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SOCIÉTÉ
DE
GEOGRAPHIE COMMERCIALE
BULiliETlH
ANNÉES 1904-1905
/^i«.
SOCIÉTÉ
DE
GÉOGRAPHIE COMMERCIALE
JDXJ XXJ^.VXLE
BULLETIN
ANNÉES 1904-1905
HAVRE
AU SIÈGE DE LA SOCIÉTÉ
181, RCE OE PARIS, 131
1900
SOCIÉTÉ
I)K
GÉOGRAPHIE COMMERCIALE
- -.*^- {iiAi5^'3'^
BUliIiETiN
ANNÉES 1904-1905
MEMBRES DONATEURS 111
Membres donateurs.
VM. 7, Vattieb, professeur d'hydrographie.
Le marquis de HoaDKTOT, maire de St-Laureat-de-Brèvedent
LoiSBAU (Paul), négociant.
7, Le baron Arthur de Rothschild ^, banquier.
Le comte Mosselhan, capitaine an long cours.
7, Delamallb (Jacques), propriétaire.
Vesik (Joseph), capitaine au long cours.
La Compagnie générale Transatlantique.
WoBMS J08SB et C»«, armateurs.
Mexier (Henri), industrit-l.
CoDVEBT (Joannès) ^, négociant, président de la Chambre de
commerce.
GciTTON (Louis), (Q A), agent commercial.
7, DrBOSC (E.) (O ^) \^ (C ^)j industriel.
U Gnupagnie des Chargeurs Réunis.
Blot-Lefevue (H.), négociant, trésorier de la Chambre de
cominerce.
Bureau.
VM Blot-Lefevre (H.), négociant, trésorier de la Chambre de
Commerce, président.
HiUs<îMANN (O ^)j receveur des Finances, vice-président.
GuiTTON (Louis), (^ A), agent commercial, ric6-^r^S2VZen<.
Favibb (E.) (y I), professeur au Lycée, secrétaire général,
Peslk (Robert), négociant, secrétaire des Aénar^s,
Hubert (Jacques) Secrétaire des séances.
Boîtier (Léopold), trésorier.
Medba iCh.), courtier, bibliothécaire.
Comité
MM, Allbgret (le Pasteur P.).
Basset (Frank), avocat.
Bl<>t-Lkfevrk (H.)^ négociant, trésorÎRr de la Chambre do
commerce.
BijiTJER (Léopold).
B0XQE (Ernst), agent de miirjons étrangères.
Carton (Albert), assureur.
V LISTE GÊNéRALB DBS MEMBRES
MM. Chancrbel (H.), agent principal des Chargeura-RéuDis.
CocvKRT (Joannès) ^, négociant, président de la Charabi
commerce.
Dany (A.) (Q I) néffoclint.
Dbciuil'.e (Steplicn), (Q A), directeur des Signaux et du
veta^e.
Dblaciiaval, ingénieur en chef de la Chambre de coiumer^
Doublet (G.), négociant.
DuKoriR (G.) ^, docteur-médecin. '
Engklbach (P.), docteur-médecin.
Engklbaoh (G.), négociant
Favier (E.) 0} I), professeur au Lycée.
Fritz (J.), professeur d'allemand.
Garaud (J.), négociant.
Gartner (L.-E.) négociant.
GuArin (Désiré), receveur de rEnregistrenient, on retraite.
Gdillot (Denis), avocat, conseiller général.
GuiTTON (Louis), (^1 A), agent commercial.
Harod (E.), courtier d'assurances.
Haussmann (O ^), receveur des Finances.
Jacquemin (Ch.), négociant.
Kradse (Albert), négociant.
Lanedviu.e (E.), courtier.
LoisKAU (Paul), négociant.
Martin-Dupont ^, médecin principal de la Marine, en retr
Meura (Ch.), courtier.
Monscdurt (E ), {\}A.), professeur au Lycée.
OiuNKT |G.), (5[J A), négociant.
Pelard (Frédéric), courtier.
Peî^le (Robert), négociant.
Pilon (E ) (0 ^), secrétaire général des Djcks- Entrepôts.
PUESCHEZ (E.), avoué.
Plum (P.) assureur.
Raoul-Duval (Edmond), négociant.
Roche (J.), photographe.
Sf iiMiri" (Victor), assureur.
MEMBRES TITDLAIEES
MM.
ÀŒEH {¥.), propriétaire, conseiller général, rue Michelet, 5.
ALStJ^KOBE (N.) 9> négociant, boulevard de Strasbourg, 125.
Alleokbt (P.) (le pasteur), rue des Gobeline, 71
Altmetbr (Henri), courtier, rue du Chilou, 34.
Ambaud (Charles), négociant, juge au Tribunal de coinnierce,
rae du Chilou, 36.
Ambaud (Louis), négociant, membre de la Chambre de com-
merce, me du Cbilou, 36.
AxBAUD (Émile)^ architecte-entrepreneur, rue Emile- Renouf , 55.
Anckl (Raoul) ^1^, armateur, conseiller général, maire d'Har-
fleur, boulevard de Strasbourg, 103.
AxoAMMARS (Albert), directeur des Docks du crnal de Tan-
oar ville, rae de Mexico, 63.
Ahcoinabd (Frédéric), négociant, boulevard de Strasbourg^
2016m.
An ;fxliès (Louis), capitaine au long cours, rue Madame- La-
fayette, 5.
Aetaut (M«i*« Marguerite) élève boursière à l'École pratique
de Commerce et d'industrie, section normale, rue du
Lycée, 71.
. .hTZKEE (G.), de la maison Lutham & C'<, rue Victor-
Hugo, 146.
* .V-ELiH ((forges), courtier, boulevard de Strasbourg, 142.
» A>h2lin (Femand), courtier, boulevard de Strasbourg, 142.
I AiB.^R (Gabriel), maison Ëug. Orosos, place de THôtel-de-
Ville, 26.
ALsaY (F.), commerçant, rue de Paris, 93.
ACDoT, percepteur, rae de St-Quentin, 45.
AcoBti (Honoré) *. armateur, place Carnot, l.
ri:
}étaci:-''-^^
v.;2^-^«f V •<. i
LISTE GÉNÉRALE
MEMBRES DE LA SOCIÉTÉ
Présidents d'honneur.
3ilM. Le Mînîbtre de la Marine.
I-e Ministre des Colonies.
Siegfried (Julks) (0 ^) (4J A), député du Havre.
Le Préfet de la Seine- Inférieure.
Le SouB-Préfet du Havre.
Le Chef de la Marine.
Le Maire du Havre.
Le Président de lu Chambre de commerce du Havre.
Le Président du Tribunal de commerce du Havre.
Membres d'honneur.
MM. Le Général Archixaud (0 'jf^), commandant on chef l'armée
coloniale, nie Brémontier, 11, Paris.
Bayol (Docteur) (0 ^), gouverneur honoraire dos Colonies.
Dopois (J.), explorateur.
De Mahy, député de hi Uéuninn. ancien Ministre.
Habmand (Docteur) (0 *), commissaire i^éut rai du Gouvernc-
luent français à Hué (Annum).
Lknnier (G.) * (i) F) conservateur du Muséum d'histoire
naturelle et d'ethnographie du Havre.
Levasseur (E.) (0 îftî), membre de l'Institut, professeur uu
Cullè^* de France, 26, rue Monsieur-lo-Prince, Paris.
LoUBi>eLKT (K.) ^, vioe-président de la Socii-té do ^én^j^raphio
commerciale de Paris, Gî), boulevanl de Mai^^nta, à Paris.
KÊJS (Docteur) ^, méd^M^n de la Marin.*. expl<>rat«*nr «mi
Cochincrhinc.
BOCtÉTB D« qA00R4PIIIS. — \^ THCM. 1ftf>5. I
LISTE GÉNÉRALE DES MEMBRES
-:
MM. QuEviLLON (F.) (0 ^) {Q A), colonel breveté, commandai
144« liégiment d'infanterie, à Bordeaux.
Savoronan I)k Brazza (C ^), comuiissiiire général bonoi
du Congo frairçais.
WiKNKU (Cil.) ^, charge d'affaires de France près du Go»
ncment de Bolivie.
Président honoraire.
M. CouvKHT (Joanuès) ^, négociant, président do la Chambra*'
commerce.
Vice-président honoraire.
M. Décrue (L.) ^ i^, lieutenant de vaisseau en retraito, àN^
Hur-Seine.
Membres correspondants.
MM. Catat (le Docteur), A Contrexé ville (Vosges).
Chardot (Arsène), à Valparaiso.
David de Floris, 57, rue Foudary, à Paris.
Debise*^, vicc-préaident honoraire de laSociété de géograp
de Lyon.
De Saint-Quextis ^, trésorier des Invalides, à MaPHeilie,
Fkanconie (Joseph), attaché ^ la Banque de France, ruo I
che, 74, i\ Paris.
Frikstedt (M.), industriel, 10, Engelbrektsgatan, N. B.
Stockholm.
Gautieu (A) ^. capitaine d'infanterie de marine en rotiil
a La FK'che (Siirtlu*).
KLK'iT(CarIu.s Lix) •î*, {Q A) Consul général de la RôpubUl
Argentine, à Hio-dtî- Janeiro (Brésil).
Le Bakuois d'Orgkval, vice-président de laSociété de géof
phie commerciale, 'M, rue Tocqueville, à Paris.
Levy (Vi(!tor), Bal»enl»ergorKtrasse, î*, à Vienne (Autriche).
ScmiADKU (F.), directeur des travaux cartographiques
maison IlacluîUe et C''', boulevard St-Gormain, 79, à Pfet
SiK.jKuti:!» (André), huulcvard St-Gennain, 22rt, à Paris.
\'ii»AL. ]>r(>fe}sseur d'iiydro^^raphic. à Bastia (Corse).
Wauteus (A.-J), directeur du « M Miveuieut gH>graphiqii«
13,^Uue Bréderode, à Bruxelles.
MEMBRES DONATEURS III
Membres donateurs.
M. y, Vattier, professeur d*hydrographie.
Le marquis de PIoodetot, maire de St-Laurent-de-Brèvedent
LoisEAU (Paul), négociant.
"^, Le baron Arthur de Rothschild ^, banquier.
Le comte Mosselman, capitaine au loog cours.
y, Delamali.b (Jacques), propriétaire.
Vesin (Joseph), capitaine au long cours.
La Compagnie générale Transatlantique.
WoRMS JossB et C'«, armateurs.
Menieb (Henri), industriel.
Couvert (Joannès) e^, négociant, président de la Chambre de
commerce.
GriTTON (Louis), (Q A), agent commercial.
7, DuBOSC (E.) (0 *) \^ {Gi§i)y industriel.
1^ Oiiiipagnie des Chargeurs Réunis.
Blot-Lefevre (H.), négociant, trésorier de la Chambre de
commerce.
Bureau.
II. Blot-Lefevre 'H.), négociant, trésorier de la Chambre de
Coinmerce, itrésident.
Hacrsmann (0 e^), receveur des Finances, vice-président.
GoiTTON (Louis), (y A), agent commercial, rice-jpr<?«/ffe/i^
Favibe (E.) (|> I), professeur au Lycée, secrétaire général.
Pesi-K (Robert), négociant, secrétaire dea .iA.tnros.
Hubert (Jacques) Secrétaire des séances.
Boîtier (Léopold), trésorier.
Mkura (Oh.), courtier, bibliothécaire.
Comité
Allbgket (le Pasteur P.).
B.%sset (Frank), avocat.
Bi/it-Lekkvrk (H.), négociant, trésurier do la Chiimbre do
commerce.
BoiTJSQ (Lêopold).
BvsQK ^Ernsi), agent de m'iisonâ étran^^ères.
Cabton (Albert), assureur.
V LISTE GÊNéRALE DES MEMBRES
MM. CiiANCRBEL (H.), agent principal dos Chargeurs- Rénni
CorvKRT (Joannès) *^, né^^oeiant, présidont de la Chi
coinniorcc.
Danv iA.) {Q h no*r«><'imt.
UscnAii.'.K (Stophon), (-(^ Ai, directeur des Signaux ol
veinai'.
DELAniAXAi., inp:éuieur en chef de la Chambre do cou
DoL'BLKT (G.), né^JKîiant.
DuKOPR (G.) *, docteur-médecin.
Encîfi.bach (P.). docteur-médecin.
ENJîELBAnn (G.), négociant
Favikr (E.) ly II, professeur au Lyciie.
Fritz (.1.), professeur d'allemand.
Garaup (J.). négociant.
Gartner (L.-E.) négociant.
GuArin (Désirée, receveur de rEnregistrcment, en reti
(tDiu.ot I Denis), avocat, conseiller général.
GiTiToN (Louis), ittjf Al, agent commercial.
IIarou (E.), i'-ourtier d'assurances.
IIauSîîMAXN (G ^), receveur des Finances.
JACQUE.M1X (Ch.), négociant.
Krafse (AlberU, négociant.
Lankhvillk (E.), courtitM*.
LoisKAU (Paul), négociant.
Martin-Duin^nt *fi*, médecin principal de la Marine, e
Mkura (Ch.), courtier.
MoNSOURT (fiî ), (î> A), professeur au Lycée.
Oihnet (G.\, {^^ A), négociant.
Pki.ard (Frédéric), courtier.
Pesle t Robert I, négociant.
Pii.ON (E ) (0 ^), siîcrétaire général des Docks-Entre
PUEHJHEZ (^E.), avoué.
Pllm (I\| assureur.
H\0UL-DuvAL (E'imondi, négociant.
RociiK (J.), photograpliC.
S. iiMirr (Victor), assureur.
MEMBRES TITULAIRES
MM.
I AcREB \F.), propriétaire, conseiller général, rue Micbelet, 5.
b JkLSSJkNDRK <N.) (}, négociant, boulevard de Strasbourg, 125.
LLBGR£T (P.) (le pasteur), rue des Gobelins, 71
Lltiieter (Henrii, courtier, rue du Chilou, 34.
IBAUD (Charles), négociant, juge au Tribunal de coninierce,
me du Chilou, 36.
IBAUD (Louis), négociant, membre de la Chambre de com-
merce, rae du Chilou, 36.
|Ajibaud (Eoiile)^ architecte-entrepreneur, rue Emile- Renouf , 55.
DJCL (Raoul) ^)^, armateur, conseiller général, maire d*Har-
fleur, boulevard de Strasbourg, 103.
3AM1CARB (Albert), directeur des Docks du cFnal de Tan*
cATTilie, rue de Mexico, 63.
CUKABD (Frédéric), négociant, boulevard de Strasbourg^
201 6m.
#ELLiÈs (Louis), capitaine au long cours, rue Maduuie-La-
fijette, 6.
rAUT «M«i>* Marguerite) élève boursière à l'École pratique
de Commerce et d'industrie, section normale, rue du
Lycée, 7L
nER [G.)i de la maison Latham & C'«, rue Victor-
Hago, 145.
LIN \OeoTgeB)^ courtier, boulevard de Strasbourg, 142.
Liîf fFernand), courtier, boulevard de Strasbourg, 142.
Lbbcb (Gabriclj, maison Ëug. Grosos, place de THÔtel-de-
Ville, 26.
(F.), commerçant, rue de Paris, 93.
r, percepteur, rue de St-Quentin, 45.
Ma (Honoré) 4f, armateur, plaoe Carnot, 1.
VI LISTE GEKEHALË DES MEMBRES
1328. AuoER (Paul), rentier, rue Jules- Lecesne, 25.
1832 . AuMONT (I.), commis principal des Douanes, bureau des I>ocks,
1338. Avril (F.), négociant, rue Uiibocage-de-Bléville, 4.
1549. Badoubeau (F.), négociant, rue Dubocage-de-Blé ville, 1.
1200. Balârd d'Hbrlinville. docteur-médecin, boulevard de Stras
bourg, 55.
741 . Baltazard (Théodore), négociant, boulevard François-I»»", 113
1975. Baly (L.), ingénieur, rue Jules-Lecesne, 67.
963. Barkal (Georges), négociant, rue de la Pompe, 66, Paris.
1949. Barrb (Jules), (Q A), ((). pj^), ancien capitaine de port aux
Colonies, lieutenant de iK)rt, rue Emile- Renouf, 59.
569. Barri É (A.), banquier, rue de la Paix, 7.
1203. Barthklmé (Georges), courtier, rue Toustain, 3.
1700. Barthold (Edm.), négociant, rue de la Bourse, 3.
1393. Basset (Frank), avocat, rue Fontenelle, 13.
1553. Basset (A.), négociant, de la maison J.-M. Currie, rue
Pleuvry, 2.
1069. Batalha, rentier, boulevard de Strasbourg, 124.
1977. Bâte (Clifford-A.), agent conmiercial, nie de la Boiu-se, 40.
1445. Bauche (Gkston), négociant, rue du Havre, 52, àSanvic.
1519. Baubr (Léon), marchand- tailleur, rue de la Mailleraye, 112.
1474. Baut, rentier, rue de St-Quentin, 64.
9, Bauzin (Emile), armateur, conseiller général, rue Dubocage
de-Bléville, 1.
1814 Batsselamoe (0 ^)f ingénieur en chef de la C^" Générale
Transatlantique, place de THôtel-de-Ville, 24.
11. Beoqdé (L.) ^ (0 >{(), lieutenant de vaisseau en retraite, rue
de l'Hôtel-de-Ville, 11, à Neuilly-sur-Seine (Seine).
631 . Beoguen-Dembaux (Max), direct, d'assurances, place Camot,6.
1288. Bbooubn-Dembaux (Robert), directeur d'assurances, boulevard
de Strasbourg, 96.
1399. Beqouem (André), avocat, rue Naude, 30.
383. Bbllbnqer-Rozay, commerçant, place du Vieux-Marché, 10.
1691. Bbllengbb (André), commerçant, rue d'Ëtretat, 110.
1544. Beluqou (M"* L.) iQ I), directrice du Lycée de jeunes filles,
rue de l'Orangerie, 27.
634. BÉMARO (G.), bronzes d'art, place de l'Hôtel-de-Ville, 18.
373. BÉEABD (Henri), courtier maritime honoraire, boulevard Fran-
çoi8-I«f, 38.
U, Bbrqeeault (C), négociant, rue Doabet, 16.
1594, Bkri'.deitia (A.), négociant, rue du Champ-de-Foire, lu.
MEMBRES TITULAIRES VU
BsBKARi» (G.), ingénieur aux Forges et Chantiers de la Médi-
terranée, rue Jules- Lecesne, 33.
BERNnBiM, étudiant, Écolo hupéricure de commerce.
Bertrand (Julien), négociant, rue d' Après- Mannevilletto, 16.
Billard I Emile), courtier maritime, Grand-Quai, 67.
BiNET (Ernest), rentier, rue Anfray, 11).
BiNET, rentier, boulevard de Strasbourg, 69.
Blech (Uenéuadministrat*" de 1.1 C''îCotonnière,pal. delà Bourse.
Blim ^ , chef de service des Ponts et Chaussées, Saigon (Co-
chinchine).
Bltjt-Lefbvrb! h.), négociant, trésorier de la Chambre de
commerce, place Saint-Joseph, 5.
Bokswilwald (Auguste) (Q A), représentant de commerce,
rue de la Bourse, 17.
Boîtier (Léopold), rue Doubet, 12.
Boîtier (René), avocat, rue Doubet, 12.
Boivm (L.) li^ A)« employé de commerce, rue de Paris 131.
BooB (A.), pharmacien, rue de Paris, 137.
BossiÈRE (René) négociant, rue des Orphelines, 2.
BocKTTE (W.-£.), ingénieur, boulevard Maritime, 146.
BouLARD (René), imprimeur, rue du Canon, 30.
Boulet (Eug.) il^, représentant des P.P. Chartreux, rue Ma-
dame-Lafayette, 7.
BotrLLA>'GER (Ed.), négociant, rue de la République, 13^ àSanvic.
BouRDiGNOX (A.), libraire, place Gambetta, 19.
BouBDON (Georges) de la maison Guillerault et C^«, place
Jules-Ferry, 8.
BouRQUiN (H.), négociant, rue des Gobelins, 63.
BouTELEUX (L.), agent principal de la Société Navale de TOuest,
qaai d'Orléans, 45.
Bbedaz (A.) 4t, entrepreneur de camionnage, cours de la Ré-
publique, 115.
BtXDEL (Victor), employé de commerce, rue du Cimetière,
15, à Sanvic.
BmEMAC (D), pharmacien, rue de Paris, 66.
BuAXO (M™')» rentière, rue du Havre, Sainte-Adresse.
BUAKO (Auguste), capitaine au long cours avec brevet supé-
rieur, rue Clément-Marical, 11.
Baiiurr (E.), courtier, rue de la Bourse, 19,
DCKA (£rn«8t), négociant, membre de la Chambre de corn*
merce, rao de la Boune, 29.
Vtll LISTE QÉNÊKALB DES MEMBRES
364. Bricard (H.) '^ |C «î*) >î<, directeur des Forges et Chantiers
de la Méditerranée, membre de la Chambre de Commerce,
boulevard de Strasbourg, 45.
1562. Brière (M «ne V*«), rentière, rue Jules -Lecesue, 2.
423. Brindeau (Louis) ^, d^^puté, boulevard de Strasbourg, 53.
604. Briquet (Paul), directeur des magasins publics, rue Casimir-
Dela vigne, 42.
1189. Brûlé (M»»« Hélène), élève à la section normale de TEcole
pratique de commerce et d'industrie de jeunes filles, rue du
Lycée, 71.
32. Brdnbt (Alfred), négociant, de la maison Vve A. Derode,
rue de la Bourse, 23.
191t). Brunsohvig, docteur-médecin, rue Séry, 24.
1788. Brownk ( W«» F.), négociant, de la maison Dufay, Gigandet
& C»«, rue Jules- Lecesne, 50.
1557. BucAiLLE (Henri), rentier, boulevard François-I»»", 60.
418. BuHGB (Ernst), agent de maisons étrangères, boulevard de
Strasbourg, 124.
2002. BuRNiBR, de la maison Kronheimer et C*«, route de la Hève,
16, à Sainte- Adresse.
949. BuscH (Louis), négociant, rue du Champ -de- Foire, 12.
1796. Caill (Ch.j ^, chef du pilotage de la Seine, place de THotel-
de- Ville, 16.
366. Gaillard (V.), constructeur- mécanicien, membre de la Cham-
bre de Commerce, rue de l'Église, 28.
1010. Gaillard (Georges), ingénieur civil, rue de Prony, 20.
2010. Gaillatte, négociant, de la maison Frédéric Jung et G'*, bou-
levard de Strasbourg, 130.
310. Calliqé (L.), courtier, palais de la Bourse.
1690. Caron (J.), négociant, de la maîaoa H. Demoinet, rue de li
Bourse, 46.
1749. Carbel (l'abbé), professeur à TËxternat Saint- Joseph, rue
Victor-Hugo, 32.
1835. Garrèrs, »î(^ docteur-médecin, rue de Paris, 123.
1105. Carton (Albert), assureur, rue de la Halle, 20.
1251. Carurttb (E.), entrepreneur de transports, cours de la Répu-
blique, 33.
1919. Gasabianca (André), ^, administrateur en chef de rinscrip-
tiou maritime, Arsenal de la Murine.
907. Caspar (Charles), négociant-armateur,q. Ca9imir-DeUvîgne,15.
1217. Castbl (Jules), du Crédit HrtVrHJs, boul. de Strasbourg, 79,
MBMBIIRS TlTULAinES tX
16!4. Cattbaitx (GnBtave), de la maison Lclioucq & Cliarlet, rne
Krîinklin, 63.
1780. Gavanagh |W.), négociant, rue Edouard- La nie, 14.
1829. Cavanaqh (Raoul), commerçant, boulevard de Strasbourg, 96.
675. CnALOT (Gustave), banquier, rue des Pénitents, 53.
1588. Chamard (Léon), caissier, rue Louis- Pihlippe, 18.
491. Chanceuel (A.), agent principal de la O^ des Chargeurs Réu-
nis, rue Jules-Ijccesne, 30.
1309. Chardc^t (Daniel), vérificateur des Douanes, boulevard Fran-
çoi8-l«^ 61.
1C21. Cbarritt (H.)^ négociant, de la maison Loiseau et Barrai, rue
du Chilou, 34.
1512. Cravanes (Gaston), courtier, rue de la Bourse, 32.
884. CuRiîARAY (H.), négociant, rue Fontenello, 34.
40. Cherfils (Cliarles) {if A), adjoint au Maire du Havre,
conseiller d'arrondissement rue Just-Viel, 32.
352. CuEBFiLS (Emile), courtier maritime, rue de la Gaffe, 6.
463. Chkdeet (L.), notaire honoraire, conseiller d arrondissement,
conseiller municipal, rue Joinville, 30.
841. Chevallier (Pierre), capitaine visiteur, place Jules-Ferry, 4.
1944. Cleqder (Edouard), officier de mirine en retraite, r. Thiers, 66.
1764. Clerc (Léon), négociant, an château d'Hariieur (Seine-Infé-
rieure) .
1753. Clocheti'K (Georges), courtier, palais de la Bourse, escalier D.
1285. Cloloob (Alphonse), négociant, impasse Dagobert, 10.
1265. CoLCHEN (Ch.), courtier, rue Jules-Lecesne, 32.
798. Collet (H.), négociant, rue Jules-Lecesne, 4.
332. CoMMAUOHE (J.), constructeur-mécanicien, rue de Mexico, 36.
2016. CoQUKLiK (Ch.), sous-officier du corps d'occupation du lac
Tchad, à Fort-Lamy,
304. CoBBLET (E.), armateur, rue Edouard -Lame, 1.
1692. CoTELLE (J.-M.), négociant, de la maison D. Levillairi et G)-
telle, rue Jules-Lecesne, 47.
1B43. OorrAED (Alfred) skt négociant, membre de la Chambre de
Commerce, rue du Lycée, 30.
45. Cor? (A.) (4) A), ancien chef d'institution, place de THôtel-
de-Ville 27.
789. CoULON (Ch.) îgc ïji, négociant, conseiller municipal, juge
au Tribunal de Commerce, rue de la Paix, 6.
19.V2. Courant (Maurice^, artiste p^întrft, Clos derAhbiye. à Poissy.
(Seincj-ot OImî).
X LISTE GËNBRALK DES MEMBRES
1953. Courant (L.), négociant, rue du Grand- Escalier, 2.
1736. COURNIL PE Lavkuune (M'«'), professeur, rue Aug.-Dolfus, 8.
1966. CouRTiN (Arthur), j)ercc])teur, rue de &nnt-Qucntin, 67.
47. Cousin (Arthur), inaipon Albert Quesnel & C*«, impasse Da-
gobert, 8.
1883. Cousin (Henri) {Q A), agent commercial, rue d'Epréniénil, 51,
48. Couvert (Joannès) ^, négociant, président de la Chambre de
commerce, rue de la Bourse, 31 bis,
49. Couvert (Camille), négociant, rue Jules-Leceane 5H.
374. CoviLLE (A.), ingénieur des Forges et Chantiers de la Médi-
terranée, rue St- Michel 9.
51. Crbmer (Marins), négociant, consul de Grèce, rue Doubet, 16.
1113. Dalioault (F.), entrepreneur de menuiserie, rue Dicque-
mare, 21.
1908. Danic (Jean), chef des bureaux delà Direction des Douanes,
rue de la Gaffe, 2.
1277. Daniel (Joseph), capitaine au long cours, rue E. Renin, 46.
1301. Danon (J.), négociant, rue de la Bourse, 35.
807. Danvers (Paul), négociant, rue du Lycée, 81.
1392. Dany(A.) (OI), négociant, rue du Champ-de-Fuire. 1.
1840. Dabpbt (Paul), de la maison Viller, Ysnel et C^", rue de la
Cavée-Verte, 103, à Sanvic.
1146. De Burnay (le Comte Henri), de la maison Henri de Burnay
& C**, négociants-armateurs à Lisbonne (Portugal).
569. Drchaillb (Stéphen) {Q A), capitaine au long cours, directeur
des Signaux et du Sauvetage, rue Benjamin-Normand.
1898. DiOHAUX (Albert), Juge au Tribunal civil, rue delà Bourse, 1,
1123. De Coninck (James) (^ I.) 4(, courtier, r. delà Bourse, 39.
1080. DÉGENÉTAis (L.), courtier, rue delà Bourse, 33.
1091. Deqbuseb (A.), courtier, boulevard de Strasbourg, 56.
1792. Deokuser (René), courtier, rue de Toul, 16.
1255. De Goeb de Hervé (Georges), négociant, rue Tliiébaut, 7.
1594. Deqoy (G.), courtier, place Carnot, 8.
759. De Grand maison (H.), avocat, rue de Mexico, 45.
1959. De Hetdbr (Ch.), courtier, rue Victor-Hugo, 136.
426. De Houdetot (le marquis), maire de Saint -Laurent -do.
Brèvedent (Seine-Inférieure).
597. Dblachanal, ingénieur en chef honoraire de la Chambre do
commerce, rue du Docteur-Couture, 32.
1822. Dklacbou (£).), reatidr, ru9 GftiUmr-Delavigao, 6.
MEMBRES TITULAIRES XI
1546. Delamare (L.), courtier, rue de la Bourse, 29.
1369. Delarochb (M"* Raoul), propriétaire, rue Félix-Fanre, 53.
2012. De la Serna (Bufino-C), consul de la République Argentine,
boulevard de Strasbourg, 183.
1621. De Léséleuc (Henri), assureur, place Jules-Ferry, 8.
57. Delhommb (Ed.), industriel, rue Joseph-Périer, 48-50.
1892. Del Pozo, négociant, rue Racine, 43.
1941. Df.man«;e lA.), négociant, juge au Tribunal de commerce
d'Alger, rue Arago, 8, à Alger.
1524. De Montfleuky (Lucien), juge suppléant au Tribunal civil,
conseiller municipal, rue de Montivilliers, 78.
730. De Montalembert (le Comte), propriétaire^ au chftteau de Me-
nilles (Eure).
1747. Dhknis (Etienne), négociant, rue de la Bourse, 19.
1964. Denouette (Lucien), courtier, rue Léon-Buquet, 9.
341. D£Queruobnt(J.) j^, négociant, vice-président delà Chambre
de commerce, maire de Sainte- Adresse, rue Lemaistre, 29.
1969. Derais (A.), rentier, rue Joinville, 24.
1^6. Dero (L.), ingénieur, rue de Tourneville, 101.
1529. Deronde (ë.), docteur-médecin, rue d*Épréménil, 4.
58. Deschamps (Médério) ^ {Q A), propriétaire à la Rive, Mon-
tivilliers (Seine-Inférieure).
1751. Deshayes «Éd.), courtier, palais de la Bourse, escalier D.
1893. Desmonts (André), entrepreneur de camionnage, rue Philippe-
Lebon, 7.
1958. Detodrnay (André), assureur, rue Massieu de-Clerval, 10.
1841. De Viqak (J.), secrétaire de la Chambre de Commerce, palais
de la Bourse.
1598. Deville, docteur-médecin, rue Tbieis, 28.
898. Dombre, (M«« .L), libraire, place de PHôtel-de-Ville, 10.
1371. Doublet (Qeorges), négociant, juge au Tribunal de Commerce
rue de la Bourse, 3.
83. DouRT (V.), avoué honoraire, juge au Tribunil civil, rue Fré-
déric-Sauvage, 15.
2015. DocTRBLAUT (Arthur), de la maison Vve Derode, boulevard de
Strasbourg, 42.
683. DoY (Auguste), courtier, rue Félîx-Faure, 23.
1826. Dreyfus (Léon), négociant, rue de la Bourse, 32.
589. Drooaux (Emile), négociant, boulevard de Strasbourg, 130.
Î900. Dubois (ë.), directeur de la Société Générale, rue de la
Bourse, 27.
XII MSTR GRNRnALR DRS MEMBRES
1077. DncERT (Piml), négociunt, rue Michelet, 71.
509. DuciiESNE (B.), constructeur- inécanicion, rue de Ncus-
trie, 40.
1837. DccROCQ ^, ingénieur en chef des Ponts et Chaussées, rue
Caligny, 9.
282. Ddfour (Q.), * docteur- médecin, rue Félix-Fanre, 2.
1991 . DuFODR (Maurice), place Carnot, 4.
1992. Ddfour (Gustave), place Carnot, 4.
643. DuQDA (A.) a^ (^ A), président de la Société mutuelle de pré-
voyance des employés de commerce, rue Thiers, 130.
2019. DuMKSNiL (Jules), caissier, rue Thiers, 30.
1499. DUMONT (Alf.j, courtier, rue du Champ-de-Foire, 79.
70. DoMOUCHKL (Aug.), courtier, rue de la Ferme, 38, à Sjinvic.
581 . DUPAQUIER (André), négociant, rue de la Bourse, o\) bis.
1376. DUPASQUIBR (Hermann), négociant, conseiller nmnicipal^ rue
Casimir-Périer, 13.
1954. Do Pasquier, docteur-médecin, rue de l'Orangerie, 10.
1623. DcPLAT (Achille) (|> I), commissaire du Gouvernement aux
Docks- Entrepôts, pavillon des Docks, quai de Marseille.
2004. DuPLAT(Eug.), agent commercial, conseiller municipal, rue de
la Bouree, 39.
701. Dupont (Emile), directeur de la C»« des Docks-Entrepôts,
quai de Marseille.
299. Dupuis (Pierre), négociant, rue de la Bourse, 51.
685. Durand- ViEL (Louis) 2^, de la maison Thieulent frères^ rue
des Guêpes, 16, à Sainte- Adresse.
1504. DuRAND-ViBL (Jacques), courtier, rue de la Bourse, 28.
73. DURET (Alfred) (C'Tf) (0 *), négociant, 15, rue Gustave-Flau-
bert.
1566. EoLOFF (L ), courtier, rue de Tourneville, 116.
953. Eloy (Fernand), courtier, palais de la Bourse, escalier G.
78. Ekqelbacu (G.)) de k maison Les Neveux de J.-G.Schmidt,
rue St-Michel, 15.
1072. EMasLBAOïi (P.), docteur-médecin, rue Naude, 26.
1936. Enqelbrecut (Maurice), courtier, rue de la Bourse, 29.
2014. Ebnis (A.), d\i Bulletin de Correspomhnce, rue Félix Fauro, 5.
1354. EsBRAN ((xustave), négociant. Membre de la Chambre de com-
merce, quai d'Orléans, 59.
1793. ËBTiQMAHD (C)., ohef de bureau & la Compagnie générale
Transatlantique, place de THÔteUde- Ville, 28.
MEMBRES TITULAIRES XIII
19if4. EvEN (Mme), pa^illoa des Bains Decker, rue du Perrey, 81.
1980. Fabre (G.), notaire, place de l'Hôtel-de- Ville, 20.
660. Farcis (A.), courtier maritime, Grand-Quai, 67.
1553. Fauvkl (A.), négociant, ruo Thiers, 43.
ll»63. Faivkl fM"« L.K rue Victor-Hugo, 1G5.
1383. Favikr |E.) (^} I), professeur au Lycée, ruo J.-B. Eyriès, 54,
Wi . Feur (S.) (C >ï<l, négociant, rue Faurc, 8.
1525. FÉuÉ (Ernest), agent commercial, quai Casimir- Delavignu, 27.
I.'r48. Fkïinbkrq ((t.), agent de change, boulevard de Strasbourg, 91.
1774. Fkvrikr (M™«.)» rentière, rue Félix-Faurc, 61.
1816. Fjévet (.t.), négociant, quai d'Orléans, 25.
3G0. FisrjUER (Joseph)^ représentant général de la C'« G'" Trans-
atlantique pour rAutriche-Hongrio, Ilegelgasse, 13, Vienne,
(Autriche).
115G. FiscHKR (Emile), de la inaisuu H. Génestal et tils, rue de la
Ferme, 21.
Uî)3. Flavkïny (0 <^\ lieutenant-colonel, commandant le 22« légi-
ment territorial d'Infanterie, rue de TOrangerie, 35.
85. Foerster (Frédéric), rentier, boulevard de Strasbourg, 126.
1534. FoLLiN (H.), de la maison Worms & C'°, boulevard de Stras-
bourg, 55.
393. FossAT (E.) ♦, courtier, rue de la Bourse, 32.
1924. Ft>ssAT (A.), courtier, rue de la Bourse, 32.
11'51. ForiLLKUL (B. P.), négociant, de la maison J. P. Simmonds
& C'», rue Flécliier, 0.
1830. Fran-jUE (Paul) (C «Ji), propriétaire, rue des Gobelins, 45.
1551. Fritz (J.), professeur d'allemand, rue Frédéric-Bellanger, 56.
1831. Fru;ENrB (L.), représentant de commerce, rue du Lycée,
16 bis.
17>^7. Gaillard (Louis), négociant, rue Franklin, 36.
2(ill. Galilée (Henry), courtier, palais «le la Boui-se, escalier D.
856. Garauo (Jules), négociant, rue Jules- Lecesue, 58.
14'î8. Garnier, vérificateur des Douanes, rue de la Gaire,2.
376. GArtTXEii (L.-E.), do la mais )n J Djipasquier & C'«, rue
Saint-Michel, 19.
1574. Gascdkl (V.), docteur médecin, ancien médeciude l'iiôpital
civil de Constantine, ruo Bazan,60.
15'.'7. Gatin (P.), courtier, rue de la lîourse, 38.
18i»0. GATriKKK (P.), n<'';;fK'ijiiit, mu Toustiin, 13.
lî'O.", (iKi.; (Henri), agiMil do cliauic^î. plue Jiamluîtta, 9.
1665. Gkiv (M'»«), rue Fiéoliibr, 12.
XIV LISTE GéNÉRALE DES MEMBRES
28. GÉNRSTAL (Henri) ^ (O A), négociant, conseiller général,
consul d'Italie, rue de la Bourse, 44.
1405. GÉNESTAL (Maurice), négociant, juge suppléant au Tribunal de
Commerce rue de la Bourse, 44.
288. Genin (fc\), négociant, boulevard de Strasbourg, 65.
1114. Gessler(H.-E.), agent commercial, rue de Mexico, 45.
1480. QoD.VRD (Henri), propriétaire, boulevard Maritime, 48.
1272 . Gode FROY( Ernest), courtier maritime honoraire,rue Caligny, 18.
1804. Godet, négociant, adjoint au Maire du Havre, rue Gustave-
Flaubert, 87
718. GoDRBUiL (Emmanuel) >î<, avocat^ rue Séry, 23.
2007. GoRSE (le d*" Jean), médecin de la Santé, Grand-Quai, 55.
1116. GossELiN (Emile), notaire, rue d*Iugouville, 31.
1838. GoT (Th.), ingénieur aux Chargeurs Réunis, rue Guillaume-
le-Conquérant, 16.
1679. Grandcamp (Léon), employé de commerce, rue Gambetta, 60,
à San vie.
1885. Grégoire (Henri), courtier, place Jules-Ferry, 8.
1702. Grinkr (Ad), docteur-médecin, place de THôtel de- Ville, 23.
666. Gripois (E.), rentier, rue Saint-Roch, 5.
98. Grosos (Eug.) (0 ^) (C >ï<) {0 ^) je, négociant-armateur,
consul de Turquie et d'Autriche-Hongrîc, place de THôtel-
de-Ville, 26.
1593. GuÉLON (Mathieu), ^.receveur des Postes, b. de Strasbourg, 108
91. GUKRBETTE (I.), u'^ojiuit, ruo Victor-Hugo, 156.
611. GuÉRiN (Désiré), receveur de l'Enregistrement, en retraite, rue
Racine, 9.
1951. Guerrier (Fcrnand), pilote, rue Marie-Thérose, 15.
1810. GuiKFART (Armand), ingénieur des Ponts et Chaussées, boule-
vard François-I«% 141.
1199. GuiLLEMErTE(Eag.3ne),cjmîni83iire -priscur, ru^do Féeauip, 4.
1812. GuiLLERVULT (0.|, négociant, rue Picpus, 9.
853. GuiLLOT (Denis), avocat, conseiller général, boulevard de
Strasbourg, 148.
97. GuiTTON (Lduîs) (4J A), agent commercial, de la maison
Ferd. Schneider, rue du Champ-de- Foire, 74.
1717. Haa«} (Otto), négociant, rue Cochet, 8.
1202. Haas (Ch.), agent commercial, rue delà Cave- Verte, 9, à San vie.
1808. Haas (Geo.), reprsentant do commerce, place Jules-Ferry, 8.
1509. Habkut (Gaston), de la maison Eugène Doublet, rue Fran-
klin, 15.
MEMBRES TITULAIRES XV
580. Hamel (C), fabricant de bonchous, rue de la Bourse» 17.
868. Hamon (J.-B.), capitaine au long cours, ifnpisse Uauguel, 4.
262. Harou [Et,\, courtier d assura li ces, rue de la Bourse, 24.
1208. Uauber (Georges), négociant, rue de Touraoville, 83.
iy23, HAU68MAMN (0 *), receveur des Finuuces. rue de l'Orangerie,
12.
1936. Hauzkur (Georges)^ de la maison W»» Mason, rue du Havre,
94, à Ste- Adresse.
1457. Hays (W"), négociant, rue Cochet, 5, à Smvic.
1712. HéBEET (Jules), chef de service des Engins de levage de la
Chambre de Commerce, rue Jules-Leceane, 105.
875. Hem ET (E.), directeur du Bulletin (le corresjHjJtdaiwe^ palais
de la Bourse, escalier F.
850. Hess (G.), négociant, rue du Champ-de-Foire, 7 Un.
562. Hochet (Q.), employé de commerce, rue Franklin, 31.
105. HoFMANN (H.), professeur d'allemand, rue de la Paix, 1.
2005. Hubert (Jacques), rue Augustin-Normand, 16.
1748. Humeau (le Docteur), rue de Toul, 8.
636. Humbkrt (Charles), négociant, rue de Mexico, 61.
1624. HuTTKR (J.-J.), entrepreneur, rue du Havre, 46, S*«-Adresse.
1448. Jacqubmin (Charles), assureur, consul du Monténégro, rue
Victor-Hugo, 67.
407. Jacquby (Louis), ingénieur de la Chambre de commerce, bou-
levard de Strasboiu-g, 179.
1805 Jamein (Jules), négociant, conseiller d'arrondissement, place de
)'H6tel deVille, 25.
1713. Jandjn jeune, pharmacien, rue de Fécamp, 13.
2018. JoBBÉ-DuvAL, négociant, passage Marie-Berthe. 7.
11*82. JoiiNSTON (Georges), négociant, de la maison E. Raoul-Duval
et C», pluce Caruot, 9.
391. JoLY (A.|, propriétaire, boulevard de Strasbourg, 2.
1912. JuiiEL (Alfred) [i} A|. courtier, impasse S^-Michel, 12.
îfll. Ju.vo fils (Frédéric), négociant, rue Félix- Faure, 34.
1157. Kablê (Jacques), courtier, rue Victor-Hugo, 134.
1896. KABLé (M"»" Charles), propriétaire, rue S'-Michel, 6.
1359. Kaisbr (Uodolphet courtier, rue du Champ-de-Foire, 2.
1954. Kkkz iFerd.), ciinsier, rue Frédérick-Lomaître, 27.
1927. KiRscHBAUM (M^'') (4? I), Directrice de Técole pratique de
Commerce et d'Industrie pour les jeunes filles, rue du Lycée,
130.
1027. KoLLBRUNNEU (W.), courtier, palais de la Bourse, escalier D.
XVI LISTE GENERALE DES MEMBRES
978. Kraus (Éilouard), phunnucien, place de l'Hôtcl-de- Ville, 9.
122. Krâusb (Albert), négociant, de la maison TIi" Dreckenrid^f
& Ci», rue de Bapaume, 19.
1899. Kronheimer iCiiarles), négociant, rue S^-Martin, 2.
929. Lafaurie iG.), courtier, rue EMcarpée, 9.
1947. Lamy (Paall, négociant, rue Joinville, 42.
356. Lamo'itb (Edgerd), négociant, membre de la Chambre de cona-
merce, boulevard de Strasbourg, 134.
1273. Lanjtuit (André), négociant, rue de S^-Quentin, 11.
671. Landuieu (Charles), commerçant, rue de Paris, 98.
1318. Lanel (Ch.), rentier, rue Auguste- Dolf us, 4.
857. Laneuville (E.), courtier, boulevard de Strasbourg, 55.
1993. Lancer (Mlle Emilie), rentière, me du Chilou, 40.
1108. Lanqlois (F.i, propriétaire, quai d'Orléans, 9.
465. Lanistakf (W.), négociant, Grand-Quai, 67.
1926. Langstaff (A), négociant, de la maison W^Mason, rue de la
Bourse, 26.
1470. Larde (Charles), courtier, rue de la Bourse, 38.
12^. Latbam (Edmond' tH*, négociant, ])ré8ident honoraire de la.
Chambre de commerce, rue Victor-Hugo, 145.
1573. Latham (Charles), négociant, rue Victor-Hugo, 145
2017. Latiiam (Robert), négociant, de la maison Frédéric Jung et
C'c, boulevard de Strasbourg, 130.
1558. Laude (Louis), directeur <le la Caisse de Liquidation, rue Co-
chet, 4.
1094. Laupe (Richard), négouiuiit, rue de Paris, 116.
1491. Lauer (Henri), de la uiaison Ilayn, Roman & C'®, route de
la Hève, 14, à Sainte -Adresse.
1230. Lvvotte fils, de la maison Worms et C'<^, boulevard de Stras-
bourg, 138.
1314. LEBUiRE (Gaston), assureur, boulevard de Strasbourg, 57.
790. Leblond (Albert) ^, négoci int, adjoint au maire du Havre,
membre de la Chambre de commerce, vice-consul du Vene-
zuela, rue Anfray, 19.
681. Le Bourgeois (Georges) ^ (C >{<), constîiller général, maire
de Rogervillo (Seine-Inférieure)..
367. Le Bris (F.), négociant, rue du Lycée, 56.
1289. Le Clerc (Georges), rentier, place de l'Hotel-fle-Ville, 1.
133. Lecomte (P.) *ï<, négociant, de la maiHOn Joannés Couvert,
consul du Guatemala, rue delà Bourse, 31 bis ,
MEMBRES TITULAIRES XVII
1683. Lecoq (Edouard), négociant, rue du Champ-de-Foire^ 2.
1999. LioouBTOis iLoais), ancien notaire, rue Gustave Flaubert,
91.
1571. Ledoux (Paul), négociant, rue Victor-Hugo, 157.
1741. Lbtebvee (Frédéric), courtier, palais de la Bourse,
escalier A.
2006. Lkfrbvre (Georges), courtier, rue delà Bourse,- 38.
1968. Lrfèvbe, professeur à TÉcole primaire supérieure de Monti-
villiers^ route d'Éi>ou ville, 23 bi», à Montivilliers (Seine-In-
férieure).
1990. Le Gad, docteur- médecin, rue Thiers^ 40.
845. Le Goff (Louis), négociant, boulevard de Strasbourg, 32.
1707 Leikh^pil (Victor), agent de change, boulevard de Stras-
bourg, 75.
1241. Le Grand (R.), graveur, rue de la Bourse, 6.
1535. Legbos (J.), relieur, rue de la Comédie, 3.
1955. Le GiiERNEY ^, percepteur, rue Ernest-Renan, 107.
525. Le Gden (Hippolyte), capitaine- visiteur, rue du Docteur-
Cousture, 2 1 bis.
1895. LÉGUILLOX (Charles), négociant, rue J.-B. Eyriés, 72.
462. Lelaumikr (L.), architecte, rue du Champ-de- Foire, 17.
979. Leleu (A.) [^ A,), négociant, rue Racine, 4.
1899. Le Mendet de la Jugannière, avocat, rue Fléchier, 16.
1564. Lemierre (Adrien), représentant de commerce, rue du Champ-
de- Foire, 55.
1074. Len'hardt, docteur- médecin, boulevard de Strasbourg, 60.
I 1785. Lentz (Flermann), négociant, de la maison Metz et C'c, rue
I Jules- Lecesne, 32.
550. Leprestre (R.), commerçant, rue de Paris, 67.
! 141. Lbprincb (A.) (U A), directeur de la C'« Normande de navi
gation à vapeur, boulevard de Strasbourg, 201 bis.
1603. Leeat (Lucien), courtier, place de l'IIôtel-de- Ville, 23.
1798. Leeat (Albert), directeur des Docks du Pont- Rouge, rue
Marceau, 2.
1204. Lerch (Henri), négociant, de la maison Les Neveux de
J.-G. Schmidt, rue de la Bourse, 5*
455. Lesaqe ^, directeur de la manufacture des Tabacs, rue du
Grand-Croissant, 37.
1790. Lesaqe (Gustave), industriel, me des Ormeaux, 22.
950. Leseox ( A), — professeur à rÉr-olc primaire supérionre «le
garçons, rue Dicquemare, 1.
SOCflÉli Dl «AoaBAPHIB. II
XVIII LISTE GÉNÉRALE DES MEMBUES
2021.,Lbsmèb (Louis) ^, capitaine du génie, rue du Champ -de-
Foire, 76.
1233. Lbtellikb (Léon), courtier, juge au Tribunal de Commerce,
place Jules- Ferry, 9.
1122. Le Tourneur (Victor), négociant, rue Franklin, 19.
1266. Levêque (Delphin), rentier, rue de Normandie, 1.
1819. Levesque iPaul), négociant, quai d'Orléans, 59.
1082. Lévy (Lucien), courtier d'assuninces, juge suppléant au
Tribunal de Commerce, palais de la Bourse, escalier F.
1976. LÉVY. marchand tailleur, rue de Paris, 129.
843. Lièvre (Daniel), commissaire de l''^^ classe des Troupes colo-
niales, à Nouméa (Nouvelle-Calédonie).
1962. LoGRE, capitaine au long cours, agent de la C»« des Chargeurs—
Réunis t'i Saigon (Cochinchine).
153. LoiSEAU (Paul), négociant, boulevard François-I", 86.
812. LoiSËAU (Georges), avoué, ^ Bourg (Ain);
1710. LoiSKL (Achille), chancelier du consulat de Belgique, rue de
TAtlus, 14.
1967 . LoTZ (Rodolphe), maison Latham & C»', rue Victor-Hugo, 145.
155. Louer (Jacques) *|J*, rentier, boulevard François-I*"", 92.
1729. Luce (Charles), employé de commerce, maison Loiseau & Bar-
rai, rue du Cliilou, 34.
382. LucY (A.), ingénieur aux Forges et Chantiers de la Méditer-
ranée, rue Saint-Michel, 28.
1430. Luth Y, négociant, boulevard de Strasbourg, 130.
1431. Macleod (John), boulevard François-I*', 1.
1778. Macleod (M«o), propriétaire, boulevard Maritime, 102.
1542. Madklaine (Eug.), courtier^ rue Anfray, 11.
6S8. Maillart (Th ) (^ A), entrepreneur, maire de la Ville du Ha
vre, rue Victor-Hugo, 135.
180. Mallet (M"»«). rentière, rue de TOrangerie, 37.
728. Malon (G.) ^, sous-directeur de la C'« Havraise Péninsulaire
de Navigation à vapeur, place de l'Hôtel-de-Ville, 26.
1224. Mancheron (René), courtier, place Jules- Ferry, 8.
571. Marande (Léonce), négociant, quai d'Orléans, 45.
1026 Marande (Charles- Auguste), négociant, administrateur de la
Compagnie Coton nièrc, rue Saint- Roch, 13.
1303. Marande (Victor), courtier, maison Ch. Colchen, rue Jules-
Lecesne^ 32.
401 . Marcel, négociant-armateur, place Jules-Ferry, 8.
1716. Maréchal (Henri), courtier, place do l'Hôtel-de-Ville. 19.
MEMBRES TITULAIRES XIX
1784. Marie (Loois), courtier, rue Gustave- Flaubert, 11.
166. Martin (Albert), de lu maidoo Gu8t. Ësbraa, quai d'Orléans, 59.
1232. Martin (Emile), greiHer du Tribunal de commerce, Palais de
Justice.
1183. Martin-Dupont ^, médecio principal dtî la Marine, en retraite,
chef du service médical de la C'« G^« Transatlantique, rue
Thiers, 20.
2009. Masqublisr (Aug.i, négociant, membre de la Chambre de
commerce, rue Jeanne- Hachette, 2.
1737. Massera (Ricardo), consul de l'Uruguay, place de l'Hôtel-de-
VUle, 15.
1948. Massoni ^, administrateur en chef, chef de Tlnscription
Maritime, arsenal de la Marine.
1743. Matthey (G.), négociant, rue Anfray, 8.
1433. Mauberi Georges), négociant, consul du Paraguay, boulevard
François-l»', 84.
1191. Maze (Georges), négociant, rue delà Bourse, 19.
1848. Maze fils (Georges), rue de la Bourse, 19.
1251. Maze (Femand), propriétaire, rue Jules- Masurier, 17.
1188. Mbckenstock (L.), agent commercial^ rue de la Bourse, 17.
172. Ménager (Edouard), courtier, rue St-Martin, 3.
1152. Mêniee (Henri), industriel, rue de Châtcaudun, 56, à Paris.
1773. Mercier (Christian), courtier, rue Bossnet, 1.
1471. Mériot (G.), agent de la Société commerciale d'affrètements
et de commission, boulevard de Strasbourg, 119.
1437. .Mbtz (F.), négociant, rue Jules- Lecesne, 32.
l^U. Meiz (Valentin), négociant, de la miison Napp & C'*, rue de
St-Quentin, 59.
1973. Mbtz (Henri\ ingénieur, courn de la Hépubli jne, 115.
173. Mkura (Ch.), courtier, rue Scudéry, 5.
^21. Mbyer (Gust.;, négociant-commissionaaire, rue «le Berry, 51.
817. Meter (E<im.), assureur, rue du Lieutenant- Evolin, 8.
957. Metkr (Léon) {Q A), courtier, rue de la Bourse, 31 bis.
1786. Meyer (Raoul), courtier, rue de la Bourse. 31 bis.
834. Michel (Gustave), négociant, consul de la République de
Salvador, place Jules-Ferry, 6.
1901. Michelin, directeur du Crédit Lyonnain, r. de S*-Quentin, 21 .
1507. Mignot (Henri), rue Guillemurd, 33.
1528. MiQMOT (Gaston), négociant, consul du Nicaragua, rue de la
Bourse, 35.
738. Mille (Lucien), négociant, rue de Bap.iume, 7.
XX LISTE GÉNÉRALE DES MEMBRES
1775. MocH (Ernest), négociant, de la maison Oppenheîmer frères,
boulevard de Strasbourg, 146.
1109. MoNGiN (Edouard), industriel, avenue Philippe-Auguste, 40, à
Paris.
1617. MoNQUiLLoN (A.), professeur à l'École primaire supérieure do
garçons, rue Dicquemare, 1 .
727. MoNSALLiEK (L.), assureur, rue de la Bourse, 31 bis.
1857. MoNscouuT (Emile) (^)| A), professeur au Lycée, rue de
Mexico, 27.
564. MoREAU (A.), propriétaire du Grand hôtel de Normandie, rue
do Paris, 106.
1538. MoROAND (P.) (^ A.), négociant, juge a uTribunal de commerce,
place de riIôt<?l-de-Ville, 24.
409. MossELi.MANN (le comte), capitaine au long-cours.
1696. MonîKi. (M^'«) (^1 A), directrice de l'École primaire supé-
rieure de filles, rue Joinville, 15.
1608. Mulot (GusIjivo), de la maison Gustiive Michel fils, place
Jules-Ferry, ô.
177. MuNDLER (H.) (Q A), négociant, rue François-Millet, 24.
647. MuRAT (Joseph), employé de commerce, rue Fontenelle, 15.
1824. Napp (Jean), négociant, rue de Saint-Quentin, 59.
1606. Narcy (Ph.), notaire, boulevard de Strasbournr, ).
1997. Naudé, ingénieur à la Compagnie duGaz, ruePhilipp:- Lcbon ^
29.
1291. Noël (J.), courtier, rue Anfray, 8.
1987. NoisErrE (Emile), ingénieur, directeur des établissements
Schneider, boulevard d'Hurflenr, 33.
287. Normand (A.) (0 i/J*) ^, constructeur de navires, rue du
Perrey, 67.
1985. NoR>fANi) (Mlle Euiilie), rentière, boulevard Franco iH-Io»-, 27.
1057. NoRTz (E.), négociant, rue Fontenelle, 29.
193. OniNET (René) * (G 0 ^f | >{<;}», négociant-arin iteur,
conseiller d'arrondissement, consul de Perse^ boulevard de
Strasbourg, 117.
1031. Odinkt (Georges) [Q X) (0 »>), négociant, chancelier du con-
sulat de Perse, boulevard François- I<^r, 97,
1983. OwEN BuRBiDGK (Rev'-E.), rue Palestre, 4, à S'^-Adresse. '
1950. Paon (Alph.), directeur de la Q'^^ havraisc des Magasins-Gé-
néraux, rue Marceau, 48.
MEMBRES TITULAIRES XXI
1939. Paris (Edgard), 2« commis à la direction des Douanes, rue
AngTistin- Normand, 104.
744. Pelard (Frédéric), courtier, rue de lu Bourse, 28,
1827. Pelissibr, (y A) professeur au Lycée, rue des Qobelina, 38.
204. Perquer (F.) Pîi,négociant-armateur, consul de la République
de Costa-Rica, rue du Chilou, 1.
1041. Perquer (Paul), courtier,membre de la Chambre de commerce,
place Jules-Ferr\', 8.
1481. Pesle (René), agent commercial, quai d'Orléans, 37
1794. PfiSLE (iiobert), négociant, rue d'Éprémesnil, 66.
1933. iE8 LE (Alfred), courtier, rue de la Bourse, 34.
2000. Pesle (André)^ agent commercial, palais de la Boarse, esc. C.
1809 Petet (Victor), chef de gare adjoint, quai du Tonkin.
873. Petit (Guillaume), négociunt, président du Tribunal de com-
merce, membre de la Chambre do commerce, maire de Blé-
ville, rue Doubet, 4.
1455. Petit (Emile), courtier, rue de la Bourse, 32.
1090. Pézeril (L.), avocat, boulevard de Strasbourg, 91.
1498. Pfister (Gustave), négociant, rue Félix-Santallier, 17.
464. Philbert (Jules), banquier, rue delà Paix, 7.
''("ô. PuiLBKRT (H.), courtier, rue Jules-Janin, 8.
1844. Philippe (Aug.), négociant, rue do la Ferme, 25.
1496. PiuAULT (Pascal), courtier, maison J. Durand* Vicl, rue delà
Bourse, 28.
1812. Piix)N (E.) (0 »{<), secrétaire général des Docks Entrepôts,
quai de Marseille.
1931. piNCZON, ingénieur en chef des Chargeurs-Réunis, boulevard
François I", 139,
1823. Pineau (Henri), rentier, rue do Tourneville, 63.
1264. PipEREAU (Jjucien), arbitre de commerce, rue Jules-Lecesne, 43.
1599. Plichon (Gaston), négociant, rue de la Gaffe, 6.
5^59. Plum (Paul), assureur, place de THôtel-de-Ville, 11.
475. Poi devin iP.), rue de la Comédie, 35.
li*74. PoiDviN (Jules), professeur à l'École pi imaire supérieure do
garçons, rue de Paris, 70.
1502. PoLET IR.) i^ A)j assureur, rue Thiers, 20.
742. PoLETTi (H.), de la maison Joannès Couvert, rue de la Bourso,
31 bis.
]?36. J*0RN1N (El), de la maison André Dupâquier, rue delà Bourse,
59 btB.
1661. PoTRL (Ch.), docteur-médecin, C'«G>» TranBatlantifpie.
203. PoL-LRT (Edgard), caisHJer, rue dn Perrey, 162,
XXJl LISTE GENERALE DES MEMBRES
1391. PouPKL-(Emm.), architecte, pîace de THôtel-de- Ville, I.
747 . PowiLKWioz (Q A) •!•, doctenr-médecin, rue de Ste- Adresse, 20
1845. Prentout (G.) (i]^ A), régisseur de biens^ rae Anœlot, 5.
435. Preschez (E.), avoué, rue Jules-Lecesne, 28.
1998. Prêtes (H.), directeur du Comptoir National d'Escompte de
Paris, rue de la Bourse, 2.
1296. Prob8T, agent commercial, maison P. Perquer, place Jules-
Ferry, 8.
803. Procopb (E.). négociant, rue Frédéric-Lemaitre, 28.
1897. Proficuet, docteur-médecin, rue du Gfênéral-Faidherbe^ 5 bis
882. Pdsinelli (Jacques), négociant, rue Victor-Hugo, 188.
799. Quesmel (Charles), négociant, place de THÔtel-de- Ville, 3.
1244. QuBSNEL (Alfred), rentier, rue Marie-Talbot, 21, k Sainte-
Adresse.
938. QuoiST (Georges-D.), imprimeur, rue du Chilou 11.
1995. Raisin (E ), au consulat du Brésil, boulevard François-I**, 61 .
863. Baubsbt, principal clero de M« Bach, notaire, place de
rHÔtel-de-ViUe, 24.
414. Bamelot (Eugène) (Q I.}, représentant de commerce, mem-
bre de la Chambre de commerce, rue des Pénitents, 34.
548. Raoxtl-Duval (Edmond), négociant, rue Féliz-Faore, 49.
840. Begnieb (Ernest)^ administrateur-déUgué du Crédit Havrai«
boulevard de Strasbourg, 79.
1575. Reibeb (C), courtier, rue de la Bourse, 17.
1153. Rbinhart (Gustave), négociant, juge suppléant au Tribunal de
commerce, palais de la Bourse, escalier B.
281. Rknout (V.) ^, ingénieur des Ponts et Chaussées, en retrai-
te, boulevard François-I", 69.
940. RiCHBR (Emile), négociant, rue SufEren, 11.
1451. RiCHER (F.), de la maison Dévot & C'«, r. de Saint-Quentin, 7.
1196. RiHAL (Narcisse), négociant, boulevard de Strasbourg, 162.
1802. KiHAL (Gustave), négociant, rue Gustave-Flaubert, 6.
1984. RiNCHEVAL ^, directeur des Douanes, rue de la Gaffe, 2.
208. RiSPAL (Auguste) ^, sénateur, membre de la Chambre de
commerce, boulevard de Strasbourg, 25.
1776. Riss (Alphonse), de la maison Lefebvre et Chardin, boulevard
de Strasbourg, 58.
1453. Robert (Auguste), courtier, rue Victor<Hugo, 151.
1609. RoBiT.LARD (Emile), représentant de commerce, rue des Fermes,
& S<«-Adre88e.
1970. RoBiNsoN (Georges). agent demaisoDs étrangères, rue Aii£ray,4.
/
MEMBRES TITULAIRES XX1I1
209. fiocHB (J.)f photographe, place Gambetta, 18.
358. Rœdereb (Jules), Dégociunt, conseiller général, membre de la
Chambre de commerce, me Casimir-Pôrier, 6.
1742. Bi)iDERCR (Léon), négociant, rue Félix- Faure, 31.
629. Roger (0 ^), ingénieur, chaussée des Etats-Unis, 15.
642. KoGBR (Jules) ^, docteur-médecin, boulevard François-I«>')
118.
1902. Rosi AIN (Casimir), rentier, rue des Marches.
1709. BoNOT (Emile), directeur de la Commercial Cable Cy, boule-
yard de Strasbourg, 112.
404. RosB itf Mcrétaire du Comité des assurances maritimes,
palais de la Bourse, escalier B.
1928. Rougbt-Marseillb (A Q), fondé de pouvoirs de la Recette des
Finances, passage Lecroisey, 9.
1942. RouRE (M^i* Alice), professeur à TÉcole pratique de Commerce
et d'Industrie, rue du Lycée, 71.
1903. RoussBLiN (Léon), régisseur de biens, rue Gôricault, 15.
987. Ronx (François), capitaine au long cours, rue des Pénitents, 29.
1387. RUAULT, rentier, rue d'Épréiuénil, 39.
1238. RcD (J.)» négociant, boulevard de Strasbourg, 118.
1222. RuTENACHT (Jules), agent commercial, palais dd la Bourse,
rue Dupleix.
1223. RuFXNAOHT(£douard),courtier, palais de la Bourse, Escalier D.
1059. Sabathier (P.)i ingénieur civil, inspecteur du bureau Veritas,
rue FicpuB, 2.
981. SaUQUBT (Femand), négociant, membre de la Chambre de
commerce, consul des Pays-Bas, rue Victor-Hugo, 134.
1639. Savarin (A.), négociant, place Carnot, 4.
19.^. Savary (A.), arbitre de commerce, rue de Normandie, fiô.
1133. ScHARTTNER (W.), courtier, rue de la Bourse, 29.
1258. Schlagdenhaofbn (F.), courtier, rue Géricault, 4.
1704. ScHLiBNGBR (Arthur), négociant, rue Jules- Lecesne, 46.
259. ScHMiiT (Victori, assureur, rue du Chilou, 1.
864. ScHMiTZ (Alfred), négociant, place Carnot, 4.
1284. Schneider (Ferd.), représentant de maisons étrangères, me de
la Bourse, 21.
1620. ScB RODER (Edouard), courtier, rue do la Bourse, 21.
726. ScHWOB (Paul), négociant, quai dOrléans, 25,
1906. Sebliobr (Ed.), agent commercial, 28, rue de la Bourse*
811. SsiONBUBâ (Ernest), négociant, rue Augustin- Normand, 2«
XXtV LISTE GÉNËHàLE DES MEMBRES
1449. SÉNÉCART (A.), courtier, rue Victor-Hugo, 138.
1341. Senn (Olivier), négociant, administrateur de la Compagnie
Cotonniôre, palais de la Bourse, escalier £.
1613. Senn (Maurice), courtier, rue de la Bourse, 23.
663. SiEBER (H. -A.), propriétaire, rue S*-Honoré, 352, à Paris.
220. SiKGFRiED (Jules) (0^) (y A), député du Havre, rue Félix-
Faure, 22.
225. Siegfried (Jacques) (0 ^) (0 ♦), propriétaire, au château de
Langeais (Indre-et-Loire).
633. Siegfried (Ernest), négociant, rue Félix-Faure, 50.
1601 . Siegfried (Jules) fils, industriel, me Demidoff, 40.
226. SiEURiN (H.), négociant, rue Jules-Lecesne, 58.
1559. SiGAUDY (P.), *, ingénieur en chef des Forges et Chantiere
de la Méditerranée, me Quy-de-Maupassant, 2.
1986. SiQAUDY (Mlles), rentières, place de l'Hôtel -de- Ville, 29.
1972. Simon, docteur-médecin, boulevard de Strasbourg, 148.
1352. Six, négociant, rue Trigauville, 39.
1884. Smerling (F.), négociant, rue Victor-Hugo, 179.
1265. Société des anciens élèves de TÉcole supérieure de Commerce
boulevard François-I**^, 58.
J618. Société d'Éducation populaire, me Dicquemare, 1.
1920. Société de rEnseigneinent scientifique par l'Aspect, rue da
Canon, 26.
1265. SoGLET (J.), ingénieur, directeur de la C^» Ql* française des
Tramways, me Michel- Yvon, 7.
1174. Souque (Albert), avoué, place Carnot, 6.
1762. Staeheux (Willy), quui d'Orléans 39.
387. Stem PO wsKi, représentant de commerce, me Jules-Leceene, 68.
229. Taoonet (Maurice), courtier maritime, membre de la Cham-
bre de Commerce, Grand-Quai, 67.
632. Taconet (Pierre), assureur, quai d'Orléans, 37.
1120. Taconet (Robert), assureur, quai d'Orléans, 37.
1815. Talbot, professeur^ impasse Massieu-de-Clerval.
2013. Trurterie (E.j. négociant, rue St-Roch, 27.
1777. Thiboumery (André), courtier maritime, rue de Fécamp, 29.
1374. Thieullent (Henri), négociant, rue lliiers. 126.
713. Thillard (Henri), greffier eu chef du Tribunal civil, me
Thiers, 124.
638. TuoMAS (Charles), négociant, rue Bernardin-de-St- Pierre, 5.
1699. Thomas (A.), électricien, boulevard de Strasbourg, 67.
MEMBRES TITULAIRES XXV
1317. Thon (Valentin), employé de commerce, maison Napp et C^',
roe de Saint-Quentin, 59.
1684. Toussaint (M.), avocat, rue Qustave-Cazavan, 31.
1086. TouTAiN (Laurent), conrtier d'assurances, palais de la Bourse,
escalier F.
2003. TRAUMikNN (Emst), de la maison Kronheimer et G^^ boule-
vard de Strasbourg, 55.
348. Trouvât (G.), commerçant, rue Victor-flugo, 149.
232. Turbot (A.) [Q I), courtier, place Jules- Ferry, 9.
233. TuRPiN (Georges;, négociant, rue Franklin, 23. ^
246. Van dib Vsldb (P.), négociant, palais de la Bourse
escalier C.
1846. Vanibr (Ferd.), négociant, rue Chaptal, 6.
1916. Vanieb (JulesJ, négociant^ rue du Cliamp-de-Foire, 34.
1235. Vabnier (Louis)^ négociant, rue Caligny, 1.
1^. Vassia (E.), ^, vice-consul d'Italie, rue Lemaistre, 6.
1763. Vatinel (Charles), comptable, rue de Pardieu, II.
1450. Vbbqkk, chef- mécanicien, place Gambetta, 18.
1443. Yek8PBEBUWEi( (Hermann) iî< ^ >{<« négociant, consul de Bel-
gique, de rÉtat indépendant du Congo et de Libéria, bou-
levard de Strasbourg, 124.
632. Vézih (Joseph), capitaine au long cours, rue des Petits-Champs,
31, à Paris.
1979. Vidal (Edmond), courtier, rue Victor-Hugo, 136.
VJùO. Vjejra I)A Silva (Joao), ^, consul général des Étuts-Unis du
Brésil, rue de la Bourse^ 30.
1612. ViONÉ, docteur-médecin, à la C''^ G*« Transatlantique, Grand-
Quai, 65.
1996. ViGOUROUs (Mlle Marie- Louise), élève à la section normale de
l'Ecole Pratique de Commerce et d'Industrie, rue J.-B.-
Eyriès, 16.
1456. ViLLEB, négociant, rue Doubet, 17.
1925. Violette, administrateur de Sociétés, boulevard de Stras-
bourg, 124.
240. VioLLETTE (A.), courtier inaritimo, membre de la Chambre de
commerce^ Grand-Quai, 47.
1715. Walch (Gilbert), avocat, rue du Cliamp-de- Foire, 57.
1754. Wannkr (Emile), consul de lu Confédération Suisse, rue
Guillomard, 84.
d^5. Wkissekbubqeb (Th.). propriétaire, rue de TObsorvatoire, 29.
1988. Wk(.ter (Jean), ingénieur, rue St-Hoch, 7.
1886« Westphaleu (Maurice), négociant, place Carnot, 10.
XXVI LISTB GÉNÉRALE DBS MEMBRES
243. WiNDBSHBiM (Ë.), négociintf rue des Brindes, 12.
2020. WiNNABRT (Louis) inspecteur sédentaire des Douanes, rue de
la Gaffe. 2.,
615. WiNNiNU (James), agent de la C** Gunard, quai d'Orléans, 23.
1313. WrrroRSKi (Louis), courtier, rue Fléchior, 1.
1698. WooLLBi^r (A.) (Q A), compositeur de musique, rue du Ca-
non, 20.
1782. Ysmel-Fbanqub (G.), courtier maritime, boulevard Frao-
çoi8-I«% 106.
789. YsNEL, négociant, rue 13onbot, 17.
886. ZiBOLBB (A.), de la miison Dufay» Gigandet et G**, rue Jules-
Lecesne, 50.
1750. ZiKQLKB (Arnold), employé de commerce, modes Pénitenta, 3.
PUPILLES XXVII
LAURÉATS DU CONCOURS DE GÉOGRAPHIE
Pupilles de la Société
MvNDLBR (Georges)^ rue François-Mil iet, 24.
Malahdajn (Ql), rue Frédéric- Bellanger, 38.
RscHEB (Edouard;, rue Gustave-Flaubert, enclaye des Péni-
tents.
Gazbngbl (Arthur), boulevard de Graviile, 502, Graville-
Ssinte-HoDorine .
GoÉBOUT (Marcel), boulevard Amiral-Mouchez, 114.
Lakokvin (Léon), me d*Étretat, 88.
FuLOEXCS (L), chez MM. Guibert&Co, 110, Charing Cross
Road, Londres, W. C.
Bbakdalâ (Lucien), me Bellot, 20.
Vaillaht (Etienne), ras SainWulieo, 11.
LuuT (Bobert), rue Marceau, 2.
M^«* Maillabd (Marie), rue Louis- Philippe, 24.
Gampabt (Suzanne), me Ernest- Renan, 25.
ToSTAin (Berthe), rue Lefèvreville, 6.
DUBOSO (Jeatine), me de la Liberté, 32, à Sanvic.
T06TA.1M (Eugénie), me Lefèvreville, 6.
Sahsoh (Valentine), me Lesueur, 128.
MiCHBL (Jeanne), passage Henri Vigor, à Hanvic.
Amiabd (Hélène), me Dugay-Troum, 23.
Reine (Germaine), me du Champ-de-foire, 67.
Pigeon (Madeleine;, passage de la rue Verte, 2.
Dupont (Renée), rue de Norinauvlie, 42.
SOCIÉTÉS, REVUES, JOURNAUX, ETC.
Avec lesquels la Société fait l'échange des Publications
FRANCE ET COLONIES FRANÇAISES
Paris — Société de géographie. Société de géographie commerciale
Société de topographie. Association philotechnique. Société d'éco-
nomie politique. Société des études coloniales et maritimes. Société
d'encouragement pour le commerce français d'exportation. Alliance
française. Société française de colonisation. Chambre syndicale des
négociants-commissionnaires et du commerce extérieur. Un ion colo-
niale française. Comité de l'Afrique française. Comité de 1* Asie
française. Comité de Madagascar. Institut géographique. Société
nationale d'agriculture.Union française de la jeunesse. Association
générale des étudiants. Union amicale des anciens élèves de TÉco-
le supérieure de commerce. Chambre de commerce. Bibliothèque
nationale. Ministères de la Guerre, de la Marine, de rintérieuj.
du Commerce et de l'Industrie, des Travaux publics, des Affaires
ÉtraugèreSfde l'Instruction publique et des Beaux-Arts, des Colo-
nies.— Revue maritime^ Moniteur officiel du commerce, Feuille de
renseignements de l'office Colonial^Bulletin de renseignements co-
loniaux, Paris^Canada^ La Finance coloniale, Le Moniteur des Co-
lonies et des Pays de protectorat, Bulletin de l'Office de renseigne-
ments généraux et de colonisation du gouvernement général de
l'Algérie, Les questions diplomatiques et coloniales. Le Maroc/ran*
gaie. Le Courrier d!* Extrême-Orient. L'Action coloniale»
Départements. — Sociétés de Géographie de Bordeaux, Bourg;^
Bourges, Brest, Dijon, Douai, Dunkerquo, Laon, Lille, Lorientf
Lyon, Marseille, Montpellier, Nancy, Nantes, Toitiers, Rochefort«
Rouen, Saint- Nazaire, Toulouse et Tours. La France coloniBatrice,
(Rouen). Société havraise d'Étudcn diverses. Société géologique
50CIBTES, REVUES, JOURNAUX, ETC. XXIX
deXormandie (Ha\rre). Sociétés industrielles d'Amiens, Elbeuf^
Roneo, et Reinis. Association des anciens élèves de l'École
«iprieare de commerce et de tissage de Lyon. Société des
Scitnces naturelles de Tarare. Cercle d'études des employés de bu-
rfdQ havrais. Chambres de commerce du Havre, Bordeaux, Mar-
seille, Nantes, Lyon. Musée commercial de Rouen. Les Mis-
iions catholiques (Lyon). La Loire navigable (Nantes). Revue de
Ugislation des mines en France et en Belgique (Lille).
Colonies Françaises. — Sociétés de géographie d'Alger, Oran,
Tunis. Comice agricole de Médéu. Direction de l'Agriculture et du
Commerce de la lîégence de Tuni». Bulletin économique de l'Indo-
Chine Saigon). Société des Ét'ides Indo-Chinoises de Saigon
Cliambrede commerce de Saigon. Journal officiel du Congo fran-
çais (Libreville). Journal ujfirUl des Possessions du Congo français
(t dèiieiulunces du Moyen- Congo (Brazzaville) Journal officiel
itUadagascnr et dépendances. Supplément Commercial et Agri-
cole (Tamatave et Côte Est). Bulletin économique de Madagascar,
Journal officiel des Établissements français de / Océûni>(Papeete).
EUROPE
AHemagne — Sociétés de géographie de Berlin, Brome, Greifs-
1 «"aM, Hanovre, Hambourg, léna, H allc-sur-Saale, Leipzig, Munich,
i Dre:rde, Kœnigsbçrg, Cassel, Lul>cck, Stuttgard, Stettin, Franc-
fort aur-le-Mein, Metz. Musée Colonial Allemand, Berlin.— Deuts-
che Kolonial Zeituny (Berlin).
intriche-Hongrie. — Sociétés de géographie du Buda-Pest, Mu-
Hernii d'Histoire naturelle (Vienne). D*6 Weltwirtschaft (Vienne) .
Belgique. — StHriétés de géographie de Bruxelles et d'Anvers,
Cvrcle des anciens étudiants de l'Institut supérieur de commerce
<r.\nvers. Chambre de commerce d'Anvers. Institut colonial inter-
national'Bruxelles). Société d'Etudes coh)niales (Bruxelles). Fédé-
ration pour la défense des Intérêts belges à l'étranger (Bruxelles).
!^ mouvement géographique (}ivn\e{[^^ii\. Missions en Chine et au
Co»J^O( Bruxelles).
16. — S<K'iétt'î de Géographie de Madrid.
es Britanniques. -Sociétés de géographie de Londres, Liverpool.
XXX SOCIETES, REVUES, JOURNAUX, ETC
Manchester, Newcastle-snr-Tine. Edimbourg. Institut impérial,
(Londres). — La Gaceta Sud-Americana '^Londres).
Italie. — Sociétés de géographie de Rome, Milan, Naples et Flo-
rence.
Pays-Bas. — Société de géographie d'Amsterdam.
Portugal. — Société de géograpliie de Lisbonne, Association com-
merciale de Porto.
Roumanie. — Société de géographie de Bucarest.
Russie. — Sociétés de géographie do Saint-Pétersbourg, Vilna,
Orembourg, Moscou, Helsingfors, Club alpin de Crimée (Odessa).
Suède & Norvège. — Sociétés de géographie de Stockholm et de
Christiania. Société des touristes suédois (Stockholm).
Suisse. — Sociétés de géographie de Berne, St-Gall, Neuchâtel,
Genève, Hérisau, Aarau. Société des anciens élèves de TEcole supé
rieure de commerce de Genève.
ASIE
Caucase — Société de géographie de Tiflis.
Sibérie. — Société de géographie d'Irkoutsk.
Inde. — Société de géographie de Calcutta.
Indo-Chine. — Société de géographie de Singapore.
Japon. — Société de géographie de Tokio. Société alleuiande d*hif-
toire naturelle & d'anthropologie de Tokio.
AB^RIQUE
Ég3rpte. — Société de géographie du Caire.
AMÉRIQUE
Canada. — Sociétés de géographie de Winnipeg, Québec et Ottawa.
