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SOCIÉTÉ 


DE 


GEOGRAPHIE  COMMERCIALE 

BULiliETlH 

ANNÉES  1904-1905 


/^i«. 


SOCIÉTÉ 

DE 

GÉOGRAPHIE  COMMERCIALE 


JDXJ  XXJ^.VXLE 


BULLETIN 


ANNÉES   1904-1905 


HAVRE 

AU  SIÈGE  DE  LA  SOCIÉTÉ 

181,    RCE    OE  PARIS,    131 

1900 


SOCIÉTÉ 


I)K 


GÉOGRAPHIE  COMMERCIALE 


-  -.*^- {iiAi5^'3'^ 


BUliIiETiN 


ANNÉES  1904-1905 


MEMBRES   DONATEURS  111 

Membres  donateurs. 

VM.  7,  Vattieb,  professeur  d'hydrographie. 

Le  marquis  de  HoaDKTOT,  maire  de  St-Laureat-de-Brèvedent 

LoiSBAU  (Paul),  négociant. 

7,  Le  baron  Arthur  de  Rothschild  ^,  banquier. 

Le  comte  Mosselhan,  capitaine  an  long  cours. 

7,  Delamallb  (Jacques),  propriétaire. 

Vesik  (Joseph),  capitaine  au  long  cours. 

La  Compagnie  générale  Transatlantique. 

WoBMS  J08SB  et  C»«,  armateurs. 

Mexier  (Henri),  industrit-l. 

CoDVEBT  (Joannès)  ^,  négociant,   président  de  la  Chambre  de 

commerce. 
GciTTON  (Louis),  (Q  A),  agent  commercial. 
7,  DrBOSC  (E.)  (O  ^)  \^  (C  ^)j  industriel. 
U  Gnupagnie  des  Chargeurs  Réunis. 
Blot-Lefevue   (H.),   négociant,  trésorier  de  la   Chambre   de 

cominerce. 

Bureau. 

VM   Blot-Lefevre  (H.),   négociant,  trésorier  de  la  Chambre  de 
Commerce,  président. 
HiUs<îMANN  (O  ^)j  receveur  des  Finances,  vice-président. 
GuiTTON  (Louis),  (^  A),  agent  commercial,  ric6-^r^S2VZen<. 
Favibb  (E.)  (y  I),  professeur  au  Lycée,  secrétaire  général, 
Peslk  (Robert),  négociant,  secrétaire  des   Aénar^s, 
Hubert  (Jacques)  Secrétaire  des  séances. 
Boîtier  (Léopold),  trésorier. 
Medba  iCh.),  courtier,  bibliothécaire. 

Comité 

MM,  Allbgret  (le  Pasteur  P.). 
Basset  (Frank),  avocat. 
Bl<>t-Lkfevrk  (H.)^  négociant,    trésorÎRr    de    la  Chambre    do 

commerce. 
BijiTJER  (Léopold). 

B0XQE  (Ernst),  agent  de  miirjons  étrangères. 
Carton  (Albert),  assureur. 


V  LISTE   GÊNéRALB   DBS   MEMBRES 

MM.  Chancrbel  (H.),  agent  principal  des  Chargeura-RéuDis. 
CocvKRT  (Joannès)  ^,  négociant,  président  de  la  Charabi 

commerce. 
Dany  (A.)  (Q  I)  néffoclint. 
Dbciuil'.e  (Steplicn),  (Q  A),  directeur  des  Signaux  et  du 

veta^e. 
Dblaciiaval,  ingénieur  en  chef  de  la  Chambre  de  coiumer^ 
Doublet  (G.),  négociant. 

DuKoriR  (G.)  ^,  docteur-médecin.  ' 

Engklbach  (P.),  docteur-médecin. 
Engklbaoh  (G.),  négociant 
Favier  (E.)  0}  I),  professeur  au  Lycée. 
Fritz  (J.),  professeur  d'allemand. 
Garaud  (J.),  négociant. 
Gartner  (L.-E.)  négociant. 

GuArin  (Désiré),  receveur  de  rEnregistrenient,  on  retraite. 
Gdillot  (Denis),  avocat,  conseiller  général. 
GuiTTON  (Louis),  (^1  A),  agent  commercial. 
Harod  (E.),  courtier  d'assurances. 
Haussmann  (O  ^),  receveur  des  Finances. 
Jacquemin  (Ch.),  négociant. 
Kradse  (Albert),  négociant. 
Lanedviu.e  (E.),  courtier. 
LoisKAU  (Paul),  négociant. 

Martin-Dupont  ^,  médecin  principal  de  la  Marine,  en  retr 
Meura  (Ch.),  courtier. 

Monscdurt  (E  ),  {\}A.),  professeur  au  Lycée. 
OiuNKT  |G.),  (5[J  A),  négociant. 
Pelard  (Frédéric),  courtier. 
Peî^le  (Robert),  négociant. 

Pilon  (E  )  (0  ^),  secrétaire  général  des  Djcks- Entrepôts. 
PUESCHEZ  (E.),  avoué. 
Plum  (P.)  assureur. 
Raoul-Duval  (Edmond),  négociant. 
Roche  (J.),  photographe. 
Sf  iiMiri"  (Victor),  assureur. 


MEMBRES  TITDLAIEES 


MM. 

ÀŒEH  {¥.),  propriétaire,  conseiller  général,  rue  Michelet,  5. 

ALStJ^KOBE  (N.)  9>  négociant,  boulevard  de  Strasbourg,  125. 

Alleokbt  (P.)  (le  pasteur),  rue  des  Gobeline,  71 

Altmetbr  (Henri),  courtier,  rue  du  Chilou,  34. 

Ambaud  (Charles),  négociant,  juge  au  Tribunal  de  coinnierce, 
rae  du  Chilou,  36. 

Ambaud  (Louis),  négociant,  membre  de  la  Chambre  de  com- 
merce,   me  du  Cbilou,  36. 

AxBAUD  (Émile)^  architecte-entrepreneur,  rue  Emile-  Renouf ,  55. 

Anckl  (Raoul)  ^1^,  armateur,  conseiller  général,  maire  d'Har- 
fleur,  boulevard  de  Strasbourg,  103. 

AxoAMMARS  (Albert),  directeur  des  Docks  du  crnal  de  Tan- 
oar ville,  rae  de  Mexico,  63. 

Ahcoinabd  (Frédéric),  négociant,  boulevard  de   Strasbourg^ 
2016m. 

An  ;fxliès  (Louis),  capitaine  au  long  cours,  rue  Madame- La- 

fayette,  5. 
Aetaut  (M«i*«  Marguerite)  élève  boursière  à  l'École  pratique 
de    Commerce    et    d'industrie,    section  normale,  rue  du 
Lycée,  71. 

.  .hTZKEE    (G.),   de  la  maison   Lutham  &  C'<,  rue   Victor- 
Hugo,  146. 

*  .V-ELiH  ((forges),  courtier,  boulevard  de  Strasbourg,  142. 

»  A>h2lin  (Femand),  courtier,  boulevard  de  Strasbourg,  142. 

I  AiB.^R  (Gabriel),  maison  Ëug.  Orosos,  place  de  THôtel-de- 
Ville,  26. 
ALsaY  (F.),  commerçant,  rue  de  Paris,  93. 
ACDoT,  percepteur,  rae  de  St-Quentin,  45. 
AcoBti  (Honoré)  *.  armateur,  place  Carnot,  l. 


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}étaci:-''-^^ 


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LISTE  GÉNÉRALE 


MEMBRES  DE  LA  SOCIÉTÉ 


Présidents  d'honneur. 

3ilM.   Le  Mînîbtre  de  la  Marine. 
I-e  Ministre  des  Colonies. 

Siegfried  (Julks)  (0  ^)  (4J  A),  député  du  Havre. 
Le  Préfet  de  la  Seine- Inférieure. 
Le  SouB-Préfet  du  Havre. 
Le  Chef  de  la  Marine. 
Le  Maire  du  Havre. 

Le  Président  de  lu  Chambre  de  commerce  du  Havre. 
Le  Président  du  Tribunal  de  commerce  du  Havre. 

Membres  d'honneur. 

MM.   Le  Général  Archixaud  (0  'jf^),   commandant  on  chef    l'armée 

coloniale,  nie  Brémontier,  11,  Paris. 
Bayol  (Docteur)  (0  ^),  gouverneur  honoraire  dos  Colonies. 
Dopois  (J.),  explorateur. 

De  Mahy,  député  de  hi  Uéuninn.  ancien  Ministre. 
Habmand  (Docteur)  (0  *),  commissaire  i^éut  rai  du  Gouvernc- 

luent  français  à  Hué  (Annum). 
Lknnier    (G.)  *    (i)  F)   conservateur  du  Muséum    d'histoire 

naturelle  et  d'ethnographie  du  Havre. 
Levasseur   (E.)    (0  îftî),  membre   de  l'Institut,  professeur  uu 

Cullè^*  de  France,  26,  rue  Monsieur-lo-Prince,  Paris. 
LoUBi>eLKT  (K.)  ^,  vioe-président  de  la  Socii-té  do  ^én^j^raphio 

commerciale  de  Paris,  Gî),  boulevanl  de  Mai^^nta,  à  Paris. 
KÊJS    (Docteur)    ^,    méd^M^n    de    la    Marin.*.    expl<>rat«*nr    «mi 

Cochincrhinc. 

BOCtÉTB  D«  qA00R4PIIIS.   —  \^  THCM.    1ftf>5.  I 


LISTE   GÉNÉRALE   DES   MEMBRES 


-: 


MM.  QuEviLLON  (F.)  (0  ^)  {Q  A),  colonel  breveté,  commandai 
144«  liégiment  d'infanterie,  à  Bordeaux. 
Savoronan  I)k  Brazza  (C  ^),  comuiissiiire  général  bonoi 

du  Congo  frairçais. 
WiKNKU  (Cil.)  ^,  charge  d'affaires  de  France  près  du  Go» 
ncment  de  Bolivie. 

Président  honoraire. 

M.  CouvKHT  (Joanuès)  ^,  négociant,  président  do   la  Chambra*' 
commerce. 

Vice-président  honoraire. 

M.  Décrue  (L.)  ^  i^,  lieutenant  de  vaisseau  en  retraito,  àN^ 
Hur-Seine. 

Membres  correspondants. 

MM.  Catat  (le  Docteur),  A  Contrexé ville  (Vosges). 
Chardot  (Arsène),  à  Valparaiso. 
David  de  Floris,  57,  rue  Foudary,  à  Paris. 
Debise*^,  vicc-préaident honoraire  de  laSociété  de  géograp 

de  Lyon. 
De  Saint-Quextis  ^,  trésorier  des  Invalides,  à  MaPHeilie, 
Fkanconie  (Joseph),  attaché  ^  la  Banque  de  France,  ruo  I 

che,  74,  i\  Paris. 
Frikstedt  (M.),    industriel,   10,   Engelbrektsgatan,    N.  B. 

Stockholm. 
Gautieu  (A)  ^.  capitaine  d'infanterie  de  marine  en  rotiil 

a  La  FK'che    (Siirtlu*). 
KLK'iT(CarIu.s  Lix)   •î*,  {Q  A)  Consul  général  de  la  RôpubUl 

Argentine,  à  Hio-dtî- Janeiro  (Brésil). 
Le  Bakuois  d'Orgkval,  vice-président  de  laSociété  de  géof 

phie commerciale,  'M,  rue  Tocqueville,  à  Paris. 
Levy  (Vi(!tor),  Bal»enl»ergorKtrasse,  î*,  à  Vienne  (Autriche). 
ScmiADKU  (F.),  directeur  des   travaux   cartographiques 

maison  IlacluîUe  et  C''',  boulevard  St-Gormain,  79,  à  Pfet 
SiK.jKuti:!»  (André),  huulcvard  St-Gennain,  22rt,  à  Paris. 
\'ii»AL.  ]>r(>fe}sseur  d'iiydro^^raphic.  à  Bastia  (Corse). 
Wauteus  (A.-J),  directeur  du  «  M  Miveuieut  gH>graphiqii« 

13,^Uue  Bréderode,  à  Bruxelles. 


MEMBRES   DONATEURS  III 

Membres  donateurs. 

M.  y,   Vattier,  professeur  d*hydrographie. 

Le  marquis  de  PIoodetot,  maire  de  St-Laurent-de-Brèvedent 

LoisEAU  (Paul),  négociant. 

"^,    Le  baron  Arthur  de  Rothschild  ^,  banquier. 

Le  comte  Mosselman,  capitaine  au  loog  cours. 

y,    Delamali.b  (Jacques),  propriétaire. 

Vesin  (Joseph),  capitaine  au  long  cours. 

La  Compagnie  générale  Transatlantique. 

WoRMS  JossB  et  C'«,  armateurs. 

Menieb  (Henri),  industriel. 

Couvert  (Joannès)  e^,  négociant,   président  de  la  Chambre  de 

commerce. 
GriTTON  (Louis),  (Q  A),  agent  commercial. 
7,   DuBOSC  (E.)  (0  *)  \^  {Gi§i)y  industriel. 
1^  Oiiiipagnie  des  Chargeurs  Réunis. 

Blot-Lefevre  (H.),   négociant,  trésorier  de  la   Chambre   de 
commerce. 

Bureau. 

II.  Blot-Lefevre  'H.),   négociant,  trésorier  de  la  Chambre  de 
Coinmerce,  itrésident. 
Hacrsmann  (0  e^),  receveur  des  Finances,  vice-président. 
GoiTTON  (Louis),  (y  A),  agent  commercial,  rice-jpr<?«/ffe/i^ 
Favibe  (E.)  (|>  I),  professeur  au  Lycée,  secrétaire  général. 
Pesi-K  (Robert),  négociant,  secrétaire  dea   .iA.tnros. 
Hubert  (Jacques)  Secrétaire  des  séances. 
Boîtier  (Léopold),  trésorier. 
Mkura  (Oh.),  courtier,  bibliothécaire. 

Comité 

Allbgket  (le  Pasteur  P.). 

B.%sset  (Frank),  avocat. 

Bi/it-Lekkvrk  (H.),  négociant,   trésurier    do    la  Chiimbre    do 

commerce. 
BoiTJSQ  (Lêopold). 

BvsQK  ^Ernsi),  agent  de  m'iisonâ  étran^^ères. 
Cabton  (Albert),  assureur. 


V  LISTE    GÊNéRALE    DES   MEMBRES 

MM.  CiiANCRBEL  (H.),  agent  principal  dos  Chargeurs- Rénni 
CorvKRT  (Joannès)  *^,  né^^oeiant,  présidont  de  la  Chi 

coinniorcc. 
Danv  iA.)  {Q  h  no*r«><'imt. 
UscnAii.'.K  (Stophon),  (-(^  Ai,  directeur  des  Signaux  ol 

veinai'. 
DELAniAXAi.,  inp:éuieur  en  chef  de  la  Chambre  do  cou 
DoL'BLKT  (G.),  né^JKîiant. 
DuKOPR  (G.)  *,  docteur-médecin. 
Encîfi.bach  (P.).  docteur-médecin. 
ENJîELBAnn  (G.),  négociant 
Favikr  (E.)  ly  II,  professeur  au  Lyciie. 
Fritz  (.1.),  professeur  d'allemand. 
Garaup  (J.).  négociant. 
Gartner  (L.-E.)  négociant. 

GuArin  (Désirée,  receveur  de  rEnregistrcment,  en  reti 
(tDiu.ot  I Denis),  avocat,  conseiller  général. 
GiTiToN  (Louis),  ittjf  Al,  agent  commercial. 
IIarou  (E.),  i'-ourtier  d'assurances. 
IIauSîîMAXN  (G  ^),  receveur  des  Finances. 
JACQUE.M1X  (Ch.),  négociant. 
Krafse  (AlberU,  négociant. 
Lankhvillk  (E.),  courtitM*. 
LoisKAU  (Paul),  négociant. 

Martin-Duin^nt  *fi*,  médecin  principal  de  la  Marine,  e 
Mkura  (Ch.),  courtier. 

MoNSOURT  (fiî  ),  (î>  A),  professeur  au  Lycée. 
Oihnet  (G.\,  {^^  A),  négociant. 
Pki.ard  (Frédéric),  courtier. 
Pesle  t Robert I,  négociant. 

Pii.ON  (E  )  (0  ^),  siîcrétaire  général  des  Docks-Entre 
PUEHJHEZ  (^E.),  avoué. 
Pllm  (I\|  assureur. 
H\0UL-DuvAL  (E'imondi,  négociant. 
RociiK  (J.),  photograpliC. 
S.  iiMirr  (Victor),  assureur. 


MEMBRES  TITULAIRES 


MM. 

I  AcREB  \F.),  propriétaire,  conseiller  général,  rue  Micbelet,  5. 
b  JkLSSJkNDRK  <N.)  (},  négociant,  boulevard  de  Strasbourg,  125. 
LLBGR£T  (P.)  (le  pasteur),  rue  des  Gobelins,  71 
Lltiieter  (Henrii,  courtier,  rue  du  Chilou,  34. 
IBAUD  (Charles),  négociant,  juge  au  Tribunal  de  coninierce, 
me  du  Chilou,  36. 

IBAUD  (Louis),  négociant,  membre  de  la  Chambre  de  com- 
merce,   rae  du  Chilou,  36. 
|Ajibaud  (Eoiile)^  architecte-entrepreneur,  rue  Emile-  Renouf ,  55. 
DJCL  (Raoul)  ^)^,  armateur,  conseiller  général,  maire  d*Har- 
fleur,  boulevard  de  Strasbourg,  103. 
3AM1CARB  (Albert),  directeur  des  Docks  du  cFnal  de  Tan* 
cATTilie,  rue  de  Mexico,  63. 

CUKABD  (Frédéric),  négociant,  boulevard  de  Strasbourg^ 
201  6m. 

#ELLiÈs  (Louis),  capitaine  au  long  cours,  rue  Maduuie-La- 
fijette,  6. 

rAUT  «M«i>*  Marguerite)  élève  boursière  à  l'École  pratique 
de  Commerce  et  d'industrie,  section  normale,  rue  du 
Lycée,  7L 

nER    [G.)i   de  la  maison   Latham  &  C'«,  rue   Victor- 
Hago,  145. 

LIN  \OeoTgeB)^  courtier,  boulevard  de  Strasbourg,  142. 
Liîf  fFernand),  courtier,  boulevard  de  Strasbourg,  142. 
Lbbcb  (Gabriclj,  maison  Ëug.  Grosos,  place  de  THÔtel-de- 
Ville,  26. 

(F.),  commerçant,  rue  de  Paris,  93. 
r,  percepteur,  rue  de  St-Quentin,  45. 
Ma  (Honoré)  4f,  armateur,  plaoe  Carnot,  1. 


VI  LISTE  GEKEHALË  DES  MEMBRES 

1328.  AuoER  (Paul),  rentier,  rue  Jules- Lecesne,  25. 

1832 .   AuMONT  (I.),  commis  principal  des  Douanes,  bureau  des  I>ocks, 

1338.  Avril  (F.),  négociant,  rue  Uiibocage-de-Bléville,  4. 

1549.  Badoubeau  (F.),  négociant,  rue  Dubocage-de-Blé ville,  1. 

1200.   Balârd  d'Hbrlinville.  docteur-médecin,  boulevard  de  Stras 

bourg,  55. 
741 .   Baltazard (Théodore),  négociant,  boulevard  François-I»»",  113 
1975.    Baly  (L.),  ingénieur,  rue  Jules-Lecesne,  67. 
963.   Barkal  (Georges),  négociant,  rue  de  la  Pompe,  66,  Paris. 
1949.   Barrb   (Jules),  (Q  A),  (().  pj^),  ancien  capitaine    de  port  aux 

Colonies,  lieutenant  de  iK)rt,  rue  Emile- Renouf,  59. 
569.   Barri É  (A.),  banquier,  rue  de  la  Paix,  7. 
1203.  Barthklmé  (Georges),  courtier,  rue  Toustain,  3. 
1700.    Barthold  (Edm.),  négociant,  rue  de  la  Bourse,  3. 
1393.  Basset  (Frank),  avocat,  rue  Fontenelle,  13. 
1553.  Basset  (A.),    négociant,   de  la  maison  J.-M.  Currie,    rue 

Pleuvry,  2. 
1069.  Batalha,  rentier,  boulevard  de  Strasbourg,  124. 
1977.  Bâte  (Clifford-A.),  agent  conmiercial,  nie  de  la  Boiu-se,  40. 
1445.  Bauche  (Gkston),  négociant,  rue  du  Havre,  52,  àSanvic. 
1519.  Baubr  (Léon),  marchand- tailleur,  rue  de  la  Mailleraye,  112. 
1474.  Baut,  rentier,  rue  de  St-Quentin,  64. 

9,  Bauzin  (Emile),  armateur,  conseiller  général,  rue  Dubocage 

de-Bléville,  1. 
1814  Batsselamoe  (0  ^)f  ingénieur  en  chef  de   la   C^"  Générale 

Transatlantique,  place  de  THôtel-de-Ville,  24. 
11.  Beoqdé  (L.)  ^  (0  >{(),  lieutenant  de  vaisseau  en  retraite,    rue 

de  l'Hôtel-de-Ville,  11,  à  Neuilly-sur-Seine  (Seine). 

631 .  Beoguen-Dembaux  (Max),  direct,  d'assurances, place  Camot,6. 

1288.  Bbooubn-Dembaux  (Robert),  directeur  d'assurances,  boulevard 

de  Strasbourg,  96. 
1399.  Beqouem  (André),  avocat,  rue  Naude,  30. 
383.  Bbllbnqer-Rozay,  commerçant,  place  du  Vieux-Marché,  10. 
1691.  Bbllengbb  (André),  commerçant,  rue  d'Ëtretat,  110. 
1544.  Beluqou  (M"*  L.)  iQ  I),  directrice  du  Lycée  de  jeunes  filles, 

rue  de  l'Orangerie,  27. 
634.  BÉMARO  (G.),  bronzes  d'art,  place  de  l'Hôtel-de-Ville,  18. 
373.  BÉEABD  (Henri),  courtier  maritime  honoraire,  boulevard  Fran- 

çoi8-I«f,  38. 
U,  Bbrqeeault  (C),  négociant,  rue  Doabet,  16. 
1594,  Bkri'.deitia  (A.),  négociant,  rue  du  Champ-de-Foire,  lu. 


MEMBRES  TITULAIRES  VU 

BsBKARi»  (G.),  ingénieur  aux  Forges  et  Chantiers  de  la  Médi- 
terranée, rue  Jules- Lecesne,  33. 

BERNnBiM,  étudiant,  Écolo  hupéricure  de  commerce. 

Bertrand  (Julien),  négociant,  rue  d' Après- Mannevilletto,  16. 

Billard  I Emile),  courtier  maritime,  Grand-Quai,  67. 

BiNET  (Ernest),  rentier,  rue  Anfray,  11). 

BiNET,  rentier,  boulevard  de  Strasbourg,  69. 

Blech  (Uenéuadministrat*"  de  1.1  C''îCotonnière,pal.  delà  Bourse. 

Blim  ^ ,  chef  de  service  des  Ponts  et  Chaussées,  Saigon  (Co- 
chinchine). 

Bltjt-Lefbvrb!  h.),  négociant,  trésorier  de   la  Chambre  de 
commerce,  place  Saint-Joseph,  5. 

Bokswilwald  (Auguste)  (Q  A),  représentant   de  commerce, 
rue  de  la  Bourse,  17. 

Boîtier  (Léopold),  rue  Doubet,  12. 

Boîtier  (René),  avocat,  rue  Doubet,  12. 

Boivm  (L.)  li^  A)«  employé  de  commerce,  rue  de  Paris  131. 

BooB  (A.),  pharmacien,  rue  de  Paris,  137. 

BossiÈRE  (René)  négociant,  rue  des  Orphelines,  2. 

BocKTTE  (W.-£.),  ingénieur,  boulevard  Maritime,  146. 

BouLARD  (René),  imprimeur,  rue  du  Canon,  30. 

Boulet  (Eug.)  il^,  représentant  des  P.P.  Chartreux,  rue  Ma- 
dame-Lafayette,  7. 

BotrLLA>'GER  (Ed.), négociant,  rue  de  la  République,  13^  àSanvic. 

BouRDiGNOX  (A.),  libraire,  place  Gambetta,  19. 

BouBDON  (Georges)  de   la   maison  Guillerault  et  C^«,    place 

Jules-Ferry,  8. 

BouRQUiN  (H.),  négociant,  rue  des  Gobelins,  63. 

BouTELEUX  (L.),  agent  principal  de  la  Société  Navale  de  TOuest, 
qaai  d'Orléans,  45. 

Bbedaz  (A.)  4t,  entrepreneur  de  camionnage,  cours  de  la  Ré- 
publique, 115. 
BtXDEL  (Victor),  employé  de  commerce,  rue  du  Cimetière, 
15,  à  Sanvic. 

BmEMAC  (D),  pharmacien,  rue  de  Paris,  66. 
BuAXO  (M™')»  rentière,  rue  du  Havre,  Sainte-Adresse. 
BUAKO   (Auguste),  capitaine  au  long  cours  avec  brevet  supé- 
rieur, rue  Clément-Marical,  11. 
Baiiurr  (E.),  courtier,  rue  de  la  Bourse,  19, 
DCKA  (£rn«8t),  négociant,  membre  de  la  Chambre  de  corn* 
merce,  rao  de  la  Boune,  29. 


Vtll  LISTE  QÉNÊKALB   DES  MEMBRES 

364.  Bricard   (H.)  '^  |C  «î*)  >î<,    directeur  des  Forges  et  Chantiers 
de  la  Méditerranée,  membre  de  la  Chambre   de  Commerce, 
boulevard  de  Strasbourg,  45. 
1562.  Brière  (M «ne  V*«),  rentière,  rue  Jules -Lecesue,  2. 
423.  Brindeau  (Louis)  ^,  d^^puté,  boulevard  de  Strasbourg,  53. 
604.  Briquet  (Paul),  directeur  des  magasins  publics,  rue  Casimir- 
Dela vigne,  42. 
1189.  Brûlé  (M»»«  Hélène),  élève  à  la  section   normale  de  TEcole 
pratique  de  commerce  et  d'industrie  de  jeunes  filles,  rue  du 
Lycée,  71. 
32.   Brdnbt  (Alfred),    négociant,   de  la  maison  Vve  A.  Derode, 
rue  de  la  Bourse,  23. 
191t).  Brunsohvig,  docteur-médecin,  rue  Séry,  24. 
1788.   Brownk  (  W«»  F.),  négociant,  de  la  maison  Dufay,  Gigandet 

&  C»«,  rue  Jules- Lecesne,  50. 
1557.   BucAiLLE  (Henri),  rentier,  boulevard  François-I»»",  60. 
418.  BuHGB  (Ernst),  agent  de  maisons  étrangères,  boulevard  de 

Strasbourg,  124. 
2002.  BuRNiBR,  de  la  maison  Kronheimer  et  C*«,  route  de  la  Hève, 

16,  à  Sainte- Adresse. 
949.  BuscH  (Louis),  négociant,  rue  du  Champ -de- Foire,  12. 
1796.  Caill  (Ch.j  ^,  chef  du  pilotage  de  la  Seine,  place  de  THotel- 

de- Ville,  16. 
366.  Gaillard  (V.),  constructeur- mécanicien,  membre  de  la  Cham- 
bre de  Commerce,  rue  de  l'Église,  28. 
1010.  Gaillard  (Georges),  ingénieur  civil,  rue  de  Prony,  20. 
2010.  Gaillatte,  négociant,  de  la  maison  Frédéric  Jung  et  G'*,  bou- 
levard de  Strasbourg,  130. 
310.  Calliqé  (L.),  courtier,  palais  de  la  Bourse. 
1690.  Caron  (J.),  négociant,  de  la  maîaoa  H.  Demoinet,  rue  de  li 

Bourse,  46. 
1749.  Carbel  (l'abbé),  professeur  à  TËxternat  Saint- Joseph,  rue 

Victor-Hugo,  32. 
1835.  Garrèrs,  »î(^  docteur-médecin,  rue  de  Paris,  123. 
1105.  Carton  (Albert),  assureur,  rue  de  la  Halle,  20. 
1251.  Carurttb  (E.),  entrepreneur  de  transports,  cours  de  la  Répu- 
blique, 33. 
1919.  Gasabianca  (André),  ^,  administrateur  en  chef  de  rinscrip- 

tiou  maritime,  Arsenal  de  la  Murine. 
907.  Caspar  (Charles), négociant-armateur,q.  Ca9imir-DeUvîgne,15. 
1217.  Castbl  (Jules),  du  Crédit  HrtVrHJs,  boul.  de  Strasbourg,  79, 


MBMBIIRS   TlTULAinES  tX 

16!4.  Cattbaitx  (GnBtave),    de  la  maison  Lclioucq  &  Cliarlet,  rne 

Krîinklin,  63. 
1780.  Gavanagh  |W.),  négociant,  rue  Edouard- La  nie,  14. 
1829.  Cavanaqh  (Raoul),  commerçant,  boulevard  de  Strasbourg,  96. 
675.  CnALOT  (Gustave),  banquier,  rue  des  Pénitents,  53. 
1588.  Chamard  (Léon),  caissier,  rue  Louis- Pihlippe,  18. 
491.  Chanceuel  (A.),  agent  principal  de  la  O^  des  Chargeurs  Réu- 
nis, rue  Jules-Ijccesne,  30. 
1309.  Chardc^t  (Daniel),  vérificateur  des  Douanes,  boulevard  Fran- 

çoi8-l«^  61. 
1C21.  Cbarritt  (H.)^  négociant,  de  la  maison  Loiseau  et  Barrai,  rue 

du  Chilou,  34. 
1512.  Cravanes  (Gaston),  courtier,  rue  de  la  Bourse,  32. 
884.  CuRiîARAY  (H.),  négociant,  rue  Fontenello,  34. 
40.  Cherfils    (Cliarles)    {if  A),    adjoint  au  Maire  du  Havre, 

conseiller  d'arrondissement  rue  Just-Viel,  32. 
352.  CuEBFiLS  (Emile),  courtier  maritime,  rue  de  la  Gaffe,  6. 
463.  Chkdeet  (L.),  notaire  honoraire,  conseiller  d  arrondissement, 

conseiller  municipal,  rue  Joinville,  30. 
841.  Chevallier  (Pierre),  capitaine  visiteur,  place  Jules-Ferry,  4. 
1944.  Cleqder  (Edouard),  officier  de mirine en  retraite,  r.  Thiers,  66. 
1764.  Clerc  (Léon),  négociant,  an  château  d'Hariieur  (Seine-Infé- 
rieure) . 
1753.  Clocheti'K  (Georges),  courtier,  palais  de  la  Bourse,  escalier  D. 
1285.  Cloloob  (Alphonse),  négociant,  impasse  Dagobert,  10. 
1265.  CoLCHEN  (Ch.),  courtier,  rue  Jules-Lecesne,  32. 
798.  Collet  (H.),  négociant,  rue  Jules-Lecesne,  4. 
332.  CoMMAUOHE  (J.),  constructeur-mécanicien,  rue  de  Mexico,  36. 
2016.  CoQUKLiK  (Ch.),   sous-officier  du  corps  d'occupation  du  lac 

Tchad,  à  Fort-Lamy, 
304.  CoBBLET  (E.),  armateur,  rue  Edouard -Lame,  1. 
1692.  CoTELLE  (J.-M.),  négociant,  de  la  maison  D.  Levillairi  et  G)- 

telle,  rue  Jules-Lecesne,  47. 
1B43.  OorrAED   (Alfred)  skt  négociant,  membre  de   la  Chambre  de 

Commerce,  rue  du  Lycée,   30. 
45.  Cor?  (A.)  (4)  A),  ancien  chef  d'institution,   place  de  THôtel- 

de-Ville  27. 
789.  CoULON  (Ch.)   îgc    ïji,    négociant,  conseiller  municipal,  juge 

au  Tribunal  de  Commerce,  rue  de  la  Paix,  6. 
19.V2.  Courant  (Maurice^,  artiste  p^întrft, Clos  derAhbiye.  à  Poissy. 

(Seincj-ot  OImî). 


X  LISTE    GËNBRALK    DES    MEMBRES 

1953.   Courant  (L.),  négociant,  rue  du  Grand- Escalier,  2. 

1736.  COURNIL  PE  Lavkuune  (M'«'),  professeur,  rue  Aug.-Dolfus,  8. 

1966.  CouRTiN  (Arthur),  j)ercc])teur,  rue  de  &nnt-Qucntin,  67. 

47.  Cousin   (Arthur),  inaipon  Albert  Quesnel  &  C*«,  impasse  Da- 

gobert,  8. 
1883.  Cousin  (Henri)  {Q  A),  agent  commercial,  rue  d'Epréniénil,  51, 

48.  Couvert  (Joannès)  ^,  négociant,  président  de  la  Chambre  de 

commerce,  rue  de  la  Bourse,  31  bis, 

49.  Couvert  (Camille),  négociant,  rue  Jules-Leceane  5H. 

374.   CoviLLE  (A.),  ingénieur  des  Forges  et  Chantiers  de  la  Médi- 
terranée, rue  St- Michel  9. 
51.  Crbmer  (Marins),  négociant,  consul  de  Grèce,  rue  Doubet,  16. 
1113.   Dalioault    (F.),    entrepreneur   de    menuiserie,  rue  Dicque- 

mare,  21. 
1908.  Danic  (Jean),  chef  des  bureaux  delà  Direction   des  Douanes, 

rue  de  la  Gaffe,  2. 
1277.  Daniel  (Joseph),  capitaine  au  long  cours,  rue  E.  Renin,  46. 
1301.  Danon  (J.),  négociant,  rue  de  la  Bourse,  35. 
807.  Danvers  (Paul),  négociant, rue  du  Lycée,  81. 
1392.  Dany(A.)  (OI),  négociant,  rue  du  Champ-de-Fuire.  1. 
1840.  Dabpbt  (Paul),  de  la  maison  Viller,  Ysnel  et  C^",  rue  de   la 

Cavée-Verte,  103,  à  Sanvic. 
1146.  De  Burnay  (le  Comte  Henri),  de  la  maison  Henri  de  Burnay 

&  C**,  négociants-armateurs  à  Lisbonne  (Portugal). 
569.  Drchaillb  (Stéphen)  {Q  A),  capitaine  au  long  cours,  directeur 

des  Signaux  et  du  Sauvetage,  rue  Benjamin-Normand. 
1898.  DiOHAUX  (Albert),  Juge  au  Tribunal  civil,  rue  delà  Bourse,  1, 
1123.  De  Coninck  (James)  (^  I.)  4(,  courtier,  r.  delà  Bourse,  39. 
1080.  DÉGENÉTAis  (L.),  courtier,  rue  delà  Bourse,  33. 
1091.  Deqbuseb  (A.),  courtier,  boulevard  de  Strasbourg,  56. 
1792.  Deokuser  (René),  courtier,  rue  de  Toul,  16. 
1255.  De  Goeb  de  Hervé  (Georges),  négociant,  rue  Tliiébaut,  7. 
1594.  Deqoy  (G.),  courtier,  place  Carnot,  8. 
759.  De  Grand  maison  (H.),  avocat,  rue  de  Mexico,  45. 
1959.  De  Hetdbr  (Ch.),  courtier,  rue  Victor-Hugo,  136. 
426.  De  Houdetot  (le  marquis),  maire    de  Saint -Laurent -do. 

Brèvedent  (Seine-Inférieure). 
597.  Dblachanal,  ingénieur  en  chef  honoraire  de  la  Chambre  do 

commerce,  rue  du  Docteur-Couture,  32. 
1822.  Dklacbou  (£).),  reatidr,  ru9  GftiUmr-Delavigao,  6. 


MEMBRES    TITULAIRES  XI 

1546.  Delamare  (L.),  courtier,  rue  de  la  Bourse,  29. 

1369.  Delarochb  (M"*  Raoul),  propriétaire,  rue  Félix-Fanre,  53. 

2012.  De  la  Serna  (Bufino-C),  consul  de  la  République  Argentine, 

boulevard  de  Strasbourg,  183. 
1621.  De  Léséleuc  (Henri),  assureur,  place  Jules-Ferry,  8. 

57.  Delhommb  (Ed.),   industriel,  rue  Joseph-Périer,  48-50. 

1892.  Del  Pozo,  négociant,  rue  Racine,  43. 

1941.  Df.man«;e   lA.),  négociant,    juge    au    Tribunal  de    commerce 

d'Alger,  rue  Arago,  8,  à  Alger. 
1524.  De  Montfleuky  (Lucien),  juge  suppléant  au  Tribunal  civil, 

conseiller  municipal,  rue  de  Montivilliers,  78. 
730.  De  Montalembert  (le  Comte),  propriétaire^  au  chftteau  de  Me- 

nilles  (Eure). 
1747.  Dhknis  (Etienne),  négociant,  rue  de  la  Bourse,  19. 
1964.  Denouette  (Lucien),  courtier,  rue  Léon-Buquet,  9. 
341.  D£Queruobnt(J.)  j^,  négociant,  vice-président  delà  Chambre 

de  commerce,  maire  de  Sainte- Adresse,  rue  Lemaistre,  29. 
1969.  Derais  (A.),  rentier,  rue  Joinville,  24. 
1^6.  Dero  (L.),  ingénieur,  rue  de  Tourneville,  101. 
1529.  Deronde  (ë.),  docteur-médecin,  rue  d*Épréménil,  4. 

58.  Deschamps  (Médério)  ^  {Q  A),  propriétaire  à  la  Rive,  Mon- 

tivilliers (Seine-Inférieure). 
1751.  Deshayes  «Éd.),  courtier,  palais  de  la  Bourse,  escalier  D. 

1893.  Desmonts  (André),  entrepreneur  de  camionnage,  rue  Philippe- 

Lebon,  7. 
1958.  Detodrnay  (André),  assureur,  rue  Massieu  de-Clerval,  10. 
1841.  De  Viqak  (J.),  secrétaire  de  la  Chambre  de  Commerce,  palais 

de  la  Bourse. 
1598.  Deville,  docteur-médecin,  rue  Tbieis,  28. 
898.  Dombre,  (M««  .L), libraire,  place  de  PHôtel-de-Ville,   10. 
1371.  Doublet  (Qeorges),  négociant,  juge  au  Tribunal  de  Commerce 

rue  de  la  Bourse,  3. 
83.  DouRT  (V.),  avoué  honoraire,  juge  au  Tribunil  civil,  rue  Fré- 
déric-Sauvage, 15. 
2015.  DocTRBLAUT  (Arthur), de  la  maison  Vve  Derode,  boulevard  de 

Strasbourg,  42. 
683.  DoY  (Auguste),  courtier,  rue  Félîx-Faure,  23. 
1826.  Dreyfus  (Léon),  négociant,  rue  de  la  Bourse,  32. 
589.  Drooaux  (Emile),  négociant,  boulevard  de  Strasbourg,  130. 
Î900.  Dubois  (ë.),  directeur  de   la  Société  Générale,  rue  de   la 
Bourse,  27. 


XII  MSTR    GRNRnALR    DRS    MEMBRES 

1077.   DncERT  (Piml),  négociunt,  rue  Michelet,  71. 
509.   DuciiESNE     (B.),     constructeur- inécanicion,    rue    de   Ncus- 

trie,  40. 
1837.  DccROCQ  ^,  ingénieur  en    chef  des  Ponts  et  Chaussées,  rue 

Caligny,  9. 
282.  Ddfour  (Q.),  *  docteur- médecin,  rue  Félix-Fanre,  2. 

1991 .  DuFODR  (Maurice),  place  Carnot,  4. 

1992.  Ddfour  (Gustave),  place  Carnot,  4. 

643.  DuQDA  (A.)  a^  (^  A),  président  de  la  Société  mutuelle  de  pré- 
voyance des  employés  de  commerce,  rue  Thiers,  130. 
2019.  DuMKSNiL  (Jules),  caissier,  rue  Thiers,  30. 
1499.  DUMONT  (Alf.j,  courtier,  rue  du  Champ-de-Foire,  79. 

70.    DoMOUCHKL  (Aug.),  courtier,  rue  de  la  Ferme,  38,  à  Sjinvic. 
581 .  DUPAQUIER  (André),  négociant,  rue  de  la  Bourse,  o\)  bis. 
1376.  DUPASQUIBR    (Hermann),  négociant,  conseiller  nmnicipal^  rue 

Casimir-Périer,  13. 
1954.  Do  Pasquier,  docteur-médecin,  rue  de  l'Orangerie,  10. 
1623.  DcPLAT  (Achille)  (|>  I),  commissaire  du    Gouvernement  aux 

Docks- Entrepôts,  pavillon  des  Docks,  quai  de  Marseille. 
2004.  DuPLAT(Eug.),  agent  commercial,  conseiller  municipal,  rue  de 

la  Bouree,  39. 
701.  Dupont  (Emile),  directeur  de  la   C»«  des   Docks-Entrepôts, 

quai  de  Marseille. 
299.  Dupuis  (Pierre),  négociant,   rue  de  la  Bourse,  51. 
685.  Durand- ViEL  (Louis)  2^,  de  la  maison  Thieulent  frères^  rue 

des  Guêpes,  16,  à  Sainte- Adresse. 
1504.  DuRAND-ViBL  (Jacques),  courtier,  rue  de  la  Bourse,  28. 
73.  DURET  (Alfred)  (C'Tf)  (0  *),  négociant,  15,  rue  Gustave-Flau- 
bert. 
1566.  EoLOFF  (L  ),  courtier,  rue  de  Tourneville,  116. 
953.  Eloy  (Fernand),  courtier,  palais  de  la  Bourse,  escalier  G. 
78.  Ekqelbacu  (G.))  de  k  maison  Les  Neveux  de  J.-G.Schmidt, 

rue  St-Michel,  15. 
1072.  EMasLBAOïi  (P.),  docteur-médecin,  rue  Naude,  26. 
1936.  Enqelbrecut  (Maurice),  courtier,  rue  de  la  Bourse,  29. 
2014.   Ebnis  (A.),  d\i  Bulletin  de  Correspomhnce,  rue  Félix  Fauro,  5. 
1354.  EsBRAN  ((xustave),  négociant.  Membre  de  la  Chambre  de  com- 
merce, quai  d'Orléans,  59. 
1793.  ËBTiQMAHD  (C).,  ohef  de  bureau  &  la  Compagnie   générale 

Transatlantique,  place  de  THÔteUde- Ville,  28. 


MEMBRES    TITULAIRES  XIII 

19if4.  EvEN  (Mme),  pa^illoa  des  Bains  Decker,  rue  du  Perrey,  81. 

1980.  Fabre  (G.),  notaire,  place  de  l'Hôtel-de- Ville,  20. 

660.   Farcis  (A.),  courtier  maritime,  Grand-Quai,  67. 

1553.  Fauvkl  (A.),  négociant,  ruo  Thiers,  43. 

ll»63.  Faivkl  fM"«  L.K  rue  Victor-Hugo,  1G5. 

1383.   Favikr  |E.)  (^}  I), professeur  au  Lycée,  ruo  J.-B.  Eyriès,  54, 

Wi .  Feur  (S.)    (C   >ï<l,  négociant,  rue  Faurc,  8. 

1525.   FÉuÉ  (Ernest),  agent  commercial,  quai  Casimir- Delavignu,  27. 

I.'r48.   Fkïinbkrq  ((t.),  agent  de  change,  boulevard  de  Strasbourg,  91. 

1774.   Fkvrikr  (M™«.)»  rentière,  rue  Félix-Faurc,  61. 

1816.   Fjévet  (.t.),  négociant,  quai  d'Orléans,  25. 

3G0.  FisrjUER  (Joseph)^  représentant  général  de  la  C'«  G'"  Trans- 
atlantique pour  rAutriche-Hongrio,  Ilegelgasse,  13,  Vienne, 
(Autriche). 

115G.  FiscHKR  (Emile),  de  la  inaisuu  H.  Génestal  et  tils,  rue  de  la 
Ferme,  21. 

Uî)3.   Flavkïny  (0  <^\  lieutenant-colonel,  commandant  le  22«  légi- 
ment  territorial  d'Infanterie,  rue  de  TOrangerie,  35. 
85.   Foerster  (Frédéric),   rentier,  boulevard    de  Strasbourg,  126. 

1534.  FoLLiN  (H.),  de  la  maison  Worms  &  C'°,  boulevard  de  Stras- 
bourg, 55. 

393.   FossAT  (E.)  ♦,  courtier,  rue  de  la  Bourse,  32. 

1924.   Ft>ssAT  (A.),  courtier,  rue  de  la  Bourse,  32. 

11'51.  ForiLLKUL  (B.  P.),  négociant, de  la  maison  J.  P.  Simmonds 
&  C'»,  rue  Flécliier,  0. 

1830.  Fran-jUE  (Paul)  (C  «Ji),  propriétaire,  rue  des  Gobelins,  45. 
1551.   Fritz  (J.),  professeur  d'allemand,  rue  Frédéric-Bellanger,  56. 

1831.  Fru;ENrB  (L.),  représentant  de  commerce,    rue   du   Lycée, 

16  bis. 
17>^7.  Gaillard  (Louis), négociant,  rue  Franklin,  36. 
2(ill.   Galilée  (Henry),  courtier,  palais  «le  la  Boui-se,  escalier  D. 
856.   Garauo  (Jules),  négociant,  rue  Jules- Lecesue,  58. 
14'î8.   Garnier,  vérificateur  des  Douanes,  rue  de  la  Gaire,2. 
376.  GArtTXEii    (L.-E.),    do  la   mais  )n   J    Djipasquier  &   C'«,    rue 
Saint-Michel,  19. 
1574.   Gascdkl   (V.),  docteur  médecin,   ancien  médeciude  l'iiôpital 

civil  de  Constantine,  ruo  Bazan,60. 
15'.'7.   Gatin  (P.),  courtier,  rue  de  la  lîourse,  38. 
18i»0.   GATriKKK  (P.),  n<'';;fK'ijiiit,  mu  Toustiin,  13. 
lî'O.",     (iKi.;  (Henri),  agiMil  do  cliauic^î.  plue  Jiamluîtta,  9. 
1665.   Gkiv  (M'»«),  rue  Fiéoliibr,  12. 


XIV  LISTE    GéNÉRALE   DES   MEMBRES 

28.  GÉNRSTAL  (Henri)  ^  (O  A),  négociant,  conseiller  général, 
consul  d'Italie,  rue  de  la  Bourse,  44. 
1405.  GÉNESTAL  (Maurice),  négociant,  juge  suppléant  au  Tribunal  de 

Commerce  rue  de  la  Bourse,  44. 
288.  Genin  (fc\),  négociant,  boulevard  de  Strasbourg,  65. 
1114.  Gessler(H.-E.),  agent  commercial,  rue  de  Mexico,  45. 
1480.  QoD.VRD  (Henri),  propriétaire,  boulevard  Maritime,  48. 
1272 .  Gode FROY( Ernest),  courtier  maritime  honoraire,rue  Caligny,  18. 
1804.  Godet,  négociant,  adjoint   au  Maire  du   Havre,  rue  Gustave- 
Flaubert,  87 
718.  GoDRBUiL  (Emmanuel)  >î<,  avocat^  rue  Séry,  23. 
2007.  GoRSE   (le  d*"  Jean),   médecin  de  la  Santé,  Grand-Quai,  55. 
1116.  GossELiN  (Emile),  notaire,  rue  d*Iugouville,  31. 
1838.  GoT  (Th.),  ingénieur  aux  Chargeurs  Réunis,  rue  Guillaume- 

le-Conquérant,  16. 
1679.  Grandcamp  (Léon),  employé  de  commerce,  rue  Gambetta,  60, 

à  San  vie. 
1885.  Grégoire    (Henri),   courtier,  place  Jules-Ferry,  8. 
1702.  Grinkr  (Ad),  docteur-médecin,  place  de  THôtel  de- Ville,  23. 
666.  Gripois  (E.),  rentier,  rue  Saint-Roch,  5. 
98.  Grosos  (Eug.)  (0  ^)  (C  >ï<)   {0  ^)   je,   négociant-armateur, 
consul  de  Turquie  et  d'Autriche-Hongrîc,   place  de  THôtel- 
de-Ville,  26. 
1593.  GuÉLON  (Mathieu), ^.receveur  des  Postes, b.  de  Strasbourg,  108 

91.  GUKRBETTE  (I.),  u'^ojiuit,  ruo  Victor-Hugo,  156. 
611.  GuÉRiN  (Désiré),  receveur  de  l'Enregistrement,  en  retraite,  rue 

Racine,  9. 
1951.  Guerrier  (Fcrnand),  pilote,  rue  Marie-Thérose,  15. 
1810.  GuiKFART  (Armand),  ingénieur  des  Ponts  et  Chaussées,  boule- 
vard François-I«%  141. 
1199.  GuiLLEMErTE(Eag.3ne),cjmîni83iire -priscur,  ru^do  Féeauip,  4. 
1812.   GuiLLERVULT  (0.|,  négociant,  rue  Picpus,  9. 
853.   GuiLLOT  (Denis),   avocat,   conseiller    général,    boulevard    de 
Strasbourg,  148. 
97.   GuiTTON   (Lduîs)   (4J   A),   agent  commercial,   de    la  maison 
Ferd.  Schneider,  rue  du  Champ-de- Foire,  74. 
1717.  Haa«}  (Otto),  négociant,  rue  Cochet,  8. 

1202.   Haas  (Ch.),  agent  commercial,  rue  delà  Cave- Verte,  9,  à  San  vie. 
1808.  Haas  (Geo.),  reprsentant  do  commerce,  place  Jules-Ferry,  8. 
1509.   Habkut  (Gaston),  de  la  maison   Eugène   Doublet,   rue   Fran- 
klin, 15. 


MEMBRES  TITULAIRES  XV 

580.  Hamel  (C),  fabricant  de  bonchous,  rue  de  la  Bourse»  17. 
868.  Hamon  (J.-B.),  capitaine  au  long  cours,  ifnpisse  Uauguel,  4. 
262.   Harou  [Et,\,  courtier  d  assura li ces,  rue  de  la  Bourse,  24. 
1208.   Uauber  (Georges),  négociant,  rue  de  Touraoville,  83. 
iy23,   HAU68MAMN  (0  *),  receveur  des  Finuuces.  rue  de  l'Orangerie, 

12. 
1936.   Hauzkur  (Georges)^  de  la  maison  W»»  Mason,  rue   du  Havre, 

94,  à  Ste- Adresse. 
1457.   Hays  (W"),  négociant,  rue  Cochet,  5,  à  Smvic. 

1712.  HéBEET  (Jules),  chef  de  service  des  Engins  de  levage  de  la 

Chambre  de  Commerce,  rue  Jules-Leceane,  105. 
875.   Hem  ET  (E.),  directeur  du  Bulletin  (le  corresjHjJtdaiwe^  palais 

de  la  Bourse,  escalier  F. 
850.  Hess  (G.),  négociant,  rue  du  Champ-de-Foire,  7  Un. 
562.   Hochet  (Q.),  employé  de  commerce,  rue  Franklin,  31. 
105.   HoFMANN  (H.),  professeur  d'allemand,  rue  de  la  Paix,  1. 
2005.   Hubert  (Jacques),  rue  Augustin-Normand,  16. 
1748.   Humeau  (le  Docteur),  rue  de  Toul,  8. 
636.   Humbkrt  (Charles),  négociant,  rue  de  Mexico,  61. 
1624.   HuTTKR  (J.-J.),  entrepreneur,  rue  du  Havre,  46,  S*«-Adresse. 
1448.  Jacqubmin  (Charles),  assureur,    consul  du  Monténégro,    rue 

Victor-Hugo,  67. 
407.  Jacquby  (Louis),  ingénieur  de  la  Chambre  de  commerce,  bou- 
levard de  Strasboiu-g,  179. 
1805     Jamein  (Jules),  négociant,  conseiller  d'arrondissement,  place  de 
)'H6tel  deVille,  25. 

1713.  Jandjn  jeune,  pharmacien,  rue  de  Fécamp,  13. 
2018.   JoBBÉ-DuvAL,  négociant,  passage  Marie-Berthe.  7. 

11*82.  JoiiNSTON  (Georges),  négociant,  de  la  maison  E.  Raoul-Duval 

et  C»,  pluce  Caruot,  9. 
391.  JoLY  (A.|,  propriétaire,  boulevard  de  Strasbourg,  2. 
1912.  JuiiEL  (Alfred)  [i}  A|.  courtier,  impasse  S^-Michel,  12. 
îfll.  Ju.vo  fils  (Frédéric),  négociant,  rue  Félix- Faure,  34. 
1157.  Kablê  (Jacques),  courtier,  rue  Victor-Hugo,  134. 
1896.   KABLé  (M"»"  Charles),  propriétaire,  rue  S'-Michel,  6. 
1359.   Kaisbr  (Uodolphet  courtier,  rue  du  Champ-de-Foire,  2. 
1954.   Kkkz  iFerd.),  ciinsier,  rue  Frédérick-Lomaître,  27. 
1927.   KiRscHBAUM   (M^'')    (4?  I),  Directrice    de  Técole   pratique  de 
Commerce  et  d'Industrie  pour  les  jeunes  filles,  rue  du  Lycée, 
130. 
1027.  KoLLBRUNNEU  (W.),  courtier,  palais  de  la  Bourse,  escalier  D. 


XVI  LISTE  GENERALE   DES  MEMBRES 

978.   Kraus  (Éilouard),  phunnucien,  place  de  l'Hôtcl-de- Ville,  9. 
122.  Krâusb  (Albert),  négociant,  de    la  maison  TIi"  Dreckenrid^f 
&  Ci»,  rue  de  Bapaume,  19. 
1899.   Kronheimer  iCiiarles),  négociant,  rue  S^-Martin,  2. 
929.  Lafaurie  iG.),  courtier,  rue  EMcarpée,  9. 
1947.   Lamy  (Paall,  négociant,  rue  Joinville,  42. 
356.   Lamo'itb  (Edgerd),  négociant,  membre  de  la  Chambre  de  cona- 
merce,  boulevard  de  Strasbourg,  134. 
1273.   Lanjtuit  (André),  négociant,  rue  de  S^-Quentin,  11. 
671.  Landuieu  (Charles),  commerçant,  rue  de  Paris,  98. 
1318.   Lanel  (Ch.),  rentier,  rue  Auguste- Dolf us,  4. 
857.   Laneuville  (E.),  courtier,  boulevard  de  Strasbourg,  55. 
1993.   Lancer  (Mlle  Emilie),  rentière,  me  du  Chilou,  40. 
1108.    Lanqlois  (F.i,  propriétaire,  quai  d'Orléans,  9. 
465.   Lanistakf  (W.),  négociant,  Grand-Quai,  67. 
1926.  Langstaff  (A),  négociant,  de  la  maison  W^Mason,  rue  de  la 

Bourse,  26. 
1470.   Larde  (Charles),  courtier,  rue  de  la  Bourse,  38. 
12^.   Latbam  (Edmond'  tH*,  négociant,   ])ré8ident  honoraire   de  la. 
Chambre  de  commerce,  rue  Victor-Hugo,  145. 
1573.   Latham   (Charles),  négociant,  rue  Victor-Hugo,  145 
2017.   Latiiam  (Robert),   négociant,   de  la  maison  Frédéric  Jung  et 

C'c,  boulevard  de  Strasbourg,  130. 
1558.   Laude  (Louis),  directeur  <le  la  Caisse  de  Liquidation,  rue  Co- 
chet, 4. 
1094.    Laupe  (Richard),  négouiuiit,  rue  de  Paris,  116. 
1491.   Lauer  (Henri),  de  la  uiaison  Ilayn,   Roman  &    C'®,   route    de 

la  Hève,  14,  à  Sainte -Adresse. 
1230.   Lvvotte  fils,  de  la  maison  Worms  et  C'<^,  boulevard  de  Stras- 
bourg, 138. 
1314.   LEBUiRE  (Gaston),  assureur,  boulevard  de  Strasbourg,  57. 
790.   Leblond  (Albert)  ^,  négoci  int,  adjoint  au  maire   du  Havre, 
membre  de  la  Chambre  de  commerce, vice-consul  du  Vene- 
zuela, rue  Anfray,  19. 
681.  Le  Bourgeois  (Georges)  ^  (C  >{<),  constîiller  général,    maire 

de  Rogervillo  (Seine-Inférieure).. 
367.  Le  Bris  (F.),  négociant,  rue  du  Lycée,  56. 
1289.   Le  Clerc  (Georges),  rentier,  place  de  l'Hotel-fle-Ville,  1. 
133.   Lecomte   (P.)  *ï<,    négociant,  de  la  maiHOn  Joannés  Couvert, 
consul  du  Guatemala,  rue  delà  Bourse,  31  bis  , 


MEMBRES  TITULAIRES  XVII 

1683.  Lecoq  (Edouard),  négociant,  rue  du  Champ-de-Foire^  2. 

1999.  LioouBTOis  iLoais),  ancien  notaire,  rue  Gustave  Flaubert, 
91. 

1571.  Ledoux  (Paul),  négociant,  rue  Victor-Hugo,  157. 

1741.  Lbtebvee  (Frédéric),  courtier,  palais  de  la  Bourse, 
escalier  A. 

2006.  Lkfrbvre  (Georges),  courtier,  rue  delà  Bourse,- 38. 

1968.  Lrfèvbe,  professeur  à  TÉcole  primaire  supérieure  de  Monti- 
villiers^  route  d'Éi>ou ville,  23  bi»,  à  Montivilliers  (Seine-In- 
férieure). 

1990.  Le  Gad,  docteur- médecin,  rue  Thiers^  40. 

845.  Le  Goff  (Louis),  négociant,  boulevard  de  Strasbourg,  32. 

1707  Leikh^pil  (Victor),  agent  de  change,  boulevard  de  Stras- 
bourg, 75. 

1241.  Le  Grand  (R.),  graveur,  rue  de  la  Bourse,  6. 

1535.  Legbos  (J.),  relieur,  rue  de  la  Comédie,  3. 

1955.  Le  GiiERNEY  ^,  percepteur,  rue  Ernest-Renan,  107. 

525.  Le  Gden  (Hippolyte),  capitaine- visiteur,  rue  du  Docteur- 
Cousture,  2 1  bis. 

1895.  LÉGUILLOX  (Charles),  négociant,  rue  J.-B.  Eyriés,  72. 

462.  Lelaumikr  (L.),  architecte,  rue  du  Champ-de- Foire,  17. 

979.  Leleu  (A.)  [^  A,),  négociant,   rue  Racine,  4. 

1899.  Le  Mendet  de  la  Jugannière,  avocat,   rue  Fléchier,  16. 

1564.  Lemierre  (Adrien),  représentant  de  commerce,  rue  du  Champ- 
de- Foire,  55. 

1074.  Len'hardt,  docteur- médecin,  boulevard  de  Strasbourg,  60. 
I     1785.  Lentz  (Flermann),  négociant,  de  la  maison    Metz  et  C'c,  rue 
I  Jules- Lecesne,  32. 

550.  Leprestre  (R.),  commerçant,  rue  de  Paris,  67. 
!      141.  Lbprincb  (A.)  (U  A),  directeur  de  la  C'«   Normande  de  navi 
gation  à  vapeur,  boulevard  de  Strasbourg,  201  bis. 
1603.  Leeat  (Lucien),   courtier,  place  de  l'IIôtel-de- Ville,  23. 
1798.  Leeat  (Albert),   directeur    des    Docks    du    Pont- Rouge,  rue 

Marceau,  2. 
1204.  Lerch   (Henri),    négociant,   de   la   maison    Les    Neveux  de 

J.-G.  Schmidt,  rue  de  la  Bourse,  5* 
455.  Lesaqe  ^,  directeur  de  la  manufacture   des  Tabacs,   rue  du 

Grand-Croissant,  37. 
1790.  Lesaqe  (Gustave),  industriel,  me  des  Ormeaux,  22. 
950.   Leseox  (  A), —  professeur  à  rÉr-olc   primaire  supérionre   «le 

garçons,  rue  Dicquemare,  1. 

SOCflÉli  Dl  «AoaBAPHIB.  II 


XVIII  LISTE   GÉNÉRALE   DES   MEMBUES 

2021.,Lbsmèb  (Louis)  ^,   capitaine  du  génie,  rue  du  Champ -de- 

Foire,  76. 
1233.   Lbtellikb  (Léon),  courtier,  juge   au  Tribunal  de  Commerce, 

place  Jules- Ferry,  9. 
1122.   Le  Tourneur  (Victor),  négociant,  rue  Franklin,  19. 
1266.   Levêque  (Delphin),  rentier,  rue  de  Normandie,  1. 
1819.   Levesque  iPaul),  négociant,  quai  d'Orléans,  59. 
1082.    Lévy   (Lucien),     courtier    d'assuninces,   juge    suppléant    au 

Tribunal  de  Commerce,  palais  de  la  Bourse,  escalier  F. 
1976.   LÉVY.  marchand  tailleur,  rue  de  Paris,  129. 
843.  Lièvre  (Daniel),  commissaire  de  l''^^  classe  des  Troupes  colo- 
niales, à  Nouméa  (Nouvelle-Calédonie). 
1962.   LoGRE,  capitaine  au  long  cours,  agent  de  la  C»«  des  Chargeurs— 
Réunis  t'i  Saigon  (Cochinchine). 
153.  LoiSEAU  (Paul),  négociant,  boulevard  François-I",  86. 
812.   LoiSËAU  (Georges),  avoué,  ^  Bourg  (Ain); 
1710.   LoiSKL  (Achille),  chancelier  du  consulat  de  Belgique,  rue  de 

TAtlus,  14. 
1967 .  LoTZ  (Rodolphe),  maison  Latham  &  C»',  rue  Victor-Hugo,  145. 
155.   Louer  (Jacques)  *|J*,  rentier,  boulevard  François-I*"",  92. 
1729.   Luce  (Charles),  employé  de  commerce,  maison  Loiseau  &  Bar- 
rai, rue  du  Cliilou,  34. 
382.   LucY  (A.),  ingénieur  aux  Forges  et  Chantiers  de  la   Méditer- 
ranée, rue  Saint-Michel,  28. 

1430.  Luth  Y,  négociant,  boulevard  de  Strasbourg,  130. 

1431.  Macleod  (John),  boulevard  François-I*',  1. 

1778.   Macleod  (M«o),  propriétaire,  boulevard  Maritime,  102. 
1542.   Madklaine  (Eug.),  courtier^  rue  Anfray,  11. 
6S8.    Maillart  (Th  )  (^  A),  entrepreneur,  maire  de  la  Ville  du  Ha 

vre,  rue  Victor-Hugo,  135. 
180.   Mallet  (M"»«).  rentière,  rue  de  TOrangerie,  37. 
728.   Malon  (G.)  ^,  sous-directeur  de  la  C'«  Havraise  Péninsulaire 

de  Navigation    à   vapeur,  place   de  l'Hôtel-de-Ville,  26. 
1224.  Mancheron  (René),  courtier,  place  Jules- Ferry,  8. 
571.  Marande  (Léonce),  négociant,  quai  d'Orléans,  45. 
1026     Marande  (Charles- Auguste),  négociant,  administrateur  de    la 

Compagnie  Coton nièrc,  rue  Saint- Roch,  13. 
1303.   Marande   (Victor),  courtier,  maison  Ch.  Colchen,  rue  Jules- 

Lecesne^  32. 
401 .   Marcel,  négociant-armateur,  place  Jules-Ferry,  8. 
1716.   Maréchal  (Henri),  courtier,  place  do  l'Hôtel-de-Ville.  19. 


MEMBRES   TITULAIRES  XIX 

1784.  Marie  (Loois),  courtier,  rue  Gustave- Flaubert,  11. 
166.  Martin  (Albert),  de  lu  maidoo  Gu8t.  Ësbraa,  quai  d'Orléans, 59. 
1232.  Martin  (Emile),  greiHer  du  Tribunal  de  commerce,  Palais  de 

Justice. 
1183.  Martin-Dupont  ^,  médecio  principal  dtî  la  Marine,  en  retraite, 

chef  du  service  médical  de  la  C'«  G^«  Transatlantique,  rue 

Thiers,  20. 
2009.  Masqublisr  (Aug.i,   négociant,  membre  de  la  Chambre  de 

commerce,  rue  Jeanne- Hachette,  2. 
1737.  Massera  (Ricardo),  consul  de  l'Uruguay,  place  de  l'Hôtel-de- 

VUle,  15. 
1948.  Massoni    ^,    administrateur   en  chef,    chef  de  Tlnscription 

Maritime,  arsenal  de  la  Marine. 
1743.  Matthey  (G.),  négociant,  rue  Anfray,  8. 
1433.  Mauberi Georges),  négociant,  consul  du  Paraguay,  boulevard 

François-l»',  84. 
1191.  Maze  (Georges),  négociant,  rue  delà  Bourse,  19. 
1848.  Maze  fils  (Georges),  rue  de  la  Bourse,  19. 
1251.  Maze  (Femand),  propriétaire,  rue  Jules- Masurier,  17. 
1188.  Mbckenstock  (L.),  agent  commercial^  rue  de  la  Bourse,  17. 

172.  Ménager  (Edouard),  courtier,  rue  St-Martin,  3. 

1152.  Mêniee  (Henri),  industriel,  rue  de  Châtcaudun,  56,  à  Paris. 

1773.  Mercier  (Christian),  courtier,  rue  Bossnet,  1. 

1471.  Mériot  (G.),  agent  de  la  Société  commerciale  d'affrètements 

et  de  commission,  boulevard  de  Strasbourg,  119. 
1437.  .Mbtz  (F.),  négociant,  rue  Jules- Lecesne,  32. 
l^U.  Meiz  (Valentin),  négociant,  de  la  miison  Napp  &  C'*,  rue  de 

St-Quentin,  59. 
1973.  Mbtz  (Henri\  ingénieur,  courn  de  la  Hépubli  jne,  115. 

173.  Mkura   (Ch.),  courtier,  rue  Scudéry,  5. 

^21.  Mbyer  (Gust.;,  négociant-commissionaaire,  rue  «le  Berry,  51. 
817.  Meter  (E<im.),  assureur,  rue  du  Lieutenant- Evolin,  8. 
957.  Metkr  (Léon)  {Q  A),  courtier,  rue  de  la  Bourse,  31  bis. 
1786.  Meyer  (Raoul),  courtier,  rue  de  la  Bourse.  31  bis. 
834.  Michel  (Gustave),  négociant,    consul    de    la   République   de 
Salvador,  place  Jules-Ferry,  6. 
1901.  Michelin,  directeur  du  Crédit  Lyonnain,  r.  de  S*-Quentin,  21 . 
1507.  Mignot  (Henri),  rue  Guillemurd,  33. 
1528.  MiQMOT  (Gaston),  négociant,  consul  du  Nicaragua,    rue   de  la 

Bourse,  35. 
738.   Mille  (Lucien),  négociant,  rue  de  Bap.iume,  7. 


XX  LISTE   GÉNÉRALE   DES   MEMBRES 

1775.  MocH  (Ernest),  négociant,  de  la  maison  Oppenheîmer  frères, 

boulevard  de  Strasbourg,  146. 
1109.  MoNGiN  (Edouard),  industriel,  avenue  Philippe-Auguste,  40,  à 

Paris. 
1617.  MoNQUiLLoN  (A.),  professeur  à  l'École  primaire  supérieure  do 

garçons,  rue  Dicquemare,  1 . 
727.  MoNSALLiEK  (L.),  assureur,  rue  de  la  Bourse,  31  bis. 
1857.  MoNscouuT   (Emile)    (^)|  A),    professeur   au  Lycée,  rue   de 

Mexico,  27. 
564.  MoREAU  (A.),  propriétaire  du  Grand  hôtel  de  Normandie,  rue 

do  Paris,  106. 
1538.  MoROAND  (P.)  (^  A.), négociant,  juge  a  uTribunal  de  commerce, 

place  de  riIôt<?l-de-Ville,  24. 
409.   MossELi.MANN  (le  comte),  capitaine  au  long-cours. 
1696.    MonîKi.  (M^'«)    (^1  A),  directrice  de  l'École  primaire  supé- 
rieure de  filles,  rue  Joinville,  15. 
1608.  Mulot  (GusIjivo),  de  la  maison  Gustiive    Michel   fils,    place 

Jules-Ferry,  ô. 
177.  MuNDLER  (H.)  (Q  A),  négociant,  rue  François-Millet,  24. 
647.   MuRAT  (Joseph),  employé  de  commerce,  rue  Fontenelle,  15. 
1824.   Napp  (Jean),  négociant,  rue  de  Saint-Quentin,  59. 
1606.  Narcy  (Ph.),  notaire,  boulevard  de  Strasbournr,     ). 
1997.  Naudé,  ingénieur  à  la  Compagnie  duGaz,  ruePhilipp:-  Lcbon  ^ 

29. 
1291.  Noël  (J.),  courtier,  rue  Anfray,  8. 
1987.  NoisErrE   (Emile),    ingénieur,    directeur  des  établissements 

Schneider,  boulevard  d'Hurflenr,  33. 
287.  Normand  (A.)  (0  i/J*)    ^,  constructeur   de  navires,   rue  du 
Perrey,  67. 
1985.  NoR>fANi)  (Mlle  Euiilie),  rentière,  boulevard  Franco iH-Io»-,  27. 
1057.  NoRTz  (E.),  négociant,  rue  Fontenelle,  29. 
193.   OniNET    (René)    *    (G  0  ^f  |     >{<;}»,    négociant-arin iteur, 
conseiller  d'arrondissement,  consul  de  Perse^   boulevard   de 
Strasbourg,  117. 
1031.  Odinkt  (Georges)  [Q  X)  (0  »>),  négociant,  chancelier  du  con- 
sulat de  Perse,  boulevard  François- I<^r,  97, 
1983.   OwEN  BuRBiDGK  (Rev'-E.),  rue  Palestre,  4,  à  S'^-Adresse.    ' 
1950.   Paon  (Alph.),   directeur  de  la  Q'^^  havraisc  des  Magasins-Gé- 
néraux, rue  Marceau,  48. 


MEMBRES    TITULAIRES  XXI 

1939.  Paris  (Edgard),  2«  commis  à  la  direction  des  Douanes,   rue 

AngTistin- Normand,  104. 
744.  Pelard  (Frédéric),  courtier,  rue  de  lu  Bourse,  28, 
1827.  Pelissibr,  (y  A)  professeur  au  Lycée,  rue  des  Qobelina,  38. 
204.  Perquer  (F.)  Pîi,négociant-armateur,  consul  de  la  République 

de  Costa-Rica,  rue  du  Chilou,  1. 
1041.  Perquer  (Paul),  courtier,membre  de  la  Chambre  de  commerce, 
place  Jules-Ferr\',  8. 

1481.  Pesle  (René),  agent  commercial,  quai  d'Orléans,  37 

1794.  PfiSLE  (iiobert),  négociant,  rue  d'Éprémesnil,  66. 

1933.  iE8 LE  (Alfred),  courtier,  rue  de  la  Bourse,  34. 

2000.  Pesle  (André)^  agent  commercial,  palais  de  la  Boarse,  esc.  C. 

1809    Petet  (Victor),  chef  de  gare  adjoint,  quai  du  Tonkin. 

873.  Petit  (Guillaume),  négociunt,  président  du  Tribunal  de  com- 
merce, membre  de  la  Chambre  do  commerce,  maire  de  Blé- 
ville,  rue  Doubet,  4. 

1455.  Petit  (Emile),  courtier,  rue  de  la  Bourse,  32. 

1090.  Pézeril  (L.),  avocat,  boulevard  de  Strasbourg,  91. 

1498.  Pfister  (Gustave),  négociant,  rue  Félix-Santallier,  17. 

464.  Philbert  (Jules),  banquier,  rue  delà  Paix,  7. 

''("ô.  PuiLBKRT  (H.),  courtier,  rue  Jules-Janin,  8. 

1844.  Philippe  (Aug.),  négociant,  rue  do  la  Ferme,  25. 

1496.  PiuAULT  (Pascal),  courtier,  maison  J.  Durand*  Vicl,  rue   delà 
Bourse,  28. 

1812.  Piix)N  (E.)  (0  »{<),   secrétaire   général  des  Docks  Entrepôts, 
quai  de  Marseille. 

1931.  piNCZON,  ingénieur  en  chef  des  Chargeurs-Réunis,  boulevard 
François  I",  139, 

1823.  Pineau  (Henri),  rentier,  rue  do  Tourneville,  63. 

1264.  PipEREAU  (Jjucien),  arbitre  de  commerce,  rue  Jules-Lecesne,  43. 

1599.  Plichon  (Gaston),  négociant,  rue  de  la  Gaffe,  6. 

5^59.  Plum  (Paul),  assureur,  place  de  THôtel-de-Ville,   11. 

475.  Poi devin  iP.),  rue  de  la  Comédie,  35. 

li*74.  PoiDviN  (Jules),  professeur  à  l'École  pi imaire  supérieure  do 
garçons,  rue  de  Paris,  70. 

1502.  PoLET  IR.)  i^  A)j  assureur,  rue  Thiers,  20. 

742.  PoLETTi  (H.),  de  la  maison  Joannès  Couvert,  rue  de  la  Bourso, 
31  bis. 
]?36.  J*0RN1N  (El),  de  la  maison  André  Dupâquier,  rue  delà  Bourse, 

59  btB. 
1661.   PoTRL  (Ch.),  docteur-médecin,  C'«G>»  TranBatlantifpie. 
203.    PoL-LRT  (Edgard),  caisHJer,  rue  dn  Perrey,  162, 


XXJl  LISTE    GENERALE    DES    MEMBRES 

1391.  PouPKL-(Emm.),  architecte,  pîace  de  THôtel-de- Ville,  I. 
747 .   PowiLKWioz  (Q  A)  •!•,  doctenr-médecin,  rue  de  Ste- Adresse,  20 
1845.  Prentout  (G.)  (i]^  A),  régisseur  de  biens^  rae  Anœlot,  5. 
435.  Preschez  (E.),  avoué,  rue  Jules-Lecesne,  28. 
1998.  Prêtes  (H.),  directeur  du  Comptoir  National  d'Escompte  de 

Paris,  rue  de  la  Bourse,  2. 
1296.  Prob8T,  agent  commercial,  maison  P.  Perquer,  place  Jules- 
Ferry,  8. 
803.  Procopb  (E.).  négociant,  rue  Frédéric-Lemaitre,  28. 
1897.   Proficuet,  docteur-médecin,  rue  du  Gfênéral-Faidherbe^  5  bis 
882.  Pdsinelli  (Jacques),  négociant,  rue  Victor-Hugo,  188. 
799.  Quesmel  (Charles),  négociant,  place  de  THÔtel-de- Ville,  3. 
1244.  QuBSNEL  (Alfred),  rentier,  rue   Marie-Talbot,   21,  k  Sainte- 
Adresse. 
938.  QuoiST  (Georges-D.),  imprimeur,  rue  du  Chilou  11. 
1995.  Raisin  (E  ),  au  consulat  du  Brésil,  boulevard  François-I**,  61 . 
863.  Baubsbt,  principal    clero    de  M«  Bach,   notaire,  place  de 

rHÔtel-de-ViUe,  24. 
414.  Bamelot  (Eugène)  (Q  I.},  représentant  de  commerce,  mem- 
bre de  la  Chambre  de  commerce,  rue  des  Pénitents,  34. 
548.  Raoxtl-Duval  (Edmond),  négociant,  rue  Féliz-Faore,  49. 
840.  Begnieb  (Ernest)^  administrateur-déUgué  du  Crédit   Havrai« 

boulevard  de  Strasbourg,  79. 
1575.  Reibeb  (C),  courtier,  rue  de  la  Bourse,  17. 
1153.  Rbinhart  (Gustave),  négociant,  juge  suppléant  au  Tribunal  de 

commerce,  palais  de  la  Bourse,  escalier  B. 
281.  Rknout  (V.)  ^,  ingénieur  des  Ponts  et  Chaussées,  en  retrai- 
te, boulevard  François-I",  69. 
940.  RiCHBR  (Emile),  négociant,  rue  SufEren,  11. 
1451.  RiCHER  (F.),  de  la  maison  Dévot  &  C'«,  r.  de  Saint-Quentin,  7. 
1196.  RiHAL  (Narcisse),  négociant,  boulevard  de  Strasbourg,  162. 
1802.  KiHAL  (Gustave),  négociant,  rue  Gustave-Flaubert,  6. 
1984.  RiNCHEVAL  ^,  directeur  des  Douanes,  rue  de  la  Gaffe,  2. 
208.  RiSPAL  (Auguste)  ^,  sénateur,  membre  de  la  Chambre  de 

commerce,  boulevard  de  Strasbourg,  25. 
1776.  Riss  (Alphonse),  de  la  maison  Lefebvre  et  Chardin,  boulevard 

de  Strasbourg,  58. 
1453.  Robert  (Auguste),  courtier,  rue  Victor<Hugo,  151. 
1609.  RoBiT.LARD  (Emile), représentant  de  commerce,  rue  des  Fermes, 

&  S<«-Adre88e. 
1970.  RoBiNsoN (Georges). agent demaisoDs étrangères,  rue Aii£ray,4. 


/ 


MEMBRES   TITULAIRES  XX1I1 

209.  fiocHB  (J.)f  photographe,  place  Gambetta,  18. 

358.  Rœdereb  (Jules),  Dégociunt,  conseiller  général,  membre  de  la 

Chambre  de  commerce,  me  Casimir-Pôrier,  6. 
1742.  Bi)iDERCR  (Léon),  négociant,  rue  Félix- Faure,  31. 
629.  Roger  (0  ^),  ingénieur,  chaussée  des  Etats-Unis,  15. 
642.  KoGBR  (Jules)  ^,  docteur-médecin,    boulevard  François-I«>') 

118. 
1902.  Rosi  AIN  (Casimir),  rentier,  rue  des  Marches. 
1709.  BoNOT  (Emile),  directeur  de  la  Commercial  Cable  Cy,  boule- 
yard  de  Strasbourg,  112. 
404.  RosB  itf  Mcrétaire    du  Comité  des  assurances  maritimes, 
palais  de  la  Bourse,  escalier  B. 
1928.  Rougbt-Marseillb  (A  Q), fondé  de  pouvoirs  de  la  Recette  des 

Finances,  passage  Lecroisey,  9. 
1942.  RouRE  (M^i*  Alice),  professeur  à  TÉcole  pratique  de  Commerce 

et  d'Industrie,  rue  du  Lycée,  71. 
1903.  RoussBLiN  (Léon),  régisseur  de  biens,  rue  Gôricault,  15. 
987.  Ronx  (François),  capitaine  au  long  cours,  rue  des  Pénitents,  29. 
1387.  RUAULT,  rentier,  rue  d'Épréiuénil,  39. 
1238.  RcD  (J.)»  négociant,  boulevard  de  Strasbourg,  118. 

1222.  RuTENACHT  (Jules),  agent  commercial,  palais  dd  la  Bourse, 

rue  Dupleix. 

1223.  RuFXNAOHT(£douard),courtier,  palais  de  la  Bourse,  Escalier  D. 
1059.  Sabathier  (P.)i  ingénieur  civil,  inspecteur  du  bureau  Veritas, 

rue  FicpuB,  2. 

981.  SaUQUBT  (Femand),  négociant,  membre  de  la  Chambre  de 

commerce,  consul  des  Pays-Bas,  rue  Victor-Hugo,  134. 
1639.  Savarin  (A.),  négociant,  place  Carnot,  4. 
19.^.  Savary  (A.),  arbitre  de  commerce,  rue  de  Normandie,  fiô. 
1133.  ScHARTTNER  (W.),  courtier,  rue  de  la  Bourse,  29. 
1258.  Schlagdenhaofbn  (F.),  courtier,  rue  Géricault,  4. 
1704.  ScHLiBNGBR  (Arthur),  négociant,  rue  Jules- Lecesne,  46. 

259.  ScHMiiT  (Victori,  assureur,  rue  du  Chilou,  1. 

864.  ScHMiTZ  (Alfred),  négociant,  place  Carnot,  4. 
1284.  Schneider  (Ferd.),  représentant  de  maisons  étrangères,  me  de 

la  Bourse,  21. 
1620.  ScB RODER  (Edouard),  courtier,  rue  do  la  Bourse,  21. 

726.  ScHWOB  (Paul),  négociant,  quai  dOrléans,  25, 
1906.  Sebliobr  (Ed.),  agent  commercial,  28,  rue  de  la  Bourse* 

811.  SsiONBUBâ  (Ernest),  négociant,  rue  Augustin- Normand,  2« 


XXtV  LISTE    GÉNËHàLE   DES   MEMBRES 

1449.  SÉNÉCART  (A.),  courtier,  rue  Victor-Hugo,  138. 

1341.  Senn  (Olivier),  négociant,  administrateur   de   la   Compagnie 

Cotonniôre,  palais  de  la  Bourse,  escalier  £. 
1613.   Senn  (Maurice),  courtier,  rue  de  la  Bourse,  23. 
663.  SiEBER  (H. -A.),  propriétaire,  rue  S*-Honoré,  352,  à  Paris. 
220.  SiKGFRiED  (Jules)  (0^)    (y  A),  député  du  Havre,  rue  Félix- 
Faure,  22. 

225.  Siegfried  (Jacques)  (0  ^)  (0  ♦),  propriétaire,  au  château  de 

Langeais  (Indre-et-Loire). 
633.   Siegfried  (Ernest),  négociant,  rue  Félix-Faure,  50. 
1601 .   Siegfried  (Jules)  fils,  industriel,  me  Demidoff,  40. 

226.  SiEURiN  (H.),  négociant,  rue  Jules-Lecesne,  58. 

1559.  SiGAUDY  (P.),  *,  ingénieur  en  chef  des  Forges  et  Chantiere 

de  la  Méditerranée,  me  Quy-de-Maupassant,  2. 
1986.  SiQAUDY  (Mlles),  rentières,  place  de  l'Hôtel -de- Ville,  29. 
1972.  Simon,  docteur-médecin,  boulevard  de  Strasbourg,  148. 
1352.  Six,  négociant,  rue  Trigauville,  39. 
1884.  Smerling  (F.),  négociant,  rue  Victor-Hugo,  179. 
1265.   Société  des  anciens  élèves  de  TÉcole  supérieure  de  Commerce 

boulevard  François-I**^,  58. 
J618.  Société  d'Éducation  populaire,  me  Dicquemare,  1. 
1920.  Société  de  rEnseigneinent  scientifique  par  l'Aspect,   rue  da 

Canon,  26. 
1265.  SoGLET  (J.),  ingénieur,  directeur  de  la  C^»  Ql*  française  des 

Tramways,  me  Michel- Yvon,  7. 
1174.  Souque  (Albert),  avoué,  place  Carnot,  6. 
1762.  Staeheux  (Willy),  quui  d'Orléans  39. 
387.  Stem  PO  wsKi,  représentant  de  commerce,  me  Jules-Leceene,  68. 
229.  Taoonet  (Maurice),  courtier  maritime,  membre  de  la  Cham- 

bre  de  Commerce,  Grand-Quai,  67. 
632.  Taconet  (Pierre),  assureur,  quai  d'Orléans,  37. 
1120.  Taconet  (Robert),  assureur,  quai  d'Orléans,  37. 
1815.  Talbot,  professeur^  impasse  Massieu-de-Clerval. 
2013.   Trurterie  (E.j.  négociant,  rue  St-Roch,  27. 
1777.  Thiboumery  (André),  courtier  maritime,  rue  de  Fécamp,  29. 
1374.  Thieullent  (Henri),  négociant,  rue  lliiers.  126. 
713.  Thillard  (Henri),  greffier  eu  chef  du  Tribunal  civil,  me 

Thiers,  124. 
638.  TuoMAS  (Charles),  négociant,  rue  Bernardin-de-St- Pierre,  5. 
1699.  Thomas  (A.),  électricien,  boulevard  de  Strasbourg,  67. 


MEMBRES      TITULAIRES  XXV 

1317.  Thon  (Valentin),  employé  de  commerce,  maison  Napp  et  C^', 
roe  de  Saint-Quentin,  59. 

1684.  Toussaint  (M.),  avocat,  rue  Qustave-Cazavan,  31. 

1086.  TouTAiN  (Laurent),  conrtier  d'assurances,  palais  de  la  Bourse, 
escalier  F. 

2003.  TRAUMikNN  (Emst),  de  la  maison  Kronheimer  et  G^^  boule- 
vard de  Strasbourg,  55. 

348.  Trouvât  (G.),  commerçant,  rue  Victor-flugo,  149. 

232.  Turbot  (A.)  [Q  I),  courtier,  place  Jules- Ferry,  9. 

233.  TuRPiN  (Georges;,  négociant,  rue  Franklin,  23.  ^ 
246.  Van   dib   Vsldb   (P.),    négociant,    palais    de    la   Bourse 

escalier  C. 
1846.  Vanibr  (Ferd.),  négociant,  rue  Chaptal,  6. 
1916.  Vanieb  (JulesJ,  négociant^  rue  du  Cliamp-de-Foire,  34. 
1235.  Vabnier  (Louis)^  négociant,  rue  Caligny,  1. 
1^.  Vassia  (E.),  ^,  vice-consul  d'Italie,  rue  Lemaistre,  6. 

1763.  Vatinel  (Charles),  comptable,  rue  de  Pardieu,  II. 

1450.  Vbbqkk,  chef- mécanicien,  place  Gambetta,  18. 

1443.  Yek8PBEBUWEi(  (Hermann)  iî<  ^  >{<«  négociant,  consul  de  Bel- 
gique, de  rÉtat  indépendant  du  Congo  et  de  Libéria,  bou- 
levard de  Strasbourg,  124. 

632.  Vézih  (Joseph),  capitaine  au  long  cours,  rue  des  Petits-Champs, 
31,  à  Paris. 

1979.  Vidal  (Edmond),  courtier,  rue  Victor-Hugo,  136. 

VJùO.  Vjejra  I)A  Silva  (Joao),  ^,  consul  général  des  Étuts-Unis  du 
Brésil,  rue  de  la  Bourse^  30. 

1612.  ViONÉ,  docteur-médecin,  à  la  C''^  G*«  Transatlantique,  Grand- 
Quai,  65. 

1996.  ViGOUROUs  (Mlle  Marie- Louise),  élève  à  la  section  normale  de 
l'Ecole  Pratique  de  Commerce  et  d'Industrie,  rue  J.-B.- 
Eyriès,  16. 

1456.    ViLLEB,  négociant,  rue  Doubet,  17. 

1925.   Violette,  administrateur  de  Sociétés,    boulevard  de  Stras- 
bourg, 124. 
240.   VioLLETTE  (A.),  courtier  inaritimo,  membre  de  la  Chambre  de 
commerce^  Grand-Quai,  47. 

1715.  Walch  (Gilbert),  avocat,  rue  du  Cliamp-de- Foire,  57. 

1754.  Wannkr  (Emile),    consul   de    lu    Confédération   Suisse,    rue 

Guillomard,  84. 
d^5.    Wkissekbubqeb  (Th.).  propriétaire,  rue  de  TObsorvatoire,  29. 

1988.   Wk(.ter  (Jean),  ingénieur,  rue  St-Hoch,  7. 

1886«    Westphaleu  (Maurice),  négociant,  place  Carnot,  10. 


XXVI  LISTB    GÉNÉRALE   DBS   MEMBRES 

243.  WiNDBSHBiM  (Ë.),  négociintf  rue  des  Brindes,  12. 
2020.   WiNNABRT  (Louis)    inspecteur  sédentaire  des  Douanes,  rue  de 

la  Gaffe.  2., 
615.  WiNNiNU  (James),  agent  de  la  C**  Gunard,  quai  d'Orléans,  23. 
1313.  WrrroRSKi  (Louis),  courtier,  rue  Fléchior,  1. 
1698.  WooLLBi^r  (A.)  (Q  A),  compositeur  de  musique,  rue  du    Ca- 
non, 20. 
1782.  Ysmel-Fbanqub  (G.),   courtier   maritime,    boulevard    Frao- 

çoi8-I«%  106. 
789.  YsNEL,  négociant,  rue  13onbot,  17. 
886.  ZiBOLBB  (A.),  de  la  miison  Dufay»  Gigandet  et  G**,  rue  Jules- 

Lecesne,  50. 
1750.  ZiKQLKB  (Arnold),  employé  de  commerce,  modes  Pénitenta,  3. 


PUPILLES  XXVII 


LAURÉATS  DU  CONCOURS   DE  GÉOGRAPHIE 
Pupilles   de  la    Société 


MvNDLBR  (Georges)^  rue  François-Mil iet,  24. 

Malahdajn  (Ql),  rue  Frédéric- Bellanger,  38. 

RscHEB  (Edouard;,  rue  Gustave-Flaubert,  enclaye  des  Péni- 
tents. 

Gazbngbl  (Arthur),  boulevard  de  Graviile,  502,   Graville- 
Ssinte-HoDorine . 

GoÉBOUT  (Marcel),  boulevard  Amiral-Mouchez,  114. 

Lakokvin  (Léon),  me  d*Étretat,  88. 

FuLOEXCS  (L),  chez  MM.  Guibert&Co,  110,  Charing  Cross 
Road,  Londres,  W.  C. 

Bbakdalâ  (Lucien),  me  Bellot,  20. 

Vaillaht  (Etienne),  ras  SainWulieo,  11. 

LuuT  (Bobert),  rue  Marceau,  2. 
M^«*  Maillabd  (Marie),  rue  Louis- Philippe,  24. 

Gampabt  (Suzanne),  me  Ernest- Renan,  25. 

ToSTAin  (Berthe),  rue  Lefèvreville,  6. 

DUBOSO  (Jeatine),  me  de  la  Liberté,  32,  à  Sanvic. 

T06TA.1M  (Eugénie),  me  Lefèvreville,  6. 

Sahsoh  (Valentine),  me  Lesueur,  128. 

MiCHBL  (Jeanne),  passage  Henri  Vigor,  à  Hanvic. 

Amiabd  (Hélène),  me  Dugay-Troum,  23. 

Reine  (Germaine),  me  du  Champ-de-foire,  67. 

Pigeon  (Madeleine;,  passage  de  la  rue  Verte,  2. 

Dupont  (Renée),  rue  de  Norinauvlie,  42. 


SOCIÉTÉS,  REVUES,    JOURNAUX,  ETC. 
Avec  lesquels  la  Société  fait  l'échange  des  Publications 


FRANCE    ET    COLONIES   FRANÇAISES 

Paris  —  Société  de  géographie.  Société  de  géographie  commerciale 
Société  de  topographie.  Association  philotechnique.  Société  d'éco- 
nomie politique.  Société  des  études  coloniales  et  maritimes.  Société 
d'encouragement  pour  le  commerce  français  d'exportation.  Alliance 
française.  Société  française  de  colonisation.  Chambre  syndicale  des 
négociants-commissionnaires  et  du  commerce  extérieur.  Un  ion  colo- 
niale française.  Comité  de  l'Afrique  française.  Comité  de  1* Asie 
française.  Comité  de  Madagascar.  Institut  géographique.  Société 
nationale  d'agriculture.Union  française  de  la  jeunesse.  Association 
générale  des  étudiants. Union  amicale  des  anciens  élèves  de  TÉco- 
le  supérieure  de  commerce.  Chambre  de  commerce.  Bibliothèque 
nationale.  Ministères  de  la  Guerre,  de  la  Marine,  de  rintérieuj. 
du  Commerce  et  de  l'Industrie,  des  Travaux  publics,  des  Affaires 
ÉtraugèreSfde  l'Instruction  publique  et  des  Beaux-Arts,  des  Colo- 
nies.— Revue  maritime^  Moniteur  officiel  du  commerce,  Feuille  de 
renseignements  de  l'office  Colonial^Bulletin  de  renseignements  co- 
loniaux, Paris^Canada^  La  Finance  coloniale,  Le  Moniteur  des  Co- 
lonies  et  des  Pays  de  protectorat,  Bulletin  de  l'Office  de  renseigne- 
ments généraux  et  de  colonisation  du  gouvernement  général  de 
l'Algérie,  Les  questions  diplomatiques  et  coloniales.  Le  Maroc/ran* 
gaie.  Le  Courrier  d!* Extrême-Orient.  L'Action  coloniale» 

Départements.  —  Sociétés  de  Géographie  de  Bordeaux,  Bourg;^ 
Bourges,  Brest,  Dijon,  Douai,  Dunkerquo,  Laon,  Lille,  Lorientf 
Lyon,  Marseille,  Montpellier,  Nancy,  Nantes,  Toitiers,  Rochefort« 
Rouen,  Saint- Nazaire,  Toulouse  et  Tours. La  France  coloniBatrice, 
(Rouen).  Société  havraise  d'Étudcn  diverses.  Société  géologique 


50CIBTES,    REVUES,    JOURNAUX,    ETC.  XXIX 

deXormandie  (Ha\rre).  Sociétés  industrielles  d'Amiens,  Elbeuf^ 
Roneo,  et  Reinis.  Association  des  anciens  élèves  de  l'École 
«iprieare  de  commerce  et  de  tissage  de  Lyon.  Société  des 
Scitnces  naturelles  de  Tarare. Cercle  d'études  des  employés  de  bu- 
rfdQ  havrais.  Chambres  de  commerce  du  Havre,  Bordeaux,  Mar- 
seille, Nantes,  Lyon.  Musée  commercial  de  Rouen.  Les  Mis- 
iions  catholiques  (Lyon).  La  Loire  navigable  (Nantes).  Revue  de 
Ugislation  des  mines  en  France  et  en  Belgique  (Lille). 

Colonies  Françaises. —  Sociétés  de  géographie  d'Alger,  Oran, 
Tunis. Comice  agricole  de  Médéu. Direction  de  l'Agriculture  et  du 
Commerce  de  la  lîégence  de  Tuni».  Bulletin  économique  de  l'Indo- 
Chine  Saigon).  Société  des  Ét'ides  Indo-Chinoises  de  Saigon 
Cliambrede  commerce  de  Saigon.  Journal  officiel  du  Congo  fran- 
çais (Libreville).  Journal  ujfirUl  des  Possessions  du  Congo  français 
(t  dèiieiulunces  du  Moyen- Congo  (Brazzaville)  Journal  officiel 
itUadagascnr  et  dépendances.  Supplément  Commercial  et  Agri- 
cole (Tamatave  et  Côte  Est).  Bulletin  économique  de  Madagascar, 
Journal  officiel  des  Établissements  français  de  /  Océûni>(Papeete). 

EUROPE 

AHemagne  —  Sociétés  de  géographie  de  Berlin,  Brome,  Greifs- 
1      «"aM,  Hanovre,  Hambourg,  léna,  H allc-sur-Saale, Leipzig,  Munich, 
i      Dre:rde,  Kœnigsbçrg,   Cassel,  Lul>cck,   Stuttgard,   Stettin,  Franc- 
fort aur-le-Mein,  Metz.  Musée  Colonial  Allemand,  Berlin.—  Deuts- 
che Kolonial  Zeituny  (Berlin). 

intriche-Hongrie.  —  Sociétés  de  géographie  du    Buda-Pest,  Mu- 
Hernii  d'Histoire  naturelle  (Vienne).  D*6    Weltwirtschaft  (Vienne)  . 

Belgique.  —  StHriétés  de  géographie  de  Bruxelles  et  d'Anvers, 
Cvrcle  des  anciens  étudiants  de  l'Institut  supérieur  de  commerce 
<r.\nvers.  Chambre  de  commerce  d'Anvers.  Institut  colonial  inter- 
national'Bruxelles).  Société  d'Etudes  coh)niales  (Bruxelles).  Fédé- 
ration pour  la  défense  des  Intérêts  belges  à  l'étranger  (Bruxelles). 
!^  mouvement  géographique  (}ivn\e{[^^ii\.  Missions  en  Chine  et  au 
Co»J^O(  Bruxelles). 


16.  —  S<K'iétt'î  de  Géographie  de  Madrid. 
es  Britanniques.  -Sociétés  de  géographie  de  Londres,  Liverpool. 


XXX  SOCIETES,    REVUES,    JOURNAUX,    ETC 

Manchester,    Newcastle-snr-Tine.    Edimbourg.     Institut  impérial, 
(Londres).  —  La  Gaceta  Sud-Americana  '^Londres). 

Italie.  —  Sociétés  de  géographie  de   Rome,  Milan,  Naples   et  Flo- 
rence. 

Pays-Bas.  —  Société  de  géographie  d'Amsterdam. 

Portugal.  —  Société  de  géograpliie  de  Lisbonne,  Association  com- 
merciale de  Porto. 

Roumanie.  —  Société  de  géographie  de  Bucarest. 

Russie.  —   Sociétés  de   géographie  do  Saint-Pétersbourg,   Vilna, 
Orembourg,  Moscou,  Helsingfors,  Club  alpin  de  Crimée  (Odessa). 

Suède  &  Norvège.  —  Sociétés  de  géographie  de  Stockholm  et  de 
Christiania.  Société  des  touristes  suédois  (Stockholm). 

Suisse.  —  Sociétés   de   géographie   de    Berne,  St-Gall,  Neuchâtel, 
Genève,  Hérisau,  Aarau.  Société  des  anciens  élèves  de  TEcole  supé 
rieure  de  commerce  de  Genève. 


ASIE 

Caucase    —  Société  de  géographie  de  Tiflis. 

Sibérie.  —  Société  de  géographie  d'Irkoutsk. 

Inde.  —  Société  de  géographie  de  Calcutta. 

Indo-Chine.  —  Société  de  géographie  de  Singapore. 

Japon.  —  Société  de  géographie  de  Tokio.  Société  alleuiande  d*hif- 
toire  naturelle  &  d'anthropologie  de  Tokio. 

AB^RIQUE 

Ég3rpte.  —  Société  de  géographie  du  Caire. 

AMÉRIQUE 
Canada.  —  Sociétés  de  géographie  de  Winnipeg,  Québec  et  Ottawa. 


SOCIETES,     RBVUBSy    JOURNAUX,  BTC  XXXI 

Êtats-UniB.  —  Sociétés  de  géographie  de  New-Yirk  et  de  San- 
Francîsco.  Topeka  (Kansas).  Département  de  l'Agriculture  (Was- 
hington). Siuithsonian  Institution  (Washington).  Pilot  Charl  of  the 
narth  atlantic  Océan  (Washington). 

Hezique.  —  Société  scientillque  «  Antonio-Alzate  »  k  Mexico, 
Chajiihre  do  couimerce  française  de  Mexico.  Observatoires  astrono- 
miques de  Tacubaya  et  de  Mexico. 

Salvador.  —  Observatoire  astronomique  et  météorologi((ue  de  San 
Salvador. 

Coita-Rica.  —  Institut  physico-géographique  national  (San  José). 

Brésil.  —  Sociétés  de  géographie  de  Rio-de- Janeiro  et  de  Bahia. 

Uruguay.  —  Chambre  de  commerce  française  de  Montevideo.  — 
ÂnaUs  del  Departemento  de  Ganaderia  y  AgricuUura  de  la  Repu- 
bliea  0.  dcl  Uruguay  (Montevideo). 

Pérou.  —  Société  de  géographie  de  Lima.  Chambre  de  commerce 
française  de  Lima. 

CShili.  —  Société  scientifique  allemande  de  Santiago. 

Sépublique  Argentine.  —  Cliambre  de  Commerce  française  de 
Bi^;n««K- Aires.  Scxîiétés  de  géographie  de  Buenos- Aires  et  de 
Co«";irja.  Société  scientifique  argentine  de  Buenos- Aires.  Direction 
géccrale  de  Statistique  nmnicipale  de  la  ville  de  Buenos- A  ires. 
Département  national  de  statistifjue,  à  Buenos-Aires.  lioletin  de 
Àçticu'iura  y  Ganaderia  (Buenos- A  ires). 


OCÉANIE 


Australie.  —  Sociétés  de  géographie  de   Sydney,   .Adélaïde,    Bris- 
bane,  Mellwurne. 

teva.  —  Société  des  sciences  et  des  arts  de  Batavia.  Société  Indo- 
NeerJandaise  d'agriculture  et  d'industrie  de  Batavia. 


ABONNEMENTS 


Revue  des  Deux  Mondes^  bi-mensuclle. 

Revue  de  Paris,  bi-raensuelle. 

Le  Correspondant,  revue  bi-mensuelle. 

Revue  Politique  et  LiUéraire[RQyuGh\eue),hehdoinQidaïre' 

Revue  FrançaUe  et  de  l  Étranger,  mensuelle. 

Le  Tour  du  Monde, ^onvnal  des  Voyages  et  des  Voyageurs. 

hebdomadaire. 
L'Économiste  Français,  journal  hebdomadaire. 
Revue  de  Géographie,  mensuelle. 
Annales  de  Géographie,  paraissant  tous  les  deux  mois. 
Mitteilungen,  mensuel. 

Les  Annales  Politiques  et  Littéraires,  hebdomadaire. 
La  Nature,  revue  des  sciences  et  de  leurs   applications 

aux  arts  et  à  l'industrie,  journal  hebdomadaire  illustré. 
La  Dépêche  Coloniale  illustrée,  bi-mensuelle. 
La  Dépêche  Coloniale,  journal  quotidien. 


Imprimerie  G.-D.  QUOIST,  11,  rue  tlu  Chllou.  —  HAVRE. 


SOCIÉTÉ 


DE 


GÉOGRAPHIE  COMMERCIALE 


--x'COÇ*^* 


li'IliE    DE    CUBA 


L 


r^  superticie  de  Cuba  est  évaluée  à  118.833  kilomètres 
carrés,  en  y  comprenant  les  petites  îles,  et  sa  population  à 
environ  1.700.000  habitants.  KUe  est  la  plus  grande  des 
Antilles  et  mérite  à  tous  les  points  de  vue  son  surnom  do 
'•  Périodes  Antilles '\ 

La  Sierra  Maestra  ou  chaîne  maîtresse  forme  l'ossature 

de  Cuba.  Klle  commence  parle  promonloir»»  ai^u  du  cap 

de  Cru/,    près  du  large  détroit    ([ui  sép.irj   Cnbà  de    la 

Jamanjue,  son   point    culminant   atteint  2.562  mètres.   A 

l'ouest  de  Santiago  de  (^uba,  elle  perd  son  nom   et  prend 

celui  do  Sierra  del  Gobre,puisde  Sierra  del  (fato,  del  Indio, 

de  los  Giegos,  pour  venir  finir  au  bord  des  marécages  du 

(iuanlonamo.  Toute  l'extrémité  orientale  de  l'île  juscju'au 

c^<p   Maisi  est   sillonnée  de   hauteurs    aux    noms   divers, 

séj);irés  toutefois  delà  Sierra  Maestra  par  une  région  d^'^pri- 

niée.  Toute  la  région  moyenne  de  l'ile  n'est  qu'une  plaine, 

ça   et    là  rehaussée  de  collines   basses  entre  des  marais 

riverains.    D'une  mer  à   l'autre,  de  la  côte  nord  à  la  côte 

sociÉTé  DB  GioGRAPiiiR.  —  1"  trimcslrc  1905  17 


258  l'île  de  cuba 

sud,  distante   de  75  kilomètres  seulement,   aucune  saillie 
vraiment  montagneuse  ne  se  présente. 

Le  plus  important  bassin  fluvial  de  Cuba  est  celui  tîe 
Gautû.  1)3  la  Sierra  del  Gobre  à  la  baie  de  Manzanillo,  son 
cours  est  de  212  kilomètres  seulement, dont  près  de  la  moi- 
tié sont  nnvi^ablos.  Sur  la  côte  nord,  les  deux  rivières  les 
plus  importantes  sont  Sagua  la  Grande  et  Sagua  la  Cliioa. 
Il  y  a  encore  une  in  Uni  lé  d'autres  cours  d'eau  de  peu  d'im- 
portance dont  beaucoup  se  perdent  dans  les  marécages.  Les 
marais  sont  vastes,  surtout  sur  la  cùte  sud,  et  on  peut 
citer  la  grande  cienaga  de  Zapate  qui  se  prolonge  sur  plus 
de  100  kilomètres  entre  les  deux  baies  de  la  Broa  et  de 
Gocbinos  et  constitue  unci  vaste  étondu(;  île  fondrières,  de 
savanes  et  d'eaux  stagnantes. 

Les  rivages  cubains  sont  garnis  d'Ilots  et  de  récifs  qui, 
sur  la  côte  nord,  se  développent  en  rangées  régulières, 
parallèles. 

Cuba  est  située  en  entier  dans  la  zone  tropicale,  mais 
l'étendue  de  l'ile  est  telle  qu'on  o])serve  des  constrastes  de 
climat  assez  notables  en  ses  diverses  parties.  Sur  toute  l'île 
les  vents  du  nord  souillent  surtout  pendant  l'hiver  et  les 
pluies  sont  très  abondantes  en  été,  mais  elles  sont  plus 
abondantes  et  plus  fortes  dans  l'est  (jue  dans  l'ouest  et 
sur  la  côte  nord  ([uesur  la  côte  sud. 

L3  déboisement  qui  a  changé  les  conditions  du  climat 
et  du  sol  a  d  Niu  lé  la  plus  gran  le  partie  de  l'île  et  rem- 
placé les  for.Hs  par  des  fourrés  d'arbustes  épineux  et  do 
liâmes,  dans  les  piels  on  ne  peut  pénétrer  (\ue  la  hache  h 
la  main. 

L'^s  cultures  sont  la  plus  grande  richesse  de  Guba.  La 
premièrtî,  par  ordre  d'imi) ortant^e,  est  cfîlle  de  la  canne  h 
sucre  ({ui  cj'ivre  la  gr.in  1;î  maj:)rilé  des  plantations.  Les 
sui'r^'ries  s  )nt  coueeiiti';'' \s  à  (îiantanamo,  Manzanillo, 
Santiago    (iibara,  SanLa  Glara,   Matan/as.    G'est  la  canne 


\r^ 


l'île  dk  cuiu  261 

blîinclie  Bourbon  qui  est  la  plus  cultivée.  On  a  récolté  en 
\m  plus  de  l.OOO.lXX)  tonnes  et  f  roduit  en  1{X)3  du  sucre 
pour  une  valeur  de  42.08i.lC6  dollars.  On  distille  environ 
lO.ÛOOLarils  de  rhum  dont  le  tiers  est  expédié  dans  l'Anié- 
rique  centrale  et  méridionale. 

Le  tabac  est  cultivé  en  plusieurs  régions  :  Partido, 
Manicaragua,  Villas,  Vuelta  Abajo.  Cette  dernière  montre 
b  plus  superbes  cultures.  La  production  de  1904  a  dû 
dt'passer  largement  25.828.000  kilogrammes  et  la  valeur 
du  tabac  produit  en  1903  s'est  élevée  à  25.475.770  dollars. 

Je  ne  m'étendrai  pas  sur  la  confection  des  fameux  cigares 
delà  Havane. 

La  culture  du  café  est  stationnaire,  la  dernière  année 
nedoit  pas  avoir  donné  plus  que  1.732.084  kilogrammes 
en  1902.  Il  en  sera  récolté  davantage  désormais,  le  café 
cubain  pouvant  maintenant  se  vendre  plus  cher,  par  suite 
delà  surtaxe  établie  sur  tous  les  cafés  étrangers. 

La  culture  du  cacao  est  également  stationnaire  et  n'a 
pasda  donner  plus  que  2.390.104  kilogrammes  en  1803. 

Les  bananes  ont  un  grand  essor  dans  la  province  de 
Santiago,  principalement  à  l'extrémité  est  et  surtout  vers 
Banes  où  se  trouvent  les  plantations  d'une  compagnie 
américaine  puissante,  l'United  Fruit  C^'  et  de  Français 
d origine,  MM.  Dunois  frères.  La  production  s'est  éle- 
vée en  1903  à  28.834.702  kilogrammes-,  dont  99  %  ont 
été  exportés  aux  Etats-Unis.  On  cultive  aussi  l'ananas 
quiappartient  à  le  variété  dite  **de  la  Jamaïque".  En  1904 
la  production  des  ananas  a  atteint  23.478.711  kilogrammes 
dont  99  %  ont  été  exportés  aux  Etats-Unis. 

Il  faut  citer  encore  l'exploitation  des  éponges  qui  à  été 

favorisée  en  1903  par  un  temps  calme  qui  a  accru  la  péché 

Je  la  région   de  Batabano  (960.115  douzaines  en  1903)  ; 

lexploitation  des  bois.  En   190i  de    grandes  pluies  ont 

permis  d'augmenter  les  transports  par  les  rivières,  de  sorte 


262  l'jle  de  cuba 

que  la  i)roduclion  a  dû  dépasser  12.000.000  pieds.  L'expo 
talion  par  les  quatre  principaux  ports  a  atteint  unevalei 
de  600.000(lollars. 

L'élevage  du  bétail  a  été  très  éprouvé  par  la  guerre 
mais  il  est  en  auffuienlation.  Kntre  lin  septembre  1902  à 
190li  sont  venues  H12.()4t  nouvelles  recrues  qui  ont  élevé 
de  28  %  le  total  des  bêtes  à  cornes  qui  atteint  ainsi  1.143.442 
tôtes. 

Le  pays  cubain  est  en  voie  de  relèvement  complet,  les 
communications  se  développent,  des  routes  se  font.  C'est 
une  nouvelle  ère  qui  s'ouvre  et  qui  devrait  intéresser  les 
nations  européennes.  Celles-ci  sont  sur  le  même  pied  au 
point  de  vue  des  droits  de  douane.  Malgré  des  droits  plus 
forts  qu'au  temps  de  l'intervention  américaine,  occasionnés 
par  la  mise  en  vigueur  du  traité  de  réciprocité  avec  les 
Etats-Unis,  la  France  commence  à  développer  ses  affaires. 
Un  accroissement  de  17  %  a  eu  lieu  pendant  les  trois  pre- 
miers mois  de  rannéel904.  Cette  gradation  devrait  s'ac- 
croître. 

La  France  aurait  tout  intérêt  à  songer  à  certaines 
affaires  qui  pourraient  être  créées  avec  fruit  : 

Tout  d'abord  à  la  Havane,  centre  de  distribution  pour 
toute  l'île,  s'imposerait  un  grand  dépôt  de  vins.  Même  la 
qualité  la  plus  commune  se  vend  20  centavos  (Ofr.85)etla 
qualité  courante  de  35  à  40  centavos  (1  fr.  50  à  1  fr.  70).  Ce 
prix  de  la  bouteille  rémunère  largement  des  frais,  Ifr.  75, 
plus  30%  ,  surtaxe  du  5  février,  imposés  pour  l'entrée  de 
toute  barrique.  Un  vin  ordinaire  bien  corsé,  naturel,  lancé 
habilement,  pourrait  supplanter  les  vins  espagnols,  noirSi 
lourds,  chargés  d'alcool,  préjudiciables  à  la  santé  publique; 
La  question  du  \in  n'est  pas  à  d.'uiaigner.  Chaque  année 
entrent  20.000  barriques  dans  la  capitale,  5.000  barriques 
dans  le  reste  de  la  contrée,  et  cette  importation  ne  peut  que 
s'accroître. 


l'île  de  cuba  2(>.M 

On  devrait  créer  cl«»s  dépots  d'huile  d'olive  de  Provence^ 

Reproduits  chiiuiqiies,  de  médicaments,  de  spécialités  qui 

micontreiil  la  confiance  générale  du  public. 

On  pourrait  développer  la  vente  des  articles  de  luxe. 
Puisque  la  fabrication  française  neïglige  la  marchandise 
courante  d*t^xporiation,elle  pourrait  écouler  bien  davantage 
Itsolijets  suivants,  de  plus  en  plus  en  faveur  :  lingerie  de 
iil,  soierie,  modes,  draps  de  costumes,  chaussures  fînes^ 
chaussettes,  parfumerie,  savonnerie,  parapluies,  toiles  de 
ménage,  bijouterie,  jouets,  articles  de  Paris. 

Ensuite  dans  la  campagne  réussirait  avant  tout  Tagricul- 
lure. 

I^  sol  qui  peut  sans  la  moindre  réserve  être  qualifié  de 
nierveilleux,  se  prêterait  aux  cultures  les  plus  diverses.  Le 
champ  d'exploitation  est  illimité,  la  majeure  partie  de  la 
surface  insulaire  restant  encore  à  conquérir.  En  choisis- 
sant un  emplacement  bien  situé  aux  environs  de  la  mer  ou 
duchemindefer,maintesexcellentesspéculationspourraient 
être  tentées,  non  pas  la  culture  du  tabac  qui  exige  un  très 
long  apprentissage  et  est  très  exposée  aux  fluctuations  des 
n.archés,  qui  estde  plus  concurrencée  par  les  importantes 
plantations  des  Etats-Unis,  ni  celles  des  cocotiers  et  des 
bananiers  qui  sont  déjà  accaparées  par  des  maisons  et  des 
compagnies  américaines  qui  exercent  une  sorte  de  mono- 
pole. Mais  bien  plutôt  la  culture  de  la  canne  à  sucre.  L'é- 
coulement du  sucre  est  assuré  pendant  longtemps  aux 
Etats-Unis  dont  les  basses  températures  sont  peu  favora- 
bles à  la  canne  en  Louisiane,  et  qui  consomment  de  plus 
en  plus  de  sucre  par  suite  des  besoins  croissants  d'une  po- 
pulation qui  se  multiplie  d'une  manière  prodigieuse.  Cette 
marchandise  prut  même  parvenir  jusqu'en  Europe,  celle-ci 
n'ayant  pas  intérêt  à  augmenter  sa  production  sucrière 
très  coûteuse. 

Kn  second  lieu,  l'élevage  du  bétail.  Cet  élevage  est  en 


264  l'île  de  cuba 

voie  de  reconstitution,  mais  des  pâturages  raisonnes  sont 
à  créer.  Beaucoup  d'herbes  magnifiques  croissent  en  abon 
dance  et  follement.  Les  principales  sont  la  giiinea^  pour 
la  chair  et  le  paraL  pour  le  lait,  en  réparlissant  avec  soin 
ces  deux  herbes  sur  les  points  leur  convenant  le  mieux,  en 
créant  des  canaux  d'irrigation  et  de  drainage,  on  pourra 
établir  un  élevage  fournissant  de  meilleure  viande  pour  la 
boucherie  et  du  lait  plus  abondant  qui  serait  traité  avec 
plus  d'expérience,  (^omnie  conséquence,  des  beurreries 
pourraient  s'installer  (jui  manquent  pour  ainsi  dire  totale- 
ment autour  des  villes.  Le  beurre  pourrait  actuellement 
être  vendu  4  fr.  le  kilogramme. 

Il  manque  une  multitude  de  cultures  vivrières  ;  légumes, 
tomates,  pommes  de  terre,  racines  à  fécule  indigène,  pata- 
tes douces,  manioc,  puis  des  arachides,  du  sésame,  des 
oranges,  etc. 

Dans  l'ensemble  du  pays,  quelques  industries  qui  sont 
absentes  ou  à  peine  représentées  auraient  un  avenir  cer- 
tain. 

La  papeterie  ordinaire  qui  pourrait  s'alimenter  de  pôte 
de  bois  fabriquée  au  Canada. 

La  cimenterie  pour  carrelages, la  briqueterie  et  la  tuilerie 
pour  la  construction  des  maisons. 

La  fabrication  des  savons  ordinaires  employés  en  quan- 
tités énormes. 

La  fabrication  des  chaussures^  de  cordes. 

Des  ateliers  de  construction  de  véhicules  utilisant  plu- 
sieurs essences  de  bois  durs. 

Des  ateliers  de  machines  perfectionnées  pour  la  fabrica- 
tion sucrière  qui  pourrait  être  améliorée* 

Des  ateliers  de  lithographie,  filature,  et  teinturerie,  pour- 
ront être  montés  quand  la  population  sera  plus  nombreuse. 

L'exploitation  des  mines,  surtout  de  manganèse,  de  cui- 
tre,  de  fer,  d'or,  de  charbon,  de  mai*bre  ;  ensuite  de  plomb, 


L*1LE  DE  CUBA  265 

zinc,  lie  graphiU\  d'aniianle  Le  tout  pourrait  âtro  tenté 
\c(i  aux  communications  qui  se  perfectionnent... 
*our  faire  marcher  leurs  maisons  de  vin  ordinaire,  leurs 
[;ôts  dhuiled'olive  de  Provence,  de  produits  chimiques, 
médicaments  et  spécialités,  leurs  magasins  de  luxe  de  la 
dvane,  leurs  propriétés  à  la  campagne,  et  leurs  industries 
uis  l'ensemble  du  pays,  les  capitalistes  français  devraient 
imener  avec  eux  des  employés  de  nationalité  européenne 
\ii  sont  hnbitués  à  travailler  à  des  Conditions  modérées, 
tote  p«)pulation  ouvrière  pourrait  contribuer  au  peuple- 
ment du  pays,  ce  qui  abaisserait  le  prix  de  la  main  d'œu- 
m  indigène  qui  serait  employée  plus  tard  par  de  nouveaux 
Tenus  de  France. 

Certainement  l'immigration  françaiseserait  bien  accueillie 
èCuba.  Des  facilités  sont  faites  par  le  gouvernement,  des 
conditions  encore  assez  modérées  pour  l'achat  des  proprié- 
lés  sont  consenties  par  les  habitants,  et  des  circonstances 
'  ivantageuses  favorisent  le  commerce  européen  qui  a  cou- 
^tumede  gagner  jusqu'à  100  %  .  Se  contentant  de  gagner  la 
[  Biûitié.  et  recueillant  déjà  de  beaux  revenus  pour  les  arti- 
[  des  de  luxe  placés  à  coup  sûr,  le  commerce  français  aurait 
I  «fes  chances  d'être  préféré. 

i    Enfin  en  France  on  devrait  réfléchir  que  l'île  de  Cuba  est 

'  *près  l'Algérie  et  le  Sénégal  le  pays  exotique  le  plus  proche, 

;  îuij  possède  des  indigènes  consommateurs  presque  unique 

nienl  d'articles  européens  recheschés  par  une  population 

i/i/iniment  dépensière,  et  a  la  chance  inespérée  d'avoir  une 

Exportation  de  ses  produits  du  sol,  certaine,  illimitée,  vers 

Bne  contrée  consommatrice  immense  et  placée  à  sa  porte  : 

les  Etats-Unis. 

Cuba  présente  encore  un  réel  intérêt  dans  le  domaine  de 

i U*'*)^rd\)h\ii  scientifique. 

1>»  climat  est    très   supportable;  A  la   Havane  pend  nt 
s  jours    les    plqs    tempérés,    de  décembre  à  février,  la 


266  l'jLe  i>E  CÙB4 

température  est  de  23**  le  matin,  26<*  raprès-midi,  21**  la 
nuit.  Pendant  les  jours  les  plus  chauds  de  neuf  mois  de 
Tannée,  d'octobre  à  juin,  on  ne  constate  pas  plus  de  6p  le 
matin,  28<>  à  32<>  dans  le  milieu  de  la  journée,  et  23<>  la 
nuit  ;  le  thermomètre  ne  s'élève  au  delà  que  pendant  les 
trois  mois  de  juillet,  août  et  septembre. 

La  température  est  plus  agréable  dans  la  campagne  où 
la  chaleur  est  toujours  attiédie  par  la  brise.  Il  est  certaines 
villes  où  l'activité  solai/'e  est  particulièremeut  forte,  Carde- 
nas,  Cienfuegos,  Santiago.  Cette  dernière  ville,  un  peu  plus 
chaude  que  les  autres  en  hiver,  a  joui  cette  année  à  partir 
d'avril  d'une  chaleur  assez  douce,  les  après-midi  étaient 
souvent  pluvieux*  Du  reste  les  mêmes  conditions  de  fraî- 
cheur s'étendraient  à  la  province  de  Santiago,  même  peut- 
être  au  reste  du  pays,  car,  au  retour  de  la  Havane  en  juin, 
grande  fut  ma  surprise  en  trouvant  de  la  fraîcheur  due  à  la 
pluie  ou  au  ciel  couvert  succédant,  à  partir  d'environ  trois 
heures,  à  un  ciel  ensoleillé  et  à  une  chaleur  intense  qui 
existaient  depuis  le  matin.  * 

La  santé  publique  est  maintenant  dans  un  état  trèssatis* 
faisant.  Le  gouvernement  cubain  a  consenti  de  grands 
sacrifices,  il  entretient  à  peu  près  une  trentaine  d'hôpitaux  ; 
de  plus  des  sociétés  particulières  et  principalement  de 
grandes  sociétés  espagnoles  de  la  capitale  soignent  leurs 
membres  dans  des  bâtiments  qui  sont  installés  suivant  toutes 
les  exigences  de  la  médecine  et  de  la  chirurgie  modernes. 
On  pourrait  même  dire  que  les  établissements  sont  trop 
nombreux,  les  maladies  diminuant  de  jour  en  jour,  y  com- 
pris la  fièvre  jaune  qui  a  disparu  entièrement. 

Le  régime  des  vents  est  assez  particulier.  Pendant  la 
saison  hivernale  sévit  le  plus  souvent  le  souffle  du 
nord,  et  pendant  la  saison  des  pluies  de  mai  à  octobre 
toutes  les  journées  sont  à  peu  près  réglées  ainsi  :  à  partir 
de  10  heures  du  matin  se  lève  un  souffle  du  sud|  ((  vira- 


L'ILE  DE    CUBA  267 

soD«  qui  progresse  et  diminue  ensuite  jusqu'à  3  heures  ;  à 
partir  de  8  heures  du  soir  se  fait  sentir  un  souffle  du  nord 
«vieule  de  tierra  »  qui  dure  jusque  vers  4  heures  du  matin. 
Les  courants  éoiiens  sont  répartis  très  irrégulièrement  sur 
la  mer  environnante.  Certains  points  sont  dans  le  calme 
plat,  rendant  malaisée  la  navigation  à  voile  qui  devient  as- 
sez souvent  une  interminable  expédition  à  la  rame.  Au 
contraire,  certains  points  sont  sans  cesse  exposés  et  très 
menacés  par  les  cyclones  de  septembre  et  d'octobre. 

La  mer  est  sur  une  grande  étendue  au  nord  et  au  sud 
très  peu  profonde, embarrassée  d'innombrables  ilôts  connus 
sous  le  nom  de«cayos)).  11  s'ensuit  naturellement  qu'un 
fond  insuffisant  existe  dans  certaines  baies,  mais  les  en- 
droits les  plus  utiles  sont  en  cours  d'amélioration  :  au  sud 
Qeofuegos,  Manzanillo,  Guantandmo,etau  nord  Matanzas, 
Cardenas,  Gibara.  Un  fond  suffisant  règne  dans  les  ports 
situés  en  régions  montagneuses  comme  Santiago  et  Bara- 
coa.  Dans  la  partie  orientale  insulaire  est  une  belle  baie, 
Bahia-Honda,  et  dans  la  partie  orientale  sont  aussi  de 
belles  baies,  dont  les plusimportantessoDtCabonico,Levisa, 
Baoes,  et  surtout  le  magnifique  bassin  de  Xipe  de  4  sur 
T  lieues,  d'une  profondeur  de  25  à  40  pieds,  atteignant  par- 
fois même,  jusqu'au  delà  de  200  pieds. 
La  composition  géologique  est  assez  variée  : 
Dans  la  région  ouest»  celle  du  tabac,  se  rencontrent  30  % 
dbumus,  20  à  25  %  de  silice,  25  à  30  %  de  quartz,  15 
à  20  %  d'argile,  10  %  de  calcaire,  quelquefois  certaines 
parties  de  fer. 

Dans  la  région  centrale,  celle  de  la  canne  à  sucre,  ce 
«ont  des  terres  rouges  ou  des  terres  noires.  Elles  appartien- 
nent entièrement  au  calcaire   profond,    sur  base   sableuse 
assez  fraîche  ou  au  calcaire   allié   à   l'argile.    Le  calcaire 
profond  sur  base  assez  fraîche   constitue  d'excellents  ter- 
rains ;  le  calcaire  allié  à  Targile  à  40  %  constitue  les  meil- 


268  l'île  de  cuîu 

leurs  terrains,  et  le  calcaire  allié  à  Targile  et  au  fer  eonsti 
tue  les  moins  bons  terrains.  Mais  des  compositions  de  soh 
variés  peuvent  entrer  dans  la  terre  à  canne  à  sucre  (pii  es 
toujours  bonne  à  condition  d'être  perméable  dans  une  cer 
taine  mesure. 

Dans  la  région  orientale,  celle  de  l'élevage  du  bétail,  a 
sont  des  terres  calcaires  avec  argile,  ça  et  là  avec  silice,  el 
dans  la  région  la  plus  orientale  (Santiago)  ce  sont  de^ 
terres  calcaires  avec  davantage  d'argile. 

Dans  l'ile  des  Pins  se  trouve  un  sol  sableux  allié  assez 
souvent  au  fer. 

Les  montagnes  sont  variées  décomposition  et  déformes: 

A  l'ouest  est  une  chaîne,  la  sierra  Guaniguanico  qui  se 
dirige  vers  un  massif  au  milieu  duquel  est  un  vaste  cirque 
Luis-Lazo.  Des  sommets  en  calcaire  inférieur  prennent 
ordinairement  des  aspects  arrondis,  curieux,  causés  par 
des  infiltrations  d'eau  :  extérieur  déchiqueté  et  intérieur 
creusé  de  cavernes  intéressantes.  A  signaler  surtout  deux 
tunnels  avec  stalactites  ressemblant  à  des  chiffons  pendants 
ou  à  des  têtes  de  serpents  et  des  tentacules  de  pieuvres 
crispées  :  ils  captent  les  rivières  Duyaguateye  et  Ensenada. 
Dans  la  partie  centrale,  de  loin  en  loin,  s'allongent  des 
chaînons  calcaires  argileux  aux  pentes  et  cimes  arrondies, 
couvertes  de  broussailles  et  d'une  végétation  d'arbres  de 
moyenne  taille  très  serrés  ;  de  loin  en  loin  aussi  se  pro- 
noncent des  sommets  isolés,  conformés  comme  des  pitons 
Pan  de  Matanzas,  Tetas  de  Gamarioca,  Cerros  Calvo  e 
Chivo,  Cerro  de  la  Cruz,  Silla,  Mayari,  Yunque,  etc 
Souvent  les  monts  sont  revêtus  de  roches  grises  volcani 
ques  convulsées  appelées  vulgairement  «  dents  de  chien  ) 

Puis  dans  l'est  apparaissent  des  massifs  montagneux  tr^ 
importants,  ceux  de  Trinidad,  de  Guantanamo,  du  Gato,  c 
la  Sierra  Maestra  qui  a  les  cimes  les  plus  hautes.  G 
montagnes  de  la  province  de  Santiago,  calcairoari^ 
leuses,  parfois  granitiques,  presque  toutes  couvertes  d'à 


l'île  de  cuba  269 

brpsaux  essences  les  plus  diverses,  offrent   une  disposi- 
lion assez  spéciale.  Généralenicnt  c'est  un  tronc  fort  aux 
versants  creusés  de  ravins  longs,  étroits,  profonds,  à  thal- 
wt'iTs  prononi'.és,  hérissés  de  contreforts,   lon.i^s,  étroits  à 
n'avoir  souvent  pas  plus  de  deux  mètres  de  cime  et  ressem- 
blant à  u!ie  arête  vive  déclinant  par   bonds  successifs  jus- 
'fiiedans  la  plaine.  Un  modèle  d(î  cette  conformation  oro- 
I    graphique  ne  peut  mieux  ôtre  constaté  que  dans  un    chai- 
F    nonqui  a  la  particularité  d'être  dénudé, le  Puerto  deBoniato. 
Devant  lui  s'étend  en  premier  plan  la  colline  de  Jésus  Ma- 
ria A  aspect  lonp,  infini,  dr^  barrière  rigoureusement  hori- 
zontale. Du  reste,  des  singularités  existent  en  plusieurs  au- 
tres points  :  la  forme  en  marches  d'escalier  est  offerte  par 
plusieurs  cliaînes  de  monts  suivant  la  mer,    par  exemple 
celle  qui  s'étend  de  Baracoa  au   cap  le  plus  oriental  Maîsi 
;    il>ar  là  sont  encore  une  faille  très  profonde  où  coule   le  rio 
Yumuri  et  une  cimeen  trapèze  caractéristique,  le  Yunque) 
et  celle  qui  s'étend  de  lavSierra  Maestra  au  cap  Gruz  (par 
là  est  encore  toute  une  partie  arrière  montagneuse  à  pente 
tkTliviMi'un  infini  superbe  ({ui  aboutit  jusqu'à  la  plaine  de 
Man/.anilloK 

Km  plusieurs  régions  cubaines  existent  des  grottes.  Pour 

nf:?cittT  c|ue  les  principales  :   Bellamar,  aux  stalactites   en 

:  vjTifMit^  \'eMiise,  Canjilune,  Banao,  B:urc,    Monte  r.ibano, 

Cihara.  (lelle  d«î  Monte    Libani;  est   une  cavtu'iie   à   voûte 

P*Ti'ée  en  certains  points,   d'une  étendue  de  ()50   i)as,    et 

cHlij  de  Gibara  est  une  caverne  ù  voûte  basse,  d'une  éten 

'iiie  de  plusieurs   lieues,  où    coule  une  rivière.    D'autres 

Cavernes  se  rencontrent  dont  une   à   voûte  trouée  en  che- 

niiiiée  et  h  parois  illustrées  de  dessins  indiens  et  uneconte- 

miiit  plusieurs  salles  et   un  étang   dans  la   sierra    de    los 

L'dtallos,  principal  sommet  de  lile  des  Vins. 

Dans  les  montagnes  se  trouvent  des  miniîrais  assez 
ririés  :  nïanganèse,  cuivre,  fer,  or,  charbon,  marbre,  puis 
pl*»inb.  zinc,  graphite,  amiante. 


270  l'île  de  cuba 

En  certains  points  existent  des  sources  minérales,  de 
l'eau  de  magnésie  et  de  l'eau  ferrugineuse.  Plusieurs  sources 
sont  exploitées,  mais  les  quelques  stations  de  bains  exis- 
tantes ont  été  arrêtées  dans  leurs  progrès  par  la  guerre. 

Des  rivières  coulent  assez  nombreuses  ;  certaines  scr 
vent  au  transport  des  bois,  d'autres  à  la  navigation  des 
cbalands  de  petit  tonnage.  Un  vrai  fleuve  peut  être  signalé 
ayant  un  cours  dépassant  200  kilomètres  et  une  navigabi- 
lité à  vapeur  arrêtée  jusqu'ici  à  88  kilomètres  :  c'est  le 
Cauto. 

Il  y  a  des  forêts  importantes  renfermant  :  cèdre,  acajou, 
ébène,  un  peu  de  campêcbe, bambou,  majagua,jucaro,jobo, 
cagueyran,  guayacan, granadillo,misperillo,guacima,yaye, 
jagua,  jaguey.  Sur  les  routes  sejvoient,  flamboyants,  lau- 
rier d'Inde,  algarrobe,  orejon,  almendra,  salvadera.  Dans 
les  champs  se  trouvent  :  palmier  royal,  ceiba.  Sur  les 
parties  hautes  apparaissent  :  almacigo,  drago,  ajua,  sarça, 
barrile,  fustete,  fougère.  En  autres  lieux  croissent  des  ar- 
bres fruitiers,  des  cocotiers,  des  orangers,  des  manguiers, 
des  caîmitiers,  des  mamey,  maranon,  anon,  guayaba, 
arbres  à  pain  et  à  b(MUTc3  végétal. 

Une  multitude  d'oiseaux  vivent,  au  moins  deux  cents 
sortes,  beaucoup  à  beiu  plumage,  peu  d'oiseaux  chanteurs. 
Parmi  les  plus  connus,  citons  l'oiseau  mouche,  le  perro- 
quet, le  carpintero,  et  le  aura,  vautour  noir  à  cou  rouge 
qui  se  nourrit  des  détritus  de  lieux  habités. 

Les  poissons  ne  sont  pas  moins  nombreux  :  pargo,  Colo- 
rado, robalo,  bonito,  sabalo,  sierra,  picua,  morue  créole 
cherna,  biajaca,  guturo,  tambourini.  La  sole  et  le  turbot 
sont  négligés  par  les  habitants. 

Parmi  les  animaux  sauv.iges  on  peut  énumérer  :  les 
chiens,  les  chats,  les  chevreuils,  les  porcs,  les  rats,  les 
lièvres,  les  faisans,  les  perdrix,  les  cailles,  les  tourterel- 
les, etc.  Gomme  moins  intéressants  :  les  caïmans,  les  camé- 
léons, les  lé//u\ls,  ien  crab.^s  terrestres,  etc. 


L*ILE  DE   CUBA  271 

La  population  cubaine  appartient  à  diverses  races.  Les 
habitants  les  plus  nombreux  sont  les  néo-espagnols,  mais 
il  y  a  des  néo-africains,  américains,  français  et  indiens. 
G)mine  prétendant  descendre  des  tribus  du  temps  do 
Christ<»[)he  Colomb,  se  trouvent  un  Indien  ceutenaire  vi- 
vant au  village  de  Ganey  près  Santiago  et  deux  familles 
rivant  au  hameau  de  las  Guevas  au  picîd  de  la  Sierra  Maes- 
tro. En  outre,  certains  Indiens  de  la  race  du  Mississipi 
hnbitent  les  montagnes  de  (iuantanamo  et  la  région  de 
Yâteras,  principalement  aux  fermes  de  Guira.  Dans  la 
campagne  cubaine,  beaucouf»  d'enfants  de  couleur  ont  un 
vpulre  [iroéminent  causé  par  une  mauvaise  alimentation. 
Kntin  je  n'aurais  jamais  cru  que  Guba  put  offrir  certai- 
nes régions  peu  connues,voiro  même  inconnues.  La  vérité 
est  que  la  province  de  Santiago,  où  les  communications 
sont  difficiles  encore,  renferme  des  parages  encore  à 
explorer. 

Je  ne  mentionnerai  pas  le  parcours  par  terre  de  35  lieues 
à  travers  des  localités  historiques,  les  j)remières    en   insur- 
rection: Bayamo,  Jiguani,  Baire,  plusieurs  rios  encaissés, 
1^  principal   le   Gontra   Maestre,    les   collines   forestières 
d'Aguacate,  de  Monte  Obscuro,   la  vallée  fertile   de  Palma 
Soriano  à  San  Luis.  Get  itinéraire  pratiqué   par  les  indi- 
|:ènes  doit  avoir  été  suivi,   peut-être   par   quel(|ues    étran- 
içers,  niais  certainement  par  trcs    peu  de  g('H)graphes.  La 
wisundes  pluies   était  commencée,    une   campagne    sous 
i  eau  ne  C(>nstilue  pAs  précisément  une   excursion    facile; 
d»?  plus   un  cheval  se  réquisitionne  asstv,  nnlaisément,    au 
p<>int  (juun  alcade  ne  put  obt^înir  en  toute  une   après  midi 
de  vingt  personnes  ditïérentes  la   moindre    bête   de    trans 
p)rt,  et  le  lendemain   j'étais  contraint  de  couvrir   à   pied 
11  lieues  dans  la  fange  la  [)lus  alTreuse. 

]*•  nt?  mentionnerai  guère  aussi  le  séjour  dans   les  mon 
tdgnes  de  Guanlanamo.  Ges  points  doivent  aussi  avoir  été 
p:«'j  >ur«is  par  certains  étrangers,    bieii   rarement  par  des 


272  l'île  de  cuba 

hommes  de  science.  Malgré  des  pentes  raides  et  des  roulin.^ 
parsemés  de  trous  d'arbuste^,  de  rocs,  à  casser  les'  jambes 
des  chevaux,  je  parvenais  à  accomplir  le  programme  qua 
je  m'étais  tracé 

Mais  je  parlerai  plutôt  du  plus  haut  mont  cubain  qui  a 
provoqué  déjà  plusieurs  ascensions,  aucune  n'étant  jamais 
allée  jusqu'au  sommet,  les  unes  ayant  été  accomplies  du 
côté  nord  sur  une  pente  peu  escarpée  et  d'autres  du  cùl*^ 
sud  de  la  mer  par  une  pente  véritablement  à  pic.  Ayant 
été  contraint  de  choisir  cette  dernière  voie  qui  est  la  plus 
diflfîcile,  je  suis  parvenu  au  point  le  plus  élevé  et  j'ai  eu  la 
satisfaction  de  laisser  un  petit  drapeau  tricolore,  qui  peut 
être  trouvé  sur  le  pic  de  Turquino. 

Malgré  les  fatigues  de  cinq  mois  de  voyage,  une  saison 
pluvieuse  déjà  dans  toute  sa  plénitude,  malgré  la  difficulté 
très  grande  de  décider  qui  que  ce  soit  à  me  conduire  sur 
le  champ  d'opération,  il  ne  fallut  pas  moins  d'un  mois  ot 
demi  pour  chercher  un  moyen  de  locomotion  ;  tout  le  monde 
se  récusait,  les  compagnies  de  vapeurs  prétextaient  ne 
pouvoir  atterrir  un  canot,  les  entreprises  particulières  de 
voiliers  prétendaient  n'avoir  rien  à  faire  par  là.  Aucun 
compagnon  de  bon  comme  de  mauvais  sort  n'ayant  répondu 
à  une  demande  dans  les  journaux,  après  23  lieues  et 
23  heures  de  mer  sur  une  goélette,  avançant  avec  peine  à  la 
rame,  faute  de  vent,  après  la  défection  d'un  vieux  guide, 
la  rencontre  de  deux  hommes  se  décidant  lentement  à  se 
mettre  en  branle,  j'arrivais  enfin  à  exécuter  ce  que  je  rA- 
vais  de  faire  à  tout  prix,  c'est-à-dire  à  faire  l'ascension. 
A.scension  épouvantable  en  vérité  ! 

Premier  jour.  —  Remontée  d'un  cours  d'eau  desséché, 
chaos  de  rochers  et  pentes  très  raides  à  gravir,  coucher 
sur  un  mamelon  dans  les  arbres.  Au  milieu  de  la  nuit  tOmlHî 
une  forte  pluie  qui  nous  oblige  à  nous  sécher  pendant  plu- 
sieurs heures  près  d'un  grand  feu. 

Second  jour.  —  M'ircho,  sur  une  arôte  mjnlueuse    très 


LILE  DE  CUBA  273 

étroite,  n'ayant  parfois  qu'un  mètre  cinquante,  indéfini- 
ment longue,  gros  arbres  renversés  en  travers  et  parfois 
enlacés  les  uns  aux  autres,  ijuantité  d'essences  épineu- 
ses, fougères  augmentant  graduellement  de  taille,  sous- 
hoislrès  dense,  de  plus  en  plus  détrempé.  A  partir  de 
ÎKO  mètres,  la  végétation  est  chargée  dune  eau  qui  se 
déverse  sur  les  vêtements.  Un  seul  abri,  encore  est-ce  un 
I  nSluit  où  règne  naturellement  un  énorme  courant  d'air, 
t  entro  doux  blocs  couvl^rts  d'une  volumineuse  roche  grani- 
tique en  forme  de  dolmen.  IMus  loin,  une  autre  roche  im- 
niL'iise  en  auvent  d'où  tombe  une  quantité  de  gouttes  d'eau. 
Impossibilité  radicale  d'allumer  du  feu  ;  nuit  passée  dans 
œntinuel  concert  de  lamentations. 

Troisième  jour.  —  Trajet  à  travers  une  végétation  désor- 
donnée sur  un  sol  de  plus  en  plus  raboteux,   mousseux,  à 
pic.  Soudain  se  dresse  une  gouttière  à  peu  près  verticale 
élevée  de  30  mètres  et  tapissée  sur  ses  bords  de  bas  en  haut 
déplantes  grasses,   des   aloès  très   serrés.  Gomme  il  est 
impossible  de  monter  sur  les  mains,  h  cause  des  plantes, 
il  ne  reste  qu'à  monter  sur  les  pieds,  chose  peu  facile.    En 
suite  surgissent  des  buissons  de   petites   lianes   pi(|uantes 
qui  s'enroulent  autour  de  tout  ;  marche  très  empêtrée  sur 
un  certain  espace  assez  découvert  ;  petits  arbres   au  tronc 
Wanc  noueux  à  minuscules  feuilN^s  vert(îs  :  c'est   l'altitude 
'Ih  1.725  mètres,  c'est  le  pic  Primero.Je  le  dép;isse,  je  con- 
tinue, je  descends,  je  me  fais  un  passage  entre  de  superbes 
fougères  arborescentes. Je  veux  aller  phis  loin,  je  suis  résolu 
àalteindre  le  Pico  Real. J'étais  parfaitement  disposé,  j'avais 
assuré  le  succès  en   ravitaillant   bien  en   vivres,  en    eau, 
même  en  rhum,  ma  petite  caravane.  J'avais  sûrement   en- 
coreassez  de  force  pour  aller  juscju'au  bout.    Un    froid    de 
11  degrés  au-dessus  de  zéro  me  stimulait,  mais   le  même 
froid  ne  convenait  point  à  mi^s  deux  compagnons. Le  moins 
âge  avait  déjà  abandonné  depuis   deux  heures,  et  le   plus 
âgé  avait  son  vêtement  plaqué  sur  son  corps  comme  un 

18 


27i  l'île  de  cuba 

costume  de  bain.  Il  était  plus  mort  que  vif,  et  il  refusa  de 
marcher  plus  avant  malgré  un  salaire  supplémentaire. Alors 
je  me  trouvais  seul  h  avancer,  chargé  énormément,  et 
devant  m'ouvrir  un  sentier  à  la  machete.  Abandonné  par 
mes  deux  compaiinons  mercenaires,  et  n'ayant  pas  même 
un  compa^'non  de  Santiafjfo  (pii  aurait  dû.  s'intéresser  à 
une  entnîprise  aussi  scientili([ue,  j'étais  contraint  par  la 
prudence  h  m'arr«''lur.  Il  est  vrai  que,  moi  aussi,  je  me 
trouvais  dans  un  état  des  plus  piteux  ;  avec  un  épais  cos- 
tume d'hiver  trempé  et  radicalement  collé  sur  moi,  je  res- 
semblais assez  à  un  scaphandrier  procédant  à  travers 
un  paysage  sousniarin.  V.n  elTet,  en  avant,  rien  n'était 
plus  visibh^  le  site  était  noyé  entièrement  dans  la  buée. 
Du  reste  dans  la  saison  pluvieuse  foute  la  chaîne  du  Tur- 
(fuino  comprenant  trois  pics  :  le  IVimero,  le  Secundo  et  le 
Real,  dcMueure  constamment  dans  les  nuées. 

Malgré  les  plus  mauvaises  conditions,  j'ai  pu  parvenir  à 
remor([uer  deux  appareils  photographiques;  je  suis  revenu 
avec  dix  |»hotographies,  douze  sortes  de  plantes,  douze 
observations  barométri(jues  et  thermométriques,  enlin  j'ai 
dressé  la  (»arte  de  la  monti'îe  et  de  la  descente.  L'aller  v.l  h^ 
retour  ne  présentant  pas  le  nn'Miie  parcours,  je  pourrai 
réussir  je  pense  h  établir  un  assez  bon  i)olygone. 

Tous  ces  travaux  n'ayant  jamais  été  faits,  des  recher- 
ches géographitjues  n'ayant  jamais  été  opérées,  j'espère 
(|u'on  ne  mecont(îstera  pas  d'être  le  premier  qui  ail  exploré 
la  montagne  du  Turi|uino.  Son  ascension  ne  tardera  pas  à 
être  poussée  jusqu'au  bout  une  autre  année,  une  meilleure 
saison  aidera  ct?rtainem(înl  l'arrivée  au  pic  suprême,  le 
Real,  (|ui  doit  être  uihî  découverte  française  ! 

(]HARLES  Hkticiion 


liE  t^ESEt^VOIl?  D'ASSOUAH 

et 
(SuiteJ 


11  y  a  maintenant  4.000  ans  qu'Amenemhat  entreprit  et 
I  accomplit  son  gigantesque  projet  du  lac  Mœris.  Aujour- 
j  dliui,  au  milieu  de  notre  monde  moderne  d'électricité  et  de 
t  merveilles  qu'aucun  Pharaon  n'entrevit  jamais,  voici  que 
I  nous  entreprenons,  dans  cette  science  ancienne  de  l'irriga- 
tion, un  ouvrage  non  point  seulement  analogue  à  celui 
qu'exécuta  le  plus  grand  des  Pharaons,  mais  à  deux  pas 
<iu  lieu  même  où  il  se  trouvait.  En  outre,  les  ouvrages 
que  nous  proposons  ressemblent  prodigieusement  à  ceux 
qui  furent  exécutés  il  y  a  4.000  ans.  La-région  comprise 
«lire  le  Nil  d'un  côté,  le  canal  d'amenée  au  sud  et  à  l'ouest, 
«t  le  canal  de  décharge  au  nord,  s'appelait  le  «  Nome  de 
lllenavec  Iléracléopolis  pour  capitale.  Le  môme  nome  de 
lilesera  découpé  aujourd'hui  par  les  travaux  proposés.  Il 
y  aura  cette  simple  différence  que  le  moderne  lac  M(i?ris 
^tant  situé  au  sud  de  l'ancien  lac,  la  fnmticn;  méridionale 
de l'ile  ancienne  deviendra  la  limite  septeiiliionale  de  l'ile 
F  nouvelle.  Avec  le  temps,  le  Wady  Liernuret  le  Wady  Ma- 
I  sai^ega  verront  leurs  parois  se  remplir  par  les  dépôts  sédi- 
mentaires,  et  le  canal  du  lac  y  couUîra  comme  dans  un  vr<ii 
canal.  Si  l'on  a  pu  obtenir  encore  de  l'eau  par  ailleurs,  il 
deviendra  possible  de  cultiver  toutes  les  terres  accessibles 
au  Hot  et  comme  la  surface  arable  croîtra  d'année  en  ann<*e 
dans  la  région  du  Wady  Rayan,  Ton    pourra  du  pr<Mnier 

!•  Voir  le  Bulletin  du  4*  trimestre  19Q1- 


276  LE  RÉSERVOIR  DASSOUAN  ET  LE  LAC  MŒRIS 

coup  ajouter  20.000  acres  de  terrains,  chiffre  qui  avancera 
en  pro/:;ress;ion  chaque  année,  k  la  surface  cultivée  l€ 
rEgyptf\  C'»s  toirains vaudront, une  fois  recouverts  par  Itîs 
dépôts  sédinicntaires  du  Nil,  e  50  l'acre,  ou  i'  l.OOO.OOOles 
vingt  mille.  Si  l'on  juge  nécessaire  de  conserver  l'eau, il  sera 
pDssiblo  de  laisser  le  niveau  supérieur  de  la  nappe  s'élever 
graduelleuKMit  de  29  inMres  à  Î^Oet  31  mètres  de  cote  d'alti- 
tude. Ou  plutôt,  «'onsidérant  que  l'irrigation  pérenne  du 
Fayoum  et  de  toute  la  valléndu  Xil  depuis  Deirout(60kilom. 
au  nord  d'Assiout)  jusqu'au  Barrage  voisin  du  Caire  au 
moyen  (h)  deux  longs  canatix  alimentés  par  une  prise  uni- 
que, rencontrera  d(\s  dilllcultés  à  mesure  que  se  développera 
l'irrigation,  un  st^cond  barrage  sur  le  Nil,  près  de  la  limite 
méridionalede  BcMii-Souef,  deviendra,  j'en  suis  convaincu, 
nécessaire.  Un  tel  barrage,  placé  au-des.sous  de  la  prise  du 
grand  canal  il'alimentation  permettrait  au  Nil  d'alimenter 
le  canal  Youssef  h  l'aval  du  régulateur  deMazura,  assaye- 
rait  sur  uno  base  solide  l'irrigation  du  Fayoum  et  de  la  pro- 
vince de  Gui/.eb,  rendrait  possible,  si  cela  était  jugé  néces- 
saire, le  remplissage  intégral  annuel  du  lac  à  haut  niveau, 
avec  l'eau  claire  de  l'hiver,  et  permettrait  enfin  d'irriguer, 
au  moyen  d'un  canal,  la  rive  droite  toute  entière  du  Nil  à 
Guizeh,  ainsi  (jue  le  désert  (jui  se  trouve  au  nord  du  Caire. 
On  pourrait  construire  ce  bîirrage  à  bon  compte.  L'écluse 
en  s»4'ait  établie  sur  le  roc  vif  tandis  que  la  pierre  néces- 
saire aux  travaux  de  maçonnerie  et  de  perreyage,  pourrait 
être  détachée  k  la  mine  de  l'arête  du  canal  de  la  rive  droite 
longeant  h)  Nil. 

Avant  d'abandonner  cette  question  du  rétablissement 
du  lac  Mipris,  je  ne  veux  pas  laisser  inaperçue  une  autre 
grande  entreprise  possible  du  roi  Amenemhat,  le  créateur 
de  l'ancien  lac.  A  Semneh,  se  trouvent,  dans  la  deuxième 
cataracte,  les  rochers  où  Lepsius  découvrit  des  nilomètreï 
taillés  par  le  même  Pharaon  depuis  plus  do   i.OOO  ans.    Li 


LE  RESERVOIR  D'ASSOUAN  ET  LE  LAC  MŒRIS  277 

niveau  de  crue  qui  y  est  enregistré  est  do  8  mètres  plus 

hiiul  qu'aucune  crue  rie  notre  temps.  Comme  le   Nil  peut, 

àSeiiineh,   être  facilement   fermé  par  un  barrage,    il  me 

vint  à  l'esprit,  quand  jetais  là   en   1892  (escorté   de  150 

lioiniiies  du  corps  de  méliariers  égyptiens  envoyé  par  le 

général  Woodhouse,  en  ce  ([ue  les  derviches  occupaient 

aiois  la  deuxième  cataracte)  que  probablement  Amenemhat 

avait  essayé  de  barrer  le  fleuve  en  cet  endroit  en  vue  de 

créer  un    réservoir,  et    que  ses  successeurs    avaient  dii 

abandonner   l'ouvrage.  Avec   le  cours  des  siècles  le  Nil 

sera  rentré  dans  son  ancien  lit. 

L'on  admettra   aisément  qu'en  présentant  un  approvi- 
sionnement de  quatre  milliards  de  mètres  cubes  d'eau,  je 
donne  une  quantité  suflisante  pour  amener  une  abondante 
récolte  au  milieu  des  circonstances  les  moins  favorables. 
Kl.  pour  les  bonnes  années,  la  fourniture  dont  ou  dispo- 
sera sera   bien   plus  considérable.   L'eau  fournie  par  la 
réservoir  et  le  lac  conjointement  ne  fera  pas  simplement 
qu'ajouter  deux  millions  d'acres  à  la  surface  acquise,  en 
Kgypte,  à  l'irrigation   pérenne,   elle  l'aidera  à  satisfaire 
plus  complètement  qu'à   cette  heure,  aux  besoins  de  la 
surface  môme  qui  bénéficie  actuellement  de  cette  irrigation. 
Si  notre  désir  ne  se  borne  pas  seulement  à  voir  irriguer 
Ifi  surface  intégrale   de  l'Egypte,  mais  aussi  à   tenir  les 
branches  principales  du  Nil  bien  pourvues  d'eau  durant 
ies  douze  mois  de  l'année,  il  nous  faudra  régler  le  débit  qui 
sort  des  vastes  lacs  équatoriaux  qui  constituent  les  sources 
du  fieuve  ;  assurer  l'écoulement    de  celui-ci  à   travers  la 
grande  zone  des  marais,  faire  bénélicier  de  sa  surabondance 
ies  régions  arides  comprises  entre  les  dixième  et  vingt- 
jualrième  parallèles,  et  finalement  le  voir  entrer  en  Egypte 
îomme  un  cours  d'eau  puissant,  si  amoindri  (|u'il  ait  été. 
A  répoque    de  l'inauguration  du   Barrage   d'Assouan, 
exprimais  de  la  façon   suivante  mon  opinion  k  la  revuti 


278  LE  RÉSERVOIR  d'à SSOU AN  ET  LE  LAC  MŒRIS 

anglaise   The  Engineer  (voir  page  558  de  VEngineer, 
de  1902) : 

«  Il  a  été,  toutefois,  de  la  bonne  fortune  de  Lord  Cromer 
de  poser  la  pierre  fondamentale  de  cette  série  d'ouvrages 
appelés  à  créer  une  ère  de  prospérité  semblable  à  celle  que 
connut  l'Egypte  sous  les  grands  Pharaons  de  la  XI I«  dy- 
nastie. Nous  vivons  à  un  ège  d'idées  impérialistes,  et  le  lac 
Mgeris  de  nos  jours  sera  une  série  de  réservoirs  aux  sources 
mêmes  du  Nil.  Le  lac  Tana  aux  sources  du  Nil  bleu,  avec 
une  superficie  de  3.000  kilomètres  carrés,  et  un  bassin 
hydrologique  de  18.000  kilomètres  carrés,  pourra  fournir 
6.000.000.000  de  mètres  cubes  d'eau  par  an.  Les  lacs 
Victoria  et  Albert  Nyanza,  aux  sources  du  Nil  bleu,  avec 
des  surfaces  respectives  de  70.000  et  de  4.500  kilomètres 
carrés,  pourront  fournir  12.000.000.000  de  mètres  cubes 
d'eau  annuellement.  Les  lacs  Tana  et  Victoria  ayant  chacun 
à  leur  point  d'émission  un  seuil  et  des  rebords  rocheux, 
n'auront  pas  besoin  de  voir  élever  leur  niveau.  On  en  re- 
tirera l'eau  soit  en  élargissant  le  seuil,  soit  en  le  brisant, 
soit  par  le  moyen  d'un  tunnel.  Le  lac  Albert  aura  besoin 
de  voir  élever  sa  surface  de  3  ou  i  mètres.  Ceci  pourra 
être  fait  au  moyen  d'un  barrage  construit  au  point  d'ef- 
fluence,et  dont  l'établissement  sera  facile,puisque  les  bords 
du  lac  sont  parfaitement  nus  et  compris  d'ailleurs  en  terri- 
toire britannique. 

«  Ces  puissants  réservoirs  seront  les  représentants  mo- 
dernes du  lac  Mœris, et  rempliront  dignement  leur  mission, 
mission  dont  il  est  ainsi  parlé  dans  le  rapport  de  1894 
sur  les  réservoirs  de  la  vallée  du  Nil  :  «  Le  jour  où  ces 
((  ouvrages  seront  exécutés  aux  sources  du  Nil,  les  lacs 
((  prendront  leur  place  vraie  dans  l'économie  de  la  fourni- 
((  ture  d'eau,  et  nous  serons  en  état  de  leur  appliquer  dans 
((  leur  ensemble  et  leur  intégrité,  ce  qu'aujourd'hui  nous 
((  ne  pouvons  leur  appliquer  que  dans  une  mesure  re^lrein' 


LE  RÉSERVOIR  D  ASSOUAN  ET  LE  LAC  MŒRIS  279 

«•te,  à  s<f%oir  (|iio  ce  (|uo  sont  au  Pô  les  neiges  des  Alpes, 
»l»?s  Ihcs  Tana  et  Victoria  Xyanza  le  sont  au  Nil,  et  ce  que 
"suiit  aux  plaines  de  Lonibardie  les  lacs  italiens,  le  lac 
«Albert  l'est  à  la  terre  d'Egypte  » 

<(  Kn  dehors  de  ces  ouvrages  aux  sources  du  Xil,  Ton  en- 
treprendra sur  le  Xil  Blanc,  entre  Gondokoro  et  Fachoda, 
des  travaux  d'endiguement  destinés  à  enipéclier  les  eaux 
issues  du  lac  Albert  de  s'épandre  dans  les  marais  de  la  ré- 
gion des  sndds,  et  à  assurer  leur  libre  cours  jusqu'à  l'Egypte 
dans  le  lit  même  du  fleuve.  Ces  travaux  ne  feront  pas  qu'a- 
jouter à  la  quantité  de  l'eau  entrant  en  Egypte  durant  l'été, 
ils  en  amélioreront  la  quantité.  Le  D*"  Schweinfurth,  l'émi- 
nent  savant  et  voyageur  africain,  a  été  le  premier  à  appeler 
l'attention  du  Gouvernement  Egyptien  sur  la  nécessité  de 
fermer  les  fuites  du  Nil  Blanc  au  nord  de  Gondokoro,  et  de 
commencer  ainsi  les  travaux  de  rectification  du  fleuve.  Il 
observe  très  judicieusement  que  «plusieurs  années  s'écou- 
((  leraient  avant  que  par  le  renforcement  des  digues  on  eût 
«obtenu  le  résultat  désiré,mais  que  le  besoin  de  ces  travaux 
«  se  ferait  sentir  en  Egypte  chaque  jour  davantage  à  mesure 
«  qu'ils  avanceraient.  » 

Quand  j'écrivis  ceci,  je  n'avais  encore  pas  entrevu  la  pos- 
sibilité d'utiliser  conjointement  le  Réservoir  d'Assouan  et 
le  Wady  Rayan.  Ce  ne  fut  que  lors  du  premier  anniversaire 
de  l'inauguration  du  Barrage  d'Assouan  que,  marchant 
dans  le  Fayoum  à  portée  de  vue  des  hauteurs  qui  entourent 
le  Wady  Rayan,  et  tourmenté  du  regret  de  voir  que  l'an- 
cien lac  Mœris  ne  pouvait  ôtro  reconstitué,  l'idée  d'utiliser 
concurremment  les  deux  réservoirs  me  fraj  pa  soudain  et 
pour  la  première  fois.  Cela  fut  pour  moi  comme  l'aube  d'un 
jour  nouveau. 

C'est  à  la  solution  des  problèmes  relatifs  au  sources  du 
Nil  que  Sir  William  Garstin  a  consacré  tant  de  temps  et 
d'études  ;  et  qu*à  deux  reprises,  il  a  visité  ces  nappes  loin- 
t*<ines  et  ces  régions  si  riches  en  eau  I 


280  LE  RÉSERVOIR  D'aSSOUAN  ET  LE  LAC  MŒRIS 

Nous  possédons  cepeiul'jnt  en  Kgypte  les  moyens  d'em- 
magasiner toute  Teau  nêeessaire  à  l'irrigation  pérenne 
adéquate  de  toute  la  contrée. I.e  grand  avantage  d'avoir  ces 
deux  ouvrages  d'ap[)rovisionnenient  situés  en  territoire 
égyptien  est  dû  au  fait  ([u'eneore  qu'il  serait  impossible  à  une 
puissance  ennemie  (juelconcjue  en  possession  du  Soudan, 
de  détourner  les  eaux  de  crue  des  grands  cours  d'eau  abys- 
sins, il  ne  faudrait  guère  un  déploiement  de  grandes  capa- 
cités teclini(|ues  i)Our  détourner  pendant  un  mois  ou  six 
semaines  le  débit  du  fleuve  h  son  étiage.  Au  cas  d'une 
éventualité  semblable,  les  réservoirs  égyptiens  seraient 
d'un  inestimable  prix  pour  l'Egypte  alors  que  n'en  auraient 
aucun  les  réservoirs  éciuatoriaux.  Mieux  encore,  l'existence 
sur  le  Nil,  dans  ces  régions  lointaines,  de  travaux  puissants 
de  réglementation  et  des  levées  en  terre,  pourrait  devenir, 
ainsi  qu'on  l'a  souvent  observé,  une  source  réelle  de 
dangers. 

Je  crois  avoir  tenu  pleinement  la  promesse  que  je  vous 
ai  faite  au  commencement  de  cette  conférence.  Je  vous  ai 
démontré  qu'il  est  tout  à  fait  dans  les  moyens  financiers  de 
l'Egypte  de  pourvoir  à  l'irrigation  pérenne  de  toute  la  con- 
trée, et  que  le  travail  ne  présenterait,  d'autre  part,  en  soi 
aucune  difficulté  d'ordre  physique.  Que  l'Egypte  puisse 
dépenser  sans  se  gêner  la  somme  de  £>  2,000.000  pour  l'a- 
chèvement du  système  d'irrigation  dans  le  pays,  ceci  est 
surabondamment  prouvé  par  le  fait  qu'elle  vient  de  prêter 
au  Soudan  la  somme  de  X,  2.000.000  pour  la  construction 
du  chemin  de  fer  de  Berber  à  Souakim.  Or,  en  ce  qui  re- 
garde les  intérêts  de  l'Egypte,  si  nécessaire  que  puisse  être 
le  chemin  de  fer  de  Souakim,  l'acte  d'assurer  à  l'Egypte 
entière  l'irrigation  pérenne  l'est  cent  fois  plus  encore.  Nul 
n'a  mieux  reconnu  ce  fait  que  Lord  Cromer,  l'ami  le  plus 
sûr  de  l'irrigation  qui  soit  au  monde  I 
Les  travaux  que  je  viens  de  préconiser  pourraient  ôtre 


LE  RÉSERVOIR  D'aSSOUAN  ET  LE  LAC  MŒRIS  2R1 

rommencés  tout  de  suite.  Le  temple  de  Philuî  faisait  obs 
Imie  à  l'érection   du  Barrage  d'Assouan,  et  l'impuissance 
tieiovop  ce  barrage  faisait  à  son  tour  obstacle  au  projet  du 
lac  MdTJs. 

L'opposition  (|ui  s'était  élevée  contre  l'inondation  proje- 
ta» du  Temple  pendant  4  ou  5  mois  de  Tannée,  tenait,  en 
majeure  partie,  à  une  erreur.  Celle-ci  consistait  dans  le  fait 
que  l'on  confondait  l'action  si  destructive  et  néfaste  des 
infiltrations  salées  qui  interviennent  durant  la  crue  du  Nil 
et  exercent  de  réels  ravages  à  Tbèl)es,  avec  l'elTet  plutôt 
bienfaisant  et  préservatif  des  eaux  fraîcbes  et  courantes 
[  du  tieuve.  Les  eaux  salées  détruisent  la  pierre  ;  les  eaux 
i  douces  la  préservent.  Ceci  ressort  d'ailleurs  en  toute  évi- 
j  dence  du  fait  que  les  murs  de  soutènement  du  Temple  de 
i  Phiiœ  qui,  chaque  année,  demeurent  six  mois  immergés 
i  dans  l'eau,  sont  mieux  conservés  que  toutes  les  autres 
!  parties  de  Tédilice.  La  même  chose  s'observe  dans  tous  les 
I  ouvrages  en  pierre  ou  en  brique  qui  sont  sur  le  Nil.  Les 
parties  submergées  sont  partout  en  meilleur  état  que  les 
parties  non  submergées. 

Est-ce  à  dire  qu'au  cas  où  cela  ne  fût  pas,  ou  que  la  so- 
lidité ou  l'existence  même  du  grandiose  vestige  dût  être 
mise  en  péril  par  la  construction  du  Réservoir,  il  fallût 
abandonner  celle-ci  ou  le  réduire  comme  on  l'a  fait,  sacri- 
fier tout  un  pays  à  un  reste  de  temple  et  tout  un  avenir  à 
une  ombre  du  passé  ? 

M.  Winston  Churchill  a  su  parfaitement  bien  exprimer 
le  sentiment  du  public  à  l'égard  de  la  réduction  du  Barra- 
ge, faite  en  vue  de  sauver  le  Temple  de  IMiiki)  d'une  immer- 
sion annuelle  qui,  en  définitive,  lui  aurait  fait,  ainsi  que 
je  viens  de  le  démontrer  tout  à  l'heure,  plus  de  bien  que 
de  mal.  Il  a  stigmatisé  ce  sacrifice  évident  de  L500  millions 
ie  .nètres  cubes  d'eau  comme  «  le  plus  cruel,  le  plus  mé- 
chant et  le  plus  inepte  sacrifice  qui  ait  jamais  été  offert  sur 


2^^2  LE  RÉSERVOIR  D  ASSoUAN  ET  LE  LAC  McEUIS 

l'autel  d'uno  fausse  religion.  I/Ktal  devra  lutler  et  lei^-<^' 
pie  soulïrir  la  faim,  pour  (jue  puissent  exulter  des  pro^*-"^* 
seurs,  et  que  des  touristes  trouvent  un  endroit  où  grafc  ^^ 
leurs  noms  !  » 

D'autre  part,  il  existe  un  moyen  certain  de  satisfaire^  *' 
fois  et  l'Kgypte  et  la  sei(»nee,  en  rendant  à  Tune  son  rést^^** 
voir  normal  et  à  l'autre  son  temple. 

Ainsi  que  l'a  proposé  sir  William  Garstin,  en  i894^  *^ 
.serait  possible  au  Service  des  Antiquités  de  transférer  '* 
Temple  de  Pliihr  dans  l'Ile  de  Bigeh.  L'ensemble  delà  nC»^' 
çonnerie  .sèche  du  Temple  ne  s'élève  qu'à  li.300  mèUT"^^ 
cubes.  Sir  William  Garstin  proposait  de  mettre  £  200.000 
à  la  disposition  du  Service  des  Antiquités  pour  rexécuti^^** 
de  ce  travail  et  ajoutait  : 

((  Poussé  par  le  désir  d'être  utile  au  pays,  nous  proposoi 
de  transférer  l'antique  édifice  d'un  point  du  Nil  sur  ul 
autre  point  qui  n'en  est  éloigné  que  de  quelques  centaiatf 
de  mètres.  Nous  proposons  de  le  reconstruire  exacteme 
comme  il  est,  et  sur  une  ile  située  au  milieu  du  lac  que  non 
espérons  créer,  où  le  Temple  se  détachera  comme  uni 
pittoresque  et  approprié  sur  le  paysage  environnant.» 

Il  est  douloureux,  en  vérité,  l'aspect  qu'offre  aujourd'hui 
le  Temple,  à  moitié  recouvert  par  les  eaux.  En  le  voj'aji 
ainsi,  il  me  semble  apercevoir  Ilôtor,  debout  dans  l'eau  ( 
les  vêtements  suintants,  supplier  d'ôtre  transféré  sur  H 
de  Bigeh . 

Si  le  Service  des  Antiquités  acceptait  la  proposition  ci 
Idessus,  il  pourrait  aisément  reconstruire,  pour  la  moitié  A 
a  somme  proposée,  soit  £  100.000  le  Temple  dans  toutei 
ses  parties,  et  ses  plus  menus  et  pittoresques  détails,  et  a 
améliorer  même  considérablement  Tapparence  eu  le  plaçail 
à  un  niveau  aussi  supérieur  au  plan  superficiel  du  lac  qal 
Tétait  au  niveau  des  anciennes  crues.  L'autre  moitié  de  I 
somme,  soit  les  100.000  livres  restantes,  pourrait  être  < 


LE  RÉSERVOIR  L/'aSSOUAN  ET  LE  LAC  M(EBlS  283 

ployéeà  la  restauration  intégrale  de  Lou  xor,  de  Karnak 
d'Abydos.  Rarement  le  Service  des  Antiquités  aura-t  il  eu 
des  occasions  aussi  belles  que  celle-ci. 

xVous  devons  nous   estimer    heureux    cependant  de  ce 
qu'un  milliard  seulement  de  mètres  cubes  d'eau,  et  non 
trois  milliards,  aient  été  sacrifiés.  On  pourrait  commencer 
immédiatement  la  surélévation  du   Barrage  et  la  construc- 
tion du  lac.  L'une  pourrait  être  achevée  en  deux  années, 
tandis  qu'au  bout  de  trois  ans  le  lac  serait  mis  en  commu- 
nication avec  le  Nil.  Il  faudrait  quatre  autres  années  pour 
remplir  le  lac.  Ainsi  en  deux  années  on  pourra  donner  un 
milliard    de    mètres   cubes   d'eau    à  l'Egypte  et  en  sept 
années,  deux  autres  milliards,  ou  en  tout  trois  milliards 
en  sept  ans.   Je  défie  n'importe  qui  de  produire  un  projet 
à  la  fois  plus  utile  et  plus  éminemment  réalisable  que  ce 
projet  du  Réservoir  d'Âssouan  et  du  lac  Mœris  travaillant 
conjointement. 

(d  8uivre)  Sir  William  Willcocks 

Anden  directeur-général  des  Réservoirs 

(Traduit  de  l'anglais  par  M.  Kémeid). 


Manuel  de  Géographie  Commerciale,  Ktude  écono- 
mi(iuedesdifTérentes  parties  du  Monde  et  particulièromenl 
de  la  France,  par  N'iCTOR  Devillk,  Professeur  agrégé 
au  Lycée  Michelet  et  à  l'Institut  Commercial  de  Paris. 
Deuxième  édition  1904.  —  Ouvrage  récompensé  par 
la  Société  de  Géographie  commerciale  de  Paris  et  auto- 
risé pour  les  bibliothè(|ues  des  Lycées  et  Collèges 

2  volumes  in-8'>  de  522  et  575  pages,  avec  graphiques 
et  diagrammes,  l'rix  des  2  volumes  reliés  en  perca- 
line gaufrée  :  10  francs.  Envoi  franco  par  colis  postal 
10  fr.  85.  Librairie  Berger-Levrault,  Éditeurs,  5,  rue  des 
Beaux-Arts.   Paris. 

Cet  ouvrage,  d'un  caractère  tout  nouveau,  groupant  les  pays  par 
grands  courants  commerciaux,  a  Tambition  d*étre  plus  qu'un  manuel 
classique  répondant  à  un  programme  officiel.  Cest  avant  tout  une 
œuvre  de  vulgarisution,  s*adressant  aussi  bien  aux  jeunes  gens  qui 
se  destinent  au  commerce  ou  à  l'industrie  qu'aux  commerçants  eux- 
mêmes  :  ils  y  trouveront  des  renseignements  exacts  et  complets  sur 
les  principales  productions  du  sol,  les  richesses  minérales  et  Tindustrie 
des  différents  pays,  sur  les  voies  de  communication  et  les  grands 
marchés,  sar  la  marine  marchande  et  les  ports  de  commerce,  sur  le 
régime  douanier  et  les  institutions  de  crédit,  sur  les  avantages  accor- 
des aux  immigrants,  etc.,  c'est-à-dire  sur  tout  ce  qui  iutéresse  la 
la  production,  les  échanges  et  la  colonisation  dans  le  monde  entier. 

L'auteur  n'a  pas  seulement  traité,  dans  ces  deux  forts  Tolumei 
enrichis  de  graphiques  et  de  diagrammes,  toutes  les  questions  qu 
figurent  aux  programmes  des  écoles  supérieures  de  comYnerce  ;  il  a 
encore  extrait,  des  bulletins  consulaires  français  et  étrangers  et  d'au- 
tres publications  qui  intéressent  le  commerce  et  l'industrie,  de  nom- 
breux renseignements  statistiques  et  pratii^ues  dont  nos  négociants 
on  nos  fabricants  tireront  le  meilleur  profit. 


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BIBLIOGRAPHIE  285 

Madagascar,  Histoire,  Organisation,  Colonisa- 
tion, p  ip  André  You,  sous  directeur  au  Ministère  des 
(À»loiiies.  Préface  de  M.  Albert  Decrais,  sénateur,  ancien 
m  nistro  des  colonies.  Introduction  de  M.  le  général 
G.vM.lKNf,  ^ouverneurgénéral  de  Madagascar,  l^n  volume 
in  N  de  f>52  pages  avec  tableaux  et  carte  in-folio.  —  Ber- 
ir'ir-I.f>vrault  et  C"\  éditeurs,  5,  rue  des  B3au\  Arts, 
Paris.  Prix  :  12  fr. 

Le  livre  que  M.  You,  sous-directeur  au  ministère  des  colonies  et 
professeur  à  ]*Ecolc  Coloniale,  offre  aujourd*iiui  au  public,  a  le  rare 
Diéritt,-  d'être  à  la  fois  une  œuvre  de  haut  enseignement  colonial  d'une 
pArfaîte  tenue  littéraire,  et  l'histoire  exacte,  complète,  et  sur  bien  des 
points  nouvelle,  de  noire  grande  colonie  d'Af  riijue.  Le  général  Gallieni, 
fçouverneur  général  de  notre  jeune  possession,  et  M.  Albert  Decrais, 
l'éniinent  diplomate  qui  présida,  sous  le  ministère  Waldeck -Rousseau, 
t«x  de>«tinoes  de  notre  empire  d'outre- mer,  n'ont  pas  hérité  à  (juali- 
ôer  cet  ouvrage  «  d'ceuvre  bienfaisante  »  et  à  remercier  Tauteur  d'avoir 
écrit  sur  Madagascar  a  des  pages  aussi  intéressantes,  aussi  pleines, 
aussi  instructives  ». 

La  première  partie  du  volume  est  consacrée  à  l'histoire  de  la  Grande 
lie.  Les  périodes  diplomatique  et  militaire,  l'annexion,  l'administration 
de  M.  Laroche  et  du  général  Gallieni  sont  exposées  avec  une  impar- 
tiale précision  d'après  des  documeuts  inédits  ;  les  deuxième  et  troi- 
sième parties  traitent  surtout  de  l'organisation  politic^ue ,  administra- 
tive, économique  de  Madigascar,  à  laquelle  l'auteur  a,  depuis  les 
premiers  jours,  pris  une  part  des  plus  actives.  L'oivrage  se  termine 
p€r  des  a  Considérations  générales  Daussi  élevées  que  pratiques  et  qui 
résumant  K^srésultatîj  obtenus,  précisent  les  efforts  encore  nécessaires. 
A  cette  heure  où  les  questions  coloniales  prennent  une  importance 
croiîNsaDte,  il  serait  oiseux  d'insister  sur  l'IutTct  et  l'utilité  d'une 
étud«'  où,  ainsi  <|ue  l'atteste  M.  Albert  Decrais  dans  une  préface 
magistrale,  on  trouve  a  des  faits,  des  récits  et  des  chiffres,  faits 
reposants  sur  les  documents  les  plus  sûrs,  récits  d'une  scrupule  us 
exactitude,  chiffres  fournis  par  lés  statistiques  officielles  r>. 


mïïMl  DIPLÛVniOUES  ET  COLONÎiLB^ 

J{evue  de  Politique  'Extérieure 

PARAISSANT  LE  l«r  ET  LE  16  DE  CHAQUE  MOIS 


SOMMAIRE  du  No  200  : 

Robert  de  Gaix  :  (Allemagne  et  la  question  du  Maroc. 

—  Jean  de  la  Peyre  :  la  guerre  russo-japonaise  et  ses 
leçons.  —  Notre  Mnquète  :  les  institutions  auxiliaires 
du  ministère  des  Colonies,  etc. 

GuKONiQUEDE  laUuinzmnk  :  La  démission  de  M.Delcassé 
et  la  question  marocaine. —  Renseignements  politiques: 
France.  Le  roi  d'Kspagne  à  Paris.  Le  banquet  en  l'hon- 
neur du  (îénéral  (iallieni. — Angleterre.  Déclarations 
de  lord  Lansdowne  au  sujet  de  l'alliance  anglo-japonaise. 

—  Russie.  La  question  d(i  paix  en  Extrêrne-Orient.  — 
Suède  et  Norvège.  Rupture  de  l'Union  des  deux  royau- 
mes, etc. 

Cartes  et  gravures  :  L-i  bataille  de  Tsushima  Disposi- 
tions respectives  des  flottes  rus-e  et  japonaise. 

Knvoi  sur  demande  d'un  numéro  spécimen  gratuit. 


LÀ  DÉPÊCHE  COLOM.\LB  ILLUSTRlE 

Directeur  :  J.  PAUL  TROLILLET 

PARAISSANT  LE  \b  ET  LE  30  DE  CHAQUE  MOIS 

Administration  et  rédaction  :  42^  rue  St- Georges.  Paris 


N"du  15  janv.  :  Le  chemin  de  fer  de  Konakry  au  Niger, 
îil     ))         Le  chemin  de  fera  Madagascar. 
1.5  février  A^i^riculture  et  cc^lonisation  algériennes. 

Les  chemins  de  fer  en  Indo  Chine. 

L'Office  colonial. 

Le  Congo  français. 

Les  forêts  de  chéne-liège  en  Algérie. 

La  question  forestière  Indo-chinoise. 


2« 

» 

15  mars 

m 

)) 

15  avril 

:^o 

)) 

A  bon 

niMm 

Mlts 

France,  1  an  :  18  fr.  ;  Colonies,  1  an  :  22fr. 
Etranger,  1  an  :  25  fr. 


COMITS  DE  L'ASIE  FRANÇAISE 

19,  Rue  Bonaparte  —  Paris. 


Sommaire  du  Bulletin  de  Mai  4905 

■  liste  des  souscripteurs. 

Comité  :  Ccaférences  de  M.  le  D>^  Logendre. 

;Xft  Guerre. 

Délimitation  franco-siamoise,  par  R.  C. 

Communications  télégraphiques  entre  la  France  et 
rindo-Chine,  pir  B   P. 

Xe  Commerce  des  arachides  à  Pondichéry,  par  le  Docteur 
Qi«rlcï!^  Valentino. 

Française  :  l'inanp:ura»ion  de  la  ligne  de  Than  hoa  à  Vinh. — 
Le  hu'I^t  de  Tlndo -Chine.  —  La  commisRion  des  retraites  locales 
de  l'Indo-Chine.  —  La  nouvelle  papèque  toukinoise.  —  Création 
d'on  journal  indigène  au  Tonkin. —  L'emprunt  des  établisseruents 
frjoçais  de  Tlnde. 

Chine  :  La  mort  de  M.  Lessar.  —  La  politi(|U<)  allemande.  —Le 
commerce  anglaise!  le  traité  Mackay.  —  L'opinion  chinoise  et  le 
fii'gime  des  Chinois  aux  Etats-Unis. 

Japon  :  La  «{uestion  de  l'impôt  sur  le 4  concessions  étrangères. 

Russe  :  La  jonction  du  Transcaspien  et  du  Transsibérien.—  Le 
Tranjnianchourien.  —  Les  charbonnages  de  Sakhalino.  —  Prix  de 
revient  et  rendement  des  cultures  sibériennes.  —  Les  voies  ferrées 
au  Caucafcc.  —  l>eM  Allemands  au  Caucase. —  La  culture  du  thé  au 
('tiiciiAe.  —  Terrains  naphtifères. 

Torqaie  :  Li  France  et  les  Syriens  à  Uaïti.  —  Le  chemin  de  fer 
Suiyrrie  Aïdin.  —  Projet  d'agrandissement  de  la  douane  deSmyrne. 

I'     Srnyrne  :  Timpoi talion  des  sucres  français. 
Arabie  :  La  révolte  de  l'Yémen.  —  Lea  Anglais  à  Koueib.  —  La 
question  des  boutres  de  Mascate. 

^Asie  Anglaise  :  La  défense  de  la  frontière  du  Nord-Ouest.  —  Le 
coxiiinerce  de  l'Inde  anglaise  en  1904-1905. —  Dans  les  Etats  chans 
de  Birm.mie. 

IPerse  :     L'action   de  l'Angleterre.  —  Sur  la  frontière  lu  Tnrkestan 

Vominations  officielles. 
iUbliogrraphie.  


Carte  *in  Seu-tchouan  (Chine). 

[     •        fie  Mandchourie  (Moukden,  Kharbin,  Kirin). 

[     >       d'Annaui. 

pOraphique  du  mouvement  d'exportation  des  arachide 3  à  Pondichéry. 

tOarte  de  l'Iude  française. 

I  Eovoi  BOT  demande  d'un  nuiiiéro  spécimen  gratuit. 


COMITÉ  DE  L'AFRIQDE  MWAm 

ORGANE    DU 

COMITÉ  DU  MAROC 


Sommaire  du  Bnlletin  de  Juin  Î905 

Liste  des  souscripteurs  :iii  (j)inité  de  l*Afrii]iie  franyalHe. 

Comité  dû  Maroc . 

Nos  Morts.—  M.  B\ïrnaii«l  ('nman. 

La  crise  franco- allemande. —  HoIktI  do  Caix. 

Autour  du  Tchad. —  AngUBli-  Terrier. 

La  session  du  conseil  supérieur  de  T Algérie. —  Deinoiitèfi. 

Le  retour  du  général  Gallieni. —  Kdouunl  Puyen. 

Les  gisements  de  nitrate  au  Sahara  algérien. 

Le  mouvement  cotonnier  en  Afrique. —  CIiciuin-DupoDtés. 

Algérie  :  I^aus  l'Ouest  et  le  Sud  Oranais. 

Afrique  Occidentale  française  :  lAissassinat  do  M.  Coppolanî. 

Quinée  Française  :  l/annexioa  (hs  îles  de  Los. 

Maroc  :  L*-  refus  «lu  pro^rainuKî  français. —  Le  projet  de  confércnoe 
iiiternatinnale. —  I/aHsaiJsiiiit  do  M.  Maddun.  —  L'anarchie  maro* 
r.iine.  —  La  néjjjot'iat'oii  île  Tez.  — Le  Maroc  Haharien.  —  L'action 
»*8pagn«>lL*  au  .Marur. 

Egypte  :  Lv.  cluMuin  dv  f«T  du  Nil  à  la  Mer  R)uge.  —  L9  clieniin 
<i(;  fer  du  Klitriuiuii.  -  L  m  pro^p'S  do  l'exploratiou  au  Soudan 
é;îyplieu  eu  l'J04.  L<*  «'oriiiiKTro  du  Soudan  égyptien. 

Libéria  :  La  délimitation. 

Etat  Indépendant  du  Congo  :  L«m  témoignages  italienn. 

Possessions   britanniques   :    (lénéralitôs.    —  Si^rra-Léone.  — 

Nigeria.  . 

Possessions  allemandes  :  Gcnf^ralité^j. —  Togo.  —  Cameroun.  — 

Silil- Ouest. 

La  délimitation  de  la  Guinée  portugaise. 


Sié^fodu  (.'oiiiiré  :  21  Boulevard  Montmartn'.  —  Paris 


SOCIETE 


I)B 


lOGRAPHIE    COMMERCIALE 


T3XJ  Ii:u^"VR.B 


BULLETIN 


XVII  AiiimV.  -  !2  Ti-îiiic^<iiH*  1  oor> 


HAVRE 
AU  SIÈGE  DK  L\  SOCIKTK 

1^1,    nVE   «R    PARIS,    131 

i90C> 


SOMMAIRE 


La  dcfcnsc  de  l'Indo-Chinc.  ;-:î'-  M.  I'K  Pi»!  \    j     . .:.'  l' 

Le  Rc>crvoir  d*Assoi{:m  et  îc  ]ùc  Morris,   iV,     r -Im  .fî.in  .-.    K:-.:E' 

Bosnie  îicrzé^ovinc,    j-ar  M.   l'i.vN-. 

Actes    Ac  !j  Société  .  

BibJiogTMphie 

OtiviM^es  offerts  à  la  Société  ;  .::•  :••  <J-  Xi.::'i{    Ai  ■  :îi\au:'. 


REUNIONS 


Le^    I^v- union»    du    Comité   ont    l:eu  le  4'  •    mercredi  de  chaque  me 
excepte  pendant  les  mois  J'août  et  septembre. 

To'.is  les  membres  Je  lu  So:ictc  peuvent  y  ;issifter. 


ISIBLIOTHE-^QUE 

L.I  n  s  K'iliLvjue  Je  l.i  S.^.vie  e«.;  OUVertC  tOUS  leS  SOirS,  cxcc| 

:»•■  J  ••.•■  ■  "-Jîi*-.  .'!  ii^'.jr-  icriev.  J.'  o  î-     1    2  a  r  h.   i '2  et  de  8  h.   i    2  à  10 


•  "•     :•.  •    \  «   .•'mnuin:v.!tion<    .:î   îoj     î-.---   ven-ici^ncments  doivent    et 


SOCIÉTÉ 


DE 


GEOGRAPHIE  COMMERCIALE 


lia  Défense  de  Tlndo^Chine 


U) 


Mesdames,  Messieurs, 

D'habitude,  dans  les  Sociétés  de  Géographie,  les  confé- 
renciers qui  sont  admis  à  l'honneur  do  parler  devant  vous, 
vous  racontent,  soit  leurs  voyages,  soit  leurs  explorations, 
soit  telle  ou  telle  monogra{)hie,  et  leurs  récits  amènent  et 
coraportent  toujoursavec  eux,  soit  des  descriptions  plus  ou 
moins  humoristiques,  soit  des  récits  personnels.  Je  ne 
peux  pas  aujourd'hui  vous  promettre  les  mêmes  aventures 
ni  les  mêmes  descriptions  ;  comme  vous  le  disait  M.  le 
Président,  la  question  que  je  vais  avoir  l'honneur  de  trai- 
ter devant  vous  est  d'une  actualité  brûlante,  je  dirai  môme 
d'une  actualité  presque  Iragiqutî.  H  n'y  a  pas,  en  ce 
moment-ci,  dans  tout  le  domaine  colonial  de  la  France,  de 


Gonfcrence  faite  devant  In  Sociclé  de  (Géographie  rnnimercinlt'  du  Havre. 
loairA  DB  OÉOGRAPHIR.  —  2*    trimestre  1905  19 


290  LA  DÉFENSE  DE  L'INDO-CHIKB 

question  plus  pressante  que  celle  de  la  défense  de  notre 
domaine  extrême-oriental. 

Vous  savez  —  car  en  venant  au  Havre  je  n'ignore  pas 
que  je  m'adresse  à  un  public  averti  à  l'avance  —  vous  savez 
de  quelle  manière  cette  défense  de  l'Indo  Chine  est  venue 
tout-à-coup  à  l'ordre  du  jour  de  la  façon  la  plus  brutale  et 
à  la  fois  la  plus  sanglante. 

Nous  ne  connaissions,  jusqu'à  présent  en  Extrême-Orient 
que  les  difficultés  des  explorations,  les  peines,  les  dangers 
des  conquêtes  partielles,  que  les  délicatesses  de  la  politique 
de  domination  ou  d'assimilation  ;  nous  connaissons  et  nous 
devons  nous  apprêter  à  éprouver,  aujourd'hui,  que  les 
peuples,  que  nous  devons  chercher  à  coloniser,  peuvent 
avoir,  en  leurs  frères  de  même  couleur,  des  soutiens  qui 
sont  nos  ennemis. 

Je  n'ai  pas  à  vous  dire  quelles  sont  les  forces  de  ces  enne- 
mis ;  vous  savez  de  quelle  façon  s'est  révélée  en  Extrême- 
Orient  cette  nation  si  pacifique  et  si  dormante,  aujourd'hui 
devenue  une  puissance  qui  peut  être  comparée,  non  seule- 
ment sous  le  rapport  des  forces  matérielles,  mais  sous  le 
rapport  du  ressort  moral  et  intellectuel, aux  meilleures  puis- 
sances de  l'Europe.  Vous  savez  que  dernièrement  cette  puis- 
sance jaune  a  été  reconnue  tellement  supérieure  à  tout  ce 
qu'on  pouvait  attendre  d'elle, que  l'Angleterre  a  jugé  néces- 
saire, pour  conserver  son  prestige  mondial,  de  signer  avec 
le  Japon  une  entente,  qui  n'est  pas  une  entente  cordiale, 
qui  est  plus  qu'une  entente  cordiale,  une  entente  de  raison, 
une  entente  de  logique,  de  nécessité,  faite  par  le  mariage 
nécessaire  des  intérêts  de  l'Angleterre  d'Europe  et  de  l'An 
gleterre  d'Asie.  Vous  savez  que  la  première  conséquence 
de  ce  traité  a  été  de  faire  de  Singapore,  port  libre,  port 
pacifique,  un  port  de  guerre,  un  port  dont  tous  les  quais, 
jadis  réservés  au  commerce,  ont  été  achetés  par  l'Anu- 
rauté,   un  port  qui   n'aura  plus  de   magasins,    mais   des 


LA  DÉFENSE  DE  L'INDO-CHINE  291 

arsenaux,  qui  n*aura  plus  de  ballots,  mais  des  canons,  qui 
n'aura  plus  de  bateaux  de  commerce,  mais  des  navires  de 
guerre.  Singapore,  clé  de  l'Extrême-Orient,  est  aujour- 
d'hui destiné  par  ce  traité  à  fermer  les  portes  des  mers  de 
Chine. 

C'est  cette  situation  très  délicate,  d*autant  plus  délicate 
qu'elle  est  tout  à  fait  imprévue,  qui  nous  contraint  à  songer 
à  la  défense  de  nos  possessions  indo-chinoises.  Il  faut  y 
songer  d'une  façon  d'autant  plus  précise,  d'autant  plus 
vigoureuse  que  les  dangers,  qui  peuvent  un  jour  nous 
menacer,  sont  des  dangers  dont  nous  avons  pu  expérimen- 
ter toute  la  valeur  et  toute  l'étendue.  L'armée  japonaise,  la 
flotte  japonaise  sont  aujourd'hui  la  seule  armée  et  la  seule 
flotte  modernes  qui  aient  fait  leurs  preuves.  Je  n'ai  pas  à 
vous  rappeler  la  façon  dont  elles  les  ont  données  :  de  la 
façon  la  plus  sanglante,  la  plus  imprévue  ;  je  crois  qu'elles 
ne  pouvaient  pas  les  donner  d'une  façon  qui  fût  plus  sen- 
sible à  des  cœurs  français. 

Il  faut  donc  songer  à  défendre  l'Indo-Chine,  mais  il  n'y 
faut  pas  songer  comme  à  un  cas  désespéré,  comme  à  un 
gouffre  où  se  disperseront  où  disparaîtront,  sans  succès  et 
sans  fin  utile,  notre  argent,  nos  hommes,  notre  flotte. 

Il  faut  défendre  l'Indo-Chine,  mais  il  faut  d'abord  que 
nous  sachions  que  nous  pouvons  la  défendre.  Nous  avons 
là-bas  de  grandes  responsabilités,  de  grands  devoirs, 
mais  nous  avons  aussi  de  grandes  possibilités  ;  il  ne  faut 
pas  éluder  les  uns,  mais  il  ne  faut  pas  non  plus  nous  défier 
des  autres,  et  en  étudiant  avec  vous  les  moyens  récents 
pris  par  le  gouvernement  pour  la  défense  de  l'Indo-Chine, 
nous  saurons  que  le  canon  japonais  n'a  pas  sonné  le  glas 
de  nos  espoirs,  mais  seulement  le  réveil  de  nos  conscien- 
ces. 

Vous  savez  que  l'Indo-Chine  est  à  une  moyenne  de 
13.000  kilomètres  de  la  France,  que  les  mers  qui  nous  en 


292  LA  DÉFEICSE  DE  L*INDO-CHINE 

séparent  sont  occupées  par  des  colonies  qui  ne  sont  pas^ 
nous,  que  Singapore,  comme  je  viens  de  vous  le  dire,  en 
cas  d'une  guerre  possible  avec  une  puissance  jaune,  que 
Singapore,  qui  est  la  clé  du  détroit,  nous  serait  fermé. 
Vous  savez  que  le  canal  de  Suez  ne  donne  pas  passage  aux 
cuirassés  de  haut  bord,qui  sont  trop  profonds  et  trop  larges 
pour  emprunter  le  canal  ;  vous  savez  d'autre  part  qu'il  esl 
excessivement  facile,  avec  deux  pauvres  bateaux,  de  le 
boucher  pendant  trois  semaines  ou  up  mois  afin  qu'on  ne 
puisse  y  passer.  Vous  comprendrez  également  que  1( 
jour  où  une  guerre  menacerait  notre  situation  en  Extrême- 
Orient,  cette  guerre  serait  une  guerre  mondiale  ;  par  con- 
séquent la  France  aurait  besoin  de  toutes  ses  ressources: 
argent,  flotte,  de  tous  ses  enfants  pour  défendre  la  terre 
métropolitaine  ;  elle  n'aurait  ni  le  temps,  ni  la  puissance, 
ni  le  goût  d'envoyer  en  Extrême-Orient  les  moyens  de 
défense  qui  lui  seraient  nécessaires  pour  se  défendre  elle- 
même. 

Bien  entendu  il  faut  dire  et  l'on  peut  compter  qu'un  jour 
la  France  pourra  envoyer  des  renforts  en  hommes  et  des 
vaisseaux  ;  ce  serait  un  leurre  de  ne  rien  faire  et  dédire  : 
«  la  France  y  pourvoira  »,  non,  la  France  n'y  pourvoira 
pas  ;  il  faut  qu'aujourd'hui  les  mesures  soient  prises  de 
telle  façon  que^'état  de  paix  en  Indo-Chine  puisse,  par  un 
mécanisme  guerrier,  se  transformer  immédiatement  en  état 
de  lutte  suffisant  pour  que  nous  puissions,  non  attaquer, 
non  riposter,  mais  nous  défendre  sans  avoir  besoin  de 
personne. 

La  chose  est  possible  ;  la  défense  de  l'Indo-Chine  com- 
porte puisque,  comme  vous  le  savez,  l'Indo-Ghine  estum 
presqu'île  située  sur  le  détroit  de  Malacca  d'une  part  et  sui 
le  golfe  de  Siam  d'autre  part,  cette  défense  comporte  la  dé 
fense  maritime  etla  défense  terrestre  ;  nous  allons  les^rnsse 
en  revue  toutes  les  deux  : 


LA  DÉFBNSB  DE  L^INDOCHINB  293 

I  DÉFENSE  MARITIME  : 

[  D'après  ce  que  je  viens  de  vous  dire,  vous  voyez  qu'il 
n'est  pas  question  d'avoir  pour  l'Indo-Chine  une  forte  es- 
cadre, de  gros  cuirassés  qui  coûtent  30  millions,  des  équi- 
pages nombreux  et  une  flotte  bfen  approvisionnée  pour 
tenir  la  maîtrise  de  la  mer  extrême-orientale,  et  défendre 
DOS  côtes  ;  ceci  n'est  pas  possible  ;  je  dirai  môme  que  ceci 
n'est  pas  utile.  Il  est  inutile,  quand  on  possède  l'Indo- 
Chioe,  de  posséder  ce  qu'on  appelle  la  maîtrise  de  la  mer. 
  quoi  est  utile  la  maîtrise  de  la  mer  ?  Elle  est  Utile  à 
des  gens  qui  ont  besoin  d'être  constamment  tout  près  de 
leurs  bases  d'opérations,  de  leurs  bases  de  ravitaillement. 
La  base  d'opérations  est  en  Indo-Chine  ;  quant  à  la  base 
de  ravitaillement  c'est  l'Indo-Chine  française  ;  et  le  jour  où 
Doas  serons  assiégés,  où  nous  serons  dans  cette  situation 
d'être  incapable  de  sortir,  nous  serons  dans  le  grenier,  et 
ce  seront  nos  assiégeants  qui  mourront  de  faim  à  notre 
porte. 

Uest  inutile  d'avoir  la  maîtrise  de  la  mer^  la  chose  utile 
est  d'empêcher  les    assaillants  de  débarquer  chez  nous. 
Eh  bien  1  pour  arrêter  une  flotte  puissante,  nombreuse,  très 
bien  exercée,  bien  armée,  comme  nous  savons  qu'était  la 
flotte  japonaise  à  Tshou-Shima,  et   Comme  nous  savons 
qaelle  le  sera  encore  davantage  demain,  il  est  inutile  de 
songer  à  avoir  des  cuirassés,  à  avoir  de  gros  bateaux  « 
parce  que  chaque  cuirassé  coûte  30  millions,  chaque  croi- 
seur 20  millions,  parce  que  chacun  d'eux  est  armé  d'une 
artillerie  puissante,  mais  qui  nécessite  une  moyenne  de 
S  à  600  hommes  d'équipage  ;  et  ces  5  à  600  hommes  ne 
peuvent  pas  être  français,   puisque  ce  jour-là  la  France 
lora  besoin  de  tous  ses  enfants,  et  ne  peuvent  pas  être 
[ndo-Chinois,  puisqu'il  n'existe  pas  de  conscription  mari- 
ime  indigène,  et  qu'il  est  impossible  d'obtenir  ce  que  la 


294  LA  DÉFENSE   DE  L*INDO-CHINÉ 

conscription  obtient  dans  d'autres  pays  ;  nous  n'avons  pas 
de  marins  indigènes  et  nous  n'en  aurons  pas  ! 

Il  est  inutile  d'avoir  des  cuirassés  qui  ne  seront  montés 
par  personne,  d'avoir  des  pièces  qui  ne  seront  servies  par 
personne  ;  il  est  inutile  d'avoir  des  gros  bateaux  parce  que 
la  côte  est  semée  d'anfractuosités  sans  nombre,  de  hauts- 
fonds  qui  empêchent  les  bateaux  de  6  mètres  de  tirant 
deau  de  s'approcher  de  la  plupart  des  baies.  La  côte  est 
sillonnée  de  récifs  et  de  havres  dont  la  base  est  sur  des  ro- 
chers qu'on  connaît  mal.  Si  en  temps  de  paix,  on  ne  peut 
pas  empêcher  les  croiseurs  de  talonner  dans  la  baie 
d'Along,  ce  n'est  pas  en  temps  de  guerre  qu'on  pourra  le 
faire.  11  nous  faut  donc  sur  les  bords  de  l'Indo-Chine  une 
défense  maritime  qui  puisse  entrer  partout,  qui  puisse  se 
tenir  dans  les  fonds  de  3  mètres  de  tirant  d'eau,  être  très 
rapide  pour  échapper  aux  yeux  de  l'ennemi,  qui  ne  coule 
pas  très  cher,  pour  éviter  à  la  métropole  des  dépenses 
qu'elle  devra  faire  chez  elle,  et  qui  soit  montée  par  peu 
d'hommes,  de  façon  à  ce  que  nous  ayons  assez  de  marins 
de  la  métropole  sans  avoir  recours  à  des  engagements  mari- 
times indigènes.  11  nous  faut  également  une  défense  dont 
les  éléments  puissent  se  ravitailler  sur  place,  être  réparés 
sur  place,  être  construits  de  fond  en  comble  sur  place, 
lorsque  cela  sera  nécessaire  ;  il  faut  que  cette  défense 
remplisse  la  condition  primordiale  de  coûter  le  moins  cher 
possible.  Eli  bien  I  il  faut  rendre  cette  justice  au  gouver- 
nement français,  à  tous  les  ministres  de  la  marine  qui  se 
sont  succédé  depuis  que  la  guerre  russo-japonaise  a  éclaté, 
que  c'est  vers  ce  même  but  et  vers  les  mêmes  principes  que 
leurs  efforts  ont  été  dirigés.  Ils  ont  tous  compris  la  néces- 
sité inéluctable  que  je  viens  d'exposer  devant  vous  ;  et  il 
faut  savoir  qu'il  y  a  au  ministère,  en  la  personne  de  Tami- 
rai  Fournier,  l'homme  qui  a  le  mieux  saisi  la  question,  non 
seulement  parce  qu'il  est  un  marin,  qu'il  connaît  les  Indo- 


LA   DÉFBNSE  DE   L'INDO-CHINE  295 

Chinois,  mais  qu'il  est  resté  un  fin  diplomate.  Il  connaît  au 
mieux  la  question  et  la  manière  dont  on  pourrait  défendre 
sur  mer  les  côtes  de  Tlndo-Chine. 

On  peut  la  défendre  par  les  torpilleurs,  par  les  contre- 
torpilleurs,  par  les  sous-marins  et  las  submersibles.  Les 
contre-torpilleurs  et  les  torpilleurs  sont  montés  par  30  ou  40 
hommes,  ils  portent  4  torpilles  de  300  kilos  pourvues  de  60 
kilos  de  dynamite   ;  ils  coûtent  400.000  francs  ;  ils  ont  un 
tirant  d'eau  extrêmement  faible  ;  ils  ne  sont  pas  très  visibles* 
Qaant  aux  sous-marins  et  submersibles,  vous  savez  par 
définition  ce  que  c'est,    et  il  ne  serait  pas  convenable  de 
donner  sur  leur  compte  des  détails  et  des  caractéristiques 
que  seuls  les  constructeurs  doivent  connaître.  Vous  savez 
que  c'est  précisément  dans  les  sous-marins  qu'aujourd'hui 
réside  cette  force  française  d'autant  plus  crainte  qu'elle  est 
moins  connue.  Vous  savez  que  le  sous-marin,  le  submer 
Bible  surtout,  qui  est  un  agent  automobile,  peut  porter 
paodant  30  houres  de  plongée  des  torpilles  sous  la  flotte 
ennemie,  sans  que  cette  flotte  puisse  être  avertie  par  la  télé" 
graphie  sans  fil  du  départ  des  sous-marins.  Il  a  l'inconvé* 
nient  de  coûter  très  cher  et  présente  beaucoup  de  difficultés 
pour  être  réparé  et  construit.    L'arsenal  de  Saigon  peut 
réparer  des  sous-marins  et  construire  des  torpilleurs  ;  et 
▼oyez  comme  cette  question  est  importante,   car  ce  n'est 
pas  en  France  qu'on  renverra  les  bateaux  blessés  pour  se 
guérir,  il  faut  qu'ils  soient  réparés  sur  place  ;  eh  bien  I 
ces  qualités  essentielles  que  les  contre-torpilleurs  possèdent, 
viennent  de  se  trouver  — je  ne  dirai  pas  par  un  hasard  — , 
réunies  dans  un  tout  petit  bateau  que  personne  ne  connais- 
sait il  y  a  un  mois,  dont  il  n'a  pas  encore  été  parlé,  puisque 
c'est  avant-hier  seulement  que  j'ai  reçu  l'autorisation  d'en 
dire  quelques  mots. 

Ce  petit  bateau,  dont  je  vais  vous  donner  les  caractéris- 
tiques porte  le  nom  de  **  vedette  lance-torpille  ",  il  est  dû 


296  LA   DÉFENSE   DB  L'iNDO-CHINÈ 

à  ringéniosité  du  Comte  Récopé,  ingénieur  de  la  marine 
française.  Cette  vedette  porte  une  seule  torpille  de  450,  au 
lieu  d'en  porter  4  de  300,  c'est-à-dire  une  torpille  avec  100 
kilos  de  dynamite  et  elle  pèse  600  kilos.  Il  n'y  a  pas  de  cui- 
rassé, fùt-il  japonais,  qui  résisterait  à  une  torpille  de  cette 
espèce. 

Ce  petit  bateau  n'est  muni  que  d'une  hélice  ;  son  tirant 
d'eau  est  d'un  mètre  au-dessus  du  niveau  de  l'eau.  Ces  ca- 
ractéristiques, je  puis  vous  les  donner,car  elles  sont  en  tous 
points  semblables  à  celle  d'un  petit  canot  automobile  qui  a 
fait  la  course  de  Folkestone  à  Boulogne. 

La  grande  transformation  faite  par  le  Comte  Récopé 
consiste  en  ce  que  cet  ai!ût  de  torpille  qui  marche  tout  seul 
est  actionné,  non  pas  par  la  vapeur,  mais  par  un  moteur  à 
explosion.  On  a  eu  beaucoup  de  mal^  au  Ministère  de  la 
Marine,  à  vouloir  seulement  jeter  les  yeux  sur  le  plan  d'un 
bateau  qui  n'était  pas  à  vapeur  ;  les  murs  du  Ministère  ont 
entendu  pour  la  vapeur  contre  le  pétrole  les  arguments  que 
d'autres  avaient  entendus  pour  la  navigation  à  voile  contre 
la  vapeur. 

On  est  parvenu  cependant  à  arracher  aux  commissions 
de  la  marine  une  étude  sérieuse  de  ce  projet.  Ce  petit 
bateau  est  doue  muni  d'un  moteur  à  pétrole  lampant  à 
8  cylindres  ;  je  dis  8  cylindres,  parce  qu'immédiatement  la 
commission  de  la  marine  dit  :  un  moteur  à  explosion,  c'est 
la  panne  1  Cela  est  évident  quand  vous  n'avez  qu'un  cylin- 
dre, mais  quand  vous  avez  8  cylindres,  il  est  tout  à  fait 
inadmissible  que  les  8  cylindres  manquent  au  môme  mo- 
ment, car  quoique  couplés  ensemble,  ils  sont  indépendants; 
et  que  l'un  d'eux  s'endommage,  la  vedette  marche  avec  ses 
7  cylindres,  pendant  qu'on  répare  le  huitième. 

Il  est  préférable  d'avoir  une  panne  au  huitième  cylindre 
que  d'avoir  une  panne  entière  à  une  chaudière  à  vapeur. 
Il  y  a  d'autres  avantages  ô  ce  bateau .  Il  est,  comme  )e  vous 


LA  DÉFENSE  DE  L'INDOCHINE  297 

rai  dit,  alimenté  par  du  pétrole  lampant. Nous  avons  fait  le 
calcul  ;  la  vedette  lance-torpille  qui  est  entièrement  pontée 
peut  faire  un  raid  à  grande  vitesse  (la  vitesse  de  marche  de 
100  milles  dans  la  haute  mer)  soit  200  milles,  aller  et  retour 
«oit  au  total  380  kilomètres.  Elle  dépense  pour  ce  raid  en- 
viron 600  kilos  de  pétrole,  c'est-à-dire   la  valeur  de  deux 
bordelaises  ;  un  torpilleur  pour  accomplir  le   môme  raid 
dépense  7  tonnes  de  charbon.  Je  vous  laisse  à  penser  si 
7  tonnes  de  charbon  tiennent  plus  de  place  que  2  bordelai- 
:  ses  de  pétrole.  On  peut  non  seulement  réduire  la  forme  de 
la  vedette  puisqu'elle  ne  transporte  que  deux  bordelaises, 
mais  surtout  réduire  les  magasins  qui,  dans  les  places  de 
rindo-Chine,  conserveront  le  pétrole  au  lieu  de  conserver 
le  charbon.  Le  pétrole  se  trouve  assez  facilement  ;  il  coû- 
te beaucoup  moins  cher  au  Laos  qu'à  Paris  ;   la  quantité 
de  pétrole  qui  coûte  9  sous  à  Neuilly  coûte  5  sous  à  Luang 
Prabang.   De  plus,  comme  je  vous  l'ai  dit,  son  emmagasi- 
■  nement  demande  beaucoup  moins  de  place.  Vous  savez  en- 
fin que  la  houille  qui  reste  longtemps  en  magasin  s'altère, 
tandis  que  le  pétrole  reste  toujours  semblable  à  lui-même. 
Il  est  donc  beaucoup  plus  simple  d'alimenter  une  petite 
flotte  de    pétrole  que  d'alimenter  de    gros    bateaux  en 
charbon. 

La  vedette  alimentée  au  pétrole,  par  une  disposition  spé- 
ciale, rejette  sous  la  surface  de  l'eau  tous  les  produits  de  la 
combustion  ;  le  torpilleur  développe  par  dessus  lui  un  ma' 
gniiique  panache  de  fumée,  et  pas  un  canonnier  ne  désire- 
;  rait  meilleur  but  ;  le  torpilleur  laisse  un  sillage  appréciable; 
le  vedette  ne  laisse  pas  le  moindre  sillage,  à  telle  enseigne 
que  dernièrement   un  torpilleur  français  poursuivi  par  la 
vedette  rentrait  à  Boulogne.  Les  constructeurs  s'en  furent 
fur  la  jetée  ;  ils  voyaient  à  l'horizon  le  torpilleur  avec  son 
grand  panache  de  fumée  faisant  force  vapeur  pour  rentrer  ; 
00  voyait  un  sillage  merveilleux  derrière  le  torpilleur  et 


298  LV  DÉFENSE   DE   L*INDO-CHINB 

cela,  à  l'œil  nu.  Avec  la  plus  puissante  jumelle  marine  les 
constructeurs  et  la  commission  maritime  ne  voyaient  abso- 
lument rien  de  la  vedette,  si  bien  que  l'inventeur  désolé, 
remettant  sa  jumelle  en  place,  disait  :  «  il  est  arrivé  un 
accident  à  la  vedette,  et  c'est  pour  l'annoncer  que  le  torpil- 
leur rentrée  toute  vapeur  ».  Or  le  petit  bateau  était  à  deux 
encablures,  mais  comme  il  n'avait  pas  de  fumée  et  qu'il 
n'avait  pas  de  sillage,  il  était  resté  invisible  jusqu'à  son 
entrée  dans  le  port  de  Boulogne. 

Ce  petit  bateau,  qui  ne  lance  qu'une  torpille,  est  un 
affût  mobile,  il  n'est  monté  que  par  deux  hommes  :  un 
homme  qui  regarde  par  le  hublot  la  direction  et  qui  tient 
le  porte-feux  de  la  torpille,  et  un  autre  homme,  simple  ma- 
rin, qui,  lui,  découvre  la  torpille,  quand  il  reçoit  l'ordre  et 
qui,  le  reste  du  temps,  veille  aux  8  cylindres  et  à  Talimen- 
tation  du  bateau. 

Le  torpilleur  comprend  30  ou  32  hommes  ;  la  vedette 
n'en  porte  que  deux  ;  c'est  très  important,  quand  on  sait 
combien  délicate  serait  en  temps  de  guerre  la  misâion  soit 
de  ces  torpilleurs,  soit  de  ces  petites  vedettes.  Nos  officiers, 
nos  marins,  ceux  qui  montent  les  torpilleurs,  savent  très 
bien  qu'en  temps  de  guerre,  au  moment  où  ils  quitteront 
la  terre,  ils  devront  faire  le  sacrifice  de  leur  vie. 

Pour  lancer  une  torpille  qui  peut  coûter  la  vie  des  hom- 
mes, ne  vaut-il  pas  mieux  en  exposer  deux  que  d'en  ex- 
poser 30  ou  32  pour  obtenir  le  môme  résultat  ?  Quand  nous 
n'aurions  que  ce  motif,  il  est  suffisamment  élevé  pour  que 
l'invention  du  Comte  Récopé  nous  paraisse  à  la  fois  inté- 
ressante et  humaine. 

Enfin  le  torpilleur  a  besoin  d'un  bassin  de  radoub,  d'ou^ 
vriers  spéciaux  pour  se  refaire  ;  je  vous  assure  que  la  vedet* 
te  de  M.  Récopé  n'a  pas  besoin  d'arsenal  ;  elle  a  besoin, 
quoi  qu'il  arrive,  d'un  ouvrier  en  automobile  et  d'un  mar- 
teau, tellement  c'est  fruste,  tellement  c'est  simple,  avec 


LA   DÉPENSE   D£  L'iNDÛ-CHINE  299 

(ellement  peu  de  rouages  et  de  délicatesse  dans  ces  roua- 
ges. Le  torpilleur  coûte  moyennement  400.000  francs  ;  la 
première  vedette,  par  conséquent  la  plus  chère  de  toutes, 
coûte  75.000  francs. 

En  un  mol  tous  les  avantages  sont  là  réunis;  le  Ministère 
delà  Marine  vient  d'ordonner  la  construction  à  Tessai  de 
la  première  vedette  de  guerre  porte-torpille,  et  j'ose  espérer 
que  les  résultats  en  seront  excellents,  car  après  avoir  exa- 
miné nombre  d'objections  techniques  sur  lesquelles  je  n'ai 
pas  besoin  d*insist6r,  la  commission  s'est  rangée  à  l'avis  de 
M.  Récopé.  Les  essais  auront  lieu  au  mois  de  juin,  et  je 
De  crois  pas  trop  m'avancer  en  disant  qu'ils  auront  lieu 
près  du  Havre.  S'ils  sont  couronnés  de  succès  nous  avons 
l'assurance  qu'avec  50  petites  vedettes  à  75.000  francs  nous 
pourrons  défendre,  delà  façon  la  plus  efficace,  de  la  façon 
la  plus  sûre,  la  plus  immanquable,  toutes  ces.  côtes  de 
riDdo-Chine  pour  lesquelles  le  récent  projet  avait  demandé 
uoe  flotte  dont  le  prix  de  revient  était  de  200  millions.  Il 
faut  toutefois  ajouter  une  chose  :  c'est  que  les  marins  qui 
duraient  monté  la  flotte  auraient  certainement  été  à  l'abri, 
tandis  que  nous  ne  pouvons  pas  en  dire  autant  des  marins 
qui  monteront  les  petites  vedettes  Les  100  marins  qui  mon- 
teront les  50  vedettes  partiront  sur  avis  de  la  télégraphie 
sans  fil  et  torpilleront  à  50,  60  ou  100  milles  le  premier 
bateau  qu'ils  rencontreront,  après  quoi,  ils  seront  obligés 
de  virer  et  de  rentrer  au  port.  Mais  il  y  a  le  une  minute  et 
demie  terrible  ;  les  600  kilos  que  pèse  la  torpille  et  qui  dis- 
paraissent avec  elle,  occasionnent  un  manquesubit  d'équi 
libre.  Il  y  a  dans  la  vedette  un  système  de  pompe  à  aspira^ 
tionqui  fait  que  l'eau  de  mer  remplira  immédiatement  l'es- 
pace vide  au  prorata  de  600  kilos  :  par  conséquent  il  y  aura 
pendant  une  minute  et  demie  une  instabilité  qui  mettra  la 
▼edette  certainement  en  danger  ;  c'est  là  le  seul  inconvé- 
nient. Lorsqu'on  le  présenta  à  l'amiral  Fournier,  il  se  mit  à 


300  LA   DÉPENSE   DE  L*INDO-CHINE 

sourire  en  disant  que  lorsqu*il  s*agissait  du  danger  qu^ 
courent  les  individus  pour  leur  p«iys,  cela  ne  devait  pas  en- 
trer enligne  de  compte.  Il  est  certain  que  tous  les  avanta- 
gesse  trouvent  réunis  dans  celte  vedette,  mais  ceux  qui  la 
monteront  devront  faire  auparavant,  comme  font  déjà  le» 
officiers  et  marins  des  sous-marins,  c'est-à-dire  le  sacrifice 
de  leur  existence.  Ils  sont  destinés  à  mourir  pour  leur  pays 
et  nous  connaissons  assez  nos  marins  pour  savoir  que  ce 
n*est  pas  eux  qui  s'en  plaindront. 

Voilà  donc  comment  la  défense  maritime  se  trouve  subi- 
tement organisée  par  la  découverte  de  ce  petit  engin  dû  à. 
Tesprit  pratique  de  l'ingénieur  français,  M.  Récopé.  Je  ne 
vous  dirai  certainement  pas  quels  sont  les  points  d'opéra- 
tions, les  points  d'appui  où  se  concentrera  la  défense  mo- 
bile ;  on  a  dit  dans  les  journaux  que  ce  serait  Haîphong, 
Hongay,  Tpurane,  cette  fameuse  baie  de  Camranh,  où 
l'amiral  Rodjestvenski  a  pris  du  charbon  et  de  Tespoir, 
qui  serviront  de  points  intermédiaires,  mais  ce  sont  là  des 
détails  techniques  de  guerre  dans  lesquels  il  est  préférable 
de  ne  pas  entrer.  Il  faut  savoir  seulement  ceci,  c'est  qu'a- 
vec les  torpilleurs,  les  contre-torpilleurs,  les  sous-marins  et 
les  submersibles  dont  plusieurs  viennent  d'être  convoyés 
et  sont  déjà  en  Indo-Chine,  et  avec  une  cinquantaine  de 
vedettes,  la  défense  sera  une  chose  accomplie,  en  ce  sens 
que  l'ennemi  sera  maître  de  la  mer,  mais  que  nous  serons 
maîtres  du  sol  où  nous  serons,  et  qui  produit  la  nourriture 
entière  de  l'Extrême  Orient*  Nous  en  resterons  les  maîtres; 
nous  ne  pouvons  demander  autre  chose,et  ce  sera  peut-être 
la  meilleure  solution  de  toutes  les  difiQcultés. 

LA  DÉFENSE  TERRESTRE 

Il  faut  bien  s'imaginer  que  si  nous  sommes  attaqués  par 
mer,  également  nous  le  serons  par  terre*  Nous  avons  de 


LA  DÉFENSE  DE  L*INDO-CHINE  301 

très  longues  frontières  avec  la  Chine,  avec  le  Siam,  fronliè- 
Tdsqui  sont  défendues  par  des  forts  de  très  peu  de  valeur, 
.  peu  d'arliUerie,  c'est-à-dire  que  là  encore  nous  nous  som- 
mes contentés  de  l'illusion,  mais  comme  aujourd'hui  cette 
illusion  n'est  plus  possible,  qu'il  faut  faire  comme  nous 
avons  fait  pour  la  mer,  il  faut  que  nous  trouvions  sur  terre, 
dans  le  sol,  dans  les  forces  indo-chinoises,  les  réserves  de 
guerre  nécessaires  pour  nous  défondre  d'une  façon  suffisante 
contre  les  invasions  terrestres  possibles.  Or,  ce  que  nous 
possédons  aujourd'hui  de  troupes  métropolitaines  en  Extrê- 
me-Orient serait  tout  à  fait  insuffisant  non  seulement 
pour  attaquer,  mais  pour  riposter  et  pour  défendre. 

Elles  ne  seront  pas  augmentées  en  temps  de  guerre, 
parce  que  le  peuple  français  ne  comprendra  jamais  que 
pour  conserver  l'Indo-Ghine  il  faut  plus  de  monde  que 
pour  la  conquérir.  Il  faut  donc  qu'avec  nos  troupes  déta- 
chées aujourd'hui  là-bas  nous  ayons  un  noyau  suffisant 
pour  défendre  l'Indo-Chine  et  qu'autour  de  ce  noyau  et 
comme  la  pulpe  autour  du  noyau,  la  réserve  indigène  ins- 
truite, recrutée,  se  masse  pour  former  une  armée  locale, 
capable  de  résister  à  une  invasion  jaune.  Ceci  n'est  pas 
impossible,  car  ce  ne  sont  pas  des  troupes  européennes 
que  nous  aurons  à  combattre,  ce  sont  des  troupes  japo- 
naises, chinoises,  siamoises. On  a  beau  dire  que  ces  nations 
jaunes  sont  réveillées  :  on  ne  sort  pas  impunément  de  4  ou 
Emilie  années  de  paix  effective  pour  devenir  d'invincibles 
guerriers  ;  leurs  contingents  ne  valent  pas  ceux  que  nous 
aurons  à  leur  opposer  ;  il  suffît  d'une  certaine  valeur  mo- 
rale pour  avoir  raison  du  nombre  tout  en  lui  opposant  une 
moindre  valeur  matérielle. 

Eh  bien  !  c'est  ici  que  nous  devons  faire  un  meh  culpa 
moins  coûteux,  mais  peut-être  plus  pénible  à  notre  amour- 
propre.  Avons-nous  fait  ce  qu'il  fallait  pour  avoir  une 
armée  locale  indigène  fidèle  et  dévouée  ?  Non,  nous  ne 


302  LA  DÉFENSE  DE  l/lN DO-CHINE 

l'avons  pas  fait.  Lorsqu'on  possède  des  provinces  de 30 i 
85  millions  d'individus, si  ces  30  à  35  millions  ne  nous  aideat 
pas  à  les  défendre,  nous  ne  pourrons  pas  faire  face  aux  en- 
nemis du  dehors,  ni  aux  mécontents  du  dedans.  Il  faut 
conserver  l'Indo-Chine,  et  il  faut  que  nous  la  conservions 
grôce  à  ceux  qui  l'habitent.  Il  faut  que  ceux  qui  l'habitent 
ne  soient  pas  seulement  nos  sujets  et  nos  protégés,  mais 
aussi  nos  amis,  sinon  de  cœur,  du  moins  nos  amis  de 
raison  ;  et  je  crois  qu'avec  la  façon  dont  lesprit  jaune  est 
tourné  d'une  part,  la  divergence  des  races  blanches  el 
jaune  d'autre  part,  c'est  à  la  raison  qu'il  faut  faire  appd 
bien  plus  qu'aux  sentiments  ;  il  faut  donc  que  ce  peuple 
comprenne  que  son  intérêt  de  peuple  indo-chinois  est  un 
morceau  de  l'intérêt  du  peuple  français.  Il  ne  faut  pas  que 
des  rebelles,  que  des  nationaux  d'Annam  puissent,  comme 
ils  le  faisaient  encore  hier,  dire  que  nous  sommes  les  tyrans 
de  l'Annam,  que  nous  essayons  d'en  être  les  maîtres  et  que 
représentants  d'une  tradition  autre,  ils  doivent  nous  de- 
meurer opposés.  Il  faut  au  contraireque  ces  gens  sachent 
bien  maintenant  que,  par  suite  de  l'évolution  des  peuples, 
par  suite  de  la  trop  grande  vieillesse  de  leur  race,  ou  des 
conditions  ethniques  sur  lesquelles  je  n'ai.pas  à  m'étendre» 
ils  comprennent  que,  ne  pouvant  être  leurs  propres  maîtres, 
ils  ne  peuvent  pas  avoir  de  meilleurs  directeurs  que  nous  ; 
et  ils  doivent  comprendre  que  l'Annam,  en  nous  perdant 
se  perdrait  lui  même  ;  ils  doivent  comprendreque  leursoï 
est  indéfectiblement  attaché  au  nôtre,  et  qu'en  travailla^ 
pour  nous  c'est  pour  eux  qu'ils  travaillent.  Pour  atteindr 
ce  but,  il  ne  faut  pas  les  considérer  comme  des  sujets  é 
reprendre  la  politique  de  conquête,  il  ne  faut  pas  les  consi 
dérer  comme  des  protégés,  et  continuer  la  politique  d 
domination  ;  je  me  hâte  de  dire  qu'il  ne  faut  pas  les  con 
sidérer  comme  des  égaux,  c'est-à  dire  faire  delà  politiqu 
d'assimilation,  mais  comme  des  associés  et  faire  de  la  pol 


LA  DÉFENSE  DE  L*JNDO-CHINE  303 

que  d'association.   Cette  politique    d'association,    mot  si 

heureusement  prononcé  par  M.  Clémentel,  ministre  des 
colonies,  doit  être  aujourd'hui  la  directrice  de  notre  action 
en  Indo-Chine,  si  nous  voulons  obtenir  de  nos  Annamites 
tout  le  concours  que  nous  sommes  en  droit  d'attendre  d'eux 
ei  qu'il  faut  qu'ils  nous  donnent,  si  nous  voulons  demeurer 
prépondérants  en  Indo-Chine.  Cette  association  consiste 
essentiellement,  non  pas  du  tout  à  faire  juger  les  Français 
par  des  magistrats  indigènes,  encore  moins  à  nommer  un 
Annamite  vice-président  du  Conseil  Général  de  Cochinchine 
comme  on  l'a  fait  l'autre  jour. 

Elle  consiste  à  utiliser  dans  la  contrée,  dans  le  bien  géné- 
ral delà  France,  tout  ce  qui  dans  les  anciennes  traditions, 
les  anciennes  mœurs,  li'est  pas  absolument  contraire  à 
notre  tempérament  et  à  nos  intérêts  ;  et  je  dois  dire  que 
dans  l'utilisation  de  cette  réserve  extraordinaire  de  forces 
qu'est  rindo-Chine,  dans  un  bien  général,  la  France  ne 
doit  pas  s'écarter  de  la  politique  d'association.  Elle  avait  été 
révélée  de  la  façon  la  plus  claire,  dans  l'application,  par 
un  homme  dont  ce  n'est  pas  du  tout  ici  l'endroit  d'apprécier 
le  rôle  politique,  mais  qui  a  compris  l'Indo-Chine,  qui  l'a 
revivifiée  et  l'a  dirigée  de  la  façon  la  plus  sùro  vers  un  heu- 
reux avenir  :  M.  Paul  Doumer. 

La  politique  d'association,  telle  ([u'elle  est  ainsi  com- 
prise, telle  qu'elle  doit  être  appliquée,  comporte  la  direction 
de  toutes  les  forces  françaises  et  indigènes  vers  un  but 
exclusivement  français,  non  par  des  méthodes  françaises, 
mais  par  des  méthodes  où  l'esprit  français  et  les  traditions 
indigènes  se  marieront  au  prorata  de  leur  valeur  et  des 
colleclivités  représentées  en  Extrême-Orient. 

Nous  avons  en  Indo-Chine  des  régiments  de  tirailleurs 
recrutés  à  la  façon  métropolitaine  de  France,  encadrés 
comme  sont  encadrés  les  régiments  de  ligne  français, 
commandés  comme  sont  commandés  les  régiments  do  ligne 


304  LA   DÉFENSE   DE  L*INDO-CHINE 

français,  armés  comme  sont  armés  les  régiments  de  lige 
français,  instruits  à  la  guerre  comme  s'ils  allaient  avoir 
se  battre  contre  des  formations  allemandes  ;  cela  coûte  trè 
cher  et  l'expérience  n'a  pas  encore  dit  si  cela  servirai! 
grand'chose.  Nous  avons  d'autre  part  les  milices  ou  garde 
indigènes  qui  seront  recrutées  suivant  les  anciennes  loii 
militaires  nationales  del'Annam  ;  bien  entendu  ces  loiî 
prévoyaient  un  très  grand  nombre  de  soldats  ;  nous  en 
avons  pris  excessivement  peu  pour  ne  pas  grever  d'un 
impôt  du  sang  des  pays  qui  ne  nous  étaient  dévoués  qu'im 
parfaitement.  Ces  milices  sont  encadrées  par  un  cadre 
français  restreint,  régies  par  les  lois  militaires  d'Annara, 
payées  suivant  les  tarifs  et  les  barèmes  annamites,  et  je 
vous  prie  de  croire  que  c'est  bon  marché  !  Elles  sont  ar- 
mées de  fusils  *'  Gras",  elles  sont  instruites,  comme  fo^ 
mations,  pour  une  guerre  de  partisans,  pour  une  guerre 
locale  Ces  gardes  civiles  ou  miliciens  feraient  des  soldats 
déplorables  en  Europe,  mais  excellents  en  Asie.  Je  pense 
que  l'on  a  prévu  que  ces  miliciens  auraient  à  se  battre  eo 
Asie,  non  en  Afrique  ou  en  France,  non  pour  prévoir 
d'autres  besoins  de  la  défense  nationale.  Je  crois  qu'ils 
remplissent  excellemment  le  rôle  auquel  ils  sont  destinés- 
Ils  sont  recrutés  végionalenient  ;  c'est  là  la  pierre  d'achoppé- 
ment,  et  la  politique  d'association  va  commencer  à  se  faire 
sentir. 

Les  régions  de  l'Indo  Chine  sont  habitées  par  un  peuple 
—  ceci  se  dit  géographiquement  —  elles  sont  occupées, 
non  par  une  seule  race,  mais  par  des  souches  qu'on  appel- 
le IIô  excessivement  nombreuses  qui  n'ont  pas  entre  elles  des 
points  de  contac't  très  déterminés.  Ces  souches  sontjuxla 
posées  les  unes  aux  autres  comme  les  cases  d'un  damier  qu 
pour  faire  partie  du  même  damier,  n'en  sont  pas  moins,  le 
unes  blanches,  les  autres  noires.  Si  nous  appliquons  à  ce 
sujets  le  recrutement  militaire  français,  si  nous  envoyon 


LA    DÉFENSE   DE   LJNDO  CHINE  305 

ies  f^ens  de  l'ouest   dans  les  garnisons  do  Test,  si   nous 

envoyons  les  gens  de  plaine  défendre  les  montagnes,  nous 

n'arriverons  à  rien  en  Indo-Chine,  parce  (jue  ces  gens  sont 

de  races  très  jalouses  et  ont  très  développée  l'idée  de  souche, 

Vidée  do  village,  l'idée  de  famille,  mais  ils  ignorent  l'idée 

g»^>graphi<iue   de  la  patrie.  On  ne  p?ut  pas  agir  vis  à-vis 

dVux  comme  vis  à  vis  de  Français.  Un  Jaune  de  Hanoï 

n'ira  pas  défondre  un  Jaune  de  Hué,  ni   un  Jaune  de  Hué 

déftMidre  un  Jaune  de  liamu  ;  il  faut  par  coiisécjuent  (|ue  le 

Jaune  do  Hanoi  soit  élevé  à  la  défense  de  son  pays,  et  ce 

lui  de  Hué  à  la  défense  du  sien. 

Il  faut  donc  le  recrutement  régional  ;  et  la  politique 
d'association  aura  là  sa  première  conséquence.  En  établis- 
sant le  recrutement  régional  (qu'il  y  ait  3,  i,  5  ou  10  ré- 
pons, cela  importe  peu),  ces  gens  devront  faire  un  service 
tel  qu'ils  ne  soient  pas  casernes  dans  un  pays  autre  que 
celui  où  il  seront  recrutés,  et  pas  commandés  par  des  gens 
d'une  autre  race,  d'une  autre  souche,  d'une  autre  appella- 
tion ethniijue  que  celles  dont  ils  font  eux  mêmes  partie. 
Ils  pourront,  lors(jue  l'invasion  arrivera,  être  transportés 
par  la  suite  sur  le  sol  d'un  voisin  pour  le  défendre  parce 
quils  auront  alors  à  risposter  et  à  venger  une  injure,  mais 
il  ne  faudra  pas  les  transporter  avant  que  les  nécessités 
le  commandent.  En  agissant  autrement  nous  risquerions 
de  ne  pouvoir  avoir  qu'une  armée  de  défense,  une  armé«î 
de  riposte,  mais  jamais  une  armée  d'attaciue. 

Recrutés  régionalement,  il  ne  faut  pas  leur  demander 

un  stTvice  p(îrmanenl,  car  rAnnamite  ne  comprendra  ja - 

/nais  (ju'en  temps  de  paix  il  soit  obligé  de  restera  la  caserne 

â  faire  du   maniement  d'armes  ou  à  ne  rien  faire,  sous 

!    prétexte  que  le  temps  de  guerre  pourra  arriver.   Ce   qu'il 

faut  lui  apprendre,  c'est  (ju'il  doit  savoir  être  un  bon  soldat, 

iiiarcher  sans  se  fatiguer,  utiliser  tous  les  accidents  de  ter 

min,  tirer  proprement,  et  ensuite  le  renvoyer,  quitte  à  lui 

20 


306  LA   DÉFENSE  DE  L'INDO-CHINE 

faire  faire  des  périodes  d'instruction,  mais  on  ne  peut  pai 
exiger  de  lui  2  ans,  3  ans,  ni  Tans  de  service  comme  poui 
des  troupes  européennes:  c'est  tout  à  fait  impossible- Oi 
ne  pourra  pas  le  faire  commander  par  des  officiers  qu'il  lu 
connaîtra  pas,  quand  ils  auront  été  habitués  à  être  coin 
mandés  par  des  inspecteurs,  par  des  gardes  principaux 
on  ne  pourra  pas,  en  temps  de  guerre,  leur  supprimer  leur^ 
chefs  naturels  et  les  placer  sous  le  commandement  d'olTï 
ciers  supérieurs,  il  faut  leur  conserver  leurs  inspecteurs, 
quitte  ô  contraindre  ceux-ci  à  devenir,  dans  leurs  fonr- 
tiens,  aussi  expérimentés  que  de  véritables  officiers.  Dans 
ces  conditions  nous  savons  aussi  une  chose,  c'est  que,  à 
égalité  d'expérience,  à  égalité  de  nombre,  la  garde  indigè- 
ne  recrutée  ainsi  sera  payée  exactement  3  fois  et  demie 
moins  cher  que  le  recrutement  en  faveur  dans  la  métropole  ; 
ce  serait  aussi  le  bénéfice  du  budget,  car  nous  avons  ainsi 
une  économie  de  350  %  sur  la  troupe  permanente  en  faveur 
de  la  garde,  civile  ou  militaire,  indigène  intermittente. 
Dans  ces  conditions  nous  pouvons  espérer,  d'après  les  lois 
mêmes  du  recrutement  de  l'empire  d'Annam,  posséder 
immédiatement  une  armée  de  57.000  hommes  dès  la  pre 
mière  année,  mais  s'augmentant  tous  les  ans  mécanique- 
ment et  par  la  seule  résurrection  des  lois  de  l'empereur 
Minh-Mang. 

Nous  pouvons  obtenir  une  augmentation  annuelle  de 
10.000  hommes.  Je  vous  lai.sse  le  soin  de  faire  le  calcul  au 
bout  de  10  ans.  Si  je  dis  10  ans,  c'est  que  le  traité  an^lo- 
japona's  nous  laisse  10  ans  do  répit  en  Indo  Chine,  puiscjuo 
c'est  pour  10  ans  qu'il  est  fait  ;  et  comme  il  impose  10  ans 
de  statu  quo,  dans  10  ans  nous  pouvons  donc  avoir  160.000 
hommes  de  troupes  indigènes  :  nous  pouvons  conserver  nos 
troupes  métropolitaines  telles  (ju'elles  existent  aujourd'liui, 
sans  les  augmenter  pour  la  défense  de  l'Indo-Chine,  et 
dt'fendre  celle  ci  sur  mer  de  la  fayon  que  je  vous  ai  indiquée. 


LA    DÉFENSE    DE  L'INDO  CHINE  307 

c'est  à-dire  par  les  vedettes  pouvant  être  concentrées  dans 
des  endroits  qu'il  n'est  pas  opportun  de  dire  et  qu*à  bon 
escient  on  ne  défendra  pas  pour  inviter  l'ennemi  à  y 
descendre  ;  et  nous  pourrons  interdire  ainsi  de  la  façon  la 
plus  absolue  une  descente  de  l'ennemi  en  Indo-Chine  par 
mer. 

On  peut  également,  si  l'on  sait  faire  les  sacrifices  néces- 
saires à  l'avance,  si  l'on  sait  retirer  les  troupes  qui  ne  gar- 
dent que  les  frontières  infertiles,  on  peut  défendre  ce  qu'il 
est  intéressant  de  garder  en  Indo-Chine  :  la  tête,  le  cœur 
etl'estomac.  Le  cœur,  Hanoï  la  capitale  ;  la  tôte,  Saigon, 
où  se  trouvent  nos  points  d'appui,  notre  arsenal  ;  l'estomac, 
le  delta  du  Tonkin  qui  alimente  toute  la  Chine  méri- 
dionale qui  ne  nous  aime  pas  mais  qui  a  besoin  de  nous 
pour  se  nourrir. 

Voilà  quelles  sont  à  l'heure  actuelle  les  prévisions  possi- 
bles pour  l'avenir  de  l'Indo-Chine  ;  elles  sont  délicates,  diffi- 
ciles, elles  nécessitent  beaucoup  d'attention  de  notre  part, 
mais  enfin  c'est  dans  les  choses  possibles  de  considérer 
ces  sacrifices  nécessaires  pour  notre  situation  afin  de  la 
rendre  inattaquable.  Il  faut  bien  savoir  que  ce  n'est  pas  sur 
les  champs  de  bataille  que  se  décidera  le  traité  de  paix, 
il  suffit  que  nous  ne  perdions  rien,  afin  qu'on  ne  soit  pas 
obligé  de  nous  rendre  quelque  chose.  Lorsque  nous  aurons 
conservé  sans  avoir  rien  conquis,  il  sera  naturel  de  garder 
C"  que  nous  n'aurons  pas  perdu  ;  il  serait  beaucoup  plus 
délicat  de  réclamer  une  chose  que  nous  aurions  été  obligés 
d'abandonner  ;  il  faut  donc  ne  rien  perdre  de  ce  que  nous 
p)sséJons.  Je  viens  d'expliquer  que  la  chose  est  possible  en 
d^pf^nsant  de  l'argent,  mais  pas  beaucoup.  Quand  je  pense 
HUuna  commencé  par  dire  qu'il  fallait  200  millions  !  Or,  en 
utilisant  les  ressources  du  pays,  on  finirait  par  ne  rien 
dépenser  ou  à  peu  près,  car  je  crois  que  personne  ne  trou- 
vera exagérée  une  dépense  normale  répartie  sur  plusieurs 


308  LA  DÉFENSE   DE  L'INDO-CHINE 

budgets,  suF  plusieurs  années,  dont  la  métropole  ne  s'aper- 
cevra pas  d'une  façon  sensible. 

Nous  aurons  peut-être  fait  quelques  sacrifices  d'amour- 
propie  pour  abandonner  cette  politique  un  peu  tyrannique 
de  domination  autocratique  où  il  n'y  a  que  des  chefs  d*un 
côté  et  des  sujets  de  l'autre,  pour  faire  la  place  à  nos  indi- 
gènes, de  telle  sorte  que  l'Indo-Ghine  soit  comme  une  gran- 
de maison  de  commerce  où  il  y  a  une  double  raison  socia- 
le, nous  conservant  la  signature  de  la  maison. 

Avec  ces  sacrifices  d'argent,  d'amour-propre  et  avec 
toute  la  patience  et  avec  toute  la  continuité  d'efforts  qu'il 
est  nécessaire  de  faire,  nous  arriverons  certainement  à  un 
bon  résultat  en  E.xtrôme-Orient.  Il  faut  que  par  tous  les 
moyens  possibles  l'opinion  française  soit  saisie  de  ses 
devoirs  d'abord,  et  surtout  ensuite  parce  que  nous  savons 
que  l'opinion  publique  éclairée  est  encore  le  grand  levier 
qui  fait  marcher  les  gouvernements  ;  c'est  à  notre  généra 
tion,  qui  a  conquis  l'Indo-Ciiine,  de  faciliter,  autant  que 
possible,  la  tôche  bien  plus  difficile  et  plus  délicate  que 
nous  laissons  ô  la  génération  qui  nous  suit,  de  sauvegarder 
les  conquêtes  que  nous  avons  faites.  (Applaudissements.) 


De  Pouvourville 

Ancien  résident  en  Indo-Chine 
Membre  dit  Conseil  Supérieur  des  Colonies 


liE  I^ESEt^VOIt?  Ù'RSSOVRH 

et 

liE  UAC   lIOEt^IS''^ 


Nous  venons  de  voir  comment .  7-r7:r-r  i^:.rr:r  :•  ■  j:r^.*: 
r6:evoip  le  bienfait  de  T irrigation  >>.-.-  ^  «  -m--.:  .* 
Tfj.eurde  son  sol  cultivé  pourrait  »r^--?  :,-,  .^  :.-.:.- 
ÙCGS  de  £  275,000,000  à  £  335.aX.Jx  .  .^,  *:r  -^Vt 
n^iintenant  à  la  question  d'assurer  àc-v^  :  _.^^  :;-;'* 
me  immunité  contre  les  maux  terrib.Tî  >,    -.     ^,     . 

Eq  abordant  cette  question,  nous  s-'.z.-^^  -^  , ,,. ^   , 
ternative  soit  de  nous  ranger  à  TavLà  djp:-^:  ^       ,   ,^ 
dît  :  ((  Se  mettez  pas  tous  vos  œufs  dan^  ii  ^,  -^,^  ^ 
rJl  à  celui  de  la  variante  américaine  :  ■  :Ov^  ._^  , 
œufs  dans  un  seul  panier,  mais  observez  --.t:.^ 
Je  me  prononce  pour  la  variante  aat:-:-  :^ 
De  même  que  fai  choisi  autrefoii  p^-  ->    -.^  ^-. 
forrage  d'Assouan  le  dessin  des  inseir.-.    .  .^  ,^  ** 
c^nal  de  navigation  de  Nicaragua,  •!*  >_. 
e  propose  pour  la  discipline  du  Ni;  Ul-_  .  , 
ire  par  M.  EadspourleMississipi.L:.-.     .  .-   ,7,^ 
M.  Eads  sur  le  Mississipi  à  la  Xouve .-         .  ^  "*        ' 
iste  titre,   la   réputation  d'être  ul-ï  >       _       *  *    * 
^;^des  en  Vert  de  discipliner  les  f^, .  ..  ^  .'^  '  *  * 
.Mlons    préliminaires  étant  faites.  ^  *    *'"  '*' 

neilieur  méthode  de  protéger  l'Er         ^  J^  "       * 
inDndation.  --    -  ^ 

Pendant  les  fortes  crues,  le  X.:,     ^  n» 


Voir  le  BuUeUn  dut-  trimcititflK 


310  LE  RÉSERVOIR  D'aSSOUAN  ET  LE  LAC  MŒRIS 

dessus  du  niveau  des  campagnes,  lesquelles  sont  protégées 
par  des  digues  ou  levées  se  prolongeant  depuis  Assouan 
jusqu'à  la  mer. 

Dans  la  Haute-Egypte,  une  très  haute  crue  s'élève  à  un 
mètre  au  dessus  des  campagnes  ;  elle  s'élève  à  deux  mètres 
dans  la  Moyenne- Egypte  ainsi  que  dans  la  branche  de 
Rosette,  alors  que  dans  la  branche  de  Damiette  elle  atteint 
par  endroits  trois  nȏtres  et  demi.  La  branche  de  Damielte 
n'est  en  réalité  qu'un  canal,  et  tout  a  fait  hors  d'état  de  servir 
dans  une  haute  crue.  Je  crois  que  ce  qu'aurait  de  mieux  à 
faire  le  Gouvernement  serait  de  prendre  la  branche  de  Roset- 
te et  de  l'appeler  le  Nil,  et  quant  à  celle  de  Damiette,  la  ré- 
glementer tout  comme  un  canal  ordinaire  par  le  moyen  du 
régulateur  placé  à  sa  prise  au  Barrage.  En  arrivant  en 
Egypte,  nous  trouvâmes  que  la  méthode  en  usage  était  de 
diviser  et  répandre  la  crue  en  autant  de  canaux  qu'il  était 
possible,  et  de  protéger  le  tout  au  moyen  de  corvéables 
réquisitionnés  par  dizaines  de  milliers.  Nous  changeâmes 
cet  ordre  de  choses  et  concentrâmes  nos  énergies  sur  les 
branches  de  Rosette  et  de  Damielte.  Maintenant  que  nous 
sommes  arrivés,  grâce  à  Sir  Hanbury  Brown,  à  régle- 
menter à  sa  prise  la  branche  de  Damiette  lors  de  la  crue, 
nous  pourrions  détourner  en  entier  celle-ci  dans  la  branche 
de  Rosette  et  observer  cette  branche.  Nous  devons  mettre 
dans  un  seul  panier  tous  nos  œufs  et  observer  le  panier. 

En  1861,  1863,  1866,  1869,  1874  et  1878,  la  branche  de 
Damiette  fut  sérieusement  rompue.  Sur  la  branche  de 
Rosette  il  n'est  intervenu  qu'une  seule  rupture,  en  1863. 
La  grande  rupture  de  la  branche  de  Damiette,  en  1878,  fil 
Un  nombre  considérable  de  victimes.  Mais  furent  plus 
sérieuses  les  conséquences  de  celle  qui  intervint  en  1863, 
sur  la  branche  de  Rosette,  non  loin  de  sa  prise.  Toute  la 
partie  occidentale  du  Delta  proprement  dit  fut  balayée  par 
le  fleuve,  et  comme  les  canaux  n'y  ont  pas  des  digues  hau- 


k 


LE  RÉSERVOIR  D'aSSOUAN  ET  LE  LAC  MŒRtS  311 

t^s,  un  Irôs  grand  nombre  de  personnes,  faute  de  refuge, 
[lérireni  submergées.  La  même  chose  pourrait  arriver 
aujourd'hui  s'il  survenait  une  rupture,  mais  le  dommage 
sérail  encore  plus  sérieux.  Le  pays  est  couvert  de  villas  et 
de  riches  plantations,  et  les  terrains  bas  sont  tous,  jus- 
qu'aux bords  même  du  lac  Bourlos,  assainis  et  habités.  La 
perte  en  hommes  serait  en  vérité  épouvantable.  Une  ruptu- 
re venant  à  se  produire  au  moment  d'une  très  forte  crue 
^D  mlmporte  quel  point  delà  digue  orientale  delà  branche 
Rosette  jusqu'à  100  kilomètres  du  Barrage,  constituerait  un 
désastre  national. 

La  terreur  qui  règne  à  travers  le  pays  tout  entier  pen- 
dant une  très  haute  crue  est  extrêmement  frappante.  Les 
digues  du  Nil  sont  semées  d*abris  distants  de  50  mètres 
l'un  de  l'autre.  Chacun  de  ces  abris  a  deux  hommes  qui 
veillent  et  des  lampes  y  brûlent  toute  la  nuit.  Â  tous  les 
points  dangereux,  il  y  a  des  bandes  de  50  à  100  hommes 
>péciaux.  Le  Nil  est  couvert  de  vapeurs  et  de  barques  por- 
tant des  sacs,  des  pieux,  des  pierres,  tandis  que  ses  digues 
sûDtà  peu  près  tout  le  long  protégées  par  des  pieux  suppor- 
tant des  tiges  de  cotonniers  et  de  maïs  et  destinés  è  tenir 
l'onde  à  distance  de  la  terre  friable  dont  elle  sont  formées. 
A  l'occasion  d'un  affaissement  survenu  dans  la  digue  sep- 
tentrionale de  Mansourah,  en  1887,  j'ai  été  témoin  d'une 
scène  qui  a  dû  autrefois  être  bien  plus  commune  qu'au- 
ioupd'hui.  La  nouvelle  que  la  digue  avait  cédé  se  fut  bien- 
tôt répandue  dans  le  village.  Les  villageois  se  précipitèrent 
alors  vers  les  digues  avec  leurs  enfants,  leurs  bestiaux  et 
tout  ce  qu'ils  possédaient.  La  confusion  était  indescriptible  : 
ine  chaussée  étroite  couverte  de  buflfles,  d'enfants,  de  vo^ 
lailles  et  de  meubles  1  Les  femmes  s'étaient  assemblées  au- 
t'3Qr  du  santon  local,  et  là,  elles  se  battaient  la  poitrine, 
baisaient  la  pierre,  proféraient  des  gémissements  !  Et  à 
chaque  5  ou  6  minutes,  une  troupe  d'hommes  traversant 


312  LE  RÉSERVOIR  D'ASSOXJAN  ET  LE  LAC  MCËRIS 

la  foule  emportaient  le  premier  objet  sur  lequel  ils  avaient 
pu  mettre  la  main  pour  aveugler  la  voie  d'eau.  Cependant 
que  pleins  de  fermeté  et  d'ardeur,  les  fellahs  s'enfonçaient 
dans  la  brèche,  se  serraient  et  faisaient  mur  contre  l'onde 
qui  s'échappait,  et  à  l'aide  de  portes  et  de  fenêtres  arrachées 
dans  les  habitations,  et  d'épis  de  maïs,  réussissaient  finale- 
ment à  l'aveugler.   Il  n'était  d'ailleurs  juste  «que  temps  I 

Voilà  comment  les  fellahs  avaient  l'habitude  de  faire 
face  à  une  rupture  de  digue.  Mais  voici  maintenant  les 
moyens  que  lui  opposaient  les  anciens  gouverneurs  d'Egy- 
pte. Durant  la  crue  de  1887,  j'eus  l'occasion  de  comphmen- 
ter  un  agent  préposé  à  la  surveillance  de  la  digue,  et  dont 
l'activité  me  paraissait  hors  de  proportion  avec  son  ôge 
apparent.  Il  me  déclara  alors  qu'il  était  relativement  jeune 
encore,  mais  qu'ayant  eu  la  charge,  en  1878,  de  surveiller 
la  digue  de  Mit  Badr  au  moment  où  se  produisit  la  grande 
rupture,  il  avait  été  condamné,  en  vertu  d'ordres  télégra- 
phiques émanés  d'Ismaïl  pacha,  à  être  jeté  dans  la  brèche, 
lui  ainsi  que  l'ingénieur.  Le  chef  local  lui  accorda  12  heures 
de  sursis,  et  pendant  cet  intervalle  ses  cheveux  étaient  de- 
venus tout  blancs.  Il  obtint  ensuite  son  pardon...  Tels 
étaient  les  ordres  ineptes  qui  venaient  glacer  et  abêtir  les 
fonctionnaires  I 

Le  Réservoir  à  haut  niveau  du  Wady  Rayan,  devenu 
le  moderne  lac  Mœris,  aura  un  grand  avantage  déjà,  celui 
de  pouvoir  abaisser  deSOcentimètresune  haute  crue  durant 
cinquante  jours.  Ceci  causera  au  Nil  un  soulagement  qui 
sera  fort  apprécié  à  travers  toute  la  contrée  depuis  Beni- 
Souef  jusqu'à  la  mer,  de  même  que  par  Le  Caire. 

J'ai  déjà  dit  plus  haut  qu'il  faudrait  réglementer  la  bran- 
che de  Damiette  et  la  traiter  comme  un  canal.  Toute  l'éner- 
gie de  la  Basse-Egypte  pourrait  se  concentrer  alors  sur  la 
branche  de  Rosette  qui  est  très  considérable  et  se  prête  à 
un  grand  développement,   Les  ruptures  fréquentes  de  la 


LE  RÉSERVOIR  D^ASSOUAN  ET  LE  LAC  HfŒRIS  313 

branche  de  Damiette  ont  été,  parmi  d'autres  causes,  une 
cause  sérieuse  de  l'envasement  de  son  lit  et  de  ses  parois. 
La  branche  de  Rosette  n'a  eu  en  réalité  qu'une  seule  rup- 
ture en  50  ans  ! 

L'argument  de  M.  Eads  est  clair.  Il  affirme  que  les  fleu- 
ves érodent  par  endroits  leurs  digues,  non  par  l'action  di- 
recte de  l'eau,  mais  parles  changements  qui  interviennent 
dans  la  vélocité  du  courant.  Quant  l'eau    du  fleuve  est 
chargée   de  matières   sédimentaires  jusqu'à  son    entière 
saturation,  elle  ne   peut  en   supporter  davantage   que  si 
la  force  du  courant  s'élève.  D'autre  part,  là  où  le  chenal  est 
à  peu  près  uniforme,  l'eau  du  fleuve  ne  peut  guère  éroder 
ni  l'une  ni  l'autre  de  ses  digues.  Mais  quand   le   chenal 
manque  d  uniformité,  la  vase  se  précipite  au  fond  des  sec- 
lions  larges,  et  l'eau,  affranchie  d'une  partie  des  matières 
tenues  en  suspension,  est  prête  à  éroder  encore.  C'est  cette 
alternance  de  précipitation  sédimentaire  et  d'érosion  qui 
faille  mal.  S'il  faut  traiter  la  branche  de  Rosette  d'après 
la  méthode  de  M.  Eads,  il  sera  nécessaire  d'en  fixera  550 
mètres  la  largeur  au  plan  de  surface.  On   pourrait  amener 
le  fleuve  à  cette  largeur  superficielle  en  construisant  ô  peu 
de  frais  sur  les  bancs  de  sable  de  légers  épis  perméables. 
Les  espaces  compris  entre  ces  épis  pourraient  être  livrés  a 
la  culture,  si  bien  que  ce  mode  de  traitement  du  fleuve  in* 
rfemniserait  par  sa  nature  môme  le  Gouvernement,  puisque 
ce  dernier  impose  tous  les  terrains  cultivés.   Il  en   résulte- 
rail  môme   un  joli  bénéfice  à  toute  Société  qui  viendrait  à 
entreprendre  cet  ouvrage,  du  jour  où  l'on  se  sera  rendu 
bien  compte   du   règlement  concernant  les  plages  du  Nil. 
En  tous  cas,  le  Gouvernement  est  appelé  à  réussir  toujours. 
Il  taxe  s'il  ne  vend  pas.  Un  tel  procédé,  s'il  était   adopté, 
amènerait  l'abaissement  permanent  de  la  crue. 

En  sus  de  ce  qui  précède,  il  y  aurait  lieu  de  compléter  le 
système  d'épis  inauguré  en  1884  et  de  reculer  les  digues. 


'Mi  LE  RÉSERVOIR  D'aSSOUAN  liT  LE  LAC  MŒRIS 

ainsi  que  je  le  recommande  à  la  page  293  de  mon  ouvrage 
sur  l* Irrigation  égyptienne.  On  pourrait  très  avantageuse- 
ment reporter  ces  digues  de  50  mètres  en  arrière.  L'on  a 
calculé  que  l'exécution  de  ce  travail  sur  la  branche  de  Ro 
sette  envisagée  comme  constituant  le  Nil  futur,  coûterait 
£  600,000  ;  tandis  que  les  travaux  sur  la  branche  de  Damiet- 
t3,  réduite  à  l'état  de  grand  canal,  s'élèveraient  à  £  300,000 
Dans  ces  conditions, le  Delta  tout  entier  entraînerait  une  dé- 
pense de  £900,000  en  épis  et  digues,  tandis  que  les  travaux 
d'endiguement  offriraient  d'eux-mêmes  un  dédommage- 
ment, indépendamment  de  la  grande  amélioration  qu'ils  ap- 
porteraient au  chenal  et  de  l'abaissement  du  niveau  de  la  crue. 
Il  y  a,  dans  la  Haute-Egypte,  50,000  acres  de  plages  sa- 
blonneuses capables  d'être,  au  moyen  de  la  méthode  d'endi- 
guement de  M.  Eads,  amendées  et  élevées  à  la  valeur  de 
£  40  par  acre.  L'entendement  de  ces  plages  devrait  être 
entrepris  par  le  Gouvernement  qui  en  serait  dédommagé 
par  les  espaces  conquis.  Les  frais  de  la  construction  des 
épis  et  du  recul  des  digues  seraient  grandement  réduits 
dans  la  Haute-Egypte  où  le  fleuve  est,  sur  de  longs  par- 
cours, en  contact  avec  le  désert,  et  où  la  pierre  est  bon 
marché.  Une  somme  égale  à  celle  qu'il  faut  pour  la  Basse- 
Kgypte  suffirait  amplement  à  endiguer  le  Nil  à  partir  du 
Caire. 

.  Les  travaux  de  la  Haute-Egypte  ne  présentent  pas  le 
même  caractère  d'urgence  que  ceux  de  la.  Basse-Egypte 
dont  l'exécution  ne  devrait  pas,  sur  la  branche  de  Rosette, 
être  ajournée  d'une  seule  année.  Si  la  valeur  des  terrains 
du  Delta  est  égale  à  20  fois  leur  rendement  annuel,  c'est 
grâce  au  fait  qu'il  n'y  a  eu  depuis  1878  aucune  rupture  de 
digue,  et  que  l'irrigation  non  moins  que  le  drainage  y  sont, 
d'autre  part,  dans  d'excellentes  conditions.  A  quel  degré 
le  pays  serait  exposé  dans  l'éventualité  d'une  forte  crue^ 
ceci  n'est  connu  que  de  ceux-là  seuls  qui  sont  responsables 


LE  RÉSERVOIR  d'aSSOUAN  ET  LE  LAC  MCÈRIS  315 

du  maintien  des  digues  du  fleuve.  La  non  intervention 
d'une  seule  crue  haute  durant  unepériodede  neuf  années,  a 
plongé  l'Egypte  dans  une  sécurité  somnolente  d'où  elle 
jwurrait  avoir  à  sortir  par  un  terrible  réveil. 

Le  procédé  d'endiguement  au  moyen  d'épis  n'est  pas 
n.jiiveau  en  Egypte.  La  région  du  fleuve  comprise  entre 
.\ssouan  et  lialfa  est  contenue  par  des  épis  gigantesques  de 
pierres  sur  les  deux  rives.  Ces  travaux  contiennent  le  fleu- 
ve [)endant  Tété  et  aident  à  la  navigation.  Ils  furent 
probablement  élevés  par  le  grand  Rarasès  depuis  3.000 ans, 
en  ce  que  quelques-uns  des  plus  massifs  d'entre  eux  ont 
évidemment  été  construits  dans  le  but  de  reporter  le  fleuve, 
suivant  un  plan  courbe,  de  son  lit  naturel  vers  le  côté 
opposé  pour  y  former  un  bassin  d'eau  profonde  aux  pieds 
du  temple  de  Jerf  Husain,  construit  par  Ramsès.  Ces  épis 
ont  été  construits  avec  beaucoup  de  soins  et  d'habileté  et 
remontent  peut-être  jusqu'à  la  XII®  dynastie. 

Il  est  humiliant  d'en  faire  l'aveu,  mais  depuis  l'an  2000 
avant  Jésus-Christ  jusqu'à  l'invasion  arabe  survenue  en 
1  an  WO  de  notre  ère,  tandis  que  le  lac  Mœris  accomplissait 
sa  tâche  et  que  le  Nil  était  contenu  par  des  travaux  d'endi- 
gneraent  tels  que  ceux  que  nous  rencontrons  en  Nubie, 
l'Egypte  était  mieux  protégée  contre  l'inondation  et  le  fleuve 
mieux  contenu  qu'ils  ne  le  sont  aujourd'hui. 

Et  cependant  nous  avons  bien  des  avantages  aujourd'hui 
que  ne  connut  aucun  Pharaon,  Par  le  moyen  du  télé- 
graphe, nous  sommes  avertis,  15  grands  jours  avant  qu'elle 
û'ait  atteint  le  Delta,  de  l'arrivée  d'une  crue.  Le  Nilomôtre 
ieKhartoum  nous  met  en  mesure  de  prévoir  qu'elle  en  sera 
la  hauteur.  La  météorologie  nous  aide  encore  davantage» 
Dans  une  étude  que  je  lus  à  l'Exposition  internationale  de 
Chicago,  j*exposai  que  les  années  d'abondante  chute  plu- 
vieuse dans  l'Inde  correspondaient  en  Egypte  à  des  années 
<!«  haute  crue»  tandis  que  les  années  de  faible  précipitation 


316  LE  RÉSERVOIR  D'ASSOUAN  ET  LE  LAC  MŒRFS 

là-bas,  étaient  ici  des  années  de  basse  crue.  Sir  John  Eliot, 
le  directeur  général  du  Service  Météorologique  de  Tlnde, 
rectifia  cette  assertion  trop  absolue.  Il  affirma  que  si  elle 
ne  s*appliquait  point  à  la  mousson  du  Bengale,  elle  s'appli- 
quait du  moins  à  celle  de  Bombay,  de  façon  que  les  années 
de  forte  chute  pluvieuse  à  Gujerat  et  Bombay  correspon- 
draient à  des  années  de  forte  crue  ici  et  vice  versa.  Comme 
la  pluie  tombe  ô  Bombay  un  mois  avant  que  la  crue  du  Nil 
n'ait  atteint  Le  Caire,  nous  serons  ainsi,  en  supposant 
toujours  que  le  télégraphe  nous  renseigne,  avertis  au  Caire 
d'une  haute  crue  un  mois  avant  qu'elle  ne  nous  arrive. 
Mais  j'espère  arriver  à  mieux  que  cela.  J'espère  pouvoir 
établir  que  les  années  d'insuffisantes  pluies  dans  le  Levant 
et  la  Mésopotamie,  et  de  faibles  khamsins  en  Egypte,  sui- 
vis d'un  temps  sec  vers  le  milieu  de  juin  dans  la  vallée  du 
Nil,  augurent  d'une  crue  basse  ;  quand  au  contraire,  une 
grande  précipitation  pluvieuse  dans  la  Mésopotamie  et  au 
Levant,  accompagnée  en  Egypt^e  de  khamsins  violents,  et 
suivie  dans  la  vallée  du  Nil  d'un  temps  humide  vers  le 
milieu  de  juin,  augure  d'une  crue  haute.  Nous  avons  les 
bulletins  météorologiques  de  Beyrouth,  Bagdad,  Karachi, 
Bomoay,  Aden,  Adis  Ababa,  Khartoum,  Le  Caire,  et  d'une 
multitude  de  stations  intermédiaires.  C'est  ainsi  que  noua 
sommes  à  même  de  prévoir  non  seulement  10  à  30  jours  à 
l'avance  une  forte  crue  du  Nil,  mais  jusqu'à  60  jours,  et  que 
nous  nous  trouvons,  de  ce  fait,  en  bien  meilleure  situation 
qu*autrefois  de  faire  face  aux  dangers  d'une  inondation, 

Le  projet  complet  pour  l'irrigation  pérenne  et  la  protection 
contre  les  inondations  comporte  les  travaux  suivants  î 

Surélévation  du  Barrage  d'Assouan  (2  ans) £      500,000 

Réservoir  de  Wady  Rayan  ou  lac  Mdcris  (4  ans).       »    2,600,000 

Travaux  de  protection  dans  la  Basse- Egypte  (5  ans)      »      900,000 

»  ))  Haute-Egypte  (10  ans)      ))      900,000 

Total..,      £  4,900;000 


LE  RÉSERVOIR  1>*ASS0UAN  ET  LE  LAC  MŒRIS  317 

Aces  chiffres  il  y  a  lieu  d'ajouter  révalualioii  approximative 
des  travaux  sur  le  Haut  Nil. 
Régulateur  pour  le  lac  Victoria  Nyanza  (4  ans). .       £      400,000 

»  »         Albert  Nyanza  (4  ans) »      400,000 

(A  ce  suj;.t  il  convient  de  rappeler  que  le 
chemin  de  fer  de  l'Ouganda  est  mainte- 
nant en  exploitation  et  pourrait  servir 
pour  le  transport  des  matériaux.) 
Dragage  et  travaux  de  rectification  du  fleuve  dans 

3a  région  des  sadds.  25  ans  à  £  100,000 m   2,500,000 

{2  ou  3  ans  de  travail  assidu  avec  2  ou  3 
dragues  et  300  à  -400  forçats  s ufliront  à 
déterminer  la  nature  des  opérations  à 
faire.  ) 

Total...      £  3,300,000 


La  dépense  totale  s'élève  à  £  8,200,000,  répartie  sur  une 
pc^riode  de  25  ans. 

On  pourrait  ainsi  résumer  les  grands  avantages  que 
présenterait  l'exécution  de  tous  ces  tri  vaux  entrepris  si- 
multanément. 

L'augmentation  de  la  décharge  du  Réservoir  d'Assouan  se 
fera  sentir  en  Egypte  au  bout  de  deux  ans.  Cinq  ans  plus 
tard  les  eaux  du  Wady  Rayan  viendront  s'ajouter  à  celles 
du  Réservoir  d'Assouan  et  il  sera  possible  d'élever  la  récolte 
annuelle  de  coton  de  6  millions  à  10  millions  de  cantars.  Il 
î^era  également  possible  de  donner  leur  plus  grand  déve- 
loppement aux  res.sources  agricoles  du  Soudan  ;  et,  à  l'aide 
delà  force  de  25,000  chevaux-vapeur  au  minimum  que 
peut  fournir  la  6""^  cataracte  près  de  Khartoum,  d'utiliser 
puur  la  consommation  niême  du  Soudan,  les  eaux  suscep- 
tibles d'être  retenues  à  cette  cataracte,  augmentées  de 
laute  la  fourniture  du  lue  Tana  en  tant  (jue  celui  ci  soit,  du 
moins,  pourvu  d'un  tunnel  d'émission. 


3  18  LK  RÉSERVOIR  D'aSSOUAN  ET  LE  LAC  MŒRIS 

Tandis  que  toute  cette  vie  et  que  toute  cette  activité  se 
déploieront  en  Kgypte  et  dans  le  Soudan,  les  effets  des 
régulateurs  établis  sbr  les  lacs  équatoriaux,  comme  la  mise 
en  état  du  Nil  Blanc  dans  la  région  des  satids,  iront 
s'afïirmant  de  jour  en  jour  ;  et,  si  les  travaux  sont  exécu- 
tés avec  continuité  et  énergie,  il  deviendra  possible  avant 
que  20  ou  30  ans  soient  écoulés, que  la  fourniture  additionnel- 
le des  eaux  supérieures  du  Nil  Blanc,  se  présente  sous  un 
volume  si  ample,  que  Ton  pourra  se  dispenser  du  Réservoir 
de  Wady  Rayan  comme  réservoir. 

A  ce  moment-là,  il  sera  devenu  avec  son  canal  le  vérita- 
ble déversoir  de  l'Egypte  tout  comme  l'ancien  lac  Moeris, 
et  offrira  ainsi  à  la  contrée  une  garantie  absolue  contre  les 
dangers  d'une  haute  crue. 

L'Egypte  jouira  alors,  dans  l'acceptation  la  plus  large  du 
mot,  de  l'irrigation  pérenne  et  d'une  protection  effective 
contre  les  inondations. 

J'achève  cette  conférence  sur  l'irrigation  pérenne  et  les 
travaux  de  défense  contre  l'inondation  en  Egypte,  en 
faisant  observer  que  j'ai  à  dessein,  pour  éviter  toute  confu- 
sion, dérobé  à  votre  vue,  des  considérations  d'ordre  plutôt 
secondaire  en  comparaison  des  fins  souveraines  que  nous 
avons  envisagées,  et  auxquelles  j'ai  essayé  de  faire  face 
de  la  manière  la  plus  rigoureuse.  Si  les  sujets  de  moindre 
importance  ont  été  relégués  à  l'arrière  plan,  ce  n'est  ni 
qu'ils  aient  été  négligés  ou  oubliés,  ni  qu'ils  ne  soient  pas 
dignes  de  considération.  Je  n'ai  pas  voulu,  tout  simplement, 
troubler  votre  perspective.  Je  ne  me  suis  arrêté  ô  aucune 
critique  concernant  l'alignement  du  barrage  ou  le  niveau 
des  ouvertures  inférieures.  Ce  sont  là  des  points  menus 
auprès  de  la  solidité  de  l'ouvrage  ou  des  facultés  qu'il  offre 
à  être  surélevé.  Pareillement,  je  n'ai  point  voulu  faire 
allusion  au  fait  qu'avec  le  temps  les  eaux  du  lac  pourraient 
devenir  salées  ou  suinter  dans  le  Fayoum  au  travers  de  la 


LE  RÉSERVOIR  D*ASSOUAN  ET  LE  LAC  MCERIS  319 

pierre  calcaire.  Quand  l'ancien  lac  Mœris  ou  le    Fayoum 
actuel  était  rempli  d'eau  et  de  63  mètres  plus   haut  que  le 
Wady  Rayan,  demeurant  en  cet  état  pendant  des  milliers 
d'années,  on  n'entendit  jamais  dire  que  ses  eaux  s'étaient 
salées  ou  qu'elles  se  fussent  échappées  dans   le  Wady.  Le 
Wady,  élaii  tout  aussi  grand  qu'aujourd'hui  et  l'eau  de  la 
grande  mer  intérieure  demeura  toujours  douce.  S'il  y  avait 
eu  aucune  infiltration  sérieuse  de  l'ancien  Lac  Mœris  dans 
le  Wady  Rayan,  il  en  serait  résulté  une  nappe  considérable 
qui  n'aurait  pu  manquer  d'être  mentionnée  par  les  nombreux 
voyageurs  et  écrivains  qui  visitèrent  et  décrivirent  le  Lac 
Mœris.  Nulle  part  il   n'en  est  fait  mention.  Ces  questions 
furent  au  reste  complètement  débattues   et  éclaircies  dans 
une  séance  de  cette  société   tenue  en  mars  1888,  au   cours 
de  laquelle    le   colonel    Ross   soutint  la    théorie  d'après 
laquelle  le  lac  ne  pouvait  point  devenir  salé.  Cette  thèse  fut 
confirmée  par  le  h^  Schweinfurth,  dans  une  communication 
intéressante  faite  au  Gouvernement   Egyptien  et  qui   fut 
imprimée    pour  servir  d'appendice   au    Rapport  de  1894. 
Quand  à  la  question  des  suintements  qui  viendraient  à  se 
produire  dans  la  dépression  de  Garak  —  dépression  située 
à  40  mètres  plus  haut  que  le  lac  El-Qouroun  du  Fayoum, 
presque  oblitérée  par  suite  des  transsudations  dans  le  sable 
résultant  de  l'effet  de  ses  propres  canaux  à  haut  niveau  qui 
traversent  des  hauteurs  sablonneuses  et  l'une  des  régions 
'os  plus   désolées  de  l'Egypte  —  ce  serait  en  vérité  une  fa- 
veur divine   de  la  voir  bénélicier  du  tribut  de   ces  suinte- 
ments et  de  voir  le  Gouverneuient  s'eujparer  de    la  chose, 
pomper  cette  eau,  enrichir  le  canal  Nezeletet  l'utiliser  pour 
1  irrigation  de  quelques   dizaines  de  milliers  d'acres  parmi 
'^s  terres  du  désert  bordant  le  Fayoum   à  l'ouest,   et  qui 
D  attendent  que  de  l'eau  pour  arriver  à  valoir  dans  les  vingt 
livres  sterling  l'acre.   Malheureusement  pour  ces  terres, 
il  n'en  sera  rien.  Si  de  l'ancien  lac  Mcoris  situé   à  un  ni- 


320  LK  RÉSERVOIR  D'ASSOUAN  ET  LE  LAC  MŒRIS 

voau  (le  61^  mètres  au-dessus  de  Wady  ilayan  il  ne  s'écha|i 
pait  aucune  inliltration  dans  le  Wady,  il  n'est  pas  vraiseni 
blable  (jue  du  réservoir  de  Wady  Hayan  situé  à  27  ou  2Î 
mètres  plus  haut  que  Wady  Garak,  puissent  se  produire 
des  infiltrations  dans  cette  partie  de  la  surface  anciehnemeiil 
couverte  par  le  lac. 

La  chose  principale  à  laquelle  doit  se  vouer  maintenant 
tout(i  noir  î  attention  est  d'utiliser  intégralement  dans  les 
douze  mois  de  l'année,  le  premier  milliard  de  mètres  cubes 
d'eau  emmagasinés  dans  le  Réservoir  d'Assouan,  el  de 
répondre  à  la  demande  pressante,  venant  de  tous  les  points 
du  pays,  d'une  plus  grande  quantité  d'eau.  Si  le  Ciouver- 
nemont  avait  à  sa  disposition  aujourd'hui  les  trois  milliards 
de  mètres  culxîs  d'eau  qui  sont  encore  nécessaires,  il  en  se- 
rait disposé  en  un  laps  de  temps  incroyablement  court.  La 
surface  cultivée  annuellement  en  coton,  on  Egypte,  pourrait 
s  élever,  si  toutefois  il  y  avait  assez  d'eau  disponible  en  été, 
à  2  millions  et  1/2  d'acres.  Cette  surface  donnerait  dix 
millions  de  cantars  de  coton  égrené  chaque  année,  contre 
une  production  de  (>  millions  de  cantars  à  l'heure  présente 
Tout  acre  de  terrain  amendé  dans  la  Basse-Egypte  se  prête 
d'une  manière  particulière  à  la  culture  du  coton.  Ceci 
étant,  et  le  prix  de  l'eau  étant  si  élevé  d'une  part,  etd'aulre 
part  son  emmagasinement  si  facile,  ie  ne  vois  pas  de  raison 
pour  ne  pas  entreprendre  tout  de  suite  les  travaux  destinés 
à  assurer  celui  ci.  Du  temps  où  je  ne  voyais  pas,  dans  les 
conditions  où  il  se  présentait  autrefois,  le  moyen  d'utiliser 
le  Wady  Ilayan,  nul  n'insista  avec  plus  de  force  que  inoi 
sur  la  nécessité,  pour  le  pays,  de  dériver  l'eau  qui  lui  était 
nécessaire  des  grands  lac  étiuatoriauxau  cas  où  l'on  ne  pûl 
la  prendre  ailleurs.  Maintenant  (jue,  cependant,  j'ai  décou 
vert  la  possibilité  d'utiliser  ce  lac  en  le  faisant  travailla 
conjointement  avec  le  Réservoir  d'Assouan,  je  .sens  (\^ 
tout  homme  au(|uel  importe  ici  l'accroissement  du  prix  à 


LB  RÉSBRYOIR  D'àSSOUAN  £T  LB  LAC  MŒRIS  321 

sa  (erre,  devrait  pousser  et  encourager  le  Gouvernement  à 
entreprendre Tun  et  l'autre  de  ces  travaux,  savoir:  la  suré- 
lévation du  Barrage  et  la  construction  du  Lac. 

Si  clairement  que  j'aperçusse,  du  temps  où  j'étais  direc- 
teur général  des  Réservoirs  et  membre  du  Service  des  Irri- 
gations, les  avantages  qui  résulteraient  pour  le  pays  d'une 
provision  d'eau  suffisante  pour  l'irrigation  pérenne,  je  les 
vois  maintenant  que  je  suis  directeur  gérant  d'une  Société 
agricole  et  d'irrigation,  avec  cent  fois  plus  de  clarté.  Je 
Qobserve  pas  seulement  une  hausse  dans  les  impôts  de  £  1 
࣠ 1 1/2  par  acre,  mais  une  augmentation  du  revenu  dans 
la  mesure  de  Je  3  à  £  6  par  acre.  Ceci  quant  à  la  Haute- 
Egypte.  Pour  la  Basse-Egypte,  la  valeur  de  la  méthode 
d'assainissement  introduite  par  M.  Lang  Anderson  et 
consistant  en  des  bassins  superficiels  et  des  drains  distants 
de  50  mètres  l'un  de  l'autre  dans  lesquels  l'eau,  chargée  de 
ses  sels  s'infiltre  à  travers  le  sol,  a  révolutionné  les  modes 
d'assainissement  en  usage  et  a  élevé  l'irrigation  pérenne  à 
une  position  que  jamais  elle  n'avait  occupée  dans  le  passé. 
Il  n'est  aussi  pas  de  terrain  dans  le  Delta,  si  salé  qu'il  soit, 
qui  ne  soit  appelé  à  céder  devant  ce  système  de  drainage, 
il  condition  qu'il  puisse  bénéficier,  dans  une  mesure  modé- 
rée, de  l'irrigation  pérenne. 

Le  Service  des  Irrigations  met  à  profit  ce  fait  pour  faire 
des  drains  plus  efficaces  qu'on  n'en  aurait  jamais  pu  faire 
»vec  l'ancien  système  plutôt  ruineux  du  lavage.  A  cette 
grande  œuvre  de  l'amendement  des  terres  l'irrigation  pé- 
renne est  absolument  nécessaire.  Sous  quelque  angle  que 
l'inconsidéré  la  situation,  notre  devoir  d'emmagasiner  de 
l^au  apparaîtra  comme  tout  aussi  impérieux  aujourd'hui 
que  l'était,  pour  le  Pharaon  de  Joseph,  celui  d'emmagasi- 
ner des  grains,  il  n'est  pas  pour  ce  pays  de  tâche  qui  égale 
t'elle  ci  en  grandeur,  sinon  celle  corrélative  de  protéger  la 
basse- Egypte  contre  l'inondation  —  et  ce  n'est  guère  pour 

21 


322  LE  RÉSERVOIR  D*ASSOUAN  ET  LE  LAC  MŒRIS 

moi  une  maigre  satisfaction  que  le  fait  d'avoir,  après  quatie 
années  de  travail  sur  le  terrain  et  deux  années  de  travail 
dans  le  bureau,  suivies  de  huit  années  d'efforts  opiniâtres 
pour  résoudre  la  question,  eu  l'insigne  prérogative  do  vous 
présenter  un  projet  dont  la  réalisation  est  non  moins  assurée 
que  le  bénéfice  qui  doit  en  découler,  et  au  sujet  de  quoi, 
j'ose  affirmer  en  toute  confiance,  que  le  monde  ne  possède 
point  aujourd'hui  de  projet  sur  lequel  se  fonde  plus  d'espé- 
rance. 

Il  y  a  quatre  mille  ans,  l'Egypte  eut  à  choisir  sa  voie  ; 
elle  la  trouva  en  adoptant  un  système  d'approvisionnement 
d'eau  et  de  répression  de  crue  approprié  à  l'irrigation  de 
bassin  et  dont  elle  bénéficia  durant  des  milliers  d'années. 
Aujourd'hui  l'Egypte  se  retrouve  dans  une  situation  analo- 
gue et  elle  a  à  choisir  sa  voie:  puisse-t-elle  la  trouver  en 
adoptant  un  système  d'approvisionnement  et  de  répression 
appropriée  l'irrigation  pérenneet  capable,  ainsi  que  l'autre, 
de  lui  être  utile  pendant  des  milliers  d'années  à  venir. 


Sir  William  Willcocks 

Ancien  directeur-général  des  Réservoirs 

(Traduit  de  l'anglais  par  M.  KÉmeid). 


BOSrilE-HEÎ^ZÉGOVlHE 


(1) 


Mesdames  et  Messieurs.  —  Le  sujet  dont  j'ai  à  vous  en- 
tpeleoir  ce  soir  n'est  pas  très  familier  assurément  à  la  plupart 
rentre  vous,  et  j'aurai  du  moins  l'avantage  de  la  nouveauté 
en  essayant  de  vous  parler  des  Prairies  de  Bosnie- 11  erzégo- 
'ifie  ;  il  m'en  restera  d'autre  part  moins  d'excuse  si  je  ne 
Missis  pas  à  vous  intéresser  et,  comme  malgré  tous  mes 
cîjorts,  je  crains  beaucoup  de  n'y  point  parvenir,  je  sollicite 
aavance  toute  votre  indulgence. 

Les  Provinces  de  Bosnie -Herzégovine  forment,  comme 
H-'is  savez,  du  moins  nominalemect,  partie  de  la  Turquie 
i  Europe  dont  elles  sont  la  région  la  plus  occidentale  :  au 
nord  ouest  elle  touchent  à  la  Croatie,  au  nord-est  à  la 

!  Hongrie  méridionale,  et  la  rivière  Save  leur  forment  de  ce 
c  lé  une  limite  naturelle:  une  partie  de  leur  frontière  est 
constituée  par  la  Serbie,  le  reste  par  le  territoire  turc  connu 
>"us  le  nom  de  Sandjak  de  Novibazar  qui  est  lui-même  adja- 
•ent  à  la  vieille  Serbie  et  à  cette  Macédoine  dont  nous  enten- 
ons  si  souvent  parler  à  l'heure  actuelle.  Au  sud-est  le  pays 
itîitpophe  est  le  Monténégro,  au  sud  c'est  la  Dalmatie, 
-^p.tin  à  l'ouest  cette  môme  province  de  Dalmatie,  dépen 
'^nce  de  la  couronne  autrichienne,  qui  s'étend  comme  une 
iîsnde  étroite  le  long  de  la  mer  Adriatique,  achève  en  les 
>^parant  de  la  côte,  la  ceinture  de  nos  provinces,  dont  la 
f^j>nie,  la  plus  septentrionale  et  la  plus  importante  a  pour 

I  ipitale  Sarajevo,  tandisque  la  principale  ville  de  l'Herzégo- 
vine est  Mastar.  Les  deux  provinces  ont  une  superficie  de 
•'lliO  kilomètres  carrés  et  une  population  d'environ 
J  oOO.OOO  habitants  qui  se  subdivisent  par  parties  à  peu  près 

Il  Conférence  faite  à  Glasgow. 


3S4  BOSNXE-HERZÉQOYINE 

égales  en  Musulmans,  Catholiques,  Orthodoxes,  et  Catho 
liques  romains,  les  orthodoxes  étant  cependant  un  peu 
plus  nombreux  que  chacune  des  deux  autres  fractions 
religieuses. 

Après  la  géographie,  il  nous  faut  maintenant  faire  un  peu 
d'h'stoire,  mais  ce  sera,  rassurez-vous,  de  l'histoire  abrégée. 

Dans  l'antiquité  les  Grecs  établir^^nt  quelques  colonies 
surtout  l'Herzégovine  ;  plus  tard  cette  province  ainsi  que  la 
Bosnie  furent  conquises  par  les  Romains  et  formèrent  une 
subdivision  d'un  Gouvernement  et  les  fouilles  qu'on  a 
faites  récemment  ont  permis  de  reconnaître  que  sous  les 
Empereurs  une  grande  activité  militaire  a  été  déployée 
dans  la  région.  Au  Moyen-Age  la  Bosnie  eut  ses  chevaliers, 
ses  donjons  et  ses  châteaux,  elle  eut  môme  ses  rois,  tantôt 
formant  un  royaume  indépendant,  tantôt  unie  à  la  Croatie 
et  à  la  Slavonie,  ses  voisines  et  ses  sœurs.  Mais  un  ennemi 
puissant  s'approchait  contre  lequel  ni  la  force  de  ses  mu- 
railles, ni  la  valeur  de  ses  preux  ne  purent  la  défendre  : 
Constantinople  avait  été  prise  par  les  Mahomet  ins  en  1453, 
et  depuis  cette  époque  la  puissance  ottomane  ne  cessant  de 
s'étendre  vers  l'ouest,  vers  le  milieu  du  XV1«  siècle  les 
Musulmans  firent  irruption  en  Bosnie  et  en  Herzégovine  cl 
subjuguèrent  tout  le  pays.  Les  seigneurs  indigènes,  qui 
eurent  peut-être  en  la  circonstance  un  sens  pratique  très 
aiguisé  mais  ne  témoignèrent  en  tout  cas  que  d'une  foi 
chrétienne  assdz  lièie  et  d'un  esprit  chevaleresque  extrè 
mement  atténué,  voyant  que  les  Turcs  étaient  les  maîtres  el 
que  leur  domination  paraissait  solidement  assise,  ces  sei^ 
gneurs  indigènes,  dis  je,  malgré  leur»  fières  devises,  leurt 
bannières  et  leur  traditions,  n'eurent  rien  de  plus  pressôj 
pour  conserver  leurs  terres  et  leur  argent,  que  de  se  fain 
musulmans,  et  ils  le  sont  resté.;  c'est  pourquoi  à  Theun 
actuelle  on  n'a  encore  dans  les  provinces  qu'une  populalioi 
Slave  de  môme  origine,  et  où  les  Turcs  ou  Osmanlis  son 


BOSNIE-HERZÉOOVIUE  325 

très  rares  ;  les  religions  seules  didèrent,  mais  cette  différen- 
ce a  suffi  pour  amener  les  désordres  les  plus  graves  et  les 
conflits  les  plus  persistants.  Ces  seigneurs  ou  agas  devenus 
Musulmans  ont  en  effet  bien  vite  adopté  les  coutumes  et  lés 
manières  de  voir  de  ceux  qui  les  avaient  conquis  ;  et  Tabi- 
me  se  creusa  de  plus  en  plus  entre  eux  et  leurs  vassaux  qui 
étaient  demeurés  chrétiens.  Le  khmet  ou  paysan  devint  une 
sorte  d'esclave  sans  droit,  sans  asile,  soumis  à  tous  les 
::aprices  et  à  toutes  les  violences  du  maître,  plus  infortuné 
mille  fois  que  le  serf  delà  féodalité.  La  misère  des  chrétiens 
s'accrut  encore  des  divisions  qui  régnaient  entre  eux, 
ies  uns  ayant  autrefois  adopté  la  religion  orthodoxe,  les 
autres  étant  demeurés  fidèles  à  Rome.  Pendant  trois  siècles 
ces  malheureux  eurent  à  souffrir  toutes  les  tyrannies,  et  ils 
étaient  réduits  à  un  état  tel  qu*ils  ne  songeaient  môme  pas 
è  se  défendre  Le  XIX°  siècle  qui  ébranla  si  fortement  la 
solidarité  de  la  puissance  ottomane,  qui  affranchit  la  Grèce^ 
et  qui  commença  de  former  quelques  sentiments  de  justice 
et  de  so  idarité  entre  les  peuples,  vit  naître  pour  la  première 
fois  un  peu  de  courage  et  d  espoir  parmi  les  populations 
chrétiennes  de  la  Turquie.  Celles  de  la  Bosnie  et  de  THer^* 
zégovine  furent  parmi  les  premières  à  relever  la  tête,  ellea 
protestèrent  contre  la  tyrannie  qui  les  écrasait,  elles  récla« 
mèrent  certains  droits,  certaines  libertés  :  mais  le  despotis* 
me  était  toujours  le  plus  fort  ;  les  réclamations  furent  noyées 
dans  le  sang.  Les  chrétiens,  quand  ils  le  purent,  usèrent  à 
leur  tour  de  représailles,  et  Ton  vit  alors  dans  ces  provinces» 
peut-être  avec  plus  d'horreur  encore,  les  massacres,  les 
atrocités  que  nous  retrouvons  aujourd'hui  dans  les  malheu- 
reux vilayets  de  Macédoine.  L'Europe  s'émut  de  cet  état 
de  choses,  l'Europe,  vous  avez  pu  en  juger,  s'émeut  assez 
facilement,  mais  c'est  une  personne  déjà  mûre  qui  sait  rai" 
sonner  ses  émotions,  et  elle  met  une  sage  lenteur  ê  tendre 
,    iw  infortunes  qui  la  touchent  le  remède  qu'elle  leur  croit 


3â6  BOSNIE-HERZÉaOViKE 

bon.  Heureusement  le  Congrès  de  Berlin  fournît  une  occa- 
sion de  mettre  un  terme  à  une  situation  qui  devenait  into- 
lérable ;  pour  une  fois  les  intérêts  de  la  politique  furent 
d'accord  avec  ceux  d'une  population  opprimée,et  on  confia  à 
TAutriche-Hongrie  qui  le  sollicitait,  le  mandat  d'adminis 
trer  les  provinces  de  Bosnie  et  d'Herzégovine.  Donc  en  1878 
les  troupes  A ustro- Hongroises  franchient  la  Save  qui  sépa- 
re la  Bosnie  de  la  Hongrie,  et  se  mirent  en  devoir  d'occu- 
per le  pays  :  le  Sultan  n'ayant  point  fait  d'opposition  à  la 
décision  des  puissances,  ayant  rappelé  ses  soldats,  on 
croyait  qu'il  ne  s'agirait  que  d'une  simple  marche  militaire. 
Mais  on  était  bien  loin  de  compte  :  le  fanatisme  qui  ne  meurt 
jamais  chez  les  populations  musulmanes,  suscita  une  résis 
tance  qu'on  n'avait  pas  attendue  :  il  surgit  de  toutes  parts  des 
corps  de  bashibouzouks,  ou  troupes  irrégulières,  qui  surent 
mettre  à  profit  leurs  connaissances  de  la  contrée,  et  les 
difficultés  qu'elle  offrait  à  une  armée  organisée  :  pour  un 
moment  les  Autrichiens  se  virent  en  grand  danger,  mais 
des  renforts  arrivèrent,les  insurgés  durent  céder  au  nombre 
et  les  fonctionnaires  autrichiens  s'installèrent  à  Sarajevo  et 
bientôt  dans  tout  le  pays.  H  y  eut  encore  des  expéditions 
militaires  de  divers  côtés  dans  le  but  de  réprimer  quelques 
essais  de  rébellion  qui  durèrent  jusqu'en  1882.  Ce  fut  la  fin 
de  la  résistance  :  à  partir  de  cette  époque  l'administration 
nouvelle,  solidement  établie,  put  travailler  à  porter  remède 
aux  maux  dont  souffraient  depuis  si  longtemps  les  malheu- 
reux habitants. 

Avant  tout  il  importait  de  rétablir  l'ordre  et  c'est  à  cette 
tâche  que  furent  consacrés  les  premiers  efforts  du  Gouver* 
nement.  Il  est  agréable  qu'il  y  ait  réussi  au-delà  de  toute 
espérance  :  grâce  à  une  attitude  très  énergique,  À  une 
police  peut-être  tracassière  mais  active  et  vigilante,  grâce 
surtout  à  une  gendarmerie  nombreuse,  bien  recrutée  et 
bien  commandée,  la  nouvelle  administration  est  arrivée  en 


BOSNIE-HERZÉGOVINE  327 

peu  d*anDées  à  faire  d'un  pays, où  les  meurtres,les  rapts, les 
attaques  à  main  armée  étaient  des   incidents  journaliers, 
le  lieu  le  plus  sûr,  le  plus  tranquille,  qu'on  puisse  trouver 
en  Europe  :  à  toute  heure  du  jour  et  de  la  nuit  on  peut  cir- 
culer à  travers  les  villes  et  les  campagnes  de  la  Bosnie  et  de 
rilerzégovine  dans  la  sécurité  la  plus  absolue,  et  nos  cités 
occidentales  ont  en  vérité  sous  ce  rapport  beaucoup  à  leur 
envier.  Ce  n'est  pas,  bien  loin  de  là,  tout  ce  qu'ont  réalisé 
dmsles  nouveaux  territoires  les  hommes  éminents  auxquels 
l'Empereur  François  Joseph  en  a  confié  l'administration, 
mais,  comme  nous  ne  faisons  pas  ici  un  cours  d'économie 
politique,  je  me  contente  de  vous  signaler  ce  résultat  re- 
marquable qui,  pour  le  voyageur  présente  le  plus  d'intérêt, 
et  s'il  était  quelqu'un  parmi  les  auditeurs  qui  fût  originaire 
de  l'Autriche  ou  de  la  Hongrie,   je  serais  heureux  qu'il 
m'entendit  exprimer  ici  mon  admiration  pour  l'œuvre  mo- 
rale et  matérielle  accomplie  depuis  vingt-cinq  ans  dans  les 
provinces  occupées  par  le  Gouvernement  de  la  Monarchie. 
Nous  savons  maintenant  quelle  esta  peu  près  la  situation 
géographique  de  la  Bosnie  et  de  l'Herzégovine  ;  nous  avons 
passé  rapidement    en   vue  l'histoire    de  ce    qu'elles    on^ 
été,  il  nous  reste  à  essayer  de  voir  ce  qu'elles  sont  aujour- 
d'hui, et  le  meilleur  moyen  si  vous  m'en  croyez,  ce  sera  d'y 
faire  ensemble  une  brève  et  rapide  excursion.  Mettons-nous 
donc  en  route  sans  tarder  :  que  la  locomotive  la  plus  rapi 
de  nous  porte  tout  d'une  traite  jusqu'au  rivage  de  la  Man- 
che ;  et  là,  si  vous  le  voulez  bien,  pour  éviter  les  incertitudes 
et  les  inconvénients  d'une  traversée,  imaginons  que  le  fa- 
meux tunnel  sous-marin  qu'on  nous  promet  toujours  et  qui 
doit  être  le  signe  tangible   de  l'entente  cordiale  est  déjà 
tout  préparé  pour  nous.  Nous  le  franchissons,  nous  passons 
sans  nous  arrêter  à  travers  Paris,   à  travers  la  Suisse,  le 
Tyrol,  si  majestueux  et  si  riant  à  la  fois,  et  nous  gagnons 
entin  sans  effort  et  sans-  fatigue  Vienne  et  Budapest.  La 


328  BOSNIE-HERZÉGOVINE 

capitale  de  la  Hongrie  ne  nous  retient  pas  davantage  et 
nous  nous  hâtons  de  monter  dans  les  wagons  les  plus 
sales  et  les  plus  misérables  qu*on  puisse  imaginer  :  comme 
nous  sommes  en  route  depuis  longtemps  déjà,  nous  pensons 
pouvoir  nous  reposer  un  peu  et  renouveler  nos  forces 
avant  d'atteindre  le  but  tout  proche  maintenant  (Je  celte 
course  vertigineuse:  nos  illusions  seront  bien  vite  dissipées. 
Toutes  les  heures  environ  une  figure  différente  vôtue  de 
l'uniforme  peu  luxueux  d'ailleurs  des  chemins  de  fer 
royaux  se  présentera  devant  nous  et  nous  priera  poliment 
mais  inflexiblement  de  lui  montrer  notre  billet  :  nous  aurons 
beau  protester,  expliquer  que  nous  nous  sommes  déjà 
soumis  une  demi-douzaine  de  fois  à  celte  oi^éralion,  qu'il 
fait  nuit  et  que  la  nuit  est  faite  pour  le  sommeil,  la  figure 
n'en  sera  guère  touchée,  car  elle  n'entend  ou  ne  paraît  en- 
tendre que  le  Hongrois.  Enfin,  au  milieu  de  nos  perplexités 
et  de  nos  colères,  le  temps  a  marché.  Nous  sommes  arrivés 
au  Danube  que  nous  avons  (raversé  sans  difficulté  au  moyea 
d'un  bac  porte-train  fort  ingénieusement  construit.  La 
nuit  est  maintenant  au  milieu  de  son  cours  :  bientôt  nous 
entendons  le  train  ïranchir  le  pont  d'une  rivière  ;  des  jets 
brillants  de  lumière  électrique  surprennent  nos  regards 
accoutumés  à  l'obscurité  ;  un  bâtiment  moderne  de  style 
oriental  et  assez  magnifique  se  dresse  devant  nous  ;  nous 
venons  d'entrer  en  Bosnie,  c'est  la  gare  de  Bosna^Brod. 
L'inspecteur  chargé  de  recueillir  les  billets  nous  montreque 
aussitôt  nous  sommes  en  pays  musulman  car  il  porte  le  fez. 
Comme  nous  sommes  en  hiver  et  que  le  froid  est  vif,  nous 
hous  hâtons  d  entrer  à  l'intérieur  du  bâtiment  ;  dans  la 
6alle  d'attente,  un  spectacle  pittoresque  frappe  nos  regards: 
Une  vingtaine  de  paysans  serbes  vêtus  d'habits  de  grosse 
laine  brune,  la  tête  ceinte  de  turbans  blancs  ou  rouges  sont 
allongés  sur  le  sol  enroulés  dans  des  couvertures  de  poil 
de  chèvre,  tandis  qu'un  certain  nombre  de  femmes  en  jupes 


bOSNIE-HERZÉGOVINE  3^0 

blanches,  en  casaques  foncées  sont  accroupies  dans  le^  en- 
coignures. Nous  sentons  bien  que  nous  ne  sommes  plus  en 
Europe  ;  on  n'y  voit  plus  de  ces  poses  singulières  ni  de  ces 
c<>stuines  traditionnels:  c'est  bien  l'Orient  qui  s'ouvre  devant 
nous,  mélangé,  il  est  vrai,  ayant  perdu  quelque  peu  de  sa 
pureté  première,  mais  tout  plein  encore  de  couleur,   de 
variété,  et  d'imprévu.  Au  buffet  spacieux  et  confortable  où 
nous  nous  réchauffons  d'une  tasse  de  thé  servi  à  la  russe 
avec  du  rhum  et  du  citron,  les  officiers  austro-hongrois  sont 
nombreux,  et  leur  cols  hauts  et  de  teintes  différentes  selon 
!es  régiments  auxquels  ils  appartiennent,   tranchent  sur 
i»*urs  dolmans  sombres  et  de  forme  très  simple.  Ce  sont  en 
quf^lque  sorte  les  maîtres  du  pays,  puisque  l'autorité  des 
administrateurs  repose  en  somme  sur  la  force  de  la  gar- 
nison et  que  le  chef  du  Gouvernement  des  Provinces  est 
lui-nnéme  un  militaire.  Us  causent  et  s'entretiennent  ensem- 
ble comme  chez  eux  :   mais  quels  que  puissent  être  leurs 
défauts,  s'ils  en  ont,  ils  ne  témoignent  assurément  ni  arro- 
gance, ni  mauvais  vouloir  vis-à-vis   des  étrangers  et  ils 
portent  déjà  sur  eux  ce  caractère  sympathique  et  bon  en- 
fant que  nous  rencontrerons  à  peu  près  partout  pendant  le 
coars  de  notre  excursion.   Mais  une  cloche  sonne  à  ïios 
oreilles  :  l'inspecteur  coiffé  d'un  fez  fait  une  longue  énumé- 
rationde  noms  harmonieux  et  bizarres  parmi  lesquels  celui 
de  Sarajevo  frappe  nos  oreilles.  Il  faut  se  hâter.    Le  train 
âaquelnous  arrivons  parait  avoir  été  préparé  pour  de  gran- 
des poupées  :  il  est  à  voie  étroite,  la  locomotive  en  est  toute 
oiince  et  presque  frôle,  les  portières  et  les  roues  sont  minus* 
cules,  mais,  une  fois  dans  le  compartiment,  on  s'y  trouve 
â  la  perfection  :  tout  y  est  propre  et  élégant,  des  lits  sont 
préparés,  et,    si  ce  n'était   un  léger    roulis   qui  pourrait 
rappeler  à  certaines  personnes    délicates  le  passage    de 
liouvres  à  Galais»  et  aussi  un   départ  quelquefois  un  peu 
iiFusque,  qui  peut  avoir  quelque  rudesse  quand  on  s*apprôte 


330  BOSNIE-HERZÉGOVINE 

à  se  laisser  aller  à  un  sommeil  doux  et  réparateur,  on  n'au- 
rait en  vérité  pas  le  moindre  reproche  à  faire  auxcheminsde 
fer  de  Bosnie-Herzégovine.  11  était  une  heure  du  matin  au 
départ  de  Brodet  l'on  doit  être  à  Sarajevo  vers  neuf  heures. 
Dans  la  nuit  noire  et  obscure  nous  ne  voyons  au  loin  qu'une 
nappe  uniforme  de  neige  :  de  temps  en  temps  la  masse 
d'une  hauteur  se  détache  sur  le  reste  ou  la  lueur  de  quelques 
rares  étoiles  fait  scintiller  légèrement  les  eaux  de  la  riviè- 
re Bosna  que  nous  longeons.  Les  premières  clartés  du  ma- 
tin paraissent  enfin  :  nous  entendons  appeler  «  Zoenica  )) 
et  nous  distinguons  une  petite  ville  d'aspect  plaisant  d'aspect 
coquet.  Le  grand  bâtiment  propre  et  bien  tenu  qui  se  dresse 
non  loin  de  la  station  est  la  prison  centrale  des  Provinces. 
Le  voyage  se  poursuit  dans  une  vallée  étroite  avec  de  cha- 
que côté  des  montagnes  assez  hautes.  Ces  sortes  de  murail- 
les s'abaissent  bientôt  peu  à  peu  et  s'éloignent  l'une  de 
l'autre  :  la  vallée  s'élargit,  encore  un  moment  et  nous  nous 
trouvons  dans  une  plaine  assez  vaste  en  comparaison  de  ce 
que  nous  avons  vu  jusqu'ici  :  les  montagnes  ne  sont  plus 
qu'un  cadre  lointain  et  bornent  l'horizon  sans  paraître  le 
rétrécir.  Bien  que  nous  ne  voyoïis  que  fort  peu  de  maisons 
et  que  rien  ne  semble  indiquer  une  grande  ville,  un  sifflet 
retentit,  le  train  s'arrête,  les  portières  sont  ouvertes,  un 
grand  mouvement  se  produit.  Nous  sommes  rendus  :  nous 
pouvons  respirer  :  nous  allons  cesser  de  rouler  et  de  nous 
croire  devant  un  cinématographe.  Vous  entendez  les  cris 
des  agents  de  la  gare  :  Sarajevo  I  Sarajevo  1  nous  allons 
donc  te  voir  enfin,  ô  palais,  perle  de  la  Bosna,  ô  toi,  la  ville 
aux  cent  mosquées  comme  Thèbes  avait  cent  portes,  antique 
et  gracieuse  Bosna-Seraî. 

La  gareestsituée  à  environ  une  demi-heure  delà  ville  î  on 
franchit  la  distance  soit  en  voiture,  soit  à  l'aide  d'un  tram- 
way électrique  qui  fonctionne  déjà  depuis  une  dizaine  d'an- 
nées, et  qui  montre  dès  Tarrivée  que  le  progrès  a  droit  de 


BOSNIE-HERZÉGOVIKE  331 

cité  dans  la  capitale  du  pays.  La  premiôre  partie  du  trajet 
s'accomplit  sans  intérêt  spécial  :  si  ce  n'est  qu'on  longe  le 
camp  retranché  où  se  trouve  cantonnée  la  garnison  ;  les 
montagnes  qui  s'étaient  un  moment  élargies  se  rapprochent 
assez  rapidement,  la  plaine  se  rétrécit,  un  certain  nomhre 
de  maisons  modernes  et  sans  originalité  se  dressent  de 
différents  côtés.  Enfin  nous  débouchons  d'une  rue  fort  peu 
curieuse  et  nous  arrivons  sur  le  quai  de  la  Miljacka,  petite 
rivière  qui  traverse  la  ville  ;  nous  avons  alors  devant  les 
yeux  un  des  panoramas  Jesplus  pittoresques,  les  plus  jolis, 
les  plus  agréables  qui  soient  au  monde.  Les  montagnes  en 
se  rapprochant  se  sont  élevées,  et,  leur  courbe  continuant 
de  s'infléchir,  elles  forment  à  l'est  un  majestueux  demi-cer- 
cle qui  parait  complet,  et  du  point  où  nous  sommes  semble 
enfermer  la  ville  et  lui  barrer  toute  issue  de  ce  côté.  Sur  le 
flanc  de  toutes  les  hauteurs  une  quantité  innombrable  de 
petites  maisons  turques,  toutes  blanches  avec  leurs  toits 
plats,  est  gracieusement  disséminée,  et  au  milieu  de  cette 
harmonie  légère  de  proportions  et  de  formes,  les  colonnes 
blanches  et  pointues  des  minarets  qui  se  dressent  de  ci  de 
là  vers  le  ciel  bleu  jettent  comme  une  note  vive,  perçante  et 
un  peu  grêle.  Dans  la  partie  bassedela  ville  dont  nous  nous 
approchons,  la  rivière  coule  sur  un  lit  bien  propre,  peu  pro- 
fond, elle  est  aujourd'hui  claire  comme  du  cristal  et  les  pe 
tites  cascades  qu'elle  forme  à  chaque  instant  tombent  avec 
ua  bruit  argentin  ;  de  tous  côtés  des  monuments  s'élèvent, 
et  ceux  du  culte  y  prennent  la  plus  grande  place  :  Ici  c'est 
1  Eglise  prolestante,  un  peu  plus  loin  la  Synagogue,  toute 
blanche  avec  un  toit  métallique,  étincelant  comme  de  l'ar- 
gent ;  là-bas  c'est  la  grande  mosquée  et  à  quelcjues  pas 
d'elle  la  cathédrale  catholique  ;  enfin,  plus  haute  que  toutes 
niais  saosgrande  majesté,  la  grande  cathédrale  orthodoxe. 
Ainsi  au  premier  abord  on  est  frappé  de  la  multitude  des 
Religions  et  on  s'imagine  vite  qu'il  n'est  pas  trop  aisé  de  faire 


332  BOSNIE-HERZÉGOVINE 

s'accorder  entre  elles  tant  de  croyances  et  de  mœurs  si  di- 
visées. Mais  la  brume  légère  qui  formait  comme  un  rideau 
vers  l'orient  nous  dérobait  le  décor  le  plus  beau:  à  me- 
sure que  nous  approchons  et  qu'elle  se  dissipe,  nous  distin- 
guons vers  le  fond  du  demi-cercle  de  hauteurs,  comme  une 
avancée  abrupte  de  la  montagne,  et  tout  en  haut  de  cette 
espèce  de  promontoire  s'élèvent  le  vieux  bastion,  lechàteau- 
fort  et  le  camp  retranché  du  temps  turc  avec  ses  vieilles 
murailles  encore  debout  et  au  milieu  un  autre  petit  massif 
de  maisons  blanches  et  de  mosquées.  Au  bas  la  rivière 
passe,  et  nous  pouvons  maintenant  distinguer  la  gorge 
étroite  par  où  elle  entre  dans  la  ville  et  le  long  de  laquelle 
court  une  route  construite  à  grand  peine  et  qui  conduit  vers 
la  frontière  turque. 

Tel  est  l'ensemble  du  tableau  qu'en  arrivant  à  Sarajevo 
nous  trouvons  devant  nos  yeux  ;  aujour  i'hui  la  neige  cou- 
vre tout  et  la  ville  entière  semble  toute  blanche,  mais  d'un 
blanc  qui  resplendit  sous  le  clair  soleil  et  le  ciel  tout  bleu  : 
dans  six  mois  l'azur  du  ciel  sera  aussi  pur,  la  clarté  du  so- 
leil encore  plus  vive,  mais  des  pelouses  de  verdure  garniront 
le  penchant  des  hauteurs ,  de  tous  côtés  surgiront  des  bou  - 
quets  d'arbres,  les  lilas  embaumeront  l'air,  et  sur  la  cime 
élevée  du  Trebevic,  la  plus  haute  des  montagnes  environ- 
nantes, on  pourra  distinguer  la  teinte  foncée  des  sapins. 
Ainsi  en  l'une  ou  l'autre  saison  le  spe  tacle  qui  s'oiïre  ô  lui 
peut  enchanter  le  touriste  et  dans  ce  cadre  si  brillant  et  si 
pittoresque  se  meut  la  foule  la  plus  diverse^  la  plus  hétéro-» 
gène,  la  plus  bigarrée  qui  se  puisse  rencontrer»Nous  avons 
déjà  vu  à  Bosna-Brod  les  Serbes  et  leurs  compagnes  ;  nous 
les  voyons  aujourd'hui  plus  parés  pour  venir  à  la  ville, 
avec  l'étoffe  brodée  de  leurs  chemises  retombant  élégam- 
ment sur  leurs  casaques,  et  leurs  larges  manches  blanches 
s'agitant  comme  des  ailes  quand  ils  marchent  ;  de  leur  cô- 
té les  femmes  ont  garni  leur  front  de  tiares  en  métal  doré 


BOSNlE-HERZÉQOYiN  £  333 

et  de  larges  pendants  dorés  complètent   leur  parure.   Les 
uns  marchent  avec  précaution,  prenant  soin  de  leurs  beaux 
habits,  ils  sont  à  la  promenade,  et  c'est  pour  eux  un  jour 
de  réjouissance  ;  d'autres,  mis  plus  simplement,  poussent 
devant  eux  leurs  petits  chevaux  de  charge,  qui  portent  vail- 
lamment sur  leurs  épaules  le  bois  et  les  autres  provisions, 
car  les  routes  de  montagnes   ne  sont  pas  faites  pour   les 
chariots  et  c'est  le  cheval  qui   doit   servir  ici  d'agent  de 
transport.  Mais  voici  venir  de  ce  côté  un  homme  coiffe  du 
fez,  enveloppé  dans  une  houppelande  fourrée,  sous  laquelle 
nous  distinguons  une  sorte  de  brassière  galonnée  et  une 
ceinture  de  soie  :  c'est  un  Turc  et  il  parait  venir  tout  droit 
d'un  des  contes  des  Mille  et  une  nuits  ;  rien  n'est  changé,  ni 
le  costume,  ni  la  physionomie,  ni  les  gestes.  Mais  quel  est 
derrière  lui  cetespèce  de  scaphandre,  marchant  à  pas  lourds, 
enveloppé  dans  un  manteau  sans  forme,  à  capuchon  rabattu 
sur  le  visage  que  couvre  encore  un  voile  noir  très  épais. C'est 
l'aimable  moi  tiède  ce  digne  Musulman,  elleest  peut-être  bel- 
le conume  une  rose  et  radieuse  comme  uneétoile, elle  s'appelle 
reul-être  Fatmé  ou  Zulevka  mais  elle  nous  fait,  telle  quelle 
est,  l'effet  d'un  croquemitaine,  et  c'est  ce  que  veut  la  loi  de 
Mahomet  qui  est  encore  observée  aussi  strictement  qu'aux 
premiers  jours  dans  les    Provinces  occupées  ;   seules  les 
jeunes  tilles  s'y  promènent  le  visage  découvert,  et  encore 
leur  tôle  est  entourée  d'un  cluWe  qu'elles  maintiennent  sous 
le  menton  et  qu'elles  s'empressent  de  ramener  sur  leur  vi- 
sage dès  qu'elles  soupçonnent  qu'on  a  les  yeux   sur  elles. 
Quant  aux   femmes  mariées,   jamais  elles   ne  paraissent 
^ans  un  lieu  public  sans  ôtre  revêtues  de  cet  horrible  accou- 
trement et  sans  porter  ce  voile  épais  sur  la  figure,  et  encore 
plusieurs  prennent-elles  la  précaution   accessoire  de  main- 
tenir toujours  entre  elles  et  les  passants  leur  parapluie  ou- 
^'ept  ou  leur  ombrelle,  selon  la  saison.  En  dehors  des  Serbes 
6t  des  Tues  on  voit  passer  sans  cesse  des  militaires  de  tous 


334  BOSNIE-HERZÉGOVINE 

grades  et  de  toutes  armes,  les  officiers  d'étatTmajor  en 
dolmau  gros  vert  et  à  col  de  velours,  les  généraux  en  tuni- 
(|uo  bleu  de  ciel,  et  aussi  do  simples  civils  en  paletot,  en 
veston,  en  chapeau  melon  ou  en  chapeau  mou  comme 
vous  et  moi,  et  il  faut  avouer  qu'auprès  des  autres  ils  font 
un  elTet  assez  piteux.  Knlin  il  y  a  les  harnais  ou  porteurs 
commissionnaires  (jui  sont  en  général  habillés  de  haillons 
de  toutes  couleurs  et  de  tous  draps  et  qui  savent  se  draper 
dans  ces  haillons  comme  don  César  de  Bazan  lui-même  :  on 
n'a  pas  l'idée  dans  nos  pays  du  Nord, d'attitudes  de  cette  sor- 
te :  chez  nous  le  haillon  est  sale, repoussant,  hideux  :  là-bas 
il  a  de  la  noblesse,  «le  l'ampleur,  de  la  majesté,  et  à  voir  ces 
hommes  robustes, bien  plantés, et  qui  savent  tirer  parti  de  si 
peu  de  choses,  on  pense  à  leur  anciens  voisins  du  midi,  les 
(irecs  de  l'Antiquité,  à  leur  gymnastique  si  parfaite,  à  leurs 
attitudes  si  nobles  et  si  sculpturales,  qui  naissent  comme 
naturellement  dans  un  air  vif  et  pur  et  sous  un  ciel  clair  et 
étincelant. 

Il  y  a  deux  hôtels  à  vSarajevo,run  est  l'hôtel  central,  Tau 
tre  l'hôtel  d'Kurope  :  ils  se  valent  à  peu  près.  On  ne  saurait 
dire  qu'ils  soient  luxueux  :  mais  ils  sont  suffisants, passable- 
ment propres,  et  la  nourriture  y  est  très  supportable,  sur- 
tout à  l'hôtel  d'Kurope;  enlin  les  prix  ne  sont  point  exces- 
sifs. Je  n'ai  pas  encore  eu  l'occasion  de  vous  indiquer  que 
la  langue  nationale  du  pays  est  une  langue  slave,  analogue 
au  Serbe  et  au  Croate  ;  toutefois  l'occupation  autrichienne  a 
naturellement  amené  avec  elle  la  propagation  de  l'allemand 
qui,  sans  être  la  langue  officielle,  non  est  pas  moins  la 
plus  répandue  dans  la  conversation  des  cercles  cultivés.  On 
la  parle  également  dans  la  plupart  des  magasins  et  naturel- 
lement dans  les  hôtels,  où  l'on  trouve  aussi  le  plus  souvent 
un  garçon  connaissant  le  français  ;  quand  à  l'anglais  il 
est  singulièrement  peu  en  usage  dans  les  Provinces,  sans 
doute  par  suite  du  très  petit  nombre  des  citoyens  de    la 


BOSNIB-HBRZÉGOVINB  335 

ira nde  Bretagne  qui  daignent  venir  les  visiter  :  j'ai  été 
rpris,en  effet,  penlant  le  temps  de  mon  séjour  à  Sarajevo' 
y  avoir  vu  si  peu  de  touristes  britanniques. 
De  toutes  les  curiosités  qu'oiïre  la  ville,  la  plus  singu- 
^lièreet  la  plus  caractéristique  est  sans  nul  doute  le  Bazar 
tore  ou  Echarrhia,  Il  se  compose  d'une  série  de  ruelles 
jlisposées  autour  de  la  mosquée  principale  dite  «  Bcgova 
Dramia  »  ;  ces  ruelles  sont  bordées  de  galeries  de  bois  divi- 
sées par  des  refends,  et  entre  chacun  de  ces  refends  se 
tfrouve  ce  qui  constitue  une  boutique  turque.  Les  industriels 
ou  marchands  à  un  même  métier  se  rassemblent  tous  dans 
un  quartier  spécial,  si  bien  qu'on  a,  par  exemple,  dans  telle 
Foelle,  les  ciseleurs  sur  métaux,  dans  telle  autre  les  cordon- 
niers et  selliers  et  dans  une  troisième  les  fabricants  de 
couvertures,  etc.  Le  bois  de  leurs  échoppes  est  recouvert 
d'un  tapis  sur  lequel  ils  sont  accroupis  près  d'un  brasero, 
famant  flegmatiquement  leur  cigarette  ou  leur  pipe,  buvant 
Éré^iuemm^nt  une  tasse  de  café,  travaillant  sans  précipita- 
tion et  ne  se  laissant  nullement  troubler  i)ar  les  regards  des 
passants.  I^  mercredi  est  jour  de  grand  marché,  et  ce  jour 
là  toutes  les  ruelles  sont  envahies  par  de  véritables  masses 
d'hommes,  de  femmes,  de  chevaux,  tous  pôle  m(Me,  se 
pressant  les  uns  les  autres,  s'interpellant,  achetant,  mar- 
chandant et  ne  se  faisant  pas  faute  de  discourir,  car  les 
Bosniaques  sont  de  grands  bavards.  On  vend  aussi  dans 
le  bazar  les  fruits  et  les  légumes,  et  c'est  au  printemps 
qui!  faut  voir  l^s énormes  et  succulentes  cerises  (jui  s'y 
débitent  du  matin  au  soir  et  qui  n'ont,  je  crois, leurs  égales 
nulle  part. 

Kn  même  temps  qu'on  visite  la  EcharciaW  faut  donner  un 
Coup  d'(LMl  A  la  grande  Mosquée  dont  la  cour  est  plantée 
d'arbres  magnifiques  et  ornée  d'une  jolie  fontaine  de  cons- 
truction déjà  ancienne.  Il  est  permis  de  la  visiter  intérieu- 
rement, et,  à  la  condition   de  mettre  des   babouches,    on 


336  BOSNIE-HERZÉGOVINE 

peut  aller  contempler  les  riches  tapis  qu'elle  renferme. 
Mais  le  spectacle  le  plus  curieux  est  de  se  tenir  dans  la  rue 
à  l'heure  de  la  prière  et  de  voir  tous  les  marchands  de  la 
Echarchia  venir  gravement  se  disposer  en  longues  files  le 
long  du  mur  extérieur  de  la  Mosquée,  et,  comme  mus 
par  un  ressort,  se  prosterner  tous  ensemble  et  frapper  le 
sol  de  leur  tôle  à  intervalles  réguliers,  puis  leurs  dévotions 
achevées,  reprendre  aussitôt  avec  la  même  gravité  la 
direction  de  leurs  boutiques. 

Une  autre  visite  intéressante  est  celle  du  couvent  des 
derviches  où  l'on  peut  chaque  jeudi  entendre  les  derviches 
hurleurs.  On  s'y  rend  à  travers  un  quartier  silencieux  et 
désert  et  à  la  tombée  de  la  nuit  ;  la  ruelle  que  l'on  doit 
suivre  est  bordée  de  rares  maisons  turques  dont  les 
fenêtres  grillagées  donnent  une  impression  de  tristesse  et 
de  solitude;  de  temps  en  temps,  à  travers  les  barreaux 
de  bois,  on  voit  une  ombre  noire  qui  s'approche  et  des  yeux 
luisants  qui  regardent  avec  une  sorte  de  férocité,  c'est  une 
femme  turque  qui,  entendant  un  bruit  de  pas  dans  l'obscu- 
rité, a  voulu  en  connaître  la  cause  :  car  les  femmes  tur- 
ques sont  curieuses.  On  arrive  enfin  devant  une  espèce  de 
bâtiment  carré  et  assez  bas,  percé  d'une  porte  de  bois.  On 
sonne  ;  la  sonnette  sonne  lugubrement,  la  porte  s'ouvre  : 
tout  est  noir,  une  forme  vague  vous  adresse  la  parole  en 
mots  inintelligibles  et  vous  indique  un  petit  escalier  assez 
raide  au  sommet  duquel  est  une  porte  ouverte.  Vous  entrez 
et  vous  vous  trouvez  sur  une  estrade  formant  le  côté  d'une 
petite  mosquée  dont  l'autel  est  sur  votre  gauche  ;  en  face 
est  une  galerie  grillée  pour  les  femmes  turques  où  l'on 
distingue  déjà  des  fantômes  voilés  qui  s'agitent.  Quelques 
lampes  fumeuses  éclairent  ce  singulier  bôtimeut  et  les 
chauve-souris  touchent,  de  leurs  ailes,  le  plafond  en  vole- 
tant. Tout  est  silencieux  autour  de  vous  ;  et  vous  ne 
vous  sentez  en  somme  qu'assez  médiocrement  rassuré. 


