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Full text of "Essai historique et bibliographique sur les rebus par Octave Delepierre"

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ESSAI HISTORIQUE 

ET 

BIBLIOGRAPHIQUE 
SUR LES REBUS 
PAR OCTAVE... 

Octave Delepierre 



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M. S/7 

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\\ y ' ESSAI 

HISTORIQUE ET BIBLIOGRAPHIQUE 



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REBUS 



PAR 



OCTAVE DELEP1EKRE. 




EPIGRAPHES: 

L'art inRéuieux 

de peindre la parole et de parler aux yeux.— Boilkau. 

Iticst sua gratta parvi». 



LONDBES 

1870. 



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On pourrait dire, sans être trop paradoxal, que le Rébus se 
perd dans la nuit des temps, ear il est probable que les pre- 
miers alphabets des peuples primitifs se composaient d'une 
série de Réfnis. Les caractères des Chinois, les hiéroglyphes 
des Egyptiens etc., nous ont conservé des traces très évidentes 
de cette origine. Elle résulte encore des recherches du Père 
Caussin 1 et de plusieurs passages des Hieroghphica, etc. a 
Davide Hœschelio Illustrata, Paris, 1595. 

On trouve les Rébus, comme toutes choses, chez les Ro- 
mains. J ules César fit représenter un éléphant sur quelques- 
unes de ses monnaies, parce qu'en Mauritanie, l'éléphant 
s'appelait César. Cicérou dans sa dédicace aux Dieux 
s'est désigné sous les noms de Marcus Tullius, suivis de la 
représentation d'un pois chiche, appelé Cicer par les latins. 2 

Le Rébus, on le voit, est la figure naturelle, l'image 
propre, simple et directe de l'objet qu'il représente; il 
montre au doigt, pour ainsi dire, la chose telle qu'elle est, 
sans rappeler l'idée d'aucune autre. C'est en quoi il diffère 

1 "Symbola iEgyptiorum Sapientia," authore P. Nicholas Caussiuo, 
Paris, 1634, in-8°. 

Cet ouvrage, sans nous présenter strictement dea Rébus, fournit 
les plus amples détails historiques et mythologiques pour en faciliter 
la composition. 

a Camden. — Rcmain* concerniug B rit-aine, etc. Cet écrivain un des 
plus grandes savants de l'Angleterre, n'a pas dédaigné de consacrer un 
chapitre de ce livre, aux Ri-hus. Nous y reviendrons, lorsqu'il s'agira 
des Rébus Anglais. 



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essentiellement de l 'emblème et de lu Devise qui ne sont que 
l'expression indirecte d'une pensée plus ou moins déguisée 
sous une image analogue et dont l'essence est dans l'allusion. 1 
Il y a encoro cette différence entre ces deux sortes d'images, 
que l'emblème est toujours un tableau de la pensée rendue 
sensible sous une forme d'emprunt, tandis que le Rébus ne 
peint le plus souvent que le mot, et ne rend la pensée que 
par des équivoques. Le Rébus dit Littré dans son Diction- 
naire, est un jeu d'esprit qui consiste à exprimer, au moyen 
d'objets figurés, ou de certains arrangements, les sons d'un 
mot ou d'une phrase entière qui reste à deviner. Dans le 
sens figuré c'est une équivoque, un mot pris dans un autre 
sens que celui qui est naturel. 

Les Rébus pourraient servir à composer des livres poul- 
ies hommes qui ne savent pas lire, car ce sont des images 
qui parlent principalement aux yeux ; ils ont eu en Europe 
une célébrité réelle comme les détails suivants vont le prouver. 
Cependant, contre toute attente, le facétieux Rabelais* s'est 
montré très irrité contre les Rébus de Tabourot, qu'il cite 
dans le passage suivant : 

"En pareilles ténèbres sont comprins ces transporteurs de 
noms lesquels voulant en leurs devises signifier espoir, font 
paurtrairo une sphère ; des pennes d'oyseaux, pour puines ; 
do Lancholie (sorte de chou) pour Mélancolie; la lune 
bicorne, pour vivre en croissant; un banc rompu, pour 
banqueroute; un list sans ciel, pour licentié. Qui sont 
homonymies tant ineptes, tant fades, tant rusticques et 
barbares, que l'on debvroit attacher une queue de renard au 
collet, et faire un masque d'une bouge de vache à un chascun 

1 Leber, Introduction au Mémoire de Mr. Rigollo, sur les Monnaies 
iacounues des Evêques dos Innocents et des Fous. Paris, Merlin, 1837, 
1 vol 8°. 

• Gangautua, ix. chapit du 1" livre. 



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d'icculx qui en vouldroit doronasvant user en France, après 
la restitution des bonnes lettres." 

Malgré cet anathème, Rabelais, pour plaire sans doute au 
peuple et aux provinciaux, s'est laissé aller lui même à nombre 
de quobbets et de Rébus en paroles. De bonne foi, d'ailleurs, 
appartenait-il bien à l'auteur des Songes drolatiques de 
fulminer contre les Rébus une pareille sentence? Cette 
sainte fureur de maître Rabelais, à propos de compositions 
bizarres et de mauvais goût, ne serait-elle pas une facétie 
déguisée, comme tant d'autres dont ses livres sont remplis? 
Le premier poète de son temps, moins difficile, et d'une 
autorité tout uussi imposante que la sienne, Clément Marot 
(coq à l'asne à Lyon Jaraet) aurait pu l'envoyer dans Vile des 
Lanternes, faire le dégoûté, dit M. C. Leber, dans le livre 
déjà cité. Il ajoute : 