SOCIETES, RBVUBSy JOURNAUX, BTC XXXI
Êtats-UniB. — Sociétés de géographie de New-Yirk et de San-
Francîsco. Topeka (Kansas). Département de l'Agriculture (Was-
hington). Siuithsonian Institution (Washington). Pilot Charl of the
narth atlantic Océan (Washington).
Hezique. — Société scientillque « Antonio-Alzate » k Mexico,
Chajiihre do couimerce française de Mexico. Observatoires astrono-
miques de Tacubaya et de Mexico.
Salvador. — Observatoire astronomique et météorologi((ue de San
Salvador.
Coita-Rica. — Institut physico-géographique national (San José).
Brésil. — Sociétés de géographie de Rio-de- Janeiro et de Bahia.
Uruguay. — Chambre de commerce française de Montevideo. —
ÂnaUs del Departemento de Ganaderia y AgricuUura de la Repu-
bliea 0. dcl Uruguay (Montevideo).
Pérou. — Société de géographie de Lima. Chambre de commerce
française de Lima.
CShili. — Société scientifique allemande de Santiago.
Sépublique Argentine. — Cliambre de Commerce française de
Bi^;n««K- Aires. Scxîiétés de géographie de Buenos- Aires et de
Co«";irja. Société scientifique argentine de Buenos- Aires. Direction
géccrale de Statistique nmnicipale de la ville de Buenos- A ires.
Département national de statistifjue, à Buenos-Aires. lioletin de
Àçticu'iura y Ganaderia (Buenos- A ires).
OCÉANIE
Australie. — Sociétés de géographie de Sydney, .Adélaïde, Bris-
bane, Mellwurne.
teva. — Société des sciences et des arts de Batavia. Société Indo-
NeerJandaise d'agriculture et d'industrie de Batavia.
ABONNEMENTS
Revue des Deux Mondes^ bi-mensuclle.
Revue de Paris, bi-raensuelle.
Le Correspondant, revue bi-mensuelle.
Revue Politique et LiUéraire[RQyuGh\eue),hehdoinQidaïre'
Revue FrançaUe et de l Étranger, mensuelle.
Le Tour du Monde, ^onvnal des Voyages et des Voyageurs.
hebdomadaire.
L'Économiste Français, journal hebdomadaire.
Revue de Géographie, mensuelle.
Annales de Géographie, paraissant tous les deux mois.
Mitteilungen, mensuel.
Les Annales Politiques et Littéraires, hebdomadaire.
La Nature, revue des sciences et de leurs applications
aux arts et à l'industrie, journal hebdomadaire illustré.
La Dépêche Coloniale illustrée, bi-mensuelle.
La Dépêche Coloniale, journal quotidien.
Imprimerie G.-D. QUOIST, 11, rue tlu Chllou. — HAVRE.
SOCIÉTÉ
DE
GÉOGRAPHIE COMMERCIALE
--x'COÇ*^*
li'IliE DE CUBA
L
r^ superticie de Cuba est évaluée à 118.833 kilomètres
carrés, en y comprenant les petites îles, et sa population à
environ 1.700.000 habitants. KUe est la plus grande des
Antilles et mérite à tous les points de vue son surnom do
'• Périodes Antilles '\
La Sierra Maestra ou chaîne maîtresse forme l'ossature
de Cuba. Klle commence parle promonloir»» ai^u du cap
de Cru/, près du large détroit ([ui sép.irj Cnbà de la
Jamanjue, son point culminant atteint 2.562 mètres. A
l'ouest de Santiago de (^uba, elle perd son nom et prend
celui do Sierra del Gobre,puisde Sierra del (fato, del Indio,
de los Giegos, pour venir finir au bord des marécages du
(iuanlonamo. Toute l'extrémité orientale de l'île juscju'au
c^<p Maisi est sillonnée de hauteurs aux noms divers,
séj);irés toutefois delà Sierra Maestra par une région d^'^pri-
niée. Toute la région moyenne de l'ile n'est qu'une plaine,
ça et là rehaussée de collines basses entre des marais
riverains. D'une mer à l'autre, de la côte nord à la côte
sociÉTé DB GioGRAPiiiR. — 1" trimcslrc 1905 17
258 l'île de cuba
sud, distante de 75 kilomètres seulement, aucune saillie
vraiment montagneuse ne se présente.
Le plus important bassin fluvial de Cuba est celui tîe
Gautû. 1)3 la Sierra del Gobre à la baie de Manzanillo, son
cours est de 212 kilomètres seulement, dont près de la moi-
tié sont nnvi^ablos. Sur la côte nord, les deux rivières les
plus importantes sont Sagua la Grande et Sagua la Cliioa.
Il y a encore une in Uni lé d'autres cours d'eau de peu d'im-
portance dont beaucoup se perdent dans les marécages. Les
marais sont vastes, surtout sur la cùte sud, et on peut
citer la grande cienaga de Zapate qui se prolonge sur plus
de 100 kilomètres entre les deux baies de la Broa et de
Gocbinos et constitue unci vaste étondu(; île fondrières, de
savanes et d'eaux stagnantes.
Les rivages cubains sont garnis d'Ilots et de récifs qui,
sur la côte nord, se développent en rangées régulières,
parallèles.
Cuba est située en entier dans la zone tropicale, mais
l'étendue de l'ile est telle qu'on o])serve des constrastes de
climat assez notables en ses diverses parties. Sur toute l'île
les vents du nord souillent surtout pendant l'hiver et les
pluies sont très abondantes en été, mais elles sont plus
abondantes et plus fortes dans l'est (jue dans l'ouest et
sur la côte nord ([uesur la côte sud.
L3 déboisement qui a changé les conditions du climat
et du sol a d Niu lé la plus gran le partie de l'île et rem-
placé les for.Hs par des fourrés d'arbustes épineux et do
liâmes, dans les piels on ne peut pénétrer (\ue la hache h
la main.
L'^s cultures sont la plus grande richesse de Guba. La
premièrtî, par ordre d'imi) ortant^e, est cfîlle de la canne h
sucre ({ui cj'ivre la gr.in 1;î maj:)rilé des plantations. Les
sui'r^'ries s )nt coueeiiti';'' \s à (îiantanamo, Manzanillo,
Santiago (iibara, SanLa Glara, Matan/as. G'est la canne
\r^
l'île dk cuiu 261
blîinclie Bourbon qui est la plus cultivée. On a récolté en
\m plus de l.OOO.lXX) tonnes et f roduit en 1{X)3 du sucre
pour une valeur de 42.08i.lC6 dollars. On distille environ
lO.ÛOOLarils de rhum dont le tiers est expédié dans l'Anié-
rique centrale et méridionale.
Le tabac est cultivé en plusieurs régions : Partido,
Manicaragua, Villas, Vuelta Abajo. Cette dernière montre
b plus superbes cultures. La production de 1904 a dû
dt'passer largement 25.828.000 kilogrammes et la valeur
du tabac produit en 1903 s'est élevée à 25.475.770 dollars.
Je ne m'étendrai pas sur la confection des fameux cigares
delà Havane.
La culture du café est stationnaire, la dernière année
nedoit pas avoir donné plus que 1.732.084 kilogrammes
en 1902. Il en sera récolté davantage désormais, le café
cubain pouvant maintenant se vendre plus cher, par suite
delà surtaxe établie sur tous les cafés étrangers.
La culture du cacao est également stationnaire et n'a
pasda donner plus que 2.390.104 kilogrammes en 1803.
Les bananes ont un grand essor dans la province de
Santiago, principalement à l'extrémité est et surtout vers
Banes où se trouvent les plantations d'une compagnie
américaine puissante, l'United Fruit C^' et de Français
d origine, MM. Dunois frères. La production s'est éle-
vée en 1903 à 28.834.702 kilogrammes-, dont 99 % ont
été exportés aux Etats-Unis. On cultive aussi l'ananas
quiappartient à le variété dite **de la Jamaïque". En 1904
la production des ananas a atteint 23.478.711 kilogrammes
dont 99 % ont été exportés aux Etats-Unis.
Il faut citer encore l'exploitation des éponges qui à été
favorisée en 1903 par un temps calme qui a accru la péché
Je la région de Batabano (960.115 douzaines en 1903) ;
lexploitation des bois. En 190i de grandes pluies ont
permis d'augmenter les transports par les rivières, de sorte
262 l'jle de cuba
que la i)roduclion a dû dépasser 12.000.000 pieds. L'expo
talion par les quatre principaux ports a atteint unevalei
de 600.000(lollars.
L'élevage du bétail a été très éprouvé par la guerre
mais il est en auffuienlation. Kntre lin septembre 1902 à
190li sont venues H12.()4t nouvelles recrues qui ont élevé
de 28 % le total des bêtes à cornes qui atteint ainsi 1.143.442
tôtes.
Le pays cubain est en voie de relèvement complet, les
communications se développent, des routes se font. C'est
une nouvelle ère qui s'ouvre et qui devrait intéresser les
nations européennes. Celles-ci sont sur le même pied au
point de vue des droits de douane. Malgré des droits plus
forts qu'au temps de l'intervention américaine, occasionnés
par la mise en vigueur du traité de réciprocité avec les
Etats-Unis, la France commence à développer ses affaires.
Un accroissement de 17 % a eu lieu pendant les trois pre-
miers mois de rannéel904. Cette gradation devrait s'ac-
croître.
La France aurait tout intérêt à songer à certaines
affaires qui pourraient être créées avec fruit :
Tout d'abord à la Havane, centre de distribution pour
toute l'île, s'imposerait un grand dépôt de vins. Même la
qualité la plus commune se vend 20 centavos (Ofr.85)etla
qualité courante de 35 à 40 centavos (1 fr. 50 à 1 fr. 70). Ce
prix de la bouteille rémunère largement des frais, Ifr. 75,
plus 30% , surtaxe du 5 février, imposés pour l'entrée de
toute barrique. Un vin ordinaire bien corsé, naturel, lancé
habilement, pourrait supplanter les vins espagnols, noirSi
lourds, chargés d'alcool, préjudiciables à la santé publique;
La question du \in n'est pas à d.'uiaigner. Chaque année
entrent 20.000 barriques dans la capitale, 5.000 barriques
dans le reste de la contrée, et cette importation ne peut que
s'accroître.
l'île de cuba 2(>.M
On devrait créer cl«»s dépots d'huile d'olive de Provence^
Reproduits chiiuiqiies, de médicaments, de spécialités qui
micontreiil la confiance générale du public.
On pourrait développer la vente des articles de luxe.
Puisque la fabrication française neïglige la marchandise
courante d*t^xporiation,elle pourrait écouler bien davantage
Itsolijets suivants, de plus en plus en faveur : lingerie de
iil, soierie, modes, draps de costumes, chaussures fînes^
chaussettes, parfumerie, savonnerie, parapluies, toiles de
ménage, bijouterie, jouets, articles de Paris.
Ensuite dans la campagne réussirait avant tout Tagricul-
lure.
I^ sol qui peut sans la moindre réserve être qualifié de
nierveilleux, se prêterait aux cultures les plus diverses. Le
champ d'exploitation est illimité, la majeure partie de la
surface insulaire restant encore à conquérir. En choisis-
sant un emplacement bien situé aux environs de la mer ou
duchemindefer,maintesexcellentesspéculationspourraient
être tentées, non pas la culture du tabac qui exige un très
long apprentissage et est très exposée aux fluctuations des
n.archés, qui estde plus concurrencée par les importantes
plantations des Etats-Unis, ni celles des cocotiers et des
bananiers qui sont déjà accaparées par des maisons et des
compagnies américaines qui exercent une sorte de mono-
pole. Mais bien plutôt la culture de la canne à sucre. L'é-
coulement du sucre est assuré pendant longtemps aux
Etats-Unis dont les basses températures sont peu favora-
bles à la canne en Louisiane, et qui consomment de plus
en plus de sucre par suite des besoins croissants d'une po-
pulation qui se multiplie d'une manière prodigieuse. Cette
marchandise prut même parvenir jusqu'en Europe, celle-ci
n'ayant pas intérêt à augmenter sa production sucrière
très coûteuse.
Kn second lieu, l'élevage du bétail. Cet élevage est en
264 l'île de cuba
voie de reconstitution, mais des pâturages raisonnes sont
à créer. Beaucoup d'herbes magnifiques croissent en abon
dance et follement. Les principales sont la giiinea^ pour
la chair et le paraL pour le lait, en réparlissant avec soin
ces deux herbes sur les points leur convenant le mieux, en
créant des canaux d'irrigation et de drainage, on pourra
établir un élevage fournissant de meilleure viande pour la
boucherie et du lait plus abondant qui serait traité avec
plus d'expérience, (^omnie conséquence, des beurreries
pourraient s'installer (jui manquent pour ainsi dire totale-
ment autour des villes. Le beurre pourrait actuellement
être vendu 4 fr. le kilogramme.
Il manque une multitude de cultures vivrières ; légumes,
tomates, pommes de terre, racines à fécule indigène, pata-
tes douces, manioc, puis des arachides, du sésame, des
oranges, etc.
Dans l'ensemble du pays, quelques industries qui sont
absentes ou à peine représentées auraient un avenir cer-
tain.
La papeterie ordinaire qui pourrait s'alimenter de pôte
de bois fabriquée au Canada.
La cimenterie pour carrelages, la briqueterie et la tuilerie
pour la construction des maisons.
La fabrication des savons ordinaires employés en quan-
tités énormes.
La fabrication des chaussures^ de cordes.
Des ateliers de construction de véhicules utilisant plu-
sieurs essences de bois durs.
Des ateliers de machines perfectionnées pour la fabrica-
tion sucrière qui pourrait être améliorée*
Des ateliers de lithographie, filature, et teinturerie, pour-
ront être montés quand la population sera plus nombreuse.
L'exploitation des mines, surtout de manganèse, de cui-
tre, de fer, d'or, de charbon, de mai*bre ; ensuite de plomb,
L*1LE DE CUBA 265
zinc, lie graphiU\ d'aniianle Le tout pourrait âtro tenté
\c(i aux communications qui se perfectionnent...
*our faire marcher leurs maisons de vin ordinaire, leurs
[;ôts dhuiled'olive de Provence, de produits chimiques,
médicaments et spécialités, leurs magasins de luxe de la
dvane, leurs propriétés à la campagne, et leurs industries
uis l'ensemble du pays, les capitalistes français devraient
imener avec eux des employés de nationalité européenne
\ii sont hnbitués à travailler à des Conditions modérées,
tote p«)pulation ouvrière pourrait contribuer au peuple-
ment du pays, ce qui abaisserait le prix de la main d'œu-
m indigène qui serait employée plus tard par de nouveaux
Tenus de France.
Certainement l'immigration françaiseserait bien accueillie
èCuba. Des facilités sont faites par le gouvernement, des
conditions encore assez modérées pour l'achat des proprié-
lés sont consenties par les habitants, et des circonstances
' ivantageuses favorisent le commerce européen qui a cou-
^tumede gagner jusqu'à 100 % . Se contentant de gagner la
[ Biûitié. et recueillant déjà de beaux revenus pour les arti-
[ des de luxe placés à coup sûr, le commerce français aurait
I «fes chances d'être préféré.
i Enfin en France on devrait réfléchir que l'île de Cuba est
' *près l'Algérie et le Sénégal le pays exotique le plus proche,
; îuij possède des indigènes consommateurs presque unique
nienl d'articles européens recheschés par une population
i/i/iniment dépensière, et a la chance inespérée d'avoir une
Exportation de ses produits du sol, certaine, illimitée, vers
Bne contrée consommatrice immense et placée à sa porte :
les Etats-Unis.
Cuba présente encore un réel intérêt dans le domaine de
i U*'*)^rd\)h\ii scientifique.
1>» climat est très supportable; A la Havane pend nt
s jours les plqs tempérés, de décembre à février, la
266 l'jLe i>E CÙB4
température est de 23** le matin, 26<* raprès-midi, 21** la
nuit. Pendant les jours les plus chauds de neuf mois de
Tannée, d'octobre à juin, on ne constate pas plus de 6p le
matin, 28<> à 32<> dans le milieu de la journée, et 23<> la
nuit ; le thermomètre ne s'élève au delà que pendant les
trois mois de juillet, août et septembre.
La température est plus agréable dans la campagne où
la chaleur est toujours attiédie par la brise. Il est certaines
villes où l'activité solai/'e est particulièremeut forte, Carde-
nas, Cienfuegos, Santiago. Cette dernière ville, un peu plus
chaude que les autres en hiver, a joui cette année à partir
d'avril d'une chaleur assez douce, les après-midi étaient
souvent pluvieux* Du reste les mêmes conditions de fraî-
cheur s'étendraient à la province de Santiago, même peut-
être au reste du pays, car, au retour de la Havane en juin,
grande fut ma surprise en trouvant de la fraîcheur due à la
pluie ou au ciel couvert succédant, à partir d'environ trois
heures, à un ciel ensoleillé et à une chaleur intense qui
existaient depuis le matin. *
La santé publique est maintenant dans un état trèssatis*
faisant. Le gouvernement cubain a consenti de grands
sacrifices, il entretient à peu près une trentaine d'hôpitaux ;
de plus des sociétés particulières et principalement de
grandes sociétés espagnoles de la capitale soignent leurs
membres dans des bâtiments qui sont installés suivant toutes
les exigences de la médecine et de la chirurgie modernes.
On pourrait même dire que les établissements sont trop
nombreux, les maladies diminuant de jour en jour, y com-
pris la fièvre jaune qui a disparu entièrement.
Le régime des vents est assez particulier. Pendant la
saison hivernale sévit le plus souvent le souffle du
nord, et pendant la saison des pluies de mai à octobre
toutes les journées sont à peu près réglées ainsi : à partir
de 10 heures du matin se lève un souffle du sud| (( vira-
L'ILE DE CUBA 267
soD« qui progresse et diminue ensuite jusqu'à 3 heures ; à
partir de 8 heures du soir se fait sentir un souffle du nord
«vieule de tierra » qui dure jusque vers 4 heures du matin.
Les courants éoiiens sont répartis très irrégulièrement sur
la mer environnante. Certains points sont dans le calme
plat, rendant malaisée la navigation à voile qui devient as-
sez souvent une interminable expédition à la rame. Au
contraire, certains points sont sans cesse exposés et très
menacés par les cyclones de septembre et d'octobre.
La mer est sur une grande étendue au nord et au sud
très peu profonde, embarrassée d'innombrables ilôts connus
sous le nom de«cayos)). 11 s'ensuit naturellement qu'un
fond insuffisant existe dans certaines baies, mais les en-
droits les plus utiles sont en cours d'amélioration : au sud
Qeofuegos, Manzanillo, Guantandmo,etau nord Matanzas,
Cardenas, Gibara. Un fond suffisant règne dans les ports
situés en régions montagneuses comme Santiago et Bara-
coa. Dans la partie orientale insulaire est une belle baie,
Bahia-Honda, et dans la partie orientale sont aussi de
belles baies, dont les plusimportantessoDtCabonico,Levisa,
Baoes, et surtout le magnifique bassin de Xipe de 4 sur
T lieues, d'une profondeur de 25 à 40 pieds, atteignant par-
fois même, jusqu'au delà de 200 pieds.
La composition géologique est assez variée :
Dans la région ouest» celle du tabac, se rencontrent 30 %
dbumus, 20 à 25 % de silice, 25 à 30 % de quartz, 15
à 20 % d'argile, 10 % de calcaire, quelquefois certaines
parties de fer.
Dans la région centrale, celle de la canne à sucre, ce
«ont des terres rouges ou des terres noires. Elles appartien-
nent entièrement au calcaire profond, sur base sableuse
assez fraîche ou au calcaire allié à l'argile. Le calcaire
profond sur base assez fraîche constitue d'excellents ter-
rains ; le calcaire allié à Targile à 40 % constitue les meil-
268 l'île de cuîu
leurs terrains, et le calcaire allié à Targile et au fer eonsti
tue les moins bons terrains. Mais des compositions de soh
variés peuvent entrer dans la terre à canne à sucre (pii es
toujours bonne à condition d'être perméable dans une cer
taine mesure.
Dans la région orientale, celle de l'élevage du bétail, a
sont des terres calcaires avec argile, ça et là avec silice, el
dans la région la plus orientale (Santiago) ce sont de^
terres calcaires avec davantage d'argile.
Dans l'ile des Pins se trouve un sol sableux allié assez
souvent au fer.
Les montagnes sont variées décomposition et déformes:
A l'ouest est une chaîne, la sierra Guaniguanico qui se
dirige vers un massif au milieu duquel est un vaste cirque
Luis-Lazo. Des sommets en calcaire inférieur prennent
ordinairement des aspects arrondis, curieux, causés par
des infiltrations d'eau : extérieur déchiqueté et intérieur
creusé de cavernes intéressantes. A signaler surtout deux
tunnels avec stalactites ressemblant à des chiffons pendants
ou à des têtes de serpents et des tentacules de pieuvres
crispées : ils captent les rivières Duyaguateye et Ensenada.
Dans la partie centrale, de loin en loin, s'allongent des
chaînons calcaires argileux aux pentes et cimes arrondies,
couvertes de broussailles et d'une végétation d'arbres de
moyenne taille très serrés ; de loin en loin aussi se pro-
noncent des sommets isolés, conformés comme des pitons
Pan de Matanzas, Tetas de Gamarioca, Cerros Calvo e
Chivo, Cerro de la Cruz, Silla, Mayari, Yunque, etc
Souvent les monts sont revêtus de roches grises volcani
ques convulsées appelées vulgairement « dents de chien )
Puis dans l'est apparaissent des massifs montagneux tr^
importants, ceux de Trinidad, de Guantanamo, du Gato, c
la Sierra Maestra qui a les cimes les plus hautes. G
montagnes de la province de Santiago, calcairoari^
leuses, parfois granitiques, presque toutes couvertes d'à
l'île de cuba 269
brpsaux essences les plus diverses, offrent une disposi-
lion assez spéciale. Généralenicnt c'est un tronc fort aux
versants creusés de ravins longs, étroits, profonds, à thal-
wt'iTs prononi'.és, hérissés de contreforts, lon.i^s, étroits à
n'avoir souvent pas plus de deux mètres de cime et ressem-
blant à u!ie arête vive déclinant par bonds successifs jus-
'fiiedans la plaine. Un modèle d(î cette conformation oro-
I graphique ne peut mieux ôtre constaté que dans un chai-
F nonqui a la particularité d'être dénudé, le Puerto deBoniato.
Devant lui s'étend en premier plan la colline de Jésus Ma-
ria A aspect lonp, infini, dr^ barrière rigoureusement hori-
zontale. Du reste, des singularités existent en plusieurs au-
tres points : la forme en marches d'escalier est offerte par
plusieurs cliaînes de monts suivant la mer, par exemple
celle qui s'étend de Baracoa au cap le plus oriental Maîsi
; il>ar là sont encore une faille très profonde où coule le rio
Yumuri et une cimeen trapèze caractéristique, le Yunque)
et celle qui s'étend de lavSierra Maestra au cap Gruz (par
là est encore toute une partie arrière montagneuse à pente
tkTliviMi'un infini superbe ({ui aboutit jusqu'à la plaine de
Man/.anilloK
Km plusieurs régions cubaines existent des grottes. Pour
nf:?cittT c|ue les principales : Bellamar, aux stalactites en
: vjTifMit^ \'eMiise, Canjilune, Banao, B:urc, Monte r.ibano,
Cihara. (lelle d«î Monte Libani; est une cavtu'iie à voûte
P*Ti'ée en certains points, d'une étendue de ()50 i)as, et
cHlij de Gibara est une caverne ù voûte basse, d'une éten
'iiie de plusieurs lieues, où coule une rivière. D'autres
Cavernes se rencontrent dont une à voûte trouée en che-
niiiiée et h parois illustrées de dessins indiens et uneconte-
miiit plusieurs salles et un étang dans la sierra de los
L'dtallos, principal sommet de lile des Vins.
Dans les montagnes se trouvent des miniîrais assez
ririés : nïanganèse, cuivre, fer, or, charbon, marbre, puis
pl*»inb. zinc, graphite, amiante.
270 l'île de cuba
En certains points existent des sources minérales, de
l'eau de magnésie et de l'eau ferrugineuse. Plusieurs sources
sont exploitées, mais les quelques stations de bains exis-
tantes ont été arrêtées dans leurs progrès par la guerre.
Des rivières coulent assez nombreuses ; certaines scr
vent au transport des bois, d'autres à la navigation des
cbalands de petit tonnage. Un vrai fleuve peut être signalé
ayant un cours dépassant 200 kilomètres et une navigabi-
lité à vapeur arrêtée jusqu'ici à 88 kilomètres : c'est le
Cauto.
Il y a des forêts importantes renfermant : cèdre, acajou,
ébène, un peu de campêcbe, bambou, majagua,jucaro,jobo,
cagueyran, guayacan, granadillo,misperillo,guacima,yaye,
jagua, jaguey. Sur les routes sejvoient, flamboyants, lau-
rier d'Inde, algarrobe, orejon, almendra, salvadera. Dans
les champs se trouvent : palmier royal, ceiba. Sur les
parties hautes apparaissent : almacigo, drago, ajua, sarça,
barrile, fustete, fougère. En autres lieux croissent des ar-
bres fruitiers, des cocotiers, des orangers, des manguiers,
des caîmitiers, des mamey, maranon, anon, guayaba,
arbres à pain et à b(MUTc3 végétal.
Une multitude d'oiseaux vivent, au moins deux cents
sortes, beaucoup à beiu plumage, peu d'oiseaux chanteurs.
Parmi les plus connus, citons l'oiseau mouche, le perro-
quet, le carpintero, et le aura, vautour noir à cou rouge
qui se nourrit des détritus de lieux habités.
Les poissons ne sont pas moins nombreux : pargo, Colo-
rado, robalo, bonito, sabalo, sierra, picua, morue créole
cherna, biajaca, guturo, tambourini. La sole et le turbot
sont négligés par les habitants.
Parmi les animaux sauv.iges on peut énumérer : les
chiens, les chats, les chevreuils, les porcs, les rats, les
lièvres, les faisans, les perdrix, les cailles, les tourterel-
les, etc. Gomme moins intéressants : les caïmans, les camé-
léons, les lé//u\ls, ien crab.^s terrestres, etc.
L*ILE DE CUBA 271
La population cubaine appartient à diverses races. Les
habitants les plus nombreux sont les néo-espagnols, mais
il y a des néo-africains, américains, français et indiens.
G)mine prétendant descendre des tribus du temps do
Christ<»[)he Colomb, se trouvent un Indien ceutenaire vi-
vant au village de Ganey près Santiago et deux familles
rivant au hameau de las Guevas au picîd de la Sierra Maes-
tro. En outre, certains Indiens de la race du Mississipi
hnbitent les montagnes de (iuantanamo et la région de
Yâteras, principalement aux fermes de Guira. Dans la
campagne cubaine, beaucouf» d'enfants de couleur ont un
vpulre [iroéminent causé par une mauvaise alimentation.
Kntin je n'aurais jamais cru que Guba put offrir certai-
nes régions peu connues,voiro même inconnues. La vérité
est que la province de Santiago, où les communications
sont difficiles encore, renferme des parages encore à
explorer.
Je ne mentionnerai pas le parcours par terre de 35 lieues
à travers des localités historiques, les j)remières en insur-
rection: Bayamo, Jiguani, Baire, plusieurs rios encaissés,
1^ principal le Gontra Maestre, les collines forestières
d'Aguacate, de Monte Obscuro, la vallée fertile de Palma
Soriano à San Luis. Get itinéraire pratiqué par les indi-
|:ènes doit avoir été suivi, peut-être par quel(|ues étran-
içers, niais certainement par trcs peu de g('H)graphes. La
wisundes pluies était commencée, une campagne sous
i eau ne C(>nstilue pAs précisément une excursion facile;
d»? plus un cheval se réquisitionne asstv, nnlaisément, au
p<>int (juun alcade ne put obt^înir en toute une après midi
de vingt personnes ditïérentes la moindre bête de trans
p)rt, et le lendemain j'étais contraint de couvrir à pied
11 lieues dans la fange la [)lus alTreuse.
]*• nt? mentionnerai guère aussi le séjour dans les mon
tdgnes de Guanlanamo. Ges points doivent aussi avoir été
p:«'j >ur«is par certains étrangers, bieii rarement par des
272 l'île de cuba
hommes de science. Malgré des pentes raides et des roulin.^
parsemés de trous d'arbuste^, de rocs, à casser les' jambes
des chevaux, je parvenais à accomplir le programme qua
je m'étais tracé
Mais je parlerai plutôt du plus haut mont cubain qui a
provoqué déjà plusieurs ascensions, aucune n'étant jamais
allée jusqu'au sommet, les unes ayant été accomplies du
côté nord sur une pente peu escarpée et d'autres du cùl*^
sud de la mer par une pente véritablement à pic. Ayant
été contraint de choisir cette dernière voie qui est la plus
diflfîcile, je suis parvenu au point le plus élevé et j'ai eu la
satisfaction de laisser un petit drapeau tricolore, qui peut
être trouvé sur le pic de Turquino.
Malgré les fatigues de cinq mois de voyage, une saison
pluvieuse déjà dans toute sa plénitude, malgré la difficulté
très grande de décider qui que ce soit à me conduire sur
le champ d'opération, il ne fallut pas moins d'un mois ot
demi pour chercher un moyen de locomotion ; tout le monde
se récusait, les compagnies de vapeurs prétextaient ne
pouvoir atterrir un canot, les entreprises particulières de
voiliers prétendaient n'avoir rien à faire par là. Aucun
compagnon de bon comme de mauvais sort n'ayant répondu
à une demande dans les journaux, après 23 lieues et
23 heures de mer sur une goélette, avançant avec peine à la
rame, faute de vent, après la défection d'un vieux guide,
la rencontre de deux hommes se décidant lentement à se
mettre en branle, j'arrivais enfin à exécuter ce que je rA-
vais de faire à tout prix, c'est-à-dire à faire l'ascension.
A.scension épouvantable en vérité !
Premier jour. — Remontée d'un cours d'eau desséché,
chaos de rochers et pentes très raides à gravir, coucher
sur un mamelon dans les arbres. Au milieu de la nuit tOmlHî
une forte pluie qui nous oblige à nous sécher pendant plu-
sieurs heures près d'un grand feu.
Second jour. — M'ircho, sur une arôte mjnlueuse très
LILE DE CUBA 273
étroite, n'ayant parfois qu'un mètre cinquante, indéfini-
ment longue, gros arbres renversés en travers et parfois
enlacés les uns aux autres, ijuantité d'essences épineu-
ses, fougères augmentant graduellement de taille, sous-
hoislrès dense, de plus en plus détrempé. A partir de
ÎKO mètres, la végétation est chargée dune eau qui se
déverse sur les vêtements. Un seul abri, encore est-ce un
I nSluit où règne naturellement un énorme courant d'air,
t entro doux blocs couvl^rts d'une volumineuse roche grani-
tique en forme de dolmen. IMus loin, une autre roche im-
niL'iise en auvent d'où tombe une quantité de gouttes d'eau.
Impossibilité radicale d'allumer du feu ; nuit passée dans
œntinuel concert de lamentations.
Troisième jour. — Trajet à travers une végétation désor-
donnée sur un sol de plus en plus raboteux, mousseux, à
pic. Soudain se dresse une gouttière à peu près verticale
élevée de 30 mètres et tapissée sur ses bords de bas en haut
déplantes grasses, des aloès très serrés. Gomme il est
impossible de monter sur les mains, h cause des plantes,
il ne reste qu'à monter sur les pieds, chose peu facile. En
suite surgissent des buissons de petites lianes pi(|uantes
qui s'enroulent autour de tout ; marche très empêtrée sur
un certain espace assez découvert ; petits arbres au tronc
Wanc noueux à minuscules feuilN^s vert(îs : c'est l'altitude
'Ih 1.725 mètres, c'est le pic Primero.Je le dép;isse, je con-
tinue, je descends, je me fais un passage entre de superbes
fougères arborescentes. Je veux aller phis loin, je suis résolu
àalteindre le Pico Real. J'étais parfaitement disposé, j'avais
assuré le succès en ravitaillant bien en vivres, en eau,
même en rhum, ma petite caravane. J'avais sûrement en-
coreassez de force pour aller juscju'au bout. Un froid de
11 degrés au-dessus de zéro me stimulait, mais le même
froid ne convenait point à mi^s deux compagnons. Le moins
âge avait déjà abandonné depuis deux heures, et le plus
âgé avait son vêtement plaqué sur son corps comme un
18
27i l'île de cuba
costume de bain. Il était plus mort que vif, et il refusa de
marcher plus avant malgré un salaire supplémentaire. Alors
je me trouvais seul h avancer, chargé énormément, et
devant m'ouvrir un sentier à la machete. Abandonné par
mes deux compaiinons mercenaires, et n'ayant pas même
un compa^'non de Santiafjfo (pii aurait dû. s'intéresser à
une entnîprise aussi scientili([ue, j'étais contraint par la
prudence h m'arr«''lur. Il est vrai que, moi aussi, je me
trouvais dans un état des plus piteux ; avec un épais cos-
tume d'hiver trempé et radicalement collé sur moi, je res-
semblais assez à un scaphandrier procédant à travers
un paysage sousniarin. V.n elTet, en avant, rien n'était
plus visibh^ le site était noyé entièrement dans la buée.
Du reste dans la saison pluvieuse foute la chaîne du Tur-
(fuino comprenant trois pics : le IVimero, le Secundo et le
Real, dcMueure constamment dans les nuées.
Malgré les plus mauvaises conditions, j'ai pu parvenir à
remor([uer deux appareils photographiques; je suis revenu
avec dix |»hotographies, douze sortes de plantes, douze
observations barométri(jues et thermométriques, enlin j'ai
dressé la (»arte de la monti'îe et de la descente. L'aller v.l h^
retour ne présentant pas le nn'Miie parcours, je pourrai
réussir je pense h établir un assez bon i)olygone.
Tous ces travaux n'ayant jamais été faits, des recher-
ches géographitjues n'ayant jamais été opérées, j'espère
(|u'on ne mecont(îstera pas d'être le premier qui ail exploré
la montagne du Turi|uino. Son ascension ne tardera pas à
être poussée jusqu'au bout une autre année, une meilleure
saison aidera ct?rtainem(înl l'arrivée au pic suprême, le
Real, (|ui doit être uihî découverte française !
(]HARLES Hkticiion
liE t^ESEt^VOIl? D'ASSOUAH
et
(SuiteJ
11 y a maintenant 4.000 ans qu'Amenemhat entreprit et
I accomplit son gigantesque projet du lac Mœris. Aujour-
j dliui, au milieu de notre monde moderne d'électricité et de
t merveilles qu'aucun Pharaon n'entrevit jamais, voici que
I nous entreprenons, dans cette science ancienne de l'irriga-
tion, un ouvrage non point seulement analogue à celui
qu'exécuta le plus grand des Pharaons, mais à deux pas
<iu lieu même où il se trouvait. En outre, les ouvrages
que nous proposons ressemblent prodigieusement à ceux
qui furent exécutés il y a 4.000 ans. La-région comprise
«lire le Nil d'un côté, le canal d'amenée au sud et à l'ouest,
«t le canal de décharge au nord, s'appelait le « Nome de
lllenavec Iléracléopolis pour capitale. Le môme nome de
lilesera découpé aujourd'hui par les travaux proposés. Il
y aura cette simple différence que le moderne lac M(i?ris
^tant situé au sud de l'ancien lac, la fnmticn; méridionale
de l'ile ancienne deviendra la limite septeiiliionale de l'ile
F nouvelle. Avec le temps, le Wady Liernuret le Wady Ma-
I sai^ega verront leurs parois se remplir par les dépôts sédi-
mentaires, et le canal du lac y couUîra comme dans un vr<ii
canal. Si l'on a pu obtenir encore de l'eau par ailleurs, il
deviendra possible de cultiver toutes les terres accessibles
au Hot et comme la surface arable croîtra d'année en ann<*e
dans la région du Wady Rayan, Ton pourra du pr<Mnier
!• Voir le Bulletin du 4* trimestre 19Q1-
276 LE RÉSERVOIR DASSOUAN ET LE LAC MŒRIS
coup ajouter 20.000 acres de terrains, chiffre qui avancera
en pro/:;ress;ion chaque année, k la surface cultivée l€
rEgyptf\ C'»s toirains vaudront, une fois recouverts par Itîs
dépôts sédinicntaires du Nil, e 50 l'acre, ou i' l.OOO.OOOles
vingt mille. Si l'on juge nécessaire de conserver l'eau, il sera
pDssiblo de laisser le niveau supérieur de la nappe s'élever
graduelleuKMit de 29 inMres à Î^Oet 31 mètres de cote d'alti-
tude. Ou plutôt, «'onsidérant que l'irrigation pérenne du
Fayoum et de toute la valléndu Xil depuis Deirout(60kilom.
au nord d'Assiout) jusqu'au Barrage voisin du Caire au
moyen (h) deux longs canatix alimentés par une prise uni-
que, rencontrera d(\s dilllcultés à mesure que se développera
l'irrigation, un st^cond barrage sur le Nil, près de la limite
méridionalede BcMii-Souef, deviendra, j'en suis convaincu,
nécessaire. Un tel barrage, placé au-des.sous de la prise du
grand canal il'alimentation permettrait au Nil d'alimenter
le canal Youssef h l'aval du régulateur deMazura, assaye-
rait sur uno base solide l'irrigation du Fayoum et de la pro-
vince de Gui/.eb, rendrait possible, si cela était jugé néces-
saire, le remplissage intégral annuel du lac à haut niveau,
avec l'eau claire de l'hiver, et permettrait enfin d'irriguer,
au moyen d'un canal, la rive droite toute entière du Nil à
Guizeh, ainsi (jue le désert (jui se trouve au nord du Caire.
On pourrait construire ce bîirrage à bon compte. L'écluse
en s»4'ait établie sur le roc vif tandis que la pierre néces-
saire aux travaux de maçonnerie et de perreyage, pourrait
être détachée k la mine de l'arête du canal de la rive droite
longeant h) Nil.
Avant d'abandonner cette question du rétablissement
du lac Mipris, je ne veux pas laisser inaperçue une autre
grande entreprise possible du roi Amenemhat, le créateur
de l'ancien lac. A Semneh, se trouvent, dans la deuxième
cataracte, les rochers où Lepsius découvrit des nilomètreï
taillés par le même Pharaon depuis plus do i.OOO ans. Li
LE RESERVOIR D'ASSOUAN ET LE LAC MŒRIS 277
niveau de crue qui y est enregistré est do 8 mètres plus
hiiul qu'aucune crue rie notre temps. Comme le Nil peut,
àSeiiineh, être facilement fermé par un barrage, il me
vint à l'esprit, quand jetais là en 1892 (escorté de 150
lioiniiies du corps de méliariers égyptiens envoyé par le
général Woodhouse, en ce ([ue les derviches occupaient
aiois la deuxième cataracte) que probablement Amenemhat
avait essayé de barrer le fleuve en cet endroit en vue de
créer un réservoir, et que ses successeurs avaient dii
abandonner l'ouvrage. Avec le cours des siècles le Nil
sera rentré dans son ancien lit.
L'on admettra aisément qu'en présentant un approvi-
sionnement de quatre milliards de mètres cubes d'eau, je
donne une quantité suflisante pour amener une abondante
récolte au milieu des circonstances les moins favorables.
Kl. pour les bonnes années, la fourniture dont ou dispo-
sera sera bien plus considérable. L'eau fournie par la
réservoir et le lac conjointement ne fera pas simplement
qu'ajouter deux millions d'acres à la surface acquise, en
Kgypte, à l'irrigation pérenne, elle l'aidera à satisfaire
plus complètement qu'à cette heure, aux besoins de la
surface môme qui bénéficie actuellement de cette irrigation.
Si notre désir ne se borne pas seulement à voir irriguer
Ifi surface intégrale de l'Egypte, mais aussi à tenir les
branches principales du Nil bien pourvues d'eau durant
ies douze mois de l'année, il nous faudra régler le débit qui
sort des vastes lacs équatoriaux qui constituent les sources
du fieuve ; assurer l'écoulement de celui-ci à travers la
grande zone des marais, faire bénélicier de sa surabondance
ies régions arides comprises entre les dixième et vingt-
jualrième parallèles, et finalement le voir entrer en Egypte
îomme un cours d'eau puissant, si amoindri (|u'il ait été.
A répoque de l'inauguration du Barrage d'Assouan,
exprimais de la façon suivante mon opinion k la revuti
278 LE RÉSERVOIR d'à SSOU AN ET LE LAC MŒRIS
anglaise The Engineer (voir page 558 de VEngineer,
de 1902) :
« Il a été, toutefois, de la bonne fortune de Lord Cromer
de poser la pierre fondamentale de cette série d'ouvrages
appelés à créer une ère de prospérité semblable à celle que
connut l'Egypte sous les grands Pharaons de la XI I« dy-
nastie. Nous vivons à un ège d'idées impérialistes, et le lac
Mgeris de nos jours sera une série de réservoirs aux sources
mêmes du Nil. Le lac Tana aux sources du Nil bleu, avec
une superficie de 3.000 kilomètres carrés, et un bassin
hydrologique de 18.000 kilomètres carrés, pourra fournir
6.000.000.000 de mètres cubes d'eau par an. Les lacs
Victoria et Albert Nyanza, aux sources du Nil bleu, avec
des surfaces respectives de 70.000 et de 4.500 kilomètres
carrés, pourront fournir 12.000.000.000 de mètres cubes
d'eau annuellement. Les lacs Tana et Victoria ayant chacun
à leur point d'émission un seuil et des rebords rocheux,
n'auront pas besoin de voir élever leur niveau. On en re-
tirera l'eau soit en élargissant le seuil, soit en le brisant,
soit par le moyen d'un tunnel. Le lac Albert aura besoin
de voir élever sa surface de 3 ou i mètres. Ceci pourra
être fait au moyen d'un barrage construit au point d'ef-
fluence,et dont l'établissement sera facile,puisque les bords
du lac sont parfaitement nus et compris d'ailleurs en terri-
toire britannique.
« Ces puissants réservoirs seront les représentants mo-
dernes du lac Mœris, et rempliront dignement leur mission,
mission dont il est ainsi parlé dans le rapport de 1894
sur les réservoirs de la vallée du Nil : « Le jour où ces
(( ouvrages seront exécutés aux sources du Nil, les lacs
(( prendront leur place vraie dans l'économie de la fourni-
(( ture d'eau, et nous serons en état de leur appliquer dans
(( leur ensemble et leur intégrité, ce qu'aujourd'hui nous
(( ne pouvons leur appliquer que dans une mesure re^lrein'
LE RÉSERVOIR D ASSOUAN ET LE LAC MŒRIS 279
«•te, à s<f%oir (|iio ce (|uo sont au Pô les neiges des Alpes,
»l»?s Ihcs Tana et Victoria Xyanza le sont au Nil, et ce que
"suiit aux plaines de Lonibardie les lacs italiens, le lac
«Albert l'est à la terre d'Egypte »
<( Kn dehors de ces ouvrages aux sources du Xil, Ton en-
treprendra sur le Xil Blanc, entre Gondokoro et Fachoda,
des travaux d'endiguement destinés à enipéclier les eaux
issues du lac Albert de s'épandre dans les marais de la ré-
gion des sndds, et à assurer leur libre cours jusqu'à l'Egypte
dans le lit même du fleuve. Ces travaux ne feront pas qu'a-
jouter à la quantité de l'eau entrant en Egypte durant l'été,
ils en amélioreront la quantité. Le D*" Schweinfurth, l'émi-
nent savant et voyageur africain, a été le premier à appeler
l'attention du Gouvernement Egyptien sur la nécessité de
fermer les fuites du Nil Blanc au nord de Gondokoro, et de
commencer ainsi les travaux de rectification du fleuve. Il
observe très judicieusement que «plusieurs années s'écou-
(( leraient avant que par le renforcement des digues on eût
«obtenu le résultat désiré,mais que le besoin de ces travaux
« se ferait sentir en Egypte chaque jour davantage à mesure
« qu'ils avanceraient. »
Quand j'écrivis ceci, je n'avais encore pas entrevu la pos-
sibilité d'utiliser conjointement le Réservoir d'Assouan et
le Wady Rayan. Ce ne fut que lors du premier anniversaire
de l'inauguration du Barrage d'Assouan que, marchant
dans le Fayoum à portée de vue des hauteurs qui entourent
le Wady Rayan, et tourmenté du regret de voir que l'an-
cien lac Mœris ne pouvait ôtro reconstitué, l'idée d'utiliser
concurremment les deux réservoirs me fraj pa soudain et
pour la première fois. Cela fut pour moi comme l'aube d'un
jour nouveau.
C'est à la solution des problèmes relatifs au sources du
Nil que Sir William Garstin a consacré tant de temps et
d'études ; et qu*à deux reprises, il a visité ces nappes loin-
t*<ines et ces régions si riches en eau I
280 LE RÉSERVOIR D'aSSOUAN ET LE LAC MŒRIS
Nous possédons cepeiul'jnt en Kgypte les moyens d'em-
magasiner toute Teau nêeessaire à l'irrigation pérenne
adéquate de toute la contrée. I.e grand avantage d'avoir ces
deux ouvrages d'ap[)rovisionnenient situés en territoire
égyptien est dû au fait ([u'eneore qu'il serait impossible à une
puissance ennemie (juelconcjue en possession du Soudan,
de détourner les eaux de crue des grands cours d'eau abys-
sins, il ne faudrait guère un déploiement de grandes capa-
cités teclini(|ues i)Our détourner pendant un mois ou six
semaines le débit du fleuve h son étiage. Au cas d'une
éventualité semblable, les réservoirs égyptiens seraient
d'un inestimable prix pour l'Egypte alors que n'en auraient
aucun les réservoirs éciuatoriaux. Mieux encore, l'existence
sur le Nil, dans ces régions lointaines, de travaux puissants
de réglementation et des levées en terre, pourrait devenir,
ainsi qu'on l'a souvent observé, une source réelle de
dangers.
Je crois avoir tenu pleinement la promesse que je vous
ai faite au commencement de cette conférence. Je vous ai
démontré qu'il est tout à fait dans les moyens financiers de
l'Egypte de pourvoir à l'irrigation pérenne de toute la con-
trée, et que le travail ne présenterait, d'autre part, en soi
aucune difficulté d'ordre physique. Que l'Egypte puisse
dépenser sans se gêner la somme de £> 2,000.000 pour l'a-
chèvement du système d'irrigation dans le pays, ceci est
surabondamment prouvé par le fait qu'elle vient de prêter
au Soudan la somme de X, 2.000.000 pour la construction
du chemin de fer de Berber à Souakim. Or, en ce qui re-
garde les intérêts de l'Egypte, si nécessaire que puisse être
le chemin de fer de Souakim, l'acte d'assurer à l'Egypte
entière l'irrigation pérenne l'est cent fois plus encore. Nul
n'a mieux reconnu ce fait que Lord Cromer, l'ami le plus
sûr de l'irrigation qui soit au monde I
Les travaux que je viens de préconiser pourraient ôtre
LE RÉSERVOIR D'aSSOUAN ET LE LAC MŒRIS 2R1
rommencés tout de suite. Le temple de Philuî faisait obs
Imie à l'érection du Barrage d'Assouan, et l'impuissance
tieiovop ce barrage faisait à son tour obstacle au projet du
lac MdTJs.
L'opposition (|ui s'était élevée contre l'inondation proje-
ta» du Temple pendant 4 ou 5 mois de Tannée, tenait, en
majeure partie, à une erreur. Celle-ci consistait dans le fait
que l'on confondait l'action si destructive et néfaste des
infiltrations salées qui interviennent durant la crue du Nil
et exercent de réels ravages à Tbèl)es, avec l'elTet plutôt
bienfaisant et préservatif des eaux fraîcbes et courantes
[ du tieuve. Les eaux salées détruisent la pierre ; les eaux
i douces la préservent. Ceci ressort d'ailleurs en toute évi-
j dence du fait que les murs de soutènement du Temple de
i Phiiœ qui, chaque année, demeurent six mois immergés
i dans l'eau, sont mieux conservés que toutes les autres
! parties de Tédilice. La même chose s'observe dans tous les
I ouvrages en pierre ou en brique qui sont sur le Nil. Les
parties submergées sont partout en meilleur état que les
parties non submergées.
Est-ce à dire qu'au cas où cela ne fût pas, ou que la so-
lidité ou l'existence même du grandiose vestige dût être
mise en péril par la construction du Réservoir, il fallût
abandonner celle-ci ou le réduire comme on l'a fait, sacri-
fier tout un pays à un reste de temple et tout un avenir à
une ombre du passé ?
M. Winston Churchill a su parfaitement bien exprimer
le sentiment du public à l'égard de la réduction du Barra-
ge, faite en vue de sauver le Temple de IMiiki) d'une immer-
sion annuelle qui, en définitive, lui aurait fait, ainsi que
je viens de le démontrer tout à l'heure, plus de bien que
de mal. Il a stigmatisé ce sacrifice évident de L500 millions
ie .nètres cubes d'eau comme « le plus cruel, le plus mé-
chant et le plus inepte sacrifice qui ait jamais été offert sur
2^^2 LE RÉSERVOIR D ASSoUAN ET LE LAC McEUIS
l'autel d'uno fausse religion. I/Ktal devra lutler et lei^-<^'
pie soulïrir la faim, pour (jue puissent exulter des pro^*-"^*
seurs, et que des touristes trouvent un endroit où grafc ^^
leurs noms ! »
D'autre part, il existe un moyen certain de satisfaire^ *'
fois et l'Kgypte et la sei(»nee, en rendant à Tune son rést^^**
voir normal et à l'autre son temple.
Ainsi que l'a proposé sir William Garstin, en i894^ *^
.serait possible au Service des Antiquités de transférer '*
Temple de Pliihr dans l'Ile de Bigeh. L'ensemble delà nC»^'
çonnerie .sèche du Temple ne s'élève qu'à li.300 mèUT"^^
cubes. Sir William Garstin proposait de mettre £ 200.000
à la disposition du Service des Antiquités pour rexécuti^^**
de ce travail et ajoutait :
(( Poussé par le désir d'être utile au pays, nous proposoi
de transférer l'antique édifice d'un point du Nil sur ul
autre point qui n'en est éloigné que de quelques centaiatf
de mètres. Nous proposons de le reconstruire exacteme
comme il est, et sur une ile située au milieu du lac que non
espérons créer, où le Temple se détachera comme uni
pittoresque et approprié sur le paysage environnant.»
Il est douloureux, en vérité, l'aspect qu'offre aujourd'hui
le Temple, à moitié recouvert par les eaux. En le voj'aji
ainsi, il me semble apercevoir Ilôtor, debout dans l'eau (
les vêtements suintants, supplier d'ôtre transféré sur H
de Bigeh .
Si le Service des Antiquités acceptait la proposition ci
Idessus, il pourrait aisément reconstruire, pour la moitié A
a somme proposée, soit £ 100.000 le Temple dans toutei
ses parties, et ses plus menus et pittoresques détails, et a
améliorer même considérablement Tapparence eu le plaçail
à un niveau aussi supérieur au plan superficiel du lac qal
Tétait au niveau des anciennes crues. L'autre moitié de I
somme, soit les 100.000 livres restantes, pourrait être <
LE RÉSERVOIR L/'aSSOUAN ET LE LAC M(EBlS 283
ployéeà la restauration intégrale de Lou xor, de Karnak
d'Abydos. Rarement le Service des Antiquités aura-t il eu
des occasions aussi belles que celle-ci.
xVous devons nous estimer heureux cependant de ce
qu'un milliard seulement de mètres cubes d'eau, et non
trois milliards, aient été sacrifiés. On pourrait commencer
immédiatement la surélévation du Barrage et la construc-
tion du lac. L'une pourrait être achevée en deux années,
tandis qu'au bout de trois ans le lac serait mis en commu-
nication avec le Nil. Il faudrait quatre autres années pour
remplir le lac. Ainsi en deux années on pourra donner un
milliard de mètres cubes d'eau à l'Egypte et en sept
années, deux autres milliards, ou en tout trois milliards
en sept ans. Je défie n'importe qui de produire un projet
à la fois plus utile et plus éminemment réalisable que ce
projet du Réservoir d'Âssouan et du lac Mœris travaillant
conjointement.
(d 8uivre) Sir William Willcocks
Anden directeur-général des Réservoirs
(Traduit de l'anglais par M. Kémeid).
Manuel de Géographie Commerciale, Ktude écono-
mi(iuedesdifTérentes parties du Monde et particulièromenl
de la France, par N'iCTOR Devillk, Professeur agrégé
au Lycée Michelet et à l'Institut Commercial de Paris.
Deuxième édition 1904. — Ouvrage récompensé par
la Société de Géographie commerciale de Paris et auto-
risé pour les bibliothè(|ues des Lycées et Collèges
2 volumes in-8'> de 522 et 575 pages, avec graphiques
et diagrammes, l'rix des 2 volumes reliés en perca-
line gaufrée : 10 francs. Envoi franco par colis postal
10 fr. 85. Librairie Berger-Levrault, Éditeurs, 5, rue des
Beaux-Arts. Paris.
Cet ouvrage, d'un caractère tout nouveau, groupant les pays par
grands courants commerciaux, a Tambition d*étre plus qu'un manuel
classique répondant à un programme officiel. Cest avant tout une
œuvre de vulgarisution, s*adressant aussi bien aux jeunes gens qui
se destinent au commerce ou à l'industrie qu'aux commerçants eux-
mêmes : ils y trouveront des renseignements exacts et complets sur
les principales productions du sol, les richesses minérales et Tindustrie
des différents pays, sur les voies de communication et les grands
marchés, sar la marine marchande et les ports de commerce, sur le
régime douanier et les institutions de crédit, sur les avantages accor-
des aux immigrants, etc., c'est-à-dire sur tout ce qui iutéresse la
la production, les échanges et la colonisation dans le monde entier.
L'auteur n'a pas seulement traité, dans ces deux forts Tolumei
enrichis de graphiques et de diagrammes, toutes les questions qu
figurent aux programmes des écoles supérieures de comYnerce ; il a
encore extrait, des bulletins consulaires français et étrangers et d'au-
tres publications qui intéressent le commerce et l'industrie, de nom-
breux renseignements statistiques et pratii^ues dont nos négociants
on nos fabricants tireront le meilleur profit.
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BIBLIOGRAPHIE 285
Madagascar, Histoire, Organisation, Colonisa-
tion, p ip André You, sous directeur au Ministère des
(À»loiiies. Préface de M. Albert Decrais, sénateur, ancien
m nistro des colonies. Introduction de M. le général
G.vM.lKNf, ^ouverneurgénéral de Madagascar, l^n volume
in N de f>52 pages avec tableaux et carte in-folio. — Ber-
ir'ir-I.f>vrault et C"\ éditeurs, 5, rue des B3au\ Arts,
Paris. Prix : 12 fr.
Le livre que M. You, sous-directeur au ministère des colonies et
professeur à ]*Ecolc Coloniale, offre aujourd*iiui au public, a le rare
Diéritt,- d'être à la fois une œuvre de haut enseignement colonial d'une
pArfaîte tenue littéraire, et l'histoire exacte, complète, et sur bien des
points nouvelle, de noire grande colonie d'Af riijue. Le général Gallieni,
fçouverneur général de notre jeune possession, et M. Albert Decrais,
l'éniinent diplomate qui présida, sous le ministère Waldeck -Rousseau,
t«x de>«tinoes de notre empire d'outre- mer, n'ont pas hérité à (juali-
ôer cet ouvrage « d'ceuvre bienfaisante » et à remercier Tauteur d'avoir
écrit sur Madagascar a des pages aussi intéressantes, aussi pleines,
aussi instructives ».
La première partie du volume est consacrée à l'histoire de la Grande
lie. Les périodes diplomatique et militaire, l'annexion, l'administration
de M. Laroche et du général Gallieni sont exposées avec une impar-
tiale précision d'après des documeuts inédits ; les deuxième et troi-
sième parties traitent surtout de l'organisation politic^ue , administra-
tive, économique de Madigascar, à laquelle l'auteur a, depuis les
premiers jours, pris une part des plus actives. L'oivrage se termine
p€r des a Considérations générales Daussi élevées que pratiques et qui
résumant K^srésultatîj obtenus, précisent les efforts encore nécessaires.
A cette heure où les questions coloniales prennent une importance
croiîNsaDte, il serait oiseux d'insister sur l'IutTct et l'utilité d'une
étud«' où, ainsi <|ue l'atteste M. Albert Decrais dans une préface
magistrale, on trouve a des faits, des récits et des chiffres, faits
reposants sur les documents les plus sûrs, récits d'une scrupule us
exactitude, chiffres fournis par lés statistiques officielles r>.
mïïMl DIPLÛVniOUES ET COLONÎiLB^
J{evue de Politique 'Extérieure
PARAISSANT LE l«r ET LE 16 DE CHAQUE MOIS
SOMMAIRE du No 200 :
Robert de Gaix : (Allemagne et la question du Maroc.
— Jean de la Peyre : la guerre russo-japonaise et ses
leçons. — Notre Mnquète : les institutions auxiliaires
du ministère des Colonies, etc.
GuKONiQUEDE laUuinzmnk : La démission de M.Delcassé
et la question marocaine. — Renseignements politiques:
France. Le roi d'Kspagne à Paris. Le banquet en l'hon-
neur du (îénéral (iallieni. — Angleterre. Déclarations
de lord Lansdowne au sujet de l'alliance anglo-japonaise.
— Russie. La question d(i paix en Extrêrne-Orient. —
Suède et Norvège. Rupture de l'Union des deux royau-
mes, etc.
Cartes et gravures : L-i bataille de Tsushima Disposi-
tions respectives des flottes rus-e et japonaise.
Knvoi sur demande d'un numéro spécimen gratuit.
LÀ DÉPÊCHE COLOM.\LB ILLUSTRlE
Directeur : J. PAUL TROLILLET
PARAISSANT LE \b ET LE 30 DE CHAQUE MOIS
Administration et rédaction : 42^ rue St- Georges. Paris
N"du 15 janv. : Le chemin de fer de Konakry au Niger,
îil )) Le chemin de fera Madagascar.
1.5 février A^i^riculture et cc^lonisation algériennes.
Les chemins de fer en Indo Chine.
L'Office colonial.
Le Congo français.
Les forêts de chéne-liège en Algérie.
La question forestière Indo-chinoise.
2«
»
15 mars
m
))
15 avril
:^o
))
A bon
niMm
Mlts
France, 1 an : 18 fr. ; Colonies, 1 an : 22fr.
Etranger, 1 an : 25 fr.
COMITS DE L'ASIE FRANÇAISE
19, Rue Bonaparte — Paris.
Sommaire du Bulletin de Mai 4905
■ liste des souscripteurs.
Comité : Ccaférences de M. le D>^ Logendre.
;Xft Guerre.
Délimitation franco-siamoise, par R. C.
Communications télégraphiques entre la France et
rindo-Chine, pir B P.
Xe Commerce des arachides à Pondichéry, par le Docteur
Qi«rlcï!^ Valentino.
Française : l'inanp:ura»ion de la ligne de Than hoa à Vinh. —
Le hu'I^t de Tlndo -Chine. — La commisRion des retraites locales
de l'Indo-Chine. — La nouvelle papèque toukinoise. — Création
d'on journal indigène au Tonkin. — L'emprunt des établisseruents
frjoçais de Tlnde.
Chine : La mort de M. Lessar. — La politi(|U<) allemande. —Le
commerce anglaise! le traité Mackay. — L'opinion chinoise et le
fii'gime des Chinois aux Etats-Unis.
Japon : La «{uestion de l'impôt sur le 4 concessions étrangères.
Russe : La jonction du Transcaspien et du Transsibérien.— Le
Tranjnianchourien. — Les charbonnages de Sakhalino. — Prix de
revient et rendement des cultures sibériennes. — Les voies ferrées
au Caucafcc. — l>eM Allemands au Caucase. — La culture du thé au
('tiiciiAe. — Terrains naphtifères.
Torqaie : Li France et les Syriens à Uaïti. — Le chemin de fer
Suiyrrie Aïdin. — Projet d'agrandissement de la douane deSmyrne.
I' Srnyrne : Timpoi talion des sucres français.
Arabie : La révolte de l'Yémen. — Lea Anglais à Koueib. — La
question des boutres de Mascate.
^Asie Anglaise : La défense de la frontière du Nord-Ouest. — Le
coxiiinerce de l'Inde anglaise en 1904-1905. — Dans les Etats chans
de Birm.mie.
IPerse : L'action de l'Angleterre. — Sur la frontière lu Tnrkestan
Vominations officielles.
iUbliogrraphie.
Carte *in Seu-tchouan (Chine).
[ • fie Mandchourie (Moukden, Kharbin, Kirin).
[ > d'Annaui.
pOraphique du mouvement d'exportation des arachide 3 à Pondichéry.
tOarte de l'Iude française.
I Eovoi BOT demande d'un nuiiiéro spécimen gratuit.
COMITÉ DE L'AFRIQDE MWAm
ORGANE DU
COMITÉ DU MAROC
Sommaire du Bnlletin de Juin Î905
Liste des souscripteurs :iii (j)inité de l*Afrii]iie franyalHe.
Comité dû Maroc .
Nos Morts.— M. B\ïrnaii«l ('nman.
La crise franco- allemande. — HoIktI do Caix.
Autour du Tchad. — AngUBli- Terrier.
La session du conseil supérieur de T Algérie. — Deinoiitèfi.
Le retour du général Gallieni. — Kdouunl Puyen.
Les gisements de nitrate au Sahara algérien.
Le mouvement cotonnier en Afrique. — CIiciuin-DupoDtés.
Algérie : I^aus l'Ouest et le Sud Oranais.
Afrique Occidentale française : lAissassinat do M. Coppolanî.
Quinée Française : l/annexioa (hs îles de Los.
Maroc : L*- refus «lu pro^rainuKî français. — Le projet de confércnoe
iiiternatinnale. — I/aHsaiJsiiiit do M. Maddun. — L'anarchie maro*
r.iine. — La néjjjot'iat'oii île Tez. — Le Maroc Haharien. — L'action
»*8pagn«>lL* au .Marur.
Egypte : Lv. cluMuin dv f«T du Nil à la Mer R)uge. — L9 clieniin
<i(; fer du Klitriuiuii. - L m pro^p'S do l'exploratiou au Soudan
é;îyplieu eu l'J04. L<* «'oriiiiKTro du Soudan égyptien.
Libéria : La délimitation.
Etat Indépendant du Congo : L«m témoignages italienn.
Possessions britanniques : (lénéralitôs. — Si^rra-Léone. —
Nigeria. .
Possessions allemandes : Gcnf^ralité^j. — Togo. — Cameroun. —
Silil- Ouest.
La délimitation de la Guinée portugaise.
Sié^fodu (.'oiiiiré : 21 Boulevard Montmartn'. — Paris
SOCIETE
I)B
lOGRAPHIE COMMERCIALE
T3XJ Ii:u^"VR.B
BULLETIN
XVII AiiimV. - !2 Ti-îiiic^<iiH* 1 oor>
HAVRE
AU SIÈGE DK L\ SOCIKTK
1^1, nVE «R PARIS, 131
i90C>
SOMMAIRE
La dcfcnsc de l'Indo-Chinc. ;-:î'- M. I'K Pi»! \ j . .:.' l'
Le Rc>crvoir d*Assoi{:m et îc ]ùc Morris, iV, r -Im .fî.in .-. K:-.:E'
Bosnie îicrzé^ovinc, j-ar M. l'i.vN-.
Actes Ac !j Société .
BibJiogTMphie
OtiviM^es offerts à la Société ; .::• :•• <J- Xi.::'i{ Ai ■ :îi\au:'.
REUNIONS
Le^ I^v- union» du Comité ont l:eu le 4' • mercredi de chaque me
excepte pendant les mois J'août et septembre.
To'.is les membres Je lu So:ictc peuvent y ;issifter.
ISIBLIOTHE-^QUE
L.I n s K'iliLvjue Je l.i S.^.vie e«.; OUVertC tOUS leS SOirS, cxcc|
:»•■ J ••.•■ ■ "-Jîi*-. .'! ii^'.jr- icriev. J.' o î- 1 2 a r h. i '2 et de 8 h. i 2 à 10
• "• :•. • \ « .•'mnuin:v.!tion< .:î îoj î-.--- ven-ici^ncments doivent et
SOCIÉTÉ
DE
GEOGRAPHIE COMMERCIALE
lia Défense de Tlndo^Chine
U)
Mesdames, Messieurs,
D'habitude, dans les Sociétés de Géographie, les confé-
renciers qui sont admis à l'honneur do parler devant vous,
vous racontent, soit leurs voyages, soit leurs explorations,
soit telle ou telle monogra{)hie, et leurs récits amènent et
coraportent toujoursavec eux, soit des descriptions plus ou
moins humoristiques, soit des récits personnels. Je ne
peux pas aujourd'hui vous promettre les mêmes aventures
ni les mêmes descriptions ; comme vous le disait M. le
Président, la question que je vais avoir l'honneur de trai-
ter devant vous est d'une actualité brûlante, je dirai môme
d'une actualité presque Iragiqutî. H n'y a pas, en ce
moment-ci, dans tout le domaine colonial de la France, de
Gonfcrence faite devant In Sociclé de (Géographie rnnimercinlt' du Havre.
loairA DB OÉOGRAPHIR. — 2* trimestre 1905 19
290 LA DÉFENSE DE L'INDO-CHIKB
question plus pressante que celle de la défense de notre
domaine extrême-oriental.
Vous savez — car en venant au Havre je n'ignore pas
que je m'adresse à un public averti à l'avance — vous savez
de quelle manière cette défense de l'Indo Chine est venue
tout-à-coup à l'ordre du jour de la façon la plus brutale et
à la fois la plus sanglante.
Nous ne connaissions, jusqu'à présent en Extrême-Orient
que les difficultés des explorations, les peines, les dangers
des conquêtes partielles, que les délicatesses de la politique
de domination ou d'assimilation ; nous connaissons et nous
devons nous apprêter à éprouver, aujourd'hui, que les
peuples, que nous devons chercher à coloniser, peuvent
avoir, en leurs frères de même couleur, des soutiens qui
sont nos ennemis.
Je n'ai pas à vous dire quelles sont les forces de ces enne-
mis ; vous savez de quelle façon s'est révélée en Extrême-
Orient cette nation si pacifique et si dormante, aujourd'hui
devenue une puissance qui peut être comparée, non seule-
ment sous le rapport des forces matérielles, mais sous le
rapport du ressort moral et intellectuel, aux meilleures puis-
sances de l'Europe. Vous savez que dernièrement cette puis-
sance jaune a été reconnue tellement supérieure à tout ce
qu'on pouvait attendre d'elle, que l'Angleterre a jugé néces-
saire, pour conserver son prestige mondial, de signer avec
le Japon une entente, qui n'est pas une entente cordiale,
qui est plus qu'une entente cordiale, une entente de raison,
une entente de logique, de nécessité, faite par le mariage
nécessaire des intérêts de l'Angleterre d'Europe et de l'An
gleterre d'Asie. Vous savez que la première conséquence
de ce traité a été de faire de Singapore, port libre, port
pacifique, un port de guerre, un port dont tous les quais,
jadis réservés au commerce, ont été achetés par l'Anu-
rauté, un port qui n'aura plus de magasins, mais des
LA DÉFENSE DE L'INDO-CHINE 291
arsenaux, qui n*aura plus de ballots, mais des canons, qui
n'aura plus de bateaux de commerce, mais des navires de
guerre. Singapore, clé de l'Extrême-Orient, est aujour-
d'hui destiné par ce traité à fermer les portes des mers de
Chine.
C'est cette situation très délicate, d*autant plus délicate
qu'elle est tout à fait imprévue, qui nous contraint à songer
à la défense de nos possessions indo-chinoises. Il faut y
songer d'une façon d'autant plus précise, d'autant plus
vigoureuse que les dangers, qui peuvent un jour nous
menacer, sont des dangers dont nous avons pu expérimen-
ter toute la valeur et toute l'étendue. L'armée japonaise, la
flotte japonaise sont aujourd'hui la seule armée et la seule
flotte modernes qui aient fait leurs preuves. Je n'ai pas à
vous rappeler la façon dont elles les ont données : de la
façon la plus sanglante, la plus imprévue ; je crois qu'elles
ne pouvaient pas les donner d'une façon qui fût plus sen-
sible à des cœurs français.
Il faut donc songer à défendre l'Indo-Chine, mais il n'y
faut pas songer comme à un cas désespéré, comme à un
gouffre où se disperseront où disparaîtront, sans succès et
sans fin utile, notre argent, nos hommes, notre flotte.
Il faut défendre l'Indo-Chine, mais il faut d'abord que
nous sachions que nous pouvons la défendre. Nous avons
là-bas de grandes responsabilités, de grands devoirs,
mais nous avons aussi de grandes possibilités ; il ne faut
pas éluder les uns, mais il ne faut pas non plus nous défier
des autres, et en étudiant avec vous les moyens récents
pris par le gouvernement pour la défense de l'Indo-Chine,
nous saurons que le canon japonais n'a pas sonné le glas
de nos espoirs, mais seulement le réveil de nos conscien-
ces.
Vous savez que l'Indo-Chine est à une moyenne de
13.000 kilomètres de la France, que les mers qui nous en
292 LA DÉFEICSE DE L*INDO-CHINE
séparent sont occupées par des colonies qui ne sont pas^
nous, que Singapore, comme je viens de vous le dire, en
cas d'une guerre possible avec une puissance jaune, que
Singapore, qui est la clé du détroit, nous serait fermé.
Vous savez que le canal de Suez ne donne pas passage aux
cuirassés de haut bord,qui sont trop profonds et trop larges
pour emprunter le canal ; vous savez d'autre part qu'il esl
excessivement facile, avec deux pauvres bateaux, de le
boucher pendant trois semaines ou up mois afin qu'on ne
puisse y passer. Vous comprendrez également que 1(
jour où une guerre menacerait notre situation en Extrême-
Orient, cette guerre serait une guerre mondiale ; par con-
séquent la France aurait besoin de toutes ses ressources:
argent, flotte, de tous ses enfants pour défendre la terre
métropolitaine ; elle n'aurait ni le temps, ni la puissance,
ni le goût d'envoyer en Extrême-Orient les moyens de
défense qui lui seraient nécessaires pour se défendre elle-
même.
Bien entendu il faut dire et l'on peut compter qu'un jour
la France pourra envoyer des renforts en hommes et des
vaisseaux ; ce serait un leurre de ne rien faire et dédire :
« la France y pourvoira », non, la France n'y pourvoira
pas ; il faut qu'aujourd'hui les mesures soient prises de
telle façon que^'état de paix en Indo-Chine puisse, par un
mécanisme guerrier, se transformer immédiatement en état
de lutte suffisant pour que nous puissions, non attaquer,
non riposter, mais nous défendre sans avoir besoin de
personne.
La chose est possible ; la défense de l'Indo-Chine com-
porte puisque, comme vous le savez, l'Indo-Ghine estum
presqu'île située sur le détroit de Malacca d'une part et sui
le golfe de Siam d'autre part, cette défense comporte la dé
fense maritime etla défense terrestre ; nous allons les^rnsse
en revue toutes les deux :
LA DÉFBNSB DE L^INDOCHINB 293
I DÉFENSE MARITIME :
[ D'après ce que je viens de vous dire, vous voyez qu'il
n'est pas question d'avoir pour l'Indo-Chine une forte es-
cadre, de gros cuirassés qui coûtent 30 millions, des équi-
pages nombreux et une flotte bfen approvisionnée pour
tenir la maîtrise de la mer extrême-orientale, et défendre
DOS côtes ; ceci n'est pas possible ; je dirai môme que ceci
n'est pas utile. Il est inutile, quand on possède l'Indo-
Chioe, de posséder ce qu'on appelle la maîtrise de la mer.
 quoi est utile la maîtrise de la mer ? Elle est Utile à
des gens qui ont besoin d'être constamment tout près de
leurs bases d'opérations, de leurs bases de ravitaillement.
La base d'opérations est en Indo-Chine ; quant à la base
de ravitaillement c'est l'Indo-Chine française ; et le jour où
Doas serons assiégés, où nous serons dans cette situation
d'être incapable de sortir, nous serons dans le grenier, et
ce seront nos assiégeants qui mourront de faim à notre
porte.
Uest inutile d'avoir la maîtrise de la mer^ la chose utile
est d'empêcher les assaillants de débarquer chez nous.
Eh bien 1 pour arrêter une flotte puissante, nombreuse, très
bien exercée, bien armée, comme nous savons qu'était la
flotte japonaise à Tshou-Shima, et Comme nous savons
qaelle le sera encore davantage demain, il est inutile de
songer à avoir des cuirassés, à avoir de gros bateaux «
parce que chaque cuirassé coûte 30 millions, chaque croi-
seur 20 millions, parce que chacun d'eux est armé d'une
artillerie puissante, mais qui nécessite une moyenne de
S à 600 hommes d'équipage ; et ces 5 à 600 hommes ne
peuvent pas être français, puisque ce jour-là la France
lora besoin de tous ses enfants, et ne peuvent pas être
[ndo-Chinois, puisqu'il n'existe pas de conscription mari-
ime indigène, et qu'il est impossible d'obtenir ce que la
294 LA DÉFENSE DE L*INDO-CHINÉ
conscription obtient dans d'autres pays ; nous n'avons pas
de marins indigènes et nous n'en aurons pas !
Il est inutile d'avoir des cuirassés qui ne seront montés
par personne, d'avoir des pièces qui ne seront servies par
personne ; il est inutile d'avoir des gros bateaux parce que
la côte est semée d'anfractuosités sans nombre, de hauts-
fonds qui empêchent les bateaux de 6 mètres de tirant
deau de s'approcher de la plupart des baies. La côte est
sillonnée de récifs et de havres dont la base est sur des ro-
chers qu'on connaît mal. Si en temps de paix, on ne peut
pas empêcher les croiseurs de talonner dans la baie
d'Along, ce n'est pas en temps de guerre qu'on pourra le
faire. 11 nous faut donc sur les bords de l'Indo-Chine une
défense maritime qui puisse entrer partout, qui puisse se
tenir dans les fonds de 3 mètres de tirant d'eau, être très
rapide pour échapper aux yeux de l'ennemi, qui ne coule
pas très cher, pour éviter à la métropole des dépenses
qu'elle devra faire chez elle, et qui soit montée par peu
d'hommes, de façon à ce que nous ayons assez de marins
de la métropole sans avoir recours à des engagements mari-
times indigènes. 11 nous faut également une défense dont
les éléments puissent se ravitailler sur place, être réparés
sur place, être construits de fond en comble sur place,
lorsque cela sera nécessaire ; il faut que cette défense
remplisse la condition primordiale de coûter le moins cher
possible. Eli bien I il faut rendre cette justice au gouver-
nement français, à tous les ministres de la marine qui se
sont succédé depuis que la guerre russo-japonaise a éclaté,
que c'est vers ce même but et vers les mêmes principes que
leurs efforts ont été dirigés. Ils ont tous compris la néces-
sité inéluctable que je viens d'exposer devant vous ; et il
faut savoir qu'il y a au ministère, en la personne de Tami-
rai Fournier, l'homme qui a le mieux saisi la question, non
seulement parce qu'il est un marin, qu'il connaît les Indo-
LA DÉFBNSE DE L'INDO-CHINE 295
Chinois, mais qu'il est resté un fin diplomate. Il connaît au
mieux la question et la manière dont on pourrait défendre
sur mer les côtes de Tlndo-Chine.
On peut la défendre par les torpilleurs, par les contre-
torpilleurs, par les sous-marins et las submersibles. Les
contre-torpilleurs et les torpilleurs sont montés par 30 ou 40
hommes, ils portent 4 torpilles de 300 kilos pourvues de 60
kilos de dynamite ; ils coûtent 400.000 francs ; ils ont un
tirant d'eau extrêmement faible ; ils ne sont pas très visibles*
Qaant aux sous-marins et submersibles, vous savez par
définition ce que c'est, et il ne serait pas convenable de
donner sur leur compte des détails et des caractéristiques
que seuls les constructeurs doivent connaître. Vous savez
que c'est précisément dans les sous-marins qu'aujourd'hui
réside cette force française d'autant plus crainte qu'elle est
moins connue. Vous savez que le sous-marin, le submer
Bible surtout, qui est un agent automobile, peut porter
paodant 30 houres de plongée des torpilles sous la flotte
ennemie, sans que cette flotte puisse être avertie par la télé"
graphie sans fil du départ des sous-marins. Il a l'inconvé*
nient de coûter très cher et présente beaucoup de difficultés
pour être réparé et construit. L'arsenal de Saigon peut
réparer des sous-marins et construire des torpilleurs ; et
▼oyez comme cette question est importante, car ce n'est
pas en France qu'on renverra les bateaux blessés pour se
guérir, il faut qu'ils soient réparés sur place ; eh bien I
ces qualités essentielles que les contre-torpilleurs possèdent,
viennent de se trouver — je ne dirai pas par un hasard — ,
réunies dans un tout petit bateau que personne ne connais-
sait il y a un mois, dont il n'a pas encore été parlé, puisque
c'est avant-hier seulement que j'ai reçu l'autorisation d'en
dire quelques mots.
Ce petit bateau, dont je vais vous donner les caractéris-
tiques porte le nom de ** vedette lance-torpille ", il est dû
296 LA DÉFENSE DB L'iNDO-CHINÈ
à ringéniosité du Comte Récopé, ingénieur de la marine
française. Cette vedette porte une seule torpille de 450, au
lieu d'en porter 4 de 300, c'est-à-dire une torpille avec 100
kilos de dynamite et elle pèse 600 kilos. Il n'y a pas de cui-
rassé, fùt-il japonais, qui résisterait à une torpille de cette
espèce.
Ce petit bateau n'est muni que d'une hélice ; son tirant
d'eau est d'un mètre au-dessus du niveau de l'eau. Ces ca-
ractéristiques, je puis vous les donner,car elles sont en tous
points semblables à celle d'un petit canot automobile qui a
fait la course de Folkestone à Boulogne.
La grande transformation faite par le Comte Récopé
consiste en ce que cet ai!ût de torpille qui marche tout seul
est actionné, non pas par la vapeur, mais par un moteur à
explosion. On a eu beaucoup de mal^ au Ministère de la
Marine, à vouloir seulement jeter les yeux sur le plan d'un
bateau qui n'était pas à vapeur ; les murs du Ministère ont
entendu pour la vapeur contre le pétrole les arguments que
d'autres avaient entendus pour la navigation à voile contre
la vapeur.
On est parvenu cependant à arracher aux commissions
de la marine une étude sérieuse de ce projet. Ce petit
bateau est doue muni d'un moteur à pétrole lampant à
8 cylindres ; je dis 8 cylindres, parce qu'immédiatement la
commission de la marine dit : un moteur à explosion, c'est
la panne 1 Cela est évident quand vous n'avez qu'un cylin-
dre, mais quand vous avez 8 cylindres, il est tout à fait
inadmissible que les 8 cylindres manquent au môme mo-
ment, car quoique couplés ensemble, ils sont indépendants;
et que l'un d'eux s'endommage, la vedette marche avec ses
7 cylindres, pendant qu'on répare le huitième.
Il est préférable d'avoir une panne au huitième cylindre
que d'avoir une panne entière à une chaudière à vapeur.