BOSNIE-HERZÉGOVINE  337 

Soudain  vous  entendez  au  dehors  un  chant  aigre  et  mo- 
notone qui  semble  se  propager  et  courir  à  travers  le 
crépuscule  du  soir  :  ce  sont  les  muezzins  qui  du  haut  des 
annarets  adressent  Ieu,rs  prières  à  Allah.  Alors  un  vieillard 
eotre,  coiffé  d'un  turban  blanc,  vêtu  d'une  longue  robe  : 
il  se  prosterne  devant  Tautel  et  commence  à  psalmodier 
delà  façon  la  plus  étrange.  D'autres  sont  entrés  derrière 
lui,  de  différents  âges  et  de  différentes  conditions  ;  ils 
disposent  rapidement  en  cercle  dans  le  centre  de  la  mosquée 
an  certain  nombre  de  peaux  de  moutons,  chacun  s'accrou- 
pit sur  chacune  d'elle,  et  ils  se  mettent  à  répéter  la 
psalmodia  du  derviche  en  agitant  le  haut  de  leur  corps 
tantôt  d'avant  en  arrière,  tantôt  di)  gauche  à  droite.  Le 
son  de  leur  voix  est  bas  quand  il  commence  et  les  mouve- 
ments de  leur  corps  lents  :  peu  à  peu  leur  psalmodie  de- 
vient plus  haute  et  plus  rapide,  leurs  mouvements  devien- 
nent plus  violents  et  plus  désordonnés.  Quelques-uns 
semblent  déjà  avoir  perdu  conscience  et  être  arrivés  à 
l'extase  qu'ils  poursuivent.  Mais  alors  un  signe  de  leur 
chef  les  arrête  comme  par  enchantement,  et  ils  commen- 
•  ent  à  voix  presque  basse  d'abord  une  nouvelle  mélopée 
qu'ils  accompagnent  des  mêmes  mouvements  et  il  en  est 
ainsi  jusqu'à  la  fin  de  la  cérémonie  qui  dure  un  peu  plus 
<i  une  heure.  Il  fait  nuit  noire  quand  vous  sortez,  un  guide 
vous  conduit  à  travers  les  ruelles  obscures  à  la  clarté  d'une 
lanterne  vénitienne,  et  vous  rencontrez  dans  l'ombre  des 
femmes  turques  rentrant  chez  elles,  précédées  comme 
Tous  d'un  porteur  de  lanterne.  Enfin  vous  retrouvez  les 
grandes  ru6s,  l'électricité  et  votre  hôtel,  et  il  vous  semble 
]ue  vous  Sortez  d'un  rêve  dont  vous  êtes  encore  mal 
fêveillé. 

Comme  autres  curiosités,  dans  un  genre  plus  réel  et 
moins  romantique,Sarajevo  possède  une  fabrique  de  tapis  et 
un  atelier  d'incrustation  administrés  par  le  Gouvernement, 

22 


338  ^BOSNIE  HERZÉGOVINE 

et  Ton  peut  assister  au  travail  des  ouvriers  :  les  étrangers 
ne  manquent  jamais  de  visiter  ces  deux  établissements, 
et  ils  se  laissent  bien  souvent  amener  à  y  faire  des  achats 
qu'ils  n*ont  pas  lieu  par  la  suite  de  regretter,  car  les  tapis 
sont  bien  dessinés,  d'une  belle  couleur  et  durables,  et 
tous  les  petits  objets,  vases  incrustés,  sarvices  à  café  en 
métal  ciselé,  plateaux  frappés,  que  produisent  les  artisans 
Bosniaques,  ne  peuvent  manquer  de  satisfaire  le  goût  ie 
plus  délicat.  J'allais  oublier  le  musée  ([ui  est  fort  bien  ins- 
tallé et  qui  contient  de  belles  armes  et  surtout  une  collec- 
tion très  curieuse  de  tous  les  costumes  du  pays  déployés 
sur  des  poupées  qui  représentent  d'une  façon  assez  frap- 
pante les  différents  types  d'hommes  et  de  femmes.  Mais  le 
plus  grand  plaisir  là-bas  est  de  se  promener  et  de  flâner  à 
travers  les  rues:  on  voit  quehiues  édifices  intéressants  com- 
me le  Rouak,  ancien  palais  du  pacha  turc,  où  réside  au- 
jourd'hui le  Gouverneur  général  des  Provinces, et  le  nouveau 
Palais  du  Gouvernement  :  on  rencontre  à  chaque  pas  des 
mosquées,  des  restes  de  vieux  cimetières  turcs,  avec  leurs 
pierres  tombales  disposées  de  façon  si  bizarre,  on  croise 
dans  sa  route  tous  les  costumes,  toutes  les  nationalités,  et 
on  est  heureux  d'être  sorti  pour  un  moment  de  la  monotonie 
de  nos  grandes  villes.  Mais  le  plus  délicieux,  je  crois,  c'est 
par  un  beau  soir  d'été,  alors  que  le  soleil  est  prêt  de  dispa- 
raître derrière  les  montagnes  de  l'occident,  de  s'achemi- 
ner le  long  de  la  Miljacka,  de  passer  à  travers  les  petits 
cafés  turcs  qui  bordent  la  rivière  de  leurs  terrasses,  et  de 
monter  sur  la  hauteur  où  s'élève  le  vieux  castel.  De  là  on 
domine  toute  la  ville  et  la  plaiîie.  Le  ciel  s'est  coloré  d'une 
légère  teinte  v(»rt  d'eau,  sa  pureté  et  sa  transparence  sont 
inc()n]paral>lHs  et  ii  s'en  répand  comme  une  lueur  fauve 
(jui  anime  tout  le  paysage  ;  les  montagnes  sont  verdoyan- 
tes, les  groupes  de  maisons  sont  gracieux  et  riants,  et 
tout  en  bas  la  rivière  se  déroule  à  p^rlrj  de  vue  comme  un 


BOSNIB-HBRZÊGOYINB  339 

mJDce  ruban  d'argent.  On  se  laisse  doucement  aller  à  la 
contemplation  de  ce  spectacle  merveilleux,  Tceil  s'égare  au 
loio  parmi  les  groupes  de  montagnes  que  parsèment  les 
reflets  roses  du  couchant,  on  a  l'illusion  complète  d'un 
Orient  poétique,  lumineux  et  charmant.  Puis  tout  d'un 
coup  un  orchestre  de  tziganes  qui  résonne  au  bas  dans  la 
îaliée,  et  les  chansons  qui  l'accompagnent  vous  tirent  de 
Tos  rêveries  ;  vous  voyez  qu'il  est  temps  et  grand  temps 
de  dîner  et,  un  quart  d'heure  après,  vous  vous  retrouvez 
à  la  table  du  restaurant  un  tout  autre  homme  et  bornant 
VUS  ambitions  et  vos  aspirations  à  la  contemplation  du 
mena. 

Pour  qu'il  ne  lui  manque  rien,  Saravejo  a  dans  son 
voisinage  une  station  thermale,  dont  les  eaux  entretien- 
nent la  santé  de  ses  habitants  et  qui  leur  procure  en  même 
temps  un  but  d'excursion  et  de  promenade  pendant  les 
mois  d'été.  Hidzé,  c'est  le  nom  de  ce  petit  endroit,  consiste 
en  un  parc  bien  planté,  un  établissement  de  bains,  un  res- 
lâurant  et  quatre  ou  cinq  hôtels  ;  à  partir  de  Mai  jusqu'à  la 
fin  de  Septembre  on  peut  s'y  rendre  en  une  demi-heure  à 
iaide  d'un  chemin  de  fer  assez  lent  et  assez  incommode  qui 
lait  chaque  jour  de  nombreux  voyages.  Les  plaisirs  qu'on 
^trouve  sont  limités  ;  on  iaeimi  pas  trop  bonne  chère  au 
^laurant,  et  en  somme  Hidzé  dont,  dès  votre  arrivée  en 
Bi^snie,  on  vous  porte  les  louanges  jusqu'au  ciel,  demeure 
ainoD  avis  bien  au-desous  de  sa  réputation. 

Il  n  y  a  pas  que  Sarajevo  et  Hideé  dans  les  provinces, 
<ya encore  Mostai,  la  capitale  de  l'Herzégovine  avec  son 
«ocien  port  romain,  Jajee,  et  sa  cascade  que  domine  les 
r^tesdu  château  habité  autrefois  par  les  rois  chrétiens 
^-  la  contrée  ;  il  y  a  les  gorges  de  la  Duna  ;  bref  il  y  a  le 
^BTs  tout  entier  que  nous  aurions  besoin  de  parcourir  sur 
<^  excellents  petits  chevaux  bosniaques,  dont  l'apparence 
mt  guère  séduisante,  mais  qui  joignent  au  pied  le  plus  sûr 


340  BOSNIB-HERZÂQOVINE 

une  endurance  qu'on  ne  leur  soupçonnerait  pas. Mais  il  nous 
faudrait  des  semaines  et  des  mois  pour  voir  tout  ce  qui 
serait  digne  d'être  vu,  et  il  me  faudrait  des  heures  pour 
vous  les  raconter.  Or  je  vous  ai  promis  une  excursion  ra- 
pide et  vous  commencez  sans  doute  à  douter  de  ma  parole. 
Je  tiens  seulement  à  vous  faire  savoir  que  si  les  touristes 
britanniques  n'abondent  pas  dans  les  Provinces,  votre  pa- 
trie n'a  pas  été  toutefois  sans  y  faire  de  sérieuses  con- 
quêtes. Le  tennis  et  le  bridge  y  régnent  en  maîtres  absolus 
et  mon  ignorance  de  ces  deux  nobles  exercices  a  failli  me 
faire  perdre  à  tout  jamais  l'estime  des  plus  distingués  per- 
sonnages. J'ajouterai  enfin  pour  plaire  à  vos  cœurs  écos- 
sais que  le  golf  y  a  été  récemment  pratiqué  par  l'élite  de  la 
société. 

Je  souhaite,  Mesdames  et  Messieurs,  d'avoir  pu  réussir  à 
vous  donner  du  pays  que  je  me  proposai  de  vous  décrire, 
au  moins  quelques  vagues  impressions,  je  souhaite  d'avoir 
seulement  éveillé  parmi  vous  quelque  intérêt  pour  ses 
agréments  et  seî?  attraits  de  toutes  sortes.  Car  ne  faut-il 
pas,  en  voyage  comme  dans  la  vie,  négliger  et  oublier  ce 
qui  est  lourd,  banal,  ordinaire.  Je  puis  vous  assurer  que 
si  vous  vous  rendez  un  jour  en  Bosnie-Herzégovine,  vous 
verrez  qu'il  n'y  manquera  pas  d'objets  pour  votre  surprise 
et  votre  admiration,  et  si,  ce  que  j'ai  lieu  de  craindre,  mon 
petit  essai  de  conférence  ne  vous  a  guère  satisfaits  et  a 
laissé  sur  beaucoup  de  points  votre  curiosité  en  éveil,  je 
vous  conseille  d'aller  bien  vite  refaire  pour  votre  compte 
personnel  le  voyage  que  nous  avons  tenté  ce  soir  d'entre- 
prendre de  compagnie,  et  de  vous  initier  ainsi  pendant 
quelques  semaines,  d'une  manière  confortable  et  sans 
risques,  aux  singularités,  au  pittoresque,  à  la  beauté  de 
l'Orient. 

BL.4NCHE 
Vice-Consul  de  France 


ACTES   DE   LA   SOCIÉTÉ 


Procès-cerbal  de  V Assemblée  Générale  tenue 
le  3  Mai  1905 

Présidence  ilo  M.  H.  Blot-Lbpkvrb^  président. 

I<»  Après  la  lecture  et  l'approbation  du  Procès- verbal  de  sa  séan- 
ce de  l!H)4f  rAseeniblée  procède,  conformément  aux  statuts,  au 
renoovelienient  du  quart  des  membres  du  Comité  et  au  remplacement 
<ic8  vacances  qui  se  sont  produites  en  cours  d'année  dans  les  trois 
Mtrw  quarts. 

Sont  élus  : 

l^  Elections  statutaires 

MM.  H.  Blot-Lefevro. 
A.  Carton. 

D.  Guérin. 
Martin-Dupcnt. 
P.  Plum. 

E.  Raoul-Duvdl. 
J.  Roche. 

P.  Allégret. 

2o  Elections  complément lireë 

Mm.  Pilon,  en  remplacement  de  MM.  L.  DujjDnt* 

Monscourt,  p  L.  Clerc. 

D.  Dufour,  >  René  Pesle. 

2  Le  projet  de  budget  pour  l'an  lée  1905  est  disent  î  et  adopté. 

•'^L'ordre  du  jour  appelle  'ensuite  la  lecture  des  rapports  du  Tré- 
sorier et  du  Secrétiire  général  sur  la  situation  financière  et  morale 
^ la  Société. 

En  l'absence  de  M.  Boîtier,  trésorier,  M.  le  Président  donne  c<m* 
BiQQÎcation  à  l'Assemblée  de  son  rapport  sur  la  situation  rnanoière. 
ï^comptes  de  Tannée  1904  présentés  par  le  Trésorier  sont  approuvés. 

1^  déficit  assez  élevé  que  faisaient  ressortir  ces  comptés  et  dont 
1  origine  remontait  aux  travaux  exécutés  au  siège  de  la  b'ociété  en 
^%,  a  pu  être  couvert  grâce  à  la  libéralité  de  M.J,  DolamallOi  ancien 
^^«'mbre  de  la  Société, 


342  ACTES  DE  LA  SOCIÉTÉ 

40  La  parole  est  ensuite  donnée  à  M.  Favier^  secrétaire  général 
Le  Secrétaire  général  passe  en  revue  les  différentes  manifestations  di 
ta  vie  de  la  Société  :  Conférences,  Bibliothèque,  Concours,  et«>.  I 
estime  que  la  Société  peut  se  féliciter  des  résultats  qu*ont  produi 
ses  efforts.  Sur  un  point  cependant  il  fera  des  réserves.  Il  exprima 
le  regret  qu'à  l'opposé  des  conférences  données  à  la  salle  de  I« 
Lyre  havraise,  les  causeries  faites  au  siège  même  de  la  Société  Boien 
si  peu  suivies  par  les  membres  de  la  Société. 

La  question  que  soulève  ensuite  te  rapporteur  est  tellement  im 
portante  qu'il  y  a  lieu  de  reproduire  intégralement  oette  partie  di 
rapport  : 

<  Il  est  une  autre  question,  Messieurs,  qui  intéresse  le  bon  fonction 
nementet  lasituation  morale  de  la  Société.  Il  y  aquatreant^danHlebui 
de  faire  participer  un  nombre  de  personnes  toujours  plu?  grand  à  la 
vie  intime  de  la  Société,  le  Bureau  vous  a  demandé  de  légères  modifica 
tions  aux  statuts.  Vous  avez  décidé  alors  que  le  Président  et  les  deui 
Vice- Présidents,  après  deux  années  d'exercice,  ne  seraient  plus  im 
médiatement  rééligibles.  Il  ne  s^agissait  point  dans  Teepèco  d'une 
décision  prise  une  fois  pour  toutes  et  sur  laquelle  il  fût  impossible 
de  revenir.  Nous  voulions  faire  une  expérience  que  nous  jugerioni 
ensuite  sur  ses  résultats.  En  ce  qui  concerne  les  Vice-Présidents,  !e( 
réialtats  ont  été  excellents.  Il  ne  nous  a  pas  paru  qu'il  en  fût  de 
même  à  l'égard  du  Président.  Nous  nous  sommes  aperças  que  dani 
les  conditions  que  nous  venons  de  dire,  le  Président  avait  juste  le 
temps  de  se  familiariser  avec  ses  fonctions  et  que  le  moment  où 
nous  lui  demandions  de  céder  la  place  à  un  autre  était  précisément 
celui  où  il  était  à  même  de  nous  rendre  les  plus  signalés  servioc8.Noai 
Vous  avons  alors  demandé  une  prolongation  de  deux  ans  que  voul 
nous  avez  libéralement  accordée.  La  situation,  après  œs  deux  années 
écoulées,  est  restée  absolument  la  mêibe.  Aussi  d'accord  avec  lai 
deux  Vice-Présidents,  votre  secrétaire  général  vous  demande-t-il  de 
Voter  une  prolongation  nouvelle.  »  • 

Après  avoir  délibéré  sur  cette  proposition,  l'Assemblée  décide  i 
loque  les  Vice -Présidents  ne  pourront  toujours  pas  exercer  leurs  fonc* 
tioDS  pendant  plus  de  deux  années  consécutives, et  2"  que  le  Président 
sera,  comme  autrefois,  indéfiniment  rééligible. 

3**  Le  reste  de  la  séance  est  consacré  à  une  lecture  faite  par  M. 
Guitton  d'un  travail.de  M.  Berohon  sur  l'fle  de  Cuba. 

L'ordre  du  jour  étant  épuisé  la  séance  est  lovée  à  10  heures. 


ACTES  DE  tA  SOCIÉTÉ  343 

Procè^cerbal  de  la  réunion  du  Comité  du  19  Avril  1905 

Présidence  de  M,  Blût-Lefbvke,  président 

La  séance  est  ouverte  à  9  heures . 
MM.  Hansainann,  Chancerel  et  Monscourt  sont  excusés. 
Le  proc>8- verbal  de  la  séance  précédente   est  lu  et  adopté  sans 
observations. 

M.  le  Président  communique  Li  correspondance,  consistant  en  une 
lettre  de  la  Société  de  Qéographie  de  Saint-Etienne  annonçant  le  2G® 
CoQgrès  de  Géographie  qui  se  tiendra  dans  cette  ville  du  6  au  10  Août 
et  une  lettre  de  la  Société    Havraise  d'Etudes  Diverses  invitant  au  . 
Coogrès  des  Sociétés  savantes  de  Normandie,  dont  elle  a  pris  l'initia* 
ti?eet  qui  se  tiendra  au  Havre  du  15  au  18  Juillet. 
Le  Comité  vote  la  participation  de  la  Société  à  ce  dernier  congrès. 
M.  Menra,  doyen  d'âge,   prend  la  présidence  de  la  réunion,  pour 
faire  procéder  aux  élections  du  Bureau.  Sont  élus  : 
Président  :  M.  Blot-Lefevre, 
Vice-Présidents  :  MM.  Huussmann  et  Guitton, 
Secrétaire  Général  :  M.  Favier, 
Secrétaires  de  séances  :  MM.  Robert  Pesle  et  Hubert, 
Trésorier  :  M.  Boitier, 
Bibliothécaire  :  M.  Meura. 

M.  Blot-Lefevre,  en  son  nom  personnel  et  au  nom  du  Bureau  remer< 
cie  l'Assemblée. 

M.  le  Président  propose  l'admission  comme  membres  de  : 
MM.  Jobbé-Duval  présenté  par  MM.  Robert  Tuconet  et  de  GrandmaisoD 
Jules  Dnmesnil,  »  Legoupil  et  Guitton. 

Louis  Winnaert,  v  Rincheval  et  J.  Danic. 

le  cap*^  Louis  Lesnès,  y  Guitton  et  Blot-Lefevre. 

Au  nom  du  Comité  et  de  toute  la  Société.  M.  le  Président  félicite 
M.Boivin,agent  delà  Société,des  palmes  académiques  qui  sont  venues 
fort  justement  récompenser  les  soins  dévoués  qu'il  a  toujours  apporté 
aux  intérêts  de  la  Société  :  celte  haute  distinction  ne  pouvait  être 
mieux  méritée. 

M.  Guitton,  en  l'absence  de  M.  Fritz,  souiïrant,  donne  lecture  d'une 
étude  sur  <  Les  intérêts  allemands  au  Maroc  ».  Ce  travail,  des  plut 
intéressants  par  son  actualité  et  sa  documentation,  sera  publié  dans  le 
Bulletin. 
Lft  séance  est  levée  à  10  heures  4 


JBIBlalOGRTCPHlË 


L'Année  Cartographique.  Supplément  annuel  à  toutes 
les  publications  de  Géographie  et  de  Cartographie, 
dressé  et   rédigé  sous  la   direction  de   F.  Sehrader, 

Directeur  des  travaux  cartographiques  de  la  librairie 
Hachette  et  C^^ 

Quinzième   Supplément  (1905),  contenant  les  modifica 
tions  géographiques  et  politiques  de  1904.  — Trois  cartes 
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Rawling  et  A.  J.  Hargrcaves.  -  Travaux  géodésiques.  astronomiques,  topo- 
grapliiques  et  cartograplilques  du  Service  géograpliique  de  l*Indo^liine 
française,  par  le  lieut.-coIonei  Priquegnon. 

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crite de  M.  Boudry,  lieutenant  d'infanterie  coloniale.  ^  Le  Sahoixi  entre 
Jn-Salah  et  Tombouctou,  d'après  les  reconnaissances  du  commandant 
L^perrine.  du  lieutenant  Voinot,  du  capitaine  Théveniaut,  etc.,  etc.  —  Les 
nouvelles  IVontièrcs  entre  le  Niger  et  le  Tchad  ;  en  Gambie,  en  Guinée»  — 
Les  Ileê  deLx>B,  ^  Tracé  du  chemin  de  fer  projeté  de  Thiés  à  Kages. 

lit.  —  2linérlqii«t.  par  M.  V.  Hvot.  —  Monté  Appalaches  et  Grands  Lacê 
canadiens,  dressé  d'après  le  U.  S*  Geological  Sur>'ey.  —  ExploitaUons  dans 
la  Haute^Argentine  et  la  Bolivie. 

Nous  n'avons  plus  besoin  de  faire  l'éloge  derAnnëeCar/ograjiAlqueaaprèi 
du  public  qui  s'intéresse  au  progrès  des  découvertes  et  de  la  géographie. 
Notre  rôle  est  désormais  de  Justifier  son  attente  et  de  mériter  son  approba- 
tion. Les  missions  françaises  dans  lo  Nouveau  et  l'Ancien  monde  conti- 
nuent à  tenir  une  p'ace  plus  qu'honorable  dans  le  mouvement  d'exploration 
eonlcmporaino  et  nous  sommes  roHiculiérement  heureux  de  le  faire 
1*6  marquer* 


BIBLIOGRAPHIE  3-45 

A  Lhassa,  IjE  Ville  Interdite,  par  M.  Perceval 
Landon,  correspondant  spécial  du  Times,  —  Relation 
(le  la  marche  de  la  Mission  envoyée  au  Thibet  par  le  gou- 
vernement anglais  en  1903  1904.  Introduction  du  Colonel 
VouxGHUSnAND,  commandant  d'expédition.  —  IJn  beau 
vol.in  8'jésus  de  plus  de  400  p. sur  papier  vergé  et  illustré 
de  2i  planches  en  liéliogravure  tirées  hors  texte.  — 
Br.,20fr.  ;  rel.,  25  fr.  (Hachette  et  G»^  Paris.) 

I     Userait  diificile,  parmi  les  récits  les  plus  célèbres  ot  les  plus  cap- 
tivant d'ccplorations  avcutureuses,    d'en    citer   un  qui  dopasse    e» 
,  iotcrêt  la  relation  de  M.  Pcrcevul  Laudon. 

Lecompte  n'est  pas  long  à  faire  des  Européens  qui,  depuis  Marco 
I^)Io,  ont  franchi  les  frontières  du  Thibet.  Mais  cest,  cette  fois,  bien 
totre  chose  :  Il  s'agit  d'une  mission  européenne  pénétrant  jusqu'à 
LhisBa,  la  ville  sainte,  la  ville  des  Dalaï-Lama  et  des  gompas  (cou- 
vents), la  <  ville  interdite  y. 

Correspondant  spécial  du  Times  et  membre  de  l'Ëtat-major  de  la 
uussion,  M.  Perceval  Landon  était  mieux  placé  que  qui  que  ce  fût 
pour  en  tracer  l'histoire  ;  mais  cette  compétence  particulière  n'est  que 
l'on  de  ses  litres  à  notre  attention  et  l'on  ne  sait  ce  qu'il  faut  louer 
dtvantage  en  lui,  de  la  sûreté  de  son  coup  d'œil,  ou  de  son  tulent  à 
décrire  ce  qu'il  a  si  bien  observé,  le  pays  et  les  êtres,  les  traditions 
et  ies  uiœurs^  étranges  et  mystérieuses.  Ce  vivant  récit  est  d'ailleurs 
idmirablemeut  commenté  par  ces  maguifiques  planches  hors  texte^ 
ù  revivent,  dans  une  intense  réalité,  et  les  aspects  divers  du  Thibet 
t  les  phases  de  l'expédition  qui  vient  enfin  de  nous  le  révéler. 


OOerts  à  la  Mi\t  le  Giopapliie  Comerciale  lu  lawe 


parle 

Général  ARCHINARD 


Histoire  Philosophique  et  politique  des  Etablissements  et 
du  Gommeroe  des  Européens  dans  les  deux  Indes.  Genève , 
177Ô,  3  vol.  in-4,  avec  gravures  et  cartes,  complété  d'un  atlas  de 
i^  cartes. 

Voyage  fait  par  ordre  du  Roi  en  1771  et  1772  en  diverses  par- 
ues lie  l'I^îurope,  de  rA£riqae  et  de  l'Amérique,  pour  vérifier  l'uti- 
lité de  plusieurs  méthodes  et  iostruments  servani  à  déterminer  la 
Latitude  et  la  Longitude,  tant^du  Vaisseau  que  des  Côtes,  Isles  et 
Kcueils  qu'on  reconnoît,  suivi  de  recherches  pour  rectitier  les  cartes 
hydrographiques,  par  MM.  de  Verdun  de  la  Ckenne,  Lieutenant 
des  Vaisseaux  du  Roi,  etc.  Le  Chevalier  de  Borda,  Lieistenant  des 
Vaisseaux  du  Roi,  etc.  et  l'iNORé,  Chancelier  de  Ste-Geneviève^etc. 
Paris.  Imp.  Koyale,  2  vol.  in-4,  avec  quantité  de  cartes  hors 
texte. 

Un  ooin  de  la  Champagne  et  du  Valois  au  XVII*  siècle  — 

Jean  de  la  Fontaine  —  Marie  Héricart,  par  J.  Salesse,  principal 
du  collège  de  Château -Thierry.  Château- Thierry,  1894,  Lacroix, 

1  broch.  in-8, 118  pp. 

La  Gerdagne  Française  (Pyrénées  inconnues),  par  Ëmmanaee 
Brousse  tils.   Perpignan,  1896.  1  vol.  in-16,  orné  de  grav»  et  de 
cartes. 

La  Gerdagne  Espagnole  (Pyrénées  inconnues) , par  Albert  Sâlsas 
membre  du  club  alpin  français,  i  erpignan,  1899,  1  vol.  in-16, 
orné  de  grav.  hors  texte. 

Ganal  maritime  d'Ismailia  à  Alexandrie  —  Le  Caire  port  de 
mer —   Lecture  faite  par  M.   Tbompi'  à  l'Institut    égyptien   le 

2  Mare  1894.  Le  Caire,  Costagtiola,  1894,  1  broch.  in-8,  ZÔ  pp. 

Puissance  électrique  des  Gataractes.  Lecture  faite  par  M. 
Prompt  à  l'Institut  égyptien  le  28  Décembre  1894.  Le  Caire,  Imp. 
du  Journal  égyptien,  1894,  1  broch.  in-8,  24  pp^ 

Les  Réservoirs  d'Eau  de  la  Haute-Egypte,  Lecture  faite  par 
M.  Prompt,  à  Tlnstitut  égyptien  le  26  Décembre  1891.  Imp.  au 
Caire,  1892,  1  broch.  in-8,  52  pp. 

Le  Soudan  Nilotique,  par  M.  Psompt,  administrateur  français 
des  Chemins  de  ter  égyptiens,  Communication  faite  à  l'institut 
Égyptien,  le  20  Janvier  1892.  Le  Caire,lmp.  nationale,  1893, 1  broch.l 
io-8,  48  pp. 


OUVRAGES  OFFERTE  A  J.A  SOCIETE  347 

Iftttres sur  l'Egypte,  où  Ton  offre  le  parallèle  des  mœurs  anciennes 
et  modernes  de  ses  habitants,  où  Ton  décrit  l'état,  le  commerce, 
Ta^cnlture,  le  gouvernement  da  pays,  et  la  descente  de  Saint  Louis 
à  Damiette  :  tirée  de  Joinville  et  des  auteurs  Arales^  avec  des 
cartes  géographiques  par  M.  Savary.  Paris,  1785,  3  vol.  in-8,  avec 
cartes  et  plans. 

Notice  sur  le  Maroc,  par  H.  M.  P.  de  la  Martinière.  Paris, 
1898,  Lamirault,  1  broch.  in-8,  111  pp.  avec  1  carte  et  14  figures 
(Extrait  de  la  Grande  Encyclopédie.) 

Itinéraire  de  Fez  à  Oudjda,  snivi  en  1891  par  M.  de  la  Marti- 
XIÈBK,  chargé  de  mission  par  le  Ministère  de  Tlnstruction 
pabliqoe.  Paris,  1895,  Imp.  nationale,  1  broch.  in-8,  24  pp.  avec 
1  carte. 

Sahara  et  Soudao,  Transformation  du  Désert  et  pénétration  dans 
leSoadan  par  le  Dahomey,  par  C.  Favard,  ingénieur.  Paris, 
1894,  1  broch.  in-8,  avec  une  carte  de  l'Afrique  occidentale. 

Les  Touareg  de  l'Ouest,  par  le  capitaine  H.  Bissuel,  chef  de 
Bureau  Arabe,  2  cartes.  Alger,  1888. 

De  la  défense  des  Tribus  de  l'Extrôme-Sud,  contre  les  Rezzoa 
Tooareg,  par  Ë.  Coolombou,  lieutenant  au  2^  régiment  Etranger. 
Paris,  1888,  1  broch.  in-16,  30  pp.  (Extrait  de  la  lievue  du 
Cercle  militaire.) 

Projet  de  Colonisation  au  Soudan,  par  E.  Chatelard.  Paris 
1894. 1  broch.  in-8, 16  pp. 

LlSztrème  Sud-Algérien.  Contributions  à  l'Histoire  naturelle  de 
cette  région,  par  Jean  Dtbowski.  Paris.  Leroux,  1892,  1  broch. 
in-8,  56  pp. 

Voyage  dans  le  Soudan  occidental,  de  £.  Mage,  abrégé 
par  J.  Belin  de  Launay.  Paris,  1879,  1  vol.  in-8.  Hachette,  avec 
Qoe  carte. 

Le  Soudan  Français,  par  A.  Le  Chatblier.  Paris,  1889,  1  broch. 
in-4^  31  pp.  (Extrait  de  la   Revue  scientifique  .) 

Note  sur  le  Régime  des  Eaux  dans  le  Tldikelt,   par  A. 

Lft  CuAtELiBB.  Paris,  1885,  1  broch.  in-8,  9  pp.   avec  une  carte. 

ICission  agricole  et  zootechnique  dans  le  Soudan  occidental, 
1884-188Ô,  par  M.  Eorper,  vétérinaire  militaire.  Paris,  1886. 
1  broch.  in-5. 

Notice  sur  les  essences  forestières  du  Soudan,  propres  à  la 
ooDStraction.  par  Constancia.  Levallois-Perret,  Mottelet,  1905, 
1  broch.  in*8, 15  pp. 

X«etlre  à  un  Algérien  sur  la  Politique  Saharienne,  par  A. 
Lb  Obatiuib.  Yersaillee,  1900, 1  broob.  in-8, 17  pp. 


3-W         OUVRAGES  OFFERTS  A  LA  SOCIÉTÉ 

Contribution  à  la  connaissance  du  climat  Saharien,  par 

Georges   Kollanu.   Paris  1892,  1  broch.iii-4,   4  pp.    (Extrait  des 
Comptes- Rendus  de  i*Académie  des  Sciences.) 

Sur  l'accroissement  de  température  des  couches  terrestres 
avec  la  profondeur  dans  le  bas  Sahara  Algérien,  par  M  . 

Gturgcs  KoiXANi).  Paris,  1894,   1  broch.  in-4,   4  pp.    (Extrait  des 
Comptes- Rendus  de  l'Académie  des  Scietices.) 

Sur  le  régime  des  eaux  souterraines  dans  le  haut  Sahara 
de  la  province  d'Alger,  entre  Loghouat  et  El  Golca,  par  Georges 
Rolland.  Paris,  1892,  1  broch.  in-4,  4  pp.  (Extrait  des  Comptes- 
Rendus  de  l'Académie  des  Sciences.) 

Sur  le  Régime  des  eaux  artésiennes  de  la  Région  d'El 
Ooléa,  i)ar  Georges  Rolland.  Paris,  1892,  1  broch.  in-4,  5  pp. 
(Extrait  des  Comptes-Rendus  de  rAcadcmie  des  sciences.) 

Sur  lès  chances  d'obtenir  des  eaux  artésiennes  le  long  de 
l'oued  Igharghar  et  de  l'oued  Mya,  par  Georges  Bolland. 
Paris,  1894,  1  broch.  iD-4,  4  pp.  (Extrait  des  Comptes-Kendus  de 
l'Acudémie  des  Sciences.) 

Régime  du  Bassin  artésien  de  l'Oued  Rir'  (Sud  Algérien)  et 
moyens  do  mieux  utiliser  ses  eaux  d^imgation.  par  Georges 
Rolland.  Paris,  1898,  1  broch.  in-4,  4  pp.  (Extrait  dts  Comptes- 
Rendus  de  l'Académie  des  sciences.) 

Les  animaux  rejetés  vivants  par  les  puits  jaillissants  de 
POued  hir*,  par  Georges  Kolland.  Paris,  1894, 1  brcch,in-8,  20pp. 
(Extrait  delà  Revue  Scientifique.) 

Rapport  sur  les  Caravanes  de  la  division  d'Oran,  qui  se 

sont  rendues  au  Gourara   en   1892/93   (Division     d'Oran,  aâ'aires 
Arabes).  Alger,  1893,  Jourdan,  1  broch.  in-4,  31  pp. 

Le  Bassin  du  Tchad,  conférences  faites  en  1893  par  Ferdinand  de 
BÉiiAOLK.  Bordeaux,  1884,  1  broch.  in-8,  31  pp.  avec  une  carte. 

i Extrait  du  Bulletin  de  la  Société  de  Géographie  commerciale  de 
3ordeaux.) 

Le  droit  de  navigation  dans  le  Niger,  par  Albert  Ducuêne. 
Paris,  1895,  1  broch.  in-8, 8  pp.  (Extrait  de  la  Bévue  générale  de 
droit  i/iteruutional  public.) 

Vocabulaire  de  la  Langue  du  Mossi,  précédé  de  notes  gram- 
maticales par  le  Lieutenant  R.  Bluzet  du  103e  Régiment  d^lu'» 
luiiterie,  Membre  de  la  Mission  Hourbt  sur  le  Niger  (1895^1896). 
Vatis  18. .  1  broch.  in-4)  20  pp.  (Extrait  du  Bulletin  du  Comité  de 
rAfriqu9  française.) 

be  l'Alimentation  d'un  grand  Bassin  artésien  dans  le 
Désert  (Bas  Sahara  Algéfien),  par  Georges  RoLLâND,  ingénieur  des 


I 


OUVRAGES  OFFERTS  A  LA  SOCIÉTÉ  349 

Mîaes.  Paris,  1894,  l  broch.  iu-8,  23  pp.  avec  planches  de  pro- 
fils et  coupes.  (Extrait  du  BuHetiu  de  la  Société  Géologique  de 
France.^ 

Les  Progrès  récents  de  l'Agriculture  au  Sahara,  par  G. 

KoLLANf»,  ingénieur  des  Mines,  laris,  1898,  1   broch.  in-8,  15  pp. 
(Extrait   du    Bulletin   de  la   Société   Nationale   d'Agriculture  de 
.  France.) 

Sur  les  grandes  Dunes  de  sable  du  Sahara,  par  G.  Rolland. 
Paris,  1881,  1  broch.  in-8,  18  pp.  avec  2  fig. 

Mémoire  rédigé  par  la  famille  Sahraoui  pour  la  défense  de 
Si  el  Hadj  Kaddour  Sahraoui,  Agha  de  Tiaret,  commandeur  de 
U  Légion  d'Honneur.  Cran,  1883, 1  broch,  in-8,  14  pp. 

La  pénétration  africaine  et  le  Transsaharien    (réponse  «^  M 
d*i  Vogiié)  par  M.  A.  FocKE  (Extrait de  l'Expansion  coloniale  du  9H 
Mars  1891).  1  broch.  in-8,  7  pp. 

Le  Trafic  du  Transsaharien,  par  M.  Georges  Rolland,  Ingé- 
nieur des  Mines.  Paris,  1801,  J  broch.  in-8,  16  pp.  (Extrait  de 
rEconomiste  Français.) 

La  France  en  Afrique  et  le  Transsaharien,  par  MM.  le  Gcnn- 
rai  PHILBERT  et  Georges  Uollxnd,  Ingénieur  des  Mines.  Paris, 
1890,  Cliallarael,  I  brodi.  in-8,  96  pp.  avec  une  carte  de  l'Afrique 
Française. 

Le  Transiaharien.  Un  an  apn'S,  par  Georges  Holland,  Ingénieur 
ds  Mines.  Paris.  1891,  Cliallimol,  1  broch.  in-8,  132  pp.  avec 
une  carte  do  l'Afrique  Française. 

Algérie,  Sahara.  Tchad.  Réponse  à  M.  Camil'e  Sabatier  par  A. 
FocK.ingénieur  civil,  avec  'un«)  introduction  de  Georges  Bolland, 
Paris, Chai lamel,  1891,  1  brooli.  in  8,  75  pp.  avec  une  carte  de 
l'Afrique  Française. 

A  propos  du  Railway  transsaharien,  réflexions  et  observations 
hygiéniques  et  médicales,  pirCh,  J.  Masse,  raédécin  principal  de 
P«  classe.  Paria,  Gilmann-Lévjr,  1881,  l  broch.  in-8,  73  pp. 

Sur  la  Oôolo»iedu  Congo  Français,  par  Maurice  Baurat,  ingé- 
nieur des  Mines,  Paris,  1895,  Dunod,  1  vol.  in-8,  132  pp.  avec 
2  cartes. 

A  Travers  le  Zanguehar,  voyage  dans  TOudoé,  l'Ouzigoua, 
i'Oiikwéré,  rOukami  et  l*0u<4agari,  par  les  P  P.  Baitr  et  Le  Koy, 
missionnaires  au  Zangueb.nr.  Tours,  1887,  Marne,  1  vol,  in-8,  orné 
de  45  gravures  et  d'une  carte. 

Li  conquête  du  Ménah^  à  Madagascar  1897-1900,  par  le 
Capitaine  Con'DAMY,  do  l'Infanterie  coloniale.  Paris,  Lavauzelle, 
19. .,  1  vol.  io-8,  avec  7  cro<iui8  dans  le  texte. 


350  OUVRAGES  OFFERTS  A   LA  SOCIÉTÉ 

Une  exploration  technique  à  Bfadagascar.  ConférencA  faîto 
sous  le  patronage  de  l'Union  coloniale  frunoaise  pir  H.  Dn^RTAL, 
ingénieur  en  chef  des  Ponts  et  Chaussées,  le  18  Mars  1897.  Paris, 
Union  Coloniale  Française,  1  broch.  in-8,  38  pp. 

Le  Voyage  de  M.  J.-B.  Rolland  à  Madagascar,  1886-87,  par 
Gaston  Uornir.R,  Rouen  1890,  1  broch.  in-4,  21  pp.  (Extrait  du 
Bulletin  de  la  Société  Nonnande  de  Géographie.) 

Java,  Siam,  Canton  (Voyage  autour  du  monde),  par  le  Comte  de 
Beauvoir.  PariH,  Pion,  1809,1  vol.  in- 18,  orné  de  14  gravares  et 
1  carte. 

Le  Te  de  Laotseu  traduit  du  chinois  (l'Esprit  des  Races  Jaunes), 
par  Mat(.'Ioi  (All»crt  de  Pourvourvillb,  Paris,  Librairie  dd  PArt 
indépeiuUnt),  ISUI,  1  broch.  in- 16,  57  pp. 

Les  Sept  Eléments  de  PHomme  et  la  Pathogénie  chinoise, 

(l'Esprit  des  Races  Jaunes),  par  MATGior  (A.  de  PouvoUR ville) 
Paris,  Chuniuel,  1895,  1  broch.  in-16,  62  pp.  avec  11  figures  daoH 
le  texte. 

L'Indo-Chine  Française,  Politique  et  administration.  Conférence 
faite  par  M.  J.  Harmand,  consul  général  de  France,  Paris,  1887, 
1  broch.  in-8,  53  pp. 

Dans  les  Seize  Chaûs  (1888-1889),  études  coloniales,  par  Albert 
(le  PouvouRviLLK,  Arci8-8/-Aube,  1895,  1  vol.  in  16. 

De  Qui-Nhon  en  Cochinchine.  Explorations  dans  le  Bînh-Thnan 

(Sud  Ann>)m),  parJ.  Brien,  Sous-lnspectear  des  Postes  et  Télégra- 
phes. Hanoï,  1893,  1  broch.  in-8,  87  pp.  avec  une  carte. 

Aperçu  hygiénique  sur  les  Bas  Laos,  notes  médicales.  1893  1895, 
par  le  Docteur  Estrade.  Pamiers,  1896,  1  broch.  in-8. 

Notice  sur  le  fleuve   Rouge,  par  M.  L.  Escaiïob,  Lieutenant  de 

VaissLMiii.  Paris,  1HÎ)5,  1  broch.  in-8,  84  pp. 

De  Lang-Son  à  Cao-Bang.  A  travers  le  Tonkin,  par  Gaston 
L'HoM.MK,  capitaine  d'Artillerie  de  Marine.  Roohefort,  1899,  1  broch 
in-B  43  pp,  avec  carte  et  plans. 

Dans  le  Yen-Thé.  A  travers  le  Toukin,par  Gaston  L'HoM MB.  capi- 
taine  d'Artillerie    de  Marine,  liochefort,    1899,  1  broch.   in-8  ayec 
carte  et  plans. 

De  Phu-Lang-Thuong  à  Lang-Son,  Le  chemin  de  fer  et  le 
Song-Tliuoii^^.  par  le  capitaine  d'Artillerie  de  Marine  LuoxilB. 
Kochefurt,  1898,  l  broch.  in-8,  12  pp.  avec  une  carte. 

Colonisation  militaira,  parle  capitaine  Condamy,  de  Plnfanterie 

coloniale.  Paris,  Lav.iuzelle,   1930,1  broch.  in-8,  lOS  pp. 


OUVRAGES  OFFERTS  A  LA  SOCIÉTÉ  351 

Docoments  sur  la  Fondation  de  PŒuvre  antiesclaTagiste, 

par  S.  Efu.  le  Cardinal  Lavigebie,  archevêque  do  Carthage  et 
d'Alger,  primat  d'Afrique,  Saint-Cloud,  1889,  1  vol.  in-8,  avec 
deux  c&iîes  d'Afrique. 

Les  Trois  âges  des  colonies  ou  de  leur  passé,  présent  et  avenir, 
pirM.  dePRADT,  membre  de  r Assemblée  constituante. Paris,  1801, 
3  vol  in-8. 

Culture  du  Cacaoyer,  étude  faite  à  la  Guadeloupe  par  le  Docteur 
Pdol  GuéBiM.  Paris,  1896,  Challamel,  1  vol.  in-8. 

Cnltaredu  Oafâier.  Semis,  plantations  ;  taille,  cueillette,  etc.,  par 
£.  Raoul,  professeur  du  cours  de  cultures  tropicales  àTEcole  colo- 
niale. Paris,  1894,  Challamel,  l  vol.  in  8  avec  gravures. 

LesEgyntiens  préhistoriques  identifiés  avec  les  Annamites, 

raprès les  inscriptions  hiéroglyphiques,  par  le  Général  H.  Frby,  de 
rârmée  coloniale.  Paris,  Hachette^  1905,  1  broch.  in-8,  106  pp. 

CARTES    GÉOGRAPHIQUES 

Carte  schématique  de  l'Afrique  occidentale,  par  k  capitaine 
Marchand.  Paris,  1895,  1  feuille  en  couleurs. 

Carte  des  Missions  Decœur  et  Baud  dans  la  Boucle  du  Niger 
'W95),  dressée  par  les  Lieutenants  Baud  et  Wermeerscii  .  Paris, 
Hachette,  1  feuille  en  couleurs  au  1.500.000^ 

Carte  du  Soudan  Français,  dressée  parle  capitaine  Régnier, 
laprè^  les  travaux  les  plus  récents  des  ofticiers  du  corps  d'occupa- 
tion, par  ordre  du  colonel  de  Trentini.in,  commandant  supérieur 
du  Soudan.  Paris,  1898,  1  feuille  eu  couleurs  au  2.000.000». 

Carte  do  Macina,  du  Ouidi,  et  du  Yatenga,  levée  et  dressé  par 
le  C4)iniaandant  Destknavk,  résident  de  Baudiagara,  avec  Taide 
iea  documents  antérieurs  et  des  itinéraires  des  Lieutenants 
Margaine.  Voulet  et  Gaden.  Paris,  sans  date,  1  feuille  au 
lOJO.OOO».  •    • 

^rte  topographique  de  la  région  de  Tombouctou,  dressée 
l'ir  P.  VviLLOT,  Paris,  1895,2  feuilles  au  lOO.OOO. 

*^ Transnigérien.  Le  Bandauia  et  le  Bagoé,  carte  levée  et  dress^'^o 
^-  W.)2  à  1S95  par  le  Capitiine  Marchand.  Parî*8,  1896 
'-•etiilIeBen  couleurs  au  ôOO.OOO**  avec  notice  et  index  alphabétique. 

'Ute  des  réglons  méridionales  de  la  Guinée  et  du  Soudan. 

Ppançais  dressée  parle  Capitaine  LEVA8><Ef:R  .de  1  Infanterie  de 
'"^rine,  d'après  les  travaux  des  officiers  de  la  colonne  expédition - 
"iiredu  Soudan,  commandée  par  le  Colonel  Combes.  Paris  1894, 
^feuilles  en  couleurs,  au  500.000". 


352  OUVRAGES  OFFERTS  A  LA  SOCIÉTÉ 

Carte  du  Niger,  MissioQ  de  Timbuktu,  levée  et  dressée  par  MM* 
Caron  Lieuteniint  d(>  Vaisseiiu  et  Lbfort  Lieutenant  d*Iiifiantarii< 
de  marine.  Paris,  1887.  2  feuilles  au  500.000". 

Côte  d'Ivoire.  Carte  de  la  région  côtière.  de  Fresco  au  Cavillyj 
le vôe  et  dressée  par  H.  PoiiÉirûiN',  administrateur  colonial.  Pkrii|, 
IK'J5-I89r),  8  feiiilleH  au  150.000  avec  un  tableau  d'assemblage  wi,- 
500.000- 

Carte  du  Dahomey,  1  feuille  en  couleurs  au  100.000*"  dressée  per 
les  ofli«ii>r8  du  c(>r[>s  expédionnaire,  bous  la  direction  du  Capîtâtot- 
l^uivK,  cliff  d'Riat-Mojor. 

Mission  du  Commandant  Decœur  entre  le  Dahomey  et  le  Niger. 
Paris,  \HM,  1  feuille  au  1.000.000'. 

Carte  du  Con^ço  français,  dressée  par  Cii.  Rouviek,  CapitniDo4i 

Fréu:att',  d'après  les  travaux  des  explorateurs  français  et  étrangm. 
P.iris.  1SS7,  1  feuillo  enrouleurs  au  1.852.000». 

Carte  du  Cong^o  français,  dressée  par  J.  Hansen,  d*Après  les 
itiiit-raircH  des  explorateurs,  Paris.  18'.)5.  2  feuilles  en  coalenrsM 
1.500.000'^'  avec  notice  et  index  alphabétique. 

Atlas  des  Côtes  du  Congo  français  publié  pir  le  Sarviee    géo* 

^raplii(iue  du  Sous-Secrétariat  d'Etat  des  Colonies   Reconnaîssui 
failli  en  suivant  le  rivage  par    Henri  PonÉGUiN,  chef   de  statioa; 
181).)  1891.  Pari^  1803,  22  feuilles  au  80.000' 


SOCIÉTÉ 

GÉOaRAPHIE   COMMERGULË 


IDXJ  Ïi-A.VR.B 


BULLETIN 


XXII»  Année.  -  3'  et  ^"  Trimestres  1  905 


HAVRE 
AU  SIÈGE  DE  LA  SOCIÉTÉ 

131,    RVE    DE   PARIS,    131 

1906 


SOMMAIRE 


Une  Expédition  au  Polc  Sud.  ]):ir  '.v  b'  (JiA«r:)T .: 

L'Autonomie  du  port  du   Havre,  par  M.   I.AUur.Ni'  Todtain 3 

La  Rénovation  de  la  Chine  et  l'exemple  du   Japon,    par   M.    Pii-rre 

LKii.»Y-BEAn.ii:r 3 

Nos  pêcheries  de  perles  et  la  mission  de  M.Seurat,  par  M.Rcnk  Di.ju 

La  Lutte  pour  le  Coton  Colonial,  j»ar  M.  1>aul  liouKDAUiE 

Liste  des  ouvrages  légués  à  la  Société  par  M.  J.  Delamalle 

Blibliographie 

Ouvrages  reçus  à  la  Bibliothèque  de  la  Société 

Table  des  matières 


RÉUNIONS 


Les    Réunici>    du   Comité  oni   lieu  le  4->'''  mercredi  de  chaque  m> 
excepte  pendant  les  mois  d'août  et  septembre. 

Tous  les  membres  de  la  Société  peuvent  y  assister. 


BIBLIOTHEQUE 

La  Bibliothèque  de  lu  Société  est  OUVerte  tOUS  leS  SOirSt  cxcc] 

les  dimanches  et  jours  fériés,  de  oh.   i   2  à  7  h.  1/2  et  de  8  h.  1,  2  a  ic 


l'outes  les  communications  et  tous  les  renseignements  doivent   t 
adressés  au  Secrétaire  général. 


A*'. 


SOCIÉTÉ 


DE 


i     GEOGRAPHIE  COMMERCIALE 


Une  E:3^pédition  aa  Pôle  Sad 


11) 


Mesdames,  Messieurs, 

Je  liens  tout  d*abord  à  accomplir  ce  qui  n*est  pas  un  de- 
voir, puisque  c'est  unplaisir,c'est-à-direà  vous  remercier  do 
l'amabilité  que  vous  avez  ce  soir  en  venant  écouter  lo  récit 
de  noire  voyage.  Je  vous  remercie  tout  particulièrement, 
Monsieur  le  Président,  des  paroles  trop  élogiouses  que 
TOUS  venez  de  prononcer.  Je  vous  suis  particuli^^îrement 
reconnaissant  devoir  pensé  aussi  à  mes  camarades.  C*est 
gràcre  à  mes  camarades,  à  mon  équipage,  je  le  dis  haute- 
ment, que  nous  avons  pu  accomplir  la  tâche  que  nous  avions 
entreprise. 

Je  n'ai  pas  à  revenir,  je  crois  que  cela  est  inutile,  sur  les 
débuts  de  notre  expédition.  On  en  a  parlé,  et  vous  tous, 
membres  de  Sociétés  de  Géographie,  vous  êtes  au  courant 


11)  Coorérence  faite  le  18  novembre  11M)5  devant  la  Société  de  Géographie 
cm1«  du  Muvre. 


gooiTÉ  m  oiooRAPHiB.  —  3*  et  4*  trimestres   1905.  23 


354  UNE  EXPÉDITION  AU  POLE  8UD 

des  difficultés  que  nous  avons  rencontrées.  Vous  vous  rap- 
pelez que  cette  expédition,  qui  devait  être  une  petite  expé- 
dition dans  le  Nord,  est  devenue,  selon  le  vœu  des  membres 
de  rinstitut  faisant  partie  du  Comité  d'organisation,  une 
expédition  sur  une  plus  vaste  échelle,  dans  le  Sud.  Il  fallait 
beaucoup  d'argent,  et  j'ai  un  devoir  de  reconnaissance  à 
remplir.  J'ai  obtenu  cet  argent  grôce  à  la  générosité  d'un 
de  nos  grand  journaux  Le  Matin,  grâce  au  Gouvernement 
français,  qui  nous  fournirent  les  moyens  de  faire  notre  ex- 
pédition en  ajoutant  les  sommes  nécessaires  aux  250,000 
francs  que  j'ai  dû  mettre  de  ma  poche. 

Je  ne  veux  pas  faire  l'historique  des  explorations  au 
Pôle  Sud.  Je  dois  cependant  vous  rappeler  un  fait.  Une 
année  auparavant,  des  pays  étrangers,  l'Angleterre,  la 
Suède,  l'Allemagne,  s'étaient  réunis  dans  un  Congrès  au- 
quel, malheureusement,  la  France  n'avais  pas  adhéré.  On 
avait  décidé  d'envoyer  des  expéditions  étudier  les  mystères 
du  Pôle  Sud.  Nous  avons  voulu  faire  participer  notre  pays 
à  ces  recherches  et  l'expédition  française  a  été  décidée. 

Nous  avons  fait  construire  un  bateau  spécial,  n'ayant  pu 
en  trouver  dans  les  pays  qui  construisent  ces  sortes  de  navi- 
res etceux  qui  vont  à  la  recherche  de  la  baleine  ;  j'ai  pensé 
qu'il  y  avait  là  une  expérience  intéressante, celle  de  s'adres- 
ser à  un  constructeur  français.  Un  chantier  de  Saint-Malo 
nous  fournit  un  navire  apte  à  ce  que  nous  voulions  faire,  et 
la  meilleure  preuve  que  ce  navire  était  bon,  c'est  que  lorsque 
nous  sommes  revenus  en  République  Argentine,  dans  ce 
pays  très  au  courant  des  choses  polaires,  les  Argentins  qui 
avaient  eu  déjà  l'occasion  d'acheter  un  bateau  norvégien  ou 
anglais,  ont  préféré  un  bateau  de  construction  française. 

Il  y  avait  intérêt  à  prouver  que  nos  marins  étaient  aussi 
capables  que  ceux  d'autres  nations  de  participer  à  une  ten- 
tative de  ce  genre.  Il  y  a  de  cela  pas  mal  d'années,  un 
explorateur  américain,  mort  dans  l'expédition  de  La  Jean- 


UNE  EXPÉDITION  AU  POLE  SUD  355 

nette,  au  moment  où  il  armait  son  bateau,  avait  systémati- 
quement refusé  des  marins  de  France  et  d'Italie.  Les  Italiens 
ont  prouvé  ce  qu'ils  pouvaient  faire,  lors  de  l'expédition  du 
duc  des  Âbruzzes.  C'était  à  nousde  réhabiliter  les  Français; 
léquipage  Ta  fait  et  très  dignement,  je  puis  vous  l'affirmer. 

Nous  arrivons  au  départ  même  de  l'expédition.  Je  vais 
tâcher  de  vous  faire  revivre,  avec  moi,  les  quelques  mois 
que  nous  avons  passés  là-bas.  Je  ne  veux  pas  vous  faire 
une  conférence  scientifique.  D'abord  il  y  a  une  certaine  dif* 
acuité  provenant  de  ce  fait,  c'est  qu'avant  que  nos  travaux 
scientifiques  soient  au  point,  il  faudra  de,  très  longs  mois 
de  travail.  Nous  avons  pu  rapporter,  pour  toutes  les  bran- 
ches de  notre  programme  :  hydrographie,  gravitation,  mé- 
téorologie, magnétisme  terrestre,  électricité  atmosphérique, 
chimie  de  Teau  de  mer,  histoire  naturelle,  bactériologie, 
des  documents  très  abondants.  Il  faut  six  à  sept  mois  pour 
1^  mettre  au  net.  Je  crois  qu*il  est  plus  intéressant  pour 
TOUS  de  vivre  pendant  ces  quelques  minutes  les  mois  que 
nous  avons  passés  là-bas,  et  de  participer  à  la  vie  deTexplo- 
ratenr  dans  ces  régions. 

La  région  vers  laquelle  nous  allons  nous  diriger  a  été  ex- 
plorée de  longue  date  par  des  baleiniers.  Il  y  a  un  nom  que 
je  dois  vous  rappeler,  celui  de  Dumont  d'Urville,  quia 
découvert  ces  terres.  Puis  un  baleinier  anglais,  Biscoe,  puis 
1  expédition  russe  de  Bellinghausen.Une  exploration  que  l'on 
doit  toujours  citer,c'est  celle  de  La  BelgicayCommandée^ar 
deGerlache.  Ce  fut  la  première  expédition  scientifique  mo- 
d«rne  qui  ait  eu  la  gloire  d'hiverner  dans  les  régions  antarc- 
tiques. Cette  expédition  deLa  Belgica  a  découvert  un  détroit 
qui  porte  le  nom  deson  commandant:  le  détroit  deGerlache. 

Si  vous  voulez  suivre  notre  trajet  sur  la  carte  et  vous  en 
soa?eoir,  vous  verrez  que,  atterrissant  aux  Shetland^  nous 
*jffln>e«  arrivés  à  une  île,  l'île  Low  et  à  l'archipel  de  Pal 
«er.  Nous  avons  relevé  lescôtes  extérieures  de  cet  archipel . 


356  UNE  EXPÉDITION   AU  POLE  SUD 

C'est  ua  travail  d'une  certaine  importance..  G*est  ici  que 
doivent  atterrir  tous  les  baleiniers  ou  les  bateaux  d'explo- 
ration qui  viendront  dans  ces  régions.  Il  était  important 
d'en  faire  la  carte.  Nous  nous  sommes  dirigés  vers  l'extré 
mité  du  détroit  de  Gerlache  et  c*est  dans  l'île  Wandél  que 
nous  avons  hiverné.  Nous  avons  étudié  cette  région,  puis 
par  des  raids  sur  la  glace  nous  avons  relevé  une  partie  de 
cette  côte.  Nous  nous  sommes  dirigés  ensuite  vers  la  terre 
Àlexandre-I®'^  que  nous  avons  pu  relever  et  dont  nous  avons 
fait  des  croquis.  Et  enfin,  revenant,  nous  avons  découvert 
un  promontoire  auquel  nous  avons  donné  le  nom  de  Prési- 
dent Loubet,  nous  sommes  remontés  dans  le  détroit  de 
Gerlache  et  nous  avons  pu  regagner  la  République  Argen- 
tine, employant  ainsi  les  seize  mois  de  cette  expédition. 

Le  15  août  1903,  Le  Français  quittait  le  port  du  Havre. 
H  y  avait  quelques  minutes  que  nous  étions  sortis  des  jetées 
lorsque  l'amarre  du  remorqueur  venant  à  casst«r,un  des  hom- 
mes fat  tué  sur  le  coup:  c^était  le  pauvre  Maignan .  Nous  arri- 
vons à  Brest.  Le  préfet  maritime  a  bien  voulu  mettre  à  notre 
disposition  un  remorqueur  de  l'Etat.  Là  encore  un  accident 
d'amarre  a  causé  la  mort  d'un  homme.  Nous  arrivons  à 
Pernambuco.  Noos  étions  quittés,  à  la  suite  de  divergences 
de  vues,  par  le  commandant  de  Gerlache,  qui  entraînait 
avec  lui  deux  naturalistes.  Nous  avons  télégraphié  en 
France  et  deux  autres  sont  venus  les  remplacer. 

De  16  nous  allons  à  Buenos-Aîres.  L'arbre  de  coucha  cas- 
se :  nous  avons  un  bateau  anémié,  monté  par  des  hommes 
tristes  et  inquiets  de  la  malchance  qui  semblait  les  poursui- 
vre. Il  semble  qu'en  touchant  le  sol  delà  République  Argen- 
tine la  mission  ait  retrouvé  la  bonne  fée  nécessaire  à  la  réus- 
site de  l'expédition,  la  bonne  fée  qui  préside  aux  destinées 
de  ce  magnifique  pays,  de  ce  pays  qui  joint  la  générosité  A 
rénorme  travail,  de  ce  pays  qui  donne  un  démenti  à  ceux 
qtii  prétendent  que  les  races  latines  sont  en  décadence.  La 


vUe  EJCP^DITlON  AU  t>6LE  fet'O  35? 

oialchance  nous  a  quittés  et  nous  n'avons  eu  que  du  bon- 
heur. Â  Buenos-Aîres,  nous  avons  obtenu  l*aide  matérielle, 
nous  avons  été  réconfortés  moralement  et  nous  avons  eu 
ie  grand  exemple  donné  parles  marins  de  L'Uruguay  ^  qui 
S'Ont  revenus,  rapportant  dans  un  magnifique  coup  de  filet 
XordeDskjold  et  ses  compagnons* 

Nous  quittons  Buenos-Aires  le  23  décembre,  après  avoir 
reçu  uDBaide  matérielle  considérable*  On  nous  avait  donné 
lescbiensde  Nordenskjold.  On  avait  mis  à  notfe  disposi- 
tion un  bateau  de  TEtat  qui  nous  portait  à  Ushuaia  le  char- 
bon, les  lettres  et  les  dépèches.  Nous  allons  sur  Ushuaia. 
C'est  une  petite  ville^  nous  y  recevons  la  même  réception  que 
dans  le  reste  de  la  République  Argentine^  et  nous  nous  di- 
rigeons vers  une  baie  importante  au  point  de  vue  français» 
la  baie  d*Orange.  Cest  dans  cette  ,baie  que  Texpédition  de 
La  Romanche  a  hiverné  en  1882-1883.  Nous  y  avons  séjour^ 
Dé  pour  régler  nos  instruments  afin  que  nos  observations 
concordent  avec  celles  de  nos  prédécesseurs.  Puis  nous 
QOQs  dirigeons  vers  TAntarctique  et,  après  une  traversée 
très  dure,  nous  parvenons  en  vue  des  Shetland  du  Sud^ 
Remarquez  cet  iceberg  de  forme  tubulaire.Dans  les  régions 
arctiques,  les  icebergs  ont  des  formes  diverses  et  variableSi 
Dans  l'Antarctique,  presque  tous  ont  cette  forme  presque 
géométrique.  Ces  icebergs  viennent  de  glaciers  qui  coulent 
lentement  à  la  mer.  Ils  ont  des  hauteurs  de  30  à  40  mètres. 
C'est  une  masse  énorme  de  glace  :  il  y  a  quelquefois  sous 
ieau  10  à  11  fois  leur  hauteur  au-dessus  de  l'eau.Ils  peuvent 
Btleitidre  plusieurs  kilomètres  de  superficie. 

Nous  commençons  à  côtoyer  la  terre  de  Tarchipel  de  Pal- 
lier et  à  en  faire  rhydrographie.  Presque  partout,  vous  avez 
affaire  à  une  falaise  de  glace  de  30  mètres  de  hauteur,  in- 
abordable, avec,  par  ci,  parlé,  une  petite  plage  de  galets 
sur  laquelle  on  peut  aller  di£Bcilement  pour  recueilKr  quel* 
<|ue8  échantillons.  Nous  avoQs  côtoyé  6t  relevé  cette  terre 


358  UN  EXPÉDITION    AU   POLE  SUD 

avec  beaucoup  de  difficultés,  car  nous  avions  du  brouillard 
et  du  mauvais  temps.  Par  suite  de  notre  expédition  hâtive- 
ment préparée,  notre  machine  économiquement  achetée 
nous  a  donné  du  mal.  Nous  avions  à  lutter  contre  des 
avaries  de  chaudière.  Ce  n'était  plus  un  bateau  À  vapeur  que 
nous  avions,  c'était  presque  un  bateau  à  voiles.  Donc  le 
temps  fut  assez  long  pendant  ce  relevé  hydrographique. 

Nous  nous  trouvions  dans  une  région  semée  de  ces  énor- 
mes icebergs.  Nous  arrivons  à  la  baie  des  Flandres.  Pen- 
dant  onze  jours,  les  hommes,  jour  et  nuit,  ont  travaillé 
dans  la  machine.  Amarrés  par  des  ancres  à  glace  à  une  ban- 
quise  très  compacte,  une  amarre  portant  sur  un  rocher  qui 
émergeait,  nous  étions  en  butte  au  choc  des  icebergs  et 
sous  la  menace  perpétuelle  des  avalanches.  Cependant  nous 
avons  pu  réparer  tant  bien  que  mal  les  avaries  survenues 
p3ndant  notre  première  traverséeet  commencer  nos  travaux. 
Le  temps  qu'il  a  fallu  séjourner  dans  cette  baie  n'a  pas  été 
perdu. 

Nous  nous  dirigeons  vers  le  Sud,  avec  l'intention  de 
prendre  nos  quartiers  d'hiver  aussi  loin  que  nous  pourrons* 
Nous  nous  engageons  dans  un  petit  détroit  espérant  ga- 
gner les  îles  Biscoe*  Vous  voyez  le  magnifique  paysage  du 
cap  Renard,  d'une  hauteur  de  850  mètres.  D'abord  facile, 
la  navigation  devient  plus  difficile  ;  les  glaces  commencent 
à  apparaître.  Un  bateau  comme  le  nôtre,  avec  un  avant 
construit  exprès,  passe  facilement  à  travers  les  glaciers  sé- 
parés, mais  on  ne  peut  percer  un  vrai  glacier.  C'est  en 
poussant  vers  le  large  que  nous  nous  dirigeons  vers  le  Sud» 
Nous  sommes  obligés  d'entrer  en  pleine  glace.  C'est  la  na- 
vigation polaire  dans  toute  sa  beauté,  mais  c'est  un  peu 
diffioile. 

Avec  l'avant  du  bateau  nous  brisons  les  grands  mor*- 
ceaux  de  glace,  et,  bien  souvent,  les  pingouins  étonnés 
s'enfuient  en  poussant  'de  petits  cris.  Quelquefois  ce  sont 


miE   E  XPÉDITION  AU  POLE  SUD  359 

des  phoques  qui  lèvent  la  tète;  ils  nous  regardent  passer  et 
rentrent  dans  leur  sommeil.   L'arrière  du  bateau  laisse  un 
long  sillage  et  les  glaces  se   refermant,  la  grande  plaine 
I     blanche  reprend  son  habituelle  uniformité.  Nous  arrivons 
à  une  banquise  compacte,  à  travers  laquelle  nous  ne  pou- 
roDS  plus  passer.  Nous  laissons  nos  chiens  se  promener 
sur  la  glace  ;  ils  en  profitent  pour  taquiner  un  malheureux 
phoque  qui  ne  leur  fait  aucun  mal.  Nous  avons  devant  les 
yeux  un  paysage  très  pittoresque,  très  beau  ;  mais  passer 
avec  un  bateau  dans  ces  glaces  est  chose  impossible.  Nous 
ne  pouvons  pas  continuer,  d'autant  plus  que  nous  ne  voyons 
nulle  part  un  point  où  il  soit  possible  d'établir  nos  instru- 
ments. 

Nous  sommes  assaillis  par  une  terrible  tempête  du  Nord" 
Est,  qui  souffle  avec  une  violence  inouïe.  Les  coups  de 
vent  durent  en  général  quatre  ou  huit  jours,  mais  un  a 
duré  trente-neuf  jours  de  suite.  Pendant  ce  temps,  Tatmos'' 
phère  est  embrumée,  une  neige  fine  pénètre  dans  la  peau, 
dans  les  yeux,  et  empêche  de  voir  à  quelques  mètres.  Vous 
pouvez  vous  rendre  compte  des  dangers  d'une  telle  naviga- 
tion, alors  que  la  mer  est  embarrassée  d'icebergs*  Nous 
avons  pu  en  compter  jus^'à  300  en  vue>  certain  jour^ 

Nous  arrivons  à  l'île  Wandel,  qui  était  particulièrement 

bien  située  pour  un  hivernage  (vous  en  voyez  le  panorama) 

Elle  était  bonne  pour  l'hivernage  parce  que,  le  trouvant 

face  à  la  mer,  les   observations  niéiéorologiques   étaient 

prises  dans  de  bonnes  conditions  ;  puis,  c'était  le  seul  en^ 

droit  où  nous  étions  sûrs  que  nos  instruments  reposent  sur 

_la  terre  ferme.  De  plus,  il  y  avait  une  petite  anse  juste  assez 

grande  pour  abriter  notre  bateau.  Cette  petite  anse  avait 

7  mètres  de  profondeur.  Le  bateau  se  trouvait  protégé  des 

vents  du  large  par  la  colline.  Une  chaîne  que  nous  avions 

tendue  à  l'ouverture  de  l'anse  nous  protégeait  de  la  glace 

et  des  boules.  Lorsque  le  vent  soufflait  du  Nord-Est,  lea 


360  UNE  ïl'XPIEblTlON  At  1>ÔLE  ât^fa 

glaces  venaient  s'accumuler  contre  la  chaîne,  et  formaient 
une  sorte  de  digue  qui  empêchait  lés  autres  glaces  de  briser 
le  bateau,  et  nous  nous  trouvions  dans  une  sécurité  rela- 
tive. 

Vous  voyez  une  photographie  du  bateau  en  hiver.  Voici 
un  petit  iceberg  :  c'est  un  bloc  très  suffisant  pour  écraser 
le  malheureux  Français,  Le  bloc  a  été  retenu  par  la  chaîné 
A  côté,  contre  la  paroi  du  rocher,  nous  avons  construit 
une  route  à  laquelle  on  accédait  par  une  passerelle.  Elle 
était  carrossable.  Nos  traîneaux,  de  45  centimètres  de  lar- 
geur, pouvaient  y  passer  facilement.  Nous  l'avons  appelée 
avenue  Victor-Hugo.  Il  fallait  prendre  certaines  précau- 
tons.  Le  bateau  pouvait  être  broyé  ou  devenir  victime 
d'un  incendie.  Nous  avions  donc  besoin  d'un  abri  à  terre 
avec  les  vivres  nécessaires  jusqu'à  ce  qu'on  vienne  à  notre 
secours.  Les  chiens  sont  attelés.  La  maison  est  débarquée 
et  nous  parlons  vers  l'intérieur  de  l'île.  Ce  n'est  pas  un  tra- 
vail aussi  facile  qu'on  peut  le  croire,  il  faut  briser  une 
couche  de  glace  de  plus  de  4  mètres  pour  trouver  une  base 
solide.  Mais  notre  maison  est  terminée  ;  telle  elle  est  encore 
à  l'île  Wandel,  avec  des  vivres  et  des  provisions  pour  ser- 
vir dé  point  de  refuge  s'il  nous  fallait  revenir  :  pour  servir 
aussi  aux  explorateurs  futurs  qui  y  trouveront  un  secours. 

Pour  nieltre  nos  vivres  en  sécurité,  nous  avons  construit 
un  abri  avec  des  blocs  de  glace  coupés  à  la  pioche  ;  nous 
avonsconstruit  un  magasin,recouvert  avec  des  toiles  è  voile, 
Ts'ous  avions  une  épicerie  artistiquement  organisée  ;  les  pAtés 
de  foie  gras,  les  confitures,  etc.,  ont  joué  un  grand  rôledans 
notre  destinée.  A  terre,  tout  près  de  notre  magasin  géné- 
ral, nous  avons  construit  un  village  groënlandais  :  des 
maisons  de  glace,  servant  d'abattoirs,  de  boucherie,  et  des 
hangari  pour  mettre  la  graisse.  C'étaient  les  phoques  et 
les  pingouins  qui  nous  servaient  pour  notre  nourriture  et 
celle  des  chiens.  Lear  grahse  nous  était  utile  pour  écomy* 


ÛN'k  tXPÉDtTION  AU  'POLË  SUD  361 

fftwW  le  combustible.  Pour  nos  chiens,  nous  avions  fait 
^  une  niche,  mais  ils  préféraient  coucher  au  dehors. 

Nous  avions  une  assez  grande  quantité  de  mélinite  que 
le  Gouvernement  français  avait  bien  voulu  nous  confier. 
Aous lavons  installée  loin  du  bateau.  Nous  avons  eu  beau, 
luettre  un  petit  drapeau  rouge^avec  unécriteau  «dangereux» 
les  pingouins  sont  venus  installer  leurs  nids  à  côté.  Nous 
BV0D8  installé  notre  observatoire  scientifique,  que  nous 
ivûns  appelé  Observatoire  Lockroy,  formé  auto^jr  d'un 
point  [central,  la  cabane  magnétique  en  bois  et  en  cuivre 
pour  ne  pas  faire  dévier  Taiguille  aimantée.  Il  y  avait  des 
Appareils  installés  pour  la  météorologie,  l'électricité  atmosr 
[ibérique,  etc. 

Il  nous  fallait  songer  à  notre  nourriture.  Il  y  avait  à 
bord  des  vivres  en  grande  abondance.  Il  y  avait  à  terre  de 
la  viande  fraîche.  Ce  sont  les  phoques  et  les  pingouins 
qui  en  ont  fait  les  frais.  C'était  un  chagrin  de  les  sacrifier, 
mais  c'était  une  obligation.  Une  fois  les  phoques  tués,  ont 
les  faisait  tirer  par  les  chiens.  Ils  étaient  amenés  à  la 
boucherie  et  la  viande  était  ainsi  conservée  dans  une  gla- 
cière naturelle  et  économique.  Les  pingouins  avaient  une 
cbair  excellente.  Une  autre  ressource,  c'était  la  pèche,  au 
moyen  d'un  trou  pratiqué  dans  la  glace.  Pendant  l'hiver 
D0U8  avons  péché  jusqu'à  36  poissons  dans  une  seule 
journée. 

Ils  avaient  aussi  un  intérêt  scientifique,  et  vous  voye? 
ces  poissons  qui  sont  en  train  de  sécher.  Enfin,  tous  les 
jours,  régulièrement,  une  corvée  d'hommes  était  chargée 
d'aller  cbercherdela  glaceaussi  belle  et  aussi  propre  que  pos- 
sible. Dans  ces  régions,  il  n'y  a  pasde  sources  d'eau  fraîche. 
Il  fallait  faire  notre  eau  douce.  L'eau  que  nous  avions 
était  très  pure,  mais  lorsque  les  hommes  oubliaient  de  se 
bvar  les  mains  ou  que  les  récipients  avaient  contenu  du 
iboque  ou  du  «pélroie)  nous  étions  obligés  de  boire  de 


.%2  tJNE  EXPÉDITION  AU  POLE  SUD 

cette  eau.  Cette  glace  était  placée  dans  un  récipient  g 
devait  servir  à  laver  le  linge.  Le  feu  était  allumé  avec  de  i 
graisse  de  phoque  ou  des  pingouins  tout  entiers.  Cétai 
une  grosse  économie.  Grèce  à  cette  eau  que  nous  avioni 
économiquement^  les  hommes  lavaient  leur  linge.  Ibs 
avaient  des  soins  de  propreté  corporelle,  et  c*était  unedei 
choses  des  plus  curieuses  que  de  voir  tout  l'équipage,  par 
39  degrés  au-dessous  de  zéro,  dans  le  costume  leplussim* 
pie,  se  laver  avec  de  l'eau  chaude,  sur  la  glace.  Ce  n'estpas 
aussi  pénible  que  cela  peut  en  avoir  l'air.  Ce  qui  était  plas 
difficile,  c'était  de  faire  sécher  le  linge.  Nous  avions  essayé 
de  l'étaler  à  l'air.  Immédiatement,  tout  devenait  aussi  dur 
que  des  planches  ;  on  aurait  pu  en  construire  des  maisons. 
Il  a  fallu  se  résoudre  à  le  faire  sécher  près  des  poêles  qui 
étaient  dans  le  bateau. 

Une  grande  activité  régnait  parmi  nous  ;  il  fallait  aug- 
menter le  poste,  mettre  des  doubles  portes  partout,  réparer 
tes  petites  avaries  qui  avaient  pu  se  produire.  On  a  cons- 
truit des  instruments  de  toute  espèce.  Vous  ne  pouvez  pas 
imaginer  la  quantité  d'objets  fabriqués  par  les  hommes.  La 
forge,  le  tour  n'ont  jamais  eu  un  seul  instant  de  repos. 
C'était  pour  les  hommes,  un  plaisir  et  une  distraction 
d'avoir  un  travail  qui  les  amusât.  En  dehors  de  ce  travail* 
il  fallait  entretenir  notre  village  de  glace,  déblayer  la  routet 
souvent  encombrée  par  la  neige.  Lorsque  le  bateau  était 
bien  enfermé  dans  la  banquise,  nous  étions  tranquilles^ 
Cela  ne  durait  pas  longtemps.  Un  grand  coup  de  vent 
brisait  la  glace  la  plus  épaisse,  et  nous  étions  en  danger* 
^Les  blocs  de  glace  venaient  frapper  contre  les  parois.  Nous 
étions  obligés  d'envoyer  des  hommes  pour  protéger  le 
bateau,  pour  briser,  à  coups  de  pelles  et  de  pioches,  les 
glaces.  Nous  avons  passé  des  heures  de  grande  inquiétude 
D'autre  part,  après  ces  grandes  tempêtes,  il  y  avait  une  ac 
cumulation  de  neige  sur  le  bateau.  Il  fallait  plusieurs  {ow 


UNE  eXp  Édition  au  pôle  -sud  36â 

pourdéblayer.Ëofîn,  si  Téquipage  était  occupé,  nous-mêmes 
étions  absorbés  par  les  observations  scientifiques,  qui 
étaient  le  véritable  but  de  notre  expédition,  et  les  hommes 
nous  aidaient. 

Vous  voyez  Tobservatoire  de  M.  Rey.  Ici  un  de«  hommes 
faisant  passer  devant  Tobjectif  un  énorme  pétrel,  de  2°^50 
de  large.  11  a  été  empaillé  par  Turquet,  pour  enrichir  nos 
collections.  Vous  me  voyez  en  4rain  de  chercher  de  Teau 
de  la  fonte  d*un  iceberg,  pour  en  examiner  les  microbes. 
M.  Matha,  lieutenant  de  vaisseau,  fait  de  l'hydrographie, 
et  vous  devez  vous  rendre  compte  de  ladifiBculté,  avec  30  de-' 
grés  au-dessous  de  zéro,  quand  il  faut  toucher  au  métal  des 
instruments.  Enfin^  nous  avons  fait,  avec  PleneauetGoua- 
don,  de  longues  excursions  sur  la  glace,  au  moyen  de  skis 
(grands  patins  en  bois)  qui  permettent  de  marcher  rapide- 
ment sur  la  neige  et  de  passer  sur  des  couches  de  glace  peu 
épaisse,  qui  ne  supporteraient  pas  un  homme,  sans  cela. 

Ces  excursions  nous  ont  conduit  loin.  Elles  nous  permet^ 
taient  de  recueillir  des  échantillons  géologiques^  classés 
par  M.  Gouadon  ;  elles  nous  permettaient  aussi  de  faire 
des  photographies.  Notre  photographe,  Pléneau,  en  a  rap- 
porté plus  de  4^000.  Pendant  ces  excursions,  nous  nous 
livrions  à  de  longues  conversations  qui  portaient  générale- 
ment sur  des  problèmes  de  philosophie  transcendante^ 
Lorsque  le  soir  était  venu,  on  nous  apportait  la  soupe.  Elle 
était  dévorée  avec  le  plus  grand  appétit  dans  la  salle  qui 
nous  servait  de  salle  à  manger,  de  salon  et  de  bureau.  Dans 
cette  salle,  le  meuble  le  plus  soigné  est  le  poêle.  Enfin* 
vous  voyez  accumulés  des  vêtements,  des  bottes,  des  four- 
rures mouillés  par  la  neige,  etc.  Vous  voyez  deux  de  mes 
collaborateurs  en  train  de  jouer  avec  un  de  nos  chats. 
L'un  est  couché  malade  dans  sa  caisse  ;  Tautre  était 
bien  portant  Ils  avaient  été  amenés  pour  faire  lâchasse  aux 
rais  €|Ui  ont  vécu  avec  nous.  Ce  chat  bien  portant  était  très 


364  UN£  EXPÉWriok  au  pôle  svb 

bien  avec  les  rais,  et  nous  Tavons  trouvé  couché  avec  une 
rate  qui  était  en  train  d'allaiter  ses  petits.  Vous  voyez  aussi 
le  portrait  de  notre  Président,  M.  Loubet,  qui  avait  bien 
voulu  nous  aider  le  premier  dans  notre  entreprise* 

Pendant  le  repos,  nous  avions  souvent  des  visites.  Vous 
voyez  deux  de  nos  chiens  ;  nous  avions  un  autre  compa- 
gnon, un  autre  visiteur,  le  cochon  Tobie.  C'est  un  cochon 
illustre.  Il  avait  fait  partie  de  l'expédition  de  L'Uruguay.  A 
notre  départ  de  Buenos-Aires,  le  commandant  Prizar  le 
lança  dans  notre  bateau  en  disant  :  «  Il  a  été  notre  Mascot- 
te, il  sera  la  vôtre  ».  Il  est  mort  le  11  décembre.  Nous 
l'avons  beaucoup  regretté.  C'est  le  seul  membre  de  l'expé^ 
dition  antarctique  qui  soit  là-bas  dans  les  glaces  1 

Il  fallait  trouver  pour  les  hommes  une  occupation  pour 
le  soir,  chercher  à  les  distraire.  Nous  avons  institué  une 
série  de  cours.  Tous  les  soirs,  pendant  neuf  mois  de  séjour, 
nous  allions,  trois  de  l'état-major  et  moi,  donner  des  le- 
çons à  l'équipage.  De  cette  façon  nous  avons  instruit  les 
hommes.  Il  y  en  a  deux  qui  sont  en  état  de  passer  Texapien 
de  capitaine  au  long-^^ours.  Non  seulement  nous  les  avons 
instruits,  mais  nous  pouvions,  par  ce -moyen,  tout  en  gar- 
dant les  distances,  causer  avec  eux,  savoir  leurs  désirs,  leurs 
peines,  leurs  petits  chagrins  et  y  parer  sans  en  avoir  Tair. 
Les  quelques  heures  ainsi  passées  tous  les  soirs  ont  été  très 
agréables,  et  je  crois  que  les  hommes  en  ont  conservé  un 
excellent  souvenir.  Il  ne  se  passe  pas  une  semaine  sans 
que  je  reçoive  une  lettre  de  ces  braves  gens,  qui  me  rappelle 
le  bon  temps  de  lô-bas. 

Les  soirées  dans  le  poste  se  passaient  aussi  à  s'amuser. 
Un  de  nos  matelots  fait  un  petit  modèle  de  bateau.  Le 
Français  était  devenu  un  véritable  musée  de  marine.  Il 
fallait  soigner  aussi  les  chiens.  Enfin,  quand  on  n'avait  rien 
à  faire  on  se  faisait  couper  les  cheveux  ;  les  hommes  lais- 
saient |)0U8ser  leurs  cheveux  pour  avoir  le  plaisir  de  se  les 


UNE  EXPÉDITION  AU  POLE  SUD  385 

Wrecooper.  Les  jours  de  fête,  à^  nos  anniversaires,  à  ceux: 
des  hommes,  aux  fêtes  nationales,  le  bateau  était  pavoisé, 
le  i4  Juiltet,  le  25  mai,  fête  de  la  République  Argentine, 
on  bavait  du  Champagne.  Ces  fêtes  étaient  accompagnées 
deséances  sportives,  on  faisait  des  courses  remarquables. 
Leshommes  oot  parcouru  des  kilomètres  et  des  kilomètres^, 
etméoies  des  médailles  ont  été  décernées  ;  la  première  était 
eo enivre;  la  seconde  était  en  for  blanc  ;  la  troisième  n'avait 
qu'un  simple  diplôme.  La  plus  franche  gaité  régnait  entre 
l'arrière  et  Tavant.  Même  pendant  Thiver,  nous  avions  des 
camarades  qui  nous  ont  été  d*un  grand  secours,  ce  sont  les 
cormorans.  Vous  les  voyez  installés  sur  leur  nid,  très  élé- 
gants. Ce  sont  d'excellents  ménages.   Le  mari  et  la  femme 
passent  leur  temps  à  se  bécoter,  à  se  faire  des  manières. 
Ce  sont  des  animaux  très  exacts  ;  ils  partent  et  reviennent 
tous  les  jours  à  la  môme  heure.  A  leur  retour  nous  étions 
sûrs  qu'il  était  juste  trois  heures  un  quart.  Ces  animaux 
construisent  leur  nid  avec  des  algues  qu'ils  vont  chercher 
su  fond  de  la  mer.  Ce  sont  des  merveilles   d'architecture. 
Nous  avions  d'autres  camarades,  les  chionis,  ressemblant 
à  des  pigeons  aux  pattes  palmées.  Ils  sont  sur  un  glaçon,  à 
l'arrière  du  bateau,  mangeant  les  détritus  que  nous  jetons. 
Ils  venaient  même  à  bord  manger  dans  notre  main.  Voici 
d'autres  photographies  de  cormorans  :  les  petits  vont  cher- 
cher leur  nourriture  dans  le  gosier  de  leur  père  et  de  leur 
mère.  Voici   les  phoques  ;  nous   en    avions  suffisamment 
pour  notre  alimentation  et  pour  le  combustible.   En  voici 
une  des  bandes  les  plus  nombreuses.  45  ou  46,  de  3  ou  4 
espèces.  Nous  avons  pu  rapporter  quelques  échantillons  de 
toutes  lesespèces.  Ce  sont  des  animaux  extrêmement  bons, 
il  faut  les  taquiner  beaucoup  pour  les  forcer  à  faire  la  gri- 
mace. C'était  un  gros  chagrin  de  les  sacrifier.  Lorsque  la 
mer  est  prise,  les  phoques  font  avec  leur  crêne,  un  trou,  et 
viennent  respirer  à  lasurlace  de  l'eau.  11  arrive  quel({uefoi8 


366  UNE  EXPÉDITION  AU  PO  LE  SUD 

que  vous  passez  au  travers  de  ces  trappes  ;  lorsque  vous 
sortez  de  l'eau  les  vêtements  gèlent  immédiatement  et  vous 
vous  trouvez  dans  une  armure  économiquement  fournie. 
Nous  étions  entourés  fréquemment  parla  glace.  Vous  voyez 
l'aspect  de  cette  banquise  semée  d'icebergs.  Cela  ne  durait 
pas  toujours;  un  coup  de  vent  de  N.-E.,  la  houle  brisait 
tout  cela.  Quelques  heures  après  lorsque  la  tempête  était 
calmée,  celte  banquise  était  détruite,  c*ëtait  extrêmement 
désagréable  et  gênant.  Quand  nous  partions,  nous  n*avions 
jamais  la  sécurité  de  pouvoir  revenir,  et  c'est  ainsi  que  Tild 
fut  séparée  de  notre  navire  pendant  soixante  jours.  Puis 
la  mer  était  prise  de  nouveau  ;  la  gelée  revenait.  Voici  de 
la  jeune  glace  formée  en  quelques  heures,  des  losanges 
entrelacés  les  uns  dans  les  autres.  Vous  voyez  sur  les  bords 
de  ces  morceaux  de  glace  le  givre  qui  est  venu  s'accumu- 
ler, formant  des  fleurs  très  élégantes.  Voyez  le  long  d'un 
paratonnere  l'accumulation  de  givre  produite  en  quelques 
heures. 

Malgré  les  difficultés,  nous  avons  fait  de  grande  s"  excur- 
sions le  long  des  falaises  de  glace,  même  en  plein  hiver. 
Au  début,  nous  prenions  de  grandes  précautions  pendant 
ces  excursions,  nous  attachant  avec  des  cordes  dans  le 
cas  où  l'on  serait  tombé.  Puis  nous  avons  supprimé  ces 
précautions;  ces  excursions  étaient  limitées  à  la  destruc- 
tion des  glaces  dues  à  la  houle.  Aussi  nous  avons  pris  une 
baleinière  ;  c'était  pénible  et  dur.  En  effet,  quand  il  fait 
39<»  de  froid  et  qu'il  faut  manier  des  avirons  et  des  gaffes, 
on  souffre  de  l'onglée.  Nous  avons  pu  arriver  à  une  petite 
îleavoisinante  pour  établir  un  poste  de  vivres.  Nous  avons 
construit  une  maison.  Voici  comment  elle  était  faite  :  deux 
grands  rochers  séparés  par  une  fente.  Nous  avons  bouché 
la  partie  antérieure  de  la  fente  ;  nous  avons  fait  de  même 
à  l'arrière  ;  le  tout  a  été  recouvert  d'une  toile  à  voile,  nous 
avons  mis  notre  pavillonet  nous  sommes  entrés  dans  notre 


UNE  EXPÉDITION  AU  POLE  SUD  367 

demeure.  Nous  y  avons  vécu  des  semaines.  Vous  me  voyez 
en  train  de  faire  la  cuisine  :  c'était  pour  tricher  sur  les 
vivres.  Il  fallait  économiser,  au  cas  où  un  accident  serait 
survenu.  Cette  cuisine  était  appréciée  alors,  mais  lorsque 
nous  sommes  revenus,  les  camarades  prétendaient  qu'elle 
était  ignoble.  Nous  ne  possédions  qu'une  seule  casserole  : 
OQ  y  faisait  tout.  Le  lendemain  matin,  il  y  avait  les  restes 
de  la  veille,  le  tabac  qui  avait  pu  y  tomber,  du  sucre,  du 
café,  de  la  viande.  C'était  très  bon  pour  la  santé,  mais  une 
fois  revenu  dans  lespays  civilisés,  on  trouvait  cela  inférieur. 
De  nombreuses  ascensions  ont  été  faites  et  nous  avons  pu 
faire  des  observations  intéressantes.  Elles  étaient  faites  par 
M.  Gouadon  et  un  guide  des  Alpes.  Cette  photographie  a 
été  prise  à  850  mètres  de  hauteur.  Dans  un  coin  vous  voyez 
an  petit  point  noir,  c'est  Le  Français  et  notre  station  d'hi 
remage. 

Dès  que  le  printemps  fut  arrivé,  nous  avons  été  visités 
par  les  véritables  habitants  de  l'Antarctique.  Ce  sont  les 
pingouins.  Il  y  en  a  des  milliers  et  milliers.  Ils  viennent 
s  installer  en  villages.  Ces  pingouins  ont  un  aspect  bizarre,  . 
Grotesque.  Les  premiers  explorateurs  les  unt  comparés  à 
des  petites  filles  avec  des  tabliers  blancs,  d'autres  à  des 
dominicains,  fissent  très  drôles,  très  intéressants.  On  a  tort 
de  comparer  les  hommes  aux  pingouins,  c'est  une  injure 
que  l'on  fait  à  ces  animaux.  Ils  sont  très  doux,  très  bons  et 
ne  se  font  jamais  de  mal  l'un  à  l'autre.  Ils  ont  environ  70 
centimètres  de  hauteur.  Vous  les  voyez  en  train  de  se  pro- 
mener sur  la  glace.  Ils  vont  à  leurs  affaires,  qui  consistent 
A  chercher  leur  nourriture  et  celle  de  leurs  petits.  Ils 
prennent  toujours  le  même  chemin  et  finissent  par  creuser 
ie  véritables  sentiers  (vous  voyez  ces  sentiers  aboutissant 
iî  l'eau).  Puis  les  pingouins  se  groupent  avant  d'aller  se 
lancer  à  la  poche . 

Après  une   conversation  très  vive  et  très  animée,  ca  r  je 


UNE  EXPEDITION  AU  POLE  SUD 

croîs  qu^ils  communiqueiit  entre  eux,  Tun  d*eux  poas 
un  certain  cri  répété  par  tous  les  autres,  et  tous  se  jetteo^ 
l'eau.  Ces  animaux  sont  merveilleux,  une  fois  dans  VeB'* 
ils  remontent  ô  la  surface  pour  redescendre  et  ce  n'est  p^ 
à  tort  que  Michelet  les  a  appelés  oiseaux-poissons.  Ils  sail 
tent  sur  les  rochers  et  les  sauts  qu'ils  font  ?ont  étonnants  - 
2™  50,  s'il  vous  plaît  !  Us  remontent  à  leur  village,  ils  grim 
peut  sur  leurs  rochers  à  l'aide  de  leur  bec  et  de  leurs  aile- 
rons. ,^ 

Vous  les  voyez  regardant  avec  mépris  ce  pétrel.  Le  pétrel 
joue  le  rôle  d'employé  des  pompes  funèbres.  Dès  qu'un  pin- 
gouin est  mort,  le  pétrel  engloutit  le  cadavre.  Ce  sont  de 
magnifiques  animaux  ;  ce  sont  aussi  des  animaux  gauche 
et  ridicules.  Il  leur  faut  un  élan  pour  se  lancer  ;  il  leui 
faut  un  petit  tremplin.  Mais  une  fois  qu'ils  se  mettent  i 
planer,  ils  planent  d'une  façon  merveilleuse.  Les  pin: 
gouins,  quand  nous  allions  les  visiter,  nous  envoyaient  ud( 
députation,  et  nous  entrions  dans  leurs  villages,  et  c'était 
avec  eux  de  longues  conversations.  Vous  me  voyez  w 
train  de  leur  raconter  les  merveilles  de  Paris  I 

Pour  couver  leurs  œufs,  les  pingouins  construisent  à& 
nids  :  ce  sont  des  petits  murs  de  pierre.  Un  petit  cercle,  fai 
avec  de  petites  pierres,juste  suffisant  pour  empêcher  lesœuù 
dérouler.  C'est  un  travail  dur  et  difficile  pour  eux.  C'est 
peut-être  la  seule  cause  de  discussion  entre  les  pingouins 
Cette  question  de  mur  mitoyen  est  très  grave  et  les  autre) 
pingouins  se  mettent  contre  le  voleur,  quand,  ce  qui  arriva 
fréquemment,  une  pierre  est  dérobée  au  nid  du  voisin 
Lorsque  les  nids  sont  construits,  les  pingouins  pondeo 
leurs  œufs,  et  vous  allez  voir  de  petits  pingouins  soigné 
par  leurs  parent*^.  Tantôt  le  père  va  à  la  pêche,  tantôt  la  mèr( 
Ceux  qui  restent  s'occupent  des  petits  et  les  protègent  cor 
tre  le  vent.  Lorsque  les  petits  deviennent  plus  grands,  h 
deux  parents  vont  à  la  pèche  et  des  gardiens  spéciaux  s 


UNE  EXPÉDITION  AU  POLE  SUD  369 

char«[enl  de  sept  ou  huit  pingouins.  Le  pingouin  nourrit 
son  enfant  de  la  môme  façon  que  le  cormoran.  Quand  un 
petit  pingouin  grandit,  il  est  ridicule  quelque  temps,  mais 
bientôt  son  duvet  tombe  et  il  devient  aussi  élégant  et  aussi 
propre  que  ses  parents. 

Il  y  avait  aussi  des  mouettes  et  des  mégulestris.  Ce  sont 
des  oiseaux  ressemblant  au  corbeau.  Ce  sont  les  ouvriers 
de  la  voirie.  Los  pingouins  étaient  devenus  nos  amis  ;  vous 
les  voyez  en  train  d'écouter  une  d»js  nombreuses  auditions 
de  phonographe.  Ils  semblent  apprécier  beaucoup  le  talent 
de  lartiste  puisque  l'un  d'eux  est  entré  presque  entièrement 
dans  le  pavillon,  probablement  pour  l'entendre  mieux. 

Nous  voici  arrivés  au  printemps. Les  excursions  devienr 
nent  de  plus  en  plus  fréquentes.  Nous  avons  découvert 
celte  jolie  grotte.  On  y  pénètre  avec  une  embarcation  en 
toile.  C'est  merveilleux  de  lumière.  Dans  l'Antarctique  les 
couleurs  que  l'on  voit  très  peu  sont  le  blanc  et  le  noir.  La 
glace  est  bleue  et  prend  des  teintes  variables  suivant  l'état 
du  ciel.  Nous  voici  dans  l'intérieur  de  la  grotte  avej  de 
grands  stalactites. 

C'est  au  printemps  que  les  pingouins  pondent  des  œufs. 

Nous  leur  prenions  leurs  œufs  et   nous    les    mangions. 

C'est   ainsi  qu'en    trois  mois,    nous    avions  absorbé  8,000 

œufs.  Les  pingouins  n'étaient    pas  contents,    mais     c'est 

avec    plaisir  (jue    nous   voyions  nrriviM'    les  oinelettos  sur 

notre  table.  C'est  au  printemps  (|ue  la   rare  végétation   de 

l* Antarctique  se  montre   :    mousses,    lichens,  graminées. 

Ce  sont  des  espèces  très  intéressantes.   C'est  le  moment  ou 

jamais  de  tenter  notre  raid  vers  le  sud.  Nous  voulions  savoir 

si  le  grand  détroit  de  Bismarck  existait  là  où  le  supposait 

de  Gerlache,  ou  n'existait  pas,  ou  se  trouvait  ailleurs. Nous 

voulions  y  aller   sur  la  glacn,   mais  les   moiliticalions  de 

cette  glace  ne  permettaient  pas  d(î  le  faire  à  pied.  Il  fallait 

le  faire  avec  une  embarcation.  Pour  cette  expédition,  nous 

24 


370  UNE  EXPÉDITION  AU  POLE  SUD 

étions  cinq:  deux  collaborateurs,deux  matelots  et  moi-même 
II  fallaitporterdesvivres,  une  tente.  Nous  commençons  alors 
uue  navigation  très  difficile  et  très  pénible. Il  faut  traverser 
cette  accumulation  de  glaces  et,  pour  faire  30  mètres,  il  faut 
deux  à  trois  heures.  Nous  arrivons  à  la  traverser  en  pous 
sant  avec  les  avirons  et  nous  flottons  en  mer  libre;  la  navi- 
gation devient  plus  simple. 

Nous  longeons  cette  grande  muraille  de  glace  ;  notre 
route  est  par  ce  petit  détroit.  Nous  voilà  bientôt  repris  dans 
la  glace.  Il  faut  recommencer  le  dur  métier  de  pousser  la 
glace.  Le  soir,  nous  établissons  la  tente,  où  nous  passons 
une  nuit  mouvementée.  Le  dégel  arrive  et  nous  nous  réveil- 
lons dans  une  mare  d'eau  :  les  casseroles  flottent.  Mais  ce 
qui  est  plus  grave,  c'est  que  nous  avons  un  trou  dans  notre 
embarcation.Nous  la  réparons  avec  une  boîte  de  conserves, 
au  grand  étonnement  des  pingouins.  Nous  arrivons  à  no- 
tre second  campement  ;   un  pingouin,  étonné,  vient  voir  le 
spectacle  et  va  en  chercher  deux  autres.  Le  lendemain, 
nous  continuons  notre  route,   mais  pas  pour  longtemps,  en 
eau  libre.   Il  va  falloir  cheminer  sur  la  banquise.  Ce  n'est 
pas  facile  ;   l'embarcation   pèse  900  kilogrammes.   Nous 
hissons  l'embarcation  sur  la  glace  et   nous  la  tirons  centi- 
mètre par  centimètre.  La  glace  est  formée  d'une  première 
couche  mince  pouvant  supporter  le  poids  de  deux  hommes. 
Deux  hommes  se  mettent  en  avant  et  deux  à  l'arrière. Cette 
couche  est  séparée  d'une  autre  par  25 centimètres  d'eau,  de 
sorte  que,  quand  la  glace  casse,  on  se  trouve  dans  l'eau  et  on 
n'avance  que  de  quelques  centimètres  à  la  lois.  Quelquefois 
nous  faisions  50  mètres  d'une  seule  poussée.  Quelquefois 
aussi,  nos  bras  étant  insuffisants,  il  fallait  installer  un  pa- 
lan pour  dégager  notre  embarcation  et  reprendre  notre  route. 
Nous  l'avons  fait  pendant  des  heures  et  des  heures,  travail- 
lant de  douze  à  dix-huit  heures  par  jour.  Nos  corps,  cou- 
verts de  sueur,  se  transformaient  en  carapaces  de  glace,  et 


! 


UNE  EXPÉDITION  AU  POLE  SUD  371 

nous  n'avions  pas  de  temps  à  perdre.  Nous  avons  vécu  douze 
jours  entièrement  dans  l'eau  jusqu*aux  genoux,sans  sécher 
nos  habits,  et  aucun  de  nous  n*a  songé  à  se  plaindre.  La 
seule  chose  qui  nous  ait  fait  souffrir,  ce  sont  les  ophtalmies: 
nos  yeux  ont  souffert  énormément;  il  semblait  que  nous  a- 
vioDs  une  poignée  de  poivre  que  nous  ne  pouvions  enlever.Il 
fallait  entourer  nos  yeux  d'un  bandeau,  et  l'un  de  nous  diri- 
geait. Malgré  cela, la  gaité  n'a  pas  cessé  une  minute  de  régner. 
Les  pingouins  sont  venus  nous  rendre  visite.  Quand  ils 
sont  pressés,  ils  se  couchent  sur  le  ventre,  et  avec  leurs 
ailerons,  se  poussent  en  avant.  Nous  sommes  au  cap  Tuxen, 
à  800  mètres  de  hauteur.  Derrière  ce  cap,  nous  avons  vu 
et  exploré  une  côte,  qui  âe  continue,  et  c'est  l'embouchure 
orientale  du  détroit  de  Gerlache  qui  est  le  détroit  de  Bis- 
mark découvert  par  le  baleinier  allemand  Dalmann.  Ce 
sont  les  Allemands,  dans  une  expédition,  qui  ont  retrouvé 
pour  la  première  fois  ^t  ont  prouvé  l'existence  de  l'île  de  la 
Circoncision,  découverte  en  1786,  et  ce  sont  des  Français 
qui  ont  prouvé  l'existence  de  ce  détroit  de  Bismark,  décou- 
vert par  un  Allemand  en  1873.  Nous  sommes  donc  quittes 
de  ce  côté . 

L'intérieur  de  notre  tente  :  c'est  là,  où  après  le  dur  tra 
vail,  nous  nous  couchions  et  nous  passions  des  heures  agré 
ables  dans  des  sacs  en  peau  de  renne.  Nous  avons  pris  une 
photographie  dans  la  région  qui  nous  entourait;  ce  qui  était 
considéré  comme  un  détroit  n'était  qu'un  énorme  glacier» 
Xous  revenons  à  bord  parle  même  procédé  avec  des  petites 
variantes,  au  grand  étonnement  des  phoques,  nous  arrivons 
à  un  petit  groupe  d'Iles,  et  nous  trouvons  un  détroit  avec  une 
barrière  :  c'est  un  énorme  iceberg.  Cet  iceberg  nous  rap- 
pelle un  souvenir  :  au  moment  où  nous  avons  passé,  il  a 
commencé  à  osciller,  et  on  putcraindre  qu'il  chavirât,  et  si 
une  masse  semblable  s'était  retournée,  notre  embarcation 
aurait  été  coudée  et  brisée.  Nous  revenons  à  bord  et  nous 


1,72  UNE  EXPÉDITION  AU  POLE  SUD 

pouvons  le  bateau  en  plein  armement.  Le  lieutenant  Ae 
vaisseau  Matha  avait  tout  préparé  pour  la  campagne  d'ét^- 
La cheminée  avait  été  remise  à  sa  place,  la  voilure  réparée 
et  des  provisions  avaient  été  ramenées  à  bord. 

Nous  construisons  à  terre  un  cairn  sur  lequel  noas 
mettons  une  plaque  commémorative  avec  nos  noms,  et 
qui  servira  de  point  de  départ  pour  une  exploration  qui 
aurait  lieu  dans  ce  pays.  Mais  lorsque  tout  cel  i  est  terminé» 
le  bateau  est  toujours  enfermé  dans  la  glace.  Le  seul  moyen, 
c'est  de  faire  un  chenal  dans  celte  glace,  de  creuser  un 
petit  canal  qui  permettra  de  gagner  l'eau  libre.  Four  cela 
nous  commençons  par  nous  servir  de  la  mélinite,  mais  cela 
fait  beaucoup  de  bruit  pour  rien.  Ce  sont  de  gros  trous  qui 
sont  produits  par  cette  explosion.  Ce  ne  sont  pas  les  fentes 
que  nous  espérions.  Cependant  nous  avons  pu  nous  servir 
plus  efBcaceinent  de  la  mélinite  et  déterminer  des  fentes. 
Le  travail  n'allait  pas  vite.  Nous  avons  pris  le  vieux  moyen  : 
les  scies,  les  pioches  et  les  pelles,  et'nous  avons  creusé  ce 
chenal.  Ce  chenal  nous  servait  aussi  pour  la  pêche.  Enfin, 
le  17  décembre,  le  chenal  est  grand  et  vaste.  Un  petit  coup 
de  vent  du  sud,  et  la  glace  sera  enlevée.  Les  dernières  pro- 
visions sont  amenées  à  bord,  le  bateau  va  être  prêt  à  partir. 
Nous  restons  un  jour  de  plus,  c'est  le  25  décembre.  Noël 
est  célébré  au  moyen  d'un  arbre  en  carton  que  l'on  avait 
pris  au  départ.  Après  avoir  réveillonné,  l'arbre  a  été  porté 
dans  notre  maison.  C'est  le  seul  arbre  du   Pùle  sud  ! 

Le  lendemain  matin,  à  (juatre  heures,  je  suis  monté  sur 
la  petite  colline  pour  dire  adieu  à  notre  île.  C'est  une  partie 
de  nous-mêmes  que  nous  quittions. II  faut  dire  adieu  à  une 
vie  pour  entrer  dans  une  autre.  Cela  a  été  pour  nous  un. 
chagrin,  une  émotion  de  (luittercet  endroit  où  nous  avions 
été  très  heureux  et  où  nous  avions  pu  accomplir  la  tâche 
que  nous  nous  étions  proposée  au  départ.  Le  pavillon  de 
pilote  a  été  hissé  au  mAt  de  nysaine.  Nous  nous   sommes 


UNE  EXPÉDITION  AU  POLE  SUD  373 

dirigés  vers  le  Nord,  cir  l'état  des  glaces  était  tel  que  nous 
De  pouvions  passer  par  une  autre  direction.  Nous  espérions 
trouver  un  chenal  au  large,  qui  nous  permette  de  revenir 
vers  le  sud,  et  nous  arrivons  dans  une  petite  rade  que  nous 
appelons  Port-Pingouin,  avec  un  excellent  mouillage.  C'est 
unedécouverte  importante.  Nous  avons  eu  la  chance  de 
trouver  ce  mouillage  où  des  baleiniers  pourraient  s'installer^ 
Je  ne  manquerai  pas  de  dire  combien  cette  pêche  doit  ètfe 
utile.  Les  Argentins  font  une  pèche  à  la  baleine  très  impor- 
tante, qui  représente  un  chiffre  considérable. 

Nous  nous  dirigeons  vers  le  large.  Nous  passons  près 
d'un  iceberg  qui  dépasse  95  mètres.  Nous  sommes  pris  par 
m  de  ces  effroyable  tempêtes  dont  je  vous  ai  déjà  parlé. 
Ad  lieu  de  rester  au  vent,  nous  venons  nous    mettre    ô 
l'abriderrière  cettemuraillo  de  glace. Nous  continuons  notre 
route  cette  fois  vers  le  sud  ;  nous  avons  supporté  la  tempête 
la  plus  effroyable;  notre  bateau  marchait  à  six  nœuds.  Nous 
devions  passer  entre  deux  icebergs.  On  voyait  une  énorme 
masse  de  glace  ;  nous  nous  trouvions  aussitôt  nez  à  nez  avec 
on  autre  iceberg.  Le  timonier  met  barre  droite   et  nous 
passons  à  travers  les  deux  icebergs. 
'       Nous  sommes  arrivés  en  vue  de  la  terre  Alexandre-I<^'. 
Nous  n'avons  pas  pu  y  débarquer,  à  cause  d'une  banquise 
impénétrable.  Nous  avons  tourné  la  banquise,  cherchant 
UD  point  où  nous  pourrions  arriver  jusqu'à  terre,  et  nous 
sommes  arrivés  au   pied  de  cette  terre  nouvelle  que  nous 
avons  appelée  Terre  Loubet.    Il  n'y  avait  pour  longer  cette 
terre  qu'un  chenal  d'un  mille  de  large  environ   encombré 
d'icebergs,  dont  je  vais  faire  défiler  quelques  uns  sous  vos 
yeux.  Tout  ô  coup,  le  bateau  monte  sur  un  rocher  à  fleur 
d  eaa,  s'engageant  jusqu'à  la  passerelle.  La  vore  d'eau  est 
grave  ;  on  se  met  aux  pompes,  et  au  milieu  de  l'émotion, 
jen*ai  pu  faire  autrement  que  de  me  rappeler  les  problèmes 
faits  60  classe  :  une  >pomp6  vide  tant  ;  il  entre  tant.  Cotn* 


d^4  UNE  EXPÉDITION  AU  POLE  BVt 

bien  en  reste-t-il  ?  Dans  ce  cas  la  solution  était  facile  :  on 
enlevait  juste  la  quantité  qui  entrait.  Vous  vous  rendrez 
compte  de  la  situation  critique  dans  laquelle  nous  nous 
trouvions.  Comment  allions-nous  traverser  ce  passage  avec 
un  bateau  avarié,  que  faire  le  long  d'une  falaise  de  glace 
impossible  à  escalader  et  menant  d'ailleurs  à  un  glacier 
sans  ressources  ?  Si  le  bateau  avait  coulé,  nous  ne  nous  en 
serions  jamais  tirés.  Nous  n'avons  pas  perdu  espoir  et  nous 
avons  pu  nous  tirer  d'afîaire.  D'un  commun  accord,  nous 
avons  décidé  que  si  nous  étions  dans  l'impossibilité  d'aller 
vers  le  sud,  nous  continuerions  nos  travaux  jusqu'au  bout. 
C'est  ainsi,  qu'avec  un  bateau  avarié,  nous  avons  continué 
à  faire  l'bydrograpbie  de  la  côte  où  nous  nous  trouvions. 
Nous  avons  continué  notre  route,  et  nous  avons  eu  à  subir 
une  tempête  épouvantable. Cette  tempête  nous  a  ra.ssurés,car 
l'avarie  n'augmentait  pas.  Nous  avons  reçu  vers  le  milieu 
du  mois  un  coup  àe  mer  formidable;  le  bateau  a  été  couché 
par  ce  coup  de  mer  ;  une  embarcation  a  été  brisée.  Tout  ce 
qui  était  pas  amarré  sur  le  pont  a  été  enlevé.  Mais  ce  coup 
de  mer  a  refoulé  un  des  bordés  qui  se  trouvaient  disjoints 
et  nous  avons  pu  nous  contenter  de  ne  pomper  que  vingt 
heures  par  jour. 

Nous  revenons  vers  Port-Pingouin  et  nous  mouillons 
dans  cette  excellente  rade.  L'équipage  goûte  un  repos  bien 
gagné.  Malgré  cela  le  guide  et  le  quartier^maitre  ont  vou^ 
lu  tenter  l'ascension  d'une  montagne  de  1«500  mètres. 
Ce  fut  une  ))elle  réussite^  ils  ont  rapporté  des  documents 
intéressants.  Ce  pic  a  été  appelé  Louis  de  Savoie  4  Après 
avoir  exploré  une  petite  baieavoisinante  nous  allons  chan- 
ger les  documents  d'un  cairn,  placé  par  nous  l'année  pré- 
cédente et  qui,  n'ayant  pas  été  retrouvé  par  les  Argentins^ 
a  pu  faire  croire  que  nous  étions  perdus.  Nous  avons  conti- 
nué nos  travaux. 

Nous  nous  sommes  dirigés  vers  la  République  Argentine 


UNE  EXPÉDITION   AU  POLE  SUD  375 

Ce  n'est  qu'après  une  navigation  assez  dure  que  nous  som- 
mes arrivés  à  Puerto  Madryn  où  nous  avons  trouvé  bon 
accueil,  comme  toujours.  Je  mesuis  alors  tourné  vers  ceux 
qui  m'accompagnaient  et  j'ai  vu  des  hommes,  bien  fatigués 
et  épuisés,  mais  tous  étaient  vivants  :  c'était  le  principal. 
Après  l'accueil  qui  nous  a  été  fait  en  République  Argentine, 
ce  sont  des  hommes  bien  portants  qui  sont  revenus  en 
France.  II  y  a  eu  des  malades.  M.  Matha  a  été  près  de  la 
mort  C'est  cependant  un  de  ceux  qui  a  le  plus  donné  de  sa 
personne.  Notre  campagne  avait  été  heureuse.  Lorsque 
nous  sommes  arrivés  à  Buenos-Aires,  le  Gouvernement 
Argentin  avait  envoyé  des  remorqueurs  à  notre  rencontre  ; 
il  nous  a  reçus  avec  des  honneurs  dont  nous  n'étions  pas 
dignes.  La  colonie  française  est  venue  noue  apporter  les 
félicitations  de  la  mère-patrie.  L'expédition  était  terminée 
et  nous  étions  tous  satisfaits  du  résultat  obtenu. 

Donc,  au  point  vue  géographique,  cette  expédition  a  été 
utile  à  quelque  chose.  Au  point  de  vue  des  autres  travaux 
scientifiques,  extrêmement  importants,  d'après  les  savants 
occupés  à  les  étudier,  les  résultats  peuvent  être  mis  en 
parallèle  avec  ceux  des  autres  pays.  Le  Gouvernement 
français  nous  a  honorés,  il  nous  a  fait  l'honneur  de  nous 
ramener  à  Toulon  sur  un  navire  do  guerre.  Nous  lui  avons 
été  extrêmement  reconnaissants. 

D'  Charcot. 


L'ADTOHOMIE  DD  PORT  Dfl  HAVRE'" 


Messieurs, 

Votre  aimable  et  distingué  Vice- Président,  M.  Guitton, 
a  bien  voulu  m'invitera  vous  faire  unecauçerie  sur  l'Auto- 
nomie du  Port  du  Havre.  Le  programme  qu'il  m'a  tracé 
tient  en  quelques  mots  :  résumer  sommairement  les  remar- 
quables rapports  de  MM.  Godet  et  Maurice  Taconet,  et 
vous  faire  connaître  l'état  actuel  de  la  question  et  les 
résultats  qu'on  peut  espérer  de  l'initiative  prise  à  cet  égard 
par  nos  Corps  élus. 

Après  avoir  étudié  et  commenté  ces  rapports  et  essayé 
de  répandre,  par  des  articles  de  presse,  les  principaux 
arguments  qui  appuient  la  revendication  de  l'autonomie  de 
noti'e  port,  j'aurais  eu  mauvaise  grâce  à  me  dérober  à  l'oc- 
casion d'entrer  en  contact  avec  l'élite  d'hommes  instruits 
eLpratiques  qui  dirige  la  Société  de  Géographie  Commer- 
ciale du  Havre.  La  présence  à  cette  réunion  de  M.  le  Com- 
mandant de  Port,  membre  de  la  Société,  et  d'un  délégué  de 
la  Chambre  Syndicale  de  MM.  les  capitaines  au  long-cours, 
manifeste  l'intérêt  que  soulève  cette  question  parmi  les 
hommes  les  plus  compétents  et  les  mieux  qualifiés  pour 
émettre  des  avis  éclairés  en  fait  d'Administration  et  de  Tra- 
vaux des  ports.  La  cause  de  l'autonomie  des  ports  de  com- 
merce a  une  portée  générale  ;  elle  concerne  des  intérêts 
nationaux,  ceux  de  notre  commerce  extérieur  et  de  notre 


(1)  Causerie  faite  à  une  réunion  du  Comité  de  la  Société  de  Oéographi« 
Commerciale  du  Havre. 


l'aittonomie  du  port  du  havre  377 

marine  marchande.  Mais  il  nous  est  bien  permis  au  Havre, 
de  joindre  à  ces  considérations  d'un  ordre  supérieur,  celle 
des  besoins  immédiats  et  urgents  et  de  Tavenir  de  notre 
port,  puîsqa'aussi  bien  il  est  le  second  de  la  France  et  un 
organe  important  de  l'activité  commerciale  et  maritime  du 
pays.  Au  point  de  vue  local,  l'autonomie  est  une  question 
vitale^  parcequ*un  régime  d'émancipation  administrative  et 
îinancière  est  la  clef  de  toutes  les  améliorations  et  transfor- 
mations matérielles  que  réclame  le  Havre  pour  s'adapter  à 
'  S.Î  fonction  de  grand  port  moderne,  et  parce  que  le  régime 
actuel  de  centralisation  étatiste  lui  offre  de  moins  en  moins 
ies  chances  de  réaliser  ces  progrès  nécessaires. 

Dussions-nous  être  en  France,  avec  Marseille,  le  seul 
pcrt  auquel  convienne  actuellement  cette  réforme,  notre 
FeTendication  n*en  serait  pas  affaiblie. 

L  Espagne,  l'Italie,  en  s'écartant  du  régime  de  centrali- 
I  %tion,  n'instituent  que  progressivement  des  grands  ports 
autonomes.  Il  ne  serait  pas  difficile  de  démontrer  que,  plus 
que  tout  autre  port  français,  le  Havre  a  souffert  du  régime 
Bcluel  et,  d'autre  part,  le  Rapport  de  M.  Maurice  Taconet 
JQstifîe  de  ressources  existantes  et  à  créer  qui  réduisent  à 
bien  peu  de  chose  l'effort  financier  demandé  à  l'Etat  pour 
é^gep  le  Havre  en  port  autonome. 

I 

Il  est  malheureusement  trop  aisé  de  faire  au  Havre  le 
procès  de  la  centralisation  administrative  d'après  les  résul- 
'•sts  que  nous  avons  sous  les  yeux.  On  a  gâté  notre  port  en 
C'^Dstruisant  sans  plan  d'ensemble  des  pièces  fragmentaires, 
d«  ouvrages  mal  agencés,  mesquins,  et  toujours  de  dimen- 
sions insuffisantes  qui,  au  moment  de  leur  inaugura.tion, 
loot  déjà  en  retard  sur  les  progrès  accomplis,  et  condamnés 
^f  8mte  à  être  annihilés  dans  un  avenir  prochain, 


378  l'autonomie  di*  port  dl*  h  wre 

M.  Yves  Guyol  a  dit  que  les  ouvrages  en  cours  d'exé- 
cution, c'est-à-dire  la  nouvelle  entrée  et  ses  accessoiros» 
quai  de  marée  et  sas,  feraient  du  Havre  un  port  démodé  au 
moment  de  leur  achèvement.  Celte  appréciation  sévère  peut 
être  vraie  dans  un  sens  absolu  si  Ton  considère  les  progrès 
généraux  de  la  construction  navale  et  la  transformation  des 
ports.  Mais  on  Ta  bien  souvent  faussée  dans  des  articles  de 
journaux  et  de  revues,  où  on  s'en  sert  pour  proclamer  la 
prétendue  supériorité  de  Brest  ou  de  Cherbourg  comme 
futur  port  d'attache  de  la  ligne  transatlantique  française. 
Le  Havre  maintient  sans  peine  sa  suprématie  sur  tous  les 
ports  français  de  la  Manche  et  de  l'Océan  et  ses  avantages 
naturels,  géographiques  et  hydrographiques,  joints  à  sa 
situation  acquise  de  grand  marché  commercial,  lui  permet- 
tent de  faire  encore,  en  Europe,  figure  de  grand  port.  Mais 
les  fautes  accumulées  par  l'Etat  compromettent  cette  situa- 
tion et,  pour  la  maintenir,  et  à  plus  forte  raison  pour  rega- 
gner le  terrain  perdu,  un  eiïort  vigoureux  et  immédiat  est 
nécessaire. 

Est-ce  l'Etat  qui  est  capable  de  l'accomplir?  Il  est  tou- 
jours l'Etat  centralisateur,  c'est-à  dire  un  pouvoir  anonyme 
un  maître  absolu  et  irresponsable,  dont  l'activité  se  consu- 
me dans  le  formalisme  et  la  paperasserie.  Ne  rien  faire  est 
une  forme  déplorable  de  l'imprévoyance  ;  mal  faire  est  sou- 
vent  pis,   parce  qu'on  barre  la  route  aux  améliorations 
futures.  Plusieurs  fautes  de  cette  nature  ont  été  commises 
dans  l'aménagement  du  port  du  Havre.  Je  n'en  citerai 
qu'une,  qui  suffit  actuellement  à  jeter  le  discrédit  sur  lui 
aux  yeux  des  étrangers  comme  des  Français.   En  choisis-  ' 
sant  mal  l'emplacement  des  formes  sèches,  on  a  rendu 
impossible  leur  agrandissement  au-delà  de  certaines  dimen- 
8ions«  Les  conséquences  de  cette  erreur  sont  déplorables  ;  i 
non  seulement  il  a  fallu  accommoder  La  Provence  à  la  i 
taille  de  notre  forme  de  radoub,  mais  l'effet  des  ouvrages 


L* AUTONOMIE  DU  PORT  DU  HAVRE  3'?9 


B  actuellement  en  cours  se  trouvera  paralysé  en  ce  qui  con- 
f,  cerne  notre  ligne  transatlantique,   dont  les  paquebots  se 
réparent  nécessairement  à  leur  port  d'attache.   Sans  doute 
notre  beau   transatlantique  neuf   fait  actuellement  bonne 
figure  grâce  à  l'habileté  de  ses  constructeurs  et   de  ses 
L.  conducteurs  ;  mais  combien  relatif  et  éphémère  est  le  succès 
qu'il  a  récemment   remporté  sur  un  de  ses  rivaux,  et  à 
quelle  distance  sera  reléguée  la  ligne  française  avec  ce  pa- 
i  quebot,  après  la  mise  en  service  des  deux  nouveaux  (t  Gunar- 
ders  A  de  32.500  tonnes  de  jauge  et  de  24  à  25   nœuds  de 
'  Tîlesse  et  du  géant   allemand  de  35.000  tonnes  qu'on  leur 
t  opposera  en  1908.     L'échéance  du  contrat  postal  vient  en 
j  1911  ;  à  une  date  prochaine,  la  Compagnie  Générale  Trans- 
'•  ttlantiquo  devra  obtenir  du   Gouvernement  et  du   Parle- 
I  ment  l'allocation  d'une  nouvelle  subvention,  et  le  port  du 
Havre  sera  certainement  rendu  responsable  de  l'infériorité 
de  nos  paquebots,  en  dimensions  et  en  vitesse.  Brest  cens- 
L  trait  actuellement  sa  grande  forme  de  radoub  de  230  mètres 
de  long.    Si,  en  1898,  la  lutte  avait  déjà  été  chaude,  dans 
quelles  conditions  déplorables  le  Havre,  incapable  de  répa- 
rer un  paquebot  plus  grand  que  La  Provence^  l'affrontera- 
t-il  la  prochaine  fois  ?  Pourtant,  rien  n'est  encore  décidé 
,    quant  à  l'emplacement  de  cette  forme-sèche,   et  il  parait  à 
en  juger  par  les  récents  articles  de  M.  Brindeau  et  les  ré- 
ponses qu'ils  ont  suscitées,  que  toutes  les  solutions  envisa- 
[■   gées  sauf  une,   qui  fait  partie  d'un  plan  d'ensemble,  offrent 
^  de  graves  inconvénients  techniques.   Ce  sera  sans  doute 
r  parfait  de  créer  un  nouveau  bassin  avec  des  quais  à  grande 
t  profondeur  et  une  grande  forme-sèche  au  sud  du  nouveau 
|i  port  et  du  bassin  de  l'Eure  ;  malheureusement,  sous  le  ré- 
l  gime  actuel  et  à  moins  que  nous  n'obtenions  l'autonomie 
\  immédiatement,  on  ne  peut  considérer  ce  projet  que  comme 
ooe  satisfaction  platonique,  et  en  tout  cas  lointaine,  en  face 
[  de  besoins  d'une  extrômo  urgence,  tel  que  celui  d'une 


380  l'autonomie  nr  port  nu  havre 

grande  forme-sèche.  Combien  d'années  faudra-t-il  pour 
dresser  les  plans,  remplir  toutes  les  formalités,  faire  voter 
par  les  deux  Chambres,  la  loi  déclarative  d'utilité  publique, 
les  allocations  de  crédits  et  enfin  exécuter  les  travaux  ?Et  ' 
obtiendra-t-on  même  une  contribution  de  l'Etat,  étant  donné 
la  situation  financière  embarrassée  et  les  grosses  charges 
en  perspective,  lois  sociales,  retraite  ouvrières,  etc.  ? 

L'avenir  immédiat  du  Havre  dépend  de  la  réalisation  à- 
bref  délai  d'un  programme   complémentaire   de  travaux, 
indispensable  à  sa  mise  en  état.  Avec  le  maintien   du  régi- 
me  actuel,  tout  est  incertain  et  problématique.  L'autonomie 
nous  conduirait  à  une  prospérité  certaine.  Notre  port,  dé 
gagé  des  liens  étroits  delà  centralisation,    doué  dans  les 
limites  raisonnables    de   son  indépendance    financière  et' 
administrative,  commanderait,   exécuterait  et  paierait  ses 
travaux,  à  l'exemple  des  ports  étrangers,  ses  concurrents. 
Seul,  un  pouvoir  local  lesponsable»  émanation  de  tous  les 
intéressés,  est  capable  de  diriger  avec  intelligence,  méthode 
et  activité,  un  grand  port  de  commerce  comme  le  nôtre,  qui 
dispose  de  ressources   financières  considérables  et  réunit 
toutes  les  conditions  d'une  vitalité  puissante.  La  preuve  en- 
est  faite,  tant  par  le  succès  des   ports  autonomes,  que 
par  l'échec  de  ceux  qui  sont  organisés  en  service  d'Etat.  " 

Tous  les  grands  port  étrangers  jouissent  de  leur  auto- 
nomie sous  des  formes  diverses  ;  tous  sont  administrés  par 
un  pouvoir  local,  corporations  électives,  (sortes  d*établisse* 
ments  publics,)  ou  Sociétés  commerciales  en  Angleterre, 
Municipalités  en  Belgique  et  en  Hollande,  Etats  particn- ' 
liers  de  Hambourg  et  de  Brème,   Consortium  autonome  à 
Gènes,  (régime  mixte  qui  combine  l'action  du  pouvoir  cen- 
tral avec  celle  des  intéressés  locaux  et  régionaux). C*est  un 
fait  indéniable  que  Liverpool,  Southampton,  Anvers,  Rot* 
terdam,  Hambourg,  Brème,  Gènes,  pour  ne  citer  que  nos 
principaux  concurrents,  se  sont  agrandis  et  transformés 


l'autonomie  du  port  du  havre  381 

rapidement  et  économiquement,  et  qu'ils  poursuivent  sans 
relâche  l'œuvre  coûteuse  de  leur  adaptation  aux  nécessités 
créées  par  l'accroissement  du  trafic  et  par  les  dimensions 
actuelles  et  à  prévoir  des  plus  grands  navires.  Tout  marche 
de  front  dans  les  travaux  de  ces  ports  ;  ouverture  de  bassins 
et  de  formes  de  radoub,  développement  des  surfaces  des 
terre-pleins  des  quais,  approfondissement  à  10  ou  12  mètres 
des  accès  et  des  ouvrages  destinés  à  la  grande  navigation, 
k  Le  projet  colossal  récemment  voté  pour  l'agrandissement 
t  et  l'extension  d'Anvers,  qui  triplera  la  puissance  de  ce  port 
et  coûtera  plus  de  250  millions,  offre  l'exemple  le  plus 
grandiose  du  résultat  de  la  collaboration  d'un  Etat  avec  une 
Ville  maritime,  maîtresse  de  son  port. 

In  enseignement  précis  se  dégage  de  ces  comparaisons 
«désastreuses  pour  nos  ports,  et  la  leçon  est  dure  et  con- 
cluante. 

C'esi  parce  qu'ils  ne  dépendent  que   d'eux-mêmes,  bien 
^n'aidés  souvent  de  subventions  de    l'Etat,  que  les  ports 
iotonoraes,  libres  de  leurs  mouvements  et  disposant  de  l'in- 
ïégralité  de  leurs  ressources,  peuvent  marcher  rapidement 
délavant.    Les  nôtres,  au  contraire,   étroitement   liés  au 
iodget  de  l'Etat,  enserrés  et  ligottés  dans  un  réseau  d'en- 
traves et  de  formalités  de  toutes sortes,dénués  de  toute  initia- 
tive, demeurent  dans  le  statu  quo  ou  n'accomplissent,  d'un 
pas  hésitant  et  mal  a.ssuré,  quo  des  progrès  extrêmement 
lents.  Aucune   tribune  havraise  ne  .se  prête  mieux  à  cette 
leçon  que  celle  de  la  Société  de  Géographie  commerciale  ; 
bsujet  de  l'autonomie  du  port,  éclairé  par  ces  comparaisons, 
»lre  do  plein-pied  dans  le  champ  ordinaire  de  vos  études. 
La  co:i  lition    administrative   et   financière   des  ports    fait 
artie  intégrante  de  la  géographie  politique  commerciale  et 
conomique  ;   ce  chapitre  est  en  relation    étroite  avec  les 
latistiques  comparées  du  trafic,  car  le  régime  des  ports  est 
«ction  de  leur  prospérité.  Il  serait  du  reste  oiseux  d'insis- 


382  L*AUTONOMIE  DU  PORT  DU  HAVRE 

ter  sur  ces  considération^  accessoires,  puisque,  aussi  bien, 
la  Société  de  Géographie  Commerciale  a  le  caractère  d'une 
institution  havraise.  Elle  est  un  des  principaux  organes  de 
la  vie  intellectuelle  d'une  grande  cité  d'affaires,  et  mainte- 
nant que  nos  corps  élus  ont  posé  la  revendication  de  l'auto- 
nomie^ comme  le  seul  moyen  de  soutenir  la  lutte  interna- 
tionale et  de  faire  dans  le  monde  figure  de  grand  port,  son 
patriotisme  local  l'incitera  certainement  à  s'employer  acti- 
vement à  la  propagande  et  à  la  vulgarisation  de  cette  idée. 

II 

C'est  aux  sources  mêmes,  c'est-à-dire  dans  les  Rapports 
faits  au  Conseil  Municipal  et  à  la  Chambre  de  Commerce, 
et  dans  les  considérants  et  les  vœux  adoptés  par  ces  Assem- 
blées qu'il  convient  de  rechercher  la  définition  et  le  but  de 
l'autonomie  du  port  du  Havre. 

MM.  J.  Rœderer  et  J.  Couvert  ont  mentionné  la  question 
à  la  Chambre  de  Commerce.  MM.  Godet  et  Maurice  Taco 
net,  en  ont  été,  en  la  rapportant,  devant  nos  deux  Assem- 
blées, les  promoteurs  les  plus  actifs. 

M.  Godet  est  l'auteur  d'une  première  étude  (publiée  en 
brochure)  et  du  vœu  émis  par  le  Conseil  Municipal  le  12 
avril  1904  ;  M.  Maurice  Taconet  a  présenté,^  la  fin  de  1905, 
à  la  Chambre  de  Commerce,  qui  l'a  adopté,  un  magistral 
rapport,  qui  est  un  volume- 

Le  vœ*u,  fortement  motivé  par  des  considérants  dévelop- 
pés, adopté  par  le  Conseil  Municipal  sur  la  proposition  de 
M.  Godet,  rappelle  les  avis  décisifs  formulés  par  les  Congrès 
nationaux  de  Travaux  publics  en  1900  et  1903  en  faveur 
de  l'aménagement  et  de  l'approfondissement  du  port  du 
Havre  en  vue  des  nécessités  du  port  d'attache  de  la  li- 
gue postale  transatlantique  française  ;  il  précise  que  la 
condition   primordiale,  dont  l'accomplissement  s'impose  à 


L  AUTONOMIE  DU  PORT  DU  HAVRE  383 

bref  délai,  est  la  possibilité  de  recevoir  à  toute   heure  les 
{'  is-rrands  transatlantiques  dont  la  construction  est  décidée 
'  isiîiiplement  prévue,  et  il  se  termine  par  le   dispositif 
^'i.'vant  : 
V"3.  —  «  Que  pour  assurer  la  conception  et  l'exécution 
r.fpiiledes  grands  travaux  indispensables,  tout  en  réser- 
vant les  droits  supérieurs  de  l'Etat,   la   Ville  du   Havre 
î^^présentée  par  ses  autorités  locales  (  Municipalité,  Cham- 
i'^f*  de  Commerce)  soit  mise  en  possession  de  son  établis- 
saient maritime  et  soit  autorisée  à  l'exploiter  elle-même 
'  ^  us  ie  régime  de  l'autonomie.  » 

L  insuffisance  manifeste  des  travaux  en  cours  et  du 
?  rtilans  son  ensemble  est  la  base  de  cette  revendication. 
"la  reproché  à  M.  Godet  d'employer  la  manière  forte  et 
'^•^nidlinener  quelque  peu  le  port  du  Havre. 

Il  a  répondu,  avec  raison  je  crois,  que  l'optimisme 
pîiciel  ne  trompe  personne.  Le  mal  est  grand  et  profond, 
-.  ii^ieux  il  sera  connu,  plus  la  nécessité  d'un  remède 
f'^tiptet  énergique  s'imposera.  Ce  n'est  pas  par  des  criti- 
••!'>>  volontairement  édulcorées  qu'on  secouera  l'opinion  et 
^]io  forcera  la  main  aux  pouvoirs  publics. 

\I.  Godet  a  attiré  l'attention  en  poussant  ce  cri  d'alarme 
^  î  3  passé  la  parole  à  la  Chambre  de  Commerce, 
^magnifique  rapport  de  M.  Maurice  Taconet  a  traité  la 
'!^^>lion  avec  beaucoup  d'ampleur  et  de  force,  dans  la  dialec- 
'^pJ^^coname  dans  la  documentation,  tant  en  ce  qui  concerne 
•"^aien  et  la  critique  générale  du  régime  français  et  des 
N'ijes  étrangers,  que  sur  le  point  spécial  de  l'application 
■"'  "jtonomie  â  notre  Port.  Il  a  démontré  l'urgence  de 
'^♦f'ivforme,  et  ébauché  le  mode  de  fonctionnement  admi- 
"^^f^^tif  et  financier  du  Port  autonome  du  Havre,  aux 
■^"isd'un  Conseil  administratif  composé  de  représentants 
^'^  mlnrôts  locaux  et  des  intérêts  généraux,  do  délégués  de 
*'>hanabre  de  Commerce  et  de  la  Ville,  du  Département  et 


384  l'autonomie  du  port  du  havre 

de  l'Etat.  Sa  proposition  s'appuie  sur  une  démonstratioil 
qui,  au  point  de  vue  financier,  est  d'une  portée  capitale  i 
c'est  celle  de  la  possibilité  d'équilibrer  un  budget  autonome, 
en  payant  les  dépenses  de  transformation  et  d'agrandisse] 
ments  du  port,  sans  demander  à  l'Etat  aucun  sacrifice  nou 
veau. 

Depuis  1890,  l'Etat  a  reçu  au  Havre,  tant  par  le  produi| 
des  taxes  qu'il  perçoit  sur  la  navigation  que  par  les  subven 
tions  des  intéressés,  autant  qu'il  y  a  dépensé. Qu'il  abandonna 
ces  receltes  en  s'affranchissent  deschar^es  correspondantes 
et  le  succès  du  port  autonome  est  certain. 

Ce  rapport  a  été  adopté,  à  l'unanimité,  par  la  Chambra 
de  Commerce.  Elle  l'a  en  outre  appuyé  d'une  délibératioï 
en  date  du  12  novembre  1905,  qui  en  résume  la  substance 
En  voici  le  texte  : 

((  SÉANCE  DU  10  Novembre  1905 

<(  Ayant  adopté,  à  l'unanimité,  le  rapport.qui  précède  dan) 
«  sa  séance  du  27  octobre,  la  Chambre,   sur  la   propositioi 
«  de  sa  Commission,  prend  la  délibération  suivante  : 
«  La  Chambre  de  Commerce  du  Havre, 

«  Considérant  que  les  ports  de  commerce  sont  un  de^ 
«  éléments  essentiels  du  développement  de  la  richesse  na 
((  tionale  ; 

«  Considérant  que  le  produit  des  taxes  qui  y  sont  perçuei 
((  devrait  être  entièrement  affecté,  pour  chacun  de  ces  porta 
«  à  son  entretien  et  à  son  amélioration,  le  devoir  de  l'Eta 
((  étant  même  de  contribuer  largement  au  perfectionnemen 
((  de  ceux  qui  servent  particulièrement  à  assurer  la  prospé 
«  rite  de  son  commerce  extérieur  ; 

«  Considérant  que  le  régime  actuel  d'exploitation  e 
«  d'administration  de  ces  ports,  et  en  particulier  du  port  dj 
«  Havre,  rend  impossible  la  prompte  réalisation  des  amij 
«  liorations  dont  ils  ont  un  besoin  urgent  pour  soutenir  l 
((  concurrence  étrangère,  aune  époque  où  ces  ports  doivent 


l'autonomie  du  port  du  havre  385 

ff  par  suite  de  Tessor  extraordinaire  et  sans  précédent  du 

*  progrès  de  la  navigation,  recevoir  des  modifications  pro- 
t  /ondes  et  incessantes  extrêmement  rapides  pour  échapper 
«  à  Tabandon  et  à  la  décadence  ; 

«  Considérant  qu'un  système  reposant  sur  la  décentralisa- 
(f  tioD  et  sur  l'attribution  de  la  gestion  des  grands  ports  à 
a  an  Conseil  administratif  composé  d'éléments  locaux  et  ré- 
fc  gionaux  compétents  et  où  le  pouvoir  central  serait  repré- 
ic  sente,  est  seul  susceptible  de  leur  donner  l'initiative 
«  féconde  et  la  prospérité  dont  le  pays  tout  entier  se  ressen- 
«  tira  au  point  de  vue  commercial  et  industriel. 

*  Emet  le  vœu  que  la  question  de  l* Autonomie  des  Ports 
soit  mise  à  Vétude  et  reçoive  aussi promptement  que  possible 
une  solution  favorable.  » 

«  Enfin  le  Conseil  Municipal  du  Havre,  après  étude  du 
Rapport  de  M.  Maurice  Taconet  et  d'un  vœu  émis  par  la 
Société  Havraise  d'Etudes  Diverses,  a  formulé  à  l'unani- 
milé  un  second  vœu  en  faveur  de  l'autonomie  du  Port  du 
Havre  le  14  février  1906. 

III 

Quelle  est  la  portée  immédiate  de  ces  vœux,  quelle 
suite  comportent-ils  et  quelle  tactique  adopter  pour  contrain- 
dre les  pouvoirs  publics  à  y  faire  droit  ? 

A  ces  diverses  interrogations,  la  réponse  comporte  né- 
cessairement certains  éléments  conjecturaux  ;  elle  réclame 
cependant  des  llavrais  tout  l'effort  de  leur  intelligence  en 
éveil - 

Il  ne  servirait  à  rien  de  se  dissimuler  que  la  tâche  est 
énorme  et  que  la  question  n'a  fait  qu'un  premier  pas  sur  un 
chemin  rude  et  semé  d'obstacles. 

On  s'attaque  à  des  forteresses  administratives;  les  Ponts 
et  Chaussées  et  autres  corps  puissants  occupent  la  place  et 
sont  de  taille  à  la  défendre  ;  le  Paï4çment,  souverain  abso 

25 


'  .886  L.*AVTQNOMtfi:  IKJ  PORT  OU^HAVRb 

ihi/e^j^ai^eEnQdot  disposé  à  lioïiier/sespi^rbgëiUtespt  r  d^-ail- 
iQursrJesprôbbonpfttibns  politiques  ëfc  sociales  laissent  peq  de 
7pto(»'8iix:ioîs4*'ai^h'ea  ;  i'ElatrjetiQnDe  difficileaiea^^  une 
source  de  revenus,   fut-ce  pour  «ri  assurer- ûa  meilleur 
-emploi  01»  môompcmr  «'épargnerles -charges  correspondan  - 
ytftS'î  eofta  ia-routine  ette  préjugé  étatiste  sont  des  forces, 
négative  et  positive,  avec  lesquelles  ilcfautéompter.  Cepen- 
dant les  idées  de  décisntralisation  sont  en  marche,  et  l!au- 
'  tônomié  des  ports  compte  de  noiribreuxet  influents  partisans 
a  y.  Parlementât  dans  1«  pnySt  surtout  parmi  les  spécialistes 
des  questioJ9$:mari^toçs.  ...,,...,. 

>.  '  M.  MauHee  Taconet^  ô^  la  suite  de  l'envoi  de  son  beau 
^Rapport,  ^  reçu  radhéaion  de  personnalités  éminenteis  et 
compétentes^parmi  lesquelles  il  y  a  de  hauts  fonctionnaires. 
'  '  lA  XJgue  Maritime'  Fi»an^i8e,  -par  son  Comité  de  Paris 
étt^e^  Sections  'de- province  (celle  de  Nantes'  notammeat), 
-le  Comité  Central  des^Ar^mataurs,  des  Associations  parti- 
fduKèr^s,  font  4es  études  théoriques  et  pratiques  ^l  reoher- 
chent  les  moyens  d'intervenir  activi^ent-        •  '       ^ 

Il  importe  cependant  de  se  garder  de  toute  précipitation 
qui  pourrait  entraîner  une  faute  de  tactique.  Une  première 
..difficulté  cpasiste  à  formuler  une  proposition  jd'ordrergéné- 
_ral  qui  soit  viable»  étant  donné  les  oppositions  prévues.  On 
s'ingénie  à  chercher  le  point  de  la  moindre  résistance^   Je 
.crois  savoir  quelle  Comité  de  la  Ligne  Maritime  Française 
remploie  à  cette  tâche,  qui  nécessite  beaucoup  de  pratique 
législative  et  administrative.  L'expérience  acquis&d^ns  nos 
Assemblées  apprend  aussi  à  se  défier  des  résultats  de.  l'ini- 
tiative parlementaire  ;    une  fgule  de  projets  de  Ipiqui  ont 
cette  or;igine  (entre  autres  celui  sur  les   Ports  Francs,  qui 
date  de  8  ans)  passent  et  r^passçnt  dans  Jes  Commissions 
;dcs  iégislatj^res  suçcessives^et  finissent  par  s'enterrer  dans 
les  cartons.      .  ^       _       ,  ,  -  ^ .  -- 

.  -II. faudra, donc  déterniioer  le.  Gouvernement  à  prendre 


L  AUTONOMIE  DU  PORT  DU  HAVRE 


"^ 


TiDÎtiative   d'une  proposifioh  sur  I*àulonornié  des   Ports. 
Quand  et  comment  y  parviéndra-t-on  ?" 

«  L'autonomie  des  ports  rdlsaft  M!  MîIIeraiid,  à*  la  trîbu- 
«  ne  de  la  Chambre,' lors  dé  là  '  discussion  de  la  lofsur  la 
«marine  Marchande,  j'attends  avec  curfosilé  le  Gouverne- 
«  ment  qui,  devant  une  Chambre  élue  au  Scrutin  d*arron- 
«dissement,  proposera  d'enlever  subsides  et  subventions 
ft  aux  porls  nombreux,  mais  inutiles,  qui  les  réclament, 
«  pour  les  concentrer  sûr  les  trois  ou  quatre  ports  auxquels 
«on  donnerait  leur  autonomie  et  dont  le  développement 
«  serait  utile  à  l'intérêt  général,  o'  On  ne  saurait  critiquer 
arec  plus  de  force  le  régime  actuel  et  mieux' démontrer, 
sous  un  forme  ironique,  la  nécessité  d'une  réforme.  M. 
Millerand'a  d'ailleurs  inscrit  l'autonomie  des  ports  dans  son 
programme  réformateur.ll  aurait  donc  certainenrient  à  cœur 
(Je  la  réaliser  s'il  revenait  au  Pouvoir  ;  mais  comme  Minis- 
tre, il  ne  manquerait  pasde  voir  la  question  sous  un  autre 
angle  que  dans  l'opposition,  et,  mieux  informé,  il  rassure- 
rait les  députés  des  petits  ports  (avec  plus  dé  raison  qu'il 
ne  les  a  effrayés)  en  leur  montrant  que,  loin  de  diminuer^ 
leur  part  d'allocations  budgétaires  tendra  à  augmenter  à 
mesure  que  certains  grands  ports  se  suffîrontà  eux-mêmes 
au  moyen  de  leur  autonomie,  et  paieront  toutes  leurs  dé- 
penses. 

Un  membre  du  Gouvernement,  et  non  des  moindres, 
M.  Poîncaré,  a  récemment  parlé  à  Commercy,  de  la  décen- 
tralisation, en  termes  excellents  et  en  l'envisageant  à  la  fois 
comme  une  nécessité'  budgétaire  et  comme  un  bienfait 
économique. 

Le  seul  moyen  efficace  de  décentraliser  consiste  à 
agrandir  le  domaine  de  l'initiative  locale  et  privée,et  à  res- 
treindre celui  de  l'Etat  en  le  déchargeant  de  certains  ser- 
vices qui  liii  coûtent  cher  et  dont  ils'acquitte  mal.  Il  faudra 
bien'éri  venir  là,  bon  gré  mal  gré,  t^f  ou  tard  ;  nos  erreurs 


388  l'autonomie  du  port  du  havre 

économiques  sont  trop  coûteuses  pour  pouvoir  durer  iiidé- 
Animent.  Pensons  toujours,  au  Havre,  à  l'autonomie,  par- 
lons-en beaucoup  et  agissons  sur  l'opinion  publique.  Dans 
ce  pays  démocratique,  le  Gouvernement  et  les  Chambres 
sont  bien  obligées  d'accomplir  les  réformes  qu'impose  le 
sentiment  général. 

On  a  déjà  émis  l'idée  de  constituer  un  Comité  Havrais 
de  propagande  et  d'action,  recueillant  des  fonds  par  sous- 
cription pour  soutenir  une  campagne  de  presse  dans  les 
grands  quotidiens  de  Paris  et  de  la  province, et  se  tenant  en 
contactavec  les  Membres  du  Parlement  et  les  personnalités 
susceptibles  de  nous  donner  leur  appui.  Cette  organisation 
en  vue  d'une  action  efficace  et  permanente  serait  un  facteur 
considérable  du  succès  ;  elle  a  un  précédent  dans  le  Comité 
d'initiative  créé  pour  l'érection  du  Havre  en  Préfecture  de 
la  Seine-Maritime  en  1879. 

Il  appartient  aussi  à  nos  Corps  élus  de  mettre  la  ques- 
tion bien  au  point  en  la  retournant  sous  toutes  ses  faces. 
Au  point  de  vue  financier,  la  proposition  émise  par  M.  Ta- 
conet  demande  certaines  précisions.  C'est  .seulement à  titre 
d'exemple  qu'il  a  jeté,  dans  un  état  fictif  de  recettes  et  de 
dépenses,  les  bases  d'un  budget  du  port  aulonomedu  Havre. 
On  n'est  pas  encore  bien  fixé  en  réalité  sur  le  montant  des 
contributions  qu'on  pourra  obtenir  de  la  Ville  et  du  Dépar- 
tement, ni  sur  l'importance  du  sacrifice  à  demandera  l'Etat 
pas  plus  que  sur  la  forme  à  lui  donner.  L'abandon  des 
droits  de  quai  par  l'Etat  suffirait  largement  à  faire  face 
aux  dépenses  ordinaires  d'entretien  (y  compris  les  grosses 
réparations)  et  du  personnel,  et  laisserait  une  faible  marge 
de  disponibilités.  Mais  il  est  nécessaire  d'y  ajouter  d'autres 
ressources,  sans  surcharger  la  navigation,  afin  dégager 
les  emprunts  qui  permettront  de  décider  et  d'exécuter  les 
grands  travaux  que  le  régime  actuel  est  impuissant  à  pro- 
curer, car  c'est  lô  le  but  essentiel  de  l'autononiie.  Réussir»" 


l'autonomie  du  port  du  havre  389 

ton  à  obtenir  que  l'Etat  réduise  les  taxes  sanitaires  et  de 
statistique  aux  perceptions  qu'elles  ne  devraient  pas  légale- 
ment dépasser,  c  est-à-dire  au  montant  des  frais  occasion- 
nés par  ces  services  ? 

M.Maurice  Taconet  démontre  quen  relevant  dans  la  pro- 
portion de  ces  abaissements  les  péages  actuellement  perçus 
par  la  Chambre  de  Commerce  pour  le  service  des  emprunts 
déjà  contractés, le  port  autonome  aurait, avec  en  plus  le  pro- 
duit des  droits  de  quai  et  le  revenu  du  domaine  maritime, 
des  recettes  suffisantes  pour  assurer  son  développement 
progressif.  Mais  ce  n'est  pas  chose  simple  et  facile  que  de 
décider  TËtat,  au  moment  où  il  est  obligé  de  créer  de  nou- 
veaux impôts,  à  abandonner  des  excédants  de  perception, 
illégaux  il  est  vrai,  mais  qui  font  tomber  annuellement 
dans  sa  caisse  huit  à  neuf  millions  dans  l'ensemble  des 
ports  français. 

«  Le  Havre  profiterait  de  ces  dégrèvements  pour 
I.IOO.OOO  fr.  environ,  somme  très  inférieure  à  la  participation 
de  l'Etat  dans  les  travaux  des  programmes  en  cours  d'exécu* 
lion  ou  votés.  Est-il  donc  impossible  d'obtenir,directement 
et  sans  ambages,  que  l'Etat,  en  remplacement  des  contri- 
butions qu*il  a  versées  jusqu'ici  et  en  plus  de  l'abandon 
des  droits  de  quai  (compensé  par  l'économie  des  frais  d'en- 
tretien et  de  personnel),  accorde  une  subvention  annuelle 
ose  au  budget  du  port  autonome  ?  La  Chambre  de  Com» 
merce,  après  mûr  examen,  suivra  certainement  la  marche 
la  plus  favorable  au  succès  de  notre  revendication. 

Accessoirement,  il  est  intéressant  de  signaler  que 
'augmentation  du  tonnage  légal,  par  suite  de  l'application 
delà  nouvelle  méthode  de  jaugeage,  ainsi  qu'un  accroisse- 
ment réel  du  mouvement  du  port,  ont  procuré  en  1905 
d'importantes  plus-values  sur  les  droits  de  quai,  de  péage 
et  que  cette  progression  a  continué  pendant  les  six  premiers 
mois  de  1906.  Ces  augmentations  de  recettes  représentent 


390  L*AUtONÔMlE  DU  PORT  DU  HAVRE 

à  l'heure  actçielle,  un  boni  d^environ  10  Vo  sur  les  évalua- 
tions portées  au  rapport  de  M.  Maurice  Taconet. 

La  conclusion  qui  s^impose  à  la  suite  de  cet  exposé  très 
sommaire,  c'est  que  le  Havre  a  un  intérêt  vital  et  immédiat 
ô  revendiquer  l'autonomie  de  son  port,  et  qu'il  a  de  grandes 
chances  de  l'obtenir,  à  la  condition  de  faire  valoir  avec 
énergie  et  persévérance  ses  titres  et  la  justification  de  sa 
situation  financière  exceptionnellement  favorable.  Après 
avoir  pris  la  tète  du  mouvement,  il  ne  saurait,  sans  abdi- 
quer, se  reposer  sur  autrui  du  soin  de  défendre  sa  propre 
cause. 

Laurent 'fouTAiN 


La  t^étiovation  de  la   Chine 
et  l'Exemple  da  JaiaoG^*^ 


Le  sujet  que  je  vais  traiter  devant  vous  est  très  important  ' 
et  très  délicat  ;  son  ampleur  m'effraie  presque  et  ce  n'est 
pas  sans  une  certaine  crainte  que  je  prends  la  parole  devant    ^ 
an  audiloîï^  tel  que  le  vôtre. 

On  reproche  aux  Français  d'être  peu  voyageurs  et  peu 
au  courant  des  choses  de  l'étranger,  mais  dans  cette  grande 
ville  maritime  et  commerciale  qu'est  Le  Havre»  constam-  ^ 
ment  en  communîcatîdn  avec  le  reste  du  monde,  cette 
assertion  est  fausse  au  moins  partiellement.  Je  crains,  au 
contraire,  de  vous  dire  des  choses  que  vous  connéiisseî;  déjà  '' 
etqai, à  c?etiti^é,  ftevous  intéresseront  que  médiocrement. 
Je  fédame  donc  toute  votre  indulgence^ 

Le  sujet  dcunt  j*af  à  vous  entretenir  est,  je  le  répète,  un  deâ 
pluiï  graves  qui  puissent  se  poser  ;  c'est  en  résumé,  toute 
la  ^ueition  d'Exti*éhié-OHent;  ;  .     .> 

Le  Japon,  vous  le  save^V  est  un  énà^ii^è  âemî-féodal.   lia  "^ 
fêlé  le  cinquantenaire,  presque  joUr  ^ôur'  jour,  dû  moment 
oûles^ÔuT^btJéè/hy  &f4éà 'Abiëriôéiris  rd.nt  conlraîntî  malgré 
lui-àautt^sèâï)oiftey,  ôti^îl'ia'dfi  céder,"nVyanV  aiicune '" 
mffrtfrfë^d^^ferf  ëMISfe'efiac^é'iïe'ciuélqdes  ^ 
Il  m^Wié^mmMi^'im  llii  pi  us  puiséatiiempïre  d^es'  '  ^ 
i^cémimètim  ^%a^ca«dhtfânl  'éU%^rleress?'.s;'et'cèfa ^(ÏÔs''^' 
le  eôttitt^etffeèrfétiV^àè4a^W6éi'i^ë^cï(iiiï1l^e^^  'àiîriV  vi'ctorîeu'^r '' 

il)  Conférence   ftite  devant  ni . Société  de  .Géographie  Commerciale  dU 


6 


392   LA  RÉNOVATION  DE  LA  CHINE  ET  l'eXEMPLE  DU  JAPON 

Mais  si  ce  petit  peuple  a  étonné  le  monde,   que  serait -t 
si  les  400  millions  de  Chinois,  suivant  l'exemple  des  45  in  i 
lions  de  Japonais,  se  mettaient  à  leur  tour  entièrement 
l'école  de  l'Europe  et  se  changeaient  en  un  Etat  complète 
ment  européen.  Cette  évolution  est-elle  en  train  de  s'aecoin 
plir  ?  va-t-elle  s'accomplir  prochainement  ?  voilà  ce  que    je 
voudrais  examiner  avec  vous.  Mais  ce  ne  sont  guère  que/ 
ques  remarques   particulières  qui  pourraient  nous  édifier. 
Le  sujet  est  tellement  vaste   qu'il  faudrait  exposer  toute 
l'histoire  de  la  Chine  et  du  Japon,  histoire  trop  peu  coni- 
nue  des  Européens,  pour  pouvoir  connaître  et  préciser  la 
transformation  qui  seule  peut  nous  éclairer  sur  le  présent  tl 
l'avenir. 

En  quoi  consiste  cette  extraordinaire  transformation  du 
Japon  que  l'Europe  n'a  appréciée  que  le  jour  où  elle  sesl 
traduite  par  les  succès  militaires.  Voilà  quarante  ans  quelle 
a  commencé,  mais  les  Européens  ne  l'ont  regardée  long- 
temps que  comme  une  sorte  de  plaisanterie,  de  pièce  de 
théâtre  habilement  montée,  Us  n'ont  voulu  voir  chez  les 
Japonais  qu'un  peuple  mignard  et  amusant,  un  peuple  de 
bibelots  ;  ils  n'ont  vu  que  les  mousmées  et  leschrysanthèmes. 
Il  y  avait  autre  chose,  il  y  avait  l'industrie  et  les  canons. 
Ce  que  n'ont  pu  25  ou  30  années  de  travail,  18  mois  de 
guerre  l'ont  montré  d'un  seul  coup. 

Qu'a  donc  fait  le  Japon  ? 

Il  suffit  pour  le  voir  de  comparer  quelques  traits  du  Japoû 
actuel  et  du  Japon  d'il  y  a  50  ans.  Il  y  a  52  ans,  poui* 
parler  plus  exactement,  avant  que  les  navires  américaiï^^ 
aient  réussi  à  y  pénétrer,  le  Japon  était  fermé  hermétique* 
ment  aux  étrangers.  Dans  la  rade  d'un  de  ses  ports,  Nag^ 
saki,  se  trouvait  un  îlot  artificiel,  l'ilot  Deshima,  sur  leqU^ 
étaient  cantonnés  quelques  marchands^agents  de  la  Com]^' 
gnie  des  Iodes  Néerlandais6s,qui  ne  pouvaient  pas  en  sor^ 
sauf  une  fois  par  anietde  loin  en  loin  tous  les  10  ou  15  ac^ 


U  RÉNOVATION  DE  LA  CHINE  ET  l' EXEMPLE  DU  JAPON   393 

pour  aller  porter  des  préseDts.  Ils  recevaient  de  temps  à 
autre  la  visite  d*un  vaisseau  de  leur  Compagnie  qui  venait 
apporter  quelques  produits  fabriqués  par  les  Européens  et 
remportaient  en  échange  des  porcelaines,  du  papier,  des 
laques,  des  soieries  et  quelques  barres  de  cuivre.  Ce  modeste 
commerce  se  chiffrait  par  4à  5  millions  par  an.  Aujour- 
d'hui,cinquante  ans  après,le  commerce  extérieur  du  Japon, 
dépasse  deux  milliards  de  francs. 

Les  quelques  Européens,  autrefois  parqués  dans  cet  îlot 
de  Deshima  dont  ils  ne  pouvaient  sortir  qu'avec  la  per- 
mission des  autorités  japonaises,  sont  maintenant  au  nom- 
bre de  plusieurs  milliers.  Ils  peuvent  voyager  dans  Tinté- 
rieur,  sans  le  moindre  danger,  sans  armes,  et  aussi  commo- 
dément que  dans  n'importe  quel  pays  de  l'Europe. 

Il  y  a  cinquante  ans,  il  était  interdit  aux  Japonais,  sous 
peine  de  mort,  de  quitter  leur  pays,  de  construire  des 
vaisseaux  de  haut  bord  et  d'un  tonnage  supérieur  à  quelques 
tonnes.  La  forme  des  bateaux  était  rigoureusement  déter- 
minée et  ils  devaient  se  conformer  aux  modèles  des  vieilles 
jonques  chinoises,  lesquels  n'ont  pas  varié  depuis  seize 
siècles.  Toute  navigation  lointaine,  plus  loin  que  les  côtes 
de  la  Corée^  était  impossible  avec  le  mode  de  navigation 
alors  en  vigueur.  Aujourd'hui  la  marine  marchande  japo- 
naise atteint  presque  et  dépasserait,  n'eût  été  la  dernière 
guerre,  la  marine  marchande  française.  On  construit  au 
Japon  des  navires  de  commerce  de  fort  tonnage  et  des 
cuirassés. 

Il  y  a  cinquante  ans,  les  transports  à  l'intérieur  du  Japon 
ne  se  faisaient  qu'à  dos  d'àne  ou  avec  des  chariots  et  des 
brouettes  poussés  par  des  hommes  ;  il  n'y  avait  presque 
pas  de  bétes  de  somme  ;  aujourd'hui,  il  y  a  huit  mille 
kilomètres  de  chemins  de  fer,ee  qui  est  bien  suffisant  pour 
cesiles  montagneuses,  dont  les  côtes  seules  sont  peuplées, 
il  convient  de  dire  que  le  Japon  comme  étendue,  n'est  pas 


394   LÀ  RÉNOVATION  DE  LA  CHINE  lîT  i/eXEMPL^  t){j  /APON 

beaucoup  supérieur  à  la  moitié  de  la  France  (les  2/3  énvi- 
roD),que  les  côtes  y  sont  extrèmeràent'nombreuses  et  décou- 
pées. La  pot)u(ation  vit  dans  le  voisinage  de  ces  côtes  et^  par 
conséquent,  le  besoin  de  chemins  de  fer  se  fait  beaucoap 
moins  sentir  que  dans  un  pays  massif  et  continentâI,coinme 
la  France,  par  exemple. 

Il  y  a  cinquante  ans,  il  n'y  avait  aucune  grande  industrie, 
seuls  existaient  les  vieux  métiers  traditionnels  exercés  par 
quelques  habitants,^  la  fabrication  des  porcelaines,dti  papier, 
de  la  laque  et  des  soieries,  tout  cela  abandonné  à  une  toute 
petite  industrie.  Aujourd'hui  les  cotonnades  japonaises 
remplacent  sur  le  marché  de  la  Chine  les  cotonhadesln- 
diennes  qui,  elles-mêmes,  avaient  remplacé  les  cotonnades  * 
anglaises.  Les  soieries  du  Japon  rivalisent  avec  les  produits 
européens  sur  les  marchés  d*Orient,  les  allumette^  japonai- 
ses sont  les  seules  que  l'on  trouve  dans  les  ports  d'Extrême- 
Orient,  dès  qu'on  a  dépassé  Singapore.  Aujourd'hui  le 
Japon  tend  à  approvisionner  et  à  envahir  tous  les  trfarchés 
riverains  du  Pacifique. 

Ainsi  voici  produite  en  cinquante  ans  la  tranisfofmatiotl 
économique  d'un  peuple,  accompagnée  d'une  transformai- 
tion  non  moins  importante  au  point  de  vue  moral  et  au  point  ' 
doTue  social.  Certains  traits  extérieurs;  qui  ont  peu  d'im- 
portance peut  être  par  eux-mêmes,  mais  iqui  lie  sont  pas  it 
dédaigner^  marquent  cette  transformation  aux  yeux'de  tout  ' 
observateur,  dès  qu'il  arrive  dans  le  pays.  Oh  n«  vdît  pltli  ^ 
que  les  vieux  paysans  ou  citadins  qui  portent  encore  rân*'  ' 
cienne  coiffure   japonaise  ;  au  '  contraire',  tduis  '  IM'  jeuDôi 
paysans  ont  coupé  leur  cheveux  à  reuro^éetfôlei  On  ne  Voit''' 
plu» de  femmes oomme  certains  voyageiart  iesontidéd^ltëè,"' 
on  ne  les  voit  plus  comme  autrefois  seiûqtieries  dôntàf'eii  ^^ 
noir  ;  elles  ont  renoticé  à  cette  mode  peu  ^esthétîqûô^  teèSâ"'  ' 
extraordinairement  traditionn^lieV  etf  à  iaqû'eliô'iiés  €hfîfdi^''^ 
aes  filofii  pas  eDcofereaoncé.'  Ajutirdtob  &ii'lÀpfoii)j^*<fl^étttR  '^ 


LA  RÉNOVATION  DE  LA  CHINE  ET  l'eXEMPLE  DU  JAPON   395 

interdît  à  un  particulier,  à  un  homme  quelconque  de  regar- 
der l'empereur.  Si,  par  hasard,  il  était  sorti  de  son  palais, 
d'où  il  sortait  deux  fois  par  an,  il  était  expressément  défen- 
du de  le.ver  les  yeux  sur  le  Shogun  qui  était  Iç  véritable  . 
souverain,   le  Maire  du   palais.  On   ne   pouvait  non  plus 
regarder  le  cortège  d'un  prince  allant  rendre  visite  au  Sho- 
gun. Aujourd'hui  l'empereur  sort  en  voilure  découverte, 
tous  ses  sujets  le  regardent.  J'ai  vu  moi-même,  un  prince,  . 
l'héritier  des  anciens  Shoguns,   assister  à  des  combçits  de 
lutteurs,  assis  au  milieu  de  la  foule.  Tout  le  monda, lit  les  . 
journaux  les  plus  variés  qui,  bien  que  respectant  l'empe- 
reur,>attaquejQt  avec  une  violence  qui, dépasse  presque  ce 
que  l'on  peut  voir  en  Francet  le  gouvernement  de  leur  paya.  ^ 
Le  changement  dans  la  forme  du  gouvemement.ij'a  pas   . 
élç  moins  radical.  Il  y  a  cinquante  ans,il  y  avait  uQ,gouver-  , 
Dément  de  castes  çt  une  société  féodale  telle  quelle  e?eistait, 
je  ne  dis  pas  à  l'ayènement  de  la  Révoluiiop,  mais  ^u  xvi®  ^ 
siècle,une  société  soigneusement  hiérarchisée  :  auappfimett 
l'empereur  ou  Mikado,  souverain  enfermé  ^ana  son  palais,  . 
ne  sortant  qu'une  ou  deux  fois  par  an  pou^  la  fétçdea  ap* 
cêtres  j  au-dessous  de  liii,  le  Sohgun  o^.Taïcçun,. sorte  de  ., 
maire  du  palais,  chef  du  pouvoir  exécutif»  qui.  résidait^, 
Yaddo  ;  au-dessous  du  Shpgun,  les  douze  Daïmioa,,  grands  . 
seiçpeurs  féodaus;,  dont,  les  principautés  avaient  l'éteadue  .. 
de  plusieurs  départements  français  ;  au-d,esspus  deis  De^ï^  ^ 
mios»  lef  Samouraïs»  qui  constituaient  la  classe .  lettrée» ,  i 
gouveri[kafi^  et  inilitaire  ;  enfin  a^-des^pu^  des  Saxnojuii^jls.j 
lecommup des  mortels*  Aujourd'hui,>il  n'y  a  plusd^  c^t^s^  ', 
L'empereur  e^t  au  somzoet,  et  il  y  a  une  noblesse  qiiiiS^,  t 
composa  dç^,  anciep3.D,aîmiosy  .mais  l'égalité  e^t  <a];|soii^,i^..,j 
devant  la  loi  etppa  ôtabii  l'égale  acpiBssibi,lité  à,  tpult^si  l^s..j 
foactipas^.puWigi^ies..  G*e[st,ep.«omme,  u/i  régi^^qi  46nfM)|çra-r  -3 
tiqoe^ tb^riç|iaeiQj^ni.du,  i^oips^ car  .le3 ^ncieps.privil^g^  ,- 


396   LA  RÉNOVATIÔM  DE  LA  CHLNE  ET  l'eXEMPLE  DU  JAPON' 

venu  parlementaire  avec  deux   Chambres  et  un  ministère. 

Dans  ce  pays  fermé  il  y  a  cinquante  ans,  où  on  n'avait 
aucune  connaissance  du  monde  extérieur,  les  enfants  des 
écoles  primaires  a^^prennent  non  seulement  la  lecture  mais 
des  notions  générales,  non  seulement  l'histoire  de  leur 
pays,  mais  celle  du  monde  en  lier.  Beaucoup  de  petits 
Japonais  sont  plus  forts  sur  l'histoire  de  l'Europe  que  les 
Européens  sur  l'histoire  du  Japon  et  de  la  Chine.  On  vend 
dans  les  bazars,  les  papeteries,  des  globes  terrestres  par- 
faitement bien  faits,  que  peuvent  acquérir  les  plus  pauvres 
enfants  du  peuple.' 

Toutes  les  universités  sont  remplies  d'étudiants.  •  Non 
seulement  on  y  étudie  les  sciences  occidentale*,  mais  encore 
on  leur  fait  faire  de  véritables  progrès. Les  savants  japonais 
se  sont  distingués  dans  un  grand  nombre  de  branches,  en 
médecine,  en  microbiologie,  parexemple,et  certains  micro- 
bes ont  été  découverts  par  eux.  Il  se  sont  fait  remarquer 
aussi  dans  les  arts  militaires.  Ainsi  la  fameuse  poudre  dont 
se  servaient  les  Japonais,  .avait,  paraît-il,  des  propriétés 
tout-à-fait  remarquables  qui  la  mettent  au  premier  rang  des 
poudres  sans  fumée  dont  se  servent  les  diverses  puissances. 
Au  Japon,  tout  s'est  imprégné  de  culture  occidentale,  maté- 
rielle et  intellectuelle,  sans  que  les  Japonais  aient  cependant 
abandonné  leur  culture  traditionnelle.  Ils  ont  conservé  une 
partie  de  leurs  anciennes  traditions,  car  ils  ont  fini  par 
reconnaître  qu'ils  avaient  été  trop  loin  dans  leur  européa- 
nisation.  Au  point  de  vue  extérieur,  il  y  a  une  moindre  fureur 
du  costume  européen.  Les  -anciens  Samouraïs,  qui  por- 
taient deux  sabres,  sont  maintenant  en  redingote  et  gouver* 
nent  le  Japon,  mais  parmi  les  femmes,  par  exemple,  le  cos- 
tume européen  n'a  pas  réussi  j  elles  l'ont  laissé  de  côté  et 
elles  ont  eu  raison.  Au  point  de  vue  moral,  ils  ont  conser- 
vé intact  tout  le  code  d'honneur,  le  code  de  conduite  des 
anciens  guerriers.  Le  maintien  de  cet  ancien  code  cbeva- 


U  RfclNOVATION  DE  LA  CHINE  ET  l'eXEMPLE  DU  JAPON   397 

lerescjue,  combiné  avec  la  connaissance  des  applications 
modernes  de  la  science,  leur  a  permis  de  remporter  ces 
étonnants  succès  dont  le  monde  entier  s'est  entretenu  avec 
admiration. 

Les  Japonais  ont  aboli  toutes  les  anciennes  tortures  chi- 
noises afin  de  pouvoir  traiter  d'égal  à  égal  tous  les  étrangers 
soumis  à  leur  juridiction.  En  un  niot,  quand  ils  sont  entrés 
dans  la  nouvelle  voie,  les  Japonais  se  sont  proposés  d'arri- 
ver à  être  les  égaux  des  Européens  en  puissance,  en  riches- 
5*<îs,  etau  point  de  vue  économique  et  militaire.  Mais  ils 
sont  les  seuls  de  tous  les  Orientaux  qui  ont  compris  que, 
p<:'ur  être  aussi  forts  que  les  Européens,  il  ne  suflisait  pas 
de  s'approprier  certains  instruments,  mais  qu'il  fallait  se 
Pénétrer  de  l'esprit  de  la  civilisation.  Ils  ont  su  le  faire  : 
toute  la  nation  s'est  mise  à  l'école  et  c'est  grAce  h  cela  que 
'eJapon  a  pu  devenir  ce  qu'il  est. 
En  Chine,  que  voyons-nous  ? 

La  Chine  est  ouverte  aux  Européens  depuis  plus  long- 
temps que  le  Japon,  mais  elle  n'est  pas  encore  aussi  complè- 
tement ouverte,   tant  s'en   faut.  Et  cependant,    à    aucun 
^iioment,   elle   n'a  été  fermée  au.ssi   complètement  que    le 
Japon.  A  Canton,  qui  était   le  port  réservé  par   la   Chine 
Mp  les  échanges  avec  les  étrangers,  les  Malais,  les  Indous 
îftles  .\rabes  venaient  faire  des  visites   nombreuses.  Lors- 
'/ue  les  Européens  se  sont  présentés,  au  milieu  du  xvi^  siè- 
'le, il  s'est  fait  un  commerce  très  important,  beaucoup  plus 
considérable  que  celui  que  les  Hollandais  avaient  seuls  le 
droit  de  faire  au  Japon, i\  Nagasaki  ;  seulement  ce  commerce 
ne  s'est  pas  développé  du  tout  dans  les  mêmes  proportions, 
C'*  n'est  (ju'àlasuile  deguerres  que  les  ports  furent  ouverts 
ii  la  civilisation,    après  la    fameuse  guerre  de   l'opium   en 
JSi2,  entreprise  par  l'Angleterre  dans  le  but  peu   moral  do 
fiiire  acc^^pter  à  la  Chine  l'opium  venant  des  Indes.  L'n  pou 
plus  tard,  à  la  suite  do  diverses  menaces  et  de  l'expédition 


398'^L^^ÉN^OVAtiÔN  DE  LA  CtttNE  ET  L'*ÉrXÉMF*LB  DÛ  JAPON 

"àtiglô-îrfeiiiçaise  dd  Î860,  là  Chine  a  consenti  à  ouvrir  plu- 
îîieùrs  ports,  ènlre-aulres  Tien-Tsin.  Après  sa  défaite  par  le 
'Ja'ik)ii,-ellé  dut  laisser  Taccès  de  ses  eaux  intérieures  aux 
navires  étrangers.  C'est  après  cette  guerre  qu'elle  a  admis 
la  c<Trt9t'ruction  sur  son  territoire  de  quelques  chemins  de 
'fer.        -  '     - 

'  Mais  elle' n'a  jamais  accordé  toutes  ces  concessions  que 
dé  ma irvdi se  grâce, 'parce  qu'il  lui  était  imposible  défaire 
aulreiiiéni,  et  son  commerce  est  à  peine  supérieur  au  coni* 
nierce  extérieur  du  Japon.  Cependant  la  Chiné  est  sept  * 
huit  fois  pliis  peuplée,  ses  ressources  naturelles  sont  consi- 
dérablement plus  grandes,  son  territoire  bien  plus  vaste. 
Elle  a  opposé  le  maximum  de  résistance  qu'elle è  pu  à  totjles 
les  iiouveaatés  apportées  par  les  diables  de  TOccidenl. 

Il  n'y  a  pas  longtemps  encore,  une  quinzaine  d'années 
environ,  on  pouvait  voir  le  gouverneur  de  Moukden  s'op- 
poser à  la  construction  d'un  chemin  de  fer,  sous  prétexte 
que  les  longs  clous  enfoncés  dans  le  sol  troueraient  l'épine 
dorsale  dn  Dragon  sacré.  A  la  même  époque,  l'un  des 
censeurs  de  l'empiredéclaràit  qu'au  lieu  de  èe  préoccuper  de 
ces  maudites  nouveautés  proposées  par  les  diables  d'Occi- 
dent, il  valait  mieux  rechercher  le  secret  perdu  des  chars 
volants  traînés  par  des'phénix. 

Ainsi  la  Chine  s'opposait  t  toute  nouveauté'  eurot)é'enne 
en  matière  de  transports.  Au  point  de  vue  économique,  la 
Chine  en  est  exactement  au  même  point  qu'il  y  a  une 'dizai- 
ne de  siècles.  Aucune  amélioration  ne  s'est  produite.  Les 
choses  sont  même  on  moins  bon  état  qu'elles  l'étaient  autre- 
fois, parce  qu''^on  a  larîîsé"  beaucoup  de  canaux  s'envaser, 
les  grandes  routes  devenir  impraticables,  et  qu'on  n'a 
rien  entretenu.  Il  en  est  exactement  de  même  pour  l'ins- 
truction. Les  fonctionnaires  sont  tous  choisis  au  concoars, 
mais  ceux-ci  portent  toujours  sur  les  mêmes  matières,  sauf 
cependant  depuis   trois   ou    quatre    ans.   Auparavant  les 


,U  AENjOVLATIQNPE. LA  CHINE  E;t  L EXEMPLE  DV  MPCW. 

^coacouTS  n'étaient  qiie  des <x)mpoâri lions  lUtépaires;  sur  dps 
sujeU  extraits  d^  classiques  vieux  djB  deux  mille^cinq.oenjbs 
.ans;,  l^ourquoi  le  caractère  chinois  représentant  le. soleil 
étaitil  feri|)é.  en  j3as,;alors  que  celui  représentant  la  lune 
îUjt  ouvert  ?  C'est  sur  des  questions  de  oe  genre,  purement 
,schola$ti,qi4es,jqu'on  choisissait  les  hommes  destinés^à  gou- 
verner l'empire  Et  cela  exactement  comme  2500 >ans  avant 
Jésus-Cbi-isi..        ..  .  .  . .  _ 

Les  lettrés  étaient  choisis  dans  le  peuple  après  l'examen 
C4)nféraat le  grade  de  bachelier  jqui  se  passait,  dans  chaque 
chef  lieu  de  district,  c'ost-è  dire  dans  jquelques  milliers  de 
localités.  L'examen  pour  les  licences  se  passait  dans  les 
chefs-lieux  de  province,  dans. quinze  villes. 

Enfin  l'examen  pour  le  titre  de  docteur  avait  lieu  à  Pékin. 
Les  examens  et  les  grades  étaient  telLemopt  prisés  qu'au 
jnoraent  où  je  me,  trouvais  à  Shanghai,  où  se  passait  un 
examen  de  licence,il  n'y  avait  pas  moins  de  18.000  candidats 
pour  120  emplois.  , 

Depuis  trois. ou  quatre  ans,  il  s'est  produit  quelques 
changements.  Il  y:a  environs3.000  kilomètres  de  chemins 
<le  fer,  non  compris  ceux  construits  par  les  Russes  en 
Mandcbourie,  divisés  en  trois  réseaux  :  le  réseau  franco- 
belge,  de  Pékiàè  Hankéou,,qui  a  été  inauguré  en  décem- 
bre 1905  ;  le  réseau,  exploité  par  les  Anglais,  de  la  Gompa- 
«;nie  Impériale  des  chemins  de  fer  chinois,  qui  relie  Pékin 
i  ly  mer  ;  enfin  le  réseau  construit,  par  les  Allemands.  On 
^oUdéjè  la  différence  entre  les  chemins  de  fer. chinois  et 
aponais.  Ces  derniers  x>nt  été  construits  par  les  Japonais 
ïvec  l'aide  des  ingénieurs  européens,  mais  ils  sont  au- 
lOurd'liui  entièrement  exploités  et  administrés  par  les  Ja- 
ponais., ,  .  . 

Les  chemins  de  fer  chinois  datent  donc  de  peu  de  temps, 
f»iais enfin  ils  existent.D'autre portai  y  a  aussi  une  certaine 
farine,  de  commerce  chinoise.   On  peut  citer  «  The  China 


iOO   LA  RÉNOVATION  DE  LA  CHINE  ET  l'bXExMPLE  DU  JAPON 

Company  ))qui  a  été  organisée  par  les  Anglais  et  quelques 
notabilités  chinoises.  En  Chine, quand  on  veut  faire  quelque 
chose  de  neuf,  il  faut  avoir  soin  do  mettre  dans  Taffaire  des 
membres  du  gouvernement  car,  sans  cela,  on  vous  empê- 
che defairequoiquece  soit,((  The  China  Company  »  possède 
un  assez  grand  nombre  jde  navires,  mais  ils  sont  tous 
construits  et  commandés  par  des  étrangers.  Les  cadres 
étrangers  se  composent  généralement  d'Anglais,  db  Danois, 
de  Norvégiens. 

On  a  aussi  tenté  depuis  quelques  années  d'introduire 
quelques  nouveautés  dans  le  système  d'éducation  de  l'empi-  J 
re.  DéjA,  lorsque  j'étais  en  Chine,  il  y  a  une  dizaine  d'an-  ■« 
nées,  à  côté  do  cette  fameuse  question  sur  la  forme  des       î 

caractères  d'écriture  que  je  vous  ai  citée  tout-à-l' heure,  on 

'•i 
posait  des  questions  sur  ce  qu  on  appelait  la  science  ceci-      5 

dentale.  On  demandait  quels  étaient  les  principaux  ports 
depuis  la  Méditerranée  jusqu'en  Chine,  ce  qui  serait  cbex      ] 
nous  une  (luestion  d'écolo    primaire.  On  demandait  aussi      : 
aux  examens  de  licence  de  composer  un  essai  sur  le  droit 
international.il    y  avait  aussi   une  question  relative  à  la 
différence  entre  les  chandelles  étrangères  et  les  chandelles 
chinoises.  Il  fallait  dire  pourquoi  les  premières  étaient  su- 
périeures aux  soccjpdes.    L'ensemble  de  ces  questions  indi- 
que évidemment  un  peu  de  naïveté  de  la  part  de  leurs  au- 
teurs. Depuis  lors,on  a  fait  des  progrès.  Il  y  a  aujourd'hui  en 
Chine,  dans  presque  tous  les  chefs-lieux,  des  collèges  et  des 
universités,  ou  plutôt  des  facultés   où  la  science  occidenta- 
le est  enseignée  par  des  professeurs  européens.  Depuis  les 
premiers  succès  japonais  de  la  guerre  en  Extrême-Orient, 
on  a  enrôlé  un  peu  partout  des  instructeurs  Japonais. Ceux- 
ci  sont  naturellement  plus  propres  (jue  les  Européens  à  faire 
passer  la  science  dans  les  cervelles  chinoises.   Ils  connais- 
sent mieux  la  culture  chinoise  et  plus  facilement  que  qui- 
conque peuvent  infuser  aux   Chinois   de  nouvelles  idées, 


U  RÉNOVATION  DE  LA  CHINE  ET  L*EXKMPLE  DU  JAPON  401 

ayant  été  eux-mêmes  imbus  de  civilisation   chinoise.  En 
ojtre,  un  grand  nombre  d'étudiants  chinois  sont  allés  dans 
lîs  universités  japonaises.  Enfin  on  a  recruté  des  instructeurs 
[  Jiponais  pour  transformer  Tarmée  chinoise.  Le  vice-roi  du 
Pelchili,  le  plus  important  des  vice-rois,  parce  que  dans  sa 
province  82  trouve  le  siège  du  gouvernement,  l'héritier  de 
Liung-Chang,  un   homme  très  intelligent,  s'est  constitué 
but  un  corps  de  troupes  instruità  l'européenne,  comprenant 
à  rinure  actuelle  soixante  mille   hommes,  soit  deux  corps 
d'année.  Tous  les  officiers  européens,  attachés  militaires, 
lis  correspondants  de  journaux,  parmi  lesquels  boaucoup 
de  cûPn^pondants   militaires  revenant   du  théàtra  tle  la 
gjerre  de  Mandchourie,  des  homme  capables  par  consé- 
<|uenldebien  juger  ;  tous  les  Européens,  dis-je,  qui  ont 
^sistéaux  grandes  manœuvres  chinoises  de  l'automne  der- 
nier, ont  été  surpris  de  la  façon   dont  manœuvraient  les 
troupes  chinoises.   Elles  avaient  évidemment  des  instruc- 
teurs japonais,  mais  les  officiers  supérieurs  et  subalternes 
fapaissaient  bien  connaître  leur  métier. 

Ainsi  il  semble  que  dans  les   trois  ou  quatre    dernières 
«onées,  aussi  bien  au  point  de  vue  économique  que  militai- 
re, la  Chine  ait  fait  quelques  progrès  et  soit  entrée  dans   la 
Toiede  la  rénovation. 
Mais  le  système  gouvernemental  ne  s'est  pas  modifié.  La 
corruption  règne  en  maîtresse  tandis  que  le  gouvernement 
japonais   est  l'un  des  plus  honnêtes  qui  soient.    Il  y  a  en 
!^hine  stagnation  de  certains  côtés,  mais  quelques  signes 
emblenl  montrer  que  la  Chine  veut  faire  quelque  chose, 
u'elle  ne  reste  pas  absolument  figée  dans  les  vieilles  mé- 
iodes,  qu'elle  cède,  contrainte  et  forcée  peut-ètre,mais  en- 
n  qu'elle  cède. 

Quelle  est  l'importance  de  ces  changements  ?  Il  ne  faut 
is  oublier  qu'il  y  a  dé^à  eu  des  tentatives  de  réformes  à 
p^que  où  Gordoa  viot  aider  à  réprimar  la  grande  révolte 


iOi   LA  RÉNOVATION  DE  LA  CHINE  ET  L'eXEMPLE  DU  JAPON 

sur  le  pas  des  portes,  on  train  de  prendre  un  bain  dovan^ 
les  aulres,  sans  se  gêner  le  moins  du  inonde.  Tout  lafa 
mille  passe  danslamômecuve,  le  père,  la  mère,  lescnfaiilS; 
les  grands-parents,  et  tous  dans  le  costume  de  bain  des 
pays  primitifs.  Vous  voyez  toutes  les  maisons  de  ces  villa- 
ges fermées  par  de  simples  parois  à  cla  ire  voie,  recouvertes 
de  papier  huilé.  Dans  les  villes  on  les  remplace  en  partie 
par  du  verre  à  vitre.  Tout  ces  pans  de  bois  et  de  papitMsonl 
à  glissières,  ajustés  les  uns  sur  les  autres,  et  vous  pouvez 
voir  du  dehors  tout  ce  qui  ce  passe  à  l'intérieur. 

En  Chine, au  contraire,  on  ne  rencontre  pas  de  bains  du 
tout  et  on  ne  voit  rien  de  ce  qui  se  passe  à  l'intérieur  des 
maisons.  Celles-ci  donnent  sur  une  cour  dont  la  porte 
est  précédée  d'une  avant-courotte  disposée  de  façon  que  de 
la  rue  on  ne  puisse  absolument  rien  voir.  La  vie  intime 
du  Chinois  est  donc  dérobée  à  l'étranger,  aussi  bien  dans 
les  villages  que  dans  les  villes. 

Au  Japon,si  vousarrivezdans  une  auberge  vous  êtes  tou- 
jours reçu  par  des  femmes  ;  en  Chine  ce  sont  les  hommes 
qui  vous  accueillent.  Les  mœurs  des  deux  peuples  diffèrent 
totalement.  La  condition  de  la  femme  au  Japon  est  auss 
bonne  qu'en  Europe  et  meilleure  que  dans  les  aulres  payi 
orientaux.  En  Chine,  au  contraire,  la  femme  sort  très  peu. 
mène  une  vie  de  recluse,  tandis  que  la  femme  japonaise 
celle  des  hautes  classes  exceptée,  sort  beaucoup.  On  voil 
beaucoup  plus  de  femmes  à  Tokio  que  dans  les  rues  de 
Pékin.  Les  femmes  chinoises  ont  les  pieds  meurtris  par  II 
compression  qu'on  leur  fait  subir,  de  telle  sorte  qu'elles  m 
peuvent  marcher  que  sur  la  pointe  des  pieds. 

Nous  voyons  aujourd'hui  les  Japonais  aller  à  la  civilisa 
tion  européenne  mais  ce  n'est  pas  la  première  fois.  Aux  vi 
et  vir  siècles,  ils  ont  adopté  la  civilisation  chinoise,  plu 
tard  ils  se  sont  mis  un  certain  temps  à  Técole  de  TEurope 
mais  ont  fini  par  rejeter  la  civilisation  européenne  pour  de 


U  RÉNOVATION  DE  LA  CHINK  KT  l'kXEMPLE  DU  JAPON   405 

miih  tout-à-fail  particuliers  et  d'ordre  purement  politique. 
Jusqu'au  V*  siècle  de  notre  ère,  le  Japon  est  resté  un  pays 
primitif,  très  barbare  ;  et  tout  porte  à  admettre  la  théorie 
acceptée  aujourd'hui  que  ce  sont  des  tribus  mongoles,  ou 
tout  au  moins  d'origine  mongole,  qui  sont  venues  par  la 
!x)rée.  ont  abordé  sur  les  îleset  uni  exterminé  la  population 
ndigène  dont  il  ne  reste  plus  que  quelques  faibles  types. Au 
M  siècle,  les  Chinois,  pénétrèrent  au  Japon  par  la  Corée, 
apportèrent  avec  eux  les  préceptes  du  boudhisme,  l'écritu- 
re, l'art  de  la  poterie,  en  un  mot,  toute  la  civilisation  chi- 
Qoise  que  les  Japonais  adoptèrent  avec  un  véritable  enthou- 
siasme. Us  se  firent  boudhistes,  prirent  l'écriture  chinoise, 
Its  arts  des  Chinois,  calquèrent  leur  gouvernement,  tout- 
comme  aujourd'hui  ils  ont  calqué  les  gouvernements  euro- 
péens et  ont  institué  une  chambre  des  pairs  et  une  cham- 
Wdes  députés. 

La  civilisation  cliinoise  se  développa  au  Japon  jusqu'au 
[i\r  siècle.  C'est  en  1542  que  le  navigateur  portugais, 
Mendès  Pinto  débarqua  avec  trois  compagnons.  11  furent 
lien  reçus,  bien  qu'on  déclarât  qu'ils  étaient  des  barbares 
'»e  connaissant  absolument  rien  des  usages.  Pinto  partit, 
Ns revint  l'année  suivante,  apportant  quelques  armes  qui 
déduisirent  beaucoup  les  Japonais.  Ce  premier  fait  témoi- 
[gne  de  l'enthousiasme  avec  lequel  les  Japonais  acceptent  les 
nouveautés. 

Ensuite  arriva  Saint  François-Xavierqui  déclaraquecetle 
talion  était  le  délice  de  son  cœur.  Les  Japonais  qui  avaient 
idupté  le  boudhisme  acceptèrent  tout  aussi  facilement  le 
fliiistianisme.La  population  du  Japon  était  au  xvi''  siècle  in- 
loinient  moins  nombreuse  qu'aujourd'hui  puisqu'elle  n'était 
pedeS  millions  environ. A  la  fin  du  xvrsiècle, quarante  ans 
Ijirès  l'arrivée  de  François-Xavier, il  y  avait  plus  d'un  million 
b  catholiques.De  même  qu'ils  adoptèrent  la  religion  desEu* 
)péeos,ils  se  mirent  aussi  &  construire  des  navires  h  l'euro- 


4Ô6   LA  RÉNOVATION  DE  LA  CHINE  ET  L*EXEMPLE  DU  JAPON 

péenDe.Un  de  ces  navires  alla  même  se  promener  jusque  sur 
les  côtes  du  Mexique.  Le  Japon  semblait  donc  en  passe  de 
devenir  une  grande  puissance  quand  un  revirement  se  pro- 
duisit tout-û-coup.  Les  gouvernements  du  Japon  persécu- 
tèrent les  chrétiens,  dispersèrent  ou  mirent  à  mort  ceux  qui 
ne  voulurent  pas  abandonner  le  catholicisme  et  chassèrent 
les  étrangers.  Ils  ne  tolérèrent  que  la  présence  de  quelques 
Hollandais  qui  restèrent  parqués  dans  Tile  de  Deshima. 

Ce  furent  des  raisons  purement  politiques  qui  causèrent 
ce  changement.  Le  Shogun,  qui  gouvernait  alors  le  Japon 
au  nom  du  Mikado,  avait  conçu  une  grande  défiance  des 
projets  des  Européens.  Il  y  avait  alors  au  Japon  des  Euro- 
péens de  diverses  nations  qui  étaient  loin  de  s*en tendre.  Les 
Hollandais  expliquèrent  au    Shogun  que  les  Espagnols  et 
les  Portugais  voulaient  conquérir  le  pays  et  lui  citèrent 
l'exemple  des    Indiens  de  l'Amérique.  De  plus,  les  divers , 
ordres  religieux,  les  protestants  et  les  catholiques  étaient 
également  divisés.  Le  Shogun  crut  voir  dans  l'introduction 
des  mœurs  et  des  coutumes  européennes  des  germes  de- 
guerre  civile.  Comme  c'était  une  époque  de  grande  réorga* 
nisation,  les  Japonais  craignirent  que  leur  œuvre  nefnt^ 
compromise.  Ils  pensèrent  donc  que  le  meilleur  moyen 
d'être  tranquilles  et  maîtres  chez'Jeux  était  de  forcer  les 
étrangers  à  partir.  C'est  exactement  pour  les  mômes  motif» 
que  les  Japonais  d'aujourd'hui  ont,  au  contraire,  adopté  le* 
principes  et  la  science  des  Européens.  L'idée  fondamentale 
est  toujours  de  maintenir  l'indépendance  de  leur  pays.  An* 
trefois  ils  se  sentaient  assez  forts  pour  se  débarrasser  dei 
Européens  ;  aujourd'hui  ils  se  disent  que,  puisqu'on  ne  peut 
se  débarrasser  d'eux,  il  faut  les  imiter^les  copier,  et  Us  ont 
su  discerner  ce  qu'il  fallait  faire,  ce  qu'il  fallait  prendre  de 
l'esprit  môme  de  leur  civilisation. 

Si  du  Japon  nous  nous  reportons  à  rhistoire  de  la  Chiner 
nous  voyons  quelque  chose  de  bien  différent.  L'hiitoiri 


LA  RÉNOVATION  DE   LA  CHINE  ET  l'bXEMPLE  DU  JAPON   407 

uthentique  de  la  Chine  remonte  à  deux  mille  ans  avant 
.  G.  Dès  cette  époque,  la  Chine  n'a  plus  de  rivale  autour 
Telle,  les  Chinois  ont  occupé  tout  le  territoire.  Jugeante 
«rtir  de  ce  moment-là  qu'ils  n'avaient  plus  rien  à  craindre, 
es  Chinois  se  sont  immobilisés  complètement.  Ils  ne 
royaient  autour  d'eux  que  les  steppes  de  la  Sibérie  ou  les 
iéserts  du  Turkestan  et  de  l'Inde.  Ils  s'imaginèrent  donc 
ivoir  soumis  le  monde  entier,  se  crurent  les  maîtres  du 
nonde,  et  se  figèrent  dans  l'adminUion  de  leur  grandeur. 
ils  ont  vu  disparaître  la  féodalité  200  avant  J.  C.  N'ayant 
lucune  guerre  avec  l'extérieur,  ils  sont  devenus  un  peuple 
Mnineniment  pacifique  et  sont  arrivés  à  mépriser  complè- 
emen»  les  vertus  militaires,  tandis  que  les  Japonais  les 
îonoraient  au  suprême  degré.  Les  différences  destempéra- 
nents  chinois  et  japonais  sont  bien  caractérisées  par  cer^ 
ains  proverbes.  On  ne  se  sert  pas  de  bon  fer  pour  faire  des 
^lovs,  pas  plus  qu'on  ne  prend  de  braves  gens  pour  faire  des 
^Adats,  est  un  proverbe  chinois.  Le  sabre  est  Vâme  même  dû 
Samouraï,  disent  les  Japonais. 

Li  méthode  même  de  gouvernement  diffère  totalement 
chez  les  deux  peuples.  Au  Japon,  le  gouvernement  féodal  est 
(onde  sur  des  castes,  comme  le  fut  la  féodalité  européenne» 
Ko  Chine,  au  contraire,  l'administration  est  recrutée  au 
concours.  Ce  dernier  système  parait  plus  démocratique  et 
meilleur,  mais  ce  n'est  qu'une  apparence,  et  il  a  aussi  des 
inconvénients. 

Je  vous  ai  dit  que  les  concours  en  Chine  portaient  sur  des 
matières  purement  scholastiques,  le  candidat  devantrépon- 
dn^  dans  toutes  les  compositions  presque  exclusivement  ô 
l'aide  de  citations  empruntées  à  des  classiques  vieux  de 
2.500  ans.  Cette  claase  gouvernante  chinoise  des  lettrés  dans 
aquelle  sont  recrutés  les  mandarins  ou  autres  fonctionnai* 
'es,  oppose  et  doit  opposer  une  force  de  résistance  beaucoup 
ûus  grande  que  la  classe  héréditaire  qui  gouverne  le  JapoD« 


408   LA  RÉNOVATION  DE  LA  CHINE  ET  L*EXEMPLE  DU  JAPON 

Quand  une  classe  de  gouvernants  est  recrutée  dans  le  peu- 
ple tout  entier,  personne  n'a  d'intérôt  à  renverser  le  systè- 
me.En  outre  les  lettrés,  imbus  depuis  2000  ans  de  la  supé- 
riorité de  leur  science,  jouissant  du  triple  privilège  qui 
s'attache  aux  représentants  de  l'aristocratie,  aux  fonction- 
naires et  aux  savants,  sont  évidemment  tentés  de  mépriser 
tout  ce  qu'ils  ne  connaissent  pas.  C'est  le  contraire  au  Japon; 
si  la  classe  dirigeante  résistait,  d'autres  pourraient  être 
tentés  de  s'initier  à  la  science,  ne  fût-ce  que  pour  la  renverser. 

Ainsi  donc  la  classe  gouvernante  japonaise  devait  être 
plus  malléable  au  progrès,et,  d'aulrepart,  la  classe  populaire 
était  susceptible  de  se  révolter.  Cela  a  facilité  l'introduction 
au  Japon  des  méthodes  européennes  plus  difficiles  à  faire 
pénétrer  en  Chine. 

On  trouve  donc  dans  l'histoire  si  différente  des  deux 
peuples  des  raisons  de  penser  que  la  Chine  ne  peut  pas  se 
mettre  aussi  facilement  que  le  Japon  à  l'école  de  l'étranger. 
On  ne  peut  donc  conclure  de  l'exemple  du  Japon  ce  que 
fera  la  Chine.  Comme  nous  l'avons  vu,  les  races  sont  bien 
différentes  et  il  faut  tenir  compte  aussi  de  la  révolution 
japonaise  qui  a  amené  la  suppression  du  pouvoir  des  Sho 
guns,  intermédiaires  entre  l'empereur  et  le  peuple,  et  l'eu- 
ropéanisation  du  Japon.  Imposée  par  la  classe  militaire el 
lettrée,  cette  révolution  fut  faite  aux  cris  de  «  Mort  ma 
étrangers  »  «  Dehors  les  étrangers  »,  mais  lorsque  les  Japo- 
nais reconnurent  qu'il  était  impossible  de  chasser  les étran 
gers  comme  jadis,  ils  se  mirent  à  leur  école.  Quatre  ans 
après  la  révolution,  le  Japon  inaugurait  sa  première  ligne 
de  chemin  de  fer. 

En  Chine,  la  force  militaire  nécessaire  pour  imposer 
une  révolution  manque  complètement.  Le  peuple  lui-môme 
est  ossifié  dans  sa  culture  autochtone  bien  pi  us  forte  qu'une 
culture  acquise.  Le  Japon  accueille  une  nouveauté  bien 
plus  facilement  qu'une  nation  européennei  L'empereorf 


LA  RÉNOVATION  DK  LA  CHINE  ET  l'eXKMPLE  DU  JAPON   409 

est  entouré  d'un  respect  semblable  à  celui  qu'on  témoigne 
à  une  divinité.  Monté  sur  le  trône  on  1867, il  est  l'objet  d'une 
vénération  sans  borne,  et  c'est  en  son  no.n,  sous  son  auto- 
rité, qu'ont  été  imposées  par  quelques  gouvernants  les  ré- 
formes qu'on  connaît  et  qu'ont  été  accomplis  cette  étonnante 
révolution  et  les  changements  prodigieux  dont  le  Japon 
nous  a  donné  le  spectacle. 

En  Chine,  cette  autorité  manque. Sans  (lout^3  l'empereur, 
Fils  du  Ciel,  jouit  d'une  certaine  autorité,  mais  alors  que  la 
Cliine  s'est  si  peu  modifiée  et  que  la  môme  dynastie  s'est 
maintenue  au  Japon,  la  dynastie  chinoise  a  changé  tous  les 
500  ans  environ.  La  dynastie  actuelle  est  d'origine  étran- 
gère ;  ce  n'est  pas  elle  qui  peut  imposer  des  progrès.  Elle 
n'a  pas  de  prestige,  les  progrès  ont  toujours  été  imposés 
contre  elle,  et  rien  n'autorise  à  croire,  ni  dans  l'origine  du 
peuple  chinois, ni  dans  sa  parenté  très  éloignée  avec  le  Japon 
parenté  tout  au  plus  aussi  rapprochée  que  la  nôtre  avec  les 
Arabes  d'Algérie  qui  appartiennent  à  la  race  blanche,  ni 
dans  la  constitution  politique,  ni  dons  son  histoire,  ni  dans 
son  système  de  gouvernement,  que  la  Chine  puisse  suivre 
l'exemple  du  Japon.Tout  fait  supposer  que  si  elle  le  suit, ce 
ne  sera  que  très  lentement.  On  l'a  bien  vu  au  cours  du  xix« 
siècle.  Depuis  70  ans  que  les  relations  existent  avec  la 
Chine,  ce  qui  a  pénétré  chez  elle  de  noire  civilisation  est 
infiniment  moindre  que  ce  qui  a  pénétré  au  Japon  depuis 
cinquante  ans. 

La  population  chinoise  est  d'environ  400  millions  d'habi- 
tants. Le  nombre  des  Chinois  est  donc  énorme  comparé  au 
nombre  des  Japonais  qui  sont  45  millions  environ, et  cela  seul 
rend  bien  plusdifflcile  la  pénétration  des  idées  européennes. 

En  un  mot,  si  la  Chine  doit  se  rénover,  elle  ne  se  réno- 
vera que  peu  à  peu,  et  cette  rénovation  sera  infiniment 
plus  longue  que  celle  du  Japon.  C'est  ce  que  disait  demie- 

r^arat  w  bout  persoaaog^Q  du  Japoui  le  gendre  môme  du 


410   LA  RÉNOVATION  DE  LA   CHINE  ET  l'eXEMPLE  DU  JAPON 

marquis  Ito,  actuellement  résident  en  Corée,  qui  est  rame 
du  nouveau  régime  japonais.  Le  baron  Suymatsu,qui  était 
récemment  en  Europe,  disait  à  un  interviewer  anglais 
qu'il  pensait  que  les  Chinois  se  transformeraient  beaucoup 
plus  lentement  que  ne  se  le  figurent  les  Européens,  que  la 
marche  des  événements  ne  serait  pas  aussi  rapide  que  le 
pensent  beaucoup  de  gens,  à  moins  que  les  Chinois  n'c.rri 
vent  à  mécontenter  le  Japon  et  que  n'éclate  une  nouvelle 
guerre,  à  la  suite  de  laquelle  le  Japon  mettrait  complètement 
la  main  sur  la  Chine  et  imposerait  son  protectorat  à  Pékio, 
ou  que  le  Mikado  ne  soit  proclamé  empereur  de  Chino,  ce 
qui  pourrait  aussi  bien  arriver,  puisque  la  dynastie  mongo- 
le est  une  dynastie  étrangère  comme  il  y  en  eu  à  plusieurs 
reprises  en  Chine.  C'est  une  hypothèse  qu'on  peut  envisager. 
La  victoire  du  Japon  a  tourné  la  tôte  aux  Chinois  ;  ils  se 
figurent  qu'ils  peuvent  faire  comme  ceux  qu'ils  appelaient 
les  petits  barbares  des  îles  de  la  mer.  Evidemment,  tout  en 
ayant  de  la  considération  pour  les  Japonais,  ils  ont  aussi  à 
leur  adresse  un  fond  de  dédain  et  ils  pensent  qu'eux  aussi 
pourraient  bien  les  vaincre,  malgré  leur  récente  défaite.  Il 
faut  dire  que  les  Chinois  oublient  vite. 

Dernièrement  les  Chinois  refusaient  d'acheter  les  n-ar- 
chandises  américaines,  ce  qui  prouve  qu'ils  ne  sont  pas 
d'humeur  à  se  laisser  traiter  comme  quantité  négligeable- 
Il  en  est  do  même  vis-à-vis  des  Japonais  qui  sont  leurs 
instructeurs,ils  en  ont  unecértainedéfiance.Si  cette  défiance 
s'accentue,  cela  pourrait  bien  amener  des  mesures  de  coe^ 
cition  de  la  part  des  Japonais.  C'est  ce  qu'indiquait  derniè- 
rement le  baron  Suymatsu,  quand  il  disait  ((  qu'il  faudrait 
bientôt,s'ils  ne  se  montraient  pas  plus  disposés  à  suivre  16^ 
conseils  des  Japonais,  tâcher  de  les  mettre  à  la  raison*  >) 
Dans  cette  hypothèse,  les  progrès  pourraient  alors  se  tra- 
duire assez  rapidement.  Je  n'ai  pas  besoin  de  dire  que  la 
réalisation  de  cette  hypothèse  serait  dangereuse  pour  TEu* 


U  RÉNOVATION  DE  LA  CHINE  ET  l'eXEMPLE  DU  JAPON   411 

rope.  Les  Chinois   ne  formeraient  pas  une  bonne  armée 
tout  seuls,  mais  sous  le  commandement  d'officiers  habiles, 
etuoefois  bien  nourris,  ayant,  toutcomme  les  Japonais, un 
parfait  mépris  delà  mort,  ilspourraientdevenir  redoutables. 
Le  Chinois  a  toujours  manqué  de  patriotisme  mais  il  a 
paru  parfois  se  réveiller.  Aujourd'hui,  il  juge  que  le  péril 
ne  vaut  pas  la  peine  de  risquer  sa  vie^  et  il  applique  dans  la 
bataille  ce  proverbe  anglais .  Celui  qui  se  bat  et  qui  se  sauve, 
titra  pour  se  battre  une  autre/ois.  Mais  sous  le  commande- 
ment d'officiers  habiles,le  Chinois  ferait  certainement  un  bon 
sûldat,et  cette  puissance,qui  comprend  des  millionsd'hom- 
mes,  pourrait  devenir  une  masse  redoutable  pour  le  monde 
11  est  certain  que  la  transformation  qui  se  produit  peu  à 
peu,  par  suite  de  l'introduction  en  Chine  des  moyens  de 
communication  modernes  et  de  la  grande  industrie,  peut 
constituer  un  jour  un  danger  pour  l'Europe,  si  celle  ci  ne 
sait  pas  se  maintenir  à  la  hauteur  de  ses  anciennes  traditions, 
si  elle  se  laisse  de  plus  en  plus  accaparer  par  des  doctrines 
démoralisantes,  tant  au  point  de  vue  économique  que  poli- 
tique, si  les  Européens  cessent  de  travailler,  perdent  le  goût 
du  nnétier  des  armes  et  l'esprit  de  dévouement.  Il  est  possi- 
ble alors  que  les  races  d'Extrême-Orient  deviennent  dange- 
reuses. Il  y  a  tout  à  attendre  de  la  part  de  gens  qui^  comme 
les  Japonais,  ont  conservé  leurs   vertus  militaires  et  un 
mépris  superbe  de  la  mort. 

Ce  qui  se  dégage  de  l'étude  des  faits,  c'est  que  si  nous  ne 
voulons  pas  suivre  le  flambeau  du  progrès,  nous  imiterons 
ces  coureurs  qui  le  passent  à  d'autres.  Si  nous  voulons,  au 
contraire,  continuer  de  le  porter,  il  nous  faut  plus  que  ja- 
mais, nous  autres  Européens,  redoubler  de  travail  et 
4'énergie. 

Pierre  Leroy-Beaulieu. 


Nos  PÊCHERIES  de  PEHIES  et  la  MIS»  le  H.  SEDRAT 


La  question  des  nacres  et  des  perles  est  l'une  des  plus 
importantes    parmi  celles  ((ui   préoccupent    actuollonu'nt 
notre  industrie  nationale.  Les  fabricants  français  emploient 
plus  de  2.500   tonnes  de   nacres  qu'ils   se    procurent  sur 
les  marchés  de  Londres  et  de  Hambourg  ;  certaines  usines 
n'arrivent  d'ailleurs  pas  à  s'approvisionner   de   toute  la 
quantité  de   nacre   dont   elles  ont  besoin  ;  une   augmen- 
tation    de  production    des  gisements    nacriers  ne    ferait 
pas  baisser  la  valeur  de  ce  produit,  dont  les  applications 
deviennent  de  jour  en  jour  plus  nombreuses. 

Les  perles  tiennent  également  une  grande  place  dans  le 
commerce  de  la  joaillerie  et  de  la  bijouterie  françaises,  et 
leur  valeur,  loin  de  diminuer,  ne  fait  qu'augmenter,  car  ces 
produits  naturels  sont  de  plus  en  plus  estimés. 

Les  nacres  et  les  perles  nous  intéressent  pour  une  autre 
raison,  non  moins  importante  :La  France  possède, en  effet, 
les  plus  vastes  bancs  d'huitres  perlières  et  pacrières  qui 
soient  au  monde,  dans  ses  colonies  d'Océanie  ;  la  quantité 
de  nacre  exportée  de  Tahiti  en  1903  s'est  élevée  à  600.000 
kilogs  environ,  représentant  une  valeur  de  plus  de  2  mil- 
lions de  francs. 

La  question  des  nacres  et  des  parles  intéresse  également 
la  Nouvelle-Calédonie,  Madagascar,  l' Indo-Chine,  Djibouti 
et  la  Guyane  française,  qui  possèdent,  à  des  degrés  divers 
des  gisements  d'huîtres  perliôres  ;  mais  c'est  surtout  dans 
jes  îles  de  l'archipel  des  Tuamotu  et  des  Gambier  qu'on 
peut  se  livrer  le  plus  fructueusement  à  la  pèche  de  ces  pré- 
cieux mollusques. 

Frappé  du  meilleur  parti  qu'on  serait  à  môme  de  tirer 


NOS  PECHERIES  DE  PERLES  413 

»Vune  telle  richosse  si  l'exploitation  en  était  ré<4:lée  ration- 
nell«»înen(,  le  gouverneur  de  Tahiti,  dont  dépendent  les  cent 
«li\  huit  iles  qui  conslituenl  les  arcliii)els  des  Tuamolu  et 
dt.'s  (iMinbier  eut,  voilà  trois  ans,  rexcellenlo  ponsée  de 
d'uiander  au  ministre  des  Colonies  l'envoi  d'un  zoologiste 
distingué,  qui  serait  chargé  d'aller  étudier  sur  place  cette 
i-.nportante  (fuestion. 

Parmi  les  jeunes  savants  qui  occupent,  nombreux,   cette 
ruche  scientifique  qu'est  le  Muséum  «l'histoire  naturelle,  le 
ministre  n  avait  (jue  l'emliurras  du  choix  ;  mais  sur  l'avis  du 
«lireclour.  M.  Kdmond  Perrier,  il  décida  de  conlier  cette  mis- 
sion à  M. L.  Cj.Seurat,sous directeur  du  laboratoire  colonial. 
Parti  de    Marseille  en  lî)02,  M.  Seurat  est    rentré    par 
it?  Havre,    après   avoir    séjourné    trente-deux   mois    dans 
Outre  possession    océanicinne  et  ayant  elTectué,  par  l'itiné- 
'  r.nro  suivi  à  l'aller  et  au  retour,  un  voyage  con)plet  autour 
I  J'i  inoude.    11    rapporte  de  son  ex])édition  une  abondante 
niuisson  de  documents  ethnographiques,    d'autres  concer- 
'i-'int  la  faune  et  la  llore,  et  surtout  quantité   de  matériaux 
l»*^'iirsfs  études  futures. 

Lelaboratoire  colonial  est  installé  dans   une  des  innom- 
^f^l'les  ilépendances   ijui   s'éléviMit    un    peu    pai  tout   aux 
sl'Jiils  (b;   ee  <|u'on   est  convenu  d'appeler  le  ((  Jardin  des 
K.intts  >»  et  ijui  forment  avec  les    musées  de  minéralogie. 
^"/•(oiugie,  etc,  le  ((  Muséum  d'histoire  naturelle  »  recon- 
nu iha«|ue  jour  incapable,   faute  de  ressources  sulTisuntes, 
«ieitMjplir  l'admirable  et  vaste  tache  (jue  lui  avait  assignée 
la  0»avention.<Je  laboratoire  occupe, dans  la  rue  de  Buffon, 
M    /jjnitié    du    vaste   rez-de-chaussée    d'un  immeuble  qui 
;«'rite  une  [)léia(le  de  savants  attachés   au    Muséum  :  pro- 
f^'v^eurs.  préparateurs,  élèves,  etc.  Ce  coin  retiré  de  Paris 
qu''»g  «vent,    par  ci  par  là,  des  jardinets   et  les    verdoyants 
r<fntMU\  d'arbrtîs  séculaires,  est  une  admirable  et  inespérée 
retraite  pour  des  chercheurs. 


414  NOS  PÊCHERIES  DE  PERLES 

«  Voici  longtemps,  m'a  dit  M.  Seurat,  que  j'étudie  l'huîti 
porlière,  et  c'est  à  cela  évidemment  que  je  dois  d'avoir  éU 
choisi  par  le  ministre  des  Colonies  pour  aller  à  Tahiti.  J'avais 
été  chargé  antérieurement  de  missions  au  Mexique  et  en 
Tunisie  pour  des  recherches  zoologiques;  mais  j'ai  été  plus 
p.irticuliôrement  intéressé    par   mon   dernier  voyage,  au 
cours  duquel  j'ai  recueilli  de  très  utiles  indications  sur  la 
pèche,  la  culture  et  les  conditions  biologiques  de  l'huître 
perlièro,qui  me  permettront  de  montrer  plus  tard  comment 
procéder  à  une  meilleure  utilisation  du  produit. 

«  Vous  savez  que  les  mollusques  margaritifères  sont  re- 
cherchés depuis  la  plus  haute  antiquité  et  que,  parmi  ces 
mollusques,  celui  qui  tient  la  première  place  au  point  de 
vue  de  la  production  et  de  la  qualité  des  perles,  est  sans 
doute  l'huitre  perliére  qui  fournit  la  nacre  la  plus  estimée. 

«  Il  en  est  de  deux  sortes:  !<>  la  méléagrine  à  nacre  jaune 
paille,  qui  donne  de  la  nacre  et  de  la  perla,  mais  dont  l'é 
clat  disparaît  très  promptement  ;  2°  la  méléagrine  margari- 
tifôre,  qui  porte  des  perles  capables  de  rivaliser  avec  celles 
très  renommées  du  golfe  Persique  et  dont  quelques-unes 
ont  une  réelle  valeur.  Il  paraît  qu'une  des  perles  appartenan 
à  la  reine  Wilhelmine  et  estimée  à  120.(KX)fr.,  provient  de 
nos  pêcheries  de  Tahiti. 

«  Parmi  les  cent  dix-huit  îles  massées  près  de  notre 
possession  océanienne,  on  en  compte  qu'une  cinquantaine 
produisant  des  huîtres  nacrières.  Leur  aspect  est  à  peu  près 
uniforme  et  tout  particulier.  Reposant  sur  un  fond  volcani- 
que, ces  îles,  surélevées  de  2  à  3  mètres  seulement  au- 
dessus  de  la  mer,  sont  généralement  de  forme  ovoïde  et 
constituées  par  une  couronne  de  récifs  coralliens  entourant 
un  lac  intérieur  ou  ((  lagon  »,  d'une  profondeur  de  50  mètres 
environ.  Or,  c'est  dans  ces  lagons  que  vit  l'huitre  perlièWt 
qui  ne  se  plaît  pas  dans  les  grands  fonds.  Le  plus  riche  est 
celui  de  l'Hikuera,  qui  fut  dévasté,  il  y  a  deux  ans,  par  un 


NOS  PÊCHERIES  DE  PERLES  415 

cyclone.  D'autres  très  fréquentés  aussi,  sont  ceuxdeMoréa, 
Pau.notu,  Tuamotu.  Toutes  ces  îles  ne  sont  pas  perlifères, 
'eiest  (jui  produisent  des  huîtres  à  nacre  et  d'autres  sans 
i,»(Te. 

('Ceso.it  les  Maoris,  qu'on  appelle  improprement  Cana- 
li'S  qui  se  livrent  exclusivement  à  la  pèche  etdela  façon 
livante  :  de  bon  matin,  les  indigènes,  au  nombres  de  cinq 
'  six.  montent  sur  leurs  cotres,  qu'ils  dirigent  avec  une 
liileté  consommée.  Arrivés  au  point  choisi,  les.  plongeurs 
îii.ntMicent  par  reconnaître  les  endroits  où  ils  peuvent 
•iiverdes  nacres  ;  ils  se  munissent  pour  cela  du  miroir, 
isse  rectangulaire  en  bois,  à  face  inférieure  formée  par 
carreau  de  vitre  masqué  avec  soin  ;  une  des  parois  lacé- 
es porte  une  encoche  arrondie  sur  laquelle  repose  le  cou 
sque  l'indigène  introduit  la  tête  dans  l'appareil.  Ce 
v;nl  terminé,  le  plongeur  s'assied  sur  le  bord  du  cotre, 
pieds  pendant  au-dessus  de  l'eau.  Au  moment  de  plon- 
'.  il  respire  bruyamment,  et,  faisant  une  dernière  inspi- 
ion,  il  se  laisse  couler  les  pieds  les  premiers.  Dès  qu'il 
^l  emparé  de  l'huître  perlière,  en  arrachant  d'un  mouve- 
nl  brusque  les  filaments  qui  la  retienneent  au  rocher,  il 
iionfeà  la  surface  et  dépose  sa  récolle  dans  le  bateau. 
La  plongée  dure  de  deux  à  trois  minutes  et  atteint 
'j'J  à  :iO  mètres  de  fond.  Gomme  c'est  dans  la  partie 
H»' (le  riiuilre  qu'on  trouve  la  perle,  on  ouvre  la  coquille 
••n  examine  son  contenu  (ju'on  rejette  à  l'eau,  l'opé- 
io!i  terminée.  L'indigène  garde  pour  sa  nourriture  le 
i>»'le  dont  il  est  très  friand. 

"  Lf*s  Maoris  sont  très  doux  ;  ceux  qui  vivent  à  l'est 
'tiquent  le  catholicisme  :  ceux  de  l'ouest  sont  des  mor- 
ns  réformés.  A  ces  croyances,  se  mêlent  cependant  des 
"w  païennes  ;  c'est  ainsi  que  certains  animaux  tels  que  le 
l'JJii  et  lu  tortue  de  mer,  .sont  (!onsidérés  par  eux  comme 
l'es.  Ils  ont  des  fables  et  des  légendes  assez  curieuses. 


il6  NOS  PÊCHERIES  DE  PERLES 

Entre  autres  on  retrouve  chez  eux  la  légende  de  rhoninae 
avalé  par  un  requin  et  rejeté  trois  jours  après. 

((  Los  indigènes  ne  vivent  pas  toujours  dans  ces  îles  :  ils 
vont  à  Papeete  pendant  l'interruption  de  la  pêche  qui  dure 
quatre  mois  par  an  où  les  animaux  émeUent  leurs  œufs. 
L'huître  perliôre  compte, en  effet,  des  mâles  et  des  femelles; 
les  sexes  sont  nettement  séparés,et  j'ai  pu  pir  la  forme  etjl'ap- 
paronce  extérieure  de  la  coquille,  arrivera  reconnaître  une 
huître  mAle  d'une  huître  femelle.  Ceci  est  très  important 
pour  l'ensemencement.  On  repartira  alors  par  moitié,  dans 
ses  en  Iroits  choisis  à  cette  effet,  des  coquilles  môles  et  fe- 
melles. Cette  mesure  sera  d'autant  plus  profitable  que  j'ai 
remarqué  que  les  deux  sexes  ne  se  pi  lisent  pas  partout. 
Ici  les  mâles  prospéreront  alors  que  les  femelles  succom- 
beront et  inversement.  Tout  ceci  fer.i,  d' Ailleurs,  l'objet 
de  mes  recherches  de  laboratoire.  » 

((  J'ai  découvert,  poursuivit  M.  Seurat,c3inm3nt  se  forme 
la  perle.  Son  origine  est  parasitaire.  C'est  un  petit  ver  plat, 
un  cestode,  qui  s'introduit  dans  le  corps  de  l'huître,  y  dé- 
termine une  excitation  qui  donne  naissance  à  un  kyste,  et 
c'est  de  la  calcification  que  sortira  une  p^rle  ou  une  pro- 
duction analogue  plus  ou  moins  belle.  Il  y  aura  toujours 
bien  entendu,  dans  la  pro  îuction  de  la  perle,  une  part 
d'aléa.  Ce  qu'il  y  a  de  curieux,  c'est  quo  les  cestodes  ne 
deviennent  pas  adultes  dans  l'huître  perlière,  c'est-à-dire 
que,  à  quelque  époque  de  l'année  qu'on  les  examine,  on  les 
trouve  toujours  dans  le  même  état  de  développement.  Ces 
animalcules  continuent  leur  évolution  à  l'intérieur  du  tube 
digestif  d'une  sorte  de  raie,  la  raie  aigle,  qui  se  nourrit  de 
la  chair  des  huîtres  perlières.  C'est  là  qu'ils  deviennent 
adultes.  La  protection  de  ces  raies  s'impose  donc.  Il  est 
certain  que  cette  théorie  peut  ne  pas  s'appliquer  à  tous  les 
cas.  Déjà,  pour  les  perles  jaunes  d'or,  j'ai  constaté  que  ce 
n'était  pas  cet  animalcule  qui  les  produisait  ;  mais  pour  la 


NOS  PâCHBRIBS  DE  PERLES  417 

majeare  partie  des  huîtres  perlières  le  fait  est  incontestable. 
Il  a  été,  d'ailleurs,  observé  dans  les  pêcheries  de  Geylan.» 

k  n'ai  reproduit  qu'une  bien  faible  partie  de  tous  les  ren- 
seignements que  m'a  fournis  si  obligeamment  M.  Seurat, 
mais  j'en  ai  assez  dit  pour  montrer  qu'il  est  indispensable 
détablir  sur  des  bases  solides  une  réglementation  ration- 
selle  de  la  pêche  de  l'huître  perlière,permettant  l'exploitation 
niélhodique  des  lagons,  sans  arriver  cependant  à  leur 
épuisement  ;  on  pourra  alors  songer  à  repeupler  les  lagons 
épuisés  et  mônie  à  améliorer,  par  quelques  travaux  peu 
CDûteux,  les  conditions  naturelles  de  certaines  îles  où  les 
Qeléagrines  se  développent  mal. 

On  aura  ainsi  rendu  aux  lagons  de  Tahiti  leur  ancienne 
prospérité,  et  leur  exploitation  raisonnée  pourra  donner  à 
cos  colonies  d'Océanie  une  source  de  richesse  stable  et  en 
feire  un  des  pays  les  plus  producteurs  de  nacre  du  monde. 

Cest  ce  à  quoi,  après  un  pénible  et  long  labeur  dans  les 
contrées  lointaines  et  inhospitalières,  M.  Seurat  va  s'em- 
ployer maintenant,  dans  le  calme  du  laboratoire. 

René  Draz. 

(BulUtin  de  la  Sodéti  de  GéographU  de  VEêt) 


sr 


Wl  UOnE  POlU  îIiE  COTOS  COUOIlIflli  (*> 


La  présence  à  cette  réunion  des  hautes  personnalités  qu^ 
M.  le  Président  vient  de  nommer  successivement  est,  com- 
me il  vient  de  vous  le  dire,  un  témoignage  de  l'importance 
considérable  qui  s'attache  à  la  question  que  je  vais  avoir 
l'honneur  de  traitcjr  devant  vous  ce  soir.  Il  est  fâcheux 
seulement  que  ce  ne  soit  pas  un  homme  du  métier  qui  soit 
appelé  à  vous  parler  du  coton. 

Messieurs,  l'Association  cotonnière  qui  m'a  envoyé,  la 
Société  de  Géographie  Commerciale  et  la  Société  Colon 
niale  Cotonnière  du  Havre  qui  ont  bien  voulu  me  patronner, 
ont  pensé  qu'un  économiste  pouvait,  à  côté  des  techniciens^ 
essayer  de  définir  en  quoi  consiste,  dans  sa  plus  grande 
nécessité,  la  question  du  colon. 

Si  vous  raisonnez  d'après  les  travaux  du  port  du  Havre^ 
vous  concevez  qu'on  peut  avoir  des  notions  exactes  et  très 
étendues  si,  sans  être  ingénieur  et  au  lieu  d'aller  les  voir 
à  pied-d'œuvre,  on  monte  simplement  la  côte  et,de  là, on  fait 
des  comparaisons  avec  d'autres  ports  européens.  Si  vous 
pouviez  dérouler  l'un  après  Tautre  les  panoramas  des  ports 
d'Anvers  et  du  Havre,  une  telle  vision  fournirait  des  rappro^ 
chements  des  plus  instructifs  pour  chacun  d'entre  nous. 
Donc  c'est  au  colonial  que  s'est  adressé  l'Association  du 
coton  colonial  et  elle  l'a  chargé  de  vous  parler  du  cotonj 
colonial.  S'il  en  est  de  plus  compétents,  il  n'en    est  pas  de 

plus  ardents  que  celui  qui  prend  la  parole  ce  soir. 

' j 

(1  Conférence  faite  devant  la  Société  de  Géographie  Commerciale  du 
ifovre. 


LA  LUTTE  POUR  LE  COTON  COLONIAL       419 

L'Europe  est  petite  et  il  semble  bien  que  nous  entrons 
dans  des  formules  de  politique  tout  à  fait  différentes  de 
celles  que  nous  suivions.  La  politique  des  nations  va  ôtre 
substituée  à  la  politique  de  continent,  et  si  vous  interrogiez 
TuD  de  ceux  qui  sont  à  môme  de  propliétiscîr  les  destinées 
des  peuples,  soit  qu'il  ait 'participé  à  leur  gouvernement, 
soit  qu'il  ait  acquis  les  connaissances  de  leurs  développe- 
ment successifs,  il  n'aurait  pas  sans  doute  de  peine  à  vous 
répondre:  l'Europeestmenacée  d'un  danger  vers  l'Extrême- 
Orient,  qui  s'appelle  la  rivalité  des  races  jaunes,  sous  la 
conduite  des  généraux  japonais,  avec  leur  expansion  paci- 
fique aggravée  d'un  développement  industriel  poussé  à  son 
extrême  pour  le  Japon. 

Quelle  que  soit  la  réalité  de  ce  qu'on  a  appelé  «  le  péril 
jaune  »,  nous  sommes  forcés  de  tourner  les  yeux  vers  un 
autre  continent  et  de  constater  qu'un  autre  danger  nous 
menace,  également  réel,  également  pressant,  et  qui  s'atta- 
que à  toutes  les  formes  de  notre  activité.  Hier  c'était  le  ra- 
chatà  bon  compte  d'une  œuvre  d'intérêt  mondial  entreprise 
avec  le  produit  de  l'épargne  nationale  et  dont  les  bénéfices 
devraient  rester  entre  nos  mains  :  j'ai  nommé  Panama. 
Demain  ce  sera  sans  doute  la  transformation  de  la  Chine 
en  une  vaste  usine  dont  nous  serons  peut-être  les  clients, 
mais  dont  nous  ne  serons  pas  même  les  gérants  participant 
aux  bénéfices.  Aujourd'hui  c'est  la  menace  de  voir  se  tarir 
une  source  de  ravitaillement  de  l'industrie  nationale  :  j'ai 
nommé  l'industrie  cotonnière. 

Jusqu'à  ces  dernières  années,  l'Amérique  s'était  conten- 
tée d'envoyer  à  l'Europe  les  chargements  innombrables 
de  ses  cotons  bruts,  égrenés  et  non  égrenés.  Les  prix  de  la 
marchandise  étaient  évalués  d'après  l'importance  des  récol- 
les, et  celles-ci  étaient  indiquées  tous  les  ansgcomme  le  sont 
chez  nous  les  produits  des  récoltes  des  céréales.  Tout  à 
coups,  la  spéculation  américaine  fit  son  apparition  et   de 


420  LA  LUTTE  POUR  LE  COTON  COLONIAL 

affirmations  tendancieuses  vinrent  faire  subir  à  la  matière 
première  des  variations  folles,  de  nature  â  dérouter  l'ache- 
teur et  à  l'acculer  à  cette  situation  que  les  cours  les  plus  éle- 
vés s'appliquaient  quelquefois  aux  récoltes  lesmeilleures.Oa 
aurait  pu  arriver,  connaissant  les  inconvénients  de  la  spé- 
culation, à  ce  que  des  syndic:its  avisassent  aux  moyens  d'y 
parer  sur  place.  Ils  auraient  pu  avoir  des  agents  techniques 
qui  auraient  renseigné  aussi  bien  sur  l'importance  de  la 
récolte  que  sur  la  valeur  même  de  cette  récolte  ;  mais,  pour 
qui  connaît  les  Américains,  leur  vaste  esprit  d'entreprise 
et  l'orgueil  jaloux  qu'ils  ont  de  leur  territoire  aussi  bien 
que  de  leur  commerce  national,  il  était  évident  que  l'Amé- 
rique ne  se  contenterait  pas  toujours  du  rôle  de  productrice. 
L'Amérique,  dont  les  besoins  vont  chaque  jour  grandissant,    ' 
n*est-elle  pas  favorisée  par  la  nature:  un  sol  vierge  et  fécond,    i 
des  mines  de  charbon  et  de  fer  voisinant  et  donnant  toutes    j 
facilités  pour  créer  une  industrie  nationale  et  la  développer,    i 
ensuite,  des  étendues  formidables  de  terres,  des  lacs  gigan- 
tesques, des  estuaires  qui  sont  des  mers,  une  population 
particulièrement  âpre  au  gain  parce  qu'elle  est  faîte  de  tout    . 
le  surcroît  et  de  tout  le  déchet  de  toutes  les  populations  eu-    J 
ropéennes,  des  fortunes  immenses  réalisées  dans  une  ex-   , 
ploitation  intensive  du  sol  et  multipliées  dans  la  création  de   j 
Tindustrio  nationale  et,  par-dessus  tout  cela,   comme  pour 
les  mettre  en  œuvre,  un  entendement  spécial  qui  donne  la 
claire  vision  de  l'intérêt  et  l'alliage  des  moyens  propres  à 
le  servir,  produits  de  tous  les  éléments  enlevés  à  leur  milieu 
d'origine  et  transportés  là  où  l'activité  développée  sous  tou- 
tes ses  formes  ne  devait  pas  rencontrer  d'entraves. 

Un  continent  défini  de  la  sorte,  que  lui  fallait-il.  non  pas 
pour  secouer  le  joug  d'un  continent  plus  vieux,  depuis 
longtemps  organisé  et  exploité,  mais  encore  pour  dominer 
à  son  tour  ?  Il  lui  fallait  le  concours  du  temps  et  des  années 
pour  le  succès. 


LA  LUTTE  POUR  LE  COTON  COLONIAL       421 

Dans  ce  développement  de  TAmérique,  ce  qui  frappe  sur- 
tout, c'est  celui  des  Etats  du  Sud.  Il  est  intéressant  de 
rapprocher  ce  qu'était  TAmérique  coton nière  des  Etats  du 
Sud  et  des  Etats  du  Nord. 

En  1900,  les  filatures  du  Nord  ne  consomment  que 
260.000  belles,  celles  du  Sud  600.000  environ,  et  en  1903,  les 
filatures  du  Nord  prennent  970.000  balles,  celles  du  Sud 
l.OOO.OOO  à  1.730.000.  Par  conséquent,  Tannée  1903  a  vu  la 
prédominance  des  EtatsduSudsurceux  du  Nord  se  marquer 
d'une  façon  définitive.  Ce  mouvement  s'accentue  d^année  en 
année. Dans  les  Etats  du  Sud,  les  filatures  ne  sont  pas  grou* 
pées  comme  elles  Tétaient  dans  le  Nord.  Elles  sont  situées 
au  point  le  plus  favorable  et  presque  toujours  au  point  géo- 
graphique où  se  rencontrent  les  voies  de  transport,  etéga^ 
leraent  à  portée  des  mines  de  charbon  et  de  fer.  Il  y  a  par 
conséquent  ce  que  Ton  peut  appeler  une  méthode  d'indus- 
trie particulièrementdangereuseau  pointde  vue  cotonnier. 

Enfin,  un  facteur  nouveau  entre  en  ligne  :  le  Canada.  En 
8  ans  le  Canada  a  demandé  près  de  3  millions  de  balles  et 
88  consommation  a  passé  de  200.000  à  550.000  balles  On 
peut  prévoir  que  les  Américains  sont  à  même  d'employer 
la  moitié  de  la  production  de  1906  évaluée  à  13  millions  de 
balles,  Eh  bien  I  ce  développement  des  filatures  dans  les 
Etats  du  Sud  participe,  je  le  répète,  d'une  méthode  écono- 
^mique  parfaitemeut  définie  dans  ses  grandes  lignes  et  par- 
faitement appliquée  dans  son  exécution. 

Les  capitaux  du  Nord  s'étaient  portés  pendant  longtemps 
vers  TOuest  et  avaient  en  cela  suivi  le  mouvement  migra 
leur  des  masses.  Les  financiers  se  souvinrent  que  le  Sud 
était  particulièrement  riche  et  avait  été  prospère  avant  la 
guerre  de  sécession.  On  réorganisa  les  chemins  de  fer  en 
faillite,  on  mit  en  valeur  les  réserves  forestières,  on  décou- 
vrit  le  charbon  et  le  fer,  les  hommes  d'affaires  secondés 
par  les  capitaux)  entreprirent  le  relèvement  du  Sud.  Or, 


422  LA  LUTTE  POUR  LE  COTON  COLONIAL 

cette  œuvre  n'en  eàt  qu*à  son  début  et  on  voit  ce  qu'elle  a 
produit  en  20  ans.  Ces  résultats  ne  sont  çncore  qu'une  indi- 
cation, car  le  capital  est  encore  en  partie  inemployé. 

Il  semble  que  nous  aurions  tort  de  nous  enfermer  dans 
une  admiration  béate  des  procédés  des  Américains,  il  serait 
plus  simple  et  plus  pratique  de  les  imiter  dans  leurs  métho- 
des  et  dans  leurs  procédés. 

De  ce  que  je  viens  de  vous  dire,  il  apparaît  bien  qu'il  y  a 
aussi  un  «  péril  »  américain.  Enfin,  si  nous  raisonnons  de 
l'avenir  d'après  le  passé,  nous  sommes  amenés  à  conclure 
qu'il  ne  s'écoulera  pas  10  ans  avant  que  la  totalité  du  coton 
produit  par  l'Amérique  soit  consommée  «  at  home  »  c'est-à- 
dire  en  Amérique. En  face  de  ce  danger, que  fallait-il  faire  ? 
Fallait-il  des  discours,  des  réunions,  des  paroles  ?  Il  fallait 
surtout  des  actes.  Or  les  actes  s'échelonnent  depuis30  ans 
à  peine  ;  les  uns  cherchaient  la  solution,  les  autres  la  défi- 
nissaient, d'autres  enfin  en  étudiaient  les  applications. 

C'est  ici  que  j'entre  sur  un  terrain  qui  m'est  familier,  el 
où  j'ai,  avec  d'autres,  livré  des  batailles  que  nous  avons 
gagnées  et  où  j'espère  vous  aider  à  gagner  à  votre  tour  la 
bataille  du  coton  colonial.  Mais  nous  n'avons  pas  encore 
envisagé,  et  je  vous  demande  la  permission  de  revenir  un 
peu  en  arrière,  quelle  serait  la  conséquence  de  ce  que  je 
n'hésite  pas  à  appeler  un  désastre,  le  jour  où  l'Amérique 
consommera  la  totalité  des  balles  de  coton  qu'elle  produit* 
Avant  moi,  vous  avez  déjà  entrevu  qu'il  n'y  aurait  pas  moins 
de  300  usines  françaises  de  filature  et  600usines  de  tissage 
qui  seraient  obligées  de  fermer  leur  portes  vendant  à  leurs 
rivaux  un  matériel  jadis  coûteux  à  installer,  puis  à  perfec' 
tionner,  et  devenu  inutile.  300.000  ouvriers  seraient  jetés 
dans  la  rue,  privés  de  leur  gagne-pain,  obligés  de  chercher 
un  gagne-pain  nouveau.  Cette  perturbation  aurait  dans  le 
capital  et  le  travail  des  répercussions  se  faisant  sentir  sur 
d*autres  branches.    Telle  serait   brutalement  résumée  la 


LA   LUTTE   t>OÙh   LB  COTON   COLONIAL  423 

conséquence    que  nous  pouvons  entrevoir.    Je  sais  bien 
qu'elle  n*elTraie  pas  outre  mesure  certains  esprits  superficiels 
et  qui  n*ont  de  la  vie  des  peuples  qu'une  conception  enfan- 
tine :  «  Des  patrons  ruinés,  disent-ils,  la  belle  affaire  !  Ne 
TOUS  mettez  pas  en  peine  pour  eux  ».  Comme  s*il  pouvait 
leur  être  indifférent  que.lecapital,argent  ou  machines  d*une 
industrie,  soit  dispersé  du  jour  au  lendemain,  annihilé  ou 
détruit.  «  Des  ouvriers  renvoyés  1  Us  feront  autre  chose  ou 
bien  ils  iront  en  Amérique.))  Comme  s*il  était  possible  à  des 
hommes  dont  le  corps  a  été  plié  pendant  des  années  à  une 
certaine   catégorie  de  travail  de  modifier  leurs  aptitudes 
professionnelles,  comme  si  même  les  Américains,  dans  le 
cas  où  cela   pourrait  se  produire,  n'étaient  pas  hommes  à 
défendre  l'entrée  de  leur  pays  à  ceux  qui  viendraient  et 
pourraient  modifier  leur  état  politique  et  social.  Et  c'est 
pourtant  de  la  sorte  qu'en  France  nous  envisageons  sou  vent 
les  problèmes  qui  portent  sur  la  vie  de  notre  pays.  Cela  s'est 
produit  lorsque  il  y  a  30  ans  il  s'est  agi  de  renouer  les  tra- 
ditions coloniales  de  la  France,  perdues  et  presque  proscri- 
tes. C'est  des  colonies  françaises  que  nous  tirons  aujour- 
d'hui, pour  ne  citer  que  deux  matières  premières  nécessai- 
res à  l'industrie  nationale,le  caoutchouc  et  que  demain  nous 
pourrons  tirer  le  coton.  Pour  le  caoutchouc,  par  exemple, 
l'ensemble   de  nos   colonies  fournit  aujourd'hui  un  total 
supérieur  aux  besoins  de  Tinduslrie  nationale  ;  par  consé- 
quent les  colonies  françaises  peuvent,  après  avoir  approvi- 
sionné leurs  nationaux,   exporter  dans   les  pays  voisins^ 
Pour  le  coton,  nous  sommes  ô  la  veille  de  démontrer  que 
l'ensemble  de  nos  colonies  fournira,  quand  on  le  voudra, 
moyennant  une  appropriation  nécessaire,  et  en  échange  des 
300  millions  que  nous  payons  aux  Américains,  le  million 
de  balles  dont  l'industrie  française  a  besoin  annuellementé 
Lorsqu'il  s  est  agi  de  coton  nous  avons  cherché  dans 
Teotemble  des  territoires  ceux  qui  se  préparaient  h  celle 


4â4         LA  LtTTK  POUR  LE  COTOK  COLONIAL 

culture.  Cette  politique  coloniale  s*est  trouvée  justifiée  pfi 
les  faits,  et,  en  ce  qui  concerne  le  coton,  nous  pouvons  e» 
sayer  de  remonter  jusqu'aux  causes. 

Prenez  les  récits  des  explorateurs  :  chez  tous,  à  un  degi^ 
diâérent,  suivant  le  tempérament  ou  suivant  le  caract^, 
vous  retrouverez  la  préoccupation  constante  des  intérêts 
économiques  du  pays.  Ils  sont  allés  à  travers  des  territoires 
jusque-là  inconnus,  ils  visitèrent  des  populations  barbareSi 
quelques-unes  livrées  encore  à  Tanthropophagie.  Ils  étu- 
dient en  marchant  les  capacités  de  production  et  de 
consommation  des  populations  qu'ils  rencontrent,  les  pro- 
duits de  culture  et  les  produits  forestiers.  Ils  essayent 
d'évaluer  les  frais  qu'auraient  à  supporter  les  matières  à 
l'importation  ou  à  l'exportation  ou  bien  ils  emportent  en 
France  des  échantillons  de  l'industrie  indigène,  tels  cenx 
rapportés  par  le  commandant  Lenfant,  et  que  l'explorateur 
Béhagle  nous  avait  déjà  montrés  en  1893. Rentrés  chez  euX| 
les  explorateurs  livrent  aux  industriels,  aux  commerçants, 
les  résultats  de  leurs  observations  et  de  leurs  études,  heu' 
reux,si  ces  études  sont  accueillies  avec  intérêt  et  largement 
payés  de  toutes  leurs  fatigues  et  de  toutes  leurs  souffrances 
lorsqu'ils  arrivent  à  déterminer  un  mouvement  économique 
dans  le  sens  préconisé  par  eux. 

Voici  un  fait  plus  particulier  et  sur  lequel  je  tiens  à  attirei 
votre  attention  parce  que  vous  1  avez  connu  en  son  temps 
et  que  vous  avez  pu  en  apprécier  la  valeur.  C'était  eu  18y8 
le  coiouel  Irentinian,  alors  gouverneur  du  Soudan,  piési 
dait  aux  destinées  du  Soudan  Français  et,  je  le  répèle 
comme  tous  les  fervents  coloniaux,  il  avait  la  préoccupatioi 
des  intérêts  économiques  de  la  France  dans  ces  région 
Il  imagina  d'abord  de  faire  l'inventaire  du  Soudan  et  i 
institua  une  mission  dont  faisait  partie  M.  ChevallieriOrigi 
naire  de  Normandie,  et  M.Copolanii  tué  récemment,  'ûp 
un  an  environ»  L'inventaire  ube  fois  fait,  il  s'agissait  d< 


tA  LUTTE  POUR  LE  COTON  COLONIAL      425 

tirer  parti  des  ressources,  des  richesses  ainsi  reconnues. 
Comment  faire  ?  Comment  établir  des  expériences  colonia- 
les en  procédant  administrativement  ?  Voici  ce  que  le  colo- 
nel de  Trentinian  imagina. Les  populations  indigènes  étaient 
pliées  à  Timpôt  mais  quelques-unes  ne  connaissaient  pas 
la  valeur  de  nos  monnaies,  comme  les  Sénégalais.  On  leur 
demanda  Timpôt  en  nature  :  un  pays  à  élevage  était  frappé 
en  bœufs  pour   le  ravitaillememt  des  postes,  un  pays  à 
caoutcbouc,  en  caoutchouc,  la  région  de  Tombouctou  en 
blé  (je  me  rappelle  avoir  mangé,  en  1898  à  Paris,  du  pain 
fait  avec  de  la  farine  provenant  du  blé  poussé  à  Tombouctou); 
Un  pays  de  coton,  frappé  en  coton.  On  réunit  de  la  sorte, 
sous  forme  d'impôts  environ  80  balles  de  coton  qui  ressem- 
blaient   vaguement    aux   balles  commerciales  que    vous 
connaissez,  assez  mal  égrené,  mal  pressé  en  tous  cas  ;  mais 
c'était  du  coton  !  Ce  coton  avait  fort  mal  voyagé  parce  que 
les  moyens  de  transport  n'étaient  pas  perfectionnés.  Il  en 
arriva  cependant  assez  pour  que  des  essais  puissent  être 
faits  et  on  reconnut  sa  valeur  marchande.  Puis  le  colonel 
Trentinian  rentra  en  France,recueillit  les  avis  des  principaux 
intéressés  et  il  se  préparait  à  reprendre  ses  expériences  en 
les  corrigeant  sur  les  points  défectueux,  lorsque  survinrent 
'des  modifications  administratives.  Le  colonel  de  Trentinian 
fut  remplacé  par  un  autre  gouverneur  qui,  suivant  une  ha 
bitude  trop  fréquente,  ne  crut  pas  devoir  continuer  l'œuvre 
de  son  prédécesseur,  et  la  question  du  coton  fut  abandon- 
née du  jour  au  lendemain  au  Soudan.  C'était  une  double 
faute  au  point  de  vue  de  la  métropole  qui  perdaitl'avance  de 
six  années  et  une  faute  au  point  de  vue  de  la  production  in- 
digène qui  se  voyait  arrêtée  dans  son  premier  élan. 

Quoi  qu'il  en  soit  Texpérience  était  intéressante  et  c'est  en 
présence  de  ces  données  que  l'ÂssociationCotonniôre  a  com- 
mencé son  œuvre  dont  il  me  reste  à  vous  entretenir  encore* 

Vous  area  compris,  Messieurs,  que  le  remède  à  la  crise 


^426  LA  LUTTE  POUR  LÉ  COtON  COLONIAL 

cotonnièrepour  un  Etat  réside  dans  la  pleine  utilisation  de 
tous  ceux  de  ses  territoires  qui  se  prêtent  à  la  culture  du 
coton,  et  c'est  en  partant  de  cette  idée  qu'il  s'est  créé  en 
France,  en  Allemagne,  en  Angleterre,  des  associations  co- 
tonnières  qui  poursuivent  le  mêmebutavec  des  méthodes  et 
des  procédés  légèrement  différents.  Je  ne  parle  pas  de  la 
Russie  ;  la  Russie  a  le  Turkestan  où  elle  est  arrivée  è 
produire  560.000  balles  de  coton  ;  mais  elle  est  également 
menacée  par  l'Amérique.  La  France,  l'Allemagne,  et  l'An- 
gleterre grâce  à  leurs  colonies  respectives  peuvent  trouver 
la  solution  de  la  question  du  coton  colonial. 

Qu'est-ce  que  l'Association  cotonnière  coloniale  ?  C'est 
un  groupement  de  tous  ceux  qui, directement  ou  indirecte- 
ment, sont  intéressés  à  la  culture  du  coton;  commission- 
naires en  coton,  filateurs,  tisseurs,  teinturiers,  apprôteurs} 
ce  sont  là  les  intéressés  directs  et  ils  seraient  incontestable- 
ment les  premières  des  principales  victimes  d'un  désastre 
s'il  venait  à  se  produire.  Les  commissionnaires  en  mar- 
chandises, les  compagnies  do  transport,  les  assureurs,  les 
banquiers  sont  des  intéressés  indirects, je  le  veux  bien, mais 
ils  auraient  tout  de  môme  à  pâtir  du  désastre,  car  il  se  ferait 
un  tel  déplacement  de  forces  économiques  que  tousen  souf- 
friraient. Et  nous  aussi,  les  coloniaux,nous  sommes  intéres- 
sés dans  la  question  du  coton,  parce  que  nous  tenons  à 
démontrer  que  la  politique  coloniale,  telle  que  nous  l'avons 
conçue  et  que  nous  l'avons  conduite,  n'était  pas  une  ques- 
tion de  rêve,  mais  une  question  d'intérêt  pratique,  parce 
que  nous  voulons  que  la  France  reprenne  sur  ses  colonies 
les  mêmes  avances  qu'elle  a  pu  leur  faire.  Et  quelle  pluie 
bienfaisante  pour  l'ensemble  des  colonies  françaises,  que 
la  répartition  des: 300  millions  de  francs  que  nous  payons 
tous  les  ans  à  l'Amérique.  Voici  quelques  chiffres  qui  nous 
permettent  encore  d'envisager  l'utilité  du  problème. 

Sur  un  total  de  67  millions  de  cotonnades  importées  dani 


LA  LUTTE  POUR  LE  COTON  COLONIAL       i27 

OS  coloDies,  je  constate  que  Timportation  de  la  France  ne 
eprésente  que  34  millions,  c*est-à-dire  qu'il  reste  un  mar- 
hé  de  23  millions  à  couvrir. 

lci,je  veux  raisonner  sur  l'ensemble  du  bloc  colonial  afri- 
.ain  français.  Il  y  a  environ  31  millions  d'indigènes  dont  la 
)lupart  sont  peu  vêtus,  les  autres  complètement  nus,  et  si 
Qous  vendions  seulement  à  chacun  d'eux  5mètres  de  coton- 
nade cela  ferait  près  de  80  milions  de  francs. 

11  y  a  là  dans  ce  point  de  vue  colonial  une  démonstration 
de  l'état  de  l'œuvre  entreprise.  Il  y  a  là  comme  toute  la 
solution  de  cette  grande  question  qui  a  fait  l'objet  de  dispu- 
tes très  vives,entre  les  protectionnistes  et  les  libres-échan- 
gistes tendant  à  faire  ressortir  le  défaut  d'équilibre  entre  la 
production  et  la  consommation.  La  solution  résidait  dans 
cette  double  balance;  les  colonies  fournissant  la  métropole, 
et  la  métropole  fournissant  de  cotonnades  les  colonies. 

Cela  dit  de  TAssociation,  il  est  bon  d'envisager  quelle 
est  son  œuvre  ;  mais  auparavant  notons  que  les  industriels 
européens  bien  avertis  du  danger  qui  les  menaçait  ont  pris 
toutes  les  mesures  susceptibles  de  parer  au  danger. Le  con- 
naissant, ils  cherchent  dans  leurs  colonies  des  territoires 
propres  à  la  culture,  et  ils  se  sont  pour  ainsi  dire  syndiqués 
en  face  de  l'industrie  américaine.  Du  5  au  9  Juin  1905  il 
s'est  tenu  à  Manchester  un  congrès,  et  je  note  tout  de  suite 
que  l'Association  avait  exposé  là  une  collection  très  com- 
plète des  étoffes  faites  par  divers  industriels  métropolitains 
Bvec  du  coton  de  production  coloniale  proprement  dit.  Les 
meilleures  choses  ont  été  dites  (on  dit  toujours  les  meilleures 
choses  dans  les  congrès),entre  autres  la  nécessité  pour  l'Eu- 
rope de  produire  le  coton  destiné  à  ses  filatures  ;  mais  sur- 
tout la  défense  cotonnière  y  fut  discutée.  A  l'inverse  de 
tant  de  congrès  faits  pour  mettre  en  valeur  certaines  per- 
^nnalités,  on  a  envisagé  des  solutions  pratiques.  J'en 
trouve  la  preuve  dans  la  circulaire  adressée  par  le  syndical 


428  LA  LUTTE  POUR  LE  COTON  COLONIAL 

français  aux  filateurs  et  tisseurs  et  qui  les  invite  à  faire 
connaître  ce  qu'on  appelle  les  stocks  visibles  et  la  consom- 
mation réelle  du  coton.  Je  dois  ajouter,sans  entrer  dans  d'au- 
tres détails,  que  la  presque  universalité  des  industriels 
français  a  répondu  à  Tappel  du  Syndicat  de  l'Industrie  Co- 
tonnière  et  que  la  défense  cotonnière  est  en  bonne  voie. 

Essayons  de  passer  en  revue,  très  rapidement,  du  reste, 
l'ensemble  des  colonies  françaises. 

L'Algérie  d'abord,  l'Afrique  du  Nord.  Jusqu'à  ces  de^ 
nières  années,  j'étais  de  ceux  qui  pensent  que  la  culture  du 
coton  ne  serait  peut-être  pas  bien   venue  dans  le  Nord  de 
l'Afrique,  parce  que  c'est  une  culture  relativement  coûteuse 
parce  que  la  main-d'œuvre  serait  peut-être  d'un  prix  trop 
élevé  ;  mais  pourtant  je  suis  revenu  à  une  opinion  meilleure 
et  je  crois,  avec  un  certain  nombre  de  cotonniers,  que  l'Al- 
gérie pourra  être  d'ici  quelques  années  une  colonie  produc- 
trice de  coton  dans  les  conditions  que  je  vais  spécifier.  Ce 
n'est  pas  un  coton  semblable  au  coton  d'Amérique  c'est  un 
coton  analogue  à  celui  d'Egypte,  un  coton  relativement 
cber  et  des  essais  ont  déjà  été  effectués.  L'Association  Co- 
tonnière a  envoyé  200  kilos  de  graines  de  coton  d'Egyplo 
qui  ont  été  distribuées  à  des  colons. Dans  un  district,180  hec' 
tares  ont  été  plantés  en  cotonniers  et  la  récolte  sera  assez 
élevée  cette  année.  Ce  n'est  pas  encore  en   1906  que  Ton 
pourra  compter  sur  une  production  cotonnière  algérienoet 
il  faut  en  tout  cas  attendre  que  se  soient  fondées,  créées  et 
développées  des  organisations  commerciales  et  industrielles 
aptes  à  utiliser  cette  production  ;  mais  on  envisage  déjà  que 
la  production  qui  avait  été  essayée  en  1860>puis  abandonnée 
*  à  la  suite  de  la  guerre  de  sécession  et  de  la  baisse  du  coursdv 
coton  américain,    servira    à  contrebalancer    la   méventf 
des  vins. 

Il  y  a  des  questions  intéressantes  et  le  orédit  voté  &  k 
Chambre  sur  l'initiative  de  votre  honorable  député  M.  lu 


LA  LUTTE  POUR  LE  COTON  COLONIAL       429 

les  Siegfried,  aura  ià  précisément  un  emploi  particulière- 
nienl  bien  indiqué. 

Au  Soudan, nous  avons  déjà  les  expériences  du  colonel  de 
Trentinian  ;  deux  années  d  essais  et  bientôt  trois  années  ont 
permis  de  définir  les  variétés  à  cultiver.  En  1905,  20.000 
kilos  de  graines  ont  été  mis  à  la  disposition  des  colons,  en 
11*36,50.000  kilos  seront  envoyés.  Or  voici  à  ce  propos  l'o- 
pinion personnelle  de  M.  le  Gouverneur  du  Soudan.  JeTai 
entendu,  j'ai  causé  longuement  avec  lui  et  je  trouve  inté- 
ressant de  vous  la  rapporter  en  insistant  particulièrement 
sur  cette  opinion  : 

«  Je  vous  ferai  faire,dit-il,  la  culture  du  coton  au  Soudan 
^  une  seule  condition,  c'est  que  vous  serez  près  du  champ 
pour  Tacheter  à  l'indigène  et  le  payer  en  pièces  de  5  francs. 
Il  y  a  un  point  de  comparaison  entre  l'indigène  soudanais 
f^t  notre  paysan  français.  L'indigène  soudanais,  qui  est 
cependant  d'une  autre  race,  est  en  réalité  le  véritable  pay- 
san. Il  a  déjà  la  richesse  acquise  en  élevage  et  chacun  sait 
î'ie  le  noir  achète  ses  femmes  avec  des  têtes  de  bœufs  ;  il 
âone  richesse  acquise  en  culture  ;  les  étoffes  indigènes  et 
^^^  vêtements  qui  sont  sous  vos  yeux  proviennent  des  cul- 
tores  indigènes  et  de  l'industrie  cotonnière  indigène.  Et 
pais  il  est  comme  le  paysan  français,  il  aime  beaucoup,  soit 
su  marché  soit  dans  les  centres  commerçants,  quand  il  a 
apporté  les  produits  de  sa  culture,  remporter  le  prix  de  sa 
^^te  en  espèces  sonnantes  à  la  maison.  C'est  là  le  point 
«ie  comparaison,  c'est  ce  qui  fait  la  qualité  dominante,  celle 
sur  laquelle  nous  pouvons  fonder  le  plus  d'espoir  au  point 
fe  vue  de  la  production. 

Nous  avons  déjà  comme  expérience  la  vente  qui  a  été 
Wteaumoisde  juillet  dernier  ici  au  Havre,de25  balles  d'un 
coton  qui  a  été  estimé  très  beau  et  vendu  au  cours  supé- 
neor  de  75  francs.  Nous  avons  aussi  des  expériences  faites 
îw  M.  David  Maigret. 


430  LA  LUTTE  POUR  LE  COTON  COLONIAL 

II  y  a  par  conséquent  des  indications  très  précises,  très 
favorables  sur  le  coton  qui  sera.produit  au  Soudan  et  j'ajou- 
te que  tous  les  cotons  obtenus  par  TAssociation  le  sont 
avec  des  graines  importés  d'Amérique  et  sélectionnées. 

Au  Dahomey,  la  création  de  la  voie  ferrée  ouvre  le  pays 
à  l'exploitation.  Alors  que  100  tonnes  étaient  récoltées  en 
1904/1905,  la  récolte  sera  supérieure  en  1906.  Ici  il  y  a  une 
variété  indigène  assez  intéressante  pour  le  tissu  qui  res- 
semble à  celui  fabriqué  avec  laine  et  coton. 

C'est  un  coton  d'espèce  laineuse  au  toucher  qui  pourrait 
être  amélioré  et  fournir  un  type  spécial  et  nouveau.  L'As- 
sociation a  au  Dahomey  des  stations  d'égrenage  installées. 
Le  concours  du  gouverneur  lui  est  acquis. 

Il  s'est  produit  un  fait  intéressant  dans  la  première  ex- 
ploitation au  Dahomey.  Le  premier  coton  produit  dans  cette 
colonie  a  été  acheté  par  des  Allemands  pour  être  transporté 
à  Hambourg  et  l'agent  de  l'Association,  M.  Poisson,  fils 
d'un  professeur  distingué  d'histoire  naturelle,  n'a  pas  trouvé 
autre  chose  comme  consolation  que  d'imposer  à  l'acheteur 
de  toucher  au  Havre.  Avouez  que  la  consolation  est  bien 
minime  et  qu'il  eût  été  plus  intéressant  de  noter  que  ce  co- 
ton eiU  été  acheté  par  des  Français. 

A  Madagascar,  les  éludes  subventionnées  par  l'Associa- 
tion ont  démontré  que  de  grands  espaces  pouvaient  être  con- 
sacrés à  la  culture  du  coton.  Sur  la  côte  ouest,des  essais  ont 
été  faits  et  nous  avons  un  rapport  de  M  Crépy  sur  le 
coton  de  Nossi  Bé.  Voilà  encore  des  résultats  particulière- 
ment intéressants. 

Quant  aux  autres  colonies  françaises  :  La  Guadeloupe, 
la  Côte  des  Somalis,  Réunion,  Guyane,  Congo  français,etc. 
l'Association  Cotonnière  Coloniale  se  trouve  en  présence 
de  demandes  nombreuses  que,  malheureusement,  la  modî 
cité  de  ses  ressources  ne  permet  pas  toujours  de  satisfaire. 
Si  l'on  pouvait  envoyer  des  graines    et  des  machines  aux 


LA  LUTTE  POUR  LE  COTON  COLONIAL       431 

lieux  divers  qui  en  font  la  dema  nde,  on  obtiendrait  une 
échelle  de  variétés,sinon  aussi  considérable,  du  moins  ana- 
logue à  celles  des  cotons  d^Araéiique. 

Dans  cette  œuvre  de  l'Association  il  faut  noter  que  les 
dépenses  sont  considérables  ;  elle  a  des  agents  à  elle  qu'elle 
envoie,  qu'elle  installe  dans  les  colonies  ;  elle  leur  impose 
une  besogne  très  précise  à  exécuter.  Il  faut  acheter  les  grai- 
nes en  Amérique  et  les  envoyer  dans  les  diverses  colonies. 
Elle  envoie  des  machines  à  égrener,  à  presser;  elle  installe 
des  machines  qui  fonctionnent  avec  moteurs.  Au  Dahomey, 
elle  a  une  usine  électrique  qui  a  été  essayée  aux  environs 
de  Paris,  chez  M.Esnault-Pelletier,  à  Boulogne-sur-Seine. 

Cette  année  elle  va  envoyer  plus  de  50.000  kilos  de  grai- 
nes de  coton;  elle  possède  déjà  25  machines  à  égrener, 
5  presses  et  3  usines  d'égrenage  mécanique. Elle  a  importé 
dans  les  premiers  mois  de  1904,18  tonnes  de  coton, la  produc- 
tion de  1905  est  de  50  tonnes.  La  progression  sera  en  som- 
me ce  que  la  feront  les  adhérents  de  l'Association  Gotonnière 
s'ils  lui  viennent  en  plus  grand  nombre,  et  somme  toute,  il 
faut  bien  reconnaître  que  dans  une  œuvre  de  celte  impor- 
tance c'est  l'universalité  des  industriels  français  qui  de 
vrait  soutenir  l'œuvre  de  l'Association  Gotonnière  colo- 
niale. 

Essayez,  si  vous  le  voulez  bien,  de  comprendre  l'impor- 
tance de  cette  question.  Visitez  tous  les  ports  pour  décider 
chacun  d'entre  vous  à  une  action  plus  soutenue  et  plus 
méthodique,  essayez  d'entrevoir  dans  cette  voie  l'œuvre 
entreprise  par  l'Association. 

De  quoi  s'agit-il  ?  il  s'agit  en  somme  de  dériver  ce 
courant  commercial  de  300  millions  do  francs  et  de  le  diriger 
sur  les  colonies  françaises.  Il  s'agit  d'excercer  sur  des  pays 
be;iucoup  plus  vastes  que  la  France  elle-même  une  action 
précise  et  méthodique  qui  modifie  leurs  conditions  écono- 
miques ;  il   s'agit  de  modifier  l'état  social  et  politique  des 


432  LA  LUTTE  POUR  LE  COTON  COLONIAL 

populations  indigènes  dont  le  nombre  est  considérable 
comme  vous  pourrez  vous  en  rendre  compte  tout  à  Theure. 
Il  s'agit  de  délivrer  l'industrie  cotonnière  métropolitaine 
du  joug  américain,  qui  est  si  lourd  et  dont  les  commerçants 
du  Havre  ont  pu  apprécier  le  poids  il  y  a  deux  ans,  lors- 
qu'ils ont  vu  les  cours  du  coton  monter  de  70  francs  à  110 
et  120  francs, pour  retomber  au  cours  précédent  de  60  francs. 

Voilà  en  résumé  quelle  est  l'importance  de  l'œuvre 
poursuivie  par  l'Association  Cotonnière  coloniale  et  c'est 
en  faveur  de  cette  œuvre  ijue  je  suis  venu  faire  un  appel 
direct  aux  commerçants  et  industriels  de  la  ville  du  Havre, 
commerçants  et  industriels  qui  sont  particulièrement  inté- 
ressés dans  la  question.  C'est  le  Havre  qui  importe  le  coton 
employé  par  l'industrie  métropolitaine,  qui  peut  également 
ambitionner  l'importation  des  cotons  coloniaux  français. 
C'est  dans  cette  ville  qu"il  semble  impossible  de  nç  pas 
obtenir  l'unanimité  du  concours  auquel  je  suis  venuce  soir 
faire  appel  et,  s'il  fallait  d'autres  arguments  pour  vous 
décider  à  l'action,  je  n'aurais  qu'à  vous  dire  quelle  a  été 
l'œuvre  des  Anglais  dans  l'Inde  et  en  Egypte.  Mais  vous  la 
connaissez  et  vous  comprenez  pourquoi  l'Angleterre  a  tenu 
à  cette  vallée  au  point  d'en  venir  presque  à  déclarer  la 
guerre  à  la  France,  c'est  parce  que  c'était  un  pays  à  coton 
en  même  temps  qu'un  pays  à  hommes.  En  effet  dans  la 
région  du  Nil  il  y  a  une  race  assez  analogue  à  celle  que  nous 
possédons  dans  notre  Sénégal  et  au  Soudan,  et  c'est  avec  les 
Sénégalais  que  nous  avons  fait  la  conquête  de  notre  empi- 
re colonial  africain . 

Disons  un  mot  de  l'œuvre  des  associations  étrangères. 
En  Allemagne  ce  sont  les  coloniaux  qui  ont  poussé  à  l'étude 
de  la  question  et  ils  ont  été,  dans  cette  œuvre,  merveilleu- 
sement soutenus  par  Guillaume  lui-même,  par  le  gouver- 
nement impérial  ;  l'Allemagne  poursuit  le  même  but  au 
Tchad  et  au  Cameroun,  voisin  de  notre  Congo. 


LA  h:tte  pouk  le  coton  colonial  433 

En  Angleterre,  ce  sont  les  industriels  métropolitains  et 
eux  seuls  qui  ont  poussé  à  la  recherche  de  la  solution  dans 
les  colonies  de  la  côte  occidentale  d'Afrique  appartenant 
à  l'Angletepre.  A  propos  de  Tindustrie  anglaise,  il  est  inté" 
ressant  d  en  noter  ici  l'importance  et  d'en  faire  la  compa- 
raison avec  l'industrie  française. Il  y  h  environ  100  millions 
de  broches  dans  le  monde  entier  et  50  millions,  la  moitié, 
se  trouvent  en  Angleterre.  L'Angleterre  possède  le  tiers 
des  métiers  du  monde  et  le  quart  des  exportations  anglaises 
est  composé  des  produits  de  coton. 

On  a  très  justement  dit  que  dans  le  commerce  mondial 
de  l'Angleterre  les  cotonnades  constituaient  ce  que  l'on 
peut  appeler  la  monnaie  d'appoint.  On  a  estimé  jusqu'à 
un  certain  degré  d'exactitude,  en  comprenant  les  armateurs 
les  banquiers,  à  10  millions,  soit  le  quart  de  la  population 
delà  Grande-Bretagne,  le  nombre  des  Anglais  qui  vivent 
du  coton. 

L'Association  anglaise  a  des  ressources  considérables  et 
de  beaucoup  plus  élevées  que  celles  de  l'Association  fran- 
çaise. Ses  expériences  ne  sont  pas  du  reste  plus  démons- 
tratives que  les  nôtres  ;  dans  tous  les  cas,  l'Association 
anglaise  s'est  engagée  dans  une  voie  assez  dangereuse  qui 
consiste  à  acheter  la  totalité  du  coton  produit  par  les  indi- 
gènes.11  y  a  là  un  danger  que  nous  avons  su  éviter  dans 
les  colonies  françaises.  Il  est  évident  qu'il  faut  aider  les 
commerçants,  mais  il  faut  aider  l'indigène,  l'habituer  à 
améliorer  sa  production,  et  si  on  la  lui  achète  dès  le  début 
en  totalité,  on  risque  de  le  voir  s'éterniser  dans  les  mau- 
Taises  méthodes.  Dans  ces  ressources  de  l'Association  an- 
glaise, il  y  a  un  fait  intéressant  à  savoir  :  des  associations 
ouvrières  anglaises  ont  apporté  un  concours  matériel  à 
l'œuvre  poursuivie  par  les  patrons,  soit  la  somme  de 
62.B25  francs  versés  annuellement  pendant  7  ans.  Dans  ces 
chiffres  nous  trouvons  une  souscription  ouvrière  de  100  £ 

28 


434         LA  LUTTE  POUR  LE  COTON  COLONIAL 

et  deux  autres  groupes  ouvriers  ont  souscrit  500  £  chacun, 
un  groupe  250  £,ud  groupe  100  £,  trois  50  £  et  un  5  £  sea- 
lement. 

Je  voudrais,  Messieurs,  avoir  été  entendu  ce  soir  par 
un  grand  nombre  de  personnalités  du  monde  ouvrier,  pa^  i 
ce  que  je  voudrais  pouvoir  appoler  leur  attention  sur  ce  \ 
fait.  Dieu  me  garde  de  faire  de  la  politique  dans  cette  en- 
ceinte, mais  je  ne  peux  pas  ne  pas  constater  que  les 
ouvriers  anglais  ont  des  façons  différentes  des  ouvriers 
français  de  concevoir  les  rapports  qu'ils  peuvent  ou  doivent 
avoir  avec  les  patrons.  Ils  ont  la  conception  que  leurs  in- 
térêts ne  sont  pas  forcément  contradictoires  et  qu'il  leur 
est  possible,  à  un  moment  donné,de  les  mettre  d'accord,  de 
collaborer  directement  à  une  œuvre  poursuivie  par  les  pa- 
trons et  dont  ils  sont  en  partie  les  bénéficiaires.  Je  voudrais 
que  de  nombreux  ouvriers  français  pussent  acquérir  par- 
tiellement, tout  au  moins  ici  ce  soir,  les  notions  exactes  et 
étendues  des  grands  devoirs  compris  dans  la  question  co- 
tonnière.  Je  m'empresse  d'ajouter  quïl  s'en  est  déjà  trouvé 
et  que  deux  associations  françaises  ont  apporté  à  l'Asso- 
ciation Coton nière  coloniale  le  produit  annuel  de  leur 
souscription,  peu  élevée  c'est  vrai  :  mais  il  y  a  dans  ce  fait 
un  encouragement  pour  l'avenir  et  un  progrès  dont  il  faut 
tenir  compte.  La  Bourse  du  Travail  indépendant  de  Lyon 
a  souscrit  annuellement  50  francs  et  une  association  de 
Falaise  a  souscrit  aussi  50  francs. 

Ce  sont  50  ouvriers  cotonniers  qui  se  sont  cotisés  pour 
faire  cette  somme.  C'est  un  fait  particulièrement  intéressant 
que  la  première  souscription  soit  venue  delà  ville  de  Falaise, 
do  la  ville  qui  fabrique  ces  bonnets  de  coton  français  chan- 
tés par  les  chansonniers  et  qui  si  longtemps  ont  abrité  les 
cerveaux  français  des  rhumes  et  l'intelligence  française 
du  pessimisme.  11  ouvre  la  voie  à  des  temps  nouveaux  et 
nous  devons  remercier  les  fabricants  de  bonnets  de  Falaise 


LA  LUTTE  POUR  LE  COTON  COLONIAL         435 

d  avoir  donné   un  si  bel  exemple  aux  ouvriers  français. 

Faut-il  encore  trouver  d'autres  arguments  ?  Je  les  trou- 
verai dans  ce  fait  que,  en  1890,  il  s'est  créé^un  Comité  de 
de  TAfrique  française. 

L'Association  cotonnière  poursuivit,  elle  aussi,  la  coati- 
ûualion  de  l'œuvre  entreprise  par  le  Comité  de  l'Afrique 
française  et  il  serait  étrangeque  les  Français  ne  vissent  pas 
dans  cette  œuvre  une  bonne  action  à  accomplir  vis-à-vis 
des  indigènes,  et  la  suite  de  l'efîort  que  l'on  a  fait  pour 
les  idées  politiques  défendues  par  le  Comité  de  l'Afrique 
française. 

Je  voudrais  enfin  avoir  été  entendu  par  l'un  de  ces  hom- 
mes que  la  fortune  a  'pu  favoriser  et  qui  vont  dans  la  vie 
faisant  le  bien  ;  à  ceux-là  il  me  serait  facile  de  prouver 
qu'on  peut  faire  bien  plus  grand  en  poussant  à  la  culture 
du  coton,  et  pour  appuyer  cette  argumentation,  je  n'aurais 
qu'à  rappeler  les  chiffres  que  représente  l'ensemble  des  in- 
dividualités intéressées  à  l'industrie  cotonnière  française  ; 
je  rappellerais  aussi  le  membre  des  indigènes  que  l'œuvre 
de  l'Association  va  élever  jusqu'à  nous  en  les  faisant  sortir 
de  la  barbarie  qui  lesétreint  depuis  des  siècles. 

Vous  voyez, Messieurs,  que  j'avais  bien  raison  d'employer 
cette  expression  :  a  La  bataille  du  coton  colonial  ».  C'ftst 
enréalité  une  véritable  bataille  entre  le  vieux  continent  et 
le  nouveau  ;  l'une  de  ces  batailles  dans  lesquelles  le  canon 
ne  fait  pas  entendre  sa  voix,  mais  dans  laquelle  joue  le  té- 
légraphe. J'invite  à  entrer  dans  la  bataille  tous  ceux  direc- 
tement ou  indirectement  intéressés  dans  la  question  du  co- 
ton colonial  français. 

Paul  Bourdarie 


LISTE  DES  OUVRAGES 

Upte  i  la  Socifitt  ie  EâipaïUe  Coimerciale  In  lawe 

par 

M.  J.  DEKAMALLE,  membre  donateur  de  la  Société 


Noayelle  géographie  universelle.  La  terre  et  les  hommes,  par 
Elisée Bbclus.  Paris.  1876-1894,  19  vol.  gr.-in-S,  illustrés  de  nom- 
breuses gravures  dans  le  texte  et  hors  texte,  de  cartes  en  noir  dans 
le  texte  et  oartes  en  couleurs  hors  texte. 

La  terre  à  toI  d'oiseau,  par  Onésime  Rbclu8.  Paris  1877,  2' vol. 
in-1^,  avec  370  gravures. 

PréciB  de  la  Géographie  universelle  ou  description  de  toutes 
les  parties  du  monde,  par  Malte- BRUN,Paris.l861,  3  vol.  in-S^ornés 
de  gravures  et  de  cartes . 

Géographie  physique,  historique  et  militaire,  par  Ihéophile 
Lavallée,  Paris,  1882,  1  vol.  in-12. 

Géographie  physique,   hiatoriqua  et  militaire  de  la  Région 

française.  France,  Hollande,  Belgique,  Suisse,  Frontière  occiden- 
tale de  l'Allemagne,  par  E.  Buhbau,  Paris,  1882, 1  vol.  in- 16. 

Nauvellea  Géographiques,  par  F.  Scbrâder  et  H.  Jacottiet, 
années  1891  é,  1894,  Paris,  4  vol.  in  8  et  ia-4,  avec  cartes  dans 
le  texte. 

Autour  du  monde,  par  Georges  Eohn,  Paria,  1884,  1  vol.  iii-12, 

A  bord  de  la  «Junon».Gibraltar,Madère,  Cap- Vert,  Rio- de- Janeiro, 
Mon^video,  Buenos- Aires,  le  Détroit  de  Magellau,  Valparaiso,  Le 
Callao,  Panama,  New-York,  par  Gaston  Lemay,  Paris,  1881^  1  vol. 
in-8,  illustré  de  150  dessins  inédits. 

lie  Littoral  de  la  France,  par  Ch.  F.  Aubbrt,  Paris,  1884,  6  vol. 
gr.  in-H,  ornés  de  nombreuses  gravures  dans  le  texte  et  hors  texte, 
cartes  et  croquis. 

Le  Midi  de  la  France,  depuis  l'Auvergne  et  y  compriH  les  Alpes, 
manuel  di  voyageur,  parK.  Baedeker,  Paris,  1889,  1  vol.  in-16 
avec  14  cartes,  1 1  plans  de  ville  et  un  panorama. 

Tableau  historique  et  pittoresque  de  Pari»  depuis  les  Gaulois 
jusqu'à  nos  jours,  par  J.  B.  de  Saint- Victor,  Paris,  1822,8  vol. 
in-8. 

Histoire   de   Bretagne,    par  M.  Daru,  Paris,  1826,  3  vol.  in-8. 

rieuses  légendes  du  Bsrry.  pir  Just  V«iLLAT,Ghâteauroax.l86l, 
1  vol.  in-8. 


OUVRAGES  LÉGUÉS   A  LA   SOCIÉTÉ  437 

Recherches  historlqaes  sur  l'Anjou  et  ses  monuments.  Angers 
et  le  Bae-Aiijoo,par  J.  F.  BoDiH,  Sauïnur,18;il,  2  vol.m-8,orné8  de 
gr&vures  hors  texte. 

Recherohes  historiques  sur  la  Tille  de  Saumur,  ses  monu- 
ments et  ceox  de  son  arrondissement,  par  J.  F.  Bodin»  SSaumur, 
1812,  2  vol.  in-8,  avec  gravures  hors  texte. 

Mémoires  sur  Vierson,  par  M.  Lxmajthb,  Bourges,  1836,  1  vol. 
in  12  avec  une  gravure. 

Dictionnaire  des  Institutions,  mœurs  et  coutumes  de  la 
France,  par  A.  Chéruel,  Paiis,  lb84,  2  vol.  in-16,  avec  figures 
dans  le  texie. 

Notices  coloniales,  publiées  à  roccasion  de  TExposition  universelle 
dAnvers  en  1885,  i^aris,  Imprimerie  Nationale,  1886,  3  vol.  gr» 
in-8,  avec  cartes  hors  texte. 

Le  Nouveau  port  de  Kzerte,  Paris,  1903,  l  vol.  in-S,  avbc  gra« 
yures,  cartes  et  plans. 

La  France  dans  l'Alrique  occidentale,  1879^1883,  Paris,  1884, 
1  vol.  iu-8,  accompagné  d'un  atlas  contenant  22  cartes  et  plans. 

L'esclavage  aux  Antilles  françaises  avant  1789,par  Lucien  PkY- 
TBAUD,  d'après  les  documenta  des  Archives  coloniales,  Paris,  1897, 
1  vol.  iii-8. 

Voyage  dans  la  Guyane  française,par  Fjrédéric  Boi}YBR,ôapitaiDe 
de  frégate, Paris, Uachette,  1865,1  vol.in-4,avec cartes  et  gravures, 

L'Inde  française  avant  ÎDupleik.  par  H.  Gastonnet  dbs  Fosses, 
Paris,  1887,  l  vol.  in-8. 

Espagne  et  Portugal,  manuel  du  voyageur,  par  K.  Babdbkeb, 
l^aha,  1900,  1  vol.  in- 16,  avec  7  cartes  et  47  plans  de  villes. 

Londres  et  ses  environs,  manuel  du  voyageur,  par  K.Baedbkeb, 
Leipzigp  1894,  1  vol.  in-16,  avec  4  cartes  et  21  plans  de  villes* 

Allemagne  du  Sud  et  Autriche,  mannel  du  voyageur,  parK. 
Badbdekeb,  Leipzig,1893,  1  vol.  iu-16,  avec  25  cartes  et  26  p4an» 
de  villes. 

De  rAllemagne,  par  M««  de  Staël,  avec  une  préface  par  M.  X, 

Mabmiku.  Paris,    1850,  i  vol.  in-12. 
Voyage  dans  la  Russie   méridionale  et   la    Grimée,    par    la 

Hongrie,  lu  Vaiuchie  ut  la   Moldavie,  exécuté  en  1837,  Par  Anatole 

Dehidoff,  Purid,  1  vol.  iu-8,  illusCié  de  64  defesins, 

L'Orient  et  ses  peuplade»,  par  M^»*  Olympo  Au  jouabu,  L'aris 
iS'j7|  1  vol.  iu-ii. 


438  OUVRAGES  LÉGUÉS  A  LA  SOCIÉTÉ 

Les  mystères  du  Sérail  et  des  harems  turcs.  Lois,  mœurs,  osage^ 
anecdotes.par  M"*©  Olympe  Aodouard,  Pari8,1866,l  vol.in-12.  omé 
de  dessins. 

L'Afrique,  choizde  lectures  géographiques  accompagnées  de  résnméf,  , 
d'analyses,  de  notes  explicatives  et  bihliographiques,  parL.LAiiliB,  ■ 
Paris,  1884,  1vol.  in-12,  orné  de  57  vignettes,9  cartes  en  conJeon,  ^ 
et  33  cartes  dans  le  texte. 

Le  Maroc,  par  Edmondo  de  Amicis^  traduit  de  Tltalien  par  Henii 
Bklle,  1882,  1  vol.  in-4,  omé  de  174  gravures. 

Voyage  en  Egypte  et  en  Syrie  pendant  les  années  1783, 1784 et 
1785^  suivi  de  considérationB  sur  la  guerre  des  Busses  etdesTnrb, 
par  C.  F.  VoLNEY,  Paris,  1826,  2  vol.  in-16. 

Voyage  dans  la  Basse  et  dans  la  Haute  Egypte,  peodaDtles 
campagnes  du  général  Bonaparte,  par  Vivant  Denon,  Paris,  an  X, 
1  vol.  in-4. 

Pièces  diverses  et  correspondance  relatives  aux  opératious  de 
l'armée  d'Orient  en  Egypte,  Parie,  an  IX,  2  vol.  in-8,  publiés  en 
exécution  de  l'Arrêté  du  Tribunat,  en  date  du  7  nivôse  an  9  deli 
République  Française.  ] 

Une  excursion  au  canal  de  Suez^par  PaulMsRBnAN,PariB4862f  | 
1  vol.  in-4,  orné  de  gravures  et  une  carte.  j 

Notice  sur  la  participation  de  la  Compagnie  universelle  du  Canal  de 
Suez  &  TExpoeition  universelle  de  1889,Paris,1890, 1  vol.  in-8,  avec 
gravures,  cartes  et  graphiques.  -; 

Les  mystères  de  l'Egypte  dèvoil^8,par  M»«  Olympe  Audouabi) 
Paris,  1866,  1  vol.  in-12. 

En  Asie  centrale  à  la  Vapeur.  La  mer  Noire,  la  Crimée,  le 
Caucase,  la  mer  CflBpienne,par  Napoléon  Ney,  Paris,  1888,1  vol.in-H 
orné  de  gravures. 

Aux  Indes,  Madras,  Nizam,  Cashmire,  Bengale,  par  Georges  NoEil- 
MAïKE,  Paris,  1898,  1vol.  in-16. 

En  Congé,  Egypte,  Ceylan,  Sud  de  Tlnde,  par  Georges  NoblkvaibSi 
Paris,1898, 1  vol.  in-16. 

A  bord  du  Courrier  de  Chine,par  Charles  HAOSS.Paris,  1891,1  vol* 
ip-I6,  omé  de  dessins  et  illustrations  de  Fillol. 

En  Escale.  Une  promenade  à  Ceylan,  Singapour,  Saigon,  Hong- 
Kong,  Macao,  Canton,  Une  Hemaine  aux  Philippines,  par  André 
BaLLESsouT  Paris  lliOO,  1  vol.  in-16. 

Gorreipondance  de  V.  Jacquemont,  avec  sa  famille  c  t  pluueacs 
de  ses  amis  pendant  son  voyuge  dans  UndOi  1828*1892,  ViM^ 
1841,  2  vol*  iQ-12,  avec  une  carte. 


OUVRAGES  LÉGUÉS  A   LA   SOCIÉTÉ  439 

L'Extrême-Orient*  par  Paul  Bonnitain,  Purîs,  1887,  I  vol.  iii-4 
oroé  de  nombreux  dessins  d'après  nature,  et  3  caites* 

L'Amériipie,  choix  de  lectures  de  géographie  accompagnées  de  ré- 
sumés, d'analyses  et  de  notes  explicatiyes,  par  L.  Lanckr,  Paris, 
1^83,  1  vol.  in-l2,  orné  de  37  vignettes,  9  cartes  en  couleurs 
et  28  cartes  dans  le  texte. 

Hiatoird  de  l'Amérique,  par  W.  Bobbrtsoh,  Paris,  1818,  3  vol. 
avec  4  cartes  et  1  planche  hors  texte. 

Sihârie  e:  Galilornie,  notes  de  voyage  et  de  séjour  (Janvier  1899, 
Décembre  Iy02;,par  Albert  Bordeaux, Paris,  1903,1  vol. in- 16,  avec 
22  gravures  hors  texte. 

Dans  les  Montagnes  Rocheuses,  par  le  Baron  E.  de  Handat-Gran- 
ciT,  Parie,  1889,  1  vol.  in-12,  orné  de  dessins  deQrafty. 

Les  In  cas  ou  la  destruction  de  l'Empire  do  Pérou,  par  M.  Mabmqk*- 
TteL,  Berne,  1777,  2  vol.  in-8  ornés  de  gravures  hors  texte. 

BoIiTiAy  eept  années  d'exploration,  de  voyages  et  de  séjours  dans 
rAuiériqne  australe,par  André  BBB880N,avec  une  préface  de  Ferd.de 
Lessbps.  Paris.  1886, 1  vol.  gr.  in-8,  avec  30  planches  hors  texte, 
77  vignettes  et  9  cartes  et  panoramas  polychromes. 

Troisième  voyage  de  CÔok  ou  journal  d'une  expédition  faite  dans 
Ja  Mer  Pacifique  du  Sud  et  du  Nord,  de  1776  à  1780.  Paris,  1788, 
1  vol.  în-8  avec  une  gravure  hors  texte. 

Congrès  international  des  Sciences  géographiques  tenu  à 
Paris  en  1889,  compte-rendu  publié  par  le  Secrétariat  général  du 
Congrès  Paris  1890,  2  vol.  in-8,  avec  cartes  hors  texte 

Bulletin  de  la  Société  astronomique  de  France  et  revue  men* 
suelle  d'astronomie,  do  météorologie  et  de  physique  du  Qlohe 
années  1897  à  1902.  Paris,  6  vol.  in-8,illu8tré8  de  nombreuses  figu- 


res. 


De  la  Marine  marchande,  à  propos  du  percement  de  l'isthme  de 
Suez,  par  Marins  Fontanb,  Paris,  1868, 1  vol.  in-8. 

Les  derniers  Jours  de  la  K arine  à  Rames  par  le  Vice-Amh-al 
JuBiSN  de  la  Gravier»,  Paris,  1886,  1  vol.  in.l8.  enrichi  de  nom- 
breusee  gravures. 

Histoire  des  Romains,  depuis  les  temps  les  plus  reculés  jusqu^à 
imvasion  des  Barbares,  par  Victor  DuRuy,nouve]le  édition  revue  et 
augmentée.  Paris,  1879,  7  vol.  gr  in-8,  enrichis  de  2600  gravures 
de'-aiaées  d'aprei  Tantique  et  de  100  cartes  ou  plans. 

Histoires  d'Hérodote,  traduction  nouvelle  avec  uns  introduotioû 
et  des  notes  par  P.  Giquet.  Paris,  188X,  lvol.in46, 


440  OUVRAGES  LÉGUÉS  A  LA  SOCIÉTÉ 

Inde  Védique  (de  1800  à  800  ans  av.  J.C,).  par  Marias Fohtaink, 
Paris,  1881,  1  yoU  in-8. 

Le  Bouddha  et  sa  religion,  par  J.  BABTHâLEMV  Saint-Hilaibb, 
Paris,  1862,  1  vol.  in-8. 

Mahomet  elle  Coran,  procédé  d'une  introduction  sur  les  devoin 
mutuels  de  la  philosophie  et  de  la  religion,  par  J.  BàbthêlemT 
Saint-Hilairb,  Paris,  1865,  1  vol.  in-8. 

Moines  et  Papes,  essais  de  psychologie  historique,  Un  moine  de  Tan  • 
1000,  Sainte  Catherine  de  Sienne,  Les  Borgia,  Le  dernier  pape-roi. 
par  Emile  Gebhart,  Paris,  1897.  1  vol.  in-l6. 

Histoire  des  deux  Restaurations,  jusqu'à  Tavènement  de  Louis- 
Philippe  (de  Janvier  1813  à  Octobre  1836),  Paris.  1868,  8  vol.ia-8, 
avec  une  carte . 

Napoléon  et  ses  détracteurs  par  le  prince  Napoléon,  Paris,  1887| 
1  vol.  in-12. 

Enquête  parlementaire  sur  l'insurrection  du  18  Mars  1871| 

édition  contenant  in- extenso  les  3  volumes  distribués  à  TAesemblee 
Nationale.  Paris  1872,  1  vol.   in-4. 

Almanach  Royal  pour  Tan  1821,  présenté^ Sa  Majesté.  Paris,  1820, 
1  vol.  in-8. 

La  Civilisation  et  le  Gholéra,par  Jules  6iBBTTE,PariB,  1867,1vol. 

in-8. 

Histoire  de  la  vie  et  des  voyages  de  Ghristoplie  Colomb,  par 

Washington  lRV]KO,Paris,  1828,4  vol. in-8,  avec  2  cartes  hors  texte. 

Souvenirs  maritimes,  par  Taniiral  Werner,  traduction  de  NoÉ. 
Paris,  18. . .  1  vol.  in-8,  orné  de  nombreux  dessins  de  Ginos. 

Voyagea  récréatifs  du  Chevalier  de  Quevedo,  écrits  par  lui-mêmt, 
1766, 1  vol.  in-8. 

Les  Récréations  scientifiques,  ou  l'enseignement  par  les  jeux, 
,;.  par  Gaston  Tjssamdiek,  Paris,1881, 1  vol.  in-8,  orné  de  223  gravuni 
dans  le  texte. 

Le  Magasin  des  Enfants,  ou  dialogue  d'une  sage  gouvernants 
avec  ses  élèves,  par  M""  Leprince  de  Bbaumomt,  Paris,  1821, 
4vol.  in-12  (le  1^^  volume  manque)* 


BIBLIOGRAPHIE 


L'Anne*  Qattofppaphique.  Snpptément  asiniei  à  tontes  les  publi- 
cadoDS  de  Géographie  et  de  Cartographie,  dressé  et  rédigé  sous  la 
direction  de  F.  Scbbadbr,  Directeur  des  travaux  cartographiques 
de  la  librairie  Hachette  et  O*. 

Sxua£]rBSuppLAitBNT(1906)y  cootenaut  les  modifications  géographi- 
ques et  politiques  de  I9')ô.  —  Trois  cartes  doubles  tirées  en  couleurs, 
avec  texte  explicatif  au  dos.  Prix  :  3  fr. 

1-  -  Barop««ltaie»  par  D.  AlToPv.r^EthiioffraphUdela  Runie d'aprésles 
^lonaées  do  |«reiiiier  recensememt  de  ]u  population  de  l'Empire  russe  publiés 
eo  1905.  Cette  planche  représente,  sur  17  petites  cartes  a  la  même  échelle, 
Textension  des  principaux  groupes  ethniques  de  la  Russie  d'Europe  :Ruuê$, 
Moaaà,  Lituaniens,  Roumains^  Allemande.  Juifs,  Finnois,  Turco-Tatcws. 
^liSerents  peuples  du  Caucase,  etc.  Une  dix-huitiéme  carte  indique  l'ethno- 
graphie de  THraptre  toui  entier.  —  La  notice  qui  se  trouve  au  verso  donne 
u  composition  ethnique  de  la  population  par  gouvernements  et  districts 
correspondant  en  Russie  aux  départements  et  arrondie sements  français. 

U.  —  Abi^ve.  par  M.  Chesmeav»  —  Ver^  iguidi,  d'après  la  reconnais- 
ance  de  la  Compagnie  Saharienne  du  Touat.  Capitaine  Flye  Sainte-Marie 
>1S(H-1905).  —  Rrtncipales  explorations  récentes  au  Aforoc.  —  Nigeria,  Came" 
rvuL,  Congo  françau,  d'après  les  levés  de  l'expédition  Alexander-Gosling 
(19U-190»),  les  cartes  du  Tchad  du  capitaine  Tiltao  [tWi)  et  de  H..  Marquar- 
dsen  (1905j.  les  cartes  du  bassin  duLogone  de  M.  Moisel  dWBu  et  de  Q.Bni^ 
(K(i6i.  -  Le  Cours  supérieur  de  VAbaî  d'après  les  levés  de  W,  BlundeU» 
-  Tracé  du  projet  de  chemin  de  fer  entre  Diridaoua  et  Addis-Ababa,  d'après 
ks  éiades  de  la  Mission  topographique  française  (1903), 

fll  —  Amérlqnea»  par  V.  Huot.  —  Explorations  en  Bolivie  (Itinéraires 
^tcioiiMum  et  J.  Vaodiy.)  —ifrontière  SolioianO'Bolivienne  dans  la  région  du 
Haut-Paraguay.  —  Frontière  du  Brésil  et  de  la  Guyane  anglaise,  —  Frontie- 
m  définitioes  enire  les  Etats  de  l'Amérique  du  Sud  il905). 

CUITE  DE  L'AlFRilKM 

19,  Rue  Cassette.  Paris 

SOMMAIRS  DU  N*    68 

Lts  Iléaaitets  de  la  politique  intérlevre  du  Siam  an  I9e6« 

L'lada«eiiiaa  à  l*Bxposition  de  Maraailla,  par  R  C. 

U  Problème  analo^indien  iciitiquea  et  réponses»  par  CMoubby* 

U  NatloBallame  écoaomique  ea  etaiae, 

Lts  B«giea  finaaclèrea  ea  lado^eiiiBe,  par  X. 

Alla  Praaçaiae  :  La  Hgne  de  Tourane  à  Hué .  —  La  renaissance  de  l'in- 
dostrie  du  sel  en  Indo-Chine.  -  La  situation  économique  au  Cam- 
bodge. —  Revendications  des  colons  tonkinois. —  La  suppression  desclay  •. 

«Uac  :  L'édit  contre  l'opiiun.  —  Autres  édits  réformateurs.  —  Les  che« 
rnins  de  fer.  —  Les  douanes  maritimes.  ~  L*armée  chinoise.  —  La  réor- 
ganisation mandchoue.  —  L'ouverture  de  Nannlng  et  le  commerce   du 

^kiang.  •  Les  mines  de  Hainan. 

«orte  :  Le  port  de  Fou-san. 

MpoB  :  Les  question  des  écoles  de  San-Francisco.  —  NégociaUons  rusao- 
japooaiscs. 

»•!«  Russe  :  Le  chemin  de  fer  de  l'Amour.—  La  question  du  doublement 
au  Transsibérien. 

Tirqulo.  Un  incident  entre  Turcs  et  Persans  à  Kerbelah. 

^trta.  Les  négociations  russo-anglaises.  —  L'emprunt  anglo-fusse»  -^ 
L  Allemagne  dans  le  golfe  Perslque.  —  La  dUestiou  de  frontières  turco 
persane. 

Atic  aaelalsa.  Inde»  superficie  et  population*  —  Anstralasla.  Le 
tnité  franco-anglais  sur  les  Nouvelles-Hébrides.  —  Nomlaaiions  ofll* 
tielles*  •   BlPliograpiiia. 

CAKTES  ;  Le  Siam. 
Pnvoi  lur  dcmnndc  ù'un  bpci-imcn  gratuit. 


442  BIBLIOGRAPHIE 

QOESTIOIIS  DIFLOIÀTIK  t  COLOUUm 

Revue  de  politique  extérieure 
Paraissant  le  1®'  et  le  16  de  chaque  mois. 

ABONNEMENT  ANNUEL  :  15  fr. 
Hédaction  et  AdministtaHon  :   19,  Rue  Cassette,  Paris 


Son  MAIRE  DU     N*  236. 

Lucien  Cambier.  Le  Congo  français,  ses  ressources,  son  avenir,  ses  prtyets.'' 
Lieutenant-colonel  Lafarguk.  Les  armées  de  ta  péninsule  des  Balkans,  \ 
Edouard  Patbn.  Le  budget  des  colonies  pour  i9CfI, 

Chroniques  de  la  quinzaine.  —  Les  affaires  du  Maroc.  —  Le  message  du  Pré- 
sident Roosevell.—  Renseignements  politiques,^  Renseignementséconomiqua^ 
~  Nominations  officielles.  —  Bibliographie,  -  Livres  et  Revues.  —  TahUs 
des  matières  du  tome  XXII. 

Cartes  et  gravures.  Le  Congo  français.  —  Commerce  général  et  recettes  da 
Congo  (^graphiques).  —  Un  avant-projet  de  chemin  de  fer  par  la  vaUie  dt 
l'Ogooué.  —  Les  Etats  des  Balkans. 

Enx-oi  sur  demande  d'un  numéro  spécimen  gratnit. 

COiTÉ  DE  L'MBl  FIUIIÇM 

21,  rue  Cassette,  Paris 

Sommaire  ou  N«  12. 

One  Mission  d'fitudes  en  fithioplc.  Le  voyage  du  Lieutenant  CoUaU 
L'Accord-  fithloplOD. 
Les  Affaires  dn  Maroc*  Robert  de  Caix. 

Algérie*  Projet  de  codification  du  droit  Musulman.  Dans  FOueêt  et  le  Sm 
Oranais, 

Tunlsie.L'emprunf  de  75  millions.  Afrique  occidentale  française. L'emprun 
de  iOO  millions  Les  troubles  en  Mauritcmie. 

Maroc*  Raïssouni  et  la  question  de  Tanger,  Les  Puissance*  et  le  Maroc 
A  travers  le  Maroc, 

fitat  indépendant  du  eongo*  La  discussion  au  Parlement  Belge. 

Possessions  britanniques.  Côte  de  l'Or.  Nigeria  méridionale. 

Possessions  allemandes*  Généralités,  Togo,  Cameroun,  Sud-Oues 
Afrique  orientale. 

Le  eommerce  des  armes  en  Afrique  orientale*  Accord  du  13  d 
cembre. 

Daliomey*  La  mort  de  Béhamtn, 


OQïïap  rp;  i  la  lliolipe  le  la  Sodlitl! 

Tours    et  Châteaux  de  Touraine    (Les  Villes    d*art  célèbres) 

pari*.   ViTBY,  attaché  au  Musée  du  Louvre,   >'ari«,  1905,  l  vol 

m-4,  orné  de  107  gravoree. 
Voyage  en  France,  42*  série  Régiou  parisienne,   I,   Nord-£st. 

Le  Valois,  par  Abdodin-Dumazet,  Paris,  1906,  1  vol.  iii-12,  avec 

21  cartes  oa  croquis. 
La  Champagne,  Etude  de  géographie  régionale  par  £.Chantriot, 

agrégé  de  TU  Diversité,  docteur  ès-iettres,  Paris,  1906,  1  vol.  iii-8. 

avec  31  gravures,  21  planches  et  17  cartes  ou  graphiques. 
La  Belgiqxie,  lustitutious,  Industrie,   Commerce,  Ouvrage  publié 

par  le  Minktère  de  llndustrie  et  du  Travail  pour  le  Commissariat 

général  du  gouvernement  près  de  l'Exposition  universelle^et  inter- 

DatioDale  de  Liège,  Bruxelles,  1905,  1  vol.  in-8  orné  de  gravures 

et  portraits.  (Don  de  M.  le  Ministre  de   Tlndustrie  et  Travail  de 

Belgique.) 
Nuremberg,  (Lee  villes  d'art  célèbres)  par  F.  J.  Réb,  conservateur 

du  Musée  germanique  de  Nuremberg.  Paris,  1906,  1  vol.  iu-4,  orné 

de  106  gravures. 
Du  Kremlin  au  Pacifique,  par  Georges   Ducrooq,    Paris,  1905, 

1  vol.  in-8  orné  de  76  gravLres. 
A  travers  le  Haurftn  et  chez  les  Druses.  Excursion  à  Palmy- 

re  par  Homs,  par  M»**  Adélaide  Sarqenton   Galichon,  Genève, 

1906,1   vol.  in-16,  orné  de  6  gravures. 
Trois  ans  en  Indo-Chine.notes  de  Vo>age,  par  le  pasteur  J.  Pau- 

KiSR,  Toulouse,  1906,  1  vol.  in-8,  orné  de  gravures  et  une  carie. 

La  Colonisation  hollandaise  à  Java,  ses  antécédents,  ses  carac- 
tères di8tinctifs,par  Pierre  G  oumacd,  docteur  ès-lettres.  Paris,  1905, 
1  roi.  in-8. 

Les  Musulmans  Irançais  du  Nord  de  l'Airique.  par  Ismaël 
Hamit,  oôicierinterpréte  principal  à  l'Etat-major  de  TArmée.  Paris, 
1906, 1  vol.  in-18. 

L'affaire  Marocaine.  Le  Maroc,  La  France  et  le  Maroc^  TAccord 
Franco  Anglais,  T Accord  Franco- Espagnol,  le  Désaccord  Franco- 
Allemand,  les  Kéformes,  par  Y.  Béba&d,  Paris,  1906, 1  vol.  in-18. 

Annuaire  du  Maroc,  par  Albert  Codbin  et  Daniel  Saubui,  publié 
suus  le  patronage  du  Comité  du  Maroc,  1'"  année,  Paris,  1906,  IvoL 
10-8  orné  de  90  photogravures,  3  cartes  et  un  plan. 

Le  Maroc  pittoresque,  par  J.  du  Taillis,  Paris,  1905,  1vol.  in-8 
iliusiié  (le  116  reproductions  d'après  les  photographies  de  Fauteur 

Le  Commerce  et  l'Industrie  à  Fes.par  Ch.KenéLE  Clbbo.  Kap^ 
port  au  Comité  du  Maroc.  Paris,  1905.  1  broch.  in-8^  216  pp.  aveo 
plans.  (Don  du  Comité  du  Maroc.) 

Le  Caire,  le  NU  et  Kemphis.  (Les  TiUee  d*art  célèbred),  par 
Gaston  HloxoH,  Paris,  1906,  1  vol,  in-4,sveo  133  gravoret, 


444  OUVRAGES  REÇUS  A  LA  SOCIÉTÉ 

Les  intéréU  français  en  Ethiopie,  par ErnestViNCBNT, Paris  1905 

1  brooh.  io-8,  65  pp.  ^Don  du  Comité  dn  Maroc.) 
LaQuestion  de  l'Ethiopie,  par Ch.  Mighibi.,  Paris,  1905,  1  broch. 

in-8,  28  pp.  avec  uue  cane  (Don  de  1  Auteur.) 
Promenades  lointaines.  Sahara,    Niger,  Tombouctou,  Touareg, 

parle  Lieat-  U.  PAULHiAC.préface par  Hugues Lb  Roux, Paris,  1906, 

1  vol.  iii-16,  orné  d'un  portrait   et  de  10  tig.  hors  texte  et  dans  le 
texte,  avec  2  cartes. 

Amérique  et  Australasie  au  début  dnXX*  siècle,  par  M.  Fallbx 
et  A.  Maireï.  Paris,  1906,  1  vol.  in-16,  avec  103  grav.  et  6  cartes. 

Resouroe  Map  Dominion  ol  Canada.  Une  fenUle  en  couleurs 
au  12.000.0uu**  accompagnée  de  renseignements  statistiques.  Otta- 
wa, 1906,  <  publié  par  le  Department  of  the  Intérior  • 

Le  Salut  de  la  Race  hlanche  et  l'Empire  des  Vers,  par 
A.  £.  Mauan,  Traduction,  sommaires,  préface  et  introductions  par 
Jean  Izoulkt,  professeur  de  philosophie  sociale  au  Gdlège  de 
France.  Paris  1906,  1  vol.  in-8. 

La  Ghiyane  inconnue,  voyage  à  l'intérieur  de  la  Guyane  fran- 
çaise, par  Albert  BoRDCAUX.  Paris.  19U6,  1  vol.  in-lS. 

Oeografla  de  la  Provincia  de  Gorddba,  par  Manuel  E.  Rio  et 
Luis  Aou AVAL,  ingénieurs.  Publication  otticieile. Buenos- Aires,  1V04, 

2  vol.  in-8,  et  un  atlas  in-fo  de  10   planches.  (Don  de  M.  le  Gou- 
verneur de  la  Province  deCordoba.) 

Les  Chemins  de  1er  coloniaux  en  Afrique.  Chemins  de  fer 
dans  les  colonies  f ranyaises,  par  Ë.  de  fiENTY^capitaine  d'Infanterie 
breveté.  Paria,' 1906,  1  vol.  in- 12. 

Une  nouvelle  Terre-Neuve  avec  son  St-Eîerro-MIqnelon  et  le 
Coton  national  à  créer  sans  délai,  par  Ernst  Bumgb,  Le  Havre,  liK  6, 
1  broch.  in-8,  22  pp.  (Don  deTAuteur.) 

Les  produite]  coloniaux  d'origine  animale,  produits  alimen- 
taires, produits  industriels,  par  H.Jaoob  de  Cordicmoy,  professeur 
k  l'Ecole  de  Médecine,  Paris,  1903,  1  vol.  in-8^  avec  94  lig.  inter- 
calées dans  le  texte. 

Livret  Chaix "colonial,  guide  officiel  pour  le  transport  des  .Passa 
géra  et^Bes  marchandises  à  destination  des  Colomes  françeiBetf  et 
4ftns  l'intérieur  de  ces  colomes.  l'*  année,  l'^  édition  1906,  1  vol. 
in-8,  orné  de  13  cartes.  (Dou  de  M.  V.  Schmitt.) 

L'Année  coloniale,  nouvelle  série,  4«  année  1904/6,  Paris,  1905, 
1  vol.  in-18. 

Le  Héoanisme  de  la  vie  Moderne,  6«  et  dernière  sérioi  Les 
grandes  hôtelleries,  la  Bourse,  les  Transports  urbains,  Porcelaines 
et  Faïences,  Tapis  et  tapisseries,  par  le  Vicomte  Qt,  d'AVBNBL, 
Pfiris,  1906|  l  vol.  io-18. 


TABLE  DES  MATIÈRES 


ANNÉES    1904-1905 


EUROPE 


Voyage  à  lialte,  dans  les  Iles  du  Levant,  à  Rhodes  et 
à  Chypre,  par  M.  Gustave  Fougères    129 

L'importance  de  Brôme  comme  place  commerciale, 

tra.luctiou  de   M.  J.  Fritz    161 

Bosnie-Herzégovine  par  M.  Blanche    823 

L'autonomie  du  port  du  Havre,  par    M.    Laurbnt 
TocTAiN 876 


ASIE 

^Défense  da  l'Indo-Chine,  par  M.  De  Pouvouhville         289 

^Rénovation  de  la  Chine  et  l'Exemple  du  Japon, 

par  M.  Pierre  Leroy  Bbaulieu 391 


\FRIQUE 


^  Coton  en  Egypte,  par  M.  Henri  Lrcomte 1 

Voyagd  en  Tripolitaias    en  1903,  par  M  le  Vicomte  de 
Mathoisibulx 13 


446  TABLE   DES   MATIÈRES 

Ifission  du  Bourg  de  Bozas,  par  M.  le  docteur  Bbuupt  86 

La  politique  française  au  Maroc,  par  M.  Eua.  Etienne  86 

Le  Réservoir  d'Assouan  et  le  lac  Moeris 1B9 

Les  intérêts  allemands  au  Maroc,  par  M.  J.  Fbitz iil 

AMÉRIQUE 

Au  Pays  du  Caoutchouc,  par  M.  Emile  Bonnecuaux  ...  4d 

République   Argentine  par  M.  Carlos  Lix  Klett    ....  176 

L'Elevage  et  les  grandes  cultures  duis  la  République 

Argentine,  par  M.  Emile  Dairkaux   193 

Travaux  du  port  de  Rosario,  par  M.  Carlos  Lix  Klett  245 

L'Ile  de  Cuba,  par  M.  Charles  Beroiion 257 

PÔLES 

Une  expédition  au   Pôle  Sud,   par  M.    le  docteur 

J.  Chaboot  • 353 

GÉNÉRALITÉS 

La  main-doeuvre  aux  colonies,  par  M.  Francis  Muby.  110 

La  lutte  pour  le  ooton  colonial,  par  M.  Paul  Boubdarie.  413 

ACTES  DE  LA  SOCIÉTÉ 

Liste  générale  des  Membres  de  la  société    I 

BibUogrâphie 60,  184,  25*,  284,  441, 


/ 


TABLE  DES   MATiftREB  447 

Ouvragées  reçns  à  la  Bibliothèque  de  la  Société  ...68,  128 

254,  287,  441 

Oavrag^es  offerts  par  le  général  Abohimabd    846 

Oavra^es  légués  par  M.  J.  Dblamalle    436 

Procta- Verbaux  des  séances  du  Comité    247,  841 


'  HA.VHK  -  I-PDrimTi-»  Nja/allo,  «i.-D-  (^JJLSr,  II,  rav  «lu  ChfMou  -  HAVRJI 


SOCIETE 

DE 

GEOGRAPHIE  COMMERCIALE 

BUliliETlH 

▲NNËB8    1006-1907 


éoCtRaphie  commerciale 


IDXJ  IÏA.VR.:S 


BULLETIN 


XXllI    Années-  l'rTi-imcf^tre  iUOH 


IIAVllK 

AU  SIÈGK  l)K  LA  SOClll-TK 

Kil,  l'.ri:  DK  i'.\ins,   l;;i 


^ 

.;;:••; 


SOMMAIRE 


Henri  Blot  Lcfevrc i 

La  Frontière  Lorraine,  par  M.  AiîDorjN-DrMAZET •'• 

La  Fabrication  de  Chapeaux  à  Tamatave V»* 

Ouvrages  reçus  à  la  Bibliothèque  de  la  Société    i*I 

Liste  des  membres  de  la  Société    i 


RÉUNIONS 

Les   Réunion;»   du   Comité  ont   lieu  le  4I""  mercredi  de  chaque  mois, 
excepté  pendant  les  mois  d'août  et  septembre. 

Tous  les  membres  de  la  Société  peuvent  y  assister. 


Bir3LfOTHEQUE 

La  Bibliotlu'ipu  de  !»  Sociéu^  est  OUVerte  tOUS  leS  SOirS,  excepté 
Ic>  dini.inchvs  ^:\  jours  l'éru^.  Je  l«  h.    1    :  à  7  h.  1  2  et  de  8  h.  1   a  à  loh. 


T<»uiv4   K.^   ^i.s'i« M. .;•:! .alliions   et   rous   les   renseij^nements  doivent    être 
jdrci..t     ji.  bv*.  :etjlrv    »«.;..:»  .il. 


/  /  ^^■ 


Henri   BLOT-LEFEVRE 


La  Société  de  Géographie  Commerciale  du  Havre  a  été 
douloureuseoientatteinte  dans  la  personne  de  son  Prési- 
dent Henri  Blol'Lefevre,que  Tunanimité  des  suffrages 
de  ses  collègues  avait  depuis  5  ans  placé  chaque  année 
à  la  tête  de  notre  compagnie,  est  décédé  le  29  Mars 
dernier  dans  sa  51®  année.  Il  est  des  hommes  qu'une 
nn,mémeprématurée,ne  surprend  pas  ;  le  mal  qui  doit 
les  emporter  leur  donne  des  avertissements  répétés; 
Henri  Blot-Lefevre  a  été  frappé  presque  à  Timprovistc  ; 
il  est  tombé  en  pleine  vigueur,  en  possession  de 
lui-même. 

Il  appartenait  à  cette  classe  d'hommes,  plutôt  rares, 
que  recommande  les  qualités  du  cœur,  autant  que  cel- 
les de  Tesprît.  Il  avait  du  caractère,  mais  sans  raideur  ; 
aoe  réelle  bienveillance  sans  l'ombre  de  fierté  ;  ce  qui 
Id  distinguait  entre  tous,-  c'était  son  exquise  urbanité  : 
elle  lui  avait  acquis  la  sympathie  universelle.  Bien 
connu  dans  le  monde  des  ailaires  où  il  avait  fourni  une 
carrière  déjàUmgue,  il  était  arrivé  à  cet  ôge  où  l'hom- 
me, après  avoir  solidement  assis  sa  position  sociale, 
peut  consacrer  une  part  de  son  labour  aux  intérêts 
généraux  de  sa  ville  ou  de  son  pays  et  faire  profiter  les 
autres  de  l'expérience  acquise  dans  la  conduite  de  ses 
intérêts  privés.  C'est  par  notre  société  qu'il  avait  com- 
mencé. Membre  de  notre  Comité  depuis  longtemps,  il 
était  devenu  notre  Président  en  1901.  Plus  tard  il  fut 
élu  membre  de  la  Chambre  de  Commerce,  qui  tient 
par  tant  de  liens  étroits  à  la  Société  do  Géographie 
Commerciale  ;  il  en  était  devenu  ensuite  le  trésorier. 

Son  dévouement  pour  la  Société  de  Géographie  était 
sans  réserve.  Quand  nous  évoquons  son  souvenir  nous 
le  revoyons  dirigeant  nos  délibérations  et  présidant 
nos  conférences  publiques  avec  une  bonhomie  souriante 
et  pleine  de  finesse.  Sa  parole  était  simple  sans  banalité 
sa  pensée  toujours  claire  et  précise  ;  la  qualité  maîtresse 


SOCIÉTÉ  DE  GÉOGRAPHIE.  —  1"  trlmeslre  1906 


2  HENRI    BLOT-LEFEVRE 

de  son  esprit  était  la  distinction.  Sa  mort  a  causé  une  émo- 
tion profonde. 

Au  cinîetière,  M.  J.  Couvert,  président  de  la  Chambre  de 
Commerce,  ancien  président  de  la  Société,  a  pris  la  parole 
en  ces  termes  : 

((  Messieurs, 

((  Le  cruel  événement  qui  nous  réunit  d'une  façon  si  im- 
prévue autour  de  cette  tombe, m'impose  le  pénible  devoir  de 
dire  publiquement, au  nom  de  la  Chambre  de  Commerce, un 
dernier  adieu  au  regretté  collègue  que  nous  perdons,  tandis 
que  le  profond  chagrin  de  ce  brutal  départ  m'engagerait  à 
pleurer  silencieusement  un  ami. 

((  Henri  Blot,  comme  beaucoup  de  membres  de  notre 
famille  commerciale,  n'était  pas  de  souche  havraise.  Venu 
au  Havre,  il  y  a  plus  de  trente  ans  pour  y  faire  son  appren- 
tissage, il  y  fut  retenu  à  la  fois  par  l'attrait  que  les  grandes 
opérations  de  notre  port  exerce  toujours  sur  l'esprit  de  la 
jeunesse  véritablement  laborieuse  et  par  l'accueil  qu'il  ren- 
contra dans  la  maison  à  laquelle  il  était  attaché.  On  sut  y 
apprécier  bien  vite  non  seulement  l'aménité,  la  loyauté  de 
son  caractère,  mais  aussi  les  sérieuses  promesses  que  don- 
nait son  intelligence  ouverte  aux  conceptions  commerciales 
et, pendant  qu'il  lui  fut  permis  de  collaborer  è  la  prospérité 
de  la  maison  qui  l'avait  accueilli  et  qu'il  devait  continuer 
plus  tard,  il  eut  l'inestimable  bonheur  d'y  trouver  pour 
compagne  la  femme  accomplie,  qui  pleure  aujourd'hui  et 
que  nous  ne  saurions  consoler. 

«  Henri  Blot-Lefevre,  qui  était  d'esprit  prudent  et  réfléchi, 
ne  voulut  participer  aux  fonctions  publiques  que  lorsqu'il 
eut  la  certitude  que  l'expérience  acquise  dans  la  pratique  des 
affaires  lui  permettrait  d'accomplir  dignement  et  utilement 
pour  ses  concitoyens  les  tâches  qui  lui  seraient  dévolues. 

«  C'est  ainsi  qu'il  n'accepta  qu'après  dix-huit  ans  de  car 
rière  commerciale  les  fonctions  de  juge  consulaire.  Appelé 
au  Tribunal  de  Commerce  en  1893,  il  y  siégea  pendant  huit 
années  consécutives,  montrant  particulièrement  pendant 
les  quatre  dernières  années  de  ce  mandat, comme  président 
de  section  et  juge  titulaire,  sa  haute  intégrité,  son  sens 
précis  do  la  justice  et  de  l'équité. 


HENIU    BLOT-LEFEVRE  3 

«  Il  fut  en  même  temps,  en  1893,  choisi  par  le  Conseil  de 
régence  de  la  Banque  de  France  comme  censeur  de  la  suc- 
cursale du  Havre  ;  dans  ce  poste  de  confiance  qu'il  occupait 
hier  encore,  il  sut  rendre  d'excellents  services  à  notre  grand 
établissement  national. 

((  Mais  beaucoup  d'entre  nous,  particulièrement  celui 
qui  a  la  douleur  de  parler  ici,  pensèrent  que  l'action  de 
notre  ami  pouvait  utilement  se  manifester  d'une  façon  plus 
extérieure,plus  agissante  que  dans  les  silencieuses  fonctions 
qu'il  avait  jusque-là  acceptées. 

(«  La  curiosité  de  son  esprit,  la  notion  exacte  qu'il  possé- 
dait du  rôle  de  notre  pays  dans  le  commerce  du  monde,  le 
désignèrent  pour  la  présidence  de  la  Société  de  Géographie 
commerciale  du  Havre. 

«  II  est  presque  superflu  de  rappeler  avec  quel  zèle,  quelle 
compétence  il  présida  cinq  ans  cette  Société  et  ses  nom- 
breuses  conférences  ;  il  s'adonnait  avec  ardeur  à  ses  travaux 
et  c'est  en  présidant  la  dernière  de  ces  conférences  qu'il 
sentit  les  premières  et  rudes  atteintes  du  mal  qui  devait  si 
prématurément  l'emporter. 

«  Les  qualités  supérieures  montrées  par  Henri  Blot-Lefe- 
vre  dans  l'exercice  de  ses  diverses  fonctions,  la  haute  situa- 
lion  qu'il  occupait,  soit  dans  la  corporation  des  cuirs  et 
peaux  qu'il  présidait  également,  soit  au  Syndicat  général 
du  commerce  et  de  l'industrie, marquait  sa  place  à  la  Cham- 
bre de  commerce. 

«  Entré  dans  notre  compagnie  à  la  fin  do  1902,  il  sut  bien 
vite  acquérir  parmi  nous  une  notoire  autorité  ;  prompte- 
ment  son  zèle  assidu,  son  bienveillant  dévouement  nous 
engagèrent  à  lui  demander  de  siéger  dans  les  Commissions 
des  douanes,  de  l'outillage  maritime  et  de  l'Ecole  do  com- 
merce, et  il  y  a  deux  années,  la  confiance  de  ses  collègues 
t'affirmant  chaque  jour  davantage,  le  poste  délicat  de  se- 
crétaire-trésorier de  notre  Compagnie  lui  fut  attribué. 

«  Notre  collègue,  notre  ami  a  donc  été  frappé  en  pleine 
vie,  au  moment  oïl  la  maturité,  la  silreté  de  son  esprit  nous 
donnaient  pour  l'avenir  de  sa  collaboration  les  assurances 
les  meilleures,  au  moment  où  nous  pouvions  mesurer  toute 
la  valeur  des  services  qu'il  rendait  et  devait  rendre  long- 
temps encore  à  la  chose  publique. 
«  Mais  si  nous  pouvons  douloureusement  apprécier  la  per- 


4  HENRI   BLOT-LEFEVRE 

te  que  cette  mort  prématurée  cause  aux  intérêts  généraux, 
combien  plus  encore  sentons-nous  le  vide  que  laisse  au 
milieu  de  tous  le  départ  de  l'excellent  ami  que  perdent  non 
seulement  les  membres  de  notre  Chambre,  mais  tous  ceux 
qui  nous  entourent. 

((  Lorsque  la  mort,  si  rapide,  brutale  même,  d'Henri  Blol- 
Lefevro  fut  connue  à  la  Bourse,  l'émotion  fut  considérable, 
les  regrets  furent  unanimes  ;  c'est  là  ce  que  nous  avons 
voulu  traduire  en  mettant  en  berne  non  seulement  les  dra- 
peaux de  notre  siège  et  de  nos  établissements,  mais  celui  j 
de  la  Bourse  elle-même,  et  nous  ne  pouvons  exprimer  no-  I 
tre  douleur,  celle  de  tous,  (ju'en  disant  que  nous  regrettons  * 
Henri  Blot  de  tout  notre  cœur. 