"Je n'abandonnerais pas sans regrets mes innocents 
Rébus au mépris qui semble les réclamer; j'oserais môme les 
préférer à des sujets plus piquants et plus graves d'une autre 
école, et enfin je ne rougirais pas de m'y intéresser. Les 
choses, les plus futiles en apparence, peuvent se recommander 
par leur excès. Or il y a tels Rébus dont la conception est 
si extravagante, ou si sérieusement bouffonne, qu'il est im- 
possible de les deviner sans éclater de rire, tant le sujet en est 
ridicule, et l'exécution pitoyable; d'autres présentent une 
image tellement compliquée, que les facultés intellectuelles y 
trouvent de quoi s'exercer longtemps avant d'en pénétrer le 
mystère. Les Rébus peuvent dont être bons à quelque chose, 
car c'est quelque chose pour le commun des hommes de 
trouver une occasion de rire ou de s'exercer l'esprit." 

Le livre des Bigarrures du Seigneur des Accords, si mal- 
traité par Rabelais, avait de doctes partisans, même du 
vivant de l'auteur, entr'uutre Etienne Tabourot, qui était 



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Tarai de Pont us de Thiart et d'Etienne Pasquier. Son livre, 
où il traite spécialement le sujet des Rébus, est aujourd'hui 
très recherche des bibliophiles. Il les nomme Rébus de 
Picardie ,,par la raison, dit-il, que les Picards, sur tous les 
Français, s'y sont infiniment pleus et délectez, et qu'on les a 
baptisés du nom de cette nation par Autonomasie, ainsi que 
l'on dit Bayonnettes, de Rayonne, ciseaux de Tholose, cou- 
teaux de Langres, moutarde de Dijon. Ce sont des équi- 
voques de la peinture aux yeux." 

Il ajoute ailleurs : " Sur toutes les folastres inventions du 
temps passé, j'entends depuis environ trois ou quatro ans de 
ça, on avait trouvé une façon dfe devises par seules peintures 
qu'on soûlait appeler Rébus" 1 Cette observation semblerait 
indiquer que Des Accords croyait le Rébus d'invention 
moderne. 

Un second chapitre est consacré à une autre façon de Rébus t 
qu'il appelle Rébus par lettres, chiffres, notes de musique et 
noms sousentendus, par superposition de mots ou de lettres. 
(L'ouvrage renferme seize rébus gravés dans des médaillons, et 
dont quelques uns est fort originaux.) 

Lorsqu'il envoya la 2 ihme édition do son livre au savant 
Pasquier, Conseiller et avocat général du Roi, à Paris, celui- 
ci lui adressa en remerciement, une longue épitre dont nous 
donnons quelques extraits, tant parcequ'elle nous apprend 
plusieurs particularités curieuses, que pareeque le recueil de 
lettres de Pasquier est assez rare. 

A Monsieur Tabou rot, Procureur oc Roy au 
Bailliage de Dijon. 

T'ay leu vos belles Bigarrures et les ay 

1 Brantôme, flans ses Capitaines Français t. 2. p, 130, dans Lacurne 
dit : Ceux de la ville d'Arras en Artois ont esté de grands causeurs 
de tout tenais, et font des rencontres qu'on appelle dos Réha* d'Arras. 



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leues de bien bon cœur, non seulement pour l'amitié que je 
vous porte, mais aussi pour une gentillesse et naïveté d'esprit 
dont elles sont pleines, ou pour mieux dire pour estre bigar- 
rées et diversifiées d'uno infinité de beaux traits. 

J'eusse souhaicté qu'en la seconde impression on n'y eust 
rien augmenté. S'il m'est loisible de deviner, il me semble 
que l'on y a ajousté plusieurs choses qui ne ressentent en rien 
de vostre naïf esprit, et croirois fort aisément que c'eust esté 
quelqu'autre qui vous eust mal à propos preste ceste nouvelle 
charité. Il faut en tel sujet que l'on pense que ce soit un 
jeu, non un vœu, auquel fichions toutes nos pensées. Vous 
cognoistrez par la que je vous aime et vous honore, puisque 
pour la première fois je vous parle aussi librement. Au 
demeurant je trouve qu'en cette seconde impression vous ap- 
propriez à Jacques Pellctrier les facéties de Bonaventure 
Du Perier. Vous me le pardonnerez, mais je croy qu'en 
ayez de mauvaise mémoire. J'estois un des plus grands 
amis queust Pelletier, et dans le sein duquel il desploioit 
plus volontiers l'escrain de ses pensées. Je seay les livres 
qu'il m'a dit avoir faits. Jamais il ne me feit mention de 
cestuy. Il estoit vrayment poète et fort jaloux de son nom, 
et vous asseure qu'il ne me l'eust pas caché ; estant le livre 
si recommandable en son sujet qu'il mérite bien de n'estre 
non plus désavoué par son autheur que les facéties latines 
de Poge Florentin. Du Perier est celuy qui les a composées 
et encore un autre livre intitulé : Cymbaium mundi, qui est 
un Lucianisme qui mérite d'estre jette au feu, avec l'autheur, 
s'il estoit vivant. 

J'adjousteray à la suite de cecy que les deux Vers françois 
rétrogrades que vous attribuez à Monsieur l'Official Tabourot , 
sont miens. Il y a plus de quinze ans qu'il les eust de moy, 



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et en prit la copie chez feu Monsieur (rAmpierre, maistre des 
comptes, sien parent, et mon voisin. 

