
Comme les eaux qui contiennent de l’oxide 
de fer sont rares en Portugal, celles-ci mé- 
ritent l’attention des médecins. 

Dans une petite excursion que nous fîme 9 
au mois de mars 1798, nous suivîmes toute 
la chaîne des montagnes de Cintra jusqu’au 
Cabo de Rocca ; nous visitâmes le couvent' 
de Liège, dont Barretti parle dans ses lettres j 
nous arrivâmes ensuite, par un pays agréable, 
au village Olieras , et enfin au fanal du 
Cabo de Rocca , par une contrée stérile. 
Trompés par la carte de Lopez , nous nou9 
rendîmes d’ici à Cascaes. Au lieu d’une dis- 
tance d’une lieue , nous en trouvâmes une de 
trois à quatre , par des montagnes arides , 
Stériles et impraticables pour les bêtes de 
somme. La distance du bourg de Cascaes a 
été estimée trop petite j elle est de cinq lieues. 

x5 


( zz6 ) 

Nous ne conseillons à personne de prendre 
cette route. 

La Serra Aa Arrabida s’étend presqu’en 
ligne parallèle avec les montagnes de Cintra , 
au sud du Tage ; et se termine par le Cabo 
de Espichel , qui , avec le Cabo de Rocca , 
forme la baie dans laquelle se trouve l’em- 
bouchure de la rivière. Celui qui est accou- 
tumé à grimper les montagnes , ne doit pas 
manquer de visiter celles-ci. Au pied de ce* 
montagnes , on trouve une auberge commode 
à Aldea dos Mouros ; on y parvient faci- 
lement , en louant à Casilhas un âne que 
l’ânier fait marcher très-vite , et on s’épargne 
de plus un chemin sablonneux. Des collines 
agréables couvertes de tinus élevés entourent 
le village ; une lande , garnie de la plus belle 
espèce de cistes , règne jusqu’au pied des 
montagnes, d’où tombe un ruisseau ombragé • 
par des myrtes élevés ; l’on monte d’abord 
à l’ombre de vieux lauriers , mais ensuite ou 
a de la difficulté à gravir la montagne à 
cause de son escarpement, et des pierres dé- 
tachées dont elle est parsemée; une espèce 
de genêt épineux , que l’on trouve en grande 


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( *27 ) 

quantité , contribue également à arrêter la. 
marche. Du sommet on aperçoit toute la 
chaîne de montagnes jusqu’au fanal du Cabo 
Espichel; on voit à ses pieds la baie de 
Sétuval et une grande étendue de côtes ; 
l’œil se promène sur l’immensité de l’Océan; 
Lisbonne paraît très-distinctement , et on 
peut suivre le cours de la rivière jusques bien 
avant dans le pays ; les montagnes de Cintra 
forment le fond du tableau. Au levant on 
aperçoit le couvent de Palmella , situé sur ‘ 
une montagne de forme conique , et séparé 
de la Serra par un étroit vallon ; et au-delà 
la vaste étendue des landes de l’Alemtejo. 

Cette chaîne de montagnes se termine par 
le Cabo (T Espichel. Sur la pointe la plus 
avancée du promontoire , est située l’église 
de Nossa Senhora do C9bo t avec une image 
miraculeuse de la Vierge ; on y fait de fré- 
quens pèlerinages auxquels la cour prend part* 
Le rez-de-chaussée des deux bâtimens qui 
forment comme deux aîles d’un corps-de- 
logis , consiste en galeries voûtées ; l’étage 
supérieur , en petites cellules. Il n’y a point 
d’auberge ici , mais l’ecclésiastique nous 

l5. 


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* 


( 229 ) 

Cabo à Porto Brandao, à cinq lieues de dis- 
tance. La grande route est fort commode , elle * 
est large et bien entretenue ; la contrée est 
fertile et agréable. Le Lagoa de Albufeira , 
nappe d’eau étroite , séparée de la mer par 
des dunes , est à deux lieues de Cabo et 
s’étend jusqu’à une demi-lieue dans l’intérieur 
des terres ; cette eau est saumâtre et abonde 
en poissons. Sur ses bords , il y a un bâtiment 
pour la cour, lorsqu’elle vient chasser ici, en 
allant au pèlerinage de Cabo. Depuis ce lac 
jusqu’à Porto Brandao , s’étend une lande 
couverte de sapins , comme on en rencontre 
communément au midi du Tage. 

J’ai parlé de Sétuval , T. 1 ,p. 334 etsuîo. de 
mon I. er Voyage^ Comme beaucoup d’étran- 
gers visitent ce lieu , et qu’il en est parlé dans 
toutes les relations de voyages , je n’entrerai 
pas dans de plus grands détails sur cette ville. 

J’ai également parlé des ruines de Troya ou 
Troyes , vis-à-vis de Sétuval ; ils consistent 
en une file , souvent interrompue , de petits 
édifices , dont il ne reste que les murs du rez- 
de-chaussée. Ils sont construits de briques > 
de grès et de pierres calcaires sans aucune 

1 5 • • 


0 


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V 


(a3o) 

i 

simétrie. Deux chemins bien battus se di- 
rigent au bord de l’eau et paraissent enceindre 
une petite place ; car du côté de l’eau on 
voit une rangée de maisons qui paraissent 
être des boutiques , et qui sont parfaitement 
semblables. D’autres vestiges Sont sans doute 
cachés sous la colline de sable qui se trouve 
dans le voisihage, et sur laquelle est située 
une église isolée ( huma ermida ). Le comte 
de la Lippe fit fouiller en cet endroit , et 
trouva , à ce qu’on prétend, une petite statue. 
'Autrefois on a découvert beaucoup de mé- 
dailles de cuivre qui datent du temps de 
Néron. Elles sont devenues très-rares aujour- 
d’hui ; et ce que nous montra l’homme qui 
habite dans le voisinage , et qui est batelier , 
consistait en clous et autres pièces de cuivre 
informes. Les antiquités qu’on a trouvées, 
mais dont nous n’avons vu aucune, datent 
sans doute de plus loin que les vestiges 
d’édifices qui paraissent ne pas être très-an- 
ciens. Peut-être Troya n’était-elle qu’un fau- 
bourg de Sétuval. Les villes de Sines ( et 
non pas Sinos , comme il est marqué, T. 1 , 
p. 338 ) , Alcazar , Cezimbra , Setuval , 


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C 23l ) 

entretenaient autrefois une peche considé- 
rable ; elles exportaient même du poisson 
à l’étranger. Les pêcheurs furent obligés 
d’habiter le bord de la mer; il fallut qu’ils 
préférassent l’epdroit ou était située Troya , ^ 

au séjour près du fleuve où se trouve Sétuval. 
Lorsque le commerce diminua par la suite , 
ils quittèrent les dunes stériles, et s’établirent 
à Sétuval ; ce qui aggrandit ce lieu. Voilà 
mon hypothèse sur l’origine de ces ruines , 
que je changerais volontiers contre une 
meilleure. 

J’ai déjà observé que l’embouchure du 
Sado ou Sadao , près de Sétuval , est mal i 
désignée dans toutes les cartes. Il est aussi 
large , près de Sétuval , que le Tage près 
de Casilhas , peut-être plus large encore. Il 
conserve cette largeur considérable pendant 
trois ou quatre lieues , jusqu’au château royal 
Pinheiro. Là , il se rétrécit considérablement , 

•et devient enfin , auprès d’Alcacer, la petite 
rivière qui est marquée sur toutes les caries. 
Boca de Palma est un bras navigable et 
l’embouchure d’une petite nappe d’eau qui , 
sur la rive droite, tombe dans le Sado , et 

1 5 . 


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( 232 ) 

|)orte des bateaux jusqu’à une lieue dan* 
l’inte'rieur des terres. Un autre bras sur la 
rive gauche , vers Omporta , n’est navigable 
que pendant le temps du flux. On ne trouve 
plus de tourbe dans ce dernier endroit; aussi 
paraît-elle être de mauvaise qualité. 

5 .® Additions au premier voyage par 
V Estrémadure. 

La route que nous suivîmes au mois de 
, mai 1798, pour aller de Lisbonne à Coimbre, 
n’est pas celle qu’on prend ordinairement , 
car celle-ci passe par Villafranca . Nous choi- 
sîmes l’autre pour visiter la Serra de Mon- 
tachique , et pour cet effet nous nous ren- 
dîmes par Campo pequeno , Campo grando 
( ce n’est pas un fauxbourg de Lisbonne, 
mais un village voisin de cette ville). Lu- 
miar , Loures , Montachique , Povoa ( et 
non pas Poua') et Enxara , à Torres Vedras .. 
Les routes sont pavées, mais en fort mauvais 
état ; je suis sûr qu’elles n’ont pas été réparées 
depuis un siècle. Les montagnes de Monta- 
chique sont d’une hauteur considérable; dan* 


i 


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*;< . 


A ( 233) ^ ; 

les environs de Lisbonne , on voyait croître 
la vigne et le bled , et celui qu'on n’avait pas 
encore coupé offrait de beaux épis ; dans les 
villages autour de ces montagnes , au con- 
traire , on voyait fleurir les pommiers. Lors- 
qu’on les aperçoit quand on est en mer , 
ces montagnes paraissent fort hautes. Même 
autour de Torres Vedras, le climat n’est point 
tempéré ; on y cultive rarement des oranges , 
mais d’autant plus de pommes et de cerises. 
La petite plaine entourée de montagnes cou- 
vertes de pins maritimes et de buissons , à 
l’entrée de laquelle est située la ville , pré- 
sente , à cause de cette diversité , un coup- 
d’œil agréable ; elle est variée par des champs 
en culture, des vignobles , des oliviers et des 
vergers ; les bords du Sizandro sont couverts 
de saules. Une grande route bien pavée est 
ombragée par des ormes et des peupliei-s; au 
milieu de tous ces objets , on voit paraître la 
ville dominée par un vieux château, et un 
aqueduc soutenu par un double rang d’ar- 
cades. Le pays est fertile ; le produit des 
terres surpasse ordinairement les besoins des 
habitans. L’expérience m’apprit que cette 


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( *34 ) 

contrée était froide , sur-tout pendant la nuit; 
Dans une belle nuit du mois de mai, je restai 
jusqu’à minuit à considérer les vers luisans 
du midi de l’Europe ( lampyris italica ). 
Ces jolisinsectes different beaucoupdes nôtres; 
leur lueur n’est pas continuelle , mais elle pa- 
raît par intervalle et jette un reflet rougeâtre, 
de façon que l’air semble être rempli d’étin- 
celles qui paraissent et disparaissent. Je payai 
cet amusement par un ulcère à l’oreille , qui 
esf cependant la seule- incommodité que j’aie 
éprouvée pendant le cours de mes voyages. 

En passant par Obidos , ville remarquable 
par un grand château et par un aqueduc de 
quelques centaines d’arcades , nous arrivâmes 
aux bains de Caldas, nommés vulgairement 
Caldas da Raynha (bains chauds de la reine). 
J’ai fait mention de ces bains , T. I. de mon I. er 
Voyage, p, 352, Les maisons sont petites et 
mal bâties ; pourvues , il est vrai, de fenêtres , 
mais sans carreaux de verre, La maison des 
bains est construite au-dessus des sources 
chaudes. Après y être entré , on parvient à 
plusieurs salles basses où se tiennent les étran- 
gers qui boivent les eaux, et où sont exposées 


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( 235 ) 

diverses marchandises ; à gauche se trouve 
la pharmacie. Au bout de la .salle du milieu , 
on voit la source qui fournit de l’eau pour 
boirq ; cette eau est puisée dans des seaux, 
par des personnes chargées de cet emploi ; 
une table garnie de verres se trouve au ^ 
centre de cette salle. A droite et à gauche, 
on voit les chambres pour les malades indi- 
gens,qui sont soignés gratuitement pendant 
le temps des bains. A quelques pas plus loin 
on parvient aux bains et aux chambres des- • 
tinées à s’habiller. Une pompe ordinaire qu’un 
Anglais a fait construire pour son usage par- 
ticulier , sert aux douches. Derrière le bâ- 
timent se trouve un petit jardin , et plus loin 
un plus grand planté d’oliviers et de tinus , 
qui sert de promenade à ceux qui fréquentent 
les bains. La maison des bains n’est ouverte 
qu’à sept heures du matin. On observe une 
méthode bien plus sage à Caldas de Gerez , 
où l’on se baigne dès quatre heures du matiD. 
Voilà tout ce que je puis dire de ces bains, 
qui manquent de bonnes dispositions. M. Tiz- 
veres , auteur d’un écrit suc ces bains, dont il 


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( 236 > 

est mention T. 1 de mon I. er Voyage , p. 356V 
est maintenant premier médecin de la reine. 

A une lieue de Caldas se trouve le Lagoa 
de Obidos , bras de mer qui s’étend dans 
Fîntérieur des terres entre des rochers , et 
qui forme différentes sinuosités pendant une 
lieue. Depuis les collines de Caldas , cette 
nappe d’eau ressemble à un petit lac. Son 
embouchure est souvent embarassée par des 
bancs de sable ; alors il se déborde , et on est 
©bligé de lui ouvrir un passage. Le pays le 
plus agréable* autour de Caldas , est sans 
doute la quinta da Pielade , située à une 
lieue de l’endroit, vers le nord-est. Des col- 
lines boisées^ des eaux limpides, des prairies, 
des vignobles et des vergers agréablement 
variés, forment des promenades ombragées. 
Cette quinta est connue de ceux qui fré- 
quentent les bains ; on s’y promène souvent. 

. De Caldas nous nous rendîmes à Sam- 
Martinho , et de-là à Alcobaça , couvent de 
Bénédictins , dont tous les voyageurs parlent 
comme étant situé entre O-Porto et Lisbonne. 
J’ajouterai encore quelques mots sur la fa- 


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- ' a C 2 3 7 ) ^ 

brique de coton et de toile qui s’y trouve. 
Comme je l’ai de'jà observé , Pombal eu fut 
le fondateur ; un particulier nommé Oliveira , 
la dirigea jusqu’à ce quelle. fût achetée par 
M. Jean Guillot. Les machines dont on se 
6ert ici pour filer et carder le coton , ont été 
apportées d’Angleterre ; on en trouve éga- 
lement à Thomar. M. Renard , dont nous 
avons fait connaissance à Lisbonne t et qui , 
comme je viens de l’apprendre , a été banni 
du pays , a eu beaucoup de part à l’établis- 
sement de la manufacture d’Alcobaca. Oa 

a 

s’est d’abord servi d’ouvriers étrangers; main-r 
tenant les Portugais y travaillent. Les mar- 
chandises sont débitées en partie , dans le 
royaume ; on en expédie une grande quantité 
pour le Brésil. 

La belle église à Batalha , est suffisamment 
connue. Il est étonnant qu’il y ait une mau- 
vaise auberge à Alcobaça , et qu’on n’en 
trouve point à Batalha; il est aisé d’expliquer 
les plaintes des étrangers sur les mauvaises 
auberges du Portugal ; car c’est sur plu- 
sieurs points où leur concours est considé- 
rable, que l’on rencontre les plus mauvaises 


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c 238 ) 

hôtelleries. Nous fûmes reçus avec beaucoup 
de politesse par le prieur. 

Entre Batalha et Alcobaça , est situé le 
bourg Aljubarota où se livra une fameuse 
bataille en i386 , entre les Portugais et les 
Espagnols ; c’est, après la bataille de Campo 
de Ourique , celle qui assura l'indépendance 
du royaume. Nuno- Alvarez Pereira , qui s’y 
distingua , est le premier père de la maison 
des ducs de Cadaval. 

i . < ’. 

La ville de Leiria était autrefois grande 
et florissante. On a trouvé des dénombremens 
de l'année 1417 , qui prouvent qu’elle était 
beaucoup plus peuplée que maintenant. A la 
fin du i5.° siècle, on y voyait encore des 
imprimeries considérables. Il est probable que 
l’expulsion des J uifs a été très-nuisible à cet 
endroit. Le combat de taureaux que nous r 
vîmes ici , et dont nous avons parlé T. I , 
p. 370 , est un des principaux du royaume. 
Nous arrivâmes trop tard pour voir le brincas, 
divertissement avec de jeunes taureaux que 
l’on ne met pas à mort , et qui est accom- 
pagné de danses. Les frais du .combat de 
taureaux sont payés par une société d’ha- 


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C 23 9 ) 

bilans riches ; aucun spectateur ne paye , pas 
même lorsqu’il est placé sur les tribunes. La 
chair des taureaux est abandonné au peuple. 
Dans ce jour , chacun a la permission de se 
déguiser , de se masquer et de s’amuser à sa 
manière. Des jeunes gens de condition se dé-^ 
guisent et se promènent masqués. Lès mai- 
sons aisées donnent des fêtes et des bals ; eu 
un mot , on cherche à se divertir le plus 
qu’on peut. 

La blancherie de Leiria , établie par ua 
nommé Sperling, a non seulement cessé depuis 
long-temps , mais celui-ci a même été banni. 