((  Adieu,   mon  cher  ami,  nous  vous  aimions  bien.  Nos 
regrets  se  confondent  avec  l'immeuse  douleur  de  tous  les  ; 
vôtres.    Que  cette  pensée  et  les  espoirs  de  l'au-delà  leur 
soient  une  consolation.  » 

M.  L.  Guitton,  vice-président  de  la  Société,  s'est  fait  en-" 
suite  notre  interprète  : 

«  Messieurs, 

((  La    Société  de  Géographie  Commerciale  du    Havre- 
doit  à  un  président  tel  qu'était  Nf.  Henri  Blot  LefevreThoiD- 
mage  pubhc  de  ses  profonds  regrets.  Nous  pleurons  en, 
lui  l'homme  qui,  par  sa  direction  aussi  ferme  quelle  était 
pleine  de  tact  et  d'aménité,  avait  su  grouper  autour  de' 
lui  tous  nos  dévouements.  Il  avait,  comme  nous,  la  coft- 
viction  que  la  Soc  été  de  Géographie  commerciale,  dana' 
la  sphère  restreinte  de  son  action,  remplit  néanmoins  son! 
rôle  utile  et,  pendant  les  cinq  années  trop    courtes  de  sa 
présidence,  il  n'a  cessé  do  lui  consacrer,  malgré  ses  occu- 
pations multiples,  uikî  ardente  et  toujours  égale  sollicitu- 
de, ne  négligeant  aucun(î  occasion  de  développer  les  forces 
et  l'activité  do  la    Société.  Nous   lui  en    renouvelons  ici 
l'expression  de  nôtres  ^n-atitudi^  et  si  nous  disons  aujour  ' 
d'hui  à  SCS  restes  mortels  un  éternel  adieu,  nous  conserve- 
rons pieusement  sa  mémoire  comme  un  exemple  et  commo  i 
un  encouragi'uient  a  poursuivre  l'teuvre  (ju'il  a  si  digne- 
UKînt  et  si  vaillamment  c()n(luite.  » 


lia    Frontière   Loirraine  ^^^ 


I 


Mesdames  Messieurs, 

Nous  venons  de  passer  par  une  phase  d'appréhensions, 
presque  d'angoisse,  qui  n^est  pas  encore  oubliée.  Je  n*ai  pas 
besoin  d'insister,  vous  m'avez  compris.  Pendant  cette  pé- 
riode, toutes  les  pensées  se  sont  tournées  vers  la  frontière  de 
/Est  Nous  avons  tous  entendu  ou  répété  ces  mots  :  «  Som- 
mes-nous prêts,  pourrons-nous  résister  à  une  invasion,  la 
frontière  est-elle  suffisamment  fermée,  est-elle  suffisam- 
ment gardée  ?  » 

On  peut  répondre  par  TaSirmative.  Mais  si  la  barrière, 
est  solide  maintenant,  combien  était  grand  le  danger  au 
lendemain  de  la  guerre  I 

Avant  1870  nous  étions  à  Tabri,  la  frontière,  en  somme* 
était  couverte.  Une  première  barrière  naturelle,  le  Rhin, 
nous  protégeait  à  TEst  j  en  arrière  c'était  la  crête  des  Vos- 
ges ;  au  Nord  le  massif  des  Petites  Vosges  offrait  des  posi- 
tions précieuses.  La  voie  d'accès  offerte  par  la  Moselle  était 
barrée  par  Metz.  Seule  la  trouée  dite  du  Tiercelet,  vers 
Longwy,  semblait  se  prêter  à  l'invasion. 

Le  danger  pourtant  n'est  pas  venu  par  là.  Il  s'est  produit 
[âr  notre  faute  :  au  lieu  de  nous  appuyer  sur  les  lignes  de 
résistance  naturelle,  nous  avons  porté  en  avant  des  forces 
trop  faibles  que  leur  vaillance  n'a  pu  empêcher  d'être  écra- 
sées puis  submergées  :  à  Wissembourg  d'abord,  puis  à 
Freschwiller.  Alors  nous  avons  abandonné  toutes  les  dé- 
fenses naturelles;  les  Petites  Vosges,  qui  pouvaient  arrêter 

(1)  Coftférenee  faite  devant  la  Société,  de  Géographie  Commerciale  du 
Bwm  le  »  Mars  1906. 


6  LA    FRONTIÈRE    LORRAINE 

des  armées  furent  laissées  à  l'envahisseur.  Sur  une  autre 
partie  de  la  frontière,  vers  Forbach^  le  môme  désastre  se 
produisit  et  là  encore  nous  battions  en  retraite,  abandon- 
nant des  positions  que  l'on  aurait  pu  disputer. 

Cette  frontière  que  nous  n'avons  pas  su  défendre,  nous 
Tavons  perdue.  On  nous  a  imposé  les  limites  actuelles,  de 
pure  convention.  Les  Allemands^  qui  se  targuent  tant  de 
conceptions  géographiques^  qui  préconisent  la  délimitation 
par  les  crêtes  et  les  eaux,  qui  revendiquent  tout  pays  où 
sonne  un  idiome  germanique^  ont  cependant  exigé  la  région 
de  Metz  qui  est  bien  française  par  la  langue  comme  au 
point  de  vue  topographique.  Ils  ont  ainsi  créé  une  trouée 
qui  leur  permettait  d'entrer  sans  peine  chez  nous.  Metz, 
avant  la  guerre,  était  la  sauvegarde  pour  la  France,  au- 
jourd'hui c'est  pour  elle  la  grande  menace. 

La  frontière  telle  que  l'imposa  le  traité  de  Francfort 
n'avait  aucune  valeur  militaire,  bien  au  contraire,  car  les 
Vosges  pouvaient  être  tournées  vers  le  Nord, où  la  Lorraine 
annexée  conduit  vers  la  vaste  plaine  de  VVoëvre,  région 
sans  défense  dans  laquelle  l'ennemi  pourrait  arriver  par  de 
multiples  routes. 

Nous  avons  dû  transformer  la  frontière  imposée,  lacons- 
truire,  la  forger  de  toutes  pièces  pour  ainsi  dire.  Il  a  fallu 
la  couvrir  par  des  forteresses,  la  relier  à  l'intérieur  par  des 
voies  ferrées  permettant  d'amener  rapidement  des  troupes. 

On  a  accompli  une  œuvre  superbe  et  formidable  que  l'on 
ignore  trop. 

Il  n'y  a  pas  longtemps,  je  lisais  dans  un  journal,  sous  la 
plumé  d'un  homme  politique  influent,  que  nous  nétioos 
pas  prêts,  et  que,  notamment,  nous  n'avions  pas  de  chemin 
fie  fer  stratégique  assurant  la  concentration.  C'est  une 
erreur  absolue,  inexplicable.  Nous  sommes  certainement 
aussi  bien  outillés,  sinon  mieux,  que  les  Allemands.  Jesotf 
allé  souventdo  l'autre  côté  de  la  frontière,  j'ai  vu  C6 qu'ont 


La  frontière  lorraine  7 

lit  nos  voisins^  j'ai  pu  comparer  avec  ce  que  nous  avons 
âtnousmêmes^  certainement  nous  avons  accompli  davan- 
ige. 

Notre  réseau  ferré  est  très  complètement  aménagé,  de 
>usies  points  de  la  France  on  peut  amener  des  troupes 
la  frontière  sans  avoir  besoin  de  faire  rebrousser  les 
rains.  J'ai  lu  cependant  — et  fauteur  de  cette  affirmation 
mit  au  scandale  —  que  nous  n'avions  pas  de  lignes  per* 
&ettantd*acheminer  nos  régiments  de  Limoges  vers  Nancy. 
^rtes^  si  nous  cherchons  dans  un  indicateur  des  trains 
induisant  de  Limoges  à  la  frontière  de  l'Est,  nous  n'en 
irouvons  pas  ;  mais  si  l'on  consulte  la  carte  des  chemins  de 
ierdu  ministère  de  la  guerre  où  les  lignes  à  deux  voies,c*est 
à-dire  aptes  au  transport  intense  des  troupes  sont  indiquées, 
oa  reconnaît  entre  chaque  chef-lieu  de  corps  d'armée  et  une 
^^  positions  de  rassemblement  à  la  frontière  une  ligne 
inioterrompue  à  double  voie,  absolument  indépendante  de 
%s  voisines.  Ainsi  de  Toulouse  et  de  Limoges,  nos  corps 
darmée  se  dirigeront  vers  Toul  par  Issoudun,  Bourges, 
Auxerre  et  Troyes. 

Lorsqu*on  était  menacé  d'encombrement  par  le  passage 
de  plusieurs  corps  d'armée  dans  une  môme  direction,  on  a 
doublé  les  lignes,  ainsi  dans  l'Ouest  où  les  corps  d'armée 
de  Nantes  et  de  Rennes  utiliseront  des  voies  rapprochées, 
^iûâi,  surtout,  entre  Vitry-le- François  et  le  défilé  de  l'Or- 
ûain  à  Nançois-Tron ville  où  Ton  a  accolé  une  seconde  ligne 
à  deux  voies  à  celleque  suivent  les  trains  de  Paris  à  Nancy, 
ii  y  a  là  sur  une  longueur  de  quinze  lieues,  huit  files  paral- 
lèles de  rails. 
h  vous  signale  ces  grands  travaux,  parce  que  je  ne  re* 
Rendrai  pas  sur  les  voies  de  communication.  Je  voudrais 
ii^aiDtenant  vous  dire  les  aspects  pittoresques  de  la  région 
^^ntière  et  aussi  la  valeur  économique  du  pays. 
Celle-ci  est  très  considérable,  mais  on  Ta  découvert  il  y  a 


8  LA   FRONTIÈRE   LORRAINE 

peu  de  temps.   Avant  la  guerre,    rares  étaient  ceux    qui 
soupçonnaient  les  richesses  de  cette  partie  de  la  Lorraine 
et  du  Luxembourg  français.  Aussi,  au  moment  où  le  dou- 
loureux traité  de  1871  nous  était  imposé,  le  colonel  Lausse- 
dat,  un  des  deux  officiers  chargés  du  tracé  de   la  nouvelle 
frontière  —  l'autre  était  le  général  Doutrelaine  —  eut  il  une 
véritable  lutte  à  soutenir.  Il  connaissait  l'existence   des 
gisements  de  fer  autour  de  Briey  et  Long^vy,  il  en  avait 
apprécié  la  valeur,  aussi  voulait-il  à  tout  prix  que  l'on  gar- 
dât cette  région,  mais  il  trouva  une  hostilité  absolue  delà 
part  des  hommes  politiques,  notamment  de  Thiers.   Vous 
savez  combien  celui-ci  était  entier  dans  ses  idées,  c  est  lui 
qui  avait  déclaré,  à  propos  des  chemins  de  fer,  que  Tinven-   -j 
tion  nouvelle  ne  serait  qu'un  joujou  parisien  pour  aller  se  J 
promener  à  Saint-  Germain .  '' 

En  1871,  le  chef  du    pouvoir  exécutif  qui  voulait  une   "! 
solution  prompte,  répondit  :  «  Du  fer,  il  y  en  a  partout  en  '* 
«  France,   d'aussi    bon   qu'en  Suède,  et  la  prospérité  de 
((  l'industrie  métallurgique  dans  l'Est  n'est  qu'une  pureillu- 
«  sion  qui  ne  durera  pas  éternellement,  w 

Erreur  colossale  !  Aujourd'hui  tout  le  fer  que  l'on  con- 
somme en  France,  une  grande  partie  du  fer  consommé  en 
Allemagne,  en  Belgique,  en  Angleterre  vient  de  celle 
région.  , 

Le  colonel  Laussedat,  aidé  de  M.  Pouyer-Quertier,  a 
obtenu  qu'une  partie  de  celte  zone  nous  fût  laissée,  les 
Allemands  ont  pris  le  reste,  notamment  les  hauts-fourneaux 
d*Hayange  et  de  Moyeuvre  qui  étaient  une  de  nos  gloires 
nationales. 

Ces  gisements  se  trouvaient  au  point  d'où  nous  allons  par-    ; 
tir,  à  la  frontière  de  Luxembourg.Ils  s'étendent  non  seule-    j 
ment  sur  la  Lorraine  française  et  la  Lorraine  annexée,    ; 
mais  encore  sur  le  Luxembourg  français  et  une  partie  de 
la  Belgique.   Il  y  a   trente  ans,   malgré  Timportance  des 


LA    FRONTIÈRE    LORRAINE  9 

hauts-fourneaux  d'Hayange,  on  n'avait  pas  la  moindre 
idée  de  lénormité  de  cette  fortune.  Sur  plus  de  100  kilomè- 
tres la  couche  de  minerai  s'étend  sans  interruption,  partout 
fument  les  hauts-fourneaux.  Pour  permettre  une  mise  en 
valeur  plus  complète,  il  manquait  sur  place  le  combustible. 
Des  recherches  paraissent  avoir  établi  que  les  gisements 
de  Sarrebruck  se  prolongent  jusque-là.  Il  y  aurait  donc,  sur 
leméme  terrain,  le  fer  et  la  houille  comme  en  Westphalie 
et  en  Angleterre^  avantage  jusqu'ici  refusée  l'industrie 
(raoçaise. 

Cette  région  du  fer  commence  vers  la  ville  de  Montmédy, 
ancienne  capitale  du  Luxembourg  français,  petite  forteresse 
<]ui  a  fait  son  devoir  en  1870,  en  résistant  tant  que  cela  fut 
possible. Montmédy  se  compose  de  deux  villes,Médy-hautet 
Médy-bas.  La  ville  haute,  rocher  entouré  de  fortifications, 
est  désertée  ;  la  population  est  descendue  à  la  ville  basse  où 
'fcs  routes  et  les  voies  ferrées  appellent  la  vie. 

Montmédy  espère  sa  part  delà  fortune  minérale,  les  re- 
cherches se  poursuivent  autour  d'elle. 

Mais  l'activité  la  plus  considérable  restera  à  sa  voisine, 
LoDgwy,  établie  au  cœur  du  bassin  minier.  C'est  encore 
une  forteresse,  Longwy,  et  une  cité  double  :  la  ville  haute, 
très  régulière,  couvre  un  rocher  aménagé  par  Vauban.  Au 
pied  un  quartier  plus  populeux  possède  la  gare,  très  impor 
^Dte,  où  se  réunissent  tous  les  trains  reliant  Paris  au 
Luxembourg  ou  se  dirigeant  vers  Metz  et  Nancy. 

A  partir  de  Longwy  on  est  constamment  dans  les  mines 
defer.Les  travaux  sont  gigantesques,en  moins  de  trente  ans 
&n  a  complètement  creusé  le  pays.  Du  bord  de  certaines 
mines  on  a  la  sensation  de  rabime,comme  au  sommet  de  la 
^ilaise  de  la  Hève,  par  la  hauteur  de  l'escarpement  ;  mais 
aesont  pas  vos  blanches  parois  et  la  mer  bleue,  on  voit 
des  gradins  fauves,  un  cirque  couleur  de  rouille.  Des  voies 
terréescourant  au  long  des  parois  descendent  dans  l'abîme. 


10  LA    FRONTIÈRE   LORRAiNE 

Une  nuée  de  travailleurs  attaquent  le  gîte,  le  pays  n'a  pu 
fournir  assez  d'ouvriers,  on  a  da  faire  appel  aux  Italiens, 
si  nombreux  sur  quel([ues  concessions  que  Ton  entend 
beaucoup  plus  parler  l'italien  que  le  français.  Los  libraires 
vendent  des  journaux  italiens  autant.que  de  journaux  fran- 
çais. Dans  la  dernière  grève,  les  Italiens  étaient  les  inspi- 
rateurs du  mouvement. 

Le  terrain  minier  se  prolonge  sur  le  territoire  allemand 
c'est  à-dire  sur  la  Lorraine  qui  nous  a  été  prise.  Il  remplit 
entièrement  l'espèce  de  défilé  appelé  trouée  de  Tiercelet. 

C'était  l'un  des  points  surveillés  avant  l'invasion.  Depuis 
que  Metz  nous  a  été  enlevé  et  permet  l'accès  de  notre  terri- 
toire, l'importance  de  cette  voie  est  amoindrie,  c'est  pour- 
quoi l'on  n'a  pas  renforcé  Montmédy  et  Longwy.  Cepen- 
dant le  rôle  militaire  de  la  trouée  n'est  pas  fini  et  sa  richesse 
en  fer  est  de  nature  à  faire  naître  bien  des  convoitises. 

L'abandon  de  cette  riche  région  serait  un  désastre  écono- 
mique ;  si  nous  perdions  ces  mines,  la  PYance  serait  rédui- 
te à  de  rares  gisements  suffisamment  riches,  comme  ceux 
du  département  de  TOrno  qui  ont  fort  développe  le  port  de 
Caen.  Les  anciennes  mines  qui  tirent  la  fortune  de  tant  de 
nos  provinces  ont  une  teneur  trop  faible  pour  lutter  contre 
les  gisements  de  Lorraine. 

Bien  au  delà  de  Nancy  on  rencontre  cette  industrie  du 
fer  ;  jusqu'au  confluent  de  la  Meurthe  et  de  la  Moselle,  elle 
couvre  une  zone  où  la  frontière,  purement  artificielle,  n'a 
aucune  défense  fixe.  Nous  pouvons  entrer  facilement  en 
Lorraine  annexée  et  les  Allemands  n'ont  pas  d'obstacles 
pour  pénétrer  chez  nous.  On  commence  à  trouver  des  pré- 
cautions vers  Thionville,  que  les  vainqueurs  ont  entouré 
d'ouvrages  détachés  et  où  ils  ont  garnison.  Thionville  c'est 
en  quelque  sorte  une  avancée  de  Metz,  la  grande  place  qui 
est  pour  nous  une  menace  plus  encore  qu'un  obstacle. 

En  face  de  Metz, nous  n'avons  pas  de  défense  immédiate  | 


LA   FRONTIÈRE   LORRAINE  ii 

est  plus  loin  que  nous  avons  établi  nos  lignes  de  résistan- 
sen  établissant  la  chaîne  de  forteresses  la  plus  formidable 
ui  soit  peut-être  au  monde.  Chaîne  continue,  sauf  deux  ou 
rois  passages  volontairement  laissés,  comme  des  couloirs, 
>\i  les  troupes  allemandes  seront  forcément  obligées  de  pé- 
nétrer. Au  nord,  un  de  ces  couloirs  s'ouvre  entre  la  frontiè- 
re et  le  camp  retranché  de  Verdun,  il  comprend  en  partie 
la  plaine  de  la  Woëvre,  dont  la  zone  méridionale  offre,  en 
iTaot  de  Metz, un  immense  champ  de  rassemblement,de  par- 
cours difficile  cependant.  La  petite  rivière  d'Orne,  des  ruis- 
iieaax  lents,  une  multitude  d'étangs,  des  bois  permettraient 
[d'organiser  une  résistance  méthodique.  Mais  la  Woëvre  ne 
[te prêtant  pas  à  la  fortification,  nous  avons  assis  notre 
fEgne  de  défense  sur  la  Meuse  et  la  Moselle,  en  transformant 
fTferdun  et  Toul,  les  vieilles  places  d'autrefois. 
f  Verdun,  avant  1870,  était  une  bien  petite  ville,  dans  une 
^mceinte  fameuse  par  les  sièges  subis.  La  cité  n'a  pas  dé- 
f-krdéles  remparts  de  Vauban,  mais  les  forts,  construits  à 
:h périphérie,  ont  prodigieusement  étendu  les  limites  de  la 
i|iace,  une  garnison  nombreuse  a  nécessité  la  construction 
Cimmenses  casernes.  Ces  troupes  ont  bien  modifié  l'aspect 
ifd  la  ville,à  certaines  heures,après  le  repas  du  soir  surtout, 
OD  ne  rencontre  que  des  troupiers  ;  comme  dans  la  chanson 
<A  entend  seulement  le  bruit  des  bottes.  La  population  de 
I  Verdun  estde  22.000  habitants  dont  plus  de  10.000  hommes 
de  garnison;  avec  les  soldats  qui  occupent  le  village  de  Thier- 
ville  ou  les  forts,  c'est  à  15.000  hommes  qu'il  faut  évaluer 
Teffectif. 

La  défense  nécessitera  plus  de  monde  encore,  réservistes 
>ll  territoriaux  accourront  à  la  première  alerte  pour  partici- 
|er  à  la  défense  de  ce  camp  retranché  dont  le  circuit  atteint 
48  kiiomètres.Sur  cette  immense  étendue  on  a  multiplié  les 
OOTrages,  forts  et  batteries  qui  nécessiteraient  pour  un 
Bège  eo  règle  la  valeur  de  quatre  corps  d*armée. 


12  LA    FRONTIÈRE    LORRAINE 

Verdun  produit  une  impression  profonde  par  le  nombre  et 
la  puissance  de  ses  ouvrages  ;  d'autres  forteresses,  Besan- 
çon, Briançon  et  Grenoble  par  exemple,  peuvent  paraître 
plus  inexpugnables,  parce  que  leurs  forts  couvrent  de  hau- 
tes montagnes  et  d'abrupts  rochers.  Mais  à  Verdun  on  est 
frappé  de  la  multiplicité  de  ces  fortifications  couvrant  des 
collines  de  hauteur  moyenne. 

Aux  yeux  du  visiteur,  il  semble  qu'on  ne  pourrait  arriver 
à  forcer. un  tel  passage  et  cela,  en  effet,  nécessiterait  de 
longs  et  gigantesques  efforts,  peut-être  infructueux. 

Verdun  estséparé  de  la  plaine  deWoëvre  par  un  large  bour- 
relet de  hauteurs  abruptes  ;  les  Côtes  de  Meuse  tombant  en 
pentes  raides  d'un  côté  sur  la  plaine,de  l'autre  sur  la  Meu 
se.  Ces  belles  collines  des  Côtes,  couvertes  de  bois,  offrent 
à  l'ennemi  un  obstacle  d'autant  plus  sérieux  que  les  routes 
sont  rares  et  maîtrisées  par  des  forts  è  leur  débouché.  Une 
armée  d'invasion  ne  saurait  songer  à  éviter  ces  défenses 
en  passant  à  travers  bois,  à  cause  de  la  raideur  des  pentes 
et  du  massif. 

Très  étroit  à  la  hauteur  de  Verdun, le  bourrelet  des  Côtes 
de  Meuse  s'élargit  progressivement  vers  le  sud,  pour  s*amin> 
cir  de  nouveau  jusqu'à  la  hauteur  de  Toul  ;  la  partie  la  plus 
large  se  prolonge  à  l'est  en  une  sorte  de  promontoire  por- 
tant le  iier  village  d'ilattonchàtel  qui  commande  d'immen- 
ses horizons.  Par  delà  la  plaine  de  Woëvre,  étincelante 
d'étangs,  diaprée  de  bois,  sillonnée  par  les  rubans  sinueux 
des  routes,  on  aperçoit  les  tragiques  champs  de  St- Privât 
et  de  Gravelotte,  les  collines  de  Metz  couronnées  de  forts. 

Hattonchàtel,  qui  semble  un  site  désigné  pour  une  forte^ 
resse,  n'est  qu'un  observatoire. 

Les  Côtes  de  Meuse  n'offrent  aucune  coupure  sur  la  plai- 
ne de  Woëvre,  tandis  que  les  vallons  étroits  et  profonds 
descendent  de  la  crête  vers  la  Meuse.  Là  s'insinuent  les 
rares  chemins.  Le  principal  passage  est   à  Verdun  d'où 


LA    FRONTIÈHE    LORRAINE  13 

plusieurs  chaussées  et  le  chemin  de  fer  de  Metz  conduisent 
h  la  plaine. 

Confinée  dans  son  enceinte,  Verdun  ne  s'est  naturelle- 
ment guère  développée,  au  point  de  vue  économique,  bien 
que  ce  soit  un  des  principaux  centres  pour  la  confection  de 
la  lingerie  ;  elle  doit  à  sa  garnison  sa  principale  activité 
commerciale.  Cela  est  plus  marqué  encore  pour  sa  voisine 
St-Mihiel,  autre  centre   militaire  considérable  mais  ville 
ouverte, c*est  à-dire  sans  remparts,  bien  que  deux  forts,  les 
Paroches  et  le  Camp  des  Romains  dominent  de  haut  cette 
aimable  cité,   capitale  judiciaire  du   département    de   la 
Meuse.  St-Mihiel,  est  fort  intéressante  par  sa  vieille  église 
abbatiale  reconstruite   au   XVIII"  siècle,    Téglise  de  St- 
Elienne  où   l'on   admire  le  St-Sépulcre,  chef-d'œuvre   du 
sculpteur  Léger- Richier.  Fort  calme  jadis,  elle  est  devenue 
fringante  par  les  nombreuses  troupes  de  toutes  armes,  sans 
cesse  entraînées  à  la  défense  des  Côtes  de  Meuse. 

Celles-ci,  du  côté  de  la  Woëvre,  sont  couvertes  de  forts 
puissants  reliant  Verdun  et  St-Mihiel  au  camp  retranché  de 
Toul.  Une  telle  zone  fortifiée  peut  paraître  invulnérable, 
cependant  on  a  dû  admettre  que  le  passage  pouvait  être 
forcé  et  que  l'ennemi  trouverait  un  passage  pour  franchir 
la  Meuse  et  tenter  de  gagner  les  plaines  de  Champagne. 

Pour  cela  il  lui  faudrait  traverser  l'A  rgonne,  cette  région 
forestière  dont  Dumouriez  avait  fait,  en  1792,  le  boulevard 
de  la  France.  L'Argonne  a  bien  perdu  de  son  caractère 
d'obstacle,  des  routes  ont  été  ouvertes  à  travers  ses  futaies, 
;  le  chemin  de  fer  de  Verdun  la  coupe  entre  Slo-Menehould 
etCIermont,  une  autre  ligne  parcourt  le  défilé  de  (îrandpré 
elatleint,sur  le  revers  orientable  curieux  bourgd'Apremont, 
voisin  du  tragique  Varennes.  On  a  tiré  parti  de  cette  néces- 
sité d'ouvrir  le  pays  à  la  vie  moderne,  les  chemins  de  fer 
^nlété  aménagés  en  voie  à  grand  rendement,  des  quais  de 
débarquement  assurent  l'entrée  en  ligne  presque  immédia- 


14  LA    FRONTIÈRE    LORRAINE 

te  de  plusieurs  corps  d'armée.  L*Àrgonne  peut  ainsi  re- 
prendre le  rôle  qu'elle  a  joué  à  la  veille  de  Valmy. 

C'est  un  pays  peu  connu,  sauvage  encore,  où  les  villages 
sont  rares,  les  bois  profonds.  Un  des  derniers  ermites  de 
notre  temps,  un  des  pères  blancs  du  cardinal  Lavigerie, 
installé  dans  une  petite  chapelle  pour  y  achever  sa  conva- 
lescence, m'a  conduit  dans  quelques  parties  solitaires 
très  curieuses,  faisant  comprendre  comment  l'Ârgonne, 
occupée  par  des  troupes  bien  commandées  et  bien  entraî- 
nées, pourrait  permettre  de  parer  au  danger  d'une  rupture 
de  la  barrière  des  Côtes. 

Ainsi  l'Argonne  est-elle  peu  menacée  par  une  invasion, 
la  route  que  suivrait  l'ennemi  serait  sans  doute  celle  de  la 
vallée  de  l'Ornaîn,  passage  naturel  entre  la  Lorraine  et  la 
Champagne.  Là  se  trouve  la  belle  et  pittoresque  Bar  le  Duc 
une  des  plus  intéressantes  cités  de  France,  par  sa  ville 
haute  qui  a  gardé  l'aspect  d'iinepetitecapitale  d'autrefois,  par 
ses  voie^  solennelles  bordées  de  vieux  hôtels  seigneuriaux. 
Cité  morte,  celte  ville  haute,  car  la  population  est  descen- 
due de  la  colline  aux  bords  de  l'Ornain,  où  la  ville  basse, 
élégante  et  coquette,  a  centralisé  l'animation. 

Bar-le-Duc  contraste  avec  ses  voisines  des  rives  de  la 
Meuse  et  de  la  Moselle  par  la  rareté  des  uniformes.  Ce  n'est 
point  une  grande  garnison,  un  seul  régiment  y  stationne, 
tandis  que,  plus  à  l'Est,  des  villages  comme  Lérouville  et 
Sampigny  ont  une  population  militaire  plus  nombreuse  que 
l'élément  civil.  L'industrie  aussi  est  rare,  jadis  Bar-le-Duc 
était  le  grand  producteur  de  corsets  dans  notre  pays,  cette 
fabrication  est  tombée.  Il  reste  celle,  plus  curieuse  que  con- 
sidérable, de  la  confiture  de  groseilles,  dite  de  Bar. 

C'est  une  préparation  très  particulière,  car  la  confiture 
de  Bar  n'est  pas  une  gelée,  ou  plutôt  c'est  une  gelée  qui 
emprisonne  dans  sa  transparence  le  grain  de  groseille. 
Geux^iontétépréaIablementépépinés:à  l'aide  d'un  brin  de 


LA  FRONTIÈRE   LORRAINE  15 

plume  d*oîe,  des  femmes  enlèvent  tous  les  pépins  avec  une 
dextérité  merveilleuse.  La  chose  vous  semble  difficile  mes- 
damesj  les  Barroises  ont  vite  fait  de  remplir  de  grands 
vases  avec  les  graines  vermeilles  privées  de  grains. 

Le  site  de  Bar-le-Duc  est  en  voie  de  transformation  par 
suite  des  travaux  opérés  pour  le  doublement  de  la  voie 
ferrée  de  Paris  à  Nancy-  Je  l'ai  dit  en  commençant,  on  a 
exécuté  depuis  Vitry-le-François  jusqu'à  la  Meuse  un  tra- 
vail énorme.  A  Vitry  deux  lignes  venant  de  Paris,  l'une  par 
Sézanne,  l'autre  par  Chàions  se  rejoignent,  elles  ont  été 
établies  pour  les  transports  militaires,  leurs  quatre  voies 
permettent  d'amener  des  convois  nombreux  qui,  à  partir 
de  Vitry,  ne  trouvaient  que  deux  voies,  d'où  des  retards 
périlleux  pour  la  défense.  Ce  grand  travail  est  à  signaler, 
lorsqu'on  veut  répondre  à  l'affirmation  que  les  Allemands 
ont  mieux  que  nous  préparé  les  voies  de  mobilisation  . 

Cette  puissante  voie  de  fer  amènerait  à  proximité  de  la 
rive  gauche  de  la  Meuse  une  partie  des  corps  d'armée  de 
l'intérieur  pour  aider  le  20*  corps  qui  possède  quelques-uns 
deseséléments  autour  de  Commercy.  Les  trains  pourraient 
également  se  diriger  sur  les  Vosges  par  un  chemin  de  for  à 
double  voie  conduisant  à  Neufchâteau  en  desservant  la  jolie 
et  industrieuse  ville  de  Ligny.Comme  toutes  les  autres  lignes 
de  fer  de  la  région,  celle-ci  a  de  nombreux  quais  de  débar- 
quement, des  réservoirs  de  prise  d'eau,  des  abris  pour  per- 
mettre aux  soldats  de  prendre  des  repas  chauds  préparés 
en  vue  de  leur  passage.  Pour  celui  qui  sait  voir,  rien  n'est 
plus  réconfortant  que  la  minutie  de  ces  précautions  ;  on 
sent  qu'une  volonté  forte,  un  soin  constant  de  la  défense 
nationale  ont  présidé  à  cette  organisation.  Tout  ce  qui  de- 
vait être  fait  a  été  fait,  il  convient  de  le  dire  à  la  louange 
de  cet  état-major  si  souvent  décrié  et  qui  n'a  rien  négligé 
pour  assurer  la  concentration  de  nos  armées.  (Applaudisse' 
mentsJ) 


16  LA    FKONTII^.RK    LORRAINE 

Sur  cette  ligne  de  Nançois  ou  de  Bar-le-Duc  aux  Vosges 
il  n'y  a  guère  que  de  pauvres  bourgs  ou  d'infimes  villages, 
mais  il  faut  faire  une  exception  pour  Ligny-en-Barrois,une 
de  ces  cités  que  le  roi  Stanislas  se  plut  à  transformer  par  des 
percées  de  voies  et  qu'il  décora  de  portes  monumentales. 

Ligny  est  un  intéressant  foyer  de  vie  industrielle,  la  fa- 
brication des  instruments  d'optique  y  est  considérable, 
et  celle  des  instruments  et  articles  de  dessin  s'y  est  centra- 
lisée. De  là  sortent  la  plupart  des  boîtes  de  compas  et  des 
compas  fournis  par  la  France.  On  peut  juger  de  la  valeur 
de  cette  production  par  ce  fait  que  le  bois  d'alisier,  une  des 
essences  les  plus  communes  dans  les  forôts  de  l'Est,  très 
utilisée  pour  la  confection  des  écrins,  des  règles  plaies,  et 
des  équerres,  est  en  voie  de  disparition. 

Ligny  est  voisine  de  Commercy,  une  des  petites  villes. 
comme  il  en  existe  tant  en  France,  qui  doivent  leur  renom- 
mée à  quelque  article  culinaire  ou  de  pâtisserie.  Commerc] 
est  fameuse  surtout  pour  ses  madeleines,  mais  c'est  encort 
une  ville  militaire,  dont  la  garnison  se  complète  pal 
celle  des  villages  voisins.  La  ville  occupe  une  situation 
stratégique  importante,  ce  que  l'on  a  appelé  la  position  df 
Commercy.  Assise  sur  la  rive  gauche  de  la  Meuse  qui  for- 
me fossé,  elle  s'appuie  ô  de  hautes  collines  de  difficile  accôfi 
car  elles  sont  couvertes  de  grandes  forêts  à  travers  lesquelles 
les  routes  sont  rares.  Sur  la  rive  droite,  les  Côtes  d€ 
Meuse  se  rapprochent  de  la  Moselle;  entre  les  deux  grandi 
cours  d'eau  est  une  sorte  de  défilé  aboutissant  à  la  Woëvrf 
et  sur  lequel  aucune  défense  n'a  été  établie  ;  le  fort  deLuce] 
du  côté  de  Toul,  celui  de  Jouy  sous-les  Côtes,  non  loin  èi 
Commercy,  sont  suffisants  pour  empêcher  une  irruplioi 
brusquée.  Mais  la  Meuse  et  les  hauteurs  de  Commerc] 
forment  un  obstacle  sérieux. 

D'ailleurs  le  passage  une  fois  franchi,  l'envahisseur  serai 
dans  une  situation  très  fâcheuse  en  cas  d'échec,  car  il  an 


LA   FRONTIÈRE    LORRAINE  17 

rait  dû  laisser  derrière  lui  la  grande  place  '  de  Toul  plus 
importante  encore  que  Verdun  et  dont  le  site  produit  une 
impression  plus  considérable  à  cause  des  puissants  reliefs 
des  collines  sur  lesquelles  les  forts  sont  établis.  La  ville 
aussi  a  un  caractère  plus  exclusivement  militaire.  Si,  sur 
12.000  habitants,  il  y  a  seulement  3  000  hommes  de  garni- 
son, on  en  relève  8.000  à  Ecrouves,  commune  voisine  où 
sont  des  casernes  et  des  camps. 

Toul  est  une  vieille  cité  conservant  de  beaux  monuments 
du  passé,  son  ancienne  cathédrale  est  un  chef-d'œuvre  de 
architecture  gothique,  deux  cloîtres  ogivaux  sont  de  belles 
•ipuvres.  Elle  se  serre  dans  la  ceinture  exiguë  de  ses  vieilles 
défenses,  entre  les  pitons  aux  formes  hardies,  les  collines 
escarpées  que  couvrent  d'innombrables  ouvrages.  Un  des 
forts  offre  une  organisation  curieuse, le  village  qui  l'avoisine 
Villey-le-Sec,  est  lui-même  fortifié.  Dans  les  projets  du  génie 
militaire,  Villey  devait  être  détruit,  mais  les  habitants 
n'ont  pas  cédé  à  Tappàt  de  grosses  indemnités.  Là,  avaient 
▼écu  les  aïeux,  là  était  la  maison  où  ils  étaient  nés,  l'église 
où  ils  avaient  été  baptisés,  mariés,  tout  près  est  l'humble 
cimetière  où  ils  veulent  reposer.  On  a  dû  respecter  ces  pieux 
sentiments.  Le  fort  a  été  établi  à  proximité  du  village;  celui- 
ci  a  été  entouré  d'un  fossé  précédé  d'un  réseau  de  fils  de 
fer  barbelés  d'apparence  hargneuse.  On  a  voulu  faire  hon- 
neur aux  Russes  et  aux  Japonais  de  l'emploi  de  ces  inex- 
tricables lacis,  mais  depuis  longtemps  nous  les  employons  ! 

Un  chemin  de  fer  à  voie  étroite  dessert  l'immense  camp 
retranché  et  peut  lui-même  servir  de  batterie  mobile  en 
portant  sur  ses  rails  des  wagons-artilts  dont  Tartillerie, 
par  sa  mobilité,  peut  échapper  au  tir  de  l'assiégeant. 

Le  camp  retranché  établi  sur  les  deux  rives  de  la  Moselle 
»  prolonge  à  l'Est  par  le  fort  de  Pont  St- Vincent  qui  com- 
mande l'entrée  d'une  gorge  profonde,  grandiose  parfois. 
)n  peut  encore  considérer  comme  sa  dépendance  naturelle 

2 


18  LA  FRONTIÈRE  LORRAINE 

la  vaste  forêt  de  Haye  qui  couvre  un  plateau  presque  en- 
tièrement entouré  par  la  grande  boucle  de  la  Moselle  et  de 
la  Meurthe  et  dont  les  plus  raides  talus  dominent  la  grande 
cité  de  Nancy.  Ce  mot  Haye,  dans  l'Est  de  la  France,  est 
synonyme  de  forêts.  La  Haye  est  donc  la  forêt  par  excellen- 
ce. C'est  une  belle  futaie,  bien  aménagée,  servant  de  champ 
d'expérience  à  l'école  forestière  et  qui  a  été  organisée 
défensivement  pour  couvrir  Toul.  Le  fort  isolé  de  Frouard 
occupe  sa  lisière  septentrionale  aii-dessus  du  confluent  de 
la  Meurthe  et  de  la  Moselle  et  do  la  jonction  des  chemins  de 
fer  de  Strasbourg  et  de  Metz.  A  l'intérieur  de  la  forêt,  on  a 
créé  des  emplacements  de  camps  on  la  dotant  à  l'avance  de 
fontaines  et  d'abreuvoirs  ;  on  pourrait  donc  permettre  à  des 
troupes  nombreuses  de  tenir  dans  cette  vaste  sylve  que 
traversent  deux  grandes  routes  aboutissant  l'une  sous  les  : 
canons  de  Toul,  l'autre  sous  le  canon  de  Pont-Saint- 
Vincent. 

Ces  chaussées  ont  été  élargies  à   l'aide  de  déboisements 
de  chaque  côté,  faisant  de  larges  trouées  dans  les  bois  et 
permettant  d'apercevoir  do  loin  un  ennemi  qui  aurait  dé-  ^ 
bouché  par  Nancy. 

Car  cette  riche  cité  est  ouverte,  des  raisons  multiples  ont  ; 
empêché  d'exécuter  le  plan  de  défense  jadis  élaboré  pour  la 
capitale  de  la  Lorraine  et  son  abandon  momentané  est  une  i 
des  prévisions  de  l' Etat-major,  pour  le  cas  où  nous  serions  . 
prévenus  par  l'adversaire. 

Depuis  la  guerre,  Nancy,  devenue  la  métropole  de 
l'Kst,  s'est  étonnamment  développée.  La  population  était  i 
à  peine  de  50.000  âmes,  elle  dépasse  100.000,  même  150.000 
avec  les  faubourgs  Cet  accroissement  est  dû  à  rimmigration 
des  Alsaciens-Lorrains  qui,  voulant  échapper  à  la  demi-- 
nation  allemande,  ont  en  grand  nombre  choisi  Nancy  pour 
résidence,  ils  y  ont  apporté  leur  industrie.  En  même  temps 
la  découverte  des  mines  de  fer  transformait  la   ville  en 


LA   FRONTIÈRE   LORRAINE  19 

grand  centre  métallurgique,  partout  autour  de  la  métropole 
lorraine  fument  les  hauts  fourneaux. 

Gepjendant  Nancy  n'a  pas  l'aspect  d'une  cité  manufactu- 
rière, elle  a  conservé  son  élégance  et  la  majesté  des  cons- 
tructions dues  au  roi  Stanislas.  Les  écoles  sont  devenues 
une  de  nos  plus  florissantes  universités,  où  professent  des 
savants  dont  la  notoriété  dépasse  les  limites  de  la  province. 
A  côté  de  cet  enseignement  scientifique  et  littéraire  l'indus- 
trie d*art  a  pris  un  grand  essor.  Vous  n'êtes  pas  sans  avoir 
«entendu  parler  de  Galle,  le  grand  artiste  qui  a  rénové  l'in- 
dustrie du  mobilier.  Galle  était  nancéien,  c'est  dans  sa  ville 
natale  qu'il  a  créé  ces  meubles,  ces  émaux,  ces  applications 
dij  verre  qui  ont  été  une  révélation.  Ce  grand  artiste  joi- 
çnail  au  talent  une  probité  professionnelle  extrême.  Jamais 
ii  n'a  laissé  sortir  de  ses  ateliers  un  seul  objet  qu'il  jugeait 
imparfait,  il  le  détruisait  inexorablement.  Des  merveilles 
furent  ainsi  anéanties. 

Galle  a  fait  naître  d'autres  ateliers  autour  des  siens,  il 
suffira  de  citer  Majorelle  pour  les  meubles,  les  frères  Daum 
[lour  la  cristallerie  et  la  verrerie.  L'imprimerie  Berger- 
Levrault  et  O^,  une  des  plus  importantes  de  France,  s'est 
fait  une  large  place  dans  les  éditions  d'art. 

Depuis  quelques  années  une  industrie  dont  vous  connais- 
sez l'extraordinaire  essor  a  fait  de  Nancy  son  centre  prin- 
n[>aL  Je  veux  parler  des  cartes  postales  illustrées.  Son 
implantation  est  due  à  M.  Bergeret  qui,  en  quelques 
ennées,  est  parvenu  à  faire  d'un  atelier  modeste  une 
admirable  usine  occupant  300  ouvriers  et  produisant 
W.0OO  cartes  postales  par  jour.  La  manufacture  est  un 
modèle  d'organisation  matérielle  et  sociale,  véritable  mer- 
veille que  j'aurais  eu  plaisir  à  décrire  si  le  temps  ne  m'était 
mesuré  ;  j'aurais  tenu  ô  vous  exposer  comment  M. Bergeret, 
iil  n'est  pas  arrivé  à  résoudre  la  question  sociale  en  géné- 
ral, l'a  tout  au  moins  accompli  en  ce   qui  concerne  ses 


20  LA  FRONTIÈRE   LORRAINE 

ouvriers.  Si  chaque  chef  d'industrie  pouvait  en  faire  autant 
un  grand  progrès  serait  accompli.  (Applaudissements.) 

Gommti  je  vous  l'ai  dit,  Nancy  n'est  pas  une  viUe  forte, 
mais,  si  des  considérations  d'argent  et  le  danger  d'immobi- 
liser une  armée  entière  pour  défendre  un  camp  retranché 
de  grand  développement  ont  empêché  d'exécuter  les  plans 
conçus,  on  a  tout  préparé  pour  la  défense  mobile,  les  gar- 
nisons du  20'  corps  sont  tenues  sans  cesse  en  haleine- 

Vous  avez  entendu  parler  de  l'entraînement  de  ces  troupes 
que  l'on  a  appelées  a  la  division  de  fer  »  et  qui  subissent  sans 
trace  de  fatigue  les  efforts  les  plus  considérables.  Cet  en- 
traînement a  donné  des  résultats  merveilleux,  la  force  de 
résistance  acquise  par  nos  soldats  est  bien  supérieure  à  cdle 
des  soldats  allemands.  Ce  sont  des  choses  que  nous  pouvons 
dire  sans  chauvinisme  :  notre  troupier  est  doué  d'une  puis- 
sance d'action  supérieure;  ceux  qui  l'ont  vu  à  l'œuvre 
comme  moi  et  comparé  les  manœuvres  allemandes  ot 
les  manœuvres  françaises  ont  pu  s'en  convaincre.  Si,  dansi 
l'ensemble,  notre  armée  est  parvenue  à  une  endurance 
remarquable,  nulle  part  ces  qualités  ne  sont  plus  apparentes 
que  dans  l'Est.  (Applaudissements.) 

Nancy  est  à  l'extrôme  frontière;  du  sommet  des  collines 
de  la  rive  droite  de  la  Meurthe  on  découvre  une  grande 
partie  de  la  Lorraine  annexée.  Aussi  les  villes  voisines 
sont-elles  comme  Nancy, des  garnisons  sans  cesse  en  alerte. 
Vers  Metz  c'est  Pont-à-Mousson,  cité  industrieuse  quel 
semble  garder  une  statue  de  Jennne  d'Arc  dressée  sur  la 
citadelle  ruinée  de  Mousson  ;  dans  la  direction  de  Stras-i 
bourg,  St-Nicolas-du-Port  et  Lunéville  ont  d'admirables 
troupes.  Cette  dernière  ville,  Versailles  du  roi  Stanislas^ 
qui,  tout  en  restant  élégante, est  devenuecité  industrielle, estj 
occupée  par  un  bataillon  de  chasseurs  et  quatre  régiments! 
de  cavalerie,  merveilleusement  préparés. La  cité  occupe  unH 
belle  plaine  eu  vue  de  la  chaîne  bleue  des  Vosges,  barrière 
insuffisante  contre  une  invasion. 


LA   FRONTIÈRE   LORRAINE  21 

La  chaîne,  vue  d'ici, présente  un  de  ses  sommets  les  plus 
célèbres,  le  Donon,  longtemps  considéré  comme  le  point 
culminant  du  massif.  Pourtant  il  a  1.000  mètres  seule- 
.'uent.  La  montagne  est  sur  la  ligne  de  partage  des  eaux, 
«ependaut  les  Allemands  ont  exigé  que  le  massif  tout  entier 
.►rur  fût  attribué,  le  versant  de  la  Meurthe  comme  celui  de 
13  Sarre,  Par  là,  ils  peuvent  arriver  rapidement  chez  nous 
sans  trouver  d'autre  obstacle  que  la  petite  garnison  de 
Baccarat  et  celle  de  Lunéville. 

Cette  région  du  Donon  est  fort  belle,  d'immenses  forêts 
le  sapins  la  recouvrent,  encadrant  des  vallées  admirable- 
uient  vertes,  arrosées  par  de  limpides  rivières  captées  par 
/industrie. 

C'est  dans  les  forêts  du  Donon  que  l'on  peut  voir  encore 
't^s  pittoresques  schlittes  popularisées  par  la  gravure,  che- 
mins formés  de  traverses  de  sapins  sur  lesquels  les  bûche- 
rons font  descendre  les  traîneaux  chargés  de  bois. 

L'exploitation  des  forêts  a  moins  d'importancs  aujour- 
d'hui queTindustrie  textile.  Avant  la  guerre,  nombreuxdéjà 
étaient  les  filatures  et  les  tissages  ;  les  industriels  de  Mul- 
house sont  venus  accroître  ces  manufactures,  les  uns  pour 
conserverie  marché  français,  les  autres  pour  ne  pas  deve- 
nir Allemands.  Il  n'est  pas  une  vallée  des  Vosges  restée 
française  qui  ne  possède  son  usine.  On  évalue  à  près  de 
SfJ-OOO  le  nombre  des  ouvriers  qui  filent,  tissent  ou  blan- 
chissent le  coton.  Certains  établissements  sont  énormes, 
ainsi  la  blanchisserie  de  Thaon^  sans  doute  la  plus  grande 
■iu  monde. 

Epinal  est  le  centre  de  cette  active  région.  Très  petite  ville 
àv^nt  la  guerre,  elle  ne  cesse  de  grandir  ;  partout  autour^ 
{allient  les  cheminées  de  manufactures,  cependant  ce  n'est 
'*as  à  ce  rôle  cotonnier  que  le  chef-lieu  des  Vosges  doit  se 
CiOtoriété  mais  à  la  vieille  production  de  l'imagerie  qui  a 
porté  si  loin  le  nom  de  la  ville.  Elle  reste  prospère  malgré 


22  LA    FnONTIKRE   LORRAINE 

la  concurrence  de  la  chromolithographie  et  des  caries 
postales  illustrées.  Ces  images,  il  est  vrai,  se  vendent  beau- 
coup moins  chez  nous,  mais  elles  sont  encore  très  populaires 
à  l'étranger,  en  Amérique.  L'industrie,  fort  curieuse  par 
ses  procédés  et  ses  origines, est  due  à  un  horloger  d'Kpinal, 
Pellerin.  Il  produisait  des  horloges  trouvant  surtout  uq 
débouché  en  Bretagne.  Sur  le  cadran  on  peignait  un  des 
saints  si  nombreux  du  pays  d'Armor.  La  peinture  était  chère, 
Pellerin  eut  ridée  de  fairedes  cadrans  en  papier;  l'imagerie 
naquit  de  ces  essais.  Après  laTerreur  et  le  Directoire,quand 
le  culte  fut  réiabli,  il  y  eut  un  retour  de  dévotion  et  le  succès 
de  l'imagerie  religieuse  fut  prodigieux.  Pellerin  poursuivit 
la  veine,  il  consacra  ses  presses  et  ses  enluminures  aux 
fastes  de  l'armée,  surtout  quand  Bonaparte  devint  empereur. 
L'imagerie  d'Epinal  eut  une  part  énorne  dans  la  légende  i 
napoléonienne.  Certains  dessins  sont  délicieusement  ana- 
chroniques, ainsi  Napoléon  au  siège  de  Toulon,  il  est 
représenté  en  petit  caporal. 

Aujourd'hui  nos  enfants  apprécient   moins  ces  images, 
naïves  ;  il  leur  faut  des  choses  plus  réalistes  ;  mais  à  l'étran- 
ger ces  estampes  se  vendent  beaucoup,  ainsi  que  dans  nos 
colonies.  On  a  même  utilisé  l'imagerie  d'Epinal  pour  faire 
connaître  la  France,  le  général  Galliéni  a  fait  imprimer  des  j 
dessins  avec  légende  en  malgache  ;  l'exemple  a  été  suivi  en  ' 
Indo-Chine. 

Le  texte  français  est  parfois  préféré.  Un  des  chefs  de  la 
maison  Pellerin  m'a  raconté  qu'il  avait  été  l'objet  d'une-. 
singulière  déconvenue  en  Amérique.  Il  avait  reproduit toa* 
tes  les  vieilles  estampes,  nos  contes»  les  récits  qui  bercèrent-^ 
notre  jeunesse,  et  avait  mis  la  traduction  en  anglais.  Ce  fat^ 
un  vrai  four  !  Le  jeune  Américain  a  l'esprit  pratiquoi  iM  ■ 
contes  de  ma  mère  l'Oie  et  les  contes  de  fée,  môme  les  plui^ 
mervôilleux,  ne  l'intéressent  guère.  Quand  il  y  avait  al] 
texte  qu'il  ne  comprenait  pas,  il  se  forgeait  une  légende! 


LA   FRONTIÈRE  LORRAINE  23 

lui,  mieux  appropriée  à  son  esprit,  On  est  revenu  à  la  légen- 
de française  et  la  vente  a  repris  Même  dans  des  pays  où  la 
lecture  est  inconnue,  l'image  d'Epinal  a  réussi  à   pénétrer. 

En  Amérique  des  voyageurs  ont  rencontré  des  Indiens 
prosternés  dans  leur  cabane  devant  un  portrait  enJuminé 
de  l'Empereur  ;  dans  ce  pays  Napoléon  est  passé  à  Tétat 
de  dieu,  grâce  à  l'horloger  Pellerin.  (Applaudissements.) 

La  ville  des  images,  est  la  capitale  des  cotons  dans  l'Est 
comme  Rouen  l'est  en  Normandie.  C'est  également  une 
grande  place  militaire. Depuis  la  guerre  on  en  a  fait  un  camp 
retranché,  le  développement  de  la  ligne  circulaire  des  forts 
atteint  48  kilomètres.  Epiual  défend  le  débouché  de  la  .vallée 
de  la  Moselle  à  l'entrée  des  régions  basses  de  la  Voge.  Elle 
barre  ainsi  le  chemin  le  plus  facile  descendant  de  la  crête 
des  hautes  Vosges.  Son  rôle  est  complété  par  l'occupation 
d'une  série  de  positions  sur  la  rive  gauche  de  la  Moselle. La 
chaîne  qui  sépare  le  bassin  du  Rhin  de  celui  du  Rhône 
est  couronné  de  forts,  le  plus  élevé,  au  sommet  du  nallon 
deServance,  est  à  1.200  mètres  d'altitude.  Pour  la  rigueur 
du  climat,  cela  équivaut  à  2.000  mètres  dans  les  Alpes.  La 
neige  y  est  aussi  abondante  qu'à  cette  hauteur  dans  les 
montagnes  frontières  d'Italie  ou  dans  les  Pyrénées. 

Le  ballon  de  Servance  est  voisin  du  ballon  d'Alsace, 
dont  le  versant  oriental  est  à  la  frontière  qui  nous  fut 
imposée.  Cette  belte  montagne  est  une  chaume^  on  appelle 
ainsi  dans  les  Vosges  les  plateaux  culminants  couverts  de 
prairies.  Le  mot  chaume  est  employé  pour  pâturages. 

ûe  ces  chaumes  la  vue  est  superbe,  surtout  du  Holneck, 
puissante  croupe  située  au-dessus  de  Gérardmer.  Le  sommet 
e^t  à  près  de  1.300  mètres.  De  là  on  ressent  l'impression  la 
plus  émouvante  que  l'on  puisse  avoir.  On  aperçoit  une 
grande  partie  de  l'Alsace  ;  les  contreforts  vosgiens  noirs  de 
tots,  l'immense  plaine  rhénane,  la  ville  de  Colmar  restée 
si  française  par  le  cœur  ;  une   multitude  de  villes,  de 


24  LA    FRONTIÈRE    LORRAINE 

bourgs  et  de  villages  ;  en  arrière,  toute  la  forêt  Noire.  La 
sensation  est  forte  ;  elle  l'était  plus  encore  quand  l'accès  de 
TAlsace  nous  était  interdit  :  alors  le  plus  humble  d'entre 
nous  éprouvait  les  sentiments  douloureux  de  Moïse  devant 
la  Terre  promise. 

Les  chaumes  dominent  des  vallées  profondes  où  dorment 
des  lacs  minuscules  parfois,  exigus  toujours, môme  les  plus 
vastes  comme  ceux  de  Gérardmer  et  de  Retournemer,  mais 
avec  leur  ceinture  de  forêts  et  de  prés  ils  sont  adorables. 

Les  chaumes  de  Servance  et  du  ballon  d'Alsace  dominent 
Belfort.  Cette  ville  glorieuse  est  un  peu  en  dehors  du  sujet 
que  je  m'étais  imposé,  mais  on  ne  saurait  parler  des  Vosges 
sans  dire  un  mot  de  la  sentinelle  vigilante  qui   garde  la 
trouée  de  Belfort,  Là  encore  nous  avons  fait  énormément 
de  travail,  la  forteresse  qui  a  si  victorieusement  résisté  en 
1870  s'est  accrue  dans  des   proportions  colossales,  et  la 
ville  ne  s'est  pas  moins  développée,  grâce  à  l'industrie  que 
les  servitudes  militairijs  n'ont  pu  entraver.  QuandlesMul- 
housiens  ont  vu  la  Franco  fermée  à  leurs  produits,  ils  ont    j 
été  amenés  à  créer  des  industries  sur  le   territoire  resté    | 
français  ;  ainsi   s'est  accrue  l'industrie  vosgienne,   ainsi    .| 
Belfort  est  devenue  une  grande  ville  de  fabrique.  ] 

Les  remparts  sont  tombés  depuis  quelques  années  ;  sur  i 
leur  emplacement  une  nouvelle  ville  s'est  créée  avec  des  i 
maisons  de  4  et  5  étages  ;  des  faubourgs  immenses  la  pro-  j 
longent,  couverts  de  vastes  usines  de  tissage,  des  filatures» 
des  fabriques  de  locomotives.  Tous  les  grands  noms  àA 
Mulhouse  sont  représentés  dans  cette  puissante  ruche  ma* 
nufacturière. 

A  l'ouest,  en  arrière  de  Belfort,  la  route  de  Paris  ne  pré* 
sente  d'obstacles  que  par  le  plateau  de  Langres,  région  noo 
lorraine  mais  que  je  dois  signaler  cependant,  car  la  tîUo 
de  Langres  est  devenue  le  cœur  d'un  énorme  camp  retren* 
cbé  enfermant  les  sources  de  la  Marne,  dominant  celles  do 


L\   FRONTIÈRE   LORRAINE  25 

la  Meuse  et  de  plusieurs  affluents  importants  de  la  Saône, 
c'est-à-dire  du  Rhône.  Le  plateau  lui-même  est  une  vérita- 
ble forteresse  par  ses  escarpements  et  les  vallées  profondes 
qui  le  creusent.  Des  forêts  immenses  le  couvrent,  se 
prolongeant  sur  les  monts  Faucilles,  complétant  les  difH- 
cultes  d'accès  de  cette  région.  Dans  un  de  ces  bois 
profonds,  la  forêt  de  Boëne,  s'organisèrent  les  volontai- 
res qui  accomplirent  un  des  rares  coups  de  mains  heureux 
de  la  guerre  contre  TAllemagne,  la  destruction  du  pont  de 
Fontenoy.  (es  massifs  forestiers  sont  de  si  difficile  accès 
que  les  Allemands  n'avaient  pu  découvrir  la  retraite  des  par- 
tisans. Ceux-ci  purent  préparer  et  effectuer  leur  expédition 
sans  être  devinés.  Suivant  des  chemins  détournés,  condui- 
sant les  voitures  chargées  de  matériel  nécessaire  à  leur 
eotreprise,  ils  effectuèrent  en  trois  jours  une  course  de  200 
kilomètres  aller  et  retour  pour  atteindre  les  environs  de 
Toul  et  revenir  à  leur  camp  de  Boëne. 

Au  point  de  vue  militaire  la  rupture  de  la  voie  maîtresse 
des  communications  allemandes  était  un  gros  événement, 
mais  il  se  produisit  trop  tard,  presque  à  la  fin  de  janvier 
1871,  alors  que  Tarmée  de  la  Loire  était  acculée,  que  Tar- 
mée  de  TEst  passait  en  Suisse. 

Ces  rives  de  la  Meuse  naissante,  ruisseau  ou  petite  rivière 
évoquent  bien  d'autres  souvenirs.  En  descendant  le  cours 
du  fleuve  on  retrouve  encore  des  défenses  autour  de  la  pe^ 
lite  ville  de  Neufchôteau  :  Bourlémont  qui  domine  ce  nœud 
important  de  voies  ferrées,  Pagny-la-Blanche  Côte,  d*un 
puissant  commandement  sur  la  vallée. Entre  ces  deux  forts, 
qui  barrent  la  trouée  de  Toul  aux  Faucilles,  un  humble 
village  porte  un  nom  illustre  entre  tous  :  Domrémy.  Là, 
aux  confins  de  la  Champagne,  vieille  province  de  France, 
et  de  la  Lorraine,  encore  indépendante  mais  si  française 
par  la  langue  et  le  cœur,  naquit  Jeanne  d'Arc 

Le  pays  est  d'une  tranquillité  absolue,  de  douces  collines 


28  LA   FRONTIÈRE   LORRAINE 

la  Meuse  errant  entre  des  prés,  des  villages  placides,  de 
pentes  revêtues  de  bois  et  de  vignes,  un  de  ces  tableaux  qi 
semblent  condenser  tout  le  charme  de  la  terre  de  France 
Domréray  est  un  des  plus  petits  parmi  les  villages  de  œlti 
contrée  où  les  centres  sont  de  médiocre  étendue, fort  simpii 
aussi  :  une  poignée  de  maisons,  quelques  auberges. La  mai 
son  de  Jeanne  d'Arc  apparaît  à  l'entrée,  vers  Neufchâteau 
C'est  un  modeste  logis,  gardant  tout  le  caractère  émouvant 
des  très  vieilles  choses,  voisin  de  l'église  où  Jeanne  venail 
prier,  dont  elle  entendait  les  cloches  par  la  fenêtre  exiguë 
de  sa  chambre,  ouvrant  sur  un  des  cotés  du  petit  temple. 
Malgré  les  années,cette  habitation  a  été  respectée,  lagran 
de  salle  commune,  la  chambre  de  l'héroïne  sont  restées  en 
l'état.  Les  minutes  passées  à  visiter  la  maison  de  Jeanne 
sont  inoubliables, les  plus  sceptiques  échappent  diflicilement 
à  l'émotion.  11  y  a  quelques  années  je  fus  témoin,  pendant 
les  grandes  manœuvres,  d'une  manifestation  admirable, 
d'autant  plus  qu'elle  était  inopinée.  Une  division  d'infante- 
rie traversait  Domrémy.  Le  général  qui  la  commandait 
donna  l'ordre  de  présenter  les  armes  devant  la  statue  de 
Jeanne  et  le  logis  où  elle  avait  vécu.  Les  hommes  furent 
prévenus  des  raisons  de  ce  mouvement.  Alors  ce  fut  mer- 
veilleux, chacun  sans  y  être  poussé  par  un  ordre,  s'efforça 
de  présenter  la  rectitude  la  plus  parfaite  comme  si  l'on  eùl 
défilé  devant  le  peloton  des  officiers  étrangers.  Mais  tous, 
en  passant,  tournaient  la  tête  vers  l'humble  logis  d'où  sortie 
la  délivrance  de  la  patrie.  Un  chef  de  bataillon  l'indiquant 
de  son  épée  dit  d'une  voix  que  l'émotion  étreignait  :  1* 
maison  de  Jeanne  d'Arc  I 

Les  troupes  firent  halte  hors  du  village  et  l'on  autorisa  le^ 
soldats  à  visiter  la  demeure  conservée  avec  un  soin  si  pieui* 
Ces  fils  du  peuple  témoignèrent  d'un  respect  profond  poii> 
le  séjour  de  l'héroïne  ;  les  pieds  lourdement  chaussés  ^< 
faisaient  furtifs,  les  voix  étaient  basses^  pas  uu  mot  mal 


La  frontière  lorraine  2? 

sonnant. —  Ah  !  pour  ceux-là,  petits  soldats  de  la  frontière, 
le  culte  de  Jeanne  a  toute  sa  fleur  de  haut  et  pur  patriotisme. 

Le  Bois  Chenu  où  Jeanne  écoutait  ses  voix,  où  elle  venait 
priera  disparu,  on  l'a  rasé  pour  le  remplacer  par  une  basi- 
lique somptueuse,  mais  parlant  moins  au  cœur  que  les  cé- 
pées, filles  des  chênes  sous  lesquels  la  Vierge  de  la  Patrie 
vint  si  souvent. 

De  la  plate-forme  où  Féglise  dédiée  à  Jeanne  d'Arc  se 
dresse^  on  découvre  la  calme  vallée  de  la  Meuse,  ses  grands 
bois  percés  de  trouées  faites  dans  un  but  de  défense  pour 
donner  aux  forts  de  Bourlémont  et  de  la  Blanche-Côte  des 
vues  sur  les  campagnes  lointaines.  Et  cela  est  un  réconfort, 
car  on  comprend  mieux  que  nous  ne  sommes  plus  au  temps 
où  la  Pucelle  apparût.  Tout  est  prêt  contre  l'ennemi, 
il  S3  présentait  encore. Dans  ce  grand  camp  deVeillée  des 
Armes  qu'est  la  Lorraine,  on  a  une  impression  de  sécurité. 
Puisse  notre  peuple  ajouter  à  cette  force  des  remparts 
Tesprit  de  sacrifice  et  de  foi  qui  animait  Jeanne  d'Arc  et  qui 
anima  les  volontaires  de  1792.   (Applaudissements.) 

Ardouin-Dumazet 


îta  Fabrication  de  Chapeaux  à  îamatave 


Ainsi  qu^OQ  le  sait,  Tindustrie  de  la  paille  tressée  est  très  connue 
des  Malgaches  :  de  tout  temps,  leurs  objets  manuels  ont  été  faits 
avec  du  jonc,  de  la  paille,  en  bambou,  en  roseau  :  une  habileté  entre- 
tenue par  des  générations  successives,  leur  a  permis  dVriver  k  des 
résultats  remarquables  ;  leurs  cases  en  bambou  écrasé  et  tressé,  la 
natte  qui  constitue  à  elle  seule,  dans  beaucoup  de  régions,  luuique 
mobilier  de  Tindigène  et  qui  est  partout  lucceBsoire  indispensable  da 
repos  familial,  leurs  chapeaux,  prouvent  que  le«4  habitants  de  la 
Grande  Ile,  principalement  les  Hova,  connaissent  tous  les  secrets  de 
vannerie. 

Mais  pour  que  ces  produits  puissent  trouver  un  débouché  en  Euro- 
pe, il  leur  faut  le  «  tini  »  et  l'aspect  qu'exigent  nos  modes  et  notre 
goût. 

C'est  ce  fini,  cette  «  mise  au  point  »  qu'ont  tenté  de  faire,  à  Ta- 
matave,  MM.  Straub,  Streuli  et  C'<*,  en  créant,  en  décembre  1904, 
une  chapellerie  installée  provisoirement  à  la  pointe  Uastie  et  qai 
donne  déjà  de  très  bons  résultats.  Cet  établissement  est  à  la  fois  une 
fabrique  et  un  atelier  de  perfectiotmement  des  chapeaux  malgaches. 

M.  Straub,  originaire  de  Zurich,  à  été  aidé  dans  son  entreprise 
par  des  capitaux  lyonnais  et  zurichois.  Lyon  et  Zurich  sont  les  grands 
centres  de  la  fabrication  des  chapeaux  et  il  est  naturel  que  les  capi- 
talistes de  ces  villes  n'aient  pas  hésite  à  placer  leurs  fonds  dans  QO^ 
entreprise  dont  ils  connaissent  les  ressources  et  les  débouchés.  M. 
Straub  a  lui-même  longtemps  pratiqué  dans  sa  ville  natale,  ainsi 
qu'à  Manille  (Philippines). 

La  tâche  la  plus  délicate  à  réaliser  dès  son  arrivée  à  Tamata^e  a 
été  pour  lui  l'apprentissage  des  Malgaches  qui  forment  le  personnel 
actuel  de  la  fabrique.  Ce  personnel,  entièrement  rw*cruté  sur  place, 
se  compose  de  27  personnes^  hommes  et  femmes.  Il  est  surprenant 
de  constater  que  ces  ouvriers  appartiennent  pour  la  plupart  à  la  classe 
la  moins  élevée  de  la  population  locale  et  qu'ils  sont  arrivés  très  rapi' 
dément  cependant  à  une  habileté  el  à  une  adresse  remarquable^' 
D'autre  part,  ils  se  distinguent  par  leur  assiduité  et  leur  constance  et 
M.  Straub  se  déclare  entièrement  satisfait  de  leur  service. 

La  plus  grande  partie  de  la  matière  première  employée  vient  àe 


LA  FABRICATION   DE   CHAPEAUX   A    TAMATAVE  29 

rimérîna,  le  surplus  provient  de  Frauce  et  de  Chine.  La  maison 
Stranb  confectionne  deux  grandes  catégories  de  coiffures  :  le  c  Pa- 
nama »  article  de  luxe,  et  le  chapeau  <i  canotier  »  du  genre  courant  et 
d*an  prix  plus  modeste.  Les  procédés  de  fabrication  diflEèrent  sensi- 
blement. 
1*  Chapeaux  dits  «  Panama  »  : 

Le  tressage  de  la  paille  se  fait  à  Tananarive,  mais  elle  est  préala- 
blement blanchie  à  Tamatave  ;  les  différentes  pailles,  à  leur  arrivée  à 
rétablissement  de  M.  Stranb,  sont  immergées,  pendant  plusieurs  jours, 
dans  un  bain  chaud  dont  la  composition  et  la  température  forment  la 
partie  confidentielle  de  la  fabrication. 

La  paille  de  première  qualité  est  ensuite  renvoyée  pour  le  tressage 
dans  rintérieur  de  Tîle^  d*où  elle  est  expédiée  à  la  fabrique  sous  for- 
me de  chapeaux. 

Dès  leur  arrivée,  les  chapeaux  sont  soumis  à  un  bain  de  vapeur  et 
sèches  au  soleil  sur  des  piquets  ce  qui  leur  donne  Taspect  d'  <  épou- 
\antail8  »  à  moineaux.  Il  ne  reste  plus  qu'à  les  mettre  à  la  forme,  les 
passer  à  la  presse  hydraulique  et  les  parachever  au  moyen  de  légers 
coupe  de  fer. 

2^  Chapeaux  canotiers  : 

La  matière  première  est  envoyée  sous  forme  de  longues  et  mince- 
tresses  de  pailles  malgache,  bourbonnaise,  européenne  et  chinoi^ 
se.  La  fabrique  utilise  également  la  paille  de  blé  de  Normandie.  Le 
tressage  et  la  forme  du  chapeau  diiTërent  suivant  la  provenance  et  la 
qualité  de  la  paille.  La  première  manipulation  est  le  blanchissage  de 
ces  tresses.  Ensuite,  des  michines  à  coudre  spéciales  «  montent  »  le 
chapeau  en  réunissant  ces  tresses  bord  à  bord  par  un  point  de  cou- 
ture Le  chapeau,  une  fois  cousu,  est  plongé  dans  une  cuve  remplie  de 
colle  forte,  ce  qui  lui  donne  r<ipprèt  nécessaire,  puis  il  est  soumis  à 
la  snlfuration  dans  une  chambre  close  où,  en  outre,  Toxcès  de  colle 
s'égoutte.  Lu  chapeau  sort  de  la  chambre  de  suif uration  débarrassé 
de  toute  impureté  ;  il  est  ensuite  mis  à  la  forme,  séché  et  passé  à  la 
presse  hydraulique,   au  fer,  et  entin  garni. 

Le  matériel  de  la  fabrication  Straub  a  été   acheté   en  France.    Les 
machines  à  coudre  bont  de  marques  différentes,  une  presse  hydraulî 
que  a  été  fabriquée  en   Suisse,  l'autre  en  Allemagne,   une   troisième 
est  attendue  de  Lyon.  Les  formes  en   bois  et    en    fer   viennent    de 
France. 

Li  main-d'œuvre  employée  à  la  f  ibrique  est  entièrement  indigène 
ainsi  qu'on  Ta  dit  plus  haut  ;  elle  comprend  19  hommes  et  8  femmes- 


30  LA   FABRICATION   DE   CHAPEAUX   A  TAMATAVE 

Ces  dernières  ne  font  que  la  garniture,  cousent  les  rubans,  les  cuirs  e 
les  coiffes.  La  partie  mécanique  de  la  fabrication  est  aisurée  pu  le 
hommes. 

Une  partie  du  tressage  est  faite  en  ville  et  à  la  campagne,  soîtpa 
les  indigènes,  soit  par  des  créoles. 

M.  Straub,  tout  en  assui^ant  sa  fabrication  courante  par  les  proc^ 
dés  qui  viennent  d'être  décrits,  se  livre  à  des  recherches  et  a  det 
expériences  ayant  pour  but  T utilisation  des  matières  existant  à 
Madagascar.  C'est  ainsi  qu'il  a  déjà  fait  quelques  modèles  de  cha- 
peaux en  paille  de  raphia  qui  ne  manquent  pas  d^un  certain  cachet 
et  qui  sont  susceptibles  d'être  appréciés. 

Les  débouchés  (ju^a  su  se  créer  cet  industriel  ati  dehors  de  Madagas- 
car sont  fort  nombreux  :  Maurice,  TAustraHe^  la  Chine,  l' Afrique 
australe  et  même  TEgypte,  où  le  fez  en  paille  est  un  article  noaveaa 
très  demandé.  Les  commandes  af&nent  et,  par  chaque  courrier,  la 
fabrique  expédie  des  centaines  de  chapeaux  canotiers.  Dans  pea  de 
temps,  M.  Straub  espère  également  arriver,  grâce  à  la  finesse  de  la 
paille  et  du  tressage,  à  concurrencer  sur  ces  mêmes  marchés  les  pana- 
mas américains,  qui  atteignent  des  prix  très  élevés  dus  à  leur  extrême 
souplesse. 

L'entreprise  de  MM.  Straub,  Streuliet  C^«  est  encore  trop  jeune  ponr 
donner  de  gros  bénéiices,  mais  elle  est  déjà  suffisamment  lucrative 
pour  permettre  de  compter  qu'elle  entrera,  dans  un  avenir^  prochain, 
en  plein  rapport. 

Il  est  vraiment  remarquable,  qu'ils  aient  pu,  en  moins  d'une  année, 
arriver  au  résultat  dont  la  présente  notice  a  tenté  de  faire  un  expoeé 
succinct.  Leur  initiative  ne  peut  qu'être  fortement  encouragée,  car 
elle  est  appelée  à  donner  à  l'industrie  de  la  chapellerie  à  Madagascar 
un  essor  qui  ne  pourra  qu'être  des  plus  favorables  à  son  développement 

(Bulletin  Economique  du  Gouvernement  Général  de  Madagascar.) 


Ooïïaies  reçus  à  la  lliottpe  de  la  M\t 


La  Picardie  et  les  régions  voisines,  Artois.  Cambrésis,  Beauvaisis, 
par  Albert  Demangeon,  chirgé  du  coure  de  géographie  à  T Univer- 
sité de  Lille.  Paris,  1905,  1  vol.  in-8,  contenant  42  ligures  dans  le 
texte,  17  planches  tt  3  caries  hors  texte. 

Terres  françaises,  Bourgogne,  Franche-Comté,  Narbonnaise,  par 
W.  MoRTON  FuLLBUTox,  Paris,  1905,  I  vol.  in-16. 

Zigzags  en  France,  par  Henri  Bolanp,  Paris.  1905,  1  vol.  in-16, 
illustré  de  59  gravures. 

Normandie  (Collection  des  Guides  Joanne)  par  Paul  Joanne,  Paris, 

1904,  1  vol.  in-16,  avec  41  cartes  et  24  plans 

Bretagne  (Collection  des  Guides  Joanne)  par  PanlJo  ANNE,  Paris,  1904, 
1  vol.  in-16,  contenant  16  carte?  et  1*2  plans. 

Du  Weser  à  la  Vistule,  Lettres  sur  la  marine  marchande,  par 
Edouard  Lockroy,  ancien  ministre  de  la  marine.  Paris,  1901, 
1  vol.  in-16. 

A  travers  la  Russie,  relation  d*un  excursionniste  en  caravane,  par 
C.SiBiLLB,  médecin -major.  Paris,  1892, 1  vol.  in-8,  illustrations  de 
J.  Delondb.  (Don  de  M.  L.  Guitton). 

Espagnols  et  Portugais  chez  eux,  par  M.   Guillardbt.   Paris, 

1905,  1  voL  in-10. 

Llnde  contemporaine  et  le  mouvement  national,  par  Ernest 
PiRiou,  agrégé  des  Lettres.  Paris,  1905,  1  vol.  in  16. 

Sanctaairea  et  Paysages  d'Asie,  Ceylan  houdhiiiue,  Le  matin  k 
Benar^s,  La  sagesse  d'un  bralime,  La  mort  à  Bénarès,  LeBoudha 
birman,  par  André  Cbevrillon.  Paris,  1905,  1  vol.  in-16. 

Au  Siam.  Journal  de  Voyage  de  M.  et  M™*»  Emile  Jottrand.  Paris, 
1905,  1  vol.  in- 18,  accompagné  d*un  plan. 

EtatdelaCochinohine  française  en  1903;  recueil  de  statistiques, 
Saigon,  1904,  1  vol.  in-4.  (Don  de  M.  Ministre  des  Colonies.) 

Pauvre  et  douce  Corée,  par  Georges  Ducrocq.  Paris,  1904,  1  vol. 
in-16,  ornée  de  18  gravures. 

8*pt  semaines  en  Tunisie  et  en  Algérie,  avec  l'itinéraire  et  les 
dépeoses  de  voyage,  par  H.  Richardot.  Paris,  1905,  1  vol.  in-12. 


32        OUVRAGES  R^ÇUS  A  LA  BIBLIOTHÈQUE  DE  LA  SOCIÉTÉ 

Petit  guide  au  Maroc,  Services  de  navigation,  hôtels,  renseigne- 
ments, publié  par  le  Comité  du  Maroc.  Paris,  1905,  1  broch.  in- 
16,  64  pp.  avec  14  grav.  et  une  carte.  (Don  du  ComitS  du  Maroc.) 

La  solution  française  de  la  question  du  Maroc,  par  E.  Fallot, 
Paris,  1905,  1  vol.  petit  in-.4,  avec  une  carte  de  l'A/rique  du  Nord. 

Madagascar.  Histoire,  organisation,  colonisation,  par  André  You. 
professeur  à  l'Ecole  coloniale,  introduction  de  M.  le  général 
Galliéni,  gouverneur  général  de  Madagascar,  préface  de  M.  A. 
Decrais,  ancien  ministre  des  Colonies.  (Don  de  T Auteur.) 

Trois  ans  au  Klondyke,  par  Jeremiah  Ltnoh,  traduit  de  TanglaiB 
par  Paul  Lefèvre.  Paris,  1905,  1  vol.  in-8,  illustré  de  23  gravures. 

De  San-Franciscoau  CanRda,  par  Jules  EcRET.  Paris,  1905,1vol. 
in-12  avec  un  index  an ily tique  de  Touvrage. 

L'Amérique  au  travail,  par  J.-F.  Fraser,  traduit  par  M.  Saville. 
Paris,  1905,  1  vol.  in-16,  orné  de  38  grav.  hors  texte. 

Description  sommaire  de  la  République  Argentine  comme 
pays  d'immigration,  2®  édition,  Buenos-AircH,  190t,  1  vol.  in-8. 
publié  par  le  ministère  de  l'Agriculture  (Don  de  M.  le  Consul  gé- 
néral de  la  République  Argentine,  au  Havre.) 

Notice  sur  la  Nouvelle- Calédonien  ses  richesses,  son  avenir,  ré- 
digée pour  TExposition  universelle  de  1900,  publiée  par  **  TUnion 
agricole  calédonienne  "  Paris,  1900i  1  vol.  in-8,  (Don  de  M.  Achille 
Duplat.) 

Le  retour  à  la  Terre  et  la  surproduction  indastrielle,  par  Jnles 
MÉLiNB.  Paris,  1905,  1  vol.  in-16. 

Manuel  de  géographie  commerciale.  Etnde  économique  des  dif- 
férentes parties  du  monde  et  particulièrement  de  la  France,  par 
Victor  Dbville,  professeur  agrégé  au  Lycée  Michelet^  2*  édition, 
Paris,  1904,  2  vol.  in-8,  avec  graphiques  et  diagrammes.  (Don  de 
MM.  Berger- Levrault  et  C^»,  éditeurs.) 

Le  Régime  foncier  aux  Colonies,  documents  officiels  précédés  de 
notices  historiques.  Tome  VI,  Colonies  françaises,  Indes  orientales 
néerlandaises,  Colonies  allemandes.  Bruxelles,  1905,  l  vol.  in  8, 
publié  par  l'Institut  colonial  international.  (Don  de  Tlnstitut.) 

Stanley,  le  rois  des  explorateurs  (1840-1904)  par  Joseph  Jocjbert. 
Angers,  1905,  une  brochure  in-8,  54  pp.  ornée  d'un  portrait.  (Don 
de  Tauteur.  ) 

Congrès  national    des   Sociétés   françaises    de    géographie' 

XÎIV«  session.  Rouen,  1903,  Comptes  rendus  publiés  par  le  Bureau 
de  la  Société  Normande  de  Géographie.  Rouen,  1904,  1  vol.  in-8 
avec  cartes,  graphiques,  etc.  (Don  de  la  Société  Normande  de 
Géographie.) 


LISTE  GÉNÉRALE 

DES 

MEMBRES  DE  LA  SOCIÉTÉ 


fi»' 


Présidents  d'honneur. 

liM.  Le  Ministre  de  la  Marine. 
Le  Ministre  des  Colonies. 

Siegfried  (Jules)  (0  ^)  (||  A),  député  du  Havre. 
Le  Préfet  de  la  Seine-Inférieure. 
Le  Sous-Préfet  du  Havre. 
Le  Chef  de  la  Marine. 
Le  Maire  du  Havre. 

Le  Président  de  la  Chambre  de  commerce  du  Havre. 
Le  Président  du  Tribunal  de  commerce  du  Havre. 

Membres  d'honneur. 

d.M.  Le  Général  Archinard  (0  ^)^  commandant  en  chef  l'armée 

coloniale,  rue  Brémontier,  9,  Paris. 
"i*  Bayol  (Docteur)  (0  i^),  gouverneur  honoraire  des  Colonies 
Dopuis  (J.),  explorateur. 

De  Maht,  député  de  la  Réunion,  ancien  Ministre. 
Haemand  (Docteur)  (0  ^),  commissaire  général  du  Qouverne- 

ment  français  à  Hué  (Annam). 
7  Lenniee    (Q.)  ^  (Q  I)  conservateur  du  Muséum^d'histoire 

naturelle  et  d'ethnographie  du  Havre. 
Levasseub  (E.)   (0  i^),  membre  de  Tlnstitut,  professeur  au 

Collège  de  France,  26,  rue  Monsieur-le-Prince,  Paris. 
Loobdelet  (E.)  a^,  vice-président  de  la  Société  de  géographie 

commerciale  de  Paris,  69,  boulevard  de  Magenta,  à  Paris. 
NÉis   (Docteur)    ^,  médecin   de  la    Marine,  explorateur   en 

Cochinchine. 

•OCléli  DB  QiOOBÀJfBO,  «  l"  TRUC.  1900.  X 


II  LISTE   GÉNÉRALE   DES   MEMBRES 

MM.  QuEViLLON   (F.)  (0  a^)  (Q  A),  général  de  brigade,  gouveraear 

de  la  place  de  Maoheuge. 
f  Savobqnan  de  Bbazza  (C  ^),  commissaire  général  honoraire 

da  Congo  français. 
WiBNEB  (Ch.)  ^,  chargé  d'affaires  de  France  près  du  Goaver- 

nement  de  Bolivie. 

Président  honoraire. 

M.  Ck>nvERT  (Joannès)  ^,  négociant,  président  de  la  Chambre  de 
commerce. 

yice-président  honoraire. 

M.  Beoqué  (L.)  ^  ^,  lieutenant  do  vaisseau  en  retraite,  à  Neuilly- 
Bor-Seine. 

Membres  correspondants. 

MM.  Catat  (le  Docteur),  à  Contrexé ville  (Vosges) . 

Ohardot  (Arsène),  à  Valparaiso. 

David  de  Floris,  57,  rue  Fondary,  à  Paris. 

Dbbisej^,  vice-président  honoraire  de  la  Société  de  géographie 
de  Lyon. 

De  Saint-Quentin  j^,  trésorier  des  Invalides,  à  Marseille. 

Fbanconib  (Joseph),  attaché  à  la  Banque  de  France,  rue  Blan- 
che, 74,  à  Paris. 

Fbibstedt  (M.),  industriel,  10,  Engelbrektsgatan,  N.  B.  k 
Stockholm. 

Qautier  (A)  j^,  capitaine  d'infanterie  de  marine  en  retraite, 
à  La  Flèche    (Sarthe). 

Klett  (Carlos  Lix)  {Q  A)  ►î^,  Consul  général  de  la  République 
Argentine,  à  Rio-de- Janeiro  (Brésil). 

Le  Barrois  d'Orgeval,  vice-président  de  la  Société  de  géogra- 
phie commerciale,  31 ,  rue  Tocque ville,  à  Paris. 

Levy  (Victor),  Conseiller  du  Commerce  extérieur  de  h  France, 
Teinfaltstrasse,  8,  à  Vienne  (Autriche) 

Sohrader  (F.),  directeur  des  travaux  cartographiques  de  la 
maison  Hachette  et  C'«,  boulevard  St -Germain,  79,  à  Paris. 

Siegfried  (André),  boulevard  St-Gerniain,  226,  à  Paris. 

Vidal,  professeur  d'hydrographie,  à  Bastia  (Corse). 

Wauters  (A.-J.),  directeur  du  «  Mouvement  géographique  », 
13,  Rue  Bréderode,  à  Bruxelles. 


MEMBRES    DONATEURS  III 

Membres  donateurs. 

Vattibb,  professeur  d'hydrographie. 

I  MARQUIS  DE  HoaDKTOT,  maifs  de  St-Laureat-de-Brèvedent 
ryF.kU  (Paul),  négociant. 

Le  baron  Arthur  de  Rothschild  ^,  banquier. 
t  comte  MosBBLM AN,  capitaine  au  loog  cours. 

[>i-LAMALLK  (Jacqucs),  propriétaire. 
'e>is  (Joseph),  capitaine  an  long  cours, 
ft  Ci^mpa^îe  générale  Transatlantique. 
TcRMS  JossB  et  C»«,  armateurs. 
kxiER  {Henri),  industriel. 
ocvERT  (Joanoès)  *,  négociant,   président  de  la  Chambre  de 

L'»'mmerce. 

riiTJN  (Louis),  (41  A),  agent  <:oramercial. 
:  Dlbosc  (E.)  (0  #1  ^  (C  ^),  industriel. 
^O'inpagnîe  des  Chargeurs  Réunie. 
^  Bî.or-LEFEVBE  (H.),   négociant,     trésorier  de   la   Chambre 

Bureau. 

K,  président, 

('LiTr-N    I Louis),    (41  A),  agent  commercial,    vice-président. 
PàviRFi  lE.i  (41  I).  professeur  au  Lycée,    ince-président. 
LisKAU  (Paul)  uégociint,  secrétaire  général. 
Pi>[.p.  (Uobert),  négociant,  secrétaire  des   séances. 
HiBERT  (Jacques)  secrétaire  des  séances. 
B.MTIER  (René),  avocat,  trésorier. 
Medra  (Ch.),  courtier,  bibliothécaire. 

Comité. 

Bi:iRK  (Jules)  {0  A)  (0  ^),  lieutenant  de  Port. 

BiwiKT  (Frank)  (4|  A),  avocat. 

BoiTiBB  (René),  avocat 

BcNGE  (Emst),  agent  de  maisons  étrangères. 

CiEToN  (Albert),  assureur. 


tV  LISTE  GBNBRÂLB  DBS   MEMBRES 

MM.  CHANOBREL  (H),  agent  principal  des  Chariifeuni-Béunis . 

Couvert  (Joannès)  ^,  négociant^  président  de  la  Chambre  de 
commerce. 

Dany  (A.)  (O  I),  négociant 

Dbohaillb  (Stephen)  (^  A),  directeur  des  Signaux  et  da  Sau- 
vetage. 

Doublet  (G.),  négociant. 

DuFOUR  (G.)  i^,  docteur-médecin. 

Engelbach  (P.),  docteur-médecin. 

Enoelbach  (G.),  négociant 

Favieb  (E.)  (y  I),  professeur  au  Lycée. 

Fritz  (J.),  professeur  d'allemand. 

Garaud  (J.),  négociant. 

Gartner  (L.-E.)  négociant. 

GuÉRiN  (Désiré),  receveur  de  TEnregistrement,  en  retraite. 

GuiLLOT  (Denis),  avocat^  conseiller  général. 

GuiTTON  (Louis),  (Q  A),  agent  commercial. 

H  ARDU  (E.),  courtier  d'assurances. 

Haussmann  (J.)  (0  èjjJ),  receveur  des  Finances. 

Hubert  (Jacques) 

Jaoquemin  (Gh.),  négociant. 

Kraube  (Albert)^  négociant. 

Laneuvillb  (E.),  courtier. 

Loiseau  (Paul),  négociant. 

Meura  (Ch.),  courtier. 

MoNSALLiBR  (L  .)^  assureur 

MovscouRT  (E.),  (y  A),  profeîsseur  au  Lycée. 

Odinet  (G.)  {Q  A),  négociant. 

Pelard  (Frédéric),  courtier. 

Pesle  (Robert),  négociant. 

Pilon  (E  )  (0  ^),  secrétaire  général  des  Docks-Entrepôts. 

Preschez  (E.),  avoué. 

Plum  (P.)  assureur. 

Uaoul-Duval  (Edmond),  négociant. 

Roche  (J.),  photographe. 

Schmitt  (Victor),  assureur. 


-1 

i 


MEMBRES  TITULAIRES 


MM. 

1S05.  AoHEB  (F.)^  propriétaire,  conseiller  général,  rue  Michelet,  5. 
1032.  Alexandre  (N.)  %,  négociant,  boulevard  de  Strasbourg,  125. 
542.  Altmstkb  (Henri),  courtier,  rue  du  Chilou,  B4. 
524.  Ambaud  (Charles),  négociant,  juge  au  Tribunal  de  commerce, 

me  du  Chilou,  36. 
676.  AxBAUD  (Louis),  négociant,  membre  de  la  Chambre  de  com- 
merce,  rue  du  Chilou,  36. 
792.  Ambaud  (Émile)^architecte-entrepreneur,  rue  Emile- Renouf,  55 . 
!I17.  Angel   (Raoul)    ^  ^,  armateur,    conseiller   général,   maire 
d*Harfleur,  boulevard  de   Strasbourg,  1Ô3. 
Andbê  db  la  Portb,  Ingénieur,  boulevard  de  Strasbourg,  50. 
Akqammarb  (Albert),  directeur  des  Docks  du  canal  de  Tan- 
carville,  rue  de  Mexico,  63. 
4050.  Amphoux  (Etienne),  employé  de  commerce,  rue  de  la  Bourse,  5. 
26.  Abcuinabd  (Frédéric),  négociant,  boulevard  de   Strasbourg^ 
201  biê. 
1U4.  ABOBLLifts  (Louis),  capitaine  au  long  cours,  rue  Madame- La* 

fayette,  5. 
1159.  Abtzheb   (G.),   de  la  maison   Latham  &  C^",  rue   Victor* 

Hugo,  145. 
Î49.  AssKLiN  (Georges),  courtier,  boulevard  de  Strasbourg^  142. 
HT.  Abselik  (Femand),  courtier,  boulevard  de  Strasbourg,  142» 
Association  fédébative  des  Capitaines  au  Lono-Coubs  et 
OrriQEBs  de  la  Mabimb  habchamde  db  France  (section  du 
Havre),  rue  de  Paris,  105. 
9Î2.  Aubbbt  (Gkbriel),  maison  Ëng.  Grosos,  place  de  THôtel-de- 
Ville,  26. 
Auboubq  (Edouard),  fondé  de  pouvoirs,  rae  Mare,  26. 
Aubbt  (F.),  conunerçant,  rue  de  Paris,  93. 
Auoxb  (Honoré)  i)f^,  armateor,  place  Oamot,  1. 
Adosb  (Paul),  rentier^  rue  Julat-Leoesne,  25. 


VI  LISTE  GÉNÉRALE  DES  MEMBRES 

1832.  AnuOKT  (P.),  co.nmis  principal  des  Douanes, bureau  del 
1338.  Avril  (F.)^  négociant,  rue  Dubocago-de-Bléville,  4. 
1549 i  Badodreau  (F.),  négociant,  rue  Dubocage-de-Blé ville, 
1200.   Balard  d'Hbrlin VILLE,  docteur-médecin,  boulevard  d< 
bourg,  55. 
741 .   Baltazard (Théodore),  négociant,  boulevard  François-] 
963.   Barral  (Georges),  négociant,  rue   de  la  Tour,    127,  i 
1949.   Barrb   (Jules)   (^  A),  (0.  ►î^),  ancien   capitaine   de  p 
Colonies,  lieutenant  de  port,  rue  de  la  Mailleraye,  bi 
559.   BARRiâ  (A.),  banquier,  rue  de  la  xMailleraye,  52 
2047.  Barthélémy  (G.)  commerçant,  rue  de  la  Bourse,  8. 
1203.  Barthblmé  (Georges),  courtier,  rue  Toustain,  3. 
170().    Babthold  (Ëdm.),  négociant,  rue  de  la  Bourse,  3. 
139^.   Basset  (Frank),  (y  A)  avocat,  rue  Fontenelle,  13. 
155  (.  Basset   (A.),    négociant,    de   la  maison  J.-M.  Oonj 

Pleuvry,  2. 
1069.   Batalha,  rentier,  boulevard  de  Strasbourg,  124. 
2063.  Bâtard  (A.)  ^  Capitaine  d  artillerie,  rue  Josepli-Mork 
1977.   Batb  (Clifford-A.),   agent  commercial,  me  de  la  Bov^ 
1445.  Bauchb  (Gkiston),  négociant,  rue  du  Havre,  52,  àSm^ 
1519.  Baubr  (Léon),  marchand-tailleur,  me  de  la  Maillenjre^j 
1474.   Baut,  rentier,  rue  de  St-Quentin,  64. 
1814.   Batsselanoe   (0  ^),  ingénieur  en  chef  de    la   C»é 
Transatlantique,  place  de  l'Hôtel-de- Ville,  24. 
11.   Beoqué  (L.)  ^  [0  ^),  lieutenant  de  vaisseau  en  retnii 
de  THÔtel-de- Ville,  11,    à  Neuilly-sur-Seine  (SeiwjJ 
631.  Bboquen-Demeaux  (Max),  direct,  d'assurances^ place QiJ 
1288 .   BEaouBN-DEMEAUX( Robert),  directeurd  assurances,  pl.G^ 
1399.  Beoouen  (André),  avocat,  rue  Naude,  30.  : 

383.  Bbllenger-Rozat,  commerçant,  place  du  Vieux-MaïC 
1691.  Bbllengeb  (André),  commerçant,  rue  d'Etretat,    11(L 
1544.  Beluqod  (M"«  L.)  (Q  I),  directrice  du  Lycée  de  jeiiM 
rue  de  l'Orangerie,  27. 
634.  BÉNARD  (G.),  bronzes  d'art,  place  de  THÔtel-de-Villt, 
373.  Bérard  (Henri),  courtier  maritime  honoraire,  boolemi 
çois-I»'',  38. 
14.  Berqerault  (C),  négociant,  rue  Doabet,  16. 
1594.  Bbrizbeitia  (A.),  négociant,  rue  du  Champ-de-Foîre^ 
1585.  Bbrnabd  (G.),  ingénieur  aux  Forges  et  Ghanti0n  d«i 

terranée,  Boulevard  de  Strasbourg,  182, 
1867.  BsSNHiiif,  étudiant,  rue  de  Parifi  148« 


MBMBRBS  TITULAIRES  TU 

1339.  Bertrand  (Julien),  négociant,  rue  d'Après-Manne villette,  16. 

570.  Billard  (Emile),  courtier  maritime,  Grand-Quai,  67. 
2066.  Billet  (Georges)  directeur  de  la  Brasserie  de  TOuest,  rue  de 
la  Brasserie,  19. 
386.  Binet  (Ernest)^  rentier,  rue  Anfray,  19. 
2028.  Blanchard  (Mlle  Berthe),  section  normale  de  T Ecole  pratique 
de  Commerce  et  d'Industrie,  rue  J.-B.  Eyriès,  16. 
637.  Blbch  (René),  administrât  ■'de  la  C^«  Cotonnière,  palais  de  la 

Bourse. 
2071.  Blot-Lefevre  (Andréj,  négociant,  place  Saint- Joseph,  5. 
2073.  Bodereau  (Gaston),  avocat,  rue  Jules-Lecesne,  45. 

22.  Boeswilwald  (Mme  Auguste), rentière,  rue  Jules-Lecetne,  16. 
2035.  Bœswillwald  (Jean),  courtier,  rue  Galigny,  12. 

2023.  Boila  (M^<'  Pauline),  section  normale  do  l'École  pratique  de 

Commerce  et  dlndustrie^  rue  du  Lycée,  71. 
1888.  Boîtier  (René),  avocat,  rueDoubet,  12. 

23.  Boivin  (L.)  (M  A),  employé  de  commerce,  rue  de  Paris,  131. 
17%.  BooB  (A.),  pharmacien,  rue  de  Paris,  137. 

2059.  Borel  (le  Docteur),  directeur  de  la  2°**  circonscription  sani- 
taire maritime,  rue  Aug-Normand,  16. 
1946.  BossiÈRE  (René)  négociant,  rue  des  Orphelines,  2. 
1998.  BouETTE  (W.-Ë.),  ingénieur,  boulevard  Maritime,  146. 
392.  Boulard  (René),  imprimeur,  rue  du  Canon,  30. 
1479.  Boulet  (Eug.)  ^,  représentant  des  P.P.  Chartreux,  me  Ma- 

dame-Lafayette,  7. 
518 .  Bgdllanqer  (Ed.),  négociant,  rue  de  la  République,  13^  àSanvic* 
1487.  Bourdignon  (A.),  libraire,  place  Ghimbetta,  19. 
1937.  Bourdon  (Gkorges),  de   la   maison  Guillerault  et  C^*|   plaœ 
Jules-Ferry,  8. 
25.  BouRQUiN  (U.),  négociant)  rue  des  Gobelins,  63. 
820.  Bouteleux  (L.),  agent  principal  de  laSociété  Navale  de  TOuest, 

quai  d'Orléans,  45. 
1820.  Bbedaz(â.)  j^ ,  entrepreneur  de  camionnage,  cours  de  la  Ré- 
publique, 115. 
419.  Brehao  (Docteur),  pharmacien,  rue  de  Paris,   66^ 
380.  Briand  (M°>*),  rentière,  rue  du  Havre,  à  Sainte-Adresse. 
648.  Briand  (Auguste),  capitaine  au  long  cours  aveo  brevet  sup  é- 

rieur,  rue  Clément-Marical,  11. 
1541.  Briant  (E.),  courtier,  me  de  la  Bourse,  19. 
31.  Brioka  (£.),  négociant,    vice-président  de   la  Chambre   da 
commerGe,  rue  de  la  Bourse,  29. 


VIII  LI8TS  OÉHÉBÀLB  DS8  MEM^BÉfl 

364.  Bricabd  (H.)  ^  (C  4<)  }^,   directear  des  Forges  et  Ohantierg 

de  la  Méditerranée,  membre  de  la  Chambre  de  Commerce, 

boulevard  de  Strasbourg,  45. 
1562.  Brièrb  (M'"«),  rentière,  rue  Joles-Lecesne,  2. 
423.  Brindbau  (Louis)  ^,  député,  boulevard  de  Strasbourg,  53. 
604.  Briquet  (Paul),  directeur  des  magasins  publics,  rue  Casimir- 

Delà  vigne,  42. 
1189.  Brûlé  (M^i*  Hélène),  élève  k  la  section  normale  de  TEcole 

pratique  de  commerce  et  d'industrie  de  jeunes  filles,  rue  du 

Lycée,  71. 
32.   Brunbt  (Alfred),   négociant,   de  la  maison  Vve  A.  Derode, 

rue  de  la  Bourse,  23. 
1910.  BRUNScnvia  ^,  docteur-médecin,  rue  Séry,  24. 
1788.  Brownb  (  W»"  F.),  négociant,  de  la  maison  Dufay,  Gigandet 

&  O^,  rue  Jules- Lecesne,  50. 
1557.  BucAiLLE  (Henri),  rentier,  boulevard  François-I«',  60. 
418.  BuNGB  (Ernst),  agent  de  maisons  étrangères,  boulevard  de 

Strasbourg,  124. 
2002.  BuRNiER,  de  la  maison  Kronheimer  et  C%  route  de  la  Hève, 

16,  à  Sainte- Adresse. 
949.  BuscH  (Louis),  négociant,  rue  du  Champ-de-Foiro,  12. 
1796.  Caill  (Ch.)    (0  ^),  chef  du  pilotage  de  la  Seine,  place  de 

l'Hôtel-de-Ville,  16. 
1010.  Caillard  (Georges),  ingénieur  civil,  rue  de  Prony,  20. 
2010.  Caillattb,  négociant,  de  la  maison  Frédéric  Jung  et  0%  bou- 
levard de  Strasbourg,  130. 
310.  Calliqé  (L.),  courtier,  palais  de  la  Bourse. 
1690.  Caron  (J.),  négociant,  de  la  maison  H.  Demoinet,  rue  delà 

Bourse,  46. 
1749.  Carrkl  (Pabbé),  professeur  à  TËxtemat  Saint-Joeeph,  rue 

Victor-Hugo,  32. 
1835.  Carrèrb,  ^,  docteur-médecin,  rue  de  Paris,  123. 
1105.  Carton  (Albert),  assureur,  rue  de  la  Halle,  20. 
1251.  Carurttb  (E.),  entrepreneur  de  transports,  cours  de  la  Répu- 
blique, 36. 
1919.  Casabianca  (André),  ^,  administrateur  en  chef  de  Tlnscrip- 

tion  maritime,  Arsenal  de  la  Marine. 
907.  Caspar  (Charles), négociant-armateur,q.  Gasimir-J)elaTigiie,15 
1247.  Castel  (Jules),  du  Crédit  Ha  vrais,  boul.  de  Strasbourg,  79. 
1614,  Catieaux  (Gustave),   de  la  maison  Lehoncq  à  Gharletirae 

de  la  Mer,  9,  à  Ste-Adresse. 


^ËBtBREâ  tlTULÀIIlBS  lit 

Cavanagh  (W.),  négociant,  rue  Édouard-Lanie,  14. 
CÂVANAoa  (Raoul),  commerçant,  boulevard  de  Strasbourg,  96. 
CuALOT  (Gustave),  banquier,  rue  des  Pénitents,  53. 
CuAMARD  (Léon),  caissier,  rue  Louis-Philippe,  18. 
Chancruel(â.),  agent  principal  de  la  C^«  des  Chargeurs  Réu- 
nis, ruo  Jules>Lecesne,  âO. 
Chabdot  (Daniel),  vérificateur  des  Douanes,  boulevard  Fran- 

çois-I**-,  61 . 
Chabrut  (H.),  négociant,  de  la  maison  Loiseau  et  Barrai,  rue 

du  Chilou,  34. 
Chavaxks  (Gaston),  courtier,  rue  de  la  Bourse,  32. 
CiiUGABAY  (H.),  négociant,  rue  Fontenello,  34. 
CuEBFiLS    (Charles)     (if  Â),    adjoint  uu  Maire  du  Havre, 

conseiller  d'arrondissement^  rue  Just-Viei,  32. 
CuEBFiLS  (Emile),  courtier  maritime,  ruo  de  la  GafEe,  6. 
Che>'ALIEr  de   CoNiNCK  (M"*'),  renti(Te,  rue  Félix-Faure,  59. 
CicÉBON    (M"*  Célestiae),  propriétaire,   rue   Thieulent,    10,  à 

Ste- Adresse . 
Clbgder  (Edouard),  officier  de  marine  en  retraite,  r.  Thiers,  66. 
Clerc  (L.)  (Q  A  ),  pharmacien  chimiste,  rue  de  Berry,  57. 
Clbrc  (Léon),  négociant,  au  ch&teau  d'Hartieur  (Seine-Infé- 
rieure). 
Cl«jchette  (Georges),  courtier,  palais  de  la  Bourse,  escalier  D. 
Clologk  (Alphonse),  négociant,  impasse  Dagobert,  10. 
CoLCHEN  (Ch.),  courtier,  rue  Jules-Lecesne,  32. 
Collet  (H.),  négociant,  rue  Jules-Lecesne,  4. 
CoMMAUCHE  (J.),  constructeur-mécanicien,  rue  de  Mexico,  36. 
CoguELiN  (Ch.),  sous-officier  du  corps  d'occupation  du  lac 

Tchad,  d  Fort-Lamy. 
CoBELn*  (E.),  armateur,  rue  Ëdouard-Larue,  1. 
CoROYER  (Gaston),  instituteur,  rue  de  Berry. 
CoTELLE  (J.-M.),  négociant,  de  la  maison  D.  Levillain  et  Co- 

telle,  rue  Jules-Lecesne,  47. 
Ck>TrABD  (Alfred)  j(,  négociant,  membre  de  la  Chambre  de 

Commerce,  rue  du  Lycée,    30. 
CoTT  (A.)  (Q  A),  ancien  chef  d'institution,  place  de  THÔtel- 

de- Ville,  27. 
CoDLON  (Ch.)   ^    )^,  négociant,  conseiller  municipal,  juge 

au  Tribunal  de  Commerce,  rue  de  la  Paix,  6. 
GoUBANT  (Maurice),  artiste  peintre,  Clos  de  l'Abbaye,  à  Poissy. 
(Seine^t-Oise). 


X  JLiSTE   GÉNÉRALE   DES   MEMBRES  J 

1953.  Courant  (L.),  négociant,  rue  Bellevoe,  6.  j 

1956.  CouRTiN  (Arthur),  percepteur,  rue  de  Saint-Qucntia,  $7.  j 

47.  Ck)USiN  (Arthur),  maison  Albert  Quesnel  &  C^«,  impui 

gobert,  8. 
1883.  Cousin  (Henri)  (Q  A),  agent  commercial,  rue  d'Epréméfl 

48 .  Couvert  (Joannès)  ^,  négociant,  président  de  la  Chaa 

commerce,  rue  de  la  Bourse,  31  bis. 

49.  Couvert  (Camille),  négociant,  rue  Jules- Lecesne,  58. 
374.  CoviLLE  (A.),    ingénieur  des  Forges  et  Chantiers  de  k 

terranée,  rue  St- Michel,  9. 
51.  Crsmer  (Marius),  négociant,  consul  de  Grèce,  rue  Doufa 
2070.  Croix  (L.)  opticien,  rue  de  Paris,  16. 
1113.  Dalioault   (F.),   entrepreneur   de    menuiserie,  rue  D 

mare,  21. 
1908.  Danio  (Jean),  chef  des  bureaux  de  la  Direction   des  Ds 

rue  de  la  GaJîe,  2. 
1277.  Daniel  (Joseph),  capitaine  au  long  cours,  rue  £.  Renai, 
1301.  Danon  (J.),  négociant,  rue  de  la  Bourse,  35. 
807.  Danvers  (Paul),  négociant,  rue  du  Lycée,  81. 
1392.  Dany(A.)  (Q  I),  négociant,  rue  du  Champ-de-Foira,  1 
1840.  Daspbt  (Paul),  de  la    maison  M.   Ysnel,    rue  de  la  I 

Verte,  103,  à  Sanvic. 
1143.  De  Burnay  (le  Comte  Henri),  de  la  maison  Henri  de 

&  C^*,  négociants-armateurs  à  Lisbonne  (Portugal) 
569.  Deohaillb  (Stéphen)  (Q  A),  capitaine  au  long  cours,  dil 

des  Signaux  et  du  Sauvetage,  rue  Benjamin -Norman 
1898.  Dechaux  (Albert),  Juge  au  Tribunal  civil,  rue  delà  Bol 
1123.  De  CoNiNCK  (James)  (Q  I.)  j|,  courtier,  r.  delà  Botf 
1080.  DÉQENÉTAIS  (L.),  courtier,  rue  delà  Bourse,  33. 
1091.  Deqeuser  (A.),  courtier,  boulevard  de  Strasbourg,  56. 
1792.  Deqeuser  (René),  courtier,  rue  Faure,  1. 
1255.  De  Goer  de  Hervé  (Georges),  négociant,  rue  Thiébaol, 
1594.  Deqoy  (G.),  courtier,  place  Carnot,  8. 
759.  De  Grandmaison  (H.),  avocat,  rue  de  Mexico,  45. 
1959.  De  Hetder  (Ch.),  courtier,  rue  Viotor-Hogo,  136. 
426.  De  Houdetot  (le  marquis),  maire    de  Saint-Lanni 

Brévedent  (Seine-Inférieure). 
597.  Delaohanal,  ingénieur  en  chef  honoraire  de  la  Ghial 

commerce  du  Havre,  52,  route  de  Brie,  à  Bmnoy  (SI 
1822.  Delacroix  (£.),  rentier,  nio  Oanmir-DelavigDa,  6. 
2038.  DsLAHATB(Maurioe),  géomètre,  rue  Joinville,  87, 


Membres  titulaires  xi 

1546.  DiLAMARE  (L.),  courtier,  rue  de  la  Bourse,  29. 

1369.  Dklaroche  (M°'  Raoul),  propriétaire,  rue  Félix-Faure,  63. 

2012.  De  la  Serna  (Bufino-C),  consul  de  la  Képubllque  Argentine, 

boulevard  de  Strasbourg,  183. 
1621.  De  Léséleuc  (Henri),  assureur,  place  Jules-Ferry, 8. 

57.  Delhommb  (Ed.),  industriel,  rue  Joseph-Périer,  48-50. 
1892.  Del  Pozo,  négociant,  rue  Racine,  43. 

1941.  Demanqe  (A.),  négociant,   juge   au   Tribunal  de    commerce 

d'Alger,  rue  Arago,  8,  à  Alger. 
1524.  De  Montfleury  (Lucien),  juge  suppléant  au  Tribunal  civil, 

conseiller  municipal,  rue  de  Montivilliers,  78. 
730.  De  Montalkmbert  (le  Comte),  propriétaire,  au  château  de  Mé» 

niUes  (Eure). 
1747.  Dennis  (Etienne),  négociant,  rue  de  la  Bourse,  19. 
1964.  Denouette  (Lucien),  courtier,  rue  Léon-Buquet,  9. 
341.  De  QuERUOENT(J.)^,  négociant,  vice-présidentde  la  Chambre 

de  commerce,  maire  de  Sainte-Adresse,  rue  Lemaistre,  29. 
1969.  Derais  (A.),  rentier,  rue  des  Pénitents,  8. 
1806.  Dero  (L.),  ingénieur,  rue  de  Tourneville,  101. 
1529.  Deronde  (E.),  docteur-médecin,  rue  d'Éprcménil,  4. 

58.  Dkschamps  (Médéric)  ^  (Q  A),  propriétaire  à  la  Rive,  Mon- 

tivilliers  (Seine-Inférieure). 

1751.  Deshayes  (Éd.),  courtier,  palais  de  la  Bourse,  escalier  D. 

1958.  Detodrnay  (André),  assureur,  rue  Massieu-de-Clerval,  10. 

1841.  De  Viqan  (J.),  secrétaire  de  la  Chambre  do  Commerce,  palais 
de  la  Bourse. 

1698.  Deville,  docteur- médecin,  rue  Thiers,  28. 

2064.  D'Halluin  (A.)  négociant,  rue  de  la  Bourse,  33. 
898.  Dombre,  (M'-e  L.),  libraire,  place  de  l'Hôtel-de-Ville,   10. 

1371 .  Doublet  (Georges),  négociant,  juge  au  Tribunal  de  Commerce, 
rue  de  la  Bourse,  3. 
83,  DouRT  (V.),  avoué  honoraire,  juge  au  Tribunal  civil,  rue  Fré- 
déric-Sauvage, 15. 

2016*  DouTRELAUT  (Arthur),  de  la  maison  Yve  A.  Derode,  boulevard 
de  Strasbourg,  42. 
683.  DoY  (Auguste),  courtier,  rue  Félix-Faure,  23. 
589.  Drouaux  (Emile),  négociant,  boulevard  de  Strasbourg,  130. 

1900.  Dubois  (£.),  directeur  de  la  Société  Générale,  rue  de   la 
Bourse,  27. 

2060.  Dcbois  (Ferd.),  ingénieur»  rue  du  Docteur-^OoUBtare,  27. 

iQlT.  DuoxRT  (Paul),  négociant,  rue  Micbelet,  71. 


%U  LISTB   GÉNéRALB  D£S   MBBCËREÂ 

509.  DucHESNB   (B.),    constructear  -  mécanicien,    rue  de    NeoS'^ 

trie,  40. 
1837.   DucROOQ  ^,  ingénieur  en   chef  des  Ponts  et  Chaassées,  rue 
Caligny,  9. 
282.   DuFOUB  (Q.)  ^,  docteur- médecin,  rue  Félix-Faure,  2. 
2019.  DuMESNiL  (Jules),  caissier,  rue  Thiers^  30. 
1499.  DuMONT  (Alf.),  courtier,  rue  du  Champ-de-Foire^  79. 

70.   DoMOUOHEL  (Aug.),  courtier,  rue  de  la  Ferme^  38,  à  Sanvic. 
581 .  DuPAQUiEB  (André),  négociant,  rue  de  la  Bourse,  59  bis. 
1376.  DoPASQUiBR   (Hermann),  négociant,  conseiller  municipal,  rue 

Casimir- Pcrier,  13. 
1954.  Du  Pasquibb,  docteur-médecin,  rue   Jules -Ancel,  10. 
1623.  DuPLAT  (Achille)  (d  I),  commissaire  du    Gouvernement  aux 

Docks- Entrepôts,  pavillon  des  Docks,  quai  de  Marseille. 
2004.  DuPLAT(Ëug.),  agent  commercial,  conseiller  municipal,  me  de 

la  Bourse,  39. 
701 .  Dupont  (Emile),  directeur  de  la  C**  des   Docks- Entrepôts, 

quai  de  Marseille. 
299.  Dupuis  (Pierre),  négociant,  rue  de  la  Bourse,  61. 
2043.  Dupuis  (le  contre  amiral),  rue  du  Havre,  57,  à  Ste- Adresse. 
585.  DuBAND-ViBL  (Louis)  j^,  de  la  maison  Thieuleut  frères^  rue 

Guy-de-Maupassant,  10, 
1504.  DuBAND-ViBL  (Jacques),  courtier,  rue  de  la  Bourse,  28. 
73.   DuBET  (Alfred)  (C'î')  (0  *),  négociant,  16,  rue  Gustave-Flau- 
bert. 
1666.  EoLOFP  (L.),  courtier,  rue  de  Toumeville,  116. 
963.  Elût  (Femand),  courtier,  palais  de  la  Bourse,  escalier  G. 
78.  Enqblbach  (G.),  de  la  maison  Les  Neveux  de  J.-G.  Schmidt, 
rue  St-Mighel,  15. 
1072.  ENaKLBAOH  (P.),  docteur-médecin,  roe  Naude,  26. 
2034.  Engelbach  (Jean),  étudiant,  rue  St-Michel,  15. 
1936.  Engelbrecht  (Maurice),  courtier,  rue  de  la  Bourse,  29. 
2014.   Ebnis  (A.),  du  Bulletin  de  Correspondance,  6,  rue  Félix-Fanre. 
1364.  EsBBAN  (Gustave),  négociant,  membre  de  la  Chambre  de  oom- 

merce,  quai  d'Orléans,  59. 
1793.  EsTiQNARD  (C).,  chef  de  bureau  à  la  Compagnie   générale 

Transatlantique,  place  de  l'Hôtel-de-Ville,  28. 
1980.  Fabbe  (G.),  notaire,  place  de  rHôtel-de-Ville,  20. 
660.   Farcis  (A.),  courtier  maritime,  Grand-Qoai,  67. 
1963.  Fauvel  (M»«  L.),  rue  Victor-Hugo,  166. 
2056.  Fauvxl  (François),  iostitateuTi  rue  des  EtoaplèreB.S. 


MBMBRBS  TITULAIRES  XIII 

2068.  Fauvel  (Julien)  employé  de  commerce,  rue  Thiers,  73. 
1383.  Favieb  (£.)  (Q  I),  professeur  au  Lycée,  rue  J.-B.  Eyriès,  54. 
1697.  Fehb  (S.)   (C  ^),  négociant,  rue  Faure,  8. 
1525.  FÉRÉ  (Ernest),  agent  commercial,  quai  Casimîr-Delayigne,  27. 
1548.  Fernberg  (G.),  agent  de  change,  boulevard  de  Strasbourg,  91. 
1774.  Février  (M*»»),  rentière,  rue  Félix-Faure,  61. 
1816.  FiÉVBT  (J.),  négociant,  quai  d'Orléans,  25. 
369.  Fischer  (Joseph)^  représentant  général  de  la  C'«  G^*  Trans- 
atlantique pour  l'Antriche-Hongrie,  Hegelgasse,  13,  Vienne 
(Autriche). 
1156.  FisoHER  (Emile),  de  la  maison  H.  Génestal  et  fils,  rue  de  la 

Ferme,  21. 
1403.  Flâviqnt  (G  i^),  lieutenant-colonel,  commandant  le  22*  régi- 
ment territorial  d'Infanterie,  rue  Jules- Ancel,  35. 
85.  FoBfiSTBR  (Frédéric),  rentier,  boulevard   de  Strasbourg,  126. 
1534.  FoLLiN  (H.),  de  la  maison  Worms  &  Ci«,  boulevard  de  Stras- 
bourg, 55. 
393.  FossAT  (E.)  jj^,  courtier,  rue  de  la  Bourse,  32. 
1924.  FoesAT  (A.),  courtier,  rue  de  la  Bourse,  32. 
1951.  FoniLLBUL  (B.  P.),  négociant,  de  la  maison  J.  P.   Simmonds 
&  G*»,  rue  Fléchier,  9. 

1830.  Fbahqdb  (Paul),  boulevard  François-l»',  98. 

2027.  Fredon  (Mi^«  Léontine),  section  normale  de  FEcole  pratique 

de  Commerce  et  d'Industrie,  rue  J.-B.-Eyriès,  16. 
2046.  Fbémont  (Victor)  de  la  maison  Worms  &C'«,  rue  des  Ormeaux,  2. 
1551.  Fritz  (J.),  professeur  d'allemand,  rue  Frédéric-Bellanger,  56. 
2061.  Fghrhann  (Frédéric),  ingénieur,  rue  Join ville,  29. 

1831.  Fulgbncb  (L),  représentant  de  commerce,   rue   du  Lycée, 

16  bis. 
1787.  Gaillard  (Louis  ),  négociant,  rue  Franklin,  36. 
STfU.  Galilée  (Henry),  courtier,  palais  de  lu  Bourse,  escalier  D. 
856.  Garaud  (Jules),  négociant^  rue  Jules- Lecesne,  58. 
1438.  Gabnier,  vérificateur  des  Douanes,  rue  de  la  Ga(Te,2. 
376.  Gartner    (L.-E.),   de  la  maison  J.  Dupasquier  à  C'*,   rue 
Saint-Michel,  19. 
1574.  Gascoel  (V.),    (Q  A),  docteur>médecin,  ancien   médecin  de 

rhdpital  civil  de  Constantine,  rue  Bazan,  60. 
1597.  Gatin  (P.),  courtier,  rue  de  la  Bourse,  38. 
1890.  Gattiker  (P.),  négociant,  rue  Toustain,  13. 
1906.  Gbig  (Henri),  ageut  de  change,  place  Gambetta,  9. 


XIV  LISTE   GÉNéRALE    DES    MEMBRES 

1666.  Gkin  (M««),  rue  Fléchier,  12. 

2049.  Gelineau  (Jules),  commerçant,  rue  de  Normandie,  307. 
28.  Génbstal  (Henri)   ^  (O  A),  négociant,  conseiller  général, 
consul  d'Italie,  rue  de  la  Bourse,  44. 

1405.  GÉNESTAL  (Maurice),  négociant,  juge  suppléant  au  Tribunal  de 

commerce,  rue  de  la  Bourse,  44. 
288.  Genin  (P.),  négociant,  boulevard  de  Strasbourg,  65. 

2039.  GiNOUViER  (A.),  sous-directeur  du  Crédit  Lyonnais,  rue  Jules- 
Ancel>  12  bis. 

1480.  Godard  (Henri),  propriétaire,  boulevard  Maritime,  48. 

1804.  Gk)DET,    négociant,    adjoint  au    Maire    du   Havre,    rue  G^«- 
Flaubert,  87. 

2062.  GoHiEB  (G.),  directeur  de  la  Société  des  Brouettiers  du  Grand- 
Corps,  rue  de  Metz,  33. 

2007.  GoRSB  (le*  Docteur)  médecin  de  la  Santé,  Grand-Quai,  55 

2031.  GossB  (Lucien) ,  étudiant,  rue  de  Metz,  31. 
1116.  Gk)8SBLiN  (Emile),  notaire,  rue  d*IngouvilIe,  31. 

1679.  Grandoamp  (Léon),  employé  de  commerce,  rue  Gambetta,  60, 
à  Sanvic. 

2032.  Granibr  (le  pasteur  A.),  rue  Jules- Janin  10. 
1885.  Grégoire    (Henri),   courtier,  place  Jules-Ferry,  8. 

1702.  Griner  (Ad.),  docteur-médecin,  place  de  THôtel-de-Ville,  23. 
666.  Gripois  (E.),  rentier,  rue  Saint-Roch,  5. 
2051.  Gros  CA.),  bandagiste,  rue  du  Champ-de  Foire,  67. 
98.  Grosos  (Eug.)  (0  *)  (C  >ï<)  (0  ^)   ^,     négociant-armateur, 
consul  de  Turquie  et  d'Autriche-Hongrie,   place  de  THôtel- 
de-Ville,  26. 
2025.  Guedeney  (M""  Marie),  section  normale  de  l'Ecole  Pratique  de 

Commerce  et  d'Industrie,  rue  du  Lycée,  71. 
1593.  GuÉLON    (Mathieu),    ^,   receveur   des  Postes,  boulevard  de 
Strasbourg,  108. 
91.  Guerbette  (I.),  négociant,  rue  Victor-Hugo,  156. 
611.  GuÉRiN  (Dé8iré),recoveurderEnregi8trement, en  retraite,  rue 
Racine,  9. 
1961.  GuBRBiBR  (Fernand),  pilote,  rue  Marie-Thérèse,  15. 
1810.  GuiFFART  (Armand),  ingénieur  des  Ponts  et  Chaussées,  boule- 
vard François-I*",  141. 
1199.  Guillemette (Eugène), commissaire-priseur,  ruodoFécamp,  4. 
1812.  Guillerault  (0.),  négociant,  rue  Picpus,  9. 
853.  GuiLLOT  (Denis),  avocat,   conseiller    général,   boulevard   de 
Strasbourg,  148. 


MEMBRES   TITULAIRES  XV 

GriTTON  (Lonis)  (Q  A),  agent  commercial,  de   la  maison 

Ferd.  Schneider,  rue  do  Ha^re,  36,  à  Ste- Adresse. 
Haag  (Otto),  négociant,  me  Cochet,  8. 

HiASiCh.),  agent  commercial,  roe  delà  Cavée- Verte,  9^àSanvic. 
Habebt  (Gaston),  de  la  maison  Eugène  Doublet,  rue   Fran- 

UiD,  15. 
HiirsLiN.   (E.)  Commis  des  Douanes,    bureau  de  la  Sortie» 

quai  Lamblardie. 
Hâxos  (J.-B.),  capitaine  au  long  cours,  impasse  Haugnel,  4, 
Ha^oc  (EJ,  courtier  d'assurances,  rue  de  la  Bourse^  24. 
HissELMANN,  notaire,  rue  de  la  Paix,  5. 
HiCBEa  (Georges),  négociant,  me  de  Tourneville,  83. 
HAUssMAirN  (J.)  (0  ^),  receveur  des  Finances,  rue  Jules-Ancel 

12. 
IHauzeub  (Georges)^  de  la  maison  Mason  et  C'«,  me  du  Havre 
\   d4.  à  Ste -Adresse. 

Hath  (W™),  négociant^  rue  Cochet,  6,  k  Sanvio. 
BusN  Waltbb,  consul  général  de  la  Grande-Bretagne,  me 
I    Ed.-Larue,  5. 
iHtBEBT  (Jules),  chef  de  service  des  Engins  de  levage  de  la 

Chambre  de  Commerce,  rue  Jules-Lecesne,  105. 
HtMCT  |E.),  directeur  du  Bulletin  de  correspondance  y  palais 

de  la  Bourse,  rue  Scudéry.- 
Hes  i6.),  négociant,  rue  du  Champ-de-Foire,  7  Us. 
flrrzLEy,  professeur  au  Lycé»,  rue  Ed. -Corbière,  7. 
Hc«:3ET  (G.),  employé  de  commerce,  rue  Franklin,  31. 
H'TîfiNN  (H.),  professeur  d'allemand,  me  de  la  Paix,  1, 
HcBKBTf Jacques),  me  Augustin-Normand,  16. 
ErîfEAu  (le  Docteur),  rue  de  Toul,  8. 

HrrTER  (J.-J.),  entrepreneur,  rue  du  Havre,  46,  S^-Adresse. 
JiDQUEMiN  (Charles),  a^:Burenr,   consul  du  Monténégro,  rue 

Victor-Hugo,  67. 
^iCQrsT  (Louis),  ingénieur  de  la  Chambre  de  commerce,  bou- 
levard de  Strasbourg,  179. 
^AMsm  (Joies),  négociant,  conseiller  d'arrondissement,  place  de 

IHôtelde- Ville,  25. 
^iSDiN  jeune,  pharmacien,  rue  de  Fécamp,  13. 
*£B|-DuVAL,  négociant,  passage  Marie-Berthe,  7. 
^•jSNSToy  (Georges),  négociant,  de  la  maison  E.  Raoul- Du  val 

?t  C»«,  place  Carnot,  9. 
•Jtî  (A.),  propriétaire,  boulevard  de  Strasbourg,  2. 


XVI  LISTE  GéNBRALB  DBS  MBMBRBS      - 

911.  JUNO   (Frédéric),  négociant,  rue  Pélix-Faure,  34. 
1157.  EIablé  (Jacques),  courtier,  rue  Viotor-Hugo,  151. 
1896.  Kablé  (M""»  Charles),  propriétaire,  rue  S^-Michel,  S. 
1369.  Kaisbb  (Rodolphe),  courtier,  rue  de  la  Bourse,  23. 
1964.  Kbbz  (Ferd.),  iatéressé  de  commerce,  rue  Fréd.-Lema]tre,27. 
1927.  EiBSCHBAUM  (M^i«)    (M  I)i  Directrice   de  Técole  pratique  de 
Commerce  et  d'Industrie  pour  les  jeunes  filles,  rue  du  Lycée 
130. 
1027.  KoLLBRUNNER  (W.).  Courtier,  palais  delà  Bourse,  escalier  D. 
978.  Kraus  (Edouard),  pharmacien,  place  de  THôtel-de-ViUe,  9. 
122.  Kbausb  (Albert),  négociant,  de  la  maison  Th"  Breckenridge 
&  C^*,  rue  de  Bapaume,  19. 
1899.  Kbomhsimer  (Charles),  négociant,  rue  Saint-Martin,  2. 
929.  Lafaurie  (G.),  courtier,  rue  de  Montivilliers,  98. 
1947.  LAMT(Paul),  négociant,  rue  Joinville,  42. 
366.  Lauottb  (Edgard),  négociant,  membre  de  la  Chambre  de  com- 
merce, boulevard  de  Strasbourg,  134. 
1273.  Langtuit  (André),  négociant,  rue  de  Saint>Quentin,  U. 
671.  Landrieu  (Charles),  commerçant,  rue  de  Paris,  98. 
1318.  Lanel  (Ch.),  rentier,  rue  Auguste- Dolf us,  4. 
867.  Lanbuville  (E.),  courtier,  boulevard  de  Strasbourg,  66. 
1108.   Langlois  (F.),  propriétaire,  quai  d'Orléans,  9. 
466.  Langstaff  (W.),  négociant,  Grand-Quai,  67. 
1926.  Langstaff  (A),  négociant,  de  lamaisonMasonetC*'' ,  rue  de  la 

Bourse,  26. 
1470.  Larub (Charles),  courtier,  rue  delà  Bourse,  38. 
128.  Latham  (Edmond)  ^,  négociant,   président  honoraire  de  la 

Chambre  de  commerce,  rue  Victor- Hugo,  145. 
1673.  Latham  (Charles),  négociant,  rue  Victor-Hugo,  145 
2017.  Latham  (Robert),  négociant,  delà  maison  Frédéric  Jung  AC>«, 

boulevard  de  Strasbourg,  130. 
1668.  Laude  (Louis),  directeur  de  la  Caisse  de  Liquidation,  rue  Co- 

chet,  4. 
1094.  Laude  (Richard),  négociant,  rue  de  Paris,  116. 
1491 .  Lauer  (Henri)^  de  la  maison  Haj'n,  Roman  &   C*«,  route  de 

la  Hève,  14,  ti  Sainte -Adresse. 
1230.  Lavottb  fils,  de  la  maison  Worms  et  C»«,  boulevard  de  Stras- 
bourg, 138. 
2032.  Lbsbau(0  ^)  Colonel  d'artillerie  en  retraite,  rued'Etretat,  49. 

1314.  Lebiorb  (Gaston),  assureur,  boulevard  de  Strasbourg,  92. 


MBMBRBS  TITULAIRES  XTII 

H).  Lbblond  (Albert)  ff/i  i{i  né^ociant^  adjoint  au  maire  da Havre 
membre  de  la  Chambre  de  commeroe,yice-coQ8ul  du  Vene- 
zuela, me  Anfray,  19. 

81.  Le  Bourgeois  (Georges)  ^  (C  »{i),  conseiller  général,  maire 
de  Bogenrille  (Seine-Inférieure). 

167.  Le  Bais  (F.),  négociant,  rue  du  Lycée.  56. 

Kd.  Le  Clbro  (Gorges),  rentier,  place  de  THdtel-de- Ville,  1. 

L33.  Lboomte  (P.)  (C  «{<)  négociant, de  la  maison  Joannés Couvert, 
consul  du  Guatemala,  rue  de  la  Bourse,  31  bis, 

M3.  Lbcoq  (Edouard),  négociant,  rue  du  Champ-de-Foire^  2. 

^.  LcœuBTOis  (Louis),  ancien  notaire,  rue  Gustave -Flauoert, 
91. 

m.   Leoocx  (Paul),  négociant,  rue  Victor-Hugo,  167. 

741.  LBrEBVRE  (Frédéric),  courtier,  palais  de  la  Bourse, 
escalier  Â. 

K)6.   LBrEBVEB  (Georges),  courtier,  rue  delà  Bourse,  38. 

te8.  LRjftvEE,  professeur  &  TÉcole  primaire  supérieure  de  Monti- 
villiers,  route  d*Épouville,  23  bis,  à  Montivilliers  (Seine-In- 
férieure). 

W.  Le  Oad,  docteur-médecin,  rue  Thiers^  40. 

U5.  Lb  Gopp  (Louis),  négociant,  boulevard  de  Strasbourg,  32. 

Hyi.  L&^oupiL  (Victor),  agent  de  change,  boulevard  de  Stras- 
bourg, 75. 

Ul.  Lb  Grand  (R.),  graveur,  rue  de  la  Bourse,  6. 

^.  Lbgeos  (J.),  relieur,  rue  de  la  Comédie,  3. 

155.  Le  Qiiernet  ^,  percepteur,  boulevard  de  Strasbourg,  55. 

&25.  Le  Guen  (Hippolyte),  capitaine- visiteur,  rce  du  Docteur- 
Coosture,  2 1  bis. 

895.  LÉociLLON  (Charles),  négociant,  rue  J.-B.  Eyriès,  72. 

:U2.  Lelacmier  (L.),  architecte,  rue  du  Champ-de-Foîre,  17. 

979.  LBLE17  (A.)  (Q  A.),  négociant,  rue  Racine,  45. 

iU.  Lemierbe  (Adrien),  représentant  de  commerce,  rue  du  Champ- 

de-Foire,  55. 
h.  Lenhardt,  docteur-médecin,  boulevard  de  Strasbourg,  60. 
te.  Lbjttz  (Hermann),  négociant,  de  la  maison   Metz  et  C^«,  rue 

Jales-Lecesne,  32. 
tO.  Lepbebtbb  (R.).  commerçant,  rue  de  Paris,  67. 

Ml.  Lbpeincb  (A.)  (A  Q),  directeur  de  la  C'«  Normande  de  navi- 

[  gation  à  vapeur,  boulevard  de  Strasbourg,  67. 

pis.  Lebaitre  fils,  entrepreneur  de  camionnage,  rue  du  Lycée,  31. 

PPl.  Lbbit  (Lucien),  courtier,  place  de  l'Hôtel-de-Ville,  23. 

toctÈrà  DM  gAogbaphzi.  II 


XX  LISTE   GÉNÉRÀLB   DBS   MEMBRES 

S901.  MiOHELiN,  directeur  du  Crédit  Lyonnais,  quai  d^Orléans,  25. 

1507.  MiGNOT  (Henri),  rue  Quillemard,  33. 

1528.  MiONOT  (Gaston),  négociant,  consul  du  Nicaragua,  rue  delà 

Bourse,  35. 
738.  Mille  (Lucien),  négociant,  rue  de  Bapaume,  7. 
1775.  MooH  (Ernest),  négociant,  de   la  maison  Oppenheimer  frères, 

boulevard  de  Strasbourg,  146. 
1109.  MoNGiN  (Edouard),  iodustriol,  avenue  Philippe- Auguste,  40,4 

Paris. 
1617.  MONGDILLON  (A.)  (Q  A),  professeur  à  TÉcole  primaire  sapé- 

rieure  de  garçons,  rue  Dicquemare,  1 . 
727.  MONSALLIER  (L.),  assureur,  rue  de  la  Bourse,  31  bis, 
1857.  MoNSCOUKT   (Emile)   (Q  A),    professeur   au   Lycée,  rue  de 

Mexico,  27. 
2041 .  MoNVBRT  (Ernest),  maison  Mason  et  C'»,  rue  de  la  Bourse,  26. 
564.  MORBAU  (A.),  propriétaire  du  Grand  hôtel  de  Normandie,  roe 

de  Paris,  106. 
1538.  MoBOAND  (P.)(0  A.),négociant,jugeauTribanaldeooinmerGe, 

place  de  THÔtel-de-Ville,  24. 
409.  MossBLLHANN  (le  comte),  capitaine  au  long-cours. 
1696.  MouoEL  (M^i«)  ^  (O  A),  directrice  de  TËcole  primaire  supé- 
rieure de  filles,  rue  Joinville,  15. 
1608.  Mulot  ((jhistave),  de  la  maison  Gustave  Michel   fils,  place 

Jules-Ferry,  5. 
177.  Mundler  (H.)  {Q  A),  négociant,  rue  François-Millet,  24. 
647.  MuRAT  (Joseph),  employé  de  commerce,  rue  Fontenelle,  15. 
1824.  Napp  (Jean),  négociant,  rue  de  Saint-Quentin,  59. 
1606.  Narcy  \Ph.),  notaire,  boulevard  de  Strasbourg.  9  >. 
1291.  Noël  (J.),  courtier,  rue  Anfray,  8. 
1987.  Noisette   (Emile),    ingénieur,    directeur  des  établissemeoti 

Schneider,  boulevard  d'Harfleur,  33. 
287.  Normand  (A.)  (0  *)    i^,  constructeur  de  navires,  roe  di 

Perrey,  67. 
1985.  Normand  (Mlle  Emilie),  rentière,  boulevard  François-l*'',  27< 
1057.  NoRTZ  (E.),  négociant,  rue  Fontenelle,  29. 
1031 .  Odinet  (Georges)  (Q  A)  (0  «î»),  négociant,  chaaoelier  du  coa- 

Bulat  de  Perse,  boulevard  François-I*',  97, 
1983.  OwEN  Burbidge(Rov*-E.),  route  delà Hève,  19.  à S*«.AdrcBie. 
1950.  Paon  (Alph.),  directeur  de  la  C*»  havruise  des  Magasins  Gé 

néraux,  rue  Marceau,  48. 


MBfiBRËS  TlTttAIRBS  Xtl 

1939.  Pabis  (Edgard),  2%coinmiB  à  la  direction  des  Douanee,  rue 

Angustin-Normand,  104. 
2054.  FiDBON  (L.),  négociant,  rue  de  Bapanme,  16. 
744.  Pblabd  (Frédéric),  courtier,  rue  de  la  Bourse,  28. 
1827.  Pbllissibb  {Q  A),  profeesenr  au  Lycée,  rue  des  Oobelina,  38. 
204.  Pbbqubb  (F.)  »ii,  négociant-armateur,  consul  de  la  Bépublique 

de  Costa-Rica,  rue  du  Ghilou,  1. 
1041.  Pbbqubb  (Paul),  courtier,meinbre  de  la  Chambre  de  commerce, 

place  Jules-Feny,  8. 
1481 .  PcsLB  (René),  agent  commercial,  quai  d'Orléans,  37. 
1794.  Pbblb  (Robert),  négociant,  rue  d'Éprémesnil,  é6. 
1933.  Pbslb  (Alfred),  courtier,  me  de  la  Bourse,  34. 
1809    Pbtet  (Victor),  chef  de  gare  adjoint,  quai  du  Tonkin. 
873.  PmT  (QuiUaume),  négociant,  président  du  Tribunal  de  oom« 
meroe,  membre  de  la  Chambre  de  commerce,  maire  de  Blé- 
ville,  rue  Donbet,  4. 
1455.  Pbttt  (Emile),  courtier,  rue  de  la  Bourse,  32. 
1090.  FÈzEsaL  (L.),  avocat,  boulevard  de  Strasbourg,  91. 
1498.  PnsTBB  (Gustave),  négociant,  rue  Félix-Santallier,  17. 
464.  Philbbbt  (Jules),  banquier,  rue  de  la  Paix,  7. 
986.  Philbbbt  (H.),  courtier,  rue  Jules- Janin,  8. 
1844.  Pbilippb  (Aug.)  négociant,  rue  de  la  Ferme,  25. 
1496.  PiQÀULT  (Pascal),  courtier,  maison  J.  Durand- Viel,  rue    de  la 

Bourse,  28. 
1842.  Pilon  (ïi.)  (0  i{t),   secrétaire  général  des  Docks-Entrepôts, 

quai  de  Marseille. 
1931.  PiNGZOM,  ingénieur  en  chef  des  Chargeurs-RéuniS)  boulevard 

François»I«',  3. 
1823.  PiBBAU  (Henri),  rentier,  rue  de  Toumevilloi  63. 
1254.  PiFBRBÂU  (Lucien)^  arbitre  de  commerce,  rue  J  ules-Lecesae,  48« 
1599.  PuoHOK  (Qaston),  négociant,  rue  de  la  Gra£Ee,  6. 
959.  Pldm  (Paul),  assureur,  place  de  l'Hôtel-de- Ville,   11. 
475.  PoiDBViK  (P.),  rue  de  la  Comédie,  35. 
1974.  PoiDViN  (Jules),  professeur  à  TÉoole  primaire  supérieure  do 

garçons,  rue  de  Puris«  70. 
742.  PoLBTTi  (H.),  de  la  maison  Metz   et  O*  rue  Jules-LeoQsaei 

32. 
1561.  PoTBL  (Ch.),  docteur-médecin,  C^'Qi*  IVansatlantique. 
203.  PoiTLrr  (Edgard),  caissier,  rue  du  Perr^y,  162. 
1391.  PoïïPBL  (£mm.),  architecte,  place  de  l'Hôtel-de- Ville,  1. 
747,  PowiLBWioz  vQ  A) ,  docteur-médecin,  rue  de6te-AdreMe^20é 


XXlI  LISTE    GÉNÉRALE   DES   MEMBRES 

1845.  Prentout  (G.)  {%>  A),  régisseur  de  biens,  rae  Anoelot,  5. 
435.  Prescuez  (E.),  avoué,  rue  Jules-Lecesne,  28. 
1098.  Preyre  (H.),  directeur  du  Comptoir  National  d'Escompte  de 

Paris,  rue  de  la  Bourse,  2. 
12%.  PROBST,  agent  commercial,  maison  P.   Perquer,  place  Juler»    \ 
Ferry,  8.  j 

803.   Prooopk  (E.).  négociant,  rue  Frederick -Lemaitre,  28.  j 

1897.   Pkoficuet,  docteur- médecin,  rue  du  Général-Faidherbe.  5  bis    i 
882.  PusiNELLi  (Jacques),  négociant,  rue  Victor-Hugo,  188.  | 

799.  Quesmel  (Charles),  négociant,  place  de  THôtel-de- Ville,  3. 
1244.  QuESNEL  (Alfred),  rentier,   rue   Marie-Talbot,  21,  à    Sainte- 
Adresse. 
938.  Qdoist  (Gleorges-D.),  imprimeur,  rue  du  Chilou,  11. 
1995.   Raisin  (E  ),  au  consulat  du  Brésil,  boulevard  François- 1*,  61. 
863.  Rambbrt,  principal    clerc    de  M*  Bach,    notaire,   place  de 

THÔtel-de-Ville,  24. 
414.  Bamelot  (Eugène)  (^  I.),  représentant  de  commerce,  mem« 

bre  de  la  Chambre  de  commerce,  rue  des  PénltentSy  34. 
648.  Raodl-Duval  (Edmond),  négociant,  me  Félix-Faure,  49. 
840.  Régnier  (Ernest),  aduiinistrateur-délégué  du  Crédit  Havraitf, 

boulevard  de  Strasbourg,  79. 

1575.   Reibeb  (C),  courtier,  rue  de  la  Bourse,  17. 

1153.  Rbinhart  (Gustave),  négociant,  juge  suppléant  au  Tribunal  de    ] 

commerce,  palais  de  la  Bourse,  escalier  B.  | 

2065.  Remy  (Louis),  négociant,  boulevard  François-I^',  114.  I 

281.  Rknout  (V.)  ^,  ingénieur  des  Ponts  et  Chaussées,  en  retrû* 

te,  boulevard  Françoi8-I«^,  69. 
940.  RiCHBR  (Emile),  négociant,  rue  SufiEren,  11. 
1451.  RiciiER  (F.),  de  la  maison  Devot&C^^»,  r.  de  Saint-Qiientin«7. 
1196.  RiHAL  (Narcisse),  négociant,  boulevard  de  Strasbonig,  162. 
1802.  RlHAL  (Gustave),  négociant,  rue  Gustave-Flaubert,  6. 
1984.  RiNOHEVAL  ^,  directeur  des  Douanes,  rue  de  la  Gaffe,  2. 

208.  RisPAL  (Auguste)  ^,   sénateur,  membre  de  la  Chambra  de 

commerce,  boulevard  de  Strasbourg,  25. 
1776.  Riss  (Alphonse),  de  la  maison  Lefebvre  et  Chardin,  boulevard 

de  Strasbourg,  58. 
1609.  Robillârd  (Emile), représentant  de  oommei^,  me  dosFenasSt 

à  S'«-Adre8Be. 
1970 .  RoBiNSON  (Georges) ,  agent  de  maisons  étrangères,  rue  Anfray ,  4« 
2042.  ROBWBON  (V.),  ingénieur,  rue  de  St-Quentin,  21, 

209.  RocuE  (J.),  photographe,  place  Gambetta^  18* 


MEMBRES   TITULAIRES  XXIII 

353.  Bœdeaeb  (Jules)  ^,  négociunt,  conseiller  général,  membre  de 

U  Chambre  de  commerce,  rue  Casimir-Périer,  6. 
17i2.  Bœoerbr  (Léon),  négociant,  rue  Féliz-Faurei   31. 
ô2â.  BuOEB  (0  ^),  ingénieur,  chaussée  des  Etats-Unis,  15. 
642.  KoaiR  (Jules)  »{i,  docteur-médecin,  boulevard    François-I*'', 

118. 
1709.  BoNOT  (Emile),  directeur  de  la  Commercial  Cable  Cy^  bcule- 

Tard  de  Strasbourg,  112. 
404.  Ro3K  p^i,  secrétaire    du  Cumité  des  assurances    maritimes, 

palais  de  la  Bourse,  escalier  B. 
1928.  Rodqbt-Makseillb  (f^Â),  fondé  de  pouvoirs  de  la  Recette  des 

Finances,  passage  Lecroisey,  9. 
UH)3.  BoussBLiN  (Léon),  régisseur  de  biens,  rue  Géricault,  15. 
1387.  BUAULT,  reutier,  rue  d'Épréménil,  39. 
1238.  fiuD  (J.),  négociant,  boulevard  de  Strasbourg,   118. 

1222.  RuFENAGHT  (Jules),  agent  commercial,  palais  de   la  Bourse, 

rue  Dnpleix. 

1223.  RuFBNAOHT (Edouard), courtier,  palais  de  la  Bourse,  Escalier  D, 
1059.  Sabathisr  (P.),  ingénieur  civil,  inspecteur  du  bureau  Veritas 

rue  Picpus,  2. 

991.  SAUQUBT(Femand),  négociant,  membre  de  la    Chambre  de 
commerce,  consul  des  Pays-Bas,  rue  Victor-Hugo,  134. 

^/26.  Sauvage  (M^^*  Marthe),  section  normale  à  T  Ecole  pratique  de 
Commerce  et  d'Industrie,  rue  Joseph-Clerc,  1 

lâ39.  Savarin  (A.)^  négodiant,  place  Carnot,  4. 

1934.  Savaet  ^A.),  arbitre  de  commerce,  rue  de  Normandie,  65. 

1133.  SoHABTiDEB  (W.),  Courtier,  rue  de  la  Bourse^  29. 

12Ô8.  SCHLAODBNUAUFBN  (F.),  courtier,  rue  Qéricault,  4. 

iT04.  ScMLiBNQBR  (Arthur),  négociant,  rue  Jules-Lecesne,  46. 

^9.  ScHXiTT  (Victor),  assureur,  rue  du  Chilou,  1. 
'  ^.  ScHMiTZ  (Alfred),  négociant,  place  Carnot,  4. 
!  12é4.  ScHNEiDBB  (Ferd.),  représentant  de  maisons  étrangères,  rue  de 
I  la  Bourse,  21. 

1 1^20.  ScHBODBB  (Edouard),  courtier,  rue  de  la  Bourse,  21. 
I  IHo.  SBBUOBR'(Ed.),  agent  commercial,  rue  de  la  Bourse,  28. 
1  BU.  SciOMEUBÉ  (Eroest),  négociant,  rue  Augustin- Normand,  2. 
I  1W9.  Sénécabt  (A.),  courtier,  rue  Victor-Hugo,  138. 
\  ^^1.  Sbhh  (Olivier),  négociant,  administrateur  de  la  Compagnie 
I  Gotonnière,  palais  de  la  Bourse,  escalier  E. 

1^13.  SiNN  (Maurice),  courtier,  rue  de  la  Bourse,  23. 
I  ^.  8ubxb  (H.-A.),  propriétaire^  rue  B^-Honoré,  362,  à  Paris. 


XXÎV  LISTE    GÉNÉRALE   DES   I^^MBRËS 

220.  SiEGFRiBD  (Jules)  (0^)    {^  A),  député  du  Havre,  rue  Félix- 
Faure,  22. 

225.  Siegfried  (Jacques)  (0  ^)  (0  i^),  propriétaire,  au  château  d^ 

Langeais  (Indre-et-Loire). 
633.  Siegfried  (Emeat),  négociant^  rue  Félix-Faure,  50. 
1601 .  Siegfried  (Jules)  fils,  industriel,  boul.  de  Strasbourg,  83. 

226.  SiBURiN  (H.),  négociant,  rue  Jules -Lecesne^  58. 
1559.  Sigaudt  (P.),  ^,  ingénieur  en  chef  des  Forges  et  Chantiers 

de  la  Méditerranée,  rue  Guy-de-Maupassant,  2. 
1986.  SiQAUDT  (Mlles),  rentières,  place  de  THôteUde- Ville,  29. 
1972.  Simon,  docteur-médecin,  boulevard  de  Strasbourg,  148. 
1352.  Six,  négociant,  rue  Triganville,  39. 
1884.  Smebukg  (F.),  négociant,  quai  d'Orléans,  59. 
1265.  Society  des  anciens  élèves  de  l'École  supérieure  de  Commerce, 

boulevard  François-I»»",  58. 
1618.  Société  d'Éducation  populaire,  rue  Dicquemare,  1. 
1920.  Société  de  TEnseignement  scientifique    par  l'Aspect,  rue  du 

Canon,  26. 
1265.  Soclet  (J.),  ingénieur,  directeur  de  la  Ci«  Gi«  française  des 

Tramways,  rue  Michel- Yvon,  7. 
1174.  Souque  (Albert),  avoué,  place  Carnot,  6. 
2029.  Speiser  (J.-J.),  employé  de  commerce,  bonl.de  Strasbourg,75. 
1762.  Staehelin  (Willy),  quai  d'Orléans,  39. 
387.  Stempowski,  représentant  de  coYnmerce,  rue  Jules-Lecesne,  58. 
229.  Taoonet  (Maurice),  courtier  maritime,  membre  de  la  Cham- 
bre de  commerce,  Grand-Quai,  67. 
632.  Taoonet  (Pierre),  assureur,  quai  d'Orléans,  37. 
1120.  Taoonet  (Robert),  assureur,  quai  d'Orléans,  51  bis. 
1815.  Talboi%  professeur^  impasse  Massieu-de-Clerval. 
2057.  Tessier,  professeur  à  i'Ëcole  professionnelle  de  MontÎTilliers 

(Seine-Inférieure). 
2013.  Teurterib  (ë.).  négociant,  rue  St-Roch,  27. 
1777.  Thiboumebt  (André),  courtier  maritime,  rue  de  Fécamp,  29* 
1374.  Thieullbnt  (Henri),  négociant,  rue  Thîers.  125. 
713.  Thillabd  (Henri),  greffier  en  chef  da  Tribunal  civil,  boolevard 

de  Strasbourg,  141. 
638.  Thomas  (Charles),  négociant,  rue  Bernardin-de-St- Pierre,  5. 
1699.  Thomas  (A.),  électricien,  boulevard  de  Strasbourg,  57. 
1317.  Thon  (Valentin),  employé  de  commerce,  maison  Napp  et  C*% 

rue  de  Saint-Quentin,  59. 
1684.  T0UB8AIIIT  (M.)i  àvooati  rue  QustaveOasataa,  81. 


MEMBRES      TITULAIRES  XXV 

1086.  TooTAiN  (Laurent),  courtier  d'assurances,  palais  de  la  Bourse, 

escalier  F. 
2Û4i.  Tbanchet  (Albert)  sous-ingénieur  aux  Chargeurs- Réunis,  rue 

Jules-Lecesne,  75. 
2003.  Tbaumann    (Ernest),    négociant,    boulevard     de  Strasbourg, 

65. 
348.  Trouvât  (G.),  commerçant,  rue  Victor-Hugo,  149. 

232.  Turbot  (A.)  [Q  A),  courtier,  place  Jules-Ferry,  9. 

233.  TuRPUi  (Georges),  négociant,  rue  Franklin,  23. 

2045.  Vallin  (Henri)  employé  de  commerce,  cours  de  la  République, 

24. 
246.  Van   dkr  Vbldb   (P.),    négociant,    palais    de   la    Bourse^ 
escalier  C. 
1846.  Van  1ER  (Ferd.),  négociant,  rue  Chaptal,  6. 
1916.  Vanibb  (Jules),  négociant,  rue  du  Champ-de- Foire,  34. 
1235.  Varnirr  (Louis),  négociant,  rue  Caligny,  1. 
1825.  Vassia  (E.),  i{(«  vice-consul  d'Italie,  rue  Lemaistre,  6. 
1763.  Vatinbl  (Charles),  comptable,  rae  de  Normandie,  134. 
1450.  Verger,  chef -mécanicien,  place  Gambetta,  18. 
1443.  Versprbbuwbn  (Hermann)  ^  ^  >!<,  négociant,  consul  de  Bel- 
grique,  de  TËtat  indépendant  du  Congo  et  de  Libéria,   bou- 
levard de  Strasbourg,  124. 
532.  ViziN  (Jo8eph),capitaine  au  long  cours,  rue  des  Petits-Champs, 

31,  à  Paris. 
1979.  Vidal  (Edmond),  courtier,  rue  Victor-Hugo,  136. 
1960.   ViEiRA  DA  SiLVA  (Joao),  »{4,  cousul  général  des  États-Unis  da 

Brésil,  rue  de  la  Bourse,  30. 
1612.  ViQNÉ,  docteur-médecin,  à  la  C»"  G*«  Transatlantique,  Grand- 
Quai,  65. 
1996.    ViGOUROUS  (Mlle  Marie-Louise),  élève  à  la  section  normale  de 
TEcole  Pratique   de  Commerce  et  d'Industrie,  rue  J.-B.- 
Eyriès,  16. 
1925.  Violette,  administrateur  de  Sociétés,   boulevard  de  Stras- 
bourg, 124. 
1715.  Waloh  (Gilbert),  avocat,  rue  du  Cliamp-de-Foiro,  57. 
1754.  Wanner  (Emile),   consul   de   la   Confédération   Suisse,   rue 

Guillemard,  84. 
685.  WsiBSBNBURGER    (Th.),  propriétaire,   rue  de  rObservatoirOi 

29. 
1988.  Wbltkb  (Jean),  ingénieur,  rue  St-Uoch,  7. 
1886,  Westpbalbn  (Maurice),  négocianti  place  Carnet,  10. 


XXVI  LISTB    GBNéRÀLB   DBS   MEMBRES 

243.  WiNDKSHBiM  (E.),  négociant,  rue  des  Brindes,  12. 
2020.   WiNNABRT  (Loois)    inspecteur  sédentaire  des  Douanes 

la  Gaffe,  2. 
615.  WiNNiNO  (James),  agent  de  la  O*  Cunard,  quai  d'Orlé 
1313.   WlTTORSKi  (Louis),  courtier,  rue  Fléchior,  1. 
1782.  Ysnbl-Feanqdb  (G.),    courtier    maritime,    boulevard 

çois-I«',  106. 
789.  YsNEL,  (M.)  négociant,  rue  Donbet,  17. 
886.  ZiBQLBR  (A.),  de  la  maison  Dufay»  Gigaodet  et  C>*,  ni 

Lecesne,  50. 
1750.  ZiJCGLBB  (Arnold),  employé  de  commerce,  rue  des  Péni 


i»t  PILLES  kxVlt 


LAURÉATS  DU  CONCOURS   DE  GÉOGRAPHIE 
Pupilles   de  la    Société 


Malandain  (Ch.),  rue  Frédéric-Bellanger,  38. 

Becheb  (Edouard; ,  rue  Clovis,  10. 

Gazbmgel  (Arthur),  boulevard  de  Graville,  502,   GraTille- 

Sainte-Honorine. 
QnÉBOUT  (Marcel),  boulevard  Amiral-Mouchez,  1 14. 
Lanqbvin  (Léon),  rue  d'Étretat,  88. 
Bramdala  (Lucien),  rue  Bellot,  20. 
Vaillaht  (Etienne),  rue  Jacques-Gruchet,  6. 
Lbbat  (Bobert),  rue  Marceau,  2. 

BiQOT  (M.),  à  l'EicoIe  communale  de  filles  (Outre),  Graville- 
Sainte-Honorine. 
l^  Maillabd  (Marie),  rue  Louis-Philippe,  24. 
Campabt  (Suzanne),  rue  Ernest-Renan,  25. 
DuBOso  (Jeanne),  rue  de  la  Liberté,  32,  à  San  vie. 
Saxson  (Valentine),  rue  Lesueur,  128. 
Michel  (Jeanne),  passage  Henri -Vigor,  à  Sanvic. 
Amiabd  (Hélène),  rue  Duguay-Trouin,  23. 
Reine  (Germaine),  rue  du  Champ-de-foire,  67. 
PlQBOM  (Madeleine),  passage  de  la  rue  Verte,  2. 
Dupont  (Renée)^  rue  Piedfort,  6. 
DuBUG  (Alice),  cours  Sainte-Croix,  à  Montivilliere. 


N 


SOCIÉTÉS,   REVUES,    JOURNAUX,  ETC. 
Avec  lesquels  la  Société  lait  l'échange  des    PublicaticF^^ 


FRANCE    ET    COLONIES    FRANÇAISES 

Paris.  —  Société  de  géograpliie.  Société  de  géographie  commerci£»J^ 
Société  de  topographie.  Association   philotechnique.  Société  d'éc^^^ 
nomiei>olitique.  Société  des  études  coloniales  et  niaritimes.  Socife'^^ 
d'encouragement  pour  le  commerce  français  d'exportation.  Allian^^ 
française.  Société  française  de  colonisation.  Chambre  syndicale  à€0 
négociants-commissionnaires  et  du  commerce  extérieur.Unioncol^'' 
niale  française.  Comité  de  l'Afrique   française.  Comité  de  l'Asie 
française.  Comité  de  Madagascar.  Institut  géographique.  Société 
nationale  d'agriculture. Union  française  delà  jeunesse.  AseociatioO 
générale  des  étadiants.Union  amicale  des  anciens  élèves  de  rÊco' 
le  Bupérieure  de  connuerce.  Chambre  de  commerce.  Bibliothèque 
nationale.  Ministères  de  la  Guerre,  de  la  Marine,  de  rintérieur 
du  Commerce  et  de  l'Industrie,  des  Travaux  publics,  des  AfEâires 
Étrangères,de  ITnstruotion  publique  et  des  Beaux- Arts,  des  Colo- 
nies.—  Revue  maritime,  Moniteur  officiel  du  commerce^  FeuHlê  di 
renseignements  de  l'oi fice  Oolonial,BuUet  n  de  renseignements  oo- 
loniaux,  Paris-Canada,  Le  Moniteur  des  Coionies  et  des  Pays  de 
protectorat,  Bulletin  de  l'Office  de  renseignements  généraux  et  de 
colonisation  du  gouvernement  général  de  l'Algérie,  Les  questions 
diplomatiques  et  coloniales.  Le  Maroc  français,  L'Action  cohniak. 

Départements.  —  Sociétés  de  Géographie  de  Bordeaux,  Booig, 
Bourges,  Brest,  Dijon,  Douai,  Dunkerque,  Laon,  Ldlle,  Lorient, 
Lyon,  Marseille,  Montpellier,  Nancy,  Nantes,  Poitiers,  Bochefiort, 
Bouen,  Saint-Nazaire,  Toulouse  et  Tours.  La  Franoa  colonisatrioe 
(Rouen).  Société  hayruido  d'Études  diverses.  Socidté  géolbgîqno 


SOCIETES,    REVUES,    JOURNAUX,    ETC.  XXIX 

<!•  Normandie  (Havre;.  Sociétés  industrielles  d'Amiens,  Elbeuf, 
Boaen  et  Reims.  Association  des  anciens  élèves  do  TÉcole 
supérieure  de  commerce  et  do  lissage  do  Lyon.  Société  des 
Sciences  naturelles  de  Tarare. Cercle  d'études  des  employés  de  bu- 
reau Lavrais.  Chambres  de  commerce  du  llavre,  Bordeaux,  Mar- 
seille, Nantes,  Lyon.  Musée  commercial  de  Rouen.  Les  MiS" 
iiom  catholiqui^  (Lyon).  La  Loire  navigable  (Nantes). 

Colonies  Françaises.  —  Sociétés  de  géographie  d'Alger,  Oran, 
Tunis.  Direction  de  l'Agnculture  et  du  Commerce  de  la  Ré- 
gence de  Tunis.  Bulletin  économique  de  V Indo-Chine  ^Saigon). 
Société  des  Études  InJo-Chinoises  de  Saigon.  Chambre  de  com- 
merce de  Saigon.  Journal  o/ficiel  du  Congo  français  (Libre - 
^lle).  Journal  officiel  des  Posscêsions  du  Congo  français  et 
dépendances  du  Moyen- Congo  (Brazzaville).  Journal  officiel  de 
Madagascar  et  dépendances.  Supplément  Commercial  et  Agri- 
cole (Tamatave  et  Cote  Est).  Bulletin  économique  de  Madagascar, 
Journal  officiel  des  Établissements  français  de  rOc^anic(Papeete). 

EUROPE 

^emagne.  —  Sociétés  de  g<^ographie  de  Berlin,  Brème,  Greif s- 
wald,  Hanovre,  Hambourg,  léna,  Halle-sur-SaHle,Leipzig,  Munich, 
Dresde,  Kœnigsberg,  Cassel,  Lu>>eck,  Stuttgard,  Stettin,  Franc- 
fort-sar-le-Mein,  Metz.  Musée  colonial  allemand,  Berlin. —  Deuts- 
che Kolonial  Zeitung  (Berlin). 

Antriche-Hongrie.  —  b'wiété  de  géographie  du    Buda-Pest,  Mu- 
séum d'Histoire  naturelle   (Vienne).  D/>   Wcliwirtschaft  \y\Qïm%). 

Belgique.  —  Sociétés  de  géographie  de  Bruxelles  et  d'Anvers, 
Cercle  des  anciens  étudiants  de  l'Institut  supérieur  de  commer- 
ce d'Anvers.  Chambre  de  commerce  d'Anvers.  Institut  colonial 
international  (Bruxelles).  Fédération  pour  la  défense  des  In- 
térêts belges  à  rotranger  (Bruxelles).  Le  mouvement  géogra- 
phique (Bruxelles^.   3fissions  en  Chine  et  au  Congo  (Bruxelles). 


Espagne.  —  Société  d(»  Géographie  de  Madrid. 

les  Brltanmiques.  -  Sociétés  d^3  g«}ugrdphie  de  Londres,  Liverpool, 


XXX  SOCIETES,    REVUES,    JOURNAUX,    ETC. 

Manchester,    Newcastle-sur-Tîne.    Edimbourg.     Institut  impérial. 

Italie.  —  Sociétés  de  géograpliîe  de  Rome,  Milan,  Naples  et  Flo- 
rence. 

Norvrège.  —  Société  de  Géographie  de  Christiania. 

Pays-Bas.  —  Société  de  géographie  d'Amsterdam. 

Portugal.  -—  Société  de  géographie  de  Lisbonne,  Association  com- 
merciale de  Porto. 

Rooinanie.  —  Société  de  géographie  de  Bucarest. 

Russie.  —  Sociétés  de  géographie  de  Saint-Pétersbourg,  Vilna, 
Orembourg,  Moscou,  Helsingfors,  Club  alpin  de  Crimée  (Odessa). 

Suède  —  Société  de  géographie  de  Stockholm.  Société  des  touris- 
tes suédois  (Stockholm). 

Suisse.  —  Sociétés  de  géographie  de  Berne,  St-G-alI,  Neuchâtel, 
Genève,  Hérisau,  Âarau.  Société  des  anciens  élèves  de  T Ecole  sapé* 
rieure  de  commerce  de  Genève. 

ASIE 

Caucase    —  Société  de  géographie  de  Tiflis. 

Sibérie.  —  Société  de  géographie  d'Irkoutsk. 

Inde.  —  Société  de  géographie  de  Calcutta. 

Indo-Chine.  —  Société  de  géographie  de  Singapore. 

Japon*  —  Société  de  géographie  de  Tokîo.  Société  allemande  d'his- 
toire naturelle  &  d'anthropologie  de  Tokio. 

AFRIQUE 

£gypte.  —  Société  de  géographie  du  Caire. 

AMERIQUE 
Canada.  -^  Sociétés  de  géographie  de  Winnipeg,  Qiébec  et  Ottawa. 


SOCIETES,     RBVUE8|    JOURNAUX,  ETG  XXXI 

États-Unis.  —  Sociétés  de  géographie  de  New-Tork  et  de  San- 
Franciâco.  Topeka  (KanBas).  Département  de  TAgricuIture  (Was- 
hington). Smithsonian  Institution  (Washington)  Pilot  Ghart  of  the 
north  atlantic  Océan  (Washington). 

Mexique.  —  Société  scientifique  «  Antonio- Ahsate  »  à  Mexico, 
Chambre  de  commerce  française  de  Mexico.  Observatoires  astrono- 
iniques  de  Tacubaya  et  de  Mexico. 

Salvador.  —  Observatoire  astronomique  et  météorologique  de  San 
Salvador. 

Co8ta-Rica.  —  Institut  physico-géographique  national  (San  José). 

Bréail.  —  Sociétés  de  géographie  do  Rio-de -Janeiro  et  de  Bahia. 

^ïTiguay.  —  Cliambre  de  commerce  française  de  Montevideo.  — 
anales  del  Deparlemenio  de  Ganaderia  y  AgricuUura  de  la  Repu- 
^^icaO.del  Uruguay  (Montevideo). 

Pérou  —  Société  de  géographie  de  Lima.  Chambre  de  commerce 
^nçaisc  de  Lima. 

CSiili.  —  Société  scientifique  allemande  de  Santiago. 

République  Argentine.  —  Cliambre  de  Commerce  française  de 
Bi 'en: 'S- Aires.  Sociétés  de  géographie  de  Buenos- Aires  et  de 
Corl  î>a.  Société  scientifique  argentine  de  Buenos-Aires.  Direction 
gi'P.ôrale  de  Statistique  municipale  de  la  ville  de  Buenos-Aires. 
Déi» utoment  national  de  statistique,  à  Buenos-Aires.  Boletin  de 
Agricu'lura  y  Ganaderia  (Buenos-Aires). 


OCEANIE 

lastralie.  —  Sociétés  de  géographie  de  Sydney,   Adélaïde,   Bris 
bdne,  Melbourne. 

siva.  -  Société  des  scences  et  des  arts  de  Batavia.  Société  Inddo- 
Xeerlandiàise  d  agriculture  et  d'industrie  de  Batavia. 


ABONNEMENTS 


Revue  des  Deux  Mondes,  bi-mensuelle. 

Revue  de  Paris,  bi-mensuelle. 

Le  Correspondant,  revue  bi-mensuelle. 

Revue  Politique  et  Littéraire(l\Q\\iQ  bleue), hebdomadaire. 

Revue  FrançaUc  et  de  l Étranger,  mensuelle 

Le  Tour  du  iAoHrfe,Journal  des  Voyages  et  des  Voyageurs. 

hebdomadaire. 
U Économiste  Français,  journal  hebdomadaire. 
Revue  de  Géogy^aphie,  mensuelle. 
Annales  de  Géographie,  paraissant  tous  les  doux  mois. 
Mitteilungen,  revue  mensuelle. 
La  Nature,  revue  des  sciences   et  de  leurs   applications 

aux  arts  et  à  l'industrie,  journal  hebdomadaire  illustré. 
La  Dépêche  Coloniale  illustrée,  bi-mensuelle. 
La  Dépêche  Coloniale,  journal  quotidien. 


Imprimerie  G.-D.  QUOIST,  11,  rue  du  CliUou.  —  UAViiE. 


 


SOCIETE 

GÉOGRAPHIE  COMMERCIALE 


HXJ  liA-VICB 


BULLETIN 


XXllI    AiiikV.  -  »    Ti-iniestiH>    1904» 


HAVHK 

AU  SiKCK  1)K  L\  SOCH.TK 

131,  iu:i:  l'i  l'viiis.  I;;i 

l!)()7 


SOMMAIRE 

La  Révolution  russe  et  la  Douma,  par  M.  Raymond  Rkcoult 33 

Les  Pêcheries  de  la  Côte  Occidentale  d'Afrique, par  M.  A.  GiiavEL. ...  51 

L'Éruption  de  la  Montagne  Pelée  à  la  Martinique,  I,  par  M.J.  Giraud  73 
La  formation  d'un  lac  dans  le  désert  du  Colorado,  par  M.  Henri  de 

Varigny 8-> 

Actes  de  la  Société 93 

Bibliographie 94 

Ouvrages  reçue  à  la  Bibliothèque  de  la  Société fi^ 


REUNIONS 


Les   Réunions   du  Comité  ont  lieu  le  4'"'^  mercredi  de  chaque  mois 
excepté  pendant  les  mois  d'août  et  septembre. 

Tous  les  membres  de  la  Société  peuvent  y  assister. 


BIBLIOTHÈQUE 

La  Bibliothèque  de  la  Société  est  OUVerte  tOUS  lOS  SOirSt 
excepté  les  dimanches,  jours  fériés  et  demi-fériés,  de  6  h.  1/2  à  7  h.  1/2 
et  de  8  h.  1   2  à  10  h. 


Toutes  les  communications  et  tous  les  renseignements  doivent   être 
adressés  au  Secrétaire  général. 


> 


1 1  r 

/ 


SOCIÉTÉ 


DE 


GEOGRAPHIE  COMMERCIALE 


->>^«N<|y^jg5/M>>A^ 


U  ^Wm  RUSSE  ET  U  MW" 


Supposez  un  bourgeois  de  l^aris  ou  môme  du  Havre  qui, 
les  vacances  terminées,  lorsqu'il  quitte  sa  maison  de  cam- 
pagne pour  retrouver  sa  maison  de  la  ville,  s'aperçoit  avec 
atupéf action  que  cette  maison  u  été,  pendant  son  absence, 
mise  sens  dessus-dessous;  la  baignoire  se  trouve  au  milieu 
delà  salle  à  manger,  Tarmoireà  glace  a  été  transportée  dans 
la  cuisine.  C'est  une  stupéfaction  analogue  (jue  j'ai  éprouvée 
cotte  année  lorsque  je  revins  en  Russie  après  douze  mois 
d'absence. 

J'étais  passé  en  Russie, en  1905, revenant  de  Mandchourie, 
•près  la  guerre  Russo-Japonaise;  j'y  revins  au  printemps 
da  1906,  et  vraiment  le  pîiys  ét'îit  non  seulement  transfor- 
^mé,  mais  bouleversé.  Les  classes  accoutumées  depuis  des 
I  siècles  à  obéir,  prétendaient  déjà  commander.  On  ne  recon- 

(1)    Conférence  foite  devant    la   Socioié  de  Géographie  Commerciale  du 
aoairA  nm.  oAogiuphii.  —  2*  trimestre  1906.  9 


34  LA  RÉVOLUTION  RUSSE  ET  LA  DOUMA 

naissait  plus  rien,  ni  les  choses,  ni  les  hommes.  Pour  donner 
une  idée  de  cette  transformation  si  profonde,  il  faudrait 
un  long  développement,  mais  quelques  exemples  peuvent 
suffire. 

Lesdéputés  paysans  qui  venaient  d'arriver  ô  Saint-Péters 
hour.?  pour  représenter  les  moujiks  à  la  Douma,  étaient 
logés  tous  ensemble,  dans  une  vaste  demeure  que  le  Gou- 
vernement avait  mise  à  leur  disposition.  Ces  députés,  deux 
jours  avant  Touverture  de  la  Douma,  se  présentèrent  «u 
palais  de  Tauride.  Il  y  avait  là  un  vieux  monsieur,  un 
chambellan  que  le  Conseil  de  l'empire  avait  prêté  à  l'admi- 
nistration de  la  Douma  pour  effectuer  toutes  les  transfor- 
mations et  tous  les  arrangements  nécessaires. 

Les  députés  se  présentent  au  vieux  chambellan  en  uni- 
forme, qui  paraissait  extrêmement  imposant,  et  l'un  d'eux 
lui  dit  :  ((  Nous  venons  ici  pour  toucher  l'indemnité  de  dix 
roubles  par  jour  qui  nous  est  due  pour  les  frais  de  voyage,  w 
Le  chambellan  répond:  «  Comme  je  n'ai  pas  cet  argent  sur 
moi,  ayez  l'obligeance  de  repasser  demain.  ))  Alors  les  pay- 
sans lui  dirent  :  «  C'est  tout  de  suite  qu'il  nous  le  faut,  vous 
avez  dix  minutes  yjour  l'apporter  ici,  et  si  vous  ne 
l'apportez  pas,  gare  à  vous.  »  Le  vieux  chambellan  se  pré- 
cipite au  téléphone  et  dit  en  français  :  «  Il  y  a  une  bande  de 
gens  extrêmement  mal  habillés  qui  m'injurient  et  me 
demandent  de  l'argent.  »  On  apporta  immédiatement  de 
l'argent  à  ces  gens  mal  habillés. 

Le  sentiment  «fue  la  Douma  naissante  excitait  dans  toutes 
les  classes  du  peuple  russe,  tel  qu'on  pouvait  le  saisir 
alors,  était  un  sentiment  de  bienveillance  et  même  d'atten- 
drissement. On  attendait  vraiment  de  la  Douma,  avec  un^* 
confiance  sans  doute  un  peu  naïve, le  remède  à  tous  les  maux. 
On  voyait  en  elle  une  réunion  d'hommes  qui,  venus  de 
tous  les  côtés  de  l'immense  empire  russe,  pouvaient  trouver 
immédiatement  en  quelques  semaines,  la  solution  des  pro- 


LA  RÉVOLUTION  RUSSE  ET   LA  DOUMA  35 

bièraesquise  posaient  depuis  des  siècles  et  ce  sentiment 
écIatait,nonseuIementdans  les  conversations  particulières, 
mais  encore  dans  les  articles  des  journaux  et  dans  les 
discours  prononcés. 

Vous  savez,  je  n'ai  pas  besoin  de  vous  le  rappeler,  dans 
quelles  conditions  la  première  assemblée  consultative  russe 
/ut  accordée  par  Tempereur.  A  vrai   dire,  l'empereur  ne 
laccurda  p^s,  on  la   lui  arracha.  C'est  l'année  dernière,  au 
njoment   où    la   grève  générale   paralysait  complètement 
l'empire  russe,  au  moment  où   l'administration  et  le  Gou- 
vernement se  trouvaient  débordés,  que  le  grand-duc  Cons- 
:    lanlJD,  accompagné  du  premier  ministre  M.  Witte,  arracha 
lilléralement  à  l'empereur  la  promesse  d'une  Douma.  Cette 
promesse,  une  fois  faite,  fut  solennellement  annoncée  au 
peuple  par  le  manifeste  du  17,30  octobre.  On  se  préoccupa 
immédialemenl  de  savoir  dans  quelles  conditions  fonction- 
neniit  celle  Douma  et  de  préparer  les  élections.  Les  élections 
se  firent  d'une  façon  très  lente  sur  tous  les  points  du  pays, 
et  comme  elles  se  firent  sous  un  ministère  réactionnaire, 
sousun  ministère  terroriste  presque,  le  ministère  Dournovo, 
elles  donnèrent  naturellement,  par  opposition  à  ce  ministère 
réactionnaire,  une  majorité  considérable   au  parti  avancé. 
I^  Douma  était  convoquée  solennellement  pour  le  10  mai 
1906.  C'est  ce  jour  le  que  les  460  députés  qui  la  composaient 
furent  solennellement  présentés  à  l'empereur  au  Palais d'Hi- 
veretimmédia'ementaprès  celte  présentation, où  l'empereur 
adreSvSa   aux    députés  quelques   paroles  de  bienvenue,   la 
première  réunion  de  la  Douma   eut  lieu  au  palais  Tauride. 
Ce  palais  se  trouve  dans   un   lointain  faubourg  de  la    ville 
mniense  de  Saint-Pétersbourg,  et  vous  savez  que,  construit 
»«:•  Catherine  II,  et  donné  par  elle  à  son   favori  tout-puis- 
ifXït,  IV^tenkine,  le  héros  de   Tauride,    il  revint  ensuite  à 
I  Couronne  russe  et, ces  derniers  temps, il  servit  de  lieu  de 
•fK>s  à  de  vieilles  demoiselles  ou  veuves  de  hauts  fonction- 


36         LA  RÉVOLUTION  RUSSE  ET  LA  DOUMA 

naîres  ou  de  généraux.  C'est  un  palais  extrêmement  beau, 
très  somptueux,  entouré  d'un  immense  jardin  qui,ô  l'époque 
de  Catherine  II,  était  ce  fameux  jardin  d'hiver  que  tous 
les  contemporains  ont  longuement  célébré. 

Des  transformations  et  des  aménagements  avaient  été  très 
rapidement  faits.  Ces  couloirs  du  palais  de  Tauride  offrirent 
dès  les  premières  séances  un   spectacle  extrêmement  pitto- 
resque. On  voyait  là,  à  peu  près  150  à  175  moujiks   venus 
avec  leurs  bottes,   les  uns  portant  le  costume  des  Petils- 
Russiens,  le  cafetan  qui  gaine  la  taille,  les  bottes  en   cuir 
rouge  d'autres  venus  des  campagnes  de  la  Pologne;  quel 
ques  députés  caucasiens  et,  en  même  temps,au  milieu  d'eux, 
des  popes  à  longue  barbe,  des  seigneurs  polonais  extrême- 
ment élégants,  et  tout  ce  monde-là,  parlant  quelquefois  des 
langues  différentes,   ne    se  connaissant  d'aucune    sorte, 
n'ayant  ni  les  mêmes  manières  de  comprendre  ni  de  sentir, 
s'assemblait  là  pour  faire  œuvre  commune  et  travailler  à 
la  régénération  de  la  Russie.  Dès  la  première  séance,  une 
opposition  extrêmement  vive  se  manifesta  ;  le   ministère 
Dournovo  avait  rempli  les  prisons  de  la  Sibérie  de  détenus 
politiques  dont  la  plupart  avaient  été  arrêtés   sans   aucun 
motif  6t  beaucoup  condamnés  sans  aucun  jugement  ;  la 
Douma  arrivant  demandait  d'une  façon  extrêmement  éner- 
gique qu'on  lesamnistiôt.C'est  undeschefsdu  parti  Cadet, le 
plus  influent  de  la  Doum€i,qui  d'une  façon  énergique, vibran- 
te,sollicita  cette  amnistie. Pour  appuyerencore  cette  requête 
on  se  mit  immédiatement  à  la   préparation  de  l'Adresse  au 
discours  du  trône,  dans  laquelle  la  Douma  ferait  connaître 
au  tsar  ses  exigences  ;  toutes  ces  demandes  et  cette  adresse 
prirent  urt  certain  temps  et,dès  les  premiers  jours, se  mani- 
festa la  prépondérance  d'un  parti  qui  avait  été  extrêmement 
fort  pendant  les  élections  et  qui,  maintenant,  recueillait  le 
fruit  de  sa  discipline  et  de  son  intelligence,  c'est-à-dire  le 
parti  Cadet.Nous  savez  que  ce  nom  de  parti  Cadet  ou  K  D, 
doit  son  origine  à  un  calembour. 


LA  RÉVOLUTION  RUSSE  ET   LA  DOUMA  37 

Le  parti  Cadet  se  compose  de  nobles  en  assez  grande 
part,  de  quelques  fonctionnaires,  de  membres  appartenant 
aux  professions  libérales  :  avocats,  médecins,  professeurs, 
journalistes,  hommes  de  lettres,  et  de  quelques  paysans 
Il  a  non  seulement  la  prépondance  numérique  mais  encore, 
ce  qui  est  plus  important,  la  force  de  la  discipline  et  de 
rintellîgence.  C*était  à  vrai  dire,  dans  cette  Douma,  le  seul 
parti  vraiment  constitué.  Il  se  trouvait  en  présence  des 
autres  partis  comme  une  phalange  macédonienne  en  pré- 
sence de  bandes  mal  organisées  Dès  les  premiers  jours  il 
apparut  que  c'était  lui  qui  prendrait  la  t  te  de  la  Douma  et 
dirigerait  toutes  ses  manifestations. 

Le  parti  K   D  demandait  l'extension  de  la  constitution 
donnée  par  Tempereur.  L'emporeur  n'avait  guère  accordé 
qu'un  semblant  de  constitution  et  le  parti  K  D  exigeait  que 
cette  constitution  fût  complétée.  11  demandait   la  formation 
d*un    ministère  responsable  pris  dans  la   majorité  de  la 
Chambre,    la  suppression  absolue  de  toutes  les  castes  et 
de  toutes  les  classes,  l'égalité  civique,  l'accessibilité  de  tous 
à  tous  les  emplois  et  enfin  une  réforme  extrêmement  impor* 
tinte,  la  réforme  agraire,  c'est-à-dire  la  concession  de  plus 
de  terres  aux  paysans,  en  prenant  ces  terres  soit  à  TEtât, 
quand  on  le  pouvait, soit  aux  apanages,  soit  à  certains  pro- 
priétaires particuliers.  C'était  le  programme  du  parti  K  D 
et,  comme  il  était  le  plus  fort,  ce  fut  le  programme  delà 
Douma. 

  côté  de  ce  parti  Cadet  il  y  avait  un  autre  parti,  le  parti 
du  travail,  qui  prit  le  nom  de  parti  ((Travailliste  ».  Il  était 
composé  presque  entièrement (85 <*/o)  de  paysans,  Il  n'avait 
guère,  à  vrai  dire,  qu'un  programme  économique,  et  son 
programme  politique  se  confondait  avec  celui  des  K  D.  Lu 
question  agraire  était  la  seule  qui  intéressât  vraiment  les 
paysans.  Ils  demandaient  la  distribution  aux  paysans 
de  toutes    les  terres  appartenant  è  l'Etat,   de   presque 


38  LA  UÉVOLUTION  RUSSE  ET  LA  DOCMA 

toutes  les  terres  des  propriétaires  particuliers,  et  cela,  dans 
certains  cas,  sans  indemnité.  C'était  donc  un  programme 
extrêmement  avancé. 

A  côté  du  parti  «  Travailliste  »  se  trouve  un  autre  parti 
qu'on  appelait  le  parti  des  «  Octobristes  «.C'était  le  parti  qui 
se  réclamait  du  17/30  octobre,  et  qui  prétendait  que  ce 
manifeste,avec  une  constitution  très  atténuée,suf!isaitpour 
le  moment  au  bonheur  de  la  Russie. 

Les  exigences,  les  demandes  de  la  Douma  furent,  dès  les 
premiers  jours,  mises  en  lumière  et  exposéesdans  l'Adresse 
votée  comme  réponse  au  discours  du  Trône.  Elle  comprenait 
presque  entièrement  le  programme  du  parti  Cadet,  tel  que 
je  viens  de  vous  le  faire  connaître.  Elle  fut  envoyée  à  l'em- 
pereur. Celui-ci  n'y  fit  aucune  réponse,  et  dès  les  premiers 
jours  la  Douma  se  trouvait  dans  une  situation  fausse  ;  celte 
équivoque  devait  durer  deux  mois  et  se  terminer,  comme 
vous  le  savez,  par  sa  dissolution. 

La  Douma  convoquée  par  l'empereur,  prenait  toutes  les 
apparences  d'une  assemblée  souveraine,  elle  demandait, 
exigeait  qu'on  la  traitât  comme  telle.  Aux  yeux  de  l'empe- 
reur et  des  grands-ducs,  elle  n'était  pas  considérée  ainsi 
mais  comme  une  assemblée  consultative,  aux  exigences  de 
qui  on  était  bien  décidé  à  ne  pas  céder.  Ainsi  cette  équivo- 
que, cette  situation  fausse  qui  se  manifesta,  alla  s*augmen- 
tant,  s'accentuant  jusqu'à  la  dissolution  finale. 

Dès  les  premiers  jours,  une  fois  l'Adresse  votée,  les  in- 
terpellations commencèrent.  Il  faut  avoir  vécu  en  Russie, 
savoir  ce  qu'était  le  peuple  russe  jusqu'à  pré3ent,pour  sentir 
tout  ce  qu'il  y  a  de  nouveau, d'extraordinaire  même  dans  ce 
mot  ((  Interpellation  ».  Une  assemblée  de  députés,  une  as- 
semblée de  sujets  arrivant  de  leur  province,  de  leur  gou- 
vernement, qui  se  considéraient  comme  as.sez  forts  pour 
interpeller  un  ministre,  un  lieutenant  de  Sa  Majesté  Tem- 
pereurt  le  faire  venir  à  la  tribune  et  lui  demander  des 


La  révolution  russe  et  la  douma  39 

vomples.  Ces  interpellations  se  firent  immédiatement.  Le 
ministre,  quoique  ne  reconnaissant  pas  la  souveraineté  de 
Il  Douma,  venait  tout  de  même  à  sa  barre  lorsqu'on  insis- 
tait, et  répond  lit  aussi  bien  qu'il  le  pouvait  aux  interpella- 
tions. 

Les  premiers  jours,les  députés  se  montrèrent  très  respec- 
tueux   à   regard  dos  ministres,   attentifs  à  leurs  paroles, 
^adressant  toujours  à  eux  d'une  façon  extrêmement  calme, 
posée;  mais  petit  à  petit,  au  fur  et  à  mesure  que   se  mani- 
festa la    mauvaise    volonté    de  répondre,  l'irritation  des 
Jéputés  grandit  et  deux  ou  trois  semaines  ne  s'étaient  pas 
écoulées  que  les  ministres  furent  injuriés.  Il  se  trouvait  une 
fois,  je  m'en  souviens,  dans  la  tribune  od  j'étais,  un  pauvre 
insiiluleur  sibérien  qui,  venu  en   Russie  pour  rendre  visite 
à  sa  mère  malade,  avait  supplié  qu'on  le  laissât  assister  à 
une  séance  de  la  Douma.  Il  était  justement  tombé  sur  la 
séance  où  le  fameux  député  travailliste  A  ladine  dit  son  fait 
d'unefaçon  très  verteau  ministre  Stolypine.Le  ministreavait 
demandé  qu'on  Tautorisôt  à  dépenser  5  ou  6  millions  de 
roubles  pour  secourir  des  paysans.  Aladine  monta  à  la  tri- 
bune et  lui  dit  :  ((  Sans  doute  nous  consentons  à  vous  voter 
ces  5  ou  6  millions  deroubles,maisà  condition  que  nous  les 
distribuions  nous  mêmes,  car  s*ils  sont  distribués  par  vos 
genS)  ils  n'iront  jamais  dans  la  poche  des  paysans  mais 
dans  celles  de  vos  employés.  »  Le  ministre  quitta  immédia- 
4'iaieraent  la  salle. 

L'instituteur  sibérien  qui  se  trouvait  à  côté  de  moi  s'écria: 
''Est  ce  ainsi  qu'on  ose  parler  maintenant  au  ministre  en 
Russie.alors  que  nous  en  Sibérie, nous  ôtonsnotrecasquetle 
devant  le  plus  humble  des  fonctionnaires.  » 

Us  travaux  parlementaires  de  la  Douma  qui  étaient 
siiivis  par  toute  la  Russie  avec  une  attention  passionnée, 
^înlerrompaient  pas  le  moins  du  monde  ni  les  attentats 
anarchistes,  ni  les  bombes,  ni  le  pillage  des  banques  ou 


iO  La  révolution  russe  et  la  douma 

des  propriétés  privées.  Mais  il  faut  bien  dire  que  le  Russe 
se  soucie  assez  peu  des  bombes,  des  attentats  anarchistes  et 
du    pillage  des  banques  et  des  propriétés  privées  Pour 
vous  donner  une  idée  de  cette  insouciance,  je  me  souviens 
que  le  jour  où  on  lança  une  bombe  contre  le  couple  royal 
d'Espagne^  je  lus  la  nouvelle  dans  un  journal  du  matin  et 
je  fus  extrêmement  impressionné  par  tous  les  détails  hor- 
ribles que  le  télégraphe  indiquait:  chevaux  éveDtrés,bon)be 
allant  tuer  des  personnes  qui  étaient  au  balcon  du  premier 
étage  et  aux  fenêtres  des  chambres.  Comme  je  déjeunais  ce 
matin-là  en  ville,  je  continuais  à  songer  à  cela,  chemin 
faisant  et,  en  arrivant  chez  mes  hôtes,  il  me  semblait  qu'on 
ne  pouvait  parler  d'autre  chose  que  de  cet  attentat  anar- 
chiste. Je  découvris  alors  que  ce  qui  m'intéressait  laissait 
mes  interlocuteurs  russes  absolument  indifférents;  on  aurait 
cru  que  cette  bombe  avait  été  jetée  dans  la  lune,  jamais  sur 
un  point  terrestre.  Il  y  eut  seulement  un  vieux  monsieur 
qui  dit  :  «  Il  est  très  maladroit,  Tanarchiste,  il   a  tué  ou 
blessé  40  personnes  qu'il  ne  visait  pas,  et  manqué  celles 
qu'il  visait.))  Il  dit  cela  d'un  ton  absolument  indifférent,  de 
la  façon  posée  dont  on  constate  un  fait  et  ce  fut  tout  Je 
compris  que  le  vieux  monsieur  voulait  dire  :  «  Vous  nous 
parlez  de  cet  attentat  étranger  alors  que  nous  avons  beau- 
coup mieux  chez  nous.  )>  On  s'accoutume  à  tout  et  il  faut 
bien  dire  que  les  Russes  sont  absolument  accoutumés  à  la 
bombe.  Dans  presque  toutes  les  villes  de  l'empire  on  en 
lance  quelques-unes  tous  les  jours.  Certaines  catégories 
sociales,  les  commissaires  de  police,  par  exemple,  savent 
parfaitement  qu'ils  ont  plus  de  chance  de  mourir  d'une 
bombe  que  de  la  fièvre  typhoïde,  et  s'il  sont  tués  ainsi,  leur 
mort  est  une  mort  naturelle  dont  personne  ne  songe  à 
s'étonner.  Les  circonstances  critiques  qu'on  traversait  alors 
ce  printemps-là,ne  détournaient  pas  les  Russes  de  Saint*Pé. 
tersbourg  ou  de  Moscou  de  la  vie  des  cabarets  et  des  éta** 


LA  RÉVOLUTION  RUSSE   ET  LA  DOUMA  41 

blissements  de  nuit.  Les  gens  ne  pensaient  guère  qu'a 
s*amuseret  il  en  était  exactement  ainsi  pendant  la  guerre. 
La  question  la  plus  importante  qui  se  posa  à  la  Douma 
pendant  les  deux  mois  qu'elle  dura,  fut  sans  contredit  la 
question  agra're,  et  c'est  la  seule  qu'elle  eût  le  loisir  d'exa- 
miner. C'est  la  question  qui  pouvait  le  plus  séduire  les 
paysans  et  amener  la  révolution.  Il  est  bon  de  donner  sur 
cela  quelques  éclaircissements. 

Pour  comprendre  un   peu  cette  question,  il  faut  se  dé- 
dépouiller absolument  de  l'état  d'àme  français.  Le  Français 
est,  de  tous  les  peuples  que  je  connais,  le  plus  propriétaire, 
celui  qui  a  le  sens  le  plus  inné  de  la  propriété,  qui  s'attache 
le  plus  aux  choses  qu'il  q  acquises  par  son  travail  ou  que  ses 
ancêtres  ont  gagnées  par  le  leur. Mais  ce  sentiment,  si  légi- 
time d'ailleurs,  le  Russe  le  possède  à  un  degré  beaucoup 
moindre.  Il  fautsavoîr  que  les  terres  que  possède  le  paysan 
russe  en  ce  moment^il  ne  les  a  pas  acquises  par  son  labeur 
elles  lui  ont  été  données  en  1861  lors  de  la  grande  réforme 
la  suppression  du  servage.  Les  paysans  étaient  des  serfs  ; 
ils  ne  possédaient  rien.  En  1861,  brusquement,  sans  tran- 
sition,on  les  a  appelés  à  la  propriété  et  par  conséquent,  il  ne 
peut  y  avoir  ce  sentiment  de  propriété,  analogue  à   celui 
qu'a  notre  paysan  français.  Ensuite,  et  cette  considération 
est  plus  importante  que  la  première,  ces  terres  données  au 
paysan  russe  en  1861,  neJui  furent  pas  données  en  proprié- 
té ferme.  Il  n'en  est  pas  le  maître,  il  les  possède  collective- 
ment.Ce  n'est  pas  le  paysan  individuellement  qui  en  est  le 
propriétaire  mais  bien  l'organisation  collective,   la  com- 
mune,levillage,qu'on  appelleen  Russie,le((Mir)).Il  s'ensuit 
que  le  paysan  aussitôt  qu'il  manque  de  terres  se  tourne 
d'une  façon  toute  naturelle  vers  l'Etat  et  lui  demande,  en 
quelque  sorte,  qu'on  recommence  en    1906  le  geste   qui 
a  été  accompli  en  1861  ;  et  qu'ensuite  comme  il  n'est  pas 
le  msitre  de  se^  terres,  il  conçoit  comme  uae  chose  toute 


i2 


LA  KliVOLUTION  RUSSE    ET  LA  DOUMA 


naturelle,   légitime,    l'expropriation   faite  aux    dépens  de 
quelques  particuliers.  L'homme  qui  dans  le  parti  K  D  s  etnil 
fait  une  spécialité  de  la  (juestion  agraire,  l'iionime  qui  fut 
Tauteur  d'un  projet  que  le  parti  soutint, c'était  le  député  pro- 
fesseur israélitede  Moscou  Ilertzenstein. J'ai  causé  très  sou- 
vent et  très  longuement  avec  lui,  et   non  seulement  j'ai 
connu  son  projet  par  les  journaux  et  par  les  livres,    mais 
encore  plus  par  les  exposés  oraux  qu'il  m'en  a  fait  lui- 
même.  Ce  projet  n'était  pas   du  tout,    comme  on  l'a  fait 
croire  à  une  partie  de  notre   pays,  le  plan  d'un  insensé  ou 
d'un  spolidteur.il  était  parfaitement  raisonné, extrôaiemeDt 
étudié  et  surtout    parfaitement   réalisable.    Hertzenstein, 
avant  d'ôlre  professeur,  avait  été  pendant  15  ans  directeur 
d'une  banque  agraire.  Les  ban(|ues  agraires  sont  des  ban- 
(jues  chargées  de  procurer  des  capitaux  aux  propriétaires 
endettés.  11  connaissait  donc  la  question  agraire,  non  seu- 
lement dans  son  principe  mais  encore  et  surtout  dans  les 
détails  prati(iues,et  c'est  à  faire  unechose  pratique  qu'il  avait 
avant  tout  visé.  Le  projet  Herlzonstein,  qui  était  le  projet 
du  parti  KD  et  de  la   Douma,  consistait  en  ceci  :  «  Les 
moujiks,  disait  ^L  ilertzenstein,  n'ont  pas  assez  de  terres 
pour  vivre  (cela  n'est  pas  une  chose  qu'il  invente,  tout  le 
monde  le  sait  en  Russie,  tout  le  monde,  aussi  bien  les  réac- 
tionnaires que  les  révolutionnaires;.  Bien  avant  la  venue 
de  M.  Ilertzenstein,  des  publications  officielles,  depuis  dix 
ou  quinze  ans,ont  toutesmisen  lumière  de  façon  saisissantî» 
l'insutlisance  des  terres  concédées  aux   paysans.  En  etïelf 
en  1861,  lorsqu'on  accorda  à  chaque  paysan  quelques  hec- 
tares de  terre,  on  lui  en  accorda  trop  peu,  et  comme  depuis 
lors  le  nombre   des  pjysans  s'est  accru   (dans  certaines 
parties  de  l'empire  il  a  presque   doublé)  cette  insuffisance 
est  devenue  bien  plus  grande.  Donc,  disait  M.IlertzensteiDf 
il  faut  de  toute  façon  leur  en  donner  davantage.  Pour  les 
avoir  il  faut  les  prendre  où  elles  sont.  Les  terres  qui  appar 


LA  liévOLLTlOX   llUSSt.  ET  LA  DOUMA  43 

lieonentaa  GouvornomenlauiiorJtlela  lliissie, sont  presque 
toutes  impropres  à  la  culture;  toutes  ces  terres  consistent  en 
marécages.  Les  terres  appartenant  aux  apanages  sont  en 
nombre  extrêmement  réduit  et  enfin  il  n'y  a  pas  en  llussie 
comme  en  France  en  1789, les  terres  du  clergé,  pour  la  rai- 
;   son  Lien  simple  que  le  Russe, encore  qu'il  soit  p:issablement 
dérol,  qu'il  couvre  d'or  les  mille  clochers  de  ses  églises, 
na  pas  attendu  1906  pour  prendre  les  terres  des  ecclésias- 
tiques. Ce  n'est  pas  la   révolution  qui  a   fait  cela   mais  la 
grande  impératrice  Catherine  11.  Le  clergé  en  Russie   ne 
possède  que  très  peu   do  terres  et  il  n'a  pas  le  droit  d'en 
[wjsséder.  Restent  donc  les  propriétés  privées  propres  à  la 
culture.   Elles  sont  en  Russie  au  nombre  de  -45  millions 
dhectares  ;  M.  Hertzenstein  et  le  parti  K  D  proposent  de 
prendre  sur  ces  45  millions  d'hectares  k  peu  près  la  moitié, 
soit  de  20  à  22  millions,  avec  les  plus  grandes  précautions, 
c'est-à-dire  en  laissant  de  côté  les  petits  propriétaires,et  par 
petits  propriétaires  on  entend  ceux  qui  ont  de  100  à  150  hec- 
tares.On  laissait  également  de  côté  les  propriétés  qui  avaient 
quelque  connexion  avec  une  industrie  quelconque  ;  un  bet- 
teravier par  exemple,  cultivant  ses  terres  pour  avoir    les 
betteraves  et  alimentant  lui-même  ses  usines  des  produits 
de  sa  propriété,  ceci  afin   de  ne  pas  arrêter   l'usine.   Les 
précautions  les  plus  minutieuses  étaient  prévues  par    le 
projet.On  ne  prenait  en  général  que  les  propriétés  apparte- 
nant à  des  gens  qui  louaient  leurs  fermes  aux  paysans. On 
proposait  d'accorder  une  indemnité  juste  et  légitime  aux 
propriélairesdépouillés. Cette  indemnité  devait  ôlre  calculée 
d'après  une  méthode  déterminée  pour  tout  l'empire  et  en 
faisant  subir  une  dépréciation  au  prix  réel.  Il  faut  bien  le 
dipe,cela  parait  un  peu  injuste;  si  une  propriété  vaut  100.000 
roubles  et  qu'elle  soit  achetée  pour  83.000    roubles    au 
propriétaire,c*e8t  toujours  20.000  roubles  qu'on  lui  prend, 
tfais,  le  prix  des  propriétés  en  Russie,  par  suite  de  la  pé~ 


44  LA  RÉVOLUTION  RUSSE  ET  LA  DOUMA 

nurie  des  terres,  de  la  misère  absolue  des  paysans,  a  aug- 
menté d'une  façon  anormale.  La  publication  officielle  elle- 
même  en  fait  foi.  Il  y  a  une  institution  officielle  en  Russie, 
que  les  Tzars  ont  développée, qui  date  de  25  ou  30  ans  et  qui 
s'appelle  la  Banque  des  paysans.  Qette  banque  a  été  faite, 
à  Torigine,  pour  permettre  aux  assemblées  de  paysans 
d'acquérir  en  certains  endroits  certaines  terres  et  pour  leur 
accorder  les  fonds  nécessaires  à  cette  acquisition.  C'est 
une  chose  excellente  en  principe,  mais  dans  la  pratique  les 
conséquences  ont  été  les  suivantes  :  Les  paysans  aussitôt 
qu'on  leur  a  donné  les  moyens  d'acquérir,  poussés  par  le 
dénilmentde  terres,  se  sont  rués  vers  les  achats  et  natu- 
rellement, comme  les  acheteurs  étaient  extrêmement  nom- 
breux, la  conséquence  a  été  que  les  vendeurs  ont  augmenté 
leurprix  ;  l'hectare  de  terre  qui  était  vendu  par  la  Banque 
des  paysans  en  1885,  50  roubles, a  été  vendu  3  ans  plus  tard 
60  roubles,  3  ans  aprèi  70  roubles,  puis  80  et  90  roubles  ; 
bref  en  ces  25  dernières  années  le  prix  a  presque  doublé. 

L*auteur  du  projet  K  D  disait  que  cette  augmentation 
n'était  pas  légitime,  naturelle,  mais  artificielle,  et  qu'il 
étaii  juste  de  lui  faire  subir  une  petite  diminution.  Ce  n'est 
pas  seulement  en  Russie  que  l'on  agit  ainsi;  en  Irlande, 
lorsque  les  problèmes  agraires  ont  été  posés,  on  a  opéré 
une  réduction  sur  l'indemnité  accordée  aux  landlors.  11 
proposait  une  diminution  de  20  à  25  ^'o.  Tel  a  été  le  projet 
qui  a  été  si  décrié  en  France  par  des  gens  ignorants  ou 
de  mauvaise  foi,  et  qu'on  a  représenté  comme  un  projet  de 
pure  spoliation. 

Pour  étudier  la  question  agraire  d'une  façon  plus  vivante, 
comme  les  discours  de  la  Douma  se  multipliaient  —  car  ce 
n'est  pas  en  France  seulement  qu'on  prononce  beaucoup  de 
discours  —  je  décidai  de  quitter  Saint-Pétersbourg  et  m'en 
aller  vivre  au  milieu  des  paysans,  afin  de  voir  d'une  façon 
réelle,  concrète,  en  ^uoi  consistait  cette  (question. 


LA  RévOLUTION  RUSSE  ET  LA  DOUMA  45 

J'avais  lu  cela  dans  de  gros  livres,  mais  les  plus  gros  et 
'es  plus  précis  sont  encore  extrêmement  loin  de  la  vie.  Je 
partis  donc  avec  un  homme  extrêmement  instruit,  un  des 
orateurs  les  plus  influents,  M.  de  Roberty,  très  connu  en 
France.  C'est  dans  sa  propriété  que  je  procédai  à  cette  en- 
quête sur  la  question  agraire. C'est  une  chose  très  curieuse, 
excessivement  intéressante,  que  d'étudier  la  formation  de 
ces  cellules  vivantes, ces  communautés  paysannes  qui  s'ap- 
pellent le   Mir.  Pour  le  Français  c'est  une  chose  presque 
stupétiante.  La  première  fois  que  j'arrivai  dans  un  village 
du  gouvernement  de  Twer,  nous  trouvômes  les  paysans 
asgemblés  sur  la  place  et  en  train  de  discuter.  Au  milieu 
d'eux  un  homme  ô  grande  barbe,  de  physionomie  assez 
avenante. le  staroste, l'ancien, le  chef  élu  de  la  communauté. 
Tous  les  trois  ans  la  communauté  élit  son  maire.  Les  fonc- 
tions sont  extrêmement  peu  recherchées,  autrefois  le  maire 
n'avait  qu'un  avantage,  celui  de  ne  pas  être  fouetté  publi- 
quement, depuis  ce  privilège  s'est  étendu  à  tous,iln'ya  pas 
d'autre*  avantage,  de  sorte  que  maintenant  ces  fonctions  lui 
sont  plutôt  imposées  par  la  commundTité.Xous  nous  appro- 
chons,les  paysans  assemblés  là  étaient  en  train   de  discuter 
pour  savoir  s'il  convenait  d'acheter  de  l'avoine  pour  les  se- 
mences d'automne.  Tous  les  actes  qui    intéressent  ainsi  la 
communauté  sont  résolus  non  pas  par  un  acte  libre  de  cha- 
cun des  membres,  mais  par  une  délibération  collective  de  la 
communauté.  Tous  les  5,  8,  ou  10  ans, toutes  les  terres  de  la 
commune  qui  appartiennent  aux  paysans  sont  mises  au  sort 
H  distribuées  de. nouveau.  Tous  les  paysans  s'assemblent, 
on  forme  les  lots  en  ayant  soin  de  les  faire  aussi  égaux  que 
possible  et  alors  on  tire  au  sort.  Chaque  paysan  reçoit  son 
lot.  i^ar  conséquent  la  terre  que  pendant  5,  8  ou  10  ans  il  a 
ravaillée, passe  dans  les  mains  d'un  autre  et  lui-même  prend 
elle   qu'un  autre    a  occupée.   La  première   conséquence 
st  que  pendant  hs  î^   ou  4  années  qui  précédent  le   tirage 


46  LA  RÉVOLUTION  RUSSE  ET  LA  DOUMA 

au  sort  des  terres, on  la  travaille  beaucoup  moins,  on  ne  la 
fume  presque  pas  parce  qu'on  sait  qu'elle  passera  dans  d'au- 
tres mains.  Une  autre  conséquence  déplorable  c'est  que, 
comme  la  terre  appartient  à  la  communauté,  les  travaux  ne 
sont  pas  libres,  on  ne  peut  pas  comme  en  France,  semer, 
moissonner,  labourer  à  son  gré  :  on  ne  peut  le  faire  que 
lorsque  la  communauté  a  décidé  qu'on  sèmerait,  moisson- 
nerait ,  labourerait.  Pour  cela  on  divise  les  champs  en  de 
longues  bandes  étroites,  de  3  ou  4  mètres  de  large  et  cha 
cune  de  ces  bandes  est  attribuée  à  un  paysan  :  c'est  là  sa 
part. 

Cette  part  étroite,  le  paysan  la  cultive  individuellement, 
maisen  dépit  du  collectivisme,le  sentiment  individualiste  qui 
est  si  fort  et  que  rien  ne  peut  étouffer,  subsiste,  on  en  voit 
la  preuve,  car  il  se  garde  bien  de  cultiver  les  bords  de  sa 
bande  avec  autant  de  soin  qu'il  met  à  cultiver  le  milieu  de 
celle-ci  ;  il  fume  le  milieu,   mais   pas   les  bords.    Sur   une 
bande  de  quatre  mètres,    il  y  a  jusqu'au  m.  50,  parfois  un 
mètre  de  perdu,c'est  une  bande  où  il  ne  pousse  rien, et  ceci 
vous    représente  l'individualisme  persistant  au  cœur  du 
paysan    Un  des  autres  inconvénients. c'est  que  laculture  ne 
dépend  pas  individuellement  de  chaque   paysan,  mais  de 
la  communauté  paysanne;  la  communauté  par  cela  même, 
se  voue  h  la  rouline.  Par  exemple,  dans  le  pays  où  j'ai  été, 
on  cultivait  encore  par  le  système  de  trois  assolements, 
c'est-à-dire  qu'on  perdait  une  année  sur  quatre,   la    terre 
n'étant  pas  cultivée  la  quatrième  année  afin  qu'elle  pût  se 
reposer.  Depuis  longtemps,  les  écrivains    agricoles  russes 
avait  crié  sur   les  toits  que  c'était  là  un  système  très  nïau- 
vais,mais  les  paysans  ne  voulaient  pas  .se  laisser  convaincre 
et,  si  quelques-uns  avaient  voulu  suivre  la   méthode  indi- 
quée et  imposer  leurs  volontés,  à  la  communauté,  ils  n'au- 
raient pu  se  faire  écouter.  On  voit  toutes  les  conséquences 
de  ce  système, qui  est  pour  une  grande  part  la  cause  de  la 


LA  RÉVOLUTION  RUSSE  ET  LA  DOUMA  47 

misère  qui  étreinl  si  durement  le  paysan  russe.  Elle  ne 
I  vieni  donc  pas  absolument  du  manque  de  terres,  mais 
delà  façon  absolument  barbare, rudimentaire  dont  ils  culti- 
vent celles  qu'ils  ont.  Le  remède  à  la  (luestion  agraire 
e^i,  non  pas  seulement  dans  une  distribution  de  terres 
nouvelles  mais  dans  une  refonte  de  l'organisation  de  la 
propriété  communale. 

Kn  même  temps  que  la  question  agraire,  se  posa  une 
question  très  importante  en  Russie,  (jui  était  celle  do 
l'abolition  de  la  peine  de  mort.  KUe  fut  votée  par 
la  Douma  dès  la  première  séance  ;  mais  comme  les 
voles  de  la  Douma  n'avaient  aucune  sanction,  le  mi- 
nistère refusa  de  discuter  la  question  ;  elle  revint  un 
mois  plus  tard.  Dans  l'intervalle,  le  général  Pavlosk,  pro- 
cureur général  du  ministère  de  la  guerre,  avait  fait  exécu- 
ter trente  ou  quarante  condamnés,  pour  bicMi  montrer  de 
quelle  manière  il  entendait  obéir  aux  injonctions  de  la 
Douma.  Ce  fut  une  des  séances  les  plus  violentes.  Dès  (jue 
le  général  parut  è  la  tribune  il  fut  immédiatement  bué,  les 
vociférations  éclatèrent;  on  le  traita  de  bourreau, d'assassin, 
et  il  dut  s'en  aller  sous  les  clameurs  décbaînées  des  mem- 
bres de  la  Douma.  Le  fossé  allait  sans  cesse  s'élargissant 
entre  la  Douma  et  le  Gouvernement  Dans  les  sphères  de  la 
Cour,c'est-à-dire  dans  la  coterie  toute-puissante  qui  entou- 
rait l'empereur, on  était  do  plus  en  plus  furieux  contre  la 
Douma  et,  alors  qu'en  France  et  en  Angleterre,  on  s'atten- 
dait à  la  formation  d'un  ministère  K  D,à  Saint-Pétersbourg 
on  ne  cherchait  que  le  moyen  d  étrangler  la  Douma.  Il 
faut  bien  savoir,  en  effet,  que  l'empereur,  cet  autocrate 
qu'on  représente  toujours  comme  capabU;  par  sa  seule  vo- 
lonté de  changer  les  destinées  de  la  Russie,  cet  empereur 
n'est  ni  libre  ni  maître  même  de  lui-même.  L'empereur  en 
effet,  et  c'est  là  la  conception  ultime  des  hauts  courtisans  et 
hauts  foiiL'tionn lires  (|ui  l'entourent,    est  sa/.ré  tant  qu'il 


48  LA  RÉVOLUTION  RUSSE  ET  LA  DOUMA 

sert  leur»   privilèges  et   tant  qu'il  défend  leur  intérêts 
mais  le  jour   où  il  paraîtrait  que  soit  par  faiblesse  ou  par 
bienveillance  excessives,  il  serait  moins  capable  de  défen- 
dre ces  intérêts  et  de  soutenir  ces  privilèges,  ce  jour-là, 
l'histoire  le  montre,  l'empereur  n'est  ni  sacré, ni  intangible, 
et  on  n'a  qu'à  se  reporter  un  peu  dans  le  p.issé,  on  n'a  qu'à  , 
suivre  la  liste  des  empereurs  pour  voir  cjue,  assez  souvent, 
lorsqu'il  est  entré  en  conflit  avec  eux,  ce  n'est  pas  lui  qui 
eût  le  dernier   mot  ;  on    l'a    fait  disparaître  d'une   façon 
extrêmement  rapide.  Paul  l'^pour  avoir  voulu  prussianiser 
les  officiers  russes  qui  l'entouraient,  pour  avoir  voulu  leur 
imposer  le  pas  de  parade  et  les  uniformes  prussiens,toutes    ; 
sortes  d'imaginations  folles  qui  sortaient  de  son  cerveau,fut    ] 
purement  et  simplement  assassiné  par  eux.   J'ai  entendu    1 
même  de  mes  propres  oreilles,  ce  printemps,  dans  un  salon    ] 
de  Saint-Pétersbourg,   une  dame,  une  très  grande  dame  de    ! 
la  cour,  dire  :  «   Si   l'empereur  continue  à  être  ainsi,  aussi   j 
faible  qu'il  est,  nous  n'aurons  qu'une  chose  à  faire, c'est  de 
l'assassiner.  »  Ce  sont  des  paroles  <jue  j'ai,  le  jour  même, 
exactement    transcrites.  Par  conséquent,   l'empereurn'esl 
pas  maître  comme  on  le  croit   pnriout.  En  France,  on  es- 
comptait la  formation  de  ce  ministère  ;  mais  en  Russie,nul 
absolument  dans  les  cercles  inihients  ne  pensait  à  cela,  les 
hauts   fonctionnaires  ne  voulaient  absolument  rien  concé- 
der à  la  Douma.  Il  ne  mancjuaitque  l'occasicn,  on  la  cher- 
chait. On  le  vit  bien  quand  la  Douma  décida  de  voter  son 
projet  agraire.  Le  Gouvernement  en  présence  de  ce  projet 
fit  connaître  le  sien  à  lui,  qui  était  un  refus  pur  et  simple 
d'admettre  les  prétentions  du  parti  K  D.    D'après  le  projet 
du  Gouvernement,   les   paysans   devaient  se  contenter  des 
quelques  terres  que  donnerait  la  Couronne.  Lo  conflit  élut 
donc  absolu  entre  les  doux  théories.    Les  membres  de  la 
Douma  résolurent  alors  de  porter  cela   à   la  connaissance 
du  pays  afin  de  le  faire  juge  et  de  montrer  aux  paysans  de 


LA  RÉVOLUTION  RUSSE  ET  LA  DOUMA  49 

quel  côté  étaient  leurs  aixiis  réels,  leurs  vrais  défenseurs. 
Lorsque  cette  décision  fut  prise,  le  Gouvernement  de  M. 
Gorenikine  vit  là  immédiatement  le  prétexte  qu'il  voulait  ; 
il   prétendit   que   la  Douma  sortait  de  ses  attributions  et 
qu'elle  violait  les   lois  fondamentales.   La  dissolution  fut 
prononcée  aussitôt.  La  Douma   dissouteja  question  se  po- 
sait pour  les  députés  K  D  et  les  députés  travaillistes  de  sa- 
voir    si  Ton  résisterait  .    Vous  savez  que  la   Douma    se 
réunit  le  surlendemain  à  Viborg  en  Finlande.  Cette  réu- 
nion fut  assez  critiquée   et  elle  fut  imposée  aux  députés 
par   leurs   chefs,   car  beaucoup    voulaient   se    réunir   à 
Saint-Pétersbourg   au  risque  de  se  faire  emprisonner.   A 
la    majorité,  ils  décidèrent  de  recommander  aux  paysans, 
non  pas  la  résistance  active,  mais  une  résistance  passive, 
c'est-ô-dire    deux    mesures  :    le   refus  de  payer    l'impôt 
et  le  refus  d'envoyer  des  recrues.  La   première  mesure, 
le   refus  de   paiement  de   l'impôt  ne  met  absolument  le 
Gouvernement  russe   dans  aucun  embarras  ;   l'impôt  est 
absolument  différent  de  ce  qu'il  est  chez  nous.  Le  Gouver- 
nement russe  ne  vitguère  que  de  ses  impôts  indirects  du  mo- 
nopole de  l'alcool  qui  lui  rapporte  plus  de  400  millions  de 
roubles,    c'est-à-dire  plus  d'un  milliard  de  francs.  Il  est 
donc  alimenté  par  l'ivrognerie  publique,  de  sorte  que,  lors- 
qu'on refuse  de  payer  l'impôt  direct,  cela  n'atteint  pas  du 
tout  le  Gouvernement. La  deuxième  mesure,  recommandée 
par  la  Douma,  si  elle  était  exécutée,  mettrait  le  Gouverne- 
ment dans  un  grand  embarras.  Mais  tout  fait  croire  qu'elle 
ne  le  sera  pas;  le  paysan  envoie  la  majeure  partie  des  recrues 
et  il  est  facile  de  faire  marcher  les  paysans, extrêmement  dis- 
persés,disséminés,  ne  pouvant  guère  entrer  en  contact  avec 
les  autres  et  organiser  une  résistance  vraiment  efficace. 
Donc,  ce  à  quoi  nous  assistons,  c'est  à  un  temps  d'arrêt 
bien  marqué.  On  croit  pouvoir  s'en  rendre  compte,  il  y  a 
un  léger  mouvement  de  réaction  et,pour  le  peuple  français, 


60         LA  RÉVOLUTION  RUSSE  ET  LA  DOUMA 

toujours  amoureux  des  choses  rapides,  toujours  accouluri^^ 
à  juger  la  révolution  des  autres  par  l'analogie  de  la  sienne 
pour  ce  peuple  qui  a  été  façonné  en  quelque  sorte  parcer 
taines  règles,  qui  désire  que  tout  marche  comme  nn^ 
représentation  classique,  avec  les  règles  des  trois  unités, 
où  le  spectateur  à  8  h.  12  prend  sa  place  el  à  11  li.  12  re- 
gagne son  chez  lui  après  la  pièce  jouée;  pour  ce  peiq^K?  la 
révolution  russe  paraît  extrêmement  étraniie,  d»Vevante 
môme. Tantôt  il  s'imagine  que  tout  va  se  produire,  éob  ter, 
les  cho.ses  en  prennent  l'apparence  et,  hrus<jiiemiMU,  il  y  a 
un  temps  d'arrêt.  Il  finit  par  ne  plus  rien  comprendre  et  même 
par  s'en  désintéresser  complètement. Il  faut  bien  savoir qu'î 
le  Russe  est  placé  dans  dos  conditions  tout  à  fait  différentes. 
Les  transformations  de  ce  pays  doivent  être  îihsolument 
différentes  de  celles  qui  se  sont  produites  chez  nous.  Tout 
ce  qu'on  peut  dire, on  se  gardant  des  pronostics  très  dange- 
reux,c'est  que  les  choses  ne  peuvent  pas  rester  en  Russie  tel- 
les qu'ellosétaient.LaRussio,depuisun  an, a  chnngéénormé- 
ment  et  tout  fait  prévoir  qu'olle  évoluera  encore  davantage. 
Tout  cocjui,  dans  le  pays,  a  quelque  valeur  intellectuelle  el 
morale  :  professeurs,  avocats,  étudiants,  la  plus  grande 
partie  de  la  noblesse  et  quelques  paysans  qui  sont  éveillés 
à  la  vie  consciente,  tous  ces  gens-là  veulent  une  transfor- 
mation dans  le  régime, abject  d'ailleurs,  de  leur  pays.  Cette 
transformation,  malgré  los  soubresauts,  et  certains  temps 
d'arrêt,  il  est  cerlain(|u'ils  rohtiendront.La  vieille  et  sainte 
Russie  autocratique  est  en  train  de  mourir, elle  meurt  sims 
doute  d'une  façon  lente  elle  a  la  vie  dure, elle  ^e  défend  coni- 
me  une  béte  aux  abois,  mais  elle  meurt,  et  il  "n'y  a  aucune 
force   au  monde  (jui  soit  cai)able  de  la  ressusciter. 

Raymond  Rr-<:oiiA 


liES  PÊCHEf^IES 


de  la 


Côte  Occidentale  d'AMqae 


(1) 


Mesdames,  Messieurs, 

Comme  vient  de  vous  le  dire  M.  le  président,  je  devais 
'i^jà  Tannée  dernière  venir  in'entretenir  avec  vous  de  cette 
ritrstioo  qui  m'intéresse,  je  dirai  même  me  passionne  : 
«die  des  pêcheries  de  la  Côte  occidentale  d'Afrique.  Si  je 
naipu,  à  cette  époque,  tenir  ma  promesse,  c'est  parce  que 
jai  été  brusquement  rappelé  en  Afrique  occidentale  y  ar  un 
fM)Iogramiiie  du  Gouverneur  général.  Je  devais  dons  ce 
nuuveau  voyage  m'occuperde  régler,  d'une  façon  plus  pré- 
cise, la  question  des  installations  dans  la  presqu'île  du  Cap 
Hlanc.  Je  vais  vous  en  reparler  tout  à  l'heure. 

Je  dois  donc  remercier  la  Société  de  Géographie  Com- 
nurciale  du  Havre  d'avoir  bien  voulu  me  permettre  de  me 
rnltraper  cette  année,  de  payer  ma  dette  de  l'année  dernière 
t'ide  vous  exposer  très  brièvement  l'étatactuel  delà  cjuestion 
''f's  pêcheries  de  la  Côte  occidentale  d'Afriijue  ;  mais,  comme 
\I.  le  président  vient  égalemeulde  vous  le  dire, et  comme  je 
'"lui  ai  promis, je  me  garderai  bien  d'entrer  ici  dans  lesdétails 
l'Tliniquesque  je  réserve  pour  d'autres  milieux. Nous  allons 
l'Hrcourir  ensemble,  si  vous  le  voulez  bien, quelciues- uns  des 
['«ys  que   j'ai  visités,  en  grande  partie  en  mer,  et  en  partie 


.  1  Cnafercac«s  faite  le  18  novembre  19)5,  devant  la  Société  de  Géographie 
<- >nnmerclale  du  Havre. 


52     LES   PÊCHERIES    DE   LA   CÔTE  OCCIDENTALE   d'aFRIQUE 

sur  terre.  Je  vous  parlerai  aussi  de  leurs  habitants  et  de  leurs 
mœurs.  Nous  étudierons  les  ressources  de  ces  pays,très  fai- 
bles sur  terre, beaucoup  plus  cousidérablesen  mer.Nousver- 
rons  ensuite  à  dégager  de  l'ensemble  de  cette  exposition  que 
l'avenir  semble  réservé  à  l'exploitation  méthodique  et  ralioa- 
nelle  des  pêcheries  de  la  Côte  occidentale  d'Afrique. 

Mais  avant  de  vous  parler  du  pays,  il  faut  que  je  vuus 
dise  où  il  se  trouve  et  que  nous  fassions  un  peu  de  géogra- 
phie. 

Le  cap  Blanc,  qui  va  nous  servir  de  point  de  départ,  est 
situé  environ  à  moitié  route  de  Dakar  aux  îles  Canaries. 
Je  n'ai  pas  de  carte  pour  vous  montrer  l'ensemble  ;  j'ai 
grossièrement  et  rapidement  dessiné  une  partie  de  la  côte 
qui  va,  tout  spécialement,  nous  intéresser   ce  soir;  mais, 
pour  fixer  les  idées,  rappelez-vous  simplement  que  du  cap  *. 
Blanc  aux  ilos  Canaries, à  I^as  Palmas,.si  vous  voulez.il  y  a    . 
environ  800  kilomètres  en  ligne  droite, à  peu  près  la  distance 
qui  sépnre  le  cap  Blanc  de   Dakar,  et  cette  cote,  qui  forme   [ 
la  limite  occidentale  de  la   Mauritanie  saharienne,  égalée    i 
peu  près  la  longueur  des  côtes  françaises  comprises  entra    : 
le  cap  Finistère  et  l'embouchure  de  la  Bidassoa.  ^ 

Le  cap    Blanc  est   l'extrémité  d'une  presqu'île  qui  va    | 
rejoindre  dans  1(^  nord  le  continent,  la  côte  saharienne, et 
qui  se  termine,  à  sa  partie  inférieure  méridionale,  presque    i 
en  pointe.  Kn  elTet.  l'extrémité  du  cap  Blanc  n'a  environ 
que  500  mètres  de  large.    Cette  presqu'île  est  en  grande    ; 
partie  rocheuse,  elle  est  formée  surtout  par  des  grès  et  les    ■ 
falaises  qui  la  bordent  du  côté  du  large,  sont  relativement    ^ 
abruptes,  il  en  est  de  môme,  du  reste,  de  celles  qui  viennent   ' 
border,  à  l'Est   de  la  presqu'île,  le  rivage   de  la  baie  du    , 
Lévrier.  La  partie  (|ui  s'étend  du  cap  Blanc  à  celte  petite 
baie  que  vous  voyez  ici  et  qui  va  devenir  intéressante,  1» 
l)aie  (le  Cansndo,  estuni<iucment  formée  de  falaises  dont  les 
plus  élevées  n'ant  environ  que  30  mètres  de  haut, et  cellesquî 


LES  PÊCHERIES    DE    LA   COTE   OCCIDENTALE    d'aFRIQT'E     53 

f 

sont  vers  la  pointe  de  Cansado  n'ont  que  10  à  12  mètres. 
C'Sl  une  baie  inorveilleiiso  avec  des  fonds  permettant 
r.'iccàs  dos  plus  grands  bateaux;  puis,  la  côte  s'abaisse  de 
p!usenpius,  elle  présente  une  seconde  baie,  la  baie  de 
rEtuiie,  et  enfin,  à  la  partie  terminale  triangulaire,  la  baie 
dei'Archimède. 
TiMjtes  ces  baies  sont  contenues  dans  un  golfe  beaucoup 
:  plus  considérable  qui  a  environ  40  kilomètres  de  large  sur 
45  kilomètres  de  profondeur,  et  qui  constitue  la  baie  du 
Lévrier. 

i'  Si  nous  suivons  le  rivage  oriental  de  la  baie  du  Lévrier, 
nous  remarquons  qu'il  est  uniquement  formé  par  des  sables, 
et  ces  sables  sont  d'une  aridité  extrême.  Aussi  loin  que  la 
y  Tue  s'étend,  jusqu'à  50  et  60  kilomètres  de  la  côte, on  n'aper- 
f  çoit  absolument  rien  qu'une  plaine  sablonneuse  avec  quel* 


[  ([ues  dunes  un  peu  élevées  et  où  poussent  de  rares  ajoncs, 
'  quelques  tamarins  rabougris,  et,  de  temps  en  temps,  une 
graminée  que  Ton  rencontre  par  ci  par  là,  disséminée  dans 
laplaine.  En  somme  l'aridité  la  plus  absolue  et  je  dirai 
même  la  plus  effrayante.  Cette  plaine  se  termine  à  la  partie 
méridionale  par  le  cap  d'Arguin.Là  se  trouve  une  baie  qui, 
iu  point  de  vue  historique,  est  beaucoup  plus  connue  que 
lecap  Blanc,  c'est  la  baie  d'Arguin.  Vous  savez  que  l'île  de 
ce  nom  a  été  disputée  tour  à  tour  par  les  Portugais,  les 
Hollandais,  les  Anglais,  les  Français,  etc.,  et  que  finale- 
ment  elle  est  notre  propriété  d'une  façon  absolument  indis- 
cutable 

L'Ile  d'Arguin  contient  deux  citernes  qui  furent  autrefois 
édifiées  par  les  Hollandais  et  qui  aujourd'hui  contiennent, 
lu  moins  l'une,  encore  de  l'eau  douce.  Autrefois  cette  île 
d'Arguin  était  complètement  séparée  du  continent  et^coninie 
les  Maures  n'ont  pas  de  bateaux,  la  dernière  installation, 
qui  remonte  à  1882,  avait  été  faite  précisément  dans  le  but 
de  mettre  les  industriels  à  l'abri  des  Maures  pillards.  Au" 


5i     LES    PÊCHEniES    DE    LA    CÔTE   OCCIDENTALE  d' AFRIQUE 

jourd'hui  il  ne  pourrait  plus  en  être  ainsi.  Elle  a  été  aban- 
donnée au  point  de  vue  de  l'exphûtation  commerciale  c^l 
reprise  par  les  Maures,  qui  s'y  sont  installés  en  niaitre:s- 
L'ile  est  entourée  de  sables  et  aujourd'hui  dans  certaines 
parties,  elle  communique,  à  marée  basse,  directement  avec 
le  continent.  Les  tribus  de  pêcliours  maures  se  sont  fixées 
sur  file,  à  cause  de  la  citerne  qui  leur  est  extrêmement  uti 
le  dans  un  pays  où  l'eau  douce  est  toujours  rare  et,  par 
conséquent,  précieuse. 

Au  Sud,  on  trouve  un  nouveau  groupe  d'îles  au  nombre 
de  trois  ou  quatre  qui  sont.aujourd  hui,  comme  Tile  d'Ar- 
guin,  en  communication  directe  avec  le  continent  à  marée 
basse.  Toute  la  partie  terrestre  correspondante  forme  une 
région  parsemée  de  collines  orientées,  en  général,  de  Test 
à  l'ouest  où  l'on  trouve  de  très  abondants  pâturages,  con 
trairementàcequenousavonsvu  dansla  région  du  Souehel- 
el-Abiod. 

La  vaste  baie  comprise  entre  le  cap  Sainte-Anne  et  le 
cap  Mirik  est  fermée  du  côté  de  l'ouest  par  ce  qu'on  appelle 
le  banc  d'Arguin. 

Qu'est-ce  que  le  banc  d'Arguin,  en  réalité  ?  Le  banc 
d'Arguin  est  un  haut  fond  de  sable  sur  lequel  aucun  navi- 
gateur prudent  ne  doit  s'engager,  et  où  sont  relevés  des 
fonds  extrêmement  variables  et  fort  dangereux.  Tout 
dernièrement  encore, un  chalutier  est  venu  talonner  Taccore 
du  banc  dans  sa  partie  septentrionale.  Ce  banc  d'Arguin, 
vous  le  savez,  est  célèbre  par  le  naufrage  de  la  Méduse, 
On  a  beaucoup  parlé  de  lui  au  sujet  des  pêcheries,  et  je  me 
suis  toujours  élevé  contre  l'assimilation  fausse  qu'on  a 
voulu  faire  entre  le  banc  d'Arguin  et  les  bancs  de  Terre- 
Neave.  Il  n'y  a,  en  effet,  entre  les  deux  aucune  espèce 
d'assimilation. 

Sur  le  banc  de  Terre-Neuve,  vous  le  savez  tous,  ici  plus 
qu'ailleurs,  on  pêche  effectivement  un  grand  nombre  de 


LES  PKCUKRIES    DK   LA   CÔTE   OCCIDENTALE   1)  AFRIQUE     55 

pûsso/Ks.  Sur  lo  banc  d'Ar^uin,  on  ne  pêche  pas  du  tout 
p:»ur  la  bonne  raison  qu'aucun  bateau  ne  s'y  risque  Les 
Canariens  eux-niêracs,  avec  leurs  petits  bateaux  de  pèche, 
les  iam-hes,  ne  viennent  sur  le  bancd'Arguin  que   d'une 

\  fa«>»n  oxlivnionient  rare,  et  quand  ils  y  viennent  c'e-t  uni- 
qiiemont  puur  pécher  des  poissons  de  surfaceje  poisson  de 
f'»n;1  Y  faisant  d«'îfaul. Entre  le  banc  d'Arguin  et  le  banc  de 
Terre  Neuve,  il  n'y  a  donc  aucune  espèce  d'assimilation  à 
faire.  Sur  ces  derniers,  où  la  profondeur  est  suffisante, 
l'on  pêche  un  grand  nombre  de  poissons,  et  sur  le  banc 
d'AriTuin  on  n'en  pêche  pas  du  tout.  Toutes  les  captures  sont 

!  (dites,  non  pas  sur  le  bancd'Arguin,  mais  au  nord,  à  l'ouest 
et  au  sud  ouest.  Ces  régions  sont  extrêmement  poisson- 
neuses et  il  est  curieux  de  voir,  dans  ce  pays,  l'aridité  ef- 
friuante  du  sol  contraster  ainsi  dune  façon  aussi  considé- 
rubleavec  la  fertilitédeseaux.  Si  nousrevenons  maintenant 
f  à  la  côte  que  nous  avons  abandonnée  au  cap  Mirik,  nous 
trouverons  jusqu'à  Nouakchott,  une  ligne  presque  droite, 
encore  mal  connue  de  la  façon  précise  que  réclament  les 
marins,  mais  suffisamment  pour  pouvoir  dire  que  cette  côte 
esta  peu  près  droite  et  qu'elle  ne  présente  aucune  espèce  de 
port  véritable  ;  le  seul  port  qu'on  rencontre,  à  partir  de  la 
baie  du  Lévrier  et  en  allant  vers  le  Sud,  est  celui  de  Dakar. 
Maintenant  que  je  vous  ai  dit  un  mot  de  la  côte,  voyon^^ 
ce  que  sont  les  habitants.  Le  pays,  qui  est  ainsi  limité  à 
l'Ouest,  porte  le  nom  de  Mauritanie,  du  nom  primitif  de 
«Maurétanie  »  ce  qui  veut  dire  «  pays  habité  par  les 
Maures  ».Ses  frontières  sont  très  indécises  au  Xord, excepté 
dans  la  région  du  cap  Blanc,  où  la  limite  septentrionale  est 
le  Rio  lie  Oro,  possession  espagnole.  A  l'Kst  la  frontière 
est  encore  indécise  entre  la  Mauritanie  et  la  province 
de  l'Afrique  occidentale  française,  que  l'on  appelle  le 
Haut-Sénég.d  et    Niger.   Ënân,   au   Sud»  la   Mauritanie 

est   très     nettement    délimitée  par    lo    fleuve    Sénégali 


56     LES    PÈCHEHIES    DE    LA    COTE    OCCIDENTALE    d'aFRI  01  E        i 

Les  Maures  sont  de  race  blanche,et  c'est  la  ce  qui  fait  iiu'il 
est  diUicile  d'y  pénétrer. 

Il    existait  autrefois  au    nord   du  fleuve    Sénégal,    def 
tribus  autochtones  qu'on  appelait Zénagas,  d'où  le  nom  d9 
Sénégal.  Les  Berbères,  venus  du  nord,  ont  refoulé  vers  le 
sud  sur  lesbordsdu  fleuve  Sénégal, ces  autochtones  et, peu  à 
peu, se  sont  mélangés  à  eux  ;  comme  ils  ont  fait  souventdesi 
incursions  au  sud  du  fleuve, ils  en  ont  ramené  chaque  fois  des 
captifs  noirs.  Il  s'est  produit  ;^^e  qui  est  un  fait  courant  entre: 
les  conquérants  et  les  conquis,  des  mélanges  de  races  qui 
ont  donné  lieu  à  des  castes  particulières  dont  je  vais  maio- 
tenant  vous  parler.  Ce  sont  d'abord  les  guerriers.  Lesguer   . 
riers  représentent  la  caste  noble,  qui  se  croirait  désho- 
norée par  le  travail.  Le  guerrier  ne  connaît  que  son  fusil, 
et  c'est  du  reste  son  seul  instrument  de  travail  ;  c'est  lui  qui 
a  conquis  le  pays,et  c'est  lui,  par  conséquent,  qui  commande 
en  maître  ;  lesautres,  d'une  façon  générale,  ne  sont  que  ses 
tributaires   ou  ses   vassaux  et,  parmi  ces  tributaires,  ce 
sont  les  anciens  possesseurs  du  pays,  les  Zénagas,  précisé- 
ment, qui  ont  été  soumis  par  les  Berbères  et  qui  sont  au- 
jourd'hui  entièrement  sous  leur  domination. 

Les  tributaires  ou  Zénagas,  paient  une  redevance  annuelle 
aux  guerriers, sous  le  fallacieux  prétexte  de  se  faire  défendre 
par  eux.  Or  tous  ceux  qui  ont  un  peu   voyagé  dansées 
régions,  savent  que  la  première  façon  de  défendre  consiste 
pour  les  guerriers  à  piller,  de  sorte  que  de  temps  en  temps, 
ils  viennent  faire  une  razzia  parmi  les  tributaires.  La  troi- 
sième caste,  est  celle  des  marabouts.  C'est  une  classe  très 
importante,  surtout  pour  nous.  En  effet,  les  marabouts 
sont  un  peu  tout,  sauf  guerriers.    Ils  sont  d'abord  prêtres 
et  je  vous  prie  de  croire  qu'il  ne  se  font  pas  faute  d*user  de 
leur  influence  et  du  fanatisme  des  Maures  pour  les  exciter 
et  entretenir  leur  haine  contre  les  blancs,contreles  Europe* 
ens,  contre  les  In&dèlesiMais  ila  ne  sont  pas  seulement  pr^ 


LES    PÈCHEHIES    bK    LA    COTE   OCCIDENTALE   U*AFHlgUE    57 

1res, pasteurs  desâines;ils  sont  aussi  pasteurs  de  troupeaux. 
C'est  qu'en  etïel,  les  marabouts  sont  queK[uefois  fort  riches  ; 
il  n'est  pas  rare  de  leur  voir  posséJer  de  mille  à  deux  mille, 
même  huit  à   dix  mille  moutons.  Or,  pour   les  marabouts 
et  les   Maures  en  général,  la  fortune  est  représentée  par  le 
nombre  de  bétesde  leur  troupeau.  Us  sont  aussi  médecins, 
ce  sont  eux  qui  président  aux  mariages  ;  ils  ont  également 
la  réputation  de  sorcellerie,  fabriquent  les  gris-gris  qui  ont 
une  importance  capitale  dans  la  vie  des  Maures,  je  dirai 
même  des  mahométans,  d'une  façon  générale.  Le  gris-gris 
est  tout  simplement  une  sorte  d'amulette  qui  est  enfermée 
dans  un  sac  plus  ou  moins  propre  et  qui  est  représentée  par 
un  morceau  de  papier  ou  de  parchemin  où  sont  écrits  quel- 
ques versets  du  Coran  en  caractères  arabes.    Le  gris-gris 
est  un  talisman  précieux  pour  les  combattants  ;  c'est  qu'en 
efiet,  il  y  a  des  gris-gris  pour  les  balles,  pour  le  couteau, 
pour  les  maladies.   Le  guerrier  va  au  combat  sans  crainte, 
il  se  croit  invulnérable.  S'il   meurt,  c'est  que  le  gris-gris 
était  mauvais  et  l'on  s'en  prend  au  marabout.  Il  y   a  des 
marabouts  qui   ont  une  grande  réputation    et  qui  vendent 
leurs  gris-gris  fort  cher,  les  Maures  et  les  Noirs  sont  véri- 
tablement exploités  par  les  marabouts  qui  leur  font  payer 
jusqu'à  50  ou  100  francs  un  morceau  de  corde  ou  de  queue 
de  vache.    Ces  gris-gris  prennent  une  importance  capitale 
aux  yeux  de  ceux  qui  les  achètent. 

Le  type  maure  de  race  pure  n'est  pas  précisément  sédui- 
•ant.  Il  a  la  barbe  et  les  cheveux  en  broussailles,  la  lèvre 
etla  môchoire  supérieures,  en  général,  un  peu  saillantes, 
les  membres  très  grêles  mais  assez  fortement  musclés  ;dans 
tous  les  cas,  on  ne  croirait  pas  que  dans  un  corps  aussi 
grôle  puissent  résider  tant  d'agilité  et  de  force.  Ils  sont  ex- 
Irômement  adroits,  ils  sont  vêtus  uniquement  d'une  guinée, 
c'est-à-dire  d'un  morceau  d'étoiïe  bleue  assez  long  pour  les 
entourer  complètement  et  former  même  parfois  une  sorte 


58      LKS    PKCllKRIES    DE    LA    CÔTE   OCCIDENTALE    d'aFR1C>L-E 

de  lurbnn  par  dessus  la  t«H»».Mais  ces  h(>iinii»'s  très  maii^ 
adorent  les  femmes  grasses,  et  il  arrive  |ae  l'idé  il  «Je 
beauté  féminine  pour  un  Maure,  c'est  précisément  reiiiboi 
point  exagéré  d(î  la  femme.  Il  y  a  des  tribus  entières  '/i 
sont  cbargées  de  préparer  les  jeunes  (illes  au  n)ariaprf 
Pour  cela  on  les  enferme  dans  une  ca^e  et  on  praticpiesu 
elles  une  sorte  de  gavage  d'aliments  lactés  (jui  resseniM< 
un  peu  à  ce  (jue  dans  certaines  contn'ios  du  Midi  de  la  ïvMKi 
on  fait  subir  aux  oies,  par  exemple. 

lilUes  acquièrent  ainsi,  au  bout  d'un  certain  temps,  un 
embonpoint  respectable  qui  les  rend  bonnes  pour  leniaria^'e 
Elles  sonf  d'autant  plus  vite  cboisies  qu'elles  sont  luieuN 
arrivées  à  ce  point  particulier  d'obésité.  Les  femmes  sont 
conjme  les  liommes,  recouvertes  d'une  simple  guinéequi 
fait  aussi  le  tour  de  la  tête  et  dont  elles  se  couvrent  imnié 
diatement  le  visage  lorsqu'elles  aperçoivent  un  chrétien, 
un  blanc  d'une  façon  générale.  J  ai  vu,  cbez  les  Maures, 
de  très  jolies  femmes,  assez  rarement  cependant;  mais  il 
faudrait  pour  en  être  plus  certain  commencer  pas  leur  faire 
prendre  un  bain. Le  teint,  je  crois,  pourrait  être  blanc  chez 
quelques-unes  s'il  n'y  avait  pas  sur  la  ligure  et  tout  le  corps 
une  épaisse  coucbe  de  crasse  mélangée  à  celte  couleur  bleue 
qui  déteint  de  la  guinée.  Aussi  appelle-t-on  les  bonimeset 
les  femmes, principalement  les  guerriers,les  «hommes  bleus» 
parce  qu'ils  ne  se  lavent  pas  souvent,  je  crois  même  jamais. 
La  guinée  déteint  donc  sur  eux  et  elle  est  d'autant  plus 
appréciée  qu'elle  déteint  davantage. 

Après  les  marabouts,  viennent  les  captifs.  Ici  je  io'i^ 
faire  remarquer  qu'il  ne  faut  p.is  confondre  et  prenb'w 
le  mot  de  captif  dans  le  sens  précis  où  nous  le  pre' 
nons  en  Europe  et  chez  les  peuples  civilisés.  Cliez  le-" 
Maures,  il  y  a  deux  sortes  de  captifs,  les  captifs  de  case  et 
les  captifs  de  traite.  Lo  captif  de  case,  fait  pour  ainsi  Ji»*^ 
partie  de  la  famille,  il  est  élevé,  il  vit  avec  le  maîlrei  il  ^^ 
peut  pa$  ôtre  vendu  et  il  n'est  soumis  qu'à  des  travaux 


LES   PÈCHEIllKS    DE    LA    CÔTE   OCCIDENTALE    d'aKUIOL'E     59 

extrême  m  ont  légers:  s'il  a  dos  onf;uits,  ils  sont  élevés  avec 
ceux  (lu  maître,  il  n'y  a  [)our  ainsi  dire  aucune  espèce  de 
dilïérence. 

Les  captifs  de  traite,  au  contraire,  rentrent  plutôt  dans  la 
'It^tinition  (fue  nous  en  donnons.  Ce  sont  ceux  (jui  ont  été 
faits  prisonniers  au  moment  des  razzias,  des  guerres  ou  qui 
ont  été  aciietés. Mais  ces  captifs  de  traite  sont  très  rarement 
do  puce  maure.  Ils  sont  presipie  tous  des  types  de  race 
uoire,  surtout  les  femmes.  Les  captifs  de  traite  peuvent 
être  vendus  pas  leur  maître  ;  ce  sont  eux  (jui  le  servent, 
et  a  qui  sont  dévolus  les  plus  durs  travaux,  qui  consistent 
surtout  à  faire  de  l'eau,  du  bois,  à  plier  les  tentes,  à  cliar- 
g'îr  les  chameaux,  etc.  Car  il  faut  vous  dire  que  le 
peuple  Maure  est  formé  de  trihus  éminemment  nomades, 
sauf  celles  (jui  habitent  <|uelques  viiit^s  assez  importantes 
du  centre  do  la  Mauritanie  où  l'on  trouve  véritablement  des 
constructions  stables,  qui  sont  faites  en  général  en  bois  et 
en  houe.  Partout  ailleurs  dans  cet  imnKinse  territoire  aussi 
grand  que  la  France,  ils  vivent  à  l'état  nomade, (lu'ilssoient 
pasteurs  ou  guerriers.  Ils  s'abritent  sous  des  tentes,  géné- 
ralement enguinée.  quehiuefois  en  peaux  de  bêtes,  en  cuir, 
bien  entendu  non  ta!in<'>, ou  d'autres  foisen  poil  dechameau. 
Celles  en  poil  de  chameau  sont  beaucoup  plus  solides  et 
plusélanches  que  les  âulies,  au  soleil  comme  à  la  pluie. 

Les  Maures  sont  pour  leurs  corréligionnaires  et  en  général 
pour  ceux  de  leur  race,  extrêmemnt  hospitaliers  ;  ils  le  sont 
teaucoup  moins  pour  nous,  pour  ceux  de  race  blanche; 
mais  cependant,  quand  ils  reçoivent,  ils  font  de  leur  mieux, 
et  je  puis  vous  raconter  l'histoire  de  notre  passage  sous  la 
tente  d'un  chef  maure. 

C'était  aux  environs  de  Nouakchott,  premier  poste 
établi  en  Mauritanie  sur  la  côte  de  l'Atlantique»  Le 
Maure  qui  nou3  recevait,  était  le  chef  d'un  village 
8ilué  près  de  Nouakchott,  et  composé  de  quelques  guerriers 


GO     LKS    PÊCHERIES    DE    L\    CÔTE    OCCIDENTALE    d' AFRIQUE 

quelques  marabouts  et  un  certain  nombre    de   pécheurs 
II   nous   invita  un    jour   à  prendre   le  thé  sous  sa  tente  , 
nous    nous  rendîmes    à  .s«)n  campement,   car  il    ne  fau^ 
pas     refuser    l'invitation    d'un    Maure    quand     on     veu( 
vivre  en  bons  termes  avec  lui.  Nous  nous  dirigeâmes  donc 
vers  sa  tente  à  deux  heures  de  l'après-midi,  et  par  iO  envi- 
ron de  chaleur.  En  arrivant, nous  nous  apercilmes  qu'il  avait 
fait  de  grands  frais  ;    il  avait  étalé  sur  le  sable  un  tapis 
d'Orient  qui  avait  pu  être  beau  puis,  tout  autour,  desselles 
de  chameau, des  caisses  à  biscuits, des  mallesornées  de  clous 
dorés,  enfin  tout  ce  qu'il  avait  pour  que  nous  puissions 
nous  asseoir.  Les  Maures  s'asseyent  pir  terre.  Lx  plus  belle 
place,  une  malle  superbe,  était  réservée  au  chef  de  la  mis 
sion.  Devant  chacun  de  nous  on  avait  placé  des  soucoupes 
en  porcelaine  remplies  de  dattes  excellentes,  de  ces  dattes 
renommées  de  l'Adrar.    Elles  nous  parurent  exquises  mais 
un  peu  trop  saupoudrées  de  sable.  Pendant  ce   temps  nous 
palabrions  ensemble,  nous  lui  disions  que  nous  étions  très 
heureux  de  son  excellente  réception,  et  lui  faisions  part  de 
nos  projets  et  le  Ghérif  nous  disait  combien  il  serait  heureux 
de  nous  voir  rester  près  de  lui.  Le  thé  s'infusait  dans  une 
théière  et  on  nous  le  servait;  il  y  avait  40  degrés  dehors  et 
nous  étoutiions  littéralement  sous   la  tente.  Nous  avions 
autour  de  nous  60  à  70  Maures  au  moins,  et  je  ne  sais  ce 
qui  avait  attiré  les  mouches  à   l'intérieur,  mais  ïl  en  était 
entré  des  raillions  et  nous  étions  tous  occupés  à  les  chasser 
vigoureusement    avec  nos    mouchoirs,   tout  en  admirant 
l'impassibilité  de  nos  hôtes  qui  portaient  autour  des  yeux- 
aux  commissures  des  lèvres,  partout  enfin  où  il  y  avait  un 
peude  muqueuse  à  nujdescentaines  de  mouches.  Aucun  d'eux 
ne  bougeait.  Vous  devez  facilement  comprendre  combiei^ 
il  nous  tardait  d'avoir  pris  le  thé  et  d'avoir  mangé  quelques 
dattes  pour  aller  respirer  dehors  et  surtout  nous  débarrasser 


LES  PÊCHERIES    DE   LA   CÔTE  OCCIDENTALE  D  AFRIQUE     61 

des  terribles  diptères  qui  nous  torturaient  depuis  plus  d*une 
demi -heure  !!! 

Telle  fut  la  réception  du  chérif . . . 

Je  vous  ai  parlé  du  poste  de  Nouakchott  qui  a  été  le 
premier  installé  sur  ces  côtes  par  le  regretté  Coppolani, 
alors  commissaire  du  Gouvernement  en  Mauritanie,et  qui, 
vous  le  savez,  périt  il  y  a  bientôt  deux  ans  d'une  façon  si 
tragique  à  Tidjikja.  C'est  dans  les  environs  de  Nouakchott, 
en  pleine  brousse,  que  j'ai  vu  à  l'œuvre,  pour  la  première 
fois,  nos  administrateurs  et  nos  ofïiciers .  Eh  !  bien,  puisque 
l'occasion  s'en  présente,  permettez-moi  de  vous  dire  qu'on 
ne  connaît  pas  assez  en  France  le  rare  mérite  de  nos  ad- 
ministrateurs et  de  nos  ofïiciers  coloniaux  qui,  dans  un 
pays  comme  celui  où  il  nous  a  été  donné  de  vivre  pendant 
quelque  temps,  où  le  péril  est  sans  cesse  renaissant,  et  où 
l'ennemi  est  d'autant  plus  dangereux  qu'il  reste  presque 
toujours  insaisissable,  s'en  vont  portant  toujours  plus  avant 
et  tou  ours  plus  haut,  je  puis  dire  avec  honneur,  le  drapeau 
de  la  France.  Si  l'on  relève  quelquefois  parmi  eux  quelque 
défaillance,  il  ne  faut  pas  que  les  erreurs,  même  les  fautes 
de  quelques-uns  rejaillissent  sur  l'ensemble.  Jepuis  afifirmer 
que  nous  devons  garder  à  notre  corps  colonial  notre  estime 
la  plus  profonde,  car  seuls  ceux  qui  ont  vu  nos  officiers  à 
l'œuvre  peuvent  avoir  le  droit  de  parler. 

Maintenant  que  je  vous  ai  dit  un  mot  rapide  du  pays  et 
de  ses  habitants,  il  me  reste  à  vous  parler  de  ses  ressources 
sur  terre  et  sur  mer.  Nous  aurons  vite  énuméré  les  pre- 
miers, car  une  fois  que  nous  aurons  parlé  des  troupeaux 
qui  sont  très  intéressants  évidemment  puisqu'ils  sont  très 
nombreux  ;  quand  nous  aurons  dit  que  l'on  peut  trouver 
dans  cette  région  des  dattes  excellentes,  comme  celles  dont 
je  vous  parlais  tout  à  1  heure,  des  plumes  d'autruche,  un 
peu  de  poudre  d'or,et  puis  peut-être  quelque  chose  que  nous 


62     LES   PÊCHERIES   DE    LA   CÔTE   OCCIDENTALE   D*AFRIQUE 

soupçonnons,  mais  dont  nous  ne  connaissons  par  laquan 
tité,  je  veux  parler  des  nitrates,  nous  aurons  alors  signale 
croyons  nous, tout  ce  qu'on  peut  espérer  tirer  de  ce  pays  ari- 
de et  désert.  Il  n'en  est  pas  de  même  des  c(Mesf|ui  le  baignent . 
Il  y  a  véritablement  une  e.\|)loitati()n  intense  à  réaliser,  car 
la  ricbesse  <i»\s  eaux  est  extrême.  Du  reste  ce  que  je  vous 
dis  \i\  n'(»st  pas  une  cbose  nouvelle  ;  il  y  a  longtemps,  il  y  a 
des  siècles,  que  ces  eaux  sont  exploitées  industriellement, 
à  la  fois  [)ar  les  Noirs  au  sud,  aux  environs  de  Saint-Louis 
et  de  Dakar, par  les  Maures  sur  les  rivages  de  la  Mauritanie 
et  au  ca|>  Blanc, et  enfin  parles  Canariens  sur  toute  la  côte 
saharienne  comprise  entre  le  cap  Juby,  qui  se  trouve  à  peu 
près  sur  le  parallèle  des  Canaries,    et    la  pointe  dn  cap 
Blanc.  Je  vais  vous  dire  un  mot  des  dilTérents  procédés  de 
pêche  employés  i)ar  les  indigènes. 

Voyons  d'abord  au  Sud,  chez  les  Noirs.  Il  existe  à  Saint 
Louis  du  S(''n(''gal  un  faubourg  placé  immédiatement  en 
bordure  de  la  mer  (jui  s'a[)pelle  Ciuet-N*l)ar.  c'est  son  nom 
indigciie.  (]e  faubourg  est  exclusivement  habité  par  les 
Noirs  de  race  Ouolof.  Ils  sont  audacieux  marins  et  excel- 
lents [Ȑcb(;iirs  ;  ce  sont  eux  qui,  actuellement,  fournissent 
tout(^  la  capilalc  du  Sénégal  et  une  partie  même  des  villes 
(jui  sont  reliées  parle  cbcminde  fer  de  Saint- Louis  à  Dakar. 
Leui's  moyens  de  pêche  sont  relativement  rudimenlaires, 
cependant  ils  c)nt  des  pirogues  cjue  je  vous  montrerai  tout 
à  l'heure  ;  ces  pirogues  sont  très  étroites,  ce  sontdes  bar- 
ques à  fond  absolument  plat,  construites  spécialement  ou 
vue  de  franchir  ce  qu'on  api)elle  la  «  barre  )).  Cette  barre 
consiste  en  ceci  :  la  côte  étant  absolument  plate,  lorsque  le 
vent  soulTle  d'une  façon  normale,  et  surtout  lorsque  règne 
les  vents  d'ouest,  la  mer  grossit  brusquement  et-forme  alors 
une  forte  lame  (|ui  se  gonfle  de  plus  en  plus  h  la  partie 
supérieure  et  vient  s'écraser  sur  le  fond,  de  façon  à  former 


LES  PÊCHERIES    DE   LA   CÔTE    OCCIDENTALE   D* AFRIQUE    63 

une  sorte  de  rouleau  parfois  énorme  et  que  Ton  retrouve 
sur  une  grande  partie  de  la  côte.  Tous  ceux  qui  ont  tra- 
w^rsé  la  «  barre  »  savent  exactenîent  à  quoi  s'en  tenir  ; 
j'avoue  que  pour  ma  part  j'ai  été  stmvent  fort  ennuyé,  sur- 
t*jut(]uand  il  y  avait  un  \n)u  de  mor  etde  vent  d'ouest, parce 
ijuo,  eba(|iio  fuis,  lu  pirogue  se  remplissait.  On  prend  un 
lé.mT  bain,  et  lorsque  ce  n'est  pas  un  bain  complet,  on  doit 
»'tr€  content .  .  Je  me  rappelle  que  le  cbef  piroguier  h  qu^ 
j^*  m'en  plaignais,  lui  disant  ({u'il  ne  nous  faisait  jamais 
tr  .vorser  la  barre  sans  nous  faire  njouiller,  me  répondit  un 
jotir  «  Tu  n'as  pas  en(!t)re  été  chaviré  avec  la  pirogue, 
Ojppolani  Ta  été  plusieurs  fois  lui,  par  conséquent  tu  n'as 
pas  à  te  plaindre  »  . 

Les  pêcheurs  de  (luet  N'Dar  ont  deux  sortes  de  pirogues, 
|es  unes  assez  petites,  pour  fjôcher  le  long  du  rivage,  les 
autres  beaucoup  plus  grandes,  ou  pirogues  de  mer  avec 
lesquelles  ils  vont  très  loin.  Ils  sont  très  habiles  à  les  ma- 
nœuvrer.Ils  pèchent  à  une  certaine  distance  de  la  côte  avec 
fies  lignes,  c'est  à-dire  avec  des  coi'des  assez  fortes  à  l'ex- 
trémité  desquelles  ils  attachent  un  gros  caillou  qui  sert  de 
plomb  et  deux  ou  trois  linme^ons  selon  les  poissons  qu'ils 
se  proposent  de  pécher. Ils  possèdent  aussi  quelquefois,  un 
iiiet  assez  semblable  A  ce  (lue  nous  appelons  une  c(  senne  »' 
C'est  une  sorte  de  filet  (jwe  l'on  pose  en  arc  de  cercle  et 
avec  lequel  on  ramène  à  terre  le  poisson  qui  y  a  été  (en- 
fermé. C'est  ainsi  qu'ils  arrivent  k  pêcher  une  quantité  de 
laissons  à  peu  jjrès  sulllsante  pour  alimenter  le  marché  de 
Saint-Louis.  Ceux  de  Dakar  i)êchent  à  peu  près  de  la  même 
•façon,  msis  utilisent  en  outre,  un  engin  spécial,  un  sac  en 
filet  qu'ils  laissent  tomber.au  fond  avec  un  caillou;  ils  le 
laissent  couler  au  fond  de  l'eau  largement  ouvert,  et  ils  ont 
une  ficelle  qui  fait  le  tour  de  la  partie  phériphérique  du  sac, 
puis  un  appôt  au  milieu  qui  est  fixé  a  la  ligne  qu'ils  tien- 
nent à  la  main.  Ils  sentent  à  la  ligne  quand  le  poisson  mord. 


64  LES  PÊCHERIES  DE  LA  CÔTE  OCCIDENTALE  D* AFRIQUE 

tirent  sur  la  tîcelle  qui  ferme  le  sac  et  prennent  le  pois- 
son. Ils  arrivent  à  en  prendre  ainsi  une  certaine  quantité  et 
ils  sont  parfois  très  adroits  à  ce  genre  d'exercice. 

La  préparation  est  excessivement  simple  pour  les  Noirs, 
elle  consiste  à  ouvrir  le  poisson  du  côté  ventral  et  à  lui  enle- 
ver tout  l'intérieur,  de  façon  à  en  faire  un  poisson  plat.  Ils 
le  mettent  ensuite  au  soleil,  le  font  sécher  et  le  mangent 
ainsi  ou  bien  mélangé  avec  le  couscous.  Ils  le  font  encore 
bouillir  avec  du  riz  ou  du  mil,  et  lorsqu'il  est  un  peu  avarié 
cela  ne  leur  fait  pas  peur,  l'odeur  donne  un  goût  particulier 
au  couscous  ou  au  riz,  qui  est  généralement  fade,  et  c'est 
extrêmement  apprécié. 

Pour  les  Maures,  la  pèche  est  encore  bien  plus  rudimen- 
taire.  Ces  indigènes,  en  effet,  ne  possèdent  pas  de  bateaux, 
et  ils  pèchent  quelquefois  avec  des  sortes  de  lignes  à  la  main 
comme  celles  dont  je  vous  parlais  tout  à  l'heure  pour  les 
Noirs  ;  mais  plus  souvent  à  l'aide  d'un  filet  à  mailles  res- 
semblant un  peu  à  la  senne  des  Noirs  mais  dont  ils  se 
servent  d'une  façon  tout  à  fait  différente. Au  lieu  de  prendre 
le  filet  par  un  bout,  de  le  traîner  au  large  et  de  le  ramener 
à  terre  avec  le  poisson  enfermé,  ils  placent  leur  filet  sur  une 
barre  de  bois  qui  a  à  peu  près  deux  mètres  de  long.  L'hom- 
me est  généralement  nu  et  il  attend  ;  lorsque  le  banc  de 
mulets  est  signalé,  il  se  met  à  l'eau,  quelquefois  jusqu'au 
cou  et  il  porte  devant  lui  le  filet  qui  pend  de  chaque  côté, 
sur  le  bAton,  puis  il  le  ferme  avec  la  main  et  les  mulets  se 
prennent  dans  les  mailles.  Quand  son  filet  est  garni,  il 
revient  tranquillement  à  terre.  Au  lieu  de  prendre  trois  ou 
quatre  tonnes  de  poisson,  il  en  prend  50  ou  (X)  kilos,  cela  . 
lui  suffit.  Il  prépare  le  mulet  exactement  comme  les  Noirs, 
en  le  faisant  sécher  au  soleil.  Les  Maures  pèchent  pour  eux 
d'abord,  pour  leur  nourriture,  puis  quand  ils  ont  trop  de 
poissons,  il  les  font  sécher  et  les  logent  dans  des  sacs  spé- 
ciaux   fabriqués    avec  une    plante   textile  de  la   région. 


LES  PÊCHERIES  DE  LA  CÔTE  OCCIDENTALE  DAFRIQUE     65 

les  femmes  sont  chargées  de  remporter  au  loin  sur  le  pas- 
sage des  caravanes.  Ils  échangent  le  poisson  contre  des 
pièces  de  guinée,  du  riz,  du  mil,  etc.  C'est  la  pèche  qui 
constitue  à  peu  près  leur  seul  moyen  d'existence. 

Les  Canariens  ne  s'aventurent  jamais  au  sud,  au  delà  du 
cap  Blanc.  Lorsque  vous  parlez  ô  un  Canarien  du  banc 
dArguin,  il  ne  sait  pas  ce  que  vous  voulez  dire.  Leur 
géographie  ne  dépasse  pas  cette  pointe  du  cap  Blanc  et  c'est 
tnéme  assez  rarement  qu'ils  pénètrent  dans  la  baie  du 
Lévrier  où  cependant  ils  ont  le  droit  de  pèche,  d'après  le 
Ifaité  de  Orio  du  27  juin  1900. 

Les  Canariens  peuvent  donc  pécher  sur  toute  la  côte 
comprise  entre  le  parallèle  des  Canaries  et  le  cap  Blanc, 
soit  environ  sur 800  kilomètres.  Leurs  procédés  dépêche, 
«ns  être  évidemment  aussi  perfectionnés  que  ceux  de  nos 
pécheurs  européens,  sont  beaucoup  plus  développés  et 
beaucoup  mieux  compris  que  ceux  des  Noirs  et  des  Maures. 
Ils  ont  en  effet,  d'excellents  bateaux,  de  deux  espèces.  Les 
uns  d'un  tonnage  variant  de  40  à  50  et  même  60  tonnes, 
sont  des  goélettes,  de  très  jolies  petites  goélettes,  qui  vien- 
nent de  Las  Palmas  en  trois  ou  quatre  jours.  Sur  ces  ba- 
teaux, qui  sont  montés  par  un  équipage  de  20  à  26  et  27 
hommes,  on  trouve  parfois  des  enfants  de  7  à  10  ans.  Ils 
ont  d'autres  barques  beaucoup  plus  petites  qui  ressemblent 
un  peu  à  nos  chaloupes  de  pêche  de  la  Manche  et  de  l'Océan 
et  qu'on  apï)elle  «  lanches  »  .  Ce  sont  d'excellents  petits 
bateaux  dont  ils  se  servent  pour  augmenter  la  production 
de  la  goélette  et  surtout  pour  capturer  le  poisson  de  surface 
qui  est  employé  ô  amorcer  les  lignes  de  fond.  La  goélette 
part  de  Las  Palmas, avec  deux  lanches  ô  son  bord;  aussitôt 
fu 'elle  arrive  sur  les  lieux  de  pêche,  aux  environs  du  cap 
Wanc,  elle  met  ses  deux  lanches  ô  Teau  et  ces  barques  ne 
)nt  plus  hissées  à  bord  jusqu^au  moment  du  départ.  Les 
nches  ont  chacune  un  patron  avec  trois  ou  quatre  hommes, 


66    LES  péCHERlES  DE  LA  CÔTE  OCCIDENTALE  DAFniQrE 

elles  partent  de  leur  côté  et  vont  pécher  un  poisson  de  sur^ 
face  qui  est  généralement  assez  voisin  de  notre  maquere^nu.! 
Ils  capturent  ce  poisson  avec  des  hameçons  sans  crochet  et 
la  pèche  qu'ils  font  est  extrêmement  curieuse.  I/hameron, 
se  monte  sur  un  fil  de  laiton  qui  est  lui-mônio  fixé  à  iiixé 
tige  de  bois  ;  cet  hameçon  à  une  forme  spéciale  que  je  vousi 
montrerai  tout  à  l'heure.  Le  poisson  croit  qu'il  voit  un  aj» 
pôt  et  se  précipite  sur  l'hameçon  ;  alors  le  pêcheur  le  ferre 
d'un  coup  brusque  et  le  jette  dans  la  lanche.  Il  se  fait  qut^I- 
quefois  des  pêches  très  considérables  de  ce*poisson de  surface 
Quand  les  pôcheursen  ont  une  quantité  sulïisante  ils  rentrent 
à  la  goélette. Les  lanches  partent  chacune  de  leur  côté  pour 
se  livrer  à  cette  pèche  et  se  retrouvent,  en  général  le  soir, 
un  peu  au  nord  du  cap  Blanc,  dans  la  baie  de  l'Ouest. 

Je  ne  veux  pas  insister  ici  sur  les  diverses  espèces  de 
poissons  capturésdont  je  vous  montrerai  des  photographies 
tout  à  l'heure,  ce  sont  d(3s  formes  auxquelleson  n'est  guère 
habitué  dans  la  Manche.  Ils  sont  tués  à  coups  de  maillet 
aussitôt  capturés  et  ouverts  par  la  face  dorsale  ;  on  enlève 
les  intestins  et  on  les  vide  d'une  façon  complète,  ensuite 
on  les  sale  sommairement  dans  la  cale  des  bateaux.  Lors- 
que la  goélette  est  pleine,  ou  à  peu  près,  ce  qui  demande 
quelquefois  un  mois  et  demi  ou  deux  mois, elle  rentrée  son 
port  d'attache  qui  est  soit  Ténériiïe,soit  la  Grande  Canarie, 
soit  La/a rette, etc.  Ce  sont  les  trois  ports  qui  fournisent  îe 
plus  grand  nombre  de  goélettes  allant  pêcher  aux  environs 
du  cap  Blanc.  Lorsqu'on  assiste  au  débarquementd'uiie  «le 
ces  goélettes  canariennes,  on  est  souvent  incommodé  par 
l'odeur  qui  s'en  dégage.  C'est  qu'en  etTel,  la  façon  dont  les 
Canariens  préparent  le  poisson  estextrômementdéfectueuse. 
Ils  dépensent  le  moins  de  sel  possible  et,  dans  ces  condi- 
tions, comme  ils  lavent  à  peine  le  poisson  et  qu'ils  ne  prcn 
nent  aucune  espèce  de  précaution,  il  arrive  que  celui-ci  e>t 
sinon   pourri,    du   moins    suflîsamment    décomposé  pour 


LES  PÊCHERIES    DE   LA   CÔTE   OCCIDENTALE   d' AFRIQUE     67 

exaler  une  odeur  tout  à  fait  cnractéristique.Les  autorités 
espagnoles,  qui  cependant  ne  sont  pas  très  difficiles,  font 
quelquefois  jeter  toute  une  cargaison  à  la  mer.  Ce  poisson 
se  vend,  niônie  légèrement  faisandé,  à  Las  Palraas,  où  on 
peut  le  voir  sur  le  marché.  Il  est  ensuite  répandu  dans  les 
caiijpa;>nes,  et  la  pêclie,dansces  conditions,  est  tellement 
rémunératrice  que  l'on  considère  (jue  le  propriétaire  de  la 
goélette  a  entièren>ent  amorti  son  capital,  c'est-à-dire  a 
payé  sa  goélette,  dans  trois  ou  quatre  ans 

Depuis  quel(|ues  années, 4  ou  5  ans  au  plus, les  Canariens 
et  surtout  quelques  armateurs  de  Las  Palmas  se  sont 
avisés  d'introduire  sur  le  marché  du  poisson  vivant.  Pour 
cela  ils  emploient  un  appareil  tout  à  fait  spécial,  une 
nasse  particulière  qui  a  à  peu  près  Im.  50  de  diamètre  ; 
ils  mouillent  cette  nasse  le  long  de  leur  goélette,  à  une 
profondeur  variable  suivant  la  nature  du  fond,  en  général 
à  Im.  ou  1  m. 50  environ  de  cehii  ci.Le  poisson  qui  pénètre 
dans  la  nasse  ne  peut  plus  en  sortir, et  au  bout  d'une  heure 
ou  deux  on  relève  la  nasse  qui  ordinairement,  est  pleine 
(le  poissons.  Ils  ont  fait  construire  des  goélettes  dont  toute 
la  partie  centrale  est  transformée  en  un  vivier  en  commu- 
nication directe  avec  l'eau  de  mer  ;  mais  dans  le  vivier  du 
bord  le  poisson  flotterait  à  la  surface,  parce  que  venant 
d'une  profondeur  de  45,  50,  p-^rfois  môme  60  mètres,  c'est- 
à-dire  par  quatre  ou  cinq  atmosphères  de  pression,  dès 
qu'il  est  amené  à  la  surface  leur  vessie  natatoire  sedilateet 
gonfle  l'abdomen.  Le  poisson  surnage  alors  comme  une 
outre,ce  qui  l'empêche  de  s'enfoncer.  Les  pêcheurs  ont  alors 
trouvé  un  moyen  ingénieux  de  tourner  la  difficulté,  ils  fa- 
briquent un  petit  instrument  que  les  médecins  appelleraient 
un  Iroquart  et  qu'ils  nomnitMit  la  u  pica  »  ;  c'est  en  réa- 
lité un  troquart  un  peu  gros.  Il  est  formé  d'un  tube  de  cui- 
vre taillé  en  biseau  à  l'une  de  ses  extrémités  bien  aiguisée 
et  emmanché  de  l'autre  dans  un  morceau  de  bois, dé  façon 


68     LE9   PÊCHERIES   DE  LA  CÔTE  OCCIDENTALE  D* AFRIQUE 

6  ce  qu'on  puisse  le  tenir  à  la  main.  Le  tube  est  ouvert auX 
deux  extrémités  et  chaque  fois  qu'un  poisson  a  été  pris,  le5 
enfants  le  prennent  sur  le  pont  et  lui  perforent  la  paroi 
abdominale  afin  de  mettre  la  vessie   natatoire  en  commu- 
nication directe  avec  l'extérieur;  la  pression  redevient  alors 
normale    et  le  poisson  peut  s'enfoncer  dans  l'eau.  C'est  une 
espèce  d'opération  chirurgicale  qu'ils  pratiquent  ainsi.  Les 
Canariens  apportent  à  Las  Palmas  non  seulement  du  pois 
son  vivant,  mais  aussi  des  langoustes,  car  il  faut  vous  dire 
qu'il  y  a  en  certains  points  de  la  côte  des  langoustes  en 
quantités  considérable. Ces  langoustes  sont  toutsimplemenl 
péchées  à  la  ligue,  cela  paraît  assez  bizarre,  c'est  cependant 
la  vérité. La  poche  à  la  langouste  se  fait  de  la  façon  suivante: 
Les  pêcheurs  attachent  à  l'extrémité  d'une  ligne  un  poisson 
où  plutôt    un  demi-poisson  dans  lequel  ils  ont  pratiqué  des 
trous  avec  un  couteau  ;  ce  poisson  doit  dégager  une  odeur 
particulière  pour   mieux   attirer  les  langoustes.   Celles  ci 
viennent  s'accrocher  au  poisson,  ce  que  Ton  sent  très  bien 
à  la  main;  alors, les  pécheurs  soulèvent  petit  à  petit  le  pois- 
son et  les  langoustes  qui  y  sont  accrochées  et  ramènent  le 
tout  à  la  surface.  Ils  en  prennent  chaque  fois  jusqu'à  i  ou 
5,  parfois  môme  8  ou  10.  Ces  langoustes  sont  mises  dans  le 
vivier  du  bord,  et  c'est  ainsi  (ju'à  Las  Palmas  on  peut  se 
procurer  dans   la  saison,  c'est-à  dire  du   mois  de  mai  au 
mois  de  juillet,  des  langoustes  vivantes  autant  qu'on  en  a 
besoin  et  à  des   prix  relativement  très  modérés.    Les  pé 
cheurs  Canariens  qui  n'ont  pas  de  vivier  ne  font  pas  grand 
cas  de  la  langouste,  car  il  ne  leur  est  pas  possible  de  la 
transporter, et  comme  ils  n'apprécient  pas  beaucoup 'a chair 
de  ce  crustocé.ils  s'en  servent  pour  amorcer  les  lignes  des- 
tinées k  la  pêche  des  squales,  des  petits  requins.  Ils  sont 
beaucoup  plus  friands  des  requins  que  de   la   langouste, 
parce  que,  après  avoir  dépouillé  ces  poissons  de  leur  peau, 
ils  coupent  la  chair  en  lanières,  la  font  sécher  sur  les  goe- 


/ 


LES  PÊCHERIES   DE   LA   CÔTE   OCCIDENTALE  D*AFRIQUK      69 


kliesei  s'en  servent  pour  leur  nourriture  pFirticulière.  Les 
petites  langoustes  sa  vendent  en  général  de  0  fr.  80  à  un 
franc,  cest-à-dire  une  peseta,  à  Las  Palmas.  Vous  voyez 
donc  que  la  pèche  est  pratiquée  dans  ces  régions,  avec  une 
certaine  intensité  par  les  Canariens  qui  viennent  sur  la 
côte,  jusqu'au  cap  Blanc,  depuis  des  siècles,  et  je  dois  dire 
que  l'on  ne  voit  pas  sans  quelque  naéfiance,  notre  installa- 
tion dans  la  presqu'île.  On  a  peur  peut  être  que  nos  chalu- 
tiers ne  fassent  du  tort  aux  pêcheurs  Canariens  ;  cela  se 
pourrait  fort  bien.  Il  y  a  en  effet,  beaucoup  à  faire  par 
les  procédés  modernes  de  pêche  dans  ces  régions  et 
cette  pêche  moderne  doit  être  pratiquée  à  l'aide  d'engins 
perfectionnés  et  de  grands  chalutiers  à  vapeur, à  perche  ou  à 
plateaux.  Les  chalutiers  à  plateaux,  serviront  à  capturer 
ce  que  l'on  pourrait  appeler  du  poisson  volant  ;  celui*ci 
lrdnché,salé  et  séché  constituera  une  sorte  de  morue. Quant 
aux  chalutiers  à  perche  qui  raclent  le  fond  plus  fortement, 
ils  serviront  à  capturer  une  quantité  considérable  de  pois* 
sons  fins,  je  veux  parler  en  particulier  des  soles.  Il  nous 
est  arrivé  de  prendre  avec  un  petit  chalut  de  10  mètres,  plus 
de 503  soles  en  une  heure  et  d'un  seul  coup  de  chalut*  Il  y 
ea  avait  qui  atteignaient  0"™50  ou  0'"52  de  long  sur  20  à  23 
centimètres  delarge.  Vous  voyez  quel  intérêtcette  pêche  peut 
présenter,  non  seulement  au  point  de  vue  des  conserves^ 
mais  aussi  au  point  de  vue  de  l'alimentation  en  poisson  frais 
car  je  ne  désespère  pas  de  voir,avant  bien  longtempsiles  so 
les  mauritaniennes  fraîches  snr  le  marché  français,  comme 
ooy  a  vu  des  langoustes  vivantes  du  cap  Blanc. 

La  pêche  moderne,dans  la  région  du  banc  d'Argain,dolt 
donc  porter  par  conséquent  sur  le  poisson  volant,  plus  spé- 
cialement. On  devra  préparer  ces  poissons  par  le  salage  et 
le  séchage  et  en  faire  un  article  genre  morue  qui  trouvera 
des  débouchés  considérables  en  Espagne,  en  Portugal^ 
peut-être  môme  en  France,  et  surtout  en  Afrique,  sur  la 


70  LES    PÊCHERIES    DE    LA    COTE    OCCIDENTALE    d'aFRIQUE 

côte  occidentale,  en  très  grande  (|iiantit<'».  Puis  viendra  le 
poisson  frais  qui  sera  surtout  représenté  par  des  soles  et 
des  mulets  (jui  se  rencontrent  par  hanes  exlrêmemeul 
considérables.  Ils  nous  est  arrivé,  avec  une  senne  de 
55  mètres,  de  prendre  jusqu'à  i  tonnes  der  mulets  dMns 
une  après-midi,  et  nous  en  avons  per  lu  plus  de  la 
moitié.  Il  y  a  encore  les  laiv^ousles  vivantes,  et  je  suis 
heureux  de  dire  ici  (jue  c'est  à  un  llavra'is  que  nous 
devons  d'avoir  connu  les  langoustes  vivantes  sur  le 
marché  français.  Il  y  a  aussi  les  conserves  (jue  l'on  pour 
rait  obtenir,  soit  avec  les  filets  de  sole,  soit  avec  le  poisson 
migrateur,  comme  le  thon  el  la  sardine  qui  sont  très  abon- 
dants. Enfin  les  déchets, car  je  crois  (jue  dansTexploitation 
des  pêcheries  de  cette  région,  il  ne  faudra  rien  laisser  per- 
dre, les  déchets  dis-je,  pourront  être  utilisés  pour  la  fabri- 
cation d'un  guino  riche  dé  î)  à  10  %  d'azote  et  de  15  à  16^ 
d'acide  phosphorique  ;  en  somme  un  guano  qui  pourra  se 
vendre  de  100  à  120  francs  la  tonne.  La  question  delà 
boette  est  aussi  très  intéressante, ainsi  que  celle  de  la  colle, 
de  l'huile,  de  l'huile  de  foie,  etc.,  mais  je  passe  !. 

Ma  première  préoccupation  après  avoir  montré  comment 
il  faudrait  s'y  prendre  pour  obtenir  les  résultats  dont  je 
viens  de  signaler  les  principaux,  a  été  de  demander  au 
Gouverneur  général  de  l'Afrique  occidentale  française, 
M.  Roume,  dont  la  bienveillante  activité  pour  ces  pêche- 
ries ne  s'est  jamais  démentie,  d'aménager  la  presqu'île  de 
façon  à  ce  qu'il  soit  possible  aux  industriels  et  aux  pé^ 
cheurs  de  s'y  installer.Tout  ce  qu'il  sera  nécessaire  de  faire 
M.  Roume  le  fera,  à  la  conlition  que  les  capitaux  et  le 
industriels  nous  suivent  ;  j'ai  été  heureusement  étonné  d 
voir,  dans  des  affaires  un  peu  lointaines,  les  capitaux  sui 
vre  aussi  rapidement  qu'ils  l'on  fait;  l'Administration  a  e 
efifet  déjà  reçu  plusieurs  demandes  de  concession  pour  de 
sociétés  d'exploitation  et  d'alimentation,  car  il  fallait  assi 


LES    PÊCHERIES    DK   LA  CÔTE   OCCIDENTALE   D  AFRIQUE     71 

rer  aussi  aux  nouveaux  arrivants  le  gîte  et  la  nourriture. 
C'était  une  condition  essentielle  pour  mènera  bien  le  déve- 
loppement rapide  de  notre  jeune  colonie. 

Jusqu'ici  il  n'était  pas  possible  de  s'installer  dans  la  près* 
qj'iîe. Ona  construit  une  citerne  qui  renferme  aujourd'hui 
2.5<J0  mètres  d'eau  douce;  un  phare  qui  aura  une  portée  de 
35  milles  est  à  l'étude  et  sera  situé  à  la  pointe  du  cap  Blanc. 
Il  va  un  poste  militaire.  Enfin  on  a  fait  déjà  à  peu  près 
tuul  ce  qu'il  fallait,on  fera  beaucoup  mieux  encore  suivant 
le  nombre  et  l'importance  des  sociétés,  pour  la  sécurité 
des  navigateurs  et  des  industriels.  Il  ne  reste  plus  mainte- 
nant qu'à  s'installer  et  à  marcher. 

Mais  l'aménagement  de  la  presqu'île  du  Cpp  Blanc  et  la 
mise  en  valeur  des  pêcheries  de  cette  région  ne  représente 
en  somme,qu'une  partie  du  programme  que  j'ai  été  chargé 
de  réaliser  en  Afrique  occidentale. 

isi  vous  étudiez  d'une  façon  un  peu  approfondie  les  statis- 
tiques qui  ont  trait  à  l'Afrique  occidentale  française,  vous 
verrez  que  ce  pays. dont  les  côtes  sont  abondamment  pour- 
vues de  toutes  espèces  de  poissons,  est  tributaire  de  la 
France  et  de  l'étranger  pour  des  sommes  considérables 
pour  tous  les  articles  de  poisson  sec  et  de  poisson  de 
conserves.  Ces  produits  étrangers  nous  viennent  surtout  de 
l'Angleterre  et  de  l'Allemagne.  Mais  je  crois  que  dans  un 
avenir  prochain,  le  jour  où  les  pêcheries  du  cap  Blanc  se- 
runlen  pleine  activité  et  que  sur  tout  le  territoire  de  cette 
vaste  colonie,  non  seulement  sur  les  côtes  de  l'Atlantique 
mais  encore  dans  les  fleuves  qui  l'arrosent,  des  pêcheries 
seront  organisées  méthodiquement.Jecroisdis-je,  qu'à  par- 
tir de  ce  momentjl'Afrique  occidentale  ne  sera  plus  un  paya 
d'importation  ,  mais  deviendra,  au  contraire  et  au  premier 
chef,  un  pays  d'exportation.  Ce  qui  le  prouve,  c'est  que 
cerlainespartiesde  notrebellecolonie  ont  déjà  une  tendance 
è  exporter  beaucoup.  Le  Dahomey,  par  exemple  qui,  il  y 


72     LES    PÊCHERIES    DE    LA    CÔTE   OCCIDENTALE    DAFRIQUE 

a  huit  ans,  exportait  seulement  pour  une  centaine  de  mille 
francs  de  poisson  sec,  le  seul  que  les  indigènes  sachent 
préparer,  emportait,  en  1904,  p  *ur  près  de  700.000  francs 
de  poisson.  Vous  voyez,  par  conséquent  ce  que  nous  avons 
è  faire,  pour  organiser, non  seulement  les  pêcheries  du  cap 
Blanc,  qui  sont  celles-là  des  pêcheries  métropolitaines,  au 
plus  haut  point  intéressantes, puisqu'elles  permettront,je  l'es- 
père, d'utiliser  en  partie  les  connaissances  et  l'activité  de  tous 
ceux  de  nos  marins  que  la  perte  de  Terre-Neuve  laisse  sans 
travail  chaque  année  ;  mais  encore  à  constituer  dans  cette 
vaste  colonie  de  nombreux  centres  de  production  indigène. 
Je  puis  sans  fausse  modestie,  vous  affirmer  que  je  me  suis 
consacré  de  toutes  mes  forces  à  cette  œuvre  considérable  et 
j'espère  la  meneràbien  si  comme  jusqu'ici, Kappui  et  la  con- 
fiance du  Gouvernement  de  la  Républ  ique  et  du  Gouverne- 
ment général  de  l'Afrique  occidentale  française, ne  me  font 
pas  défaut.  Je  poursuivrai  sans  faiblesse,  quoi  qu'on  dise  et 
quoi  qu'on  fasse,  l'œuvre  qui  m'a  été  confiée  et  je  suis  con- 
vaincu qu'elle  donnera  des  résultats  précieux, non  seulement 
pour  la  métropole,  mais  aussi  et  surtout  pour  notre  belle 
colonie  africaine. 

A.  Gruvel 

Directeur  de  VOffice  des  Pècherlea  de  V Afrique  Occidentale  Françaiae. 


It'Ét^UPTION  DE  liR  MOHTAGNE  PEItÉE 


à  la 


MARTINIQUE  » 


Mesdames,  Messieurs, 

Le  9  mai  1902,  on  apprenait,  avec  une  poignante  émotion 
mêlée  de  stupeur  et  d'incrédulité,  tant  cette  nouvelle  était 
invraisemblable, ia destruction  de  la  villedeSaint-Pierreàla 
Martinique  et  la  mort  de  35.000  personnes  à  la  suite  d'une 
éruption  de  la  Montagne  Pelée.  Parmi  les  victimes  on  si 
gnalait  le  gouverneur  de  la  colonie,  M.  Mouttet,  le  colonel 
d'artillerie  Gerbault  et  plusieurs  officiers  de  l'armée  colo- 
niale. Ce  chif!re,un  peu  exagéré,doit  être  ramené  à  28.000, 
mais  une  pareille  catastrophe,  unique  dans  les  annales  du 
vulcanisme,  reste  effrayante,  et  l'émotion  qu'elle  provoqua 
dans  le  monde  entier  n'est  pas  encore  oubliée. 

Le  26  mai,  l'Académie  des  Sciences,  sur  la  demande  du 
Ministre  des  Colonies,  désignait  une  mission  chargée  de 
rechercher  les  causes  de  ce  cataclysme  et  les  moyens  d'en 
éviter  le  retour.J'eus l'honneur  défaire  partie,  comme  géo- 
logue, de  cette  mission  dirigée  par  M.  Lacroix,  l'éminent 
professeur  au  Muséum,  aujourd'hui  membre  de  l'Institut, 
et  qui  comprenait  en  outre  M.  HoUet  de  l'Isle,  ingénieur 
en  chef  du  service  hydrographique  de  la  marine,  chargé  de 
relever  les  modifications  subies  par  la  côte.  Nous  rentrions 
en  France  le  17  août,  après  avoir,  sur  l'ordre  du  Ministre, 
visité  du  8  au  11  juillet  la  soufrière  de  la  Guadeloupe  qui 
inspirait  des  inquiétudes  injustifiées. 

\X\  Conlereaee  £iile  dpTaal  la  Société  de   Géographie  Commerciale    du 


74    l'éruption    de    la    montagne    PELKE   a    la    MARTINIQUE 

Le  30  aoiH.  uno  nouvello  éruption  (jui  faisait  encor3 
1.500  virtiines,  obli>;ea  M.  \v.  Ministre  à  denuHuler  à  M.  La 
croix  de  repartir  pour  installur  un  service  d'observations  du 
volcan.  Il  fut  accompagné  par  Madame  Lacroix  qui  s'était 
montrée  si  vaillante  et  si  courageuse  pendant  la  première 
mission.  11  organisa  un  observatoire  au  Morne  des  Cadets 
à  9  kilomètres  au  sud  du  volcan,  et  un  postée»  Assier,  à 
l'est,  pendant  que  le  capitaine  Ferrier  installait  la  télégra- 
phie sans  fil  entre  la  Martinique  et  la  Guadeloupe.  xMon 
état  de  santé,  gravement  compromis  par  ma  première  mis- 
sion ne  m'avait  pas  permis  de  partir  avec  NL  Lacroix,  mais 
le  26  février  1903,  je  m'embarquais  à  Bordeaux  pour  aller 
le  remplacer  comme  chef  de  la  mission  scientiliijue.  J'ai  sé- 
journé ensuite  dans  la  colonie  jusqu'au  mois  de  juin  1^05 
après  avoir  organisé,  sur  la  demande  du  gouverneur  et  par 
raisons  d'économie,  un  service  de  surveillance  plus  réduit, 
qui  continue  à  m'adresser  chaque  mois  le  relevé  détaillé 
des  observations  du  volcan. 

Le  détail  des  faits  relatifs  aux  éruptions  de  la  montagne 
Pelée  justju'au  mois  de  décembre  190i  a  fait  l'objet  de  la 
part  de  M.  Lacroix  d'un  magistral  travail  qui  ne  compte 
pas  moins  de  650  pages  in-4«  avec  30  planches.  C'est  vous 
dire  que  je  ne  pourrai  qu'ellleurer  un  côté  de  l'histoire  de 
ces  éruptions.  J'ai  pensé  que  celui  qui  vous  intéresserait  le 
plus  serait  la  description  des  éruptions  toutes  spéciales  de 
la  montagntî  Pelée  et  plus  particulièrement  celle  de  l'érup- 
tion si  néfaste  du  8  mai.  Les  documents  recueillis  au  cours 
de  mes  deux  missions  aux  Antilles,  pour  la  plupait  encoie 
inédits,  sont  fort  nombreux.  J'ai  rapporté  notamment  plus 
de  mille  photographies  prises  avec  les  excellents  appareils 
de  la  maison  Gaumont  ;  la  vue  de  quelques-unes  serapl'JS 
profitable  que  de  longues  explications. 

Le  temps  me  manque  pour  vous  parler  de  la  MartiniquCi 
de  sa  géographie,  de  ses  habitants,  de  ses  cultures,  desoD 


l'éruption  de  la  montagmk  pelék  a  la  MARTIÎ^IQUE  75 

climat.  Comme  vous  le  savez, c'est  une  île  tnVs  accidentée  de 
7-3  kilomètres  environ  de  longueur  sur  130  à  iO  kilomètres 
delargeur,appartenantà  l'archipel  dos  i*etitos  Antilles, entre 
la  mer  des  Antilles  et  rAtlantîijuo,  près  du  Venezuela, 
dans  la  zone  tropicale.  L'île  est  presque  entièrement  volca- 
nique, elle  provient  d'éruptions  infiniment  plus  violentes 
que  réruption  actuelle  ;  les  éruptions  se  sont  produites  au 
Sud  d'abord  et  se  sont  ensuite  graduellement  déplacées 
vers  le  Nord.  Les  centres  éruptifs  sont  fort  nombreux  ;  j'ai 
pu,  en  relevant  la  carte  géologique  de  l'île  que  je  me  propo- 
se de  publier  prochainement,  en  reconnaître  17  principaux, 
parmi  lesquels  je  vous  citerai  ceux  du  Diamant,  de  Oéve- 
cœur  et  du  Morne  Caraïbe  au  Sud,  du  Vauclin  à  l'Est,  du 
Carbet  au  Centre,  et  enfin  le  plus  récent  de  tous,  la  n'onta- 
gne  Pelée  au  Nord. 

La  montagne  i*elée  forme  un  massif  assez  régulier  dont 
le  point  culminant  est  le  Morne  La  Croix  qui  avait,  avant 
les  dernières  éruptions,  une  altitude  de  1.350  mètres.  Près 
du  sommet,  à  l'Est,  un  petit  plateau  était  occupé  par  le  lac 
des  Palmistes,  but  de  promenade  de  nombreux  visiteurs. 
Des  vallées  profondes,  parfois  entaillées  en  véritables  ca- 
nons,la  rivière  des  Pères, la  rivière  Sèche, la  rivière  Blanche 
la  rivière  du  Prêcheur,  celles  de  Grand' Rivière,  de  Basse 
Pointe,  la"  Capot  à  l'Est,  drainent  ce  massif. 

Saint- Pierre  se  trouve  au  S.O.  du  volcan,  au  bord  de  la 
mer,  près  de  la  rivière  Roxelane,  en  face  d'une  échancrure 
aboutissant  à  une  profonde  cavité  en  entonnoir  à  bords 
presque  verticaux  de  plus  de  300  mètres  de  hauteur,  limitée 
au  Nord  par  l'arête  du  Petit  Bonhomme,  a  l'Est  par  le 
Morne  La  Croix,  au  Sud  par  la  Petite  Savane.  C'est  cet 
eatonnoir,  l'Etang  Sec,  ancien  cratère  d'explosion  ou  Cal- 
deira,  qui  est  le  cratère  actuel. 

Au  mois  de  juin  1902,  à  notre  arrivée  à  la  Martinique, 
toute  la  partie  N.  0.  de  l'ile  du  cratère,  jusqu'à  l'îlot  de  la 


76   l'éruption  de    la    montagne   pelée   a    la    MARTINIQUE 

Perle  et  du  Garbet,  apparaissait,  pour  ainsi  dire  comme  un 
paysage  de  cauchemar. Nulle  trace  de  végétation. De  l'épais 
linceul  de  cendre  grise  qui  recouvrait  le  sol,  profondément 
raviné,  émergeaient,  surtout  vers  Saint-Pierre,  des  ruines 
lamentables  d'arbres  ou  de  murailles.  Dans  Saint-Pierre, 
c'était  pire  encore,  les  amas  de  maçonnerie,  les  débris  de 
meubles,  d'arbres  étaient  jonchés  de  cadavres  parfois  dissi- 
mulés sous  une  mince  couche  de  cendre,  et  qu'il  fallait 
enjamber  lorsqu'on  les  voyait.  Tout  cela  sous  un  soleil  de 
plomb,  au  milieu  d'une  odeur  écœurante  et  d'innombrables 
essaims  de  mouches,  dans  une  atmosphère  chargée  de 
cendres.  C'était  un  spectacle  angoissant,  inoubliable,  telle- 
ment poignant  que  nous  ne  songions  pas  à  rompre  le  lourd 
silence  qui  étreignait  cet  enfer  de  dévastation. 

Des  fumerolles  épaisses, de  puissantes  colonnes  de  vapeurs 
se  dégageaient  de  nombreux  orifices  entre  la  mer  et  le 
sommet  de  la  montagne, dans  la  région  de  la  rivière  Blan- 
che et  de  la  rivière  Sèche.  Parfois  de  petites  éruptions 
semblaient  se  produire  à  ces  fumerolles  qui  s'élevaient 
alors  à  plusieurs  centaines  de  mètres,  en  provoquant  de 
fréquents  éboulements  de  terrain. 

On  ne  voyait  rien  du  cratère  obstinément  caché  dans  les 
nuages  ;  mais  parfois,  des  volutes  cuivrées  à  contours  très 
nets,  se  déplaçant  rapidement,apparaissaient  au-dessus  de 
nuages  atmosphériques.  Des  points  lumineux  fixes,  souvent 
très  vifs,  des  traînées  de  feu,  des  grondements  souterrains 
des  pluies  de  cendres  attestaient  cependant  Tactivité  du 
volcan. 

Au  retour  de  notre  première  mission,  malgré  trois  ascen* 
sions  dans  le  brouillard,  si  nous  avions  constaté  la  position 
du  cratère,  la  disposition  à  peu  près  verticale  de  ses  parois, 
l'abondant  dégagement  de  gaz  sulfureuj^  et  chlorhydrique 
qui  s'en  échappaient  avec  un  bouillonnement  intense,  nous 
n'avions  pa3  vu  1q  fond  du  cratère^  nous  ea  ôtigna  réduits 


l'éruption   de  la  montagne  pelée  a   la    MARTINIQUE  77 

h  des  hypothèses  sur  la  nature  et  le  détail  des  éruptions, 
confirmées  pour  la  plupart.  Les  observations  de  M.  Lacroix 
et  les  miennes  permettent  de  combler  cette  lacune. 

A  son  arrivée  à  la  Martinique,  en  octobre  1902,  la  mon- 
tagne, enfin  découverte,  permit  à  M.  Lacroix  de  voir  le 
fond  de  TEtang  Sec.  Il  s'y  était  formé  un  gigantesque  obé- 
lisque de  lave  solidifiée,  un  dôme  qui  allait  sans  cesse  se 
modifiant,  et  dont  M.  Lacroix  suivit  pendant  si*  mois 
l'évolution  avec  une  attention  passionnée.  J'ai  aussi  étudié 
avec  soin  les  variations  de  ce  dôme,  surtout  la  marche  de 
son  ascension,  car  après  six  mois  d'observations,  j'avais  pu 
me  convaincre  qu'il  se  comportait  comme  une  sorte  de  flot- 
teur à  maximum  se  soulevant  avec  la  montée  de  lave,  et 
restant  ensuite  en  place.  Des  ascensions  du  dôme,  de  10  û 
20  mètres  dans  une  journée,  annonçaient  sûrement  l'im- 
minence d'une  éruption.  Cette  observation,  avec  d'autres 
du  même  genre,  m'a  été  particulièrement  utile  dans  la 
prévision  des  éruptions. 

L'existence  du  dôme  a  singulièrement  modifié  l'aspectde 
la  montagne  -Pelée.  Au  commencement  de  1903,  son  im- 
mense masse  souvent  incandescente,  avec  son  panache  de 
vapeurs,  attirait  les  regards  des  navigateurs  à  plus  de  60 
milles  ;  on  l'apercevait  déjà  nettement  par  le  travers  de 
Roseau  en  face  de  la  Dominique.  Je  l'ai  même  vue  par 
temps  exceptionnellement  clair  de  la  Soufrière  de  la  Gua- 
deloupe. Son  aspect  était  plus  imposant  encore  lorsque, 
faisant  l'ascension  par  l'Est,  Vive,  Savane  Monand,  Mor- 
ne Balai,  on  arrivait  au  bord  du  plateau  des  Palmistes. 
Cette  gigantesque  aiguille  de  500  mètres  de  diamètre  qui 
se  dressait  d'un  seul  jet  jusqu'à  une  altitude  de  1 .500  mètres, 
en  mars,  jusqu'à  1.630  mètres  en  mai  1903,  dépassant  de 
400  mètres  le  sommet  de  la  montagne,  était  vraiment  im- 
pressionnante. La  face  orientale,  convexe,  lisse,  striée, 
contrastait  avec  la  face  occidentale,irrégulière,  craquelée, 


78   l'éruption   de   la   montagne   pelée  a  la   MARTINIQUE 

en  voie  continuelle  de  démolition.  Depuis  le  31  mai  1903, 
où  l'aiguille  perdit  100  mètres  pendant  une  éruption,  Tas- 
cension  de  la  masse  n'a  plus  compensé  les  pertes  par  ébou- 
lement,  et  le  dôme  présente  depuis  190 1  la  forme  d'une 
masse  coniiiue  d'éboulis  surmontée  par  des  dykes  de  lave 
compacte  dont  la  hauteur  reste  voisine  de  1.150  mètres. 

Les  éboulis  du  dôme  ont  graduellement  remblayé  Tiin- 
mense  caldeira  de  l'J^tang  Sec.  Au  début  de  l'éruption,  le 
fond  de  celte  cuvette  se  trouvait  vers  900  mètres,  des  mu- 
railles à  peu  près  verticales  atteignant  près  de  400  mètres 
de  hauteur  à  l'Kst,  versleM(^rne  La  Croix,  le  séparaient  du 
reste  de  la  montagne. 

Au  Nord,  vers  le  Petit  Bonhomme  et  la  rivière  du  Prê- 
cheur, les  éboulements  ont  non  seulement  fait  disparaître 
la  rainure  qui  existait  entre  le  dôme  et  les  lianes  de  la  cu- 
vette, mais  ils  ont  recouvert  les  bords,  de  .sorte  que  dans 
tout  ce  quadrant  N,les  éboulis  ont  oblitéré  le  cratère. Dans 
la  partie  orientale,  le  fond  de  la  rainure  n'est  pas  à  plus  de 
30  mètres  du  plateau  des  P<ilmist(»s.  I^e  moment  n'est  pas 
loin, l'activité  persistant, où  lecratère  oura  complètement  dis- 
paru et  où  il  ne  subsistera  de  l'appareil  volcanique  si  curi<*ux 
qui  s'était  formé  et  quicaractérise  les  cumulovolcans,  que  le 
sommet  du  dôme  émergeant  du  talus  d'éboulis. 

Null(î  part  dans  le  critère  on  n'aperçoit  de  crevasses  béan 
tes  avec  lave  bouillonnante  comme  on  pourrait  le  sup- 
poser. L'arrivée  de  la  lave  se  produit  dans  la  masse  du 
dôme  par  des  fentes  nombreuses,  généralement  étroites, 
jalonnées  par  des  vapeurs.  Pendant  la  nuit,on  voit  ces  fentes 
s'illuminer,  devenir  rouges  ou  même  rouge-vif,  puis  s'as- 
sombrir graduellement. 

Souvent  des  Ilots  de  cendres  incandescentes  avec  des 
blocs  de  lave  d'un  rouge  plus  éclatant. bc  préci|)ifenten  cas- 
cades lumineuses  au  vS.O.  sur  les  flancs  du  talus  d'éboulis. 
D'autres  fois, l'aiguille  devient  toute  entière  incandescente 


l'éruption  de  la  montagne  pelée  a  la   MARTINIQUE    79 

avecdws  zébrures  d'un  blanc  éblouissant,  des  cascades  de 
feu  jaillissant  t;t  ruissellent  sur  les  flancs;  mais  ce  merveil- 
leux si)iH'ta<*hî  est  vite  voilé  par  d'épaisses  vapeurs,  parfois 
silluniuiesd'éi'lînrset  accompagnées  de  sourds  grondements. 
Mais  alors,  ce  n'est  plus  le  processus  régulier,  tranquille 
qui  av.iit  permis  l'édification  de  l'aiguille,  par  la  montée 
ieiito  d'une  lave  visqueuse,  très  peu  lluide  (connue  sous 
lenom  d'Andésite)  (fui  à  t700*^  restait  pâteuse,  incapable 
do  couler  comme  un  liijuide  etse  solidifiait  sur  place. C'était 
au  r(Mitraire  un  phénomène  destructif,  violent,  faisant  sau- 
ter fKirfois  une  partie  considérable  du  dôme,  une  véritable 
expiusion,  en  nudité,  une  éruption. 

CVst  là,  tMi  eiïet,  la  caractéristitjue  des  éruptions  de  la 
lU'jiiliigne  Peî<?e.  Ce  sont  de  formidables  explosions  dont 
If'splus  fortes  ex[)losionsdedynamite,Lagoubran  ou  autres, 
Ufiiousdonnentqu'u  no  idée  bien  alïaiblie.Oue  penser,enefTet 
'lune  explosion  capable  de  projeter  un  bloc  de  200  mètres 
cubes, pesa  lit  520  tonnes,  à  6  kilomètres  du  cratère,  qui,  à  10 
kilomètres  de  son  orij^ine  conserve  encore  une  pression 
daij  inoins  20()  kgs  par  mètre  carnî,  et  une  vitesse  de  dé- 
pî'H't.vnent  de  '^0  mètres  à  la  seconde  ! 

J"  n'ai  assisté  à  au(!un  grand  |^iroxysme,mais  en  revan- 
che, j'ai  i:»bs»'rvé  Souvent  de  très  près,  [»lus  de  oO  fortes 
•éruptions  arrivant  parfois  à  8  kilomètres  du  cratère. 

Tne  de  ces  éruptions  était  [irécédée  de  quehiucs  phé- 
n'unènes  précursfMirs  :  ascension  plus  rapide  île  l'aiguille, 
'l'>i^;«iî<jnient  île  vapeurs  plus  iilx.uidantes  au  cratère,  points 
l'iiiiineux  [)lus  vifs|»endant  la  nuit  projections  verticales  fré- 
'J'i'Mitos  lie  vapeurs  tvM ni Tîcs  de  roux  [)ar  la  ciîndre.formation 
'1  ui:  panache  île  vH[)eui's continu, [>arfois  très  lUevé  etcourbé 
^K'uost  par  l'alizé  ;  ••lèvati(.>n  de  la  tempi'^ralure'les fum..ro- 
It's  (],;  \i\    llivière  Hl.iuclie  ;  grundements  plus  fréquents. 

h'«'']U|)lion  débute  par  des  grondements  sourds  souter- 
•"î^ins,  suivis  de  grondements  plus  éclatants,  précipités,  ac- 


80    l'éruption   de   la  montagne  pelée  a  la  MARTINIQUE 

compagnant  rémission  d'un  nuage  rouge  ou  cuivré,  s( 
déplaçant  rapidement  et  atteignant  en  quelques  secondes 
d'énormes  dimensions. 

Ce  nuage  éruptif  désigné  par  M.  Lacroix  par  le  nom  de 
nuée  ardente,  pour  rappeler  la  température  élevée,  et  non 
son  état  d'ignition,  ou  plus  fréquemment  nuage  dense  à 
cause  de  son  poids  et  de  son  allure,  est  formé  de  circonvo- 
lutions très  distinctes,  roulant  les  unes  su^*  les  autres. 
L'émission  du  nuage  a  généralement  lieu  ô  la  séparation 
des  talus  deboulis  et  du  dôme,  par  une  crevasse  ou  un 
point  incandescent  pendant  la  nuit,  mais  quelquefois  aussi, 
par  un  point  quelconque  de  l'aiguille.  Dès  sa  sortie,  le  nuage 
dense  se  précipite  sur  les  pentes  du  talus  d'éboulisdeia 
haute  vallée  de  la  rivière  Blanche, avec  une  vitesse  moyenne 
de  120  à  150  kilomètres  (les  quatre  premiers  kilomètres  sont 
généralement  franchis  en  moins  de  deux  minutes)  son  al- 
lure se  ralentit  un  peu  dès  qu'il  atteint  la  partie  élargie  de  la 
vallée, et  arrive  à  la  mer  après  un  parcours  de  7  kilomètres 
en  quatre  ou  sept  minutes.  Ce  déplacement  horizontal  du 
nuage  est  accompagné  d'un  mouvement  ascensionnel  très 
marqué,  la  pointe  du  nuage  reste  toujours  sur  le  sol,  mais 
en  arrière  les  volutes  se  dilatent  et  en  quelques  minutes 
atteignent  3.000  et  4.000  mètres  de  hauteur. 

C'est  un  spectacle  saisissant  que  celui  de  cette  énorme 
masse  se  développant  avec  une  rapidité  effrayante  sur  10 
ou  15  kilomètres  de  longueur  et  3.000  ou  4.000  mètres  de 
hauteur,  avec  ses  volutes  cuivrées,  mobiles,  parfois  sillon- 
nées d'éclairs. 

Les  nuages  denses  sont  formés  en  partie  par  de  la  vapeur 
d'eau,  avec  de  faibles  quantités  do  gaz  chlorhydrique  et 
sulfureux, tenant  en  suspension  des  cendres  et  quelques 
lapilli  de  la  grosseur  d'une  noisette  ou  d'un  œuf  de  pigeoi 
qui  tombent  en  pluie  fine  après  l'éruption.  Le  parcours  di 
nuage  reste  sillonné  par  une  traînée  paraissant  neigeuse  d 


L  ÉRUPTION  DE  LA    MONTAGNE   PELÉE   A    LA   MARTINIQUE  81 

cendre  blanclie,  devenant  vite  d'un  blanc  rosé,  qui  tranche 
sur  la  couleur  plus  sombre  des  cendres  anciennes.  La  tem- 
pérature de  ces  nuées  ardentes  est  assez  élevée  et  doit  être 
d'au  moins  lOOO^  au  voisinage  (in  cratère.  Celle  des  cendres 
se  conserve  au.ssi  très  longtemps.  Le  13  Juillet  1902,  des 
thermomètres  gradués  jusrju'^  2r)0'\  cassaient  à  bloc  dans 
la  cendre  de  Térufition  du  9,  et  l'un  des  matelots  créoles  du 
J^^'ffroy,  qui  m'apportait  un  thermomètre  à  échelle  plus 
étendue,  fut  fortement  brûlé  en  traversant  cette  cendre 
avec  les  jambes  nues  et  dut  entrer  à  l'hôpital  (brûlures  du 
second  degré).  L'eau  de  mer  touchée  par  un  nuage  dense 
est  encore,  à  100  mètres  du  rivage  deux  heures  après  le 
passage  de  l'éruption,  à  i2"  au  lieu  de  27. 

La  force  de  ces  nuées,  môme  des  nuées  moyennes,  est 
suffisante  pour  emporter  des  blocs  de  plusieurs  milliers  de 
kilogrammes  ,^ur  un  parcours  de  plusieurs  kilomètres  et  de 
les  jeter  à  la  mer  comme  je  l'ai  constaté  parfois. 

Il  est  certain  que  de  pareilles  nuées  en  pleine  marche, 
anéantissent  tous  les  (*îtres  vivants  qui  se  trouvent  sur  leur 
passage  :  leur  force  balistique,  leur  température,  les  cen- 
dres qui  obstruent  rapidement  les  voies  respiratoires,  sont 
autant  d'agents  mortels. Deux  fois,  en  août  et  en  septembre 
1903,  j'ai  été  surpris  par  des  éruptions  dans  la  rivière 
Blanche,  où  j'allais  régulièrement  prendre  la  température 
des  fumerolles,  surtout  pendant  les  périodes  de  grande 
activité. Fort  heureusement  les  nuages  se  sont  arrêtés  entre 
2rX)  ou  300  mètres  avant  de  m'atteindre.  Je  me  suis  trouvé 
enveloppé  par  le  nuage  une  ou  deux  minutes  après  qu'il 
eut  perdu  sa  vitesse  et  je  n'eus  pas  à  souffrir  de  sa  force 
mécanique  ;  mais  lu  température  intolérable  de  fournaise, 
la  suffocation  provoquée  par  les  cendres  et  la  sensation  gé- 
nérale de  brûlure,  beaucou[)  plus  que  l'existence  de  gaz 
sulfureux  et  chlorhydrique,  cependant  perceptibles,  m'ont 
convaincu  que  la  vie  ne  pouvait  se  prolonger  plus  de  dix  à 

6 


82  l'ÂRUPTION  DB   la  MONTAONB  pelée  a    la   MARTINIQUE 

quinze  minutes,  même  dans  ces  conditions.  La  mort  serait 
foudroyante  si  Ton  était  touché'par  le  nuage  encore  en  voie 
d'expansion. 

Ces  nuages  denses  se  sont  reproduits  très  nombreux  de- 
puis le  début  des  éruptions.  Pendant  la  période  août-sep- 
tembre 1903,  il  s*en  est  déversé  plus  de  deux  cents  sur  la 
rivière  Blanche  pour  la  plupart.  Quelques-uns,  le  17  sep- 
tembre 1903  notamment,  se  sont  épanchés  sur  le  versant 
Est  et  sont  descendus  jusqu'à  l'altitude  de  700  mètres  vers 
des  cases  que  j'avais  fait  évacuer,  non  sans  peine,  l'avant 
veille. 

Quelle  est  l'origine  de  ces  nuages  ?  Ils  résultent  comme 
je  vous  l'ai  dit,  de  véritables  explosions,  comparables  à 
celles  de  gigantesques  fougasses  ou  mines  souterraines. 
L'agent  explosif  n'est  autre  que  la  vapeur  d'eau  qui  au- 
dessus  de  800®  possède  la  même  force  explosive  que  la  dy- 
namite. Or,  les  températures  dans  le  magma  ne  sont  pas 
inférieures  à  1700  ou  1800®.  Lorsque  les  amas  de  vapeur 
d'eau  formant  d'énormes  soufflures  dans  la  masse  de  lave 
fondue,  arrivent  à  une  tension  suffisante  par  suite  de  1> 
fusion  de  plusieurs  de  ces  bulles  en  une  seule,  fusion  qui 
est  accompagnée  de  grondements  précurseurs  de  l'éruption, 
ils  se  détendent  avec  une  force  suffisante  pour  briser  et 
pulvériser  un  point  de  la  carapace  du  dôme,  se  propagent 
au  dehors  avec  la  vitesse  que  nous  avons  vue,  entraînant  de 
la  cendre  (ou  lave  porphyrisée),  et  lançant,  comme  autant 
de  projectiles,  les  blocs  arrachés  à  la  masse  de  lave  ou  aux 
parois  de  la  cheminée.  Les  petites  éruptions  n'entraînent 
généralement  que  des  lapilli  assez  petits  ou  des  fragments 
de  cheminée,  tandis  que  les  amas  de  lave  projetés  è  l'état 
pàleux,  sous  forme  de  bombes  n'apparaissent  que  lors  d'é- 
ruptions graves. 

L'importance  de   l'éruption  dépend   uniquement  de  la 
masse  de  la  vapeur  d'eau  qui  se  détend.  D'après  l'examen 


l'ÉRL'PTION    de  la  montagne   pelée  a    la  MARTINIQUE  83 

des  faits  et  les  récits  des  ^témoins  oculaires,  il  suffit  d'exa- 
gérer rintensîté  des  nuages  denses  et  de  leurs  effets  pour 
conceToir  les  paroxysmes. 

Le  nuage  dense  sillonné  de  nombreux  éclairs,  est  beau- 
coup plus  volumineux  et  s*étale  d'avantage,  recouvrant  à 
10  kilomètres  du  cratère  un  secteur  de  5  à  10  kilomètres 
au  Heu  d'avoir  une  largeur  moyenne  de  1  kilomètre.  La 
force  de  projection,  beaucoup  plus  forte,  est  capable  de 
lancer  les  cendres  et  les  lapilli  dans  la  région  des  vents 
contre-alizés  qui  les  disséminent  ensuite  sur  de  vastes  sur- 
faces :  les  cendi^s  de  Téruption  du  8  mai  sont  tombées  sur 
toutes  les  Petites  Antilles,  sur  la  côte  du  Venezuela  et  jus- 
qu'à Panama,  à  plus  de  1.000  kilomètres.  • 

Les  détonations  qui  précèdent  et  accompagnent  rémis- 
sion du  nuage  dense,  se  progagent  à  d'énormes  distances. 
Celles  du  8  mai  ont  été  entendues  jusque  dans  l'intérieur 
du  Venezuela  et,  fait  curieux,  ce^  détonations  ne  sont 
jamais  rapportées  à  leur  origine  :  le  8  mai,  les  habitants  de 
Fort-de-P'rance  les  attribuaient  à  des  tirs  de  guerre  d'une 
flotte  dans  le  Sud  de  la  Martinique. 

Des  blocs  parfois  très  volumineux  sont  arrachés  à  la 
masse  de  lave,  projetés  en  Tair,  où  ils  se  refroidissent  brus- 
quement et  acquièrent  une  croûte  fendillée,  craquelée,  et 
retombent  autour  du  cratère  en  se  brisant  et  en  faisant  des 
trous  comparables  à  ceux  de  véritables  obus.  En  juin  et 
juillet  1902,  la  partie  au  Sud  du  cratère,  était  ainsi  criblée, 
jusqu'à  près  de  2  kilomètres  d'innombrables  trous  occupés 
par  les  bombes  souvent  brisées  qui  parfois  môme  semblaient 
avoir  explosé;  le  terrain  avait  subi  un  bombardement 
effrayant.  Des  blocs  de  plusieurs  centaines  de  mètres  cubes, 
sont  arrachés  aux  parois  de  la  cheminée  ou  au  dôme  et 
entraînés  jusqu'à  7  et  8  kilomètres.  Les  effets  destruc- 
teurs sont  aussi,  cela  se  conçoit,  incomparablement  plus 
paissants. 


84   l'éruption  de  la  montagne   pelée   a   la    MARTINIQUE 

D*dprès  ce  qui  a  été  dit  sur  les  nuages  denses,  il  nous  est 
possible  maintenant  d'aborder  Tétude  de  l'éruption  du  8  mai 
et  de  comprendre  l'effrayante  catastrophe  de  Saint-Pierre, 

(A  suivre)  Jean  Giraud 

.W«i/re  de  Conférences  à  VUniversité  de  Clermont-Ferrané 


lia  poirmation  d'un  Liaé 
dans  le  déseitt  da  Colot^eado 


Tout  au  fond  du  golfe  de  Californie,  sur  la  frontière  du 
Mexique,  se  trouve  le  désert  du  Colorado,  limité  sur  trois 
côtés  par  de  la  montagne,  et  à  TEst  par  la  rivière  du  Colo- 
rado qui  descend  se  jeter  dans  ce  golfe.  Ce  désert,  qui  eât, 
pour  la  plus  grande  partie,  en  contrebas  du  niveau  de  la 
mer,  a  à  peu  près  la  superficie  d'un  département  français* 

Jusqu'à  une  époque  récente,  il  était  digne  de  son  nom, 
aride  et  inhabité.  Dans  un  coin,  toutefois,  l'homme  s'était 
établi,  attiré  non  par  les  beautés  du  site,  mais  par  le  sel. 
La  mer  a  autrefois  possédé  le  désert  du  Colorado,  et  à 
Salton  Sink  (le  Creux  de  Salton),le  point  le  plus  en  contre- 
bas de  la  mer  et  qui  doit  être  celui  où  les  eaux  salées  ont  le 
plus  longtemps  persisté,  il  y  avait  un  dépôt  de  sel  considé- 
rable, le  résidu  de  l'évaporation.  Salton  Sink  était  un  lac 
de  sel  solide,  contenant  des  milliers  et  des  milliers  de 
tonnes  de  Tindispensable  élément.  On  ne  pouvait  laisser 
inexploitée  cette  saline  :  une  compagnie  s'attela  à  la 
besogne,  employant  un  nombre  considérable  d'ouvriers,  et 
faisant  d'excellentes  affaires;  Texploitation  était  très  aisée  « 
Ainsi  naquit  une  ville,  appelée  Salton. 

Une  autie  se  développa  tout  au  fond  du  désert,  grâce  aU 
chemin  de  fer  Southern  Pacific  qui  passe  par  là  :  d'impdjr  ' 
tants  ateliers  de  cette  compagnie  furent  le  noyau  autour 
duquel  se  développa  Indio  qui,  par  surcrotttest  devenu  une 
station  sanitaire.  Indio  a  une  population  asse2  nombrease^v 
Quelques  autres  localités  de  moindre  importance  sont  ré' 
parties  tout  autour  du  désert,  au  pied  de  la  montagaei  A  . 


86  LA  FORMATION  d'uN  LAC  DANS  LE  DÉSERT  DU  COLORADO 

des  niveaux  variant  de  4  mètres  60  à  79  mètres  au-dessous 
du  niveau  de  la  mer. 

Il  y  a  cinq  ans  environ,  sous  Tinfluence  du  mouvement 
considérable  qui  s'est  fait  aux  Etats-Unis,  depuis  dix  ou 
quinze  ans,  en  faveur  de  l'irrigation,  laquelle  a  d'ailleurs 
fait  des  merveilles  et  considérablement  accru  la  richesse 
nationale,  quelques  personnes  qui  savaient  que  rien  n'est 
plus  fertile  qu'un  désert  quand  on  réussit  à  l'arroser,  s'avi- 
sèrent de  transformer  le  désert  du  Colorado  en  un  jardin 
maraîcber.  Ce  fut  facile.  Un  canal  fut  établi  qui,  de  Yuma, 
où, à  un  niveau  supérieur,il  s'ouvrait  dans  la  rivière  Coiorado, 
conduisit  les  eaux  de  celle-ci  jusqu'au  milieu  du  désert. 
Celui-ci  ne  demandait  qu'à  travailler,  depuis  le  temps  qu'il 
ne  faisait  rien,  et  sa  fécondité  fut  telle  que  bien  vite  une 
ville  naquit.  C'était  Impérial,  —  les  démocraties  affection- 
nent les  noms  fastueux,  —  située  au  beau  milieu  du  désert. 
Entourée  en  un  clin  d'œil  d'une  nuée  de  fermes,  la  cité 
nouvelle  fut  très  prospère  :  en  quatre  ans,  elle  se  trouvait  à 
la  tête  de  10,000  habitants. 

Il  se  peut  fort  bien  que  dans  quatre  ans  elle  n'en  compte 
plus  un  seul  et  soit  rentrée  dans  le  néant. 

Et  voici  pourquoi.  Quand  on  établit  le  canal,  qui  en  réa* 
lité  était  pour  la  plus  grande  partie  le  lit  desséché  d'une 
rivière  qui  ne  pouvait  plus  tenir  ses  engagements,  on  fit 
trois  prises  d'eau  ;  le  canal  était  à  son  origine  presque 
parallèle  à  la  rivière  Colorado.  Mais  on  négligea  de  pour- 
voir ces  prises  d'eaU  d'écluses  permettant  de  modérer  ou 
de  supprimer  temporairement  l'irrigation. 

On  devine  ce  qui  se  passa.  Le  flot  de  la  rivière  rongea  les 
rives  :  les  prises  s'élargirent  de  jour  en  jour,  d'autant  plus 
aisément  que  le  sol  est  très  meuble,  formé  de  terres  d'allu* 
Tien.  Quelques  crues  accélérèrent  la  marche  des  choseSi 
et  maintenant  toute  Teau  du  Colorado  s^engouflre  dans 
lei  trois  prises  du  canal  d'irrigation  ;  plus  une  goutte  oi 


LA   FORMATION  d'uN  LAC  DANS  LE  DÉSERT  DU  COLORADO    87 

s^écoule  par  la  partie  inférieure  du  lit  de  la  rivière,  qui  est 
totalement  à  sec.  Toute  la  rivière  se  déverse  dans  le  désert 
sans  qu*on  puisse  Ten  empêcher. 