Celuy qui des premiers a fait entre nous 

ouverture aux Rébus, est Geofroy de Thory, en son livre de 
Champ Fleury, que je vous souhaite non seulement pour eest 
argument, ains pour tout le discours de votre œuvre. 
D'autant que vous pourriez en recueillir plusieurs belles 

instructions non esloignées de votre but Je 

scay bien que quelque malhabile homme qui voudra fairo le 
stoïque, ou pour mieux dire, trancher du sot, estimera la plus 
grande partie de ce que dessus (c'est a dire toutes les espèces 
de jeux d'esprit qu'il a cites) bouffonneries ; mais un autre 
qui sera mieux né les estimera belles fleurs. Il n'est pas dit 
qu'il faille toujours mettre la main à œuvres graves et sé- 
rieuses. Tout ainsi que le corps s'alimente et nourrit de 
viandes solides, et néantmoins reprend quelquefois goust des 
salades et herbages qui sont de peu de substance, ainsi est-il 
de nos esprits lesquels il est bienséant d'assortir de fois à 
autres d'un doux entremets de gayetés et gaillardises. 
Puisque la présente est vostre désormais, vous en ferez ce 
qu'il vous plaira, tout ainsi comme de l'autheur qui désire se 
perpétuer en vos bonnes grâces. A Dieu ! 1 

Gilles Ménage prétend que le nom de Rébus leur viendrait 
de ce que les clercs de la Bazoche de Picardie s'amusaient 
tous les ans, au Carnaval, à réciter au peuple d'Amiens des 

1 Etienue Tabourot lui-ruemo u'accordnit pas plus de valeur qu'il ne 
faut à ces jeux d'esprit : "Je ne conseille pas de s'y amuser, dit-il, 
sinon par forme de passetemps, à quelques gens de loisir, au lieu de 
Miauler leurs jambes. Car quaut a ceux qui penseraient estre veus 
ingénieux et scavauts, en si frivoles recherches, je les estime dignes de 
chercher toute leur vie de* espingles roui liées à l'endroit des gout- 
tières." 



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facéties et satires bouffonnes, où ils faisaient grand usage 
d'allusions équivoques figurées par des Rébus, et qu'ils ap- 
pelaient en latin: De rébus quœ gerunlur, c'est à dire : Nou- 
velles du jour. Ces revues plus ou moins piquantes des 
aventures et intrigues de l'année, dans la ville et les faubourgs 
avaient le mérite d'uno pointe de scandale qui donnait à 
chacun la joie d'entendre rire de son voisin. Le mot de 
Rébus était le seul du titre, qui était resté dans le souvenir et 
dans la bouche du peuple, lorsque ces jeux dégénérèrent en 
licence et furent interdit par l'autorité. Néanmoins le genre 
du Rébus survécut. 

Furetière et Menestrier donnent sur Porigine du mot la 
même explication que Ménage. Toutefois M. C. Leber veut^ 
que la Basoche Piearde ait usurpé le mérite de l'invention. 
Il est porté à croire qu'elle n'a fait que développer et per- 
fectionner un art des plus anciens. L'idée mère des Rébus, 
dit-il, doit venir de plus loin. Elle appartient vraisemblable- 
ment à l'enfance de la société. 

Le premier alphabet né des besoins de la civilisation n'était 
guère qu'une Chaîne de Rébus, c'est à dire une image maté- 
rielle, non de la pensée, mais des objets mêmes dont la pensée 
n'est que la reflexion. Tel fut évidemment, dans son origine, 
l'art de peindre la parole chez les deux peuples les plus 
anciens du monde, comme les Chinois et les Egyptiens. Les 
caractères si nombreux, si compliqués de l'écriture chinoise, 
ne pouvaient être primitivement que des Rébus. Il en est 
de même de la Pictographie des anciens Mexicains, sur 
laquelle un savant abbé français nous a donné de si singuliers 
détails. 

Tout annonce aussi que les Hiéroglyphes vulgaires de 
l'Egypte antérieure aux temps historiques, participaient plus 
ou moins de rette nature d'images. 



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Il n'est pas même bien certain que les anciens n'aicut pas 
connu le Rébus proprement dit. Il existe dans le cabinet 
des antiques de la Bibliothèque impériale à Paris, deux ou 
trois petites peintures sur verre, en forme de médaillon, et 
de l'époque du Bas-Empire, exécutées au moyen de l'appli- 
cation d'une substance métallique, dont l'une a tout-à-fait 
l'apparence d'être un Rébus. 1 

On rencontre plusieurs rébus dans des recueils de poésies 
et d'autres livres gothiques delà première moitié du seizième 
siècle. Au nombre des plus curieux sont les deux Rondeaux 
d'amour, composé par signification qui se trouvent à la fin du 
recueil excessivement rare intitulé : Opéra jocunda Johannis 
Georgii Alioni Astensis, métro macharonico matemo et gallico 
composita. Ast. 1521, petit in-8vo. 2 

Charles Brunet, dans une édition qu'il a publiée des poésies 
françaises d'AlionCy a donné quelques détails sur l'auteur et 
sur les éditions de son livre. Comme ils laissent à désirer, 
et que depuis, il a été découvert un troisième exemplaire de 
1521, disons en quelques mots ici. Le premier exemplaire 
avec date est celui qui se trouve dans la Bibliothèque du Duc 



1 Une de ces peintures, qui représente un portrait, est gravée dans 
le Recueil du Comte de Caylus, t. 3, page 193. (Voir les notes du tra- 
vail de MM. Itigollo et Leber sur les monnaies des Evôques des 
fous etc., p. 159.) 