Il y a d'autres avantages ô ce bateau . Il est, comme )e vous
LA DÉFENSE DE L'INDOCHINE 297
rai dit, alimenté par du pétrole lampant. Nous avons fait le
calcul ; la vedette lance-torpille qui est entièrement pontée
peut faire un raid à grande vitesse (la vitesse de marche de
100 milles dans la haute mer) soit 200 milles, aller et retour
«oit au total 380 kilomètres. Elle dépense pour ce raid en-
viron 600 kilos de pétrole, c'est-à-dire la valeur de deux
bordelaises ; un torpilleur pour accomplir le môme raid
dépense 7 tonnes de charbon. Je vous laisse à penser si
7 tonnes de charbon tiennent plus de place que 2 bordelai-
: ses de pétrole. On peut non seulement réduire la forme de
la vedette puisqu'elle ne transporte que deux bordelaises,
mais surtout réduire les magasins qui, dans les places de
rindo-Chine, conserveront le pétrole au lieu de conserver
le charbon. Le pétrole se trouve assez facilement ; il coû-
te beaucoup moins cher au Laos qu'à Paris ; la quantité
de pétrole qui coûte 9 sous à Neuilly coûte 5 sous à Luang
Prabang. De plus, comme je vous l'ai dit, son emmagasi-
■ nement demande beaucoup moins de place. Vous savez en-
fin que la houille qui reste longtemps en magasin s'altère,
tandis que le pétrole reste toujours semblable à lui-même.
Il est donc beaucoup plus simple d'alimenter une petite
flotte de pétrole que d'alimenter de gros bateaux en
charbon.
La vedette alimentée au pétrole, par une disposition spé-
ciale, rejette sous la surface de l'eau tous les produits de la
combustion ; le torpilleur développe par dessus lui un ma'
gniiique panache de fumée, et pas un canonnier ne désire-
; rait meilleur but ; le torpilleur laisse un sillage appréciable;
le vedette ne laisse pas le moindre sillage, à telle enseigne
que dernièrement un torpilleur français poursuivi par la
vedette rentrait à Boulogne. Les constructeurs s'en furent
fur la jetée ; ils voyaient à l'horizon le torpilleur avec son
grand panache de fumée faisant force vapeur pour rentrer ;
00 voyait un sillage merveilleux derrière le torpilleur et
298 LV DÉFENSE DE L*INDO-CHINB
cela, à l'œil nu. Avec la plus puissante jumelle marine les
constructeurs et la commission maritime ne voyaient abso-
lument rien de la vedette, si bien que l'inventeur désolé,
remettant sa jumelle en place, disait : « il est arrivé un
accident à la vedette, et c'est pour l'annoncer que le torpil-
leur rentrée toute vapeur ». Or le petit bateau était à deux
encablures, mais comme il n'avait pas de fumée et qu'il
n'avait pas de sillage, il était resté invisible jusqu'à son
entrée dans le port de Boulogne.
Ce petit bateau, qui ne lance qu'une torpille, est un
affût mobile, il n'est monté que par deux hommes : un
homme qui regarde par le hublot la direction et qui tient
le porte-feux de la torpille, et un autre homme, simple ma-
rin, qui, lui, découvre la torpille, quand il reçoit l'ordre et
qui, le reste du temps, veille aux 8 cylindres et à Talimen-
tation du bateau.
Le torpilleur comprend 30 ou 32 hommes ; la vedette
n'en porte que deux ; c'est très important, quand on sait
combien délicate serait en temps de guerre la misâion soit
de ces torpilleurs, soit de ces petites vedettes. Nos officiers,
nos marins, ceux qui montent les torpilleurs, savent très
bien qu'en temps de guerre, au moment où ils quitteront
la terre, ils devront faire le sacrifice de leur vie.
Pour lancer une torpille qui peut coûter la vie des hom-
mes, ne vaut-il pas mieux en exposer deux que d'en ex-
poser 30 ou 32 pour obtenir le môme résultat ? Quand nous
n'aurions que ce motif, il est suffisamment élevé pour que
l'invention du Comte Récopé nous paraisse à la fois inté-
ressante et humaine.
Enfin le torpilleur a besoin d'un bassin de radoub, d'ou^
vriers spéciaux pour se refaire ; je vous assure que la vedet*
te de M. Récopé n'a pas besoin d'arsenal ; elle a besoin,
quoi qu'il arrive, d'un ouvrier en automobile et d'un mar-
teau, tellement c'est fruste, tellement c'est simple, avec
LA DÉPENSE D£ L'iNDÛ-CHINE 299
(ellement peu de rouages et de délicatesse dans ces roua-
ges. Le torpilleur coûte moyennement 400.000 francs ; la
première vedette, par conséquent la plus chère de toutes,
coûte 75.000 francs.
En un mol tous les avantages sont là réunis; le Ministère
delà Marine vient d'ordonner la construction à Tessai de
la première vedette de guerre porte-torpille, et j'ose espérer
que les résultats en seront excellents, car après avoir exa-
miné nombre d'objections techniques sur lesquelles je n'ai
pas besoin d*insist6r, la commission s'est rangée à l'avis de
M. Récopé. Les essais auront lieu au mois de juin, et je
De crois pas trop m'avancer en disant qu'ils auront lieu
près du Havre. S'ils sont couronnés de succès nous avons
l'assurance qu'avec 50 petites vedettes à 75.000 francs nous
pourrons défendre, delà façon la plus efficace, de la façon
la plus sûre, la plus immanquable, toutes ces. côtes de
riDdo-Chine pour lesquelles le récent projet avait demandé
uoe flotte dont le prix de revient était de 200 millions. Il
faut toutefois ajouter une chose : c'est que les marins qui
duraient monté la flotte auraient certainement été à l'abri,
tandis que nous ne pouvons pas en dire autant des marins
qui monteront les petites vedettes Les 100 marins qui mon-
teront les 50 vedettes partiront sur avis de la télégraphie
sans fil et torpilleront à 50, 60 ou 100 milles le premier
bateau qu'ils rencontreront, après quoi, ils seront obligés
de virer et de rentrer au port. Mais il y a le une minute et
demie terrible ; les 600 kilos que pèse la torpille et qui dis-
paraissent avec elle, occasionnent un manquesubit d'équi
libre. Il y a dans la vedette un système de pompe à aspira^
tionqui fait que l'eau de mer remplira immédiatement l'es-
pace vide au prorata de 600 kilos : par conséquent il y aura
pendant une minute et demie une instabilité qui mettra la
▼edette certainement en danger ; c'est là le seul inconvé-
nient. Lorsqu'on le présenta à l'amiral Fournier, il se mit à
300 LA DÉPENSE DE L*INDO-CHINE
sourire en disant que lorsqu*il s*agissait du danger qu^
courent les individus pour leur p«iys, cela ne devait pas en-
trer enligne de compte. Il est certain que tous les avanta-
gesse trouvent réunis dans celte vedette, mais ceux qui la
monteront devront faire auparavant, comme font déjà le»
officiers et marins des sous-marins, c'est-à-dire le sacrifice
de leur existence. Ils sont destinés à mourir pour leur pays
et nous connaissons assez nos marins pour savoir que ce
n*est pas eux qui s'en plaindront.
Voilà donc comment la défense maritime se trouve subi-
tement organisée par la découverte de ce petit engin dû à.
Tesprit pratique de l'ingénieur français, M. Récopé. Je ne
vous dirai certainement pas quels sont les points d'opéra-
tions, les points d'appui où se concentrera la défense mo-
bile ; on a dit dans les journaux que ce serait Haîphong,
Hongay, Tpurane, cette fameuse baie de Camranh, où
l'amiral Rodjestvenski a pris du charbon et de Tespoir,
qui serviront de points intermédiaires, mais ce sont là des
détails techniques de guerre dans lesquels il est préférable
de ne pas entrer. Il faut savoir seulement ceci, c'est qu'a-
vec les torpilleurs, les contre-torpilleurs, les sous-marins et
les submersibles dont plusieurs viennent d'être convoyés
et sont déjà en Indo-Chine, et avec une cinquantaine de
vedettes, la défense sera une chose accomplie, en ce sens
que l'ennemi sera maître de la mer, mais que nous serons
maîtres du sol où nous serons, et qui produit la nourriture
entière de l'Extrême Orient* Nous en resterons les maîtres;
nous ne pouvons demander autre chose,et ce sera peut-être
la meilleure solution de toutes les difiQcultés.
LA DÉFENSE TERRESTRE
Il faut bien s'imaginer que si nous sommes attaqués par
mer, également nous le serons par terre* Nous avons de
LA DÉFENSE DE L*INDO-CHINE 301
très longues frontières avec la Chine, avec le Siam, fronliè-
Tdsqui sont défendues par des forts de très peu de valeur,
. peu d'arliUerie, c'est-à-dire que là encore nous nous som-
mes contentés de l'illusion, mais comme aujourd'hui cette
illusion n'est plus possible, qu'il faut faire comme nous
avons fait pour la mer, il faut que nous trouvions sur terre,
dans le sol, dans les forces indo-chinoises, les réserves de
guerre nécessaires pour nous défondre d'une façon suffisante
contre les invasions terrestres possibles. Or, ce que nous
possédons aujourd'hui de troupes métropolitaines en Extrê-
me-Orient serait tout à fait insuffisant non seulement
pour attaquer, mais pour riposter et pour défendre.
Elles ne seront pas augmentées en temps de guerre,
parce que le peuple français ne comprendra jamais que
pour conserver l'Indo-Ghine il faut plus de monde que
pour la conquérir. Il faut donc qu'avec nos troupes déta-
chées aujourd'hui là-bas nous ayons un noyau suffisant
pour défendre l'Indo-Chine et qu'autour de ce noyau et
comme la pulpe autour du noyau, la réserve indigène ins-
truite, recrutée, se masse pour former une armée locale,
capable de résister à une invasion jaune. Ceci n'est pas
impossible, car ce ne sont pas des troupes européennes
que nous aurons à combattre, ce sont des troupes japo-
naises, chinoises, siamoises. On a beau dire que ces nations
jaunes sont réveillées : on ne sort pas impunément de 4 ou
Emilie années de paix effective pour devenir d'invincibles
guerriers ; leurs contingents ne valent pas ceux que nous
aurons à leur opposer ; il suffît d'une certaine valeur mo-
rale pour avoir raison du nombre tout en lui opposant une
moindre valeur matérielle.
Eh bien ! c'est ici que nous devons faire un meh culpa
moins coûteux, mais peut-être plus pénible à notre amour-
propre. Avons-nous fait ce qu'il fallait pour avoir une
armée locale indigène fidèle et dévouée ? Non, nous ne
302 LA DÉFENSE DE l/lN DO-CHINE
l'avons pas fait. Lorsqu'on possède des provinces de 30 i
85 millions d'individus, si ces 30 à 35 millions ne nous aideat
pas à les défendre, nous ne pourrons pas faire face aux en-
nemis du dehors, ni aux mécontents du dedans. Il faut
conserver l'Indo-Chine, et il faut que nous la conservions
grôce à ceux qui l'habitent. Il faut que ceux qui l'habitent
ne soient pas seulement nos sujets et nos protégés, mais
aussi nos amis, sinon de cœur, du moins nos amis de
raison ; et je crois qu'avec la façon dont lesprit jaune est
tourné d'une part, la divergence des races blanches el
jaune d'autre part, c'est à la raison qu'il faut faire appd
bien plus qu'aux sentiments ; il faut donc que ce peuple
comprenne que son intérêt de peuple indo-chinois est un
morceau de l'intérêt du peuple français. Il ne faut pas que
des rebelles, que des nationaux d'Annam puissent, comme
ils le faisaient encore hier, dire que nous sommes les tyrans
de l'Annam, que nous essayons d'en être les maîtres et que
représentants d'une tradition autre, ils doivent nous de-
meurer opposés. Il faut au contraireque ces gens sachent
bien maintenant que, par suite de l'évolution des peuples,
par suite de la trop grande vieillesse de leur race, ou des
conditions ethniques sur lesquelles je n'ai.pas à m'étendre»
ils comprennent que, ne pouvant être leurs propres maîtres,
ils ne peuvent pas avoir de meilleurs directeurs que nous ;
et ils doivent comprendre que l'Annam, en nous perdant
se perdrait lui même ; ils doivent comprendreque leursoï
est indéfectiblement attaché au nôtre, et qu'en travailla^
pour nous c'est pour eux qu'ils travaillent. Pour atteindr
ce but, il ne faut pas les considérer comme des sujets é
reprendre la politique de conquête, il ne faut pas les consi
dérer comme des protégés, et continuer la politique d
domination ; je me hâte de dire qu'il ne faut pas les con
sidérer comme des égaux, c'est-à dire faire delà politiqu
d'assimilation, mais comme des associés et faire de la pol
LA DÉFENSE DE L*JNDO-CHINE 303
que d'association. Cette politique d'association, mot si
heureusement prononcé par M. Clémentel, ministre des
colonies, doit être aujourd'hui la directrice de notre action
en Indo-Chine, si nous voulons obtenir de nos Annamites
tout le concours que nous sommes en droit d'attendre d'eux
ei qu'il faut qu'ils nous donnent, si nous voulons demeurer
prépondérants en Indo-Chine. Cette association consiste
essentiellement, non pas du tout à faire juger les Français
par des magistrats indigènes, encore moins à nommer un
Annamite vice-président du Conseil Général de Cochinchine
comme on l'a fait l'autre jour.
Elle consiste à utiliser dans la contrée, dans le bien géné-
ral delà France, tout ce qui dans les anciennes traditions,
les anciennes mœurs, li'est pas absolument contraire à
notre tempérament et à nos intérêts ; et je dois dire que
dans l'utilisation de cette réserve extraordinaire de forces
qu'est rindo-Chine, dans un bien général, la France ne
doit pas s'écarter de la politique d'association. Elle avait été
révélée de la façon la plus claire, dans l'application, par
un homme dont ce n'est pas du tout ici l'endroit d'apprécier
le rôle politique, mais qui a compris l'Indo-Chine, qui l'a
revivifiée et l'a dirigée de la façon la plus sùro vers un heu-
reux avenir : M. Paul Doumer.
La politique d'association, telle ([u'elle est ainsi com-
prise, telle qu'elle doit être appliquée, comporte la direction
de toutes les forces françaises et indigènes vers un but
exclusivement français, non par des méthodes françaises,
mais par des méthodes où l'esprit français et les traditions
indigènes se marieront au prorata de leur valeur et des
colleclivités représentées en Extrême-Orient.
Nous avons en Indo-Chine des régiments de tirailleurs
recrutés à la façon métropolitaine de France, encadrés
comme sont encadrés les régiments de ligne français,
commandés comme sont commandés les régiments do ligne
304 LA DÉFENSE DE L*INDO-CHINE
français, armés comme sont armés les régiments de lige
français, instruits à la guerre comme s'ils allaient avoir
se battre contre des formations allemandes ; cela coûte trè
cher et l'expérience n'a pas encore dit si cela servirai!
grand'chose. Nous avons d'autre part les milices ou garde
indigènes qui seront recrutées suivant les anciennes loii
militaires nationales del'Annam ; bien entendu ces loiî
prévoyaient un très grand nombre de soldats ; nous en
avons pris excessivement peu pour ne pas grever d'un
impôt du sang des pays qui ne nous étaient dévoués qu'im
parfaitement. Ces milices sont encadrées par un cadre
français restreint, régies par les lois militaires d'Annara,
payées suivant les tarifs et les barèmes annamites, et je
vous prie de croire que c'est bon marché ! Elles sont ar-
mées de fusils *' Gras", elles sont instruites, comme fo^
mations, pour une guerre de partisans, pour une guerre
locale Ces gardes civiles ou miliciens feraient des soldats
déplorables en Europe, mais excellents en Asie. Je pense
que l'on a prévu que ces miliciens auraient à se battre eo
Asie, non en Afrique ou en France, non pour prévoir
d'autres besoins de la défense nationale. Je crois qu'ils
remplissent excellemment le rôle auquel ils sont destinés-
Ils sont recrutés végionalenient ; c'est là la pierre d'achoppé-
ment, et la politique d'association va commencer à se faire
sentir.
Les régions de l'Indo Chine sont habitées par un peuple
— ceci se dit géographiquement — elles sont occupées,
non par une seule race, mais par des souches qu'on appel-
le IIô excessivement nombreuses qui n'ont pas entre elles des
points de contac't très déterminés. Ces souches sontjuxla
posées les unes aux autres comme les cases d'un damier qu
pour faire partie du même damier, n'en sont pas moins, le
unes blanches, les autres noires. Si nous appliquons à ce
sujets le recrutement militaire français, si nous envoyon
LA DÉFENSE DE LJNDO CHINE 305
ies f^ens de l'ouest dans les garnisons do Test, si nous
envoyons les gens de plaine défendre les montagnes, nous
n'arriverons à rien en Indo-Chine, parce (jue ces gens sont
de races très jalouses et ont très développée l'idée de souche,
Vidée do village, l'idée de famille, mais ils ignorent l'idée
g»^>graphi<iue de la patrie. On ne p?ut pas agir vis à-vis
dVux comme vis à vis de Français. Un Jaune de Hanoï
n'ira pas défondre un Jaune de Hué, ni un Jaune de Hué
déftMidre un Jaune de liamu ; il faut par coiisécjuent (|ue le
Jaune do Hanoi soit élevé à la défense de son pays, et ce
lui de Hué à la défense du sien.
Il faut donc le recrutement régional ; et la politique
d'association aura là sa première conséquence. En établis-
sant le recrutement régional (qu'il y ait 3, i, 5 ou 10 ré-
pons, cela importe peu), ces gens devront faire un service
tel qu'ils ne soient pas casernes dans un pays autre que
celui où il seront recrutés, et pas commandés par des gens
d'une autre race, d'une autre souche, d'une autre appella-
tion ethniijue que celles dont ils font eux mêmes partie.
Ils pourront, lors(jue l'invasion arrivera, être transportés
par la suite sur le sol d'un voisin pour le défendre parce
quils auront alors à risposter et à venger une injure, mais
il ne faudra pas les transporter avant que les nécessités
le commandent. En agissant autrement nous risquerions
de ne pouvoir avoir qu'une armée de défense, une armé«î
de riposte, mais jamais une armée d'attaciue.
Recrutés régionalement, il ne faut pas leur demander
un stTvice p(îrmanenl, car rAnnamite ne comprendra ja -
/nais (ju'en temps de paix il soit obligé de restera la caserne
â faire du maniement d'armes ou à ne rien faire, sous
! prétexte que le temps de guerre pourra arriver. Ce qu'il
faut lui apprendre, c'est (ju'il doit savoir être un bon soldat,
iiiarcher sans se fatiguer, utiliser tous les accidents de ter
min, tirer proprement, et ensuite le renvoyer, quitte à lui
20
306 LA DÉFENSE DE L'INDO-CHINE
faire faire des périodes d'instruction, mais on ne peut pai
exiger de lui 2 ans, 3 ans, ni Tans de service comme poui
des troupes européennes: c'est tout à fait impossible- Oi
ne pourra pas le faire commander par des officiers qu'il lu
connaîtra pas, quand ils auront été habitués à être coin
mandés par des inspecteurs, par des gardes principaux
on ne pourra pas, en temps de guerre, leur supprimer leur^
chefs naturels et les placer sous le commandement d'olTï
ciers supérieurs, il faut leur conserver leurs inspecteurs,
quitte ô contraindre ceux-ci à devenir, dans leurs fonr-
tiens, aussi expérimentés que de véritables officiers. Dans
ces conditions nous savons aussi une chose, c'est que, à
égalité d'expérience, à égalité de nombre, la garde indigè-
ne recrutée ainsi sera payée exactement 3 fois et demie
moins cher que le recrutement en faveur dans la métropole ;
ce serait aussi le bénéfice du budget, car nous avons ainsi
une économie de 350 % sur la troupe permanente en faveur
de la garde, civile ou militaire, indigène intermittente.
Dans ces conditions nous pouvons espérer, d'après les lois
mêmes du recrutement de l'empire d'Annam, posséder
immédiatement une armée de 57.000 hommes dès la pre
mière année, mais s'augmentant tous les ans mécanique-
ment et par la seule résurrection des lois de l'empereur
Minh-Mang.
Nous pouvons obtenir une augmentation annuelle de
10.000 hommes. Je vous lai.sse le soin de faire le calcul au
bout de 10 ans. Si je dis 10 ans, c'est que le traité an^lo-
japona's nous laisse 10 ans do répit en Indo Chine, puiscjuo
c'est pour 10 ans qu'il est fait ; et comme il impose 10 ans
de statu quo, dans 10 ans nous pouvons donc avoir 160.000
hommes de troupes indigènes : nous pouvons conserver nos
troupes métropolitaines telles (ju'elles existent aujourd'liui,
sans les augmenter pour la défense de l'Indo-Chine, et
dt'fendre celle ci sur mer de la fayon que je vous ai indiquée.
LA DÉFENSE DE L'INDO CHINE 307
c'est à-dire par les vedettes pouvant être concentrées dans
des endroits qu'il n'est pas opportun de dire et qu*à bon
escient on ne défendra pas pour inviter l'ennemi à y
descendre ; et nous pourrons interdire ainsi de la façon la
plus absolue une descente de l'ennemi en Indo-Chine par
mer.
On peut également, si l'on sait faire les sacrifices néces-
saires à l'avance, si l'on sait retirer les troupes qui ne gar-
dent que les frontières infertiles, on peut défendre ce qu'il
est intéressant de garder en Indo-Chine : la tête, le cœur
etl'estomac. Le cœur, Hanoï la capitale ; la tôte, Saigon,
où se trouvent nos points d'appui, notre arsenal ; l'estomac,
le delta du Tonkin qui alimente toute la Chine méri-
dionale qui ne nous aime pas mais qui a besoin de nous
pour se nourrir.
Voilà quelles sont à l'heure actuelle les prévisions possi-
bles pour l'avenir de l'Indo-Chine ; elles sont délicates, diffi-
ciles, elles nécessitent beaucoup d'attention de notre part,
mais enfin c'est dans les choses possibles de considérer
ces sacrifices nécessaires pour notre situation afin de la
rendre inattaquable. Il faut bien savoir que ce n'est pas sur
les champs de bataille que se décidera le traité de paix,
il suffit que nous ne perdions rien, afin qu'on ne soit pas
obligé de nous rendre quelque chose. Lorsque nous aurons
conservé sans avoir rien conquis, il sera naturel de garder
C" que nous n'aurons pas perdu ; il serait beaucoup plus
délicat de réclamer une chose que nous aurions été obligés
d'abandonner ; il faut donc ne rien perdre de ce que nous
p)sséJons. Je viens d'expliquer que la chose est possible en
d^pf^nsant de l'argent, mais pas beaucoup. Quand je pense
HUuna commencé par dire qu'il fallait 200 millions ! Or, en
utilisant les ressources du pays, on finirait par ne rien
dépenser ou à peu près, car je crois que personne ne trou-
vera exagérée une dépense normale répartie sur plusieurs
308 LA DÉFENSE DE L'INDO-CHINE
budgets, suF plusieurs années, dont la métropole ne s'aper-
cevra pas d'une façon sensible.
Nous aurons peut-être fait quelques sacrifices d'amour-
propie pour abandonner cette politique un peu tyrannique
de domination autocratique où il n'y a que des chefs d*un
côté et des sujets de l'autre, pour faire la place à nos indi-
gènes, de telle sorte que l'Indo-Ghine soit comme une gran-
de maison de commerce où il y a une double raison socia-
le, nous conservant la signature de la maison.
Avec ces sacrifices d'argent, d'amour-propre et avec
toute la patience et avec toute la continuité d'efforts qu'il
est nécessaire de faire, nous arriverons certainement à un
bon résultat en E.xtrôme-Orient. Il faut que par tous les
moyens possibles l'opinion française soit saisie de ses
devoirs d'abord, et surtout ensuite parce que nous savons
que l'opinion publique éclairée est encore le grand levier
qui fait marcher les gouvernements ; c'est à notre généra
tion, qui a conquis l'Indo-Ciiine, de faciliter, autant que
possible, la tôche bien plus difficile et plus délicate que
nous laissons ô la génération qui nous suit, de sauvegarder
les conquêtes que nous avons faites. (Applaudissements.)
De Pouvourville
Ancien résident en Indo-Chine
Membre dit Conseil Supérieur des Colonies
liE I^ESEt^VOIt? Ù'RSSOVRH
et
liE UAC lIOEt^IS''^
Nous venons de voir comment . 7-r7:r-r i^:.rr:r :• ■ j:r^.*:
r6:evoip le bienfait de T irrigation >>.-.- ^ « -m--.: .*
Tfj.eurde son sol cultivé pourrait »r^--? :,-, .^ :.-.:.-
ÙCGS de £ 275,000,000 à £ 335.aX.Jx . .^, *:r -^Vt
n^iintenant à la question d'assurer àc-v^ : _.^^ :;-;'*
me immunité contre les maux terrib.Tî >, -. ^, .
Eq abordant cette question, nous s-'.z.-^^ -^ , ,,. ^ ,
ternative soit de nous ranger à TavLà djp:-^: ^ , ,^
dît : (( Se mettez pas tous vos œufs dan^ ii ^, -^,^ ^
rJl à celui de la variante américaine : ■ :Ov^ ._^ ,
œufs dans un seul panier, mais observez --.t:.^
Je me prononce pour la variante aat:-:- :^
De même que fai choisi autrefoii p^- -> -.^ ^-.
forrage d'Assouan le dessin des inseir.-. . .^ ,^ **
c^nal de navigation de Nicaragua, •!* >_.
e propose pour la discipline du Ni; Ul-_ . ,
ire par M. EadspourleMississipi.L:.-. . .- ,7,^
M. Eads sur le Mississipi à la Xouve .- . ^ "* '
iste titre, la réputation d'être ul-ï > _ * * *
^;^des en Vert de discipliner les f^, . .. ^ .'^ ' * *
.Mlons préliminaires étant faites. ^ * *'" '*'
neilieur méthode de protéger l'Er ^ J^ " *
inDndation. -- - ^
Pendant les fortes crues, le X.:, ^ n»
Voir le BuUeUn dut- trimcititflK
310 LE RÉSERVOIR D'aSSOUAN ET LE LAC MŒRIS
dessus du niveau des campagnes, lesquelles sont protégées
par des digues ou levées se prolongeant depuis Assouan
jusqu'à la mer.
Dans la Haute-Egypte, une très haute crue s'élève à un
mètre au dessus des campagnes ; elle s'élève à deux mètres
dans la Moyenne- Egypte ainsi que dans la branche de
Rosette, alors que dans la branche de Damiette elle atteint
par endroits trois nȏtres et demi. La branche de Damielte
n'est en réalité qu'un canal, et tout a fait hors d'état de servir
dans une haute crue. Je crois que ce qu'aurait de mieux à
faire le Gouvernement serait de prendre la branche de Roset-
te et de l'appeler le Nil, et quant à celle de Damiette, la ré-
glementer tout comme un canal ordinaire par le moyen du
régulateur placé à sa prise au Barrage. En arrivant en
Egypte, nous trouvâmes que la méthode en usage était de
diviser et répandre la crue en autant de canaux qu'il était
possible, et de protéger le tout au moyen de corvéables
réquisitionnés par dizaines de milliers. Nous changeâmes
cet ordre de choses et concentrâmes nos énergies sur les
branches de Rosette et de Damielte. Maintenant que nous
sommes arrivés, grâce à Sir Hanbury Brown, à régle-
menter à sa prise la branche de Damiette lors de la crue,
nous pourrions détourner en entier celle-ci dans la branche
de Rosette et observer cette branche. Nous devons mettre
dans un seul panier tous nos œufs et observer le panier.
En 1861, 1863, 1866, 1869, 1874 et 1878, la branche de
Damiette fut sérieusement rompue. Sur la branche de
Rosette il n'est intervenu qu'une seule rupture, en 1863.
La grande rupture de la branche de Damiette, en 1878, fil
Un nombre considérable de victimes. Mais furent plus
sérieuses les conséquences de celle qui intervint en 1863,
sur la branche de Rosette, non loin de sa prise. Toute la
partie occidentale du Delta proprement dit fut balayée par
le fleuve, et comme les canaux n'y ont pas des digues hau-
k
LE RÉSERVOIR D'aSSOUAN ET LE LAC MŒRtS 311
t^s, un Irôs grand nombre de personnes, faute de refuge,
[lérireni submergées. La même chose pourrait arriver
aujourd'hui s'il survenait une rupture, mais le dommage
sérail encore plus sérieux. Le pays est couvert de villas et
de riches plantations, et les terrains bas sont tous, jus-
qu'aux bords même du lac Bourlos, assainis et habités. La
perte en hommes serait en vérité épouvantable. Une ruptu-
re venant à se produire au moment d'une très forte crue
^D mlmporte quel point delà digue orientale delà branche
Rosette jusqu'à 100 kilomètres du Barrage, constituerait un
désastre national.
La terreur qui règne à travers le pays tout entier pen-
dant une très haute crue est extrêmement frappante. Les
digues du Nil sont semées d*abris distants de 50 mètres
l'un de l'autre. Chacun de ces abris a deux hommes qui
veillent et des lampes y brûlent toute la nuit. Â tous les
points dangereux, il y a des bandes de 50 à 100 hommes
>péciaux. Le Nil est couvert de vapeurs et de barques por-
tant des sacs, des pieux, des pierres, tandis que ses digues
sûDtà peu près tout le long protégées par des pieux suppor-
tant des tiges de cotonniers et de maïs et destinés è tenir
l'onde à distance de la terre friable dont elle sont formées.
A l'occasion d'un affaissement survenu dans la digue sep-
tentrionale de Mansourah, en 1887, j'ai été témoin d'une
scène qui a dû autrefois être bien plus commune qu'au-
ioupd'hui. La nouvelle que la digue avait cédé se fut bien-
tôt répandue dans le village. Les villageois se précipitèrent
alors vers les digues avec leurs enfants, leurs bestiaux et
tout ce qu'ils possédaient. La confusion était indescriptible :
ine chaussée étroite couverte de buflfles, d'enfants, de vo^
lailles et de meubles 1 Les femmes s'étaient assemblées au-
t'3Qr du santon local, et là, elles se battaient la poitrine,
baisaient la pierre, proféraient des gémissements ! Et à
chaque 5 ou 6 minutes, une troupe d'hommes traversant
312 LE RÉSERVOIR D'ASSOXJAN ET LE LAC MCËRIS
la foule emportaient le premier objet sur lequel ils avaient
pu mettre la main pour aveugler la voie d'eau. Cependant
que pleins de fermeté et d'ardeur, les fellahs s'enfonçaient
dans la brèche, se serraient et faisaient mur contre l'onde
qui s'échappait, et à l'aide de portes et de fenêtres arrachées
dans les habitations, et d'épis de maïs, réussissaient finale-
ment à l'aveugler. Il n'était d'ailleurs juste «que temps I
Voilà comment les fellahs avaient l'habitude de faire
face à une rupture de digue. Mais voici maintenant les
moyens que lui opposaient les anciens gouverneurs d'Egy-
pte. Durant la crue de 1887, j'eus l'occasion de comphmen-
ter un agent préposé à la surveillance de la digue, et dont
l'activité me paraissait hors de proportion avec son ôge
apparent. Il me déclara alors qu'il était relativement jeune
encore, mais qu'ayant eu la charge, en 1878, de surveiller
la digue de Mit Badr au moment où se produisit la grande
rupture, il avait été condamné, en vertu d'ordres télégra-
phiques émanés d'Ismaïl pacha, à être jeté dans la brèche,
lui ainsi que l'ingénieur. Le chef local lui accorda 12 heures
de sursis, et pendant cet intervalle ses cheveux étaient de-
venus tout blancs. Il obtint ensuite son pardon... Tels
étaient les ordres ineptes qui venaient glacer et abêtir les
fonctionnaires I
Le Réservoir à haut niveau du Wady Rayan, devenu
le moderne lac Mœris, aura un grand avantage déjà, celui
de pouvoir abaisser deSOcentimètresune haute crue durant
cinquante jours. Ceci causera au Nil un soulagement qui
sera fort apprécié à travers toute la contrée depuis Beni-
Souef jusqu'à la mer, de même que par Le Caire.
J'ai déjà dit plus haut qu'il faudrait réglementer la bran-
che de Damiette et la traiter comme un canal. Toute l'éner-
gie de la Basse-Egypte pourrait se concentrer alors sur la
branche de Rosette qui est très considérable et se prête à
un grand développement, Les ruptures fréquentes de la
LE RÉSERVOIR D^ASSOUAN ET LE LAC HfŒRIS 313
branche de Damiette ont été, parmi d'autres causes, une
cause sérieuse de l'envasement de son lit et de ses parois.
La branche de Rosette n'a eu en réalité qu'une seule rup-
ture en 50 ans !
L'argument de M. Eads est clair. Il affirme que les fleu-
ves érodent par endroits leurs digues, non par l'action di-
recte de l'eau, mais parles changements qui interviennent
dans la vélocité du courant. Quant l'eau du fleuve est
chargée de matières sédimentaires jusqu'à son entière
saturation, elle ne peut en supporter davantage que si
la force du courant s'élève. D'autre part, là où le chenal est
à peu près uniforme, l'eau du fleuve ne peut guère éroder
ni l'une ni l'autre de ses digues. Mais quand le chenal
manque d uniformité, la vase se précipite au fond des sec-
lions larges, et l'eau, affranchie d'une partie des matières
tenues en suspension, est prête à éroder encore. C'est cette
alternance de précipitation sédimentaire et d'érosion qui
faille mal. S'il faut traiter la branche de Rosette d'après
la méthode de M. Eads, il sera nécessaire d'en fixera 550
mètres la largeur au plan de surface. On pourrait amener
le fleuve à cette largeur superficielle en construisant ô peu
de frais sur les bancs de sable de légers épis perméables.
Les espaces compris entre ces épis pourraient être livrés a
la culture, si bien que ce mode de traitement du fleuve in*
rfemniserait par sa nature môme le Gouvernement, puisque
ce dernier impose tous les terrains cultivés. Il en résulte-
rail môme un joli bénéfice à toute Société qui viendrait à
entreprendre cet ouvrage, du jour où l'on se sera rendu
bien compte du règlement concernant les plages du Nil.
En tous cas, le Gouvernement est appelé à réussir toujours.
Il taxe s'il ne vend pas. Un tel procédé, s'il était adopté,
amènerait l'abaissement permanent de la crue.
En sus de ce qui précède, il y aurait lieu de compléter le
système d'épis inauguré en 1884 et de reculer les digues.
'Mi LE RÉSERVOIR D'aSSOUAN liT LE LAC MŒRIS
ainsi que je le recommande à la page 293 de mon ouvrage
sur l* Irrigation égyptienne. On pourrait très avantageuse-
ment reporter ces digues de 50 mètres en arrière. L'on a
calculé que l'exécution de ce travail sur la branche de Ro
sette envisagée comme constituant le Nil futur, coûterait
£ 600,000 ; tandis que les travaux sur la branche de Damiet-
t3, réduite à l'état de grand canal, s'élèveraient à £ 300,000
Dans ces conditions, le Delta tout entier entraînerait une dé-
pense de £900,000 en épis et digues, tandis que les travaux
d'endiguement offriraient d'eux-mêmes un dédommage-
ment, indépendamment de la grande amélioration qu'ils ap-
porteraient au chenal et de l'abaissement du niveau de la crue.
Il y a, dans la Haute-Egypte, 50,000 acres de plages sa-
blonneuses capables d'être, au moyen de la méthode d'endi-
guement de M. Eads, amendées et élevées à la valeur de
£ 40 par acre. L'entendement de ces plages devrait être
entrepris par le Gouvernement qui en serait dédommagé
par les espaces conquis. Les frais de la construction des
épis et du recul des digues seraient grandement réduits
dans la Haute-Egypte où le fleuve est, sur de longs par-
cours, en contact avec le désert, et où la pierre est bon
marché. Une somme égale à celle qu'il faut pour la Basse-
Kgypte suffirait amplement à endiguer le Nil à partir du
Caire.
. Les travaux de la Haute-Egypte ne présentent pas le
même caractère d'urgence que ceux de la. Basse-Egypte
dont l'exécution ne devrait pas, sur la branche de Rosette,
être ajournée d'une seule année. Si la valeur des terrains
du Delta est égale à 20 fois leur rendement annuel, c'est
grâce au fait qu'il n'y a eu depuis 1878 aucune rupture de
digue, et que l'irrigation non moins que le drainage y sont,
d'autre part, dans d'excellentes conditions. A quel degré
le pays serait exposé dans l'éventualité d'une forte crue^
ceci n'est connu que de ceux-là seuls qui sont responsables
LE RÉSERVOIR d'aSSOUAN ET LE LAC MCÈRIS 315
du maintien des digues du fleuve. La non intervention
d'une seule crue haute durant unepériodede neuf années, a
plongé l'Egypte dans une sécurité somnolente d'où elle
jwurrait avoir à sortir par un terrible réveil.
Le procédé d'endiguement au moyen d'épis n'est pas
n.jiiveau en Egypte. La région du fleuve comprise entre
.\ssouan et lialfa est contenue par des épis gigantesques de
pierres sur les deux rives. Ces travaux contiennent le fleu-
ve [)endant Tété et aident à la navigation. Ils furent
probablement élevés par le grand Rarasès depuis 3.000 ans,
en ce que quelques-uns des plus massifs d'entre eux ont
évidemment été construits dans le but de reporter le fleuve,
suivant un plan courbe, de son lit naturel vers le côté
opposé pour y former un bassin d'eau profonde aux pieds
du temple de Jerf Husain, construit par Ramsès. Ces épis
ont été construits avec beaucoup de soins et d'habileté et
remontent peut-être jusqu'à la XII® dynastie.
Il est humiliant d'en faire l'aveu, mais depuis l'an 2000
avant Jésus-Christ jusqu'à l'invasion arabe survenue en
1 an WO de notre ère, tandis que le lac Mœris accomplissait
sa tâche et que le Nil était contenu par des travaux d'endi-
gneraent tels que ceux que nous rencontrons en Nubie,
l'Egypte était mieux protégée contre l'inondation et le fleuve
mieux contenu qu'ils ne le sont aujourd'hui.
Et cependant nous avons bien des avantages aujourd'hui
que ne connut aucun Pharaon, Par le moyen du télé-
graphe, nous sommes avertis, 15 grands jours avant qu'elle
û'ait atteint le Delta, de l'arrivée d'une crue. Le Nilomôtre
ieKhartoum nous met en mesure de prévoir qu'elle en sera
la hauteur. La météorologie nous aide encore davantage»
Dans une étude que je lus à l'Exposition internationale de
Chicago, j*exposai que les années d'abondante chute plu-
vieuse dans l'Inde correspondaient en Egypte à des années
<!« haute crue» tandis que les années de faible précipitation
316 LE RÉSERVOIR D'ASSOUAN ET LE LAC MŒRFS
là-bas, étaient ici des années de basse crue. Sir John Eliot,
le directeur général du Service Météorologique de Tlnde,
rectifia cette assertion trop absolue. Il affirma que si elle
ne s*appliquait point à la mousson du Bengale, elle s'appli-
quait du moins à celle de Bombay, de façon que les années
de forte chute pluvieuse à Gujerat et Bombay correspon-
draient à des années de forte crue ici et vice versa. Comme
la pluie tombe ô Bombay un mois avant que la crue du Nil
n'ait atteint Le Caire, nous serons ainsi, en supposant
toujours que le télégraphe nous renseigne, avertis au Caire
d'une haute crue un mois avant qu'elle ne nous arrive.
Mais j'espère arriver à mieux que cela. J'espère pouvoir
établir que les années d'insuffisantes pluies dans le Levant
et la Mésopotamie, et de faibles khamsins en Egypte, sui-
vis d'un temps sec vers le milieu de juin dans la vallée du
Nil, augurent d'une crue basse ; quand au contraire, une
grande précipitation pluvieuse dans la Mésopotamie et au
Levant, accompagnée en Egypt^e de khamsins violents, et
suivie dans la vallée du Nil d'un temps humide vers le
milieu de juin, augure d'une crue haute. Nous avons les
bulletins météorologiques de Beyrouth, Bagdad, Karachi,
Bomoay, Aden, Adis Ababa, Khartoum, Le Caire, et d'une
multitude de stations intermédiaires. C'est ainsi que noua
sommes à même de prévoir non seulement 10 à 30 jours à
l'avance une forte crue du Nil, mais jusqu'à 60 jours, et que
nous nous trouvons, de ce fait, en bien meilleure situation
qu*autrefois de faire face aux dangers d'une inondation,
Le projet complet pour l'irrigation pérenne et la protection
contre les inondations comporte les travaux suivants î
Surélévation du Barrage d'Assouan (2 ans) £ 500,000
Réservoir de Wady Rayan ou lac Mdcris (4 ans). » 2,600,000
Travaux de protection dans la Basse- Egypte (5 ans) » 900,000
» )) Haute-Egypte (10 ans) )) 900,000
Total.., £ 4,900;000
LE RÉSERVOIR 1>*ASS0UAN ET LE LAC MŒRIS 317
Aces chiffres il y a lieu d'ajouter révalualioii approximative
des travaux sur le Haut Nil.
Régulateur pour le lac Victoria Nyanza (4 ans). . £ 400,000
» » Albert Nyanza (4 ans) » 400,000
(A ce suj;.t il convient de rappeler que le
chemin de fer de l'Ouganda est mainte-
nant en exploitation et pourrait servir
pour le transport des matériaux.)
Dragage et travaux de rectification du fleuve dans
3a région des sadds. 25 ans à £ 100,000 m 2,500,000
{2 ou 3 ans de travail assidu avec 2 ou 3
dragues et 300 à -400 forçats s ufliront à
déterminer la nature des opérations à
faire. )
Total... £ 3,300,000
La dépense totale s'élève à £ 8,200,000, répartie sur une
pc^riode de 25 ans.
On pourrait ainsi résumer les grands avantages que
présenterait l'exécution de tous ces tri vaux entrepris si-
multanément.
L'augmentation de la décharge du Réservoir d'Assouan se
fera sentir en Egypte au bout de deux ans. Cinq ans plus
tard les eaux du Wady Rayan viendront s'ajouter à celles
du Réservoir d'Assouan et il sera possible d'élever la récolte
annuelle de coton de 6 millions à 10 millions de cantars. Il
î^era également possible de donner leur plus grand déve-
loppement aux res.sources agricoles du Soudan ; et, à l'aide
delà force de 25,000 chevaux-vapeur au minimum que
peut fournir la 6""^ cataracte près de Khartoum, d'utiliser
puur la consommation niême du Soudan, les eaux suscep-
tibles d'être retenues à cette cataracte, augmentées de
laute la fourniture du lue Tana en tant (jue celui ci soit, du
moins, pourvu d'un tunnel d'émission.
3 18 LK RÉSERVOIR D'aSSOUAN ET LE LAC MŒRIS
Tandis que toute cette vie et que toute cette activité se
déploieront en Kgypte et dans le Soudan, les effets des
régulateurs établis sbr les lacs équatoriaux, comme la mise
en état du Nil Blanc dans la région des satids, iront
s'afïirmant de jour en jour ; et, si les travaux sont exécu-
tés avec continuité et énergie, il deviendra possible avant
que 20 ou 30 ans soient écoulés, que la fourniture additionnel-
le des eaux supérieures du Nil Blanc, se présente sous un
volume si ample, que Ton pourra se dispenser du Réservoir
de Wady Rayan comme réservoir.
A ce moment-là, il sera devenu avec son canal le vérita-
ble déversoir de l'Egypte tout comme l'ancien lac Moeris,
et offrira ainsi à la contrée une garantie absolue contre les
dangers d'une haute crue.
L'Egypte jouira alors, dans l'acceptation la plus large du
mot, de l'irrigation pérenne et d'une protection effective
contre les inondations.
J'achève cette conférence sur l'irrigation pérenne et les
travaux de défense contre l'inondation en Egypte, en
faisant observer que j'ai à dessein, pour éviter toute confu-
sion, dérobé à votre vue, des considérations d'ordre plutôt
secondaire en comparaison des fins souveraines que nous
avons envisagées, et auxquelles j'ai essayé de faire face
de la manière la plus rigoureuse. Si les sujets de moindre
importance ont été relégués à l'arrière plan, ce n'est ni
qu'ils aient été négligés ou oubliés, ni qu'ils ne soient pas
dignes de considération. Je n'ai pas voulu, tout simplement,
troubler votre perspective. Je ne me suis arrêté ô aucune
critique concernant l'alignement du barrage ou le niveau
des ouvertures inférieures. Ce sont là des points menus
auprès de la solidité de l'ouvrage ou des facultés qu'il offre
à être surélevé. Pareillement, je n'ai point voulu faire
allusion au fait qu'avec le temps les eaux du lac pourraient
devenir salées ou suinter dans le Fayoum au travers de la
LE RÉSERVOIR D*ASSOUAN ET LE LAC MCERIS 319
pierre calcaire. Quand l'ancien lac Mœris ou le Fayoum
actuel était rempli d'eau et de 63 mètres plus haut que le
Wady Rayan, demeurant en cet état pendant des milliers
d'années, on n'entendit jamais dire que ses eaux s'étaient
salées ou qu'elles se fussent échappées dans le Wady. Le
Wady, élaii tout aussi grand qu'aujourd'hui et l'eau de la
grande mer intérieure demeura toujours douce. S'il y avait
eu aucune infiltration sérieuse de l'ancien Lac Mœris dans
le Wady Rayan, il en serait résulté une nappe considérable
qui n'aurait pu manquer d'être mentionnée par les nombreux
voyageurs et écrivains qui visitèrent et décrivirent le Lac
Mœris. Nulle part il n'en est fait mention. Ces questions
furent au reste complètement débattues et éclaircies dans
une séance de cette société tenue en mars 1888, au cours
de laquelle le colonel Ross soutint la théorie d'après
laquelle le lac ne pouvait point devenir salé. Cette thèse fut
confirmée par le h^ Schweinfurth, dans une communication
intéressante faite au Gouvernement Egyptien et qui fut
imprimée pour servir d'appendice au Rapport de 1894.
Quand à la question des suintements qui viendraient à se
produire dans la dépression de Garak — dépression située
à 40 mètres plus haut que le lac El-Qouroun du Fayoum,
presque oblitérée par suite des transsudations dans le sable
résultant de l'effet de ses propres canaux à haut niveau qui
traversent des hauteurs sablonneuses et l'une des régions
'os plus désolées de l'Egypte — ce serait en vérité une fa-
veur divine de la voir bénélicier du tribut de ces suinte-
ments et de voir le Gouverneuient s'eujparer de la chose,
pomper cette eau, enrichir le canal Nezeletet l'utiliser pour
1 irrigation de quelques dizaines de milliers d'acres parmi
'^s terres du désert bordant le Fayoum à l'ouest, et qui
D attendent que de l'eau pour arriver à valoir dans les vingt
livres sterling l'acre. Malheureusement pour ces terres,
il n'en sera rien. Si de l'ancien lac Mcoris situé à un ni-
320 LK RÉSERVOIR D'ASSOUAN ET LE LAC MŒRIS
voau (le 61^ mètres au-dessus de Wady ilayan il ne s'écha|i
pait aucune inliltration dans le Wady, il n'est pas vraiseni
blable (jue du réservoir de Wady Hayan situé à 27 ou 2Î
mètres plus haut que Wady Garak, puissent se produire
des infiltrations dans cette partie de la surface anciehnemeiil
couverte par le lac.
La chose principale à laquelle doit se vouer maintenant
tout(i noir î attention est d'utiliser intégralement dans les
douze mois de l'année, le premier milliard de mètres cubes
d'eau emmagasinés dans le Réservoir d'Assouan, el de
répondre à la demande pressante, venant de tous les points
du pays, d'une plus grande quantité d'eau. Si le Ciouver-
nemont avait à sa disposition aujourd'hui les trois milliards
de mètres culxîs d'eau qui sont encore nécessaires, il en se-
rait disposé en un laps de temps incroyablement court. La
surface cultivée annuellement en coton, on Egypte, pourrait
s élever, si toutefois il y avait assez d'eau disponible en été,
à 2 millions et 1/2 d'acres. Cette surface donnerait dix
millions de cantars de coton égrené chaque année, contre
une production de (> millions de cantars à l'heure présente
Tout acre de terrain amendé dans la Basse-Egypte se prête
d'une manière particulière à la culture du coton. Ceci
étant, et le prix de l'eau étant si élevé d'une part, etd'aulre
part son emmagasinement si facile, ie ne vois pas de raison
pour ne pas entreprendre tout de suite les travaux destinés
à assurer celui ci. Du temps où je ne voyais pas, dans les
conditions où il se présentait autrefois, le moyen d'utiliser
le Wady Ilayan, nul n'insista avec plus de force que inoi
sur la nécessité, pour le pays, de dériver l'eau qui lui était
nécessaire des grands lac étiuatoriauxau cas où l'on ne pûl
la prendre ailleurs. Maintenant (jue, cependant, j'ai décou
vert la possibilité d'utiliser ce lac en le faisant travailla
conjointement avec le Réservoir d'Assouan, je .sens (\^
tout homme au(|uel importe ici l'accroissement du prix à
LB RÉSBRYOIR D'àSSOUAN £T LB LAC MŒRIS 321
sa (erre, devrait pousser et encourager le Gouvernement à
entreprendre Tun et l'autre de ces travaux, savoir: la suré-
lévation du Barrage et la construction du Lac.
Si clairement que j'aperçusse, du temps où j'étais direc-
teur général des Réservoirs et membre du Service des Irri-
gations, les avantages qui résulteraient pour le pays d'une
provision d'eau suffisante pour l'irrigation pérenne, je les
vois maintenant que je suis directeur gérant d'une Société
agricole et d'irrigation, avec cent fois plus de clarté. Je
Qobserve pas seulement une hausse dans les impôts de £ 1
࣠1 1/2 par acre, mais une augmentation du revenu dans
la mesure de Je 3 à £ 6 par acre. Ceci quant à la Haute-
Egypte. Pour la Basse-Egypte, la valeur de la méthode
d'assainissement introduite par M. Lang Anderson et
consistant en des bassins superficiels et des drains distants
de 50 mètres l'un de l'autre dans lesquels l'eau, chargée de
ses sels s'infiltre à travers le sol, a révolutionné les modes
d'assainissement en usage et a élevé l'irrigation pérenne à
une position que jamais elle n'avait occupée dans le passé.
Il n'est aussi pas de terrain dans le Delta, si salé qu'il soit,
qui ne soit appelé à céder devant ce système de drainage,
il condition qu'il puisse bénéficier, dans une mesure modé-
rée, de l'irrigation pérenne.
Le Service des Irrigations met à profit ce fait pour faire
des drains plus efficaces qu'on n'en aurait jamais pu faire
»vec l'ancien système plutôt ruineux du lavage. A cette
grande œuvre de l'amendement des terres l'irrigation pé-
renne est absolument nécessaire. Sous quelque angle que
l'inconsidéré la situation, notre devoir d'emmagasiner de
l^au apparaîtra comme tout aussi impérieux aujourd'hui
que l'était, pour le Pharaon de Joseph, celui d'emmagasi-
ner des grains, il n'est pas pour ce pays de tâche qui égale
t'elle ci en grandeur, sinon celle corrélative de protéger la
basse- Egypte contre l'inondation — et ce n'est guère pour
21
322 LE RÉSERVOIR D*ASSOUAN ET LE LAC MŒRIS
moi une maigre satisfaction que le fait d'avoir, après quatie
années de travail sur le terrain et deux années de travail
dans le bureau, suivies de huit années d'efforts opiniâtres
pour résoudre la question, eu l'insigne prérogative do vous
présenter un projet dont la réalisation est non moins assurée
que le bénéfice qui doit en découler, et au sujet de quoi,
j'ose affirmer en toute confiance, que le monde ne possède
point aujourd'hui de projet sur lequel se fonde plus d'espé-
rance.
Il y a quatre mille ans, l'Egypte eut à choisir sa voie ;
elle la trouva en adoptant un système d'approvisionnement
d'eau et de répression de crue approprié à l'irrigation de
bassin et dont elle bénéficia durant des milliers d'années.
Aujourd'hui l'Egypte se retrouve dans une situation analo-
gue et elle a à choisir sa voie: puisse-t-elle la trouver en
adoptant un système d'approvisionnement et de répression
appropriée l'irrigation pérenneet capable, ainsi que l'autre,
de lui être utile pendant des milliers d'années à venir.
Sir William Willcocks
Ancien directeur-général des Réservoirs
(Traduit de l'anglais par M. KÉmeid).
BOSrilE-HEÎ^ZÉGOVlHE
(1)
Mesdames et Messieurs. — Le sujet dont j'ai à vous en-
tpeleoir ce soir n'est pas très familier assurément à la plupart
rentre vous, et j'aurai du moins l'avantage de la nouveauté
en essayant de vous parler des Prairies de Bosnie- 11 erzégo-
'ifie ; il m'en restera d'autre part moins d'excuse si je ne
Missis pas à vous intéresser et, comme malgré tous mes
cîjorts, je crains beaucoup de n'y point parvenir, je sollicite
aavance toute votre indulgence.
Les Provinces de Bosnie -Herzégovine forment, comme
H-'is savez, du moins nominalemect, partie de la Turquie
i Europe dont elles sont la région la plus occidentale : au
nord ouest elle touchent à la Croatie, au nord-est à la
! Hongrie méridionale, et la rivière Save leur forment de ce
c lé une limite naturelle: une partie de leur frontière est
constituée par la Serbie, le reste par le territoire turc connu
>"us le nom de Sandjak de Novibazar qui est lui-même adja-
•ent à la vieille Serbie et à cette Macédoine dont nous enten-
ons si souvent parler à l'heure actuelle. Au sud-est le pays
itîitpophe est le Monténégro, au sud c'est la Dalmatie,
-^p.tin à l'ouest cette môme province de Dalmatie, dépen
'^nce de la couronne autrichienne, qui s'étend comme une
iîsnde étroite le long de la mer Adriatique, achève en les
>^parant de la côte, la ceinture de nos provinces, dont la
f^j>nie, la plus septentrionale et la plus importante a pour
I ipitale Sarajevo, tandisque la principale ville de l'Herzégo-
vine est Mastar. Les deux provinces ont une superficie de
•'lliO kilomètres carrés et une population d'environ
J oOO.OOO habitants qui se subdivisent par parties à peu près
Il Conférence faite à Glasgow.
3S4 BOSNXE-HERZÉQOYINE
égales en Musulmans, Catholiques, Orthodoxes, et Catho
liques romains, les orthodoxes étant cependant un peu
plus nombreux que chacune des deux autres fractions
religieuses.
Après la géographie, il nous faut maintenant faire un peu
d'h'stoire, mais ce sera, rassurez-vous, de l'histoire abrégée.
Dans l'antiquité les Grecs établir^^nt quelques colonies
surtout l'Herzégovine ; plus tard cette province ainsi que la
Bosnie furent conquises par les Romains et formèrent une
subdivision d'un Gouvernement et les fouilles qu'on a
faites récemment ont permis de reconnaître que sous les
Empereurs une grande activité militaire a été déployée
dans la région. Au Moyen-Age la Bosnie eut ses chevaliers,
ses donjons et ses châteaux, elle eut môme ses rois, tantôt
formant un royaume indépendant, tantôt unie à la Croatie
et à la Slavonie, ses voisines et ses sœurs. Mais un ennemi
puissant s'approchait contre lequel ni la force de ses mu-
railles, ni la valeur de ses preux ne purent la défendre :
Constantinople avait été prise par les Mahomet ins en 1453,
et depuis cette époque la puissance ottomane ne cessant de
s'étendre vers l'ouest, vers le milieu du XV1« siècle les
Musulmans firent irruption en Bosnie et en Herzégovine cl
subjuguèrent tout le pays. Les seigneurs indigènes, qui
eurent peut-être en la circonstance un sens pratique très
aiguisé mais ne témoignèrent en tout cas que d'une foi
chrétienne assdz lièie et d'un esprit chevaleresque extrè
mement atténué, voyant que les Turcs étaient les maîtres el
que leur domination paraissait solidement assise, ces sei^
gneurs indigènes, dis je, malgré leur» fières devises, leurt
bannières et leur traditions, n'eurent rien de plus pressôj
pour conserver leurs terres et leur argent, que de se fain
musulmans, et ils le sont resté.; c'est pourquoi à Theun
actuelle on n'a encore dans les provinces qu'une populalioi
Slave de môme origine, et où les Turcs ou Osmanlis son
BOSNIE-HERZÉOOVIUE 325
très rares ; les religions seules didèrent, mais cette différen-
ce a suffi pour amener les désordres les plus graves et les
conflits les plus persistants. Ces seigneurs ou agas devenus
Musulmans ont en effet bien vite adopté les coutumes et lés
manières de voir de ceux qui les avaient conquis ; et Tabi-
me se creusa de plus en plus entre eux et leurs vassaux qui
étaient demeurés chrétiens. Le khmet ou paysan devint une
sorte d'esclave sans droit, sans asile, soumis à tous les
::aprices et à toutes les violences du maître, plus infortuné
mille fois que le serf delà féodalité. La misère des chrétiens
s'accrut encore des divisions qui régnaient entre eux,
ies uns ayant autrefois adopté la religion orthodoxe, les
autres étant demeurés fidèles à Rome. Pendant trois siècles
ces malheureux eurent à souffrir toutes les tyrannies, et ils
étaient réduits à un état tel qu*ils ne songeaient môme pas
è se défendre Le XIX° siècle qui ébranla si fortement la
solidarité de la puissance ottomane, qui affranchit la Grèce^
et qui commença de former quelques sentiments de justice
et de so idarité entre les peuples, vit naître pour la première
fois un peu de courage et d espoir parmi les populations
chrétiennes de la Turquie. Celles de la Bosnie et de THer^*
zégovine furent parmi les premières à relever la tête, ellea
protestèrent contre la tyrannie qui les écrasait, elles récla«
mèrent certains droits, certaines libertés : mais le despotis*
me était toujours le plus fort ; les réclamations furent noyées
dans le sang. Les chrétiens, quand ils le purent, usèrent à
leur tour de représailles, et Ton vit alors dans ces provinces»
peut-être avec plus d'horreur encore, les massacres, les
atrocités que nous retrouvons aujourd'hui dans les malheu-
reux vilayets de Macédoine. L'Europe s'émut de cet état
de choses, l'Europe, vous avez pu en juger, s'émeut assez
facilement, mais c'est une personne déjà mûre qui sait rai"
sonner ses émotions, et elle met une sage lenteur ê tendre
, iw infortunes qui la touchent le remède qu'elle leur croit
3â6 BOSNIE-HERZÉaOViKE
bon. Heureusement le Congrès de Berlin fournît une occa-
sion de mettre un terme à une situation qui devenait into-
lérable ; pour une fois les intérêts de la politique furent
d'accord avec ceux d'une population opprimée,et on confia à
TAutriche-Hongrie qui le sollicitait, le mandat d'adminis
trer les provinces de Bosnie et d'Herzégovine. Donc en 1878
les troupes A ustro- Hongroises franchient la Save qui sépa-
re la Bosnie de la Hongrie, et se mirent en devoir d'occu-
per le pays : le Sultan n'ayant point fait d'opposition à la
décision des puissances, ayant rappelé ses soldats, on
croyait qu'il ne s'agirait que d'une simple marche militaire.
Mais on était bien loin de compte : le fanatisme qui ne meurt
jamais chez les populations musulmanes, suscita une résis
tance qu'on n'avait pas attendue : il surgit de toutes parts des
corps de bashibouzouks, ou troupes irrégulières, qui surent
mettre à profit leurs connaissances de la contrée, et les
difficultés qu'elle offrait à une armée organisée : pour un
moment les Autrichiens se virent en grand danger, mais
des renforts arrivèrent,les insurgés durent céder au nombre
et les fonctionnaires autrichiens s'installèrent à Sarajevo et
bientôt dans tout le pays. H y eut encore des expéditions
militaires de divers côtés dans le but de réprimer quelques
essais de rébellion qui durèrent jusqu'en 1882. Ce fut la fin
de la résistance : à partir de cette époque l'administration
nouvelle, solidement établie, put travailler à porter remède
aux maux dont souffraient depuis si longtemps les malheu-
reux habitants.
Avant tout il importait de rétablir l'ordre et c'est à cette
tâche que furent consacrés les premiers efforts du Gouver*
nement. Il est agréable qu'il y ait réussi au-delà de toute
espérance : grâce à une attitude très énergique, À une
police peut-être tracassière mais active et vigilante, grâce
surtout à une gendarmerie nombreuse, bien recrutée et
bien commandée, la nouvelle administration est arrivée en
BOSNIE-HERZÉGOVINE 327
peu d*anDées à faire d'un pays, où les meurtres,les rapts, les
attaques à main armée étaient des incidents journaliers,
le lieu le plus sûr, le plus tranquille, qu'on puisse trouver
en Europe : à toute heure du jour et de la nuit on peut cir-
culer à travers les villes et les campagnes de la Bosnie et de
rilerzégovine dans la sécurité la plus absolue, et nos cités
occidentales ont en vérité sous ce rapport beaucoup à leur
envier. Ce n'est pas, bien loin de là, tout ce qu'ont réalisé
dmsles nouveaux territoires les hommes éminents auxquels
l'Empereur François Joseph en a confié l'administration,
mais, comme nous ne faisons pas ici un cours d'économie
politique, je me contente de vous signaler ce résultat re-
marquable qui, pour le voyageur présente le plus d'intérêt,
et s'il était quelqu'un parmi les auditeurs qui fût originaire
de l'Autriche ou de la Hongrie, je serais heureux qu'il
m'entendit exprimer ici mon admiration pour l'œuvre mo-
rale et matérielle accomplie depuis vingt-cinq ans dans les
provinces occupées par le Gouvernement de la Monarchie.
Nous savons maintenant quelle esta peu près la situation
géographique de la Bosnie et de l'Herzégovine ; nous avons
passé rapidement en vue l'histoire de ce qu'elles on^
été, il nous reste à essayer de voir ce qu'elles sont aujour-
d'hui, et le meilleur moyen si vous m'en croyez, ce sera d'y
faire ensemble une brève et rapide excursion. Mettons-nous
donc en route sans tarder : que la locomotive la plus rapi
de nous porte tout d'une traite jusqu'au rivage de la Man-
che ; et là, si vous le voulez bien, pour éviter les incertitudes
et les inconvénients d'une traversée, imaginons que le fa-
meux tunnel sous-marin qu'on nous promet toujours et qui
doit être le signe tangible de l'entente cordiale est déjà
tout préparé pour nous. Nous le franchissons, nous passons
sans nous arrêter à travers Paris, à travers la Suisse, le
Tyrol, si majestueux et si riant à la fois, et nous gagnons
entin sans effort et sans- fatigue Vienne et Budapest. La
328 BOSNIE-HERZÉGOVINE
capitale de la Hongrie ne nous retient pas davantage et
nous nous hâtons de monter dans les wagons les plus
sales et les plus misérables qu*on puisse imaginer : comme
nous sommes en route depuis longtemps déjà, nous pensons
pouvoir nous reposer un peu et renouveler nos forces
avant d'atteindre le but tout proche maintenant (Je celte
course vertigineuse: nos illusions seront bien vite dissipées.
Toutes les heures environ une figure différente vôtue de
l'uniforme peu luxueux d'ailleurs des chemins de fer
royaux se présentera devant nous et nous priera poliment
mais inflexiblement de lui montrer notre billet : nous aurons
beau protester, expliquer que nous nous sommes déjà
soumis une demi-douzaine de fois à celte oi^éralion, qu'il
fait nuit et que la nuit est faite pour le sommeil, la figure
n'en sera guère touchée, car elle n'entend ou ne paraît en-
tendre que le Hongrois. Enfin, au milieu de nos perplexités
et de nos colères, le temps a marché. Nous sommes arrivés
au Danube que nous avons (raversé sans difficulté au moyea
d'un bac porte-train fort ingénieusement construit. La
nuit est maintenant au milieu de son cours : bientôt nous
entendons le train ïranchir le pont d'une rivière ; des jets
brillants de lumière électrique surprennent nos regards
accoutumés à l'obscurité ; un bâtiment moderne de style
oriental et assez magnifique se dresse devant nous ; nous
venons d'entrer en Bosnie, c'est la gare de Bosna^Brod.
L'inspecteur chargé de recueillir les billets nous montreque
aussitôt nous sommes en pays musulman car il porte le fez.
Comme nous sommes en hiver et que le froid est vif, nous
hous hâtons d entrer à l'intérieur du bâtiment ; dans la
6alle d'attente, un spectacle pittoresque frappe nos regards:
Une vingtaine de paysans serbes vêtus d'habits de grosse
laine brune, la tête ceinte de turbans blancs ou rouges sont
allongés sur le sol enroulés dans des couvertures de poil
de chèvre, tandis qu'un certain nombre de femmes en jupes
bOSNIE-HERZÉGOVINE 3^0
blanches, en casaques foncées sont accroupies dans le^ en-
coignures. Nous sentons bien que nous ne sommes plus en
Europe ; on n'y voit plus de ces poses singulières ni de ces
c<>stuines traditionnels: c'est bien l'Orient qui s'ouvre devant
nous, mélangé, il est vrai, ayant perdu quelque peu de sa
pureté première, mais tout plein encore de couleur, de
variété, et d'imprévu. Au buffet spacieux et confortable où
nous nous réchauffons d'une tasse de thé servi à la russe
avec du rhum et du citron, les officiers austro-hongrois sont
nombreux, et leur cols hauts et de teintes différentes selon
!es régiments auxquels ils appartiennent, tranchent sur
i»*urs dolmans sombres et de forme très simple. Ce sont en
quf^lque sorte les maîtres du pays, puisque l'autorité des
administrateurs repose en somme sur la force de la gar-
nison et que le chef du Gouvernement des Provinces est
lui-nnéme un militaire. Us causent et s'entretiennent ensem-
ble comme chez eux : mais quels que puissent être leurs
défauts, s'ils en ont, ils ne témoignent assurément ni arro-
gance, ni mauvais vouloir vis-à-vis des étrangers et ils
portent déjà sur eux ce caractère sympathique et bon en-
fant que nous rencontrerons à peu près partout pendant le
coars de notre excursion. Mais une cloche sonne à ïios
oreilles : l'inspecteur coiffé d'un fez fait une longue énumé-
rationde noms harmonieux et bizarres parmi lesquels celui
de Sarajevo frappe nos oreilles. Il faut se hâter. Le train
âaquelnous arrivons parait avoir été préparé pour de gran-
des poupées : il est à voie étroite, la locomotive en est toute
oiince et presque frôle, les portières et les roues sont minus*
cules, mais, une fois dans le compartiment, on s'y trouve
â la perfection : tout y est propre et élégant, des lits sont
préparés, et, si ce n'était un léger roulis qui pourrait
rappeler à certaines personnes délicates le passage de
liouvres à Galais» et aussi un départ quelquefois un peu
iiFusque, qui peut avoir quelque rudesse quand on s*apprôte
330 BOSNIE-HERZÉGOVINE
à se laisser aller à un sommeil doux et réparateur, on n'au-
rait en vérité pas le moindre reproche à faire auxcheminsde
fer de Bosnie-Herzégovine. 11 était une heure du matin au
départ de Brodet l'on doit être à Sarajevo vers neuf heures.
Dans la nuit noire et obscure nous ne voyons au loin qu'une
nappe uniforme de neige : de temps en temps la masse
d'une hauteur se détache sur le reste ou la lueur de quelques
rares étoiles fait scintiller légèrement les eaux de la riviè-
re Bosna que nous longeons. Les premières clartés du ma-
tin paraissent enfin : nous entendons appeler « Zoenica ))
et nous distinguons une petite ville d'aspect plaisant d'aspect
coquet. Le grand bâtiment propre et bien tenu qui se dresse
non loin de la station est la prison centrale des Provinces.
Le voyage se poursuit dans une vallée étroite avec de cha-
que côté des montagnes assez hautes. Ces sortes de murail-
les s'abaissent bientôt peu à peu et s'éloignent l'une de
l'autre : la vallée s'élargit, encore un moment et nous nous
trouvons dans une plaine assez vaste en comparaison de ce
que nous avons vu jusqu'ici : les montagnes ne sont plus
qu'un cadre lointain et bornent l'horizon sans paraître le
rétrécir. Bien que nous ne voyoïis que fort peu de maisons
et que rien ne semble indiquer une grande ville, un sifflet
retentit, le train s'arrête, les portières sont ouvertes, un
grand mouvement se produit. Nous sommes rendus : nous
pouvons respirer : nous allons cesser de rouler et de nous
croire devant un cinématographe. Vous entendez les cris
des agents de la gare : Sarajevo I Sarajevo 1 nous allons
donc te voir enfin, ô palais, perle de la Bosna, ô toi, la ville
aux cent mosquées comme Thèbes avait cent portes, antique
et gracieuse Bosna-Seraî.
La gareestsituée à environ une demi-heure delà ville î on
franchit la distance soit en voiture, soit à l'aide d'un tram-
way électrique qui fonctionne déjà depuis une dizaine d'an-
nées, et qui montre dès Tarrivée que le progrès a droit de
BOSNIE-HERZÉGOVIKE 331
cité dans la capitale du pays. La premiôre partie du trajet
s'accomplit sans intérêt spécial : si ce n'est qu'on longe le
camp retranché où se trouve cantonnée la garnison ; les
montagnes qui s'étaient un moment élargies se rapprochent
assez rapidement, la plaine se rétrécit, un certain nomhre
de maisons modernes et sans originalité se dressent de
différents côtés. Enfin nous débouchons d'une rue fort peu
curieuse et nous arrivons sur le quai de la Miljacka, petite
rivière qui traverse la ville ; nous avons alors devant les
yeux un des panoramas Jesplus pittoresques, les plus jolis,
les plus agréables qui soient au monde. Les montagnes en
se rapprochant se sont élevées, et, leur courbe continuant
de s'infléchir, elles forment à l'est un majestueux demi-cer-
cle qui parait complet, et du point où nous sommes semble
enfermer la ville et lui barrer toute issue de ce côté. Sur le
flanc de toutes les hauteurs une quantité innombrable de
petites maisons turques, toutes blanches avec leurs toits
plats, est gracieusement disséminée, et au milieu de cette
harmonie légère de proportions et de formes, les colonnes
blanches et pointues des minarets qui se dressent de ci de
là vers le ciel bleu jettent comme une note vive, perçante et
un peu grêle. Dans la partie bassedela ville dont nous nous
approchons, la rivière coule sur un lit bien propre, peu pro-
fond, elle est aujourd'hui claire comme du cristal et les pe
tites cascades qu'elle forme à chaque instant tombent avec
ua bruit argentin ; de tous côtés des monuments s'élèvent,
et ceux du culte y prennent la plus grande place : Ici c'est
1 Eglise prolestante, un peu plus loin la Synagogue, toute
blanche avec un toit métallique, étincelant comme de l'ar-
gent ; là-bas c'est la grande mosquée et à quelcjues pas
d'elle la cathédrale catholique ; enfin, plus haute que toutes
niais saosgrande majesté, la grande cathédrale orthodoxe.
Ainsi au premier abord on est frappé de la multitude des
Religions et on s'imagine vite qu'il n'est pas trop aisé de faire
332 BOSNIE-HERZÉGOVINE
s'accorder entre elles tant de croyances et de mœurs si di-
visées. Mais la brume légère qui formait comme un rideau
vers l'orient nous dérobait le décor le plus beau: à me-
sure que nous approchons et qu'elle se dissipe, nous distin-
guons vers le fond du demi-cercle de hauteurs, comme une
avancée abrupte de la montagne, et tout en haut de cette
espèce de promontoire s'élèvent le vieux bastion, lechàteau-
fort et le camp retranché du temps turc avec ses vieilles
murailles encore debout et au milieu un autre petit massif
de maisons blanches et de mosquées. Au bas la rivière
passe, et nous pouvons maintenant distinguer la gorge
étroite par où elle entre dans la ville et le long de laquelle
court une route construite à grand peine et qui conduit vers
la frontière turque.
Tel est l'ensemble du tableau qu'en arrivant à Sarajevo
nous trouvons devant nos yeux ; aujour i'hui la neige cou-
vre tout et la ville entière semble toute blanche, mais d'un
blanc qui resplendit sous le clair soleil et le ciel tout bleu :
dans six mois l'azur du ciel sera aussi pur, la clarté du so-
leil encore plus vive, mais des pelouses de verdure garniront
le penchant des hauteurs , de tous côtés surgiront des bou -
quets d'arbres, les lilas embaumeront l'air, et sur la cime
élevée du Trebevic, la plus haute des montagnes environ-
nantes, on pourra distinguer la teinte foncée des sapins.
Ainsi en l'une ou l'autre saison le spe tacle qui s'oiïre ô lui
peut enchanter le touriste et dans ce cadre si brillant et si
pittoresque se meut la foule la plus diverse^ la plus hétéro-»
gène, la plus bigarrée qui se puisse rencontrer»Nous avons
déjà vu à Bosna-Brod les Serbes et leurs compagnes ; nous
les voyons aujourd'hui plus parés pour venir à la ville,
avec l'étoffe brodée de leurs chemises retombant élégam-
ment sur leurs casaques, et leurs larges manches blanches
s'agitant comme des ailes quand ils marchent ; de leur cô-
té les femmes ont garni leur front de tiares en métal doré
BOSNlE-HERZÉQOYiN £ 333
et de larges pendants dorés complètent leur parure. Les
uns marchent avec précaution, prenant soin de leurs beaux
habits, ils sont à la promenade, et c'est pour eux un jour
de réjouissance ; d'autres, mis plus simplement, poussent
devant eux leurs petits chevaux de charge, qui portent vail-
lamment sur leurs épaules le bois et les autres provisions,
car les routes de montagnes ne sont pas faites pour les
chariots et c'est le cheval qui doit servir ici d'agent de
transport. Mais voici venir de ce côté un homme coiffe du
fez, enveloppé dans une houppelande fourrée, sous laquelle
nous distinguons une sorte de brassière galonnée et une
ceinture de soie : c'est un Turc et il parait venir tout droit
d'un des contes des Mille et une nuits ; rien n'est changé, ni
le costume, ni la physionomie, ni les gestes. Mais quel est
derrière lui cetespèce de scaphandre, marchant à pas lourds,
enveloppé dans un manteau sans forme, à capuchon rabattu
sur le visage que couvre encore un voile noir très épais. C'est
l'aimable moi tiède ce digne Musulman, elleest peut-être bel-
le conume une rose et radieuse comme uneétoile, elle s'appelle
reul-être Fatmé ou Zulevka mais elle nous fait, telle quelle
est, l'effet d'un croquemitaine, et c'est ce que veut la loi de
Mahomet qui est encore observée aussi strictement qu'aux
premiers jours dans les Provinces occupées ; seules les
jeunes tilles s'y promènent le visage découvert, et encore
leur tôle est entourée d'un cluWe qu'elles maintiennent sous
le menton et qu'elles s'empressent de ramener sur leur vi-
sage dès qu'elles soupçonnent qu'on a les yeux sur elles.
Quant aux femmes mariées, jamais elles ne paraissent
^ans un lieu public sans ôtre revêtues de cet horrible accou-
trement et sans porter ce voile épais sur la figure, et encore
plusieurs prennent-elles la précaution accessoire de main-
tenir toujours entre elles et les passants leur parapluie ou-
^'ept ou leur ombrelle, selon la saison. En dehors des Serbes
6t des Tues on voit passer sans cesse des militaires de tous
334 BOSNIE-HERZÉGOVINE
grades et de toutes armes, les officiers d'étatTmajor en
dolmau gros vert et à col de velours, les généraux en tuni-
(|uo bleu de ciel, et aussi do simples civils en paletot, en
veston, en chapeau melon ou en chapeau mou comme
vous et moi, et il faut avouer qu'auprès des autres ils font
un elTet assez piteux. Knlin il y a les harnais ou porteurs
commissionnaires (jui sont en général habillés de haillons
de toutes couleurs et de tous draps et qui savent se draper
dans ces haillons comme don César de Bazan lui-même : on
n'a pas l'idée dans nos pays du Nord, d'attitudes de cette sor-
te : chez nous le haillon est sale, repoussant, hideux : là-bas
il a de la noblesse, «le l'ampleur, de la majesté, et à voir ces
hommes robustes, bien plantés, et qui savent tirer parti de si
peu de choses, on pense à leur anciens voisins du midi, les
(irecs de l'Antiquité, à leur gymnastique si parfaite, à leurs
attitudes si nobles et si sculpturales, qui naissent comme
naturellement dans un air vif et pur et sous un ciel clair et
étincelant.
Il y a deux hôtels à vSarajevo,run est l'hôtel central, Tau
tre l'hôtel d'Kurope : ils se valent à peu près. On ne saurait
dire qu'ils soient luxueux : mais ils sont suffisants, passable-
ment propres, et la nourriture y est très supportable, sur-
tout à l'hôtel d'Kurope; enlin les prix ne sont point exces-
sifs. Je n'ai pas encore eu l'occasion de vous indiquer que
la langue nationale du pays est une langue slave, analogue
au Serbe et au Croate ; toutefois l'occupation autrichienne a
naturellement amené avec elle la propagation de l'allemand
qui, sans être la langue officielle, non est pas moins la
plus répandue dans la conversation des cercles cultivés. On
la parle également dans la plupart des magasins et naturel-
lement dans les hôtels, où l'on trouve aussi le plus souvent
un garçon connaissant le français ; quand à l'anglais il
est singulièrement peu en usage dans les Provinces, sans
doute par suite du très petit nombre des citoyens de la
BOSNIB-HBRZÉGOVINB 335
ira nde Bretagne qui daignent venir les visiter : j'ai été
rpris,en effet, penlant le temps de mon séjour à Sarajevo'
y avoir vu si peu de touristes britanniques.
De toutes les curiosités qu'oiïre la ville, la plus singu-
^lièreet la plus caractéristique est sans nul doute le Bazar
tore ou Echarrhia, Il se compose d'une série de ruelles
jlisposées autour de la mosquée principale dite « Bcgova
Dramia » ; ces ruelles sont bordées de galeries de bois divi-
sées par des refends, et entre chacun de ces refends se
tfrouve ce qui constitue une boutique turque. Les industriels
ou marchands à un même métier se rassemblent tous dans
un quartier spécial, si bien qu'on a, par exemple, dans telle
Foelle, les ciseleurs sur métaux, dans telle autre les cordon-
niers et selliers et dans une troisième les fabricants de
couvertures, etc. Le bois de leurs échoppes est recouvert
d'un tapis sur lequel ils sont accroupis près d'un brasero,
famant flegmatiquement leur cigarette ou leur pipe, buvant
Éré^iuemm^nt une tasse de café, travaillant sans précipita-
tion et ne se laissant nullement troubler i)ar les regards des
passants. I^ mercredi est jour de grand marché, et ce jour
là toutes les ruelles sont envahies par de véritables masses
d'hommes, de femmes, de chevaux, tous pôle m(Me, se
pressant les uns les autres, s'interpellant, achetant, mar-
chandant et ne se faisant pas faute de discourir, car les
Bosniaques sont de grands bavards. On vend aussi dans
le bazar les fruits et les légumes, et c'est au printemps
qui! faut voir l^s énormes et succulentes cerises (jui s'y
débitent du matin au soir et qui n'ont, je crois, leurs égales
nulle part.
Kn même temps qu'on visite la EcharciaW faut donner un
Coup d'(LMl A la grande Mosquée dont la cour est plantée
d'arbres magnifiques et ornée d'une jolie fontaine de cons-
truction déjà ancienne. Il est permis de la visiter intérieu-
rement, et, à la condition de mettre des babouches, on
336 BOSNIE-HERZÉGOVINE
peut aller contempler les riches tapis qu'elle renferme.