La  première  conséquence  de  cette  affaire  a  été  de  noyer 
Salton.  L*eau  va  invinciblement  au  plus  bas,  comme  cha- 
cun sait  Elle  a  suivi  les  pentes  tout  naturellement,  et  a  été 
faire  i%ite  au  sel  tout  d'abord.  Uancien  fond  de  lac  salé  est 
m  le  venu  lac,  et  a  8l)sorbé  l'eau  avec  enthousiasme.  Les 
sauniers  voient  cela  de  mauvais  œil,comme  bien  on  pense; 
mais  qu'y  faire  ?  Rien,  rien  que  reculer.  Chaque  jour  l'eau 
montait»  et  chaque  jour  aussi  la  ville  de  Salton  reculait. 
Maintenant  toute  la  population  a  émigré,  ne  se  sentant  pas 
pousser  les  nageoires  requises  ;  la  saline  est  dissoute  dans 
Teau  de  rivière,  et  la  ville  entière  git  sous  plusieurs  mètres 
d'eau.  La  rivière  qui  fit  naître  Impérial  a  fait  périr  Salton. 

Mais  ce  n'est  que  le  commencement.  La  séance  continue. 
La  rivière  continue  À  se  répandre  tout  entière  dans  le  désert. 
Chaque  jour  Salton  Sea  s'étend  et  devient  plus  profonde.Le 
paysage  change  chaque  jour.  Les  Ilots  qui  émergeaient 
eocore  disparaissent  après  s'être  progressivement  réduits. 
Les  terres,  les  cultures,  les  fermes,  tout  cela  plonge  à  son 
tour.  La  dépression  se  remplit  peu  à  peu,  et  ceci  inquiète 
fort  les  habitants  d'Impérial,  et  aussi  des  localités  situées 
sur  le  pourtour  du  désert.  Car  les  cotes  d'altitude  sont  là 
pour  indiquer  Tordre  des  uoyades,  et  il  est  évident  que  si 
Ton  ne  se  rend  pas  maître  de  la  rivière,  tout  ce  qui  se  trou« 
ve  au-dessous  du  niveau  de  la  mer  sera,  dans  un  temps 
donné,  forcément  noyé.  Âfiaire  de  temps.  Telles  localités 
disparaîtront  dans  deux  ou  trois  ans  ;  telles  autres  dans 
dix  ans  ou  plus,  Impérial,  qui  a  noyé  Salton  sera  noyée  à 
son  tour.  Le  chemin  de  fer  n^est  pas  moins  mécontent.  Sur 
un  trajet  assez  long,  il  a  fallu  abandonner  la  voie  qni 
maintenant  est  sous  Teau,  et  en  construire  une  autre,  plus 
baot  placée  {  maie  il  faudra  reooœxneQcer* 


88    LA   FOriMATION  n'UN  lac:  dans  LK  DKSKIIT  DU  COLORADO 

Devantco  iK';ril  pu])lic,(la  ^  riiirroyablo  iinpéritiede  ceux 
qui  çnlreprirent  (i*arrosor  lo  désert,  on  a  pourtant  pris  le 
parti  d'agir. On  a  (essayé  ilarrùtcr  renvaliissement  des  eaux. 
Mais  ce  s(»ra  cIdso  dilïii-ilo.  f/iiuprév.)y;ince,  l'i-rnor.nice 
(jui  ont  présidé  h  l'oiTeur  initiale  ont  wté  telles,  qu'il  s«M'.t  à 
peu  près  impossible  (U*  corriger  celle  ci. 

Le  lac  avait  Gi  kilomètres  de  longueur  et  16  de  luigdur 
à  la  fin  de  1^)05.  Dès  lo  mois  de  m-us  lî)!}."),  en  avait  essayé 
d'établir  une  barrière  en  travers  di»s  [)rises  d'eau.  Nbiis  la 
rivière,  ayant  {)ris  goût  au  vagabondage»,  refusa  de  rélnlé 
grer  son  lit  et  brisa  l'obstacle.  Pendant  les  «juatre  inuis(]ui 
suivirent,  on  riMiouvela  quatre  fois  la  tentative,  bv^m*  un 
égal  insuccès.  I^a  sixième  fut  [«lus  sérieusement  nu-née. 
On  comprenait  qu'il  fallait  des  travaux  plus  solides.  IKux 
cents  ouvriers  furent  employés  nuit  et  ]onc  à  construire  un 
barrage.  Celui  ci  paraissait  devoir  donner  salisfaction,inais 
la  crue  de  novembre  1905  la  mit  en  pièces. 

En  janvier  11X)<),  le  cbemin  de  fer  Soutbern  Pacifie  mit 
la  main  à  la  pâte  ri  s'entendit  avec  des  entrepreneurs  pour 
une  nouvelle  tentative.  Toute  l'année  dernière  on  a  travail- 
lé d'arraclie-pied,  et  au  mois  de  novembre,  la  compagnie 
avait  dépensé  7  millions  et  demi  et  pensait  avoir  atteint  son 
but,  tout  en  prévoyant  de  nouveaux  travaux  pour  consoli- 
der les  berges  de  la  rivière  au  voisinage  du  canal  et  erapé- 
cber  l'eau  de  se  frayer  une  nouvelle  route  lui  permettant  de 
continuer  à  rem[)lir  le  creux  de  Salton. 

Mais  en  décembre  tout  espoir  a  été  enlevé.  G  ne  crue  s'est 
produite  le  7  décembre,  et  la  rivière  est  revenue  à  son 
pécbé.  La  situation  est  aussi  mauvaise  que  par  le  passé; 
plus  mauvaise  même,  car  les  bruches  s'élargissent.  U 
chemin  de  fer  se  déclare  impuissant  et  appelle  le  gouver 
nemenl  à  son  secours. 

bi  Ton  ne  réussit  pas  à  se  rendre  maître  du  fleuve,  un 
mer  intérieure  se  formera)  ayaiitles  dimensions  du  grac 


U  FOKMATION  d'uS  LAC  DANS  LK  DKSKRr  DU  COLORADO   89 

IncSaléde  rUtali,(ît  toiito  la  vallé:>  îriinpérial  périra  comme 
le  reste  du  Jésert.  Le  lac  s'étendra  peu  à  peu,  devenant  de 
plus  en  plu  pro.'ond  aussi  ;  il  atteindra  non  seulement  le 
niveau  de  la  mer,  mais  un  niveau  supérieur.  La  dépression 
deSallon  est  entourée  au  Su  l-l\st  par  une  frange  déterres 
plus  hautes  dont  l'altiludo,  au  point  le  plus  bas,  est  de 
1) mètres  au-dessus  du. niveau  de  la  mer.  Une  fois  remplie 
jusqu'à  ce  niveau,  elle  aura  atteint  son  maximum  :  l'eau 
s'écoulera  par-dessus  la  frange  et  ira  retrouver  la  rivière 
Colorado,  et  par  là  se  jeter  dans  le  golfe  de  Californie.  La 
rivière,  en  somme,  se  sera  écartée  de  son  cours  pour  aller 
furuier  latéralement  un  lac(|ue  le  sel  du  creux  de  Salton 
fera  lac  salé,  mais  qui  se  dessalera  fatalement  avec  le  temps 
au  profit  de  la  mer. 

Ce  ne  sera  pas  .sans  avoir  occasionnelle  grandes  pertes. 
ÎSalton  n'est  plus  ;  le  chemin  de  fer  h  beaucoup  soutïert  ; 
Impérial  et  beaucoup  de  localités  seront  submergées. 

Nombre  de  gisements  d'intérêt  conunercial  seront  perdus: 
desgisements  de  nitrate,  sulfate  ou  carbonate  de  soude; 
des  gisements  déminerais  rares,  des  sources  de  pétrole  et 
d'asphalte,  des  bancs  de  soufre,  des  mines  de  pierres  pré- 
cieuses. Les  minerais  d'or,  d'argent  et  de  cuivre  des  mon- 
tagnes environnantes  resteront  accessibles  sans  doute, mais 
le  reste  aura  disparu. 

Voilà,  du  moins,  ce  qui  aura  lieu  si  Ton  ne  réussit  pas  à 
contraindre  la  rivière  :  au  total,  l'engloutissement  de  dix 
villes,  et  d'un  territoire  très  fertile,  grand  comme  un  de  nos 
tlépartements,  et  riche  en  ressources  minérales. 

On  n'a  devant  soi  que  peu  de  temps  pour  agir.  Il  faut 
avoir  réussi  avant  six  mois.  Chaque  jour  rend  la  tâche  plus 
malaisée,  à  cause  de  l'élargissement  progressif,  inévitable, 
des  brèches. 

Nous  saurons  donc  avant  peu  si,  au  fond  du  golfe  de 
Californie,  il  faudra  désormais  aur  les  cartes  dessiner  ug 


90   LA   FORMATION  D*UN  LAC  DANS  LE  DÉSERT  DU  COLORADO 

vaste  lac,  ou  s*il  faudra  continuer  à  représenter  de  la  terre 
ferme. 

En  tout  cas,   Taventure  est  intéressante.  Car  oq  sait 
maintenant  qu'elle  a  eu  de  nombreuses  devancières.  Il  est 
souvent  arrivé  aux  Etats-Unis  et  en  France,  et  un  peu  par- 
tout,que  des  rivières  aient  changé  de  cour.«(,quedes  rivières 
se  soient  frayé  dès  routes  nouvelles  en  creusant  et  détrui- 
sant leurs  bords,en  se  faisant  un  lit   nouveau.  C'était  uo 
phénomène  d'occurrence  très  fréquente  dans  la  vallée  du 
Mississipi  avant  la  civilisation,  lesquels  et  les  travaux  d'art. 
Chez  nous,  le  fait  est  rare  maintenant.  Les  rivières  elles- 
mômes,dans  notre  vieuxpays,sont  devenues  traditionalistes. 
Et  surtout  on  les  surveille  et  on  les  contraint  au  respect  de 
l'usage. 

Mais  autrefois,elles  ont  vagabondé, Môme  en  comparant 
les  cartes  d'il  y  a  deux  ou  trois  siècles  aux  cartes  actuelles, 
on  constate  des  différences  appréciables  dans  le  cours  des 
rivières  et  leurs  rapports  entre  elles. 

Mais  l'afEaire  de  Californie  n'a  guère  de  chances  de  se 
produire  chez  nous.  Le  service  de  l'hydraulique  agricole; 
et  d'autres  encore,  ne  permettraient  pas  d'agir  en  France 
avec  la  désinvolture  et  l'impéritie  qui  ont  été  possibles  aux 
Etats-tJnis.  Les  pays  vieux  ont  leurs  inconvénients  et  leurs 
défauts  :  ils  ont  leurs  qualités  et  leurs  avantages  aussi  (1) 

(Le  Temps.)  Henry  db  Variony 

(1)  Le  Président  Booeerelt  Tient  d'adresser  au  Oongrès  un  mesMge  ipèetal  aa  njet  àt 
Balton  Sea.  Après  avoir  mis  en  relief  la  c  criminelle  négligence  »  de  la  compagnie  d'iiri' 
gation»  il  implore  le  seoottis  du  chemin  de  fer  Soathem  Paoiflo  et  diwnand^  10  miUiflO* 
pour  les  travaux-  Quant  à  la  compagnie  d'irrigation,  tUe  len  déoluée  dédiiw.  CTeKl* 
I  qu'on  puisse  faire. 


ACTES  DE  LA    SOCIÉTÉ 


ProcèH'verbal  de  la  Séance  du  Comité  du  26  Mai  1905. 
Prèsidenoe  de  M.  H.  BLOT-LErsvBE,  président. 

Uctore  est  faite  du  procès- verbal  dd  la  précédente  réanion^  qui  est 
*<ioptéiaDs  modification. 

M.  le  Président  Rappelle  rînvitation  faite  par  la  Société  Havraise 
d'Etadee  diTerses,  pour  assister  au  Congrès  des  Sociétés  Normandes 
<lQise  tiendra  en  notre  ville  du  15  au  18  juillet. 

Les  noms  des  membres  désignés  pour  représenter  la  Société  devront 
être  adressés  dans  le  plus  bref  délai  pt)8sible.  M.  Blot-Lefevre,  Loi- 
*eaQ  et  Favier  donnent  leur  adhésion . 

Oommunicatiun  est  ensuite  donnée  d'une  nouvelle  circulaire  du 
CoDgrès  National  des  Sociétés  Franç&iaed  de  Géographie  qui  se  tiendra 
^  Saiot-Ëtienne  du  6  au  11  Août.  Aucun  membre  ne  s'étant  offert  pour 
■^présenter  la  Société  à  ce  Congrès,  il  est  décidé  qu'appel  sera  fait 
auprès  de  la  Société  de  Géographie  Commerciale  de  Paris,  pour  nous 
^ire  représenter  au  26*  Congrès. 

M.  le  Président  donne  lecture  du  règlement  pour  le  Concourt  an- 
liuel  de  Géographie,  lequel  est  maintenu  sans  moditication. 

Il  est  ensuite  procédé  à  la  désignation  des  membres  devant  faire, 
pirtie  des  Commissions  de  choix  et  de   classement.  Sont  désignés  : 

1*  Pour  la  Commission  de  choix  :  MM.  Loiseau,  Favi«r  et  Carton. 

2»  Pour  la  Commission  de  classement:  MM.GuitiOD,Guérin,Schmitt, 
Fritz,  Jacquemin  et  Hubert. 

M.  Favier  ayant  fait  observer  que  certains  membres  de  la  Société, 
parfois  très  désireux  de  consulter  les  guides  Joanne,ne  trouvent  mal- 
beureosement pas  satisfaction  à  la  Bibliothèque,  il  est  décidé  qu'achat 
•ers  £ait  au  fur  et  à  metore  et  suivant  les  ressources  disponiblesi 
dM  difEérenti  |pidM  dtt  provinoet  de  l^xw^  et  dt  l'Alféri». 


92  ACTES   DE   LA    SOCIÉTÉ 

La  parole  est  ensuite  <lunnéeà  M.  Guittou  qui  communique  la  tra- 
duction «run  article  fore  iiitcieasant  d'un  journal  russe  sur  les  Uniates. 

Donnant  ensuite  lecture  d'un  passage  tiré  d'un  ouvrage  de  M.  A. 
Leroy-Boaulieu  «  L'ernpire  des  Tzard  »,  M.  Guitton  s'attache  à  faire 
observer  la  corrélation  qui  existe  entre  cet  ouvrage  publié  en  ISSti  et 
l'article  récent  lu  journal  russe.  Cotte  question  des  Uniates  qui  eut 
un  sujet  de  luttes  et  de  discordes  pour  la  Russie,  n'a  subi  aucan  chan- 
gement depuis  18  ans. 

M.  le  Président  remercie  M.  Guitton  pour  Tintéressinte  communi- 
cation qu'il  a  bien  voulu  faire. 

La  séance  est  levée  à  10  heures. 


Réunion  du  Comité  du  25  Octobre  1905. 

Présidence  de  M  •  H.  BLOT-LKrEvtiB,  président 

La  séance  est  ouverte  à  8  heures  45.  Le  procès-vdrbal  d^  la  séance 
précédente  est  lu  et  adopté  sans  observations. 

M.  le  Président  donne  lecture  de  la  corrcspondiince  :  M.  le  géné^^^ 
Ârchinard  nous  annonce  un  don  de  livres  et  «le  cartes.Notre  délé^^^ 
au  Congrès  de  Saint- Etienne  nous  rend  compte  de  sa  xnîœioQ. 

Puis  il  est  procédé  à  la  présentation  des  nouveaux  membres  : 
MM.  Cappelle  (Joseph),   préseuié  par  MM.  Fritz  et  Boivin 

Speizer  (J.J.)  »  Uauser  et  Ëngelbach. 

Amphoux  (Etienne)       »  »  » 

Mlles  Boila  (Pauhne)  »  Mlles  Kirdohbaum  et  Brûlé 

Marie  (Antoinette)         «  »  t 

Guedeney  (Marie)  •  »  t 

Sauvage  (Marthe)         »  w  t 

Fiedon  (Léoutine)        »  •  et  Vigoaroc^* 

Blanchard  ;Berthe)        v  t  t 

M.  Guitton  donne  lecture  de  son  rapport  sur  le  concours  annuel  c^  ^ 
Géographie  :  s'il  enregistre  avec  plaisir  les  résultats  satisfaisants  d^^ 
compositions  des  jeunes  fiUesi  il  a  le  regret  de  sigualor  la  fsibltd^^^ 
d^ioelles  desgarfoasi 


ACTES   DE    LA    SOCIÉTÉ  93 

M.  le  Président  dénué  connaisMTkce  des  projets  de  coDféreDces  à 
Tétude,  avec  MM.  Funck  BraDtano,  D^"  Charcot^  A.  Gruvel,  Pierre 
Leroy -Beaulieu. 

En  remplacement  de  M.  Boitiér  père,  décédé,  le  Comité  ï  Tunani 
mité  nomme  M.  Boitier  fils,  avocat,  trésorier  de  la  Société. 

M.   Favier  donne  communication  d'une  lettre  d'un  de  ses  amis 
rendant  dans  la  province  de  Son-la  (Tonkin)  contenant  des    détails 
fort  curieux  sur  les  mœurs  des  peuplades  de  cette  région. 
La  séance  est  levée  à  9  heures  45. 


i 


BIBLIOGRAPHIE 


Dictionnaire  manuel-illustré  de  (Mographie,  par 

ÂLBERi  Demangeon.  (Bibliothèque  de  Dictionnaires-tna- 
nuela-illusiréa.  Librairie  Armand  Colin,  rue  de  Mézîè- 
res,  5,  Paris.)  Un  volume  in-18  Jésus  de  860  pages,  relié 
toile,  tr.  rouges.  6  fr. 

Ce  livre,  vraiment  original,  d'une  science  sûre  et  au  courant  des 
acquisilions  les  plus  récentes,  est  cependant  d^une  lecture  nisée  :  il  est 
indispensable  à  quiconque  veut  connaître  c  La  Terre  et  THomme  ». 
—  Af.  Demangeon,  chargé  de  Cours  à  l'Université  de  Lille,  s'est  ad- 
joint comme  collaboratenrs  des  géologues  et  des  géographes  d^aoe 
compétence  éprouvée. 

L'originalité  du. livre  est  de  donner,  outre  la  nomenclature  des 
«  noms  de  lieux  »  que  doit  donner  tout  dictionnaire  de  géographie,  un 
choix  de  «noms  de  choses»,  de  définitions, de  renseignements  relatifs 
aux  différentes  branches  de  la  géographie. 

On  trouvera  dans  ce  livre  les  notions  élémentaires  et  les  définitions 
simples  dont  Tinte!  ligence  devient  indispensable  à  tout  esprit  cultivé. 
Ces  notions  et  ces  définitions  concernent  aussi  bien  la  géographie  na- 
turelle que  la  géographie  économique  et  humaine,  que  Tbistoire  de 
la  géographie  ;  l'atmosphère  ;  les  mers  ;  le  relief  d<rs  contiiien's  ;  la 
géologie  ;  les  roches  ;  la  végétation  ;  les  animaux  domestiques  ;  les 
peuples  et  les  races  ;  les  populations  ;  les  cultures  ;  l««  industries  ;  le 
commerce  ;  les  géographes  ;  les  explorateurs  ;  la  cartographie. 

C'est  une  véritable  encyclopédie  géographique,  et  il  n'en  a  point 
encore  été  publié,  ànn  prix  aussi  modique^  d'aussi  complète  et  d'aussi 
riche  en  renseignements  d'une  réelle  valeur  scientifique  et  pratique. 

L'ouvrage  contient  860  pages  et  est  illustré  de  cartes  et  de  nom- 
breuses figures. 


Onïïages  m  i  la  llolpe  le  la  SoMI! 


Voyage  en  France  —  43*  »éri:  Bégion  pariaenne,  II,  Bst,  La 
Brie,  pur  AuDOOiM-DnxAziT,Pari8,1906, 1  ▼<&.  m-12,  avec  23  cartea 
on  croquis. 

Voyage  en  France  —  44*  série.  Région  parisienne,  III,  Sud, 
Oatinais  français  et  Hante- Beance,  par  Ardouin-Dumâzbt,  Paris, 
1906,  1  vol  in- 12,  avec  19  cartes  on  croquis. 

Auveigne  et  CentrelcoUection  desguides  Jeanne),  par  PanlJoANKB, 
Parie,  1904.  1  vol   in-16,avec  12  cartes  et  13  plans. 

La  Champagne  et  l'Ardenne  (collection  des  guides  Joanne\  par 
Paul  JoANNK,  Piiris,  1906,  1  vol.  in-16.  avec  6  cartes  et  10  plans. 

Bourgogne,  Morvan,  Jura  et  Lyonnais  (collection  des  guides 
Joanne),  par  Paul  Joanne,  Paris,  1902,  1  vol.  in-16,  avec  12  cartes 
et  19  plans. 

Nord-Est  de  la  France,  de  Paris  aux  Ardennes.aux  Vosges  et  au 
Rhône,  manuel  du  voyageur,  par  K.  BiEDBKER, Paris,  1903,  1  vol. 
in-16,  avec  12  cartes  et  21  plans. 

Vosges  —  Alsace  —  Forêt-Noire  (collection  d«>s  guides  Jeanne)» 
par  Pau)  Joanm g, Paris,  1905,1  vol.  in-16,  avec  63  cartes  et  Uplans. 

La  Densité  de  la  Population  dn  Département  du  Nord  au 
XIX*  siècle,  par  Raoul  BLANCHARD.docteurès-lettres.  Lille,  1906^ 
1  broch.  in-8.  avec  53  cartes  on  graphiques  dans  le  texte.  (Envoi 
de  la  Société  de  Géographie  de  Lille.) 

Voyage  aux  Pyrénées,  par  H.  Tainb,  Paris,  1878,  1  vol.  in-16. 
orné  de  nombreuses  gravures. 

Florence  (Les  villes  d*art  célèbres!, par  Emile  Oebhakt. de  l' Acadé- 
mie française,  Paris,  1906,  1  vol.  in-4.  orné  de  176  gravures. 

La  Roumanie  contemporaine,  par  André  Bbllbssobt,  Parip, 

1905,  1  vol.  in-16. 

Troii  mois  au  Kouang-8i.  Souvenirs  d'un  officier  cd  mission^  Paris i 

1906,  1  vol   in-16.  avec  1 6  photographies  hors  texte. 

Deux  années  an  Setchoaen.  Le  Fur- West  chinois,  récit  de  voya- 
ge, étude  géographique,  sociale  et  économique,  par  le  docteur  A. 
F.  Lkobndrb,  médecin-major  de  K*  classe  des  troupes  coloniales, 
directeur  de  T Ecole  de  Médecine  impériale  de  Tchcntou  (Setchouen). 
Paris,  1905,  1  vol.  iu-16,  accompagné  d'une  cnrte  et  de  gravures. 

Hinterland  MoX,  par  Paul  Pattâ,  avec  une  introduction  de  M.  le 
générai  F.  Canonqe  et  nue  lettre  préface  de  M.  le  colonel  Adam  de 
YiLLiBRSyParis,  1906, 1vol.  in-16,  avec  unecarte  et  26  illustrations. 


96  OUVRAGES  REÇUS  A  LA  SOCIÉTÉ. 

Le  Siam  et  les  Siamois,  par  le  (^ommandanl  h).  Lunkt  de  La  ion- 
QUiÈRE.  Paris,  UlO'î,  1  vol.  în-lG 

Exploratioiis  au  Maroc  —  Dans  le  Bled  ee  Siba.  ^liasioD  de 
Segonzac,  pur  Louh  CiENTH,,  docteur  «fs-^cience»,  lueiiibre  de  la 
Miesion.  Parin,  1906,  1  vol.  in  4,  avec  22!>  tigares  dans  le  lexte. 

L'Envers  des  Etats-Unis  par  George  M')keau. Paris,  190ft,  1  vol. 
in-16. 

Le  Canada.  Les  deux  racop,  problèmes  po1iti<|ues  contemporains, 
par  André  SiEOFBrED.  Paris,  1906,  1  vol.  iu-I6 

L'Argentine  au  XX«  siècle,  par  Albert  \f ahtixez,  ancien  sous» 
secrétaire  d'Etat  aux  Finances, cl  Maurice  Lewandowski,  docteur 
en  droit,  avec  une  introduction  de  Charles  Pellicorim,  ancien  pré- 
sident de  la  R»^publique  Argentine.  Taris,  1906,  I  vol.  in-16,  avec 

.   2  cartes . 

Le  Chili  de  nos  jours.  Son  commerce,  sa  production, ses ressourcos, 
(Annuaire national,  2e  année,  1905/06),  Paris,  1906,  1  vol.  in  8. 

De  l'Amazone  au  Pacifique,  par  la  Pampaet  les  Andes. par  Gaston 
Donnet,  Paris,  1906,  1  vol.  in-16,  orné  do  28  photogravores. 

Vues  d'Amérique,  ou  la  Nouvelle  Jouvence,  par  Paul  Apam. Paris, 
1906,  1  vol.  in-12. 

Les  grandes  Cultures  du  Vende,  leur  hiatoire.  leur  exploitation, 
leurs  difIf'Tent4,U8açes.  Le  ri/,  la  vigne,  le  froment,  le  cacao,  le 
café,  le  thé,  le  (luiuquiiia,  le  tabac»  le  sucn»,  le  maïs.  Ouvrs»gepu 
blié  sous  la  direction  de  M.  le  D  Vnu  Somerkn  Brani»,  avec  la 
collaboration  des  plus  émioents  spécialistes  de  «livers  pnys,  traduit 
dn  hollandais  par  F.  RoDE.Puris,PJ06,l  vol.in-4,orné  de  nombreuste 
gravures  eu  noir  hors  texte  et  dans  le  texte, et  de  gravureseu  couleurs 
Hors  texte. 

Cultures  du  Midi  de  la  France,  de  l'Algérie  et  la  Tunisie, 

pur  Ch.  Rivière  et  H.Lecq,  introduction  par  le  D»"  P.KfeNARD.  Paris, 
1906.  1  vol   in-12,  avec  figures  intercalét-s  dans  le  texte. 

La  Concurrence  des  Colonies  à  la  Métropole,  par  Louis  Ca- 
Rio  et  Ch.  HâuisMANBET,  préface  par  M.  Paul  De  au  r&jaud,  mem- 
bre de  l'Institut, député.  Paris,  1906,  1  vol.  in-16. 

Compte  rendu  des  travaux  de  la  Chambre  de  Commerce  de  Lyon, 
année  1905.  Lyon,  1906.  1  vol.  in-8,  avec  graphiques.  (Envoi  de 
M.  le  Président  de  la  Chambre  de  Commerce  de  Lyon.) 

Compterehdu  des  travaux  de  la  Chambre  de  Commerce  du  Havre; 
année  1905.  Extnit  des  Procès  Verbaux,  Lettres,  Mémoires,  Le 
Havre,  1906,  l  vol.  in-8,  «cc<  un  pagné  d'une  Hovue  statistique  Je  la 
Navigation,  du  Commerce  et  d«  l'industrie.iEnvoi  deM.le  Frôt>iJcDt 
de  la  Chambre  de  Commerce.) 


i 


SOCIETE 


DE 


GÉOGRAPHIE  COMMERCIALE 


IDTJ  II.A.VR.B 


BULLETIN 


XXIII«  Année.  -  3"  et  4i'  Trimestpe»  i  906 


HAVRE 
AU  SIÈGE  DE  LA  SOCIÉTÉ 

131,    BUE    DE  PARIS,    131 

1907 


SOMMAIRK 


L'Éruption  de  la  Montagne  Pele'c  à  la  Martinique,  II  (tin),    par 

M.  J.  GiRAiP 97 

L'Espagne  lé^^cnda  ire.  pittoresque  et  anecdotique.  pirM.  El.  li»ZK  111 
L'Emigration    et   la  Colonisation    Italiennes,    I,  par   M.    UizzKTi'j 

RlZZA»!»0 160 

Correspondance  du  Congo,  p:ir  M.  A    Lk  Bi{EP.>n 169 

Actes  de  la  Socitftc 175 

Ouvrages  reçus  à  îa  Bibliothèque  Az  la  Société 183 


RÉUNIONS 


Les   Réunions   du   Comité  ont   lieu  le  4"»"^  mercredi  de  chaque  moif 
excepté  pendant  les  mois  d'août  et  septembre. 

Tous  les  membres  de  la  Société  peuvent  y  assister. 


BIBLIOTHÈQUE 

La  Bibliothèque  de  la  Société  est  OUVel*te  tOUS  lOS  SOirS, 
excepte  les  dimanches,  jours  fériés  et  demi-fériés,  de  6  h.  1  1  à  7  h.  1. 1 
et  de  8  h.  1   2  à  10  h. 


Toutes  îcs  communications  et  tous  les  renseignements  doivent    être 
adressés  au  Secrétaire  général.  * 


li 


SOCIÉTÉ 


I>B 


GEOGRAPHIE  COMMERCIALE 


It'ÉRUPTIOH  DE  IiR  MOIlTAGHE  PELÉE 

à  la 

MARTINIQUE^ 


La  Montagne  Pelée  était  un  volcan  que  tout  le  monde  à 
la  Martinique  croyait  éteint.  Il  avait  cependant  donné  des 
marques  d'activité,  assez  faibles  «l'ailleurs  en  17î>2  (.'l  en 
1851,  des  fumerolles  s'étaient  élevéc^s  de  l'Etany  Soc  et  un 
peu  de  cendre  avait  élé  projetée  au  voisinage  iminMiat  du 
cratère. 

De  nouvelles  fumerolles  se  montraient  en  18îX)  dans 
FEtang  Sec  :  en  1900,  la  végétation  y  était  détruite  sur  une 
assez  grande  étendue  ;  mais  les  observateurs  placés  sur  le 
Morne  La  Croix  avaient  supposé  ipie  c'était  là  le  résultat 
d'un  încçndic  accidentel. 


(Il    Vuir  le  BulIcUn  du  2'  trimrstre  190n. 
WQCMÉTÈ  DE  ÔÉOGRAPHIB.  —  8'  et  4'  trimcstrcs  1906 


•/ 


98  L^ÉRUPTION    DE  LA   MONTAGNE  PELÉE  A   LA  MARTINIQUE 

En  février  1902,  l'odeur  sulfhydrique  venant  de  la  mon- 
tagne, incommode  les  habitants  des  hauteurs  du  Prêcheur. 
Le  24  avril,  une  colonne  noire  de  vapeurs  et  de  cendres 
s*élève  de  l'Etang  Sec  jusqu'à  600  mètres  de  hauteur  ;  le 
25,  des  cendres  fines  commencent  à  tomber  au   Prêcheur, 
le  28,  on  entend  de  forts  grondements.  La  cendre  tombe 
maintenant  en    abondance   entre  Sainte- Philomène  et  le 
Prêcheur  ;  le  2  mai  elle  tombe  sur  Saint-Pierre.  L'obscu- 
rité est  presque  complète   au   Prèclieur.  Dans  la   nuit  du 
4  au  5  mai, de  violt^ntcs  détonations  se  font  au  cratère  dont 
le  panache  de  vapeurs  est  sillonné  d'éclairs.    Le  5  mai  t» 
midi  45,  une  véritable  larine  ou  coulée  boueuse  formée  par 
la  masse  de  cendre  délayée  dans  l'eau  de  l'Etang  Sec  qui 
se  vide  brusquement,  se  précipite   dans   la    vallée  de  la 
Rivière  Blanche,  recouvrant  l'usine  Guérin  et  faisant  les 
25  premières  victimes.  Le  7  mai,  des  crues  se  produisent 
dans  toutes  les  rivières  du  Nord  ;  la  cendre,  très  abon- 
dante, provoque  la  lupture  des  arbres  à  Grand'Rivière  et 
Macouba.  Dans  la  nuit  du  7  au  8,  une  grande  crueboueuse 
emporte  une  partie  des  villages  du  Prêcheur,  de  la  Grand' 
Rivière  et  de  Basse  Pointe.    Un  lamentable  exode  de  la 
population  du  Nord  avait  commencé  ;  quelques-uns  s'en- 
fuirent à  la  Dominique  ;  mais  la  plupart,  2.000  ou  3.000 
personnes,  vinrent  se  réfugier  à   Saint-Pierre,   espérant 
résister  au  danger  par  la  force  du  nombre... 

Le  jeudi  8  mai,  jour  de  l'Ascension,  après  un  violent 
orage  sur  Ui  montagne,  le  ciel  dès  le  lever  du  soleil  était 
remarquablement  clair,  un  panache  très  régulier  s'élevait 
du  cratère.  On  se  dirigeait  vers  les  églises,  c'était  le  jour 
de  première  communion, lorsqu'à  huit  heures  deux  minutes, 
(heure  du  crible),  se  précipita  le  terrifiant  nuage  qui,  en 
quelques  instants,  anéantit  Saint-Pierre.  En  moins  d'une 
minute,  toutes  les  maisons  étaient  renversées,  rasées,Ies  ar- 
bres arrachés, tous  les  habitants  de  Saint-Pierre  (sauf  deux) 


l'éruption  de  la  montagne  pelée  a   la    MARTINIQUE  99 

étaient  foudroyés.  L'incendie  s'allumait  en  de  nombreux 
points,  consommant  cette  œuvre  effroyable  de  destruction . 
Les  bateaux  dans  la  rade,au  nombre  d'une  vingtaine,étaient 
démâtés,  incendiés^. coulés  ;  la  plupart  de  leurs  équipages 
disparaissaient  en  même  temps.  Un  seul  bateau  en  fer,  le 
Roddam  qui  avait  déjà  appareil  lé,  put  arriver  à  Sainte-Lucie 
avec  25  survivants,  tous  profondément  brûlés  et  26  cada- 
vres. Lorsque  le  croiseur  Suchet,  commandant  Le  Bris, 
arriva  à  3  heures  devant  Saint-Pierre, il  recueillit  quelques 
matelots  brûlés  et  accrochés  à  des  épaves  ;  mais  il  put  se 
convaincre  qu'il  ne  restait  pas  uneseule  personne  vivante  à 
Saint  Pierre;  ses  28,000  habitants  ou  réfugiés  avaient  péri- 

L  enquête  minutieuse  à  laquelle  nous  nous  sommes  livrés, 
dès  notre  arrivée,  auprès  des  rares  survivants  de  Saint- 
Pierre  ne  nous  a  rien  appris.  Des  deux  survivants  de  la 
ville  de  Saint-Pierre,  l'un  Cilparis,  un  prisonnier,  était  en- 
fermé dans  un  cachot  voûté,  à  solide  porte  en  fer  tournée 
3u  S.  O.  11  a  entendu  un  grand  bruit,  puis  il  a  été  brûlé  et 
a  attendu  au  milieu  d'un  silence  complet  que  des  sauveteurs 
arrivassent  quatre  jours  après  et  le  délivrent. 

C'est  là  tout  ce  qu'il  sait.  L'autre,  Compère,  est  un  cor- 
donnier ^qui  habitait  sur  le  boulevard  qui  va  aux  plantations 
de  Saint-James  et  à  Fort-de-France;  sa  maison  était  abritée 
par  des  rochers  très  élevés  ;  il  fut  brûlé,  mais  survécut 
cependant.  Lui  aussi  entendit  un  bruit  ((  infernal  ))  fait  du 
renversement  de  toutes  les  maisons,  et  aussitôt  une  obscu- 
rité profonde  s'établit.  En  se  sauvant,  grièvement  brûlé, 
par  la  route  de  la  Trace  ou  de  Fort-de-France,  il  vit  de 
nombreux  cadavres  enlacés,  et  pas  une  seule  personne 
vivante.  L'embrasement  des  ruines  de  Saint-Pierre  lui 
parut  général. Le  second  capitaine  d'une  goélette  sur  rade, 
Marie- Sainte,  qui  regardait  du  côté  du  volcan  au  mo- 
ment de  la  catastrophe,  a  vu  la  montagne  s'ouvrir  du  haut 
en  bas,  un  nuage  noir  sortir  par  cette  longue  crevasse,  se 


100   l'éruption  de  la  montagne  pelée   a   la  MARTINIQUE 

précipiter  sur  Sainl-P!erre  et,  en  moins  d'une  nainute,    il 
avait  dépassé  la  ville  qui  était  rasée  et  flambait. 

Je  croîs  inutile  de  m*étendre  davantage  sur  ces  témoi- 
gnages.L'affirmation  de  Tofficier  de  ]di  Marie- Sainte croyani 
que  la  montngne  s'était  ouverte  pour  vomir  un  nuage  des- 
tructeur sur  Saint-Pierre, s'explique  aisément  d'après  ce  que 
vous  savez  déjà  sur  les  nuages  denses.  Une  éruption  paroxys 
maie  s'était  produite,  et  le  nuage  franchissant  en  moins  de 
deux  minutes  les  8  kilomètres  qui  séparaient  le  cratère  de 
Saint- Pierre, passaitcomme  une  trombe  sur  la  malheureuse 
ville  qu*il  anéantissait  et  poursuivait  sa  course  dévastatrice 
jusqu'à  la  pointe  du  Carbet  où  il  s'arrêtait. 

Nous  avons  pu  établir  que  l'œuvre  de  destruction  n*avait 
pas  demandé  une  minute,  probablement  une  trentaine  de 
secondes.  Et  cependant  l'anéantissement  était  complet. 

Le  quartier  du  vieux  fort  situé  au  Nord  de  la  Roxelane 
était  complètement  rasé  et  il  était  devenu  un  plateau  uni, 
couvert  de  cendres,où  Ton  n'apercevait,en  juin,aucune  trace 
de'constructions. Toutes  les  maisons  de  Saint- Pierre  étaient 
renversées  ou  rasées  ;  les  murs  faisant  face  au  cratère 
étaient  coupés  au  ras  du  sol  ;  les  murs  orientés  dans  la  di- 
rection dH  volc'in  étaient  parfois  conservés  sur  plusieurs 
mètres  de  hauteur  ;  les  arbres  étaient  renversés,  brisés  ou 
déracinés  et  couchés  du  côté  opposé  au  volcan.  Le  phare 
do  la  place  Berlin,  tour  circulaire  construite  en  excellents 
matériaux  de  un  mètre  d'épaisseur,  était  rasé  ;  une  lourde 
statue  en  fonte  de  la  Vierge,  située  près  du  fort  Sainte 
Marthe,  avait  été  enlevée  de  son  piédestal,  entraînée  et 
précipitée  contre  le  sol,  ô  près  de  10  mètres  de  sa  base. 

Tout  le  monde  s'est  demandé  avec  angoisse  si  la  mort 
avait  été  longue  à  venir  pour  les  infortunés  habitants  de 
Saint- Pierre.  On  peut  affirmer  qu'elle  a  été  foudroyante. La 
pression  énorme  qui  suffisait  à  renverser  les  édifices  les 
plus  solides  et  les  mieux  construits,  n'était  elle  pas  capable 


l'éruption  de  la  montagne   pelée   a   la    MARTINIQUE   101 

à  elle  seale  d'anéantir  des  organismes  aussi  fragiles  que  les 
Dùtres  ?  La  température  élevée,  les  cendres,  TeSondrement 
général  des  maisons,les  débris  de  toute  nature  transformés 
en  projectiles,  auraient  d'ailleurs  achevé  rapidement  cette 
œuvre  effroyable  de  destruction.  Mais  la  position  des  cada- 
vres souvent  dans  des  poses  naturelles  excluent  toute  idée 
de  frayeur. ou  de  souffrance,  la  quantité  de  corps  trouvés 
dans  l'attitude  assise,  indiquent  une  mort  instantanée»  par 
ignition.  Les  brûlures  des  cadavres  découverts  étaient  su- 
perficielles, les  habits  avaient  disparu,  les  cheveux  brûlés, 
la  peau  un  peu  roussie  et  recouverte  d'un  enduit  noirâtre 
fait  de  cendre  boueuse,  qui  empêchait  de  reconnaître  la 
race  du  cadavre. Dans  les  maisons  incendiées^au  contraire, 
les  cadavres  étaient  calcinés,  mais  on  peut  affirmer  que  ces 
brûlures  sont  arrivées />o«^  mortem, 

11  n  eu  a  pas  été  de  même  malheureusement  dans  la  zone 
périphérique,  bordant  l'aire  de  destruction  totale  occupée 
par  Saint' Pierre.  Là,  les  phénomènes  avaient  une  intensité 
beaucoup  moindre,  beaucoup  de  maisons  et  d'arbres  sont 
restés  debout,  mais,  près  de  la  zone  centrale^  tous  les  êtres 
vivants  ont  péri,  après  une  agonie  cruelle^  des  suites  de 
leurs  brûlures  tant  extérieures  qu'intérieures;  les  voies  res- 
piratoires et  les  premières  voies  digestives  étaient  en 
effet  détruites  par  la  vapeur  d'eau  et  la  cendre  chaude  du 
nuage.  Témoin,  Landes,  le  prof^sseu^  d'histoire  naturelle, 
si  estimé  du  lycée  de  Saint- Pierre,  qui  fut  trouvé  dans  le 
bassin  de  sa  maison  aux  Trois-Ponts,  à  2  kilomètres  de 
Saint-Pierre,  sur  la  route  du  Morne-Rouge,  à  trois  heures 
du  soir,  toute  la  chair  à  vif  et  qui  mourut  dès  qu'on  lui  eut 
donné  une  gorgée  d'eau.  Le  malheureux,  sur  le  point  de 
^ourir^  demandait  l'explication  de  ce  qui  s'était  passé.  Un 
P®«  plus  loin  encore  de  la  zone  centrale,  le  nombre  des 
^orts  est  resté  élevé,mais  beaucoup  de  gens  ont  été  soignés 
«tg^ris^ 


102    l'ÉKUPTION  de  la    MONTAGN'K    rÈLÉE  A  LA    MARTINIQUE 

La  zo;ie  de  destruction  totale  dans  laquelle  tous  les  êtres 
vivants  ont  été  tués,  tous  les  objets  en  saillie  renversés, 
s'étend  autour  du  cratère  sur  un  rayon  de  2  kilomètres  500, 
puis  sur  une  longueur  d'environ  15  kiloniètres  dans  un  sec 
teur  d'environ  70"  d'ouverture,  allant  de  la  rivière  Lamarre 
à  la  grande  anse  du  Garbet.  Les  éruptions  du  16  et  du  20 
ont  eu  sensiblement  la  mAme  extension,  les  autres  n'ont 
pas  atteint  Saint-Pierre. 

Pourquoi  l'existence  de  ce  secteur  si  tristement  privilé- 
gié ?  La  topographie  de  l'Etang  Sec  suffit  à  l'expliquer. 
Lorsque  l'explosion  du  8  mai  se  produisit,  une  partie  des 
vapeurs  et  des  cendres  projetées  verticalement  forma  un 
immense  nuage  noir  sillonné  d'éclairs  et  qui  jeta  la  panique 
dans  toute  l'île, bien  qu'il  fut  inoffensif.  Le  Morne  La  Croix 
sauta  presque  tout  entier  ;  il  perdit  120  mètres  de  hauteur. 
Une  autre  partie  des  vapeurs,  la  plus  importante,  constitua 
un  énorme  nuage  dense  qui  tendit  à  se  répandre  dans  toutes 
les  directions  autour  du  cratère,  mais  la  muraille  verticale 
de  300  mètres  do  hauteur  des  parois  Nord- Est  et  Sud  de 
TEtangSecbrisèrent  la  force  expansive  du  nuage  qui  n'alla 
pas  au-delà  de  2  ou  3  kilomètres. Dans  la  partie  Sud-Ouest, 
Téchancrure,  correspondant  à  la  haute  vallée  de  la  rivière 
Blanche,  laissa  passer  toute  l'éruption  qui  fut  concentrée 
en  quelque  sorte  dans  ce  secteur.  Lors  de  l'éruption  du  30 
août  1902,  aussi  violente  que  celle  du  8  mai,le  point  d'émer- 
gence des  éruptions  s'était  surélevé  et  l'éruption  s'étendit 
sur  un  rayon  de  4  à  5  kilomètres,détruisant  le  Morne-Roug6 
et  l'Ajoupa  Bouillon  qui  n'avait  pas  encore  été  atteiQt,m8is 
n'arriva  pas  jusqu'à  Saint-Pierre. 

D'après  la  forme  actuelle  du  cratère,  des  éruptions  sem^ 

blables  atteindraient  probablement  les  localités  de  Bass< 

Pointe,  Macouba,  Grand'Riviôrd,  habitées  par  10.003 par 

sonnes  environ. 

L'île  entière  reçut  de  la  cendre  lors  de  Téruptioa  du  8  mt 


L  tfiCPTIO-V  DE  LA    MONTAGNK  PFXÉE   A    LA    MARTINIQUE    lÔ!î 

et  des  éruptions  ultérieures,  mais  n'eut  pas  trop  à  en  souf- 
frir, sauf  cependant  le  village  du  Prêcheur, en  partie  détruit 
par  l'inondation  du  8  mai  et  dont  les  dernières  maisons 
furent  ensovelies  sous  les  cendres  accumulées  par  Talizé. 

Grand'Rivière  et  Basse  Pointe  ont  aussi  gravement 
[  souffert  des  inondations  de  mai  1902;  toutes  les  maisons 
I  voisines  du  torrent  ont  été  emportées  à  Grand'  Rivière, 
une  barre  plus  dangereuse  encore  s'est  établie  Les  effets 
ont  été  plus  accusés  à  Basse  Pointe,  beaucoup  de  maisons 
ont  été  emportées.  Un  brise  lames  récemment  achevé,  est 
aujourd*liui  à  sec. 

Les  inondations  dans  cette  région  du  nord  se  sont  pro^ 
duites  au  moment  des  éruptions  :  la  cendre  accumulée  for* 
mait  en  certains  points  des  barrages  qui  étaient  emportés, à 
un  moment  donné, avec  une  violence  dont  nous  avons  eu  de 
tristes  exemples  en  France.  Les  inondations  persistent  en- 
core par  suite  du  déboisement  total  de  la  montagne  par 
les  éruptions,  et  se  reproduiront  aussi  longtemps  que 
la  végétation  et  les  forêts  n'auront  pas  tapissé  les  pentes. 

On  s'est  demandé  si  toutes  les  précautions  avaient  bien 
été  prises  pour  éviter  une  pareille  catastrophe.  Une  commis* 
«ion  locale  avait  été  nommée  dans  les  premiers  jours  de 
mai,  et  ses  avis  ont  contribué  à  rassurer  la  population  et  ô 
la  maintenir  à  Saint-Pierre.  Peut-on  l'incriminer  ?  Non, 
parce  qu'elle  a  agi  de  bonne  foi,  d'abord,  la  mort  de  la  plu-» 
part  de  ses  membres  le  prouve  assez,  et,  ensuite,  parce  que 
,ft  cette  époque,  il  était  impossible  de  prévoir  une  pareille 
destruction.  Les  catastrophes  provoquées  par  les  volcanâ 
étaient  exclusivement  attribuées  aux  projections  de  blocs, 
aux  chutes  de  cendres,  aux  coulées  de  lave  et  aux  coulées 
boueuses.  Saint-Pierre  était  trop  éloigné  du  volcan  (le  cen* 
tre  de  la  ville  était  à  9  kilomètres  à  vol  d'oiseau  du  cratère) 
pour  redouter  les  projections.  Il  était  trop  éloigné  des  val- 
lées de  la  rivière  Blanche  et  de  la  rivière  Sèche,  dépendant 


lOi   L  ÉWUPTION  DE  LA    MONTAGNE  PELLE   A    LA    MARTINIQUE 

de  la  Montagne  Pelée,  pour  souffrir  des  coulées  de  lave.Lî 
chute  des   cendres  était  en  somme  assez  bénigne,  si  elle 
était  désagréable   et  incommode,  elle  ne  présentait  pas  en- 
core un  caractère  de  danger  pour  la  ville.  Son  épaisseur    \ 
était  au  maximum  de  10  centimètres  au  moment  de  la  estas-     1 
trophe,  et  si  la  chute  s'était  aggravée,  ont  aurait  eu  tout  le    : 
temps,  comme  à  Ilerculanum  et  Pompéi,  d'évacuer  la  ville. 

On  neconnaissaitpas  les  nuéesardentes  ou  nuages  denses, 
M.  Fouqué  les  avait  bien  signalées,  dans  un  article  de  revue, 
d'après  une  tradition  conservée  aux  Açores  ;  mais  elles 
étaient  ignorées  de  la  plupart  des  géologues.  Il  a  fallu  les 
observations  de  la  mission  scientifique  française,  surtout 
celles  de  M.  Lacroix  pendant  l'hiver  1902,  pour  les  faire 
entrer  dans  la  science. 

Peut-on  espérer  que  l'expérience  si  cruelle  du  passé  pro- 
fitera à  l'avenir  pour  la  M^artinique?  Je  crois  pouvoir,  pour 
le  présent,  vous  répondre  alïîrmativement.J'ai  pu  distinguer 
en  effet,  pendant  mon  long  séjour  à  la  Montagne  Pelée,  un 
certain  nombre  de  phases  différentes  d'activité  caractérisées 
chacune  par  des  phénomènes  très  apparents.   Ces  phases 
sont  assez  nettes  pour  que  M.  Bonhoure,  l'éminent gouver- 
neur actuel,  ait  pu  le  13  juin  1905,  malgré  une  activité  assez 
forte,  s'opposer  à  l'évacuation  du  nord  de  l'île  qui  lui  était 
demandée,  en  se  basant  sur  l'échelle  des  phénomènes  vol- 
caniques que  je  lui  avais  laissée  15  jours  avant,  au  moment 
de  mon   départ.  Les  phénomènes  précurseurs   des  fortes 
éruptions  n'apparaissaient  pas  encore.  Mais  s'ils  survenaient 
il  faudrait  obtenir  l'évacuation  effective  de  la  zone  dange- 
reuse du  Nord  et  du  N.  E.par  les  10.000  personnes  environ 
3ui  s'y  sontréinstallées.  L'e.xpérience  m'a  montré  qu'il  était 
très  difficile  de  décider  les  habitants  à  quitter  leur  case  ;  il 
faut  pour  cela  posséder  sur  eux  une  autorité  réelle,  autorité 
faite  de  science  vulcanologique  reconnue,  d'estime  et  aussi 


^  ÉRCPTION  DE  LA  MONTAGNE   PELÉE  A    LA    MARTLXIQUE   105 

d'uD  vague  respect  pour  le  gri-gri  ou  le  «  Quimboi  »,  que 
celui  qui  surveille  le  volcan  doit  certainement  posséder. 

Mais  en  dehors  de  l'évacuation  difficile  à  obtenir^ou d'une 
fuite  précipitée  et  le  plus  souvent  inutile  au  moment  d'un 
paroxysme,    il  y  a  un  moyen    d'éviter  de   nouvelles  héca- 
tombes humaines. J'ai  constaté  en  effet  que  les  éruptions  ou 
leur  agent  actif,  les  nuages  denses, n'afïouillaient  pas, qu'ils 
rasaient  exclusivement  tout  ce  qui  était  en  saillie  sur  le 
sol.  Des  caves  bien  closes,  permettraient  certainement  à 
ceux  qui  s'y  réfugieraient  à  temps,  de  braver  une  éruption. 
A  la  Martinique,   il  n'existe  pas  de  caves,   mais  chaque 
habitation    possédait  autrefo's   un  abri  bien   clos,  peu   en 
saillie,  que  l'on  appelait  ((  case  à  vent  »  car  il  servait  d'abri 
pendant  les  cyclones,  si  fréquents  dans  cette  région. 

Les  rares  cases  à  vent  de  la  zone  dévastée  ont  été  retrou- 
vées intactes;  au  Parnasse,  près  de  Saint-Pierre,  on  a  mê- 
me trouvé  une  poule  vivante,  deux  jours  après  la  catastro- 
phe, couvant  tranquillement  ses  œufs  alors  que  tout  avait 
pénaux  environs. 
J'ai  insisté  par  tous  les  moyens  en  mon  pouvoir  pour 
["*   <|ue  chaque  maison  de  la  zone  dangereuse   soit  pourvue 
I    d'one  case  à  volcan,  simple  tranchée  couverte  et  fermée, 
i     Ces  cases  h  volcan  en  qui  j'ai  une  confiance  absolue, ne  sont 
I    pas  aussi  répandues  que  je  l'aurais  désiré,  elles  sont  cepen- 
dant le  seul  moyen  de  rendre  cette  région  du  nord   habita- 
ble sans  danger  pour  les  personnes. 

Pour  apprécier  les  phénomènes  volcaniques,  il  faut  de 
toute  nécessité,  les  observer  d'une  manière  continue,  c'est 
ce  but  que  remplit  l'observatoire  créé  par  M.  Lacroix  au 
!  Morne  des  Cadets,  que  j'ai  dû  faire  reconstruire  totale- 
ment après  le  cyclone  du  8  août  1903  qui  l'avait  complète^ 
ment  rasé. 

Cet  observatoire  a  été  dirigé  pendant  deux  ans^avec  une 
intoUigance  et  un  dévouement  c|ui  n'ont  pas  encore  reçu  leur 


106   L*ÉRUPTI0N  DE  LA  MONTAGNE   PELÉE   A    LA   MAltTlNlQUE 

récompense,  par  le  capitaine  d'artillerie  coloniale  Perney 
Le  service  de  surveillance,  depuis  mon  départ  de  la  Marti- 
nique,a  été  confié  à  M.Guinoiseau  qui,  pendant  deux  ans,  a 
dirigé  le  poste  d'Assier  et  qui  m'envoie  chaque  mois  le  dé 
tail  des  observations  relatives  au  volcan. 

L'observatoire  est  pourvu  de  sismographes  très  sensibles 
qui  enregistrent  fréquemment  des  tremblements  de  terre. 
Il  faut  espérer  qu'ils  en  auront  rarement  à  enregistrer 
de  semblables  à  celui  du  16  Février  dernier,  qui  a  causé  des 
dégAts  sérieux  à  la  colonie,  surtout  à  Fort-de-France. 

Les  journaux  ont  annoncé  à  ce  moment  une  recrudes- 
cence de  l'activité  du  volcan  ;  cette  recrudescence  a  été  insi 
gnifiante,  il  n'y  a  môme  pas  eu  de  nuages  denses,niaison8 
exagéré  par  suite  de  la  croyance  erronée  en  une  corrélation 
entre  les  tremblements  de  terre  et  les  éruptions  volcaniques. 
Ces  deux  phénomènes  sont  sans  doute  liés  à  une  même 
cause  initiale,  l'instabilité  de  Técorce  terrestre.  La  Terre 
se  refroidit  et  par  suite  se  contracte,  diminue  de  volume. 
L'écorce  superficielle  doit  se  plisser  pour  rester  appliquée 
contre  le  noyau  interne,  peut-être  liquide,  mais  les  plisse- 
ments n'affectent  que  certaines  zones,  d'autres  s'effondrent 
en  masse  Sur  les  bords  de  ces  fosses  d'effondrement  app8" 
raissent  des  volcans.  De  plus  ces  zones  faibles,  par  suitedes 
tassements  qu'elles  subissent  fréquemment, sont  des  régions 
à  tremblements  de  terre.  Le  tremblement  de  terre  est  géné- 
ralement le  contre-coup  superficiel  d'un  tassement  dans  l8 
profondeur.  Uae  de  ces  fosses  d'effondrement  estconstituéc 
par  la  mer  des  Antilles  qui,  à  une  époque  géologique  rela 
tivement  récente,  n'existait  pas,  elle  était  un  continent 
Cette  région  a  subi  un  effondrement  de  4.000  mètres,ausî 
ses  bords  soi)t-ils  jalonnés  par  des  volcans  et  affectés  i 
tremblements  de  terre.  Il  en  estdemôme  pour  la  côte  oriei 
taie  du  Pacifique.  C'est  à  cette  situation  tristement  privil 


L  ÉRUPTION  DE    LA  MOXTAGxNK  PELKE   A    LA  MARTINIQUE    lO? 

giéeque  San  Francisco  et, il  y  a  quohiues  jours, Kingstown 
à  la  Jamaïque,  doivent  leur  destruction. 

Depuis  le  mois  de  juin  1905  le  volcan  est  beaucoup  plus 
calme  et  il  ne  manifeste  son  activité  que  par  un  faible  dé- 
gagement de  vapeurs  ;  la  végétation  envahit  ses  pentes. 

Un  service  de  surveillance  beaucoup  plus  sommaire 
(un  homme  monte  chaque  semaine  prendre  les  températures) 
a  été  organisé  à  la  Guadeloupe  où  un  volcan,  La  Soufrière, 
identique  àcelui  de  la  Martinique, émet  des  fumerolles  d'une 
manière  continue.  De  nouvelles  fumerolles  en  voie  décrois- 
sance situées  au  Sud  du  dôme  de  la  Soufrière,  au  col  de 
de  l'Echelle,  indiquent  sans  doute  l'emplacement  du  cratère 
delà  prochaine  éruption,  qui,  il  faut  l'espérer,  est  encore 
bien  éloignée,  mais  qui  anéantirait,  comme  Ta  été  Saint- 
Pierre,  le  Camp-Jacob,  résidence  fort  agréable  du  Gouver- 
neur, Gourbeyre,  Basse-Terre  la  capitale  de  l'Ile. 

A  Saint-Vincent,  la  Soufrière  a  eu  des  éruptions,  aux 
ménaes  époques  que  celles  de  la  montagne  Pelée  et  absolu- 
ment semblables.  Les  phénomènes  de  dévastation  y  sont 
identiques. Lecratère  est  plus  profond, plus  grand  (GOOmètres 
de  profondeur  et  1  kilomètre  de  diamètre)  et  plus  impres- 
sionnant que  celui  de  la  Martinique.  H  ne  s'y  est  pas  formé 
dedôme.S'il  n'y  a  pas  eu  autant  de  victimes  à  Saint-Vincent 
qu'à  la  Martinique,  c'est  que  la  capitale,  Kingstown,  se 
trouve  dans  le  Sud  et  qu'il  n'existait  autour  du  cratère  que 
des  localités  peu  importantes. 

Je  ne  vous  parlerai  pas  des  nombreux  volcans  de  l'Amé- 
rique Centrale  (Santa-Maria  au  Guatemala,  Izalco  au 
Salvador,  CoHma  au  Mexique),  qui  étaient  en  éruption  en 
même  temps  que  la  Montagne  Pelée,  entourant  la  mer  des 
Antilles  d'un  cercle  de  feu.  Je  ne  les  ai  pas  explorés  mais, 
d'après  les  faits  publiés,  les  phénomènes  ont  été  les  mêmes 
dans  tous  ces  volcans  andésitiques  ;  les  nuages  denses  ont 
existé  partout  et  partout  ont  fait  des  victimes. 


108   l'éruption   de   la    montagne   PELKE  a  la   MARTINIQUE 

Les  éruptions  des  Antilles  avaient  fait  naître  des  inquié- 
tudes au  sujet  des  volcans  si  pittoresques  et  si  nombreux  du 
Massif  Central  dont  beaucoup,  le  Puy-de-Dôme,  le  Puy 
Chopine,  le  Mont-Dore,  le  Canta^,  le  Puy  Griou  et  tant 
d'autres,  ressemblent  d'une  manière  si  parfaite  à  la  Monta- 
gne Pelée.  Je  crois  que  nos  volcans  sont  éteints,  tandis  que 
ceux  des  Antilles,  en  dehors  des  périodes  paroxysmales, 
persistent  à  l'état  d'activité  ralentie,  de  solfatares,tels  ceux 
delà  Guadeloupe,  delà  Dominique,  de  Sainte  Lucie.  Le 
repos  de  nos  volcans  est  déjà  bien  ancien  et  il  pourra  assu- 
rément cesser,  mais  à  une  époque  que  rien  encore  ne  nous 
permet  de  prévoir.  Nos  descendants  —  rien  ne  fait  en  effet 
supposer  que  nous  pourrons  assister  à  ces  spectacles  inou- 
bliables —  seront  d'ailleurs  prévenus  par  de  nombreux 
phénomènes  :  élévation  de  température  et  modifications 
des  sources  thermales,  grondements,  apparitions  de  fume 
roUes,  etc.,  qui  les  mettront  en  garde. 

Bien  que  cette  causerie  soit  déjà  trop  longue  et  que  je 
risque  de  lasser  votre  patience,  je  ne  peux  abandonner  le 
sujet  sans  vous  indiquer  en  quelques  mots  la  place  qu'oc- 
cupent les  éruptions  de  la  Montagne  Pelée  dans  l'ensem- 
ble des  manifestations  volcaniques.  Il  y  a  quelques  mois 
encore,  bien  que  l'on  pressentit  la  vérité,  on  considérait  les 
dernières  éruptions  de  la  Montagne  Pelée  comme  des 
exceptions.  M.  Lacroix,  à  la  suite  d'une  mission  qui  lui  a 
permis  de  suivre  toute  l'éruption  du  Vésuve  en  1906,  vien* 
de  préciser,  dans  un  mémoire  fondamental  et  qui  restera 
classique,  la  série  des  paroxysmes  volcaniques.  Il  démon- 
tre clairement  que  la  caractéristique  des  éruptions  n'est  pas 
fournie  parla  composition  chimique  du  magma, mais  seule* 
ment  par  l'état  de  viscosité  de  la  lave  au  moment  des 
paroxysmes. 

Lorsque  le  magma  est  très  fluide  et  s'écoule  commô^il 
liquide  parfait^  il  ne  se  produit  aucune  explosion  violente  « 


l'éruption  de  la  montagne  pelée  a  la  MARTINIQUE  109 

c'est  le  type  Hawaïen  fourni  par  les  volcans  de   l'archipel 
d'Hawaï  (Mauna-Loa  et  Kilauea). 

Avec  une  lave  un  peu  moins  fluide,  il  se  produit  des 
explosions  qui  projettent  des  parties  de  magma  fondu  retom- 
bant sous  formes  de  «  bombes  »  ovoïdes,  arrondies  ;  c'est  le 
type  «  Strombolien  »  tiré  du  mode  d'activité  normale  du 
Slromboli  et  qui  a  été  si  fréquemment  réalisé  eu  Auvergne. 
L'éruption  actuelle  du  Mauna-Loa  semble  appartenir  par 
exception,  à  ce  type  Strombolien. 

Si  le  magma  est  très  visqueux  au  moment  de  l'éruption, 
soit»par  suite  de  refroidissement  superficiel  de  la  lave,  soit 
par  suite  de  sa  viscosité,  des  fragments  de  lave  anguleux, 
souvent  consolidés,  sont  projetés  par  de  violentes  explosions 
qui  entraînent  en  môme  temps  de  la  lave  pulvérisée  à  l'état 
de  cendre.C'est  le  type  «  vulcanien»  tiré  de  l'éruption  de  Vul- 
cano  en  1888-1889.  Ce  mode  n'olïre  le  plus  souvent  qu'une 
période  paroxysmale  très  courte  ;  dès  que  la  carapace 
superficielle  délave  a  été  projetée, la  lave  plus  fluide  s'écou- 
le et  l'éruption  se  termine  assez  vite. C'est  le  cas  du  Vésuve 
en  1906. 

Mais  si  la  lave  est  particulièrement  visqueuse,  la  vapeur 
d'eau  éprouve  toujours  la  même  ditïïculté  à  s'échapper,  la 
lave  ne  s*écoule  pas,  se  consolide  au  fur  et  à  mesure  dans 
lecratère.  L'éruption,  très  longue,  est  une  suite  de  violen- 
tes explosions  entraînant  à  chaque  fois  de  telles  quantités 
délave  pulvérisée  à  l'état  de  cendre,  que  l'émulsion  de  va- 
peur d'eau  et  de  cendre,  excessivement  lourde,  ne  s'élève 
plus  verticalement  mais  se  déplace  hori/ontulement  avec  la 
vitesse  effrayante  des  nuages  denses.  C'est  là  le  type  si 
meurtrier  des  éruptions  de  la  Montagne  Peice  qui  semble 
avoir  été  la  règle  pour  les  éruptions  anciennes  de  ce  volcan 
alors  qu'on  n'en  connaissait  pas  d'exemple  historique 
ailleurs. 
J'ai  laissé  de  côté,  faute  de  temps,   bien  des  questions 


110  l'éruption   de   la   montagne  pelée   a   la   MARTINIQUE 

intéressantes,  j'ai  dû  me  borner  à  mettre  en  relief  le 
caractères  si  spéciaux  des  éruptions  de  la  Montagne  Pelée 
îl  faudrait  un  véritable  cours  pour  épuiser  le  sujet. 

Il  ne  serait  pas  moins  intéressant  de  montrer  avec  quelle 
rapidité,  grâce  au  concours  de  tous  et  au  crédit  que  beau- 
coup d'entre  vous  sans  doute  ont  bien  voulu  lui  faire,  la 
Martinique  s'est  relevée  de  cette  catastrophe.  Si  le  deuil  res- 
te au  cœur  des  nombreuses  familles  éprouvées,  la  confiance 
est  revenue,  avec  raison,  je  crois  ;  la  végétation  renaît  jus 
que  sur  les  pentes  du  volcan  et  la  vie  a  repris  son  cours 
normal  dans  cette  colonie  si  féconde. 

Vous  me  permettrez  de  vous  remercier  de  l'attention 
soutenue  que  vous  avez  bien  voulu  m'accorder  et  de  témoi- 
gner à  la  Société  de  Géographie  Commerciale  du  Havre, 
à  son  éminent  président  M.  Dupont,  à  son  actif  secrétaire 
général  M.  Loiseau,  toute  ma  reconnaissance  pour  Thon 
neur  qu'elle  m'a  fait  en  me  chargeant  de  cette  conférence. 
Votre  présence  en  aussi  grand  nombre  dans  cette  salle 
pour  écouter  un  sujet  qui  depuis  longtemps  n'est  plus  d'ac- 
tualité, montre  combien  vivace  est  le  souvenir  de  l'elTroya 
ble.  tragédie  de  Saint  Pierre, quelle  profonde  et  douloureuse 
pitié  elle  éveilla  en  vous.  Mais  elle  montre  aussi  que  le 
magnifique  élan  de  solidarité  qui  entraîna  l'I'nivers  entier 
au  secours  des  malheureuses  victimes  de  la  Montagne 
Pelée,  se  renouvellerait  dans  des  circonstances  semblables, 
et  c'est  une  constatation  réconfortante  que  cettecoalition  des 
forces  généreuses  de  l'humanité  contre  les  forces  brutales 
de  la  nature. 

Jean  Giraud 

Maître  de  Conférences  a  VVniversHê  de  Clennont-Fernnd 


liégendaife.  Pittoresque  et  Aneedotique  (1) 


Mesdames,  Messieurs, 

N'e  vous  semble-t  il  pas,par  ces  temps  que  nous  traversons, 
qu'il  ferait  bon  de  se  rendre  dans  le  Midi?  Nous  allons  donc, 
si  vous  le  voulez  bien,  faire  un  voyage  dans  le  Sud.  Nous 
allons  descendre  vers  le  soleil,  nous  allons  vagabonder  dans 
la  lunQÎère  et  Tazur.  Nous  allons^  durant  quelques  instants, 
lâcher  d'oublier  le  brouillard,  les  pluies,  la  boue  et  le  froid. 
Nous  allons  admirerce  pays  merveilleux,  cette  terre  d'épopée 
qui  s'appelle  T  Espagne. 

Je  voudrais  vous  rendre  amoureux,  tous,  de  cette  contrée 
magnifique  qui  satisfait  à  la  fois  Tintelligence, l'imagination, 
l'esprit  et  le  cœur.Je  voudrais  qu'en  sortant  d'ici,  votre  déci- 
sion fût  prise  et  que  vous  déclariez  tous  :  c'est  là  que  je  ferai 
mon  prochain  voyage. 

Il  n*est  point  très  facile,  je  le  sais,  de  visiter  l'Espagne. 
Il  est  bon,  pour  se  lancer  de  l'autre  côté  des  Pyrénées,  de 
n'èlre  pas  pressé,  les  communications  y  sont  d'une  lenteur 
désolante.  On  conte  qu'un  jour,  sur  une  ligne  d'Andalousie, 
deux  amis  causaient,  l'un  était  accoudé  à  la  portière  d'un 
wagon,  l'autre,  à  pied,  accompagnait  le  train  en  marchant 
au  bord  de  la  voie. Après  quelques  minutes  de  conversation, 
le  piéton  souleva  son  chapeau  et  dit:  «  Je  vous  demande 


I        .1}    Conférence  faite  le  14  Décembre  1906  devant  la   Société   de   Géogra- 
I      phie  Commerciale  du  ^avre. 


112  l'espagne  légendaire,  pittoresque  et  anecdotiquç 

pardon  ;  mais  je  suis  un  peu  pressé  ;  vous  ra*excuserez    3 
je  passe  devant.  »  Et  accélérant  légèrement  le  pas,  il  laissa 
le  convoi  derrière  lui. . .  Il  y  a  là  sans  doute,  quelque  exa- 
gération, mais  pas  si  grande  que  l'on  pourrait  le  croire. 

Le  confortable  aussi,  en  dehors  des  grandes  villes,  est 
parfois  sommaire,  les  matelas  ressemblent  à  des  planches 
en  cœur  de  chêne,  et  les  draps  apparaissent  souvent  assez 
semblables  à  des  mouchoirs  de  poche.  Il  se  peut  aussi  que 
la  nourriture  occasionne  quelques  souiïrances  aux  palais 
délicats.  Sa  base  principale  est  Thuile  rance.  Et  ceux  qui 
se  refuseraient  d'y  goûter  devront  se  résigner  à  sentir  son 
odeur  pénétrante  qui  se  glisse  partout  et  dont  ilsnesau- 
raient,môme  au  prix  de  mille  peines,  protéger  leurs  narines 
délicates. 

On  se  consolera  en  mangeant  tous  les  jours  de  mer- 
veilleuses oranges,  toutes  fraîches  cueillies,  juteuses  et  par- 
fumées et  qui  semblent  vous  faire  passer  dans  la  gorge  un 
rayon  du  soleil  qui  les  a  mûries. 

Et  puis,  les  voyageurs  sérieux,  ceux  qui  ne  reculent  pas 
devant  une  peine  lorsqu'elle  doit  leur  procurer  un  plaisir* 
feront  fi  de  ces  vétilles,  les  joies  qu'ils  ressentiront  leur  en- 
lèveront le  souci  de  ces  quelques  ennuis- 

En  somme,  pour  visiter  l'Espagne,  il  faut  avoir  un  esto- 
mac solide,  de  bonnes  jambes,  un  caractère  aimable  et 
conciliant,  quelque  sens  pratique,  une  patience  éprouvée, 
et  un  peu  de  cette  philosophie  qui  se  console  d*un  mal  en 
se  félicitant  qu'il  n'ait  pas  été  pire- 

Ce  sont  là  des  qualités  que  vous  avez  tous.  Nous  allons 
donc  partir  en  examinant  tout  d'abord  sur  la  carte  le  trajet 
que  nous  allons  parcourir. 

Après  quelques  instants  d'arrêt  à  Biarritz  et  Fontarabie 
qui  sont  pour  la  plupart  d'entre  vous  de  vieilles  connais- 
sances, nous  filons  directement  sur  Burgos.  dans  la  vieille 
Castille,  pour  descendre  ensuite  sur  Madrid,  la  seule  capi- 


L*E8PAGKE  LÉGENDAIRE,  PITTORESQUE  ET  ANECDOTIQUE  113 

taie  qui  marque  à  peu  près  le  centre  exact  du  pays  qu'elle 
dirige.  Puis  nous  visiterons  Tolède,  l'ancienne  et  glorieuse 
capitale,  Cordoue,  la  ville  fleurie,  Séville,  la  ville  joyeuse,et 
Cadix,  la  ville  blanche.  Nous  suivrons  la  côte  pour  atteindre 
Tarifa,  pointe  extrême  de  TEspagne,  et  ensuite,  Algésiras. 
Là,  nous  nous  embarquerons  pour  Tanger,une  petite  pointe 
au  Maroc  devenant  nécessaire  lorsqu'on  passe  si  près  de 
l'Afrique.  De  Tanger,  nous  viendrons  débarquer  à  Gibraltar, 
le  rocher  anglais,  pour  remonter  sur  Ronda,  une  merveille 
de  petite  ville  pittoresque,  et  redescendre  sur  Malaga  que 
tous  connaissent  pour  avoir  vu  son  nom,  au  moins  sur  une 
bouteille.  De  là,  nous  nous  dirigerons  sur  Grenade,  la  perle 
de  la  péninsule,  la  ville  admirable  qu'un  poète  afïirme  être 
un  morceau  du  ciel  tombé  sur  la  terre*  Nous  continuerons 
ensuite  sur  Lorca  et  Murcie,la  ville  alanguissante  et  molle. 
Suivant  toujours  le  littoral,  nous  passerons  à  Elche,  célèbre 
par  ses  palmiers  orgueilleux,  à  Alicante,  voluptueusement 
étendue  sur  les  bords  d'une  mer  bleue,  à  Valence,  la  patrie 
des  oranges,  et  à  Sagonte,  la  ville  antique  qu'Annibal  dé- 
truisit autrefois.  Puis  nous  rentrerons  dans  les  terres  pour 
arriver  à  Sarragosse,  la  ville  héroïque,  qui  sera  notre 
dernière  étape. 

Tout  le  monde  connait  Biarritz,  la  mer  et  les  rochers. Ro- 
chers magnifiques,rochers  pittoresques,  mais  qu'il  faut  mieux 
voir  Tété.  En  passant  au  printemps^  on  assiste  aux  répara- 
tions, on  constate  qu'un  ciment  habilement  appliqué  est  né- 
cessaire pour  réparer  les  dégâts  causés  par  les  caresses  un 
peu  brutales  des  vagues.  Et  cela  enlève  quelques  illusions, 
c'est  cependant  une  des  choses  les  plus  nécessaires  À  la  vie. 

Arrivons  à  Fontarabie.Cette  curieuse  petite  ville  avec  ses 
vieilles  portes  fortifiées,  ses  rues  étroites  et  ses  maisons 
aDciennes,nous  donnedéjà  une  idée  très  nette  de  l'Espagne 
où  nous  allons  entrer. 

Sa  grande  rue,  avec  ses  toits  en  saillie  nous  apporte 

8 


114  L*E8PAGNE  LÉGENDAIRE,  PITTORESQUE  ET  ANECDOTIQUB 

comme  un  avant-goût  de  ce  que  nous  verrons  à  Tolède  e 
à  Séville.Sans  nous  attarder,  nous  descendrons  sur  Burgos' 

La  ville  du  Cîd.  Nous  voici  sur  la  promenade  de  V  Espolon 
encore  privée  de  ses  feuilles,  car  Burgos  est  une  des  villes 
les  plus  froides  d'Espagne. 

Au  bout  de  TEspolon  se  trouve  Tare  de  Sainte-Marie,  et 
juste  en  face,  le  pont  sur  l'Armanzon.  L'architecture  de 
cette  porte  est  curieuse.  Parmi  les  six  statues,  on  remarque 
celle  de  Charles-Quint  et  surtout  celle  du  Cid,  le  grand  gé- 
néral qui  fournit  à  Corneille  une  si  belle  tragédie.  Maïs  si 
le  Cid  était  un  grand  général,  il  faut  reconnaître  qu'il  avait 
parfois,  pour  se  procurer  de  Targent,  des  moyens  singuliers. 
Il  eut  un  jour  besoin  de  deux  mille  pièces  d'or.  Le  but  était 
louable,  il  s'agissait  de  lever  des  troupes  pour  combattre  les 
Maures.  Or,  le  Cid  avait  des  idées  larges;  il  pensait  volontiers 
qu'à  une  époque  troublée,  alors  qu'il  s'agissait  de  découdre 
quelques  infidèles,  il  fallait  voir  la  fin  et  non  pas  les  moyens. 
C'est  pourquoi  il  mit  dans  un  grand  coffre  de  fer,de  nombreu- 
ses ferrailles  et  de  lourds  cailloux. Puis,  muni  de  ce  coffre, 
que  portaient  avec  peine  quatre  vigoureux  serviteurs,  il  se 
rendit  chez  un  usurier  et  lui  affirma  qu'il  contenait  des 
bijoux  précieux  et  de  la  vaisselle  d'or.  Et  l'usurier,  d'une 
naïveté  qu'on  rencontrerait  difficilement  de  nos  jours,  avan 
ça  deux  mille  pièces  d'or  sur  un  gage  qui  en  valait  bien 
deux...  Ce  coffre  fameux  a  été  conservé.  On  peut  le 
contempler  dans  la  salle  du  chapitre  de  la  cathédrale  ;  la 
relique  est  curieuse,  bien  que  peut-être  un  peu  inattendue, 
car  en  somme,  ce  coffre  a  servi  à  voler.  L'ironie  des  choses 
se  manifeste  parfois. . . 

Voici  le  monument  du  Cid.  La  maison  du  noble  Espagnol 
s'élevait  à  cette  place.  Chimène  habita  cette  maison  et  y  fut 
souvent  délaissée.  La  vaillante  fille  qui  s'offrit,  suivant 
Corneille,  au  duelliste  heureux  qu'elle  aimait,  s'aperçut  bien 
vite  que  le  mariage  d'amour  n'est  pas  toujours  la  forteresse 


L*EBPAGNE  LÉGENDAIRE,  PITTORESQUE  ET  ANECDOTIQUE  116 

lu  vrai  bonheur.  Elle  n'eut  que  des  joies  fugitives  et  mou- 
rut très  pauvre,  dans  une  simple  maisonnette. Son  mari^  le 
rélèbre  Campeador,  eut  une  fin  plus  pittoresque  et  dénuée 
le  banalité.  Il  trouva  moyen, en  efïet,de  gagner  une  bataille 
après  sa  mort.  Le  fait  doit  être  unique  dans  l'histoire  et 
mérite  d'être  conté.  Le  Cid,  épuisé  depuis  longtemps,  s'étei- 
gnit un  soir  dans  sa  tente,  la  veille  d'un  grand  combat* 
Annoncer  cette  mort,  c'était  préparer  la  défaite;  aussi  son 
écuyer  la  dissimula  avec  soin.  Bien  plus,  le  lendemain,  au 
moment  où  l'action  s'engageait,  il  habilla  le  cadavre  de 
l'armure  la  plus  étincelnnte  et  lui  mit  dans  la  main  sa  plus 
lourde  épée.  Puis  il  le  campa,  solidement  attaché,  sur  le 
plus  fougueux  destrier. Et  le  Cid, mort  depuis  quinze  heures, 
chargea  les  infidèles  à  la  tête  de  ses  troupes.  Le  cadavre  fut 
d'une  témérité  folle.  Il  montra  un  mépris  absolu  du  danger. 
On  ne  voyait  que  lui  dans  les  plus  épaisses  mêlées  et  il 
semblait  insensible,  comme  vous  le  pensez  bien,  aux  plus 
terribles  estocades.  Epouvantés,  les  ennemis  s'enfuirent, 
laissant  sur  le  terrain  des  milliers  de  morts  et  vingt-deux 
deleurschefs.EtvoilàcommentleCid Campeador  remporta, 
quinze  heures  après  avoir  cessé  de  vivre,  la  plus  belle  vic- 
toire de  son  existence. 

Voici  maintenant  la  maison  du  Cordon,  aujourd'hui  la 
capitainerie  générale,  autrefois  le  somptueux  palais  du 
connétable  Velasco.  Les  armes  du  connétable  sont  enfer- 
mées dans  le  cordon  de  Saint-P>an(;ois  et  cela  donne  à  la 
porte  un  aspect  original  et  singulier. 

Nous  allons  maintenant  à  la  cathédrale  que  l'on  aper(:oit 
out  BU  bout  d'une  rue,  avec  une  de  ses  tours  si  prodigieu- 
lement  sculptées. 

Voici  l'entrée  principale  de  ce  monument  merveilleux, iin- 
ressionnant,  que  Philippe  II  déclarait  une  création  des  an- 
esel  non  uneœuvredes  hommes.  C'est  peut-être, commeox 
rieur, la  plusbelle  cathédrale deTEspagncOn  éprouve, en  la 


116l*E8pagnk  légendaihe,  pittoresqce  et  anecdotique 

contemplant, un  sentiment  profond  et  curieux  d'impossible 
réalisé.Et  comme  nous  admirions,  éblouis  parlant  degran- 
deur,  un  mendiant  s'approcha, et  nous  dit  :  «Senores, donnez 
une  petite  aumône,  «  mi  limosiaila  »  pour  payer  la  joie  que 
vous  avez  à  voir  la  belle  église. ))La  formule  était  ingénieuse, 
le  pauvre  eut  une  pièce  blanche. 

L'ensemble  est  une  véritable  dentelle.  Pour  décrire  cette 
chose  inouïe,  il  faut  se  reporter  à  Théophile  Gautier  : 

((  Une  foule  innombrable  de  statues  de  saints,  d'archan- 
ges, de  rois,  de  moines,  anime  toute  cette  architecture, 
et  cette  population  de  pierre  est  si  nombreuse,  si  pressée,  si 
fourmillante, qu'elle  dépasse  a  coup  sur  le  chitïre  de  la  popu- 
lation en  chair  et  en  os  qui  occupe  la  ville. .   » 

El  l'intérieur  de  cet  admirable  chef-d'œuvre  ne  le  cède 
en  rien  à  l'extérieur,  (c  C'est,  dit  Théophile  Gautier,  un 
gouiïre  de  sculptures,  d'arabesques,  de  statues,  de  colon- 
nettes, de  nervures,  de  lancettes,  de  pendentifs, à  vousdonnef^ 
le  vertige.  On  regarderait  pendant  deux  ans,  qu'on  n'auraili 
pas  encore  tout  vu.  C'est  touffu  comme  un  chou,  fenêtre 
comme  une  truelle  à  poisson;  c'est  gigantesque  comme  une 
pyramide  et  délicat  comme  une  boucle  d'oreille  de  femme* 
Et  l'on  ne  peut  comprendre  qu'un  semblable  filigrane  puisse 
se  soutenir  dans  l'air  depuis  des  siècles. . .  » 

La  chartreuse  de  Miraflores  est  tout  auprès  de  Burgos. 
Devant  un  retable  superbe,  se  trouve  les  deux  plus  riches 
tombeaux  de  marbre  qui  se  puissent  voir  en  Espagne.  H^' 
abritent  Jean  II  et  Isabelle  de  Portugal,  sa  seconde  femme.] 

Nous  iirrivons  à  Madrid.  Nous  voici  sur  la  place  d'Orient, 
devant  le  palais  royal.  Cette  place  fut  faite  par  Joseph  Bo- 
naparte, alors  qu'il  était  roi  d'Espagne.Ce  prince  appréciai! 
le  grand  air.  Le  palais  lui  sembla  étouffé  par  les  maisons 
trop  proches.  Le  remède  fut  énergique  et  prompt.  Quelques- 
centaines  de  nuK'ons  furent  appelés  el,sur  lesordres  du  roii 
ils  abattirent  une  église,  cinq  cents  maisons  et  six  couvents. 


L  ESPAGNE  LÉGENDAIRE,  PITTORESQUE  ET  ANKCDOTIQUE  117 

La  place  d*Orient  était  créée.  C'est  sur  la  place  d^honaeur 
du  palais  que  la  parade  a  lieu  chaque  matin  à  10  heures. 
L.e  roi  y  assiste  souvent  du  haut  d'une  terrasse.  Le  palais 
royal  est  grandiose.  Il  date  de  1738,  et  il  coûta  la  modeste 
somme  de  soixante-quinze  millions. 

Comme  nous  sortions  du  palais,  nous  rencontrâmes  jus- 
tement le  jeune  roi.  Déjà,  nous  Tavions  vu  la  veille,  jour 
de  Pôques,  en  grand  costume  de  gala,  se  rendant  à  loflice 
dans  la  chapelle  du  palais.  Il  est  sympathique  ce  jeune  roi. 
Sa  fierté  d'Espagnol  est  souriante  et  bonne.  Nous  le  voyons 
ici  conduisant  sa  mère  et  sa  sœur  vers  le  parc  du  palais. 
Alphonse  XIII,  parait-il,  conduit  remarquablement  bien, 
d'une  main  très  souple  et  très  ferme.  Il  faut  lui  souhaiter 
de  diriger  avec  la  même  aisance  le  char  plus  lourd  de  l'Etat. 

La  place  Mayor  avec  la  statue  de  Philippe  III,  grimpé 
sur  un  cheval  à  croupe  volumineuse,  est  complètement  fer* 
mée.  On  y  accède  par  quatre  entrées  couvertes  que  surmon- 
tent des  maisons.  Elle  servait  autrefois  à  tous  les  usages. 
Cinquante  mille  personnes  pouvaient  s'entasser  aux  balcons 
qui  l'entourent.  On  y  vit  des  tournois,  des  exécutions,  des 
courses  de  taureaux,  des  autodafés  et  des  béatifications  de 
saints.  Le  30  juin  1680,  on  y  brûla  soixante-dix  hérétiques 
et  durant  douze  heures,  le  roi  Charles  II,  la  reine  et  toute 
la  cour  assistèrent  à  ce  charmant  spectacle. 

Le  pont  de  Tolède  est  un  superbe  pont  tçut  en  granitsculpté. 
Dessous  passe  le  Manzanarès,  une  rivière  singulière  dont 
loriginalité  consiste  à  ignorer  ce  que  c*est  que  Teau.  Elle 
ne  contient  que  du  sable  remarquablement  sec,  ce  qui  fit 
dire  à  un  voyageur  facétieux  «  que  les  Espagnols  qui  dé* 
pensent  tant  d'argent  pour  construire  des  ponts,feraient  bien 
den  garder  un  peu  pour  construire  des  rivièresn.Et  Alexan- 
dre Dumas,  comme  on  lui  apportait  un  verre  d'eau,  un 
jour  qu'il  avait  très  soif,  déclara  s  (f  Non,  porte2^1e  plutôt  au 
Manzanarès,  il  an  a  bien  plus  besoin  qua  moi»  )) 


118  LKSPAGNE  LÉCJENDAIR!:,  PITTORESQUE  ET  ANECDOTIOCE 

Il  est  bon  d'ajouter,  pour  être  impartial,  que  certains 
Espagnols  alTirment  que  le  Manzanarès  est  un  fleuve  ma- 
gnifique et  puissant.  Seuleraent,par  une  bizarrerie  dont  on 
rencontre  peu  d'exemples,  Teau  coule  en  dessous.  El  alors 
on  a  construit  un  pont  pour  le  cas, toujours  attendu, où  l'eau, 
revenant  à  des  habitudes  moins  spéciales,  se  mettrait  à  cou- 
ler en  dessus. 

Un  jour  cependant,  jour  célèbre  dans  les  fastes  du  Man- 
zanarès, un  homme  s'y  noya.  C'était  un  ivrogne-  Il  voulut, 
chose  habituelle  et  facile,  traverser  la  rivière  ;  mais  comme 
il  y  avait  ce  jour-là,  une  très  forte  crue,  il  se   trouva  qu'il 
eut  de  l'eau  jusqu'à  la  cheville.Epouvanté,il  voulut  se  mettre    , 
à  la  nage  ;  une  congestion  le  prit  comme  il  barbottait  dans    | 
le  sable,  et  il  mourut  là,  sur  le  ventre,  dans  les  cinq  cen-    ' 
timètres  d'eau  où  sa  figure  s'enfonçait. 

Nous  allons  nous  rendre  maintenant  au  spectacle  natio- 
nal de  l'Espagne.  Nous  allons  voir  ce  spectacle  sanglant  qui 
révolte  les  ômes  sensibles  et  épouvante  les  être  timorés* 
Nous  allons  assister  à  une  course  de  taureaux.  Sur  le  che- 
min de  rarène,nous  trouvons  la  banque  d'Espagne,  immense 
bâtiment  récemment  terminé. 

Puis  on  arrive  à  la  fontaine  de  Cybèle,  taillée  dans  un 
seul  bloc  de  pierre.  Les  Français,  lors  de  roccupation, 
voulurent  l'emporter,  et  pour  y  parvenir,  ils  la  scièrent  en 
trois.  Les  morceaux  furent  encore  trop  lourds  et  ils  durent 
y  renoncer. 

Nous  voici  devant  les  arènes,  le  jour  de  PâqueSiOÙ  a  lieu 
la  première  course  de  la  saison.  On  commence  à  y  arrîter. 
Des  gardes  à  cheval  assurent  le  service  d'ordre.  Tout  un 
monde  de  marchands  d'eau,de  vendeurs  d'orangeSjdedistri* 
buteurs  de  programmes,  de  mendiants,  sont  déjà  là.  Le 
concert  de  cris  est  assourdissant.  Le  temps  est  magnifique, 
le  soleil  radieux,  les  affaires  seront  bonnes* 

Nous  sommes  entrés  ddns  la  plaza^  et  d'une  fenôlro  da 


L  ESPAGNE  LEGENDAIRE,  PitTORESQUË  ET  ANECDOTIQUE  ll9 

premier,  nous  assistoos  à  l*arrîvée  du  public  qui  se  presse 
déplus  en  plus.  Il  faut  avoir  assisté  au  Grand-Prix  de  Paris 
pour  se  faire  une  idée  de  Tanimation  prodigieuse  de  la  rou- 
le. De  brillants  équipages,  desimpies  fiacres,  des  omnibus, 
d'immenses  chars  à  bancs,  des  tramways,  se  pressent,  se 
bousculent  et  s*accrochent.  Tout  ce  qui  peut  rouler  à 
Madrid,  parcourt  ce  jour-là  le  chemin  des  arènes.  C'est 
un  défilé  à  la  fois  brillant  etjaraentable,  luxueux  et  misé- 
rable. La  manola  à  la  jupe  voyante,  à  la  mantille  blanche, 
y  cétoie  la  pauvre  fille  en  chôle,  qui  n*a  pas  mangé  pour 
avoir  un  billet. 

On  ne  peut  concevoir  la  frénésie  des  Espagnols  pour  les 
courses  de  taureaux,  ils  engagent  leurs  matelas  pour  avoir 
Vargent  nécessaire.  Et  sous  la  porte  d'entrée,  toujours  le 
flot  se  précipite,  houIeux,compact,perpétuel.  On  se  deman- 
de  où  tout  cela  tiendra .  Mais  il  faut  se  souvenir  que  les 
arènes  immenses  contiennent  douze  mille  spectateurs.  Pas 
une  place  ne  restera  libre,  pas  un  coin  ne  demeurera  Idoc- 
cupé. 

Tout  le  monde  est  placé.  La  course  commence  et  les 
quadrilles  font  leur  entrée.  En  avant,  les  matadors  et  les 
capeadors,  puis  les  picadors  à  cheval,  et  enfin  les  garçons 
de  service^  surnommés  ((  singes  savants  ».  Après  avoir  vu 
l'ensemble  de  la  quadrille,  nous  allons  examiner  le  détail. 

Derrière  Talguezil  qui  vient  demander  au  président  la 
clef  du  toril,  marchent  les  trois  plus  célèbres  toreros  espa* 
gnols  :  Fuentes,  Bombita  et  Algabeno.  Ces  virtuoses  de 
Varitauromachique,touchentdecinq  à  six  mille  francs  par 
course.  Ils  battent,  comme  émoluments,les  records  des  plus 
'ameux  ténors.  Leurs  costumes  sont  éclatants,  tout  en  soie 
de  couleur  vive,  rouge,  verte,  jaune,  bleue,  que  recouvrent 
d'épaisses  broderies  d*or. 

Les  picadors,  montés  sur  de  maigres  haridelles,  ontleurâ 
jambes  gainées  de  bois,  de  forts  étriers  leur  protègent  les. 


120   LESPAGNE  LÉGENDAIRE,  PITTORESQUE  ET  ANECDOTIQLE 

pieds  et  un  cliapeau  large  et  très  dur  met  leur  tête  à  l'abri 
des  chocs  lropviolents,lorsque  le  taureau  les  renverse.  Jeter 
son  chapeau  au  moment  d'attaquer  le  taureau  est,  pour  le 
picador,  un  véritable  Irait  de  courage. Sur  le  front  des  che- 
vaux, on  peut  apercevoir  le  bandeau  qui  leur  cachera  les 
yeux  pour  les  empêcher  de  fuir  à  l'approche  du  taureau. 
Ces  pauvres  bêtes  se  laisseront  ainsi  plus  facilement  éven 
trer  et  leurs  cadavres, toutes  les  tripes  au  venl,seront  avant 
peu  étendus  sur  le  soh 

La  course  est  commencée  ;  le  taureau  est  lâché  dans 
Tarëne.  Ahuri  par  le  soleil»  le  bruit,  les  cris,  il  a  tout  d'a- 
bord des  mouvements  désordonnés  et  furieux,  il  bondit 
comme  un  fou.  Il  ne  sait  où  courir  devant  toutes  ces  capes 
rouges  qui  s'agitent  près  de  lui.  Au  hasard,  il  se  précipite  ; 
mais  l'homme  a  sauté  de  côté,  et  derrière  l'étoffe  qui  glisse 
sur  ses  cornes,  le  taureau  ne  trouve  que  le  vide.  Son  enne- 
mil  léger,  s*est  prestement  dérobé. 

Et  le  taureau  se  venge  en  déchirant  la  capa  de  ses  sabots 
et  de  ses  cornes.  Quelquefois,  agile  comme  un  cheval  de 
course»  il  saute  la  barrière  ;  mais  il  tombe  dans  un  couloir 
étroit  où  il  ne  peut  se  retourner  et  qui  le  ramène,  par  des 
portes  habilement  disposées,de  nouveau  dansTarène-J'aivu 
un  taureau  sauter  sept  fois  la  barrière.  On  cite  le  cas  d'un 
autre  qui  bondit  avec  une  telle  force  qu'il  passa  la  barrière^le 
Couloir^  la  seconde  enceinte,  pour  venir  tomber  sur  les 
genoux  des  spectateurs  assis  au  premier  rang.  Je  vous  laisse 
â  penser  ce  que  fut  la  panique. 

Nousarrivonsaux  picadors.Un  cheval  vient  d'ôtre grave* 
ment  blessé.  Affolé,  il  s'est  enfui  dans  Tarène  où  il  s* abat  à 
bout  de  forces. 

Voici  Tattaque  du  taureau.  Le  cheval  a  déjà  la  corne  à 
demi«enfoncée  dans  le  ventre.  La  dpuleur  le  fait  cabrer.Le 
picador  soulevé  sur  sa  selle  e3saie,daDS  uq  violent  effort  de 
t^epousser  son  agresseur  avec  sa  lance.  Effort  bien  inutile, 


L  ESPAGNE  LÉGENDAIRE,  ÏMTTORESQUE  ET  AMEÎGDÔriQÙE     1^1 

cor  cette  lance^qui  ne  doit  pas  blesser  grièvement  le  taureau, 
est  terminée  par  une  boule  à  laquelle  est  fixée  une  pointe 
d'un  centimètre  environ.  Le  cavalier  a  donc  pour  mainte- 
nir le  taureau  la  seule  force  de  son  poignet.  C'est  peu, aussi 
la  chute  est  proche.Le  cheval,  ouvert  comme  un  fruit  mûr, 
va  s'abattre,  les  pattes  embarrassées  dans  ses  entrailles. 
Déjà  tous  se  précipitent,  les  uns  pour  relever  le  cadavre, 
les  autres  pour  entraîner  le  taureau,  l'éloigner  derrière  leur 
cdpa  déployée,  d'autres  enfin,  pour  achever  le  cheval  d*uu 
coup  de  poignard  sur  la  nuque. 

Une  situation  critique,  c*est  quand  le  taureau  et  Thomme 
se  touchent .  Peu  de  craintes  à  avoir,car  la  souplesse  de  Fun 
aura  sans  doute  raison  de  la  force  brutale  de  l'autre.  Il  y  a 
assez  souvent  des  accidents,  mais  généralement  les  blessu- 
res reçulîs  sont  peu  graves.  S'il  y  a  dans  toute  l'Espagne, 
où  un  millier  de  courses,  qui  coûtent  la  vie  à  6.000  taureaux 
environ, ont  lieu  chaque  année,un  ou  deuxhommesde  tués 
c'est  tout.  Un  plus  grand  nombre  de  jockeys  trouvent  cer- 
tainement la  mort  sur  nos  champs  de  course  de  France. 

Le  taureau,  saignant  sous  les  banderilles  qui  lui  déchi- 
rent le  garrot,  épuisé  par  la  lutte  qui  est  près  de  finiri 
s  accule  à  la'barrière. 

L'heure  a  sonné  :  le  taureau  va  mourir,  le  matador,  son 
épée  d'une  main,  sa  muleta  de  l'autre,  s'avance  à  sa  ren« 
contre. 

Les  voici  face  à  face,  le  taureau  Tœil  fixé  sur  le  chifion 
rouge  qui  s'agite  devant  lui,  l'homme  demi-plié,  l'épée 
droite,  tout  prêt  à  bondir  en  avant,  car  il  faut  que  son 
bras  passant  entre  les  cornes,  vienne  enfoncer  l'épée  entre 
les  deux  épaules.  Le  moment  est  solennel, pas  un  mot  ne  se 
dit  dans  l'immense  arène.  Un  peu  en  arrière  se  tient  un  ca- 
péador,  tout  prêt  À  intervenir  en  cas  d'accident  ou  de  chute« 

L'homme  s'est  détendu.  L^épée  s'enfonce  entre  les  ban* 
(Urilles  accrochées  au  garrot,  Êllo  va  disparaître  jusqu'à  la 


122   L* ESPAGNE  LÉGENDAIRE,  PITTORESQUE  ET  ANEGDOTIQÛF 

garde,  le  torero  se  trouve  entre  les  cornes  du  taureau. Que 
l'animal  relève  la  tête  et  l'homme  est  perdu,  le  ventre 
ouvert  comme  un  cheval.  Mais  il  connaît  le  danger,  son 
bras  s*est  détendu  comme  un  zigzag  d'éclair,  et  lorsque  le 
taureau  blessé  à  mort,  se  redresse  violemment,  le  matador 
n'est  plus  là.  Tranquille  à  deuxpas,et  un  poing  sur  la  hao 
che,  il  regarde, souriant,  son  ennemi  mourir.  Il  faut  enten- 
dre alors  les  acclamations.  Elles  roulent  immenses  comme 
un  bruit  de  tonnerre.  Douze  mille  personnes,  debout,  hur- 
lent et  applaudissent.  C'est  un  spectacle  prodigieux.  Il  faut 
ajouter  que  ces  acclamations  peuvent,en  quelques  minutes, 
se  changer  en  protestations  peut-être  plus  violentes, 
plus  bruyantes  encore.  La  foule  ne  pardonne  rien,  le 
favori  porté  aux  nues^devient  dans  le  quart  d'heure  qui  suit, 
pour  un  coup  d'épée  mal  donné,celui  qu'on  insulte  et  qu'oD 
foule  aux  pieds.Jamais,  en  aucun  cas,  la  roche  TarpéieDoe 
ne  fut  si  près  du  Capitole.  Et  cette  mobilité  extrême  de  la 
foule,  n'est  pas  le  côté  le  moins  curieux  de  ce  spectacle 
singulier. 

La  course  est  finie.  Trois  mules  clinquantes,  harnachées 
de  rouge  et  de  vert  et  toutes  sonnantes  de  grelots,  entraî- 
nent les  cadavres.  Un  peu  de  sable  sur  le  sang  et  un  autre 
taureau  parait.  Une  nouvelle  course  commence.  Pour  juger 
les  courses  de  taureaux,  il  faut  en  avoir  vu,  non  pas  une, 
mais  dix,  afin  de  se  libérer  de  Témotion  inévitable  des  pre 
miers  jours.  On  y  trouve  alors  un  spectacle  incomparable 
et  captivant.  Pendant  les  deux  ans  que  j*ai  vécu  en  Espagoei 
j*y  ai  assisté  presque  chaque  dimanche,  et  celai  je 
vous  le  jure,  ne  m'a  pas  rendu  sanguinaire  ni  cruel  ;  l6i 
cœurs,  malgré  le  sang  répandu,  gardent  toute  leur  sensibi' 
lité. 

Un  jour,  un  torero  tua  d*ua  coup  de  sa  banderille  un 
pigeon  fatigué  qui  s'était  posé  sur  la  barrière  de  rarèae«  le 
public  faillit  le  lyncher,  et  de  formidables  huéea  Tempe* 


l'espagne  légendaire,  pittoresque  et  anecdotique  123 

chèrent,  ce  jour-lè,de  prendre  pari  à  la  course.  Il  ne  faut 
point  chercher  à  analyser  la  psychologie  des  courses  de 
taureaux,  il  faut  se  contenter  de  savourer  les  réelles  beau- 
tés qu'elles  renferment. 

Nous  arrivons  à  Tolède,  l'ancienne  capitale,  aujourd'hui 
bien  déchue,niais  qui  garde,plantée  sur  ses  rochers  abrupts 
qu'un  fleuve  entoure  de  trois  côtés,  un  air  impressionnant 
de  grandeur  et  de  majesté.  En  arrivant  de  la  gare,  on  ac- 
cède à  Tolède  par  le  pont  d'Âlcantara  qui  enjambe  le  Tage 
de  deux  arches  inégales  que  surmontent  deux  tours  créne- 
lées. 

Un  long  chemin  à  flanc  de  coteau  mène  à  la  ville,  dont 
l'origine  fabuleuse  se  perd  dans  un  lointain  magnifique  de 
batailles  et  d'aventures.  Tolède  fut  une  cité  guerrière,  et 
encore  aujourd'hui,  presque  morte,  on  sent  que  peu  de 
chose  lui  rendrait  sa  vigueur  et  sa  force.Tolède  a  un  peu  la 
beauté  d'un  superbe  tombeau  ;  elle  séduit  les  yeux,  elle 
captive  l'imagination  ;  mais  elle  rend  triste. 

Les  principales  curiosités  sont  la  perte  du  Soleil,  vieille 
de  huit  cents  ans,  dont  les  courbes  élégantes  et  les  fines 
colonnettes  laissent  deviner  toute  la  délicatesse  de  cet  art 
mauresque, que  nous  verrons  s'épanouira  Gordoue,  à  Séville 
et  à  Grenade. 

La  porte  des  Lions,  la  plus  belt»  et  la  plus  célèbre  de  la 
cathédrale. 

Non  loin  de  la  cathédrale,  se  trouve  la  superbe  porte  de 
lancien  hôpital  Sainte-Croix  ;  aujourd'hui  une  école  mili-* 
taire. 

Le  cloître  de  Saint-Jean  des  Rois,  que  des  réparationâ 
récentes  laissent  d'une  blancheur  trop  éclatante,  mais  qui 
garde,  avec  ses  fleurs  et  sa  verdure,  un  charme  délicieux* 
Le  long  du  mur  extérieur  de  l'église  des  fers  sont  suspendus^ 
ce  sont  les  entraves  qui  attachaient  les  mains  des  chrétiens 
captifs  à  TAlhambra,  lorsque  Ferdinand  et  Isabelle  recoo-' 


l24  L  ESPAGNE  LÉGENDAIRE,  PITTORESQUE  ET  ANECDOTICîl*'E 

quirenl  Grenade.  Par  d'étonnantes  petites  ruelles,  si  à  pi- 
que les  maisons  semblent  se  cramponner  les  unes  aux  au 
très,  pour  ne  pas  rouler  sur  la  pente,  nous  arrivons  à  la 
porte  Del  Cambron  qui  ouvre  sur  une  campagne  désolée, 
où  de  pauvres  unes  pelés  portent,  d'une  démarche  souffre 
teuse  et  dolente,  un  bât  qui  les  écrase. 

Suivant  les  remparts  extérieurs,  nous  arrivons  à  la  por- 
te Visagra,  que  surmonte  l'aigle  de  Charles  Quint.  Près  de 
cette  porte,  se  trouvait  jadis  la  tour  d'Hercule  ;  une  porte 
de  fer  la  fermait.  Le  roi  Rodrigue,  il  y  a  douze  siècles, 
voulut  la  faire  ouvrir,  croyant  trouver  là  un  trésor.  Il  ne 
trouva  qu'une  inscription.  Ces  paroles  étaient  gravés  sur 
le  mur  :  «  Roi,  tu  as  ouvert  pour  ton  malheur  ».  Rodrigue 
eut  peur  ;  mais  la  cupidité  domina  la  peur  et  il  entra. Dans 
un  coffre  rouillé,  il  trouva  des  étendards  aux  formes  singu- 
lières,brodés  d'étranges  dessins  où  se  voyaient  des  hommes 
noirs.  Rodrigue  sortit  tremblant.  Alors  un  aigle  gigantes- 
que descendit  du  ciel  ;  il  tenait  dans  ses  serres  une  torche 
enflammée  qu'il  laissa  tomber  sur  la  tour,  et  il  ne  resta  que 
quelques  pierres  calcinées. 

Peu  de  temps  après, les  Maures  pénétraient  dans  TEspa 
gne  qu'ils  allaient  conquérir. 

Le  pont  Saint-Martin.  Ce  fut  près  de  ce  pont  que  Rodri- 
gue trouva  la  cause  qui  fit  se  réaliser  la  prédiction  de  la 
tour.  Cette  cause  était  fort  jolie.  Elle  s'appelait  Florinde  et 
était  fille  du  comte  Julien,  un  des  plus  puissants  seigneurs 
du  royaume.  Ce  jour-là,  Florinde,  sur  les  bords  du  Tage 
s'amusait  avec  ses  suivantes  et  faisait  un  concours.  IlsV 
gissait  de  savoir  qui  avait  la  plus  jolie  jambe.  Un  ruban  de 
soie  servait  à  prendre  les  mesures,  et  de  toutes  les  jambeSf 
la  jambe  de  Florinde  se  trouva  la  plus  fine  et  la  plus  élé 
gante*  Or,  il  advint  qu'un  hasard  permit  à  Rodrigue,caché 
près  de  là|  d'assister  au  concours.  Et  ramourisubitemeoti 
Ontra  dans  son  cœur^  car  le  coup  de  foudre  fut  de  tous  les 


L*ESPAGNE  LÉGENDAIRE,  PITTORESQtE  ET  ANECDOTIQUE   125 

temps.  Il  fît  venir  Florinde  et  lui  déclara  sa  flamme  avec 
passion  ;  la  fille  du  comte  Julien,  flattée,  ne  sut  pas  résister 
au  désir  de  son  roi  qui  était,  du  reste,  un  fort  joli  roi,  elle 
devint  la  favorite,  et  cela  fut  cause  de  Tenvahissement  de 
l'Espagne  par  les  Maures.  Nous  verrons  un  peu  plus  loin 
pourquri. 

Un  ravin  grandiose,  escarpé,  sauvage,  entoure  Tolède. 
II  semble  que  Teau  du  Tage,  si  remarquable  pour  tremper 
les  armes,  brûle  et  dessèche  tout  ce  qu'elle  touche. 

X©us  quittons  Tolède  pour  arriver  à  Cordoue,  étendue 
toute  blanche  sur  les  bords  du  Guadalquivir.  Cordoue,com- 
me  Tolède,  est  une  ville  déchue.  Elle  n'est  plus,  comme  a 
dit  Gautier,  qu'un  squelette  calciné  et  blanchi.  Et  cepen- 
dant, elle  n'est  pas  triste.  Pour  l'étranger  qui  passe,  rien 
n'est  triste  en  Andalousie.  Il  y  a  trop  de  soleil,  trop  de  lu- 
mière et  de  fleurs. 

Le  monument  le  plus  célèbre  de  Cordoue  est  la  mosquée. 
A  l'extérieur,  on  dirait  une  forteresse,  mais  d'allure  si 
complètement  orientale,  qu'on  s'étonne  de  ne  pas  voir  quel- 
que Arabe  allongé  sur  les  pierres  et  dormant  au  soleil. 

L'intérieur  de  la  mosquée  est  quelque  chose  d'unique  au 
monde-  Il  semble,  lorsqu'on  pénètre  dans  cet  intérieur  un 
peu  sombre,  avec  la  perspective  infinie  de  centaines  de  co- 
lonnes en  marbre  rare,  aux  couleurs  variées,  qu'on  entre 
dans  un  rêve.  On  reste  un  moment  ébloui  etcomme écrasé. 
Tous  ces  arcs  rouges,  blancs  qui  se  mêlent  et  se  superpo- 
sent, déroulent  la  raison  et  aussi  l'imagination.  Et  lorsqu'on 
peut  réfléchir,  on  s'aper(;oit  que  ces  colonnes  sont  hautes 
de  quatre  mètres  à  peine,  que  ces  arcs  sont  étroits,  que  la 
voùle  n'est  pas  à  plus  de  sept  mètres  au  dessus  de  la  tète. Et 
cependant  le  charme  est  prodigieux  ;  l'élégance, l'harmonie 
séduisent  l'œil,  l'enchantent  au  point  de  Tempécher  de 
saisir  une  erreur  ou  de  voir  un  défaut.  Qu'était  ce  avant  le 
seizième  siècle,  où  des  chanoines  impitoyables,  que  Charles 


126  L*ESPAGNE  LÉGENDAIRE,  PITTORESQUE  ET  ANECDOTIQUB 

Quint  blâma  sévèrement,  saccagèrent  le  milieu  de  cette 
forêt  de  marbre  pour  y  élever  un  chœur  gothique,  très 
beau  sans  doute,  mais  que  la  colère  de  le  voir  là  empêche 
d*admirer. 

A  côté  de  la  mosquée  se  trouve  une  grande  cour  toute 
remplie  d'orangers  qui  embaument.  Une  fontaine  vient  y 
mettre  Tattrait  de  son  eau  fraîche  et  pure. 

Des  jeunes  filles  y  passent,  des  fleurs  dans  les  cheveux, 
la  démarche  souple  et  gracieuse,  la  cruche  appuyée  sur  la 
hanche  que  fait  saillir  le  buste  incliné  de  côte.  Et  pecdant 
que  la  cruche  se  remplit,  au  murmure  de  l'eau  courante,de 
doux  propos  s'échangent,  sous  l'œil  bienveillant  et  quelque 
peu  mélancolique  de  commères  qui  se  souviennent  de  leur 
jeunesse. 

Comme  à  Tolède,  les  rues  de  Cordoue  sont  étroites,  si 
étroites  qu'un  cavalier  a  peine  à  y  passer. 

Parfois,  cependant,  dans  un  joli  square  tout  fleuri,  de 
vieilles  portes  conservées  par  miracle,  viennent  mettre  la 
beauté  de  leur  souvenir  et  l'élégance  de  leurs  sculptures. 

Nous  voici  sur  l'emplacement  de  l'ancien  Alcazar.Il  n'en 
reste  rien  que  le  bassin  délicieux,  tout  enguirlandé  de  ro- 
ses, de  géraniums  et  d'œillels.  Sur  cette  place,  s'élevait  au- 
trefois un  palais  merveilleux,  soutenu  par  quatre  vieilles 
colonnes  de  marbre  précieux.  La  sultane,  au  milieu  dô 
trésors  fabuleux,  se  trouvait  entourée  par  des  lions  décris 
tal  aux  yeux  de  rubis,  qui  jetaient  des  parfums  enivrauls 
dans  des  vasques  de  porphyre  et  de  jaspe  Et  en  nous 
retirant  sous  les  arceaux  demi-ruinés  d'une  vieille  rue 
déserte,  nous  songions,  silencieux,  au  temps  qui  avait  vu 
ces  splendeurs  perdues. 

Nous  allons  maintenant  arriver  à  Séville.  Sévilledont 
le  seul  nom  éveille  des  idées  de  gaîté  et  de  joie  et  met  dans 
l'imagination,  des  bruits  de  castagnettes  et  des  visions  de 
danses  voluptueuses. Réputation   qui  n'est  point  usurpée. 


L*E8PAGNE  LÉGENDAIRE,  PITTORESQUE  ET  ANECDOTIQUE  127 

Séville  est  joyeuse  ;  Séville  est  animée,  remuante  et  tapa- 
geuse. Jour  et  nuit  elle  est  en  fête,  Séville,  en  quelque  sor- 
te, est  le  casino  de  KEsp&gne.  Mais  un  casino  rempli  d'ad- 
mirables choses  et  où  abondent  les  plus  superbes  chefs- 
d'œuvre.  Séville  n'a  qu'un  but  :  plaire  et  amuser.Elleveut 
qu  on  parle  de  ses  jours,  pour  ses  jardins^  ses  monuments, 
ses  taureaux  et  son  luxe  ;  elle  veut  aussi  qu'on  parle  de 
ses  nuits,  pour  son  animation,  ses  plaisirs,ses  danses  et  ses 
fêtes.Sé^  ille  tout  entière  a  le  caractère  dés  femmes  qui  l'ha- 
bitent. Elle  est  coquette,  séduisante  et  veut  être  admirée. 

II  en  fut  ainsi  de  tout  temps.  Au  xiv®  siècle,  Pierre  le 
Cruel,  son  roi,  l'adorait.  Seul  la  nuit,  il  courait  les  rues 
comme  un  étudiant,  touchant  de  la  guitare,  sous  le  balcon 
des  belles,et  se  battant  comme  un  reître  avec  des  inconnus. 
Une  nuit,  il  tua  son  adversaire  ;  on  sut  que  c'était  lui  l'as- 
sassin. Alors  Pierre  le  Cruel  donna  un  bel  exemple  de 
justice.  En  grande  pompe,  il  se  jugea  lui  même  et  sans 
hésiter,  se  condamna  à  mort.  Puis  sur  la  place  de  la  ville, 
il  se  lit  exécuter. .  en  elTigie.  Et  tous  ses  sujets  trouvèrent 
la  plaisanterie  adorable, 

Il  eut  des  aventures  plus  tragiques.  Il  se  mit  un  jour  en 
tète  de  séduire  Maria  Coronel,  la  plus  honnête  femme  de 
Séville,  qui  n'avait  pour  lui  que  dédain  et  mépris.  Il  la  me- 
naça, si  elle  résistait,  de  faire  pendre  son  mari.  Maria  ne 
céda  pas,  mais  devenue  veuve  par  ce  crime,  elle  se  retira 
dans  un  cloître.  Pierre  le  Cruel  que  la  passion  aveuglait,  l'y 
poursuivit  :  alors  Maria  Coronel,  sublime,  se  plongea  la 
figure  dons  une  jarre  d'huile  bouillante,  afin  de  détruire  à 
jamais  sa  beauté.  Pierre  I<^'  s'enfuit  épouvanté,  et  pour  ra- 
cheter son  odieuse  conduite,  il  fonda  un  hôpital  où  Maria 
Coronel  mourut  religieuse. 

El  lorsque  aujourd'hui  encore'on  croise  les  Andalouses, 
avec  leurs  jupes  voyantes  et  leurs  mantilles  blanches,  on 
cesse  presque  de  blâmer  Pierre  le  Cruel.  Les  femmes  de 


128  L*ESPAGNE  LÉOENDAIRE,  PITTORESQUE  ET  ANBCDOTiQUff 

Séville, agréables  par  l'harmonie  de  leur  démarche,  la  sou- 
plesse de  leur  taille,  la  pureté  de  leurs  lignes  et  la  séduction 
de  leur  sourire,  sont  irrésistibles  pour  les  yeux.  Et  il  faut 
voir  le  regard  que  jettent  ces  admirables  yeux.  Ecoutez 
Théophile  Gautier  :  «  L'Andalouse,  dit-il,  abaisse  lentement 
ses  paupières, puis  elle  les  relève  subitement,  vous  décoche 
un  regard  d'un  éclat  insoutenable,  fait  un  tour  de  prunelles 
et  baisse  de  nouveau  les  cils. . .  Il  est  bon  d'ajouter  qu'une 
femme  Andalouse  regarde  avec  ces  yeux  passionnés  une 
charrette  qui  passe,  ou  un  chien  qui  court  après  sa  queue.  » 

Quant  aux  Andalous,  ce  sont  les  Marseillais  de  l'Espagne. 
Dites-leur  ce  que  vous  voudrez,  ils  ont  toujours  fait  plus 
fort.  Contez-leur  une  anecdote,  ils  vous  en  conteront  dix 
infiniment  plus  amusantes.  Nul  ne  s'entend  plus  qu'eux  à 
jeter  do  la  poudre  aux  yeux.  A  les  en  croire,  ils  sont  tous 
millionnaires,  l'argent  pour  eux  est  une  chose  qui  n'a  pas 
de  valeur.  Mais  ils  restent  au  lit  pendant  que  Ton  blanchit 
leur  unique  chemise,  et  lorsqu'ils  reviennent  du  marché, 
où  ils  ont  acheté  quelques  centimes  de  légumes  ou  de  riz, 
ils  laissent  sortir  avec  ostentation,  d'un  paquet  qui  semble 
fort  lourd,  les  pattes  énormes  d'une  dinde  ou  d'une  oie  que 
l'on  peut  croire  magnifique.  A  la  vérité,  l'Ole  ou  la  dinde 
se  compose  de  chiffons,  et  les  pattes  si  cômplaisammenl 
étalées,  ne  sont  que  des  pattes  séchées  d'une  oie  ou  d'une 
dinde  qui  exista  jadis. 

Nous  irons  tout  d'abord  visiter  l'Alcazar.  Nous  retrou- 
verons là  l'enchantement  de  la  mosquée  de  Cordoue,  avec 
quelque  chose  de  plus  souriant,  de  plus  prenant  encore. 

Entrons  dans  le  patio  de  Las  Doncellas.  C'est  dans  ce 
patio  que  se  payait  le  fameux  impôt  des  Cent  Vierges  que 
Séville  devait  au  sultan  de  Cordoue,  son  suzerain. On  a®^ 
nait  là  les  plus  belles  jeunes  filles  de  la  ville;  l'envoyé  do 
sultan  en  choisissait  cent  qui  allaient  peupler  le  harem  i^ 
son  maître. 


l'eSPAGNE  LéGENDAIRB,  PITTORESQUE  ET  A2>(ECD0TlQUfi  129 

On  pénètre  de  ce  patio  dans  la  salle  des  ambassadeurs, 
si  finement  ouvragée  que  les  murs  semblent  une  guipure  de 
stuc.  Les  arcs,  les  colonnes,  les  chapiteaux  sont  des  mer- 
veilles d'harmonie  et  de  grôce.  C'est  dans  cette  salle  qu*eiit 
lieu  le  mariage  de  Charles-Quint  avec  Isabelle  de  Portugal. 
C'est  là  aussi  que  Pierre  le  Cruel  reçut  Abou-Sahid,  le  sul- 
tan de  Grenade,  et  ses  quarante  compagnons.  Il  les  reçut 
magnifiquement,  les  traita  de  façon  royale,  puis  à  la  fin  du 
repas,  comme  ils  avaient  perdu  leurs  forces  et  que  leurs 
jambes  étaient  molles,  il  les  fit  tranquillement  jeter  dans 
de  profondes  oubliettes.  Il  recueillit  ainsi  de  très  riches 
bijoux,  parmi  lesquels  un  énorme  rubis  qui  fut  donné  à 
Marie  Stuart,  appartint  ensuite  à  Elisabeth  d'Angleterre, 
et  se  trouve  aujourd'hui  dans  les  vitrines  de  la  Tour  de 
Londres. 

Tout  à  côté  se  trouve  le  patio  de  Las  Munecas.  Pierre  le 
Cruel  y  fit  tuer  son  frère.  Délicat  dans  sa  cruauté,  il  sut 
donner  à  ce  frère  détesté,  la  joie  très  relative  de  mourir 
dans  un  joli  cadre. 

Les  jardins  de  l'Alcazar,  que  doivent  connaître  ceux  qui 
virent  jouer  La  Favorite^  ont  été  restaurés  dans  le  goût 
français  :  fontaines  de  rocailles,  amours,  petits  temples, 
bordures  de  buis  et  plates  bandes  de  fleurs.  Dans  ces  jar- 
dins se  trouvent  les  bains  où  Maria  Padilla,la  belle  favorite 
de  Pierre  le  Cruel, se  baignait  devant  toute  la  cour. Et  pour 
plaire  à  leur  roi,  pour  rendre  aussi,  disoient  ils,  hommage 
à  la  beauté,  les  courtisans  avaient  coutume  de  boire  Teau 
du  bain. Or,il  advint  qu'un  jour,un  courtisan  refusa. Et  com- 
me Pierre  le  Cruel,  le  sourcil  froncé,  le  fixait  d'un  mauvais 
regard,  il  dit  :  «  Sire,  je  me  refuse  à  goûter  la  sauce,  de 
peur  que  l'envie  me  prenne  de  manger  la  perdrix.  » 

Dans  les  allées,  Pierre  le  Cruel  avait  fait  dissimuler  des 
jets  d'eau  clandestins. L'orifice  invisible  était  à  fleur  de  sol. 
Le  roi  conduisait  dans  les  allées  des  femmes  en  grande 


130  l'espagne  légendaire,  pittoresque  et  anecdotique 

toilette,  et  lorsqu'il  les  voyait  bien  placées,  se  promenant  ^ 
avec  tranquillité,  il  faisait  soudain  jaillir  Teau.Je  vous  lais-  i 
se  à  penser  la  fuite  au  milieu  des  jupes  retroussées.  Elle  \ 
souverain  s'amusait  comme  un  roi. 

Passant  du  profane  au  sacré,  nous  voici  devant  la  cathé- 
drale. Un  admirable  monument.  A  Tangle  se  dresse  la  ^ 
Gif  aida,  la  splendide  Giralda,  la  vieille  tour  mauresque  À 
d'une  si  superbe  beauté.  Elle  jette  sur  l'immense  monu-  ^ 
ment, qu'elle  domine,  toute  la  poésie  de  l'Orient.  On  l'aper- 
çoit de  partout  et,  en  face  du  soleil  ardent  qui  l'éclairé, 
jaunie  parla  patine  du  temps,  dans  l'atmosphère  radieuse- 
ment  pure  du  ciel  d'Andalousie,  elle  semble  une  tour  d'or. 
Que  les  Sévillanais  la  soignent,  la  surveillent,  la  préservent. 
Si  jamais  la  Giralda  s'écroulait, Séville  perdrait  son  auréole. 

La  cathédrale  est  une  des  plus  impressionnantes  d'Espa- 
gne. Parlant  des  cathédrales  espagnoles,  un  proverbe  dit  : 
((  Burgos  la  superbe,  Tolède  la  riclie,  Léon  la  belle,Oviedo 
la  sacrée,  et  Séville  la  grande.»  Et,  eneiïet,  la  cathédrale 
de  Séville  est  immense.  Le  chapitre  en  décida  la  construc- 
tion en  1501, et  un  chanoine  dit  :  «  Faisons  une  œuvre  telle 
que  la  prospérité  nous  croit  fous.  »  Et  le  chapitre  fit  une  | 
œuvre  colossale.  L'extérieur  en  est  magnifique,  l'intérieur 
en  est  saisissant.  Aucune  église  au  monde  ne  produit  sans 
doute  une  sensation  plus  profondément  mystique.  Il  semble 
sous  ces  voiUes  majestueuses,  dans  le  clair-obscur  de  ces 
nefs  écrasantes,  (jue  l'îhne  est  rafraîchie  et  puriliée.  On  se 
sent  envahi  par  une  émotion  délicieu.so  qui  dilate  le  ctrur 
et  l'inonde  d'une  paix  infinie  ;  l'heure  que  j'ai  passée  là 
comptera  parmi  celles  qui  restent  et  dont  on  se  souvient 
toujours. 

La  tour  de  l'Or  est  sur  les  bords  du  Guadalquivir.Elle  fut 
remplie,  dit  la  légende,  des  trésors  que  Ghrisloplie  Colomb 
rai)porta  d'Américiue.  Tout  près  de  celte  tour,  une  autre 
légende  place  un  fait  merveilleux.  Don  Miguel  de  Marana, 


L*ESPAGKE  LÉGENDAIRE,  PITTORESQUE  ET  ANECDOTIQUE  13l 

)D  ancêtre  de  don  Juan,  dont  il  avait  les  succès  et  le  cynis^ 
ne,  prétendait  n^avoir  peur  de  rien.  Et  le  diable,  agacé  de 
;elte  suffisance,  fit  le  pari,  un  jour,  de  Tépouvanter.  L'oc- 
casion se  présenta  bientôt. Un  après-midi  que  don  Miguel  se 
)ronienait  sur  les  bords  du  Guadalquivir,son  cigare  s'étei- 
s;nit.  Plaisamment,  il  demanda  du  feu  à  un  autre  prome- 
neur, qu'il  apercevait  de  l'autre  côté  du  fleuve.  Et  soudain 
le  bras  de  ce  promeneur  s'allongea,  traversa  le  fleuve,  at- 
teignit l'autre  rive  et  approcha  des  lèvres  de  don  Miguel  un 
cigare  enflammé.  Alors,  ce  dernier,  sans  même  une  marque 
d  etonneraent,  alluma  son  cigare,  remercia  poliment,  et 
^rtit  avec  insouciance  et  tranquillité.  Le  diable  avait  per 
du  son  pari. 

Mais  un  peu  plus  tard  cependant,  don  Miguel  eut  peur. 
Passant  dans  la  rue,  il  rencontra  un  enterrement.  Il  vou- 
lai  savoir  qui  on  enterrait.  Et  il  apprit,  non  sans  une  sur- 
prise assez  compréhensible,  que  c'était  lui-même.  Gouail- 
leur, il  exigea  qu'on  ouvrit  le  cercueil.  Et  il  se  reconnut, 
verdâtre  et  décomposé,  les  doigts  crispés,  le  visage  grima- 
Cantet  atroce.  Alors,  il  tomba  à  genoux,  frappa  du  front  le 
pavé  et  fonda  un  couvent  où  il  mourut  en  odeur  de  sain- 
teté. 

Une  des  plus  jolies  choses  de  Séville  est  le  patio  de  la 
maison  de  Pilate.  On  prétend  que  cette  maison  fut. cons- 
truite sur  le  modèle  de  la  maison  de  Pilate,où  le  Christ  fut 
amené. 

Cela  prouve  que  Pilate  avait  une  maison  fort  belle.  Tou- 
tes ces  arcades  élégantes,cette  dentelle  de  marbre  etdestuc, 
ces  larges  dalles  aux  dessins  réguliers,  cette  fontaine  élé- 
iîmicqui  apporte  là  le  murmure  joyeux  de  sa  cascade  d'eau 
cluire,  font  un  ensemble  charmant.  Ce  palais  fut  célèbre 
âiors  qu'il  appartenait  au  duc  d'Alcala.ll  fut  le  rendez- vous 
»le  tout  ce  que  l'Espagne  comptait  d'hommes  célèbres.  Cer- 
Tânlès  y  fréquenta. 


132  l'BSPAOKB  LâûBNDAmS,  PITTORE80UE  ET  AKECDOTIQUB 

Et  comme  je  tirais  quelques  clichés  de  ce  patio  superbe 
j*invitai  gentiment  la  concierge,une  pauvre  vieille  ratatiné 
comme  un  morceau  de  cuir  brûlé,à  se  placer  près  d'une  co 
lonne.La  bonne  femme  eut  un  mot  exquis:  «  Non,nionsieur 
me  dit-elle,  je  suis  trop  vieille  et  trop  laide  pour  poserai 
milieu  de  si  jolies  choses.» 

Nous  allons  maintenant  nous  rendre  à  la  foire  de  Séville 
cette  «foire  célèbre  dans  le  monde  comme  Test  en  Russie  1 
foire  de  Nijni- Novgorod.  La  circulation  y  est  telle  qu'um 
passerelle  a  dû  être  construite  pour  permettre  aux  piéton 
de  traverser  les  routes. 

Durant  les  trois  jours  de  la  foire  tous  les  ateliers  sont  fer 
mes,  toutes  les  usines  chôment,  tous  les  campagnard 
abandonnent  leurs  champs  pour  refluer  vers  la  ville. 

Et  les  voilures  ne  se  comptent  plus.  Il  y  en  a  de  superbes 
attelées  de  quatre  chevaux,  il  y  en  a  des  modestes,  traînée 
par  une  simple  mule. Mais  toutes  sont  là,  sesuivantau  pai 
rempliesde  gens  souriants  et  joyeux  de  vivrcTouteTEspagn 
riche  et  qui  s*amuse  ne  saurait  manquer  cette  fête  national 

Car  la  foire  de  Séville  est  une  foire  de  luxe,  aux  coulu 
mes  singulières  et  spéciales.  Tout  le  long  d'une  large  ave 
nue  bordée  d'arbres,  des  centaines  de  petites  cases  de  foi 
meéIégante,décorées  de  draperies  et  de  tentures  sedresseni 
Elles  sont  louées  par  les  plus  grandes  familles,  les  piu 
riches,  les  plus  considérées,  qui  viennent  s'installer  là,  e 
plein  air,  exposées  aux  regards  de  tous.  Des  plantes  verte: 
des  fleurs,  quelques  jolis  meubles,  un  piano,  font  de  ce 
petites  cases  de  véritables  salons. 

Dans  la  journée  on  reste  là,tranquille,on  reçoit,OD  pren 
des  glaces,  on  cause,  et  surtout  on  se  laisse  admirer.  Cei 
en  somme  le  seul  but  de  la  foire.  Gomme  autrefois,  e 
Grèce,  la  belle  Phryné  se  montrait  au  peuple,  sans  voilei 
un  certain  jour  de  l'année,  les  grandes  familles  de  Sévilh 
de  façon  plus    convenable  toutefois,  exposent  devant  1 


L*ESPAGNE  LÉGENDAIRE,  PITTORESQUE  ET  ANECDOTIQUK    133 

peuple,  leurs  femmes  et  leurs  filles,  dans  leurs  plus  somp- 
tueuses toilettes. 

Le  coup  d'œîl  est  charmant.  Et  on  se  promène  là,  dans 
une  atmosphère  d*allégresse  et  de  joie>  qui  atteint  son  apo- 
gée le  soir.  Alors  on  danse  partout.  Cest  un  roulement 
ininterrompu  de  castagnettes, un  grincement  perpétuel  de 
guitareSyUD  égrènement  continu  de  notes  de  piano.  Pas  une 
case  où  quelques  jeunes  filles,  quelques  jeunes  femmes, 
n'exécutent  avec  une  grâce  infinie,les  mouvements  onduleux 
et  savants  des  danses  andalouses.  Et  la  foule,  heureuse, 
contemple  toutes  ces  femmes  riches  qui  dansent  pour  elle, 
devant  elle,  accueillant  d*un  sourire  les  applaudissements 
et  les  cris,  et  qui  demain  chasseront  Tinsolent  qui  oserait 
3* arrêter  devant  leurfenôtre.  Jusqu'à  deux  heures,  dans 
la  nuit  tiède  et  pure,  sous  la  lueur  éclatante  et  dorée  de  gi« 
raDdoUes  sans  fin,  d'innombrables  guirlandes  de  lampes 
électriques,  de  milliers  de  lanternes  aux  couleurs  variées, 
c'est  un  délire,  une  fôte  prodigieuse  où  une  ville  entière  ne 
fait  que  rire,  chanter,  danser.  Nous  eussions  dû  quitter 
Séville  sur  cette  apothéos3. 

Mais  il  nous  sembla  impossible  de  quitter  la  ville  sans 
voir  la  manufacture  de  tabacs. Le  souvenir  de  Carmen  nous 
bantait.  Et  nous  eutrâmes,tout  frétillants,  dans  l'immense 
b&timent. 

L'atroce  désillusion.  Cette  manufacture  est  à  peine  pro* 
pve»  Une  odeur  acre  vous  contracte  la  gorge.  Dans  les 
steliers,  de  vieilles  femmes  flétries  travaillent^  De  pauvres 
obères  fanées^  eux  vêtements  misérables,  roulent  des  ciga* 
rettes  auprès  de  leur  enfant  couché  sur  les  feuilles  de  ta<- 
bac.  Lorsqu'on  passe  près  d'elles,  elles  tendent  la  main  et 
vous  implorent  d*une  voix  geignarde.  A  grand'peine,  de  ci 
^^  là)  on  découvre  une  fille  un  peu  plus  fraîche,qui  permet 
H'œil  de  se  donner  quelque  agrément.  La  sortie  est  plus 
Itttedlable  enooroi  oo  croirait  l'exoda  dos  hospitalisés  do 


JSIl'eSPAGNE  I.K(îKXDAinE,  PITTORESQUE  ET  ANECDOTIOtÉ^ 

quohiue  asile  de  nuit.  Des  soldats  sont  là,  l'œil  funèhriîi 
atlondant  it;ur  payse  dont  raltrail,  j'ima^'iue,  consiste  sur' 
tout  dans  le  tabac  qu'elle  fournit. 

Il  faut  voir  Cadix  pour  connaître  l'Kspagne.  Nulle  par' 
la  lumière  n'est  plus  éblouissante,  le  ciel  plus  pur,  le  soleî 
plus  radieux. Cadix,  toute  entière  entourée  d'eau,  reliée  au 
continent  par  un  isthme  étroit  et  long,  a  été  comparée,  tanl 
sa  blancheur  est  éclatante,  à  une  branche  de  mai  fleurie,  è 
une  corbeille  de  lis,  à  un  rameau  chargé  de  c.olornbes,à  ur 
plateau  d'argent  posé  sur  Tocéan.  Et  Cadix  en  effet  esttou 
cela,  car  Cadix  est  une  ville  blanche,  toute  blanche,  tola 
lement  blanche.  Aucune  maison  n'a  de  toit,  les  terrassa 
sont  blanches  et  les  belvédères  blancs. Les  façades  peintes, 
vernies  ou  passées  à  la  chaux,  sont  blanches.  Vue  de  haul 
par  un  soleil  vif,  cette  ville  éblouit.  Il  faudrait,  pour  lare 
garder,  prendre  un  lorgnon  noir. 

Cadix  à  l'élégance  de  sa  blancheur,  elle  est  propre  com- 
me un  sou  neuf.  Les  rues  qui  la  traversent,  très  droites, 
semblent  d'une  longueur  infinie.  A  chaque  extrémité,  ea 
effet,  elles  ouvrent  sur  le  vide,  et  laissent  apercevoir  l'hori- 
zon. On  dirait  qu'elles  conduisent  au  ciel. 

Seule  la  cathédrale,  plus  riche  qu'élégante,  tranche  de 
son  dôme  jaune  sur  la  blancheur  générale.  Elle  trouble 
fâcheusement  le  coup  d'oeil  immaculé.  Elle  est  comme  une 
fausse  note  dans  cette  symphonie  en  blanc,ouplutôt,comme 
le  ciel  radieux  y  fait  bien  sa  partie,  dans  cette  symphonie 
en  blanc  et  m  bleu  que  l'Océan  accompagne  sourdement 
de  la  voix  puissante  de  ses  grandes  lames  vertes. . 

Le  marché  lui-même  à  Cadix  a  des  allures  élégantes  pi 
est  pavé  de  larges  mosaïques  aux  desssins  réguliers  qu'au* 
cun  détritus  ne  salit. 

Et  la  colonnade  qui  Tentoure  a  bien  plus  les  allures  d'un 
péristyle  d'église,  que  d'arcades  où  lennatin  leb  iégumei 
furent  vendus. 


l'eSPAGNK  LÉGENHAinE,  PITTOI^ESQUE  ET  ANECDOTIQUE  135 

Lf\  ville  entière  est  entourée  de  hauts  remparts  de  gra- 
nit, remparts  souvent  insuflisants,  et  dont  les  lames  attei- 
gnent parfois  le  faîte. 

Sur  une  longueur  de  cinq  mille  mètres,  ces  remparts  se 
prolongent,  dans  une  ligne  capricieusement  brisée,  où  la 
houle  vient  s'écraser,  bruyante,  pour  retomber  en  flots 
pressés,  tout  frangés  d'écume  blanche. 

Elégante  dans  ses  rues,  Cadix  est  aussi  coquette  dans 
ses  places.  Des  statues  les  décorent  et  aussi  des  bassins^du 
feuillage,  des  corbeilles  de  fleurs. Il  semble  qu'un  petit  coin 
de  Hollande  tout  pimpant,  tout  reluisant,  a  dérivé  du  Nord 
pour  venir  s'échouer  sur  cette  pointe  du  Sud. 

Et  quand  nous  avons  quitté  Cadix,  passant  une  dernière 
fois  devant  la  porte  Isabelle  II, nous  avons  salué  d'un  adieu 
ému,  la  jolie  ville  blanche,  devenue  bientôt  un  point  dans 
le  lointain,  un  point  blanc  qui  retenait  encore  nos  yeux  et 
nous  laissait  l'imagination  éblouie  et  l'âme  ensoleillée. 

Nous  ne  quittions  point  Cadix  en  chemin  de  fer,il  n*y  ea 
a  point  tout  le  long  de  la  côte. C'est  une  automobile  qui  nous 
emmena»  Une  automobile  confortable,  à  la  vérité,  et  dont 
la  pesanteur  était  une  garantie  de  solidité.  Sa  lenteur  était 
admirable  et  tout  à  fait  rassurante. Uri  bon  escargot  Un  peu 
entraîné  Teùl  battue  en  valsant. 

Cette  lenteur,  du  reste,  n'empêcha  pas  les  pannes.  Dans 
ces  chemins  d'Espagne,  montants,  sablonneux,  malaisés, 
six  forts  chevaux  ne  traîneraient  point  un  coche.  Quarante 
chevaux-vapeur  nous  remorquaient,  et  cependant,  nous 
voici  embourbés. 

Philosophiquement,  les  voyageurs  sont  descendus;  l'ha- 
bitude, cette  seconde  nature,  en  avait  fait  des  gens  d'une 
patience  inépuisable  et  d'une  indifférence  superbe.  Partis 
à  six  heures,  nous  arrivions  à  l'auberge  où  se  trouvait  le 
déjeuner^  vers  les  cinq  heures  du  soir»  On  nous  servit  des 
choses  innommablesides  ragoûts  prodigieux, mais  qui  nous 


136  L  ESPAGNE  LÉGENDAIIIE,  PITTORESQUE  ET  ANECDOTIQIE 

parurent  délicieux.  Le  Spartiate  avait  raison,  avec  de  l'ap- 
pétit, le  brouet  noir  de  Lacédémone  est  un  régal  des  dieux. 

Nous  entrions  enfin,  à  la  nuit  tombante,  dans  la  pelile 
ville  de  Tarifa  qu'habitait  le  comte  Julien,  le  père  de  Flo 
rinde  dont  nous  avons  parlé  à  Tolède,  et  qui  devint  la  favo- 
rite du  roi  Rodrigue.  Pour  se  venger,  le  comte  Julien  ou- 
vrit sa  ville  aux  Maures.  Et  les  Maures  envahirent  l'Espa- 
gne. Le  roi  Rodrigue  accourut  ;  il  était  trop  tard,  son  armée 
fut  écrasée  dans  un  combat  terrible  qui  dura  huit  jours. 

Errant  dans  la  campagne,  il  fut  recueilli  par  un  pauvre 
ermite.  Et  le  saint  homme,  dit  la  légende,  lui  ordonna, 
pour  expier  ses  fautes,  de  se  coucher  dans  un  cercueil  en 
compagnie  de  vipères.  Il  y  vécut  trois  jours  sans  être  mor- 
du ;  le  ciel  eut  pitié  de  lui  ;  le  quatrième  jour  au  matin,  une 
vipère  le  mordit,  et  le  roi  mourut  pardonné. 

Ce  ne  fut  qu'à  dix  heures  du  soir  que  nous  arrivâmes  à 
Âlgésiras,  où  nous  devions  le  lendemain  matin  nous  em- 
barquer pour  Tanger.  Nous  avions  mis  seize  heures  pour 
parcourir  un  peu  moins  de  cent  vingt  kilomètres,  soit  la 
superbe  moyenne  de  sept  kilomètres  à  l'heure.  Un  record. 

Le  lendemain,  après  deux  heures  et  demie  de  traversée, 
nous  étions  à  Tanger.  Aucun  port  dans  la  ville  ;  des  ba^ 
ques  se  détachent  de  la  rive  pour  venir  nous  chercher. 

La  mer  est  calme. Le  débarquement  a  lieu  sans  incidents, 
6  peine  quelques  valises  déchirées  par  des  Arabes  trop  zé- 
léSj  à  la  recherche  d'un  pourboire. 

Et  nous  montons  en  ville  par  la  rue  des  Chrétiens.  D'un 
seul  coup,  nous  changeons  de  monde,  de  civilisation;  le 
contraste  est  saisissant  dans  sa  brutalité. 

Près  de  notre  hôtel  se  trouve  un  minaret.  Dès  le  lende- 
main matin,  au  soleil  levant, nous  fîmes  connaissance  avec 
le  muezzin.  D'une  voix  terriblement  criarde,  il  nous  éveil- 
la en  sursaut.  Avec  des  glapissements  d'animal  égorgé,  il 
invoquât  Allah  dans  un  tapage  extrême.  II  s^inclinait  il 


l'espagne  légendaire,  pittoresque  et  ANECDOTIQUE  137 

bas  qu'il  disparaissait  derrière  la  balustrade,  pour  reparaî- 
tre soudain  comme  un  boDhomme  à  ressort,  en  poussant 
des  cris  de  plus  en  plus  aigus.  Et  je  ne  doute  point  que  sa 
voix,  traversant  tout  Téther  et  Timmensité  des  espaces  où 
gravitent  les  astres,  ne  soit  arrivée  très  nette  au  pied  du 
trône  où  Allah  doit  siéger. 

Nous  rencontrons  un  marchand  de  tapis,  il  est  lô  étendu 
dans  son  coin.  Il  attend  la  fortune  en  dormant.  Un  coup 
de  vent  a  renversé  ses  nattes.  Que  lui  importe,  pourquoi  se 
presser,  pourquoi  se  donner  quelque  mal?  Nul  n'est  maître 
de  sa  destinée. 

Les  rues  de  Tanger  sont  d'une  malpropreté  magnifique. 
Elles  perdraient  à  devenir  propres  toutcequi  fait  leur  cachet. 

Mais  les  bazars  abondent  et  vous  attirent  avec  toute  leur 
pacotille,  leur  camelote  que  le  marchand  veut  vendre  au 
poids  de  Tor  et  que  Ton  obtient  pour  une  pièce  d'argent. 

Nous  prenons  la  rue  qui  mène  au  harem  dont  on  aperçoit 
la  porte  à  gauche.  II  était  vide,  mais  nous  ne  pûmes  entrer, 
le  regard  môme  d'un  roumi  ne  devant  pas  souiller  le  lieu 
où  les  femmes  du  sultan  habitent. 

On  voit  tout  au  fond,  le  palais  royal,  bien  modeste.  A 
droite  le  trésor  si  parfaitement  vide,  hélas!  que  les  troupes 
non  payées  refusaient  de  marcher. 

Nous  parcourons  une  autre  rue,  très  orientale  celle-Iô, 
sans  une  seule  fenêtre, afin  d*empêcherméme  l'échange  de 
deux  coups  d'œil. 

Le  marché,  dans  une  situation  magnifique,  est  vraiment 
pittoresque  et  mouvementé.  Mais  combien  peu  appétissantes 
sont  les  choses  qu*on  y  vend  I 

Le  charmeur  de  serpents  a  toujours  sa  place  dans  un 
coin  du  marché.  Nous  nous  offrîmes,  moyennant  quelque 
menue  monnaie,  une  représentation.  Tout  d'abord,  un  petit 
Bir  de  flûte,  pour  flatter  le  reptile.  Puis  le  serpent  est  mis  k 
Tair.  Uq  amoUFi  ce  serpenti  une  l)ôte  ravissapta  d'un  ]oU 


138l'eSPAGNE  LÉGENDAIRK,  PITTORF.SQL'E  ET  ANECDOTIQLE 

vert  clair  p.irseiiié  de  points  rouges.  On  dirait  qu'il  a  des 
rubis  enchâssés  dans  la  peau. 

Ses  mouvements  sont  harmonieux  et  souples.  Il  s'enroule 
autour  du  cou  de  son  maître  et  soudain,  empoigne  solide- 
ment de  ses  crocs  la  langue  (jue  son  maître  a  tirée. 

Le  sang  coule, et  le  charmeur  annonce  que  le  venin  déposé 
sur  sa  langue  est  si  violent,  qu'il  suffit  à  faire  llamber  la 
paille  qu'il  va  approcher  de  sa  bouche.  On  sourit,  mais  la 
preuve  est  vite  faite.  L'Anihe  se  pose  un  bouchon  de  paille 
sur  les  lèvres,  souille. . .  et  le  bouchon  fume  et  prend  feu. 
Je  n'ai  pas  cherché  à  com|)rendre. 

Nous  nous  arrêtons  devant  une  boutique  à  considérer  le 
marchand.  Ce  qu'il  y  a  d'admirable  dans  l'Arabe  c'est  l'iD- 
croyable  harmonie  de  ses  attitudes,  l'étonnante  noblesse 
de  ses  gestes  et  de  sa  démarche.  Il  s'enveloppe  de  son 
burnous  avec  un  art  prodigieux.  Sarah  Bernhardl  elle- 
même, reine  de  l'altitude  et  princesse  du  geste, comme  Ta  dit 
poétiquement  Rostand,  prendrait  là  d'excellentes  leçons. 

Deux  jours  plus  tard,  par  les  rues  abruptes  et  sinueuses,  . 
dont  la  fin  semble  toujours  proche  et  que  des  détours  brus- 
ques prolongent  indéfiniment,  nous  revenions  sur  la  plage, 
où  une  barque  nous  reconduisait  au  paquebot. 

Quelques  heures  après  avoir  quitté  Tanger,  nous  débar- 
quions à  Gibraltar,  rocher  impressionnant  qui  s'allonge  sur 
quatre  kilomètres,  semblable,  comme  Ta  dit  Gautier,  à  un 
sphinx  de  granit,  énorme,  démesuré,  gigantesque.  Aucun 
chemin  de  fer  n'y  amène.  Il  faut  y  arriver  d'Algésiras  par 
bateau.  Les  Anglais  veulent  rester  là  isolés,  complète- 
ment chez  eux,  dans  une  forteresse  inexpugnable,  hérissée 
de  canons,  qui  les  rend,  avec  Malte,  les  maîtres  de  laMédi' 
terranée. 

La  ville,  petite  et  banale,  est  accrochée  à  la  montagiid 
qu'elle  escalade  jusqu'à  une  hauteur  de  cent  mètres.  Les 
habitants  s'appellent  eu^-mèroes,  plaisamment,  deslétardi 
^e  rochçr. 


L^ESPAGNE  LÉGKNDAIRE,  PITtOREâQL'E  ET  ANECDOTIQUE  139 

La  moitié  des  rues  sont  des  escaliers.  Partout  on  ne  voit 
quo  soldats  et  casernes.  Le  soir,  comme  df^ns  les  villes  en 
état  de  siège,  le  couvre-feu  sonne,  et  plus  personne  dès 
lors  ne  peut  mettre  le  pied  dehors. 

Mais  si  la  ville  est  triste,  elle  possède  sur  le  flanc  du 
rjcher,  qui  regarde  la  baie,  un  parc  ningnitlque.  Ce  parc 
est  élevé;  on  Tatteint  par  des  allées  nombreuses  d'où  on  a 
sur  le  port  de  merveilleuses  échappées.  Le  mouvement  de 
ce  port  isolé  est  inouï.  Plus  de  cinq  mille  vapeurs  y  relâchent 
chaque  année.  Gela  prouve  l'excellence  de  sa  situation  et 
avec  quel  discernement  les  Anglais  surent  en  comprendre 
l'importance  stratégique. 

Au  travers  des  pins,  des  arbres  et  des  arbustes  verts,  les 
points  de  vue  abondent.  Mais  tout  y  parle  guerre.  Dans  le 
port,  de  lourds  cuirassés  stationnent,et  partout, à  fleur  d'eau, 
les  batteries  rasantes  laissent  voir  la  gueule  de  leurs 
canons.  Scellées  dans  le  roc,  d'énormes  grilles  de  fer  héris- 
sées de  piquerons  et  de  pointes  de  lances,  entourent  plu- 
sieurs fois  le  rocher.  Toutes  les  pentes  autrefois  herbeuses 
ont  été  cimentées^afin  que  pas  une  goutte  d'eau  ne  soit  per- 
due pour  les  immenses  citernes  creusées  un  peu  partout. 
Pas  un  coin,  pas  un  renfoncement,  qui  ne  soit  garni 
de  pièces  d'artillerie.  Gibraltar  qui  supporta,  en  1779,  un 
siège  de  quatre  années  sans  se  rendre,  est  aujourd'hui  plus 
imprenable  que  jamais. 

Nous  nous  rendons  à  la  pointe  extrême  d'Europe.  Nous 
étions  là, à  la  chute  du  jour. Devant  nous, dans  l'atmosphère 
d'une  pureté  extrême,  la  côte  d'Afrique  se  dressait.  Sur 
Teau  très  calme,  les  rayons  obliques  du  soleil  couchant 
venaient  ricocher  au  travers  de  petites  vagues.  Des  navires 
passaient  rapides,laissant  derrière  eux  un  long  sillage  blanc. 
Dans  un  ciel  très  bleu,  des  mouettes,  des  goélands,  des  hi- 
rondelles de  mer  planaient  avec  de  petits  cris.  Et  nous  avons 
pai»sé  là)  tout  au  bout  d*un  continent,  les  yeux  fixéS|  par 


140  L  ESPAGNE  LÉGENDAinE,  PITTORESQUE  ET  ANECDOTIQUE 

dessus  le  détroit,  sur  une  autre  partie  du  monde,  quelques- 
unes  de  ces  minutes  supérieures  où   Thomme,  poussière 
impalpable  dans  la  Nature  splendide  et  formidable,  se  sent 
cependant  plus  grand  qu'elle,  puisqu'il  en  comprend  la 
beauté. 

En  quittant  Gibraltar,  nous  nous  arrêterons  à  Ronda, 
petite  ville  qu'on  ne  visite  guère  et  qui  cependant,  est  une 
des  plus  curieuses  de  l'Espagne.  Percbée  sur  des  rochers 
immenses, coupée  en  deux  par  une  gorge  profonde  que  tra- 
verse un  pont  magnifîque,elle  est  pour  le  touriste  un  sujet 
d'étonnement.On  y  place  de  terribles  légendes  :deux  nobles 
habitants  de  Ronda,  les  frères  Calvajol,  furent  accusés  par 
Philippe  IV,  d'avoir  assassiné  Bernadès,  son  favori.  Les 
deux  frères  protestèrent  hautement  contre  cette  infôme  ac- 
cusation. Philippe  IV  ne  voulut  rien  entendre,  il  fit  placer 
les  deux  frères  dans  une  cage  de  fer,  et  ordonna  que  cette 
xage  fût  précipitée  dans  l'abime.  Alors,  après  une  dernière 
protestation  d'innocence,  les  deux  frères,  d'une  voix  qui  ne 
tremblait  pas,  citèrent  le  roi,  à  trente  jours,  devant  le  tri* 
bunal  de  Dieu.  Et  la  cage  disparut  dans  le  vide.  Vous  pouvez 
juger  de  la  chute.  Un  mois  plus  tard,  jour  pour  jour,  PW' 
lippe  IV  mourait.  Malheureusement,  les  renseignements 
font  défaut  sur  ce  qui  se  passa  devant  le  tribunal  de  Dieu» 

Nous  allons  remonter  vers  la  ville.  Tout  le  long  de  l8 
gorge,  une  série  de  moulins  se  superposent,  accrochés  I^ 
comme  des  nids.  Ils  semblent  une  poignée  de  petits  jouetB 
de  Nuremberg,  qu'une  main  d'enfant  aurait  jetés  là  ^^ 
hasard.  Un  peu  partout  s'ouvrent  des  grottes,  des  anfrac* 
tuosités.  On  conte  que  dans  Tune  d'elles,  un  grand  pécheuf 
qui  avait  beaucoup  à  se  faire  pardonner,  vînt  établir  ^^ 
retraite,  renonçant  au  monde,  è  ses  pompes  et  à  ses  œuvres» 
Dans  toute  Tardeur  d'un  repentir  sincèrejil  voulut  B^itùfOSBt 
une  pénitence  inédite  et  terrible.  Il  réfléchit  longuement!  c' 
décréta  (}ue,jusqu'à  la  fin  de  ses  jours,  il  ne  mangerait  pi"' 


l'espaone  légendaire,  pittohesque  et  anecdotique  141 

quedes  noix.  Puis  il  craigoit  encore  dépêcher  par  une  gour- 
mandise haïssable,et  il  décida.pour  ne  point  manger  plus 
que  le  nécessaire,  qu'il  casserait  ses  noix  en  se  les  frappant 
sur  la  tète.  Et  malgré  le  régime,  peut  être  môme  à  cause  de 
lui,  le  saint  ermite  vécut  jusqu'à  un  âge  avancé.  S'il  vous 
prenait  idée  d'essayer  sa  métliode,  elle  est  simple  et  facile 
à  suivre. 

Le  pont  de  Ronda  est  vieux  d'un  siècle  et  demi  et  sa 
hauteur  est  décent  mètres.  Il  franchit  une  gorge  de  70  mètres 
de  large.  L'architecte  qui  le  construisit,  don  José  de  Alge- 
guela,  n'eut  point  la  joie  de  le  voir  achevé.  Fôcheusement 
distrait,  il  recula  un  jour  assez  mal  à  propos  et  se  laissa 
choir  dans  le  vide.  Cela  lui  permit  de  jeter  rapidement  un 
dernier  coup  d'œil  sur  son  œuvre.  M^is  ses  impressions 
demeurèrent  secrètes,  car  ceux  qui  vinrent  le  recueillir,  ne 
trouvèrent  devant  eux,  au  fond  du  ravin,  qu'un  peu  de 
bouillie  rouge. 

Il  y  a  encore  à  Ronda  quelques  autres  ponts  qui  ne  man- 
quent pas  non  plus  de  pittorescpie.  L'été,  dans  ces  gorges, 
il  règne  toujours  une  fraîcheur  délicieuse.  Aussi  Ronda 
est-elle  célèbre  pour  la  salubrité  de  son  climat.  Les  hommes 
de  80  ans,  dit  un  proverbe,  n'y  sont  encore  que  des  poussins. 

Il  paraît  qu'un  riche  Aiiglais^  pris  de  la  nostalgie  de  ces 
gorges  superbes,  loua  une  des  maisons  (\n\  bordent  ces 
gorges  pour  les  avoir  continuellement  sous  les  yeux.  Il  les 
contemplait  tout  le  jour  ;  le  soleil  levant  le  trouvait  à  son 
poste,  le  soleil  couchant  l'y  éclairait  encore.  Kt  peu  à  peu, 
le  vertige  des  rochers,  l'atlraction  du  goulTre  troublèrent 
une  cervelle  déjà  un  peu  faible,  et  un  jour  l'Anglais  devint 
fou.  Il  voulut  épouser  l'abime  et  s'y  lan<;a  d'un  bond  en  lui 
criant  sa  passion.  Les  noces  furent  sanglantes,  et  il  fallut 
un  drap  pour  recueillir  les  restes  du  pauvre  insensé. 

Cette  contrée  accidentée  était  autiefois  infestée  de 
brigands.  Ces  brigands,  il  faut  le  dire,  étaient  relativement 


142  L*ESPAGNE  LÉGENDAIRE,  PITTORESQUE  ET  ANECDOTIQUE 

de  bons  brigands.  Ils  étaient  en  effet,  charitables  et  dévots. 
Sans  doute  ils  tuaient  les  riches,  c'était  leur  métier  ;  mais 
sur  le  butin,  ils  ne  manquaient  jamais  de  réserver  la  part 
des  pauvres,  non  plus  qu'une  certaine  somme  destinée  à 
faire  dire  des  messes  pour  le  repos  de  l'âme  des  gens  qu'ils 
avaient  tués.  On  cite  même  un  chef  qui  gardait  un  prêtre 
prisonnier,  afin  que  ses  victimes  ne  mourussent  point  pri- 
vées des  secours  de  la  religion.  Un  capitaine  habile  s'en- 
richissait en  dix  ans.  Il  obtenait  alors  facilement  sa  grôce, 
devenait  un  citoyen  excellent, et  mourait  titulaire  de  charges 
publiques,  entouré  de  l'estime  générale.  Aujourd'hui,  il  n'y 
8  plus  de  brigands ,  mais  il  reste  des  contrebandiers.  Ce 
sont  les  premiers  de  rp]spagne  et  Ronda  est  fière  de  ses  fils. 

De  Ronda,  nous  allons  à  Malaga.  Le  paseo  de  la  Ala- 
meda  est  la  plus  belle  promenade  de  la  ville.  C'est  là  que, 
chaque  soir,  les  élégantes  viennent  se  faire  admirer,  car 
Malaga,  comme  Séville,  est  célèbre  parla  beauté  de  ses 
femmes.  Mais  cette  beauté  dilïère  un  peu.  Alors  que  les 
Sévillanaises  posent  pour  la  taille  et  les  yeux, les  Malagaises 
se  déclarent  sans  rivales  pour  l'attache  du  cou  et  la  finesse 
delà  cheville  et  du  pied.  Aussi  savent-elles  se  retrousser  avec 
un  art  très  parisien  et  ne  mancjuent-elles  point  de  porter  des 
corsages  ouverts  qui  laissent  le  cou  dégagé.  Et  tous  ces 
petits  pieds  minuscules  et  cambrés  qui  trottinent,  comme 
aussi  toutes  ces  jolies  têtes  si  harmonieusement  attachées 
à  do  belles  épaules, sont  un  si  agréable  spectacle  qu'on  ne 
sait  plus  du  tout,  ne  pouvant  voir  tout  ensemble,  si  l'un 
doit  tenir  les  yeux  levés  ou  baissés. 

Nous  sommes  montés  sur  le  Gibralfaro,  une  vieille 
ruine  phénicienne  :  ancienne  forteresse  dont  l'ascension  est 
assez  rude,  l'ne  vue  magnifique  récompense  le  promeneur 
courageux. 

A  quelques  kilomètres  de  Malaga,  se  trouve  une  proprié- 
té singulière;  une    résidence  exquise  qui  a  quelque  chose 


L*ESPAGNK  LÉGENDAIRE.  PITTORESQUE  ETANECDOTIQUE  143 

d'une  villeenchanlée. C'est  la  villa  de  la  Conception.  Le  parc 
dessiné  avec  un  art  magnifique,  ne  contient  que  des  plantes 
inconnues,  une  luxuriante  végétation  des  tropiques  qui,  au 
milieu  des  sources,  des  cascades,  des  ruisseaux,  lui  donne 
un  aspect  surprenant. 

L'étonnement  est  si  vif  qu'on  se  surprend  à  se  demander 
si  toutes  ces  plantes  bizarres,  tous  ces  feuillages  aux  cou- 
leurs-violentes et  diverses,  toutes  ces  tleurs  aux  formes  nou- 
velles et  aux  teintes  inattendues, tous  ces  arbres  singuliers, 
aux  troncs  éclatants  de  blancheur  ou  annelés  comme  le 
corps  d'un  serpent,  ne  sont  pas  factices  et  truqués.  Si  la 
ville  de  Malaga  n'offre  rien  de  très  particulier,  le  jardin  de 
la  Conception  vaut  à  lui  seul  le  voyage- 

Nous  allons  maintenant  arriver  à  Grenade.  Grenade,  le 
point  culminant  d'un  voyage  en  Kspagne,  Grenade,  dont 
je  voudrais,  avant  de  vous  en  montrer  les  beautés, vous  di- 
re quelques  mots  rapides. 

Jadis  les  Maures  avaient  fait  de  Grenade  une  chose  mer- 
veilleuse et  unique.  Dans  la  splendeur  d'une  végétation 
magnifique,  ils  avaient  élevé  des  palais  fabuleux,  d'une 
richesse  de  rêve,  réunissant  toutes  les  pierres  les  plus  rares, 
les  arbres  les  plus  précieux, les  parfunjs  les  plus  pénétrants, 
éblouissants  et  enivrants.  Al  Hamar,  le  fondateur  de  cette 
ville  féerique,avait  trouvé,  dit-on,  en  creusant  la  terre,  d'in- 
calculables trésors.  Ils  ne  lui  suffirent  pas,  et  il  fallut  l'aide 
des  génies  envoyés  par  Mahomet, pour  mener  à  bien  l'œuvre 
surhumaine.  La  ville,  disent  les  chroniques,  semblait  un 
morceau  de  ciel  tombé  sur  la  terre. Les  poètes  la  déclaraient 
encore  plus  belle  quele  ciel, affirmant  que  le  paradis  s'ache- 
vait au  point  où  les  élus  cessaient  d'apercevoir  Grenade. 

Aujourd'hui,  Grenade  est  déchue,  (îrenade  est  pauvre, 
Grenade,  suivant  une  belle  expression,  n'est  plus  qu'une 
ruine  vivante.  Mais  qu'importe?  Pour  le  voyageur,  cette 
misère,  cette  décadence,  doivent  être  une  cause  de  joie. 


144   L*ESPAGNE  LÉGENDAIRE,  PITTORESQUE  ET  ANECDOTIQUE 

Toutes  les  cités  qui  ont  eu  une  superbe  histoire,qui  ont  vu, 
jadis,  des  siècles  merveilleux,  des  époques  magiques  de 
richesse,  d'opulence  et  de  prospérité,  qui  ont  affirmé  leur 
grandeur,  leur  puissance  et  leur  gloire  en  des  monuments 
magnifiques,  restent  aujourd'hui  plus  belles,  plus  remplies 
de  charme,  plus  prenantes  en  un  mot,  sous  l'aspect  désolé 
de  leur  pauvreté,  que  sous  l'aspect  brillant  de  la  prospérité. 
Bruges,  la  ville  morte  est,  comme  Grenade,  un  ex&mple 
fameux. 

L'imagination, que  gène  le  mouvement  des  villes  riches, 
reste,  dans  une  cité  pauvre,  plus  libre  de  vagabonder  et 
surtout  de  reconstituer.  Car  il  ne  faut  pas  oublier  que  le 
grand  charme  du  voyage  ne  consiste  pas  seulement  à  regar- 
der, mais  aussi  à  se  souvenir. 

Et  c'est  pourquoi  Grenade, l'admirable  Grenade,  avec  ses 
ruelles  mal  pavées,  où  les  voitures  ne  peuvent  circuler,  ses 
pauvres  ônes  poussiéreux  et  résignés  qui  passent  avec  len- 
teur suivis  de  leur  conducteur  indolent,  ses  boutiques  som 
bres,  sans  portes,où  les  filles  du  peuple, la  chevelure  toujours 
égayée  d'une  touffe  de  roses  ou  d'œillels,  viennent  mettre 
l'éclat  de  leur  sourire  et  de  leurs  yeux,  ses  vendeurs  d'eau 
aux  cris  stridents  et  monotones,qui  marchent  d'un  pas  lent, 
leur  panier  de  verres  à  la  main, courbés  sous  le  poids  du  petit 
tonneau  qui  charge  leurs  épaules,  ses  gitanes  effrontées,  au 
teint  brun,  aux  haillons  éclatants,  qui  vous  poursuivent, 
vous  harcèlent  pour  lire  dans  la  main  ou  vendre  très  cher, 
quelque  objet  sans  valeur,  Grenade  a  une  allure,  un  carac- 
tère, un  charme  qui  empoigne  et  qui  ravit. 

Les  voyageurs,  en  général,  y  demeurent  deux  jours. C'est 
partir  au  moment  où  il  faudrait  rester.  C'est  peu  à  peu  que 
Grenade  vous  prend  et  vous  séduit.  Après  trois  semaines 
de  séjour,  je  l'ai  quittée  très  triste,  presque  le  cœur  gros. 
Et  c'est  pourquoi,  adorant  cette  vieille  ville,  je  cherche  à  la 
faire  aimer^  car  elle  mérite  tous  les  hommages  • 


L*ESPAGNE  LÉGENDAIRE,  PITTORESQUE  ET  ANECDOTIQUE  145 

GreDade  est  dominée  par  la  masse  imposante  de  sa  cathé- 
drale, aux  styles  mélangés.  Tout  au  loin,  sur  la  limite  de 
l'horizon,  se  trouve  une  montagne  escarpée  que  l'on  appelle 
encore  le  rocher  des  amoureux.  La  légende  est  curieuse  : 
Ibrahim,  le  célèbre  pacha  d'Archidona,  une  petite  ville  pro- 
che de  Grenade, avait  une  lllle  admirablement  belle.  Il  voulut, 
comme  il  arrive  toujours  dans  les  légendes  et  dans  la  réalité, 
la  marier  à  un  homme  riche  et  puissant  qu'elle  ne  pouvait 
souffrir.  La  jeune  fille  qui,  sans  prendre  l'avis  de  personne, 
avait  disposé  de  son  cœur,  s'enfuit  avec  ie  bel  officier  qu'elle 
aimait.  Le  pacha  écumantmit  toute  la  cavalerie  à  ses  trous- 
ses, si  bien  que  les  pauvres  amoureux  qui  étaient  montés 
sur  le  môme  cheval,  afin  de  pouvoir  s'embrasser  plus  sou- 
vent, furent  cernés  sur  le  haut  d'une  montagne  où  un  pré- 
cipice profond  leur  coupait  la  retraite.  Ibrahim  s'approcha, 
menaçant  le  ravisseur  des  plus  cruels  supplices.  Alors,  la 
jeune  fille,  enlacée  à  son  fiancé,  vint  se  mettre  debout  sur 
la  pointe  du  rocher,  tout  au  bord  de  l'abîme  et  elle  dit  : 
«Choisis,père,  entre  ta  fille  morte  ou  épouse  de  celui  qu'elle 
aime.»  Ibrahim  s'approcha  sans  répondre,  et  de  nouveau  la 
jeune  fille  dit  :  «  Père,  si  tu  me  touches  sans  promettre, 
il  est  trop  tard,  n  Ibrahim  ne  crut  pas  à  la  menace,il  conti- 
nua d'avancer,  et  quand  il  ne  fut  plus  qu'à  un  pas,  les  deux 
amoureux,  sans  un  geste,  se  laiv^sèrent  aller  en  arrière. 
Ibrahim  bondit.  Il  ne  put  saisir  qu'un  morceau  d'étofïe,  et 
sa  fille,  sous  ses  yeux,  s'écrasa  au  fond  du  ravin. 

A  l'abri  de  la  cathédrale,  adossée  à  de  hautes  murailles, 
une  jolie  construction  s  élève,  c'est  l'ancienne  Bourse,  au- 
jourd'hui désaffectée. 

L'ancienne  Université  mauresque  fut  fondée  par  You- 
souf  I«f.  Ferdinand  et  Isabelle  y  établirent  leur  palais.  Stu- 
pidement réparé  au  xviu^  siècle,  le  monument  reste  encore 
curieux.  Il  u'est  plus  aujourd'hui,  après  avoir  abrité  des 
savants  et  dcjs  rois,que  le  magasin' d'un  marchand  de  drap. 

10 


146  L*ESPAGNE  LÉGENDAIRE,  PITTORESQUE  ET  ANECDOTIQUE 

Grenade,  pauvre  d'argent,  est  riche  de  fleurs.  Elles  sont 
le  luxe  qui  reste  à  la  ville  déchue,  luxe  dont  les  plus  misé- 
rables peuvent  faire  un  abus.  Et  dans  les  ruelles  étroites  et 
sombres,  leiïrs  couleurs  vives  viennent  égayer  toutes  les 
fenêtres,  même  les  lucarnes  des  plus  atroces  taudis. 

Dans  une  auberge,  une  petite  auberge  délicieuse  de  frai 
cheur,  je  me  rendais  fréquemment.  J'avais  là  une  vieille 
amie,  âgée  de  huit  ans,  dont  je  m'étais  fait  adorer  en  lui 
donnant  une  pièce  d'un  franc,  une  Semeuse  toute  neuve 
qu'elle  portait  au  cou,  comme  une  médaille,  et  surtout  en 
lui  laissant  boire  quelques  gorgées  de  la  limonade  d'orange 
que  je  prenais  presque  chaque  jour.  La  petite  était  gour- 
mande .comme  une  chatte  et  fùtée  comme  une  souris.  Elle 
aimait,  en  buvant,  à  me  conter  de  longues  histoires.  Il  s'a- 
gissait toujours  de  beaux  cavaliers  qui  faisaient  des  mar- 
melades d'Arabes  pour  délivrer  de  belles  princesses  qu'ils 
épousaient.  «  VA  si  j'étais  prisonnière,  moi,  me  dit  elle  un 
jour,  prisonnière  très,  très  loin,  à  Atarfe,  par  exemple,  — 
Atarfe  est  à  trois  kilomètres  —  viendriez-vous  me  délivrer? 
«Moi, sans  tarder, avec  une  grande  lance  et  un  beau  cheval. 
Bien  sûr  ?  —  Bien  sûr  !» — «Et  vous  m'épouseriez  ?»— «  Je 
crois  bien,  tout  de  suite.»  Et  la  petite  était  ravie.  Lorsque 
je  partis, quelques  larmes  coulèrent  dans  la  limonade  qu'elle  j 
buvait.  Puis  elle  dit  à  sa  mère  :  «  Maman, j'ai  un  roal  dans  j 
ma  tirelire  —  le  real  vaut  cinq  sous  —tu  me  préviendras 
quand  j'aurai  un  douro,  j'irai  voir  le  sefior  en  France».  I 
Or,  le  douro  vaut  cinq  francs.  C'est  peu,  aussi  ma  petite  1 
amie  ne  vieht  pas,  et  j'ai  très  peur  qu'elle  m'ait  oublié. 

Nous  voici  devant  l'Alhambra  qui  sort  de  la  verdure,qui 
émerge  au-dessus  des  arbres  magnifiques  qui  entourent  la 
colline  où  il  est  construit. Tout  à  fait  dans  le  lointain,s'8pe^ 
çoit  la  crête  où  Boabdil  s'arrêta  après  sa  capitulation  pour 
regarder  une  dernière  fois  Gpenade,  et  pleurer.  Et  c'est 
alors  que  la  sultane  Ayescha,  sa  mère,  lui  jeta  l'apostrophe 


l'espagne  légendaire,  pittoresque  et  anecdotique    147 

célèbre  :  «Va,  pleure  comme  une  femme,  la  ville  que  tu 
n  as  pas  su  défendre  en  homme  !^)  -Cette  crête  s'appelle 
encore  aujourd'hui  «  le  Soupir  du  Maure  ». 

Après  avoir  vu  TAlhambra,  en  face, nous  irons  le  visiter. 
Voici  rentrée  du  parc,  la  porte  des  Grenades  que  surmon- 
tent les  armes  de  Charles-Quint. 

Xous  pénétrons  dans  le  parc  ;  une  futaie  d'ormes  immen- 
ses se  présente,  dont  les  frondaisons  sont  toujours  agitées 
par  le  vent,  alors  qu'au-dessous  le  calme  et  la  fraîcheur  ré- 
gnent perpétuellement. 

Suivant  les  allées  montantes  du  parc,  nous  arrivons  à  la 
fontaine  de  Charles  Quint,  d'un  joli  style  Renaissance,  et 
dont  le  marbre  blanc,  sous  les  rayons  du  soleil  à  travers  le 
feuillage,  produit  le  plus  curieux  effet.  Les  trois  tètes  qui 
laissent  couler  l'eau  représentent  les  trois  fleuves  de  la  ré- 
gion :  Le  Darro,  le  Génil  et  le  Beiro. 

A  rentrée  de  l'AIhambra  la  monumentale  porte  judiciaire 
est  d'un  etïet  superbe  et  imposant 

Xous  sommes  entrés  et  nous  avons  devant  nous  la  pointe 
extrême  de  l'Alcazaba,  c'est-à  dire  la  forteresse  de  l'Alham- 
l'ra.  avec  la  tour  du  guet  qui  domine  toute  la  plaine.  Vous 
pensez  si  du  haut  de  cette  tour  la  vue  est  étendue  et  belle. 
J'y  montais  souvent. 

La  cloche  qui  surmonte  la  tour,  pèse  12,000  kilos.  Le 
2  Janvier  1492,  elle  fut  mise  en  branle  et  sonna  2i  heures, 
sans  arrêt,  pour  fêter  l'entrée  des  rois  catholiques  à  Gre- 
na<h'.  Aujourd'hui  encore  à  la  même  date,  la  cloche  sonne 
tout  le  jour.  Ce  sont  les  jeunes  filles  qui  viennent  la  faire 
résonner;  elles  y  mettent  toute  leur  ardeur, toute  leur  force, 
car  il  est  sans  exemple  que  celle  qui  a  le  mieux  sonné, n'ait 
pas  trouvé  un  mari  dans  l'année. 

Admirable  est  la  forteresse  dans  son  cadre  de* feuillage 
et  de  fleurs,  une  forteresse  embaumée.  Désirant  un  jour 
cueillir  quelques   fleurs,  je  demandai  l'autorisation  à    un 


148     L'ESPAGNE  LÉGENDAIRE,  PITTORESQUE  ET  ANECDOTIQUE 

jardinier  qui  passait.  C'était  un  pauvre  bonhomme  très  pla- 
cide et  très  calme.  Il  m'autorisa  avec  ces  paroles  effroya- 
bles :  ((  Cueillez,  Monsieur,  une  fleur  de  cueillie,  dix  de  re- 
poussées ;  ces  fleurs  là  ont  pour  fumier  un  sang  d'homme, 
c'est  le  meilleur  des  engrais.»  J'étais  fl^é  d'horreur.  Le 
bonhomme  s'aperçut  de  mon  ahurissement  et  continua  en 
riant  :  «  Oh  !  Monsieur,  ce  n'est  pas  maintenant,  c'est  jadis 
sous  les  Maures,  cjuand  on  se  battait  tous  les  jours,  que  le 
sang  à  coulé  ici  ;  mais  il  en  reste  encore  (jucliiue  chose.') 
Ces  paroles  me  rassurèrent  et  j'acceptai  les  fleurs  que  le 
bonhomme  en  parlant^vait  cueillies  pour  moi. 

Cette  citadelle  était  imprenable,  aussi  Ferdinand  et  Isa 
belle  la  Catholique,  ne  cherchèrent-ils  point  à  la  prendre 
d'assaut  ;  ils  parvinrent  ày  entrer  en  lalTa  niant  par  un  siège 
qui  dura  neuf  mois.  Mt  il  élait  grand  temps  (jue  le  siège  pril 
fin,  car  la  reine  Isabelle,  ainsi  que  toutes  les  dames  delà 
cour,  avaient  fait  le  vœu  — le  fait  est  historique — de  ne  pas 
clianger  de  chemise  jusqu'à  la  prise  de  la  ville.  Aussilùlle 
siège  terminé, toutes  les  chemises  vivement  enlevées, furent 
suspendues  en  grande  pompe,  comme  des  bannières,  à  la 
voOte  d'une  chapelle.  Mlles  avaient  pris  naturellement  une 
teinte  douteuse,  jaunâtre,  assez  semblable  à  la  robedecer 
tains  chevaux.  Kt  c'est  pourquoi,  aujourd'hui, lorsqu'un che 
val  a  l'honneur  de  rappeler  par  sa  couleur  la  nuance  delà 
chemise  portée  neuf  mois  par  la  reine  Isabelle,  on  l'ap] 
un  cheval  isahelle. 

Le  palais  de  Charles-Quint, d'une  très  belle  Uenai^s.lnl•e.; 
est  d'un  aspect  imposant,  mais  on  voudrait  le  voir  à  inilte, 
lieues  de  là,  car  Charles-Quint  fit   détruire  une  parlie  de^ 
l'Alhambra  pour  élever  ce  palais  qui  ne  fut  jamais  liTiflin'^ 
Au  bas  dori  î)iliers,  so  trouvent  de  superbes  has-reliei 
sculptés  en  plein  marbre,  mais  cjui  perdent  au   milieu 
cetli*  ville  arabe  une  grande  partie  de  leur  atlrail. 
Nous  voici  près  de  l'Alhambra  dont  je  liens,  avant d^' 


l'espagnk  légendaire,  pittoresque  et  anecdotique  149 

Irer,  à  vous  faire  remarquer  l'extérieur.  Il  est  terne,  banal, 
insignifiant.  Les  Maures  ne  s*occupaient  pas  du  dehors,  ils 
ne  voyaient  que  l'intérieur,  pour  lequel  ils  réservaient  tout 
leur  art. 

En  effet,  le  spectacle  change  dès  l'entrée.  Tout  de  suite, 
roeil  est  séduit  et  l'Orient  se  révèle  avec  son  charme  séduc- 
teur. 

Entrons  dans  la  fameuse  cour  des  Lions  dont  la  renommée 
universelle  est  si  justement  méritée.  Il  ne  faut  pas  toutefois 
venir  chercher  là  un  spectacle  imposant  et  grandiose.  Il  ne 
faut  pas  croire  non  plus  qu'on  va  trouver  dans  cette  cour 
Féblouissement  brutal  qui  stupéfie  et  déconcerte.  La  pre- 
mière impression  est  presque  décevante. 

On  a  simplement  la  sensation  d'une  jolie  chose,  mais  su- 
perficielle et  factice.  II  faut  y  venir  et  y  revenir  à  celte  jolie 
chose.  Il  faut  laisser  l'œil  se  perdre  dans  une  multitude 
infinie  de  détails,  plus  admirables  les  uns  que  les  autres. 
Les  architectes  latins  cherchent  dans  leurs  monuments,  à 
provoquer  une  impression  grandiose  ;  les  architectes  ara- 
bes, moins  ambitieux,  cherchent  à  faire  naître  une  impres- 
sion voluptueuse  et  leur  but  est  toujours  atteint. 

Il  faut  plusieurs  visites, pour  sentir  l'incomparable  charme 
et  l'extraordinaire  harmonie  de  la  cour  des  Lions.  Je  ne 
crois  pas  qu'il  existe  au  monde  quelque  chose  qui  puisse 
donner  une  impression  plus  vive  de  grôce,  d'élégance,  de 
distinction,  de  légèreté,  de  délicatesse  et  de  goût.  C'est 
exquis.  Les  aspects  en  sont  d'une  variété  infinie,  chaque 
pas,  en  déplaçant  l'angle  du  regard  semble  dévoiler  de 
nouvelles  merveilles. 

Tout  cela  est  changeant  comme  ces  soies  qui  prennent 
tous  les  tons,  passent  p  «r  toutes  les  nuances, suivant  qu'on 
les  re^cirde  suus  un  JDur  ditlur.jfit.L'Alii.'inbra,  la  c^ur  -Iv- 
Lions  surtout,  a  quelque  chose  d'un  kaléidoscope;  les  corn- 
binaisoDS  eo  sont  infinies.  Lorsque^  fermant  les  yeux,  oa 


150l'E9PAGNE  légendaire,  pittoresque  et  ANECDOTIQIÎE 

cherche  à  se  souvenir,  chaque  évocation  présente  un  point 
de  vue  qui  n'e3t  jamais  le  même. 

La  salie  des  Deux  Sœurs  possède  une  voûte  de  stalacti- 
tes, composée  de  cinq  mille  alvéoles  toutes  dilTérenles  les 
unes  des  autres,  a  Cela  ressemble,  dit  Gautier,  à  ces  grap- 
pes de  globules  savonneux  que  les  enfants  souillent  au 
moyen  d'une  paille,  ou  plutôt  cela  semble  le  produit  d'une 
certaine  cristallisation  fantastique  etfortuite.  L'imagination 
déroutée  renonce  à  concevoir  comment  cela  put^élrefail.  » 

La  fontaine  des  Lions  lorsqu'on  la  détaille  est  fort  ordi- 
naire. Les  lions,  avec  leur  mulUe  ridicule,  sont  grotesques 
et  fort  mal  sculptés.  Mais,  sans  qu'on  puisse  comprendre 
pourquoi,  cette  fontaine  se  trouve  si  bien  à  sa  place  qu'elle 
fait,  dans  reusem])le,  le  plus  joli  effet.  A  gauche  se  irouve 
la  salle  des  Abencérages  où  Boabdil  fit  massacrer  trente 
des  plus  nobles  membres  de  celte  royale  faïuille.  Le  sang 
qui  coula  sur  le  marbre  y  laissa  des  traces  que  l'on  montre 
encore. 

Le  boudoir  de  la  sultane  est  magnifiquement  situé  au- 
dessus  de  la  vallée.  Ce  devait  être  un  délice  de  bouder  dans 
un  pareil  lieu. 

En  sortant  de  l'Alhambra,  nous  allons  diriger  nos  pas 
vers  le  palais  du  Généralilïe. 

Sur  le  chemin  se  rencontre  une  petite  mosquée  fort  co- 
quette. Le  concierge,  pénétré  de  son  rôle,  m'assura  qu  il 
la  trouvait  si  jolie,  sa  petite  mosquée,  qu'il  regrettait  de 
n'être  point  mahométan  pour  pouvoir  y  invoquer  Allah. 

Nous  arrivons  au  Généralilïe  par  une  longue  avenue  de 
cyprès  d'un  assez  curieux  effet. 

Et  nous  voici  dans  la  cour  d'entrée.  Le  Généraliffe  était 
la  résidence  d'été  des  rois  maures.  Aussi,  plus  que  partout 
y  rencontre-t-on  de  l'eau  et  des  fleurs.  Ce  ne  sont  quecas* 
cades,  bassins,  ruisseaux  de  l'effet  le  plus  délicieux. 

Le  Généralise  est  à  peu  près  complètement  ruiné.  M^* 


L  ESPAGNE   LÉGENDAIRE,  PITTORESQUE  ET  ANECDOTIQUE  151 

il  reste  les  jardins.  Et  c'est  un  enchantement  de  les  parcou- 
rir. Nous  entrons  dans  une  autre  cour  où  le  bâtiment  est 
entièrement  couvert  de  rosiers  grimpants,  tout  remplis  de 
fleurs  à  Tépoque  où  je  m'y  trouvais.  L'endroit  était  char- 
mant. Je  m'y  rendais  assez  souvent  et  y  rencontrais,  im- 
manquablement un  Anglais,  morne,  renfrogné,  silencieux. 
Au  bout  d'une  quinzaine,  environ,  je  crus  remarquer  que 
mon  Anglais  changeait.  Il  devenait  souriant  et  gai.  Un 
jour,  en  excellent  français,il  me  dit  :  «  Ces  roses,  monsieur, 
ces  admirables  et  innombrables  roses  m'ont  sauvé  la  vie. 
J'avais  le  spleen,  je  voulais  mourir,  elles  ont  mis  la  joie 
dans  mes  yeux  et  l'ont  fait,de  là,descendre  dans  mon  cœur. 
C'est  calomnier  la  terre  que  de  s'y  ennuyer,  elle  produit  de 
trop  jolieschoses.  Je  suis  guéri,  la  vie  m'apparaît  agréable 
et  chartnante,  c'est  le  miracle  des  roses.  » 

Dans  les  jardins  se  dresse  le  cyprès  de  la  Sultane.  C'est 
sous  ce  cyprès,  vieux  de  600  ans,  que  la  sultane  Daraxa, 
femme  de  Boabdil,  venait  échanger  de  doux  propos  avec 
l'Abencérage  Hamet,  qu'elle  aimait.  Le  lieu  de  rendez-vous 
à  vrai  dire,  était  assez  mal  choisi,  car  le  cyprès  ne  cachait 
pas  grand  chose.  Aussi  Boabdil,  un  soir,  surprit  les  amou- 
reux, et  jamais  plus,  depuis  ce  soir-là,  personne  n'entendit 
parler  de  la  sultane  Daraxa  ni  de  l'Abencérage  Hamet. 
Boabdil  s'était  vengé. 

Dans  ce  jardin  béni,  les  escaliers  eux-mêmes  grimpent 
à  Tombre  deâ  aibres,  égayés  par  des  ruisselets  d'eau  claire 
qui  coulent  de  chaque  côté,  sur  la  crôte  creusée  des  murs 
qui  les  bordent. 

Parvenus  tout  à  fait  au  sommet,  voici,  devant  nous  l'Ai* 
hambra  et  Grenade.  C'était  là  qu'aimait  à  venir  rêver  le 
puissant  sultan  Abdul-Melech.  Dix  guerriers  ne  pouvaient 
soulever  sa  lance  haute  de  cent  coudées,  et  lui  !a  manœu- 
vrait  légèrement  avec  dix  chrétiens  embrochés  tout  aubout« 
Une  vieille  sorcière  lui  prédit  un  jour  qu*il  tuerait lui«môm9 


152   l'eSPAGNE  légendaire,  pittoresque  et  ANECDOTIQrE 

ses  cinq  fils  qui  étaient  son  orgueil  et  sa  joie.  II  appela 
la  vieille,  fille  de  chienne,  hibou  de  malheur  et  la  iii  jeter 
dans  un  puits.  Aussitôt  de  grandes  flammes  s'élevèrent  et 
l'eau  se  mil  à  bouillir.  A  quelques  jours  de  là  un  fou  vint 
rôder  tout  autour  du  palais. Sa  folie  était  douce,  il  répétait 
sans  cesse  :  «  Ne  fais  pas  au\  autres  ce  (jue  tu  ne  voudrais 
pas  qu'on  te  fît.»  Le  sultan  le  chassa. Il  revint,  marmottant 
toujours  son  éternel  refrain.  Abdul-Melech,  furieux,  vou- 
lut le  faire  tuer.  Ses  soldats  refusèrent  de  toucher  à  un  fou, 
alors,  le  sultan  confectionna  lui-même  un  pain  empoisonné 
et  le  remit  au  fou  qui  partit  avec  un  regard  singulier.  Ce 
jour-là, les  cinq  fils  du  sultan  chassaient  dans  la  montagne. 
Une  biche  les  avaient  entraînés,  il  était  tard  et  ils  avaient 
faim.  Le  fou  passa  près  d'eux  et  leur  vendit  son  pain.  Le 
lendemain  Abdul-Melecli  trouva  dans  la  montagne  ses  fils 
empoisonnés. Auprès  d'eux  le  fou  accroupi  ricanait  :  «  Xe 
fait  pas  aux  autres  ce  que  tu  ne  voudrais  pas  qu'on  te  fU.w 
Alors  dit  la  légende,  le  désespoir  du  père  fut  atroce,  et 
il  serra  sa  pauvre  tête  si  violemment  entre  ses  poings 
fermés  qu'il  la  fit  éclater  comme  une  citrouille  entre  deux 
meules. 

En  redescendant  vers  la  ville  nous  trouvons  le  cimetière. 
Ces  cimetières  espagnols  ne  ressemblent  aucunement  aux 
cimetières  français.  Les  cases  creusées  dans  les  murs  abri- 
tent chacune  un  cercueil.  De  grandes  échelles  doubles 
servent  pour  les  y  monter.  L'expression  être  enterré,  n'est 
là-bas  qu'une  figure,  les  morts  se  trouvant  au-dessus  des 
vivants.  On  ne  repose  plus  à  six  pieds  sous  terre,  mais  de 
trois  à  quinze  pieds  en  l'air. 

On  peut  descendre  de  l'Alhambra  par  un  autre  chemin, 
la  côte  du  Petit  Roi,  côte  pittoresque  et  sauvage  où  les 
points  de  vue  abondent.  On  rencontre  la  tour  de  TEaUi 
ancien  réservoir  du  palais,  avec  l'aqueduc  qui  ralimenlail» 
On  voit  également  la  tour  des  Infantes  et  la  tour  de  la 


L  ESPAGNE  LÉGENDAIHK,  PITTOHESQVE  ET  ANECDOTIQUE  153 

Gaplive,d*oû  la  belle  Espagnole,  Isabelle  de  Solis,  longtemps 
prisonnière,  sortit  pour  devenir  la  favorite  du  sultan  et  em- 
brasser la  religion  de  Mahomet. 

Nous  descendons  do  plus  en  plus  et  en  nous  retournant 
nous  apercevons  au-dessus  de  nous  l'épaisse  tour  deCoina- 
rèsavec,  à  gauche,  le  boudoir  de  la  Sultane. 

Et  nous  allons  aller  maintenant  visiter  le  quartier  des 
gitanes.  Je  vous  présente  ici  leur  roi,  un  vieil  ami  à  moi, 
la  plus  jolie  fripouille  que  la  terre  ait  jamais  portée. . .  Ce 
monarque  de  comédie  a  surtout  comme  fonction  de  mendier. 
Mais  il  a  de  multiples  cordes  à  son  arc.  Il  sert  de  guide,  il 
tond  les  chiens,  il  procure  des  chevaux,  des  ânes,  des  pho- 
tographies,  des    antiquités,    et  m^îme  beaucoup  d'autres 
choses,  moyennant  une  honnête  commission.  Il  organise 
des  bals  de  gitanes  où  l'on  paie  fort  cher  pour  entrer  et  où 
son  amitié  me  valut  de  pénétrer  pour  rien.  Jl  est  vrai  que 
cette  amitié  n*était  point  désintéressée.  En  effet,  je  lui  payais 
à  boire,  et  ce  roi  était  une  éponge  faite  homme.  De  plus,  il 
m'avait  pris,sans  que  je  sache  pourquoi, pour  un  imprésario 
cherchant  une  troupe  de  danseuses  à  exhiber  en  France, 
61  il  espérait  faire  partie  de  l'expédition.  Je  me  gardai  avec 
:    soin  de  le  détromper.  Cela  me  valut  de  voir  danser  devant 
[    moi,  avec  toute  la  fougue  qu'elles  y  pouvaient    mettre,  les 
plus  jolies  gitanes  de  Grenade.   Ce  n'est  pas  là,  comme 
vous  le  concevez,   un  des  moins  bons  souvenirs  de  mon 
voyage. 

Les  gitanes,  presque  toujours  misérables,  vivent  sur  une 
colline  aride,  dans  des  caves  creusées  au  milieu  des  aloès 
61  des  cactus.  Ces  caves,  où  habite  toute  une  population, 
«Ont  de  simples  taudis.  Quelques-unes  cependant  sont 
propres,  bien  tenues  et  garnies  surtout  d'une  batterie  de 
cuisine  étincelante.  Tout  le  luxe  des  gitanes  est  là.  Leur 
/ortuDe  se  mesure  au  nombre  de  leurs  casseroles  ;  casse* 
Toles  en  cuivroi  brillantes  comme  des  miroirs  et  dans  les 


154  l'espagne  légendaire,  pittoresque  et  anecdotiocc 

quelles  ils  se  gardent  bien  de  faire  cuire  quelque  chose,  de 
peur  de  les  salir. 

Les  femmes,  chez  les  gitanes,  n*ont  pas  d'autre  profes- 
sion que  mendier.  Elles  vous  harcèlent  par  troupes  et  c'est 
par  douzaines  que  les  mains  se  tendent  devant  les  touristes. 
Si  quelque  voyageur  peu  patient  les  rudoie  légèrement,  alors 
c'est  un  concert  de  cris,  de  huées,  d'insultes,  qui  obligent 
promptement  le  malheureux  à  battre  en  retraite.  «Queles 
couleuvres  t'étouffent,  que  les  baisers  de  tes  enfants  le  fas- 
sent mal  comme  une  nîorsûre,  que  les  chiens  te  dévorent, 
que  les  corbeaux  t'arrachent  les  yeux,  que  les  crapauds  le 
bavent  sur  le  cœur.  »  Tels  sont  les  souhaits  les  plus  doux 
que  vous  envoient  ces  sorcières  en  fureur.  Par  contre,si  vous 
leur  abandonnez  votre  main  avec  une  légère  aumône,  elles 
vous  prédisent  un  avenir  superbe  qui  est,  du  reste,  toujours 
le  même  :(e  Tu  trouveras  un  trésor  et  toutes  les  femmesl'ai- 
meront.  »  L'une  d'elles,à  qui  j'avais  donné  cinq  sonSfin^affir* 
ma  que  j'épouserais  une  reine.  Je  me  demande  qui  ello 
m'eût  fait  épouser  pour  vingt  sous. 

Quittant  le  quartier  des  gitanes,  nous  rentrons  en  ville 
par  la  rue  de  Darro  qui  côtoie  la  rivière  de  façon  pitto* 
resque. 

Nous  voici  sur  la  place  du  Genil,  devant  la  diligence  qui 
nous  mènera  à  70  kilomètres  de  là, prendre  le  chemin  de  fer 
de  Murcie  qui  ne  vient  point  encore  jusqu'à  Grenade.  L« 
diligence  espagnole  est  un  reste  de  TinquisitioD,  un  vieil 
instrument  de  torture  qui  subsiste  encore  de  nos  jours.  On 
y  est  secoué,  cahoté,  ballotté  de  la  plus  horrible  façon.  La 
plupart  du  temps,  il  est  vrai,  on  marche  à  un  train  d'escar- 
got. Mais  tout  à  coup,  les  mules  font  feu  des  quatres  pieds. 
Elles  partent  comme  le  vent,  caracolent,  pétaradent,  bon* 
dissent  comme  des  chamois,  cela  toujours  dans  les  endroiti 
dangereux,  dans  les  tournants  brusques  oC^la  lourde  voUu' 
re,  trimballant  sur  ses  deux  rouesi  vient  raser  le  précipid 


L  ESPAGNE  LÉGENDAIUE,  PITTORESQUE  ET  ANECDOTIQUE   155 

qu'elle  surplombe  dosa  masse  penchée.  Notre  conducteur 
avait  un  moyen  spécial  d'exciter  ses  bêtes  sans  se  préoccu- 
per du  postillon.  Il  leur  jetait  sur  les  oreilles  des  cailloux 
dont  il  avait  bourré  ses  poches.  Alors,  les  mules,  agacées, 
s'emballaient.  Loin  de  les  arrêter,  il  les  excitait  dans  un 
tapage  d'enfer,hurlant, vociférant,  tapant  des  pieds,  claquant 
son  fouet  et  les  menagant,  si  elles  s'arrêtaient,  de  se  tailler 
un  bonnet  dans  leur  peau.  Quel  voya^^e  !  J'avais  à  côté  de 
moi  un  bon  curé,  qui  me  déclara,  un  peu  pâle,  avoir  fait 
sept  fois  son  acte  de  contrition.  Il  aurait  pu,  sans  exagéra- 
tion, achever  la  douzaine. 

Mais  nous  nous  sommes  longuement  ai'rêtés  à  Grenade, 
nous  allons  continuer  rapidement  notre  voyage  en  passant 
à  Lorca,  où  de  vieux  palais  ont  encore  de  très  curieuses 
portes. 

Pour  arriver  à  Murcie,  nous  prendrons  place  dans  une 
tartane,  le  fiacre  de  l'endroit,  singulière  voiture,  sans  siège, 
que  le  cocher  conduit  assis  sur  le  brancard. 

Le  portail  de  la  cathédrale  est  vraiment  d'un  bel  effet, 
dansson  style  baroque  du  dix-huitième  siècle.  Les  Murciens 
ensont  très  fiers.  Les  Murciens,  en  Espagne,  ont  mauvaise 
réputation  :ca  sont,  paraît-il,  d'incorrigibles  paresseux. 
Xon  contents  de  dormir  la  nuit,  ils  font  deux  siestes  par 
jour,  accompagnées  do  cinq  repas  et,  nouveaux  Titus,  ils 
trouvent  qu'ils  n'ont  pas  perdu  leur  journée. 

Xous  arrivons  maintenant  dans  Tune  des  petites  villes 
les  plus  curieuses  d'Espagne.  Elche,  célèbre  par  ses 
palmiers. 

Le  pont  du  chemin  do  fer  passe,  suivant  l'habitude  defl 
ponts  espagnols,  sur  une  rivière  sans  eau.  L:i  station  du 
chemin  de  fer  semble  la  station  d'une  ville  algérienne. 

Elche  ressemble  absolument  à  une  ville  d'Afrique.  Une 
chaleur  affreuse,  une  poussière  aveuglante  et  dos  ravins  oix 
Jes  pierres  semblent  calcinées  par  le  soleil. 


156  L*  ESPAGNE  LÉGENDAIRE,  PITTORESQUE  ET  ANËCDOTIQUE 

Le3  maisons  d'EIche  viennent  ajouter  à  l'illusion  d'une 
ville  africaine.  Elles  sont  basses,  blanches,  avec  de  ci  de 
là  un  palmier  qui  se  dresse  au-dessus  des  terrasses. 

Si  on  se  rend  dans  la  forêt,  le  spectacle  est  un  peu  dérou- 
tant pour  de  pauvres  gens  du  Nord  comme  nous,qui  avons 
l'habitude  de  voir  des  palmiers  dans  des  salons  ou  des  serres 
et  qui  ne  manquons  jamais,  dans  notre  admiration,  d'adres- 
ser de  chauds  compliments  à  la  maîtresse  de  maison  qui  en 
possède  un  de  trois  mètres. 

A  Elche,  il  y  en  a  120.000  qui  ont  de  25  à  35  mètres.  Ces 
palmiers  donnent  lieu  à  deux  sortes  de  commerce.  D'abord 
les  dattes,  ensuite  la  vente  des  palmes  pour  le  dimanche 
des  Rameaux.  Toute  la  tête  de  l'arbre  qui  doit  produire  les 
palmes  est  entourée  de  paille  comme  une  salade  qu'on  veut 
faire  blanchir  et,  en  effet,  les  palmes  sortent  immaculées  de 
leur  gaine  et  sont  expédiées  jusqu'en  Italie.  On  en  vend,  à 
50  centimes  l'une,  plus  de  120.000  par  an. 

Nous  quitlons  Elche  après  un  dernier  coup  d'œil  à  cette 
ville  singulière,  que  beaucoup  de  touristes  négligent,  bien 
à  fort,  car  elle  reste  un  des  souvenirs  les  plus  vivaces  d*un 
voyage  en  Espagne. 

Dirigeons-nous  vers  Alicante.  La  vue  du  port,  très  ani- 
mé, et  du  ctiôiteau  fort  de  Sainte- Barbe,  est  remarquable. 

L'Hôtel  de  Ville  est  un  monument  d'une  belle  venue.  On 
fait  à  Alicante  un  commerce  important  de  vins.  Cela  n'em- 
pôche  pas  les  Alicantais  de  poser  pour  la  sobriété.  Cepen- 
dant, déclare  un  diction,  avec  le  vin  bu  par  an  habitant,on 
peut  faire  tourner  un  moulin. 

La  promenade  des  Martyrs  est  ombragée  de  merveilleux 
palmiersi  Tout  près  de  là,  dans  une  petite  église,  se  trouve 
la  statue  de  saint  Bari,un  aimable  saint,quoles  jeunes  filles 
ont  en  adoration,  car  il  procure  des  maris.  Quand  une  jeune 
fille  vient  le  consulter,  tantôt  il  garde  les  yeux  baissés,  ce 
^ui  est  mauvais  signe  ;  tantôt  il  les  lève  et  pose  son  regard 


l'espagne  légendaire,  pittoresque  et  anecdotique  157 

sur  celle  qui  prie.  Dans  ce  cas  c'est  l'arrivée  sûre,  dans 
Tannée,  du  mari  désiré.  Le  saint  ne  s'est  jamais  trompé. 

Nous  arrivons  maintenant  à  Valence.  Valence  par  un  clair 
soleil,  produit  un  bel  elTet.  Toutes  ses  églises  sont  surmon- 
tées Je  dômes  bleus  aux  arêtes  d'or.  Tous  ces  dômes  bril- 
lent, reluisent  et  donnent  au  panorama  un  cachet  tout 
particulier. 

La  Bourse  de  la  soie  est  un  superbe  monument  gothique 
où  avait  lieu  au  xv-  siècle  un  important  marché  de  soieries. 
A  l'intérieur,  dans  une  salle  très  belle,  se  trouve  une  ins- 
cription (jui  promet  le  ciel  aux  marchands  qui  ne  voleront 
jnmais.  C'est  rendre  le  paradis  d'un  accès  vraiment  bien 
dilîicile. 

La  porte  de  Gerranos  formait  l'entrrîe  principale  do 
VaVnce,  (jui  s'intitule  encore  sur  ses  armes,  en  l'honneur 
do  son  passé,  «  la  très  noble,  très  antirpie,  très  loyale,  très 
insigne,  très  magnifique,  très  illustre,  très  siJvante,  très 
Couronnée,  très  intrépide  et  jamais  assez.  cél«'brée  cité  de 
Valence.  ))  La  litanie  manijue  de  modestie. 

L'extraordinaire  portail  du  palais  du  marquis  de  Dos 
Agiias  est  entièrementen  marbre  ri  d'un  aspect  absolument 
fiiiUastijjue.»  Les  Valenciens,dit  un  proverbe», sont  tellement 
distriiils,  ([ue  la  folie  [U'end  leur  trie  qirui.l  elle  a  besoin  de 
ifrelots.))  C'est  sans  doute  à  une  dislracti.)n  d'un  sculpteur 
d^;  fr<^nie,  ijuij  l'on  doit  celte  n-iivre  tumultueuse  et  sans 
'-'-sui'o,  mais  remplie  d'un  admirable  takuit. 

^•■•,u'"nte  est  un«^  ville  célèbre  par  le  sièi^n^  (jii't;Ilr  soutint 
'"iilre  Annibal.  et  au<|uel  on  compare  souvent  h»  siège  de 
^'«rai;usse  en  18()8.  Cette  ville  possède  encore  une  citadelle 
ïni««in'li«|ue.  aujourd'hui  désîilïeclée  et  dont  un  concierge  a 
la  i,'«ird«\  Ce  concierge  est  un  tyf)e,  et  même  un  type  un  peu 
(un.  Il  me  ie«;ul  avec  la  noblesse  (l'un  roi  (|ui  donne  au/lience 
à  un  ambassadeur.  Puis  il  prit  les  clefs  et    m'en   ouvrit   la 


158  L*ESPAr,NE  LÉGENDAIRE,  PITTORESQUE  ET  ANECDOTIQUE 

porte  en  disant,  avec  un  geste  à  la  Mounet-Sully  :  «  Passe, 
étranger,  je  t'accorde  la  permission  d'entrer.  » 

«  C'est  beau,  étranger,  celte  vue,  cette  plaine,  cette  raer 
dans  le  lointain.  Elle  est  à  moi  cette  vue.  Sans  ma  permission 
tu  n'aurais  pu  la  voir.  Je  suis  puissant  commele  gouverneur 
qui  habitait  là  autrefois!  »  Et  lors(iue  je  partis, ce  prodigieux 
portier,  brandissant  m.c>n  pourlioirc  d'un  geste  magnanime. 
clama  :  «  Adieu,  étranger,  va,  retourne  en  ton  [)ays,  et  si 
un  ami  veut  visiter  Sagonte,  dis-lui  qu'à  moins  d'être  muni 
d'un  ordre  écrit  du  roi,  il  n'entrera  ici  que  si  moi,  le  niailre. 
je  le  veux.  » 

Nous  arrivons  au  terme  de  notre  voyage,  à  Saragosse. 
Entrons  dans  1  église  de  Sainte-Madeleine  dont  lesacristain. 
pratique,  s'est  installé  une  basse-cour  dans  le  clocher.  Le 
premier  étage  abrite  de  nombreuses  poules,  le  second  est 
envahi  par  tout  un  peuple  de  canards.  Le  troisième  estcon 
verti  en  un  claplier  modèle  où  des  douzaines  de  lapins 
bondissent  et  cabriolent.  Enfin,  dans  un  petit  coin  au  dessus 
des  voûtes,  deux  chèvres  et  un  mouton  sont  installés.  Celte 
église,  dans  ses  superslructuros  ressemble  à  une  arche  de 
Noé. 

Du  haut  du  clocher,  la  vue  est  fort  belle.  En  avant,  laça 
thédrale,  un  peu  plus  loin.  Notre  Dame  del  Pilar,  avec  ses 
nombreuses  coupoles,  et  plus  loin  encore,  l'Ebre  qui  vient 
baigner  la  ville. 

On  comprend,  en  voyant  les  ruelles  si  étroites,  lesdilh- 
cultés  inouïes  du  siège  de  1808  oii  GD.OOO  habitants  sur 
100.000  périrent  en  défendant  héroïquement  leur  cilt^- 
L'A ragonnais, d'un  courage  à  toute  épreuve, c'est  le  lirelo» 
d'Espagne.  Il  est  entêté  comme  une  mule  et  a  la  tête  si  dure 
qu'il  s'en  sert,  dit-on,  pour  enfoncer  des  clous.  On  prétend 
(jue  lorsqu'un  enfant  vient  au  monde,  on  lui  frappe  la  lél^ 
avec  une  grcsse  assiette  de  faïence.  Si  l'assiette  se  hi'is<^' 


L  ESPAGNE  LÉGENDAIRE,  PITTORESQUE  ET  ANECDOTIQUE   159 

J'enfant  fera  un  bon  Aragonnais.  Si  c'est  la  tête  qui  casse, 
petit  malheur,  Tenfant  n'était  pas  digne  de  vivre. 

La  basilique  de  Notre-Dame  del  Pilar  (N.-D.  du  Pilier) 
est  célèbre  en  Espagne  comme  Lourdes  l'est  en  France.  Un 
jour  que  saint  Jacques  se  promenait  dans  la  campagne,  la 
Vierge  lui  apparut  environnée  d'anges.  Elle  lui  remit  une 
statue  d'elle-même  qui  reposait  .sur  un  pilier  scuplté, soutenu 
par  deux  chérubins.  Ce  sont  celte  statue  et  ce  pilier  qui  sont 
conservés  dans  l'église. 

Etienne  Roze. 


li'Etnii^pation 

et  la 

Colonisation  Italiennes^^^ 


MESSIEURS, 

Je  remercie  M.  le  Président  de  ses  paroles  bienveillantes 
et  la  Société  de  Géographie  commerciale  du  Havre  de  : 
l'honneur  qu'elle  a  bien  voulu  me  faire  en  m'invitanlà 
faire  cette  conférence  ;  le  seul  regret  que  j'ai  en  ce  moment 
d'avoir  accepté  provient  de  ma  crainte  de  ne  pouvoir  manier 
correctement  la  langue  fran(:aise,  cette  langue  claire, souple, 
harmonieuses  fermée  à  lÏMjuivoque.  Jùi  tout  cas, Messieurs, 
je  sais  que  vous  êtes  venus,  non  pas  pour  entendre  un 
orateur,  mais  une  personne  qui  a  beaucoup  voyagé  dansles 
régions  sur  lesciueilos  votre  Président  vient  d'appeler,  par 
son  excellent  discours  de  présentation,  votre  attention,  et 
(|ui,  par  conséquent,  pourra  vous  donner  des  idées  Ir^ 
exactes  sur  des  localités  qui  n'ont  peut-être  î»as  encore  été 
visitées  |)ar  aucun  Français. 

Il  y  a  bientôt  cin(|uante  ans,  dans  Vllistoire  deVKnxif^' 
tion  au  A7A'"'  airrle,  couronnée  par  l'Académie  des  science» 
morales  et  politiques,  un  illustre  Français,  Jules  Duvau 
s'exprimait  ainsi  :  «  La  France  pour  rentrer  dans  sa  voie 
((  historique  et  y  acconiplir  sa  destinée,  doit  d'abord  perfi* 
«  ses  préjugés  sur  l'émigration  ;  où  l'opinion  publique  voJ 

(l!  Conft'reiu'e   f;nl('    devant    la   Sociélé  de  Géographie  CommcrcfjJf 
Havre,  le  12  ncccm)>ie  1906. 


l'émigration  et  la  colonisation  italiennes       161 

«un  affaiblissement,  il  faut  lui  montrer  la  meilleure  mar- 
«  que  de-  la  virilité.  Je  serais  heureux  si  mon  livre  contri- 
c<  buait  un  peu  à  ce  redressement  en  présentant  sous  son 
«  vrai  jour  ce  grand  phénomène  social  ;  une  épreuve  des 
(1  corps  et  des  âmes,  dure  sans  doute  dans  ses  premières 
«  plisses,  mais  saine  et  fortifiante  ;  une  plantation  profitable 
((  même  aux  branches  dont  les  fruits  mûrs  se  détachent 
((  pour  devenir  ailleurs  des  semences  fécondes. 

((  L'émigration  suivie  de  colonisation  est  le  déversoir  des 
((  populations  surabondantes,  la  mission  des  caractères  en- 
(f  treprenants,  le  refuge  des  situations  déclassées,  Tasile  des 
«  vaincus  et  des  opprimés,  une  leçon  aux  mauvais  gouver- 
«  nemenls,  un  remède  aux  misères  des  pauvres  comme  à 
«  l'ennui  et  à  l'oisiveté  des  riches,  le  fondement  de  la  puis- 
«  sance  maritime  des  Étals,  un  instrument  des  échanges 
«  internationaux,  le  germe  des  cités,  des  nations  et  des 
u  royaumes.  Des  émigrants  qui  d'un  continent  à  l'autre 
«  transportent  les  flambeaux  de  la  civilisation,  la  science 
«  doit  dire  comme  Lucrèce  disait  des  coureurs  se  passant 
«  de  main  en  main  des  torches  enflammées  :  Et  vUœ  lam^ 
«  pada  iradunt.  » 

Et  M.  Duval,  insistant  sur  le  service  que  rendent  ces  in-  • 
trépides  messagers  de  travail  et  de  paix, concluait  en  disant: 

«Que  chaque  peuple,  que  chaque  génération  se  seule  la 
«  noble  ambition  d'enrôler  dans  l'armée  industrielle  de 
«  l'humanité  des  légions  d'éclaireurs,  des  pionniers  et  des 
«  solda' ts  ;  la  grandeur  durable  de  la  France  est  à  ce  prix.  » 

Mais  aujourd'hui,  après  presque  cinquante  ans,  si  nous 
voulons  rechercher  ce  que  les  données  que  nous  avons  sur 
l'émigration  d'hier  et  d'aujourd'hui  peuvent  nous  faire  pres- 
sentir, avec  quelque  certitude,  des  nations  de  demain,  non 
seulement  il  serait  difficile  de  pouvoir  faire  un  tel  éloge  do 
l'émigration  et  de  la  colonisation, mais  il  serait  aussi  quelque 
peu  téméraire  d'affirmer,  d'après  l'expérience  de  ces  der- 


162       l'émigration  et  la  colonisation  italiennes 

nièrcs  années,  qu'un  rôle  prépondérant  sera  réservé  à  rémi- 
gration européenne  dans  la  mise  en  valeur  des  terres  du 
globe  non  encore  peuplées. 

Peut  être  aujourd'hui  faut-il  rabattre  beaucoup,  non  seu- 
lement de  l'enthousiasme  qui  inspirait  en  1862  Jules  Duval, 
mais  aussi  de  cet  optimisme  enthousiaste  qui  inspirait,  par 
exemple,  il  y  a  dix  ans  encore,  Novicow  dans  son  beau 
livre  sur  L* Avenir  de  la  race  blanche. 

Ce  point  de.  vue  moins  optimiste  est  partagé  aussi  par 
M.  R.  Gonnard  qui,  dans  un  livre  tout  récent  sur  VEmi- 
grailon  européenne  auXJX^  siècle,  fait  à  ce  sujet  les  obser 
valions  suivantes  : 

«  Le  xix^'  siècle  a  été,  c'est  bien  là  une  de  ses  plus  sûres 
caractéristiques,   un  siècle  d'émigration  et  de  colonisation 
européennes,  d'accaparement  et  d'occupation  hôtive  parles 
blancs  de  tout  ce  qui  est  resté  de  terres  disponibles  dans  le    ' 
monde.  Dans  la  dernière  partie  du  siècle  surtout,  les  prin- 
cipales puissances  ont  rivalisé  d'ardeur  pour  se  tailler  un 
domaine  colonial  aussi  large  que  possible.  Il  y  avait  comme 
le  pressentiment  d'une  occasion  à  saisir,  d'une  heure  à  uli 
liser  qui,   une  fois  passée,  ne  se  retrouverait  plus.  Auxix' 
siècle  les  grandes  nations  blanches  se  sont  trouvées  dans 
les  meilleures  conditions  pour  coloniser.  Elles  avaient  une 
population  croissant  rapidement,  beaucoup  de  capitaux  dis- 
ponibles,   une    bonne   situation   budgétaire,    un  outillage 
parfait,  des  armées  très  fortes. Elles  se  croyaient  pour  ainsi 
dire   en  étal  de  conquérir  et  de  soumettre  le  monde  entier. 
Cette    période    magnifique  pour  l'hégémonie  européenne 
va  de  l'expédition   franco-anglaise  en   Chine  à  la  guerre 
russo  japonaise.   Dans  ces  dernières  années  a  commencé 
à  sonner  le  premier  glas  de  cette  liégémonie.  Les  Italiens 
ont  été  battus  en  Abyssinie  ;  l'une  des  plus  grandes  nations 
de  l'Europe,  la  Russie,    a  eu  une  campagne  désastreuse 
contre  les  Japonais  en  Extrême-Orient  ;  TEspagnea  perdo 


l'émigration  et  la  colonisation  italiennes       163 

toutes  ses  possessions  américaines  et  asiatiques  dans  sa 
guerre  avec  les  Etats-Unis.  Voilà  pourquoi  aujourd'hui 
les  conclusions  assez  optimistes  de  Novicow  sur  l'avenir  de 
la  race  blanche  peuvent  être  mises  en  doute.  Le  monde 
jaune  s'est  réveillé  et  révolté.  Il  a  réussi  à  démontrer  sa 
supériorité  à  rp]urope  et  le  monde  noir  nous  réserve  peut- 
être  d'autres  surprises.  » 

Dons  ces  conditions  il  y  a  lieu  de  se  demander  avec  M. 
Gonnard,  quel  pourra  être  l'avenir  de  la  race  blanche  ? 

Reslera-t  elle  cantonnée  en  Europe  et  dans  une  partie  de 
l'Amérique  qu'elle  a  déjà  colonisée  ou  étendra-t-elle  son 
occupation  effective  sur  d'autres  parties  du  monde?  Saura- 
t  elle,  avant  la  race  jaune  devenue  mobile,  émigrante  et 
conquérante,avaul  la  race  sémite  et  la  race  noire, reprenant 
peul-ôtre  un  jour  l'offensive,  asseoir  de  nouvelles  nations 
issues  d'elle  dans  les  régions  non  peuplées  des  quatre  au- 
tres parties  du  monde?  En  effet,  pour  coloniser  il  ne  suffit 
pas   de  teindre  en  rouge,  en  vert  ou  en  jaune  les  régions 
inconnues  des  vieux  atlas.  Quand  il  s'agit  d'une  colonisa- 
tion il  faut  occuper  effectivement,  c'est  à  dire  peupler  et  cela 
est  d'une  extrême  importance  parce  que, le  jour  oQ  les  races 
considérées    jusqu'ici  comme  inférieures  déborderont  de 
leurs  confins  naturels  et  qu'elles  se  trouveront  en  présence 
des  autres  peuples,  si  ces  pays,  qui  à  présent  sont  repré- 
sentés comme  occupés  par  les  Européens,   sont  effective- 
ment colonisés,  ils  présenteront  à  l'invasion  une  résistance 
bien  plus  forte  que  s'ils  continuent  à  être  simplement  tracés 
sûr  les  cartes  comme  possessions  européennes. 

11  y  a  des  nations  qui  ne  pourraient  pas  coloniser  sérieu- 
sement parce  qu'elles  n'ont  pas  d'émigrants  ;  c'est  le  cas  de 
la  France.  Son  expansion  se  réalise  par  les  manifestations 
littéraires,  artistiques  et  scientifiques  de  son  génie  ;  à  cet 
égard  elle  peut  rivaliser  avec  n'importe  quelle  nation,  mais 
au  point  de  vue  de  la  colonisation  avec  des  émigrants  fran- 


164       l'émigration  et  la  colonisation  italiennes 

çaîs,  son  rôle  ne  peut  être  que  bien  médiocre.  L'Angleterre 
a  colonisé  avec  le  plus  grand  succès  parce  qu'elle  trouvait 
dans  la  nation  l'élément  émigrant  mais,  depuis  quelques 
années,  l'émigration  anglaise  est  en  diminution.  L'Allema- 
gne, il  y  a  trente  ans,  avait  presque  autant  d'émigration  que 
l'Italie  ;   c'est  la  nation  qui  en  donnait  peut-être  le   plus 
grand  contingent.  A  cetleépoque  elle  n'avait  pasde  colonies; 
à  présent  qu'elle  en  a,  et  quelques-unes  même  qui  se  prêtent 
assez  bien  à  la  colonisation,  il  n'y  a  presque  plus  d'énii- 
granls  allemands  parce  que  les  débouchés  de  lagricullure, 
de  l'industrie  et  du  commerce  dans  la  confédération  même 
donnent  emploi  à  l'intérieui^  aux  bras  qui,  il  y  a  trente  ans, 
devaient  émigrer  en  quête  d'occupation.  C'est  donc  à  pré- 
sent une  nation  qui  a  des  colonies  et  qui  manque  d'émi- 
grants.  Quant  à  Tltalie  elle  se  trouve  dans  la  même  condi 
tion  que  l'Allemagne  à  cette  époque  ;  elle  a  très  peu  de 
colonies  et  des  masses  énormes  d'émigrants.  Mais  est-on 
sûr  que  l'Italie  pourra  disposer  longtemps  encore  de  ses 
contingents  d'émigrants  ?  Ce  doute  est  bien  naturel,  si  Ton 
considère  que  l'Angleterre  et  l'Allemagne,  qui  ont  joué  au    ! 
XIX®  siècle  dans  le  peuplement  des  pays  neufs  un  rôle  de 
premier  plan,  tendent  à  ne  plus  figurer  qu'au  second  ou  au 
troisième  rang,  le  premier  étant  conquis  par  l'Italie  et  les 
pays  slaves.  Pour  coloniser  effectivement  et  non  seulement 
politiquement,  il  faut,  je  le  répète,  établir  des  hommes  dans 
le  pays  que  l'on  veut  coloniser,  mettre  en  valeur  ces  terres 
qui  n'avaient  pas  d'habitants  ni  de  produits,  les  rendre  fer- 
tiles ;  il  faut  donner  à  ces  colons  les  moyens  de  vivre  et  de 
vivre  mieux  qu'en  Europe,  autrement  ils  n'auront  pas  à* se 
réjouir  du  déplacement.    M.   Viviani,    dernièrement,  à    la 
Chambre  des  Députés,  à  propos  du  conflit  qui  existe  depuis 
le  commencement  du  monde  entre  la  misère  et  la  propriété, 
prononçait  les  paroles  s'iivantes  : 

«  La  liberté  de  penser,  de  parler,  d'écrire,  n'est  pas  tout. 


l'émigration  et  la  colonisation  italiennes       165 

ff  Le  travailleur  réclame  aussi  la  liberté  sociale.  La  liberté 
»  est  pour  l'homme  le  pouvoir  d*agir,  de  vivre^  Où  réside 
K  la  liberté  sociale?  Elle  réside  dans  la  propriété.  Il  y  a  des 
I  millions  d'hommes  qui  tendent  la  main  pour  saisir  quel- 
R  ques-unes  des  joies  de  la  propriété.  » 

D'autre  part  je  me  souviens  d'un  ministre  italien  des  Fi- 
nances, du  parti  conservateur,  M.Luigi  Luzzattî,  qui  expri- 
mait, lui  aussi,  dans  un  discours  à  la  Chambre  des  Députés 
de  son  pays,  la  conviction  qu'il  faudrait  créer  en  Italie  le 
plus  grand  nombre  possible  de  petits  propriétaires  pour 
réaliser  cette  sécurité  sociale  dont  parlait  plus  tard  M. 
Viviani.  Tout  le  monde  sait  qu'il  n'est  pas  facile  de  trans- 
former d'emblée  dans  notre  vieille  Europe  des  millions  de 
prolétaires  en  millions  de  petits  propriétaires.  Je  ne  dirai 
^pas  que  ce  soit  à  jamais  une  chimère  mais,  certes,  ce  pro- 
blème ne  pourra  pas  être  résolu  tout  de  suite  ;  aussi  notre 
pensée  se  porte-t  elle  spontanément  vers  les  régions  non 
peuplées  ou  mal  peuplées  des  quatre  autres  parties  du  mon- 
de pour  tôcher  d'y  réaliser,par  le  moyen  d'une  colonisation 
rationnelle,  le  rêve  de  tant  de  philanthropes. On  établit  dans 
l'Amérique  du  Sud  un  certain  nombre  de  ces  prolétaires  de 
race  latine  auxquels  on  ne  peut  accorder  en  Europe  aucune 
parcelle  de  propriété  ;  on  étudia  s'il  serait  possible  et  quelle 
serait  la  manière  la  plus  pratique  de  les  transformer  en 
petits  propriétaires  dans  ces  régions  actuellement  inoccu* 
pées  et  voua  savez  qu'il  y  aurait  là  de  larges  parts  à  faire. 

C'est  dans  les  terres  du  Brésil  surtout  qu'on  a  établi 
comme  petits  propriétaires,  des  centaines,  des  milliers  do 
prolétaires  des  campagnes  italiennes*  Je  me  suis  trouvé 
au  Brésil  dans  une  situation  qui  me  mettait  en  contact 
immédiat  avec  ces  petits  colonisateurs  ;  j*ai  pu  étudier  le 
fonctionnement  de  la  colonisation  sud-américaine  et  je  suis 
kmécae  de  vous  donner  sur  ce  sujet  une  opinion  impartiale 
et  dépourvue  de  préjugés,  inspiré  que  je  suis  par  le  désir 


Ififl  l/ÉMIGUATlON  ET  LA  COLONISATION  ITALIENNES 

d'apporter  mon  tribut  d'idées  et  d'expérience  à  cette  que»* 
tion  qui  se  lie  étroitement  à  la  question  sociale  dont  se 
préoccupent  les  hommes  d'Etat  de  la  vieille  Europe. 

J'ai  été  longtemps  au  Brésil,  j'ai  beaucoup  vu,  j'ai  voyajé 
dans  l'intérieur  en  traversant  à  cheval  des  régions  oc<:tt 
pées  entièrement  par  des  colons  italiens  petits  propriè- 
taires  ;  à  première  vue,  c'est  la  réalisation  du  rêve  dei 
philanthropes  puisqu'on  les  a  établis  non  comme  ouvriers 
mais  comme  petits  propriétaires.  Les  colons  italiens  petilî 
propriétaires  au  Brésil  sont  au  nombre  d'environ  50Û.OÛO; 
il  y  a  à  l'étranger  au  moins  A  millions  d'Italiens  don 
1.700.000  dans  l'Amérique  du  Sud,  et  chaque  annét 
l'Italie  donne  à  l'émigration  un  contingent  toujours  crois- 
sant et  qui,  en  1905,  a  dépassé  750.000  personnes.  La  moi- 
tié de  ces  Italiens  sont  en  émigration  provisoire  en  Europe, 
et  l'autre  moitié  va  dans  l'Amérique  du  Nord  ou  du  Sud, 
depuis  quelque  temps  surtout  dans  l'Amérique  du  Nord; 
une  bonne  part  de  ces  émigrants  revient  en  Italie,  la  moitié 
environ.  L'Italie,  comme  on  voit,  perd  peu  de  sa  population 
par  suite  du  phénomène  émigratoire.  On  peut  ajouter  que 
cette  émigration  contribue  au  soulagement  de  la  crise  so- 
ciale en  provoquant  dans  la  péninsule  une  légère  augmen- 
tation des  salaires.  Les  familles  italiennes  établies  au  Brésil 
en  qualité  de  colons  petits  propriétaires  comptent  à  peu 
près,  comme  j'ai  dit,  environ  500.000  individus  et  je  ne 
m'occuperai  que  de  ceux-ci,  autant  pour  me  tenir  dans  les 
termes  d'une  causerie  que  parce  que  le  temps  me  manque- 
rait pour  tracer  même  les  premières  lignes  du  tableau  com- 
plet de  l'émigration  italienne  au  Brésil,  enfin  parce  quec< 
sont  les  colons  italiens  petits  propriétaires  que  j'ai  étudiés  < 
mon  aise. 

Il  ne  fautpas  confondre  Témigrant  italien  qui  va  àréirai 
g[er  pour  travailler,  s*employant  comme  terrassier,  comn 


l'émigration  et  l\  colonisation  italiennes       167 

nioissouneur  ou  comme  artisan,  avec  celui  qui  y  va  pour 
fonder  une  colonie. 

J'aborde,  comme  on  voit,  le  vrai  sujet  de  ma  conférence 
c'est  à-dire  l'œuvre  de  colonisation,  ses  avantages  et  ses 
défauts,  ses  possibilités  et  ses  impossibilités. 

Quant  aux  avantages  je  m'en  tirerai  avec  très  peu  de 
mots;  les  avantages  d'une  colonisation  bien  réussie  sont 
incontestables.  L'Italie  a  une  forte  natalité,  la  densité  de  sa 
population  est  remarquable.  L'Amérique  a  un  grand  nom- 
bre de  terres  non  peuplées  qui  attendent  d'être  mises  en 
valeur  par  le  travail  de  l'homme  ;  trouver  le  moyen  d'éta- 
blir l'excédant  de  la  population  italienne,  les  prolétaires  de 
i  agriculture  surtout,  sur  ces  terres  non  peuplées  en  les 
transformant  en  petits  propriétrûres  par  le  don  gratuit  de 
ces  terres  que  l'absence  do  travail  et  de  production  laisse 
aujourd'hui  désertes,  stériles,  sans  aucune  valeur  écono- 
mique, ce  serait  résoudre  vraiment  un  grand  problème 
social. 

Malheureusement  l'exécution  de  ce  plan  magnifique  qui 
convient  à  l'Europe  et  qui  forme  en  môme  temps  le  rôve  des 
gouvernements  de  l'Amérique  du  Sud,  lesquels  compren- 
nent que  la  grandeur  de  leurs  Républiques  est  subordonnée 
au  peuplement  du  pays  et  que  ce  peuplement,  pour  corres- 
pondre  à  leurs  désirs,  ne  peut  se  faire  que  par  des  gens  de 
race  latine,  cette  exécution  présente,  il  est  bon  de  le  répé- 
ter, en  pratique  bien  des  difficultés. 

La  première  difiSculté  pour  la  fondation  dans  l'Amérique 
du  Sud  de  colonies  italiennes  destinées  à  s'enraciner  sur  le 
soi  de  la  nouvelle  patrie  provient  des  lois  sur  la  natu- 
ralisation dans  ces  républiques.  Les  fils  d'un  Italien  ou 
d'un  étranger,  par  ce  fait  qu'ils  sont  nés  dans  l'Amé- 
rique du  Sud,  deviennentfpar  suite  des  lois  sur  la  nationa- 
ité  du  pays  où  ils  sont  nés.  Américains,  et  c'est  là  une  diffi* 
lullé  initiale  qu*il  est  difficile  de  supprimer!  Leâ  tia lions  de 


168      l'émigration  et  la  colonisation  italiennes 

l'Europe  ont  tenté  sans  succès  de  faire  changer  ces  lois  qui 
s'appliquent  également  dans  les  trois  parties  de  l'Améiique 
du  Sud.  Je  crois  que,  jusqu'à  un  certain  point,  les  Améri- 
cains ont  raison  de  résister,  parce  que  si,  par  exemple, 
dans  la  contrée  où  j'habitais,  l'Ktatde  Espiritu  Sanlodu 
Brésil,  où,  sur  une  population  de  200.000  habitants,  il  y  a 
de  30  à  50.000  Italiens,  si  on  laissait  ces  derniers  rester 
Italiens,  en  peu  de  temps  leur  nombre  dépasserait  celui  de 
la  population  indigène. 

Il  y  a  dans  les  colonies  italiennes  agricojes  du  Brésil  des 
familles  où,  par  suite  de  celte  loi,  le  père  est  resté  Italien 
tandis  que  ses  enfants  sont  Brésiliens,  et  cela  arrive,  non 
seulement  au  Brésil,  maiâ  aussi  dans  l'Argentine  où  la 
colonie  italienne  est  très  nombreuse  e  en  général  dans 
toute  l'Amérique  du  Sud. 

Quand  les  colons  de  ces  régions  intérieures  meurent,  on 
ne  sait  jamais  s'ils  sont  Italiens  ou  Brésiliens,  soit  parce 
que  ces  paysans  transportés  là-bas  ne  connaissent  pas  les 
dispositions  légales  italiennes  et  brésiliennes  sur  la  natura- 
lisation, soit  parce  que  dans  les  petits  villages  très  éloignés 
des  centres  de  population,  il  n'y  a,  pour  ainsi  dire,  pas  de 
registres  de  l'état-civil. 

(A  suivre)  Rizzetto  Rizzardo. 


CORRESPONDANCE  DU  CONGO  ^»' 


Cher  Monsieur  Fritz, 

J'aurais  voulu  vous  donner  plus  lot  un  petit  aperçu  sur 
ma  vie  de  colonial  au  Congo.  Mon  séjour  permanent,  à 
Brazzaville,  ne  m'a  pas  permis  jusqu'ici  d'étudier  les  mœurs 
de  rindigène  chez  lui,  dans  la  ((  brousse  )).  Les  quelques 
observations  que  j'ai  pu  faire  se  bornent  donc  à  la  région 
de  Brazzaville,  dans  la  colonie  du  Moyen-Congo,  ô  la  ville 
en  particulier,  à  son  aspect  et  à  ses  habitants. 

Située  dans  le  pays  bacongo,  les  Bacongos  y  dominent 
naturellement.  D'une  race  dégénérée  et  atrophiée  par  les 
maladies,  telles  que  maladie  du  sommeil, tuberculose,  mala- 
dies de  peau,  etc.,  ces  indigènes  sont  de  petite  taille  et  de 
tempérament  faible.  Peu  travailleurs,  je  dirai  même  pares- 
seux, ils  s'adonneraient  volontiers  au  sommeil  tout  le  jour, 
se  livrant  le  soir  et  une  bonne  partie  de  la  nuit  au  c  tam- 
tam  »,  danse  burlesque  au  son  du  «  n'sambi  »,  musique  du 
pays.  Les  Bacongos,  de  môme  que  les  Balalis,  qui  leur  res- 
semblent presque  en  tous  points,  présentent  cette  caracté* 
ristique  qu'ils  ne  portent  pas  de  tatouages,  contrairement 
à  presque  toutes  les  autres  races  du  Congo.  Depuis  le 
développement  de  Brazzaville,  on  a  essayé  de  secouer  cette 
torpeur  et  on  emploie  lesBacongos  au  portage  des  matériaux 
de  construction^  faute  d'autres  moyens  de  communication* 
Les  indigènes  semblent  d'ailleurs  prendre  goût  à  ces  tra- 
vaux qui  leur  donnent,  en  môme  temps  qu'une  charpente 


(Il  Lettfe  d'uo  ancien  élëre  «to  TEcole  supérieure  de  Commerce  du  Uftvre,  à  ion  pro« 
(MeWi 


170  CORRESPONDANCE  DU  CONGO 

mieux  musclée,  un  salaire  avec  lequel  ils  peuvent  se  pro- 
curer peu  à  peu  dans  les  factoreries  les  objets  les  plus  indis- 
pensables à  la  vie  et  à  l'iiygiène.  Peu  intelligents  et  pas 
«débrouillards»,  ils  n'ont  pas  jusqu'alors  tenté  d'apprendre 
quelque  métier,  ce  qui  pourtant  les  mettrait  dans  une  cer- 
taine aisance, vu  le  prix  élevé  des  salaires. Mais  les  conseils 
qu'on  leur  prodigue  chaque  jour  les  laissent  indifïérents. 

Profitant  de  cette  inaction,  presque  toutes  les  races  du 
Congo  sont  représentées  à  Brazzaville:  Gabonais,  Pahouins 
(ceux-ci  toutefois  en  petit  nombre),   Loangos,   Bangalas, 
Batékés,  Balalis,  Bondjios  y  sont  mélangés.  Les  races  indi- 
gènes de  nos  colonies  plus  avancées  en  civilisation  et  des 
colonies  étrangères  s'y  rencontrent  aussi  en  assez  grand 
nombre  :  Sénégalais,  Dahoméens,  Akras  (venus  de  la  Côte 
d'Or  et  de  la  Nigeria  anglaise),   Kassai  et  Basongos  de 
l'Etat  Indépendant.  Chacune  de  ces  différentes  races  se 
voue  à  un  métier  et  l'exerce  presque  exclusivement  à  tout 
autre.  Les  Sénégalais,  plus  civilisés  et  par  suite  plus  clair- 
voyants, font  le  commerce  du  caoutchouc,  de  l'ivoire,  de  la 
bijouterie  (bagues  et  bracelets),  des  perles,  etc.  Presque 
tous  les  ouvriers  employés  par  l'Administration  comme 
menuisiers,  charpentiers,  plafonneurs,  serruriers,  maçons, 
etc.,  sont  recrutés  parmi  eux.  Se  croyant  et  se  sentant 
supérieurs  aux  indigènes  du  pays,  les  Sénégalais  en  pro- 
fitent trop  souvent  dans  la  brousse  pour  leur  inspirer  de  ia 
crainte  et  commettre  des  exactions  qui  sont  préjudiciables 
à  Tapprovisionnement  du  marché  de  Brazzaville. 

Les  Dahoméens,  de  grande  taille  et  bien  musclés,  font 
ici  concurrence  aux  Batékés  dans  la  vente  des  produits  de 
la  pêche.  Les  Akras  sont  maçons,  plafonneurs,  peintres, 
etc.  ;  les  Loangos,  tailleurs  et  cuisiniers.  Ces  diverses  races 
étrangères  et  indigène  ne  portent  pas  de  tatouagesi  II  a'en 
est  pas  de  môme  des  Batékés,  Bangalas,  Boudjios  qui 
portent  des  tatouages  nombreux  et  particuliers  pour  cbaquQ 
peufladOé 


CORRESPONDANCE  DU  CONGO  l7l 

Les  Batékés,  de  moyeane  taille,  sont  pécheurs  et  chas- 
seurs, pêcheurs  surtout  ;  leurs  frôles  pirogues  sillonnent 
nombreuses  le  fleuve  Congo,  matin  et  soir  ;  aussi  approvi- 
sionnent-ils presque  exclusivement  notre  marché.  De  plus, 
ils  sont  industrieux  et  les  femmes  confectionnent  plats, 
gargoulettes,  pots,  etc.,  en  terre  cuite. 

Les  Bangalas,  généralement,  sont  de  belle  taille  et  por 
lent  des  tatouages  nombreux  et  variés  sur  tout  le  corps, 
principalement  les  femmes  ;  on  ne  les  rencontre  guère  que 
comme  boys  et  porteurs,  comme  les  Bacongos  et  les  Balalis. 
Je  n'insiste  pas  davantage  sur  ces  races  diverses  qu'un 
nouveau  débarqué  ne  peut  deviner,  mais  qu'au  bout  d'un 
certain  temps  et  d'habitude,  il  reconnaît  parfaitement.  Que 
vous  dire  des  femmes  ?  On  les  rencontre  Je  jour,  munies  de 
la  musique  bacongo,  se  promenant  de  leur  village  au  mar- 
ché   et  réciproquement,  s'interpellent  de  loin  et,   détail 
curieux,  sans  se  retourner.  De  même,  lorqu'elles  suivent 
leur  mari,  elles  tiennent  la  conversation  à  quatre  ou  cinq 
mètres  derrière,  car  la  coutume  chez  les  noirs  est  de  mar- 
cher, non  pas  de  front,  mais  à  la  suite  les  uns  des  autres, 
coutume  que  je  m'explique  comme  provenant  de  la  séculaire 
habitude  de  marcher  dans  les  sentiers  étroits  de  la  brousse. 
La  dénomination  de  «  mari  ))  est  d'ailleurs  impropre,  car 
les  femmes  s'achètent  aux  rois  et  chefs  indigènes  ;  le  prix 
est  très  variable,  mais  pour  les  plus  jolies  femmes  ou  repu* 
tées  comme  telles,  deux  cents  francs  est  un  maximum.  Mais 
je  m'arrête,  car  je  sens  que  je  me  laisse  entraîner  loin  de 
la  question  dont  je  veux  vous  entretenir,  de  Brazzaville. 
Donc,uD  mot  (car  je  ne  veux  pas  abuser  de  votre  indulgence 
à  mon  égard)  sur  la  ville,  si  on  peut  ainsi  appeler  la  faible 
agglomération  de  3.000  habitants  environ,  qui  constitue  la 
population  de  la  capitale  de  nos  possessions  du  Congo. 

Très  étendue,  la  ville  se  divise  en  trois  quartiers  princi-* 
paux  ;  Id  Plateau  ou  (juertier  administratif  ;  h  Plainet 


172  CORRESPONDANCE  DU  CONGO 

quartier  commerçant  et  centre  de  la  navigation  fluviale  ;  l^ 
Tchad,  quartier  militaire.  En  plein  développement,  la  ville   - 
depuis  une  année,  a  subi  beaucoup  d'améliorations  :addue  ^ 
tion  d'eau,  constructions  nouvelles,  rues  tracées,  débrous^ — 
sèment,   etc.    Le  quartier  administratif  est  situé  sur  ui^ 
plateau  (de  là  sa  dénomination)  dominant  d'environ  cin — 
quante  mètres  le  fleuve  aux  eaux  jaunâtres,  toujours  char 
gées  d'une  grande  quantité  de  sable.  Perdus  au  milieu  de 
manguiers,  palmiers,avocaliers, citronniers  et  flamboyants, 
de  ci  de  là,  apparaissent  quelques  toits  en  tôle  ou  en  paille, 
ceux-là  éblouissants  par  le  soleil,  ceux-ci  presque  noirs  de 
cuisson.  Tirées  au  cordeau  et  bordées  de  véty ver,  do  citron- 
nelle ou  d'ananas,  les  rues  sont  bien  proportionnées  et  il  ne 
manque  qu'une  suite  d'habitations  formant  la  haie  de  cha- 
que côté  pour  qu'elles  représentent  nos  rues  de  France. . . 
Quelques  places  et  squares  en  ébauche,  bien  répartis  ;  bref, 
tout  ce  qu'il  faut  pour  prévoir  dans  un  certain  avenir  une 
ville  bien  proportionnée.  Malheureusement,  les  efforts  in- 
cessants pour  la  réalisation  de  cette  tâche  ne  sont  pas  tou- 
jours couronnés  de  succès.   C'est  ainsi  que  les  rues,  entre- 
tenues du  mieux  possible, sont  détériorées  et  défoncées  dans 
Tespace  d'une  heure  par  le  passage  d'une  tornade  furieuse, 
et  sont  changées  en  torrents  impétueux  dont  le  lit  atteiDt,eD 
certains  endroits,jusqu'à  1  m. 50  et  2  mètres  de  profondeur. 
La  nature  sablonneuse  du  terrain  eu  rend  difficile  l'entre- 
tien et  c'est  ainsi  que,  peu  à  peu,  le  Plateau  descend  dans  le 
lit  du  fleuve. 

Une  autre  question  importante  :  comment  vit-on  à  Braz- 
zaville ?  Malgré  les  encouragements  de  toutes  sortes  prodi- 
gués aux  indigènes,  la  vie  y  est  très  chère.  L'absence  de 
bétail  en  est  la  raison  principale  :  quelques  cabris  (petites 
chèvres  du  pays)  seuls  constituent  l'élevage  et  encore  en 
faible  quantité.  Afin  d'avoir  du  lait  pour  les  malades,  l'Ad- 
ministration a  fait  descendre  des  régions  du  Tchad  quelque^ 


CORRESPONDANCE  DU  CONGO  173 

(êtes  de  bétail  ;  c'est  le  seul  troupeau  de  Brazzaville  et  des 
environs  et  le  nombre  ne  s'en  accroît  pas. 

Les  poules  et  œufs  sont  recherchés  de  tous  côtés  et  sou- 
vent il  est  diflScile  de  s'en  procurer,la  population  croissante 
de  la  ville  les  fait  plus  rares  de  jour  en  jour.  Les  jeunes 
poulets,  gros  comme  le  poing,  sont  arrêtés  dans  leur  crois- 
sa  nce  et  vendus  à  des  prix  très  élevés.  Les  chiffres  d'ailleurs 
ont  leur  éloquence  et  quelques  prix  des  matières  premières 
**  Talimentation  vous  fixeront  à  ce  sujet  : 

Pain  (pesant  de  300  à  350  grammes. , .       0  fr.  50 

Vin  très  ordinaire le  litre      2  fr.  — 

Poulet 2  fr.  — ,  2  fr.  50  et  3  fr.  — 

Canard 10  fr.  — 

Cabri variant  de  15  à  60  fr.  — 

Ces  prix  exorbitants  seraient  encore  assez  facilement 
supportés  si  l'abondance  régnait,  mais  il  n'en  est  pas  ainsi, 
^-est  une  ou  deux  fois  par  mois  et  sans  régularité,  que  les 
chefs  de  terre  déposent  quelques  provisions  sur  le  marché. 
Aussi  est-il  inutile  de  vous  dire  qu'à  l'arrivée  d'une  de  ces 
caravanes,  la  nouvelle  s'en  répand  comme  une  traînée  de 
poudre  et  (|ue  tout  Brazzaville  se  retrouve  autour  do  l'en- 
ceinte, criant  et  discutant  les  prix  :  malheureusement  il  n'y 
en  a  pas  pour  tous,  et  souvent  plus  d'un  chef  de  popotte 
s'en  retourne  bredouille. 

Faute  de  restaurant,  nous  avons,  en  effet,  le  système  de 
'fl  «popotte  ».  C'est  la  réunion  do  trois,  quatre  ou  cinq 
Européens,  prenant  ensemble  tous  les  repas  en  faisant  cui- 
sine commune.  A  tour  de  rôle,  chacun  devient  pour  un 
^ois,  ((  chef  de  popotte  »,  sa  tâche  consiste  à  indiquer 
3IJ  cuisinier  noir  le  nienu  (peu  varié,  hélas  !)  do  chaque 
rtpas.  Bref, à  lui  incombent  tous  les  soucis  de  la  ménagère, 
l'approvisionnement  de  la  popotte,  avec,  en  plus,  la  vigi- 
lance sur  les  boîtes  de  graisse  et  de  beurre  que  la  main  trop 


174  CORRESPONDANCE  DU  CONGO 

lourde  du  cuisinier  peu  scrupuleux  épuise  d*uD  seul  coup 
après  quelques  jours  de  modération.  Le  soir,  un  orchestre 
de  moustiques  agrémente  le  repas  de  son  bourdonnement 
zézayant  et  d'une  note  très  aiguë,  mais  aussi  trop  souvent 
distrait  Tappétit  par  ses  piqûres  réitérées... 

Mais  j*8buse  1  je  termine  donc  ce  bavardage,  heureux 
s'il  a  pu  vous  faire  vivre  quelques  instants  notrfe  vie  de 
colonial,  sans  en  supporter  les  inconvénients,  mais  vous 
assurant  que  le  climat  du  Congo  n'est  pas  ce  que  l'on  croit 
généralement  en  France.  J'insiste  sur  ce  point  afin  de  dé- 
tromper l'opinion  publique,  opinion  défavorable  à  notre 
colonie  qui.  pourtant,  devrait  être  et  sera  certainement  un 
jour,  une  de  nos  plus  riches  et  de  nos  plus  saines  dépen- 
dances de  la  Métropole. 

E.  Le  Breton 

Adjoint  des  Affairtt  Indigènes 


ACTES  DE  LA    SOCIÉTÉ 


Procès-verbal  de  l'Assemblée  générale  du  13  février  1906, 
Présidence  de  M.  H.  Blot-Lbfevre, président. 

Le  procès- verbal  de  l'assemblée  générale  précédente  est  lu  et  adopté. 

La  parole  «<t  donnée  à  M.René  Boîtier,  trésorier,  pour  la  lecture  des 
comptes  définitifs  de  Texercice  1905.  Ces  comptes  sont  approuvés  par 
l'Assemblée.  Il  resfiort  de  cet  exposé  que  les  recettes  et  les  dépenses 
sVquîIibrent  à  quelques  francs  près. 

M.  le  Président  expose  le  projet  de  budget  pour  1906  ;  sauf  quelques 
chun^eineotfl  innignifiants,  ce  budget  est  établi  sur  les  mêmes  bases 
que  les  budgets  précédents.  L'Assemblée  l'adopte  à  l'unanimité. 

L'ordre  du  jour  appelle  le  remplacement  des  membres  sortants  du 
Comité,  série  C. 

Les  dix  membres  sortants  sont  :'MM.  F.  Basset.E.  Bunge,  A.Chan- 
cerel,  Dr  Engelbacb,  G.  F^ngelbacb,  E.  Favier,F.  Pelard,  V.Schmitt, 
E.  Laneuville,  G.  Odinet. 

II  y  a,  en  outre,  à  procéder  au  remplacement  de  quatre  membres 
Ho  Comité. 

Les  dix  membres  sortante  sont  réélus  à  l'unanimité. 

Sont  ensuite  nommés  niembresdu  Comité  :  MM. J.  Hubert,  J. Barre, 
n.  Boitier,  L.  Monnallier. 

M.  le  Secrétaire  général  donne  lecture  de  son  rapport  sur  la  situa- 
tion et  les  travaux  do  la  Soi-iété.  Il  insiste  sur  le  succès  des  confé- 
rences et  appelle  l'attention  des  membres  sur  l'intérêt  de  la  Biblio- 
tbè<}ue  qui  permet  aux  Sociétaires  de  se  tenir  au  courant  des  événe- 
ments géographiquen. 

Iji  parole  est  ensuite  donnée  ti  M.  Georges  Dufour,  ancien  médecin 
priacipal  de  la  Marine  et  membre  de  la  Société,  qui  a  bieu  voulu  ré- 
pondre à  l'appel  de  ses  amis  du  Bureau  pour  nous  faire  une  confé- 
rence sur  Bizerte. 

Un  long  séjour  à  Bizerte  a  donné  à  notre  distingué  conférencier, 
pir  un    constant  contact  avec  U    popuktion,  aus3Îb:3a    indij'me 


1 


176 


ACTES   DE    LA   SOCIÉTÉ 


qu'européenne,  uue  connaiesance  approfondie  de  la  régioD.  Aufl 
a-t-il  pu,  avec  une  grande  compétence,  servie  par  un  fin  talei 
oratoire,  mettre  en  lumière  les  diverses  transformations  de  notl 
nouveau  port  de  guerre  sur  la  Méditerrannëe. 

De  suggestives  projections  sur  Técran,  illustrèrent  cette  charmaidl 
conférence. 

La  séance  fut  levée  à  10  heures  1/2. 


Procès-verbal  de  la  Séance  du  Comité  du  13  Février  1906. 

Présidence  de  M.  H.  Blot- Lefevre,  président 

A  l'issue  deTAsBemblée  générale,  ure  séance  du  Comité  a  lieu. 
L'ordre  du  jour  comporte  la  présentation  de  nouveouz  membres  : 
MM.  Lucien  Gosse       présenté  par  MM.  Fritz  et  Cappelle 


le  colonel  Lebeau 
le  pasteur  Granier 
Jean  Engelbach 
Jean  Bœswillwald 
Hetzlen 

Mlle  Ciceron 

MVf.Delahaye 
Ginouvier 

MnjeChevalicr  de  Coninck 

MM. Ernest  Monvcrt 

F.  R<  binson 
Amiral  Dupuis 
A.  Tranchet 
Henri  Vullia 
Victor  Frémont 

G.  Barthélémy 
Ed    Aubourg 
Juk'S  Gel  in  eau 
André  de  la  Porte 
A.  Gros 

Tlearn  Walter 
Loraitre  tils 
L.  Fédron 


Blot-Lefevre  et  FlavîgDV 

Mundîer  et  Matthey 

G  Engelbach  et  D'Engelbach 
M»n«  Bœswillwald  et  M.  Ch.  Meura 
M  M.  Fa  vie  r  et  Mcnscourt 

Balard  d'Herlinville  et  Narcy 

A .  Bellenger  et  Ambaud 
MUeBelugou  et  M.  E.  Favier 
M  M.  G.  Engelbach  et  J.  de  Coninck 
Meckenstock  et  Boivin 
Li:cy  et  Blot-Lefevre 
A.  Martin  et  Guitton 
Cliaiicerel  et  Pinczon 

Guitton  et  Danvers 
Loi  seau  et  J,  Kablé 
Bredaz  et  F.  Basset 

Guitton  et  P.  Dupuis 

Colchen  et  Ramelot 
Meckenstock  et  Boivin 

Guitlonct  F.  Vanîer 

Blot  Lefevre  et  R.  Pesle 

Guitton  et  Blot-Lefevre 

Meura  et  Boivin 


ACTES  DE   LA  SOCIÉTÉ  ,  177 

MM. F.  Fûuvel         présenté  par  MM.  Monguillon  et  Boivîn, 

Gaston  Corojrer  »  v  » 

Te»*Bier  *  Lef  èvro  et  Favîer 

£.  Ilanielin  »  Cbardot  et  Ilaumont 

D^  Borel  »  D' Vigne  et  D^  Potel 
(j.  Dubois                        »  Meckenstock  ot  Boivin 

F.  Fuhrmann  »  »  » 

G.Goliier  »  Guitton  et  Boivin 

Capitaine  Bâtard  »  Le^niset  Ik>ivin 

irilalluin  »  Blot-Lefev:e  et  Meura 

L'aiiniission  de  ces  nouveaux  int-nibrea^  mine  aux  voix  est  adoptée 
âriiuaniinité. 

La  séance  est  levée  à  11  beures. 


Proccs-revlal do  la  Séance  du  Comité  du  mercredi 2 mail906 
Présidence  de  M.  L.  GuittuN,  vice-prc^ident. 

L*orc]re  du  jour  appelle  IVlcction  du  Bureau  pour  l'année  1906.  De 
n  les  membres  du  Bureau,  seul  M.  llaussinann,  vire-président  eor- 
,nt,  n'est  pas  rééligible . 

M.  Guitton  prend  la  présidence  provisoire.  Il  tient  tout  d'abord  à 
;priiiier  h\é  regrets  de  la  Soci<'to  de  la  i»crto  qu'elle  vient  de  faire  en 
personne  de  M.  Blot-Lefevre.  11  rappelle  en  4Uel<[ue8paroleH  émues 
souvenir  de  M.  B'ot-Lefevn;.ram'nité  d'  son  caractère,  lecbarmo 
8»8  relations  et  le  dévouement  qu'il  n'a  cessé  do  prodiguer  à  la 
iété  {tendant  tout  le  cours  île  sa  i»rôsideMce.  Son  souvenir  restera 
Il  jours  fber  à  tous  ceux  (jui  l'ont  approebé  et  connu  et  le  vide  causé 
T  sa  mort  sera  bien  diilioilu  à  combler. 

L  aîfsemblée  enti«''re  s'associe  à  l'expression  de  ces  sentiments. 
Il  est  ensuite  procédé  à  l'éljction  du  bureui.  Par  déférence  pour 
tui^ni  jire  «le  notre  regretté  présiilen^  il  est  d'vidé  que  le  fauteuil 
l.i  présidenrf  restera  provisoirement  vacant  et  qu'il  ne  sera  procédé 
plus  tard  à  l'élection  de  son  successeur. 
Sont  nommés  : 
I"'  vice-président  :  M.  li.  Guitton 

2*    vice- président  :  M.  K.  Favier 

Sc-rétaire  général   :  M.  P.  Loiseau 

B*i.Tétairei  les  sM-ioes  :  MM.  U.  PeileetJ.    Hubert 
Bibiiotlijcairo  :  M.  Cb. Meura, 

Tré«>.>rier  :  M.  Hené  Buitiur 


178  ACTES  DE   LA    SOClÉTli 

Lectara  est  donnée  de  la  Correspondance. 

La  section  stéphanoise  de  la  Société  de  Géographie  commerciale  da 
Paris  transmet  la  liste  des  vœux  adoptés  par  le  Congrès  des  Société! 
Françaises  de  Géographie, tenu  à  Saint- Etienne  du  6  au  10  Août  1905. 
Elle  attire  spécialement  Tattention  sur  les  vœux  n^  1  et  10. 

Vœu  Uo  1  —  Que  les  Sociétés  françaises  de  Géographie,  les  Société* 
assimilées  redoublent  d  efforts,  pour  faciliter  aux  jeunes  Français  lei 
voyages  à  Tétranger  et  aux  colonies,  soit  en  créaut  des  bourses  de 
voyages,  soit  en  obtenant  des  conditions  spéciales  des  compagnies  de 
transport,  soit  en  organisant  chaque  année  une  caravane  delà  jeuuesN 
en  Algérie  et  en  Tunisie. 

Vœu  nolO  —  lo  Que  la  géographie  commerciale  soit  enseignée  du» 
façon  suivie  et  bien  comprise  dans  toutes  nos  écoles  normales,  sopé- 
rieures  et  primaires . 

2o  Qu'il  soit  créé  dans  toutes  les  villes  où  il  existe  des  écoles  prati- 
ques de  commerce  et  d*industrie,  une  section  de  commerce  extériear 
préparant  les  jeunes  gens  à  faire  de  bons  voyageurs  de  coonnerce.     , 

3  Que  dans  les  villes  industrielles  et  commerciales  où  il  n'existe 
pas  de  ces  écoles,  les  conseils  municipaux,  les  chambres  de  ood' 
merce,  les  associations  de  voyageurs  de  commerce  s'entendent  pour 
combler  cette  lacune. 

La  Société  est  invitée  à  assister  au  2«  Congrès  des  Sociétés  nor- 
mandes scientitiques, littéraires  et  artistiques  qui  se  tiendra  à  Lisieax 
du  22  au  24  juillet  prochain. 

La  Société  de  Géographie  et  d'Études  Coloniales  de  Marseille  in- 
forme qu'elle  organise  un  Congrès  de  l'Alliance  Française  etdesBo- 
ciétés  de  Géographie  ([ui  se  réunira  à  Marseille  en  septembre  à  l'oc- 
casion do  lexposition  coloniale,  sous  la  présidence  de  Monsieur  i- 
Charles-Roux,  ancien  dt'puté/présidcnt  de  l'Union  Coloniale  et  dels 
Compagnie  Générale  Transatlantique,  commissaire-général  de  l'ex- 
position, et  invite  la  Société  a  se  faire  représenter  à  ce  Congrès. 

Le  Comité  décide  que  connaissance  sera  donnée  de  cette  invitâ\iott 
et  des  facilités  accordées  par  les  compagnies  de  transport,  psr  la  wi« 
des  journaux,  à  tous  les  membres  de  la  Société. 

Sont  présentés  à  l'admission  : 
MM. Louis  Remy        présenté  par    MM.  Guitton  et  A.  Martin 
Georges  Billet  »  Schmitt  et  Meura 

Ilasselmann  »  MM.Blot-Lefevre  et  Fritz 

J.  Fauvel  »  Moxiflooart  et  Guitton 


ACTES  DE  LA   SOUÉTÊ  1?9 

L  ordre  du  joar  appelle  rorganisation  da  concoars  annuel  de  géo- 
graphie institué  par  la  Société.  M.  le  président  doane  lecture  du  rè- 
glement de  ce  concours  auquel  il  n*est  apporté  aucune  modification . 
Sur  la  proposition  dti  sQ^rétaire  général,  le  Comité  décide  que  le 
coDcoard  aura  lieu  cette  année  dans  la  seconde  quinzaine  du  mois  de 
juin. 

Sont  nommés  membroi  de  U  conmission  du  choix  des  questions  : 
MM.  Favier,  Ménager  et  Loiseau. 

Sont  nommés  membres  de  la  commission  de  classement  : 
MM.  Hubert,  Schmitt,  Gaériu,  Barre,  Fritz. 
Suppléants,  MM.  Doublet  et  Jacquemin. 

M.  Guitton  donne  lecture  de  plusieurs  extraits  d'une  intéressante 
étude  pnbliée  d;uis  les  <  Questions  diplomatiques  et  coloniales»  snries 
Nouvelles  Hébrides.  L'auteur  de  cet  article  rappelle  que  de  tout  temps 
les  Nouvelles  Hébrides  ont  £ait  Tobjet  des  visées  de  F  Australie,  et 
c*est  ce  qui  a  compliqué  le  débat  entre  la  France  et  l'Angleterre.  La 
latte  d  intluence  s'est  poursuivie  pendant  de  longues  années,  lutte 
tout  économique,  et  c'estgrâce  à  la  ténacité  et  à  landace  de  M.  Heg. 
gioson  que  les  intérêts  français  ne  furent  pas  irrémédiablement  com- 
promis, La  convention  de  Paris  du  16  novembre  1887  organisa  uH 
goavernement  en  commun  destiné  à  maintenir  f  ordre,mais  aussi  at* 
ténue  que  possible,  si  bien  que  les  juristes  se  sont  demandés  s'il  y 
avait  même  l  un  condominium.Désormais  c'était  une  commision  na* 
vale,  composée  d'officiers  des  de  ix  marines  anglaise  et  française,  qui 
devait  veiller  à  la  sécurité  des  personnes  et  des  biens.  Ce  régime  pro- 
visoire de  surveillance  collective  ne  fut  à  vrai  dire,  qu'un  régime  de 
paralysie.  Un  tel  régime  ne  pouvait  être  durable. 

La  nouvelle  convention  qui  vient  d'être  signée,  en  mars  1906,  res« 
pecte  les  juridictions  nationales,  c'est-à-dire  que  ce  sont  des  juges 
français  qui  jugeront  les  Français,  des  juges  anglais  qui  jugeront 
les  Anglais.  Ce  qu'elle  crée,  oe  sont  des  juridictions  mixtes  non* 
vellee,an  tribunal  mixte  aura  droit  de  justice  pénale  sur  les  indigènes 
en  matière  civile,  les  litiges  fonciers  seront  réglés  par  un  tribunal 
composé  de  trois  juges,  l'un  français,  l'autre  anglais,  le  troisième 
nommé  par  une  puissance  amie. 

L'administration  reste  dans  le  «  statu  quo,  »  et  ce  sont  toujours 
les  commissaires  délégués  français  et  anglais  à  Franceville  (Port* 
Yila)  qui  resteront  chargés  de  Tétat-civiU 

Quant  aux  autres  services  publics,  Iqb  colons  devront  y  pourvoit 
par  hnx  propre  initiative. 


180  ACTES   DE   LA    SOCIÉTÉ 

Personne  ne  demandint  la  parole  et  l'ordre  du  j  >urétiutTpaw:  la 
péance  est  levée  à  10  h  1/4. 


Procès-verbal  de  la  Séance  du  Comité  du  4  juillet  JM 
ProHidence  de  M.  Guitton,  vice-prûsident. 

Lecture  est  donnée  du  procès-verbal  do  la  précHlonte  r^'unionqui 
est  adopté  sans  niodilicatiou. 

Il  eat  ensuite  donué  connaissance   de  la  cornî  «poiidance  co:npre- 
nant  :  1"  Une  lettre  de  M.  lu  Maire  d'i  Havre,  par  laquelle  il  (ait  don  , 
à  la  Soci Hé  do  plusieurs  niL'diilles  à  décerner  aux  lauréilfi  du  con- 
cours de  géographie. 

2"  Lettre  de  M''  Lavaissièr©  informant  la  Société  411  elle  peut  dèî 
maintenant  s'attribuer  les  volumes  provenant  du  legs  faitpiir  iM.  J* 
Delatnalle. 

Sont  présentés  comme  nouveaux  membres  : 
MM.  Camille  Martin        présenté  par    MM.  Monguilloaet  Leseoi. 
L.  Croix  7>  Loiseau  et  Favier 

André  Blot-Lefevre  j»  '  Guitton  et  Loiseau 

Association  Fédérativo 
des  Capitaines  au  Long-Cours,  »  Quittou  et  Favier 

A.  Le  Tiec  »  Caill  et  Barre. 

Il  sera  statué  en  fin  de  séance  sur  leur  admission. 

La  parole  est  ensuite  donnée  à  M.  Laurent  Toutain  pour  développa 
cette  question  si  intéressante  pour  notre  ville  :  Tautonomie  du  port  à^ 
Havre 

M.  Laurent  Toutain  montre  de  façon  saisissante  l'infériorité  diî|* 
laquelle  se  trouve  le  IIavre,coniparé  aux  ports  étrangers. Lluiposflw^'    ] 
lité,  à  l'heure  actuolle,de  posséder  des  niviresiie  grandes  diinenfioûi 
pouvant  lutter  avec  l'étranger,  par  le  seul  fait  de  ne  p  is  po8séd'*ruQ* 
cale  sèche  de  dimensions  h>uilisantcs. 

IS'éteridant  sur  tous  les  graves  inconvénients  pouvant  résulter  w 
cette  infériorité,  il  montre  l'urgence  qu'il  y  aurait  de  faire  du  Ua^i^ 
un  port  autonome. 

En   rjU4,  le  1''  Vœu  fut  émis  par  le  Conseil  Municipal  du  Hivre 
Bur  la  proposition  de  M.  Godet. 

Un  rapport  très  documente  fut  présenté  par  M.  Maurice  Tacoriet 
devant  la  Chambre  de  Commerce  le  27  octobre  1905,  enfin  le  10 


ACTES 'de    la   société  181 

Novembre  de^la  même  année,  celle  ci  à  BOn  tour  a  éoiiâ  le  vœu  que  la 
question  soit  mise  à  Té  Code  par  le  F<i  rie  ment. 

Jli'orateur  continue  en  passant  successivement  en  rovu3  le.-}  difterenttis 
organiS'itions  des  ports  étrangers  :  Liverpjol,  Londres,  South  \mptoQ, 
Anvers,  Hambourg,  Gênes,  qui  tous  ont  una  administration  indépen- 
d^nti  et  qui,  pir  ce  fuit,  prennBut  de  j  >ar  en  jour  un  o-ssor  considé- 
rable. 

M.  Toutain  tennine  en  disant  l'urg^nca  qu*il  y  aurait  pour  la  France 
d3  s'oocapQr  de  cette  question  vitale  et  est  heureux  dd  la  présen- 
ter à  II  So'nété  de  Géogra;jhie  atin  de  faciliter  si  mirchc  en  avant. 

M.  Guitton  atinooi  de  tous,  remercie  Toruteur  de  ses  intérosiantea 
coinmunications  et  d'^clare  quj  la  Sj:ijtj  est  prèle  àail^r  pir  tous 
ses  moyjns,rueavre  si  iot^ressinte  qui  vient  d'être  djreloppée  devant 
elle. 

M.  Toutain  meta  la  disposition  des  membres  présents  la  brochure 
dont  il  est  Fauteur,  résum an t et  com mentant  le  rapport  de  M.  Taconet. 

La  séance  est  levée  à  10  h.  1/4. 


Procès-verbal  de  la  Séance  du  Comité  du  17  Octobre  1906 
Présidence  de  M.  L.  Guitton,  vice-président. 

Le  procjs-yerbal  de  la  précédente  réunion  est  lu  et  adopté  sans  mo- 
dification. 

Sont  présentés  comme  nouveaux  membres  : 
MM.  fiodereaa  présenté  par    MM.  Guitton  et  Flum. 

Pottier  9  Guitton  et  Bergerault. 

Cap"  de  Tugny,  t  Favier  et  le  L*^-C'  Flavigny 

Il  sera  statué  en  lin  de  séance  sur  leur  admission . 

M.  Blanche, vice-consul  de  France  à  Glasgow,  est  nommé  membre 
correspondant  de  la  Société. 

Il  est  ensuite  question  de  la  réimpression  du  citalojue  de  la  Ulblio' 
thèque,  imprimé  eu  1897.  Depuis  cett')  époque,  par  suite  de  plusieurs 
dons  et  des  acquisitions  courantes,  co  caialogue  est  dev^ouu  très  in- 
complet et  nécessiterait  une  complète  réimpression.  La  dépense  pour 
Tédition  du  catalogue  devant  être  d'environ  LOOO  francs,  plusieurs 
piembres  font  observer  que  cette  lourde  charge  poar  notre  budget^ 


182  ACTES    DE    LA   SOCIÉTÉ 

n'est  pas  en  rapport  avec  le  service  qu'elle  peut  rendre  à  nu  nombre 
limité  de  membres  qui,  d'ailleurs^  pauvent  consulter  à  la  Bibliothèque 
le  catalogue  des  fiches,  tenu  au  jour  le  jour.  Il  est  décidé  que  n'of- 
frant pas  un  caractère  urgent  cette  question  serait  reportée. 

Lecture  est  ensuite  donnée  d'une  proposition  de  la  Société  Mutuelle 
de  Prévoyance  des  Employés  de  Commerce  du  Havre  tendant  à 
l'organisation  d'un  cours  de  géographie  et  à  la  création  de  b3ur8es 
ponr  le  séjoar  à  Té tranger.  Après  discussion,  il  est  décidé  que  la  So- 
ciété ne  pouvant  contribuer  pécuniairement  à  ces  projets,  apportera 
à  la  Société  des  Employés  do  Commerce  son  appui  moral  et  mettra 
à  sa  disposition  les  divers  documents  et  les  ouvrages  do  la  bibliothèque. 

M.  Quitton  prend  ensuite  la  parole  pour  rendre  compte  de  la  mis- 
sion dont  il  fut  chargé,  de  représenter  la  Société  au  27*'  Congrès  des 
Sociétés  françaises  de  Géographie  à  Dunkerque.  M.  Guitton  donne 
lecture  des  principaux  discours  prouoncéSjénuuière  les  questions  ini*> 
4  l'étude  et  les  vœux  qui  y  furent  émis.  Il  termine  en  montrant  Tex- 
tension  que  prend  de  jour  en  jour  le  port  maritime  de  Duukerque  et 
donne  d'intéreasanls  renseignements  sur  les  travaux  projetés  p^^ 
Tagrandissement  de  ce  port. 

La  séance  est  levée  à  10  heures. 


Oiiïïages  rp  i  la  lliolp  le  la  Sodttl! 


X«e  Pays  de  Caux,  étude  géograpLiqae.par  Georges  Lkcaupektirr, 
licencié  ès-lettres,  préface  de  M.  Vidal  La  Blachk,  Rouen,  1906^ 
1  broch.  in-4,  44  pp.  avec  6  cartes  dans  le  texte. 

If  ancy  (Les  villes  d'art  célèbres),  par  André  Hallats,  Paris,  1906, 

1  vol.  în-4,  orné  de  118  gravures. 
Le  Gouffî^e  et  la  Rivière  souterraine  de  Padirac  (Xjot),   par 

E.  A.  Martel,   Paris,  1906,  1    vol.  in-8,   avec    38  gravures  et 

12  coupes  ou  plans,  dont  un  en  couleurs. 
La  Découverte  du  Vieux  Monde'  par  un  Étudiant  de  Ghicagoi 

par  Vabbé  Félix  Klein,  professeur  à  Tlnslitut  catholique  de  Paris. 

Paris,  1906,  1  vol.  in-16. 

lies  Vosges,  Livret-guide  édité  par  le  Syndicat  d'initiative  des 
Vosges  et  de  Nancy.  Villes  d*eaux,  stations  de  cure  d*air.  Nancy, 
1906,  1  broch.  in-16,  avec  de  nombreuses  gravures  dans  le  texte  et 
cartes  hors  texte.  (Envoi  du  Syndicat  d'Initiative.) 

I«a  Flandre,  Etude  géographique  de  la  Plaine  flamande  en  France 
Belgique  et  Hollande  par  Raoul  Blanchard,  docteur  ès-lettres. 
Paris,  1906,  1  vol.  in-8,  illustré  de  76  figures,  48  photographies 
dans  le  texte  et  hors  texte,  et  2  cartes  hors  texte. 

Irlande  et  Cavernes  Anglaises,  par  E.A.  Martel,  Paris,  1897, 
1  vol.  in-8,  avec  121  gravures,  18  plans  et  coupes  et  3  planches 
hors  texte. 

Milan,  (Les  villes  d*art  célèbres),  par  Pierre  GAUTHiBZ^Paris,  1906, 

1  vol.  in-4,  orné  de  109  gravures. 

Pompéi   (Les  villes  d'nrt  célèbres),  par  H'  Tuedenat,  Paris,   1Ç06, 

2  vol.  in-4,  ToMB  I,  Ilistoiie,  Vie  privée,  123  gravurts.  Tome  II, 
Vie  publique,  77  gravures. 

Asie  Mineure  et  Syrie,  Sites  et  monuments,  par  Eug  Gallois, 
chargé  de  mission .  Paris,  1907,  1  vol.  ia-8. 

La  Perse  en  automobile,  à  travers  la  Russie  et  le  Caucase,  par 
Glande  Anet.  Paris,  1906,  1  vol.  in-4,  orné  de  nombreuses  illus- 
trations hors  texte 

La  Chine  novatrice  et  guerrière,  par  le  capitaine  d'OLLONME. 
Paris,  1906,  1  vol.  in-16. 

Paix  Japonaise.  Le  Japon  et  la  paix  do  TExtrême- Orient.  Le 
Japon  et  la  Chine.  Japonais  et  Américains.  La  lutte  pour  le 
Pacifique.  Le  paysage  japonais.  Routes  japonaises.  L'inkyo,  par 
Loui»  AuBERT,  Paris,  1906,  1  vol.  in-16. 

Vers  les  Steppes  et  les  Oasis,  Algérie,  lunisie,  par  René  Fage 
préface  de  Jules  Claeetib.  Paris,1903,l  vol.  in-16,  avec  gravures. 


184  OUVRAGES  BEÇUS  A  LA  SOCIÉTÉ 

La  Tunisie  industrielle,    commerciale    et    pittoresque ,  par 

Ph.  Le  Duc  et  Jh.  Buonfils,  anciens  voyageurs  de  commerce. 
Versailles,  1906, 1  brocb.  in-8,  47  pp.  avec  une  carte  et  un  plan 
(Don  de  M.  le  Président  de  la  Chambre  de  Commerce  du  Havre.) 

Taoger,  par  Allcrt  Cousin,  Paris,  1C02,   1  vol.  in- 12  crné  de  48 
photogravures. 

Un  Crépuscule  de  Plslam,  Maroc^  par  André  Cbevrillom,  Paris, 

1906,  1vol.  in- 16. 

Le  Périple  d'Afrique,  du  Cap  au  Zambîze  et  à  rOcéan  Indien,  par 
Henri  Cohdier,  professeur  à  TEcole   des  langues  orientales.  Paris, 

1907,  1  vol.  in-8,  orné  de  gravures  d  apns  les  photographies  de 
l'auteur. 

Chili  et  Bolivie,  étude  c'conomiqiie  tt  minière,  par  Ferdinand 
Gautier,  ingénieur  civil  de»  Mines.  PariF,  1906.  1  vol.  in  8. 

A  Travers  la  Banquise,  du  Spitzberg  au  Cap  Philippe  (mai-août 
1905),  par  le  duc  d'Orléans.  Paris,  1907,1  vol.  gr.in-8  accompagné 
d'un  portrait  en  héliogravure,  de  10  planches  en  couleurs  et  de 
profils  de  côtes,  de  400  gravures  en  noir  dans  le  texte  et  hors  texte 
et  de  2  cartes. 

«Le  Français»  au  Pôle  Sud,  Jcurnal  de  l'expédition  antarctique 
française,  1903-1905,  par  J.  B.  Charcot,  chef  de  Texpéditiou, pré- 
face par  Taniiral  FouKWitR. Ouvrage  suivi  d'un  exposé  de  quelmies- 
una  des  travaux  scifntifiques  par  les  membres  de  l'état-major  : 
MM.  Matiia,  lU:y.  Pi.eneau,  TuRgrET,  Gourdon,  CHARC0T,Pari8. 
1907,  1  vol.  gr.  in-8,  contenant  300  illubtrations  et  une  carte  hors 
texte. 

L'Emigratîcn  européenne  au  XIX^  siècle.  Angleterre,  Alle- 
magne, Italie,  Autriche-Hongrie.  Russie,  par  K.  Gonnard,  pm- 
fesseur  à  la  Faculté  de  Droit  de  TUniversité  de  Lyon.  Paris,  1906, 
1  vol.  in-18. 

Les  Lois  organiques  des  Golooies,  documents  officiels,  précé- 
dés de  notices  historiques. Bruxelles,  1906,  3  vol.  in-8,  publiés  par 
l'Institut  Colonial  International  (Envoi  de  l'Institut) 

Recueil  consulaire  du  Royaume  de  Belgique,  contenant  les 
rapports  commerciaux  aIch  pgcnts  belges  à  Ictranger,  tomes  126  à 
133,  annc'es  1904,  1905  et  n.06,8  vol.  in-8. 

Le  Havre  port  autonome,  rapport  à  la  Chambre  de  Commerce, 
présenté  par  M.  Maurice  Taconet,  au  nom  delà  Commission  de 
l'Autonomie  des  Ports  (séances  des  27  octobre  et  10  novembrel905, 
Havre,  1905,  1  vol.  in-4,  170  pp.  (Don  de  M.  le  Président  de  la 
Chambre  de  Commerce.) 

Le  Havre  port  autonome,    Etude    du  rapport  de    M.    Maurice 

TACONEr,  adopte  par  la  Chambre  de  Commerce,  le  27  octobre 
1905,  par  M,  Laurent  Toutain,  docteur  en  droit,  courtier  juré  d'As- 
surances, près  la  Bourse  du  Iluvro  Ilavre,l900,  1  broch.  in-4, 13pp. 
(Don  de  l'Auteur.) 


SKVILLK. 


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SOCIETE 

DE 


lÉOGRAPHIK  COMMERCIALE 


IDTJ  HA.'VR.B 


BULLKTIX 


XXI V*    Aiiiu*€S  -    I      Triimsslit     1  lUI  7 


IIAVÎil. 
AU  SIKGK  I)!'  I.\  s(u:ini 


SOMMAIRE 

Liste  Générale  des  Membres  de  la  Société r ï 

L'Emigration   et   la  Colonisation    Italiennes  (Hn),  par  M.  Si^szARDO 

RiZZETTO / lftr> 

La  nouvelle  Carte  de  France  au  5o,ooo*' «304 

Actes  de  la  Société 212 

Ouvrages  reçus  à  la  Bibliothèque  de  la  Société 2i5 


RÉUNIONS 


'  Les  Réunions   du  Comité  ont  lieu  le  ^^'^  mercredi  de  chaque  mois 
excepté  pendant  les  mois  d'août  et  septembre. 

Tous  les  membres  de  la  Société  peuvent  y  assister» 


BIBLIOTHÈQUE 

La  Bibliothèque  de  la  Société  est  oÛvertO  tOUS  lOS  SOirS 
excepté  les  dimanches,  jours  fériés  et  demi-fériés,  de  6  h.  i/a  à  7  h.  i/i 
et  de  8  h.  1  ^2  à  soh. 


Toutes  les  communications  et   tous  les  renseignements  doivent    ctre 
adressés  au  Secrétaire  général. 


LISTE  GÉNÉRALE  -S^ff 


DES 


IMBRES  DE  LA  SOCIÉTÉ 


Présidents  d'honneur. 

,  Le  Ministre  de  la  Marine. 
Le  Ministre  des  Colonies. 

SlEOFRiBD  (Jules)  (0  ^)  (Q  A),  «lépiité  du  Havre. 
Le  Préfet  de  la  Seine-Inférieure. 
Le  Sons-Préfet  du  Havre. 
Le  Chef  de  la  Marine. 
Le  Maire  du  Havre. 

Le  Préaident  de  la  Chambre  de  commerce  du  Havre. 
Le  Président  du  Tribunal  de  commerce  du  Havre. 

Membres  d'honneur. 

Le   Général  Archinard  (0  *),   commandant  en  rhoî  l'armée 

coloniale,  nie  Brémontier,  î>,  Paris. 
■{*  Batol  (Docteur)  (0  H^),  gouverneur  honoraire  «les  Colunios 
DUFUIS  (J.),  explorateur. 

Y  De  Maht,  député  do  k  Kéunion.  ancien  Ministre. 
Harvand  (Docteur)  (0  ^).  commissaire  j^énéral  ilii  Gcuivinu- 

tnent  françnis  à  Hué  (Annam). 
-f  Lenmirb    (G.)  ^  (y  I)  conservateur  du  Muséum  d'iiisloire 

naturelle  et  d'ethnographie  du  Havre. 
LRVASSKrR  (E.)    (O  *),  membre   de  ITnHtitnt,  professeur  au 

Collège  de  France,  20,  rue  Monsieur-le-Princ»',  Paris. 
Lourd ELET  (E.j  a^,  vice-pré»ident  de  la  Soeiété  dt-  rrt;M»;;riipliio 

commerciale  de  Paris,  09,  boulevard  de  Magenta,  à  Paris. 
NftiR   (Docteur)    ^,   médecin    de   la    Marine,  explorateur   en 

Cocbînnhine. 

wocMÈrà  Di  oAoeRAPHix.—  i"  trm.  1907.  T 


4>.    / 


n  LISTE    GÉNERÀLB   DES   MEMBRES 

MM.  QuKviLLON  (F.)  {0  *)  (Q  A),  général  de  brigade,  gouvemcor 
de  la  place  de  Mcubeuge  (Nord». 

-f  Savorqnan  de  Brazza  (C  ^),  commissaire  général  honor&ire 
du  Congo  français. 

Wiener  (Ch.)  ^^  chargé  d'affaires  de  France  près  du  Gouver- 
nement de  Bolivie. 

Président  honoraire. 

M.  Couvert  (Joannès)  i^^  négociant,  président  de  la  Clianibrc  de 
commerce  du  Havre. 

Vice -président  honoraire. 

M.  Beoqué  (L.)  ^  $,  lieutenant  de  vaisseau  en  retraite,  àNeuiliy- 
Bur-Seine. 

Membres  correspondants. 

MM.  Bf.ANtHR,  \nce-con8ul  do  France,  à  Glasgow. 
Catat  (le  Docteur),  à  Contrexéville  (Vosges) . 
CiiARDOT  (Arsène),  à  Valparaiso. 
David  de  Floris,  57,  rue  Fondary,  à  Paris. 
Dkbise<|(<,  vice-président  honoraire  de  la  Société  de  géographie 

de  Lyon. 
De  Saint- Qurntix  *,  trésorier  des  Invalides,  à  Marseille. 
Franconie  (Joseph),  attaché  à  la  Banque  de  France,  me  Blanche,    | 

74,  à  Paris. 
Gautier  (A)  î^,  capitaine  d'infanterie  de  marine  en  retraite, 

à  La  FhVhe    (Sarthe).  i 

Klett  (Carlos  Lix)    {Q  A)  >^y  Corimil  générai  de  la  République  ' 

Argentine,  à  Rio-dc- Janeiro  (Brésil). 
Lk  Barrois  D'ÛRGKVAii,  vice -président  de  la  Société  de  géogra- 
phie commerciale,  31 ,  rue  de  Tocqueville,  à  Paris. 
Le  Brkton  (E.)  adjoint  des    Affaires  indigènes,  à  Brazzaville 

(Congo  français). 
Lkvy  (Victor),  Conseiller  du  Commerce  extérie^ir  de  h  Franco, 

TeiijfaltstrasFe,  8,  à  Vienne  (Autriche) 
ScnRADEK  (ï'^.l,  directeur  des   travaux   cartographiques  de  la 

maison  Hachette  et  C'»,  boulevard  Se -Germain,  79,  à  Paris. 
Siegfried  (André),  boulevard  St-Qermain,  226,  à  Paris. 
Vidal,  professeur  d  hydrographie,  à  Bastia  (Cors 3). 
Wauters  (A.-J.)^  directeur  du  «  Mouvement  gôographifiue  », 

13,  rue  Brédorode,  à  Bruxelles. 


MEMBRES   DONATEURS  HI 

MembreB  donateurs. 

MM.  f  Vattier,  professeur  d*hydrographie. 

Le  kabquis  de  Hoitdetot,  maire  de  St-Laurent-de-Brèvedent 

LoiSEAU  (Paul),  négociant. 

f   Le  baron  Arthur  de  Rothschild  H^,  banquier,  à  Paris. 

Le  comte  Mosselman,  capitaine  an  long  cours. 

f   Delamallb  (Jacques),  propriétaire,  à  Paris. 

Vesik  (Joseph),  capitaine  au  long  cours,  à  Paris. 

La  Compagnie  générale  Transatlantique. 

WoEMS  JossE  et  C»«,  armateurs. 

Mekieb  (Henri),  industriel,  à  Paris. 

Couvert  (Joannés)  ^,  négociant,   président  de  la  Chambre  de 

commerce  du  Havre. 
GoiTTON  (Louis),  (O  A),  agent  commercial. 
t  DuBOSC  (E.)  (0  ^]  ►îi  (C  ^),  industriel. 
La  Compagnie  des  Chargeurs  Réunis. 
-f  Blot-Lefevrg  (H.),  négociant,  trésorier  de  la  Chambre  de 

commerce  du  Havre. 
La  Compagnie  des  Docks- Entrepôts. 
Dupoirr  (E.)  directeur  des  Docks-Entrepôts. 

Bureau. 

MM.  Dupont  (E),  directeur  des  Docks-Entrepôls,  président. 
Faviee  (E.)  (1}  I),  professeur  au  Lycée,    vice-président 
Du  pour  (Georges)  ^y  docteur  médecin,  vice-président, 
LoiSEAU  (Paul)  négociant,  secrétaire  général, 
Hubert  (Jacques)  secrétaire  des  séances, 
Vaxier  (Ferd.),  négociant,  secrétaire  des  séances. 
Boîtier  (René),  avocat,  trésorier. 
Meura  (Ch.),  courtier,  bibliothécaire. 

Comité. 

MM.  Barre  (Jules)  (||  A)  (0  ^),  lieutenant  de  Port. 
Basset  (Frank)  (Q  A),  avocat. 
Boîtier  (René),  avocat 
Bunoe  (Ernst),  agent  de  maisons  étrangères. 
Carton  (Albert)^  assureur. 


IV  LISTE  GENERALE  DES   MEMBRES 

MM.  CnANCBRF.L  (H),  agent  principal  des  Chari^^eurs-Réunifl. 

CorvERT  (Joonnès)  ^,  négociant,  président  de  la  Chanjb- 
commerce. 

Dany  (  A.)  {Q  I),  négociant. 

DjtCH AILLE    (Stephen)    (Q  A),    directeur    des  Signaux  €>• 
Saavetiige. 

Doublet  (G.),  négociant. 

Ddfoiîr  (G.)  ift,  docteur- médecin. 

Dupont  (E),  directeur  dos  Docks-Entrep^»t8. 

Enoelbach  (P.),  docteur-médecin. 

Engelbach  (G.),  négociant. 

Favier  (E.)  {i}  I),  professeur  au  Lycée. 

Fritz  (J.),  professeur  d*allemand. 

Gartner  (L.-E.)  négociant. 

GuÉRiN  (Désiré),  receveur  de  TEnregistrement,  en  retraite. 

GuiLLOT  (Denis),  avocat,  conseiller  général. 

GuiTTON  (Louis),  (Q  A),  agent  commercial. 

Harou  (E.),  courtier  d'assurances.  • 

HAUS8MANN  (.1.)  (0  #J,  fcceveur  des  Finances. 

Hubert  (Jacques) 

Jacquemin  (Ch.)  (0  ►î«),  négociant. 

Krause  (Albert),  négociant. 

Laneuville  (E.),  courtier. 

LoisKAU  (Paul),  négociant. 

Mkura  (Ch.),  courtier. 

Monsaluer  (L  .), assureur 

MosscouRT  (E.).  {%}A),  professeur  au  Lycée. 

Oihnet  (G.)  (^  A),  négociant. 

Pelaud  (Frédéric),  courtier. 

Pesle  (Robert).  îiégociant. 

Pu  ON  (E  )  (0  ^),  secrétaire  général  des  Docks-Entrepôt?. 

Presouez  (E.),  avoué. 

Plum  (P.)  assuH'ur. 

Haoul-Duval  (Edmond),  négociant. 

HnciiE  (J.),  photographe.  , 

Scumitt  (Victor),  assureur.  ; 

V.iNiER  (Ferd.), négociant.  i 


MEMBRES  TITULAIRES 


MM. 

1305.  AcsEB  (F.)^  propriétaire,  conseiller  général,  rue  Michelet,  5. 
1032.  Alexandre  (N.)  g,  négociant,  boulevard  de  Strasbourg,  125. 
542.  Altmbtkr  (Henri),  courtier,  rue  du  Chillou,  34. 
.   524.  Ambaud  (Charles),  négociant,  rue  du  Chillou,  36. 
576.  Ahbaud  (Louis),  négociant,  rue  du  Chilien,  36. 
792.  AMBAUD(É:mle)^  entrepreneur,  rue  Emile -Renouf, 55. 
317.  Amobl  (Raoul)    ^  ^,  armateur,    conseiller  général,   maire 

de  Gonf  revilIe-l'Orcher,  boulevard  de  Strasbourg,  103. 
13C8.  Anoahharb  (Albert),  directeur  des  Docks  du  canal  de  Tan- 

carviUe,  rue  de  Mexico,  63. 
2050.  Amphoux  (Etienne),  employé  de  commerce,  rue  de  la  Bourse,  5. 
1261.  Arcuinard  (Frédéric),  négociant,  boulevard  de  Strasbourg^ 

201  M. 
1134.  AROBLuâs  (Louis),  capitaine  au  long  cours,  rue  Madame<La-> 

fayette,  6. 
1159.  Artznbb   (G.)t   de  la  maison   Latham  &  C",  rue   Victor- 
Hugo,  145. 
249.  AssBLiN  (Georges),  courtier,  boulevard  de  Strasbourg^  142. 
267.  AssELiM  (Fernand),  courtier,  boulevard  de  Strasbourg,  142. 
2072*  Association  fédérativs  dbs  Capitaines  au  Long-Cours  et 

OrFinBRS  DB  LA  Marime  mabcuande  DE  FRANCE  (section  du 

Havre),  rue  de  Paris,  105. 
372.  AUBBBT  (Gabriel),  maison  £ug.  Grosos,  place  de  THÔtel-de- 

YUlo,  26. 
2018.  AUBOUEG  (Eklouard;,  fondé  de  pouvoirs,  rue  Mare,  26. 
1600»  AUBET  (F.),  commerçant,  rue  de  Parla,  93. 
266.  AUGBB  (Honoré)  ^,  armateur,  place  Carnot,  1. 
1338,  AuQBB  (Paul),  rentier^  rue  Jules- Lecesne,  25. 


Vt  LISTE  GÉNÉRALE  DES  MEliBRlSS 

1832.  Au&iONT  (P.),  commis  principal  des  Doiianes.bureaa  de  laSortie. 
1358.  Avril  (F.)^  négociaDt,  rue  Dubocage-de-Bléville,  4. 
1549.  Badoureau  (F.),  uégociunt,  rue  Du bocage-de -Blé ville,  1. 

2087.  Baillod  (Paul),  sous-direcleur    du    Crédit     Lyonnais,    rue 

J.-B.-Eyriès,  26. 
2082.  Baillv  (Edouard),  proviseur  du  Lycée,  rue  Ancelot,  2. 
1200.  Balard  d'HbrlinvillE;  docteur-médecin,  boulevard  de  Slw- 

bourg,  55. 
963.  Barkal  (Georges),  négociant,  rue   de  la  Tour,    127,  à  Pirii. 
1949.   Barre   (Jules)  (Q  A),  (O.  ^),  ancien   capitaine   de  port  aux 

Colonies,  lieuteuant  de  port,  rue  de  la  Mailleraye,  5^ 
559.  Bar  RI  É  (A.),  banquier,  rue  de  la  Paix,  7. 
2047.  Bartuélbmy  (G.)  commerçant,  rue  de  la  Bourse,  8. 
1203.  Barthblmé  (Georges)^  courtier,  rue  Toustain,  3. 
1700.  Baethold  ^Edm.),  négociant,  rue  de  la  Bourse,  3. 
1393.  Basset  (Frank)  (^  A),  avocat,  rue  Fontenelte,  13. 
1553.  Basset  (A.),  négociant,  de  la  maison  J.-M.  Currie  et  C'S  nu • 

Pleuvry,  2. 
1069.  Batalha,  rentier,  boulevard  de  Strasbourg,  124. 
2063.  Bâtard  (A.)  ^y  Capitaine  d'artillerie,  rue  Joeeph-Morleot,  1« 
1977.  Bâte  (Clifford-A.),  maison^V«A.^Derode,  rue  de  la  Bonne,  28' 
1445.  Baucue  ^Gktston),  négociant,  rue  du  Havre,  52,  àSanm 
1519.  Bauer  (Léon),  marchand-tailleur,  rue  de  la  Maillenye,  112. 
1474.  Baut,  rentier,  rue  de  St-Quentin,  64. 
1814.  Baysselamoe  (0  ^),  ingénieur  en  chef  de   la  C^*  GMnl* 

Transatlantique,  place  de  l'Hôtel-de-Ville,  24. 
11.  Beoqué  (L.)  i)i(  (0  ^),  lieutenant  de  vaisseau  en  retraits,  toê 

de  rUôtel-de- Ville,  11,   à  Neuilly -sur-Seine  (Seine). 
631 .  Beqouen-Demeaux  (Max),  directeur  d^assurances^pl.  Oumot,6. 
1288 .  BEUO(J£N-D£MEAOX(Robert),  directeurd'assurancee,  pl.Caniot,6. 
*  1399.  Beqouen  (André),  avocat,  rue  Naode,  30. 

383.  Bellemger-Rozat,  commerçant,  place  du  Vieux-Marché,  10« 
1691.  Bellenqer  (André),  commerçant,  rue  d^Etretat,    110. 

2088.  Belot  ^,   directeur  de  la  manufacture  dea  Tabacs,  medi 

Grand-Croissant,  27. 
1544,  Beluqou  (M^^*  L.),  prof esseuri  me  du  Gabon,  21. 
634.  Bénard  (G.),  bronzes  d'art,  pUce  de  PHOtel-de-Ville,  18. 
373.  Bérard  (Henri),  courtier  maritime  hoDoraire,  bonleTard  îns* 

çois-I",  38. 
14.  Berqeeault  (C),  négociant,  rue  Doubeti  16. 
1594.  Bbrizbeitu  (A.),  négociantj  rue  du  Champ-do-Foire|  16i 


MBMBhBS  TITULAIRES  VÏl 

1585.   Bkrnard  (G.),  ingénieur  aux  Forges  et  Cbantiera  de  la  Médi- 
terranée, boulevard  de  Strasbourg,  132. 
IS^l,  Bkrniibim,  étudiant,  ruede  iWis,  143. 

1339.   Bkrtrand  (Julien),  nc^uciunl,  rue  d'Ap  èâ-Mannevillette,  16. 
570.  BiLL\RD  (Emile),  courtier  maritime,  Grand-Quai,  67. 
2JÔ6.  Billet  (George»),  directeur  de  la  Brasserie  de  l'Ouest,  rue  de 

lu  Brasserie,  19. 
38d.  BiNET  (Ernest),  rentier,  rue  Aufray  19. 
2028,  Blanchard  (Mlle  Berthe),  section  normale  de  TEcole  pratique 

d'^  Commerce  et  d'Industrie,  rue  J.B.  Eyri^s,  16. 
637.  Blbcu  (Henâ),  propriétaire,  rue  des  Protestants,  3. 
2071.  Blot-Lefbvrk  (André),  négociant,  place  t^aint- Joseph,  5. 
2074.  Boderbau  (Gaston),  avocat,  rue  Jules- Lecesne,  4ô. 

22.  BcEâWiLWALD  (Mme  Auguste},  rentière,  rue  Jule3-L3CMne,  16. 
2035.  Bœswillwald  (Jean),  courtier,  rue  Caligny,  2. 

1888.  Boîtier  (R<)né),  avocat,  rue  Doubct,  12. 

23.  Boiviii  (L.)  [if  A),  employé  de  commerce,  rue  de  Paris,  131. 
1706.  BooB  (A.;,  pharmacien,  rue  de  Paris,  137. 

2059.  Borkl  (le  D jeteur),  directeur  de  la  2''^'^  circonscription  sani'* 

taire  maritime,  rue  Aug-Noruiand,  16. 
1946.  BossiBRK  (Bené;  négociant,  rue  des  Orphelines,  2. 
1998.  Bjubttb  (W.-K.),  ingénieur,  route  de  la  Uève^  22,  à  Salate^ 

Adresse. 
3j2.  Boularo  (Iteaé),  imprimeur,  rue  du  Canon,  30. 
518.  Boullangbr  (Ed.),  négociant,  rue  de  la  Ripublique,  13^  à 

San  vie. 
1487.  BooRDiONON  (A.),  place  Gambetta,  15. 
1937.  BoiTBDON  (Georges),  de   la    uiaisou   Guillerault  et  C'«,   pUoe 
Jules* Ferry,  8. 
25.  BouBQCiN  (H.),  négociant,  rue  des  Gobelius,  63. 
6J0.  BoUTXLBOX  (L.),agent  principal  de  la  Société  Navale  de  TOueeti 
quai  d'Orléaus,  45. 
1820.   Bbboaz(A.)  jj^,  entrepreneur  de  camiounige,  cours  delà  Ré- 
publique, 115. 
419.  Bbenag  (Docteur),  pharmacien,  rue  de  Paris,  ùO» 
880.  Bbiand  (M<Be)  j( ,  propriétaire,  rue  du  Havre, à Saiote- Adresse. 
648.  BRUJ7D  (Auguste),  capitaine  au  long-cours  avec  brevet  supé- 
rieur, rue  Clément-Marical  11. 
1541.  Bbiant  (E.),  courtier,  rue  de  lu  Bourse,  19, 
91.  BmclU  (S.)  ^,  négociant,  vice^prosideat  de  la  Chambre  du 
commerce,  ruo  de  la  Bgarse,  29. 


V]1I  LISTE  ÛÉNéRÀLB   DES  MBMÈR^ 

364.  Bricakd  (H.)  ^  (CJ^)  if,    directeur  des  Forges  et  Cliantien 
do  lu  Méditerranée,  membre  de  la  Chambre  de  Coinroeroi^ 
boulevard  de  Strasbourg,  45. 
1502.   HuiÈRK  (M™*),  reotièrc,  rue  Jules-Lecesne,  2. 
423.   Brindkau  (Louis)  ^,  député,  boulevard  de  Strasbourg,  63. 
G04.  Briquet  (Paul),  directeur  de»  magasins  publics,  me  Caaimff-  ' 

Delavigne,  42. 
32.   Brcxkt  (Alfred),   négociant,   de  la  maison  Vve  A.  Tkioie, 
rue  de  la  Bourse,  23. 
1910.  Brinschyio   *^,  docteur-médecin,  rue  Séry,  24. 
1788.  Brovvnk  (  W«»  F.),  négociant,  de  la  maison  Dafay,  Gigtndet 

&  C»«,  rue  Jules-Lecesne,  50. 
1557.  BucAiLLB  (Henri),  rentier,  boulevard  François-I«',  60. 
418.  BUN<JE   (Ernst),    agent  déniaisons  étrangères,  boulevard  <!• 
Strasbourg,  124. 
2002.  BuKNiER,  de  la  maison  Kronheimer  et  C*<>,  route  de  la  HèT8i 

lG,ii  Sain  te- Adresse. 
949.  BuscH  (Louis),  négociant,  rue  du  Champ -de-Foire,  12. 
1796.  Caill  (Ch.)    (0  *),  chef  du  pilotage  de  la   Seine,  rao  deb 

Ferme,  16. 
1010.  Gaillard  (Georges),  ingénieur  civil,  rue  de  Prony,  20. 
2010.  Caillatte,  négociant,  de  la  maison  Frédéric  Jung  et  (?•,  bou- 
levard de  Strasbourg,  130. 
1690.  Caron  (J.),  rue  du  Lycée,  95. 
2077.  Carox  (Jules),  employé  de  commerce,  rue  de  la  Cavée-Vert*i 

43,  à  Sanvic. 
2086.  Cahon  (Ernest),    de  la  maison  Emile  Segard,  me  Géair^ 

Ourscl,  111,  à  Sanvic. 
1749.  Garrel  (l'abbé),  professeur  à  TExternat  Saint-Joseph,  ro^ 

Victor-Uugo,  32. 
1835.  Garrère  (G.)  ^,  docteur-médecin,  rue  de  Paris,  123. 
1106.  Garton  (Albert)  assureur,  rue  de  la  Halle,  20. 
1251  «  Carubtte  (E.)  entrepreneur  de  transporta,  cours  de  laR^F^' 

blique,  36. 
1919.  Gaeabianca  (André)  ^,  administrateur  en  chef  de  rinfenp- 

tion  maritime,  Arsenal  de  la  Marine. 
907.  Gaspar  (Gharles)  négociant-armatear,quat  0a8imir-DelaTi|>*f 

16. 
1247.  Gastbl(  Jules)  du  Grédit  Havrais,  boulevard  de  Straiboargi^* 
1614.  Gattbaux  (Gustave),  de  la  maiaim  Lehoocq  à  Cbeileti  t^ 
de  la  Mer,  d,  à  Ste-Adreaee, 


Membres  TituLAtnES  lit 

1780.  Cavanagh  (W.),  négociant,  rue  Edouard -La  rue,  14. 
1829.  Cavanaqh  (Raoul),  commerçant,  boulevard  de  Strasbourg,  96. 
675.  CuALOi  (Gustave),  banquier,  rue  des  Pénitents,  53. 
1588.  Chamard  (Léon),  caissier,  rue  Louis-Philippe,  18. 
491.  Chancbkel  (A.),  agent  principal  de   la  C*«  des    Cliargeurs- 

Réunis,  rue  Jules-Lecesne,  30. 
13(19.  Chardot  (Daniel),  vérificateur  des  Douanes,  boulevard  Fran- 
çois-!•',  61. 
2089.  Chariot  (Pierre),  assureur,  rue  de  Mexico,  3. 
1621.  Charrut  (H.),  négociant,  de  la  maison  Loiseau  et  Barrai,  rue 

du  Chilon,  34. 
884.  Chbqarat  (H.),  négociant,  rue  Foutenelle,  34. 
40.  Chbrfjls    (Charles)     ((|  A),    adjoint  au  Maire  du  Havre, 
conseiller  d^arrondisscment^  rue  Just-Viel,  32. 
2040.  Chevalier  de  Coninck  (M"**'),rentière,rue  Auguste- Dollfus,l7. 
2037.  CicÉRON    (M"«  Célestine),  propriétaire,   rue   Tliieulcnt,    10,  à 

Ste- Adresse. 
1944.  Clbquer  (Edouard),  officier  de  marine  en  retraite, nie  Thier8,65. 

331.  Clerc  (L.)  (Q  A  ),  pharmacien-chimiste,  rue  de  Berry,  57. 
1764.  Clerc  (Léon),  négociant,  au  château  d^flarfleur  (Seine-Infé- 
rieure) . 

17S3.  Clochette  (Georges),  courtier,  palais  de  la  Bourse,  escalier  D. 

1285.  Clolooe  (Alphonse),  négociant,  impasse  Dagobert,  10. 

1265.  CoLCHEN  (Ch.),  courtier,  rue  Jules-Lecesne,  32. 

798.  Collet  (H.),  négociant,  rue  Jules-Lecesne,  4. 

332.  Commauohe  (J.),  constructeur-mécanicien,  rue  de  Mexico,  36. 
2016.  CoQUELiN  (Ch.),  rue  du  Rocher,  17,  Paris. 

304.  CoRBLKT  (E.),  armateur,  rue  Edouard- Larue,  1. 
2056.  COROTER  (Gaston),  instituteur,  rue  de  Berry. 
1692.  CoTELLE  (J.-M.),  négociant,  de  la  maison  D.  Levillain  et  Co- 

telle,  rue  Jules-Lecesne,  47. 
1843.  CorrARD  (Alfred)  j(,  négociant,  membre  de  la  Chambre  de 
Commerce,  roe  du  Lycée,   30. 
45.  CoTT  (A.)  (Q  A),  ancien  chef  d'institution,  place  de  THÔteU 

de- Ville,  27. 
789.  CouLOH  (Ch.)   ]£(    )£<,  négociant,  conseiller  municipal,  juge 
EQ  Tribunal  de  Commerce,  rue  de  la  Paix,  6. 

1952.  Courant  (Maurice),  artiste  peintre,  Clos  de  TAbbaye,  à  Poissy. 

(Seine-et-Oise) 

1953.  Courant  (L.),  négociant,  rue  Bellevae,  6. 

1956,  COURTIH  (Arthur),  percepteur,  rue  de  Saint  Quentin^  67t 


X  LtStE    GéNÉRALE   D£8   MEMfiflEfl 

47.  Cousin  (Arthur),  inaipon  Albert  Quesnel  &  C*«,  impasse  Di* 

gobert,  8. 
1883.  CoUBJN  (Henri)  {Q  A),  agent  commercial,nie  des  Ormeaui.ll. 

48 .  Couvert  (Joannès)  ^,  négociant,  président  de  la  Chambre  de 

commerce,  rue  de  la  Bourse,  31  bis. 

49.  Couvert  (Camille),  négociant,  rue  Jules- Lccesne,  58. 

374.  CoviLLE  (A«),   ingénieur  des  Forges  et  Chantiers  de  la  Médi- 
terranée, rue  St- Michel,  9. 
51 .  Cremer  (Marius),  négociant,  consul  de  Grèce,  rue  Doabet,  16. 
2070.  Croix  (L.)  opticien,  rue  de  Paris,  16. 
1113.  Daliqault    (F.),   entrepreneur   de   menuiserie,  rue  Dicqoe- 

mare,  21. 
1277.  Daniel  (Joseph), capitaine  au  long  cour8,rue  Erne6t-ReDan,46. 
1301.  Danon  (J.),  négociant,  rue  de  la  Bourse,  35. 

807.  Danvers  (Paul),  négociant,  rue  du  Lycée,  81. 
1392.  Dant(A.)  ((I  I),  négociant,  rue  du  Charap-de-Fuire,  1. 
1143.  Dr  Burnay  (le  Comte  Henri),  de  la  maison  Henri  de  Bumj 

&  0*f  négociants-armateurs  à  Lisbonne  (Portugal). 
569.  Decuaillb  (Stéphen)  (Q  A),  capitaine  au  long  cours,  directeur 

des  Signaux  et  du  Sauvetage,  rue  Benjamin-NormaDd. 
1898.  Deouaux  (Albert),  juge  au  Tribunal  civil,  rue  delà  Bourse,  li 
1123.  De  CoNiNCK  (James)  [Q  I.)  jj^,  courtier,  r.  delà  Boune,39. 
1080.  DÉQENÉTAis  (L  ),  courtier,  rue  de  la  Bourse,  33. 
1091.  Degeuser  (A.),  courtier,  boulevard  de  Strasbourg,  56. 
1792.  Degeuser  (René),  courtier,  rue  Faure,  1. 
1255.  De  Goer  de  Hervé  (Georges),  négociant,  rue  lliiébaut,  7. 
1594.  Degoy  (G.),  courtier,  place  Carnot,  8. 
759.  De  Grandmaison  (H.),  avocat,  rue  de  Mexico,  45. 
1959.  De  Heyder  (Ch.),  courtier,  rue  Victor-Hugo,  136. 
426*  De  Houdetot  (le  marquis),  maire   de  Saint- Laurent •<*"* 

Brè vedont  (Seine-Inférieure). 
597.  Dblaohaxal,  ingénieur  en  chef  hon3rairo  de  la  Chambre^* 
commerce  du  Havre,  52,  route  de  Brie,  à  Broooy  (S.-etO») 
1822.  Delacroix  (E»),  rentier,  rue  Casimir-Delavigne,  6. 
1546 i  Delamare  (L.),  courtier,  rue  de  la  Bourse,  29. 
1369.  Delarochb  (M°^  liaoul),  propriétaire,  rue  Félix^Faure,  5II* 
2012*  De  la  Serna  (BufinoC),  consul  de  la  République  Argeotio0» 

boulevard  de  Strasbourg,  183« 
1521.  De  Léséleuc  (Henri)  »  assureur,  place  Julet-Ferry^8. 
(7.  Deluommb  (£d,},  industriel)  rue  Joseph-Péner,  48-50. 


N 


MEMBRES    tlTtLAIRKS  Xt 

1892.  Del  Pozo  (Ch.\  négociant,  rue  Racine,  43. 

1941.  Demanob  (A.),  négociant,   jage   an   Tribunal  de   commerce 

d*Alger,  rue  Arago,  8,  à  Alger. 
1524.  De  MoNTrLEDRY  (Lucien),  juge  suppléant  an  Tribunal  civil, 

conseiller  municipal,  me  de  Montivilliers,  78. 
730.  De  Momtalembert  (le  Comte),  propriétaire^  au  chftteau  de  Mé- 

nilles  (Eure). 
1747^  Dennis  (Etienne),  négociant,  rue  de  la  Bourse,  19. 
341.  De  QDEEHOENT(J.)i)i(,  négociant,  vice-président  de  la  Chambre 

de  commerce,  maire  de  Sainte- Adresse,  rue  Lemaistre,  29. 
1806.  Dero  (L.),  ingénieur,  rue  de  Toumeville,  101. 
1529.  Derondb  (E.),  docteur-médecin^  rue  d'Épréménil,  4. 
58.  Desobamps  (Médéric)  ^  (1^  A),  propriétaire  à  la  Rive,  Men- 
ti viUiers  (Seine-Inférieure). 
1751 .  Deshates  (Éd.),  courtier,  palais  de  la  Bourse,  escalier  D. 
1958.  DETOURNAT  (André),  assureur,  rue  Massieu  de  Clerval,  10. 
2076.  De  Tuqmt,  capitoihe  au  129«  Régiment  d*lnfanterie,  rue  de 

Tourne  ville,  75, 
1841 .  De  Vigan  (J.),  secrétaire  de  la  Chambre  de  commerce,  palais 

de  la  Bourse. 
1598.  Deville,  docteur-médecin,  rue  Thiers,  28. 
2064.  D*Halluin  (A.)  négociant^  rue  de  la  Bourse,  33. 
898.  DoHBEE,  (M»«  L.),  libraire,  place  de  THôtel-de- Ville,   10. 
1371 .   Doublet  (Georges), négociant,membre  de  la  Chambre  de  com- 
merce, juge  au  Tribunal  de  Commerce,  rue  de  la  Bourse,  3. 
83.  DoURT(V.),  avoué  honoraire,  juge  au  Tribunal  civil,  rue  Fré- 
déric-Sauvage, 15. 
2015.  DouTRELAUT  (Arthur),  de  la  miison  Vve  A.  Derode,  boulevard 

de  Strasbourg,  42. 
683.   Dot  (Auguste),  courtier,  rue  Félix -Faure,  23. 
589.  Deouaux  (Emile),  négociant,  boulevard  de  Strasbourg,  130. 
1900.  Dubois  (E.),  directeur  de  la  Société  Générale,  place  Camot,  2. 
2060.  Dubois  \Ferd.),  ingénieur,  rue  du  Docteur-Cousture,  27. 
509.  DuoBESNE  (B.),    constructeur  -  mécanicien,    rue  de    Neus- 

trie,  40. 
1837.  DucEOCQ  ^f  ingénieur  en   chef  des  Fonts  et  Chaussées,  rue 

Caligny,  9. 
282.  DufoUB  (G.)  *, 'docteur-médecin,  rue'  Félix-Fanre.  2, 
2019 i  DuMESNiL  (Jules),  caissier,  rue  Thiers^  30. 
1499,  DuuoNT  (Alf.),  courtier,  rue  du  Champ-de-Foire^  79. 
70.  OùMOUOSEL  (Aug.),  courtier,  rue  de  la  Ferme^  38,  à  SanfiCé 


Xtl  LtStE    GENERALE    DES    MBMBltES 

581.  DuPAQUiEB  (André),  négociant,  rue  de  la  Bourse,  59  lis. 
1376.  DuPASQUiER  (Herraann),  négociant,  membre  delà  Chambre  de 

commerce,  conseiller  nmnicipui,  rue  Casimir-Périer,  13. 
1954.  Du  Pasquiee  (E.),  docteur-médecin,  rue  Jules -Ancel,  10. 
1623.   DuPLAT  (Achille)  (O  I),  commissaire  du    Gouvernement  anx 

Docks- Entrepôts,  pavillon  des  Docks,  quai  de  Marseille. 
2004 .   DuPLAT  (Eug.),  agent  commercial,  conseiller  municipal,  rue  de 

la  Bourse,  39. 
701 .  Dupont  (Emile),  directeur  de  la   C'«   des   Docks-Entrepôts, 

quai  de  Marseille. 
299.  Dupuis  (Pierre),  négociant,   rue  de  la  Bourse,  51. 
2043.  Dupuis  (le  contre  amiral),  rue  du  Havre,   57,  à  Ste- Adresse. 
685.   DuEAND-ViKL  (Louis)  j(,  de  la  maison  Tliieulent  frères,  rue 

Guy  de-Maupasâant,  10, 
1504.   Durand- ViEL  (Jacques),  courtier,  rue  de  la  Bourse,  28. 
73.  DuRET  (Alfred)  (C»î*)  (0  *),  négociant,  15,  rue  GusUve-Flao- 
bert. 
2097.  Ddval  (Jean-Raoul),  étudiant  en  droit,  place  de  rHotel-de- 

Ville,  23. 
1565.   Egloff  (L.),  courtier,  rue  de  Tourneville,  116. 
953.  Eloy  (Fernand),  courtier,  palais  de  la  Bourse,  escalier  (i^. 
78.  Enoelbach  (G.),  de  la  maison  Les  Neveux  de  J.-G.  Sclunidt, 
rue  St-Michel,  15. 
1072.  Enoelbach  (P.),  docteur-médecin,  rue  Naude,  26. 
2034.  Enoelbach  (Jean),  étudiant,  rue  St- Michel,  15. 
1935.  Enqelbrecht  (Maurice),  courtier,  rue  de  la  Bourse,  29. 
2014.   Ernis  (A.),  dvL Bulletin  de  Correspondance,  6,  rue  FélixF*ttre. 
1354.   EsBRAN  (Gustave),  négociant,  trésorier  de  la  Chambre  de  com- 
merce, quai  d'Orléans,  59. 
1793.  EsTiQNARD  (C).,  chef  de  bureau  &  la  Compagnie  générJ» 

Transatlantique,  place  de  TBôtel-de- Ville,  28. 
1980.  Fabre  (G.),  notaire,  place  de  l'Hôtel-de-Ville,  20. 
660»   Farcis  (A.),  courtier  maritime,  Grand-Quai,  67. 
1963.  Facvel  (M"»»  L.),  rue  Victor-Hugo,  165. 
1383.  Favieb  (E.)  i^  I), professeur  au  Lycée,  rue  J.-B.  Eyriést^^' 
1697.  Fbhr  (S.)   (C  >J<),  négociant,  rue  Faure,  8. 
1525.  FÉRâ  (Ernest),  agent  commercial,  quai  Casimir- Delà vigooi '*' 
1548.  Fërnbbrg  (G.),  agent  de  change,  boulevard  de  Strosbourj,'!^^' 
1774.  Février  (M«»«),  rentière,  rue  Félix-Fauro,  61. 
1816.  Fjévet  (J.)|  négociant,  quai  d'Orléaiif|  25 


N 


'      MEMBRES   TITULAIRES  Xfll 

369.  FiscEBR  (Joseph),  représentant  général  de  la  C»?  G**  Trans- 
atlantique poor  rÂutriche-Hongriej  Hegelgasse,  13,  Vienne 
{Autriche). 

1156.  Fischer  (Éniile),  de  la  maison  H.  Gcnestal  et  fils,  rue  de  la 
Ferme,  21. 
1403.  Flavignt  (0  ^)^  lieutenant-colonel,  commandant  le  22«  régi 
ment  territorial  d'Infanterie,  rue  Jules- Ancel,  35. 

1534.  Follim  (H.),  de  la  maison  Worms  &  C^«,  boulevard  de  Stras 

bourg,  65. 
393.   FossAT  (E.)  i,  courtier,  rue  de  la  Bourse,  32. 

1924.   Fossat  (A.),  courtier,  rue  de  la  Bourse,  32. 

2103.  Fosse  (Gustave),  employé  de  commerce,  rue  Gambetta,  96,  à 
Snnvic. 

1961.  FouiLLEUL  (B.  P.),  négociant,  de  la  maison  J.  P.  Simmonds 
&  C»%  rue  Fléchicr,  9. 

1830.  FRANQrs  (Paul),  boulevard  Françoi8-l«%  98. 

2027.  Frkdon  (M"«  Léonti ne),  section  normale  de  TEcole  pratique 
de  Commerce  et  d'Industrie,  rue  J.-B.-Eyriès*,  16. 

2046.  Frémont  (Victor),  de  la  maison  Worms  &  C'*,  rue  des 
Ormenux,  'J. 

1551 .  Fritz  (J.),  professeur  d'allemand,  rue  Frédéric-Bel  langer,  56. 

1831 .  FULGEKCB  (L  ),  représentant  de  commerce, rue  du  Lycée,  16bis. 
1787.   Gaillard  (Louis  ),  négociant,  rue  Franklin,  36. 

2(ïll .  Galilée  (Henry),  courtier,  palais  de  la  Bourse,  escalier  D. 
856.  Garaud  (Jules),  négociant,  rue  Jules- Lecesne,  58. 
1438.   Garnier,  vérificateur  des  Douanes,  rue  de  la  Gafle,2. 
376.  Gartner    (L.-E.K   do  la  maison   J.   Dupasquicr  &  C'*,   rue 
Saînt-Micliel,  19. 
1697.   Gatin  (P.),  courtier,  rue  de  la  Bourse.  38. 
1890.   Gattiker  (P.),  nôgociant,  rue  Toustain,  13. 
1666.   Gein  (M""»)  impisse  Honel. 

2049.   Gelineau  (Jules),  commerçant,  rue  de  Normandie,  307. 
28.   GiNESTAL  (Henri)   ^    (^^  A),  négociant,  conseiller  général, 
rue  de  la  Bourse,  44. 
1405.  GéKESTAL  (Maurice),  négociant,  juge  suppléant  au  Tribunal  de 
commerce,  rue  de  la  Bourse,  44. 
288.   Genin  (fc\),  négociant,  boulevard  de  Strasbourg,  65. 
2083.  Giannett(A.),  commissaire  de  la  Chambre  de  commerce  de 

Montréal,  4857  Sherbrooke  street,  Montréal  (Canada). 
1619.  GiBLAiN  (P),  assureur,  quai  d'Orléans,  37. 


XIV  LISTE   GéNÉRALB   DES   MEMBRES 

1480.  Godard  (Henri),  propriétaire,  boulevard  Maritime,  48. 

2102.  GoPEMBNT  (Kug.),  courtier,  rue  de  la  Bourse,  19. 

1804.  Godet  (R.),  directeur  des  «  Corderies  de  la  Seine  »,  adjoiut  an 
maire  du  Havre,  boulevard  Maritime,  76. 

2062.  GoHiER  (G.),  directeur  de  la  Société  des  Brouettiers  du  Grand- 
Corps,  rue  de  Metz,  33. 

2007.  GoRSE  (le  Docteur)  médecin  delà  Santé,  Grand-Quai,  65 

2031 .  Gosse  (Lucien) ,  étudiant,  rue  de  Metz,  31 . 
1116.  GossELiN  (Emile),  notaire,  rue  d*Ingonville,  31. 

1579.  Grandcamp  (Léon),  employé  de  commerce,  rue  Gambettâ,60, 
à  Sanvic. 

2032.  Granier  (le  pasteur  A.),  rue  Jules  Janin  10. 
1885.  Grégoire   (Henri),  courtier,  place  Jules-Ferry,  8. 

1702.  Griner  (Ad  ),  docteur-médecin,  place  de  rHôtel-de-Ville,  23. 
666.  Gripois  (E.),  rentier,  rue  Saint-Rocb,  5. 
2051.  Gros  ^A.),  bandagiste,  rue  du  Champ-de  Foire,  67. 
98.  Grosos  (Eug.)  (0  *)  (C  >ï<)  (0  ►ÎO   ^.     négociant-armateor, 
consul  de  Turquie  et  d'Autriche- Hongrie,   place  de  l'Hôtel- 
d.î-Vi!le,  26. 
2025.  GUEDENKY  (M"«  Marie),  section  normale  de  TEcole  Pratique  de 

Commerce  et  d'Industrie,  rue  du  Lycée,  71. 
61 1 .  GuÉRiN  (Désiré),  receveur  de  T Enregistrement,  en  retraite,  rae 

Racine,  9. 
1961.  Guerrier  (Fernand),  pilote,  rue  Marie-Thérèse,  15. 
1810.  GuiFFART  (Armand),  ingénieur  des  Ponts  et  Chaussées,  boule- 
vard François- 1«',  141. 
2099.  Guillard  (Paul),  avocat,  rue  Gustave-Flaubert,  102. 
1199.  GuiLLEMBiTE (Eugène), commissaire-priseur,  ruedoFécaiiip,  •*• 
1812.  GuiLLERADLT  (0.),  négociant,  rue  de  Tourne  ville,  85. 
853.  GuiLLOT  (Denis),   avocat,   conseiller    général,    boulevard  de 
Strasbourg,  148. 
97.  GuiTTON  (Louis)  (^f  A),  agent  commercial,  do  la  maison  Ferd. 
Schneider,  rue  du  Havre,  36,  à  Ste -Adresse. 
1717.  HAAG(Otto),  négociant,  rue  Cochet,  8. 
1509.   Harert  (Gaston),  de  la  maison  Eugène   Doublet,  me  Frto 
klin,  15.  ; 

2058.  Hamelin  (E.),  commis  des  Douanes,  bureau  de  la  Sortie,  q^*^ 
Lamblardie . 
868.   Hamon  (J.-B.),  capitaine  au  long  cours,  impasse  Haugael,  ^• 
262.  Harou  (E  ),  courtier  d'assurances,  rue  de  la  Bourse,  24. 
2057.   H\ssEr,M\NN,  notaire,  rue  de  la  Paix,  5. 
1208.  Hauser  (Georges),  négociant,  rue  de  Tourneville,  83. 