* On sait que M. Tosi, libraire de Milan, recommandable par ses 
connaissances bibliographiques, eut le bonheur de se procurer un 
exemplaire complet, de la l ro édition des œuvres d'Alione, portant la 
date de 1521. Au moyen de cette découverte, il put juger avec certi- 
tude que la prétendue édition sans date, sur laquelle dissertaient tous 
les bibliographes Italiens, n'était autre que celle de 1521, jusqu'alors 
fort mal connue d'un livre curieux, qu'une suppression sévère a rendu 
excessivement rare, et qui n'est bien connue que depuis peu. 



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do Parme, et qui provient de la vente de Libri. 1 Le véritable 
titre a été remplacé par un facsimile calligraphié de manière 
à tromper les plus habiles. 8 

Le second exemplaire a appartenu successivement à 
MM. Hanrott, Heber, J. Ch. Brunet et aujourd'hui à M. E. 
8. Turner, de Londres, qui l'acheté 885 1res, à la vente de 
Brunet. 

Le troisième se trouve à la Bibliothèque Colombine, de 
Séville, collection formée par le fils de Christophe Colomb, 
dont on rapporte que M. Gayangos prépare une édition du 
catalogue. 

Des exemplaires d'Alione, imparfaits et sans date, se voyent 
à la Bibliothèque de Lord Spencer, après avoir passé par 
celles de Gaignat, La Vallière et Remondini ; ainsi que dans 



' Cet exemplaire, d'une très belle condition, avait, outre plusieurs 
t6raoins, diverses feuilles qui n'avaient pas été coupées. Il fut acheté 
1,750 francs par M. Payne. Le Prince de Parme, retiré à Paris, con- 
tinue, sous le nom de Comte de VUUt/ranca, ses recherches de Biblio- 
phile, et possède une belle collection de livres curieux. 

a A l'occasion de ce titre refait, M. J. Ch. Brunet (qui avait payé son 
exemplaire 600 francs), à l'article Alione de son Manuel du Libraire, 
donne les détails suivants : M L'exemplaire payé 1,750 fres. à la vente 
Libri, en 1847, n'était complet qu'en apparence, car le titre en avait été 
refait ; comme le prouve ce passage d'une lettre qu'écrivait à M. Libri, 
l'habile restaurateur de livres qu'il avait chargé de cette opération : 
" Je vous apporterai aussi Opéra Jocunda. Quoique ce changement de 
titre, le livre étant relié, fut une opération délicate, vous avez eu raison 
de demander ce changement. Le livre y gagnera, car j'ai trouvé posi- 
tivement du môme papier, et quand la restauration sera faite, comme 
j'espère qu'elle le sera selon votre goût et votre désir, je défie que l'on 
doute que cette feuille ne soit pas le titre véritable/' (Acte d'accusa- 
tion contre Libri Carucci, article Grenoble). 



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colle do M. R. S. Turner, provenant des ventes de Croft et 
de Bright. 

MM. Tosi et G. Daelli ont publié une réimpression de 
l'exemplaire du Duc de Parme, dont le titre est refait. 

A l'exemplaire avec date, de M. Turner, il manque deux 
feuillets de rébus, de sorte qu'il n'existerait de ce livre aucun 
exemplaire parfait, à moins que celui de la Bibliothèque 
Colombine ne le soit, ce qui est encore à vérifier. 

Un second Sonnet en rébus figurés, également de la pre- 
mière moitié du seizième siècle, et que nous donnons ici, est 
extrait du livre de Jean Baptiste Palatin. 1 Il peut être mis 
avec celui d'Alione, au nombre des plus longs rébus com- 
posés en ce siècle, et mis ù côté de la prière à la Yicrge, 
entièrement en rébus, qui se trouve dans un livre d'Heures 
imprimé vers 1500, orné d'un grand nombre de figures 
bibliques. M. C. Leber l'a reproduite avec la traduction. 

C'est le lieu de mentionner ici deux manuscrits de la 
Bibliothèque Impériale do Paris, exécutés vers le fin du 
xv ème giè c l e> ou au commencement du xvi* mc . Le premier 
contient 166 Rébus. C'est un in-folio sur papier, ayant pour 
étiquette : MS, Rébus de Picardie enluminés. Il se compose 
de 150 feuilles, portant sur le recto un Rébus dessiné ordi- 
nairement d'une manière large et spirituelle et indiquant un 
bon artiste. Seize autres rébus se trouvent sur le verso. Le 
dessinateur n'ayant ajouté ni titres ni explications, deux per- 
sonnes, probablement au xvi* me siècle s'évertuèrent à les 
trouver, mais faute d'entendre le Picard, elles commirent 



' Libro di M. Giovanibattista Palatino uelqual s'insegna a scriver 
ogni sorte de lettere, etc. Roma, 1545, in-4°. 

Le sonnet se trouve au chapitre intitulé : Cifre quadrate et sonrtto 
figuralo. U occupe quatre pages entières. 



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- 




Dov'e son gli occhi et la serena forma, 
Del santo alegro, et amoroso aspettoî 
Dov'e la man eburna ov'e '1 bel petto 
Ch'appersarvi hor 'in fronte me transforma ? 



Pagr tt — Afa t. 

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Dov'e del fcrmo pie' quella sant'orma 
Col ballar pellegrin pien di diletto'f 
Dov'e '1 soave canto, et l'intelletto 
Che fu d'ogni valor prestante norma ? 

Pnçt ii.-N,: a. 

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Do Vc la bocca c Taure viole', 
L'abito vago, et l'aime treccie bionde, 
Che faceau nel fronte un nuovo sole"? 



Page tt — No j 



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ilÂhr! il 





DEBD ISS? GCN^CH NORI^ 



Lasso che poca terra hoggi I'asconde 

Non la retruova' '1 mondo amor si duole, 

Ch' ardendo io chiami ogn'hor chi non risponde. 