De Leiria nous nous rendîmes , par une 
belle route bordée de châtaigniers, à Tombal. 
C’est ici qu’est enterré M. Pombal , le grand 
marquis ( o gran marquez ) ; ainsi le nomme 
le peuple ; j’en ai parlé T. 1 , p. 3q3. Dans les 
archives statistiques et historiques de Zim- 
mermann , Cah. I y p. 47 , ou en porte, sous 
le nom d’un politique portugais, un jugement • 
bien différent. L’introduction de M. Zimmer- 
mann est fôrt bien écrite; la dissertation ne 
renferme que des jugemens sur des choses 
connues ; elle ne contient point de faits nou- 

V* ’ . % . * 


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( 2 4 ° ) 

veaux. On prodiguerait trop d’éloges à Pom- 
bal , en ne considérant que les progrès que 
le Portugal a faits sous son administration; on 
en doit une grande partie à l’esprit du temps. 
L’Espagne n’a-t-elle pas fait de pareils pro- 
grès sous la domination d’hommes faibles? Ne 
sont-ce pas les lumières qui y ont paralysé le 
bras de l’inquisition ? On ne peut disconvenir 
que Pombal ne fût un homme doué d’un 
caractère ferme et de beaucoup d’énergie ; 
mais ce fut sa haine contre la noblesse et le 
clergé, en un mot contre tout ce qui pouvait 
lui être opposé, qui lui inspira les lois qui 
ont été sans doute avantageuses au pays, La 
grêle , lorsqu’elle est accompagnée de pluie , 
peut de même être utile au pays où elle 
tombe. Au reste, il est assez singulier de lire 
dans cette dissertation, que les mesures de 
Pombal préservèrent le pays d’une invasion 
de la part des Espagnols, en 1762. Il est connu 
• en quel état le comte de la Lippe trouva 
l’armée ; on sait quelles circonstances em- 
pêchèrent les entreprises des Espagnols; la 
conduite des Espagnols dans cette guerre est 
connue ; enfin on n’a qu’à bien peser toutes 


( H* ) 

ïes circonstances , pour se convaincre que le» 
mesures de Pombal ne contribuèrent nullement 
aux succès des Portugais. Quelle fut la con- 
duite de Pombal , lorsqu’une guerre avec les 
Espagnols menaça le royaume , vers la fin du 
règne de D. Joseph ? L’esprit d’innovation 
de Pombal est connu ; malheureusement ses 
alentours n’avaient aucun talent ; le ministre 
voulut et fut obligé de tout faire par lui-même. 

•De là cette quantité innombrable de lettres 
non décachetées , qui dut occasionner les plus 
grandes injustices , et qui présente un exemple 
ci pernicieux pour la postérité, qu’on doit 
regarder cette conduite comme une vraie cala- 
mité. L’auteur cité lui accorda des vues sages 
et des connaissances dans beaucoup de cir- 
constances; c’est ce que prouvent aussi ses 
institutions. Que l’on considère celles-ci, qu’on 
ne porte son attention que sur les faits qui 
sont peu dénaturés dans l’histoire de la vis 
de Pombal , que Jageman a traduite en 
allemand , quoiqu’elle soit écrite dans un 
style virulent ; que l’on compare cet écrit à 
d autres , et on pourra porter un jugement 
sain sur cet homme remarquable. Lorsqu’on 

lé 


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( 242 ) 

ff 

demande ce que fit Pombal , la réponse ne 
peut être en général qu’avantageuse pour lui ; 
lorsque l’on demande comment il le fit, la 
réponse ne pourra être que défavorable pour 
cet homme trop puissant. 

A notre retour des provinces septentrionales 
nous traversâmes la partie orientale de la pro- 
vince d’Estremadure. Nous allâmes d 'Es- 
pinhal, par Vendu dos Moinhos , Vendu da 
Maria y Cabaças , à Thomar. J’ai fait men-' 
tion , T . II, p • 98 , de la filature de coton 
à Thomar. Les machines ont été apportées 
d’Angleterre par quelques ouvriers fugitifs ; 
l’inspecteur de la fabrique était anglais ; il 
voulut de nouveau rompre son contrat et 
s’enfuir. Ensuite nous retournâmes à Lis- 
bonne par la fertile plaine de Golegcin , 
Santarem , Cartaclia , Azambiya , Cas- 
tanheira , Vilia-Franca , Aîhandra , Al- 
pera , Popos , Sacavcm. Je répète les noms 
de ces lieux , parce qu’ils ont été changés dans 
le T. JJ, par des fautes typographiques. 



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€°. Second voyage , par une partie de V Es- 
trémadure , au Monte- Junto et à Rio - 
Major jusqu’au Zezere'. 

Dans la province d’Estremadure se trouva 
une chaîne de montagnes assez considérable , 
le Monte-Junto , que nous n’avions point 
encore visité. Nous ne l’avions apperçu que 
de loin, sur le chemin de Torres-Vedras à 
Obidos . Le Comle de H..., s'y rendit au mois 
de juin 1799 > visita en même-temps les sa-' 
lines à Rio-Mayor , et alla par Thomar à 
Portalegre. 

Le chemin depuis Lisbonne jusqu’à ces 
montagnes , remonte d’abord la rivière jus- 
qu’à Villa- F ranca ; ensuite il se dirige dans 
1 intérieur du pays jusqu’à ^ 4 lemquer,k deux 
heues de Villa-Franca. Cette route est en 
grande partie pavée et bordée de buissons 
qui étaient couverts de la rose champêtre* 
Le pays est fertile et bien cultivé ; le bord 
des champs présente une riche végétation, et 
partout il y a de l’eau en abondance. ^ ilem - 
quçr , ville et chef-lieu des possessions qui 


.( *44 ) 

appartiennent aux reines de Portugal , est 
située sur une colline , et ne paraît pas très- 
considérable. 

L’endroit le plus près du Monte- Junto, 
est le petit village de Bragança. Pour y par- 
venir, on laisse à gauche le village Otta , dans 
le voisinage d’un grand marais , sur lequel on 
peut lire une dissertation par Estevao Cuirai, 
dans le T, II des Mémoires de l’académie de 
Lisbonne. Ensuite on traverse un pays plat et 
inculte, et ce n’est que près des montagnes 
que la route s’élève. Le village de Bragança 
est situé dans un fond , derrière les premiers 
degrés des montagnes. On n’y trouve que 
quelques misérables cabarets ( tavernas ) , 
où on ne peut pas coucher. Le curé de 1 en- 
droit , le P. Jaao Notre , reçut le Comte de 
H.... avec complaisance. Le sommet des mon- 
tagnes est à une demi-lieue et au sud de Bra- 
gança. Près de la cime , au nord , sur un 
plaleau., se trouve la maison de neige ou 
Caza de Nere , où l’on entasse de la neige 
en hiver , pour la transporter en été , à Lis- 
bonne. Le directeur de l’entreprise , qui de- 
meure à Lisbonne , fait ramasser la neige par 


( 245 ) 

les habitans du village , aussi-tot qu’elle est 
tombée. Ils en font des petites boules qu’ils 
augmentent en la roulant , les mettent dans 
des paniers pour la transporter dans les deux 
puits qui se trouvent dans le magasin à neige. 
Outre la neige, on ramasse ici de la glace; 
c’est le seul endroit, en Portugal , où l’ou 
s’occupe de ce travail. Un peu plus bas se 
trouve un grand réservoir d’où l’on conduit 
l’eau dans des fossés ; près de là est une 
maison , avec un jardin et des champs. Pen- 
dant la nuit , lorsqu’il fait assez froid, on 
laisse couler l’eau du réservoir dans les pe- 
tits fossés ; le matin on enlève la croûte de 
glace avec la neige , pour les conserver dans 
les puits du magasin à neige. On a remarqué 
que de grands volumes d’eau gèlent plus tard 
et pas autant que des petites masses ; obser- 
vation qui coïncide avec les lois chimiques, 
d’après lesquelles l’eau est un mauvais conduc- 
teur de calorique ; elle est, à cet égard , bien 
inférieure à la terre. 

Depuis la maison de neige on monte parmi 
des rochers escarpés , jusqu’à une chapelle où 
l’on trouve de la bonne eau , et ensuite on 

■ ' ' 16. . 


3k 

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f 


t mO 

parvient à une église qui n’ést pas achevée 
et qui couronne le sommet le plus élevé. Là 
vue depuis ce sommet est très-étendue ; elle 
ïï’ést bornée qu’au nord-est , par une haute 
chaîne de montagnes. Le Monte- Junto est 
à une égale distance de Torres Vedras , 
Obidos , Rio-Mayor et Alemquer\ il s’étend, 
pendant quatre à cinq lieues du nord-ouest 
au sud-est ; sa largeur est d’une à deux lieties. 
Il est plus élevé que lés montagnes de Cintra , 
et peu inférieur en hauteur au Lousaa. Il 
est formé de pierre calcaire ; à son pied on 
trouve de la pierre sablonneuse. On n’y aper- 
çoit aucun arbre , seulement quelques ar- 
bustes dans les vallées. Le tout présente un 
aspect désert et aride. Près du sommet nous 
trouvâmes l’anacycle , et sur la cime une 
espèce de senecio. 

Depuis le Monté-Junto , on se rend par 
Corcal , au bourg de Rio-Major. A une demi- 
lieue de cet endroit , vers le nord-ouest , se 
trouve une source salée , assez considérable. 
Elle forme un puits de six à huit pieds de 
large sur vingt à trente pieds de profondeur ; 
l’eau est fortement salée. Près de ce puits on 


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/ 


( 247 ) 

a creusé differens fossés dans lesquels on con- 
duit , par des rigoles , l’eau salée pour la 
faire évaporer au soleil. Le sel qui s’attache 
aux parois est conservé dans des baraques ; 
on eu fait un commerce très-considérable à 

I 

Rio-Mayor. Cette source est la seule du ; 
royaume qui soit salée; nous fûmes très-surpris 
de trouver sur ses bords une plante saline que 
nous n’avions remarquée nulle* part ailleurs en 
Portugal ; c’est la ruppia maritime. C’est 
une chose vraiment étonnante que des lieux 
isolés , dans ce pays , produisent des plantes 
particulières qu’on ne rencontre dans aucun 
autre endroit du royaume. C’est ainsi que 
fleurit, autour de cette source salée , le fran * 
kenia puh’crulcnta. 

Le chemin jusqu’à Santarem est désert et 
ensuite montagneux ; on connaît déjà le pays 
depuis Santarem jusqu’à Thomar. De Tho- 
mar à Tancos il y a trois lieues ; le pays est 
désert et couvert de granit. Le bourg de 
Tancos est situé au bord du Tage, qui coule 
ici entre des montagnes peu élevées. Un peu 
plus haut , on aperçoit sur une île , au milieu 
du fleuve , un château en ruines. Vis-à-vis 


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( 248 ) 

3e Punhete , on passe le Zezeré dans un 
bac ; ce bourg est situé à l’angle que forment 
le Tage et le Zezeré. Cette dernière rivière 
n’a que cinquante pas de large. A son retour > 
. de Castello-Branco , le Comte de H.... passa 
une seconde fois cette rivière près de Dômes. 

Elle coule parmi des montagnes pelées et 
schisteuses ; on y trouve un peu d’alun à un 
quart de lieue de Dornes , sur la route de 
Thomar , dans une petite vallée arrosée par 
un ruisseau. Le bourg de Dornes est agréa- 
blement situé au milieu de forêts de châ- 
taigniers. 

Abrantes est à deux lieues de Punhete . 

On parvient d’abord à un pays cultivé et 
dans une plaine, qui s’étend jusqu’à la rivière; 
ensuite on traverse des montagnes peu élevées 
et on arrive au bourg d’Abrantes , situé sur 
une de ces montagnes. Cet endroit est assez 
considérable ; le revers des montagnes vers le 
fleuve est bien cultivé; mais dans l’intérieur 
des terres commencent les contrées désertes 
qui régnent jusqu’à Castello-Branco . Dans 
la dernière guerre entre les Portugais et les 
Espagnols , on a souvent nommé le bourg 


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C 2 49 ) 

d’Abrantes, et c’est ce qui l’a fait connaître.' 

En 1762 , les opérations du Comte d’Aranda, 
dont le quartier général était à Castel lo-Bran- 
co , et ensuite à Sarzedas, se bornèrent aux 
environs d’Abrantes ; et c’est sans doute la • 
cause p^irquoi les gazetiers , dans la dernière 
guerre, firent marcher les troupes auxiliaires 
françaises à Abrantes, quoiqu’on sache quelle* • 
n’ont point passé les frontières. 

7. 0 Troisième voyage par V Estrémadure , 
depuis Lisbonne jusqu’à Coimbre. 

Lorsque le Comte de H... se rendit, en 1800, 
dans les provinces septentrionales , il fut 
obligé de traverser celle-ci pour aller de Lis- 
bonne à Coimbre. Il profita de cette occasion 
pour visiter quelques endroits que nous n’a- 
vions pas vus dans nos précédens voyages. 

Le 28 décembre 1799 , il partit de- Lis- 
bonne pour se rendre , par Sacavem et Cas - 
tanheira , à Alcoentre. La plus grande partie 
de la route traverse un pays désert ; le che- 
min est cependant bon. Alcoentre est situé 
dans une plaine bien cultivée et arrosée. 


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• c 


( a5o ) 

Ce bourg est agréable par la jolie quinta 
d’un gentilhomme; on trouve aussi, autour da 
ruisseau que l’on traverse derrière l’endroit , 
sur un pont , des prés et des buissons 
agréables. On aperçoit d’ici le Monte- Junto , 
A deux lieues plus loin est Rio-Mjiyor. Le 
chemin passe par une contrée déserte et cou- 
• verte de collines, qui serait cependant suscep- 
tible de culture à cause de l’excellence de sou 
sol. On ne’rencontre sur cette route qu’un 
$eul villagé. En sortant d’une forêt de pin# 
maritimes, on descend dans la plaine agréable 
et bien cultivée de Rio - Major , qui est 
entourée de collines et de forêts de sapins, fl 
a été question plus haut des salines de Rior 
Major. Les habitans du village d ' Azenheira % 
à une lieue de Rio-Mayor, s’occupent de la 
iabrication des pierres à fusil; on les trouve 
dispersées par fragmens d’un pied à un pied 
«t demi d’épaisseur , dans un sable rougeâtre 
qui sert aux habitans à reconnaître les endroits 
■où se trouve le silex. Il n’est pas ordinaire 
de rencontrer cette pierre de cette manière ; il 
«st probable que les pierres à fusil ont été 
.détachées des montagnes calcaires voisinas 




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( *5i ) 

par les eaux, et déposées dans ce sable. Ceux 
qui façonnent ces pierres ne se servent d’autres 
instrumens que d’un fer pourvu d’un manche, 
long d’un pied à un pied et demi , large de 
deux à trois pouces , quarré par le bout , et 
épais de deux à trois lignes. Au moyen de cet 
instrument, ils cassent d’abord la pierre en plu- 
sieurs grands morceaux; puis ils façonnent les 
morceaux les plus convenables , en les tenant 
d’une main et en frappant dessus avec le fer. 
Tout dépend de la justesse à tenir et à tailler 
ces pierx*es. Pour rendre les bords quarrés, il 
faut que le coup soif appliqué avec beaucoup 
de justesse là où la pierre repose, entre le 
pouce et l’index. Les bords sont formés par 
des coups très-précis; et lorsqu’ils sont trop 
larges ou trop émoussés, ou les rend pointus 
des deux côtés ou d’un côté seulement. Il fatot 
beaucoup d’exercice pour ce travail , sur- tout 
pour ne pas se frapper sur les doigts. On fa- 
çonne une pierre dans une minute, et ordi- ' 
nairement elle forme un quarré assez parfait. 

Il se trouve dans cet endroit un inspecteur , 
de la part du gouvernement , qui achette les • 
pierres confectionnées pour son compte, et en 


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( 252 ) 

empêche la vente lorsqu’il est nécessaire. Au- 
trefois le gouvernement achetait toutes les ' 
pierres , et les ouvriers n’osaient en vendre 
aux étrangers que cent à la fois ; aujourd’hui 
ils en vendent autant qu’il leur plaît , si les 
besoins du gouvernement ne le défendent. 
Celui-ci paye 2000 reis pour 1000 pierres à 
fusil; les étrangers payent 3 et 4000 reis. Elles 
sont chargées comme des marchandises, sur 
des mulets, et envoyées jusqu’en Espagne. On 
prétend que toutes les pierres à fusil dont on 
se sert en Portugal , proviennent de cet en- 
droit. Un homme ne peut façonner que 2001 
pierres par jour; ainsi il gagne 400 reis ( envi- 
ron 31 iv. 4 s.). Il est naturel qu’il en tombe 
beaucoup d’éclats, et ceux-ci sont entassés sans 
qu’on en fasse aucun usage ; peut-être pour- 
ra$t-on s’en servir pour fabriquer du verre dans 
la verrerie voisine , à Marinha grande. 

Au-delà de Rio-Mayor il faut monter une 
montagne élevée, formée par une pierre 
calcaire grisâtre et compacte. On y trouve 
des veines d’argile blanche ; elle mérite d’étre 
observée avec attention par un minéralogue» 
pour qui les environs de RioMayor sont au 

*'***« • * • , » w 

•v« 


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• ( 253 ) 

„ reste fort intéressans. La route est bonne 
nouvellement construite, mais mal entre- 
tenue. On n’aperçoit pas ici , comme dans 
d’autres parties "du royaume , des amas de 
pierres aux côtés de la route, qui serviraient 
à réparer le dommage. On ne paye nulle part 
pour l’entretien des routes. Aux deux côtés 
du chemin on n’aperçoit qu’un désert mon- 
tagneux ; de temps en temps la route est bor- 
dée d’oliviers et de chênes , mais on n’y vpit 
aucune habitation. Après avoir voyagé pen- 
dant deux lieues, on arri.ve à des maisons • 
isolées , nommées Candieiros , où il y a une 
auberge miséi’able, mais propre. On a encore 
trois lieues jusqu’à Cavalhos, par un pays 
très-monotone, pourvu cependant de beau- 
coup d’oliviers qui forment une forêt d’une 
lieue de long. Autour de Cavalhos le pays 
prend un aspect plus riant; on voit beaucoup 
de chênes et d’arbres fruitiers ; les maisons du 
village sont dispersées. On trouve ici une 
bonne auberge et une maison de poste pour 
la diligence de Lisbonne à Coimbre , établie 
depuis 1798; on voyage commodément et à 
peu de frais dans ces diligences. D’ici à Leiria 



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( 2 $ 4 ) 

il y a également trois lieues. D’abord le pays 
présente le même aspect, mais il devient plus 
riant près du village de Calvaria ; la campagne 
est agréablement variée pardes champs, des 
buissons et des ruisseaux limpides. Nous avons 
déjà parlé de la ville de Leiria. 