Mais le spectacle le plus curieux est de se tenir dans la rue
à l'heure de la prière et de voir tous les marchands de la
Echarchia venir gravement se disposer en longues files le
long du mur extérieur de la Mosquée, et, comme mus
par un ressort, se prosterner tous ensemble et frapper le
sol de leur tôle à intervalles réguliers, puis leurs dévotions
achevées, reprendre aussitôt avec la même gravité la
direction de leurs boutiques.
Une autre visite intéressante est celle du couvent des
derviches où l'on peut chaque jeudi entendre les derviches
hurleurs. On s'y rend à travers un quartier silencieux et
désert et à la tombée de la nuit ; la ruelle que l'on doit
suivre est bordée de rares maisons turques dont les
fenêtres grillagées donnent une impression de tristesse et
de solitude; de temps en temps, à travers les barreaux
de bois, on voit une ombre noire qui s'approche et des yeux
luisants qui regardent avec une sorte de férocité, c'est une
femme turque qui, entendant un bruit de pas dans l'obscu-
rité, a voulu en connaître la cause : car les femmes tur-
ques sont curieuses. On arrive enfin devant une espèce de
bâtiment carré et assez bas, percé d'une porte de bois. On
sonne ; la sonnette sonne lugubrement, la porte s'ouvre :
tout est noir, une forme vague vous adresse la parole en
mots inintelligibles et vous indique un petit escalier assez
raide au sommet duquel est une porte ouverte. Vous entrez
et vous vous trouvez sur une estrade formant le côté d'une
petite mosquée dont l'autel est sur votre gauche ; en face
est une galerie grillée pour les femmes turques où l'on
distingue déjà des fantômes voilés qui s'agitent. Quelques
lampes fumeuses éclairent ce singulier bôtimeut et les
chauve-souris touchent, de leurs ailes, le plafond en vole-
tant. Tout est silencieux autour de vous ; et vous ne
vous sentez en somme qu'assez médiocrement rassuré.
BOSNIE-HERZÉGOVINE 337
Soudain vous entendez au dehors un chant aigre et mo-
notone qui semble se propager et courir à travers le
crépuscule du soir : ce sont les muezzins qui du haut des
annarets adressent Ieu,rs prières à Allah. Alors un vieillard
eotre, coiffé d'un turban blanc, vêtu d'une longue robe :
il se prosterne devant Tautel et commence à psalmodier
delà façon la plus étrange. D'autres sont entrés derrière
lui, de différents âges et de différentes conditions ; ils
disposent rapidement en cercle dans le centre de la mosquée
an certain nombre de peaux de moutons, chacun s'accrou-
pit sur chacune d'elle, et ils se mettent à répéter la
psalmodia du derviche en agitant le haut de leur corps
tantôt d'avant en arrière, tantôt di) gauche à droite. Le
son de leur voix est bas quand il commence et les mouve-
ments de leur corps lents : peu à peu leur psalmodie de-
vient plus haute et plus rapide, leurs mouvements devien-
nent plus violents et plus désordonnés. Quelques-uns
semblent déjà avoir perdu conscience et être arrivés à
l'extase qu'ils poursuivent. Mais alors un signe de leur
chef les arrête comme par enchantement, et ils commen-
• ent à voix presque basse d'abord une nouvelle mélopée
qu'ils accompagnent des mêmes mouvements et il en est
ainsi jusqu'à la fin de la cérémonie qui dure un peu plus
<i une heure. Il fait nuit noire quand vous sortez, un guide
vous conduit à travers les ruelles obscures à la clarté d'une
lanterne vénitienne, et vous rencontrez dans l'ombre des
femmes turques rentrant chez elles, précédées comme
Tous d'un porteur de lanterne. Enfin vous retrouvez les
grandes ru6s, l'électricité et votre hôtel, et il vous semble
]ue vous Sortez d'un rêve dont vous êtes encore mal
fêveillé.
Comme autres curiosités, dans un genre plus réel et
moins romantique,Sarajevo possède une fabrique de tapis et
un atelier d'incrustation administrés par le Gouvernement,
22
338 ^BOSNIE HERZÉGOVINE
et Ton peut assister au travail des ouvriers : les étrangers
ne manquent jamais de visiter ces deux établissements,
et ils se laissent bien souvent amener à y faire des achats
qu'ils n*ont pas lieu par la suite de regretter, car les tapis
sont bien dessinés, d'une belle couleur et durables, et
tous les petits objets, vases incrustés, sarvices à café en
métal ciselé, plateaux frappés, que produisent les artisans
Bosniaques, ne peuvent manquer de satisfaire le goût ie
plus délicat. J'allais oublier le musée ([ui est fort bien ins-
tallé et qui contient de belles armes et surtout une collec-
tion très curieuse de tous les costumes du pays déployés
sur des poupées qui représentent d'une façon assez frap-
pante les différents types d'hommes et de femmes. Mais le
plus grand plaisir là-bas est de se promener et de flâner à
travers les rues: on voit quehiues édifices intéressants com-
me le Rouak, ancien palais du pacha turc, où réside au-
jourd'hui le Gouverneur général des Provinces, et le nouveau
Palais du Gouvernement : on rencontre à chaque pas des
mosquées, des restes de vieux cimetières turcs, avec leurs
pierres tombales disposées de façon si bizarre, on croise
dans sa route tous les costumes, toutes les nationalités, et
on est heureux d'être sorti pour un moment de la monotonie
de nos grandes villes. Mais le plus délicieux, je crois, c'est
par un beau soir d'été, alors que le soleil est prêt de dispa-
raître derrière les montagnes de l'occident, de s'achemi-
ner le long de la Miljacka, de passer à travers les petits
cafés turcs qui bordent la rivière de leurs terrasses, et de
monter sur la hauteur où s'élève le vieux castel. De là on
domine toute la ville et la plaiîie. Le ciel s'est coloré d'une
légère teinte v(»rt d'eau, sa pureté et sa transparence sont
inc()n]paral>lHs et ii s'en répand comme une lueur fauve
(jui anime tout le paysage ; les montagnes sont verdoyan-
tes, les groupes de maisons sont gracieux et riants, et
tout en bas la rivière se déroule à p^rlrj de vue comme un
BOSNIB-HBRZÊGOYINB 339
mJDce ruban d'argent. On se laisse doucement aller à la
contemplation de ce spectacle merveilleux, Tceil s'égare au
loio parmi les groupes de montagnes que parsèment les
reflets roses du couchant, on a l'illusion complète d'un
Orient poétique, lumineux et charmant. Puis tout d'un
coup un orchestre de tziganes qui résonne au bas dans la
îaliée, et les chansons qui l'accompagnent vous tirent de
Tos rêveries ; vous voyez qu'il est temps et grand temps
de dîner et, un quart d'heure après, vous vous retrouvez
à la table du restaurant un tout autre homme et bornant
VUS ambitions et vos aspirations à la contemplation du
mena.
Pour qu'il ne lui manque rien, Saravejo a dans son
voisinage une station thermale, dont les eaux entretien-
nent la santé de ses habitants et qui leur procure en même
temps un but d'excursion et de promenade pendant les
mois d'été. Hidzé, c'est le nom de ce petit endroit, consiste
en un parc bien planté, un établissement de bains, un res-
lâurant et quatre ou cinq hôtels ; à partir de Mai jusqu'à la
fin de Septembre on peut s'y rendre en une demi-heure à
iaide d'un chemin de fer assez lent et assez incommode qui
lait chaque jour de nombreux voyages. Les plaisirs qu'on
^trouve sont limités ; on iaeimi pas trop bonne chère au
^laurant, et en somme Hidzé dont, dès votre arrivée en
Bi^snie, on vous porte les louanges jusqu'au ciel, demeure
ainoD avis bien au-desous de sa réputation.
Il n y a pas que Sarajevo et Hideé dans les provinces,
<ya encore Mostai, la capitale de l'Herzégovine avec son
«ocien port romain, Jajee, et sa cascade que domine les
r^tesdu château habité autrefois par les rois chrétiens
^- la contrée ; il y a les gorges de la Duna ; bref il y a le
^BTs tout entier que nous aurions besoin de parcourir sur
<^ excellents petits chevaux bosniaques, dont l'apparence
mt guère séduisante, mais qui joignent au pied le plus sûr
340 BOSNIB-HERZÂQOVINE
une endurance qu'on ne leur soupçonnerait pas. Mais il nous
faudrait des semaines et des mois pour voir tout ce qui
serait digne d'être vu, et il me faudrait des heures pour
vous les raconter. Or je vous ai promis une excursion ra-
pide et vous commencez sans doute à douter de ma parole.
Je tiens seulement à vous faire savoir que si les touristes
britanniques n'abondent pas dans les Provinces, votre pa-
trie n'a pas été toutefois sans y faire de sérieuses con-
quêtes. Le tennis et le bridge y régnent en maîtres absolus
et mon ignorance de ces deux nobles exercices a failli me
faire perdre à tout jamais l'estime des plus distingués per-
sonnages. J'ajouterai enfin pour plaire à vos cœurs écos-
sais que le golf y a été récemment pratiqué par l'élite de la
société.
Je souhaite, Mesdames et Messieurs, d'avoir pu réussir à
vous donner du pays que je me proposai de vous décrire,
au moins quelques vagues impressions, je souhaite d'avoir
seulement éveillé parmi vous quelque intérêt pour ses
agréments et seî? attraits de toutes sortes. Car ne faut-il
pas, en voyage comme dans la vie, négliger et oublier ce
qui est lourd, banal, ordinaire. Je puis vous assurer que
si vous vous rendez un jour en Bosnie-Herzégovine, vous
verrez qu'il n'y manquera pas d'objets pour votre surprise
et votre admiration, et si, ce que j'ai lieu de craindre, mon
petit essai de conférence ne vous a guère satisfaits et a
laissé sur beaucoup de points votre curiosité en éveil, je
vous conseille d'aller bien vite refaire pour votre compte
personnel le voyage que nous avons tenté ce soir d'entre-
prendre de compagnie, et de vous initier ainsi pendant
quelques semaines, d'une manière confortable et sans
risques, aux singularités, au pittoresque, à la beauté de
l'Orient.
BL.4NCHE
Vice-Consul de France
ACTES DE LA SOCIÉTÉ
Procès-cerbal de V Assemblée Générale tenue
le 3 Mai 1905
Présidence ilo M. H. Blot-Lbpkvrb^ président.
I<» Après la lecture et l'approbation du Procès- verbal de sa séan-
ce de l!H)4f rAseeniblée procède, conformément aux statuts, au
renoovelienient du quart des membres du Comité et au remplacement
<ic8 vacances qui se sont produites en cours d'année dans les trois
Mtrw quarts.
Sont élus :
l^ Elections statutaires
MM. H. Blot-Lefevro.
A. Carton.
D. Guérin.
Martin-Dupcnt.
P. Plum.
E. Raoul-Duvdl.
J. Roche.
P. Allégret.
2o Elections complément lireë
Mm. Pilon, en remplacement de MM. L. DujjDnt*
Monscourt, p L. Clerc.
D. Dufour, > René Pesle.
2 Le projet de budget pour l'an lée 1905 est disent î et adopté.
•'^L'ordre du jour appelle 'ensuite la lecture des rapports du Tré-
sorier et du Secrétiire général sur la situation financière et morale
^ la Société.
En l'absence de M. Boîtier, trésorier, M. le Président donne c<m*
BiQQÎcation à l'Assemblée de son rapport sur la situation rnanoière.
ï^comptes de Tannée 1904 présentés par le Trésorier sont approuvés.
1^ déficit assez élevé que faisaient ressortir ces comptés et dont
1 origine remontait aux travaux exécutés au siège de la b'ociété en
^%, a pu être couvert grâce à la libéralité de M.J, DolamallOi ancien
^^«'mbre de la Société,
342 ACTES DE LA SOCIÉTÉ
40 La parole est ensuite donnée à M. Favier^ secrétaire général
Le Secrétaire général passe en revue les différentes manifestations di
ta vie de la Société : Conférences, Bibliothèque, Concours, et«>. I
estime que la Société peut se féliciter des résultats qu*ont produi
ses efforts. Sur un point cependant il fera des réserves. Il exprima
le regret qu'à l'opposé des conférences données à la salle de I«
Lyre havraise, les causeries faites au siège même de la Société Boien
si peu suivies par les membres de la Société.
La question que soulève ensuite te rapporteur est tellement im
portante qu'il y a lieu de reproduire intégralement oette partie di
rapport :
< Il est une autre question, Messieurs, qui intéresse le bon fonction
nementet lasituation morale de la Société. Il y aquatreant^danHlebui
de faire participer un nombre de personnes toujours plu? grand à la
vie intime de la Société, le Bureau vous a demandé de légères modifica
tions aux statuts. Vous avez décidé alors que le Président et les deui
Vice- Présidents, après deux années d'exercice, ne seraient plus im
médiatement rééligibles. Il ne s^agissait point dans Teepèco d'une
décision prise une fois pour toutes et sur laquelle il fût impossible
de revenir. Nous voulions faire une expérience que nous jugerioni
ensuite sur ses résultats. En ce qui concerne les Vice-Présidents, !e(
réialtats ont été excellents. Il ne nous a pas paru qu'il en fût de
même à l'égard du Président. Nous nous sommes aperças que dani
les conditions que nous venons de dire, le Président avait juste le
temps de se familiariser avec ses fonctions et que le moment où
nous lui demandions de céder la place à un autre était précisément
celui où il était à même de nous rendre les plus signalés servioc8.Noai
Vous avons alors demandé une prolongation de deux ans que voul
nous avez libéralement accordée. La situation, après œs deux années
écoulées, est restée absolument la mêibe. Aussi d'accord avec lai
deux Vice-Présidents, votre secrétaire général vous demande-t-il de
Voter une prolongation nouvelle. » •
Après avoir délibéré sur cette proposition, l'Assemblée décide i
loque les Vice -Présidents ne pourront toujours pas exercer leurs fonc*
tioDS pendant plus de deux années consécutives, et 2" que le Président
sera, comme autrefois, indéfiniment rééligible.
3** Le reste de la séance est consacré à une lecture faite par M.
Guitton d'un travail.de M. Berohon sur l'fle de Cuba.
L'ordre du jour étant épuisé la séance est lovée à 10 heures.
ACTES DE tA SOCIÉTÉ 343
Procè^cerbal de la réunion du Comité du 19 Avril 1905
Présidence de M, Blût-Lefbvke, président
La séance est ouverte à 9 heures .
MM. Hansainann, Chancerel et Monscourt sont excusés.
Le proc>8- verbal de la séance précédente est lu et adopté sans
observations.
M. le Président communique Li correspondance, consistant en une
lettre de la Société de Qéographie de Saint-Etienne annonçant le 2G®
CoQgrès de Géographie qui se tiendra dans cette ville du 6 au 10 Août
et une lettre de la Société Havraise d'Etudes Diverses invitant au .
Coogrès des Sociétés savantes de Normandie, dont elle a pris l'initia*
ti?eet qui se tiendra au Havre du 15 au 18 Juillet.
Le Comité vote la participation de la Société à ce dernier congrès.
M. Menra, doyen d'âge, prend la présidence de la réunion, pour
faire procéder aux élections du Bureau. Sont élus :
Président : M. Blot-Lefevre,
Vice-Présidents : MM. Huussmann et Guitton,
Secrétaire Général : M. Favier,
Secrétaires de séances : MM. Robert Pesle et Hubert,
Trésorier : M. Boitier,
Bibliothécaire : M. Meura.
M. Blot-Lefevre, en son nom personnel et au nom du Bureau remer<
cie l'Assemblée.
M. le Président propose l'admission comme membres de :
MM. Jobbé-Duval présenté par MM. Robert Tuconet et de GrandmaisoD
Jules Dnmesnil, » Legoupil et Guitton.
Louis Winnaert, v Rincheval et J. Danic.
le cap*^ Louis Lesnès, y Guitton et Blot-Lefevre.
Au nom du Comité et de toute la Société. M. le Président félicite
M.Boivin,agent delà Société,des palmes académiques qui sont venues
fort justement récompenser les soins dévoués qu'il a toujours apporté
aux intérêts de la Société : celte haute distinction ne pouvait être
mieux méritée.
M. Guitton, en l'absence de M. Fritz, souiïrant, donne lecture d'une
étude sur < Les intérêts allemands au Maroc ». Ce travail, des plut
intéressants par son actualité et sa documentation, sera publié dans le
Bulletin.
Lft séance est levée à 10 heures 4
JBIBlalOGRTCPHlË
L'Année Cartographique. Supplément annuel à toutes
les publications de Géographie et de Cartographie,
dressé et rédigé sous la direction de F. Sehrader,
Directeur des travaux cartographiques de la librairie
Hachette et C^^
Quinzième Supplément (1905), contenant les modifica
tions géographiques et politiques de 1904. — Trois cartes
doubles tirées en cinq couleurs, avec texte explicatif au
dos. Prix: 3 fr. (Hachette et C'«, Paris.)
I. — Asie, par E. Oiffault. — Chine septentrionale et Nan-Chcuit itiné-
raires do V. Obroutchetr. — Tibet occidental, itinéraires de MM. G. G ^
Rawling et A. J. Hargrcaves. - Travaux géodésiques. astronomiques, topo-
grapliiques et cartograplilques du Service géograpliique de l*Indo^liine
française, par le lieut.-coIonei Priquegnon.
II. — Afriqtie. par M. E. Obesnbau. — I^c Tchad, d'après la carte manus-
crite de M. Boudry, lieutenant d'infanterie coloniale. ^ Le Sahoixi entre
Jn-Salah et Tombouctou, d'après les reconnaissances du commandant
L^perrine. du lieutenant Voinot, du capitaine Théveniaut, etc., etc. — Les
nouvelles IVontièrcs entre le Niger et le Tchad ; en Gambie, en Guinée» —
Les Ileê deLx>B, ^ Tracé du chemin de fer projeté de Thiés à Kages.
lit. — 2linérlqii«t. par M. V. Hvot. — Monté Appalaches et Grands Lacê
canadiens, dressé d'après le U. S* Geological Sur>'ey. — ExploitaUons dans
la Haute^Argentine et la Bolivie.
Nous n'avons plus besoin de faire l'éloge derAnnëeCar/ograjiAlqueaaprèi
du public qui s'intéresse au progrès des découvertes et de la géographie.
Notre rôle est désormais de Justifier son attente et de mériter son approba-
tion. Les missions françaises dans lo Nouveau et l'Ancien monde conti-
nuent à tenir une p'ace plus qu'honorable dans le mouvement d'exploration
eonlcmporaino et nous sommes roHiculiérement heureux de le faire
1*6 marquer*
BIBLIOGRAPHIE 3-45
A Lhassa, IjE Ville Interdite, par M. Perceval
Landon, correspondant spécial du Times, — Relation
(le la marche de la Mission envoyée au Thibet par le gou-
vernement anglais en 1903 1904. Introduction du Colonel
VouxGHUSnAND, commandant d'expédition. — IJn beau
vol.in 8'jésus de plus de 400 p. sur papier vergé et illustré
de 2i planches en liéliogravure tirées hors texte. —
Br.,20fr. ; rel., 25 fr. (Hachette et G»^ Paris.)
I Userait diificile, parmi les récits les plus célèbres ot les plus cap-
tivant d'ccplorations avcutureuses, d'en citer un qui dopasse e»
, iotcrêt la relation de M. Pcrcevul Laudon.
Lecompte n'est pas long à faire des Européens qui, depuis Marco
I^)Io, ont franchi les frontières du Thibet. Mais cest, cette fois, bien
totre chose : Il s'agit d'une mission européenne pénétrant jusqu'à
LhisBa, la ville sainte, la ville des Dalaï-Lama et des gompas (cou-
vents), la < ville interdite y.
Correspondant spécial du Times et membre de l'Ëtat-major de la
uussion, M. Perceval Landon était mieux placé que qui que ce fût
pour en tracer l'histoire ; mais cette compétence particulière n'est que
l'on de ses litres à notre attention et l'on ne sait ce qu'il faut louer
dtvantage en lui, de la sûreté de son coup d'œil, ou de son tulent à
décrire ce qu'il a si bien observé, le pays et les êtres, les traditions
et ies uiœurs^ étranges et mystérieuses. Ce vivant récit est d'ailleurs
idmirablemeut commenté par ces maguifiques planches hors texte^
ù revivent, dans une intense réalité, et les aspects divers du Thibet
t les phases de l'expédition qui vient enfin de nous le révéler.
OOerts à la Mi\t le Giopapliie Comerciale lu lawe
parle
Général ARCHINARD
Histoire Philosophique et politique des Etablissements et
du Gommeroe des Européens dans les deux Indes. Genève ,
177Ô, 3 vol. in-4, avec gravures et cartes, complété d'un atlas de
i^ cartes.
Voyage fait par ordre du Roi en 1771 et 1772 en diverses par-
ues lie l'I^îurope, de rA£riqae et de l'Amérique, pour vérifier l'uti-
lité de plusieurs méthodes et iostruments servani à déterminer la
Latitude et la Longitude, tant^du Vaisseau que des Côtes, Isles et
Kcueils qu'on reconnoît, suivi de recherches pour rectitier les cartes
hydrographiques, par MM. de Verdun de la Ckenne, Lieutenant
des Vaisseaux du Roi, etc. Le Chevalier de Borda, Lieistenant des
Vaisseaux du Roi, etc. et l'iNORé, Chancelier de Ste-Geneviève^etc.
Paris. Imp. Koyale, 2 vol. in-4, avec quantité de cartes hors
texte.
Un ooin de la Champagne et du Valois au XVII* siècle —
Jean de la Fontaine — Marie Héricart, par J. Salesse, principal
du collège de Château -Thierry. Château- Thierry, 1894, Lacroix,
1 broch. in-8, 118 pp.
La Gerdagne Française (Pyrénées inconnues), par Ëmmanaee
Brousse tils. Perpignan, 1896. 1 vol. in-16, orné de grav» et de
cartes.
La Gerdagne Espagnole (Pyrénées inconnues) , par Albert Sâlsas
membre du club alpin français, i erpignan, 1899, 1 vol. in-16,
orné de grav. hors texte.
Ganal maritime d'Ismailia à Alexandrie — Le Caire port de
mer — Lecture faite par M. Tbompi' à l'Institut égyptien le
2 Mare 1894. Le Caire, Costagtiola, 1894, 1 broch. in-8, ZÔ pp.
Puissance électrique des Gataractes. Lecture faite par M.
Prompt à l'Institut égyptien le 28 Décembre 1894. Le Caire, Imp.
du Journal égyptien, 1894, 1 broch. in-8, 24 pp^
Les Réservoirs d'Eau de la Haute-Egypte, Lecture faite par
M. Prompt, à Tlnstitut égyptien le 26 Décembre 1891. Imp. au
Caire, 1892, 1 broch. in-8, 52 pp.
Le Soudan Nilotique, par M. Psompt, administrateur français
des Chemins de ter égyptiens, Communication faite à l'institut
Égyptien, le 20 Janvier 1892. Le Caire,lmp. nationale, 1893, 1 broch.l
io-8, 48 pp.
OUVRAGES OFFERTE A J.A SOCIETE 347
Iftttres sur l'Egypte, où Ton offre le parallèle des mœurs anciennes
et modernes de ses habitants, où Ton décrit l'état, le commerce,
Ta^cnlture, le gouvernement da pays, et la descente de Saint Louis
à Damiette : tirée de Joinville et des auteurs Arales^ avec des
cartes géographiques par M. Savary. Paris, 1785, 3 vol. in-8, avec
cartes et plans.
Notice sur le Maroc, par H. M. P. de la Martinière. Paris,
1898, Lamirault, 1 broch. in-8, 111 pp. avec 1 carte et 14 figures
(Extrait de la Grande Encyclopédie.)
Itinéraire de Fez à Oudjda, snivi en 1891 par M. de la Marti-
XIÈBK, chargé de mission par le Ministère de Tlnstruction
pabliqoe. Paris, 1895, Imp. nationale, 1 broch. in-8, 24 pp. avec
1 carte.
Sahara et Soudao, Transformation du Désert et pénétration dans
leSoadan par le Dahomey, par C. Favard, ingénieur. Paris,
1894, 1 broch. in-8, avec une carte de l'Afrique occidentale.
Les Touareg de l'Ouest, par le capitaine H. Bissuel, chef de
Bureau Arabe, 2 cartes. Alger, 1888.
De la défense des Tribus de l'Extrôme-Sud, contre les Rezzoa
Tooareg, par Ë. Coolombou, lieutenant au 2^ régiment Etranger.
Paris, 1888, 1 broch. in-16, 30 pp. (Extrait de la lievue du
Cercle militaire.)
Projet de Colonisation au Soudan, par E. Chatelard. Paris
1894. 1 broch. in-8, 16 pp.
LlSztrème Sud-Algérien. Contributions à l'Histoire naturelle de
cette région, par Jean Dtbowski. Paris. Leroux, 1892, 1 broch.
in-8, 56 pp.
Voyage dans le Soudan occidental, de £. Mage, abrégé
par J. Belin de Launay. Paris, 1879, 1 vol. in-8. Hachette, avec
Qoe carte.
Le Soudan Français, par A. Le Chatblier. Paris, 1889, 1 broch.
in-4^ 31 pp. (Extrait de la Revue scientifique .)
Note sur le Régime des Eaux dans le Tldikelt, par A.
Lft CuAtELiBB. Paris, 1885, 1 broch. in-8, 9 pp. avec une carte.
ICission agricole et zootechnique dans le Soudan occidental,
1884-188Ô, par M. Eorper, vétérinaire militaire. Paris, 1886.
1 broch. in-5.
Notice sur les essences forestières du Soudan, propres à la
ooDStraction. par Constancia. Levallois-Perret, Mottelet, 1905,
1 broch. in*8, 15 pp.
X«etlre à un Algérien sur la Politique Saharienne, par A.
Lb Obatiuib. Yersaillee, 1900, 1 broob. in-8, 17 pp.
3-W OUVRAGES OFFERTS A LA SOCIÉTÉ
Contribution à la connaissance du climat Saharien, par
Georges Kollanu. Paris 1892, 1 broch.iii-4, 4 pp. (Extrait des
Comptes- Rendus de i*Académie des Sciences.)
Sur l'accroissement de température des couches terrestres
avec la profondeur dans le bas Sahara Algérien, par M .
Gturgcs KoiXANi). Paris, 1894, 1 broch. in-4, 4 pp. (Extrait des
Comptes- Rendus de l'Académie des Scietices.)
Sur le régime des eaux souterraines dans le haut Sahara
de la province d'Alger, entre Loghouat et El Golca, par Georges
Rolland. Paris, 1892, 1 broch. in-4, 4 pp. (Extrait des Comptes-
Rendus de l'Académie des Sciences.)
Sur le Régime des eaux artésiennes de la Région d'El
Ooléa, i)ar Georges Rolland. Paris, 1892, 1 broch. in-4, 5 pp.
(Extrait des Comptes-Rendus de rAcadcmie des sciences.)
Sur lès chances d'obtenir des eaux artésiennes le long de
l'oued Igharghar et de l'oued Mya, par Georges Bolland.
Paris, 1894, 1 broch. iD-4, 4 pp. (Extrait des Comptes-Kendus de
l'Acudémie des Sciences.)
Régime du Bassin artésien de l'Oued Rir' (Sud Algérien) et
moyens do mieux utiliser ses eaux d^imgation. par Georges
Rolland. Paris, 1898, 1 broch. in-4, 4 pp. (Extrait dts Comptes-
Rendus de l'Académie des sciences.)
Les animaux rejetés vivants par les puits jaillissants de
POued hir*, par Georges Kolland. Paris, 1894, 1 brcch,in-8, 20pp.
(Extrait delà Revue Scientifique.)
Rapport sur les Caravanes de la division d'Oran, qui se
sont rendues au Gourara en 1892/93 (Division d'Oran, aâ'aires
Arabes). Alger, 1893, Jourdan, 1 broch. in-4, 31 pp.
Le Bassin du Tchad, conférences faites en 1893 par Ferdinand de
BÉiiAOLK. Bordeaux, 1884, 1 broch. in-8, 31 pp. avec une carte.
i Extrait du Bulletin de la Société de Géographie commerciale de
3ordeaux.)
Le droit de navigation dans le Niger, par Albert Ducuêne.
Paris, 1895, 1 broch. in-8, 8 pp. (Extrait de la Bévue générale de
droit i/iteruutional public.)
Vocabulaire de la Langue du Mossi, précédé de notes gram-
maticales par le Lieutenant R. Bluzet du 103e Régiment d^lu'»
luiiterie, Membre de la Mission Hourbt sur le Niger (1895^1896).
Vatis 18. . 1 broch. in-4) 20 pp. (Extrait du Bulletin du Comité de
rAfriqu9 française.)
be l'Alimentation d'un grand Bassin artésien dans le
Désert (Bas Sahara Algéfien), par Georges RoLLâND, ingénieur des
I
OUVRAGES OFFERTS A LA SOCIÉTÉ 349
Mîaes. Paris, 1894, l broch. iu-8, 23 pp. avec planches de pro-
fils et coupes. (Extrait du BuHetiu de la Société Géologique de
France.^
Les Progrès récents de l'Agriculture au Sahara, par G.
KoLLANf», ingénieur des Mines, laris, 1898, 1 broch. in-8, 15 pp.
(Extrait du Bulletin de la Société Nationale d'Agriculture de
. France.)
Sur les grandes Dunes de sable du Sahara, par G. Rolland.
Paris, 1881, 1 broch. in-8, 18 pp. avec 2 fig.
Mémoire rédigé par la famille Sahraoui pour la défense de
Si el Hadj Kaddour Sahraoui, Agha de Tiaret, commandeur de
U Légion d'Honneur. Cran, 1883, 1 broch, in-8, 14 pp.
La pénétration africaine et le Transsaharien (réponse «^ M
d*i Vogiié) par M. A. FocKE (Extrait de l'Expansion coloniale du 9H
Mars 1891). 1 broch. in-8, 7 pp.
Le Trafic du Transsaharien, par M. Georges Rolland, Ingé-
nieur des Mines. Paris, 1801, J broch. in-8, 16 pp. (Extrait de
rEconomiste Français.)
La France en Afrique et le Transsaharien, par MM. le Gcnn-
rai PHILBERT et Georges Uollxnd, Ingénieur des Mines. Paris,
1890, Cliallarael, I brodi. in-8, 96 pp. avec une carte de l'Afrique
Française.
Le Transiaharien. Un an apn'S, par Georges Holland, Ingénieur
ds Mines. Paris. 1891, Cliallimol, 1 broch. in-8, 132 pp. avec
une carte do l'Afrique Française.
Algérie, Sahara. Tchad. Réponse à M. Camil'e Sabatier par A.
FocK.ingénieur civil, avec 'un«) introduction de Georges Bolland,
Paris, Chai lamel, 1891, 1 brooli. in 8, 75 pp. avec une carte de
l'Afrique Française.
A propos du Railway transsaharien, réflexions et observations
hygiéniques et médicales, pirCh, J. Masse, raédécin principal de
P« classe. Paria, Gilmann-Lévjr, 1881, l broch. in-8, 73 pp.
Sur la Oôolo»iedu Congo Français, par Maurice Baurat, ingé-
nieur des Mines, Paris, 1895, Dunod, 1 vol. in-8, 132 pp. avec
2 cartes.
A Travers le Zanguehar, voyage dans TOudoé, l'Ouzigoua,
i'Oiikwéré, rOukami et l*0u<4agari, par les P P. Baitr et Le Koy,
missionnaires au Zangueb.nr. Tours, 1887, Marne, 1 vol, in-8, orné
de 45 gravures et d'une carte.
Li conquête du Ménah^ à Madagascar 1897-1900, par le
Capitaine Con'DAMY, do l'Infanterie coloniale. Paris, Lavauzelle,
19. ., 1 vol. io-8, avec 7 cro<iui8 dans le texte.
350 OUVRAGES OFFERTS A LA SOCIÉTÉ
Une exploration technique à Bfadagascar. ConférencA faîto
sous le patronage de l'Union coloniale frunoaise pir H. Dn^RTAL,
ingénieur en chef des Ponts et Chaussées, le 18 Mars 1897. Paris,
Union Coloniale Française, 1 broch. in-8, 38 pp.
Le Voyage de M. J.-B. Rolland à Madagascar, 1886-87, par
Gaston Uornir.R, Rouen 1890, 1 broch. in-4, 21 pp. (Extrait du
Bulletin de la Société Nonnande de Géographie.)
Java, Siam, Canton (Voyage autour du monde), par le Comte de
Beauvoir. PariH, Pion, 1809,1 vol. in- 18, orné de 14 gravares et
1 carte.
Le Te de Laotseu traduit du chinois (l'Esprit des Races Jaunes),
par Mat(.'Ioi (All»crt de Pourvourvillb, Paris, Librairie dd PArt
indépeiuUnt), ISUI, 1 broch. in- 16, 57 pp.
Les Sept Eléments de PHomme et la Pathogénie chinoise,
(l'Esprit des Races Jaunes), par MATGior (A. de PouvoUR ville)
Paris, Chuniuel, 1895, 1 broch. in-16, 62 pp. avec 11 figures daoH
le texte.
L'Indo-Chine Française, Politique et administration. Conférence
faite par M. J. Harmand, consul général de France, Paris, 1887,
1 broch. in-8, 53 pp.
Dans les Seize Chaûs (1888-1889), études coloniales, par Albert
(le PouvouRviLLK, Arci8-8/-Aube, 1895, 1 vol. in 16.
De Qui-Nhon en Cochinchine. Explorations dans le Bînh-Thnan
(Sud Ann>)m), parJ. Brien, Sous-lnspectear des Postes et Télégra-
phes. Hanoï, 1893, 1 broch. in-8, 87 pp. avec une carte.
Aperçu hygiénique sur les Bas Laos, notes médicales. 1893 1895,
par le Docteur Estrade. Pamiers, 1896, 1 broch. in-8.
Notice sur le fleuve Rouge, par M. L. Escaiïob, Lieutenant de
VaissLMiii. Paris, 1HÎ)5, 1 broch. in-8, 84 pp.
De Lang-Son à Cao-Bang. A travers le Tonkin, par Gaston
L'HoM.MK, capitaine d'Artillerie de Marine. Roohefort, 1899, 1 broch
in-B 43 pp, avec carte et plans.
Dans le Yen-Thé. A travers le Toukin,par Gaston L'HoM MB. capi-
taine d'Artillerie de Marine, liochefort, 1899, 1 broch. in-8 ayec
carte et plans.
De Phu-Lang-Thuong à Lang-Son, Le chemin de fer et le
Song-Tliuoii^^. par le capitaine d'Artillerie de Marine LuoxilB.
Kochefurt, 1898, l broch. in-8, 12 pp. avec une carte.
Colonisation militaira, parle capitaine Condamy, de Plnfanterie
coloniale. Paris, Lav.iuzelle, 1930,1 broch. in-8, lOS pp.
OUVRAGES OFFERTS A LA SOCIÉTÉ 351
Docoments sur la Fondation de PŒuvre antiesclaTagiste,
par S. Efu. le Cardinal Lavigebie, archevêque do Carthage et
d'Alger, primat d'Afrique, Saint-Cloud, 1889, 1 vol. in-8, avec
deux c&iîes d'Afrique.
Les Trois âges des colonies ou de leur passé, présent et avenir,
pirM. dePRADT, membre de r Assemblée constituante. Paris, 1801,
3 vol in-8.
Culture du Cacaoyer, étude faite à la Guadeloupe par le Docteur
Pdol GuéBiM. Paris, 1896, Challamel, 1 vol. in-8.
Cnltaredu Oafâier. Semis, plantations ; taille, cueillette, etc., par
£. Raoul, professeur du cours de cultures tropicales àTEcole colo-
niale. Paris, 1894, Challamel, l vol. in 8 avec gravures.
LesEgyntiens préhistoriques identifiés avec les Annamites,
raprès les inscriptions hiéroglyphiques, par le Général H. Frby, de
rârmée coloniale. Paris, Hachette^ 1905, 1 broch. in-8, 106 pp.
CARTES GÉOGRAPHIQUES
Carte schématique de l'Afrique occidentale, par k capitaine
Marchand. Paris, 1895, 1 feuille en couleurs.
Carte des Missions Decœur et Baud dans la Boucle du Niger
'W95), dressée par les Lieutenants Baud et Wermeerscii . Paris,
Hachette, 1 feuille en couleurs au 1.500.000^
Carte du Soudan Français, dressée parle capitaine Régnier,
laprè^ les travaux les plus récents des ofticiers du corps d'occupa-
tion, par ordre du colonel de Trentini.in, commandant supérieur
du Soudan. Paris, 1898, 1 feuille eu couleurs au 2.000.000».
Carte do Macina, du Ouidi, et du Yatenga, levée et dressé par
le C4)iniaandant Destknavk, résident de Baudiagara, avec Taide
iea documents antérieurs et des itinéraires des Lieutenants
Margaine. Voulet et Gaden. Paris, sans date, 1 feuille au
lOJO.OOO». • •
^rte topographique de la région de Tombouctou, dressée
l'ir P. VviLLOT, Paris, 1895,2 feuilles au lOO.OOO.
*^ Transnigérien. Le Bandauia et le Bagoé, carte levée et dress^'^o
^- W.)2 à 1S95 par le Capitiine Marchand. Parî*8, 1896
'-•etiilIeBen couleurs au ôOO.OOO** avec notice et index alphabétique.
'Ute des réglons méridionales de la Guinée et du Soudan.
Ppançais dressée parle Capitaine LEVA8><Ef:R .de 1 Infanterie de
'"^rine, d'après les travaux des officiers de la colonne expédition -
"iiredu Soudan, commandée par le Colonel Combes. Paris 1894,
^feuilles en couleurs, au 500.000".
352 OUVRAGES OFFERTS A LA SOCIÉTÉ
Carte du Niger, MissioQ de Timbuktu, levée et dressée par MM*
Caron Lieuteniint d(> Vaisseiiu et Lbfort Lieutenant d*Iiifiantarii<
de marine. Paris, 1887. 2 feuilles au 500.000".
Côte d'Ivoire. Carte de la région côtière. de Fresco au Cavillyj
le vôe et dressée par H. PoiiÉirûiN', administrateur colonial. Pkrii|,
IK'J5-I89r), 8 feiiilleH au 150.000 avec un tableau d'assemblage wi,-
500.000-
Carte du Dahomey, 1 feuille en couleurs au 100.000*" dressée per
les ofli«ii>r8 du c(>r[>s expédionnaire, bous la direction du Capîtâtot-
l^uivK, cliff d'Riat-Mojor.
Mission du Commandant Decœur entre le Dahomey et le Niger.
Paris, \HM, 1 feuille au 1.000.000'.
Carte du Con^ço français, dressée par Cii. Rouviek, CapitniDo4i
Fréu:att', d'après les travaux des explorateurs français et étrangm.
P.iris. 1SS7, 1 feuillo enrouleurs au 1.852.000».
Carte du Cong^o français, dressée par J. Hansen, d*Après les
itiiit-raircH des explorateurs, Paris. 18'.)5. 2 feuilles en coalenrsM
1.500.000'^' avec notice et index alphabétique.
Atlas des Côtes du Congo français publié pir le Sarviee géo*
^raplii(iue du Sous-Secrétariat d'Etat des Colonies Reconnaîssui
failli en suivant le rivage par Henri PonÉGUiN, chef de statioa;
181).) 1891. Pari^ 1803, 22 feuilles au 80.000'
SOCIÉTÉ
GÉOaRAPHIE COMMERGULË
IDXJ Ïi-A.VR.B
BULLETIN
XXII» Année. - 3' et ^" Trimestres 1 905
HAVRE
AU SIÈGE DE LA SOCIÉTÉ
131, RVE DE PARIS, 131
1906
SOMMAIRE
Une Expédition au Polc Sud. ]):ir '.v b' (JiA«r:)T .:
L'Autonomie du port du Havre, par M. I.AUur.Ni' Todtain 3
La Rénovation de la Chine et l'exemple du Japon, par M. Pii-rre
LKii.»Y-BEAn.ii:r 3
Nos pêcheries de perles et la mission de M.Seurat, par M.Rcnk Di.ju
La Lutte pour le Coton Colonial, j»ar M. 1>aul liouKDAUiE
Liste des ouvrages légués à la Société par M. J. Delamalle
Blibliographie
Ouvrages reçus à la Bibliothèque de la Société
Table des matières
RÉUNIONS
Les Réunici> du Comité oni lieu le 4->''' mercredi de chaque m>
excepte pendant les mois d'août et septembre.
Tous les membres de la Société peuvent y assister.
BIBLIOTHEQUE
La Bibliothèque de lu Société est OUVerte tOUS leS SOirSt cxcc]
les dimanches et jours fériés, de oh. i 2 à 7 h. 1/2 et de 8 h. 1, 2 a ic
l'outes les communications et tous les renseignements doivent t
adressés au Secrétaire général.
A*'.
SOCIÉTÉ
DE
i GEOGRAPHIE COMMERCIALE
Une E:3^pédition aa Pôle Sad
11)
Mesdames, Messieurs,
Je liens tout d*abord à accomplir ce qui n*est pas un de-
voir, puisque c'est unplaisir,c'est-à-direà vous remercier do
l'amabilité que vous avez ce soir en venant écouter lo récit
de noire voyage. Je vous remercie tout particulièrement,
Monsieur le Président, des paroles trop élogiouses que
TOUS venez de prononcer. Je vous suis particuli^^îrement
reconnaissant devoir pensé aussi à mes camarades. C*est
gràcre à mes camarades, à mon équipage, je le dis haute-
ment, que nous avons pu accomplir la tâche que nous avions
entreprise.
Je n'ai pas à revenir, je crois que cela est inutile, sur les
débuts de notre expédition. On en a parlé, et vous tous,
membres de Sociétés de Géographie, vous êtes au courant
11) Coorérence faite le 18 novembre 11M)5 devant la Société de Géographie
cm1« du Muvre.
gooiTÉ m oiooRAPHiB. — 3* et 4* trimestres 1905. 23
354 UNE EXPÉDITION AU POLE 8UD
des difficultés que nous avons rencontrées. Vous vous rap-
pelez que cette expédition, qui devait être une petite expé-
dition dans le Nord, est devenue, selon le vœu des membres
de rinstitut faisant partie du Comité d'organisation, une
expédition sur une plus vaste échelle, dans le Sud. Il fallait
beaucoup d'argent, et j'ai un devoir de reconnaissance à
remplir. J'ai obtenu cet argent grôce à la générosité d'un
de nos grand journaux Le Matin, grâce au Gouvernement
français, qui nous fournirent les moyens de faire notre ex-
pédition en ajoutant les sommes nécessaires aux 250,000
francs que j'ai dû mettre de ma poche.
Je ne veux pas faire l'historique des explorations au
Pôle Sud. Je dois cependant vous rappeler un fait. Une
année auparavant, des pays étrangers, l'Angleterre, la
Suède, l'Allemagne, s'étaient réunis dans un Congrès au-
quel, malheureusement, la France n'avais pas adhéré. On
avait décidé d'envoyer des expéditions étudier les mystères
du Pôle Sud. Nous avons voulu faire participer notre pays
à ces recherches et l'expédition française a été décidée.
Nous avons fait construire un bateau spécial, n'ayant pu
en trouver dans les pays qui construisent ces sortes de navi-
res etceux qui vont à la recherche de la baleine ; j'ai pensé
qu'il y avait là une expérience intéressante, celle de s'adres-
ser à un constructeur français. Un chantier de Saint-Malo
nous fournit un navire apte à ce que nous voulions faire, et
la meilleure preuve que ce navire était bon, c'est que lorsque
nous sommes revenus en République Argentine, dans ce
pays très au courant des choses polaires, les Argentins qui
avaient eu déjà l'occasion d'acheter un bateau norvégien ou
anglais, ont préféré un bateau de construction française.
Il y avait intérêt à prouver que nos marins étaient aussi
capables que ceux d'autres nations de participer à une ten-
tative de ce genre. Il y a de cela pas mal d'années, un
explorateur américain, mort dans l'expédition de La Jean-
UNE EXPÉDITION AU POLE SUD 355
nette, au moment où il armait son bateau, avait systémati-
quement refusé des marins de France et d'Italie. Les Italiens
ont prouvé ce qu'ils pouvaient faire, lors de l'expédition du
duc des Âbruzzes. C'était à nousde réhabiliter les Français;
léquipage Ta fait et très dignement, je puis vous l'affirmer.
Nous arrivons au départ même de l'expédition. Je vais
tâcher de vous faire revivre, avec moi, les quelques mois
que nous avons passés là-bas. Je ne veux pas vous faire
une conférence scientifique. D'abord il y a une certaine dif*
acuité provenant de ce fait, c'est qu'avant que nos travaux
scientifiques soient au point, il faudra de, très longs mois
de travail. Nous avons pu rapporter, pour toutes les bran-
ches de notre programme : hydrographie, gravitation, mé-
téorologie, magnétisme terrestre, électricité atmosphérique,
chimie de Teau de mer, histoire naturelle, bactériologie,
des documents très abondants. Il faut six à sept mois pour
1^ mettre au net. Je crois qu*il est plus intéressant pour
TOUS de vivre pendant ces quelques minutes les mois que
nous avons passés là-bas, et de participer à la vie deTexplo-
ratenr dans ces régions.
La région vers laquelle nous allons nous diriger a été ex-
plorée de longue date par des baleiniers. Il y a un nom que
je dois vous rappeler, celui de Dumont d'Urville, quia
découvert ces terres. Puis un baleinier anglais, Biscoe, puis
1 expédition russe de Bellinghausen.Une exploration que l'on
doit toujours citer,c'est celle de La BelgicayCommandée^ar
deGerlache. Ce fut la première expédition scientifique mo-
d«rne qui ait eu la gloire d'hiverner dans les régions antarc-
tiques. Cette expédition deLa Belgica a découvert un détroit
qui porte le nom deson commandant: le détroit deGerlache.
Si vous voulez suivre notre trajet sur la carte et vous en
soa?eoir, vous verrez que, atterrissant aux Shetland^ nous
*jffln>e« arrivés à une île, l'île Low et à l'archipel de Pal
«er. Nous avons relevé lescôtes extérieures de cet archipel .
356 UNE EXPÉDITION AU POLE SUD
C'est ua travail d'une certaine importance.. G*est ici que
doivent atterrir tous les baleiniers ou les bateaux d'explo-
ration qui viendront dans ces régions. Il était important
d'en faire la carte. Nous nous sommes dirigés vers l'extré
mité du détroit de Gerlache et c*est dans l'île Wandél que
nous avons hiverné. Nous avons étudié cette région, puis
par des raids sur la glace nous avons relevé une partie de
cette côte. Nous nous sommes dirigés ensuite vers la terre
Àlexandre-I®'^ que nous avons pu relever et dont nous avons
fait des croquis. Et enfin, revenant, nous avons découvert
un promontoire auquel nous avons donné le nom de Prési-
dent Loubet, nous sommes remontés dans le détroit de
Gerlache et nous avons pu regagner la République Argen-
tine, employant ainsi les seize mois de cette expédition.
Le 15 août 1903, Le Français quittait le port du Havre.
H y avait quelques minutes que nous étions sortis des jetées
lorsque l'amarre du remorqueur venant à casst«r,un des hom-
mes fat tué sur le coup: c^était le pauvre Maignan . Nous arri-
vons à Brest. Le préfet maritime a bien voulu mettre à notre
disposition un remorqueur de l'Etat. Là encore un accident
d'amarre a causé la mort d'un homme. Nous arrivons à
Pernambuco. Noos étions quittés, à la suite de divergences
de vues, par le commandant de Gerlache, qui entraînait
avec lui deux naturalistes. Nous avons télégraphié en
France et deux autres sont venus les remplacer.
De 16 nous allons à Buenos-Aîres. L'arbre de coucha cas-
se : nous avons un bateau anémié, monté par des hommes
tristes et inquiets de la malchance qui semblait les poursui-
vre. Il semble qu'en touchant le sol delà République Argen-
tine la mission ait retrouvé la bonne fée nécessaire à la réus-
site de l'expédition, la bonne fée qui préside aux destinées
de ce magnifique pays, de ce pays qui joint la générosité A
rénorme travail, de ce pays qui donne un démenti à ceux
qtii prétendent que les races latines sont en décadence. La
vUe EJCP^DITlON AU t>6LE fet'O 35?
oialchance nous a quittés et nous n'avons eu que du bon-
heur. Â Buenos-Aîres, nous avons obtenu l*aide matérielle,
nous avons été réconfortés moralement et nous avons eu
ie grand exemple donné parles marins de L'Uruguay ^ qui
S'Ont revenus, rapportant dans un magnifique coup de filet
XordeDskjold et ses compagnons*
Nous quittons Buenos-Aires le 23 décembre, après avoir
reçu uDBaide matérielle considérable* On nous avait donné
lescbiensde Nordenskjold. On avait mis à notfe disposi-
tion un bateau de TEtat qui nous portait à Ushuaia le char-
bon, les lettres et les dépèches. Nous allons sur Ushuaia.
C'est une petite ville^ nous y recevons la même réception que
dans le reste de la République Argentine^ et nous nous di-
rigeons vers une baie importante au point de vue français»
la baie d*Orange. Cest dans cette ,baie que Texpédition de
La Romanche a hiverné en 1882-1883. Nous y avons séjour^
Dé pour régler nos instruments afin que nos observations
concordent avec celles de nos prédécesseurs. Puis nous
QOQs dirigeons vers TAntarctique et, après une traversée
très dure, nous parvenons en vue des Shetland du Sud^
Remarquez cet iceberg de forme tubulaire.Dans les régions
arctiques, les icebergs ont des formes diverses et variableSi
Dans l'Antarctique, presque tous ont cette forme presque
géométrique. Ces icebergs viennent de glaciers qui coulent
lentement à la mer. Ils ont des hauteurs de 30 à 40 mètres.
C'est une masse énorme de glace : il y a quelquefois sous
ieau 10 à 11 fois leur hauteur au-dessus de l'eau.Ils peuvent
Btleitidre plusieurs kilomètres de superficie.
Nous commençons à côtoyer la terre de Tarchipel de Pal-
lier et à en faire rhydrographie. Presque partout, vous avez
affaire à une falaise de glace de 30 mètres de hauteur, in-
abordable, avec, par ci, parlé, une petite plage de galets
sur laquelle on peut aller di£Bcilement pour recueilKr quel*
<|ue8 échantillons. Nous avoQs côtoyé 6t relevé cette terre
358 UN EXPÉDITION AU POLE SUD
avec beaucoup de difficultés, car nous avions du brouillard
et du mauvais temps. Par suite de notre expédition hâtive-
ment préparée, notre machine économiquement achetée
nous a donné du mal. Nous avions à lutter contre des
avaries de chaudière. Ce n'était plus un bateau À vapeur que
nous avions, c'était presque un bateau à voiles. Donc le
temps fut assez long pendant ce relevé hydrographique.
Nous nous trouvions dans une région semée de ces énor-
mes icebergs. Nous arrivons à la baie des Flandres. Pen-
dant onze jours, les hommes, jour et nuit, ont travaillé
dans la machine. Amarrés par des ancres à glace à une ban-
quise très compacte, une amarre portant sur un rocher qui
émergeait, nous étions en butte au choc des icebergs et
sous la menace perpétuelle des avalanches. Cependant nous
avons pu réparer tant bien que mal les avaries survenues
p3ndant notre première traverséeet commencer nos travaux.
Le temps qu'il a fallu séjourner dans cette baie n'a pas été
perdu.
Nous nous dirigeons vers le Sud, avec l'intention de
prendre nos quartiers d'hiver aussi loin que nous pourrons*
Nous nous engageons dans un petit détroit espérant ga-
gner les îles Biscoe* Vous voyez le magnifique paysage du
cap Renard, d'une hauteur de 850 mètres. D'abord facile,
la navigation devient plus difficile ; les glaces commencent
à apparaître. Un bateau comme le nôtre, avec un avant
construit exprès, passe facilement à travers les glaciers sé-
parés, mais on ne peut percer un vrai glacier. C'est en
poussant vers le large que nous nous dirigeons vers le Sud»
Nous sommes obligés d'entrer en pleine glace. C'est la na-
vigation polaire dans toute sa beauté, mais c'est un peu
diffioile.
Avec l'avant du bateau nous brisons les grands mor*-
ceaux de glace, et, bien souvent, les pingouins étonnés
s'enfuient en poussant 'de petits cris. Quelquefois ce sont
miE E XPÉDITION AU POLE SUD 359
des phoques qui lèvent la tète; ils nous regardent passer et
rentrent dans leur sommeil. L'arrière du bateau laisse un
long sillage et les glaces se refermant, la grande plaine
I blanche reprend son habituelle uniformité. Nous arrivons
à une banquise compacte, à travers laquelle nous ne pou-
roDS plus passer. Nous laissons nos chiens se promener
sur la glace ; ils en profitent pour taquiner un malheureux
phoque qui ne leur fait aucun mal. Nous avons devant les
yeux un paysage très pittoresque, très beau ; mais passer
avec un bateau dans ces glaces est chose impossible. Nous
ne pouvons pas continuer, d'autant plus que nous ne voyons
nulle part un point où il soit possible d'établir nos instru-
ments.
Nous sommes assaillis par une terrible tempête du Nord"
Est, qui souffle avec une violence inouïe. Les coups de
vent durent en général quatre ou huit jours, mais un a
duré trente-neuf jours de suite. Pendant ce temps, Tatmos''
phère est embrumée, une neige fine pénètre dans la peau,
dans les yeux, et empêche de voir à quelques mètres. Vous
pouvez vous rendre compte des dangers d'une telle naviga-
tion, alors que la mer est embarrassée d'icebergs* Nous
avons pu en compter jus^'à 300 en vue> certain jour^
Nous arrivons à l'île Wandel, qui était particulièrement
bien située pour un hivernage (vous en voyez le panorama)
Elle était bonne pour l'hivernage parce que, le trouvant
face à la mer, les observations niéiéorologiques étaient
prises dans de bonnes conditions ; puis, c'était le seul en^
droit où nous étions sûrs que nos instruments reposent sur
_la terre ferme. De plus, il y avait une petite anse juste assez
grande pour abriter notre bateau. Cette petite anse avait
7 mètres de profondeur. Le bateau se trouvait protégé des
vents du large par la colline. Une chaîne que nous avions
tendue à l'ouverture de l'anse nous protégeait de la glace
et des boules. Lorsque le vent soufflait du Nord-Est, lea
360 UNE ïl'XPIEblTlON At 1>ÔLE ât^fa
glaces venaient s'accumuler contre la chaîne, et formaient
une sorte de digue qui empêchait lés autres glaces de briser
le bateau, et nous nous trouvions dans une sécurité rela-
tive.
Vous voyez une photographie du bateau en hiver. Voici
un petit iceberg : c'est un bloc très suffisant pour écraser
le malheureux Français, Le bloc a été retenu par la chaîné
A côté, contre la paroi du rocher, nous avons construit
une route à laquelle on accédait par une passerelle. Elle
était carrossable. Nos traîneaux, de 45 centimètres de lar-
geur, pouvaient y passer facilement. Nous l'avons appelée
avenue Victor-Hugo. Il fallait prendre certaines précau-
tons. Le bateau pouvait être broyé ou devenir victime
d'un incendie. Nous avions donc besoin d'un abri à terre
avec les vivres nécessaires jusqu'à ce qu'on vienne à notre
secours. Les chiens sont attelés. La maison est débarquée
et nous parlons vers l'intérieur de l'île. Ce n'est pas un tra-
vail aussi facile qu'on peut le croire, il faut briser une
couche de glace de plus de 4 mètres pour trouver une base
solide. Mais notre maison est terminée ; telle elle est encore
à l'île Wandel, avec des vivres et des provisions pour ser-
vir dé point de refuge s'il nous fallait revenir : pour servir
aussi aux explorateurs futurs qui y trouveront un secours.
Pour nieltre nos vivres en sécurité, nous avons construit
un abri avec des blocs de glace coupés à la pioche ; nous
avonsconstruit un magasin,recouvert avec des toiles è voile,
Ts'ous avions une épicerie artistiquement organisée ; les pAtés
de foie gras, les confitures, etc., ont joué un grand rôledans
notre destinée. A terre, tout près de notre magasin géné-
ral, nous avons construit un village groënlandais : des
maisons de glace, servant d'abattoirs, de boucherie, et des
hangari pour mettre la graisse. C'étaient les phoques et
les pingouins qui nous servaient pour notre nourriture et
celle des chiens. Lear grahse nous était utile pour écomy*
ÛN'k tXPÉDtTION AU 'POLË SUD 361
fftwW le combustible. Pour nos chiens, nous avions fait
^ une niche, mais ils préféraient coucher au dehors.
Nous avions une assez grande quantité de mélinite que
le Gouvernement français avait bien voulu nous confier.
Aous lavons installée loin du bateau. Nous avons eu beau,
luettre un petit drapeau rouge^avec unécriteau «dangereux»
les pingouins sont venus installer leurs nids à côté. Nous
BV0D8 installé notre observatoire scientifique, que nous
ivûns appelé Observatoire Lockroy, formé auto^jr d'un
point [central, la cabane magnétique en bois et en cuivre
pour ne pas faire dévier Taiguille aimantée. Il y avait des
Appareils installés pour la météorologie, l'électricité atmosr
[ibérique, etc.
Il nous fallait songer à notre nourriture. Il y avait à
bord des vivres en grande abondance. Il y avait à terre de
la viande fraîche. Ce sont les phoques et les pingouins
qui en ont fait les frais. C'était un chagrin de les sacrifier,
mais c'était une obligation. Une fois les phoques tués, ont
les faisait tirer par les chiens. Ils étaient amenés à la
boucherie et la viande était ainsi conservée dans une gla-
cière naturelle et économique. Les pingouins avaient une
cbair excellente. Une autre ressource, c'était la pèche, au
moyen d'un trou pratiqué dans la glace. Pendant l'hiver
D0U8 avons péché jusqu'à 36 poissons dans une seule
journée.
Ils avaient aussi un intérêt scientifique, et vous voye?
ces poissons qui sont en train de sécher. Enfin, tous les
jours, régulièrement, une corvée d'hommes était chargée
d'aller cbercherdela glaceaussi belle et aussi propre que pos-
sible. Dans ces régions, il n'y a pasde sources d'eau fraîche.
Il fallait faire notre eau douce. L'eau que nous avions
était très pure, mais lorsque les hommes oubliaient de se
bvar les mains ou que les récipients avaient contenu du
iboque ou du «pélroie) nous étions obligés de boire de
.%2 tJNE EXPÉDITION AU POLE SUD
cette eau. Cette glace était placée dans un récipient g
devait servir à laver le linge. Le feu était allumé avec de i
graisse de phoque ou des pingouins tout entiers. Cétai
une grosse économie. Grèce à cette eau que nous avioni
économiquement^ les hommes lavaient leur linge. Ibs
avaient des soins de propreté corporelle, et c*était unedei
choses des plus curieuses que de voir tout l'équipage, par
39 degrés au-dessous de zéro, dans le costume leplussim*
pie, se laver avec de l'eau chaude, sur la glace. Ce n'estpas
aussi pénible que cela peut en avoir l'air. Ce qui était plas
difficile, c'était de faire sécher le linge. Nous avions essayé
de l'étaler à l'air. Immédiatement, tout devenait aussi dur
que des planches ; on aurait pu en construire des maisons.
Il a fallu se résoudre à le faire sécher près des poêles qui
étaient dans le bateau.
Une grande activité régnait parmi nous ; il fallait aug-
menter le poste, mettre des doubles portes partout, réparer
tes petites avaries qui avaient pu se produire. On a cons-
truit des instruments de toute espèce. Vous ne pouvez pas
imaginer la quantité d'objets fabriqués par les hommes. La
forge, le tour n'ont jamais eu un seul instant de repos.
C'était pour les hommes, un plaisir et une distraction
d'avoir un travail qui les amusât. En dehors de ce travail*
il fallait entretenir notre village de glace, déblayer la routet
souvent encombrée par la neige. Lorsque le bateau était
bien enfermé dans la banquise, nous étions tranquilles^
Cela ne durait pas longtemps. Un grand coup de vent
brisait la glace la plus épaisse, et nous étions en danger*
^Les blocs de glace venaient frapper contre les parois. Nous
étions obligés d'envoyer des hommes pour protéger le
bateau, pour briser, à coups de pelles et de pioches, les
glaces. Nous avons passé des heures de grande inquiétude
D'autre part, après ces grandes tempêtes, il y avait une ac
cumulation de neige sur le bateau. Il fallait plusieurs {ow
UNE eXp Édition au pôle -sud 36â
pourdéblayer.Ëofîn, si Téquipage était occupé, nous-mêmes
étions absorbés par les observations scientifiques, qui
étaient le véritable but de notre expédition, et les hommes
nous aidaient.
Vous voyez Tobservatoire de M. Rey. Ici un de« hommes
faisant passer devant Tobjectif un énorme pétrel, de 2°^50
de large. 11 a été empaillé par Turquet, pour enrichir nos
collections. Vous me voyez en 4rain de chercher de Teau
de la fonte d*un iceberg, pour en examiner les microbes.
M. Matha, lieutenant de vaisseau, fait de l'hydrographie,
et vous devez vous rendre compte de ladifiBculté, avec 30 de-'
grés au-dessous de zéro, quand il faut toucher au métal des
instruments. Enfin^ nous avons fait, avec PleneauetGoua-
don, de longues excursions sur la glace, au moyen de skis
(grands patins en bois) qui permettent de marcher rapide-
ment sur la neige et de passer sur des couches de glace peu
épaisse, qui ne supporteraient pas un homme, sans cela.
Ces excursions nous ont conduit loin. Elles nous permet^
taient de recueillir des échantillons géologiques^ classés
par M. Gouadon ; elles nous permettaient aussi de faire
des photographies. Notre photographe, Pléneau, en a rap-
porté plus de 4^000. Pendant ces excursions, nous nous
livrions à de longues conversations qui portaient générale-
ment sur des problèmes de philosophie transcendante^
Lorsque le soir était venu, on nous apportait la soupe. Elle
était dévorée avec le plus grand appétit dans la salle qui
nous servait de salle à manger, de salon et de bureau. Dans
cette salle, le meuble le plus soigné est le poêle. Enfin*
vous voyez accumulés des vêtements, des bottes, des four-
rures mouillés par la neige, etc. Vous voyez deux de mes
collaborateurs en train de jouer avec un de nos chats.
L'un est couché malade dans sa caisse ; Tautre était
bien portant Ils avaient été amenés pour faire lâchasse aux
rais €|Ui ont vécu avec nous. Ce chat bien portant était très
364 UN£ EXPÉWriok au pôle svb
bien avec les rais, et nous Tavons trouvé couché avec une
rate qui était en train d'allaiter ses petits. Vous voyez aussi
le portrait de notre Président, M. Loubet, qui avait bien
voulu nous aider le premier dans notre entreprise*
Pendant le repos, nous avions souvent des visites. Vous
voyez deux de nos chiens ; nous avions un autre compa-
gnon, un autre visiteur, le cochon Tobie. C'est un cochon
illustre. Il avait fait partie de l'expédition de L'Uruguay. A
notre départ de Buenos-Aires, le commandant Prizar le
lança dans notre bateau en disant : « Il a été notre Mascot-
te, il sera la vôtre ». Il est mort le 11 décembre. Nous
l'avons beaucoup regretté. C'est le seul membre de l'expé^
dition antarctique qui soit là-bas dans les glaces 1
Il fallait trouver pour les hommes une occupation pour
le soir, chercher à les distraire. Nous avons institué une
série de cours. Tous les soirs, pendant neuf mois de séjour,
nous allions, trois de l'état-major et moi, donner des le-
çons à l'équipage. De cette façon nous avons instruit les
hommes. Il y en a deux qui sont en état de passer Texapien
de capitaine au long-^^ours. Non seulement nous les avons
instruits, mais nous pouvions, par ce -moyen, tout en gar-
dant les distances, causer avec eux, savoir leurs désirs, leurs
peines, leurs petits chagrins et y parer sans en avoir Tair.
Les quelques heures ainsi passées tous les soirs ont été très
agréables, et je crois que les hommes en ont conservé un
excellent souvenir. Il ne se passe pas une semaine sans
que je reçoive une lettre de ces braves gens, qui me rappelle
le bon temps de lô-bas.
Les soirées dans le poste se passaient aussi à s'amuser.
Un de nos matelots fait un petit modèle de bateau. Le
Français était devenu un véritable musée de marine. Il
fallait soigner aussi les chiens. Enfin, quand on n'avait rien
à faire on se faisait couper les cheveux ; les hommes lais-
saient |)0U8ser leurs cheveux pour avoir le plaisir de se les
UNE EXPÉDITION AU POLE SUD 385
Wrecooper. Les jours de fête, à^ nos anniversaires, à ceux:
des hommes, aux fêtes nationales, le bateau était pavoisé,
le i4 Juiltet, le 25 mai, fête de la République Argentine,
on bavait du Champagne. Ces fêtes étaient accompagnées
deséances sportives, on faisait des courses remarquables.
Leshommes oot parcouru des kilomètres et des kilomètres^,
etméoies des médailles ont été décernées ; la première était
eo enivre; la seconde était en for blanc ; la troisième n'avait
qu'un simple diplôme. La plus franche gaité régnait entre
l'arrière et Tavant. Même pendant Thiver, nous avions des
camarades qui nous ont été d*un grand secours, ce sont les
cormorans. Vous les voyez installés sur leur nid, très élé-
gants. Ce sont d'excellents ménages. Le mari et la femme
passent leur temps à se bécoter, à se faire des manières.
Ce sont des animaux très exacts ; ils partent et reviennent
tous les jours à la môme heure. A leur retour nous étions
sûrs qu'il était juste trois heures un quart. Ces animaux
construisent leur nid avec des algues qu'ils vont chercher
su fond de la mer. Ce sont des merveilles d'architecture.
Nous avions d'autres camarades, les chionis, ressemblant
à des pigeons aux pattes palmées. Ils sont sur un glaçon, à
l'arrière du bateau, mangeant les détritus que nous jetons.
Ils venaient même à bord manger dans notre main. Voici
d'autres photographies de cormorans : les petits vont cher-
cher leur nourriture dans le gosier de leur père et de leur
mère. Voici les phoques ; nous en avions suffisamment
pour notre alimentation et pour le combustible. En voici
une des bandes les plus nombreuses. 45 ou 46, de 3 ou 4
espèces. Nous avons pu rapporter quelques échantillons de
toutes lesespèces. Ce sont des animaux extrêmement bons,
il faut les taquiner beaucoup pour les forcer à faire la gri-
mace. C'était un gros chagrin de les sacrifier. Lorsque la
mer est prise, les phoques font avec leur crêne, un trou, et
viennent respirer à lasurlace de l'eau. 11 arrive quel({uefoi8
366 UNE EXPÉDITION AU PO LE SUD
que vous passez au travers de ces trappes ; lorsque vous
sortez de l'eau les vêtements gèlent immédiatement et vous
vous trouvez dans une armure économiquement fournie.
Nous étions entourés fréquemment parla glace. Vous voyez
l'aspect de cette banquise semée d'icebergs. Cela ne durait
pas toujours; un coup de vent de N.-E., la houle brisait
tout cela. Quelques heures après lorsque la tempête était
calmée, celte banquise était détruite, c*ëtait extrêmement
désagréable et gênant. Quand nous partions, nous n*avions
jamais la sécurité de pouvoir revenir, et c'est ainsi que Tild
fut séparée de notre navire pendant soixante jours. Puis
la mer était prise de nouveau ; la gelée revenait. Voici de
la jeune glace formée en quelques heures, des losanges
entrelacés les uns dans les autres. Vous voyez sur les bords
de ces morceaux de glace le givre qui est venu s'accumu-
ler, formant des fleurs très élégantes. Voyez le long d'un
paratonnere l'accumulation de givre produite en quelques
heures.
Malgré les difficultés, nous avons fait de grande s" excur-
sions le long des falaises de glace, même en plein hiver.
Au début, nous prenions de grandes précautions pendant
ces excursions, nous attachant avec des cordes dans le
cas où l'on serait tombé. Puis nous avons supprimé ces
précautions; ces excursions étaient limitées à la destruc-
tion des glaces dues à la houle. Aussi nous avons pris une
baleinière ; c'était pénible et dur. En effet, quand il fait
39<» de froid et qu'il faut manier des avirons et des gaffes,
on souffre de l'onglée. Nous avons pu arriver à une petite
îleavoisinante pour établir un poste de vivres. Nous avons
construit une maison. Voici comment elle était faite : deux
grands rochers séparés par une fente. Nous avons bouché
la partie antérieure de la fente ; nous avons fait de même
à l'arrière ; le tout a été recouvert d'une toile à voile, nous
avons mis notre pavillonet nous sommes entrés dans notre
UNE EXPÉDITION AU POLE SUD 367
demeure. Nous y avons vécu des semaines. Vous me voyez
en train de faire la cuisine : c'était pour tricher sur les
vivres. Il fallait économiser, au cas où un accident serait
survenu. Cette cuisine était appréciée alors, mais lorsque
nous sommes revenus, les camarades prétendaient qu'elle
était ignoble. Nous ne possédions qu'une seule casserole :
OQ y faisait tout. Le lendemain matin, il y avait les restes
de la veille, le tabac qui avait pu y tomber, du sucre, du
café, de la viande. C'était très bon pour la santé, mais une
fois revenu dans lespays civilisés, on trouvait cela inférieur.
De nombreuses ascensions ont été faites et nous avons pu
faire des observations intéressantes. Elles étaient faites par
M. Gouadon et un guide des Alpes. Cette photographie a
été prise à 850 mètres de hauteur. Dans un coin vous voyez
an petit point noir, c'est Le Français et notre station d'hi
remage.
Dès que le printemps fut arrivé, nous avons été visités
par les véritables habitants de l'Antarctique. Ce sont les
pingouins. Il y en a des milliers et milliers. Ils viennent
s installer en villages. Ces pingouins ont un aspect bizarre, .
Grotesque. Les premiers explorateurs les unt comparés à
des petites filles avec des tabliers blancs, d'autres à des
dominicains, fissent très drôles, très intéressants. On a tort
de comparer les hommes aux pingouins, c'est une injure
que l'on fait à ces animaux. Ils sont très doux, très bons et
ne se font jamais de mal l'un à l'autre. Ils ont environ 70
centimètres de hauteur. Vous les voyez en train de se pro-
mener sur la glace. Ils vont à leurs affaires, qui consistent
A chercher leur nourriture et celle de leurs petits. Ils
prennent toujours le même chemin et finissent par creuser
ie véritables sentiers (vous voyez ces sentiers aboutissant
iî l'eau). Puis les pingouins se groupent avant d'aller se
lancer à la poche .
Après une conversation très vive et très animée, ca r je
UNE EXPEDITION AU POLE SUD
croîs qu^ils communiqueiit entre eux, Tun d*eux poas
un certain cri répété par tous les autres, et tous se jetteo^
l'eau. Ces animaux sont merveilleux, une fois dans VeB'*
ils remontent ô la surface pour redescendre et ce n'est p^
à tort que Michelet les a appelés oiseaux-poissons. Ils sail
tent sur les rochers et les sauts qu'ils font ?ont étonnants -
2™ 50, s'il vous plaît ! Us remontent à leur village, ils grim
peut sur leurs rochers à l'aide de leur bec et de leurs aile-
rons. ,^
Vous les voyez regardant avec mépris ce pétrel. Le pétrel
joue le rôle d'employé des pompes funèbres. Dès qu'un pin-
gouin est mort, le pétrel engloutit le cadavre. Ce sont de
magnifiques animaux ; ce sont aussi des animaux gauche
et ridicules. Il leur faut un élan pour se lancer ; il leui
faut un petit tremplin. Mais une fois qu'ils se mettent i
planer, ils planent d'une façon merveilleuse. Les pin:
gouins, quand nous allions les visiter, nous envoyaient ud(
députation, et nous entrions dans leurs villages, et c'était
avec eux de longues conversations. Vous me voyez w
train de leur raconter les merveilles de Paris I
Pour couver leurs œufs, les pingouins construisent à&
nids : ce sont des petits murs de pierre. Un petit cercle, fai
avec de petites pierres,juste suffisant pour empêcher lesœuù
dérouler. C'est un travail dur et difficile pour eux. C'est
peut-être la seule cause de discussion entre les pingouins
Cette question de mur mitoyen est très grave et les autre)
pingouins se mettent contre le voleur, quand, ce qui arriva
fréquemment, une pierre est dérobée au nid du voisin
Lorsque les nids sont construits, les pingouins pondeo
leurs œufs, et vous allez voir de petits pingouins soigné
par leurs parent*^. Tantôt le père va à la pêche, tantôt la mèr(
Ceux qui restent s'occupent des petits et les protègent cor
tre le vent. Lorsque les petits deviennent plus grands, h
deux parents vont à la pèche et des gardiens spéciaux s
UNE EXPÉDITION AU POLE SUD 369
char«[enl de sept ou huit pingouins. Le pingouin nourrit
son enfant de la môme façon que le cormoran. Quand un
petit pingouin grandit, il est ridicule quelque temps, mais
bientôt son duvet tombe et il devient aussi élégant et aussi
propre que ses parents.
Il y avait aussi des mouettes et des mégulestris. Ce sont
des oiseaux ressemblant au corbeau. Ce sont les ouvriers
de la voirie. Los pingouins étaient devenus nos amis ; vous
les voyez en train d'écouter une d»js nombreuses auditions
de phonographe. Ils semblent apprécier beaucoup le talent
de lartiste puisque l'un d'eux est entré presque entièrement
dans le pavillon, probablement pour l'entendre mieux.
Nous voici arrivés au printemps. Les excursions devienr
nent de plus en plus fréquentes. Nous avons découvert
celte jolie grotte. On y pénètre avec une embarcation en
toile. C'est merveilleux de lumière. Dans l'Antarctique les
couleurs que l'on voit très peu sont le blanc et le noir. La
glace est bleue et prend des teintes variables suivant l'état
du ciel. Nous voici dans l'intérieur de la grotte avej de
grands stalactites.
C'est au printemps que les pingouins pondent des œufs.
Nous leur prenions leurs œufs et nous les mangions.
C'est ainsi qu'en trois mois, nous avions absorbé 8,000
œufs. Les pingouins n'étaient pas contents, mais c'est
avec plaisir (jue nous voyions nrriviM' les oinelettos sur
notre table. C'est au printemps (|ue la rare végétation de
l* Antarctique se montre : mousses, lichens, graminées.
Ce sont des espèces très intéressantes. C'est le moment ou
jamais de tenter notre raid vers le sud. Nous voulions savoir
si le grand détroit de Bismarck existait là où le supposait
de Gerlache, ou n'existait pas, ou se trouvait ailleurs. Nous
voulions y aller sur la glacn, mais les moiliticalions de
cette glace ne permettaient pas d(î le faire à pied. Il fallait
le faire avec une embarcation. Pour cette expédition, nous
24
370 UNE EXPÉDITION AU POLE SUD
étions cinq: deux collaborateurs,deux matelots et moi-même
II fallaitporterdesvivres, une tente. Nous commençons alors
uue navigation très difficile et très pénible. Il faut traverser
cette accumulation de glaces et, pour faire 30 mètres, il faut
deux à trois heures. Nous arrivons à la traverser en pous
sant avec les avirons et nous flottons en mer libre; la navi-
gation devient plus simple.
Nous longeons cette grande muraille de glace ; notre
route est par ce petit détroit. Nous voilà bientôt repris dans
la glace. Il faut recommencer le dur métier de pousser la
glace. Le soir, nous établissons la tente, où nous passons
une nuit mouvementée. Le dégel arrive et nous nous réveil-
lons dans une mare d'eau : les casseroles flottent. Mais ce
qui est plus grave, c'est que nous avons un trou dans notre
embarcation.Nous la réparons avec une boîte de conserves,
au grand étonnement des pingouins. Nous arrivons à no-
tre second campement ; un pingouin, étonné, vient voir le
spectacle et va en chercher deux autres. Le lendemain,
nous continuons notre route, mais pas pour longtemps, en
eau libre. Il va falloir cheminer sur la banquise. Ce n'est
pas facile ; l'embarcation pèse 900 kilogrammes. Nous
hissons l'embarcation sur la glace et nous la tirons centi-
mètre par centimètre. La glace est formée d'une première
couche mince pouvant supporter le poids de deux hommes.
Deux hommes se mettent en avant et deux à l'arrière. Cette
couche est séparée d'une autre par 25 centimètres d'eau, de
sorte que, quand la glace casse, on se trouve dans l'eau et on
n'avance que de quelques centimètres à la lois. Quelquefois
nous faisions 50 mètres d'une seule poussée. Quelquefois
aussi, nos bras étant insuffisants, il fallait installer un pa-
lan pour dégager notre embarcation et reprendre notre route.
Nous l'avons fait pendant des heures et des heures, travail-
lant de douze à dix-huit heures par jour. Nos corps, cou-
verts de sueur, se transformaient en carapaces de glace, et
!
UNE EXPÉDITION AU POLE SUD 371
nous n'avions pas de temps à perdre. Nous avons vécu douze
jours entièrement dans l'eau jusqu*aux genoux,sans sécher
nos habits, et aucun de nous n*a songé à se plaindre. La
seule chose qui nous ait fait souffrir, ce sont les ophtalmies:
nos yeux ont souffert énormément; il semblait que nous a-
vioDs une poignée de poivre que nous ne pouvions enlever.Il
fallait entourer nos yeux d'un bandeau, et l'un de nous diri-
geait. Malgré cela, la gaité n'a pas cessé une minute de régner.
Les pingouins sont venus nous rendre visite. Quand ils
sont pressés, ils se couchent sur le ventre, et avec leurs
ailerons, se poussent en avant. Nous sommes au cap Tuxen,
à 800 mètres de hauteur. Derrière ce cap, nous avons vu
et exploré une côte, qui âe continue, et c'est l'embouchure
orientale du détroit de Gerlache qui est le détroit de Bis-
mark découvert par le baleinier allemand Dalmann. Ce
sont les Allemands, dans une expédition, qui ont retrouvé
pour la première fois ^t ont prouvé l'existence de l'île de la
Circoncision, découverte en 1786, et ce sont des Français
qui ont prouvé l'existence de ce détroit de Bismark, décou-
vert par un Allemand en 1873. Nous sommes donc quittes
de ce côté .
L'intérieur de notre tente : c'est là, où après le dur tra
vail, nous nous couchions et nous passions des heures agré
ables dans des sacs en peau de renne. Nous avons pris une
photographie dans la région qui nous entourait; ce qui était
considéré comme un détroit n'était qu'un énorme glacier»
Xous revenons à bord parle même procédé avec des petites
variantes, au grand étonnement des phoques, nous arrivons
à un petit groupe d'Iles, et nous trouvons un détroit avec une
barrière : c'est un énorme iceberg. Cet iceberg nous rap-
pelle un souvenir : au moment où nous avons passé, il a
commencé à osciller, et on putcraindre qu'il chavirât, et si
une masse semblable s'était retournée, notre embarcation
aurait été coudée et brisée. Nous revenons à bord et nous
1,72 UNE EXPÉDITION AU POLE SUD
pouvons le bateau en plein armement. Le lieutenant Ae
vaisseau Matha avait tout préparé pour la campagne d'ét^-
La cheminée avait été remise à sa place, la voilure réparée
et des provisions avaient été ramenées à bord.