Pag» \% —S T a. 4. 



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plusieurs méprises. Le premier interprète dont l'écriture 
est très belle, écrivit son explication au-dessus des Rébus 
qu'il devina. Le deuxième interprète donna son explication 
sur une feuille détachée. 

Le deuxième manuscrit est in-4°, il contient 152 feuilles, 
et autant de Rébus, qui sont presque entièrement les mêmes 
que ceux du manuscrit précédent. Quatre ou cinq au plus, 
lui sont propres ; mais ce qui donne de Pavantage à ce der- 
nier manuscrit, c'est qu'il est précédé par une table explica- 
tive des Rébus, ainsi intitulée : " Sen suit la table et répertoire 
de ce présent livre de Rébus, enseignant la signification 
d'ung chascun blazon, et le lieu où il est." 

C'est avec raison que ces Rébus doivent être qualifiés de 
Rébus de Picardie, car la plupart ne peuvent être lus et ex- 
pliqués qu'à Paide de la connaissance des mots propres au 
Picard ; surtout de la prononciation qui caractérise cette 
langue provinciale, jadis d'une véritable importance, puisqu'il 
est établi qu'au treizième siècle, on parlait en France trois 
principaux dialectes; au midi la langue d' Oc, au centre la 
langue d'Oil, ou française, et au Nord la langue Picarde. 1 

Voici trois de ces rébus, avec leur explication : 

1°. Six fous placés vis-à-vis l'un de l'autre, se heurtent 
la tête (Heurter, se quereller, se battre). 

2°. Une mère folle tenant la marote ; h côté, une seringue 
(nommé Esquisse en Picard), et une fleur de soucie. 
3°. Une religieuse fouette un abbé ; à côté, un os. 

Vers le fin de ce même xvi èm « sièclo (1592), une image in- 
folio, conservée aussi à la Bibliothèque Impériale de Paris, 
présente un Sonnet-Rébus, en faveur de Henri iv, qui ex- 



" Monnaies inconnues des Evêques dos Innocents," etc., page 193. 



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prime les doléances des Royalistes contre les excès de la 
Ligue. 

Les Rébus ne sont pas seulement entrés daus les livres de 
prières, comme nous venons de le voir, mais ils se sont même 
attaqués jusqu'aux livres Saints Une partie des Evangiles 
a été imprimée en Rébus, de même que le Tractatus colloquii 
peccatoris, et le Pange Lingua. L'Eglise laissait faire, et voila, 
dit M. Feuillet de Conches,* que le petit bourgeois, le petit 
marchand, se prit à son tour de folie pour le Rébus, au 
XVI brae 8 i ec l ei Villes, faubourgs, villages et bourgades s'émail- 
lent d'enseignes en Rébus illustrés, où l'esprit gaulois trouva 
lieu de s'épanouir, et la bêtise, occasion de se donner franche 
coudée. 

Sauvai, dans ses Antiquités de Paris, cite plusieurs enseignes 
en Rébus. 

Outre la place qu'ils occupent dans les prières des églises, 
on les rencontre aussi dans le champ des sépultures. Les 
anciens cimetières de Picardie offraient de nombreux exomples 
de ces bizarres ornements Les Rébus surgissaient en Picardie, 
comme les pommes de terre, chez un peuple voisin. Les 
médailles dont nous allons nous occuper, trouvées en grande 
partie dans les environs d'Amiens, en sont une preuve con- 
vaincante. 

Durant l'hiver de 1836 un brocanteur apporta à M. Rigoilo, 
savant numismate, à Amiens, quelques pièces de plomb d'une 
espèce toute particulière, que des ouvriers avaient décou- 
vertes en creusant la terre, à la suite de démolition de vieux 
édifices. M. Rigoilo, après un examon attentif, trouva que 
ces pièces avaient été frappées à l'occasion des Saturnales 

2 "Cauaerios d'un curieux." Paris, 1862-66, 4 volumes gr. iu-8°. 
touio 1 er , p. 386. 



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Fol est qui se soucie. 1 




1 Une seringue est appelée Equiche en Picard. 



Ils sont si fols qui se heurtent. 




Pag* 13.— M>. i. 

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None habebat oculos. 




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None habebat oculos. 




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Rondeau d'amours composé par signification. 



Amour fait moult sargent dely se mesle 

Car mes cincq sens sont en travail pour celle 

De qui louange Ast ore est anoblie 

Cest mon escu envers mélancolie 

Et mon déport, mon mire et ma tutelle 

Corps et viz a de figure immortelle 

Puis a franc cœur et l'œul qui ne depelle 

Mon bon espoir ente de n'oublie mie 

Amour fait moult 
J'ay sceur accès vers sa ronde mamelle 
Qu'a touchier ose et me repais sur elle 
D'un franc baisier au remain je diz pye 
Las selle truffe et joue a la toupye 
De moy ne say sy ne la croy point telle 

Amour fait moult ' 

Page t>-AV. 3. 

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Autre rondeau de mesme. 



Ce n'est qu' abuz d'amours, et sa querelle 

Pensez que c'est folye universelle, 

Autres servans et je sommes près las 

De ses faulx tours et mi mors en ses las 

E dieux je crois que raison ne s'en mesle 

Attrapez seuz et miz a la couppelle 

Dedens sa court si vins languir pour celle 

Qui or me trompe et par qui diz hélas 

Ce n'est qu'abuz, je la cognois si ne 

L'euz pas pucelle force monnoye a 

Corde sa vielle et maint cocquart y 

Muse a bourseaux platz, pour ce y renonce et re 

Metz telz solas aux nouveaulx qui mieulx dansent 

Au chant d'elle ce n'est qu'abuz. 