MBMBRB8   TITULAIRES  XV 

]923.  Haussuàkn  (J.)  (0  ^),  receveur  des  Finaoces,   rae  Jules- 

ADcel,12. 
1936.  Hauzeur  iGeorges),  de  la  maîsoD  Mason  et  C^^^rue  du  Havre, 

94,  à  Ste- Adresse. 
1457.  Hayk  (  W«),  négooiant,  rue  Cochet,  5,  à  San  vie. 
2052.   Hbarn  Waltkr,  consul  général  de  la  Grande-Bretagne,   rue 

£d.'Larne,  5. 

1712.  HUBERT  (Jules),  chef  de  service  des  Engins  de  levage  de  la 

Chambre   de  Commerce,  rue  Jules-Lecesne,  105. 
875.  Hb»et  (E.),   directeur  du  Bulletin   de  Correspondance,  palais 

de  la  Bourse,  rue  Scudéry. 
850.   Hess  (G.>,  négociant,  rue  du  Champ  de- Foire,  7  bis. 
2036.  Hktzlen,  professeur  au  Lycée,  rue  Ed. -Corbière,  7. 
562.  Hochet  (G.),  employé  de  commerce,  rue  Franklin,  31. 
105.   HoFMANN  (H.),  professeur  d'allemand,  rue  de  la  PaiX|  1. 
2005.   Hubert  (Jacques),  rue  du  Rocher,  47. 
1748.  HuMEAU  (le  docteur),  rue  de  Toul,  8. 

1624.   HuTTKR  (J.-J),  entrepreneur,  rue  du  Havre,  46.  Ste-Adresse. 
1448.  Jacqobmin  (Charles)  (0  ^)  assureur, consul  du  Monténégro,  rue 
Victor-Hugo,  67. 
407.  Jacqdey  (Louis),  ingénieur  à  la  Chambre  de  commerce,  boule- 
vard de  Strasbourg,  179. 
1805.  Jahein  (Jules),  négociant,  conseiller  d'arrondissement, membre 
de  la  Chambre  de  commerce,  place  de  THôtel- de- Ville,  25. 

1713.  Jandin  jeune,  pharmacien,  rue  de  Fécamp,  13. 
2018.  JobbéDuval,  négociant,  passHge  Marie- Berthe,  7. 

391.   JoLY  (A.),  propriétrire,  boulevard  de  Strasbourg.  2. 
911.  Jung    (Frédéric),  négociant,  rue  Félix-Fanre,  34. 
1157.  Kabi.ê  (Jacques),  courtier,  rue  Victor-Hugo,  151. 
1896.   Kablô  (M™«  Charles),  propriétaire,  rue  S'-Michel,  6. 
1359.   Kaiser  (Rodolphe),  courtier,  rue  de  la  Bourse,  23. 
1954.   Kerz iFerd.), intéressé  de  coinmerce,nie  Frédérîck-Lemaître,27. 
1927.   KiRSCHBAUM   (M"»)    (M  I),  Directrice   de  l'école  pratique  de 
Commerce  et  d'Industrie  pour  les  jeunes  filles,  rue  du  Lycée 
130. 
1027.  KoLLBRUNTMER  (W.).  courtier,  palais  de  la  Bourse,  escalier  D. 
978.   Kraus  (Edouard),  pharmacien,  place  de  l'Hôtel-de- Ville,  9. 
122.  Krausr  (Albert),  négociant,  de  la  maison  Th"  Dreclcenridge 

&  C'*»,  rue  de  Bapauine,  19. 
1899.   Kronhkimer  (Charles),    négociant,  consul  du  Salvador,  rue 
Saint-Martin,  2. 


XVI  LISTE  céNÉnALE  DES  MEMBRES 

929.  Lapaurie  (G.),  courtier,  jnge  au  Tribnual  de  commerce,  mè 
de  Montivilliers,  98. 
2079.  Laisné  (Cliarlee),  percepteur,  boulev.ird  Fraiiçois-I*',  94. 
1947.  Lamy  (Paul),  négociant,  rue  Joinville,  42. 
356.  Lamottb  (Edgard),  négociant,  membre  de  la  Chambre  de  com- 
merce, boulevard  de  Strasbourg,  134. 
1273.   Lanctuit  (André),  négociant,  rue  de  Saint-Quentin,  11. 
671.  Landrieu  (Charles),  commerçant,  rue  de  Paris,  98. 
1318.   Lanel  (Ch.),  rentier,  rue  Auguste-Dolfus,  4. 
857.  Laneuville  (E.),  courtier,  Bourse,  escalier  D. 
1108.   Langlois  (F.),  propriétaire,  quai  d'Orléans,  9. 
465.  Langstakf  (W.), négociant- armateur,  consul  du  Japon^Grand- 
Quai,  67. 
•  1926.   Lanqstaff  (A.),  négociant,  de  la  maison Maeon et O**,  rue  de  la 
Bourse,  26. 
1470.   Larde  (Charles),  courtier,  rue  de  la  Bourse,  38. 
128.  Latham  (Edmond)  ii^,  négociant,   président  honoraire  de  la 
Chambre  de  commerce,  me  Victor-Hugo,  145. 
1573.   Latham  (Charles^,  négociant,  rue  Victor-Hugo,  145 
2017.   Latham  (Robert),  négociant,  delà  maison  Frédéric  Jung&C'S 

boulevard  de  Strasbourg,  130. 
1558.   Laude  (Louis),  directeur  de  la  Caisse  de  Liquidation,  rue  Co- 
chet, 4. 
1094.   Laude  (Richard),  négociant,  rue  de  Paris,  116. 
1401.  Laukr  (Henii),  de  la  maison  lïayn,  Roman  &    C'",  route  de 

lu  Hève,  14.  !\  Sainte -A  dresse. 
1230.  Lavoite  fils,  do  la  maison  Wornis  et  O^,  boulevard  de  Stras- 
bourg, 138. 
1314.   Lebuîre  (Gaston),  assureur,  boulevard  de  Strasbourg,  92- 
790.  Leblond  (Albert)  i^k  >î<,  négocia nt,ad joint  au  maire  du  Havre, 
membre  de  la  Chambre  de  commerce, vice-consul  du  Veoe- 
zuela,  rue  Anfray,  19. 
C81  Le  Bourgeois  (Georges)  ^  ;C  ^),  conseiller  général,  maire  de 

Rogcrville  (Seine-Inférieure). 
367.  Lk  Bris  (F.), négociant,  rue  du  Lycée,  56. 
1289.  Le  Clerc  (Georges),  rentier,  place  de  THuel-de-Ville,  1. 
133.  Lecomte  (P.)  (C  *ï<)  négociant, de  la  maison  Joannès  Couvert, 
consul  du  Guatemala,  rue  des  Péuitents,  19. 
2092.  Le  Coniac  (Ednnond),  à  la  Commercial  Cable  Company,  rue 
du  Champ-de-Foire,  84. 


j 


MBMBRES  TITULAIRES  XVII 

1683.  Lbooq  (Édonard),  négociant,  ruedu  Cbamp-de-Foire,  2. 

1999.  LioouBTOis   ilionis),   ancien  notaire,  rue  Qustave-Flaubert, 
91. 

1571.  Lbdoux  (Paul),  négociant,  rae  Victor-Hugo,  157. 

1741.  Lbfkbvbe     (Frédéric),    courtier,     palais     de     la      Bourse, 
escalier  Â. 

2006.  LiFKBVBE  (Georges),  courtier,  rue  delà  Bourse,  38. 

2095.  Lefibvbb  challe  (Heniy),  négociant,  rue  de  Berry,  12. 

1990.  Le  Gad,  docteur-médecin,  rue  Thîers^  40. 
845.  Le  GoFr  (Louis),  négociant,  boulevard  de  Strasbourg,  32. 

1707.  Lboofpil  (Victor),  agent    de   change,  boulevard  de    Stras- 
bourg, 75. 

1241.  Le  Gbamd  (R.),  graveur,  rue  de  la  Bourse,  6. 

1535.  Leqbos  (J.),  relieur,  rue  de  la  Comédie,  3. 

1955.  Le  Gubbnet  ^,  percepteur,  boulevard  de  Strasbourg,  55. 
525.  Le  Guen  (Hippolyte),    capitaine-visiteur,   rce   du  Docteur- 
Cousture,  21  Ins. 

1895.  LÉouiLLON  (Charles),  négociant,  rue  J.-B.  Ëyrtés,  72. 

462.  Lblaumier  (L.),  achitecte,  rue  du  Champ-de-Foire,  17. 

979.  Lbleu  (A«)  (Q  a,),  négociant,  me  Racine,  45. 

1564.  Lemiebbe  (Adrien),  représentant  de  commerce,  rue  du  Champ- 
de-Foire,  55. 

1074.  Leehaedt,  docteur-médecin,  boulevard  de  Strasbourg,  60. 

1785.  Lemtz  (Hermann),  négociant,  de  la  maison  Metz  et  C*«,  nie 

Jules- Lecesne,  32. 
550.  Lepbebtbe  (R.),  commerçant,  rue  de  Paris,  67. 
141 .  Lepeieob  (A.)  (A  Q),  directeur  de  la  C**  Normande  de  navi- 
gation à  vapeur,  boulevard  de  Strasbourg,  67. 

2053.  Lbbaitbe  fils,  entrepreneur  decamionage^  rue  du  Lycée,  31. 

1608.  Lebat  (Lucien),  courtier,  place  de  l'IIôtel-de- Ville,  23. 

1798.  Lebat  (Albert),   directeur   des   Docks  du   Pont-Rouge,  rue 
Marceau,  2. 

1204.  Lebch   (Henri) ,  négociant,  de  la  maison   Les   Neveux   de 
J.-G.  Schmidt,  rue  de  la  Bourse,  5. 

1790.  Lesaoe  (Gastave),  industriel,  me  des  Ormeaux,  22. 
956.  Lbsbux  {^f  A),  professeur  à  l'École  primaire  supérieure  de 
garçons,  rue  Dicquemare,  1. 

1233.  Letelleb  (Léon),  courtier,  place  Jules-Ferry,  9. 

1073.  Le  Tiec  (A.)  ^,  commandant  de  port,  boul.  de  Strasbourg,  10'3, 

1122.  Le  TouBHEnR  (Victor),  négociant,  rue  Franklin,  19. 

SOOOfcri  DM  GéOGBAPHIK.  II 


XVIII  LISTE    GÉNÉHALE   DBS   MEMBRES 

1266.  LKVÊQua  (Delphîn).  rentier,  rue  de  Normandie,  1. 

1819.  Levesqctk  (Paul),  négociant,  quai  d'Orléans,  69. 

1082.  UvY   (LuHen),   courtier  d'assurances,  juge  au  Tribunal   de 

Commerce,  palais  de  la  Bourse,  escalier  F. 
1976.   LÉVT.  marchand  tailleur,  rue  de  Paris,  129. 
843.  Lièvre  (Daniel),  commissaire  principal  des  Troupes  coloniales, 

18,  rue  Ernest- Renan,  à  Paris. 
1962.  LooRK.  c.'ipitaine  au  long  cours,  agent  de  la  C*^'  des  Cbargeurn- 
Réunis  à  Saigon  (Cochinchine). 
153.  LoisEAU  (Paul),  négociant,  boulevard  François-I»',  86. 
812,   LoiSEAU  (Georges),  avoué,  à  Bourg  (Ain). 
1710.  LoisEL  (Achille),  chancelier  du  consulat  de  Belgique,  me  de 

l'Atlas,  14. 
1967.  LoTz  (Rodolphe),  représentant  de  commerce^  boulevard  Fran- 
çois-I«',  70. 
155.  Louer    (Jacques)    ^,   rentier,   boulevard   François-I*»",    92. 
1729.   liUCE    (J.),  employé  de  commerce,  allée  Pigny,  6. 
'  382.   LucY  (A.),  ingénieur  aux  Forges  et  Chantiers  de  la  Mcditer- 

!  ranée,  rue  Saint-Michel,  28. 

1436.  LuTHY,  négociant,  boulevard  de  Strasbourg,  130. 
.  1431.   Macleod  (John),  boulevard  FrançoiK-I",  1. 

j  1778.  Macleod  (M"»*'),  propriétaire,  boulevard  Maritime,  102. 

•  1542.   Madelaine  (Eug.),  courtier,  rue  Anfray,  11. 

I  688.   Maillart  (Th.)  (Q  A),  entrepreneur,  maire  de  la  Ville  du  Ha- 

»  vre,  rue  Victor- Hugo,  135. 

\  2101.  M  A  joux  (Georges),  de  la  maison  Worms  et  C'*,  impasse  Blanche. 

180.  Mallkt  (M*"''),  rentière,  rue  de  l'Orangerie,  37. 
t  728.   Mal!.on  (G.'  >{i,sous  directeur  de  la  C>^  Havraise  Péninsulaire 

de  Navigation    à   vapeur,  place   de  l'Hôtel-de-Ville,  26. 

•  12U.  Mancheron  (Renô),  courtier,  rue  Victor-Hugo,  151. 

571.  Marande  (Léonce),  négociant,  quai  d'Orléans,  45. 
1('20.   Marande  (Charles- Auguste),  négociant,  administrateur  de   la 

Conjpagnie  Cotonniére,  rue  Saint-Roch,  13. 
1303.   Maraki^e    (Victol-),  courtier,  maison  Ch.  Colchen,  rue  Jules- 

Lecesne,  32. 
401.   Marcel,  négociant-armuteur,  place  Jules-Ferry,  8. 
1716.   Maréchal  tllenri),  courti-.ir.  place  do  l'Hôtel-de- Ville,  19. 
1784.   Marie  (Louis),  courtier,  rue  Gustave-Flaubert,  11. 
2024.   Marie  (M^'*^^  Antoinette  j,  section  normale  à    l'Ecole   pratique 
de  Commerce  et  d'Iiidnstriî,  rue  du  Lycée, -71. 
ICti .   Martin  (Alberto  <ld  la  maison  Gust.  Ksbran,  quai  d'Orléans, 59. 


MEMBRES   TITULAIRES  XIX 

.1232.  Martin  (Robert),  greffier  du  Tribunal  do  commerce.  Palais  de 

Justice. 
2069.  Martin  (Camille),  employé  de  commerce,  rue  des  Viviers,  10. 
2100,  Martin,   (Qiarles),  secrétaire  à  la  Direction  des  Docks-Entre- 

pt^ts,  quai  de  Marseille,  12. 
2009.   Masquelier  (Aug.),   négociant,   membre   de  la  Chambre  de 

commerce,  rue  Jeanne-Hachette,  2. 
1948.  Massoni    ^,   administrateur   en  chef  de  la  marine,  chef  de 

rinscription  Maritime,  arsenal  de  la  Marine. 
1743.   Matthry  (G.),  négociant,  rue  Anfray,  8. 
1433.   MAURER(GeorgeM),  négociant,  consul  du  Paraguay,  boulevard 

François-Io»",  84.  . 
1Î91.  Maze  (Georges),  négociant,  rue  delà  Bourse,  19. 
1848.  Mazb  fils  (Georges),  rue  de  la  Bourse,  19. 
12.Ô1 .  Mazé  (Fernand).  propriétaire,  rue  Jules-Masurier,  17. 
1188.  Meckknstook  (L.),  agent  commercial,  rue  de  la  Bourse,  17. 

172.  Ménager  (Edouard),  courtier,  rue  Géricault,  3. 

1152.  Ménier  (Henril,  industriel,  rue  de  Cliâteaudun,  56,  à  Paris. 

1773.  Mercier  (Christian),  courtier,  rue  Bossuet,  1. 

1471.  Mériot  (G.),  agent  de  la  Société  commerciale  d  affrètements 

et  de  commission,  boulevard  de  Strasbourg,  119. 
1437.  Metz  (F.),  négociant,  rue  Jules-Lecesne,  32. 
1811.  Metz  (Valentin),  négociant,  de  la  miison  Napp  &  C",  rue  do 

St-Quentin,  59. 

173.  Meura  iCh.),  courtier,  rue  Scudéry,  5. 

^17.  Mkybr  (Edm.),  assureur,  rue  du  Lieutenant-Evclin,  8. 
957.  Meyer  (Léon)  (<|  T),  courtier,  rue  do  la  Bourse,  31  bis. 
1786.  Meyer  (Raoul),  courtier,  rue  de  la  Bourse,  31  bis. 
834.  Michel  (Gustave),  négociât,  place  Jules-Ferry,  5. 
IWl.  Michelin,  directeur  du  Crédit  Lyonnais,  quai  d'Orléans,  25. 
1507.  Mionot  (Flenri),  rueGuilleniurd,  33. 
1528.  Mignot  (Gaston),  négociant,  consul  du  Nicaragua,   rue  de  la 

Bourse.  35. 
'38.  Mille  (Lucien),  négociant,  rue  de  Bnpaume,  7. 
1775,  Moch  (Ernest),   négociant,  de   la  maismOppenheimcr  frères, 

boulevard  de  Strasbourg,  146. 
1109.  Mongin  (Edouard»,  industriel,  avenue  Philippe- Auguste,  40,  à 

Paris. 
I<îl7.  MoNOUiLLON  (A.)  (Q  A),  professeur  à  lÉcole  primaire  supé- 
rieure de  garçons,  rue  Dicquemare,  1 . 
727.  MoN'SALLiBR  (L),  ussur^îir,  rue  da  la  Bourse,  31   bis. 


XX  LISTE   GÉNénALB  DES  MEMBRES 

1857.  MoKSOODRT   (Emile)  (Q  A),    professeur   au  Lycée,  rue  de* 
Mexico,  27. 

S041 .  MoMVERT  (Ernest),  maison  Mason  et  C*«,  rue  de  la  Bourse,  26. 
664..  MOREAD  (A.),  propriétaire  du  Grand  hôtd  de  Normandie,  rue 
de  Paris,  106. 

1638.  MoRGAND  (P.)  [^  A.), négociant,  juge  auTribunal  de  commerce, 

place  de  l'Hôtel-de-Ville,  24. 
409.  MossELLMANN  (le  comte),  capitaine  au  long-cours. 

1696.  MonoEL  (M"*)  ^  (^  A),  directrice  de  l'École  pn'maire  supé- 
rieure de  filles,  rue  Joinville,  15. 

1608.  Mulot  ((justave),  de  la  maison  Gustave   Michel    fils,    place 

Jules-Ferry,  5. 
177.  Mdndler  (H.)  (Q  A),  négociant,  rue  François-Millet,  24. 
647.  MuRAT  (Joseph),  employé  de  commerce,  rue  Fontenelle,  15. 

1824.  Napp  Uean), négociant,  vice-consul  de  la  République  Argentine, 
rue  de  Saint-Quentin,  59. 

1606.  Narcy  \Ph.),  notaire,  boulevard  de  Strasbourg  90 

1291.  Noël  (J.),  courtier,  rue  Anfray,  8. 

1987.  NoLSErrB   (Emile),    ingénieur,    directeur  des  établissements 
Schneider,  boulevard  d'Harfleur,  33.  [ 

1985.  Normand  (Mlle  Emilie),  rentière,  boulevard  Françoi«-I»^  27.    i 

1057.  NoRTZ  (Ê.),  négociant,  rue  Fontenelle,  29. 

1031.  Odinet  (Georges)  (^  A)  (0  «î*),  négociant,  juge  suppléant  au 
Tribunal  de  commerce,  boulevard  Françoi8-I«i',97. 

2098.  Olier  (André),  négociant,  conrado  la  République,  42. 

1960.  Paon  (Alph.),  directeur  de  la  G'®  havraise  des  Magasins  Gé- 
néraux, rue  Marceau,  48. 

1939.   Paris  (Edgard),  2«  commis  h  la  direction  des  Douanes,  rua 
Augustin-Normand,  104. 

2054.  Pedron  (L.),  négociant,  rue  de  Bapaurac,  16. 
744.  Pelard  (Frédéric),  courtier,  rue  de  la  Bourse,  28 

1827.  Prllissier  (^  A),  professeur  au  Lycée,  rue  des  Gobelins,  38. 
204.   Perquer  (F.)  >î<,  négociant-armateur,  nie  Félix-Faure,  42. 

1041 .  Perquer  (Paul),  courtier.membrede  la  Chambre  de  commert'e, 
place  Jules- Ferry,  8. 

1481.  Pesle  (René),  agent  commercial,  quai  d'Orléans,  37. 

1794.   Pesle  (Robert),  négociant,  rue  d*Épréménil,  66. 

1933.  Pesle  (Alfred),  courtier,  mode  la  Bourse,  34. 

1809     Petet    (Victor),    chef  de   la   gare  maritime,    cours    de 
République,  70. 


MEMBRES  TITULAIRES  ^Xt 

873.     Petit  (Gaillaume),  négociant,  président  du  Tribunal  de  com- 
merce, membre  de  la  Chambre  de  commerce,  maire  de  Blé- 
ville,  rue^Doubet,  4. 
1455.  Petit  (Emile),  courtier,  rue  de  la  Bourse,  32. 
10*jO.  Pézkril  (L.),   avocut,  conseiller  d'arrondissement,  boulevard 

de  Strasbourg,  91. 
1498.  Pfister  (Gustave),  négociant,  rue  Félix-Santallier,  17. 
2078.   l'FiSTKR  (Rodolphe),  courtier,  rue  Picpua,  12. 
2080.  Pfister  (Emile),  courtier,  rue  de  la  Bourse,  19. 
464.   Philbert  (Jules),  banquier,  rue  de  la  Paix,  7. 
Ii6.  Philbert  (H.),  courtier,  rue  Jules- Janin,  8. 
1844.  Philippe  (Aug.)  négociant,  rue  de  la  Ferme,  25. 
1496.  PiGAULT  (Pascal),  courtier,  maison  J.  Durand- Viel,  rue   da  la 

Bourse,  28. 
18-2.  PiiiON  (E.)  (0  lîi),   secrétaire  général  des  Docks -Entrepôts, 

quai  de  Marseille. 
1931.  PiMCZON,  ingénieur  en  chef  des  Chargeurs'Béunis,  boulevard 

François-I«S  3. 
1823.  PiWEAU  (Henri),  rentier,  rue  de  Toumoville,  63. 
1264.   PiFBREAU  (Lucien)^  arbitre  de  commerce,  rue  Jules^Lecesne, 

43. 
1699.  Plicbon  (Gabton),  négociant,  me  de  la  Gaffe,  6. 
959.  Plum  (Paul),  assureur,  place  de  l'Hôtel-de- Ville,   11. 
475.  PoiDEViN  (P.),  rue  de  la  Comédie,  35. 
1974.  PoiDViN  (Jules),  professeur  à  l'École  piimaire  supérieure  de 

garçons,  rue  de  Paris,  70. 
2096.   PoLLET  (Henri),  négociant, place  de  TUôtel-de- Ville,  17. 
742.  PoLSTTi  (H.)|  de  la  maison  Metz  et  C>«,  rue  Julos-Lecefloe, 

32. 
2076.  PoTTiBB  (André*,  caissier,  rue  J.-B.-Eyriès,  12. 
203.   Poulet  (Edgard),  caissier,  rue  du  Perrey,  162. 
1391.  PouPEL  (Emm.),  architecte,  rue  des  Pénitents,  11. 
1845.  Prektout  \G.)  (iUl*^)»  régisseur  de  biens^  rue  Ancetot,  5. 
435.  Pbesguez  (E.),  avoué,  rue  Jules^Lecesne,  28. 
1296.  Probst,  agent  commercial,  maison  P.  Perquer,  place  Jules* 

Ferry,  8. 
808.  PkOcopb  (E.).  négociant,  rue  Ffédérîck.Leraaîtfe,  28. 
882.  PusiEELLi  (Jacques),  négociant,  rue  Victor-Hugo,  188. 
799,  QuBSNBL  (Charles),  négociant^  place  de  l'HôteNde-Villô,  8i 
938.  QuoisT  (Qeorges-D.),  imprimeur,  rue  du  GhilIoU|  Ui 


XXII  LISTE    GENEKALE    DES    MEMBRES 

1995.  Raisin  (E.),  au  conBulut  du  Brésil,  rue  Saint-Roch,  3. 
853.  Ramijert,   principal    clerc    de   M«  Bach,    notaire,   place  de 

l'Hôtel-dc-Villo,  24. 
414.  Ramelot  (Eugèue)  (^  I.),  repr«^sentant  de  commerce,  mem- 
bre de  la  Chambre  de  commerce,  rue  des  Pénitents,  34. 
648.  Ragdl-Duval  (Edmond),   négociant,   consul   de  Costa- Rica, 

rue  Félix-Faure,  49. 
840.  Régnier  (Ernest)^  administrateur-délégué  du  Crédit  HavraiM,  \ 

boulevard  de  Strasbourg,  79. 
1575.  Reibeb  (C),  courtier,  rue  de  la  Bourse,  17. 
1153.  Rbinhaht  (Gustave),négociant,  consul  général  de  Perse,  pilaii 

de  la  Bourse,  escalier  B . 
20G5.  Rem  Y  (Louis),  négociant,  boulevard  François-Ie^,  114. 
281.  Renout  (V.)  ^,  ingénieur  des  Ponts  et  Chaussées,  en  retrai- 
te, boulevard  François-l«',  69. 
940.  RiciiER  (Emile), négociant,  juge  suppléant  au  Tribunal  de  com- 
merce, rue  de  la  Ualle,  22. 
1451.  RicUER  (F.),  de  la  maison  Devot&C'«,  r.  de  Saînt-Quentio,7. 
1196.  RiHAL  (Narcisse),  négociant,  boulevard  de  Strasbourg,  162. 
1802.  RiHAL  (Gustave),  négociant,  rue  Gustave-Flaubert,  6. 
1984.  RiNCHEVAL  ^,  directeur  des  Douanes,  rue  de  la  Gaffe,  2. 

208.  RiSPAL  (Auguste)  ^,   sénateur,  membre  de  la  Chambre  de 

commerce,  boulevard  de  Strasbourg,  25. 
1776.  Riss  (Alphonse),  de  la  maison  Lefebvre  et  Chardin,  boolevard 

de  Strasbourg,  58. 
2084.  RizzARDO  RizzETTO  (0»^)  >^,   consul  d'Italiei  rue  Daboc«ge- 

de-Bléville,  2. 
1609.  RoBiLLARD  (Emile), représentant  de  commerce,  rue  des  Fsrmei, 

à  S*«- A  dresse. 
1970.  RoBiNSON  (Georges), agent demiisons éfrangères,  rue  Anf]«y,i 
2042.  Robi:h80N  (V.),  ingénieur,  rue  de  St-Quentin,  21, 

209.  RocuE  (J.),  photographe,  place  Gambetta,  18. 

358.  Rœdeker  (Jules)  #,  négociant,  conseiller  général,  membre  de 

la  Chambre  de  commerce,  rue  Oasimir-Périer  6. 
1742.  Rœdeker  (Léon),  négociant,  rue  Félix-Faure,  31. 
629.  Roger  (0  ^),  ingénieur,  chaussée  des  Etats-Unis,  15. 
642.  Roger  (Jules)  ►$<,  docteur- médecin,  boulevard  Françoif-I*» 

118. 
1709,  RoNûT  (Emile),  directeur  de  la  Commercial  CaMc  ()/,  bcnlt* 
vurd  de  Strasbourg,  112. 


kEMDRES   TITULAIRES  XXIIt 

404.  Rose  i{i,  secrétaire    du  Comité  des  assurances    maritimes, 

palais  de  la  Bourse,  escalier  B. 
j  d2S .    RocQET- Marseille  [if  Â),  fonde  de  pouvoirs  de  lu  Recette  des 

FiDances,  passage  Lecroisey,  9. 
1903.   RoussBLiN  (Léon),  régisseur  de  biens,  rue  Géricault,  15. 
1387.   RuAULT,  reutier,  rue  d'Épréménil,  39. 
1*238.    RuD  (J.),  négociant,  boulevard  de  Strasbourg,   118. 

1222.  RuFENACHT  (JuIcs),  agent  commercial,  palais  de  la  Bourse, 

Escalier  D 

1223.  RuFEKAGHT  (Ëdouard),conrtier,palais  de  la  Bourse, rue  Dupleiz, 
1059.  Sabathier  (P.),  ingénieur  ci  vil,  inspecteur  du  bureau  Veritas, 

rue  PicpuB,  2. 
981.  8AUQUBT(Femand),  négociant,  membre  de  la    Chambre  de 

commerce,  consul  des  Pays-Bas,  rue  Victor-Hugo,  134. 
2026.  Sauvage  (M^^*  Martlie),  section  normale  à  T  Ecole  pratique  de 

Commerce  et  d*Industrie,  rue  Joseph-Clerc,  1 
2090.  Sauvage  (Q  I)f  professeur  au  Lycée,  rue  Joseph-Clerc,  l. 
1539 .  Savarin  A.^  négociant,  place  Carnot,  4. 
1934.  Savary  (A.),  arbitre  de  commerce,  rue  de  Normandie,  66. 
1133.  ScBARTTNBR  (W.),  Courtier,  rue  de  la  Bourse,  29. 
1258.  ScuLAGDENHAUFXM  (F.),  courtier,  rue  Géricault,  4. 
1704.  SciiLiBNGER  (Arthur),  négociant,  rue  Jules- Lecesne,  46. 
259.  ScHMiTT  (Victor),  assureur,  rue  du  Chilou,  1. 
864.  ScHMiTZ  (Alfred),  négociant,  place  Carnot,  4. 
1284.  Schneider  (Ferd.)  représentant  de  maisons  étrangères,  rue  do 

la  Bourse,  21. 
1620.  ScHBOOBB  (Edouard),  courtier,  rue  de  la  Bourse,  21. 
1906.  Seeliqbr  (Ed.),  agent  commercial,  rue  de  la  Bourse,  28. 
811.  SBiONEURfi  (Ernest),  négociant,  rue  Augustin- !^ormand^  2. 
1449.  Bânégart  (A.),  courtier^  rue  Victor-Hugo,  138. 
1341.  Sbn5  (Olivier),  négociant,  administrateur  de  la  Compagnie 

Cotonnière,  palais  de  la  Bourse,  escalier  E. 
1613.  Senn  (Maurice),  courtier,  rue  de  la  Bourse,  23. 
663.  Siebbr  (H,-A.),  propriétaire,  rue  S'-Honoré,  362,  à  Paris. 
220.  SiEQFEiBD  (Jules)  (0#)  (Q  A),  député  du  Havre,  rue  Félii* 

Faure,  22. 
6B3.  Siegfried  (Ernest),  négociant^  rue  Félix*Fauto,  50. 
1601»  Siegfried  (Jules)  fils,  industriel,  boulevard  de  Strasbourg,  83i 
226.  SiBURin  (H.),  négociant,  rue  Jules^Lecesne^  58. 
15&9»  »Sigax;d7  (P.)  4^,  ingénieur  en  chef  des  Forgea  et  Chantier! 
dQ  la  Méditerranée,  boulevard  de  Strasbourg,  K, 


XXtV  LISTE   G^NiRALB   DES  MBMBRBS 

1986.  SiGAUDY  (Mlles),  rentières,  place  de  T Hôtel -de- Ville,  29. 
1972.  Simon,  doctear-médecin,  boulevard  de  Strasbourg,  148. 
1352.  Six,  négociant,  rue  Trigauville,  39. 
1884.  Smebling  (F.),  négociant,  vice-consul  de   Suède,    qusi  d'Or- 
léans, 59. 
1265.  Société  des  anciens  élèves  do  T École  supérieure  de  Commerce. 

boulevard  François-I»',  58. 
1618.  Société  d'Éducation  populaire,  rue  Dicquemare,  1. 
1920.  Société  de  l'Enseignement  scientifique    par  l'Aspect,  rue  do 

Canon,  26. 
1265.  SocLET  (J.),  ingénieur,  directeur  de  la  C'«  Qï«  françaiw  dei 

Tramways,  rue  Michel- Yvon,  7. 
2085.  SouiLHAC  (Marie- Louise),  section   normale  à  TEcoIe  pratjqoe 

de  Commerce  et  d'Industrie,  rue  du  Lycée,  71 . 
1174.  Souque  (Albert),  avoué,  place  Camot,  6. 
2029.  Speiseb  (J.-J.),  employé  de  commerce,  rue  de  la  Bourse,  5. 
387.  Stempowski,  représentant  de  comnierce,  me  Jules-Lecdsoe,  58. 
229.  Taconet  (Maurice),  courtier  maritime,  membre  de  la  Chifl- 

bre  de  commerce,  Grand-Quai,  67. 
632.  Taconet  (Pierre),  assureur,  quai  d'Orléans,  37. 
1120.  Taconet  (Robert),  assureur,  quai  d'Orléans,  51  bis. 
1815.  Talbot,  professeur^  impasse  Massieu-de-Clerval. 
2090.  Tejedor  (Manuel),  consul  de  Cuba,  rue  Fontenelle,  26. 
2057.  Tessier,  professeur  à  FËcole  professionnelle  de  Montivillii^ 

(Seine-Inférieure). 
2013.  Teurtkrib  (ë.j.  négociant,  rue  St-Boch,  27. 
1777.  TuiBODMEBT  (Andié),  courtier  maritime,  rae  de  Fécanip,29« 
1374.  Thieullbnt  (Henri),  négociant,  juge  suppléant  an  Tribo» 

de  commerce,  rue  Thiers,  125. 
713.  TiiiLLABD  (Henri),  greffier  en  chef  du  Tribunal  cÎ7Îl,boolanri 

François-I»'',  141. 
638.  Thomas  (Charles),  négociant,  rue  Bernardin -de-St- Pierre,  5* 
1699.  TuoHAS  (A.),  électricien,  boulevard  de  Strasbourg,  67. 
1317 .  TuoN  (Valentin),  employé  de  commerce,  maisoa  Napp  et  O^i 

rue  de  Saint- Quentin,  59. 
2081 .  Tisserand,  capitaine  au  129*  Régiment  d' Infanterie,  bonliw 

de  Strasbourg,  30. 
1684.  Toussaint  (M.),  avocat,  rue  Qustave-Caiavan,  SL 
10%.  Toutain   (Laurent),  courtier  d'avorancM,    membitdt  * 

Chambre  de  commerce,  palais  do  la  BoarWi  otoalitr  F» 


BtBMBRBS     ïiTULÂlRÉd  MV 

2044.  Tbanchbt  (Albert),  sous-iagénietir  aux  Chargeurs-Béanis^rae 

Jules- Lecesne,  7ô. 
2IO3.  Pbaoiujin     (Eroesi),   négociant,    boulevard     db  Strasbourg 

6b. 
348.  Tbouvat  (Q.),  commerçant,  rue  Viotor-Uago,  1  49. 
232.  ToBBOT  (A.)  [Q  I),  courtier,  place  Julee-Ferry,  9. 
233.  TuBPiN  (Georges),  négociant,  rue  Franklin,  23. 
2033.  Vallb  (René)^  administrateur  de  la  Filature  etXissage  de  Qra-. 

▼ille,  membre  de  h  Chambre  de  commerce,  rue  Demidoff,  42. 

2045.  Valun  (Henri)  employé  de  commerce,  cours  delà  République, 

24. 
246.    Van  dbb  Vbldb   (P.)    négociant,    palais    de  la   Bourse 
escalier  C. 

1846.   Vanieb  (Ferd.)  négociant,  rue  des  Ormeaux,  10. 

1916.  Vanieb  (Jules),  négociant,  rue  du  Champ-de-Foire,  34. 

1235.  Vabnibb  (Louid),  négociant,  rue  Caligny»  1. 

1825.  Vassia  (E.)  pfi,  vice-consul  d^Italie,  rue  Lemaistre,  6. 

1763.  Vatinbl  (Qiarles),  comptable,  rue  de  Normandie,  134. 

1450.  Vbbqbk,  chef  mécanicien,  place  Gambetta,  18. 

1443.  Vbspbeowbnn  (Hermann)  ifi  >S<  »{«,  négociant,  consul  de  Bel- 
gique, de  rEtit  indépendant  du  Congo  et  de  Libéria,   bou- 
levard de  Strasbourg,  124. 
532.  ViziN  (Joseph)  .capitaine  au  long  cours,  rue  desPetits-Ohamps, 
31,  à  Paris. 

1979.  Vidal  (Edmond),  courtier,  rue  Victor-Hugo,  136. 

1960.   ViBiBA  DA  SiLVA  (Joao)  »{(,  consul  général  des  États-Onis  du 
Brésil,  rue  de  la  Bourse,  30. 

1612.  ViaNÉ,  docteur- médecin,  à  la  Compagnie  Générale  Transatlan* 
tique,  boulevard  de  Strasbourg,  146. 

1925.  VlOLBTTB,  adininistrateur  de   Sociétés,  boulevard  de  Stra8« 
bourg,  124. 

2093.  ViOLLET(Eug.)  docteur  en  droit,  rue  Thiers,  90. 
240.  ViOLLETTE  (M""*),  rentière,  rue  de  la  Ferme,  17. 

1715.  Waloh  (Gilbert),  avocat,  rue  du  Champ-de-Foire,  57. 

1754.  Wannbb  (Emile),  consul  de  la   Confédératiou  Suisse,   rue 
Guiilemard,  84. 

1988.  Wblteb  (Jean),  ingénieur,  rue  St-Boch,  7, 

1886.  WiSPTUALBN  (Maurice),  négociant,  place  Carnot,  10» 
243*  WiMDBSHBiM  (Ë.)|  négojiiut,  rue  des  Brindes,  12. 

WsiO.  WiNNABBT  (Louis),  inspecteur  sédentaire  de9  Doaanesi  ro«  dt 
te  Qb&i  a, 


XXVt  LISTE    GBNénALB    l)ES   MEMBÀES 

615.  WiNNiNc;  (JaincB),  agent  de  la  €••  Cunard,  quai  d'Orléans,  23. 
1313.   WnTORSKi  (Louis),  courtier,  ruo  Flédiior,  1. 
1782.  Ysnel-Franque  (G.),    courti«jr    maritime,    boulevard  Fran- 

VoiB-I•^  106. 
789.  YsNBL  (M.),  négociant,  rue  DoulHrt,  17. 
886.  ZiEGLEE  (A.),  de  la  maison  Dufay,  Gigandet  et  C*',  rue  Julw- 

Lecesne,  50. 
1750.  ZiKQLER  (Arnold),  employé  de  comUiCrce,  rue  des  Pénitenti,3. 


PUPILLES  XXVli 


-AURÉATS  DU  CONCOURS   DE  GÉOGRAPHIE 
Pupilles   de  la    Société 


M.  GoÉROUT  (Marcel),  boulevard  Amiral-Mouchez,  114. 

Brandala  (Lucien),  rue  Beauvallet,  17. 

Vaillant  (Etienne),  rue  Jacquea-Qruchet,  6. 

Lkrat  (fiobert),  rue  Marceau,  2. 

Bigot  (M.),  4  TËcole  communale  de  filles  (Oenlre),  Gravillo- 
Sainte-Honorine. 
'■"  Michel  (Jeanne),  pansage  Henri -Vigor,  k  Sanvic. 

Amiaro  (Hélène),  rue  Duguay-Trouin,  23. 

Relve  (Germaine),  rue  du  Champ-de-foire,  67. 

Pigeon  (Madeleine),  passage  de  la  rue  Verte,  2. 

Dupont  (Renée)^  rue  Piedfort,  6. 

Tranchet  (Hélène),  rue  Jules- Lecesne,  76. 

DuBUC  (Alice),  cours  îSainte-Croix,  ù  Montivillieri. 

DÉHARE  (Suzanne),  rue  £rnest-Rcnan,  56. 


SOCIÉTÉS,  REVUES,    JOURNAUX,  ETC. 
Avec  lesquels  la  Société  fait  l'échange  des  Publications 


FRANCE   ET    COLONIES   FRANÇAISES 

Paris.  —  Société  de  géographie.  Société  de  géographie  coramercial*' 
Société  de  topographie.  Association  philotechniquc.  Société  d'éco- 
nomie politique.  Société  des  études  coloniales  et  maritimes.  Société 
d'encouragement  pour  le  commerce  français d*ezportation.  Alliao<* 
française.  Société  française  de  colonisation.  Cliambre  syndicale  drt 
négociants-commissionnaires  et  du  commerce  extérieur.  Union  colo- 
niale française.  Comité  de  l'Afrique  française.  Comité  de  l'A»!* 
française.  Comité  dé  Madagascar.  Institut  géographique.  Société 
nationale  d'agriculture. Union  française  delà  jeunesse.  Aseotiition 
générale  des  étudiants. Union  amicale  des  anciens  élèves  de  l'&o- 
le  supérieure  de  coirmierce.  Chambre  de  commerce.  Bibliotbèqad 
nationale.  Ministères  de  la  Guerre,  de  la  Marine,  de  rintérieari 
du  Commerce  et  de  l'Indusrie,  du  Travail  et  de  la  Prévoyance 
sociale,  des  Travaux  publics,  des  Affaires  Étrangères,  de  rinstrac" 
tion  publique  et  des  Beaux-Arts,  des  Colonies. —  Revue  mariUtf^^i 
Moniteur  o/ficiel  du  commerce^  Feuille  de  renseignements  de  l'ol* 
fice  Colonial  ^Bulletin  de  renseignements  coloniaux,  Paris^Canad^^ 
Le  Moniteur  des  Colonies  et  des  Pays  de  protectorat,  BuUeiinàê 
l'O/lice  de  renseignements  généraux  et  décolonisation  du  povv^i 
nement  général  de  l'Algérie,  Les  questions  diplomatiques  et  colii' 
niâtes,  L'Action  coloniale*  Revue  forestière  de  France  (Paris), 

Départements.  —  Sociétés  de  Géographie  de  Bordeaux,  Boulogne* 
Bur-Mer,  Bouïg,  Bourges,  Brest,  Dijon,  Douai,  Dunkerque,  UoBj 
Lille,  Lorient,  Lyon,  Marseille,  Montpe]lier,Nancy,  Nantes, FoilienT 
Bochefoit,  Bouen,  Saint>Kaeaire)  Toulouse  et  Tours.  La  FrasM 
colonisatrice  (Rouen).  Société  bafraise  d'Étudea  diverses.  Société 


S0CIBTB8,    RBYUES,   JOURNAUX,   BTC.  XXIX 

Idéologique  de  Normandie  (Havre).  Sociétés  industriellee  d'Amiens, 
£lbeuf,  Rouen  et  Eeîms.  Association  des  anciens  élèves  de 
l'École  supérieure  de  commet  ce  et  de  tissage  de  Lyon.  Cercle 
d*études  des  employés  de  bureau  havrais.  Chambres  de  commerce 
du  Havre,  Bordeaux,  Marseille,  Nantes,  Lyon.  Musée  commercial 
de  Rouen.  Les  Missions  catholiques  (Lyon).  La  Loire  navigable 
(Nantes). 

Colonies  Françaises.  —  Sociétés  de  géographie  d'Alger,  Oran, 
Tunis.  Direction  de  TAgriculture  et  du  Commerce  de  la  Ré- 
gence de  Tunis.  Bulletin  économique  de  i Indo-Chine  (Saigon). 
Société  des  Études  Indo-Chinoises  de  Saigon.  Cliambre  de  com- 
merce de  Saigon.  Journal  officiel  du  Congo  français  (Libre- 
ville'. Journal  officiel  des  Possessions  du  Congo  français  ei 
dqMtndances  du  Moyen- Congo  (Brazzaville).  Journal  o/ficiel  de 
Madagascar  et  dépendances.  Supplément  Commercial  et  Agri- 
cole (Tainatave  et  Côte  Est).  Bulletin  économique  de  Madagascar, 
Journal  officitl  des  Établissements  français  de  l'Océanie(Fnpeeto), 

EUROPP] 

Allemagne.  —  Sociétés  de  gcoprraphie  de  Berlin,  Brème,  Greifs- 
wald,  Hanovre,  Haiiiboiirg,  léiia,  11  alle-siir-Saale, Leipzig,  Munich, 
Dresde,  Ktenigsberg,  CaMHcl,  Luln'ck,  Stuttgard,  Stettin,  Franc- 
fort sur-le-Meiii,  Metz.  Musée  colonial  allemand,  (Berlin). —  Deuts- 
che Kolonial  Zeituny  (Berlin). 

Autriche-Hongrie.  —  Sociétés  de  géographie  de  Vienne,  de  Buda- 
pest, Muséum  d'Histoire  naturelle  (Vienne).  Die  Wdtwirtschaft 
(Vienne). 

Belgique.  —  Sociétés  de  géographie  de  Bruxelles  et  d'Anvers, 
Cercle  des  anciens  étudiants  de  l'Institut  supérieur  de  commer- 
ce d'Anvers.  Chambre  de  commerce  d'Anvers.  Institut  colonial 
international  (Bruxelles).  Fédération  pour  la  défense  des  In- 
térêts belges  k  l'étranger  (Bruxelles).  Le  mouvement  géogra- 
phique (Bruxelles).  Missions  en  Chine  et  au  Congo  (Bruxelles). 

Sspagne.  —  Société  de  géographie  de  Madrid. 


XXX  SOCIETES,    REVUES,    JOURNAUX,    ETC. 

nés  Britanniques.  -  Sociétés  de  géo^aphie  de  Londres,  Liveqwl. 
Manchester,  Newcastle-Pur-Tine.  Edimbourg.  Institut  iinpéri»! 
(Londres). 

Italie.  —  Sociétés  de  géogrupliie  de  Rome,  Milan,  Naples  et  Flo- 
rence. 

Norvège.  —  Société  do  géographie  de  Christiania. 

Pays-Bas.  —  Société  de  géographie  d'Amsterdam. 

Portugal.  —  Société  de  géogra|)liie  d»*  Uslumne,  AsiSfuriationoum- 
merciale  de  l'orto. 

Roumanie.  —  Société  de  géographie  de  Bucarest. 

Russie.  —  Sociétcs  de  géographie  de  Saint- l*étershourg,  A'ilna. 
Orembourg,  Moscou,  Ilelsingfors,  t'iub  alpin  de  Crimée  ((î«io^!«.i. 

Suède  —  Société  de  géographie  de  Stockhohu.  Société  des  touii^- 
tes  suédois  (Stockholm).  Institution  géologique  de  rUnivtreité 
d'Upsala. 

Suisse.  —  Sociétés  de  géographie  de  Berne,  St-Gall,  NeuihâM. 
Genève,  llérisau,  Aarau.  ^\)ciét»''  des  anciens  élèves  de  TEcolt'  sii|«'- 
rieure  de  commerce  de  Genève. 

ASIE 

Caucase    —   &')ciété  de  géogniphie  de  Tiflis. 

Sibérie.  —  Société  de  géographie  dlrkoutsk. 

Inde.  —  Société  de  géogr.iphie  de  Calcutta. 

Indo-Chine.  —  Société  de  géograj)hie  de  Singajjore. 

Japon.  —  Société  de  géogr.iphie  du  Tokio.  Société  allemande  tl'lii** 
toire  naturelle  &  d  anthro])ologie  de  Tokio. 

AFRIQUK 
Egypte.  —  Sœiété  de  géographie  du  Caire. 


1 


SOCIETES,     REVUES,    JOURNAUX,  ETC  XXXI 

AMERIQUE 

Canada.  —  Sociétés  de  géographie  de  Winnîpeg,  Québec  et  Ot*awa. 

cltats-Unis.  —  Sociétés  de  géographie  de  New-York  et  de  San- 
Francisco.  Topeka  (Kansas).  Département  de  l'Agriculture  (Was- 
f  l'in^n).  Smitlisonian  Institution  (Washington)  Piloi  Charl  of  ihe 
I        ^OTlh  atlantic  Océan  ^Washington^ 

I  ^«xique.  —  Socictô  »cientifniuc  a  Antonio-Alzate  »  à  Mexico. 
Chambre  de  conmierce  française  de  Mexico.  Observatoires  astrono- 
miqui^  de  Tacubaya  et  de  Mexico. 

Salvador.  —  Observatoire  astronomique  et  mctoorologique  de  San 
Salvador. 

^osta-Rica.  —  Institut  physico-géographique  national  (San  José). 

Brésil.  —  Soc^iétés  de  géographie  de  Riode-Janeiro  et  de  Bahia. 

Uruguay.  —  Qiainbrc  de  commerce  française  de  Montevideo.  — 
Anales  del  Deparlemenio  de  Ganaderia  y  AgricuUura  de  la  Repu- 
blica  O.dcl  Uruguay  (Montevideo). 

I^érOu  —  Société  de  géographie  de  Lima.  Chambre  de  commerce 
française  de  Lima. 

Chili.  —  Société  scientifique  allemande  de  Santiago. 

^pablique  Argentine.  —  Chambre  de  commerce  française  de 
Bi'^Q;  18- Aires.  Sociétés  de  géographie  de  Buenos- Aires  et  de 
Cordi'ba.  Société  scientifi<iue  argentine  de  Buenos-Aires.  Direction 
générale  de  Statistique  municipale  de  la  ville  de  Buenos-Aires. 
Dépirtement  national  de  statiatipie,  à  Buenos-Aires.  Doletin  de 
AgricuHuray  Ganaderia  (Buenos-Aires). 

OCÉAN lE 

Australie.  —  Sociétés  de  géographie  de  Sydney,   Adélaïde,    Bris- 
Wne,  Melbourne. 

'ava.  -  Société  des  iciences  et  des  arts  de  Batavia.  Société    Indo- 
Xterlandaise  d'agriculture  et  d'industrie  de  Batavia. 


ABONNEMENTS 


Revue  des  Deux  Mondes,  bi-mensuelle. 

Revue  de  Paris,  bi-mensuelle. 

Le  Correspondant,  revue  bi-mensuelle. 

Revue  Politique  et  Littéraire  (Revue  bleue),  hebdomadaire. 

Revue  Française  et  de  l'Etranger,  mensuellQ. 

Le  Tour  du  Monde,  journal  des  Voyages  et  des  Voyageurs, 

hebdomadaire. 
L'Economiste  Français,  journal  hebdomadaire. 
Annales  de  Géographie,  paraissant  tous  les  deux  mois. 
Mitteilungen,  revue  mensuelle. 
La  Nature,  revue  des  sciences  et  de  leurs   applications 

aux  arts  et  à  l'industrie,  journal  hebdomadaire  illustré. 
La  Dépêche  Coloniale  illustrée,  bimensuelle. 
La  Dépèche  Coloniale,  journal  quotidien. 


Imprimerie  G.-D.  QUOIST,  11,  rue  du  ChUou.  —  HAVRE, 


SOCIÉTÉ 


UE 


GEOGRAPHIE  COMMERCIALE 


li'Etnigpation 

et  la 

Colonisation  Italiennes^^' 

(Suite) 


Une  autre  difficulté  est  celle  provenant  de  la  répartition 
des  lots  de  terrain.  Nous  avons  en  France  et  en  Italie  une 
civilisation  très  ancienne  et  malgré  cela  il  y  a  encore  chez 
nous  et  chez  vous  des  questions  de  limites  entre  voisins,  et 
pour  ce  qui  a  trait  au  rapport  de  la  terre,  quand  on  achète 
une  ferme,  on  n*est  pas  toujours  fixé  sur  sa  puissance  de 
production  ;  on  fait  quelquefois  de  mauvaises  spéculations. 
Les  incertitudes  sur  la  qualité  des  terres  sont  infiniment 
plus  grandes  en  Amérique,  parce  que  là  les  terres  sont 
vierges  ou  presque  ;  s'il  s'agit,  par  exemple,  de  distribuer 
20.000  lots  de  terrain  à  20.000  familles  de  colons,  il  est  bien 
difficile, dans  la  forêt  vierge,  de  délimiter  les  lots  de  terre  de 

(h  Voir  le  Bullettn  des  S*  et  4*  trimestres  1906. 

soa^TÉ  DE  GÉOGRAPHIE.  —  1"  trimcstre  1907  13 


i86  l'émigration  et  tA  COLONISATION  ITALIENNES 

manière  qu'ils  soient  égaux  entre  eux,  étant  donnés  la  na- 
ture njontagneuse  du  terrain  et  les  bois  vierges  qui  recou- 
vrentlesoL  11  y  a  toujours  des  différences  considérables 
entre  un  morceau  de  terrain  et  un  autre.  C'est  seulement 
après  la  mise  en  culture  et  par  la  pratique  qu'on  en  recon- 
naît la  différence,  de  sorte  qu'il  est  presque  impossible 
d'établir  une  colonisation  parfaite  par  la  distribution  aux 
colons  des  lots  de  ces  terres  vierges. 

Une  autre  difficulté  technique  c'est  celle  du  cadastre.  En 
Italie,  après  tant  de^sîècles  de  civilisation,  nous  sommes  en 
train  de  faire  un  cadastre  qui  coûtera  beaucoiip  de  millions 
pour  mieux  déterminer  les  limites  des  terrains  et  leurs  qua- 
lités, et  cependant  leur  culture  remonte  aux  temps  les  plus 
anciens.  Dans  rAmérique  du  Sud  tout  manque, -parfoi-^i 
même  une  carte  topographique  ;  pour  établir  un  cadastre, 
il  faut  commencer  par  avoir  une  carte  géographique  très 
exacte  ;  la  position  des  principales  localités  du  pays  doit  y 
être  désignée  avec  une  précision  parfaite  par  des  calculs 
astronomiques  ;  dans  ces  conditions  un  cadastre  est  très 
coûteux  à  faire. 

Tous  les  pays  américains  dont  je  parle  ou  bien  en  man- 
quent ou  bien  en  ont  de  très  imparfaits.  Les  conditions  finan- 
cières de  ces  Etats  ne  leur  permettraient  pas,  d'ailleurs, 
la  dépense  d'un  cadastre  parfait  et  complet.  Les  gouverne- 
ments eux  mêmes  ne  savent  pas  bien  quels  terrains  leur 
appartiennent  et  seraient  très  embarassésd'en  marquer  les 
limites.  Au  Brésil  au  temps  de  la  domination  coloniale  et 
sous  le  règne  des  empereurs,  don  Pedro  1^*",  don  Pedro  II, 
il  suffisait  qu'un  fazendeiro  allât  chez  le  curé(vicario)  et  lui 
dit  :  «  Je  prends  possession  de  la  terre  qui  s'étend  de  tel  à 
tel  point  »,  le  prêtre  devait  prendre  note  dans  ses  registres 
de  celte  déclaration  et  lui  en  délivrait  un  certificat.  Ce  cer- 
tificat, aujourd'hui,  a  une  grande  valeur  juridique 
bien  qu'il  soit  impossible  de  démontrer  mathématiquement 


l'émigration  et  la  colonisation  italiennes      187 

et  géométriquement  quelles  sont  les  limites  de  la  propriété 
inoccupée  à  laquelle  la  déclaration  du   fazendeiro  se  réfé- 
rait ;  en  effet  les  points  indiqués  dans  le  certilicat  ne  figu- 
rant dans  aucune  carte  topographique, ni  de  ces  temps  éloi- 
gnés ni  des  plus  modernes,  il  serait  impossible  à  présent 
de  contrôler  où  se  trouvaient  les  terrains  dont  il  s'agit.  La 
plupart  des  grandes  propriétés  territoriales  n'ont  d'autres 
origines  que  ces  déclarations  des  curés.  Sans  cartes  topo- 
graphiques, géographiques  et  cadastrales,  on  rencontrera 
toujours  de  grandes  complications  pour  placer  des  millions 
d'P^uropéens  dans  l'Aniérique   du  Sud  comme  colons  pro- 
priétaires ;  il  y  aurait  bien  de  la  place  pour  tout  le  monde, 
mais  ainsi  (jue  j'ai  dit,  on  ne  pourrait  jamais  attribuer  aux 
colons  de  grandes  étendues  de  terrains  sans  soulever  des 
difficultés,  car   les  premiers  occupants  des  temps  passés 
réclameraient  les  terres  comme  leur  appartenant.  Pour  être 
absolument  en  dehors  de  toute  contestation,  pour  avoir  l'as- 
surance complète  (|u'il   n'y  aura  pas  de  questions  litigieu- 
ses devant  les  tribunaux,  par  suite  de  la  distribution  des 
terres,  qu'il  n'y  aura  pas  d'orages  politiques  dans  les  parle- 
ments   sud-américains,    lesquels    s'émeuvent    facilement 
quand  on  assigne  de  grandes  étendues  de  terrains  à  la  colo- 
nisation étrangère,  il  faut  aller  tout  à  fait  dans  l'intérieur, 
loin  par  conséquent  des  centres  des  populations.  Mais  dans 
l'intérieur  il  n'y  a  pas  de  voies  de  communication,  ni  de 
débouchés  pour  les  produits  ;   en  outre,  dans  ces   régions 
presque  inconnues,  l'empire  do  la  loi  peut  dilTicilement  pré- 
valoir. Du  reste  une  bonne  p<irtie  de  l'intérieur  est  occupée 
par  une  population  indigène  plus  ou  moins  sauvage  :  or  le 
voisinage  de  ces  aborigènes  est  dangereux  pour  les  colons. 
Il  faudrait  établir  des  chemins  de  fer  ;  mais,  comment  y 
parvenir  dans  des    pays  complètement  déserts.   11  faut  du 
charbon,  des  rails,  des  wagons  et,  pour  toutes  ces  choses, 
il  faut  de  l'argent. 


188       l'émigration  et  l-\  colonisation  italiennes 

Dans  l'intérieur,  il  y  a  rarement  des  chaussées,  des  gran- 
des routes,  seulement  des  sentiers  à  mulets  sur  lesquelson 
transporte  lt?s  marchandises.  Une  colonisation  ne  peut  bien 
se  faire  que  tout  près  d'un  chemin  de  fer  pour  expédier  les 
produits,  des  marchés  pour  les  vendre  et  tout  près  des  villes 
pour  pouvoir  proliter  des  ])ienfaits  de  la  civilisation  néces- 
saires au  colon  européen. 

Le  général  Hoca,  qui  présidait  aux  destinées  de  la  Répu- 
blicfue  Argentine,  avait  compris  que  la  colonisation  ne  pou- 
vait se  faire  qu'à  proximité  des  agglomérations,  des  villes, 
aussi  avait- il  proposé  que  la  colonisation  se  fit  dans  un 
pourtour  de  500  kilomètres  de  la  ville  de  Buenos-Aires  il 
jugeait  que  les  autres  parties  du  pays  étaient  trop  éloifc'nées 
et  que  la  colonisation  n'aurait  eu,  par  consécjuent,  aucune 
chance  de  réussite;  mais  ce  j)rojet  a  rencontré  toutes  les 
difficultés  dont  je  viens  de  vous  entretenir,  car  ces  terrains, 
dans  un  périmètre  de  500  kilomètres  de  Eiuenos-Aires,  sont 
plus  ou  njoins  accaparés  par  les  Argentins  ou  autres, possé- 
dant de  ces  anciens  titres  de  proi)riélé.  I.'ne  autre  drflicullé 
pour  la  colonisation  des  points  éloignés  de  la  côte  est  celle 
de  rai)provisionnement.  yuand  vous  mettez  des  émigranls 
dans  une  colonie,  s'ils  sont  perdus  dans  l'intérieur  des  ter- 
res, au  milieu  de  la  forêt  vierge,  loin  des  marchés,  ils  se 
trouviMit  aux  prises  avec  un  commerçant  qui, en  sa  quali'.éJe 
marchand  de  toutes  sortes  de  denrées  et  de  capitalisl»*.  est 
en  niême  temps  fournisseur  du  colon  et  acheteur  de  la  den- 
rée que  celui-ci  produit.  Alors  il  arrive  que  tout  ce  que  pro- 
duit le  pauvre  cc>lon  est  vendu  presque  pour  rien  à  ce  coiniiicr- 
(:ant,  et  tout  ce  dont  le  colon  a  besoin, il  le  paie  trois  ou  quatrt 
fois  plus  cher  (jue  cela  ne  vaut.  Aux  réclamaleurs  le  com- 
merrjnit  répond  toujours  iiuc*  pour  faire  venir  la  marclian- 
tlise  il  lui  faut  payer  de  grands  frais  de  transport.  Il  fait  valoir 
le  niènn;  argument  pour  le  café  (lu'il  achète  au  colon  :  «  lUa^t  \ 
l'envoyer  à  la  côte,  dit  il.  à  dos  de  mulet,  par  des  routcsdé-   ; 


l'émigration  et  la  colonisation  italiennes       189 

sastreuseset  il  fautquej'entretienne  un  nombre  considérable 
de  mulets  qui  doiventtransporter  toutes  les  marchandises.» 
Ces  pays  nouveaux  ont  un  besoin  énorme  de  capitaux  ; 
c'est  une  espèce  de  soif  d'argent.  Dans  ces  pays  aux  terres 
incultes,  avec  cet  engrais  admirable  qu'est  le  capital  on 
pourrait  avoir  d'extraordinaires  résultats;  mais  les  capitaux 
manquent  et  quand  les  Sud-Américains  sont  obligés  d'em 
prunter  à  l'Europe  celle-ci  demande  des  intérêts  usuraires 
en  raison  du  risque. Dans  l'intérieur  la  moyenne  de  l'intérêt 
est  de  12  ^/o  capitalisable  tous  les  trois  mois.  A  Buenos-Aires 
et  à  Rio-de-Janeiro  on  peut  aller  dans  la  bonne  société  et 
avouer  sans  honte  qu'on  prête  son  argent  à  12  %»  l'intérêt 
de  12  Vo  est  en  effet  normal.  Pendant  la  première  année 
d'installation  dans  les  lots  des  terrains  vierges  le  rende- 
ment, évidemment,  est  nul  ;  il  faut  absolument  aider  les 
colons  pendant  deux  ou  trois  ans.  Il  y  a  bien  les  commer- 
çants qui  font  des  avances.  Imaginez  un  colon  avec  une 
famille  nombreuse  qui  doit  vivre  à  crédit  pendant  deux  ou 
trois  ans,payant  la  marchandise  deux  ou  trois  foisplusque 
sa  valeur  et  des  intérêts  de  12  Vo  ;  il  finit  par  s'endetter  de 
façon  telle  que  j^en  ai  connus  qui,  après  trenie  ans,  étaient 
incapables  de  payer  leurs  créanciers  à  cause  des  dettes  con- 
tractées pendant  les  premières  années.  Et  encore  faut-il 
payer  la  terre  au  gouvernement.  Il  n'y  a  que  dans  les  gran- 
des villes  où,  grâce  à  la  concurrence  et  aux  communica- 
tions faciles,  le  prolétaire  peut  vivre  avec  plus  d'aisance;  la 
concurrence  manque  dans  les  régions  intérieures  du  Brésil; 
les  colons  sont  tellement  épars  dans  l'intérieur  de  ces  vas* 
tes  étendues  qu'il  est  impossible  qu'ils  aient  à  leur  portée 
deux  ou  troiscommerçants;  ils  n'enont généralement  qu'un 
qui  achète  tous  les  produits  du  colon  et  lui  vend  tout  ce  dont 
celui-ci  a  besoin.  A  la  fin  de  Tannée  en  mettant  d'un  côté 
Tactif  et  de  l'autre  le  passif,  il  arrive  presque  toujours  que 
le  pauvre  colon  se  présentant  pour  demander  son  compte^ 


190         l'ÉMIGUATION   et    la   COLOXISVnON    ITALIENNES 

le  commerçant  lui  dit  :  ((  Mais  vous  êtes  débiteur  de  troisou 
quatre  cent  fuilrcis.  »  La  plupart  du  temps,  par  suite  de  ce 
défaut  dYMjuilibre  économique,  le  colon  se  trouve  réduite 
une  espèce  d'esclava*^e.  C'est  une  des  saites  inévitables  du 
système  économique  de  ces  régions,  produit  par  le  manque 
de  voies  de  communication.  Je  n'accuse  personne;  c'est,  je 
le  répète,  la  conséquence  même  du  système. 

Malheureusement  ces  inconvénients  ne  peuvent  pas  être 
diminués  par  l'action  ])ienfaisante  des  municipalités  en 
raison  de  la  façon  dont  elles  sont  organisées  actuellemenL 
Les  municipalités  ne  peuvent  être  autrement  à  cause  du 
peu  de  densité  de  l-i  population.  Une  seule  de  ces  muni- 
cipalités que  j'ai  visitées  a,  par  exemple,  la  même  étendue 
que  trois  ou  quatre  départements  français  et  il  y  en  a 
dans  l'intérieur  qui  s'étendent  sur  une  surface  égale  à 
huit  ou  dix  départements.  Il  n'y  a  pas,  dans  ces  colonies, 
diiïérentes  classes  sociales  comme  chez  nous  en  Europe  où 
les  campagnes  ne  sont  pas  dépourvues  de  richesses,  où  il  y 
a  des  rentiers,  des  petits  propriétaires  et  des  salariés,  où  il 
y  a,  enfin,  toutes  sortes  de  marchands,  débitants  et  bouti- 
quiers.Là  vous  ne  trouverez  que  des  colons  et  des  commer- 
çants, exploités  et  exploiteurs,  ces  derniers  étant  presque 
toujours  les  chefs  des  municipalités. Celles-ci  n'ont  presque 
pas  de  revenus.  Je  pourrais  citer  des  municipalités  aussi 
étendues  que  la  Normandie  et  dont  le  revenu  suffit  à  peine 
pour  payer  un  employé.  Tout  ce  que  le  colon  peut  obtenir 
d'elles  après  de  grands  efforts  c'est,par  exemple,  qu'on  mette 
ensemble  quelques  madriers  pour  former  un  pont  et  pouvoir 
ainsi  traverser  les  ruisseaux  qui  abondent  dans  le  pays. 
Dans  ces  conditions,  il  est  impossible  de  maintenir  des  mé- 
decins aux  frais  de  la  commune  et  le  colon  meurt  sans  les 
secours  de  la  science. Comme  seule  ressource  il  y  a  les  noirs 
qui  ont  appoité  de  l'Afrique  la  science  des  herbes  médicina- 
les ;  j'ai  connu  des  noirs  soignant  des  colons  et  des  colons 
qui  faisaient  fonction  de  dentistes  et  de  chirurgi6a<). 


LKMIGRATION    ET   LA    COLONISATION    ITALIENNES      191 

Pour  les  prêtres,  c'est  la  môme  chose.  Dans  l'intérieur 
du  Brésil,  les  colons  ont  conservé  le  sentiment  religieux 
très  vif  qu'ils  ont  apporté  do  l'Europe. J'ai  assisté  àdes  spec- 
tacles émouvants^;  j'ai  vu  des  cortèges,  des  processions  qui 
n'en  finissaient  plus,  avec  un  crucifix  en  tète, et  c'était  pour 
obtenir  de  Dieu  la  cessation  de  la  pluie  ou  de  la  sécheresse, 
surtout  de  la  sécheresse  qui  est  un  des  grands  fléaux  tropi- 
caux. Dans  le  Spirito-Santo,  j'ai  vu  beaucoup  de  petites 
églises  édifiées  par  les  colons  mais  la  plupart  n'ont  pas  de 
pasteur.  Kn  Europe,  les  prêtres  pour  vivre  ont  presque  tou- 
jours des  fondations  -nombreuses  et  riches  ;  mais  dans  ces 
colonies  de  nouvelle  création,  il  n'y  en  a  pas.  Les  colons, 
avec  leur  grand  esprit  d'économie  et  d'abnégation,  ont  pu 
construire  des  églises,  mais  ils  n'ont  pas  les  moyens  de 
payer  les  prêtres  régulièrement;  d'autre  part  ceux-ci  font  ce 
qu'ils  peuvent,  mais  ils  ont  des  paroisses  si  immenses  qu'ils 
ne  peuvent  toujours  exercer  leur  ministère  sacré  quand 
cela  est  nécessaire. 

Pour  les  écoles  et  les  instituteurs  c'est  la  môme  chose. 
Les  municipalités  ne  peuvent  entretenir  ni  maintenir  des 
écoles  ;  quelquefois  les  colons  s'arrangent  entre  eux  pour 
payer  un  instituteur,  ou  bien  le  colon  qui  sait  lire  et  écrire 
s'improvise  instituteur,raais  cela  ne  suffit  pas.  Dans  ces  der- 
nières années, le  gouvernement  local, à  cause  de  la  crise  du 
café,  a  été  obligé  de  supprimer  un  grand  nombre  d*écoleâ 
dans  Tiatérieur  par  raison  d'économie. 

Nous  parlerons  à  présent  des  fonctions  des  gouvernements 
locaux.  Le  Brésil,  à  Tinstar  des  Etals  Unis  du  Nord,  est  une 
confédération  composée  de  20  Etats  Brésiliens  presque  cora* 
plètement indépendants  quanta  Tadministration  intérieure; 
le  gouvernement  fédéral  de  Rio  ne  s^occupe  que  de  la  guer- 
re,de  la  marine  et  des  relations  extérieures. Il  y  a  cependant 
dans  chaque  Etat,  un  magistrat  qui  s'occupe  de  la  répres- 
sion des  délita  qui  sont  du  ressort  des  tribunaux  fédéraux  j 


l92     l'émigration  et  la.  colonisation  italiennes 

mais,  pour  le  reste,  c'est  une  autonomie  presque  complète 
avec  un  parlement  indépendant. Chaque  Etat,  à  Texceptioa 
des  plus  petits,  a  un  Sénat  et  une  Chambre  de  députés.  Les 
revenus  de  diflérents   Etats  composant  la  République  da 
Brésil  n'ont  rien  à  voir  avec  ceux  du  gouvernement  fédéral 
provenant  en  grande  partie  des  droits  sur  rimportation  dei 
marchandises  de  l'étranger.  Ces  marchandises  sont  taxées 
à  l'entrée  par  le  gouvernement  fédéral  tandis  que  les  droits 
d'exportation  appartiennent  aux   finances    des   différents 
Etats.  Dans  l'Etat  de  Spirito-Santo,  à  cause  de  la  crise da 
café,  on  a  vu  d'une  année  à  l'autre  les  revenus  de  cetKlat 
baisser  de  5.000  à  3.000  contos,  presque  delà  moitié.  Ont  ■ 
dû  faire  des  économies  dans  toutes  les  branches  de  l'admi- 
nistration, dans  la  police,  dans  la  magistrature  et  on  a  sap- , 
primé  des  écoles,  ainsi  que  nous  venons  de  le  dire.  Ce  n'est 
pas  comme  en  France,  en  Italie  et  en  général  partout  en 
Europe  où  les  gouvernements  peuvent  compter  chaque  an- 
née sur  une  quantité  do  recettes  de  douanes,  d'impôts  fon- 
ciers, de  contributions  directes,  de  taxes  personnelles,  etc. 
qui  ne  varient  pas  trop  ;  ils  peuvent  ainsi  équilibrer  sans 
trop  de  difficultés  leur  budget  en  cas  de  déficit  dans  uoô 
branche  de  la  gestion  financière.  Mais,  au  Brésil,la  financfl  ; 
des  différents  Etats  repose  sur  le  seuldr  oit  d'exportation  et 
sur  un  seul  article   presque  exclusivement.   Dans  le  Para 
c'est  sur  le  caoutchouc  à  San-Paolo,  à  Rio-de-Janeiro,  à 
Spirito-Santo  c'est  sur  le  café  seulement.  Au  Brésil,  d'une 
année  à  l'autre,  il  peut  y  avoir  une  baisse  considérable  sur 
la  production  ou  sur  les  prix  et  alors  les  revenus  publicSi 
c'est-à-dire  les  sommes  perçues  à  l'exportation,  se  trouvent  i 
diminuées  tout  à  coup.   Il  n'y  a  presque  pas  de  remède^ 
cet  état  de  choses  et  ceux  qui  sont  sur  les  lieux  le  recon- 
naissent. La  diminution  du  prix  du  café  et  par  conséquent 
du  rendement  de  la  taxe  d'exportation  qui  a  été  un  désas' 
tre  pour  les  finances  de  l'Espirito-Santo  ne  Ta  pas  moins 


l'émigration  f.t  la  colonisation  italiknnes       193 

été  pour  les  colons  qui,  par  exemple,  vendaient,  il  y  a  dix 

ans,  15  kilos  de  café  pour  18  ou  20  francs  et  qui  à  présent 

n'en  obtiennent  le  plus  souvent  que  4  ou  5  francs  et  moins 

encore  dans  les  points  très  éloignés.  C'est  celte  baisse  du 

café  qui  a  produit  la  misère  des  colons  en  les  mettant  dans 

Vimpossibilité  de  payer  leurs  dettes   J'écrivais  de  Victoria 

à  ce  propos  :  a  Les  colons  italiens  qui  cultivent  le  café  dans 

«  l'intérieur  le  vendent  aux  commerçants  du  lieu  à  raison 

«  do  3-000  rets  par  arroba,  c'est-à-dire  H  fr. 50  les  15  kilos; 

«  en  certaines  localités   éloignées   même  à  2,000  re/.s  par 

«  15  kilos  ;   un  colon  italien  de  Sao  Matteo  m'affirmait  qu'il 

«  vendait  un  sac  de  café  non  décortiqué  aux  commerçants 

«  de  la  localité  pour  1.500  m.s-,  c'est-à-dire  pour  moins  de 

«  2  francs  ;  à  Victoria,  la  capitale  de  Tlilspirito-Santo  Var- 

«  roba  (15  kilos)  de  café  coûte  en  moyenne  de  4.200  à  4.500 

H  rew,  de  5  francs  à  5  fr.  50  ;  le  sac  de  café  de  60   kilos. 

fl  coûte  à  Victoria  20.000  veis  (25  francs). On  a  peine  à  com- 

«  prendre  que  le  sac  de  café  puisse  valoir  en  Italie  do  250 

lï  à  300  francs  et  le  kilo  de  café  de  3  à  4  francs, d'autant  plus 

«  que  le  transport  du  Brésil  en  Italie  d'un  sac  de  café  ne 

«  coûte,  je  crois,  que  2  fr.  50.  Le  droit  d'entrée  en   Italie 

«  pour  le  café,  quoique  élevé,  n'expli(iue  cependant  pas  une 

«  pareille  différence  de  prix.  Knlre  les  colons    italiens  qui 

«  cultivent  le  café  au  Brésil  et  l'ouvrier  italien  qui  l'achète 

«  dans  la  péninsule  il  est  évident  qu'il  y  a  une  suite  trop 

«  nombreuse  d'intermédiaires  aux(juelson  paie  redevance, 

«  ce  qui  fait  que  les  colons  italiens  cultivateurs  de  café  vi- 

«  vent  dans  la  misère  tandis  que  la  jouissance  du  consom- 

«  mateur  pauvre  en  Italie  en  est  diminuée.  » 

Le  même  phénomène  inexplicable  d'augmentation  colos- 
sale des  prix  se  produit  pour  les  marchandises  italiennes 
qui  sont  vendues  aux  colons  italiens  dans  l'intérieur  de  cet 
Etat.  Je  ne  puis  ici  reproduire  les  listes  de  prix  des  mar- 
chandises de  première  nécessité  qui  se  rendent  aux  colons 


lui         L  ÉMKÎRATION    ET    LA    COLONISATION    ITALIENNES 

dans  l'inlérieur,  je  prends  comme  exemple  un  seul  article, 
le  vin  commun.  Trois  (juarts  de  litre  de  vin  qui  cliez  nous 
coûteraient  20  uu  iW  centimes,  sont  vendus  là-bas  2.QÙ)  reis 
(2  fr.  r>0).J  yai  bien  réiléclii  sans  puuvoirme  rendre  compte 
de  cette  ditïérence.  Le  café  (|ue  les  colons  produisent  et 
qui  est  le  seul  produit  qu'ils  puissent  vendre  n'est  pas  rému- 
nérateur et  les  objets,  les  marchandises  de  première  néces- 
sité qu'ils  achètent  sont  extrêmement  chers.  Dans  ces  condi- 
tions on  conjprend  facilement  quelles  sont  présentemeutel 
quelles  seront  à  l'avenir  leurs  conditions  économiques. 

Vous  voyez  combien  sont  grandes  les  diiïicultés  de  la  co- 
lonisation, même  pour  obtenir  de  si  faibles  résultats  qui  ne 
sont  satisfaisants  pour  personne.  Ces  gouvernements  ont 
dû  dépenser  un  argent  fou  pour  ces  colonies,  car  la  colo- 
nisation, pour  la  faire  sérieusement,  coûte  beaucoup.  Les 
gouvernements  de  l'Amérique  du  Sud  n'ont  et  peut-èlie 
n'auront  jamais  les  excédents  de  budget  nécessaires  pour 
faire  de  la  colonisation  sur  une  vaste  échelle.Si  j'en  avais  le 
temps  je  pourrais  vous  parler  des  nombreux  essais  de  coloni- 
sation faits  dans  l'intérieur  des  dilTérentes  républiques  Sud- 
Américaines  et  qui  ont  échoué  complètement;  j'affirme 
que  la  plupart  de  ces  tentatives  de  colonisation  n'abou- 
tissent pas  à  cause  de  riusuiïisance  des  moyens  qu'on  peut 
employer. 

Quand  il  s'agit  d'Européens,  est-il  possible  de  les  trans- 
porter tout-à  coup  dans  les  forêts  vierges  et  de  leur  dire 
tout  simplement:  tirez-vous  d'affaire?  est-il  possible,  jemô 
le  demande, de  dire  cela  à  des  paysans  de  France  et  d'ItaliOi 
de  les  mettre  en  présence  de  la  forêt  vierge  et  de  leur  dire: 
d'ici  à  une  année  vous  vivrez  par  vos  propres  moyens  !  H 
faut  commencer  par  déboiser,  il  faut  une  orientation  du 
nouveau  pays  qui  demande  beaucoup  de  temps, même  pour 
des  gens  qui  ont  étudié.  Comment  des  paysans  pourraient- 
ils,dans  un  laps  de  temps  si  court,  surmootei' les  premières 


l'émigration  et  la  colonisation  italiennes      195 

et  plus  graves  diflicultés  de  la  colonisation?  On  prétend  que 
dès  Itf  première  récolte,ils  vivent  de  la  terre  qu'on  leurdonne. 
Mais,  pour  déboiser  simplement  le  pays,  c'est  'une   opéra- 
tion si  difficile  et  si  dangereuse  que  la  plupart  du  temps  ils 
doivent  avoir  recours^aux  indigènes?  Gomment  pourraient- 
ils,  en  une  année,  se  créer  leur  petite  maison  et  obtenir  de 
la  terre  (qu'on  ne  leur  donae  pas  môme  gratuitement),  les 
moyens  d'en  tirer  leur  subsistance  ?  Il  faut  non  seulement 
leur  faire  cadeau  delà  terre,  mais  les  maintenir  aux  frais 
du  gouvernement  tout   au  moins  cinq  années,  ouvrir  des 
voies  de  communication  et  pourvoir  à  ce  que  les  transports 
soient  très  bon  marché.   Il  faut  avoir  soin  qu'ils  ne  soient 
pasdépouillés  par  la  rapacité  des  commerçants  delà  localité 
ni  réduits  à  la  misère  par  l'usure  écrasante,  faire  en  sorte 
qu'ils  ne  ressentent  pas  cette  impression  effrayante  de  la 
solitude, de  l'inconnu, qui  s'empare  des  familles  isolées  dans 
la  forêt  vierge.  Pour  fonder  une  colonie  durable  il  faudrait  y 
mettre  au  moins  10.000  personnes  de  la  même  nationalité 
et  de  la  môme  région  pour  écarter  les  dangers  d'une  fuite 
immédiate  ;  le  secret  de  la  réussite  relative  de  ces  colonies 
dont  je  vous  parle,  c'est  qu'elles  se  composent  toutes  de 
paysans  de  la  région  Vénitienne.  Les  Italiens  et  les  Alle- 
mands ont  été  presque  le  seul  élément  colonisateur  de  l'Amé- 
rique du  Sud  et  s'ils  ne  se  sont  pas  évadés  dès  la  première 
année, c'est  qu'ils  se  sont'trouvés  comme  en  famille;  comme 
les  colons  ne  peuvent  pourvoir  dans  les  premières  années 
de  leur  établissement  à  aucun  des  services  publics,  c'est 
l'Etat  qui  doit  non  seulement  créer   et  entretenir  les  gran- 
des routes  mais  aussi  élever  les  églises,  instituer  le  service 
médipal  ;  enfin  il  serait  nécessaire,  pour  la  période  de  fon- 
dation tout  au  moins,  qu'il  y  eût  des  commerçants  presque 
fonctionnaires  de  l'Etat, si  je  puis  m'expriraer  ainsi, vendant 
les  marchandises  à  des  prix  honnêtes  à  ces  pauvres  colons, 
]1  faudr&it  augmenter  le  nombre  des  autorités  et  des  gar- 


lî.)6        l'émigration  ep  la  colonisation  italiennes 


1 


diens  de  la  silreté  publique  non  en  raison  de  la  densiléde 
la  popululi«^n  mais  en  raison  de  la  nécessité  d'une  tutelle 
énergique  dont  le  l)Osr>in  se  fait  sentir  dans  ces  sociétés 
naissantes  pour  empêcher  les  abus  des  plus  forts  ;  faire 
des  lois  sur  les  terres  pour  éviter  les  empiétements  et  la 
spoliation  des  propriétés  acquises  par  le  travail  ;  il  serait 
surtout  de  toute  nécessite  d'exécuter, dès  le  commencement, 
cette  grande  opération  du  cadastre  général  pour  distinguer 
les  terres  libres  appartenant  à  l'Etat  de  celles  qui  sont  aux 
particuliers  et  en  mên'ie  temps  délimiter  les  propriétés  des 
particuliers  entre  elles. 

Si  on  réunit  toutes  ces  conditions,  la  colonisation  [>eulse 
faire  ;  elle  peut  durer,  résister  comme  ont  résisté  les  colo- 
nies dont  je  vous  parlais  tout  à  riieuro;  mais,  pour  obtenir 
ces  résultats,  il  faut  dépenser  non  seulement  des  millions 
mais  des  milliards,  d  autant  plus  que  toute  la  côte  du  Brésil, 
par  exemple,  n'est  pas  très  saine  et  qu'il  serait  par  consé- 
quent nécessaire  de  coloniser  à  l'intérieur  où  il  y  a  des  hauts 
plateaux,  jouissant  d'un  climat  plus  favorable.  Pour  que  les 
marchandises  fussent  à  bon  marché  sur  ces  hauts  plateaux, 
des  chemins  de  fer  seraient  indispensables,  mais  à  cause 
du  manque  de  population  et  de  produits  ils  ne  pourraient 
donner  pendant  longtemps  aucun  intérêt  aux  actionnaires. 
Pour  ces  raisons  je  pense  (pie  l'idée  (que  des  utopistes  ca- 
ressent) de  faire  de  la  colonisation  une  spéculation  com- 
merciale est  une  grande  erreur;  la  colonisation  nepeutétre 
(ju'une  (ïi'uvre  olïicielle  de  l'Ktat  ;  il  ne  suflit  pas  qu'elle  ail 
lieu  en  terrains  fertiles, sains, pas  trop  monlagneuxel riches 
en  eau,  mais  il  est  indispensable  que  les  gouvernements 
(jui  veulent  l'entreprendre  soient  assez  riches  pour  pouvoir 
dire  :  «  nous  dépensons  lar(jenient  à  présent  pour  obtenir  iti 
résultats  qui  se  feront  peut  et  re  attendre  plusieurs  années  iU 
ne  vois  nulle  part  d'où  pourrait  venir  tout  cet  argent  néces- 
saire à  la  colonisation.  Ni  les  Etats  Sud-Âméricains  ni  \^ 


l'émigration  et  la  colonisation  italiennes      197 

Etats  européens  ne  pourraient  grever  leur  budget  des  dé- 
penses relatives.  En  Europe  les  pays  les  plus  riches  en  sont 
Hux  expédients  financiers  ;  les  dépenses  militaires  des  gran 
des  puissances  de  noire  continent  absorbent, chaque  année, 
cinq  milliards  ;  ces  puisî-ances  ne  pourraient  donc  pas  aider 
les  gouvernements  Sud-Américains  dans  leur  œuvre  de 
colonisation.  D'autre  part  les  notions  de  l'Amérique  du  Sud 
non  plus  ne  disposent  pas  de  capitaux  pour  coloniser  en 
grand,  les  trois  quarts  des  capitaux  employés  dans  ces  con- 
trées sont  ou  français,  ou  allemands,  ou  anglais. Le  budget 
des  Etats  de  l'Amérique  du  Sud  n'est  constitué, ainsi  que  j'ai 
expliqué  ailleurs, que  de  deux  éléments  :  les  droits  d'impor- 
tation et  ceux  d'exportation  qui  sont  tous  les  deux  variables 
suivant  la  production  et  la  consommation,  et  ne  sont  ja- 
mais les  mômes  trois  i.nnées  de  suite. Si  la  récolte  est  mau- 
vaise,  le  luxé  diminue  et  il  y  a  par  conséquent  diminution 
dans  le  total  des  taxes  d'importation  et  d'exportation.  Pre- 
nons par  exemple  l'Etat  d'Espirito-Santo  !  Ainsi  cjue  j'ai  eu 
l'honneur  de  vous  le  dire  il  a  passé  par  une  crise  telle  que  le 
budget  de  l'Etat  est  tombé  en  [)eu  d'années  de  5.000  à  3-000 
contas.  La  grande  quantité  de  café  produit  par  suite  de  l'in- 
troduction de  centaines,  de  milliers  de  colons  italiens  et  la 
hausse  des  prix  n'ont  pas  duré  longtemps.Aprôs  une  période 
de  prospérité  éphémère  pour  les  Etats  brésiliens,  produc- 
teurs de  café, il  ne  restait  que  la  production  énorme  de  café 
et  sa  mévente  à  des  prix  misôrables. 

Un  changement  dans  les  prix  du  café  ne  peut  dériver 
que  d'une  forte  réduction  dans  la  production  et  ce  résultat 
peut  s'obtenir  seulement  quand  les  prix  du  café  seront  des- 
cendus si  bas  que  les  cultivateurs  ne  pourront  plus  le  tra- 
vailler avec  profit  ;  il  paraît  que  ce  prix  oxlièmement  bas 
n'a  pas  été  encore  atteint  ;  c'est  la  raison  pourquoi,  malgré 
la  baisse,  les  récoltes  ont  augmenté,  tandis  que  la  spécula- 
tion, en  s'efforçant  de  maintenir  les  prix,  encourage  les 


198      l'émigration  et  la  colonisation  italiennes 

fazendeiros  à  pousser  leur  culture  et  agit,  par  conséquent, 
contre  leurs  propres  intérêts. La  spéculation  qui  se  propose 
de  faire  monter  artificiellement  les  prix  n\jugmente  jamais 
la  consommation  d'un  seul  sac  de  café  mais  elle  stimule 
malheureusement  la  production. 

Pouréviter  les  inconvénients  de  la  surproduction,  dilTê 
rents  moyens  ont  été  proposés, tels  ijue  l'abandon  ou  ladf^s 
truction  d'une  partie  des  plantations,  l'interdiction  denou- 
velles  plantations, la  transformation  du  café  en  engrais, l'or- 
ganisation d'un  syndicat  national  ou  étranger  pour  régler 
les  prix, un  monopole  d'Etat  et  enfin  le  système  de  se  croiser 
les  bras  et  de  laisser  la  production  s'amoindrir  par  l'effet  de 
la  ruine  de  l'agriculture.  Peut  être  la  force  môme  des  choses 
amènera-t  elle  une  solution  ;  seuls,  les  grands  producteurs 
résisteront,  mais  ce  sera  l'effondrement  de  tout  un  granti 
patrimoine  de  travail  et  de  richesse. 

Que  la  prospérité  des  Etats  producteurs  de  café  n'ait  été 
qu'éphémère  et  transitoire,  cela  résulte  de  nombreux  témoi- 
gnages officiels. 

Le  directeur  des  douanes  d'Espirito-Santo  écrivait  au 
gouvernement  fédéral  de  Rio  de-Janeiro  :  a  Les  recettes 
«  douanières  de  la  période  189i  à  18î)7  finirent  par  persuader 
((  qu'une  nouvelle  ère  de  prospérité  était  commencée  pour 
«  cet  Etat  et  cette  prévision  optimiste  était  confirmée  parles 
('  remarquables  transactions  commerciales  et  par  l'anima- 
((  tion  que  l'on  remarquait  dans  toutes  les  classes  sociales; 
«  attirées  par  cette  apparente  prospérité  quelques  maisons 
((  d'importation  vinrent  s'établir  ici,  provoquant,  comme 
a  conséquence,  une  augmentation  considérable  des  recettes 
«  douanières  ainsi  qu'il  appert  du  tableau  comparatif  sui 
«  vaut  : 

1892 Rois    219.724.547 

1893   »        594,558.980 

189i »     1.504.836.659 


"> 


l'émigration  et  la  colonisation  italiennls      199 

1895 Reis  1 .233.750.416 

1896 ))  1.536.886.385 

1897 »  1 .025.784.892 

1898 »  542.007.?>59 

1899 »  289.368.208 

1900 »  328  079.553 

1901 »  312.345.971  . 

1ÎX)2.... ))  317.384.067 

((  Malheureusement  cette  augmentation  a  été  tout-à-fait 
((  éphémère  et  transitoire  et  a  eu  pour  cause  principale  la 
(<  cote  élevée  du  café  qui  est  le  produit  de  culture  et  d'expor- 
«  tation  presque  unique  dans  cet  Etat  et  dont  la  valeur  en 
K  cette  période  a  atteint  avec  de  petites  variations  les  prix 
«  de  22  à  23  milreis  par  15  kilos  tandis  qu'à  présent  elle  ne 
«  dépasse  pas  4.300  à  4.800  reis.Kn  vertu  de  cette  réduction 
((  de  prix  le  mouvement  monétaire  cessa  et  la  crise  du  café 
('eut  pour  conséquence  l'atrophie  du  commerce  et  de  ses 
«  transactions  et  enfin  la  disparition  de  beaucoup  de  mai- 
«  sons  d'importation. Voici  les  raisons  de  l'augmentation  et 
«  de  -la  diminution  des  importations  et  par  suite  aussi  des 
«  recettes  douanières.  » 

Comme  la  plupart  des  colons  italiens  au  Brésil  dans  les 
Ktats  de  San-Paolo,  Rio-de-Janeiro,  Minas-Geraes  et 
Kspirito-Santo  s'adonnent  exclusivement  à  la  culture  du 
café  parce  que  le  terrain  ne  se  prête  bien  qu'à  celte  culture, 
ils  ne  peuvent  espérer  une  amélioration  de  leur  condition 
que  d'une  hausse  du  café  ou  d'une  diminution  de  la  pro- 
duction. Mais  l'une  est  aussi  dillicile  que  l'autre.  Quand 
j'étais  au  Brésil  j'ai  pu  concevoir  un  instant  la  pensée  (ju'il 
serait  possible  d'améliorer  leur  situation  en  supprimant 
une  partie  au  moins  des  intermédiaires  qui  gagnent  sur  le 
commerce  du  café  ;  j'avais  sous  les  yeux  les  colons  italiens 
de  TEspirito-Santo  qui,  ainsi  que  je  l'ai  déjà  démontré, 
vendaient  dans  Tintérieur,   aux  commerçants,  à  25  ou   35 


200        l'émighationet  la  colonisation  italiennes 

centimes  le  kilo  de  café,  ce  même  café  que  je  retrouvais  en 
Italie  vendu  de  2  fr.  TjO  à  i  fr.  le  kilo. 

Il  est  vrai  qu'il  y  a  les  frais,  droits  d'exportation  au 
Brésil  et  d'iniporlation  en  Europe,  assurance,  IranscKU'l, 
magasinage;  mais  il  parait,  toutefois,  incontestable  que, 
dans  le  commerce  du  café,parsuite  des  conditions  spéciales 
où  U  se  développe,  il  y  a  une  quantité  excessive  d'interirié- 
diaires  et  c'est  surtout  leur  trop  grand  nombre  qui  réduit 
les  bénéfices  du  [)auvre  colon.  Tous  ces  marchands  gros  et 
petits  de  l'intérieur  et  ces  grandes  maisons  d'exportation 
de  Rio-de  Janeiro,  de  Santos  et  de  rKspirito-Sanlo  qui 
achètent  les  cafés  pour  les  revendre  en  gros  aux  gros  négo- 
ciants de  l'Europe  le  renchérissent  et  leur  bénéfice,  ajouté 
aux  droits  d'exportation  au  Brésil  et  d'importation  si  élevés 
en  France  et  en  Italie,  explique  le  prix  très  élevé  du  café 
dans  ces  deux  pays. 

Tous  les  hommes  d'Etat  brésiliens  se  sont  préoccupés  de 
la  crise  du  café  et  ils  en  ont  dierché  la  solution  sans  y 
réussir  ;  mes  études  et  mon  expérience  m'ont  conduit  moi- 
même  A  la  conclusion  que  c'est  une  question  très  diflicile 
à  résoudre,  si  diilicile  qu'un  avait  été  jusqu'à  proposer  de 
détruire  les  stocks  de  café  ou  d'employur  les  réserves  de 
café  comme  engrais. Il  est  d'autant  plus  diflicile  derégulari- 
serles  prix  du  café  (jue  c'est  un  produit  qui  pousse  seulement 
dans  les  pays  où  il  n'existe  pas  de  statistique  exacte  et  que 
par  conséquent  la  prévision  des  récoltes  est  très  incertaine. 
On  ne  sait  jamais  au  E'résil  combien  de  sacs  de  café  on 
aura  à  la  fin  de  la  récolte  dans  l'Etat  de  San-Paolo,  à  Rio- 
de  Janeiro,  b  N'ictoria,  capitale  de  ri"iSpirito-Sanlo,à  Belle- 
llorizonte,  la  capitale  de  Minas  Geraes,  autre  Etal  brésilien 
producteur  de  café.  Il  y  a  lieu  encore  d'observer  (ju'au  Brésil 
les  producteurs  de  café  doivent  malheureusement  compter, 
non  seulement  avec  les  crises  qui  sont  la  cooséquence  de 
l'excès  de  production,  mais  aussi  avec  celles  motivées  par 


l'émigration  et  la  colonisation  italiennes      203 

colons  italiens  du  Brésil,  producteurs  de  cafés  et  autres 
pées  coloniales,  cela  a  été  par  suite  de  l'intérêt  que  je 
e  à  ces  colons  italiens,  si  bons  et  laborieux,  au  milieu 
|uols  j'ai  vécu  plus  de  deux  années  et  aussi  dans  un 
ivenient  de  sympathie  pour  cetti;  /ujrande  et  belle  ville 
iniorriale  du  Havre  donl  le  mnrché  de  café  est  un  des 
iî  imi  ortants  du  monde. 

R I Z/hTTO  R IZZAIIDO 


UNOMLLE  CARTE  DE' FRANCE  AD  50. 

PUBLICATION    DES    NKUF   PIlKMlèHES    FEUILLES 


Le  Service  Géographique  de  rAnuée  vient  de  faire 
paraître  les  premières  feuilles  de  la  nouvelle  Carie  de 
France  au  oO.OOO".  Ces  feuilles,  au  nombre  de  9,  constituent 
un  groupement  qui  donne  les  environs  de  Paris,  avec  la 
ville  au  centre  !1). 

Il  a  semblé  opportun  d'appeler  à  nouveau  (2)  rallention 
de  nos  lecteurs  sur  cette  carte,  qui  par  sa  précision,  sa 
parfaite  lisibilité,  et  par  l'abondance  extrême  des  rensei- 
gnements de  toute  sorte  (ju'elle  contient,  laisse  bien  loin 
derrière  elle  ses  devancières,  même  la  carte  d'Etat-Major 
au  80.000'\  Kile  a  été,  en  effet,  conçue  et  est  exécutée  de 
manière  à  répondre  li  la  fois  aux  besoins  des  grandes  Admi- 
nistrations de  l'Mtat,  à  ceux  des  entreprises  particulières  et 
à  ceux  du  public. 

L'idée  d'une  carie  do  France  à  grande  échelle  n'est  pas 
nouvelle.  Kn  elïet,  dès  1817,  quand  on  se  préoccupa  de 
remplacer  la  carte  de  Cassini,  devenue  insuflisanle,  el 
lorsque  la  Commission,  institué(î  par  Ordonnance  Royale 
du  M  juillet  1817,  se  réunit,  sous  la  présidence  de  Laplace,  . 
pour  étudier  le  pr*»jel  de  la  nouvelle  carte,  pour  en  lîxerles  ; 


il)  1»  .iill<-  wii-l.i.  /'•<nf"i.-i  :  \xii-ll,   Vtruàlhi;     —    xsu-lô,   Ran^'wlM',"    j 

\\\U\A,  f.'lJf-Ailuiu  :  --  \\\u-n.  /''iris:  —  XXllI-15,  'VW**!/;  -  ixiv-13. /*«••  | 
uiitrtin-n-(,nil.  :  —  .\.\iv-l  1.  Lo niti :  —  xxiv-l.'>.  Itrit-ConUe-linbert.  —  nwquo  ïeuîBe  ^ 
\iOT\k\,  iiai.î-  11-  (ulii  it  f'TJi  iir  droii  -lu  v.&'\rv,  la  «l.ito  :  3  «HK»  [-=  iikus  lîM^ti].  Ta  f«î*-  j 
1  fr.  •;<'. 

L^)    Voir  Pnul  Vil:il  .!.•  lu  ri'.).-|i»».  /,,<  rarl"  lU  Fmnc*  ait  SOXMiO*  tAM/è'ihs  dr  VcV* 
p'ii'-.  Mil,  r.VM,    ],.  r:;-.:-'»:    inr/.nci.t    .!»•    la  f.-iiilh"    «le    l'I-ile-A.iaui.   pi.  llh  ;    Einm.  * 
M.ii;.'»  ri.-,   /.n  i.'x-i.h'»  r'n'f  ./-  r.nhc^  an  ii'fJMKf.  jnthli^f  pgr  le  Scrricf  tit'fyirafMqat i' 
l'Arm  f  I  /'-//,.  Mv.  ['«II".,  p.  l'iJti-ju  ;  «.-art»  n'priroiitaut  l'état  «ravauivmout  •U-  ir.n*' 
fcur  le  tt-rraln,  pi.  V;. 


/ 


LA  NOUVELLE  CARTE  DE  FRANCE  AU  50.000'     205 

byses  et  le  mode  d'exécution,  elle  adopta  tout  d'abord  le 
principe  d'une  carte  à  grande  échelle,  dérivant  de  levés  au 
10.000,^1  appropriée  ^  tous  les  services  publics.  Le  100.000-, 
]ui  avait  été,  en  premier  lieu,   adopté  comme  échelle  de 
publication,  fut  bientôt  rejeté,  à  cause  de  son  insuflisance, 
et  ou  lui  préféra,  à  l'unanimité,  le  50.000',  cette  échelle 
permettant  seule  de  «  représenter  sans  confusion  tous  les 
objets  utiles  aux  services  publics  et  particuliers  ».  Néan- 
moins, par  la  suite,  tant  pour  diminuer  l'importance  des 
frais  d'exécution  que  pour  abréger  le  temps  exigé  par  la 
gravure,  on  fut  amené  à  abandonner  cette  échelle  et  à  lui 
substituer  celle  du  80.000",  «  suflisante  pour  les  besoins  de 
l'armée  ».   Cette  décision  donna  à   la  carte   nouvelle   un 
caractère  exclusivement  militaire,  et  c'est  là  le  point  de 
départ  de  toutes  les  criti(jues  qu'ont  pu  lui  adresser  ceux 
qui  cherchent  à  voir  en  elle  autre  chose  qu'une  carte  mili- 
taire, et  qui  voudraient  y  trouver  des  détails  incompatibles 
avec  son  échelle. 

Depuis  cette  époque,  près  d'un  siècle  s'est  écoulé,  et  les 
besoins  d'une  carte  à  grande  échelle  n'ont  fait  que  se  mul- 
tiplier et  devenir  de  plus  en  plus  impérieux.  En  outre^  la 
France,  après  avoir  devancé  les  autres  nations  dans  la 
confection  et  l'emploi  des  cartes  topographiques,  s'est  vu  à 
son  tour  distancer  peu  à  peu  par  ces  mêmes  nations  qui, 
ûujourd'hui,  possèdent  toutes  ou  presque  toutes  des  cartes 
6  grande  échelle  de  leurs  territoires.  C'est  pourquoi  la 
Commission  Centrale  des  Travaux  Géographiques,  réunie 
^n  1897  pour  élaborer  le  projet  d'une  nouvelle  carie  de 
France  destinée  à  remplacer  le  80.000-,  comprit  qu'il  fallait 
*vant  tout  créer  une  carte  en  rapport  avec  les  progrès  de  la 
«cience,  et  capable  de  donner  satisl'actiun  ù  tous  les  services 
I  publics  et  aux  particuliers.  Eile  adi)'il  s^jas  discussion  le 
|j»incipe  d'une  carte  au  50.000'  en  couicurs,  dérivée  de 
levés  de  précisiou  ft  grande  échelle  ^10.000"  pour  les  payi 


âOfî  LA   NOUVELLE  CARTE    I)K    FRANCE   AL'    50.000^ 

de  plaine  ou  moyennement  accidentés,  20.000'  pour  les 
régions  montagneuses).  Ces  levés  devaient  s'appuyer  sur 
les  repères  du  nivellement  général  et  sur  la  triangulation 
existante. 

Elle  adopta  pour  la  carte  une  projection  du  système  dit 
polyédrique,  ou  polycentrique,  avec  les  éléments  qui  résul- 
tent de  l'aplatissement  de  Clarke,  et  en  se  ba.<?ant  surle 
calcul  des  coordonnées  fondamentales  du  Panthéon,  qui 
viennent  d'être  déterminées  à  nouveau  par  le  Service 
Géographique. 

Dans  la  projection  polyédrique,  on  admet  que  la  surface 
du  globe  se  confond  très  sensiblement  avec  celle  d'un 
polyèdre  à  facettes  quadrangulaires  planes,  déterminées 
par  les  intersections  entre  eux  de  plans  tangents  au  sphé- 
roïde, le  point  de  contact  étant  au  centre  de  chaque  facette. 
Chaque  feuille  représente  une  de  ces  facettes,  et  si  celles  ci 
sont  alignées  dans  le  sens  des  méridiens  et  dans  le  sens  des 
parallèles,  les  intersections  des  plans  se  produisent  suivant 
des  plans  méridiens  et  suivant  des  plans  parallèles,  d'où  il 
résulte  que  les  feuilles  sont  limitées  par  des  fractions  de 
méridiens  et  de  parallèles. 

Ce  système  de  projection,  déjà  employé  en  France  pour 
les  levés  des  Plans  directeurs  et  pour  la  carte  du  Ministère 
de  l'Intérieur,  employé  aussi  par  quelques  autres  États 
d'Europe,  d'Asie  et  d'Amérique,  a  l'avantage  de  limiter 
autant  que  possible  les  déformations;  il  permet  de  s  étendra 
dans  tous  les  sens  ;  il  ne  comporte  que  des  calculs  relativo* 
ment  faciles,  et  son  emploi  est  des  plus  commodes.  Soii 
principal  inconvénient  est  de  donner  des  feuilles  ayant  ud6 
forme  trapézoïdale  et  des  dimensions  différentes,  selon  l^ 
rang  qu'elles  cccupent  dans  le  sens  des  méridiens;  de  pl^ 
(théoriquement  du  moins;,  la  cartd  ne  peut  s'assembler  ([^ 
sur  une  surface  spbôrique;  mais  pratiquement!  ai  M 
Inutiles  sont  de  dimensions  restreinte^i  on  peut   grftca  8« 


LA  NOUVELLE   CARTE   DE    FRANCE  AU   50.000  207 

jeu  du  papier,  en  assembler  un  très  grand  nombre  sur  une 
surface  plane.  La  coupure  des  feuilles  de  la  nouvelle  carte 
de  France  a  été  fixée  à  20  minutes  centésimales  en  latitude, 
et  iO  minutes  centésimales  en  longitude,  le  méridien  initial 
étant  celui  de  Paris  et  passant  par  le  milieu  d'une  feuille. 

La  hauteur  des  feuilles  est  constante  ;  leur  largeur  varie 
suivant  la  latitude.  La  différence  totale  de  largeur  entre  les 
feuilles  du  Nord  et  celles  du  Sud  est  d'environ  9  cm.  Afin 
de  remédier  au  léger  inconvénient  qui  résulte  de  l'inégalité 
des  feuilles,  on  a  enfermé  chaque  trapèze  dans  un  cadre 
extérieur  rectangulaire  ayant  des  dimensions  constantes  ; 
42  cm.  X  60  cm.  (2  cm.  de  plus  que  le  plus  grand  trapèze). 
Celte  disposition  a  l'avantage  de  permettre  de  faire,  à  l'oc- 
casion,  déborder  le  dessin  hors  de  son  cadre  naturel,  dans 
les  limites  du  cadre  extérieur,  pour  représenter  certains 
détails  importants  appartenant  normalement  aux  feuilles 
voisines. 

Chaque  feuille  est  désignée  par  deux  numéros,  celui  de 
la  bande  verticale  et  celui  de  la  bande  horizontale  dont  elle 
fait  partie  dans  le  tableau  d'assemblage  (chiffres  romains 
dans  le  premier  cas,  chiffres  arabes  dans  l'autre).  De  plus, 
elle  porte  le  nom  de  la  localité  la  plus  importante  qu'elle 
renferme. 

La  carte  est  imprimée  en  8  couleurs,  savoir  :  le  noir  pour 
les  voies  de  communication,  chemins  de  fer,  limites  admi- 
nistratives, écritures  (sauf  celles  qui  se  rapportent  à  Thy* 
drographie)  ;  le  bleu  pour  les  eaux  ;  le  rouge  pour  les  lieux 
habités  ;  le  vert  pour  les  bois,  prés,  jardins  ;  le  violet  pour 
les  vignes  ;  le  bistre  pour  lés  courbes  de  niveau  ;  le  bistre 
et  le  gris  bleuté  pour  Testompagd^ destiné  à  faire  ressortir 
les  formes  du  terrain.  Cet  estompage  comporte  à  la  fois 
l'application  des  conventions  de  la  lumière  zénithale  et  de 
la  lumière  oblique,  la  teinte  bistre  étant  attribuée  &  la 
lug^ière  zénithale,  et  le  gris  bleuté  &  la  lumière  obliquai 


208     LA  NOUVELLE  CAHTE  DE  FRANCE  AU  50.000 

Les  courbes  de  niveau  sont  à  Téquidistance  de  10  m.,  avtx; 
courbes  maîtresses  de  50  m.  en  50  m.,  et  courbes  interca 
laires  en  traits  interrompus  lorsque  cela  est  nécessaire 
pour  faire  ressortir  des  accidents  de  terrain  compris  enlre 
deux  courbes  consécutives. 

Indépendamment  du  type  normal  et  complet,  la  carie 
comporte  divers  types  qui  l'approprient  à  des  services  diffé 
rents.  Elle  peut  ôtre  ainsi  carte  muette, carte  orographique, 
hydrographique,  routière,  forestière,  etc.,  selon  que  Ion  ne 
tire  qu'une,  deux  ou  i)]usieurs  couleurs  intéressant  spécia- 
lement chaque  service.  Kn  outre,  on  a  admis  que  les  minu- 
tes des  levés  de  précision  au  10.000*^  et  au  20.000^  pourraient 
être  reproduites  à  leur  échelle  originale,  en  liéliogravure, 
et  tirées  en  noir,  pour  être  délivrées  aux  services  publics, 
aux  communes,  aux  entreprises  particulières  qui  en 
feraient  la  demande. 

La  carte  est  héliogravée  sur  zinc.  Le  premier  travail  est 
une  réduction  photographique  au  40.000-  des  levés,  réduc- 
tion au  moyen  de  laquelle  on  exécute,  à  la  même  échelle, 
un  dessin  complet  de  la  planimétrie,  en  noir.  On  réduit  par 
la  photographie  ce  dessin  à  Téchelle  du  50.000^.  Le  négatif 
sert  à  donner  autant  de  clichés  positifs  qu'il  y  a  de  couleurs. 
Chacun  de  ces  positifs  est  l'objet  de  grattages  qui  ne  laissent 
subsister  que  les  traits  à  imprimer  avec  une  môme  couleur, 
puis  à  l'aide  des  divers  clichés  ainsi  modifiés,  on  exécute 
autant  de  planches  d'héliogravure.  On  conçoit  que  par  ce 
procédé  le  repérage  des  couleurs  se  fasse  d'une  façon  irré- 
prochable, puisque  toutes  les  planches  dérivent  d*un  seul  et 
môme  cliché  négatif. 

La  gravure  n'intervient  que  pour  quelques  retouches 
indispensables  et  certains  détails  qui  exigent  une  grande 
finesse,  tels  que  :  échelles  cadres,  sables,  rochers,  etc. 

Lo  modelé  du  terrain  est  dessiné  au  piaceau  sur  unQ 


LA  NOUVELLE  CARTE  DE  FRANCE  AU  50.(XX>>     209 

épreuve  des  courbes  tirée  en  bleu  clair  ;  puis  ce  lavis  est 
photographié  au  travers  d*une  tram<i  et  héliogravé. 

Les  chiffres  de  population,  pour  toutes  les  communes, 
sont  indiqués  par  un  nombre  imprimé  en  rouge  (sauf  pour 
la  feuille  de  Paris,  où  la  grande  quantité  de  détails  rouges 
a  obligé  à  les  imprimer  en  noir). 

La  question  des  signes  conventionnels  a  fait  l'objet  d'une 
étude  très  minutieuse  et  très  approfondie.  On  a  dû  les  mul- 
tiplier,   afin  de   donner  satisfaction   à   tous  les  Services 
Publics  :  ceux-ci  comptaient  tous,  en  effet,  des  représen- 
tants parmi  les  membres  de  la  Commission  Centrale  des 
Travaux  Géographiques,  et  ils  purent  ainsi  réclamer,  chacun 
pour  Son  compte,  l'insertion  dans  la  carte  de  tout  ce  qui  les 
intéressait  spécialement.  Tous  les  signes  adoptés  sont  très 
clairs  et  tcès  expressifs  :  malgré  leur  extrême  multiplicité, 
ils  ne  nuisent  pas  à  la  lisibilité  de  la  carte.  Ils  n'apparaissent 
pas  au  premier  coup  d'œil,  à  cause  de  leur  finesse,  mais  on 
les  découvre  sans  peine  avec  un  peu  d'attention,  pourvu 
que  Ton  ait,   au  préalable,  consulté  le  tableau  des  signes 
conventionnels,  lequel  forme  une  feuille  à  part,  de  la  dimen- 
sion des  autres  feuilles.  C'est  ainsi  qu'on  peut  distinguer, 
par  exemple,  dans  les  villes  et  villages,  les  églises,  les 
mairies,   les  gendarmeries,  les  hôpitaux,  les  lavoirs,  les 
abreuvoirs,  les  puits,  etc.;  dans  les  gares,  les  halles  aux 
marchandises,  les  prises  d'eau,  les  dépôts  de  locomotives, 
les  quais,  etc.;  sur  les  côtes  et  dans  les  ports,  les  phares 
avec  leurs  différents  feux  :  fixes,  à  occultation,  à  éclats; 
les  bateaux-feux  balises, bouées,  etc.,  etc.  Tous  les  établis- 
sements industriels  sont  représentés  avec  un  signe  diffé- 
rent, selon  qu'ils  sont  mus  par  Teau   par  la  vapeur,  par 
Télectricité  ;  les  exploitations  minières  ont  également  une 
grande  quantité  de  signes  qui  indiquent  immédiatement 
leur  nature.  Cette  clarté  et  cette  grande  lisibilité  ont  été 
difficiles  à  obteDir,  mais  c'est  précisément  grftce  à  rdbQa<< 


210     LA  NOUVELLE  CAHTE  DE  FRANCE  AU  50.000' 

(lance  et  à  la  curiosité  de  tous  ces  détails  que  la  carie  esl 
appelée  à  avoir  un  grand  succès  dans  le  public.  Elle  est 
autant  statistique  que  topograpliique,etc'eslen  celasurtoal 
que  consiste  le  progrès  réalisé  sur  ses  devancières. 

Le  nombre  total  des  feuilles  sera  d'environ  1.100. 

Après  les  neuf  feuilles  actuellement  livrées  au  public,  le 
Service  Géographique  doit  publier  successivement,  à  des 
époques  qu'on  ne  peut  fixer,  même  approximativement,  un 
groupe  de  feuilles  dans  la  région  de  Nancy,  un  autre  dans 
les  environs  de  Lyon,  un  troisième  vers  Nice,  un  quatrième 
vers  Perpignan,  puis  vers  Marseille,  etc.  Le  choix  de  ces 
divers  groupements  résulte  de  l'état  d'avancement  des  levés 
sur  le  terrain.  Ceux-ci  avaient  été,  dans  le  principe,  exécu- 
tés aux  environs  des  places  fortes  pour  des  besoins  exelusi- 
vement  militaires,  et  ce  n'est  que  récemment  qu'on  a  songé 
à  les  utiliser  pour  la  nouvelle  carte.  11  a  donc  fallu  les 
développer  pour  les  adapter  à  leur  nouvel  usage  ;  les  pl'W 
anciens  ont  da  être  revisés  et  mis  à  jour. 

■Jusqu'ici,  les  travaux  relatifs  à  la  nouvelle  carte  n'ont 
avancé  que  fort  lentement,  parce  que  l'on  n*a  pas  pu  encore 
obtenir  des  Chambres  un  crédit  spécial  en  rapport  avec 
l'importance  de  l'œuvre  à  réaliser.  11  faut  dire,  en  elîet,que 
d'après  les  prévisions  de  la  sous-commission  chargée  des 
études  préliminaires,  il  faudrait  une  somme  d'environ  25 
millions,  répartie  sur  une  période  de  trente  an»,  pour  mener 
à  bien  cette  vaste  entreprise.  La  situation  iinancière  dtt 
pays  n'a  pas,  jusqu'ici,  permis  de  faire  un  pareil  sacritice, 
surtout  en  faveur  d'une  carte  dont  on  ne  pouvait  pas  encort 
présenter  de  spécimens,  et,  par  conséquent,  trop  peu  connue. 

Tout  ce  qui  a  été  fait  jusqu'ici  ne  l'a  été  qu'avec  les  res- 
sources du  Service  Géographique  qui  avait,  en  outre,  à 
assurer  sa  marche  normale.  Mais  on  a  tenu  à  donner  à  ta 
carte  un  commencement  d'exécution,  car  on  espérait  vaincrt 
Ie9  dernières  hésitations  dgs  Chambres,  eo  lançant  dans  U 


r.A  NOTVFXLE  CARtK  DE  FRANCE  AU  50.000*      211 

circulation  un  certain  nombre  de  feuilles  et  en  déterminant 
un  mouvement  d'opinion  en  faveur  de  leurcontinuation.il 
est  à  souhaiter  que  le  Parlement,  maintenant  qu*il  peut  se 
rendre  compte  de  hi  valeur  exceptionnelle  qu'aura  la  Carte 
de  France  au  50.009',  se  d»'»cide  enfin  h  voter  la  loi  qui 
affectera  à  son  achèvement  une  somme  suffisante  pour  per- 
niettre  de  donner  satisfaction  aussi  rapidement  que  possible 
à  l'attente  générale. 

{Annales  de  Géographie). 


ACTES   DE   LA   SOCIÉTÉ 


Procès  verbal  de  rAssenihlêe  Générale 
du  je  Décembre  1906 

Prôsitlence  do  M.  L.  Quitton,  vicc-préhident. 

Lecture  est  donnée  du  procès- verbal  de  la  dernière  assemblée  géné- 
rale qui  est  adopté  sans  observations. 

Avant  de  procéder  au  vote  pour  le  renouvellement  des  membres 
sortants  du  Comilé,  M.  le  Président  consulte  rassemblée  sur  le  mode 
qui  sera  employé  :  scrutin  secret,  on  vote  à  mains  levées;  personne 
ne  demandant  le  scrutin  secret,  il  est  décidé  de  voter  à  maios  IcTtes. 

Sont  réélus  membres  du  Comité  : 

MM.  René  Hoitier,  Joannès  Couvert,  S.  Decbaille,  Georgrt 
Doublet,  Denis  Guilloti  Ë.  Harou,  Charles  Jacqucrain,  Albert 
Eranse,  Paul  Loiseau. 

MM.  E.  Dupont  et  F.  Vanier  sont  élus  pour  compléter  le  Comil*. 

M.  le  Trésorier  donne  communication  du  projet  de  budget  pour 
1907.  Ce  projet  diffère  peu  du  précédent  et  si  en  détail  quelquei 
crédits  ont  été  moditiés,  l'ensemble  reste  le  même  que  Pan  dernier. 
Les  recettes  et  les  dépenses  s'équilibrent  à  8,866  fr:inc8. 

Ce  projet  de  budget  est  adopté. 

M.  le  Président  donne  alors  la  parole  à  M.  Rizzardo  Uiszetto, 
Consul  d'Italie^  après  l'avoir  vivement  remercié  d'avoir  favorable- 
ment répondu  à  l'appel  de  notre  Société. 

M.  Rizzardo  Rizzetto  remercie  M.  le  Président  de  son  aimable 
accueil  et  s'excuse  —  excuse  superflue  —  de  ne  point  manier  la 
langue  française  aussi  habilement  qu'il  le  désirerait  pour  se  fiira 
bien  comprendre. 

Sa  causerie,  dont  nous  sommes  heureux  d'offrir  un  compte-readu 
sténographié  aux  lecteurs  de  notre  Bulletin,  est  intéressante  commi 
toutes  les  choses  vccues.  Sociologue  autant  qu'économiste,  M.  Rizzardo 
Rizzetto  a  rapporté  d»is  observations  personnelles,  pleines  d' iperçtti 
nouveaux,  de  son  long  séjour  au  milieu  des  colons  italiens  nu  Br^ 
A  l'émotion  qui  fait  trembler  na  voix,  on  sent  avec  quel  cœur  il  i 
cherché  à  surmonter  les  innombrables  difiîoultés  qui  assaillent  k 
colon  dans  ce  pays. 


ACTES  DE  LA   SOCIÉTÉ  213 

L'attention  soutenue  et  les  applaudisHements  rcpét<^8  de  l'assemblée 
rnoigntnt  j\  Torateur  de  l'intérêt  puissant  qu'il  a  su  mettre  dans 
u  eiposé. 

l  r.e  série  de  projections  compléta  foit  heureusement  cette  conté- 
nt-e. 
La  séance  est  levée  à  10  lieures  1/4. 


Séance  du  Comité  du  12  Décembre  1906 

A  1  issue  de  TAsatuihlée  générale,  le  Comité  tient  une  France  pour 
lûiuer  sur  radmission  des  nunibres  nouveaux  dont  1«.b  noms  suivent: 

IM.  Jules  C'aron,  présenté  par'MM.  A'oura  et  Savaiin. 

Hodolplie  Ffister,  »  Meura  et  G.  liister. 

('liHrles  Laiisné,  »  Esliguanl  et  Odinet. 

Emile  Tlister,  »  Meuni  et  G.  Ffinter. 

Ge(»rges  Tisserand.        »  1  je  ut. -Colonel  Fluvigny  et 

<  upit.iiiie  de  Tuguy. 

Edouanl  Bailly,  »  Guitton  et  Fuvicr. 

Giannett,  »  Bjipset  et  Loiseau. 

Rizzardo  Ri/.zetto,  »  Vassia  et  Loiseau. 

lie   M.-I..  Souilbac,  »  Mlles  Kirsclil>autn  et  Marie. 

M.  Ernest  Caron,  »  MM.  Mt^ura  et  Hoivin. 

Paul  Daillod,  »  0.  Senn  et  (îuiiton. 

Ces  nouveaux  membres  sont  admis, 
Lasifance  est  levée  à  10  heures  -lô. 


Procès-cerbal  de  la  Séance  du  Comiié  du  U  Janricr  1907 

M.  Monsallier  prend  la  présidence  et  l'on  procède  à  l'élection   du 
ro.iu  qui  donne  les  résultats  stiivants  : 
MM.  E.  Dupont,  piésident. 

E.  Favier,  vice- préaident. 

D''  G.  Dufour,  vicc-président. 
I*.  Loiseau,  secrétaire  fréneral. 
J.  Hubcit,  secrétaire  dt?9  Héances. 

F.  Vanitr,  seerét^die  des  sé-mces. 
Cil.  Meura,  bibliothécaire 

Kenô  Boîtier,  trésorier. 


âl4  ACTES   DE   LA  SOCIÉTÉ 

Le  Bureau  ainsi  compoeé,  M.   Monsallier  cède  la  présdence  i 
M.  E.  Dupont  qui  remercie  le  Comité  de  la  marque  de  confiance  qu'il 
vient  de  lui  donner  et  Tassure  de  son  entier  dévouement. 
.     Le  procès-verbal  de  la  précédente  réunion  est  lu  et  adopté  saoi 
modification. 

M.  le  Secrétaire  Général  donne  lecture  de  la  correspondance  : 

Lettre  de  M.  Lévy,  correspondant  A  Vienne,  qui  s'est  chargé  de 
représenter  la  Société  au  cinquantenaire  de  la  Société  de  Géograpliw 
de  Vienne. 

Lettre  de  h\  Direction  de  l'Enseignement  Supérieur  de  rinstruct'wB 
publique  de  Bruxelles  qui,  fondant  un  service  d'etbnographi<*i  sertit 
beurcuse  de  connaître  les  travaux  produits  par  la  Société. 

Des  remerciements  sont  adressés  à  Mme  Chevalier  de  C^ninck  H 
M.  J.  de  Coninck  qui  ont  offert  k  la  Société  différents  oovraget  de 
géogmpbie  et  de  voyages,  delà  période  1830/1840,  remarquables |»f 
leurs  illustrations  et  de  nombreuses  cartes  ;  à  M.  Georges  Maurer, 
consul  du  Paraguay,  qui  a  également  offert  à  la  Société  ua  ouvrftgt 
fort  intéressant  sur  le  Paraguay  avec  de  nombreuses  gravures  et  iB* 
carte  de  ce  pays. 

La  parole  est  ensuite  donnée  à  M.  Guitton,  qui  communique  dt  | 
très  intéressants  détails  sur  Anvers  et  les  travaux  actuellement  ^ 
cours  d'exécution  et  en  projets  pour  en  faire  un  port  des  plus  impôt' 
tants. 

M.  le  Président  remercie  M.  Guitton  doses  intéressantes  cominu* 
nicatioDS. 

Ont  été  admis  comme  nouveaux  membres  : 
MM.  Belot,  présenté  par  MM.  Guitton  et  Loîseau. 

Pierre  Chariot,  »  Badoureau  et  Hubert, 

La  séance  est  levée  à  10  heures  1/4. 


OQïïaps  reçQS  Si  la  Blothèp  de  la  Société 


Voyage  en  France,  45»  série.  Hégion  parÎHionne;  IV, Sud-Ouest: 
Versailles  et  lo  Hurepoix.p«r  Ardcuix-Dcmazet.  Paris,  1907,  l  vol. 
in- 12,  avec  cartes  ou  croquis. 

Voyage  en  France,  46«  série.  Région  parisienne  ;  V,  Nord-Ouest: 
La  b'eine  de  Paris  à  la  mer,  pHrisis  et  Vexin  françiis,  par  Akdouin- 
DuMAZKT.  Paris,  1907,  1  vol.  in-12,  avec  17  cartes  ou  croquis. 
(Dca  de  l'Auteur.) 

Annuaire  statistique  de  la  France,  1905,  25«  volume,  ])ubli(> 
par  le  Ministère  du  Travail  et  do  la  Prévoyance  sociale. Paris,! 906, 
1  vol.  in-8.  (Don  de  M.  le  Ministre  du  Travail.) 

Padoue  et  Vérone  (Les  Villes  d'Art  célèbres),  par  Koger  Pkykk. 
PHris,  1907,  l  vol.  in-4,  illustré  de  128  gravures. 

L'Europe  et  la  Question  d'Autriche  au  seuil  du  xx*  siècle,  par 
André  Chéraï^ame.  Paris,  1906,  1  vol.  in-8,  accompagné  de  6  cartes 
en  noir,  de  8  en  couleurs  et  de  4  fac  siniilés  de  dociimcuts. 

Aux  Indes  et  au  Népal,  par  li  D""  Kuht  Boeck.  traduit  par  Fran- 
çois Ricard.  Paris,  1^07,  1  vol.  in-8,  illustré  de  58  gravures  liors 
texte,  d'après  les  photographies  do  l'auteur. 

Lt  Région  du  Guir-Zousfana,  par  le  Lient*  Poikmkuu,  du  l*"" 
Hégiment  Etranger.  Paris,  1906,  1  broch.  in-8,  101  pp.  aveu  33 
figures  dans  le  texte  et  une  carte.  (Don  du  Comité  du  Maroc.) 

Oajda,  historique,  organiH;»tion,  commerce.  Rapport  du  Capitaine 
Manoin,  chef  de  la  Section  frontière  de  la  Mission  militaire  fran- 
çaise au  Maroc.  Paris,  1906,  1  broih.  in-8,  64  pp.  avec  6  cartes  ou 
gravures.  (Don  du  Comité  du  Maroc.) 

Notes  sur  Mogador.  Documents  de  la  Mission  maritinie  française 
du  Commandant  Dyé,  par  M.E.  PoiŒfîuiN,  ingénieur.  Paris,  1905, 
l  broch.  in-8,  51  pp.  avec  4  gravures.  (Don  du  Comité  du  Maroc.) 

Ijes  Associations  agricoles  au  Maroc,  par  E.  Vaffikk-Poi.lkt. 
Paris,  1906,  1  broch.  in-8,  28  pp.  (Don  du  Comité  du  Maroc.) 

Les  conditions  d'existence  à  Tanger.  Paris,  19U6,  1  btoch. 
io-8,  15  pp.  (Don  du  Comité  du  Mar(»c.) 

La  Mission  Buchet  (N.  O.  du  Maroc).  Rapport  somuiaire  d'en- 
Heinbîe  (Extrait  du  Bulletin  du  Comité  de  rAfri([ue  françjiise)  Paris, 
11*06,  1  broch.  in-8,  24i»p.  (Dun  du  Comité  du  Maroc.) 

Les  Ghefferies  indigènes  de  TEtat  Indépendant  du  Congo  et  la 
H«?organi8ation  du  Congo  français.  Rapport  présenté  au  Congrôs 
colonial  de  Paris,  par  M.  Y. -M.  Goulet,  examinateur  de  l'Institut 
couimercial  de  Paris.  Tours,  1906,  1  broch.  in-8,  15  pp.  (Don  de 
l'Auteur.) 


2in  OUVRAGES    REÇUS   A    LA   SOCIÉTÉ 

Question    Congolaisr.    La  Gi«  du    Kasai  à  ses    Actionnainii: 

n'ponse  à  bps  «1«  Irnc.tenrK.  lîruxt^llop,  1ÎM)(»,  I  vol.  in  8,  omé  dt 
nombniitifs  giaviin-a  et  "J  e.irt*"s.  (Pui  «le  la  Cie  du  KaHai.) 

New- York  coni-iio  jo  Tui  vn,  texte  et  flessiiis  i>îtr  Charles  HuARD. 
l'îiris,  190*),  1  vol.  in-S,  orné  de  140  ilhihtrntinim  hors  texte  et  dant 

lo  tPXtO. 

Du  Mexique  au  Canada,  journal  ilo   route  eu  AuioiiquCy  par  A. 

MAri-Roiii.  P.'iris,  11)07,  i  vul.  in-ii*. 

A  travers  l'Amérique  du  Sud.  pr.J.  I)Ef.EiîED;»UE.  Paria,  1907, 

l  volume  iu-lt»,  îivec  3  cirli/î*  cl  17  illuBlrations  liors  teste. 

Le  Paraguay  décrit  et  illustré.  Ktudo  sur  ]o  )^roj;rès  économviiM 

ilu  p-iys,  }jîir  lî.  von  ri'^oiiiÇK-TKKUENFKLn,  conKul  prénônil  du  Part- 
giuN-  pour  le  roy.iuino  clo  Saxi\  I3iux«?lk'8,  lî^UG,  1  vol.  in-8,arec2 
cijitus  et  lî)  gravures,   ^l)^m  di>  M.  Georges   Slaurer,   contnl  di 

Pjir.i;:unv.) 

Nouvelle  notice  sur  les  Iles  Kerguelen,   poHt»0R8ion  françaiiB,' 

p.ir  Kuiiô-K.  HnsMKKK.  Paris,  i'JOG,  1  broch.  in-S,    avec  cartes  tt 

|:ravui'«s.  [\Kn\  J(r  l*Autenr.) 

Anthologie  coloniale,    p'nr  ftiirc   aiu.cr  nos  Colonies.  Morcean- 

rlii»i>is  <|«'S  Kcrivaiiis  Iranrii.-^piir  Marius-Ary  Lkiu.ond.  Paris,  1907| 
1  vol.  in-l'î,  jivn- ÎH)  ;^iavuri>. 

La  Prospérité  des  Ports  français,  |ar  Kcni'-K.  ^t;^^S)ÈRE,ouvnga 

(ouronin-  pir  la  Sucit-iir  IJa^nise  li'Ktudes  diverfea.  Havre,  19û6i 
1  hroc'h.  iri-5^,  1 IS  pp.  avit-  z^»,*,  gravures  hors  texte.  I  Don  dePAuteur) 

Etude  8UV  l'Elevage  du  Mouton   oaiîs   1«  uKinvle,   par  René-E. 
l'..sMi:i:K.  Paris,  \\H}\,  1  luorli.  iu-H.  (Doinle  l'Auteur.) 

Mes  Chasses  dans  les  cinq  Parties  du  Monde,  p:ir  Paul  Nic< 

MKi  K,trailiiit  <](.'  i*alK•ll1au^l  par  L.  lliM>TAN',iigri>gu  il«;  rUuiversifé. 
J*.iris,  11M)7,  1  vi»I.  in-S,  n/nô  «lu»  808  gravures  d-mt  33  hors  texte 
«Tapies  K's  jli'itngrîipliios  d»'  l'Aulriir. 

Nouvelle  carte  de  France  au  ôO.OOO^dirivf  c  de  levé*  au  10.000*, 

•  t  au  i^(^i.H)U'',  ln;lio;^ravëi?  ut  gravée  Kur  ^finc,  en  S  couleurs:  ti^^uré 
<iii  t*-ri:i]ii  i  [1  niurlii»  K.'li'vé  par  un  4'»tonipage,  1)  feuilles  puruei: 

I\''iillts  wn  1:î,    l'nnt'isM  :  —   x\m-14,    Versaillea  ;    XXI1-1&, 

lîanila.uii;.-!.  \\'ii-i;>.  l/ls!»'- Adam.  —  X-Xm-J-I-,  Paiis.  —  XMll-15, 
<i»rin'il.  —  \\iv-i;j.  Dunimartin-en-Gor-Ie.  —  xxiv-14,  Lagny  — 
XMV-1.'..   Iîii(.--('(»ni1«.-lîol»irl. 

Plan  du  port  de  Dunkerque  «  t  rK'S  Travaux  d'extension  projetef. 

1   iViiill..'  au  10. «'(.M!-,  10'.»f».  iDon  dtî  M.  Lonia  Guitton.) 

Atlas  Universel  de  Géographie,   pjir  Vivien  de   St-Mabtix  il 

i-nmz  SiMiîAhi.K, 

f.uilh*  77  -  lùal-î-Iiiis  (Piôyion  du  X.-E.)  au  3.000.000", 
«;.i  -  Al-.'ri. -Tunisie  au  2 . ."-OO . UOO^. 

Plans     de     Mogador,    Mazagan-Azemmour     et    Maxagaa« 

iroJH  pi. nu  l'.-v.  s  m  j'.J.i.'»  par  la  Mifjsion  hydrographique  du  Maroc. 

■' Mî'^-it:' p  ir  lo  L\)niih- du  .Mnnu'.j 


HAVHE 

AU  SIÈGE  DE  tA  SOCfÉTÈ 

I3lt  «PC  »&  rAiiis,  \'M 

I«r7 


SOMMAIRE 

Un  Voyage  au  Congo  français,  1.  par  le  R.  P.  Henri  Tkiixks .  217 

Le  Chejnîn  de  fer  de  Konia-Bagdad,  pnr  Ferd.  Vamibr 235 

La  Race  néo-latine  et  l'Algérie  en  1907,  I,  par  A   dk  PouvonaviLLE  250 

Le  Cocotier  et  le  Coprah 259 

Rapport  du  Secrétaire  général  sur  les  Travaux  de  l'année  Ï906.  .  .  261 

Comptes  définitifs  de  l'année   1906 , 269 

Actes  de  la  Société ,  .  . 270 

Ouvrages,  Cartes  et  Plans  offerts  à  la  Société  par  M"^'^  Chevalier 

de  Coninck  et  M.  James  de  Coninck 27.3 

Bibliographie 277 

Ouvrages  reçus  à  la  Bibliothèque  de  la  Société 2T^.^ 


RÉUNIONS  \  m 

Les   Réunions   du   Comité  ont   lieu  le  4'"^  mercredi  de  chaqiie  mois 
excepté  pendant  les  mois  d'août  et  septembre. 

Tous   les  membres  de  la  Société  peuvent  y  assister. 


BIBLIOTHÈQUE 

La  Bibliothèque  de  la  Société  est  OUVerte  tOUS  ICS]  SOirS 
excepté  les  dimanches,  jours  fériés  et  demi-fériés»  de  6  h.  »/%  «  /  h.  i/a 
et  de  8  h.  i  ^2  à  loh. 


Toutes  les  communications  et    tous  les  renseignements  doîveiit  cwc 

adressés  au  Secrétaire  général. 


SOCIETE 

DE 

GÉOGRAPHIE  COMMERCIALE 


A/o.  -2. 


Un  Voyage  au  Congo  Français 


(1) 


Mesdames,   Messieurs, 

Voulez-vous  me  permettre,  sans  rien  ajouter  aux  paroles 
•le  M.  le  Président,  d'entrer  immédiatement  dans  le  vif  du 
sujet  qui,  par  hasard,  prend  ce  soir  peut-être  une  actualité 
toute  particulière. 

Beaucoup  d'entre  vous,  ce  matin,  en  lisant  les  journaux, 
ont  vu  que  par  accident  —  un  de  ces  accidents  qui  se  repro 
diiispnt  do  lemiis  i\  autre,  do  façon  presque  périodique  — 
quatre  Tualheureux  Kuropéens,  agents  de  factoreries,  avaient 
été  pris  et  mangés  par  les  indigènes.  Ce  sont  do  ces  acci- 
dents qui  arrivent  quelquefois.  On  se  plaint  que  les  vic- 
times n'aient  pas  réclamé  la  protection  du  Gouvernement, 
qu'elles  aient  un  peu  pressuré  les  indigènes,  c'est  vrai; 
mais  cependant  le  résultat  final  n'en  est  pas  moins  désgs- 

I        ,1;  Conférence   foile   devant    la  Société  de  Géographie  O)mmerciole  du 
Havre,  le  14  FéTrier  11N)7. 


ftociiri  DE  oioGRAPHiE.  —  2-«  trimestre  1907  15 


\ 


218  tN  VOYAGE  AU  CONGO  FRANÇAIS 

Ireux  au  poînt  de  vue  de  noire  colonisation.  Je  crois  pou- 
voir vous  démontrer  que  dans  ce  Congo  français  dont  on 
parle,  il  y  aurait  encore  beaucoup  à  faire,  et  qu'il  y  aurait 
place  pour  bien  des  bonnes  volontés. 

C'est  donc  au  milieu  de  ces  peuplades  anthropophages, 
comme  vous  venez  de  le  voir,  que  je  vais  vous  introduire. 

Pénétrant  dans  le  Congo  français,  nous  allons  tout  à 
l'heure  commencer  notre  voyage  par  les  côtes,  examiner 
rapidement  les  populations,  puis  les  divers  moyens  de 
transport  et  les  moyens  de  pénétration.  Nous  nous  dirige- 
rons alors  vers  l'intérieur  avec  les  pirogues  et  avec  les  po^ 
teurs;  de  temps  en  temps,  je  vous  esquisserai  quelquet 
traits  de  mœurs.  Nous  regarderons  ensemble  la  nature,  II: 
faune  et  la  flore,  puis  nous  entrerons  dans  les  villages  dtf 
l'intérieur.  Alors,  si  le  temps  le  permet,  car  si  mes  projec-. 
tiens  sont  nombreuses,  mon  programme  est  également  trè« 
vaste,  nous  observerons  les  populations,  les  mœurs  de  cet 
populations  et  peut  être  encore  à  la  fin  de  celte  longue  cau- 
serie, je  vous  dirai  un  mot  du  fétichisme;  mais  cela  jenf 
vous  le  promets  pas. 

Je  ne  veux  nullement  faire  de  l'éloquence,  ni  soulever 
aucun  sentiment,  patriotique  ou  autre,  ce  que  je  veux  esl 
beaucoup  plus  simple  :  causer  avec  vous  en  ann.  J'esprr^ 
que  ce  sera  le  nom  que  vous  pourrez  me  donner  à  la  tin  de 
cette  causerie  amicale,  de  celte  conversation.  Kn  reiiar* 
daut  les  images,  nous  causerons  ensemble  et  si  vous  1« 
voulez  bien  nous  allons  immédiatement  commencer. 

Dans  une  ville  comme  le  Havre,  je  ne  vais  pas  ra'orrêtef 
h  vous  présenter  dos  baUîaux.  Jetons  un  simple  regard  sut 
ceux  qui  parcourent  tous  nos  fleuves  :  baleaux  à  fond  plat, 
bateaux  à  quilles;  ces  derniers  n'allaient  guère  sur  Feao^ 
car  s'ils  s'avan<;aient  trop  loin,  ils  rencontraient  le  sable^ 
s'arrêtaient  et  y  restaient.  On  est  revenu  aux  baleaui  à 
fond  plat  qui  sont  d'un  usage  général  sur  les  fleuves. 


UN  VOYAGÇ  AU  CONGO  FRANÇArS  219 

Lorsque  le  soir  arrive,  le  long  des  rivières,  les  bateaux 
s'arrêtent,  c'est  absolument  indispensable.  Immédiatement 
lequipage  du  bateau  descend  sur  les  rives  du  fleuve  et 
coupe  tout  le  bois  nécessaire  pour  le  chauffage.  Le  lende- 
main matin  on  reprend  la  marche. 

En  arrivant  à  la  côte,  quelquefois,  lorsque  le  bateau  est 
à  l'ancre,  les  hommes  des  pirogues  s*amusent  à  jeter  des 
lignes  dans  l'eau,  de  façon  à  pouvoir  prendre  des  requins 
qui  pullulent  littéralement.  Quand  on  va  au  bain,  il  faut 
faire  extrêmement  attention.  Vous  savez  que  souvent  on  a 
reproché  aux  blancs  de  se  faire  entourer  par  des  noirs  afin 
d'effrayer  les  requins,  précaution  jugée  cruelle,  mais  à  peu 
près  nécessaire,  car  on  en  rencontre  des  quantités  phéno- 
ménales. 

On  tend  de  plus  en  plus  à  remplacer  les  matelots  français 
par  des  matelots  noirs.  C'est  ainsi  qu'à  bord  de  tous  nos 
pn(juebots  on  se  sert  des  noirs  pour  débarquer,  pour  aller 
chercher  les  passagers,  les  lettres  ou  les  paquets  quel- 
conques. 

Les  indigènes  sur  toutes  nos  rives  se  servent  d'une  petite 
pirogue  très  légère,  construite  un  peu  comme  nos  péris- 
soires, mnis  qui  a  un  aspect  particulier.  On  n'a  pas  tout  à 
fait  la  place  de  s'asseoir  dedans.  Les  deux  jnmbes  ne  pou- 
vant pas  tenir,  on  les  met  de  cha(|ue  côté.  C'est  avec  les 
fit'ux  jambos,  un  peu  comme  le  cavalier,  qu'on  dirige  sa 
monture,  seulement  celle  ci  est  un  peu  plus  rétive  que 
notre  cheval.  Nous  nous  habituons,  cependant  tous,  Euro- 
péens, â  naviguer  ainsi,  mais  en  commençant,c'est  un  peu- 
rumnie  à  bicyclette,  on  ramasse  des  pelles.  On  se  sert  de 
pirogues  pour  débarquer  les  marchandises.  Sur  tous  les 
fleuves,  dans  le  Ilaut-Congo,  les  indigènes  se  servent  de 
pirogues  spéciales,  plus  compliquées,  à  double  balancier, 
qu'on  avait  déjà  signalées  comme  employées  par  les  indi- 


I  220  ex  VOYAOE  AC  OOMGO  FRAXÇAIS 


I 


gènes  des  lies  de  l'Océanie.  Elles  sont  très  ingénienses  et 
le  cbavirage  est  rendu  absolument  impossible. 

Four  aborder,  il  faut  affronter  un  phénomène  tout  parti- 
culier, le  phénomène  de  la  barre,  dont  vous  avez  déjà 
entendu  parler,  avec  ses  trois  vagues  successives,  qui  vous 
font  souvent  chavirer.  Un  autre  accident  qui  peut  arriver 
quelquefois^  c*est  d*ètre  happé  par  un  crocodile.  On  ren- 
contre le  crocodile  de  tous  les  côtés.  Il  a  des  avantages. 
Comme  vous  le  savez,  en  Amérique,  on  se  sert  de  sa  peau 
pour  faire  des  souliers,  mais  au  Congo  on  n*a  pas  songé  è 
Tutiliser  de  cette  manière.  Les  noirs  le  mangent,  peau  et 
viande,  c'est  plus  simple.  La  peau  n'est  pas  bonne,  je  puis 
vous  le  dire,  j'en  ai  goûté  parfois  au  moment  des  disettes; 
mais  la  queue  a  un  parfum  spécial  qui  peut  être  agréable 
pour  les  dames  :  elle  sent  le  musc. 

En  débarquant  à  Libreville,  on  peut  arriver  au  palais  du 
gouverneur  parchemin  de  fer.  Il  y  a  un  Decauville  !  Il  est 
bon  À  signaler,  il  a  120  mètres  de  long,  c'est  déjà  quelque 
chose  !  C'est  le  premier  chemin  de  fer  du  Congo  français. 
Le  gouverneur,  M.  Gentil,  réunit  les  fonds  nécessaires 
pour  nous  créer  une  nouvelle  ligne,  jusqu'ici  il  n'y  a  que 
celle-là.  Il  y  a  quelques  vingt  ans,  on  avait  apporté  un 
chemin  de  fer  Decauville  avec  ses  rails.  On  s'en  est  servi 
immédiatement  à  un  usage  tout  particulier.  Les  ouragans 
avaient  grossi  les  eaux  de  la  rivière  et  on  ne  savait  com- 
ment les  arrêter,  alors  on  employa  les  rails  pour  faire  des 
fascines.  C'était  une  utilisation  de  chemin  de  fer  peu 
banale. 

Nous  voici  sur  la  première  route  du  Congo  français.  Il  y 
en  a  peu,  il  faut  la  signaler.  Quelques  ponts  existent  sur  les 
ruisseaux  qui  se  trouvent  des  deux  côtés  de  la  route.  H"^ 
commencent  à  s'effriter,  quelques-uns  sont  presque  tom 
bés;  on  parle  de  les  raccommoder.  Cela  se  fera  ! 

Tout  le  commerce  de  l'intérieur,  toutes  les  choses  qui 


bN  VOYAtJE  AU  CONGO  FRANÇAti?  22i 

arrivent  un  peu  de  tous  les  côtés,  les  marchandises  di- 
verses, caoutchouc,  araclndes,  tout  le  bois  de  l'intérieur, 
l'ivoire,  tout  se  concentre  dans  les  factoreries,  où  les  noirs 
affluent  pour  échanger  leurs  marchandises.  Celles  que  mal- 
heureusement ils  préfèrent  à  toutes  les  autres,  ce  sont  les 
eaux  de-vie,  Teau-de  vie  allemande  surtout;  il  en  vient  un 
peu  de  tous  les  côtés,  eau  de-vie  frauçaise,  eau -de-vie 
anglaise;  maïs  le  résultat  est  absolument  le  même  :  empoi- 
sonner le  noir  et  détruire  sa  race.  Ce  n'est  pas  étonnant  au 
prix  où  sont  les  eaux-de-vie  des  factoreries.  On  arrive 
à  vendre  le  litre  d'alcool  un  franc.  Il  a  dû  subir  par  consé- 
quent quelques  petites  manipulations.  On  y  a  ajouté  de 
l'eau,  de  l'acide  sulfurique  pas  mal,  on  y  a  fait  infuser  du 
tabac  pour  lui  donner  de  la  couleur  et  du  montant,  du 
piment  et  encore  autre  chose.  La  conclusion  est  très  simple, 
le  noir  en  meurt,  le  blanc  aussi,  bien  souvent. 

Le  long  de  la  côte,  les  indigènes  s'en  vont  portant  des 
paquets  sur  la  tête,  les  femmes  ayant,  grâce  à  cette  habi- 
tude de  porter  toujours  leurs  fardeaux  ainsi,  une  allure 
beaucoup  plus  belle  que  celle  de  certaines  femmes  qu'on 
peut  rencontrer  dans  beaucoup  de  nos  villes. 

Je  vais  vous  présenter  au  hasard  quelques  marchands  et 
quelques  scènes  que  j'ai  prises  avec  mon  détective. 

Un  marchand  de  coroso  qui  débite  ses  petites  tran* 
ches  de  fruits  à  qui  veut  les  acheter.  Ici  les  vieilles  s'en 
mêlent.  Les  jeunes  filles  sont  là  sur  le  bord  du  chemin, 
joignant  leur  propre  grâce  aux  beaux  fruits  qu'elles  pré* 
sentent,  des  mangues*  qu'elles  apportent  et  qu'elles  ven- 
dent; c'est  un  fruit  des  plus  estimés. 

Pendant  que  les  jeunes  sont  lô,  vendant,  travaillant, 
offrant  leurs  produits  divers,  celles  qui  sont  beaucoup  plus 
riches  se  tiennent  tranquillement,  regardant,  passant  le 
temps  en  causant.  Encore  vêtues  à  la  mode  d'autrefois, 
avec  le  bonnet  de  jadis»  ayant  des  anneaux,  des  bracelets 


222  VN  VOYAGE  Al-  a)NGO  FRANÇAIS 

aux   mnins,   aux  pieds,  car   on   ne  se  contente  pus  Jeu 
mettre  aux  mains,  (le  sont  d'énormes  bracelets  d'ivoire. 

Voici  encore  une  jeune  fille.  Elle  se  trouvait  !à  le  jour  où 
je  passais  près  du  grand  latanier  que  vous  voyez.  Klle  était 
très  étonnée  de  me  voir,  cela  l'amusait,  elle  .souriait  de  son 
beau  sourire,  montrant  ses  dents  blanches,  et  je  la  photo- 
graphiai. 

La  race  qui  délile  n)aintenant  représente  le  type  des 
femmes  qui  sont  lieaucoup  plus  remarquables  ijue  celles  de 
l'intérieur,  par  leur  façon  d(^  se  soigner  et  souvent  auîîsi 
par  leurs  formes  sculpturales.  Ce  type  n'offre  pas  d'aulre 
intérêt  que  celui  de  passer  assez  rapidement  sous  vos  yeux. 

Tantôt,  c'est  la  femme  à  la  porte  de  sa  case  ou  un  musi- 
cien a^'ec  un  théorbe  à  sei>t  cordes  qui  joue  un  air  d'autre- 
fois, plus  ou  moins  mélancolique.  S'il  ne  charme  pas  les 
autres,  il  se  charme  lui-même.  C'est  déjà  beau  pour  uo 
musicien,  cela  n'arrive  pas  toujours.  Devenant  un  peu  pîus 
vieilles  et  plus  civilisées,  ces  dames  adoptent,  de  façon 
presque  définitive,  nos  costumes  européens  d'anlan.  Ce 
n*est  pas  à  la  mode  d'aujourd'hui,  peut-être  pas  à  celle 
d'hier;  mais  enfin  i!  faut  le  temps  aux  modes  pour  arriver. 
Puis  sur  le  bord  du  chemin,  en  voilà  une  autre,  une  femme 
qui  vend  quelques  œufs  que  l'on  peut  se  procurer  là-bas  à 
trois  pour  dix  sous.  C'est  un  prix  presque  établi.  Aux  pas- 
sants elle  fait  des  offres  de  service,  et  suivant  l'usage  de  ^ 
tous  les  vendeurs,  si  l'on  achète,  elle  vous  remercie,  si  l'on , 
n'achète  pas,  elle  ne  vous  dit  pas  précisément  merci. 

Cette  femme  que  je  vous  présente. est  une  des  dernière» 
de.scendantes  du  roi  Denis,  qui,  en  1843,  céda  son  pays* 
la  France;  elle  est  venue  dans  nos  Missions  et  c*est  le  type 
le  plus  parfait  de  sa  race*  Les  femmes  qui  appartiennent 
aux  familles  véritablement  pnncières  du  pays  restent  habi- 
tuellement à  la  porte  de  leur  case.  Lorsqu'elles  sont  en- 
semble oos  daniçs  s'habillent,  comme  vous  le  voyez.  Celtfi 


UN  VOYAGK  AU  CONGO  FR.\NÇAIS  223 

race  presque  toute  entière  est  civilisée.  Vivant  ensemble, 
passent  leur  journée  à  causer,  elles  n'ont  pas  grand  chose 
à  faire,  et  elles  préfèrent  se  livrer  à  un  plaisir  goûté  dans 
d'autres  endroits  qu'au  Congo,  c'est  à-dire  à  des  conversa- 
tions qui  durent  des  journées  entières.  Arrivées  à  un  cer- 
tain  âge,  peu  à  peu,  lorsque  des  ans  l'irréparable  outrage 
les  a  atteintes,  les  charmes  printaniers  que  vous  avez  pu 
admirer  se  sont  successivement  envolés,  il  ne  leirr  reste  pas 
grand  chose,  seulement  la  douce  mélancolie  de  la  vieillesse 
et  le  charme  tout  particulier  que  vous  voyez. 

Nous  avons  vu  les  habitants,  un  mot  maintenant  de  leurs 
cases.  En  voici  une,  les  gens  au  milieu,  occupés  tous  à  des 
travaux  diiïérents.  La  case  est  en  bambou,  bien  faite,  de 
façon  à  ce  que  l'air  circule  admirablement,  une  large 
vérandah,  quelques  fenêtres,  un  lit,  parfois  une  chaise 
longue,  une  table  boiteuse. 

Dans  les  villages,  le  soir  et  même  bien  souvent  dans  la 
journée,  pour  se  réjouir,  que  faire  de  mieux  que  de  danser, 
d'esquisser  un  pas  de  danse.  Ces  messieurs  et  ces  dames  se 
livrent  à  leur  plaisir  favori.  On  danse  le  matin,  on  danse  à 
midi,  on  danse  le  soir,  la  nuit  aussi. 

Pour  administrer  une  grande  partie  du  Congo,  on  a  dû 
avoir  recours  aux  milices  indigènes.  Près  de  Libreville,  on 
a  bâti  des  casernes,  modestes  encore  et  un  peu  élémen- 
taires cependant,  c'est  le  Génie  qui  s'en  est  chargé. 

Là,  c'est  la  case  du  commandant.  Nous  allons  voir  la 
case  des  soldats,  qui  offre  comme  vous  le  voyez,  une  archi- 
tecture quelque  peu  rudimentaire.  Les  soldats  sont  à  la 
porte.  Quand  une  case  est  trop  sale,  c'est  bien  simple,  on  y 
met  le  feu  et  elle  est  nettoyée  tout  de  suite,  le  feu  purifie 
tout.  On  la  rebâtit  en  un  ou  deux  jours.  Il  est  facile  d'être 
propriétaire  et  locataire  là-bas.  Les  soldats  miliciens  séné- 
galais sont  connus  un  peu  partout,  c'est  grâce  à  eux  que 
pous  pouvons  tenir  un  peu  cette  coloniet 


224  L'N  VOYAGE  AU  CONGO  FRAXÇAIr^ 

Aprôs  avoir  salué  la  force  arinén,  nous  revenons  au 
palais  du  gouverneur,  bâti  ô  grands  frais,  avec  des  briques, 
de  la  pierre,  de  la  cliaux,  matériaux  importés  de  la  métro- 
pole. C'est  une  des  rares  maisons  confortables  qu'on  peut 
trouver  à  Libreville.  Les  maisons  des  fonctionnaires  sonl 
plus  simples,  comme  il  convient  d'ailleurs;  on  ne  peut  pas 
se  loger  comme  le  grand  cbcf  ! 

Ici,  la  maison  du  directeur  de  l'iiuprinierie.  Klle  est  cou- 
verte en  simple  paille,  c'est  plus  frais  en  été,  et  bâtie  h 
claire-voie. 

Revenons  vers  la  Mission,  aux  petits  enfants  qui  vont  à 
l'école.  Ce  sont  de  petits  écoliers  ricbes,  iils  de  maho- 
métans  qui  viennent  des  villes  de  la  côte,  car  à  Libreville 
toutes  les  races  se  mêlent,  sont  confondues.  Ils  viennent 
vers  nous  pour  pénétrer  les  mystères  de  l'alphabet.  Nous 
exigeons  qu'ils  soient  vêtus  de  la  tôte  aux  pieds.  Les  voilà 
qui  se  dirigent  vers  la  mission  Sainte-Marie  de  Librevilleet 
nous  allons  nous  y  rendre  également. 

Voici  les  bâtiments  de  Sainte-Marie  de  Libreville  qui 
passent  devant  vos  yeux.  Ils  ont  été  construits  il  y  a  quel- 
ques années  avec  des  matériaux  pris  tous  dans  le  pays.  Ce 
sont  des  pierres  travaillées  avec  Taide  de  nos  enfants,  sans 
le  secours  d'aucun  ouvrier  européen  (nous  les  moralisons 
par  le  travail).  Nous  apprenons  toutes  sortes  de  métiers, 
comme  il  faut  bien  le  faire»  hélas,  de  temps  en  temps.  Non 
seulement  avec  nos  enfants  nous  faisons  les  tailleurs,  les 
menuisiers,  mais  une  quantité  d*âutres  choses  que  j'avais 
oublié  d'apprendre  étant  jeune.  Nous  faisons  môme  nos 
cultures.  Vous  pouvez  voir  ces  longues  allées  de  mangues 
qui  se  prolongent  pendant  des  kilomètres  et  qui  servent 
aux  repas  de  nos  enfants  ainsi  que  d'abri  contre  la  chaleur, 
ebri  qui  est  bien  nécessaire  dans  ces  pays  équatorlaux. 

Voici  maintenant  une  petite  fille  qui  s'en  va  vers  l'école 
des  sœurs.  C'est  une  des  petites  monitrices  qui  va  diriger 


CN  VOYAGE  Ai;  CONGO  FîWNÇ'VIS  225 

la  danse  avec  le  tambour  de  basque  qu'elle  porte  sous  son 
bras. 

Ayant  vu  la  maison  des  p^res.  nous  arrivons  vers  la 
maison  des  sœurs,  beaucoup  plus  confortable.  Môme  en 
pays  sauvage,  nous  savons  soigner  les  dames.  Nous  leur 
avons  bôti  la  maison  que  vous  voyez  lA.  Devant  il  y  a  un 
champ  d'ananas. 

Après  avoir  vu  la  Mission  de  la  côte,  nous  allons  com- 
mencer notre  voyage  vers  l'intérieur  avec  nos  moyens 
d'exploration.  Il  y  a  quelque  temps,  on  pouvait  voyager 
h  cheval,  on  avait  introduit,  surtout  dans  le  sud,  quelques 
chevaux,  d'abord  cinq  ou  six,  c'était  l'cruvre  d'un  négo- 
ciant. On  en  avait  déjà  introduit  avant  lui,  mais  ils  résis- 
taient mal  h  la  mouche  tsé-tsé  qui  décime  tous  ces  pauvres 
animaux  et  qui  en  avait  interdit  l'entrée.  V^oyant  que  ce 
négociant  réussissait,  le  Gouvernement  a  demandé  ô  ache- 
ter les  chevaux  pour  monter  la  cavalerie  du  nord;  mais  à 
partir  du  moment  où  les  chevaux  sont  devenus  budget! 
Yores,  ce  fut  leur  mort. 

Pour  voyager,  voici  une  roule.  Il  ne  faut  pas  s'attendre 
à  en  trouver  comme  celles  d'Europe.  D'abord,  quand  il  y  a 
une  rivière,  si  l'eau  ne  monte  pas  plus  haut  que  le  genou, 
les  noirs  l'adoptent  invariablement  comme  grande  route. 
Ils  n'ont  pas  besoin  de  couper  les  branches  avec  un  sabre 
et  c'est  plus  rafraîchissant  aussi.  On  s'avance  ainsi  le  long 
de  la  rivière.  On  peut  marcher  de  cette  façon,  les  noirs  sui- 
vent ou  précèdent,  portant  chacun  leur  paquet. 

Dans  la  partie  inférieure  de  notre  colonie,  dans  le  Congo 
sud,  on  a  pu  dompter  et  dresser  quelques  bœufs.  Ce  sont 
des  animaux  lents,  comme  ceux  des  rois  francs  dont  parle 
Boileau.  L'animal  va  doucement,  un  peu  comme  il  veut, 
beaucoup  comme  on  ne  veut  pas,  et  s'il  arrive  qu'il  ren- 
contre ou  sent  un  de  ses  congénères,  il  a  un  attrait  invin- 
cible pour  Taller  retrouver  et  une  répugnance  très  marquée 


22(5  IN  VOYAGE  Al    CON(^0  IHANÇAIS 

pour  son  cnvdlier.  Il  s'en  débarrasse,  se  sauve  et  le  laisse 
dans  une  situation  très  désavantageuse.  Alors  pour  parera 
cet  inconvénient,  un  de  nos  Pores,  constructeur  émérite, 
avait  imaginé  d'ajuster  à  son  tricycle  ou  à  sa  bicyctetle, 
une  voile,  (^est  un  procédé  que  je  vous  recommande.  De 
quelque  côté  (jue  vient  tourner  le  vent,   on  y  tourne  son 
aile,  on  ne  pédale  pas  du  tout.   C'est  un  moyen  infaillible 
que  je  recommande  à  tout  novice  pour  ramasser  des  pelles; 
mais  cela  n'a  pas  beaucoup  d'importance,  car  on  ne  se  fait 
pas  grand  mal  en  tombant  sur  le  sable  et  on  est  quitte  pour 
recommencer.    Puis  quand  on  est  passé   maître,   ce  qui 
arrive,  avec  un  vent  alizé  on  va  extrêmement  vite.  On  a 
une  sensation  de  vitesse  qui  vaut  presque  celle  de  l'auto- 
mobile. 

Pour  aller  dans  l'intérieur,  on  ne  peut  pas  songer  à 
s'ehcombrer  d'une  foule  d'impedimenta,  à  emporter  des 
viandes  de  conserve  ou  de  la  farine  en  boîtes.  Il  est  plus 
simple  de  s'babituer  à  la  nourriture  du  pays,  la  farine 
de  bananes  ou  encore  la  farine  de  manioc.  En  France,  on 
la  mange  sous  forme  de  tapioca,  mais  au  Congo  ce  n'est 
pas  la  môme  cho.se.  La  farine  de  manioc  est  pétrie  parles 
noirs  avec  leurs  mains  et  réduite  en  une  espèce  de  gâteau 
que  l'on  met  dans  l'eau  pour  en  extraire  l'acide  cyanhy- 
drique.  Cela  constitue  des  bâtons  de  manioc,  c'est  la  nour- 
riture des  blancs  et  des  indigènes.  Ces  derniers  ne  s'en 
plaignent  pas;  les  blancs  n'y  étant  pas  habitués  dès  l'en* 
fance  s'en  plaignent,  mais  avec  une  certaine  habitude,  OQ 
arrive  à  la  supporter.  Pour  ma  pari,  je  m'en  suis  félicité 
beaucoup  vers  la  dixième  année.  Cela  promet  à  ceux  qui 
voudront  se  fixer  au  Congo. 

Nous  n'avons  pris  notre  pirogue,  je  vous  l'ai  dit  tout 
à  l'heure,  que  pour  aller  dans  l'intérieur.  Pour  aller  en 
pirogue,  la  question  est  bien  simple^  on  va  d*abord  dans 
une  forél  couper  un  arbre^  de  façon  à  se  faire  une  embar* 


UN  VOYACit  AL  <:ONi.O  I  UVNÇAIS  227 

Htion  soi-même.  Ces  pirogues  sont  à  fuiid  plat,  très  légô- 
es,  on  peut  les  porter,  leur  faire  franchir  dos  rapides.  La 
urogue  ordinaire  de  voyage,  celle  que  je  prenais  habituel- 
eniont  et  qu'on  prend  quand  on  veut  faire  d'assez  longs 
voyages,  a  ordinairement  de  12  à  15  rameurs.  Il  faut  faire 
:rès  attention,  car  ces  pirogues  sont  peu  stables,  elles  ont 
de  14  k  15  mètres  de  long  sur  iM)  à  70  centimètres  de  large. 
On  (lie  très  vile-    Dans   les  commencements,   quand  les 
blancs  viennent  avec  nous,  ils  restent  au  fond  comme  des 
paquets,  les  noirs  leur  recommandant  de  ne  pas  bouger. 
Puis  on  arrive  à  se  mettre  à  l'arrière,  à  pouvoir  causer, 
remuer.  Il  m'est  arrivé  dans  mes  voyages  d'être  accompa- 
gné par  (juelques  dames,  soit  des  femmes  d'explorateurs  ou 
de  fonctionnaires,  soit  de  nos  sd'urs.  Elles  se  mettaient  au 
fond  et  avaient  soin  de  ne  pas  trop  se  retourner;  c'était 
quelquefois  difficile.  Les  noirs  étaient  contents  d'avoir  une 
de  ces  dames  avec  eux,  cela  leur  servait  beaucoup.  Vous  ne 
sauriez  jamais  pourquoi,  c'est  assez  difUcile  à  deviner.  C'est 
^ueces  pirogues,  très  peu  au-dessus  de  l'eau,  embarquent 
énormément,  et  alors  il  faut  toujours  (ju'un  des  enfants  ait 
à  la  main  une  espèce  d'écope  pour  enlever  l'eau  et  la  rejeter 
dans  le  fleuve.  «  Quand  tu  as  une  dame  avec  toi,  me  disait 
un  des  noirs,  c'est  elle  qui  prend  toute  l'eau  dans  ses  robes, 
c  est  tout  avantage.  » 

Dans  cette  équipe  que  l'on  se  forme  ainsi,  on  a  soin 
d'avoir  toujours  les  mômes  hommes,  de  faf:on  à  pouvoir  se 
fier  â  eux. 

Il  y  avait  deux  petits  enfants  qui  m'accompagnaient  tou- 
jours, Félix  et  Charles.  Pendant  une  dizaine  d'années,  ils 
m'ont  suivi  dans  toutes  les  explorations  que  j'ai  faites. 
Le  grand,  Charles,  me  servait  de  cuisinier,  lîin  fait  de  cui- 
îine,  il  n'en  savait  pas  long,  car  tout  ce  qu'il  savait  c'est 
noi  qui  le  lui  avais  appris,  et  je  ne  sais  pas  grand  chose.  Il 
lavait  surtout  manger  ce  cjue  je  lui  laissais.  Félix  était 


22R  VN  VOYAGE  Al    CONCO  FflAXÇAI^ 

mieux.  C'est  un  petit  indigène  que  j'avais  pris  dans  son  vil- 
lage, il  était  remarquablement  intelligent.  Lorsque  je  le 
pris,  il  y  a  une  di/.aine  d'ann6(»s,  il  ne  parlait  absolument 
que  sa  langue.  Vne  fois  arrivé  à  la  mission,  «juandilsut 
les  quatre  premières  langues  indigènes,  il  apprit  le  fran 
çais,  puis  l'anglais,  pour  s'amuser.  Il  apprit  aussi  l'alle- 
mand  afin  de  pouvoir  servir  d'interprète.  Comme  nous 
avions  beaucoup  d'Rlspagnols,  il  apprit  l'espagnol.  Il  com- 
prenait le  portugais  et  il  apprit  également  quelques  mots 
d'italien.  Il  a  10  ans  \/2  et  parle  quatorze  langues,  c'est 
déjA  gentil  ! 

I^  long  du  fleuve,  on  rencontre  quelques  cases  d'indi 
gènes;  presque  partout,  ceux-ci,  afin  d'échapper  à  l'impôt 
qui  pressure  ceux  qui  sont  sur  les  bords,  se  sont  réfugiés 
d'ans  l'intérieur.  Ils  reviennent  au  moment  de  la  saison  de 
la  chasse  ou  de  la  pêche,  c'est-à-dire  lorsque  les  eaux  sont 
basses;  ils  prennent  une  quantité  de  poissons  qu'ils  mettent 
avec  eux  dans  les  petites  cases  élevées  près  de  la  rivière. 
C'est  également  dans  ces  cases  que  nous  trouvons  un  asile 
pour  nous  loger  quand  nous  allons  dans  l'intérieur.  Elle» 
ne  sont  pas  très  grandes,  2  mètres  de  long  sur  1  m'.  50  de 
large. 

On  invite  le  propriétaire  à  passer  dans  la  case  à  côté; 
il  vous  cède  sa  case,  contenant  et  contenu-  Le  contenu  est 
considérable,  non  pas  en  meubles,  mais  comme  c'est  géné- 
ralement là  que  l'on  met  le  poisson,  il  y  a  une  quantité  d  ha- 
bitants, comme  d'ailleurs  dans  tous  les  villages  noirs  qu? 
nous  rencontrons.  Nous  leur  avons  fait,  nous  autres,  on^ 
quantité  de  cadeaux,  sans  parler  des  marchandises  et  des 
maladies,  nous  leur  avons  apporté  les  rats,  le  vulgaire  rsl 
gris  et  le  rat  noir  aussi  par  dessus  le  marché.  Cela  ne  leur 
a  pas  fait  plaisir,  à  nous  non  plus.  Lorsque  le  soir,  quani 
on  dort,  on  sent  un  petit  grignotement  au  bout  des  doigts 
des  mains,  ou  sur  la  figure,  quatre  petites  pattes  qui  ^ 


UN  VOYAGE  AU  CONGO  FRANÇAIS  22î) 

promènent,  cela  vous  donne  une  impression  de  froid  tout  à 
fait  désagréable.  C'est  de  ces  cases  qu'on  peut  assister, 
le  soir,  à  des  couchers  de  soleil  splendides. 

Parfois,  au  lieu  de  s'arrêter  dans  un  village,  on  s'arrête 
sur  un  banc  de  sable,  sur  les  bords  de  la  rivière;  le  spec- 
tacle et  la  poésie  sont  peut-être  pius  grands,  mais  le  confor- 
table l'est  un  peu  moins.  On  installe  sa  tente,  quand  on  en 
a,  pour  s*abriter  de  la  rosée,  on  passe  ia  soirée  à  causer 
avec  ses  rameurs  en  regardant  le  lleuve  qui  s'en  va  vers  la 
mer,  et  le  lendemain  on  reprend  sa  roule.  Quelquefois  les 
canots  ne  peuvent  pas  franchir  les  rapides  par  eux-mêmes. 
On  fait  alors  appel  aux  gens  du  village  voisin,  qui  se  jettent 
tous  dans  l'eau,  joyeusement,  débarquent  toutes  les  mar- 
chandises, et  vont  les  transporter  de  l'autre  côté.  On  conti- 
nue alors  sa  marche.  Lorsqu'on  fuit  des  voyages  dans  l'in- 
térieur, il  faut  s'attendre  h  ces  péripéties  et  répéter  ce 
manège  quelquefois  six  fois  par  jour.  Il  faut  faire  pa.sser  les 
bagages  de  l'autre  côté  et  recommencer,  c'est  quel(|uefois 
un  peu  ennuyeux.  C'est  que  ces  rapides  ne  peuvent  pas  se 
franchir  très  aisément,  il  y  a  un  rapide  devant  la  niission 
^ue  j'ai  fondée,  un  petit  rapide  que  je  descendais  deux  fois 
par  jour;  je  remontais  par  le  sentier,  uniquement  pour  le 
plaisir  de  le*  redescendre.  C'est  une  sensation  de  vitesse 
th's  agréable.  Mais  il  faut  faire  attention,  car  il  y  a  des 
rochers  au  milieu  et  t|uand  ia  pirt^gue  arrive  dessus,  elle 
tourne  et  ceux  qui  sont  dedans  aussi  ;  mais  (luand  on  est  un 
peu  exercé,  c'est  tn'S  amusant  do  descendre  avec  cette 
rapidité.  Tous  ces  rapides  sont  très  variés.  Ce  lleuve  est 
excessivement  resserré,  pris  île  chaque  côté  entre  des 
murailles  tapissées  Je  toutes  surtt's  du  i»lantes,  il  se  préci- 
pite avec  une  rapidité  inconcevable. 

Quand  ia  rivière  n'est  plus  navigable,  il  faut  bien  la  lais- 
ser et  prendre  la  route  de  terre.  On  confie  la  pirogue  à  un 
■hef  de  village,  puis  on  cornmcnfe  son  chemin.  Ces  chc- 


230  t'N  VOYAGE  AU  CONGO  FRANÇAIâ 

mins  de  terre  sont  ordinairement  défendus,  parce  que  les 
indigènes  d'une  tribu  qui  ne  sont  pas  en  bon  accord  avec 
une  autre  tribu  nainienl  pas  à  montrer  où  il  faut  passer,  et 
la  route  n'est  pas  précisément  faciie.  Nous  avons  quitté  la 
rivière  pour  prendre  la  route  de  terre  que  vous  voyezlàoù 
les  enfants  i-omniencent  à  monter  et  qui  va  de  l'autre  cMé. 
Il  faut  monter  au  milieu  de  ces  racines  de  palétuviers  qui 
ol)struent  le  cbemin  pendant  plusieurs  kilomètres.  C'est  un 
passage.tiue  j'ai  eu  du  mal  à  francliir.  Lorsque  noiis  avons 
amené  les  sœurs  blanches  dans  notre  dernière  missior, 
j'en  avais  pris  avec  moi,  et  [>our  franchir  ces  quatre  kilt- 
mètres,  nous  avons  mis  deux  jours.  Mlles  avaient  oublié 
d'apprendre  la  gymnastique  étant  jeunes;  c'est  une  bonne 
chose  qu'on  apprend  maintenant  aux  jeunes  filles.  Nors 
nous  sommes  résolus  quand  on  a  vu  qu'on  n'avançait  pas  à 
envelopper  chaiiue  sœur  dans  une  couverture;  on  les  atta- 
chait pi.r  les  pieds,  par  \e>:  maitis  et  on  les  portait  comme 
des  paquets,  parfois  les  pieds  en  l'air,  peu  importait,  k 
promets  aux  dames  qui  voudront  venir  me  voir  l'anm^e 
prochaine  d'user  du  même  procédé,  à  moins  qu'elle.'^  "^ 
soient  très  fortes  en  gymnastique. 

Lorsqu'une  rivière  est  torrentueuse  et  très  profonde,  on 
la  traverse  d'une  fart)n  bien  simple.  Les  indigènes  coujx'nl 
un  arbre  et  le  font  ton)ber  en  travers.  Malheureusement, 
c'est  un  pont  très  l)ranlant,   pas  très  large,   puis  cela  niyn 
que  absolument  de  garde-fou  ;  c'est  un  ensemble  lîe  circon- 
stances c|ui  prédisposent  à  t()ml)er.   Les  noirs  passent  avec 
les  plus  grandes  précautions,  et  quand  ce  sont  les  blancs 
qui  passent,  ils  passent  comme  ils  peuvent.    Il  vaut  mieux 
trouver  des  ponts  de  lianes  qui  ont  quelquefois  80  mèlre^^ 
de  long  et  i|ui  sont  construits  avec  un  certain  art  parles 
indigènes  qui  arrivent  ainsi  à  jeter  ces  immenses  ponts ie 
lianes  d'une  rive  à  une  autre.  Lorsque  le  vent  souflle,  on 
est  balancé  avec  le  pont,  cela  vous  donne  Tillusion  du  ber- 


UN  VOVAGË  AU  CONGO  FRANÇAIS  231 

•eau  qui,  dans  notre  enfance,  était  balancé  par  notre 
naman  ;  mais  le  charme  n'est  pas  le  mémo  et  on  n'est  pas 
balancé  aussi  doucemenl. 

Quand  on  arrive  dans  un  village  de  l'intérieur,  il  faut, 
pour  avoir  des  guides,  s'adresser  aux  indigènes,  et  je  n'ai 
jamais  rencontré  de  dillicultés  bien  sérieuses  avec  eux.  Si 
on  est  (idèle  à  ses  promesses  ou  si  on  ne  les  tient  pas,  la 
réputation  est  vite  faite  :  on  est  un  bon  blanc  ou  un  mau- 
vais blanc.  Mais  si  on  est  un  mauvais  blanc,  on  ne  trouve 
pas  de  guides.  On  s'adresse  donc  aux  gens  et  on  palabre 
pendant  longtemps.  Il  faut  surtout  avoir  recours  à  des 
guides  connaissant  bien  les  tribus  de  Tinlérieur. 

l'ne  fois  muni  de  guides  et  de  porteurs,  on  va  à  travers 
d».'s  chemins  frayés,  soit  à  la  liacho,  soit  au  coi^teau.  Nos 
hommes  s'en  vont  ainsi,  en  longues  théories,  suivant  que 
Ion  a  cinq,  six,  huit  ou  dix  hommes,  tout  dépend  de  ce  que 
Ion  a  à  porter.  Ils  s'en  vont  chantant  doucement,  se  sui- 
vant l'un  l'autre  et  marchant  des  journées  entières.  On 
part  en  général  le  matin  vers  six  heures,  on  s'arrête  un  peu 
^  midi,  puis  on  recommence  à  marcher  jusqu'à  vers  trois 
lieiires.  La  charge  moyenne  d'un  homme  est  de  30  kilos, 
«veccola  il  peut  marcher  dix  heures  [>ar  jour.Lorsijuedans 
U'Jvjllageon  a  un  nombre  insullisant  d'hommes,  on  recrute 
«Jes  femmes  comme  porteuses.  Mlles  sont  bonnes  pour  bien 
<ies  raisons.  Tne  des  premières,  c'est  qu'un  porteur  porte 
•^  kilos,  alors  qu'une  porteuse  en  porte  (îO,  c'est  un  avan- 
li'fs'c.  De  plus,  en  arrivant  au  village,  tandis  t\uo  les  hommes 
'^♦- font  plus  rien,  la  femme  part,  va  clu.'rcher  de  l'eau,  des 
^'VfJîs,  allume  le  frn,  nettoie  la  marmite,  pns  souvent,  fait 
^'uire  le  repas  du  soir,  et  s'occupe  encore  à  une  ijuantité 
d autres  choses.  Quand  vient  le  moment  de  la  paie,  les 
hommes  réclament  toujours,  les  femmes  jîimais.  Dans  le 
ConfTo  lîord,  les  femmes  sont  faciles  <*»  conduire,  beaucoup 
plus  que  les  hommes. 


232  UN  VOYAGE  AU  CONGO  TRANÇAIS 

Ordinairemenl.  dans  un  village,  il  faut  s'adresser  au 
chef.  Celui-ci,  dont  je  tous  présente  le  portrait,  est  un  des 
chefs  qui  venaient  avec  moi  comme  chefs  de  porteurs,  un 
brave  d'ailleurs  qui  m'égayait,  écartant  les  obstacles,  ra- 
contant toutes  sortes  d'histoires  sur  les  traditions,  un  excel- 
lent homme  d'un  physique  avantageux.  Il  avait  presque 
toujours,  dans  ses  voyages,  sa  femme  qui  était  fidèle  et  qui 
l'aimait  bien,  c'est  une  grande  qualité.  Elle  marchait  tout 
près  de  nous,  le  soir  elle  me  faisait  la  cuisine,  bref,  tout  à- 
fait  une  brave  femme,  je  n'ai  pas  dit  une  jolie  femme. 

Dans  les  forêts,  la  vue  de  la  flore  est  quelquefois  très 
belle.  Voici  un  dracoena  presque  pareil  à  ceux  que  vous 
connaissez.  Une  belle  plante  que  nous  cultivons  en  France 
dans  des  pots  et  qui  atteint  quelquefois  2  m.  50  chez  nous. 
On  ^'extasie  alors,  on  la  fait  admirer  à  ses  voisins.  Là-bas 
pour  trouver  beau  un  dracoena,  il  faut  qu'il  ait  30  mètres 
avec  des  grappes  de  fleurs  de  2  m.  50,  qui  sentent  bon,  et 
lorsqu*on  en  a  autour  de  sa  case,  on  les  fait  admirer. 

Quand  on  peut  rencontrer  des  singes  pour  le  repas  du 
soir,  c'est  bon  et  bien  préférable  à  une  boite  de  corned-beef, 
lequel  depuis  les  récentes  histoires  d'Amérique  a  une  répu- 
tation avariée  ;  mieux  vaut  avoir  affaire  à  un  singe,  même 
ô  une  mère  singe  avec  ses  petits.  Le  petit  est  plus  tendre 
que  la  mère,  ce  n'est  pas  peu  dire.  Le  soir  venu,  si  l'on  a 
eu  la  chance  d'en  abattre  une,  on  la  donne  à  ses  hommes, 
mais  on  a  eu  soin  de  garder  les  bons  morceaux  pour  soi, 
c'est  à  dire  les  petits.  On  les  fait  rôtir  dans  leur  peau,  c'est 
délicieux.  11  faut  considérer  beaucoup  l'âge  dans  les  ani- 
maux, les  vieux  sont  toujours  un  peu  coriaces,  les  jeunes 
le  sont  moins. 

En  arrivant  dans  la  montagne,  le  spectacle  change  étran- 
gement. Je  vais  vous  en  montrer  quelques  échantillons. On 
peut  trouver  de  vastes  troupeaux  d'éléphants  comme  ceux- 
ci.  C'est  un  dessin  d'après  nature,  car  toutes  les  fois  que  je 


h  y^  VQYAOE  AU  CONGO  FRANÇAIS  233 

P  Use  suis  trouvé  en  face  â*un  éléphant,  j'ai  plutôt  pris  mon 
;    'iwil  que  mon  appareil  photographique.  L'éléphant  n'est 
pas  méchant,   mais  quand  on  l'attaque  il  se  défend,  c'est 
naturel.  On  l'attaqué  «toujours,  il  a  le  malheur  de  porter 
deux  défenses  d'ivoire  d'une  valeur  considérable,  et  aussi 
comme  on  a  toujours  sa  troupe  à  nourrir  on  est  content  de 
lui  donner  de  la  viande.  Quand  on  veut  tuer  Téléphant,  la 
façon  la  plus  simple  est  de  se  mettre  tout  près,  et  dès  que 
l*8Dimal  est  signalé,  qu'il  arrive  à  quatre  ou  cinq  mètres, 
OD  lui  tire  une  balle  dans  l'œil.  On  tâche  de  ne  pas  le  man- 
quer, car  lorsqu'on  le  manque,  il  ne  vous  manque  pas.  J'ai 
eu  le  regret  de  perdre  un  de  mes  compagnons  de  cette 
manière.   C'était  un  Anglais,    la   cartouche  de  son   Re- 
naington  n'a  pu  partir,  le  mécanisme  s'étant  faussé,  et  l'élé- 
phant lui  a  enfoncé  ses  défenses  dans  la  poitrine.  J'étais 
derrière  et  je  ne  pouvais  pas  tirer.  Dans  l'intérieur  on  fait 
de  grandes  chasses  à  l'éléphant.   Les  noirs  de  plusieurs 
villages  se  réunissent  et  font  de  grandes  tueries.  Ils  arrivent 
à  avoir  ainsi   une  grande  cjuanlité  de  défenses  qu'ils  vont 
porter  dans  les  factoreries.  Elles  ont  un  prix  considérable: 
une  défense  pesant  35  kilos  vaut  700  francs.  Les  éléphants 
vivent  en    troupeaux.    Dès   qu'ils   sont  signalés,  ils  sont 
entourés  par  des  lianes  et  des  arbres  tenant  ensemble,  de 
feçonà  déterminer  une  premièreenceinte.enceinte  quelque- 
fois excessivement  grande  qui  a  2  à  3  lieues  carrées.  Les 
éléphants  sont  là  au  milieu  et  ils  ne  s'en  doutent  pas  du 
tout.  La  barrière  se  resserre  de  plus  en  plus,  les  arbres  sont 
attachés  de  plus  en  plus  près;  le  troupeau  lin  il  par  être 
cerné  dans  un  petit  espace.  C'est  un  pays  tout  entier  qui 
lenloure.  On  monte  dans  les  arbres,  on  donne  l'eau  empoi- 
sonnée aux  éléphants  et  tous  les  animaux  succombent  les 
Qns  après  les  autres,  c'est  une  tuerie, tout  le  monde  y  vient; 
on  a  de  la  viande,  on  en  fait  sécher,  on  en  mange,  on  en 
garde, 

10 


234  UN  VOYAGE  AU  CONGO  FRANÇAIS 

Les  deux  plus  belles  défenses,  sinon  les  plus  belles  qu'on 
puisse  voir  et  que  j'aie  pu  trouver  jusqu'ici,  ont  été  trans- 
portées à  Zanzibar,  et  de  là  en  France  au  musée  de  Lyon. 
Ce  sont  des  défenses  de  2  m.  10  et  qui  pèsent  près  de  90kil. 
chacune.  L'animal  qui  les  portait  devait  avoir  une  belle 
taille. 

Revenons  dans  la  forêt.  On  rencontre  quelquefois  des 
spectacles  d'une  beauté  comparable  à  ceux  qu'on  peutvoiren 
Suisse  ou  dans  les  Pyrénées. Voici,  par  exemple,  une  chule 
de  700  mètres  de  haut  ;  c'est  un  des  plus  l>eaux  speciacles 
que  j'aie  jamais  vus.  J'ai  photographié  cette  chute  de  loin, 
au  milieu  des  rochers  ;  malheureusement,  il  n'y  a  point  de 
comparaison.  Lorsque  nous  l'avons  prise,  les  indigènes 
eux-mêmes  l'admiraient  à  cause  d'un  arc  en-ciel  qui  étail 
au  milieu  de  ses  eaux  ;  c'était  magnifique. 

(A  suivre)  Henri  Trilles 


ItE  CHEMIN  DE  m  DE  KO^IRhBAGDAI)'' 


Bagdad  !  Ces  deux  syllabes  orientales  évoquent  tout  un 
passé  de  puissance  et  de  gloire,  celui  de  l'antique  Califat, 
de  ses  armées  et  de  ses  marchands,  de  ses  palais  et  de  ses 
mosquées,  de  ses  richesses  et  de  ses  plaisirs.  Cet  empire 
fastueux,  ruiné  définitivement,  après  une  lente  décadence, 
par  l'invasion  mongole  de  Tamerlan,  n'est  plus  aujour- 
d'hui qu'un  souvenir  historique  et  la  cité  poétique  d'IIa- 
roun  al  Raschid,  devenue  le  simple  chef-lieu  d'un  vilayet 
turc,  végète  sans  espoir  dans  un  pays  désolé. 

Depuis  quelques  années,  cependant,  on  parle  beaucoup 
de  Bagdad,  son  nom  revient  sans  cesse  sous  la  plume  des 
géograplies,dans  les  discours  des  diplomates;  il  s'étale  dans 
les  grandes  revues  et  dans  les  graves  journaux  II  ne  s'agit 
plus,  maintenant,  de  ressusciter  le  passé,  de  lire  dans  les 
ruines  l'histoire  des  civilisations  mortes  ;  il  s'agit  d'un  pro- 
blème utilitaire  et  moderne,  d'un  long  et  coûteux  rail  à 
établir  du  Bosphore  au  golfe  Persique,  de  Scutari  au  Ghatt- 
el  Arab,  pour  réunir  par  la  voie  la  plus  directe  et  la  plus 
rapide  l'Europe  à  la  Perse  et  aux  Indes.  Le  chemin  de  fer 
de  Bagdad,  tirant  son  nom  du  centre  principal  qu'il  doit 
desservir,  est  actuellement  à  l'ordre  du  jour  ;  la  question  a 
fait  déjà  couler  des  flots  d'encre,  il  est  permis  d'espérer  que, 
pour  l'instant  du  moins,  elle  ne  risque  pas  de  fausser  le 
concert  des  peuples,  cependant,  de  son  fait,  l'Asie  Mineure 
est  devenue  un  des  points  sensibles  de  la  politique  interna- 
tionale et  les   problèmes  diplomatiques,   économiques  et 

.1    Communication  faite  &r^  Comité  de  la  Société  le  15  Ifai  1907. 


236  LE  CHEMIN  PE  FER  DE  HONIA-BAGDAO 

financiers  qu'elle  soulève  sont  de  ceux  qui  s'imposent  à 
l'attention. 

L'Asie  Mineure,  depuis  la  plus  haute  antiquité,  a  tou- 
jours été  un  lieu  de  transit,  et  de  transit  intense,  non  seule- 
ment pour  les  marchandises  et  pour  les  hommes,  mais  aus- 
si pour  les  idées  philosophiques,  artistiques  et  même 
religieuses.  Elle  est  en  effet,  par  sa  situation  géographique, 
un  véritable  bras  tendu  entre  l'Asie  et  l'Europe  :  à  quoi 
bon,  d'ailleurs,  citer  tous  les  mouvements  de  peuples  dont 
elle  fut  le  théâtre  ! 

A  vrai  dire,depuîsla  destruction  violente  ou  la  décadence 
progressive  des  grands  empires  qui  firent  sa  gloire,  no- 
tamment de  ceux  qui  occupèrent  les  vallées  de  TEuphrate 
et  du  Tigre,  ces  migrations  ont  singulièrement  pr^rdu  de 
leur  intensité. 

L'Asie  Mineure  actuelle  est,  comparativement  à  sa  vaste 
superficie,  très  peu  habitée  :  la  population  ne  réside  que 
sur  les  bcrJs  de  la  Méditerranée,  de  l'Archipel  et  de  la  Mer 
Noire.  De  l'isthme  de  Suez  au  Caucase,  la  cùle  asiatique 
est  bordée  à  une  distance  assez  rapprochée  et  presque  sans 
solution  de  continuité  par  des  montagnes  d'inégale  hauteur. 
Entre  elles  et  la  mer,  la  population  est  dense  ;  au  delà,  ce 
sont  des  terres  peu  habitées,  comme  le  plateau  d'Anatolie, 
ou  môme  absolument  désertes  comme  le  Badiet  es  Cham 
dont  les  solitudes  pierreuses  s'étendent  à  l'infini  dans  Tar- 
rière  pays  de  Syrie.  En  sorte  que  l'on  peut  comparer  l'Asie 
Mineure  à  une  étroite  bande,  à  un  isthme  peuplé  épousant 
la  forme  de  la  côte  depuis  l'Egypte  jusqu'à  la  Transcauca- 
sie,  isthme  baigné  d'un  ccMé  par  les  flots  de  la  mer  et  limi- 
té de  l'autre  par  les  dunes  du  désert.  L'accès  du  pays  se 
fait,  du  côté  de  la  mer,  par  des  ports  dénommés  Echelles, 
du  côté  des  sables  par  des  lieux  d'accès  dénommés  Bazars, 
et  à  chaque  port  de  mer,  à  chaque  Echelle  correspond  un 
port  du  désert,  Un  Bazar.  C'est  ainsi  qu'à  Jaffa,  échelle. 


LE  CHKMIN    DK   I-ER   DE   KONIA-BAGDAD  237 

correspond  Jérusalem,  bazar  ;  à  Beyrouth,  Damas  ;  à 
Antioche  et  à  Laodicée,  Alep  ;  à  Alexandrette,  Kaisarieh  ;  à 
Adalia,  Konia  ;  à  Smyrne,  Aïdin  ;  à  Moudania,  Brousse  ; 
à  Trébizonde,  Sivas. 

Aussi  les  premières  voies  ferrées  créées  en  Turquie  d'Asie 
furent-elles  des  voiesdintérèt  local  ou  tout  au  moins  régio- 
nal, destinées  à  unir  chaque  échelle  au  bazar  qui  lui  cor- 
respond. Cest  ainsi  que  Ton  eut  le  Jaifa-Jérusalem,  le 
le  Beyrouth- Damas,leMersina-Adana, le  Smyrne-Aïdin,  le 
Smyrne-Cassaba.le  Moudania-Brousse.Les  marchandises 
apportées  de  Mésopotamie  ou  d^Arménie  par  de  longues  et 
indolentes  caravanes,  débarquent  dans  les  bazars,  se  char- 
gent dans  les  wagons  des  compagnies  de  chemins  de  fer  et 
se  rendent  dans  les  ports  de  la  côte  où  elles  trouvent  les 
navires  anglais  ou  français^allemands  ou  aulrichiens,grecs 
ou  italiens  qui  les  distribueront  en  Europe. 

Ces  petites  lignes  ne  mènent  pas  loin.  La  plus  longue^ 
Smyrne-Kassaba-Assioum-Karahissar  a  320  milles,  «^ 
Mersîna*Adana,  40  milles.  —  Moudania-Brousse  n'a  pas 
25  milles.  Ce  sont,  répétons-le,  des  lignes  strictement 
régionales* 

L'Asie  Mineure  étant,  par  sa  constitution  géographique^ 
le  chemin  le  plus  court  d'Europe  en  Asie,  il  devait  inévita-* 
blement  venir  à  Tesprit  des  ingénieurs  d'y  établir  un  de  ces 
grands  railways  transcontinentaux  à  la  contruction  des* 
quels  les  peuples  modernes  s'attachent  à  Tenvi^tant  pour  la 
mise  en  valeur  de  leurs  possessions  que  pour  l'écoulement 
de  leurs  produits  métallurgiques,tant  pour  la  rémunération 
de  leurs  capitaux  que  pour  l'expansion  de  leur  puissance 
mondiale.  Effectivement  l'idée  première  du  petit  transa* 
statique,  du  transmésopotamien,  remonte  à  l'époque  môme 
où  la  nouvelle  industrie  des  chemins  de  fer  entra  dans  le 
domaine  delà  pratique. 
Avant  la  percée  deTlsthme  de  Suez  et  avant  les  projet! 


238  LE   CHEMIN    DE    FER    DE   KON4A-IIAGDAD 

grandioses  de  rail  direct  entre  le  Hospliore  et  le  golfe  Persi- 
que,  le  transit  Europe-Indes  suivait  généralement  la  rout*^ 
de  rOronte,qui  de  fait,  était  de  beaucoup  la  plus  pratique- 
Téchelle  d^Antioche  et  le  bazar  d'Alep  ouvraient  la  voie, 
qui  gagnait  ensuite  les  fleuves  dont  les  lentes  caravanes 
suivaient  pas  à  pas  le  cours. 

Dès  1830,  tout  au  début  de  l'applicalion  de  la  vapeur  aux 
transports,  l'anglais  Che.sney  conçut  le  projet  de  mo- 
derniser la  route  de  l'Oronte.  11  voulait  créer  un  port 
à  Suediah,  l'ancienne  Seleucie,  Antioche  s'ensablant  de 
plus  en  plus  dans  le  sable  des  alluvions.  De  là,  le  rail, 
courant  entre  la  côte  et  TEuphrate,  via  Alep,  eût  atteint 
le  fleuve  dont  on  devait  améliorer  la  navigabilité  jusqu'au 
Chatt  el-Arab. 

Cinquante  ans  durant,  le  gouvernement  britannique  ca- 
ressa ce  projet,  qui  abrégeait  la  route  des  Indes  et  augmen- 
tait son  prestige  auprès  de  la  Porte. Ce  fut  môme  pour  gar- 
der jalousement  le  contrôle  du  bas  Oronte  que  les  Anglais 
s'installèrent  à  Chypre,  dont  la  pointe  orientale  vise  Sue- 
diah.Mais  lorsque, grâce  à  une  défaillance  de  notre  politique 
étrangère,  le  Canal  de  Suez,  nominalement  international, 
fut  devenu  en  réalité  un  pertuis  anglais,  ils  se  désintéres- 
sèrent peu  à  peu  de  la  route  de  l'Oronte  et  leur  politique 
semble  avoir  à  son  tour  été  singulièrement  en  défaut,  car 
abandonner  un  tracé  que  la  nature  même  des  lieux  indi- 
quait aux  ingénieurs,  c'était  tenter  les  puissances  rivales, 
c'était  leur  laisser  le  champ  libre.  L'Allemagne  ne  manqua 
pas  une  si  belle  occasion  :  de  suite  elle  entra  en  jeu. 

Depuis  très  longtemps  l'Allemagne  s'emploie  de  son 
mieux  à  s'installer,  ou  tout  au  moins  à  exercer  une  influ- 
ence de  plus  en  plus  efficace  en  Turquie.  Sans  doute  les 
rapports  germano  turcs  n'ont  pas  toujours  été  aussi  cor- 
diaux qu'ils  le  sont  aujourd'hui  ;  néanmoins  on  voit  très 
bieiii  dans  le  passé,  se  dessiner  les  premiers  projets  de 


LE  CHEMIN    HE   FEU    DE   KONIA-BAGDAD  239 

main-mise  allemande  sur  la  politique  du  Sultan  :  laTurquie 
a  été  la  première  étape  de  la  fameuse  marche  vers  l'Orient, 
drang  nach  Osten  qui  devint  à  la  fin   du  xix*^  siècle  une 
des  idées  fixes  de  l'empereur  et  de  ses  conseillers. 

Dès  Tannée  1871,  l'ingénieur  allemand  von  Pressel  avait 
conçu  le  dessein  audacieux  de  relier,  non  plus  le  golfe 
d'AIexandretleet  TOronte  à  Bagdad  Bassorali, mais  Scutari 
même  au  golfe  Persique.  Ses  plans,  très  bien  conçus,  éta- 
blissaient ainsi  le  parcours  :  on  longeait  d'abord  le  golfe 
d'Ismid,  on  montait  assez  aisément  jusqu'à  Eski-Chehir 
puis  on  atteignait  Angora,  de  là  Sivas,  le  haut  Euphrate, 
puis  Kharpout,  Diarbekir  et  Mossoul,  d'où  l'on  gagnait 
sans  peine  le  golfe  Persique.  Ce  trajet,  dans  sa  partie  sep- 
tentrionale, épouse  étape  par  étape  la  route  des  caravanes 
arméniennes  dans  leurs  courses  vers  Smyrne;  il  suit  d'ail- 
leurs en  totalité  la  voie  télégraphique  actuelle,  et  présente 
le  grand  avantage  d'être  le  plus  court  et  le  moins  coûteux; 
c'est  celui  que  Ton  dénomme  tracé  du  Nord. Sans  retard  les 
Turcs  se  mirent  à  l'œuvre,  car  ce  projet,  bien  qu'il  fût  d'ori 
gine  allemande,  devait  être  exécuté  par  le  gouvernement 
Ottoman. 

D'Haïdar- Pacha,  faubourg  sud-est  de  Scutari,  à  Ismld, 
92  kilomètres  de  rarls  furent  vite  posés.  On  était  en  terrain 
plat,  les  travaux  d'art  pouvaient  être  aisément  évités,  dans 
ces  conditions  la  célérité  pétait  de  rigueur.  Mais  dès  qu'il 
s'agit  de  quitter  la  côte  basse  pour  gravir  les  pentes  assez 
rudes  qui  accèdent  à  Eski-Cheir,  les  Turcs  s'arrêtèrent 
essoufflés  2  leur  politique  intérieure  et  extérieure  plus  que 
jamais  agitée,  leurs  embarras  financiers,  les  rivalités  ar* 
dentés  des  puissances  européennes  s'opposèrent  à  toute  nou^ 
velle  marche  en  avant:  Ismid  fut  provisoirement  le  terminus 
de  la  voie  qui  rêvait  d'aboutir  au  Chatt-el-Arab,et  môme  eo 
1880  le  gouvernement,  peu  apte  à  créer  et  à  gérer  par  lui- 
même  des  lignes  de  chemins  de  fer^céda  le  tronçon  Ha'idartf 


2  k)  Lk  ru  km  in  de  fer  de  koni  a-bac;  ha  li 

Ismid  à  une  compagnie  anglaise.  Kn  l>^S8,après  que  TAnijîo 
lerre,salisfai le  d'avoir  obtenu  le  conlrùle  du  canal  de  Sue/, 
eut  abandonné  imprudemment  le  projet  Suediah  Bagdad, 
l'Allemagne  entra  hardiment  en  jeu  et  posa  un  pie.l  solide* 
sur  le  sol  de  l'Asie  Mineure.  C'est  cette  année-là,  en  effet, 
que  discrètement  couvertes  du  nom  d*un  certain  M.KaulIa, 
la  Deutsche- Bank  et  la  W'uritenibergische-VereinHank 
rachetèrent  le  petit  tronçon  Haîdar-Pacha  Ismld.  Le  con- 
sortium obtenait  en  outre  la  licence  de  pousser  la  voi3  jus- 
qu'à Angora,  moyennant  une  garantie  kilométrique  de 
15.000  fr.  Kt  enfin  promesse  était  faite  pour  l'avenir  de  la 
concession  d'un  nouveau  tronçon  s'amorçant  à  Angora  et 
se  déroulant  par  Sivas  jusqu'au  golfe  Persique. 

Les  Allemands  se  mirent  vite  à  l'œuvre.  En  1889,  les 
premiers  coups  de  pioche  furent  donnés.  Kn  1891,  la  voie 
était  construite  sur  un  parcours  de  300  kilomètres.  En 
1893,  elle  atteignait  Angora.  Mais  alors,  pour  éviter  l'oppo- 
sition de  la  Russie,  qui  fronçait  le  sourcil  en  voyant  la  voie 
nouvelle  contourner  d'assez  près  le  rivage  sud  de  la  Mer 
Noire  et  constituer  comme  une  sorte  de  chemin  de  ronde, 
facilitant  singulièrement  la  mobilisation  turque  en  cas  de 
complications  arméniennes  et  menaçant  par  suite  ses  posses- 
sions nouvelles  de  TranscaucasiCjOn  s'arrêta  là.  La  Société 
ottomane  des  chemins  de  fer  d*Anatolie,  émanation  directe 
de  la  Deutsche-Bank  et  de  la  WurttembergischeVerein' 
Bank  obtint,  en  remplacement  de  la  concession  Angora* 
Sivas,  une  concession  nouvelle  déterminant  par  Kaisarieh 
le  passage  de  la  voie  ferrée.  Puis>  sous  le  prétexte  diploma- 
tique que  ce  tracé  était  trop  dispendieux,  mais  en  réalité* 
toujours  par  égard  aux  réclamations  russes,  Ton  modifia  à 
nouveau  la  direction  du  rail  ;  revenant  en  arriôre,d'ADgora 
à  Eski  Cheïr,  la  société  obtint  la  concession  de  la  voie  à 
établir  entre  Eski-Cheïr  et  Konia,  en  passant  par  Affioun* 
Karaischar .  Cq  fut  la  dernière  étape  de  la  Société  des  che« 


LK   CHEMIN    DE    FEU    DE    KONIAHAGDAl)  2  II 

mîns  de  fer  d'Anatolie  ;  les  travaux  rapidement  poussés. 
furent  terminés  en  1896. 

I^e  réseau  de  la  Société  aUeniande  (Jen  chemins  de  fer 
d'Anatolie,  dont  nous  venons  de  suivre  pas  à  pas  la  consti- 
tution, comprend,  en  définitive,  trois  sections  : 

1*^  Haïdar-Pdcha-lsmid    longueur    91  kil. 

2^  Ismid-Angora »         485     » 

3'*  Eski-Cheïr-Afïioun-Karaïschar-Konia     »         Ui     » 
en   totalité  1.020  kilomètres  de    rail   établi   à   assez   bon 
compte  dans  la  partie  occidentale  de  l'Asie  Mineure. 

En  1903,  une  Société,  en  apparence  distincte,  mais  en 
réalité  se  confondant  avec  celle  des  chemins  de  fer  d'Ana- 
tolie, obtint,  après  de  multiples  et  longs  pourparlers,  la 
concession  du  réseau  définitif  Konia-Eregli-Adana-Mossoul 
Bagdad-Bassorah,  réseau  qui,  en  raison  de  sa  situation 
géographique  et  par  opposition  au  trajet  par  Sivas,  prit  le 
le  nom  du  tracé  du  Sud,  Les  Allemands,  dès  que  la  con- 
cession fut  définitivement  accordée,  triomphèrent  bruyam- 
ment ;  l'empereur  Guillaume  expédia  à  son  ami  le  Sultan 
un  de  ces  télégrammes  enfiammés  dont  sa  plume  est  coutu- 
mière,la  presse  d'Outre-Rhin,  pendant  plusieurs  semaines, 
exulta  sans  trêve.  C'était  en  effet  un  grand  triomphe  pour  la 
diplomatie  germanique  ;  l'ambitieuse  course  vers  l'Orient, 
drang  nach  Osten^  faisait  un  gigantesque  progrès,  l'impé- 
rialisme d'Outre-Rhin  sentait  son  orgueil  satisfait.    . 

Dans  leur  vibrant  enthousiasme,  oubliant  cette  prudence 
qui^  en  diplomatie  surtout,  est  la  mère  de  la  sûreté,  les 
Allemands  n^hésitèrent  pas  à  dénommer  leur  ligne  du 
titre  quelque  peu  incendiaire,  dans  un  pays  où  tant  de 
puissances  se  jalousent  étroitement,  de  Deutsche  Bagdad 
Bahn,  ligne  allemande  de  Bagdad. 

Il  serait  trop  long  de  citer  ici,  article  par  article,  toutes 
les  clauses  de  cette  mémorable  convention  ;  il  est  néan 
moins  nécessaire  d'en  résumer  les  principales* 


LE   CHEMIN    DE    FEU    DE    IvOM  A -BAGDAD  2il{ 

OÙ  il  rachèterait  les  lignes.  Droit  de  la  Société  de  rester 
fermière  des  dites  lignes  si  le  gouvernement  ne  les  exploi- 
tait pas  lui-même. 

Art.  XXIII.  —  Privilège  pour  la  Société  de  construire  et 
d'exploiter  les  trois  ports  qu'il  pourrait  lui  convenir  de 
créer  à  Bagdad,  à  Bassoiah  et  sur  le  golfe  Persique  ;  délai 
de  huit  ans  laissé  à  la  Société  pour  se  prononcer  à  cet 
égard. 

Art.  XXV.  —  Monopole  de  l'usage  des  cours  d'eau  où  la 
Société,  pour  l'obtention  de  la  force  électri(iue,  aura  le 
droit  de  profiter  des  chutes  naturelles  et  d'en  créer  par  des 
barrages. 

Art.  XXXIII.  —  Privilège  pour  la  Société  d'exploiter  le 
service  maritime  entre  le  port  de  Gonstantinople  et  celui 
d'Ilaîdar-Pach»,  si  le  ministre  de  la  marine  n'améliore  pas 
ce  même  service  qu'il  a  détenu  jusqu'ici. 

Art.  XXXV.  —  Garantie  kilométrique  nette  de  12.000  fr., 
le  gouvernement  acceptant  à  sa  charge  4.500  fr.  par  kilo- 
mètre pour  frais  d'exploitation,  ce  qui  équivaut  à  une  ga- 
rantie kilométrique  de  16.500  fr. 

Art.  XXXVII. — Avantages  pécuniaires  assurés  à  la  Société 
pour  la  circulation  des  trains  rapides  sur  la  ligne  princi- 
pale du  réseau. 

Art.  xxxviii.  —  Concession  assurée,  avec  la  garantie 
kilométrique  de  16.500  fr.,d'embranchements  surDiarbekir 
et  Kharpout. 

La  convention  une  fois  signée,  la  concession  une  fois 
accordée,  on  se  mit  û  l'oeuvre  et,  en  quelques  mois,  le  rail, 
partant  de  Konia, fut  poussé  jusqu'à  Eregli  et  à  Bourgourlou. 
Cette  première  section,  longue  de  200  kilomètres, en  terrain 
favorable,se  développa  sans  difficultés»  Mais  à  Bourgourlou 
nous  laissons  le  plateau,  élevé  d'environ  1.000  mètres,  sur 
lequel  l'établissement  de  la  voie  fut  si  aisé  ;  nous  sommes 
au  pied  du  Taurus,  gigantesque  massif  de  3*500  mètres 


.itt  L1-:    CIIKMIN    m-.   FKH    DK    KOSI A-BAGDAl) 

d'altitude  en  son  pf>int  centr<)l,  et  co  massif,  il  le  faut  (raû- 
t'Iiir.On  lïViùi  soiiiço  m  emprunter  ledéfilédeGû^ck  Bogahi, 
les  fameuses  pjrte.s  de  Cilirie,  route  classique  des  inva- 
sions, suivi 3  p'\r  Alexandre  et  par  les  Croisés,  située  à 
l'altitude  très  nïodérée  de  1.160  métrés.  Par  malheur,  une 
diniculté  terrible  s'opposait  à  l'emploi  de  cet  expédient: 
le  versant  sud  est  du  Taurus  tombant  presque  à  pic,  jamais 
un  chemin  de  fer  n'et'it  pu  s-aventurerdans  les  rampes  ver- 
tigineuses que  la  nature  impose  de  ce  côté  de  la  chaîne,  el,à 
moins  de  multiplier  les  tunnels  hélicoïdaux  que  le  Gothard 
a  rendus  célèbres,  on  ne  pouvait  rien  tenter  par  là.  On  dot 
recourir  au  seul  moyen  pratique,  remonter  la  chaîne  le  long 
du  versant  nord-est,  faire  décrire  à  la  ligne  une  vaste 
courbe,   percer  un  long  tunnel  en  arc  de  cercle  de  dix  à 
douze  kilomètres  de  longueur  débouchant  dans  la  vallée 
du  Korkun,  qui  descend  elle-même  en  pente  douce  jusquà 
Adana.  l)'Adann,le  rail  aura  à  franchir  le  massif  duGjaouf 
Dagh,  de  hauteur  respectable.  Cette  section  de  la  ligne, de 
Hourgourlou  à  Adana,  et  d'Adana  à  Killis,  avec  le  double 
passage  du  Taurus,  coûtera  très  cher.  (Juant  au  restedelJ 
voie,  que  nous  n'aurions  pas  le  temps  d'étudier  en  détail 
il  nous  sullira  d'en  dire  qu'il  ne  soulève  pas  de  difficultés 
techniques  exceptionnelles  :  de  Killis  au  Chatt-el-Arab  1^ 
rail  suit  un  tracé  peu  accidenté,  et  môme  en  pleine  Méso- 
potamie, les  traverses  pourront  être  directement  posées  sur 
un  terrain  plat  et  très  favorable. 

Les  plans  sont  prêts  pour  le  passage  du  Taurus;  on  n'at- 
tend plus  que  l'argent.  La  question  argent  est  en  eflel 
question  capitale  en  pareille  matière  etles  énormes  sommes 
(ju'il  faut  trouver  —  on  parle  de  700  à  800  millions  au  bas 
mot  pour  l'achèvement  de  la  ligne  —  exigent  de  multiples 
eii tentes  et  de  longs  pourparlers.  La  voie  sur  toute  sa  lon- 
gueur (2.300  kilom.  de  Kônia  au  terminus),  sera  à  écarte' 
ment  normal  de  1  m.  44,  ce  qui  nécessite  des  courbes  d*? 


LE  CHEMIN  DE  FER  DE  HONIA-BAODAD  24S 

grand  rayon  et  une  construction  beaucoup  plus  solide  que 
celle  de  la  voie  étroite  dont  certains  eussent  voulu  qu'on  se 
contentât.  Déjà, pour  la  section  d'Eregli-Konia,des  banques 
françaises  avaient  fourni,  à  titre  privé,  30  ^/o  du  capital 
requis.  Or,  nous  l'avons  vu,  cette  section  fut  d'un  établis- 
sement aisé,  tandis  que  la  traversée  des  deux  massifs  du 
Taurus  exigera  des  sommes  énormes.  A  qui  s'adresser  ? 
Pas  à  l'Allemagne,  pauvre  d'argent  :  seules  les  nations 
riches,  France  et  Angleterre,  sont  en  mesure  d'avancer  les 
fonds  utiles. 

En  1903,  deux  conventions  furent  projetées.  La  première 
attribuait  à  l'Angleterre, à  la  France  et  à  l'Allemagne  25  V«» 
à  la  Compagnie  d'Anatolie  10  ^/o,  et  à  d'autres  moindres 
nations  15  ^/o  du  capital  à  souscrire.  Les  groupes  français 
et  allemand  devaient  fournir  chacun  huit  directeurs,  les 
groupes  secondaires  trois,  la  Compagnie  d'Anatolie  trois. 
Mais  la  Grande-Bretagne  s'opposa  formellement  à  cette 
convention  qu'elle  considérait  comme  favorisant  les  seuls 
intérêts  allemands  et  on  étudia  un  autre  projet.  Les  Fmn- 
çais  apportaient  cette  fois,  40  "/o,  les  Allemands,  40  Vo, 
les  autres  groupes  20  V»  du  capital  ;  Allemands  et  Fran- 
çais figuraient  en  nombre  égal  dans  le  conseil  d'ad- 
ministration, dont  la  présidence  était  attribuée  à  un 
Allemand  et  le  secrétariat  général  à  un  Français.  Le 
matériel  devait  être  acheté,  moitié  en  France,  moitié  en 
Allemagne.  Le  projet  fut  soutenu, sous  le  ministère  Combes, 
par  M.  Rouvier,  qui  à  titre  d'unificateur  de  la  Dette  Otto 
iuane,se  faisait  volontiers  l'avocat  des  ambitions  turques  et 
combattu  pyr  NLDelcassé  et  ses  autres  collègues  du  minis- 
tère, au  nom  des  intérêts  de  Pélersbourg  et  de  Londres. 
Il  échoua,  en  définitive,  la  souscription  publique  ne  fut 
pas  ouverte  et  la  question  financière  est  restée  en  suspens. 
11  y  a  quelques  semaines,  le  Sultan  essaya  d'obtenir  de  la 
Commission    ie  la  Petle,  une  surtaxe  de  3  %  applicable  à 


246  LE  CHEMIN   DE  FER  DE  KONIA-BAGDAD 

d^autres  services  qu'à  ceux  du  bugdet  macédonien  et  desti* 
née  en  réalité  à  la  garantie  kilométrique  de  la  Bagdad' 
J5a/m.  L'Angleterre  s*y  opposa  énergiquement.  La  France 
était  favorable  à  la  nouvelle  combinaison,  et  on  en  conclut 
qu'à  titre  privé,  certaines  banques  françaises  seraient  dis- 
posées à  faire  de  larges  avances.  Lavenir  seul  nous  appren* 
dra  la  solution  réellement  adoptée,  mais  d'ores  et  déjà  Ton 
peut  dédaror  qu'il  serait  regrettable  que,  malgré  les  répu- 
gnances ollicielles  de  notre  gouvernement,  la  finance 
parisienne  soutint  de  ses  capitaux  une  entreprise  très  peu 
rémunératrice  et  (jui  n'a  d'intérêt  immédiat  que  pour  U 
Turquie  et  pour  l'Allemagne. 

L'entreprise  sera  très  peu  rémunératrice:  il  suffît,  pour 
s'en  rendre  compte,  d'examiner,  même  sommairement,  l^s 
quatre  éléments   de  recettes  escomptés. 

1»  Transport  de  In  malle  des  Indes.  —  Il  est  certain  que 
les  express  roulant  sur  la  voie  de  Bagdad  abrégeraient 
singulièrement  la  roule  de  Londres  à  Bombay.  On  prévoit, 
de  ce  chef,  une  économie  de  quatre  iours,  soit  un  tiers  du 
temps  actuellement  rtMjuis  pour  le  transport  du  courrier. 
Mais  à  (jui  fera-ton  croire  que  l'Angleterre,  qui  a  déjà 
déilaigné  le  raccourci  Buda  Pest-Uskub-Salonique  pour 
éviter  l'iiisécurilé  de  la  région  macédonienne,  lancera 
volontiers  le  précieux  convoi  dans  le  désert  où  les  Kurdes 
pillctrds  exercent  impunément  leurs  ravages  et  où  des 
bandits  olïiciels  tels  qu'Abrahim  l^acha  détroussent  jus- 
qu'aux fonctionnaires  du  Sultan  ? 

2"  Marc/iandlses  en  transit  —  Il  est  évident  qu'à  par' 
certaines  denré»\s  très  délicates,  exigeant  un  transport 
rapide,  la  plus  grande  [)artie  des  marchandises  continuera 
d'ulili.sor  la  voie  de  Suez  :  qu'importe  un  gain  de  quelques 
heures  ou  de  (juelques  jours  dans  le  transport  de  colis  q'^i 


LE  CBEKIN   DE  FER  DE  KONIA-BAODAD  247 

à   leur  arrivée  seront  pour  la  plupart  emmagasinés  des  se- 
maines et  des  mois  entiers  ? 

3«*  Marchandises  indigènes.  —  Le  trafic  à  naître  sur  le 
parcours  de  la  voie  sera  pendant  de  longues  années  mini- 
me. La  ligne  de  Bagdad  traverse  dans  la  plus  grande  partie 
de    son  trajet  des  solitudes  désertiques  où  il  n'y  a  rien  à  char- 
ger. 11  est  vrai  que  les  Allemands  escomptent  avec  enthou- 
siasme la  rénovation  de  la  Mésopotamie  grâce  aux  colonies 
que  les  travaux  du  railway  introduiront  forcément  et  sème- 
ront le  long  du  Tigre  et  de  l'Euphrate.   Chacun  sait  que, 
dans  l'antiquité,  la  Mésopotamie  fut  une  terre  bénie,  d'une 
fertilité  légendaire,  comparable  à  celle  de  l'Egypte  actuelle; 
les  canaux  d'irrigation,   œuvre  des  ingénieurs  chaldéens, 
portant  loin  dans  les  plaines  les  eaux  des   deux  grands 
fleuves, faisaient  de  tout  le  pays  un  admirable  jardin.  Après 
six  mille  ans  de  prospérité  incomparable,  l'invasion  mon- 
gole survint:  les  forêts, régulatrices  des  eauxjurent  anéan- 
ties, le  débit,  jusqu'alors  à  peu  près  régulier,  de  l'Euphrate 
et  du  Tigre,  devint  sujet  à  des  crues  formidables  qui  em- 
portèrent digues  et  canaux;  faute  d'irrigation  le  pays  devint 
stérile  et  là  où,  pendant  de  longs  siècles,  avaient  vécu  des 
populations  riches  et  nombreuses,  s'étendit  la  nudité  aride 
du  désert.  Peut-on  ressusciter  cette  prospérité  passée  ?  On  le 
pense,  on  l'espère,  bien  que  certains  hochent  la  tête, faisant 
observer  que  le  climat  semble  avoir  changé.  En  tout  cas,  la 
condition  nécessaire  de  toute  rénovation  est,  en  Mésopo- 
tamie, le  reboisement.  Or,  il  n'est  i)8S  besoin  d'insister  sur 
ce  point,  le  reboisement  n'est  pas  l'œuvre  d'un  jour.  Dans 
combien  d'années,  dans  combien  de  lustres,  dans  combien 
de  siècles,  allais  je  dire,  les  forêts  toufïues  dresseront-elles 
à  nouveau  vers  le  ciel  leurs  cimes  orgueilleuses? 

Quoi  qu'on  en  dise, d'ici  longtemps,  le  désert  restera  désert 
elle  trafic  régional  de  la  Bagdad  Bahn  sera  très  médiocre. 


2i8  LE  CHEMIN  DE  FER  DE  KONIA-BAGDAQ 

¥  Voyageurs*  —  Chacun  sait  que  le  transport  des  voyi-j 
geurs  est,  en  général,  d'un  maigre  rapport  pour  les  compa- 
gnies de  chemin  de  fer,  et  la  ligne  de  Bagdad,  tout  l'indiqu*, 
ne  fera  pas  exception  à  cette  règle  économique.  Uneobsc^, 
vation,  d'ailleurs,  s'impose  ici.  On  parait  se  figurer,  daoi 
certains  n)ilieux,  que  la  majeure  partie  des  voyageurs  qm 
transitent  par  Suez,  emprunteront  avec  enthousiasme  la 
nouvelle  voie,  pour  éviter  le  passage  pénible  de  la  Mer 
Rouge  et  pour  gagner  du  temps.  Or,  il  suflit  de  jeterie» 
yeux  sur  les  statistiques  pour  être  édifié  sur  ce  point.  En 
1901,  derniôre  année  dont  j'ai  pu  trouver  la  statistique,  1« 
canal  de  Suez  vit  passer  270.221  voyageurs  sur  lesqucl» 
41.601  émigrants  et  pèlerins,  130.514  militaires  et  seulement 
92.046  civils.  Kn  supposant  que  tous  les  derniers  aban- 
donnent  unanimement  la  voie  de  Suez,  il  est  certain  queni 
les  émigranls,  ni  les  pèlerins,  ni  les  hommes  de  IroupJ 
'n'emprunteront  la  roule  onéreuse  de  Bagdad;  la  circula- 
tion humaine  y  sera  certainement  peu  intense. 

Très  peu  rémunératrice  pour  les  capitaux  qui  s'y  engage- 
ront,   la   Bofidiul  Bahu,  du  moins  à  ses  débuts,  n'aura 
guère  qu'une  inllu(MK'e  politique  et  stratégique,  au  profil» 
la  Turquie  el  de  l'Allemagne.  Elle  sera  précieuse  pourlai 
Turquie  qui,  refoulée  de  plus  en  plus  par  la  poussée  euro- 1 
péenne  vers  l'Asie  Mineure,  y  gagnera  une  grande  facilité  de  1 
mobilisation  ;  elle  le  sera  non  moins  pour  l'Allemagne  dont 
elle  rehaussera  encore  le  prestige  aux  yeux  des  populations 
musulmanes  et  à  locjnelle  elle  déterminera  à  travers  l'Asie 
Mineure  une  vatUe  sphèie  d'inlluence. 

Aussi  \{\  Russie  et  l'Angleterre  n'ont-elles  cessé  de  s op 
poser  de  tout(*s  leurs  forces  k  cette  main-mise  de  l'Alie- 
mngne  sur  le  monde  musulman  ;  la  Russie  dans  l'interôlde 
ses  possessions  de  Transcoucasie, pour  lesquelles  une  aru»ee 
turquj  aisément  mobilisable  constituera  un  danger  pe^ 
manent,  l'Angleterre  mécontente  de  voir  la  voiedeSuei 


LE    CHEMIN   DE  FER   DE   KONïABAGDAD  2(9 

concurrencée  par  le  nouveau  rail  et  redoutant  d'ôlre  gênée 
vers  r Egypte  par  une  Turquie  revivifiée.  Son  opposition 
s'est  notamment  manifestée  du  côté  du  golfe  Persique  où 
la  voie  de  Bagdad  doit  nécessairement  déboucher. Le  port 
magnifique  de  Koweit,  terminus  iogiijue  de  ce  long  rail- 
\^'ay,  est  sous  son  contrôle  rigoureux  et  on  peut  compter 
qu'elle  le  gardera  jalousement;  partout  où  la  ligne  avait  in- 
térêt à  aboutir,  elle  a  pris  les  devants;  aussi  les  Allelnands 
ont  ils  dû,  bon  gré,  mal  gré,  se  contenter^à  titre  provisoire, 
du  point  défavorable  de  Khor-Abdallah. 

La  France,  sans  être  aussi  directement  visée  que  la 
Russie  et  l'Angleterre  par  les  projets  de  l'Allemagne  en  Asie 
Mineure,  a  néanmoins  une  situation  importante,  bien 
qu'amoindrie,  à  sauvegarder,  notamment  en  Syrie,  et  l'éta- 
blissement du  long  railway  qui,  par  une  fofce  d'at- 
traction inévitable, absorberait  ou  tenterait  d'absorber  peu 
à  peu  les  lignes  secondaires,  dont  certaines,  cQmme  Jaffa- 
Jérusaiem,  sont  nôtres  et  dont  d'autres  nous  intéressent, 
qui,  en  tous  cas  drainerait  inévitablement  en  faveur  de 
l'Allemagne  toute  influence  politique  en  ces  régions,  l'éta- 
blissement de  la  ligne  projetée  serait  un  coup  funeste 
porté  à  nos  intérêts. 

Dans  ces  conditions,  est-ce  à  nous  de  fournir  les  capi- 
taux nécessaires  ô  rachèvementdel'entrepriscet  ne  devons- 
nous  pas  lais.ser  les  Allemands  à  eux-mêmes,  plutôt  que 
de  collaborer  financièrement  à  une  œuvre  peu  productive 
et  qui  semble  ne  devoir  profiter  qu'à  la  puissance  de 
Constantinople  et  aux  intérêts  de  Berlin  ? 

Fkrd.  Vanieii 


n 


lia  t^aee  fléo-Iiatine 


et 


VRigérie  en  1907 


a) 


Mesdames,  Messieurs, 

Il  ne  faut  absolument  vous  en  prendre  qu'à  vous-mêmes 
si,  après  être  venu  ici  l'année  dernière,  je  reviens  si  rapide- 
ment parmi  vous.  Vous  m'aviez  fait  un  accueil  si  sym- 
pathique que  je  n'ai  pas  eu  de  cesse  de  venir  l'éprouvera 
nouveau,  je  vous  en  fais  à  l'avance  toutes  mes  excuses.  Je 
tâcherai  d'être  dans  cette  occasion  le  moins  aride  et,  si  je 
peux,  le  plus  intéressant  possible. 

L'année  dernière,  en  vous  parlant  de  l'Indo  Chine,  je 
vous  entretenais  d'un  pays  que  j'ai  habité  pendant  huit  ans. 
Cette  année,  en  vous  parlant,  non  pas  de  l'Algérie,  sujet 
très  répandu,  mais  d'une  question  spéciale,  je  vous  parleiai 
d'un  pays  que  j'ai  habité  pendant  trois  ans  et  denn,  comme 
simple  soldat  d'abord,  ensuite  comme  ofïicier  à  la  Légion 
étrangère.  J'agiterai  devant  vous  une  question  qui,  à  l'épo- 
que où  j'ai  habité  l'Algérie,  dans  le  Sud-Oranais,  notam- 
ment, était  seulement  embryonnaire  et  qui  aujourd'hui  se 
pose  avec  une  singulière  acuité. 

Avant  de  commencer,  je  voudrais  cependant  vous  persua- 
der d'une  ch(;se,  je  sais  que  cela  me  sera  très  difficile, 
c'est  que  quelquefois  dans  les  bureaux  de  ministères  on 
travaille. 

L'année  dernière,  je  vous  ai  dit  quel  était  le  moyen  un 


Il  Confcrence    faite    (iovanl     la    SociéU' de   (iiographic   Commerciale  <lu 
Havre,  le  1"  Mars  19()7. 


LA  RACE  NÉO-LATINE  ET  L*ALOÉRrK  EN  1907  251 

peu  empirique  mais  cependant  très  pratique,  que  Ton  allait 
îssayer  d'employer  pour  sauvegarder  l'Indo-Chine,  avec  le 
Qioins  de  frais  possible.  Eh  !  bien,  en  continuant,  si  vous 
e  voulez  bien,  pendant  trois  minutes, la  causerie  commen- 
cée avec  vous  Tan  née  dernière,  je  puis  vous  dire  que,  malgré 
lue  le  budget  de  l'Indo  Chine  se  boucle  par  un  déficit, 
nous  sommes  cependant  arrivés,  en  ce  qui  concerne  cette 
[*uIonie,  à  de  bons  résultats  au  point  de  vue  défensif,  sans 
i\ue  ces  résultats  aient  coûté  quoi  que  ce  soit  à  l'Etat.  Ils 
ne  sont  dûs  en  réalité  qu'aux  efforts  et  à  l'invention  des 
particuliers. 

Nous  avons  depuis  l'année  dernière  transporté  en  Indo- 
Chine  une  certaine  quantité  de  torpilleurs,  de  contre-torpil- 
leurs et  de  sous-marins  qui  sont  sortis  de  la  flotte  métropo- 
litaine et  qui  ont  été  immédiatement  remplacés  par  des 
unités  de  nouvelle  fabrication,  et  nous  allons  y  ajouter 
tout  prochainement  ce  petit  canot  automobile  dont  je  vous 
avais  parlé  assez  rapidement  et  qui  est  une  invention  tout 
à  fait  typique  d'un  ingénieur  de  la  Marine.  Je  vous  avais 
dit  que,  à  cause  de  l'impossibilité  où  nous  étions  de  sacri- 
fier beaucoup  d'argent  pour  l'Indo  Chine,  on  avait  cherché 
et  fini  par  trouver  un  petit  bateau  coûtant  excessivement 
peu  d'argent  et  ayant  une  force  défensive  très  considérable. 
L'inventeur  est,  comme  je  vous  l'ai  déjà  dit.  M-  le  comte 
Récoppé,  ingénieur  en  chef  de  la  Marine. 

Ce  projet  n'a  pas  subi  le  sort  que  subissent  en  général 
les  projets  qui  sont  confiés  aux  bureaux  des  ministères,  il 
est  bien  entré  dans  les  cartons,  mais  il  en  est  sorti.  Pas 
plus  tard  que  demain,  en  quittant  le  Havre,  je  passerai  à 
Houen,  aux  Chantiers  de  la  Seine,  où  j'aurai  le  plaisir  de 
monter  pour  la  première  fois  sur  le  premier  Récoppé  dont 
le  moteur,  qui  sort  do  la  maison  Cazos,  a  été  construit  il  y 
quelques  jours  et  a  été  adapté  seulement  avant-hier  à  la 
^'^'pie  du  bateay.  Ce  canot  dont  jo  vous  parlais  fera  demain 


252  LA  lUCZ  5£0-UkTCCC  ET  LALGiME  ES  I9(fl 

ses  premiers  essais  sur  la  Seîne.  Cesl  tous  dire  qu'en 
rés^flité,  ooo  ^olemeot  on  lraTd:!!ep«frr<»îs  dans  les  minis- 
tères,  mais  qae  parfois  au^si.  !«rs  coofcrenciers  fbol  autre 
chose  qoe  de  parler  et  que  les  choses  auxquelles  ils  foDt 
allusion  deTieonent  parfois  et  heureusement  la  réalité. 

J'aborde  maioteuaDt  le  sujet  de  ma  conférence  d'aujour- 
d'hui. 

On  vous  a  certainement  parlé  de  l'Algérie  sous  mille 
formes  et  sous  mille  faces;  il  y  a  cependant  une  question 
qui,  j  en  suis  sûr  à  l'avance,  n'a  pas  été  abordée  par  les 
conférenciers  qui  vous  ont  parlé  de  ce  pays  ;  elle  n*a  pas 
été  traitée  parce  qu'elle  est  ingrate  et  très  abrupte.  Si  je 
l'aborde,  vis-à-vis  de  vous  aujourd'hui,  ce  n'est  pas  du  tout 
comme  le  disait  tout  à  l'heure  M.  le  Président,  que  j*aie 
confiance  dans  l'originalité  de  ma  parole,  mais  dans  votre 
indulgence,  et  je  la  réclame  tout  entière. 

Vous  savez  qu'il  ne  s'agit  pas  seulement  de  conquérir 
des  colonies  et  d'y  planter  son  drapeau  ;  ii  ne  suffit  pas  de 
dire  :  je  possède  tel  pays,  je  vais  y  dépenser  tant  d'argent 
et  ces  dépenses,  par  un  choc  en  retour  naturel,  n.e 
vaudront  tel  budget  de  receltes.  Ce  n'est  pas  vrai.  En  réa 
litH,  un  pays  et  une  colonie  surtout  ne  sont  riches  que  par 
.suite  de  deux  éléments  de  fécondité  qui  se  tiennent  l'un  et 
l'autre  et  qui  sont  les  suivants. 

Une  colonie,  une  possession,  n'est  pas  riche  seulement 
par  la  valeur  de  sonsoI.Je  ne  parlerai  pas  du  sous-sol, parce 
que,  en  réalité,  lorsqu'on  conquiert  une' colonie,  il  est  très 
difficile  de  savoir  ce  qu'il  y  a  dessus,  et  par  conséquent 
dessous,  à  plus  forte  raison  ;  on  va  toujours  au  hasard. 
Une  colonie  n'est  pas  riche  .seulement  par  la  valeur  de  son 
sol,  le  sol  ne  vaut  qu'&utant  qu'il  est  peuplé  et  un  sol 
n'est  peuplé  qu'autant  qu'il  peut  nourrir  ceux  qui  l'habitent, 
c'osl-è  dire  autant  qu'il  y  ade  l'eau. Ce  sont  là  des  principes 
&  la  fois  de  sociologie  et  d'économie  générale.  Je  n'ai  pas 


La  hack  nko  iatine  et  l  algérïe  en  1907         25*^ 

du  tout  l'intention  de  vous  les  démontrer,  il  faut  que  vous 
m*en  fassiez  créance  et  que  vous  les  acceptiez  comme  des 
axionxes. 

Quand  on  conquiert  une  colonie  qui  n*est  pas  assez  peu- 
plée, parce  qu'elle  n'est  pas  assez  fertile,  parce  qu'elle  n'a 
pas  assez  d'eau,  que  cette  eau  vienne  du  ciel  ou  de  la  terre, 
on  cherche  à  lui  donner  un  système  d'irrigation   et  de 
drainage    suffisant  pour    que    le    sol    soit    assez   fertile 
pour  nourrir  une  grande  quantité  de  population.  C'est  ce 
qu'ont  essayé  en  Algérie  tous  les  peuples  qui  l'ont  possédée. 
Les  Romains  qui  ont  été  nos  ancêtres  en  colonisation  et 
qui  ont  possédé  l'Algérie  y  ont  fait  des  travaux  d'irrigation 
très  considérables,  très  intéressants,  dont  on  retrouve  des 
traces  innombrables  dans  le  Sahel,  le  Tell  et  toutes  les 
parties  occupées  par  eux.    Mais  ce(  ar(iâC0  des  Romains 
n'a  pas  été  suffisant  pour  y  amener  et  surtout  y  retenir  une 
grande  quantité  de  population.  Aujourd'hui,  par  la  force 
des  choses,  par  la  mauvaise  éducation  du  dernier  Bey 
d'Alger,  nous  sommes  devenus  les  successeurs  volontaires 
des  Romains,  et  nous  avons  immédiatement  continué  la 
tAche  hydrographique  qu'ils  avaient  entreprise  ;  nous  nous 
y  sommes  donné  beaucoup  de  mal,  beaucoup  plus  de  mal 
que  nous  n'aurions  dû  nous  en  donner  dans  un  pays  mieux 
préparé  à  l'avance.  Malgré  tout,  peut-être,  nous  ne  sommes 
pas  arrivés  au  résultat  définitif  que  nous  aurions  désiré* 
Alger,  que  beaucoup  d'entre  vous  connaissent,  est  une 
ville  superbe;  enchâssée  dans  un  luxe  un  peu  criard  que 
lui  apportent  les  hivernages  anglo-saxons  ;  mais  quand  on 
prend  une  voiture  à  Alger  et  qu'on  se  promène  à  une 
dizaine  de  kilomètres  dans  l'intérieur,  au  sud  ou  à  l'est 
d'Alger,  on  est  tout  étonné,  à  part  certaines  vallées  qui 
sont  remplies  de  vignes,  de  trouver  un  Sahel  qui  est  tout 
triste.  Il  en  est  de  même  de  la  grande  vallée  du  Ghelif,  qui 


I-^  •-'-r: .:  :  :. -.r  Tr^i-:  -«  r".:  -r"  -ir *j?e  de-la  s     - 

X-    .  y   a    ^.^  r.    *.    :—   :    .rs  ir>:i  -.^îinuels,  des  c.  :> 

i.e  r.-r*  'i-;.  .-  .::  i  jr.rr  r.Tlr^re  -j^i  nVst  pds  occuf■' 
*..^  .r,  j.jf  dtr^  '^^1.  .  i-^.  en  Kài-y  ie.  dis  >,  il  y  a  un  certain 
f,  .:.>hr»;  '\*:  ce.Mr-rs  a^'r:c.:.-r>  i^us  ies«]ue!s  on  a  fait  de> 
l'::.t^î:-.rr5  «i-  co.-i.-*at::n  '\i\  c  ictpas  n-ussi.  Vous  savt; 
q  je  .or-Hiu  on  abar*-i:nr.e  \t  Te.I  e!  le  Saheî  on  entre  dan> 
i<f  Tfr^lon  de  i'Alfa  o*j  î.  n'y  a  pas  d'eau,  où  îî  n'y  en  a 
•  j jî/jai^  eu  et  O'i  il  n  y  en  aura  jamais,  oi  rèirne  en  maître 
le  nîjl/ie.  N'^'Ja  n*av«.»i,s  d'*nc  pas  fait  tout  ce  qu'il  faiiail 
faire,  et  cependant  toutes  ies  necessités,nécessités  logiques, 
nécessités  politiques  et 'mêmes  nécessités  sentimentales, 
veulent  que  nous  ayons  en  Algérie  une  situation,  que  nous 
ayons  dans  l'Afrique  du  Nord  une  série  d'installations, 
d'établissements,  desquels  nous  ne  pouvons  pas  nous  désin- 
téresser. I 
La  question  se  pose  aujourd'hui,  avec  une  acuité  singu- 
lière que  vous  verrez  tout  à  Theure,  de  faire  de  l'Algérie 
et  de  la  Tunisie,  et  en  général  du  nord  de  TAfrique  fran- 
çaise, un  pays  irrigué,  un  pays  peuplé  qui  seul  peut  faire 
de  cette  partie  de  l'Afrique  un  pays  fertile,  un  pays  riche 
et  par  lui-même  prospère.  Comme  l'ont  fait  les  Romains* 
avec  des  ingénieurs,  avec  des  constructions,  avec  de  l'ar- 
gent, il  est  relativement  facile  de  retenir  Teau  qui  tombe 
du  ciel,  ou  de  trouver  dans  les  couches  sablonneuses,  à 
certaines  profondeurs  que  les  ingénieurs  connaissent  bien, 
des  puits  artésiens  et  de  faire  jaillir  l'eau  du  sol.  On  peut 
donc  dans  un  pays  où  il  n*y  a  pas  d'eau  en  anaener  ;  maisi 
Oi  avec  des  constructions,  ni  avec  de  Targenti  ni  avec  des 


LA  HACK  NÉO-LATINE  KT  l'aLGKIUE  KN  lî'OT  25.") 

ingt^nieurson  ne  metlra  des  hoiniues  où  il  n'y  en  a  pas.  Il 
îîuit  donc,  pour  que  nous  fassions  de  l'Algérie  ce  qu'elle 
doit  être,  (jue  nous  lui  donnions  ce  qui  lui  manque,  c'est- 
à-dire  l'élénïent  humain,  ie  peuple,  la  population,  je  dirai 
même  la  race  I  Nous  ne  l'avons  pas,  il  nous  la  faut.  Où 
allons-nous  la  trouver  ?  C'est  ce^cjne  je  vais  tâcher  de  vous 
expliquer. 

Il  y  a  trois  manières  de  faire  foisonner  la  population 
dans  un  pays  qui  n'en  a  pas  assez.  On  peut  d'ahord  essayer 
d'augmenter  la  population  aborigène,  on  peut  ensuite  déter- 
miner des  courants  d'émigration  de  la  population  métropo- 
litaine, on  peut  enfin  encourager  et  utiliser  le  courant 
d'émigration  des  nations  étrangères. 

Voyons  quel  est  le  moyen  que  nous  pourrions  employer 
en  Algérie.  Nous  avons  en  Algérie  des  races  aborigènes. 
Eh  1  bien,  la  statistique  très  ardue  du  Journal  Officiel,  de 
laquelle  je  vous  ferai  grâce,  indique  de  la  façon  la  plus 
péremptoire  que,  depuis  que  nous  y  sommes,  la  population 
indigène  est  restée  stationnaire.  La  population  indigène  se 
compose  de  l'élément  berbère  qui  est  resté  absolument  sta- 
tionnaire depuis  que  nous  habitons  l'Algérie.  Klle  comprend 
aussil'élément  kabyle.  Cet  élément,  dans  une  certaine  pro- 
portion, a  augmenté  et  celte  augmentation  de  la  population 
kabyle  correspoi\d  d'une  façon  très  nette  à  l'augmentation 
même  insensible  de  la  richesse  du  pays,  c'est-à-dire  au 
plus  ou  moins  grand  nombre  de  têtes  de  moutons  qu'il  y  a 
dans  la  Kabylie.  Je  ne  veux  pas  dire  qu'ù  une  tête  do  mou- 
ton correspond  une  tète  de  Kabyle,  mais  quand  il  y  a  plus 
de  moutons,  il  y  a  plus  de  Kabyles,  quelques  années  après 
bien  entendu.  Reste  ensuite  la  troisième  race  de  l'Algérie  : 
la  race  arabe.  Elle  diminue  d'une  façon  notable.  Les 
Arabes,  qui  sont  la  race  conquérante,  ont  fait  de  l'Algérie, 
suivant  le  principe  de  Mahomet,  leur  chose  et  leur  proie. 
CI  est  une  grande  leçon  pour  nous  que  de  constater  quu 


lorsqu'une  race  vient  dans  un  pays  et  se  sort  de  ce  pays 
comme  d'un  instrument  pour  dominer  ou  pour  vaincre, 
non  pas  comme  d'un  coopérateur,  elle  en  meurt.  L'Arabe 
n'a  pas  épousé  la  terre  qu'il  a  conquise,  il  l'a  toujours 
dominée,  il  l'a  pressurée,  cl  sa  seule  raison  d'être  par  con- 
séquent était  qu'il  était  le  maître.  Or,  depuis  1830,  l'Arabe 
n'est  plus  le  maître  ;  par  le  fait  même  qu'il  a  perdu  c^lte 
qualité  de  dominateur  de  l'Algérie,  il  a  perdu  sa  seule  rai- 
son d'être,  pour  le  bien  général  de  l'Algérie,  pour  le  regret 
aeulement  des  peintres  et  des  esthètes.  La  race  arabe  dimi- 
nue et  nous  pouvons  prévoir  le  jour  où  il  n'y  en  auraplos 
que  divers  spécimens  qui  deviendront  aussi  rares  que  le*i 
speciujens  des  Peaux-Rouges  en  Amérique.  Donc  ce  n'est 
pas  avec  l'élément  aborigène  que  nous  ferons  de  la  popula- 
tion dans  le  nord  de  l'Afrique.  Ferons-nous  de  la  popula- 
tion dans  le  nord  de  l'Afrique  avec  l'émigration  française? 
Eh  !  bien,  non,  et-  loin  est  peut-être  le  moment  où  nous 
aurons  à  regretter  d'habiter  le  plus  charmant,  le  plus  doux 
et  le  plus  beau  pays  du  monde.  Le  Français  ne  quitte  pal 
la  France,  le  Français  est  trop  bien  chez  lui,  le  Français 
trouve  en  France  ce  qu'il  n'a  trouvé  et  ne  trouvera  nulle 
part  ailleurs,  et  par  conséquent,  si  un  jour,  poussé  parla 
médiocrité  de  son  sort  individuel,  le  Français  s'expatrie 
dans  un  pays  lointain,  c'est  dans  le  seul  but  d'y  ramasser 
un  peu  d'aisance,  d'y  faire  fortune.  Il  garde  toujours der*  1 
rière  la  tête  l'idée  de  venir  vivre  et  mourir  où  .^on  père  a 
vécu  et  est  mort.  C'est  un  fait  contre  lequel  aucun  raison- 
nement ne  peut  prévaloir;  nous  ne  pouvons  pas  fairedu 
Français  un  peuple  migrateur*  Le  Français  n*émigre  qa« 
sous  une  pression  extérieure,  pour  des  raisons  locales,pour 
des  raisons  géographiciues  ou  pour  des  raisons  historiques 
Deux  exemples  : 

La  seule  province  française  qui  donne  des  émigraDtSi 
c'est  la  Bretagne.  Pourquoi?  Parce  que*  comme  je  voui 


t.A  RACE  NÉO-LATLVE  ET  L  ALOélUE  EN  1907  257 

ie  disais  tout  à  l'heure,  le  peuple  qui  est  à  son  aise  et  bleu 
chez  lui,  ne  s*en  va  pas.  Or,  le  Breton  occupe  la  terre  la 
plus  déshéritée  de  France,  c'est  snns  doute  pour  cela 
qu'il  est  peut-être  le  plus  patriote. La  Bretagne  a  une  popu- 
lation considérable,  le  Breton  émigré  facilement  ;  mais  où 
émigre-t-il  ?  Quand  il  émigré,  il  commence  par  émigrer  à 
Paris. 

Le  6'  arrondissement  de  Paris  est  plein  de  Bretons,  et 
quand  on  se  promène  rue  de  Rennes,  sur  vingt  femmes,  il 
y  en  a  dix-huit  qui  ont  la  coiffe.  Je  dois  vous  dire  que  la 
colonisation  parisienne  bretonne  ne  donne  pas  d'excellents 
résultats.  Aussi,  il  y  a  à  Paris  un  comité  de  Bretons  qui 
s'est  donné  pour  but  (et  il  réussit  assez  bien)  de  renvoyer 
en  Bretagne  ces  Bretons  déracinés.  Ce  n'est  donc  pas  sur 
cette  émigration  toute  spéciale  que  nous  devons  compter. 
Les  autres  Bretons  quiémigrent,  et  cela  ne  surprendra  que 
ceux  qui  n'en  ont  pasentendu  parler,émigrent,maissans  es* 
poir  de  retour,  au  Canada.  Il  y  a  une  très  forte  colonie 
bretonne  au  Canada.  Le  Breton  qui  est  catholique  intran- 
sigeant s'en  va  dans  une  colonie  de  la  protestante  Angle- 
terre. Pourquoi  ?  Parce  qu'on  leur  a  dit  qu'il  y  a  au  Canada 
beaucoup  plus  de  liberté  que  dans  les  colonies  françaises, 
parce  qu'on  leur  a  dit  aussi, et  ceci  est  vrai,  que  ies  compa- 
gnies de  navigation  qui  ne  sont  pas  françaises,  font  aux 
Bretons  de  grands  avantages  quant  il  émigrent  au  Canada 
et  quand  le  Breton  s'en  va,  il  préfère  partir  pour  rien  au 
Canada  que  d'être  transporté  dans  un  territoire  français 
en  payant.  Nous  avons  essayé,  il  y  a  quelques  années^  de 
remonter  ce  courant  d'émigration  et  nous  avons  saisi  l'oc- 
casion qui  se  présentait,  occasion  très  malheureuse^  dont 
vous  avez  entendu  parler,  au  moment  où  la  sardine  a  fait 
défaut  en  Bretagne,  dans  la  baie  de  Douarnenez.  On  a  pro- 
posé aux  Bretons,  pécheurs  de  sardines»  d'aller  pêcher  des 
sardioea  en  Tunisie,  h  QQ  sais  pas  s'ils  tenaient  essentiel* 


'Z't^  :  \  H\vK  NLO   L\TINE  LT  L  ALÔEBIE  EX  iW7 

îfrn.-enl  à  pécher  d--s  -jr  ]!î.'r>  l-ret-nnes.  mais  eu  loul  Cd-. 
cel  ♦r-j-^i  n>i  pi>  r»-;>'*I.  Mn  '.-'jr  avait  offert  *!••  grand- 
?ivdrita;:e7..  -jh  leur  aviit  f.'-jrai  d*^^  engins  de  pèche,  d»r^ 
ÏpHi'sHiix,  et  rt  ceux  qui  Tt^n aient  avec  leur  fanaille  on  don- 
n?jil  un  ciTlain  n'jmb*'^e  d*h»:-c tares  de  terre  ;  mais  rien  n  y 
a  fait-  Ils  ont  fait  une  demi -sa  i>on,  soit  trois  mois,  et  i.^ 
ont  déclaré  qu'ils  étaient  pris  de  la  nostalgie  du  paysetsont 
repartis  .v»it  p<jur  la  Bretaçne,  soit  pour  le  Canada 

Nous  avions  fait  beaucoup  dVfîorls,  le  gouvernement 
avait  dépensé  pas  mal  d'argent  pour  arriver  à  ces  résultats, 
constatés  à  ia  fois  par  nous  et  par  le  préfet  du  Finistère. 
Kn  réalité  il  serait  beaucoup  plus  commode  de  faire  venirie 
poisson  tunisien  en  Bretagne  que  de  faire  aller  les  pécheurs 
bretons  en  Tunisie.  .  .C'est  ainsi  que  se  termine  le  rapport 
du  préfet  du  Finistère.  Nous  ne  pouvons  donc  pascompler 
sur  cette  émigration  locale. 

(A  Huicre)  Albert  de  Pocvourville 


LE  COCOra  ET  LE  COFRÂI 


Le  cocotier  est  un  palmier  dont  le  tronc  élancé  atteint  de 
20  à  25  mètres  de  hauteur  et  se  termine  par  un  panache  de 
feuilles  toujours  vertes  de  4  à  5  mètres  de  longueur.Chaque 
année,  les  feuilles  les  plus  âgées  tombent,  en  laissant  une 
cicatrice  assez  profonde  pour  servir  de  point  d'appui  aux 
indigènes  lorsqu'ils  escaladent  le  tronc.  C'est  l'arbre  par 
excellence  des  tropiques  et  des  pays  chauds.  Il  en  borde 
les  plages,  car  il  a  une  prédilection  marquée  pour  les  sols 
sâumàtres.  Son  utilité  est  surprenante.  Le  bois,  dans  cer- 
tains pays,  sert  à  la  construction  des  cases.  Les  feuilles  en 
forment  les  parois  ;  les  indigènes  en  confectionnent  égale- 
ment des  paniers  légers  et  coquets.  Le  cœur,  sous  le  nom 
de  chou  palmiste,  forme  un  mets  recherché.  L'eau  que 
contient  le  fruit,  appelé  vulgairement  lait  de  coco,  sert  de 
boisson  rafraîchissante.  Le  noyau  du  fruit  peut  être  trans- 
formé en  ustensile  de  ménage. 

Mais  la  vrai  richesse  du  cocotier  est  dans  l'amande  de 
son  fruit,  qui  donne  le  coprah,  et  dans  la  bourre  extérieure 
de  la  noix,  qui  est  utilisée  pour  la  confection  de  cordages 
et  de  âls  très  résistants  à  l'humidité. 

Placé  dans  de  bonnes  conditions,  le  cocotier  commence 
à  fleurir  vers  la  cinquième  année  et  à  fructifier  vers  la  sep* 
tième.  Le  délai  moyen  d'attente  est  de  sept  à  huit  ans.  Le 
cocotier  n'entre  cependant  en  plein  rapport  que  vers  Tôge 
de  douze  ans  et  n'atteint  son  plein  développement  que  vers 
vingt-cinq  ou  trente  ans.  La  production  dure  de  quatre- 
vingts  à  cent  ans. 

Il  faut  de  dix  mois  à  un  an  pour  que  la  maturité  d'un  fruit 
soit  complète^ 


260  LE  COCOTIER  ET  LE  COPRAH 

La  floraison  a  lieu  presque  toute  Tannée,  la  cueillette  est 
donc  continuelle.  L'on  procède  généralement  au  ramas 
sage  des  fruits  tombés.  L^  chute  des  fruits  est  régulière, 
les  cocos  mûrs  tombant  d'eux-mêmes.  On  estime  à  quatre- 
vingts  noix  la  production  annuelle  d*un  arbre. 

L^  fabrication  du  coprah  est  très  simple  :  on  fend  d'un 
coup  de  hache  le  fruit  tout  entier  et  on  fait  sécher  Tamande 
au  soleil,  soit  en  suspendant  les  fruits  à  une  corde  ou  à  un 
fil  de  fer,  soit  en  les  étendant  sur  le  sol,  Tamande  en  l'air, 
si  le  temps  est  sec.  L'amande  en  se  rétractant,  se  sépare  de 
la  coque  au  bout  de  deux  ou  trois  jours.  On  achève  la  des- 
sication  en  replaçant,  pendant  plusieurs  jours,  ces  moitiés 
d'amandes  enfilées  à  une  petite  corde. 

L'exposition  au  soleil  est  avantageusement  remplacée 
par  la  dessication  au  four  ou  dans  des  étuves  appropriées. 

Combien  faut-il  de  noix  pour  obtenir  1  kilog.  de  coprah? 
Les  avis  sont  très  partagés  :  les  uns  admettent  que  cinq 
noix  donnent  1  kil.  de  coprah  bien  sec  ;  d'autres  estiment 
à  dix  le  nombre  de  fruits  nécessaires.  Si  le  planteur  a  suivi 
.  le  conseil  de  ne  planter  que  des  variétés  à  gros  fruits,  il 
peut  sans  déception,  compter  sur  une  moyenne  de  sept  noix 
pour  un  kilog.  de  coprah,  soit  sept  mille  pour  une  tonne. 

Le  coprah  est  généralementexpédié  à  Marseille  ou  Uam* 
bourg  ;  on  en  extrait  environ  65  Vo  d'une  huile  solide  au- 
dessous  de  26  degrés,  ce  qui  lui  fait  donner  souvent  le  nom 
de  beurre  de  coco. Cette  huile  sert  à  la  fabrication  du  savon 
.  blanc.  Ce  produit  purifié  est  vendu  pour  la  consommation 
sous  le,  nom  de  végétaline  ;  il  peut  remplacer  le  beurre 
de  vache.  Enfin  »  l'amande,  réduite  à  l'état  de  farine,  est 
employée  pour  la  pâtisserie. 

(Revue  de  Madagascar) 


RAPPORT  DU  SECRÉTAIRE  GÉNÉRAL 
Sup  les  Travaux  de  Tannée  1906. 

Présenté  à  l'Assemblée  générale  du  17  Avril  1907. 


Messieurs  et  Chers  Collègues, 

Vous  avez  bien  voulu  me  replacer  au  poste  de  Secrétaire 
Général  que  j'occupais  lors  de  la  création  de  notre  Société. 
MoD  premier  devoir  est  de  vous  remercier  de  cette  nouvelle 
preuve  de  votre  confiance.  En  me  voyant  au  milieu  de 
vous,  dans  les  mêmes  fonctions,  chargé  de  vous  faire  le 
rapport  annuel  sur  nos  travaux,  j'ai  presque  Tillusion  d'un 
retour  véritable  en  arrière.  Mais  il  n'en  est  rien,  hélas,  et 
quand  je  jette  les  yeux  autour  de  moi,  j'aperçois  les  vides 
causés  par  la  mort  dans  nos  rangs  L'année  1906  a  été 
particulièrement  douloureuse  pour  nous  et  nous  avons  eu 
à  déplorer  la  perte  de  notre  bon  et  excellent  président, 
Monsieur  Henri  Blot-Lefevre  qui  nous  a  été  enlevé  d'une 
façon  si  inattendue  et  si  prématurée.  Sur  sa  tombe,  dans 
notre  bulletin,  on  a  dit  les  regrets  que  sa  mort  a  suscités 
parmi  nous,  on  a  rappelé  son  dévouement, son  aménité, son 
caractère  si  bon,  si  serviable.  Je  tiens  à  rendre  ici  un  nou- 
vel hommage  ému  à  sa  mémoire  qui  nous  restera  toujours 
chère. Ces  mêmes  qualités,  nous  sommes  assurés  de  les  trou- 
ver chez  -notre  nouveau  président.  Monsieur  E.  Dupont,  et  je 
me  fais  votre  interprète  en  le  remerciant  d'avoir  bien  voulu 
accepter  le  poste  que  nous  lui  avons  offert  et  nous  apporter 
son  précieux  concours. 

Notre  trésorier  vous  présentera  tout  ô  l'heure  les  comp- 
tes du  dernier  exercice.  Comme  vous  le  verrez,  notre  bud- 


RAPPORT  DU  SECRÉTAIRE  GÉNÉRAL         263 

d*étudier  les  mesures  les  plus  propres  à  augmenter  nos  re- 
cettes.   Il  y  a  certainement  quelque  chose  à  faire  dans  ce 
sens  et  ce  point  a  été  peut-être  un  peu  trop  négligé  jusqu'ici. 
La   création  d'une  commission   permettraif  de  concentrer 
tous  les  efforts  maintenant  dispersés  et  de  poursuivre  avec 
application  et  méthode  l'œuvre  si  importante  de  notre  re- 
crutement. Notre  société, nous  sommes  heureux  de  le  cons- 
tater, a  rencontré  dans  notre  ville  un  accueil  des  plus  favo- 
rables, et  il  n  est  pas  douteux  que  si  nous  voulons  nous  y 
employer  tous  sérieusement,  nous  pourrons  arriver  sinon  à 
reconquérir  le  chiffre  de  900  membres  que  nous  avons  at- 
teint et  même  dépassé  autrefois,  toutau  moins  à  augmenter 
notablement  le  nombre  de  nos  sociétaires.  Nos  charges  ac- 
tuelles sont  très  lourdes,  ne  l'oubliez  pas.  Notre  loyer  est 
très  élevé,  notre  bibliothèque,  notre  "bulletin,  nos  conféren- 
ces, nous  coûtent  très  cher  ;  ce  n'est  pas  par  des  réductions 
que  nous  devons  chercher   à  couvrir  tous  ces  frais,  mais 
bien   par  une  augmentation  de  nos  recettes.  Nous  devons 
être  tous  d'accord  là-dessus.  Notre  budget  de  dépenses  tel 
qu'il  se  présente  actuellement  est  à  peu  prèsimcompressible. 
Hnfîn    comme  je  vous  le  disais  tout   à  l'heure,  nous  ne 
devons  pas  reculer  ni  même  nous  contenter  de  rester  sta- 
tionnaires,  nous  devons   avancer  toujours.   La  cotisation 
que  nous  demandons  à  nos  sociétaires  estdes  plus  modestes, 
un  franc  par  mois  ;  passez-moi  l'expression,  on  leur  en  donne 
pour  leur  argent.  Si  on  pouvait  faire  ressortir  à  tous  ceux 
qui  l'ignorent  les  avantages  que  leur  oiïre  notre  société,  en 
retour  d'une  cotisation  aussi  modérée,  il   est  probable  que 
beaucoup  viendraient  à  nous  avec  empressement.  Il  ne  s'a- 
git que  de  le  vouloir  et  de  s'en  occuper  sérieusement.  Ce 
que  faisait  autrefois  l'un  de  nos  membres  les  plus  dévoués, 
le  regretté  M.  Le  Jolis,  qui  nous  a  rendu  tant  de  services, 
quelques  personnes  de  bonne  volonté  sauraient  le  faire  aussi 
sans  doute,  si  elles  voulaient  bien  assumer  cette  tAche. 


26  i  RAPPORT   DU   SECRÉTAIRE:   GÉNÉRAL 

Il  me  parait  indispensable  d'agir,  si  nous  voulons,  non  seu- 
lement conserver  à  noire  Société  Timporlanee  qu'elle  a  su 
prendre,  mais  étendre  son  action  et  développer  son  activité. 

Je  me  suis  étendu  bien  longuement  peut-être  sur  cette 
question  de  notre  recrutement,  mais  c'est  que  je  la  considè» 
comme  des  plus  importantes  et  (ju'il  me  paraît  que  loulei 
les  autres  en  dépendent. 

Passons  maintenant  aux  diverses  formes  par  lesqueile» 
s'est  exercée  notre  activité  pendant  Tannée  qui  vient  de  sé- 
coulor.  Prenons  d'abord  notre  bulletin.  Par  suite  de  ce^ 
laines  circonstances,  la  publication  l'année  dernière  en i 
été  assez  irrégulière,  mais  le  retard  va  être  rattrapé  etdio 
peu  la  publication  de  notre  fascicule  reprendra  son  cours 
régulier.  \'otre  secrétaire  général  a  cette  publication  dans 
ses  attributions  et.  je  dois  vous  l'avouer,  elle  ne  constilM 
pas  une  de  ses  moindres  préoccupations  par  suite  delà  diffi* 
culte  que  nous  éprouvons  à  trouver  ce  qu'en  terme  d im- 
primerie on  appelle  de  la  «  copie  ».  Le  compte-rendu  de 
nos  conférences  et  les  travaux  que  nous  devons  à  certains 
de  nos  collègues  dévoués  forment  le  fond  de  notre  bulletin. 
D'ailleurs,  si  on  parcourt  les  bulletin.s  des  sociétés  de  gë*^^ 
graphie  de  province,  on  s'aperçoit  qu'il  en  va  de  même, 
sauf  quelques  exceptions.  Il  n'y  a  guère  que  les  sociétésd»? 
Paris  (jui  soient  assurées  d'une  «  copie  »  abondante  et 
variée,  et  cela  se  comprend  facilement. 

QueUjUPs-uns  de  nos  collègues,  en  présence  de  la  difficulté 
que  nous  trouvons  à  assurer  la  publication  de  notre  bul 
letin  et  de  la  dépense  qu'elle  nécessite,  ont  suggéré  l'idée 
de  le  supprimer  ou  de  s'entendre  avec  la  Société  de  Géo- 
graphie commerciale  de  Paris.  Je  ne  suis  pas  de  cet  avis. 
J'estime  (jue  nous  ne  devons  pas  supprimer  notre  bulletin, 
qui  est  un  lien  entre  nos  membres,  dans  lequel  ils  trouvent 
le  cumpte-rendu  de  nos  travaux  et  de  nos  séances  en  même 
temps  qu'il  nous  sert  pour  les  échanges  avec  les  sociétés  de 


HAPPORT  DU  SECRÉTAIRE  GÉNÉRAL  266 

géographie  du  monde  entier.  Il  me  semble  que,  placés  dans 
un  grand  port  comme  le  nôtre,  nous  devons  et  pouvons 
donner  un  grand  intérêt  et  une  certaine  originalité  à  notre 
bulletin  et  aspirer  à  faire  mieux  à  cet  égard  que  la  plupart 
des  autres  sociétés.  Grôce  aux  efforts  persévérants  de  M.Le 
Jolis,  dont  je  vous  rappelais  tout  à  l'heure  le  souvenir, nous 
avions  pu  nous  assurer  autrefois  le  concours  des  capitaines 
au  long  cours  qui  nous  apportaient  des  travaux  intéres- 
sants et  originaux.  L'Association  des  capitaines  au  long 
cours  et  officiers  de  la  marine  marchande  a  bien  voulu  se 
faire  inscrire  au  nombre  de  nos  membres  et  nous  donner 
ainsi  un  tnmoignoge  de  sa  sympathie.  Ne  pourrions-nous 
pas  trouver  chez  elle  un  concours  plus  actif  et  ne  serait-il 
pas  possible  d'intéresser  plus  directement  les  capitaines  au 
long  coursa  nos  études  et  à  nos  travaux?  Il  n'y  a  pas  à  se  dis- 
simuler  que,par  suitedes  modifications  profondes  apportées 
dans  les  conditions  de  la  navigation  moderne  qui  laissent 
si  peu  de  loisirs  aux  officiers  de  la  marine  marchande,  il 
est  bien  difficile  de  leur  demander  de  travailler  pour  nous. 
Toutefois  la  question  est  à  étudier  de  plus  près.  Si  nos  res- 
sources étaient  plus  importantes,  ne  pourrions-nous  pas 
obtenir  de  ces  officiers  des  travaux  et  des  communications 
sur  des  sujets  (jue  nous  leur  indiquerions  et  leur  décerner 
des  encouragements  et  des  récompenses. 

Xe  pourrions- nous  pas  aussi  chercher  à  nous  créer  dans 
nos  colonies  et  dans  les  pays  plus  directement  en  relations 
avec  notre  port  des  correspondants  qui  nous  adresseraient 
des  renseignements.  Au  besoin  on  pourrait  récompenser  ou 
rémunérer  ces  communications.  Il  n'en  faudrait  pas  beau- 
coup pour  donner  à  notre  bulletin  plus  d'intérêt  et  assurer 
sa  publication  régulière  et  la  dépense  ne  serait  pas  très 
forte.  Il  y  a  un  effort  à  faire  de  ce  côté. 

Nos  conférences  restent  toujours  des  plus  suivies  et  il  est 
regrettable  que  notre  budget  ne  nous  permette  pas  d'en 


26H  RAPPORT  DU  BECRÉTAIRE  GÉNÉRAL 

augmenter  le  nombre,car  elles  constituent  un  des  meilleurs 
moyens  à  notre  disposition  pour  intéresser  le  public  à  noire 
œuvre  et  notre  meilleure  forme  de  publicité.  Malheureuse- 
ment ces  conférences  coûtent  très  cher.  Chacune  d'elles 
revient  à  300  francs,  quelquefois  à  plus  et  vous  devez 
comprendre  que  nous  ne  puissions  pas  en  donner  plus 
de  six  ou  sept  par  hiver.La  location  de  la  salle  absorbée  elle 
seule  la  moitié  de  cette  somme.  En  province,  nous  sommes 
naturellement  moins  bien  placés  que  les  sociétés  de  Paris 
qui  n'ont  ni  indemnité  ni  frais  de  déplacement  à  allouera 
leurs  conférenciers.  Nous  sommes  à  cet  égard  dans  un  état 
d'infériorité  évidente  et  inévitable. 

En  dehors  de  nos  grandes  conférences  publiques,  nous 
avons  pu  organiser  dans  notre  local  un  certain  nombre d6 
causeries  faites  par  quelques-uns  de  nos  collègues.  Citons 
entre  autres,  les  communications  si  intéressantes  de  notre 
vice-président,  M.  Georges  Dufour,  sur  Bizerte,  de  M. 
Rizzardo  Rizzetto,  consul  d'Italie,  sur  rémigralion  ita- 
lienne, de  MM.Toulain,  Guitton,Fdvi(Br,  etc.  Soyons  recon- 
naissants à  nos  collègues  du  concours  qu'ils  veulent  bien 
nous  apporter  et  souhaitons  que  leur  exemple  soit  imité. 

Notre  bibliothèque  est  toujours  des  plus  fréquentées  et 
le  nombre  des  lecteurs  va  croissant  chaque  année. Elle  s'est 
augmentée  l'an  dernier  de  divers  dons  et  legs,  entre  autres 
des  livres  qui  nous  ont  été  légués  par  un  de  nos  merebres 
donateurs,  M.  Jacques  Dolamalle,  et  de  ceux  offerts  par 
Madahie  Chevalier  de  Coninck,  M.  James  de  Coninck  et 
M.  le  général  Archinard.  Aussi  avons-nous  dû  ajouter  de 
nouveaux  rayons.  Les  crédits  affectés  à  l'entretien  de  notre 
bibliothèque  et  à  la  reliure  paraissent  suffisants  et  de  ce 
c6lé  nous  ne  voyons  pas  de  desideratum  à  formuler.  Cepen- 
dant il  serait  à  souhaiter  que  le  catalogue  de  notre  bib'io- 
tè(|uc  pût  être  refondu,  mais  cela  nécessiterait  une  dépt:nse 
trop  forte  pour  notre  budget  actuel.  Je  profite  de  roccasion 


RAPPORT   DU  SECRÉTAIRE   GéN^RAL  267 

pour  attirer  l'attention  de  tous  nos  collègues  sur  notre  biblio» 
thèque  dont  l'importance  grandit  tous  les  jours,  les  facili- 
tés qu'elle  leur  offre  pour  l'élude,  la  quantité  et  la  valeur 
des  documents  qu'elle  contient.  Combien  d'entre  eux  igno- 
rent les  richesses  que  nous  possédons  et  qui  sont  mises  si 
libéralement  à  leur  disposition.  Tout  à  l'heure  je  vous  di- 
sais que  notre  Société  en  donne  à  ses  membres  pour  leur 
argent.  Si  on  considère  la  masse  de  documents,  les 
revues,  les  périodiques,  qu'ils  peuvent  consulter  tous  les 
soirs  à  notre  bibliothèque, la  faculté  qu'ils  ont  de  les  empor- 
ter à  domicile,  le  local  que  nous  mettons  à  leur  disposition, 
on  reconnaîtra  que  je  n'exagère  pas,  et  que  la  minime  coti- 
sation qui  leur  est  demandée  est  amplement  compensée  par 
les  avantages  que  nous  mettons  à  leur  portée. 

Notre  concours  de  géographie  institué  dès  la  fondation 
delà  Société  a  eu  lieu  comme  les  années  précédentes. Vous 
savez  que  les  concurrents  qui  se  présentent  sont  divisés  en 
liuisgroupes.Ilme  faut  constatera  nouveau  que  le3® groupe, 
celui  des  jeunes  gens  de  16  à  20  ans, ne  donne  plus  de  résul- 
tats par  suite  du  défaut  de  concurrents.  Dans  ces  condi- 
tions je  crois  qu'il  y  a  lieu  d'en  venir  à  la  suppression  de  ce 
groupe. 

\:n  de  nos  collègues  du  bureau  a  suggéré  l'idée  de 
fnire,  à  l'imitation  de  plusieurs  autres  sociétés  de  géogra- 
phie, une  géographie,  sinon  de  notre  département,  tout  au 
moins  de  l'arrondissement  du  Havre,  à  l'aide  de  monogra- 
phies de  chaque  commune.  On  pourrait  faire  appel  pour 
cela  aux  instituteurs  et  les  encourager'ô  dresser  ces  mono- 
graphies. A  vous  de  voir  si  le  crédit  devenu  libre  par  la. 
•suppression  du  3*-  groupe  ne  pourrait  pas  être  affecté  à  l'at- 
ti'ibiition  d'un  prix  au  meilleur  mémoire  ou  à  la  meilleure 
monographie  sur  une  commune  de  l'arrondissement  qui 
Mousserait  présenté. 

Je  termine  cette  revue  rapide  de  nos  travaux. Vous  voyez 


268  RAPPORT   DU    SECRÉTAIUE  GÉNÉRAL 

que  notre  société  continue  ô  remplir  le  programme  q 
s'est  imposé  à  ses  débuts.  De  cet  exposé  cependant  il  r» 
qu'elle  est  contrainte  pour  le  moment,  de  pnr  IVxi 
de  son  budget,  à  limiter  son  champ  d'action.  Ortes 
avons  fait  déjà  beaucoup,  frrnce  ù  une  sti^c?  <irîniinist: 
de  nos  finances,  avec  les  faibles  moyens  dont  nnus  d 
sons, mais  il  reste  encore  beaucoup  à  faire  cependaut-l 
nous  devons  à  nous  mêmes  de  faire  plus  encore.  Iinj><> 
nous  donc  le  devoir  de  développer  notre  prograini:. 
donner  à  notre  activité  de  nouveaux  buis,  et  tâchons, 
les  atteindre,  de  nou.s  créer  les  ressources  indispeiisal 


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ACTES   DE   LA   SOCIÉTÉ 


Procèa- verbal  de  la  Séance  du  Comité  du  21  fvcrù'r  î907. 

PréBidcnce  de  M.  E.  DuroNT,  président. 

Lo  procès-verbal  de  la  précédento  réunion  est  lu  et  adopté  91* 
luodific.ttions. 

M.  le  Secrétaire  Général  donne  lecture  de  la  correspondance  : 

Lettre  du  Comité  du  Maroc  qui  adresse  à  la  Société  un  exemplair 
des  récents  rapports  et  études,  ainsi  que  les  planB  hydrographil'J** 
d^s  ports,  publiés  par  ce  Comité. 

Trois  ouvrages  sont  olïorts  à  la  Société  par  M.  René  Bossière  : 

Nouvelle  notice  sur  les  Iles  Kerguolen. 

Etude  sur  l'élevage  du  mouton  dans  le  monde. 

La  prospérité  des  ports  français. 

Sont  présentés  comme  nouveaux  membres  : 
MM.  Manuel  Tejedor,  présenté  par  MM.  Ruôno  de  la  Seraa  et 

J.Napp. 

Sauvage  »  E.  Favier  et  Mlle  Sauvag«. 

E.  Le  Coniac  »  L.  Guitton  et  Ferd.Vanicr. 

E.  Viollet  p  E.  Favier  et  E  Monacoart. 

René  Valle  »  E.  Dupont  et  Ch.  Meuri. 

H.  Lefièvre  j>  L.  Guitton  et  F.  .Schoeidtf. 

H.  Follet  »  L.  Guitton  et  F.  Schneider. 

J.-R.  Duval  »  Ferd.  Vanier  et  R.  Feile. 

Il  sera  statué  en  fin  de  séance  sur  leur  admission. 

Le  compte- rendu  des  comptes  de  l'année  1906,  qui  est  enwi» 
donné,  présente  les  chifEres  suivants  : 

Dépenses Fr.     8.903  80 

Recettes f      8.840  6j 

Soit  un  déficit  de  .    .   .     Fr.        63  1^   \ 

M.  le  Président  donne  la  parole  à  M.  Favier  qui  communiqiie^ 
très  curieux  et  intéressants  détails  sur  la  naiuanoe  d*UA  noavesa  Itf 
diusa  le  Colorado. 


ACTES  DE   LA  SOCIÉTÉ  271 

^es  ili'tails, extraits  d'un  article  publié  dins  le  journal  L'i  Temps  par 
deVarigny,  ont  été  vivement  appréciés  et  M.  le  Président  remercie 
Favier  ponr  son  intéressante  lecture. 

La  séance  est  levée  à  10  heures. 


Assemblée  Générale  du  17  Aoril^l907. 
Présidence  de  M.  E.  Dupont,  président. 

La  séance  est  ouv^erte  à  9  heures.  Le  procès -verbal  de  l'Assemblée 
^nérale  précédente  est  lu  et  adopté  suns  modifications. 

M.  P.  Loiseau,  secrétaire  général,  donne  lecture  de  son  rapport 
SUT  h  fiituitiou  morale  de  la  Société  Après  un  hommage  ému  à  la 
mémoire  de  M.  BIot-Lefevre  et  de  vifs  remerciements  à  M,  £.  Dupont, 
i|ui  a  bien  voulu  assumer  la  charge  de  Président,  M.  Loiseau  fait 
remarquer  que  le  budget  de  la  Société  s'équilibre  tout  juste.  Pour 
remédier  à  ce  danger,  il  serait  très  urgent  de  recruter  de  nouveaux 
adhérents  —  on  en  compte  actuellement  600  environ  —  et,  à  cet  effet, 
dénommer  une  (-ommission  de  propagande  et  de  recrutement.  Des 
charges  très  lourdes  pèsent  sur  le  budget  :  bibliothèque,  bulletin, 
conférences,  etc.  La  publication  du  bulletin,  ces  derniers  temps,  a 
été  irrégulière,  il  y  aurait  lieu  d'étudier  les  moyens  de  le  remplir  de 
^n  intéressante.  Après  d'utiles  considérations  au  sujet  des  Confé- 
i^ncee,  des  Causeries  mensuelles,  de  la  Bibliothè(iue  et  du  Concours, 
M.  Loiseau  termine  en  invitant  les  sociétaires  à  développer  nos  res- 
iourcesafin  de  pouvoir  étendre  notre  champ  d'action. 

M.  R.  Boitier,  trésorier,  donne  ensuite  lecture  de  son  rapport  sur  le 
>iidget,  exercice  1906.  Les  recettes  ont  été  de  8,840  £r.  65,  les  de- 
nses se  sont  élevées  à  8,9u3  f  r.  80,  soit  un  déhcit  de  63  fr.  15,  lequel 
tera  largement  couvert  par  la  f  ubion  en  un  seul  de  doux  des  derniers 
)oIletinB. 

M.  le  Président  remercie  les  membres  du  Bureau  de  leur  concours 
)t  ipécialemeut  MM.  Loiseau  et  Boitier  pour  leurs  instructifs  rapports. 

La  parole  est  donnée  ensuite  à  M.  Guitton  qui  a  eu  ramabilitô  do 
induire  du  russe  en  français,  à  notre  intention,  un  article  du  journal 
VovoM  Wremia  où  Tauteur,  d'un  ton  original  et  très  humoristiquOi 
itiribae  U  crise  agraire  qui  désole  TEmpire  à  un  manque  d'utilisatioa 
Itionnel  de  IVngrais  humain. 


2/2  ACniii    DE   I,A  ïrOCIKTM 

Cette  lecture,  très  goûtée  de  l'assiatance,  tloiiue  liuu  à  un  écliau; 
d'observations  entre  MM.  Loiseuu,  Preschez,  Rizzirdo-RizzL'it»  < 
M.  Guitton. 

Après  quelques    mots   de   reiiiircieinents   de    M.    le    Président 
M.  Guitton,  la  séunco  est  levôe  à  10  1».  1/4. 


Séance  (ht  Cotnitc  (hi  17  Ami  1907 

A  rissuo  de  rAt^seinblée  générale,  une  séancfî  «lu  Coinit"  est  ouvert*? 
gous  la  prcsidcnce  de  M.  E.  Dupont,  président. 
Sont  proHentés  coniino  membres  de  I:i  Société  : 

MM.  André  Olier,  présenté    par   MM.   rjnittou  et    Ferd.  Vanicr. 
P.  Guillard,  »  Dupont  et  Frescliez. 

Cl).  Martin,  »  Dupont  et  Guitton. 

G.  Majoux,  *  Guitton  et  FoUin. 

Ces  nou\ea»x  sociétaires  Eont  admis  à  TuDaDiroité. 

La  séance  est  levée  à  10  b.  1/2. 


OUVRAGES.  CARTES  ET  PLANS 

oflerts  ;\  lu  SocJété  par 

M""  CHEVALIER  DE  CO.\l.\CK  ET  M.  JAMES  DE  CO\I.\CK 


Vosgien  -  Dictionnaire  géographique  universel  des  cinq 
parties  du  Uonde.  i'aris,  itiô6,  1  vol.  in  H,  contenant  *J  carted 
gravées  sur  acier. 

Dictionnaire  géographiqtue  et  statistique,  rc  lige  sur  ua  plan 
entièrement  nouveau,  par  Aduikn  uuihkut,  Paris,  1860,  l  vol. 
gr.  in-8. 

Mon  second  voyage  autour  du  Monde,  l'iir  M"^  Iga  Pfisifkeb, 
ouvrage  traduit  de  l'allemaud,  lurii,  18:)7,  1  vol.  in  12,  avec  une 
carte. 

Voyages  dans  les  deux  Océans,  Atlantique  et  Pacitique,  1844- 
184/,  par  Eugène  Delesskrt,  If  aria  1848,  i  vol.  gr.  in-8,  illuf^tré 
de  nombreuses  gravures;  avec  1  plan  et  i  carte. 

Voyage  pittoresque  en  Hollande  et  Belgique,  par  Edmond 
Tbxier,   Paris,   18ô7,    i  vol.  grand  in-8,   orne  d'illustrations  de 

ROUABGUES   FRÈRES. 

Le  Simplon  et  l'Italie  septentrionale,  promenadts  et  péleri- 
nagt:9.  Paris,  sans^date,  1  vol.  gr.  in-8,  orné  de  nombreuses  gra- 
vares  sur  cuivre. 

Le  Danabe  illustré,  vues  d'après  nature  dessinées  par  Bartlett, 
gravées  par  plusieurs  artistes  anglais.  Eiiitiou  frauçèiise.  Paris,  I8ô0| 
i  vol.  in-4,  orné  de  52 gravures  sur  cuivre. 

Une    année  de  voyage  dans  TArabie  centrale  (1862-1863). 

par    VV™  CiiFFiUD  i^aLvjuave,  ouvfjge  traduit  de  1  anglais,  Paris, 
186U,  2  vol.  iti-8,  ornes  d'un  portrait,  avec  1  carte  et  4  plans. 

L'Inde  pittoresque  —  Madras,  texte  par  A.  Urbain,  Paris,  1840, 
L  vol.  iu-6,  couieuant  22  gravures,  d'après  les  des-ins  originaux  de 
Daniell. 

L'Inde  pittoresque  —  Calcutta,  texte  par  A.  Urbain,  Parie, 
1840,  [vol.  ia  b,  orné  de  22  gravures,  d'apiès  les  dessins  originaux 
de  Daniell. 

t>i%  anfl  de  voyages  dans  la  Chine   et  l'Indo-Ghinei    par  J. 

TuoidbON,  ouviage  traduit  de  l'anglais,  Paris,   18?7^  1  vol.  in-8| 
orné  de  128  gravures  sur  bois* 


274      Ol'VHAGES,  CARTES  ET  PLANS  OFFERTS  A  LA  SOCIÉTÉ 

L'Empire  Chinois.  Mœurs,  coûtâmes,  architecture,  îudnstrie,  etc., 
depuis  les  temps  les  plus  reculés  jusqu^à  nos  jours,  par  CLÉM&N^r 
Pkllé.  Londres.  1845,  1  vol.  in-4  (4""  volume)  orné  de  32  gra- 
vures  sur  cuivre,  d'après  les  dessins  de  Thomas  Allom. 

Mongolie  et  Pays  des  Tangoutes,  par  N.  Erjévalbki,  ouvrage 
traduit  du  russe,  Paris,  1880, 1  vol.  in-8,  avec  42  gravures  sur  bois 
et  4  cartes. 

4- 

L'Eté  à  Paris,  par  Jules  Janin,  Paris,  Cnrmer,  1840,  1  vol.  in-8, 
illustré  de  nombreuses  gravures  dans  le  texte  et  hors  texte. 

Fastes  de  Versailles,  depuis  son  origine  jusqu'à  nos  jours,  par 
H.  FouKTOUL.  Paris,  183^,  1  vol.  gr.  in-8,  orné  de  42  gravures. 

Guide  du  voyageur  au  Mont  Saint-BAichel  et  au  Mont  Tom- 
belaine,  Avranches,  1856,  1  brochure  iu-8,  orné  de  3  gravures 
hors  texte. 

Vichy  et  ses  environs,  guide  du  baigneur,  par  Louis  Pikssk. 
Paris,  1803,  1  vol.  in-12,  avec  1  carte^  1  plan  et  27  vignettes. 

La  Belgique  et  la  Hollande,  par  A.-J.  du  Pays  (guide  Diamant) 
Puiis,  ia67,  l  vol.  iu-lti,  avec  2  cartes  et  13  plans. 

Quinze  jours  sur  les  bords  da  Rhin,  guide  pratique  et  illustré, 
extrait  du  guide  des  bords  du  Rhin,  de  A.  de  CoNiT,  Paris,  1867, 

1  vol.  in-16,  avec  gravures  dans  le  texte,  panorama  du  Rhin  en 

2  feuilles. 

Montreux  (L'Europe  illustrée),  par  Alfred  Ceresole,  Zurich,  1865, 
1  brochure  in-1 6,  avec  25  illustrations  et  2  cartes. 


L'Europe  en  1887,  par  Sir  Charlks  Dilke,  Paris,  1887,  1  voL 
in-8. 

Politique  extérieure  et  coloniale,  par  Gabriel  Charmes,  Paria, 
1885,  1  vol.  in-8. 

Histoire  générale  de  l'Italie,  de  1846  à  1850,  par  Diego  Soria^ 
professeur  de  droit  public  eu  Italie,  Paris,  1889,  2  vol.  in>8. 

Galerie  des  Femmes  de  Shakespeare,  collection  de  45  portraits 
gravés  par  les  preuiiers  artistes  de  Londres,  enrichie  de  notes  criti- 
ques et  littéraires.  Paris,  1860,  1  vol.  gr.  in-8. 

CEuvrei  complètes  de  Buffon^  avec  les  extraits  de  Dadbsnton  et 
la  classitication  de  CcviER,  Paris,  1838,  6  vol.  in-S.  Les  gravures 
sont  reliées  en  un  7*  volume. 


OUVRAGES,  CAHTES  ET  PLANS  OFFERTS  A  LA  SOCIÉTÉ      275 


ga.z^te:s    et    pz^a.xts 


4  leailles  de  la  Carte  de  France  au  80.000",  gravées  sur  cuivre  : 
feuilles  .de  Brest,  Erovins,  Fontainebleau  et  Lorient. 

10  feuilles  de  la  Carte  de  France  au  320  000^,  gravées  sur  cuivre  : 

feuilles  de  Dunkerque,  Cherbourg.  Méziéres,  Brest,  Lorient, 
Strasbourg,  Nantes,  Bjurges,  Ciermont  et  Bord-^aux. 

Carte  routière  de  la  France,  donnant  les  routes  royales  ctdôpar- 
temontale^  les  clieann^  de  fei*  et  les  canaux.  Pam,  ÏHi\i,  1  feuille 
en  noir. 

Carte  générale  des  principales  voies  de  communication 
de  la  France.  Paris,  1832,  I  feuille  en  couleurs,  roctiiiée  et  com- 
plétée en  1849. 

Carte  des  Chemins  de  fer  de  la  France  et  des  pays  limitrophes. 
Paris,  1862,  une  f<'uille  en  couleurs. 

Carte  du  département  du  Calvados  et  d'une  partie  des  dépar- 
temeutH  limitrophes,  au  200  000*.  i'aris.  18.')6,1  feuille  en  couleurs. 

Carte  routière  de  l'Arrondisse  oient  du  Havre,  publiée  par  le 
Service  vicinal,  au  80.000*'.  Paris^  1858,  1  feuille  eu  noir. 

Plan  de  la  Ville  de  Bordeaux,  au  20.000",  revu  et  corrigé  en 
1857. 

Plan  du  Port  et  de  la  Ville  de  Brest,  au  4.000*,  avec  une  légende 
historique.  Brest,  1855. 

Carte-guide  du  voyageur  à  Fontainebleau,  visite  du  palais  et 
de  la  forêt.  Fontainebleau,  1854,  1  carte  au  25.000*. 

Plan  topographique  de  l'agglomération  lyonnaise,  au  10.000*, 
Lyon,  1858,  1  feuille  en  couleurs. 

Plan  de  Nimes  ai^  10  000*.  1880,  1  feuille  en  couleurs. 

Plan  de  la  Ville  de  Toulon  et  de  ses  environs,  1  feuille  en 
couleurs. 

Mapa  de  los  caminos  reaies  y  transversales  de  Espana  y 
de  Portugal.  1  feuille  en  couleurs.  1867. 

Ccute  des  Etats  de  l'Italie,  avec  les  régions  circonvoisines.  Paris^ 
1859,  1  feuille  en  couleurs. 

Carte  routière  de  la  Suisse,  diaprés  Relier.  1851,  I  feuille  en 
couleurs. 

Carte  physique  et  politique  de  TEurope  centrale,  comprenant 
l'Allemagne,  rÂutriche,  la  Prusse  et  une  partie  des  Btats  lîmi- 
trophos,  indiquant  les  chemins  de  fer,  les  routes  et  les  canaux,  au 
958.000*.  Paris,  1866.  1  feuille  en  couleurs. 

Qarte  générale  de  TAllemagnei  comprenant  l'ensemble  des  Etati 
de  r£<arope  centrale.  Parlé,  18d8, 1  feuille  en  couleurs. 


27(l     OUVRAGES,  CARTKS  ET  PLANS  OFFERTS  A  LA  SOCIÉTÉ 

Carte    do   la  Navigation  intérieure  de    l' Allemagne,  de  la 
Suisse  et  de  Hauto-Icsdie.  18()0,  1  feuille  en  couleurs. 

Carte    administrative    et    coinm3rciale     de     la    Belgique, 

Bruxelles,  1857,  i  feuille  eu  c jiileuru. 

Plan  of  London  and  'Westminster  with  the  Borough  o£  South- 
wark.  Londres,  1833,  1  feuille  en  couleurs. 

Crosses  New  plan  of  London.  Londres,  18<3i,  I  feuille  en  couleurs. 

London  and  its  environs,  Londres,  185i,  1  feuille  en  couleurs. 

Map  ol  India,  from  the  inost  récent  authorities.  Londres,  18()9, 
l  feuille  en  couleurs. 

Uap  of  India,  exibiug  its  présent  i)olitical  divisions,  with  a  supplé- 
ment coutaining  ihe  Birman  Empire.  Londres,  18tî'),  1  feuille  en 
couleurs. 

Map  of  the  United  States  of  America,  the  Brilish  Pi(;Finc&<, 
Mexico,  the  West  Indies  and  Central  America,  with  part  of  Netr 
Grenada  and  Venezuela.  New- York,  18ô5, 1  feuille  en  couleurs. 


BIBLIOGRAPHIE 


Dictionnaire  -  manuel-  illustré  de  Géographie, 

par  Albkht  Demangeon  (Bibliothèque  des  Dictiormaircs- 
Manueh  illiistres.  Libnûrie  Armand  Colin,  rue  de  Mé- 
zières,  5,  Paris).  Un  volume  in-18  jésus  de  860  pafjea, 
relié  toile,  Ir.  rouges.  6  fr. 

Ce  livre,  vraiuient  original,  d'une  science  fûre  et  au  courant  des 
acquisitions  les  plus  récentes,  est  cependant  d'une  lecture  aisée  :  il 
est  indispensable  à  quiconque  veut  (  onnaître  la  «  Terre  et  rHouimé  ». 
—  M.  Deinangcon,  chargé  de  Cours  à  T Université  de  Lille,  s'est 
adjoint  comme  collaborateurs  des  géologues  cl  des  géographes  d'une 
compétence  éprouvée. 

L'originalité  du  livre  est  de  donner,  outre  la  nomenclature  des 
noms  de  îievx  que  doit  donner  tout  dictionnaire  de  géographie,  un 
clioix  de  noms  de  choses,  du  délinitions,  de  renseignements  relatifs 
aux  différentes  branches  de  la  géographie. 

(>n  trouvera  dans  ce  livre  les  notions  élémentaires  et  lesdôfiuitions 
►impies  dont  Pintelligencé  devient  indispensable  à  tout  esprit  cultive. 
Ces  notions  et  ces  délinitions  concernent  aussi  bien  la  géographie  natu- 
reUe  que  la  géographie  économique  et  Immaîne,  que  rijist(>iro  d<'  la 
géographie  ;  l'atmosphère  ;  les  mers  :  lu  relief  d-js  continents  ;  hi 
géologie,  les  roches  ;  k  végétation  ;  les  animaux  domestiques  ;  les 
peuples  et  les  races  ;  les  populations  ;  les  cultures  ;  les  industries  ;  le 
commerce  :  les  géographes  ;  les  explorateurs  ;  la  cartogi-aphie. 

C'est  une  véritable  encyclopédie  géographifiiic,  et  il  n'en  a  point 
encore  été  publié,  à  un  prix  aussi  modique,  H'augs!  complMe  et  d'aussi 
riche  en  renseignements  d'une  réelle  valeur  scientifique  et  pratique. 

L'ouvrage  contient  8G0  pages  et  cet  illut^tré  de  cartes  et  de  nom- 
breuses figures. 


278  BIBLIOGRAPHIE 

QDESTIOl  DEOMÂTIQIS  ET  COLONIALES 

Revue  de  politique  extérieure 
Paraissant  Je  i"^^  et  le  16  de  chaque  mois. 

ABONNEMENT  ANNUEL  :  15  fr. 
T{édacUon  et  Jfdministtahon  :    19,  Rue  Cassette,  Paris 


Sommaire  nr    X*  252. 

Asmxf.  (jiAiMEix.  Le  nwuvniicnt  catholique  et  le  décret  du  Saint-Offia. 

Bknk  Henhy.  la  Hongrie,  ht  Croatie  et  les  nationaUfès, 

P.  CiJEMiN  DiroNihS.  l.e  cvwtnercc  des  fo/oin>^  françaises  en  Ï9(M?. 

Chroniques  de  la  quinzaine.  —  Les  ap'aires  du  Maroi'.  —  Uenseignematt 
politiques.  —  lienseignewents  économiques.  —  dominations  officieilts.  - 
Biblitujraphie.  -  Livres  et   litwues.  | 

Cartes  et  gravures.  Hongrie.  Carte  physique  et  carte  des  nationalités.         i 

COiTÊ  DE  L'ASIE  FRANÇAISE 

19,  rue  Cassette,  Paris 

Sommaire  du  Bulletin  de  Juillet  1ÎK)7  : 

L'Abdication  de  Tempereur  de  eorée.  par  R.  C. 

Le  Régime  représentatif  au  Tonit in.  par  Edouard  Pagen. 

Accords  asiatiques. 

Asie  Française  t  La  prise  de.  jtossessivn  des  provinces  sifiwoises  — '^'"J^ 

tion    fintincière  de  V Indo-Chine.    -   Insuffisance  du    numéraire  argfni  f* 

Cochiiu'hine.  —  Main-duruvrc  javanaise  au  Tonkin. 
Chine  i  I^es  étrangers  et  les  chemins  de  fer.  —    Mouvement  contre  lop''^'^^ 

—  Douanes  impériales  à    Dalinj.  —  Ktats-Vnis  et   Cindemnitè  chinont' 
Mouveniriits  insurrectinnuels    —    Impurtatittn  du  blé. 

Japon  I  Les  relations  avec  les  Hiats-rnis  -  Métallurgie  américaine  et  Jtjf^^ 

—  \aviyation  japonaise  —    In  cntfirunt  japonais  pour  les  chemins  tie  jet 
Miindchouric.  —  Commerce  étranger  au  Japon. 

Asie  russe  t  le  dédoulUnicnt  du  Iransf^ibéricn.  -  Chemin  de  f^^''?[ 
chinois.  —  Société  comnurcialc  russo-japonaise.^  Communications pO^[^ 
en  Sibérie.  --  Le  naphtc.  —  Hichvs^ie  du  sol  en  Mandclunirie.  —  Irrig^"'* 
au  Turkcsian. 

Turquie:  Le  nouveau  goiivirncur  du  Liban.  —  SHv.aiinn  en  Ariufnf  " 
Le  Sultan  et  l  \cmcn  . 

Perse  :  L'action  allemande.  -  Situation  intérieure. 

Usie  anglaise  :  Commerce  de  l'Inde  en  iy(Mi-iyt)7.  —  Commerce  de  Hoot 
koug  eu  UMJ't . 

Laos  siamois  Vidlée  </«■  ///  s,-  Moun  :  le  monlhon  Sakhm  Facini^  *• 
(Korat)  et  le  monthou  han  Oui  oui,  par  I  uiiet  de  la  Jrnquitre. 

Nominations  officielles.  Bibliographie. 

Cartes  t  Laos  siamois.  Croquis  etntujraphique  du  Laos. 

Envoi  sur  dciiuinde  d'un  iiuiiu'id  ^picinicn  gintu't. 


Dnwap  rep  i  la  Blottipe  le  la  SoW 


Voyage  en  France,  47«  série.  Région  parisienne  ;  VI,  Ouest: 
l'Yveline  et  le  Mantois,  par  Ardouin-Dumazet.  Paris,  1907,  l  vol. 
in- 12,  avec  !%*>  cartes  ou  croquis. 

De  la  Loire  aux  Pyrénées,  itinéraire  général  de  la  France,  par 
Paul  JoANNE.  Paris,  1904,  1  vol.  in- 16,  avec  56  cartes  et  23  plans. 

Les  Falaises  de  la  Manche,  pnr  Jules  Girard,  membre  de  la 
Société  de  Géographie.  Paris,  1907,  1  vol.  in-4,  orné  de  nombreuses 
gravures. 

Le  Port  de  Rotterdam,  par  H.  A.  van  Yssklsteyn,  ingénieur, 
sous-directeur  des  travaux  de  la  ville  de  Rt>tterdain,  2*  édition.  Rot- 
terdam, 1904,  1  vol  in-4,  accompagné  de  55  gravures  dans  le  texte 
et  8  planches  en  noir  et  f  n  couleur  hors  texte,  (Dou  de  M.  le  Prési- 
dent de  la  Chambre  de  conimerce  de  Rotterdam.) 

Prague  'Les  Villes  d'Art  célèbres),  par  Louis  L^ger,  membre  do 
l'institut.  Parie,  1907,  1  vol.  in-4,  illustré  de  111  gravures. 

Palerme  et  Syracuse  (Los  Villes  d'Art  célèbres),  j)nr  Ch.  Dieht,, 
correspondant  de  l'Institut.  Paris,  1907,  1  vol.  in  4,  orné  de  129 
gravures. 

Londres  et  la  Vie  à  Londres  (Les  Capitales  modernes),  par  F.  de 
BKRNBARin'.  paris,  1907,  1  vol.  in-8,  illustré  de  109  photogra- 
phies. 

Berlin  comme  je  l'ai  vu,  texte  et  dessins  par  Ch.  Huard.  Paris, 
1907,  1  vol.  in-8,  orné  de  115  illustrations  hors  texte  et  dans  le 
texte. 

La  Bulgarie  d'hier  et  de  demain,  par  L.  de  Laukay.  Paris, 
1907,  1  vol.  in  16,  contenant  26  illustrations  d'après  les  photogra- 
phies de  l'auteur  et  une  carte. 

La  Russie  agricole  devant  la  crise  agraire,  pnr  Alexis  Ykr- 
MELOFF,  membre  du  Conseil  de  l'Empire,  ancien  ministre  de  l'Agri- 
culture et  des  Doin aines  de  Russie.  Paris,  1907,  1  vol.  in- 16. 

L'Allemagne  moderne,  son  évolution,  par  Henri  Lkiitenrkr- 
GER,  maître  de  conférences  à  la  Sorbonne.  Paris,  1C07,  1  vol.  in-12. 

Le  Guatemala  économique,  parCh.  H.  SiEruAN,  consul  de  Gua- 
temala à  Paris,  renseignements  pratiques  et  utiles  à  l'usage  des 
industriels,  tran.'^porteurs,  capitalistes,  employés,  banquiers,  com- 
merçants, agriculieurs,  travailleurs,  etc.  Paris,  1907,  1  vol.  in- 18. 

Notice  historique  sur  la  Guyane  Française,  publiée  à  Tocca- 
siou  de  l'Exposition  coloniale  do  Marnoille  (mai-nov.  1906),  par 
Henri  IîichaRd,  président  honoraire  de  la  Chambre  d'agriculture  de 
Cayenne.  Paris,  1906,  1  bioch.in-8,  16  pp.  (Dou  de  M  le  Ccmmis- 
saire  de  l'Exposition  coloniale  de  Marseille. ) 


280  OUVRAGES  REÇUS  A  LA   SOCIÉTÉ 

Costa-tlica.  Excursion  por  Araerica,  par  Jo^é  de  Seoarra  et  Joaqnin 
Jlm.ia.  San-J(»Hé  de  Costa  liicn,  lî'07,  1  vol.  in-16,  avec  gravure». 
(Don  de  M.  Edin.  R'ioul-Duva^) 

Dictionnaire -Manuel  illustré  de  Géographie,  par  Albert  De- 

MANOEON  ll^;l)lio:h>(jiie  dt^s  rHctiônnaireH-niamiels  iilu8trési  Pari?» 
19U7,  1  V(>1.  in-lH  Jésus,  ^^^.0  pp.  avec  caries  et  figures.  (Don  de 
M.  Armaid  Colin,  éditeur  ) 

Les  principales  puissances  du  Monde,  par  P.   Camena  d'Aï.- 

MEJDA,  proffKeeur  de  p'o^raplne  à  1  UuiverKité  de  Bordeaux  (cours 
de  géographie  à  1  usage  de  l'enBu^neuieut  Fecondairei.  Paris,  1107. 
1  vol.  iri-lH. 

Atlas  universel  de  Géographie  moderne,  par  Richard  ANOhÉK 
6®  édition  revue  tt  angrijenti-e.  Edition  jnhilaire  par  A.  S(X>BEL, 
Leipzi*(,  1ÎU)7,  I  vd.  in-folio  coutenant  13y  cartes  générales  et 
161  cartes  de  dttail  iinprinj(V8  en  couleurs.  Texte  des  carteia  en  alle- 
luaud,  avec  lubie  des  matières,  abiéviations  et  explibation  des  luiiiis 
géo^raphi<]ue8  en  fran^'aia  et  un  index  alphabétique  complet  des 
noms. 

Atlas  universel  de  Géographie,  îiarVivircx  î>k  SAiNT-MARTiKet 
F.  ScuRAiiKu.  n"  51,  At*ie  en  10 feuilles  au  5.000.000*  :  feuille  vi, 
Perse,  Afghanistan. 

Carte  de  France  au  200.000^  publiée  par  le  Service  géogra- 
phique de  l'Armée,  ptavure  Bur  zinc  en  6  couleuis,  avec  couibef^ 

de  nive.iu  relevée^  au  crayon  litho^iraphique  : 
Feuille  5  bis,  Aix-la-Chapelle  ; 
»       b  ter,  Coblentz  ; 
*       1 1  bis,  Mayence  ; 
»       19,  Saverue  ; 
V       28,  Strasbourg. 

Carte  touiiste  de  France  au  400.000«,en  1  o  fouilles  en  CDiiJenr?, 
dressée  avec  le  coneoiirs  «lu  TurijiNu-CiA  H  DE  I'hance  : 

Li.'uille  ),  ('ii«*rboiirg  ;  f  uille  '2,  Lille  ;         feudie  3,  Bruxelles; 
)'       4.  Kennes  ;  »        5.  Paiis  ;  »      ô.  Nancy  : 

»     1 1 ,  Clermout  ;       »      14,  Toulouse  ;       »     15,  Marseille. 

Carte  du  Maroc  au  500.000»,  en  10  feuille**,  publiée  par  le  Ser- 
vie»' géo^raplii«|iie  de  rAnnée,  héliogravure  sur  zinc  en  3  couleurs, 
terraiu  en  courbes  fi«^ur,ilive8  : 

Feuille  1,  Tanner  ;   f'.ui.'le  4,  Fez. 

Catalogue  des  cm j les,  plans  et  iiutres  ouvrages  publiés  par  le  Ser- 
vice géogr.jphique  «le  rAnnée.  1"  j  invier  1907.  Paris,  1907,  1  brocb. 
in -H,  H'.i  pp.  avec  PJ  tableaux  d  ussemhl.ige  di'H  principales  cartes 
du  Catalogue. 

Carte   topographique    du    Grand-Duché  du  Luxembourg, 

uu  50.000'*,  levée  et  publiée  par  .1.  H anskn  : 
Feuille  11,  Luxembourg,  en  oouleurs  ; 
»       14,  Bettembourg,  en  noir. 


HAVRE 

AU  SIÈGE  DC  LA  SOCtf>T(> 

lai,  RDB  ne  r*pia,  19) 


SOMMAIRE 

Aventures  des  Marins  Dieppoîs,  par  M    Alfred  Mot*mn'    

Un  Voyage  au  Congo  français  (fin),    par  It?  K.  P.  IIi%nki    Tîiii'.L- 
La  Race  néo-latine  et  TAlgërie  en   1907  (fin),  par  A.   M5  PoUVy.' 

VII.I.E   

Rapport  sur  le  Congrès  de  Dunkerque,  1906,  I,  par  M.  L.  GriTT< 

Bibliographie 

Ouvrages  reçus  à  la  Bibliothèque  de  la  Société 

Table  des  matières  des  années  1906-1907 


RÉUNIONS 


Les  Réunions  du  Comité  ont  lieu  le  4'""  mercredi  de  chaque 
excepte  pendant  les  mois  d'août  et  septembre. 

Tous  les  membres  de  la  Société  peuvent  y  assister. 


BIBLIOTHEQUE 


La  Bibliothèque 

excepté  les  dimanci 

de  8  h.  I  ''2  à  10 1 


ouverte  tous  les  fi 

:mi-fériés,    de  6  h.  1  .a  à  ; 


Toutes  les  comn 
•  dressés  au  Sécréta 


les  renseignements  doivcr 


/  o  ^1 
SOCIÉTÉ  V.S4 

DE  ^«>'  3-^ 

GÉOGRAPHIE  COMMERCIALE 


Aventures  des  Marins  Dieppois 

Historique  des  découvertes  maritimes,  des 
exploits  militaires,  des  travaux  scientifiques, 
des  sauvetages  dus  aux  navigateurs  de 
Dieppe. 


Toutes  les  grandes  villes  maritimes  ont  eu  leur  époque 
glorieuse  dont  elles  aiment  à  se  rappeler  les  fastes. 

Tyr,  Athènes,  Alexandrie,  Carthage,  furent  dans  l'anti- 
quité des  ports  de  mer  considérables,  dont  les  navires  por- 
taient la  pr«  spérité  sur  toutes  les  côtes  du  monde  méditer- 
ranéen. Plus  tard,  au  Moyen  ôge,  Venise  et  Gênes  prirent 
à  leur  tour  le  premier  rang.  Puis  ce  furent  Lisbonne  et 
Cadix  dont  les  flottes  allaient  conquérir  de  nouveaux  mon- 
des. De  nos  jours  rien  n'égale  la  richesse  commerciale  des 
grands  centres  comme  Londres,  Hambourg  ou  New  York. 

Et  la  France,  quelle  cité  prospère  peut-elle  opposer  à  ces 
reines  de  l'Océan  ?  Elle  possède  aujourd'hui  des  ports  de  la 

soaÊTé  OE  GÉOQiUPUiB.  —  3-  çt  4**  Irlmeslrcs  t907  W 


282  AVENTURES  DES  MARINS  DIEPPOIS 

plus  grande  importance,  comme  Marseille,  Le  Havi 
Bordeaux. Elle  a  vu  autrefois  Jean  Bart  illustrer  Dunk( 
Surcouf  immortaliser  Saint-Môlo. 

Une  ville  d'une  renommée  moins  populaire,méritea 
et  peut-être  encore  davantage  qu'on  connaisse  et 
admire  sa  destinée.  C'est  Dieppe,notre  port  de  la  c6t( 
mande,  dont  l'histoire  à  travers  les  siècles  va  nous 
raître  émaillée  d'aventures  de  toutes  sortes,  héroîqu 
surprenantes,  touchantes  ou  grandioses,  qui,  par 
variété,  intéresseront  de  plus  en  plus  le  lecteur. 


AVENTURES   DES   MARINS  DIEPPOIS  283 

I.  LES  ORIGINES  DE  LA  VILLE. 
Avant-propos.  Fondation  de  Dieppe.  Premiers  périls. 


Actuellement  Dieppe  n'est  pas  ce  qu'on  peut  appeler  une 
grande  ville.  Avec  ses  vingt  et  quelques  mille  habitants 
elle  ne  figure  que  parmi  les  cités  de  second  ordre. 

Son  histoire  à  travers  les  siècles  p*est  que  plus  curieuse, 
car  on  est  étonné  d  apprendre  que  les  habitants  d'une  seule 
localité  aient  pu  jouer  un  rôle  important  d'une  manière  si 
continue. 

D'autres  ports  de  mer  doivent  lëclat  de  leur  histoire  à 
leur  situation  géographique  qui  en  a  fait  des  centres  com- 
merciaux ou  militaires  considérables.  Dieppe,  elle,  ne  doit 
sa  renommée  et  sa  prospérité  qu'au  courage  personnel  de 
ses  propres  habitants,  hommes  d'action  d'une  audace  témé- 
raire et  presque  toujours  heureuse. 

Si  vous  vous  rendez,  l'été,  en  villégiature  sur  la  belle 
plage  de  Dieppe,  vous  ne  pensez  qu'aux  sites  admirables  et 
reposants  que  vous  êtes  venus  contempler  à  votre  aise.  En 
voyant  l'entrain  des  pécheurs,  la  tranquillité  régulière  du 
port,  vous  ne  songez  guère  que  ces  gens  aux  allures  vul- 
gaires, au  visage  bronzé,  aux  habits  pauvres,  aux  mœurs 
simples, au  parler  rude,  sont  en  réalité,  lorsque  viennent  les 
moments  difficiles,  des  marins  que  le  monde  entier  nous 
envie,  des  aventuriers  d'une  audace  stupéfiante,  des  cœurs 
de  patriotes  héroïques  parfois  jusqu'au  sublime. 

C'est  grôcc  aux  vaillants  de  leur  trempe  que  la  marine 
française  peut  se  glorifier  d'avoir  été  au-dessus  des  mari- 
nes espagnole,  hollcuulaise  et  même  anglaise,  la  première 
du  monde. 


284  AVENTURES  DES   MARINS  DIEPPOIS 

Sans  vouloir  raconter  toute  Thistoire  maritime  de  la 
France,  contentons-nous  de  parcourir  Thistorique  de  cette 
cité  dieppoise  qui  a  passé  par  tant  de  splendeurs  et  de 
crises. Commençons  par  dire  quelques  mots  de  ses  origines. 

Au  début  de  l'histoire  de  France,  Dieppe  n'existait  pas 
encore.  Lorsque  les  Normands  venus  des  contrées  polaires, 
ravagèrent  notre  pays,  et  qu'il  fallut  leur  donner,  pour  les 
apaiser,  une  province  où  ils  s'installèrent  en  maîtres,  c'est 
sur  les  rivages  de  leur  nouveau  domaine,  à  rembouchure 
du  petit  fleuve  nommé  rArques,qu'il  fondèrent  en  1080  une 
ville  à  laquelle,  dit  on,  ils  donnèrent  d'abord  le  nom  de 
Bertheville.  Peu  après,  comme  la  plage  était  basse  (en  fla- 
mand et  en  anglais  deep),  le  nom  se  modifia  en  celui  de 
Deep,  puis  Dieppe. 

Dieppe  ne  joua  pas  tout  d'abord  un  grand  rôle.  Les  Nor- 
mands conquirent  l'Angleterre,  le  sud  de  l'Italie,  mais 
Dieppe  resta  étrangère  à  ces  expéditions  guerrières.  Ou  y 
construisit  un  fort,  mais  ce  fort  n'eut  pas  longue  durée.  Le 
roi  d'Angleterre  Richard  Cœur  de  Lion  y  fut  en  effet  as- 
siégé par  son  rival  le  roi  de  France  Philippe- Auguste. 
Richard  parvint  à  se  sauver,  mais  Dieppe  fut  prise  et  dé- 
truite. 

Voilà  certes  un  mauvais  commencement.  Mais  ne  crai 
gnez  rien  !  Dieppe  ne  tarde  jamais  à  se  relever  de  ses  ruines. 
Des  remparts  sont  construits,  lui  permettant  de  résistera 
une  nouvelle  attaque  (1). 

Jusqu'ici  les  Dieppois  n'ont  guère  été  au^  prises  sur  mer 
qu'avec  les  tempêtes.  Cependant  cette  habitude  de  vaincre 
le  danger,cette  énergie  à  combattre  les  éléments  yont  bien- 
tôt trouver  un  autre  champ  d'action  dans  les  expéditions 
guerrières  et  les  voyages  de  découvertes. 

a)  Cf.  IfniicàteUr  dé  DUppe,  Dicpp«,  1824,  In-8. 


AVENTURES   DES    MARINS    DIEPPOIS  285 

II.    LEvS   DIEPPOIS   DÉCOUVRENT   LES    COTES 
D'AFRIQUE. 

Premières  découvertes  et  colonies  en  Sénégal  et  en  Guinée. 
Preuves  de  ces  découvertes.  Béthencourt  con<iulert  les 
Canaries.  Bracquemont  amiral  de  Gastille.  Décadence 
des  colonies  africaines. 


Les  Portugais  regardent  comme  la  plus  grande  gloire  de 
leur  nation  d'avoir,  disent-ils,  les  premiers  longé  les  côtes 
alors  inconnues  de  l'Afrique  occidentale,  doublé  le  cap 
Vert  en  146 i  et  le  cap  des  Palmes  vingt  ans  après. 

On  sait  aujourd'hui  d'une  manière  certaine  qu'ils  ont  été 
devancés  dans  ces  premières  grandes  découvertes  par  les 
Dieppois,  non  pas  de  quelques  années,  mais  de  plus  d'un 
siècle  I 

En  1339,  trois  navires  partirent  de  Dieppe,  s'élancèrent 
dans  les  mers  du  sud,  longèrent  les  rivages  brûlants  et 
inhospitaliers  de  l'Afrique,  abordèrent  en  Guinée,  et  revin- 
rent chargés  d'or  et  de  marchandises.  Cela  se  passait  sous 
le  règne  de  Philippe  VI  de  Valois, â  une  époque  où  personne 
ea  Europe  ne  pensait  à  la  possibilité  de  fonder  des  colonies 
en  territoire  sauvage. 

En  1364,  deux  autres  navires  partent,  échangent  leurs 
produits  contre  des  cuirs,  de  l'ivoire,  de  l'ambre  gris,  de 
la  poudre  d*or,  que  les  indigènes  apportent  en  abondance. 
Ils  doublent  le  cap  Vert  et  le  cap  des  Palmes.  Sur  les  côtes 
de  Guinée  ils  remarquent  deux  villages  où  ils  sont  reçus 
avec  des  démonstrations  d'amitié.  Us  les  nomment  l'un 
Petit-Dieppe  à  l'embouchure  du  Rio-Sestos,  l'autre  Grand- 
Se'ïtre,  ou  Paris,  sur  la  côte  de  M  iligiiette. 

En  1381,  trois  autres  bateaux  l  La  Vierye^  Le  Saint» 


286  AVENTURES    DES    MAlllNS   DIEPPOIS 

Nicolas  et  V Espér'anceAoublenl  le  cap  des  Trois  Pointes 
traliquent  sur  la  Côte  de  l'Or,  à  L:i  Mine,  ou  Elnùna 

Enliij  en  1383,  trois  autres  vaisseaux  dieppois,  chargêi' 
de  matériaux  de  construction,  d'outils,  de  seaiences,  anij 
veni  a  la  Gùto  de  r()i',au  c  jniptoir  à  Lu  Mino  (El  Mina), 
y  laissent,  à  demeure  cette  fois,  une  partie  do  leurs  éqn^ 
pages.  Tous  les  deux  ans  un  voyag.î  mettait  en  rap| 
Dieppe  avec  La  Mine. 

Voilà  donc  une  véritable  petite  colonie  fondée,  et  a 
dans  un  pays  absolument  ignoré  du  reste  du  monde, 
dans  un  temps  où  aucune  puissance,  aucune  ville  eui 
péenne  ne  possédait  de  colonie  hors  de  l'Europe  ! 

Pendant  d'heureuses  années,  nos  rusés  Dieppois  proft 
tèrent  seuls  de  leur  découverte  car  il  était  de  mode  elp* 
sible  à  cette  époque  de  tenir  caché  le  lieu  de  provenanoi 
lointaine  des  produits  exotiques,  afin  d'éviter  la  conca^ 
rence. 

Tandis  que  les  Génois  ou  les  Vénitiens  s'enrichissaieDlà 
apporter  en  Europe  les  produits  de  l'Inde,  de  l'Arabie 
du  Zanguebar,  et  pour  cela  empruntaient  le  concours  dfli 
caravanes  arabes,  les  Dieppois  faisaient  mieux  encore.  li* 
rapportaient  les  mêmes  produits  des  côtes  de  Guinée, con- 
nues d'eux  seuls  et  bien  plus  facilemeut  à  leur  port* 
directe,  lis  pouvaient  donc  vendre  la  poudre  d'or,  le  point, 
les  épices,  l'ivoire,  moins  cher  que  tous  leurs  concurrents. 

C'est  de  celte  époque  que  date  l'industrie  particulière* 
Dieppe  de  la  sculpture  d'ivoire,  industrie  très  lucrali»* 
autrefois,  et  dont  elle  garde  encore  aujourd'hui  ppesqûah 
monopole. 

On  pourrait  être  tenté  de  douter  de  ces  découvertes* 
précoces,  et  les  Portugais  surtout  les  ont  traitées  de  fable». 
Aujourd'hui  tous  les  historiens  qui  ont  étudié  la  questii» 
considôreat  comme  certains  les  faits  que  nous  venons* 
raconter. 


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ËTABUSSEMENTa    blEPPOlS  EN  GuiS^B 


AVENTURKS    DES    MARINS    DIEPPOlâ  280 

Les  anciens  chroniqueurs  de  Dieppe  ont  relaté  ces  expé- 
ditions et  d'autres  chroniqueurs  ou  historiens  les  ont  eux- 
mêmes  transcrites  en  copiant  textuellement  les  premiers. Les 
archives  de  Dieppe  devaient  contenir  des  preuves  encore 
plus  probantes,  mais  eh'es  ont  été  brûlées  lors  de  l'incendie 
de  Dieppe  en  1694.  Asseline,  Croisé,  Guibert,  Abreu  de 
Galindo,  le  savant  portugais  Barros,  le  voyageur  arabe 
Ibn  Kaidoun  confirmèrent  ces  dires. 

En  plus  de  ces  chroniqueurs,  dont  Estancelin  a  synthé- 
tisé le  travail,  nous  avons,  comme  nouveaux  arguments, 
les  récits  des  voyageurs  qui  ont  visité  la  Guinée  plus  tard, 
alors  que  les  établissements  dieppois  étaient  abandonnés. 
Parmi  eux,  le  savant  voyageur  hollandais  Dapper  avoue 
que  les  indigènes Taccueillaient  en  lui  criant:  ((  Malaguette! 
Malaguette  tout  plein  à  terre  !  »  Or,  tous  ces  mots  sont 
français  et  malaguette  est  un  vieux  mot  français  qui  signi- 
fiait poivre.  On  donne  môme  encore  à  cette  côte  indifférem- 
ment le  nom  de  côte  du  Poivre  ou  de  côte  de  Malaguette. 
Cela  montre  bien  que  les  Français  passèrent  et  commer- 
cèrent autrefois  dans  ces  régions.  Dapper  a  vu,  gravés  sur 
une  batterie  de  La  Mine,  qu'on  appelait  encore  la  batterie 
française,  les  deux  premiers  chiffres  d'une  date  1300  dont 
les  deux  derniers  étaient  effacés  ;  or,  les  Portugais  n'arri- 
vèrent-là  qu'après  1400.  Il  a  vu  les  armes  de  France  dans 
la  chapelle  du  fort  de  La  Mine. 

Le  capitaine  français  d'Elbée  les  a  reconnues  un  peu  plus 
lardi  dans  un  château  (1671).  Villaut  de  Bellefonds,  dans 
son  voyage  aux  côtes  de  Guinée, donnaencore  plus  de  poids 
à  ces  preuves  multiples. 

Une  autre  série  de  preuves  se  trouve  sur  les  cartes  por- 
tugaises du  xvi®  siècle  et  hollandaises  du  xvii^  Les  noms 
des  villages  ci-dessus,  ainsi  que  celui  de  la  Baie  de  France, 
sont  inscrits  en  français:  Petit-Dieppe,  Grand-Sestre, Petit- 


2îiO  AVKNTtHES    DES   MAHINS   DIEPPOIS 

Sestre,  etc.,  alors  que  ceux  des  autres  localités  sont  portu- 
gaises (1). 

Plus  près  de  nos  jours,  au  xvir'  siècle,  les  indigènes 
jouaient  sur  leur  tambour  une  vieille  marche  française 
qu'ils  avaient  retenue  depuis  ce  temps  (2)  ! 

On  parlait  déjà  vaguement,  en  Europe,  d'un  archipel  peu 
fréquenté  situé  à  Touest  des  côtes  d'Afrique.  Très  vaste, 
bien  situé,  fertile,  populeux,  il  avait  été  surnommé  par  les 
anciens  l'archipel  des  îles  Fortunées.  Les  Numides,  les 
l'hocéens,  les  Carthaginois,  les  Arabes,  le  Génois  Malocello 
(1291),  les  Portugais  y  avaient  abordé,  dit-on,  sans  songer 
à  s'en  rendre  maîtres  à  cause  de  leur  éloignement.  Ils 
avaient  remarqué  un  peuple  de  race  particulière,  dont  les 
mœurs  se  rapprochaient  de  certaines  coutumes  asiati- 
ques (3;. 

Un  gentilhomme  dieppois,  Jean  de  Béthencourt,  qui 
possédait  un  château  aux  environs  de  la  ville,  résolut  de  se 
tailler  un  royaume  dans  ces  îles  lointaines,  de  convertir  au 
christianisme  les  habitants  et  d'éveiller  leur  activité  com- 
merciale. 

Jean  de  Béthencourt  équipa  à  ses  frais  une  flotte,  prenant 
ses  concitoyens  comme  matelots,  se  rendit  à  La  Rochelld 
puis  à  Cadix  en  Kspagne,  et  en  1402,  il  débarqua  dans  une 
lie  des  Fortunées  qu'on  appela  depuis  archipel  des  Canaries. 

Lancerote,  où  il  aborda  avec  son  équipage,  bien  qu'aussi 
étendue  que  l'île  de  Rhodes,  n'était  cependant  que  la  qua- 
trième en  grandeur  de  l'archipel  qu'il  se  proposait  de  sou- 
mettre. 

Il  vit  là  un  peuple  sauvage»  les  Guanches  qui,  par  quel* 
ques  rudiments  de  civilisation  et  par  leur  soin  d*embaunier 


(1)  Cf.  Hue.  Noé  PttUti  ColonUi.  Paris,  1884. 