La fameuse verrerie de Marinlia grande 
n’est qu’à deux lieues de distance. Lorsqu’il 
a tombé de grandes pluies, le ruisseau est 
si. considérablement grossi, que le chemin 
devient difficile; dans ce cas il faut retourner 
à Calvaria, et depuis ce village une belle 
route conduit à droite jusqu a Marinha , 
distant de quatre lieues. Il n’est donc pas 
nécessaire d’aller à Leiria, mais seulement 
depuis Cari'alhos à Calvaria , et de- là à 
Marinha. Depuis Calvaria on rencontre quel- 
ques forêts de sapins , ensuite des champs; on 
voyage sur une belle route , établie par les 
propriétaires de la verrerie. Marinha s’an- 
nonce par plusieurs petites maisons de pay- 
sans; ensuite on aperçoit les bâtimens de la 
verrerie , le jardin et la belle et grande maison; 
Un Anglais, nommé Stephens y a établi cette 
verrerie , et en est encore propriétaire. J’ap- 


f 


{ 255 ) 

prends qu’à force de travail il est sorti d’un 
état très-obscur; mais il a eu beaucoup de 
bonheur , et a été favorisé par la reine et plus 
qu’aucun autre entrepreneur de fabriques en 
Portugal. Autrefois tout le verre venait de 
l'étranger; les habitans de la Bohême faisaient 
sur-tout un commerce considérable de verre- 
ries en Portugal , et on trouve encore mainte- 
nant les restes de beaucoup de familles bohé- 
miennes dans le royaume , qui s’établirent à 
cette occasion dans ce pays. Elles ne s’en 
tinrent pas long-temps au commerce du verre, 
mais y réunirent d’autres branches de négoce, 
et gagnèrent des sommes considérables par la 
contre-bande. Pombalïut le premier qui pensa 
à l’établissement d’une verrerie; mais il fit 
. comme à l’ordinaire, on s’y prit mal pour 
commencer la chose; oit établit une verrerie 
de l’autre côté du Tage , vis-à-vis de Lisbonne. 
Les forêts n’y sont pas assez considérables 
'•pour approvisionner une verrerie , et peuvent 
être employées à un tout autre usage, à cause 
du voisinage d’une aussi grande ville que 
Lisbonne , où l’on se sert par-tout de pins ma- 
ritimes pour la construction. Cette verrerie 


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* JC 


c 256 ) 

cessa bientôt d’exister. Alors arriva M. fste* 
phens , et son établissement a eu jusqu’à ce 
jour le meilleur succès. 

En l’absence du propriétaire qui réside ordi- 
nairement à Lisbonne , le Comte fut reçu avec 
beaucoup de politesse par le directeur José 
de Souza e Oliveira. Des étrangers connus 
6ont ordinairement logés chez lui ; on est ce- 
pendant dans l’usage d’envoyer les domes- 
tiques à l’auberge. — Le sable pour la prépa- 
ration du verre se trouve en partie dans le 
voisinage; on en fait aussi venir une grande 
quantité d’Angleterre, et celui-ci est d’une 
beauté, d’une blancheur et d’une finesse par- 
ticulières. La soude (barilha) vient d’Ali- 
cante; fort peu des environs de Sétuval. Cette 
dernière est préparée avec plusieurs plantes, 
marines; mais elle est malpropre, noirâtre , et 
reconnaissable aux morceaux de charbon dont 
elle est mêlée ; celle d’Alicante au contraire , 
où l’on cultive la soude , est d’un gris cendré.- 
Ori fait aussi venir delà potasse de l’Amérique 
septentrionale. Depuis quelque temps Porto 
fournit du tartre. Le propriétaire reçoit gratui- 
tement le bois de la grande forêt de sapins» 


( aS 7 ) 

îe Pinhelde Leiria qui est dans le voisinage. 
Il est obligé de le faire couper et voiturer à 
ses frais. La verrerie ne doit employer que le 
bois mort ; mais comme la forêt est mal en- 
tretenue, il y en a plus qu’on n’en a besoin. 
Certes , lorsqu’un gouvernement donne gra- 
tuitement tout le bois à une verrerie , et qu’il 
établit des droits très-considérables sur l’en- 
trée du verre étranger , une verrerie ne peut 
manquer de prospérer, et le propriétaire de 
devenir un homme très-riche. Il ne fait ce- 
pendant pas ce qu’on aurai! droit d’attendre 
de lui; le verre est de mauvaise qualité, et n’a 
ni la dureté, ni l’éclat du verre étranger; 
il se casse facilement. Il faut que cela tienne 
h la manière de le préparer , parce que les 
matériaux , le sable d’Angleterre et la soude 
d’Alicante sont fort" bons. Ce jugement sur 
l’établissement de M. Stephens diffère de 
celui que j’ai porté dans le T. II. A cette 
époque nous n’avions pas encore .visité Ma - 
7inha, 

La forêt de sapins de Leiria , connue sous 
le nom de Pinhel da Leiria , dans tout 1© 


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4 


C38 ) 

royaume , fut plantée par le granc^ roi D. 
Diniz , à la fin du i3. e siècle , ainsi dans un 
temps où nos ancêtres étaient encore barbares. 
Elle est située vers la mer par rapport à 
Marinha, est longue de six lieues , large de 
deux , et consiste sur tout en pins maritimes. 
Depuis qu’elle est plantée , on n’a rien fait 
pour sa conservation ; si on ne remplace pas 
les vieux arbres par de nouveaux, elle sera 
bientôt épuisée. Le bolet vivace {boletus pini- 
perda nob . ) cause de grands ravages dans, 
cette forêt. Il s’attache là où sortent, les 
branches; peu à-peu il acquiert la grandeur 
d’un pied et au-delà , et occasionne , lorsque 
sa racine pénètre , un écoulement de sève qui 
détruit l’arbre. Il est hors de doute qu’en 
éclaircissant convenablement cette forêt , on 
aurait bientôt remédié au mal. 

Outre les deux promontoires , les environs 
autour de Cabo de Rocca et Espichel , qui 
ont un caractère particulier dont nous avons 
parlé plus haut , l’Estremadure est formée 
par une chaîne de montagnes calcaires éle- 
vées et fertiles ; vers la mer on aperçoit des 


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( 25 9 «5 

montagnes de grès , peu élevées et moins fer- 
tiles. Les dunes sur le bord de la mer sont 
très-étroites ; de là provient la^fertilité de 
cette province. 





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1 

CHAPITRE Y. 


% LA PROVINCE ALEMTEJO. 


■I,° Elvas. Observations sur V administra- 
tion judiciaire en Portugal . 

Les Frontières naturelles de la province 
d’ Alemtejo sont , vers le nord , léTage , et au 
midi la haute chaîne de montagnes qui la 
sépare des Algarves. Les Frontières politiques 
ne sont pas les mêmes. La Comarça de Sé- 
tuval et une petite étendue de payé autour de 
Chamusca , A.lmerim et Salvaterra , Font 
pai'tie de la province d’Estremadure. La pro- 
vince d’Alemtejo est en général si uniforme , 
qu’il est aisé d'en donner une description. 
Les plaines vers le fleuve sont sablonneuses, 
couvertes de forêts de pins maritimes , de 
bruyères et de cistes , parmi lesquels ceux qui. 


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( 260 ' 

portent nne fleur jaune , sont les plus fréquens. 
J’ai parlé dê ces landes , T. 1 , p. ig5. La 
plus grande partie de cette province est formée 
par des collines ou des montagnes de grès 
feuilleté, couvertes de ladanum ; ce qui la 
rend un désert aride et uniforme. Cet arbuste 
tient lieu de forêts dans ce pays , car il four- 
nit le bois à brûler et le charbon , et peut--, 
être qu’un Portugais ne trouverait pas moins 
monotones et tristes les grandes forêts de sa- 
pins dans le nord. De cette espèce de mer 
sortent des îles , des plateaux de montagnes 
dispersés de granit et de pierre calcaire , 
comme les environs de Beja et d’Evora, et les 
cantons d’Elvas et d’Estretnoz. Partout où il 
y a du granit, on trouve de l’eau et une riche 
végétation. Les montagnes calcaires sont plus 
fertiles que celles de pierre sablonneuse ou de 
grès. De beaux champs de froment , des bou- 
quets épars de chênes verds , des habitations 
dispersées, rendent ces contrées fort agréables. 
Ce n’est que dans la partie nord-ouest de la 
province que l’on voit des forêts de châ- 
taigniers sur les montagnes. Une chaîne de 
montagnes calcaires, la Serra de Arrabida , 

» 7 >* 


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( 262 ) 

s’élève des landes près de la mer , et forme 
le Cal> o Espichel. 

C’est par une de ces belles contrées grani- 
tiques qu’on entre dans le royaume en venant 
de Bajadoz , après avoir passé la petite rivière 
Caya ( et non pas Cayo ). La frontière n’était 
point gardée ; du côté du Portugal , on trouve, 
à droite du chemin , une petite maison. On 
aperçoit la forteresse d’Elvas depuis Bajadoz, 
comme un amas de maisons blanches situées 
sur une colline couverte d’oliviers. Nous com- 
parâmes le Portugal à l’Espagne , et notre 
jugement fut en faveur du premier pays, 
parce que notre attente fut surpassée. L’Es- 
pagnol dit : le Poiÿugal est un pays affreux , 
les chemins y sont impraticables ; les maisons 
sont si mauvaises , qu’on aperçoit les étoiles 
dans son lit ; la nation est fausse et rampante. 
L’Espagnol a raison’, les chemins ne sont 
pas faits pour des voitures ; dans beaucoup 
d J auberges , le toit est formé par des roseaux 
qui laissent pénétrer la lumière , mais point 
la pluie. J’admets que ,1a politesse des Por- 
tugais coûte souvent de l’argent ; mais la gros- 
sièreté des Espagnols le prend aussi , et j’aime 


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( 263 ) 

mieux perdre mon argent par des flatteries 
que par des menaces. 

On écrivit nos noms à la porte avancée de 
la forteresse d’Elvas. Accompagnés d’un garde 
et munis de notre laissez-passer , nous fûmes 
conduits à la porte intérieure , et de-là au 
corps-de-garde. L’officier nous fit mener 
d’abord chez le Corregedor , ensuite chez le 
Juiz de Fora , mais tous les deux étaient 
absens. Alors nous fûmes conduits chez le 
Gooernador; mais il ne voulut pas s’occuper 
de passeports civils , et nous dit d’aller où il 
nous plairait. C’est ainsi que nous entrâmes 
dans ce pays sans aucune difficulté. La douane 
était fermée, parce que c’était un dimanche ; 
mais le soir nous achetâmes pour un cru - 
zado novo ( 4 francs), à YEscrivao da 
fandega , une guaiac u laissez-passer; et nos 
effets ne furent point visités. Du côté du Por- 
tugal , on n’est pas très-sévère à l’égard de la 
douane ; les villes frontières , ainsi que tout 
le royaume, gagnent beaucoup par la con- 
trebande avec l’Espagne. Il n’y a que quel- 
ques objets manufacturés, par exemple, des 
mouchoirs de soie, qui entrent en fraude dans 

17... 


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( 264 ) 

le pays , au préjudice du Portugal ; mais ils 
sont ordinairement accompagnés de piastres : 
l’Espagne reçoit en échange , au préjudice de 
ses manufactures , du tabac en poudre , des 
çotonades et des marchandises anglaises. 
Fischer , dans son Voyage eh Espagne , parle 
avec beaucoup de détail de ce commerce de 
contrebande. Nous rencontrâmes bientôt deux 
contrebandiers , un seigneur bien armé et 
son domestique , que nous reconnûmes aussi- 
tôt à leur air méfiant. A jlrrayolos , on par- 
lait cependant aussi publiquement d’eux 
comme contrebandiers , qu’en Espagne , des 
brigands. 

Elvas , comme la plupart des villes du Por- 
tugal , a des maisons en pierre qui sont peintes 
en blanc, et présentent un coup-d’ceil,agréable. 
Il y a une citadelle dans la ville , mais elle 
ne se nomme pas de Santa-Luzia , comme 
le dit Busching ; à une portée de fusil de la 
ville , est situé le fort de Santa-Luzia , sur 
une colline qui domine la ville. Le fort de 
Lippe est situé sur une autre colline. La for- 
teresse était gardée par cinq régimens. Elvas 
est la meilleure forteresse du royaume ; dans 




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' ( 265 ) 

toutes les guerres avec l’Espagne , et même 
dans la dernière , elle a toujours été bloquée. 

Le superbe aqueduc os arcos de ^4 more ira , 
à l’ouest , repose sur quatre rangs d’arcades. 

De Lima et Busclüng n’en citent que trois; « 

Colmenar au contraire, cinq; le nombre moyen 
est par conséquent le véritable. J’ignore dans 
quel temps et par qui cet aqueduc a été 
construit. Il s’élève majestueusement dans la 
charmante vallée couverte de champs de fro- 
ment, et ombragée par des oliviers. 

J’ai parlé, T. I , p. 172, de l’administra- 
tion judiciaire en Portugal ; j’y ajouterai en- 
core quelques observations. Le Corregedor , • 

ou juge suprême de chaque district, prononce 
en* seconde instance ; on peut appeler de ses 
jugemens aux deux tribunaux supérieurs du • 
royaume ; on ne peut interjeter appel que 
sur des affaires de peu de conséquence. Non- 
seulement il peut suspendre de leurs fonctions 
les Juizes de Fora, mais il peut les faire 
emprisonner. Il est tenu de faire chaque an- 
née une tournée dans son Corregimento. Le 
roi D. Fernando institua les Corregedores 
eu 1372. Ce roi est du nombre des prinoes 


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# V 

( 266 ) 

éclaires qui gouvernèrent le Portugal avant 
la domination des Espagnols , et cette insti- 
tution lui fait honneur. Le titre de Corregedor 
n’est usité que dans les districts royaux en 
Europe , et dans les îles , c’est-à-dire, à Madère 
et ^ux îles Açores ; dans les districts des Dona- 
torios , on le nomme Corregedor Ouvidor , 
et dans les colonies simplement Ouvidor. Les 
Donatorios sont maintenant réunis à la cou- 
ronne, c’est-à-dii’e , la maison de Bragance, 
la maison do Infantado , le grand prieuré de 
Crato et la maison de la reine. On a cependant 
assigné à chacune un département particulier 
. qui nomme aux places de juges. Dans les pro- 
vinces de la couronne proprement dites , la 
Meza do desambargo do Paço en est 
. chargée. Le Corregedor est souvent à la fois 
Provedor ,* deux Corregimentes sont quelque- 
fois sous un seul Provedor , comme c’est le 
cas dans les Algarves. 

A près les Corregedores viennent les Juizes 
de Fora (juges étrangers) , qui prononcent en 
première instance dans toutes les affaires ci- 
viles et criminelles. L’histoire des Juizes de 
Fora est obscure ; on n’en connaît point exae- 


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C 26 7 ) , 

tement l’origine. Ce n’est que depuis le grand 
roi D. Manoel qu’on en a établi dans toutes 
les villes. Ils n’occupent leurs fonctions dans le 
même endroit que pendant trois ans , au bout 
desquels on les transfère dans des villes plus 
considérables ; on les nomme aussi à la place 
de Corregedores t 1 à d’autres charges. Souvent 
on les confirme dans leur emploi ; c’est une 
■espèce de disgrâce , et on regarde le lieu de 
leur résidence comme un exil. Le Juiz de 
Fora de Monchique se plaignit à nous de ce 
que depuis neuf ans il résidait dans cette ville 
éloignée , dont les environs agréables n étaient 
qu’un faible dédommagement des plaisirs de 
la capitale. La translation des Juizes de Fora 
est une institution très-sage ; on a cherché à 
empêcher par-là les liaisons avec les habitans 
du lieu , l’influence de famille et la partialité. 
Dans les grandes villes il j a deux Juizes de 
Fora , dont l’un est chargé des affaires civiles 
(Juiz do civel ) , et l’autre des affaires crimi- 
nelles ( Juiz do crime ). Outre ces juges il se 
trouve dans chaque endroit une Camara , qui 
est un reste des anciens magistrats des villes » 


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( 268 ) \ 

mais qui est fort bornée; elle a la surveillance 
des biens communaux. 

En général , nous n’avons pas à nous 
plaindre des Corregedores et des Juizes de 
Fora; il ya parmi eux des hommes aimables 
et instruits. Comme ils doivent avoir étudié 
plusieurs années à Coimbre , ils sont assez 
éclairés; et s’ils n’ont pas de connaissances, 
ils cherchent cependant à prouver leur amour 
pour les sciences. Nos occupations de faire des 
recherches sur les produits naturels , ne les 
surprirent point ; souvent ils nous ont donné 
des notions à ce sujet , pour nous prouver 
qu’ils n’étaient pas tout-à-fait étrangers aux 
sciences. Dans les petites villes le Juiz de 
Fora fait partie de la bonne société de l’en- 
droit; et le nombre de jeunes gens qui sont 
répandus dans le pays par l’occupation de ces 
charges , y donnent un ton qu’on ne s’attend 
pas à trouver dans des lieux éloignés des 
grandes villes. 