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15 



Ecclésiastiques que nos bons aïoux célébraient sous le nom 
de Fêtes des Innocents et des Fous, et pour en perpétuer la 
mémoire. 

Ces médailles-monnaies sont d'autant plus curieuses, 
qu'aucun vieux texte n'en fait mention, avant que le hasard 
les ait fait retrouver. Sur plusieurs d'entre elles se trouvent 
gravés des Rébus, pour lesquels on avait martelé L'imagina- 
tion et fait une certaine dépense d'esprit. Ces monnaies de 
plomb étaient une imitation des pièces antiques frappées 
durant les Saturnales Romaines. Pierre Seguin a publié le 
premier en 1684 1 une semblable monnaie do plomb, du 
temps de l'empereur Claude, et qui porte gravé le cri joyeux 
des Saturnales : 10. SÀT. 10. Baudelot de Dairval * a 
donné une dissertation sur cette médaille, et en a fait con- 
naître d'analogues. Ficoroni, 3 ainsi que le comte de Cay- 
lus 1 les regardent comme des pièces frappées à l'occasion 
des Saturnales. Les rois de ces fêtes romaines imitaient, 
ainsi les empereurs qui lors de leur avènement faisaient des 
largesses, et distribuaient des pièces de monnaie. 

De même les Evêques des Innoceuts et des fous voulaient, 
de leur côté, imiter les Evêques véritables dont les plus puis- 
sants jouissaient du droit de battre monnaie, et en faisaient 
des distributions, lors de leur première entrée dans leur église 
cathédrale. 

Ces médailles en plomb découvertes à Amiens sont d'une 
si petite dimension, et les Rébus qu'offrent plusieurs d'entre 
elles, si compliqués et si mal dessinés, que le numismate qui 



1 Seleqta Numismata antiqua. 

» De l'utilité des voyages. 1686, t. 2. 

3 1 piombi autiqui. 1740. 

« Recueil d'antiquités. T. 3, p. 288. 



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lu 



les a fuit graver, dans sa dissertation, avoue lui-même qu'il 
n'ose faire que des conjectures sur leur explication. 

Les Rébus ont précédé les emblèmes et les devises qui en 
sont sortis sans les détruire. Le Coq gaulois symbolisant 
les Français (Galli) ne fut qu'une figure de Rébus. 

Les emblèmes énigmatiques des armoiries et des armes 
parlantes ne sont encore que des Rébus. Guillaume d'Orange 
avait mis dans ses armes un Cornet, à cause de Curt (court) 
et nez, surnom que lui avait valu son nez camus. De même 
Colbert adopta dans ses armes la couleuvre, à cause du mot 
latin Culuber. Cette espèce d'écriture hiéroglyphique est 
connue en France et en Italie depuis le quinzième siècle, 
et au seizième, ces jeux d'esprit étaient fort en vogue. 

Les libraires et les imprimeurs surtout réclament leur 
place, pour l'emploi de ces Rébus. Ainsi une Galiote était 
la marque de Galiot du Pré, avec l'inscription : Vo;jue la 
guallée. Toussains Denis, un saint Denis tenant sa tête entre 
ses mains et soutenu par deux anges : Les Angeliers frères, 

m 

deux anges liés par un nœud que Jésus tient en la main, 
avec la devise : Les anges lies d'un amour vertueux; alliance 
immortelle ; Jean de la Marre, des canards et des joncs au 
milieu d'une mare d'eau ; Jean Mareshd, trois forgerons, 
battant le fer; Pierre le Chandelier, un chandelier à sept 
branches, avec la légende : Lucemis accensis, fi déliter miiiistro. 
Ces sortes de Rébus sont extrêmement nombreux. 1 

Les peintres et les graveurs ont fait également usage des 



1 Voir Marques typographiques, ou Itecueil des monogrammes, chiffre*, 
enseignes, cnblémes, devises, Rébus dêê libraires et imprimeur*, etc., depuis 
l'introduction de l'imprimerie jusqu'à, la fin du XVI* siècle. Par 
L. C. Sylvestre. 2 vol. 6°. IWis, 1867. 



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17 



Rébus pour leurs marques et signatures, mais avec infiniment 
plus de sobriété que les libraires et imprimeurs. Lucas Rruy 
ou Krtiger (15 e siècle) est connu sous le nom de Maître à la 
cruche, parce qu'il mettait en rébus une cruche entre les 
lettres initiales de son nom ; le peintre graveur Zuberlin 
(16 e siècle) marque ses ouvrages do son chiffre, accompagné 
d'un petit baquet. Zuber en allemand veut dire baquet, dont 
le diminutif est Zuberlin} 

Les rébus prirent même quelquefois un véritable caractère 
artistique. Des artistes fameux ne dédaignèrent pas de leur 
les prêter le charme de leur talent. Des Rébus, accueillis dans 
les cercles de Florence et de Paris, avaient été immortalisés pur 
la pointe des Busse et des La Belle. Outre plusieurs feuilles 
de rébus Italiens gravés par celui-ci, en forme d'écran, les 
amateurs de ce genre en conservent beaucoup d'autres, pu- 
bliés sous Louis XIV et Louis XV par les Bonnard, les 
Mariette, les Crépi/, etc. A leur exemple, Oudry, en des- 
sinant des rébus, ne crut pas avilir un art qu'il avait employé 
à décorer le palais des rois. Il attacha son nom à un aluia- 
nac de Rébus de forme gigantesque. Le titre, le nom du 
peintre, l'adresse du marchand, étaient donnés en rébus, et 
pour ne pas trop embarrasser le public, l'explication se trou- 
vait au bas de l'image. Sous Louis XIV, on voyait des ser- 
vices de dessert en porcelaine où étaient peints des rébus". 2 

Après les Rébus en peinture des objets viennent ceux 



1 Voir pour d'autres exemples : Notices sur les graveurs qui nous 
ont laissé des estampes marquées de monogrammes, chiffres, rébus, etc. 
Besançon, Tauiin-Dcssirier. 1807, 2 vol. 8°. 