(2)  De  ^rohaU,  cf.  ViUaut  de  BeUOoocU  et  Barbot  dAUa  VSUfoirt  dfi  t^féotf  ii 
l'abbé  a-éfsott,  tome  UI,  In-i,  Fari«,  17i7. 

^1)  Ânuê  <i0  Qéographiê  d9  18M. 


AVEXTL'RËS    DES    MARINS    DIKPPOIS  291 

les  morls,  semblaient  provenirde  quelque  colonie  africaine. 
Les  Guanches,  à  l'approche  des  navires  se  sauvèrent  dans 
les  montagnes  et  laissèrent  les  Français  débarquer. 

Malheureusement  Bétliencourt  revint  en  Espagne  pour 
y  chercher  des  provisions,  des  renforts,  et  pour  placer  les 
îles  sous  la  suzeraineté  du  roi  de  Gastille.  Pendant  son 
absence,  ses  lieutenants  se  brouillèrent  entre  eux,  maltrai- 
tèrent la  population  et  compromirent  la  conquête  (1). 

A  son  retour,  Bétliencourt  convertit  au  catholicisme 
Maxorata,  roi  de  l'île  de  Fornatura,  conquit  celles  de 
Pdliiia,  de  llierro.  Enfin,  malgré  bien  des  vicissitudes  et 
des  luttes  sanglantes,  il  en  arriva  à  se  faire  tellement  appré- 
cier par  les  indigènes  que  ceux-ci  ne  voulurent  pas  le  laisser 
rétourner  en  France  et  s'accrochèrent  à  son  navire  en 
pleuran^t. 

Il  revint  cependant  dans  son  château,  laissant  sa  sei- 
gneurie et  royaume  à  son  neveu  Maciot,  et  la  domination 
spirituelle  à  Tévéque  Albert  des  Maisons  qu'il  avait  prié  le 
pape  d'y  envoyer. 

Il  mourut  en  1425  (2). 

Nous  venons  de  voir  les  Dieppois  en  relation  avec  la 
Gastille.  Les  deux  flottes  étaient  depuis  longtemps  en  rap- 
ports amicaux.  Ainsi,  en  1386,  un  Dieppois,  Bracquemont, 
était  parvenu  au  titre  d'amiral  de  Gastille* 

Notons  aussi  que  ces  îles  Canaries  colonisées  par  Béthen- 
court,  virent  relâcher  chez  elles,  en  li92,  la  floltille  castil- 
lane de  Christophe  Colomb  qui  partit  de  là  pour  découvrir 
rAmérique. 

Nous  verrons  plus  tard,  De  GhAstre  jouer  un  rôle  glo- 
rieux dans  Tarchipel  voisin,  celui  des  Açores* 

Les  guerres  continuelles  qui  ensanglantèrent  la  France 

»fc  III    ■!  .     —    . ■     I       I  II  . 

(1)  Cf.  Butoirs  de  îaprtmière  découtertt  des  CanarUs,  Boatier,  Ptais,  1630,  dans  If 
tfaUé  d«  Saifigation  de  Berceront 
(s;  Oti  la  B/99m  dé  OiofraphU  de  1886,  et  Hœfor^  VUnicen  :  ZI«  dt  r^frlqae< 


292  AVKNniu.s  des  makins  dieppois 

au  xiV  s'n''cle,  les  liillos  ci viK's  qui  divis^^enl  noire  pays, 
appauvrirent  tellomont  les  plus  riches  cités  commerçantes 
que  Dieppe,  elle-même,  préoccupée  de  sa  propre  défense, 
délaissa  de  plus  en  plus  ses  comptoirs  africains.  Lorsqaeli 
paix  rétablit  le  calme,  il  était  trop  tard  pjur  renouer  les 
anciennes  relations.  Un  autre  pays  avait  déjà  pris  notre 
place. 

N'ayant  plus  d'ennemis  à  combattre,  les  Portugais,  bien 
situés  en  plein  océan,  songèrent  à  leur  tour  à  se  créer  un 
empire.  Ils  s'établirent  d'abord  sur  tous  les  rivages  de 
TAfrique,  puis  nu  Brésil,  dans  l'Inde  et  jusqu'en  Océanie. 

lis  ne  se  firent  pas  faute  d(î  combattre  énergiquementles 
armateurs  dieppois  (|ui  avaient  persévéré  dans  leurs  entre- 
prises, pour  les  forcer  i\  abandonner  ce  commerce  lucralK. 
En  1486,  ils  altatiuenl  un  vaisseau  dieppois  à  Accraell* 
coulent.  En  li91,  ils  en  coulent  un  autre  aucapCorse, 
toujours  en  temps  de  paix,  mais  les  mœurs  de  l'époqM 
toléraient  ces  actes  de  brigandage. 

Les  Portugais,  puis  les  Hollandais  devenus  les  miitre* 
des  cotes  d'Afriijue,  ne  tardèrent  pas  à  se  faire  maudire  des 
indigènes,  pour  lesijuels  ils  se  montraient  très  cruels. 
Aussi,  plus  tard,  lorsque  les  nègres  virent  revenir  les  Fran* 
çais,ils  semblèrent  se  rappeler  les  anciennes  traditions, caf 
ils  les  accueillirent  coinine  des  libérateurs  (1). 

On  cite,  par  exeni[)le,  ce  fait  qui  met  en  évidence lei' 
manière  de  procé.ler.  Pour  prendre  La  Mine,  qui  n'élail 
qu'un  simple  entrepôt  commercial,  les  Portugais  persQS- 
dèrent  aux  indigèmvs  <jiie  les  Dieppois  les  exploitaient  et 
qu'eux  leur  donneraiu:it  les  mêmes  marchandises  à  plu* 
bas  prix.  Les  sauvages,  avec  leur  esprit  naïf  et  versati'f- 
prirent  donc  fait  (ît  c  lu^o  p.)ur  les  nouveaux  venus  ;  ilsî^* 
aidèrent  à  prendre  L«  Mine,  et  à  massacrer  les  Dieppois- 


(l)  CL  Ua'fcr,  l'C'nivtrs,  tJuiiKci 


AVENTURES   DES   MARINS   DIEPPOIS  293 

Une  fois  maîtres  de  la  ville,  les  Portugais  la  fortifièrent.  De 
*  église  ils  firent  une  citadille,  des  magasins  une  caserne  et 
naturellement,  ils  profitèrent  de  la  force  de  leur  position 
pour  maltraiter  les  nègres,  les  accabler  d'impôts  et  les 
vendre  en  esclavage-  Il  n'y  a  donc  rien  d'étonnant  à  ce  que 
des  vieillards  centenaires  regrettassent  encore  à  haute 
voix,  devant  l'explorateur  Braven,  en  1617,  l'époque  heu- 
reuse où  les  Dieppois  vivaient  en  bons  camarades  avec  leurs 
ancêtres  (1). 

La  colonisation  dieppoise  ea  Guinée  porta  ses  fruits, 
malgré  tous  ces  revers.  En  effet,  Richelieu,  toujours  atten 
tif  à  l'extension  de  notre  commerce,  donna  à  trois  compa- 
gnies, dont  une  dieppoise,  le  privilège  du  commerce  sur  les 
entes  d'Afrique,  et  s'y  fit  admettre  comme  membre  associé 
(1635). 

La  compagnie  exploita  la  région,  mais,  mal  dirigée  par 
la  suite,  craignant  de  mauvaises  affaires,  elle  vendit  ses 
privilèges  à  la  compagnie  des  Indes  Occidentales,  la  même 
année  que  la  société  dieppoise  de  Madagascar  vendit  ses 
droits  à  la  compagnie  des  Indes  Orientales  (IGGi).  Les  éta- 
blissements français,  grôce  à  l'habile  administration  d'An- 
dré Brue,  prospérèrent  alors,  principalement  au  Sénégal, 
jusqu'à  ce  que  ces  droits  de  premiers  occupants  aient  donné 
aux  Français  le  prétexte  de  conquérir  la  Sénégambie,  le 
Dahomey,  le  Fouta-Djallon,  l'Assinie  qui  forment  actuelle- 
ment les  débouchés  d'une  immense  colonie  ouest-africaine. 

.1    Cf.  Tluodore  lie  Ury,  CoUcctùm  de    /'c/iYi  Voiutfjts,  jippciulice. 


:£4  A^XVTVBEâ   DES  MARINS   DlEPPOlS 


III.  LES  DIEPrOîs    PENDANT    LA  GUERRE  DE 
CENT  ANS. 

Débats  marîtiines  de  la  guerre  de  Cent  ans.  DéUTraiice  de 
La  Rochelle.  Prise  et  délîTrance  de  Dieppe, 


La  rivalité  entre  TADgleterre  et  la  France  dont  nous 
avons  vu  pâtir  Dieipe,  se  réveilla  plus  ardente  que  jamais 
au  début  de  cette  Iwlte  néfaste  qu'on  a  flétri  sous  le  nom  de 
gu'^rre  de  Cent  ans. 

Cette  guerre  eau s^»^. comme  on  le  sait,  par  les  prétentions 
du  roi  d'Angleterre 'l'iiéril^r  du  trône  de  France, fut  loin  de 
commencer  par  le  désastre  de  Crécy.  Les  Anglais,  ayant 
réuni  une  flotte  déjà  puissante,vinrent  incendier  Boulogne. 
En  représailles  une  flotte  française  alla  piller  Southampton, 
et  rapporta  un  riche  butin  à  Dieppe  (1339). 

Il  est  vrai  que  pendant  que  les  Fr3nçais  étaient  occupés 
sur  les  côtes  des  Anglais, ceux-ci  en  profilèrent  pour  incen- 
dier une  partie  de  Dieppe  et  ne  furent  repoussés  que  par 
une  vigoureuse  sortie. 

L*année  suivante  eut  lieu  la  première  grande  bataille 
navale  qu*nit  livrée  notre  pays.  La  flotte  française  fut  atta- 
quée à  l'Ecluse,  près  des  côtes  de  Flandre  par  une  flotte 
anglaise  bien  supérieure  en  nombre,  mieux  placée  et  mieux 
commandée.  Notre  marine  y  fut  presque  entièrement 
anéantie.0r,d'apr6s  d'anciens  documents, on  voit  que  Dieppe 
avait  à  elle  seule  fourni  plus  du  dixième  du  contingent  : 
28  bûtiments  portant  chacun  une  moyenne  de  cent  hommes. 
Un  seul  p(jrt  en  uvait  fourni  davantage  :  celui  de  Leure, 
aujourd'hui  disparu. Ce  fait  montre éloquemment  la  grande 
importance  qu'avait  Dieppe  relativement  aux  autres  ports 


AVENTURES   DES   MARINS   DlEPPOIS  295 

de  mer,  à  celte   époque,  bien  qu'elle  n'en  soit  encore  qu'au 
début  de  sa  période  glorieuse. 

Les  Dieppois  durant  le  combat  montrèrent  l'exemple 
d'un  courage  désespéré.  Le  soir,  le  bâtiment  dieppois  Le 
Jacques  resta  seul  à  continuer  la  lutte  et  à  résister  à  cinq 
bâtiments  anglais.  Quand  les  ennemis  s'en  rendirent  maî- 
tres et  y  pénétrèrent,  Le  Jacques  ne  possédait  plus  un  seul 
défenseur  survivant  à  son  bord  ! 

Lors^îue  Charles  V  entreprit  de  chasser  les  Anglais  et  y 
réussit  un  instant, il  fît  appel  au  dévouement  des  Dieppois. 
Ceux-ci  ne  se  firent  pas  faute  d'entreprendre  une  expédi 
lion  contre  leurs  ennemis  naturels,  car  l'État  n'avait  pas 
encore  de  flotte  présentable.  En  1370,  une  flotte  part  de  leur 
port,  traverse  la  Manche  et  brûle  le  port  de  Portsmouth. 
Puis,  apprenant  que  La  Rochelle  est  bloquée  par  une  flotte 
anglaise,  elle  se  dirige  de  ce  côté  et  délivre  la  ville  (1371). 

Sans  négliger,  comme  l'on  voit,  ses  devoirs  patriotiques, 
à  une  époque  où  chaque  localité  ne  songeait  guère  qu'à  sa 
propre  défense,  Dieppe  travaille  en  môme  temps  à  s'enri- 
chir par  le  commerce  et  elle  y  réussit  au-delà  de  ses  espé- 
rances . 

Une  période  de  revers  survint  ensuite.  Dieppe  eut 
fort  à  souffrir  de  la  guerre  de  Cent  ans  ;  les  Anglais  se 
vengaient  sur  une  ville  à  leur  portée  et  peu  fortifiée,  des 
échecs  qu'ils  éprouvaient  parfois.  Ils  s'en  emparèrent  en 
1420  et  en  restèrent  quinze  années  les  maîtres,  après  les- 
quelles une  révolte  les  en  chassa. 

Les  Anglais  rassemblent  aussitôt  une  forte  armée  et  la 
confient  à  Talbot,  pour  reprendre  la  ville.  Celle-ci  résiste 
héroïquement  mais  elle  va  succomber  lorsqu'un  secours 
imprévu  vient  la  délivrer.  Le  fils  de  Charles  VI ï,  le  dau- 
phin Louis,  demande  à  son  père  de  faire  ses  premières 
armes  en  défendant  Dieppe. Il  accourt  avec  une  forte  armée, 
et  comme   ses  généraux  hésitant  à    attaquer    la  bastille 


296  AVENTURES   DES  MARINS    DIEPP0I8 

occupée  par  les  Anglais,  il  prend  lui-même  une  échelle, 
pose,  et  monte  seul  à  Tassaut.  L'armée,  entraînée  par 
exemple, escalade  la  muraille  ;  le  fort  est  pris  et  les  Angli 
doivent  se  rendre  ou  s'esquiver  en  toute  hôte  (1442). 

L'année  suivante  on  comprit  la  nécessité  de  fortifier am 
position  si  importante,  on  construisit  un  nouveau  châleai' 
fort,  qui  existe  encore  h  l'ouest  de  la  vil  le.  Trois  batteries  11 
canons,  des  mortiers  disposés  sur  les  remparts  et  lesjetéfli 
firent  de  la  ville  une  véritable  place  forte  (1). 

(1)  Ciuérin,  flùloin-  nuin'fimf'  th-  In  France,  V\\v\fi.  1881,  in- 18 


AVENTURES   DES  MARINS   DIEPPOIS  297 

IV.  COUSIN  DÉCOUVRE  L'AMÉRIQUE. 
"Voyages  de  Cousin,  Preuves  de  sa  découverte  probable. 

Nous  avons  suivi  nos  hardis  navigateurs  sur  les  rivages 
de  l'Afrique  où  leur  audace  précoce  se  riait  d'une  naviga- 
tion menacée  de  dangers  continuels  et  imprévus. Quelques- 
uns  s'écartaient  parfois  de  la  côte  dans  l'espérance  de  trou- 
ver vers  l'Ouest  un  archipel  nouveau.  La  boussole  dont  ils 
se  servaient  depuis  peu  leur  donnait  une  assurance  dont 
ils  voulaient  profiler. 

Il  existait  alors  à  Dieppe  une  école  d'hydrographie  où  un 
savant  professeur,  que  l'on  reconnaît  comme  le  fondateur 
de  cette  science,  Descalier  excellent  astronome  et  mathé 
maticien,  enseignait  à  des  élèves  empressés  à  s'instruire  de 
ses  idées. 

Parmi  ceux-ci  se  trouvait  un  jeune  capitaine  nommé 
Cousin,que  nous  allons  voir  appelée  faire  la  plus  grande  dé- 
couvertequ'on  puisse  signaler  dans  l'histoire  de  l'humanité. 

Cousin  s'était  déjà  distingué  dans  une  lutte  avec  les 
Anglais.  Ceux  ci,  fiers  des  progrès  de  leur  marine,  s'empa- 
raient continuellement  des  vaisseaux  français  dans  la 
Manche  et  les  gardaient  prisonniers  en  pleine  paix.  Le  roi 
n'osant  pas  intervenir,  les  armateurs  dieppois  se  consul- 
tèrent et  un  beau  jour  tombèrent  sur  tous  les  bâtiments 
anglais  qu'ils  aperçurent.  Ils  les  emmenèrent  dans  leur 
port  et  ne  les  rendirent  qu'après  avoir  fait  promettre  aux 
Anglais  de  respecter  dorénavant  notre  pavillon.  Cousin, 
dans  cette  affaire,  s'était  distingué  par  la  prise  d'un  vais- 
seau ennemi. 

IJ  entendit  avec  étonnement  Descalier  professer  que,  la 
terre  étant  ronde,  il  serait  possible  de  retrouver  la  conti- 

20 


298  AVENTUBES   DES  MARINS   DIEPPOIS 

nent  en  traversant  l'océan  Atlantique  et  en  naviguant  vers 
l'Ouest. 

Cousin  entreprit  donc,  sur  les  conseils  de  Descalier,  de 
longer  les  côtes  d'Afrique,  puis  de  naviguer  hardiment  vers 
rOccident. 

En  1488,c'est-à-direquatre  ans  avant  Christophe  Colomb. 
Cousin  part  de  Dieppe  avec  un  gros  navire,  descend  vers 
le  Sud,  puis  porté  sans  doute  par  le  courant  équatorial.  il 
arrive  dans  une  terre  absolument  inconnue. 

C'était  l'Amérique,  dont  plusieurs  esprits  avancés  pré- 
voyaient la  découverte,  l'Amérique  à  laquelle,  plusieurs 
siècles  auparavant,  d'autres  Normands  avaient  déjà  touché 
vers  le  Nord  par  leurs  explorations  du  Groenland. 

Le  trajet  d'un  continent  à  l'autre  avait  duré  deux  mois. 

Cousin  descendit  à  terre  à  l'embouchure  d'un  fleuve,  le 
Maragnoii  d'alors,  c'est-à-dire  l'Amazone.  Il  n'avait  puère 
de  vivres  lui  permettant  de  s'attarder  en  terre  étran^'êre. 
et  d'ailleurs  son  plan  était  de  revenir  à  Dieppe  par  l'Afrique. 

Après  diverses  pérégrinations,  il  se  serait  vu  porter  pr 
les  courants  et  la  tempête,  au  Sud  de  l'Afrique,  au  cap  de 
Bonne  Espérance  et,  longeant  les  rives  du  continent  noir, 
il  serait  revenu  en  France  faire  le  récit  de  ses  étranges 
découvertes. 

Dans  un  second  voyage  il  aurait,  dit-on,  doublé  le  cap 
de  Bonne -Espérance  (1491)  et  touché  aux  Indes. 

Cousin  aurait  fini  ses  jours  dans  un  Age  avancé,  profes- 
seur d'hydrographie,  en  remplacement  de  Prescot.  succes- 
seur de  Descalier.  Il  aurait  eu  lui-même  comme  continua 
teurs  Guérard  et  Gaudron. 

Ses  découvertes  furent- d'abord  tenues  presque  secrètes 
par  raison  commerciale,  pour  éviter  la  concurrence,  ai- 
mônie  que  celles  des  côtes  de  Guinée. 

Le  voyage  de  Cousin  serait  un  des  événements  les  plus 
curieu.x     de  l'histoire.    Lorsque  les  Génois    ont    fêlé  le 


AVENTURES   DES   MARINS   DIfiPPOlS  299 

quatrième  centenaire  de  Christophe  Colomb,  des  fêtes  ont 
eu  lieu  aussi  à  Dieppe  en  Tlionneur  de  Cousin  et  de  ses 
hardis  compagnons.  Dès  le  seizième  siècle,  au  moment  où 
r Espagne  tirait  vanité  de  la  découverte  de  TAmérique,  les 
Dieppois  protestaient  déjà  et  affirmaient  la  priorité  de 
leurs  découvertes  (1). 

Depuis,  de  nombreuses  discussions  se  sont  élevées  à  ce 
sujet,  mais  pas  aussi  nombreuses  que  Timportance  de  la 
question  le  mériterait.  On  se  reporte  principalement  à  un 
ouvrage  intitulé  ;  Mémoires  chronologiques  pour  servir  à 
l'histoire  de  Dieppe  et  de  la  navigation  française,  par 
Desmarquets  (2). Ce  livre  a  été  composé  sur  des  manuscrits 
que  la  Révolution  a  détruits,  et  qui  étaient  eux-mêmes 
copiés  sur  les  documents  qui  existaient  dans  les  archives 
de  Dieppe,  brûlées  en  1694.  Il  est  inscrit  à  la  Bibliothèque 
nationale  (3)  et  donne  dans  une  introduction  les  écrits 
qui  ont  servi  de  base  principale  à  cet  important  problème 
historique,  ceux  de  Guibert,  d*Estancelin,  de  Dablon,  de 
Gouëe,  d'Asselme,  etc.  (Voir  aussi  les  ouvrages  cités  à  pro- 
pos de  la  Guinée.) 

La  tradition  locale,  ces  écrits  de  seconde  main  mais  qui 
n'avaient  aucune  raison  sérieuse  d'être  dénaturés,  la  possi- 
bilité de  l'événement  puisque  le  môme  fait  est  arrivé  à 
Colomb,  puis  à  Cabrai  quelques  années  plus  tard,  seraient 
des  arguments  presque  probants.  Il  s'en  ajoute  un  autre 
digne  de  remarque. 

Cousin  a  eu  comme  second,  dans  son  équipage,un  étran- 
ger nommé  Vincent- Yanès  Pinçon.Celui-ci  se  fit  remarquer 
en  route  par  son  insubordination  ;  il  avait  voulu  faire  révol- 
ter les  matelots.  A  son  retour  h  Dieppe,  Cousin-fit  son  rap- 


11)  t>&m  Y  Histoire  *»  monde  de  La  Poptnière  en  16?2,  par  exemple. 
2'  Paria,  1785,  2  Tolumoi  in- 12. 
3;  K-  2882  L  7  K. 


300  AVENTURES   DBS   MARINS    DIBPP0I9 

port,  Pinçon  fut  destitué  par  le  Conseil  de  vilU»,  et  il 
retira  à  l'étranger. 

Or  lorsque,  quelques  années  après,  Colomb  chercbit: 
partout  des  protecteurs  pour  équiper  une  flotte,  le  sd 
appui  effectif  qu'il  trouva  fut  auprès  des  trois  frères  Pinzoï: 
de  Palos. Ceux-ci,  à  son  appel, lui  sacrifièrent  leur  fortune, 
montèrent  dans  sa  flottille,  furent  les  commandants  de  deux 
de  ses  trois  caravelles  et, dans  les  occasions  difliciles,étaienl 
toujours  appelés  en  conseil,  exhortant  à  se  diriger  versie 
Sud  pour  retrouver  le  courant  équatorial,  preniint  sureoï 
d'attirmer  l'heureux  résultat  du  voyage  et  se  narguant  Jes 
ordres  de  (llolonib,  qu'ils  quittaient  et  accostaient  à  leor 
gré(l). 

Cette  coïncidence  permet  de  croire  que  l'un  des  frèrts 
Pinzon  (|ui  se  nommait  précisément  aussi  Vincent,  était 
celui  qui  avait  fait  le  premier  voyage,  quatre  ans  aupara- 
vant, avec  Cousin. 

Snns  insister  davantage  sur  ces  discussions  nous  retien- 
drons dcnc  comme  très  probable  la  découverte  de  l'Amé- 
rique par  les  Dieppois,  et  cet  heureux  et  remarquable  évé- 
nement n'est  qu'un  des  nonjbreux  hauts  faits  dont  nous 
allons  voir  s'enrichir  leur  histoire. 

.1-  «  f.  .Iul.^>  V.n:-,  /..»  ./,<■' iTrr'r  ,/#  la  ffr/f. 


AVENTURFS    DES    MARINS   DIEPPOIS  301 


V.  LA  FORTUNE  DES  ANGO. 


Ango  efVean  III  de  Portugal.  Premier  établissement -à 
Terre-Neuve.  Voyages  de  Parmentier  et  de  Gronnevillei 
Victoire  navale  de  Calais. 


A  Tépoque  de  François  I*^*",  les  armateurs  dieppois,  fai- 
sant un  commerce  très  actif  dans  l'ancien  et  môme  le  nou- 
veau continent,  étaient  renommés  par  toute  l'Europe  pour 
leur  richesse  et  leur  puissance. 

L*histoire  de  la  célèbre  famille  Ango  est  restée  typique 
Ango  s'était  enrichi  daus  le  commerce  des  produits  exo- 
tiques. C'est  ainsi  que  le  capitaine  Aubert  chargé  par  lui 
d'explorer  les  côtes  de  l'Amérique  du  Nord,  découvrit  l'île 
de  Terrre-Neuve. 

Son  fils,  Jean  Ango,  décupla  sa  fortune  par  d'heureuses 
expéditions. Il  entretenait  dans  les  mers  indiennes  des  flottes 
de  plus  de  vingt  navires.  Il  n'était  pas  prudent,  en  effet» 
de  s'aventurer  dans  ces  parages,  car  les  Portugais,  jaloux 
de  notre  prospérité,  s'emparaient  en  pleine  paix  de  nos 
bâtiments,  les  pillaient,  et  massacraient  l'équipage. 

Ângo  résolut  d'en  finir  avec  ces  insupportables  bravades» 
Un  jour,  apprenant  la  perte  d'un  de  ses  vaisseaux,  il  arme 
précipitamment  une  flotte  de  dix  gros  navires,  la  remplit 
de  soldats  mercenaires,  et  leur  ordonne  d'aller  bloquer  le 
port  de  Lisbonne. 

Grand  fut  l'émoi  du  roi  de  Portugal,  Jean  III,  cependant 
dans  tout  l'éclat  de  sa  puissance,  lorsqu'il  apprend  qu'une 
flotte  ennemie  vient  bloquer  sa  propre  capitale,  incendier 
les  villages  à  l'embouchure  du  Tage,s'emparer  des  navires 
qui  tentent  de  forcer  le  passage  I 

Il  envoie  aussitôt  des  ambassadeurs  au  roi  de  France 


302  AVENTURES   DES  MARINS    DIEPPOIS 

François  l^*,  qu*il  croyait  rinstigateur  de  cette  attaque.po>:: 
lui  demaDder  quelles  raisons  Ty  avaient  poussé. 

François  1^'  n'était  sans  doute  pas  fâché  de  voir  puni: 
les  attentats  portugais  par  cette  mortification.  Il  répondit 
dit-on,  aux  envoyés  que  cette  affaire  ne  le  regardait  pas  t-: 
qu'ils  eussent  à  s'entendre  avec  Ango. 

La  paix  se  fit,  Ango  retira  sa  flotte  à  la  promesse  que  le^ 
Portugais  respecteraient  désormais  les  vaisseaux  français. 

François  I*'  vint  lui-même  visiter  Dieppe.  Ango  se  char 
gea  à  lui  seul  des  frais  énormes  causés  par  cette  réception. 
Il  logea  lui-môme  le  roi  dans  son  ravissant  château  de  boi> 
et  fut  faity  en  récompense,  capitaine-gouverneur  de  la  vjlit 
(1532). 

Tant  de  succès  enorgueillirent  Ango.  Il  s'était  vu,  lui 
simple  bourgeois,  imposer  la  paix  à  un  puissant. monarque, 
il  avait  hébergé  son  prince  et  en  avait  reçu  des  lettres  de 
noblesse.  Dès  ce  jour  on  le  vit  mener  une  vie  ridiculemeol 
fastueuse  et  arrogante.  Il  mécontenta  tous  ses  administrés, 
ses  amis,  ses  associés,  si  bien  qu'après  la  mort  de  Fran 
çois  I®',  ceux-ci  s'unirent  contre  lui  et  lui  intentèrent  de 
nombreux  procès. 

Ango  perdit  ainsi  presque  toute  sa  fortune.Le  château  de 
Varengeville  qu'il  avait  fait  construire  à  grands  frais  fut 
vendu.  Lui  qui  avait  autrefois  prêté  de  l'argent  et  des  vais- 
seaux au  roi  de  France,  se  vit  réduit  presque  à  la  misère, 
n*osait  plus  sortir  du  ch&teau  et  mourut  retiré  dans  ses 
emplois  de  gouverneur.  Il  fut  enterré  dans  l'église  Saint- 
Jacques  en  1551. 

Nous  avons  vu  le  premier  Ango  envoyer  une  expédition 
dans  l'Amérique,  récemment  découverte  par  les  Dieppois, 
auxquels  avaient  succédé  les  Espagnols,  les  Portugais  et 
les  Anglais. 

(1)  Volf  1«  dlMriptlon  df  ifi  0hAI«tti  duu  i  Friiun,  La  fUk  tt  Itpvrt  et  Di^, 
PmIii  t9»i« 


AVENTUaE3   DES   MARINA    DIEPPOIS  3  0 

11  voulait  que  la  France  prît  part  une  des  premières  à 
la  colonisation  du  nouveau  continent.  Le  capitaine  Auber* 
avait  pour  mission  d'explorer  les  pays  qu'il  rencontrerait, 
d'y  fonder  un  établissement  et  de  recueillir  des* renseigne- 
ments sur  ses  ressources  commerciales. 

Aubert  partit  sur  La  Pensée  ayant  pour  second  Varassen. 
n  arriva  dans  l'Amérique  du  Nord,  explora  Tembouchure 
du  fleuve  Saint-Laurent  sur  les  bords  duquel  nous  allion* 
peu  après  fonder  la  colonie  du  Canada  et  aperçut  la  grande 
lie  de  Terre-Neuve  (1). 

Cette  île  avait  été  vue  quelques  années  auparavant  par 
les  Anglais  avec  Sébastien  Cabot,  mais  ceux-ci  n'y  avaient 
pas  débarqué.  Aubert  y  descendit,  séjourna  dans  l'île, 
recueillit  des  documents  sur  ses  productions,  particulière- 
aient  dans  la  partie  sud  que  les  Anglais  n'avaient  pas  co* 
toyé.Il  revint  à  Dieppe  et  son  rapport  fut  défavorable  à  tout 
projet  d'entreprise  commerciale.  C'est  cependant  aujour- 
d'hui, le  seul  point  de  l'Amérique  du  Nord  oU  les  Français 
possèdent  une  colonie,  et  ces  comptoirs  de  Saint- Pierre  et 
Miquelon  sont  justement  fréquentés  surtout  par  les  mate' 
lots  dieppois  qui  s'y  livrent  à  la  pêche  à  la  morue. 

Aubert  rapporta  de  ces  pays  un  sauvage  qui  fut  exhibé  à 
Paris  en  1508,qui  passionna  la  curiosité  des  Parisiens  parce 
que  ce  fut  le  premier  Américain  qu'on  amena  dans  cettd 
ville. 

Un  autre  navigateur  mérite  aussi  d'attirer  notre  atten- 
tion, c'est  Parmentier,  qui  entreprit  ses  voyages  sous  les 
auspices  d'Ango,  avec  deux  navires  prêtés  par  le  riche 
armateur  et  qui,  à  son  retour,  lui  dédia  l'ouvrage  où  il  rend 
compte  de  ses  aventures. 

Les  voyages  de  Jean  Parmeutier  sont  les  premiers  que 

les  Français  aient  faits  daus  l'océan  Indien.  Lors  de  son 

'     ■  '  ■  * n  ■    ■  ^  Il  I I 

(i;  Of.  R9fui  '/e  gécçraphUf  ]B67| 


804  AVENTURES   DES    MARINS   DIEPPOIS 

second  voyage,  il  partit  de  Dieppe  avec  deux  vaisseaux, 
La  Pensée  Qi  Le  Sacre  (1527)  longea  rAfriqae,déoouvritl» 
îles  solitaires  de  la  Trinité  et  prit  terre  à  Madagascar. 

Les  indigènes  de  l'île, d'abord  satisfaits  des  cadeaux  quoi 
leur  faisait,  se  fâchèrent  subitement  sans  motif  et  raass»-' 
crèrent  trois  matelots. Il  fallut  cependant  débarquer  devi^ 
force  pour  renouveler  la  provision  d'eau  douce  à  unesource 
voisine.  On  leva  l'ancre,  mais  le  scorbut  se  mit  dans  l'équi- 
page et  il  se  passa  peu  de  jours  sans  qu'on  eût  à  jeter  uo 
cadavre  à  la  mer. 

Après  avoir  touché  rinde,Parmentier  aborda  à  Sumalri, 
lut  reçu  avec  les  termes  d'une  vive  sympathie  par  unpoi 
et  par  les  indigènes  du  pays,  échangea  ses  marchandises 
pour  une  grande  quantité  de  poivre,  de  gingembre,  de 
cannelle  et  d'autres  épices,  loua  dans  l'île  une  maison  qu'il 
fortifia. 

Mais  Parmentier  mourut  lui-même  de  la  fièvre.  Il  avait 
49  ans.  Son  navire  qui  avait  touché  la  Chine  (1528)  rentra 
à  Dieppe,  rapportant  d'amples  provisions,  les  cahiers  du 
capitaine  et  l'indication  de  roules  commerciales  où  les 
Dieppois  vont  trouver  les  éléments  d'une  nouvelle  fortune 
(1529;  (1;. 

Ce  fut  aussi  Ango  qui  défraya  le  voyage  de  Pauhnier  de 
Gonneville  qui  a  touché  le  Brésil,  un  peu  après  Cabrai 
(1504),  de  Denys  d'Hontleur  qui  a  visité  ce  pays  deux  an* 
plus  tard  alors  que  Cabrai  n'y  était  resté  que  le  temps  de 
s'approvisionner  (2). 

Sous  François  ^'^  la  France  dut,  comme  on  le  sait,  86 
défendre  éperdùment  contre  l'empereur  Charles -Quint  qui 
possédait  une  grande  partie  de  l'Europe  et  de  rA.nériqaô 
et  qui  prétendait  à  la  monarchie  universelle.  La  lutte  S9 

(1)  Voir  8oa  jourual  oomplet  daas  BUnoelin  ;  Richtre\ei  iur  la  foya/ti  fC  U»  *^ 
ttrtet  det  navigateun  normand*,  Fufia  188S. 
(9)  Cf.  Uiobaad.  Bioçrogfhit  fénéraU, 


AVENTURES   DES    MARINS    DIEPPOIS  î^05 

prolongea  sous  Henri  11,  fils  de  François  1^-'",  qui  demanda 
aux  Dieppois  de  faire  quelque  chose  pour  la  défense  de  leur 
piitrie.  Ceux-ci  y  consentirent  à  condition  que  tous  les  ca- 
pitaines de  bâtiments  seraient  Dieppois,  condition  imposée 
par  la  simple  prudence,  car  les  Dieppois  comptaient  sur  la 
vaillance  et  sur  1  expérience  des  chefs  qu'ils  avaient  vus  à 
l'œuvre. 

Une  flotte  de  dix-neuf  petits  bâtiments  sortit  du  port  et 
croisa  dans  le  détroit  du  Pas-de-Calais  où  devait  passer  une 
flotte  hollandaise  de  vingt-quatre  énormes  hourques,  plus 
fortes  et  d*un  effectif  supérieur.  Les  Hollandais  furent  tout 
étonnés  de  voir  que  les  embarcations  françaises  loin  de 
s'esquiver,  s'étaient  disposées  au  combat  et  fondaient  sur 
eux  h  toute  vitesse. 

Le  combat  dura  toute  la  journée. Ce  fut  un  des  plus  achar- 
nés, des  plus  furieux  qu'on  ait  vus  sur  mer.  L'abordage, 
l'incendie,  la  mitraille  se  confondaient.  Le  commandant 
français d'Kspineville  tomba  mort  l'un  des  premiers. 

Le  lendemain,  Dieppe  vit  revenir  sa  flotte,  épuisée,  en 
loques,  ayant  perdu  la  plupart  de  ses  défenseurs, mais  com- 
plètement victorieuse  et  ramenant  captives  cinq  grandes 
hourques  avec  plus  de  quatre  cents  prisonniers  (1555). 

Henri  II  écrivit  une  lettre  chaleureuse  de  remerciements 
aux  Dieppois. Quelques  mois  après  cet  événement,  Charles- 
Quint  demandait  la  paix  puis  abdiquait  et  démembrait  son 
empire  (1>. 

(l)    Oaérin.  BUtvirt  maritime  de  la  France» 


306  AVENTURES  DES   MARINS    DIEPP0I8 


VI.   ETABLISSEMENTS  EN  AMERIQUE  ET  A 
MADAGASCAR, 

Aventures   de    kibaut    en    Florlda.    Aymar  de    Ghastre. 

Legrand,  premier  flibustier.  D'Ernambuc   à  Saint-CliriB- 

tophe»  colonise  la  Martinique.   Prise  de   la  Guadeloupe. 
Première  colonisation  à  Madagascar. 


La  guerre  étrangère  terminée,  le  champ  resta  libre  aux 
luttes  religieuses  qui  vinrent  encore  décimer  noire  pays 
déjà  si  éprouvé.  Dieppe  fut  une  des  premières  cités  à  se 
déclarer  pour  la  réforme  religieuse. 

Sur  le  conseil  de  Coligny,  elle  tenta  de  former  sur  la  cùle 
d'Amérique,  une  colonie  protestante.  Jean  deRibaut,  natif 
de  Dieppe,  partit  de^cette  ville  en  1562  avec  deux  navires 
et.aborda  en  Floride. 

Le  nouvel  établissement,  privé  de  secours,  de  munitions 
et  de  vivres,  ne  put  résister  à  l'hostilité  des  indigènes  et  du 
climat.  Elle  était  à  la  merci  de  qui  voulait  Tattaquer.  Un 
jour,  les  colons  virent  apparaître  une  Hotte  espagnole  et, 
comme  on  était  en  paix  avec  1  Espagne,  ils  accueillirent 
avec  enthousiasme  leurs  libérateurs,  tout  en  se  tenant  sur 
leurs  gardes  pour  éviter  un  coup  de  main. 

L'amiral  espagnol  Mendoza  encouragea  les  Français  à 
quitter  leur  fort,  disant  qu'il  ne  leur  donnerait  des  appro- 
visionnements que  s'ils  se  rendaient  sans  armes  près  de 
lui.  Dès  qu'il  eut  les  800  Français  à  sa  discrétion,  ii  en  fit 
égorger  une  partie  et  pendit  les  autres  à  des  arbres,  avec 
cette  inscription:  a  pendus  non  comme  Français  mais  comme 
hérétiques  ».  Ribaut  fut  écorché  vif  et  sa  peau  fut  envoyée 
comme  trophée  à  Madrid. 


AVENTURES   DES   iMARINS    DIEPPOIS  307 

L^  roi  le  France  Charles  IX  apprit  avec  satisfaction  cette 
^nfàme  violation  du  droit  desgons.  Gei)endant  un  tel  crime 
*^e  pouvait  rester  impuni.  Une  expédition  dieppoise  n'obtint 
ûucun  résultat.  Ce  fut  un  gentilhomme  gascon  nommé  De 
^^ourges  qui  dépensa  toute  sa  fortune  à  équiper  secrètement 
^ï*ois  navires,  traversa  l'océan,  assaillit  les  Espagnols  con- 
fianls,dans  le  fort  qu'ils  venaient  d'occuper  et  les  lit  pendre 
^  leur  tour  avec  cette  inscription  :  «  pondus  non  comme 
Espagnols  ou  catholiques  mais  comme  ccumeurs  de  mer 
et  assassins  »  (1). 

Revenu  en  France,  De  Gourges,  ruiné,  dut  se  cacher 
pour  échapper  aux  recherches  de  Charles  IX  (2). 

Comme  les  guerres  étrangères,  les  guerres  de  religion  ne 
furentpas  favorables  à  la  pros^ierité  de  Dieppe.  Sans  entrer 
dans  Thistoire  locale  et  intérieure  de  la  ville  nous  noterons 
que  le  parti  protestant  y  fut  de  beaucoup  prépondérant, 
que  Henri  IV  vint  y  demeurer,  qu'il  livra  tout  près  de  là  le 
combat  d'Arqués  et  qu'il  y  reçut  les  secours  de  l'Angleterre. 
A  ce  moment  le  gouverneur  de  Dieppe  était  Aymar 
deChastre.  Il  eut  un  rôle  assez  marquant  dans  l'histoire 
maritime. 

Lorsque  le  Portugal  fut  conquis  par  l'Espagne,  les  habi- 
tants des  îles  Açores,  sur  la  côte  d'Africjue,  reaisèrent  de 
passer  sous  la  domination  espagnole  et  restèrent  fidèles  au 
Portugal. 

Une  forte  armée  espagnole  fut  envoyée  pour  soumettre 
ces  iles. 

Les  habitants  soutenus  par  une  garnison  portugaise 
s'armèrent  pour  la  défense.  Comme  nous  étions  en 
guerre  avec  l'Espagne,  Aymar  de  Chastre  vint  avec  une 
troupe  dieppoise  leur  prêter  mainfortu.    Les  Dieppois  se 


(1;  CLHUtoire  dt  la  Souvelle  France,  par  Carlcvolx  et  Lo^carbot.  PnrU|  10l7,iii-lSt 

())  Cf.  1/HUtoin  notobU  de  la  Floride,  LauUoimiére,  Paris,  158B.  Cf.    BM^ifê  dt 
l§  wmrint  dt  Gnèrin  ou  otUt  dt  Trotuwt. 


308  AVENTURES    DES     MARINS    DIEPPOIS 

battirent  en  braves,  mais  les  Portugais  ne  surent  pas  1» 
aider,  et,  devant  les  forces  nombreuses  des  Espagnols,  pcn- 
s(3renl  à  capituler.  De  Gliastre  ne  l'entendit  pas  ainsi  el 
pour  stimuler  leur  coura^çeil  décida  (ju'il  combaflrailpiulùl 
avec  ses  seules  forces  que  de  se  rendre. 

Les  l*ortugais,  non  seulement  seîrenlirent  mais,pourse 
faire  bien  venir  par  leurs  vainqueurs,  ils  s'unirent  ensuit» 
à  eux  pour  accabler  la  petite  troupe  dieppoise,qui  fuloW 
gée  de  se  rendre  (1). 

Revenu  à  Dieppe,  Aymar  de  Gliastre  fut  nommé  vice-r 
du  Canada  français  (1602).  Il' fit  prospérer  notre  nouTeLf 
colonie,  y  appela  ses  concitoyens,  envoya  son   lieutenant 
Ghamplain  fonder  la  ville  de  Québec  qui  acquit  une  impo^ 
tance  croissante. 

Voici  donc  encore  une  fois,  après  Cousin,  Aubertel 
Gonneville,  nos  infatigables  Dieppois,  en  rapport  avec 
l'Amérique. 

Nous  allons  voir  que  le  Nouveau  Monde  va  devenir L* 
théâtre  de  nouveaux  exploits  non  moins  extraordinaires. 

Vers  le  début  du  règne  de  Louis  XIII,  de  hardis  pirates, 
la  plupart  d'origine  dieppoise,  s'installèrent  dans  ie? 
Antilles  et  vécurent  là  de  vols  et  de  pillage,  saisissant 
tous  les  prétextes  pour  capturer  les  vaisseaux  chargés  d'or 
ou  de  marchandises,  et  s'enrichir  ainsi  des  dépouilles  de 
leurs  ennemis.  Leur  audace  était  telle,  qu'au  dire  de 
Voltaire  elle  aurait  suffi,  s'ils  avaient  été  unis,  à  fonder  un 
grand  empire. 

Les  Espagnols,  les  Anglais,  étaient  littéralement  terro- 
risés par  ces  flibustiers,  ces  frères  de  la  Côte  comme  ils  «« 
dénommaient. Ne  connaissant  aucun  danger,se  jouanldela 
mort,  ne  se  plaisant  que  ^ans  les  équipées  invraisemblables, 
ils  prenaient  à  quelques  centaines  de  grandes  villes  forli* 

(1)  Cr.  H.^-r,  f/rn{pert,Mesi\cYAfrinvv.. 


AVENTtRES    DES   MARINS   DIEPPOIS  309 

fiées,  des  flottes  nombreuses,  et  troublaient  rAmérique 
entière.  Au  début  la  flibuste  était  légitime,  ne  s*attaquant 
qu'aux  Espagnols  avec  qui  nous  étions  en  guerre. 

I^  premier  en  date  de  ces  corsaires  fut  un  nommé  Pierre 
Legrand.  Il  réalisa  tout  son  avoir  et  partit  de  Dieppe  avec 
une  misérable  embarcation  de  quatre  canons  et  de  vingt- 
huit  hommes.  II  rencontrj  un  gros  galion  espagnol  monté 
par  deux  cents  hommes  avec  soixante-quinze  canons. 

Les  Espagnols  s'amusent  de  la  rencontre  et  envoient 
quelques  boulets  au  vaisseau  flibustier  pour  lui  faire  signe 
de  se  rendre.  Les  Français  approchent  à  toutes  voiles. 
Déjà  les  voilà  qui  montent  à  i'abordage.  Legrand  coule  son 
bateau  pour  empêcher  ses  hommes  de  fuir.  Une  moitié  des 
agresseurs  saute  sur  les  poudres,  menaçant  de  faire  sauter 
le  navire.  Les  autres  entrent  dans  la  chambre  du  capitaine 
occupé  à  jouer  aux  cartes,  et,  le  pistolet  sous  la  gorge,  le 
somment  de  se  rendre. 

Les  Espagnols  surpris  mettent  bas  les  armes.  Ils  sont 
déposes  dans  une  île  voisine  et  Legrand  revient  à  Dieppe 
sur  son  galion,  pour  finir  ses  jours  dans  la  riehesse  (1). 

Un  tel  exemple  ne  resta  pus  stérile.  Il  se  forma  dans  la 
ville  sept  compagnies  différentes  de  flibuste. 

Parmi  les  Dieppois  qui  acquirent  quelque  renom  dans 
ces  combats  singuliers  citons  Dupré,  Bontants,  Langlois, 
Sevault  (dit  Vera  Cruz)  et  surtout  d'Ernambuc. 

Vandroques  Die!  D'Ernanibuc  partit  de  Dieppe  avec  une 
brigantine  de  huit  canons.  Arrivé  en  pleine  mer  il  a  d'abord 
à  se  défendre  contre  un  vaisseau  espagnol  de  trente-cinq 
canons.  Il  débarque  ensuite  à  File  Saint-Christophe,  en  fait 
une  colonie  française. 

Par  un  hasard  extraoi  (linaire,lecapitaineangIaisWerner 
débarque  en  même  temps  sur  la  rive  opposée  de  la  petite  île 


(\)  Tbooflaet.  ffUtoire  d^t  Cvr»airex, 


I 


310  AVENTURES   DES    MARINS   DIRPPOîS 


et  fait  le  même  jour  les  cérémonies  de  la  prise  de  possession 
au  nom  de  l'Angleterre.  Les  deux  troupes  ne  lardent  pas 
à  se  rencontrer.  ElUîs  se  partagent  le  terrain  à  l'amiabie 
et  se  jurent  une  alliance  perpétuelle.  Le  traité  de  Ryswick 
reconnut  quelque  tenips  après  l'île  entière  aux  Anglais. 

D'Ernan.buc  fut  plus  heureux  en  prenant  possession  de 
l'île  Saint  Vincent  et  de  la  Martinique,  dont  il  soumit le3 
indigènes  et  où  il  fonda  le  fort  de  Saint-l*ierre  (1635). 

Il  mourut  l'année  suivante.  A  cette  occasion  Richelieu 
écrivit  à  Louis  XIII  cjue  la  France  venait  de  perdre  l'un  des 
hommes  les  plus  utiles  de  sn  m.-u'ine. 

A  la  même  épofjue  les  capitaines  Aline  et  Duplessis, 
avec  deux  vaisseaux  dont  les  équipages  étaient  exclusive- 
ment dieppois,  prirent  possession  de  la  Guadeloupe,  après 
une  lutte  acharnée  avec  les  sauvages  caraïbes  qui  étaient 
seuls  à  l'occuper. 

Pendant  de  nombreuses  années,  la  ((  pêche  aux  Espa- 
gnols »,  comme  disniont  les  flibustiers  normands,  fut  des 
plus  frucUiieuses. 

Mais  il  vint  bientôt  se  joindre  aux  premiers  corsaires, 
des  pillards  sans  aveu,  rebut  de  tous  les  pays,  qui  tirent  de 
de  l'île  de  la  Tortue,  aux  Antilles,  un  véritable  repaire  de 
bandits.  Louis  XIV  fut  obligé  d'uspr  de  diplomatie,  puis 
d'envoyer  plusifHirs  oxp^Hli tiens  contre  eux  pour  se  défaire 
de  soi  disant  auxiliaires  dont  la  cruauté  la  plus  cynique 
devenait  conipromettonte  pour  l'honneur  de  l'humanité. 

N'y  a-l-il  pas  lieu  d'être  étonné  de  voir  quelle  part  pré- 
pondérante ont  pris  les  l)it7>pois  à  la  formation  de  notre 
empire  colonial  sur  les  points  b\s  plus  éloignés  du  globe,  aa 
Sénégal,  en  Guinée,  aux  Antilles,  au  Canada  et  à  Mada- 
gascar, A  une  époque  cù  ni  l'opinion  publique  ni  lesgouver- 
ments  n(^  pressentaient  en^'ore  la  nécessité  et  l'importance 
des  questions  coloniales. 

Nous  avons  déj^^  vu  Madagascar  explorée  par  Parmentier' 


AVENTURES   DES  MARINS   DIVPPOIS  311 

Elle  le  fut  aussi  par  son  concitoyen  LeTellier  qui,  en  1619, 
reieva  les  côtes  de  l'île.  Une  seconde  expédition  fut  dirigée 
par  François  Gauche,  de  Dieppe,  en  1638.  A  cette  époque 
lile  était  encore  divisée  en  noicbreux  états  sur  lesquels 
Tinfluence  des  Hovas  était  presque  nulle. 

Aussi  le  capitaine  Ricault,  de  Dieppe,  songea-t-il  à  s'éta- 
blir résolument  sur  les  côtes  de  cette  île,  aux  immenses 
terres  vierges  et  fertiles,  au  climat  fort  supportable,  parmi 
une  population  moins  cruelle  que  celle  des  rivages  voisins 
du  continent  africain. Ricault  fît  part  de  son  projet  à  Riche- 
lieu. Le  grand  ministre  comprit  aisément  la  justesse  de  ces 
vues  ;  il  confia  au  garde  des  sceaux  Marillac  le  soin  d'ex- 
poser le  plan  d'une  colonisation  effective  devant  l'assemblée 
des  Notables  de  Paris  (1626J.  Ricault  obtint  le  monopole 
du  commerce  pour  dix  années. 

Il  expédia  à  Madagascar  un  simple  navire  commandé 
par  le  capitaineCaquetoû  se  trouvaient  Pronis  elFoucquem- 
bourg,  agents  de  la  nouvelle  Société  de  l'Orient  ;  ces  deux 
derniers  débarquèrent  dans  l'Ile  avec  douze  colons  seule- 
ment, ne  craignant  pas  de  vivre  isolés,  si  loin  des  secours 
de  la  mère-patrie,  à  une  époque  où  un  tel  voyage  était  à  lui 
seul  une  difficulté  périlleuse. 

La  population  au  milieu  de  laquelle  débarquaient  les 
nouveaux  venus  formait  le  petit  royaume  de  Garcanoffi, 
gouverné  par  le  roi  Andian  Ramach.  On  y  distinguait  trois 
variétés  de  race  d'origine  blanche  et  quatre  variétés  de 
race  noire. 

Voici  ce  que  le  roi  racontait  de  la  manière  dont  l'île  se 
peupla  autrefois  d'une  race  relativement  blanche.  Au  temps 
de  Mahomet,  vivait  en  Arabie  un  autre  prophète  nommé 
Ramini.  Cet  homme,  qui  se  prétendait  envoyé  du  ciel  sur 
la  terre,  se  rendit  auprès  de  Mahomet  qui  le  reçut  avec 
courtoisie.  Il  devint  chef  du  pays  de  Mangaroro.  A  sa  mort 


312  AVENTURES    DES    MARINS   DIEPPOIS 

son  fils  Rahouround  lui   succéda  et  eut  à  son  tour  deia| 
descendants,  Rahadzi  et  llacoube. 

Rahadzi,  désireux  de  voir  du  pays,  réunit  ses  fîdHei 
et  fit  placer  en  terre  des  bananes,  recommandautquesi, 
au  bout  de  dix  ans,  on  ne  le  voit  pas  revenir  et  quoi 
trouve  alors  les  bananes  pourries, on  prenne  comme  roi  soi 
frère  Racoube.  Dix  ans  se  passèrent  sans  qu'on  reçut  di 
nouvelles  du  voyageur  ni  de  la  Hotte  nombreuse  qui  raccom- 
pagnait. On  déterra  les  bananes  qui  étaient  pourries  et  Ri- 
coube  fut  proclamé  successeur  de  son  frère.  Quelques joart 
après  celte  cérémonie,  on  apprit  que  le  roi  Rahadzi  venait 
de  débarquer  non  loin  de  Mangaroro.  Racoube,  étonnée! 
effrayé,  craignant  d'avoir  à  combattre  son  frère  etd'^ 
considéré  comme  un  usurpateur,  équipa  à  la  bâte  untai*" 
seau,  y  monta  avec  trois  cents  de  ses  fidèles  et  cingla  vert 
le  Sud.  Il  débarqua  à  Madagascar,qui  était  alors  gouveniél 
par  un  roi  unique,  Azonringhets,  et  épousa  sa  fille. 

A  la  mort  d' Azonringhets,  ses  fds  se  partagèrent  rile,qo« 
bientôt  s'elïrita  en  plusieurs  royames. 

Vu  de  ces  royaumes,  celui  de  Carcanofli,  fut  gouverna 
par  les  descendants  de  Racoube  ;  les  compagnons  déco 
dernier  forn)èrent  le  noyau  de  la  race  blanche  sémitiqW 
dite  des  Roandrians  qui  forma  une  caste  aristocraliqa*- 
x\udian  Ramach  se  disait  descendant  direct  de  ce  légendairt 
Racoube  (1). 

Pronis  s'établit  donc  dans  la  baie  d'Antongil,  fondai! 
ville  de  Sninte-Luce,  puis  celle  de  Fort-Dauphin,  plus  ai 
Sud.  Il  s'occupa  de  nouer  de  bonnes  relations  avec  le  roi 
indigène,  lui  faisant  force  cadeaux,  ce  qui  niécontenti 
beaucoup  de  ses  subordonnés. 

Quoi   no  fut  pas  son  étonnement  de  rencontrer  sur  c^tl* 


(l)  Fl:iojart.///i^o/re  Je  la  granic  ilc  de  Sf-il%ja<car,  V^  p.irti?    P^rî^,  IWI-  L  ""^  * 
OA. 


AVENTURES  DES   MARINS  DIBPP0I9  313 

terre  lointaine  sept  de  ses  concitoyens  ;  c*était  ce  qui  restait 
de  l'équipage  du  navire  dieppois  de  Goubert, qui  avait  coulé 
dans  ces  parages. 

Les  colons  étaient  encore  peu  nombreux  pour  faire  œu- 
vre durable.  Fort  heureusement,  un  autre  nBYÎre^Le  Royal, 
partit  de  Dieppe  en  1644  et  déposa  à  Fort-Dauphin  quatre' 
vingt-dix  passagers,  avec  quantité  de  bœufs  et  de  riz. 

Le  capitaine  L'Ormeil  revint  en  France,  rapportant  une 
ample  provision  d'ébène,  de  cuirs, de  cire.Foucquembourg, 
ie  second  agent  de  la  compagnie  revint  avec  lui  etse  dirigea 
vers  Paris  pour  rendre  compte  de  ses  travaux;  il  fut  assas- 
siné en  route  par  un  officier  qui  croyait  trouver  sur  lui  des 
pierreries  venant  de  l'Orient,  mais  qui  fut  pris,  peu  après 
reconnu  coupable  et  condamné  à  mort. 

Pendant  ce  temps,  Pronis,  à  la  tête  d'une  petite  colonie 
travailleuse,  put  installer  d'autres  comptoirs,  fonder  trois 
nouveaux  marchés. Malheureusement  il  mécontenta  déplus 
en  plus  ces  auxiliaires,  par  des  avances  trop  avantageuses 
qu'il  faisait  aux  indigènes.  Les  Français  se  révoltèrent 
ouvertement  et  mirent  leur  chef  aux  fers. 

Au  bout  d'un  an  d'emprisonnement,  Pronis  fut  enfin 
libéré,  par  l'arrivée  du  navire  Le  Saint-Laurent,  parti  de 
Dieppe  sous  la  direction  du  capitaine  Le  Bourg.  Celui-ci 
rétablit  Pronis  dans  ses  droits,  punit  les  principaux  cou- 
pables et  débarqua  quarante-trois  nouveaux  colons  (1). 

Flacourt  remplaça  quelque  temps  Pronis  comme  com- 
mandant de  Tile  et,  grôceà  une  administration  énergique, 
répondant  aux  attaques  des  indigènes  par  de  hardies  expé- 
ditions à  l'intérieur,  il  conquit  trois  cents  villages  à  notre 
influence  et  occupa  l'île  de  la  Réunion  (1652). 
Après  lui,  Pronis  revint  au  pouvoir,  plus  impopulaire 

{])  Cf.  Flacourt.  2'  partit'. 


314  AVENTURES   DES   MARINS   DIEPP0I8 


I 


que  jamais.  Les  indigènes,  profitant  de  ces  désordres 
vinrent  brrtier  Fort-Dauphin  et  l'influence  française  lui 
menacée  (1). 

La  Socié'o  do  l'Orient,  lasse  de  ces  luttes  inféi"ndes, 
céda  ses  droits  à  In  Compagnie  des  Indes  Orientalis,  qui. 
grâce  à  la  protection  de  Golbcrt,  continua  l'œuvi- roni* 
mencée  (inG4).  La  même  année,  l'île  de  Madagr-.'.tr  fut 
réunie  à  la  couronne  et  considérée  toute  entière  comiiie  une 
colonie  française  (2). 

Ainsi  les  Dieppois  avaient  nettement  indiqué  la  voieè 
suivre.  Ils  avaient  attiré  l'attention  de  la  France  sur  celte 
île  admirablement  propice  à  la  colonisation  et  sur  i:i«]uelle 
notre  influence,  toujours  depuis  eux  maintenue  eu  prin- 
cipe, est  actuellement  omnipotente. 

il)  Cf.  riolot.  Sfadag<ucar  H  U%  Jlntas,  PorU.  1H95. 
(ï;  et.  Lanier.  L'Afrif/uf.  Paris.  1886. 


AVENTURES   DES   MARINS   DIEPP0I8  315 


VII.  DUQUESNE 

Hostilité  des  Dieppois  et  des  Hollandais.  Duquesne. 
Batailles  de  Stromboli  et  d'Agosta. Bombardement  d'Alger 
et  de  Gènes.  Incendie  de  Dieppe. 

Nous  sommes  arrivés  au  siècle  de  Louis  XIV,  célèbre 
pour  le  nombre  d'hommes  illustres  qui  s*y  révélèrent. 
Dieppe  va-t-elle,  maintenant  que  ses  colonies  sont  perdues, 
perdre  toute  sa  gloire  et  rester  en  arrière  désormais  ? 

Nullement,  et  les  hommes  remarquables  auxquels  elle 
va  donner  le  jour  vont  encore  être  des  marins. 

Cependant  il  nous  est  facile  de  rappeler  en  passant  les 
noms  d'autres  célébrités  de  cette  époque  :  tout  le  monde  a 
entendu  parler  du  physicien  Salomon  de  Caus  qui  fut  des 
premiers  à  construire  une  sorte  de  machine  à  vapeur.  Voici 
encore  les  jurisconsultes  Ilouard  et  Groulard,  le  grand, 
physiologiste  Pecquet  qui  découvrit  les  vaisseaux  lympha- 
tiques dont  le  rôle  est  primordial  dans  l'organisme,  l'érudit 
Le  Nourri,  le  chroniqueur  Asseline,  Despréaux  qui  fut 
membre  de  l'Académie  des  inscriptions  et  belles-lettres, 
Bruzen  de  la  Martinière  qui  fut  un  des  plus  savants  géo- 
graphes de  son  temps,  etc. 

Nous  avions  plus  que  jamais  besoin,  alors,  de  grands 
hommes  et  de  toutes  les  ressources  de  la  nation  pour  nous 
leni'r  au  niveau  des  progrès  des  autres  peuples.  Les  Anglais 
étaient  de  plus  en  plus  menaçants.  Les  Hollandais  avaient 
pris  la  première  place  parmi  les  nations  maritimes  et 
supplantaient  partout  les  Portugais,  aussi  bien  en  Afrique 
qu'en  Océanie. 

En  conquérant  sur  les  Portugais  les  îles  de  la  Sonde,  les  . 
Hollandais  furent  surpris  d'y  rencontrer  des  concurrents 


816  AVENTURES   DES   MARINS   DIBPPOIS 

dans  la  personne  des  commerçants  dieppois  qui  veni 
journellement  y  chercher  des  épices.  Ils  complotèrent d' 
traver  ce  commerce  par  un  coup  de  force,bien  qu'ils  fui 
en  temps  de  paix  avec  la  France. 

En  1613,  trois  navires  dieppois  revenaient  des  Moluqi 
chargés  d'épices  et  de  divers  produits  exotiques.Ilsam^ 
déjà  franchi  le  cap  des  Aiguilles  et  comptaient  rentrer 
siblement  en  France  lorsqu'ils  virent  fondre  sureuxcii 
navires  de  guerre  hollandais,  armés  de  toutes  pièces. 
Dieppois  surpris  se  défendirent  vaillamment.  Un  de  teun 
vaisseaux  fut  brûlé,  un  autre  pris, mais  le  troisième  parvist 
à  s'échapper  et  à  regagner  Dieppe  où  ii  répandit  le  récit (b 
cette  inqualifiable  agression. 

Les  Hollandais  rendirent  leurs  prisonniers  en  averlissai 
que  même  réception  serait  faite  à  tout  vaisseau  françaisquî 
voguerait  vers  l'Océanie. 

Les  Dieppois  indignés,  mais  ne  pouvant  lu l ter  contre '• 
plus  forte  puissance  maritime  de  l'époque,  en  appel^reotl 
au  gouvernement  fran(;ais,  qui  fît  la  sourde  oreille,  loolj 
occupé  des  affaires  intérieures.  Les  Dieppois  atlendireol 
une  meilleure  occasion  et  ils  vont  trouver  eux-mêmes  leur 
vengeur. 

En  IGIO,  il  naissait,  en  effet,  à  Dieppe,  un  homme  dont! 
la  célébrité  allait  dépasser  celle  de  tous  ses  concitoyens el' 
qui  allait  donner  plus  d'occupation  à  nos  adversaires^ 
qu'aucun  de  ses  devanciers.  C'était  Abraham  Duquesne. 

Son  p^re,  ancien  pilote  devenu  chef  d'escadre,  presstQ- 
tant  ses  heureuses  dispositions,  lui  avait  fait  donner  une 
éducation  soignée.  Duquesne  ia  perfectionna  plus  lard 
lui-même,  car  il  sentait  le  prix  de  la  science  à  une  épo^que- 
ce|)endontoù  les  meilleurs  marins  n'avaient  pour  eux  qu« 
la  bravoure  personnelle  et  une  simple  intuition  instinctive 
des  cnoses  de  la  mer.  Il  fut  bientôt  réputé  comme  Thomm* 
de  mer  le  plus  savant  de  l'Europe. 


AVENTURES   DES  MARINS   DIEPPOIS 


31^ 


A  dix-huit  ans  il  commande  déjà  un  bâtiment.  A  vingt- 
sept  ans  il  apprend  que  son  père  vient  d'être  tué  dans  un 
combat  contre  les  Espagnols,  et  jure  de  consacrer  son 
existence  à  le  venger.  Sous  les  ordres  du  chevalier  Paul, 
il  reçoit  trois  graves  blessures  et  à  trente-sept  ans  est 
nommé  chef  d'escadre. 

Il  n'obtenait  ce  grade  que  grâce  à  son  njérite  personnel. 
Malgré  les  recommandations  du  grand  Colbert  qui  voyait 
en  lui  Tespérance  de  notre  marine,  il  fut  toujours  dédaigné 
par  Louis  XIV  parce  que  son  caractère  indépendant  ne  lui 
permettait  pas  de  s'abaisser  au  rôle  de  courtisan,  et  que 
son  protestantisme  indignait  le  roi.  Il  eut  comme  supérieurs 
des  gens  qui,  loin  de  le  valoir,étaient  indignes  d'occuper  un 
poste  quelconque,  des  favoris  incapables,  parents  du  roi  ou 
de  ses  concubines  :  Vivonne,  un  goinfre  ;  Beaufort,  un 
étourdi  ;  d'Ëstrée,  un  âne.  D'Estrée  jalousait  tellement 
Duquesne  qu'il  ne  lui  demandait  jamais  son  avis  dans  les 
conseils  ou  qu'il  le  traitait  publiquement  de  fou  ou  de 
lâche.  C'était  ce  même  d'Estrée,  fils  de  la  belle  Gabrielle, 
qui  prenafl  plaisir  â  naviguer  de  côté  et  d'autres  pour  forcer 
tous  les  capitaines  de  la  flotte  à  le  suivre  aveuglément  sans 
daigner  les  prévenir  des  changements  de  direction  et  qui 
un  beau  jour  alla  donner  ainsi  contre  des  rochers  où  la 
moitié  des  vaisseaux  et  de  leurs  équipages  fut  à  jamais 
perdue.  Pour  le  consoler,  Louis  XIV  lui  accorda  le  titre 
de  vice-roi  de  la  Louisiane, 

Cependant  le  moment  allait  venir  où  le  mérite  et  Tintri* 
gue  allaient  se  trouver  aux  prises. Toute  l'Europe,  indignée 
des  prétentions  ambitieuses  de  Louis  XIV,  se  coalise  contre 
lui  :  Allemagne,  Autriche,  Espagne,  Lorraine,  Hollande. 
La  France  est  envahie.  Turenne  et  Condé  ne  sont  plus  lài 
D'Estrée  est  le  commandant  suprême  de  notre  marine. 

Le  grand  amiral  hollandais  Ruyter  rassemble  une  flotte 
de  vingt  vaisseaux  et  entre  dans  la  Méditerranée  pour 


318  AVENTURES   DES    MARINS   DIEPPOIS 

anéantir  notre  marine  et  brûler  ensuite  nos  ports.  Ruytur 
est  renommé  comme  le  plus  grand  homme  de  mer  de 
Tépoque.  Il  a  livré  quinze  combats  aux  peuples  les  plus 
puissants  et  en  est  toujours  sorti  vainqueur,  acquerrant  le 
surnom  d'invincible. 

L'Europe  frissonna  à  l'approche  de  Ruyter,  sentant  qu'un 
grand  événement  allait  s'accomplir.  Colbert  pressentit  une 
catastrophe.  Il  alla  trouver  le  roi,  lui  peignit  la  triste  situa- 
tion. «  Il  n'y  a  qu'un  homme  qui  puisse  nous  en  tirer,  dit-il, 
c'est  Duquesne.  » 

Après  bien  des  hésitations,  le  roi  donne  à  Duquesne  le 
commandement  de  la  flotte,  mais  sans  y  attacher  le  titre 
d'amiral  qui  y  était  toujours  compris.  Dès  lors  un  enthou- 
siasme indescriptible  fait  place  à  la  stupeur.  L'espérance 
renait,  de  vieux  olBciers  accourent  offrir  leur  épée  à  un 
chef  aussi  consommé.  La  flotte,  de  vingt  navires,  sort  de 
Toulon,  prête  à  un  combat  suprême. 

La  rencontre  a  lieu,  le  5  janvier  1676,  au  nord  de  la 
Sicile,  près  du  rocher  de  Stromboli. Trois  jours  entiers,  les 
deux  adversaires  s'observent  et  cherchent  une  position. 
Enfin  un  vaisseau  français  perd  patience  et  vole  sur  l'en- 
Demi.  Tous  les  autres  le  suivent.  Valbelle,  qui  monte 
Le  Pompeux,  s'accoste  avec  La  Concorde  de  Ruyter,  et  se 
voit  cerné,  puis  criblé  de  boulets.  Duquesne  sur  Le  Saint'- 
Esprit,  vient  le  délivrer  et  se  trouve  face  à  face  avec  son 
redoutable  adversaire.  Les  deux  vaisseaux  tonnent  comme 
l'orage,  se  couvrent  de  boulets,  la  mort  fauche  sans  relâche 
sans  qu'aucun  veuille  renoncer  à  la  lutte.  Enfin  à  la  fin  du 
jour,  l'habileté  de  nos  pointeurs  l'emporte.  L'invincible 
Ruyter  recule,  pour  la  première  fois  de  sa  vie,  et  sa  flulle 
disparait  au  large. 

Sur  les  autres  points,  le  carnage  était  aussi  sanglant  : 
de  Preuilly  coule  uu  vaisseau  hollandais  ;  Tourville,moDlé 
sur  L^  Spectre,  arrête  avec  son  seul  b&timent)  neuf  galèrea 


AVENTUREE    DKS   MARINS   DIEPPOIS  319 

espagnoles  qui  voDaient  au  secours  de  Ruyter  et  leur  fait 
rebrousser  chemin. 

Le  22  avril  suivant,  Ruyter,  qui  brûlait  de  prendre  sa 
revanche,  se  trouva  prêt  pour  un  second  combat.  Il  avait 
fait  ivparer  ses  vaisseaux  et  porté  sa  flotte  à  trente  bôti- 
Uients.  Duquesne  en  avait  fait  autant  et  les  deux  rivaux  se 
rencontrent  encore  à  force  égale  en  vue  d'Agosta,  à  l'est  de 
la  Sicile.  Dès  qu'il  s'aperçoivent  ils  fondent  l'un  sur  l'autre 
©t  le  combat  commence. 

L'avant-garde  française,  attaquée  avec  furie,  est  sur  le 
point  de  céder.  Ruyter  se  croit  déjà  vainqueur.  Mais 
I^uquesne  paraît.  Il  vole  droit  sur  La  Concorde  de  Ruyter 
déjà  aliaiblie  par  les  assauts  d'Almeiras,  de  Valbelle,  de 
Tcurvjile  et  de  Preuilly. Après  une  lutte  homérique,  tout-à- 
^oup,  ie  silence  se  fait  à  bord  du  vaisseau  amiral  hollandais 
iiéujâlé,  troué,  il  disparait,  d'abord  lentement,  puis  à  toute 
Vitesse,  donnant  le  signal  de  la  retraite.  On  apprit  ensuite 
9ue  Huyter  avait  re^u  un  boulet  de  canon  qui  l'avait  blessé 
■  ^orle  ement.Les  Hollandais  vaincus,  la  Hutte  française  se 
lrou\î«  maîtresse  de  la  Méditerranée. 

Luu  «^  XIV  profita  des  victoires  de  Duquesne  pour  porter 
^n  coup  fatal  à  la  puissance  des  Algériens. 

Aigt:r  étaitdepuis  des  siècles  ie  repairede  véritables  ban* 
dits  qui  infestaient  les  rivages  de  la  Méditerranée  de  leurs 
ï>illage>  et  de  leurs  meurtres.  Ils  naviguaient  en  corsaires, 
prenaiont  tous  les  bôtiments  de  commerce  qu'ils  rencon- 
traient etemmenaient  les  passagers  captifs  dans  leur  ville  . 
Ces  malheureux  étaient  astreints  sous  les  coups  aux  tra- 
'^aux  les  plus  rebutants  et  se  mouraient  de  privations. 

Aucune  entreprise  n'avait  pu  réussir  contre  ces  pirates  : 
ï-e  puissant  empereur  Charles-Quint,  maître  de  la  moitié 
de  r Amérique  et  deTEurope  était  débarqué  lui-môme  avec 
plus  de  vingt  mille  soldats  d'élite  en  Algérie  et  il  avait  dtX 
gagner  ses  vaisseaux  en  toute  hAte, 


320  AVENTURES   DES   MARINS   DIEPPOIS 

Il  n'en  fut  pas  (Je  même  avec  Duquesne.  Dès  qu'il  eut 
reçu  l'ordrede  prendre  Alger,il  bloqua  la  ville  avecsallolte 
puis  la  couvrit  de  bombes  et  de  boulets,  si  bien  dirigés  que 
les  principaux  édifices  s'écroulèrent,  que  l'incendie  éclata 
dans  les  autres  et  que  le  dey  envoya  des  ambassadeurs 
négocier  la  paix  (1683). 

Duquesne  exigea  que  les  prisonniers  chrétiens  de  toutes 
nations  fussent  relâchés,  ce  qui  fut  fait,  puis  il  obligea  le 
dey  à  signer  un  traité  par  lequel  il  promettait  de  respecter 
dorénavant  tout  navire  portant  le  pavillon  français. 

Ce  fait  d'armes  eut  un  grand  retentissement.  Les  Barba- 
resques  apprirent  à  respecter  le  prestige  de  la  France  et 
jusqu'à  l'occupation  définitive  de  l'Algérie,  les  navires  et 
les  citoyens  français  jouirent.sauf  de  rares  exceptions^d'une 
considération  particulière. 

Tunis  et  Tripoli,  qui  étaient  aussi  fautives  qu'Alger 
eurent  le  même  sort  l'année  suivante. 

Malheureusement  l'orgueil  de  Louis  XIV,  enflé  perces 
succès  maritimes  et  par  des  victoires  éclatantes  sur  le  conti- 
nent ne  soutïrit  plus  de  bornes. 

Une  des  villes  les  plus  commerçantes  du  monde,  Gènes, 
concurrente  de  nos  ports  français,excitait  la  jalousie  du  roi. 
Il  prit  pour  prétexte  que  les  Génois  avaient  vendu  autrefois 
des  armes  aux  Algériens  et  qu'ils  étaiept  occupés  à  coqs- 
truire  quatre  vaisseaux  destinés  à  être  vendus  à  ces  pirates 
pour  déclarer  la  guerre  à  la  petite  république  génoise. 
Duquesne  reçut  l'ordrede  la  bombarder.  Sous  les  attaques 
de  la  flotte  française  s'écroulèrent  les  palais  de  marbre  et 
les  somptueux  édifices  de  Gènes  la  Superbe. 

Le  doge  n'obtint  la  cessation  des  hostilités  que  lorsqu'il 
promit  de  venir  à  Versailles  s'humilier  devant  le  roi.  U 
constitution  lui  interdisait  cependant  de  sortir  de  ses  état8 
(1684). 


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AVENTURES    DES   MAHINS    DIEPPOIS  \V2i 

On  raconte  que  lorsqu'on  demanda  au  Doge  ce  qui  l'ôton- 
nait  le  plus  à  Versailles,  il  répondit  malicieusement  :  «C'est 
de  m'y  voir.  » 

Duquesne,  vieux  et  fatigué  d'une  vie  si  laborieuse,  vint 
aussi  à  Versailles  peu  après,  mais  il  fut  reçu  froidement  par 
le  roi  qui  lui  tenait  rigueur  de  son  caractère  indépendant. 
AtTaibli  et  dépité  il  donna  sa  démission  et  se  retira  dans  sa 
famille,  où  il  mourut  à  78  ans.  Il  laissait  la  réputation  du 
plus  habile  homme  de  mer  de  son  siècle. 

Les  frères  cadets  de  Duquesne  marchèrent  sur  ses  traces 
et  devinrent  capitaines  de  vaisseau.  Ses  fils  aussi  furent 
d'excellents  marins  (1). 

Cependant  l'orgueil  du  roi  alluma  une  nouvelle  coalition. 
Les  Anglais,  animés  depuis  longtemps  contre  Dieppe  d'une 
haine  farouche,  résolurent  de  tirer  sur  elle  vengeance  du 
bombardement  de  Gênes.  Le  12  juillet  1694,  l'amiral  lord 
Berkeley  se  présente  devant  la  malheureuse  cité,  si  mal 
défendue  par  sa  position  et  qui  n'était  soutenue  par  aucune 
flotte.  Onze  cents  bombes  y  furent  lancées,  qui  eurent  vite 
fait  d'incendier  toutes  les  maisons,  et  de  tuer  des  milliers 
de  personnes.  Les  Anglais  ne  se  retirèrent  que  lorsqu'ils  ne 
virent  plus  dans  l'ancienne  cité  des  Cousin  et  des  Ango 
qu'un  monceau  de  débris  et  de  cendres. 

Louis  XIV  résolut  de  réparer  cette  ruine  épouvantable. 
Il  fit  tracer  par  l'ingénieur  De  Ventabren  le  plan  d'une  ville 
plus  régulière  et  plus  moderne,  aux  rues  larges  et  droites, 
aux  maisons  de  briques  et  de  pierres. 

Quelques  années  après  le  bombardement,  Dieppe  s'était 
encore  une  fois  relevée  de  ses  ruines  et  attendait  une  pros^- 
périté  nouvelle. 

(l)  Cf*  Pietlonnaire  Laronne,  ârtldct  DaqoMiit. 


3â2  AVENTURES    DES   MARINS   DIEPPOIS 


VIII.  LES  SAUVETEURS 

De  Clieux  implante  le  calé  aux  Antilles.  Héroïsme  de 
Vauonielain.  Les  Bouzard  gardiens  du  port.  Le  Sauve- 
teur Lacroix.  Commerce.  —  Conclusions. 


Malgré  leur  ardeur  maritime,  les  Dieppois  n'ont  jamais 
tenu  à  ce  qu'on  fit  de  leur  ville  un  centre  commercial 
d'une  importance  officielle.  Ils  se  sont  opposés  aux  travaux 
d'aménagement  des  bassins  et  se  sont  presque  révoltés 
lorsqu^on  a  voulu  défendre  leur  place  par  des  fortifications 
plus  modernes.  Ils  préféraient  rester  pêcheurs  et  redou- 
taient l'ingérence  administrative  qui  pouvait  gêner  leur 
initiative  indépendante  et  jalouse. 

A  peine  la  ville  remise  du  bombardement,  le  commerce 
continua  à  y  prospérer.  Cependant,  l'industrie  de  la  sculp- 
ture sur  ivoire,  qui  avait  fort  contribué  à  sa  fortune  au 
Moyen  âge,  se  vit  ruinée  par  la  mode  des  magots  importés 
de  la  Chine  (1). 

Ce  fut  encore  un  capitaine  dieppois»  De  Clieux,  d'une 
ancienne  famille  anoblie  au  xvv  siècle  pour  les  services 
qu'elle  avait  rendus  à  la  cité,  qui  eut  l'honneur  d'implanter 
aux  Antilles  le  premier  plant  de  caféier. 

De  Clieux  était  gouverneur  de  la  Martinique.  Dans  un 
Voyage  en  France,  il  eut  l'occasion  de  demander  au  direc- 
teur du  Jardin  des  Plantes  de  Paris,  Laurent  de  Jussieu, 
trois  petits  caféiers,  arbustes  originaires  de  l'Arabie  et  dont 
les  échantillons  étaient  excessivement  rares  en  Europe. 

Il  s'embarqua  à  Dieppe  avec  ses  trois  arbres  minuscules, 

*■  m 

(1)  et.  OiffP*j  M  envirwi  et  tti  habitanttf  par  JAim«.  FurU.  la-felio* 


AVENTURES   DES    MARINS   DIEPPOIS  323 

et  durant  la  traversée,  l'eau  potable  vint  à  manquer  sur  le 
navire.  Deux  arbustes  périrent  de  sécheresse  et  ie  troisième 
allait  avoir  le  même  sort,  lorsque  les  matelots  étonnés 
virent  leur  capitaine  partager  avec  lui  sa  paît  de  la  pré- 
cieuse boisson  et  arroser  tous  les  jours  la  jeune  plante  avec 
le  peu  d'eau  qu'on  avait  réservé  pour  lui  même. 

Celte  sollicitude  touchante  no  fut  pas  perdue.  L'arbuste 
fut  planté  à  la  Martinique,  grandit,  fructiiia,  et  devint  le 
père  des  caféiers  de  toutes  les  Antilles  (1720). 

A  la  fin  du  règne  de  Louis  XV,  les  désastres  de  la  guerre 

de   Sept   Ans  donnèrent    à    Vauquclaiu,  autre  enfant  de 

Dieppe,  l'occasion  de  se  signaler.  De  famille  obscure,  il^  se 

voit,    tout  jeune,    par   ses  mérites   évidents,  confier   une 

frégate,  malgré  la  jalousie  des  marias  de  naissance  qu'une 

telle  innovation  scandalise.  Vauquelain  part  de  Dieppe  sur 

la    frégate  L'Aréthutte,  de  trente  canons,  ce  qui  était  peu 

pour  l'époque  et  jure  à  ses  concitoyens  de  la  leur  ramener 

intacte  ou  de  mourir  en  la  défendant.  Il  se  trouve  bloqué 

avec  l'escadre  française   dans  le  port  de   Pittsbourg,  en 

« 

Amérique.  L'escadre  ne  peut  tarder  à  être  prise  par  la 
puissante  flotte  anglaise  qui  l'assiège  et  va  se  rendre. 
Vauquelain  obtient  de  tenter  une  sortie.  Il  manœuvre  si 
adroitement  qu'il  passe  au  milieu  des  Anglais  surpris, 
gagne  la  pleine  mer,  vainement  poursuivi,  et  ramène  à 
Dieppe  sa  frégate. 

Le  hardi  corsaire  apprend  que  notre  colonie  du  Canada, 
peuplée  en  grande  partie  de  ses  concitoyens,  est  attaquée 
par  des  forces  anglaises  de  beaucoup  supérieures,  et  que 
le  roi  de  France  commet  la  coupable  imprudence  de  ne 
pas  y  envoyer  de  secours.  Il  ne  laissera  pas,  lui,  cette 
vieille  colonie  nous  échapper  sans  tenter  de  lui  venir  en 
aide.  Il  vole  avec  LAréthuse,  sur  les  rivages  menacés^ 
remonte  le  cours  du  Saint-Laurent  pour  porter  secours 
aux  Français  assiégés  dans  Québec  ;  mais  apprenant  la 


324  AyENTURES   DES    MARINS   DIEPPOIS 

reddition  de  cette  ville,  il  veut  regagner  la  mer,  lorsqu'i 
se  voit  cerné  par  toute  la  flotte  ennemie.  Loin  de  se  rendre, 
il  se  défend  en  désespéré.  Ne  pouvant  sauver  son  bâtiment, 
il  fait  descendre  ses  soldats  dans  les  canots  de  sauvetage, 
met  le  feu  à  sa  frégate  et  y  attend,  seul,  la  mort.  Les 
Anglais,  admirant  son  courage,  montent  sur  son  vaisseau 
enflammé  et  lui  sauvent  la  vie  (1763). 

Chargé  d'une  mission  difficile  dans  l'Inde,  il  s'en  acquitte 
avec  succès  et  à  son  retour  en  France  se  voit  calomnié  par 
la  jalousie  des  officiers  nobles,  envieux  de  ses  exploits,  de 
sa  jeunesse  et  de  sa  nomination  au  grade  de  lieutenant  de 
vaisseau.  Il  fut  emprisonné  huit  mois  et  n'en  sort  que  pour 
tomber  assassiné,  un  soir,  sous  les  coups  d'un  inconnu. 

Avec  lui  se  termine  la  liste  des  guerriers  remarquables 
de  Dieppe.  Par  contre,  des  héros,  plus  modestes,  obscurs, 
mais  non  moins  admirables,  vont  prolonger  les  généreuses 
traditions  de  la  vieille  cité  normande. 

Après  un  bombardement  inutile  des  Anglais,  en  1803, 
Napoléon  1®'  fit  de  vastes  projets  sur  l'aménagement  du 
port  de  Dieppe,  qu'il  laissa  à  ses  successeurs  le  soin  de 
mettre  à  exécution,  pour  en  faire  du  moins  un  port  de 
commerce  confortable. 

La  pêche  dans  les  mers  polaires  et  sur  les  bancs  de 
Terre-Neuve,  à  laquelle  se  livrèrent  avec  ardeur  les  Diep 
pois,  donna  à  l'un  d'eux,  Noël  de  la  Morinière,  l'idée 
d'étudier  cette  industrie  qui  le  passionnait.  Il  fit  d'abord 
sur  les  côtes  de  France,  des  études  hydrographiques, 
écrivit  de  nombreux  livres  très  estimés  sur  les  pèches,  leur 
histoire,  leurs  procédés,  devint  membre  correspondant  de 
TAcadémie  des  Sciences,  inspecteur  général  des  poches 
maritimes.  Il  visita  les  côtes  du  Nord  de  l'Europe  pour 
86  renseigner  sur  les  lieux  mômes  et,  malgré  une  maladie 
aigud  voulut  s'embarquer  pour  la  Norvège«  Il  mourut  à 


AVENTURES   DES   MARINS   DIEPPOIS  325 

Drontheim  en  1822,  laissant  la  réputation  d'un  théoricien 
accompli  dans  son  genre  spécial  d'érudition. 

L'existence  si  pénible  et  si  précaire  de  ces  pécheurs  qui, 
montés  sur  de  frêles  esquifs,  s'en  vont  au  loin  braver  la 
tempête  pour  rapporter  une  cargaison  de  poissons  abon- 
dante, niais  peu  rémunératrice,  méritait  bien  d'intéresser 
de  nombreux  savants. 

Cette  vie  de  dangers  communs  éveille  dans  l'àme  un 
esprit  de  solidarité  et  d'abnégation  qui  se  dévoile  parfois 
par  des  dévouements  sublimes. 

C'est  ainsi  que  les  sauveteurs  de  Dieppe  ont  acquis  un 
renom  de  vaillance  justement  mérité. 

Au  début  du  XI x^'  siècle,  on  citait  avec  admiration  la 
famille  des  Bouzard,  gardiens  depuis  près  d'un  siècle,  de 
père  en  fils,  do  la  jetée  de  TOuest,  à  l'entrée  du  port.  L'un 
d'eux  avait  sauvé  la  vie  à  de  nombreux  pêcheurs  qui 
avaient  vu  leur  embarcation  se  briser  près  du  chenal. 
Louis  XVI  le  fit  venir  à  la  cour  pour  le  complimenter  et 
les  courtisans  l'avaient  surnommé  «  le  brave  homme  »  à 
cause  de  son  air  jovial  et  simple.  Il  re(,ul  une  récompense 
du  roi. 

Son  fils  fut  décoré  de  la  Légion  d'honneur  par  Napo- 
léon I®',  qui  lui  fît  construire,  à  l'entrée  du  port,  une  mai- 
son sur  laquelle  il  fit  inscrire  :  ((  Récompense  nationale  à 
J.-A.  Bouzard  pour  ses  services  maritimes.»  Il  avait  sauvé 
onze  personnes.  Son  fils  reçut  la  même  décoration  (1). 

Leurs  exploits  ont  cependant  été  de  beaucoup  dépassés 
par  leur  concitoyen,  David-Pierre  Lacroix. 

Lacroix  naquit  à  Dieppe  et  devint  bientôt  habile  à  manier 
les  plus  frêles  embarcations.  Dès  qu'un  orage  grondait  on 
le  voyait  accourir  sur  la  côte,  prêt  à  risquer  sa  vie  pour 
sauver  celle  des  naufragés. 


(DCf.VItet  et  Priwrd. 


326  AVENTUBE8   DES  MAHINS  DIEPPOÎB 

Le  Saint-Charles,  de  Calais,  avec  ses  six  hommes  d^équi- 
page,  Le  Saint-Jean,  de  Boulogne,  avec  ses  quinze,  La 
Catherine,  avec  ses  quatorze,  Le  Jean-Marie,  avec  ses 
vingt-cinq,  se  seraient  engloutis  si  Lacroix  ne  leur  avait 
porté,  à  travers  les  vagues  courroucées,  une  amarre  qui  les 
ramena  au  port. 

En  18il,  le  brick  anglais  Le  Ver,  est  entraîné  sur  les 
brisants  à  l'ouest  de  la  plage.  Lacroix  s'élance,  sauve  les 
huit  hommes  d'équipage,  et,  la  jambe  à  demi-brisée,  revient 
à  la  nage  chercher  le  capitaine.  Quelques  minutes  après  le 
bateau  était  mis  en  pièces. 

En  184i, toute  une  flottille  de  plus  de  quarante  bâtiments 
est  amarrée  dans  le  port,  prôto  à  partir  pour  les  pêcheries 
de  Terre-Neuve.  Tout  à  coup  le  feu  éclate  à  bord  de  Tun 
d'eux,  L'Active,  L'équipage  se  sauve  à  la  hâte.  Le  feu 
menjice  d'anéantir  toute  la  flottille.  Lacroix  arrive,  entre, 
par  un  sabord  où  son  corps  pouvait  à  peine  passer,  dans  le 
bateau  en  feu  et, à  travers  les  flammes  et  la  fumée,  travaille 
paisiblement  à  étouffer  l'incendie,  préservant  des  centaines 
de  personnes  de  la  plus  afTnuse  misère. 

(Déjà  en  1G49,  semblable  désastre  était  arrivé  et  un  vais- 
seau de  quatre  cents  passagers  avait  brûlé  entièrement 
dans  le  port,  causant  la  mort  do  plus  des  trois  quarts  de 
ceux  qui  le  montaient.) 

La  croix  de  la  Légion  d'honneur  qui  fut  remise  au  sau- 
veteur devant  les  troupes  en  armes,  donna  à  ses  conci- 
toyens l'occasion  de  témoigner  par  leurs  chaleureuses 
acclamations  leur  reconnaissance  à  cet  homme  de  cœur  (1;. 

Une  autre  cérémonie  restera  gravée  dans  les  traditions 
des  Dieppois:  c'est  l'inauguration  de  la  statue  de Duquesne, 
due  ô  Dantnn,  qui  fut  érigée  sur  une  place  de  l'héroïque 
cité  en  18ii(2.). 

O)  Cf.  Lectures  pour  tous.  ParU,  mai  lan  :  Im  Léjinn  dhonnevr. 
(2)  Cf.  Inauffuration  de  la  tiatw  de  Duqutmt.  Dieppe,  1844. 


AVENTURES   DES   MARINS    DIEPPOIS  327 

Enfin,  dernièrement,  en  1899,  le  naufrage  de  UAngers, 
vint  mettre  de  nouveau  à  Tépreuve  l'endurance  de  nos 
marins.  Ce  navire,  par  une  nuit  de  tempête,  vint  se  briser 
sur  le  musoir  ;  quatre  hommes  disparurent  soudain,  les 
treize  autres  se  hissèrent  sur  le  musoir  et  attendirent  du 
secours  ;  l'un  d'eux  mourut  de  froid  dans  la  nuit.  Au  lever 
du  jour  un  cèble,  jeté  de  la  côte,  atteignit  le  musoir  ;  ce  fut 
le  mousse  que  Ton  porta  d'abord  à  terre  ;  puis,  par  respect 
pour  le  mort,  le  cadavre  de  leur  camarade  fut  ensuite  passé. 
Après  une  heure  de  pénibles  eflorts,  tous  les  passagers 
étaient  recueilliset  le  capitaine  Fournier  put  quitter  l'étroite 
plate-forme  (1). 


#  * 


Les  chemins  de  fer  qui  unissent  la  ville  à  Paris,  dont  elle 
est  le  port  de  mer  le  plus  proche,  ont  ravivé  le  commerce 
local  :  c'est  Dieppe  qui  fournit  la  plus  grande  partie  de  la 
marée  à  la  capitale.  Son  parc  aux  huîtres  est  aussi  très 
estimé  (2). 

De  nombreux  baigneurs  s'y  rendent  en  été, et  remarquent 
avec  intérêt  le  grand  bassin  Duquesne,  les  six  phares,  le 
musée  de  peinture,  l'école  d'hydrographie, l'hôpital,  la  vieille 
église  Saint-Jacques  dans  laquelle  on  voit  encore  des  pein- 
tures et  des  sculptures  qui  rappcllertt  les  anciennes  relations 
avec  l'Amérique,  son  vieux  château  sur  une  falaise  domi- 
nant la  ville  à  rOuest. 

Actuellement  Dieppe,avec  sos  22.000  habitants,y  compris 
la  population  de  pêcheurs  du  PoUet,  a  un  commerce  annuel 

(l)  Cf.  L'UlttStraUon,  jauviir  1899. 
(9)  Beclofl  et  Joanne. 


328  AVENTURES  DES  MARINS   DIEPP0I9 

d'un  demi-million  de  tonnes.  Elle  peut  donc  être  placée  la 
neuvième,  c'est-à-dire  au  second  rang  d'importance  parmi 
les  ports  français,  au  niveau  de  Calais,  de  Boulogne,  de  la 
Rochelle  et  de  Bayonne.  Un  service  de  bateaux  Tunità 
Newhawen,  sur  la  côte  anglaise,  si  longtemps  ennemie, 
aujourd'hui  en  relations  continuelles  et  amicales  avec  elle. 

Si  nous  résumons  maintenant,  par  les  quelques  types 
que  nous  avons  pris  comme  exemples,  les  faits  dus  à  Tacti 
vite  dieppoise,nous  la  verrons  s'exercer  par  les  exploits  les 
plus  variés.  Aucun  port  français  ne  peut  se  vanter  d'avoir 
surpassé  Dieppe  pour  les  entreprises  collectives  exigeant 
de  sa  population  entière  un  tempérament  d'initiative  et  de 
persévérance. Les  Vénitiens  et  les  Génois  eux-mêmes,  plus 
puissants  militairement,  n'ont  pas  joué  un  rôle  si  original 
et  si  varié  dans  l'histoire  de  la  marine 

Rappelons  d'abord  les  explorateurs  :  les  uns  fondant 
les  premières  colonies  européennes  en  Afrique,  d'autres 
découvrant  très  probablement  l'Amérique,  Béthencourt 
et  Aubert  marchant  sur  leurs  traces, Parmentier, Le  Tel liei\ 
Ricanet,  Amar  de  Chastre,  La  Morinière,  etc. 

Parmi  les  exploits  militaires  rappelons-nous  les  sacs  de 
Southampton  et  de  Plymouth,  la  délivrance  de  la  Rochelle, 
la  bataille  de  l'Ecluse,  le  blocus  de  Lisbonne,  la  victoire 
de  Calais,  les  expéditions  d'Ernambuc,  les  prouesses  des 
premiers  flibustiers,  les  victoires  éclatantes  de  Duquesne, 
l'hén/ïsme  du  corsaire  Vauquelain. 

Les  malheurs  de  cette  cité,  les  sièges,  les  famines,  les  épi- 
démies, les  incendies,  les  bombardements  qu'elle  eut  à 
supporter,  les  infortunes  des  compagnons  de  Ribauld,  les 
travaux  pénibles  des  pêcheurs  de  Terre  Neuve,  la  male- 
cha  nce  des  naufragés  que  le  courage  des  sauveteurs  comme 
Bouzard  ou  Lacroix  ne  suffit  pas  toujours  è  tirer  de  la 
misère  ou  de  la  mort,  peuvent  attirer  sur  cette  population 
laborieuse  la  sympathie  de  tous  les  Français 


AVENTURES   DES   MARINS    DIEPPOIS  329 

Ions  que  les  Dieppois  futurs  s'inspirent  de  ces 
,  et  les  continuent  par  des  exploits  maritinnesdu 
ïre  ou  d'un  genre  nouveau,  que  les  circonstances 
très  feront  naître  plus  tard. 

rs  liardis  pécheurs,  toujours  excellents  marins, 
ous  encore  leur  nom  surgir  dans  une  entreprise 
•ie  et  imprévue?  Ils  ont  de  qui  tenir,  et  l'avenir 


Alfred  Moulin 


Un  Voyage  au  Congo  Français 

{Suite  etjin) 


(1. 


La  montagne  est  beaucoup  plus  intéressante  que  il 
plaine.  Quelquefois,  on  peut  aussi  photographier  un  pei 
ruisseau, une  rivière  qui  saute  d'un  rocher  en  gerbes  bouil- 
lonnantes et  qui  va  former  un  grand  lleuve,  comme  celuiol 
tout  à  rheure  je  vous  promenais.  C'est  dans  la  nionlagm 
qu'on  trouve  la  panthère  d'Afrique  qui  est  impropremrf 
appelée  tigre.  La  panthère  a  des  habitudes  dangereaseï 
pour  nous.  La  position  qu'elle  affectionne  surtout  esld'»^ 
sur  un  arbre, penché  au-dessus  d'une  rivière  ;  elle  s'y  glis* 
facilement, se  tapit  sur  une  branche  etattond  qu'une  fin^ 
passe,  portant  des  hommes  sans  défiance.  Rapidenieoli 
elle  allonge  sa  patte,  cueille  un  individu  et  s'en  va,  saiU 
qu'on  ait  eu  le  temps  de  tirer  un  coup  de  fusil.  L'animal' 
un  goût  prononcé  pour  la  chair  humaine.  Dans  la  dernièn 
Mission  que  j'ai  fondée,  il  y  avait  ainsi  une  panthère q* 
ravageait  absolument  le  village.  Deux  ou  trois  fois  ptf 
semaine,  quand  elle  avait  faim, elle  venait  s'y  promener.!/» 
indigènes  en  avaient  très  peur,  n'ayant  que  leurs  fusils* 
pierre,  et  ils  fermaient  leurs  cases  ;  mais  la  panthère  sao-j 
tait  sur  le  toit  fait  de  feuilles,  le  toit  s'effondraît,elleenlevailj 
une  femme,  puis  se  sauvait.  Quand  je  suis  arrivé,  odib*| 
supplié  de  me  mettre  à  l'atTilt.  J'ai  eu  la  chance  de  la  lutf* 
On  acompte  qu'elle  avait  mangé  trente-sopt  personnes datf 

(1;  Voir  le  Bulletin  du  2  trimestre  1007. 


UN  VOYAGE  AU  CONGO  FRANÇAIS  331 

le  village.  Après  cela,  je  pouvais  être  populaire,  comme 
vous  le  voyez  I 

Il  y  a  une  trentaine  d'années,  on  avait  signalé  l'existence 
d'un  gorille  dans  cette  région,  mais  on  n'y  croyait  pas  mal- 
heureusement,maintenant  on  est  bien  obligé  de  l'admettre. 
Ce  cliché,  qui  est  très  mal  fait,  vous  montre  un  des  rares 
gorilles  que  j'aie  rencontrés.  C'était  une  belle  béte.  J'étais 
allé  à  la  chasse  avec  un  nos  enfants  et  quand  le  gorille  est 
apparu,  j'ai  pu  le  tuer  d'un  seul  coup  au  cœur.  Voyez  la 
tête,  on  peut  faire  la  comparaison  avec  la  taille  de  l'enfant; 
il  avait  2m. 10  de  haut.  C'est  un  des  animaux  qui  de  tous 
temps  ont  été  et  sont  le  plus  redoutés  des  noirs,  parce  qu'ils 
se  promènent  sans  faire  grand  bruit  et  en  plein  jour  dans 
les  sentiers  très  fréquentés.  Quand  ils  rencontrent  une 
femme,  ils  la  prennent  et  ils  l'emportent.  Quand  ils  ont 
un  bâton  à  la  main  et  qu'ils  rencontrent  une  bande  d'indi- 
gènes, ils  sautent  dessus  et  assomment  le  plus  de  monde 
qu'ils  peuvent.  Ce  sont  des  animaux  excessivement  forts. 
Avec  leurs  deux  pattes  ou  leurs  deux  mains,  comme  vous 
voudrez, ils  tordent  facilement  le  canon  d'un  fusil.On  attri- 
bue au  gorille  des  pouvoirs  surnaturels, les  indigènes  croient 
que  ce  sont  les  mânes  des  ancêtres  qui  habitent  dans  leur 
corps,  et  qu'il  est  sacrilège  de  les  tuer.  On  rencontre  éga- 
lement dans  la  forêt  une  tribu  qu'on  a  déjà  signalée  :  les 
Pygmées  autochtones  d'Afrique.  Leur  hutte  dans  la  forêt 
est  excessivement  simple.  Dans  plusieurs  de  mes  voyages, 
j'ai  eu  le  plaisir  de  circuler  parmi  ces  pygmées  avec  un 
chef. Je  suis  allé  dans  son  village  pour  apprendre  la  langue, 
j'ai  pu  pénétrer  dans  les  habitations  ;  c'est  assez  intéressant. 
La  case  du  pygmée  est  excessivement  simple.  Il  ne  se  préoc- 
cupe pas  de  construire,  c'est  l'homme  de  la  forêt. 

Lorsqu'il  veut  se  loger,  il  coupe  quelques  branchages  et 
les  entremêle. Il  ne  se  livre  à  aucune  culture,il  vit  des  fruits 
de  la  forêt,  d'un  peu  de  chasse,  de  rapines,  de  vols,  c*est 


332  UN  VOYAGE  AU  CONGO  FRANÇAIS 

toui.  11  n'a  aucune  croyance,  rien  ne  rembarrasse,  pas  plus 
son  vêtement  que  le  reste.  Les  objets  qui  lui  servent  sont 
peu  nombreux. Lorsque  nous  avons  voulu  faire  une  collec- 
tion, nous  avons  pu,  avec  le  lit,  les  ustensiles,  les  armes, les 
choses  de  toilette,  réunir  cinquante-sept  objets,  tout  com- 
pris.C'est  avec  cela  qu'il  vit, heureux, content  et  fier. Il  diffère 
complètement  du  noir, c'est  un  type  tout  particulier  ;  l'angle 
facial  n'est  pas  du  tout  le  même  que  chez  le  nègre.  Ce  qui 
frappe  au  premier  abord,  ce  sont  les  bras  qui  sont  démesu- 
rément longs  et  l'exiguïté  de  la  taille  qui  dépasse  rarement 
1  m.  20,  quelquefois  1  m.  30.  La  couleur  des  pygmées  n'est 
pas  noire,  quand  ils  sont  bien  débarbouillés,  ils  sont  plutôt 
rouges,  et  leurs  cheveux  ne  sont  pas  du  tout  plantés  comme 
ceux  des  noirs.  Quand  on  vit  avec  eux  dans  leurs  villages 
on  assiste  à  des  spectacles  très  curieux  ;  ils  vivent  d'une 
façon  absolument  simple. 

Au  bout  d'un  certain  temps,  quand  ils  sont  las  d'habiter 
dans  un  endroit,  ils  laissent  leurs  cases  qui  ne  leur  ont  pas 
coûté  bien  cher  et  vont  ailleurs  pour  chasser  de  nouveau 
ou  pêcher  à  leur  guise.  Ils  sont  chasseurs  et  pécheurs 
remarquables. 

Ils  se  servent  de  leurs  armes  avec  une  habileté  extraor- 
dinaire. Il  m'est  arrivé  plusieurs  fois, lorsque  je  voulais  les 
mettre  è  l'épreuve,  d»*  leur  monlrer,à  50  mètres  de  l'endroit 
où  nous  étions,  un  poteau  qui  soutenait  une  case.  Ils  lan- 
çaient leur  grande  lance, presijue  sans  avoir  l'air  d'y  toucher 
et  elle  s'enfonçait  dans  le  poteau.  Dans  leurs  chasses  aux 
animaux,  ils  sont.incroyal>ies.  Je  leur  demandais  comment 
ils  s'y  prenaient  pour  attraper  si  souvent  des  antilopes  : 
«  Quand  l'animal  est  occupé  à  brouter,  il  n'y  a  qu'à  se  glis 
ser  sous  son  ventre  et  à  le  tuer  »,  me  répondaient-ils.  La 
question  ne  me  paraissait  pas  si  simple  pour  ma  part,  car 
les  antilopes  ne  se  laissent  guère  approcher.  Cependant  il 
est  certain  que  ces  pygmées  en  rapportaient.  «  Tu  n'es  pas 


UN  VOYAGE  AU  CONGO  FRANÇAIS  333 

3issez  habile  »,  nio  disaient-ils,  et  l'un  d'eux  me  proposa 
l'expérience  suivante.  J'avais  un  couteau  de  fabrication 
anglaise  qui  coupait  les  lianes  d'une  façon  admirable  et 
(ju'il  désirait  beaucoup.  De  mon  côté,  j'avais  envied'une  de 
ses  lances  que  j'ai  rapportée  «  Si  tu  veux, nous  allons  faire 
Texpérience  suivante  :  Tu' crois,  lorsque  je  dis  que  pour 
attraper  une  antilope  je  me  glisse  sous  le  ventre,  que  c'est 
pour  me  vanter. Eh  bien  !  faisons  un  pari. Tu  vas  te  mettre 
au  milieu  d'une  clairière  — elle  pouvait  avoir  tout  au  plus 
un  rayon  de  25  mètres  autour  de  moi  —  je  viendrai  et  j'es- 
saierai de  te  surprendre  comme  si  tu  étais  une  antilope.  »— 
«  Oui, mais  tu  ne  me  donneras  pas  un  coup  de  couteau  »  .  — 
«  Je  ne  te  donnerai  pas  un  coup  de  couteau,  je  te  poserai 
simplement  la  main  sur  l'épaule.  » —  Nous  allons  voir, mais 
combien  le  feras-tu  de  fois  ?»  —  «  Si  tu  veux,  je  le  ferai 
trois  fois  sans  que  tu  aies  pu  me  voir.»— aSije  te  vois  tu  me 
donneras  ta  lance.»  Il  acquiesça  de  bon  coeur. —  ((  Oui, mais 
si  je  gagne  tu  me  donneras  ton  couteau.»  — Immédiatement 
chacun  se  disposa  Je  me  mis  dans  la  clairière, le  pygmée  de 
son  côté  disparut  dans  la  foret. Je  n'entendis  plus  de  bruit. 
A  a  bout  d'une  demi-heure, comme  je  me  tournais, regardant 
è  droite  et  à  gauche,  il  me  posa  la  main  sur  l'épaule  en  me 
disant  :  «  Cela  fait  bien  une  fois.  »  —  Quand  on  est  pris  de 
cette  façon, on  se  demande  comment  cela  a  pu  se  faire.Je  me 
mis  à  regarder  et  cette  fois,du  mieux  que  je  pus. Au  bout  de 
sept  ou  huit  minutes, il  me  posa  les  mains  sur  les  épaules. Je 
sentais  mon  prestige  d'homme  blanc  qui  s'en  allait,  c*était 
ennuyeux. Je  regardai  mieux  encore  que  leâ  deux  premières 
fois, mais  malgré  tout  je  fus  e«core  âurpris. 

Continuons  notre  promenade. 

Les  indigènes  sont  des  chasseurs  trèâ  habîleâ*  Avec  Une 
simple  feuille,  en  ne  pinçant  le  nez,  il.'*  iaiitent  le  cri  des 
antilopes  qui  viennent  près  d'eux  et  alors  il  leur  est  facile 
de  les  tuer» 


33i  UN  VOYAGE  AL  CONGO  FRANÇAIS 

C'est  dans  la  forôt  que  nous  avons  rencontré  l'okapi  q« 
nous  avons  tué, sans  nous  douter  du  renom  qu'il  allailaw 
C'est,  dit-on  l'ancêtre  du  cheval  ou  de  l'àne. 

Quelquefois,  au  lieu  d'avoir  une  antilope  à  manger  on  i 
recours  à  des  dîners  plus  modestes.  Quand  j'ai  pris  ces  cli- 
chés, nous  marchions  depuis  troiis  jours.  Les  noirs  qui  nous 
conduisaient, nous  avaient  dit  qu'il  fallait  seulement  un  jour 
de  marche, on  n'avait  donc  emporté  des  vivres  que  pour  on 
jour.  Le  premier  jour  on  avait  tout  mangé,  le  second  jour, 
jusqu'au  soir,  on  a  serré  un  ou  deux  crans  de  sa  ceinture 
C'est  une  façon  économique  de  dîner,  mais  qui  a  bien  des 
désavantages.  Enfin,  on  est  arrivé  sur  un  vol  de  sauterelles 
et  on  en  a  pris  une  certaine  quantité  ;  les  noirs  disaienlque 
c'était  très  bon  à  manger,  mais  pour  moi  ce  mets  ne  vaul 
pas  cher. 

Nous  arrivons  maintenant  à  l'entrée  d'un  village.  11  y» 
assez  longtemps  que  je  vous  promène  au  milieu  des  bêles, 
voyons  un  peu  les  gens. 

Quand  on  arrive  près  des  grands  villages  de  l'intérieur, 
la  première  chose  à  faire,  c'est  d'arrêter  sa  caravane  d« 
façon  à  pouvoir  causer  avec  les  gens  du  village  et  à  neptf 
s'avancer  à  l'improviste.  Avec  deux  de  mes  hommes  i« 
m'avançais  afin  de  parler  avec  les  habitants  du  village.  U 
plupart  des  villages  sont  en  guerre.  La  sentinelle  est  eu 
avant,  elle  se  tient  à  l'entrée  du  chemin  derrière  sod  boa- 
cher,  toute  prête  à  vous  lancer  ses  flèches  ou  sa  sagaie  qû 
sont  toujours  empoisonnées  à  la  strychnine.  Derrière,  trois 
ou  quatre  hommes  sont  prêts  à  s'élancer  en  cas  d*attaqu6. 

Pendant  ce  temps,  les  femmes,  les  enfants  et  les  impéit- 
menta  quelconques  se  sont  retirés  un  peu  en  arrière,  <i6 
façon  à  pouvoir  se  sauver  en  emportant  tout  ce  qu'ils  peU' 
vent  8*il  arrive  la  moindre  chose.  Les  chefs  de  guerre  sont 
en  avant  pour  voir  qui  vient.  Tous  ces  préparatifs  durent 
Un  temps  assez  long.  Les  chefs  prennent  toujours  dans  cai 


UN  VOYAGE  AU  CONGO  FRANÇAIS  335 

circonstances  le  grand  bariolage, la  grande  tenue  de  guerre. 
On  n*est  plus  sur  le  sentier  de  paix  comme  dit  Fenimore 
Cooper.  Le  village  est  absolument  désert.  Il  est  environné 
de  piquets  formant  une  palissade  et  qui  sont  fortement  reliés 
les  uns  aux  autres  pour  que  nul  ne  puisse  pénétrer.  A  cer- 
tains endroits  se  trouve  une  porte  par  laquelle  on  pénètre 
dans  rintérieur  du  village. La  porte  est  assez  étroite  et  il  na 
faut  pas  avoir  les  épaules  trop  larges  pour  passer.  Elle  est 
munie  de  gros  battants  qui  sont  relevés  pendant  la  nuit  de 
façon  à  ce  que  celui  qui  se  risquerait  à  entrer  sans  montrer 
patte  blanche  reçoive  50  ou  100  kilos  sur  la  tête.  C'est  une 
surprise  désagréable. 

Dans  l'intérieur  du  village,les  chefs  sont  là  qui  reçoivent 
les  étrangers  qui  en  valent  la  peine,  alors  on  commence  à 
s'expliquer  et  on  est  amis.  Cela  ne  se  passe  pas  ainsi  pour 
le  premier  venu . 

Près  des  cases  des  chefs,  il  y  a  trois  ou  quatre  rangées 
d'arbres  tout  particuliers. Lorsque  les  villages  de  l'intérieur 
se  font  la  guerre,le  résultat  est  toujours  à  peu  près  le  môme, 
il  y  a  des  vaincfueurs  et  des  vaincus.  Les  vaincus, hommes i 
femmes  et  enfants  sont  partagés.  Les  enfants  entrent  dans 
une  famille,  chacune  prend  trois  ou  quatre  enfants  ;  les 
femmes  sont  également  partagées,  elles  rencontrent  tout  de 
suite  un  nouveau  foyer,  un  nouveau  mari,  c'est  la  chose  la 
plus  simple  du  monde.  En  ce  qui  concerne  les  hommes,  ce 
n'est  pas  tout  à  fait  la  môme  chose.  On  les  accroche  à  une 
belle  perche  qui  est  là,  on  fait  du  feu  dessous,  et  on  les 
mange,cuits,  rôtis,tout  comme  ceux  dont  vous  avez  appris 
la  mort  ce  matin  par  les  journaux. Lorsque  les  crânes  sont 
bien  arrangés,  bien  blanchis,  le  chef  les  pend  à  Tarbre  le 
plus  rapproché  de  sa  case  ;  quand  c'est  un  chef  un  peu  puis- 
8ant,on  peut  voir  parfois  deux  cents  crônes  suspendus  à  ses 
arbres* 

Ces  bomioM  si  fèrocestquatid  oo  a  fait  C0Q&aiisanc9  avM 


H3(j  rx  VOYAGE  AU  CONGO  FRANÇAIS 

oux  deviennent  vos  amis.  Lliabitutle  de  manger  la  chwtj 
humaine  ne  provient  pas  du  manque  de  viande,  cesl 
presque  toujours  un  phénomène  de  guerre  ou  un  faitrilori, 
quelquefois  un  sacrifice  religieux,  bien  souvent  aussiw 
acte  de  vengeance. 

Lorsqu'on  a  pénétré  dans  la  première  enceinte,  on  passe 
devant  le  chef,  il  vous  fait  une  réception  solennelle.  Si  Ion 
veut  conquérir  son  amitié,  on  lui  offre  même  de  petits 
cadeaux  suivant  l'usage,  puis  on  passe  par  une  cérémonie 
d'initiation,  une  sorte  d'interrogatoire.  Un  fétiche  partica- 
lier,  un  couteau  est  pendu  au-dessus  de  vous,  vous  passez 
dessous  et  un  sorcier  vous  pose  certaines  questions.il  vow 
demande  ce  que  vous  venez  faire. Le  couteau  qui  est  là  joM 
un  grand  rôle.  Si  vous  n'êtes  pas  considéré,  il  peut  armer 
qu'il  tombe,  et  dans  ce  cas,  c'est  très  dangereux,  car  la  iWe 
tombe  aussi. Lorsqu'on  veut  faire  partie  de  la  tribu, une  des 
conditions  essentielles,  c'est  de  passer  par  la  cérémonie  qui 
vous  fait  frère  de  sang.  Le  dernier  acte  seul  de  cette  céré- 
monie est  intéressant  pour  vous. Lorsqu'on  a  su  ce  que  vobs 
vouliez,  on  vous  met  face  à  face  avec  le  chef.  L'un  prend 
une  poule  par  les  pattes,  l'autre  par  les  ailes  et  on  tire.Plw 
on  tire,  plus  la  bote  crie  et  à  un  certain  moment,  les  pattes 
viennent  d'un  côté  et  les  ailes  de  l'autre  ;  on  dépose  alors 
le  tout  dans  une  feuille  de  bananier  puis  le  chef  vous  fait 
une  légère  incision  au  bras  gauche.  On  prend  alors  un 
morceau  de  la  poule,on  le  frotte  dans  son  sang  et  on  le  pré- 
sente à  l'autre  en  disant  ces  belles  paroles  :  a  Prends,m8nge 
et  bois,  car  à  partir  de  ce  moment  tu  es  mon  frère  »  .  Lô 
chef  fait  de  même  et  dit  :  «  Tu  es  mon  frère  car  tu  as  bu 
mon  sang,à  partir  de  ce  moment  tu  es  le  frère  d'un  puissant 
chef».  Ce  qui  donne  toutes  sortes  de  prérogatives. 

J'ai  voulu  vous  promener  au  milieu  du  pays,  vous  mon- 
trer un  peu  quelles  sont  les  difflcuUés  de  pénétration  au 
milieu  du  Congo,  Ce  n'est  pas  toujours  très  facilet  comin^ 


TN  VOYAGE  AU  CONGO  FRANÇAIS  ^^37 

VOUS  ayez  pu  ie  voir,  de  s'avancer  dans  l'intérieur.  On  vous 
a  dit  BU  commencement  (jue  nous  faisions  ipuvre  de  pion- 
niers et  de  civilisateurs  c'est  un  peu  vrai, et  s'il  m'est  donné 
un  peu  plus  tard,  comme  je  l'espère,  de  revenir  parmi 
vous,  nous  pénétrerons  dans  la  vie  du  peuple  surtout.  Je 
vous  montrerai  comment,  en  nous  enfonçant  au  milieu  de 
ces  gens,  nous  avons  toujours  cherché  à  conquérir  notre 
place  au  soleil,  c'est  dans  notre  rôle. Nous  avons  cherché  à 
faire  de  ces  gens  des  chrétiens  ;  mais  nous  ne  nous  atta- 
chons pas  seulement  à  une  question  de  doctrine, nous  cher- 
chons à  les  relever  par  l'enseignement  et  par  le  travail. C'est 
ainsi  qu'en  attirant  beaucoup  de  monde  dans  nos  écoles, 
nous  essayons  dans  toute  la  mesure  de  notre  possible,  et 
nous  y  réussissons  un  peu,  nous  essayons,  dis-je,  de  faire 
la  France  de  l'avenir.  Avec  vous,  je  n'ai  voulu  faire  aucune 
éloquence,  j*ai  voulu  simplement  vous  montrer  que  tous, 
tant  que  nous  sommes:  missionnaires  de  toutes  sortes, 
pionniers,  négociants,  colonisateurs  ou  fonctionnaires,  ce 
que  nous  voyons  avant  tout  et  au-dessus  de  tout,  au  milieu 
de  ces  peuples  dont  je  vous  ai  entretenu  ce  soir,  dans  ce 
magnifique  Congo  oii  nous  avons  planté  notre  drapeau, 
c'est  la  France  de  Tavenir  I 

Henri  Trilles 


ha  l^ace  |^éo-Iiatîne 


et 


r  Algérie  en  1907  '' 

(Suite  et  fin) 


Nous  avons  eu  aussi,  par  suite  de  circonstances  excep- 
tionnelles, une  émigration  française  en  Algérie  :  c'est l'énii- 
gration  alsacienne  lorraine  qui  a  suivi  la  guerre  tle  ISO. 
On  ne  peut  pas  con)pter  non  plus  sur  cette  émigration.non 
pas  que  les  résultats  n'aient  pas  été  bons,  mais  elle  n*a  été 
que  temporaire  et  une  émigration  n'est  valable  qu autant 
qu'elle  provoque  un  courant  continu.  Les  Alsaciens-Lo^ 
rains  qui  ont  été  en  Algérie  ont  en  général  réussi  là-bas 
parce  que  c'étaient  des  agriculteurs.  Us  y  ont  transporté 
leurs  habitudes  de  travail,  leur  science  des  travaux  agri- 
coles, et  jusqu'aux  noms  des  villes  perdues.  J'ai  retrouvé 
en  Algérie,  en  Kabylie,  les  noms  de  Golmar,  Strasbourg, 
Mulhouse,  qui  rappelaient  à  ces  braves  gens  le  pays  que 
nous  n'avons  pas  su  leur  garder.  Mais  la  quantité  fait 
défaut  à  cette  émigration  si  la  qualité  en  est  merveilleuse. 
Aujourd'hui  elle  a  cessé,  et  s'il  y  a  encore  quelques  Alsa* 
ciens-Lorrains  qui  restent  en  Algérie,  ils  proviennent  ex- 
clusivement de  libérés  de  la  Légion  étrangère  qui  ont  Uni 
leur  service  et  qui  considèrent  désormais  l'Algérie  comfflfl 
leur  unique  patrie  car, vous  savez  qu'à  la  Légion  étrangère 
il  y  a  un  tiers  de  petits  bonshommes  aux  yeux  bleus  etaui 
cheveux  blonds  qui  déclarent  qu'ils  ont  dix-huit  ans  lors- 

U)  Voir  If  BuUetin  du  2*  trimeitre  1907. 


L,\  RACE  NKO  LATINE  ET  i/aLGÉRIE  EN  lî)07  33J) 

^**  ils  passent  la  frontière  allemandj,  mais  (pii,  en  réalité, 
^  en  ont  que  quinze  ou  seize  et  que  nous  prenons  tout  de 
''^ôme,  parce  que  nous  savons  que,  cachant  leur  état-civil, 
^©  qu'ils  viennent  chercher  chez  nous,  c'est  la  patrie  qu'ils 
*^*ont  plus  ailleurs. 

Quand  ils  ont  passé  cinq,  dix  ou  (|uin/e  ans,  (c'est  un 
régiment  où  l'on  rengage  beaucoup)  ù  la  Légion  étrangère, 
*l  se  trouve  qu'au  moment  de  leur  libération  ils  n'ont  plus 
^n  réalité  d'autre  patrie  ipie  celle  où  ils  ont  fait  leur  temps 
deservice,  et  ils  restent  en  Algérie.  Il  est  assez  curieux  de 
"^Oirau  fond  des  villages  de  l'Oranie,  au  milieu  de  ces  po- 
pulations à  sang  très  chaud,  à  lèvres  très  rouges,  à  che- 
veux noirs  comme  les  corbeaux,  les  cheveux  blonds  et  les 
yeux  bleus  des  Alsaciens-Lorrains  ;  mais,  je  le  rappelle,  si 
*Cà  qualité  est  merveilleuse,  la  quantité  est  inlinie,  et,  tout 
en  réservant  cette  (jualité,  nous  devons  faire  appela  d'au- 
tres sources  d'émigration  pour  créer  la  population  algé- 
'■îenne. 

Cette  population  viendra  donc  d'un  courant  d'émigration 
Rue  je  vous  ai  indi^pié  tout-à-l'heure,  des  nations  euro- 
péennes autres  que  la  France.  Quelles  seront  ces  autres 
Valions  ?  Un  courant  d'émigration  ne  se  crée  pas  comme 
^n  courant  d'induction  électrique,  il  y  a  des  sources  et  il 
fcutles  endiguer  et  les  utiliser  ;  maison  ne  les  crée  pas  de 
V)ules  pièces,  pas  plus  qu'on  ne  supprime  de  toutes  pièces 
encourant  d'émigration. 

Des  individus  émigrent  mais  un  peuple  n'émigre  pas  ; 
^n  peuple  est  nomade  mais  n'émigre  pas.  Les  individus 
émigrent  fatalement  et  forcément  vers  une  unité  qui  leur 
pessemble.Quand  jadis  les  Français  émigraient,  où  allaient- 
ils  ?  Ils  allaient  dans  l'Amérique  du  Sud  ;  et  actuellement, 
les  Allemands,  où  vont-ils  ?  Les  Allemands  vont  aux  Etats- 
Unis.  Ne  pouvant  pas  avoir  de  colonies,  ils  s'en  vont  dans 
l69  colonies  anglo-saxonnes.  Il  ne  leur  viendra  jamais  à 


3i0  I.A  HACE  NKO-LATINE  KT  l'aLGKKIE  EN  1907 

l'iU'o  d'uIUîr  dans  l(»s  colonies  latines;  ou   djns  lesoloniw 
li\>|»icale.s,el  jo  dis  ceci  avoo  intention.  Je  n'ai  i»:»s  leJroit^ 
fair<;  dt?  ijojitique  ici  et  je  n'en  fais  pas,   cependant,  ilmesl 
l)ien   permis  de  tircn*  une  conclusion  polititjue  de  co  prin- 
cipe elhnoi^raphique  ;  les  individus  «jui  sonl  du  Nc»rd, qai 
appartiennent  à  une  race  du  Nord,  qu'ils  soient  Slaves  on 
Cierniains,  n"iri)nt  jamais  dans  les  colonies  tropicales,  da 
les  coloni(.*s  d'essence  latine  ou  africaine,  et  par  conscqueul 
il  ne  faut  i).»s  craindre  que  par  un  subterfuge  hislorique.oa 
par  la  volonté  temporaire  d'un   seui  homme,  les  paysqai 
dépendent    d  une   inlluence    latine  ou    française   toinbenl 
jamais  ethn()graplii(|uement  cl, par  conséquent,  au  point  de 
vue  domination,  pas  davantage,  sous  rinfluence  d'une db- 
tion  qui  ne  serait  ni  française  ni  latine. 

Je  n'insiste  pas  davantage, je  pense  que  vous  avez  touslrès 
bien  compris. Xous  ne  nous  adresserons  donc  pas  (mêraesi 
nous  nous  y  adressions  nous  n'y  réussirions  pas.)  pour  peu- 
pler l'Algérie, ni  h  nos  amis  les  Anglais, ni  aux  Allemands.ni 
aux   Hus.ses,    ni  aux  Slaves  ;  nous    nous  adresserons  aux 
gens  (]ui  peuvent  retrouver  sur  le  sol  algérien  un  peu  des 
hérédités  ethniques  et  sociales,  à  nos  frères  consanguins 
de   rivspngne  et   de  l'Italie.  Kt,  en  vérité,  avant  que  nous 
nous  adressions  a  (mix, avant  que  nous  songionsqu'on  pour- 
rait un  jour  s'adresser  à  eux,  cette  émigration,  par  la  force 
des  clioses,  avait  commencé.  Vous  vous  rappelez  qu'autre- 
fois,  quand  on  t<'nait  d'excellents  raisonnements,  des  rai- 
sonnements parfaits,  quand  on  se  partageait  les  continents, 
l'Amérique  devait  devenir  espagnole,  l'Algérie  devait  deve- 
nir française, la  Tunisie  devait  devenir  italienne. Sur  quelles 
raisons,    sur   (jucls  sentiments  l'idée   populaire  avait-elle 
établi   cette  concordance?  Uniquement  sur    cel  instinct 
ethnique  qui  fait  que  les  peuples  vontoù  ils  sont  allirés.rar 
le  fait  de  son  manque  d'élasticité,  l'Espagne  n'a  pas  eu  les 
Aniériqucs  ;  par  lefait  de  certaines  circonstances,  pari« 


LA  RACE  NÉO-LATINE  ET  l'aLGÉRIP:  EN  1907  îitl 

'ait  d'un  rêve  ôthiopien  qui  s'rst  terminé  en  cauchemar, 
iMlelio  n'a  pas  cîu  la  Tunisie,  il  y  a  des  chances  rju'elle 
retrouve  le  rèv(»  perdu  du  côU'i  tri[»«.»lilain.  11  sr»  trouve  que 
'û  France  est  la  seule  nation  latine  qui  ail  i>u  recueillir l'hé- 
rilagedu  sani;  latin,  je  ne  dirai  |)as  du  san^  gaulois.  (^»!a 
n'a  pas  oni[)êché  les  peuples  hitins  qui  ne?  sont  pas  frdr.;;\is 
de  prendre  part  ethnogr:q)hi(iuenienl  à  l;i  con«piête  fran- 
çaise. 

L'Kspa/Lçnol  qui  est  (on  peut  le  tlire  sans  hh.'sser  personne) 
an  butte  dans  son  pays  à  uneadministratic.ni  trop  routinière, 
^rès  tracassièie. émigré  ilans  rOr.mie  (jui  ust  en  face  de  lui. 
L'Italien,  surtout  celui  du  sud,  h^  Sicilien,  cpii  est  h  l'étroit 
chez  lui  et  ^  tpii  l'on  dfMuande  une  somme  d'impôts  au-des- 
sus de  ses  forces  mais  (jui  est  néc^ssMire  h  son  i)ays,  émi- 
Kre  en  Tunisie.  Xchjs  v«dlà  donc  en  face  de  deux  éléments: 
l'Kspapnol  d'un  cûté,  l'Italien  d«*  l'autre,  (^est  avec  ces 
éléments  (pie  se  consliliiera,  mèim*  si  nous  ne  le  vouh.>ns 
Pas,  la  race  qui  constituera  l'Afrlipiedu  \«>rd.  Il  y  a  d(\s 
^ens  «lui  émettent  des  craintes  à  c«î  sujet,  qui  ont  dit.  et  je 
*  iii  entendu,  (|ue  si  on  laisse  I  émi>:rarhjn  envahir  comme 
Cela  r.Algérie.rt  )riinie  deviendra  une  proviiKM'  espai^niole,et 
*f^  Tunisie  une  ])rovince  italienne,  (l'est  inc.:»ntf»slab!e.  Mais 
**î  nous,  l*Yan«;ais,  sommes  incnpMMes  d'tmvoyer  dans  nos 
provinces  algériennes,  tunisiennes, et  ï)1us  tard  marocaines, 
l'élément  français  d'origine  en  (piantité  sullisante,  et  si, 
d'autre  part,  nous  nous  0]q)t>S')ns  adminislrativement  à 
l'endosmose  inévitable  espagnoii»  el  itidii-nne.  culte  end» «s- 
niose  se  fera  malgré  nous,  elle  se  constiluerji  contre  nuus. 
et  c'est  ce  qu'il  ne  faut  [^■ts.  N(»us  avons  sous  la  main  ces 
éléments  en  question.  ri'!s[icignol  d'um^  part,  l'ilalien  de 
l'autre.  (Jue  font-ils?  Ah  !  s'ils  fjn'saieni  comme  fout  he.'iu- 
coup  de  Kranrais,  s'ils  vi'iiMicMil  en  AlgiM'ii;  et  en  'J'unisie 
en  disant  :  chez  n()Us  n«.'i:s  n'avons  [«ms  I<.'  sou  et  n«.)us  mou- 
rons   do   faim,   et   en    fac,   chez,   la    bonn»,»  sceur  latine,  il 


342  LA  RACE  NÉO-LATINE  ET  L  ALGÉRIE  EN   1907 

y  a  de  quoi  manger,  il  y  a  de  quoi  économiser,  allons! 
quand  nous  aurons  rempli  nos  poches,  nous  rentrerons» 
Espagne  ou  en  Italie,  Ce  raisonnement  est  celui  que» 
fait  l'émigrant  franrais,  c'est  celui  (pie  se  fait  le  ChiDO» 
qui  émigré  en  Indo-Chine.  Je  ne  suis  pas  partisan  du  tort 
de  ces  émigrations  là.  Ce  ne  sont  pas  des  colons  ces  geos- 
là,  ce  sont  des  ventouses. 

Mais  ]*Ivspagnol,mais  le  Si<-.ilien  qui  émigré  ne  se  faitf* 
du  tout  ce  raisonnement. Non  seulement, il  ne  se  lefai 
mais  il  n^  pourrait  passe  le  faire,  parce  que  l'Algérie etli 
Tunisie  nourrissent  leur  homme  mais  ne  renri<:hissenl|«s 
on  ne  thesauri.se  pas  iMn-ore  en  Algérie  et  en  TunisielE*" 
pagnol  en  ()r;»nie,  le  Sicilien  en  Tunisie  auront  vécub^*' 
coup  mieux  (ju'ils  Tauraicnt  fait  chez  eux  pendant  lOaaîi 
15  ans  ou  20  ans,  ils  auront  clé  ])lus  satisfaits,  mais  ii» 
voulaient  retourner  cho/  eux,  ils  y  retourneraient  saoâi* 
sou  et  mourraient  do.  fuim  comme  auparavant.  Par  conà^ 
quent,  ils  n.'stciit  chez  n(Kis,  et  de  plus,  ils  trou veiildao* 
notre  Algérie  et  dans  nnire  Tunisie  un  hien-«' Ire,  une  ai- 
sance,une  iargcur  d'idées, une  satisfaction  j<»urnaliere qui'* 
ne  renconli'tMit  pas  dans  îcur  pays  d'urigine  ;  ils  y  trou^eut 
également  celtt;  jnlniini>lration  lih-îale  que  le  gouverne- 
ment de  la  Héî)ul»li(juc  fran<;aise  a  instituée  specialeUieD» 
pour  ses  colonies. 

Il  est  certain  qu'ils  n'ont  pas  du  tout  envie  d'ahandonntr 
ces  avantages  qu'ils  ne  tr.Hisj)orleraient  i)as  avec  eux  à^^^  1 
leur  ancienne  patrie,  en  Mspjtgne  ou  en  Italie.  Ilssunloîi 
réalité,  des  colons  de  fond,  c'est  à-dire  que  lorsque  11  laii^n 
a  (juitté  son  lljdie,  rj\spagnol  son  Kspagne,  ils  [.H»uvenl 
rester  au  fond  du  co-ur  Italien  ou  Rspagnol,  c'est  atîair^ 
entendue, et  je  les  en  félicite  ;  mais  sur  notre  sol  aliréri'.-" 
ils  agissent,  ils  vivront,  ils  font  fructifier  le  sol  coinine If 
feraient  des  Fntuçais  d'origiîie,  et  c'est  par  conséquent 
une  excellente  aci|uisition.  Je  ne  suis  donc  pas  du  tout 


LA  RACE  NÉO-LATINE  ET  L  ALGÉRIE  EN  1907  343 

d*avis,  et  je  dois  dire,  on  ne  peut  pas  être  du  tout  d*avis  de 
mettre  un  frein  à  l'émigration  espagnole  ou  italienne  en 
Algérie.  Mais  il  faut  l'élever,  l'éduquer,  l'endiguer  et  la 
maîtriser  pour,  de  ses  éléments,  non  pas  adversaires, 
mais  hétérogènes,  faire  un  tout  bien  homogène,  bien  mas- 
sif et  bien  compact  ;  car  que  ferions-nous  d'éléments 
divisés  si  nous  laissions  les  Espagnols  rester  Espagnols, 
les  Italiens  rester  Italiens,  ils  ne  seraient  que  des  auxi- 
liaires occasionnels, et  ce  n'est  pas  cela  que  nous  voulons. Il 
faut  que,  sinon  tout  de  suite,  du  moins  dans  deux  ou  trois 
générations,  ces  Espagnols  et  ces  Italiens  deviennent  nous- 
mêmes.  Et,  entendons-nous  tout  de  suite.  Si  l'on  s'est 
tellement  opposé  à  l'émigration  italienne  et  espagnole  en 
Algérie,  c'est  qu'on  disait:  Ces  gens  ne  deviendront  jamais 
des  Français.  Certainement  non,  ils  ne  deviendront  jamais 
des  Français,  il  n'est  pas  du  tout  nécessaire,  el  il  est  impos- 
sible qu'iis  deviennent  dos  Français.C'est  là-dessus  qu'était 
Je  malentendu,  et  c'est  là-dessus  qu'il  fallait  des  éclaircis- 
sements et  qu'actuellement  on  se  trouve  d'accord.  Que 
ferons-nous  de  ces  Espagnols  et  de  ces  Italiens?  Essaierons- 
nous  d'en  faire  des  P'rançais  ?  Pas  du  tout.  Quand  ils 
arrivent  en  Algérie,  ils  vivent  sous  nos  lois,  nous  leur 
donnons  le  bénéfice  du  statut  social  français,  au  besoin 
sous  certaines  réglementations,  nous  leur  donnons  même  la 
naturalisation  et  je  dois  dire  entre  nous  que  ceux  qui  ré- 
clament la  naturalisation,  ce  n'est  pas  tant  pour  la  gloire  de 
devenir  citoyens  français  que  pour  jouir  de  certains  avan- 
tages qui  sont  attachés  à  nos  lois  :  droits  civiques,  et  sur- 
tout pour  être  électeurs  et  avoir  un  député  qui  les  protège. 
Mais  nous  ne  devons  pas  faire  des  Français  avec  ces  gens- 
là  ;  la  race  que  nous  devons  amalgamer  là-bas  ne  doit  pas 
être  un  morceau  de  la  race  française,  elle  ne  peut  pas  l'être 
parce  qu'il  n'y  a  pas  assez  de  Fronçais  d'origine  habitant 
l'Algérie,  el  parce  que  surtout  il  est  absolument  impossible 


54 1  LA  RACE  NÉO-LATINE  ET  l'aLOÉRIE  EN  1907 

de  donner  la  qualité  de  Français  à  des  gens,  quelles  que 
soient  leurs  qualités  personnelles,  qui  n'aient  pas  habité 
pendant  longtemps  la  métropole.  On  ne  fait  pas  un  Fran- 
çais avec  un  acte  de  naturalisation.  Vous  la  connaissez 
tous  la  manière  de  faire  un  Français,  c'est  d'avoir  un  petit 
garçon  ou  une  petite  fille  en  France,  de  lui  faire  habiter  et 
aimer  la  France;  il  n'y  a  pas  deux  manières,  il  n'y  a  que 
celle-là.  L'étranger,  qui  sera  venu  en  France, son  fils  même, 
pourra  nous  aimer,  servir  dans  notre  armée,  rendre  tous 
les  services  que  nous  rendent  les  Français,  mais  entre  lui 
et  nous,  quelles  que  soient  l'amitié,  l'affection  qu'il  pourra 
a  voir  pour  nous, il  y  aura  toujours  quelque  chose  qui  fera  que 
nous  dirons:  celui-ci  n'est  pas  de  ma  famille.  Il  ne  faut  pas 
essayer  de  faire  entrer  de  force  dans  notre  famille  des  gens 
qui  y  seraient  dépaysés  ;  à  côté  de  nous,  ils  nous  rendront 
bien  plus  de  services  que  si  nous  les  faisions  entrer  chez 
nous  contre  leur  gré. Cette  race  qui  ne  sera  pas  la  race  fran- 
çaise sera-t-elle, comme  on  le  dit, cette  race  faite  avec  les  an- 
ciens éléments  latins, sera-t  elle  néo-latine?  Non  plus  !  elle 
ne  sera  pas  la  race  néo-latine. Je  sais  que  c'est  un  joli  rêve  et 
vous  avez  lu  sans  doute  le  livre  de  mon  ami,  le  commandant 
D riant  :  L'Invffsion  Jaune,  où  il  dit  que,  la  France  ayant 
été  conquise  par  les  Chinois  et  les  Japonais,  les  Français 
créent  en  Algérie  une  nouvelle  France.  Son  livre  est  très 
beau  et  très  intéressant  à  lire,  mais  je  crois  que  cela  n'arri- 
vera jamais.  Pour  que  celte  roce  soit  vraiment  néo-latine, 
il  faudrait  qu'elle  fut  mélangée  de  Français,  d'Espagnols  et 
d'Italiens, parce  que  nous  sommes  les  héritiers  des  Romains. 
Je  veux  bien  (ju'elle  soit  ainsi  composée,  bien  que  cepen- 
dant, malgré  tout  ce  (jue  nous  faisons,  il  y  ait  et  doit  tou- 
jours y  avoir  un  fort  appoint  de  sang  franc,  de  ce  sang 
franc  qui  a  fait  de  la  (Jaulo  latine  la  France  française,  cela 
ne  doit  pas  s'oublier,  de  ce  sang  franc  qui  sera  pouiMes 
vieux  peuples  renaissants  l'élément  de  jeunesse  et  de(  vi- 


LA  RACE  NÉO-LATINE   ET  l'aLGÉRIE  EN  1907  3i5 

gueur.  Ce  sanfç  franc  est  véritablement  dans  le  précipité 
nouveau  le  réactif  (jui  donne  à  la  race  future  l'action  et 
Ténergie.  Mais  ce  ne  sera  pas  des  néo-latins,  ce  ne  sera  pas 
la  race  néo  latine,  parce  que,  pour  être  Latin,  il  faut  habiter 
riuirope.  Rappelez  vous  vos  souvenirs  d'histoire  :  Les 
Romains  d'Afrique  avaient  fini  par  n'être  plus  des  Romains, 
les  Italiens,  les  Espagnols,  les  Français,  qui  habitent  et 
qui  habiteront  le  nord  de  l'Afrique,  au  bout  de  dix  ou 
quinze  générations,  ne  seront  plus  des  Latins,  parce  qu'ils 
auront  perdu  en  passant  du  nord  au  sud  la  qualité  indis- 
pensable de  la  latinité  qui  est  l'habitat  de  l'Europe.  Ils  au- 
ront pris  de  ce  climat  africain,  des  conditions  de  vie 
africaine,  des  types,  des  caractéristiques  qui  font  qu'en 
réalité  à  mesure  qu'ils  prendront  ces  caractéristiques  toutes 
spéciales,  ils  perdront  leurs  caractéristiques  latines.  Donc 
la  race  qui  habitera  cette  Algérie,  et  à  qui  nous  devons  pro- 
curer tous  les  moyens  de  se  développer,  sera,  appelons  la 
ainsi  si  vous  le  voulez  bien,  la  race  algérienne. 

Cette  race  algérienne  sera  bien  latine  par  son  hérédité 
mentale,  française  par  son  sang,  mais  elle  sera  africaine  par 
ses  habitudes,  par  ses  moyens  et  .ses  conditions  d'existence. 
Comment  pense-t  on  que  l'on  puisse  aider  un  courant 
d'émigration  à  se  perpétuer  dans  un  certain  sens  et  à  don- 
ner les  résultats  que  nous  sommes  obligés  d'attendre  de  lui? 
Nous  le  pouvons  en  facilitant  à  ces  gens  l'accession  de  la 
terre  française,  nous  le  pouvons  en  augmentant  matérielle- 
ment les  conditions  d'existence,  les  conditions  de  bien-être 
qu'ils  peuvent  demander. 

Nous  pouvons  surtout,  et  on  l'a  déjà  fait,  en  Algérie, 
leur  donner  une  autonomie  sagement  dosée,  en  leur  lais 
sant  la  responsabilité  de  leur  présent  et  de  leur  avenir,  res- 
ponsabilité que  leur  donne  l'intérêt  de  leur  propre  existence 
nationale.  C'est  dans  ce  sens  que  l'on  va  aujourd'hui  en 
Algérie,  dansée  sens  que  nous  devons  perpétuer  nos  efforts, 

23 


k 


346  LA  RACE  NÉO-LATINE  ET  L  ALGÉRIE  EN  1907 

et  croyez  bien  que  ce  n'est  pas  pour  l'amour  d'une 
expérience  que  nous  faisons  cela.  Il  y  a  derrière  les  choses' 
actuelles  que  nous  voyons  de  très  grandes  inconnues.  Get!l| 
race  algérienne  que  nous  devons  créer,  parce  que  si  nott 
ne  la  créons  pas,  elle  se  créera  contre  nous,  cette  racealgé-' 
Tienne  doit  être,  elle  qui  sera  toute  jeune,  lorsque  laracii 
française  sera  trop  vieille,  la  dépositaire  de  tout  notre  héri- 
tage intellectuel,  elle  doit  être  riiérilièrc  de  la  France ;elte, 
doit  être  même  un  des  éléments  vitaux  de  l'entité  français 
dans  l'avenir.  Car,  lorsqu'on  possède  si  près  de  soi  une 
colonie,  comme  l'Algérie  pour  nous,  on  peut  dire  qu'en  réa- 
lité le  mot  colonie  n'est  plus  qu'un  mot  qui  un  jourdevieD- 
dra  vain, et  nous  devons  nous  apprêter  à  voir  passer  fratr 
nellement  de  l'autre  côté  de  la  Méditerranée  un  morceau 
considérable  de  nos  dtistins  et  de  nos  espér/^nces.  Eh  bien» 
nous  ne  donnerons  jamais  trop  de  soins  à  une  race  qui  F**** 
être  appelée  à  .•■upporter  un  tel  héritage  et  à  recueillir  une 
telle  dette.  C'est  pour  cela  que  malgré  que  ce  soit  un  catieaD 
qui  nous  a  dépossédé  un  peu, nous  devons  accueillir  le  ^estf 
del'hommequi  a  donnée  l'Algérie  son  autonomie  financière 
(je  continue  à  ne  pas  faire  do  politique)  et  je  serais  heureuï 
que  cet  homme  d'Etat,  (jui  a  donné  à  l'Algérie  cett'.»  nutc- 
nomie,  cette  indépendance  et  cette  lil)erté  financit'rc.  pro 
fitàt  de  son  actuel  passage  au  ministère  des  finances  [»our 
faire  h  la  PYance  le  même  cadeau. 

Lorsque  nous  aurons  donné  à  cette  race  les  moyens de^^ 
développer  de  la  sorte,  nous  n'aurons  plus  co  gros  soncm 
problème  algérien  que  nous  avons  étudié  afijourd'hui.iK'U* 
n'aurons  plus  surtout,  et  c'est  par  là  que  je  vais  tinir  cet 
exposé  si  aride,  le  souci  politique  extérieur  de  savoirqui.^ 
nos  frontières  do  l'Ouest  de  l'Algérie,  doininera  sur  ces 
territoires  si  mal  connus  du  Maroc. Le  jour  où  nl>us;^»^'ï** 
pour  nous  cette  expansion  ethnique  à  laquelle  persoiv.,^»» 
amjis  rjsisté  ot  nj  résistera  jimais,  la  question  n3  scpo* 


LA  RACE  NÉO-LATINE  ET  L*ALGÉRIE  EN  1907  347 

sera  plus, elle  sera  résolue  d'une  façon  extrêmement  simple. 
Le  Maroc  y  prendra  l'élément  civilisé  qui  seul  sera  capable 
de  le  peupler,  et  nous  espérons  vivement  que  cet  élément 
sera  fourni  par  la  France,  et  s'appellera  la  race  algérienne. 
Eh  Lien  !  ce  pays  sera  et  commence  à  être  habité  par  cette 
race,  nous  avons  vu  que  malgré  tous  nos  efforts,  elle  est 
née,  car  en  somme,  ce  n'est  pas  du  tout  sorti  du  cerveau 
des  gens  habitant  le  pavillon  de  Flore  ;  elle  est  née  sans  que 
nous  ayons  pensé  à  elle  ;  et  parce  qu'elle  a  fait  beaucoup  de 
bruit  à  sa  naissance,  nous  en  sommes  venus  à  l'utiliser  le 
plus  possible. Nous  avons  vu  en  1901,  dans  Alger  le  trouble 
de  sa  i)etite  enfance,  il  ne  faut  pas  lui  en  vouloir,  tous  les 
petits  enfants  font  leurs  dents.  Elle  a  fait  les  siennes  avec 
les  troubles  antisémites  de  1901.  Aujourd'hui, elle  commence 
à  s'assagir,  elle  est  arrivée  à  peu  près  à  l'ôge  de  raison,  on 
lui  a  enlevé  ses  lisières,  elle  a  une  autonomie  financière,  et 
le  moment  est  proche,  je  crois,  où  nous  pourrons  saluer 
en  elle  une  enfant  indépendante,  mais  toujours  soumise  et 
respectueuse,  de  la  maison  française. 

C'est  dans  le  pays  que  cette  race  commence  à  habiter,  et 
elle  le  peuplera  de  la  façon  que  je  viens  de  vous  décrire. 
Les  Français  sont  conviés  à  s'y  rendre  en  1908  et  à  assister 
aune  série  de  fêles  dont  les  Algériens  se  feront  les  cice- 
ri)nes,et  dont  je  me  fais  aujourd'hui  le  trompette  bénévole. 
La  ville  d'Alger,  qui  comme  vous  le  savez,  est  un  lieu 
d'hivernage  fort  agréable  et  où  les  Anglais  sont  venus 
lorscjii'ils  ont  été  chassés  de  Nice  par  le  tremblement  de 
terre,  (ils  sont  maintenant  en  train  de  déinénag(;r  pour  aller 
au  (^lire),  est  une  ville  en  pleine  exubérance  de  croissance. 
KII(î  îi  fnit,  d(*s  sa  première  jeunesse,  éclfiter  le  réseau  de 
s<'s  fortifications  ;  elle  désire  recevoir  le  mieux  du  monde 
los  Français  métropolitains  qui  lui  feront  l'honneur  de  la 
visili^r.  Je  UH  voys  donne  pas  les  détails  définitifs  de  toutes 
les  fêtes  qui  auront  lieu,  parce  que  toutes  les  choses  qui 


34â  LA  RACE  NÉO-LATINE  ET  L  ALGÉRIE  EN  1907 

se  disent  à  Tavance  n'ont  plus  de  valeur,  attendu  qu'ell 
sont  toujours  changées  au  dernier  moment  ;  inaiseniiD, 
y  aura  des  attractions  pour  les  curieux,  des  congirs  po 
les  savants,  des  excursions  pour  les  voyageurs,  trois  cal 
gories  de  Français  qui  sont  nombreux  à  la  Société  deiii 
graphie  et  qui  trouveront  de  quoi  se  satisfaire. 

Pour  terminer,  je  vais  faire  passer  quelques  i)rL)je«'li'> 
de  coins  de  l'Algérie  où  nos  amis  d'Alger  ont  rinUuli 
de  conduire  en  1908,  aux  conditions  les  meillcuits.  d 
seulement  de  sympathie,  mais  encore  de  finances. toutes 
personnes  qui  traverseront  la  Méditerranée  à  cotte  ép-1'J 

Albert  de  Pouvouhville 


I\..A.FFOI^T 


sur  le 


CONGRÈS  DE  DUNKERQUE,  1906  d) 


En  offrant  l*hospitalité  au  Congrès  national  des  Sociétés 
de  Géographie,  la  Société  de  Diinkerque  avait  une  excel- 
lente  occasion  de  célébrer  sonXXV®  anniversaire;  en  môme 
temps  cette  solennité  donnait  satisfaction  au  désir  bien 
naturel  qu'éprouvaient  les  Dunkerquois  de  faire  connaître 
les  progrès  considérables  accomplis  dans  leur  port.  Aussi 
les  subsides  avaient-ils  afflué  de  toute  part  (16^000  francs  au 
total)  et  le  Président  pouvait  dire  dans  son  discours  d'ou- 
verture : 

«  Je  n'étonnerai  personne  en  disant  que  ce  Congrès  est 
surtout  l'œuvre  de  la  Ville  de  Dunkerque  et  de  la  Chambre 
de  Commerce. 

a  Toutes  deux  admirablement  unies  dans  une  grande 
idée  de  patriotisme, dont  le  souci  constant  et  éclairé  de  faire 
mieux  connaître  les  immenses  efforts  dont  notre  port  est  le 
grandiose  résultat,  toutes  deux  ont  étendu  sur  nous  leur 
aile  protectrice. 

a  D'autres  concours  sont  venus  à  nous.  Le  Ministre  de 
rinstructionPublique  nous  a  adressé^et  nous  lui  en  sommes 
reconnaissants,  un  très  généreux  subside.  Le  Syndicat 
des  Courtiers  maritimes, la  Compagnie  du  Chemin  de  fer  du 
Nord,  le  Syndicat  des  transitaires,  la  Chambre  de  concilia^* 

*■        ■  ♦■  -        Il    r      --    -i -       -     ■  -     -I  f  r-  -    -- 

(1)  Présenté  par  Mouëieur  touis  (yuitiOQ,  ticë-j^réiidénti  dèièfué  pw  lA  fiooièM  4i 


350  IIAPPOIIT  SUR  LE  CONGRES  DE  DLNKERQL  E  1906 

lion,  le  Comité  maritime  et  colonial  nous  ont  puissamment 
aidés  et  je  les  remercie  affectueusement.  » 

Dans  leur  désir  d'attirer  l'attention  des  congressistes  .sur 
les  questions  locales,  de  montrer  à  leurs  hôtes  ce  qu'il  y  a 
de  plus  intéressant  dans  la  ville  et  même  dans  la  région, nos 
amis  les  Dunkerquois  avaient  largement  pris  sur  les  trois 
jours  assignés  au  Congrès  ;  si  vous  en  défalquez  une  mati- 
née absorbée  par  la  visite  du  port,ifne  autre  par  la  visite  du 
sanatorium  de  Zuydcote,  une  journée  entière  passée  à  l'ex- 
position de  Tourcoing, vous  voyez  qu'il  ne  restait  plus  grand 
temps  pour  les  travaux  géographiques. Le  programme  a  été 
bouleversé  ;  une  seule  question  a  pu  être  sérieusement  étu- 
diée :  celle  du  relèvement  de  la  marine  marchande,  quelques 
autres  ont  été  effleurées, mais  la  plus  grande  partie  ne  seront 
conaues  que  par  l'impression  au  compte-rendu  officiel  du 
Congrès,  ainsi  que  les  communications. 

M.  Cloarec,  Président  de  la  Ligue  Maritime,  section  de 
Paris,a  parié  sur  le  relèvement  de  la  Marine  marchande  en 
ces  termes  ; 

((  Notre  marine  marchande,  après  avoir  occupé  le 
deuxième  rang  parmi  toutes  celles  du  globe,  est  mainte- 
nant tombée  au  sixième.  Il  y  a,  il  est  vrai,  une  crise  géné- 
rale, un  abaissement  du  taux  des  frets  parce  que  le  tonnage 
disponible  dans  le  monde  dépasse  la  quantité  du  fret,  mais 
les  conséquences  de  cette  crise  sont  particulièrement  mena- 
çantes pour  nous, car  si  le  taux  de  frôtn'est  plus  rémunéra* 
teur  c'est  la  nation  moins  bien  armée  pour  la  lutte  qui  doit 
être  vaincue. 

«  Ce  n'est  pas  que  nos  armateurs  soient  moins  intelli- 
gents,  moins  compéteots  que  leurs  concurrents  étrangers. 
On  peut, à  la  vérité,leur  reprocher  d'être  trop  administratifs 
et  de  se  laisser  devancer  bien  souvent  ;  cela  ne  justifierait 
o«pendaot  pas  la  grande  différence. d'avec  nos  voisins.  La 
grande  question  est  la  question  du  taux  de  fret,  or  la  situa* 


RAPPORT  SUR  LE  CONGRÈS  DE  DUNKERQUE'1906  351 

tioa  générale  économique  de  notre  pays  ne  permet  pas  de 
Concessions.    L'industriel  aussi  bien  que  le  commerçant 
"^ont  au  bon  marché  du  frôt,au  port  le  mieux  outillé, or  il  est 
^Uconstestable  que  les  ports  français  sont  moins  bien  outillés 
^Ueles  ports  étrangers,  sous  tel  rapport  ou  sous  tel  autre, 
^oyez  :  Marseille  souffre  de  l'insufiisance  de  bassins,ce  qui 
^l>ligeles  navires  à  se  mettre  arquai  par  l'arrière  et  a  déchar- 
S^r  sur  allèges, le  Havre  manque  également  de  place  à  quai, 
plusieurs  de  ses  bassins  étant  inutilisables.   Faute  de  cale 
^e  radoub  suffisamment  longue  la  C»<^  Gi°  Transatlantique 
*  dû  réduire  la  dimension  de  ses  navires.  Les  radiers  des 
Cluses  du  Havre  sont  en  outre,  trop  élevés.  Dunkerque  n'a 
(as  de  port  en  eau  profonde.  Nantes  n'a  pas  suffisamment 
de  profondeur.  Pour  améliorer  tout  cela  il  faut  des  capitaux 
énormes,  or  les  efforts  ont  été  disséminés  lorsque,  sous  le 
ministère  Freycinet,il  y  a  une  vingtaine  d'années, on  entre- 
prit un  peu  partout  des  travaux  d'amélioration.   Ces  amé- 
liorations ont  été  reconnues  insuffisantes  dès  le  principe  et 
cependant  nos  grands  ports  continuent  à  souffrir  de  cette 
insuffisance.  Gela  tient  à  ce  que  chez  nous,  c'est  TEtat  qui 
décide  tout. 

((  Les  ports  feraient  bien  eux-mêmes,  mais  leur  initiative 
est  paralysée.  U  faut  souvent  un  nombre  d'années  considé- 
rable pour  obtenir  une  décision,  qui  dépend  de  cinq,  six  et 
môme  sept  ministères  différents.  L'orateur  s^appuie  sur  la 
remarquable  étude  de  M.  Maurice  Taconet.  Les  travaux 
d'amélioration  à  Dieppe  et  à  Newhaven  furent  décidés  en 
môme  temps  :  1883,  mais  tandis  que  Newhaven  avait  ter- 
miné au  bout  de  dix  ans,  à  Dieppe  la  procédure  ne  com* 
mença  qu*en  188SL  et  les  travaux  ne  commencèrent  qu'en 
1903.  Le  remède  à  cet  état  de  choses  est  de  donner  à  nos 
ports  de  commerce  une  certaine  autonomie,  plus  ou  moins 
éteDdue,etde  centraliser  les  questions  relatives  à  la  marine 
marchande  en  un  seul  ministère  ou,  ^  la  rigueur)  en  une 


352  RAPPORT  SUR  LE  CON(iRKS  DE  DUNKERQUE  1906 

commission  formée  de  délM<ru(;.s   des  diiTérenls  niinislôres.  | 
((  Le  régime  protectionniste  a  certainement  <Hé  fructueux  | 
pour  nos  exportations, mais  les  formalités  de  douane  rendent  1 
très  lentes  et  très  dilïiciles  les  opérations  dans  nos  p*>rts. 
M.    Gloarec  pense  qu'un  remède  y  serait   apport»*  parlai 
création  de  ports  francs,    dont  le  nombre  serait  toutefois 
limité  à  trois  ou  quatre,  étant  bien  entendu  que  le  projet  de 
ports  francs  exclut  dans  ceux-ci  l'établissement  d'industries 
qui  pourraient  faire  concurrence  aux  établissements  indus- 
triels de  l'intérieur.  Ce  qui  conviendrait  le  mieux  serait  le 
genre  de  port  franc  conjme  à  (îùnes  ou  à  Triesle  où  l'ailiiii 
nistration  du  port  est  confiée  à  un  groupement  compose  de 
délégations   des  dilïérents  corps  de  la  ville  :  municipalité, 
chambre  de  commerce,  syndicats,  etc. 
-  ((  Une  autre  question  est  celle  de  la  circulation  intérieure. 
Le  système  et  le  fonctionnement  de  nos  lignes  de  cheiniDS 
de  fer  et  de  nos  canaux  sont  inférieurs  à  ceux  de  l'étranger. 
Tous  nos  chemins  de  fer  convergent  vers  Paris  alors  que 
les  points  en  dehors  de  la  ligne  de  Paris  n'ont  entre  eux 
que  des  communications  lentes  et  difîîciles,  dont  le  coût  est 
augmenté  par  les  transbordements.    Nos   compagnies  il: 
chemins  de  fer  opèrent  avec  une  désespérante  lenteur  tandis 
qu'en  Angleterre  la  marchandise  est  expédiée  avec  une  ra- 
pidité extrême.  Il  y  a  aussi   à.  déplorer  la  multiplicité  des 
tarifs.  En  Allemagne,  non  seulement  les  tarifs  sont  simpli- 
fiés mais  encore  ils  sont  combinés  avec  le  taux  de  fret  des 
lignes  de  bateaux  à  vapeur, ce  qui  permet  à  l'industriel  d'é- 
tablir ses  offres  pour  l'exportation  avec  facilité  et  certitude. 
((  Enfin  il  est  profondément  regrettable  que  nos  compa- 
gnies de  chemins  de  fer  persistent  à  ne  voir  dans  la  naviga- 
tion fluviale  qu'une  rivale  et  une  concurrente  alors  que 
Texpérience  faite  à  l'étranger  a  depuis  longtemps  démonta 
que  la  navigation  fluviale  est  pour  les  chemins  de  fer  ud( 
pido  et  une  dlliéc.  » 


HAPPORT  SUR  LE  CONGRÈS  DE  DUNKERQUE  190G         353 

M.  Cloarec  énumère  les  charges  qui  pèsent  sur  notre 
marine  marchande  et  la  parahysent  dans  sa  lutte  contre  les 
marines  étrangères  :  obligation  de  rapatrier  les  marins  si  le 
navire  désarme  dans  un  port  étranger  ;  —  frais  d'hospita- 
lisation du  matelot  malade  pendant  quatre  mois,  même  si 
sa  maladie  est  le  résultat  de  la  débauche  ;  -  interdiction 
d'avoir  plus  d'un  quart  de  l'équipage  en  matelots  de  natio- 
nalité étrangère  pour  les  voyages  au  long  cours  ;  —  inter- 
diction de  tous  matelots  autres  que  français  pour  le  cabo- 
tage. 

Dans  ces  conditions  notre  marine  marchande  ne  peut  pas 
lutter  si  elle  n'est  pas  aidée  par  des  primes.  La  prime  est  un 
mal  nécessaire.  L'Allemagne,  dont  la  marine  n'a  pas  les 
charges  qui  pèsent  sur  la  nôtre,  n'en  donne  pas  moins  des 
primes  pour  aider  au  développement  de  sa  marine  mar- 
chande mais  elle  les  donne  d'une  manière  déguisée.  L'Etat 
allemand  ne  divulgue  pas  son  système  mais  nous  savons 
que  ces  primes  sont  prises  sur  les  tarifs  communs,  les  che- 
mins de  fer  étant  la  propriété  de  l'Etat. 

Pour  étudier  ces  questions, pour  agir  sur  l'opinion  et  in- 
tervenir auprès  des  pouvoirs  publics,  pour  rechercher  les 
remèdes  à  un  état  de  choses  qui  nous  conduirait  prompte- 
ment  à  la  ruine  complète  de  notre  marine  marchande,  le 
groupement  est  nécessaire  ;— ce  groupement  c'est  la  Ligue 
Maritime  en  faveur  de  laquelle  M.  Cloarec  prie  le  Congrès 
de  faire  la  plus  active  propagande. 

M,  Morael,  armateur  à  Dunkerque,  parle  également  sur 
le  relèvement  de  la  marine  marchande.il  critique  le  manque 
de  cohésion  qui  existe  dans  nos  moyens  de  communica- 
tion pour  amener  le  fret  au  port  d'exportation.  Dunkerque 
reçoit  ô  peine  un  cinquième  du  tonnage  qui  devrait  lui 
venir  de  toute  la  région  en  arrière.  Toutes  les  matières 
lourdes,mineraiS)  fers,macbines,  filent  sur  Anyers,attirée8 
par  dea  tarifs  meilleur  marché  que  par  nqs  lignes  copver* 


354  RAPPORT  SUR  LE  CONGRÈS  DE  DUNKERQUE  1906 

geanl  sur  Dunkerfjue.Le  remède  à  cet  état  de  choses  serait 
ie  canal  du  Nord-Est,  qui  relierait  Dunkerque  avec  Calais, 
Hazebrouck,  Lille, Valenciennes,  recueillerait  à  Charlevilie 
le  trafic  des  Ardennes  et  de  la  vallée  de  la  Meuse,  desser- 
virait le  bassin  de  Nancy,  les  Vosges  françaises  et  le  Haut- 
Rhin. 

M.  Morael  parlant  à  son  tour  des  charges  qui  pèsent  sur 
l'armement  constate  que,  tant  qu'existeront  ces  charges, il 
n*y  aura  qu'un  remède  :  les  primes.  Encore  faut-il  quelles 
soient  accordeesjudicieusement.il  y  a  deux  intérêts  enjeu: 
l'intérêt  de  l'armateur,  dont  il  faut  alléger  les  charges  que 
nous  avons  déjà  énumérées,  et  l'intérêt  du  constructeur 
sur  lequel  pè.se  la  cherté  en  France  tant  des  matières  pre- 
mières que  de  la  main-d'œuvre. Il  faut  ménager  ces  intérêts 
contradictoires,  or,  toutes  les  lois  relatives  aux  primes  ont 
été  maladroites. 

L'orateur  les  passe  en  revue  : 

Loi  de  1881  :  Fr.  1.50  par  tonne  et  par  1.000  milles  pâ^ 
courus  par  vapeur  de  construction  française  ;  —  demipriin« 
pour  ceux  construits  à  l'étranger. 

Cette  loi  n'encourageant  pas  suffisamment  la  construc- 
tion française  on  fit  la  Loi  de  1893  :  Fr.  1.70  pour  voiliers. 
Fr.  l.iO  pour  vapeur,  par  tonne  brute  et  par  1.000  milice 
parcourus.  Rien  pour  les  vapeurs  ou  voiliers  coDStruiti 
à  l'étranger.  Prime  payable  seulement  pendant  les  dii 
années  qui  suivent  la  construction  du  navire. 

Cette  loi  avait  d'abord  le  défaut  de  trop  pousser  à  la  cons- 
truction des  voiliers  et  nous  aurions  fini  par  ne  plusavoif 
que  des  navires  à  voiles  ;  en  outre,  elle  portait  en  elle  d 
germe  morbide  qu*à  l'expiration  des  dix  années  la  cessatiot 
de  la  prime  forçait  l'armateur  à  revendre  son  aarire  i\ 
l'étranger. 

On  fit  alorg,  la  loi  d$  1902  :  Fr.  1,70  pour  vapeur*  j* 


RAPPORT  SUR  LE  CONGRKS  DE  DUNKERQUE  1906  355 

qu'à  3.000  tonnes  de  jauge  et  Fr.  1 .70  pour  voiliers,  mais 
seulement  jusqu'à  600  tonnes  de  jauge. 

Ensuite  diminution  de  10  fr,  par  100  tonnes  et  sans  que 
la  prime  puisse  s'appliquera  plus  de  1.000  tonnes  par  navire. 
Conséquence  :  impossibilité  de  faire  construire  un  seul 
grand  voilier.  F]n  outre,  comme  le  crédit  voté  limitait  la 
construction  à  500.000  tonnes,  on  s'empressait  de  faire  sa 
déclaration  de  construction  pour  revendre  son  tour  d'ins- 
cription. 

La  Ligue  Maritime  obtint  la  révision  de  cette  loi  et  l'on 
fit  celle  de  1906  ; 

Grosse  prime,  uniquement  à  la  construction  de  172  fr. 
par  tonne  de  jauge  brute  pour  les  vapeurs  construits  en 
France. 

A  la  navigation,  prime  de  compensation  d'armement  : 
pour  les  vapeurs,  4  centimes  par  tonne  de  jauge  brute  et 
par  1.000  milles  parcourus  jusqu'à  3.000  tonnes  de  jauge 
brute,  ensuite  3  centimes  de  3.000  à  6.000  tonnes  da  jauge 
brute  et  2  centimes  à  partir  de  6.000  tonnes  : 

Pour  les  voiliers,  3  centimes  par  tonne  de  jauge  jusqu'à 
500  tonnes,  2  centimes  de  501  à  1.000  tonnes, et  1  centime  à 
partir  de  1.001  tonnes. 

L*OFateur  dit  que  la  prime  de  compensation  donnée  par 
la  loi  de  1906  est  insu£Qsante  et  que  personne  ne  voudra 
faire  construire  sous  cette  loi-là.  Il  déplore  que,  pour  les 
navires  construits  sous  ia  loi  de  1893  la  cessation  de  la 
prime  à  Texpiration  des  dix  années  mette  l'armateur 
dans  l'obligation  de  revendre  son  navire  aux  étrangers. 

Il  est  vrai  que  les  voiliers  construits  avant  novembre  1901 
ont  obtenUjde  par  la  loi  de  1906,une  prolongation  de  prime 
de  F.  0,03  par  tonne  et  par  jour  pendant  trois  ans,  mais  o*est 
insufBsant  ;  les  autres  construits  après  cette  date,  D*ont 
pas  de  prolongation  de  prime.  M.  Morael  demande  que  U 


I 


li5G  HXPPORT  Sl.ll  Lt:  CONGHl^S  DE  DUNKliKQUE  10(X> 


compensiMtion  soit  jiccordcHî  à  tout  navire  pendant  tout  le 
temps  où  il  conservera  ses  qualités  nautiques. 

M.  P.Colleniiony  Secrétaire  (iénéral  de  la  Société  de  Géo- 
graphie de  Nancy,  présente  un  travail  sur  les  Ro\aim% 
entre  Dimkei^que et  V liait e  par  i Eni  de  la  France,  ce  travail 
vient  à  l'appui  des  observations  présentées  par  M.  Moraei, 
et  conclut  églement  au  prompt  creusement  du  canal  du 
Noi'd-Kst. 

A  la  suite  de  cette  intéressante  discussion,  le  Congrès?, 
adopté  les  vœux  suivants  : 

VCKUX  PHKSENTKS  PAR  M.    GlOAREC 

V(j'u  N'^  I.  Que  le  régime  administratif  de  nc^s  ports  soit 
modifié  dans  le  scmîs  de  l'attribution  à  un  organisme  k»cal 
de  l'administration  totale  ou  partielle  du  port,  c'est-à  dire 
dans  le  sens  de  l'autonomie. 

Vœu  A^"  2.  Que  les  diiïérents  services  maritimes  aujour- 
d'hui répartis  entre  sept  ministères  différents,  soient  cen- 
tralisés par  la  création  d'une  conimission  permanente 
interministérielle  ou  par  la  réunion*des  différents  services 
en  une  direction  générale  de  la  Marine  marchande. 

Vœu  N^  3  Que  le  projet  de  loi  sur  les  ports  francs, 
déposé  par  lo  gouvernement  en  1903, rapporté  par  M.CbaJ- 
met  et  déposé  à  nouveau  le  16  juin  1906,  soit  proniptemect 
soumis  aux  délibérations  du  Parlement. 

Vœu  A^«  4,  Que  le  Gouvernement  s'efforce  de  développer 
les  voies  intérieures  de  circulation,  notamment  les  canaux, 
de  combiner  les  moyens  de  transport  soit  à  Tinlérieur,  suit 
avec  les  lignes  de  navigation  de  manière  ô  faciliter  la  cir- 
culation des  marchandises  vers  les  ports  ou  vice-versô. 

Vœux  présentés  par  M.  Morael 

Vœu  N^  S,  Qu'il  soit  procédé  aussi  vite  que  possible aa 
Creusement  du  canal  du  N0Pd-Est« 


RAPPORT  SUR  LE  CONGRÈS  DE  DUNKLRQUE  1906  357 

Vœu  N^  8'  Que  les  dispositions  de  l'article  8  de  la  loi  de 
1901  aujourd'hui  appliquées  aux  seuls  voiliers  francisés 
avant  le  l^*"  janvier  1JX)1,  le  soient  également  à  tous  les 
navires,  vapeurs  ou  voiliers, pendant  le  temps  où  il  conser- 
veront leurs  (jualités  nautiques. 

Faute  de  tonqjs  U»s  autres  (juestions  ont  été  écourtées  ; 
nous  les  |)asserons  brièvement  en  revue. 

M.  (incnol,  de  Toulouse,  a  la  [)arole  sur  la  question  du 
rehoisernent.  La  foret  est  la  gardienne  des  sources  ;  si  la 
pluie  tonjbe  sur  un  sol  iléboisé  elle  n  y  est  pas  retenue,  de 
là  des  inondations,  des  déplacements'de  terre,  une  diminu- 
tion des  crues,  un  débit  irrégulier  des  eaux,  dont  il  devient 
impossible  d'utiliser  les  forces.  M.  Guénot  démontre  la 
nécessité  que  l'Etat  ait  la  haute  main  sur  le  domaine  fores- 
tier, les  con)nnmes  sont  incapjibles  d'administrer  leurs 
forêts.  La  mentalité  des  paysans  est  particulière  sur  ce 
sujet.  Le  pélre  considère  la  montagne  comme  son  bien  et 
n'admet  pas  de  règlenimlation.  H  faut  s'elïorcer  de  chan- 
ger cette  mentalité  et  de  faire  aimer  les  arbres.  M.  Guénot 
indique  ce  (jui  se  fait  à  T(.)ulouse  dans  cet  ordre  d'idées^ 
une  plantation  d'arbres  est  l'occasion  d'une  solennité,  le 
général  en  chef,  le  préfet  plantent  un  arbre.  Il  y  a  une 
Société  des  Amis  des  Arbres. 

M.  Geo.  Majoiij\  Secrétaire  général  de  la  Société  do 
Géographie  de  Dunkerque  parle  sur  le  même  sujet  à  propos 
lies  JJtfîics.  G'est  surtout  de  Uunkerque  vers  l'Est  qu'elles 
sont  d'une  aridité  désespérante.  Le  vent  les  déplace.  On  a 
essayé  de  planter  des  sajiins,  mais  les  lapins  les  détruisent 
dès  la  sortie  de  terre.  Et  cependant  ces  dunes  ont  été  boi- 
sées jusqu'au  xvn'  siècle.  M.  Majoux  préconise  pour  la 
fixation  des  dunes  une  plante  que  I'cmi  nomme /'o//a^,  c'est 
un  jonc  à  racin(?s  puissantes. 

Le  résultat  de  ces  intéressantes  discussions  est  l'adop- 
tion des  vœux  suivants  : 


360  RAPPORT  PUR  LE  CONGHFS  DE  DUNKERQUE  1906 

L'action  fronçniso  peut  s'exercer  pnr  dilïérenls  moyea 
que  M.  Territa-  énunirre  :  TMclion  politu[ue,  ranitîîioraiicï 
du  régime  ccnsulinre,  rur^tiiiisalion  île  la  police,  iM''^« 
tion  de  services  médicaux  el  de  dispensaires. 

Au  point  de  vue  politique  il  faut  agir  avec  une  grand) 
prudence  si  \\m  ne  veut  [>hs  èlre  brutalement  contrarié ps 
une  puissance  (juelcunqut^.au  contraire  ra('ti<.»nê(*onomifHi 
et  maritime  peut  s'exercer  sans  [léril  puisque  leMari»*^^ 
ouvert  à  la  libre  concurrence  des  nations  européennes. 

{.  l  sfiirr»'.  ' 


BIBLIOGRAPHIE 


L'Année  Cartographique.  —  Supplément  annuel  k 
toutes  les  publications  de  Géographie  et  de  Cartographie, 
dressé  et  rédigé  sous  la  direction  de  F.  Seliracler, 
Directeur  des  travaux  cartographiques  de  la  librairie 
Hachette  et  G»^ 

Dix-septième  année,  contenant  les  modifications  géo- 
graphiques et  politiques  de  1906.  —  Trois  cartes  tirées  en 
couleurs,  avec  texte  explicatif  au  dos.  Prix  :  3  fr. 

I.  —  Asie,  par  D.  Aîtoff  et  Ch.  Bonnesseur.  —  Itinéraire  du  major 
C,  D.  Bruce  de  Leh  à  Pékin,  1906.  —  Traité  franco-siamois  (23  mart  1907)  : 
la  nouveUc  fronUére  entre  Siam  et  Cambodge.  —  Régions  de  la  Perte, 
explorées  par  A.  F.  Stahl,  1895-1906.  —  Chine  occidentale  :  itinéraires  de 
MM    de  Marsay  et  de  Las  Cases,  1906. 

II.  —  Affriatte»  par  M.  Chesneau.  —  Sahara  central,  d'après  les  plat 
récents  travaux.  -  Les  Frontières  nord  et  nord-est  de  la  Nigeria  (convention 
franco-anglaise  du  29  mai  1906  et  accord  anglo-allemand  du  16  juillet  1906;. 
—  Régions  entre  Kanem  et  Borgou,  d'après  les  explorations  du  capitaine 
Mangin  :  1904-1906.—  Mauritanie  et  Ferlo,  d'après  les  travaux  des  capUalnea 
Gérard  et  Vallier.  ~  Congo  et  Bahr-el-Ghazal  (levés  du  commandant 
Lemaire,  19(«2-1905  ;  Uinëralres  du  capitaine  Roulet  en  1900).  —  Frontière 
tureo-égyptienne  (accord  du  1"  octobre  1906). 

III.  Amérique,  par  V.  Huot.  —  Rio  Pilcomayo  du  rio  Paraguay  au 
22»  parallèle,  par  G.  Lnnge.  —  Traversée  du  passage  du  Nord-Ouest^  par  le 
capitaine  Amundsen  (1903-1906)  ;  Expédition  vers  le  pôle  du  commandant 
Peary  (1905-1906).  —  Réseau  hydrographique  du  versant  oriental  des  Andes 
péruviennes,  d'après  les  plus  récentes  exploiaUons.  —  Labrador  oriental, 
d'après  le«  levés  de  M-*  Léonidas  Hubbnrd,  1906.  ~  Les  Nouveaux  Etats  de 
la  Colombie.  1906. 


U 


I 


362  BIBLIOGRAPHIE 


Olobus-Earte,  Mappemonde  en  fuseauT  à  échelle  ont- 
forme,  avec  un  tableau  statistisque  des  Etats  autonoiM 
et  des  colonies  allemandes,  publiée  parle  capitaine i« 
SiPMAN.  —  Une  feuille  en  couleurs  au  74.000.000.  - 
Berlin,  1907,  chez  Dietrich  Reimer(Ernst  Vohsen). 

Le  capitaine  Siptnan  publie  chez  Dietrich  Beimer  (Ernst  Vchaes), 
BerlÎD  S.  W.48,  une  nouvelle  carte  du  monde,  appel<^  «  Globus-Kirtei. 

Cette  carte  montre  chaque  pays  dans  sa  proportion  exacte  et  diai 
•a  situation  entre  TEquateur  et  les  pôles,  deux  |X)intR  sur  levqnelifl 
existe  beaucoup  d'idées  fausses.  La  surface  terrestre  est  divisée» 
six  bandes  fusiformes  ;  cliaque  partie  présente  néanmoins  un  certiii 
ensemble  et  toute  la  carte  donne  une  image  claire  de  la  surface  totak 
de  la  terre. 

Cette  carte  a  une  grandeur  d  environ  70  centimètres  sur  55c«tî- 
mètres  ;  elle  est  en  huit  couleurs  avec  divisions  politiques.  Le»  pi* 
mportantes  voies  de  communication  sont  indiquées,  en  partant  <ie  h 
Manche,  de  100  en  100  milles  avec,  en  regard,  les  kilomètres  et  11 
différence  du  temps.  On  a  évité  de  charger  cetto  carte  de  noms  moi» 
importants  de  sorte  que  le  dessin  et  l'écriture  des  choses  esseotielki 
tombent  mieux  sous  les  yeux.  Elle  est  d'autant  plus  pratique  pour 
les  écoles  qu'elle  dispense  les  élèves  de  Tel ude  détaillée  des  p^0Je^ 
tiens  tout  en  donunnt  une  iniage  exacte  de  la  surface  terrestre  qui  • 
fixe  plus  facilement  dans  la  mémoire  que  les  anciennes  cartes. 

Un  tableau  statistique  permet  (et  ceci  est  tout  nouveau)  de  compi- 
rer  les  différents  Etats  de  la  terre  et  les  colonies  allemandes  en  « 
qui  concerne  leur  superficie,  population,  armée  de  terre  et  de  mffi 
finances,  commerce  et  transport.  Malgré  les  «ombreuses  données tni 
complètes  dont  Texactitode  est  garantie  par  les  Fourcea  indiquées,  « 
tableau  reste  très  clair.  En  indiquant  pour  chaque  pays  la  part  q* 
prend  l'Allomagne  dans  Timportation  et  Texportation,  on  a  une  ito 
de  l'échange  des  marchandises  de  Tempire  allemand  avec  tous  lei 
les  pays  du  monde.  Il  est  à  remarquer  qu'il  y  a,  en  ontre,des  îndii*" 
tiens  sommaires  sur  la  différence  des  monnaies,  sur  les  dépeM«H*  | 
leB  dettes  de  chaque  pays. 

La  difficulté  de  se  faire  une  i^ée  exacte  de  notre  surface  terre^tr» 
réside  d'une  part  dans  la  forme  spbérique  de  la  terre  et  ddotrsptft 


BIBLIOGRAPHIE  *  863 

dans  l'i  ni  possibilité  de  représenter  cette  sarfaœ  sphériqae  entiers-^ 
ment  et  exactement  sur  une  surface  plane.  Sur  le  globe,  les  méridieps 
et  les  parallèles  se  coupent  sous  des  angles  droits  ;  si  on  conserre  ces 
derniers  sur  la  carte,  la  forme  et  les  contours  des  continents  sont 
exacts,  mais  aux  dépens  des  proportions  et  des  dimensions  ;  et  vice« 
versa,  si  on  veut  conserver  ces  dernières,  il  se  produit  une  défigura- 
tion des  contours  et  de  la  forme.  La  défectuosité  des  proportions  et 
(ItR  diuiensloDS  est  très  accentuée  sur  les  curtcs  d^iprès  la  projection 
de  Gerhard  Kremer(Mercator),  et,  c'ett  à  l'emploi  de  cette  carte  qu'il 
faut  rara*-ntr  en  première  ligne  les  opinions  et  id(?es  erronées  qui 
existent  sur  la  superficie^  la  division  et  les  distances  de  certaines  par- 
ties du  monde.  Cette  projection,  employée  d'abord  pour  les  cartes 
marines,  s'est,  peu  à  peu,  implantée  pour  les  cartes  des  continents, 
parce  qu'elle  donnait  un  ensemble  synoptique  très  clair.  Mais  cette 
clarté  a  été  obtenue  au  détriment  de  l'exactitude  :  car  l'emploi  d'une 
échelle  grandisiiante  au  fur  et  à  oàesuré  qu'on  s'approche  des  pôles 
nous  induit  en  erreur  et  nôas  incite  à  tirer  de  fausses  conclusions  dès 
que  nous  comparons  deux  contrées  situées  dans  des  latidùdes  diffé- 
rentes. Ainsi,  le  Cameroun, qui  est  prenque  aussi  grand  que  l'Allema- 
gne, paraît  avoir  à  peine  un  tiers  do  la  superficie  de  ce  pnys:  et 
Mtidiigascar  qui.  À  peu  de  chose  près,  a  la  même  grandeur  que  la 
presqu'île  Scandinave,  semble  en  avoir  à  peine  un  cinquième. 

Un  autre  inconvénient  est  l'impoesibilité  de  représenter  les  contrées 
polaires  sur  une  même  carte  avec  les  autres  pays  ;  par  suite  on  s'ima- 
gine les  continents  beaucoup  plus  également  répartis  sur  les  deux 
hémisphère  s  nord  et  eud  que  c'est  en  réalité  le  cas  D'autre  part,sur 
les  planisphères,  la  carte  est  très  défigurée  vers  les  bords,  et,  par  con- 
séquent, les  distances  sont  peu  conformes  à.  l'échelle.  En  outre,  la 
division  de  la  terre  en  deux  moitiés,  entre  lesquelles  tout  rapport 
manque,  et  le  tracé  courbe  des  parallèles  nous  permettent  difficile- 
ment de  nous  rendre  un  compte  exact  do  lu  situation  ou  de  la  latitude 
d'un  endroit. 

l.e  Globe  terrestre  qui,  grâce  à  sa  forme  sphériqne,  permet  se<il 

une  repioduction  vrain.cnt  fidèle  de  la  surface  terrestre  a,  cependant, 

cet  inconvénient  que,  à  moins  de  le  toivner  ou  de  changer  de  place, 

on  ne  peut  voir  qu'environ  un  douzième  de  la  surface  de  la  terre  en  sa 

position  exacte.    Il  est  donc  impossible  de  comparer  immédifttetnçBt 


iOi  klBUÔOHAPfilK 

entre  ellee  lee  différentes  parties  da  monde  k  canse  de  l'image  oliai- 
géante  dn  globe  en  le  tournant  on  changeant  de  place. 

La  nouTelle  carte  (Globaskarte)  dn  capitaine  Sipman  qni  représente 
la  snrface  terrestre  en  six  lanières  fusiformes,  donne  tontes  les 
parties  de  la  terre  en  une  échelle  uniforme  ;  la  distance  d*ini  point 
quelconque  de  l*équateur  et  des  pôles  est  immédiatement  visible,  et. 
pour  comparer  la  superficie  et  la  situation  de  deux  pays  ou  la  lon^iecr 
des  voies  de  transport  ou  des  lignes  de  navî/ration,  la  tâche  devient 
très  facile.  La  défignration  des  bords  est  bien  moins  grande  car  c^ 
cartes  reproduisent  une  étendue  moins  gcaode  que  les  planisphères 
Mais  ces  six  cartes  qui  ne  se  touchent  qu*â  Téquateur  ont  le  grand 
inconvénient  de  séparer  les  grandes  masses  continentales  en  diver^et 
parties  de  sorte  que  l'ensemble  des  continents  se  perd  d*nne  faç<  c 
pénible.  Pour  obvier  quelque  peu  à  ce  désavantage  et  donner, m aî^- 
leur  morcellement,  un  certain  ensemble  à  ces  six  fuseaux,  Tautenr  i 
ajouté  h  chaque  carte  divisionnaire  deux  cartes  complém entai reft  'iir- 
de  chaque  côté)  qui  grandissent  avec  les  intervalles,  laissés  entre  \^  i 
cartes  prin'^îpales,  c'est-à-dire, vers  les  pôles  ;  k  partirdu  80*  degré  tl? 
latitude,  on  a  pu  développer  la  surface  terrestre  dans  toute  son  éten- 
due. Il  est  vrai  que  ces  cartes  complémentaires  présentent,  à  cause  <i« 
leur  position  latérale  À  la  carte  principale,  une  certaine  défiguratior. 
qui,  cependant,  n*atténue  que  la  forme  ;  la  superficie  et  If  s  distanrei 
est-ouest  en  sont  exactes.  Ainsi,  la  earte  c  Groeland —  Amérique  d*: 
Sud  »  montre  les  côtes  de  la  partie  nord  de  P Atlantique  et  lescbemics 
maritimes  entre  l'Europe  et  l'Amérique  dans  Tensemble,  tandis  que 
Ton  peut  voir  la  forme  exacte  delà  côte  ouest  de  TEurop^e  sur  la  earte 
c  Europe —  Afrique  ».  De  même,  sur  la  carte  «  Asie  »,  tout  le  con- 
tinent se  présente  dans  l'ensemble,  tandis  que  la  conformation  de^es 
côtes  orientales  se  voit  sur  la  carte  «  Extrême-Orient  —  Australie.  ». 

Le  méridien  moyen  de  chaque  carte  est  droit,  conforme  à  VéchcD^ 
et  coupe  réquateur  ainsi  que  les  parallèles  sous  un  angle  droit  :  les 
autres  méridiens  forment,  sur  la  carte,  des  lignes  courbes  et  sont 
donc  un  peu  plus  longs  que  leur  grandeur  réelle.  La  défignration  qui 
en  est  la  conséquence  n'est  que  très  faible  sur  les  cartes  principale  : 
mais  elle  augmente  sur  les  cartes  complémentaires,  progreesiveneot 
vers  les  bords^ce  qui,  au  premier  aboTd,donne  une  image  assez  bizarre: 
mais  on  s'y  fait  assez  rapidemen  t .  i 


filBLlOGHAPHlfi  f  865 

i  cartes  d'après  la  projection  de  Mercator  TAsie  et  l'Amériqae 
,  par  exemple,  paraissent  beaacoap  trop  larges,  et  FAmé- 
Sud  trop  allougée, tandis  que  snrles  planisphères,1a  Norvège 
i'dland  se  trouvent  d^ns  une  position  presque  horizontale.  Si 
pare  ces  parties  du  monde  sur  les  anciennes  cartes  et  sur  la 
jMrte  de  Sipinan,  on  trouvera  certaineraont  que  cette  der- 
.  [>liis  près  de  la  véritô  que  les  autres.  Somme  toute,  vu  le 
prix  de  la  carte  (1  mark),  il  est  difficile  de  faire  mienx. 

J.  Fritz 
Professeur  d  l'Ecole  Supérieure  de  Commerce  du  Havre 


AVENTURES    DES    MARINS    DIEPPOIS  3:Jl 

On  raconte  que  lorsqu'on  demanda  au  Doge  ce  qui  Téton- 
nait  le  plus  à  Versailles,  il  répondit  malicieusemenl  :  ((  G*est 
de  m'y  voir.  » 

Duquesne,  vieux  et  fatigué  d'une  vie  si  laborieuse,  vint 
aussi  à  Versailles  peu  après,  mais  il  fut  reçu  froidement  par 
le  roi  qui  lui  tenait  rigueur  de  son  caractère  indépendant. 
Affaibli  et  dépité  il  donna  sa  démission  et  se  retira  dans  sa 
famille,  oii  il  mourut  à  78  ans.  Il  laissait  la  réputation  du 
plus  habile  homme  de  mer  de  son  siècle. 

Les  frères  cadets  de  Duquesne  marchèrent  sur  ses  traces 
et  devinrent  capitaines  de  vaisseau.  Ses  fils  aussi  furent 
d'excellents  marins  (1). 

Cependant  Torgueil  du  roi  alluma  une  nouvelle  coalition. 
Les  Anglais,  animés  depuis  longtemps  contre  Dieppe  d'une 
haine  farouche,  résolurent  de  tirer  sur  elle  ven^jeance  du 
bombardement  de  Gènes.  Le  12  juillet  1694,  l'amiral  lord 
Berkeley  se  présente  devant  la  malheureuse  cité,  si  mal 
défendue  par  sa  position  et  qui  n'était  soutenue  par  aucune 
flotte.  Onze  cents  bombes  y  furent  lancées,  qui  eurent  vite 
fait  d'incendier  toutes  les  maisons,  et  de  tuer  des  milliers 
de  personnes.  Les  Anglais  ne  se  retirèrent  que  lorsqu'ils  ne 
virent  plus  dans  l'ancienne  cité  des  Cousin  et  des  Ango 
qu'un  monceau  de  débris  et  de  cendres. 

Louis  XIV  résolut  de  réparer  cette  ruine  épouvantable. 
Il  fit  tracer  par  l'ingénieur  De  Ventabren  le  plan  d'une  ville 
plus  régulière  et  plus  moderne,  aux  rues  larges  et  droites, 
aux  maisons  de  briques  et  de  pierres. 

Quelques  années  après  le  bombardement,  Dieppe  s'était 
encore  une  fois  relevée  de  ses  ruines  et  attendait  une  pros^- 
périté  nouvelle. 

(U  Cf*  Diftlounalre  Laroiuie,  irtidti  DnqoMiiei 


CRÉATION 

d  un  Centre  de  Colons  Normands 

EN   ALGÉRIE 


Le  Gouvernement  général  de  l'Algérie  vient  d'informer 
officiellement  rOlïice  de  renseignements  gratuits  de  la 
France  Colonisatrice  que  huit  concessions  gratuites  étaient 
réservées,  au  village  de  \Valdeck- Rousseau,  à  des  familles 
d'origine  normande  et  présentées  par  la  Société  la  France 
Colonisatrice.  M.  le  Gouverneur  général  de  TAlgérie  en 
annonçant  cette  décision  écrit,  à  propos  de  ce  centre  > 

((  La  part  restreinte  faite  au  peuplement  par  voie  d'allri- 
«  bution  gratuite  ne  m'a  pas  permis  d'en  disposer  d'un  plus 
((  grand  nombre  au  profit  des  familles  ayant  le  patronage 
((  de  la  Société. 

((  Les  résultats  de  la  vente  à  bureau  ouvert  de  la  majeure 
((  partie  des  concessions  do  Waldeck-Rousseau  ont  été 
«  des  plus  satisfaisants  et,  par  suite,  celles  qui  sont  oc- 
((  troyées  dans  ce  contre  constituent  des  dons  de  valeur.  » 

C'est  donc  un  centre  de  premier  ordre  qui  est  réservé 
aux  Normands. 

On  peut  se  faire  inscrire  ou  demander  des  renseigne- 
ments à  l'Office  de  renseignements  gratuits  de  la  Franct 
Colonisatrice i  1,  place  Verdrel,  Rouen. 


AVENTURES   DES    MARINS    DIBPPOIS  323 

et  durant  la  traversée,  l'eau  potable  vint  à  manquer  sur  le 
navire.  Deux  arbustes  périrent  de  sécheresse  et  le  troisième 
allait  avoir  le  même  sort,  lorsque  les  matelots  étonnés 
virent  leur  capitaine  partager  avec  lui  sa  part  de  la  pré- 
cieuse boisson  et  arroser  tous  les  jours  la  jeune  plante  avec 
le  peu  d'eau  qu'on  avait  réservé  pour  lui  même. 

Celte  sollicitude  touchante  ne  fut  pas  perdue.  L'arbuste 
fut  planté  à  la  Martinique,  grandit,  fructilia,  et  devint  le 
père  des  caféiers  de  toutes  les  Antilles  (1720). 

A  la  fin  du  règne  de  Louis  XV,  les  désastres  de  la  guerre 
de  Sept  Ans  donnèrent  à  Vauquolain,  autre  enfant  de 
Dieppe,  loccasion  de  se  signaler.  De  famille  obscure,  il  se 
voit,  tout  jeune,  par  ses  mérites  évidents,  confier  une 
frégate,  malgré  la  jalousie  des  marias  de  naissance  qu'une 
telle  innovation  scandalise.  Vauquelain  part  de  Dieppe  sur 
la  frégate  L'Aréihuae,  de  trente  canons,  ce  qui  était  peu 
pour  l'époque  et  jure  à  ses  concitoyens  de  la  leur  ramener 
intacte  ou  de  mourir  en  la  défendant,  il  se  trouve  bloqué 
avec  l'escadre  française  dans  le  port  de  Pittsbourg,  en 
Amérique.  L'escadre  ne  peut  tarder  à  être  prise  par  la 
puissante  flotte  anglaise  qui  l'assiège  et  va  se  rendre. 
Vauquelain  obtient  de  tenter  une  sortie.  Il  manœuvre  si 
adroitement  qu'il  passe  au  milieu  des  Anglais  surpris, 
gagne  la  pleine  mer,  vainement  poursuivi,  et  ramène  à 
Dieppe  sa  frégate. 

Le  hardi  corsaire  apprend  que  notre  colonie  du  Canada» 
peuplée  en  grande  partie  de  ses  concitoyens,  est  attaquée 
par  des  forces  anglaises  de  beaucoup  supérieures,  et  que 
le  roi  de  PYance  commet  la  coupable  imprudence  de  ne 
pas  y  envoyer  de  secours.  Il  ne  laissera  pas,  lui,  cette 
vieille  colonie  nous  échapper  sans  tenter  de  lui  venir  en 
aide.  Il  vole  avec  LArétkuse,  sur  les  rivages  menacés, 
remonte  le  cours  du  Saint-Laurent  pour  porter  secours 
(iux  Français  assiégés  dans  Québec  ;  mais  apprenant  la 


324  AyENTURES    DES   MARINS    DIEPPOlS 

reddition  de  cette  ville,  il  veut  regagner  la  mer,  lorsqu'i 
se  voit  cerné  par  toute  là  flotte  ennemie.  Loin  de  se  rendre, 
il  se  défend  en  désespéré.  Ne  pouvant  sauver  son  bâtiment, 
il  fait  descendre  ses  soldats  dans  les  canots  de  sauvetage, 
met  le  feu  à  sa  frégate  et  y  attend,  seul,  la  mort.  I^s 
Anglais,  admirant  son  courage,  montent  sur  son  vaisseau 
enflammé  et  lui  sauvent  la  vie  (1763). 

Chargé  d'une  mission  difficile  dans  l'Inde,  il  s'en  acquitte 
avec  succès  et  à  son  retour  en  France  se  voit  calomnié  par 
la  jalousie  des  officiers  nobles,  envieux  de  ses  exploits,  de 
sa  jeunesse  et  de  sa  nomination  au  grade  de  lieutenant  de 
vaisseau.  Il  fut  emprisonné  huit  mois  et  n'en  sort  que  pour 
tomber  assassiné,  un  soir,  sous  les  coups  d'un  inconnu. 

Avec  lui  se  termine  la  liste  des  guerriers  remarquables 
de  Dieppe.  Par  contre,  des  héros,  plus  modestes,  obscurs, 
mais  non  moins  admirables,  vont  prolonger  les  généreuses 
traditions  de  la  vieille  cité  normande. 

Après  un  bombardement  inutile  des  Anglais,  en  1803, 
Napoléon  1<?'  fit  de  vastes  projets  sur  l'aménagement  du 
port  de  Dieppe,  qu'il  laissa  à  ses  successeurs  le  soin  de 
mettre  à  exécution,  pour  en  faire  du  moins  un  port  de 
commerce  confortable. 

La  pêche  dans  les  mers  polaires  et  sur  les  bancs  de 
Terre-Neuve,  à  laquelle  se  livrèrent  avec  ardeur  les  Diep 
pois,  donna  à  l'un  d'eux,  Noël  de  la  Morinière,  l'idée 
d'étudier  cette  industrie  qui  le  passionnait.  Il  fit  d'abord 
sur  les  côtes  de  France,  des  études  hydrographiques, 
écrivit  de  nombreux  livres  très  estimés  sur  les  pèches,  leur 
histoire,  leurs  procédés,  devint  membre  correspondant  de 
l'Académie  des  Sciences,  inspecteur  général  des  poches 
maritimes.  Il  visita  les  côtes  du  Nord  de  l'Europe  pour 
se  renseigner  sur  les  lieux  mômes  et,  malgré  une  maladie 
Bigud  voulut  s  embarquer  pour  la  Norvège.  Il  mourut  h 


OrVUAGF.S  UKÇ.LS  A  LA  SOniliTK  371 

L'Expansion  coloniale  du  Congo  français,  par FcrnaDd  Rouget, 
commissiire-adjdiiitdiH.'on;!;:*»  à  l'Kx position  coloniale  de  Marseille, 
introduction  pir  M.  Emile  Gkntil.  cominissiiro  général  du  G'iu- 
verucment  au  Congo  français.  Paris,  lîMlG,  1  vol.  in-8,  avec  HH 
gravures,  12  cartes  et  croiuis  et  une  cane  d'chstMnhle. 

Vers  Athènes  et  Jérusalem.  Journal  ilo  Vfiyiî^o  cri  (tnVe  et  on 
Syrie,  par  Gustave  IjAUUOUMKT,  mouibro  do  llnstitut.  l'aris  1S'J8, 
1  vol.  in-8. 

A  travers  la  Perse  orientale,  par  lo  Maj«)r  Svk!:s.  I*ari8,  11)07, 
1  vol,  in-lG,  avec  50  gravures. 

L'Ile  de  Cuba,  Santiago,  Puerto- Principe,  Matauzis,  f.a  Havane, 
par  Hippolyte  PiRo^v.  Paris,  IHXl»^  1  vol.in-18,  orné  do  no:nl)reu8i« 
gravure*?  sur  bois. 

Le  Brésil,  par  Paul  Uenki.k.  Paris,  11H)7,  1  bmch.  7<î  pp.,  ornée  de 
nombreuses  gravures.  (Don  do  M.  Jmi')  N'iciri  da  îSilva,  consul 
générai  des  Etats-Unis  du  l^résil.) 

Un  Missionnaire  chez  les  Sauvages  de  PAraguaya,  au  Bré- 
sil. -  Le  P.  Gil  Vilanova,  des  Frères  prêcheurs,  par  le  U. 

P.  Etienne-Marie  Gallais,  dvs  Fn-rej*  prèciieurs.  Toulouse,  1901, 
1  vol.  inlG,  oiuù  d'un  portrait  et  de  'A  gravures  avec  une  carte  et 
un  plan  hors  texte.  (Don  de  M"*'  Charles  de  Malruain.) 

Le  Cuivre.  Sa  production  et  son  commerce  aux  Etats-Unis. 

son  marché  en  1907,  par  Andié-E.  Sayous,  bccroiaire  général  de 
la  Fédération  dus  Industriels  et  Commerçants  franç.iis.  Paris.  1907, 
1  broc. in-8,  58  pp. 

L'Aurore  Aastrale.  —  La  Société  australienne.  —  Le  Socialisme 
en  Australie. —  La  Constitution  australienne  et  son  fonctionnement. 
—  La  valeur  et  la  situation  matérielles  do  l'Australie.  —  L'Aus-' 
tralîe  vue  du  dehors,  par  Biart  d'Aunet.  Paris,  1907,  1  vol.in-18. 

Autour  du  Kunde,  par  les  Boursiers  de  Voyage  de  T Université  de 
Paris.  (Fondation  Albert  Kahn.)  Paris,  1904,  1  vol.  in-d. 

Le  Traité  Franco-Siamois  du  23  mars  1907,  par  Joseph 
JouBBRT,  vice-président  de  la  Société  des  EtiKles  Coloniales  et 
Maritimes*  Paris,  1907,  1  broch.  in-8,  24  pp.  (Don  de  lAuteur.) 

Xoavement  commercial,  industriel  et  maritime  de  la  place 
d'Anvers.  Hupport  sur  l'exercice  1906,  publié  par  la  Chambre  de 
commerce  d'Anvers,  1907,  1  vol,  in-8.  (Don  do  M.  le  Président  de 
la  Chambre  de  commerce  d'Anvers.) 

MouTement  général  maritime  et  commercial  de  la  Gochiii* 
chine  française,  pendant  Tannée  1905,  Statistiques,  impor- 
tations et  exportations,  publiées  par  la  Chambre  de  commerce  de 
Saigon,  1907^  1  toL  in-4.  (Don  de  M.  1q  Président  de  la  Chambre 
d9  commerce  da  Saigon.) 


Ii72  OUVRAGES   REÇUS    A  LA  SOCIÉTÉ 

La  Question  de  la  Valorisation  du  Café  au  Brésil,  p^^  ^- 

Ferreiua  Uamos,  ingénieur,  conwnisHiiro  gént-nil  du  Goiivem*- 
ment  do  l'Etat  de  Saint- Paul  pour  le  Nord  de  l'Europe.  Gonfér«înoe 
faite  nu  (Vr^lo  d'Etu<les  colonides  d'An  vois,  le  2';)  janvier  V,^^'. 
Anvers,  11)07,  1  voLin-S,  contenant  Ct'6  gravures,  2  caMes  et  M  dia- 
grammes. (Don  de  l'Auteur.) 

Brazil  "  Magazine  ",  Ueviio  mensuelle  d*art  et  d'actualités,  puMite 
en  deux  textes,  portugais  et  t'ruuçais,  ornée  de  nombieii.-t'»'  iiii»^- 
traiions.  Numéros  de  février  à  juin  et  août  VM)!.  i.DondeM.F. 
Ferreira  Haraos  ) 

Le  Courrier  de  l'Etat  de  Saint-Paul,  édité  à  Anvers  par  1* 
Comniinsiiire  général  de  Saint-Paul  (Brésil),  puldicntion  niensaelle 
illustrée.  Numéros  parus  de  février  à  septembre  l'.H)7.  lEuvoi  de 
M.  F.  Ferreira  Kauios.) 

Carte  de  l'Inde  ecclésiastique,  au  4.4<X)  000*,  une  feuille  eo 
couleurs,  éditée  par  *'  Les  Missions  Catholiques  ".  Lvon,  jiuvitf 
1907. 

Railway  Map  ol  the  Dominion  of  Canada,  une  feuille  en  coif 
leurs  au  G.336.0()U^,  publiée  par  le*'  Department  of  Interior\ 
Ottowa,  1907. 


TABLE  DES  MATIÈRES 


ANNÉES  1906-1907 


EUROPE 

La  Frontière  Lorraine,  par  M.  Akix^uin-Duaiazet  ....  5 

La  Révolution  Russe  et  la  Douma,  par  M.  PiAYMond 

Kecouly 'S.\ 

L'Espagne  légendaire,  pittoresque  et  anecdotique, 

par  M.  KiiRNNK  lî-  /j-:     111 

ASIE 

Le  Cheminde  ferdeKonia-Bagdad,  par  M.  Feum. 
Vanier  235 


374  TABBE  DES  MATIÈRES 

AFRIQUE 

La  Fabrication  des  Chapeaux  à  Tamatave     

Les  Pêcheries  de  la  Côte  Occidentale  ^d'Afrique, 

pai  iM.  A.  GiiL'VKf 51 

Correspondance  du  Cocgo,  par  M.  A.  Lk  î^reton  ..         îft* 

Un  voyage  au  Congo  Français,  par  le  R.  P.  IIevri 

Trili.ks  217.  3») 

I  a  Face  Néo-latine  di  l'Algérie  en  1907,  par  A.  db 

POUVOUHVILLF    , '2:A\  '^^ 

AMKUIQUK 

L'Eruption  do  la  Montagne  Pelée  à  la  Martinique, 

par  M.  .T.  (îinAri»   7:'.,  '.'7 

La  Formation  d'un  lac  dans  le  désert  du  Colorado» 

par  M.  Hknici  dk   VAi.MiNY   f^'» 

L'Emigration  et  la  Colonisation Italiennesau Brésil, 

par  M .  HizzETTo  RizzAHPO ir»n,  1k. 

GKXKKALITKS 

Henri  Blot-Lefevre   1 

La  nouvelle  carte  de  France  au  50.  000« jw4 

Le  Cocotier  et  le  Coprah    i.\v.' 

Aventures  des   Marins    Dieppois,    par  M.  ALn:t;i> 

Mon.iN  ■>! 

Rapport  sur  le  Congrès  de  Dun^erque  190Ô   ;U'.« 


AVENTURES   DES   MARINS    DIEPPOIS  329 

Souhaitons  que  les  Dieppois  futurs  s'inspirent  de  ces 
traditions,  et  les  continuent  par  des  exploits  maritimesdu 
même  genre  ou  d'un  genre  nouveau,  que  les  circonstances 
ou  le  progrès  feront  naître  plus  tard. 

Toujours  hardis  pêcheurs,  toujours  excellents  marins, 
verrons-nous  encore  leur  nom  surgir  dans  une  entreprise 
audacieuse  et  imprévue?  Ils  ont  de  qui  tenir,  et  l'avenir 
est  grand. 

Alfred  Moulin 


k'Z 


;!' 


SOCIETE 


DB 


•GRAPHIE  COMMERCIALE 

3DXJ     H-A-TmE 

-   —     -  -aie  ■    

BUllLiETIfl 


ANNÉES    1908-1909 


•  -#  « . 


-5» 

if 


Il 

If' 


UN  VOYAGE  AU  CONGO  FR.VNÇAI9  333 

assez  habile  »,  rn^  disaient-ils,  et  l'un  d'eux  me  proposa 
Texpérience  suivante.   J'avais  un  couteau  de  fabrication 
anglaise   qui   coupait  les  lianes  d'une  façon  admirable  et 
qu'il  désirdit  beaucoup.  De  mon  côté,  j'avais  envied'unç  de 
ses  lances  que  j'ai  rapportée  «  Si  tu  veux, nous  allons  faire 
rexpérienc(3  suivante  :   Tu*  crois,  lorsque  je  dis  que  pour 
attraper  une  antilope  je  me  glisse  sous  le  ventre,  que  c'est 
pour  me  vanter. Eh  bien  !  faisons  un  pari. Tu  vas  te  mettre 
au  milieu  d'une  clairière  — elle  pouvait  avoir  tout  au  plus 
un  rayon  de  25  mètres  autour  de  moi  —  je  viendrai  et  j'es- 
saierai de  te  surprendre  comme  si  tu  étais  une  antilope.  ))— 
«  Oui, mais  tu  ne  me  donneras  pas  un  coup  de  couteau  »  .  — 
«  Je  ne  te  donnerai  pas  un  coup  de  couteau,  je  te  poserai 
simplement  la  main  sur  l'épaule.  » —  Nous  allons  voir, mais 
combien  le  feras-tu  de  fois  ?»  —  «  Si  tu  veux,  je  le  ferai 
trois  fois  sans  que  tu  aies  pu  me  voir.»— aSije  te  vois  tu  me 
donneras  ta  lance.»  Il  acquiesça  de  bon  cœur.— «  Oui, mais 
si  je  gagne  tu  me  donneras  ton  couteau.  » — Immédiatement 
chacun  se  disposa  Je  me  mis  dans  la  clairière, le  pygmée  de 
son  côté  disparut  dans  la  forùt.Je  n'entendis  plus  de  bruit. 
Au  bout  d'une  demi-heure, comme  je  me  tournais, regardant 
ô  droite  et  à  gauche,  il  me  posa  la  main  sur  l'épaule  en  me 
disant  :  «  Cela  fait  bien  une  fois.  »  —  Quand  on  est  pris  de 
cette  façon, on  se  demande  comment  cela  a  pu  se  faire.Je  me 
mis  à  regarder  et  cette  fois.du  n.ieux  que  je  pus. Au  bout  de 
sept  ou  huit  minutes, il  me  posa  les  mains  sur  les  épaules. Je 
sentais  mon  prestige  d'homme  blanc  qui  s'en  allait^  c*était 
ennuyeux. Je  regardai  mieux  encore  que  les  deux  premières 
fois, mais  malgré  tout  je  fus  e^icore  âurprls. 
Continuons  notre  promenade. 

Les  indigènes  sont  des  chasseurs  très  habileâ.  Avec  Und 
simple  feuille,  en  se  pinçant  le  tiez,  iU  imitent  le  cri  des 
antilopes  qui  viennent  près  d'eux  et  alors  il  leur  est  facile 
do  les  tuer. 


334  UN  VOYAGE  AL  CONGO  FRANÇAIS 

Cest  dans  la  forêt  que  nous  avons  rencontré  Tokapi  que 
nous  avons  tué,sans  nous  douter  du  renom  qu'il  allait  avoir. 
C'est,  dit-on  Tancétre  du  cheval  ou  de  l'âne. 

Quelquefois,  au  lieu  d^avoir  une  antilope  à  manger  on  a 
recours  à  des  dîners  plus  modestes.  Quand  j'ai  pris  ces  cli- 
chés, nous  marchions  depuis  troi^  jours.  Les  noirs  qui  nous 
conduisaient,nous  avaient  dit  qu'il  fallait  seulement  un  jour 
de  marche,on  n'avait  donc  emporté  des  vivres  que  pour  un 
jour.  Le  premier  jour  on  avait  tout  mangé,  le  second  jour, 
jusqu'au  soir,  on  a  serré  un  ou  deux  crans  de  sa  ceinture. 
C'est  une  façon  économique  de  dîner,  mais  qui  a  bien  des 
désavantages.  Enfin,  on  est  arrivé  sur  un  vol  de  sauterelles 
et  on  en  a  pris  une  certaine  quantité  ;  les  noirs  disaient  que 
c'était  très  bon  à  manger,  mais  pour  moi  ce  mets  ne  vaut 
pas  cher. 

Nous  arrivons  maintenant  à  l'entrée  d'un  village.  Il  y  a 
assez  longtemps  que  je  vous  promène  au  milieu  des  bêtes, 
voyons  un  peu  les  gens. 

Quand  on  arrive  près  des  grands  villages  de  l'intérieur, 
la  première  chose  à  faire,  c'est  d'arrêter  sa  caravane  de 
façon  à  pouvoir  causer  avec  les  gens  du  village  et  à  ne  pas 
s'avancer  à  l'improviste.  Avec  deux  de  mes  hommes  je 
m'avançais  afin  de  parler  avec  les  habitants  du  village.  La 
plupart  des  villages  sont  en  guerre.  La  sentinelle  est  en 
avant,  elle  se  tient  à  l'entrée  du  chemin  derrière  son  bou- 
clier, toute  prête  à  vous  lancer  ses  flèches  ou  sa  sagaie  qui 
sont  toujours  empoisonnées  à  la  strychnine.  Derrière,  trois 
ou  quatre  hommes  sont  prêts  à  s'élancer  en  cas  d'attaque. 

Pendant  ce  temps,  les  femmes,  les  enfants  et  les  impédi* 
tnenta  quelconques  se  sont  retirés  un  peu  en  arrièrei  de 
façon  à  pouvoir  se  sauver  en  emportant  tout  ce  qu'ils  peu* 
vent  s'il  arrive  la  moindre  chose.  Les  chefs  de  guerre  sont 
en  avant  pour  voir  qui  vient«  Tous  ces  préparatifs  durent 
Un  t^mps  assez  long.  Les  chefs  prennent  toujours  dans  cet 


Soeiété 

de 


XX Y"  ANNKK 
1^'  Trimestre  1908 


Géographie 

Commerciale 


da  Havpe 


BUltliETirl 


haVre 


131.  kci:  i>r  I'Mms.   loi 


'itiii  l-N  VOYAGE  AU  CONGO  FRANÇAIS 

oux  deviennent  vos  amis.  L'habilude  de  manger  ia  chair 
humaine  ne  provient  pas  du  manque  de  TÎande,  cest 
presque  toujours  un  phénomène  de  guerre  ou  un  fait  rituei. 
quelquefois  un  sacrifice  religieux,  bien  souvent  aussi  on 
acte  de  vengeance. 

Lorsqu'on  a  pénétré  dans  la  première  enceinte,  on  passe 
devant  le  chef,  il  vous  fait  une  réception  solennelle.  Si  Ton 
veut  conquérir  son  amitié,  on  lui  oflfre  même  de  petits 
cadeaux  suivant  Tusage,  puis  on  passe  par  une  cérémonie 
d'initiation,  une  sorte  d'interrogatoire.  Un  fétiche  particu- 
lier, un  couteau  est  pendu  au-dessus  de  vous,  vous  passez 
dessous  et  un  sorcier  vous  pose  certainesquestions.il  vous 
demande  ce  que  vous  venez  faire.Le  couteau  qui  est  là  joue 
un  grand  rôle.  Si  vous  n'êtes  pas  considéré,  il  peut  arriver 
qu'il  tombe,  et  dans  ce  cas,  c'est  très  dangereux,  car  la  tète 
tombe  au'ssi. Lorsqu'on  veut  faire  partie  de  la  tribu,une  des 
conditions  essentielles,  c'est  de  passer  par  la  cérémonie  qui 
vous  fait  frère  de  sang.  Le  dernier  acte  seul  de  cette  céré- 
monie est  intéressant  pour  vous. Lorsqu'on  a  su  ce  que  vous 
vouliez,  on  vous  met  face  à  face  avec  le  chef.  L'un  prend 
une  poule  par  les  pattes,  l'autre  par  les  ailes  et  on  tire.  Plus 
on  tire,  plus  la  bote  crie  et  à  un  certain  moment,  les  pattes 
viennent  d'un  côté  et  les  ailes  de  l'autre  ;  on  dépose  alors 
le  tout  dans  une  feuille  de  bananier  puis  le  chef  vous  fait 
une  légère  incision  au  bras  gauche.  On  prend  alors  un 
morceau  de  la  poule,on  le  frotte  dans  son  sang  et  on  le  pré* 
sente  à  l'autre  en  disant  ces  belles  paroles  :  ((Prends,  mange 
et  bois,  car  à  partir  de  ce  moment  tu  es  mon  frère  »  .  Le 
chef  fait  de  môme  et  dit  :  ((  Tu  es  mon  frère  car  tu  as  bu 
mon  sangtà  partir  de  ce  moment  tu  es  le  frère  d'un  puissant 
chef))*  Ce  qui  donne  toutes  sortes  de  prérogatives^ 

J'ai  voulu  vous  promener  au  milieu  du  pays,  vous  mon- 
trer un  peu  quelles  sont  les  difficultés  de  pénétration  au 
milieu  du  Congo»  Ce  n^est  pas  toujours  très  facile)  comme 


CN  VOYAGE  AU  CONGO  FRANÇAIS  H37 

VOUS  ayez  pu  ie  voir,  de  s'avancer  dans  l'intérieur.  On  vous 
a  dit  au  conmieacement  que  nous  faisions  œuvre  de  pion- 
niers et  de  civilisateurs  c'est  un  peu  vrai, et  s'il  m'est  donné 
un   peu  plus   tard,  comme  je   l'espère,   de   revenir  parmi 
vous,  nous  pénétrerons  dans  la  vie  du  peuple  surtout.  Je 
vous  montrerai  comment,  en  nous  enfonçant  au  milieu  de 
ces   gens,  nous  avons  toujours  cherché  à  conquérir  notre 
place  au  soleil,  c'est  dans  notre  rôle. Nous  avons  cherché  à 
faire  de  ces  gens  des  chrétiens  ;  mais  nous  ne  nous  atta- 
chons pas  seulement  à  une  question  de  doctrine,nous  cher- 
chons à  les  relever  par  l'enseignement  et  par  le  travail. C'est 
ainsi  qu'en  attirant  beaucoup  de  monde  dans  nos  écoles, 
nous  essayons  dans  toute  la  mesure  de  notre  possible,  et 
nous  y  réussissons  un  peu,  nous  essayons,  dis-je,  de  faire 
la  France  de  l'avenir.  Avec  vous,  je  n'ai  voulu  faire  aucune 
éloquence,  j'ai  voulu  simplement  vous  montrer  que  tous, 
tant  que   nous  sommes  :  missionnaires  de  toutes  sortes, 
pionniers,  négociants,  colonisateurs  ou  fonctionnaires,  ce 
que  nous  voyons  avant  tout  et  au-dessus  de  tout,  au  milieu 
de  ces  peuples  dont  je  vous  ai   entretenu  ce  soir,  dans  ce 
magnifique  Congo  où  nous  avons  planté  notre  drapeau, 
c'est  la  France  de  l'avenir  ! 

Henri  Trilles 


Lia  l^aee  Hco-liatine 


et 


r  Algérie  en  1907  ' 


Nous  avons  eu  au<«*i,  j»ir  suite  de  circonstances  excep- 
tionneiie.s,  une  émîL'ralion  française  en  Algérie  :  c'esll  émi- 
gration aisarienne  .«'rraine  qui  a  suivi  la  guerre  de  1870. 
On  ne  ficut  p;<s  coni[>k'r  non  plus  sur  cette  émigration.non 
pus  que  les  résultats  n'aient  pas  été  bons,  mais  elle  n'a  été 
que  temp^jraire  et  une  émigration  n'est  valable  qu*autant 
qu  elle  provoque  un  courant  continu.  Les  Alsaciens-Lor- 
rains qui  ont  été  en  Algérie  ont  en  général  réussi  là-bas 
parce  que  c'étaient  d^s  agriculteurs.  Ils  y  ont  transporté 
leurs  habitudes  de  travail,  leur  science  des  travaux  agri- 
coles, et  jusqu'aux  noms  des  villes  perdues.  J*ai  retrouvé 
en  Algérie,  en  Kabylie,  les  noms  de  Colmar,  Strasbourg, 
Mulhouse,  qui  rappelaient  à  ces  braves  gens  le  pays  que 
nou9  n'avons  pas  su  leur  garder.  Mais  la  quantité  fait 
défaut  à  cette  émigration  si  la  qualité  en  est  merveilleuse. 
Aujourd'hui  elle  a  cessé,  et  s'il  y  a  encore  quelques  Alsa^* 
ciens-Lorrains  qui  restent  en  Algérie,  ils  proviennent  ex* 
clusivement  de  libérés  de  la  Légion  étrangère  qui  ont  fini 
leur  service  et  qui  considèrent  désormais  l'Algérie  comme 
leur  unique  patrie  car,  vous  savez  qu'à  la  Légion  étrangère 
il  y  a  un  tiers  de  petits  bonshommes  aux  yeux  bleus  etaux 
cheveux  blonds  qui  déclarent  qu'ils  ont  dix-huit  ans  lors- 

(1)  VQlr  U  BttUtUn  da  a*  trimestre  1907.  ^ 


LA  RACE  NÉO-LATINE  ET  l'aLGÉRIE  EN  190*?  339 

qu*ils  passent  la  frontière  allemande,  mais  qui,  en  réalité, 
Ti*en  ont  que  quinze  ou  seize  et  que  nous  prenons  tout  de 
iTiénne,  parce  que  nous  savons  que,  cachant  leur  état-civil, 
ce  qu'ils  viennent  chercher  chez  nous,  c'est  la  patrie  qu'ils 
n'ont  plus  ailleurs . 

Quand  ils  ont  passé  cinq,  dix  ou  quinze  ans,  (c'est  un 
régiment  où  l'on  rengage  beaucoup)  à  la  Légion  étrangère, 
il    se  trouve  qu'au  moment  de  leur  libération  ils  n'ont  plus 
en  réalité  d'autre  patrie*  qiie  celle  où  ils  ont  fait  leur  temps 
de  service,  et  ils  restent  en  Algérie.  Il  est  assez  curieux  de 
voir  au  fond  des  villages  de  TOranie,  au  milieu  de  ces  po- 
pulations à  sang  très  chaud,  à  lèvres  très  rouges,  à  che- 
veux noirs  comme  les  corbeaux,  les  cheveux  blonds  et  les 
yeux  bleus  des  Alsaciens- Lorrains  ;  mais,  je  le  rappelle,  si 
la  qualité  est  merveilleuse,  la  quantité  est  intime,  et,  tout 
en  réservant  cette  qualité,  nous  devons  faire  appela  d'au- 
tres sources  d'émigration  pour  créer  la   population  algé- 
rienne. 

Cette  population  viendra  donc  d'un  courant  d'émigration 
que  je  vous  ai  indiqué  tout-à-l'heure,  des  nations  euro- 
péennes autres  que  la  France.  Quelles  seront  ces  autres 
nations  ?  Un  courant  d'émigration  ne  se  crée  pas  comme 
un  courant  d'induction  électrique,  il  y  a  des  sources  et  il 
faut  les  endiguer  et  les  utiliser  ;  mais  on  ne  les  crée  pas  de 
toutes  pièces,  pas  plus  qu'on  ne  supprime  de  toutes  pièces 
un  courant  d'émigration. 

Des  individus  émigrent  mais  un  peuple  n'émigre  pas  ; 
un  peuple  est  nomade  mais  n'émigre  pas.  Les  individus 
émigrent  fatalement  et  forcément  vers  une  unité  qui  leur 
ressemble.Quand  jadis  les  Français  émigraient,  où  allaient- 
ils  ?  Ils  allaient  dans  l'Amérique  du  Sud  ;  et  actuellement, 
les  Allemands,  où  vont-ils  ?  Les  Allemands  vont  aux  Etats- 
Unis.  Ne  pouvant  pas  avoir  de  colonies,  ils  s'en  vont  dans 
lea  colonies  anglo-saxonnes.  Il  ne  leur  viendra  jamais  ft 


4  CHEIKH-SAID 

de  lui  avouer  au  dessert,  inter  poculaj  la  revanche  qnil 
avait  mission  de  prendre.  L'Anglais  donne  tout  bas  q& 
ordre  à  son  officier  d'ordonnance  et  félicite  tout  haut 
notre  bon  diplomate  qui  se  rengorge.  La  soirée  se  pro- 
longe fort  avant  dans  la  nuit  ;  le  marin  diplomate  re- 
gagne enfin  son  bord  et  appareille.  A  Taube,  il  arri?c 
devant  Périm  :  le  pavillon  anglais  y  flottait  depuis  quel- 
ques heures  et  le  navire  que  venait  d'y  expédier  le  gou- 
verneur d'Aden  n'avait  pas  encore  éteint  ses  feux.  (!) 

Chassés  de  Périm,  nous  errons  pendant  plusieurs 
années  à  la  recherche  d'un  autre  point  à  occuper,  mais 
sans  nous  fixer  nulle  part.  Dès  1856  notre  consul  à  Aden, 
Henri  Lambert,  se  voue  à  cette  œuvi*e  ingrate  de  donner 
à  la  France  un  territoire  à  l'entrée  de  la  Mer  Rouge.  Ses 
vues  s*arrétent  sur  Obock  dont  il  obtient  la  cession  en 
1859.  Les  conditions  sont  arrêtées,  il  part  d'Aden  sur  un 
boutre  arabe  pour  aller  signer  le  traité  définitif;  à  peine 
au  large,  il  est  assassiné.  L'or  anglais  trouvé  plus  laitl 
entre  les  mains  des  coupables  montrerait  sufiisamment 
doii  partait  le  coup,  si  ces  coupables  eux-mêmes  n'en 
avaient  pas  fait  l'aveu.  Le  commandant  Fleuriot  de 
L'Angle,  qui  fut  chargé  de  faire  Tenquéte  à  ce  sujet  (i), 
reprit  l'œuvre  de  I^mbert  et  signa  en  1862  le  traité  qui 
nous  donnait  Obock,  pendant  qu'un  autre  bon  Franvais. 
le  commandant  Russel,  se  faisait  céder  Amphila,  Disse, 
Oude,  Arkiko,  Adulis  et  les  territoires  de  l'intérieur 
jusqu'à  Keren  et  au  llamazen,  c'est-à-dire  tout  le  pays 
qui  devait,  en  1883-84,  nous  être  enlevé  par  l'Italie  à 
l'instigation  de    l'Angleterre.    Le    commandant    Russel 


(1)  P.  BoN.NKTAiN.  —  L Extrême-Orient. 

(2)  Denis  dr  Hivoyrb.  — 1^8  Français  à  Obock. 
L.  Simonin.  —  Voyages  de  H,  Lambert, 

TOUR  DU  MONDE  186*.  —  2°*e  sefuestrc. 


LA  RACE  NÉO-LATINE  ET  l'aLGÉRIE  EN  1907  *Ml 

fait  d*un  rêve  éthiopien  qui  s'est  terminé  en  cauchemar, 
rjtalie  n'a  pus  ou  la  Tunisie,  il  y  a  des  chances  qu'elle 
retrouve  le  rêve  perdu  du  côté  tripolilain.  Il  se  trouve  que 
la  France  est  la  seule  nation  latine  qui  ait  pu  recueillir  l'hé- 
ritage dn  sani;'  latin,  je  ne  dirai  pas  du  sang  gaulois.  Cela 
n'a  pas  empèfiié  les  peuples  latins  qui  ne  sont  pas  fran(;ais 
de  prendre  part  ethnographiquement  à  la  conquête  fran- 
çaise. 

L'Espagnol  qui  est  (on  peut  le  dire  sans  blesser  personne) 
en  butte  dans  son  pays  à  une  administration  trop  routinière, 
très  Iracassière. émigré  dans  l'Oranie  ([ui  est  en  face  de  lui. 
L'Italien,  surtout  celui  du  sud,  le  Sicilien,  qui  est  à  l'étroit 
chez  lui  et  à  qui  l'on  demande  une  somme  d'impôts  au-des- 
sus de  ses  forces  mais  qui  est  nécessaire  à  son  pays,  émi- 
gré en  Tunisie.  Nous  voilà  donc  en  face  do  deux  éléments  : 
l'Kspagnol  d'un  côté,  l'Italien  de  l'autre.  C'est  avec  ces 
éléments  que  se  constituera,  môme  si  nous  ne  le  vouluns 
pas,  la  race  qui  constituera  l'Afrique  du  Xord.  Il  y  a  des 
gens  qui  émettent  des  craintes  à  ce  sujet,  (jui  ont  dit,  et  je 
l'ai  entendu,  que  si  on  laisse  1  émi.uration  envahir  comme 
cela  l'Algérie, l'Oranie  deviendra  une  province  espagnole, et 
la  Tunisie  une  province  italienne.  C'est  incontestable.  Mais 
si  nous.  Français,  sommes  incapables  d'envoyer  dans  nos 
provinces  algériennes,  tunisiennes, et  plus  tard  marocaines, 
Télément  français  d'origine  en  quantité  suffisante,  et  si, 
d'autre  part,  nous  nous  opposons  adminislrativement  à 
l'endosmose  inévitable  espagnole  et  italienne,  cette  endos- 
mose se  fera  malgré  nous,  elle  se  constituera  contre  nous. 
et  c'est  ce  qu'il  ne  faut  pas.  Nous  avons  sous  la  main  ces 
éléments  en  cpicstion.  l'I'lspagnol  d'une  i)art,  l'Italien  de 
l'autre.  Que  font-ils?  Ah  !  s'ils  faisaient  comme  font  beau- 
coup de  Français,  s'ils  venaient  en  Algérie  et  en  Tunisie 
en  disant  :  chc/  nous  n(njs  n'avons  pas  le  sou  et  nous  mou- 
rons do  faim,   et  en    face,  chez  la   bonne  sœur  latine,  il 


S42  LA  RACE  NÉO-LATINE  ET  L  ALOéRIE  ES    1907 

y  a  de  quoi  manger,  il  y  a  de  quoi  économiser,  allons-y  ; 
quand  nous  aurons  rempli  nos  poches,  nous  rentrerons  en 
Espagne  ou  en  Italie.  Ce  raisonnement  est  celui  que  se 
fait  Témigrant  français,  c'est  celui  que  se  fait  le  Chinois 
qui  émigré  en  Indo-Chine.  Je  ne  suis  pas  partisan  du  tout 
de  ces  émigrations  là.  Ce  ne  sont  pas  des  colons  ces  gens- 
là,  ce  sont  des  ventouses- 

Mais  r Espagnol, mais  le  Sicilien  qui  émigré  ne  se  fait  pas 
du  tout  ce  raisonnement.  Non  seulement, il  ne  se  le  fait  pas  ; 
mais  il  na  pourrait  passe  le  faire,  parce  que  l'Algérie  et  la 
Tunisie  nourrissent  leur  homme  mais  ne  l'enrichissent  pas  ; 
on  ne  thésaurise  pas  encore  en  Algérie  et  en  Tunisie. L'Es- 
pagnol en  Ornnie,  le  Sicilien  en  Tunisie  auront  vécu  beau- 
coup mieux  qu'ils  l'auraient  fait  chez  eux  pendant  10  ans, 
15  ans  ou  20  ans,  ils  auront  été  plus  satisfaits,  mais  s'ils 
voulaient  retourner  chez  eux,  ils  y  retourneraient  sans  le 
sou  et  mourraient  de  faim  comme  auparavant.  Par  consé- 
quent, ils  resteiit  chez  nous,  et  de  plus,  ils  trouvent  dans 
notre  Algérie  et  dans  notre  Tunisie  un  bien-être,  une  ai- 
sance,une  largeur  d'idées, une  satisfaction  journalière  qu'ils 
ne  rencontrent  pas  dans  leur  pays  dV>rigine  ;  ils  y  trouvent 
également  cette  administration  librrale  que  le  gouverne- 
ment de  la  République  française  a  instituée  spécialement 
pour  ses  colonies. 

Il  est  certain  qu'ils  n'ont  pas  du  tout  envie  d'abandonner 
ces  avantages  qu'ils  ne  transporteraient  pas  avec  eux  dans 
leur  ancienne  patrie,  en  Espagne  ou  en  Italie.  Ils  sont  en 
réalité,  des  colons  de  fond,  c'est  à-dire  que  lorsque  l'Italien 
a  quitté  son  Italie,  l'Kspagnol  son  Espagne,  ils  peuvent 
rester  au  fond  du  cœur  Italien  ou  Espagnol,  c'est  affaire 
entendue, et  je  les  en  félicite  ;  mais  sur  notre  sol  algérien 
ils  agissent,  ils  vivent,  ils  font  fructifier  le  sol  comme  le 
feraient  des  Français  d'origine,  et  c'est  par  conséquent 
une  excellente  acquisition.  Je  ne  suis  donc  pas  du  tout 


LA  RACE  NÉO-LATINE  ET  L  ALGÉRIE  EN  1907  343 

d*avis,  et  je  dois  dire,  on  ne  peut  pas  être  du  tout  d'avis  de 
mettre  un  frein  à  l'émigration  espagnole  ou  italienne  en 
Algérie.  Mais  il  faut  l'élever,  l'éduquer,  l'endiguer  et  la 
maîtriser  pour,  de  ses  éléments,  non  pas  adversaires, 
mais  hétérogènes,  faire  un  tout  bien  homogène,  bien  mas- 
sif et  bien  compact  ;  car  que  ferions-nous  d'éléments 
divisés  si  nous  laissions  les  Espagnols  rester  Espagnols, 
les  Italiens  rester  Italiens,  ils  ne  seraient  que  des  auxi- 
liaires occasionnels, et  ce  n'est  pas  cela  que  nous  voulons. Il 
faut  que,  sinon  tout  de  suite,  du  moins  dans  deux  ou  trois 
générations,  ces  Espagnols  et  ces  Italiens  deviennent  nous- 
mêmes.  Et,  entendons-nous  tout  de  suite.  Si  l'on  s'est 
tellement  opposé  à  l'émigration  italienne  et  espagnole  en 
Algérie,  c'est  qu'on  disait;  Ces  gens  ne  deviendront  jamais 
des  Français.  Certainement  non,  ils  ne  deviendront  jamais 
des  Français,  il  n'est  pas  du  tout  nécessaire,  et  il  est  impos- 
sible qu'ils  deviennent  des  Français. C'est  là-dessus  qu'était 
le  malentendu,  et  c'est  là-dessus  qu'il  fallait  des  éclaircis- 
sements et  qu'actuellement  on  se  trouve  d'accord.  Que 
ferons-nous  de  ces  Espagnols  et  de  ces  Italiens?  Essaierons- 
nous  d'en  faire  des  Français  ?  Pas  du  tout.  Quand  ils 
arrivent  en  Algérie,  ils  vivent  sous  nos  lois,  nous  leur 
donnons  le  bénéfice  du  statut  social  français,  au  besoin 
sous  certaines  réglementations,  nous  leur  donnons  même  la 
naturalisation  et  je  dois  dire  entre  nous  que  ceux  qui  ré- 
clament la  naturalisation,  ce  n'est  pas  tant  pour  la  gloire  de 
devenir  citoyens  français  que  pour  jouir  de  certains  avan- 
tages qui  sont  attachés  à  nos  lois  :  droits  civiques,  et  sur- 
tout pour  être  électeurs  et  avoir  un  député  qui  les  protège. 
Mais  nous  ne  devons  pas  faire  des  Français  avec  ces  gens- 
là  ;  la  race  que  nous  devons  amalgamer  là-bas  ne  doit  pas 
être  un  morceau  de  la  race  française,  elle  ne  peut  pas  l'être 
parce  qu'il  n'y  a  pas  assez  de  Français  d'origine  habitant 
l'Algérie,  et  parce  que  surtout  il  est  absolument  impossible 


8  CHEIKH-SAÎD 

Je  reviens  à  Gheikh-Saîd.  Après  avoir  si  eopie1ls^ 
ment  renseigné  nos  diplomates,  le  gouverneur  d'Aden. 
n*osant  pas  occuper  lui-môme  cette  terre  qu'il  saYak 
française  et  désirant  cependant  nous  mettre  dans  Tim' 
possibilité  de  revenir  plus  tard  sur  la  décision  qu  il  nous 
avait  fait  prendre,  fit  envoyer  de  Moka  un  détachenie&t 
de  250  fantassins  et  50  artilleurs  qui  y  plantèrent  l'éten- 
dard du  Sultan  devant  la  maison  élevée  par  nous  et 
1870.  Une  caserne  fut  construite  et  un  télégraphe  installé 
qui  mit  en  communication  Périm  et  Aden.  Notre  ambas- 
sadeur à  Constantinople  protesta,  mais  ne  sut  pas  se 
faire  écouter.  En  1894  et  dans  les  années  qui  suivirent, 
le  Sultan  a  encore  augmenté  cette  garnison  et  Ta  dotée, 
dit-on,  d'une  dizaine  de  canons  ;  les  conquêtes  illégitimes 
exigent  toujours  un  surcroit  de  précautions.  En  1900,  un 
journaliste  français,  M.  Hugues  Le  Roux,  voulut  descen- 
dre sur  ce  territoire,  quavec  raison  nous  considérons 
toujours  comme  nôtre,  et  fut  éconduit  par  nos  voleurs 
comme  un  intrus.  Si  un  jour,  mieux  éclairés,  nous  vou- 
lons remettre  la  main  sur  notre  bien  nous  nous  heurte- 
rons au  fait  accompli. 

Ainsi  donc,  voilà  un  domaine  qui  est  notre  pix)priëlê 
incontestable  et  un  Français  n'y  peut  pas  mettre  le  pied. 
On  voit  ici  d'une  façon  saisissante  la  différence  profonde 
qui  existe  entre  les  procédés  de  la  politique  anglaise  et 
ceux  de  la  diplomatie  française.  Ia».s  Anglais  imposent 
leur  volonté  et  font  prévaloir  leur  intérêt  par  ce  seul  fait 
que  c'est  leur  intérêt  ;  et  nous,  nous  ne  faisons  même  ps 
respecter  nos  droits.  En  1872,  dans  ces  mêmes  parages, 
la  Turquie  envoie  une  expédition  vers  I^hedj  pour  réta- 
blir la  sécurité  dans  le  pays.  I^s  Anglais  l'arrêtent  et  lui 
enjoignent  de  retirer  ses  troupes.  I^  Turquie  obéit  et 
cependant  elle  est  chez  elle  ;  mais  l'Angleterre  ne  voulait 
pas  la  laisser  faii^  acte  de  puissance  dans  cette  région 


GHEIKH-SAID  9 

qu'elle  se  réseryait  d'occuper  plus  tard  comme  hinterland 
d'Aden.  En  1901  c'est  elle-même  qui,  tenace  dans  ses 
idées,  se  charge  de  faire  la  police  sur  les  territoires  turcs 
avoisinant  sa  colonie  ;  en  janvier  1904,  une  colonne 
anglaise  pousse  même,  par  derrière  notre  Cheikh-Saïd, 
jusqu'à  Zaédié,  à  quelques  heures  de  Moka,  en  plein 
Yémen.  La  Turquie  laisse  faire ...  et  elle  occupe  Cheikh- 
Saîd.  Pourquoi  cette  diflérence?  Parce  que  les  Anglais, 
depuis  les  hommes  d'Etat  qui  les  gouvernent  jusqu'au 
plus  humble  de  leurs  fonctionnaires,  ont  une  haute  idée 
de  la  patrie;  parce  qu'ils  ne  perdent  jamais  de  vue  le  but 
vers  lequel  marche  la  plus  grande  Bretagne  et  sont  tous 
convaincus  qu'en  ajoutiint  à  son  domaine  un  nouveau 
coin  de  terre,  si  petit  soit-il,  ils  contribuent  à  sa  prospé- 
rité future.  ¥ai  France,  au  contraire,  nos  diplomates  vont 
trop  souvent  sans  but  et  saiis  conviction,  faisant  des 
traités  comme  un  écolier  fait  un  pensum,  pour  s'en 
débarrasser.  C'est  ainsi  que  nous  reconnaissons  à  l'An- 
gleterre la  Nigeria  qui  ne  lui  appartient  pas,  que  nous 
lui  abandonnons  Boussa,  la  clé  maritime  de  notre  Sou- 
dan, que  nous  donnons  à  l'Allemagne  l'Adamaoua,  à  la 
Hollande  et  au  Brésil  plus  de  la  moitié  de  la  Guyane, 
au  Congo  indépendant  la  meilleure  partie  de  notre 
Oubanghi,  à  l'Espagne  le  rio  Monni,  au  moment  même 
où  elle  distribuait  ses  autres  colonies  à  qui  voulait  les 
prendre.  L'histoire  de  nos  traités  do  délimitation  dans 
ces  dernières  années  est  pleine  de  ces  abandons.  A  l'am- 
bition nationale,  si  l'on  veut  à  l'égoïsme  national  des 
auti*es  peuples,  nous  n'opposons  trop  souvent  que  des 
ambitions  personnelles  et  des  égoïsmes  privés.  Toute 
notre  faiblesse  vient  de  là. 

Nous  n'avons  pas,  je  le  sais,  formellement  renoncé 
à  nos  droits  sur  Cheikh-Sald,  mais  nous  les  laissons 
périmer,  comme  ceux  que  nous  avions  sur  l'Erythrée, 


10  cheikh-saId 

bien   que  le  Parlement  les  ait  de  nouveau  aflirmés  en 
décembre  1896  et  en  mars  1897. 

Le  11  mars  1897,  à  la  suite  d'iju  article  de  la  ReQoe 
Française  annonçant  prématurément  Toccupation  de 
Cheikh-Saîd  par  T Angleterre,  M.  Deloncle  écrivait  dans 
le  Soleil  : 

«  Pour  compléter  le  démenti  opposé  par  l'Agence 
»  Reuter  elle-même  à  l'affirmation  d'après  laquelle  les 
op  Anglais  auraient  occupé  et  fortifié  notre  Cheikh-Sald. 
:»  je  me  propose  de  présenter  très  prochainement  à  la 
9  Chambre  une  motion  tendant  à  la  réoccupation  immé- 
»  diate  par  la  France  de  cet  établissement  créé  par  nous 
»  en  1869,  qui  nous  a  servi  de  station  de  charbon  en  1870 
»  et  dont  nul  ne  saurait  aujourd'hui  nous  contester  la 
»  possession  sans  provoquer  notre  patriotisme  et  porter 
j>  atteinte  à  nos  plus  précieux  intérêts  dans  la  Mer 
»  Rouge,  rOcéan  Indien  et  lès  Mers  de  Chine.  Je  ne 
V  pense  pas  que  le  Gouvernement  hésite  un  seul  instant 
3  à  accepter  la  motion  que  j'aurai  l'honneur  de  présenter. 
»  Des  considérations,  sur  lesquelles  je  n'ai  pas  à  insister 
»  ici,  lui  font  un  devoir  sacré  de  la  réoccupation  de 
»  Cheikh-Saïd.  » 

On  ne  peut  pas  mieux  dire.  Malheureusement  une 
fois  encore  le  Gouvernement  répondit  par  de  belles  paro- 
les et  non  par  des  actes.  Nous  nous  contentons  volontiers 
de  mots  pourvu  qu'ils  soient  sonores.  Le  vote  du  Parle- 
ment affirmant  nos  droits  imprescriptibles  sur  Cheikh- 
Saïd  n  empêche  pas  ces  droits  de  se  prescrire  tout  dou- 
cement au  profit  de  la  Turquie  qui  les  passera  peut-être 
à  une  puissance  ennemie.  L'Allemagne,  qu'on  ne  roublie 
pas,  a  des  intérêts  considérables  en  Chine,  où  eUe  se 
pose  volontiers  en  champion  de  l'Europe  contre  le  péril 
Jaune    et    surtout    en    Mésopotamie    qu'elle    considère 


GHEIKH-SAÎD  11 

comme  une  réserve  à  son  expansion.  £n  moins  dm  quinze 
ans,  son  commerce  a  pris  sur  le  marché  Chinois  une 
place  telle,  que  l'Angleterre  elle-même  doit  se  sentir  me- 
nacée. (1)  Elle  occupe  aujourd'hui  le  deuxième  rang  à 
Changha!,  et  le  premier  à  Tientsin  et  à  Canton.  Toute 
puissante  à  Constantinople,  elle  cherche,  pour  garantir 
la  situation  qu'elle  a  acquise,  à  se  créer  sur  la  route 
d'Extrême-Orient  une  chaîne  de  points  d'appui.  Elle  a 
déjà  fait  des  tentatives  en  1901  pour  établir  un  dépôt  de 
charbon  dans  la  Mer  Rouge  sur  Tiie  Kouma,  de  l'archi- 
pel des  Farsan  ;  elle  ne  s'en  tiendra  certainement  pas  à 
cette  première  tentative,  d'autant  plus  qu'elle  a  reconnu 
que  nie  Kouma  n'avait  qu'une  faible  valeur  militaire. 

I^  chemin  de  fer  de  Constantinople  k  Bagdad  est 
déjà  à  moitié  construit  et  quand  il  aura  son  point  d'abou- 
tissement sur  le  golfe  Persique,  T Allemagne  sera  fatale- 
ment  amenée  à  garantir  à   ses   flottes  de   guerre  et  de 
commerce  une  route  libre   vers  Koweit  ou  le   Chat-el- 
Arab.  L'Empire  surpeuplé  est  impuissant,  avec  ses  seules 
ressources,  à  se  nourrir  et  à  alimenter  son  industrie.  Où 
ira-t-il  chercher  le  blé  qui  manque  k  sa  subsistance,  le 
coton,  la  laine  et  le  pétrole  qui  font  défaut  à  ses  usines? 
En  Mésopotamie,  ce  pays  qui  fut  autrefois  le  grenier  du 
monde  antique  et  qui  sera  demain  celui  de  l'Empire.  Par 
où  passeront  toutes  les  richesses  cju  il  tirera  de  ce  sol 
inépuisable?  Par  la  Mer  Rouge.  Cheikh-Saïd  est  menacé  ! 
C'est  une  opinion  courante  en  Allemagne  que  la  guerre 


(1)  Le  mouvement  maritime  de  l'Allemagne  était  en  1890  de 
5  Vo  du  mouvement  total  de  la  Chine  ;  en  llKX'J,  de  10  '/,.  En  19a3, 
TAngleterre  occupait  le  premier  rang  avec  54  o/,  ;  TAllemagne  le 
deuxième  avec  16  •/.  ;  puis  venaient  la  Chine  avec  13  •/.  et  le  Japon 
avec  11  •/••  La  part  de  l'Allemagne  sur  le  commerce  total  était  à 
Changhaî,  de   M  V.  >  à  Tientsin,  de  (K)'/.  ;   à  Canton,   de  plus  de 

eoo/o- 


HiUmUitt 


T^.J^:E>:E>OTK.'T 


sur  le 


CONGRÈS  DE  DUNKERQUE,  1906  a) 


En  offrant  Thospitalité  au  Congrès  national  des  Sociétés 
de  Géographie,  la  Société  de  Dùnkerque  avait  une  excel* 
lente  occasion  de  célébrer  sonXXV®  anniversaire;  en  même 
temps  cette  solennité  donnait  satisfaction  au  désir  bien 
naturel  qu'éprouvaient  les  Dunkerquois  de  faire  connaître 
les  progrès  considérables  accomplis  dans  leur  port.  Aussi 
les  subsides  avaient-ils  afflué  de  toute  part  (16^000  francs  au 
total)  et  le  Président  pouvait  dire  dans  son  discours  d'ou- 
verture : 

«  Je  n'étonnerai  personne  en  disant  que  ce  Congrès  est 
surtout  l'œuvre  de  la  Ville  de  Dùnkerque  et  de  la  Chambre 
de  Commerce. 

((  Toutes  deux  admirablement  unies  dans  une  grande 
idée  de  patriotisme,dont  le  souci  constant  et  éclairé  de  faire 
mieux  connaître  les  immenses  efforts  dont  notre  port  est  le 
grandiose  résultat,  toutes  deux  ont  étendu  sur  nous  leur 
aile  protectrice. 

((  D'autres  concours  sont  venus  à  nous.  Le  Ministre  de 
rinstructionPublique  nous  a  adressé^et  nous  lui  en  sommes 
reconnaissants,  un  très  généreux  subside.  Le  Syndicat 
des  Courtiers  maritimes, la  Compagnie  du  Chemin  de  fer  du 
Nord,  le  Syndicat  des  transitaires,  la  Chambre  de  concilia^ 

■  I I  I       ■    i.A^  m  1      <■■■    ■  lÉiin  I   ■  II— I  ii»i.pi  I  I  II   P».i  I  I         A 

(1)  Pré5>euté  par  Housieur  toais  GuUtoQ«  Vlce-pi^ident,  délègue  p«r  U  SooiHé  d< 


i4  CHEIKH-SAÎD 

de  demain  entre  elle  et  TAngleterre  et  dont  la  France 
sera  Totage,  éclatera  au  moment  où  il  s*agira  de  terminer 
la  dernière  section  de  la  ligne  de  Bagdad  et  de  mener  le 
rail  jusqu'au  golfe  Persique.  En  vue  de  ce  jour  prochain^ 
rien  ne  lui  coûtera  pour  asseoir  et  consolider  sa  puis- 
sance en  Asie  mineure.  Cheikh-Saîd  est  menacé  !  Caçeanï 
consules. 

Je  suis  passé  à  diverses  reprises  devant  Cheikh-Saîd, 
mais,  pour  en  apprécier  la  valeur,  il  n'était  pas  hesoin 
de  l'avoir  vu  :  il  suffisait  de  constater  l'acharnement  ave^ 
lequel  les  Anglais,  lorsqu'ils  étaient  nos  adversaires, 
ont  toujours  essayé  de  nous  en  détourner. 

Depuis  longtemps,  on  vient  de  le  voir,  l'Angleterre 
s'empare  sans  bruit  de  tous  les  points  qui  peuvent  loi 
assurer  la  possession  exclusive  de  la  Mer  Rouge  :  elle 
prend  Aden  en  1839;  Périm  en  1859;  Kamaran,  Zeilah, 
Socotora  en  1876  ;  SouaJ^im  et  la  côte  Egyptienne  en  1883. 
En  attendant  qu'elle  puisse  s'en  emparer  elle-même,  elle 
faisait  occuper  nos  possessions  de  l'Erythrée  par  son 
alliée,  alors  notre  ennemie,  l'Italie  ;  par  la  Turquie,  notre 
propriété  de  Cheikh-Saîd,  et  tout  récemment,  en  1905, 
elle  se  faisait  céder  par  une  convention  de  délimitation 
toute  la  partie  méridionale  de  ce  territoire  (1),  réalisant 
ainsi  avec  une  clairvoyante  obstination,  qui  ne  se  démen- 


0)  «  Les  Anglais,  jadis  assez  éloignés  de  Cheikh-Saîd  partem\ 
s^en  rapprochent  sans  cesse,  leur  occupation  faisant  la  taebe 
d'huile  autour  d'Aden.  D'après  la  nouvelle  délimitation  anglo- 
turque,  le  tracé  arrive  jusqu'au  pied  de  Cheikh-Saîd,  du  côte  df 
l'Océan  Indien,  de  telle  sorte  que  si  une  nation  européenne  s'éta- 
blissait maintenant  à  Cheikh-Saîd,  elle  ne  pourrait  plus  réaliser 
e  projet  de  faire  un  port  par  dragage.  » 

RBVUB  FRANÇAISB.  —  Jauvicr  1906. 

Il  est  inutile  de  faire  remarquer  que  cette  convention  portant 
sur  des  territoires  qui  n'appartiennent  à  aucun  des  deux  contrac- 
tants, mais  bien  à  une  tierce  puissance,  est  nulle  de  plein  droit 


CIlÈlklI-SAlD  15 

tait  pas  un  instant,  son  rêve  de  faire  de  la  Mer  Ronge 
un  lac  britannique.  La  France  a  les  moyens  de  réaliser 
ce  rêve  à  son  profit,  d'annihiler  Périm,  de  rendre  impuis- 
sant l'accaparement  du  canal  de  Suez  par  l'Angleterre, 
de  fermer  à  l'Allemagne  la  porte  de  l'Indo-Chine,  de  se 
la  garder  ouverte  contre  le  Japon  et  elle  hésiterait  ! 


L'île  de  Périm  est  située  dans  la  partie  la  plus  resser- 
rée du  détroit  de  Bab-el-Mandeb,  à  un  mille  et  demi  de 
la  côte  d'Arabie,  à  onze  milles  du  littoral  africain  et 
encore,  sur  ces  onze  milles,  n'y  en  a-t-il  que  sept  de  navi- 
gables du  côté  même  de  l'île.  Sa  situation  semble  donc 
des  plus  favorables.  Mais  la  France  en  possède  une  pri- 
vilégiée puisque,  en  face,  les  deux  rives  du  détroit  lui 
appartiennent,  avec  les  djeziret  Seba  qui  bordent  la 
grande  passe.  Sur  le  continent  africain,  notre  territoire 
s'étend  du  raz  Doumeirah  a  Djibouti,  embrassant  ainsi 
tout  le  golfe  de  Tadjoura.  Sur  la  rive  asiatique,  le  terri- 
toire de  Cheikh-Saïd  comprend  le  cap  Bal-cl-Mandeb  et 
le  pays  voisin  dans  un  rayon  de  45  kilomètres.  Il  serait 
bien  étonnant  que  nous  ne  puissions  pas  trouver,  sur 
l'un  ou  l'autre  de  ces  deux  territoires,  les  éléments  d'une 
station  à  la  fois  commerciale  et  militaire  capable  de 
contrebalancer  les  positions  de  l'Angleterre  ou  de  toute 
autre  nation  qui  viendrait  s'établir  dans  notre  voisinage. 

Cette  station,  c'est  Cheikh-Saïd. 

(A  Suii^re). 


sur  le 

CONGRÈS  DE  DUNKERQUE,  1906  <*' 

(Suite  et  fin) 


Pour  le  délégué  de  la  Société  de  Géographie  Com- 
merciale du  Haçre,  l'intérêt  principal  du  congrès  devait 
nécessairement  résider  dans  la  visite  du  port.  Elle  eut 
lieu  conformément  au  programme,  dès  le  premier  jour  des 
débats,  après  une  réception  à  la  Chambre  de  Commei'ce 
donnée  dans  cette  môme  salle  des  fêtes  qui  avait  reçu  la 
visite  de  Félix  Faurc  en  1897  et  celle  d'Emile  Loubet, 
d'abord  en  1901,  lorsqu'il  y  reçut  le  tsar  Nicolas  II  accom- 
pagné de  la  tsarine,  ensuite  en  1902  à  son  retour  de  Russie. 
Cette  salle,  d'aspect  un  peu  sévère,  n'a  comme  décoration, 
en  dehors  de  ses  très  beaux  caissons,  que  les  immenses 
toiles  d'Hugo  d'Alési,  représentant  le  port  de  Dunkerque 
sous  Louis  XIV  et  le  même  en  1900.  On  peut,  en  compa- 
rant ces  deux  tableaux,  se  rendre  compte  du  développe- 
ment considérable  qu'a  pris  le  port,  mais  il  eût  été  inté- 
ressant d'avoir  également  sous  les  yeux  une  représenta- 
tion du  port  en  1879  car  c'est  surtout  depuis  cette  époque 
qu'ont  été  réalisés  les  plus  grands  progrès,  sous  l'impul- 
sion de  M.  Jean-Baptiste  ïrystram,  père   du  président 
actuel  de  la  Chambre  de  Commerce  et  qui  a  été,  lors  do 
notre  réception,  le  véritable  héros  de  la  journée. 


4)  Présenté  par  M.  Louis  GuiUon,  vice-président,  déléf^i^'  par 
la  Société  de  Géographie  Commerciale  du  Havre. 


RAPPORT  SIR  LF.  CONGRES  DE  DUXKERQUE  1906  355 

qu'à  3.000  tonnes  de  jauge  et  Fr.  1 .70  pour  voiliers,  mais 
seulement  ]ns{\u  h  600  tonnes  de  jauge. 

Ensuite  diminution  de  10  fr,  pnr  100  tonnes  et  sans  que 
la  prime  puisse  s'ap[)liquer  à  plus  de  1 .000  tonnes  par  navire. 
Conséquence  :  impossibilité  de  faire  construire  un  seul 
grand  voilier.  En  outre,  comme  le  crédit  voté  limitait  la 
construction  à  500.000  tonnes,  on  s'empressait  de  faire  sa 
déclaration  de  construction  pour  revendre  son  tour  d'ins- 
cription. 

La  Ligue  Maritime  obtint  la  révision  de  cette  loi  et  l'on 
fit  celle  de  1906  ; 

Grosse  prime,  uniquement  à  la  construction  de  172  fr. 
par  tonne  de  jauge  brute  pour  les  vapeurs  construits  en 
France. 

A  la  navigation,  prime  de  compensation  d'armement  : 
pour  les  vapeurs,  4  centimes  par  tonne  de  jauge  brute  et 
par  1.000  milles  parcourus  jusqu'à  3.000  tonnes  de  jauge 
brute,  ensuite  3  centimes  de  3.000  à  6.000  tonnes  de  jauge 
brute  et  2  centimes  à  partir  de  6.000  tonnes  : 

Pour  les  voiliers,  3  centimes  par  tonne  de  jauge  jusqu'à 
500  tonnes,  2  centimes  de  501  à  1.000  tonnes, et  1  centime  à 
partir  de  1.001  tonnes. 

L'orateur  dit  que  la  prime  de  compensation  donnée  par 
la  loi  de  1906  est  insuffisante  et  que  personne  ne  voudra 
faire  construire  sous  cette  loi-là.  Il  déplore  que,  pour  les 
navires  construits  sous  ia  loi  de  1893  la  cessation  de  la 
prime  à  l'expiration  des  dix  années  mette  l'armateur 
dans  l'obligation  de  revendre  son  navire  aux  étrangers. 

Il  est  vrai  que  les  voiliers  construits  avant  novembre  1901 
ont  obtenu,de  par  la  loi  de  1906,une  prolongation  de  prime 
de  F.  0,03  par  tonne  et  par  jour  pendant  trois  ans,  mais  c'est 
insu£EisaDt  ;  les  autres  construits  après  cette  date,  n^ont 
pas  de  proIoDgation  de  prime.  M.  Morael  demande  que  la 


îioG     RAPPORT  SUR  LE  GONGRKS  DE  DUNKERQUE  1906 

compensation  soit  accordée  à  tout  navire  pendant  tout  le 
temps  où  il  conservera  ses  qualités  nautiques. 

M.  P.Collesson,  Secrétaire  Général  de  la  Société  de  Géo- 
graphie de  Nancy,  présente  un  travail  sur  les  Relation 
entre  Dvnkerqueet  l'Italie  par  VEst  de  la  France  ;  ce  travail 
vient  à  l'appui  des  observations  présentées  par  M.  Moraei, 
et  conclut  églement  au  prompt  creusement  du  canal  du 
Nord-P]st. 

A  la  suite  de  cette  intéressante  discussion,  le  Congrès  a 
adopté  les  vœux  suivants  : 

Vœux  présentés  par  M .  Gloarec 

Vœu  N^  1.  Que  le  régime  administratif  de  nos  ports  soil 
modifié  dans  le  sons  de  l'attribution  à  un  organisme  local 
de  l'administration  totale  ou  partielle  du  port,  c'est-à  dire 
dans  le  sens  de  l'autonomie. 

Vœu  N^  2.  Que  les  différents  services  maritimes  aujour- 
d'hui   répartis  entre  sept  ministères  différents,  soient  cen 
tralisés     par  la  création    d'une  commission  permanente 
interministérielle  ou  par  la  réunion^des  différents  services 
en  une  direction  générale  de  la  Marine  marchande. 

Vœu  N^  3.  Que  le  projet  de  loi  sur  les  ports  francs, 
déposé  par  le  gouvernement  en  1903,rapporté  par  M.Chau- 
met  et  déposé  à  nouveau  le  16  juin  1906,  soit  promptement 
soumis  aux  délibérations  du  Parlement. 

Vœu  N°  4.  Que  le  Gouvernement  s'efforce  de  développer 
les  voies  intérieures  de  circulation,  notamment  les  canaux, 
de  combiner  les  moyens  de  transport  soit  à  l'intérieur,  soit 
avec  les  lignes  de  navigation  de  manière  ô  faciliter  la  cir- 
culation des  marchandises  Vers  les  ports  ou  vice- verso. 

Vœux  présentés  par  M ,  Morael 

Vœu  A^o  S,  Qu'il  soit  procédé  aussi  vite  que  possible  au 
Creusement  du  canal  du  Nord-Est^ 


RAPPORT  SUR  LE  CONGRÈS  DE  DUNKLRQUE  1906  357 

Vœu  N^  8.  Que  les  dispositions  de  Tarlicle  8  de  la  loi  de 
1901  aujourd'hui  appliquées  aux  seuls  voiliers  francisés 
avant  le  1^'  janvier  11X)1,  le  soient  également  à  tous  les 
navires,  vapeurs  ou  voiliers, pendant  ie  temps  où  il  conser- 
veront leurs  qualités  nautiques. 

Faute  de  temps  los  autres  questions  ont  été  écourtées  ; 
nous  les  passerons  brièvement  en  revue. 

M.  Guenot,  de  Toulouse,  a  la  parole  sur  la  question  du 
reboisement.  La  forêt  est  la  gardienne  des  sources  ;  si  la 
pluie  tombe  sur  un  sol  déboisé  elle  n'y  est  pas  retenue,  de 
là  des  inondations,  des  déplacemenls'de  terre,  une  diminu- 
tion des  crues,  un  débit  irrégulier  des  eaux,  dont  il  devient 
impossible  d'utiliser  les  forces.  M.  Guénot  démontre  la 
nécessité  que  l'Etat  ait  la  haute  main  sur  le  domaine  fores- 
tier, les  communes  sont  incapables  d'administrer  leurs 
forêts.  La  mentalité  des  paysans  est  particulière  sur  ce 
sujet.  Le  pâtre  considère  la  montagne  comme  son  bien  et 
n'admet  pas  de  réglementation.  Il  faut  s'efforcer  de  chan- 
ger cette  mentalité  et  de  faire  aimer  les  arbres.  M.  Guénot 
indique  ce  qui  se  fait  à  Toulouse  dans  cet  ordre  d'idées, 
une  plantation  d'arbres  est  l'occasion  d'une  solennité,  le 
général  en  chef,  le  préfet  plantent  un  arbre.  Il  y  a  une 
Société  des  Amis  des  Arbres. 

M.  Geo.  Majouœy  Secrétaire  général  de  la  Société  de 
Géographie  de  Dunkerque  parle  sur  le  môme  sujet  à  propos 
des  Dunes.  C'est  surtout  de  Dunkerque  vers  l'Est  qu'elles 
sont  d'une  aridité  désespérante.  Le  vent  les  déplace.  On  a 
essayé  de  planter  des  sa[)ins,  mais  les  lapins  les  détruisent 
dès  la  sortie  de  terre.  Et  cependant  ces  dunes  ont  été  boi- 
sées jusqu'au  xvn"  siècle.  M.  Majoux  préconise  pour  la 
fixation  des  dunes  une  plante  que  l'on  nomme  Voyat,  c'est 
un  jonc  à  racines  puissantes. 

Le  résultat  de  ces  intéressantes  discussions  est  l'adop- 
tion des  vœux  suivants  : 


SÉO        RAPPORT   SUR    I-K   CONGRES    DE    DUNKKRQUR    IC^ott 

»  Le  mouvement  des  marchandises  a  suivi  sensibl^ 
ment  la  même  progression  et,  en  11)05,  près  de  3  millions 
de  tonnes  ont  passé  sur  nos  quais,  dont  1.843.000  tonnes 
à  rimportation,  639,000  tonnes  à  rexportation  et  503.000 
tonnes  représentant  le  mouvement  du  cabotage. 

»  Les  marchandises  qui  nous  fournissent  les  plus 
importants  tonnages  à  l'importation  sont  : 

»  Les  laines,  les  céréales,  le  riz,  les  arachides,  les 
graines  oléagineuses,  les  bois,  le  coton,  le  lin,  le  chan- 
vre, le  jute,  les  tourteaux,  les  vins,  les  phosphates,  les 
pyrites,  la  houille,  les  minerais  de  fer,  de  plomb,  de  zinc. 
le  manganèse,  le  nitrate,  etc. 

)>  Quant  à  nos  exportations,  elles  se  composent  prin- 
cipalement ; 

»  De  farines,  de  sons,  de  malt,  de  fourrages,  de  bois. 
de  vins,  d'alcools,  de  sucres,  d'ardoises,  de  phosphates, 
de  ciment,  de  houille,  de  fers,  d'aciers,  de  machines,  de 
métaux  travaillés,  de  bouteilles  et  de  verrerie,  de  fils,  lie 
tissus,  etc. 

»  Notre  trafic  est  particulièrement  actif  avec  nos 
colonies.  Il  s'est  élevé  à  359.000  tonnes,  en  1905,  dont 
171.000  à  l'importation  et  188.000  à  l'exportation.  Noos 
avons  échangé  145.000  tonnes  de  marchandises  avec 
l'Indo-Chine.  96.000  avec  l'Algérie,  71.000  avec  la  Tunisie 
et  47.000  avec  les  diverses  autres  colonies. 

La  Pêche 

»  Le  port  de  Dunkerque  possède  une  industrie  sécu- 
laire que  je  dois  au  moins  vous  signaler  : 

»  C'est  celle  de  la  pèche  à  la  morue.  Quoique  bien 
souvent  éprouvée  par  des  sinisti'es,  cette  pêche  a  conservé 
une  réelle  importance.  Chaque  année,  au  début  «in 
printemps,  nos  pêcheurs,  au  nombre  de  plus  d'un  millier? 


aA^PPORT  SUE  LE  CONGRÈS  DE  DUNKERQUE  1906         359 

à  rîDsufiBsance  de  la  protection  française,  comme  au  man- 
que d*ententeet  d'unité  des  grands  organismes  économiques 
(canaux  et  chemins  de  fer)  qui  ont  mission  d'amener  le 
fret  dans  les  ports. 

Comme  remède  à  la  situation  il  propose  en  dernière  ana- 
^'se,  un  droit  sur  les  navires  étrangers  qui  fréquentent  nos 
ports . 

La  deuxième  conférence  (mercredi  1®^  août)  a  été  faite 
par  M.  Auguste  Terrier,  secrétaire  général  du  Comité  du 
Maroc,  sur  V Œuvre  Française  au  Maroc. 

M.  Auguste  Terrier  a  parlé  du  Maroc  en  homme  qui  a 
vu  le  pays,  en  explorateur  qui  s'est  formé  une  opinion  sur 
place,  qui  a  beaucoup  vu  et  retenu,  malheureusement  sa 
voix  ne  s'entend  pas  au-delà  des  trois  premiers  rangs. 

L'orateur  estime  que  la  France  doit  avoir  une  politique 
plus  active  et  surtout  plus  soutenue  au  Maroc,  pays  qui  est 
le  complément  nécessaire  de  notre  domaine  colonial  de 
l'Afrique  du  Nord. 

Le  Maroc  peut  donner  un  aliment  sérieux  au  commerce 
international.  Ses  exportations  de  troupeaux,  de  cire,  de 
cuir  travaillé,  de  pois  chiches,  de  laines  et  peaux  (dont  une 
quantité  notable  vient  déjà  dans  le  département  du  Nord), 
de  lapis,  d'œufs,  de  babouches,  sont  susceptibles  d'un 
grand  développement. 

L'intérêt  vrai  est  dans  la  partie  occidentale  du  Maroc, 
dont  le  conférencier  expose  la  situation  géographique.  Il 
fait  l'historique  des  troubles  actuels  ;  l'Allemagne  en  a  pro- 
fité pour  tâcher  de  s'implanter  dans  l'Afrique  du  Nord  et  de 
contrebalancer  l'influence  française  et  l'influence  espa- 
gnole. 

Heureusement  la  convention  d'Algésiras  a  remis  partiel- 
lement les  choses  en  place  et  reconnu  à  la  France  des  droits 
dont  l'exercice  peut  encore  élre  profitable. 


360  RAPPORT  SUR  LE  CONGRÈS  DE  DUNKERQUE  1906 

L'action  française  peut  s'exercer  par  différents  moyens 
que  M.  Terrier  énumrre  :  l'action  politique,  ramelioralicn 
du  régime  consulaire,  l'organisation  de  la  police,  la  créa 
tion  de  services  médicaux  et  de  dispensaires. 

Au  point  de  vue  politique  il  faut  agir  avec  une  grande 
prudence  si  l'on  ne  veut  pas  être  brutalement  contrarié  par 
une  puissance  quelconque, au  contraire  l'action  économique 
et  maritime  peut  s'exercer  sans  péril  puisque  le;;Maroc  est 
ouvert  à  la  libre  concurrence  des  nations  européennes. 

(.4  iittirre.  > 


BIBLIOGRAPHIE 


Li' Année  Cartographique.  —  Supplément  annuel  à 
toutes  les  publications  de  Géographie  et  de  Cartographie, 
dressé  et  rédigé  sous  la  direction  de  F*.  Sclirader, 
Directeur  des  travaux  cartographiques  de  la  librairie 
Hachette  et  G*«. 

Dix-septième  année,  contenant  les  modifications  géo- 
graphiques et  politiques  de  1906.  —  Trois  cartes  tirées  en 
couleurs,  avec  texte  explicatif  au  dos.  Prix  :  3  fr. 

I.  —  Asie,  par  D.  Aïtopp  et  Cm.  Bonnesseuix .  —  Itinéraire  du  major 
C.  D,  Bruce  de  Leh  d  Pékin,  1906.  —  Traité  franco-siamois  (23  mart  1007)  : 
la  nouveUe  frontière  entre  Siam  et  Cambodge.  —  Régions  de  la  Perse, 
explorées  par  A.  F.  Stahl,  1895-1906.  —  C7ii/ie  occidentale  :  itinéraires  de 
MM    de  Marsay  et  de  Ldis  Cases,  1906. 

II.  —  Afrique,  par  M.  Chesmeau.  »  Sahara  central,  d'après  les  plat 
récents  travaux.  -  Les  Frontières  nord  et  nord-est  de  la  Nigeria  (conTention 
franco-anglaise  du  29  mai  1906  et  accord  aDglo-allemand  du  16  juillet  1906;. 
—  Régions  entre  Kanem  et  Borgou,  d'après  les  explorations  du  carl^^'no 
Mangtn  :  1904-1906.—  Mauritanie  et  Ferlo,  d'après  les  travaux  des  capUainei 
Gérard  et  Vallier.  ~  Co/190  et  Sahr-el-Ghazal  (levés  du  commandant 
Lemalre,  19(>2-190S  ;  itinéraires  du  capitiiine  Boulet  en  IVOO).  —  Frontière 
turco-égyptienne  (accord  du  1"  octobre  1906). 

III.  Amérique,  par  V.  Huot.  ~  Rio  Pilcomayo  du  rlo  Paraguay  au 
22*  parallèle,  par  O.  Lnngc.  —  Traversée  du  passage  du  Nord-Ouest^  par  le 
capitaine  Amundsen  (1903-1906)  ;  Expédition  vers  le  pôle  du  commandant 
Peary  (1905-1906).  ~  Réseau  hydrographique  du  versant  oriental  des  Andes 
péruviennes,  d'après  les  plus  récentes  exploiatlons.  —  Labrador  oriental, 
d'après  le«  levés  de  M"*  Léonidas  Hubbard,  1906.  —  Les  Nouveaux  Etats  de 
la  Colombie.  1906. 


U 


24        RAPPORT    SUR   LE   CONGRES   DE    DUNKERQUE    I906 

res  de  pêche  islandais,  lesquels  partent  vers  fin  Février, 
pour  revenir  fin  Août.  Le  bassin  de  la  Marine  avait  été 
conçu  par  le  Maréchal  de  Vauban,  achevé  en  1686;  cesl 
là  que  Jean  Bart  préparait  ses  armements  pour  faire  h 
course.  Il  ne  reste  de  cette  époque  qu'un  seul  vestige, 
c'est  la  tour  du  phare  appelée  le  Leugknaer  (en  flamand, 
«  le  trompeur  »),  au  fond  du  port  d'échouage  qui  formait 
à  cette  époque  Tavant-port. 

Le  nouveau  port,  autrement  dit  le  bassin  de  Freyci- 
net,  se  compose  de  4  darses,  dont  les  dimensions  se  ré- 
duisent à  mesure  qu  on  s'avance  vers  le  Nord,  le  fond  de 
ces  darses  se  heurtant  aux  fortifications  qui  entourent 
Dunkerque  et  dont  le  fossé  est  en  même  temps  un  canal 
de  dérivation  pour  les  eaux  des  terres  basses,  appelée 
Moères,  c'est-à-dire  marais  en  flamand.  C'est  pour  allon- 
ger les  darses  n**'  3  et  4,  que  l'on  démolit  les  fortifications 
de  ce  côté.  Elles  ne  seront  pas  reconstruites  plus  loin, 
mais  le  côté  Ouest  de  la  ville  sera  protégé  par  un  fossé 
défensif,  avec  deux  ouvrages  aux  exti'émités.  Ce  fosse 
sera  reporté  au-delà  des  limites  prévues,  pour  contenir 
les  vastes  agrandissements  que  projettent  les  Dunker- 
quois,  c'est-à-dire  les  6  autres  darses  dont  parlait  M. 
Trystram  et  qui  porteront  alors  de  9  kilomètres,  longueur 
actuelle,  à  21  kilomètres  la  longueur  des  quais. 

Je  sortirais  de  ma  compétence.  Messieurs,  si  j'es- 
sayais d'entrer  dans  des  détails  techniques  sur  l'outillage 
du  port  de  Dunkerque.  Nous  avons  visité  la  machinerie 
de  l'outillage  hydraulique,  outillage  concédé  à  la  Cham- 
bre de  Commerce,  on  nous  a  fait  visiter  aussi  V Entrepôt 
des  Laines  y  édifice  qui  mesure  120  mètres  de  long,  sur 
40  mètres  de  large  et  qui  peut  contenir  17.000  balles  de 
laine,  type  Plata.  Les  manutentions  s'y  exécutent  au 
moyen  de  monte-charges  électriques.  Une  salle  de  ventes  . 
publiques  et  une  salle  d-exposition  ont  été  aménagées 


BIBLIOGRAPHIE  '  863 

dans  ri  m  possibilité  de  représenter  cette  snrface  sphériqne  entiërOf 
ment  et  exactement  snr  une  snrface  plane.  Sur  le  globe,  les  méridiens 
et  ?es  parallèles  se  conpent  sous  des  angles  droits  ;  si  on  conserve  ces 
derniers  sur  la  carte,  la  forme  et  les  contours  des  continents  sont 
exacts,  mais  aux  dépens  des  proportions  et  des  dimensions  ;  et  vice- 
versa,  si  on  veut  coneerver  ces  dernière*»,  il  se  produit  une  défigura* 
tion  des  contours  et  de  la  forme .  La  défectuosité  des  proportions  et 
des  dimensions  est  très  accentuée  sur  les  cartes  d'après  la  projection 
de  Gerhard  Kremer(Mercator),  et,c'ett  à  Temploi  de  cette  carte  qu'il 
faut  ram*-n€T  en  première  ligne  les  opinions  et  idées  erronées  qui 
existent  sur  la  superficie^  la  diyisiou  et  les  distances  de  certaines  par- 
ties du  monde.  Cette  projection,  employée  d  abord  pour  les  cartes 
marines,  aVst,  peu  à  peu,  implantée  pour  les  cartes  des  continents, 
parce  qu'elle  donnait  un  ensemble  synoptique  très  clair.  Mais  cette 
clarté  a  été  obtenue  au  détriment  de  IVxactitude  :  car  l'emploi  d'une 
échelle  grandisfante  an  fur  et  à  mesuré  qu'on  s'approche  des  pôles 
nous  induit  en  erreur  et  nous  incite  à  tirer  de  fausses  conclusions  dès 
que  nous  comparons  deux  contrées  situées  dans  des  latidùdes  diffé- 
rentes. Ainsi,  le  Cameroun, qui  est  presque  aussi  grand  que  l'Allema- 
gne, paraît  avoir  à  peine  un  tiers  de  la  superficie  de  ce  pays  :  et 
Miidngascar  qui.  à  peu  de  chose  près,  a  la  même  grandeur  que  la 
piesqu'île  Scandinave,  semble  en  avoir  à  peine  un  cinquième. 

Un  autre  inconvénient  est  l'impossibilité  de  représenter  les  contrées 
polaires  sur  une  même  carte  avec  les  autres  pays  ;  par  suite  on  s'ima- 
gine les  continents  beaucoup  plus  également  répartis  sur  les  deux 
hémisphèns  nord  et  sud  que  c'est  en  réalité  le  cas  D'autre  part,sur 
les  planisphères,  la  carte  est  très  défigurée  vers  les  bords,  et,  par  con- 
séquent,  les  distances  sont  peu  conformes  à  l'échelle.  En  outre,  la 
division  de  la  terre  en  deux  moitiés,  fnlre  lesquelles  tout  rapport 
manque,  et  le  tracé  courbe  des  parallèles  nous  permettent  difficile- 
ment de  nous  rendre  un  compte  exact  do  lu  situation  ou  de  la  latitude 
d'un  endroit. 

Le  Globe  terrestre  qui,  grAce  à  sa  forme  sphériqne,  permet  seul 

une  repioductîon  vrainient  fidèle  de  la  fcurface  terrestre  a,  cependant, 

cet  inconvénient  que,  à  moins  de  le  toiu-ner  ou  de  changer  de  place, 

on  ne  peut  voir  qu'environ  un  douzième  de  la  surf  ace  de  la  terre  en  sa 

position  exacte.   Il  est  donc  impossible  de  comparer  immédiatetnest 


26        RAPPORT    SUR    LE   CONGRÈS   DE    DUNKERQUE    igoT) 

les  commères  se  querellaient  en  bon  flamand.  En  dehon 
des  villes,  le  flamand  se  parle  dans  les  arrondissements 
de  Dunkerque  et  de  Hazebrouck  ;  c'est  comme  vous  le 
savez,  un  dialecte  bas-allemand,  étroitement  ap[)arenté 
au  hollandais.  Ce  i)ays  flamand  offre  trois  caractères  bien 
distincts.  D'abord,  le  long  des  rivages,  les  Dunes,  qui 
forment  une  bande  ayant  de  500  à  1.000  mètres  de  pro- 
fondeur, ensuite  la  Plaine  maritime,  s'en  fonçant  à  une 
vingtaine  de  kilomètres  dans  les  terres,  enfln  le  pays 
boisé  (houtland). 

lues  Dunes,  monticules  de  sable  que  les  vents,  de 
tempête  déplacent,  protègent  la  plaine  contre  la  mer; 
elles  ont  un  peu  d'herbe  dans  leurs  fonds,  on  y  Xrouxt 
des  sources  d'eau  potable,  aussi  quelques  pauvres  gens  t 
habitent  sur  la  lisière. 

La  plaine  maritime  est  un  sol  uniformément  plat 
qui  lors  des  marées  très  hautes  serait  submergé  si  les 
Dunes  n  étaient  pas  là.  Aussi  l'existence  de  l'homme  sur 
ce  morceau  de  terre  est-elle  une  lutte  perpétuelle  ;  il  1  « 
conquis  en  l'asséchant,  en  creusant  partout  des  fossés 
(en  flamand  watergands),  qui  se  réunissent  en  canauï 
conduisant  leau  de  ces  marais  à  la  mer,  où  on  laisse  si* 
déverser  l'eau  en  ouvrant  les  vannes  à  marée  basse,  les 
refermant  ensuite  dès  que  la  mer  va  monter.  Pour  l'en- 
tretien de  ces  canaux,  les  habitants  s*étaient  formés  en 
associations  (wateringiies)  nom  que  portent  encore  les 
commissions  spéciales  chargées  de  l'administration  de  ce 
drainage. 

La  plaine  maritime  est  extrêmement  fertile  ;  la  végt^ 
tation  y  est  très  forte  et  exige  des  sarclages  fréquents. 
Le  blé,  Torge,  les  fourrages,  les  fèves  et  le  lin  y  réusis- 
sent  à  merveille  mais,  depuis  50  ans,  la  betterave  et  la 
chicorée  ont  remplacé  peu  à  peu  le  lin  et  les  fèves, 
cultures  délicates  et  aléatoires.  De  là  sont  nées  quelques 


RAPPORT   SUR   LE   CONGRES    DE   DUNKERQUE    I906        27 

indastrîes  agricoles  :  les  tourailles  de  chicorées  sont 
nombreuses  de  Loon  à  Ghyvelde  ;  des  distilleries  sont 
établies  aux  Moêres,  à  Steene,  à  Goppenaxfort  ;  une 
sucrerie  à  La  Bistade.  (1) 

Celte  richesse  que  la  Plaine  doit  à  la  fertilité  de  son 
sol,  éclate  dans  toutes  les  manifestations  de  la  vie.  Les  ani- 
maux qui  habitent  cette  terre  nourricière  sont  aussi  floris- 
sants que  les  végétaux  :  magnifique  bétail  des  pâtures  de 
Biernc  et  de  Coudekerque,  énormes  chevaux  de  la  race 
de  Bourbourg.  L'homme  lui-même  paraît  plus  prospère, 
mieux  portant,  plus  grand  et  plus  robuste  que  l'habitant 
du  plateau  boisé  (Houtland),  qui  occupe  le  sud  de  Tar- 
rondissenient  de  Dunkerque,  le  canton  de  Wormhands, 
la  plus  grande  partie  de  celui  de  Hondschoot  et  quelques 
communes  dans  les  cantons  de  Berqucs  et  de  Bourbourg. 
Ce  plateau,  qui  s'élève  de  20  à  50  mètres  au-dessus  de  la 
plaine  maritime,  est  certainement  moins  favorisé  sous 
le  rapport  de  la  nature  du  sol.  Mais  le  labeur  patient  et 
l'habileté  du  paysan  flamand  (mt  vaincu  tout  obstacle. 
Lii  culture  est  savante  et  intensive,  les  céréales  y  tien- 
nent la  plus  grande  place,  l'importance  des  pâtures  s'y 
fait  sans  cesse  plus  considérable  ;  les  progrès  de  l'élevage 
obligent  les  cultivateurs  à  en  augmenter  le  nombre,  à  en 
améliorer  la  valeur,  à  les  doubler  par  la  culture  de  piau- 
les fourragères,  dont  l'étendue  s'accroît  chaque  jour. 

C'est  là,  d'ailleurs,  dans  tout  l'arrondissement  de 
Dunkerque,  ce  qui  étonne  le  plus  le  voyageur  :  cette 
lutte  de  Vhomme  contre  la  nature^  dont  les  résultats  ont 
été  si  remarquables.  Le  pays  n'oflre  pas  au  touriste 
l'imprévu  dans  le  pittoresque,  ni  le  charme  dans  la  sau- 
vagerie ;    ses  horizons  sont  calmes,  son  attrait  reste  dis- 


(1)  Guide  Uluatré  de  DunkerquCy  Malo-les-Bains  et  les  environs. 
—  Prix  :  1  fp.  50.  —  Minet-Trusca,  éditeur,  à  Dunkerque. 


28        RAPPORT   SUR    LE   CONGRES   DE    DUNKERQUE    I906 

cret.  Mais  le  spectacle  de  l'œuvre  accomplie  par  les 
possesseurs  de  cette  terre  ne  manque  pas  de  grandeur. 
Du  sol  InsuiTisant  du  Houtland,  le  Flamand  a  fait  une  si 
fertile  glèbe,  que  le  terme  de  c  grasse  Flandre  »  est  passé 
dans  Tusage.  D'une  plaine  inondée,  tout  en  marais  et  en 
lagunes,  il  a  tiré  les  magnifiques  campagnes  de  Bonr- 
bourg  et  de  Berques,  dont  une  attention  soutenue  et  des 
soins  continuels  peuvent  seuls  assui'er  Texistence.  Dune 
côte  vaseuse  bordées  de  dunes  infertiles,  il  a  fait  ane 
région  peuplée  et  prospère  et,  enfoncés  dans  les  boaes  de 
Testran,  les  bassins  du  troisième  port  de  France.  Le  plus 
admirable  des  deux,  dans  T arrondissement  de  Dun- 
kerque,  ce  n'est  pas  la  nature,  c'est  l'homme.  (I) 

L.    GUITTON. 


(i)  Comme  conclusion,  le  rapporteur  n'a  pas  cru  poaroir 
mieux  faire  que  d'emprunter  textuellement  cette  page  au  volume 
déjà  cité  :  Guide  illustré  de  Dunkerque.  —  Minkt-Trksca,  cdikar. 


feiBLIOGRAPHia  867 


COmÉ  1  L'AMQIIE  FRÂHÇAIiiE 

21  f  Rue  Cassette  -  Paris 


SOMMAIRB  DU  N*  11  -  NOTEMBRE  1907 


Imtk.  Mission  Moll  —  Im  délimitalion  orientai*  du  Cameroun. 

Le»  Affaires  dn  Maroc.  -  La  situation  à  lu  frontière  orano- marocaine» 
"  L*apparition  de  la  carte  géologique  du  Sénégal . 

nig^rio.  —  Noutpelles  des  frontières  et  confinx  de  V Algérie. 

Afrique  Occidentale  Française.  —  J.e  réseau  télégraphique  et  télépho' 
nique.  —  la  jonction  Agadez-Gao. 

Maroc.  —  les  éoénemtnts  de  Cisabianca  —  /.a  };ituation  à  Merrakech.  — 
A  Rabat  'et  autour  de  Ralxit.  —  l^'S  incidents  de  Mogador.  —  L'Ambassade 
espagnole  d  Rabat. 

Libéria.  —  la  mission  du  président  Barclay  en  Europe. 

Bthiopie.  --  La  situation  en  Ethipie, 

Possessions  lirltannlques»  —  u  chemin  de  fer  de  Sierra^ Leone.  —  An 
situation  de  la  Gold  Coast.  —  le  chemin  de  fer  de  lu  Gold  Coast» 

Possessions  allemandes.  --  la  politique  indigène  et  la  colonisation  du 
Sud-^Ouest, 

La  anostloit  d*Btttiopls« 

Praii^ls  et  AnglAls  en  Boyptéi 

•arts  t  la  mission  Moll. 


Envoi  d\in  numéro  spécimen  sur  demande 


30  OUVRAGES   REÇUS    A    LA    SOCIETE 

La  Grande  ne  de  Madagascar.  Les  régions  et  les  mœnrs.  Les  fêta. 
La  po^-sic.  L'art.  Les  croyances.  La  civilisation  du  bœuf  et  du  riz.  Les 
ressources  naturelles,  par  Mariu»-Ary  Leblond.  Paris,  1908.  1  vol,  \n>. 
orné  tle  80  gravures  avec  une  carte. 

Rapport  fait  nu  nom  de  la  Commission  des  Douanes^  charge  d'exani- 
ner  le  projet  de  loi  portant  approbat ion  de  la  convention  de  commerce 
entre  la  France  et  le  Canada,  signée  à  Paris  le  19  Septembre  1907,  ptr 
M.  Jules  Siegfried,  député.  Parie,  1908, 1  brocb.  in-4,  31  pp.  [Don  de 
l'auteur). 

Guide  du  Colon.  Provinc^e  de  Québec,  1907,  1  voL  in-8.  publié  8c«.< 
la  direction  de  l'Honorable  Adélard  TUHOEON,  ministre  des  Terres  et 
Forêts. 

Les  Etats-Unis  puissance  mondiale,  par  Arcbibald  Cary  Cooumt 
ti-ailuction  de  lic)bert-L.  Cru.  préface  par  Anatole  Leroy-Beauliec 
Paris  1908,  1  vol.  in-18. 

Les  Richesses  de  rAmérique  centrale.  Guatemala,  Honduras.  Sal- 
vador, Nicaragua,  Costa-Rica,  par  Désiré  Pector,  consul  géoéral  en 
France  du  Honduras  et  du  Nicaragua,  préface  de  M.  K.  L£Vass£CR. 
de  l'Institut.  Paris,  1908,  1  vol.  in-8,  avec  une  carte. 

.Mémorial  Annnal  de!  Consulado  gênerai  de  la  Republica  Argentiim  es 
los  Estados  Uuidos  del  Bmzil,  corresiKimliente  al  ejeitîicio  «le  ISÛ^l 
publié  dans  le  "Boletiri  del  Ministerio  «le  Rclaciones  exteriores"(D««itfe 
M.  Carlos  Lix  Klett,  consul  général  de  la  République  A i-genti ni;  à  Ko- 
<le-Janeiro). 

Le  Pérou  économique,  par  Paul  Wâlle.  Paris,  1908,  1  voL  iu-S,  arec 
16  gravures  et  1  carte. 

Le  partafs^e  de  TOcéanic,  par  Henri  Russier,  dcx^teur  es  lettre»,  li«n- 
cié  en  «Iroit.  Paris,  11)05.  1  vol.  in-8,  orné  «le  nombreuses  gi-avares. 

Programme   de   l'Kipédition  Française   an   Pôle  Sud    (Mission 

Charcot)  sous  la  haute  Initiative  de   l'Académie  des   Sciences.  Paris. 
1ÎK)7,  1  brooh.  iii-8.  12  pp.  (Don  de  M.  J.  Charcot). 

Pourquoi  Taut-ll  aller  dans  TAntarctique?.  par  J.-B.  Charcot.  ParÎN 

1907,  l  bro.'h.  in-8,  10  pp.  (don  de  l'auteur). 

Lecture  et  emploi  tle  la  Carte  d*Gtat-MaJor,  par  P.  GbésilU» 
capitaine  d'Artillerie.  Paris,  1907, 1  vol.  in-16,  avec  figures  et  cartes  «lan* 
le  texte  «.'t  hors  texte. 

Consrè<«  colonial  Français  de  190*3.  Rapport  contenant  les  a>nf(* 
reiices  de  M.  de  St-Germain,  sénateur,  de  M.  le  Commamlaut  MoU- 
de  M.  E.  LevAsSEUR  et  de  M.  le  L'  Colonel  Bernard,  etc..  etc.  Pan;^ 

1908,  1    vol.    in-8.  (Don  de  M.  H.  de  Pourvourville,  secrétaire péu^Tsl 
«les  Congiès  coloniaux  Français). 

Institut  colonial  International.  Compte-rendu  de  la  Session  tenue  à 
Bnixelles,  les  17,-  18  et  19  Juin  1907.  Paris,  1907,  1  vol.  in-8. 

Les  diflërcnts  systèmes  d'irrigation,  tome  IlL  —  Espagne,  doci>^ 
monts  officiels  précéilos  de  notices  historiques,  Bruxelles  190S.  1  ^"'• 
in-8,  publié  par  l'Institut  colonial  international. 


Onwap  reçus  i  la  BMolpe  le  la  Mt\i 

pendant  le  2*"  semestre  1907 


Voyage  en  France,  48«  série.  Les  Provinces  perdues.  I.  Haute- 
Alsace,  par  Ardouix-Dumazet.  Paris,  1907,  1  vol.  in-12,  avec  22 
cartes  ou  croquis. 

Voyage  en  France,  49»  série.  Les  Provinces  perdues.  IL  BasHe- 
Alsace,  par  Audouin-Ddma:<et.  Paris,  1907,  1  vol  in-12,  avec  28 
cartes  ou  croquis. 

Nouveaux  Zigzags  en  France,  par  Henri  Boland.  Paris,  1907, 
1  vol.  in-16,  orné  de  61  gravures. 

Le  Pays  de  Gauz.  —  A  travers  le  Pays  de  Caux.  —  Boucles  de  la 
Seine  maritime.  —  Le  Havre.  —  Le  Palais  de  Justice  de  Rouen.  — 
Dieppe  et  Parraateur  Jean  Angot.  —  Fécamp.  1907,  1  album  ia-4, 
publié  par  la  C*  des  Chemins  de  fer  de  l'Ouest.  (Don  de  M.  de 
Lerminat,  directeur  de  la  C*«.) 

La  Basse-Bretagne,  étude  de  géographie  humaine,  par  Camille 
Vallaux,  docteur  es-lettres,  professeur  de  géographie  à  TEcoIe 
Navale.  Paris,  1907,  l  vol.  in-8,  ayec  6  planches  hors  texte  et  9 
figures  en  texte. 

Saint*Nazaire,  son  port,  son  commerce.  Notice  publiée  par  la 
Société  de  Géographie  commerciale  de  Saint-Nazaire,  1907, 1  bioch. 
in-4,  76  pp.  avec  plans,  cartes  et  gravures.  (Don  de  la  Société  de 
Géographie  commerciale  de  Saint-Nazaire.) 

Dijon  et  Beaune  (Les  Villes  d'Art  célèbres),  par  A.  KLEiKCLAUSZt 
professeur  &  la  Faculté  des  Lettres  de  Lyon.  Paris,  1907,  1  vol. 
m-é,  orné  de  119  gravures, 

Le  Dauphinéy  par  Qaston  Donnbt,  Paris,  1901,  1  vol.  in-4)  aveo 
illastrations  d'après  nature,  vues  photographiques  exécutées  par 
M*  £ng«  CuABPENAY,  dessins  originaux  d'artistes  dauphinois. 

Crftiioble  et  Vienne  (Les  Villes  d'Art  célèbres),  par  Marcel  BbT« 
MOMD.  Paris,  1907. 1  vol.  in-4,  orné  de  118  gravures. 

L«  Lot)  Padirac,  Bocamadoar,  Lacave,  par  A»  Vibé  (Guide  duToa« 
liste,  da  Naturaliste  et  de  l'Archéologue,  publié  sous  la  direction 
de  M.  BouLB).  Paris,  1907|  1  vol.  in-16»  aveo  87  dessins  et  photo«« 
graphies,  3  cartes  et  3  plans  en  couleurs. 

Llyrdt*gulde  ttltuitré.  publié  par  le  Syndicat  d'inidaUvo  da  Tott- 
lotm  «tdo  laHaute^Garoane,  rrintempi  1906,  1  brooh  in-S.  ooa- 
tiaant  de  nombreuin  illuitr^tioni  et  1  cartti 


ââ  BiBLlOGRAPItIfi 


gUESTIONS  DIPLOMATIIUES  k  COieNIALES 

Reçue  de  politique  extérieure 

PARAISSANT   LE    1"   ET   LE   16   DB   CHAQUE    MOIS 


ABONNEMENT  ANNUEL  :  15  fr. 
Rédaction  et  Administration  :  19,  Ene  Cassette,  Paris 


Sommaire  du  N"  267    (i»'  Avril  1908) 

Robert  Metnadier.  —  Les  partis  (TExtrime^gaucke  et  la  Monarchit  n 
Italie, 

Ernest  Lbmokon.  —  V augmentation  de  la  flotte  Allemande. 

Pierre  Ma.  —  Les  droits  de  douane  dans  les  colonies  anglaises, 

V**  E.  DE  GuiCHEN.  —  Une  page  d'histoire  canadienne. 

Chroniques  db  la  (quinzaine.  —  Les  affaires  du  Maroc.  —  Renseigne- 
ments politiques.  —  Renseignements  économiques.  —  Nominations  9Jfr 
ci  elles.  —  Bibliographie.  —  Livres  et  Revues, 

Cartes  et  Gravures.  —  Casablanca  et  la  région  des  Chaoala. 


BKVOI    sur   demande   d'uN   NUMÉRO   SpiciMBH    GRATUIT 

COMITÉ  DE  L'AFRigUE  FRANÇAISE 

21,    Rue    Cassette,    Paris 


Sommaire  du  N<»  3   (Mars  1908) 

Les  afTalres  du  Maroc.  —  Le  Chemin  de  fer  d'Ethiopie,  —  VEtuiti* 
Tchad.  —  La  mission  Louis  Gentil  au  Maroc. 

Algérie.  —  Le  commerce  de  V Algérie  en  igoy  -7  Aux  frontières  de  TAlièf^*- 

Quinée  Française.  —  L* inauguration  de  la  deuxième  section  du  ckemt' 

de  fer  et  du  monument  Ballay. 
Dahomey.  —  La  mort  du  roi  Tofa.  —  Le  Chemin  de  fer, 
Maroc.  —  Dans  le  Chaouia,  —  V insurrection  de  Fei[.  —  Le  Uerot  n 

Parlement  français,  —  La  mission  de  M,  Regnault  et  le  général  Lj^^ 

—  L'Espagne  au  Ma  roc  ^  etc.,  etc. 


NUMÉRO   gratuit    ENVOTÉ   SDR   DBMANDB 


OrVHAGES   REÇ.CS  A  LA  SOCIÉTÉ  371 

LXzpanaion  coloniale  du  Congo  français,  par  Fcrnaod  Rouget, 
comilibslire-adjoifitdii  Oongr»  à  l'tixpositioii  coloniale  de  Marseille. 
Introduction  pu*  M.  Emile  Gkntil,  commissiiro  général  du  (î«iu- 
veroement  au  Congo  français.  Paria,  IDOG,  1  vol.  in-8,  avec  88 
gravures,  12  cartes  et  cro|ui9  et  une  carte  d'ehsemble. 

Vers  Athènes  et  Jérusalem.  Journal  de  v(>y,i«^c  en  Grôce  et  on 
Syrie,  par  Gustave  liA.RUOUMKT,  membre  de  l'Institut.  Paris  18i)8, 
1  vol.  in-S. 

A  travers  la  Perse  orientale,  par  le  Major  Sykks.  Paris,  1907, 
1  vol.  in-lG,  avec  50  gravures. 

r.'Ile  de  Cuba,  Santiago,  Puerto- I*rincipe,  Matanzos,  La  Havane, 
parHippolyte  Piron.  Paris,  IH8Î>,  1  vol.in-18,  orné  de  norabreust's 
gravure:^  sur  bois. 

Le  Brésil,  par  Paul  Henrix.  Paris,  1907,  I  broch.  7G  pp.,  ornée  de 
nombreuses  gravures.  (Don  de  M.  Jodo  Vieira  da  ^ilva,  consul 
général  des  Ëtats-Unisdu  Brésil.) 

Un  Missionnaire  chez  les  Sauvages  de  PAraguaya,  au  Bré- 
sil. -  Le  P.  Gil  Vilanova,  des  Frères  prêcheurs,  par  le  U. 

F.  Ëtienne-Marie  Gallajs,  des  Frères  prêcneurs.  Toulouse,  1901, 
1  vol.  in- 16,  orné  d'un  portrait  et  de  3  gravures  avec  une  carte  et 
un  plan  hors  texte.  (Don  de  M"»  Charles  de  Malmain.) 

Le  Cuivre.  Sa  production  et  son  conunerçe  aux  Etats-Unis. 

son  marché  en  1907,  par  Ândré-E.  Sayous,  secrélaire  général  de 
la  Fédération  des  Industriels  et  Commerçants  français.  Paris.  1907, 
1  broo.in-8,  58  pp. 

L'Aurore  Aastrale.  ^-  La  Société  australienne.  -^  Le  Socialisme 
en  Australie. —  La  Constitution  australienne  et  son  fonctionnement. 
—  La  valeur  et  la  situation  matérielles  de  l'Australie.  —  L'Aus-' 
tralie  vue  du  dehors,  par  Biart  dAuj^bt.  Paris,  1907,  I  vol.in-18. 

Autour  du  Munds,  par  les  Boursiers  de  Voyage  de  TUniversité  de 
Paris.  (Fondation  Albert  Kahn.)  Paris,  1904,  1  vol.  in-d. 

Ls  Traité  Franco- Siamois  du  23  mars  1907,  par  Joseph 
JouBERT,  vice-président  de  la  Société  des  Etudes  Coloniales  et 
Maritimes*  Paris,  1907,  1  broch.  in-8,  24  pp.  (Don  de  T Auteur.) 

Mouvement  commercial,  industriel  et  maritime  de  la  plaoe 
d'Anvers.  Happort  sur  l'exercice  1906,  publié  par  la  Chambre  de 
commerce  d  An  vers,  1907,  1  vol,  iQ-8.  (Don  de  M.  le  Président  de 
la  Chambre  de  commerce  d'Anvers.) 

Mouvement  général  maritime  et  oommeroial  de  la  COchixl' 
Chine  française,  pendant  l'année  1906,  Statistiques,  impor- 
tations et  exportations,  publiées  par  la  Chambre  de  commerce  de 
Saigon,  1907 «  1  vol.  in-4.  (Don  de  M.  1q  Président  de  la  Chambra 
d^commerQe  do  Saigon.) 


It  LISTE  OÉNÉRALR  DES  MEMBRES 

MM.  t  SàvoBQNAN  db  BbàZZA  (C  iff],   commissaire  général  hononir? 
du  Congo  français. 
WiENBR  (Ch.)  iHî,  chargé  d'afEaires  de  France  près  du  Goufffoe- 
ment  de  Bolivie. 

Préstdent  honoraire  : 

M.  CouvEBt  (Joannès)  iiff^  négociant,  président   de  la  Chambre  de 
Commerce  du  Havre. 

Vice-président  honoraire  : 

M .  Bbcquâ  (L.)  H^  ^,  lieutenant  de  vaisseau  en  retraite,  À  Neoillj- 
sur- Seine. 

Memhres  correspondants  : 

MM.  Blakohb,  vice-consul  de  France,  à  Glasgow. 

Boiteux  (le  Docteur  Jos^ Arthur),  secrétaire  de  la  Sodét*?  «le (k» 

graphie  de  Ri(Mle-Janeiro. 
Catat  (le  Docteur),  à  Contréxeviile  (Vosges). 
Dbbisb  iNs,  vice-président  honoraire  de  la  Société  de  Oéognp^i^ 

de  Lyon. 
Dk  Saint-Quentin  'jf^,  trésorier  des  Invalides,  à  Marseille. 
Fbanconib  (Joseph),   attaché   à  la  Banque  de   France,  74,  me 

Blanche,  à  Paris. 
Gautibb  (â.)  i^f  capitaine  d*infanterie  de  marine  en  retraite,  i 

La  Flèche  (Sarthe). 
Elbtt  (Carlos  Lix)   (U  A)  •{<,  consul  général  de  la  Bépobliq^ 

Argentine,  à  Rio-de- Janeiro  (Brésil). 
Lb  Babbois  d'Obobval,  vice -président  de  la  Société  de  Géogra- 
phie commerciale,  31,  rue  de  Tocqneville,  à  Paris. 
Lb  Bbbton  (B.),  adjoint  des  Affaires  indigènes,  à  Bram^iH^ 

(Congo  français). 
Lbvy  (Victor),  conseiller  du  Commerce  extérieur  de  la  tnoff 

Teinfaltstrasse,  8,  à  Vienne  (Autriche). 
SoHBADBB  (F.),  directeur  des  travaux  cartographiques  de  U  mùif» 

Hachette  et  C*«,  boulevard  Saint-Germain,  79,  à  Paris. 
SiBGFBiBD  (André),  (Uxitcur  es  lettres,  226,  boulevard  Ssint-Otf- 

main,  à  Paris. 
Vidal,  professeur  d'hydrographie,  à  Bastia  (Corse). 
WAUTBB8  (A.-J.),  directeur  du  a  Mouvement  géographique  »,  ^ 

Bréderode,  13,  à  Bruxelles. 


iilMBRBS  DONATBURS  lit 


Membres  donatenrs  : 

.  f  Vattibb,  profesaear  d'hydrographie. 

I.B  MARQUIS  DB  HouoBTOT,  mairc  de  St-Laurent-.lc-Brèvedent. 
LoiSBAU  (Paul),  négociant. 

t  Le  baron  Arthar  DE  Rothschild  if^  banquier,  à  Paris. 
I^  comte  MosSBLM AN,  capitaine  au  long-cours. 
7  Delamallb  (Jacques),  propriétaire,  à  Pans. 
Vesin  (Joseph),  capitaine  au  long-cours,  à  Pariai. 
La  Compagnie  Générale  Transatlantique. 
WoRMS  J088B  et  Ci*,  armateurs. 
Mbnibb  (Henri),  industriel,  à  Paris. 
COUVBRT  (Joannès)   ijf^^  négociant,  président  de  la  Chambre  de 

Commerce  du  Havre. 
GuiTTON  (Louis)  (O  A),  agent  commercial. 
t  Cqbosc  (B.)  (O  ^)  ^  (C  >}<),  industriel. 
La  Compagnie  des  Chargeurs  Réunis. 
7  BXjOT-Lkfeybb  (H.),  négociant,   trésorier   de  la   Chambre   de 

Commerce  du  Havre. 
La  Compagnie  des  Docks-Entrepôts. 
Dupont  (E.)  directeur  des  Docks-Entrepôts. 

Bureau  : 

.  Dupont  (E.),  directeur  des  Docks-Entrepôts,  président. 
Du  POUR  (Georges)  *  (U  A)  »i«»  docteur-médecin,  vioe^préAdent, 
Guitton  (Louis)  (<|  A),  agent  commercial,  rive-préndent. 
Loi  SEAU  (Paul),  négociant,  êfcrétairt-général, 
Hubert  (Jacques),  fondé  de  pouvoirs,  teerétaire  de»  téanees. 
Vanibr  (Ferd.),  négociant,  teerétaire  des  iiameet. 
Boîtier  (René),  avocat,  tréenrier, 
Meuba  (Ch.),  courtier,  bibliothéeaire. 

Gomltô  : 

.  Barre  (Jules)  (U  A)  (O  •{<),  lieutenant  de  port. 
Basset  (Frank)  (U  A),  avocat. 
Boîtier  (René),  avocat 
Bunqb  (Emst),  agent  de  maisons  étrangères. 
Carton  (Albert),  assureur, 
Chanoebbl  (H.),  agent  principal  des  Chargeurs  Réunis. 


tV  LISTE  oàNÂRALB  DBS  MSIlBRfiâ 

MM.  Couvert  (Joannès)   *,  négociant,  président  de  la  Chambre  tk 

Commerce. 
Dany   (A.)    (O  I),  secrétaire-archiviste  de  la  C»«  des  Coortien 

assermentés 
Dbohaille    (Stephen)    (0    A),    directeur    des    Signaax  et  t 

Sauvetage. 
Doublet  (G.),  négociant. 
DUFOUB  (Q.)  i||(  (U  A)  if^f  docteur-médecin. 
Dupont  (E.),  directeur  des  Docks-Bntrepôts. 
Enoblbach  (P.),  docteur-médecin. 
Bnoelbach  (G.)y  négociant 
Favixb  (£.)  (U  I)»  professeur  au  Lycée. 
Fbitz  (J.)  ((I  A),  professeur  d*allemand. 
Gabtneb  (L.-E.),  négociant. 

GuÉBiN  (Désiré),  receveur  de  l'Enregistrement,  en  retraite. 
GuiLLOT  (Denis),  avocat. 
GuiTTON  (Louis)  ((I  A),  agent  commercial. 
Habou  (B.),  courtier  d'assurances. 
Haussmann  (J.)  (G  {jf(),  receveur  des  Finances 
*  Hubert  (Jacques),  fondé  de  pouvoirs. 
Jaoquemin  (Ch.)  (G  *{(),  négociant. 
Kbaubb  (Albert),  négociant. 
Laneuville  (E.),  courtier. 
LoiBEAU  (Paul),  négociant. 
Meuba  (Ch.),  courtier. 
MONBALLIEB  (L.),  assureur. 
MONBCOUBT  (E.)  (d  A),  professeur  au  Lycée. 
Odinet  (G.)  (U  A),  négociant. 
PelAbd  (Frédéric),  courtier. 
Pesle  (Robert),  négociant 

Pilon  (E.)  (O  >{«),  secrétaire  général  des  Docks-Bntrepôts. 
Pbesohez  (E.),  avoué. 
Plum  (P.),  assureur. 
Baoul-Duval  (Edmond),  négociant. 
BOOHE  (J.),  photographe. 
Sohmitt  (Victor),  assureur. 
Vanieb  (Ferd.),  négociant 


TABLE  DES  MATIÈRES  375 


ACTES  DE  LA  SOCIÉTÉ 

Hdste  générale  des  Membres  de  la  Société I 

Bibliographie  94,  277,  3C1 

Ouvrages  reçua  à  la  Bibliothèque  de  la  Société 31,  95, 

183,  215,  279.  369 

Ouvrages  cartes  et  plans,  offerts  à  la  Société  par 

M"«  CUKVALIKR  DE  CONINCK  et  M.  JaMBS  DE  CoNlKCK    .  273 

B  apport  du  secrétaire  sui*  les  travaux  de  Tannée 

1906  261 

Comptes  définitifs  de  l'année  1906  269 

Procès-verbaux  des  séances  du  Comité  . .  .93,  175,  212,  270 


UAVRK  -  Iinpilnicrie  Nouvel)*»,  G.-D.  QUOIST,  11,  rue  du  (  hillon 


VI  LISIR  GÊNER ALR  DBS  MEMBRES 

2082    Bailly  (Edouard),  proviseur  du  Lycée,  rue  Anoelot,  2. 
1200    Balard    d'IIerlinville,  docteur-raéilecin,  boulcfard  de  si 

bourg,  55. 
1949    Barre  (Jules)  (U  A)  (O  «ï»),  ancien  capitaine  de  port  »ux  Co^^ 

nieB,  lieutenant  de  port,  me  de  la  Mailleraye,  52. 
659    Barrié  (A  ),  banquier,  rue  de  la  Paix,  7. 
2047    Barthélémy  (G.),  commerçant,  me  de  la  Bourse,  8. 
1203    Barthelmâ  (Georges),  courtier,  me  Toustain,  3. 
1700    Baethold  (Edm.),  négociant,  me  de  la  Bourse,  3. 
1393    Babskt  (Frank)  (O  A),  avocat,  rue  Fontencllc,  13. 
1553    Basset  (A.),  négociant,  de  la  maison  J.-M  Cnrrie  &  C«  coorf 

de  la  Confédération  Suisse,  rue  Plcuvry,  2. 
2063    Bâtard  (A.)  ifft  capitaine  d*Artillerie,  me  Saint- Michel,  43. 
1977    Bâte  (Clifort-A.),  maison  V'*  A.  Derode,  me  de  la  Bonne,  23. 
1445    Bauchb  (Gaston),  négociant,  me  du  Havre,  62,  à  Sanvio. 
1519    Bauer  (Léon),  marchand-tailleur,  me  de  la  Mailleraye.  112. 
1474    Balt,  rentier,  me  de  Saint-Quentin,  64. 
1814    Baysselanoe  (Q  !Hj),  ingénieur  en  chef  de  la  O  GénénleTntf- 
atlantique,  place  de  THÔtel-de-A? ille,  24. 
11     BECQui  (L.)  4»  (0  «il),  lieutenant  de  vaisseau  en  retraite,  ne  de 
rHôtel-de-Ville,  U,  k  Nenillysur- Seine  (Seine). 
631     Begouen-Demeaux  (Max),  directeur  d^assnrances,  place  Gamot^C 
1288    Beqouek-DemeAux  (Robert),  directeur  d'assurances,  boolenrd 

de  Strasbourg,  148. 
1399     Bbgouen  (Aodré),  avocat,  rue  Naude,  30. 
2132    Bellanger  ^,  commandant  en  retraite,  à  Harfleur. 
383    Bellemgbr-Rozay,  commerçant,  place  du  Vieux-Marché,  10. 
1691    Bellenger  (André),  commerçant,  me  d*Etretat,  110. 
684    BÂNARD  (G.),  bronzes  d*art^  place  de  THôtel-de-Ville,  18. 
373    BÉRARD   (Henri),  courtier   maritime  honoraire,  boulevard  Fno* 
çois-I",  38. 
14    Berger AULT  (C),  négociant,  me  Doubet,  16. 
1594    Berizbeitia  (A.),  négociant,  rue  du  Ghamp-dc-Foire,  16. 
1586    Bernard  (G.),  ingénieur  aux  Forges  et  Chinticrs  de  U  Médi- 
terranée, boulevard  de  Strasbourg,  132. 
1857     Bernheim,  étudiant,  me  de  Paris,  143. 
1339    Bertrand  (Julien),  négociant,  rue  de  Phalsbour^,  8. 
570    Billard  (Emile)  courtier  maritime,  Grand-Quai,  67. 
2066    Billet  (Georges),  directeur  de  la  Brasserie  de  l'Oueet,  rae  de  U 

Brasserie,  19. 
386    Binet  (Ernest),  rentier,  rae  Anfray,  19. 


r    r 


SOCIETE 


DE 


GÉOGRAPHIE  COMMERCIALE 

3DTJ     KC-A-^^R-E 

---     -    -  3»C 

BUlillETlH 


ANNEES    1908-1909 


VIII  LISTE  GBNiBÂLE  DBS  MEMBRES 

1910    Bbunbohvio  iNï,  docteor-médecin,  rae  Béry,  24. 

1788    Bbowne  (W»  F.),  négociant,  de  lu  maison  Dofay,  Oiguidet  arO, 

rne  Joles-Lecesne,  50. 
1567    Buo AILLE  (Henri),  rentier,  bonleYard  François-I»,  60. 
418    BuNOE  (Bniflt),  agent  de  maisons  étrangères,  boulevard  de  Stai 

bourg,  124. 
2002    BUBNIBB,  de  la  maison  Kronheimer  et  O,  route  de  la  Hév«,K. 

à  Sainte-Adresse. 
949    BuBOH  (Louis),  négociant,  rue  du  Obamp-de-Foire,  12. 
1796    Caill  (Ch.)  (0  4»),  cbef  du  pilotage  de  la  Seine,  rue  de  la  Ferme,  U 
1010    CAiLLABD  (Georges),  ingénieur  civil,  rue  de  Prony,  20. 
2010    CAiLLATTB,  négociant,   de  la  maison  Frédéric  Jung  et  O,  bos- 

levard  de  Strasbourg,  130. 
2114    Caboopino  (Jérôme),  professeur  au  Lycée,  boul.  de  Strasbourg,  tf 
1690    Gabon  (J.),  rue  du  Lycée,  95. 

2077    Gabon  (Jules),  maison  A.  Savarin  et  C^«,  place  Camot,  4. 
2086    Gabon  (Ernest),  de  la  maison  Emile  Segard,  cours  de  la  Bépc- 

blique,  13. 
1749    GArbel    (l'abbé),    professeur   à    TExteinat    Saint-Joseph,  ne 

Victor-Hugo,  82. 
2116    Gabpbntibb  (Ulysse),  instituteur-adjoint,  à  TBoole  oommonak 

de  Sainte-Adresse. 
1835    GabbÂbb  (G.)  *i«.  docteur-médecin,  rue  de  Paris,  123. 
1105    Gabton  (Albert),  assureur,  rue  de  la  Halle,  20. 
1251    Gabuette  (E.),   entrepreneur  de  transports,   cours  de  liBépQ- 

blique,  36. 
907    Gaspab  (Ch.),  négociant-armateur,  quai  Gasimir-DelaTigne,  16. 
1247    Gastel  (Jules),  du  Grédit  Havrais,  boulevard  de  Strasbourg,  79. 
1614    Gatteaux  (Gustave),  de  la  maison  Joseph  à  Henry  Charlet,r« 

de  la  Mer.  9,  à  Sainte-Adresse. 
2139    Cauvin  (G.),  commerçant,  rue  Victor-Hugo,  149. 
1780    Gayanagh  (W.),  négociant,  rue  Edouard-Larue,  14. 
1829    Gavanagh  (Baoul),  commerçant,  boulevard  de  Strasbourg,  96. 
675    Ghalot  (Gustave),  banquier,  rue  des  Pénitents,  53. 
1588    GhAmabd  (Léon),  caissier,  rue  Louis-Philippe,  18. 
491    Ghancebel    (A.),   agent   principal    de    la    C*    des   Chargeorf- 

Réunis,  rue  Jules-Lecesne,  80. 
1309    Ghabdot   (Daniel),  vérificateur  des   Douanes,  boulevard  Kim- 

çois-I",  61. 
2089    Ghariot  (Pierre),  assureur,  rue  de  Mexico,  8. 
884    Gheoabat  (H.),  négociant,  rue  Fontenelle,  34. 


MEMBRES  TITULAIRES  IX 

40    CHKBF1L8  (Charles)  (4|  A),  adjoint  au  Maire  du  Havre,  rue  Just- 

Viel,  82. 
2040    Chevalibb  de  Cominok  (M"«),  rentière,  me  Auguste-Dolfus,  17. 
2037    Cic^ON    (MU«    Célestine),   propriétaire,    rue    Thieulent,    10,    à 

Sainte-Adresse. 
1944    Clboueb  (Edouard),  officier  de  marine  en  retraite,  rue  Thiers,  65. 

331  Clbbc  (L.)  (41  A),  pharmacien-chimiste,  rue  de  Berry,  57. 
1764    Olebc  (Léon),  négociant,  au  château  dVHartieur  (Seine- Inf>^). 
1753    Clochette  (Georges),  courtier,  palais  de  la  Bourse,  escalier  D. 
1285    Clolooe  (Alphonse),  négociant,  impasse  Dagobert,  10. 

1265  COLCUBN  (Ch.),  courtier,  rue  Jules-Lecesne,  32. 

798  Collet  (H.),  négociant,  rue  Jules-Lecesne,  4. 

332  COMMAUCHB  (J.),  constructeur-mécanicien,  rue  de  Mexico,  36. 
2016  Coquelin  (Ch.),  affaires  indigènes,  à  Ouesso  (Congo  français). 
2120  COBBEAU  (A.),  receveur  des  Postes  et  Télégraphes  en  retraite, 

me  Mogador,  26. 
304    COBBLBT  (B.),  armateur,  rue  Edouard-Larue,  1. 
2056    COBOYEB  (Gaston),  instituteur,  Ecole  rue  de  Berry. 
1692    COTBLLE  (J.-M.),  négociant,  de  la  maison  D.  Tjevillain  et  Concile, 

rue  Jules-Lecesne,  47. 
1843    COTTABD  (Alfred)  j|,  négociant,  membre  de  la  Chambre  de  Com- 
merce, rue  du  Lycée,  30. 
45    COTT  (A.)  (O  A),  propriétaire,  place  de  l'Hôtel-dc- Ville,  27. 
789    COULON   (Ch.)  i^{  igt,   négociant,   conseiller    municipal,    juge   au 
Tribunal  de  Commerce,  rue  de  la  Paix,  (î. 

1952  Courant  (Maurice),  artiste  peintre,   Clos  de  l'Abbaye,  à  Poissy 

(8eine-et-0ise). 

1953  Courant  (L.),  négociant,  rue  Bellevuc,  6. 

47  Cousin  (Arthur),  maison  Albert  Quesncl  et  C»«,  imp.  Dagobert,  8. 
1883    Cousin  (Henri)  (<>  A),  a^'ont  commercial,  rue  des  Ormeaux,  11. 