Nous n’avons rencontré dés juges du pays 
( Juizes da terra ) que dans les petites villes 
éloignées ou dans les grands villages , nommé- 


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( 2 % ) 

ment à Cabo S. Vicente. Ils sont élus par 
les habltans , et confirmés par le gouvernement; 
ce sont pour l'ordinaire des habitans du lieu 
ou des gens de la campagne. Il paraît que 
cette institution est primitive, et il est à pré- 
sumer que tous les endroits avaient leurs juges 
du pays avant d’en recevoir d’étrangers. Un 
étranger éprouve beaucoup plus de difficultés 
avec ces gens ignorans et fiers de leur emploi 
qu’avec les Juizes de Fora ; souvent ils 
doflnent lieu à des scènes très - plaisantes* 
Dans le village Bem Safrirn, où un pareil 
juge demanda nos passeports, on lui montra 
la portaria , dans laquelle il était ordonné de 
nous donner tous les secours , avec prière de 
nous assigner un gîte. Aussitôt ce juge s’en- 
fuit, se cacha et ne reparut plus. 

La ville de Lisbonne a, comme de raison,' 
plus de juges qu’une autre; elle est divisée en 
trois arrondissemens, de A !fama,doMejo et de 
Bairra alto , dont chacun a un Corregedor et 
un Juiz dos Orfaos : ces derniers sont sous 
les ordres du Provedor dos Orfaos. En outre, 
il y a pour les affaires criminelles six Corre - 
gedores do crime , en y comprenant celui de 


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I • 


( 27 ° ) 

Belem ; et $e\)tJuizes do crime , pour lesquels 
la ville est divisée en plusieurs sections. On 
voit par-là qu’il ne manque pas de gens de 
justice. 

Le Juiz de Fora a sous ses ordres plusieurs 
juges subalternes, sur-tout dans les grandes 
villes, les Vereadores , les Meirinhos , et 
XAlcaide ( Alcade des Espagnols). Ils sont 
tous habitans de l’endroit, et n’ont point fait 
leurs éludes. Ils se suivent dans l’ordre *jue 
nous venons d’indiquer; et, plus ils sont su- 
balternes, plus ils sont ignorans et grossiers. 
Comme dans l’absence du Juiz de Fora ils 
sont chargés de ses affaires , un voyageur 
doit les craindre. J’ai rapporté, T. II, p. 108, 
une scène que nous eûmes avec XAlcaide de 
Cezimbra . Les Vereadores furent ceux qui 
nous traitèrent avec le plus de politesse. 

Un. étranger doit sur -tout se garder des 
Escrivaes (écrivains). Ce sont des employés 
de la justice qui, à la vérité, n’ont point 
étudié , mais qui s’instruisent dans les formes 
judiciaires comme nos notaires; ce sont eux 
qui questionnent les étrangers. On les ren- 
contre toujours au nombre de deux dans le 


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( 2 7 l ) 

service : l’un fait les questions ;* l’autre accom^ 
pagne le premier , et porte une épée nue sous 
son manteau ( Escrivao das armas J. Les 
magistrats laissent trop de liberté à ces fri- 
pons, soit par paresse, soit pour toute autre 
cause. On apprendra à les connaître par l’évé- 
nement rapporté T. II, p. 102. Ils tombent- 
sur les étrangers comme sur une proie qui 
leur appartient ; je ne me rappelle aucune 
circonstance où ils aient fait leur demande 
avec politesee. 

Les Corregedores et les Juizes de Fora, 
protégés par le gouvernement, ont su réunir 
toutes les branches de l’autorité , et sont 
devenus par-là d’excellens insfrumens du des- 
potisme. Presque toujours étrangers à l’endroit 
où ils sont placés , iis n’ont d’autres vues , 
d’autre intérêt que de captiver la faveur de 
leurs supérieurs . Leur translation d’un endroit 
à un autre est la cause que ces juges passa- 
gers ont fait ce que firent les moines, indé- 
pendans dans les lieux de leur résidence,' 
pour leur chef ecclésiastique. Le gouverne- 
ment s’en est aperçu et a augmenté leur pou- 
voir; le militaire dans les provinces leur est 


f 


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( 2 7 2 ) 

même subordonné dans foules les affaires 
civiles ; car il n’y a que trois régimens ù 
Lisbonne qui aient leurs juges particuliers : 
on a été jusqu’à charger ces juges du recrute- 
ment de l’armée. En 1798, lorsqu’on chercha 
à augmenter l’armée , les Juizes de Fora re- 
çurent des ordres pour enrôler tous les jeunes 
gens dans les villages, et les faire conduire 
aux différens régimens; le gouvernement ré- 
compensa leur zèle par l’ordre du Christ ou 
d’autres distinctions. 

La sévérité qui , par cette institution , est 
exercée sur le pays , est très-grande. Pendant 
le cours de nos voyages nous n’avons pas tra- 
versé de ville ou de bourg où nous ne fussions 
obligés de montrer nos passeports et de nous 
faire conduire chez le juge ; ce n’est que dans 
les grandes villes que nous fûmes exemptés de 
cette formalité. A Evoraet à Coimbre personne 
ne s’inquiéta de nous, et à Lisbonne on pou- 
vait rester très- long- temps sans que le gouver- 
nement y fît attention. Ce ne fut qu’à Saca- 
vem , à une lieue’de la capitale, où l’on passe 
la rivière, qu’on nous demanda nos passe- 
ports : mesure très-inutile, caron peut entrer 


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'J 



( 2 7 3 )' 

dans la ville sans passer par cet endroit. Ainsi 
la capitale est l’asile de tous les vagabonds du 
royaume; ce qui donne une mauvaise répu- 
tation à la nation chez les étrangers , qui 
n’ observent que ce qui se trouve le plus près 
d’eux. 

Mais d’un autre coté il ne faut pas mé- 
connaître l’utilité de cette rigueur; le pays 
est par-là purgé des brigands , et on y 
voyage plus sûrement que dans aucune autre 
contrée de l’Europe. On n’entend parler de 
brigands qu’à Lisbonne ou vers les frontières 
d’Espagne. Les Juizes de Fora , la plupart 
jeunes et courageux , ont bientôt donné la 
chasse et exterminé les brigands. Dans l’été 
de 1798 , la recette du monopole du tabac 
à O-porto fut enlevée snr la route de Lis- 
bonne , dans les environs de Pombal. Aussi- 
tôt on prit les mesures les plus sévères ; au- 
cun Portugais ne pouvait voyager sans un 
passeport du Corrégedor ; aucun étranger, 
sans un passeport de l’intendant de la police 
ou du secrétaire d’état. Si on ne trouvait point 
de passeport ou s’il n’était pas en règle , le 
voyageur était aussitôt mis eu prison. Des 

18 


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( 274 ) 

paysans armés parcouraient les grandes routes 
et arrêtaient chaque passant. Dans le même 
jour tous les endroits furent cernés et visités. 
Çes mesures eurent le succès désiré ; on se 
saisit bientôt des auteurs du vol. Il était fort 
désagréable , sur tout pour un étranger , de 
voyager dans le pays ; car partout on était 
exposé aux jésuites des Escrivaes . A Viseu , 
je voulus passer le soir d’une auberge à une 
autre ; je fus aussitôt saisi par un Es cri va o 
qui voulut m’emmener. Ce fut avec peine 
que je parvins à le faire entrer dans la mai- 
son pour examiner mon passeport qui avait 
déjà été visé par le Corrégedor . 

La surveillance était heaueaup plus grande, 
lorsqu’au commencement de la révolution 
française on craignait partout les émissaires 
jacobins. Brotero > professeur de botanique à 
Coimbre , herborisa à cette , époque à ^Ar- 
rondies , dans l’ Alemtejo , à peu de distance > 
des frontières .d’Espagne. On le prit pour un 
jacobin qui voulait s’introduire dans le pays 
à la faveur de son habit de prêtre , et on le 
mena chez le Juiz de Fora. Il en appela à 
son accent portugais , à sa connaissance du 


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( * 7 5 ) 

pays; ce fut en vain , on l’enferma dans un 
noir cachot , où il resta quelques jours jusqu’à 
ce qu’on l’eût réclamé de Lisbonne , et qu’on 
eût prouvé son innocence. Cet homme un peu 
hypochondre , qu’on avait déjà soupçonné 
de conspiration dans sa jeunesse , fut vive- 
ment pénétré de cet accident; il en parla 
souvent, et son imagination se représentait 
toujours les images de ce traitement injuste. 

On se plaint généralement de ce qu’on fait 
languir les prisonniers dans les cachots avant 
que leur affaire n’ait été informée. C’est un 
défaut dans l’administration judiciaire et une 
négligence coupable de la nation. L’oppres- 
sion du pauvre , l’indulgence envers le riche 
oppresseur, sont un autre défaut capital de la 
justice portugaise, qui donne lieu aux plaintes 
les plus amères. Les vices secrets ne sont pas 
corrigés par des lois ou des ordonnances ; il 
faut qu’une nation soit éclairée pour les 
abolir. 

C’est à dessein que j’ai parlé en détail des 
employés subalternes de la justice, parcequ’ils 
ont la plus grande influence sur le peuple , 
et qu’il en» est rarement parlé dans les écrit*,*- 

i9. 


« 


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( 276 ) 

qui ne font mention que des tribunaux su- 
prêmes. Le Portugal a , comme on le sait, 
deux tribunaux d’appel» Le premier est la 
Relaçao do Porto pour les trois provinces 
septentrionales ; on peut cependant en appeler 
au tribunal suivant , dans les affaires qui ne 
passent pas 25o,ooo millereis en immeubles, 
et 35o,ooo millereis en biens meubles. Les 
juges se nomment Desembargadores dos 
^ éggravos , ou simplement Aggravistas. 
Le tribunal d’appel , pour les trois provinces 
méridionales , et dans les cas susdits pour tout 
le royaume , est la Casa de Supplicaçao , à 
Lisbonne. Dans les deux tribunaux il y a des 
assesseurs particuliers pour les affaires cri- 
minelles , pour celles qui concernent la cou- 
ronne , etc. Les auditeurs ou conseillers titu- 
laires portent le nom singulier ü Extrava- 
gantes. Le nombre des avocats est très- grand, 
et l’on peut juger par-là que la justice n’est 
pas bien administrée. Ils n’ont cependant 
pas leurs écharpes dans les rües , comme à 
Madrid. Le droit romain a été aboli sous 
Pombal , et il y a même une peine pour ceux 
qui le citent. On se sert des anciennes lois du 


* 


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P 


( 2 77 ) 

pays , qui ont été réunies eq,un code par dif- 
férens rois , et en dernier lieu par D. Joao 
F, en 1747. Une junta ordinaria et une 
junta plena ont été établies depuis le com- 
mencement du règne actuel , pour la révision 
et la censure d’un nouveau code civil ; mais 
ils n’ont encore rien publié. 

Outre les deux tribunaux suprêmes en Por- 
tugal , il y a des tribunaux d’appel ou Re - 
lacaos à Rio de Janeiro , Behia de Todos 
os Santos , et à Goa. Us sont présidés, outre 
le chancelier , par le Goverutdor ; les asses- 
seurs se nomment Desembargadores. 

Un tribunal très-important est la Meza do 
Desembargo do Paço ; traduit littéralement , 
Table des affaires du Palais . 11 nomme , sous 
les auspices du régent , aux places de juges 
dans tous les anciens districts royaui: et dans 
les colonies , et les assesseurs des deux tri- 
bunaux suprêmes ; il règle les différends en- 
tr’eux , ainsi que ceux de la justice ecclésias- 
tique et laïque ; il explique les anciennes lois 
et promulgue les nouvelles ;<en un mot il est 
chargé des affaires les plus importantes de 

l’administration intérieure du royaume. è Cette 

18. 


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( 278 ) 

mcza , son assesseur , l’intendant de la po- 
lice , et les ministres, sont les vrais souverains 
du pays. 

Chaque ville , soit qu’elle porte le titre 
pompeux de Cidade , ou seulement celui de 
Villa , est entourée d’un territoire ( termo ) , 
qui consiste en villages çt en maisons dis- 
persées , et qui est soumis aux mêmes juges. 
Le nombre des villes est considérable ; il y 
en a beaucoup que nous ne nommerons que 
des bourgs ; cependant il ne faut pas toujours 
traduire Villa ainsi, parce que, comme en 
Espagne , il y a de très-grandes Villas. Le 
nombre deè maisons dispersées dans le pays 
est encore très-grand , sur-toUt dans l’Alem- 
tejo et dans le Minho. Le nombre des villages, 
et sur-tout des grands villages, èst au contraire 
peu considérable. On traverse plutôt dix villas 
qu’un seul village , au lieu qu’en Espagne , 
on trouve plus rarement des villes et d’autant 
plus de villages ( pueblos ). Les Portugais 
n’ont pas même un mot dans leur langue pour 
désigner un village , comme je l’ai déjà ob- 
servé , T. I, p. 170 ; car l’expression povo 
n’est qu’une traduction peu usitée de pueblo , 


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f 


V 

( 2 79 ) 

et une aldea est souvent une villa consi- 
de'rable. Dans le nord du Portugal il y a des 
communes nommées Concelhos ; de petits 
endroits ou des juridictions particulières 
portent des noms diflérens. Ils se nomment 
Coûtas ( loci cauti , autrefois asyle), lors- 
qu’ils appartiennent à des couvens ou à des # 
chapitres, et autrement Julgados , Behetrias, 
Honras. Il suffit de savoir que les historiens 
portugais eux-mêmes sont ignorans sur la 
différence des derniers et leur dénomination. 

Il est aisé de se convaincre quelle influence 
cette foule de petites villes pourvues de leur 
propre juridiction, et le petit nombre de vii 
lages doivent avoir sur la nation. Il est clair 
qu’on bannit par-là ce que nous nommons 
rusticité , et par un jeu de mots qui n’altère 
cependant en rien la vérité , on peut affirmer 
que V urbanité est très-grande en Portugal. 

2°. Elvas. Le militaire portugais. 

Dans l’histoire des guerres dm Portugal i 
aucun -endroit n’ëst aussi souvent cité que 
Elvas ; ainsi , il me paraît convenable de 
parler, à cette occasion, du militaire portugais. 


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( 280 ) 

Une guerre nouvelle , quoique de courte 
durée, entre l’Espagne et le Portugal , a fait 
porter l’attention pendant quelque 'temps 
sur le Portugal, et a donné lieu , comme c’est 
l’ordinaire , à des jugemens vrais et faux. Au 
reste , il s’est opéré quelques clïangemens que 
je dois mentionner^ on m’excuseré donc si je 
reviens encore une fois sur cet objet. 

En comptant les régimens dont nous avons 
donné la liste T. I , p. 180 , on ne trouvera 
.que 26 régimens d’infanterie , i 3 régimens 
de cavalerie, 4 régimens d’artillerie, une lé- 
gion de hussards et le corps d’ingénieurs , quoi- 
qu’on cite dans les statistiques 28 régimens 
d’infanterie. La raison en est qu’on y com- 
prend les deux régimens de la marine que 
j’en avais exclus. Ceux-ci ont éprouvé depuis 
peu une nouvelle organisation ; d’abord on les 
licencia et on forma une brigade de six mille 
hommes , composée d’un tiers d’artillerie , 
d’un tiers de fantassins et d’un tiers de 
matelots ; elle porta le nom de brigada real 
da Marinha. La plupart des soldats des 
deux régimens de la marine furent incorporés 
dans cette brigade. Cet arrangement déplut 


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( * 8 . ) 

au duc de laFoes , sur-tout la suppression de 
deux régimens qui avaient fait partie de l’ar- 
mée , et l’introduction d’une nouvelle espèce 
de milice par 1% volonté du ministre de la 
guerre, qui était sous les ordres de l’amirauté 
et qu’on avait par conséquent soustrait à son 
commandement. Il fit tant qu’au bout de deux 
ans on forma, des restes des deux régiraens de 
la marine, un seul qui , au lieu d’être appelé 
de réal Armada , se nomme regimento do 
Lisboa. Il faut donc compter maintenant 27 
régimens d’iufanterie. 

Je ne puis donner au juste le nombre de 
troupes ; il y a tout au plus 38 à 3 gooo 
hommes. Ces forces sont bien peu considé- 
rables pour garder les frontières étendues d’un 
pays étroit, contre l’Eèpagne, puissance qui , » 

dans la dernière guerre avec la France , a 
mis 80,000 hommes sur pied , et qui* a déjà 
reçu , dans ses guerres avec le Portugal , deux 
fois des troupes auxiliaires de la France. 
L’Angleterre même ne pourrait pas garantir 
le Portugal aussi-tôt que la France et l’Es- 
pagne réunies voudront subjuguer ce petit 
royaume. Chaque Portugais en est convaincu ; 


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» 


( 282 ) 


conviction qui est propre à abattre le courage 
d’uDe armée. Le nombre de, places fortes 
sur les frontières affaiblit tellement l’armée 


portugaise par les garnisons dont il faut les 
pourvoir , que dans tous les cas les Espagnols 
sont supérieurs en nombre aux Portugais. Le 
Portugal n’a que deux remparts à opposer à 
l’Espagne , la grande sécheresse des montagnes 
arides sur les frontières, et les inondations des 


torrens en hiver* Ces dernières terminèrent la 


campagne de 1762. , 

Les troupes portugaises ne sont point en 
apparence aussi mauvaises qu’on le croit ordi- 
nairement, et je persiste à dire qu’un officier 
prussien n’aurait pas désavoué pour cama- 
rades ceux de la garnison d’Elvas. Les troupes 
à Elvas sont supérieures à celles qui forment 
la garnison espagnole à Badajoz. 11 est vrai , 
ce que m’a observé un critique fort judicieux, 
<fue les meilleures troupes portugaises se trou- 
vent à Elvas , et les plus mauvais soldats 
espagnols à Badajoz. Je sais que les officiers 
espagnols regardent Badajoz comme un lieu 
d’exil ; mais les troupes portugaises , dans 
id’autres lieux , à Lisbonne , anx Algarves, etc. 