• Recherches sur les jeux desprit, par AI. Canal. Evreux, 1867, 2 vol. 
in-8°. 



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18 



par lettres ou syllabes et par transposition. Parmi les pre- 
miers on peut citer les suivants : 

G. A.C.O.B.I.A.L.N. J'ai assez obéi à Hélène. 

A. B. C. D. L. A. V. Q. A bbé, cédez, elle a vécu. 

Voici des syllabes qui placées les unes sur les autres, 

. • Pir. vent, venir . 
ainsi : TT : — - signifie : 

Un. vient, dun. 
Un soupir vient souvent d'un souvenir. 
L'ouvrage de Tabourot et celui de M. Canel donnent 
d'amples détails sur ce genre. 1 

Pendant la première Révolution Française, les rébus furent 
exclusivement politiques. Au commencement de l'an Yl\, 
une caricature représentait les cinq Directeurs, et au-dessous 
étaient gravés une lancette, une laitue et un rat : L'an VU 
les tuera. 

Le jour des Rois 1796, on envoya au Directoire un gâteau 
sur lequel était figurée la liberté au milieu du soleil : la li- 
berté dans le plus grand des astres. 

Sous l'Empire et sous la Restauration, les rébus n'eurent 
plus guère pour domaine que les enveloppes des bonbons 
et la surface des assiettes. Le Journal l'Illustration qui parut 
en Mars 1843, les prit sous son patronage. Dans chaque 
numéro il y eût un Rébus dont l'explication était donné dans 



1 G. Peignot, dans son édition de 1808 des Amusement* Philologiques, 
a inséré un article sur les Rébui qui ne se trouve plus, non plus que 
quelques autres, dans les éditions suivantes. Il y cite, avec l'explica- 
tion, le rondeau de Jean Marot, que Tabourot attribue à, tort à 
Molinet. 11 cite encore plusieurs autres rébus que nous n'avons pu 
trouver, parce qu'il n'en indique pas la source, entr'autres le récit 
do Théramône dans Phèdre. 



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1<J 



le numéro suivant. Or, comme ce journal a continué ce 
système pendant plusieurs années, c'est une des collections 
les plus nombreuses qui existent en ce genre. Toutefois, il 
faut avouer quo plusieurs sont très mauvais et ne valent pas 
la peine d'être déchiffrés. 

Voici comment s'exprime un des collaborateurs de ce jour- 
nal dans VAlmanac de t Illustration de 1844 : M Les Rébus de 
l'Illustrai ion font les délices des souscripteurs ; ils ont seuls 
valu à cet estimable journal plus de vingt-cinq mille abonnés. 
Ou les attend avec impatience ; on en cherche le sens avec 
persévérance ; des paris s'ouvrent sur leur véritable signifi- 
cation, et les personnes qui les ont devinés s'applaudissent 
avec raison de !<eur perspicacité." 

Après Y Illustration, ces hiéroglyphes ont trouvé bientôt 
d'autres organes, et l'on pourrait citer plus d'un homme 
grave qui leur a consacré quelques instants de loisir, pendant 
les dernières années do Louis-Philippe. 1 

Si la France et l'Italie ont cultivé le rébus, l'Angleterre 
et l'Allemagne ne sont pas restées en arrière. Un des plus 
savants écrivains de la sérieuse Albion, Camden dans un 
volume de Mélanges qu'il nous a laissés sous le titre de 
Remains , a consacré tout un chapitre aux Rébus qu'il a désigné 
sous le nom de Name-devises. Les Anglais, dit-il, ont em- 
prunté à leurs voisins les Français bien des lois, coutumes, 
usages, et même des phrases entières, surtout depuis îe Roi 
Edouard le Confesseur qui résida longtemps en France. Les 
historiens l'accusent d'en être revenu tout francisé. Après 
la conquête des Normands, ces emprunts augmentèrent, 



1 Canel, " Recherches sur les jeux d'esprit." 



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20 



surtout aprèfl qu' Edouard III eut conduit ses urmées 
victorieuses au cœur de la France. 2 

Citons textuellement quelques passages de Camden : " Thèse 
(les rébus) were so well liked by our English in France, 
and, sent over the straits of Calais with full sail, were so 
entertained hère, by ail degrees, by the learned and 
unlearned, that there was nobody that could not hammer 
out of his name an invention by this wit-eruft, and 
picture it accordingty. "Whereupon, who did not busy his 
brains to hammer his de vice out of this forge ? " Mr. 
Newberry to represent his name by a picture, hung up at 
his door the sign of a Yew-iree, that had several berries 
upon it, and in the midst of thcm a great golden N hung 
upon a bough of the tree, which by the help of a little 
false spelling madc up the word N-ew-bemj. 1 

Notre auteur rapporte plusieurs autres rébus inventes par 
des nobles, des abbés, des chanoines, et les faisant entrer 
ensuite dans l'écu de leurs armoiries. Un amoureux, dit-il, 
exprime sa passion à une jeune fille du nom de Ruse Hill, en 



* Il est à remarquer que la plupart des autres auteurs anglais ou 
confondu, dans leur définition l'Emblêrao avec le Rébus. Cotgrave à 
l'article Embleina de son Dictionnaire dit : " it is a picture expressing 
some particular conceit. 