48  Couvert  (Joannès)   ^,  négociant,  président  de  la  Chambre  de 

Commerce,  rue  de  la  Bourse,  àl  bis, 

49  Couvert  (Camille),  négociant,  rue  Jules-Lecesne,  58. 

374  Co VILLE  (A.),  ingénieur  en  chef  des  Forges  et  Chantiers  de  la 
Méditerranée,  rue  Saint-Michel,  9. 

51  Cbeueb  (Marins),  négociant,  consul  de  Grèce,  rue  Doubet.  16. 

2070  Croix  (L.),  opticien,  rue  de  Paris,  15. 

1113  DAiiiGAULT  (F.),  entrepreneur  de  menuiserie,  rue  Dicquemare,  25. 

1277  Daniel  (Joseph),  capitaine  au  long-cours,  rue  Ernest-Renan,  46. 

2127  DANILOW  (N.)  (C  »{•)  (G  >{*),  consul  de  Russie,  rue  des  Pénitents,  18. 

1301  Danon  (J.),  négociant,  place  Carnot,  5. 


X  LISTE  GÉNéRALB  DBS  MEMBRES 

1392    Dânt  (â.)  (1(1  1)«  secrétaire-archiviste  de  la  O   des   Coortien 

assermentés,  rue  Angustin-Normand,  6 
1143    D£  BuRNÂY  (le  comte  Henri),  de  la  maison  Henri  de  Bamay  etO** 

négociants-armateurs,  à  Lisbonne  (Portugal). 
569    Dechaillë  (Stephen)  (O  A),  capitaine  au  long-cours,  directcor 

des  Signaux  et  du  Bauvitage,  rue  Benjamin-Normand. 
1898    Dbguaux  (Albert),  juge  au  Tribunal  Civil,  rue  de  la  Bourse,  1 
1123    De  Ooningk  (James)  (O  I)  i,  courtier,  rue  de  la  Bourse,  39. 
1080    DÉOENÉTAis  (L.),  coartier,  rue  de  la  Bourse,  33. 
1091    Deobubkb  (A.),  courtier,  boulevard  de  Strasbourg,  56.  i 

1792    Deobubeb  (René),  courtier,  rue  Faure,  1.  | 

1255    Db  Gobb  db  Hbbyé  (Georges),  négociant,  rue  Thiébaut,  7. 
1594    Dkooy  (G.),  courtier,  place  Carnot,  5.  | 

759    Db  Grandmaison  (H.),  avocat,  rue  de  Mexico,  45. 
J969    De  Heydeb  (Ch.),  courtier,  rue  Victor-Hugo,  136. 
426    De  Houdetot  (le  marquis),  m'^ire  de  i:>aint-LaureQt-de-BrèredeDt 

(Seine-Inférieure). 
597    Delàchânal,    ingénieur  en  chef  honoraire  de  la  Chambre  de 

Commerce  du  Havre,  52,  route  de  Brie,  à  Brunoy  (S.-et-O.i 
1546    Delamabe  (L.),  courtier,  rue  de  la  Bourse,  29. 
1369    Delaboche  (M"«  Raoul),  propriétaire,  rue  Félix-Faure,  53. 
2012     De  la  Sehna    (Rufino-C),  consul  de  la  République  Argentine. 

boulevard  François-I*',  38. 
1521     De  LésÉLEUO  (Henri),  assureur,  place  Jules-Ferry,  8. 
r-7    Deliiommb  (Ed.),  industriel,  rue  Joseph-Périer,  48-60. 
1892    Del  Pozo  (Ch.),  négociant,  rue  Racine,  43. 
2105    De  Malmain  (M"«  Charles),  propriétaire,  rue  des  Marches,  ô. 
1941     Démange  (A.),  négociant,  juge  au  Tribunal  de  Commerce  d'Alger. 

rue  Arago,  8,  à  Alger. 
1524     De  Montfleurt    (Lucien),   juge  suppléant  au   Tribunal   Cinl. 

conseiller  municipal,  rue  de  Montivilliers,  78. 
730    De    Montalembebt   (le    comte),   propriétaire,   au  châteaa  *ie 

Ménilles  (Eure). 
1747     Dennis  (Etienne),  négociant^  rue  de  la  Bourse,  19. 
341     De  Qubrhoent  (J.)  îHj,  négociant,  vice-président  de  la  Chambre 

de  Commerce,  maire  de  Sainte-Adresse,  rue  Lemaistre,  29. 
1806    Dero  (L.),  ingénieur,  rue  de  Tourneville,  101. 
2107    Debome  (Edmond),  imprimeur,  boulevard  de  Strasbourg,  114. 
1529    Débonde  (E.).  docteur-médecin,  rue  d*Epréménil,  4. 
58    Deschamps  (Médéric)  if:  ((|  A),  propriétaire  à  la  Rive,  à  Mon- 
tivilliers (Seine-Inférieure). 


MEMBRES  TITULAIRES  XI 

1751     DK8HAYËS  (Kd.),  courtier,  palais  de  la  Koui'se,  escalier  D. 

2104     Dbthieb  (Ch.),  négociant,  rue  JuleB-Lecesne,  114. 

1958     Detodbnay  (André),  assureur,  rue  Massieu-de-Clerval,  10. 

2076    DE  TUGNY,  capitaine  au    129'"«  Régiment  d*Infantcrie,   rue   de 

Tourneville,  75. 
1841    De  Vigam   (J.),  secrétaire  de  la  Chambre  de  Commerce,  palais 

de  la  Bourse. 
1598    Deville,  docteur-médecin,  rue  Thiers,  28. 
2064     D'Hallutn  (A.),  négociant,  rue  de  la  Bourse,  33. 
898    Doubbe  (M**  L.),  libraire,  place  de  l'Hôtel-de-Ville,  10. 
1371    Doublet  (Georges),  négociant,  membre  de  la  Chambre  de  Com- 
merce, juge  au  Tribunal  de  Commerce,  rue  de  la  Bourse,  3. 
83    DoUBT  (V.),  aroué  honoraire,  juge  au   Tribunal  Civil,  rue   Fré- 
déric-Sauvage, 15. 
2015    DOUTBELAUT  (A.),  dc  la  maison  V^«  A.  Dcrode,  boul.  Maritime,  1.Î4 
683    DOY  (Auguste),  courtier,  place  de  rH6tcl-de-Ville,  21. 
589    Dbocaux  (Emile),  négociant,  boulevard  de  Strasbourg,  130. 
2125    DUBAIL  (A.),  intéressé  de  commerce,  boulevard  François-I",  70. 
1900    Dubois  (E.),  directeur  de  la  Société  Générale,  place  Carnot,  2. 
2060    Dubois  (Perd.),  ingénieur,  rue  du  Docteur-Cousture,  27. 

609     Duchbsne  (B.),  constructeur-mécanicien,  rue  de  Neustrie,  40. 
1837    Ducbocq  (Tb  )  ^   ingénieur  en  chef  des    Ponts  et  Chaussées,  rue 

Caligny,  9. 
282     DUFOUR  (G.)  ^  (O  A)  Hh,  docteur-médecin,  rue  Félix- Faure,  2. 
2019     Du  M  ESN  IL  (Jules),  agent  de  change,  rue  Gustave- Flaubert,  36. 
1 499     DUMONT  (Alf .)  courtier,  rue  du  Champ-de-Foire,  79. 

70    DUMOUCHEL  (Aug.),  courtier,  rue  de  la  Ferme,  38,  à  Sanvic. 
581     DrPAQUiEB  (André),  nétcociant,  rue  de  la  Bourse,  59  bU, 
1376    DUPASQUIEB  (Hermann),    négociant,    membre  de  la  Chambre  de 

Commerce,  conseiller  municipal,  rue  Julos-Lcccsne. 
1954     Du  Pasquiee  (E.),  docteur-médecin,  rue  Jules- Ancel,  10. 
2145    Du  Paty  de  Clam,  lieutenant   au  129™®  Iî<5gfment  d'Infanterie, 

rue  Victor-Hugo,  50. 
1623    DUPLAT  (Achille)  (O  1),  commis&airc  du  Gouvernement  aux  Docks- 
Entrepôts,  pavillon  des  Docks,  quai  de  Marseille. 
2004     DupLAT    (Bug.),    agent   commerçai,    conseiller    municipal,   rue 

de  la  Bourse,  39. 
701     Dupont   (Emile),   directeur  de  la   C»'  des  Docks-Entrepôts,   quai 

de  Marseille. 
299    DUPUIS  (Pierre),  négociant,  rue  de  la  Bourse,  51. 
2043    DÙPU1S  (le  contre-amiral),  rue  du  Havre,  67,  à  Sainte- Adresse. 


XII  LISTE  GÉNÉRALS  DSS  IISMBRES 

686    DuBAND-ViEL  (Louis)    {,  de  la  maison  Tbiealent  frères,  m 

Qny-de-llaapassant,  10. 
1604    Durand- ViEL  (Jaoqaes),  courtier,  me  de  la  Boorse,  28. 

73    DUBRT  (Alfred)  (C  Hh)  (O  ;gt),  négociant,  rue  Gustave-Flaubot,  Il 
2097    DUVAL  (Jean-Raoul), (itudiant  en  droit,  place  de  THÔtel-de-Ville^S. 
1686    BOLOFF  (L.),  courtier,  rue  de  Toumeville,  116. 
963    Elot  (Femand),  courtier,  palais  de  la  Bourse,  escalier  G. 
78    ENaELBACH  (G.),  de  la  maison  Les  Neveux  de  J.-G.  Schmidt  m 

Saint-Michel,  16. 
1072    ËNOELBAOH  (P.),  docteur-médccin,  rue  Naude,  26. 
2034    EnoblbAgh  (Jean),  étudiant,  rue  Saint-Michel,  15. 
1936    Enoelbrecht  (Maurice),  courtier,  me  de  la  Bourse,  29. 
2014    Ebnis  (A.),  du  Bulletin  de  Correêpondance,  rue  Félix-Faore,  5. 
1354    EsBBAN  (Gustaye),   négociant,  trésorier  dé  la  Chambre  de  Oqbi- 

merce,  quai  d'Orléans,  69. 
1793    ESTIQNABD  (C),  chef  de  bureau  à  la  C*«    Générale  Tranatlu* 

tique,  place  de  l'Hôtel-de-Ville,  28. 
1980    F  ABBE  (G.),  notaire,  place  de  THôtel-de- Ville.  20. 
660    Fabcis  (A.),  courtier  maritime,  Grand-Quai,  67. 
1383    Faviek  (E.)  (O  I),  professeur  au  Lycée,  me  J.-B.-Eyriès,  54 
1697    Fehb  (S.)  (C  >ï<),  négociant,  rue  Faure,  8. 
1525    FAbé  (Ernest),  agent  commercial,  quai  Casimir-Delarigue,  27. 
1518    Febnbebo  (G.),  agent  de  change,  boulevard  de  b'trasbourg,  9'. 
2143    Feuchèbe  (le  Colonel)  ^,  commandant  le  129*  EU^îriment  «l'Iufa»- 

terie,  quai  d'Orléans,  57. 
1774    Fevbibb  (M"»-),  rentière,  me  JFélix-Faure,  61. 
1816    FiÉVET  (J.),  négociant,  quai  d'Orléans,  25. 
369    FiscUEB  (J.),  représentant  de  la  C*  Générale  Transit lantiqoc 

IV,  FaToritenplatz,  5.  Vienne  (Autriche). 
1156    FiscHEB   (Emile),    de  la   maison   H.    Génestal    et   fils,  rue  de 

la  Ferme,  21. 
1403    Flàvignt  (0  ^),   lieutenant-oolonel,    commandant  le  22*  t^ 

ment  territorial  d'Infanterie,  rue  Jules-Ancel,  36. 
393    FoBSAT  (E.)  i,  courtier,  me  de  la  Bourse,  32. 
1924    FossAT  (A.),  courtier,  rue  de  la  Bourse,  32. 
2103    Fosse  (Gustave),  employé  de  commerce,  me  Gambetta,96,  àSantic 
1951     Fouillbcjl  (B.-P.),  négociant,  de  la  maison  J.-P.  SimmondsetO*. 

rue  Fléchier,  9. 
1830    Fbanque  (Paul),  boulevard  François-I*%  98. 
2027    F  BEDON  (MU*  LéoDtine),  professeur  à  PEcole  pratique  de  Com- 
merce et  d'Industrie,  me  des  Ecoles,  1,  à  Sainte-AâreoBè. 


6.L 


'^^^'^^  SOCIÉTÉ  v-a^ 

DE  VVO'   \ 

GEOGRAPHIE  COMMERCIALE 


alEIKH-SAlP 


A  rextrémité  Sud-Ouest  de  F  Arabie,  au  seuîl  du 
monde  oriental,  et  dominant  le  détroit  de  Bab-cl-Mandeb, 
est  une  position  commerciale  et  militaire  sans  rivale, 
Cheikh-Saîd,  qui  commande  la  porte  de  notre  colonie 
d'Indo-Chine.  Cette  position  appartient  à  la  France  ;  mais 
la  France  Ta  toujours  négligée,  empêchée  d'en  tirer  parti 
et  par  sa  propre  insouciance  et  par  les  jalousies  de  ses 
voisins. 

Il  semble  cependant  qu'un  peuple  qui  a  à  défendre 
contre  les  convoitises  étrangères  un  vaste  et  riche  do- 
maine devrait  s'assurer  vers  ce  domaine  une  route  libre 
en  tout  temps  pour  lui-même  et  qu'il  puisse  à  volonté 
fermer  à  ses  ennemis.  Nous  avons  failli,  par  l'occupation 
de  Cheikh-Saîd,  devenir  les  maîtres  absolus  de  cette 
porte  de  la  Mer  Rouge  ;  nous  nous  sommes  contentés  de 
perdre  l'autre,  celle  de  Suez. 

L'Angleterre,  qui  avait  elle  aussi  à  assurer  sa  route 
de  rinde  et  qui,  de  plus,  s'était  toujours  montrée  systé- 
matiquement hostile  à  toute  entreprise  coloniale  de  la 
France,  nous  a  constamment  empêchés,  par  une  opposi- 
tion sourde,  d'occuper  Cheikh-Saïd.    Mais  aujourd'hui, 

BOCIVri  DS  oiOGHAPHIB.  —  l*'  TBIM.  1906.  1. 


^iV  LISTE  GéNÂRALB  DKS  MKMBRBé 

2051    Gros  (A.),  bandagiste,  me  du  Ghamp-dc- Poire,  67. 

98    GR0S08  (Bug.)  (O  *)  (C>i<)  (0  ^)  4»,  négociant-armatear,  consal 

de  Turquie  et  d'Autriche-Hongrie,  place  de  1*  Hôtel-de- Ville,  16. 

611    GuÉRiN    (Désiré),  recev(;nr  de  rEni-egistrement,  en  retraite,  roe 

Racine,  9. 
1810    Guiffârt  (Armand),  ingénieur   des  Ponts  et  Chaasséefi,  boole 

vard  François-I",  141. 
2099    GuiLLARD  (Paul),  avocat,  rue  Gustave-Flaubert,  102. 
1199    G(  ILLBMBTTE  (Eugène),  commissaire-prisear,  me  de  Fécamp,  i 
1812    GuiLLERAULT  (0.),  négociant,  rue  de  Tourneville,  86. 
863    GuiLLOT  (Denis),  avocat,  boalevard  de  Strasbourg,  148. 
2124    GuiLLOT  (Maurice),  docteur-médecin,  rue  Joinville,  26. 
97    GuiTTON  (Louis)   (j||  A),  agent  commercial,  de  la  maisoii  Feid. 
Schneider,  rue  du  Havre,  86,  à  Sainte- Adresse. 
1717    Haao  (Otto),  négociant,  rue  Cochet,  8. 

1509    Habert  (Gaston),  de  la  maison  Eugène  Doublet,  rue  FrankUD,  15 
868    Hamon  (J.-B.),  capitaine  expert,  impasse  des  Ormeaux,  4. 
262    Harou  (E.),  courtier  d'assurances,  rue  de  la  Bourse,  24. 
2067    HA8SBLMANN,  notaire,  rue  de  la  Paix,  5. 
1208    Ha  USER  (Georges),  négociant,  rue  de  Tourneville,  83. 
1923    HAUSf^MANN  (J.)  (0  ^),  receveur  des  Finances,  rue  Jules-Anoel,  12 
1936    HAuzbub  (Georges),  de  la  maison  Mason  et  0**,  rue  du  Havre.  H 

à  Sainte- Adresse. 
1457    Hatn  (W«),  négociant,  rue  Cochet,  5,  à  San  vie 
1712    Hébert  (Jules),  chef  de  pervice  des  Engins  de  levage  de  U 

Chambre  de  Commerce,  rue  du  Lieutenant-Evelin,  1. 
875    Hehet  {E.\  ditecienr  du  BuUtftin  de  Corretpomdanee,  palaiide 

la  Bourse,  rue  Scudéry. 
850    Hess  (G.),  négociant,  rue  du  Champ-de-Foire,  7  W*. 
2036    Hbtzlbn,  professeur  au  Lycée,  rue  Bd.-Corbière,  7. 
562    Hochet  (G.),  employé  de  commerce,  rue  Franklin,  SI. 
105    HoFMANN  (H.)  (d  A),  professeur  d'allemand,  rue  de  la  Paix,  1. 
2005    Hubert  (Jacques),  fondé  de  pouvoirs,  rue  du  Bocher,  47. 
174 S    Humeau  (le  Docteur),  rue  de  Toul,  8. 

1624    Hutteb  (J.-J.))  entrepreneur,  rue  du  Harre,  46,  à  Ste-Adrene. 
1448    JACQUBMIN  (Charles)  (O  >{*),  assureur,  consul  de  Monténégro,  n» 

Victor-Hugo,  67. 
407    Jacquey  (Louis),  ingénieur  de  la  Chambre  de  Commerce,  boule- 
vard de  Strasbourg,  179. 
2126    Jallaobas  (Ed.),  négociant,  cours  de  la  République,  18. 


AtEMBRES  TITULAIRES  XV 

1805    Jamein   (Jules)  (Il  À),  négociant,   membre  de   la  Chambre  de 

Commerce,  boulevard  de  Strasbourg,  73. 
1713    Jandin  jeune,  pharmacieû,  rue  de  Fécamp,  13. 
2018    JOBBÉ-DUVAL,  négociant,  rue  du  Chillou,  1  bis. 
2116    JOBIK  (Paul),  négociant,  rue  Victor-Hugo,  144. 
391    JOLY  (A.),  propriétaire,  boulevard  de  Strasbourg,  2. 
911    Jung  (Frédéric),  négociant,  rue  Félix-Faure,  34. 
1167    KABLé  (Jacques),  courtier,  rue  Victor-Hugo,  151. 
1896    Kablè  (M'a*  Charles),  propriétaire,  rue  Saint-Michel,  6. 
1369    Kaiser  (Rodolphe),  courtier,  rue  de  la  Bourse,  23. 
1954    Kebz  (Ferd.),  intéressé  de  commerce,  rue  Frédérick-Lemaltre,  27. 
1927    KiBSCHBAUM   (Mii«)     (Il   I),    directrice  de  TEcole   pratique  de 
Commerce  et  d'Industrie  pour  les  jeunes  filles,  rue  du  Lycée.  130 
1027    EoLLBBUNNSE  (W.),  couitier,  palais  de  la  Bourse,  escalier  D. 
122    Krause  (Albert),  négociant,  de  la  maison  Th"  Breckenridge  et  O; 
boulevard  François-I",  117. 
1899    Kbonheimer  (Ch.;,  négociant,  consul  du  Salvador,  rue  Si- Martin,  2. 
2112    Ebugeb  (Baph.),  négociant,  rue  des  PCcheurs,  6,  à  Ste-Adresse. 
929    Lafaurie  (G.),  courtier,  juge  au  Tribunal  de  Commerce,  rue  de 
MontiviUieis,  98. 
2079     Laisné  (Charles),  percepteur,  boulevard  François-l",  94. 
1947    Lamy  (Paul),  négociant,  rue  Joinville,  42. 

356    Lamottb  (Edgard),  négociant,  boulevard  de  Strasbourg,  134. 
1273    Lanctuit  (André),  négociant,  rue  de  Saint-Quentin,  11. 

671     Làndbieu  (Charles),  commerçant,  rue  de  Paris,  98. 
1318     Lakel  (Ch.),  rentier,  rue  Augustc-Dolfui»,  4. 
857    Laneuvillb  (E.),  courtier,  palais  de  la  Bourse,  escalier  D. 
1108     Lanolois  (F.),  propriétaire,  quai  d'Orléans,  9. 
2119    Lanolois  (Lucien),  employé  de  commerce,  rue  Joseph-Clerc,  1, 
465    Lanostaff  (W.),   négociant-armateur,  consul  du  Japon,  Grand- 
Quai,  67. 
1926    Lanostaff  (A.),  négociant,  rue  de  la  Bourse,  26. 
2137    Laporte  (Pierre),  secrctaire-iuljoint  de  la  Chambre  de  Commerce, 

Palais  de  la  Bourse. 
1470    Larue  (Charles),  courtier,  rue  de  la  Bourse,  38. 
128    Lathaic  (Edmond)   i^ ,    négociant,   président   honoraire    de   la 

Chambre  de  Commerce,  rue  Victor-II»igo,  14*). 
1573     LAtham  (Charles),  négociant,  rue  Victor-Hcgo,  145. 
2017    Latham  (Robert),  négociant,  de  la  maison  Frédéric  Jung  et  C»% 

boulevard  de  Strasbourg,  130.  '  • 

1558    Laude  (L.),  directeur  de  la  Caisse  de  Liquidation,  rue  Cochet,  4. 


XVl  LISTE  GéNBRALB  DES  MEMBRES 

1491    Laueb  (Henri),  de  la  maison  Hayn,  Roman  et  C^«   route  de  Ii 

Hève,  14,  à  Sainte- Adresse. 
1230    Lavottb  fils,  de  la  maison  Wormf  et  C**,  boni,  de  Strasboai^,  138 
2133    Le  Babbieb  (Eug.)  (Q  X)  ^j  chef  da  Senrice  Colonial  plicede 

THôtel-de- Ville,  27. 
1314    Lebigbe  (Gaston),  assureur,  boulevard  de  Strasbourg,  92. 
790    Lbblond  (Albert)  ^  ^,   négociant,  adjoint  au  Maire  du  Harn, 
membre  de  la  Chambre  de  Commerce,  vice-consul  du  Venowel», 
rue  Anfray,  19. 
367    Le  Bbis  (F.),  négociant,  rue  du  Lycée,  56. 
1289    Le  Clebo  (Georges),  rentier,  place  de  rHôtel-de- Ville,  1. 
133    Leoomte  (P.)  (C  >{(),  négociant,  de  la  maison  Joannès  ConTert. 
consul  du  Guatemala,  rue  des  Pénitents,  19. 
2092    Le  Coniac  (Bdmond),  à  la  Commercial  Cable  Company,  ne  dn 
Champ-de-Foire,  84. 

1683  Lecoq  (Edouard],  négociant,  rue  du  Ohamp-de-Foire,  2. 

1999  Lecoubtois  (Louis),  notaire  honoraire,  me  Gustave-Flaubert,  91. 

1671  Lbdoux  (Paul),  négociant,  rue  Victor-Hugo,  167. 

1741  Lefebvbe  (Frédéric),  courtier,  palais  de  la  Bourse,  escalier  A. 

2006  Lefebvbe  (Georges),  courtier,  rue  de  la  Bourse,  38. 

2095  Lefieybe-challe  (Henry),  négociant,  rue  de  Berry,  12. 

1990  Le  g  ad,  docteur-médecin,  rue  Thiers,  40. 

1241  Le  Gband  (R.),  graveur,  rue  de  la  Bourse,  6. 

1535  Legbos  (J.),  relieur,  rue  de  la  Comédie,  3. 

1966  Le  Guebney  ^Ki,  percepteur,  boulevard  de  Strasbourg,  66. 

526  Le  Guen  (H.),  capitaine- visiteur,  rue  du  Docteur-Cousture,  21. 

1896  LÉOxnLLON  (Charles),  négociant,  rue  J.-B.  Eyriès,  72. 

462  Lelaumibr  (L.),  architecte,  rue  du  Champ-de-Foire,  17. 

979  Leleu  (A.)  (d  A),  négociant,  rue  Racine,  46. 

1684  Lemiebre  (Adrien),  négociant,  rue  du  Champ-de-Foire,  66. 
1074  Lenhabdt,  docteur-médecin,  boulevard  de  Strasbourg,  60. 
2117  Le  NouËne  (E.),  docteur-médecin,  boulevard  François-l*',  87. 
1786  Lentz   (Hermann),    négociant,  de  la  maison   Metz  et  C*«,  roc 

Jules-Lecesne,  32. 
560    Lepbestre  (R.),  commerçant,  me  de  Paris,  67. 
141    Lbpeincb  (A.)  «I  A),  directeur  de  la  C*«  Normande  de  Navigation 

à  vapeur,  boulevard  de  Strasbourg,  67. 
2063    Lbbaitbe  fils,  entrepreneur  de  camionnage,  me  du  Lycée,  81. 
1603    Lbrat  (Lucien),  courtier,  route  de  la  Héve,  7,  à  Sainte-Adrecpse. 
1798    Lebat  (Albert),  direct**  des  Docks  du  Pont-Bouge,  me  Harceaa.  '2. 
1904    Lbboh  (Henri),  négociant,  me  de  la  Bourse,  6. 


GHEIKH-SAÎD  5 

avait  signé  le  29  décembre  1869,  avec  le  roi  de  Tigré,  un 
traité  \mv  lequel  la  France  acquérait  la  plus  grande  imr- 
tie  de  ces  territoires  ;  Amphila  nous  était  cédé  par  l'Abys- 
sinîe  en  1860;  Ëdd,  vendu  le  12  septembre  1840  à  la 
Compagnie  Nanto-bordelaisc,  nous  était  rétrocédé  par 
elle  en  1858.  Nous  avions  donc  des  traités  parfaitement 
en  règle,  mais  nous  n'avions  pas  fait  acte  de  possession  ; 
qu'on  ne  l'oublie  pas  pour  Cheikh-Saïd. 

Comme  on  le  voit,  les  gouvernements  qui  se  sont 
succédés  en  France,  de  1840  à  1862,  soucieux  de  protéger 
nos  intérêts  à  l'extérieur,  n'ont  jamais  perdu  de  vue  l'im- 
portance qu'avait  pour  notre  avenir  colonial  la  posses- 
sion d'un  solide  point  d'appui  dans  la  Mer  Rouge. 
Cheikh-Saïd  est  venu  compléter  un  ensemble  de  posses- 
sions qui,  si  nous  les  avions  gardées,  nous  auraient 
assuré  la  souveraineté  sur  la  plus  grande  route  commer- 
ciale du  monde. 


C'est  en  Octobre  1868  que  deux  de  nos  compatriotes, 
Mas,  représentant  à  Aden  d'une  maison  marseillaise,  et 
Poilay,  moyennant  50.000  fr.,  acquirent  en  toute  propriété 
du  chef  Ali  Thabet  Dourem  la  baie  de  Cheikh-Saïd  et  le 
pays  environnant  jusqu'à  45  kilomètres  dans  l'intérieur, 
soit  une  superficie  de  165.000  hectares.  Le  marché  fut 
conclu  par  devant  notre  consul  à  Aden  et  en  présence  de 
six  témoins  indigènes.  Ces  six  témoins,  cheickhs  des  tri- 
bus voisines,  certifièrent  la  réalité  des  droits  du  vendeur 
et  l'indépendance  vis-à-vis  de  la  Porte,  aussi  bien  que  de 
toute  autre  puissance,  de  la  tribu  des  Akhemi-ed-Dourem, 
dont  Ali  Thabet  était  le  chef.  En  1863,  du  reste,  à  la  suite 
du  naufrage  d'un  navire  anglais,  le  gouverneur  de  Moka 
avait  eu  l'occasion  de  déclarer  que  la  souveraineté  de  la 


XVIIl  LISTE  GÉNÉRALB  DBS  IfSMBRKS 

1303    Mabande  (V.),  courtier,  maison  Ch.  Ck>lchen,  rae  Jale»-Leoeffle,8 
401    Marcel,  négociant-armateur,  place  Jules-Ferry,  8. 
1716    Maréchal  (Henri),  courtier,  place  de  THôtel-de-Ville,  19. 
1784    Marie  (Louis),  courtier,  rue  Gustave-Flaubert,  11. 
166    Martin  (Albert),  de  la  maison  Gust.  Bsbran,  quai  d*Qrléaiu,fi^ 
1232    Martin    (Robert),    greffier  du  Tribunal  de  Commerce,  Pib» 

de  Justice. 
2069    Martin  (Camille),  employé  de  commerce,  rue  des  ViTiers,  10. 
2100    Martin  (Charles),  secrétaire  à  la  Direction  dea  Docks-Entrepêts. 

quai  de  Marseille,  12. 
2009    Mabquelier  (Aug),  négociant,  membre  de  la  Chambre  de  Oc» 

merce,  rue  Jeanne-Hachette,  2. 
1948    MA880NI  ^,  administrateur  en  chef  de  la  Marine,  chefderis^ 

cription  Maritime,  arsenal  de  la  Marine. 
1743    Matthey  (Q.),  négociant,  rue  Anfray,  8. 
1433    Maurer  (Georges),  négociant,  consul   du  Paraguay,  booleraid 

François-I«',  84. 
1191    Maze  (Georges),  négociant,  rue  de  la  Bourse,  19. 
1848    Maze  fils  (Georges),  rue  de  la  Bourse,  19. 
1251    Mazé  (Fernand),  propiiétaire,  rue  Jules-Masurier,  17. 
1188    Meckenstogk  (L.),  agent  commercial,  rue  de  la  Bourse,  H. 
1152    MÉNIER  (Henri),  industriel,  rue  de  Ghâteaudun,  56,  à  Paris. 
1773    Mercier  (Christian),  courtier,  rue  Joiuville,  38. 
1471     MÉRIOT  (G.),  agent  de  la   Société  commerciale  d'AflErètementset 

de  Commission,  boulevard  de  Strasbourg,  119. 
1437    Metz  (F.),  négociant,  rue  Jules-Lecesne,  32. 
1811     Metz  (Valentin),  négociant,  de  la  maison  Napp  et  0%  nie<i« 
Saint-Quentin,  59. 
173    MeurA  (Ch.),  courtier,  rue  Scudéry,  5. 
817    Meyer  (Bdm.),  assureur,  rue  du  Lieutenant-Evelin,  8. 
957    Meyer  (Léon)  ^   (O  I),  courtier,  conseiller  général,  rue  de  b 

Bourse,  31  hU, 
1786    Meyer  (Raoul),  courtier,  rue  de  la  Bourse,  31  bU, 
834    Michel  (Gustave),  négociant,  place  Jules-Ferry,  6. 
1901    Michelin,  directeur  du  Crédit  Lyonnais,  quai  d'Orléans,  25. 
1507    MiGNOT  (Henri),  rue  Guillemard,  33. 

1628    MiGNOT  (G.),  négociant,  consul  du  Nicaragua,  rue  de  la  Bourse,  35 
2140    MiGNOT  ET  C^«,  négociants,  rue  de  la  Bourse,  35. 
738    Mille  (Lucien),  négociant,  rue  de  Bapaume,  7. 
1775    MocH    (Ernest),   négociant,  de  la  maison  Oppenheimer  tt^f^ 
boulevard  de  Strasbourg,  146. 


CHEIKH-SAID  7 

hostilités  d'un  territoire  qui  nous  avait  été  si  utile,  fut 
une  faute  grave.   Depuis  1871,  nous  n'avons  fait  aucune 
nouvelle  tentative  d'occupation.  En  1885,  cependant,   le 
gouvernement  français,  cherchant  peutrêtre   un  moyen 
d* enterrer  à  tout  jamais  cette  affaire  qui  risquait  de  le 
faire  considérer  comme  unamical  par  nos  voisins,  char- 
gea un  capitaine  de  frégate  et  un  ingénieur  hydrographe 
de  faire  une  enquête  sur  la  valeur  militaire  et  maritime 
de   Cheikh-Saîd.  Je  crains  que,  comme  pour  Périm,  ils 
n'aient  trouvé  auprès  d'un  obligeant  gouverneur  anglais 
tous   les  renseignements  qu'ils  étaient  venus  chercher 
contre  rétablissement  projeté  :  leur  rapport  conclut  à 
l'impossibilité  d'utiliser  dans  un  but  stratégique  les  posi- 
tions de  Cheikh-Saîd.  La  question  fut  enterrée. 

Je  me  rappelle  avoir  vu  étudier  d'une  façon  aussi 
approfondie  une  autre  question  du  même  genre.  £n  pré- 
vision du  percement  de  l'isthme  américain,  le  gouverne- 
ment français,  bien  inspiré  une  fois  par  hasard,  songea  à 
s'assurer  à  la  sortie  un  dépôt  de  charbon  et  jeta  les  yeux 
sur  nie  des  Cocos.  Le  Duquesne  reçut  l'ordre  d'aller 
étudier  la  question  sur  place  :  il  fit,  en  effet,  le  tour  de 
l'Ile  et  mouilla  quelques  heures  dans  la  baie  Chatham, 
mais  ces  quelques  heures  furent  très  fructueuses  :  dans 
un  rapport  en  date  du  2  février  1889,  rapport  assurément 
plus  long  que  son  séjour  dans  cette  lie  déserte,  l'amiral 
conclut  que  le  pays  était  non  seulement  inutilisable 
comme  dépôt  de  charbon,  mais  absolument  incultivable 
et  malsain.  Que  de  profondes  observations  en  si  peu  de 
temps  !  Il  n'est  pas  besoin  de  dire  que  notre  pavillon  ne 
flotte  pas  sur  l'île  des  Cocos  et  n'y  flottera  jamais.  (1) 


(4)  Voir  :  Une  île  déserte  du  Pacifique, 

RBYVB  DB  oâoGRAFHU.  —  Mai,  julxi,  Juillet  i8dd. 


XX  LISTB  GéNÉRALB  DBS  MEMBRES 

1809    Petet  (V.),  chef  de  la  gare  maritime,  cours  de  la  fiépablique,?! 

873    Petit  (Guillaume),  négociant,  président  du  Tribunal  de  Comme» 

membre  de  la  Chambre  de  Commerce,  maire  de  Bléville,  ne 

Doubet,  4. 

1455    Petit  (Emile),  courtier,  rue  Jules- Lecesne,  48. 

1090    PÉZERIL   (L.),  avocat,  conseiller  d'arrondissement,  boolefard  de 

Strasbourg,  91. 
1498    Pfisteb  (Gustave),  négociant,  rue  Félix- 3antallier,  17. 
2078    Pfisteb  (Rodolphe),  courtier,  rue  Picpus,  12. 
2080    Pfibter  (Emile),  courtier,  rue  de  la  Bourse,  19. 
464     Philbebt  (Jules),  banquier,  rue  de  la  Paix,  7. 
985     Philbebt  (H.),  courtier,  rue  Jules-Janin,  8. 

1844  Philippe  (Aug.),  négociant,  rue  de  la  Ferme,  25. 

2146    Philippe  (Francis),  négociant,  boulevard  de  Strasbourg,  5. 
1496    PiQAULT  (Pascal),  courtier,    maison  J.  Durand-Viel,  rue  de  !» 

Bourse,  28. 
1842    Pilon  (E.)  (O  «ï»),  secrétaire  général  des  Docks-Bntrepôti,  qoi 

de  Marseille. 
1931     PiNCZON,   ingénieur  en   chef  des   Chargeurs    Réunis,  bouleTsrf 

François-I",  139. 
J823    Pineau  (Henri),  rentier,  rue  de  Tourne  vil  le,  63. 
1254    PiPEBEAU  (Lucien),  arbitre  de  commerce,  rue  Jules-Lccesne.  43. 
1699    Plichon  (Gaston),  rue  de  la  Gaffe,  6. 
969    Plum  (Paul),  assureur,  place  de  l'Hôtel-de-Ville,  11. 
475     PoiDEViN  (P.),  maison  Joannès  Gnivert,  rue  Frédéric- Lemaitrc, 30. 
1974    PoiD VIN  (Jules),  professeur  à  l'Ecole  primaire  supérieure  de  ga^ 

çons,  rue  de  Paris,  70. 
742    Poletti  (H.),  de  la  maison  Metz  et  C»%  rue  Jules-Lecesne,  32. 
203    Poulet  (Edgard),  caissier,  rue  du  Perrey,  162. 
1391     PouPEL  (Emm.),  architecte,  rue  des  Pénitents,  11. 
2141     Pourchet,  juge  de  paix,  boulevard  de  Strasbourg,  43. 

1845  Pbentout  (G.)  (O  A),  régisseur  de  biens,  rue  Ancelot,  5. 
435    rBESGHEZ  (B.),  avoué,  rue  Jules-Lecesne,  28. 

1296  Pbobst,  agent  commercial,  maison  P.  Parquer,  place  Jules-Ferry,  ^. 

882  PusiNELLi  (Jacques),  négociant,  rue  Victor-Hugo,  188. 

799  QuESNEL  (Charles),  négociant,  place  de  PHôtel-de- Ville,  3. 

1995  RAISIN  (E.),  auxiliaire  au  consulat  du  Brésil,  rue  Saint-Roch,  3 

853  Kambert,  ancien  clerc  de  notaire,  rue  J.-B.-Eyriès,  61. 

414  Ramelot  (Eugène)  (O  I),  négociant,  membre  de  la  Chambre  de 
Commerce,  rue  Jnles-Lecesne,  32. 


GHBIKH-SAID  ^ 

qu'elle  se  réserrait  d'occuper  plus  tard  comme  hinterland 
d'Aden.  En  1901  c'est  elle-même  qui,  tenace  dans  ses 
idées,  se  charge  de  faire  la  police  sur  les  territoires  turcs 
avoisinant  sa  colonie  ;  en  janvier  1904,  une  colonne 
anglaise  pousse  même,  par  derrière  notre  Cheikh-Saïd, 
jusqu'à  Zaédié,  à  quelques  heures  de  Moka,  en  plein 
Yt^men.  La  Turquie  laisse  faire. . .  et  elle  occupe  Cheikh- 
Saîd.  Pourquoi  cette  diflérence  ?  Parce  que  les  Anglais, 
depuis  les  hommes  d'Etat  qui  les  gouvernent  jusqu'au 
plus  humble  de  leurs  fonctionnaires,  ont  une  haute  idée 
de  la  patrie  ;  parce  qu'ils  ne  perdent  jamais  de  vue  le  but 
vers  lequel  marche  la  plus  grande  Bretagne  et  sont  tous 
convaincus  qu'en  ajoutant  à  son  domaine  un  nouveau 
coin  de  terre,  si  petit  soit-il,  ils  contribuent  à  sa  prospé- 
rité future.  ¥ai  France,  au  contraire,  nos  diplomates  vont 
trop  souvent  sans  but  et  sans  conviction,  faisant  des 
traités  comme  un  écolier  fait  un  pensum,  pour  s'en 
débarrasser.  C'est  ainsi  que  nous  reconnaissons  à  l'An- 
gleterre la  Nigeria  qui  ne  lui  appartient  pas,  que  nous 
lui  abandonnons  Boussa,  la  clé  maritime  de  notre  Sou- 
dan, que  nous  donnons  à  l'Allemagne  l'Adamaoua,  à  la 
Hollande  et  au  Brésil  plus  de  la  moitié  de  la  Guyane, 
au  Congo  indépendant  la  meilleure  partie  de  notre 
Oubanghi,  à  TEspagne  le  rio  Mouni,  au  moment  même 
où  elle  distribuait  ses  autres  colonies  à  qui  voulait  les 
prendre.  L'histoire  de  nos  traites  de  délimitation  dans 
ces  dernières  années  est  pleine  de  ces  abandons.  A  l'am- 
bition nationale,  si  l'on  veut  à  l'égoïsme  national  des 
autres  peuples,  nous  n'opposons  trop  souvent  que  des 
ambitions  personnelles  et  des  égoïsmes  privés.  Toute 
notre  faiblesse  vient  de  là. 

Nous  n'avons  pas,  je  le  sais,  formellement  renoncé 
à  nos  droits  sur  Cheikh-Saîd,  mais  nous  les  laissons 
périmer,  comme  ceux  que  nous  avions  sur  l'Erythrée, 


XXII  LISTE  GÉNÉRALE  DBS  MBMBRSS 

981     Sauquet  (Fernand),  négociant,  membre  de  la  Chambre  de  0» 
merce,  consul  des  Pays-Bas,  rue  Victor-Hugo,  134. 
2026    Sauvage  (M"*  Marthe),  professeur,  rue  Joseph-Clerc,  1. 
2090    Sauvage  (il)  I),  professeur  au  Lycée,  rue  Joseph-Clerc,  I. 
1539    Savarin  (A.),  négociant,  place  Carnot,  4. 
1934    Savary  (A.),  arbitre  de  commerce,  rue  de  Normantiie,  65. 
1133    ScHARTTNER  (W.),  courtier,  rue  de  la  Bourse,  29. 
1258    Sghlagdenuaufen  (F.),  courtier,  rue  Géricault,  4. 
1704    SCHLIENGER  (Arthur),  négociant,  rue  Jules-Leccsne,  46. 

269    ikîHMiTT  (Victor),  assureur,  rue  du  Chillou,  1. 

864    SCHMITZ  (Alfred),  négociant,  place  Carnot,  4. 
1284    Schneider  (Ferd),  représentant  de  maisons  étrangères  m  de 

la  Bourse,  21. 
1620    Schroder  (Edouard),  courtier,  rue  de  la  Bourse,  21. 
1906    Seeliger  (Ed.),  agent  commercial,  rue  de  la  Bourse,  28. 

811     Seigneuré  (Ernest),  négociant,  rue  Âugnstîn-Normand,  2. 
1449    SÉNÉCART  (A.),  courtier,  rue  Victor-Hugo,  138. 
1341     Senn  (Olivier),  négociant,  rue  Félix-Faure,  48. 
1613    Senn  (Maurice),  couitier,  rue  de  la  Bourse,  23. 

663    SiEBER  (H.-A.),  propriétaire,  rue  Saint- Honoré,  352,  à  Paris. 

220    Siegfried  (Jules)  (G  *)  (O  A),  député  du  Havre,  rue  F.-Kaure,2 

633    Siegfried  (Ernest),  négociant,  rue  Félix-Faure,  60. 
1601     Siegfried  (Jules)  fils,  industriel,  boulevard  de  Strasbourg,  83. 

226    SiEURiN  (H.),  négociant,  rue  Jules-I^ccsne,  58. 
1559    SiGAUDY  (P.)  iHï,  ingénieur  en  chef  des  Forges  et  Chantierë de li 

Méditerranée,  boulevard  de  Strasbourg,  53. 
1986    SiGAUDY  (Mil-),  rentières,  place  de  THôtel-de- Ville,  29. 
1972    Simon  (G.),  docteur-médecin,  rue  Joinville,  22. 
1352    Six  (H.),  négociant,  rue  Trigauville,  51. 

1884    Smerlino  (F.),  négociant,  vice-consul  de  Suède,  quai  d'Grléans,  Ji^. 
1265    Société  des  Anciens  Elèves  de  l'Ecole  supérieure  de  Commerce, 

boulevard  François-I*',  5**. 
1618    Société  d'Education  populaire,  rue  Dicquemare,  1. 
1920    Société  de    l'Enseignement    scientifique   par    l'Aspect,   rue  do 

Canon,  '26, 
1265    SOCLET   (J.),    ingénieur,   directeur  de   la    C*   G»*    Française   àt 

Tramways,  rue  Michel- Yvon,  7. 
2085    SouiLHÀO  (M"'  Marie-Louise),  section  normale  à  l'Ecole  prstiqce 

de  Commerce  et  d'Industrie,  rue  du  Lycée,  71. 
1174    Souque  (Albert),  avoué,  place  Carnot,  6. 
2029    Speiber  (J.-J.)i  employé  de  commerce,  rue  de  U  Bourse,  5. 


CHEIKH-9AÎD  11 

comme  une  réserve  à  son  expansion.  En  moins  de  quinze 
ans,  son  commerce  a  pris  str  le  marché  Chinois  une 
place  telle,  que  TAngleterre  elle-même  doit  se  sentir  me- 
nacée. (1)  Elle  occupe  aujourd'hui  le  deuxième  rang  à 
Changha!,  et  le  premier  à  Tientsin  et  à  Canton.  Toute 
puissante  à  Constantinople,  elle  cherche,  pour  garantir 
la  situation  qu'elle  a  acquise,  à  se  créer  sur  la  route 
d'Extrême-Orient  une  chaîne  de  points  d'appui.  Elle  a 
déjà  fait  des  tentatives  en  1901  pour  établir  un  déjiôt  de 
charbon  dans  la  Mer  Rouge  sur  File  Kouma,  de  l'archi- 
pel des  Farsan  ;  elle  ne  s*en  tiendra  certainement  pas  à 
cette  première  tentative,  d'autant  plus  qu'elle  a  reconnu 
que  l'Ile  Kouma  n'avait  qu'une  faible  valeur  militaire. 

Le  chemin  de  fer  de  Constantinople  à  Bagdad  est 
déjà  à  moitié  construit  et  quand  il  aura  sim  point  d'abou- 
tissement sur  le  golfe  Persique,  l'Allemagne  sera  fatale- 
ment amenée  à  garantir  à  ses  flottes  de  guerre  et  de 
commerce  une  route  libre  vers  Koweit  ou  le  Chat-el- 
Arab.  L'Empire  surpeuplé  est  impuissant,  avec  ses  seules 
ressources,  à  se  nourrir  et  à  alimenter  son  industrie.  Où 
ira-t-il  chercher  le  blé  qui  manque  à  sa  subsistance,  le 
coton,  la  laine  et  le  pétrole  qui  font  défaut  à  ses  usines  ? 
En  Mésopotamie,  ce  pays  qui  fut  autrefois  le  grenier  du 
monde  antique  et  qui  sera  demain  celui  de  l'Empire.  Par 
où  passeront  toutes  les  richesses  qu'il  tirera  de  ce  sol 
inépuisable  ?  Par  la  Mer  Rouge.  Cheikh-Saïd  est  menacé  ! 
C'est  une  opinion  courante  en  Allemagne  que  la  guerre 


(1)  Le  mouvement  maritime  de  TAllemagne  était  en  189()  de 
5  Vo  du  mouvement  total  de  la  Chine  ;  en  190.'i,  de  16  '/o.  En  1903, 
TAngletcpre  occupait  le  premier  rang  avec  5i  »/,  ;  TAllemagne  le 
deuxième  avec  16  •/.  ;  puis  venaient  la  Chine  avec  13  •/.  et  le  Japon 
avec  il  •/••  l^a  part  de  FAUemagne  sur  le  commerce  total  était  à 
Changhal,  de  M  */•  ;  à  Tientsin,  de  60  '/.  ;  à  Canton,  de  plus  de 
60*/- 


XXIV  LISTE  GÉNÉRALE  DBS  MEMBRES 

H50    Yebqer;  chef  mécanicien,  place  Gambetta,  18. 
1443    Tebspreeuwek    (Hennan)    »{«  ^  ^  négociant,  consul  de  Bel- 
gique, de  l'Etat  indépendant  du  Congo  et  de  Libéria,  bodeTar>i 
de  Strasbourg,  124. 

632    YÉZIK  (Joseph),  capitaine  an  long-courp,  rue  des  Petits-Champe,  31, 

à  Paris. 
1979    Vidal  (Bldmond),  courtier,  rue  Victor-Hugo,  136. 
1960    ViEiRA  DA  SlLVA  (JoEo)  •{(,  consul   général  des  Btats-IlDis  do 

Brésil,  rue  de  la  Bourse,  30. 
1612    ViGVÉ  (le  Docteur),  médecin  de  la  Santé,  rue  Molière,  6. 
1925    Violette,  administrateur  de  Sociétés,  boulev.  de  Strasbourg,  124. 
2093    Viollet  (Bug.),  docteur  en  droit,  rue  «lu  Pcrrey,  156. 
2110    Voisin  (Edmond),  industriel,  rue  Victor-Hugo,  114. 
2130    Wagner  (Jean;,  rue  Thiers,  41. 
1716    Walch  (Gilbert),  avocat,  rue  du  Champ-de-Foire,  57. 
1764    Wanner  (Mm«  K.),  propriétaire,  rue  Guillemard,  84. 
1988    Welter  (Jean),  ingénieur,  rue  Snint-Roch,  7. 
1886    Wespthalbn  (Maurice),  négociant,  place  Camot,  10. 

243    Windrsheim  (ë.),  négociant,  rue  des  Brindes,  12, 

616    WiNNiNG  (James),  agent  de  la  C'»  Cunard,  quai  d'Orléann,  25. 
1313    Wittorski  (Louis),  courtier,  rue  Fléchier,  1. 
1782    Ysnel-Franque  (G.),  courtier  maritime,  boul.  François-I*',  1'^- 

789     Ybnel  (M.),  négociant,  rue  Doubet,  17. 

886    ZiEGLER  (A.),  de  la  maison  Dufay,  Gigandet  et  C»«,  rue  Jules- 

Lecesne,  50. 
1760    ZiEGLER  (Arnold),  employé  de  commerce,  rue  des  Pénitentf,  3. 


4        Cy,  CA^Hà  S^ïJ^^^^ 


.  Péri  M       ^-^^^-'^^^^ 


vu 


Océan    Î  ndien 

Coffc     u  '  Adcn. 


isrn 


SOCIÉTÉS,  REVUES,  JOURNAUX,  Etc. 

▲veo  lesquels  la  SoolAté  fait  l'échange  des  PublloatloBB 


FRANGE  ET  COLONIES  FRANÇAISES 

Paris.  —  Société  de  Géographie.  Société  de  Géographie  Commerciale. 
Société  de  Topographie.  Association  Philotechnique.  Société  d'Kco- 
nomie  Politique.  Société  des  Etudes  Coloniales  et  Maritirnef^  Société 
d'Encouragement  pour  le  Commerce  Français  d'Exportation.  Alliance 
Française.  Société  Française  de  Colonisation.  Chambre  Syndicale  des 
Négociants-Commissionnaires  et  du  Commerce  Extérieur.  Union  Co- 
loniale Française.  Comité  de  l'Afrique  Française.  Comité  de  I'Ahc 
Française.  'Comité  de  Madagascar.  Institut  Géographique.  Société 
Nationale  d'Agriculture.  Union  Française  de  la  Jeunesse.  Association 
Générale  des  Etudiants.  Union  Amicale  des  Anciens  Elèves  de  TEcole 
Supérieure  du  Commerce.  Chambre  de  Commerce.  Bibliothèque 
Nationale.  Ministères  de  la  Guerre,  de  la  Marine,  de  l'Intérieur, 
du  Commerce  et  de  l'Indastrie,  du  Travail  et  de  la  Prévoyance 
Sociale,  des  Travaux  Publics,  des  Affaires  Etrangères,  de  Tlnstnic- 
tion  Publique  et  des  Beaux-Arts,  des  Colonies.  —  Ifevue  Maritime, 
Moniteur  Officiel  du  Commerce^  Bulletin  de  V Office  Colonial  (Minis- 
tère des  Colonies),  Paris- Canada^  Le  Moniteur  des  Colonies  et  if' 
Pays  de  Protectorat  y  Bulletin  de  V  Office  de  Benseiçnomentt  6é*è' 
raum  et  de  Colonisation  du  Gouvernement  Oénèral  de  VAl$ériey  Le 
Questions  Diplomatiques  et  f-olonialeSj  V  Action  Coloniale,  Le  Cri 
des  Colonies  (Paris). 

Départements.  —  Sociétés  de  Géographie  de  Bordeaux,  Boulogn^ 

sur-Mer,  Bourg,   Bourges,    Brest,  Dijon,    Douai,    Dunkerque,  Lac^ 

« 
Lille,  Lorient,  Lyon,  Marseille,  Montpellier,  Nancy,  Nantes,  Poitiers, 

Rochefort,    Rouen,   Saint-Nasaire,  Toulouse  et   Tours.    La  France 

Colonisatrice  (Rouen).  Société  Havraise  d'Etades  Divenes,  Société 


SOGlAriS,  BBYUBSy  JOURNAUX,  ETC.  XXVIl 

Géologique  de  Kormaociie  (Havre).  Sociétés  iDdostrielles  d*Amieiiit 
Elbeuf ,  Bouen  et  Beima.  Association  des  AncienB  Elèves  de  l'Ecole 
Supérieure  de  Commerce  et  Tissage  de  Lycn.  Cercle  d'Etudes  des 
Employés  de  Bureau  Havrais.  Chambres  de  Commerce  du  Havre, 
Bordeaux,  Marteille,  Nantes,  Lyon.  Musée  Commercial  de  Rouen. 
LcM  Mission*  Catholiques  (Lyon).  La  Loire  Navigable  (Nantes). 

ColonieB  Françaises.  —  Sociétés  de  Géographie  d'Alger,  Oran,  Tunis. 
Direction  de  l'Agriculture  et  du  Commerce  de  la  Bégenoe  de 
Tunis.  BnlUtin  Economique  de  Vlndo' Chine  (Saigon).  Société  des 
Etudes  Indo-Chinoises  de  Saigon.  Chambre  de  Commerce  de  Saigon. 
JoutmI  Officiel  du  Congo  Français  (Libreville).  Journal  Officiel  des 
Possessions  du  Congo  français  et  Dépendances  du  Moyen- Congo 
(Brazzaville).  Journal  Officiel  de  Madagascar  «t  Dépendances,  Sup- 
plément Commercial  et  Agricole  (Tamatave  et  C'ôte  Est).  BuUetin 
Economique  de  Madagascar.  Journal  Officiel  des  Etablissements 
lançais  de  TOcéanie  (Papeete). 

EUROPE 

Allemagne  —  Sociétés  de  Géographie  de  Berlin,  Brème,  Greifswald, 
Hanovre,  Hambourg,  léna,  Halle-sur-Saale,  Leipzig,  Munich,  Dresde, 
Kœnigsberg^  Cassel,  Lubeck,  Stuttgard,  Stettin,  Francfort-sur-le- 
Mein,  Metz,  Musée  Colonial  Allemand  (Berlin).  —  Deutsche  Eolonial 
Zeitung  (BerUn).  —  Afrikanische  Nachrichten  (Berlin). 

Aatriohe^Hongnrle.  —  Sociétés  de  Géographie  de  Vienne,  de  Buda- 
pest, Muséum  d'Histoire  Naturelle  (Vienne).  Die  Weltwirtschtift 
(Vienne). 

Belgique.  —  Sociétés  de  Géographie  de  Bruxelles  et  d'Anvers.  Cercle 
des  Anciens  Etudiants  de  l'Institut  Supérieur  de  Commerce  d'Anvers. 
Chambre  de  Commerce  d'Anvers.  Institut  Colonial  International 
(Bruxelles).  Fédération  pour  la  Défense  des  Intérêts  Belges  à  l'Etran- 
ger (Bruxelles).  Le  Mouvunent  Géographique  (Bruxelles).  Missions 
en  Chine f  au  Congo  et  aux  Philippines  (Bruxelles). 

Espagne.  —  Société  de  Géographie  do  Madrid. 


XXVIII  SOCIBTBS,   REVUES,  JOURNAUX,    BTC. 

Iles  Britanniques.  —  Sociétés  de  Géographie  de  Londres,  Târerpool. 
Manchester,  Newcastle-sur-Tine.  Ëdimboorg.  Institat  Impérial 
(Londres). 

Italie.  ~  Sociétés  de  Géographie  de  Rome,  Milan,  Naplcs  et  Florence . 

Norwèffe.  —  Société  de  Géographie  de  Christiania. 

Pays-Bas.  —  Société  de  Géographie  d'Amsterdam. 

Portugal.  —  Société  de  Géographie  de  Lisbonne,  Association  Com- 
merciale de  Porto. 

Roumanie.  •—  Société  de  Géographie  de  Bucarest. 

Russie.  —  Sociétés  de  Géographie  de  Saint-Pétersbourg,  Vilna,  Orem- 
bourgs  Moscou,  Helsingfors,  Club  Alpin  de  Crimée  (Odessa). 

Suède.  —  Société  de  Géographie  de  Stockholm.  Société  des  Touristes 
Suédois  (Stockholm).  Institution  Géologique  de  l'Uniyersité  d'UpsaU. 

Suisse.  —  Sociétés  de  Géographie  de  Berne,  Saint-Gall,  Neuchâtd, 
Genève,  Hérisau,  Aarau.  Société  des  Anciens  Elèves  de  TScole  Supé- 
rieure de  Commerce  de  Genève. 

ASIE 

Oanoase.  —  Société  de  Géographie  de  Tiflis. 

Sibérie.  —  Société  de  Géographie  dlrkoutsk. 

Inde.  —  Société  de  Géographie  de  Calcutta. 

Indo-Chine.  —  Société  de  Géographie  de  Singapore. 

Japon.  —  Société  de  Géographie  de  Tokio.  Société  Allemande  d'Histoire 
Naturelle  et  d'Anthropologie  de  Tokio. 

AFRIQUE 
Egypte.  —  Société  de  Géographie  da  Caiie. 


SOClèrÊS,  RBVUBS,  JOURNAUX,  KtÙ.  tXlt 


AMÉRIQUE 

Casada.  —  Sociétés  de  Géographie  <1e  Winnipeg,  Qaébec  et  Ottara. 

Etats-Unis.  —  Sociétés  de  Géographie  de  New  ï'ork  et  de  San- 
Francisco.  Topeka  (Kansas).  Département  de  rAgriculture  (WashiDg- 
ton).  SmithBonian  iQBtitntion  (Washington)  PiUrt  Chart  of  the  north 
Atîamtie  Océan  (Washington). 

Mexique.  —  Société  Scientifique  «  Antonio-Alzate  j>  à  Mexico.  Oham- 
hre  de  Commerce  Française  de  Mexico.  Observatoires  Astronomiques 
de  Tacul)a7a  et  de  Mexico. 

Salvador.  —  Obitervatoire  Astronomique  et  Météorologique  de  San- 
Salvador. 

Ck>8ta-Rioa.  —  Institut  Physico-Géographique  National  (San  José). 

BrésiL  ~  Sociétés  de  Géographie  de  Kio-de- Janeiro  et  de  Bahia, 

Umcrnay*  ~~  Chambre  de  Commerce  Française  de  Montevideo.  — 
Anales  dél  Departemento  de  itanaderia  y  Agrieidtnra  de  la  BepU' 
bliea  O.  del  Urug'uay  (Montevideo). 

Pérou.  —  Société  de  Géographie  de  Lima.  Chambre  de  Commerce 
Française  de  Lima. 

Cbili.  —  Société  Scientifique  Allemande  de  Santiago. 

République  Argentine.  —  Chambre  de  Commerce  Française  de 
Buenos-Airep.  Sociétés  de  Géographie  de  Buenos- Aires  et  de  Cordoba. 
Société  Scientifique  Argentine  de  Bucnoet-Aires.  Direction  Générale 
de  Statistique  Municipale  de  la  ville  de  Buenos- Aires.  Département 
National  de  Statistique,  à  Buenos-Aircs.  Boletin  de  AgrienUura  y 
Oanaderia  (Bueuos-Aires). 


OCÉANIE 

Australie.  —  Sociétés  de  Géographie  de  Sydney,  Adélaïde.  Btisbane, 
Melbourne. 

«lava.  —  Société  des  Sciences  et  des  Arts  de  Batavia.  Société  Indo- 
Kéerlandaisc  d'Agriculture  et  d'Indus*rie  de  Batavia. 


ABONNEMENTS 


i 


Revue  des  Deux-Mondes,  bi- mensuelle. 

Revue  de  Paris,  bi-mensuelle. 

Le  Correspondant^  revue  bi-mensuelle. 

Revtte  Politique  et  Littéraire  (Revue  bleue),  hebdomadaire. 

Revue  Française  et  de  V Etranger,  mensuelle. 

Le  Tour  du  Monde,  journal  des  Voyages  et  des  Voyageai- 
hebdomadaire. 

L'Economiste  Français,  journal  hebdomadaire. 

Annales  de  Oéographie,  paraissant  tous  les  deux  mois. 

Mitteilungen,  revue  mensuelle. 

La  Nature,  revue  des  sciences  et  de  leurs  application»  aux 
arts  et  à  l'industrie,  journal  hebdomadaire  illustré. 

La  DèpMie  Coloniale  Illustrée,  bi-mensueUe. 

La  Dépêche  Coloniale,  journal  quotidien, 


Imprimerie  Auo.  GODBFROT  k  FbAbb,  21,  Quai  d*0rléaii8  -  HATtS 


in 


•■ 


.  1 


Soeiété 


XXV"  ANNEE 
2""  Ti-imesli-e  1908 


de 


v.as 


Géographie 

Commerciale 


da  Havre 


BUltltETlH 


haVre 


-A.XJ    SIÊO-E    IDE    LA.    SOCIÉTÉ 
131,  uiK  ni:  rvuis,  lîU 

1ÎI08 


SOMMAIRE 

Cheikh-SaYd  (lin),  par  1).  Ijèvhe '^ 

Français  et  Allemands  sur  le  Bosphore,  par  A.  ]>l'h\mi..  i^ 

Dans  la  Sangha,  par  (1.  <  ). >' 

Actes  de  la  Société l"' 

Ouvrages  reçus  à  la  Bibliothèque  de  la  Société •'« 

Centre  de  Colons  Normands  en  Algérie ^^ 


Les  Réunions  du  C^oni'  -^di  de  chi.;.i' 

mois,  excepté  pendant  les  . 

Tous  les  membres  de  la  Socic 


I.:i  HiiMioîli.'iillL'  de  !;i  Société  est  ouverte  tOUS  leb 
c\CL';Mé  ki>  d::î;anc!ic-.   ,(»iir<  fériés  cl  demi-fériés,  de  (»  h. 


:i 


!:.  !  ::  ^1  de  >  1k  i  r 


7    •.'/     .'         r-'    •:•  :  .:.'.'  f:s  ./  /  .v.v  Lw  rcuscignemcnts  doivent  î'irc 


RAPPORT   SUR    LE   CONGRES    DE    DUNKERQUE    I906        21 

partent  pour  les  mers  brumeuses  d'Islande,  d'où  ils  ne 
reviennent  qu'en  Septembre,  rapportant  2  à  3.000  tonnes 
de  morues  salées.  La  pêche  côtière  du  poisson  frais  et 
principalement  celle  du  hareng  et  du  maquereau  sont  éga- 
lement très  actives. 

»  Messieurs,  les  chiffres  que  j'ai  cités  tout  à  l'heure, 
montrent  que  Je  port  de  Duukerque  est  surtout  un  port 
d'importation.  Nous  importons  en  moyenne  trois  fois 
plus  de  marchandises  que  nous  n'en  exportons.  Cepen- 
dant, nos  exportations  progressent  rapidement,  malgré  la 
convention  de  Bruxelles  qui,  en  supprimant  les  primes 
alloués  aux  sucres  expédiés  h  l'étranger,  a  considérable- 
ment réduit  cette  partie  de  notre  trafic. 

Les  Services  réguliers 

»  Toutefois,  en  développant  d'autres  branches  de 
notre  exportation,  nous  sommes  parvenus  aujourd'hui  à 
combler,  et  au-delà,  ce  gros  déficit  et  ce  résultat  a  pu  être 
obtenu  grâce  au  développement  de  nos  services  réguliers 
qui  nous  mettent  en  relations  avec  la  Russie,  les  pays  de 
la  Baltique  et  de  la  mer  du  Nord,  avec  l'Angleterre,  l'Es- 
pagne, l'Algérie,  la  Tunisie  et  l'Italie,  avec  la  colonie 
occidentale  d'Afrique,  le  Brésil,  la  République  Argen- 
tine et  l'Uruguay,  l'Indo-Chine,  la  Chine  et  le  Japon. 

9  A  ces  lignes  déjà  si  nombreuses  viendront  sûre- 
ment s'en  ajouter  de  nouvelles,  dès  que  la  construction 
de  nouveaux  quais  aura  permis  d'accueillir  les  demandes 
qui  nous  sont  présentées  pour  la  désignation  des  places 
fixes  à  leur  affecter. 

»  Si  le  port  de  Dunkerque  doit  une  large  part  de  sa 
prospérité  à  ses  bassins  profonds  et  à  son  outillage  mo- 
derne, d'autres  causes  concourent  encore  à  son  dévelop- 
pement commercial. 


34  CHEIKH-SAÎD 

nant  de  l'Eika,  a  270  mètres.  Lé  Mankhali  occidental  a  une 
hauteur  moyenne  de  65  mètres  ;  mais  dans  sa  partie  mé- 
ridionale il  atteint  91  mètres  sur  le  bord  même  de  la  mer, 
au  promontoire  qui  ferme  vers  Test  la  petite  baie  àt 
Cheikh-Malou  ;  c'est  la  partie  la  plus  rapprochée  de 
Périm  et  celle  qui  domine  le  détroit  lui-même, 

La  roche  y  est  volcanique  et  contient  des  gisements 
de  pouzzolane,  dont  il  existe  même  une  carrière  dans  la 
partie  nord.  Cette  pouzzolane  pourrait  être  utilisée  daos 
les  travaux  de  construction  du  port. 

Notre  territoire  se  trouve  donc  à  cheval  sur  la  Mer 
Rouge  et  le  golfe  d'Aden  et  c'est  là  ce  qui  fait  l'excel- 
lence de  sa  position  :  les  vents  d'est  du  golfe  d'Aden,  en 
pénétrant  dans  le  détroit  de  Bab-el-Mandeb,  tendent  à  y 
devenir  des  vents  de  sud  et  laissent  ainsi,  dans  le  nord- 
nord-ouest  de  la  pointe,  une  zone  assez  étendue  parjd- 
tement  abritée  de  la  mer.  (1)  Tout  le  long  de  la  pUge. 
jusqu'à  une  distance  de  deux  kilomètres  du  rivage,  on 
trouve  pendant  la  mousson  du  sud,  qui  ne  dure  pas  moins 
de  huit  mois  dans  ces  parages  et  qui  est  de  beaucoup  1* 
plus  mauvaise,  d'excellents  mouillages  par  des  fonds  de 
5  à  13  mètres.  Tous  les  caboteurs  indigènes  qui  entrent 
dans  la  Mer  Rouge  ou  en  sortent  pendant  cette  période 
de  l'année,  font  escale  à  Gheikh-Saïd  où  ils  ont  l'avan- 
tage de  trouver  du  bois  et  de  l'eau  en  abondanee,  ^^ 
même  temps  qu'un  abri  bien  supérieur  à  Adcn,  dont  la 
rade  est  mauvaise  en  mousson  de  sud-ouest,  et  le  i^ort 
intérieur  accessible  seulement  à  haute  mer.  Ce  fait  seul 
suffirait  à  prouver  qu'on  y  peut  créer  un  établissement 
commercial.  Un  simple  coup  d'œil  sur  la  carte  montre 
qu'il  est  sur  la  route  directe  des  na villes  ;   pour  aller  t 


(1)  Instructions  nautiques. 


CHEIKH-SAÏD  35 

Périiîi  le  détour  est,  il  est  vrai,  insignifiant,  mais  pour 
Aden  il  est  déjà  de  30  milles  ;  pour  Obock,  de  60  ;  pour 
Djibouti,  de  75.  Obock  a  été  sagement  abandonné  ; 
Djibouti,  position  indéfendable,  n'est  pas  et  ne  peut  pas 
être  autre  chose  qu'un  port  aliyssin  :  les  navires  pour  y  aller 
se  détournent  de  5  à  7  heures  de  leur  route  directe  ;  le 
charbon  y  est  cher  ;  la  main-d'œuvre  rare  et  peu  exercée 
y  fait  perdre  pour  le  ravitaillement  un  temps  considé- 
rable. 

Peut-on,  à  ce  simple  point  de  vue,  ti'ouver  une  posi- 
tion plus  merveilleuse  que  celle  de  Gheikh-Saïd,  où  tous 
les  navires  pourraient  venir  s'approvisionner  de  charbon 
et  de  vit^res  sans  dévier  en  rien  de  leur  route  ;  tous  étant 
obligés  de  passer  à  l'entrée  de  son   i)ort  y  relâcheraient. 

L'arrière  pays  d'Aden,  comme  celui  d'Obock,  est 
dépourvu  de  toute  ressource.  Périm  a  un  excellent  port, 
un  peu  étroit,  mais  c'est  un  rocher  stérile  et  sans  eau.  A 
Aden,  conime  à  Périm,  les  Anglais  sont  obligés  de  s'ap- 
provisionner à  l'extérieur  sur  la  côte  Çomalie  ;  ils 
sont  à  la  merci  d'une  tempête  ou  d'un  coup  de  main  heu- 
reux. Leur  couper  la  route  serait  les  alTamer.  Aussi 
cherchent-ils  à  Aden  à  réduire  de  plus  en  plus  le  nombre 
des  bouches  à  nourrir,  ne  reculant  pas*  pour  expulser 
la  population,  devant  les  mesures  les  plus  vexatoires, 
comme  celle  qui  a  transporte  le  marché  indigène  dans  le 
désert  de  Cheikh-Othman.  L'occupation  de  Gheikh-Saïd 
et  son  installation  amèneraient  aussitôt  chez  nous  tous  les 
commerçants  chassés  d'Aden  et  nous  no  serions  pas, 
comme  nos  voisins,  embarrassés  pour  les  nourrir  .: 
Cheikh-Saîd,  en  elfet,  touche  à  la  partie  la  plus  riche 
du  Yemen  ;  l'arrière  pays  non  seulement  fournirait  les 
vivres  indispensables,  mais  encore  mettrait  à  notre  dis- 
position une  population  sobre,  travailleuse  et  sans  fana- 
tisme. Dans  la  région  de  Moka,  qui  est  bien  cultivée,  on 


36  CHEtKH-SAÎD 

trouverait  même  les  éléments  d'un  commerce  local  asseï 
important  :  bestiaux,  grains,  légumes,  café. 

Par  son  voisinage  des  pays  producteurs,  Cheikb- 
Saïd  se  trouve  donc  très  heureusement  placé.  Mieux 
situé  que  ses  deux  concurrents,  Aden  et  Hodeîdah,  il  ne 
tarderait  pas  à  les  supplanter  et  à  attirer  à  lui  toutes  les 
caravanes  de  l'Arabie  heureuse  (Yemen),  dont  il  serait  le 
marché  le  plus  proche  et  le  plus  facilement  accessible. 
Grâce  à  sa  proximité  de  la  côte  africaine,  Cheikh-Said 
reste  en  communication  constante  avec  elle  en  toute  saison 
par  les  boutres  arabes,  tandis  qu'Aden  en  est  privé  pen- 
dant une  grande  partie  de  l'année.  La  colonie  aurait  donc 
pour  se  ravitailler  non  seulement  le  Yemen,  que  le  cb^ 
min  de  fer  de  La  Mecque  prolongé  mettra  un  jour  eo 
communication  rapide  avec  elle,  mais  aussi  l'Abyssinie 
par  Djibouti  et  la  voie  du  Harrar. 

Si  ce  commerce  local  n'avait  pas  pour  effet  d'assurer 
la  vie  journalière  de  Cheikh-Saïd  et  de  sa  garnison,  j'es- 
timerais du  reste  qu'on  pourrait  n'en  pas  tirer  allument 
car  si  important  qu'il  soit  il  sera  toujours  infime  comparé 
à  l'immense  mouvement  de  charbon,  de  vivi^es  et  d'ar 
gent  occasionné  par  le  passage  des  milliers  de  navires 
qui,  traversant  la  Mer  Rouge,  s'y  approvisionneraient 
En  1901,  3.61)9  navires;  en  4902,3.708;  en  1903,  3.7W 
navires  ont  passé  le  canal  et  leur  nombre  va  toujours 
croissant. 

Le  port  d'Aden  importe  annuellement  IGO.OOO  tonnes 
de  charbon  qu'il  achète  30  francs  la  tonne  et  revend 
35  francs.  Cheikh-Saïd,  mieux  placé,  peut  prétendre  à 
une  large  part  de  ces  transactions.  Aden  est  actuellement 
le  grand  entrepôt  de  toute  cette  région  de  l'Océan  Indien, 
du  sud  de  l'Arabie,  de  la  côte  des  Çomalis  et  de  l'Abys- 
sinie. Djibouti  lui  enlèvera  peu  à  peu  la  clientèle  de 
l'Abyssinie  ;  Cheikh-Saïd  celle  de  l'Arabie  et  de  la  Coma* 


I 


RAPPORT  SUR   LE  CONGRISS   DE    DUNKERQUE    I906        25 

dans  ce  bâtiment.  La  toiture  est  en  terrasse,  couvertare 
en  carton  volcanique,  recouvert  de  gravier,  comme  nos 
hangars  de  la  Chambre  de  Commerce.  Du  haut  de  la 
terrasse  nous  voyons  admirablement  Tensemble  du  port  : 
les  2  vastes  entrepôts  réels  des  sucres  et  les  hangars  des 
grandes  lignes  de  bateaux  à  vapeur  :  Chai'geurs-Réunis, 
Messageries  Maritimes,  Compagnie  A.-D.  Bordes,  Zuid 
Amerika  Lyn,  etc.  ;  on  en  construit  de  nouveaux  ;  sur 
les  quais  de  nombreuses  grues  hydrauliques  comme  au 
Havre. 

Dunkerque  (40.000  habitants),  centre  d'une  aglomé- 
ration  de  70.000  âmes,  n'est  pas  une  belle  ville,  la  rue 
principale  est  tortueuse,  les  rues  adjacentes  sont  peu 
animées.  Je  laisse  au  guide  Conty  ou  au  Baedeker,  le 
soin  de  vous  renseigner  sur  les  curiosités  de  la  ville, 
mais  il  est  de  mon  devoir  de  vous  dire  un  mot  de  THôtel- 
de-Yille,  où,  d'abord,  la  municipalité  a  ofTert  une  récep- 
tion aux  congressistes  et  où,  le  jour  de  la  clôture,  la 
Société  de  Géographie  de  Dunkerque  leur  a  oflert  un 
banquet. 

L'Hôtel-de- Ville  de  Dunkerque,  entièrement  cons- 
truit en  briques  et  en  pierre,  dans  le  style  de  la  Renais- 
sance flamande,  est  un  des  plus  beaux  monuments  de 
la  France  du  Nord.  Au  centre  s'élève  un  imposant  beffroi, 
comme  on  le  voit  communément  aux  édifices  communaux 
du  littoral  de  la  mer  du  Nord,  jusqu'à  Hambourg  ;  avec 
les  six  pignons  de  ses  façades,  avec  les  toits  pointus  de 
ses  échauguettes  et  son  campanile  ajouré  sur  son  im- 
mense  beffroi,  THôtel-de- Ville  dessine  une  silhouette 
merveilleusement  détachée. 

Dans  la  ville  même,  dans  les  rues,  les  magasins,  les 
promenades,  dans  les  tramways,  je  n'ai  entendu  parler 
que  français,  mais  la  population  maritime  parle  flamand  ; 
je  suis  allé  au  Minck  (marché  au  poisson),  la  criée  finie, 


26   RAPPORT  SUR  LE  CONGRES  DE  DUNKERQUE  I90G 

les  commères  se  querellaient  en  bon  flamand.  En  dehors 
des  villes,  le  flamand  se  parle  dans  les  arrondissements 
de  Dunkerque  et  de  Hazebrouck  ;  c'est  comme  vons  le 
savez,  un  dialecte  ba&-allemand,  étroitement  apparenté 
au  hollandais.  Ce  pays  flamand  oflre  trois  caractères  bien 
distincts.  D*abord,  le  long  des  rivages,  les  Dunes,  qui 
forment  une  bande  ayant  de  500  à  1.000  mètres  de  pro- 
fondeur, ensuite  la  Plaine  maritime,  s'enfonçant  à  une 
vingtaine  de  kilomètres  dans  les  terres,  enfln  le  pays 
boisé  (houtland). 

Les  Dunes,  monticules  de  sable  que  les  vents,  de 
tempête  déplacent,  protègent  la  plaine  contre  la  mer; 
elles  ont  un  peu  d*herbe  dans  leurs  fonds,  on  y  trouve 
des  sources  d'eau  potable,  aussi  quelques  pauvres  gens  v 
habitent  sur  la  lisière. 

La  plaine  maritime  est  un  sol  uniformément  plat, 
qui  lors  des  marées  très  hautes  serait  submergé  si  les 
Dunes  n  étaient  pas  là.  Aussi  Texistence  de  Thomme  sur 
ce  morceau  de  terre  est-elle  une  lutte  perpétuelle  ;  il  l'a 
conquis  en  lasséchant,  en  creusant  partout  des  fossés 
(en  flamand  watergands),  qui  se  réunissent  en  canaux 
conduisant Icau  de  ces  marais  à  la  mer,  où  on  laisse  .^e 
déverser  Teau  en  ouvrant  les  vannes  à  marée  basse,  les 
refermant  ensuite  dès  que  la  mer  va  monter.  Pour  1  en- 
tretien de  ces  canaux,  les  habitants  s'étaient  formés  en 
associations  (wateringiies)  nom  que  portent  encore  les 
commissions  spéciales  chargées  de  l'administration  de  ce 
drainage. 

La  plaine  maritime  est  extrêmement  fertile  ;  la  végé- 
tation y  est  très  forte  et  exige  des  sarclages  fréquents. 
Le  blé,  Torge,  les  fourrages,  les  fèves  et  le  lin  y  réusisr 
sent  à  merveille  mais,  depuis  50  ans,  la  betterave  et  la 
chicorée  ont  remplacé  peu  à  peu  le  lin  et  les  fèves, 
cultures  délicates  et  aléatoires.  De  là  sont  nées  quelques 


CHEIKH-SAÏD  39 

::xient  encore  et  avec  pins  de  chances  de  succès,  le  faire 
^hez  nous. 

Combien  avons-nous  semé  d'argent  dans  les  sables 
i'Obock  avant  de  les  abandonner,  pour  toujours  sans 
doute^  à  leur  stérilité  ?  De  quels  amers  regrets  nous 
devrions  être  attristés  en  pensant  que  ces  mêmes  sommes 
utilement  employées  à  Cheikh-Saïd  nous  auraient  donné 
la  clé  de  la  Mer  Rouge  I  Mais  nous  ne  savons  rien  vou- 
loir et  quand  nous  voudrons  un  jour,  peut-être  sçra-t-il 
trop  tard. 

Un  établissement  maritime. et  commercial  unique  au 
monde  pourrait  être  créé  dans  la  lagune  de  Cheikh-Saïd. 
Le  fond  sablonneux  en  serait  facilement  dragué  ;  on  y 
creuserait  ainsi  une  rade  intérieure  de  150  hectares  au 
moins,  dont  l'entrée  serait  protégée  contre  Tenvahisse- 
ment  des  sables  par  une  double  jetée.  On  a  même  pro- 
posé, mais  ne  demandons  pas  ti*op,  de  creuser  dans  le 
sable  un  canal  de  2  kilomètres  rétablissant  l'ancien  dé- 
troit, si  détroit  il  y  avait,  pour  ouvrir  à  ce  bassin,  une 
porte  sur  l'Océan  Indien. 

Ce  sont  là  des  travaux  considérables  sans  doute,  mais 
loin  d'être  improductifs.  Ils  ne  larderaient  pas  à  faire  de 
Cheikh-Saïd  l'entrepôt  de  toute  la  région  et  le  plus  riche 
satellite  du  canal  de  Suez,  dont  il  serait  l'avant-garde 
vers  l'Extrême-Orient. 

Il  ne  faut  pas  oublier  que  cet  Extrême-Orient  est  le 
plus  riche  marché  du  monde,  que  la  côte  orientale  d'Afri- 
que, Madagascar,  la  Mésopotamie,  l'Inde,  Tlndo-Chine, 
la  Chine,  l'Insulinde  et  le  Japon  sont  bien  loin  d'avoir 
atteint  tout  le  développement  dont  ils  sont  susceptibles. 
Ces  pays  sont  ouverts  d'hier  k  peine  à  notre  civilisation 
et  nul  ne  peut  dire  à  quels  chiffres  formidables  atteindra 
demain  leur  commerce.  C'est  plus  de  la  moitié  de  l'huma- 
nité, songeons-y  bien,  qui  vit  de  l'autre  côté  de  Cheikh- 


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Outrages  reçus  à  la  Bibliotlitiiue  de  la  Secltté 


l^»-  Trimestre  1908 


La  France  à  vol  d'oiseaa,  par  OiK^sime  Rkclus.  Paris,  1906, 2  vol.  iii-16. 
La  Ba8««-^ormandlp.  Etude  de  g<?ographie  r<?gioiiale,  par  Raoul  de 

FÉLICE,  professeur  asrrégé  d'histoire  et  de   «géographie  au  Lycée  de 

Chartres,  docteur  es  lettres.  Paris,  1907,  1  voU  in-8,  contenant  88  flg.  et 

cartes  dans  le  texte  et  hors  texte. 
Poitiers  et  Aoij^oaléiiie,  Saiut-Chayin,  Chauvigny,  (Les  Villes  d'Art 

célèbres),  par  Henri  Labbé  de  la  Mauviniàbe,  Paris,   1908,  1  vol. 

in-4,  orné  de  113  gravures. 
Annuaire  statistique  de  la  France,  26*  volume,  1906.  Publié  par  le 

Ministère  du  Travail  et  de  la  Prévoyance  Sociale.  Paris,  1907, 1  vol.  gr. 

in-8,  (Dou  de  M.  le  Ministre  du  Travail  et  de  la  Prévoyance  Sociale). 

Essai    d^nne  priycho'osle  de  l'Angleterre  contemporaine.   Les 

crises  politiques.  Protectionnisme  et  radicalisme,  par  Jacques  Babdoux. 
Paris,  1907,  1  vol.  in-S. 

L'Ile  inconnue,  par  Pierre  de  Coulevâin.  Paris  190  ,  1  vol.  in-18. 

Des  Monts  de  Bohème  an  Golfe  Perslqiie.  Le  suffrage  universel  en 
Autriche.  La  crise  hongroise.  Les  Etats  You«<o-Slave  et  la  Macédoine. 
L'Asie  turque  et  Ifl  chemin  de  fer  de  Bag(Iad,  par  René  Henry,  pré- 
face de  M.  AnatT>le  Leboy-Beaulieu,  de  l'Institut  .«Paris,  1908,  1  vol. 
in-16,  accompagné  de  cartes  et  schémas. 

Au  Japon.  Choses  vues,  par  Clive  Holland,  traduit  de  l'anglais  par 
Luoné-Philipon.  Paris  1908,  1  vol.  in-4,  orné  de  nombreuses  photo- 
gravures. 

Le  Japon  Inconnu.  Esquisses  psychologiques  par  Lafcadio  Hearm, 
professeur  à  l'Université  impériale  de  Tokyo,  traduit  de  l'anglais  par 
M—  L.  Raynal.  Paris  1895,  1  vol.  in-16. 

Comment  visiter  l'Egypte,  guide  illustré  établi  par  un  groupe  de  fonc- 
tionnaires des  Chemins  de  fer  de  l'Etat  Egyptien.  Paris,  1908,  1  vol. 
in-16,  orné  de  41  illustrations  en  couleurs  de  A.-O.  Lamplouoh. 

Comment  on  devient  Colon  (Tunisie),  par  Charles  GÉNIAUX.  Paris, 
1908,  1  vol.  in-12,  illustré  de  22  gravures. 

Une  Française  au  xMaroc,  par  Mathilde  de  Zeys.  Paris  1908,  1  vol. 
in-16,  illustré  de  50  gravures  tirées  ùors  texte  d'après  des  photographies. 

Les  Frontières  de  la  Côte  d'Ivoire,  de  la  Côte  d'Or  et  du 
Soudan,  par  M.  Delaposse,  a<lministrateur  des  Colonies.  Paris,  1908, 
1  vol.  in-8,  avec  94  figures  dans  le  texte  d'après  les  photographies  de 
l'auteur  et  une  carte  hors  texte. 

Le  ttabon,  ce  qu'il  a  été,  ce  qu'il  est,  ce  qu'il  doit  être,  par  Ch.  NOUF- 
FLABD,  secrétaire  général  tics  Colonies  (Conférences  faites  à  l'Office 
Colonial,  les  28  Nov.  et  5  Dec.  1907).  Paris,  1908,  1  broch.  in-8,  55  pp. 
(Envoi  de  l'Office  Colonial). 


42  CHEIKH-SAÏD 

contre  Tlndo-Chine  française.  N'oublions  pas  qu  en  1885 
nous  occupions  ces  deux  positions  stratégiques,  que  nous 
aurions  pu  les  garder  sans  difficulté  et  éviter  ainsi  que 
dans  Ta  venir  on  s'en  servit  contre  nous.  Ne  devons-noas 
pas  regretter  amèrement  aujourd'hui  de  les  avoir  aban- 
données, car  il  y  va  peut-être  du  salut  de  Tune  de  nos 
plus  belles  colonies  ?  En  pi^enant  Quang-tcheou-Ouan,  en 
1896,  au  lieu  de  l'Ile  d'Haînan,  nous  avons  commis  la 
même  faute  et  les  conséquences  de  cette  faute  seront 
peut-être  irréparables.  Ne  la  renouvelons  pas,  au  moins, 
à  Gheikh-Saïd  ! 


En  1870,  pendant  la  guerre  franco-allemande,  nos 
navires  chassés  des  ports  anglais,  qui  leur  refusaient  le 
combustible  nécessaire  pour  rallier  la  France,  ont  trouve 
un  refuge  où  ?  A  Cheikh-Saïd,  qu'on  déclare  aujourd'hui 
inutilisable  !  Sous  la  pression  des  événements,  nous 
avons  fait  ce  que  nous  eussions  dû  faire  plus  tôt  ;  nous  y 
avons  créé  un  dépôt  de  charbon,  mais  malheureusement 
nous  l'avons  abandonné  à  la  fin  des  hostilités.  Ce  point 
nous  a  été,  sans  garnison,  sans  forts  pour  le  défendre, 
indispensable  pendant  la  guerre  la  plus  désasti^euse  que 
nous  ayons  eu  à  supporter.  Comment  pourrait-il,  une  fois 
outillé  et  fortifié,  nous  être  inutile  dans  une  autre  guerre, 
victorieuse  ou  non  ?  On  va  me  dire  que  l'humanité,  tour- 
nant le  dos  à  la  barbarie,  marche  à  grands  pas  vers  un 
âge  d'or  où  les  guerres  ne  seront  plus  possibles.  Je  Te.^- 
père,  mais,  en  attendant,  le  meilleur  moyen  d'assurer  la 
paix  est,  comme  l'a  dit  de  tout  temps  la  sagesse  des 
nations,  d'être  prêt  pour  la  guerre. 

En  1884,  lors  des  afi*aires  de  Chine,  bien  qu'il  n'y 
eût  pas  état  de  guerre,  les  Anglais  nous  i*çfusèi*ent  encore 


CHEIKH-SAÏD  43 

du  charbon.  Au  lieu  de  s'installer  de  nouveau  à  Cheikh- 
Sa!d,  on  préféra  aller  à  Oboek  où  Ton  dépensa  des  som- 
mes énormes  à  essayer  d'animer  un  établissement  qui 
n'était  pas  né  viable.  Obock,  depuis,  a  été  abandonné 
pour  Djibouti.  Djibouti  a  un  avenir  brillant,  mais  bien 
défini,  comme  port  de  TAbyssinie.  Qu'il  n'aspire  pas  plus 
haut  :  il  est  en  dehors  de  la  route  directe  des  navires, 
indéfendable  et  trop  loin  du  détroit  pour  avoir  une 
valeur  stratégique  sérieuse.  Le  seul  point  stratégique  est 
Cheikh-Saïd  qui,  à  une  position  commerciale  q^ique, 
joint  une  situation  politique  et  militaire  exceptionnelle. 

L'opinion  anglaise  colportée  en  France  par  nos 
enquêteurs,  est  que  de  Périm  on  ])oui*rait  détruire  tout 
établissement  créé  sur  l'autre  rive  du  détroit.  Le  point 
culminant  de  l'île  a  une  hauteur  de  6r3  mètres  ;  or,  d'après 
nos  voisins,  la  ville  française  devrait  se  développer  sur 
la  plage  qui  s'étend  en  face,  du  cap  Bab-el-Mandeb  au 
cap  Cheikh-Saïd,  jusqu'aux  hauteurs,  et  se  trouverait  par 
suite  sous  le  feu  des  canons  anglais.  Nous  avons  vu 
qu'il  n'en  est  rien.  La  ville  ne  se  développerait  nullement 
en  face  de  Périm,  mais  soit  au  nord  du  cap  Cheikh-Saïd 
devant  la  région  des  calmes,  si  on  eu  veut  faire  un  point 
exclusivement  commercial,  soit  sur  les  bords  de  la  lagune 
transformée  en  port  intérieur.  Or,  entre  l'un  et  l'autre  de 
ces  i)oints  et  Périm,  s'élève  le  massif  du  Mankhali  occi- 
dental qui  Riieint  Justement  devant  Vtle  anglaise  la  hau- 
teur de  gi  mètres j  écrasant  ainsi  de  ses  feux  le  plus 
haut  sommet  de  Périm. 

I^  cap  Bab-el-Mandeb,  le  promontoire  le  plus  pro- 
che des  forts  anglais,  est  une  île  reliée  au  continent  à 
marée  basse,  île  des  Huîtres  ou  du  Pilote,  dont  le  som- 
met n'a  que  17  mètres.  Mais  le  premier  contrefort  de  la 
montagne,  à  160  mètres  plus  loin,  atteint  déjà  61  mètres; 
il  dépasse  90  immédiatement  après.  Quant  au  massif  de 


44  CHEIKH-SAÎD 

TEika,  il  sarplombe  les  positions  anglaises  ;  et  le  centre 
de  la  rade  de  Péri  m,  défendue  seulement  de  ce  côté  par 
des  collines  de  50  à  60  mètres,  n'est  qu'à  5  milles  (8  kilo- 
mètres) du  Coin  de  Mire  qui  a  270  mètres.  L'artillerie 
moderne  peut  encore  avoir  à  cette  distance  des  effets 
utiles. 

Pour  quelqu'un  qui  a  vu  Cheikh-Saîd  autrement 
qu'avec  des  lunettes  anglaises,  il  est  inadmissible  qu  on 
puisse  discuter  encore  sur  la  prééminence  de  Tune  ou  ('e 
l'autre  position.  11  suflit  d'avoir  franchi  le  détroit  pendant 
le  jour  pour  se  rendre  compte  que  Gheikh-Saîd  écrase 
Périm.  Si  l'on  songe  que,  de  l'autre  côté,  les  Seba  elle 
littoral  nous  appartiennent,  on  comprendra  Tachame- 
ment  que  les  Anglais  ont  mis  jadis  à  olTrir  du  Champagne 
aux  ofliciers  que  nous  avons  envoyés  en  mission  là-bas. 
Nous  ne  pouvons  véritablement  pas  leur  reprocher  cet 
acharnement  et  exiger  qu'ils  soient  aussi  Français  que 
nous.  Mais,  de  leur  côté,  ils  ne  peuvent  pas  trouver  mau- 
vais que  nous  suivions  l'exemple  qu'ils  nous  donn»*nt. 
Défendons  donc  nos  intérêts  avec  la  même  ténacité,  la 
même  clairvoyance.  Soyons  Français  comme  ils  sont 
Anglais. 

Cheikh-Saïd  n'est  pas,  du  reste,  une  arme  défensive 
dirigée  uniquement  contre  l'Angleterre  ;  elle  l'est  certai- 
nement moins  contre  elle  aujourd'hui  que  contre  d'autres 
puissances.  Il  faut  donc,  pour  apprécier  sa  valeur,  l'en- 
visager non  seulement  par  rapport  à  Périm,  mais  aussi 
par  rapport  à  toute  flotte  ennemie  tentant  de  franchir  le 
détroit.  Or,  à  ce  point  de  vue,  il  est  hors  de  discussion 
que  Cheikh-Sa'id  nous  assure  la  libre  circulation  dans  la 
Mer  Rouge  et  la  ferme  à  double  tour  à  qui  nous  voulons 
l'interdire. 

De  tout  temps  les  navigateurs  ont  compris  l'impor- 
tance exceptionnelle  de  ce  point,  sauf,  malheureusement, 


CfiElKH-SAÎD  48 

ceux  qui  y  furent  chargés  par  nous  d'une  mission  of&- 
cielie.  On  y  retrouve  des  ruines  qui  remontent  à  la  plus 
haute  antiquité  égyptienne.  Au  viii*'  siècle,  les  Khalifes 
arabes  s'y  installèrent.  Bien  des  siècles  après,  un  précur- 
seur, La  Bourdonnais,  frax)pé  des  avantages  de  cette 
position,  y  fonda  un  campement  de  la  Compagnie  des 
Indes.  Cette  installation  précaire  disparut  bientôt  et  les 
tribus  voisines  ne  tardèrent  pas  à  en  reprendre  posses- 
sion. La  tentative  est  cependant  intéressante  à  noter,  car 
elle  émane  d'un  de  ces  hommes  clairvoyants  qui  ont 
voulu  nous  donner  l'empire  des  Indes.  Depuis  que  nous 
avons  acquis  des  droits  sur  Cheikh-Saïd,  nos  marins 
l'ont  visité  à  diverses  reprises.  Je  ne  peux  que  citer  les 
commandants  Alquier,  Bouchey,  Lespès  qui  tous  ont 
conclu  à  son  importance  stratégique  et  économique. 


Cheikh-Saïd  est  la  vraie  clé  de  la  Mer  Rouge.  Si  réel- 
lement nous  reculons  devant  les  dépenses  qu'entraînerait 
son  installation,  je  maintiens  que  nous  devons  quand 
même  y  faire  acte  d'occu[)ation,  afin  de  préserver  nos 
droits  pendant  qu'il  en  est  temps  encore.  Nous  nous  féli- 
citerons plus  tard  d'avoir  eu  cette  prévoyance  aujour- 
d'hui. Il  y  a  une  question  de  dignité  nationale  à  ne  pas 
laisser  des  Turcs  semi-barbares  s'installer  sans  vergogne 
sur  notre  propriété.  Les  y  laisser  serait  une  faiblesse 
coupable. 

L'occupation  de  Cheikh-Saïd  n'annoncerait  nulle- 
ment des  intentions  belli([ueuses  de  notre  part.  Cheikh- 
Saïd  est  avant  tout  un  point  d'ap[)ui  défensif.  Le  meilleur 
moyen  d'assurer  la  paix  est  d'être  prêt  à  la  guerre. 
Cheikh-Saïd  la  rendrait  difficile,  impossible  môme  dans 
certains  cas,  à  nos  rivaux. 


tt  LISTB  GÉNÉRALE  DES  MEIffiRfeS 

MM.  t  SAVOBGNAN  DB  BbAzza  (C  ^)^   commisgaire  général  honoraire 
du  Congo  français. 
WlENBB  (Oh.)  4^,  chargé  d'affaires  de  France  près  da  Goaveme- 
ment  de  Bolirie. 

Préstdent  honoraire  : 

M.  CouvBBt  (Joannès)  iN»,  négociant,  président   de  la  Chambre  de 
Commerce  du  Havre. 

Vioe-président  honoraire  : 

M .  Bboqué  (L.)  4i  ^,  lieutenant  de  vaisseau  en  retraite,  à  Neoilly- 
8ur-8eine. 

Membres  correspondants  : 

MM.  Blakchb,  vice-oonsnl  de  France,  à  Glasgow. 

Boiteux  (le  Docteur  José-Arthur),  secrétaire  de  la  Société  de  Qéiv 

graphie  de  Rio-<le-Jaiieiix). 
GATAT  (le  Docteur),  à  Contréxeville  (Vosges). 
Dbbisb  iN^,  vice-président  honoraire  de  la  Société  de  Géographie 

de  Lyon. 
Dk  8aint-Q(J£NTIK  ^,  trésorier  des  Invalides,  à  Marseille. 
Fbakconie  (Joseph),  attaché  à  la  Banque  de  France,  74,  rue 

Blanche,  à  Paris. 
Gautibb  (A.)  4»,  capitaine  d'infanterie  de  marine  en  retraite,  à 

La  Flèche  (Sarthe). 
Klbtt  (Carlos  Liz)   (U  A)  ^,  consul  général  de  la  République 

Argentine,  à  Rio-de- Janeiro  (Brésil). 
Le  Babbois  d'Obgbval,  yice-président  de  la  Société  de  Oéogrm- 

phie  commerciale,  31,  rue  de  Tocqueville,  à  Paris. 
Lb  Bbbton  (B.),  adjoint  des  Affaires  indigènes,  ù  Brazsaville. 

(Congo  français). 
Lbvt  (Victor),  conseiller  du  Commerce  extérieur  de  la  Fnmoe* 

Teinfaltstrasse,  8,  à  Vienne  (Autriche). 
SOHBADEB  (F.),  directeur  des  travaux  cartographiques  de  la  maison 

Hachette  et  C*«,  boulevard  Saint-Germain,  79,  à  Paris. 
SiBGFBIBD  (André),  dr)ct<;iir  es  lettres,  226,  boulevard  Saint-Oer- 

msin,  à  Paris. 
Vidal,  professeur  d*b7drographie,  à  Bastla  (Corse). 
WAUTEBS  (A.-J.),  directeur  du  a  Mouvement  géographique  »,   rue 

Bréderode,  13,  à  Bruxelles. 


C:itEIKlt-SAÏD  4? 

Orient  et  l'Océan  Indien  deviennent  pour  notre  flotte, 
comme  en  1870,  une  véritable  souricière  où  elle  est  à  la 
merci  des  escadres  ennemies. 

Il  ne  suffit  pas  de  semer,  il  faut  encore  récolter. 
L'effigie  de  nos  médailles  sera-t-elle  toujours  l'image  de 
la  vaine  politique  coloniale  de  la  France,  éternelle 
semeuse  qui  jette  aux  quatre  vents  de  la  terre  son  sang 
et  son  or,  sans  jamais  songer  à  assurer  sa  récolte  ? 

D.  LièvRE 

Sons-Intendant  Militaire  des  Troupes  Coloniales 
en  Retraite, 


IV  LISTE  GéNÉRALB  DBS  MBUBUBS 

MM.  Couvert  (Joannès)  e^,  négociant,  président  de  la  Chambre  de 
Commerce. 

Dany   (A.)   (tt  I),  secrétaire-archiviste  de  la  C*«  des  Coartiera 
assermentés 

Dbghaillb    (Stephen)    (jQ  A),    directeur    des    Signaux    et    da 
Sauvetage. 

Doublet  (G.),  négociant. 

DUPOUB  (G.)  4»  (U  A)  4»,  docteur-médecin. 

Dupont  (E.)t  directeur  des  Docks-Entrepôts. 

Engblbaoh  (P.),  docteur-médecin. 

Enoelbaoh  (G.),  négociant 

Favi^b  (B.)  (U  I),  professeur  au  Lycée. 

Fbitz  (J.)  (O  A),  professeur  d'allemand. 

Gabtnbr  (L.-B.),  négociant. 

GuÉBiN  (Désiré),  receveur  de  TEnregistrement,  en  retraite. 

GuiLLOT  (Denis),  avocat. 

GuiTTON  (Louis)  «I  A),  agent  commerciaL 

Habou  (B.),  courtier  d'assurances. 
^  Haussmann  (J.)  (G  jRî),  receveur  des  Finances 

Hubbet  (Jacques),  fondé  de  pouvoirs. 
Jagquemin  (Ch.)  (0  lï.),  négociant. 

Kbaubb  (Albert),  négociant. 

Lanbuyillb  (E.),  courtier. 

LoiBBAU  (Paul),  négociant. 

Mbuba  (Ch.),  courtier. 

Monballieb  (L.),  assureur. 

Monbcoubt  (E.)  (Il  A),  professeur  au  Lycée. 

Odiitet  (G.)  (U  A),  négociant. 

PELAjtt)  (Frédéric),  courtier. 

Peslb  (Bobert),  négociant 

Pilon  (B.)  (G  Hf«),  secrétaire  général  des  Docks-Entrepôts. 

Pbbsohbz  (E.),  avoué. 

Plum  (P.),  assureur. 

Baoul-Duval  (Edmond),  négociant. 

BOOHE  (J.),  photographe. 

SOHMITT  (Victor),  assureur. 

Yanieb  (Ferd.),  négociant. 


FRANÇAIS   ET   ALLEMANDS   SUR    LE   BOSPHORE  49 

—  en  projections  —  le  train  à  la  gare  de  TEst,  puis,  nous 
irons  visiter  tous  les  quartiers  de  Constantinople  et  les 
jolies  rives  du  Bosphore. 

En  Avril  dernier,  avec  des  documents  provenant  de 
personnages  autorisés  et  bien  renseignés,  je  fis  à  THôtel 
des  Sociétés  Savantes,  à  Paris,  une  conférence  sur  la 
Turquie  où  je  n'étais  jamais  allé.  Cette  conférence  me 
valut  de  la  part  de  certains  journaux  allemands,  Thonneur 
d'attaques  violentes  et  passionnées  ;  j  avais,  comme  on 
dit,  mis  le  doigt  sur  la  plaie,  c'est-à-dire  sur  l'envahisse- 
ment continuel,  progressif,  méthodique  de  la  Turquie, 
par  l'Empire  allemand.  Ils  disaient,  entre  autres,  que 
j'avais  des  étoiles  dans  le  cerveau,  que  le  chemin  de  fer 
de  Bagdad  n'existait  pas,  que  la  banque  allemande 
n'avait  jamais  été  construite,  que  la  navigation  (vous  que 
cela  intéresse  particulièrement.  Messieurs),  était  un 
vain  mot. 

Je  résolus  de  voir  si  ce  que  j'avais  dit  était  exact,  et, 
je  suis  allé,  à  diverses  reprises,  passer  quelques  mois  en 
Turquie. 

Eh  bien  !  j'ai  vu  ;  j'ai  photographié  la  banque  alle- 
mande, j'ai  photographié  les  navires  allemands  que  j'ai 
rencontrés  (on  ne  voit  que  cela);  j'ai  fait  près  de  1200  kilo- 
mètres sur  le  chemin  de  fer  de  Bagdad,  et  il  est  de  mon 
devoir,  comme  Conseiller  du  Commerce  Extérieur  et 
comme  patriote,  de  vous  crier  :  casse-cou  ! 

Pour  aller  à  Constantinople,  il  y  a  plusieurs  modes 
de  locomotion  :  l'Orient-Express,  qui  part  de  la  gare  de 
l'Est  trois  fois  par  semaine  :  lundi,  mercredi,  vendredi, 
et  qui  passe  par  l'Allemagne,  l'Autriche,  la  Serbie,  la 
Bulgarie.  On  peut  aussi  passer  par  la  Roumanie,  et,  de 
Constanza,    par  vapeur,   aller  à  Constantinople.    Mais, 

4. 


50  FRANÇAIS  ET  ALLEMANDS   SUR    LE   BOSPHORE 

Mesdames,  si  vous  avez  le  mal  de  mer,  je  ne  voos 
conseille  pas  de  prendre  ce  moyen  de  locomotion;  on 
navigue  toujours  la  nuit,  et,  en  général,  la  mer  Noire  est 
démontée. 

On  peut  encore  prendre  le  chemin  de  fer  du  P.L.M. 
via  Brindisi  et  ensuite  par  bateau  à  vapeur  arriver 
à  Constantinople,  par  les  Dardanelles  et  la  mer  de  Ma^ 
mara.  Mais  comme  il  y  a  huit  ou  dix  jours  de  traversée, 
j'ai  préféré  faire  mon  dernier  voyage  par  TAutriche, 
la  Bulgarie  ;  bref,  la  ligne  du  Centre. 

La  Turquie  d'Europe  comprend  7  villayets  ;  la  lur- 
quie  d'Asie  en  comprend  9.  La  population  est  de  7  à  S 
millions  d'habitants  et  Ton  évalue  à  1  million  celle  de 
Constantinople. 

On  rencontre  dans  cette  population  toutes  les  races 
du  Levant  :  des  Grecs, .  des  Albanais,  des  Bulgares,  des 
Juifs,  des  Circassiens,  etc. 

Les  voies  de  communication  en  Turquie  d*Euro[)e. 
représentent  à  peu  près  2.000  kilomètres,  absolument 
mal  entretenus  ;  on  en  trouve  à  peine  2  ou  3.000  kilo- 
mètres en  Turquie  d'Asie. 

Messieurs,  vous  connaissez  tous  les  Capitulations  qui 
font  que  nous  jouissons  à  Constantinople  de  ce  que  Ton 
pourrait  appeler  ;  l'immunité  parlementaire.  Personne, 
dans  Tadministration  ottomane,  n'a  de  droits  sur  un 
citoyen  français.  C'est  ainsi  que  Tun  de  nous  commettant 
une  mauvaise  action,  ne  pourrait  être  inquiété  que  par 
l'Ambassade  de  France. 

Au  point  de  vue  commercial.  Messieurs,  ces  Capitu- 
lations faites  à  une  époque  où  il  fallait  montrer  patte 
blanche  de  père  en  fils,  pour  aller  s'établir  aux  Echelles 
du  Levant^  ont  consacré  votre  honnêteté .  coarnierciale^ 


MKMBRBS  TITULAIHES  VII 

2028  Blamchaiid  (M"*   Berthe),   professeur   4  l'Ecole    pratique    de 
Gommeroe  et  d'Indmtrie,  rae  des  Ecoles,  1,  à  Sain  te- Adresse. 

637  Blbcu  (René),  propriétaire,  rae  des  Protestaots,  3. 

2071  Blot-Lefeyrb  (André),  négociant,  place  Saint-Joseph,  6. 

2074  BODBBEÀU  (Gaston),  avocat.,  nie  Jales-Iiccesne,  45. 

22  BcEBWiLWALD  (M™*  Auguste),  rentière,  rue  de  Mexico,  1. 
2035  Bœbwilwald  (Jean),  courtier,  me  Guligny,  12  hiê. 
1888  BoiTiBB  (René),  avocat,  rue  Donbet,  12. 

23  BoiviN  (L.)  (O  A.),  employé  de  commerce,  me  de  Paris,  131. 
1706  BooB  (A.),  pharmacien,  rae  de  Paris,  137. 

2059    BoBBL  (le  Docteur),  directeur  de  la  2"«  circonscription  sanitaire 

maritime,  boulerard  François-T*',  36. 
1946    BossiiRB  (René),  négociant,  rae  des  Orphelines,  2. 
1998    BouvTTB  (W.-E.)i  ingénieur,  route  de  la  Hève,  22,  à  Ste-Adresse. 
302    BOFLARD  (René),  imprimeur,  rae  du  Ganon^  30. 
2108    Bouquet   (M^**  Suzanne),  section  normale  de  T  Ecole   pratique 

de  Commerce  et  d'Industrie,  rue  du  Lycée,  71. 
1937    Boubdoh  (Georges),  de  la  maison  Guillcrault  et  G*",  place  Jules- 
Ferry,  8. 
25    BOUBQUIN  (H.),  négociant,  rue  des  Gobelins,  63. 
2138    Boubst  (René),  avoué,  rue  de  Mexico,  50. 
820    Bouteleux  (L.),  agent  principal  de  la  Société  Navale  de  TOuest, 

quai  d'Orléans,  45. 
1820    Rrl'daz  (A.),  fi.  entrepreneur  de  camionnage,  cours  de  la  Répu- 
blique, 115. 
419    Bbbmâg  (Docteur),  pharmacien,  rue  de  Paris,  66. 
380    Bbiand  (M-«)  i,  propriétaire,  rae  du  Havre,  à  Sainte- Adresse . 
648    BbiâND  (Auguste),  capitaine  au    long-cours  avec   brevet   supé- 
rieur, rue  Clément-Marical,  11. 
lôn    Bbiant  (B.),  courtier,  rue  Michel- Y  von,  5. 

31  Bbicka.   (E.).  i^y    négociant,   vice-président  de  la  Chambre  de 

Commerce,  rue  de  la  Bourse,  29. 
364    Bbicâbd  (H.)  e)f(  (G  *i<)  ^t  directeur  des  Forges  et  Chantiers  de 
la  Méditerranée,  membre  de  la  Chambre  de  Commerce^  boule- 
vard de  Strasbourg,  45. 
156'i    BBiisE  (M"«),  rentière,  rue  Jules-Lccesne,  2. 
4?3    Brihdbau  (Louis)  4i,  député,  boulevai-d  de  Strasbourg,  63. 
2136    Bru  NE  L  (Michel)   (O  '^)»   professeur  de  sténographie,   rue  Scu- 
déry,  3. 

32  Brunbt  (Alfred),  négociant,  de  la  maison  Y'*  A.  Derode,  rue  de 

la  Bourse,  28. 


I 


K2  FRANÇAIS  ET   ALLEMANDS   SUR    LE    BOSPHORE 


Les  causes  de  notre  déchéance  sont  multiples  (j'y 
reviendrai  tout  à  Theure),  mais  je  vous  demande  la  pe^ 
mission  de  vous  en  indiquer  les  grandes  lignes  : 

l^  Nos  mœurs  qui  nous  font  craindre  de  nous  expa- 
trier (je  ne  dis  pas  cela  pour  les  Havrais,  que  Ton  ren- 
contre partout  dans  TUnivers)  ; 

2°  Notre  système  d'enseignement  ; 

3°  L'absence  de  i^enseignements  précis  ; 

4**  Le  manque  de  point  de  direction  pour  l'emploi  de 
nos  capitaux  : 

S**  Notre  amour  du  luxe  et  du  grand  bien-êti'e. 

Enfin,  nous  devrions  nous  contenter  d'avoir  de  l'es- 
prit, sans  en  faire  au  détriment  du  voisin,  cause  ainfl, 
de  blessures  morales,  inguérissables. 

Pour  apprécier  le  démembrement  de  notre  empire 
commercial,  M.  Martineau  a  bien  voulu  me  donner  des 
chilfres  et  des  indications  que  voici  : 

L'Allemagne,  nous  a  pris  les  étoiles  pour  robes  et 
ameublements,  les  produits  chimiques,  les  nouveauté^, 
la  quincaillerie,  la  parfumerie,  la  passementerie,  la  gan- 
terie, et,  j'ajouterai,  les  armes  et  les  canons,  quelle 
fournit  à  rarniéc  turque. 

L'Autriche,  nous  a  pris  la  papeterie,  la  draperie. 
la  verrerie,  les  faïences,  les  huiles  d'olives  et  le  suere. 

La  Belgique,  nous  a  pris  les  «  pointes  de  Paris  »  î 
la  cristallerie,  les  armes  de  chasse,  les  tissus  divtM*s,  le* 
fers  et  le  matériel  des  tramways. 

L'Italie,  nous  a  pris  les  cuirs,  les  flanelles,  le  café. 
et  elle  partage  avec  l'Allemagne,  les  tissus  et  nou- 
veautés ;  je  ne  dois  pas  oublier  les  soieries. 

I-.a  Suisse,  nous  a  pris  les  soieries,  les  broderies, 
les  tissus  imprimés.  La  «  Toile  de  Vichy  »  est  fournie  |>ar 
la  Suisse  I 


MBMBRIS  TITULAIRES  IX 

40    CBK&niiB  (Charles)  (O  A),  «djoiiit  au  Maire  du  Havre,  me  Just- 

Yiel,  32. 
9040    Ghsyalur  ds  Gohinok  (M"«),  rentière,  rue  Auguste-DolfuB,  17. 
2087    CioisoN    (M^   Céleetine),   propriétaire,   rue   Thieuleni,   10,    à 

Bainte-AdreBse. 
1944    Clkousb  (BdooardX  officier  de  marine  en  retraite,  me  Thiera,  65. 

331  Clsbc  (L.)  (O  A),  pharmacien-chimiste,  me  de  Beny,  67. 
1764    Clbbo  (Léon),  négociant,  an  château  d'Harfleur  (Seine-Inf^). 
1753    Clochettb  (Georges),  courtier,  palais  de  la  Bourse,  escalier  D. 
1285    Glolooe  (Alphonse),  négociant,  impasse  Dagobert,  10. 

1266  GoLCHBK  (Ch.),  courtier,  me  Jules-Lecesne,  32. 

798  Collet  (H.)t  négociant,  me  Jules-Lecesne,  4. 

332  CoMMAUCHB  (J.),  constracteur-mécaniden,  rue  de  Mexico,  36. 
2016  GOQUKLIN  (Ch.),  affaires  indigènes,  à  Ouesso  (Congo  français). 
2120  COBBEAU  (A.),  receveur  des  Postes  et  Télégraphes  en  retraite, 

rue  Mogador,  26. 
304    COBBLBT  (B.),  armateur,  me  Edouard- Larue,  1. 
2066    COBOTEB  (Gaston),  instituteur,  Kcole  rue  de  Berry. 
1692    GOTBLLB  (J.-M.),  négociant,  de  la  maison  D.  lievillain  et  Co^ello, 

me  Jules-Lecesne,  47. 
1843    GoTTABD  (Alfred)  j(,  négociant,  membre  de  la  Chambre  de  Com- 
merce, me  du  Lycée,  30. 
45    GOTT  (A.)  (d  A),  propriétaire,  place  de  THôtel-de-YiUe,  27. 
789    CoULON  (Ch.)  ^{  :^%  négociant,   conseiller   municipal,   juge  au 
Tribunal  de  Commerce,  me  de  la  Paix,  6. 

1952  Cousant  (Maurice),  artiste  peintre,  Clos  de  l'Abbaye,  à  Poissy 

(Beine-et-Oise). 

1953  GouBANT  (L.),  négociant,  rue  Belle  vue,  6. 

47  Cousin  (Arthur),  maison  Albert  Quesncl  et  C^«,  imp.  Dagobert,  8. 
1883    COUBIN  (Henri)  (4|  A),  a^^ent  commercial,  rue  des  Ormeaux,  11. 

48  CouTEBT  (Joannès)   ^,  négociant,  président  de  la  Chambre  de 

Commerce,  me  de  la  Bourse,  31  bit, 

49  COUVEBT  (Camille),  négociant,  me  Jules-Lecesne,  68. 

374  GoviLLE  (A.),  ingénieur  en  chef  des  Forges  et  Chantiers  de  la 

Méditerranée,  me  Saint-Michel,  9. 

51  CfiBMBB  (Marius),  négociant,  consul  de  Grèce,  me  Doubet,  16. 

2070  Gboix  (L.),  opticien,  rue  de  Paris,  15. 

1113  Dalioault  (F.),  entrepreneur  de  menuiserie,  rue  Dicquemarc,  25. 

1277  Danibl  (Joseph),  capitaine  au  long-cours,  me  Rrnest-Renan,  46. 

2127  DANILOW  (K.)  (G  HH)  (O  ^),  consul  de  Russie,  rue  des  Pénitents,  18. 

1301  Danon  (J.),  négociant,  place  Camot,  5. 


54  FRANÇAIS   ET   ALLEMANDS   SUR    LE    BCUSPHORE 

La  navigation,  non  plus,  n  a  pas  été  négligée  par 
nos  rivaux,  et  ceci  vous  intéresse  tout  particulièrement 

C'est  en  1880,  que  les  Allemands  tentèrent  le  premier 
essai  de  Hambourg  ;  bientôt  les  sociétés  maritimes  sur- 
girent comme  par  enchantement  d  année  en  année  (1884 
à  1897)  et  l'audace  des  navigateurs  d'Outre-Rhin  va  jus- 
qu'à créer  des  services  maritimes  allemands  entre  deux 
ports  turcs.  Ils  réussissent.  Il  serait  pénible,  ma  foi,  pour 
eux,  que  tant  d'eflbrts  ne  fussent  pas  couronnés  de  succès! 
C'est  ainsi  que  j'ai  voyage  à  Moudania  et  à  Brousse  dans 
un  tramway  de  même  origine,  et  je  ne  parle  pas  du  che- 
min de  fer  d'Anatolie  vers  Bagdad,  qui  est  entre  les 
mains  des  Allemands,  vous  le  savez. 

Je  passe  à  notre  pays  maintenant,  et  je  vais  vous 
parler  de  notre  navigation  dans  le  Levant. 

J'ose  à  peine  vous  dire  la  place  que  nous  occupions 
en  1880  et  celle  que  nous  occupons  maintenant  : 

(1880)    Angleterre 3 .  961 .  000  tonnes 

France 500.000  » 

Allemagne 453.000  » 

Espagne 384.000  * 

(1897)    Angleterre 6.363  000  » 

Allemagne 889.000  « 

France 499.000 

Espagne 464.CK)0  » 

Les  statistiques  de  ces  dernières  années  sont  encore 
plus  effrayantes. 

Comme  pourcentage,  T Allemagne  a  donc  augmenta 
de  95  %,  l'Anglelerre  de  60  %,  l'Espagne  de  47  %,  la 
France  est  en  diminution  de  ijioo^  %. 

S'il  y  a  parmi  vous,  Messieurs,  des  parlementaire* 
ou  des  économistes,  je  les  laisse  juges  des  chiffres  qac 
j'ai  l'honneur  de  vous  soumettre.  A  qui  la  faute?  Je  n>i 


MVMBRBS  TITULAIRES  XI 

17Ô1     D£8UAYE8  {Ed.)i  courtier,  palaia  de  la  Boune,  eicalier  D. 

2104    Dbthieb  (Cb.),  négociant,  rue  Juletf-Lecesne,  114. 

1958    DETOURNAT  (André),  aasoreor»  rue  Massiea-de-Clcryal,  10. 

2076    D«  TuGNT,  capitaine  au    129'*«  Régiment  d*Infanterie,   rue   de 

TonrnevilJe,  76. 
1841    Dk  Vioan  (J.),  secrétaire  de  ia  Chambre  de  Commerce,  palaia 

de  la  Bourse. 
1598    DSYILUE,  dootenr-médecin,  rue  Thiers,  28. 
2064    D*Halluin  (A.),  négociant,  rue  de  la  Bourse,  33. 
898    DOMBBE  (H-*  L.),  libraire,  place  de  THÔtel-de-Ville,  10. 
1371    DouBLVT  (Georges;,  négociant,  membre  de  la  Chambre  de  Com- 
merce, juge  au  Tribunal  de  Commerce,  rue  de  la  Bourse,  S. 
83    DOUBT  (Y.),  aroné  honoraire,  juge  an  Tribunal  Civil,  rue  Fré- 
déric^Sauvage,  15. 
2016    DOUTBELAUT  (A.),  dc  la  maison  Y^*  A.  Derode,  boul.  Maritime,  154 
683    Dot  (Auguste),  courtier,  place  de  THÔtel-de-Yllle,  21. 
589    Dbouauz  (Kmile),  négociant,  boale?ai-d  de  Strasbourg,  130. 
2125    Dubail  (A.),  intéressé  de  commerce,  boulevard  François-I»,  70. 
1900    Dubois  (B.),  directeur  de  la  Société  Générale,  place  Camot,  2. 
2060    DuBOiB  (Perd.),  ingénieur,  rue  du  Docteur-Cousture,  27. 
609    DucHBBKE  (B.),  constructeur-mécanicien,  rue  de  Neastrie,  40. 
1837    DcCBOOQ  (Th  )  ^  ingénieur  en  chef  des   Ponts  et  Chaussées,  rue 

Caligny.  9. 
282     DUFOUB  (G.)  iRF  (O  A)  *{«.  docteur-médecin,  rue  Félix-Faure,  2. 
2019    DUMESNIL  (Jules),  agent  de  change,  rue  Gustave- Flaubert,  36. 
1499    DUMONT  (AU.)  courtier,  rue  du  Champ-de-Foire,  79. 
70    DuMorcHEL  (Aug.),  courtier,  rue  de  la  Ferme,  38,  &  Banvic. 
681     DUPAQUIEB  (André),  négociant,  rue  de  la  Bourse,  59  bit» 
1376    DUPASQUIEB  (Hermann),   négociant,   membre  de  la  Chambre  de 

Commerce,  conseiller  municipal,  rue  Jules-Lecesne. 
1954    Du  Pasquieb  (E.),  docteur-médecin,  rue  Jules-Aucel,  10. 
2146    Du  Patt  de  Clam,  lieutenant  au  129°>«  Régiment  d' Infanterie, 

rue  Yictor-Hugo,  50. 
1623    Duplat  (Achille)  (O  I)r  commisbaire  du  Gouvernement  aux  Docks- 
Entrepôts,  pavillon  dcn  Docks,  quai  dc  Marseille. 
2004    Duplat    (Bug.),   agent  commercial,   conseiller    municipal,  rue 

de  la  Bourse,  39. 
701     Dupoht  (Emile),   directeur  de  la   C"  des  Docks-Entrepôts,  quai 

de  Marseille. 
299    DUPUIB  (Pierre),  négociant,  me  de  la  Bourse,  51. 
2043    DÛPU]B  (le  contre-amiral),  rue  du  Havre,  67,  à  Sainte* Adresse. 


56  FRANÇAIS   ET    ALLEMANDS   SUR    LE    BOSPHORE 

maintenir  leur  réputation  aui>rès  de  la  clientèle  minorité, 
qui  peut  leur  faire  espérer  encore  un  chiffre  respectable 
d'affaires. 

Quant  aux  maisons  françaises  dont  le  matériel  peut 
produire  des  marchandises  inférieures,  à  un  prix  très 
bas,  elles  ne  devraient  pas  hésiter  à  entrer  en  lutte  de 
bon  marché  avec  les  produits  étrangers,  en  indiquant  que 
les  leurs  gont  bien  d'origine  française,  et  pour  cela, 
leur  donner  Tallure,  le  coloris,  Textérieur,  en  un  mot, 
tout  ce  que  notre  goût,  notre  art  français,  peut  imaginer  : 
mais,  non  pas,  comme  je  Tai  vu,  sous  prétexte  de  bon 
marché,  copier  les  produits  anglais  ou  allemands,  qui  no 
sont  d'ailleurs  eux-mêmes  qu'une  mauvaise  copie  des 
nôtres,  de  notre  fabrication  nationale  !  {Applaudit^- 
sements). 

Nous  aurions  donc  ainsi,  des  chances  de  reconquérir 
notre  client<'le  majorité  qui  passe,  petit  à  petit,  chez  1rs 
Allemands,  dont  on  ne  doit  pas  cependant  méconnaître 
l'unité  de  vue,  Ténergie,  la  ténacité,  la  force  de  volonté 
et  qui,  grâce  à  l'activité  de  leur  Ambassade,  ont  obtenu 
des  succès  sans  précédents,  que  j'ai  bien  été  obligé  de 
constater. 

Voulez- vous  me  permettre  de  faire  une  petite  paren- 
thèse pour  vous  dire  la  façon  dont  on  est  reçu  à  l'ambas- 
sade de  France  à  Constantinople  et  à  l'ambassade  d'Allf- 
magne  à  Paris? 

Voici.  Avant  de  partir  en  Turquie,  je  suis  allé  à  l'am- 
bassade d'Allemagne  à  Paris;  je  me  suis  présenté  comme 
commis-voyageur  j)our  les  vins,  demardant  à  entrer  en 
relations  avec  des  maisons  allemandes.  Je  me  suis  adressé 
à  l'huissier,  j'ai  lait  passer  ma  carte,  et  deux  minutes 
après,  j'étais  auprès  du  Consul,  un  homme  charmant, 
(enchanté  de  voir  un  Français),  qui  m'a  donné  47  adresses. 
Il  m'a  dit  :  écrivez  à  mes  compatriotes,  Monsieur,  et  dites- 


lÉBMeaKS  TtTULAtlUtô  Xllt 

2046  FbAmoht  (Victor)»  de  la  nuûBon  Wonns  et  O»,  rae  des  Ormeanz,  2. 

1561  Fritz  (J.)  ((|  A),  prolessenr  d'allemand,  rne  Fréd.-Bellanfer,  66. 

1831  FuiiOXNOB  (L.),  représentant  de  commerce,  rae  du  Lycée,  IBh'u, 

1787  Gaillard  (Louis),  négociant,  rue  Franklin,  36. 

2011  Galîléb  (Henry),  courtier,  palais  de  la  Bourse,  escalier  D. 

866  Gabaud  (Jules),  négociant,  rue  Jules-Lecesne,  68. 

1438  Gabvieb,  vérificateur  des  Douanes,  rue  de  la  Gaffe,  2. 

376  Gabtnbb   (L.-E.),   de    la   maison    J.    Dupasquier   et    C^,    rue 
Saint-Michel,  19. 

2134  Gaston  (Marias),  fondé  de  pouYoîrs  de  la  maison  H.  Lefièvre,  rue 

du  Champ-de-Foire,  5. 
1597    Gatin  (P.),  courtier,  rue  de  la  Bourse,  38. 
1890    Gatticbb  (P.),  négociant,  rue  Toustain,  13. 

2135  Gattikeb,  pharmacien,  rue  Thiers,  40. 

1665    Gein  (M-*),  rue  Foubert,  21  (impasse  Houel). 
2049    Gelinbau  (Jules),  commerçant,  rue  de  Normandie,  307. 
28    GÂMESTAL  (Henri)  ^  (f|  A),  négociant,  conseiller  général,  rue 

de  la  Bourse,  44. 
1405    QÉNS8TAL  (Maurice),  négociant,  juge  suppléant  au  Tribunal  de 

Commerce,  rue  de  la  Bourse,  44. 
2109    GbkevièvefDuhamel    (Alfred),  employé   de  commerce,    place 

Saint-Joseph,  1. 
288    Gbnin  (F.),  négociant,  boulevard  de  Strasbourg,  65. 
1619    Giblain  (P.),  assureur,  quai  d'Orléans,  37. 
1480    GODABD  (Henri),  propriétaire,  boulevard  Maritime,  48. 
2102    GODXMBNT  (Eug.),  Courtier,  rue  de  la  Bourse,  19. 
1804    GODBT  (R.),  directeur  des  <i  Corderies  de  la  Seine  x>,  adjoint  au 

maire  du  Havre,  boulevard  Maritime,  76. 
2062    GOHIBB  (G.),  directeur  de  la  a  Société  des  Brouettiers  do  Grand- 
Corps  »,  rue  de  Metz,  33. 
2007    GoBfiE  (le  Docteur),  médecin  à  la  C^<»  des  Chargenrs-Réunis. 
1116    G08SXLUr  (Emile),  notaire,  rue  d'ingou ville,  31. 
1579    Gbakoamp   (Léon),  employé  de    commerce,  me  Gambetta,  60, 

à  Sanvia 
2032    Gbanibb  (le  Pasteur  A.),  me  Jules-Janin,  10. 
2113    Gbaviàbks  (Baymond),  étudiant,  boulevard  François-P',  116. 
1885    GBâooiBB  (Henri),  courtier,  place  Jules-Ferry,  8. 
2144    Gbekieb^Lkhabohand  (A.),  ingénieur-constructeur,  rue  Michel- 

Yvon,  31. 
1702    Gbineb  (Ad.),  docteur-médecin,  place  de  rHôtel-de-Ville,  23. 
666    Gbipoib  (B.),  rentier,  me  Saint-Boch,  5. 


58  FRANÇAIS  ET   ALLEMANDS   SUR    LE    BOSPHORE 

J*insistai ...  Il  me  dit  alors  que  je  ne  pourrais  assister  à 
cette  cérémonie  que  si  j'avais  un  chapeau  haut  de  forme. 
—  Je  suis  voyageur  répondis-je  et  je  n'ai  apporté  ni 
habit,  ni  chapeau  haut  de  forme  ;  nous  ne  sommes  plus 
à  l'époque  où  il  fallait  des  habits  de  cour,  et  je  nai 
pas  d'habit  de  cour  !  —  C'est  comme  cela,  me  dit-il,  sor 
un  ton  qui  ne  permettait  pas  de  réplique,  si  vous  n  avex 
pas  de  chapeau  haut  de  forme,  vous  ne  serez  pas  reçu! 
(J'étais  très  embarrassé).  Il  ajouta  :  Vous  n'avez  qu'à  aller 
en  louer  un  à  Péra  (Péra  est  le  quartier  aristocratique 
de  Constantinople,  comme  ici  votre  grande  avenue). 

Voyant  que  je  n'allais  pas  obtenir  la  permission 
d'assister  à  la  prière  du  sultan,  je  lui  promis  de  chercher 
un  chapeau  haut  de  forme  !  Je  n'ai  rien  cherché,  et,  je 
me  suis  présente  le  Vendredi  avec  le  colonel  Chanzy, 
qui,  comme  moi  était  en  chapeau  rond. 

Les  anglais  et  les  allemands  étaient  en  cyclistes(nm) 
c'est  vous  dire  combien  ces  procédés  d'une  autre  époque 
deviennent  enfantins. 

Il  faut  que  nous  le  disions  bien  haut  partout,  ce* 
messieurs  des  ambassades  et  des  consulats  s'occupent  un 
peu  trop  d'eux  et  non  pas  de  nous,  voyageurs  et  néfco- 
ciants  !  (applaudissements). 

Je  vous  avoue  que  dan?  ma  poche,  j'avais  toutes  le> 
lettres  nécessaires  pour  me  faire  ouvrir  toutes  les  portes; 
mais  je  voulais  avoir  la  satisfaction  de  me  rendre  compte 
comment  nos  voyageurs,  sans  recommandation,  seraient 
reçus  à  Constantinople.  Par  conséquent,  je  vous  en  prie. 
Messieurs,  si  vous  envoyez  vos  agents  là-bas,  munissez- 
les  de  lettres  de  recommandations,  sans  cela  ils  ne  feront 
rien,  et...  faites-leur  emporter  un  chapeau  haut  de  forme, 
pour  faire  plaisir  au  chargé  d'affaires. . .  ! 

Je  reviens  aux  allemands.  Leurs  voyageurs  parcou- 
rent en  tous  sens  les  contrées  nouvelles,  présentent  sans 


FRANÇAIS    ET   ALLEMANDS    SUH    LE   BOSPHORE  59 

cesse  de  nouveaux  échantillons,  prenant  des  notes  sé- 
rieuses sur  les  besoins,  les  goûts,  les  prix,  les  conditions 
économiques  du  pays  visité.  Partout,  ils  étudient  les 
étofles,  les  tissus,  les  dessins;  ils  achètent  des  modèles 
qu'ils  envoient  en  Allemagne  où  ils  sont  copiés  immé- 
diatement et  envoyés  en  étolFes  similaires.  J'aurais  voulu 
vous  apporter  des  échantillons  d'ctofTes  présentés  i>ar 
certaines  maisons  allemandes.  Ces  ctolTes  sont  vendues 
de  la  façon  suivante  :  (montrant  une  feuille  de  papier) 
supposez  un  morceau  d'étoffe  de  cette  épaisseur,  l'échan- 
tillon est  plié  de  cette  façon,  les  côtés  1  et  2  rabattus,  ce 
qui  fait  4  épaisseurs  qui  sont  reliées  de  telle  sorte,  que 
le  bon  client  turc  qui  touche  cette  étoffe,  formant  4  épais- 
seurs, (que  ce  soit  du  draj),  de  la  flanelle  ou  de  l'indienne), 
croit  faire  une  bonne  affaire. 

J'ai  en  ma  possession  de  ces  échantillons;  ils  sont 
pressés  au  moyen  d'un  fer  chaud,  et  très  serré. 

L'indigène,  le  Turc,  la  clientèle  de  ces  régions  achète 
l'étoffe  présentée  de  cette  façon,  et  tout  naturellement 
quand  elle  arrive,  elle  n'a  plus  qu'une  épaisseur.  C'est 
une  tricherie,  et  si,  concurremment,  vous  envoyez  vos 
employés  avec  un  échantillon  similaire,  mais,  plié  loya- 
lement, tout  naturellement,  vous  aurez  le  dessous. 

Ces  étoffes,  renvoyées  en  Allemagne,  copiées  et  pré- 
sentées par  les  voyageurs  allemands,  sont  vendues  meil- 
leur marché,  et,  avec  le  métrage  et  la  largeur  usités  dans 
le  pays. 

Je  ne  dois  pas  non  i)lus  oublier  de  vous  indiquer  la 
grande  régularité  des  maisons  allemandes  dans  leurs 
livraisons  et  aussi  la  facilité  de  crédit  qu'elles  accordent. 
Je  ne  sais  pas  où  ils  trouvent  de  l'argent,  mais  ils  font 
jusqu'à  9  mois  de  crédit. 

Ils  ont  l'habitude  de  livrer  leurs  produits  franco-bord 
Beyrouth, Constanlinople,  Smyrne,  Alexandrie,  etc.,  alors 


GO  FINANÇAIS   ET    ALLEMANDS   SUR    LE   BOSPHORE 

que  nous,  nous  nous  entêtons  à  vcndi*e  nos  marchandises, 
prises  en  magasin.  Les  maisons  allemandes  livrent  et 
facturent  en  piastres  turques,  et  non  en  francs,  en  lires, 
en  marks  ou  en  livres,  cela  pour  éviter  une  comptabilité 
assommante  à  Tacheteur  exotique. 

Il  est  exact,  Messieurs,  que  si  Ton  vous  envoyait  des 
factures  en  marks  —  pour  ceux  qui  ne  connaissent  pas 
l'allemand  —  vous  seriez  embarrassés  pour  traduire  en 
francs  le  total  de  la  facture  que  vous  devriez  payer.  Les 
Allemands,  les  Italiens,  les  Américains  factui'ent  comme 
je  l'ai  dit  pour  les  Turcs,  et  je  ne  devais  pas  passer  cela 
sous  silence. 

On  rencontre  rarement  un  représentant  de  commerce 
ou  un  voyageur  français  dans  le  pays  ;  on  trouve  des 
jeunes  gens  qui  passent,  restant  deux  jours  dans  une  ville. 
excursionnant,  mais  ne  séjournant  pas.  On  ne  peut  i»as. 
en  vérité,  étudier  un  pays  en  48  heures,  ni  en  36  heui*e<, 
encore  moins  en  24.  J'ai  vu  un  représentant  français  res- 
ter 24  heures  à  Brousse  !  alors  que  les  représentants  alle- 
mands, italiens,  américains  même,  restaient  beaucoup 
plus  longtemps.  Us  étudient,  envoient  des  modèles,  vont 
dans  les  environs  et  reviennent  chercher  la  réponse: 
cela  demande  trois  semaines  ou  un  mois. 

J'ai  eu  l'honneur  de  faire  une  conférence  à  St-Quentin. 
l'année  dernière,  je  m'y  suis  trouvé  avec  un  gros  indus- 
triel, à  qui  je  demandais  s'il  voulait  faire  des  affaiits 
avec  la  Turquie.  Jamais  de  la  vie,  m'a-t-il  dit,  cela  luc 
casserait  la  tête  l  C'est  un  peu  la  même  réponse  que  jai 
entendue  dans  bien  des  villes.  Ce  gros  industriel  est 
cependant  un  des  plus  importants  fournisseurs  de  la 
Turquie...  par  Hambourg!  Il  envoie  là  ses  marchandises, 
elles  y  sont  démarquées,  détiquetées,  si  j'ose  m'exprimer 
ainsi,  réétiquetées  et  de  là,  envoyées...  à  Constantinople 
et  en  Asie-Mineure. 


iTRANÇAId  BT  ALLKMANDS   SUR   LE   BOdPlîORE  61 

Ëh  bien  !  je  ne  comprends  pas  cette  façon  de  faii*e. 
Cet  industriel  n*est  pas  le  seul,  hélas  ! 

D*aatres  dé  nos  compatriotes  m*ont  dit  :  on  a  fait 
quelques  pertes  d*argent  en  Turquie,  qui  nous  ont  refroi- 
dis joliment. 

Il  est  évident  que  si  on  a  une  mauvaise  clientèle,  on 
arrive  à  perdre  de  l'argent. 

Voici,  à  ce  sujet,  ce  que  m*a  dit  un  honorable  et  dis- 
tingué Français,  établi  depuis  longtemps  à  Galata  :' 
Quand  trois  citoyens  français  viennent  me  trouver  pour 
me  demander  des  renseignements  sur  M.  X...  habitant 
Constantinople  et  que  je  leur  dis  :  ce  monsieur  est  mau- 
vais au  point  de  vue  paiement  ;  eh  bien  !  ces  trois  Fran- 
çais luttent  entre  eux  pour  le  fournir  quand  même,  de 
sorte  que.  au  point  de  vue  ailaires,  ils  arrivent  à  un 
chiffre  d'affaires  ;  mais  non  pas  à  un  chiftVe  de  paiement, 
d'où  pertes  ! 

Chaque  fois  que  je  dis  à  un  de  nos  compatriotes,  ajouta- 
t-il,  n*allezpas  dans  cette  maison,  c'est  dangereux,  il  y  val 

Il  y  a  là,  Messieurs,  une  mentalité  qui  nous  est  par- 
ticulière et  qu'il  faudrait  absolument  corriger. 

Je  vais  à  présent,  Messieurs,  vous  donner  un  exem- 
ple de  la  lutte  commerciale  entre  la  France  et  TÂlle- 
niagne.  Il  s'agit  de  plusieurs  millions. 

A  mon  dernier  voyage  à  Constantinople,  je  pensais 
voir  le  commencement  de  la  construction  du  pont  de 
Karakeuîl,  pont  qui  se  trouve  entre  Stamboul,  quartier 
turc,  et  Galata,  quartier  commercial.  Ce  pont  sert  à 
franchir  c  La  Corne  d'Or  ».  Il  est  large  comme  le  pont 
Alexandre  III,  à  Paris,  et  3  à  4  fois  plus  long. 

Il  devait  être  construit  par  une  des  plus  grosses 
maisons  françaises  métallurgiques  (je  ne  puis  pas  dire  le 
nom).  Ëh  bien  !  Messieurs,  ce  n'est  pas  cette  maison  qui 


62  PRAKÇAld   ET   ALLEMANDS   SUR    LB   BOSPHORE 

le  construira  !  Les  Allemands  ont  d'abord  fait  mettre  des 
hâtons  dans  les  roues,  et,  bien  que  le  contrat  fût  signé, 
le  marché  subit  un  moment  d'arrêt;  finalement,  il  fut 
rompu,  pour  être  repris  par  le  gouvernement  allemand 
qui  va  assurer  cette  construction  gigantesque. 

Je  sais  bien  quen  échange,  on  nous  a  donné  la 
construction  d'une  douzaine  de  torpilleui's  de  hauter  nier, 
que  cette  commande  est  peut-être  supérieure  de  3  ou  4 
millions,  à  la  construction  du  pont  ;  mais  quelle  réclame 
pour  les  Allemands  !  Qui  a  fait  ce  pont,  ces  piles,  ce 
garde-fou,  ces  trottoirs  ?  Toujours  les  Allemands,  et  je 
suis  persuadé,  que  lorsque  ces  fameux  torpilleurs,  seront 
amarrés  au  quai  ou  aux  piles  de  ce  pont,  on  dira  que  ce 
sont  les  Allemands  qui  les  ont  construits  et  fournis. 
N'est-ce  pas  la  fatalité  ! 

Enfin,  tout  récemment,  l'Allemagne  vient  de  rem- 
porter une  victoire  éclatante  en  obtenant  la  concession  de 
l'irrigation  et  de  la  canalisation  du  lac  de  Bey-Chéjr.  Ils 
vont  encore  dépenser  10.000.000  de  marks  lancés  par  la 
«  Lander  Bank  »  de  Berlin.  Ce  terrain  est  énorme  et 
formera  une  véritable  Limagne  asiatique.  L'étude  de  ce 
projet  remonte  à  quelque  dix  ans.  Personne  ne  s'en  occu- 
pait plus  ;  tout  d'un  coup. .  .fini. .  .signé.  Et. .  .à  l'œuvre! 

Nous  n'avons  pas  la  foi  en  France,  nous  ne  voulons 
pas  lutter,  c'est  un  reproche  que  je  me  permets  de  vous 
faire  amicalement;  les  Allemands  sont  partout,  sinon  les 
plus  forts,  du  moins  les  plus  malins,  tant  mieux  pour 
eux.  Ils  agissent.  Nous,  nous  regardons  ! 

Ainsi,  sans  aller  bien  loin,  regardez  sur  les  grands 
boule vards  (vous  êtes  tous  Havrais,  mais  un  peu  Parisiens) 
avez-vous  vu  autre  chose  qu'une  enseigne  étrangère? 
des  enseignes  en  anglais,  en  allemand  partout,  rarement 
en  français.  Et  moi,  le  premier,  je  dois  ici  me  confesser, 
j'ai  acheté  des  chaussures  anglaises,  dans  un  magasin 


FRANÇAIS  ET   ALLEMANDS    StJR   LE   BOSPHORE  63 

anglais^  servie  par  un  personnel  anglais,  et,  quelle  n'a 
pas  été  ma  stupéiaction,  quand  il  y  a  quelques  jours,  j*ai 
appris,  que  ces  chaussures  anglaises^  étaient  fabriquées 
...à  Limoges  (rires).  Depuis  ce  temps,  je  me  demande  si 
elles  sont  d'aussi  bonne  qualité,  que  lorsque  je  les  croyais 
fournies  par  une  fabrique  anglaise  !  N'est-ce  pas  typique  ? 
{applaudissements j  rires). 

Messieurs  je  sais  que  la  semaine  dernière  on  vous 
a,  ici  même,  longuement  et  éioquemment  parlé  du  chemin 
de  fer  de  Bagdad.  Je  n'y  reviendrai  pas  ce  soir,  je  vous 
dispenserai  de  cette  corvée  !  Mais  il  est  cependant  néces- 
saire de  vous  dire  quelque  chose,  en  trois  mots.  La 
question  du  chemin  de  fer  de  Bagdad  est  mal  posée  en 
France,  non  pas  ici,  dans  ce  milieu  de  savants  et  d*in- 
dustriels  ;  mais  dans  le  peuple. 

Dans  une  conférence  que  je  faisais,  il  y  a  quelques 
mois,  devant  des  Allemands,  je  leur  ai  dit  :  ou  nous 
traduisons  mal  vos  journaux,  ou  vos  journaux  disent  des 
choses  qui  ne  sont  pas  exactes.  En  eftet,  dans  le  gros 
public,  j'ai  fait  des  conférences  à  Paris,  dans  le  faubourg 
Saint- Antoine,  àBelleville,  à  Montmartre,  etc.,  et  d'après 
les  questions  qui  m'ont  été  posées,  j'ai  constaté  que  ces 
gens-là  croient,  d'après  les  traductions  des  journaux,  que 
le  gouvernement  allemand  est  en  instance  de  concession 
du  chemin  de  fer  de  Bagdad  et  que  cette  concession  dépend 
du  gouvernement  français  ;  que  le  gouvernement  français 
ne  s'en  occupant  pas,  de  là  fut  décidée  la  visite  de  l'em- 
pereur d'Allemagne  au  Maroc,  pour  nous  y  créer  des 
difficultés. 

Ce  n'est  pas  cela  du  tout  ;  les  Allemands  ont  parfai- 
tement la  concession  du  chemin  de  fer  de  Bagdad  ;  mais 
ils  ont  besoin  de  480  millions  pour  le  flnir  et  ils  veulent 
faire  passer  les  titres  allemands  —  par  l'Angleterre 
peut-être  —  sur  le  marché  français. 


64     FRANÇAIS  ET  ALLEMANDS  SUR  LE  BOSPHORE 

Comment  les  avons-nous  accueillis?  tous  le  savez 
tous  aussi  bien  que  moi.  De  là,  peut-être,  cette  visite  de 
Tempereur  d'Allemagne  au  Maroc. 

Si  les  Allemands  veulent  480  millions,  je  ne  demande 
pas  mieux  que  notre  pays  les  leur  prête,  cela  ne  me  gênera 
personnellement  pas  beaucoup  ;  mais  il  y  a  des  conditions 
à  débattre,  desquelles  nous  pourrions  profiter.  C'est  une 
alla  ire,  dans  toute  l'acception  du  mot,  qui  dérive  de 
Tollre  et  de  la  demande. 

Voilà  exactement  ce  qu'est  la  question  du  chemin  de 
fer  de  Bagdad.  Il  y  a  là-bas  un  travail  formidable,  pour 
lequel  il  faut,  en  effet,  cette  somme  fabuleuse  de  480  mil- 
lions. 

Messieurs,  fen  ai  fini.  T aperçois  des  Jeunes  yens 
qui  me  font  signe  que  les  projections  seraient  moins 
abstraites  et  je  çaisj^  arriver;  mais  je  voudrais  dirt 
deux  mots  de  T  Alliance  française,  car  y  c^est  en  partie,  à 
TAlliance  française,  que  nous  devons  de  trouver  partout 
en  Orient,  des  gens  qui  parlent  le  français.  Cette 
Œuvre  formidable  a  plusieurs  buts  : 

/°  Celui  de  faire  connaître  et  aimer  notre  langue 
par  les  indigènes  ; 

2""  De  prolonger  au-delà  des  mers,  la  race  française 
dont  la  langue  devrait  être  <r  V espéranto  mondial  »  ; 

3"  Dêtre  aVec  les  amis  de  la  France,  quelle  que  soit 
leur  race,  leur  nationalité  et  leur  culte. 

Messieurs,  ilj^  a  à  Paris,  boulevard  Si-Germain, 
au  Siège  de  /'Alliance  française,  des  cours  oà  ton 
apprend  le  français,  et  ilj-  a  eu,  cette  année,  84  y  élèçes, 
de  toutes  les  nationalités  possibles.  J'y  ai  vu  des  Aille- 
mands,  des  Américains,  des  Argentins,  des  Brésiliens, 
des  Uruguayens,  et  même  un  Persan.  Les  deux  pris 
d'honneur  ont  été  remportés  par  deux  jeunes  fiU^^ 
russes,  c'est  logique/ 


FRANÇAIS  ET   ALLEMANDS   SUR   LE   BOSt^HORE  65 

Je  vais  maintenant,   Mesdames,   venir  à  vous,    ce 
sera  la  deuxième  partie  de  cette  causerie. 

11  ne  faut  pas  confondre  les  Musulmans  et  les  Otto- 
mans. C'est  une  petite  erreur  qui  se  glisse  facilement 
dans  la  conversation.  Dans  les  Ottomans,  il  n'y  a  pas 
seulement  que  des  Turcs  à  religion  musulmane,  il  y  a 
aussi  des  Turcs  à  religicm  catholique  ou  autres  qui  habi- 
tent la  Syrie  ou  ailleurs  et  qui  sont  Ottomans.  Souvent 
même,  les  Français  confondent  la  race  turque  avec  la 
race  grecque,  la  race  juive,  la  race  arménienne,  la  race 
Cretoise.  Il  suffit  que  nous  rencontrions  un  étranger  por- 
tant un  fez,  pour  nous  dire  :  cet  homme  est  un  Turc  ! 

Le  Grec  est  adroit  et  très  habile  négociant;  le  Juif , 
essentiellement  commerçant,  se  confine  dans  le  commerce 
de  détail  et  les  métiers  modestes;  ï Arménien  tient  la  tête 
du  commerce  :  banquier,  courtier,  changeur,  etc.  ;  le 
Syrien  est  de  relations  didiciles  et  ses  discussions  deman- 
dent beaucoup  de  patience  ;  mais  en  se  créant  quelques 
liens  avec  lui  et  en  le  tenant,  on  aiTive  à  faire  quelques 
aflaires.  Ce  (ju'il  faut  remarquer,  c'est  la  tendance  que 
les  Allemands  ont  à  prendre  cellt*  clientèle  syrienne,  ([ui 
lut  la  notre  I 

I^  Turc  est  de  taille  moyenne  dans  la  classe  aisée, 
et,  dans  le  peuple,  on  trouve  de  véritables  colosses  ; 
l'expression  a  fort  connue  un  Turc  d  n'est  pas  un  vain 
mot,  vous  le  verrez  tout  à  Theure  en  projections.  11  est 
bon,  loyal,  franc,  juste,  et,  il  est  de  mes  amis,  dont  le 
Président  de  la  Chambre  de  Commerce  Française  de 
Constantinople,  M.  Giraud,  établi  depuis  39  ans  en  Tur- 
quie, qui  n'ont  jamais  eu  de  relations  commerciales  avec 
les  Turcs,  que  sur  parole.  Un  Turc  à  qui  vous  voulez  faire 
signer  un  papier  ou  un  contrat  se  froissera,  se  méfiera  : 
parole  donnée,  parole  d'honneur  !  Je  parle  du  véritable 


66  FRANÇAIS  ET   ALLEMANDS   SUR   LE   BOSPHORE 

Turc.  Il  est  nécessaire  que  nous  sachions  cela  en  Franc*» 
j'ai  ti'op  entendu  dire  le  contraire. 

La  brutalité  et  la  trahison  sont  des  exceptions. 

S'il  n'est  pas  vindicatif  sous  l'injure,  il  n'en  souffre 
pas  moins  ;  son  hospitalité  est  proverbiale,  quelle  que  soit 
la  situation  de  fortune  de  celui  qu'il  reçoit. 

On  trouve  dans  la  haute  société  ottomane  des  hom- 
mes d'une  intelligence  remarquable,  intelligence  que 
nous  qualifions  quelquefois  de  lente.  Messieurs,  parce 
qu'elle  est  raisonnée. 

Ceux-ci  parlent  français  d'une  façon  parfaite  et  ik 
montrent  des  connaissances  en  littératui*e  française,  qui 
feraient  parmi  nous  bien  des  envieux.  Leur  conversation 
est  agréable,  mais  leurs  salons  (selamlik)  sont  tristes, 
c'est  comme  chez  nous  un  dîner  d'hommes,  cela  manque 
de  femmes  !  les  femmes  turques  ne  paraissant  jamais 
nulle  part. 

Le  Turc  est  flâneur,  badaud,  et  combien  en  ai-je  vus 
sur  le  pont  de  Kara-Keuïl,  le  soir  à  6  heures,  à  la  même 
place  où  je  les  avais  rencontrés  plusieurs  heures  aupa- 
ravant. 

Mesdames,  ceci  est  pour  vous.  La  femme  turque  ne 
sort  qu'entre  le  lever  et  le  coucher  du  soleil.  Elle  ne  sort 
que  voilée,  on  ne  voit  jamais  la  figure  d'une  femme 
turque.  Ici,  où  vous  êtes  toutes  jolies.  Mesdames,  vous 
devriez  toutes  montrer  votre  figure  et  cependant  vous 
mettez  une  voilette,  alors  qu'on  ne  vous  force  pas  à  en 
porter  {Rires), 

Le  voile  que  portent  les  Ottomanes  pour  cacher  leurs 
traits,  vient  du  commencement  de  leur  religion.  La  loi  de 
Moïse  a  défendu  aux  femmes  de  montrer  leur  chevelure; 
mais  elle  n'a  défendu  de  montrer  que  leur  chevelure.  U 
loi  sacrée  dit,  que  la  couverture  de  la  tête  suffît  ;  mais 


BIBMBRB5  TITULAIRES  XXIII 

387  Stempowski,  représentant  de  commerce,  me  Jales-Lecesne,  58. 

229  Taconet  (Maurice),  courtier  maritime,  membre  de  la  Chambre  de 

Commerce,  Grand-Quai,  67. 

632  Tacohet  (Pierre),  assureur,  quai  d'Otlôans,  87. 

1120  Taconet  (Robert),  assureur,  quai  d'Oiléans,  51  bU, 

2127  Taillemas-Murez  (M»«),  propriétaire,  rue  Thiers,  43. 
1815  Talbot,  professeur,  impasse  Massicu-de  Clerval,  4. 
20îK)  Tejedor  (Manuel),  consul  de  Cuba,  rce  Fontenelle,  26. 

2057    .TE88IER,  professeur  à  TEcole   professionnelle   de   Montivilliers 

(Beine-Iuférieure). 
2013     Teuetebie  (B.),  négociant,  rue  Sainte Uoch,  27. 
1777     Thiboumery  (André),  courtier  maritime,  rue  de  Kécamp,  29. 
1374     Thieullent  (fienri),  négociant,   juge  suppléant  au  Tribunal  de 

Commerce,  rue  Thier»,  125. 

2128  Thieullent  (Emile\  négociant,  rue  J.-B.-Eyrics,  22. 

713     Thillak->  (Henri),  greffier  en  chef  du  Tribunnl  Civil,  boulevard 

François- 1»'.  141. 
638     Thomas  (Charles),  négociant,  rue  Bernardin-  le- Saint-Pierre,  6. 
1699    Thomas  (A.),  électricien,  boulevard  de  Strasbourg,  57. 
1317     Thok  (Valentin),  employé  de  comm^^rce,  maison    Napp  et  0\ 

rue  de  Saint-Quentin,  69. 
2081     Tisseranp,  capitaine  au  129*  Régiment  d'Infanterie,  boulevard 

de  Strasbourg,  30. 
1684    Toussaint  (M),  avocat,  rue  Gustave-Cazavan,  31. 
1086    Toutain  (Laurent),  courtier  d'assurances,  membre  de  la  Chambre 

de  Commerce,  quai  (1*1  rléans,  49. 

2044  Te^ncbet  (Albert),  sous-ingénieur    aux   Chargeurs-Béunis,  rue 

Jules- Lecesne,  75. 
2003    Travmann  (Ernest),  négociant,  boulevard  de  Strasbourg,  55. 
348    Trouvât  (G.),  commerçant,  rue  Victor-Hugo,  149. 

232  Turbot  (A.)  (O  I),  courtier,  place  Jules-Ferry,  9. 

233  TURPIN  (Georges),  négociant,  rue  Franklin,  23. 

2093    Valle  (René),  administrateur  de  la  Filature  et  Tissage  de  Gra- 
ville,  membre  de  la  Chambre  de  Commerce,  rue  Demidoff,  42. 

2045  Vallin  (Henri),  rentier,  cours  de  la  République,  24. 

246  Van  der  Yelde  (P.),  négociant,  palais  de  la  Bourse,  escalier  C. 

1846  Va  NIER  (Ferd.),  négociant,  rue  des  Ormeaux,  10. 

1916  Va»ier  (Jules),  négociant^  rue  du  Champ-de- Foire,  34. 

1235  Vabnier  (Louis),  négociant,  rue  Caligny,  1. 

1825  VAssiA  (E.)  *{«,  vice-consul  d'Italie,  me  Lemaistre,  6. 

1763  Vatinel  (Charles),  courtier,  rue  de  Normandie,  134. 


XXIV  LISTB  CiNÉRALK  DBS  MEMBRES 

1450    Yebgeb,  chef  mécanicien,  place  Gambetta,  18. 
1443    Tebspreeuwen   (Hennan)    4«  ^^  HK  négociant,  consul  de  Bel- 
gique, de  l'Etat  indépendant  da  Congo  et  de  lâbeiia,  booleTaid 
de  Strasbourg,  124. 

632    VÉSIK  (Joseph),  capitaine  au  long-courp,  rue  des  Petits-Champs,  31, 

à  Paris. 
1979    Vidal  (Edmond),  courtier,  rue  Victor-Hugo,  136. 
1960    ViEiRA  DA  SlLYA  (Joao)  il,  consul   général  des  Etats-Unis  du 

Brésil,  rue  de  la  Bourse,  30. 
1612    ViGVÉ  (le  Docteur),  médecin  de  la  Santé,  rue  Molière,  6. 
1925    YiOLETTE,  administrateur  de  Sociétés,  bonlev.  de  Strasbourg,  124. 
2093    ViOLLET  (Bug.),  docteur  en  droit,  rue  du  Peircy,  166. 
2110    Voisin  (Edmond),  industriel,  rue  Victor-Hugo,  114. 
2130    Wagner  (Jean;,  rue  ThierB,  41. 
1715    Walch  (Gilbert),  avocat,  rue  du  Champ-de-Foire,  57. 
1754    Wanner  (9d»<  E.),  propriétaire,  rue  Ouillemard,  84. 
1988    Welter  (Jean),  ingénieur,  rue  Snint-Roch,  7. 
1886    Wespthalen  (Maurice),  négociant,  place  Carnot,  10. 

243    WiNDESHEiM  (E.),  négociant,  rue  des  Brindes,  12, 

615    WiKNiNO  (James),  agent  de  la  C^  Cunard,  quai  d'Orléans,  23. 
1313    WiTTORBKi  (Louis),  courtier,  rue  Fléchier,  1. 
1782    Ysnel-Franqub  (G.),  courtier  maritime,  boul.  François-I*,  106. 

789    ÏSNEL  (M.),  négociant,  rue  Doubet,  17. 

886    ZlEOLER  (A.),  de  la  maison  Dufay,  Gigandet  et  C^,  rue  Jules- 

Lecesne,  50. 
1750    ZiEOLER  (Arnold),  employé  de  commerce,  rue  des  Pénitents,  3. 


PUPILLKS  XXV 


LAURÉATS  DU  CONCOURS  DE  GÉOGRAPHIK 
Pupilles  de  la  Société 


MM.  Bbandala  (Lucien),  rue  BeauTallct,  17. 

Yaillàkt  (Etienne},  rue  Jacqnes-Gruchet,  6. 

Lebat  (Robert),  me  Marceau,  2. 

Bigot  (M.),  à  TEcole  communale  de   filles    (Centre',  Grarille* 

Sainte-Honorine. 
Matgé  (Henri),  me  Joeeph-Morlent,  66. 
Matoé  (Robert),  rue  Joseph-Moi  lent,  66. 
M'i"  Michel  (Jeanne),  passage  Henrl-Vigor,  à  Sanvic. 
Amiabd  (Hélène),  rue  Duguay-Trouin,  23. 
Beine  (Qermaine),  me  du  Ghamp-de-Foire,  67. 
Pigeon  (Madeleine),  passage  de  la  rue  Verte,  2. 
Dupont  (Benée),  rue  Piedfort,  6. 
Tranchbt  (Hélène),  me  Jules-Lecesne,  75. 
DuBUC  (Alice),  cours  Sainte-Groiz,  à  MontiTilliers. 
DiMABE  (Suzanne),  rue  Bmest-Renan,  66. 
Deloidybe  (Henriette),  rue  Percanyille,  25. 
CoBBAZ  (Baymonde),  rue  de  Normandie,  83. 


70  FRANÇAIS   ET    ALLEMANDS   SUR    LE    BOSPHORE 

devient  légion  à  Constantinoplc,  en  inéme  temps  que 
Télévation  de  Téducation  morale,  est  préconisée  par  les 
Turcs  Libéraux  que  nous  connaissons,  et  qui  donnent 
Tcxemple. 

Cette  première  partie  du  siècle  verra  la  monogamie 
turque  revenir  par  atavisme  ;  elle  déchirera  déliniliTe- 
ment  le  i'oile,  (qui  s'amincit  de  plus  en  plus),  des  nit^res 
de  famille,  des  charmantes  femmes  turques  qui  ont  nom: 
«  Rose  du  matin  »,  «  Trouble  divin  »,  «  Source  de  vie  *. 

Le  ménage  turc  ne  demande  qu'à  imiter  le  ménai^e 
occidental  ;  ainsi,  disparaîtra  le  «  harem  »  que  nous  ne 
connaissons,  en  Europe,  que  sous  le  côté  féerique  tl 
romanesque  !  {yi^s  applaudissements). 

J'ai  fini,  Messieurs,  et  si,  parfois,  au  coui's  de  cette 
causerie,  j*ai  critiqué  avec  passion,  je  Ta  voue  ;  je  l'ai  fait. 
sûrement,  avec  franchise  et  sincérité,  dans  le  double  bul 
de  vous  renseigner  et  de  chercher  avec  vous,  à  améHoivr 
nos  relations  commerciales  et  industrielles  avec  la  Turquie. 

(]ela  est  d'autant  nécessaire,  que  jamais  nouiî  ne 
nous  sommes  tant  occupés  des  questions  d'exportation, 
conséquence  de  notre  extension  coloniale. 

Ce  qui  nous  manque?  c'est,  je  crois,  Tunité,  la  ct>or- 
dination  de  tous  nos  efforts  individuels  et  collectifs. 

Ce  qui  nous  manque  ?  c'est  la  direction  ;  c'est,  [)eut- 
être,  un  homme  indéi>endant,  —  ministi'c,  diplomate, 
industriel  ou  négociant,  —  ayant  comme  le  grand  Colhcrt, 
assez  de  liberté  et  assez  d'autorité,  pour  mener  à  bien. 
celte  grandi^  tache  :  la  Uenaissance  de  notre  coniiiiern* 
et  de  notre  influence  en  Turquie,  qui  pourrait  être  TaMnri' 
nationale  du  xx'*  siècle. 

Kt,  sans  vouloir  faire  de  politique,  ne  sacrifie-t-on 
pas  à  la  politique,  la  nécessité  urgente  et  les  intérêts 
sacrés  du  développement  de  notre  Commerce  mondial. 


SOGIÉTéS,  RKVUBS,  JOURNAUX,  BTG.  XXVIl 

Géologique  de  Normandie  (Havre).  Sociétés  Indugirielles  d^AmienS} 
Blbeuf ,  Boaen  et  Beima.  Association  des  Anciens  Elèves  de  l'Ecole 
Supérieure  de  Commerce  et  Tissage  de  Lyon.  Cercle  d^Etudes  des 
Employés  de  Bureau  Ilavrais.  Chambres  de  Commerce  du  Havre, 
Bordeaux,  Marecille,  Nantes,  Lyon.  Musée  Commercial  de  Bouen. 
Lct  Missiont  Catholiqnet  (Lyon).  La  Loire  Navigable  (Nantes). 

Ck>lonle8  FrançaiseB.  —  Sociétés  de  Géographie  d*  Alger,  Oran,  Tunis. 
Direction  de  TAgriculture  et  du  Commerce  de  la  Bégence  de 
Tunis.  Bulletin  Heanomique  de  Vlndo- Chine  (Saigon).  Société  des 
Etudes  Indo-Chinoises  de  Saigon.  Chambre  de  Commerce  de  Saigon. 
JourjuU  Officiel  du  Congo  Françaùt  (Libreville).  Journal  Officiel  dee 
PoteesHims  du  Congo  êrançaiê  et  Dépendances  du  Moyen- Congo 
(Brazzaville).  Journal  Officiel  de  Madagatear  tt  Dépendances.  Sup- 
plément Commercial  et  Agricole  (Tamatave  et  Côte  Est).  Bulletin 
Economûjue  de  Madagascar,  Journal  Officiel  de»  EtahlietementM 
Français  de  l'Océanie  (Papeete). 

EUROPE 

Allemagne  —  Sociétés  de  Géographie  de  Berlin,  Brème,  Greifswald, 
Hanovre,  Hambourg,  léna,  Halle-snr-Saale,  Leipzig,  Munich,  Dresde, 
Kœnigsberg,  Cassel,  Lubeck,  Stuttgard,  Stettin,  Prancfort-sur-le- 
Mein,  Metz,  Musée  Colonial  Allemand  (Berlin).  —  Deutsche  JColonial 
Zèitung  (Berb'n).—  A/rihanische  Nachrichten  (Berlin). 

Antziolie- Hongrie*.  —  Sociétés  de  Géographie  de  Vienne,  de  Buda- 
pest, Muséum  d'H'stoire  Naturelle  (Vienne).  Die  Weltwirtsckaft 
(Vienne). 

Belgique.  —  Sociétés  de  Géographie  de  Bruxelles  et  d'Anvers.  Cercle 
des  Anciens  Etudiants  de  l'Institut  Supérieur  de  Commerce  d'Anvers. 
Chambre  de  Commerce  d'Anvers.  Institut  Colonial  International 
(Bruxelles).  B'édération  pour  la  Défense  des  Intérêts  Belges  à  l'Etran- 
ger (Bruxelles).  Le  Mouvnnent  Géographique  (Bruxelles).  Missions 
en  Chine,  au  Congo  et  aux  Philippines  (Bruxelles). 

Espagne.  —  Société  de  Géographie  do  Madrid. 


Dans  la  Sangha 

Mœuirs  et  Coatutnes 


I^  Sangha,  comme  affluent  de  droite  du  Congo,  fait 
partie  de  cet  énorme  et  riche  réseau  fluvial,  qui  draine 
vers  Brazzaville,  centre  de  l'activité  commerciale  de  la 
Colonie,  une  si  importante  partie  du  continent  africain. 

Grossie  de  la  Kadei  et  de  la  N'Goko,  la  Sangha, depuis 
les  rapides  de  Djoumbe,  traverse  la  grande  foi'ét,  coulant 
sur  un  lit  d*argile  rouge,  recevant  les  eaux  d'un  gran«l 
nombre  de  rivières  herbeuses  et  marécageuses,  cacliées 
sous  une  riche  végétation  équatoriale,  qui  rend  lente  et 
diflicile,  la  pénétration  du  pays. 

Un  climat  chaud  et  humide  rend  cette  région  tK's 
malsaine. 

La  Sangha  est  très  riche  en  produits  naturels  de 
toutes  sortes,  ivoire,  caoutchouc.  Le  mais,  la  banane, 
Tigname,  le  manioc,  y  sont  cultivés  par  les  indigène?, 
qui  élèvent  également  la  chèvre  et  le  chien  pour  leur 
nourriture  ;  néanmoins,  la  région  est  peu  habitée.  Elle 
comprend  des  populations  sauvages  et  méfiantes,  canni- 
bales et  fétichistes. 

Les  premières  reconnaissances,  sur  la  rivière,  datent 
de  1890,  ChoUet  monte  jusqu'à  la  N'Goko,  que  Fourneau 
explore  jusqu'au  5"'*  degré  de  latitude.  En  1891,  Gaillard 
fonde  le  poste  d'Ouesso  et  remonte  jusqu'à  Bania. 

Ces  premiers  explorateurs,  guidés  par  des  indigènes 
de  Bonga,  village  situé  au  confluent  de  la  Sangha  et  du 


SOCIÉTÉ,  RBVUBS,  JOURNAUX,   EtC.  HiXîX 


AMÉRIQUE 

Gaaada.  —  Sociétés  de  Géographie  de  Winnipeg,  Qaébec  et  Ottava. 

£tatS-nnis.  ~  Sociétés  de  Géographie  de  New  York  et  de  San- 
Francisco.  Topeka  (Kansas).  Département  de  l'Agricnltare  (Washing- 
ton). Smithsonian  Institation  (Washington)  PUat  Chart  of  the  narth 
Atkmtie  Oeean  (Washington). 

Mexique.  —  Société  Scientifique  «  Antonio-Alsate  ]>  à  Mexico.  Oham- 
hre  de  Commerce  Française  de  Mexico.  Observatoires  Astronomiques 
de  Tacubaya  et  de  Mexico. 

Salvador.  —  Observatoire  Astronomique  et  Météorologique  de  San- 
Salvador. 

Ck>8ta-Rioa.  —  Institut  Physico-Géographique  National  (San  José). 

BréaiL  —  Sociétés  de  Géographie  de  Kio-de- Janeiro  et  de  Bahia, 

Unigiiay.  —  Chambre  de  Commerce  Française  de  Montevideo.  — 
Analeê  del  Departemento  de  Itanaderia  y  Agrie^iltnra  de  la  Repu- 
hîiea  O.  del  Uruguay  (Montevideo). 

Péron.  —  Société  de  Géographie  de  Lima.  Chambre  de  Commerce 
Française  de  Lima. 

Chili.  —  Société  Scientifique  Allemande  de  Santiago. 

Répnbliqne  Argentine.  —  Chambre  de  Commerce  Française  de 
Buenos-Airep.  Sociétés  de  Géographie  de  Buenos- Aires  et  de  Cordoba. 
Société  Scientifique  Argentine  de  Buenos- Aires.  Direction  Générale 
de  Statistique  Municipale  de  la  ville  de  Buenos-Aires.  Département 
National  de  Statistique,  à  Buenos-Aircs.  Boletin  de  Agricultura  y 
Ganaderia  (Bueuos-Aires). 


OCÉANIE 

Anatralie.  ^  Sociétés  de  Géographie  de  Sydney,  Adélaïde.  Btisbane, 
Melbourne. 

Java.  —  Société  des  Sciences  et  des  Arts  de  Batavia.  Société  Indo- 
Néerlandaise  d'Agriculture  et  d'Industrie  de  Batavia. 


74  DANS  LA   SANG  HA 

Les  Boumoali  croient  donc  à  Texistence  d*un  Dieu, 
<  Bembo  »,  qui  a  le  corps  d'un  homme,  dont  la  femme 
«  Andi  I»  est  albinos.  Il  habiterait  sur  une  haute  montagne, 
qui  touche  le  ciel  et  se  trouve,  parait-il  bien  loin,  près 
des  sources  du  Bourobo  ?  uflluent  de  la  N'Goko. 

Ce  Dieu  est  représenté  par  eux,  sous  Faspect  d'un 
homme  grossièrement  sculpté  à  plein  bois  ;  ces  statues 
sont  généralement  peintes  aux  couleurs  rouges,  noires 
et  blanches. 

it  Bembo  et  Ândi  avaient  une  fille  c  Dielo  »  et  un  fils 
»  «  Djoumaka  i>,  qu'ils  envoyèrent  sur  la  terre  pour  faire 
»  un  village  et  des  plantations.  Mais  ils  eurent  entre 
»  eux,  malgré  la  défense  de  leur  père,  des  rapports  dont 
»  naquit*  *  Boumoali  i>.  Devenu  grand,  Boumoali,  eut 
»  de  sa  mère,  un  fils  V  Lino  »  qui,  suivant  lexemple de 
»  son  aîné,  eut  deux  garçons,  c  Gouamboko  et  Issolo.  » 
x>  Néanmoins,  Djoumaka  n'était  pas  jaloux  de  ses  fils 
»  parce  qu'il  avait  en  vue  l'accroissement  de  sa  race: 
»  il  autorisa  même  «  Boussieli  »,  fils  d*Issolo.  à  le 
»  remplacer  près  de  Dielo.  De  cette  union,  naquirent 
»  «  Boumama  d,  un  garçon,  et  une  fille  c  Mamo  ». 

»  Par  la  suite,  vinrent  encore  «  Mokaka,  Boquiha. 
»  Ossyeba,  M'Boko  »,  etc.,  dont  les  tribus  existent 
»  encore. 

»  Le  Dieu  «  Bembo  »  s'adoucit  ce[)endant  et  apprit 
»  aux  fils  de  ses  enfants  à  fabriquer  des  sagaies  et  àe^ 
»  «  manjos  »,  sorte  de  g^and  couteau  de  fer  qui  sert  de 
»  monnaie  ;  puis  il  leur  envoya  deux  «  Babinga  »  pour 
»  chasser  l'éléphant. 

»  C'était  le  frère  et  la  sœur  ;  ils  eurent  entre  eux  des 
»  rapports,  que  Bembo  ne  voulait  plus  tolérer  entre 
»  parents  et  ils  furent  chassés  du  village,  condamnés  à 
»  vivre  dans  la  forêt.  » 

En  fait,  les  Babinga  demeurent  dans  de  petites  huttes 


76  DANS  LA  SANGHA 

Enfin,  ils  admettent  que  la  mort  ne  fait  pas  dispa- 
raître totalement  l'individu  et  que  son  ombre,  lui  sur- 
vivant, va  rejoindre  «  Bembo  »  ;  mais  comme  jamais 
aucune  ombre  n'est  revenue,  disait  un  chef,  on  ne  sait 
pas  ce  qui  se  passe  entre  Bembo  et  les  ombres.  » 


La  Famille,   base   de  toute   organisation    sociale, 
mérite  un  examen  approfondi,  par  le  caractère  spécial 
qu'elle  revêt.  Nous  la  classerons  dans  Tordre  suivant  : 
la  formation  de  la  famille  ; 
le  père  de  famille  ; 
la  femme  ; 
les  enfants  ; 
les  esclaves  : 
pour  tout  réunir  ensuite,  en  groupement,  au  village. 

Ainsi  que  la  majeure  partie  des  indigènes  Africains, 
le  Boumoali  est  polygame,  le  nombre  des  épouses  étant 
en  eflet,  un  signe  extérieur  de  la  richesse  individuelle. 

Le  prix  d'une  femme  libre,  car  la  femme  est  toujours 
achetée,  est  de  200  midjokos  (sorte  de  bracelet  en  cuiviv). 
plus  un  cabri,  une  enclume  et  un  marteau,  5  sagaies, 
5  colliers  de  perles. 

La  femme  est  recherchée  pour  sa  beauté  (beau 
bassin,  beau  visage),  et  pour  ses  qualités  de  ménagère. 

L'homme  qui  a  remarqué  une  jeune  fille,  s'entend 
avec  le  père,  il  lui  fait  de  légers  cadeaux,  lui  expose  ses 
mérites,  surtout,  fait  ressortir  la  quantité  de  marchandises 
qu*il  possède.  La  jeune  fille  n'est  naturellement  pas 
consultée. 

Lorsque  tout  le  monde  est  d'accord,  la  jeune  fille  est 
emmenée  dans  la  case  de  son  fiancé,  qui  lui  répand  de 
riiuile  sui*  le  corps,  puis  il  part  à  la  pêche,  pendant  que 


bANS  LA  9ANGHA  11 

les  vieilles  femmes  viennent  voir  la  jeune  épousée,  lui 
donnent  des  conseils  et  préparent  des  aliments  qu'elle 
l)orte  à  ses  parents. 

Le  père  fait  quelques  cadeaux,  poulets,  pagnes,  etc. 
Un  grand  festin  a  lieu  ensuite,  mais  sans  danses  ni  chants. 

Si  la  femme  est  dans  les  conditions  d'âge  voulue  (le 
vingtième  sang),  et  généralement  Ton  attend  cette  épo- 
que, le  mari  use  de  ses  droits  dès  le  premier  soir,  mais, 
c'est  cinq  jours  après  seulement  qu'il  paie  la  dot. 

La  femme  doit  être  vierge  ;  si  le  mari  s'aperçoit 
qu'elle  a  été  déflorée,  il  a  le  droit  de  la  frapper  violem- 
ment, pour  lui  faire  avouer  le  nom  de  son  amant,  qui 
est  condamné  à  payer  50  midjokos  et  2  colliers  de  perles. 
Le  mari  ne  répudie  pas  la  femme,  mais  il  a  droit  à  des 
dommages  et  intérêts  pour  «  avoir  été  ti'ompé  sur  la 
marchandise  ». 

Les  adultères  sont  fréquents,  la  femme  trompant 
souvent  son  mari  avec  son  consentement,  dans  un  but 
d'intérêt.  Dans  les  cas  d'adultère,  Taniant  encourt  inva- 
riablement la  peine  d'amende,  dont  la  quotité  est  à  ûxer, 
suivant  «  la  valeur  de  la  femme.  » 

L'enlèvement  est  également  pratiqué  d'une  manière 
courante,  généralement  provoqué  par  les  femmes  ;  ces 
différends  se  traitent  à  l'amiable  depuis  notre  arrivée, 
autrefois  ils  étaient  la  raison  déterminante  de  guerres  ; 
il  est  des  Hélènes  en  tous  pays. 

D'ailleurs  peu  ou  pas  d'affection,  la  femme  est  avant 
tout  une  esclave  à  tout  faire,  son  maître  y  tient  tout 
autant  que  nos  paysans  à  leur  bétail.  C'est  une  machine 
à  faire  des  enfants  et  du  gros  travail. 

Actuellement,  tous  les  conflits  entre  indigènes  ont 
une  origine  unique,  la  femme,  soit  qu'elle  se  refuse  au 
travail,  soit  qu'elle  manifeste  des  velléités  d'indépen- 
dance, etc. 


78  DANS  LA  SANGHA 


lie  Pèpe  de  pamille 

Peut-on  appeler  ainsi  le  propriétaire  indiscuté  de 
tant  de  choses,  à  qui  appartiennent,  meubles  et  immeubles, 
plantations  et  disons-le  aussi,  hommes  et  femm<*s.  C'est 
surtout  un  chef  de  famille,  de  case,  qui  dispose  à  son 
gré  des  biens  et  des  personnes.  Il  lui  est  loisible  de 
frapper  les  membres  de  sa  famille  ;  les  salaires  acquis, 
lorsqu'il  les  fait  travailler,  lui  reviennent,  il  ne  leur  en 
laisse  qu'une  bien  faible  partie.  Néanmoins,  le  respect 
lui  est  dévolu  en  raison  directe  de  son  intelligence  et  d»' 
sa  générosité. 

Suivant  leur  importance,  il  juge  les  diflerents  sur- 
venus entre  les  siens  ou  les  porte  au  conseil  des  anciens. 

Les  habitations  se  composent  de  la  «  case  jf,  construc- 
truction  d'environ  20  mètres  de  long,  sur  7  à  8  de  lai^e. 
et  haute  de  3,50  au  milieu,  de  1,50  sur  les  côtés,  les  parois 
sont  en  écorce  d'arbre,  la  toiture  en  paille  de  bambou. 
Proprement  tenues  à  Tintérieur,  elles  présentent,  sur 
trois  faces,  des  alcôves,  contenant  chacune  un  lit  en  terre 
avec  un  tronc  d'arbre  pour  oreiller;  en  outre,  une  petite 
case,  qui  sert  à  la  fois  de  magasin  et  de  chambre  à  cou- 
cher au  chef  de  famille.  Les  poteaux  sont  grossièrement 
sculptés  et  peints. 

Il  existe  aussi  des  cases,  dites  «  cases  à  palabres  • 
«  Banza  »  en  langue  indigène,  dont  trois  côtés  sont  gamis 
de  lits  de  repos,  parallèles  aux  parois. 

A  moins  d'émigration,  le  chef  de  famille  n'abandonne 
jamais  sa  ca.sc.  Mais,  femmes,  enfants,  esclaves  peuvent 
le  faire,  abandonnent  au  maître  tout  ce  qu'ils  possèdent. 
Il  paraît  donc  bien  évident,  que  femmes  et  enfants  n'ont 
que  la  jouissance  d'un  certain  nombre  d'objets,  et  le  père 
qui  permet  à  son  fils  de  disposer  de  marchandises  pour 


DANS  LA  âANGHA  79 

se  marier,  ne  le  fait  que  parce  que  sa  famille  s*aug- 
mente. 

Le  chef  de  famille  décédé  est  remplacé  par  son  frère 
ou  par  son  fils,  toutefois  un  esclave  intelligent  qui  a  su 
gagner  la  confiance  du  maître,  peut  de  son  vivant  le 
remplacer  et  môme  lui  succéder,  après  son  décès,  s'il  n'a 
pas  laissé  de  frère  ou  de  fille  capable  de  succéder. 

Les  trésors  du  chef  de  famille  sont  cachés  en  des 
endroits  connus  de  lui  seul,  de  sa  femme  préférée  et  de 
son  meilleur  fils. 


Lta  pemme 

La  polygamie  étant  de  règle,  il  n'est  pas  surprenant 
de  trouver  plusieurs  femmes  au  foyer,  toutefois  elles  n'y 
sont  pas  sur  le  pied  d'absolue  égalité. 

Généralement  la  première  épousée  est  aussi  la  pré- 
férée, chose  facile  à  comprendre  si  Ton  admet  que  la 
plus  longue  cohabitation  l'a  davantage  fait  apprécier  du 
chef  de  famille  ;  il  est  donc  naturel  qu'elle  soit  initiée  au 
secret  des  caches  et  jouisse  d'une  autorité  sur  les  autres 
épouses  et  les  enfants,  tout  au  moins,  en  ce  qui  touche 
aux  travaux  domestiques... 

La  femme  est,  par  nature  et  éducation,  assez  soumise, 
toutefois,  si  elle  accepte  facilement  l'introduction  d'une 
nouvelle  épouse,  il  ne  saurait  en  être  de  même  des 
maîtresses,  il  n'est  pas  rare,  alors,  qu'elle  demande  la 
séparation  ;  il  est  vrai  d'ajouter  que  le  père  s'y  oppose 
presque  toujours  ayant,  dans  ce  cas,  la  dot  à  restituer. 

Les  femmes  travaillent  aux  plantations  et  font  géné- 
ralement toutes  les  besognes  pénibles,  préparent  les 
aliments  pour  les  hommes,  s'occupent  des  enfants. 


80  DANS  LA  SA^^OHÀ 

Dans  la  case  commune,  une  stalle  est  réservée  à 
chaque  femme,  l'accès  du  logement  spécial  au  chef  de 
famille  ne  leur  est  autorisé  que  sur  son  invitation,  et 
suivant  son  choix  ;  néanmoins  les  femmes  ont  le  loisir  de 
demander  un  tour  de  faveur,  ce  qui,  généralement,  dis|H)se 
bien  le  maître  pour  celle  qui  a  eu  cette  marque  d  atta- 
chement à  son  égard. 

Au  moment  des  indispositions  mensuelles,  la  femioe 
doit  reposer  sur  une  simple  natte  à  terre  ;  il  lui  est  interdit 
d'avoir  aucun  rapprochement  et  elle  doit  se  tenir  soi- 
gneusement couverte  d'un  grand  pagne. 

Ainsi  qu'il  est  de  coutume  chez  tous  les  peuples 
noirs,  dès  l'accouchement  et  jusqu'à  ce  que  Tenfant  soit 
élevé,  la  femme  n'a  plus  aucun  rapport  de  sexe  avec 
aucun  homme. 

L'accouchement  se  fait  dans  les  plantations,  la  femme 
est  soutenue  sous  les  aisselles,  cependant  que  les  matro- 
nes qui  président  h  l'accomplissement  de  l'acte,  lui  font 
des  pressions  sur  les  flancs  pour  accéléi*er  roi>ératioii. 
Les  avortemenls  et  les  infanticides  sont  sévèrement  n'pi'i- 
més  et  Tétranger  qui  a  eu  des  rapports  avec  une  feiiiim* 
pendant  sa  grossesse,  est  condamné  à  payer  une  forte 
amende,  s'il  y  a  avortement.  Cette  coutume  est  facile  à 
eompren<lie,  les  enfants  constituant  une  richesse  dont 
s'accroît  la  famille. 

Les  femmes  allaitent  pendant  un  an  et  demi  ou  deux 
ans. 


Iles  Enfants 

La  naissance  d'un  enfant,  suivant  le  sexe,  donne 
libre  cours  à  des  coutumes  assez  curieuses  :  c'est  ainsi 
que  la  naissance  d'une  fille  doit  passer  inaperçue,  qne 


DANS  hk  SANQHA  81 

celle  d'un  garçon,  donne  aux  femmes  le  droit  de  raillerie 
et  d'insulte  à  Tégard  des  hommes  pendant  toute  la  jour- 
née, que  celle  de  deux  jumeaux  donne  lieu  à  de  grandes 
réjouissances. 

L'enfant  reçoit  un  nom,  soit  celui  d'un  grand  person- 
nage, soit  celui  d'un  événement  impressionnant.  Pomo, 
€  grand  serpent  »,  fut  ainsi  appelé  parce  que,  le  jour 
de  sa  naissance,  un  boa  s'était  introduit  dans  la  case  de 
son  père. 

Les  surnoms  sont  très  usités  :  «  bendo  »  le  chasseur, 
«  kouli  •  le  bossu,  «  moké  »  le  petit,  etr. 

Il  est  à  remarquer  que  sur  trois  enfants,  deux  appar- 
tiennent au  sexe  faible. 

Entre  enfants  de  môme  mère,  il  y  a  prééminence  de 
l'alné,  qui  arrive  rapidenuuit,  s'il  est  fils  du  chef  de 
famille,  à  considérer  les  fenmies  de  son  père  et  de  ses 
oncles  comme  les  siennes  et  à  s'ériger  en  petit  tyran,  les 
femmes  n'ayant  pas  le  droit  de  correction  sur  les  enfants 
mâles. 

Les  enfants  ne  sont  point,  comme  chez  nous,  l'objet 
de  soins  constants  et  méticuleux,  il  s'en  faut  de  beaucoup  ; 
à  califourchon  sur  le  dos  de  leur  mère,  tant  qu'ils  ne 
sont  pas  susceptibles  de  marcher,  ils  sont  soutenus  dans 
cette  position  au  moyen  d'un  morceau  d'étoffe  ou  d'une 
peau  qui  les  enveloppe  et  s'attache  sur  la  poitrine  de  la 
mère,  qui  vaque  ainsi  à  ses  occupations  journalières, 
sans  autrement  se  soucier  du  «  paquet  »  qu  elle  porte  sur 
le  dos  ;  Ton  peut  voir  les  bébés  dormir  en  celte  étrange 
situation  ou  suivre  d'un  œil  curieux  les  mouvements  de 
leur  mère. 

Dès  qu'ils  sont  susceptibles  de  marcher,  ils  absorbent 
t  beaucoup  moins  la  mère  »,  et  trottent  à  leur  gré,  à 
condition,  toutefois,  qu'ils  ne  gênent  pas  les  grandes 
personnes. 


82  DANS  LA  SANQHA 

Les  garçons  observent  beaucoup  les  actes  des  hom- 
mes de  la  famille  assis  dans  les  coins  de  case,  écoutent 
sagement  les  palabres  ou  s*exercent  à  chasser  et  à 
pêcher  ;  iU  sont  tranquilles  et  farouches,  ne  rient  pas  et 
pleurent  fort  peu. 

Les  fillettes,  dès  leur  plus  tendre  enfance,  secondent 
leur  mère  en  tous  les  travaux  domestiques. 

Les  affections  de  famille  sont  fort  rares,  cela  ne  veut 
pas  dire  qu*elles  n^existent  point,  mais  c'est  un  sentiment 
qui,  en  raison  môme  des  coutumes  locales  et  de  Tédaca* 
tion  de  la  race,  ne  peut  évidemment  pas  être  développé 
au  même  point  que  chez  les  peuples  du  Bas-Chan,  par 
exemple. 

Les  enfants  savent  tous  respecter  les  vieillards. 

Ils  se  marient  jeunes,  il  n'y  a  donc  pas  à  proprement 
parler  d'adolescence,  la  fille  étant  considéi*ée  feimne 
après  le  vingtième  sang,  et  le  garçon  se  mariant  tiTS  jeune 
également. 

Quelques  mois  après  son  mariage,  le  garçon  est  ci^ 
concis  ;  de  ce  jour  seulement,  il  est  considéré  homme  et 
peut  prendre  part  aux  palabres,  aller  à  la  gueri*e,  etc. 

Le  fils  ne  peut  avoir  de  rapports  avec  sa  mère  ou  ses 
sœurs,  mais  il  peut  s'unir  aux  autres  femmes  de  son  père 
qui  ne  s'en  offense  pas,  considérant  simplement  lïntérét 
qu'il  y  a  d'accroître  sa  famille. 


DANS  LA   SANGHA  83 


lies  Esclaves 


Si  notre  présence  a  mis  fin  au  commerce  «  en  gros  », 
elle  n'a  pu  empt^cher  le  trafic  clandestin,  sur  une  assez 
vaste  échelle  d'ailleurs,  en  des  pays  où  nous  n'avons 
même  pas  le  prestige  de  la  force,  dans  lesquels,  je  regrette 
de  le  dire,  la  sécurité  matérielle  des  Européens  n'est 
même  pas  assurée,  il  est  difficile  de  poursuivre  à  outrance 
les  marchands  d'esclaves  ;  «  d'empêcher  certains  indi- 
vidus de  changer  de  maîtres  »,  poureuiployer  le  charmant 
euphémisme  de  l'un  de  nos  administrateurs. 

L'esclavage  d'ailleurs,  n'a  rien  de  pénible,  il  est  loin 
de  ressembler,  même  à  ce  que  l'imagination  peut  évoquer 
de  plus  doux.  L'homme  peut,  en  elFet,  devenir  proprié- 
taire et  s'il  est  assez  riche,  acheter  sa  liberté  à  son 
maître,  il  est  le  pore  de  son  enfant;  s'il  a  une  fille  désirée 
par  un  homme  libre,  il  est  alTranchi  par  le  fait  de  cette 
union,  son  mariage  avec  une  femme  libre  raffranchit 
également  ;  enfm,  il  n'est  pas  rare  de  voir  un  esclave 
gagner  la  confiance  du  maître,  au  [)oint  de  se  voir  investir 
d'une  partie  de  son  autorité  ou  même  devenir  chef,  les 
coutumes  ne  s'y  opposant  en  rien  ;  il  faut  admettre  que 
dans  ces  pays  les  places  sont  accessibles  à  tous,  les  indi- 
gènes nous  donnant  ici  comme  en  maints  autres  lieux  un 
bel  exemple  de  démocratie. 

La  diflérence  entre  l'homme  libre  et  l'esclave  est 
dilTicile  à  saisir,  leur  existence  étant  la  même,  ce  n'est 
qu'à  l'occasion  des  palabres  qu'il  est  possible  de  les 
reconnaître,  l'esclave  ne  pouvant  s'asseoir  sur  les  lits  de 
repos  ni  prendre  la  parole. 

L'esclave  a  une  valeur  variable,  suivant  son  âge 
approximatif,  sa  force  et  son  sexe. 

Nous  ne  nous   occuperons  pas  spécialement  de   la 


38  CUEIKH-SAÎD 

guerre,  un  point  d'appui  pour  la  flotte  anglaise.  Aden  et 
Périm  finiraient  par  s'approvisionner  à  Cheikh-Said. 
C'est  de  la  concurrence,  mais  cette  concurrence  est  loyale. 


Que  faudraitril  donc  pour  faire  de  Cheikh-Saîd  un 
grand  port  h  charbon,  un  vaste  entrepôt  commercial  ?  Il 
faudrait  ou  construire   des  appontemcnts  sur  le  rivage 
dans  la  région  des  calmes  ;   ou,  ce  qui  vaudrait  mieux, 
approfondir  la  lagune  sablonneuse  ;  et  nos  gouvernements 
ont  reculé  devant  la  dépense,  heureux  de  trouver  celle 
excuse  à  leur  complaisance  envers  l'Angleterre.  Ils  ont 
volontairement  fermé  les  yeux  sur  sa  merveilleuse  posi- 
tion maritime  et  militaire.  Il  n'était  pas  besoin  d'y  envo- 
yer une  mission,  payée  fort  cher,    pour  aboutir  à  celte 
conclusion  enfantine  qu'il  faudrait  y   entreprendre  des 
travaux  coûteux.  En  aucun  pays,  même   dans   l'Arabie 
heureuse,  on  ne  fait  rien  sans  argent.  Si  nous  dépensions 
à  Cheikh-Saïd  la  dixième  partie  seulement  des  millions 
que    les    Anglais   ont  entassés   sur   les   crêtes    d'Aden, 
nous   en  ferions  une  forteresse   imprenable  et    le  plus 
grand  port  de  la  route  d'Extrême-Orient.  Prenons  donc 
modèle   sur  l'Angleterre  :  elle  a  à  Aden  une  position  à 
tous  les   points  de   vue  moins   favorisée  que   la  nôtre  à 
Cheikh-Saïd  et  cependant  elle  n'hésite  pas  à  sacrifier  des 
millions  pour  en  tirer  parti.  Je  ne  parle  pas  seulement 
de   ses  fortifications  formidables,  de  ses  routes,  de  son 
chemin  de  fer  destiné  à  drainer  le  commerce  du  Yenien  : 
mais  aussi  de  sa  Société  du  Port  (Aden  port  trust),  qui  a 
entrepris  la  construction,   dans  la  baie  intérieure,  d'un 
bassin  de  1.400  mètres  de  longueur  sur  450  mètres  de 
largeur,   avec  8  à  9  mètres  de  profondeur.   Ce  que  les 
Anglais  vont  faire  chez  eux,  nous  pouvons  plus  facile- 


CHEIKH-SAÎD  39 

ment   encore  et  avec  pins  de  chances  de  succès,  le  faire 
chez   nous. 

Combien  avons-nous  semé  d*ai^ent  dans  les  sables 
d^Obock  avant  de  les  abandonner,  pour  toujours  sans 
doute,  à  leur  stérilité  ?  De  quels  amers  regrets  nous 
devrions  être  attristés  en  pensant  que  ces  mêmes  sommes 
utilement  employées  à  Cheikh-Saïd  nous  auraient  donné 
la  clé  de  la  Mer  Rouge  I  Mais  nous  ne  savons  rien  vou- 
loir et  quand  nous  voudrons  un  jour,  peut-être  sera-t-il 
trop   tard. 

Un  établissement  maritime. et  commercial  unique  au 
inonde  pourrait  être  créé  dans  la  lagune  de  Cheikh-Saïd. 
Le  fond  sablonneux  en  serait  facilement  dragué  ;  on  y 
creuserait  ainsi  une  rade  intérieure  de  150  hectares  au 
moins,  dont  l'entrée  serait  protégée  contre  l'envahisse- 
ment des  sables  par  une  double  jetée.  On  a  même  pro- 
X^osé,  mais  ne  demandons  pas  trop,  de  creuser  dans  le 
sable  un  canal  de  2  kilomètres  rétablissant  Tancien  dé- 
troit, si  détroit  il  y  avait,  pour  ouvrir  à  ce  bassin,  une 
porte  sur  l'Océan  Indien. 

Ce  sont  là  des  travaux  considérables  sans  doute,  mais 
loin  d'être  improductifs.  Ils  ne  tarderaient  pas  à  faire  de 
Cheikh-Said  l'entrepôt  de  toute  la  région  et  le  plus  riche 
satellite  du  canal  de  Suez,  dont  il  serait  Tavant-garde 
vers  l'Extrême-Orient. 

Il  ne  faut  pas  oublier  que  cet  Extrême-Orient  est  le 
plus  riche  marché  du  monde,  que  la  côte  orientale  d'Afri- 
que, Madagascar,  la  Mésopotamie,  l'Inde,  l'Indo-Chine, 
la  Chine,  l'Insulinde  et  le  Japon  sont  bien  loin  d'avoir 
atteint  tout  le  développement  dont  ils  sont  susceptibles. 
Ces  pays  sont  ouverts  d'hier  à  peine  à  notre  civilisation 
et  nul  ne  peut  dire  à  quels  chiffres  formidables  atteindra 
demain  leur  commerce.  C'est  plus  de  la  moitié  de  l'huma- 
nité, songeons-y  bien,  qui  vit  de  l'autre  côté  de  Cheikh- 


DANS  LA  SANGHA 


lia  Cifeoneision 

Quelques  mois  après  son  mariage,  souvent  plusieurs 
années,  l'homme  est  circoncis,  c'est  pour  lui  la  consécra- 
tion du  commencement  de  son  existence  d'activité  dans  la 
communauté,  il  pourra  dès  lors  prendre  part  aux  pala- 
bres, etc. 

Cette  cérémonie  donne  lieu  à  une  danse  appelée 
0  Yango  d  qui  lui  a  laissé  son  nom. 

La  fête  de  la  circoncision  dure  tiH)is  jours,  les  deux 
premiers  constituant  une  sorte  de  retraite,  puisque  le 
patient,  après  s'être  soumis  à  l'examen  des  anciens,  est 
enfermé  dans  une  case  ou  il  lui  est  donné  à  boire  et  «i 
manger,  notamment  un  fruit  «  Kabo  »,  destiné  à  lui 
donner  le  courage  de  subir  l'opération. 

Le  premier  jour  est  appelé  à  faire  les  préparatifs  de 
la  fête,  à  réunir  des  vivres  et  des  marchandises. 

Le  second  jour,  les  hommes  divisés  en  deux  groupes, 
les  circoncis  et  les  non  circoncis,  se  livrent  à  des  danses 
et  à  des  chants  au  cours  desquels  ils  insultent  les  femmes 
de  telle  façon  que  leurs  expressions  ne  peuvent  être 
traduites...  Le  futur  circoncis  est  revêtu  d'un  lourd 
vêtement  en  feuilles  de  palmier  et  la  partie  à  opérer  est 
recouverte  d'un  mélange  d'herbes  hachées,  destiné  à 
attendrir  les  chairs. 

Le  troisième  jour  est  celui  des  femmes  qui  habillées 
de  feuilles,  menant  grand  bruit,  se  livrent  i\  des  danses 
'et  à  des  contorsions  encore  [)lus  obscènes  que  celles  îles 
hommes.  Cependant,  le  patient  est  conduit  en  un  endroit 
où  les  femmes  n'ont  pas  accès,  pour  y  subir  Topération. 

Il  est  étendu  sur  un  lit  fait  de  trois  troncs  d'arbres, 
une  peau  d'antilope  jetée  sur  ses  yeux,  maintenu  par 
deux  hommes  qui  lui  saisissent  les  bras. 


DANS  LA  SANGHA  87 

Les  hommes  présents  hurlent  en  brandissant  leurs 
couteaux,  cependant  qu'un  vieillard,  s'approchant  du 
patient,  enlève  le  pansement,  fait  constater  aux  assis- 
tants que  rhomme  est  dans  les  conditions  requises  pour 
être  circoncis,  marque  à  la  peinture  rouge,  la  place  ou 
devra  frapper  le  couteau  des  opérateurs.  Ces  derniers, 
Tun  coupant  de  haut  en  bas,  Tautre  de  bas  en  haut,  pro- 
cèdent avec  une  remarquable  rapidité,  la  blessure  est 
recouverte  de  cendre  pour  arrêter  Thémorragie. 

Un  mois  de  repos  bien  mérite  succède  à  l'opération, 
pendant  lequel,  vêtu  d'un  jupon  en  écorce  d'arbre,  le 
malade  fait  chaque  jour,  plusieurs  fois  le  tour  du  village, 
sa  dexti'e  armée  d'un  couteau. 

La  constatation  de  celte  coutume  ne  conduit-elle  pas 
à  admettre  que  sous  un  climat  analogue,  les  hommes  à 
quelque  race  qu'ils  appartiennent  se  sentent  soumis  aux 
mêmes  lois  d'hygiène,  et  recourent  aux  mêmes  procédés  ; 
n'y  aurait-il  pas  lieu  de  voir  en  ce  fait  la  manifestation 
<le  la  volonté  d'un  homme  qui  a  su  s'imposer  et  ne  pour- 
rait-on comparer  le  dieu  «  Bembo  »  à  Jésus,  le  Messie  ou 
il  Mahomet,  le  Prophète  ? 


lies  punétrailles 

Un  décès  vient-il  à  se  produire?  Les  femmes  se 
t^éunissent  dans  la  case  du  défunt,  ferment  sa  bouche,  le 
i*ecouvrent  d'étoffes,  puis  se  mettent  à  pleurer  en  jetant 
lies  cris  ;  le  lendemain  le  cadavre  est  conduit  en  terre, 
accompagné  de  tous  les  parents  et  amis. 

Au  fond  d'une  grande  fosse,  sont  disposées  des  écor- 
ees  d'arbre,  sur  lesquelles  sont  déposées  les  marchandises 
du  défunt;   si  c'est  un  homme,  avant  de  le  recouvrir 


88  DANS  LA  8ANGHA 

d'autres  marchandises,  il  lui  est  mis  un  couteau  dans  la 
main  droite,  pour  lui  permettre  de  se  défendre,  en  cas 
de  mauvaise  rencontre,  puis  tous  les  assistants  projettent 
la  terre  dans  la  fosse,  en  la  poussant  du  coude. 

Sur  la  tombe  sont  placés  des  instruments  de  ménage. 

Quelques  jours  après  la  mort  d'un  chef,  a  lieu  onc 
série  de  danses  assez  curieuses.  Dans  l'une  d'ellef,  un 
homme  bizarrement  accoutré  de  peaux  de  panthère,  de 
plumes  de  perroquet,  les  bras  et  les  jambes  garnis  de 
grelots,  pénètre  dans  une  case  en  feuillage  construite 
spécialement,  interpelle  les  femmes  du  défunt  ;  celles-ci 
et  toutes  les  autres  femmes  du  village  se  cachent  dan? 
les  cases,  un  compère  donne  la  réplique,  tous  les  hommes 
accompagnent  de  chants  et  de  tam-tam  :  lorsque  le  pseudo 
défunt  se  présente  près  des  cases  où  se  sont  réfugiées  les 
femmes,  celles-ci  frappent  contre  les  parois  pour  le  fain* 
fuir.  Cette  fête  qui  détermine  l'ouverture  de  la  succession, 
dure  toute  la  nuit. 

Quelques  jours  plus  tard,  une  femme  prétend  avoir 
rencontré  le  défunt  et  affirme  qu'il  lui  aurait  parlé  ;  cette 
femme  est  vêtue  d'une  crinoline  en  feuilles,  tient  un  bou- 
clier à  la  main  et  est  peinte  en  blanc,  les  autres  femme? 
raccompagnent  de  danses  et  de  chants. 

Les  frais  sont  tous  supportés  par  la  famille  et  l'héri- 
tier ne  peut  entrer  en  possession  qu'après  paiement. 

La  tradition  séculaire,  veut  qu'aucune  mort  ne  s<»it 
naturelle,  il  est  admis  que  quelqu'un  s'est  livre  à  des 
pratiques  dans  le  but  de  supprimer  le  défunt. 

Autrefois,  partant  de  ce  principe,  les  parents  mâle? 
du  défunt  partaient  en  guerre  et  tuaient  le  premier 
homme  qu'ils  rencontraient  sur  leur  route  ;  dans  leur 
simplicité  ils  le  considéraient  comme  étant  le  coupable 
et,  obéissant  à  leurs  instincts,  ils  dévoraient  en  un  grand 
banquet  cette  victime  expiatoire.  Depuis  notre  arrivée 


CHEIKII-SAÎD  43 

dix  charbon.   Au  lieu  de  s*installer  de  nouveau  à  Cheikh- 
Saïd,  on  préféra  aller  à  Obock  où  l'on  dépensa  des  som- 
mes énormes  à  essayer  d'animer  un   établissement  qui 
n^était  pas  né   viable.   Obock,  depuis,  a  été  abandonné 
pour  Djibouti.    Djibouti  a  un  avenir  brillant,  mais  bien 
défini,  comme  port  de  TAbyssinie.  Qu'il  n'aspire  pas  plus 
liaut  :  il  est  en  dehors  de  la  route  directe  des  navires, 
indéfendable   et  trop   loin  du   détroit   pour    avoir    une 
valeur  stratégique  sérieuse.  Le  seul  point  stratégique  est 
Cheikh-Saïd  qui,   à  une    position  commerciale   ij^ique, 
joint  une  situation  politique  et  militaire  exceptionnelle. 
L'opinion    anglaise   colportée   en    France    par   nos 
enquêteurs,  est  que  de  Périm   on  pourrait  détruire  tout 
établissement  créé  sur  l'autre  rive  du  détroit.  Le  point 
culminant  de  l'île  a  une  hauteur  de  60  mctres  ;  or,  d'après 
nos  voisins,  la  ville  française  devrait  se  développer  sur 
la  plage  qui  s'étend  en  face,   du  cap  Bab-el-Mandeb  au 
cap  Cheikh-Saïd,  jusqu'aux  hauteurs,  et  se  trouverait  par 
suite   sous   le   feu   des  canons  anglais.    Nous  avons   vu 
qu'il  n'en  est  rien.  La  ville  ne  se  développerait  nullement 
en  face  de  Périm,  mais  soit  au  nord  du  cap  Cheikh-Saïd 
devant  la  région  des  calmes,  si  on  en  veut  faire  un  point 
exclusivement  commercial,  soit  sur  les  bords  de  la  lagune 
transformée  en  port  intérieur.  Or,  entre  l'un  et  l'autre  de 
ces  points  et  Périm,  s'élève   le  massif  du  Mankhali  occi- 
dental qui  Siiiciiit  Justemcnf  devant  Vtle  anglaise  la  hau- 
teur de  gi  mètres^   écrasant   ainsi  de  ses  feux  le  plus 
haut  sommet  de  Périm. 

Ije  cap  Bab-el-Mandeb,  le  promontoire  le  plus  pro- 
che des  forts  anglais,  est  une  île  reliée  au  continent  à 
marée  basse,  île  des  Huîtres  ou  du  Pilote,  dont  le  som- 
met n'a  que  17  mètres.  Mais  le  premier  contrefort  de  la 
montagne,  à  160  mètres  plus  loin,  atteint  déjà  61  mètres  ; 
il  dépasse  90  immédiatement  après.  Quant  au  massif  de 


ACTES  DE  LA   SOCIETE 


Procès-Verbal  de  la  Séance  du  Comité  du  15  Mni  i907 

Présidence  de  M.  E.  Dupokt,  Président. 

lia  séance  est  ouverte  à  9  heures,  sons  la  présidence  de  M.  E.  I)u{)fat. 
Le  procès-verbal  de  la  précédente  séance  est  lu  et  a<iopté. 
M.  Loiscau,  Secrétaire  général,  <lonne  lecture  de  la  correépondance. 
savoir  : 

10  Lettre  de  M.  René  Boîtier,  Trés*)rier,  sVxcusnnt  de  ne  ix>uTr.ir 
assister  à  la  réunion  de  ce  soir  ; 

2*  De  Bonlcaux,  invitations  aux  divers  Congiès  auxquels  douniTa 
lieu  l'Exposition  Maritime,  eutre  autres  au  SS"»*  Congrès  national  de* 
Sociétés  françaises  do  Géogi^aphie  ; 

3<»  Du  Comité  Diipleix,  envoi  du  programme  d'un  voyasjc  qu'il  n^_•a• 
nise  jusqu'à  Tombouctou  et  d'un  voyage  d'Etudes  aux  Etats-Unis  t- 
au  Canada. 

M.  le  Président  serait  heureux  qu'un  membre  de  la  Sociétr  sî  M;'le 
au  C<mjrrès  de  Bordeaux  :  M.  Favier  se  fait  inscrire. 

Alwrdant  la  question  du  Concours  de  Géographie,  M.  Loiseau  j>n** 
j:>ose  et  fait  adopter  la  suppression  du  3"«  groupe,  garçons  de  16  à  20  nns, 
vu  l'insuffisance  habituelle  de  concurrents. 

11  est  procédé  ensuite  à  la  nomination  des  membres  des  Coramissi":!* 
du  Concours.  Sont  élus  : 

!•  Membres  de  la  Commission  du  choix  des  questions  :  MM.  Oirt'^D. 
Favier,  Loiseau  ; 

2°  Membres  du  Jury  :  MM.  Barre,  Fritz,  Meura,  Schmitt,  Vanior.  - 
Membres  suppléants  :  MM.  Boitier,  Guitton,  Ménager. 

M.  Lebrcton,  Administi-ateur  des  affaires  indigènes,  à  Bmizavill.. 
est  admis,  sur  la  présentation  «le  M.  Fritz,  comme  membre  corresponflaii* 

M.  Fenl.  Vanicr  lit  une  communication  sur  le  Chemin  de  fer  ^^ 
Konia- Bagdad. 

La  s<'ance  e^t  levée  à  10  h.  1/2. 


CttEI&H-SAlD  45 

ceux  qni  y  furent  chargés  par  nous  d*une  mission  offi- 
cielle. On  y  retrouve  des  ruines  qui  remontent  à  la  plus 
haute  antiquité  égyptienne.  Au  viii"  siècle,  les  Khalifes 
arabes  s'y  installèrent.  Bien  des  siècles  après,  un  précur- 
seur, La  Bourdonnais,  frappé  des  avantages  de  cette 
position,  y  fonda  un  campement  de  la  Compagnie  des 
Indes.  Cette  installation  précaire  disparut  bientôt  et  les 
tribus  voisines  ne  tardèrent  pas  à  en  reprendre  posses- 
sion. La  tentative  est  cependant  intéressante  à  noter,  car 
elle  émane  d*un  de  ces  hommes  clairvoyants  qui  ont 
voulu  nous  donner  Tempire  des  Indes.  Depuis  que  nous 
avons  acquis  des  droits  sur  Cheikh-Saïd,  nos  marins 
l'ont  visité  à  diverses  reprises.  Je  ne  peux  que  citer  les 
commandants  Alquier,  Bouchey,  Lespès  qui  tous  ont 
conclu  à  son  importance  stratégique  et  économique. 


Cheikh-Sa!d  est  la  vraie  clé  de  la  Mer  Rouge.  Si  réel- 
lement nous  reculons  devant  les  dépenses  qu'entraînerait 
son  installation,  je  maintiens  que  nous  devons  quand 
môme  y  faire  acte  d'occupation,  afin  de  préserver  nos 
droits  pendant  qu'il  en  est  temps  encore.  Nous  nous  féli- 
citerons plus  tard  d'avoir  eu  celte  prévoyance  aujour- 
d'hui. 11  y  a  une  question  de  dignité  nationale  à  ne  pas 
laisser  des  Turcs  semi-barbares  s'installer  sans  vergogne 
sur  notre  propriété.  Les  y  laisser  serait  une  faiblesse 
coupable. 

L'occupation  de  Cheikh-Saïd  n'annoncerait  nulle- 
ment des  intentions  belliqueuses  de  notre  part.  Cheikh- 
Saïd  est  avant  tout  un  point  d'appui  défcnsif.  Le  meilleur 
moyen  d'assurer  la  paix  est  d'être  prêt  à  la  guerre. 
Cheikh-Saïd  la  rendrait  difficile,  impossible  même  dans 
certains  cas,  à  nos  rivaux. 


9t 


ACÏtiS  Dfe  LA  SOGlftpÉ 


M.  le  Ck)n8ul  da  Brésil  remercie  M.  Guitton  d*aToir,  en  termes  s 
heureux,  parlé  de  son  pays.  Il  donne  ensuite  quelques  renseignements 
complémentaires  sur  les  divers  sujets  précédemment  traités. 

Après  quelques  mots  de  remerciement  à  M.  Guitton  et  à  M.  le  Cousu 
du  Brésil,  M.  le  Président  annonce  pour  le  16  Novembre  une  oonférena 
de  M.  J.  Hess  sur  le  Maroc  et  une  de  M.  A.  Durand  sur  la  Turquie  pom 
le  13  Décembre. 

La  séance  est  levée  à  10  h.  1/4. 


Procès-Verbal  de  la  Séance  du  Comité  du  iS  Janvier  £908 


Présidence  de  M.  B.  Dupont,  Président. 


La  séance  est  ouverte  à  8  h.  3/4,  sous  la  présidence  de  M.  Dupont. 

Après  lecture  et  adoption  du  procès-verbal,  M.  P.  Loisean,  Secré- 
taire général,  donne  communication  d*uDe  lettre  de  M.  le  Docteur  Charo^t. 
sollicitant  le  concours  financier  de  la  Société  pour  Texpédition  qu'il  »? 
propose  de  foire  au  Pôle  Sud.  M.  Loiseau  a  répondu  que  le  budgtut  deU 
Société  ne  permettait  pas  de  souscrire. 


Sont  présentas  pour  faire  partie  de  la  S^  ciété 


MM.  U.  Carpentier, 

présenté 

par  MM. 

D'  Le  Nouëne 

» 

M»"  S.  Bouquet 

M"- 

MM.  L.  Langlois 

MM. 

A.  Corbeau 

B.  Bebour 

Bach 

D'  Guillot 

A.  Dubail 

£.  Jallageas 

N.  Danilow 

M»«  Taillemas-Murer 

M^.  E.  ThieulIoDt 

L.  Ribard 

Guitton  et  Boivin. 
V.  Schmitt  et  D'  Dofour. 
Kirscbbaum  et  Souilhac. 
Favier  et  Sauvage. 

E.  Dupont  et  D'  Dufour. 
Boivin  et  Poidvin. 
Danon  et  Guitton. 

D»  Dufour  et  F.  Vanier. 
Lefièvre  et  Frit». 
Bricka  et  Krause. 
Guitton  et  B.  Dupont. 

F.  Vanier  et  Le  Coniac. 
Guitton  et  H.  ThieuUent. 
D'  Dufour  et  Loiseau. 


M.  Bené  Boitier,  Trésorier,  dépose  le  projet  de  budget  de  l^- 
seMiblement  comparable  à  celui  de  1907.  Il  se  balance,  en  reeettee  e< 
dépenses,  à  8.646  francs.  —  Adopté. 


CHEIKâ-SAlD  47 

Orient  et  TOcéan  Indien  deviennent  pour  notre  flotte, 
comme  en  1870,  une  véritable  souricière  où  elle  est  à  la 
merci  des  escadres  ennemies. 

Il  ne  suffit  pas  de  semer,  il  faut  encore  récolter. 
L'eflQgie  de  nos  médailles  sera-t-elle  toujours  l'image  de 
la  vaine  politique  coloniale  de  la  France,  éternelle 
semeuse  qui  jette  aux  quatre  vents  de  la  terre  son  sang 
et  son  or,  sans  jamais  songer  à  assurer  sa  récolle  ? 

D.  Lièvre 

Sous-Intendant  Militaire  des  Troupes  Coloniales 
en  Retraite. 


Ouvrages  reçus  à  la  Bibliothèque  de  la  Secitti 


2»«  Trimestre  1908 


Le  Port  du  Havre,  son  état  actuel  —  Le  nouveau  Projet,  jar  Loais 
BRINDELA.U,  ancien  Maire  du  îlavre.  Député  <le  la  Seine-Inférieure. 
Le  Havre,  1907,  1  broch.  in-4,  90  pp.,  ornée  de  22  grav.,  5  plans  tt 
1  panorama  dans  le  texte  et  hors  texte. 

Pyrénées  (collection  des  guides  Joanne),  par  Paul  Joaxxe.  Pari* 
11K)7,  1  vol.  in-16,  contenant  15  cartes,  17  plans,  6  vues  à  vol  d'inseau 
et  8  panoramas  hors  texte. 

La  Vie  des  grandes  capitales.  Etudes  com{)aratives  sur  LoïKin'»- 
Paris-Berlin,  i)ar  Gaston  Cadoux,  chef  de  service  à  la  Préfecture  de  h 
Beine.  Paris,  1908,  1  vol.  in-10. 

Londres  comme  Je  I*ai  vu,  texte  et  dessins  de  Ch.  HuARD.  Pâr.% 
1908,  1  vol.  in-8. 

L*Rspa(çne  et  le  Portufçal  illustrés,  par  P.  JousSKT.  Paris,  K^- 
1  vol.  in-l,  conttîiiaiit  10  cartes  et  plans  en  oulcurs,  11  cartes  et  pi;.'* 
en  noir,  19  planches  h<»rs  texte,  772  ropri>ductions  photir;iraphi«| »!'•>. 

Voyage  en  Portugal,  par  0.  de  Beauregaud  et  L.  de  FoiCHiEii 
PariM,  190s.  1  vol.  in-l(>,  illustré  de  45  jj^r.v.  et  1  carte  tirées  horiJ  f'-'i^»- 

La  .Suisse  an  \.V'  bioclc.  Etude  économique  et  sociale,  par  Pierv 
Clek(;et.  Paris.  190s,  1  vol.  in-18,  avec  6  cartes  et  p-.iphifpies. 

La  Suisse,  étude  ^^é-oi^^raphique,  démoirraj^hique,  politique,  étvoiu^mi'i^'^ 
et  liis(ori(iuc.  Paris,  1908,  1  vol.  in-4,  illustré  de  vi^niette-s  l'I^n^  '■*^ 
diaj^ranimcs  dans  le  texte  (en  cours  de  publication). 

Lettres  sur  TAIgérie,  1907-1908,  par  le  général  DoxoP.  Paris.  1!^^ 
1  vol.  in-8. 

Sahara  Algérien,  par  E.  F.  Gautier,  chargé  de  cours  à  l'Ecole  s"!"" 
rieurc  des  Lettres  d'Al.t,'cr.  Paris,  1908,  1  vol.  in-8,  avec  66  fig.  et  cartes 
dans  le  texte  et  hors  texte  dont  2  cartes  en  couleurs  et  96  phototypt** 
hors  texte.. 

Les  Oasis  Sahariennes,  Gourara,  Touat,  Tidikelt,  par  A.  G.  P.  Mabtis 
officier  interprète  de  2«  clas«».  Tome  I.  Alger,  1908.  1  vol.  in-î'.  *^ 
12  grav.  et  1  carte. 


OUVRAGES  REÇUS   A   LA   SOCIETE  98 

Tanlfi  et  Kairooan  (Les  Villes  d'Art  colèbrcA),  par  Henri  Saladin. 
Paris,  1908,  1  vol.  iii-8,  orné  de  110  gravures. 

Ao  Japon,  promenades  aux  sanctuaires  de  TArt,  par  (laston  MiOEON, 
conservateur  au  Musée  du  Louvre.  Paris,  1908,  1  vol.  in-16,  illustré  do 
68  grav.  tirées  hoi*s  texte,  repro<luites  d'après  des  photographies,  et 
d'une  carte  dans  le  texte. 

Voyage  au  Thibet  par  la  Mongolie.  De  Pékin  aux  Indes,  par  le  Comte 
de  Lesdain.  Paris,  1908,  1  vol.  in-18,  avec  27  grav.,  2  portraits  et 
2  cartes. 

La  Colombie  Britanniqae.  Etude  sur  la  colonisation  au  Canada,  par 
Albert  Mbtin,  professeur  à  l'Ecole  des  Hautes  Etudes  Commerciales. 
Paris,  1908,  1  vol.  in-8,  avec  20  cailes  et  cartons  cl  33  phototypies 
hors  texte. 

Aax  ECatH-Unifi.  Los  Champs.  Los  AfTaires.  Les  Liées.  })ar  le  Vicomte 
G.  d'Avenp:l.  Paris,  1908,  l  vol.  in-18. 

IVoteH  sur  les  ElatM-Unis.  La  Sixnété.  La  Politique.  La  Diplomatie, 
par  André  Taudieu.  Paris.  1908,  l  vol.  in-12. 

Le  Problème  de  l'Argent  et  l'Etalon  d'or  au  Mexique,  par  Eug. 
ViOLLET,  tlocteur  en  tlroit.  Paris.  1908,  1  vol.  in-8  (Don  tle  l'Auteur). 

Compte  rendu  des  Travaux  do  la  ('hambre  <lc  C^)mmorcc  du  Havre, 
année  1907.  Havre,  1908.  1  vol.  in-8.  (Don  do  M.  lo  Pi'ésid(?nt  de  la 
Chambre  do  Commerce  du  llavrr). 

Compte  rendu  de  la  Sfî^  Session  do  rAsso<'iation  fitinç:iiso  pour  l'avan- 
ccmeiit  des  Sciences.  Reims,  1907,  Notes  et  dcK'uments.  Paris,  lîKW, 
1  vol.  in-8,  avec  grav.  v.i  carios  dans  1(;  t(îXto  et  hors  textes 

Chambre  de  Commerce»  Trancaisc  de  Montevideo,  2îî^  Anni%-er- 
Haire,  18^2-1907,  Montevideo,  1907,  1  vol.  in-8,  avec  gravures,  cartes 
et  plans  hors  texte  et  gi-avures  «lans  le  texte.  (Don  de  M.  le  Prési»lent 
de  la  Chambre  de  Ojmmerce  trançaise  de  Montevideo). 

Carte  de  l'Amérique  du  Sud  eccléfilastique,  au  9.000.000^  1  feuille 
en  couleurs,  publiée  par  le  Journal  ce  Les  Missions  Catholiques  >. 
Lyon,  1908. 

Atlas  géographique,  économique  et  hlHtorlqne  de  la  8niiise. 

Paris,  1908, 1  vol.  in-8,  com[)renant  43  cartes  (en  cours  de  publication). 


Centre  de  Colons  Normands  en  Aliérie 


Nous  avons  annoncé,  il  y  a  quelques  mois,  que  le 
Gouvernement  général  de  T Algérie  avait  réservé,  dans 
le  village  en  création  de  Waldeck-Rousseau  (dépai*tenient 
d'Oran),  huit  concessions  gratuites  de  cinquante  hecUr» 
à  des  familles  d'Agriculteurs  normands  i>résentées  par 
la  Société  la  France  Colonisatrice  de  Rouen. 

Ce.\U\  Société  a  revu  beaucoup  plus  de  demandes 
qu*il  n'y  avait  de  concessions  disponibles,  aussi,  devant 
ce  succès,  va-t-(»lle  engager  des  pourparlers  avec  le  Gou- 
vernement général  de  l'Algérie  pour  que  de  nouvelles 
concessions  soit  réservées  à  des  Normands,  soit  à  Wal- 
deck-Rousseau, soit  dans  le  village  voisin  de  Hardy. 

On  peut  se  procurer  gratuitement  tous  renseigne- 
ments sur  la  colonisation  en  Algérie  en  s*adressaut  à  la 
France  Colonisatrice,  1,  Place  Verdrel,  Rouen. 


Imprimerie  Aug.  GODEFROY  Si  Frère.  2J,  Qiuii  (rOrléans  —  HaVBS 


Sooictc 

4ypv/%»x^v^  3»*  Triiiiostir  1008 

de 

Géographie 

Commerciale 

du  Havre 


fiuiiiiETin 


HAVKi:; 


i:;: 


SOMMAIRE 

Paquebots  Transatlantiques   et   Ports  Français,  I,  par 

Louis  HniNDEAU î»7 

Des  Paysages  du  Lot  aux  IVionuments  de  Toulouse,  par 

Jean  Fourgous i2.'» 

Bibliographie 155 

Ouvrages  reçus  à  la  Bibliothèque  de  la  Société i-19 


I^£îXJIS^IOITS 

Les  Réunions  du  Comité  ont  lieu  le  4""^  mercredi  de  chaque 
mois,  excepté  pendant  les  mois  d*août  et  septembre. 

Tous  les  membres  de  la  Société  peuvent  y  assister. 


BIBLIOTKÈQXJE 

La  Bibliothcque  de  la  Société  est  ouverte  tOUS  leS  SOirS 

excepté  les  dimanches,  jours  fériés  et  demi-fériés,  de  6  h.  i. 
à  7  h.  1  2  et  de  8  h.  i  2  à  n>  h. 


Touirs  /'S    ofN//uun\'ii//nfis  .7  /.'//5  /rs  renseignements  doivent  it^ 
*iiire.<s*'.s  au  Secrétaire  cn'f.'crj/. 


SOCIÉTÉ  -^f 


DE 


GEOGRAPHIE  COMMERCIALE 

r>xj    H-A^-V-RE 


><>f^>. 


PAQUEBOTS   TRANSATLANTIQUES 

ET  PORTS  FRANÇAIS  (*> 


Mesdames,  Messieurs, 

Je  remercie  tros  vivement  M.  Dupont,  Président  de 
la  Société  de  Géographie  Commerciale  du  Haçre,  de  ses 
aimables  paroles.  Je  n'ai  d'autre  mérite  en  Tespèce  que 
celui  d'avoir  été  appelé,  depuis  1898,  à  examiner  tout  spé- 
cialement la  question  des  services  transatlantiques  entre 
I^  Havre  et  New-York.  A  cette  époque,  nous  eûmes  à 
soutenir  une  lutte  très  vive  contre  les  représentants  du 
port  de  Brest.  Cette  lutte,  nous  pûmes  l'aflronter  grâce 
aux  renseignements  qui,  à  côté  de  nos  recherches  per- 
sonnelles, nous  lurent  fournis  par  des  capitaines  au 
long-cours  et  par  la  Chambre  de  Commerce  du  Havre. 


(1)  Conférence  faite  devant  la  Société  de  Géographie  Commer- 
ciale du  Havre,  le  15  Mai  1UU8. 

mwàci  DM  aAoaBAFHm  —  s»*  trim.  1908.  1« 


98    PAQUEBOTS   TRANSATLANTIQUES   ET   PORTS   FRANÇAIS 

Mais  il  était  évident  dès  celte  époque  que  les  BresUtis, 
qui  n'ont  jamais  désarmé,  ne  se  résignei'aient  pas  à  leur 
défaite  et  saisiraient  la  prochaine  occasion,  cVst-à-dire  le 
renouvellement  des  conventions  postales  en  19H,poDr 
tenter  de  prendre  leur  revanche. 

Nous  avions  à  cette  époque  comme  principal  adTe^ 
saire  M.  Pichon,  alors  député,  aujourd'hui  sénateur  di 
Finistère.  M.  Pichon  est  actuellement  le  membre  le  plus 
agissant  du  Comité  Brest-Transatlantique  qui  déploie  « 
ce  moment  une  si  grande  ardeur  en  vue  de  lechéance 
que  je  vous  signalais,  dans  une  propagande  incessante. 
Nous  avons  pensé  qu'il  était  indispensable,  en  présenef 
de  cette  attitude  belliqueuse,  de  ne  reculer  devant  ancuD 
effort  pour  déjouer  la  tactique  de  nos  adversaires.  Il  m* 
semblé  que  ces  ellbrts  étaient  d'autant  plus  nécessaires. 
qu'en  1898,  sur  un  amendement  d'ajournement  présenta 
devant  la  Chambre,  nous  n'avions  recueilli  que  30  voix 
de  majorité.  Il  est  vrai  —  comme  cela  se  passe  toujours - 
que  la  majorité  s'est  accrue  considérablement  ensuite. 
mais  cela  nous  avait  fait  légèrement  frissonner,  etjai 
estimé  depuis  cette  époque  qu'il  convenait  de  rassembler 
les  faits,  documents  et  arguments  qui  pourraient  ultérieu- 
rement servir  de  base  à  notre  défense.  Depuis,  j'ai  p<?n=^ 
également  qu'il  fallait,  pour  présenter  au  Parlement  àcî 
raisons  précises  et  décisives,  nous  renseigner  dans  le? 
ports  étrangers  transatlantiques  et  aussi  nous  livrt^r  a 
une  étude  complète  et  minutieuse  de  la  situation  et  àt 
l'état  des  ports  français  qui  prétendent  nous  ravir  la  hp^ 
de  New-York.  J'avais  en  effet  constaté,  au  moment  de  1* 
discussion  de  1898,  que  ce  qui  faisait  en  grande  partie  U 
faiblesse  de  nos  adversaires,  c'est  qu'ils  parlaient  J^ 
port  du  Havre  sans  le  connaître,  qu'ils  avaient  comfflï-* 
de  nombreuses  erreurs  :  les  renseignements  dont  nous 
nous  étions  entourés  nous  avaient  permis  de  les  signai*'' 


PAQUEBOTS  TRANSATLANTIQUES  ET  PORTS  FRANÇAIS    99 

et  d'éviter,  en  ce  qui  concerne  les  autres  ports,  d*encourir 
les  mêmes  reproches. 

A  Brest,  et  aussi,  si  je  suis  bien  renseigné,  à  Cher- 
bourg et  à  Saint-Nazaire,  on  s'est  quelque  peu  agité  à 
l'occasion  du  projet  concernant  l'agrandissement  du  port 
du  Havre.  Vous  savez  que  ce  projet  a  été  déposé  au  mois 
de  décembre  dernier  par  M.  Barthou,  mais  il  en  était 
question  depuis  un  certain  nombre  de  mois. 

Nos  adversaires  n'avaient  pas  manqué  de  suivre  pas 
à  pas  toutes  les  étapes  de  la  question  :  votes  de  la  Cham- 
bre de  Commerce,  du  Conseil  Municipal,  du  Conseil 
Général  et  semblaient  disi>oscs  k  faire  oi)position  au  vote 
de  ce  projet.  C'est  dans  ces  conditions  que  la  Société  de 
Géographie  Commerciale  de  Paris  me  pria,  au  mois  de 
Janvier,  de  faire  une  conférence  sur  le  port  du  Havre  et 
la  grande  navigation.  J'acceptai  avec  empressement  :  j'y 
trouvai  une  occasion  de  faire  justice  des  erreurs  et  des 
légendes  que,  depuis  trop  d'années,  on  a  accumulées 
dans  la  presse  ou  ailleurs,  autour  du  port  du  Havre. 

Dans  cette  conférence,  je  m'attachai  principalement 
à  faire  valoir  d'une  façon  générale  l'importance  considé- 
rable du  Havre  au  point  de  vue  maritime  et  commercial, 
l'importance  de  sou  marché  et  aussi  l'excellence  de  sa 
situation  au  point  de  vue  des  relations  transatlantiques 
avec  rAuiérique  du  Word.  J'indiquai  enfin  les  améliora- 
tions qui  résulteront  de  l'achèvement  du  programme  de 
1893  et  de  l'exécution  du  nouveau  projet. 

Je  n'ai  pas  l'intention  de  vous  faire  une  conférence 
identique.  Il  y  a,  dans  un  pareil  sujet,  énormément  de 
choses  qu'il  est  inutile  de  dire  devant  des  Havrais.  Je 
n'ai  pas  à  vous  faire  visiter  notre  propre  port,  à  faire 
passer  sous  vos  yeux  les  évolutions  des  grands  navires 
dans  notre  avant-port  et  les  bassins.  Tout  cela  était  indis- 
pensable à  montrer  dans  d'autres  milieux,  mais  pas  ici. 


56  FRANÇAIS   ET   ALLEMANDS    SUR   LE    BOSPHORE 

maintenir  leur  réputation  aux)rès  de  la  clientèle  minorité, 
qui  peut  leur  faire  espérer  encore  un  chiffre  respectable 
d'affaires. 

Quant  aux  maisons  françaises  dont  le  matériel  peut 
produire  des  marchandises  inférieui*es,  à  un  prix  très 
bas,  elles  ne  devraient  pas  hésiter  à  entrer  en  lutte  de 
bon  marché  avec  les  produits  étrangers,  en  indiquant  que 
les  leurs  3ont  bien  d'origine  française,  et  pour  cela, 
leur  donner  Ta  Hure,  le  coloris,  Textérieur,  en  un  mot, 
tout  ce  que  notre  goût,  notre  art  français,  peut  imaginer  ; 
mais,  non  pas,  comme  je  Tai  vu,  sous  prétexte  de  bon 
marché,  copier  les  produits  anglais  ou  allemands,  qui  ne 
sont  d'ailleurs  eux-mêmes  qu'une  mauvaise  copie  des 
nôtres,  de  notre  fabrication  nationale  !  (Applaudis- 
sements). 

Nous  aurions  donc  ainsi,  des  chances  de  reconquérir 
notre  clientèle  majorité  qui  passe,  petit  à  petit,  chez  les 
Allemands,  dont  on  ne  doit  pas  cependant  méconnaître 
l'unité  de  vue,  l'énergie,  la  ténacité,  la  force  de  volonté 
et  qui,  grâce  à  l'activité  de  leur  Ambassade,  ont  obtenu 
des  succès  sans  précédents,  que  j'ai  bien  été  obligé  de 
constater. 

Voulez-vous  me  permettre  de  faire  une  petite  paren- 
thèse pour  vous  dire  la  façon  dont  on  est  reçu  h  l'ambas- 
sade de  France  à  Constantinople  et  à  l'ambassade  d'Alle- 
magne à  Paris  ? 

Voici.  Avant  de  partir  en  Turquie,  je  suis  allé  à  l'am- 
bassade d'Allemagne  à  Paris;  je  me  suis  présenté  comme 
commis-voyageur  pour  les  vins,  demardant  à  entrer  en 
relations  avec  des  maisons  allemandes.  Je  me  suis  adressé 
à  l'huissier,  j'ai  tait  passer  ma  carte,  et  deux  minutes 
après,  j'étais  auprès  du  Consul,  un  homme  charmant, 
(enchanté  de  voir  un  Français),  qui  m'a  donné  47  adresses. 
Il  m'a  dit  :  écrivez  à  mes  compatiûotes,  Monsieur,  et  dites- 


\ 


FHANÇAIS   ET   ALLEMANDS   SUR    LE   BOSPHORE  37 

leur  bien,  que  vous  êtes  envoyé  de  la  part  du  Consul  en 
résidence  à  Paris. 

J'allais  me  retirer,  quand  il  fit  appeler  un  jeune 
secrétaire,  qui  me  remit  47  timbres-poste  allemands,  pour 
mettre  dans  chacune  de  mes  lettres,  afin  d  avoir  la  certi- 
tude de  réponses.  Je  crois,  Messieurs,  que  Ton  pourrait 
donner  cette  indication  au  quai  d'Orsay,  et  ce  ne  serait 
peut-être  pas  téméraire  ! 

Voulez-vous  que  nous  passions  à  Tambassade  de 
France  à  Constantînople  ?  Ce  n'est  pas  la  même  chose. 

J'ai  trouvé  un  huissier  grincheux,  qui  m'a  mal  reçu 
et  m*a  dit  qu'on  trouvait  le  secrétaire  le  matin  à  partir  de 
9  heures.  Je  suis  revenu  le  lendemain  à  9  heures,  on  m'a 
dit  qu'il  viendrait  à  midi  seulement,  car  il  était  allé  au 
bal  la  veille  et  il  était  fatigué.  Très  méccmtent,  j'y  suis 
retourné  le  lendemain  à  10  heures.  J'ai  attendu  au  moins 
3  4  d'heure.  J'étais  tout  seul,  et  si  nous  avions  été  toute 
la  salle,  nous  y  serions  encore  !  (Rires,  applaudisse- 
ments). 

J'ai  fini  par  être  reçu,  mais  dès  que  j'ai  parlé  d'af- 
faires, on  m'a  renvoyé  au  président  de  la  Chambre  de 
Commerce,  à  l'aimable  et  distingué  M.  Giraud,  près 
duquel  on  est  toujours  sûr  de  trouver  d'excellents  ren- 
seignements. 

Mais  tout  en  étant  Président  de  la  Chambre  de 
Commerce,  il  est  aussi  négociant,  et  il  a  «l'autres  choses 
à  faire  que  de  s'occuper  des  intérêts  de  tout  le  monde. 

J'ai  ensuite  demandé  au  chargé  d'affaires  de  l'am- 
bassade de  vouloir  bien  me  faciliter  d'assister  à  la  prière 
du  sultan.  Aller  à  Constantinople  et  ne  pas  voir  le  «  Se- 
lamlik  »,  c'est  venir  à  Paris,  sans  voir  la  tour  Eiffel. 
J'insistai  donc  pour  voir  le  «  Selamiik  u.  Ce  haut  fonc- 
tionnaire parut  très  contrarié  d'une  prétention  pareille. 
Monsieur,  c'est  inutile,  me  dit-il,  vous  êtes  ici  de  passage... 


58  FRANÇAIS  ET   ALLEMANDS   SUR    LE   BOSPHORE 

J'insistai. . .  Il  me  dit  alors  qae  je  ne  pourrais  assister  à 
cette  cérémonie  que  si  j'avais  un  chapeau  haut  de  forme. 
—  Je  suis  voyageur  répondis-je  et  je  n'ai  apporté  ni 
habit,  ni  chapeau  haut  de  forme  ;  nous  ne  sommes  plus 
à  l'époque  où  il  fallait  des  habits  de  cour,  et  je  n'ai 
pas  d'habit  de  cour  !  —  C'est  comme  cela,  me  dit-il,  sur 
un  ton  qui  ne  permettait  pas  de  réplique,  si  vous  n*avez 
pas  de  chapeau  haut  de  forme,  vous  ne  serez  pas  reçu  ! 
(J'étais  très  embarrassé).  Il  ajouta  :  Vous  n'avez  qu'à  aller 
en  louer  un  à  Péra  (Péra  est  le  quartier  aristocratique 
de  Constantinople,  comme  ici  votre  grande  avenue). 

Voyant  que  je  n'allais  pas  obtenir  la  permission 
d'assister  à  la  prière  du  sultan,  je  lui  promis  de  chercher 
un  chapeau  haut  de  forme  !  Je  n'ai  rien  cherché,  et,  je 
me  suis  présenté  le  Vendredi  avec  le  colonel  Chanzy, 
qui,  comme  moi  était  en  chapeau  rond. 

Les  anglais  et  les  allemands  étaient  en  cyclistes frims) 
c'est  vous  dire  combien  ces  procédés  d'une  autre  époque 
deviennent  enfantins. 

Il  faut  que  nous  le  disions  bien  haut  partout,  ces 
messieurs  des  ambassades  et  des  consulats  s  occupent  un 
peu  trop  d'eux  et  non  pas  de  nous,  voyageurs  et  négo- 
ciants! (applaudissements). 

Je  vous  avoue  que  dans  ma  poche,  j'avais  toutes  les 
lettres  nécessaires  pour  me  faire  ouvrir  toutes  les  portes  ; 
mais  je  voulais  avoir  la  satisfaction  de  me  rendre  compte 
comment  nos  voyageurs*,  sans  recommandation,  seraient 
reçus  à  Constantinople.  Par  conséquent,  je  vous  en  prie, 
Messieurs,  si  vous  envoyez  vos  agents  là-bas,  munissez- 
les  de  lettres  de  recommandations,  sans  cela  ils  ne  feront 
rien,  et. . .  faites-leur  emporter  un  chapeau  haut  de  forme, 
pour  faire  plaisir  au  chargé  d'affaires. . .  ! 

Je  reviens  aux  allemands.  Leurs  voyageurs  parcou- 
rent en  tous  sens  les  contrées  nouvelles,  présentent  sans 


FRANÇAIS   ET   ALLEMANDS   SUR    LE   BOSPHORE  DU 

cesse  de  nouveaux  échantillons,  prenant  des  notes  sé- 
rieuses sur  les  besoins,  les  goûts,  les  prix,  les  conditions 
économiques  du  pays  visité.  Partout,  ils  étudient  les 
étofles,  les  tissus,  les  dessins  ;  ils  achètent  des  modèles 
qu'ils  envoient  en  Allemagne  où  ils  sont  copiés  immé- 
diatement et  envoyés  en  étolTes  similaires.  J'aurais  voulu 
vous  apporter  des  échantillons  d'étoflcs  présentés  par 
certaines  maisons  allemandes.  Ces  étoffes  sont  vendues 
de  la  façon  suivante  :  (montrant  une  feuille  de  papier) 
supposez  un  morceau  d'étolfe  de  cette  épaisseur,  l'échan- 
tillon est  i)lié  de  cette  façon,  les  côtés  1  et  3  rabattus,  ce 
qui  fait  4  épaisseurs  qui  sont  reliées  de  telle  sorte,  que 
le  bon  client  turc  qui  touche  cette  étoffe,  formant  4  épais- 
seurs, (que  ce  soit  du  drap,  de  la  flanelle  ou  de  l'indienne), 
croit  faire  une  bonne  afiaire. 

J'ai  en  ma  possession  de  ces  échantillons  ;  ils  sont 
pressés  au  moyen  d'un  fer  chaud,  et  très  serré. 

L'indigène,  le  Turc,  la  clientèle  de  ces  régions  achète 
l  étoffe  présentée  de  cette  façon,  et  tout  naturellement 
quand  elle  arrive,  elle  n'a  plus  qu'une  épaisseur.  C'est 
une  tricherie,  et  si,  concurremment,  vous  envoyez  vos 
employés  avec  un  échantillon  similaire,  mais,  plié  loya- 
lement, tout  naturellement,  vous  aurez  le  dessous. 

Ces  étofles,  renvoyées  en  Allemagne,  copiées  et  pré- 
sentées par  les  voyageurs  allemands,  sont  vendues  meil- 
leur marché,  et,  avec  le  métrage  et  la  largeur  usités  dans 
le  pays. 

Je  ne  dois  pas  non  plus  oublier  de  vous  indiquer  la 
grande  régularité  des  maisons  allemandes  dans  leurs 
livraisons  et  aussi  la  facilité  de  crédit  qu'elles  accordent. 
Je  ne  sais  pas  où  ils  trouvent  de  l'argent,  mais  ils  font 
jusqu'à  9  mois  de  crédit. 

Ils  ont  l'habitude  de  livrer  leurs  produits  franco-bord 
Beyrouth, Constantinople,  Smyrne,  Alexandrie,  etc.,  alors 


104   PAQUEBOTS   TRANSATLANTIQUES   ET    PORTS    FRANÇAIS 

jours  qui  suivirent  la  Révolution  de  1830,  quand  Dumont- 
d'Urville  fut  envoyé  à  la  recherche  d  un  navire  pouvant 
transporter  Charles  X  en  Angleterre,  il  vint  au  Havre  et 
s'adressa  à  des  consignataires  de  navires  américains  ;  ce 
sont  deux  navires  de  ce  type  :  le  Charles-Carrol  et  le 
Great'Britain,  qui  conduisirent  de  Cherbourg  à  Ports- 
mouth  le  vieux  roi  et  sa  suite.  Ces  navires  eurent  pour 
successeurs  ceux  du  type  «  clipper  »,  mais  avant  de  vous 
en  présenter  un  spécimen  je  vais  vous  montrer  un  vété- 
ran de  TAtlantique  dont  la  présence  sur  ce  tableau  n  est 
peut-être  pas  déplacée,  bien  qu'il  n'ait  pas  été  attaché 
effectivement  à  la  navigation  du  port  du  Havre. 

Ce  navire  est  le  Savannah,  qui  avait  été  construit  à 
New-York  en  1818  pour  ôtre  mis  en  service  sur  Le  Havre. 
Mais  des  industriels  ingénieux  pensèrent  qu'il  fallait 
tenter  sur  l'Océan  ce  qui  avait  été  essayé  pour  de  petites 
distances,  sur  les  fleuves  et  sur  les  bras  de  mer,  et  Ton 
décida  à  transformer  ce  voilier  en  navire  à  vapeur.  On 
installa  une  machine  au  milieu,  on  le  munit  de  tambours 
et  de  roues,  on  passa  un  arbre  de  couche  sur  le  pont  et 
l'on  y  planta  une  cheminée.  Il  partit  de  New-York  en 
1819  pour  Liverpool  et  fit  sa  traversée  partie  à  la  voOe  et 
partie  à  la  vapeur.  On  dit  même  que  le  capitaine,  crai- 
gnant de  manquer  de  charbon,  abusa  de  la  voile.  Il  mit 
17  ou  18  jours  pour  atteindre  Liverpool.  Son  arrivée  en 
Europe  produisit  une  sensation  extraordinaire.  Il  ne  se 
contenta  pas  d'aborder  à  Liverpool  :  son  capitaine,  qui 
ne  connaissait  guère  d'obstacle,  voulut  pousser  jusqu'à 
Cronstadt,  sachant  l'empereur  de  Russie  très  passionné 
pour  les  choses  de  la  mer.  L'armateur  américain  et  le 
capitaine  espéraient  qu'il  leur  offrirait  un  riche  cadeau  : 
peut-être  leur  fit-il  éprouver  quelque  déception  lorsqu'il 
leur  fit  don  d'une  énorme  chaîne  de  fer  d'un  poids 
formidable... 


IfRANÇAIâ   ET   ALLEMANDS   SUR   LE   BOSPHORE  61 

Eh  bien  !  je  ne  comprends  pas  cette  façon  de  faire. 
Cet  industriel  n*est  pas  le  seul,  hélas  ! 

D'autres  dé  nos  compatriotes  m'ont  dit  :  on  a  fait 
quelques  pertes  d'argent  en  Turquie,  qui  nous  ont  refroi- 
dis joliment. 

Il  est  évident  que  si  on  a  une  mauvaise  clientèle,  on 
arrive  à  perdre  de  l'argent. 

Voici,  à  ce  sujet,  ce  que  m'a  dit  un  honorable  et  dis- 
tingué Français,  établi  depuis  longtemps  à  Galata  : 
Quand  trois  citoyens  français  viennent  me  trouver  pour 
me  demander  des  renseignements  sur  M.  X...  habitant 
Constantinople  et  que  je  leur  dis  :  ce  monsieur  est  mau- 
vais au  point  de  vue  paiement  ;  eh  bien  I  ces  trois  Fran- 
çais luttent  entre  eux  pour  le  fournir  quand  même,  de 
sorte  que,  au  point  de  vue  aifaires,  ils  arrivent  à  un 
chiffre  d'affaires  ;  mais  non  pas  à  un  chiflre  de  paiement, 
d'où  pertes  ! 

Chaque  fois  que  je  dis  à  un  de  nos  compatriotes,  ajouta- 
t-il,  n'allez  pas  dans  cette  maison,  c'est  dangereux,  il  y  va! 

Il  y  a  là.  Messieurs,  une  mentalité  qui  nous  est  par- 
ticulière et  qu'il  faudrait  absolument  corriger. 

Je  vais  à  présent,  Messieurs,  vous  donner  un  exem- 
ple de  la  lutte  commerciale  entre  la  France  et  TAlle- 
magne.  Il  s'agit  de  plusieurs  millions. 

A  mon  dernier  voyage  à  Constantinople,  je  pensais 
voir  le  commencement  de  la  construction  du  pont  de 
Karakeuil,  pont  qui  se  trouve  entre  Stamboul,  quartier 
turc,  et  Galata,  quartier  commercial.  Ce  pont  sert  à 
franchir  «  La  Corne  d'Or  ».  Il  est  large  comme  le  pont 
Alexandre  III,  à  Paris,  et  3  à  4  fois  plus  long. 

11  devait  être  construit  par  une  des  plus  grosses 
maisons  françaises  métallurgiques  (je  ne  puis  pas  dire  le 
nom).  Ëh  bien  !  Messieurs,  ce  n'est  pas  cette  maison  qui 


62  FRANÇAlë   ET   ALLEMANDS   SUR   LE   BOSPHORE 

le  construira  !  Les  Allemands  ont  d'abord  fait  mettre  des 
bâtons  dans  les  roues,  et,  bien  que  le  contrat  fût  signé, 
le  marché  subit  un  moment  d'arrêt  ;  finalement,  il  fut 
rompu,  pour  être  repris  par  le  gouvernement  allemand 
qui  va  assurer  cette  construction  gigantesque. 

Je  sais  bien  qu'en  échange,  on  nous  a  donné  la 
construction  d'une  douzaine  de  torpilleurs  de  hauter  mer, 
que  cette  commande  est  peut-être  supérieure  de  3  ou  4 
millions,  à  la  construction  du  pont  ;  mais  quelle  réclame 
pour  les  Allemands  !  Qui  a  fait  ce  pont,  ces  piles,  ce 
garde-fou,  ces  trottoirs?  Toujours  les  Allemands,  et  je 
suis  persuadé,  que  lorsque  ces  fameux  torpilleurs,  seront 
amarrés  au  quai  ou  aux  piles  de  ce  pont,  on  dira  que  ce 
sont  les  Allemands  qui  les  ont  construits  et  fournis. 
N'est-ce  pas  la  fatalité  ! 

Enfin,  tout  récemment,  TAllemagne  vient  de  rem- 
porter une  victoire  éclatante  en  obtenant  la  concession  de 
rirrigation  et  de  la  canalisation  du  lac  de  Bey-Chéir.  Ils 
vont  encore  dépenser  10.000.000  de  marks  lancés  par  la 
a  Lander  Bank  »  de  Berlin.  Ce  terrain  est  énorme  et 
formera  une  véritable  Limagne  asiatique.  L'étude  de  ce 
projet  remonte  à  quelque  dix  ans.  Personne  ne  s'en  occu- 
pait plus  ;  tout  d'un  coup. .  .fini. .  .signé.  Et. .  .à  l'œuvre! 

Nous  n'avons  pas  la  foi  en  France,  nous  ne  voulons 
pas  lutter,  c'est  un  reproche  que  je  me  permets  de  vous 
faire  amicalement;  les  Allemands  sont  partout,  sinon  les 
plus  forts,  du  moins  les  plus  malins,  tant  mieux  pour 
eux.  Ils  agissent.  Nous,  nous  regardons  I 

Ainsi,  sans  aller  bien  loin,  regardez  sur  les  grands 
boulevards  (vous  êtes  tous  Havrais,  mais  un  peu  Parisiens) 
avez- vous  vu  autre  chose  qu'une  enseigne  étrangère  ? 
des  enseignes  en  anglais,  en  allemand  partout,  rarement 
en  français.  Et  moi,  le  premier,  je  dois  ici  me  confesser, 
j'ai  acheté  des  chaussures  anglaises,  dans  un  magasin 


FRANÇAIS  ItT  ALLEMANDS  SUR   LE  BOSPHORE  63 

anglais^  servie  par  un  personnel  anglais,  et,  quelle  n'a 
pas  été  ma  stupéraction,  quand  il  y  a  quelques  jours,  j*ai 
appris,  que  ces  chaussures  anglaises,  étaient  fabriquées 
...à  Limoges  (rires).  Depuis  ce  temps,  je  me  demande  si 
elles  sont  d*aussi  bonne  qualité,  que  lorsque  je  les  croyais 
fournies  par  une  fabrique  anglaise  !  N'est-ce  pas  typique  ? 
(applaudissements,  rires). 

Messieurs,  je  sais  que  la  semaine  dernière  on  vous 
a,  ici  même,  longuement  et  éloquemment  parlé  du  chemin 
de  fer  de  Bagdad.  Je  n'y  reviendrai  pas  ce  soir,  je  vous 
dispenserai  de  cette  corvée  !  Mais  il  est  cependant  néces- 
saire de  vous  dire  quelque  chose,  en  trois  mots.  La 
question  du  chemin  de  fer  de  Bagdad  est  mal  posée  en 
France,  non  pas  ici,  dans  ce  milieu  de  savants  et  d'in- 
dustriels ;  mais  dans  le  peuple. 

Dans  une  conférence  que  je  faisais,  il  y  a  quelques 
mois,  devant  des  Allemands,  je  leur  ai  dit  :  ou  nous 
traduisons  mal  vos  journaux,  ou  vos  journaux  disent  des 
choses  qui  ne  sont  pas  exactes.  En  effet,  dans  le  gros 
public,  j'ai  fait  des  conférences  à  Paris,  dans  le  faubourg 
Saint-Antoine,  àBelleville,  à  Montmartre,  etc.,  et  d'après 
les  questions  qui  m'ont  été  posées,  j*ai  constaté  que  ces 
gens-là  croient,  d'après  les  traductions  des  journaux,  que 
le  gouvernement  allemand  est  en  instance  de  concession 
du  chemin  de  fer  de  Bagdad  et  que  cette  concession  dépend 
du  gouvernement  français  ;  que  le  gouvernement  français 
ne  s'en  occupant  pas,  de  là  fut  décidée  la  visite  de  l'em- 
pereur d'Allemagne  au  Maroc,  pour  nous  y  créer  des 
difficultés. 

Ce  n'est  pas  cela  du  tout  ;  les  Allemands  ont  parfai- 
tement la  concession  du  chemin  de  fer  de  Bagdad  ;  mais 
ils  ont  besoin  de  480  millions  pour  le  finir  et  ils  veulent 
faire  passer  les  titres  allemands  —  par  l'Angleterre 
peut-être  —  sur  le  marché  français. 


64  FRANÇAIS  ET   ALLEMANDS   SUR   LE   BOSPHORE 

Comment  les  avons-nous  accueillis?  vous  le  savez 
tous  aussi  bien  que  moi.  De  là,  peut-être,  cette  visite  de 
Tempereur  d* Allemagne  au  Maroc. 

Si  les  Allemands  veulent  480  millions,  je  ne  demande 
pas  mieux  que  notre  pays  les  leur  prête,  cela  ne  me  gênera 
personnellement  pas  beaucoup  ;  mais  il  y  a  des  conditions 
à  débattre,  desquelles  nous  pourrions  profiter.  C'est  une 
alla  ire,  dans  toute  Tacception  du  mot,  qui  dérive  de 
roflre  et  de  la  demande. 

Voilà  exactement  ce  qu'est  la  question  du  chemin  de 
fer  de  Bagdad.  Il  y  a  là-bas  un  travail  formidable,  pour 
lequel  il  faut,  en  effet,  cette  somme  fabuleuse  de  480  mil- 
lions. 

Messieurs,  fen  ai  fini.  JT aperçois  des  Jeunes  yens 
qui  me  font  signe  que  les  projections  seraient  moins 
abstraites  et  je  vaisj"  arriçer;  mais  je  coudrais  dire 
deux  mots  de  ^Alliance  française,  car,  c'est  en  partie,  à 
TAlliance  française,  que  nous  devons  de  trouver  partout 
en  Orient,  des  gens  qui  parlent  le  français.  Cette 
Œuvre  formidable  a  plusieurs  buts  : 

/°  Celui  de  faire  connaître  et  aimer  notre  langue 
par  les  indigènes  ; 

2^  De  prolonger  au-delà  des  mers,  la  race  française 
dont  la  langue  devrait  être  <r  Vesperanto  mondial  d  ; 

3"  D'être  aVec  les  amis  de  la  France,  quelle  que  soit 
leur  race,  leur  nationalité  et  leur  culte. 

Messieurs,  ily  a  à  Paris,  boulevard  St-Germain, 
au  Siège  de  Z'AUiance  française,  des  cours  oà  Von 
apprend  le  français,  et  ilj'  a  eu,  cette  année,  84  y  élèves, 
de  toutes  les  nationalités  possibles.  J'y  ai  vu  des  Alle- 
mands, des  Américains,  des  Argentins,  des  Brésiliens, 
des  Uruguayens,  et  même  un  Persan.  Les  deux  prix 
d'honneur  ont  été  remportés  par  deux  jeunes  fiU^s 
russes,  c'est  logique! 


PAQUEBOTS  TRANSATLANTIQUES  ET  PORTS  FRANÇAIS   409 

plus  souvent  au  milieu  d'écueils,  une  petite  porte,  c'es^ 
à-dire  le  goulet  par  où  il  pourra  pénétrer  dans  son  port 
de  destination. 

Si  vous  voulez  me  permettre,  je  prendrai  à  cet  égard 
une  comparaison  un  peu  vulgaire.  Je  fais  abstraction  des 
fonds  et  des  écueils  en  ce  moment.  Je  suppose  que  vous 
vous  trouviez  sur  une  place  très  vaste  et  que  vous  soyez 
subitement  surpris  par  un  de  ces  brouillards,  où  Ton  n'y 
voit  pas  à  deux  mètres  devant  soi.  Si  vous  cherchez  à 
pénétrer  dans  une  rue  très  large,  il  vous  sera  relative- 
ment facile  de  ne  pas  manquer  le  passage.  Mais  au  lieu 
de  cela,  si  étant  sur  cette  même  place  vous  vous  efforcez  de 
trouver  la  porte  d'une  des  maisons  que  vous  présumez  en 
face  de  vous,  il  est  certain  que  vous  aurez  beaucoup  plus 
de  mal  pour  réussir  et  que  vous  aurez  môme  toutes  les 
chances  pour  la  manquer. 

L'examen  des  cartes  marines,  au  point  de  vue  des 
profondeurs  et  de  la  nature  des  fonds,  et  la  lecture  des 
Instructions ^  Nautiques  sont  tout  aussi  convaincants. 
Lorsqu'on  arrive  à  environ  40  milles  de  la  côte  d'Irlande, 
les  fonds  s'élèvent  brusquement.  Ils  passent  de  300  à  250 
et  200  mètres,  puis  l'on  pénètre  dans  une  ligne  de  fonds 
de  150  mètres.  On  arrive  ainsi  à  la  ligne  de  fonds  de 
100  mètres.  Bien  qu'elle  soit  beaucoup  plus  sinueuse,  la 
nature  des  fonds  peut  donner  des  indications  qui  se  pré- 
cisent aux  approches  des  Sorlingues.  Les  Instructions 
Nautiques  concluent  ainsi  pour  l'atterrissage  en  Manche 
par  temps  brumeux  :  «  La  comparaison  des  résultats  ainsi 
obtenus  avec  les  indications  de  la  carte,  combinés  avec 
les  renseignements  de  l'estime  fournira  aux  navigateurs 
tous  les  éléments  voulus  pour  coimaitre  leur  position  avec 
une  précision  suffisante.  »  Du  reste,  un  officier  très  dis- 
tingué, M.  Lendormy-Trudelle,  qui,  pendant  longtemps, 
commanda    successivement  plusieurs    paquebots  trans- 


110  PAQUEBOTS  TRANSATLANTIQtJE»  fiT   FORTS  FRANÇAIS 

atlantiques  entre  Le  Havre  et  New-Yorfc,   actoeil 
pilote-major  de  notre  port,  a  fait,  sur  la  navigation 
Le  Havre  et  New-York,  par  temps  de  brume,  des  tra 
excessivement  intéressants.  Dans  une  brochure  demei 
célèbre,  il  a  indiqué  notamment  les   moyens  d  arriver, 
depuis  l'ouvert  de  la  Manche  jusqu  au  Havre,  avec  k 
sonde,  par  les  brouillards  les  plus  opaques. 

D  ailleurs  les  atterrages  en  baie  de  Seine  fadiitol 
singulièrement  la  tâche  des  navigateurs.  Si  nous  jeloWi 
en  eflet,  un  regard  sur  les  Instructions  Nautiques^  noas 
y  lisons  cette  simple  phrase  :  «  Les  fonds  sont  trèsréfi 
liers  en  baie  de  Seine  et  donnent  d'excellentes  indicatiooi 
pour  le  voisinage  de  la  terre  quand  on  navigue  en  tcmpi 
de  brume.  »  Les  fonds  vont  en  effet  en  décroissant di 
large  vers  le  rivage  ;  on  trouve  des  fonds  de  80,  60,40.31 
et  2»^  mètres,  et  l'on  arrive  ainsi  en  rade  du  Havre,  (A 
l'on  j)eut  à  basse  mer,  dans  les  marées  de  vive  eau  où  11 
mer  découvi'e  le  plus,  jeter  l'ancre  dans  des  fonds  qri 
varient  de  12  à  IG  mètres. 

Les  cartes  du  littoral  Nord-Ouest  de  la  France  et  tk 
la  baie  de  Seine,  avec  leurs  cotes  de  profondenrs,  (fli 
passent  en  ce  moment  sous  vos  yeux,  vous  permettait 
d'ailleurs  de  vérifier  l'exactitude  de  ce  que  j'avance  rt 
d'établir  rapidement  des  comparaisons  entre  les  atterra- 
ges de  la  Manche  et  de  la  baie  de  Seine  et  ceux  des  ^^ 
français  du  littoral  Nord-Ouest  de  l'Océan.  * 

Je  vous  rappelais,  il  y  a  un  instant,  que  leporl<i» 
Havre  avait  été  choisi,  en  1860,  comme  tête  de  ligne  «1« 
service  transatlantique  actuel  entre  la  France  et  Xe^ 
York.  De  nombreuses  candidatures  s'étaient  alors  mis<* 
sur  les  rangs  ;  je  vais  vous  parler  tout  d'abord  d'un  pori 
celui  de  Saint-Nazaire,  qui  n'entra  pas  à  cet  égard,  à  cette 
époque,  en  lutte  d'une  façon  très  ardente,  mais  qui  W 
choisi  alors  comme  tête  de  ligne  du  service  des  Antill^ 


PAQUEBOTS  TRANSATLANTIQUES  Et  t>OBTS  FBANÇAÎS    111 

Depuis,  le  port  de  Saint-Nazaire  ayant  vu  s'achever  ses 
travaux  d'amélioration,  parait  avoir  certaines  velléités 
pour  réclamer,  en  1911,  le  déplacement  à  son  profit  du 
port  d'attache  des  paquebots  sur  New-York.  Aussi 
bien,  si  je  me  réfère  aux  prospectus  adressés  à  la 
Société  de  Géographie  Commerciale  du  Havre,  en  vue  du 
Congrès  colonial  qui  doit  s'ouvrir  le  l*"'  Juin,  à  Paris,  j'y 
lis  ce  qui  suit  :  «  Brest  et  Saint-Nazaire,  ports  transatlan- 
tiques. 7> 

Quelles  peuvent  être  les  causes  des  revendications 
possibles  de  Saint-Nazaire  ?  Les  voici,  suivant  toute  pro- 
babilité :  la  distance  du  Havre  à  New-York  est  de  3,130 
milles  ;  la  distance  de  Saint-Nazaire  à  New-York  est  de 
3,0G3  milles,  par  conséquent,  il  y  a  une  différence  en 
faveur  de  Saint-Nazaire  de  C7  milles.  Les  représentants 
de  Saint-Nazaire  ne  sont  pas  médiocrements  fiers  de  cette 
différence.  Toutefois  il  faut  par  le  calcul  et  en  prenant 
pour  base  une  certaine  vitesse,  rechercher  ce  qu'en  défi- 
nitive, comme  temps,  celte  différence  représente.  Nous  ne 
sommes  plus,  en  effet,  à  l'époque  où  les  paquebots  ne 
filaient  que  11  à  12  nœuds.  Plus  la  vitesse  des  paqubots 
augmente,  plus  la  situation  du  Havre  vis-à-vis  de  ses 
rivaux  ou  rivaux  possibles  de  l'Atlantique  s'améliore  :  en 
effet,  la  différence  de  temps  se  trouve  ainsi  raccourcie.  J'ai 
pris  pour  base  le  chiffre  de  24  nœuds  à  l'heure  et  voici 
pourquoi.  Il  paraît  représenter  celui  de  la  vitesse  moyenne 
des  deux  nouveaux  paquebots  de  la  Compagnie  Cunard  : 
Lusitania  et  Maiiritania,  Il  est  possible  et  même  pro- 
bable que  le  nouveau  paquebot  La-France,  de  la  Compa- 
gnie Générale  Transatlantique,  sera  doté  d'une  vitesse 
approchant  de  ce  chiffre.  C'est  d'ailleurs  sur  cette  base,  et 
même  parfois  sur  celle  de  30  nœuds,  que  nos  adversaires 
les  plus  ardents,  les  Brestois,  ont  coutume  d'établir  leurs 
prévisions.  Prenons  donc  pour  base  24  nœuds.  Nous  nous 


68  FRANÇAIS  ET  ALLEMAPfDS   SUR   LE  ROSPHORfi 

ses  femmes  ;  il  ne  doit  y  avoir  aucune  différence  entre  les 
meubles,  les  tapis,  les  tentures  de  l'appartement  de 
celles-ci,  s'il  y  a  quatre  femmes.  Elles  doivent  avoir 
quatre  toilettes  semblables,  mômes  bijoux  ;  pas  de  pré- 
férence pour  aucune  des  quatre  ;  il  doit  les  aimer,  les 
soigner  également.  Il  doit  pourvoir  à  leur  nourriture, 
celles-ci  ne  faisant  rien  et  n'étant  pas  tenues  de  gagner 
leur  vie  par  un  travail  quelconque.  De  nos  jours,  l'en- 
tretien d'une  femme  étant  dispendieux  en  Turquie  (c'est 
comme  ici  !),  il  est  difficile  d'en  avoir  deux,  trois  et 
même  quatre.  (Rires), 

Le  Coran  donne  droit  à  la  femme,  si  le  mari  ne 
pourvoit  pas  à  ses  dépenses,  d'avoir  recours  aux  tribu- 
naux, et,  régulièrement  le  mari  est  condamné.  Dans  ces 
conditions,  le  musulman  qui  ne  se  sent  pas  la  force  de  faire 
preuve  de  justice,  et,  qui  ne  peut  se  garantir  de  pécher, 
doit  se  contenter  d'une  seule  femme. 

Le  respect  dû  à  la  femme  turque  par  son  mari,  est 
égal  au  respect  dû  au  Coran  ;  ainsi,  il  est  d'usage  dans 
un  voyage  dangereux  et  lointain,  de  ne  pas  emmener  sa 
femme  ou  de  ne  pas  emporter  son  Coran,  si  Ton  ne  se 
croit  pas  assez  puissant  pour  défendre  Tune  et  l'autre. 
(Applaudissements). 

Je  suis  forcément  amené  à  vous  parler  du  «  Selamlik  t 
et  du  «  harem  »  ;  je  suis  dans  le  vif  de  la  question. 

L'introduction  de  plusieurs  femmes  au  foyer  familial, 
à  une  époque  éloignée,  amena  une  organisation  inté- 
rieure nouvelle,  que  voici  :  la  maison  fut  divisée  en  deux 
parties  :  le  «  selamlik  »  et  le  «  harem  ». 

Qu'est-ce  que  le  «  Selamlik  »  ?  C'est  la  partie  de  la 
maison  réservée  aux  hommes  et  aux  visites  masculines. 

Qu'est-ce  que  le  «  Harem  »  ?  Et  non  pas  :  qu'est-ce 
qu'un  harem  ? 


PAQUEBOTS   TRxVNSVTLANTIQUES   ET    PORTS   FRANÇAIS    113 

au  Havre  d'un  navire  ainsi  installe^,  on  n'a  pins  à 
accomplir  pour  gagner  Paris  qu'un  1res  <'ourt  trajet, 
en  quelcpu*  sorte  un(*  simple  promenade.  Au  contraire, 
si  Ton  aborde  à  l'un  des  ports  de  l'Atlantique,  il  faut, 
après  avoir  subi  les  fatigues  de  l'Océan,  recommencer 
un  véritable  voyage,  se  transporter  dans  un  wagon 
plus  ou  moins  bien  installé,  où  Ton  n'a  pas  toutes  les 
commodités  du  confort,  où  l'on  n'est  pas  seul,  où  Ton 
est  obligé  avec  des  voyageurs  nombreux,  de  séjourner, 
suivant  les  ports,  entre  6  heures  et  10  h.  1/2.  L'hésitation 
est  d'autant  moins  possible,  que  le  court  trajet  à  elïectuer 
en  Manche  est  presque  toujours  assez  bénin  comparative- 
ment à  la  navigation  dans  l'Océan  et  qu'on  n'y  court  pas 
plus  de  risques  que  dans  un  train  rapide. 

Passons  à  la  description  du  port  et  des  abords  de 
Saint-Nazaire.  Sa  créali  )n  a  été  ordonnée  sous  Louis- 
Philippe,  en  vue  de  remédier,  pour  les  navires  de  forte 
calaison,  à  l'insufllsance  du  port  de  Nantes.  Il  fut  terminé 
en  1865  et  l'Empire,  qui  revendiqua  comme  une  gloire 
son  inauguration,  fut  porté  à  le  faire  valoir  en  y  instal- 
lant le  service  postal  sur  les  Antilles.  Désirant  rester  sur 
la  défensive  et  n'étant  animé  d'aucun  esprit  de  conquête, 
je  ne  rechercherai  si  ces  services  ne  seraient  pas,  au 
point  de  vue  du  trafic  ou  des  voyageurs,  mieux  à  leur 
place  au  Havre,  mais  je  constate  simplement  la  diderence 
qui  existe  entre  le  trafic  de  Saint-Nazaire  et  le  trafic  du 
Havre.  Je  prends  les  chilfres  de  1900,  le  tableau  général 
de  la  navigation  n'ayant  pas  encore  été  publié  pour  1907. 
Le  mouvement  total  s'est  élevé  en  190G  à  2.235.933  ton- 
neaux à  Saint-Nazaire,  et  au  Havre,  à  8.387.667  tonneaux, 
soit  une  différence  de  6.151.714  tonneaux  en  faveur  du 
Havre. 

Si  nous  considérons  les  lignes  régulières,  nous 
voyons  qu'à  Saint-Nazaire  il  y  a  (juatre  lignes  long-cours 


114   PAQUEBOTS   TRANSATLANTIQUES   ET    POUTS    FRANÇAIS 

OU  grand  cabotage,  plus  cinq  compagnies  qui  fréquentent 
assez  régulièrement  ce  port.  Nous  avons  au  Havre  74  li- 
gnes dont  41  pour  le  long-cours.  Je  relève  siuiplement 
ces  chiffres  pour  vous  montrer  qu  elle  peut  être  la  difle- 
rence  de  force  contributive  entre  les  deux  ports,  quand  il 
s'agit  d'entreprendre  des  travaux  considérables  que  né- 
cessite, à  certaines  époques,'  dans  un  port  tête  de  ligne, 
le  fonctionnement  d'un  grand  service  transatfan tique.  Eh 
bien,  il  est  certain  que  Saint-Nazaire  ne  pourrait  jamais 
produire,  au  point  de  vue  financier,  Fimniense  erroi-t  qoi 
vient  d'être  fait  au  IlaAre.  C'est  pour  cette  raison  que  le 
port  de  Saint-Nazaire,  bien  amélioré  d'ailleurs,  a  dû 
cependant  se  restreindre  à  cet  égard,  et  se  borner  aux 
sacrifices  exigés  par  ses  éléments  d'activité  actuels. 

Passons  à  l'examen  des  abords  de  Saint-Nazaii*c.  Sa 
configuration  est  nettement  indiquée  sur  la  carte  marine 
qui  vient  d'apparaître  sur  l'écran.  Voici  le  CIroisic  ;  dans 
le  prolongement  du  Croisic  se  trouve  Belle-Ile  sur  laquelle 
se  fait  l'attcrrisage  des  navires  venant  de  l'Ouest  et  da 
Nord  Ouest.  D'après  les  Instructions  Nautiques,  U 
brume  et  le  tom[)s  bouchés  sont  très  fréquents  à  rembou- 
chure  de  la  Loire. 

Or,  à  une  certaine  distance  du  Croisic,  se  trouve  un 
plateau  qui  s'étend  de  3  milles  du  Nord  au  Sud,  et  qui 
s'appelle  le  plateau  du  Four.  11  est  d'ailleurs  prolongé 
par  une  chaîne  de  rochers.  Ce  plateau  a  une  mauvaise 
réputation  ;  il  n'y  a  pas  bien  longtemps,  c'est  sur  son 
accore  que  s'est  perdu  un  steamer  des  Messageries  Mari- 
times. 

Dilférents  feux,  figurant  sur  la  carte,  vous  indiquent 
la  position  d'écueils.  Voici  le  phare  de  la  ^  Banchc  »,  1** 
phare  du  «  Grand  Charpentier  >,  le  phare  du  «  Pilier». 
D'autres  plateaux  ou  écueils,  comme  ceux  de  la  Laffl* 
barde,  du  Chatelier,  des  Jardinets  sont  indiqués  par  des 


FRANÇAIS   ET    ALLEMANDS   SUR    LE   BOSPHORE  71 

oabliant  parfois  que  c'est  là,  le  problème  capital  qu'il 
importe  de  résoudre  sans  retard,  si  nous  voulons  trans- 
mettre à  nos  petits-neveux,  le  glorieux  héritage  commer- 
cial, que  nous  ont  légué  les  Colbert,  les  Dupleix,  et  tant 
d'autres  illustres  devanciers  ?  (çifs  applaudissements). 

Alfred  Durand 
Conseiller  du  Commerce  extérieur. 


.% 


Depuis  cette  conférence,  les  Allemands  ont  constitué 
le  capital  nécessaire  pour  la  continuation  de  leur  Che- 
min de  fer  de  Bagdad. 

L'Iradé  les  autorisant  à  commencer  les  travaux  vient 
d'être  signé  ;  les  travailleurs  sont  recrutés  ;  incessam- 
ment les  constructions  vont  commencer. 

D'Erégli,  la  ligne  ferrée  suivra  la  direction  Est,  jus- 
qu'à Mossoul,  en  passant  par  Adana,  Tel-Alech  et  Tel- 
Halif.  De  Tel-Alech,  un  embranchement  allant  vers  le 
Sud,  par  Alep,  rapprochera  les  distances  entre  Constan- 
tinople,  Médine  et  la  Mecque,  dont  la  voie  ferrée  (extrême 
Sud)  sera  achevée  dans  deux  ans. 

Paris -Constantinople- Jérusalem -La  Mecque,  sera  le 
voyage  de  noces  de  nos  petits-neveux  !!! 

A.  D. 


Dans  la  Sangha 

Moauirs  et  Coutumes 


La  Sangha,  comme  affluent  de  droite  du  Congo,  fait 
partie  de  cet  énorme  et  riche  réseau  fluvial,  qui  draine 
vers  Brazzaville,  centre  de  l'activité  commerciale  de  la 
Colonie,  une  si  importante  partie  du  continent  africain. 

Grossie  de  la  Kadei  et  de  la  N'Goko,  la  Sangha,  depuis 
les  rapides  de  Djoumbe,  traverse  la  grande  forêt,  coulant 
sur  un  lit  d'argile  rouge,  recevant  les  eaux  d'un  grand 
nombre  de  rivières  herbeuses  et  marécageuses,  cachées 
sous  une  riche  végétation  équatoriale,  qui  rend  lente  et 
diflicile,  la  pénétration  du  pays. 

Un  climat  chaud  et  humide  rend  cette  région  très 
malsaine. 

La  Sangha  est  très  riche  en  produits  naturels  de 
toutes  sortes,  ivoire,  caoutchouc.  Le  maïs,  la  banane, 
l'igname,  le  manioc,  y  sont  cultivés  par  les  indigènes, 
qui  élèvent  également  la  chèvre  et  le  chien  pour  leur 
nourriture  ;  néanmoins,  la  région  est  peu  habitée.  Elle 
comprend  des  populations  sauvages  et  méfiantes,  canni- 
bales et  fétichistes. 

Les  premières  reconnaissances,  sur  la  rivière,  datent 
de  1890,  Chollet  monte  jusqu'à  la  N'Goko,  que  Fourneau 
explore  jusqu'au  B™'  degré  de  latitude.  En  1891,  Gaillard 
fonde  le  poste  d'Ouesso  et  remonte  jusqu'à  Bania. 

Ces  premiers  explorateurs,  guidés  par  des  indigènes 
de  Bonga,  village  situé  au  confluent  de  la  Sangha  et  du 


DAN8  LA   3AN0HA  73 

Congo,  conservèrent  les  noms  donnés  par  ces  derniers  à 
la  riyière  et  aux  riverains  «  Sangha  »  et  «  Sangha-Sangha  »>. 

En  langue  Boumoali,  Sangha  signifie  «  ile  »,  Sangha- 
Sangha  pourrait  donc  se  traduire  par  habitant  des  iles, 
si  l'on  tient  compte  de  cette  explication  des  vieillards, 
suivant  laquelle,  aux  temps  qui  précédaient  notre  occu- 
pation, les  indigènes  se  réfugiaient  fréquemment  sur  les 
iies,  pour  échapper  aux  poursuites  des  tribus  de  Tin- 
térieur. 

Actuellement  la  Sangha  est  habitée  par  une  foule  de 
tribus,  dont  Torigine,  pour  la  plupart,  semble  commune, 
dérivée  probablement  de  la  grande  famille  M'Fan, 
(Pahouin)  avec  laquelle  ils  ont  de  grandes  ressemblances 
de  mœurs  et  de  coutumes. 

Sous  le  nom  de  Boumoali,  nous  réunirons,  dans  cette 
étude,  les  Missanga  des  environs  d'Ouesso,  dont  le  voi- 
sinage de  la  rivière  a  fait  des  pécheurs  (à  la  nasse  et  au 
filet)  et  des  navigateurs  habiles,  les  M Tomos  de  la  Ndaki 
réputés  pour  leur  férocité,  les  Linos,  Issolos  et  autres 
peuplades  de  la  Sangha  et  de  la  N'Goko. 

Nous  peindrons  les  Boumoali,  surtout  d'après  eux- 
mêmes,  suivant  leurs  récits  et  leurs  légendes  ;  parfois 
paraîtront-ils  puérils,  mais  de  leur  simplicité  se  dégage 
un  charme,  un  intérêt,  qui  fait  mieux  comprendre  Tâme 
noire. 

Suivant  les  indigènes,  Boumoali,  serait  le  père  non 
seulement  de  leur  race,  mais  encore  de  plusieurs  autres 
tribus  voisines,  qui  interviendront  parfois  au  cours  de 
cette  relation. 

Religion.  —  Leur  croyance  à  Texistence  d'un  Dieu 
est  le  centre  autour  duquel  évolue  leur  système  social, 
elle  n'exclue  pas  toutefois  celle  aux  esprits  terrestres, 
«  N'Domous  »  et  aux  esprits  supérieurs  «  Djambis  i»,  non 
plus  que  les  pratiques  d'empoisonnement. 


118   PAQUEBOTS  TRANSATLANTIQUES   ET   PORTS    FRANÇAIS 

rade  de  Cherbourg,  elle  est  vaste,  bien  abritée,  sûre, 
profonde  et  peut  être  considérée  comme  une  rade  d'escale 
idéale.  Les  paquebots  transatlantiques  y  pénètrent  à  toute 
heure  par  la  large  passe  de  l'ouest,  vont  mouiller  et 
quelquefois  seulement  stopper  derrière  la  digue.  Les  pas- 
sagers leur  sont  amenés  par  des  steamers  auxiliaires  et 
après  un  séjour  de  20  à  30  minutes,  ils  gagnent  le  large 
par  la  môme  voie. 

Cherbourg  a,  dans  ces  dernières  années,   renourclé 
ses  tentatives  en  vue  d'obtenir  l'escale   des   paquebots 
attachés  au  port  du  Havre  et  même  d'être  substitaé  an 
Havre  comme  tête  de  ligne.  Il  avait  été  mis  en  appétit  en 
1892,   pendant  le  choléra  du  Havre.  A  cette  époque,  tes 
paquebots    momentanément  éloignés    du    Havre   péné- 
traient dans  l'Arsenal,  s'amarraient  dans  le  bassin  Napo- 
léon et  y  fîûsaient  toutes  leurs  opérations.  Naturellemcnl, 
la  préfecture  maritime  se  mettait  en  quatre  pour  leur 
donner  toutes  les  facilités  possibles  dans  l'espoir  de  les 
garder  définitivement.  Si  le  bassin  en  question  était  suffi- 
sant pour  des  i)aqucbots  du  type  Champagne^  Bretagne, 
il  ne  pourrait  pas  être  fréquenté  d'une  façon  pratique  par 
(les  steamers  tels  que  La-Savoie,  La-Lorraine ^  La-Pro- 
vence et  La-France.  Il  faudrait  donc  trouver  autre  chose. 
A  (Cherbourg,   on  a  mis  sur  pied  plusieurs  projets.  Il  en 
est  un  dont  Texécution  vient  d'être  ordonnée,  mais  il  n^ 
concerne  que  le  port  de  guerre.  Il  consiste  à  construire, 
près  du  Hommet,  une  grande   rade  abri,  ressemblant  à 
celle  de  Brest.  En  effet,  la  rade  de  Cherbourg  est  très 
agitée  par  certains  vents  :   on  a  vu  parfois  les  vagues 
sauter  au-dessus  de   la  statue  équestre  de   Napoléon  et 
même  parfois  entrer  dans  l'église  de  la  Trinité  située  ai 
fond  de  la  rade.  Toutefois,  ce  nouveau  port  devant  être 
rrservé  aux  navires  de  gucriv,  on  a  ébauche  divers  pro- 
jets d'extension  du  port  de  Commerce  qui  ne  peut  reet- 


PAQUEBOTS   TRANSATLANTIQUES   ET    PORTS   FRANÇAIS    H9 

voir  actuellement  que  des  navires  de  faible  tonnage.  Le 
plus  connu  —  il  n'est  pas  officiel  —  est  le  suivant  :  un 
vaste  terre-plein,  situé  au  Nord-Ouest  du  port  de  Com- 
merce servirait  d'appui  h  un  quai  de  500  mètres  destiné 
aux  transatlantiques  ;  on  allongerait  la  jetée  Ouest  afin  de 
protéger  du  côté  de  l'Est,  et  enfin,  les  digues  qui  conti- 
nueront beaucoup  plus  au  Nord,  le  nouveau  port  de 
guerre,  l'abriteraient  de  la  grosso  mer  venant  de  ce  côté. 

Or,  il  est  absolument  impossible  d'assurer  le  fonc- 
tionnement d'un  grand  service  transatlantique  avec  un 
seul  quai  de  500  mètres.  Vous  n'avez  qu'à  voir  ce  qui  se 
passe  ici.  Il  faut  non  seulement  recevoir  à  quai  les  paque- 
bots en  service,  mais  les  paquebots  en  réserve  ou  en 
réparation.  Je  crois  que  le  révc  de  la  (Chambre  de  Com- 
merce de  Cherbourg,  au  point  de  vue  du  port  d'attache, 
est  absolument  chimérique.  Il  paraît  encore  plus  irréa- 
lisable dans  de  pareilles  conditions  lorsqu'on  envisage  ce 
qui  se  prépare  dans  celui  des  ports  anglais  ayant,  au 
point  de  vue  transatlantique,  des  relations  constantes 
avec  ^Cherbourg.  En  vue  de  donner  de  plus  grandes  faci- 
lités aux  paquebots  de  la  «  While  Star  »  et  d'attirer  [)lus 
tard  ceux  de  la  «  Gunard  »,  on  va  y  construire  un  nou- 
veau bassin  pouvant  recevoir  à  quai  quatre  paquebots 
de  250  mètres  au  moins.  Il  faut  ajouter  aussi  ([ue  le  port 
de  Southampton  possède  des  aménagements  extrénuMuent 
bien  conditionnés  pour  l'accostage  de  paquebots  moins 
longs.  Comment  dès  lore  supi)oser  que  le  quai  de  TiOO 
mètres  projeté  à  Cherbourg  pourrait  sullire  à  la  fois  au 
service  des  paquebots  français  et  aux  escales  des  paque- 
bots étrangers  ? 

Examinons  maintenant  la  situation  de  (.herbourg  par 
rapport  à  New-York  et  à  Paris.  La  distance  entre*  Le 
Havre  et  New- York  est  de  3.130  milles  et  la  distance 
entre  Cherbourg  et  New-York  ost  de  3.066  milles.  La 


120   PAQUEBOTS   TRANSATLANTIQUES   ET   PORTS   FRANÇAIS 

différence  est  de  64  milles.  Nous  nous  trouvons  à  peu 
près  dans  les  mêmes  conditions,  à  ce  point  de  vue,  que 
dans  la  comparaison  que  nous   faisions   précédemment 
avec  le  port  de  Saint-Nazairc.  Si  nous  prenons  toujours 
le  chiffre  de  24  nœuds  de  vitesse  pour  base,  nous  trouvons 
que  la  différence  sur   le  trajet  maritime  est  de  2  h.  36 
en  faveur  de  Cherbourg  ;  mais  si  nous  examinons  le  trajet 
en   chemin   de   fer,   nous  voyons  que  Cherbourg  est  à 
371  kilomètres  de  Paris  et  Le  Havre  à  228  kilomètres,  Ja 
différence  en  faveur  du  Havre  est  donc  de  143  kilomètres. 
Or  la  durée  du  trajet  actuel  entre  Cherbourg  et  Paris  est 
de  5  h.  30,  la  durée  entre  Le  Havre  et  Paris  est  de  2  h.  45. 
H  y  a  donc,  à  ce  dernier  point  de  vue,  une  différence  en 
faveur  du  Havre  de  2  h.  45.  Or  cette  différence  terrestre 
de  2  h.  45  en  faveur  du  Havre  n'est  compensée  que  p.ir  la 
différence  maritime  de  2  h.  36  en  faveur  de  Cherbourg, 
par  conséquent,  il  y  a  un  avantage  de  quelques  minutes 
en   faveur  du  Havre.   Donc,    point  d'intérêt   au   dépla- 
cement ! 

On  me  répondra  peut-être  :  «  comment  se  fait-il  alors 
que  tous  les  paquebots  étrangers  aillent  à  Cherbourg? 
C  est  évidemment  qu'ils  trouvent  que  ce  port  est  préft^ 
rable  à  tous  les  autres  !  Or  la  Compagnie  Générale  Trans- 
atlantique française  se  plaint  de  leur  concurrence.  Ne 
devrait-elle  pas  y  transporter  à  son  tour  son  service  ou 
tout  au  moins  y  faire  escale,  pour  lutter  à  armes  égales 
avec  ses  rivales  ?  » 

A  première  vue  l'argument  a  sa  force,  mais  il  la  perd 
tout  à  fait  quand  on  examine  comment  les  choses  se 
passent.  Il  y  a  une  différence  complète  entre  la  situation 
des  paquebots  venant  du  Nord  de  l'Europe,  de  la  côte 
anglaise  et  celle  des  paqm^bots  qui  partent  de  la  cote 
française.  Voici  i)ouiquoi  :  les  paquebots  venant  de  la 
mer  du  Nord  et  de  la  côte  anglaise,  peuvent  sans  dcrou- 


PAQUEBOTS   THAXSATLAXTIQUES   ET    PORTS   FRANÇAIS    121 

tement  aucun  passer  en  rade  de  Cherbourg,  en  eflectuant 
la  fHîlite  opération  que  je  vous  ai  indiquée  tout  à  l'heure. 
Pas  de  perle  de  temps,  séjour  de  20  minutes,  et  quelque- 
fois même  pas  obligation  de  mouiller,  un  simple  stoppage. 
Il  ne  faut  pas  perdre  de  vue,  d'ailleurs,  qu'une  autre 
raison  à  éloigné  du  Havre,  depuis  quelques  années,  les 
paquebots  rapides  des  compagnies  étrangères  qui  y  tou- 
chaient auparavant,  c'est  rinsuflîsance  de  ses  aménage- 
ments. Or  cette  raison  va  disparaître  bientôt,  lorsque 
notre  quai  d'escale  sera  livré  à  la  navigation  et  lorsque 
le  creusement  de  notre  nouvel  avant-port  a  une  cote 
sudisamment  basse  sera  achevé.  Il  est  [U'ésumable  que 
Le  Havre  bénéficiera  alors  de  nombreuses  escales  qui  lui 
échappent  aujourd'hui. 

Quant  à  la  situation  des  paquebots  iran(;ais,  elle  est 
toute  différente,  soit  (ju'on  se  place  dans  l'hypothèse 
d'une  escale,  soit  qu'on  envisage  celle  du  port  tôle  de 
ligne.  Nous  avons  vu,  d'après  les  calculs  de  distance  et 
de  temps,  que  (Cherbourg  ne  présente  aucun  avantage 
sur  Le  Havre.  C'est  ce  qui  a  permis  à  M.  Charles  Roux 
de  constater,  dans  son  rapport  de  18î)8  sur  les  Services 
Maritimes  Postaux,  que  la  pratique  du  port  du  Havre  et 
la  touchée  à  Cherbourg  s'excluent  réciproquement  dans 
les  services  étrangers  transatlantiques.  Par  suite,  Tescale 
à  Cherbourg  des  paquebots  français  ayant  Le  Havre 
comme  port  d'attache  n'aurait  d'autre  effet  que  de  leur 
imposer  un  supplément  de  droits  de  navigation  et  de 
pilotage. 

Quant  à  la  question  du  port  d'attache  ou  tête  de 
ligne  des  paquebots  français,  il  saute  aux  yeux  qu'elle 
diffère  essentiellement  de  celle  de  l'escale  des  paquebots 
l'trangors.  Le  jïort  d'attache  ou  tète  dv  ligne  d'un  grand 
5><îrvice  transatlantique  ne  peut,  en  effet,  se  borner  à  leur 
offrir  un  simi)le  mouillage.  Il  leur  faut  des  installations 


122    PAQUEBOTS   TRANSATI.ANTIQUES    ET    PORTS    FRANÇAIS 

très  complètes,  très  coûteuses,  qui  existent  déjà  en  partie 
au  Havre,  qui  s'y  trouveront  très  perfectionnées  d'ici  peu 
et  qui  ne  laisseront  plus  rien  a  désii»cr  loi'squc  les  tra- 
vaux du  programme  de  1907  seront  exécutés.  Constatons 
en  passant  que  d'ores  et  déjà  les  paquebots  français, 
actuellement  en  service  sur  New-York,  partent  toujours 
directement  du  quai  et  ne  sont  obligés  de  débarquer,  à 
Tarrivce,  leurs  passagers  en  rade  qu'environ  une  fois  sur 
trois.  A  Cheibourg,  ?e  transbordement  s'effectue  dans 
tous  les  cas  et,  si  je  suis  bien  informe,  suscite  des  plaintes 
assez  vives  de  la  part  des  voyageurs. 

Louis  Brindeau 

Député 

Ancien  Maire  du  Havre. 

(A  siiiçre). 


DES  PAYSAGES  DU  LOT 

niix  ]>J[oiiiiiiioiit$$    de   HCouloii^o 

Voyage  pittoresque  et  archéologique  ^^^ 


Mesdames,  Messieurs, 

Perinettez-nioi  tout  d'abord  de  m'acquitter  d'un 
devoir,  on  remerciant  votre  président  de  l'aimable  invi- 
tation qu'il  a  bien  Voulu  m'adresser.  Je  l'ai  acceptée  avec 
grand  plaisir,  car  je  n'ignorais  pas  de  réputation  la 
Société  de  Géographie  du  Havre,  et  n'étais  pas  sans  avoir 
entendu  parler  du  tharmant  et  sympathique  auditoire 
que  l'on  rencontre  toujours  ici  :  je  suis  heureux  de  faire, 
aujourd'hui,  connaissance  avec  l'une  et  avec  l'autre. 

Je  viens  vous  projmser  un  voyage  sur  la  route  des 
Pyrénées,  entre  le  conlîn  méridional  de  notre  Massif 
Central  et  Toulouse.  Nous  rc^ncontrerons  dans  ce  pays 
bien  dcs^  curiosités  archéologiques,  des  vieux  manoirs 
brillamment  restaurés,  des  castels  en  ruine  et  d'antiques 
villes  aux  inestimables  joyaux.  Toutes  ces  reliques  du 
passé  sont  réunies,  vous  le  verrez,  dans  les  plus  délicieux 
écrins  de  la  nature  et,  chemin  faisant,  nous  ferons  aussi 
connaissance  avec  deux  merveilles  souterraines  :  les 
grottes  de  Lacave  et  la  rivière  de  Padirac.  C'est  même  par 


(I)  Coiifcrcnee  faite  devant  la  Société  de  (léograpliie  Commer- 
ciale du  Havre,  le  •iO  Mars  190S. 


124  DES  PAYSAGES  DU  LOT  AUX  MONUMENTS  DE  TOULOUSE 

CCS  deux  merveilles,  situées  dans  la  région  du  Haut- 
Quercy  qui  occupe  actuellement  le  Nord  du  département 
du  I.ot,  que  ^ous  commencerons  notre  voyage.  La  pre- 
mière, de  découverte  encore  récente,  vous  séduira  sur- 
tout par  Télégance  de  ses  détails,  et  quant  à  la  seconde, 
que  Ton  rencontre  au  fond  d'un  gouffre  et  que  beaucoup 
d'enti'e  vous  ont  sûrement  visitée,  elle  a  pour  elle  des 
impressions  inoubliables  et  de  fantastiques  galeries. 

Ces  deux  merveilles  sont  toutes  de  nuit  et  de  sépul- 
crale solitude.  A  côté,  il  est  une  autre,  aussi  féerique, 
mais  toute  vivante  et  toute  élancée  vers  le  ciel,  Kocania* 
dour  :  c'est  un  village  superbement  accroché  sous  un 
roc  et  qui  est,  depuis  longtemps,  le  but  d'un  pèlerinage 
fameux. 

Après  avoir  vu  Padirac,  Lacave,  Rocamadour,  nona 
verrons  Cabors.  Tous  les  i\ges  de  l'histoire  y  ont  laissé 
quelques  traces,  depuis  les  vieux  murs  romains  jasqa*cii 
monument  moderne  élevé  sur  une  place  à  la  mémoire  de . 
Gambetta.  Puis,  dans  la  vallée  du  Lot,  nous  irons  yisiter 
un  autre  village  fort  pittoresque  quia  nom  Saint-Girq^. 
la-Popie  ;  ses  environs  ont  tant  de  charmes  qa*il  senSL 
trop  long  de  tous  vous  les  dire. 

Knfm,  dans  une  course  rapide,  nous  descendroQfij 
jusqu'à  Toulouse  qui  est  à  juste  titre,  dans  notre  Midi»  lij^j 
ville  d'art  la  plus  ai)préciée  et  où  nous  aurions  poar  no 
retenir,  bien  plus  de  clioses  que  nous  n'en  verrons  cei 

Tel  est  le  programme  de   notre   voyage  ;    si 
voulez  bien,  mettons-nous  en  route. 


Du  llavrr,  nous  allons  naturellement  à  Paris  et  là, 
nous  prcnoi  s  à  lu  gan»  du  (^uai  d'Orsay,  sur  le  chemin 
de  fer  d'Orléans,  la  grande  ligne  de  Toulouse.  Après 
avoir  laissé  à  Orléans  le  chemin  des  châteaux  de  Tou- 


DANS  LA  SANQHA  81 

celle  d*un  garçon,  donne  aux  femmes  le  droit  de  raillerie 
et  d*insulte  à  Tégard  des  hommes  pendant  toute  la  jour- 
née, que  celle  de  deux  jumeaux  donne  lieu  à  de  grandes 
réjouissances. 

L'enfant  reçoit  un  nom,  soit  celui  d*un  grand  person- 
nage, soit  celui  d'un  événement  impressionnant.  Pomo, 
«  grand  serpent  »,  fut  ainsi  appelé  parce  que,  le  jour 
de  sa  naissance,  un  boa  s'était  introduit  dans  la  case  de 
son  père. 

Les  surnoms  sont  très  usités  :  c  bendo  »  le  chasseur, 
«  kouli  :»  le  bossu,  «  moké  »  le  petit,  etc. 

Il  est  à  remarquer  que  sur  trois  enfants,  deux  appar- 
tiennent au  sexe  faible. 

Kntre  enfants  de  même  mère,  il  y  a  prééminence  de 
i'alné,  qui  arrive  rapidement,  s'il  est  fils  du  chef  de 
famille,  à  considérer  les  femmes  de  son  père  et  de  ses 
oncles  comme  les  siennes  et  à  s'ériger  en  petit  tyran,  les 
femmes  n'ayant  pas  le  droit  de  correction  sur  les  enfants 
mâles. 

Les  enfants  ne  sont  point,  comme  chez  nous,  l'objet 
de  soins  constants  et  méticuleux,  il  s'en  faut  de  beaucoup  ; 
à  califourchon  sur  le  dos  de  leur  mère,  tant  qu'ils  ne 
sont  pas  susceptibles  de  marcher,  ils  sont  soutenus  dans 
cette  position  au  moyen  d'un  morceau  d'étoffe  ou  d'une 
peau  qui  les  enveloppe  et  s'attache  sur  la  poitrine  de  la 
mère,  qui  vaque  ainsi  à  ses  occupations  journalières, 
sans  autrement  se  soucier  du  «  paquet  i  qu'elle  porte  sur 
le  dos  ;  l'on  peut  voir  les  bébés  dormir  en  cette  étrange 
situation  ou  suivre  d'un  œil  curieux  les  mouvements  de 
leur  mère. 

Dès  qu'ils  sont  susceptibles  de  marcher,  ils  absorbent 
f  beaucoup  moins  la  mère  >^,  et  trottent  à  leur  gré,  à 
condition^  toutefois,  qu'ils  ne  gênent  pas  les  grandes 
personnes. 


126  DES  PAYSAGES  DU  LOT  AUX  MONUMENTS  DK  TOULOUSE 

av.iit  explorée  au  fond  d'un  goufîre.  On  y  pénètre  par  un 
tunnel  artificiel  long  de  200  mètres,  et  au  bout  de  ce 
tunnel,  on  gravit  un  petit  escalier  qui  vous  conduit  dans 
une  salle  circulaire  dont  Timmense  voûte  est  ornée  de 
remarquables  pendentifs  ;  un  entassement  de  rochers  loi 
a  fait  donner  le  nom  de  salle  du  Petit  Chaos.  Une  série 
de  galeries,  à  peu  près  perpendiculaires  à  ce  tunnel,  se 
dirigent  ensuite  les  unes  vers  la  droite,  les  autres  vers  la 
gauche. 

Dans  les  galeries  de  gauche,  qui  s'étendent  sur 
300  mètres,  nous  rencontrons  tout  d'abord  la  salle  de 
Danse  qui  est  vraiment  fantastique  par  ses  milliei*s  de 
petites  colonnettes  et  où  la  stalagmite  a  pris  des  formes 
de  cascades. 

Un  passage  encombré  de  fines  draperies  blanches 
comme  la  neige,  nous  conduit  ensuite  près  des  Trois 
Parques  :  ce  sont  trois  grosses  colonnes  finement  den- 
telées par  la  nature  et  majestueusement  assises  sur  une 
énorme  base. 

Puis,  nous  arrivons  à  la  salle  des  Lustres  qui  s  orne 
à  profusion  de  stalactites  groupées  en  forme  de  lampa- 
daires, constellant  h  souhait  un  grandiose  plafond,  l^a 
variation  des  coloris,  rouge,  jaune,  etc.,  donne  à  cette 
salle  un  charme  tout  à  fait  magique. 

Plus  loin,  dans  un  décor  de  roches  vives,  c'est  un 
palmier  que  l'on  peut  contempler.  Dans  une  salle  toute 
voisine  se  Noit  un  éléphant  qui,  tout  tranquillement, 
semble  brouter  des  frondaisons  d'albâtre.  Bref,  de  tous 
côtés,  c'est  une  série  d'images  diverses  que  Tonl  du 
visiteur  séduit  se  plaît  à  identifier. 

De  la  salle  de  l'Eléphant,  nous  revenons  sur  nos  pas 
vers  le  Petit  Chaos  et  dans  les  galeries  de  droite,  lon- 
gues de  200  à  300  mètres,  nous  l'cncontrons  bient(>t  la 
salle  du  Grand  Dôme,  d'une  hauteui*  de  40  mèti^es,  et  près 


DES  PAYSAGES  DU  LOT  AUX  MONUMENTS  DE  TOULOUSE   127 

de  ce  grand  dôme,  la  colonne  aux  pattes  d*araignée  d'une 
liligrannée  joliesse,  très  intéressante  et  très  jolie  ;  nous 
arrivons  enlin  au  lac  qui  est  un  des  joyaux  de  Lacave 
par  les  gracieux  ornements  de  ses  parois  et  de  sa  voûte. 
I^  visite  des  grottes  s'arrête  là,  et  il  ne  reste  plus  pour 
revoir  le  jour  qu'à  revenir  sur  ses  pas  :  personne  ne  s'en 
plaint. 


De  Lacave,  nous  quittons  les  bords  de  la  Dordogne 
et  nous  montons  maintenant  sur  les  sommets  du  Causse, 
un  vaste  plateau  parfois  désert,  mais  le  plus  souvent 
couvert  de  chênes,  qui  est  un  prolongement  méridional 
du  Massif  Central  de  l'Auvergne. 

Au  détour  d'un  chemin,  Rocamadour  s'offre  subite- 
ment à  nos  yeux  dans  une  large  et  profonde  déchirure  du 
plateau,  plus  escarpée  sur  la  droite  et  moins  aride  sur  l'au- 
trt5  bord  ;  au  fond  du  tableau,  en  face  de  soi,  on  a  le  Causse 
qui  continue  à  perte  de  vue  ;  dans  le  fond,  un  ruban  de  prai- 
ries où  court  l'Alzou  et  dont  le  vert  exquis  donne  dans  le 
paysage  un  peu  blanc  une  note  fraîche  et  reposante  ; 
enfin,  sur  la  droite,  des  sanctuaires  accrochés  aux  rocs  et 
plus  bas,  des  habitations  ;  tout  au  sommet,  couronnant  le 
tout,  un  château  découpant  sur  le  ciel  sa  tour  et  ses  remparts 

Aussi  souvent  que  l'on  aille  à  Rocamadour,  on 
éprouve  chaque  fois  un  saisissement  profond  et  qui 
semble  nouveau.  On  est  toujours  très  impressionné  par 
ces  sanctuaires  placés  sous  les  rochers  qui  surplombent 
et  qui  forment  avec  le  village  en  bas,  et  le  château  au 
sommet,  une  sorte  de  pyramide  à  trois  étages.  L'on  a 
devant  tout  cela  la  sensation  de  choses  qui  ne  seraient 
pas  en  place  et  il  semble  que  ces  chapelles  et  ces  habita- 
tions, manquant  d'une  base  solide,  sont  prêtes  absolu- 
ment à  s'écrouler  dans  le  vide. 


84  DANS  LA  SANOHA 

femme  esclave,  son  sort  ne  diflTérant  pas  de  celni  de  la 
femme  libre,  toutes  deux  étant  des  êtres  inférieurs  qae 
Ton  évite  de  frapper,  car  elles  sont  utiles  et  c  agréables 
au  besoin.  » 


lia  Famille 

Elle  est  donc  constituée  par  le  groupement  autour  du 
chef  des  différents  éléments  que  nous  venons  d*exaniiner. 
Chacun  a  une  besogne  bien  définie  :  les  hommes  faisant 
la  guerre,  le  commerce,  se  livrant  à  la  chasse  et  à  la 
pêche  ;  les  femmes  accomplissant  les  durs  travaux,  tous 
travaillant  dans  l'intérêt  commun,  l'accroissement  de  la 
famille  et  la  grandeur  de  son  chef  ;  vivant,  suivant  leur 
sexe,  sur  le  pied  de  la  presque  parfaite  égalité. 

Les  cas  de  séparation  sont  excessivement  rares,  la 
famille  s^accrolt  donc  constamment,  si  des  circonstances 
extérieures,  telles  la  guerre  et  ses  conséquences,  ne  vien- 
nent Tamoindrir  ou  l'anéantir. 


Ile  Village 

Le  souci  de  la  conservation  a  naturellement  conduit 
au  groupement  de  village  par  la  réunion  de  plusieurs 
familles  pour  mieux  résister  aux  assauts  des  voisins. 

Le  chef  de  village  est  généralement  un  homme  qui 
offre  des  garanties  de  capacité,  surtout  comme  guerrier  ; 
il  doit  être  agréé  par  les  chefs  de  famille  et  les  hommes 
libres,  c'est  généralement  le  frère  ou  le  fils  du  chef  pré- 
cédent. Il  reçoit  une  sorte  d'investiture. 

Son  autorité  est  d'ailleurs  purement  nominale,  chaque 


t)ES  PAYSAGES  DU  LOT  AUX  MONlJMENtS  DE  TOULOUSE   120 

mariées.  Si  le  cœur  vous  en  ('it,  Mesdemoiselles,  allez  à 
Roeamadoar  ! 

Près  de  Tépée  de  Roland,  se  trouve  le  petit  chemin 
creusé  dans  le  roc  que  je  vous  ai  signalé  tout  à  Theure 
lorsque  nous  étions  de  Tautre  côté  du  vallon  et  qui 
eonduit  au  Refuge.  De  là,  on  a  le  village  à  ses  pieds, 
puis  TAlzou,  et  tout  à  fait  au  fond  du  tableau,  sur  le 
sommet  du  Causse,  le  petit  hameau  de  THospitalet  d'où 
nous  avons  découvert  tout  à  Theurc  llocamadour,  en 
arrivant  de  Lacave  :  c'est  encore  un  autre  aspect. 


Rocamadour 

Anciens  appartements  de  VEvêque  de  Tulle 

(Tne  prise  du  Chemin  du  Refogo) 

A  côté,  un  petit  escalier  conduit  à  la  chapelle  Saint* 
Michel  qui  est  le  plus  ancien  des  édifices  actuels  de 
Rocamadour  et  dont  Tabside,  qui  fait  saillie  à  l'extérieur, 
contient  de  curieuses  peintures  du  xu"^*  siècle. 

Nous  voilà  ensuite  devant  la  porte  de  la  Chapelle 
Miraculeuse,  complètement  réédifiée  au  siècle  dernier 
dans  le  style  du  xvi~*.  A  droite,  dans  un  creux  de  la 


DANS  LA  SANGHA 


Lia  Cif  eoneision 

Quelques  mois  après  son  mariage,  souvent  plusieurs 
années,  l'homme  est  circoncis,  c'est  pour  lui  la  consécra- 
tion du  conmiencement  de  son  existence  d'activité  dans  la 
communauté,  il  pourra  dès  lors  prendre  part  aux  pala- 
bres, etc. 

Cette  cérémonie  donne  lieu  à  une  danse  appelée 
«  Yango  D  qui  lui  a  laissé  son  nom. 

La  fête  de  la  circoncision  dure  trois  jours,  les  deux 
premiers  constituant  une  sorte  de  retraite,  puisque  le 
patient,  après  s'être  soumis  à  l'examen  des  anciens,  est 
enfermé  dans  une  case  ou  il  lui  est  donné  à  boire  et  à 
manger,  notamment  un  fruit  «  Kabo  »,  destiné  à  lui 
donner  le  courage  de  subir  l'opération. 

Le  premier  jour  est  appelé  à  faire  les  préparatifs  de 
la  fête,  à  réunir  des  vivres  et  des  marchandises. 

Le  second  jour,  les  hommes  divisés  en  deux  groupes, 
les  circoncis  et  les  non  circoncis,  se  livrent  à  des  danses 
et  à  des  chants  au  cours  desquels  ils  insultent  les  femmes 
de  telle  façon  que  leurs  expressions  ne  peuvent  être 
traduites...  Le  futur  circoncis  est  revêtu  d'un  lourd 
vêtement  en  feuilles  de  palmier  et  la  partie  à  opérer  est 
recouverte  d'un  mélange  d'herbes  hachées,  destiné  à 
attendrir  les  chairs. 

Le  troisième  jour  est  celui  des  femmes  qui  habillées 
de  feuilles,  menant  grand  bruit,  se  livrent  à  des  danses 
'et  à  des  contorsions  encore  plus  obscènes  que  celles  des 
hommes.  Cependant,  le  patient  est  conduit  en  un  endroit 
où  les  femmes  n'ont  pas  accès,  pour  y  subir  l'opération. 

Il  est  étendu  sur  un  lit  fait  de  trois  troncs  d'arbres, 
une  peau  d'antilope  jetée  sur  ses  yeux,  maintenu  par 
deux  hommes  qui  lui  saisissent  les  bras. 


DANS  LA  SAN6HA  87 

Les  hommes  présents  hm*lent  en  brandissant  leurs 
couteaux,  cependant  qu'un  vieillard,  s'approchant  du 
patient,  enlève  le  pansement,  fait  constater  aux  assis- 
tants que  rhomme  est  dans  les  conditions  requises  pour 
être  circoncis,  marque  à  la  peinture  rouge,  la  place  ou 
devra  frapper  le  couteau  des  opérateurs.  Ces  derniers, 
Tun  coupant  de  haut  en  bas,  Tautre  de  bas  en  haut,  pro- 
cèdent avec  une  remarquable  rapidité,  la  blessure  est 
recouverte  de  cendre  pour  arrêter  Thémorragie. 

Un  mois  de  repos  bien  mérité  succède  à  l'opération , 
pendant  lequel,  vêtu  d'un  jupon  en  écorce  d'arbre,  le 
malade  fait  chaque  jour,  plusieurs  fois  le  tour  du  village, 
sa  dextre  armée  d'un  couteau. 

La  constatation  de  cette  coutume  ne  conduit-elle  pas 
à  admettre  que  sous  un  climat  analogue,  les  hommes  à 
quelque  race  qu'ils  appartiennent  se  sentent  soumis  aux 
mômes  lois  d*hygiène,  et  recourent  aux  mômes  procédés  i 
n*y  aurait-il  pas  lieu  de  voir  en  ce  fait  la  manifestation 
de  la  volonté  d*un  homme  qui  a  su  s'imposer  et  ne  pour- 
rait-on comparer  le  dieu  <r  Bembo  »  à  Jésus,  le  Messie  ou 
à  Mahomet,  le  Prophète  ? 


lies  Funérailles 

Un  décès  vient-il  à  se  produire?  Les  femmes  se 
réunissent  dans  la  case  du  défunt,  ferment  sa  bouche,  le 
recouvrent  d'étoffes,  puis  se  mettent  à  pleurer  en  jetant 
des  cris  ;  le  lendemain  le  cadavre  est  conduit  en  terre, 
accompagné  de  tous  les  parents  et  amis. 

Au  fond  d'une  grande  fosse,  sont  disposées  des  écor- 
ces  d'arbre,  sur  lesquelles  sont  déposées  les  marchandises 
du  défunt;   si  c'est  un  homme,  avant  de  le  recouvrir 


132   DES  PAYSAGES  DU  LOT  AUX  MONUMENTS  DE  TOULOUSE 

sont  à  vous;  si  vous  ne  pouvez  le  franchir  ou  (iavanre 
vous  avouez  vaincu,  eh  bien  !  je  h»s  garde.  Gi  vou* 
va-l-il  ?  »  Saint  Pierre  réllt'ehit  encon»  quelcjuc  peu,  puis 
finalement,  il  accepta.  —  <r  A  hi  jçrâcc  de  Dieu,  tlit-il! 
Marché  conclu.  » 

Sur  ce,  le  diable  frappa  du  pied  et  il  frappa  si  fort, 
si  fort,  que  la  terre  s'enfonça  jusque  dans  ses  entrailles. 
Immédiatement  tous  les  diablotins  de  gambader  au-des- 
sus de  Tabîme,  et  Satan  de  rire  sous  cape.  Il  ne  rit  pas 
longtemps.  —  «  Saute  au  nom  du  Père  »,  dit  Saint  Pierre 
à  sa  mule,  et  la  bonne  bête  sauta  si  bien  que  ses  qoatrp 
pieds  vinrent  se  poser  sur  Pautre  bord.  Vaincu,  le  diable 
s'enfuit,  disparaissant  dans  le  gouffre  et  laissant  les  Caus- 
setiers  à  Saint  Pierre  qui  les  porta  en  Paradis  où  ils  priè- 
rent depuis  pour  leurs  frères  restés  sur  terre.  Et  voilà 
comment  fut  crée  le  gouffre  de  Padirac  et  voilà  pourquoi 
il  n'y  a  plus  dans  le  pays  que  de  braves  gens  ! 

On  vous  montre  encore  là-bas  la  trace  qu*ont  laissée 
les  pieds  de  la  nmle.  Malheureusement,  on  vous  les  dési- 
gne à  cinq  endroits  différents...  Après  tout.  Saint  Pierre, 
il  est  vrai,  a  pu  sauter  plusieurs  fois,  tout  comme  le* 
diablotins  ! 

En  réalité,  voici  Phistoire  après  la  légende,  le 
gouffre  s'est  formé,  à  ime  époque  encore  inconnue,  p^ 
Paffaissement  subit  des  voûtes  d'une  vaste  caverne,  fl 
avant  1889  on  n'avait  guère  pris  garde  à  son  existence.  A 
cette  époque,  un  savant  et  courageux  spéléologue. 
M.  Martel,  eut  l'idée  de  descendre  au  fond  du  gouffre,  H 
par  une  grotte  que  le  puits  contenait  à  l'un  de  ses  angles, 
pénétra  dans  une  rivière  souterraine  dont  PexisleJKt 
était  jusqu'à  ce  jour  inconnue.  Depuis  4889,  d'autres 
explorations  faites  par  MM.  Martel,  Viré,  Gaupillat,  de 
Launay,  donnèrent  à  Padirac  la  célébrité  que  méritaieirt 
ses  merveilles,  et  en  1898,  après  la  constitution  d'^ 


DES  PAYSAGES  DU  LOT  AUX  MONUMENTS  DE  TOULOUSE    133 

Société  Anonyme  et  de  difficiles  travaux,  le  gouffre  et  la 
rivière  souterraine  étaient  rendus  accessibles  au  public. 
Commençons  maintenant  notre  visite. 


Padirac  :  (iraiid  Escalier  du  Gouffre 

La  descente  dans  le  gouilre  s'en*ectue  d'abord  par  un 
puits  artiûciel  profond  de  14  niùtres,  pourvu  d'un  escalier 
en  fer  et  débouchant  dans  une  petite  grotte  latérale  au 
^rand  gouffre.  Cette  grolto  s'ouvre  elle-même  sur  une 
^ande  corniche  naturelle  qu'on  a  transformé  en  com- 
mode et  spacieuse  tcîrrasse  et  où  est  installé  un  res- 
taurant. 

Au  bout  de  cette  terrasse,  dans  le  gouffre  même,  est 
un  grand  escalier  de  fer,  haut  de  37  mètres,  qui  conduit 


ACTES  DE  LA    SOCIÉTÉ 


Procès- Verbal  de  la  Séame  du  Comité  du  15  Mai  1907 
Présidence  de  M.  Ë.  Dupont,  Préiddeiit. 

La  séance  est  on  verte  à  9  heures,  sons  la  présidence  de  M.  E.  Dapont. 

Le  procès-verbal  de  la  précédente  séance  est  lu  et  a<:lopté. 

M.  Loiseau,  Secrétaire  général,  donne  lecture  de  la  correspondance, 
savoir  : 

1°  Lettre  de  M.  René  l^oitier,  Trésorier,  s'excusaut  de  ne  |x)avoir 
assister  à  la  réunion  de  ce  soir  ; 

2*  De  Bordeaux,  invitations  aux  divers  Congrès  auxquels  donnera 
lieu  l'Exposition  Maritime,  entre  autres  au  28"«  Congrès  national  des 
Sociétés  françaises  do  Géojri'apliie  ; 

3°  Du  Comité  Duplt^ix,  envoi  du  programme  d'un  voyage  qu'il  orga- 
nise jusqu'à  Tombouctou  et  d'un  voyage  d^Etudes  aux  Etats-Unis  et 
au  Canada. 

M.  le  Pi'ésident  serait  heureux  qu'un  membre  de  la  Société  S3  ren<le 
au  Congrès  de  Bordeaux  :  M.  Favicr  se  fait  inscrire. 

Abordant  la  question  du  Concours  de  Géographie,  M.  Loiseau  pro- 
pose et  fait  adopter  la  suppression  du  3"«  groupe,  garçons  de  16  à  20  ans, 
vu  l'insuffisance  habituelle  de  concurrents. 

Il  est  procédé  ensuite  à  la  nomination  des  membres  des  Commissions 
du  Concours.  Sont  élus  : 

1**  Membres  de  la  Commission  du  choix  des  questions  :  MM.  Cartoo, 
Favier,  Loiseau  ; 

2°  Membres  du  Jury  :  MM.  Barre,  Fritz,  Meura,  Schmitt,  Vanier.  - 
Membres  suppléants  :  MM.  Boitier,  Guitton,  Ménager. 

M.  Lebreton,  Administrateur  des  affaires  indigènes,  à  Brazzaville, 
est  admis,  sur  la  présentation  de  M.  Fritz,  comme  membre  correspondant. 

M.  Ferd.  Vanier  lit  une  communication  sur  le  Chemin  de  fer  de 
Konia-Bagdad. 

La  séance  e«<t  levée  à  10  h.  1/2. 


ACTES  DE  LA  SOCIETE  91 

Procès-Verbal  de  la  Séance  du  Comité  du  24  Octobre  1907 
I*ré8iilence  de  M.  B.  Dupont,  PrésiMent. 

Le  pnii'è8-verl)al  tio  la  «Uîriiière  w'ance  est  lu  et  adopté. 

M.  le  Secrétaire  péiiéral  donne  lecture  de  la  corres|)ondance  : 

Lettre  de  M.  le  Maire  remettant  au  nom  <le  la  Ville  du  Havre,  pour 
le  ConcourK,  3  m(klaillefl  de  vermeil  et  2  d'ar*<ent  ; 

Lettre  de  M.  le  ComraiHsaire  ffAnéml  de  l'Etat  de  Bao-Paulo,  à 
Anvers,  remettant  deux  exemplaires  d'un  ouvrage  sur  la  Valorisation  du 
Café  au  Brésil  ; 

Lettre  de  M.  le  Vice-Consul  de  Suède  offrant,  au  nom  du  Tourinjj- 
Club  Suédois,  un  album  sur  la  Suècle  Pittorew^iue  ; 

Letttre  de  M.  le  Consul  du  Brésil,  au  Havre,  ««ffi-ant  une  brochure 
sur  le  Brésil. 

Sont  présentés  comme  nouveaux  mend)res  de  la  Soi-iété  : 
MM.  Eug.  Godement,        présenté  par  MM.  Meura  et  Briant. 


Gust.  Fosse 

» 

E.  Caron  et  G.  Gatteaux 

Ch.  Dethier 

D 

Hauzeur  et  Meura. 

M'i« 

Charles  de  Malmain 

» 

Chancerel  et  Boivin. 

MM 

.  E.  Level 

» 

(iuitton  et  Schneider. 

Edm.  Deromc 

» 

F.  Vanier  et  R.  Pesle. 

R.  Olny 

n 

Favier  et   Pcllissier. 

Geneviève-Duhamel 

» 

Monjîuillon  et  Quitton. 

Edm.  Voisin 

i> 

E.  Dupont  et  Ch.  Martin 

Ralph  Kmfrcr 

J> 

Monvert  et  Hauzeur. 

R.  Gravière 

» 

Fritz  et  Boivin. 

J.  Carcopino 

D 

Favier  et  Pel lissier. 

P.  Jobin 

» 

J.  Caron  et  Guitton. 

Il  sera  statué  eur  leur  admission  dans  une  s<:ance  supplémentaire. 

M.  L.  Guitton  donne,  j^rAcn  à  de  larircs  extraits,  très  heureusement 
choisis,  un  compte  rendu  intéressant  de  l'ouvrap-e  de  M.  Paid  Hcnrix'sur 
le  Brésil. 

Amélioration  sanitaire  de  Rio-<le-Janeiro.  —  Al>)lition  de  l'escla- 
vajre.  —  Détails  sur  la  Constitution,  la  population,  l'immigration,  les 
facilités  de  naturalisîition,  la  colonisation  allemande,  les  cultures  du  Café, 
du  caoutchouc,  du  sucre,  sur  les  finance?,  le  change  et  sa  fixation,  sur  la 
valorisation  du  café,  tels  sont  les  principaux  ptints  sur  lesquels 
M.  Guitton  retient  l'attention  de  son  auditoire. 


92 


ACT1È6  Dfi  LA  SOGliré 


M.  le  Consul  da  Brésil  remercie  M.  Guitton  d'avoir»  en  termes  si 
heureux,  parlé  de  son  pays.  H  donne  ensuite  quelques  renseignements 
complémentaires  sur  les  divers  sujets  précédemment  traités. 

Après  quelques  mot«  de  remerciement  à  M.  Guitton  et  à  M.  le  Consul 
du  Brésil,  M.  le  Président  annonce  pour  le  15  Novembre  une  conférence 
de  M.  J.  Hess  sur  le  Maroc  et  une  de  M.  A.  Durand  sur  la  Turquie  pour 
le  13  Décembre. 

La  séance  est  levée  à  10  h.  1/4. 


Procès-Verbal  de  la  Séance  du  Comité  du  iS  Janvier  1908 


Présidence  de  M.  E.  Dupont,  Président. 


La  séance  est  ouverte  à  8  h.  3/4,  sous  la  présidence  de  M.  Dupont. 

Après  lecture  et  adoption  du  procès-verbal,  M.  P.  Loiseau,  Secré- 
taire général,  donne  communication  d'une  lettre  de  M.  le  Docteur  Charoot^ 
sollicitant  le  concours  financier  de  la  Société  pour  Texpédition  qu'il  se 
propose  de  faire  au  Pôle  Sud.  M.  Loiseau  a  répondu  que  le  budget  de  U 
Société  ne  permettait  pas  de  souscrire. 


Sont  présentés  pour  faire  partie  de  la  S<  ciété  : 


MM.  U.  Carpentier, 

présenté 

par  MM. 

D'  Le  Nouëne 

» 

Ml'-  H.  Bouquet 

M"*» 

MM.  L.  Langlois 

MM. 

A.  Corbeau 

B.  Bebour 

Bach 

D'  Guillot 

A.  Dubail 

£.  Jallageas 

N.  Danilow 

M««  Taillemas-Murer 

M^.  E.  Thieullent 

L.  Bibard 

Guitton  et  Boivin. 
V.  Schmitt  et  D'  Dafour. 
Kirschbaum  et  Souilhac. 
Favier  et  Sauvage. 