Nous construisons à terre un cairn sur lequel noas
mettons une plaque commémorative avec nos noms, et
qui servira de point de départ pour une exploration qui
aurait lieu dans ce pays. Mais lorsque tout cel i est terminé»
le bateau est toujours enfermé dans la glace. Le seul moyen,
c'est de faire un chenal dans celte glace, de creuser un
petit canal qui permettra de gagner l'eau libre. Four cela
nous commençons par nous servir de la mélinite, mais cela
fait beaucoup de bruit pour rien. Ce sont de gros trous qui
sont produits par cette explosion. Ce ne sont pas les fentes
que nous espérions. Cependant nous avons pu nous servir
plus efBcaceinent de la mélinite et déterminer des fentes.
Le travail n'allait pas vite. Nous avons pris le vieux moyen :
les scies, les pioches et les pelles, et'nous avons creusé ce
chenal. Ce chenal nous servait aussi pour la pêche. Enfin,
le 17 décembre, le chenal est grand et vaste. Un petit coup
de vent du sud, et la glace sera enlevée. Les dernières pro-
visions sont amenées à bord, le bateau va être prêt à partir.
Nous restons un jour de plus, c'est le 25 décembre. Noël
est célébré au moyen d'un arbre en carton que l'on avait
pris au départ. Après avoir réveillonné, l'arbre a été porté
dans notre maison. C'est le seul arbre du Pùle sud !
Le lendemain matin, à (juatre heures, je suis monté sur
la petite colline pour dire adieu à notre île. C'est une partie
de nous-mêmes que nous quittions. II faut dire adieu à une
vie pour entrer dans une autre. Cela a été pour nous un.
chagrin, une émotion de (luittercet endroit où nous avions
été très heureux et où nous avions pu accomplir la tâche
que nous nous étions proposée au départ. Le pavillon de
pilote a été hissé au mAt de nysaine. Nous nous sommes
UNE EXPÉDITION AU POLE SUD 373
dirigés vers le Nord, cir l'état des glaces était tel que nous
De pouvions passer par une autre direction. Nous espérions
trouver un chenal au large, qui nous permette de revenir
vers le sud, et nous arrivons dans une petite rade que nous
appelons Port-Pingouin, avec un excellent mouillage. C'est
unedécouverte importante. Nous avons eu la chance de
trouver ce mouillage où des baleiniers pourraient s'installer^
Je ne manquerai pas de dire combien cette pêche doit ètfe
utile. Les Argentins font une pèche à la baleine très impor-
tante, qui représente un chiffre considérable.
Nous nous dirigeons vers le large. Nous passons près
d'un iceberg qui dépasse 95 mètres. Nous sommes pris par
m de ces effroyable tempêtes dont je vous ai déjà parlé.
Ad lieu de rester au vent, nous venons nous mettre ô
l'abriderrière cettemuraillo de glace. Nous continuons notre
route cette fois vers le sud ; nous avons supporté la tempête
la plus effroyable; notre bateau marchait à six nœuds. Nous
devions passer entre deux icebergs. On voyait une énorme
masse de glace ; nous nous trouvions aussitôt nez à nez avec
on autre iceberg. Le timonier met barre droite et nous
passons à travers les deux icebergs.
' Nous sommes arrivés en vue de la terre Alexandre-I<^'.
Nous n'avons pas pu y débarquer, à cause d'une banquise
impénétrable. Nous avons tourné la banquise, cherchant
UD point où nous pourrions arriver jusqu'à terre, et nous
sommes arrivés au pied de cette terre nouvelle que nous
avons appelée Terre Loubet. Il n'y avait pour longer cette
terre qu'un chenal d'un mille de large environ encombré
d'icebergs, dont je vais faire défiler quelques uns sous vos
yeux. Tout ô coup, le bateau monte sur un rocher à fleur
d eaa, s'engageant jusqu'à la passerelle. La vore d'eau est
grave ; on se met aux pompes, et au milieu de l'émotion,
jen*ai pu faire autrement que de me rappeler les problèmes
faits 60 classe : une >pomp6 vide tant ; il entre tant. Cotn*
d^4 UNE EXPÉDITION AU POLE BVt
bien en reste-t-il ? Dans ce cas la solution était facile : on
enlevait juste la quantité qui entrait. Vous vous rendrez
compte de la situation critique dans laquelle nous nous
trouvions. Comment allions-nous traverser ce passage avec
un bateau avarié, que faire le long d'une falaise de glace
impossible à escalader et menant d'ailleurs à un glacier
sans ressources ? Si le bateau avait coulé, nous ne nous en
serions jamais tirés. Nous n'avons pas perdu espoir et nous
avons pu nous tirer d'afîaire. D'un commun accord, nous
avons décidé que si nous étions dans l'impossibilité d'aller
vers le sud, nous continuerions nos travaux jusqu'au bout.
C'est ainsi, qu'avec un bateau avarié, nous avons continué
à faire l'bydrograpbie de la côte où nous nous trouvions.
Nous avons continué notre route, et nous avons eu à subir
une tempête épouvantable. Cette tempête nous a ra.ssurés,car
l'avarie n'augmentait pas. Nous avons reçu vers le milieu
du mois un coup àe mer formidable; le bateau a été couché
par ce coup de mer ; une embarcation a été brisée. Tout ce
qui était pas amarré sur le pont a été enlevé. Mais ce coup
de mer a refoulé un des bordés qui se trouvaient disjoints
et nous avons pu nous contenter de ne pomper que vingt
heures par jour.
Nous revenons vers Port-Pingouin et nous mouillons
dans cette excellente rade. L'équipage goûte un repos bien
gagné. Malgré cela le guide et le quartier^maitre ont vou^
lu tenter l'ascension d'une montagne de 1«500 mètres.
Ce fut une ))elle réussite^ ils ont rapporté des documents
intéressants. Ce pic a été appelé Louis de Savoie 4 Après
avoir exploré une petite baieavoisinante nous allons chan-
ger les documents d'un cairn, placé par nous l'année pré-
cédente et qui, n'ayant pas été retrouvé par les Argentins^
a pu faire croire que nous étions perdus. Nous avons conti-
nué nos travaux.
Nous nous sommes dirigés vers la République Argentine
UNE EXPÉDITION AU POLE SUD 375
Ce n'est qu'après une navigation assez dure que nous som-
mes arrivés à Puerto Madryn où nous avons trouvé bon
accueil, comme toujours. Je mesuis alors tourné vers ceux
qui m'accompagnaient et j'ai vu des hommes, bien fatigués
et épuisés, mais tous étaient vivants : c'était le principal.
Après l'accueil qui nous a été fait en République Argentine,
ce sont des hommes bien portants qui sont revenus en
France. II y a eu des malades. M. Matha a été près de la
mort C'est cependant un de ceux qui a le plus donné de sa
personne. Notre campagne avait été heureuse. Lorsque
nous sommes arrivés à Buenos-Aires, le Gouvernement
Argentin avait envoyé des remorqueurs à notre rencontre ;
il nous a reçus avec des honneurs dont nous n'étions pas
dignes. La colonie française est venue noue apporter les
félicitations de la mère-patrie. L'expédition était terminée
et nous étions tous satisfaits du résultat obtenu.
Donc, au point vue géographique, cette expédition a été
utile à quelque chose. Au point de vue des autres travaux
scientifiques, extrêmement importants, d'après les savants
occupés à les étudier, les résultats peuvent être mis en
parallèle avec ceux des autres pays. Le Gouvernement
français nous a honorés, il nous a fait l'honneur de nous
ramener à Toulon sur un navire do guerre. Nous lui avons
été extrêmement reconnaissants.
D' Charcot.
L'ADTOHOMIE DD PORT Dfl HAVRE'"
Messieurs,
Votre aimable et distingué Vice- Président, M. Guitton,
a bien voulu m'invitera vous faire unecauçerie sur l'Auto-
nomie du Port du Havre. Le programme qu'il m'a tracé
tient en quelques mots : résumer sommairement les remar-
quables rapports de MM. Godet et Maurice Taconet, et
vous faire connaître l'état actuel de la question et les
résultats qu'on peut espérer de l'initiative prise à cet égard
par nos Corps élus.
Après avoir étudié et commenté ces rapports et essayé
de répandre, par des articles de presse, les principaux
arguments qui appuient la revendication de l'autonomie de
noti'e port, j'aurais eu mauvaise grâce à me dérober à l'oc-
casion d'entrer en contact avec l'élite d'hommes instruits
eLpratiques qui dirige la Société de Géographie Commer-
ciale du Havre. La présence à cette réunion de M. le Com-
mandant de Port, membre de la Société, et d'un délégué de
la Chambre Syndicale de MM. les capitaines au long-cours,
manifeste l'intérêt que soulève cette question parmi les
hommes les plus compétents et les mieux qualifiés pour
émettre des avis éclairés en fait d'Administration et de Tra-
vaux des ports. La cause de l'autonomie des ports de com-
merce a une portée générale ; elle concerne des intérêts
nationaux, ceux de notre commerce extérieur et de notre
(1) Causerie faite à une réunion du Comité de la Société de Oéographi«
Commerciale du Havre.
l'aittonomie du port du havre 377
marine marchande. Mais il nous est bien permis au Havre,
de joindre à ces considérations d'un ordre supérieur, celle
des besoins immédiats et urgents et de Tavenir de notre
port, puîsqa'aussi bien il est le second de la France et un
organe important de l'activité commerciale et maritime du
pays. Au point de vue local, l'autonomie est une question
vitale^ parcequ*un régime d'émancipation administrative et
îinancière est la clef de toutes les améliorations et transfor-
mations matérielles que réclame le Havre pour s'adapter à
' S.Î fonction de grand port moderne, et parce que le régime
actuel de centralisation étatiste lui offre de moins en moins
ies chances de réaliser ces progrès nécessaires.
Dussions-nous être en France, avec Marseille, le seul
pcrt auquel convienne actuellement cette réforme, notre
FeTendication n*en serait pas affaiblie.
L Espagne, l'Italie, en s'écartant du régime de centrali-
I %tion, n'instituent que progressivement des grands ports
autonomes. Il ne serait pas difficile de démontrer que, plus
que tout autre port français, le Havre a souffert du régime
Bcluel et, d'autre part, le Rapport de M. Maurice Taconet
JQstifîe de ressources existantes et à créer qui réduisent à
bien peu de chose l'effort financier demandé à l'Etat pour
é^gep le Havre en port autonome.
I
Il est malheureusement trop aisé de faire au Havre le
procès de la centralisation administrative d'après les résul-
'•sts que nous avons sous les yeux. On a gâté notre port en
C'^Dstruisant sans plan d'ensemble des pièces fragmentaires,
d« ouvrages mal agencés, mesquins, et toujours de dimen-
sions insuffisantes qui, au moment de leur inaugura.tion,
loot déjà en retard sur les progrès accomplis, et condamnés
^f 8mte à être annihilés dans un avenir prochain,
378 l'autonomie di* port dl* h wre
M. Yves Guyol a dit que les ouvrages en cours d'exé-
cution, c'est-à-dire la nouvelle entrée et ses accessoiros»
quai de marée et sas, feraient du Havre un port démodé au
moment de leur achèvement. Celte appréciation sévère peut
être vraie dans un sens absolu si Ton considère les progrès
généraux de la construction navale et la transformation des
ports. Mais on Ta bien souvent faussée dans des articles de
journaux et de revues, où on s'en sert pour proclamer la
prétendue supériorité de Brest ou de Cherbourg comme
futur port d'attache de la ligne transatlantique française.
Le Havre maintient sans peine sa suprématie sur tous les
ports français de la Manche et de l'Océan et ses avantages
naturels, géographiques et hydrographiques, joints à sa
situation acquise de grand marché commercial, lui permet-
tent de faire encore, en Europe, figure de grand port. Mais
les fautes accumulées par l'Etat compromettent cette situa-
tion et, pour la maintenir, et à plus forte raison pour rega-
gner le terrain perdu, un eiïort vigoureux et immédiat est
nécessaire.
Est-ce l'Etat qui est capable de l'accomplir? Il est tou-
jours l'Etat centralisateur, c'est-à dire un pouvoir anonyme
un maître absolu et irresponsable, dont l'activité se consu-
me dans le formalisme et la paperasserie. Ne rien faire est
une forme déplorable de l'imprévoyance ; mal faire est sou-
vent pis, parce qu'on barre la route aux améliorations
futures. Plusieurs fautes de cette nature ont été commises
dans l'aménagement du port du Havre. Je n'en citerai
qu'une, qui suffit actuellement à jeter le discrédit sur lui
aux yeux des étrangers comme des Français. En choisis- '
sant mal l'emplacement des formes sèches, on a rendu
impossible leur agrandissement au-delà de certaines dimen-
8ions« Les conséquences de cette erreur sont déplorables ; i
non seulement il a fallu accommoder La Provence à la i
taille de notre forme de radoub, mais l'effet des ouvrages
L* AUTONOMIE DU PORT DU HAVRE 3'?9
B actuellement en cours se trouvera paralysé en ce qui con-
f, cerne notre ligne transatlantique, dont les paquebots se
réparent nécessairement à leur port d'attache. Sans doute
notre beau transatlantique neuf fait actuellement bonne
figure grâce à l'habileté de ses constructeurs et de ses
L. conducteurs ; mais combien relatif et éphémère est le succès
qu'il a récemment remporté sur un de ses rivaux, et à
quelle distance sera reléguée la ligne française avec ce pa-
i quebot, après la mise en service des deux nouveaux (t Gunar-
ders A de 32.500 tonnes de jauge et de 24 à 25 nœuds de
' Tîlesse et du géant allemand de 35.000 tonnes qu'on leur
t opposera en 1908. L'échéance du contrat postal vient en
j 1911 ; à une date prochaine, la Compagnie Générale Trans-
'• ttlantiquo devra obtenir du Gouvernement et du Parle-
I ment l'allocation d'une nouvelle subvention, et le port du
Havre sera certainement rendu responsable de l'infériorité
de nos paquebots, en dimensions et en vitesse. Brest cens-
L trait actuellement sa grande forme de radoub de 230 mètres
de long. Si, en 1898, la lutte avait déjà été chaude, dans
quelles conditions déplorables le Havre, incapable de répa-
rer un paquebot plus grand que La Provence^ l'affrontera-
t-il la prochaine fois ? Pourtant, rien n'est encore décidé
, quant à l'emplacement de cette forme-sèche, et il parait à
en juger par les récents articles de M. Brindeau et les ré-
ponses qu'ils ont suscitées, que toutes les solutions envisa-
[■ gées sauf une, qui fait partie d'un plan d'ensemble, offrent
^ de graves inconvénients techniques. Ce sera sans doute
r parfait de créer un nouveau bassin avec des quais à grande
t profondeur et une grande forme-sèche au sud du nouveau
|i port et du bassin de l'Eure ; malheureusement, sous le ré-
l gime actuel et à moins que nous n'obtenions l'autonomie
\ immédiatement, on ne peut considérer ce projet que comme
ooe satisfaction platonique, et en tout cas lointaine, en face
[ de besoins d'une extrômo urgence, tel que celui d'une
380 l'autonomie nr port nu havre
grande forme-sèche. Combien d'années faudra-t-il pour
dresser les plans, remplir toutes les formalités, faire voter
par les deux Chambres, la loi déclarative d'utilité publique,
les allocations de crédits et enfin exécuter les travaux ?Et '
obtiendra-t-on même une contribution de l'Etat, étant donné
la situation financière embarrassée et les grosses charges
en perspective, lois sociales, retraite ouvrières, etc. ?
L'avenir immédiat du Havre dépend de la réalisation à-
bref délai d'un programme complémentaire de travaux,
indispensable à sa mise en état. Avec le maintien du régi-
me actuel, tout est incertain et problématique. L'autonomie
nous conduirait à une prospérité certaine. Notre port, dé
gagé des liens étroits delà centralisation, doué dans les
limites raisonnables de son indépendance financière et'
administrative, commanderait, exécuterait et paierait ses
travaux, à l'exemple des ports étrangers, ses concurrents.
Seul, un pouvoir local lesponsable» émanation de tous les
intéressés, est capable de diriger avec intelligence, méthode
et activité, un grand port de commerce comme le nôtre, qui
dispose de ressources financières considérables et réunit
toutes les conditions d'une vitalité puissante. La preuve en-
est faite, tant par le succès des ports autonomes, que
par l'échec de ceux qui sont organisés en service d'Etat. "
Tous les grands port étrangers jouissent de leur auto-
nomie sous des formes diverses ; tous sont administrés par
un pouvoir local, corporations électives, (sortes d*établisse*
ments publics,) ou Sociétés commerciales en Angleterre,
Municipalités en Belgique et en Hollande, Etats particn- '
liers de Hambourg et de Brème, Consortium autonome à
Gènes, (régime mixte qui combine l'action du pouvoir cen-
tral avec celle des intéressés locaux et régionaux). C*est un
fait indéniable que Liverpool, Southampton, Anvers, Rot*
terdam, Hambourg, Brème, Gènes, pour ne citer que nos
principaux concurrents, se sont agrandis et transformés
l'autonomie du port du havre 381
rapidement et économiquement, et qu'ils poursuivent sans
relâche l'œuvre coûteuse de leur adaptation aux nécessités
créées par l'accroissement du trafic et par les dimensions
actuelles et à prévoir des plus grands navires. Tout marche
de front dans les travaux de ces ports ; ouverture de bassins
et de formes de radoub, développement des surfaces des
terre-pleins des quais, approfondissement à 10 ou 12 mètres
des accès et des ouvrages destinés à la grande navigation,
k Le projet colossal récemment voté pour l'agrandissement
t et l'extension d'Anvers, qui triplera la puissance de ce port
et coûtera plus de 250 millions, offre l'exemple le plus
grandiose du résultat de la collaboration d'un Etat avec une
Ville maritime, maîtresse de son port.
In enseignement précis se dégage de ces comparaisons
«désastreuses pour nos ports, et la leçon est dure et con-
cluante.
C'esi parce qu'ils ne dépendent que d'eux-mêmes, bien
^n'aidés souvent de subventions de l'Etat, que les ports
iotonoraes, libres de leurs mouvements et disposant de l'in-
ïégralité de leurs ressources, peuvent marcher rapidement
délavant. Les nôtres, au contraire, étroitement liés au
iodget de l'Etat, enserrés et ligottés dans un réseau d'en-
traves et de formalités de toutes sortes,dénués de toute initia-
tive, demeurent dans le statu quo ou n'accomplissent, d'un
pas hésitant et mal a.ssuré, quo des progrès extrêmement
lents. Aucune tribune havraise ne .se prête mieux à cette
leçon que celle de la Société de Géographie commerciale ;
bsujet de l'autonomie du port, éclairé par ces comparaisons,
»lre do plein-pied dans le champ ordinaire de vos études.
La co:i lition administrative et financière des ports fait
artie intégrante de la géographie politique commerciale et
conomique ; ce chapitre est en relation étroite avec les
latistiques comparées du trafic, car le régime des ports est
«ction de leur prospérité. Il serait du reste oiseux d'insis-
382 L*AUTONOMIE DU PORT DU HAVRE
ter sur ces considération^ accessoires, puisque, aussi bien,
la Société de Géographie Commerciale a le caractère d'une
institution havraise. Elle est un des principaux organes de
la vie intellectuelle d'une grande cité d'affaires, et mainte-
nant que nos corps élus ont posé la revendication de l'auto-
nomie^ comme le seul moyen de soutenir la lutte interna-
tionale et de faire dans le monde figure de grand port, son
patriotisme local l'incitera certainement à s'employer acti-
vement à la propagande et à la vulgarisation de cette idée.
II
C'est aux sources mêmes, c'est-à-dire dans les Rapports
faits au Conseil Municipal et à la Chambre de Commerce,
et dans les considérants et les vœux adoptés par ces Assem-
blées qu'il convient de rechercher la définition et le but de
l'autonomie du port du Havre.
MM. J. Rœderer et J. Couvert ont mentionné la question
à la Chambre de Commerce. MM. Godet et Maurice Taco
net, en ont été, en la rapportant, devant nos deux Assem-
blées, les promoteurs les plus actifs.
M. Godet est l'auteur d'une première étude (publiée en
brochure) et du vœu émis par le Conseil Municipal le 12
avril 1904 ; M. Maurice Taconet a présenté,^ la fin de 1905,
à la Chambre de Commerce, qui l'a adopté, un magistral
rapport, qui est un volume-
Le vœ*u, fortement motivé par des considérants dévelop-
pés, adopté par le Conseil Municipal sur la proposition de
M. Godet, rappelle les avis décisifs formulés par les Congrès
nationaux de Travaux publics en 1900 et 1903 en faveur
de l'aménagement et de l'approfondissement du port du
Havre en vue des nécessités du port d'attache de la li-
gue postale transatlantique française ; il précise que la
condition primordiale, dont l'accomplissement s'impose à
L AUTONOMIE DU PORT DU HAVRE 383
bref délai, est la possibilité de recevoir à toute heure les
{' is-rrands transatlantiques dont la construction est décidée
' isiîiiplement prévue, et il se termine par le dispositif
^'i.'vant :
V"3. — « Que pour assurer la conception et l'exécution
r.fpiiledes grands travaux indispensables, tout en réser-
vant les droits supérieurs de l'Etat, la Ville du Havre
î^^présentée par ses autorités locales ( Municipalité, Cham-
i'^f* de Commerce) soit mise en possession de son établis-
saient maritime et soit autorisée à l'exploiter elle-même
' ^ us ie régime de l'autonomie. »
L insuffisance manifeste des travaux en cours et du
? rtilans son ensemble est la base de cette revendication.
"la reproché à M. Godet d'employer la manière forte et
'^•^nidlinener quelque peu le port du Havre.
Il a répondu, avec raison je crois, que l'optimisme
pîiciel ne trompe personne. Le mal est grand et profond,
-. ii^ieux il sera connu, plus la nécessité d'un remède
f'^tiptet énergique s'imposera. Ce n'est pas par des criti-
••!'>> volontairement édulcorées qu'on secouera l'opinion et
^]io forcera la main aux pouvoirs publics.
\I. Godet a attiré l'attention en poussant ce cri d'alarme
^ î 3 passé la parole à la Chambre de Commerce,
^magnifique rapport de M. Maurice Taconet a traité la
'!^^>lion avec beaucoup d'ampleur et de force, dans la dialec-
'^pJ^^coname dans la documentation, tant en ce qui concerne
•"^aien et la critique générale du régime français et des
N'ijes étrangers, que sur le point spécial de l'application
■"' "jtonomie â notre Port. Il a démontré l'urgence de
'^♦f'ivforme, et ébauché le mode de fonctionnement admi-
"^^f^^tif et financier du Port autonome du Havre, aux
■^"isd'un Conseil administratif composé de représentants
^'^ mlnrôts locaux et des intérêts généraux, do délégués de
*'>hanabre de Commerce et de la Ville, du Département et
384 l'autonomie du port du havre
de l'Etat. Sa proposition s'appuie sur une démonstratioil
qui, au point de vue financier, est d'une portée capitale i
c'est celle de la possibilité d'équilibrer un budget autonome,
en payant les dépenses de transformation et d'agrandisse]
ments du port, sans demander à l'Etat aucun sacrifice nou
veau.
Depuis 1890, l'Etat a reçu au Havre, tant par le produi|
des taxes qu'il perçoit sur la navigation que par les subven
tions des intéressés, autant qu'il y a dépensé. Qu'il abandonna
ces receltes en s'affranchissent deschar^es correspondantes
et le succès du port autonome est certain.
Ce rapport a été adopté, à l'unanimité, par la Chambra
de Commerce. Elle l'a en outre appuyé d'une délibératioï
en date du 12 novembre 1905, qui en résume la substance
En voici le texte :
(( SÉANCE DU 10 Novembre 1905
<( Ayant adopté, à l'unanimité, le rapport.qui précède dan)
« sa séance du 27 octobre, la Chambre, sur la propositioi
« de sa Commission, prend la délibération suivante :
« La Chambre de Commerce du Havre,
« Considérant que les ports de commerce sont un de^
« éléments essentiels du développement de la richesse na
(( tionale ;
« Considérant que le produit des taxes qui y sont perçuei
(( devrait être entièrement affecté, pour chacun de ces porta
« à son entretien et à son amélioration, le devoir de l'Eta
(( étant même de contribuer largement au perfectionnemen
(( de ceux qui servent particulièrement à assurer la prospé
« rite de son commerce extérieur ;
« Considérant que le régime actuel d'exploitation e
« d'administration de ces ports, et en particulier du port dj
« Havre, rend impossible la prompte réalisation des amij
« liorations dont ils ont un besoin urgent pour soutenir l
(( concurrence étrangère, aune époque où ces ports doivent
l'autonomie du port du havre 385
ff par suite de Tessor extraordinaire et sans précédent du
* progrès de la navigation, recevoir des modifications pro-
t /ondes et incessantes extrêmement rapides pour échapper
« à Tabandon et à la décadence ;
« Considérant qu'un système reposant sur la décentralisa-
(f tioD et sur l'attribution de la gestion des grands ports à
a an Conseil administratif composé d'éléments locaux et ré-
fc gionaux compétents et où le pouvoir central serait repré-
ic sente, est seul susceptible de leur donner l'initiative
« féconde et la prospérité dont le pays tout entier se ressen-
« tira au point de vue commercial et industriel.
* Emet le vœu que la question de l* Autonomie des Ports
soit mise à Vétude et reçoive aussi promptement que possible
une solution favorable. »
« Enfin le Conseil Municipal du Havre, après étude du
Rapport de M. Maurice Taconet et d'un vœu émis par la
Société Havraise d'Etudes Diverses, a formulé à l'unani-
milé un second vœu en faveur de l'autonomie du Port du
Havre le 14 février 1906.
III
Quelle est la portée immédiate de ces vœux, quelle
suite comportent-ils et quelle tactique adopter pour contrain-
dre les pouvoirs publics à y faire droit ?
A ces diverses interrogations, la réponse comporte né-
cessairement certains éléments conjecturaux ; elle réclame
cependant des llavrais tout l'effort de leur intelligence en
éveil -
Il ne servirait à rien de se dissimuler que la tâche est
énorme et que la question n'a fait qu'un premier pas sur un
chemin rude et semé d'obstacles.
On s'attaque à des forteresses administratives; les Ponts
et Chaussées et autres corps puissants occupent la place et
sont de taille à la défendre ; le Paï4çment, souverain abso
25
' .886 L.*AVTQNOMtfi: IKJ PORT OU^HAVRb
ihi/e^j^ai^eEnQdot disposé à lioïiier/sespi^rbgëiUtespt r d^-ail-
iQursrJesprôbbonpfttibns politiques ëfc sociales laissent peq de
7pto(»'8iix:ioîs4*'ai^h'ea ; i'ElatrjetiQnDe difficileaiea^^ une
source de revenus, fut-ce pour «ri assurer- ûa meilleur
-emploi 01» môompcmr «'épargnerles -charges correspondan -
ytftS'î eofta ia-routine ette préjugé étatiste sont des forces,
négative et positive, avec lesquelles ilcfautéompter. Cepen-
dant les idées de décisntralisation sont en marche, et l!au-
' tônomié des ports compte de noiribreuxet influents partisans
a y. Parlementât dans 1« pnySt surtout parmi les spécialistes
des questioJ9$:mari^toçs. ...,,...,.
>. ' M. MauHee Taconet^ ô^ la suite de l'envoi de son beau
^Rapport, ^ reçu radhéaion de personnalités éminenteis et
compétentes^parmi lesquelles il y a de hauts fonctionnaires.
' ' lA XJgue Maritime' Fi»an^i8e, -par son Comité de Paris
étt^e^ Sections 'de- province (celle de Nantes' notammeat),
-le Comité Central des^Ar^mataurs, des Associations parti-
fduKèr^s, font 4es études théoriques et pratiques ^l reoher-
chent les moyens d'intervenir activi^ent- • ' ^
Il importe cependant de se garder de toute précipitation
qui pourrait entraîner une faute de tactique. Une première
..difficulté cpasiste à formuler une proposition jd'ordrergéné-
_ral qui soit viable» étant donné les oppositions prévues. On
s'ingénie à chercher le point de la moindre résistance^ Je
.crois savoir quelle Comité de la Ligne Maritime Française
remploie à cette tâche, qui nécessite beaucoup de pratique
législative et administrative. L'expérience acquis&d^ns nos
Assemblées apprend aussi à se défier des résultats de. l'ini-
tiative parlementaire ; une fgule de projets de Ipiqui ont
cette or;igine (entre autres celui sur les Ports Francs, qui
date de 8 ans) passent et r^passçnt dans Jes Commissions
;dcs iégislatj^res suçcessives^et finissent par s'enterrer dans
les cartons. . ^ _ , , - ^ . --
. -II. faudra, donc déterniioer le. Gouvernement à prendre
L AUTONOMIE DU PORT DU HAVRE
"^
TiDÎtiative d'une proposifioh sur I*àulonornié des Ports.
Quand et comment y parviéndra-t-on ?"
« L'autonomie des ports rdlsaft M! MîIIeraiid, à* la trîbu-
« ne de la Chambre,' lors dé là ' discussion de la lofsur la
«marine Marchande, j'attends avec curfosilé le Gouverne-
« ment qui, devant une Chambre élue au Scrutin d*arron-
«dissement, proposera d'enlever subsides et subventions
ft aux porls nombreux, mais inutiles, qui les réclament,
« pour les concentrer sûr les trois ou quatre ports auxquels
«on donnerait leur autonomie et dont le développement
« serait utile à l'intérêt général, o' On ne saurait critiquer
arec plus de force le régime actuel et mieux' démontrer,
sous un forme ironique, la nécessité d'une réforme. M.
Millerand'a d'ailleurs inscrit l'autonomie des ports dans son
programme réformateur.ll aurait donc certainenrient à cœur
(Je la réaliser s'il revenait au Pouvoir ; mais comme Minis-
tre, il ne manquerait pasde voir la question sous un autre
angle que dans l'opposition, et, mieux informé, il rassure-
rait les députés des petits ports (avec plus dé raison qu'il
ne les a effrayés) en leur montrant que, loin de diminuer^
leur part d'allocations budgétaires tendra à augmenter à
mesure que certains grands ports se suffîrontà eux-mêmes
au moyen de leur autonomie, et paieront toutes leurs dé-
penses.
Un membre du Gouvernement, et non des moindres,
M. Poîncaré, a récemment parlé à Commercy, de la décen-
tralisation, en termes excellents et en l'envisageant à la fois
comme une nécessité' budgétaire et comme un bienfait
économique.
Le seul moyen efficace de décentraliser consiste à
agrandir le domaine de l'initiative locale et privée,et à res-
treindre celui de l'Etat en le déchargeant de certains ser-
vices qui liii coûtent cher et dont ils'acquitte mal. Il faudra
bien'éri venir là, bon gré mal gré, t^f ou tard ; nos erreurs
388 l'autonomie du port du havre
économiques sont trop coûteuses pour pouvoir durer iiidé-
Animent. Pensons toujours, au Havre, à l'autonomie, par-
lons-en beaucoup et agissons sur l'opinion publique. Dans
ce pays démocratique, le Gouvernement et les Chambres
sont bien obligées d'accomplir les réformes qu'impose le
sentiment général.
On a déjà émis l'idée de constituer un Comité Havrais
de propagande et d'action, recueillant des fonds par sous-
cription pour soutenir une campagne de presse dans les
grands quotidiens de Paris et de la province, et se tenant en
contactavec les Membres du Parlement et les personnalités
susceptibles de nous donner leur appui. Cette organisation
en vue d'une action efficace et permanente serait un facteur
considérable du succès ; elle a un précédent dans le Comité
d'initiative créé pour l'érection du Havre en Préfecture de
la Seine-Maritime en 1879.
Il appartient aussi à nos Corps élus de mettre la ques-
tion bien au point en la retournant sous toutes ses faces.
Au point de vue financier, la proposition émise par M. Ta-
conet demande certaines précisions. C'est .seulement à titre
d'exemple qu'il a jeté, dans un état fictif de recettes et de
dépenses, les bases d'un budget du port aulonomedu Havre.
On n'est pas encore bien fixé en réalité sur le montant des
contributions qu'on pourra obtenir de la Ville et du Dépar-
tement, ni sur l'importance du sacrifice à demandera l'Etat
pas plus que sur la forme à lui donner. L'abandon des
droits de quai par l'Etat suffirait largement à faire face
aux dépenses ordinaires d'entretien (y compris les grosses
réparations) et du personnel, et laisserait une faible marge
de disponibilités. Mais il est nécessaire d'y ajouter d'autres
ressources, sans surcharger la navigation, afin dégager
les emprunts qui permettront de décider et d'exécuter les
grands travaux que le régime actuel est impuissant à pro-
curer, car c'est lô le but essentiel de l'autononiie. Réussir»"
l'autonomie du port du havre 389
ton à obtenir que l'Etat réduise les taxes sanitaires et de
statistique aux perceptions qu'elles ne devraient pas légale-
ment dépasser, c est-à-dire au montant des frais occasion-
nés par ces services ?
M.Maurice Taconet démontre quen relevant dans la pro-
portion de ces abaissements les péages actuellement perçus
par la Chambre de Commerce pour le service des emprunts
déjà contractés, le port autonome aurait, avec en plus le pro-
duit des droits de quai et le revenu du domaine maritime,
des recettes suffisantes pour assurer son développement
progressif. Mais ce n'est pas chose simple et facile que de
décider TËtat, au moment où il est obligé de créer de nou-
veaux impôts, à abandonner des excédants de perception,
illégaux il est vrai, mais qui font tomber annuellement
dans sa caisse huit à neuf millions dans l'ensemble des
ports français.
« Le Havre profiterait de ces dégrèvements pour
I.IOO.OOO fr. environ, somme très inférieure à la participation
de l'Etat dans les travaux des programmes en cours d'exécu*
lion ou votés. Est-il donc impossible d'obtenir,directement
et sans ambages, que l'Etat, en remplacement des contri-
butions qu*il a versées jusqu'ici et en plus de l'abandon
des droits de quai (compensé par l'économie des frais d'en-
tretien et de personnel), accorde une subvention annuelle
ose au budget du port autonome ? La Chambre de Com»
merce, après mûr examen, suivra certainement la marche
la plus favorable au succès de notre revendication.
Accessoirement, il est intéressant de signaler que
'augmentation du tonnage légal, par suite de l'application
delà nouvelle méthode de jaugeage, ainsi qu'un accroisse-
ment réel du mouvement du port, ont procuré en 1905
d'importantes plus-values sur les droits de quai, de péage
et que cette progression a continué pendant les six premiers
mois de 1906. Ces augmentations de recettes représentent
390 L*AUtONÔMlE DU PORT DU HAVRE
à l'heure actçielle, un boni d^environ 10 Vo sur les évalua-
tions portées au rapport de M. Maurice Taconet.
La conclusion qui s^impose à la suite de cet exposé très
sommaire, c'est que le Havre a un intérêt vital et immédiat
ô revendiquer l'autonomie de son port, et qu'il a de grandes
chances de l'obtenir, à la condition de faire valoir avec
énergie et persévérance ses titres et la justification de sa
situation financière exceptionnellement favorable. Après
avoir pris la tète du mouvement, il ne saurait, sans abdi-
quer, se reposer sur autrui du soin de défendre sa propre
cause.
Laurent 'fouTAiN
La t^étiovation de la Chine
et l'Exemple da JaiaoG^*^
Le sujet que je vais traiter devant vous est très important '
et très délicat ; son ampleur m'effraie presque et ce n'est
pas sans une certaine crainte que je prends la parole devant ^
an audiloîï^ tel que le vôtre.
On reproche aux Français d'être peu voyageurs et peu
au courant des choses de l'étranger, mais dans cette grande
ville maritime et commerciale qu'est Le Havre» constam- ^
ment en communîcatîdn avec le reste du monde, cette
assertion est fausse au moins partiellement. Je crains, au
contraire, de vous dire des choses que vous connéiisseî; déjà ''
etqai, à c?etiti^é, ftevous intéresseront que médiocrement.
Je fédame donc toute votre indulgence^
Le sujet dcunt j*af à vous entretenir est, je le répète, un deâ
pluiï graves qui puissent se poser ; c'est en résumé, toute
la ^ueition d'Exti*éhié-OHent; ; . .>
Le Japon, vous le save^V est un énà^ii^è âemî-féodal. lia "^
fêlé le cinquantenaire, presque joUr ^ôur' jour, dû moment
oûles^ÔuT^btJéè/hy &f4éà 'Abiëriôéiris rd.nt conlraîntî malgré
lui-àautt^sèâï)oiftey, ôti^îl'ia'dfi céder,"nVyanV aiicune '"
mffrtfrfë^d^^ferf ëMISfe'efiac^é'iïe'ciuélqdes ^
Il m^Wié^mmMi^'im llii pi us puiséatiiempïre d^es' ' ^
i^cémimètim ^%a^ca«dhtfânl 'éU%^rleress?'.s;'et'cèfa ^(ÏÔs''^'
le eôttitt^etffeèrfétiV^àè4a^W6éi'i^ë^cï(iiiï1l^e^^ 'àiîriV vi'ctorîeu'^r ''
il) Conférence ftite devant ni . Société de .Géographie Commerciale dU
6
392 LA RÉNOVATION DE LA CHINE ET l'eXEMPLE DU JAPON
Mais si ce petit peuple a étonné le monde, que serait -t
si les 400 millions de Chinois, suivant l'exemple des 45 in i
lions de Japonais, se mettaient à leur tour entièrement
l'école de l'Europe et se changeaient en un Etat complète
ment européen. Cette évolution est-elle en train de s'aecoin
plir ? va-t-elle s'accomplir prochainement ? voilà ce que je
voudrais examiner avec vous. Mais ce ne sont guère que/
ques remarques particulières qui pourraient nous édifier.
Le sujet est tellement vaste qu'il faudrait exposer toute
l'histoire de la Chine et du Japon, histoire trop peu coni-
nue des Européens, pour pouvoir connaître et préciser la
transformation qui seule peut nous éclairer sur le présent tl
l'avenir.
En quoi consiste cette extraordinaire transformation du
Japon que l'Europe n'a appréciée que le jour où elle sesl
traduite par les succès militaires. Voilà quarante ans quelle
a commencé, mais les Européens ne l'ont regardée long-
temps que comme une sorte de plaisanterie, de pièce de
théâtre habilement montée, Us n'ont voulu voir chez les
Japonais qu'un peuple mignard et amusant, un peuple de
bibelots ; ils n'ont vu que les mousmées et leschrysanthèmes.
Il y avait autre chose, il y avait l'industrie et les canons.
Ce que n'ont pu 25 ou 30 années de travail, 18 mois de
guerre l'ont montré d'un seul coup.
Qu'a donc fait le Japon ?
Il suffit pour le voir de comparer quelques traits du Japoû
actuel et du Japon d'il y a 50 ans. Il y a 52 ans, poui*
parler plus exactement, avant que les navires américaiï^^
aient réussi à y pénétrer, le Japon était fermé hermétique*
ment aux étrangers. Dans la rade d'un de ses ports, Nag^
saki, se trouvait un îlot artificiel, l'ilot Deshima, sur leqU^
étaient cantonnés quelques marchands^agents de la Com]^'
gnie des Iodes Néerlandais6s,qui ne pouvaient pas en sor^
sauf une fois par anietde loin en loin tous les 10 ou 15 ac^
U RÉNOVATION DE LA CHINE ET l' EXEMPLE DU JAPON 393
pour aller porter des préseDts. Ils recevaient de temps à
autre la visite d*un vaisseau de leur Compagnie qui venait
apporter quelques produits fabriqués par les Européens et
remportaient en échange des porcelaines, du papier, des
laques, des soieries et quelques barres de cuivre. Ce modeste
commerce se chiffrait par 4à 5 millions par an. Aujour-
d'hui,cinquante ans après,le commerce extérieur du Japon,
dépasse deux milliards de francs.
Les quelques Européens, autrefois parqués dans cet îlot
de Deshima dont ils ne pouvaient sortir qu'avec la per-
mission des autorités japonaises, sont maintenant au nom-
bre de plusieurs milliers. Ils peuvent voyager dans Tinté-
rieur, sans le moindre danger, sans armes, et aussi commo-
dément que dans n'importe quel pays de l'Europe.
Il y a cinquante ans, il était interdit aux Japonais, sous
peine de mort, de quitter leur pays, de construire des
vaisseaux de haut bord et d'un tonnage supérieur à quelques
tonnes. La forme des bateaux était rigoureusement déter-
minée et ils devaient se conformer aux modèles des vieilles
jonques chinoises, lesquels n'ont pas varié depuis seize
siècles. Toute navigation lointaine, plus loin que les côtes
de la Corée^ était impossible avec le mode de navigation
alors en vigueur. Aujourd'hui la marine marchande japo-
naise atteint presque et dépasserait, n'eût été la dernière
guerre, la marine marchande française. On construit au
Japon des navires de commerce de fort tonnage et des
cuirassés.
Il y a cinquante ans, les transports à l'intérieur du Japon
ne se faisaient qu'à dos d'àne ou avec des chariots et des
brouettes poussés par des hommes ; il n'y avait presque
pas de bétes de somme ; aujourd'hui, il y a huit mille
kilomètres de chemins de fer,ee qui est bien suffisant pour
cesiles montagneuses, dont les côtes seules sont peuplées,
il convient de dire que le Japon comme étendue, n'est pas
394 LÀ RÉNOVATION DE LA CHINE lîT i/eXEMPL^ t){j /APON
beaucoup supérieur à la moitié de la France (les 2/3 énvi-
roD),que les côtes y sont extrèmeràent'nombreuses et décou-
pées. La pot)u(ation vit dans le voisinage de ces côtes et^ par
conséquent, le besoin de chemins de fer se fait beaucoap
moins sentir que dans un pays massif et continentâI,coinme
la France, par exemple.
Il y a cinquante ans, il n'y avait aucune grande industrie,
seuls existaient les vieux métiers traditionnels exercés par
quelques habitants,^ la fabrication des porcelaines,dti papier,
de la laque et des soieries, tout cela abandonné à une toute
petite industrie. Aujourd'hui les cotonnades japonaises
remplacent sur le marché de la Chine les cotonhadesln-
diennes qui, elles-mêmes, avaient remplacé les cotonnades *
anglaises. Les soieries du Japon rivalisent avec les produits
européens sur les marchés d*Orient, les allumette^ japonai-
ses sont les seules que l'on trouve dans les ports d'Extrême-
Orient, dès qu'on a dépassé Singapore. Aujourd'hui le
Japon tend à approvisionner et à envahir tous les trfarchés
riverains du Pacifique.
Ainsi voici produite en cinquante ans la tranisfofmatiotl
économique d'un peuple, accompagnée d'une transformai-
tion non moins importante au point de vue moral et au point '
doTue social. Certains traits extérieurs; qui ont peu d'im-
portance peut être par eux-mêmes, mais iqui lie sont pas it
dédaigner^ marquent cette transformation aux yeux'de tout '
observateur, dès qu'il arrive dans le pays. Oh n« vdît pltli ^
que les vieux paysans ou citadins qui portent encore rân*' '
cienne coiffure japonaise ; au ' contraire', tduis ' IM' jeuDôi
paysans ont coupé leur cheveux à reuro^éetfôlei On ne Voit'''
plu» de femmes oomme certains voyageiart iesontidéd^ltëè,"'
on ne les voit plus comme autrefois seiûqtieries dôntàf'eii ^^
noir ; elles ont renoticé à cette mode peu ^esthétîqûô^ teèSâ"' '
extraordinairement traditionn^lieV etf à iaqû'eliô'iiés €hfîfdi^''^
aes filofii pas eDcofereaoncé.' Ajutirdtob &ii'lÀpfoii)j^*<fl^étttR '^
LA RÉNOVATION DE LA CHINE ET l'eXEMPLE DU JAPON 395
interdît à un particulier, à un homme quelconque de regar-
der l'empereur. Si, par hasard, il était sorti de son palais,
d'où il sortait deux fois par an, il était expressément défen-
du de le.ver les yeux sur le Shogun qui était Iç véritable .
souverain, le Maire du palais. On ne pouvait non plus
regarder le cortège d'un prince allant rendre visite au Sho-
gun. Aujourd'hui l'empereur sort en voilure découverte,
tous ses sujets le regardent. J'ai vu moi-même, un prince, .
l'héritier des anciens Shoguns, assister à des combçits de
lutteurs, assis au milieu de la foule. Tout le monda, lit les .
journaux les plus variés qui, bien que respectant l'empe-
reur,>attaquejQt avec une violence qui, dépasse presque ce
que l'on peut voir en Francet le gouvernement de leur paya. ^
Le changement dans la forme du gouvemement.ij'a pas .
élç moins radical. Il y a cinquante ans,il y avait uQ,gouver- ,
Dément de castes çt une société féodale telle quelle e?eistait,
je ne dis pas à l'ayènement de la Révoluiiop, mais ^u xvi® ^
siècle,une société soigneusement hiérarchisée : auappfimett
l'empereur ou Mikado, souverain enfermé ^ana son palais, .
ne sortant qu'une ou deux fois par an pou^ la fétçdea ap*
cêtres j au-dessous de liii, le Sohgun o^.Taïcçun,. sorte de .,
maire du palais, chef du pouvoir exécutif» qui. résidait^,
Yaddo ; au-dessous du Shpgun, les douze Daïmioa,, grands .
seiçpeurs féodaus;, dont, les principautés avaient l'éteadue ..
de plusieurs départements français ; au-d,esspus deis De^ï^ ^
mios» lef Samouraïs» qui constituaient la classe . lettrée» , i
gouveri[kafi^ et inilitaire ; enfin a^-des^pu^ des Saxnojuii^jls.j
lecommup des mortels* Aujourd'hui,>il n'y a plusd^ c^t^s^ ',
L'empereur e^t au somzoet, et il y a une noblesse qiiiiS^, t
composa dç^, anciep3.D,aîmiosy .mais l'égalité e^t <a];|soii^,i^..,j
devant la loi etppa ôtabii l'égale acpiBssibi,lité à, tpult^si l^s..j
foactipas^.puWigi^ies.. G*e[st,ep.«omme, u/i régi^^qi 46nfM)|çra-r -3
tiqoe^ tb^riç|iaeiQj^ni.du, i^oips^ car .le3 ^ncieps.privil^g^ ,-
396 LA RÉNOVATIÔM DE LA CHLNE ET l'eXEMPLE DU JAPON'
venu parlementaire avec deux Chambres et un ministère.
Dans ce pays fermé il y a cinquante ans, où on n'avait
aucune connaissance du monde extérieur, les enfants des
écoles primaires a^^prennent non seulement la lecture mais
des notions générales, non seulement l'histoire de leur
pays, mais celle du monde en lier. Beaucoup de petits
Japonais sont plus forts sur l'histoire de l'Europe que les
Européens sur l'histoire du Japon et de la Chine. On vend
dans les bazars, les papeteries, des globes terrestres par-
faitement bien faits, que peuvent acquérir les plus pauvres
enfants du peuple.'
Toutes les universités sont remplies d'étudiants. • Non
seulement on y étudie les sciences occidentale*, mais encore
on leur fait faire de véritables progrès. Les savants japonais
se sont distingués dans un grand nombre de branches, en
médecine, en microbiologie, parexemple,et certains micro-
bes ont été découverts par eux. Il se sont fait remarquer
aussi dans les arts militaires. Ainsi la fameuse poudre dont
se servaient les Japonais, .avait, paraît-il, des propriétés
tout-à-fait remarquables qui la mettent au premier rang des
poudres sans fumée dont se servent les diverses puissances.
Au Japon, tout s'est imprégné de culture occidentale, maté-
rielle et intellectuelle, sans que les Japonais aient cependant
abandonné leur culture traditionnelle. Ils ont conservé une
partie de leurs anciennes traditions, car ils ont fini par
reconnaître qu'ils avaient été trop loin dans leur européa-
nisation. Au point de vue extérieur, il y a une moindre fureur
du costume européen. Les -anciens Samouraïs, qui por-
taient deux sabres, sont maintenant en redingote et gouver*
nent le Japon, mais parmi les femmes, par exemple, le cos-
tume européen n'a pas réussi j elles l'ont laissé de côté et
elles ont eu raison. Au point de vue moral, ils ont conser-
vé intact tout le code d'honneur, le code de conduite des
anciens guerriers. Le maintien de cet ancien code cbeva-
U RfclNOVATION DE LA CHINE ET l'eXEMPLE DU JAPON 397
lerescjue, combiné avec la connaissance des applications
modernes de la science, leur a permis de remporter ces
étonnants succès dont le monde entier s'est entretenu avec
admiration.
Les Japonais ont aboli toutes les anciennes tortures chi-
noises afin de pouvoir traiter d'égal à égal tous les étrangers
soumis à leur juridiction. En un niot, quand ils sont entrés
dans la nouvelle voie, les Japonais se sont proposés d'arri-
ver à être les égaux des Européens en puissance, en riches-
5*<îs, etau point de vue économique et militaire. Mais ils
sont les seuls de tous les Orientaux qui ont compris que,
p<:'ur être aussi forts que les Européens, il ne suflisait pas
de s'approprier certains instruments, mais qu'il fallait se
Pénétrer de l'esprit de la civilisation. Ils ont su le faire :
toute la nation s'est mise à l'école et c'est grAce h cela que
'eJapon a pu devenir ce qu'il est.
En Chine, que voyons-nous ?
La Chine est ouverte aux Européens depuis plus long-
temps que le Japon, mais elle n'est pas encore aussi complè-
tement ouverte, tant s'en faut. Et cependant, à aucun
^iioment, elle n'a été fermée au.ssi complètement que le
Japon. A Canton, qui était le port réservé par la Chine
Mp les échanges avec les étrangers, les Malais, les Indous
îftles .\rabes venaient faire des visites nombreuses. Lors-
'/ue les Européens se sont présentés, au milieu du xvi^ siè-
'le, il s'est fait un commerce très important, beaucoup plus
considérable que celui que les Hollandais avaient seuls le
droit de faire au Japon, i\ Nagasaki ; seulement ce commerce
ne s'est pas développé du tout dans les mêmes proportions,
C'* n'est (ju'àlasuile deguerres que les ports furent ouverts
ii la civilisation, après la fameuse guerre de l'opium en
JSi2, entreprise par l'Angleterre dans le but peu moral do
fiiire acc^^pter à la Chine l'opium venant des Indes. L'n pou
plus tard, à la suite do diverses menaces et de l'expédition
398'^L^^ÉN^OVAtiÔN DE LA CtttNE ET L'*ÉrXÉMF*LB DÛ JAPON
"àtiglô-îrfeiiiçaise dd Î860, là Chine a consenti à ouvrir plu-
îîieùrs ports, ènlre-aulres Tien-Tsin. Après sa défaite par le
'Ja'ik)ii,-ellé dut laisser Taccès de ses eaux intérieures aux
navires étrangers. C'est après cette guerre qu'elle a admis
la c<Trt9t'ruction sur son territoire de quelques chemins de
'fer. - ' -
' Mais elle' n'a jamais accordé toutes ces concessions que
dé ma irvdi se grâce, 'parce qu'il lui était imposible défaire
aulreiiiéni, et son commerce est à peine supérieur au coni*
nierce extérieur du Japon. Cependant la Chiné est sept *
huit fois pliis peuplée, ses ressources naturelles sont consi-
dérablement plus grandes, son territoire bien plus vaste.
Elle a opposé le maximum de résistance qu'elle è pu à totjles
les iiouveaatés apportées par les diables de TOccidenl.
Il n'y a pas longtemps encore, une quinzaine d'années
environ, on pouvait voir le gouverneur de Moukden s'op-
poser à la construction d'un chemin de fer, sous prétexte
que les longs clous enfoncés dans le sol troueraient l'épine
dorsale dn Dragon sacré. A la même époque, l'un des
censeurs de l'empiredéclaràit qu'au lieu de èe préoccuper de
ces maudites nouveautés proposées par les diables d'Occi-
dent, il valait mieux rechercher le secret perdu des chars
volants traînés par des'phénix.
Ainsi la Chine s'opposait t toute nouveauté' eurot)é'enne
en matière de transports. Au point de vue économique, la
Chine en est exactement au même point qu'il y a une 'dizai-
ne de siècles. Aucune amélioration ne s'est produite. Les
choses sont même on moins bon état qu'elles l'étaient autre-
fois, parce qu''^on a larîîsé" beaucoup de canaux s'envaser,
les grandes routes devenir impraticables, et qu'on n'a
rien entretenu. Il en est exactement de même pour l'ins-
truction. Les fonctionnaires sont tous choisis au concoars,
mais ceux-ci portent toujours sur les mêmes matières, sauf
cependant depuis trois ou quatre ans. Auparavant les
,U AENjOVLATIQNPE. LA CHINE E;t L EXEMPLE DV MPCW.
^coacouTS n'étaient qiie des <x)mpoâri lions lUtépaires; sur dps
sujeU extraits d^ classiques vieux djB deux mille^cinq.oenjbs
.ans;, l^ourquoi le caractère chinois représentant le. soleil
étaitil feri|)é. en j3as,;alors que celui représentant la lune
îUjt ouvert ? C'est sur des questions de oe genre, purement
,schola$ti,qi4es,jqu'on choisissait les hommes destinés^à gou-
verner l'empire Et cela exactement comme 2500 >ans avant
Jésus-Cbi-isi.. .. . . . . _
Les lettrés étaient choisis dans le peuple après l'examen
C4)nféraat le grade de bachelier jqui se passait, dans chaque
chef lieu de district, c'ost-è dire dans jquelques milliers de
localités. L'examen pour les licences se passait dans les
chefs-lieux de province, dans. quinze villes.
Enfin l'examen pour le titre de docteur avait lieu à Pékin.
Les examens et les grades étaient telLemopt prisés qu'au
jnoraent où je me, trouvais à Shanghai, où se passait un
examen de licence,il n'y avait pas moins de 18.000 candidats
pour 120 emplois. ,
Depuis trois. ou quatre ans, il s'est produit quelques
changements. Il y:a environs3.000 kilomètres de chemins
<le fer, non compris ceux construits par les Russes en
Mandcbourie, divisés en trois réseaux : le réseau franco-
belge, de Pékiàè Hankéou,,qui a été inauguré en décem-
bre 1905 ; le réseau, exploité par les Anglais, de la Gompa-
«;nie Impériale des chemins de fer chinois, qui relie Pékin
i ly mer ; enfin le réseau construit, par les Allemands. On
^oUdéjè la différence entre les chemins de fer. chinois et
aponais. Ces derniers x>nt été construits par les Japonais
ïvec l'aide des ingénieurs européens, mais ils sont au-
lOurd'liui entièrement exploités et administrés par les Ja-
ponais., , . .
Les chemins de fer chinois datent donc de peu de temps,
f»iais enfin ils existent.D'autre portai y a aussi une certaine
farine, de commerce chinoise. On peut citer « The China
iOO LA RÉNOVATION DE LA CHINE ET l'bXExMPLE DU JAPON
Company ))qui a été organisée par les Anglais et quelques
notabilités chinoises. En Chine, quand on veut faire quelque
chose de neuf, il faut avoir soin do mettre dans Taffaire des
membres du gouvernement car, sans cela, on vous empê-
che defairequoiquece soit,(( The China Company » possède
un assez grand nombre jde navires, mais ils sont tous
construits et commandés par des étrangers. Les cadres
étrangers se composent généralement d'Anglais, db Danois,
de Norvégiens.
On a aussi tenté depuis quelques années d'introduire
quelques nouveautés dans le système d'éducation de l'empi- J
re. DéjA, lorsque j'étais en Chine, il y a une dizaine d'an- ■«
nées, à côté do cette fameuse question sur la forme des î
caractères d'écriture que je vous ai citée tout-à-l' heure, on
'•i
posait des questions sur ce qu on appelait la science ceci- 5
dentale. On demandait quels étaient les principaux ports
depuis la Méditerranée jusqu'en Chine, ce qui serait cbex ]
nous une (luestion d'écolo primaire. On demandait aussi :
aux examens de licence de composer un essai sur le droit
international.il y avait aussi une question relative à la
différence entre les chandelles étrangères et les chandelles
chinoises. Il fallait dire pourquoi les premières étaient su-
périeures aux soccjpdes. L'ensemble de ces questions indi-
que évidemment un peu de naïveté de la part de leurs au-
teurs. Depuis lors,on a fait des progrès. Il y a aujourd'hui en
Chine, dans presque tous les chefs-lieux, des collèges et des
universités, ou plutôt des facultés où la science occidenta-
le est enseignée par des professeurs européens. Depuis les
premiers succès japonais de la guerre en Extrême-Orient,
on a enrôlé un peu partout des instructeurs Japonais. Ceux-
ci sont naturellement plus propres (jue les Européens à faire
passer la science dans les cervelles chinoises. Ils connais-
sent mieux la culture chinoise et plus facilement que qui-
conque peuvent infuser aux Chinois de nouvelles idées,
U RÉNOVATION DE LA CHINE ET L*EXKMPLE DU JAPON 401
ayant été eux-mêmes imbus de civilisation chinoise. En
ojtre, un grand nombre d'étudiants chinois sont allés dans
lîs universités japonaises. Enfin on a recruté des instructeurs
[ Jiponais pour transformer Tarmée chinoise. Le vice-roi du
Pelchili, le plus important des vice-rois, parce que dans sa
province 82 trouve le siège du gouvernement, l'héritier de
Liung-Chang, un homme très intelligent, s'est constitué
but un corps de troupes instruità l'européenne, comprenant
à rinure actuelle soixante mille hommes, soit deux corps
d'année. Tous les officiers européens, attachés militaires,
lis correspondants de journaux, parmi lesquels boaucoup
de cûPn^pondants militaires revenant du théàtra tle la
gjerre de Mandchourie, des homme capables par consé-
<|uenldebien juger ; tous les Européens, dis-je, qui ont
^sistéaux grandes manœuvres chinoises de l'automne der-
nier, ont été surpris de la façon dont manœuvraient les
troupes chinoises. Elles avaient évidemment des instruc-
teurs japonais, mais les officiers supérieurs et subalternes
fapaissaient bien connaître leur métier.
Ainsi il semble que dans les trois ou quatre dernières
«onées, aussi bien au point de vue économique que militai-
re, la Chine ait fait quelques progrès et soit entrée dans la
Toiede la rénovation.
Mais le système gouvernemental ne s'est pas modifié. La
corruption règne en maîtresse tandis que le gouvernement
japonais est l'un des plus honnêtes qui soient. Il y a en
!^hine stagnation de certains côtés, mais quelques signes
emblenl montrer que la Chine veut faire quelque chose,
u'elle ne reste pas absolument figée dans les vieilles mé-
iodes, qu'elle cède, contrainte et forcée peut-ètre,mais en-
n qu'elle cède.
Quelle est l'importance de ces changements ? Il ne faut
is oublier qu'il y a dé^à eu des tentatives de réformes à
p^que où Gordoa viot aider à réprimar la grande révolte
iOi LA RÉNOVATION DE LA CHINE ET L'eXEMPLE DU JAPON
sur le pas des portes, on train de prendre un bain dovan^
les aulres, sans se gêner le moins du inonde. Tout lafa
mille passe danslamômecuve, le père, la mère, lescnfaiilS;
les grands-parents, et tous dans le costume de bain des
pays primitifs. Vous voyez toutes les maisons de ces villa-
ges fermées par de simples parois à cla ire voie, recouvertes
de papier huilé. Dans les villes on les remplace en partie
par du verre à vitre. Tout ces pans de bois et de papitMsonl
à glissières, ajustés les uns sur les autres, et vous pouvez
voir du dehors tout ce qui ce passe à l'intérieur.
En Chine, au contraire, on ne rencontre pas de bains du
tout et on ne voit rien de ce qui se passe à l'intérieur des
maisons. Celles-ci donnent sur une cour dont la porte
est précédée d'une avant-courotte disposée de façon que de
la rue on ne puisse absolument rien voir. La vie intime
du Chinois est donc dérobée à l'étranger, aussi bien dans
les villages que dans les villes.
Au Japon,si vousarrivezdans une auberge vous êtes tou-
jours reçu par des femmes ; en Chine ce sont les hommes
qui vous accueillent. Les mœurs des deux peuples diffèrent
totalement. La condition de la femme au Japon est auss
bonne qu'en Europe et meilleure que dans les aulres payi
orientaux. En Chine, au contraire, la femme sort très peu.
mène une vie de recluse, tandis que la femme japonaise
celle des hautes classes exceptée, sort beaucoup. On voil
beaucoup plus de femmes à Tokio que dans les rues de
Pékin. Les femmes chinoises ont les pieds meurtris par II
compression qu'on leur fait subir, de telle sorte qu'elles m
peuvent marcher que sur la pointe des pieds.
Nous voyons aujourd'hui les Japonais aller à la civilisa
tion européenne mais ce n'est pas la première fois. Aux vi
et vir siècles, ils ont adopté la civilisation chinoise, plu
tard ils se sont mis un certain temps à Técole de TEurope
mais ont fini par rejeter la civilisation européenne pour de
U RÉNOVATION DE LA CHINK KT l'kXEMPLE DU JAPON 405
miih tout-à-fail particuliers et d'ordre purement politique.
Jusqu'au V* siècle de notre ère, le Japon est resté un pays
primitif, très barbare ; et tout porte à admettre la théorie
acceptée aujourd'hui que ce sont des tribus mongoles, ou
tout au moins d'origine mongole, qui sont venues par la
!x)rée. ont abordé sur les îleset uni exterminé la population
ndigène dont il ne reste plus que quelques faibles types. Au
M siècle, les Chinois, pénétrèrent au Japon par la Corée,
apportèrent avec eux les préceptes du boudhisme, l'écritu-
re, l'art de la poterie, en un mot, toute la civilisation chi-
Qoise que les Japonais adoptèrent avec un véritable enthou-
siasme. Us se firent boudhistes, prirent l'écriture chinoise,
Its arts des Chinois, calquèrent leur gouvernement, tout-
comme aujourd'hui ils ont calqué les gouvernements euro-
péens et ont institué une chambre des pairs et une cham-
Wdes députés.
La civilisation cliinoise se développa au Japon jusqu'au
[i\r siècle. C'est en 1542 que le navigateur portugais,
Mendès Pinto débarqua avec trois compagnons. 11 furent
lien reçus, bien qu'on déclarât qu'ils étaient des barbares
'»e connaissant absolument rien des usages. Pinto partit,
Ns revint l'année suivante, apportant quelques armes qui
déduisirent beaucoup les Japonais. Ce premier fait témoi-
[gne de l'enthousiasme avec lequel les Japonais acceptent les
nouveautés.
Ensuite arriva Saint François-Xavierqui déclaraquecetle
talion était le délice de son cœur. Les Japonais qui avaient
idupté le boudhisme acceptèrent tout aussi facilement le
fliiistianisme.La population du Japon était au xvi'' siècle in-
loinient moins nombreuse qu'aujourd'hui puisqu'elle n'était
pedeS millions environ. A la fin du xvrsiècle, quarante ans
Ijirès l'arrivée de François-Xavier, il y avait plus d'un million
b catholiques.De même qu'ils adoptèrent la religion desEu*
)péeos,ils se mirent aussi & construire des navires h l'euro-
4Ô6 LA RÉNOVATION DE LA CHINE ET L*EXEMPLE DU JAPON
péenDe.Un de ces navires alla même se promener jusque sur
les côtes du Mexique. Le Japon semblait donc en passe de
devenir une grande puissance quand un revirement se pro-
duisit tout-û-coup. Les gouvernements du Japon persécu-
tèrent les chrétiens, dispersèrent ou mirent à mort ceux qui
ne voulurent pas abandonner le catholicisme et chassèrent
les étrangers. Ils ne tolérèrent que la présence de quelques
Hollandais qui restèrent parqués dans Tile de Deshima.
Ce furent des raisons purement politiques qui causèrent
ce changement. Le Shogun, qui gouvernait alors le Japon
au nom du Mikado, avait conçu une grande défiance des
projets des Européens. Il y avait alors au Japon des Euro-
péens de diverses nations qui étaient loin de s*en tendre. Les
Hollandais expliquèrent au Shogun que les Espagnols et
les Portugais voulaient conquérir le pays et lui citèrent
l'exemple des Indiens de l'Amérique. De plus, les divers ,
ordres religieux, les protestants et les catholiques étaient
également divisés. Le Shogun crut voir dans l'introduction
des mœurs et des coutumes européennes des germes de-
guerre civile. Comme c'était une époque de grande réorga*
nisation, les Japonais craignirent que leur œuvre nefnt^
compromise. Ils pensèrent donc que le meilleur moyen
d'être tranquilles et maîtres chez'Jeux était de forcer les
étrangers à partir. C'est exactement pour les mômes motif»
que les Japonais d'aujourd'hui ont, au contraire, adopté le*
principes et la science des Européens. L'idée fondamentale
est toujours de maintenir l'indépendance de leur pays. An*
trefois ils se sentaient assez forts pour se débarrasser dei
Européens ; aujourd'hui ils se disent que, puisqu'on ne peut
se débarrasser d'eux, il faut les imiter^les copier, et Us ont
su discerner ce qu'il fallait faire, ce qu'il fallait prendre de
l'esprit môme de leur civilisation.
Si du Japon nous nous reportons à rhistoire de la Chiner
nous voyons quelque chose de bien différent. L'hiitoiri
LA RÉNOVATION DE LA CHINE ET l'bXEMPLE DU JAPON 407
uthentique de la Chine remonte à deux mille ans avant
. G. Dès cette époque, la Chine n'a plus de rivale autour
Telle, les Chinois ont occupé tout le territoire. Jugeante
«rtir de ce moment-là qu'ils n'avaient plus rien à craindre,
es Chinois se sont immobilisés complètement. Ils ne
royaient autour d'eux que les steppes de la Sibérie ou les
iéserts du Turkestan et de l'Inde. Ils s'imaginèrent donc
ivoir soumis le monde entier, se crurent les maîtres du
nonde, et se figèrent dans l'adminUion de leur grandeur.
ils ont vu disparaître la féodalité 200 avant J. C. N'ayant
lucune guerre avec l'extérieur, ils sont devenus un peuple
Mnineniment pacifique et sont arrivés à mépriser complè-
emen» les vertus militaires, tandis que les Japonais les
îonoraient au suprême degré. Les différences destempéra-
nents chinois et japonais sont bien caractérisées par cer^
ains proverbes. On ne se sert pas de bon fer pour faire des
^lovs, pas plus qu'on ne prend de braves gens pour faire des
^Adats, est un proverbe chinois. Le sabre est Vâme même dû
Samouraï, disent les Japonais.
Li méthode même de gouvernement diffère totalement
chez les deux peuples. Au Japon, le gouvernement féodal est
(onde sur des castes, comme le fut la féodalité européenne»
Ko Chine, au contraire, l'administration est recrutée au
concours. Ce dernier système parait plus démocratique et
meilleur, mais ce n'est qu'une apparence, et il a aussi des
inconvénients.
Je vous ai dit que les concours en Chine portaient sur des
matières purement scholastiques, le candidat devantrépon-
dn^ dans toutes les compositions presque exclusivement ô
l'aide de citations empruntées à des classiques vieux de
2.500 ans. Cette claase gouvernante chinoise des lettrés dans
aquelle sont recrutés les mandarins ou autres fonctionnai*
'es, oppose et doit opposer une force de résistance beaucoup
ûus grande que la classe héréditaire qui gouverne le JapoD«
408 LA RÉNOVATION DE LA CHINE ET L*EXEMPLE DU JAPON
Quand une classe de gouvernants est recrutée dans le peu-
ple tout entier, personne n'a d'intérôt à renverser le systè-
me.En outre les lettrés, imbus depuis 2000 ans de la supé-
riorité de leur science, jouissant du triple privilège qui
s'attache aux représentants de l'aristocratie, aux fonction-
naires et aux savants, sont évidemment tentés de mépriser
tout ce qu'ils ne connaissent pas. C'est le contraire au Japon;
si la classe dirigeante résistait, d'autres pourraient être
tentés de s'initier à la science, ne fût-ce que pour la renverser.
Ainsi donc la classe gouvernante japonaise devait être
plus malléable au progrès,et, d'aulrepart, la classe populaire
était susceptible de se révolter. Cela a facilité l'introduction
au Japon des méthodes européennes plus difficiles à faire
pénétrer en Chine.
On trouve donc dans l'histoire si différente des deux
peuples des raisons de penser que la Chine ne peut pas se
mettre aussi facilement que le Japon à l'école de l'étranger.
On ne peut donc conclure de l'exemple du Japon ce que
fera la Chine. Comme nous l'avons vu, les races sont bien
différentes et il faut tenir compte aussi de la révolution
japonaise qui a amené la suppression du pouvoir des Sho
guns, intermédiaires entre l'empereur et le peuple, et l'eu-
ropéanisation du Japon. Imposée par la classe militaire el
lettrée, cette révolution fut faite aux cris de « Mort ma
étrangers » « Dehors les étrangers », mais lorsque les Japo-
nais reconnurent qu'il était impossible de chasser les étran
gers comme jadis, ils se mirent à leur école. Quatre ans
après la révolution, le Japon inaugurait sa première ligne
de chemin de fer.
En Chine, la force militaire nécessaire pour imposer
une révolution manque complètement. Le peuple lui-môme
est ossifié dans sa culture autochtone bien pi us forte qu'une
culture acquise. Le Japon accueille une nouveauté bien
plus facilement qu'une nation européennei L'empereorf
LA RÉNOVATION DK LA CHINE ET l'eXKMPLE DU JAPON 409
est entouré d'un respect semblable à celui qu'on témoigne
à une divinité. Monté sur le trône on 1867, il est l'objet d'une
vénération sans borne, et c'est en son no.n, sous son auto-
rité, qu'ont été imposées par quelques gouvernants les ré-
formes qu'on connaît et qu'ont été accomplis cette étonnante
révolution et les changements prodigieux dont le Japon
nous a donné le spectacle.
En Chine, cette autorité manque. Sans (lout^3 l'empereur,
Fils du Ciel, jouit d'une certaine autorité, mais alors que la
Cliine s'est si peu modifiée et que la môme dynastie s'est
maintenue au Japon, la dynastie chinoise a changé tous les
500 ans environ. La dynastie actuelle est d'origine étran-
gère ; ce n'est pas elle qui peut imposer des progrès. Elle
n'a pas de prestige, les progrès ont toujours été imposés
contre elle, et rien n'autorise à croire, ni dans l'origine du
peuple chinois, ni dans sa parenté très éloignée avec le Japon
parenté tout au plus aussi rapprochée que la nôtre avec les
Arabes d'Algérie qui appartiennent à la race blanche, ni
dans la constitution politique, ni dons son histoire, ni dans
son système de gouvernement, que la Chine puisse suivre
l'exemple du Japon.Tout fait supposer que si elle le suit, ce
ne sera que très lentement. On l'a bien vu au cours du xix«
siècle. Depuis 70 ans que les relations existent avec la
Chine, ce qui a pénétré chez elle de noire civilisation est
infiniment moindre que ce qui a pénétré au Japon depuis
cinquante ans.
La population chinoise est d'environ 400 millions d'habi-
tants. Le nombre des Chinois est donc énorme comparé au
nombre des Japonais qui sont 45 millions environ, et cela seul
rend bien plusdifflcile la pénétration des idées européennes.
En un mot, si la Chine doit se rénover, elle ne se réno-
vera que peu à peu, et cette rénovation sera infiniment
plus longue que celle du Japon. C'est ce que disait demie-
r^arat w bout persoaaog^Q du Japoui le gendre môme du
410 LA RÉNOVATION DE LA CHINE ET l'eXEMPLE DU JAPON
marquis Ito, actuellement résident en Corée, qui est rame
du nouveau régime japonais. Le baron Suymatsu,qui était
récemment en Europe, disait à un interviewer anglais
qu'il pensait que les Chinois se transformeraient beaucoup
plus lentement que ne se le figurent les Européens, que la
marche des événements ne serait pas aussi rapide que le
pensent beaucoup de gens, à moins que les Chinois n'c.rri
vent à mécontenter le Japon et que n'éclate une nouvelle
guerre, à la suite de laquelle le Japon mettrait complètement
la main sur la Chine et imposerait son protectorat à Pékio,
ou que le Mikado ne soit proclamé empereur de Chino, ce
qui pourrait aussi bien arriver, puisque la dynastie mongo-
le est une dynastie étrangère comme il y en eu à plusieurs
reprises en Chine. C'est une hypothèse qu'on peut envisager.
La victoire du Japon a tourné la tôte aux Chinois ; ils se
figurent qu'ils peuvent faire comme ceux qu'ils appelaient
les petits barbares des îles de la mer. Evidemment, tout en
ayant de la considération pour les Japonais, ils ont aussi à
leur adresse un fond de dédain et ils pensent qu'eux aussi
pourraient bien les vaincre, malgré leur récente défaite. Il
faut dire que les Chinois oublient vite.
Dernièrement les Chinois refusaient d'acheter les n-ar-
chandises américaines, ce qui prouve qu'ils ne sont pas
d'humeur à se laisser traiter comme quantité négligeable-
Il en est do même vis-à-vis des Japonais qui sont leurs
instructeurs,ils en ont unecértainedéfiance.Si cette défiance
s'accentue, cela pourrait bien amener des mesures de coe^
cition de la part des Japonais. C'est ce qu'indiquait derniè-
rement le baron Suymatsu, quand il disait (( qu'il faudrait
bientôt,s'ils ne se montraient pas plus disposés à suivre 16^
conseils des Japonais, tâcher de les mettre à la raison* >)
Dans cette hypothèse, les progrès pourraient alors se tra-
duire assez rapidement. Je n'ai pas besoin de dire que la
réalisation de cette hypothèse serait dangereuse pour TEu*
U RÉNOVATION DE LA CHINE ET l'eXEMPLE DU JAPON 411
rope. Les Chinois ne formeraient pas une bonne armée
tout seuls, mais sous le commandement d'officiers habiles,
etuoefois bien nourris, ayant, toutcomme les Japonais, un
parfait mépris delà mort, ilspourraientdevenir redoutables.
Le Chinois a toujours manqué de patriotisme mais il a
paru parfois se réveiller. Aujourd'hui, il juge que le péril
ne vaut pas la peine de risquer sa vie^ et il applique dans la
bataille ce proverbe anglais . Celui qui se bat et qui se sauve,
titra pour se battre une autre/ois. Mais sous le commande-
ment d'officiers habiles,le Chinois ferait certainement un bon
sûldat,et cette puissance,qui comprend des millionsd'hom-
mes, pourrait devenir une masse redoutable pour le monde
11 est certain que la transformation qui se produit peu à
peu, par suite de l'introduction en Chine des moyens de
communication modernes et de la grande industrie, peut
constituer un jour un danger pour l'Europe, si celle ci ne
sait pas se maintenir à la hauteur de ses anciennes traditions,
si elle se laisse de plus en plus accaparer par des doctrines
démoralisantes, tant au point de vue économique que poli-
tique, si les Européens cessent de travailler, perdent le goût
du nnétier des armes et l'esprit de dévouement. Il est possi-
ble alors que les races d'Extrême-Orient deviennent dange-
reuses. Il y a tout à attendre de la part de gens qui^ comme
les Japonais, ont conservé leurs vertus militaires et un
mépris superbe de la mort.
Ce qui se dégage de l'étude des faits, c'est que si nous ne
voulons pas suivre le flambeau du progrès, nous imiterons
ces coureurs qui le passent à d'autres. Si nous voulons, au
contraire, continuer de le porter, il nous faut plus que ja-
mais, nous autres Européens, redoubler de travail et
4'énergie.
Pierre Leroy-Beaulieu.
Nos PÊCHERIES de PEHIES et la MIS» le H. SEDRAT
La question des nacres et des perles est l'une des plus
importantes parmi celles ((ui préoccupent actuollonu'nt
notre industrie nationale. Les fabricants français emploient
plus de 2.500 tonnes de nacres qu'ils se procurent sur
les marchés de Londres et de Hambourg ; certaines usines
n'arrivent d'ailleurs pas à s'approvisionner de toute la
quantité de nacre dont elles ont besoin ; une augmen-
tation de production des gisements nacriers ne ferait
pas baisser la valeur de ce produit, dont les applications
deviennent de jour en jour plus nombreuses.
Les perles tiennent également une grande place dans le
commerce de la joaillerie et de la bijouterie françaises, et
leur valeur, loin de diminuer, ne fait qu'augmenter, car ces
produits naturels sont de plus en plus estimés.
Les nacres et les perles nous intéressent pour une autre
raison, non moins importante :La France possède, en effet,
les plus vastes bancs d'huitres perlières et pacrières qui
soient au monde, dans ses colonies d'Océanie ; la quantité
de nacre exportée de Tahiti en 1903 s'est élevée à 600.000
kilogs environ, représentant une valeur de plus de 2 mil-
lions de francs.
La question des nacres et des parles intéresse également
la Nouvelle-Calédonie, Madagascar, l' Indo-Chine, Djibouti
et la Guyane française, qui possèdent, à des degrés divers
des gisements d'huîtres perliôres ; mais c'est surtout dans
jes îles de l'archipel des Tuamotu et des Gambier qu'on
peut se livrer le plus fructueusement à la pèche de ces pré-
cieux mollusques.
Frappé du meilleur parti qu'on serait à môme de tirer
NOS PECHERIES DE PERLES 413
»Vune telle richosse si l'exploitation en était ré<4:lée ration-
nell«»înen(, le gouverneur de Tahiti, dont dépendent les cent
«li\ huit iles qui conslituenl les arcliii)els des Tuamolu et
dt.'s (iMinbier eut, voilà trois ans, rexcellenlo ponsée de
d'uiander au ministre des Colonies l'envoi d'un zoologiste
distingué, qui serait chargé d'aller étudier sur place cette
i-.nportante (fuestion.
Parmi les jeunes savants qui occupent, nombreux, cette
ruche scientifique qu'est le Muséum «l'histoire naturelle, le
ministre n avait (jue l'emliurras du choix ; mais sur l'avis du
«lireclour. M. Kdmond Perrier, il décida de conlier cette mis-
sion à M. L. Cj.Seurat,sous directeur du laboratoire colonial.
Parti de Marseille en lî)02, M. Seurat est rentré par
it? Havre, après avoir séjourné trente-deux mois dans
Outre possession océanicinne et ayant elTectué, par l'itiné-
' r.nro suivi à l'aller et au retour, un voyage con)plet autour
I J'i inoude. 11 rapporte de son ex])édition une abondante
niuisson de documents ethnographiques, d'autres concer-
'i-'int la faune et la llore, et surtout quantité de matériaux
l»*^'iirsfs études futures.
Lelaboratoire colonial est installé dans une des innom-
^f^l'les ilépendances ijui s'éléviMit un peu pai tout aux
sl'Jiils (b; ee <|u'on est convenu d'appeler le (( Jardin des
K.intts >» et ijui forment avec les musées de minéralogie.
^"/•(oiugie, etc, le (( Muséum d'histoire naturelle » recon-
nu iha«|ue jour incapable, faute de ressources sulTisuntes,
«ieitMjplir l'admirable et vaste tache (jue lui avait assignée
la 0»avention.<Je laboratoire occupe, dans la rue de Buffon,
M /jjnitié du vaste rez-de-chaussée d'un immeuble qui
;«'rite une [)léia(le de savants attachés au Muséum : pro-
f^'v^eurs. préparateurs, élèves, etc. Ce coin retiré de Paris
qu''»g «vent, par ci par là, des jardinets et les verdoyants
r<fntMU\ d'arbrtîs séculaires, est une admirable et inespérée
retraite pour des chercheurs.