" An Emblem, dit Francis Quarles, is but a silent parablo." 

Et Bacon lui-môme dans son Advancement of Lcarning présente 
une définition de l'Emblômc qui peut comme les deux précédentes 
s'appliquer également bien au Rébus : " Emblème deduceth conceptions 
intellectual to images sensible, and that which is sensible more forcibly 
strikes the mouaory, and is more easily imprinted than that which is 
intellectual." 

1 Addison a inséré cette anecdote de Camden, dans le Spectator, 
No. 59, May s, 1711, d'où nous l'extrayons. 



21 



faisant broder sur la bordure de son habit, une rose, une 
colline, un œil, un pain et un puits ; en Anglais : a rose, a 
Hill, an eye, a loaf, a well. Ce qui signifiait : Rose Hill, I 
love well. 

L'usage des nobles Auglais de chercher des rébus ap- 
plicables à leurs noms, fut tourne en ridicule par Ben Jonson, 
dans sa description comique de Y Alchimiste où l'on veut 
trouver un rébus propre à servir d'enseigne à A bel Druygcr. 
Ce qui perdit le Rébus en Angleterre, ce fut l'usage que l'on 
en fit pour des enseignes de tavernes. Dans un livre 
anglais curieux et assez rare sur ce dernier sujet, ou trouve 
gravé un assez grand nombre de ces enseignes-rébus. 
Aujourd'hui encore, dans l'art héraldique, les écussons d'ar- 
moiries nouvelles présentent souvent des espèces de rébus. 

En Allemagne les anciens livres à emblèmes gravés offrent 
plusieurs exemples de rébus, et chaque année la presse 
produit encore nombre d'ouvrages populaires sur ce sujet. 
En un mot, en Europe, la matière est inépuisable, et l'on 
formerait toute une bibliothèque de ces sortes de livres. 
Outre ceux que nous avons cités dans cet essai, nous don- 
nerons en appendix quelques un des principaux d'entre 
eux. 

Quo le lecteur ne s'imagine pas que le Rébus ait été sans 
influence morale sur la société, car a dit M. J. Sandeau, dans 
son article : Amusements de resprit, 2 " dès que les riens 
charmants que les Romains appelaient Nvgœ difficiles, ces- 
sèrent d'amuser le public, il ne pleura plus à Racine, et alors 
commencent les horreurs dont le drame et les romans 
modernes nous inondent." 



5 Dictionnaire de la conversation et de la lecture. Paris, Belin- 
Mandar, 1830, in 8°. 



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22 

Le rébus s'est peut-être souvent glissé où nous ne le 
soupçonnons guère ; ce qui a sans doute suggéré h M. Leber 
la pensée suivante : " Que de Rébus, prétendus hiéro- 
glyphiques, ne figurent dans nos Musées, décorés de ce 
docte titre, que pareeque l'esprit et les types en sont perdus 
pour nous, et qu'il ne nous reste dans leurs images, que des 
énigmes indéchiffrables où l'on voit tout ce que l'on veut, 
depuis qu'on ne sait plus reconnaître ce qui s'y trouve." 



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APPENDIX. 



1°. " Recueil d'emblèmes, devises, rébus &c au nombre de 
plus de 1200, avec leurs explications." (Par Verrier.) 
Paris, 1724. 8-. 

£° M Dictionnaire des Monogrammes, chiffres, rébus &c. 
traduit di» l'Allemand," par M** (Sellim). Paris, 
1750, et 1702. H". 

3°. "La philosophie des images," par le Père C. F. 
Menestrier. Paris, 1682. 8°. L'auteur y examine 
les ouvrages de plus de trente écrivains. 

4°. " L'art de faire les devises, oii il est traité des hiéro- 
glyphes, &c, &c," par Henry Estienne. Paris, 
1645. 8". 

5°. "Les Hiéroglyphes de J. P. Valerian, dit Pierius, 
augmentés des deux livres de Cœlius Currio, et 
traduits en français," par J. de Montlyarj. Lyon, 
161G, in foi 

6°. Ochmann, " Zur Kenntniss des Rébus." 

7°. Algier, " Riithsel-Taschenbuch." 

8°. Simrock, M Das deutschc Riithselbuch." 

9°. Franz, " Deutscher Riithselschatz." 

10°. Sphinx, " Riithselsammlung zur Schàrfung des Nach- 

denkens. 1859." 
11°. Wolff, " Riithselbuchlein. 18o8." 

12°. " Syntagma de Symbolis &c. per Claudium Minoêm." 
(Mionaflt.) Lugduni, 1613. 



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14°. GabRIRL Symeon, "Devises ou emblèmes héroïques 

et morales. Lyon, 1561." 
14°. M Ori Apollinis Niliaci, de sacris notis et sculpturis, 

libri duo, &c." Parisiis, apud Jacobum Kehvek, 1851. 
15°. 11 Crus Apollo d'Egypte, de la signification des notes 

hiéroglyphiques des Egyptiens." Paris, Kehvek. S 0 . 

1543. 

10°. "The Hieroglyphics of Horopollo Niions." 8°. Lon- 
dini, W. Pickeking. 1S40. 

17°. " Les cinq Livres cta Hiéroglyphiques, par DlKET. 4. 
Pans, lo!4. 




Imprimerie tic Wkhtiihmkk, Lka & CO., Circits Place, Ptiuburv, 




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