E.  Dupont  et  D^  Dufour. 
Boivin  et  Poidvin. 
Danon  et  Guitton. 

D'  Dufour  et  F.  Vanier. 
Lefièvre  et  Frits. 
Bricka  et  Krause. 
Guitton  et  B.  Dupont. 

F.  Vanier  et  Le  Coniac. 
Guitton  et  H.  Thieullent. 
D'  Dufour  et  Loiseau. 


M.  Bené  Boitier,  Trésorier,  dépose  le  projet  de  budget  de  1908, 
seMiblement  comparable  à  celui  de  1907.  U  se  balance,  en  recettes  et 
dépenses,  à  8.646  francs.  —  Adopté. 


DES  PAYSAGES  DU  LOT  AUX  MONUMENTS  DE  TOULOUSE   137 

ligne  de  chemin  de  fer,  ou  remonter  vers  Beaalieu  qui, 
sur  les  bords  de  la  Dordogne,  a  une  très  belle  église 
romane  ;  mais  Cahors  nous  appelle,  et  j'ai  hâte  de  vous  y 
conduire. 


■•«w 


Dans  les  Gorges  de  In  (]ère 


Cette  ville  de  Cahors  compte  actuellement  14.000  ha- 
bitants et,  dominée  par  une  ceinture  de  collines  qui  en 
font  presque  tout  le  tour,  elle  s'étage  en  amphithéâtre  dans 
une  presqu*île  formée  par  le  Lot.  Sa  principale  curiosité, 
dont  elle  se  fait  gloire  est,  sans  contredit,  le  pont 
Valentré.  Sous  tous  ses  aspects  il  est  pittoresque  à  ravir, 
et  avec  ses  trois  tours  à  mâchicoulis,  c'est  un  type  très 
précieux  de  l'architecture  du  Moyen-Age,  malgré  quel- 
ques lantaisies  de  restauration  de  Viollet-lc-Duc. 


138   DES  PAYSAGES  DU  LOT  AUX  MONUMENTS  DE  TOULOUSE 

Sa  construction  date  du  xiv"'"  siccle.  Il  fiit,  en  eflel 
commencé  en  4308,  mais  les  chroniqueurs  nous  appren- 
nent qu'il  n  elait  pas  achevé  avant  un  demi-siècle,  peut- 
ôtrc  plus,  et  quant  à  son  histoire  à  cette  époque,  on  Of 
dit  guère  qu'une  légende.  C'est  encore  un  tour  du  diable 
et  le  voici  : 

Celait  en  Tan  de  grAce  1300  et  quelque,  je  ne  cherche 
point  à  préciser.  Quelques  mois  aui>aravant,  les  consuls 
de  la  bonne  ville,  pressés  ])ar  la  population,  avaient 
promis  ftn^te  récompense  à  qui  terminerait  ce  pont 
depuis  trop  longtemps  attendu.  Un  brave  maiti*c  maçon, 
pauvre  d^argent  mais  riche  d^espérance,  Tavait  promis 
pour  les  prochaines  vendanges,  solidement  fait  et  bien 
garni  de  tours  crénelées.  L*architccte  dirigeait  Fort  bien  ses 
ouvriers,  paralt-il,  mais  quoi  qu'il  fit,  les  travaux  n'avan- 
çaient guère  ;  et  pourtiint,  septembre  approchait,  les 
raisins  étaient  pi*esque  mûrs,  et  dans  lattente  du  vin 
nouveau,  tout  le  monde  riait  et  chantait,  sauf  notre 
maître  maçon. 

Le  pauvre  homme,  qui  aimait  à  tenir  parole,  était 
presque  au  désespoir,  et,  sans  trop  savoir  ce  qu'il  faisait 
un  beau  matin,  sous  une  inspiration  quon  peut  assuré- 
ment qualifier  de  diah()]i([ue,  il  résolut  d'appeler  à  son 
aide  Satan  dont  il  avait  entendu  parler  comme  d'un 
grand  bâtisseur  de  châteaux  et  de  fortei'esses,  voire 
même  de  ponts.  Il  obtint  de  lui  un  rendez-vous  sur  le 
sommet  d'Angély  et  exposa  son  aflaire.  Le  diable 
promit  d'exécuter  les  ordres,  mais  en  retour,  par  un 
contrat  bien  en  forme,  —  car  le  diable  avait  fait  son 
droit  dans  une  des  meilleures  universités,  et  savait  cpi'tMi 
ne  donne  rien  sans  exiger  quelque  chose  en  échange,  — 
l'architecte  dût  lui  engager  s<m  Ame. 

Dès  lors,  les  constructions  avancèrent  avec  uue  in- 
croyable rapidité.  L'homme  ordonnait,  donnait  lesdimen- 


DES  PAYSAGES  DU  LOT  AUX  MONUMENTS  DE  TOULOUSE    139 

sions,  Tépaisseur  des  murs,  la  hauteur  des  piles,  et  le  dia- 
ble allait  et  venait,  remuant  comme  des  plumes  et  accu- 
m,ulant  sur  les  chantiers  les  blocs  calcaires  des  bords  du 
lx>i  et  les  grès  des  environs  de  Figeac. 

Si  notre  maître  maçon  neût  été  un  rusé,  il  eût 
vu  son  âme  bien  en  péril  :  il  la  sauva  par  un  expé- 
dient. Satan,  vous  le  savez,  avait  promis  de  tout  faire. 
€  Tiens,  lui  dit  notre  homme  comme  les  travaux  s'ache- 
vaient, prends  ce  crible  et  va-t-en  aux  sources  du  Lot 
chercher  Tcau  nécessaire  aux  maçons.  »  Satan  comprit 
bien  qu'il  était  joué.  Il  tenta  cependant  Taventure  ;  mais 
malgré  la  rapidité  de  son  vol,  il  ne  put  transporter  une 
seule  goutte  d'eau.  Il  prit  la  fuite  en  acceptant  sa  défaite; 
mais  à  quelques  jours  de  là,  il  voulut  se  venger.  Un  soir, 
en  effet,  où  Tarchitectc  déjà  couvert  de  gloire,  félicité 
par  les  consuls,  porté  aux  nues  par  la  population,  venait 
admirer  son  pont,  seul  et  à  loisir,  subitement,  sans 
cause  apparente,  Tangle  d'une  tour  s'écorna.  Vite  il  le  fit 
réparer.  Le  lendemain,  nouvelle  écornure,  seconde  répa- 
ration. Et  le  fait  se  renouvelait  chaque  jour,  tandis  que 
le  diable,  perché  sur  les  rochers  d'Angély  —  vous  avez 
reconnu  qu'il  était  le  coupable  —  narguait  son  ancien 
associé.  Le  pauvre  homme  mourut  de  chagrin.  —  Dieu 
eût  son  âme,  car  il  s'était  repenti,  —  et  après  lui,  Satan 
lassa  bientôt  les  ouvriers.  De  nos  jours  seulement,  les 
pierres  furent  solidement  fixées  :  on  a  sculpté  sur  l'une 
d'elles  un  petit  diable  faisant  des  efforts  pour  l'arracher, 
et  depuis  ce  temps-là,  Satan  a  peur  de  sa  propre  image 
et  reste  tranquille. 

Des  bords  du  Lot,  nous  allons  maintenant  visiter  quel- 
ques coins  curieux  de  la  vieille  ville.  Il  y  aurait  beaucoup 
à  faire  si  nous  voulions  tout  voir  et  nous  rencontrerions 
dans  une  promenade  complète  tant  de  souvenirs  du  Moyen- 
Age  et  de  la  Renaissance,  que  j'hésite  pour  en  choisir  quel- 


140   DES  PAYSAGES  DU  LOT  AUX  MONUMENTS  DE  TOULOUSE 

qucs  uns  et  vous  les  faire  connaître.  Là,  dans  les  quartiers 
des  Badernes,  les  rues  ont  conservé  leur  aspect  de  jadis; 
elles  sont  étroites,  i)avées  de  ^ros  cailloux  et  les  maisons, 
aux  façades  diverses,  cachent  souvent  dans  leur  cour  des 
détails  fort  amusants.  Très  curieuses  sont  notamment  la 
rue  Nationale,  celle  du  Cheval  Blanc,  celle  de  TUniver 
site,  la  dernière  surtout  fort  jolie,  sous  la  vive  lumière  qui 
tombe  d'en  haut,  contrastant  avec  Tobscurité  des  arceaux; 
son  nom  rappelle  le  souvenir  d'une  institution  dont  les 
bâtiments  étaient  voisins  et  qui  brilla  d'un  vif  éclat  du 
XIV""'  siècle  à  1751,  attirant  des  étudiants  nombreux  sous 
les  maîtres  les  plus  réputés,  au  nombre  desquels  on  place 
notamment  le  grand  jurisconsulte  Toulousain  Cujas. 

Tout  près,  se  trouve  l'admirable  et  riche  fenêtre  du 
logis  de  Cardailhac,  aux  ornements  variés,  d^une  conser- 
vation tout  à  fait  parfaite  ;  puis,  dans  la  me,  qui  t 
nom  genlil  de  Donzelle,  un  buste  du  comniencemcnidii 
^jyiiie  j;ît\(.ie^  une  tète  de  femme,  souriante  et  couronnée. 

A  quelques  [)as  delà  rue  Donzelle,  nous  allons  par  b 
rue  S^'^-Ursule  rejoindre  la  place  Henri  IV,  et  nous  sommes 
là  devant  la  demeure  des  Roaldès,  où  le  roi  de  Navarre 
aurait,  dit-on,  séjourné  a[)rès  la  prise  de  Cahors  en  18W. 
Avec  sa  façade,  il  faut  admirer  aussi,  à  rintérieup,  ue 
belle  cheminée,  deux  belles  portes  placées  côte  k  oÂte^ 
dans  un  (»scalier  en  spirales  séparées  par  de  gracieax 
fleurons,  et  enfin,  dans  une  cour,  une  gracieuse  fenêtre, 
fort  jolie  à  voir  d'une  galerie  en  bois  située  en  face. 

Non  loin  encore,  le  cloître  de  la  cathédrale,  construit 
de  1VJ4  à  irîOl),  nous  oflre  ses  fines  dentelles  de  pierre  du 
plus  pur  gothique  flamboyant.  11  convient  d'y  remai-quer 
dans  une  niche  une  Vierge  du  début  du  xvi'"*  siècle. 
enq)reinte  à  la  fois  de  ce  naturel  et  de  ce  sentiment 
idéal  et  pur  qui  persiste  au  milieu  des  apports  du  rca- 


DES  PAYSAGES  DU  LOT  AUX  MONUMENTS  DE  TOULOUSE   141 

lisiiic   flamand   el   bourguignon   à   cette    époque    de    la 
sculpture  française. 

Quant  à  la  cathédrale,  sur  laquelle  il  y  aurait  beau- 
coup h  dire,  elle  contraste  un  peu  par  son  austérité  avec 
la  grâce  du  cloître.  Elle  compte  une  seule  nef  et  deux 
coupoles  romano-byzantines,  qui  en  font  le  principal 
caractère.  Sa  façade  est  massive,  sans  grand  ornement; 
par  contre,  on  doit  admirer  sur  le  côté  nord,  un  ])ortail 
du  xii"*  siècle,  d'une  sculpture  tout  a  fait  parfaite. 


Cahohs  :   Vue  de  VEst 


De  la  cathédrale,  nous  passons  aux  quais,  et  nous 
voilà  devant  une  pittoresque  perspective  de  tours  et  de 
jardins  en  terrasses,  qui  sont  comme  une  vision  du 
Moyen-Age.  En  passant  par  Saint-Barthélémy,  la  tour  du 
Pape  Jean  XXII,  le  CliAteau  du  roi,  aujourd'hui  occupé  par 
la  prison,  elle  va  suivant  le  fleuve,  jusqu'au  collège  Pélegry . 


142   DES  PAYSAGES  DU  LOT  AUX  MONUMENTS  DE  TOULOUSE 

Les  bûtimcnts  de  cette  dernière  institution  occupaient 
dans  le  quartier  un  lai»ge  emplacement  et  si  Ton  veut  en 
avoir  une  idée,  on  peut  prendre,  à  cùté  des  quais,  la  rue 
du  Four-Sainte-Catlierine.  On  ne  regrette  pas  d*ailleurs 
la  promenade,  car  c'est  un  des  coins  les  plus  curieux  du 
vieux  Cahors,  dont  les  brusques  contours  aux  décors 
changeants  offrent,  à  Tabri  d'anciennes  murailles,  les 
plus  pittoresques  détails. 

On  aboutit  ainsi  à  la  rue  du  Château-du-Roi  qui 
conduit  à  celle  des  Soubirous  et  au  quartier  de  la  BaiTC. 
11  y  a  là  divers  monuments  :  Tancienne  porte  des  Thermes, 
un  arc  gallo-romain,  d'antiques  remparts  malheureuse- 
ment bien  mutilés,  et  une  Barbacanne  du  xv«  siècle. 


Notre  visite  à  Cahors  ainsi  terminée,  noua  poursui- 
vons notre  programme  et  nous  nous  rendons  à  Saint-Grq- 
la-Popie.  Le  voyage  est  des  plus  agréables  et  si  nous 
n'étions  un  peu  pressés,  il  serait  charmant  de  suivre  à 
loisir  les  méandres  du  Lot.  Nous  verrions  ArcambaU 
puis  Saint-Géry,  Pasturac,  tous  dans  une  agréable  situa- 
tion ;  plus  loin  le  Défilé  des  Anglais  nous  offrirait  sa 
route  en  encorbellement,  et  après  quelques  instants 
d'obscurité  sous  le  tunnel  de  Coudoulous,  long  de 
300  mètres,  qui  donne  passage  à  la  route,  nous  aurions  la 
surprise  de  Saint-Cirq-la-Popie. 

Le  villii'^i»  est  perché  sur  un  rocher  à  pic  qui  domine 
le  Lot  et,  pour  mieux  contempler  son  séduisant  paysajçe, 
je  vous  i)ro poserai  d'y  arriver  en  bateau.  Ou  suit  d'abord 
de  hautes  falaises  grises  qui  portent  au  loin  sur  leurs 
bords  une  église  du  xv™'  siècle  ;  puis,  après  un  détour, 
le  décor  change  et,  sans  être  moins  impi'essionnant, 
laisse  apparaître,  dans  un  cadre  plus  vert,  un  coin  de 
village  s'étageant  en  ampliitlié&tre.  Nous  débarquons  el 


DES  PAYSAGES  DU  LOT  AUX  MONUMENTS  DE  TOULOUSE  143 

teignons  rapidement  l'entrée  de  la  bourgade,  qui  est 
rt  ancienne  et  eût  d'ailleurs  jadis  une  certaine  impor- 
iice  dans  la  région.  Une  vieille  porte  y  donne  accès  et 
intiques  masures  conservent  a  la  cité,  comme  à  ccr^ 
ins  coins  de  Cahors,  un  air  de  Moyen- Age  :  les  unes 


S4i?«T-CiKQ-LA-PoiMK  /Viic  prisc  en  barque  sur  le  Lot/ 


nt  des  plus  modestes,  d'autres  témoignent  encore  par 
clques  restes  qu  elles  furent  jadis  le  logis  d'un  bon 
ui^eois,  peut-être  d'un  seigneur  ;  mais  toutes  rendent 
Moresque  une  rue  fort  en  pente  et  pavée  de  gros 
Uloux. 


98    PAQUEBOTS  TRANSATLANTIQUES  ET   PORTS   FRANÇAIS 

Mais  il  était  évident  dès  cette  époque  que  l«s  Brestois. 
qui  n*ont  jamais  désarmé,  ne  se  résigneraient  pas  à  lenr 
défaite  et  saisiraient  la  prochaine  occasion,  c*est-à-dit*e  le 
renouvellement  des  conventions  postales  en  1911,  pour 
tenter  de  prendre  leur  revanche. 

Nous  avions  à  cette  époque  comme  principal  adver- 
saire M.  Pichon,  alors  député,  aujourd'hui  sénateur  du 
Finistère.  M.  Pichon  est  actuellement  le  membre  le  plus 
agissant  du  Comité  Brest-Transatlantique  qui  déploie  en 
ce  moment  une  si  grande  ardeur  en  vue  de  Téchéance 
que  je  vous  signalais,  dans  une  propagande  incessante. 
Nous  avons  pensé  qu'il  était  indispensable,  en  présence 
de  celte  attitude  belliqueuse,  de  ne  reculer  devant  aucun 
effort  pour  déjouer  la  tactique  de  nos  adversaires.  Il  m'a 
semblé  que  ces  efforts  étaient  d'autant  plus  nécessaii-es. 
qu'en  1898,  sur  un  amendement  d'ajournement  présenté 
devant  la  Chambre,  nous  n'avions  recueilli  que  30  voix 
de  majorité.  Il  est  vrai  —  comme  cela  se  passe  toujours  — 
que  la  majorité  s'est  accrue  considérablement  ensuite, 
mais  cela  nous  avait  fait  légèrement  frissonner,  et  j'ai 
estimé  depuis  cette  époque  qu'il  convenait  de  rassembler 
les  faits,  documents  et  arguments  qui  pourraient  ultérieu- 
rement servir  de  base  à  notre  défense.  Depuis,  j'ai  pensé 
également  qu'il  fallait,  pour  présenter  au  Parlement  des 
raisons  précises  et  décisives,  nous  renseigner  dans  les 
ports  étrangers  transatlantiques  et  aussi  nous  livrer  à 
une  étude  complète  et  minutieuse  de  la  situation  et  de 
l'état  des  ports  français  qui  prétendent  nous  ravir  la  lign^" 
de  New-York.  J'avais  en  effet  constaté,  au  moment  de  la 
discussion  de  1898,  que  ce  qui  faisait  en  grande  partie  la 
faiblesse  de  nos  advereaires,  c'est  qu'ils  parlaient  du 
port  du  Havre  sans  le  connaître,  qu'ils  avaient  commis 
de  nombreuses  erreurs  :  les  renseignements  dont  nous 
nous  étions  entourés  nous  avaient  permis  de  les  signaler 


l^AQtJEBOTS  TRANSATLANTIQUES  BT  PORTS  FRANÇAIS    99 

et  d'éviter,  en  ce  qui  concerne  les  autres  ports,  d'encourir 
les  mômes  reproches. 

A  Brest,  et  aussi,  si  je  suis  bien  renseigné,  à  Cher- 
bourg et  à  Saint-Nazaire,  on  s*est  quelque  peu  agité  à 
Toccasion  du  projet  concernant  Tagrandissement  du  port 
du  Havre.  Vous  savez  que  ce  projet  a  été  déposé  au  mois 
de  décembre  dernier  par  M.  Barthou,  mais  il  en  était 
question  depuis  un  certain  nombre  de  mois. 

Nos  adversaires  n'avaient  pas  manqué  de  suivre  pas 
à  pas  toutes  les  étapes  de  la  question  :  votes  de  la  Cham- 
bre de  Commerce,  du  Conseil  Municipal,  du  Conseil 
Général  et  semblaient  disposés  à  faire  opposition  au  vote 
de  ce  projet.  C'est  dans  ces  conditions  que  la  Société  de 
Géographie  Commerciale  de  Paris  me  pria,  au  mois  de 
Janvier,  de  faire  une  conférence  sur  le  port  du  Havre  et 
la  grande  navigation.  J'acceptai  avec  empressement  :  j'y 
trouvai  une  occasion  de  faire  justice  des  erreurs  et  des 
légendes  que,  depuis  trop  d'années,  on  a  accumulées 
dans  la  presse  ou  ailleurs,  autour  du  port  du  Havre. 

Dans  cette  conférence,  je  m'attachai  principalement 
à  faire  valoir  d'une  façon  générale  Timportance  considé- 
rable du  Havre  au  point  de  vue  maritime  et  commercial, 
l'importance  de  son  marché  et  aussi  l'excellence  de  sa 
situation  au  point  de  vue  des  relations  transatlantiques 
avec  l'Amérique  du  IMord.  J'indiquai  enfin  les  améliora- 
tions qui  résulteront  de  l'achèvement  du  programme  de 
1895  et  de  l'exécution  du  nouveau  projet. 

Je  n'ai  pas  l'intention  de  vous  faire  une  conférence 
identique.  Il  y  a,  dans  un  pareil  sujet,  énormément  de 
choses  qu'il  est  inutile  de  dire  devant  des  Havrais.  Je 
n'ai  pas  à  vous  faire  visiter  notre  propre  port,  a  faire 
passer  sous  vos  yeux  les  évolutions  des  grands  navires 
dans  notre  avant-port  et  les  bassins.  Tout  cela  était  indis- 
pensable à  montrer  dans  d'autres  milieux,  mais  pas  ici. 


146  DES  PAYSAGES  DU  LOT  AUX  MONUMENTS  DE  TOULOUSE 

craniour  où  les  poètes  locaux  célébraient  avec  ;»rt  la 
grâce  et  Tesprit  de  noble  et  gente  dame  Marguerite  et 
Cardaillac. 

Pour  pénétrer  à  l'intérieur  du  manoir,  il  faut  passer 
tout  d'abord  par  une  porte  surmontée  de  créneaux  :  on  se 
trouve  alors  dans  un  jardin  qui  possède  sur  Tun  deé  cùtih 
Tancien  temple  protestant,  du  xv'"*  siècle.  Pais  on  passf 
sous  une  autre  porte,  aux  fines  arabesques,  près  du  corpa 
de  garde,  et  Ton  arrive  ainsi  aux  bâtimentë  eux-inémes. 
sur  une  terrasse  ayant  vue  sur  le  Lot.  Sur  une  façade  de 
cette  terrasse  se  trouve  une  très  belle  galerie j  qui  reimil 
deux  corps  de  logis  et  donne  accès  aux  divers  ap}»a^ 
tements. 

Ces  appartements  ont  en  général  conservé  l^iiSj 
vieux  plafonds  à  poutrelles  et  leurs  vastes  ctiemïnle^ 
mais  ce  qui  en  fait  avant  tout  l'intérêt,  c'est  leur  ridi 
collection  de  tapisseries  du  xvi"*'  siècle,  dont  sept  pièw 
sont  entièrement  tendues.  Dans  une  chambre,  ou  m 
trouvent  aussi  deux  vieux  fauteuils  des  iiuciens  seigneoff 
de  Gourdon,  se  voit  toute  l'histoire  de  Moïse  :  UBi' 
chambre  à  côté  contient  en  six  tableaux  rixistoire  |l 
Joseph  ;  ailleurs,  ce  sont  des  chasses  h  Fours,  au  ce4 
au  lièvre.  Mais  les  tapisseries  les  plus  Intért^ssaDles  IM 
certainement  celles  du  grand  salon  ;  le  pîtis  grioJ 
panneau  a  5  m.  50  de  long  et  4  m.  50  d&  haut  et  quésA 
aux  scènes,  elles  forment  tout  un  roman  de  chevalerie 
C'est  d'abord  une  châtelaine  qui  part  {mur  la  cli^ssc? 
suivie  par  les  seigneurs  des  environs  ;  puis  en  forél,  1* 
poursuite  furieuse  du  sanglier  et  lorsque  lanLual  est  ton 
le  seigneur  qui  oflrc  galamment  à  la  dame  la  hure  de  ^ 
victime  ;  l'histoire  se  termine  par  le  châtiment  d  ue  coO' 
pable  qui  avait  ensuite  ravi  le  présent. 


PAQUEBOTS   TRANSATLANTIQUES   ET    PORTS   FRANÇAIS   101 

Je  me  bornerai  ce  soir  à  indiquer  que  ce  service  fut 
créé  en  1783,  qu'il  partit  d'abord  de  PortrLouis,  puis  de 
Lorient,  et  ensuite  du  Havre.  On  avait  en  effet  reconnu  que 
le  port  de  la  Manche  était  plus  apte  que  tous  les  autres  à 
servir  de  point  d'attache  à  un  pareil  service.  Toutefois, 
par  suite  de  circonstances  spéciales  —  on  avait  traité 
avec  des  armateurs  dans  des  conditions  trop  onéreuses 
pour  TËtat  —  ce  service  ne  fonctionna  pas  longtemps. 
Un  nombre  considérable  d'années  s'écoula  avant  que 
l'on  pût  assister,  non  pas  à  la  renaissance  d'un  service 
français,  mais  à  l'établissement  d'un  service  sous  pavillon 
étranger  entre  la  France  et  les  Etats-Unis.  Il  n'est  pas 
nécessaire  d'insister  longtemps  sur  les  causes  de  ces 
interruptions  :  ce  sont  les  longues  guerres  maritimes  qui 
se  sont  succédé  pendant  les  périodes  de  la  Révolution  et 
du  premier  Empire  ;  c'est  aussi  à  la  fin  de  cette  dernière, 
la  guerre  qui  éclata  en  1812  entre  l'Angleterre  et  les  Etats- 
Unis,  guerre  tellement  sérieuse  qu'elle  amena  la  prise  de 
la  Nouvelle-Orléans  par  les  Anglais,  et  qui  ne  permit  pas. 
au  pavillon  Américain  de  prendre  plus  tôt,  au  point  de 
vue  transocéanien,  l'importance  qui  lui  était  réservée. 
Lorsque  survint  la  paix  de  1818,  des  correspondances 
encore  irrégulières  mais  assez  fréquentes,  s'établirent 
entre  la  France  et  les  Etats-Unis  sous  pavillon  étoile. 
C'est  sur  Le  Havre  que  les  Américains  ont  jeté  leur 
dévolu  et  leurs  navires  ne  tardent  point  à  détenir  le 
record  de  cette  navigation.  C'est  en  1822  qu'est  créée  la 
première  ligne  régulière  sous  pavillon  américain  entre 
les  Etats-Unis  et  la  France.  Bientôt,  dans  les  années  qui 
suivent,  ces  lignes  se  multiplient,  et  Ton  arrive  à  en 
compter  près  d'une  demi-douzaine.  Toutes  ces  lignes 
aboutissent  au  Havre.  Dans  l'intervalle  les  Américains, 
excités  par  l'exemple  des  Anglais,  qui  en  1808  avaient 
fait  partir  de  la  baie   de  Cork  et  de  Bristol  les   deux 


148    DES  PAYSAGES  DU  LOT  AXJX  MONUMENTS  DE  TOULOUSE 

Sidoine  Apollinaire  et  Ausone  ont  chanté  à  Tenvi  les 
beautés  et  elle  fournissait  à  Athènes  et  à  Rome  même  des 
orateurs  qui  étonnaient  les  habitués  du  Forum  par  leur  lan- 
gage élégant  et  fleuri.  Si  vous  ajoutez  à  cela  une  riche  florai- 
son d'églises  et  de  monuments  de  toutes  sortes,  de  tous  sty- 
les, roman,  gothique  ou  renaissance,  vous  aurez  une  idée 
de  la  ville  qu*anime  de  plus  une  bonne  gaieté  méridionale. 

La  ville  moderne  possède  de  très  beaux  boulevards, 
de  magnifiques  jardins  publics,  ornés  d'œuvres  d'art. 
Mais  à  tout  seigneur  tout  honneur  ;  nous  devons  d  abord 
une  visite  au  Capitole,  qui  n'est  autre  que  le  palais  mu- 
nicipal. C'est  un  monumental  édifice  dont  la  principale 
façade,  de  style  ionique,  fut  édifiée  en  1750.  La  dmite  est 
occupée  par  le  Grand-Théâtre  et  la  gauche,  par  les  se^ 
vices  de  la  Mairie. 

Devant  est  une  grande  place  qu'il  faut  surtout  voir 
lors  du  marché  ;  elle  est  aloi*s  d'un  aspect  fort  amusaot, 
car  les  étalages  de  fruits,  de  légumes  et  d'objets  divers 
s'abritent  sous  d'immenses  parapluies  qui  disi>araissent 
comme  par  enchantement  sous  le  coup  de  midi. 

A  l'intérieur  de  ce  Capitole,  il  y  a  à  voir  une  ravis- 
.sante  cour  avec  porte  de  la  Renaissance,  surmontée  de 
la  statue  de  Henri  IV,  puis  la  magnifique  salle  dite  des 
Illustres,  ornée  par  les  maîtres  toulousains. 

Lorsqu'on  a  vu  tout  cela,  on  sort  sur  un  joli  square, 
près  d'un  donjon  du  xv°'  t^iècle  où  sont  les  archives 
municipales,  et  l'on  arrive  à  la  rue  Alsace-Ixirraine. 
la  principale  de  la  ville.  C'est  là  que  se  concentre  toite 
l'animation  ;  les  grands  magasins  s'y  trouvent  réunis  ti 
le  soir,  de  8  à  7  heures,  c'est  le  rendez- vous  des  flanears. 

La  rue  Alsace-Lorraine  conduit  de  plus  au  Musée, 
qui,  dans  un  cadre  charmant,  occupe  en  partie  l'anciefl 
couvent  des  Augustins.  Le  cloître,  en  particulier,  est 
délicieux   avec   ses  gracieuses  ogives  trilobées  et  ses 


PAQUEBOTS   TRANSATL.VNTIQUKS   ET    PUHT»    KRAXÇM»   103 

roues,  mises  en  service  par  le  gouvernement  français, 
sont  obligées  de  quitter  la  ligne  de  New- York,  nous 
voyons  le  steamer  américain  UnitedStafes^  qui  avait  été 
construit  en  vue  d'un  service  entre  Liverpool  et  New-York, 
faire  au  Havre  son  premier  voyage  et  y  établir  des 
départs  réguliers.  Il  est  suivi  de  vapeurs  de  différentes 
lignes,  de  «  The  Océan  Steam  Shi})  C*"  »,  de  la  c  Steam 
Navigation  C  »,  de  la  «  North  Atlantic  »  et  de  la  ligne 
«  Vanderbilt  ».  Ce  sont  des  navires  dont  les  noms  sont 
restés  populaires  au  Havre,  par  exemple  :  le  Franklin^ 
le  Hamboldt,  le  Nashçille,  le  Fulton,  VArago,  le  Van^ 
derbiltj  VAdriatic, 

Bientôt  la  France  voit  qu*elic  ne  peut  pas  rester  plus 
longtemps  en  retard  et  c  est  entre  1860  et  1864  qu  est 
fondée  la  Compagnie  Générale  Transatlantique  dont  le 
premier  départ  a  lieu  du  Havre,  en  Juin  1864,  avec  le 
paquebot  le  Washington.  Mais  les  Allemands  et  les 
Anglais  trouvant  qu'il  y  a  encore  quelque  chose  à  fait*e  au 
Havre,  n'hésitent  pas  à  y  établir  de  nombreuses  escales, 
et  c*<'st  ainsi  qu  en  1869,  on  voit  entrer  dans  le  port  du 
Havre  des  paquebots  de  la  «  Hamburg  America  »,  de  la 
«  North  German  Lloyd  »,  et  ceux  de  plusieurs  lignes  bri- 
tanniques. Depuis,  en  1873,  en  1882,  en  1898,  à  chaque 
modification  ou  renouvellement  des  contrats  postaux, 
c'est  au  Havre  qu'a  été  maintenue  la  tétc  de  ligne  du 
service  postal  sur  New- York. 

Tel  est  le  rapide  historique  de  la  navigation  trans- 
atlantique entre  Le  Havre  et  New-Y'ork  depuis  1783 
jusqu'à  nos  jours.  Je  vais  vous  demander  maintenant  la 
permission  de  le  compléter  en  vous  présentant  des  témoins. 

Le  navire  que  vous  voyez  sortir  du  bassin  de  la 
Barre  (1823)  est  un  des  premiers  des  voiliers  ayant  appar- 
tenu aux  lignes  régulières  fondées  en  1822.  Ces  navires 
avaient  une  telle  réputation  que  sept  ans  après,  dans  les 


150   DES  PAYSAGES  DU  LOT  AUX  MONUMENTS  DE  TOULOUSE 

domine  un  clocher  octogonal  et  que  complète  à  ravir  une 
série  d'absidioles  groupées  autour  du  chœur  et  sur  les 
bords  du  transept.  Cette  abside  comptait  autrefois  on 
chemin  de  ronde  à  ouvertures  extérîeures  qui  ajoutait 
à  la  beauté  légère  du  chevet,  et  qui  était  couvert  en  bri- 
ques rouges  dont  les  tons  chauds  se  mariaient  harmo- 
nieusement avec  les  vieilles  murailles  de  TédiOce.  Mal- 
heureusement, Violet-le-Duc  a  bouché  les  fenêtres  du 
chemin  de  ronde,  et  il  a  remplacé  la  toiture  de  briques 
rouges  par  de  lourdes  dalles  calcaires  qui  ne  sont  pas  dn 
tout  dans  le  caractère  général. 

Quant  à  Tinté  rieur  de  Saint-Sernin,  il  comporte  cinq 
nefs  voûtées,  dont  la  principale  est  d'une  hauteur  de 
21  m.  On  y  remarque  de  magnifiques  stalles  de  la  Renais- 
sance, de  curieuses  fresques,  une  magniûque  grille  en  fer 
forgé,  un  Christ  byzantin  du  xii"«  siècle  et  enfin  une 
crypte  où  sont  rassemblés,  avec  la  plus  précieuse  collec- 
tion de  reliques,  des  souvenirs  divers  et  de  nombreux 
objets  d'art.  Entre  ces  derniers,  il  y  a  lieu  de  retenir 
un  reliquaire  en  émail  de  Limoges,  du  xni°*  siècle,  dont 
le  sujet  est  tout  à  fait  toulousain  :  c'est  la  translation  des 
reliques  de  la  vraie  croix  de  Palestine  à  Saint-Semin. 
Sur  un  des  bas-côtés  du  coflret.  Sainte  Hélène  guidée  par 
un  ange,  découvre  la  vraie  croix  ;  puis  on  voit  Tenvoyé 
de  Sainl-Sernin  s  embarquer  pour  passer  la  mer,  et  il 
arrive  enfin  devant  Tabbaye  pour  remettre  au  clergé  les 
reliques  rapportées  de  Terre  Sainte. 

Après  Saint-Sernin,  la  plus  curieuse  des  églises  de 
Toulouse,  nous  pourrions  en  voir  plusieurs  autres  et,  |iar 
exemple,  la  cathédrale  Saint-Etienne,  dont  la  nef  et  le 
chœur  sont  dans  un  axe  différent  et  n'ont  été  réunis  an 
xv"*ou  au  XVI"'"  siècle  que  par  des  artifices  de  construc- 
tion ;  on  y  remarque  d'intéressantes  verrières,  un  fort 
beau  retable  représentant  le  martyre  de  Saint-Etienne, 


DES  PAYSAGES  DU  LOT  AUX  MONUMENTS  DE  TOULOUSE   151 

au  grand  autel,  et  une  magnifique  collection  de  tapisse- 
ries. Je  vous  mentionnerai  également  Téglise  des  Jacobins, 
aujourd'hui  chapelle  du  Lycée,  qui  est  Tun  des  chefs- 
d'œuvres  du  style  gothique  Toulousain  ;  l'intérieur,  qui 
comporte  une  simple  abside  à  pans  coupés,  offre  aussi 
une  nef  d*une  exti'ôme  originalité  divisée  en  deux  parties 
par  une  rangée  de  légères  colonnes  d'une  extrême  hau- 
teur soutenant  une  voûle  des  plus  élégantes. 

Mais  malheureusement  le  temps  passe  et  nous  avons 
encore  à  visiter  quelques  vieux  hôtels.  Ces  beaux  logis 
du  temps  jadis  sont  dus,  vous  vous  en  doutez,  à  une  aris- 
tocratie locale  fort  éprise  de  luxe  et  d'art.  Ils  datent  tous 
de  la  plus  belle  époque  toulousaine,  d'une  Renaissance 
particulièrement  brillante  qui  eut  ses  artistes  locaux 
hors  de  pair  et,  à  travers  l'inspiration  italienne,  sut  néan- 
moins demeurer  originale,  indépendante  et  créatrice. 
C'est  là  leur  principal  intérêt  et  ils  sont  si  nombreux  que 
nulle  part  ailleurs  peut-être  en  France,  sinon  dans  des 
villes  comme  Rouen  ou  Bourges,  et  pour  des  époques 
parfois  un  peu  différentes  il  est  vrai,  on  ne  peut  trouver 
réunies  autant  d'œuvres  aussi  charmantes  et  d'un  goût 
aussi  pur. 

Au  hasard  d'une  promenade,  voici  par  exemple, 
rhôtel  Lasborde,  qui  fut  construit  au  xvi'"*  siècle  pour  un 
célèbre  avocat,  Accurse  Maynier.  Les  fenêtres  surtout  sont 
inté tressantes  par  des  cariatides  admirables  d'expression  : 
les  personnages  sont  si  «vivants  qu'ils  semblent  causer 
entre  eux,  discuter  ou  regarder  les  passants. 

Dans  un  autre  quartier  est  l'hôtel  Bernuy,  occupé 
aujourd'hui  par  le  Lycée.  Ce  Bernuy  était  un  marchand 
espagnol  qui  s'enrichit  dans  le  commerce  du  pastel  et  fit 
une  fortune  si  colossale  qu'il  servit  de  caution  à  Fran- 
çois P'  prisonnier  à  Madrid.  Son  logis  compte  une  fort 
jolie  cour  à  arcades  qui  est  une  merveille  de  bon  goût  avec 


162   DES  PAYSAGES  DU  LOT  AUX  MONUMENTS  DE  TOULOUSE 

ses  galeries  à  balustrades,  et  possède  encore  sur  la  rue 
une  porte  très  élégante. 

Comme  autre  porte  curieuse,  je  vous  signalerai  celle 
de  Thôtel  de  Felzins,  qui  date  de  1566.  Elle  donne  accès, 
elle  aussi,  sur  une  ravissante  cour,  et  dams  les  apparte- 
ments du  logis  se  voit  une  cheminée  attribuée  à  Jean 
Goujon. 

Tout  à  côté  de  cette  demeure,  voici  un  autre 
hôtel,  commencé  en  1538,  avec  une  façade  de  grand  ca- 
ractère, ayant  cela  de  particulier  à  Toulouse  qu'elle  n'est 
point  en  briques  :  le  logis  a  reçu  pour  cette  raison  le  nom 
d'Hôtel  de  Pierre,  et  outre  sa  façade  qui  date  de  1612,  on  y 
remarque  une  cour  de  très  belle  ordonnance,  d*unc  orne- 
mentation à  la  fois  sobre  et  élégante  qui  a  en  poar  auteor 
le  plus  célèbre  des  architectes  toulousains.  Bachelier. 

Pour  terminer,  voici  le  joyau,  l'hôtel  d'Assezat.  le  plos 
beau  et  le  mieux  conservé  de  Toulouse,  et  en  même  temps 
une  des  merveilles  de  la  France  monumentale,  une  de  celles 
peut-être  qui  exprime  le  mieux  le  génie  clair  et  harmonienx 
de  notre  race.  11  aurait  eu  Bachelier  pour  premier  archi- 
tecte d  après  certains,  et  il  fut  commencé  en  1555  pour  le 
riche  bourgeois  dont  il  porte  le  nom,  puis  terminé  sous 
Henri  IV.  La  partie  supérieure  et  le  couronnement  de 
l'escalier  ne  datent,  en  effet,  que  de  la  fin  du  xvi"»*  siècle. 

La  cour  avec  ses  admirables  [lortes,  notamment  celle 
(le  l'escalier  qui  est  encadrée  par  deux  charmantes  colon, 
nettes  à  torsades,  est  la  partie  la  plus  remarquable.  Il  J 
règne  dans  tout  l'ensemble  un  air  d'harmonie  et  de  dis- 
tinction qui  frappe  tout  de  suite  le  visiteur  et  le  séduit 
avec  une  élégance  sans  recherche  et  un  heureux  mélange 
de  pierres  et  de  briques.  On  y  observe  par  ailleurs  «ne 
habile  superposition  des  trois  ordres  antiques,  ionique, 
toscan,  corinthien,  faite  à  l'imitation  du  Louvre  ;  enfin, 
une  ravissante  lanterne  d'une  grâce  toute  italienne,  doà 


DES  PAYSAGES  DU  LOT  AUX  MONUMENTS  DE  TOULOUSE  183 

J'en  domine  le  panoranm  de  la  ville  et  où  il  fait  bon 
monter  le  soir  pour  jouir  du  coucher  du  soleil  sur  la  ravis- 
sante vallée  de  la  Garonne  :  vers  le  Nord,  on  a  devant  soi, 
dans  le  fouilHs  des  rues,  une  série  inoubliable  de  clochers 
et  de  tourelles,  tout  roses  sous  le  jour  qui  s'en  va,  évo- 
quant dans  le  souvenir  la  vie  des  temps  passés  et  les 
richesses  d*antan  ;  du  côté  opposé,  c'est  une  autre  multi- 
plicité de  tableaux  dont  le  détail  est  plein  de  charmes 
avec  le  fleuve  bordant  les  quais  ou  de  verts  ramiers,  les 
coteaux  de  Pech  David  ou  de  Lard  en  ne,  puis,  vei*s  le 
Sud,  comme  une  admirable  toile  de  fond,  la  chaîne  des 
Pyrénées  s'estompant  en  bleu  dans  le  lointain. 

Cet  hôtel  d'Assezat  a  été  légué  en  ^8Î)6  par  un  riche 
banquier,  M.  Ozenne,  aux  Sociétés  Savantes  de  Toulouse. 
Telle  est  en  eftct,  aujourd'hui,  la  destinée  du  vieux  palais  : 
après  avoir  servi  pendant  longtemps  de  magasin  à  un 
épicier,  il  sert  aujourd'hui  d'asile  aux  lettres  et  aux 
sciences.  Là,  six  associations  ont  pignon  sur  rue,  et  certes, 
elles  le  méritent,  car  toutes  sont  bien  vivantes  et  plusieurs 
fort  anciennes.  Tout  en  haut,  1rs  archéologues  voisinent 
avec  les  médecins  ;  au  prcMuier  étage,  est  l'Académie  des 
Sciences,  Inscriptions  etlJelles-lettres;  au  rez-de-chaussée, 
l'Académie  de  Législation  et  la  Société  de  Géographie, 
mais  comme  méritant  une  place  à  part,  il  convient  de 
nommer  l'Académie  des  Jeux  Floraux  qui  tous  les  ans. 
au  renouveau  de  Mai,  distribue  aux  poètes  des  fleurs  d'or 
et  d'argent.  Fondée  en  Tan  de  grâce  1322  par  sept  gentils 
troubadours  épris  de  beauté  et  de  gai  savoir,  elle  a 
pour  Muse  certaine  dame  Clémence  Isaure,  qui  aurait 
vécu  au  xv"™^  siècle,  mais  qui,  entre  nous  et  d'après 
certains. . .  n'aurait  jamais  existé. 


154   DES  PAYSAGES  DU  LOT  AUX  MONUMENTS  DE  TOULOUSE 

C'est  sur  cette  fiction  moyennâgeusc  de  dame  Clé- 
mence qae  nous  terminerons  notre  voyage,  et  s*il  m  est 
permis  d'y  ajouter  quelques  mots,  laissez-moi  souhaiter 
seulement  que  vous  emportiez  de  tous  les  paysages  que 
nous  avons  vus  ce  soir,  et  qui  valent  assurément  tous 
ceux  que  Ton  va  chercher  en  Suisse  ou  à  Tétranger,  un 
bon  souvenir.  Permettez-moi  de  vous  dire  combien  je 
serais  heureux  si  les  projections  que  je  vous  ai  montrées 
donnaient  à  quelques-uns  d'entre-vous  Tidée  d'un  voyage 
dans  le  Quercy  ou  le  pays  de  Toulouse  qui,  comme  votre 
belle  Normandie,  sont  de  ces  régions  de  France  que  Ton 
aime  bien  vite.  Et  si  vous  allez  notamment  à  Saint-Qrq- 
la-Popie,  vous  en  reviendrez,  j'en  suis  sûr,  aussi  ravis  que 
la  demoiselle  de  Leipzig. 

Jean  FOURGOUS. 


BIBLIOGRAPHIE 


Le  Problème  de  l'Argent  et  l'Etalon  d'Or  au 
Mexique,  par  Eugène  Viollet,  Docteur  en  Droit, 
1  vol.  in-8,  Paris,  V.  Girard  et  E.  Brière,  1907. 

Pour  rétablir  la  circulation  normale  dans  un  pays  à  monnaie  avariée, 
monnaie  de  |>apicr  ou  argent  déprécié,  il  faut  beaucoup  de  choses  et, 
toat  d'abord,  connaître  les  lois  de  la  circulation  monétaire.  C'est  ce  que 
M.  Eugène  Yiollet  fait  ressortir  dans  le  volume  oi-dcssus,  en  s'inspirant 
des  principes  de  l'économie  classique 

Dans  une  première  partie,  après  des  considérations  générales  sur  la 
monnaie,  etc,  l'auteur  nous  montre  les  effets  de  la  dépréciation  et  de 
rinstabilité  (le  la  piastre  sur  l'ensemble  de  l'économie  du  Mexique.  Voici 
un  extrait  de  la  conclusion  de  cette  première  pai-tie  : 

c  Le  rapide  progrès  réalisé  par  la  République  Mexicaine  dans  toutes 

«  les  branches  de  l'activité,  a  été  dû  à  a'autres  causes   (jue  l'élévation 

«  progressive  du  change.  La  paix   publique   a  été  la   principale.  Nulle 

«  part  la  baisse  de  la  piastre  n'a  joué  un  rôle  décisif  dans  le  développe- 

«  ment  du  Mexique  :   pas  plus  dans   l'agriculture  que  dans  l'industrie, 

c  pa8  plus  dans  le  commerce  extérieur  que  dans  l'industrie  minière.  Son 

c  effet  le  plus  clair  a  été  de  faire  régner  partout  l'incertitude,  d'apporter 

«  le  trouble  dans  les  affaires  privées  et  dans  les  finances  publiques.  » 

Ainsi  donc  se  trouve  démontrée,  une  fois  de  plus,  par  des  faits,  la 
fausseté  de  la  théorie  des  protectionnistes  et  des  inflationnistes,  suivant 
laquelle  les  changes  dépréciés  profitent  aux  pays  qui  les  subissent. 

La  seconde  partie  est  consacrée  aux  mesures  qui  ont  été  adoptées 
pour  stabiliser  la  piastre  mexicaine,  à  la  réforme  monétaire  proprement 
dite,  mesures  qui  ont  consisté  à  stabiliser  la  circulation  par  la  suppression 
de  la  frapiHi  libre  et  la  prohibition  de  la  réimiwrfation  des  piastres 
fournies  par  les  producteurs  mexicains  à  l'Extrûme-Orient. 

On  ne  s'arrêta  pas  à  l'adoption  effective  de  l'étalon  or  ;  il  eut  fallu, 
pour  cela,  démonéti«er  la  piastre,  ce  qui  aurait  présenté  de  gros  inconvé- 
ni(*nts.  La  valeur  de  la  piastre  argent  fut  tout  simplement  fixée  par 
rapport  à  l'or  et  une  réserve  d'<;r  constituée. 

Par  la  loi  du  25  Mars  1005.  la  nouvelle  valeur  légale  de  la  piastre 
fut  fixée  à  0  LT.  75  d'or  fin,  soit  2  fcs  583,  ce  qui  correspond  à  la  cote 
de  29  pence  1  once  8tan<lard  à  Londres.  Par  suite  de  la  hausse  de  l'ar- 
Kent  à  partir  de  1906,  au-dessus  du  courts  de  29  pence,  jusqu'à  82  pence, 
la  valeur  métallique  de  la  piastre  vint  à  <lépasser  sa  valeur  légale,  ce 
qui  fit  émigrer  les  piastres  mexicaines  contre  des  importations  d'or.  L'or 
entra  dans  la  circulation,  mais  survienne  une  nouvelle  dépréciation  de 
l'argent,  le  Mexique  sera-t-il  capable  de  retenir  l'or  qu'il  a  accumulé  ? 
C'est  la  question  que  se  pose  l'auteur  en  finissant,  s&ns  y  répondre  autre- 
ment que  par  des  considérations  sur  la  balance  des  comptes  d'un  pays 
aui  ne  nous  paraissent  pas  bien  décisives.  L'ouvrage  date  de  1907  ; 
depuis  l'argent  a  considérablement  baissé  et  ne  cote  plus  que  24  pence 
l'once  standard.  Nous  serions  bien  surpris  si  l'or  accumulé  par  le  Mexique 
n'avait  pas  repris  le  chemin  de  l'étranger. 

Le  livre  cfe  M.  Eugène  Viollet  est  très  méthodiquement  conçu  et 
ses  qualités  de  clarté  et  de  précision  en  rendent  la  lecture  à  la  fois 
agréable  et  aisée.  C'est  une  étude  consciencieuse  et  on  ne  peut  que 
remercier  et  féliciter  l'auteur  d'avoir  ainsi  attiré  l'attention  sur  une 
question  qui  touche  de  si  près  un  pays  appelé  au  plus  brillant  avenir, 
et  dont  il  faut  suivre  le  développement  avec  la  plus  grande  attention. 


156  BIBLIOGRAPHIE 


COMITÉ  DE  L'ASIE  FRANÇAISE 

ig.  Rue  Cassette,  Paris 


Bulletin  de  Sbptembsb  1908 

Les  finances  de  l'Indo-Chlne,  par  Jules  Décamps. 

L.e  Japon  en  1908  :  situation  économique  et  financière,  par  J. 

Franconib. 

De  Damas  à   Médlne  :   le  chemin  de  fer  du  Hedjaz,  par  H. 

Marchand. 

La  Révolution  à  Constantinople.  -    Détails  rétrospectifs,  par  F.  A. 

La  dernière  Exploration  de  8ven  Hedin  au  Tibet. 

Variétés.  —  Un  épisode  au  Fonkin  en  18^3,  par  Maurice  Du  m  a  t. 

Asie  Française.  — -  T^  départ  de  M.  Klobukotoski.  —  Les  élection 
municipales  en  Indo-Chine.  —  Les  chemins  de  fer  itdo-cAinois  —  Sup- 
pression de  Vécole  Pavie.  -  Le  recrutement  des  militaires  indigènes  e» 
Cochinchine.  ^  A  la  frontière  sino-tonkinoise.  —  Sun-  Yat-Sen.  le  ckef 
du  parti  réformiste. 

8iam.  —  Organisation  de  la  juridiction  criminelle  au  Siam  en  ce  qm 
concerne  les  sujets  et  protégés  français  cTorigine  asiatique. 

Chine.  —  Le  protectorat  des  musulmans  en  Chine.  —  Une  Constitution 
en  Chine.  —  Les  travaux  d'amélioration  du  Wang-pu.  —  La  lutte  contre 
la  morphine  et  contre  V opium. 

Japon.  —  La  marine  japonaise, 

Asie  Russe.  —  Les  possessions  russes  en  Extrême-Orient.  —  Les  nati'^' 
nalités  au  Turkestan. 

Turquie.  —  La  situation  intérieure. 

Perse.  —  A  la  frontière  turco-persane.  —  La  guerre  civile  à  Tabri\. 

Asie  Anglaise.  —  Vagitation  dans  Vlnde  ;  le  procès  Tilak. 

Nominations  offlcielles. 

Bibliographie. 

CARTES.  —  Chemin  de  fer  du  Hedjaz  :  de  Damas  à  Médine  (croqais). 
Croquis  de  la  région  de  Dong-ké  (1893). 


BNVOI  SUR  DBMANDB  p'UN   MUMiRO  SPiciMBH  GRATUIT 


PAQUBBOTS  TRANSATlANtîQUfiS  Kt  PORTS  FRANÇAIS    Hl 

Depuis,  le  port  de  Saint-Nazaire  ayant  vu  s'achever  ses 
travaux  d'amélioration,  parait  avoir  certaines  velléités 
pour  réclamer,  en  1911,  le  déplacement  à  son  profit  du 
port  d'attache  des  paquebots  sur  New-York.  Aussi 
bien,  si  je  me  réfère  aux  prospectus  adressés  à  la 
Société  de  Géographie  Commerciale  du  Havre,  en  vue  du 
Congrès  colonial  qui  doit  s'ouvrir  le  1*'  Juin,  à  Paris,  j'y 
lis  ce  qui  suit  :  «  Brest  et  Saint-Nazaire,  ports  transatlan- 
tiques. » 

Quelles  peuvent  être  les  causes  des  revendications 
possibles  de  Saint-Nazaire  ?  Les  voici,  suivant  toute  pro- 
babilité :  la  distance  du  Havre  à  New- York  est  de  3,130 
milles  ;  la  distance  de  Saint-Nazaire  à  New- York  est  de 
3,063  milles,  par  conséquent,  il  y  a  une  différence  en 
faveur  de  Saint-Nazaire  de  67  milles.  Les  représentants 
de  Saint-Nazaire  ne  sont  pas  médiocrcments  fiers  de  cette 
différence.  Toutefois  il  faut  par  le  calcul  et  en  prenant 
pour  base  une  certaine  vitesse,  rechercher  ce  qu'en  défi- 
nitive, comme  temps,  cette  différence  représente.  Nous  ne 
sommes  plus,  en  effet,  à  l'époque  où  les  paquebots  ne 
filaient  que  11  à  12  nœuds.  Plus  la  vitesse  des  paqubots 
augmente,  plus  la  situation  du  Havre  vis-à-vis  de  ses 
rivaux  ou  rivaux  possibles  de  l'Atlantique  s'améliore  :  en 
effet,  la  différence  de  temps  se  trouve  ainsi  raccourcie.  J'ai 
pris  pour  base  le  chiffre  de  24  nœuds  à  l'heure  et  voici 
pourquoi.  Il  paraît  représenter  celui  de  la  vitesse  moyenne 
des  deux  nouveaux  paquebots  de  la  Compagnie  Cunard  : 
Lusiiania  et  Mauritania.  Il  est  possible  et  même  pro- 
bable que  le  nouveau  paquebot  La-France,  de  la  Compa- 
gnie Générale  Transatlantique,  sera  doté  d'une  vitesse 
approchant  de  ce  chiffre.  C'est  d'ailleurs  sur  cette  base,  et 
même  parfois  sur  celle  de  30  nœuds,  que  nos  adversaires 
les  plus  ardents,  les  Brestois,  ont  coutume  d'établir. leurs 
prévisions.  Prenons  donc  pour  base  24  nœuds.  Nous  nous 


168  ftlÉLlOOkA^Ht£ 

gUESTIONS  DIPLOMATIQUES  &  COLOillALES 

Reçue  de  politique  extérieure 

PARAISSANT   LE   i*'   ET   LE   16   DE  CHAQUE    MOIS 


SOMMAIRB   DU   N"   379    (l**  OcTOBRI    I908) 

Ed.  Patih.  —  VUruguay^  sa  situation  iconomiqut  #/  sei  relatioiu  tm 
la  France, 

O.-G.  DB  Hasbth  Cz.  —  Le  différend  entre  la  Hollande  et  te  Vene^udâ. 

H.-R.  Satart.  —  Les  Franco^Amiricains  de  la  Nouvel te^ Angleterre. 

£.  B.  —  Les  Japonais  aux  Etats-Unis, 

CRRONIQ.UBS  DB  LA  Quinzaine.  —  Les  affaires  du  Maroc.  —  Renseigu- 
ments  politiques.  —  Renseignements  économiques.  —  Nominations  of^ 
cielles.  —  Bibliographie.  —  Livres  et  Revues. 

Cartes  bt  Graturbs.  —  Le  Venezuela  et  Vile  de  Curaçao. 


Rédaction  et  Administration  :  19,  &ue  Caasette,  FftriB 
ABONNEMENT  ANNUEL  :  16  fr. 


BNVOI   SUR    DBMANDB    D*UN  NUMÉRO   SPÉCIMBN    GRATUIT 


Onvraoes  reçus  à  la  Bibliotlièqus  de  la  Seolété 


3««  Trimestre  1908 


Notes  puur  servir  à  Thistoire  des  communes  du  canton  de  •  Goderville 
avant  1789,  par  A.  Lechevalier,  instituteur.  Goderville,  1908,  1  vol. 
iD-8.  192  pp.  s 

Fontainebleau  (Les  villes  d'art  célèbres)  par  Louis  Dimieb,  Pftris, 
1908,  1  vol.  in-4,  avec  109  gravures. 

Blols,  Chamborcl  et  lea  CbAteanz  da  Blésols  (Les  villes  d*art 
célèbres)  par  Femand  Boubbon,  ancien  archiviste  du  Loir-et-Cher, 
Paris,  1908,  1  vol.  in-4,  orné  de  101  gravures. 

Cévennes  (collection  des  guides  Joannc)  par  Paul  Jouanne,  Paris  1906, 
1  vol.  in-16,  contenant  9  cartes  et  12  plans. 

Etode  sur  la  Vallée  Lorraine  de  la  Mease,  par  J.  YlDAL  DE  LA 
Blache,  capitaine  breveté  au  20*  bataillon  de  chasseurs  à  pied,  docteur 
de  l'Université  «le  Paris.  Paris,  1908,  1  vol.  in-8,  avec  13  %.  dans  le 
texte  et  8  cartes  et  plans  hors  texte. 

L'Avenir  économique  de  nos  Colonies,  l*^*"  volume,  Indo-Chine, 
Afri(iue  Occidentale,  Congo,  Madagascar,  conclusions,  par  Kug.  Juxo, 
ancien  vice-résident  de  France  au  Tonkin.  Paris,  1908,  1  vol.  in-lfi. 

A  travers  TAngleterre  industrielle  et  commerciale,  notes  de 
voyajre.  —  Birmingham.  Etablissements  de  l*imlico  et  de  Woolwich  à 
Loniires,  Redditch,  Shcffield,  Burton-on-Trent,  Les  n  Potteries  »  Man- 
chester, Liverpool,  Edimbourg,  Glasgow,  Les  Trossachs,  par  Edouard 
DETS.S.  Paris,  1899,  1  vol.  in-18,  avec  cartes  et  gravures. 

Le*  Lois  de  Population  et  leur  application  à  la  Belgique,  par  B. 
Caudeklier,  ingénieur,  Paris,  1900,  1  vol.  in-8. 

L'Allemagne  religieuse.  Le  protestantisme)-'  par  Qeorges  GoTAU, 
Paris,  1898,  1  vol.  in-16  (Don  de  M.  Ferd.  Vanier). 

En  Allemagne.  —  De  Hambourg  aux  .Marches  de  Pologne»  par 

Jules  HURET,  Paris.  1908,  1  vol.  in-12. 

Munich  (Les  villes  d'art  célèbres),  par  Jean  Chantavoine,  Paris,  1908, 
1  vol.  in-4,  avec  134  gravures. 

Cologne  (I-,es  villes  d'art  célèbres)  par  Louis  BEAU,  Paris,  1908,  1  vol, 
in-4,  orné  de  127  gravures. 

Colonies  allemandes,  imi)ériales  et  spontanées.  Etudes  d*économie 
coloniale,  par  Henri  Hauser,  Paris,  1900,  1  vol.  in-8,  avec  cartes. 

La  Russie  Industrielle,  étude  sur  l'exposition  de  Nijni-Novgorod, 
par  Maurice  VbbstrAete,  consul  de  France.  Paris  1897,  1  vol.  iii-8. 


OUVUAGKR    REÇUS    \    LA    SOCIETE  IM 

Promenade  en  ItoHHle,  iiar  Eu;;.  GaltX)IS.  Lille  18%,  1  l»rnch.  în4t. 
r»2  pp.,  onu^e  de  phot<)irmphiej  et  croquîH  de  l'auteur. 

Un  Hfjour  daoH  rile  «le  C;e>l:io,  [oït  Jules   Lkcleugq.  Pan^  1900. 

1  vol.  i  11-18,  unir  de  K»  «rniv.  hors  texte  et  1  carte. 

L'Afriqoo  Occidentale  FranraiMe.  Aetinn  politique,  action  écono- 
mique, action  sociale,  par  Creor^^cH  Dkhermb.  Paris,  1!K)6.  l  vol.  in-8. 

MiHSion  Scientifique  au  Dahomey,  par  Henry  HuBKUT.  administn- 
teur-:ul joint  des  dloniea,  Parie,  1008,  1  vol.  i»-8,  avec  86  fig.  cartfeset 
dia<.'rammes,  40  repHnlurtiruis  phr>tograi)hiquos  et  carte  géologique  M 
1.2r)(U>0()'  par  l'auteur. 

Itelfçlque  et  Con^o,  brodiun*  publiée  par  l.i  ti  FCtlération  pour  la  dé- 
fense des  intt'riîts  belu'os  à  l'étranger  i»,  don  de  M.  FI.  V'ekspbeecwlx. 
(VMisultle  Belgique  «a  do  TKtut  indépendant  du  Congo,  Rriixelli!S,  I9U8, 
1  brorh.  in-Kî,  110  pp. 

Cannda*H  lerlile  .\orllilan(i,  par  K.-J.  Ohaubers,  Ottawa.  I9lC, 
1  vol.  in-S,  urin'  de  gravuTL's  et  afx^ompagné  de  cartes  en  oiuleurs.  (Ood 
dr  riioiinrabîe  Frank  Olivkr,  ministre  (le  rintérieur,  Ottawa). 

I.e  llrt^HlI.  ses  richesses  naturelles,  ses  intlustries.  l"  volume:  Intro- 
duction, Industrie  extra<-tivc.  Uio-tle-Janeiro.  1ÎHJ8,  1  vol.  iii-8,  a?BC 
uiaphitiues  hors  texte. 

Muluhrilé  du  Ur^Hil,  1  brocb.  in-16.  Parin.  1008. 

Kludc  Kur  le  .Matt^,  s«.'s  pnipri«''ti's  nutritivcj.  hy^siéniques  et  fnrtififliire^ 
par  Manri«Mî  Ku.\N(;i'(i|;t,  Taris,  19(W,  l  bnM-h.  in-16,  H2  pp. 

I.e  .lialé,  aiialysi;  cliiiii^iue,  l  brueb.  in-IC,  8  i>p. 

KasoH  r€^;7l4*mciitali*«*s  pnur  1<»  service  de  Pe»q»lcment  du  foI  national 
du  Fîn'sil.  Paris,  lOUS,  I  bnM-h.  iii-liî,  03  pp. 

(!art«^  économique  du  ItréNli,  1  feuille  en  couleurs  au  7.fKNi.(<V»'. 

<'art«>  des  VoIcn  do  coininunicallondu  llréMll,  I  fcuilltu-n  oouk-ors. 
au  7.tM;().(XKr. 

Carte  du  llréHlI.  ])ar  U.  Hauskumann,  1  feuille  en  couleuif^  M 
lo.(KX».OtK)-. 

('oll«>ctioii  (le  r-artcs  postales  ileiliiïi'reiits  Etats  du  Bn'sil.  Dons  dv  M.ï^ 
Ma<ialhaks.  attachi-  à  la  Missiim  de  ProïKi^nde  dn  Bn'-Hil  au  Harrt. 

l^eA  iJx|iloralionH  NouH-niarines.  Hydrographie,  a))partMls  de  s<*n* 
ihiim.  le  sol  sf)Us-mariii.  la  vie  «lans  les  pnifiuideui-s  de  la  mer,  les  eaux. 
le>  mers  aneienîu  s,  piir  Jules  (îiHARD,  P.iris,  1K74,  1  vol.  in-8,  atec 
11.")  lig.  dans  le  te.xie.  (Don  de  M.  P.  I/usenu). 

rhamlire  de  roinmerce  «lu  Havre,  n'-sumé  des  travaux.  1907,  Ktni 
st:iti>tiiji.i-  de  la  N'Mvij/atinn,  du  Ct»nimeroe  et  de  l'Industrie.  1^  Han«. 
inns.  1  \m1.  iii-H.  (|)(in  d»-  M.  ]o.  Président  delà  Chambre  de  Conimerty^. 

C'on^rèM  natiniial  «li-s  .S>ri«'trs  françaises  <le  CT<?ogmpbic,  xxvii*  siffiôn. 
Durikerque.  lOoti.  Compte-rendu  des  travaux  «lu  CH»nvrè«.  Dunkerqutf. 
ltK)7,  1  v.d.  in-S. 


Soeiété 

de 


XXV'    ANNKK 
4°"  ïriinestre  1908 


Géographie 

Commepciale 


du  Ha^t»« 


BULkltETIfl 


haVre 


I*U.   m  r.  i»i    iwisiN,   lui 


Paquebots  Transatlantiques  et  Ports  Français  (tin;,  par 

Louis  Bhixdeau ICI 

De  Marseiiie  à  Nouméa,  I,  ])ar  Daniel  LiÈviis 1^ 

Forêt  et  Savanes  CongoiaiseSi  I,  par  le  Commandant  Moix  M 

Actes  de  ia  Société iiO 

Ouvrages  reçus  à  la  Bibliotlièque  de  la  Société il^ 


Les  Réunions  du  Comité  ont  lieu  le  4^"'*  mercredi  de  chaque 
mois,  excepté  pendant  les  mois  d'août  et  septembre. 

Tous  les  membres  de  la  Société  peuvent  y  assister. 


La  Hibliothcque  de  la  Société  est  ouverte  tOUS  les  SOirS, 
excepte  les  dinianclies,  jours  fériés  et  demi-fériés,  de  6  h  î/t 
a  7  h.  12  et  de  8  h.  12  à  10  h.  I 


Tontry.  li's  :ivnii(iniî:atiofis  ci  ions  les  renseignements  doivctii  ci\ 
iiihcsi>i F  au  Sec rr faire  fraierai. 


PAQUEBOTS  TRANSATLANTIQUES  ET   PORTS   FRANÇAIS   117 

ne  pourrait  recevoir.  Mais  cet  avantage  sera  éphémère  et 
à  l*époque  où  nous  serons  en  possession  de  notre  forme 
projetée  de  300  mètres  de  long  et  de  35  mètres  de  large, 
les  dimensions  des  nouveaux  paquebots  dépasseront 
celles  de  la  cale  de  radoub  de  Saint-Nazaire. 

Nous  allons  passer  maintenant  à  uii  autre  port,  celui 
de  Cherbourg.  Le  port  de  Cherbourg,  lorsqu'il  fut  ques- 
tion d'établir  le  premier  service  transatlantique  sur 
New- York,  en  1860,  ne  s'était  pas  mis  positivement  sur 
les  rangs.  Il  comprenait  qu'il  était  trop  mal  outillé  pour 
être  tête  de  ligne  ;  mais  il  avait  élevé  la  prétention  de 
devenir  port  d'escale.  Il  obtint  gain  de  (;ause  malgré  les 
efforts  de  M.  Ancel,  alors  député  du  Havre.  Mais  on  ne 
tarda  pas  à  reconnaître  que  cette  escale  n'était  pas  justi- 
fiée, que  Cherbourg  était  véritablement  trop  près  du 
Havre  pour  qu'une  escale  pût  y  être  utile.  Et  c'est  alors 
que  le  port  de  Brest  lui  fut  substitué  pour  la  touchée  des 
paquebots  de  la  ligne  de  New-York.  Depuis  cette  époque, 
la  rade  de  Cherbourg  a  pris  une  importance  énorme  comme 
point  d'escale  :  nous  voyons,  en  effet,  que  la  plupart  des 
paquebots  venant  du  Nord  de  l'Europe  ou  de  la  côte  an- 
glaise viennent  y  prendre  ou  y  déposer  des  passagers. 
Nous  avons  vu  aussi  avec  quelque  tristesse  les  navires  de 
la  c  Norddeutscher  Lloyd  »  et  de  la  c  Hamburg  America 
Linie  »,  qui  faisaient  autrefois  escale  au  Havre,  pratiquer 
aujourd'hui  la  touchée  à  Cherbourg.  Avant  de  commenter 
ce  fait,  parcourons  rapidement  les  abords  et  la  rade  de 
Cherbourg. 

En  ce  qui  concerne  l'atterrissage,  je  n'ai  que  peu  de 
chose  à  dire.  Cherbourg  jouit  des  avantages  généraux 
qu'offre  celui  de  la  Manche.  En  ce  qui  le  concerne  spé- 
cialement, les  Instructions  Nautiques  se  bornent  à 
signaler  les  précautions  qu'il  faut  prendre,  en  temps  de 
brume,  pour  éviter  les  roches  des  Casquets.  Quant  à  la 


162   PAQUEBOTS  TRANSATLANTIQUES    ET    PORTS    FRANijilS 

été  écrites  par  un  ancien  capitaine  au  long-cours  qui 
avait  longtemps  fréquenté  le  port  du  Havre  ;  mais  il  éUil 
Breton,  et  une  lois  retourné  dans  son  pays,  ses  ardeurs 
contre  Le  Havre  n'en  furent  que  plus  vives.  On  voyait 
alors  se  manifester  Tétat  d'esprit  qu'on  voyait  surgir  il  y 
a  encore  peu  de  temps.  C'est  que  Brest  n'a  pas  seulement 
IfL  prétention  de  nous  enlever  les  [)aquebots  français, 
mais  aussi  la  prétention  d'être  le  port  transatlantique 
universel.  Il  y  a  à  Brest  une  certaine  école  qui  prétend 
que  le  port  de  Brest  doit  tout  détrôner,  mémo  au  point 
de  vue  commercial  :  la  pointe  du  Finistère  ne  sembl^ 
t-elle  point  une  main  tendue  du  continent  Européen  vers 
l'Amérique  ? 

Dans  le  factum  en  question,  Liverpool  était  traité 
«  d'embryon  de  port  »  ;  Southampton,  4  de  misérable 
petit  hameau,  condamné  à  disparaître  à  jamais  »  ;  les 
ports  de  la  Mer  du  Nord,  «  exposés  à  tous  les  risques, 
continuellement  enveloppés  de  brouillard,  en  butte  à 
toutes  les  intempéries  »,  étaient  condamnés  au  même  sort 
que  les  ports  anglais  ;  Cherbourg,  «  l'auberge  de  la 
Manche,  à  deux  encablures  du  Havre,  ne  pourrait  con- 
venir ni  aux  passagers,  ni  aux  marchandises.  » 

Enfm,  voici  le  bouquet  :  a  Nous  avons  été  impi- 
toyables pour  Le  Havre,  cette  masse  de  pierres  et  de 
chaux  hydraulique.  Nous  n'appartenons  pas  à  la  race 
féline  et  nous  ne  nous  attiichons  pas  aux  lieux  que  nous 
avons  longtemps  fréquentés.  » 

Voila  le  ton  auquel  étaient  montés  les  Brestois  à 
cette  époque.  Je  reconnais  que  depuis  quelque  temps  ce 
ton  a  baissé.  En  effet,  le  Comité  ce  Brest-Transatlantique  ». 
formé  des  éléments  les  plus  actifs  de  ce  port,  était  [wirti 
en  guerre  à  propos  du  projet  de  1907  et  avait  décidé  de 
fomenter  devant  le  Parlement  une  opposition  formidable. 
Toutefois,  il  fut  calmé  par  des  hommes   très  avisés  et 


PAQUEBOTS   TRANSATLANTIQUES   ET   PORTS  FRANÇAIS    119 

voir  actuellement  que  des  navires  de  faible  tonnage.  Le 
plus  connu  —  il  n'est  pas  officiel  —  est  le  suivant  :  un 
vaste  terre-plein,  situé  au  Nord-Ouest  du  port  de  Com- 
merce servirait  d'appui  à  un  quai  de  500  mètres  destiné 
aux  transatlantiques  ;  on  allongerait  la  jetée  Ouest  afin  de 
protéger  du  côté  de  l'Est,  et  enfin,  les  digues  qui  conti- 
nueront beaucoup  plus  au  Nord,  le  nouveau  port  de 
guerre,  l'abriteraient  de  la  grosse  mer  venant  de  ce  côté. 

Or,  il  est  absolument  impossible  d'assurer  le  fonc- 
tionnement d'un  grand  service  transatlantique  avec  un 
seul  quai  de  500  mètres.  Vous  n'avez  qu'à  voir  ce  qui  se 
passe  ici.  Il  faut  non  seulement  recevoir  à  quai  les  paque- 
bots en  service,  mais  les  paquebots  en  réserve  ou  en 
réparation.  Je  crois  que  le  rêve  de  la  Chambre  de  Com- 
merce de  Cherbourg,  au  point  de  vue  du  port  d'attache, 
est  absolument  chimérique.  Il  paraît  encore  plus  irréa- 
lisable dans  de  pareilles  conditions  lorsqu'on  envisage  ce 
qui  se  prépare  dans  celui  des  ports  anglais  ayant,  au 
point  de  vue  transatlantique,  des  relations  constantes 
avec  ^Cherbourg.  En  vue  de  donner  de  plus  grandes  faci- 
lités aux  paquebots  de  la  «  While  Star  »  et  d'attirer  plus 
tard  ceux  de  la  «  Cunard  »,  on  va  y  construire  un  nou- 
veau bassin  pouvant  recevoir  à  quai  quatre  paquebots 
de  250  mètres  au  moins.  Il  faut  ajouter  aussi  que  le  port 
de  Southampton  possède  des  aménagements  extrt^mement 
bien  conditionnés  pour  l'accostage  de  paquebots  moins 
longs.  Comment  dès  lore  supposer  que  le  quai  de  500 
mètres  projeté  à  Cherbourg  pourrait  sulfire  à  la  fois  au 
service  des  paquebots  français  et  aux  escales  des  paque- 
bots étrangers  ? 

Examinons  maintenant  la  situation  de  Cherbourg  par 
rapport  à  New-York  et  à  Paris.  La  distance  entre'  Le 
Havre  et  New- York  est  de  3.130  milles  et  la  distance 
entre  Cherbourg  et  New-York  ost  de  3.066  milles.  La 


164   PAQUEBOTS   TRANSATLANTIQUES   ET    PORTS    FRANÇAIS 

conséquent,  176  milles  en  faveur  de  Brest  !  En  calculant 
sur  la  base  de  24  nœuds,  si  chère  aux  Breslt>is,  cela 
représente  7  h.  18  au  détriment  du  Havre  !  Mais  celte 
victoire  se  transforme  en  défaite  lorsqu'on  envisage  la 
contre-partie,  c'est-à-dire  la  durée  du  trajet  terrestre. 

Tout  d'abord,  la  distance  est  de 

Brest  à  Paris 624  kilomètres 

Havre  à  Paris 228  » 


Différence  en  faveur  du  Havre.     396  kilomètres 

Qu'est-ce  que  cela  représente  de  durée  ?  Consultons 
VIndicateur  des  Chemins  de  Fer  : 

Brest-Paris  (par  le  train  le  plus  rapide). ...     10  h.  30 
Havre-Paris  »  »  ...  *       2  h.  45 


Différence  en  faveur  du  Havre 7  h.  45 

Si  vous  en  défalquez  la  différence  de  7  h.  18  pour  le 
trajet  maritime,  vous  trouvez  une  différence  de  27  mi- 
nutes en  faveur  du  Havre  !  Mais  cela  ne  fait  pas  l'alfairc 
des  Brestois,  ils  viennent  vous  dire  :  «  Permettez,  noire 
train  rapide  marche  comme  une  tortue,  et  avec  les  loco- 
motives que  la  G'«  de  l'Ouest  va  mettre  en  service,  nous 
allons  gagner  un  temps  colossal  !  d  On  a  successivement 
parlé  de  faire  le  trajet  de  Brest  à  Paris  en  9  heures, 
en  8  heures,  puis  en  7  h.  1/2.  Je  me  permettrai  de  vous 
faire  remarquer,  et  les  personnes  qui  ont  eu  la  mauvaise 
fortune  de  faire  ce  trajet  de  Brest  à  Paris,  ne  me  démen- 
tiront pas,  que  la  vitesse  actuellement  obtenue  entre 
Paris  et  Rennes  est  déjà  considérable  et  que,  d'autre 
part,  entre  Rennes  et  Brest,  il  est  difficile  d'obtenir  une 
allure  très  accélérée  à  cause  de  la  configuration  de  la 
voie,  des  rampes  rapides  et  nombreuses  que  l'on  ri^n- 
contre.  De  telle  sorte  qu'il  serait  peut-être   plus  sage 


PAQUEBOTS   TRANSATLANTIQUES   ET   PORTS   FRANÇAIS   165 

d'adinetirc  que  ron  pourrait  gagner  au  maximum  1  h.  1/2 
sur  le  trajet  de  Brest  à  Paris,  en  supprimant  certains 
arrêts  et  en  augmentant  la  vitesse.  Sur  cette  base,  l'infé- 
riorité de  Brest,  au  point  de  vue  du  trajet  terrestre,  ne 
serait  plus  que  de  6  h.  15.  Mais  son  avantage,  en  ce  qui 
concerne  la  traversée  maritime  n'étant  que  de  7  h.  18,  on 
gagnerait  simplement  1  heure  sur  le  trajet  total  Paris- 
New- York. 

Mais  cet  avantage,  d'ailleurs  insignifiant,  ne  serait 
qu'apparent  et  il  n'existe  que  si  l'on  ne  tient  pas  compte 
de  certaines  diflîcultés  naturelles.  Jetez  les  yeux  sur  la 
carte  des  abords  de  Brest.  Vous  voyez  qu'au  large  du 
Goulet  s'étend  la  mer  d'Iroise,  bordée  d'écueils  disposés 
en  éventail.  Au  nord,  ce  sont  les  îles  d'Ouessant,  de 
Molène,  d'autres  îlots,  puis  des  chaînes  de  récifs  triste- 
ment célèbres,  comme  les  Pierres  Noires  et  les  Pierres 
Vertes.  Au  sud,  c'est  d'abord  le  plateau  de  Tevennec 
puis,  en  amont,  l'île  et  la  chaussée  de  Sein. 

Les  Instructions  Nautiques  consacrent  quatre  cha- 
pitres aux  difHcultés  et  dangers  auxquels  sont  exposés 
les  navires  dans  ces  parages,  par  les  brumes  ou  temps 
bouchés  si  fréquents  sur  cette  côte.  Après  avoir  préco- 
nisé, pour  les  navires  venant  de  l'Ouest,  l'atterrissage 
sur  Ouessant,  elles  ajoutent  : 

«  L'Iroise  est  traversée  par  des  courants  atteignant 
4  ou  5  nœuds  dans  les  grandes  marées.  Ces  courants 
perlent  en  travers  sur  tous  les  dangers  et  occasionnent 
chaque  année  des  sinistres.  Aussi  est-il  toujours  délicat 
d'atterrir  sur  Ouessant  avec  un  horizon  de  moins  de 
3  milles  et  il  est  prudent,  en  ce  cas,  de  ne  s'en  approcher 
qu'avec  jusant  et  à  petite  vitesse,  afin  de  pouvoir  amortir 
rapidement  Terre  du  bâtiment.  » 

Vous  voyez  d'ici  la  situation  <run  paquebot  trans- 
atlantique cherchant  sa  route  dans  ces  parages,  au  milieu 


t86   PAQUEBOTS  TRANSATLANTIQUES    ET    PORTS    FRANÇAIS 

île  la  brame  !  Les   rapports  ^es  capitaines  Dncliesiie,  j 
Danré,  Snrmont,  Lemarié,  etc  ,  qui  commandèrent,  de! 
1S65  à  1874,  pendant  Tescale  de   Brest,  les  paquebols  ; 
Washington^  Europe^   Lafayette,  Napoléon-lII  (plis 
tard  VlUe-du-Ha^re)^  Amérique  sont,   à  ce  point  de  vie, 
d'uÉfe  lecture  particulièrement  instructive.  Cette  situatioo 
est  d'autant  plus  périlleuse,  qu*afu  lar^e  de  Brest,  soit 
d'après  les  Instructions  Nautiques^  soit  diaprés  les  caiies, 
la  sonde  ne  peut  donner  d'indications  sûres.  En  effet, 
lorsqu'on  dépasse  les  fonds  de  200  mètres,   on  constate 
fréquemment  des  relèvements  et  des  abaissements  brus- 
ques et  incohérents,  la  sonde  accusant  parfois  de  gruMki 
profondeurs  aux  appi*oches  de  certains  récifs.  Les  échan- 
tillons du  sol  sous-marin  ramenés  par  la  sonde  ne  dot- 
nent,  eulc  aussi,  que  de  très  vagues  indications. 

On  trouve  d'ailleurs  de  très  redoutables  écueils  dans 
le  goulet  lui-môme  :  par  exemple  le  plateau  des  Filieltes, 
composé  d'aiguilles  de  roche  et  la  Roche  Mengan,  tous 
deux  tristement  célèbres. 

En  dehors  de  ces  dangers,  il  y  a  une  autre  difficnité 
que  voici.  Vous  pensez  bien,  qu'en  temps  de  brume  s^ 
tout,  on  ne  peut  pas  se  guider  sans  pilote.  Or,  les  Ins- 
tructions Nautiques  disent  que  dans  \e^  grandes  marées, 
on  ne  peut  trouver  de  pilote  qu'au  moment  de  Tétalc. 
Comment,  d'autre  part,  en  embarquer  un  par  gi^os  tcmpj, 
étant  donné  que  la  mer  acquiert  alors  dans  ces  pan^ 
une  agitation  inouïe,  ou  par  les  brumes  intenses,  au  mlliet 
de  tant  de  dangers  ?  Les  navires  sont  exposés  à  ne  pts 
trouver  de  pilote  et  c'est  ce  qui  menaçait  autrefois  d'arri- 
ver aux  paquebots  lorsqu'ils  faisaient  escale  à  Brest.  Ofl 
avait  alors  eu  recours  au  procédé  suivant  :  le  paqoebot 
avait  à  son  bord  un  pilote  de  Brest  en  permanence.  H  y 
remplissait  en  pleine  mer  les  fonctions  de  second  maître. 
Or,  pour  qu'un  pilote  puisse  utilement  guider  unntvirt 


PAQUEBOTS   TRANSATLANTIQUES   ET   PORTS   FRANÇAIS   167 

dans  de  pareils  passages,  il  est  nécessaire  qu'il  n'ait  pas 
été  éloigné  depuis  longtemps  de  sa  base  d'opérations.  Or, 
lorsque  le  paquebot  revenait  de  New-York,  si  le  pilote 
avait  quitté  Brest  depuis  trois  semaines  environ  et  arri- 
vait à  proximité  de  la  côte  bretonne,  il  était  souvent, 
en  temps  de  brouillard,  plus  embarrassé  que  le  capitaine. 

Voici,  à  ce  sujet,  une  anecdote  qui  m'a  été  contée  par 
un  de  nos  concitoyens,  M.  Marest,  actuellement  guetteur 
au  Sémaphore,  qui  faisait  partie  de  l'équipage  du  Péreire, 
en  1873,  pendant  la  dernière  traversée  de  ce  navire  entre 
New- York  et  Brest.  Le  capitaine  Dan  ré  pensait  ne  plus 
être  très  éloigné  de  la  terre,  et  la  brume  étant  assez  forte, 
jl  fit  appeler  le  pilote  et  lui  dit  :  «  Nous  approchons, 
commencez  votre  service.  »  —  «  Oh  !  répondit  l'autre, 
c'est  trop  tôt,  nous  sommes  encore  loin  !  »  Quelques  mi- 
nutes après,  le  Péreire  talonnait  et  brisait  une  partie  de 
sa  quille  sur  la  chaussée  de  Sein  !  Le  capitaine  Danré 
entra  dans  une  telle  colère,  qu'il  faillit  jeter  le  pilote  par 
dessus  bord  î 

Remarquez  qu'à  cette  éi)oque,  il  s'agissait  de  trans- 
atlantiques marchant  à  12  nœuds,  qui  avaient  un  tirant 
d'eau  de  7  m.  50,  et  qu'on  n'avait  pas  à  cette  époque  cette 
fièvre  de  la  vitesse  dont  on  est  aujourd'hui  possédé.  Il 
est  vrai  que  depuis  on  a  réalisé  certaines  améliorations. 
On  a  amélioré  noti])lement  le  système  d'éclairage  :  par 
temps  clair,  c'est  une  véritable  illumination,  mais  par 
temps  de  brume  c'est,  suivant  l'intensité  de  celle-ci,  invi- 
sible ou  confus.  On  a  alors  proposé  de  baliser  les  abords 
de  Brest,  à  l'aide  de  bouées  qui  seraient  mouillées  avec 
des  chaînes  par  80  mètres  de  fond  au  moins.  Certains 
officiers  de  la  marine  de  guerre,  qui  ont  été  appelés  à 
fournir  des  rapports  sur  cette  question  au  ('oinité  Bres- 
tois  ont  déclaré  que  la  chose  n'était  peut-être  pas  impos- 
sible,  mais  qu'il   faudrait,   pour  la   réaliser,   «  toute   la 


168   PAQUEBOTS  TRANSATLANTIQUES  ET  PORTS    FRANÇAIS 

science  des  ingénieurs.  »  En  effet,  mouiller  des  bouées 
par  80  ou  100  mètres  de  fond,  les  faire  tenir,  c'est  un  pro- 
blème difficile  à  résoudre.  D'ailleurs,  ce  balisage  ne 
serait  peut-être  pas  sans  danger.  Pour  supporter  par  les 
plus  gros  temps  le  poids  d'ime  chaîne  d*une  centaine  de 
mètres,  ces  bouées  devraient  avoir  d'énormes  dimensions. 
Ne  constitueraient-elles  pas,  par  un  temps  de  brume,  une 
longue  chaîne  d'écueils  flottants  ?  Le  Comité  Brestois 
préconise  un  autre  moyen  :  l'emploi  des  cloches  souv 
marines.  Il  prétend  que  ces  cloches,  installées  sur  certains 
points,  avertiraient  infailliblement  les  navires  de  l'ap- 
proche des  dangers  et  qu'ils  ne  courraient  plus  aucun 
risque.  Il  est  certain  que  les  cloches  sous-marincs  sont 
des  engins  précieux  et  ont  atteint,  dans  ces  derniers 
temps,  un  remarquable  degré  de  perfectionnement.  Il  en 
existe  une  aux  abords  de  New-York  et  une  a  été  mise  en 
essai  en  rade  du  Havre.  Il  est  incontestable  que  leur 
emploi  pourrait,  dans  une  certaine  mesure,  faciliter 
l'accès  de  Brest  en  temps  de  brume.  Toutefois,  il  ne 
faudrait  rien  exagérer,  la  multiplicité  des  écueils  dans 
ces  parages  exige  des  indications  précises  et  sans  cesse 
renouvelées  en  temps  de  brume.  D'autre  part,  i)our 
reconnaître  le  point  d'où  vient  le  son,  le  navigateur  est 
obligé,  lorsqu'il  l'entend  latéralement,  de  changer  la 
route  de  son  navire  et  de  le  faire  évoluer  jusqu'au  moment 
oii  le  son  peut  être  entendu  dans  les  deux  récepteurs  de 
l'appareil.  Evolutions  difliciles  et  périlleuses  dans  de 
pareils  passages,  au  milieu  de  courants  aussi  violents  ! 

Je  vous  indiquais  tout  à  l'heure  que  dans  ces  jMirages 
la  sonde  ne  donnait  pas  des  indications  très  sûi*es,  par 
suite  de  l'irrégularité  et  de  la  nature  des  fonds.  Or.  les 
Brestois  reconnaissent  que  l'utilisation  des  cloches  sous- 
marines  devrait  être  accompagnée  de  sondages  ré|>élés.  et 
ils  prétendent  faire  arriver  aussi  des  paquebots  à  Brest 


PAQUEBOTS   TRANSATLANTIQUES   ET    PORTS    FRANÇAIS    169 

sans  les  exposer  à  des  retards  appréciables.  Remarquons 
que  les  sondages  doivent  commencer  très  au  large  et 
qu*on  ne  saurait  songer  à  les  pratiquer  sans  réduire  au 
moins  de  moitié  Tallure  d'un  paquebot  à  grande  vitesse. 
C'est  ainsi  que  les  paquebots  qui  voudraient  fréquenter 
le  port  de  Brest,  seraient  mis  trop  souvent  dans  l'alter- 
native suivante  :  ou  s'exposer,  en  cas  de  brouillard,  aux 
plus  grands  dangers,  ou  bien,  soit  stopper,  soit  pour 
chercher  leur  route,  diminuer  leur  vitesse  dans  des 
proportions  telles  que  le  fameux  bénéfice  escompté  sur 
la  traversée  maritime  serait  fortement  compromis,  si 
même  il  n'était  pas  transformée  en  pertes.  On  peut,  à  ce 
sujet,  citer  des  faits  bien  précis.  En  Juin  1905,  l'escadre  du 
Nord  avait  quitté  Glierboui*g  dans  la  belle  saison  pour  ga- 
gner Brest.  En  approchant  d'Ouessant,  elle  fut  prise  parla 
brume,  une  brume  tellement  intense  qu'elle  fut  obligée, 
en  naviguant  d'ailleurs  dans  les  conditions  les  plus  diffi- 
ciles, de  rester  10  heures  au  large  avant  de  pouvoir  entrer 
dans  le  port.  Si  je  vous  indique  cette  époque  de  l'année, 
c'est  qu'on  a  tenté  de  séduire  la  Compagnie  Transatlan- 
tique en  lui  demandant  d'organiser  tout  au  moins  des 
départs   de  Brest  pendant  la  belle  saison. 

Il  est  aussi  un  autre  fait  qui  s'est  passé  également  au 
mois  de  Juin  et  qui  est  aujourd'hui  un  peu  oublié.  Il  a 
cependant  marqué  bien  tristement  dans  les  annales  mari- 
times :  c'est  le  naufrage  du  Drummond-Castle,  Il  s'est 
produit  le  5  Juin  1896.  Les  circonstances  en  ont  été 
publiées  dans  les  journaux  et  le  rapport  officiel  anglais 
que  j'ai  lu,  indique  comment  la  catastrophe  s'est  produite. 

C'était  le  soir,  par  une  petite  pluie  fine  et  serrée  qui 
masquait  les  feux.  Ee  Drummond-Castle  croyait  laisser 
Ouessant  à  tribord.  Or,  coumie  l'indique  la  carte  que 
voici,  carte  publiée  à  l'époque  par  Y  Illustration,  il  fut, 
sans  s'en  apercevoir,   porté  à  l'Est  par  le  courant'  tra- 


170    PAQUEBOTS   TRANSATLANTIQUES   ET   PORTS    FRANÇAIS 

versier  et  entraîné  sur  les  Pierres  Vertes,  où  il  se  i>erdit 
corps  et  biens.  Ce  navire  venait  du  Sud  :  mais  supposez 
un  navire  venant  de  TOuest,  le  môme  courant  le  pi*endra 
complètement  en  travers  et  le  danger  qu'il  courra  sera 
encore  plus  grand.  M.  Banaré,  chef  du  Service  hydrogra- 
phique de  la  Marine,  a  d'ailleurs  déclaré,  dans  une  note 
publiée  en  1898,  que  les  abords  de  Brest  sont  particuliè- 
rement redoutables  pour  les  navires  venant  de  TOuest. 

Je  dois  ajouter  que  dans  la  marine  militaire,  où  Ton 
trouve  de  chauds  partisans  de  Brest-Transatlantique,  on 
se  montre  d'une  prudence  extrême  lorsqu'il  s'agit  dVn- 
trer  à  Bi'est  ou  d'en  sortir.  Un  navire  de  guerre  n'est 
jamais  pressé,  mais  un  transatlantique,  c'est  autre  chose! 
On  dit  au  capitaine  :  vous  avez  pour  devoir  d'arriver 
vite,  d'arriver  à  l'heure  et  en  même  temps  d'assurer  la 
sécurité  de  votre  navire,  débrouillez- vous  !  Pour  un 
paquebot  transatlantique  un  retard  de  10  heures,  comme 
celui  que  je  signalais  plus  haut,  c'est  désastreux  et  si 
cela  se  reproduit  souvent,  c'est  la  mort  de  la  ligne  ! 

Je  me  trouvais  à  Brest  l'année  dernière  au  mois  de 
Juin.  On  faisait  les  essais  du  cuirassé  Démocratie.  Ce 
jour-là,  je  m'étais  rendu  à  Ouessant.  Il  ne  faisait  pas  très 
mauvais  au  déjîart,  mais  au  retour  le  vent  soufflait  avec 
force  et  une  petite  pluie  fine  commençait  à  troubler  la 
vue.  J'appris  que  la  Démocratie,  qui  était  sortie  pour 
faire  ses  essais,  s'était  empressée  de  rentrer  aussitôt  a6n 
de  ne  pas  être  exposée  à  passer  la  nuit  dehors. 

Maintenant,  franchissons  le  goulet.  Nous  y  rencon- 
trons les  écueils  que  je  vous  ai  signalés  tout  à  l'heure, 
écueils  où  se  sont  perdus  ou  avariés  un  certain  nombre 
de  navires  de  guerre. 

Nous  voici  dans  la  rade  de  Brest.  Elle  est  splendide 
et  l'on  comprend  facilement  la  passion  que  les  Brestois 
ont  pour  clic.   C'est  un  immense  lac  maritime,   entouré 


PAQUEBOTS   TRANSATLANTIQUES   ET   PORTS   FRANÇAIS    171 

d'un  cirque  de  hautes  collines  rocheuses.  On  y  trouve  de 
grandes  profondeurs  d'eau  et  il  est  certain  que  les  plus 
grands  navires  du  monde  peuvent,  au  point  de  vue  du 
mouillage  et  des  évolutions,  y  trouver  toutes  leurs  aises. 

Toutefois,  à  cause  de  son  immense  étendue,  cette 
rade  était  sujette,  par  mauvais  temps,  à  une  assez  forte 
agitation  ;  aussi  a-t-on  décidé,  il  y  a  quelques  années,  d'y 
constitner  une  rade-abri  en  avant  du  port  militaire  actuel 
constitué  par  l'embouchure,  très  profonde,  de  la  rivière 
de  Pemfeld,  rivière  serpentant  dans  une  vallée  latérale. 

Cette  rade-abri  a  pour  but  de  donner  toute  sécurité 
aux  navires  mouillés  et  des  quais,  construits  contre  le 
rivage,  vont  la  transformer  en  une  véritable  annexe  du 
port  maritime. 

Il  faut  pénétrer  dans  cette  rade-abri  pour  gagner 
rentrée  principale  du  i)ort  de  commerce.  Cette  rade- 
abri  a  deux  entrées,  Tune  à  l'Ouest,  l'autre  au  Sud. 
Mais  la  pratique  de  la  première  nécessitant  la  traversée 
complète  de  la  rade-abri,  dont  le  mouillage  est  réservé 
aux  navires  de  guerre,  le  Comité  Brestois  reconnaît  que 
les  transatlantiques  devront  y  pénétrer  par  la  passe  du 
Sud.  L'examen  de  la  carte  montre  que  pour  pénétrer 
ensuite  dans  le  port  de  commerce,  ils  seront  obligés 
d'effectuer,  à  angle  droit,  un  changement  de  route  très 
délicat.  Le  port  de  commerce  est  situé  à  l'Est  de  la  rade- 
abri.  C'est  un  port  de  marée.  On  y  trouve  moyennement 
6  mètres,  et  dans  quelques  endroits  7  m.  50  dans  les  plus 
basses  mer.  Par  conséquent,  il  faudrait  y  constituer  un 
port  transatlantique  de  toutes  pièces.  Actuellement,  nos 
plus  petits  paquebots  transatlantiques  ne  pourraient  y  . 
effectuer  leurs  opérations  ;  ils  seraient  sûrs  d'y  échouer 
dans  ces  marées. 

C'est  pourquoi  les  partisans  de  Brest-Transatlantique 
opt  conçu  l'idée  d'y  faire  construire  un  nouveau  quai. 


172    PAQUEBOTS  TRANSATLxVNTIQUES   ET    PORTS    FRANÇAIS 

Mais  auparavant  —  et  c'est  là  leur  grande  pensée  —  ils 
ont  patiemment  commencé,  avec  de  petits  crédits,  la 
construction  d'une  forme  de  radoub  actuellement  en  voie 
d'achèvement.  C'est  la  plus  longue  de  celles  existant  en 
France.  Elle  a  225  mètres  de  long.  Mais,  il  y  a  un  mal- 
heur :  on  a  oublié  de  lui  donner  une  largeur  propo^ 
tionnée  à  cette  longueur,  si  bien  qu'elle  n'a  dans  sa  partie 
la  plus  étroite  que  25  mètres  !  Y  faire  pénétrer  un  paque- 
bot de  23  mètres  de  large,  comme  La-France,  sera  déjà 
un  problème  des  plus  épineux.  Mais  que  dire  des  paque- 
bots qui  seront  construits  incessamment,  paquebots  dont 
les  dimensions  se  rapprocheront  sensiblement  de  celles 
des  nouveaux  Cunarders,  qui  mesurent  239  mètres  de 
long  et  27  mètres  de  large  ? 

Actuellement,  les  représentants  de  Brest  demandent 
au  Gouvernement  de  participer  à  l'établissement  d'un 
quai  transatlantique  de  420  mètres  de  long.  La  Chambre 
de  Commerce  et  le  département  du  Finistère  vont  offrir 
une  contribution  de  moitié  —  ce  qui  est  la  participation 
réglementaire.  —  Dans  ces  conditions,  il  est  possible 
qu'ils  obtiennent  la  construction  de  ce  quai.  11  serait  à  la 
fois,  de  notre  part,  maladroit  et  mesquin  d'y  faire  oppo- 
sition, d'autant  que  les  Brestois  ne  font  pas  d'obstruction 
contre  nos  travaux.  Mais  il  est  permis  défaire  remarquer 
que  les  Brestois  se  font  des  illusions.  11  est  bien  certain 
qu'avec  ce  quai  de  420  mètres,  les  Brestois  ne  pourront 
jamais  assurer  comme  port  tôte  de  ligne,  le  service  d'une 
grande  compagnie  transatlantique.  I^  compagnie  fran- 
çaise est  déjà  fort  à  l'étroit  au  Havre,  avec  les  600  mètres 
de  quai  dont  elle  dispose  dans  le  bassin  de  l'Eure  pour 
le  service  de  New-York,  en  y  comprenant  ses  steamers 
de  réserve. 

En  résumé,  Brest  n'a  pour  lui  que  sa  rade  et  les 
quelques  milles  qui  en  font,   théoriquement,  le  port  le 


PAQUEBOTS  TRANSATLANTIQUES   ET   PORTS  FRANÇAIS    173 

plus  rapproché  de  New-York  ;  mais  cela  est  compensé, 
et  au-delà,  par  les  diilîcultés  de  Tatterrage,  par  les  insuf- 
fisances absolues  de  son  port  de  commerce,  par  son 
éloignement  de  Paris. 

Parlerai-je  de  Timportance  de  son  trafic?  Elle  est 
représentée,  en  1906,  par  238.000  tonneaux  à  l'entrée  et 
147.000  à  la  sortie  pour  les  navires  chargés.  Ce  résultat 
très  médiocre,  est  dû  à  Téloignemeut  des  sources  du  fret. 

Or  le  fret  joue  encore,  même  pour  les  paquebots  à 
grande  vitesse,  un  rôle  qui  n'est  point  insignifiant  et  qui 
se  traduit,  au  bout  de  Tannée,  par  des  recettes  qui  sont 
loin  d'être  négligeables. 

Enfin,  la  modicité  du  tonnage  de  Brest  fait  ressortir 
combien  est  limitée  sa  force  contributive  en  matière  de 
travaux  publics. 

Nous  arrivons  maintenant  au  port  du  Havre. 

En  ce  qui  concerne  ce  port,  je  ne  m'étendrai  ni  sur 
l'atterrissage  en  Manche,  ni  sur  l'atterrissage  en  baie  de 
Seine  ;  ma  tache  est,  à  cet  égard,  singulièrement  sim- 
plifiée, puisque  j'ai  eu  à  vous  en  parler  abondamment 
dans  les  comparaisons  que  j'ai  établies  avec  les  abords 
des  autres  ports. 

Je  veux  simplement  faire  ressortir  ici  les  résultats 
qu'on  obtiendra,  au  point  de  vue  de  la  navigation  trans- 
atlantique à  grande  vitesse,  lorsque  notre  progi*amme  de 
1895  sera  exécuté,  et  aussi  lorsque  les  travaux  qui  sont 
compris  dans  le  programme  de  1900  seront  achevés.  Il 
n'est  pas  besoin  de  se  livrer  à  des  recherches  historiques 
bien  longues  pour  faire  ressortir  combien  était  indispen- 
sable l'amélioration  de  notre  port  extérieur.  Cette  néces- 
sité était  reconnue  dès  1879  et  servait  de  base  à  un  pre- 
mier projet,  qui  fut  déposé  en  1884,  et  qui  demandait  la 
création  d'une  nouvelle  entrée  orientée  au  Nord-Ouest  et 


174   PAQUEBOTS  TRANSATLAIfTIQUES  ET  PORTS    FRANÇAIS 

bordée  de  deux  jetées,  la  construction  d'un  nouvel  avairt- 
port,  d'un  bassin  de  mi-marée,  d'un  bassin  à  flot  qai 
devait  occuper  une  partie  de  l'emplacement  désigné  pour 
rétablissement  du  bassin  de  marée  prévu  au  programme 
de  1907  ;  enfin  de  plusieurs  formes  de  radoub.  En  outre, 
un  abri  aurait  été  établi  dans  la  rade.  Ce  projet  n'eut  pas 
la  bonne  fortune  de  rencontrer  l'adhésion  de  la  commis- 
sion de  la  Chambre,  qui  fit  remarquer  qu'il  fallait  faire 
un  tout  des  travaux  de  la  Basse-Seine  et  des  travaux  du 
Havre,  et  conclut  au  renvoi  du  projet  au  Gouvernement. 
C'est  ainsi  qu'en  1887,  M.  de  Hérédia,  ministre  des 
Travaux  Publics,  présenta  un  autre  projet  qui  consistait 
à  constituer,  dans  la  baie  de  Sainte-Adresse,  un  nouvel 
avant-port,  sorte  de  rade  fermée,  partant  du  bout  du 
boulevard  Maritime  et  s'étendant  jusqu'à  l'ancien  avanl- 
port.  Il  y  avait  une  entrée  au  Nord-Ouest,  mais  on 
laissait  subsister,  à  l'autre  bout,  l'ancienne  passe  du  Sud- 
Ouest.  Elle  était  divisée  en  deux  parties  par  une  traverse. 
La  pîii'lie  Nord  devait  servir  de  rade-abri  ou  de  niouil' 
lage.  Knfin,  on  devait  creuser  un  bassin  de  mi-marée 
pour  établir  une  communication  plus  facile  avec  les  bas- 
sins intérieurs.  Ce  projet  fut  voté  à  la  Chambœ  des 
Députés,  mais  il  échoua  devant  le  Sénat  qui  était  alors  de 
très  mauvaise  humeur.  Il  était  encore  sous  le  coup  des 
dépenses  occasionnées  par  le  grand  programme  Freycinet 
On  avait  dispersé  l'argent  sur  une  quantité  de  points  et 
les  travaux  en  cours  absorbaient  des  sommes  si  considé- 
rables qu'on  avait  été  obligé,  soit  de  renoncer  à  achever 
certains  travaux  d'entre  eux,  soit  à  en  entreprendre 
d'autres. 

Le  Sénat,  après  une  discussion  fort  vive,  renvoya  le 
projet  au  Gouvernement  en  lui  demandant  de  présenter 
autre  chose.  La  dépense  prévue  (73  millions),  lui  sem- 
blait trop  élevée.  C'est  alors  qu'on  fut  obligé  de  mettre 


DES  PAYSAGES  DU  LOT  AUX  MONUMENTS  DE  TOULOUSE    133 

Société  Anonyme  et  de  diflicîles  travaux,  le  gouffre  et  la 
rivière  souterraine  étaient  rendus  accessibles  au  public. 
Commençons  maintenant  notre  visite. 


Padirac  :  (irand  Escalier  du  Gouffre 


La  descente  dans  le  gouffre  s'effectue  d'abord  par  un 
puits  artificiel  profond  de  14  mùtres,  pourvu  d'un  escalier 
en  fer  et  débouchant  dans  une  petite  grotte  latérale  au 
grand  gouffre.  Celte  grotte  s'ouvre  elle-même  sur  une 
grande  corniche  nu  lu  relie  qu'on  a  transformé  en  com- 
mode et  spacieuse  terrasse  et  où  est  installé  un  res- 
taurant. 

Au  bout  de  cette  terrasse,  dans  le  gouil're  même,  est 
un  grand  escalier  de  fer,  haut  de  37  mètres,  qui  conduit 


176   PAQUEBOTS  TRANSATLANTIQUES   ET   PORTS   FRANÇAIS 

seuil  est  à  4  m.  50  au-dessous  du  zéro  des  cartes  ;  sa 
largeur  est  de  30  mètres.  Il  permettra,  suivant  la  nature 
des  marées,  l'entrée  au  bassin  de  TEure,  pendant  12  ou 
13  heures,  des  paquebots  La-Proçence  et  La-France.  Sa 
mise  en  service  sera  également  un  grand  bienfait  pour 
la  grande  navigation  au  long-cours  en  général.  Elle  lui 
évitera  des  pertes  de  temps  considérable  en  permettant 
presque  toujours  aux  navires  calant  8  mètres  d'entrer 
dans  les  bassins  pendant  les  2/3  de  la  marée. 

Quant  au  quai  de  marée,  long  de  500  mètres  et  large 
de  75  mètres,  il  est  destiné  à  Taccostage  des  paquebots 
d'escale  ou  de  ceux  auxquels  l'état  de  la  marée  ne  per- 
mettra pas  l'entrée  immédiate  du  bassin.  On  s'était  borné, 
à  l'origine,  à  prévoir  l'établissement  à  son  pied  d'une 
souille  creusée  à  7  mètres  au-dessous  du  zéro  des  caries, 
c'est-à-dire  d'une  fosse  de  mouillage  correspondant  au 
tirant  d'eau  des  paquebots  en  service  il  y  a  15  ans.  Mais 
on  a  bien  vite  reconnu  que  ce  serait  tout  à  fait  insuilisant 
et  l'on  a  décidé  de  l'approfondir  à  9  mètres  au-dessous  du 
zéro  et,  étant  donnée  la  nature  du  fond,  on  pourra  même 
porter  cette  profondeur  et  celle  de  Tavant-port  jusqu'à 
12  mètres  sous  zéro. 

Ici,  une  remarque  générale  s'impose.  Au  début,  on 
n'avait  prévu  pour  ravant-i)ort  et  la  passe  extérieure 
qu  un  approfondissement  à  ( —  4,50)  au-dessous  du  zéro 
des  cartes.  Depuis  on  s'est  mis  à  l'œuvre  pour  porter 
cette  profondeur  à  la  cote  ( —  0).  On  a  décidé  ensuite,  en 
principe,  qu'elle  serait  plus  tard  portée  k  ( —  9).  Cette 
dernière  cote  permettrait  aux  paquebots  d'un  tirant  d'eau 
un  peu  supérieur,  l'entrée,  la  sortie  et  l'utilisation  du 
quai  d'escale  à  toute  beure  pendant  les  marées  de  morte- 
eau  et  les  marées  moyennes,  et  pendant  20  heures  par 
jour  pendant  les  marées  de  vive-eau.  Encore  cette  der- 
nière petite  lacune  pourrait-elle  se  trouver  comblée  en 


PAQUEBOTS  TRANSATLANTIQUES  ET  PORTS  FRANÇAIS   177 

organisant,  ce  qui  est  facile,  les  départs  à  une  heure  fixe 
ne  coïncidant  jamais  avec  les  basses  mers  de  vive-eau. 

Kh  bien  !  il  est  absolument  indispensable  que  le 
quai  d'escale  soit  livré  dans  le  plus  bref  délai  à  la  navi- 
gation et  que,  parallèlement,  Tapprofondissement  de 
ravant-[)ort  soit  réalisé  de  façon  à  assurer  à  ce  quai  son 
maximum  d'utilisation.  Je  ne  veux  émettre  ici  de  cri- 
tiques contre  personne,  mais  il  me  sera  bien  permis  de 
constater  que  si  ces  améliorations  avaient  été  réalisées 
plus  tôt  et  plus  vite,  notre  port  n'eût  pas  été  en  butte  à  la 
campagne  de  dénigrement  systématique  entreprise  depuis 
dix  ans  par  nos  rivaux.  Aussi  l'intérêt  du  Havre  com- 
mande-t-il  impérieusement  que,  sans  tergiversation,  la 
profondeur  de  notre  passe  extérieure  et  de  notre  avant- 
port  soit  portée  à  9  mètres  au-dessous  du  zéro.  Une  nou- 
velle drague,  actuellement  en  construction,  permettra, 
dans  quelques  mois,  de  creuser  jusqu'à  16  mètres  au- 
dessous  du  plan  d'eau.  C'est  alors  qu'il  faudra  marcher 
de  l'avant,  sans  se  laisser  arrêter  par  aucune  considéra- 
tion linancière.  L'avenir  du  |)ort  du  Havre  est  à  ce  prix 
et,  en  cas  de  difflculté,  notre  Chambre  de  Commerce 
n'hésitera  pas,  nous  en  sommes  convaincus,  à  présenter 
une  combinaison  permettant  d'y  parvenir.  Les  sacrifices 
seront  d'ailleurs  compensés  par  d'importantes  recettes, 
car  je  sais,  de  bonne  source,  que  plusieurs  grandes 
Compagnies  de  navigation  sont  tout  disposées,  si  on 
leur  en  doime  ainsi  la  possibilité,  à  faire  toucher  leurs 
paquebots  au  Havre. 

Quoiqu'il  en  soit  nous  serons,  dès  l'année  prochaine, 
en  possession  d'un  quai  transatlantique  plus  long  et  plus 
vaste  que  celui  qui  n'est  encore,  à  Brest,  qu'à  l'état 
d'avant-projet. 

Passons  au  port  intérieur. 

Je  n'ai  pas  à  examiner  en  ce  moment  les  bassins  au 

13. 


136  DES  PAYSAGES  DU  LOT  AUX  MONUMENTS  DE  TOULOUSE 

confortables  pour  rayonner  dans  des  environs  fort  pitto- 
resques, où  abondent  les  cariosités. 

G*est  par  exemple  le  château  de  Gastelnau-Bretenoux* 
qui  émerge  d'un  fouillis  d'arbres  et  se  dresse  fièrement 
sur  des  hauteurs,  au  confluent  de  la  Bave  et  de  la  Dordo- 
gne.  Ce  château  féodal,  habilement  restauré  et  habité  par 
un  artiste  de  grand  talent,  M.  Mouliérat,  ancien  ténor  de 
rOpéra-Comique,  couvre  une  superficie  de  3.700  mètres 
carrés. 

Tout  à  côté,  le  château  de  Montai,  édifié  en  1534,  par 
la  famille  dont  il  porte  Je  nom,  contenait  des  merveilles 
malheureusement  détruites  par  un  inqualifiable  vanda- 
lisme. C'était  aussi  à  l'une  des  fenêtres  de  ce  vieux  ma- 
noir, au  sommet  d'une  tourelle,  qu'en  compagnie  de  sa 
confidente  et  d'un  petit  i)age,  une  délicieuse  et  aimable 
châtelaine  ayant  nom  Rose  de  Montai,  s'accoudait  jadis 
pour  guetter  la  visite  d'un  seigneur  aimé,  Guilhem  de 
Castelnau,  son  voisin.  De  là,  elle  découvrait  toute  la 
plaine  ;  sur  la  route  poussiéreuse,  elle  le  voyait  venir  et 
s'il  montait  au  château,  vite  elle  courait  joyeuse  à  sa 
rencontre  ;  s'il  passait  seulement  sous  ses  fenêtres,  elle 
répondait  à  son  salut  par  un  geste  gracieux  que  suivait 
la  chanson  qu'il  aimait.  C'était  là  le  bon  temps  !  Mais  à 
partir  de  certain  jour  hélas,  le  jeune  homme  fut  moins 
empressé  près  de  sa  Belle  et  quelque  temps  après,  au 
retour  d'une  expédition  lointaine,  il  épousait  Blanche 
de  Saint-Laurent.  Rose,  dont  le  cœur  était  resté  fidèle,  vit 
de  sa  même  fenêtre  et  sur  la  même  route  passer  le  cortège 
nuptial.  Plus  d'espoir  !  s*écria-t-clle,  et  elle  se  précipita 
dans  le  vide...  Fort  heureusement,  l'histoire  nous  apprend 
qu'il  n'en  fut  rien  ! 

Dans  la  même  région,  nous  pourrions  continuer  un 
peu  vers  la  route  du  Cantal,  vers  la  sauvage  gorge  de  la 
Cèrc,    si    étroite    qu'elle    laisse   juste    passage    à    une 


DES  PAYSAGES  DU  LOT  AUX  MONUMENTS  DE  TOULOUSE   137 

ligne  de  chemin  de  fer,  ou  remonter  vers  Beaulieu  qui, 
sur  les  bords  de  la  Dordogne,  a  une  très  belle  église 
romane  ;  mais  Cahors  nous  appelle,  et  j'ai  hâte  de  vous  y 
conduire. 


*'i 


Dans  les  Gorges  de  la  Cèrc 


Cette  ville  de  Cahors  compte  actuellement  14.000  ha- 
bitants et,  dominée  par  une  ceinture  de  collines  qui  en 
font  presque  tout  le  tour,  elle  s*étage  en  amphithéâtre  dans 
une  presqu'île  formée  par  le  Lot.  Sa  principale  curiosité, 
dont  elle  se  fait  gloire  est,  sans  contredit,  le  pont 
Valentré.  Sous  tous  ses  aspects  il  est  pittoresque  à  ravir, 
et  avec  ses  trois  tours  à  mâchicoulis,  c'est  un  type  très 
précieux  de  l'architecture  du  Moyen-Age,  malgré  quel- 
ques lantaisies  de  restauration  de  YioUet-le-Duc. 


138  DES  PAYSAGES  DU  LOT  AUX  MONUMENTS  DE  TOULOUSE 

Sa  co<nsti*uction  dute  du  x(v""'  sirclc.  Il  filt,  en  ellet, 
commencé  en  1308,  mais  Les  chroniqueurs  nous  aj^ren^ 
nent  qull  n'était  pas  achevé  avant  un  demi-«îécle{  peut- 
être  plus,  et  quant  à  son  liistoire  à  cette  époqae;  on  oe 
dit  guère  quune  légende.  C'est  encore  un  tour  du  diable 
et  le  voici  : 

C'était  en  Tan  de  grâce  1300  et  quelque,  je  ne  cherche 
point  à  préciser.  Quelques  mois  auparavant,  les  consuls 
de  la  bonne  ville,  pressés  par  la  population,  avaient 
l)romis  forte  récompense  à  qui  terminerait  ce  jiont 
depuis  trop  longtemps  attendu.  Un  brave  nuUtre  maçon, 
pauvre  d'argent  mais  riche  d'espérance,  l'avait  promis 
pour  les  prochaines  vendanges,  solidement  lait  et  bien 
garni  de  tours  crénelées.  L'architecte  dirigeait  fort  bien  ses 
ouvriers,  paraît-il,  mais  quoi  qu'il  fit,  les  travaux  n'avan- 
çaient gui»re  ;  et  pourtiint,  septembre  approchait,  les 
raisins  étaient  presque  mûrs,  et  dans  l'attente  du  vin 
nouveau,  tout  le  monde  riait  et  chantait,  sauf  notre 
maître  maçon. 

Le  pauvre  homme,  qui  aimait  à  tenir  parole,  était 
presque  au  désespoir,  et,  sans  trop  savoir  ce  qu'il  faisait, 
un  beau  matin,  sous  une  inspiration  qu'on  peut  assuré- 
ment qualifier  de  diabolique,  il  résolut  d'appeler  à  son 
aide  Satan  dont  il  avait  entendu  parler  comme  d'un 
grand  bâtisseur  de  châteaux  et  de  fortei'esses,  voire 
même  de  ponts.  Il  obtint  de  lui  un  rendez-vous  sur  le 
sommet  d'Ângély  et  exposa  son  affaire.  Le  diable 
promit  d'exécuter  les  ordres,  mais  en  retour,  par  un 
contrat  bien  en  forme,  —  car  le  diable  avait  fait  son 
droit  dans  une  des  meilleures  universités,  et  savait  qu'on 
ne  donne  rien  sans  exiger  quelque  chose  en  échange^  — 
l'architecte  dut  lui  engager  son  âme. 

Dès  lors,  les  constructions  avancèrent  avec  une  in- 
croyable rapidité.  L'homme  ordonnait,  donnait  les  dimen- 


DES  î»AYSAGES  DU  LOT  AUX  MOmJMENTS  DE  TOULOUSE   iS9 

sions,  Tépaisseur  des  murs,  la  haateur  des  piles,  ot  le  dia^ 
ble  allait  et  venait,  remuant  comme  des  plumes  et  accu^ 
mulant  sur  les  chantiers  les  blocs  calcaires  des  bords  du 
Ix>t  et  les  grès  des  environs  de  Figeac. 

Si  notre  maître  maçon  n  eût  été  un  rusé,  il  eût 
vu  son  âme  bien  en  péril  :  il  la  sauva  par  un  expé*- 
dient.  Satan,  vous  le  savez,  avait  promis  de  tout  faire. 
€  Tiens,,  lui  dit  notre  homme  comme  les  travaux  s^ache- 
valent,  prends  ce  crible  et  va-t-en  aux  sources  du  Lot 
chercher  Tcau  nécessaire  aux  maçons.  »  Satan  comprit 
bien  qu'il  était  joué.  Il  tenta  cependant  Faventure  ;  mais 
malgré  la  rapidité  de  son  vol,  il  ne  put  transposer  une 
seule  goutte  d'eau.  Il  prit  la  fuite  en  acceptant  sa  défaite; 
mais  à  quelques  jours  de  là,  il  voulut  se  venger.  Un  soir, 
en  effet,  oii  Tarchitecte  déjà  couvert  de  gloire,  félicité 
par  les  consuls,  porté  aux  nues  par  la  population,  venait 
admirer  son  pont,  seul  et  à  loisir,  subitement,  sans 
cause  apparente,  Taiigle  d'une  tour  s'écorna.  Vite  il  le  fit 
réparer.  Le  lendemain,  nouvelle  écornure,  seconde  répa- 
ration. Et  le  fait  se  renouvelait  chaque  jour,  tandis  que 
le  diable,  perché  sur  les  rochers  d'Angély  —  vous  avez 
reconnu  qu'il  était  le  coupable  —  narguait  son  ancien 
associé.  Le  pauvre  homme  mourut  de  chagrin.  —  Dieu 
eût  son  âme,  car  il  s'était  repenti,  -  et  après  lui,  Satan 
lassa  bientôt  les  ouvriers.  De  nos  jours  seulement,  les 
pierres  furent  solidement  fixées  :  on  a  sculpté  sur  l'une 
d'elles  un  petit  diable  faisant  des  efforts  pour  l'arracher, 
et  depuis  ce  temps-là,  Satan  a  peur  de  sa  jiropre  image 
et  reste  tranquille. 

Des  bords  du  Lot,  nous  allons  maintenant  visiter  quel- 
ques coins  curieux  de  la  vieille  ville.  Il  y  aurait  beaucoup 
à  faire  si  nous  voulions  tout  voir  et  nous  rencontrerions 
dans  une  promenade  complète  tant  de  souvenirs  du  Moyen- 
Age  et  de  la  Renaissance,  que  j'hésite  pour  en  choisir  quel- 


182   PAQUEBOTS  TRANSATLANTIQUES   ET   PORTS   FRANÇAIS 

le  Comité  local  de  cette  Ligue  qui  est,  en  quelque  sorte, 
le  fondateur  du  Comité  Brest-Transatlantique. 

Sans  doute,  il  ne  faut  pas  pousser  les  choses  au  noir. 
Mais  il  importe  d*être  prévoyant  et  vigilant.  D*aillean 
un  pareil  Comité  ne  pourrait-il  pas  prendre,  au  sujet  de 
nos  intérêts  maritimes  en  général,  d'heureuses  initiatives 
et  apporter  un  concours  très  efficace  à  nos  assemblées 
locales  et  aux  fonctionnaires  de  TEtat. 

Telle  est  la  proposition  sur  laquelle  j'ap^ielle  en  der- 
nier lieu  votre  attention  et  je  terminerai  par  ces  mots  : 
c  Les  Brestois  ont  le  diable  au  corps,  tâchons  de 
l'avoir  aussi  I  »  (Applaudissements.) 

Louis  Brindeau 

Député 

Ancien  Maire  du  Haçre. 


DE  MARSEILLE  h  MMU 


Les  routes  pour  se  rendre  de  France  en  Nouvelle- 
Calédonie  ont  varié  suivant  les  épociues  :  autrefois  on 
passait  par  les  caps.  Ce  temps  de  navigation  barbare  n'est 
plus  qu  un  lointain  mauvais  rôve  déjà  oublié.  Depuis  que 
les  Messageries  Maritimes  desservent  cette  ligne,  on 
emprunte  la  voie  plus  civilisée  du  Canal  de  Suez.  Mais, 
comme  la  ligne  n'est  pas  par  elle-même  suflisamment 
rémunératrice,  on  a,  à  diverses  reprises,  cherché  à  y  gref- 
fer quelques  relâches  supplémentaires.  On  coupa  d'abord 
directement  à  travers  l'Océan  Indien,  par  Mahé  des 
Seycliv  lies  et  King  (irorge's  Sound;  puis  King  George's 
Sound  fut  abandonné  pour  Fremantle,  et  les  Seychelles 
cédèrent  la  place  à  Bombay  et  à  Colombo  ;  une  relâche 
nouvelle,  celle  d'Aden,  est  venue  s'ajouter  à  l'itinéraire. 
Le  voyage  s'en  trouve  sensiblement  allongé,  au  moins 
pour  les  marchandises  venant  de  France,  et  plus  d'une  a 
depuis  longtemps  perdu  sa  fraîcheur  première  quand  elle 
arrive  à  Nouméa.  Les  correspondances  empruntent  entre 
Marseille  et  Colombo  la  ligne  d'Indo-Chine  qui  abrège 
leur  voyage  de  quelques  jours . 

De  Marseille  à  Nouméa,  les  paquebots  des  Messageries 
Maritimes  ne  s'arrêtent  qu'en  territoires  anglais  ;  aussi  la 
[Compagnie,  soucieuse  de  ses  intérêts,  réserve-t-elle  à  nos 
iroisins  ses  faveurs  et  ses  amabilités. 

Le  premier  port  de  relâche  est  Port-Saïd. 


184  DE   MARSEILLE   A    NOUMEA 


PORT-SAÏD 


Les  paquebots  mouillent  en  général,  à  Port-Saïd, 
devant  le  quai  François-Joseph,  à  l'entrée  de  la  rue  Eugénie, 
qui  est  la  plus  grande  artère  de  la  ville.  Pour  vingt-cinq 
centimes  un  pointu  vous 'conduit  à  terre.  C'est  plus  que  ne 
valent  pour  le  simple  touri&te,  la  ville  et  toutes  les  curio- 
sités qu'elle  renferme.  Les  rues  sont  droites  et  larges, 
mais  on  y  enfonce  dans  le  sable.  Nulle  part  d'autre  cou- 
leur locale  que  la  saleté.  Les  dattes  d'Arabie  que  Ton  vend 
au  marché  ne  sont  elles-mêmes  que  des  noyaux  revêtus  de 
poils  de  chameau. 

On  ne  visite  à  Port-Saïd  que  les  marchands  de  ciga- 
rettes, de  photographies,  de  timbres-postes,  de  casques 
coloniaux  et  les  cafés-concerts.  Dans  chacun  de  ces  café* 
une  quinzaine  de  blondes  Allemandes  raclent  du  violon 
sur  une  estrade  et  à  tout  entrant  servent  aussitôt,  d'api*è? 
sa  tête,  son  air  national.  C'est  une  façon  d'écouler  de  la 
mauvaise  bière  et  de  la  faire  payer  plus  cher  que  de  la 
bonne.  Tout  café  est  muni  d'une  roulette  où  personne  ne 
gagne. 

Il  n'y  a  rien  à  voir  dans  les  baraques  en  bois  de 
Port-Said  ;  pas  un  monument,  pas  une  maison.  La  façade 
de  la  ville  sur  la  mer  semble  cependant  vouloir  se  dégager 
un  peu  de  la  banalité  des  autres  quartiers  :  la  plage  a  été 
nivelée  et  les  maisons  qui  l'avoisinnent  ont  assez  bon 
aspect.  Une  statue  de  Lessops,  œuvre  du  sculpteur  Fré- 
miet,  a  été  érigée  en  1899  sur  la  jetée,  près  du  phare  qui 
éclaire  l'entrée  du  Canal. 

Le  quartier  indigène  est  situé  au  bout  de  la  grande 
rue.  On  s'y  rendait  autrefois  à  bourriquot,  ce  qui  ne  man- 
quait pas  de  couleur  locale,  et  les  européens  n'avaient  pas 


DE    MARSEILTE    A    NOUMEA  185 

à  craindre  de  déchoir  en  enfourchant  la  selle  de  bois,  car 
le  prophète  Mahomet  n'avait  pas  d*autre  monture.  Aujour^ 
d'hui  on  y  va  en  tramway  ;  c'est  plus  civilisé  peut-être, 
mais  à  coup  sûr  moins  pittoresque .  Ce  quartier  indigène 
n'est  qu'un  amas  de  baraques  émergeant,  par  blocs  plus 
ou  moins  réguliers,  des  tas  d'ordures  où  voltigent  des 
nuées  de  mouches.  Deux  mosquées.  Tune  en  bois,  l'autre 
en  pierre,  sont  assez  insignifiantes  pour  qu'on  ne  s'y  arrête 
pas.  La  ville  finit  brusquement  dans  le  sable,  entre  le  lac 
Menzaleh  et  la  mer.  Les  cimetières  bordent  le  rivage  du 
lac.  Ici  la  terre  est  si  basse  que  les  tombeaux  sont  cons- 
truits à  la  surface  au  lieu  d'être  creusés  dans  le  sol  où  ils 
serait  aussitôt  envahis  par  Teau  salée. 

Quelles  que  soient  sa  laideur  et  sa  saleté,  Port-Saïd 
renferme  cependant  pour  nous  un  triste  enseignement  :  à 
mon  premier  passage,  en  1885,  toutes  les  enseignes  des 
magasins  étaient  en  français  et  partout  on  ne  parlait  que 
le  français.  Vingt  ans  après,  l'anglais  avait  tout  envahi  et, 
dans  les  magasins,  dans  les  rues,  sur  les  quais,  on  n'en- 
dait  que  le  dur  parler  britannique.  Dans  vingt  nouvelles 
années,  pas  un  indigène  no  comprendra  [Jus  notre  langue. 
L'Egypte  a  été  véritablement  française  ;  elle  ne  l'est 
plus. 

En  France,  bien  qu'on  ait  souvent  prétendu  le  con- 
traire, l'idée  colonisatrici»,  ou,  pour  mieux  dire,  le  culte 
éclairé  de  la  grandeur  nationale,  est  Tépanage  d'une  élite 
[)eu  nombreuse,  et  cette  élite  n'a  malheureusement  eu 
que  très  rarement  la  direction  de  notre  politique  extérieure. 

Un  fait  le  montre  d'une  façon  indiscutable  :  récem- 
ment, au  moment  même  ou  débutait  l'affaire  du  Maroc,  à 
riieure  suprême  où,  pour  la  dernière  fois  sans  doute  allait 
se  décider  l'avenir  de  l;i  France,  nous  avons  vu  arriver 
au  pouvoir  un  des  hommes  sur  qui  pèse  le  plus  lourdement 
la  responsabilité  de  la  plus  grosse  faute  que  nous  ayons 


186  DE   MARSEILLE   A    XOUMEA 

commise  en  aucun  temps  de  notre  histoire,  l'abandon  de 
l'Egypte. 

Nous  rejetons  volontiers  sur  la  jalousie  anglaise  la 
responsabilité  de  nos  désastres  coloniaux.  Si  nous  vou- 
lions réfléchir  cependant,  nous  verrions  que  l'Angleterre 
n'a  fait  partout  que  profiter  de  nos  propres  fautes  ;  nous 
ne  saurions  raisonnablement  le  lui  reprocher.  Les  véri- 
tables ennemis  de  notre  grandeur  nationale  ont  toujours 
été  de  ce  côté-ci  de  la  Manche  et  non  de  l'autre  :  la  Pom- 
padour  nous  a  fait  perdre  Tlnde  et  le  Canada,  deux  con- 
tinents :  l'Asie  et  l'Amérique  ;  le  socialisme  nous  a  fait 
perdre  l'Afrique,  avec  l'Egypte  et  le  Maroc. 


CANAL 

Les  voyageurs  considèrent  généralement  comme  laid 
le  pays  entre  Port-Saïd  et  Suez  et  n'auraient  pas  assez  de 
cailloux  à  lui  jeter  s'ils  en  pouvaient  trouver  sur  les  rives 
du  canal.  Certainement  le  pays  est  monotone,  mais  cette 
monotonie  a  sa  grandeur.  Aussi  loin  que  la  vue  peut 
s'étendre,  on  n'aperçoit  qu'une  immense  plaine  de  sable 
doré.  A  l'horizon  le  ciel,  jauni  par  les  tourbillons  de 
poussière,  se  confond  avec  la  terre.  Par  endroits  celte 
plaine  se  couvre  de  bosses  de  sable  à  l'abri  desquelles 
poussent  quelques  bouquets  de  roseaux  et  de  maigres 
tamaris  au  feuillage  grisâtre.  On  longe  des  lacs,  des 
marais  dans  lesquels  des  milliers  de  flamants  forment 
des  nuages  roses  ;  et  tout  cet  horizon  surchaufle,  ondu- 
lant comme  une  houle  transparente,  prend  suivant  les 
heures  les  teintes  les  plus  variées,  du  rouge  le  plus 
ardent  au  violet  le  plus  tendre. 

A  la  gare  d'El  Kantara,  des  caravanes  rangées  sur 
les  rives  attendent  que  nous  soyons  passés  pour  repren- 


DE   MARSEILLE   A   NOUMEA  187 

dre  leur  route  monotone  dans  le  désert.  Les  chameaux 
restent  indifférents,  le  cou  allongé  dans  le  sable;  les 
gamins,  nus  sous  leur  grande  blouse  bleue,  nous  suivent 
en  courant  sur  la  berge  pour  ramasser  les  biscuits  et  les 
sous  qu'on  leur  jette. 


ISMAILIA 

Ismaîlia  est  la  plus  verte  des  trois  villes  du  Canal  ; 
mais,  en  revanche,  elle  CvSt  la  moins  mouvementée  ;  ville 
déshéritée  qui  n'a  pour  elle  ni  cette  foule  sale  qui  fait 
oublier,  à  Port-Saïd,  ses  maisons  de  bois  sans  caractère, 
ni  ces  rues  pittoresques  qui  font  pardonner  à  Suez  la 
saleté  de  ses  habitants.  Ses  nies  sont  désertes  ;  l'herbe 
y  pousserait  si  Therbe  pouvait  pousser  dans  ce  sable 
brûlant.  Quelques  arbres  dans  l'avenue  du  port  et  sur  la 
route  de  Thôpital  suffisent  cependant  à  lui  donner  de  loin 
cette  apparence  de  verdure  qui  étonne  sous  ce  ciel  rouge 
et  repose  le  regard  au  sortir  des  murailles  ardentes 
d'El  Guisr.  Dans  cette  ville  endormie  pas  un  concert,  pas 
un  bruit.  Au  débarcadère  deux  ou  trois  bourriquots 
attendent  les  clients,  pressés  sous  un  arbre  poussiéreux 
dont  ils  se  partagent  fraternellement  les  lambeaux 
d'ombre. 

Le  meilleur  parti  à  prendre  quand  on  est  à  Ismaîlia 
serait  celui  de  s'en  aller  ;  mais  hors  de  la  ville,  il  n'y  a 
rien,  que  la  fournaise  de  sable. 

D'Ismallia  à  Suez,  par  le  train,  on  longe  le  canal 
d  eau  douce  tout  couvert  de  roseaux  ;  au-delà,  de  chaque 
côté,  miroite  la  plaine  ardente. 

Par  le  Canal,  l'aspect  est  le  même,  moins  la  ligne 
verdoyante  de  roseaux.  Au  sortir  du  lac  Timsah,  on 
laisse  à  droite,  près  de  Toussoum,  la  mosquée  blanche 


188  DE   MARSEILLE    A   NOUMEA 

du  Cheikh-Ennedeck,  puis,  après  les  I^cs  Amers,  on 
s'engage  entre  les  murailles  de  sable  dont  on  ne  sortira 
qu'à  Port-Tewfick. 


SUEZ 

Suez  n'est  pas  sur  le  canal.  C'est  Port-Tewfick  qui 
salue  les  navires  à  leur  sortie.  Quatre  ou  cinq  maisons 
alignées  sur  un  quai  planté  d'arbres  et  c'est  tout.  Suei 
est  un  peu  plus  loin  dans  les  sables. 

Bien  que  quelques  bouts  de  rues  se  soient  un  peu 
européanisés,  Suez  est  supérieur  comme  pittoresque  à 
Ismaïlia  et  à  Port-Saïd.  Ismaîlia,  brûlée  par  le  soleil,  est 
restée  rabougrie  comme  les  arbustes  de  ses  jardins.  Portr 
Saïd,  cité  cosmopolite,  n'est  d'aucun  temps,  ni  d'aucun 
pays.  Suez  est  restée  ville  arabe  avec  ses  rues  étroites  où 
errent  des  ombres  de  chiens  galeux,  ses  maisons  aux 
toits  plats  que  dominent  des  minarets  pointus,  ses  bouti- 
ques basses  où  bourdonnent  des  nuées  de  mouches,  sa 
population  multicolore,  ses  costumes  bigarrés  qu'uni- 
formise la  saleté,  ses  cafés  où.  les  jours  de  fêtes,  quelque 
jeune  artiste  initie  les  clients  aux  mystérieuses  beautés 
de  la  danse  du  ventre.  Les  spectateurs  enivrés  applau- 
dissent avec  Irénésie,  pendant  que,  haletante,  elle  fait  le 
tour  de  la  salle  leur  tendant  son  front  ruisselant  de  sueur 
où  chacun  colle  une  mince  piécette  d'argent  ou  d'or. 

De  loin  en  loin,  vous  rencontrez  des  jeunes  filles  au 
visage  religieusement  voilé,  suivant  les  reconmiandations 
du  Coran,  a  L'éclat  de  leurs  yeux  est  pareil  à  celui  d'une 
source  d'eau  vive  parmi  les  sables.  j>  Si  la  rue  eat  déserte 
et  si  vous  ne  craignez  pas  les  désillusions,  glissez-leur 
deux  sous  dans  la  main  :  elles  soulèveront  leur  voile  et 
vous  montreront  ce  visage  que  l'œil  même   d'un  fiancé 


DE    MARSEILLE    A   NOUMEA  189 

n*aurait  pas  eu  le  droit  d'entrevoir.  L'arabe  a  horreur  du 
chrétien,  mais  il  a  Tesprit  ouvert  et  ne  refuse  jamais  de 
se  rendre  à  des  arguments  bien  présentés.  El  hanidou 
lillah  rebb  elhalmine. 


MER  ROUGE 

Le  golfe  de  Suez  où  Ton  débouche  en  sortant  du 
Canal  est  un  étroit  couloir  entre  les  falaises  stériles  et 
ravinées  du  djebel  Attaka  et  la  presqu'île  du  Sinaï.  Nulle 
part  on  ne  voit  la  moindre  végétation  ;  seuls,  de  loin  en 
loin,  les  mâts  d'un  navire  échoué  donnent  l'illusion 
d'arbres  dépouillés  de  leurs  branches.  Partout  des  ro- 
chers, des  Ilots,  des  îles  brûlées  comme  Jubal  et  Shadwan. 
L'atmosphère  est  calme  et  d'un  rose  transparent  ;  mais  le 
moindre  vent  qui  passe  sur  ces  rivages  de  poussières 
cifritées  y  ramasse  une  brume  opaque  et  ardente.  Le  cap 
Mohamed  qui  termine  au  sud  la  presqu'île  du  Sinaï  nous 
annonce  la  Mer  Rouge.  L'horizon  s'élargit,  la  terre  dis- 
paraît parfois.  A  chaque  instant  on  croise  un  navire,  on 
aperçoit  une  île  ;  et  chacun  se  précipite  sur  le  pont  pour 
les  lorgner,  comme  si  jamais  on  n'avait  vu  de  rochers  ou 
contemplé  un  bateau.  Beaucoup  de  ces  îles  sont  des  vol- 
cans et,  sous  ce  ciel  brûlant,  ils  semblent  éteints  d'hier. 

Ce  sont  d'abord  les  croupes  bizarrement  bariolées  de 
djebel  Taïr,  puis  le  groupe  tourmenté  des  Zebayer,  avec 
la  jupe  rose  plissée  du  Tas  de  foin,  les  stries  régulières 
de  Rugget,  le  bloc  de  la  Table,  les  falaises  bouillonnées 
de  la  Selle,  les  cônes  sombres  de  la  Grande  Zebayer  ; 
puis  djebel  Zugur,  plus  haute,  avec  quelques  traces  de 
végétation  ;  Périm  enfin,  île  basse,  s'élevant  derrière  sa 
plage  blanche  en  pentes  douces,  toute  grise,  brûlée,  sté- 
rile ;  sur  un  des  sommets,  un  phare  entouré  de  quelques 


190  DE  MARSEILLE   A   NOUMEA 

maisons.  Par  dessus,  on  aperçoit  Cheikh-Saîd  qui  écrase 
de  sa  masse  Tile  anglaise. 

A  peine  a-t-on  dépassé  Périm,  en  prenant  la  grande 
passe,  qu'on  se  heurte  aux  Djeziret  Seba,  possession 
française,  comme  Tindique  le  drapeau  tricolore  en  zinc 
qui  se  tient  rigide  au  sommet.  Ce  ne  sont  que  des  rochers 
stériles.  En  face,  le  continent  nous  appartient  également; 
c'est  le  territoire  d'Obock. 


OBOCK 

La  ligne  d'Australie  ne  passe  pas  à  Obock  ;  aucune 
ligne  même  n'y  passe  aujourd'hui  ;  elles  se  sont  partagées 
entre  les  escales  mieux  placées  de  Djibouti  et  d'Aden. 
Les  notes  qui  vont  suivre  s'appliquent  donc  à  un  passé 
peu  lointain  encore  mais  qui  ne  revivra  sans  doute  plus. 
Obock  a  vécu. 

Par  suite  de  nos  reculs  successifs  devant  l'envahisse- 
ment italien,  la  côte  française  ne  commence  aujourd'hui 
qu'au  raz  Doumeirah.  Généralement  les  navires  se  diri- 
geant vers  la  Grande  passe  ne  se  rapprochent  de  terre 
qu'en  vue  des  tables  basaltiques  du  raz  Djarn  et  des  îles 
Seba.  Peu  après  on  double  le  raz  Bir,  aux  falaises  basses, 
couvertes  d'arbustes  grisâtres  et  sur  l'extrémité  duquel 
on  a  construit  un  phare.  C'est  l'entrée  du  Golfe  de 
Tadjoura  et  on  ne  tarde  pas  à  mouiller  devant  Obock. 

La  rade  est  petite,  un  peu  trop  ouverte  au  Sud  et  à 
l'Est,  mais  bien  abritée  des  autres  côtés.  Un  appontement 
en  fer  permet  de  débarquer  assez  commodément.  Cet 
appontement  conduit  à  une  tranchée  creusée  dans  le 
corail  et,  par  là,  à  la  Ville  administrative.  Il  est  inutile 
d'y  aller,  il  n'y  a  rien  à  y  voir  qui  vaille  la  peine  d*élre 
vu.    Les  services  administratifs  sont  enfermés  dans  de 


o 
o 


< 


192  DE   MARSEILLE    A   NOUMEA 

petites  cages  en  bois  et  le  «  palais  »  du  Gouvernear 
ressemble  à  une  grande  guérite  ;  autour  des  maisons 
sont  dessinés  des  jardins  où  les  allées  sont  en  sable  fin 
et  où  la  végétation  est  représentée  par  de  gros  galets 
arrondis. 

Le  quartier  commerçant  et  indigène  est  situé  à 
droite  sur  mie  petite  éminence  entre  la  rade  et  le  vallon 
des  Chasseurs.  Obock  n'a  guère  qu'une  rue  et  quelle 
rue  !  Des  maisons  basses  blanchies  à  la  chaux,  mab 
enfumées  et  grasses  du  contact  incessant  des  indigènes; 
une  seule,  celle  du  cadi,  a  un  étage.  Des  groupes  d'hom- 
mes demi-nus  sont  paresseusement  accroupis  contre  les 
murs  à  côté  de  leurs  lances  ;  les  anneaux  qu'ils  portent  au 
bras  indiquent,  parait-il,  le  nombre  des  meurtres  dont  ils 
s'enorgueillissent.  De  jolies  petites  chèvres  au  poil  ras 
cherchent  vainement  leur  nourriture  dans  le  sable:  des 
femmes  causent  sur  le  seuil  des  portes,  leurs  cheveux 
roux  réunis  en  Hnes  tresses  comme  ceux  des  momies 
égyptiennes.  Leur  nez  est  écrasé,  mais  la  nature,  aima 
inatet\  leur  a  donné  de  grosses  lèvres  pour  consoler  leur 
amour-propre  de  cette  infériorité  humiliante.  Il  est  rare 
d'en  trouver  de  jolies  :  à  vingt  ans  elles  sont  grand'mères 
et  leur  visage  est  ridé  comme  une  pomme  cuite.  Parfois 
cependant  on  rc^ncontro  une  jeune  fille  au  teint  bi^onié. 
vêtue  d'une  longue  jupe  blanche.  Klle  n'a  pas  la  cheve^ 
lure  rousse  et  les  fines  tresses  des  Danakils  ;  ses  cheveux 
légèrement  Irisés  sur  le  front  s'enroulent  en  un  chignon 
sur  la  nuque.  Vous  êtes  en  présence  d'une  race  suj^é- 
rieure,  presque  civilisée.  Elle  vous  dira  avec  une  point* 
d'orgueil  :  «  Moi,  catholique  abyssine  >  et  elle  vous  mon- 
trera un  petit  crucifix  qu'elle  porte  sur  la  poitrine. 

Les  Abyssines  ont  beaucoup  de  qualités,  mais  ne  les 
pienez  jamais  comme  cuisinières  :  elles  mettent  du 
beurre  dans  leurs  cheveux. 


DES  PAYSAGES  DU  LOT  AUX  MONUMENTS  DE  TOULOUSE   151 

au  grand  autel,  et  une  magnifique  collection  de  tapisse- 
ries. Je  vous  mentionnerai  également  Téglise  des  Jacobins, 
aujourd'hui  chapelle  du  Lycée,  qui  est  lun  des  chefs- 
d'œuvres  du  style  gothique  Toulousain  ;  l'intérieur,  qui 
comporte  une  simple  abside  à  pans  coupés,  offre  aussi 
une  nef  d'une  exti'ôme  originalité  divisée  en  deux  parties 
par  une  rangée  de  légères  colonnes  d'une  extrême  hau- 
teur soutenant  une  voûte  des  plus  élégantes. 

Mais  malheureusement  le  temps  passe  et  nous  avons 
encore  à  visiter  quelques  vieux  hôtels.  Ces  beaux  logis 
du  temps  jadis  sont  dus,  vous  vous  en  doutez,  à  une  aris- 
tocratie locale  fort  éprise  de  luxe  et  d'art.  Ils  datent  tous 
de  la  plus  belle  époque  toulousaine,  d'une  Renaissance 
particulièrement  brillante  qui  eut  ses  artistes  locaux 
hors  de  pair  et,  à  travers  l'inspiration  italienne,  sut  néan- 
moins demeurer  originale,  indépendante  et  créatrice. 
C'est  là  leur  principal  intérêt  et  ils  sont  si  nombreux  que 
nulle  part  ailleurs  peut-être  en  France,  sinon  dans  des 
villes  comme  Rouen  ou  Bourges,  et  pour  des  époques 
parfois  un  peu  diiférentes  il  est  vrai,  on  ne  peut  trouver 
réunies  autant  d'œuvres  aussi  charmantes  et  d'un  goût 
aussi  pur. 

Au  hasard  d'une  promenade,  voici  par  exemple, 
l'hôtel  Lasborde,  qui  fut  construit  au  xvi""  siècle  pour  un 
célèbre  avocat,  Accurse  Maynier.  Les  fenêtres  surtout  sont 
intéressantes  par  des  cariatides  admirables  d'expression  : 
les  personnages  sont  si  .vivants  qu'ils  semblent  causer 
entre  eux,  discuter  ou  regarder  les  passants. 

Dans  un  autre  quartier  est  l'hôtel  Bernuy,  occupé 
aujourd'hui  par  le  Lycée.  Ce  Bernuy  était  un  marchand 
espagnol  qui  s'enrichit  dans  le  commerce  du  pastel  et  fit 
une  fortune  si  colossale  qu'il  servit  de  caution  à  Fran- 
çois I"'  prisonnier  à  Madrid.  Son  logis  compte  une  fort 
jolie  cour  à  arcades  qui  est  une  merveille  de  bon  goût  avec 


194  DE   MARSEILLE   A    NOUMEA 

prospérité  comme  port  abyssin,  que  nous  menacions  de 
ruiner  son  avenir  en  laissant,  pendant  de   longs  mois, 
dans  l'incertitude  la  situation  des  chemins  de  fer  Ethio- 
piens. Djibouti  n'avait  cependant  de    raison  d'être  que 
par  ces  chemins  de   fer.  Le  fait  que  les  Anglais  et  les 
Italiens  ont  cherché  à  obtenir  de  nous  que  nous  en  fas- 
sions une  voie  internationale,   au  lieu  d'une  voie  fran- 
çaise, montre  bien  toute  leur  importance  économique.  On 
s'extasie  avec  juste  raison  devant  un   bébé  qui  partage 
son  gâteau  avec  un  ami  ;   mais  une  nation  qui  veut  Tiîiv 
n'a  pas  le  droit  de  montrer  le  môme  dcsintéressemeri: 
on  ne  fait  pas  de  largesses  avec  son  avenir.   Nous  avoiB 
eu  tous  les  frais  de  l'entreprise,  nous  en  avons  coum  les 
risques,  il  n'est  que  juste  que  nous  en  gardions  les  béné- 
fices.  Il  est  curieux  de  constater  ici,  une  fois  de  plus, 
comme  nous  trouvons  facilement  des  amis  pour  croquer 
les  marrons  que  nous  avons  pris  la  peine  de  tirer  do 
feu.  C'est  l'histoire  de  l'Egypte,   du  Niger  maritime,  de 
tous  les   pays  de   valeur  où   nous   avons  passé  par  le 
monde.   Nous  avons -eu,  en  Abyssinie,   la  chance  exln- 
ordinaire  de  mettre  la  main  sur  une  voie  commerciale  de 
premier  ordre  ;  nous  avons  eu  l'initiative  et  la  persévé- 
rance,   plus   extraordinaires   encore    chez    nous,    dci* 
mettre  en  exploitation  ;  nous  avons  obtenu  que  la  cpt^ 
tion  fut  délinitivement  réglée   à  notre  profit  et  qu'naf 
Compagnie   française  fut  autorisée  à  pousser  ses  rails 
jusqu'à  Addis-Ababa.  Veillons  à  ce  qu'elle  reste  française, 
défendons    là  contre   les    entreprises   étrangères.  C^ 
assez,  c'est   trop  d'avoir  laissé  l'Angleterre,    contraire- 
ment à  nos  conventions  avec  TAbyssinie,  obtenir  dellf 
l'autorisation  de  construire,  dans  l'arrière  pays  de  Zeilah. 
une  voie  qui  peut  à  la  ibis  ruiner  la  nôtre  et  annihiler 
Djibouti. 

ObocK  une  fois  abandonné^  on  a  parlé  de  faire  de 


OE  MARSEILLE   A    NOUMEA  195 

Djibouti  non  seulement  le  port  Je  TAbyssinic,  ce  qui  est 
en  eli'et  son  rôle,  mais  un  point  d'appui  pour  la  Flotte, 
ce  qui  m'a  toujours  paru  un  excellent  moyen  de  jeter 
follement  de  l'argent  à  Teau.  Djibouti  n'est  pas  défen- 
dable. On  a  songé  alors  aux  fournaises  de  Gubbet- 
Kharab,  au  fond  du  golfe  de  Tadjoura  ;  on  a  même  aspiré 
à  en  faire  un  nouveau  Bizerte.  Il  ne  manque,  hélas  !  à  ce 
nouveau  Bizerte  que  de  Teau,  des  vivres,  un  climat  sup- 
portable et...  des  fonds  où  les  navires  puissent  mouiller. 
Il  y  a  cependant  des  chances  pour  qu'on  aille  noyer  l'or 
des  contribuables  dans  les  abîmes  de  cette  inutile  médi- 
terranée  et  renouveler  là  rexpcricnce  faite  à  Obock,  au 
lieu  de  retourner  à  Cheikh-Saïd. 

Les  limites  de  notre  territoire  ont  beaucoup  varié 
suivant  les  époques.  A  partir  de  1840  et  pendant  un  demi 
siècle,  elles  s'élargissent,  gagnant  progressivement  le 
nord  jusqu'à  Massouah,  le  sud  jusqu'à  Dongarita  et 
Bulhar,  l'intérieur  jusqu'au  pays  des  Issahs  et  des  Gado- 
boursi  sous  les  murs  du  Harrar.  Kn  1883,  nos  frontières 
du  nord  battirent  brusquement  en  retraite,  devant  les 
Italiens,  jusqu'au  raz  Doumeirah  ;  depuis  1890,  elles  se 
retirèrent  du  sud  devant  les  Anglais  jusqu'aux  portes 
mêmes  de  Djibouti  ;  enfin  de  l'intérieur  elles  reculèrent 
progressivement  vers  la  mer  jusqu'à  s'en  tenir  aujour- 
d'hui à  90  kilomètres  environ.  Espérons  qu'elles  ne  rétro- 
graderont pas  davantage,  pendant  que  les  limites  anglai- 
ses et  italiennes  empiètent  sur  les  autres  faces  de  l'Abys- 
sinie. 

ADEN 

Aden  est  le  port  de  dispersion  de  toutes  les  lignes 
de  vapeurs  qui,  partant  de  l'Europe,  se  dirigent  vers  le 
golfe  Persique,    l'Inde,   l'Extrême-Orient,   l'Océanie,   la 


154   DBS  PAYSAGES  DU  LOT  AUX  MONUMENT^  DE  TOULOUSE 

C'est  sar  cette  fiction  moyennâgeuse  de  dame  Clé- 
mence que  noas  terminerons  notre  voyage,  et  s*il  m*est 
permis  d'y  ajouter  quelques  mots,  laissez-moi  souhaiter 
seulement  que  vous  emportiez  de  tous  les  paysages  que 
nous  avons  vus  ce  soir,  et  qui  valent  assurément  tous 
ceux  que  Ton  va  chercher  en  Suisse  ou  à  Tétranger^  un 
bon  souvenir.  Permettez-moi  de  vous  dire  combien  je 
serais  heureux  si  les  projections  que  je  vous  ai  montrées 
donnaient  à  quelques-uns  d*entre-vous  Tidée  d'un  voyage 
dans  le  Quercy  ou  le  pays  de  Toulouse  qui,  comme  votre 
belle  Normandie,  sont  de  ces  régions  de  France  que  Ton 
aime  bien  vite.  Et  si  vous  allez  notamment  à  Saint-Cirq- 
la-Popie,  vous  en  reviendrez,  j*en  suis  sûr,  aussi  ravis  que 
la  demoiselle  de  Leipzig. 

Jean  FOURGOUS. 


DE   MARSEILLE   A    NOUMÉA  197 

Une  fois  en  voilure,  vous  avez  les  gamins  qui  cou- 
rent dans  le  sillage,  en  piaillant  :  «  Baksish  pour  man- 
ger! »  La  mendicité  varie  peu  ses  formules.  Un  petit 
drôle  cependant  me  prend  par  mon  côté  sensible  : 
«  Moi  parler  français,  M'sieu,  donner  baksish  !  »  A  celui- 
là,  je  donne  deux  sous  pour  Teneourager  à  continuer  ses 
études. 

Steamei^point  n'est  qu'une  vaste  place  semi-circulaire 
qui  s'ouvre  devant  le  débarcadère,  bordée  d'Ijôtels  et  de 
magasins  assez  misérables.  Aucune  apparence  anglaise, 
du  reste,  en  dehors  du  monde  oiliciel  et  des  fournisseurs 
de  charbon.  Le  commerce  est  entre  les  mains  des  Parsis  ; 
les  hôtels  et  quelques  magasins  sont  français,  juifs,  ita- 
liens ou  grecs 

Pendant  le  jour  tout  est  mort,  mais  le  soir,  la  place 
offre  un  spectacle  inoubliable  :  toute  la  population  indi- 
gène, fuyant  la  chaleur  concentrée  des  maisons,  apporte 
son  couchage  et  s'installe  au  grand  air  pour  y  passer  la 
nuit.  Bientôt,  d'un  bout  à  l'autre,  les  ronflements  vont 
leur  train  et,  de  toutes  parts  sous  le  ciel  étoile  : 

«  Ce  ne  sont  (|iie  parfums  et  concerts  infinis.  » 

Les  buts  de  promenade  n'abondent  pas  à  Steamer- 
point,  Il  n'y  en  a  qu'un  :  aller  à  Aden  par  Main  gâte  et 
revenir  par  les  tunnels.  En  attendant  que  le  chemin  de 
fer  de  Dhalaa  soit  construit,  on  fait  cette  promenade  en 
voiture.  Après  avoir  longé  la  mer  pendant  quelque  temps 
jusqu'au  delà  du  village  de  Mahala,  la  route  franchit  par 
une  profonde  et  étroite  tranchée  un  col  peu  élevé,  fortifié 
comme  toutes  les  crêtes  voisines  ;  c'est  Main  gâte.  De 
l'autre  côté  elle  descend  dans  un  vaste  cirque  au  fond 
duquel  rôtit  la  ville  indigène,  toute  blanche  avec  ses  mai- 
sons basses  qui  resplendissent  sous  le  soleil.  Il  est  im- 
possible de    se  figurer  pays  plus  désolé  :   tout  autoui* 


198  DE   MARSEILLE    A    NOUMEA 

s'élèvent  des  montagnes  rouges  crevassées,  contournées, 
bouillonnées  comme  une  coulée  de  scories  encoi'e  brû- 
lantes. Sur  ces  murailles  ardentes  et  inaccessibles,  pas  un 
grain  de  terre,  pas  une  trace  de  végétation.    Derrièi^e  la 
ville,  dans  un  ravin  à  l'entrée  de  ces  montagnes  i*ouges 
qui  l'étreignent  dans  un  cercle  de  feu,    se  trouvent  les 
fameuses  citernes,  dites  de  Moïse,  construites  en  réalité 
par  les  Perses  au  vi"**  siècle  avant  Jésus-Cbrist.   Treize 
de  ces  citernes,  d'une  capacité  totale  de  33  millions  de 
litres,  ont  été  réparées  par  les  Anglais  en  1836.  On  peut 
les  visiter  comme  une  curiosité,  mais  il  ne  faut  pas  s'at- 
tendre à  y  trouver  de  Teau  ;  l'eau  est  à  Aden  une  chose 
trop   précieuse  pour   qu'on  la  jette  dans  ces  fournaises 
ardentes.   Leur   contenance  est  soigneusement  indiquée 
par  une   inscription,  mais  elles   ne  contiennent  jamais 
rien,    pas   même  de  feuilles   mortes  tombées    du  jardin 
public  qui  les   précède,   car  dans   ce  «  jardin  »,   il  ne 
pousse  que  des  «  Défence  de  ciieiller  les  plantations.  » 
Cherchez,  et  si  à  l'ombre  d'un  de  ces  écriteaux  vous  trou- 
vez une  herbe,  n'y  touchez  pas  :  un  gardien  en  uniforme, 
sa  matraque  à  la  main,  la  protège  et  chaque  matin  lui 
apporte  dans  un  pot  la  goutte  de  rosée  qui  la  fait  vivre. 
Saluez-la,  mais  n'y  touchez  pas,  elle  a  coûté  des  millions. 

Le  Temple  du  feu,  les  Tours  du  silence,  la  Mosquée 
de  Chcikh-Hydros,  rien  de  tout  cela  ne  vaut  la  peine 
d'être  vu.  La  ville  renferme  ses  18.000  habitants  dans  des 
maisons  basses,  misérables  et  malpropres.  On  considère 
quelquefois  le  vaste  cirque  dans  le  fond  duquel  elle  est 
bâtie  comme  un  ancien  cratère  et  cette  opinion  a  même 
reçu  une  sorte  de  consécration  ofUcielle  puisque  les  mon- 
tagnes voisines  en  portent  le  nom.  Je  doute  cei>endant 
que  c'en  soit  un,  bien  que  l'origine  plutonienne  de  toute 
la  presqu'île  ne  soit  pas  douteuse. 

On  revient  à  Steamer-point  par  les  tunnels.  Le  pre- 


'  BIBLIOGRAPHIE  '18? 

COMITÉ  DE  L'AFRigUE  FRIIN(AISE 

OROtANE     du     COMITE     DU     MAROC 

21  y  Rue  Cassette,  Paris 


SOMIIAIBB   DU   No   9    (SeFTBMBBB   I908) 

L'Europe  et  Moulay  Hafid. 

^Motre  «otion  en  Maurétanie. 

La  reprise  de  l'Etat  indépendant  du  Congo  par  la  Belgique. 

Algérie.  —  Le  tremblement  de  terre  de  Constantine.  —  La  crise  viticole 
et  les  vins  algériens.  —  Le  commerce  de  V Algérie.  —  Sur  les  confins  de 
V Algérie.  —  La  défaite  de  la  harka. 

Afrique  Oooidentale  française.  —  Le  commerce  du  Sénégal  et  du 
Haut-Sénégal  et  Niger  en  i^oj. 

Guinée  française.  —  Le  commerce  en  i^oj. 

Maroc.  —  Moulay  Hafid.  —  Le  déplacement  de  la  Cour  et  la  défaite 
d*Abd~el-Aj[is.  —  Chronique  de  Tanger  et  du  Maroc.  —  La  défaite 
d'Abd-el'A^is  et  PEurope. 

Possessions  allemandes.  —  Le  commerce  de  V Afrique  allemande.  -> 
Le  voyage  du  Ministre  des  Colonies. 

Possessions  britanniques.  —  La  pénétration  dans  fEst  de  la  Nigeria. 

Chronique  de  l'armée  coloniale. 

Renseignements  divers.  —  Bibliographie. 

Renseignements  coloniaux.  (Supplément  n^  9).  —  Les  algériens  à 
Oujda.  —  La  géographie  physique  du  Dahomey.  —  Reconnaissance  du 
bassin  supérieur  de  Vlghar^rhar  et  visite  du  Sud  du  Ahaggar  et  de 
VAhnet. 


NUMiRO   GRATUIT   ENVOYA    SUR    DEMANDE 


gUESTIOIS  DIPLOMATIIUES  &  GOLOMIALES 

Reçue  de  politique  extérieure 

PARAISSANT   LE   1"   ET   LE   16   DE   CHAQUE   MOIS 


SOMMAIRB   DU   N"   S79    (l»  OcTOBRl    I908) 

Ed.  Patbw.  —  VUruguay^  sa  situation  économique  et  sei  relations  avec 
la  France, 

O.-G.  Di  Hasbth  Gz.  —  I«  différend  entre  la  Hollande  et  le  Venezuela. 

H.-R.  Satart.  —  Les  Franco'Américains  de  la  Nouvelle^ Angleterre, 

£.  B.  —  Les  Japonais  aux  Etats-Unis, 

GBEONiauBs  DB  LA  QuiHZAiNB.  —  Les  affaires  du  Maroc.  —  Renseigne- 
ments politiques,  —  Renseignements  économiques.  —  Nominations  offi- 
cielles. —  Bibliographie.  —  Livres  et  Revues. 

Cabtbs  bt  Gravorbs.  —  Le  Venezuela  et  Vile  de  Curaçao. 


Rédaction  et  Administration  :  19,  Rae  Cassette,  Paris 
ABONNEMENT  ANNUEL  :  45  fr. 


BMVOI   SUR    DEMAMDB   d'uM  MUmAro   SPÉCIIIBM   GRATUIT 


FORÊT  8  SavailES  COHBOLilISES 


(i) 


Mesdames,  Messieurs, 

Je  n'ai  d'autre  prétention,  ce  soir,  que  de  vous  mon- 
trer une  série  de  projections.  Je  sais  par  avance  que  les 
photographies  vous  intéresseront  bien  davantage  et  vous 
donneront  un  aperçu  beaucoup  plus  exact  des  pays  tra- 
versés que  toutes  les  descriptions  que  je  pourrais  en  faire. 

Au  surplus,  les  nombreux  palabres  que  j'ai  tenus 
dans  la  forêt  équatoriale  ou  dans  la  savane  congolaise  ne 
m'ont  nullement  préparé  à  me  présenter  devant  l'assem- 
blée d'élite  qui  me  fait  l'honneur  de  m'écouter  aujourd'hui. 

A  un  auditoire  aussi  éclairé,  aussi  instruit  des  choses 
coloniales  et  sachant  les  voir  sous  leur  véritable  jour, 
j'aurais  voulu  pouvoir  exposer  à  grands  traits,  mais  avec 
précision  et  en  donnant  à  chacune  sa  valeur,  les  raisons 
de  notre  expansion  dans  l'hinterland  congolais,  niontrer 
l'avenir  des  régions  que  nous  venons  de  traverser,  le 
mode  d'exploitation  qui  leur  convient,  parler  des  cultures 
et  des  productions  auxquelles  ell(»s  se  prêtent,  et  traiter 
enfin  de  l'emploi  de  cet  autre  organe  très  important,  et  à 
tous  les  points  de  vue  intéressant  de  la  richesse  d'une 
colonie,  je  veux  dire  de  sa  population. 

Mes  collaborateurs,  à  l'énergie,  à  l'activité  et  au 
savoir  desquels  je  me  plais  à  rendre  un  hommage  juste 
et  bien  mérité,  se  sont  en  effet  appliqués  à  des  travaux  de 
tout  ordre,  de  façon  à  inventorier   pour  ainsi  dire  les 


(1)  Conférence  faite  devant  la  Sociclc  de  Géog^raphie  Commer- 
ciale da  Havre,  le  i8  Décembre  1908. 


202  FORKT    KT    SAVANES   CONGOLAISES 

régions  visitées  ;  et,  k  côté  de  la  portée  technique  des 
opérations  géodésiques,  à  côté  des  recherches  scienti- 
fiques concernant  hi  géologie,  la  minéralogie,  le  climat, 
les  productions,  la  faune  et  la  flore  des  territoires  par- 
courus, ils  se  sont  adonnés  plus  spécialement  à  l'étude 
des  questions  économiques  et  techniques  qui  s'y  ratta- 
chent. Et  si  je  tiens  à  mentionner  plus  spécialement  ces 
deux  objets  de  leurs  ti^avaux,  c'est  qu'en  matière  colo- 
niale, ils  nous  ont  paru  de  toute  première  importance. 
Nous  savons  tous  le  rôle  important  de  nos  colonies  pour 
notre  industrie  et  notre  commerce  français.  Et  ce  dont 
nous  avons  aussi  la  sincère  conviction,  c'est  que  nous  ne 
serions  plus  Français,  nous  renoncerions  à  notre  passé 
magnifique  de  gloire  et  de  générosité,  nous  abandonne- 
rions notre  belle  œuvre  civilisatrice  que  nous  avons  pro- 
menée avec  le  drapeau  de  Lafayette  à  travers  le  monde, 
si  nous  ne  nous  intéressions  pas  aux  peuples  qui  sont 
encore  dans  la  barbarie  ou  dans  l'enfance,  si  nous  dédai- 
gnions d'étudier  leur  histoire,  leurs  origines,  leurs 
mœurs,  leurs  coutumes,  leurs  mentalités  et  par  suite  les 
moyens,  en  les  connaissant  mieux,  de  les  élever  plus 
rapidement  et  plus  sûrement  vers  nous,  et  d'ouvrir  enfin 
leurs  yeux  endormis  aux  lumières  de  la  civilisation. 

J'aurais  donc  été  heureux  et  fier,  je  l'avoue,  de  vous 
exposer  les  résultats  des  travaux  de  mes  zélés  compa- 
gnons de  voyage.  Mais,  outre  que  ce  serait  là  une  tâche 
trop  grande  pour  un  exposé  de  quelques  quarts  d'heui*e, 
je  dois  confesser  que  nous  n'avons  pas  encore  eu  le  temps 
de  tirer  des  conclusions  absolument  fermes  de  ces  études 
et  des  documents  raj)portés. 

Néanmoins,  en  vous  donnant  quelques  explications 
Sur  les  photographies  que  vous  allez  voir,  je  vais  essayer 
de  vous  montrer  l'aspect  général  des  régions  que  nous 
avons  vues  ou  reconnues,  et  de  vous  tracer  pour  ainsi 


,  XXV-'  ANNÉE 

SOOictC  4m.  Trimestre  1908 

de 

Géographie 

Commerciale 


BUltliETIfl 


«  haVre 

nj  A.-CJ    SIÈŒE    I3E    L^    SOCIÉTÉ 

-1  131,    BUE   DE   PARIS,    131 

i 

<W  1909 

t 


204  FORÊT   ET    SAVANES   CONGOLAISES 

sentants  de  la  France  furent  M.  Haussmann  et  le  lieute- 
nant-colonel Monteil. 

En  l'absence  de  données  géographiques  précises  sur 
des  régions  pour  la  plupart  inconnues,  ce  protocole 
adopta  comme  frontières  des  lignes  géométriques  idéales, 
tracées  le  plus  souvent  suivant  des  parallèles  ou  des  mé- 
ridiens géographique».  C'étaient  des  lignes  droites  et  des 
arcs  de  cercle  qui  ne  tenaient  aucun  compte  des  divisions 
historiques,  politiques,  ethniques,  voire  même  géogra- 
phiques des  territoires  qu'ils  traversaient. 

Aussi,  ce  protocole  de  1894  prévoyait  que  le  partage 
ainsi  opéré  était  sujet  à  des  révisions  successives,  à  me- 
sure que  les  données  géographiques  que  Ton  posséderait 
seraient  plus  nombreuses  et  plus  précises,  et  permet- 
traient de  substituer,  aux  limites  arbitraires  primitive- 
ment fixées,  des  frontières  correspondant  à  la  configu- 
ration naturelle  du  pays  et  satisfaisant  mieux  les  intérêts, 
non  seulement  des  deux  puissances  contractantes,  mais 
aussi  —  et  ce  n'est  que  justice  —  ceux  des  populations 
indigènes  dont  on  dispose  sans  les  consulter. 

Ce  sont  donc  ces  données  géographiques,  ces  préci- 
sions que  nous  sommes  allés  chercher  au  Congo.  >?ai^. 
grâce  à  la  solide  composition  de  la  mission,  j*ai  pu 
étendre  la  zone  de  nos  recherches  et  de  nos  travaux  bien 
an  delà  de  la  bande  de  territoire  à  travers  laquelle  doit 
se  mouvoir  la  ligne  fi»ontière.  A  côté  de  l'œuvre  de  déli- 
mitation, nous  avons  fait  de  l'exploration .  C'est  de  celle- 
ci  seulement  que  je  veux  vous  entretenir. 

Depuis  la  Sangha  jusqu'au  Tchad,  la  frontière,  ayant 
une  direction  générale  sud-nord,  traverse  des  régions 
dont  l'aspect,  la  population,  le  climat  changent  progres- 
sivement à  mesure  qu'on  s'éloigne  de  l'Equateur.  Elle 
part  des  pays  couverts  par  l'épaisse  végétation  de  la 
forêt  équatoriale  et  lavés  par  des  pluies  presque  conti- 


FORÊT  ET   SAVANES   CONGOLAISES  5^8 

nuelles,  pour  aboutir  sur  les  confins  du  désert,  dans  des 
zones  sablonneuses  hérissées  d'une  végétation  épineuse  et 
rabougrie,  où  le  régime  des  pluies  est  peu  abondant,  et 
que  traversent  seuls  des  fleuves  alimentés  par  des  sour- 
ces méridionales  et  lointaines.  Elle  visite  dès  l'abord  des 
peuplades' primitives,  anthropophages  et  indépendantes, 
pour  s'arrêter  au  milieu  de  populations  musulmanes, 
déjà  quelque  peu  civilisées  et  policées.  Elle  franchit,  à  de 
hautes  altitudes,  des  terrains  montagneux  d'où  les  eaux 
s'échappent  en  cascades  ou  en  torrents  creusés  dans  des 
lits  de  roc,  et  retombe  ensuite  dans  une  vaste  région  sans 
relief,  peu  élevée  au-dessus  de  la  mer,  où  les  eaux  s'éta- 
lent dans  de  vastes  marais,  où  les  fleuves  ont  des  cours 
indécis  et  sont  appauvris  par  de  nombreuses  déri- 
vations. 

Nous  allons  parcourir  successivement,  mais  très 
rapidement,  ces  différentes  régions.  Nous  prendrons  le 
moyen  de  locomotion  de  Tavcnir,  d'un  lointain  avenir. 
En  une  heure,  j'espère  vous  faire  parcourir  2.000  et  quel- 
ques kilomètres,  et,  pour  avoir  moins  chaud,  nous  voya- 
gerons de  nuit. 

A  Brazzaville,  chef-lieu  du  Congo  français,  nous  em- 
barquerons sur  un  petit  vapeur  de  la  Compagnie  des 
Messageries  fluviales,  vapeur  de  30  tonneaux,  qui,  en 
12  ou  14  jours,  nous  amènera  h  Nola,  chef-lieu  de  la 
région  administrative  de  la  haute  Sangha.  Ceci  est  encore 
possible  en  novembre,  mais  ne  l'est  plus  un  mois  plus 
tard,  au  moment  de  la  baisse  des  eaux  dans  la  Sangha. 

Nous  sommes  ici  au  point  de  départ  de  nos  travaux, 
en  pleine  forêt  équatoriale,  a  travers  laquelle  la  Sangha 
serpente  majestueusement  entre  des  rives  inondées  et 
monotones. 

Les  habitants  des  quelques  villages  qui  s'accrochent 
aux  lambeaux  de  terre  émergés  sont  les  Ngoundi  et  les 


206  FORÊT   ET   SAVANES   CONGOILAI^BS 

Pandés.  Ces  gens  sont  soumis  et  reconnaissent  l'autorité 
de  Taduiinistration  française. 

Mais  à  l'ouest,  entre  la  Sangha  et  la  frontière  alle- 
mande, s'étend  une  région  qui,  lors  de  notre  arrivée, 
était  encore  inexplorée,  peuplée  de  tribus  guerrières  non 
soumises  et  hostiles,  et  qui  avaient  toujours  annoncé 
qu  elles  s'opposeraient  à  l'arrivée  des  Européens  chez 
elles. 

A  force  de  pourparlers  difficiles  à  entamer,  grâce 
également  à  Taudace  et  à  la  fermeté  des  ofïiciers  qui  me 
secondaient,  j'obtins,  au  bout  d'un  mois,  la  soumission 
des  deux  principales  tribus  :  les  autres  suivirent  le  mou- 
vement. Tous  ces  gens  étaient  surtout  déûauts.  Lorsque 
le  lieutenant  Georges,  mon  envoyé  auprès  de  Likapota, 
l'un  des  deux  principaux  chefs  de  Mbiémou,  se  présenta 
sur  le  territoire  de  sa  tribu,  il  n'avait  avec  lui  que  cinq 
tirailleurs  indigènes  d'escorte.  Il  trouva,  pendant  toute 
une  étape,  tous  les  villages  complètement  évacués,  et 
lorsqu'il  arriva  à  la  résidence  du  chef,  tous  les  guerriers 
de  la  tribu,  au  nombre  de  500  environ,  y  étaient  rassem- 
blés, en  armes,  la  plupart  munis  de  fusils  à  pierre  ou  à 
piston,  dont  le  chien  étiiit  relevé  et  prêt  à  partir.  Toute 
cette  horde  était  silencieuse,  rangée  sur  deux  lignes  de 
chaque  côté  de  l'unique  et  droite  rue  du  village.  A  U 
première  tentative  du  lieutenant  pour  entrer  en  conver 
sation,  personne  ne  répondit.  Prenant  son  parti  daller 
lui-même  jusqu'au  chef,  qu'il  supposait  placé  à  l'autre 
extrémité  de  la  rue,  il  laissa  ses  cinq  tirailleurs  en  arrière, 
et  seul,  sans  armes  à  Id  main,  il  marcha  entre  cette  haie 
de  sauvages  qui,  étonnés,  le  regardaient  sans  bouger. 

Le  lendemain,  le  lieutenant  me  ramenait  tous  les 
chefs  et  notables  de  la  tribu  et  des  tribus  voisines,  qui 
venaient  se  soumettre  dans  un  palabre  solennel. 

Tout   ce  pays  du   Mbiémou  est  couA'ert   de   l'épais 


FORÊT  ET  SAVANES  CONGOLAISES  207 

manteau  presque  impénétrable  de  la  grande  forêt,  où  les 
sentiers  mal  Iracés  disparaissent  sous  Tenchevêtrement 
des  lianes,  grimpent  au  flanc  des  collines  abruptes  pour, 
à  chaque  instant,  redescendre  glissants  dans  des  rivières 
torrentueuses  ou  dans  des  ravins  vaseux.  Pas  de  grosses 
agglomération»dliabitants,  mais  des  hameaux  disséminés, 
cachés  au  fond  des  vallées,  dans  de  minuscules  clairières, 
et  presque  inaccessibles  à  qui  ne  connaît  pas  tous  les 
délours  (le  la  mystérieuse  forêt.  Une  race  âpre  et  rude  y 
vit  sous  de  primitifs  abris.  Ce  sont  des  hommes  bien 
découplés,  aptes  ii  la  guerre  d'embuscade,  habiles  à  se 
glisser  parmi  les  fourrés  les  plus  denses,  à  escalader  les 
abatis  naturels  formés  en  travers  des  chemins  par  la 
chute  des  vieux  arbres  géants  et  le  lacis  de  lianes  qu'ils 
supportaient.  Et  à  côté  de  cette  race  forte,  une  autre 
race,  presque  de  pygmées,  plus  agih»  encore,  celle  des 
Bahingas,  nains  exercés  à  la  chasse,  tueurs  d'éléphants, 
se  glissant  sous  le  pas  de  l'énorme  bête  pour  lui  crever 
l'abdomen  d'un  coup  de  sagaie,  et  le  suivant  des  jours 
entiers  jusqu'à  ce  qu'il  meure  ;  grimpant  aux  sommets 
des  arbres,  où  ils  font  quelquefois  leurs  nids  —  je  veux 
dire  leurs  demeures  —  ayant  l'adresse  et  l'instinct  des 
singes,  s'abritant  dans  les  fourrés,  vivant  sous  des  abris 
de  fortune,  nomades,  ils  sont  les  gnomes  de  la  forêt, 
toujours  là  et  toujours  invisibles.  Ils  chassent  pour  le 
compte  des  autres  habitants  de  la  forêt,  dont  ils  sont  en 
quelque  sorte  les  clients,  mais  ils  ne  manquent  jamais  de 
viande,  et  ne  tuent  pas  les  gorilles,  dont  ils  se  prétendent 
les  proches  parents. 

Dans  celte  forêt,  fouillis  inextricable  de  grands 
arbres,  d'arbustes,  de  plantes  et  de  lianes  de  toutes 
sortes,  rarement  traversé  par  les  rayons  du  soleil,  et 
sous  lequel  régnent  une  demi-obscurité  et  une  humidité  à 
peu  près  perpétuelles,  vivent  surtout  des  éléphants  en 


Ï08  FORÊT  KT   SVVANE»  GOl^GOLAfSES 

assez  grand  nombre,  des  gorilles  aux  mâchoires  et  aux 
mains  puissantes,  et  des  sangliers  et  antilopes  de  jïetite 
race.  Les  essences  caoutchoutifères  sont  abondantes.  On 
y  rencontre  en  particulier  le  «  Fortunea  elasiica  »,  ou  Ireh. 
Nul  doute  que  cette  région,  nouvellement  ouverte  à 
notre  commerce  ne  soit  pour  lui  la  source  d'une  proû- 
table  exploitation.  J'ai  récemment  appris  d*ailleui*$  qn  une 
factorerie  de  la  Société  de  TE.  K.  S.  y  avait  été  installée 
peu  après  notre  passage. 


Au  sortir  de  la  forêt,  nous  atteignons  le  pays  Baya, 
la  région  de  la  brousse  et  de  la  savane.  La  brousse,  c'est 
le  steppe  herbeux,  avec  par  ci  par  là  un  arbre  rabougri 
et  tordu,  au  tronc  et  aux  branches  noircis  par  Tincendie 
annuel.  Les  herbes  y  atteignent  deux,  trois  et  quatre 
mètres  de  hauteur,  et  couvrent  à  perte  de  vue  les  vallon- 
nements du  terrain.  Dans  la  savane,  les  hautes  herbes 
recouvrent  aussi  le  sol  de  leur  uniforme  manteau,  mais 
les  arbres  deviennent  plus  grands  et  plus  nombreux 
Presque  régulièrement  espacés,  ils  donnent  au  pays 
l'aspect  d'un  immense  verger.  Le  pays  est  très  irrigué. 
Non  seulement  de  nombreux  ruisseaux,  mais  de  laides  et 
belles  rivières  lo  sillonnent.  Au  creux  des  vallées,  d'étroi- 
tes bandes  de  forêts  ombragent  les  rives  des  cours  d'eao, 
et,  pour  l'observateur  placé  sur  un  sommet,  marquent 
d'un  trait  sombre  sur  le  fond  plus  clair  des  herbes  les 
larges  courbes  que  décrivent  les  thalwegs. 

A  mesure  qu'on  monte  vers  le  nord,  le  terrain 
s'élève  pour  atteindre  parfois  des  altitudes  de  1.000  à 
1  500  mètres.  Les  vallées  deviennent  plus  profondes  et 
plus  encaissées,  les  collines  font  place  à  des  montagnes 
rocheuses,  et  l'on  se  trouve  dans  une  véritable  petite 
Suisse  africaine,  sans  névés  ni  glaciers,  mais  avec  des 


i 


FORÊT   ET   SAVANES   CONGOLAISES 

siU»s  admirables  :  pays  de  torrents  et  de  cascades  écu- 
mant  entre  des  murailles  de  granit,  d'amoncellements 
rocheux  surplombant  des  pentes  abruptes  et  tapissées 
d'herbes  courtes  qui  feraient  d'excellents  pâturages.  Les 
indigènes,  sommairement  vt^lus  de  peaux,  armés  d'arcs 
et  de  sagaies,  nous  regardent  passer  du  haut  des  crêtes 
où  une  crainte  injustifiée  les  a  fait  se  réfugier,  et  se  lan- 
cent des  a[)pels  incessants  à  l'aide  de  sons  rauques  tirés  à 
plein  souffle  d'une  corne  d'antilope. 

Et  nous  arrivons  ainsi  au  nœud  orographique  qui  se 
trouve  à  la  tête  des  bassins  côtiers  du  Kameroun,  du 
bassin  de  la  Sangha,  de  l'Ouaben  et  du  Logone,  massif 
dont  les  monts  Dé  sont  le  promontoire  oriental.  Région 
des  plus  intéressantes  :  partout  des  montagnes  rocheu- 
ses, tourmentées,  offrant  à  l'œil  surpris  des  amoncel- 
lements de  blocs  de  granit  juchés  bizarrement  les  uns 
sur  les  autres,  à  position  d'équilibre  conmic  s'ils  étaient 
prêts,  au  moindre  choc,  à  rouler  et  dégringoler  en 
effroyables  avalanches  ;  les  uns  en  forme  de  boules  sur 
d'immenses  dalles  horizontales  ;  d'autres  d'allures  diver- 
ses, au  dos  arrondi  et  resseuïblant  à  des  monstres  accrou- 
pis sur  ces  tas  de  pierres  géantes;  d'autres  encore  sus- 
pendus au  flanc  des  pentes  et  ne  paraissant  rester  en 
place  que  par  prodige.  Et,  dans  ce  chaos  rocheux,  des 
trous,  des  fissures  donnent  accès,  par  de  longs  dédales 
où  Ton  glisse,  où  on  se  laisse  tomber  pour  avancer,  où 
l'on  rampe  et  où  l'on  grimpe,  à  des  refuges  obscurs  et 
humides,  connus  des  seuls  habitants,  où  ceux-ci  cachent 
des  approvisionnements  et  se  réfugient  à  la  moindre 
alerte.  C'est  qu'ils  ont  été  souvent  menacés  par  les  chas- 
seurs d'esclaves  venus  de  l'Adamaoua.  Leurs  huttes  sont 
construites  aux  flancs  des  massifs  ou  des  pitons  isolés  ; 
leai*s  plantations  sont  dans  la  plaine  au  bas  des  pentes. 
Au  premier  signal,  tout  le  monde,   hommes,  femmes, 


^ 


210  FORÊT   ET   SAVANES   CONGOLAISES 

moutons  et  cabris,  gagne,  pôle-mêle  les  i*etrailes  souter- 
raines ;  et,  posté  derrière  des  blocs  de  pierre,  à  chacune 
des  nombreuses  fissures  de  la  masse  rocheuse,  un  homme 
armé  de  flèches  et  de  sagaies  guettera,  pour  le  frapper 
au  passage,  le  pillard  qui  osera  s'aventurer  jusque  sur 
les  pentes  où  les  fugitifs  ont  trouvé  leur  salut. 

J'ai  comparé  avec  raison  ces  amoncellements  de  rots 
à  des  tas  de  pierres  géants.  Entre  leurs  interstices  pous- 
sent des  arbres  contournés,  là  où  les  eaux  n'ont  pas  en- 
core entraîné  toute  la  terre.  Quelquefois,  sous  Taction 
des  agents  atmosphériques  ou  dés  acides  humiques,  de 
nouvelles  fissures  se  produisent  et  déterminent  de  nou- 
veaux éboulements  qui  entraînent  souvent  la  mort  de 
nombreux  individus. 

Le  iiays,  relativement  peuplé  jusqu'à  hauteur  de  la 
vallée  de  l'Ouaben,  le  devient  moins  entre  TOuaben  et 
la  vallée  du  Logone.  Les  habitants  appartiennent  encore 
à  la  race  Baya,  mais  s'en  écartent  déjà  par  quelques  pai^ 
ticularités  du  langage,  des  mœurs,  des  traits,  des  tatoua- 
ges. Ils  sont  plus  sauvages  et  uioins  doux  que  les  Bayas 
du  sud. 


L'orateur  continue  sa  conférence  en  illustrant  ^ 
nombreuses,  nouvelles  et  remarquables  projections  un 
discours  dont  l'intérêt  ne  se  ralentit  pas  un  instant,  et 
dont  nous  donnons  ici  un  résumé  : 

Tout  d'abord,  comme  je  tiens  à  ce  que  ceux  qui  ont 
été  à  la  peine  soient  à  l'honneur,  je  vous  présente  deux 
des  soldats  indigènes  de  notre  escorte.  Ils  appartiennent 
à  cette  magnifique  race  de  soldats  que  nous  a  tlonnés  le 
Soudan,  et  qui^  ont  été  les  merveilleux  auxiliaires  de 
notre  œuvre  de  domination  et  de  colonisation  en  Afrique 
occidentale  et  en  Afrique  centrale,  au  Congo,  à  Mada- 


( 


FORÊT  ET   SAVANBS   CONGOLAISES  211 

gascar.  Notre  escorte  se  composait  de  27  braves  de  ce 
genre.  Morcelés  en  plusieurs  détachements,  ils  nous  ont 
servis  avec  le  zèle,  le  dévouement  et  rattachement  le 
plus  complet  ;  et,  lorsque  nous  nous  sommes  séparés 
d'eux,  à  Léré,  nous  fûmes  profondément  émus  de  les  voir 
venir,  les  larmes  aux  yeux,  nous  presser  les  mains. 

I^  village  ngoundi  de  Nola  fut  le  point  de  départ  de 
nos  travaux.  Les  huttes  basses  et  rectangulaires,  alignées 
sur  la  rive  de  la  Sangha,  sont  construites  en  écorce  de 
ficus  et  couvertes  d'une  toiture  faite  de  feuilles.  C'est 
l'habitation  des  peuples  de  la  forêt,  qui  les  protège  contre 
le  vent  et  les  ouragans. 

Les  femmes  ngoundis  ont  les  dents,  à  la  mode  du 
pays,  taillées  en  pointe.  Les  bracelets  qu'elles  portent 
aux  bras  et  aux  chevilles  sont  faits  de  fil  de  laiton  en- 
roulé. Les  colliers  sont  composés  de  perles,  de  verro- 
terie et  de  dents  de  chien.  Le  laiton  et  les  perles  sont 
importés  par  les  factoreries. 

Les  Ngoundis  habitent  les  bords  de  la  rivière.  Ils 
sont  forts,  guerriers  et  anthropophages.  A  côté  d'eux 
vivent  les  Pandés,  petits,  simples  et  doux,  non  anthropo- 
phages, population  tranquille  de  pêcheurs. 

Avant  notre  arrivée  dans  le  pays,  les  Pandés  étaient 
la  proie  des  tribus  anthropophages  de  l'intérieur,  qui  les 
appelaient  :  «  La  petite  viande  de  la  rivière.  » 

Les  femmes  ngoundis  sont  vêtues  d'un  petit  tablier 
de  cuir  par  derrière.  Elles  en  ont  auUmt  sur  le  devant. 
I^s  plus  élégantes  sont  coiffées  d'une  peau  de  singe.  Elles 
dansent  en  rond,  face  au  centre  du  cercle,  en  agitant 
vigoureusement  les  épaules  et  les  bras.  Au  milieu  d'elles, 
deux  musiciens  jouent  du  balafou,  dont  les  caisses  de 
résonance  sont  faites  de  calebasses  allongées. 

En  amont  de  Nola,  à  Bania,  la  rivière  est  barrée  par 
des  rapides.  Nos  bagages  étaient  transportés  en  pirogues. 


212  FORÊT   ET    SAVANES   CONGOLAISES 

(^iiainl  il  s'agit  de  leur  faire  franchir  par  voie  de  terre 
les  7  kilomètres  qui  nous  séparaient  du  bief  supérieur, 
des  femmes,  désireuses  de  gagner  quelques  perles,  vin- 
rent se.  présenter  en  grand  nombre  poui'  transportei*  nos 
bagages,  et  protestaient  contre  un  arrêté  récent  du  Com- 
missaire général  qui  interdisait  le  portage  par  les  fem- 
mes. Elles  alléguaient  qu'elles  étaient  habituées  à  des 
travaux  plus  pénibles,  et  voulaient  à  toute  force  gagner 
de  quoi  satisfaire  leur  coquetterie.  Nous  en  avons  profita 
pour  les  photographier  de  face  et  de  dos. 

Là,  nous  quittons  la  rivière  et  pénétrons  dans  la 
forêt  du  Mbiémou.  Nos  porteurs  déposent  leurs  charges 
dans  l'avenue  d'un  village  où  nous  allons  cam[)er.  Beau- 
coup de  bananiers,  qui  fournissent,  avec  le  maïs  et  le 
manioc,  la  base  de  la  nourriture  des  indigènes. 

Les  indigènes  du  Mbiémou  viennent  se  soumettre. 
Venus  en  armes  de  tous  les  points  de  la  forêt,  ils  assis- 
tent à  un  palabre  de  soumission,  dans  une  toute  petite 
clairière  bordée  d'arbres  géants.  Ils  écoulent  dans  le  plus 
grand  recueillement  la  parole  du  chef  blanc,  qui  leur 
trace  à  grands  traits  les  nouvelles  obligations  qu'ils 
acceptent. 

En  avant  d'eux  se  tient  leur  chef,  Ngobaco,  n'ayant 
pour  tout  vêtement  qu'un  feutre  provenant  de  quelqrif 
factorerie  des  territoires  voisins.  Sa  femme  favorite  l'a 
accompagné,  et  humblement  lui  a  lavé  les  pieds  avant 
qu'il  prenne  place  sur  la  natte  qui  avait  été  dis[)osceà 
son  intention.  A  sa  droite  est  accroupi  son  conseiller 
intime.  Il  dira  tout  à  l'heure  dans  un  langage  imagé  qu'il 
sera  désormais  soumis  comme  une  poule,  docile  comme 
un  cabri,  fidèle  comme  un  chien... 

Au  sortir  de  la  forêt,  nous  entrons  dans  le  i)ays  de 
la  brousse  et  de  la  savane.  Les  hautes  herbes  forment  la 
dominante  de  la  végétation. 


FORÊT   ET   SAVANES   CONGOLAISES  213 

Les  villages  sont  en  général  étendus  sur  le  dos 
arrondi  des  collines. 

Les  cours  d'eau  sont  presque  tous  dans  de  profonds 
ravins  et  coulent  en  torrents. 

Actuellement,  grâce  aux  forêts  qui  les  bordent,  ces 
ravins  sont  comblés  peu  à  peu  par  les  dépôts  amenés  tous 
les  ans  et  arrêtés  par  les  racines  enchevêtrées  des  lianes 
et  des  arbres.  En  beaucoup  de  points,  les  terres  bordant 
les  cours  d'eau,  non  tiissées,  forment  des  marais. 

Quelques-uns  de  ces  cours  d'eau  sont  très  larges. 
Tels  le  Mambéré,  le  Kadeï.  la  Nana,  les  deux  Boum])é. 
I^  caractéristique  de  toutes  ces  rivières  est  qu'à  quelques 
kilomètres  de  leur  source,  elles  sont  déjà  très  profondes 
et  très  larges.  Leur  débit  d'eau,  qui  est  énorme  pendant 
la  saison  des  pluies,  est  minime  en  saison  sèche. 

On  les  traverse,  soit  avec  une  petite  pirogue,  ce  qui 
est  très  long,  soit  sur  des  ponts  de  fortune.  Parmi  ceux-ci, 
il  faut  citer  les  ponts  de  lianes,  faits  de  lianes  qui  des- 
cendent des  arbres  de  la  rive,  et  savanunent  tressées  en 
un  filel  qui  forme  un  pont  suspendu  et  très  remuant. 

Le  pays  est  très  accidenté,  et  Ton  rencontre  partout 
de  nombreux  aflleurements  de  roches,  grès  rouges,  grès 
micacés,  grès  quartzeux,  quelques  granits  gris  et  de 
nombreux  minerais  de  fer. 

De  nombreuses  roches,  placées  comme  en  équi- 
libre instable,  surplombent  parfois  des  amoncellements 
pierreux. 

Les  sommets  et  les  lianes  des  montagnes  sont,  depuis 
le  3"  N,  complètement  dépourvus  de  forêts.  Les  eaux  des 
pluies  ont  entraîné  l'humus  dans  les  fonds  où  se  trouvent 
les  cours  d'eau.  C'est  là  ([u'on  trouve  des  forêts,  grâce  à 
rénorme  quantité  de  terre  végétale  apportée,  et  c'est  dans 
ces  forêts  qu'on  trouve  les  arbres  et  les  lianes  à  caout- 
chpuc  en  abondance.  C'est  également  s.m*  les  bords  de 


214  FORÊT   ET   SAVANES   CONGOLAISES 

ces  cours  d'eau  qu'il  est  permis  d'espérer  qu'on  pourra 
cultiver  avec  succès  et  en  abondance  le  cx>ton.  Nous 
avons,  en  effet,  trouvé  du  coton  dans  la  région,  poussant 
vigoureusement,  quoique  non  soigné.  Les  graines  y 
avaient  été  apportées  -  par  des  Haoussas  venus  du  Nord. 
Et  nous-mêmes,  avec  des  graines  qui  nous  avaient  éle 
remises  par  l'Association  cotonnière  coloniale,  avons  fait 
des  expériences  qui  nous  permettent  de  bien  augurer  des 
tentatives  qui  ne  manqueront  pas  d'être  faites  ultérieu- 
rement. 

Chaque  année,  vers  la  fin  de  la  saison  sèche,  les 
Bayas  mettent  le  feu  aux  herbes  des  savanes  pour  leurs 
grandes  chasses  et  pour  tuer  les  insectes  et  les  tiques. 

C'est  ainsi  qu'ils  chassent  l'éléphant,  l'attendant  à 
des  passages  obligés.  Ils  en  tuent  chaque  année  un  grand 
nombre.  Ils  tuent  aussi  les  rats,  les  belettes  et  tous  les 
petits  animaux.  Le  Baya,  très  friand  de  viande,  mange 
celle  de  n'importe  quel  animal,  fût-il  très  faisandé. 

Après  l'incendie,  il  ne  reste  qu'un  paysage  d'hiver. 
Les  arbres  sont  sans  feuilles  mais  noircis,  et  une  sorte  de 
neige  noire,  faite  de  cendre,  couvre  uniformément  le  sol. 

La  race  Baya  qui  habite  ce  pays  est  une  des  plus 
nombreuses  du  Congo  français. 

Le  Baya  est  plutôt  petit,  bien  musclé,  agile.  Il  a  les 
attaches  fines,  les  mains  et  les  pieds  petits.  Il  a  la  démar- 
che souple,  élégante.  C'est  un  montagnard,  uu  coureur, 
un  chasseur.  Il  adore  la  savane  et  ses  grandes  herbes, 
dans  lesquelles  il  se  glisse  comme  un  serpent,  et  où  il  se 
sait  invulnérable  et  insaisissable. 

Armé  de  ses  trois  sagaies  qu'il  manie  avec  adresse, 
son  couteau  à  la  ceinture,  sans  autre  costume  qu'un  mo^ 
ceau  d'étoffe  serré  entre  les  jambes,  le  Baya  court  tout  le 
jour  à  travers  la  brousse,  suivant  les  étroits  chemins  ou 
les  pistes  d'animaux,  toujours  attentif,  l'oreille  au  gneU 


FORÊT   ET   SAVANES   CONGOLAISES  215 

voyant  tout  avec  ses  yeux  d'aigle,  distinguant  le  gibier 
au  milieu  des  herbes  à  des  distances  inouïes,  rampant 
jusqu'à  portée  de  sagaie  et  se  détendant  comme  un  res- 
•sort  pour  rarement  manquer  son  but. 

A  mesure  qu'on  va  vers  le  nord,  dans  la  direction 
de  l'Âdamaoua,  on  constate  chez  les  Bayas  Tinflucnce 
musulmane  des  Haoussas  et  des  Foulbés.  Les  chefs  por- 
tent des  vêtements,  des  burnous  ou  des  bonbons  flottants, 
des  pantalons  bou fiants,  des  bonnets  piqués,  des  turbans 
peints  à  l'indigo. 

Les  femmes  portent  des  pagnes.  La  population  subit 
l'influence  des  peuplades  plus  civilisées  du  nord-ouest. 
L'anthropophagie  disparaît.  Les  cultures  augmentent,  et 
aussi  le  goût  du  hixe  et  de  rapj)arat.  Mais  cela  ne  va  pas 
sans  inconvénient,  car  les  hommes  vendront  leurs  fem- 
mes pour  acheter  un  sabre  avec  baudrier  à  glands,  et 
leur  flls  pour  avoir  un  cheval. 

Les  chefs  construisent  les  murs  de  leurs  habitations 
à  la  mode  du  Soudan,  en  pisé  et  très  élevés,  cherchant  à 
imitei-  ainsi  les  murs  du  ta  te  du  chef  Ngaoundéré,  lequel 
n'a  fait  d'ailleurs  qu'imiter  les  murs  des  grandes  villes 
du  Centre  africain  :  Kouo,  Zuider,  Katiéno,  Hadeidje,  etc. 
Toutes  ces  villes  ont,  en  effet,  des  ceintures  d'épaisses 
murailles  de  pisé.  Celles  de  Kouo,  qui  ont  24  kilomètres 
de  tour,  ont  12  mètres  d'épaisseur  à  la  base  et  10  à  15 
mètres  de  hauteur. 

Comme  tous  les  peuples  de  pays  découvert,  les 
Bayas  ont  adopté  la  case  ronde  à  toit  conique,  qui  résiste 
mieux  au  vent  et  est  plus  facile  à  rendre  imperméable 
aux  pluies  que  les  cases  à  surfaces  planes. 

Le  costume  national  de  la  femme  Baya  se  compose 
d'une  ceinture  de  perles,  à  laquelle  on  suspend  derrière 
et  devant  un  bouquet  de  feuilles  d'arbre  que  le  bois  voi- 
sin fournit  à  nouveau  généreusement  chaque  matin. 


216  FORÊT  ET   SAVANES  CONGOLAISES 

Les  femmes  bayas  sont  toujours  en  train  de  rectifier 
la  position  de  leurs  feuilles  ;  elles  sont  obligées  de  les 
retenir  quand  elles  se  baissent  pour  entrer  dans  une  case 
ou  de  les  plier  quand  elles  veulent  s'asseoir.  C'est  [wnr 
elles  une  occupation  ou  un  tracas  continuels.  C'est  le  re- 
troussis  de  la  jupe  en  Europe.  Cela  donne  une  contenance. 

La  femme  baya  travaille  continuellement.  Elle  tra- 
vaille aux  plantations  sous  la  protection  de  son  mari,  cpii 
l'accompagne  avec  ses  armes.  Elle  prépare  la  nourriture, 
fabrique  la  poterie,  la  vannerie,  tous  les  ustensiles  de 
ménage,  s'occupe  des  enfants. 

Elle  accepte  facilement  d'autres  femmes  de  son  luari, 
car  toutes  travaillent  ensemble  et  s'entr'aident  sans  ja- 
lousie ni  rivalité. 

Du  reste,  la  jalousie  n'existe  pas  au  pays  baya.  In 
homme  tient  à  sa  femme,  car  il  l'a  i>ayée,  et  c'est  one 
valeur  et  une  force  dans  son  ménage  ;  mais  les  infidélités 
le  touchent  peu.  Si  on  lui  prend  sa  femme,  il  cherche  à 
la  reprendre  comme  nous  essaierions  de  repi»endrc  un 
cheval  volé,  mais  il  ne  s'occupe  pas  de  ce  qui  a  pu  se 
pasiser  pendant  l'absence.  Il  faut  d'ailleurs  croire  que  les 
infidélités  sont  fréquentes. 

Il  est  un  adage  baya  qui  dit  ceci  : 

«  Quand  tu  as  tué  du  gibier,  prends  ta  part  avant 
que  les  oiseaux  de  proie  prennent  la  leur.  Quand  tu  as 
pris  femme,  fais  de  même  et  devance  tes  voisins.  » 

Il  y  a  aussi  certains  rythmes  et  certains  chanta 
connus,  de  signification  convenue,  que  la  femme  emploie 
pour  prévenir  son  complice  quand  celui-ci,  venant  an 
rendez-vous  convenu,  risque  d'y  rencontrer  le  mari  qu'on 
n'a  encore  pu  éloigner... 

Sur  la  rive  gauche  de  la  Nana,  on  trouve  des  femmes 
portant  dans  la  lèvre  supérieure  une  rondelle  de  bois  de 
la  grosseur  d'une  pièee  de  deux  francs. 


FORÊT    ET   SAVANES    CONGOLAISES  217 

La  déformation  de  la  bouche  la  fait  ressembler  de 
profil  à  un  bec  d'oiseau.  Nous  retrouverons  cette  coutume 
plus  accentuée  encore  chez  les  Lakas. 

La  femme  baya  est  bonne  mère,  aime  ses  enfants  et 
ne  les  quitte  pas  pendant  leur  bas  âge.  Elles  portent  leur 
enfant  à  cheval  sur  la  hanche.  Souvent,  elles  se  font  «n 
baudrier  en  peau  pour  le  soutenir  et  le  fixer  contre  elles, 
de  manière  à  avoir  les  mains  libres  pour  travailler.  Elles 
allaitent  Tenfant  très  longtemps,  même  quand  il  court  et 
qu'il  mange. 

Etant  petits,  les  enfants  ont  tous  un  gros  ventre.  Cela 
viendrlait,  paraît-il,  aussi  souvent  de  Tinflammation  de 
la  rate  et  du  paludisme  que  de  maladies  d'intestins  occa- 
sionnées par  la  mauvaise  nourriture. 

Le  Baya  est  très  industrieux.  Une  de  ses  principales 
industries  est  celle  du  fer,  dont  on  trouve  abondamment 
le  minerai  dans  le  pays,  et  principalement  dans  la  région 
de  Gaza.  Il  traite  ce  minerai  dans  des  hauts  fourneaux, 
qui  rappellent  assez  les  forges  catalanes. 

Avec  des  forges  toutes  rudimentaires.  il  fabrique  lui- 
même  ses  couteaux,  ses  armes  et  ses  outils. 

Son  outil  favori  est  une  hachette  qu'il  ne  quitte  pas 
et  dont  il  se  sert  constamment  pour  abattre  les  arbres  et 
tailler  le  bois  dont  il  a  besoin. 

L'herminette  est  aussi  un  outil  de  sa  fabrication.  11 
l'utilise  pour  tailler  des  calebasses  à  plein  bois,  des  plats 
en  bois,  des  mortiers  à  manioc,  des  tam-tam. 

L'art  de  la  [)oterie  est  réservé  aux  femmes,  qui 
obtiennent  de  très  jolies  jarres.  Elles  se  servent  d'ai*gile 
mélangée  de  sable  fin,  et  elles  construisent  à  la  main  tous 
les  objets,  même  les  grjindes  jarres  de  plus  d'un  mètre 
de  hauteur.  Les  marmites,  qui  ont  été  garnies  de  dessins 
avant  la  cuisson,  sont,  après  la  cuisson,  polies  avec  un 
galet  et  noircies  avec  du  graphite  que  l'onitrouve  dans  le 


218  KORÊT   ET   SAVANES   CONGOLAISES 

pays.  Ces  jarres  servent  à  contenir  les  provisions  (grains 
et  farines  de  manioc),  et  sont  rangées  et  saperposées  à 
l'intérieur  des  huttes. 

La  femme  baya  est  experte  dans  l'art  de  la  vannerie. 

Parmi  les  ouvrages  qu  elle  fabrique  sont  des  claies 
en  forme  de  panier,  qui  lui  servent  à  prendre  le  poisson 
dans  les  endroits  herbeux  des  rivières. 

Les  principaux  instruments  de  musique  des  Bayas 
sont  le  tam-tam  ou  tambour  et  la  cloche  double,  sur 
laquelle  on  frappe  à  Taide  d'un  marteau  fait  d'une  boule 
de  caoutchouc  emmanchée  au  bout  d'un  bâton. 

Jamais  un  chef  ne  sort  sans  ses  tambours,  dont  le 
nombre  est  un  signe  de  sa  puissance. 

Les  Bayas  jouent  également  d'un  instrument  original, 
espèce  de  harpe  dont  le  son  est  presque  semblable  à  celui 
de  la  guitare.  Il  se  compose  d'une  nervure  de  palmier, 
bois  dont  on  détache  des  bandes  étroites  d'éeorce  qui 
seront  les  cordes.  Ces  cordes  ne  sont  détachées  qu'au  mi- 
lieu, passent  à  différentes  hauteurs  sur  les  crans  dun 
chevalet  et  restent  attachées  au  bois  aux  deux  bouts. 

Comme  caisse  résonnante,  une  calebasse  coupée  en 
deux  est  fixée  du  côté  opposé  au  chevalet.  La  harpe  a 
quatre  cordes. 

Pour  en  jouer,  on  le  tient  horizontalement,  la  cale- 
basse appuyée  contre  la  poitrine,  et  on  joue  des  deux 
mains. 

Les  Bayas  n'ont  pas  le  culte  des  morts.  Néanmoins, 
ils  célèbrent  les  funérailles  des  défunts  avec  un  certain 
faste.  La  cérémonie  consiste  spécialement  en  danses  et 
festins.  C'est  de  cette  façon  que  ces  primitifs  manifestent 
leurs  joies  comme  leurs  peines. 

Pour  les  obsèques  du  chef  d'un  gros  village,  les 
femmes,  peintes  en  blanc,  avec  du  manioc  ou  du  kaohn 
dans  le  cortège  qui  s'agite,  sont  les  veuves  du  défunt.  En 


FORÊT   ET   SAVANES   CONGOLAISES  219 

toute  autre  circonstance,  plusieurs  d'entre  elles  seraient 
déjà  égorgées,  découpées  et  mises  au  feu  dans  la  marmite. 
Mais  j  ai  défendu  que  la  coutume  soit  observée,  et  j'ai 
donné  deux  bœufs  en  échange  pour  le  festin  des  funé- 
railles —  ce  qui  n'a,  par  parenthèse;  attiré  personne.  — 
Ceci  n'empêchera  pas  que,  huit  jours  après  mon  départ, 
le  festin  sera  consommé  quand  même. 

Ces  anthropophages  préfèrent  donc  la  chair  humaine 
à  toute  autre  nourriture.  Néanmoins,  ils  élèvent  des  chè- 
vres et  des  brebis.  Ils  n'ont  pas  de  gros  bétail,  bien  que 
les  bœufs  pussent  parfaitement  vivre  chez  eux.  Ils  ont  de 
superbes  terrains  de  pâtui'ages  ;  mais  ils  ont  encore  peur 
des  razzias  de  leurs  voisins.  Il  est  à  présumer  que  cette 
crainte  ne  tardera  pas  à  disparaître. 

Ils  élèvent  aussi  des  chiens,  soit  pour  la  chasse,  soit 
pour  les  manger.  Nous  voyons  ici  deux  femmes  bayas 
allaiter  deux  pauvres  petits  chiens  dont  la  mère  a  été 
dévorée  par  l'hyène .  Elles  ne  veulent  pas  perdre  le  béné- 
fice qu'elles  attendaient  des  jeunes  chiens  devenus  grands, 
c'est-à-dire  bons  pour  chasser  ou  bons  à  manger. 

(Commandant  Moll. 
(A  suiçre). 


ACTES  DE  LA   SOCIÉTÉ 


Procès-Verbai  de  l'Assemblée  Générale  du  8  Mai  1908 
Présidence  d(f  M,  E.  Dupont,  Président 

La  séance  est  ouverte  à  8  heures  3/4- 

Après  lecture  et  adoption  du  procès-verbal  de  la  dernière 
Assemblée  générale,  M.  Boîtier,  trésorier,  présente  son  Tfl^pport 
sur  Texercice  1907,  lequel  se  solde  par  un  boni  de  IHy  fr.  45.  C> 
rapport  est  approuvé  à  Tunanimité. 

Il  est  ensuite  procédé  à  l'élection  de  la  série  sortante  des 
Membres  du  Comité.  Les  Membres  sortants  sont  réélus,  savoir  : 
MM.  Fritz,  Guitton,  Haussmann,  Meura,  Monsallier,  Monscoort. 
R.  Pesle  et  Preschez. 

MM.  René  Bossière,  Pierre  Chariot  et  Aug.  Marande  sont  élus 
pour  compléter  le  Comité. 

M.  Loiseau,  Secrétaire  général,  présente  son  rapport  sur  la 
situation  de  la  Société.  Entre  autres  points,  il  signale  que  le  bail 
de  colle-ci,  prenant  un  à  Pâques  iiH)9,  la  question  du  local  à  choisir 
va  devenir  pressante.  M.  Loiseau  désirerait  que  Ton  reprenne 
l'idée  de  la  construction,  au  Havre,  d'un  hôtel  des  Sociétés  savantes. 

M.  Loiseau,  après  un  vif  éloge  de  l'activité  de  M.  le  Président 
dans  la  recherche  des  conférenciers,  annonce  que  le  BullHin 
ces  derniers  temps  irrégulier,  va  reprendre  son  cours  de  publica- 
tion normale.  La  bibliothèque  est  de  plus  en  plus  fréquculêe.  Le 
concours  a  produit  les  résultats  accoutumés.  Quant  au  recruli- 
ment  des  Membres,  question  vitale  pour  la  Société,  le  bureau  s'en 
est  mainte  fois  préoccupé  et,  malgré  les  diflicultés  croissantes,  a 
pu  recueillir  de  nouvelles  adhésions.  ^ 

M.  le  Président  annonce  que  M.  Louis  Brindeau,  député,  don- 
nera prochainement,  sous  les  auspices  de  la  Société,  une  confé 
renée  où  il  traitera  des  Ports  transatlantiques  français. 

M.  Ferd.  Vanier  lit  quelques  extraits  d'une  très  intéressante 
et  très  pittoresque  communication  de  M.  D.  Lièvre  intitulée  «  Ik 
Marseille  à  Nouméa  ». 

(^e  travail  attrayant  tant  par  l'agrément  du  style  que  par  les 
aperçus  originaux  dont  l'auteur  l'a  émaillé  paraîtra  in-exleaso 
dans  le  Bulletin. 

La  séance  est  levée  à  10  heures. 


ÀctfaS  DE  LA  soci^ré 


m 


A  Tissue  de  TAssemblée   générale,   séance  da  Comité, 
statuer  sur  radiiii>sion  de  : 


pour 


MM.  Jean  Wagner,    présenté  par 

MM. 

Favier  et  Langlois. 

K.  AUeaume 

» 

» 

G.  Doublet  et  Guittou. 

iV  Bellengcr 

i> 

» 

Dupont  et  Bellenger-Rosay 

E.  Le  Barrier 

» 

» 

Dupont  et  Loiseau. 

M.  Gaston 

» 

» 

LeUèvre  et  Guitton. 

Gattiker 

» 

» 

Guitton  et  P.  Gattiker. 

M.  Brunel 

» 

» 

Guitton  et  Boivin. 

P.  Laporte 

» 

» 

De  Vigan  et  Dupont. 

René  Boursy 

» 

» 

Dui>ont  et  Preschez. 

C.  Cauvin 

1» 

x> 

Dupont  et  Trouva  y. 

Miguot  et  C'« 

» 

» 

Dupont  et  C.  Couvert. 

Pourchet 

» 

» 

Sauvage  et  Favier. 

M.  Ronssin 

» 

» 

Meura  et  Clochette. 

Colonel  Feuchère 

» 

» 

Dupont  et  C«i  Flavigny. 

Grenier-Leuiarcliand  » 

» 

F.  Vanier  et  R.  Pesle. 

Du  Paty  de  Clam 

» 

» 

Dupont  et  Cap"'  de  Tugny. 

F.Thilii.pe 

i> 

» 

Dupont  cl  H.  Philippe. 

L.  Eude 

» 

» 

Derome  et  D"^  Deronde. 

G.  Nicolet 

» 

» 

Altmeyer  et  Meura. 

Von  Haeflen 

» 

» 

Guitton  et  Schneider. 

G.  Gouze 

i> 

» 

D»^  Dufour  et  F.  Vanier. 

Duteil 

» 

» 

Olicr  et  Derome. 

Schinidt 

» 

» 

D'  Dufour  et  F.  Vanier. 

Ils  sont  admis  à  runanimité. 

Procès- Verbal  de  la  Séance  du  Comité  du  12  Juin  1908 


Présidence  de  M.  E.  Dupont,  Président 

La  séance  est  ouverte  à  9  heures  3/4. 

Il  est  procédé  à  la  nomination  : 

1°  De  la  Commission  du  choix  des  questions  pour  le  prochain 
Concours  de  géographie.  Sont  élus  :  MM.  Carton,  Favier  et 
Loiseau. 

if*  De  la  Commission  d'examen.  Sont  élus  :  MM.  Boîtier, 
Chariot,  Fritz,  Guitton,  Meura,  Ferd.  Vanier  et  Schmitt. 

Est  proposé  comme  nouveau  membre  : 

M.  G.  Bourcy,  présenté  par  MM.  Ferd.  Vanier  etE.  LeConiac. 

Il  sera  statué  sur  son  admission  dans  une  séance  supplé- 
mentaire. 


ACTES   DE   LA   SOCIETE 

La  parole  est  ensuite  donnée  à  M.  Robert  Pesle  qui,  récem- 
ment revenu  d'un  séjour  de  quelques  semaines  en  Amérique^  a 
bien  voulu  nous  communiquer  ses  impressions  de  vojage  en 
s'attachant  surtout  aux  poiuts  qui  offrent  un  intérêt  d*actaalité 
pratique. 

M.  Pesle  nous  entretient  ainsi  du  régime  des  hôtels,  de  l'orga- 
nisation des  chemins  de  fer,  du  mode  de  transport  des  bagages, 
des  tramways,  du  métropolitain  ;  de  New-York,  des  rues,  du  numé- 
rotage des  maisons,  de  l'organisation  des  ports,  des  ministères. 
Il  insiste  sur  l'esprit  de  libre  et  hardie  initiative  qui  caractérise 
les  Rtats-Lnis,  et  se  manifeste  particulièrement  par  la  création 
d'hôpitaux,  d'écoles,  de  bibliothèques.  M.  Pesle  nous  expose  eu- 
suite  l'excellente  organisation  des  heures  de  travail  ;  puis,  après 
d*intéressants  détails  sur  les  Bourses  et  la  question  nègre,  il  ter- 
mine par  un  historique  substantiel  et  concis  de  la  dernière  crise 
américaine. 

Après  quelques  mots  de  remerciements  de  M.  le  Président, 
M.  G.  Bourcy,  présenté  au  début  de  la  séance  est,  dans  une  séance 
supplémentaire,  admis  comme  membre  de  la  Société. 

La  séance  est  levée  à  10  h.  1/2. 


Ouvrages  reçus  à  la  Bibliothàque  do  la  Société 


4™«  Trimestre  1908 


Le  Berrv,  contribution  à  l'étude  géographique  d'une  région  fran- 
çaise, par  Antoine  Vacher,  charge  d'un  cours  de  Géographie  à 
l'Université  de  Rennes.  Paris,  1908,  1  vol.  in-S,  avec  4S  lig.  et 
cartes  dans  le  texte,  'M  photogravures  et  ï  planches  de  cartes  et 
profils  hors  texte. 

La  Loire  (collection  des  Guides  Joanne),  par  Paul  Joannk.  Paris, 
1ÎM)S,  1  vol.  in-iO,  avec  'ri  cartes  et  li  plans. 

L'OrléniiH  A  tciute  Vi»peur.  —  Le  réseau  du  Chemin  de  fer  de  Paris 
à  Orléans  de  ls;W  à  11K)H,  par  Henry  IIaoukt.  Paris,  1ÎK)8,  1  vol. 
in-8,  orné  de  nombreuses  gravures." 

La  Honi^rie  nu  X\'  Kiècle.  Etude  économique  et  sociale,  par 
René  (îonnaru,  professeur  d'économie  politique  à  l'Université 
de  Lyon.  Paris,  liKW,  1  vol.  in-l«. 

îiÂle,  Korne  «-t  4«encve.  (Les  Villes  d'Art  célèbres),  par  Antoine 
Saintk-Marik-Pkriux.    Paris,   li»Oy,  l  vol.  in-V,  orné   de  115  grav. 

La  Perse  d'anjoiircrhui.  Iran-Mésopotamie,  j)ar  Eugène  Aubin. 
Paris,  190X,    l  vol.  in-lS,  avec  une  carte  en  couleurs  hors  texte. 

Autour  «le  l'Afghanistan  »aux  frontières  interdites),  par  le  Com- 
mandant DK  Bouii.lank  dk  Lacostk,  préface  de  M.  Georges 
LF.Y(ii:Fs.  Paris,  IWOS,  1  vol.  in-S,  contenant  liO  illustrations 
tirées  hors  texte,  gravées  d'après  les  photographies  de  l'auteur 
et  r»  caries. 

M«*H  Croi»<ièreM  daiiH  la  lier  de  Behring,  nouvelles  chasses  et 
nouveaux  voyages,  par  Paul  Nikdihck.  Paris,  iOOS,  i  vol.  in-i, 
avec  132  gravures  et  une  carte. 

Plus  près  du  Pôle,  par  R -E.  Pkary,  connnandant  de  la  marine 
de  jguerre  des  Etats-Unis.  Paris,  lîHM),  1  vol.  în-i,  orné  de  28  grav. 
tirées  hors  texte  et  d'une  carte. 

Lm   tiêcuuverte  des  Grande»  Soarees  do  Centre  de  l*Arrique.  — 

Rivières  de  vie,  Rivières  de  mort,  Nana,  Ouam,  Penndé,  par  le 
Commandant  Lknfant,  préface  de  M.  Bouqukt  de  la  Grye. 
Paris,  llHjl»,  l  vol.  in-8,  contenant  115  illustrations  et  une  carte 
en  couleurs. 

Le  ilnvc-^nzeri  et  les  Hautes  Cimes  de  l'Afrique  centrale,  voyage 
(rex[)loralion  et  premières  ascensions  des  plus  hautes  cimes 
de  la  chalne.neigeuse  située  entre  les  grands  lacs  écj^uatoriaux  et 
l'Africpie  centrale,  par  S.  A.  R.  le  Prince  Louis- Amédee  dk  Savoir, 
duc  des  Abruzzes.  Relation  du  D""  Filippo  de  Filippi,  illustrée 
par  Vittorio  Sella,  membre  de  l'expédition,  traduite  par  Alfred 
Poi/.AL.  Paris,  1W09.  1  vol.  in-S,  avec  IH)  illustrations  dans  le 
texte,  iV  planch(!S,  ."»  panoranuis  en  phototypie  et  5  cartes  hors 
texte. 

TroiH  années  de  chasse  au  Mo7.an[ibi<|ue,  par  Guillaume  Vassb. 
Paris,  IWOU,  1  vol.  in-iO,  illustré  de  55  gravures  tirées  hors  texte 
et  une  carte. 


224  OUVRAGES   REÇUS   A    LA   SOCIETE 

CmiAda  et  CainailCen**,  par  le  D*^  Adrien  L<»iit,  prdfrsseiir  h  It 
Faculté  de  Médecine  de  Montréol.  Paris,  IÎM><,  i  vol.  in-^ 

SAlnt-Domin^ae  (lt>*29-17Kl)).  La  Société  et  la  Vie  créole  sons  Faii- 
cien  Régime,  par  Pierre  uk  Vais^ikrr.  Paris,  4iHK>,  i  vol.  in-H. 
avec  i',\  gravures  et  une  carte. 

Les  ParadiH  de  !*<% nitrique  ventrale.  —  Les  Antilles,  Panania. 
Costn-Hicu.  le  Mexique,  par  Maurice  dr  Walkffk.  Paris,  liWJ, 
i  vol.  in-ii. 

8oA-Paalo  da  Brésil,  notes  d*un  colon  français,  par  Louis  Gasa- 
HONA.  Paris,  liHH»,  I  vol.  in-H,  avec  gravures. 

France- ilré«*ll,  revue  mensuelle  de  pr<»pagande  industrielle  et 
commerciale.  N^  de  Septembre-Octobre  IwS.  L Etat  de  SaA-Panio. 
Paris,  i'.KIH.  1  broch.  in-V,  ornée  de  nombreuses  illustrations. 
;Don  de  M.  F.  llamos,  Anvers). 

L*Arfrencine  moderne,  {>ar  W.-H.  Kokhkl,  traduit  par  MM.Swilu 

et  Ci.  Fkuilloy.  Paris,  I1M»8.  1  vol.  in-8,  avec  iS  photogravures 
hors  texte. 

Traité  de  liéïkloffie,  ]mr  Emile  IIauo,  professeur  à  la  Faculté  des 
Sciences  de  rUniversilé  de  Paris.  Tome  I.  Les  phénomènes  géo- 
logiques. Pari.s,  liH)7,  l  vol.  in-«.  avec  195  Ug.  et  cartes  et  71 
planches  de  reproductions  photographiques  hors  texte. 

Traité  de  <;éoficrii|»iiie  |ih>NU|ae.  Climat,  Hydrographie.  Relief  da 
Sol,  Hioccograpiii»',  par  Hmm.  i>k  Martonnk,  profeiiseur  de 
(iéopraphie  à  ri'niversité  de  Lyon.  Paris,  IIHHJ,  1  vol.  in-K.  tLa 
I""'  livr.  est  en  vente). 

Régions  naturelles  et  noms  de  Payn,  étude  sur  la  Hégion  pari- 
sienne, par  L.  (rALLoiSj  professeur-adjoint  à  la  Faculté  ui*s  Letlref 
de  ri'niversité  de  Pans.  Paris,  iîHW,  i  vol.  in-**,  avec  ^  plauchrt 
hors  U'xle. 

Manuel  de  l'Arbre.  —  I/Arbre,  la  Forêt  et  les  PAturages  de  mon- 
tagnes. Pour  renseignement  sylvo-pastoral  dans  les  Ecoles,  pnr 
K.  (IvnooT,  inspecteur  des  Faux  et  Forêts.  Paris,  lit07,  i  vol.  iii-i. 
édité  par  le  Toiiring-CJub  de  France,  orné  de  IS  gravures. 

Manuel  de  ri<:au,  suite  et  complément  du  Manuel  de  r.l rfrre.  ptiur 
servir  à  renseignement  sylvo-pastoral  dans  les  Ecoles,  J»r 
Onésinnî  Hw.i.rs.  Paris,  lî»Os,  l  vol.  in-i.  publié  par  le  T«mring- 
Club  de  France,  illustré  de  VO  gravures. 

Antiuair«>  île  raliiti  et  dépendances  pour  iîHÏS.  Papeete,  i9<.is,  1  vol. 
in-S.  (Don  de  .M.  le  (Vouverneur  des  Ftablis.sements  français  dr 
rOcéanie). 

Keeueil  cronHuiaire  «lu  llo.vaiimc»  de  Belgique.  Tomes  \\\\  et  135i 
année  iDOii.  Hruxelles,  llMid.  i.  vol.  in-H. 

CongrèH  nationni   de»   8neiétés    rrancnises  de  Géographie,  ^ 

session.  Bordeaux.  Juillet-Août  11H)7.  Compte  rendu  des  Travaux 
<lu  ('ongrès.  Hordeaux,  IIMKS,  i  vol.  in-8,  avec  cartes,  vues  rt 
dessins  dans  le  texte  et  hors  texte. 


Dt'-'. 


186  DE   MARSEILLE   A   NOUMÉA 

commine  en  aucun  temps  de  notre  histoire,  Fabandon  de 
l'Egypte. 

Nous  rejetons  volontiers  sur  la  jalousie  anglaise  la 
responsabilité  de  nos  désastres  coloniaux.  Si  nous  vou- 
lions réfléchir  cependant,  nous  verrions  que  l'Angleterre 
n*a  iait  partout  que  profiter  de  nos  propres  fautes  ;  nous 
ne  saurions  raisonnablement  le  lui  reprocher.  Les  véri- 
tables ennemis  de  notre  grandeur  nationale  ont  toujours 
été  de  ce  côté-ci  de  la  Manche  et  non  de  l'autre  :  la  Pom- 
padour  nous  a  fait  perdre  Tlnde  et  le  Canada,  deux  con- 
tinents :  l'Asie  et  l'Amérique  ;  le  socialisme  nous  a  fait 
perdre  l'Afrique,  avec  l'Egypte  et  le  Maroc. 


CANAL 

Les  voyageurs  considèrent  généralement  comme  laid 
le  pays  entre  Port-Said  et  Suez  et  n'auraient  pas  assez  de 
cailloux  à  lui  jeter  s'ils  en  pouvaient  trouver  sur  les  rives 
du  canal.  Certainement  le  pays  est  monotone,  mais  cette 
monotonie  a  sa  grandeur.  Aussi  loin  que  la  vue  peut 
s'étendre,  on  n'aperçoit  qu'une  immense  plaine  de  sable 
doré.  A  l'horizon  le  ciel,  jauni  par  les  tourbillons  de 
poussière,  se  confond  avec  la  terre.  Par  endroits  cette 
plaine  se  couvre  de  bosses  de  sable  à  l'abri  desquelles 
poussent  quelques  bouquets  de  roseaux  et  de  maigres 
tamaris  au  feuillage  grisâtre.  On  longe  des  lacs,  des 
marais  dans  lesquels  des  milliers  de  flamants  forment 
des  nuages  roses  ;  et  tout  cet  horizon  surchauffé,  ondu- 
lant comme  une  houle  transparente,  prend  suivant  les 
heures  les  teintes  les  plus  variées,  du  rouge  le  plus 
ardent  au  violet  le  plus  tendre. 

A  la  gare  d'El  Kantara,  des  caravanes  rangées  sur 
les  rives  attendent  que  nous  soyons  passés  pour  repren- 


DE   MARSEILLE   A   NOUMEA  187 

dre  leur  route  monotone  dans  le  désert.  Les  chameaux 
restent  indifférents,  le  cou  allongé  dans  le  sable;  les 
gamins,  nus  sous  leur  grande  blouse  bleue»  nous  suivent 
en  courant  sur  la  berge  pour  ramasser  les  biscuits  et  les 
sous  qu'on  leur  jette. 


ISMAILIA 

Ismaîlia  est  1§  plus  verte  des  trois  villes  du  Canal  ; 
mais,  en  revanche,  elle  est  la  moins  mouvementée  ;  ville 
déshéritée  qui  n'a  pour  elle  ni  cette  foule  sale  qui  fait 
oublier,  à  Port-Saïd,  ses  maisons  de  bois  sans  caractère, 
ni  ces  rues  pittoresques  qui  font  pardonner  à  Suez  la 
saleté  de  ses  habitants.  Ses  nies  sont  désertes  ;  Therbe 
y  pousserait  si  Therbe  pouvait  pousser  dans  ce  sable 
brûlant.  Quelques  arbres  dans  l'avenue  du  port  et  sur  la 
route  de  l'hôpital  suffisent  cependant  à  lui  donner  de  loin 
cette  apparence  de  verdure  qui  étonne  sous  ce  ciel  rouge 
et  repose  le  regard  au  sortir  des  murailles  ardentes 
d'El  Guisr.  Dans  cette  ville  endormie  pas  un  concert,  pas 
un  bruit.  Au  débarcadère  deux  ou  trois  bourriquots 
attendent  les  clients,  pressés  sous  un  arbre  poussiéreux 
dont  ils  se  partagent  fraternellement  les  lambeaux 
d'ombre. 

Le  meilleur  parti  à  prendre  quand  on  est  à  Ismaîlia 
serait  celui  de  s'en  aller  ;  mais  hors  de  la  ville,  il  n'y  a 
rien,  que  la  fournaise  de  sable. 

D'ismaîlia  à  Suez,  i>ar  le  train,  on  longe  le  canal 
d'eau  douce  tout  couvert  de  roseaux  ;  au-delà,  de  chaque 
côté,  miroite  la  plaine  ardente. 

Par  le  Canal,  l'aspect  est  le  même,  moins  la  ligne 
verdoyante  de  roseaux.  Au  sortir  du  lac  Timsah,  on 
laisse  à  droite,  près  de  Toussoum,  la  mosquée  blanche 


188  DE    MARSEILLE   A   NOUMEA 

du  Cheikh-Ennedeck,  puis,  après  les  I^cs  Amers,  on 
s'engage  entre  les  murailles  de  sable  dont  on  ne  sortira 
qu'à  Port-Tewfick. 


SUEZ 

Suez  n'est  pas  sur  ie  canal.  C'est  Port-Tewfick  qui 
salue  les  navires  à  leur  sortie.  Quatre  ou  cinq  maisons 
alignées  sur  un  quai  planté  d'arbres  et  c'est  tout.  Suez 
est  un  peu  plus  loin  dans  les  sables. 

Bien  que  quelques  bouts  de  rues  se  soient  un  peu 
européanisés,  Suez  est  supérieur  comme  pittoresque  à 
Ismailia  et  à  Port-Saïd.  Ismailia,  brûlée  par  le  soleil,  est 
restée  rabougrie  comme  les  arbustes  de  ses  jardins.  Portr 
Saîd,  cité  cosmopolite,  n'est  d'aucun  temps,  ni  d'aucun 
pays.  Suez  est  restée  ville  arabe  avec  ses  rues  étroites  où 
errent  des  ombres  de  chiens  galeux,  ses  maisons  aux 
toits  plats  que  dominent  des  minarets  pointus,  ses  bouti- 
ques basses  où  bourdonnent  des  nuées  de  mouches,  sa 
population  multicolore,  ses  costumes  bigarrés  qu'uni- 
formise la  saleté,  ses  cafés  où.  les  jours  de  fêtes,  quelque 
jeune  artiste  initie  les  clients  aux  mystérieuses  beautés 
de  la  danse  du  ventre.  Les  spectateurs  enivrés  applau- 
dissent avec  trénésie,  pendant  que,  haletante,  elle  fait  le 
tour  de  la  salle  leur  tendant  son  front  ruisselant  de  sueur 
où  chacun  colle  une  mince  piécette  d'ai^ent  ou  d'or. 

De  loin  en  loin,  vous  rencontrez  des  jeunes  filles  au 
visage  religieusement  voilé,  suivant  les  recommandations 
du  Coran.  «  L'éclat  de  leurs  yeux  est  pareil  à  celui  d'une 
source  d'eau  vive  parmi  les  sables,  p  Si  la  rue  est  déserte 
et  si  vous  ne  craignez  pas  les  désillusions,  glia^ezJeur 
deux  sous  dans  la  main  :  elles  soulèveront  leur  voile  et 
vous  montreront  ce  visage  que  l'œil  même  d'un  iiaiicé 


DE   MARSEILLE   A   NOUMEA  189 

n*aai*ait  pas  eu  le  droit  d'entrevoir.  L*arabe  a  horreur  du 
chrétien,  mais  il  a  Tesprit  ouvert  et  ne  refuse  jamais  de 
se  rendre  à  des  arguments  bien  présentés.  El  hamdou 
lillah  rebb  elhalmine. 


MER  ROUGE 

Le  golfe  de  Suez  où  Ton  débouche  en  sortant  du 
Canal  est  un  étroit  couloir  entre  les  falaises  stériles  et 
ravinées  du  djebel  Attaka  et  la  presqu'île  du  Sinaî.  Nulle 
part  on  ne  voit  la  moindre  végétation  ;  seuls,  de  loin  en 
loin,  les  mâts  d'un  navire  échoué  donnent  l'illusion 
d'arbres  dépouillés  de  leurs  branches.  Partout  des  ro- 
chers, des  Ilots,  des  Iles  brûlées  comme  Jubal  et  Shadwan. 
L'atmosphère  est  calme  et  d'un  rose  transparent  ;  mais  le 
moindre  vent  qui  passe  sur  ces  rivages  de  poussières 
elTritées  y  ramasse  une  brume  opaque  et  ardente.  I^  cap 
Mohamed  qui  termine  au  sud  la  presqu'île  du  Sinaî  nous 
annonce  la  Mer  Rouge.-  L'horizon  s'élargit,  la  terre  dis- 
paraît parfois.  A  chaque  instant  on  croise  un  navire,  on 
aperçoit  une  île  ;  et  chacun  se  précipite  sur  le  pont  pour 
les  lorgner,  comme  si  jamais  on  n'avait  vu  de  rochers  ou 
contemplé  un  bateau.  Beaucoup  de  ces  îles  sont  des  vol- 
cans et,  sous  ce  ciel  brûlant,  ils  semblent  éteints  d'hier. 

Ce  sont  d'abord  les  croupes  bizarrement  bariolées  de 
djebel  Taïr,  puis  le  groupe  tourmenté  des  Zebayer,  avec 
la  jupe  rose  pUssée  du  Tas  de  foin,  les  stries  régulières 
de  Rugget,  le  bloc  de  la  Table,  les  falaises  bouiilonnées 
de  la  Selle,  les  cônes  sombres  de  la  Grande  Zebayer  ; 
puis  djebel  Zugur,  plus  haute,  avec  quelques  traces  de 
végétation  ;  Périm  enûn,  île  basse,  s'élevant  derrière  sa 
plage  blanche  en  pentes  douces,  toute  grise,  brûlée,  sté- 
rile ;  sur  un  des  sommets,  un  phare  entouré  de  quelques 


IdO  DE  MARSEILLE   A   NOUMEA 

maisons.  Par  dessus,  on  aperçoit  Cheikh-Saîd  qui  écrase 
de  sa  masse  Tile  anglaise. 

A  peine  a-t-on  dépassé  Périm,  en  prenant  la  grande 
passe,  qu'on  se  heurte  aux  Djeziret  Seba,  possession 
française,  comme  l'indique  le  drapeau  tricolore  en  zinc 
qui  se  tient  rigide  au  sommet.  Ce  ne  sont  que  des  rochers 
stériles.  En  face,  le  continent  nous  appartient  également; 
c'est  le  territoire  d'Obock. 


OBOGK 

La  ligne  d'Australie  ne  passe  pas  à  Obock  ;  aucune 
ligne  même  n'y  passe  aujourd'hui  ;  elles  se  sont  partagées 
entre  les  escales  mieux  placées  de  Djibouti  et  d'Aden. 
Les  notes  qui  vont  suivre  s'appliquent  donc  à  un  passé 
peu  lointain  encore  mais  qui  ne  revivra  sans  doute  plus. 
Obock  a  vécu. 

Par  suite  de  nos  reculs  successifs  devant  l'envahisse- 
ment italien,  la  côte  française  ne  commence  aujourd'hui 
qu'au  raz  Doumeirah.  Généralement  les  navires  se  diri- 
geant vers  la  Grande  passe  ne  se  rapprochent  de  terre 
qu'en  vue  des  tables  basaltiques  du  raz  Djarn  et  des  lies 
Seba.  Peu  après  on  double  le  raz  Bir,  aux  falaises  basses, 
couvertes  d'arbustes  grisâtres  et  sur  l'extrémité  duquel 
on  a  construit  un  phare.  C'est  l'entrée  du  Golfe  de 
Tadjoura  et  on  ne  tarde  pas  à  mouiller  devant  Obock. 

La  rade  est  petite,  un  peu  trop  ouverte  au  Sud  et  à 
l'Est,  mais  bien  abritée  des  autres  côtés.  Un  appontement 
en  fer  permet  de  débarquer  assez  commodément.  Cet 
appontement  conduit  à  une  tranchée  creusée  dans  le 
corail  et,  par  là,  à  la  Ville  administrative.  Il  est  inutile 
d'y  aller,  il  n'y  a  rien  à  y  voir  qui  vaille  la  peine  d'être 
vu.   Les  services  administratifs  sont  enfermés  dans  de 


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192  DE   MARSEILLE    A   NOUMEA 

petites  cages  en  bois  et  le  <c  palais  »  du  Gouverneur 
ressemble  à  une  grande  guérite  ;  autour  des  maisons 
sont  dessinés  des  jardins  où  les  allées  sont  en  sable  fin 
et  où  la  végétation  est  représentée  par  de  gros  galets 
arrondis. 

Le  quartier  commerçant  et  indigène  est  situé  à 
droite  sur  une  petite  éminence  entre  la  rade  et  le  vallon 
des  Chasseurs.  Obock  n'a  guère  qu'une  rue  et  quelle 
rue  !  Des  maisons  basses  blanchies  à  la  chaux,  mais 
enfumées  et  grasses  du  contact  incessant  des  indigènes  ; 
une  seule,  celle  du  cadi,  a  un  étage.  Des  groupes  d*hom- 
mes  demi-nus  sont  paresseusement  accroupis  contre  les 
murs  à  côté  de  leurs  lances  ;  les  anneaux  qu'ils  portent  au 
bras  indiquent,  paralt-il,  le  nombre  des  meurtres  dont  ils 
s'enorgueillissent.  De  jolies  petites  chèvres  au  poil  ras 
cherchent  vainement  leur  nourriture  dans  le  sable  ;  des 
femmes  causent  sur  le  seuil  des  portes,  leurs  cheveux 
roux  réunis  en  fines  tresses  comme  ceux  des  momies 
égyptiennes.  Leur  nez  est  écrasé,  mais  la  nature,  aima 
mater,  leur  a  donné  de  grosses  lèvres  pour  consoler  leur 
amour-propre  de  cette  infériorité  humiliante.  Il  est  rare 
d'en  trouver  de  jolies  :  à  vingt  ans  elles  sont  grand'mères 
et  leur  visage  est  ridé  comme  une  pomme  cuite.  Parfois 
cependant  on  roneontre  une  jeune  fille  au  teint  bronzé, 
vêtue  d'une  longue  jupe  blanche.  Elle  n'a  pas  la  cheve- 
lure rousse  et  les  fines  tresses  des  Danakils  ;  ses  cheveux 
légèrement  Irisés  sur  le  front  s'enroulent  en  im  chignon 
sur  la  nuque.  Vous  êtes  en  présence  d'une  race  8Ui)é- 
rieure,  presque  civilisée.  Elle  vous  dira  avec  une  pointe 
d'orgueil  :  «  Moi,  catholique  abyssine  »  et  elle  vous  mon- 
trera un  petit  crucifix  qu'elle  porte  sur  la  poitrine. 

Les  Abyssines  ont  beaucoup  de  qualités,  mais  ne  les 
prenez  jamais  comme  cuisinières  :  elles  mettent  du 
beurre  dans  leurs  cheveux. 


DIS  X.AR^îLtE   A   :«OUWRA  193 

Toute  cette  population  habite  soit  les  petites  maisons 
de  la  grande  me,  soit  les  huttes  basses  en  bois  tordu, 
branchages^  herbes  sèches  et  vieux  sacs  de  farine  qui 
constituent  les  «  faubourgs  ».  Des  cordes  maintiennent  ce 
ramassis  de  matériaux  étranges  et  la  précaution  n'est  pas 
inutile,  car  le  vent  y  souOle  quelquefois  avec  violence. 
Le  Khamsin^  fournaise  en  marche  qui  descend  du  Nord, 
a[>porte  parfois  jusqve  dans  la  rade  un  épais  brouillard 
de  sable. 

Les  environs  de  la  ville  sont  totalement  dépourvus 
de  pittoresque  :  ils  se  composent  d'un  plateau  corallien 
très  uni,  au  sol  spongieux,  coupé  de  quelques  profonds 
ravins  aux  parois  abruptes.  C'est  dans  le  plus  vaste  de 
ces  ravins,  sur  les  bords  d'une  rivière  sans  eau,  encom- 
brée de  broussailles  épineuses  d'un  gris  terne  que  brou- 
tent çà  et  là  de  mélancoliques  chameaux,  qu'on  avait 
installé  les  coûteux  et  célèbres  jardins  d'Obock.  Le 
moindre  légume  y  i*evenait  à  son  poids  d'or  ;  mais,  à 
chaque  carotte  qu'on  en  retirait,  on  pouvait  dire,  en  la 
montrant  de  loin  aux  terres  stériles  d'Aden  :  «  Ils  n'en 
ont  point  en  Angleteri'e  !  » 

Il  pleut  quelquefois  à  Obock,.  mais  les  eaux  des 
pluies  se  perdent  immédiatement  dans  le  sous-sol  coral- 
lien sans  avoir  eu  le  temps  d'en  fertiliser  la  surface,  et 
c'est  pour  cette  raison  que  la  stérilité  du  pays  est  irré- 
médiable. 

Obock  est  un  des  exemples  les  plus  parfaits  du 
manque  de  suite  dans  les  idées  qui  a  trop  souvent,  sinon 
toujours,  caractérisé  notre  politique  coloniale.  Au  lieu 
de  rester  à  Cheikh-Saïd,  position  sans  égale  où  nous 
étions  installés,  nous  sommes  venus  nous  établir  à 
Oboek  et,  après  y  avoir  dépensé  des  millions  sans  aucun 
résultat,  nous  l'avons  abandonné  pour  nous  transporter 
en  face,  à  Djibouti.  A  peine  Djibouti  était-il  en  voie  de 


194  DE   MARSEILLE   A   NOUMEA 

prospérité  comme  port  abyssin,  que  nous  menacions  de 
ruiner  son  avenir  en  laissant,  pendant  de  longs  mois, 
dans  Tincertitude  la  situation  des  chemins  de  fer  Etliio- 
piens.  Djibouti  n  avait  cependant  de  raison  d'être  que 
par  ces  chemins  de  fer.  Le  fait  que  les  Anglais  et  les 
Italiens  ont  cherché  à  obtenir  de  nous  que  nous  en  fas- 
sions une  voie  internationale,  au  lieu  d^une  voie  fran- 
çaise, montre  bien  toute  leur  importance  économique.  On 
s'extasie  avec  juste  raison  devant  un  bcbc  qui  partage 
son  gâteau  avec  un  ami  ;  mais  une  nation  qui  veut  vivre 
n'a  pas  le  droit  de  montrer  le  même  désintéi*essement  : 
on  ne  fait  pas  de  largesses  avec  son  avenir.  Nous  avons 
eu  tous  les  frais  de  Tentreprise,  nous  en  avons  couru  les 
risques,  il  n'est  que  juste  que  nous  en  gardions  les  béné- 
fices. Il  est  curieux  de  constater  ici,  une  fois  de  plus, 
comme  nous  trouvons  facilement  des  amis  pour  croquer 
les  marrons  que  nous  avons  pris  la  peine  de  tirer  du 
feu.  C'est  l'histoire  de  l'Egypte,  du  Niger  maritime,  de 
tous  les  pays  de  valeur  où  nous  avons  passé  par  le 
monde.  Nous  avons -eu,  en  Abyssinie,  la  chance  extra- 
ordinaire de  mettre  la  main  sur  une  voie  commerciale  de 
premier  ordre  ;  nous  avons  eu  l'initiative  et  la  persévé- 
rance, plus  extraordinaires  encore  chez  'nous,  de  la 
mettre  en  exploitation  ;  nous  avons  obtenu  que  la  ques- 
tion fut  définitivement  réglée  à  notre  profit  et  qu'une 
Compagnie  française  fut  autorisée  à  pousser  ses  rails 
jusqu'à  Addis-Ababa.  Veillons  à  ce  qu'elle  reste  française, 
défendons  là  contre  les  entreprises  étrangères.  C'est 
assez,  c'est  trop  d'avoir  laissé  l'Angleterre,  contraire- 
ment à  nos  conventions  avec  TAbyssinie,  obtenir  d'elle 
l'autorisation  de  construire,  dans  l'arrière  pays  de  Zeilah. 
une  voie  qui  peut  à  la  fois  ruiner  la  nôtre  et  annihiler 
Djibouti. 

ObocK  une  fois  abandonné,  on  a  parlé  de   faire  de 


DE  MARSEILLE   A    NOUMEA  195 

Djibouti  non  seulement  le  port  de  TAbyssinie,  ce  qui  est 
en  eilet  son  rôle,  mais  un  point  d'appui  ])our  la  Flotte, 
ce  qui  m'a  toujours  paru  un  excellent  moyen  de  jeter 
follement  de  largent  à  Teau.  Djibouti  n'est  pas  défen- 
dable. On  a  songé  alors  aux  fournaises  de  Gubbet- 
Kharab,  au  fond  du  golfe  <le  Tadjoura  ;  on  a  même  aspiré 
à  en  faire  un  nouveau  Bizerte.  Il  ne  manque,  hélas  !  à  ce 
nouveau  Bizerte  que  de  l'eau,  des  vivres,  un  climat  sup- 
portable et...  des  fonds  où  les  navires  puissent  mouiller. 
Il  y  a  cependant  des  chances  pour  qu'on  aille  noyer  l'or 
des  contribuables  dans  les  abîmes  de  cette  inutile  nicdi- 
teri*anée  et  renouveler  là  l'expérience  faite  à  Obock,  au 
lieu  de  retourner  à  Cheikh-Saïd. 

I>es  limites  de  notre  territoire  ont  beaucoup  varié 
suivant  les  époques.  A  partir  de  1840  et  pendant  un  demi 
siècle,  elles  s'élargissent,  gagnant  progressivement  le 
nord  jusqu'à  Massouah,  le  sud  jusqu'à  Dongarita  et 
Bulhar,  l'intérieur  jusqu'au  pays  des  Issahs  et  des  Gado- 
boursi  sous  les  murs  du  Harrar.  En  1883,  nos  frontières 
du  nord  battirent  brusquement  en  retraite,  devant  les 
Italiens,  jusqu'au  raz  Doumeirah  ;  depuis  189Ù,  elles  se 
retirèrent  du  sud  devant  les  Anglais  jusqu'aux  portes 
mômes  de  Djibouti  ;  enfin  de  l'intérieur  elles  reculèrent 
progressivement  vers  la  mer  jusqu'à  s'en  tenir  aujour- 
d'hui à  90  kilomètres  environ.  Espérons  qu'elles  ne  rétro- 
graderont pas  davantage,  pendant  que  les  limites  anglai- 
ses et  italiennes  empiètent  sur  les  autres  faces  de  TAbys- 
sinie. 

ADEN 

Aden  est  le  port  de  dispersion  de  toutes  les  lignes 
de  vapeurs  qui,  partant  de  l'Europe,  se  dirigent  vers  le 
golfe  Persique,   l'Inde,   l'Extrême-Orient,  l'Océanie,   la 


196  DE   MARSEILLE   A   NOUMEA 

côte  orientale  d'Afrique.  C'est  comme  Colombo,  un  foyer 
d'où  rayonne  dans  toutes  les  directions  le  mouvement 
commercial  de  TOccident. 

A  peine  êtes-vous  mouillé  en  rade  devant  Steamer- 
point  qu'une  flottille  de  pirogues  amène  autour  du  bord 
des  bandes  de  petits  négrillons  qui  vous  assourdissent 
de  leur  cri  :  «  A  la  mer,  ho  ho  !  »  Ce  n'est  pas  un  cri  de 
guerre  comme  on  pourrait  le  croire,  mais  un  simple 
appel  de  fonds.  Ces  gamins  sont  des  nageurs  étonnants  : 
on  leur  lance  des  sous  qu'ils  vont  chercher  à  une  grande 
profondeur,  écartant  d'une  ruade  les  requins  au  milieu 
desquels  ils  évoluent.  Pour  une  pièce  blanche  ils  passent 
sous  le  navire.  Après  une  lutte  sous-marine  que  révèlent 
les  tourbillons,  le  vainqueur  rapporte  le  butin  dans  sa 
bouche,  seul  porte-monnaie  que  lui  permette  l'exiguité 
de  ses  vêtements.  Le  métier  est  quelquefois  dangereux  : 
les  requins,  ennuyés  du  tapage  qu'on  vient  faire  chez 
eux,  s'avisent  parfois  d'y  faire  la  police.  Malheur  alors 
au  petit  mendiant  qui  leur  tombe  sous  la  dent  :  bracelets, 
grisgris  préservateurs,  tout  y  passe,  et  un  ou  deux 
membres  avec. 

Au  débarcadère,  les  changeurs  s'abattent  sur  le  pau- 
vre voyageur  et  lui  oflrent  de  la  monnaie  anglaise,  ou, 
pour  parler  plus  exactement,  quinze  francs  pour  un  louis. 

A  Steamer-point  on  retrouve  la  civilisation  un  peu 
oubliée  à  Obock  :  les  tramways  ne  roulent  pas  encore 
dans  ses  rues  poussiéreuses,  mais  il  y  a  des  voitures,  des 
chevaux,  des  ânes  et  des  chameaux  ;  c'est  plus  qu'il  n'en 
faut  pour  se  promener.  Rien  ne  rebute  les  cochers  et  les 
conducteurs  :  ils  s'attachent  à  vos  pas,  formant  derrière 
vous  un  long  cortège.  Vous  refusez  leurs  services,  ils 
n'en  ont  cure  et,  patients,  vous  suivront  toute  une  jour- 
née, sûrs  que  le  moment  viendra  où  la  lassitude  vous 
jettera  dans  leurs  bras. 


DE   MARSEILLE   A    NOUMEA  197 

Une  fois  en  voilure,  vous  avez  les  gamins  qui  eou- 
rent  dans  le  sillage,  en  piaillant  :  «  Baksish  pour  man- 
ger! »  La  mendicité  varie  peu  ses  formules.  Un  petit 
drôle  cependant  me  prend  par  mon  côté  sensible  : 
(c  Moi  parler  français,  M*sieu,  donner  baksish  !  »  Â  celui- 
là,  je  donne  deux  sous  pour  l'encourager  à  continuer  ses 
études. 

Steamei'-point  n'est  qu'une  vaste  place  semi-circulaire 
qui  s'ouvre  devant  le  débarcadère,  bordée  d'hôtels  et  de 
magasins  assez  misérables.  Aucune  apparence  anglaise, 
du  reste,  en  dehors  du  monde  offîciel  et  des  fournisseurs 
de  charbon.  Le  commerce  est  entre  les  mains  des  Parsis  ; 
les  hôtels  et  quelques  magasins  sont  français,  juifs,  ita- 
liens ou  grecs 

Pendant  le  jour  tout  est  mort,  mais  le  soir,  la  place 
offre  un  spectacle  inoubliable  :  toute  la  population  indi- 
gène, fuyant  la  chaleur  concentrée  des  maisons,  apporte 
son  couchage  et  s'installe  au  grand  air  pour  y  passer  la 
nuit.  Bientôt,  d'un  bout  à  l'autre,  les  ronflements  vont 
leur  train  et,  de  toutes  parts  sous  le  ciel  étoile  : 

€  Ce  ne  sont  que  parfums  el  concerls  infinis.  » 

Les  buts  de  promenade  n  abondent  pas  à  Steamer- 
point,  11  n'y  en  a  qu'un  :  aller  à  Aden  par  Main  gâte  et 
revenir  par  les  tunnels.  En  attendant  que  le  chemin  de 
fer  de  Dhalaa  soit  construit,  on  fait  cette  promenade  en 
voiture.  Après  avoir  longé  la  mer  pendant  quelque  temps 
jusqu'au  delà  du  village  de  Mahala,  la  route  franchit  par 
une  profonde  et  étroite  tranchée  un  col  peu  élevé,  fortifié 
comme  toutes  les  crôtcs  voisines  ;  c'est  Main  gâte.  De 
l'autre  côté  elle  descend  dans  un  vaste  cirque  au  fond 
duquel  rôtit  la  ville  indigène,  toute  blanche  avec  ses  mai- 
sons basses  qui  resplendissent  sous  le  soleil.  Il  est  im- 
possible de   se  figurer  pays  plus  désolé  :  tout  autour 


198  DE   MARSEILLE   A   NOUMEA 

S  élèvent  des  montagnes  rouges  crevassées,  contournées, 
bouillonnées  comme  une  coulée  de  scories  encore  brû- 
lantes. Sur  ces  murailles  ardentes  et  inaccessibles,  pas  un 
grain  de  terre,  pas  une  trace  de  végétation.    Derrière  la 
ville,  dans  un  ravin  à  l'entrée  de  ces  montagnes  rouges 
qui  rétreignent  dans  un  cercle  de  feu,   se  trouvent  les 
fameuses  citernes,  dites  de  Moïse,  construites  en  réalité 
par  les  Perses  au  vi""*  siècle  avant  Jésus-Christ.   Treize 
de  ces  citernes,  d'une  capacité  totale  de  33  millions  de 
litres,  ont  été  réparées  par  les  Anglais  en  1836.  On  peut 
les  visiter  comme  une  curiosité,  mais  il  ne  faut  pas  s'at- 
tendre à  y  trouver  de  Teau  :  l'eau  est  à  Aden  une  chose 
trop  précieuse  pour   qu'on  la  jette  dans  ces  fournaises 
ardentes.  Leur   contenance  est  soigneusement  indiquée 
par  une   inscription,  mais  elles   ne  contiennent  jamais 
rien,    pas   même  de  feuilles   mortes  tombées   du  jardin 
public  qui  les  précède,   car  dans  ce  «  jardin  i>,   il  ne 
pousse  que  des  «  Défence  de  cueiller  les  plantations.  » 
Cherchez,  et  si  à  l'ombre  d'un  de  ces  écriteaux  vous  trou- 
vez une  herbe,  n'y  touchez  pas  :  un  gardien  en  uniforme, 
sa  matraque  à  la  main,  la  protège  et  chaque  matin  lui 
apporte  dans  un  pot  la  goutte  de  rosée  qui  la  fait  vivre. 
Saluez-la,  mais  n'y  touchez  pas,  elle  a  coûté  des  millions. 

Le  Temple  du  feu,  les  Tours  du  silence,  la  Mosquée 
de  Cheikh-Hydros,  rien  de  tout  cela  ne  vaut  la  peine 
d'être  vu.  La  ville  renferme  ses  18.000  habitants  dans  des 
maisons  basses,  misérables  et  malpropres.  On  considère 
quelquefois  le  vaste  cirque  dans  le  fond  duquel  elle  est 
bâtie  comme  un  ancien  cratère  et  cette  opinion  a  même 
reçu  une  sorte  de  consécration  officielle  puisque  les  mon- 
tagnes voisines  en  portent  le  nom.  Je  doute  cependant 
que  c'en  soit  un,  bien  que  l'origine  plutonienne  de  toute 
la  presqu'île  ne  soit  pas  douteuse. 

On  revient  à  Steamer-point  par  les  tunnels.  Le  pre- 


DE    MARSEILLE    A   NOUMEA  199 

niier,  le  plus  long,  est  éclairé  par  des  réverbères,  mais  il 
est  si  étroit  qu'a  chaque  instant  les  voilures  sont  obligées 
de  se  ranger  contre  les  parois  pour  laisser  passer  des 
chameaux  qui  paraissent  tout  honteux  de  traîner  des 
charrettes.  Quel  bon  moment  on  passe  sous  ces  tunnels 
et  comme  on  apprécie  leur  (raicheur  après  un  séjour 
dans  Tétuve  d'Aden  !  A  la  sortie,  des  embrasures  atten- 
dent les  canons  qui  doivent,  en  cas  d'attaque,  balayer  le 
couloir.  Après  le  deuxième  tunnel  on  descend  vers  une 
muraille  dégradée  qui  ferme  l'isthme  et  derrière  laquelle 
s'abritent  des  citernes  et  des  casernes  encadrant  une 
grande  place  entourée  d'arbres  verts.  Ces  arbres  sont  la 
seule  végétation  du  pays.  On  rejoint  là  les  bords  de  la 
rade  ;  d'un  côté,  un  escalier  sans  lin  monte  au  fort  de 
Munsoori  qui  couronne  le  sommet  de  la  montagne  ;  de 
l'autre,  sur  la  plage,  une  afïiche  annonce  qu'il  est  interdit 
de  se  baigner.  Quand  la  pudeur  sera  bannie  du  reste  de 
la  terre,  on  pourra  venir  la  chercher  à  Aden. 

Bien  qu'un  des  principaux  points  de  relâche  de  la 
route  d'Kxtréme-Orient,  Steamer-point  est  encore  assez 
mal  outillé,  les  premiers  efforts  des  Anglais  s'étant  tout 
d'abord  portés  sur  les  fortifications.  Une  société  cepen- 
dant s'est  formée  il  y  a  quelques  quinze  ans  pour  la 
création,  dans  le  fond  de  la  baie,  d'un  vaste  bassin  où 
les  grands  paquebots  trouveront,  en  même  temps  qu'an 
abri  sûr,  toutes  les  facilités  qui  leur  manquent  actuelle- 
ment pour  leur  ravitaillement.  Mais  ce  bassin  est  loin 
d'être  ouvert  à  la  navigation,  puisqu'il  n'est  pas  encore 
sorti  du  carton  des  ingénieurs.  On  comprend  du  reste 
l'hésitation  des  Anglais  à  se  lancer  dans  cette  voie  :  ils 
savent  mieux  que  nous  que  la  position  commerciale 
tl'Aden  est  de  beaucoup  inférieure  à  celle  de  notre  Gheikh- 
Saïd  et  ils  se  rendent  bien  compte  que  le  jour  où  Cheikh- 
Saîd  sortira  de  Toubli  où  on  Fa  volontairement  laissé, 


200  DE   MARSEILLE  .A  NOUMEA 

Aden  aura  vécu  comme  station  commerciale  et  ne  sera 
plus  pour  eux  qu'un  point  d'appui  militaire.  Le  port 
d'Aden  est  trop  en  dehors  de  la  route  directe  des  paque- 
bots pour  que  son  avenir  commercial  ne  puisse  être 
menacé  à  un  moment  donné.  Il  s'est  développé,  si  on 
peut  dire,  contre  nature,  parce  que  les  Anglais  ne  possé- 
daient pas  mieux  dans  ces  parages,  et  il  doit  s'attendre  à 
être  obligé  de  céder  la  place  à  tout  autre  port  de  relâche 
mieux  situé,  comme  Cheikh-Sald.  Mais  au  point  de  vue 
militaire,  il  conservera  toute  son  importance  :  la  rade, 
assez  médiocre  il  est  vrai,  peut  être  améliorée  ;  elle  est 
défendue  du  côté  de  la  mer  par  les  batteries  de  Morbat 
et  de  Tarshyne  et  du  côté  de  terre  par  celle  de  Munsoori. 
qui  en  font  une  place  forte,  non  seulement  imprenable 
pour  les  indigènes,  mais  redoutable  pour  des  flottes  ou 
des  troupes  européennes.  Une  garnison  de  i.lOO  hommes 
y  gaiHle  une  réserve  de  50.000  tonnes  de  charbon  pour  la 
flotte  de  guerre. 

Les  Anglais  viennent  d'entreprendre  la  construction 
d'une  voie  ferrée  qui  reliera  Steamer-point  à  Dhalaa,  à 
l'extrémité  nord  de  leur  territoire.  Cette  ligne  n'est, 
dans  leur  pensée,  que  l'amorce  d'une  grande  voie  de 
pénétration  vers  le  Yemen  et  le  centre  de  l'Arabie.  Elle 
est  destinée  non  seulement  à  drainer  au  profit  d'Aden 
tout  le  commerce  de  la  région  si  riche  de  Sanaa,  ce  que 
nous  pourrions  faire  bien  plus  facilement  à  Cheikh-Sa!d, 
mais  encore  à  faire  pénétrer  leur  influence  dans  ces  pays 
qu'ils  convoitent  et  dont  ils  espèrent  bien  s'emparer  un 
joui\ 

D.    LlÈVUE 

Sous-Intendant  Militaire  des  Troupes  Coloniales, 
en  retraite 
(A  suiçre) 


FORÊT  8  SnVSHES  COHBOLillSES 


(i) 


Mesdames,  Messieurs, 

Je  n'ai  d'autre  prétention,  ce  soir,  que  de  vous  mon- 
trer une  série  de  projections.  Je  sais  par  avance  que  les 
photographies  vous  intéresseront  bien  davantage  et  vous 
donneront  un  aperçu  beaucoup  plus  exact  des  X)ays  tra- 
versés que  toutes  les  descriptions  que  je  pourrais  en  faire. 

Au  surplus,  les  nombreux  palabres  que  j*ai  tenus 
dans  la  forêt  équatoriale  ou  dans  la  savane  congolaise  ne 
m'ont  nullement  préparé  à  me  présenter  devant  l'assem- 
blée d'élite  qui  me  fait  l'honneur  de  m'écouter  aujourd'hui. 

A  un  auditoire  aussi  éclairé,  aussi  instruit  des  choses 
coloniales  et  sachant  les  voir  sous  leur  véritable  jour, 
j'aurais  voulu  pouvoir  exposer  à  grands  traits,  mais  avec 
précision  et  en  donnant  a  chacune  sa  valeur,  les  raisons 
de  notre  expansion  dans  l'hinterland  congolais,  montrer 
l'avenir  des  régions  que  nous  venons  de  traverser,  le 
mode  d'exploitation  qui  leur  convient,  parler  des  cultures 
et  des  productions  auxquelles  elles  se  prêtent,  et  traiter 
enfin  de  l'emploi  de  cet  autre  organe  très  important,  et  à 
tous  les  points  de  vue  intéressant  de  la  richesse  d'une 
colonie,  je  veux  dire  de  sa  population. 

Mes  collaborateurs,  à  l'énergie,  à  l'activité  et  au 
savoir  desquels  je  me  plais  à  rendre  un  hommage  juste 
et  bien  mérité,  se  sont  en  effet  appliqués  à  des  travaux  de 
tout  ordre,  de  façon  à  inventorier  pour  ainsi  dire  les 


(4)  Conlérence  faite  devant  la  Société  de  Géographie  Commer- 
ciale 4a  Hanrjw,  le  18  Décembre  1908, 


202  FORÊT   KT   SAVANES   CONGOLAISES 

régions  visitées  ;  et,  a  côté  de  la  portée  technique  des 
opérations  géodésiques,  à  côté  des  recherches  scienti- 
fiques concernant  la  géologie,  la  minéralogie,  le  climat, 
les  productions,  la  faune  et  la  flore  des  territoires  par- 
courus, ils  se  sont  adonnes  plus  spécialement  à  1  étude 
des  questions  économiques  et  techniques  qui  s'y  ratta- 
chent. Et  si  je  tiens  à  mentionner  plus  spécialement  ces 
deux  objets  de  leurs  travaux,  c'est  qu'en  matière  colo- 
niale, ils  nous  ont  paru  de  toute  première  importance. 
Nous  savons  tous  le  rôle  important  de  nos  colonies  ])our 
notre  industrie  et  notre  commerce  français.  Et  ce  dont 
nous  avons  aussi  la  sincère  conviction,  c'est  que  nous  ne 
serions  plus  Français,  nous  renoncerions  à  notre  passé 
magniOque  de  gloire  et  de  générosité,  nous  abandonne- 
rions notre  belle  œuvre  civilisatrice  que  nous  avons  pro- 
menée avec  le  drapeau  de  Lafayette  à  travers  le  monde, 
si  nous  ne  nous  intéressions  pas  aux  peuples  qui  sont 
encore  dans  la  barbarie  ou  dans  l'enfance,  si  nous  dédai- 
gnions d'étudier  leur  histoire,  leurs  origines,  leurs 
mœurs,  leurs  coutumes,  leurs  mentalités  et  par  suite  les 
moyens,  en  les  connaissant  mieux,  de  les  élever  plus 
rapidement  et  plus  sûrement  vers  nous,  et  d'ouvrir  enfin 
leurs  yeux  endormis  aux  lumières  de  la  civilisation. 

J'aurais  donc  été  heureux  et  fier,  je  l'avoue,  de  vous 
exposer  les  résultats  des  travaux  de  mes  zélés  compa- 
gnons de  voyage.  Mais,  outre  que  ce  serait  là  une  tâche 
trop  grande  pour  un  exposé  de  quelques  quarts  d'heui'c, 
je  dois  confesser  que  nous  n'avons  pas  encore  eu  le  temps 
de  tirer  des  conclusions  absolument  fermes  de  ces  études 
et  des  documents  rapportés. 

Néanmoins,  en  vous  donnant  quelques  explications 
§ur  les  photographies  que  vous  allez  voir,  je  vais  essayer 
de  vous  montrer  Taspect  général  des  régions  que  nous 
avons  vues  ou  reconnues,  et  de  vous  tracer  pour  ainsi 


fORÊT   ET   SAVANES   CONGOLAISES  203 

dire  le  cadre  dans  lequel  j'aurai  peut-être  un  jour  Tocca- 
sion  de  monti*er  les  résultats  complets  de  notre  voyage. 

Auparavant,  permettez-moi  de  vous  dire  en  quelques 
mots  l'objet  de  ce  voyage,  c'est-à-dire  les  origines  de 
cette  question  de  délimitation  de  frontière  entre  le  Congo 
français  et  le  Kameroun  allemand,  qui  était  le  véritable 
but  de  ma  mission. 

En  1885,  une  i)remière  convention  avait  fait  adopter, 
comme  limite  des  sphères  d'influence  de  la  France  et  de 
TAUemagne,  le  parallèle  dit  de  Campo,  qui  suit  à  peu 
près  le  ir  de  latitude  nord,  et  cela  jusqu'au  15"  E.  de 
Greenwich.  Mais  cette  convention  ne  disait  rien  de  la 
limite  orientale  du  Kameroun  au  nord  de  ce  parallèle. 

De  1890  à  1893,  diflerentes  missions  françaises  et 
allemandes  partirent  à  la  reconnaissance  des  territoires 
de  rhinterland.  Parmi  les  missions  allemandes,  nous  cite- 
rons celles  du  capitaine  Morgen,  du  D**  Zintgraff,  du 
baron  de  Gravenreuth,  de  M.  Ramsay,  du  lieutenant  von 
Stettcn.  Toutes  eurent  peu  de  succès,  et  aucune  d'elles 
n'atteignit  le  véritable  but  qu'elles  se  proposaient. 

Durant  la  même  période,  les  missions  françaises 
étaient  plus  heureuses,  et.  sans  pouvoir  toutefois  recon- 
naître tous  les  immenses  territoires  qui  devaient  faire 
partie  du  domaine  de  la  France,  n'en  parcouraient  pas 
moins  des  itinéraires  très  développés,  qui  réunissaient  le 
bassin  du  Bénoué  à  celui  du  Congo.  Leurs  chefs,  déjà 
bien  connus  de  vous,  les  Chollet,  Foureau,  Brazza,  M izon, 
Maistre,  Pouel.  étaient  d'ailleurs  de  sûrs  garants  de  leurs 
succès. 

Quoi  qu'il  en  soit,  les  progrès  vers  l'hinterland,  tant 
des  Français  que  des  Allemands,  amenaient  la  nécessité 
d'un  nouveau  protocole,  (|ui  posât  du  sud  au  nord  une 
limite  entre  les  sphères  d'influence  des  deux  puissances. 

Ce  fut  l'œuvre  de  la  convention  de  1894,  où  les  repré- 


204  FORÊT   KT    SAVANES   CONGOLAISES 

sentants  de  la  France  furent  M.  Haussmann  et  le  lieate- 
nant-colonel  Monteil. 

En  Tabsence  de  données  géographiques  précises  sur 
des  régions  pour  la  plupart  inconnues,  ce  protocole 
adopta  comme  frontières  des  lignes  géométriques  idéales, 
tracées  le  plus  souvent  suivant  des  parallèles  ou  des  mé- 
ridiens géographiques.  C'étaient  des  lignes  droites  et  des 
arcs  de  cercle  qui  ne  tenaient  aucun  compte  des  divisions 
historiques,  politiques,  ethniques,  voire  même  géogra- 
phiques des  territoires  qu'ils  traversaient. 

Aussi,  ce  protocole  de  1894  prévoyait  que  le  partage 
ainsi  opéré  était  sujet  à  des  révisions  successives,  à  me- 
sure que  les  données  géographiques  que  Ton  posséderait 
seraient  plus  nombreuses  et  plus  précises,  et  permet- 
traient de  substituer,  aux  limites  arbitraires  primitive- 
ment fixées,  des  frontières  correspondant  à  la  configu- 
ration naturelle  du  pays  et  satisfaisant  mieux  les  intérêts, 
non  seulement  des  deux  puissances  contractantes,  mais 
aussi  —  et  ce  n'est  que  justice  —  ceux  des  populations 
indigènes  dont  on  dispose  sans  les  consulter. 

Ce  sont  donc  ces  données  géographiques,  ces  préci- 
sions que  nous  sommes  allés  chercher  au  Congo.  Mais, 
grâce  à  la  solide  composition  de  la  mission,  j'ai  pu 
étendre  la  zone  de  nos  recherches  et  de  nos  travaux  bien  . 
au  delà  de  la  bande  de  territoii*e  à  travers  laquelle  doit 
se  mouvoir  la  ligne  frontière.  A  côté  de  l'œuvre  de  déli- 
mitation, nous  avons  fait  de  l'exploration.  C'est  de  celle- 
ci  seulement  que  je  veux  vous  entretenir. 

Depuis  la  Sangha  jusqu'au  Tchad,  la  frontière,  ayant 
une  direction  générale  sud-nord,  traverse  des  régions 
dont  l'aspect,  la  population,  le  climat  changent  progres- 
sivement à  mesure  qu'on  s'éloigne  de  l'Equateur.  Elle 
part  des  pays  couverts  par  l'épaisse  végétation  de  la 
forêt  équatoriale  et  lavés  par  des  pluies  presque  conti- 


FORÂT  ET   SAVANES   CONGOLAISES  208 

nuclles,  pour  aboutir  sur  les  confins  du  désert,  dans  des 
zones  sablonneuses  hérissées  d'une  végétation  épineuse  et 
rabougrie,  où  le  régime  des  pluies  est  peu  abondant,  et 
que  traversent  seuls  des  fleuves  alimentés  par  des  sour- 
ces méridionales  et  lointaines.  Elle  visite  dès  l'abord  des 
peuplades' primitives,  anthropophages  et  indépendantes, 
pour  s'arrêter  au  milieu  de  populations  musulmanes, 
déjà  quelque  peu  civilisées  et  policées.  Elle  franchit,  à  de 
hautes  altitudes,  des  terrains  montagneux  d'où  les  eaux 
s'échappent  en  cascades  ou  en  torrents  creusés  dans  des 
lits  de  roc,  et  retombe  ensuite  dans  une  vaste  région  sans 
relief,  peu  élevée  au-dessus  de  la  mer,  où  les  eaux  s'éta- 
lent dans  de  vastes  marais,  où  les  fleuves  ont  des  cours 
indécis  et  sont  appauvris  par  de  nombreuses  déri- 
vations. 

Nous  allons  parcourir  successivement,  mais  très 
rapidement,  ces  diflérentes  régions.  Nous  prendrons  le 
moyen  de  locomotion  de  l'avenir,  d'un  lointain  avenir. 
En  une  heure,  j'espère  vous  faire  parcourir  2.000  et  quel- 
ques kilomètres,  et,  pour  avoir  moins  chaud,  nous  voya- 
gerons de  nuit. 

A  Brazzaville,  chef-lieu  du  Congo  français,  nous  em- 
barquerons sur  un  petit  vapeur  de  la  Compagnie  des 
Messageries  fluviales,  vapeur  de  30  tonneaux,  qui,  en 
12  ou  14  jours,  nous  amènera  à  Nola,  chef-lieu  de  la 
région  administrative  de  la  haute  Sangha.  Ceci  est  encore 
possible  en  novembre,  mais  ne  Test  plus  un  mois  plus 
tard,  au  moment  de  la  baisse  des  eaux  dans  la  Sangha. 

Nous  sommes  ici  au  point  de  départ  de  nos  travaux, 
en  pleine  forêt  équatoriale,  à  travers  laquelle  la  Sangha 
serpente  majestueusement  entre  des  rives  inondées  et 
monotones. 

Les  habitants  des  quelques  villages  qui  s'accrochent 
aux  lambeaux  de  terre  émergés  sont  les  Ngoundi  et  les 


206  FORÊT  KT   SAVANES   CONGOE»AlS1SS 

Pûiidés.  Ces  gens  sont  soumis  et  reconnaissent  Tautorité 
de  radministration  française. 

Mais  à  Fouest,  entre  la  Sangha  et  la  frontière  alle- 
mande, s  étend  nne  région  qui,  lors  de  notice  annvée, 
était  encore  inexplorée,  peuplée  de  tribus  guerrières  non 
soumises  et  hostiles,  et  qui  avaient  toujours  annoncé 
qu'elles  s'opposeraient  à  larrivée  des  Européens  chez 
elles. 

A  force  de  pourparlers  difficiles  à  entamer,  grâce 
également  à  Taudace  et  à  la  fermeté  des  officiers  qui  me 
secondaient,  j'obtins,  au  bout  d'un  mois,  la  soumission 
des  deux  principales  tribus  :  les  autres  suivirent  le  mou- 
vement. Tous  ces  gens  étaient  surtout  défiants.  Lorsque 
le  lieutenant  Georges,  mon  envoyé  auprès  de  Likapota, 
l'un  des  deux  principaux  chefs  de  Mbiémou,  se  présenta 
sur  le  territoire  de  sa  tribu,  il  n'avait  avec  lui  que  cinq 
tirailleurs  indigènes  d'escorte.  Il  trouva,  pendant  toute 
une  étape,  tous  les  villages  complètement  év^icués,  et 
lorsqu'il  arriva  à  la  résidence  du  chef,  tous  les  guerriers 
de  la  tribu,  au  nombre  de  500  environ,  y  étaient  rassem- 
blés, en  armes,  la  plupart  munis  de  fusils  à  pierre  ou  à 
piston,  dont  le  chien  était  relevé  et  prêt  à  partir.  Toute 
cette  horde  était  silencieuse,  rangée  sur  deux  lignes  de 
chaque  côté  de  Tunique  et  droite  rue  du  village.  A  la 
première  tentative  du  lieutenant  pour  entrer  en  conver- 
sation, personne  ne  répondit.  Prenant  son  parti  d'aller 
lui-même  jusqu'au  chef,  qu'il  supposait  placé  à  l'auti'e 
extrémité  de  la  rue,  il  laissa  ses  cinq  tirailleurs  en  arrière, 
et  seul,  sans  armes  à  laC  main,  il  marcha  entre  cette  haie 
de  sauvages  qui,  étonnés,  le  regardaient  sans  bouger. 

Le  lendemain,  le  lieutenant  me  ramenait  tous  les 
chefs  et  notables  de  la  tribu  et  des  tribus  voisines,  qui 
venaient  se  soumettre  dans  un  palabre  solennel. 

Tout  ce  pays  du  Mbiémou  est  couvert  de   l'épais 


FORÊT  ET   SAVANES  CONGOLAISES  207 

manteau  presque  impénétrable  de  la  grande  forêt,  où  les 
sentiers  mal  Iracés  disparaissent  sous  renchevôtrement 
des  lianes,  grimpent  au  flanc  des  collines  abruptes  pour, 
à  chaque  instant,  redescendre  glissants  dans  des  rivières 
torrentueuses  ou  dans  des  ravins  vaseux.  Pas  de  grosses 
aggiomération»d'habitants,  mais  des  hameaux  disséminés, 
cachés  au  fond  des  vallées,  dans  de  minuscules  clairières, 
et  presque  inaccessibles  à  qui  ne  connaît  pas  tous  les 
détours  de  la  mystérieuse  forêt.  Une  race  âpre  et  rude  y 
vit  sous  de  primitifs  abris.  Ce  sont  des  hommes  bien 
découplés,  aptes  à  la  guerre  d'embuscade,  habiles  à  se 
glisser  parmi  les  fourrés  les  plus  denses,  à  escalader  les 
abatis  naturels  formés  en  travers  des  chemins  par  la 
chute  des  vieux  arbres  géants  et  le  lacis  de  lianes  qu  ils 
supportaient.  Et  à  côté  de  cette  race  forte,  une  autre 
race,  presque  de  pygmées,  plus  agile  encore,  celle  des 
Bahingas,  nains  exercés  à  la  chasse,  tueurs  d'éléphants, 
se  glissant  sous  le  pas  de  Ténorme  béte  pour  lui  crever 
l'abdomen  d'un  coup  de  sagaie,  et  le  suivant  des  jours 
entiers  jusqu'à  ce  qu'il  meure  ;  grimpant  aux  sommets 
des  arbres,  où  ils  font  quelquefois  leurs  nids  —  je  veux 
dire  leurs  demeures  —  ayant  l'adresse  et  l'instinct  des 
singes,  s'abritant  dans  les  fourrés,  vivant  sous  des  abris 
de  fortune,  nomades,  ils  sont  les  gnomes  de  la  forêt, 
toujours  là  et  toujours  invisibles.  Ils  chassent  pour  le 
compte  des  autres  habitants  de  la  forêt,  dont  ils  sont  en 
quelque  sorte  les  clients,  mais  ils  ne  manquent  jamais  de 
viande,  et  ne  tuent  pas  les  gorilles,  dont  ils  se  prétendent 
les  proches  parents. 

Dans  cette  forêt,  fouillis  inextricable  de  grands 
arbres,  d'arbustes,  de  plantes  et  de  lianes  de  toutes 
sortes,  rarement  traversé  j)ar  les  rayons  du  soleil,  et 
soùs  lequel  régnent  une  demi-obscurité  et  une  humidité  à 
peu  près  perpétuelles,  vivent  surtout  des  éléphants  en 


208  FORÂT  KT   SVVANES   GONGOLAUnSS 

assez  grand  nombre,  des  gorilles  aux  mâchoires  et  i 
mains  paissantes,  et  des  sangliers  et  antilopes  de  iietite 
race.  Les  essences  eaoutchontifères  sont  abondantes.  On 
7  rencontre  en  particulier  le  «  Fortunea  elastica  >»,  ou  Ireh. 
Nul  doute  que  cette  région,  nouvellement  ouverte  à 
notre  commerce  ne  soit  pour  lui  la  source  d  une  profi- 
table exploitation.  J*ai  récemment  appris  d*aillcurs  qu'une 
factorerie  de  la  Société  de  TE.  K.  S.  y  avait  été  installée 
peu  après  noti^  passage. 


Au  sortir  de  la  forêt,  nous  atteignons  le  pays  Baya, 
la  région  de  la  bix>usse  et  de  la  savane.  La  brousse,  c'est 
le  steppe  herbeux,  avec  par  ci  par  là  un  arbre  rabougri 
et  tordu,  au  tronc  et  aux  branches  noircis  par  Tincendie 
annuel.  Les  herbes  y  atteignent  deux,  trois  et  quatre 
mètres  de  hauteur,  et  couvrent  à  perte  de  vue  les  vallon- 
nements du  terrain.  Dans  la  savane,  les  hautes  herbes 
recouvrent  aussi  le  sol  de  leur  uniforme  manteau,  mais 
les  arbres  deviennent  plus  grands  et  plus  nombreux. 
Presque  régulièrement  espacés,  ils  dounent  au  pays 
l'aspect  d'un  immense  verger.  Le  pays  est  très  irrigué. 
Non  seulement  de  nombreux  ruisseaux,  mais  de  laides  et 
belles  rivières  lo  sillonnent.  Au  creux  des  vallées,  d'étroi- 
tes bandes  de  forêts  ombragent  les  rives  des  cours  d'eau, 
et,  pour  l'observateur  placé  sur  un  sommet,  marquent 
d'un  trait  sombre  sur  le  fond  plus  clair  des  herbes  les 
larges  courbes  que  décrivent  les  thalwegs. 

A  mesure  qu'on  monte  vers  le  nord,  le  terrain 
s'élève  pour  atteindre  parfois  des  altitudes  de  ^.000  à 
1  500  mètres.  Les  vallées  deviennent  plus  profondes  et 
plus  encaissées ,  les  collines  font  place  à  des  montagnes 
rocheuses,  et  Ton  se  trouve  dans  une  véritable  petite 
Suisse  africaine,  sans  névés  ni  glaciers,  mais  avec  des 


FORÊT   ET   SAVANES   CONGOLAISES  S8(J9 

sites  admirables  :  pays  de  torrents  et  de  cascades  écu- 
mant  entre  des  murailles  de  granit,  d'amoncellements 
rocheux  surplombant  des  pentes  abruptes  et  tapissées 
d'herbes  courtes  qui  feraient  d  excellents  pâturages.  Les 
indigènes,  sommairement  vt^lus  de  peaux,  armés  d'arcs 
et  de  sagaies,  nous  regardent  passer  du  haut  des  crêtes 
où  une  crainte  injustifiée  les  a  fait  se  réfugier,  et  se  lan- 
cent des  appels  incessants  à  Taide  de  sons  rauques  tirés  à 
plein  souflle  d'une  corne  d'antilope. 

Et  nous  arrivons  ainsi  au  nœud  orographique  qui  se 
trouve  à  la  tête  des  bassins  côtiers  du  Kameroun,  du 
bassin  de  la  Sangha,  de  TOuaben  et  du  Logone,  massif 
dont  les  monts  Dé  sont  le  promontoire  oriental.  Région 
des  plus  intéressantes  :  partout  des  montagnes  rocheu- 
ses, tourmentées,  offrant  à  l'œil  surpris  des  amoncel- 
lements de  blocs  de  granit  juchés  bizarrement  les  uns 
sur  les  autres,  à  position  d'équilibre  comme  s'ils  étaient 
prêts,  au  moindre  choc,  à  rouler  et  dégringoler  en 
effroyables  avalanches  ;  les  uns  en  forme  de  boules  sur 
d'immenses  dalles  horizontales  ;  d'autres  d'allures  diver- 
ses, au  dos  arrondi  et  ressemblant  à  des  monstres  accrou- 
pis sur  ces  tas  de  pierres  géantes;  d'autres  encore  sus- 
pendus au  flanc  des  pentes  et  ne  paraissant  rester  en 
place  que  par  prodige.  VA,  dans  ce  chaos  rocheux,  des 
trous,  des  fissures  donnent  accès,  par  de  longs  dédales 
où  l'on  glisse,  où  on  se  laisse  tomber  pour  avancer,  où 
l'on  rampe  et  où  l'on  grimpe,  à  des  refuges  obscurs  et 
humides,  connus  des  seuls  habitants,  où  ceux-ci  cachent 
des  approvisionnements  et  se  réfugient  à  la  moindre 
alerte.  C'est  qu'ils  ont  été  souvent  menacés  par  les  chas- 
seurs d'esclaves  venus  de  l'Adamaoua.  Leurs  huttes  sont 
construites  aux  flancs  des  massifs  ou  des  pitons  isolés  ; 
leurs  plantations  sont  dans  la  plaine  au  bas  des  pentes. 
Au  premier  signal,  tout  le   monde,   hommes,   femmes, 


210  FORÊT   ET   SAVANES  CONGOLAISES 

moutons  et  cabris,  gagne,  pêle-mêle  les  retraites  souter- 
raines ;  et,  posté  derrière  des  blocs  de  pierre,  à  chacune 
des  nombreuses  fissures  de  la  masse  rocheuse,  un  homme 
armé  de  flèches  et  de  sagaies  guettera,  pour  le  frapper 
au  passage,  le  pillard  qui  osera  s'aventurer  jusque  sur 
les  pentes  où  les  fugitifs  ont  trouvé  leur  salut. 

J'ai  comparé  avec  raison  ces  amoncellements  de  rocs 
à  des  tas  de  pierres  géants.  Entre  leurs  interstices  pous- 
sent des  arbres  contournés,  là  où  les  eaux  n'ont  pas  en- 
core entraîné  toute  la  terre.  Quelquefois,  sous  l'action 
des  agents  atmosphériques  ou  dés  acides  humiques,  de 
nouvelles  fissures  se  produisent  et  déterminent  de  nou- 
veaux éboulements  qui  entraînent  souvent  la  mort  de 
nombreux  individus. 

Le  [Jiays,  relativement  peuplé  jusqu'à  hauteur  de  la 
vallée  de  l'Ouaben,  le  devient  moins  entre  l'Ouaben  et 
la  vallée  du  Logone.  Les  habitants  appartiennent  encore 
à  la  race  Baya,  mais  s'en  écartent  déjà  par  quelques  par- 
ticularités du  langage,  des  mœurs,  des  traits,  des  tatoua- 
ges. Ils  sont  plus  sauvages  et  moins  doux  que  les  Bayas 
du  sud. 


L*orateur  continue  sa  conférence  en  illustrant  de 
nombreuses,  nouvelles  et  remarquables  projections  un 
discours  dont  l'intérêt  ne  se  ralentit  pas  un  instant,  et 
dont  nous  donnons  ici  un  résumé  : 

Tout  d'abord,  comme  je  tiens  à  ce  que  ceux  qui  ont 
été  à  la  peine  soient  à  l'honneur,  je  vous  présente  deux 
des  soldats  indigènes  de  notre  escorte.  Ils  appartiennent 
à  cette  magnifique  race  de  soldats  que  nous  a  donnés  le 
Soudan,  et  qui^  ont  été  les  merveilleux  auxiliaires  de 
notre  œuvre  de  domination  et  de  colonisation  en  Afrique 
occidentale  et  en  Afrique  centrale,  au  Congo,  à  Mada- 


FORÂT  ET   SAVANES   CONGOLAISES  211 

gascar.  Notre  escorte  se  composait  de  27  braves  de  ce 
genre.  Morcelés  en  plusieurs  détachements,  ils  nous  ont 
servis  avec  le  zèle,  le  dévouement  et  rattachement  le 
plus  complet  ;  et,  lorsque  nous  nous  sommes  séparés 
d'eux,  à  Léré,  nous  fûmes  profondément  émus  de  les  voir 
venir,  les  larmes  aux  yeux,  nous  presser  les  mains. 

Le  village  ngoundi  de  Nola  fut  le  point  de  départ  de 
nos  travaux.  Les  huttes  basses  et  rectangulaires,  alignées 
sur  la  rive  de  la  Sangha,  sont  construites  en  écorce  de 
ficus  et  couvertes  d'une  toiture  faite  de  feuilles.  C'est 
l'habitation  des  peuples  de  la  forêt,  qui  les  protège  contre 
le  vent  et  les  ouragans. 

Les  femmes  ngoundis  ont  les  dents,  à  la  mode  du 
pays,  taillées  en  pointe.  Les  bracelets  qu'elles  portent 
aux  bras  et  aux  chevilles  sont  faits  de  fil  de  laiton  en- 
roulé. Les  colliers  sont  composés  de  perles,  de  verro- 
terie et  de  dents  de  chien.  Le  laiton  et  les  perles  sont 
importés  par  les  factoreries. 

Les  Ngoundis  habitent  les  bords  de  la  rivière.  Ils 
sont  forts,  guerriers  et  anthropophages.  A  côté  d'eux 
vivent  les  Pandés,  petits,  simples  et  doux,  non  anthropo- 
phages, population  tranquille  de  pêcheurs. 

Avant  notice  arrivée  dans  le  pays,  les  Pandés  étaient 
la  proie  des  tribus  anthropophages  de  l'intérieur,  qui  les 
appelaient  :  <*  La  petite  viande  de  la  rivière.  » 

Les  femmes  ngoundis  sont  vêtues  d'un  petit  tablier 
de  cuir  par  derrière.  Elles  en  ont  autant  sur  le  devant. 
Les  plus  élégantes  sont  coiffées  d'une  peau  de  singe.  Elles 
dansent  en  rond,  face  au  centre  du  cercle,  en  agitant 
vigoureusement  les  épaules  et  les  bras.  Au  milieu  d'elles, 
deux  musiciens  jouent  du  balafou,  dont  les  caisses  de 
résonance  sont  faites  de  calebasses  allongées. 

En  amont  de  Nola,  à  Bania,  la  rivière  est  barrée  par 
des  rapides.  Nos  bagages  étaient  transportés  en  pirogues. 


212  FORÊT  ET   SAVANES   CONGOLAISES 

Quand  il  s'agit  de  leur  faire  franchir  par  voie  de  terre 
les  7  kilomètres  qui  nous  séparaient  du  bief  supérieur, 
des  femmes,  désireuses  de  gagner  quelques  perles,  vin- 
rent se  [)résenter  en  grand  nombre  pour  transporter  nos 
bagages,  et  i)rotestaient  contre  un  arrêté  récent  du  Com- 
missaire général  qui  interdisait  le  portage  par  les  fem- 
mes. Elles  alléguaient  qu'elles  étaient  habituées  à  des 
travaux  plus  pénibles,  et  voulaient  à  toute  force  gagner 
de  quoi  satisfaire  leur  coquetterie.  Nous  en  avons  profilé 
pour  les  photographier  de  face  et  de  dos. 

La,  nous  quittons  la  rivière  et  pénétrons  dans  la 
forêt  du  Mbiémou.  Nos  porteurs  déposent  leurs  charges 
dans  l'avenue  d'un  village  où  nous  allons  camper.  Beau- 
coup de  bananiers,  qui  fournissent,  avec  le  maïs  et  le 
manioc,  la  base  de  la  nourriture  des  indigènes. 

Les  indigènes  du  Mbiémou  viennent  se  soumettre. 
Venus  en  armes  de  tous  les  points  de  la  forêt,  ils  assis- 
tent à  un  palabre  de  soumission,  dans  une  toute  petite 
clairière  bordée  d'arbres  géants.  Ils  écoutent  dans  le  plus 
grand  recueillement  la  parole  du  chef  blanc,  qui  leur 
trace  à  grands  traits  les  nouvelles  obligations  qu'ils 
acceptent. 

En  avant  d'eux  se  tient  leur  chef,  Ngobaco,  n'ayant 
pour  tout  vêtement  qu'un  feutre  provenant  de  quelque 
factorerie  des  territoires  voisins.  Sa  femme  favorite  Ta 
accompagné,  et  humblement  lui  a  lavé  les  pieds  avant 
qu'il  prenne  place  sur  la  natte  qui  avait  été  disposée  à 
son  intention.  A  sa  droite  est  accroupi  son  conseiller 
intimé.  Il  dira  tout  à  l'heure  dans  un  langage  imagé  qu'il 
sera  désormais  soumis  comme  une  poule,  docile  comme 
un  cabri,  fidèle  comme  un  chien... 

Au  sortir  de  la  forêt,  nous  entrons  dans  le  pays  de 
la  brousse  et  de  la  savane.  Les  hautes  herbes  forment  la 
dominante  de  la  végétation. 


FORÊT   ET  SAVANTES  CONGO J.A1SES  243 

Les  villages  sont  en  général  étendus  sur  le  dos 
arrondi  des  collines. 

Les  cours  d^eau  sont  presque  tous  dans  de  profonds 
ravins  et  coulent  en  torrents. 

Actuellement,  grâce  aux  forêts  qui  les  bordent,  ces 
ravins  sont  comblés  peu  à  peu  par  les  dépôts  amenés  tous 
les  ans  et  arrêtés  par  les  racines  enchevêtrées  des  lianes 
et  des  arbres.  En  beaucoup  de  points,  les  terres  bordant 
les  cours  d'eau,  non  tassées,  forjment  des  marais. 

Quelques-uns  de  ces  cours  d'eau  sont  très  larges. 
Tels  le  Mambéré,  le  Kadeï.  la  Nana,  les  deux  Boumbé. 
La  caractéristique  de  toutes  ces  rivières  est  qu'à  quelques 
kilomètres  de  leur  source,  elles  sont  déjà  très  profondes 
et  très  larges.  Leur  débit  d'eau,  qui  est  énorme  pendant 
la  saison  des  pluies,  est  minime  en  saison  sèche. 

On  les  traverse,  soit  avec  une  petite  pirogue,  ce  qui 
est  très  long,  soit  sur  des  ponts  de  fortune.  Parmi  ceux-ci, 
il  faut  citer  les  ponts  de  lianes,  faits  de  lianes  qui  des- 
cendent des  arbres  de  la  rive,  et  savamment  tressées  en 
un  filel  qui  forme  un  pont  suspendu  et  très  remuant. 

Le  pays  est  très  accidenté,  et  Ton  rencontre  partout 
de  nombreux  affleurements  de  roches,  grès  rouges,  grès 
micacés,  grès  quartzeux,  quelques  granits  gris  et  de 
noipbreux  minerais  de  fer. 

De  nombreuses  roches,  placées  comme  en  équi- 
libre instable,  surplombent  parfois  des  amoncellements 
pierreux. 

Les  sommets  et  les  flancs  des  montagnes  sont,  depuis 
le  5"  N,  complètement  dépourvus  de  forêts.  Les  eaux  des 
pluies  ont  entraîné  l'humus  dans  les  fonds  où  se  trouvent 
les  cours  d'eau.  C'est  là  qu'on  trouve  des  forêts,  grâce  à 
l'énorme  quantité  de  terre  végétale  api>ortée,  et  c'est  dans 
ces  forêts  qu'on  tx*ouve  les  arbres  et  les  lianes  à  caout- 
chpuc  en  abondance.  C'est  cgalQAient  s.i^r  les  bords  de 


214  FORÊT   ET    SAVANES   CONGOLAISES 

ces  cours  d'eau  qu'il  est  permis  d'espérer  qu'on  pourra 
cultiver  avec  succès  et  en  abondance  le  coton.  Nous 
avons,  en  effet,  trouvé  du  coton  dans  la  région,  poussant 
vigoureusement,  quoique  non  soigné.  Les  graines  y 
avaient  été  apportées  ^  par  des  Haoussas  venus  du  Nord. 
Et  nous-mêmes,  avec  des  graines  qui  nous  avaient  été 
remises  par  l'Association  cotonnière  coloniale,  avons  fait 
des  expériences  qui  nous  permettent  de  bien  augurer  des 
tentatives  qui  ne  manqueront  pas  d'être  faites  ultérieu- 
rement. 

Chaque  année,  vers  la  fin  de  la  saison  sèche,  les 
Bayas  mettent  le  feu  aux  herbes  des  savanes  pour  leurs 
grandes  chasses  et  pour  tuer  les  insectes  et  les  tiques. 

C'est  ainsi  qu'ils  chassent  l'éléphant,  l'attendant  à 
des  passages  obligés.  Ils  en  tuent  chaque  année  un  grand 
nombre.  Ils  tuent  aussi  les  rats,  les  belettes  et  tous  les 
petits  animaux.  Le  Baya,  très  friand  de  viande,  mange 
celle  de  n'importe  quel  animal,  fût-il  très  faisandé. 

Après  l'incendie,  il  ne  reste  qu'un  paysage  d'hiver. 
Les  arbres  sont  sans  feuilles  mais  noircis,  et  une  sorte  de 
neige  noire,  faite  de  cendre,  couvre  uniformément  le  sol. 

La  race  Baya  qui  habite  ce  pays  est  une  des  plus 
nombreuses  du  Congo  français. 

Le  Baya  est  plutôt  petit,  bien  musclé,  agile.  Il  a  les 
attaches  unes,  les  mains  et  les  pieds  petits.  Il  a  la  démar- 
che souple,  élégante.  C'est  un  montagnard,  uu  coureur, 
un  chasseur.  Il  adore  la  savane  et  ses  grandes  herbes, 
dans  lesquelles  il  se  glisse  comme  un  serpent,  et  où  il  se 
sait  invulnérable  et  insaisissable. 

Armé  de  ses  trois  sagaies  qu'il  manie  avec  adresse, 
son  couteau  à  la  ceinture,  sans  autre  costume  qu'un  mor- 
ceau d'étoffe  serré  entre  les  jambes,  le  Baya  court  tout  le 
jour  à  travers  la  brousse,  suivant  les  étroits  chemins  ou 
les  pistes  d  animaux,  toujours  attentif,  l'oreille  au  guet. 


FORÊT   ET   SAVANE»   CONGOLAISES  315 

voyant  tout  avec  ses  yeux  d'aigle,  distinguant  le  gibier 
au  milieu  des  herbes  à  des  distances  inouïes,  rampant 
jusqu'à  portée  de  sagaie  et  se  détendant  comme  un  res- 
'sort  pour  rarement  manquer  son  but. 

A  mesure  qu'on  va  vers  le  nord,  dans  la  direction 
de  TAdamaoua,  on  constate  chez  les  Bayas  Tinfluence 
musulmane  des  Haoussas  et  des  Foulbés.  Les  chefs  por- 
tent des  vêtements,  des  burnous  ou  des  bonbons  flottants, 
des  pantalons  bouflants,  des  bonnets  piqués,  des  turbans 
peints  à  Tindigo. 

Les  femmes  portent  des  pagnes.  La  population  subit 
Tinfluence  des  peuplades  plus  civilisées  du  nord-ouest. 
L'anthropophagie  disparaît.  Les  cultures  augmentent,  et 
aussi  le  goût  du  luxe  et  de  Tapparat.  Mais  cela  ne  va  pas 
sans  inconvénient,  car  les  hommes  vendront  leurs  fem- 
mes pour  acheter  un  sabre  avec  baudrier  à  glands,  et 
leur  fils  pour  avoir  un  cheval. 

Les  chefs  construisent  les  murs  de  leurs  habitations 
à  la  mode  du  Soudan,  en  pisé  et  très  élevés,  cherchant  à 
imiter  ainsi  les  murs  du  ta  te  du  chef  Ngaoundéré,  lequel 
n'a  fait  d'ailleurs  qu  imiter  les  murs  des  grandes  villes 
du  Centre  africain  :  Kouo,  Zuider,  Katiéno,  Hadeidje,  etc. 
Toutes  ces  villes  ont,  en  effet,  des  ceintures  d'épaisses 
murailles  de  pisé.  Celles  de  Kouo,  qui  ont  24  kilomètres 
de  tour,  ont  12  mètres  d'épaisseur  à  la  base  et  10  à  15 
mètres  de  hauteur. 

Comme  tous  les  peuples  de  pays  découvert,  les 
Bayas  ont  adopté  la  case  ronde  à  toit  conique,  qui  résiste 
mieux  au  vent  et  est  plus  facile  à  rendre  imperméable 
aux  pluies  que  les  cases  à  surfaces  planes. 

Le  costume  national  de  la  femme  Baya  se  compose 
d'une  ceinture  de  perles,  à  laquelle  on  suspend  derrière 
et  devant  un  bouquet  de  feuilles  d'arbre  que  le  bois  voi- 
sin fournit  à  nouveau  généreusement  chaque  matin. 


216  FORÊT  ET   SAVANES   CONGOLAISES 

Le55  femmes  bayas  sont  toujours  en  train  de  rectifier 
la  position  de  leurs  feuilles  ;  elles  sont  obligées  de  les 
retenir  quand  elles  se  baissent  pour  entrer  dans  une  case 
ou  de  les  plier  quand  elles  veulent  s'asseoir.  C'est  pour 
elles  une  occupation  ou  un  tracas  continuels.  C'est  le  re- 
troussis  de  la  jupe  en  Europe.  Cela  donne  une  contenance. 

La  femme  baya  travaille  continuellement.  Elle  tra- 
vaille aux  plantations  sous  la  protection  de  son  mari,  qui 
l'accompagne  avec  ses  armes.  Elle  prépare  la  nourriture, 
fabrique  la  poterie,  la  vannerie,  tous  les  ustensiles  de 
ménage,  s'occupe  des  enfants. 

Elle  accepte  facilement  d'autres  femmes  do  son  mari, 
car  toutes  travaillent  ensemble  et  s'entr'aident  sans  ja- 
lousie ni  rivalité. 

Du  reste,  la  jalousie  n'existe  pas  au  pays  baya.  Un 
homme  tient  à  sa  femme,  car  il  l'a  payée,  et  c'est  une 
valeur  et  une  force  dans  son  ménage  ;  mais  les  infidélités 
le  touchent  peu.  Si  on  lui  prend  sa  femme,  il  cherche  à 
la  reprendre  comme  nous  essaierions  de  reprendre  un 
cheval  volé,  mais  il  ne  s'occupe  pas  de  ce  qui  a  pu  se 
passer  pendant  l'absence.  Il  faut  d'ailleurs  croire  que  les 
infidélités  sont  fréquentes. 

Il  est  un  adage  baya  qui  dit  ceci  : 

€  Quand  tu  as  tué  dû  gibier,  prends  ta  part  avant 
que  les  oiseaux  de  proie  prennent  la  leur.  Quand  tu  as 
pris  femme,  fais  de  même  et  devance  tes  voisins.  » 

Il  y  a  aussi  certains  rythmes  et  certains  chants 
connus,  de  signification  convenue,  que  la  femme  emploie 
pour  prévenir  son  complice  quand  celui^'Ci,  venant  au 
rendez-vous  convenu,  risque  d'y  rencontrer  le  mari  qu'on 
n'a  encore  pu  éloigner... 

Sur  la  rive  gauche  de  la  Nana,  on  trouve  des  femmes 
portant  dans  la  lèvre  supérieure  une  rondelle  de  bois  de 
la  groidseur  d'une  pièce  de  deux  francs. 


FORÊT   ET   SAVANES   CONGOLAISES  247 

La  déformation  de  la  bouche  la  fait  ressembler  de 
profil  à  un  bec  d'oiseau.  Nous  retrouverons  cette  coutume 
plus  accentuée  encore  chez  les  Lakas. 

La  femme  baya  est  bonne  mère,  aime  ses  enfants  et 
ne  les  quitte  pas  pendant  leur  bas  âge.  Elles  portent  leur 
enfant  à  cheval  sur  la  hanche.  Souvent,  elles  se  font  «n 
baudrier  en  peau  pour  le  soutenir  et  le  fixer  contre  elles, 
de  manière  à  avoir  les  mains  libres  pour  travailler.  Elles 
allaitent  Tenfant  très  longtemps,  même  quand  il  court  et 
qu'il  mange. 

Etant  petits,  les  enfants  ont  tous  un  gros  ventre.  Cela 
viendrlEiit,  paraît-il,  aussi  souvent  de  Tinfiammation  de 
la  rate  et  du  paludisme  que  de  maladies  d'intestins  occa- 
sionnées par  la  mauvaise  nourriture. 

Le  Baya  est  très  industrieux.  Une  de  ses  principales 
industries  est  celle  du  fer,  dont  on  trouve  abondamment 
le  minerai  dans  le  pays,  et  principalement  dans  la  région 
de  Gaza.  Il  traite  ce  minerai  dans  des  hauts  fourneaux, 
qui  rappellent  assez  les  forges  catalanes. 

Avec  des  forges  toutes  rudinientaires,  il  fabrique  lui- 
même  ses  couteaux,  ses  armes  et  ses  outils. 

Son  outil  favori  est  une  hachette  qu'il  ne  quitte  pas 
et  dont  il  se  sert  constamment  pour  abattre  les  arbres  et 
tailler  le  bois  dont  il  a  besoin. 

L'herminette  est  aussi  un  outil  de  sa  fabrication.  11 
l'utilise  pour  tailler  des  calebasses  à  plein  bois,  dos  plats 
en  bois,  des  mortiers  à  manioc,  des  tam-tam. 

L'art  de  la  poterie  est  réservé  aux  femmes,  qui 
obtiennent  de  très  jolies  jarres.  Elles  se  servent  d'ai^ile 
mélangée  de  sable  fin,  et  elles  construisent  h  la  main  tous 
les  objets,  même  les  grandes  jarres  déplus  d'un  mètre 
de  hauteur.  Les  marmites,  qui  ont  été  garnies  de  dessins 
avant  la  cuisson,  sont,  après  la  cuisson,  polios  avec  un 
■galet  et  noircies  avec  du  graphite  que  Ton* trouve  dans  le 


218  FORÊT   ET   SAVANES  CONGOLAISES 

pays.  Ces  jarres  servent  à  contenir  les  provisions  (grains 
et  farines  de  manioc),  et  sont  rangées  et  superposées  à 
l'intérieur  des  huttes. 

La  femme  baya  est  experte  dans  Tart  de  la  vannerie. 

Parmi  les  ouvrages  (|u  elle  fabrique  sont  des  claies 
en  forme  de  panier,  qui  lui  servent  à  prendre  le  poisson 
dans  les  endroits  herbeux  des  rivières. 

Les  principaux  instruments  de  musique  des  Bayas 
sont  le  tam-tam  ou  tambour  et  la  cloche  double,  sur 
laquelle  on  frappe  à  Taide  d'un  marteau  fait  d'une  boule 
de  caoutchouc  emmanchée  au  bout  d'un  bâton. 

Jamais  un  chef  ne  sort  sans  ses  tambours,  dont  le 
nombre  est  un  signe  de  sa  puissance. 

Les  Bayas  jouent  également  d'un  instrument  original, 
espèce  de  harpe  dont  le  son  est  presque  semblable  à  celui 
de  la  guitare.  Il  se  compose  d'une  nervure  de  palmier^ 
bois  dont  on  détache  des  bandes  étroites  d'écorce  qui 
seront  les  cordes.  Ces  cordes  ne  sont  détachées  qu'au  mi- 
lieu, passent  à  différentes  hauteurs  sur  les  crans  d'un 
chevalet  et  restent  attachées  au  bois  aux  deux  bouts. 

Comme  caisse  résonnante,  une  calebasse  coupée  en 
deux  est  fixée  du  côté  opposé  au  chevalet.  La  harpe  a 
quatre  cordes. 

Pour  en  jouer,  on  le  tient  horizontalement,  la  cale- 
basse appuyée  contre  la  poitrine,  et  on  joue  des  deux 
mains. 

Les  Bayas  n'ont  pas  le  culte  des  morts.  Néanmoins, 
ils  célèbrent  les  funérailles  des  défunts  avec  un  certain 
faste.  La  cérémonie  consiste  spécialement  en  danses  et 
festins.  C'est  de  cette  façon  que  ces  primitifs  manifestent 
leurs  joies  comme  leurs  peines. 

Pour  les  obsèques  du  chef  d'un  gros  village,  les 
femmes,  peintes  en  blanc,  avec  du  manioc  ou  du  kaolin 
dans  le  cortège  qui  s'agite,  sont  les  veuves  du  défunt.  En 


FORÊT   ET   SAVANES   CONGOLAISES  219 

toute  autre  circonstance,  plusieurs  d'entre  elles  seraient 
déjà  égorgées,  découpées  et  mises  au  feu  dans  la  marmite. 
Mais  j*ai  défendu  que  la  coutume  soit  observée,  et  j*ai 
donné  deux  bœufs  en  échange  pour  le  festin  des  funé- 
railles —  ce  qui  n  a,  par  parenthèse;  attiré  personne.  — 
Gecî  n*empéchera  pas  que,  huit  jours  après  mon  départ, 
le  festin  sera  consommé  quand  même. 

Ces  anthropophages  préfèrent  donc  la  chair  humaine 
à  toute  autre  nourriture.  Néanmoins,  ils  élèvent  des  chè- 
vres et  des  brebis.  Us  n*ont  pas  de  gros  bétail,  bien  que 
les  bœufs  pussent  parfaitement  vivre  chez  eux.  Ils  ont  de 
superbes  terrains  de  pâturages  ;  mais  ils  ont  encore  peur 
des  razzias  de  leurs  voisins.  Il  est  à  présumer  que  cette 
crainte  ne  tardera  pas  à  disparaître. 

Ils  élèvent  aussi  des  chiens,  soit  pour  hi  chasse,  soit 
pour  les  manger.  Nous  voyons  ici  deux  femmes  bayas 
allaiter  deux  pauvres  petits  chiens  dont  la  mère  a  été 
dévorée  par  Thyène.  Elles  ne  veulent  pas  perdre  le  béné- 
Oce  qu'elles  attendaient  des  jeunes  chiens  devenus  grands, 
c'est-à-dire  bons  pour  chasser  ou  bons  à  manger. 

Commandant  Moll. 
(A  suwre). 


ACTES  DE  LA   SOCIÉTÉ 


Procès-VerbcU  de  V Assemblée  Générale  du  8  Mai  1908 
Présidence  dtr  M,  E.  Dupont,  Président   . 

La  séance  est  ouverte  à  8  heures  3/4. 
•  Après  lecture  et  adoption   du  procès-verbal  de   la  dernière 
Assemblée  générale,  M.  Boitier,  trésorier,  présente  son  rapport 
sur  Texercice   19U7,   lequel  se  solde  par  un  boni  de  189  fr.  45.  Ce 
rapport  est  approuvé  à  Tunanimité. 

Il  est  ensuite  procédé  à  Télection  de  la  série  sortante  des 
Membres  du  Comité.  Les  Membres  sortants  sont  réélus,  savoir  : 
MM.  Fritz,  Guitton,  Haussmann,  Meura,  MonsalUer,  Monscourt, 
R.  Pesle  et  Preschez. 

MM.  René  Bossière,  Pierre  Chariot  et  Au^.  Maraude  sont  élus 
pour  compléter  le  Comité. 

M.  Loiseau,  Secrétaire  général,  présente  son  rapport  sur  la 
situation  de  la  Société.  Entre  autres  points,  il  signale  que  le  bail 
de  celle-ci,  prenant  un  à  Pâques  1909,  la  question  du  local  à  choisir 
va  devenir  pressante.  M.  Loiseau  désirerait  que  Ton  reprenne 
l'idée  de  la  construction,  au  Havre,  d'un  hôtel  des  Sociétés  savantes. 

M.  Loiseau,  après  un  vif  éloge  de  l'activité  de  M.  le  Président 
dans  la  recherche  des  conférenciers,  annonce  que  le  Bulletin 
ces  derniers  temps  irrégulier,  va  reprendre  son  cours  de  publica- 
tion normale.  La  bibliothèque  est  de  plus  en  plus  fréquentée.  Le 
concours  a  produit  les  résultats  accoutumés.  Quant  au  recrute- 
ment des  Membres,  question  vitale  pour  la  Société,  le  bureau  s*en 
est  mainte  fois  préoccupé  et,  malgré  les  difficultés  croissantes,  a 
pu  recueillir  de  nouvelles  adhésions.  ^ 

M.  le  Président  annonce  que  M.  Louis  Brindeau,  député,  don- 
nera prochainement,  sous  les  auspices  de  la  Société,  une  confé 
renée  où  il  traitera  des  Ports  transatlantiques  français. 

M.  Ferd.  Yanier  lit  quelques  extraits  d'une  très  intéressante 
et  très  pittoresque  communication  de  M.  D.  Lièvre  intitulée  «  De 
Marseille  à  Nouméa  ». 

Ce  travail  attrayant  tant  par  l'agrément  du  style  que  par  les 
aperçus  originaux  dont  l'auteur  l'a  émaillé  paraîtra  in-extenso 
dans  le  Bulletin. 

La  séance  est  levée  à  10  heures. 


Actfas  DB  LA  soci^ré 


fil 


MM.  Jean  Wagner,    présenté  par  MM. 


A  Tissue  de  TAssemblée   générale,   séance  da  Comité,  pour 
statuer  sur  radnii.-.sion  de  : 

Favier  et  Langlois. 
G.  Doublet  et  Guittou. 
Dupont  et  Bellenger^Rosay 
Dupont  et  Loiseau. 
Lefièvre  et  Guitton. 
Guitton  et  P.  Gattiker. 
Guitton  et  Boivin. 
De  Vigan  et  Dupont. 
Dupont  et  Preschez. 
Dupont  et  Trouvay. 
Dupont  et  C.  Couvert. 
Sauvage  et  Favier. 
Meura  et  Clochette. 
Dupont  et  C*^  Flavigny. 
F.  Vanier  et  R.  Pesle. 
Dupont  et  Cap"  de  Tugny. 
Dupont  et  U.  Philippe. 
Derome  et  D'  Deronde. 
Altmeyer  et  Meura. 
Guitton  et  Schneider. 
D'  Dufour  et  F.  Vanier. 
Olier  et  Derome. 
D'  Dufour  et  F.  Vanier. 


Ë.  AUeaume 
C*  Bellenger 
Ë.  Le  Barrier 
M.  Gaston 
Gattiker 
M.  Brunel 
P.  Laporte 
René  Boursy 
C.  Cauvin 
Mignot  et  C'« 
Pourchet 
M.  Ronssin 
Colonel  Feuchère 
Grenier-Leniarchand  » 
Du  Paty  de  Clam  » 
» 

» 

» 


F.Thilippe 
L.  Eude 
G.  Nieolet 
Von  Haeften 
G.  Gouze 
Duteil 
Schmidt 


» 
» 

9 
» 

» 

l> 

» 
» 
» 

» 
» 


Ils  sont  admis  à  Tunanimité. 


Procès-Verbal  de  la  Séance  du  Comité  da  i2  Juin  i908 
Présidence  de  M.  E.  Dupont,  Président 

La  séance  est  ouverte  à  9  heures  3/4. 

Il  est  procédé  à  la  nomination  : 

i^  De  la  Commission  du  choix  des  questions  pour  le  prochain 
Concours  de  géographie.  Sont  élus  :  MM.  Carton,  Favier  et 
Loiseau. 

^  De  la  Commission  d'examen.  Sont  élus  :  MM.  Boitier, 
Chariot,  Fritz,  Guitton,  Meura,  Ferd.  Vanier  et  Schmitt. 

Est  proposé  comme  nouveau  membre  : 

M.  G.  Bourcy,  présenté  par  MM.  Ferd.  Vanier  et  E.  LeConiac. 

Il  sera  statué  sur  son  admission  dans  une  séance  supplé- 
mentaire. 


222  ACTES  DE  LA  soGiéré 

La  parole  est  ensuite  donnée  à  M.  Robert  Pesle  qui,  récem- 
ment revenu  d'un  séj<mr  de  quelques  semaines  en  Amérique,  a 
bien  voulu  nous  communiquer  ses  impressions  de  voyage  en 
s'attachant  surtout  aux  points  qtd  ofrrent  un  intérêt  d'actaalité 
pratique. 

M.  Pesle  nous  entretient  ainsi  du  régime  des  h6tels,  de  Torga- 
nisation  des  chemins  de  fer,  du  mode  de  transport  des  bagages, 
des  tramways,  du  métropolitain  ;  de  New-York,  des  rues,  du  numé- 
rotage des  maisons,  de  Torganisation  des  ports,  des  ministères. 
Il  insiste  sur  l'esprit  de  libre  et  hardie  initiative  qui  caractérise 
les  Etats-Lmis,  et  se  manifeste  particulièrement  par  la  création 
d'hôpitaux,  d'écoles,  de  bibliothèques.  M.  Pesle  nous  expose  en- 
suite l'excellente  organisation  des  heures  de  travail  ;  puis,  après 
d'intéressants  détails  sur  les  Bourses  et  la  question  nègre,  il  ter- 
mine par  un  historique  substantiel  et  concis  de  la  dernière  crise 
américaine. 

Après  quelques  mots  de  remerciements  de  M.  le  Président, 
M.  G.  Bourcy,  présenté  au  début  de  la  séance  est,  dans  une  séance 
supplémentaire,  admis  comme  membre  de  la  Société. 

La  séance  est  levée  à  10  h.  i/î. 


Ouvrages  reçus  à  la  Bibliothèque  de  ia  Seciéti 


4m«  Trimestre  1908 


Le  Berry,  contribution  à  l'étude  géographique  d'une  région  fran- 
çaise, par  Antoine  Vachrr,  charge  d  un  cours  de  Géographie  à 
l'Université  de  Rennes.  Paris,  i908,  1  vol.  in-8,  avec  48  lig.  et 
cartes  dans  le  texte,  32  photogravures  et  4  planches  de  cartes  et 
profils  hors  texte. 

Lft  Loire  (collection  des  Guides  Joanne),  par  Paul  Joannr.  Paris, 
1908,  1  vol.  in-10,  avec  4i  cartes  et  12  plans. 

L'OrléniiH  à  tfiote  v^tpeur.  —  Le  réseau  du  Chemin  de  fer  de  Paris 
à  Orléans  de  1838  à  1908,  par  Henry  Haoukt.  Paris,  1908,  1  vol. 
in-8,  orné  de  nombreuses  gravures. 

La  flofi#crio  no  X\*  Hiècle.  Etude  économique  et  sociale,  par 
René  Gonnard,  professeur  d'économie  politique  à  l'Université 
de  Lyon.  Paris,  1908,  1  vol.  in-i8. 

ilAley  Berne  ft  «ic^nève.  (Les  Villes  d'Art  célèbres),  par  Antoine 
Saintb-Marik-Pkrrin.   Paris,  1909,  1  vol.  in-4,  orné' de  H5  grav. 

La  Perse  iraojoard'hai.  Iran-Mésopotamie,  par  Eugène  Aubin. 
Paris,  1908,  1  vol.  in-18,  avec  une  carte  en  couleurs  hors  texte. 

Autour  de  l'Afghanistan  (aux  frontières  interdites),  nar  le  Com- 
mandant DK  BouiLLANB  DK  Lacoste,  préfacc  de  M.  Georges 
Lrygurs.  Paris,  1908,  1  vol.  in-8,  contenant  lî20  illustrations 
tirées  hors  texte,  gravées  d'après  les  photographies  de  l'auteur 
et  5  cartes. 

Mes  Croisières  dans  la  .lier  de  Beliring,  nouvelles  chasses  et 
nouveaux  voyages,  par  Paul  Nibdibgk.  Paris,  1908,  1  vol.  in-4, 
avec  132  gravures  et  une  carte. 

Plus  près  du  Pôle,  par  R-E.  Pbary,  commandant  de  la  marine 
de  guerre  des  Etats-Unis.  Paris,  1909,  1  vol.  ln-4,  orné  de  28  grav. 
tirées  hors  texte  et  d'une  carte. 

L»  uécooverte  des  Grandes  Honrces  du  Centre  de  l'Afrique.  — 

Rivières  de  vie.  Rivières  de  mort,  Nana,  Ouam,  Penndé,  par  le 
Commandant  Lb.vpant,  préfacc  de  M.  Bouqukt  db  la  Gryb. 
Paris,  1909,  1  vol.  in-8,  contenant  115  illustrations  et  une  carte 
en  couleurs. 

Le  Ruwenzori  et  les  Hautes  Cimes  de  l'Afrique  centrale,  voyage 
d'exploration  et  premières  ascensions  des  plus  hautes  cimes 
de  la  chalne.neigeuse  située  entre  les  grands  lacs  éc^uatoriaux  et 
l'Afrique  centrale,  par  S.  A.  R.  le  Prince  Louis- Amédee  db  Savoie, 
duc  des  Abruzzes.   Relation  du    D'  Filippo  de  Filippi,  illustrée 

Par  Vittorio  Sella,  membre  de  l'expédition,  traduite  par  Alfred 
oizAL.  Paris,  1909.  i  vol.  in-8,  avec  IHO  illustrations  dans  le 
texte,  2'»  planches,  5  panoramas  en  phototypie  et  5  cartes  hors 
texte. 

Trois  années  de  chasse  au  Mozambicine,  par  Guillaume  Vassb. 
Paris,  1909, 1  vol.  in-i6,  illustré  de  55  gravures  tirées  hors  texte 
et  une  carte.