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C 283 ) 

to’étaient pas mauvaises. On leur fait souvent 
passer la revue; il y en eut une en 1798, près 
de Castanheira , entre Santarem et Lisbonne. 
La cavalerie me parut cependant moins bonne 
que l’infanterie. Elle est montée sur des che- 
vaux entiers, comme je l’ai observé dans le 
premier volume; c’est une chose qui étonnera 
les habitans des pays septentrionaux, qui ne 
savent point que dans ces pays méridionaux 
les chevaux entiers de la belle race originaire 
d’Afrique ont de l’ardeur , mais sont plus 
faciles à dompter et à conduire que dans nos 
contrées froides. On m’a dit , et Bourgoing 
prétend la même chose de la cavalerie espa- 
gnole , que ces chevaux deviennent plutôt 
poussifs que ceux de la cavalerie française, 
allemande et anglaise. 

Le Portugal a une milice très-considérable 
qui est divisée en 43 régimens, dont chacun 
a son colonel. Le Minho en fournit 8, la par - 
tido d’O - Porto 4, le Traz os Montés 8, 
Beira 7 , Estrémadure 8, l’Alemtejo 8, et les 
Algarves 3 . Il est vrai que tous le pays est ar- 
mé , mais cette milice n’est pas exercée. 

• Les colonies du Portugal pourvoient elles* 


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C 284) 

mêmes à leur défense. Les régimens que fai 
cités T. 1 , p. 182, sont formés par les natu- 
rels du pays , et doivent être en bon état. Il faut 
y ajouter, comme en Portugal, une milice 
provinciale qu’on lève lorsque les circonstances 
l’exigent. Il y a encore quelques régimens 
européens au Brésil , comme je l’ai déjà ob- 
servé; mais ils ne furent envoyés que pour 
prévenir une révolte au commencement de la 
révolution française. Le ci-devant ministre de 
la marine , D. Rodrigo de Sousa Coutinho , 
a fait ordonner qu’aucun officier dans les 
colonies ne pût obtenir un congé pour venir 
en Portugal , et ceux qui se trouvaient dans 
ce pays ont été obligés de se rendre à leur 
poste. Ainsi , mon observation à l’égard du 
régiment de Mosambique , qu’on pourrait 
étendre plus loin t est maintenant inutile-. Les 
colonies portugaises , comme celles de l’Es- 
pagne, ne seraient pas faciles à envahir par 
les puissances étrangères ; le Portugal et l’Es- 
pagne n’ont rien à craindre d’elles relative- 
ment à leurs colonies; mais ce qu’ils ont à 
redouter , c’est que ces vastes et riches contrées 
qui se peuplent journellement, ne se déclarent 


» 


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C 285 ) 

indépendantes. Si les Français fassent arrive** 
au commencement de la révolution au Brésil , 
ils auraient soulevé ce paj's; plus tard, ils 
étaient connus. 

La situation du Portugal dans la dernière 
guerre était très-critique. Les succès inattendus 
des républicains français, la manière dont ils 
traitèrent leurs ennemis , mirent le Portugal, 
ainsi que d’autres petits états , près de sa ruine. 
S’il se réunissait comme l’Espagne avec la 
la France, il était séparé du Brésil par les 
flottes anglaises ; et qu’est-ce que le Portugal 
sans le Brésil? Il y avait donc du danger de 
part et d’autxe; et aussitôt que la France eut 
conclu la paix et une alliance avec l’Espagne, 
se réveillèrent les deux partis dans le gouver- 
nement portugais , le parti anglais et le parti 
français, qui ont toujours été opposés. La 
guerre de deux partis à la cour est , comme 
on le sait, conduite d’une manière toute parti- 
culière ; et ainsi que dans une bataille une 
haie ou un ruisseau décide souvent du succès, 
c’est souvent ici une chose bien moins impor- 
tante encore. En un mot , le parti français 
l’emporta lorsqu’ en 1797, on fit la paix entre 


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I 


( 286 ) 

le Portugal et la France; îé parti anglais , 
lorsqu’elle ne fut point ratifiée. L’or et l’Es- 
pagne protégèrent le Portugal jusqu'à ce que 
la France eût , en 1799, assez d’embarras avec 
ses autres ennemis. 

Les circonstances devinrent de nouveau 
très-critiques, lorsque la France, sous Bona- 
parte, remporta la victoire sur tous ses enne- 
mis du continent, et que l’Espagne, qui ne 
craignait plus comme auparavant, menaça 
sérieusement. On pouvait s’attendre cependant 
que l’Espagne ne desirait pas la ruine du 
Portugal, pas même que ce royaume fût 
affaibli. Le gouvernement français , qui pen- 
sait avec plus de modération , ne demanda 
que de l’argent , et le Portugal en possède en 
quantité, sinon dans le moment, du moins 
pour l’avenir, dans ses mines d’or. La France 
et l’Angleterre se rapprochèrent ; alors on 
vit éclater un simulacre de guerre. Malgré 
qu’un jeune prince vînt en Portugal, auquel 
son courage de chasser les Français du pays«à 
la tête d’un corps qu’il avait levé lui-même 
fait honneur. Ce fut cependant le vieux Duc 
de laFoes, partisan déclaré des Français,. 


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( 28 7 > 

qui conduisit les troupes portugaises contre 
l’ennemi. Les Espagnols envahirent , comme 
à l’ordinaire, la province d’Alemtejo , blo- 
quèrent Elvas , et assiégèrent Campo-Mayor % 
forteresse autrefois importante, mais qui a 
été ruinée par l’explosion d’un magasin à 
poudre, en 1762, et qu’on n’a pas recons- 
truite. La petite garnison portugaise soutint, 
pendant trois jours , le bombardement avec 
courage , et capitula ensuite. Ce fut le seul 
événement de toute cette guerre. L’armée 
portugaise se retira , les Espagnols la pour- 
suivirent, et poussèrent leurs avant-postes jus- 
qu’à Montemor a novo. A Lisbonne où il était 
en général défendu de parler de cette guerre, 
on ne craignait rien , et rien n’était encore 
désespéré. L’armée espagnole avait à dos l’im- 
portante forteresse d’Elvas , et entr’elle et la 
capitale un large fleuve qui porte des vais- 
seaux de guerre , et l’armée française n’était 
point encore entrée en Portugal. Une prompte 
paix termina cette mascarade. 

L’Espagne a été facile à satisfaire; elle 
s’est contentée de la forteresse d 'Olivenzv 
et de son petit territoire , qui est situé sur la 


\ 


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I 


( 288 ) 

rive gauche de la Guadiana, et enclavé dan ; 
le territoire £spagnol.On a détruit par-Jà un 
repaire de contrebandiers, et sous ce rapport 
cet endroit est important pour l’Espagne. On 
doit être surpris cependant que l’Espagne 
n’ait pas demandé le territoire sur la rive- 
gauche de la Guadiana , autour de Muurcfo , 
Moura et Serpa , pour avoir des frontières 
naturelles de ce côté, et empêcher la contre- 
/ bande qu’on y fait. 

I). Joao Carlos di Bragance , duc de 
la Foes , généralissime de l’armée portugaise 
dans la dernière guerre, naquit en 171g. Son 
père était D. Miguel , fils légitimé du roi 
D. Pàdre II. D. Joao déplut à Pombal , 
parce qu’il était parent du roi D. Joze , et par- 
là dangereux au ministie. On dit qu’il a 
blâmé la sévérité contre les révoltés d’O-Porto, 
lorsqu’on a établi dans cette ville la com- 
pagnie pour le commerce du vin , et qu’il en 
parla au roi; du moins peu de temps après 
il obtint la permission de voyager. Il se rendit 
d’abord à Londres , ensuite à Vienne où 
il était fort estimé de Marie-Thérèse ; il y 
resta jusqu’à ce qu’il fût rappelé par la reine 


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(-287 ) 

actuelle, après la chûtede Pombal. Son crédit 
a toujours été très-grand, depuis ce temps; 
c’est un homme éclairé qui , sous un gou- 
vernement comme celui de la reine , a bien 
mérité de sa patrie. S’il n’a pas acquis une 
gloire militaire , si peut-être il ne le pouvait 
pa^ il faut toujours considérer qu’il ne l’a 
jamais voulu. 

Celui qui connaît l’histoire du Portugal 
doit savoir comment et pourquoi l’esprit mi- 
litaire de ses soldats se perdit. La domination 
espagnole a sur-tout corrompu la noble.^se ; 
elle l’attira en Espagne et la gagna par dif- 
férens moyens. Lorsque le duc de Braganca 
monta sur le trône , on ne pouvait pas se res 
poser sur la noblesse en partie envieuse , et 
même pas pendant la guerre suivante avec 
l’Espagne. La nation avait encore de l’énergie 
à cette époque ; on pensa , pour la première 
fois, à nommer un étranger chef de l’armée, 
et le fameux Schomberg fut choisi ; ce fut 
alors qu’on vit des troupes anglaises auxi- 
liaires. La bataille iï Ameixal sauva le Por- 
tugal ; les Anglais culbutèrent les Espagnols* 

mais la cavalerie Portugaise lut repoussée par 

4 ** 

19 


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( 288 ) 

celle des Espagnols. Schomberg envoya dire 
au général des Portugais , le marquis de 
ViUaJlor , de faire avancer ses gardes. On 
le trouva dans une gorge de montagnes , où 
il jurait de ce que la bataille avait été en- 
gagée sans son consentement f et il dit qu’il 
ne s’en mêlerait point. Mais un colonel jjpr- 
tugais s’embarassa fort peu du général ; sur la 
demande de Schomberg , il copduisit un ré- 
giment contre l’ennemi , et décida la défaite 
des Espagnols. La nation fut mêlée contre son 
gré dans la guerre de succession de l’Espagne ; 
un roi faible , prodigue et dévêt , ne put pas 
rendre son énergie première à la nation ; et 
c’est de là que date la décadence du militaire. 
Jïombal opprima le militaire, parce qu’il redou- 
tait la noblesse , qui avait beaucoup de crédit 
à l’armée ; le ministre était en sûreté sans 
armée , par le parti nombreux qu’il s’était 
dabord fait. Il vit. à la fin , que le Portugal 
^ans armée serait continuellement en butte 
aux tracasseries de l’Espagne , et adopta les 
excellentes mesures du comte de la Lippe. 
Beaucoup de ces institutions ne se soutinrent 
pas , et ne répondirent peut-être pas à l’at- 


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C 289 ) 

tente. Cependant la dernière guerre de la 
révolution a porté l’attention du gouverne- 
ment sur l’armée; la campagne, contre les 
Français , en Roussillon , a sans doute été 
très-utile , ainsi que les efforts qu’on a faits 
depuis , qui ont porté l’activité dans l’armée. 
II manque toujours de bons officiers ; on es- 
time trop peu les capitaines et les officiers 
d’un rang inférieur , quoique tout dépende 
d’eux; aussi leur solde est-elle trop modique.’ 
On appelle des généraux étrangers dans le 
pays, qui ne connaissent pas la nation, qui 
sont hais et même tournés en ridicule par 
les officiers et les soldats. L’armée portugaise 
ne sera bien organisée que lorsque les Por- 
tugais prendront du service dans l’étranger, et 
qifils retourneront ensuite pour défendre leur 
pays. Ceci n’a eu lieu que très-rarement ; ce- 
pendant le chef d’un régiment d’infanterie, à 
Lisbonne , G ornes freire-de j4.ndra.de o Cas- 
tro 3 en offre un exemple. Au reste, l’armée 
est commandée par deux feld-maréchaux 
( Voy. T. 1 , p. 182 . ), trois généraux de l’in- 
fanterie , de la cavalerie et de l’artillerie , 
un quartier-maître général , trois inspecteurs- 

*9-. 


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\ 


C 2 9 ° ) 

généraux de l’infanterie, de la cavalerie ef 
de l’artillerie ; neuf lieutenans-généraux ( Te - 
nentes Generaes effectives ) et beaucoup 
d’autres qui n’en portent que le titre ; douze 
maréchaux de camp ( Marechaes de campo) t 
vingt-quatre brigadiers ( brigadeiros ). Les 
autres grades sont : colonels ( Coroncis ) , 
lieutenans-colonels ( Tenentes- Coroneis ) , 
majors ( Sergentos mores ) , etc. On voit par- 
là , que cette petite armée ne manque pas 
d’officiers supérieurs ; circonstance qui a 
beaucoup de suites fâcheuses, le mépris des 
grades inférieurs, et la modicité de la solde 
des officiers subalternes. 

3 °. Voyages dans V Alemtejo supérieur. 

« 

Nous parcourûmes la province d’Alem- 
tejo dans trois directions différentes. Un 
quatrième voyage fut entrepris par le Comte 
de H. . . . , d’abord depuis les frontières d’Es- 
pagne , près d’Elvas , jusqu’à Lisbonne , 
voyage qui a été dédtit T. I. , p. 166, 
21 3 . Les montagnes arides entre Elvas et 
Estremoz, consistent en grez feuilleté; elles 
sont couvertes de Ladanum ; mais à une 


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C 291 ) 

lieue d’Estremoz , nous arrivâmes sur une 
colline où est situé le village Mao Porcao , 
entre des buissons , des champs et des ver- 
gers si agréables , qu’on se croit transporté 
dans une autre contrée. C’est ici qu’on aper- 
çoit la pierre calcaire lamelleuse, noire et 
blanche , qui continue jusqu’à Estremoz. 
Cette pierre calcaire fournit du marbre 
d’une si bonne qualité, qu’on s’en est servi 
à la construction de l’Escurial et du couvent 
de Belem. J’ai dit que la ville d’Estremoz 
n’était rien moins que belle ; cependant ses 
petites maisons peintes en blanc lui donnent 
un air de propreté ; la place publique est 
sur- tout agréable ; on y aperçoit la citadelle 
qui a ses fortifications particulières , mais 
qui est enclavée dans les murs de la ville. 
Comme nous voyageâmes très - vite , nous 
n’eûmes pas le temps de visiter le lieu d’où 
l’on tire l’argile dont on fait des vases qu’on 
envoie d’Estremoz dans les antres parties du 
royaume , et sur-tout en Espagne.. Ces vases 
sont de l’espèce de ceux décrits T. I . , p. 
412; ils sont peu cuits, pour favoriser par 
leur molesse l’évaporation et la fraîcheur des 

19. 


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( 292 ) 

boissons. Ils contractent un goût argileux 
! qu’on trouve très-agréable dans les vases 
fabriqués à Estremoz. D’autres vojageurs 
donneront des détails plus circonstanciés sur 
cette argile et la fabrique de vases. J’ai 
aperçu qu’une couche considérable d’argile 
se trouvait au-dessous de la pierre calcaire. 
D’endroit le plus prochain , Arragolos , est 
situé sur une montagne de granit , de façon 
qu’on le distingue à quatre lieues de distance. 
Le sommet de la montagne est couronné 
par un vieux château ; le couvent est situé 
dans la vallée : d’ici l’on va à Montemor o 
Nouo , où finit la partie supérieure de la 
province. Toutes les auberges depuis Elvas 
jusqu’à Lisbonne sont médiocres et meil- 
leures que celles d’Espagne. La dernière 
journée depuis Vendas Nouas jusqu’à Al- 
dea Galega , est trop forte, et l’ Estellagem 
ou auberge , à os Pegoes , fort mauvaise. 
Vis-à-vis d’Aldea Galega, sur une hauteur, 
est située l’église de Nossa Senhora de Ata- 
laya , (non pas Attaraya , comme il est 
dit T. p. 199). , 

Le second voyage se dirigea de Lisbonne 


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( 2 9 3 ) 

par Palma , Porto de Lama , quiata de D, 
Rodriguez , Messejena , Panoyas , Garoao , 
et a été décrit ï 7 . iJ, p. ni , 120. Je ne 
saurais rien ajouter sur cette triste contrée; 
j’ai cependant répété le nom des endroits, 
à cause de quelques fautes typographiques. 
Nous retournâmes par Mertola , Setpa t 
Vidigueira , Eoora , Montemor 0 Noi >0 i 
par la partie la plus agréable et la plus 
fertile de la province , et par le plus grand 
désert sur les montagnes de schiste sablons 
neux , entre Mertola et Serpa. 

Nous vîmes la ville de Beja à quelque 
distance , mais nous n’y entrâmes point. C’est 
le chef-lieu de la maison royale des princes 
et des princesses ( casa do Infantado ), par 
conséquent une Ouvidoria. Le pays est 
non seulement fertile , mais on y trouve 
beaucoup de plantes en été, sur -tout de* 
plantes d’Espagne , peut-être à catlse de sa si- 
tuation élevée , la nigella hispanisca , la 
scabieuse, etc. Les antiquités qu’on a décou- 
vertes à Beja, prouvent que Pax Julia était 
située dans les environs : c’est ainsi que Mer- 
tola était l’ancienne Myrtillis , autrefoi* 

«9.. * 


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( 2 94 ) 

ville grande et riche; elle pourrait le devenir 
encore. Le pays est fertile et la Guadiana 
est navigable jusques dans cet endroit. Pom- 
bal fit commencer une belle route dans les 
voisinages de Mertola , pour ouvrir une com- 
munication avec sa nouvelle ville , dans le 
Algarves; mais cette route n’est pas longue : 
le chemin le plus direct à Villareal , dans 
les Algarves, passe par Sétuval à Alcacer, 
de-là à Mertola, où l’on descend la Guadiana. 