414 NOS PÊCHERIES DE PERLES
« Voici longtemps, m'a dit M. Seurat, que j'étudie l'huîti
porlière, et c'est à cela évidemment que je dois d'avoir éU
choisi par le ministre des Colonies pour aller à Tahiti. J'avais
été chargé antérieurement de missions au Mexique et en
Tunisie pour des recherches zoologiques; mais j'ai été plus
p.irticuliôrement intéressé par mon dernier voyage, au
cours duquel j'ai recueilli de très utiles indications sur la
pèche, la culture et les conditions biologiques de l'huître
perlièro,qui me permettront de montrer plus tard comment
procéder à une meilleure utilisation du produit.
« Vous savez que les mollusques margaritifères sont re-
cherchés depuis la plus haute antiquité et que, parmi ces
mollusques, celui qui tient la première place au point de
vue de la production et de la qualité des perles, est sans
doute l'huitre perliére qui fournit la nacre la plus estimée.
« Il en est de deux sortes: !<> la méléagrine à nacre jaune
paille, qui donne de la nacre et de la perla, mais dont l'é
clat disparaît très promptement ; 2° la méléagrine margari-
tifôre, qui porte des perles capables de rivaliser avec celles
très renommées du golfe Persique et dont quelques-unes
ont une réelle valeur. Il paraît qu'une des perles appartenan
à la reine Wilhelmine et estimée à 120.(KX)fr., provient de
nos pêcheries de Tahiti.
« Parmi les cent dix-huit îles massées près de notre
possession océanienne, on en compte qu'une cinquantaine
produisant des huîtres nacrières. Leur aspect est à peu près
uniforme et tout particulier. Reposant sur un fond volcani-
que, ces îles, surélevées de 2 à 3 mètres seulement au-
dessus de la mer, sont généralement de forme ovoïde et
constituées par une couronne de récifs coralliens entourant
un lac intérieur ou (( lagon », d'une profondeur de 50 mètres
environ. Or, c'est dans ces lagons que vit l'huitre perlièWt
qui ne se plaît pas dans les grands fonds. Le plus riche est
celui de l'Hikuera, qui fut dévasté, il y a deux ans, par un
NOS PÊCHERIES DE PERLES 415
cyclone. D'autres très fréquentés aussi, sont ceuxdeMoréa,
Pau.notu, Tuamotu. Toutes ces îles ne sont pas perlifères,
'eiest (jui produisent des huîtres à nacre et d'autres sans
i,»(Te.
('Ceso.it les Maoris, qu'on appelle improprement Cana-
li'S qui se livrent exclusivement à la pèche etdela façon
livante : de bon matin, les indigènes, au nombres de cinq
' six. montent sur leurs cotres, qu'ils dirigent avec une
liileté consommée. Arrivés au point choisi, les. plongeurs
îii.ntMicent par reconnaître les endroits où ils peuvent
•iiverdes nacres ; ils se munissent pour cela du miroir,
isse rectangulaire en bois, à face inférieure formée par
carreau de vitre masqué avec soin ; une des parois lacé-
es porte une encoche arrondie sur laquelle repose le cou
sque l'indigène introduit la tête dans l'appareil. Ce
v;nl terminé, le plongeur s'assied sur le bord du cotre,
pieds pendant au-dessus de l'eau. Au moment de plon-
'. il respire bruyamment, et, faisant une dernière inspi-
ion, il se laisse couler les pieds les premiers. Dès qu'il
^l emparé de l'huître perlière, en arrachant d'un mouve-
nl brusque les filaments qui la retienneent au rocher, il
iionfeà la surface et dépose sa récolle dans le bateau.
La plongée dure de deux à trois minutes et atteint
'j'J à :iO mètres de fond. Gomme c'est dans la partie
H»' (le riiuilre qu'on trouve la perle, on ouvre la coquille
••n examine son contenu (ju'on rejette à l'eau, l'opé-
io!i terminée. L'indigène garde pour sa nourriture le
i>»'le dont il est très friand.
" Lf*s Maoris sont très doux ; ceux qui vivent à l'est
'tiquent le catholicisme : ceux de l'ouest sont des mor-
ns réformés. A ces croyances, se mêlent cependant des
"w païennes ; c'est ainsi que certains animaux tels que le
l'JJii et lu tortue de mer, .sont (!onsidérés par eux comme
l'es. Ils ont des fables et des légendes assez curieuses.
il6 NOS PÊCHERIES DE PERLES
Entre autres on retrouve chez eux la légende de rhoninae
avalé par un requin et rejeté trois jours après.
(( Los indigènes ne vivent pas toujours dans ces îles : ils
vont à Papeete pendant l'interruption de la pêche qui dure
quatre mois par an où les animaux émeUent leurs œufs.
L'huître perliôre compte, en effet, des mâles et des femelles;
les sexes sont nettement séparés,et j'ai pu pir la forme etjl'ap-
paronce extérieure de la coquille, arrivera reconnaître une
huître mAle d'une huître femelle. Ceci est très important
pour l'ensemencement. On repartira alors par moitié, dans
ses en Iroits choisis à cette effet, des coquilles môles et fe-
melles. Cette mesure sera d'autant plus profitable que j'ai
remarqué que les deux sexes ne se pi lisent pas partout.
Ici les mâles prospéreront alors que les femelles succom-
beront et inversement. Tout ceci fer.i, d' Ailleurs, l'objet
de mes recherches de laboratoire. »
(( J'ai découvert, poursuivit M. Seurat,c3inm3nt se forme
la perle. Son origine est parasitaire. C'est un petit ver plat,
un cestode, qui s'introduit dans le corps de l'huître, y dé-
termine une excitation qui donne naissance à un kyste, et
c'est de la calcification que sortira une p^rle ou une pro-
duction analogue plus ou moins belle. Il y aura toujours
bien entendu, dans la pro îuction de la perle, une part
d'aléa. Ce qu'il y a de curieux, c'est quo les cestodes ne
deviennent pas adultes dans l'huître perlière, c'est-à-dire
que, à quelque époque de l'année qu'on les examine, on les
trouve toujours dans le même état de développement. Ces
animalcules continuent leur évolution à l'intérieur du tube
digestif d'une sorte de raie, la raie aigle, qui se nourrit de
la chair des huîtres perlières. C'est là qu'ils deviennent
adultes. La protection de ces raies s'impose donc. Il est
certain que cette théorie peut ne pas s'appliquer à tous les
cas. Déjà, pour les perles jaunes d'or, j'ai constaté que ce
n'était pas cet animalcule qui les produisait ; mais pour la
NOS PâCHBRIBS DE PERLES 417
majeare partie des huîtres perlières le fait est incontestable.
Il a été, d'ailleurs, observé dans les pêcheries de Geylan.»
k n'ai reproduit qu'une bien faible partie de tous les ren-
seignements que m'a fournis si obligeamment M. Seurat,
mais j'en ai assez dit pour montrer qu'il est indispensable
détablir sur des bases solides une réglementation ration-
selle de la pêche de l'huître perlière,permettant l'exploitation
niélhodique des lagons, sans arriver cependant à leur
épuisement ; on pourra alors songer à repeupler les lagons
épuisés et mônie à améliorer, par quelques travaux peu
CDûteux, les conditions naturelles de certaines îles où les
Qeléagrines se développent mal.
On aura ainsi rendu aux lagons de Tahiti leur ancienne
prospérité, et leur exploitation raisonnée pourra donner à
cos colonies d'Océanie une source de richesse stable et en
feire un des pays les plus producteurs de nacre du monde.
Cest ce à quoi, après un pénible et long labeur dans les
contrées lointaines et inhospitalières, M. Seurat va s'em-
ployer maintenant, dans le calme du laboratoire.
René Draz.
(BulUtin de la Sodéti de GéographU de VEêt)
sr
Wl UOnE POlU îIiE COTOS COUOIlIflli (*>
La présence à cette réunion des hautes personnalités qu^
M. le Président vient de nommer successivement est, com-
me il vient de vous le dire, un témoignage de l'importance
considérable qui s'attache à la question que je vais avoir
l'honneur de traitcjr devant vous ce soir. Il est fâcheux
seulement que ce ne soit pas un homme du métier qui soit
appelé à vous parler du coton.
Messieurs, l'Association cotonnière qui m'a envoyé, la
Société de Géographie Commerciale et la Société Colon
niale Cotonnière du Havre qui ont bien voulu me patronner,
ont pensé qu'un économiste pouvait, à côté des techniciens^
essayer de définir en quoi consiste, dans sa plus grande
nécessité, la question du colon.
Si vous raisonnez d'après les travaux du port du Havre^
vous concevez qu'on peut avoir des notions exactes et très
étendues si, sans être ingénieur et au lieu d'aller les voir
à pied-d'œuvre, on monte simplement la côte et,de là, on fait
des comparaisons avec d'autres ports européens. Si vous
pouviez dérouler l'un après Tautre les panoramas des ports
d'Anvers et du Havre, une telle vision fournirait des rappro^
chements des plus instructifs pour chacun d'entre nous.
Donc c'est au colonial que s'est adressé l'Association du
coton colonial et elle l'a chargé de vous parler du cotonj
colonial. S'il en est de plus compétents, il n'en est pas de
plus ardents que celui qui prend la parole ce soir.
' j
(1 Conférence faite devant la Société de Géographie Commerciale du
ifovre.
LA LUTTE POUR LE COTON COLONIAL 419
L'Europe est petite et il semble bien que nous entrons
dans des formules de politique tout à fait différentes de
celles que nous suivions. La politique des nations va ôtre
substituée à la politique de continent, et si vous interrogiez
TuD de ceux qui sont à môme de propliétiscîr les destinées
des peuples, soit qu'il ait 'participé à leur gouvernement,
soit qu'il ait acquis les connaissances de leurs développe-
ment successifs, il n'aurait pas sans doute de peine à vous
répondre: l'Europeestmenacée d'un danger vers l'Extrême-
Orient, qui s'appelle la rivalité des races jaunes, sous la
conduite des généraux japonais, avec leur expansion paci-
fique aggravée d'un développement industriel poussé à son
extrême pour le Japon.
Quelle que soit la réalité de ce qu'on a appelé « le péril
jaune », nous sommes forcés de tourner les yeux vers un
autre continent et de constater qu'un autre danger nous
menace, également réel, également pressant, et qui s'atta-
que à toutes les formes de notre activité. Hier c'était le ra-
chatà bon compte d'une œuvre d'intérêt mondial entreprise
avec le produit de l'épargne nationale et dont les bénéfices
devraient rester entre nos mains : j'ai nommé Panama.
Demain ce sera sans doute la transformation de la Chine
en une vaste usine dont nous serons peut-être les clients,
mais dont nous ne serons pas même les gérants participant
aux bénéfices. Aujourd'hui c'est la menace de voir se tarir
une source de ravitaillement de l'industrie nationale : j'ai
nommé l'industrie cotonnière.
Jusqu'à ces dernières années, l'Amérique s'était conten-
tée d'envoyer à l'Europe les chargements innombrables
de ses cotons bruts, égrenés et non égrenés. Les prix de la
marchandise étaient évalués d'après l'importance des récol-
les, et celles-ci étaient indiquées tous les ansgcomme le sont
chez nous les produits des récoltes des céréales. Tout à
coups, la spéculation américaine fit son apparition et de
420 LA LUTTE POUR LE COTON COLONIAL
affirmations tendancieuses vinrent faire subir à la matière
première des variations folles, de nature â dérouter l'ache-
teur et à l'acculer à cette situation que les cours les plus éle-
vés s'appliquaient quelquefois aux récoltes lesmeilleures.Oa
aurait pu arriver, connaissant les inconvénients de la spé-
culation, à ce que des syndic:its avisassent aux moyens d'y
parer sur place. Ils auraient pu avoir des agents techniques
qui auraient renseigné aussi bien sur l'importance de la
récolte que sur la valeur même de cette récolte ; mais, pour
qui connaît les Américains, leur vaste esprit d'entreprise
et l'orgueil jaloux qu'ils ont de leur territoire aussi bien
que de leur commerce national, il était évident que l'Amé-
rique ne se contenterait pas toujours du rôle de productrice.
L'Amérique, dont les besoins vont chaque jour grandissant, '
n*est-elle pas favorisée par la nature: un sol vierge et fécond, i
des mines de charbon et de fer voisinant et donnant toutes j
facilités pour créer une industrie nationale et la développer, i
ensuite, des étendues formidables de terres, des lacs gigan-
tesques, des estuaires qui sont des mers, une population
particulièrement âpre au gain parce qu'elle est faîte de tout .
le surcroît et de tout le déchet de toutes les populations eu- J
ropéennes, des fortunes immenses réalisées dans une ex- ,
ploitation intensive du sol et multipliées dans la création de j
Tindustrio nationale et, par-dessus tout cela, comme pour
les mettre en œuvre, un entendement spécial qui donne la
claire vision de l'intérêt et l'alliage des moyens propres à
le servir, produits de tous les éléments enlevés à leur milieu
d'origine et transportés là où l'activité développée sous tou-
tes ses formes ne devait pas rencontrer d'entraves.
Un continent défini de la sorte, que lui fallait-il. non pas
pour secouer le joug d'un continent plus vieux, depuis
longtemps organisé et exploité, mais encore pour dominer
à son tour ? Il lui fallait le concours du temps et des années
pour le succès.
LA LUTTE POUR LE COTON COLONIAL 421
Dans ce développement de TAmérique, ce qui frappe sur-
tout, c'est celui des Etats du Sud. Il est intéressant de
rapprocher ce qu'était TAmérique coton nière des Etats du
Sud et des Etats du Nord.
En 1900, les filatures du Nord ne consomment que
260.000 belles, celles du Sud 600.000 environ, et en 1903, les
filatures du Nord prennent 970.000 balles, celles du Sud
l.OOO.OOO à 1.730.000. Par conséquent, Tannée 1903 a vu la
prédominance des EtatsduSudsurceux du Nord se marquer
d'une façon définitive. Ce mouvement s'accentue d^année en
année. Dans les Etats du Sud, les filatures ne sont pas grou*
pées comme elles Tétaient dans le Nord. Elles sont situées
au point le plus favorable et presque toujours au point géo-
graphique où se rencontrent les voies de transport, etéga^
leraent à portée des mines de charbon et de fer. Il y a par
conséquent ce que Ton peut appeler une méthode d'indus-
trie particulièrementdangereuseau pointde vue cotonnier.
Enfin, un facteur nouveau entre en ligne : le Canada. En
8 ans le Canada a demandé près de 3 millions de balles et
88 consommation a passé de 200.000 à 550.000 balles On
peut prévoir que les Américains sont à même d'employer
la moitié de la production de 1906 évaluée à 13 millions de
balles, Eh bien I ce développement des filatures dans les
Etats du Sud participe, je le répète, d'une méthode écono-
^mique parfaitemeut définie dans ses grandes lignes et par-
faitement appliquée dans son exécution.
Les capitaux du Nord s'étaient portés pendant longtemps
vers TOuest et avaient en cela suivi le mouvement migra
leur des masses. Les financiers se souvinrent que le Sud
était particulièrement riche et avait été prospère avant la
guerre de sécession. On réorganisa les chemins de fer en
faillite, on mit en valeur les réserves forestières, on décou-
vrit le charbon et le fer, les hommes d'affaires secondés
par les capitaux) entreprirent le relèvement du Sud. Or,
422 LA LUTTE POUR LE COTON COLONIAL
cette œuvre n'en eàt qu*à son début et on voit ce qu'elle a
produit en 20 ans. Ces résultats ne sont çncore qu'une indi-
cation, car le capital est encore en partie inemployé.
Il semble que nous aurions tort de nous enfermer dans
une admiration béate des procédés des Américains, il serait
plus simple et plus pratique de les imiter dans leurs métho-
des et dans leurs procédés.
De ce que je viens de vous dire, il apparaît bien qu'il y a
aussi un « péril » américain. Enfin, si nous raisonnons de
l'avenir d'après le passé, nous sommes amenés à conclure
qu'il ne s'écoulera pas 10 ans avant que la totalité du coton
produit par l'Amérique soit consommée « at home » c'est-à-
dire en Amérique. En face de ce danger, que fallait-il faire ?
Fallait-il des discours, des réunions, des paroles ? Il fallait
surtout des actes. Or les actes s'échelonnent depuis30 ans
à peine ; les uns cherchaient la solution, les autres la défi-
nissaient, d'autres enfin en étudiaient les applications.
C'est ici que j'entre sur un terrain qui m'est familier, el
où j'ai, avec d'autres, livré des batailles que nous avons
gagnées et où j'espère vous aider à gagner à votre tour la
bataille du coton colonial. Mais nous n'avons pas encore
envisagé, et je vous demande la permission de revenir un
peu en arrière, quelle serait la conséquence de ce que je
n'hésite pas à appeler un désastre, le jour où l'Amérique
consommera la totalité des balles de coton qu'elle produit*
Avant moi, vous avez déjà entrevu qu'il n'y aurait pas moins
de 300 usines françaises de filature et 600usines de tissage
qui seraient obligées de fermer leur portes vendant à leurs
rivaux un matériel jadis coûteux à installer, puis à perfec'
tionner, et devenu inutile. 300.000 ouvriers seraient jetés
dans la rue, privés de leur gagne-pain, obligés de chercher
un gagne-pain nouveau. Cette perturbation aurait dans le
capital et le travail des répercussions se faisant sentir sur
d*autres branches. Telle serait brutalement résumée la
LA LUTTE t>OÙh LB COTON COLONIAL 423
conséquence que nous pouvons entrevoir. Je sais bien
qu'elle n*elTraie pas outre mesure certains esprits superficiels
et qui n*ont de la vie des peuples qu'une conception enfan-
tine : « Des patrons ruinés, disent-ils, la belle affaire ! Ne
TOUS mettez pas en peine pour eux ». Comme s*il pouvait
leur être indifférent que.lecapital,argent ou machines d*une
industrie, soit dispersé du jour au lendemain, annihilé ou
détruit. « Des ouvriers renvoyés 1 Us feront autre chose ou
bien ils iront en Amérique.)) Comme s*il était possible à des
hommes dont le corps a été plié pendant des années à une
certaine catégorie de travail de modifier leurs aptitudes
professionnelles, comme si même les Américains, dans le
cas où cela pourrait se produire, n'étaient pas hommes à
défendre l'entrée de leur pays à ceux qui viendraient et
pourraient modifier leur état politique et social. Et c'est
pourtant de la sorte qu'en France nous envisageons sou vent
les problèmes qui portent sur la vie de notre pays. Cela s'est
produit lorsque il y a 30 ans il s'est agi de renouer les tra-
ditions coloniales de la France, perdues et presque proscri-
tes. C'est des colonies françaises que nous tirons aujour-
d'hui, pour ne citer que deux matières premières nécessai-
res à l'industrie nationale,le caoutchouc et que demain nous
pourrons tirer le coton. Pour le caoutchouc, par exemple,
l'ensemble de nos colonies fournit aujourd'hui un total
supérieur aux besoins de Tinduslrie nationale ; par consé-
quent les colonies françaises peuvent, après avoir approvi-
sionné leurs nationaux, exporter dans les pays voisins^
Pour le coton, nous sommes ô la veille de démontrer que
l'ensemble de nos colonies fournira, quand on le voudra,
moyennant une appropriation nécessaire, et en échange des
300 millions que nous payons aux Américains, le million
de balles dont l'industrie française a besoin annuellementé
Lorsqu'il s est agi de coton nous avons cherché dans
Teotemble des territoires ceux qui se préparaient h celle
4â4 LA LtTTK POUR LE COTOK COLONIAL
culture. Cette politique coloniale s*est trouvée justifiée pfi
les faits, et, en ce qui concerne le coton, nous pouvons e»
sayer de remonter jusqu'aux causes.
Prenez les récits des explorateurs : chez tous, à un degi^
diâérent, suivant le tempérament ou suivant le caract^,
vous retrouverez la préoccupation constante des intérêts
économiques du pays. Ils sont allés à travers des territoires
jusque-là inconnus, ils visitèrent des populations barbareSi
quelques-unes livrées encore à Tanthropophagie. Ils étu-
dient en marchant les capacités de production et de
consommation des populations qu'ils rencontrent, les pro-
duits de culture et les produits forestiers. Ils essayent
d'évaluer les frais qu'auraient à supporter les matières à
l'importation ou à l'exportation ou bien ils emportent en
France des échantillons de l'industrie indigène, tels cenx
rapportés par le commandant Lenfant, et que l'explorateur
Béhagle nous avait déjà montrés en 1893. Rentrés chez euX|
les explorateurs livrent aux industriels, aux commerçants,
les résultats de leurs observations et de leurs études, heu'
reux,si ces études sont accueillies avec intérêt et largement
payés de toutes leurs fatigues et de toutes leurs souffrances
lorsqu'ils arrivent à déterminer un mouvement économique
dans le sens préconisé par eux.
Voici un fait plus particulier et sur lequel je tiens à attirei
votre attention parce que vous 1 avez connu en son temps
et que vous avez pu en apprécier la valeur. C'était eu 18y8
le coiouel Irentinian, alors gouverneur du Soudan, piési
dait aux destinées du Soudan Français et, je le répèle
comme tous les fervents coloniaux, il avait la préoccupatioi
des intérêts économiques de la France dans ces région
Il imagina d'abord de faire l'inventaire du Soudan et i
institua une mission dont faisait partie M. ChevallieriOrigi
naire de Normandie, et M.Copolanii tué récemment, 'ûp
un an environ» L'inventaire ube fois fait, il s'agissait d<
tA LUTTE POUR LE COTON COLONIAL 425
tirer parti des ressources, des richesses ainsi reconnues.
Comment faire ? Comment établir des expériences colonia-
les en procédant administrativement ? Voici ce que le colo-
nel de Trentinian imagina. Les populations indigènes étaient
pliées à Timpôt mais quelques-unes ne connaissaient pas
la valeur de nos monnaies, comme les Sénégalais. On leur
demanda Timpôt en nature : un pays à élevage était frappé
en bœufs pour le ravitaillememt des postes, un pays à
caoutcbouc, en caoutchouc, la région de Tombouctou en
blé (je me rappelle avoir mangé, en 1898 à Paris, du pain
fait avec de la farine provenant du blé poussé à Tombouctou);
Un pays de coton, frappé en coton. On réunit de la sorte,
sous forme d'impôts environ 80 balles de coton qui ressem-
blaient vaguement aux balles commerciales que vous
connaissez, assez mal égrené, mal pressé en tous cas ; mais
c'était du coton ! Ce coton avait fort mal voyagé parce que
les moyens de transport n'étaient pas perfectionnés. Il en
arriva cependant assez pour que des essais puissent être
faits et on reconnut sa valeur marchande. Puis le colonel
Trentinian rentra en France,recueillit les avis des principaux
intéressés et il se préparait à reprendre ses expériences en
les corrigeant sur les points défectueux, lorsque survinrent
'des modifications administratives. Le colonel de Trentinian
fut remplacé par un autre gouverneur qui, suivant une ha
bitude trop fréquente, ne crut pas devoir continuer l'œuvre
de son prédécesseur, et la question du coton fut abandon-
née du jour au lendemain au Soudan. C'était une double
faute au point de vue de la métropole qui perdaitl'avance de
six années et une faute au point de vue de la production in-
digène qui se voyait arrêtée dans son premier élan.
Quoi qu'il en soit Texpérience était intéressante et c'est en
présence de ces données que l'ÂssociationCotonniôre a com-
mencé son œuvre dont il me reste à vous entretenir encore*
Vous area compris, Messieurs, que le remède à la crise
^426 LA LUTTE POUR LÉ COtON COLONIAL
cotonnièrepour un Etat réside dans la pleine utilisation de
tous ceux de ses territoires qui se prêtent à la culture du
coton, et c'est en partant de cette idée qu'il s'est créé en
France, en Allemagne, en Angleterre, des associations co-
tonnières qui poursuivent le mêmebutavec des méthodes et
des procédés légèrement différents. Je ne parle pas de la
Russie ; la Russie a le Turkestan où elle est arrivée è
produire 560.000 balles de coton ; mais elle est également
menacée par l'Amérique. La France, l'Allemagne, et l'An-
gleterre grâce à leurs colonies respectives peuvent trouver
la solution de la question du coton colonial.
Qu'est-ce que l'Association cotonnière coloniale ? C'est
un groupement de tous ceux qui, directement ou indirecte-
ment, sont intéressés à la culture du coton; commission-
naires en coton, filateurs, tisseurs, teinturiers, apprôteurs}
ce sont là les intéressés directs et ils seraient incontestable-
ment les premières des principales victimes d'un désastre
s'il venait à se produire. Les commissionnaires en mar-
chandises, les compagnies do transport, les assureurs, les
banquiers sont des intéressés indirects, je le veux bien, mais
ils auraient tout de môme à pâtir du désastre, car il se ferait
un tel déplacement de forces économiques que tousen souf-
friraient. Et nous aussi, les coloniaux,nous sommes intéres-
sés dans la question du coton, parce que nous tenons à
démontrer que la politique coloniale, telle que nous l'avons
conçue et que nous l'avons conduite, n'était pas une ques-
tion de rêve, mais une question d'intérêt pratique, parce
que nous voulons que la France reprenne sur ses colonies
les mêmes avances qu'elle a pu leur faire. Et quelle pluie
bienfaisante pour l'ensemble des colonies françaises, que
la répartition des: 300 millions de francs que nous payons
tous les ans à l'Amérique. Voici quelques chiffres qui nous
permettent encore d'envisager l'utilité du problème.
Sur un total de 67 millions de cotonnades importées dani
LA LUTTE POUR LE COTON COLONIAL i27
OS coloDies, je constate que Timportation de la France ne
eprésente que 34 millions, c*est-à-dire qu'il reste un mar-
hé de 23 millions à couvrir.
lci,je veux raisonner sur l'ensemble du bloc colonial afri-
.ain français. Il y a environ 31 millions d'indigènes dont la
)lupart sont peu vêtus, les autres complètement nus, et si
Qous vendions seulement à chacun d'eux 5mètres de coton-
nade cela ferait près de 80 milions de francs.
11 y a là dans ce point de vue colonial une démonstration
de l'état de l'œuvre entreprise. Il y a là comme toute la
solution de cette grande question qui a fait l'objet de dispu-
tes très vives,entre les protectionnistes et les libres-échan-
gistes tendant à faire ressortir le défaut d'équilibre entre la
production et la consommation. La solution résidait dans
cette double balance; les colonies fournissant la métropole,
et la métropole fournissant de cotonnades les colonies.
Cela dit de TAssociation, il est bon d'envisager quelle
est son œuvre ; mais auparavant notons que les industriels
européens bien avertis du danger qui les menaçait ont pris
toutes les mesures susceptibles de parer au danger. Le con-
naissant, ils cherchent dans leurs colonies des territoires
propres à la culture, et ils se sont pour ainsi dire syndiqués
en face de l'industrie américaine. Du 5 au 9 Juin 1905 il
s'est tenu à Manchester un congrès, et je note tout de suite
que l'Association avait exposé là une collection très com-
plète des étoffes faites par divers industriels métropolitains
Bvec du coton de production coloniale proprement dit. Les
meilleures choses ont été dites (on dit toujours les meilleures
choses dans les congrès),entre autres la nécessité pour l'Eu-
rope de produire le coton destiné à ses filatures ; mais sur-
tout la défense cotonnière y fut discutée. A l'inverse de
tant de congrès faits pour mettre en valeur certaines per-
^nnalités, on a envisagé des solutions pratiques. J'en
trouve la preuve dans la circulaire adressée par le syndical
428 LA LUTTE POUR LE COTON COLONIAL
français aux filateurs et tisseurs et qui les invite à faire
connaître ce qu'on appelle les stocks visibles et la consom-
mation réelle du coton. Je dois ajouter,sans entrer dans d'au-
tres détails, que la presque universalité des industriels
français a répondu à Tappel du Syndicat de l'Industrie Co-
tonnière et que la défense cotonnière est en bonne voie.
Essayons de passer en revue, très rapidement, du reste,
l'ensemble des colonies françaises.
L'Algérie d'abord, l'Afrique du Nord. Jusqu'à ces de^
nières années, j'étais de ceux qui pensent que la culture du
coton ne serait peut-être pas bien venue dans le Nord de
l'Afrique, parce que c'est une culture relativement coûteuse
parce que la main-d'œuvre serait peut-être d'un prix trop
élevé ; mais pourtant je suis revenu à une opinion meilleure
et je crois, avec un certain nombre de cotonniers, que l'Al-
gérie pourra être d'ici quelques années une colonie produc-
trice de coton dans les conditions que je vais spécifier. Ce
n'est pas un coton semblable au coton d'Amérique c'est un
coton analogue à celui d'Egypte, un coton relativement
cber et des essais ont déjà été effectués. L'Association Co-
tonnière a envoyé 200 kilos de graines de coton d'Egyplo
qui ont été distribuées à des colons. Dans un district,180 hec'
tares ont été plantés en cotonniers et la récolte sera assez
élevée cette année. Ce n'est pas encore en 1906 que Ton
pourra compter sur une production cotonnière algérienoet
il faut en tout cas attendre que se soient fondées, créées et
développées des organisations commerciales et industrielles
aptes à utiliser cette production ; mais on envisage déjà que
la production qui avait été essayée en 1860>puis abandonnée
* à la suite de la guerre de sécession et de la baisse du coursdv
coton américain, servira à contrebalancer la méventf
des vins.
Il y a des questions intéressantes et le orédit voté & k
Chambre sur l'initiative de votre honorable député M. lu
LA LUTTE POUR LE COTON COLONIAL 429
les Siegfried, aura ià précisément un emploi particulière-
nienl bien indiqué.
Au Soudan, nous avons déjà les expériences du colonel de
Trentinian ; deux années d essais et bientôt trois années ont
permis de définir les variétés à cultiver. En 1905, 20.000
kilos de graines ont été mis à la disposition des colons, en
11*36,50.000 kilos seront envoyés. Or voici à ce propos l'o-
pinion personnelle de M. le Gouverneur du Soudan. JeTai
entendu, j'ai causé longuement avec lui et je trouve inté-
ressant de vous la rapporter en insistant particulièrement
sur cette opinion :
« Je vous ferai faire,dit-il, la culture du coton au Soudan
^ une seule condition, c'est que vous serez près du champ
pour Tacheter à l'indigène et le payer en pièces de 5 francs.
Il y a un point de comparaison entre l'indigène soudanais
f^t notre paysan français. L'indigène soudanais, qui est
cependant d'une autre race, est en réalité le véritable pay-
san. Il a déjà la richesse acquise en élevage et chacun sait
î'ie le noir achète ses femmes avec des têtes de bœufs ; il
âone richesse acquise en culture ; les étoffes indigènes et
^^^ vêtements qui sont sous vos yeux proviennent des cul-
tores indigènes et de l'industrie cotonnière indigène. Et
pais il est comme le paysan français, il aime beaucoup, soit
su marché soit dans les centres commerçants, quand il a
apporté les produits de sa culture, remporter le prix de sa
^^te en espèces sonnantes à la maison. C'est là le point
«ie comparaison, c'est ce qui fait la qualité dominante, celle
sur laquelle nous pouvons fonder le plus d'espoir au point
fe vue de la production.
Nous avons déjà comme expérience la vente qui a été
Wteaumoisde juillet dernier ici au Havre,de25 balles d'un
coton qui a été estimé très beau et vendu au cours supé-
neor de 75 francs. Nous avons aussi des expériences faites
îw M. David Maigret.
430 LA LUTTE POUR LE COTON COLONIAL
II y a par conséquent des indications très précises, très
favorables sur le coton qui sera.produit au Soudan et j'ajou-
te que tous les cotons obtenus par TAssociation le sont
avec des graines importés d'Amérique et sélectionnées.
Au Dahomey, la création de la voie ferrée ouvre le pays
à l'exploitation. Alors que 100 tonnes étaient récoltées en
1904/1905, la récolte sera supérieure en 1906. Ici il y a une
variété indigène assez intéressante pour le tissu qui res-
semble à celui fabriqué avec laine et coton.
C'est un coton d'espèce laineuse au toucher qui pourrait
être amélioré et fournir un type spécial et nouveau. L'As-
sociation a au Dahomey des stations d'égrenage installées.
Le concours du gouverneur lui est acquis.
Il s'est produit un fait intéressant dans la première ex-
ploitation au Dahomey. Le premier coton produit dans cette
colonie a été acheté par des Allemands pour être transporté
à Hambourg et l'agent de l'Association, M. Poisson, fils
d'un professeur distingué d'histoire naturelle, n'a pas trouvé
autre chose comme consolation que d'imposer à l'acheteur
de toucher au Havre. Avouez que la consolation est bien
minime et qu'il eût été plus intéressant de noter que ce co-
ton eiU été acheté par des Français.
A Madagascar, les éludes subventionnées par l'Associa-
tion ont démontré que de grands espaces pouvaient être con-
sacrés à la culture du coton. Sur la côte ouest,des essais ont
été faits et nous avons un rapport de M Crépy sur le
coton de Nossi Bé. Voilà encore des résultats particulière-
ment intéressants.
Quant aux autres colonies françaises : La Guadeloupe,
la Côte des Somalis, Réunion, Guyane, Congo français,etc.
l'Association Cotonnière Coloniale se trouve en présence
de demandes nombreuses que, malheureusement, la modî
cité de ses ressources ne permet pas toujours de satisfaire.
Si l'on pouvait envoyer des graines et des machines aux
LA LUTTE POUR LE COTON COLONIAL 431
lieux divers qui en font la dema nde, on obtiendrait une
échelle de variétés,sinon aussi considérable, du moins ana-
logue à celles des cotons d^Araéiique.
Dans cette œuvre de l'Association il faut noter que les
dépenses sont considérables ; elle a des agents à elle qu'elle
envoie, qu'elle installe dans les colonies ; elle leur impose
une besogne très précise à exécuter. Il faut acheter les grai-
nes en Amérique et les envoyer dans les diverses colonies.
Elle envoie des machines à égrener, à presser; elle installe
des machines qui fonctionnent avec moteurs. Au Dahomey,
elle a une usine électrique qui a été essayée aux environs
de Paris, chez M.Esnault-Pelletier, à Boulogne-sur-Seine.
Cette année elle va envoyer plus de 50.000 kilos de grai-
nes de coton; elle possède déjà 25 machines à égrener,
5 presses et 3 usines d'égrenage mécanique. Elle a importé
dans les premiers mois de 1904,18 tonnes de coton, la produc-
tion de 1905 est de 50 tonnes. La progression sera en som-
me ce que la feront les adhérents de l'Association Gotonnière
s'ils lui viennent en plus grand nombre, et somme toute, il
faut bien reconnaître que dans une œuvre de celte impor-
tance c'est l'universalité des industriels français qui de
vrait soutenir l'œuvre de l'Association Gotonnière colo-
niale.
Essayez, si vous le voulez bien, de comprendre l'impor-
tance de cette question. Visitez tous les ports pour décider
chacun d'entre vous à une action plus soutenue et plus
méthodique, essayez d'entrevoir dans cette voie l'œuvre
entreprise par l'Association.
De quoi s'agit-il ? il s'agit en somme de dériver ce
courant commercial de 300 millions do francs et de le diriger
sur les colonies françaises. Il s'agit d'excercer sur des pays
be;iucoup plus vastes que la France elle-même une action
précise et méthodique qui modifie leurs conditions écono-
miques ; il s'agit de modifier l'état social et politique des
432 LA LUTTE POUR LE COTON COLONIAL
populations indigènes dont le nombre est considérable
comme vous pourrez vous en rendre compte tout à Theure.
Il s'agit de délivrer l'industrie cotonnière métropolitaine
du joug américain, qui est si lourd et dont les commerçants
du Havre ont pu apprécier le poids il y a deux ans, lors-
qu'ils ont vu les cours du coton monter de 70 francs à 110
et 120 francs, pour retomber au cours précédent de 60 francs.
Voilà en résumé quelle est l'importance de l'œuvre
poursuivie par l'Association Cotonnière coloniale et c'est
en faveur de cette œuvre ijue je suis venu faire un appel
direct aux commerçants et industriels de la ville du Havre,
commerçants et industriels qui sont particulièrement inté-
ressés dans la question. C'est le Havre qui importe le coton
employé par l'industrie métropolitaine, qui peut également
ambitionner l'importation des cotons coloniaux français.
C'est dans cette ville qu"il semble impossible de nç pas
obtenir l'unanimité du concours auquel je suis venuce soir
faire appel et, s'il fallait d'autres arguments pour vous
décider à l'action, je n'aurais qu'à vous dire quelle a été
l'œuvre des Anglais dans l'Inde et en Egypte. Mais vous la
connaissez et vous comprenez pourquoi l'Angleterre a tenu
à cette vallée au point d'en venir presque à déclarer la
guerre à la France, c'est parce que c'était un pays à coton
en même temps qu'un pays à hommes. En effet dans la
région du Nil il y a une race assez analogue à celle que nous
possédons dans notre Sénégal et au Soudan, et c'est avec les
Sénégalais que nous avons fait la conquête de notre empi-
re colonial africain .
Disons un mot de l'œuvre des associations étrangères.
En Allemagne ce sont les coloniaux qui ont poussé à l'étude
de la question et ils ont été, dans cette œuvre, merveilleu-
sement soutenus par Guillaume lui-même, par le gouver-
nement impérial ; l'Allemagne poursuit le même but au
Tchad et au Cameroun, voisin de notre Congo.
LA h:tte pouk le coton colonial 433
En Angleterre, ce sont les industriels métropolitains et
eux seuls qui ont poussé à la recherche de la solution dans
les colonies de la côte occidentale d'Afrique appartenant
à l'Angletepre. A propos de Tindustrie anglaise, il est inté"
ressant d en noter ici l'importance et d'en faire la compa-
raison avec l'industrie française. Il y h environ 100 millions
de broches dans le monde entier et 50 millions, la moitié,
se trouvent en Angleterre. L'Angleterre possède le tiers
des métiers du monde et le quart des exportations anglaises
est composé des produits de coton.
On a très justement dit que dans le commerce mondial
de l'Angleterre les cotonnades constituaient ce que l'on
peut appeler la monnaie d'appoint. On a estimé jusqu'à
un certain degré d'exactitude, en comprenant les armateurs
les banquiers, à 10 millions, soit le quart de la population
delà Grande-Bretagne, le nombre des Anglais qui vivent
du coton.
L'Association anglaise a des ressources considérables et
de beaucoup plus élevées que celles de l'Association fran-
çaise. Ses expériences ne sont pas du reste plus démons-
tratives que les nôtres ; dans tous les cas, l'Association
anglaise s'est engagée dans une voie assez dangereuse qui
consiste à acheter la totalité du coton produit par les indi-
gènes.11 y a là un danger que nous avons su éviter dans
les colonies françaises. Il est évident qu'il faut aider les
commerçants, mais il faut aider l'indigène, l'habituer à
améliorer sa production, et si on la lui achète dès le début
en totalité, on risque de le voir s'éterniser dans les mau-
Taises méthodes. Dans ces ressources de l'Association an-
glaise, il y a un fait intéressant à savoir : des associations
ouvrières anglaises ont apporté un concours matériel à
l'œuvre poursuivie par les patrons, soit la somme de
62.B25 francs versés annuellement pendant 7 ans. Dans ces
chiffres nous trouvons une souscription ouvrière de 100 £
28
434 LA LUTTE POUR LE COTON COLONIAL
et deux autres groupes ouvriers ont souscrit 500 £ chacun,
un groupe 250 £,ud groupe 100 £, trois 50 £ et un 5 £ sea-
lement.
Je voudrais, Messieurs, avoir été entendu ce soir par
un grand nombre de personnalités du monde ouvrier, pa^ i
ce que je voudrais pouvoir appoler leur attention sur ce \
fait. Dieu me garde de faire de la politique dans cette en-
ceinte, mais je ne peux pas ne pas constater que les
ouvriers anglais ont des façons différentes des ouvriers
français de concevoir les rapports qu'ils peuvent ou doivent
avoir avec les patrons. Ils ont la conception que leurs in-
térêts ne sont pas forcément contradictoires et qu'il leur
est possible, à un moment donné,de les mettre d'accord, de
collaborer directement à une œuvre poursuivie par les pa-
trons et dont ils sont en partie les bénéficiaires. Je voudrais
que de nombreux ouvriers français pussent acquérir par-
tiellement, tout au moins ici ce soir, les notions exactes et
étendues des grands devoirs compris dans la question co-
tonnière. Je m'empresse d'ajouter quïl s'en est déjà trouvé
et que deux associations françaises ont apporté à l'Asso-
ciation Coton nière coloniale le produit annuel de leur
souscription, peu élevée c'est vrai : mais il y a dans ce fait
un encouragement pour l'avenir et un progrès dont il faut
tenir compte. La Bourse du Travail indépendant de Lyon
a souscrit annuellement 50 francs et une association de
Falaise a souscrit aussi 50 francs.
Ce sont 50 ouvriers cotonniers qui se sont cotisés pour
faire cette somme. C'est un fait particulièrement intéressant
que la première souscription soit venue delà ville de Falaise,
do la ville qui fabrique ces bonnets de coton français chan-
tés par les chansonniers et qui si longtemps ont abrité les
cerveaux français des rhumes et l'intelligence française
du pessimisme. 11 ouvre la voie à des temps nouveaux et
nous devons remercier les fabricants de bonnets de Falaise
LA LUTTE POUR LE COTON COLONIAL 435
d avoir donné un si bel exemple aux ouvriers français.
Faut-il encore trouver d'autres arguments ? Je les trou-
verai dans ce fait que, en 1890, il s'est créé^un Comité de
de TAfrique française.
L'Association cotonnière poursuivit, elle aussi, la coati-
ûualion de l'œuvre entreprise par le Comité de l'Afrique
française et il serait étrangeque les Français ne vissent pas
dans cette œuvre une bonne action à accomplir vis-à-vis
des indigènes, et la suite de l'efîort que l'on a fait pour
les idées politiques défendues par le Comité de l'Afrique
française.
Je voudrais enfin avoir été entendu par l'un de ces hom-
mes que la fortune a 'pu favoriser et qui vont dans la vie
faisant le bien ; à ceux-là il me serait facile de prouver
qu'on peut faire bien plus grand en poussant à la culture
du coton, et pour appuyer cette argumentation, je n'aurais
qu'à rappeler les chiffres que représente l'ensemble des in-
dividualités intéressées à l'industrie cotonnière française ;
je rappellerais aussi le membre des indigènes que l'œuvre
de l'Association va élever jusqu'à nous en les faisant sortir
de la barbarie qui lesétreint depuis des siècles.
Vous voyez, Messieurs, que j'avais bien raison d'employer
cette expression : a La bataille du coton colonial ». C'ftst
enréalité une véritable bataille entre le vieux continent et
le nouveau ; l'une de ces batailles dans lesquelles le canon
ne fait pas entendre sa voix, mais dans laquelle joue le té-
légraphe. J'invite à entrer dans la bataille tous ceux direc-
tement ou indirectement intéressés dans la question du co-
ton colonial français.
Paul Bourdarie
LISTE DES OUVRAGES
Upte i la Socifitt ie EâipaïUe Coimerciale In lawe
par
M. J. DEKAMALLE, membre donateur de la Société
Noayelle géographie universelle. La terre et les hommes, par
Elisée Bbclus. Paris. 1876-1894, 19 vol. gr.-in-S, illustrés de nom-
breuses gravures dans le texte et hors texte, de cartes en noir dans
le texte et oartes en couleurs hors texte.
La terre à toI d'oiseau, par Onésime Rbclu8. Paris 1877, 2' vol.
in-1^, avec 370 gravures.
PréciB de la Géographie universelle ou description de toutes
les parties du monde, par Malte- BRUN,Paris.l861, 3 vol. in-S^ornés
de gravures et de cartes .
Géographie physique, historique et militaire, par Ihéophile
Lavallée, Paris, 1882, 1 vol. in-12.
Géographie physique, hiatoriqua et militaire de la Région
française. France, Hollande, Belgique, Suisse, Frontière occiden-
tale de l'Allemagne, par E. Buhbau, Paris, 1882, 1 vol. in- 16.
Nauvellea Géographiques, par F. Scbrâder et H. Jacottiet,
années 1891 é, 1894, Paris, 4 vol. in 8 et ia-4, avec cartes dans
le texte.
Autour du monde, par Georges Eohn, Paria, 1884, 1 vol. iii-12,
A bord de la «Junon».Gibraltar,Madère, Cap- Vert, Rio- de- Janeiro,
Mon^video, Buenos- Aires, le Détroit de Magellau, Valparaiso, Le
Callao, Panama, New-York, par Gaston Lemay, Paris, 1881^ 1 vol.
in-8, illustré de 150 dessins inédits.
lie Littoral de la France, par Ch. F. Aubbrt, Paris, 1884, 6 vol.
gr. in-H, ornés de nombreuses gravures dans le texte et hors texte,
cartes et croquis.
Le Midi de la France, depuis l'Auvergne et y compriH les Alpes,
manuel di voyageur, parK. Baedeker, Paris, 1889, 1 vol. in-16
avec 14 cartes, 1 1 plans de ville et un panorama.
Tableau historique et pittoresque de Pari» depuis les Gaulois
jusqu'à nos jours, par J. B. de Saint- Victor, Paris, 1822,8 vol.
in-8.
Histoire de Bretagne, par M. Daru, Paris, 1826, 3 vol. in-8.
rieuses légendes du Bsrry. pir Just V«iLLAT,Ghâteauroax.l86l,
1 vol. in-8.
OUVRAGES LÉGUÉS A LA SOCIÉTÉ 437
Recherches historlqaes sur l'Anjou et ses monuments. Angers
et le Bae-Aiijoo,par J. F. BoDiH, Sauïnur,18;il, 2 vol.m-8,orné8 de
gr&vures hors texte.
Recherohes historiques sur la Tille de Saumur, ses monu-
ments et ceox de son arrondissement, par J. F. Bodin» SSaumur,
1812, 2 vol. in-8, avec gravures hors texte.
Mémoires sur Vierson, par M. Lxmajthb, Bourges, 1836, 1 vol.
in 12 avec une gravure.
Dictionnaire des Institutions, mœurs et coutumes de la
France, par A. Chéruel, Paiis, lb84, 2 vol. in-16, avec figures
dans le texie.
Notices coloniales, publiées à roccasion de TExposition universelle
dAnvers en 1885, i^aris, Imprimerie Nationale, 1886, 3 vol. gr»
in-8, avec cartes hors texte.
Le Nouveau port de Kzerte, Paris, 1903, l vol. in-S, avbc gra«
yures, cartes et plans.
La France dans l'Alrique occidentale, 1879^1883, Paris, 1884,
1 vol. iu-8, accompagné d'un atlas contenant 22 cartes et plans.
L'esclavage aux Antilles françaises avant 1789,par Lucien PkY-
TBAUD, d'après les documenta des Archives coloniales, Paris, 1897,
1 vol. iii-8.
Voyage dans la Guyane française,par Fjrédéric Boi}YBR,ôapitaiDe
de frégate, Paris, Uachette, 1865,1 vol.in-4,avec cartes et gravures,
L'Inde française avant ÎDupleik. par H. Gastonnet dbs Fosses,
Paris, 1887, l vol. in-8.
Espagne et Portugal, manuel du voyageur, par K. Babdbkeb,
l^aha, 1900, 1 vol. in- 16, avec 7 cartes et 47 plans de villes.
Londres et ses environs, manuel du voyageur, par K.Baedbkeb,
Leipzigp 1894, 1 vol. in-16, avec 4 cartes et 21 plans de villes*
Allemagne du Sud et Autriche, mannel du voyageur, parK.
Badbdekeb, Leipzig,1893, 1 vol. iu-16, avec 25 cartes et 26 p4an»
de villes.
De rAllemagne, par M«« de Staël, avec une préface par M. X,
Mabmiku. Paris, 1850, i vol. in-12.
Voyage dans la Russie méridionale et la Grimée, par la
Hongrie, lu Vaiuchie ut la Moldavie, exécuté en 1837, Par Anatole
Dehidoff, Purid, 1 vol. iu-8, illusCié de 64 defesins,
L'Orient et ses peuplade», par M^»* Olympo Au jouabu, L'aris
iS'j7| 1 vol. iu-ii.
438 OUVRAGES LÉGUÉS A LA SOCIÉTÉ
Les mystères du Sérail et des harems turcs. Lois, mœurs, osage^
anecdotes.par M"*© Olympe Aodouard, Pari8,1866,l vol.in-12. omé
de dessins.
L'Afrique, choizde lectures géographiques accompagnées de résnméf, ,
d'analyses, de notes explicatives et bihliographiques, parL.LAiiliB, ■
Paris, 1884, 1vol. in-12, orné de 57 vignettes,9 cartes en conJeon, ^
et 33 cartes dans le texte.
Le Maroc, par Edmondo de Amicis^ traduit de Tltalien par Henii
Bklle, 1882, 1 vol. in-4, omé de 174 gravures.
Voyage en Egypte et en Syrie pendant les années 1783, 1784 et
1785^ suivi de considérationB sur la guerre des Busses etdesTnrb,
par C. F. VoLNEY, Paris, 1826, 2 vol. in-16.
Voyage dans la Basse et dans la Haute Egypte, peodaDtles
campagnes du général Bonaparte, par Vivant Denon, Paris, an X,
1 vol. in-4.
Pièces diverses et correspondance relatives aux opératious de
l'armée d'Orient en Egypte, Parie, an IX, 2 vol. in-8, publiés en
exécution de l'Arrêté du Tribunat, en date du 7 nivôse an 9 deli
République Française. ]
Une excursion au canal de Suez^par PaulMsRBnAN,PariB4862f |
1 vol. in-4, orné de gravures et une carte. j
Notice sur la participation de la Compagnie universelle du Canal de
Suez & TExpoeition universelle de 1889,Paris,1890, 1 vol. in-8, avec
gravures, cartes et graphiques. -;
Les mystères de l'Egypte dèvoil^8,par M»« Olympe Audouabi)
Paris, 1866, 1 vol. in-12.
En Asie centrale à la Vapeur. La mer Noire, la Crimée, le
Caucase, la mer CflBpienne,par Napoléon Ney, Paris, 1888,1 vol.in-H
orné de gravures.
Aux Indes, Madras, Nizam, Cashmire, Bengale, par Georges NoEil-
MAïKE, Paris, 1898, 1vol. in-16.
En Congé, Egypte, Ceylan, Sud de Tlnde, par Georges NoblkvaibSi
Paris,1898, 1 vol. in-16.
A bord du Courrier de Chine,par Charles HAOSS.Paris, 1891,1 vol*
ip-I6, omé de dessins et illustrations de Fillol.
En Escale. Une promenade à Ceylan, Singapour, Saigon, Hong-
Kong, Macao, Canton, Une Hemaine aux Philippines, par André
BaLLESsouT Paris lliOO, 1 vol. in-16.
Gorreipondance de V. Jacquemont, avec sa famille c t pluueacs
de ses amis pendant son voyuge dans UndOi 1828*1892, ViM^
1841, 2 vol* iQ-12, avec une carte.
OUVRAGES LÉGUÉS A LA SOCIÉTÉ 439
L'Extrême-Orient* par Paul Bonnitain, Purîs, 1887, I vol. iii-4
oroé de nombreux dessins d'après nature, et 3 caites*
L'Amériipie, choix de lectures de géographie accompagnées de ré-
sumés, d'analyses et de notes explicatiyes, par L. Lanckr, Paris,
1^83, 1 vol. in-l2, orné de 37 vignettes, 9 cartes en couleurs
et 28 cartes dans le texte.
Hiatoird de l'Amérique, par W. Bobbrtsoh, Paris, 1818, 3 vol.
avec 4 cartes et 1 planche hors texte.
Sihârie e: Galilornie, notes de voyage et de séjour (Janvier 1899,
Décembre Iy02;,par Albert Bordeaux, Paris, 1903,1 vol. in- 16, avec
22 gravures hors texte.
Dans les Montagnes Rocheuses, par le Baron E. de Handat-Gran-
ciT, Parie, 1889, 1 vol. in-12, orné de dessins deQrafty.
Les In cas ou la destruction de l'Empire do Pérou, par M. Mabmqk*-
TteL, Berne, 1777, 2 vol. in-8 ornés de gravures hors texte.
BoIiTiAy eept années d'exploration, de voyages et de séjours dans
rAuiériqne australe,par André BBB880N,avec une préface de Ferd.de
Lessbps. Paris. 1886, 1 vol. gr. in-8, avec 30 planches hors texte,
77 vignettes et 9 cartes et panoramas polychromes.
Troisième voyage de CÔok ou journal d'une expédition faite dans
Ja Mer Pacifique du Sud et du Nord, de 1776 à 1780. Paris, 1788,
1 vol. în-8 avec une gravure hors texte.
Congrès international des Sciences géographiques tenu à
Paris en 1889, compte-rendu publié par le Secrétariat général du
Congrès Paris 1890, 2 vol. in-8, avec cartes hors texte
Bulletin de la Société astronomique de France et revue men*
suelle d'astronomie, do météorologie et de physique du Qlohe
années 1897 à 1902. Paris, 6 vol. in-8,illu8tré8 de nombreuses figu-
res.
De la Marine marchande, à propos du percement de l'isthme de
Suez, par Marins Fontanb, Paris, 1868, 1 vol. in-8.
Les derniers Jours de la K arine à Rames par le Vice-Amh-al
JuBiSN de la Gravier», Paris, 1886, 1 vol. in.l8. enrichi de nom-
breusee gravures.
Histoire des Romains, depuis les temps les plus reculés jusqu^à
imvasion des Barbares, par Victor DuRuy,nouve]le édition revue et
augmentée. Paris, 1879, 7 vol. gr in-8, enrichis de 2600 gravures
de'-aiaées d'aprei Tantique et de 100 cartes ou plans.
Histoires d'Hérodote, traduction nouvelle avec uns introduotioû
et des notes par P. Giquet. Paris, 188X, lvol.in46,
440 OUVRAGES LÉGUÉS A LA SOCIÉTÉ
Inde Védique (de 1800 à 800 ans av. J.C,). par Marias Fohtaink,
Paris, 1881, 1 yoU in-8.
Le Bouddha et sa religion, par J. BABTHâLEMV Saint-Hilaibb,
Paris, 1862, 1 vol. in-8.
Mahomet elle Coran, procédé d'une introduction sur les devoin
mutuels de la philosophie et de la religion, par J. BàbthêlemT
Saint-Hilairb, Paris, 1865, 1 vol. in-8.
Moines et Papes, essais de psychologie historique, Un moine de Tan •
1000, Sainte Catherine de Sienne, Les Borgia, Le dernier pape-roi.
par Emile Gebhart, Paris, 1897. 1 vol. in-l6.
Histoire des deux Restaurations, jusqu'à Tavènement de Louis-
Philippe (de Janvier 1813 à Octobre 1836), Paris. 1868, 8 vol.ia-8,
avec une carte .
Napoléon et ses détracteurs par le prince Napoléon, Paris, 1887|
1 vol. in-12.
Enquête parlementaire sur l'insurrection du 18 Mars 1871|
édition contenant in- extenso les 3 volumes distribués à TAesemblee
Nationale. Paris 1872, 1 vol. in-4.
Almanach Royal pour Tan 1821, présenté^ Sa Majesté. Paris, 1820,
1 vol. in-8.
La Civilisation et le Gholéra,par Jules 6iBBTTE,PariB, 1867,1vol.
in-8.
Histoire de la vie et des voyages de Ghristoplie Colomb, par
Washington lRV]KO,Paris, 1828,4 vol. in-8, avec 2 cartes hors texte.
Souvenirs maritimes, par Taniiral Werner, traduction de NoÉ.
Paris, 18. . . 1 vol. in-8, orné de nombreux dessins de Ginos.
Voyagea récréatifs du Chevalier de Quevedo, écrits par lui-mêmt,
1766, 1 vol. in-8.
Les Récréations scientifiques, ou l'enseignement par les jeux,
,;. par Gaston Tjssamdiek, Paris,1881, 1 vol. in-8, orné de 223 gravuni
dans le texte.
Le Magasin des Enfants, ou dialogue d'une sage gouvernants
avec ses élèves, par M"" Leprince de Bbaumomt, Paris, 1821,
4vol. in-12 (le 1^^ volume manque)*
BIBLIOGRAPHIE
L'Anne* Qattofppaphique. Snpptément asiniei à tontes les publi-
cadoDS de Géographie et de Cartographie, dressé et rédigé sous la
direction de F. Scbbadbr, Directeur des travaux cartographiques
de la librairie Hachette et O*.
Sxua£]rBSuppLAitBNT(1906)y cootenaut les modifications géographi-
ques et politiques de I9')ô. — Trois cartes doubles tirées en couleurs,
avec texte explicatif au dos. Prix : 3 fr.
1- - Barop««ltaie» par D. AlToPv.r^EthiioffraphUdela Runie d'aprésles
^lonaées do |«reiiiier recensememt de ]u population de l'Empire russe publiés
eo 1905. Cette planche représente, sur 17 petites cartes a la même échelle,
Textension des principaux groupes ethniques de la Russie d'Europe :Ruuê$,
Moaaà, Lituaniens, Roumains^ Allemande. Juifs, Finnois, Turco-Tatcws.
^liSerents peuples du Caucase, etc. Une dix-huitiéme carte indique l'ethno-
graphie de THraptre toui entier. — La notice qui se trouve au verso donne
u composition ethnique de la population par gouvernements et districts
correspondant en Russie aux départements et arrondie sements français.
U. — Abi^ve. par M. Chesmeav» — Ver^ iguidi, d'après la reconnais-
ance de la Compagnie Saharienne du Touat. Capitaine Flye Sainte-Marie
>1S(H-1905). — Rrtncipales explorations récentes au Aforoc. — Nigeria, Came"
rvuL, Congo françau, d'après les levés de l'expédition Alexander-Gosling
(19U-190»), les cartes du Tchad du capitaine Tiltao [tWi) et de H.. Marquar-
dsen (1905j. les cartes du bassin duLogone de M. Moisel dWBu et de Q.Bni^
(K(i6i. - Le Cours supérieur de VAbaî d'après les levés de W, BlundeU»
- Tracé du projet de chemin de fer entre Diridaoua et Addis-Ababa, d'après
ks éiades de la Mission topographique française (1903),
fll — Amérlqnea» par V. Huot. — Explorations en Bolivie (Itinéraires
^tcioiiMum et J. Vaodiy.) —ifrontière SolioianO'Bolivienne dans la région du
Haut-Paraguay. — Frontière du Brésil et de la Guyane anglaise, — Frontie-
m définitioes enire les Etats de l'Amérique du Sud il905).
CUITE DE L'AlFRilKM
19, Rue Cassette. Paris
SOMMAIRS DU N* 68
Lts Iléaaitets de la politique intérlevre du Siam an I9e6«
L'lada«eiiiaa à l*Bxposition de Maraailla, par R C.
U Problème analo^indien iciitiquea et réponses» par CMoubby*
U NatloBallame écoaomique ea etaiae,
Lts B«giea finaaclèrea ea lado^eiiiBe, par X.
Alla Praaçaiae : La Hgne de Tourane à Hué . — La renaissance de l'in-
dostrie du sel en Indo-Chine. - La situation économique au Cam-
bodge. — Revendications des colons tonkinois. — La suppression desclay •.
«Uac : L'édit contre l'opiiun. — Autres édits réformateurs. — Les che«
rnins de fer. — Les douanes maritimes. ~ L*armée chinoise. — La réor-
ganisation mandchoue. — L'ouverture de Nannlng et le commerce du
^kiang. • Les mines de Hainan.
«orte : Le port de Fou-san.
MpoB : Les question des écoles de San-Francisco. — NégociaUons rusao-
japooaiscs.
»•!« Russe : Le chemin de fer de l'Amour.— La question du doublement
au Transsibérien.
Tirqulo. Un incident entre Turcs et Persans à Kerbelah.
^trta. Les négociations russo-anglaises. — L'emprunt anglo-fusse» -^
L Allemagne dans le golfe Perslque. — La dUestiou de frontières turco
persane.
Atic aaelalsa. Inde» superficie et population* — Anstralasla. Le
tnité franco-anglais sur les Nouvelles-Hébrides. — Nomlaaiions ofll*
tielles* • BlPliograpiiia.
CAKTES ; Le Siam.
Pnvoi lur dcmnndc ù'un bpci-imcn gratuit.
442 BIBLIOGRAPHIE
QOESTIOIIS DIFLOIÀTIK t COLOUUm
Revue de politique extérieure
Paraissant le 1®' et le 16 de chaque mois.
ABONNEMENT ANNUEL : 15 fr.
Hédaction et AdministtaHon : 19, Rue Cassette, Paris
Son MAIRE DU N* 236.
Lucien Cambier. Le Congo français, ses ressources, son avenir, ses prtyets.''
Lieutenant-colonel Lafarguk. Les armées de ta péninsule des Balkans, \
Edouard Patbn. Le budget des colonies pour i9CfI,
Chroniques de la quinzaine. — Les affaires du Maroc. — Le message du Pré-
sident Roosevell.— Renseignements politiques,^ Renseignementséconomiqua^
~ Nominations officielles. — Bibliographie, - Livres et Revues. — TahUs
des matières du tome XXII.
Cartes et gravures. Le Congo français. — Commerce général et recettes da
Congo (^graphiques). — Un avant-projet de chemin de fer par la vaUie dt
l'Ogooué. — Les Etats des Balkans.
Enx-oi sur demande d'un numéro spécimen gratnit.
COiTÉ DE L'MBl FIUIIÇM
21, rue Cassette, Paris
Sommaire ou N« 12.
One Mission d'fitudes en fithioplc. Le voyage du Lieutenant CoUaU
L'Accord- fithloplOD.
Les Affaires dn Maroc* Robert de Caix.
Algérie* Projet de codification du droit Musulman. Dans FOueêt et le Sm
Oranais,
Tunlsie.L'emprunf de 75 millions. Afrique occidentale française. L'emprun
de iOO millions Les troubles en Mauritcmie.
Maroc* Raïssouni et la question de Tanger, Les Puissance* et le Maroc
A travers le Maroc,
fitat indépendant du eongo* La discussion au Parlement Belge.
Possessions britanniques. Côte de l'Or. Nigeria méridionale.
Possessions allemandes* Généralités, Togo, Cameroun, Sud-Oues
Afrique orientale.
Le eommerce des armes en Afrique orientale* Accord du 13 d
cembre.
Daliomey* La mort de Béhamtn,
OQïïap rp; i la lliolipe le la Sodlitl!
Tours et Châteaux de Touraine (Les Villes d*art célèbres)
pari*. ViTBY, attaché au Musée du Louvre, >'ari«, 1905, l vol
m-4, orné de 107 gravoree.
Voyage en France, 42* série Régiou parisienne, I, Nord-£st.
Le Valois, par Abdodin-Dumazet, Paris, 1906, 1 vol. iii-12, avec
21 cartes oa croquis.
La Champagne, Etude de géographie régionale par £.Chantriot,
agrégé de TU Diversité, docteur ès-iettres, Paris, 1906, 1 vol. iii-8.
avec 31 gravures, 21 planches et 17 cartes ou graphiques.
La Belgiqxie, lustitutious, Industrie, Commerce, Ouvrage publié
par le Minktère de llndustrie et du Travail pour le Commissariat
général du gouvernement près de l'Exposition universelle^et inter-
DatioDale de Liège, Bruxelles, 1905, 1 vol. in-8 orné de gravures
et portraits. (Don de M. le Ministre de Tlndustrie et Travail de
Belgique.)
Nuremberg, (Lee villes d'art célèbres) par F. J. Réb, conservateur
du Musée germanique de Nuremberg. Paris, 1906, 1 vol. iu-4, orné
de 106 gravures.
Du Kremlin au Pacifique, par Georges Ducrooq, Paris, 1905,
1 vol. in-8 orné de 76 gravLres.
A travers le Haurftn et chez les Druses. Excursion à Palmy-
re par Homs, par M»** Adélaide Sarqenton Galichon, Genève,
1906,1 vol. in-16, orné de 6 gravures.
Trois ans en Indo-Chine.notes de Vo>age, par le pasteur J. Pau-
KiSR, Toulouse, 1906, 1 vol. in-8, orné de gravures et une carie.
La Colonisation hollandaise à Java, ses antécédents, ses carac-
tères di8tinctifs,par Pierre G oumacd, docteur ès-lettres. Paris, 1905,
1 roi. in-8.
Les Musulmans Irançais du Nord de l'Airique. par Ismaël
Hamit, oôicierinterpréte principal à l'Etat-major de TArmée. Paris,
1906, 1 vol. in-18.
L'affaire Marocaine. Le Maroc, La France et le Maroc^ TAccord
Franco Anglais, T Accord Franco- Espagnol, le Désaccord Franco-
Allemand, les Kéformes, par Y. Béba&d, Paris, 1906, 1 vol. in-18.
Annuaire du Maroc, par Albert Codbin et Daniel Saubui, publié
suus le patronage du Comité du Maroc, 1'" année, Paris, 1906, IvoL
10-8 orné de 90 photogravures, 3 cartes et un plan.
Le Maroc pittoresque, par J. du Taillis, Paris, 1905, 1vol. in-8
iliusiié (le 116 reproductions d'après les photographies de Fauteur
Le Commerce et l'Industrie à Fes.par Ch.KenéLE Clbbo. Kap^
port au Comité du Maroc. Paris, 1905. 1 broch. in-8^ 216 pp. aveo
plans. (Don du Comité du Maroc.)
Le Caire, le NU et Kemphis. (Les TiUee d*art célèbred), par
Gaston HloxoH, Paris, 1906, 1 vol, in-4,sveo 133 gravoret,
444 OUVRAGES REÇUS A LA SOCIÉTÉ
Les intéréU français en Ethiopie, par ErnestViNCBNT, Paris 1905
1 brooh. io-8, 65 pp. ^Don du Comité dn Maroc.)
LaQuestion de l'Ethiopie, par Ch. Mighibi., Paris, 1905, 1 broch.
in-8, 28 pp. avec uue cane (Don de 1 Auteur.)
Promenades lointaines. Sahara, Niger, Tombouctou, Touareg,
parle Lieat- U. PAULHiAC.préface par Hugues Lb Roux, Paris, 1906,
1 vol. iii-16, orné d'un portrait et de 10 tig. hors texte et dans le
texte, avec 2 cartes.
Amérique et Australasie au début dnXX* siècle, par M. Fallbx
et A. Maireï. Paris, 1906, 1 vol. in-16, avec 103 grav. et 6 cartes.
Resouroe Map Dominion ol Canada. Une fenUle en couleurs
au 12.000.0uu** accompagnée de renseignements statistiques. Otta-
wa, 1906, < publié par le Department of the Intérior •
Le Salut de la Race hlanche et l'Empire des Vers, par
A. £. Mauan, Traduction, sommaires, préface et introductions par
Jean Izoulkt, professeur de philosophie sociale au Gdlège de
France. Paris 1906, 1 vol. in-8.
La Ghiyane inconnue, voyage à l'intérieur de la Guyane fran-
çaise, par Albert BoRDCAUX. Paris. 19U6, 1 vol. in-lS.
Oeografla de la Provincia de Gorddba, par Manuel E. Rio et
Luis Aou AVAL, ingénieurs. Publication otticieile. Buenos- Aires, 1V04,
2 vol. in-8, et un atlas in-fo de 10 planches. (Don de M. le Gou-
verneur de la Province deCordoba.)
Les Chemins de 1er coloniaux en Afrique. Chemins de fer
dans les colonies f ranyaises, par Ë. de fiENTY^capitaine d'Infanterie
breveté. Paria,' 1906, 1 vol. in- 12.
Une nouvelle Terre-Neuve avec son St-Eîerro-MIqnelon et le
Coton national à créer sans délai, par Ernst Bumgb, Le Havre, liK 6,
1 broch. in-8, 22 pp. (Don deTAuteur.)
Les produite] coloniaux d'origine animale, produits alimen-
taires, produits industriels, par H.Jaoob de Cordicmoy, professeur
k l'Ecole de Médecine, Paris, 1903, 1 vol. in-8^ avec 94 lig. inter-
calées dans le texte.
Livret Chaix "colonial, guide officiel pour le transport des .Passa
géra et^Bes marchandises à destination des Colomes françeiBetf et
4ftns l'intérieur de ces colomes. l'* année, l'^ édition 1906, 1 vol.
in-8, orné de 13 cartes. (Dou de M. V. Schmitt.)
L'Année coloniale, nouvelle série, 4« année 1904/6, Paris, 1905,
1 vol. in-18.
Le Héoanisme de la vie Moderne, 6« et dernière sérioi Les
grandes hôtelleries, la Bourse, les Transports urbains, Porcelaines
et Faïences, Tapis et tapisseries, par le Vicomte Qt, d'AVBNBL,
Pfiris, 1906| l vol. io-18.
TABLE DES MATIÈRES
ANNÉES 1904-1905
EUROPE
Voyage à lialte, dans les Iles du Levant, à Rhodes et
à Chypre, par M. Gustave Fougères 129
L'importance de Brôme comme place commerciale,
tra.luctiou de M. J. Fritz 161
Bosnie-Herzégovine par M. Blanche 823
L'autonomie du port du Havre, par M. Laurbnt
TocTAiN 876
ASIE
^Défense da l'Indo-Chine, par M. De Pouvouhville 289
^Rénovation de la Chine et l'Exemple du Japon,
par M. Pierre Leroy Bbaulieu 391
\FRIQUE
^ Coton en Egypte, par M. Henri Lrcomte 1
Voyagd en Tripolitaias en 1903, par M le Vicomte de
Mathoisibulx 13
446 TABLE DES MATIÈRES
Ifission du Bourg de Bozas, par M. le docteur Bbuupt 86
La politique française au Maroc, par M. Eua. Etienne 86
Le Réservoir d'Assouan et le lac Moeris 1B9
Les intérêts allemands au Maroc, par M. J. Fbitz iil
AMÉRIQUE
Au Pays du Caoutchouc, par M. Emile Bonnecuaux ... 4d
République Argentine par M. Carlos Lix Klett .... 176
L'Elevage et les grandes cultures duis la République
Argentine, par M. Emile Dairkaux 193
Travaux du port de Rosario, par M. Carlos Lix Klett 245
L'Ile de Cuba, par M. Charles Beroiion 257
PÔLES
Une expédition au Pôle Sud, par M. le docteur
J. Chaboot • 353
GÉNÉRALITÉS
La main-doeuvre aux colonies, par M. Francis Muby. 110
La lutte pour le ooton colonial, par M. Paul Boubdarie. 413
ACTES DE LA SOCIÉTÉ
Liste générale des Membres de la société I
BibUogrâphie 60, 184, 25*, 284, 441,
/
TABLE DES MATiftREB 447
Ouvragées reçns à la Bibliothèque de la Société ...68, 128
254, 287, 441
Oavrag^es offerts par le général Abohimabd 846
Oavra^es légués par M. J. Dblamalle 436
Procta- Verbaux des séances du Comité 247, 841
' HA.VHK - I-PDrimTi-» Nja/allo, «i.-D- (^JJLSr, II, rav «lu ChfMou - HAVRJI
SOCIETE
DE
GEOGRAPHIE COMMERCIALE
BUliliETlH
▲NNËB8 1006-1907
éoCtRaphie commerciale
IDXJ IÏA.VR.:S
BULLETIN
XXllI Années- l'rTi-imcf^tre iUOH
IIAVllK
AU SIÈGK l)K LA SOClll-TK
Kil, l'.ri: DK i'.\ins, l;;i
^
.;;:••;
SOMMAIRE
Henri Blot Lcfevrc i
La Frontière Lorraine, par M. AiîDorjN-DrMAZET •'•
La Fabrication de Chapeaux à Tamatave V»*
Ouvrages reçus à la Bibliothèque de la Société i*I
Liste des membres de la Société i
RÉUNIONS
Les Réunion;» du Comité ont lieu le 4I"" mercredi de chaque mois,
excepté pendant les mois d'août et septembre.
Tous les membres de la Société peuvent y assister.
Bir3LfOTHEQUE
La Bibliotlu'ipu de !» Sociéu^ est OUVerte tOUS leS SOirS, excepté
Ic> dini.inchvs ^:\ jours l'éru^. Je l« h. 1 : à 7 h. 1 2 et de 8 h. 1 a à loh.
T<»uiv4 K.^ ^i.s'i« M. .;•:! .alliions et rous les renseij^nements doivent être
jdrci..t ji. bv*. :etjlrv »«.;..:» .il.
/ / ^^■
Henri BLOT-LEFEVRE
La Société de Géographie Commerciale du Havre a été
douloureuseoientatteinte dans la personne de son Prési-
dent Henri Blol'Lefevre,que Tunanimité des suffrages
de ses collègues avait depuis 5 ans placé chaque année
à la tête de notre compagnie, est décédé le 29 Mars
dernier dans sa 51® année. Il est des hommes qu'une
nn,mémeprématurée,ne surprend pas ; le mal qui doit
les emporter leur donne des avertissements répétés;
Henri Blot-Lefevre a été frappé presque à Timprovistc ;
il est tombé en pleine vigueur, en possession de
lui-même.
Il appartenait à cette classe d'hommes, plutôt rares,
que recommande les qualités du cœur, autant que cel-
les de Tesprît. Il avait du caractère, mais sans raideur ;
aoe réelle bienveillance sans l'ombre de fierté ; ce qui
Id distinguait entre tous,- c'était son exquise urbanité :
elle lui avait acquis la sympathie universelle. Bien
connu dans le monde des ailaires où il avait fourni une
carrière déjàUmgue, il était arrivé à cet ôge où l'hom-
me, après avoir solidement assis sa position sociale,
peut consacrer une part de son labour aux intérêts
généraux de sa ville ou de son pays et faire profiter les
autres de l'expérience acquise dans la conduite de ses
intérêts privés. C'est par notre société qu'il avait com-
mencé. Membre de notre Comité depuis longtemps, il
était devenu notre Président en 1901. Plus tard il fut
élu membre de la Chambre de Commerce, qui tient
par tant de liens étroits à la Société do Géographie
Commerciale ; il en était devenu ensuite le trésorier.
Son dévouement pour la Société de Géographie était
sans réserve. Quand nous évoquons son souvenir nous
le revoyons dirigeant nos délibérations et présidant
nos conférences publiques avec une bonhomie souriante
et pleine de finesse. Sa parole était simple sans banalité
sa pensée toujours claire et précise ; la qualité maîtresse
SOCIÉTÉ DE GÉOGRAPHIE. — 1" trlmeslre 1906
2 HENRI BLOT-LEFEVRE
de son esprit était la distinction. Sa mort a causé une émo-
tion profonde.
Au cinîetière, M. J. Couvert, président de la Chambre de
Commerce, ancien président de la Société, a pris la parole
en ces termes :
(( Messieurs,
(( Le cruel événement qui nous réunit d'une façon si im-
prévue autour de cette tombe, m'impose le pénible devoir de
dire publiquement, au nom de la Chambre de Commerce, un
dernier adieu au regretté collègue que nous perdons, tandis
que le profond chagrin de ce brutal départ m'engagerait à
pleurer silencieusement un ami.
(( Henri Blot, comme beaucoup de membres de notre
famille commerciale, n'était pas de souche havraise. Venu
au Havre, il y a plus de trente ans pour y faire son appren-
tissage, il y fut retenu à la fois par l'attrait que les grandes
opérations de notre port exerce toujours sur l'esprit de la
jeunesse véritablement laborieuse et par l'accueil qu'il ren-
contra dans la maison à laquelle il était attaché. On sut y
apprécier bien vite non seulement l'aménité, la loyauté de
son caractère, mais aussi les sérieuses promesses que don-
nait son intelligence ouverte aux conceptions commerciales
et, pendant qu'il lui fut permis de collaborer è la prospérité
de la maison qui l'avait accueilli et qu'il devait continuer
plus tard, il eut l'inestimable bonheur d'y trouver pour
compagne la femme accomplie, qui pleure aujourd'hui et
que nous ne saurions consoler.
« Henri Blot-Lefevre, qui était d'esprit prudent et réfléchi,
ne voulut participer aux fonctions publiques que lorsqu'il
eut la certitude que l'expérience acquise dans la pratique des
affaires lui permettrait d'accomplir dignement et utilement
pour ses concitoyens les tâches qui lui seraient dévolues.
« C'est ainsi qu'il n'accepta qu'après dix-huit ans de car
rière commerciale les fonctions de juge consulaire. Appelé
au Tribunal de Commerce en 1893, il y siégea pendant huit
années consécutives, montrant particulièrement pendant
les quatre dernières années de ce mandat, comme président
de section et juge titulaire, sa haute intégrité, son sens
précis do la justice et de l'équité.
HENIU BLOT-LEFEVRE 3
« Il fut en même temps, en 1893, choisi par le Conseil de
régence de la Banque de France comme censeur de la suc-
cursale du Havre ; dans ce poste de confiance qu'il occupait
hier encore, il sut rendre d'excellents services à notre grand
établissement national.
(( Mais beaucoup d'entre nous, particulièrement celui
qui a la douleur de parler ici, pensèrent que l'action de
notre ami pouvait utilement se manifester d'une façon plus
extérieure,plus agissante que dans les silencieuses fonctions
qu'il avait jusque-là acceptées.
(« La curiosité de son esprit, la notion exacte qu'il possé-
dait du rôle de notre pays dans le commerce du monde, le
désignèrent pour la présidence de la Société de Géographie
commerciale du Havre.
« II est presque superflu de rappeler avec quel zèle, quelle
compétence il présida cinq ans cette Société et ses nom-
breuses conférences ; il s'adonnait avec ardeur à ses travaux
et c'est en présidant la dernière de ces conférences qu'il
sentit les premières et rudes atteintes du mal qui devait si
prématurément l'emporter.
« Les qualités supérieures montrées par Henri Blot-Lefe-
vre dans l'exercice de ses diverses fonctions, la haute situa-
lion qu'il occupait, soit dans la corporation des cuirs et
peaux qu'il présidait également, soit au Syndicat général
du commerce et de l'industrie, marquait sa place à la Cham-
bre de commerce.
« Entré dans notre compagnie à la fin do 1902, il sut bien
vite acquérir parmi nous une notoire autorité ; prompte-
ment son zèle assidu, son bienveillant dévouement nous
engagèrent à lui demander de siéger dans les Commissions
des douanes, de l'outillage maritime et de l'Ecole do com-
merce, et il y a deux années, la confiance de ses collègues
t'affirmant chaque jour davantage, le poste délicat de se-
crétaire-trésorier de notre Compagnie lui fut attribué.
« Notre collègue, notre ami a donc été frappé en pleine
vie, au moment oïl la maturité, la silreté de son esprit nous
donnaient pour l'avenir de sa collaboration les assurances
les meilleures, au moment où nous pouvions mesurer toute
la valeur des services qu'il rendait et devait rendre long-
temps encore à la chose publique.
« Mais si nous pouvons douloureusement apprécier la per-
4 HENRI BLOT-LEFEVRE
te que cette mort prématurée cause aux intérêts généraux,
combien plus encore sentons-nous le vide que laisse au
milieu de tous le départ de l'excellent ami que perdent non
seulement les membres de notre Chambre, mais tous ceux
qui nous entourent.
(( Lorsque la mort, si rapide, brutale même, d'Henri Blol-
Lefevro fut connue à la Bourse, l'émotion fut considérable,
les regrets furent unanimes ; c'est là ce que nous avons
voulu traduire en mettant en berne non seulement les dra-
peaux de notre siège et de nos établissements, mais celui j
de la Bourse elle-même, et nous ne pouvons exprimer no- I
tre douleur, celle de tous, (ju'en disant que nous regrettons *
Henri Blot de tout notre cœur.
(( Adieu, mon cher ami, nous vous aimions bien. Nos
regrets se confondent avec l'immeuse douleur de tous les ;
vôtres. Que cette pensée et les espoirs de l'au-delà leur
soient une consolation. »
M. L. Guitton, vice-président de la Société, s'est fait en-"
suite notre interprète :
« Messieurs,
(( La Société de Géographie Commerciale du Havre-
doit à un président tel qu'était Nf. Henri Blot LefevreThoiD-
mage pubhc de ses profonds regrets. Nous pleurons en,
lui l'homme qui, par sa direction aussi ferme quelle était
pleine de tact et d'aménité, avait su grouper autour de'
lui tous nos dévouements. Il avait, comme nous, la coft-
viction que la Soc été de Géographie commerciale, dana'
la sphère restreinte de son action, remplit néanmoins son!
rôle utile et, pendant les cinq années trop courtes de sa
présidence, il n'a cessé do lui consacrer, malgré ses occu-
pations multiples, uikî ardente et toujours égale sollicitu-
de, ne négligeant aucun(î occasion de développer les forces
et l'activité do la Société. Nous lui en renouvelons ici
l'expression de nôtres ^n-atitudi^ et si nous disons aujour '
d'hui à SCS restes mortels un éternel adieu, nous conserve-
rons pieusement sa mémoire comme un exemple et commo i
un encouragi'uient a poursuivre l'teuvre (ju'il a si digne-
UKînt et si vaillamment c()n(luite. »
lia Frontière Loirraine ^^^
I
Mesdames Messieurs,
Nous venons de passer par une phase d'appréhensions,
presque d'angoisse, qui n^est pas encore oubliée. Je n*ai pas
besoin d'insister, vous m'avez compris. Pendant cette pé-
riode, toutes les pensées se sont tournées vers la frontière de
/Est Nous avons tous entendu ou répété ces mots : « Som-
mes-nous prêts, pourrons-nous résister à une invasion, la
frontière est-elle suffisamment fermée, est-elle suffisam-
ment gardée ? »
On peut répondre par TaSirmative. Mais si la barrière,
est solide maintenant, combien était grand le danger au
lendemain de la guerre I
Avant 1870 nous étions à Tabri, la frontière, en somme*
était couverte. Une première barrière naturelle, le Rhin,
nous protégeait à TEst j en arrière c'était la crête des Vos-
ges ; au Nord le massif des Petites Vosges offrait des posi-
tions précieuses. La voie d'accès offerte par la Moselle était
barrée par Metz. Seule la trouée dite du Tiercelet, vers
Longwy, semblait se prêter à l'invasion.
Le danger pourtant n'est pas venu par là. Il s'est produit
[âr notre faute : au lieu de nous appuyer sur les lignes de
résistance naturelle, nous avons porté en avant des forces
trop faibles que leur vaillance n'a pu empêcher d'être écra-
sées puis submergées : à Wissembourg d'abord, puis à
Freschwiller. Alors nous avons abandonné toutes les dé-
fenses naturelles; les Petites Vosges, qui pouvaient arrêter
(1) Coftférenee faite devant la Société, de Géographie Commerciale du
Bwm le » Mars 1906.
6 LA FRONTIÈRE LORRAINE
des armées furent laissées à l'envahisseur. Sur une autre
partie de la frontière, vers Forbach^ le môme désastre se
produisit et là encore nous battions en retraite, abandon-
nant des positions que l'on aurait pu disputer.
Cette frontière que nous n'avons pas su défendre, nous
Tavons perdue. On nous a imposé les limites actuelles, de
pure convention. Les Allemands^ qui se targuent tant de
conceptions géographiques^ qui préconisent la délimitation
par les crêtes et les eaux, qui revendiquent tout pays où
sonne un idiome germanique^ ont cependant exigé la région
de Metz qui est bien française par la langue comme au
point de vue topographique. Ils ont ainsi créé une trouée
qui leur permettait d'entrer sans peine chez nous. Metz,
avant la guerre, était la sauvegarde pour la France, au-
jourd'hui c'est pour elle la grande menace.
La frontière telle que l'imposa le traité de Francfort
n'avait aucune valeur militaire, bien au contraire, car les
Vosges pouvaient être tournées vers le Nord, où la Lorraine
annexée conduit vers la vaste plaine de VVoëvre, région
sans défense dans laquelle l'ennemi pourrait arriver par de
multiples routes.
Nous avons dû transformer la frontière imposée, lacons-
truire, la forger de toutes pièces pour ainsi dire. Il a fallu
la couvrir par des forteresses, la relier à l'intérieur par des
voies ferrées permettant d'amener rapidement des troupes.
On a accompli une œuvre superbe et formidable que l'on
ignore trop.
Il n'y a pas longtemps, je lisais dans un journal, sous la
plumé d'un homme politique influent, que nous nétioos
pas prêts, et que, notamment, nous n'avions pas de chemin
fie fer stratégique assurant la concentration. C'est une
erreur absolue, inexplicable. Nous sommes certainement
aussi bien outillés, sinon mieux, que les Allemands. Jesotf
allé souventdo l'autre côté de la frontière, j'ai vu C6 qu'ont
La frontière lorraine 7
lit nos voisins^ j'ai pu comparer avec ce que nous avons
âtnousmêmes^ certainement nous avons accompli davan-
ige.
Notre réseau ferré est très complètement aménagé, de
>usies points de la France on peut amener des troupes
la frontière sans avoir besoin de faire rebrousser les
rains. J'ai lu cependant — et fauteur de cette affirmation
mit au scandale — que nous n'avions pas de lignes per*
&ettantd*acheminer nos régiments de Limoges vers Nancy.
^rtes^ si nous cherchons dans un indicateur des trains
induisant de Limoges à la frontière de l'Est, nous n'en
irouvons pas ; mais si l'on consulte la carte des chemins de
ierdu ministère de la guerre où les lignes à deux voies,c*est
à-dire aptes au transport intense des troupes sont indiquées,
oa reconnaît entre chaque chef-lieu de corps d'armée et une
^^ positions de rassemblement à la frontière une ligne
inioterrompue à double voie, absolument indépendante de
%s voisines. Ainsi de Toulouse et de Limoges, nos corps
darmée se dirigeront vers Toul par Issoudun, Bourges,
Auxerre et Troyes.
Lorsqu*on était menacé d'encombrement par le passage
de plusieurs corps d'armée dans une môme direction, on a
doublé les lignes, ainsi dans l'Ouest où les corps d'armée
de Nantes et de Rennes utiliseront des voies rapprochées,
^iûâi, surtout, entre Vitry-le- François et le défilé de l'Or-
ûain à Nançois-Tron ville où Ton a accolé une seconde ligne
à deux voies à celleque suivent les trains de Paris à Nancy,
ii y a là sur une longueur de quinze lieues, huit files paral-
lèles de rails.
h vous signale ces grands travaux, parce que je ne re*
Rendrai pas sur les voies de communication. Je voudrais
ii^aiDtenant vous dire les aspects pittoresques de la région
^^ntière et aussi la valeur économique du pays.
Celle-ci est très considérable, mais on Ta découvert il y a
8 LA FRONTIÈRE LORRAINE
peu de temps. Avant la guerre, rares étaient ceux qui
soupçonnaient les richesses de cette partie de la Lorraine
et du Luxembourg français. Aussi, au moment où le dou-
loureux traité de 1871 nous était imposé, le colonel Lausse-
dat, un des deux officiers chargés du tracé de la nouvelle
frontière — l'autre était le général Doutrelaine — eut il une
véritable lutte à soutenir. Il connaissait l'existence des
gisements de fer autour de Briey et Long^vy, il en avait
apprécié la valeur, aussi voulait-il à tout prix que l'on gar-
dât cette région, mais il trouva une hostilité absolue delà
part des hommes politiques, notamment de Thiers. Vous
savez combien celui-ci était entier dans ses idées, c est lui
qui avait déclaré, à propos des chemins de fer, que Tinven- -j
tion nouvelle ne serait qu'un joujou parisien pour aller se J
promener à Saint- Germain . ''
En 1871, le chef du pouvoir exécutif qui voulait une "!
solution prompte, répondit : « Du fer, il y en a partout en '*
« France, d'aussi bon qu'en Suède, et la prospérité de
(( l'industrie métallurgique dans l'Est n'est qu'une pureillu-
« sion qui ne durera pas éternellement, w
Erreur colossale ! Aujourd'hui tout le fer que l'on con-
somme en France, une grande partie du fer consommé en
Allemagne, en Belgique, en Angleterre vient de celle
région. ,
Le colonel Laussedat, aidé de M. Pouyer-Quertier, a
obtenu qu'une partie de celte zone nous fût laissée, les
Allemands ont pris le reste, notamment les hauts-fourneaux
d*Hayange et de Moyeuvre qui étaient une de nos gloires
nationales.
Ces gisements se trouvaient au point d'où nous allons par- ;
tir, à la frontière de Luxembourg.Ils s'étendent non seule- j
ment sur la Lorraine française et la Lorraine annexée, ;
mais encore sur le Luxembourg français et une partie de
la Belgique. Il y a trente ans, malgré Timportance des
LA FRONTIÈRE LORRAINE 9
hauts-fourneaux d'Hayange, on n'avait pas la moindre
idée de lénormité de cette fortune. Sur plus de 100 kilomè-
tres la couche de minerai s'étend sans interruption, partout
fument les hauts-fourneaux. Pour permettre une mise en
valeur plus complète, il manquait sur place le combustible.
Des recherches paraissent avoir établi que les gisements
de Sarrebruck se prolongent jusque-là. Il y aurait donc, sur
leméme terrain, le fer et la houille comme en Westphalie
et en Angleterre^ avantage jusqu'ici refusée l'industrie
(raoçaise.
Cette région du fer commence vers la ville de Montmédy,
ancienne capitale du Luxembourg français, petite forteresse
<]ui a fait son devoir en 1870, en résistant tant que cela fut
possible. Montmédy se compose de deux villes,Médy-hautet
Médy-bas. La ville haute, rocher entouré de fortifications,
est désertée ; la population est descendue à la ville basse où
'fcs routes et les voies ferrées appellent la vie.
Montmédy espère sa part delà fortune minérale, les re-
cherches se poursuivent autour d'elle.
Mais l'activité la plus considérable restera à sa voisine,
LoDgwy, établie au cœur du bassin minier. C'est encore
une forteresse, Longwy, et une cité double : la ville haute,
très régulière, couvre un rocher aménagé par Vauban. Au
pied un quartier plus populeux possède la gare, très impor
^Dte, où se réunissent tous les trains reliant Paris au
Luxembourg ou se dirigeant vers Metz et Nancy.
A partir de Longwy on est constamment dans les mines
defer.Les travaux sont gigantesques,en moins de trente ans
&n a complètement creusé le pays. Du bord de certaines
mines on a la sensation de rabime,comme au sommet de la
^ilaise de la Hève, par la hauteur de l'escarpement ; mais
aesont pas vos blanches parois et la mer bleue, on voit
des gradins fauves, un cirque couleur de rouille. Des voies
terréescourant au long des parois descendent dans l'abîme.
10 LA FRONTIÈRE LORRAiNE
Une nuée de travailleurs attaquent le gîte, le pays n'a pu
fournir assez d'ouvriers, on a da faire appel aux Italiens,
si nombreux sur quel([ues concessions que Ton entend
beaucoup plus parler l'italien que le français. Los libraires
vendent des journaux italiens autant.que de journaux fran-
çais. Dans la dernière grève, les Italiens étaient les inspi-
rateurs du mouvement.
Le terrain minier se prolonge sur le territoire allemand
c'est à-dire sur la Lorraine qui nous a été prise. Il remplit
entièrement l'espèce de défilé appelé trouée de Tiercelet.
C'était l'un des points surveillés avant l'invasion. Depuis
que Metz nous a été enlevé et permet l'accès de notre terri-
toire, l'importance de cette voie est amoindrie, c'est pour-
quoi l'on n'a pas renforcé Montmédy et Longwy. Cepen-
dant le rôle militaire de la trouée n'est pas fini et sa richesse
en fer est de nature à faire naître bien des convoitises.
L'abandon de cette riche région serait un désastre écono-
mique ; si nous perdions ces mines, la PYance serait rédui-
te à de rares gisements suffisamment riches, comme ceux
du département de TOrno qui ont fort développe le port de
Caen. Les anciennes mines qui tirent la fortune de tant de
nos provinces ont une teneur trop faible pour lutter contre
les gisements de Lorraine.
Bien au delà de Nancy on rencontre cette industrie du
fer ; jusqu'au confluent de la Meurthe et de la Moselle, elle
couvre une zone où la frontière, purement artificielle, n'a
aucune défense fixe. Nous pouvons entrer facilement en
Lorraine annexée et les Allemands n'ont pas d'obstacles
pour pénétrer chez nous. On commence à trouver des pré-
cautions vers Thionville, que les vainqueurs ont entouré
d'ouvrages détachés et où ils ont garnison. Thionville c'est
en quelque sorte une avancée de Metz, la grande place qui
est pour nous une menace plus encore qu'un obstacle.
En face de Metz, nous n'avons pas de défense immédiate |
LA FRONTIÈRE LORRAINE ii
est plus loin que nous avons établi nos lignes de résistan-
sen établissant la chaîne de forteresses la plus formidable
ui soit peut-être au monde. Chaîne continue, sauf deux ou
rois passages volontairement laissés, comme des couloirs,
>\i les troupes allemandes seront forcément obligées de pé-
nétrer. Au nord, un de ces couloirs s'ouvre entre la frontiè-
re et le camp retranché de Verdun, il comprend en partie
la plaine de la Woëvre, dont la zone méridionale offre, en
iTaot de Metz, un immense champ de rassemblement,de par-
cours difficile cependant. La petite rivière d'Orne, des ruis-
iieaax lents, une multitude d'étangs, des bois permettraient
[d'organiser une résistance méthodique. Mais la Woëvre ne
[te prêtant pas à la fortification, nous avons assis notre
fEgne de défense sur la Meuse et la Moselle, en transformant
fTferdun et Toul, les vieilles places d'autrefois.
f Verdun, avant 1870, était une bien petite ville, dans une
^mceinte fameuse par les sièges subis. La cité n'a pas dé-
f-krdéles remparts de Vauban, mais les forts, construits à
:h périphérie, ont prodigieusement étendu les limites de la
i|iace, une garnison nombreuse a nécessité la construction
Cimmenses casernes. Ces troupes ont bien modifié l'aspect
ifd la ville,à certaines heures,après le repas du soir surtout,
OD ne rencontre que des troupiers ; comme dans la chanson
<A entend seulement le bruit des bottes. La population de
I Verdun estde 22.000 habitants dont plus de 10.000 hommes
de garnison; avec les soldats qui occupent le village de Thier-
ville ou les forts, c'est à 15.000 hommes qu'il faut évaluer
Teffectif.
La défense nécessitera plus de monde encore, réservistes
>ll territoriaux accourront à la première alerte pour partici-
|er à la défense de ce camp retranché dont le circuit atteint
48 kiiomètres.Sur cette immense étendue on a multiplié les
OOTrages, forts et batteries qui nécessiteraient pour un
Bège eo règle la valeur de quatre corps d*armée.
12 LA FRONTIÈRE LORRAINE
Verdun produit une impression profonde par le nombre et
la puissance de ses ouvrages ; d'autres forteresses, Besan-
çon, Briançon et Grenoble par exemple, peuvent paraître
plus inexpugnables, parce que leurs forts couvrent de hau-
tes montagnes et d'abrupts rochers. Mais à Verdun on est
frappé de la multiplicité de ces fortifications couvrant des
collines de hauteur moyenne.
Aux yeux du visiteur, il semble qu'on ne pourrait arriver
à forcer. un tel passage et cela, en effet, nécessiterait de
longs et gigantesques efforts, peut-être infructueux.
Verdun estséparé de la plaine deWoëvre par un large bour-
relet de hauteurs abruptes ; les Côtes de Meuse tombant en
pentes raides d'un côté sur la plaine,de l'autre sur la Meu
se. Ces belles collines des Côtes, couvertes de bois, offrent
à l'ennemi un obstacle d'autant plus sérieux que les routes
sont rares et maîtrisées par des forts è leur débouché. Une
armée d'invasion ne saurait songer à éviter ces défenses
en passant à travers bois, à cause de la raideur des pentes
et du massif.
Très étroit à la hauteur de Verdun, le bourrelet des Côtes
de Meuse s'élargit progressivement vers le sud, pour s*amin>
cir de nouveau jusqu'à la hauteur de Toul ; la partie la plus
large se prolonge à l'est en une sorte de promontoire por-
tant le iier village d'ilattonchàtel qui commande d'immen-
ses horizons. Par delà la plaine de Woëvre, étincelante
d'étangs, diaprée de bois, sillonnée par les rubans sinueux
des routes, on aperçoit les tragiques champs de St- Privât
et de Gravelotte, les collines de Metz couronnées de forts.
Hattonchàtel, qui semble un site désigné pour une forte^
resse, n'est qu'un observatoire.
Les Côtes de Meuse n'offrent aucune coupure sur la plai-
ne de Woëvre, tandis que les vallons étroits et profonds
descendent de la crête vers la Meuse. Là s'insinuent les
rares chemins. Le principal passage est à Verdun d'où
LA FRONTIÈHE LORRAINE 13
plusieurs chaussées et le chemin de fer de Metz conduisent
h la plaine.
Confinée dans son enceinte, Verdun ne s'est naturelle-
ment guère développée, au point de vue économique, bien
que ce soit un des principaux centres pour la confection de
la lingerie ; elle doit à sa garnison sa principale activité
commerciale. Cela est plus marqué encore pour sa voisine
St-Mihiel, autre centre militaire considérable mais ville
ouverte, c*est à-dire sans remparts, bien que deux forts, les
Paroches et le Camp des Romains dominent de haut cette
aimable cité, capitale judiciaire du département de la
Meuse. St-Mihiel, est fort intéressante par sa vieille église
abbatiale reconstruite au XVIII" siècle, Téglise de St-
Elienne où l'on admire le St-Sépulcre, chef-d'œuvre du
sculpteur Léger- Richier. Fort calme jadis, elle est devenue
fringante par les nombreuses troupes de toutes armes, sans
cesse entraînées à la défense des Côtes de Meuse.
Celles-ci, du côté de la Woëvre, sont couvertes de forts
puissants reliant Verdun et St-Mihiel au camp retranché de
Toul. Une telle zone fortifiée peut paraître invulnérable,
cependant on a dû admettre que le passage pouvait être
forcé et que l'ennemi trouverait un passage pour franchir
la Meuse et tenter de gagner les plaines de Champagne.
Pour cela il lui faudrait traverser l'A rgonne, cette région
forestière dont Dumouriez avait fait, en 1792, le boulevard
de la France. L'Argonne a bien perdu de son caractère
d'obstacle, des routes ont été ouvertes à travers ses futaies,
; le chemin de fer de Verdun la coupe entre Slo-Menehould
etCIermont, une autre ligne parcourt le défilé de (îrandpré
elatleint,sur le revers orientable curieux bourgd'Apremont,
voisin du tragique Varennes. On a tiré parti de cette néces-
sité d'ouvrir le pays à la vie moderne, les chemins de fer
^nlété aménagés en voie à grand rendement, des quais de
débarquement assurent l'entrée en ligne presque immédia-
14 LA FRONTIÈRE LORRAINE
te de plusieurs corps d'armée. L*Àrgonne peut ainsi re-
prendre le rôle qu'elle a joué à la veille de Valmy.
C'est un pays peu connu, sauvage encore, où les villages
sont rares, les bois profonds. Un des derniers ermites de
notre temps, un des pères blancs du cardinal Lavigerie,
installé dans une petite chapelle pour y achever sa conva-
lescence, m'a conduit dans quelques parties solitaires
très curieuses, faisant comprendre comment l'Ârgonne,
occupée par des troupes bien commandées et bien entraî-
nées, pourrait permettre de parer au danger d'une rupture
de la barrière des Côtes.
Ainsi l'Argonne est-elle peu menacée par une invasion,
la route que suivrait l'ennemi serait sans doute celle de la
vallée de l'Ornaîn, passage naturel entre la Lorraine et la
Champagne. Là se trouve la belle et pittoresque Bar le Duc
une des plus intéressantes cités de France, par sa ville
haute qui a gardé l'aspect d'iinepetitecapitale d'autrefois, par
ses voie^ solennelles bordées de vieux hôtels seigneuriaux.
Cité morte, celte ville haute, car la population est descen-
due de la colline aux bords de l'Ornain, où la ville basse,
élégante et coquette, a centralisé l'animation.
Bar-le-Duc contraste avec ses voisines des rives de la
Meuse et de la Moselle par la rareté des uniformes. Ce n'est
point une grande garnison, un seul régiment y stationne,
tandis que, plus à l'Est, des villages comme Lérouville et
Sampigny ont une population militaire plus nombreuse que
l'élément civil. L'industrie aussi est rare, jadis Bar-le-Duc
était le grand producteur de corsets dans notre pays, cette
fabrication est tombée. Il reste celle, plus curieuse que con-
sidérable, de la confiture de groseilles, dite de Bar.
C'est une préparation très particulière, car la confiture
de Bar n'est pas une gelée, ou plutôt c'est une gelée qui
emprisonne dans sa transparence le grain de groseille.
Geux^iontétépréaIablementépépinés:à l'aide d'un brin de
LA FRONTIÈRE LORRAINE 15
plume d*oîe, des femmes enlèvent tous les pépins avec une
dextérité merveilleuse. La chose vous semble difficile mes-
damesj les Barroises ont vite fait de remplir de grands
vases avec les graines vermeilles privées de grains.
Le site de Bar-le-Duc est en voie de transformation par
suite des travaux opérés pour le doublement de la voie
ferrée de Paris à Nancy- Je l'ai dit en commençant, on a
exécuté depuis Vitry-le-François jusqu'à la Meuse un tra-
vail énorme. A Vitry deux lignes venant de Paris, l'une par
Sézanne, l'autre par Chàions se rejoignent, elles ont été
établies pour les transports militaires, leurs quatre voies
permettent d'amener des convois nombreux qui, à partir
de Vitry, ne trouvaient que deux voies, d'où des retards
périlleux pour la défense. Ce grand travail est à signaler,
lorsqu'on veut répondre à l'affirmation que les Allemands
ont mieux que nous préparé les voies de mobilisation .
Cette puissante voie de fer amènerait à proximité de la
rive gauche de la Meuse une partie des corps d'armée de
l'intérieur pour aider le 20* corps qui possède quelques-uns
deseséléments autour de Commercy. Les trains pourraient
également se diriger sur les Vosges par un chemin de for à
double voie conduisant à Neufchâteau en desservant la jolie
et industrieuse ville de Ligny.Comme toutes les autres lignes
de fer de la région, celle-ci a de nombreux quais de débar-
quement, des réservoirs de prise d'eau, des abris pour per-
mettre aux soldats de prendre des repas chauds préparés
en vue de leur passage. Pour celui qui sait voir, rien n'est
plus réconfortant que la minutie de ces précautions ; on
sent qu'une volonté forte, un soin constant de la défense
nationale ont présidé à cette organisation. Tout ce qui de-
vait être fait a été fait, il convient de le dire à la louange
de cet état-major si souvent décrié et qui n'a rien négligé
pour assurer la concentration de nos armées. (Applaudisse'
mentsJ)
16 LA FKONTII^.RK LORRAINE
Sur cette ligne de Nançois ou de Bar-le-Duc aux Vosges
il n'y a guère que de pauvres bourgs ou d'infimes villages,
mais il faut faire une exception pour Ligny-en-Barrois,une
de ces cités que le roi Stanislas se plut à transformer par des
percées de voies et qu'il décora de portes monumentales.
Ligny est un intéressant foyer de vie industrielle, la fa-
brication des instruments d'optique y est considérable,
et celle des instruments et articles de dessin s'y est centra-
lisée. De là sortent la plupart des boîtes de compas et des
compas fournis par la France. On peut juger de la valeur
de cette production par ce fait que le bois d'alisier, une des
essences les plus communes dans les forôts de l'Est, très
utilisée pour la confection des écrins, des règles plaies, et
des équerres, est en voie de disparition.
Ligny est voisine de Commercy, une des petites villes.
comme il en existe tant en France, qui doivent leur renom-
mée à quelque article culinaire ou de pâtisserie. Commerc]
est fameuse surtout pour ses madeleines, mais c'est encort
une ville militaire, dont la garnison se complète pal
celle des villages voisins. La ville occupe une situation
stratégique importante, ce que l'on a appelé la position df
Commercy. Assise sur la rive gauche de la Meuse qui for-
me fossé, elle s'appuie ô de hautes collines de difficile accôfi
car elles sont couvertes de grandes forêts à travers lesquelles
les routes sont rares. Sur la rive droite, les Côtes d€
Meuse se rapprochent de la Moselle; entre les deux grandi
cours d'eau est une sorte de défilé aboutissant à la Woëvrf
et sur lequel aucune défense n'a été établie ; le fort deLuce]
du côté de Toul, celui de Jouy sous-les Côtes, non loin èi
Commercy, sont suffisants pour empêcher une irruplioi
brusquée. Mais la Meuse et les hauteurs de Commerc]
forment un obstacle sérieux.
D'ailleurs le passage une fois franchi, l'envahisseur serai
dans une situation très fâcheuse en cas d'échec, car il an
LA FRONTIÈRE LORRAINE 17
rait dû laisser derrière lui la grande place ' de Toul plus
importante encore que Verdun et dont le site produit une
impression plus considérable à cause des puissants reliefs
des collines sur lesquelles les forts sont établis. La ville
aussi a un caractère plus exclusivement militaire. Si, sur
12.000 habitants, il y a seulement 3 000 hommes de garni-
son, on en relève 8.000 à Ecrouves, commune voisine où
sont des casernes et des camps.
Toul est une vieille cité conservant de beaux monuments
du passé, son ancienne cathédrale est un chef-d'œuvre de
architecture gothique, deux cloîtres ogivaux sont de belles
•ipuvres. Elle se serre dans la ceinture exiguë de ses vieilles
défenses, entre les pitons aux formes hardies, les collines
escarpées que couvrent d'innombrables ouvrages. Un des
forts offre une organisation curieuse, le village qui l'avoisine
Villey-le-Sec, est lui-même fortifié. Dans les projets du génie
militaire, Villey devait être détruit, mais les habitants
n'ont pas cédé à Tappàt de grosses indemnités. Là, avaient
▼écu les aïeux, là était la maison où ils étaient nés, l'église
où ils avaient été baptisés, mariés, tout près est l'humble
cimetière où ils veulent reposer. On a dû respecter ces pieux
sentiments. Le fort a été établi à proximité du village; celui-
ci a été entouré d'un fossé précédé d'un réseau de fils de
fer barbelés d'apparence hargneuse. On a voulu faire hon-
neur aux Russes et aux Japonais de l'emploi de ces inex-
tricables lacis, mais depuis longtemps nous les employons !
Un chemin de fer à voie étroite dessert l'immense camp
retranché et peut lui-même servir de batterie mobile en
portant sur ses rails des wagons-artilts dont Tartillerie,
par sa mobilité, peut échapper au tir de l'assiégeant.
Le camp retranché établi sur les deux rives de la Moselle
» prolonge à l'Est par le fort de Pont St- Vincent qui com-
mande l'entrée d'une gorge profonde, grandiose parfois.
)n peut encore considérer comme sa dépendance naturelle
2
18 LA FRONTIÈRE LORRAINE
la vaste forêt de Haye qui couvre un plateau presque en-
tièrement entouré par la grande boucle de la Moselle et de
la Meurthe et dont les plus raides talus dominent la grande
cité de Nancy. Ce mot Haye, dans l'Est de la France, est
synonyme de forêts. La Haye est donc la forêt par excellen-
ce. C'est une belle futaie, bien aménagée, servant de champ
d'expérience à l'école forestière et qui a été organisée
défensivement pour couvrir Toul. Le fort isolé de Frouard
occupe sa lisière septentrionale aii-dessus du confluent de
la Meurthe et de la Moselle et do la jonction des chemins de
fer de Strasbourg et de Metz. A l'intérieur de la forêt, on a
créé des emplacements de camps on la dotant à l'avance de
fontaines et d'abreuvoirs ; on pourrait donc permettre à des
troupes nombreuses de tenir dans cette vaste sylve que
traversent deux grandes routes aboutissant l'une sous les :
canons de Toul, l'autre sous le canon de Pont-Saint-
Vincent.
Ces chaussées ont été élargies à l'aide de déboisements
de chaque côté, faisant de larges trouées dans les bois et
permettant d'apercevoir do loin un ennemi qui aurait dé- ^
bouché par Nancy.
Car cette riche cité est ouverte, des raisons multiples ont ;
empêché d'exécuter le plan de défense jadis élaboré pour la
capitale de la Lorraine et son abandon momentané est une i
des prévisions de l' Etat-major, pour le cas où nous serions .
prévenus par l'adversaire.
Depuis la guerre, Nancy, devenue la métropole de
l'Kst, s'est étonnamment développée. La population était i
à peine de 50.000 âmes, elle dépasse 100.000, même 150.000
avec les faubourgs Cet accroissement est dû à rimmigration
des Alsaciens-Lorrains qui, voulant échapper à la demi--
nation allemande, ont en grand nombre choisi Nancy pour
résidence, ils y ont apporté leur industrie. En même temps
la découverte des mines de fer transformait la ville en
LA FRONTIÈRE LORRAINE 19
grand centre métallurgique, partout autour de la métropole
lorraine fument les hauts fourneaux.
Gepjendant Nancy n'a pas l'aspect d'une cité manufactu-
rière, elle a conservé son élégance et la majesté des cons-
tructions dues au roi Stanislas. Les écoles sont devenues
une de nos plus florissantes universités, où professent des
savants dont la notoriété dépasse les limites de la province.
A côté de cet enseignement scientifique et littéraire l'indus-
trie d*art a pris un grand essor. Vous n'êtes pas sans avoir
«entendu parler de Galle, le grand artiste qui a rénové l'in-
dustrie du mobilier. Galle était nancéien, c'est dans sa ville
natale qu'il a créé ces meubles, ces émaux, ces applications
dij verre qui ont été une révélation. Ce grand artiste joi-
çnail au talent une probité professionnelle extrême. Jamais
ii n'a laissé sortir de ses ateliers un seul objet qu'il jugeait
imparfait, il le détruisait inexorablement. Des merveilles
furent ainsi anéanties.
Galle a fait naître d'autres ateliers autour des siens, il
suffira de citer Majorelle pour les meubles, les frères Daum
[lour la cristallerie et la verrerie. L'imprimerie Berger-
Levrault et O^, une des plus importantes de France, s'est
fait une large place dans les éditions d'art.
Depuis quelques années une industrie dont vous connais-
sez l'extraordinaire essor a fait de Nancy son centre prin-
n[>aL Je veux parler des cartes postales illustrées. Son
implantation est due à M. Bergeret qui, en quelques
ennées, est parvenu à faire d'un atelier modeste une
admirable usine occupant 300 ouvriers et produisant
W.0OO cartes postales par jour. La manufacture est un
modèle d'organisation matérielle et sociale, véritable mer-
veille que j'aurais eu plaisir à décrire si le temps ne m'était
mesuré ; j'aurais tenu ô vous exposer comment M. Bergeret,
iil n'est pas arrivé à résoudre la question sociale en géné-
ral, l'a tout au moins accompli en ce qui concerne ses
20 LA FRONTIÈRE LORRAINE
ouvriers. Si chaque chef d'industrie pouvait en faire autant
un grand progrès serait accompli. (Applaudissements.)
Gommti je vous l'ai dit, Nancy n'est pas une viUe forte,
mais, si des considérations d'argent et le danger d'immobi-
liser une armée entière pour défendre un camp retranché
de grand développement ont empêché d'exécuter les plans
conçus, on a tout préparé pour la défense mobile, les gar-
nisons du 20' corps sont tenues sans cesse en haleine-
Vous avez entendu parler de l'entraînement de ces troupes
que l'on a appelées a la division de fer » et qui subissent sans
trace de fatigue les efforts les plus considérables. Cet en-
traînement a donné des résultats merveilleux, la force de
résistance acquise par nos soldats est bien supérieure à cdle
des soldats allemands. Ce sont des choses que nous pouvons
dire sans chauvinisme : notre troupier est doué d'une puis-
sance d'action supérieure; ceux qui l'ont vu à l'œuvre
comme moi et comparé les manœuvres allemandes ot
les manœuvres françaises ont pu s'en convaincre. Si, dansi
l'ensemble, notre armée est parvenue à une endurance
remarquable, nulle part ces qualités ne sont plus apparentes
que dans l'Est. (Applaudissements.)
Nancy est à l'extrôme frontière; du sommet des collines
de la rive droite de la Meurthe on découvre une grande
partie de la Lorraine annexée. Aussi les villes voisines
sont-elles comme Nancy, des garnisons sans cesse en alerte.
Vers Metz c'est Pont-à-Mousson, cité industrieuse quel
semble garder une statue de Jennne d'Arc dressée sur la
citadelle ruinée de Mousson ; dans la direction de Stras-i
bourg, St-Nicolas-du-Port et Lunéville ont d'admirables
troupes. Cette dernière ville, Versailles du roi Stanislas^
qui, tout en restant élégante, est devenuecité industrielle, estj
occupée par un bataillon de chasseurs et quatre régiments!
de cavalerie, merveilleusement préparés. La cité occupe unH
belle plaine eu vue de la chaîne bleue des Vosges, barrière
insuffisante contre une invasion.
LA FRONTIÈRE LORRAINE 21
La chaîne, vue d'ici, présente un de ses sommets les plus
célèbres, le Donon, longtemps considéré comme le point
culminant du massif. Pourtant il a 1.000 mètres seule-
.'uent. La montagne est sur la ligne de partage des eaux,
«ependaut les Allemands ont exigé que le massif tout entier
.►rur fût attribué, le versant de la Meurthe comme celui de
13 Sarre, Par là, ils peuvent arriver rapidement chez nous
sans trouver d'autre obstacle que la petite garnison de
Baccarat et celle de Lunéville.
Cette région du Donon est fort belle, d'immenses forêts
le sapins la recouvrent, encadrant des vallées admirable-
uient vertes, arrosées par de limpides rivières captées par
/industrie.
C'est dans les forêts du Donon que l'on peut voir encore
't^s pittoresques schlittes popularisées par la gravure, che-
mins formés de traverses de sapins sur lesquels les bûche-
rons font descendre les traîneaux chargés de bois.
L'exploitation des forêts a moins d'importancs aujour-
d'hui queTindustrie textile. Avant la guerre, nombreuxdéjà
étaient les filatures et les tissages ; les industriels de Mul-
house sont venus accroître ces manufactures, les uns pour
conserverie marché français, les autres pour ne pas deve-
nir Allemands. Il n'est pas une vallée des Vosges restée
française qui ne possède son usine. On évalue à près de
SfJ-OOO le nombre des ouvriers qui filent, tissent ou blan-
chissent le coton. Certains établissements sont énormes,
ainsi la blanchisserie de Thaon^ sans doute la plus grande
■iu monde.
Epinal est le centre de cette active région. Très petite ville
àv^nt la guerre, elle ne cesse de grandir ; partout autour^
{allient les cheminées de manufactures, cependant ce n'est
'*as à ce rôle cotonnier que le chef-lieu des Vosges doit se
CiOtoriété mais à la vieille production de l'imagerie qui a
porté si loin le nom de la ville. Elle reste prospère malgré
22 LA FnONTIKRE LORRAINE
la concurrence de la chromolithographie et des caries
postales illustrées. Ces images, il est vrai, se vendent beau-
coup moins chez nous, mais elles sont encore très populaires
à l'étranger, en Amérique. L'industrie, fort curieuse par
ses procédés et ses origines, est due à un horloger d'Kpinal,
Pellerin. Il produisait des horloges trouvant surtout uq
débouché en Bretagne. Sur le cadran on peignait un des
saints si nombreux du pays d'Armor. La peinture était chère,
Pellerin eut ridée de fairedes cadrans en papier; l'imagerie
naquit de ces essais. Après laTerreur et le Directoire,quand
le culte fut réiabli, il y eut un retour de dévotion et le succès
de l'imagerie religieuse fut prodigieux. Pellerin poursuivit
la veine, il consacra ses presses et ses enluminures aux
fastes de l'armée, surtout quand Bonaparte devint empereur.
L'imagerie d'Epinal eut une part énorne dans la légende i
napoléonienne. Certains dessins sont délicieusement ana-
chroniques, ainsi Napoléon au siège de Toulon, il est
représenté en petit caporal.
Aujourd'hui nos enfants apprécient moins ces images,
naïves ; il leur faut des choses plus réalistes ; mais à l'étran-
ger ces estampes se vendent beaucoup, ainsi que dans nos
colonies. On a même utilisé l'imagerie d'Epinal pour faire
connaître la France, le général Galliéni a fait imprimer des j
dessins avec légende en malgache ; l'exemple a été suivi en '
Indo-Chine.
Le texte français est parfois préféré. Un des chefs de la
maison Pellerin m'a raconté qu'il avait été l'objet d'une-.
singulière déconvenue en Amérique. Il avait reproduit toa*
tes les vieilles estampes, nos contes» les récits qui bercèrent-^
notre jeunesse, et avait mis la traduction en anglais. Ce fat^
un vrai four ! Le jeune Américain a l'esprit pratiquoi iM ■
contes de ma mère l'Oie et les contes de fée, môme les plui^
mervôilleux, ne l'intéressent guère. Quand il y avait al]
texte qu'il ne comprenait pas, il se forgeait une légende!
LA FRONTIÈRE LORRAINE 23
lui, mieux appropriée à son esprit, On est revenu à la légen-
de française et la vente a repris Même dans des pays où la
lecture est inconnue, l'image d'Epinal a réussi à pénétrer.
En Amérique des voyageurs ont rencontré des Indiens
prosternés dans leur cabane devant un portrait enJuminé
de l'Empereur ; dans ce pays Napoléon est passé à Tétat
de dieu, grâce à l'horloger Pellerin. (Applaudissements.)
La ville des images, est la capitale des cotons dans l'Est
comme Rouen l'est en Normandie. C'est également une
grande place militaire. Depuis la guerre on en a fait un camp
retranché, le développement de la ligne circulaire des forts
atteint 48 kilomètres. Epiual défend le débouché de la .vallée
de la Moselle à l'entrée des régions basses de la Voge. Elle
barre ainsi le chemin le plus facile descendant de la crête
des hautes Vosges. Son rôle est complété par l'occupation
d'une série de positions sur la rive gauche de la Moselle. La
chaîne qui sépare le bassin du Rhin de celui du Rhône
est couronné de forts, le plus élevé, au sommet du nallon
deServance, est à 1.200 mètres d'altitude. Pour la rigueur
du climat, cela équivaut à 2.000 mètres dans les Alpes. La
neige y est aussi abondante qu'à cette hauteur dans les
montagnes frontières d'Italie ou dans les Pyrénées.
Le ballon de Servance est voisin du ballon d'Alsace,
dont le versant oriental est à la frontière qui nous fut
imposée. Cette belte montagne est une chaume^ on appelle
ainsi dans les Vosges les plateaux culminants couverts de
prairies. Le mot chaume est employé pour pâturages.
ûe ces chaumes la vue est superbe, surtout du Holneck,
puissante croupe située au-dessus de Gérardmer. Le sommet
e^t à près de 1.300 mètres. De là on ressent l'impression la
plus émouvante que l'on puisse avoir. On aperçoit une
grande partie de l'Alsace ; les contreforts vosgiens noirs de
tots, l'immense plaine rhénane, la ville de Colmar restée
si française par le cœur ; une multitude de villes, de
24 LA FRONTIÈRE LORRAINE
bourgs et de villages ; en arrière, toute la forêt Noire. La
sensation est forte ; elle l'était plus encore quand l'accès de
TAlsace nous était interdit : alors le plus humble d'entre
nous éprouvait les sentiments douloureux de Moïse devant
la Terre promise.
Les chaumes dominent des vallées profondes où dorment
des lacs minuscules parfois, exigus toujours, môme les plus
vastes comme ceux de Gérardmer et de Retournemer, mais
avec leur ceinture de forêts et de prés ils sont adorables.
Les chaumes de Servance et du ballon d'Alsace dominent
Belfort. Cette ville glorieuse est un peu en dehors du sujet
que je m'étais imposé, mais on ne saurait parler des Vosges
sans dire un mot de la sentinelle vigilante qui garde la
trouée de Belfort, Là encore nous avons fait énormément
de travail, la forteresse qui a si victorieusement résisté en
1870 s'est accrue dans des proportions colossales, et la
ville ne s'est pas moins développée, grâce à l'industrie que
les servitudes militairijs n'ont pu entraver. QuandlesMul-
housiens ont vu la Franco fermée à leurs produits, ils ont j
été amenés à créer des industries sur le territoire resté |
français ; ainsi s'est accrue l'industrie vosgienne, ainsi .|
Belfort est devenue une grande ville de fabrique. ]
Les remparts sont tombés depuis quelques années ; sur i
leur emplacement une nouvelle ville s'est créée avec des i
maisons de 4 et 5 étages ; des faubourgs immenses la pro- j
longent, couverts de vastes usines de tissage, des filatures»
des fabriques de locomotives. Tous les grands noms àA
Mulhouse sont représentés dans cette puissante ruche ma*
nufacturière.
A l'ouest, en arrière de Belfort, la route de Paris ne pré*
sente d'obstacles que par le plateau de Langres, région noo
lorraine mais que je dois signaler cependant, car la tîUo
de Langres est devenue le cœur d'un énorme camp retren*
cbé enfermant les sources de la Marne, dominant celles do
L\ FRONTIÈRE LORRAINE 25
la Meuse et de plusieurs affluents importants de la Saône,
c'est-à-dire du Rhône. Le plateau lui-même est une vérita-
ble forteresse par ses escarpements et les vallées profondes
qui le creusent. Des forêts immenses le couvrent, se
prolongeant sur les monts Faucilles, complétant les difH-
cultes d'accès de cette région. Dans un de ces bois
profonds, la forêt de Boëne, s'organisèrent les volontai-
res qui accomplirent un des rares coups de mains heureux
de la guerre contre TAllemagne, la destruction du pont de
Fontenoy. (es massifs forestiers sont de si difficile accès
que les Allemands n'avaient pu découvrir la retraite des par-
tisans. Ceux-ci purent préparer et effectuer leur expédition
sans être devinés. Suivant des chemins détournés, condui-
sant les voitures chargées de matériel nécessaire à leur
eotreprise, ils effectuèrent en trois jours une course de 200
kilomètres aller et retour pour atteindre les environs de
Toul et revenir à leur camp de Boëne.
Au point de vue militaire la rupture de la voie maîtresse
des communications allemandes était un gros événement,
mais il se produisit trop tard, presque à la fin de janvier
1871, alors que Tarmée de la Loire était acculée, que Tar-
mée de TEst passait en Suisse.
Ces rives de la Meuse naissante, ruisseau ou petite rivière
évoquent bien d'autres souvenirs. En descendant le cours
du fleuve on retrouve encore des défenses autour de la pe^
lite ville de Neufchôteau : Bourlémont qui domine ce nœud
important de voies ferrées, Pagny-la-Blanche Côte, d*un
puissant commandement sur la vallée. Entre ces deux forts,
qui barrent la trouée de Toul aux Faucilles, un humble
village porte un nom illustre entre tous : Domrémy. Là,
aux confins de la Champagne, vieille province de France,
et de la Lorraine, encore indépendante mais si française
par la langue et le cœur, naquit Jeanne d'Arc
Le pays est d'une tranquillité absolue, de douces collines
28 LA FRONTIÈRE LORRAINE
la Meuse errant entre des prés, des villages placides, de
pentes revêtues de bois et de vignes, un de ces tableaux qi
semblent condenser tout le charme de la terre de France
Domréray est un des plus petits parmi les villages de œlti
contrée où les centres sont de médiocre étendue, fort simpii
aussi : une poignée de maisons, quelques auberges. La mai
son de Jeanne d'Arc apparaît à l'entrée, vers Neufchâteau
C'est un modeste logis, gardant tout le caractère émouvant
des très vieilles choses, voisin de l'église où Jeanne venail
prier, dont elle entendait les cloches par la fenêtre exiguë
de sa chambre, ouvrant sur un des cotés du petit temple.
Malgré les années,cette habitation a été respectée, lagran
de salle commune, la chambre de l'héroïne sont restées en
l'état. Les minutes passées à visiter la maison de Jeanne
sont inoubliables, les plus sceptiques échappent diflicilement
à l'émotion. 11 y a quelques années je fus témoin, pendant
les grandes manœuvres, d'une manifestation admirable,
d'autant plus qu'elle était inopinée. Une division d'infante-
rie traversait Domrémy. Le général qui la commandait
donna l'ordre de présenter les armes devant la statue de
Jeanne et le logis où elle avait vécu. Les hommes furent
prévenus des raisons de ce mouvement. Alors ce fut mer-
veilleux, chacun sans y être poussé par un ordre, s'efforça
de présenter la rectitude la plus parfaite comme si l'on eùl
défilé devant le peloton des officiers étrangers. Mais tous,
en passant, tournaient la tête vers l'humble logis d'où sortie
la délivrance de la patrie. Un chef de bataillon l'indiquant
de son épée dit d'une voix que l'émotion étreignait : 1*
maison de Jeanne d'Arc I
Les troupes firent halte hors du village et l'on autorisa le^
soldats à visiter la demeure conservée avec un soin si pieui*
Ces fils du peuple témoignèrent d'un respect profond poii>
le séjour de l'héroïne ; les pieds lourdement chaussés ^<
faisaient furtifs, les voix étaient basses^ pas uu mot mal
La frontière lorraine 2?
sonnant. — Ah ! pour ceux-là, petits soldats de la frontière,
le culte de Jeanne a toute sa fleur de haut et pur patriotisme.
Le Bois Chenu où Jeanne écoutait ses voix, où elle venait
priera disparu, on l'a rasé pour le remplacer par une basi-
lique somptueuse, mais parlant moins au cœur que les cé-
pées, filles des chênes sous lesquels la Vierge de la Patrie
vint si souvent.
De la plate-forme où Féglise dédiée à Jeanne d'Arc se
dresse^ on découvre la calme vallée de la Meuse, ses grands
bois percés de trouées faites dans un but de défense pour
donner aux forts de Bourlémont et de la Blanche-Côte des
vues sur les campagnes lointaines. Et cela est un réconfort,
car on comprend mieux que nous ne sommes plus au temps
où la Pucelle apparût. Tout est prêt contre l'ennemi,
il S3 présentait encore. Dans ce grand camp deVeillée des
Armes qu'est la Lorraine, on a une impression de sécurité.
Puisse notre peuple ajouter à cette force des remparts
Tesprit de sacrifice et de foi qui animait Jeanne d'Arc et qui
anima les volontaires de 1792. (Applaudissements.)
Ardouin-Dumazet
îta Fabrication de Chapeaux à îamatave
Ainsi qu^OQ le sait, Tindustrie de la paille tressée est très connue
des Malgaches : de tout temps, leurs objets manuels ont été faits
avec du jonc, de la paille, en bambou, en roseau : une habileté entre-
tenue par des générations successives, leur a permis dVriver k des
résultats remarquables ; leurs cases en bambou écrasé et tressé, la
natte qui constitue à elle seule, dans beaucoup de régions, luuique
mobilier de Tindigène et qui est partout lucceBsoire indispensable da
repos familial, leurs chapeaux, prouvent que le«4 habitants de la
Grande Ile, principalement les Hova, connaissent tous les secrets de
vannerie.
Mais pour que ces produits puissent trouver un débouché en Euro-
pe, il leur faut le « tini » et l'aspect qu'exigent nos modes et notre
goût.
C'est ce fini, cette « mise au point » qu'ont tenté de faire, à Ta-
matave, MM. Straub, Streuli et C'<*, en créant, en décembre 1904,
une chapellerie installée provisoirement à la pointe Uastie et qai
donne déjà de très bons résultats. Cet établissement est à la fois une
fabrique et un atelier de perfectiotmement des chapeaux malgaches.
M. Straub, originaire de Zurich, à été aidé dans son entreprise
par des capitaux lyonnais et zurichois. Lyon et Zurich sont les grands
centres de la fabrication des chapeaux et il est naturel que les capi-
talistes de ces villes n'aient pas hésite à placer leurs fonds dans QO^
entreprise dont ils connaissent les ressources et les débouchés. M.
Straub a lui-même longtemps pratiqué dans sa ville natale, ainsi
qu'à Manille (Philippines).
La tâche la plus délicate à réaliser dès son arrivée à Tamata^e a
été pour lui l'apprentissage des Malgaches qui forment le personnel
actuel de la fabrique. Ce personnel, entièrement rw*cruté sur place,
se compose de 27 personnes^ hommes et femmes. Il est surprenant
de constater que ces ouvriers appartiennent pour la plupart à la classe
la moins élevée de la population locale et qu'ils sont arrivés très rapi'
dément cependant à une habileté el à une adresse remarquable^'
D'autre part, ils se distinguent par leur assiduité et leur constance et
M. Straub se déclare entièrement satisfait de leur service.
La plus grande partie de la matière première employée vient àe
LA FABRICATION DE CHAPEAUX A TAMATAVE 29
rimérîna, le surplus provient de Frauce et de Chine. La maison
Stranb confectionne deux grandes catégories de coiffures : le c Pa-
nama » article de luxe, et le chapeau <i canotier » du genre courant et
d*an prix plus modeste. Les procédés de fabrication diflEèrent sensi-
blement.
1* Chapeaux dits « Panama » :
Le tressage de la paille se fait à Tananarive, mais elle est préala-
blement blanchie à Tamatave ; les différentes pailles, à leur arrivée à
rétablissement de M. Stranb, sont immergées, pendant plusieurs jours,
dans un bain chaud dont la composition et la température forment la
partie confidentielle de la fabrication.
La paille de première qualité est ensuite renvoyée pour le tressage
dans rintérieur de Tîle^ d*où elle est expédiée à la fabrique sous for-
me de chapeaux.
Dès leur arrivée, les chapeaux sont soumis à un bain de vapeur et
sèches au soleil sur des piquets ce qui leur donne Taspect d' < épou-
\antail8 » à moineaux. Il ne reste plus qu'à les mettre à la forme, les
passer à la presse hydraulique et les parachever au moyen de légers
coupe de fer.
2^ Chapeaux canotiers :
La matière première est envoyée sous forme de longues et mince-
tresses de pailles malgache, bourbonnaise, européenne et chinoi^
se. La fabrique utilise également la paille de blé de Normandie. Le
tressage et la forme du chapeau diiTërent suivant la provenance et la
qualité de la paille. La première manipulation est le blanchissage de
ces tresses. Ensuite, des michines à coudre spéciales « montent » le
chapeau en réunissant ces tresses bord à bord par un point de cou-
ture Le chapeau, une fois cousu, est plongé dans une cuve remplie de
colle forte, ce qui lui donne r<ipprèt nécessaire, puis il est soumis à
la snlfuration dans une chambre close où, en outre, Toxcès de colle
s'égoutte. Lu chapeau sort de la chambre de suif uration débarrassé
de toute impureté ; il est ensuite mis à la forme, séché et passé à la
presse hydraulique, au fer, et entin garni.
Le matériel de la fabrication Straub a été acheté en France. Les
machines à coudre bont de marques différentes, une presse hydraulî
que a été fabriquée en Suisse, l'autre en Allemagne, une troisième
est attendue de Lyon. Les formes en bois et en fer viennent de
France.
Li main-d'œuvre employée à la f ibrique est entièrement indigène
ainsi qu'on Ta dit plus haut ; elle comprend 19 hommes et 8 femmes-
30 LA FABRICATION DE CHAPEAUX A TAMATAVE
Ces dernières ne font que la garniture, cousent les rubans, les cuirs e
les coiffes. La partie mécanique de la fabrication est aisurée pu le
hommes.
Une partie du tressage est faite en ville et à la campagne, soîtpa
les indigènes, soit par des créoles.
M. Straub, tout en assui^ant sa fabrication courante par les proc^
dés qui viennent d'être décrits, se livre à des recherches et a det
expériences ayant pour but T utilisation des matières existant à
Madagascar. C'est ainsi qu'il a déjà fait quelques modèles de cha-
peaux en paille de raphia qui ne manquent pas d^un certain cachet
et qui sont susceptibles d'être appréciés.
Les débouchés (ju^a su se créer cet industriel ati dehors de Madagas-
car sont fort nombreux : Maurice, TAustraHe^ la Chine, l' Afrique
australe et même TEgypte, où le fez en paille est un article noaveaa
très demandé. Les commandes af&nent et, par chaque courrier, la
fabrique expédie des centaines de chapeaux canotiers. Dans pea de
temps, M. Straub espère également arriver, grâce à la finesse de la
paille et du tressage, à concurrencer sur ces mêmes marchés les pana-
mas américains, qui atteignent des prix très élevés dus à leur extrême
souplesse.
L'entreprise de MM. Straub, Streuliet C^« est encore trop jeune ponr
donner de gros bénéiices, mais elle est déjà suffisamment lucrative
pour permettre de compter qu'elle entrera, dans un avenir^ prochain,
en plein rapport.
Il est vraiment remarquable, qu'ils aient pu, en moins d'une année,
arriver au résultat dont la présente notice a tenté de faire un expoeé
succinct. Leur initiative ne peut qu'être fortement encouragée, car
elle est appelée à donner à l'industrie de la chapellerie à Madagascar
un essor qui ne pourra qu'être des plus favorables à son développement
(Bulletin Economique du Gouvernement Général de Madagascar.)
Ooïïaies reçus à la lliottpe de la M\t
La Picardie et les régions voisines, Artois. Cambrésis, Beauvaisis,
par Albert Demangeon, chirgé du coure de géographie à T Univer-
sité de Lille. Paris, 1905, 1 vol. in-8, contenant 42 ligures dans le
texte, 17 planches tt 3 caries hors texte.
Terres françaises, Bourgogne, Franche-Comté, Narbonnaise, par
W. MoRTON FuLLBUTox, Paris, 1905, I vol. in-16.
Zigzags en France, par Henri Bolanp, Paris. 1905, 1 vol. in-16,
illustré de 59 gravures.
Normandie (Collection des Guides Joanne) par Paul Joanne, Paris,
1904, 1 vol. in-16, avec 41 cartes et 24 plans
Bretagne (Collection des Guides Joanne) par PanlJo ANNE, Paris, 1904,
1 vol. in-16, contenant 16 carte? et 1*2 plans.
Du Weser à la Vistule, Lettres sur la marine marchande, par
Edouard Lockroy, ancien ministre de la marine. Paris, 1901,
1 vol. in-16.
A travers la Russie, relation d*un excursionniste en caravane, par
C.SiBiLLB, médecin -major. Paris, 1892, 1 vol. in-8, illustrations de
J. Delondb. (Don de M. L. Guitton).
Espagnols et Portugais chez eux, par M. Guillardbt. Paris,
1905, 1 voL in-10.
Llnde contemporaine et le mouvement national, par Ernest
PiRiou, agrégé des Lettres. Paris, 1905, 1 vol. in 16.
Sanctaairea et Paysages d'Asie, Ceylan houdhiiiue, Le matin k
Benar^s, La sagesse d'un bralime, La mort à Bénarès, LeBoudha
birman, par André Cbevrillon. Paris, 1905, 1 vol. in-16.
Au Siam. Journal de Voyage de M. et M™*» Emile Jottrand. Paris,
1905, 1 vol. in- 18, accompagné d*un plan.
EtatdelaCochinohine française en 1903; recueil de statistiques,
Saigon, 1904, 1 vol. in-4. (Don de M. Ministre des Colonies.)
Pauvre et douce Corée, par Georges Ducrocq. Paris, 1904, 1 vol.
in-16, ornée de 18 gravures.
8*pt semaines en Tunisie et en Algérie, avec l'itinéraire et les
dépeoses de voyage, par H. Richardot. Paris, 1905, 1 vol. in-12.
32 OUVRAGES R^ÇUS A LA BIBLIOTHÈQUE DE LA SOCIÉTÉ
Petit guide au Maroc, Services de navigation, hôtels, renseigne-
ments, publié par le Comité du Maroc. Paris, 1905, 1 broch. in-
16, 64 pp. avec 14 grav. et une carte. (Don du ComitS du Maroc.)
La solution française de la question du Maroc, par E. Fallot,
Paris, 1905, 1 vol. petit in-.4, avec une carte de l'A/rique du Nord.
Madagascar. Histoire, organisation, colonisation, par André You.
professeur à l'Ecole coloniale, introduction de M. le général
Galliéni, gouverneur général de Madagascar, préface de M. A.
Decrais, ancien ministre des Colonies. (Don de T Auteur.)
Trois ans au Klondyke, par Jeremiah Ltnoh, traduit de TanglaiB
par Paul Lefèvre. Paris, 1905, 1 vol. in-8, illustré de 23 gravures.
De San-Franciscoau CanRda, par Jules EcRET. Paris, 1905,1vol.
in-12 avec un index an ily tique de Touvrage.
L'Amérique au travail, par J.-F. Fraser, traduit par M. Saville.
Paris, 1905, 1 vol. in-16, orné de 38 grav. hors texte.
Description sommaire de la République Argentine comme
pays d'immigration, 2® édition, Buenos-AircH, 190t, 1 vol. in-8.
publié par le ministère de l'Agriculture (Don de M. le Consul gé-
néral de la République Argentine, au Havre.)
Notice sur la Nouvelle- Calédonien ses richesses, son avenir, ré-
digée pour TExposition universelle de 1900, publiée par ** TUnion
agricole calédonienne " Paris, 1900i 1 vol. in-8, (Don de M. Achille
Duplat.)
Le retour à la Terre et la surproduction indastrielle, par Jnles
MÉLiNB. Paris, 1905, 1 vol. in-16.
Manuel de géographie commerciale. Etnde économique des dif-
férentes parties du monde et particulièrement de la France, par
Victor Dbville, professeur agrégé au Lycée Michelet^ 2* édition,
Paris, 1904, 2 vol. in-8, avec graphiques et diagrammes. (Don de
MM. Berger- Levrault et C^», éditeurs.)
Le Régime foncier aux Colonies, documents officiels précédés de
notices historiques. Tome VI, Colonies françaises, Indes orientales
néerlandaises, Colonies allemandes. Bruxelles, 1905, l vol. in 8,
publié par l'Institut colonial international. (Don de Tlnstitut.)
Stanley, le rois des explorateurs (1840-1904) par Joseph Jocjbert.
Angers, 1905, une brochure in-8, 54 pp. ornée d'un portrait. (Don
de Tauteur. )
Congrès national des Sociétés françaises de géographie'
XÎIV« session. Rouen, 1903, Comptes rendus publiés par le Bureau
de la Société Normande de Géographie. Rouen, 1904, 1 vol. in-8
avec cartes, graphiques, etc. (Don de la Société Normande de
Géographie.)
LISTE GÉNÉRALE
DES
MEMBRES DE LA SOCIÉTÉ
fi»'
Présidents d'honneur.
liM. Le Ministre de la Marine.
Le Ministre des Colonies.
Siegfried (Jules) (0 ^) (|| A), député du Havre.
Le Préfet de la Seine-Inférieure.
Le Sous-Préfet du Havre.
Le Chef de la Marine.
Le Maire du Havre.
Le Président de la Chambre de commerce du Havre.
Le Président du Tribunal de commerce du Havre.
Membres d'honneur.
d.M. Le Général Archinard (0 ^)^ commandant en chef l'armée
coloniale, rue Brémontier, 9, Paris.
"i* Bayol (Docteur) (0 i^), gouverneur honoraire des Colonies
Dopuis (J.), explorateur.
De Maht, député de la Réunion, ancien Ministre.
Haemand (Docteur) (0 ^), commissaire général du Qouverne-
ment français à Hué (Annam).
7 Lenniee (Q.) ^ (Q I) conservateur du Muséum^d'histoire
naturelle et d'ethnographie du Havre.
Levasseub (E.) (0 i^), membre de Tlnstitut, professeur au
Collège de France, 26, rue Monsieur-le-Prince, Paris.
Loobdelet (E.) a^, vice-président de la Société de géographie
commerciale de Paris, 69, boulevard de Magenta, à Paris.
NÉis (Docteur) ^, médecin de la Marine, explorateur en
Cochinchine.
•OCléli DB QiOOBÀJfBO, « l" TRUC. 1900. X
II LISTE GÉNÉRALE DES MEMBRES
MM. QuEViLLON (F.) (0 a^) (Q A), général de brigade, gouveraear
de la place de Maoheuge.
f Savobqnan de Bbazza (C ^), commissaire général honoraire
da Congo français.
WiBNEB (Ch.) ^, chargé d'affaires de France près du Goaver-
nement de Bolivie.
Président honoraire.
M. Ck>nvERT (Joannès) ^, négociant, président de la Chambre de
commerce.
yice-président honoraire.
M. Beoqué (L.) ^ ^, lieutenant do vaisseau en retraite, à Neuilly-
Bor-Seine.
Membres correspondants.
MM. Catat (le Docteur), à Contrexé ville (Vosges) .
Ohardot (Arsène), à Valparaiso.
David de Floris, 57, rue Fondary, à Paris.
Dbbisej^, vice-président honoraire de la Société de géographie
de Lyon.
De Saint-Quentin j^, trésorier des Invalides, à Marseille.
Fbanconib (Joseph), attaché à la Banque de France, rue Blan-
che, 74, à Paris.
Fbibstedt (M.), industriel, 10, Engelbrektsgatan, N. B. k
Stockholm.
Qautier (A) j^, capitaine d'infanterie de marine en retraite,
à La Flèche (Sarthe).
Klett (Carlos Lix) {Q A) ►î^, Consul général de la République
Argentine, à Rio-de- Janeiro (Brésil).
Le Barrois d'Orgeval, vice-président de la Société de géogra-
phie commerciale, 31 , rue Tocque ville, à Paris.
Levy (Victor), Conseiller du Commerce extérieur de h France,
Teinfaltstrasse, 8, à Vienne (Autriche)
Sohrader (F.), directeur des travaux cartographiques de la
maison Hachette et C'«, boulevard St -Germain, 79, à Paris.
Siegfried (André), boulevard St-Gerniain, 226, à Paris.
Vidal, professeur d'hydrographie, à Bastia (Corse).
Wauters (A.-J.), directeur du « Mouvement géographique »,
13, Rue Bréderode, à Bruxelles.
MEMBRES DONATEURS III
Membres donateurs.
Vattibb, professeur d'hydrographie.
I MARQUIS DE HoaDKTOT, maifs de St-Laureat-de-Brèvedent
ryF.kU (Paul), négociant.
Le baron Arthur de Rothschild ^, banquier.
t comte MosBBLM AN, capitaine au loog cours.
[>i-LAMALLK (Jacqucs), propriétaire.
'e>is (Joseph), capitaine an long cours,
ft Ci^mpa^îe générale Transatlantique.
TcRMS JossB et C»«, armateurs.
kxiER {Henri), industriel.
ocvERT (Joanoès) *, négociant, président de la Chambre de
L'»'mmerce.
riiTJN (Louis), (41 A), agent <:oramercial.
: Dlbosc (E.) (0 #1 ^ (C ^), industriel.
^O'inpagnîe des Chargeurs Réunie.
^ Bî.or-LEFEVBE (H.), négociant, trésorier de la Chambre
Bureau.
K, président,
('LiTr-N I Louis), (41 A), agent commercial, vice-président.
PàviRFi lE.i (41 I). professeur au Lycée, ince-président.
LisKAU (Paul) uégociint, secrétaire général.
Pi>[.p. (Uobert), négociant, secrétaire des séances.
HiBERT (Jacques) secrétaire des séances.
B.MTIER (René), avocat, trésorier.
Medra (Ch.), courtier, bibliothécaire.
Comité.
Bi:iRK (Jules) {0 A) (0 ^), lieutenant de Port.
BiwiKT (Frank) (4| A), avocat.
BoiTiBB (René), avocat
BcNGE (Emst), agent de maisons étrangères.
CiEToN (Albert), assureur.
tV LISTE GBNBRÂLB DBS MEMBRES
MM. CHANOBREL (H), agent principal des Chariifeuni-Béunis .
Couvert (Joannès) ^, négociant^ président de la Chambre de
commerce.
Dany (A.) (O I), négociant
Dbohaillb (Stephen) (^ A), directeur des Signaux et da Sau-
vetage.
Doublet (G.), négociant.
DuFOUR (G.) i^, docteur-médecin.
Engelbach (P.), docteur-médecin.
Enoelbach (G.), négociant
Favieb (E.) (y I), professeur au Lycée.
Fritz (J.), professeur d'allemand.
Garaud (J.), négociant.
Gartner (L.-E.) négociant.
GuÉRiN (Désiré), receveur de TEnregistrement, en retraite.
GuiLLOT (Denis), avocat^ conseiller général.
GuiTTON (Louis), (Q A), agent commercial.
H ARDU (E.), courtier d'assurances.
Haussmann (J.) (0 èjjJ), receveur des Finances.
Hubert (Jacques)
Jaoquemin (Gh.), négociant.
Kraube (Albert)^ négociant.
Laneuvillb (E.), courtier.
Loiseau (Paul), négociant.
Meura (Ch.), courtier.
MoNSALLiBR (L .)^ assureur
MovscouRT (E.), (y A), profeîsseur au Lycée.
Odinet (G.) {Q A), négociant.
Pelard (Frédéric), courtier.
Pesle (Robert), négociant.
Pilon (E ) (0 ^), secrétaire général des Docks-Entrepôts.
Preschez (E.), avoué.
Plum (P.) assureur.
Uaoul-Duval (Edmond), négociant.
Roche (J.), photographe.
Schmitt (Victor), assureur.
-1
i
MEMBRES TITULAIRES
MM.
1S05. AoHEB (F.)^ propriétaire, conseiller général, rue Michelet, 5.
1032. Alexandre (N.) %, négociant, boulevard de Strasbourg, 125.
542. Altmstkb (Henri), courtier, rue du Chilou, B4.
524. Ambaud (Charles), négociant, juge au Tribunal de commerce,
me du Chilou, 36.
676. AxBAUD (Louis), négociant, membre de la Chambre de com-
merce, rue du Chilou, 36.
792. Ambaud (Émile)^architecte-entrepreneur, rue Emile- Renouf, 55 .
!I17. Angel (Raoul) ^ ^, armateur, conseiller général, maire
d*Harfleur, boulevard de Strasbourg, 1Ô3.
Andbê db la Portb, Ingénieur, boulevard de Strasbourg, 50.
Akqammarb (Albert), directeur des Docks du canal de Tan-
carville, rue de Mexico, 63.
4050. Amphoux (Etienne), employé de commerce, rue de la Bourse, 5.
26. Abcuinabd (Frédéric), négociant, boulevard de Strasbourg^
201 biê.
1U4. ABOBLLifts (Louis), capitaine au long cours, rue Madame- La*
fayette, 5.
1159. Abtzheb (G.), de la maison Latham & C^", rue Victor*
Hugo, 145.
Î49. AssKLiN (Georges), courtier, boulevard de Strasbourg^ 142.
HT. Abselik (Femand), courtier, boulevard de Strasbourg, 142»
Association fédébative des Capitaines au Lono-Coubs et
OrriQEBs de la Mabimb habchamde db France (section du
Havre), rue de Paris, 105.
9Î2. Aubbbt (Gkbriel), maison Ëng. Grosos, place de THôtel-de-
Ville, 26.
Auboubq (Edouard), fondé de pouvoirs, rae Mare, 26.
Aubbt (F.), conunerçant, rue de Paris, 93.
Auoxb (Honoré) i)f^, armateor, place Oamot, 1.
Adosb (Paul), rentier^ rue Julat-Leoesne, 25.
VI LISTE GÉNÉRALE DES MEMBRES
1832. AnuOKT (P.), co.nmis principal des Douanes, bureau del
1338. Avril (F.)^ négociant, rue Dubocago-de-Bléville, 4.
1549 i Badodreau (F.), négociant, rue Dubocage-de-Blé ville,
1200. Balard d'Hbrlin VILLE, docteur-médecin, boulevard d<
bourg, 55.
741 . Baltazard (Théodore), négociant, boulevard François-]
963. Barral (Georges), négociant, rue de la Tour, 127, i
1949. Barrb (Jules) (^ A), (0. ►î^), ancien capitaine de p
Colonies, lieutenant de port, rue de la Mailleraye, bi
559. BARRiâ (A.), banquier, rue de la xMailleraye, 52
2047. Barthélémy (G.) commerçant, rue de la Bourse, 8.
1203. Barthblmé (Georges), courtier, rue Toustain, 3.
170(). Babthold (Ëdm.), négociant, rue de la Bourse, 3.
139^. Basset (Frank), (y A) avocat, rue Fontenelle, 13.
155 (. Basset (A.), négociant, de la maison J.-M. Oonj
Pleuvry, 2.
1069. Batalha, rentier, boulevard de Strasbourg, 124.
2063. Bâtard (A.) ^ Capitaine d artillerie, rue Josepli-Mork
1977. Batb (Clifford-A.), agent commercial, me de la Bov^
1445. Bauchb (Gkiston), négociant, rue du Havre, 52, àSm^
1519. Baubr (Léon), marchand-tailleur, me de la Maillenjre^j
1474. Baut, rentier, rue de St-Quentin, 64.
1814. Batsselanoe (0 ^), ingénieur en chef de la C»é
Transatlantique, place de l'Hôtel-de- Ville, 24.
11. Beoqué (L.) ^ [0 ^), lieutenant de vaisseau en retnii
de THÔtel-de- Ville, 11, à Neuilly-sur-Seine (SeiwjJ
631. Bboquen-Demeaux (Max), direct, d'assurances^ place QiJ
1288 . BEaouBN-DEMEAUX( Robert), directeurd assurances, pl.G^
1399. Beoouen (André), avocat, rue Naude, 30. :
383. Bbllenger-Rozat, commerçant, place du Vieux-MaïC
1691. Bbllengeb (André), commerçant, rue d'Etretat, 11(L
1544. Beluqod (M"« L.) (Q I), directrice du Lycée de jeiiM
rue de l'Orangerie, 27.
634. BÉNARD (G.), bronzes d'art, place de THÔtel-de-Villt,
373. Bérard (Henri), courtier maritime honoraire, boolemi
çois-I»'', 38.
14. Berqerault (C), négociant, rue Doabet, 16.
1594. Bbrizbeitia (A.), négociant, rue du Champ-de-Foîre^
1585. Bbrnabd (G.), ingénieur aux Forges et Ghanti0n d«i
terranée, Boulevard de Strasbourg, 182,
1867. BsSNHiiif, étudiant, rue de Parifi 148«
MBMBRBS TITULAIRES TU
1339. Bertrand (Julien), négociant, rue d'Après-Manne villette, 16.
570. Billard (Emile), courtier maritime, Grand-Quai, 67.
2066. Billet (Georges) directeur de la Brasserie de TOuest, rue de
la Brasserie, 19.
386. Binet (Ernest)^ rentier, rue Anfray, 19.
2028. Blanchard (Mlle Berthe), section normale de T Ecole pratique
de Commerce et d'Industrie, rue J.-B. Eyriès, 16.
637. Blbch (René), administrât ■'de la C^« Cotonnière, palais de la
Bourse.
2071. Blot-Lefevre (Andréj, négociant, place Saint- Joseph, 5.
2073. Bodereau (Gaston), avocat, rue Jules-Lecesne, 45.
22. Boeswilwald (Mme Auguste), rentière, rue Jules-Lecetne, 16.
2035. Bœswillwald (Jean), courtier, rue Galigny, 12.
2023. Boila (M^<' Pauline), section normale do l'École pratique de
Commerce et dlndustrie^ rue du Lycée, 71.
1888. Boîtier (René), avocat, rueDoubet, 12.
23. Boivin (L.) (M A), employé de commerce, rue de Paris, 131.
17%. BooB (A.), pharmacien, rue de Paris, 137.
2059. Borel (le Docteur), directeur de la 2°** circonscription sani-
taire maritime, rue Aug-Normand, 16.
1946. BossiÈRE (René) négociant, rue des Orphelines, 2.
1998. BouETTE (W.-Ë.), ingénieur, boulevard Maritime, 146.
392. Boulard (René), imprimeur, rue du Canon, 30.
1479. Boulet (Eug.) ^, représentant des P.P. Chartreux, me Ma-
dame-Lafayette, 7.
518 . Bgdllanqer (Ed.), négociant, rue de la République, 13^ àSanvic*
1487. Bourdignon (A.), libraire, place Ghimbetta, 19.
1937. Bourdon (Gkorges), de la maison Guillerault et C^*| plaœ
Jules-Ferry, 8.
25. BouRQUiN (U.), négociant) rue des Gobelins, 63.
820. Bouteleux (L.), agent principal de laSociété Navale de TOuest,
quai d'Orléans, 45.
1820. Bbedaz(â.) j^ , entrepreneur de camionnage, cours de la Ré-
publique, 115.
419. Brehao (Docteur), pharmacien, rue de Paris, 66^
380. Briand (M°>*), rentière, rue du Havre, à Sainte-Adresse.
648. Briand (Auguste), capitaine au long cours aveo brevet sup é-
rieur, rue Clément-Marical, 11.
1541. Briant (E.), courtier, me de la Bourse, 19.
31. Brioka (£.), négociant, vice-président de la Chambre da
commerGe, rue de la Bourse, 29.
VIII LI8TS OÉHÉBÀLB DS8 MEM^BÉfl
364. Bricabd (H.) ^ (C 4<) }^, directear des Forges et Ohantierg
de la Méditerranée, membre de la Chambre de Commerce,
boulevard de Strasbourg, 45.
1562. Brièrb (M'"«), rentière, rue Joles-Lecesne, 2.
423. Brindbau (Louis) ^, député, boulevard de Strasbourg, 53.
604. Briquet (Paul), directeur des magasins publics, rue Casimir-
Delà vigne, 42.
1189. Brûlé (M^i* Hélène), élève k la section normale de TEcole
pratique de commerce et d'industrie de jeunes filles, rue du
Lycée, 71.
32. Brunbt (Alfred), négociant, de la maison Vve A. Derode,
rue de la Bourse, 23.
1910. BRUNScnvia ^, docteur-médecin, rue Séry, 24.
1788. Brownb ( W»" F.), négociant, de la maison Dufay, Gigandet
& O^, rue Jules- Lecesne, 50.
1557. BucAiLLE (Henri), rentier, boulevard François-I«', 60.
418. BuNGB (Ernst), agent de maisons étrangères, boulevard de
Strasbourg, 124.
2002. BuRNiER, de la maison Kronheimer et C% route de la Hève,
16, à Sainte- Adresse.
949. BuscH (Louis), négociant, rue du Champ-de-Foiro, 12.
1796. Caill (Ch.) (0 ^), chef du pilotage de la Seine, place de
l'Hôtel-de-Ville, 16.
1010. Caillard (Georges), ingénieur civil, rue de Prony, 20.
2010. Caillattb, négociant, de la maison Frédéric Jung et 0% bou-
levard de Strasbourg, 130.
310. Calliqé (L.), courtier, palais de la Bourse.
1690. Caron (J.), négociant, de la maison H. Demoinet, rue delà
Bourse, 46.
1749. Carrkl (Pabbé), professeur à TËxtemat Saint-Joeeph, rue
Victor-Hugo, 32.
1835. Carrèrb, ^, docteur-médecin, rue de Paris, 123.
1105. Carton (Albert), assureur, rue de la Halle, 20.
1251. Carurttb (E.), entrepreneur de transports, cours de la Répu-
blique, 36.
1919. Casabianca (André), ^, administrateur en chef de Tlnscrip-
tion maritime, Arsenal de la Marine.
907. Caspar (Charles), négociant-armateur,q. Gasimir-J)elaTigiie,15
1247. Castel (Jules), du Crédit Ha vrais, boul. de Strasbourg, 79.
1614, Catieaux (Gustave), de la maison Lehoncq à Gharletirae
de la Mer, 9, à Ste-Adresse.
^ËBtBREâ tlTULÀIIlBS lit
Cavanagh (W.), négociant, rue Édouard-Lanie, 14.
CÂVANAoa (Raoul), commerçant, boulevard de Strasbourg, 96.
CuALOT (Gustave), banquier, rue des Pénitents, 53.
CuAMARD (Léon), caissier, rue Louis-Philippe, 18.
Chancruel(â.), agent principal de la C^« des Chargeurs Réu-
nis, ruo Jules>Lecesne, âO.
Chabdot (Daniel), vérificateur des Douanes, boulevard Fran-
çois-I**-, 61 .
Chabrut (H.), négociant, de la maison Loiseau et Barrai, rue
du Chilou, 34.
Chavaxks (Gaston), courtier, rue de la Bourse, 32.
CiiUGABAY (H.), négociant, rue Fontenello, 34.
CuEBFiLS (Charles) (if Â), adjoint uu Maire du Havre,
conseiller d'arrondissement^ rue Just-Viei, 32.
CuEBFiLS (Emile), courtier maritime, ruo de la GafEe, 6.
Che>'ALIEr de CoNiNCK (M"*'), renti(Te, rue Félix-Faure, 59.
CicÉBON (M"* Célestiae), propriétaire, rue Thieulent, 10, à
Ste- Adresse .
Clbgder (Edouard), officier de marine en retraite, r. Thiers, 66.
Clerc (L.) (Q A ), pharmacien chimiste, rue de Berry, 57.
Clbrc (Léon), négociant, au ch&teau d'Hartieur (Seine-Infé-
rieure).
Cl«jchette (Georges), courtier, palais de la Bourse, escalier D.
Clologk (Alphonse), négociant, impasse Dagobert, 10.
CoLCHEN (Ch.), courtier, rue Jules-Lecesne, 32.
Collet (H.), négociant, rue Jules-Lecesne, 4.
CoMMAUCHE (J.), constructeur-mécanicien, rue de Mexico, 36.
CoguELiN (Ch.), sous-officier du corps d'occupation du lac
Tchad, d Fort-Lamy.
CoBELn* (E.), armateur, rue Ëdouard-Larue, 1.
CoROYER (Gaston), instituteur, rue de Berry.
CoTELLE (J.-M.), négociant, de la maison D. Levillain et Co-
telle, rue Jules-Lecesne, 47.
Ck>TrABD (Alfred) j(, négociant, membre de la Chambre de
Commerce, rue du Lycée, 30.
CoTT (A.) (Q A), ancien chef d'institution, place de THÔtel-
de- Ville, 27.
CoDLON (Ch.) ^ )^, négociant, conseiller municipal, juge
au Tribunal de Commerce, rue de la Paix, 6.
GoUBANT (Maurice), artiste peintre, Clos de l'Abbaye, à Poissy.
(Seine^t-Oise).
X JLiSTE GÉNÉRALE DES MEMBRES J
1953. Courant (L.), négociant, rue Bellevoe, 6. j
1956. CouRTiN (Arthur), percepteur, rue de Saint-Qucntia, $7. j
47. Ck)USiN (Arthur), maison Albert Quesnel & C^«, impui
gobert, 8.