Les environs de Vidigueira , entre Beja 
et Evora , sont les plus agréables et les plus 
fertiles de la province, et dédommagent am- 
plement des landes de l’Alemtejo inférieur. 
Le vin de villa de Frades, (et non Erades ), 
était célèbre il y a 200 ans. Il est assez 
singulier qu’on ne fasse point mention, dans 
les anciens écrits , du vin de Porto et du 
Douro supérieur; il est possible qu’il ne fut 
pas d’une aussi bonne qualité. Il est cons- 
tant que ce n’est pas le meilleur vin de 
Portugal , mais il croît dans un pays d’où 
il peut être facilement exporté; et les besoins 
de l’Angleterre, à cause de ses guerres fré- 
quentes avec la France et l’Espagne , ont 


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( *g5 ) 

rendu cette exportation importante. Sur le 
chemin de Vidigueira à Evora , on voit à 
gauche la Serra de Vianna , montagne de 
granit, où l’on a trouvé autrefois du mine'rai; 
nous les recommandons aux minéralogues , 
pour y faire des recherches exactes : nous 
recommandons également aux botanistes , la 
Serra de Ossa, qu’on voit distinctement de- 
puis Evora, parce qu’on dit que la végétation 
y est très-riche ; nous n’eûmes pas occasion 
de la visiter. 

En I 799> I e Comte de IL ... fit un der- 
nier voyage à Portalègre et Marvao ; il 
passa le Tage près à' vibrantes. On traverse 
pendant huit lieues , jusqu’à Gafete , et 
pendant quatre lieues de là , à Portalegre , 
un pays désert, tantôt montagneux et tantôt 
plat, qui n’est varié que par la belle route 
établie sur un fond de granit. Ce n’est qu’à 
une lieue de Portalègre qu’on arrive dans 
des vallées variées par des buissons et des 
arbustes. On voit quelques vignobles et des 
' châtaigniers ; ensuite on tourne une colline 
qui reste a gauche , et on se trouve tout 
près de la ville j elle offre un aspect très- 


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C 296 ) 

singulier : cette colline , située dans une haute 
vallée , est couverte de maisons , et la ville 
ressemble à un cône. Ce n’est que d’un côté 
que part une rangée de maisons qui s’étend 
jusqu’à une grande place ; c’est là que se 
trouvent les bâtimens de la manufacture de 
draps. La colline de la ville est adossée à 
une autre montagne , sur laquelle on re- 
marque peu de . culture ; et un petit château 
en ruines en occupe le sommet. Au reste, 
Portalègre est une ville ( cidade ) , une praça 
de armas ; a un gouverneur, un corregedor , 
un juiz de Fora > un évêque , etc. C’était 
autrefois une forteresse dont on voit encore 
maintenant les murs ; elle était plus peuplée 
qu’aujourd’hui , enfin, sous tous les rapports * 
plus considérable. Cependant la manufacture 
de draps est , après celle de Covilhao ,1a plus 
importante du royaume. 

De loin on aperçoit une haute chaîne de 
montagnes dans le voisinage de Portalègre; 
c’est la Serra de Mamède, qui en est éloignée 
de deux lieues. Le chemin monte derrière la 
citadelle , et conduit dans des plantations de 
châtaigniers qui régnent pendant une demi- 


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( 2 97 ) 

lieue. Ces arbres sont , soit de baute futaie , 
soit de bois taillis, comme à Monchique, pour 
en faire des cercles de tonneaux , etc. Le beau 
port de ces arbres , leur vaste feuillage d’un 
vert foncé , l’oinbre qu’ils répandent offrent 
les promenades tes plus agréables ; on voit 
aussi quelques vignobles dispersés. Cette belle 
végétation , qui surprend dans ces déserts , 
s’étend d’ici à Cas tel lo do Vide , dans une 
longueur de deux lieues , et dans une largeur 
d’une demi-lieue , le long des montagnes qui 
se dirigent du sud-ouest au nord-est. Après 
avoir traversé cette forêt de châtaigniers , on 
aperçoit de nouveau la Serra de Marnède qui 
contraste singulièrement avec la beauté du 
paysage qu’on vient de quitter. Elle consiste 
en trois à quatre montagnes pelées , couvertes 
de pierres , sur lesquelles on n’aperçoit d’autre 
objet qu’un hermitage habité par deux moines, v 
situé à une demi-lieue de la cime la plus 
élevée. La montée est plus ennuyeuse que 
difficile; la pente n’est pas escarpée, mais cou- 
verte de pierres détachées. Depuis le sommet 
on a une vue très-étendue, mais peu agréable, 
parce qu’on n’aperçoit que les déserts jusqu’aux 


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( 2 9 S ) 

frontières d’Espagne , les coteaux d’Elvas et 
d’Estremoz, et la triste contrée de CastellQ- 
Branco. La montagne est aride ; en deçà de 
l’hermitage, on trouve une source d’eau excel- 
lente. Les montagnes sont composées de 
Schiste sablonneux. - ‘ 1 

Le châtaignier ( castanheira ) est cultivé 
avec beaucoup de soin dans ces contrées , 
autour de Portalègre , Marvao , Castello do 
vide , et Alegrete . Il y a des forêts sau- 
vages et cultivées de cet arbre (sou/os bravos 
e mansoi ). Dans l’une et dans l’autre on sème 
et on plante cet arbre, mais dans les premières 
il n’est point greffé. Les arbres qui n’ont point 
été greffe's sont plus rapprochés , et on leur 
fait prendre une plus grande élévation. Ceux 
qui ont été greffés , doivent rester à une dis- 
tance conv?nable , pour que leur feuillage 
s’étende, et qu’ils donnent plus de fruits. Pour 
semer une forêt de châtaigniers, il est néces- 
saire de détruire préalablement les arbustes, 
comme les cistes , le genêt , etc. ; ce que les 
Portugais nomme matto. On se sert , pour 
cet usage , à Portalègre , d’un instrument à 
deux tranchans , nommé faianca , avec le-. 


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( 2 99 > 

quel on coupe les racines. Cet opération a 
lieu dans l’automne et en hiver ; au printemps 
on sème dabord du millet dans ce terrain , et 
après qu’il a été récolté , du froment et des 
châtaignes à-la-fois. Si le bois des châtai- 
gniers doit servir , on n’a qu’à récolter deux 
fois du froment , et dans ce cas on ne greffe 
point les arbres.; si au contraire on les greffe 
pour qu’ils portent des fruits, on le fait jus- 
qu’à ce que les arbres ombragent tout , parce 
qu’ils ne doivent pas être aussi rapprochés 
que les précédens. On plante aussi des châ- 
taigniers dans les endroits où on ne peut point 
labourer , et on prend pour cet effet les 
jeunes boutures des autres forêts. On plante 
ces arbres en automne et au printemps. Lors- 
que l’arbre sauvage, c’est-à-dire, celui qui 
n’est pas destiné à être greffé , a atteint l’âge 
de six ans , on le débarasse des branches 
superflues ( alimpaçao ) ; et après deux ou, 
trois ans , on commence à les élaguer , c’est- 
à-dire, à couper les jeunes arbres qui sont 
trop rapprochés. Ce travail se nomme des- 
baste ; on obtient par-là de jeunes branches 
( aguilhados ) , qui servent à conduire les 


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( 3oo ) 

bœafs ; varejoes , des échalas pour les vi- 
gnes , etc. ; faeiros , du bois pour la cons- 
truction des charettes ; arcos , des cercles de 
tonneaux. Après deux ou trois ans, on répète 
cette opération qui produit alors de plus 
grandes lattes , ripas. Lorsque l’arbre a dix- 
sept ans , il peut servir comme bois de cons- 
truction. Les arbres destinés a être greffes , 
sont élagués de bonne heure , les jeunes re- 
jetons servent à planter -, et on les greffe à 
la dixième année. On greffe entre l’écorce 
( de garfo ) (i). Des arbres greffes donnent 
une plus grande quantité et de meilleurs fruits; 
on les distingue, parce que la pelure intérieure 
se détaehe aisément du fruit. Les châtaignes 
qu’on a cueillies , sont séchées près d’un petit 
feu , et l’écorce extérieure en est détachée , 
en marchant dessus. On les envoie dans toute 
la province et à Lisbonne. 

Il y a aussi , autour de Portalègre, beau- 


Vojez Me maria acerea da cultura e utilidade dos Castan - 
foiras na comctrça de Partalegre. Par Joaqttim Pedro. Eregosa 
de S iqueira. Memor. économie. da.Academ. daLisboa, tome 
| 1 , page 295. 


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( Soi ) 

coup de chênes avec des glands que l’on peut 
manger. J’ai parle' de cet arbre, T. I, p. i 5 z ’ 
et igi. Il est étonnant qu’un arbre aussi re- 
marquable, qui forme , en Espagne et en Por- 
tugal , des forêts entières , dont les fruits sont 
mangés dans et autour de Madrid , et q U0 
Y Ecluse a décrit il y a plus de deux cents 
ans, soit si peu connu des botanistes modernes. 
Linné h confondu cette espèce avec le quer- 
cus ilet , arbre de la France méridionale , 
dont on ne peut pas manger les glands. Ce 
ne fut que Desfontaines qui donna une des- 
cription détaillée de cet arbre , dans les Mé- 
moires de 1 Académie des sciences de Paris 
de 1 année 1790. Il le nomma quercus bal- 
Iota ; il le désigna de même dans sa Flora 
Atlantica , T. II, p. 35 o. Il l e trouva prés 
d Alger, et il supposa que l’arbre espagnol 
et portugais était le même. Je pense que nous 
sommes- les premiers qui ayons fait des obser- 
vations exactes sur cet arbre en Portugal 
et en Espagne, et avons déterminé son espèce. 

Marvao est à deux lieues, et au nord-est 
de Portalègre. On sort par le même chemin 
paroà l’on est arrivé ; ensuite on détourne 


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(. 3o2 ) 

à droite sur le revers septentrional , qui est 
* couvert de châtaigniers et bien arrosé. On 
monte sur une montagne aride qui se termine 
en un plateau élevé. Ensuite on voit quelques 
collines , au pied desquelles coule le ruisseau 
de Marvao, que l’on traverse. Alors on aper- 
çoit une grande plaine ass_ez bien cultivée , 
le Prado de Marvao , bornée par des mon- 
tagnes arides et rocailleuses ; dans le fond r 
on voit paraître , sur les montagnes les plus 
élevées et les plus escarpées , les murs et les 
fortifications de Marvao. Après avoir passé 
le ruisseau , on voit a droite , a cent pas de 
la route , du côté du sud-est, unr quint a qui 
appartient au marquis de Tancos , et qui est 
affermée audoven de Portalègre. Cette quinta 
est très-remarquable, parce qu’on y rencontre 
des ve.diges d’une ancienne ville romaine, 
que les habitans des environs nomment Ara- 
merilia , mais qui , selon les au' eurs Por- 
tugais , est l’ancienne Meidobriga. On prétend 
que le sol est couvert d'anciens balimens jus- 
qu’à une profondeur d'une à deux toises. En 
effet en remuant la terre, on trouve des murs, 
des voûtes , des vases de terre , des médailles , 


( 3o3 ) 

des inscriptions , et sur le fragment d’une 
statue on voit une tête de femme en re-; 
lief, qui paraissait bien sculptée. Les murs 
et les voûtes qui existaient, ont été en partie 
détruits pour rendre le sol propre à la cul- 
ture. Dans la cour de la maison on voit 
beaucoup d’inscriptions bien conservées. Le 
gouverneur de Portalègre reçoit d’autres 
petits objets , qu’il envoie au duc de Lafoes. 
Il est à regretter qu’on fasse si peu attention 
à ces antiquités; on doit s’en étonner d’autant 
plus, que l’amour des antiquités n’est pas 
encore éteint en Portugal. Il paraît que les 
propriétaires de cette quinta ônt peu de goût. 

Le bourg fortifié de Marvao est situé suc 
une montagne haute et escarpée , qui est 
aride et rocailleuse ; mais bientôt la contrée 
change , et est couverte d’aussi belles plan- 
tations de châtaigniers qu’ autour de Porta- 
lègre , excepté qu’elles sont mieux arrosées. 
Elles couvrent tout le revers nord-est de la 
montagne , depuis le sommet jusques dans la 
vallée. Eu été , la terre est couverte d’une 
belle verdure ; le cytisus divaricatus orne 
les promenades de ses fleurs jaunes. Lç bourg, 

ao 




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{ 304 7 

rjuî est petit , a une faible garnison , et il est (île 
peu d’importance, considéré comme forteresse. 
Depuis le sommet on jouit d’une triste vue ; 
oh voit u»e grande étendue de pays jusques 
en .Espagne , couverte de montagnes et de 
collines arides , parsemées de fragmens de 
ÿocbers."! » r 

. Jusqu’à Montalvao , au bord du Tage , 
il y a cinq lieues. Le pays est fort agréable 
jusqu’à Castello do Vide , qui est à moitié 
chemin; mais ensuite il est désert. Castello 
do Vide occupe la moitié du sommet d’une 
colline , et reste à droite. Montalvao est un 
bourg misérablè et triste. On a encore une 
lieue jusqu’au hac du Tàge. La rivière est 
ici à une lieue des frontières d’Espagne, d’une 
largeur de 100 à i 5 o pas, et coule entre de 
hautes montagnes schisteuses qui sont très-> 
uniformes .et couvertes de broussailles. Elle h 
apporté quelques plantes d’Espagne nous 
rencontrâmes souvent ici le loeflingia hispa- 
nica, comme nous l’avons trouvé plus bas au 
bord des fleuves , mais nulle part ailleurs 
dans le royaume. 

, Outre la Serra de Ossa dont nous ayons 

t.*: 


i 



( 3o5 ) 

parlé plus haut, les environs de VWa-Vl - 
cosa et d’ Arronch.es méritent l’attention par- 
ticulière du botaniste ; nous n’eûmês pas le 
temps de la visiter, n^n plus que les environs 
de Villa-Nova da mil fautes , de l’autre côté 
de i’Alemtejo, sur les bords de la mer. 



t 


«t. 


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V 


( 3 oG ) 



CHAPITRE V I. 

— «-* — 

LE ROYAUME JD E S ALGARVES. 


Observations détachées sur cette province. 

N ous parcourûmes les Àlgarves dans toute 
leur longueur , depuis le Cabo de S. -Vicente 
par Lagos , Villa-Nova de Pertimao , La go a, 
Pera , Loulé , Faro , T a vira , Villareal , 
jusqu’à Castro-Marino. Comme il était im- 
possible au comte de H .... , à cause de ses 
voyages dans les provinces septentrionales , 
de retourner aux Algarves , il y envoya , en 
1799, un jeune observateur qui nous avait 
déjà accompagnés dans nos voyages , dans le 
nord du Portugal. Il resta l’été à Tàvira , où 
il se rendit par Beja et Martola ,et revint par 
Silves et Monchique. Il nous a communiqué 
les notions suivantes. 




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( 307 ) 

Le thon arrive en été sur les cotes des 
Algarves , et se dirige toujours du nord au 
sud. Vers la Saint-Jean il cesse d’avancer plus 
loin, et bientôt il retourne par le même che- 
min qu’il est venu. S’il trouve l’eau autour 
de Cabo de S. -Vicente agitée et mêlée de 
vase qui répand souvent une mauvaise odeur, 1 
il s’éloigne de la côte et va en Afrique. C’est 
ainsi que dans l’été de 1799 , on ne pêcha que 
cent thons à Tavira. Dans les temps bru- 
meux et lorsque l’eau est agitée , ce poisson 
est très-actif et déchire souvent les filets ; 
mais dans les temps sereins et lorsque l’eau 
est calme , il est si craintif, que les pêcheurs 
disent qu’il redoute son ombre. Les Catalans 
de Figuerita , sur la rive gauche du Gua- 
diana , viennent à Faro , Tavira , etc. , y 
pêchent le thon, le préparent et l’emportent 
en Espagne. Lorsque ce poisson est pris , on 
lui coupe la tête , on le vide , on détache ba- 
rète dorsale , et les Catalans lui ôtent encore 
une partie noire vers le bas-ventre , qui a 
dabord un bon goût , mais qui , en se cor- 
rompant, est la cause que ces poissons ne se 
conservent pas long-temps. Les Portugais , qui 

» 1 , . 

ao.s 


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( 3 o 8 ) 

De préparent ce poisson que pour leur usage , 
et ne l’exportent point , lui laissent cette 
partie. Ensuite le poisson est coupé en dif- 
férens morceaux, encaqué dans des tonneaux; 
après huit jours on le lave dans de l’eau 
salée , et on le met dans d’autres tonneaux; 
le sel donne la couleur ronge à sa chair. 

On pêche le thon avec de grands filets 
attachés par une amarre, et qu’on nomme 
’àhnadrava ; dans un des coins de ce filet se 
trouve l’appât. S'il y a assez de poissons, on 
descend un autre filet dans celui-ci , et à 
un signal donné , on le retire; lorsque les 
poissons sont hors de l’eau , on les lue avec 
des crochets de fer , ce qui se nomme ca~ 
pezar. Les pêcheurs sont obligés de donner 
la vingtième partie de leur pêche , et ce n’est 
qu'à cette condition qu’on les laisse retourner 
dans leurs foyers ; une barque de pêcheurs 
coûte 6 à 7 moedas de ouro , environ 240 à 
280 francs (1). 


( 1 ) Celui qui veut connaître exactement le rapport de» 
monnaies portugaises aux nôtres, peut le, voir dans beaucoup 
de livres. Pour la commodité du lecteur, j’en citerai quelques- 


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( 3og ) 

‘ les sardines se trouvent en hiver sur le* 
côtes ; en été le thon les chasse. Elles vont 
par troupes comme- les harengs. Lorsque 
d’autres poissons s’y sont mêlés , on les met 
à part quand on les sale. Après que le* 
poissons ont resté huit jours dans la sau- 
mure , on les retire. Les femmes les enfilent • 
sur des petites baguettes de bois, et le* 
hommes les lavent avec de l’eau de la mer.' 
Ensuite on les sale de nouveau , et on les en- 
caque dans des tonneaux dont le fond est 
percé; on presse le poisson, et on recueille 
l’huile qui en sort avec la saumure. Elle sert 
à calfeutrer et à faire du savon. Ensuite les 
sardines sont séchées, fumées, etc. 

Aux environs de Tavira il ÿ a beaucoup 
de terreins incultes où l’on ne voit croître que 
le houx et le caroubier. Les pauvres ramassent 
les fruits de ces derniers , en donnent quatre 

cinquièmes aux propriétaires , et avec le resta 

; A* 

» ' 

unes, too reis ~i tostao — 5 vintems équivalent & i5 sous ; 
ainsi 600 reis forment 4 livres 10 sous; un cruzado novo ~ 
480 reis , 3 livres 4 sous ; un moeda de ouro contient 4800 j 
tiae peca y 6400 reis. i < 

90, .4 


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c 3io ) 

ils engraissent les cochons. Ils s’occupent tonte 
la journée à faire des nattes ( esteras ) et des 
corbeilles de feuilles de houx ; des enfans de 
cinq ans y travaillent également, en divisant 
les feuilles. 

La cause pourquoi on ne fait pas d’aussi 
bonne huile aux Algarves qu’on devrait s’y 
attendre, est , selon l’assertion des cultivateurs 
du pays , parce qu’on ne recueille pas les 
olives à-la-fois , mais par intervalle; qu’on n’y 
mêle point de sel , et qu’on ne fait pas écouler 
l’eau qu’elles donnent lorsqu’elles sont entas- 
sées. J’ajouterai aussi qu’on ne cueille point 
les olives , mais qu’on les abat. Les proprié-' 
taires des pressoirs à. l’huile en rendent la 
qualité plus mauvaise, parce qu’ils ne nétoient 
pas leurs pressoirs lorsque de la mauvaise 
huile y a été pressée , ou qu’ils changent les 
olives. Ce n’est qu’à Loulé qu’on donne une 
attention particulière aux pressoirs ; on les fait 
fermer pendant la nuit par ordre de la police, 
et on a soin de les faire nétoyer. 

Le figuier qui porte les figues dont on se 
sert pour la caprification ( Jîgos de toca ), a 
des feuilles plus larges que les autres espèces* 


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C3ri ) 

Ses figues mûrissent à la fin de juin et au 
commencement de juillet ; elles ont la forme 
d’u/ie poire, et contiennent des fleurs mâles 
et femelles dont notre ami nous a donné une 
description exacte. Dans chaque fleur se 
trouve l’insecte qui sort par une ouverture 
dans le calice, et qui paraît au jour lorsqu’on 
ouvre la figue. Lorsque les premières figues 
sont mûres , d’autres paraissent et ont déjà 
une certaine grosseur au mois d’août ; de ces 
figues pourries sort , au printemps , l’insecte 
qui attaque les Jîgos de toca. 

A Tavira , on cultive une espèce de figuier 
qu’on nomme lampeiras. Il donne deux ré- 
coltes ( camadas ) par an ; les premières 
figues se nomment lampos , mûrissent, en 
même-temps que les Jîgos de toca , et n’ont 
pas besoin de celles-ci ; elles ne contiennent ' 
que des fleurs femelles. La seconde espèce se 
nomme vendimos ; ‘elles n’ont également que 
des fleurs femelles , et tomberaient si elles n’é- 
taient point piquées par les insectes des Jigos 
de toca . Celles qui ne sont point piquées 
restent petites , dores ; ne sont pas rouges in- 
térieurement , et n’ont pas le suc que 


r 


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ni o 

reçoivent celles qui ont été piquées; les pépins 
sont plus grands que ceux des figues piquées. 
Le Jigo enchario mûrit au mois de sep- 
tembre ; il a besoin des Jigos de toca ; l’arbre 
ne donne qu’une seule récolte. Sur les bords 
de la Guadiana on cultive une espèce de 
figuier qui ne donne qu’une récolte, mais ses 
fruits n’ont pas besoin de la caprification; 
on les nomme Jigos travos. 

Ainsi voilà l’explication probable de la ca- 
prification- Elle ne sert pas à la fructification 
comme on l’a cru; des figues femelles mû- 
rissent sans elle ; les graines , dans les figues 
non caprifiées , sont plus completfes que dans 
celles qui ont été piquées. Mais dans les 
figues tardives , la nature développe la se- 
mence , et le fruit en est moins succulent. 
L’insecte détruit les vaisseaux qui contien- 
nent la semence , et c’est ainsi que le suc est 
conduit dans le fruit. Ceci s’accorde avec 
d’autres observations. Plus le fruit est doux et 
succulent, moins la semence est développée ; 
et vice versa , dans les fruits les plus suc- 
culens la semence est totalement détruite. Ce 
que nous nommons amelioration des arbres 


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( M ) 

fruitiers , n’est que leur affaiblissement, et 
cféiruit l’action de la fructification , objet 
constant delà nature abandonnée à elle-même. 
' Il y a aux Algarves deux différentes es- 
pèces d’aloès dont on se sert comme buissons; 
d’abord l’aloès pitte , nommé piteira ( agarc 
americana ) , et ensuite une es-pèce appelée 
hat’oseovL babosa. Celte dernière a des feuilles 
minces, alongées et jaunâtres; elle fleurit en 
hiver. Sa tige est plus petite et plus mince ; 
on n’en fait aucun usage , au lieu que celle 
de l’aloès commun sert à la construction des 
maisons et des cabanes. On la nomme babosa , 
parce qu’elle contient beaucoup de suc , de 
baba , salive ; elle a des fils plus longs et plus 
blancs que l’aloès ' ordinaire , mais dont la 
préparation est plus difficile. On s’en sort pour 
faire une espèce de corde ( harasses ) ; et 
pour cet effet , on fait pourrir les feuilles que 
l’on tord ensuite. • 

La route , depuis Monchique jusqu’aux 
bains , que j’ai dit être mal entretenue , a 


Comparez. Observations d* llibert sur les coius. Vojc* 
ticigaz. encjclop l’an III, tome VI, page 145. 


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( 3 i 4 ) 

été réparée par ordre du gouverneur de» 
Algarves, par corvées; elle est maintenait! 
fort bonne. Sur la Serra de Monchiçue, ou 
retire des racines de cistes et d’autres ar- 
bustes , des charbons qu’on embarque à 
Odemirà , à sept lieues d’ici, et qu’on en- 
voie à Cézimbra, etc. 

La société pour les progrès de la géogra- 
phie , dont j’ai parlé plus haut , termina en 
1797 ses travaux sur les Algarves. Je com- 
muniquerai les résultats du dénombrement 
qu’on a fait à cette occasion ; je désirerais en 
faire autant des autres provinces , mais 
j’ignore si on y a fait un dénombrement. 
Peut-être qu’il présentait de plus grandes 
difficultés qu’aux Algarves. 

' • Hommes. Femmes. Total. * 

Moncbique. . ■ , 2^26 = 2483 = 4809 

' Aljesnr. 4 . ^ . . 728 = ' 711=^ 1439 

Sagres 98 = 114 = 212 

Villa do Bispo. . . 280 = 293 = 873 

Lagos . . . . . 4216 = 4264 = 8480 

VillanovadePortimao. 1645 = 1818 3463 

Silves 5 ia 6 = 52 i 5 = lo 34 i 

Alba Feira. . . .• * 2123 r= 23 oo = 4423 

Total .- , ,./i 654 »-ss: 17198 = 30740 


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( 3.5 ) 

t * . Hommes. Femme*. Total 

Cl-CONTRB . '. 1664a =T 17196 = 33740 

1 Lagoa ..... 2271 = 2523 = 479 4 

Loulé ..... 6379 =s 6869 = 13248 

Faro. . . . . . 9917 = 10093 = 20010 

Tavira 6 ia 3 = 6664 = *^787 

Villaréal .... 1010 = 1018 = 2028 

Castro-Marino^ . . 1716 s= 1731 = 3447 

Aiccutiin .... 2967 = 3004 = ^971- 

Total . . . 46925 = 49100 = 96025 

Les villages et les maisons dispersées sont 
compris dans la ville au territoire de laquelle 
ils appartiennent; ainsi ils font partie de ce 
dénombrement. En général , il y en a fort 
peu. La population a donc augmenté depuis 
1780 de a 553 âmes. Le grand nombre de 
femmes n’étonnera pas , si l’on considère 
que les Algarviens sont les meilleurs marins, 
et qu’il y en a beaucoup parmi les matelots 
de la flotte, des vaisseaux marchands et des 
bateliers sur le Tage. A cette occasion j’ajou- 
terai quelques mots sur la marine 'du Por- 
tugal. 

Dans les années 1797 et 1798, le gouver- 
nement avait dix vaisseaux de ligne et seize 
frégates en état de servir. Il existe bien un 


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A 


( 3i6 ) 

plus grand nombre de vaisseaux de guerre; 
mais j’ignore s'ils sont en état détenir la mer. 
Xes vaisseaux de guerre sont construits au Bré- 
sil; on emploie, pour cet usage les excellentes 
sortes de bois de ce pa^s. Le c.orps du vais- 
seau corniste en bois de Brésil , l’intérieur en 
bois de pignons et de pins m^itimes. Des 
officiers de marine anglais^que j’ai eu occasion 
de consulter à ce sujet, sont convenus que 
ces vaisseaux sont bien construits et qu’ils 
sont fins voiliers. Ils se rapprochent, sous ce 
rapport, des nouveaux vaisseaux de guerre 
espagnols, qui, à ce que l’on sait, sont les 
meilleurs de leur espèce. Les matelots ne 
manquent ni de courage ni de discipline. Ils 
sont adroits et obéissans, et pourraient encore 
servir à exécuter les choses étonnantes qu’ils 
firent lorsqu’ils étaient commandés par les 
conquérans de l’Inde. Mais il n’en est pas de 
même des officiers. Il y a au reste un almi - 
rante graduado (amiral en titre), trois vice- 
amiraux en titré; cinq chefs d’escadre effec- 
tifs, et huit en titre; onze chefs de divisiôn et 
cinq en titre; vingt-neuf capilaens di mar e 
guerra , et deux graduados ; vingt-neuf ca- 


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Ç3i 7 ) 

pifaines de frégates. On volt par là qu il no 
•manque pas d’officiers. Dans l’histoire mo- 
derne, je ne connais aucune action, aucun 
combat naval où les Portugais se soient cou- 
verts de gloire; aussi l'escadre qui a croisé 
dans la dernière guerre avec les Anglais dans 
la Méditerranée, n’a rien fait de remar^ 
quable. On rapporte ( peut-être par plaisan- 
terie ) que le vaisseau amiral n’a jamais passé 
la barre du Tage sans toucher. 




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( 3i8 ) 





CHAPITRE VU. 

' ' ‘ f 

Coup-d’ceil général sur tout le Royaume, 



Les Pyrénées séparent d’une manière re- 
marquable la péninsule d’Espagne du reste 
du continent. Toutes les chaînes de mon- 
tagnes de la France méridionale se terminent 
à ces montagnes ; leurs promontoires , peu 
élevés , forment des angles droits avec la 
chaîne principale des Pyrénées; une plaine 
étendue règne le long de celle-ci. On s’attend 
à la voir s’aplanir vers les bords de la mer, 
et on voit s’élever les masses gigantesques du 
Marboré et de la Maladetta. Les Pyrénées ne 
s’annoncent pas, comme les Alpes de la Suisse, 
par des chaînes de montagnes telles que le 
Jura et les Alpes de la Souabe et de l’Autriche ; 
leur promontoire est le pic du midi élevé à 
go36 pieds au-dessus du niveau de la mer. 

Semblables à des rayons qui partent des 
Pyrénées, les. chairs de montagnes s’éten- 


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( 3i9 ) 

dent dans la péninsule. Deuxjongues chaînes 
liées aux Pyre'ne'es déterminent leurs fron- 
tières; la septentrionale passe par la Biscaye, 
les Asturies , une partie de la Gallice , et se 
termine au cap Ortegal; l’autre s’e'tend par 
la Catalogne et Valence jusque vers Murcie. 
Les autres montagnes de la péninsule sont 
aussi peu liées avec les Pyrénées qu’entre 
elles ; elles s’élèvent partiellement à une hau- 
teur différente , mais toutes observent une 
direction plus ou moins divergente vers le 
sud-ouest, et paraissent des membres disper- 
sés d’une grande, chaîne. Que l’on compare 
la direction de Guadarama , de la Sierra 
del Pico et de G ata , les montagnes du Tage,’ 
de la Sierra Morqjia et de la Alpajurra en 
Espagne ; ensuite la Serra de Gerez , de 
Est relia , de Cintra , da Arrabida , de 
Monchiçue en Portugal ; et on trouvera une 
grande coïncidence dans les chaînes de mon- 
tagnes. Enfin , là où l’Europe paraît pour 
ainsi dire coupée, les rayons sont interrom- 
pus du nord au sud par les montagnes cal- 
caires, depuis Coimbre jusqu’à Lisbonne. 

Le Portugal est un pays couvert de mon- 

ai 


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( 320 ) 

tagnes. Je ne «onnais que deux plaines de 
quelque étendue; la plaine au midi du Tage, 
dont celle de Santarem.est une continuation , 
et la plaine à l’embouchure du Vouga. Quel- 
ques petits plateaux , par exemple , les en- 
virons de Chaves , de Viseu , le campo de 
Villariça , influent peu sur l’aspect du pays 
en général. Celte multitude de montagnes et 
de collines rapprochées , répand beaucoup de 
monotonie sur ce pays ; elles bornent sur-tout 
la perspective. On ne jouit d’une vue belle 
et étendue que sur le sommet de la Serra 
da Arrabida et da Foia, dans'les Algarves. 
Mais ce pays présente une foule de belles 
vallées et - de coteaux rians; la province du 
Minho est une suite degvallées délicieuses; 
Coimbre, Lisbonne, Monchique, Portalègre, 
Fundao , offrent des perspectives enchante- 
resses. On a choisi les endroits les plus 
agréables pour la culture; les premiers ha- 
bitans, comme inspirés par un esprit poéti- 
que, cherchèrent les sites les plus pittoresques 
pour bâtir leurs villes. 

Les montagnes les plus élevées du Portugal 
sont constituées d« granit. Cette pierre primi- 


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(321 ) 

tive se trouve dans beaucoup d’endroits ; toute 
la province du Minho et la partie septen- 
trionale du Traz os Montés en sont formées. 
Ensuite il compose la Serra de Êstrella, 
montagnes les 'plus élevées du Portugal, et il 
reparaît de nouveau près de Cintra. Au midi 
du Tage, les montagnes de granit s’étendent 
par Portalègre, Elvas, jusqu’à Beja; et le 
sommet le plus élevé de ces contrées , la 
Serra de Foia , est composée de granit. 
D’autres montagnes primitives sont très-rares 
dans ce pays; le granit, là où il est mêlé de 
schiste, est par couches, et passe dans celui- 
ci par un mélange qui ressemble au schiste 
micacé. La pierre calcaire compacte se trans- 
forme dans le Trar os Montés en vrai schiste 
micacé; car, outre cette province, on ne voit 
point de montagnes qui consistent en schiste 
micacé pur. 

Une masse énor’mede grès schisteux couvre 
une grande partie du pays. Quoique sa cou- 
leur soit differente, il fait cependant partie 
des montagnes primitives, et contient du 
schiste micacé. Il couvre le granit et les es- 
pèces de pierres schisteuses. Les montagnes 


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( 322 ) 

frontières des Algarves , toutes celles d’une 
hauteur moyenne dans FAlemtejo, les mon- 
tagnes du côté de Beira et Castello-Branco , 
et la chaîne de montagnes qui accompagne 
le Douro , en sont formées, La formation de 
ces montagnes provient évidemment du midi; 
elle amoncela autour de la Serra de Mon - 
chique sès masses de montagnes; elle ne laissa 
libre que le sommet de la Serra de Foi a , se 
répandit sur l’Alemtejo , dans l’angle du 
Beira, et entoura la Serra de Estrella de 
tous côtés, jusqu’à ce que des montagnes de 
granit , dans le nord , lui eussent opposé une 
digue. Il paraît qu’à cette espèce de mon- 
tagnes est subordonnée l’ardoise du Zézeré et 
le schiste argileux sur le sommet du Marao. 
Il paraît que le schiste micacé sur les mon- 
tagnes de granit de l’Alemtejo a été détaché 
par les grandes pluies de ces contrées, qui 
en remplirent les plaines de sable vers la mer 
et le Tage. 

La pierre calcaire primitive forme une 
suite de montagnes entre Lisbonne et Coim- 
bre, comme la Serra de Lousaa, Porto de 
Mqz , et le Monte- Junto, ensuite la Serra 


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( 323 ) 

da Arrabida , et la chaîne de montagnes 
qui s’étend jusqu’aux Algarves. La pierre 
calcaire feuilletée se rencontre près d’Elvas, - 
Estremoz , Cintra et Lisbonne ; mais elle ap- 
partient cependant à la pierre calcaire pri- 
mitive. C’est dans cette pierre calcaire pri- 
mitive qu’on trouve les charbons près de 
Buarcos. Elles contiennent peu de pétrifi- 
cations. Cette pierre est recouverte par la 
pierre sablonneuse , cependant peu fréquem- 
ment; au Cabo-Espichel avec des traces de . 
charbon minéral ; et sans ceux-ci , sur la 
Serra de Açor , près de Caldas de Ra~ 
guza , et dans quelques autres endroits. 

Ce n’est que l’angle près de Lisbonne et 
au Cabo de San - Vicente , qu’a atteint la 
formation du Trapp ; et l’opinion judicieuse 
de Humboldt que ce coin est une continua- 
tion des montagnes de basalte sur les îles 
Canaries, n’a rien d’invraisemblable. Nulle 
part on ne rencontre des traces de volcans 
brûlans ou éteints ; mais il y a une quantité 
de sources thermales , dont les plus chaudes 
sortent du granit. 

Voilà un court exposé de la minéralogie 

. 21 . 


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C ) 

de ce pays. Commençons par les sommets les 
plus élevés des montagnes, pour considérer 
le règne végétal. Les sapins qui couvrent 
chez nous les régions supérieures, les hêlres 
qui ombragent les plaines , ne se trouvent 
point dans ce pays. Sur les sommités les plus 
élevées on voit, dans les endroits arrosés, 
des forêts de bouleaux, et sur les rochers le 
cormier. Parmi les plantes du nord on voit 
quelques végétaux singuliers de la flore d’Es- 
pagne, qui , accoutumés à une grande va- 
riation de chaleur et de froid, ne croissent 
qu’ici. C’est en vain qu’on cherche beaucoup 
de plantes alpines ; il n’y a que celles des 
régions inférieures des Alpes qui résistent à 
la chaleur de ces montagnes en été. En des- 
cendant , on arrive dans le nord du Portugal, 
dans des forêts de chênes , où les arbres sont 
assez rapprochés pour ombrager les chemins, 
et assez éloignés pour laisser la liberté des 
promenades. Les vallées de la province du 
Minho sont couvertes de forêts de chênes 
continuelles. Ensuite paraît la région des fo- 
rêts de châtaigniers , les véritables forêts de 
ce pays, dont les arbres l’approchés se tou- 


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( 325 ) 

chent par leur feuillage. Le revers de la Serra 
de Marao , de la Serra de Estrella vers 
Fundao , de la Serra de Portalègre et de 
Monchiijue , en sont ornés; le châtaignier ne 
croît point dans les plaines plus chaudes. Au 
pied des grandes chaînes de montagnes , ou 
trouve les vergers, et en général la culture 
des fruits est un signe de pajs froid. Plus 
bas paraissent l’arbre à liège, le kermès et le 
pin maritime, ensuite le citronnier et enfin 
l'oranger. On ne cultive de bonnes oranges 
que dans les endroits chauds et abrités. Ces 
arbres montent cependant depuis les vallées les 
plus profondes jusqu’à la région des châtaig- 
niers, où ils forment, réunis aux vergers et aux 
forêts de châtaigniers , les bosquets délicieux 
de Monehique et de Cintra. L’olivier est en- 
core plus répandu ; on le trouve près des 
bouleaux du Gerez , et à côté des orangers 
près de Lisbonne. Enfin, dans les contrées 
les plus basses et les plus chaudes, on voit 
fleurir l’aloès d’Amérique , et le dattier s’é- 
lever au-dessus des moissons. 

Dans les endroits chauds , on chercherait 
en vain les plantes de la flore du midi de 



( 3 26 ) 

« 

la France et de l’Espagne; il fant cependant 
en excepter l’Andalousie, qui est encore peu 
connue. Les végétaux de la flore d’Italie 
sont encore plus rares ; il n’y en a que quel- 
ques-uns de la Sicile qui croissent dans le 
midi du Portugal ; le Portugal n’a rien de 
commun avec l’orient, comme on doit le pré- 
sumer. Pour trouver des plantes du nord 
de l’Europe , il faut chercher des marais , 
qui, comme l’a déjà observé Linné t pro- 
duisent les mêmes plantes dans les climats 
les plus différens. Dans d’autres endroits, il 
ne faut pas se laisser induire en erreur par 
analogie superficielle. On croit voir l’ortie 
commune , et c’est Vurtica caudata , Vahl ; 
on croit trouver la cynoglosse d’Allemagne , 
et c’est le cynoglossum clandestinum , Des- 
TONT. Nous avons observé beaucoup de nou- 
velles espèces qu’on a confondues sans doute 
avec celles du nord ; nous en eussions dé- 
couvert un bien plus grand nombre , si les 
botanistes Desfontaines , Vahl , Schousboe 
n’avaient déjà observé l’Afrique septentrio- 
nale; car la flore des parlies chaudes du 
Portugal ressemble parfaitement à celle de 


» 


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( 32 7 ) 

l’Afrique septentrionale. Une flore toute par- 
ticulière à ce pays, est celle des vallées om- 
bragées et arrosées du Minho, et de quelques 
parties du Beira. Dans les endroits plus froids 
de cette province, on voit paraître des plantes 
de l’Angleterre occidentale. ( Si b - thorpia. 
europœa , scutellaria minor, etc. ) 

Les landes basses et sablonneuses de l’A- 
lemtejo, et les côtés de Beira et d’Estrema- 
dure sont ornés de cistes , de bruyères et 
d’autres végétaux. Les collines de basalte et 
les collines calcaires offrent la plus riche vé- 
gétation. C’est là que croissent le^ différentes 
siliques , les orchidées et les plantes bul- 
beuses. Sur les montagnes calcaires plus 
élevées , on voit les plantes odoriférantes ; 
par exemple, les variétés du thim, les om- 
bellifères, et les plantes épineuses. Aussitôt 
que l’on parvient aux montagnes schisteuses , 
commencent les deserts ; dans les endroits 
chauds on voit le laudanum; dans ceux qui 
sont plus froids, les cistes : ils font le tour- 
ment des botanistes. De beaux arbustes or- 
nent les revers des montagnes , sur-tout de 
celles granit; par exemple, le tinus % le 



( 328 ) 

myrte, le laurier et les variétés du genêt. 
Dans le midi du Portugal , on trouve la faya 
de Madès ; les montagnes septentrionales ont 
un arbre comme un caractère particulier, 

P azeriro ( prunus lusitanica ). 

Nous avons trouvé en Portugal i 53 s es- 
pèces de plantes ordinaires , 572 espèces de 
plantes cryptogamiques. Le Comte de H... 
les a recueillies dans son herbier. Celte • 

4 

grande multitude de plantes , recueillie en 
trois ans, prouve la richesse du pays, et, 
j’ose ajouter, nos soins. 

Ainsi que les plantes, les petits animaux 
qui en vivent , les insectes, sont dans la même 
proportion. Dans les bruyères on trouve des 
insectes du nord de l’Afrique; sur les revers 
de l’Estrella , des papillons du midi de la 
France; dans les montagnes du Portugal sep- 
tentrional , on observe des scarabées du nord. 

7 1 

Les côtes abondent en poissons et en vers ; ces 
animaux y -arrivent des mers du nord; d’au- 
tres de la Méditerranée vont jusqu’aux côtes 
des Algarves , et même jusqu’à l’embou- 
chure du Tage. La variété des amphibies 
xampans n’est pas grande; il manq^p d’eaux 


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C 3*9 ) 

stagnantes où la plupart déposent leurs oeufs ; 
le petit lézard se trouve en quantité dans les 
jardins et les maisons; et dans les champs, 
la belle espèce verte. Personne ne craint ces 
jolis animaux , mais d’autant plus le Gecko , 
qui se rencontre assez souvent dans les mai- 
sons, même à Lisbonne : je ne me rappelle 
cependant point que cet animal ait causé 
quelque accident. Dans les montagnes, sur- 
tout dans le nord du Portugal, il y a des 
serpens venimeux et des vipères ; mais le 
reste du pays en paraît exempt. On n’y voit 
que quelques espèces de beaux serpens qui 
qui ne sont point dangereux. 11 n’y a pas 
beaucoup d’oiseaux dans le pays ; ces ani- 
maux voyageurs ne rencontrent pas dans 
leur passage cette langue de terre étroite à 
l’extrémité de l’Europe. Les loups ne sont pas 
rares dans les montagnes , ainsi que le chat 
sauvage dans les contrées désertes; la chèvre 
sauvage habite encore le Gerez. Le cerf, dans 
la plupart des pays chauds , ne fait point 
partie des animaux indigènes, mais bien le 
gros gibier, quoiqu’il soit presque détruit, 
hors des réserves. Pour les sangliers, il n’y a 





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( 33o ) 

point de forets marécageuses ; les lièvres sont 
très-rares; on trouve à la vérité des lapins, 
mais pas en aussi grand nombre qu’en Es- 
pagne. Le pays est peu riche en insectes. 
Les bestiaux sont d’une beauté et d’une gran- 
deur extraordinaires ; le porc domestique est 
d’une espèce différente ; il a les hanches 
courtes , le dos large , dépourvu de soies , et 
le poil noir. 

Dans beaucoup de parties du Portugal , on 
voit des grandes routes nouvellement com- 
mencées; mais elles n’ont guère que deux 
lieues de long, et ce ne fut que dans un en- 
droit près de Lamego que l’on continua d’y 
travailler. Autrefois il y avait beaucoup de 
routes pavées autour de Lisbonne, dont les 
vestiges forment des chemins affreux. La 
plupart des routes du pays sont des chemins 
de traverse pour les petites charrettes ; les 
marchandises sont transportées à dos de mu- 
lets; les hommes voyagent sur des mulets, 
et les femmes dans des chaises à porteur sus- 
pendues sur des chevaux. On ne voit que 
rarement, et seulement autour de Lisbonne , 
des voitures de voyage. Il y a une bonne 


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♦ 


( 33i ) 

diligence de Lisbonne à Coimbre, et des 
chariots de poste. Les auberges sont géné- 
ralement mauvaises ; mais elles sont préfé- 
rables à celles de la Castille, et ressemblent à 
celles de la Biscaye ; dans quelques grandes 
villes , on les trouve établies à la manière 
anglaise; dans beaucoup d’endroits, la gé- 
néreuse ^spitalité des personnes de distinc- 
tion, qui a lieu d’étonner, empêche l’établis- 
sement des bonnes auberges. Le canal* près 
d'Oeyras, que Pornbal fit creuser, est le seul 
du pays. Les mesures pour rendre les ri- 
vières navigables et les ports sûrs , sont peu 
efficaces. 

La culture n’est point généralement mau- 
vaise; et si les bonnes méthodes manquent à 
l’agriculteur, on ne peut cependant pas le 
taxer de paresse et de négligence. Le Portu- 
gal fournit assez de blé pour nourrir ses 
habitans; il n’y a que les environs peuplés 
de Lisbonne, où les jardins occupent le sol 
fertile; où les landes et les montagnes sont 
voisines , et où la communication avec l’in- 
térieur du pays manque, qui aient besoin 
d’être approvisionnés par les pays étrangers. 

• 


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( 332 ) 

Les vallées du Minho sont parfaitement bien 
cultivées ; Le Traz os Montés est couvert de 
champs de blé jusqu’au sommet des mon- 
tagnes; la culture du maïs et des légumes est 
considérable autour de Coimbre. Dans d’au- 
tres contrées, la nature s’oppose à une meil- 
leure culture. Là où le paysan est proprié- 
taire, il est aisé : dans les grands posses- 
sions de la noblesse et des couvens , il afferme 
les terres à un très-haut prix; et comme le 
commerce intérieur n’est pas très-étendu, ce 
n’est qu’avec peine qu’il peut payer ses fer- 
mages. Ajoutez à cela les impôts onéreux sur 
les premiers besoins de la vie, et la cherté 
dans un pays où arrive presque tout l’or qui 
se répand en Europe. Dans ces circonstances, 
les colonies dépeuplent le pays, et enlèvent 
des bras aux contrées qui en ont sur-tout 
besoin. Ces causes empêchent aussi l’indus- 
trie, sur- tout dans les provinces méridio- 
nales. 

Le commerce n’est pas tout-à-fait entre 
les mains des étrangers. Les maisons les plus 
riches sont portugaises. Les étrangers peu- 
vent commercer avec les colonies; mais il 


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( 333 ) 

ne leur est point permis d’y aller em- 
mêmes , et ceci les empêche d’y prendre une 
part active. Si les Portugais ne sont souvent 
que les commissionnaires des étrangers, ce ci 
provient de leurs rapports avec la première 
nation commerçante de l’Europe, les An- 
glais, avec lesquels ils ne peuvent pas tra- 
fiquer autrement , ainsi que le défaut de 
commerce dans l’intérieur du pays. Plusieurs 
manufactures se trouvent dans un état très- 
florissant ; mais la plupart de celles qui ont 
été établies par Pombal sont tombées en dé- 
cadence. 

Le Portugal ne peut devenir riche par 
lui- même. Des colonies n’enrichissent pas 
un gouvernement ; leur entretien est trop 
dispendieux. Un tel gouvernement ne peut 
faire autre chose que de donner des moyens 
aux individus de s’enrichir; la fortune de ces 
derniers soutient alors le gouvernement, 
comme cela a lieu en Angleterre. On n’a rien 
fait de semblable en Portugal; Pombal prit 
toujours de mauvaises mesures : la reine ac- 
tuelle n’a rien fait. 

Des soldats pleins de zèle , qui manquent 


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C 334) 

A 

des premiers besoins de la vie; des officiers 
indigens, méprisés, auxquels personne n’a 
confiance; des officiers étrangers que le Por- 
tugais hait comme des aventuriers, et qui 
se vengent de cette haine par une haine 
plus forte encore : voilà l’esquisse des forces 
de terre et de mer. 

On voyage par- tout en sûreté dans le 
pays; une justice sévère surveille le peuple. 
Mais il ne faut pas offenser des hommes qui 
ont quelque influence; on aurait à craindre 
la prison et le bannissement. En général , un 
coup de poignard est ordinairement la suite 
d’une offense. 

Les hommes se ressemblent par-tout par 
leurs caractères principaux; je me méfie d’un 
auteur qui dépeint toute une nation avec des 
couleurs disparates. Combien de reproches 
injustes la nation portugaise n’a-t-elle pas eus 
à souffrir? Il est vrai que les Portugais sont, 
en général, d’une petite taille; les personnes 
de distinction ont souvent de l’embonpoint ; 
tous ont une peau moins blanche que les 
habitans du Nord, et des yeux noirs. Mais 
lorsque les auteurs veulent trouver dans eux 


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( 335 ) 

du sang des nègres, ils marquent de la mal- 
veillance et de l’ignorance dans ce qui con- 
cerne la conformation des nègres. Celui qui 
nomme les femmes laides, mérite de ne ja- 
mais recevoir un regard amical d’une jolie 
femme portugaise. Il est cependant dommage 
que la jalousie des Espagnols se soit soutenue 
ici le plus long-temps. 

On dit que les Portugais sont indolens : 
un peuple paresseux ne pénètre pas dans des 
contrées éloignées, comme les Portugais le 
font encore aujourd’hui dans l’intérieur de 
l’Afrique, des Indes orientales et du Brésil. 
Mais qu’on jette un regard sur le peuple ; 
qu’on loue un mulet pour un jour, et que 
l’on considère le conducteur qui coi^e à côté. 
Lorsqu’il n’^ a rien à gagner, la paresse ne 
peut pas être un reproche. 

Les Anglais disent que les Portugais sont 
des hommes perfides; il n’acceptent pas dé 
duels, mais ils se vengent comme des assas- 
sins. C’est sans doute un grand reproche; ' 
mais un défaut ne décide de rien. Lorsqu’en 
Italie la culture, le commence, les sciences 
et les arts fleurissaient plus que dans aucune 

aa- 


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( 336 ) 

fcutre partie de l’Europe, il était três-eoifv- 
mun de se venger à la manière des brigands. 
Si le Comte de la Lippe destitua l’officier qui , , 
à l’approche de l’ennemi, quitta son poste, il 
se conduisit avec sagesse ; si , selon la ma- 
nière des barbares du Nord, il voulait le forcer 
à accepter le duel , il marqua peu de raison. 

On dit que les Portugais sont dévots et 
fanatiques. Leurs prêtres les conservent dans 
l’ignorance, et leur rendent la religion laplus 
agréable possible. Jamais la nation n’a été 
fanatique , lors même que ses rois l’étaient. 
Il est certain que par-tout où règne le démon 
de la hiérarchie, rien ne prospère; tout se 
détruit dans ses mains. Les prêtres ne sont 
pas toujours ignorans; mais par-tout ü y a un 
parti qui s’oppose à la saine raisog; et malheur 
au pays où le gouvernement le protège! 

On doit attribuer quelques traits caracté- 
ristiques à la nation portugaise. Ils ont de la 
légèreté, de la vivacité, de la loquacité et 
de la politesse. 

Une suite de rois estimables ont gouverné 
le Portugal , depuis Alphonse J. er jusqu’à 
Jean III. Leurs guerres continuelles contre 


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h hiérarchie , qu’ils conduisirent avec plus 
de bonheur , mais aussi avec plus de précau- 
* tion que les empereurs allemands , prouvent 
leurs intentions. Ce fut ainsi que le Portugal 
put paraître dans tout son éclat, sous Jean 11 
et Emmanuel . L’intolérance des Espagnols 
gagna Jean 111 ; il paralysa le royaume» 
et le jeune et fanatique Sébastien le ruina. 
Jamais pays n’a été aussi maltraité que le 
Portugal sous les Philippes. Un roi faible 
monte sur le trône , et l’énergie de la nation 
l’y maintient. Des cabales de cqur, sous Al- 
phonse VI et Pierre II, accroissent les 
prétentions d’une noblesse distinguée, mais 
malheureusement peu fortunée; et Jean V, 
faible, fanatique, prodigue, achève la ruina 
de l’empire. Pombal appesantit un joug de 
fer sur la noblesse et le clergé, et introduit, 
comme Richelieu , un gouvernement minis- 
tériel, pour lequel il possède de l’énergie, 
mais point de capacité. Une reine faible n’a 
pu détruire le bien qu’il a fait; mais aussi 
elle n’a pu réparer ses fautes. 


A V ersailles , de l’imprimerie de J acou , place d’ Armes .a. 0 8. 



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