1883. Cousin (Henri) (Q A), agent commercial, rue d'Epréméfl
48 . Couvert (Joannès) ^, négociant, président de la Chaa
commerce, rue de la Bourse, 31 bis.
49. Couvert (Camille), négociant, rue Jules- Lecesne, 58.
374. CoviLLE (A.), ingénieur des Forges et Chantiers de k
terranée, rue St- Michel, 9.
51. Crsmer (Marius), négociant, consul de Grèce, rue Doufa
2070. Croix (L.) opticien, rue de Paris, 16.
1113. Dalioault (F.), entrepreneur de menuiserie, rue D
mare, 21.
1908. Danio (Jean), chef des bureaux de la Direction des Ds
rue de la GaJîe, 2.
1277. Daniel (Joseph), capitaine au long cours, rue £. Renai,
1301. Danon (J.), négociant, rue de la Bourse, 35.
807. Danvers (Paul), négociant, rue du Lycée, 81.
1392. Dany(A.) (Q I), négociant, rue du Champ-de-Foira, 1
1840. Daspbt (Paul), de la maison M. Ysnel, rue de la I
Verte, 103, à Sanvic.
1143. De Burnay (le Comte Henri), de la maison Henri de
& C^*, négociants-armateurs à Lisbonne (Portugal)
569. Deohaillb (Stéphen) (Q A), capitaine au long cours, dil
des Signaux et du Sauvetage, rue Benjamin -Norman
1898. Dechaux (Albert), Juge au Tribunal civil, rue delà Bol
1123. De CoNiNCK (James) (Q I.) j|, courtier, r. delà Botf
1080. DÉQENÉTAIS (L.), courtier, rue delà Bourse, 33.
1091. Deqeuser (A.), courtier, boulevard de Strasbourg, 56.
1792. Deqeuser (René), courtier, rue Faure, 1.
1255. De Goer de Hervé (Georges), négociant, rue Thiébaol,
1594. Deqoy (G.), courtier, place Carnot, 8.
759. De Grandmaison (H.), avocat, rue de Mexico, 45.
1959. De Hetder (Ch.), courtier, rue Viotor-Hogo, 136.
426. De Houdetot (le marquis), maire de Saint-Lanni
Brévedent (Seine-Inférieure).
597. Delaohanal, ingénieur en chef honoraire de la Ghial
commerce du Havre, 52, route de Brie, à Bmnoy (SI
1822. Delacroix (£.), rentier, nio Oanmir-DelavigDa, 6.
2038. DsLAHATB(Maurioe), géomètre, rue Joinville, 87,
Membres titulaires xi
1546. DiLAMARE (L.), courtier, rue de la Bourse, 29.
1369. Dklaroche (M°' Raoul), propriétaire, rue Félix-Faure, 63.
2012. De la Serna (Bufino-C), consul de la Képubllque Argentine,
boulevard de Strasbourg, 183.
1621. De Léséleuc (Henri), assureur, place Jules-Ferry, 8.
57. Delhommb (Ed.), industriel, rue Joseph-Périer, 48-50.
1892. Del Pozo, négociant, rue Racine, 43.
1941. Demanqe (A.), négociant, juge au Tribunal de commerce
d'Alger, rue Arago, 8, à Alger.
1524. De Montfleury (Lucien), juge suppléant au Tribunal civil,
conseiller municipal, rue de Montivilliers, 78.
730. De Montalkmbert (le Comte), propriétaire, au château de Mé»
niUes (Eure).
1747. Dennis (Etienne), négociant, rue de la Bourse, 19.
1964. Denouette (Lucien), courtier, rue Léon-Buquet, 9.
341. De QuERUOENT(J.)^, négociant, vice-présidentde la Chambre
de commerce, maire de Sainte-Adresse, rue Lemaistre, 29.
1969. Derais (A.), rentier, rue des Pénitents, 8.
1806. Dero (L.), ingénieur, rue de Tourneville, 101.
1529. Deronde (E.), docteur-médecin, rue d'Éprcménil, 4.
58. Dkschamps (Médéric) ^ (Q A), propriétaire à la Rive, Mon-
tivilliers (Seine-Inférieure).
1751. Deshayes (Éd.), courtier, palais de la Bourse, escalier D.
1958. Detodrnay (André), assureur, rue Massieu-de-Clerval, 10.
1841. De Viqan (J.), secrétaire de la Chambre do Commerce, palais
de la Bourse.
1698. Deville, docteur- médecin, rue Thiers, 28.
2064. D'Halluin (A.) négociant, rue de la Bourse, 33.
898. Dombre, (M'-e L.), libraire, place de l'Hôtel-de-Ville, 10.
1371 . Doublet (Georges), négociant, juge au Tribunal de Commerce,
rue de la Bourse, 3.
83, DouRT (V.), avoué honoraire, juge au Tribunal civil, rue Fré-
déric-Sauvage, 15.
2016* DouTRELAUT (Arthur), de la maison Yve A. Derode, boulevard
de Strasbourg, 42.
683. DoY (Auguste), courtier, rue Félix-Faure, 23.
589. Drouaux (Emile), négociant, boulevard de Strasbourg, 130.
1900. Dubois (£.), directeur de la Société Générale, rue de la
Bourse, 27.
2060. Dcbois (Ferd.), ingénieur» rue du Docteur-^OoUBtare, 27.
iQlT. DuoxRT (Paul), négociant, rue Micbelet, 71.
%U LISTB GÉNéRALB D£S MBBCËREÂ
509. DucHESNB (B.), constructear - mécanicien, rue de NeoS'^
trie, 40.
1837. DucROOQ ^, ingénieur en chef des Ponts et Chaassées, rue
Caligny, 9.
282. DuFOUB (Q.) ^, docteur- médecin, rue Félix-Faure, 2.
2019. DuMESNiL (Jules), caissier, rue Thiers^ 30.
1499. DuMONT (Alf.), courtier, rue du Champ-de-Foire^ 79.
70. DoMOUOHEL (Aug.), courtier, rue de la Ferme^ 38, à Sanvic.
581 . DuPAQUiEB (André), négociant, rue de la Bourse, 59 bis.
1376. DoPASQUiBR (Hermann), négociant, conseiller municipal, rue
Casimir- Pcrier, 13.
1954. Du Pasquibb, docteur-médecin, rue Jules -Ancel, 10.
1623. DuPLAT (Achille) (d I), commissaire du Gouvernement aux
Docks- Entrepôts, pavillon des Docks, quai de Marseille.
2004. DuPLAT(Ëug.), agent commercial, conseiller municipal, me de
la Bourse, 39.
701 . Dupont (Emile), directeur de la C** des Docks- Entrepôts,
quai de Marseille.
299. Dupuis (Pierre), négociant, rue de la Bourse, 61.
2043. Dupuis (le contre amiral), rue du Havre, 57, à Ste- Adresse.
585. DuBAND-ViBL (Louis) j^, de la maison Thieuleut frères^ rue
Guy-de-Maupassant, 10,
1504. DuBAND-ViBL (Jacques), courtier, rue de la Bourse, 28.
73. DuBET (Alfred) (C'î') (0 *), négociant, 16, rue Gustave-Flau-
bert.
1666. EoLOFP (L.), courtier, rue de Toumeville, 116.
963. Elût (Femand), courtier, palais de la Bourse, escalier G.
78. Enqblbach (G.), de la maison Les Neveux de J.-G. Schmidt,
rue St-Mighel, 15.
1072. ENaKLBAOH (P.), docteur-médecin, roe Naude, 26.
2034. Engelbach (Jean), étudiant, rue St-Michel, 15.
1936. Engelbrecht (Maurice), courtier, rue de la Bourse, 29.
2014. Ebnis (A.), du Bulletin de Correspondance, 6, rue Félix-Fanre.
1364. EsBBAN (Gustave), négociant, membre de la Chambre de oom-
merce, quai d'Orléans, 59.
1793. EsTiQNARD (C)., chef de bureau à la Compagnie générale
Transatlantique, place de l'Hôtel-de-Ville, 28.
1980. Fabbe (G.), notaire, place de rHôtel-de-Ville, 20.
660. Farcis (A.), courtier maritime, Grand-Qoai, 67.
1963. Fauvel (M»« L.), rue Victor-Hugo, 166.
2056. Fauvxl (François), iostitateuTi rue des EtoaplèreB.S.
MBMBRBS TITULAIRES XIII
2068. Fauvel (Julien) employé de commerce, rue Thiers, 73.
1383. Favieb (£.) (Q I), professeur au Lycée, rue J.-B. Eyriès, 54.
1697. Fehb (S.) (C ^), négociant, rue Faure, 8.
1525. FÉRÉ (Ernest), agent commercial, quai Casimîr-Delayigne, 27.
1548. Fernberg (G.), agent de change, boulevard de Strasbourg, 91.
1774. Février (M*»»), rentière, rue Félix-Faure, 61.
1816. FiÉVBT (J.), négociant, quai d'Orléans, 25.
369. Fischer (Joseph)^ représentant général de la C'« G^* Trans-
atlantique pour l'Antriche-Hongrie, Hegelgasse, 13, Vienne
(Autriche).
1156. FisoHER (Emile), de la maison H. Génestal et fils, rue de la
Ferme, 21.
1403. Flâviqnt (G i^), lieutenant-colonel, commandant le 22* régi-
ment territorial d'Infanterie, rue Jules- Ancel, 35.
85. FoBfiSTBR (Frédéric), rentier, boulevard de Strasbourg, 126.
1534. FoLLiN (H.), de la maison Worms & Ci«, boulevard de Stras-
bourg, 55.
393. FossAT (E.) jj^, courtier, rue de la Bourse, 32.
1924. FoesAT (A.), courtier, rue de la Bourse, 32.
1951. FoniLLBUL (B. P.), négociant, de la maison J. P. Simmonds
& G*», rue Fléchier, 9.
1830. Fbahqdb (Paul), boulevard François-l»', 98.
2027. Fredon (Mi^« Léontine), section normale de FEcole pratique
de Commerce et d'Industrie, rue J.-B.-Eyriès, 16.
2046. Fbémont (Victor) de la maison Worms &C'«, rue des Ormeaux, 2.
1551. Fritz (J.), professeur d'allemand, rue Frédéric-Bellanger, 56.
2061. Fghrhann (Frédéric), ingénieur, rue Join ville, 29.
1831. Fulgbncb (L), représentant de commerce, rue du Lycée,
16 bis.
1787. Gaillard (Louis ), négociant, rue Franklin, 36.
STfU. Galilée (Henry), courtier, palais de lu Bourse, escalier D.
856. Garaud (Jules), négociant^ rue Jules- Lecesne, 58.
1438. Gabnier, vérificateur des Douanes, rue de la Ga(Te,2.
376. Gartner (L.-E.), de la maison J. Dupasquier à C'*, rue
Saint-Michel, 19.
1574. Gascoel (V.), (Q A), docteur>médecin, ancien médecin de
rhdpital civil de Constantine, rue Bazan, 60.
1597. Gatin (P.), courtier, rue de la Bourse, 38.
1890. Gattiker (P.), négociant, rue Toustain, 13.
1906. Gbig (Henri), ageut de change, place Gambetta, 9.
XIV LISTE GÉNéRALE DES MEMBRES
1666. Gkin (M««), rue Fléchier, 12.
2049. Gelineau (Jules), commerçant, rue de Normandie, 307.
28. Génbstal (Henri) ^ (O A), négociant, conseiller général,
consul d'Italie, rue de la Bourse, 44.
1405. GÉNESTAL (Maurice), négociant, juge suppléant au Tribunal de
commerce, rue de la Bourse, 44.
288. Genin (P.), négociant, boulevard de Strasbourg, 65.
2039. GiNOUViER (A.), sous-directeur du Crédit Lyonnais, rue Jules-
Ancel> 12 bis.
1480. Godard (Henri), propriétaire, boulevard Maritime, 48.
1804. Gk)DET, négociant, adjoint au Maire du Havre, rue G^«-
Flaubert, 87.
2062. GoHiEB (G.), directeur de la Société des Brouettiers du Grand-
Corps, rue de Metz, 33.
2007. GoRSB (le* Docteur) médecin de la Santé, Grand-Quai, 55
2031. GossB (Lucien) , étudiant, rue de Metz, 31.
1116. Gk)8SBLiN (Emile), notaire, rue d*IngouvilIe, 31.
1679. Grandoamp (Léon), employé de commerce, rue Gambetta, 60,
à Sanvic.
2032. Granibr (le pasteur A.), rue Jules- Janin 10.
1885. Grégoire (Henri), courtier, place Jules-Ferry, 8.
1702. Griner (Ad.), docteur-médecin, place de THôtel-de-Ville, 23.
666. Gripois (E.), rentier, rue Saint-Roch, 5.
2051. Gros CA.), bandagiste, rue du Champ-de Foire, 67.
98. Grosos (Eug.) (0 *) (C >ï<) (0 ^) ^, négociant-armateur,
consul de Turquie et d'Autriche-Hongrie, place de THôtel-
de-Ville, 26.
2025. Guedeney (M"" Marie), section normale de l'Ecole Pratique de
Commerce et d'Industrie, rue du Lycée, 71.
1593. GuÉLON (Mathieu), ^, receveur des Postes, boulevard de
Strasbourg, 108.
91. Guerbette (I.), négociant, rue Victor-Hugo, 156.
611. GuÉRiN (Dé8iré),recoveurderEnregi8trement, en retraite, rue
Racine, 9.
1961. GuBRBiBR (Fernand), pilote, rue Marie-Thérèse, 15.
1810. GuiFFART (Armand), ingénieur des Ponts et Chaussées, boule-
vard François-I*", 141.
1199. Guillemette (Eugène), commissaire-priseur, ruodoFécamp, 4.
1812. Guillerault (0.), négociant, rue Picpus, 9.
853. GuiLLOT (Denis), avocat, conseiller général, boulevard de
Strasbourg, 148.
MEMBRES TITULAIRES XV
GriTTON (Lonis) (Q A), agent commercial, de la maison
Ferd. Schneider, rue do Ha^re, 36, à Ste- Adresse.
Haag (Otto), négociant, me Cochet, 8.
HiASiCh.), agent commercial, roe delà Cavée- Verte, 9^àSanvic.
Habebt (Gaston), de la maison Eugène Doublet, rue Fran-
UiD, 15.
HiirsLiN. (E.) Commis des Douanes, bureau de la Sortie»
quai Lamblardie.
Hâxos (J.-B.), capitaine au long cours, impasse Haugnel, 4,
Ha^oc (EJ, courtier d'assurances, rue de la Bourse^ 24.
HissELMANN, notaire, rue de la Paix, 5.
HiCBEa (Georges), négociant, me de Tourneville, 83.
HAUssMAirN (J.) (0 ^), receveur des Finances, rue Jules-Ancel
12.
IHauzeub (Georges)^ de la maison Mason et C'«, me du Havre
\ d4. à Ste -Adresse.
Hath (W™), négociant^ rue Cochet, 6, k Sanvio.
BusN Waltbb, consul général de la Grande-Bretagne, me
I Ed.-Larue, 5.
iHtBEBT (Jules), chef de service des Engins de levage de la
Chambre de Commerce, rue Jules-Lecesne, 105.
HtMCT |E.), directeur du Bulletin de correspondance y palais
de la Bourse, rue Scudéry.-
Hes i6.), négociant, rue du Champ-de-Foire, 7 Us.
flrrzLEy, professeur au Lycé», rue Ed. -Corbière, 7.
Hc«:3ET (G.), employé de commerce, rue Franklin, 31.
H'TîfiNN (H.), professeur d'allemand, me de la Paix, 1,
HcBKBTf Jacques), me Augustin-Normand, 16.
ErîfEAu (le Docteur), rue de Toul, 8.
HrrTER (J.-J.), entrepreneur, rue du Havre, 46, S^-Adresse.
JiDQUEMiN (Charles), a^:Burenr, consul du Monténégro, rue
Victor-Hugo, 67.
^iCQrsT (Louis), ingénieur de la Chambre de commerce, bou-
levard de Strasbourg, 179.
^AMsm (Joies), négociant, conseiller d'arrondissement, place de
IHôtelde- Ville, 25.
^iSDiN jeune, pharmacien, rue de Fécamp, 13.
*£B|-DuVAL, négociant, passage Marie-Berthe, 7.
^•jSNSToy (Georges), négociant, de la maison E. Raoul- Du val
?t C»«, place Carnot, 9.
•Jtî (A.), propriétaire, boulevard de Strasbourg, 2.
XVI LISTE GéNBRALB DBS MBMBRBS -
911. JUNO (Frédéric), négociant, rue Pélix-Faure, 34.
1157. EIablé (Jacques), courtier, rue Viotor-Hugo, 151.
1896. Kablé (M""» Charles), propriétaire, rue S^-Michel, S.
1369. Kaisbb (Rodolphe), courtier, rue de la Bourse, 23.
1964. Kbbz (Ferd.), iatéressé de commerce, rue Fréd.-Lema]tre,27.
1927. EiBSCHBAUM (M^i«) (M I)i Directrice de Técole pratique de
Commerce et d'Industrie pour les jeunes filles, rue du Lycée
130.
1027. KoLLBRUNNER (W.). Courtier, palais delà Bourse, escalier D.
978. Kraus (Edouard), pharmacien, place de THôtel-de-ViUe, 9.
122. Kbausb (Albert), négociant, de la maison Th" Breckenridge
& C^*, rue de Bapaume, 19.
1899. Kbomhsimer (Charles), négociant, rue Saint-Martin, 2.
929. Lafaurie (G.), courtier, rue de Montivilliers, 98.
1947. LAMT(Paul), négociant, rue Joinville, 42.
366. Lauottb (Edgard), négociant, membre de la Chambre de com-
merce, boulevard de Strasbourg, 134.
1273. Langtuit (André), négociant, rue de Saint>Quentin, U.
671. Landrieu (Charles), commerçant, rue de Paris, 98.
1318. Lanel (Ch.), rentier, rue Auguste- Dolf us, 4.
867. Lanbuville (E.), courtier, boulevard de Strasbourg, 66.
1108. Langlois (F.), propriétaire, quai d'Orléans, 9.
466. Langstaff (W.), négociant, Grand-Quai, 67.
1926. Langstaff (A), négociant, de lamaisonMasonetC*'' , rue de la
Bourse, 26.
1470. Larub (Charles), courtier, rue delà Bourse, 38.
128. Latham (Edmond) ^, négociant, président honoraire de la
Chambre de commerce, rue Victor- Hugo, 145.
1673. Latham (Charles), négociant, rue Victor-Hugo, 145
2017. Latham (Robert), négociant, delà maison Frédéric Jung AC>«,
boulevard de Strasbourg, 130.
1668. Laude (Louis), directeur de la Caisse de Liquidation, rue Co-
chet, 4.
1094. Laude (Richard), négociant, rue de Paris, 116.
1491 . Lauer (Henri)^ de la maison Haj'n, Roman & C*«, route de
la Hève, 14, ti Sainte -Adresse.
1230. Lavottb fils, de la maison Worms et C»«, boulevard de Stras-
bourg, 138.
2032. Lbsbau(0 ^) Colonel d'artillerie en retraite, rued'Etretat, 49.
1314. Lebiorb (Gaston), assureur, boulevard de Strasbourg, 92.
MBMBRBS TITULAIRES XTII
H). Lbblond (Albert) ff/i i{i né^ociant^ adjoint au maire da Havre
membre de la Chambre de commeroe,yice-coQ8ul du Vene-
zuela, me Anfray, 19.
81. Le Bourgeois (Georges) ^ (C »{i), conseiller général, maire
de Bogenrille (Seine-Inférieure).
167. Le Bais (F.), négociant, rue du Lycée. 56.
Kd. Le Clbro (Gorges), rentier, place de THdtel-de- Ville, 1.
L33. Lboomte (P.) (C «{<) négociant, de la maison Joannés Couvert,
consul du Guatemala, rue de la Bourse, 31 bis,
M3. Lbcoq (Edouard), négociant, rue du Champ-de-Foire^ 2.
^. LcœuBTOis (Louis), ancien notaire, rue Gustave -Flauoert,
91.
m. Leoocx (Paul), négociant, rue Victor-Hugo, 167.
741. LBrEBVRE (Frédéric), courtier, palais de la Bourse,
escalier Â.
K)6. LBrEBVEB (Georges), courtier, rue delà Bourse, 38.
te8. LRjftvEE, professeur & TÉcole primaire supérieure de Monti-
villiers, route d*Épouville, 23 bis, à Montivilliers (Seine-In-
férieure).
W. Le Oad, docteur-médecin, rue Thiers^ 40.
U5. Lb Gopp (Louis), négociant, boulevard de Strasbourg, 32.
Hyi. L&^oupiL (Victor), agent de change, boulevard de Stras-
bourg, 75.
Ul. Lb Grand (R.), graveur, rue de la Bourse, 6.
^. Lbgeos (J.), relieur, rue de la Comédie, 3.
155. Le Qiiernet ^, percepteur, boulevard de Strasbourg, 55.
&25. Le Guen (Hippolyte), capitaine- visiteur, rce du Docteur-
Coosture, 2 1 bis.
895. LÉociLLON (Charles), négociant, rue J.-B. Eyriès, 72.
:U2. Lelacmier (L.), architecte, rue du Champ-de-Foîre, 17.
979. LBLE17 (A.) (Q A.), négociant, rue Racine, 45.
iU. Lemierbe (Adrien), représentant de commerce, rue du Champ-
de-Foire, 55.
h. Lenhardt, docteur-médecin, boulevard de Strasbourg, 60.
te. Lbjttz (Hermann), négociant, de la maison Metz et C^«, rue
Jales-Lecesne, 32.
tO. Lepbebtbb (R.). commerçant, rue de Paris, 67.
Ml. Lbpeincb (A.) (A Q), directeur de la C'« Normande de navi-
[ gation à vapeur, boulevard de Strasbourg, 67.
pis. Lebaitre fils, entrepreneur de camionnage, rue du Lycée, 31.
PPl. Lbbit (Lucien), courtier, place de l'Hôtel-de-Ville, 23.
toctÈrà DM gAogbaphzi. II
XX LISTE GÉNÉRÀLB DBS MEMBRES
S901. MiOHELiN, directeur du Crédit Lyonnais, quai d^Orléans, 25.
1507. MiGNOT (Henri), rue Quillemard, 33.
1528. MiONOT (Gaston), négociant, consul du Nicaragua, rue delà
Bourse, 35.
738. Mille (Lucien), négociant, rue de Bapaume, 7.
1775. MooH (Ernest), négociant, de la maison Oppenheimer frères,
boulevard de Strasbourg, 146.
1109. MoNGiN (Edouard), iodustriol, avenue Philippe- Auguste, 40,4
Paris.
1617. MONGDILLON (A.) (Q A), professeur à TÉcole primaire sapé-
rieure de garçons, rue Dicquemare, 1 .
727. MONSALLIER (L.), assureur, rue de la Bourse, 31 bis,
1857. MoNSCOUKT (Emile) (Q A), professeur au Lycée, rue de
Mexico, 27.
2041 . MoNVBRT (Ernest), maison Mason et C'», rue de la Bourse, 26.
564. MORBAU (A.), propriétaire du Grand hôtel de Normandie, roe
de Paris, 106.
1538. MoBOAND (P.)(0 A.),négociant,jugeauTribanaldeooinmerGe,
place de THÔtel-de-Ville, 24.
409. MossBLLHANN (le comte), capitaine au long-cours.
1696. MouoEL (M^i«) ^ (O A), directrice de TËcole primaire supé-
rieure de filles, rue Joinville, 15.
1608. Mulot ((jhistave), de la maison Gustave Michel fils, place
Jules-Ferry, 5.
177. Mundler (H.) {Q A), négociant, rue François-Millet, 24.
647. MuRAT (Joseph), employé de commerce, rue Fontenelle, 15.
1824. Napp (Jean), négociant, rue de Saint-Quentin, 59.
1606. Narcy \Ph.), notaire, boulevard de Strasbourg. 9 >.
1291. Noël (J.), courtier, rue Anfray, 8.
1987. Noisette (Emile), ingénieur, directeur des établissemeoti
Schneider, boulevard d'Harfleur, 33.
287. Normand (A.) (0 *) i^, constructeur de navires, roe di
Perrey, 67.
1985. Normand (Mlle Emilie), rentière, boulevard François-l*'', 27<
1057. NoRTZ (E.), négociant, rue Fontenelle, 29.
1031 . Odinet (Georges) (Q A) (0 «î»), négociant, chaaoelier du coa-
Bulat de Perse, boulevard François-I*', 97,
1983. OwEN Burbidge(Rov*-E.), route delà Hève, 19. à S*«.AdrcBie.
1950. Paon (Alph.), directeur de la C*» havruise des Magasins Gé
néraux, rue Marceau, 48.
MBfiBRËS TlTttAIRBS Xtl
1939. Pabis (Edgard), 2%coinmiB à la direction des Douanee, rue
Angustin-Normand, 104.
2054. FiDBON (L.), négociant, rue de Bapanme, 16.
744. Pblabd (Frédéric), courtier, rue de la Bourse, 28.
1827. Pbllissibb {Q A), profeesenr au Lycée, rue des Oobelina, 38.
204. Pbbqubb (F.) »ii, négociant-armateur, consul de la Bépublique
de Costa-Rica, rue du Ghilou, 1.
1041. Pbbqubb (Paul), courtier,meinbre de la Chambre de commerce,
place Jules-Feny, 8.
1481 . PcsLB (René), agent commercial, quai d'Orléans, 37.
1794. Pbblb (Robert), négociant, rue d'Éprémesnil, é6.
1933. Pbslb (Alfred), courtier, me de la Bourse, 34.
1809 Pbtet (Victor), chef de gare adjoint, quai du Tonkin.
873. PmT (QuiUaume), négociant, président du Tribunal de oom«
meroe, membre de la Chambre de commerce, maire de Blé-
ville, rue Donbet, 4.
1455. Pbttt (Emile), courtier, rue de la Bourse, 32.
1090. FÈzEsaL (L.), avocat, boulevard de Strasbourg, 91.
1498. PnsTBB (Gustave), négociant, rue Félix-Santallier, 17.
464. Philbbbt (Jules), banquier, rue de la Paix, 7.
986. Philbbbt (H.), courtier, rue Jules- Janin, 8.
1844. Pbilippb (Aug.) négociant, rue de la Ferme, 25.
1496. PiQÀULT (Pascal), courtier, maison J. Durand- Viel, rue de la
Bourse, 28.
1842. Pilon (ïi.) (0 i{t), secrétaire général des Docks-Entrepôts,
quai de Marseille.
1931. PiNGZOM, ingénieur en chef des Chargeurs-RéuniS) boulevard
François»I«', 3.
1823. PiBBAU (Henri), rentier, rue de Toumevilloi 63.
1254. PiFBRBÂU (Lucien)^ arbitre de commerce, rue J ules-Lecesae, 48«
1599. PuoHOK (Qaston), négociant, rue de la Gra£Ee, 6.
959. Pldm (Paul), assureur, place de l'Hôtel-de- Ville, 11.
475. PoiDBViK (P.), rue de la Comédie, 35.
1974. PoiDViN (Jules), professeur à TÉoole primaire supérieure do
garçons, rue de Puris« 70.
742. PoLBTTi (H.), de la maison Metz et O* rue Jules-LeoQsaei
32.
1561. PoTBL (Ch.), docteur-médecin, C^'Qi* IVansatlantique.
203. PoiTLrr (Edgard), caissier, rue du Perr^y, 162.
1391. PoïïPBL (£mm.), architecte, place de l'Hôtel-de- Ville, 1.
747, PowiLBWioz vQ A) , docteur-médecin, rue de6te-AdreMe^20é
XXlI LISTE GÉNÉRALE DES MEMBRES
1845. Prentout (G.) {%> A), régisseur de biens, rae Anoelot, 5.
435. Prescuez (E.), avoué, rue Jules-Lecesne, 28.
1098. Preyre (H.), directeur du Comptoir National d'Escompte de
Paris, rue de la Bourse, 2.
12%. PROBST, agent commercial, maison P. Perquer, place Juler» \
Ferry, 8. j
803. Prooopk (E.). négociant, rue Frederick -Lemaitre, 28. j
1897. Pkoficuet, docteur- médecin, rue du Général-Faidherbe. 5 bis i
882. PusiNELLi (Jacques), négociant, rue Victor-Hugo, 188. |
799. Quesmel (Charles), négociant, place de THôtel-de- Ville, 3.
1244. QuESNEL (Alfred), rentier, rue Marie-Talbot, 21, à Sainte-
Adresse.
938. Qdoist (Gleorges-D.), imprimeur, rue du Chilou, 11.
1995. Raisin (E ), au consulat du Brésil, boulevard François- 1*, 61.
863. Rambbrt, principal clerc de M* Bach, notaire, place de
THÔtel-de-Ville, 24.
414. Bamelot (Eugène) (^ I.), représentant de commerce, mem«
bre de la Chambre de commerce, rue des PénltentSy 34.
648. Raodl-Duval (Edmond), négociant, me Félix-Faure, 49.
840. Régnier (Ernest), aduiinistrateur-délégué du Crédit Havraitf,
boulevard de Strasbourg, 79.
1575. Reibeb (C), courtier, rue de la Bourse, 17.
1153. Rbinhart (Gustave), négociant, juge suppléant au Tribunal de ]
commerce, palais de la Bourse, escalier B. |
2065. Remy (Louis), négociant, boulevard François-I^', 114. I
281. Rknout (V.) ^, ingénieur des Ponts et Chaussées, en retrû*
te, boulevard Françoi8-I«^, 69.
940. RiCHBR (Emile), négociant, rue SufiEren, 11.
1451. RiciiER (F.), de la maison Devot&C^^», r. de Saint-Qiientin«7.
1196. RiHAL (Narcisse), négociant, boulevard de Strasbonig, 162.
1802. RlHAL (Gustave), négociant, rue Gustave-Flaubert, 6.
1984. RiNOHEVAL ^, directeur des Douanes, rue de la Gaffe, 2.
208. RisPAL (Auguste) ^, sénateur, membre de la Chambra de
commerce, boulevard de Strasbourg, 25.
1776. Riss (Alphonse), de la maison Lefebvre et Chardin, boulevard
de Strasbourg, 58.
1609. Robillârd (Emile), représentant de oommei^, me dosFenasSt
à S'«-Adre8Be.
1970 . RoBiNSON (Georges) , agent de maisons étrangères, rue Anfray , 4«
2042. ROBWBON (V.), ingénieur, rue de St-Quentin, 21,
209. RocuE (J.), photographe, place Gambetta^ 18*
MEMBRES TITULAIRES XXIII
353. Bœdeaeb (Jules) ^, négociunt, conseiller général, membre de
U Chambre de commerce, rue Casimir-Périer, 6.
17i2. Bœoerbr (Léon), négociant, rue Féliz-Faurei 31.
ô2â. BuOEB (0 ^), ingénieur, chaussée des Etats-Unis, 15.
642. KoaiR (Jules) »{i, docteur-médecin, boulevard François-I*'',
118.
1709. BoNOT (Emile), directeur de la Commercial Cable Cy^ bcule-
Tard de Strasbourg, 112.
404. Ro3K p^i, secrétaire du Cumité des assurances maritimes,
palais de la Bourse, escalier B.
1928. Rodqbt-Makseillb (f^Â), fondé de pouvoirs de la Recette des
Finances, passage Lecroisey, 9.
UH)3. BoussBLiN (Léon), régisseur de biens, rue Géricault, 15.
1387. BUAULT, reutier, rue d'Épréménil, 39.
1238. fiuD (J.), négociant, boulevard de Strasbourg, 118.
1222. RuFENAGHT (Jules), agent commercial, palais de la Bourse,
rue Dnpleix.
1223. RuFBNAOHT (Edouard), courtier, palais de la Bourse, Escalier D,
1059. Sabathisr (P.), ingénieur civil, inspecteur du bureau Veritas
rue Picpus, 2.
991. SAUQUBT(Femand), négociant, membre de la Chambre de
commerce, consul des Pays-Bas, rue Victor-Hugo, 134.
^/26. Sauvage (M^^* Marthe), section normale à T Ecole pratique de
Commerce et d'Industrie, rue Joseph-Clerc, 1
lâ39. Savarin (A.)^ négodiant, place Carnot, 4.
1934. Savaet ^A.), arbitre de commerce, rue de Normandie, 65.
1133. SoHABTiDEB (W.), Courtier, rue de la Bourse^ 29.
12Ô8. SCHLAODBNUAUFBN (F.), courtier, rue Qéricault, 4.
iT04. ScMLiBNQBR (Arthur), négociant, rue Jules-Lecesne, 46.
^9. ScHXiTT (Victor), assureur, rue du Chilou, 1.
' ^. ScHMiTZ (Alfred), négociant, place Carnot, 4.
! 12é4. ScHNEiDBB (Ferd.), représentant de maisons étrangères, rue de
I la Bourse, 21.
1 1^20. ScHBODBB (Edouard), courtier, rue de la Bourse, 21.
I IHo. SBBUOBR'(Ed.), agent commercial, rue de la Bourse, 28.
1 BU. SciOMEUBÉ (Eroest), négociant, rue Augustin- Normand, 2.
I 1W9. Sénécabt (A.), courtier, rue Victor-Hugo, 138.
\ ^^1. Sbhh (Olivier), négociant, administrateur de la Compagnie
I Gotonnière, palais de la Bourse, escalier E.
1^13. SiNN (Maurice), courtier, rue de la Bourse, 23.
I ^. 8ubxb (H.-A.), propriétaire^ rue B^-Honoré, 362, à Paris.
XXÎV LISTE GÉNÉRALE DES I^^MBRËS
220. SiEGFRiBD (Jules) (0^) {^ A), député du Havre, rue Félix-
Faure, 22.
225. Siegfried (Jacques) (0 ^) (0 i^), propriétaire, au château d^
Langeais (Indre-et-Loire).
633. Siegfried (Emeat), négociant^ rue Félix-Faure, 50.
1601 . Siegfried (Jules) fils, industriel, boul. de Strasbourg, 83.
226. SiBURiN (H.), négociant, rue Jules -Lecesne^ 58.
1559. Sigaudt (P.), ^, ingénieur en chef des Forges et Chantiers
de la Méditerranée, rue Guy-de-Maupassant, 2.
1986. SiQAUDT (Mlles), rentières, place de THôteUde- Ville, 29.
1972. Simon, docteur-médecin, boulevard de Strasbourg, 148.
1352. Six, négociant, rue Triganville, 39.
1884. Smebukg (F.), négociant, quai d'Orléans, 59.
1265. Society des anciens élèves de l'École supérieure de Commerce,
boulevard François-I»»", 58.
1618. Société d'Éducation populaire, rue Dicquemare, 1.
1920. Société de TEnseignement scientifique par l'Aspect, rue du
Canon, 26.
1265. Soclet (J.), ingénieur, directeur de la Ci« Gi« française des
Tramways, rue Michel- Yvon, 7.
1174. Souque (Albert), avoué, place Carnot, 6.
2029. Speiser (J.-J.), employé de commerce, bonl.de Strasbourg,75.
1762. Staehelin (Willy), quai d'Orléans, 39.
387. Stempowski, représentant de coYnmerce, rue Jules-Lecesne, 58.
229. Taoonet (Maurice), courtier maritime, membre de la Cham-
bre de commerce, Grand-Quai, 67.
632. Taoonet (Pierre), assureur, quai d'Orléans, 37.
1120. Taoonet (Robert), assureur, quai d'Orléans, 51 bis.
1815. Talboi% professeur^ impasse Massieu-de-Clerval.
2057. Tessier, professeur à i'Ëcole professionnelle de MontÎTilliers
(Seine-Inférieure).
2013. Teurterib (ë.). négociant, rue St-Roch, 27.
1777. Thiboumebt (André), courtier maritime, rue de Fécamp, 29*
1374. Thieullbnt (Henri), négociant, rue Thîers. 125.
713. Thillabd (Henri), greffier en chef da Tribunal civil, boolevard
de Strasbourg, 141.
638. Thomas (Charles), négociant, rue Bernardin-de-St- Pierre, 5.
1699. Thomas (A.), électricien, boulevard de Strasbourg, 57.
1317. Thon (Valentin), employé de commerce, maison Napp et C*%
rue de Saint-Quentin, 59.
1684. T0UB8AIIIT (M.)i àvooati rue QustaveOasataa, 81.
MEMBRES TITULAIRES XXV
1086. TooTAiN (Laurent), courtier d'assurances, palais de la Bourse,
escalier F.
2Û4i. Tbanchet (Albert) sous-ingénieur aux Chargeurs- Réunis, rue
Jules-Lecesne, 75.
2003. Tbaumann (Ernest), négociant, boulevard de Strasbourg,
65.
348. Trouvât (G.), commerçant, rue Victor-Hugo, 149.
232. Turbot (A.) [Q A), courtier, place Jules-Ferry, 9.
233. TuRPUi (Georges), négociant, rue Franklin, 23.
2045. Vallin (Henri) employé de commerce, cours de la République,
24.
246. Van dkr Vbldb (P.), négociant, palais de la Bourse^
escalier C.
1846. Van 1ER (Ferd.), négociant, rue Chaptal, 6.
1916. Vanibb (Jules), négociant, rue du Champ-de- Foire, 34.
1235. Varnirr (Louis), négociant, rue Caligny, 1.
1825. Vassia (E.), i{(« vice-consul d'Italie, rue Lemaistre, 6.
1763. Vatinbl (Charles), comptable, rae de Normandie, 134.
1450. Verger, chef -mécanicien, place Gambetta, 18.
1443. Versprbbuwbn (Hermann) ^ ^ >!<, négociant, consul de Bel-
grique, de TËtat indépendant du Congo et de Libéria, bou-
levard de Strasbourg, 124.
532. ViziN (Jo8eph),capitaine au long cours, rue des Petits-Champs,
31, à Paris.
1979. Vidal (Edmond), courtier, rue Victor-Hugo, 136.
1960. ViEiRA DA SiLVA (Joao), »{4, cousul général des États-Unis da
Brésil, rue de la Bourse, 30.
1612. ViQNÉ, docteur-médecin, à la C»" G*« Transatlantique, Grand-
Quai, 65.
1996. ViGOUROUS (Mlle Marie-Louise), élève à la section normale de
TEcole Pratique de Commerce et d'Industrie, rue J.-B.-
Eyriès, 16.
1925. Violette, administrateur de Sociétés, boulevard de Stras-
bourg, 124.
1715. Waloh (Gilbert), avocat, rue du Cliamp-de-Foiro, 57.
1754. Wanner (Emile), consul de la Confédération Suisse, rue
Guillemard, 84.
685. WsiBSBNBURGER (Th.), propriétaire, rue de rObservatoirOi
29.
1988. Wbltkb (Jean), ingénieur, rue St-Uoch, 7.
1886, Westpbalbn (Maurice), négocianti place Carnet, 10.
XXVI LISTB GBNéRÀLB DBS MEMBRES
243. WiNDKSHBiM (E.), négociant, rue des Brindes, 12.
2020. WiNNABRT (Loois) inspecteur sédentaire des Douanes
la Gaffe, 2.
615. WiNNiNO (James), agent de la O* Cunard, quai d'Orlé
1313. WlTTORSKi (Louis), courtier, rue Fléchior, 1.
1782. Ysnbl-Feanqdb (G.), courtier maritime, boulevard
çois-I«', 106.
789. YsNEL, (M.) négociant, rue Donbet, 17.
886. ZiBQLBR (A.), de la maison Dufay» Gigaodet et C>*, ni
Lecesne, 50.
1750. ZiJCGLBB (Arnold), employé de commerce, rue des Péni
i»t PILLES kxVlt
LAURÉATS DU CONCOURS DE GÉOGRAPHIE
Pupilles de la Société
Malandain (Ch.), rue Frédéric-Bellanger, 38.
Becheb (Edouard; , rue Clovis, 10.
Gazbmgel (Arthur), boulevard de Graville, 502, GraTille-
Sainte-Honorine.
QnÉBOUT (Marcel), boulevard Amiral-Mouchez, 1 14.
Lanqbvin (Léon), rue d'Étretat, 88.
Bramdala (Lucien), rue Bellot, 20.
Vaillaht (Etienne), rue Jacques-Gruchet, 6.
Lbbat (Bobert), rue Marceau, 2.
BiQOT (M.), à l'EicoIe communale de filles (Outre), Graville-
Sainte-Honorine.
l^ Maillabd (Marie), rue Louis-Philippe, 24.
Campabt (Suzanne), rue Ernest-Renan, 25.
DuBOso (Jeanne), rue de la Liberté, 32, à San vie.
Saxson (Valentine), rue Lesueur, 128.
Michel (Jeanne), passage Henri -Vigor, à Sanvic.
Amiabd (Hélène), rue Duguay-Trouin, 23.
Reine (Germaine), rue du Champ-de-foire, 67.
PlQBOM (Madeleine), passage de la rue Verte, 2.
Dupont (Renée)^ rue Piedfort, 6.
DuBUG (Alice), cours Sainte-Croix, à Montivilliere.
N
SOCIÉTÉS, REVUES, JOURNAUX, ETC.
Avec lesquels la Société lait l'échange des PublicaticF^^
FRANCE ET COLONIES FRANÇAISES
Paris. — Société de géograpliie. Société de géographie commerci£»J^
Société de topographie. Association philotechnique. Société d'éc^^^
nomiei>olitique. Société des études coloniales et niaritimes. Socife'^^
d'encouragement pour le commerce français d'exportation. Allian^^
française. Société française de colonisation. Chambre syndicale à€0
négociants-commissionnaires et du commerce extérieur.Unioncol^''
niale française. Comité de l'Afrique française. Comité de l'Asie
française. Comité de Madagascar. Institut géographique. Société
nationale d'agriculture. Union française delà jeunesse. AseociatioO
générale des étadiants.Union amicale des anciens élèves de rÊco'
le Bupérieure de connuerce. Chambre de commerce. Bibliothèque
nationale. Ministères de la Guerre, de la Marine, de rintérieur
du Commerce et de l'Industrie, des Travaux publics, des AfEâires
Étrangères,de ITnstruotion publique et des Beaux- Arts, des Colo-
nies.— Revue maritime, Moniteur officiel du commerce^ FeuHlê di
renseignements de l'oi fice Oolonial,BuUet n de renseignements oo-
loniaux, Paris-Canada, Le Moniteur des Coionies et des Pays de
protectorat, Bulletin de l'Office de renseignements généraux et de
colonisation du gouvernement général de l'Algérie, Les questions
diplomatiques et coloniales. Le Maroc français, L'Action cohniak.
Départements. — Sociétés de Géographie de Bordeaux, Booig,
Bourges, Brest, Dijon, Douai, Dunkerque, Laon, Ldlle, Lorient,
Lyon, Marseille, Montpellier, Nancy, Nantes, Poitiers, Bochefiort,
Bouen, Saint-Nazaire, Toulouse et Tours. La Franoa colonisatrioe
(Rouen). Société hayruido d'Études diverses. Socidté géolbgîqno
SOCIETES, REVUES, JOURNAUX, ETC. XXIX
<!• Normandie (Havre;. Sociétés industrielles d'Amiens, Elbeuf,
Boaen et Reims. Association des anciens élèves do TÉcole
supérieure de commerce et do lissage do Lyon. Société des
Sciences naturelles de Tarare. Cercle d'études des employés de bu-
reau Lavrais. Chambres de commerce du llavre, Bordeaux, Mar-
seille, Nantes, Lyon. Musée commercial de Rouen. Les MiS"
iiom catholiqui^ (Lyon). La Loire navigable (Nantes).
Colonies Françaises. — Sociétés de géographie d'Alger, Oran,
Tunis. Direction de l'Agnculture et du Commerce de la Ré-
gence de Tunis. Bulletin économique de V Indo-Chine ^Saigon).
Société des Études InJo-Chinoises de Saigon. Chambre de com-
merce de Saigon. Journal o/ficiel du Congo français (Libre -
^lle). Journal officiel des Posscêsions du Congo français et
dépendances du Moyen- Congo (Brazzaville). Journal officiel de
Madagascar et dépendances. Supplément Commercial et Agri-
cole (Tamatave et Cote Est). Bulletin économique de Madagascar,
Journal officiel des Établissements français de rOc^anic(Papeete).
EUROPE
^emagne. — Sociétés de g<^ographie de Berlin, Brème, Greif s-
wald, Hanovre, Hambourg, léna, Halle-sur-SaHle,Leipzig, Munich,
Dresde, Kœnigsberg, Cassel, Lu>>eck, Stuttgard, Stettin, Franc-
fort-sar-le-Mein, Metz. Musée colonial allemand, Berlin. — Deuts-
che Kolonial Zeitung (Berlin).
Antriche-Hongrie. — b'wiété de géographie du Buda-Pest, Mu-
séum d'Histoire naturelle (Vienne). D/> Wcliwirtschaft \y\Qïm%).
Belgique. — Sociétés de géographie de Bruxelles et d'Anvers,
Cercle des anciens étudiants de l'Institut supérieur de commer-
ce d'Anvers. Chambre de commerce d'Anvers. Institut colonial
international (Bruxelles). Fédération pour la défense des In-
térêts belges à rotranger (Bruxelles). Le mouvement géogra-
phique (Bruxelles^. 3fissions en Chine et au Congo (Bruxelles).
Espagne. — Société d(» Géographie de Madrid.
les Brltanmiques. - Sociétés d^3 g«}ugrdphie de Londres, Liverpool,
XXX SOCIETES, REVUES, JOURNAUX, ETC.
Manchester, Newcastle-sur-Tîne. Edimbourg. Institut impérial.
Italie. — Sociétés de géograpliîe de Rome, Milan, Naples et Flo-
rence.
Norvrège. — Société de Géographie de Christiania.
Pays-Bas. — Société de géographie d'Amsterdam.
Portugal. -— Société de géographie de Lisbonne, Association com-
merciale de Porto.
Rooinanie. — Société de géographie de Bucarest.
Russie. — Sociétés de géographie de Saint-Pétersbourg, Vilna,
Orembourg, Moscou, Helsingfors, Club alpin de Crimée (Odessa).
Suède — Société de géographie de Stockholm. Société des touris-
tes suédois (Stockholm).
Suisse. — Sociétés de géographie de Berne, St-G-alI, Neuchâtel,
Genève, Hérisau, Âarau. Société des anciens élèves de T Ecole sapé*
rieure de commerce de Genève.
ASIE
Caucase — Société de géographie de Tiflis.
Sibérie. — Société de géographie d'Irkoutsk.
Inde. — Société de géographie de Calcutta.
Indo-Chine. — Société de géographie de Singapore.
Japon* — Société de géographie de Tokîo. Société allemande d'his-
toire naturelle & d'anthropologie de Tokio.
AFRIQUE
£gypte. — Société de géographie du Caire.
AMERIQUE
Canada. -^ Sociétés de géographie de Winnipeg, Qiébec et Ottawa.
SOCIETES, RBVUE8| JOURNAUX, ETG XXXI
États-Unis. — Sociétés de géographie de New-Tork et de San-
Franciâco. Topeka (KanBas). Département de TAgricuIture (Was-
hington). Smithsonian Institution (Washington) Pilot Ghart of the
north atlantic Océan (Washington).
Mexique. — Société scientifique « Antonio- Ahsate » à Mexico,
Chambre de commerce française de Mexico. Observatoires astrono-
iniques de Tacubaya et de Mexico.
Salvador. — Observatoire astronomique et météorologique de San
Salvador.
Co8ta-Rica. — Institut physico-géographique national (San José).
Bréail. — Sociétés de géographie do Rio-de -Janeiro et de Bahia.
^ïTiguay. — Cliambre de commerce française de Montevideo. —
anales del Deparlemenio de Ganaderia y AgricuUura de la Repu-
^^icaO.del Uruguay (Montevideo).
Pérou — Société de géographie de Lima. Chambre de commerce
^nçaisc de Lima.
CSiili. — Société scientifique allemande de Santiago.
République Argentine. — Cliambre de Commerce française de
Bi 'en: 'S- Aires. Sociétés de géographie de Buenos- Aires et de
Corl î>a. Société scientifique argentine de Buenos-Aires. Direction
gi'P.ôrale de Statistique municipale de la ville de Buenos-Aires.
Déi» utoment national de statistique, à Buenos-Aires. Boletin de
Agricu'lura y Ganaderia (Buenos-Aires).
OCEANIE
lastralie. — Sociétés de géographie de Sydney, Adélaïde, Bris
bdne, Melbourne.
siva. - Société des scences et des arts de Batavia. Société Inddo-
Xeerlandiàise d agriculture et d'industrie de Batavia.
ABONNEMENTS
Revue des Deux Mondes, bi-mensuelle.
Revue de Paris, bi-mensuelle.
Le Correspondant, revue bi-mensuelle.
Revue Politique et Littéraire(l\Q\\iQ bleue), hebdomadaire.
Revue FrançaUc et de l Étranger, mensuelle
Le Tour du iAoHrfe,Journal des Voyages et des Voyageurs.
hebdomadaire.
U Économiste Français, journal hebdomadaire.
Revue de Géogy^aphie, mensuelle.
Annales de Géographie, paraissant tous les doux mois.
Mitteilungen, revue mensuelle.
La Nature, revue des sciences et de leurs applications
aux arts et à l'industrie, journal hebdomadaire illustré.
La Dépêche Coloniale illustrée, bi-mensuelle.
La Dépêche Coloniale, journal quotidien.
Imprimerie G.-D. QUOIST, 11, rue du CliUou. — UAViiE.
Â
SOCIETE
GÉOGRAPHIE COMMERCIALE
HXJ liA-VICB
BULLETIN
XXllI AiiikV. - » Ti-iniestiH> 1904»
HAVHK
AU SiKCK 1)K L\ SOCH.TK
131, iu:i: l'i l'viiis. I;;i
l!)()7
SOMMAIRE
La Révolution russe et la Douma, par M. Raymond Rkcoult 33
Les Pêcheries de la Côte Occidentale d'Afrique, par M. A. GiiavEL. ... 51
L'Éruption de la Montagne Pelée à la Martinique, I, par M.J. Giraud 73
La formation d'un lac dans le désert du Colorado, par M. Henri de
Varigny 8->
Actes de la Société 93
Bibliographie 94
Ouvrages reçue à la Bibliothèque de la Société fi^
REUNIONS
Les Réunions du Comité ont lieu le 4'"'^ mercredi de chaque mois
excepté pendant les mois d'août et septembre.
Tous les membres de la Société peuvent y assister.
BIBLIOTHÈQUE
La Bibliothèque de la Société est OUVerte tOUS lOS SOirSt
excepté les dimanches, jours fériés et demi-fériés, de 6 h. 1/2 à 7 h. 1/2
et de 8 h. 1 2 à 10 h.
Toutes les communications et tous les renseignements doivent être
adressés au Secrétaire général.
>
1 1 r
/
SOCIÉTÉ
DE
GEOGRAPHIE COMMERCIALE
->>^«N<|y^jg5/M>>A^
U ^Wm RUSSE ET U MW"
Supposez un bourgeois de l^aris ou môme du Havre qui,
les vacances terminées, lorsqu'il quitte sa maison de cam-
pagne pour retrouver sa maison de la ville, s'aperçoit avec
atupéf action que cette maison u été, pendant son absence,
mise sens dessus-dessous; la baignoire se trouve au milieu
delà salle à manger, Tarmoireà glace a été transportée dans
la cuisine. C'est une stupéfaction analogue (jue j'ai éprouvée
cotte année lorsque je revins en Russie après douze mois
d'absence.
J'étais passé en Russie, en 1905, revenant de Mandchourie,
•près la guerre Russo-Japonaise; j'y revins au printemps
da 1906, et vraiment le pîiys ét'îit non seulement transfor-
^mé, mais bouleversé. Les classes accoutumées depuis des
I siècles à obéir, prétendaient déjà commander. On ne recon-
(1) Conférence foite devant la Socioié de Géographie Commerciale du
aoairA nm. oAogiuphii. — 2* trimestre 1906. 9
34 LA RÉVOLUTION RUSSE ET LA DOUMA
naissait plus rien, ni les choses, ni les hommes. Pour donner
une idée de cette transformation si profonde, il faudrait
un long développement, mais quelques exemples peuvent
suffire.
Lesdéputés paysans qui venaient d'arriver ô Saint-Péters
hour.? pour représenter les moujiks à la Douma, étaient
logés tous ensemble, dans une vaste demeure que le Gou-
vernement avait mise à leur disposition. Ces députés, deux
jours avant Touverture de la Douma, se présentèrent «u
palais de Tauride. Il y avait là un vieux monsieur, un
chambellan que le Conseil de l'empire avait prêté à l'admi-
nistration de la Douma pour effectuer toutes les transfor-
mations et tous les arrangements nécessaires.
Les députés se présentent au vieux chambellan en uni-
forme, qui paraissait extrêmement imposant, et l'un d'eux
lui dit : (( Nous venons ici pour toucher l'indemnité de dix
roubles par jour qui nous est due pour les frais de voyage, w
Le chambellan répond: « Comme je n'ai pas cet argent sur
moi, ayez l'obligeance de repasser demain. )) Alors les pay-
sans lui dirent : « C'est tout de suite qu'il nous le faut, vous
avez dix minutes yjour l'apporter ici, et si vous ne
l'apportez pas, gare à vous. » Le vieux chambellan se pré-
cipite au téléphone et dit en français : « Il y a une bande de
gens extrêmement mal habillés qui m'injurient et me
demandent de l'argent. » On apporta immédiatement de
l'argent à ces gens mal habillés.
Le sentiment «fue la Douma naissante excitait dans toutes
les classes du peuple russe, tel qu'on pouvait le saisir
alors, était un sentiment de bienveillance et même d'atten-
drissement. On attendait vraiment de la Douma, avec un^*
confiance sans doute un peu naïve, le remède à tous les maux.
On voyait en elle une réunion d'hommes qui, venus de
tous les côtés de l'immense empire russe, pouvaient trouver
immédiatement en quelques semaines, la solution des pro-
LA RÉVOLUTION RUSSE ET LA DOUMA 35
bièraesquise posaient depuis des siècles et ce sentiment
écIatait,nonseuIementdans les conversations particulières,
mais encore dans les articles des journaux et dans les
discours prononcés.
Vous savez, je n'ai pas besoin de vous le rappeler, dans
quelles conditions la première assemblée consultative russe
/ut accordée par Tempereur. A vrai dire, l'empereur ne
laccurda p^s, on la lui arracha. C'est l'année dernière, au
njoment où la grève générale paralysait complètement
l'empire russe, au moment où l'administration et le Gou-
vernement se trouvaient débordés, que le grand-duc Cons-
: lanlJD, accompagné du premier ministre M. Witte, arracha
lilléralement à l'empereur la promesse d'une Douma. Cette
promesse, une fois faite, fut solennellement annoncée au
peuple par le manifeste du 17,30 octobre. On se préoccupa
immédialemenl de savoir dans quelles conditions fonction-
neniit celle Douma et de préparer les élections. Les élections
se firent d'une façon très lente sur tous les points du pays,
et comme elles se firent sous un ministère réactionnaire,
sousun ministère terroriste presque, le ministère Dournovo,
elles donnèrent naturellement, par opposition à ce ministère
réactionnaire, une majorité considérable au parti avancé.
I^ Douma était convoquée solennellement pour le 10 mai
1906. C'est ce jour le que les 460 députés qui la composaient
furent solennellement présentés à l'empereur au Palais d'Hi-
veretimmédia'ementaprès celte présentation, où l'empereur
adreSvSa aux députés quelques paroles de bienvenue, la
première réunion de la Douma eut lieu au palais Tauride.
Ce palais se trouve dans un lointain faubourg de la ville
mniense de Saint-Pétersbourg, et vous savez que, construit
»«:• Catherine II, et donné par elle à son favori tout-puis-
ifXït, IV^tenkine, le héros de Tauride, il revint ensuite à
I Couronne russe et, ces derniers temps, il servit de lieu de
•fK>s à de vieilles demoiselles ou veuves de hauts fonction-
36 LA RÉVOLUTION RUSSE ET LA DOUMA
naîres ou de généraux. C'est un palais extrêmement beau,
très somptueux, entouré d'un immense jardin qui,ô l'époque
de Catherine II, était ce fameux jardin d'hiver que tous
les contemporains ont longuement célébré.
Des transformations et des aménagements avaient été très
rapidement faits. Ces couloirs du palais de Tauride offrirent
dès les premières séances un spectacle extrêmement pitto-
resque. On voyait là, à peu près 150 à 175 moujiks venus
avec leurs bottes, les uns portant le costume des Petils-
Russiens, le cafetan qui gaine la taille, les bottes en cuir
rouge d'autres venus des campagnes de la Pologne; quel
ques députés caucasiens et, en même temps,au milieu d'eux,
des popes à longue barbe, des seigneurs polonais extrême-
ment élégants, et tout ce monde-là, parlant quelquefois des
langues différentes, ne se connaissant d'aucune sorte,
n'ayant ni les mêmes manières de comprendre ni de sentir,
s'assemblait là pour faire œuvre commune et travailler à
la régénération de la Russie. Dès la première séance, une
opposition extrêmement vive se manifesta ; le ministère
Dournovo avait rempli les prisons de la Sibérie de détenus
politiques dont la plupart avaient été arrêtés sans aucun
motif 6t beaucoup condamnés sans aucun jugement ; la
Douma arrivant demandait d'une façon extrêmement éner-
gique qu'on lesamnistiôt.C'est undeschefsdu parti Cadet, le
plus influent de la Doum€i,qui d'une façon énergique, vibran-
te,sollicita cette amnistie. Pour appuyerencore cette requête
on se mit immédiatement à la préparation de l'Adresse au
discours du trône, dans laquelle la Douma ferait connaître
au tsar ses exigences ; toutes ces demandes et cette adresse
prirent urt certain temps et,dès les premiers jours, se mani-
festa la prépondérance d'un parti qui avait été extrêmement
fort pendant les élections et qui, maintenant, recueillait le
fruit de sa discipline et de son intelligence, c'est-à-dire le
parti Cadet.Nous savez que ce nom de parti Cadet ou K D,
doit son origine à un calembour.
LA RÉVOLUTION RUSSE ET LA DOUMA 37
Le parti Cadet se compose de nobles en assez grande
part, de quelques fonctionnaires, de membres appartenant
aux professions libérales : avocats, médecins, professeurs,
journalistes, hommes de lettres, et de quelques paysans
Il a non seulement la prépondance numérique mais encore,
ce qui est plus important, la force de la discipline et de
rintellîgence. C*était à vrai dire, dans cette Douma, le seul
parti vraiment constitué. Il se trouvait en présence des
autres partis comme une phalange macédonienne en pré-
sence de bandes mal organisées Dès les premiers jours il
apparut que c'était lui qui prendrait la t te de la Douma et
dirigerait toutes ses manifestations.
Le parti K D demandait l'extension de la constitution
donnée par Tempereur. L'emporeur n'avait guère accordé
qu'un semblant de constitution et le parti K D exigeait que
cette constitution fût complétée. 11 demandait la formation
d*un ministère responsable pris dans la majorité de la
Chambre, la suppression absolue de toutes les castes et
de toutes les classes, l'égalité civique, l'accessibilité de tous
à tous les emplois et enfin une réforme extrêmement impor*
tinte, la réforme agraire, c'est-à-dire la concession de plus
de terres aux paysans, en prenant ces terres soit à TEtât,
quand on le pouvait, soit aux apanages, soit à certains pro-
priétaires particuliers. C'était le programme du parti K D
et, comme il était le plus fort, ce fut le programme delà
Douma.
 côté de ce parti Cadet il y avait un autre parti, le parti
du travail, qui prit le nom de parti ((Travailliste ». Il était
composé presque entièrement (85 <*/o) de paysans, Il n'avait
guère, à vrai dire, qu'un programme économique, et son
programme politique se confondait avec celui des K D. Lu
question agraire était la seule qui intéressât vraiment les
paysans. Ils demandaient la distribution aux paysans
de toutes les terres appartenant è l'Etat, de presque
38 LA UÉVOLUTION RUSSE ET LA DOCMA
toutes les terres des propriétaires particuliers, et cela, dans
certains cas, sans indemnité. C'était donc un programme
extrêmement avancé.
A côté du parti « Travailliste » se trouve un autre parti
qu'on appelait le parti des « Octobristes «.C'était le parti qui
se réclamait du 17/30 octobre, et qui prétendait que ce
manifeste,avec une constitution très atténuée,suf!isaitpour
le moment au bonheur de la Russie.
Les exigences, les demandes de la Douma furent, dès les
premiers jours, mises en lumière et exposéesdans l'Adresse
votée comme réponse au discours du Trône. Elle comprenait
presque entièrement le programme du parti Cadet, tel que
je viens de vous le faire connaître. Elle fut envoyée à l'em-
pereur. Celui-ci n'y fit aucune réponse, et dès les premiers
jours la Douma se trouvait dans une situation fausse ; celte
équivoque devait durer deux mois et se terminer, comme
vous le savez, par sa dissolution.
La Douma convoquée par l'empereur, prenait toutes les
apparences d'une assemblée souveraine, elle demandait,
exigeait qu'on la traitât comme telle. Aux yeux de l'empe-
reur et des grands-ducs, elle n'était pas considérée ainsi
mais comme une assemblée consultative, aux exigences de
qui on était bien décidé à ne pas céder. Ainsi cette équivo-
que, cette situation fausse qui se manifesta, alla s*augmen-
tant, s'accentuant jusqu'à la dissolution finale.
Dès les premiers jours, une fois l'Adresse votée, les in-
terpellations commencèrent. Il faut avoir vécu en Russie,
savoir ce qu'était le peuple russe jusqu'à pré3ent,pour sentir
tout ce qu'il y a de nouveau, d'extraordinaire même dans ce
mot (( Interpellation ». Une assemblée de députés, une as-
semblée de sujets arrivant de leur province, de leur gou-
vernement, qui se considéraient comme as.sez forts pour
interpeller un ministre, un lieutenant de Sa Majesté Tem-
pereurt le faire venir à la tribune et lui demander des
La révolution russe et la douma 39
vomples. Ces interpellations se firent immédiatement. Le
ministre, quoique ne reconnaissant pas la souveraineté de
Il Douma, venait tout de même à sa barre lorsqu'on insis-
tait, et répond lit aussi bien qu'il le pouvait aux interpella-
tions.
Les premiers jours,les députés se montrèrent très respec-
tueux à regard dos ministres, attentifs à leurs paroles,
^adressant toujours à eux d'une façon extrêmement calme,
posée; mais petit à petit, au fur et à mesure que se mani-
festa la mauvaise volonté de répondre, l'irritation des
Jéputés grandit et deux ou trois semaines ne s'étaient pas
écoulées que les ministres furent injuriés. Il se trouvait une
fois, je m'en souviens, dans la tribune od j'étais, un pauvre
insiiluleur sibérien qui, venu en Russie pour rendre visite
à sa mère malade, avait supplié qu'on le laissât assister à
une séance de la Douma. Il était justement tombé sur la
séance où le fameux député travailliste A ladine dit son fait
d'unefaçon très verteau ministre Stolypine.Le ministreavait
demandé qu'on Tautorisôt à dépenser 5 ou 6 millions de
roubles pour secourir des paysans. Aladine monta à la tri-
bune et lui dit : (( Sans doute nous consentons à vous voter
ces 5 ou 6 millions deroubles,maisà condition que nous les
distribuions nous mêmes, car s*ils sont distribués par vos
genS) ils n'iront jamais dans la poche des paysans mais
dans celles de vos employés. » Le ministre quitta immédia-
4'iaieraent la salle.
L'instituteur sibérien qui se trouvait à côté de moi s'écria:
''Est ce ainsi qu'on ose parler maintenant au ministre en
Russie.alors que nous en Sibérie, nous ôtonsnotrecasquetle
devant le plus humble des fonctionnaires. »
Us travaux parlementaires de la Douma qui étaient
siiivis par toute la Russie avec une attention passionnée,
^înlerrompaient pas le moins du monde ni les attentats
anarchistes, ni les bombes, ni le pillage des banques ou
iO La révolution russe et la douma
des propriétés privées. Mais il faut bien dire que le Russe
se soucie assez peu des bombes, des attentats anarchistes et
du pillage des banques et des propriétés privées Pour
vous donner une idée de cette insouciance, je me souviens
que le jour où on lança une bombe contre le couple royal
d'Espagne^ je lus la nouvelle dans un journal du matin et
je fus extrêmement impressionné par tous les détails hor-
ribles que le télégraphe indiquait: chevaux éveDtrés,bon)be
allant tuer des personnes qui étaient au balcon du premier
étage et aux fenêtres des chambres. Comme je déjeunais ce
matin-là en ville, je continuais à songer à cela, chemin
faisant et, en arrivant chez mes hôtes, il me semblait qu'on
ne pouvait parler d'autre chose que de cet attentat anar-
chiste. Je découvris alors que ce qui m'intéressait laissait
mes interlocuteurs russes absolument indifférents; on aurait
cru que cette bombe avait été jetée dans la lune, jamais sur
un point terrestre. Il y eut seulement un vieux monsieur
qui dit : « Il est très maladroit, Tanarchiste, il a tué ou
blessé 40 personnes qu'il ne visait pas, et manqué celles
qu'il visait.)) Il dit cela d'un ton absolument indifférent, de
la façon posée dont on constate un fait et ce fut tout Je
compris que le vieux monsieur voulait dire : « Vous nous
parlez de cet attentat étranger alors que nous avons beau-
coup mieux chez nous. )> On s'accoutume à tout et il faut
bien dire que les Russes sont absolument accoutumés à la
bombe. Dans presque toutes les villes de l'empire on en
lance quelques-unes tous les jours. Certaines catégories
sociales, les commissaires de police, par exemple, savent
parfaitement qu'ils ont plus de chance de mourir d'une
bombe que de la fièvre typhoïde, et s'il sont tués ainsi, leur
mort est une mort naturelle dont personne ne songe à
s'étonner. Les circonstances critiques qu'on traversait alors
ce printemps-là,ne détournaient pas les Russes de Saint*Pé.
tersbourg ou de Moscou de la vie des cabarets et des éta**
LA RÉVOLUTION RUSSE ET LA DOUMA 41
blissements de nuit. Les gens ne pensaient guère qu'a
s*amuseret il en était exactement ainsi pendant la guerre.
La question la plus importante qui se posa à la Douma
pendant les deux mois qu'elle dura, fut sans contredit la
question agra're, et c'est la seule qu'elle eût le loisir d'exa-
miner. C'est la question qui pouvait le plus séduire les
paysans et amener la révolution. Il est bon de donner sur
cela quelques éclaircissements.
Pour comprendre un peu cette question, il faut se dé-
dépouiller absolument de l'état d'àme français. Le Français
est, de tous les peuples que je connais, le plus propriétaire,
celui qui a le sens le plus inné de la propriété, qui s'attache
le plus aux choses qu'il q acquises par son travail ou que ses
ancêtres ont gagnées par le leur. Mais ce sentiment, si légi-
time d'ailleurs, le Russe le possède à un degré beaucoup
moindre. Il fautsavoîr que les terres que possède le paysan
russe en ce moment^il ne les a pas acquises par son labeur
elles lui ont été données en 1861 lors de la grande réforme
la suppression du servage. Les paysans étaient des serfs ;
ils ne possédaient rien. En 1861, brusquement, sans tran-
sition,on les a appelés à la propriété et par conséquent, il ne
peut y avoir ce sentiment de propriété, analogue à celui
qu'a notre paysan français. Ensuite, et cette considération
est plus importante que la première, ces terres données au
paysan russe en 1861, neJui furent pas données en proprié-
té ferme. Il n'en est pas le maître, il les possède collective-
ment.Ce n'est pas le paysan individuellement qui en est le
propriétaire mais bien l'organisation collective, la com-
mune,levillage,qu'on appelleen Russie,le((Mir)).Il s'ensuit
que le paysan aussitôt qu'il manque de terres se tourne
d'une façon toute naturelle vers l'Etat et lui demande, en
quelque sorte, qu'on recommence en 1906 le geste qui
a été accompli en 1861 ; et qu'ensuite comme il n'est pas
le msitre de se^ terres, il conçoit comme uae chose toute
i2
LA KliVOLUTION RUSSE ET LA DOUMA
naturelle, légitime, l'expropriation faite aux dépens de
quelques particuliers. L'homme qui dans le parti K D s etnil
fait une spécialité de la (juestion agraire, l'iionime qui fut
Tauteur d'un projet que le parti soutint, c'était le député pro-
fesseur israélitede Moscou Ilertzenstein. J'ai causé très sou-
vent et très longuement avec lui, et non seulement j'ai
connu son projet par les journaux et par les livres, mais
encore plus par les exposés oraux qu'il m'en a fait lui-
même. Ce projet n'était pas du tout, comme on l'a fait
croire à une partie de notre pays, le plan d'un insensé ou
d'un spolidteur.il était parfaitement raisonné, extrôaiemeDt
étudié et surtout parfaitement réalisable. Hertzenstein,
avant d'ôlre professeur, avait été pendant 15 ans directeur
d'une banque agraire. Les ban(|ues agraires sont des ban-
(jues chargées de procurer des capitaux aux propriétaires
endettés. 11 connaissait donc la question agraire, non seu-
lement dans son principe mais encore et surtout dans les
détails prati(iues,et c'est à faire unechose pratique qu'il avait
avant tout visé. Le projet Herlzonstein, qui était le projet
du parti KD et de la Douma, consistait en ceci : « Les
moujiks, disait ^L ilertzenstein, n'ont pas assez de terres
pour vivre (cela n'est pas une chose qu'il invente, tout le
monde le sait en Russie, tout le monde, aussi bien les réac-
tionnaires que les révolutionnaires;. Bien avant la venue
de M. Ilertzenstein, des publications officielles, depuis dix
ou quinze ans,ont toutesmisen lumière de façon saisissantî»
l'insutlisance des terres concédées aux paysans. En etïelf
en 1861, lorsqu'on accorda à chaque paysan quelques hec-
tares de terre, on lui en accorda trop peu, et comme depuis
lors le nombre des pjysans s'est accru (dans certaines
parties de l'empire il a presque doublé) cette insuffisance
est devenue bien plus grande. Donc, disait M.IlertzensteiDf
il faut de toute façon leur en donner davantage. Pour les
avoir il faut les prendre où elles sont. Les terres qui appar
LA liévOLLTlOX llUSSt. ET LA DOUMA 43
lieonentaa GouvornomenlauiiorJtlela lliissie, sont presque
toutes impropres à la culture; toutes ces terres consistent en
marécages. Les terres appartenant aux apanages sont en
nombre extrêmement réduit et enfin il n'y a pas en llussie
comme en France en 1789, les terres du clergé, pour la rai-
; son Lien simple que le Russe, encore qu'il soit p:issablement
dérol, qu'il couvre d'or les mille clochers de ses églises,
na pas attendu 1906 pour prendre les terres des ecclésias-
tiques. Ce n'est pas la révolution qui a fait cela mais la
grande impératrice Catherine 11. Le clergé en Russie ne
possède que très peu do terres et il n'a pas le droit d'en
[wjsséder. Restent donc les propriétés privées propres à la
culture. Elles sont en Russie au nombre de -45 millions
dhectares ; M. Hertzenstein et le parti K D proposent de
prendre sur ces 45 millions d'hectares k peu près la moitié,
soit de 20 à 22 millions, avec les plus grandes précautions,
c'est-à-dire en laissant de côté les petits propriétaires,et par
petits propriétaires on entend ceux qui ont de 100 à 150 hec-
tares.On laissait également de côté les propriétés qui avaient
quelque connexion avec une industrie quelconque ; un bet-
teravier par exemple, cultivant ses terres pour avoir les
betteraves et alimentant lui-même ses usines des produits
de sa propriété, ceci afin de ne pas arrêter l'usine. Les
précautions les plus minutieuses étaient prévues par le
projet.On ne prenait en général que les propriétés apparte-
nant à des gens qui louaient leurs fermes aux paysans. On
proposait d'accorder une indemnité juste et légitime aux
propriélairesdépouillés. Cette indemnité devait ôlre calculée
d'après une méthode déterminée pour tout l'empire et en
faisant subir une dépréciation au prix réel. Il faut bien le
dipe,cela parait un peu injuste; si une propriété vaut 100.000
roubles et qu'elle soit achetée pour 83.000 roubles au
propriétaire,c*e8t toujours 20.000 roubles qu'on lui prend,
tfais, le prix des propriétés en Russie, par suite de la pé~
44 LA RÉVOLUTION RUSSE ET LA DOUMA
nurie des terres, de la misère absolue des paysans, a aug-
menté d'une façon anormale. La publication officielle elle-
même en fait foi. Il y a une institution officielle en Russie,
que les Tzars ont développée, qui date de 25 ou 30 ans et qui
s'appelle la Banque des paysans. Qette banque a été faite,
à Torigine, pour permettre aux assemblées de paysans
d'acquérir en certains endroits certaines terres et pour leur
accorder les fonds nécessaires à cette acquisition. C'est
une chose excellente en principe, mais dans la pratique les
conséquences ont été les suivantes : Les paysans aussitôt
qu'on leur a donné les moyens d'acquérir, poussés par le
dénilmentde terres, se sont rués vers les achats et natu-
rellement, comme les acheteurs étaient extrêmement nom-
breux, la conséquence a été que les vendeurs ont augmenté
leurprix ; l'hectare de terre qui était vendu par la Banque
des paysans en 1885, 50 roubles, a été vendu 3 ans plus tard
60 roubles, 3 ans aprèi 70 roubles, puis 80 et 90 roubles ;
bref en ces 25 dernières années le prix a presque doublé.
L*auteur du projet K D disait que cette augmentation
n'était pas légitime, naturelle, mais artificielle, et qu'il
étaii juste de lui faire subir une petite diminution. Ce n'est
pas seulement en Russie que l'on agit ainsi; en Irlande,
lorsque les problèmes agraires ont été posés, on a opéré
une réduction sur l'indemnité accordée aux landlors. 11
proposait une diminution de 20 à 25 ^'o. Tel a été le projet
qui a été si décrié en France par des gens ignorants ou
de mauvaise foi, et qu'on a représenté comme un projet de
pure spoliation.
Pour étudier la question agraire d'une façon plus vivante,
comme les discours de la Douma se multipliaient — car ce
n'est pas en France seulement qu'on prononce beaucoup de
discours — je décidai de quitter Saint-Pétersbourg et m'en
aller vivre au milieu des paysans, afin de voir d'une façon
réelle, concrète, en ^uoi consistait cette (question.
LA RévOLUTION RUSSE ET LA DOUMA 45
J'avais lu cela dans de gros livres, mais les plus gros et
'es plus précis sont encore extrêmement loin de la vie. Je
partis donc avec un homme extrêmement instruit, un des
orateurs les plus influents, M. de Roberty, très connu en
France. C'est dans sa propriété que je procédai à cette en-
quête sur la question agraire. C'est une chose très curieuse,
excessivement intéressante, que d'étudier la formation de
ces cellules vivantes, ces communautés paysannes qui s'ap-
pellent le Mir. Pour le Français c'est une chose presque
stupétiante. La première fois que j'arrivai dans un village
du gouvernement de Twer, nous trouvômes les paysans
asgemblés sur la place et en train de discuter. Au milieu
d'eux un homme ô grande barbe, de physionomie assez
avenante. le staroste, l'ancien, le chef élu de la communauté.
Tous les trois ans la communauté élit son maire. Les fonc-
tions sont extrêmement peu recherchées, autrefois le maire
n'avait qu'un avantage, celui de ne pas être fouetté publi-
quement, depuis ce privilège s'est étendu à tous,iln'ya pas
d'autre* avantage, de sorte que maintenant ces fonctions lui
sont plutôt imposées par la commundTité.Xous nous appro-
chons,les paysans assemblés là étaient en train de discuter
pour savoir s'il convenait d'acheter de l'avoine pour les se-
mences d'automne. Tous les actes qui intéressent ainsi la
communauté sont résolus non pas par un acte libre de cha-
cun des membres, mais par une délibération collective de la
communauté. Tous les 5, 8, ou 10 ans, toutes les terres de la
commune qui appartiennent aux paysans sont mises au sort
H distribuées de. nouveau. Tous les paysans s'assemblent,
on forme les lots en ayant soin de les faire aussi égaux que
possible et alors on tire au sort. Chaque paysan reçoit son
lot. i^ar conséquent la terre que pendant 5, 8 ou 10 ans il a
ravaillée, passe dans les mains d'un autre et lui-même prend
elle qu'un autre a occupée. La première conséquence
st que pendant hs î^ ou 4 années qui précédent le tirage
46 LA RÉVOLUTION RUSSE ET LA DOUMA
au sort des terres, on la travaille beaucoup moins, on ne la
fume presque pas parce qu'on sait qu'elle passera dans d'au-
tres mains. Une autre conséquence déplorable c'est que,
comme la terre appartient à la communauté, les travaux ne
sont pas libres, on ne peut pas comme en France, semer,
moissonner, labourer à son gré : on ne peut le faire que
lorsque la communauté a décidé qu'on sèmerait, moisson-
nerait , labourerait. Pour cela on divise les champs en de
longues bandes étroites, de 3 ou 4 mètres de large et cha
cune de ces bandes est attribuée à un paysan : c'est là sa
part.
Cette part étroite, le paysan la cultive individuellement,
maisen dépit du collectivisme,le sentiment individualiste qui
est si fort et que rien ne peut étouffer, subsiste, on en voit
la preuve, car il se garde bien de cultiver les bords de sa
bande avec autant de soin qu'il met à cultiver le milieu de
celle-ci ; il fume le milieu, mais pas les bords. Sur une
bande de quatre mètres, il y a jusqu'au m. 50, parfois un
mètre de perdu,c'est une bande où il ne pousse rien, et ceci
vous représente l'individualisme persistant au cœur du
paysan Un des autres inconvénients. c'est que laculture ne
dépend pas individuellement de chaque paysan, mais de
la communauté paysanne; la communauté par cela même,
se voue h la rouline. Par exemple, dans le pays où j'ai été,
on cultivait encore par le système de trois assolements,
c'est-à-dire qu'on perdait une année sur quatre, la terre
n'étant pas cultivée la quatrième année afin qu'elle pût se
reposer. Depuis longtemps, les écrivains agricoles russes
avait crié sur les toits que c'était là un système très nïau-
vais,mais les paysans ne voulaient pas .se laisser convaincre
et, si quelques-uns avaient voulu suivre la méthode indi-
quée et imposer leurs volontés, à la communauté, ils n'au-
raient pu se faire écouter. On voit toutes les conséquences
de ce système, qui est pour une grande part la cause de la
LA RÉVOLUTION RUSSE ET LA DOUMA 47
misère qui étreinl si durement le paysan russe. Elle ne
I vieni donc pas absolument du manque de terres, mais
delà façon absolument barbare, rudimentaire dont ils culti-
vent celles qu'ils ont. Le remède à la (luestion agraire
e^i, non pas seulement dans une distribution de terres
nouvelles mais dans une refonte de l'organisation de la
propriété communale.
Kn même temps que la question agraire, se posa une
question très importante en Russie, (jui était celle do
l'abolition de la peine de mort. KUe fut votée par
la Douma dès la première séance ; mais comme les
voles de la Douma n'avaient aucune sanction, le mi-
nistère refusa de discuter la question ; elle revint un
mois plus tard. Dans l'intervalle, le général Pavlosk, pro-
cureur général du ministère de la guerre, avait fait exécu-
ter trente ou quarante condamnés, pour bicMi montrer de
quelle manière il entendait obéir aux injonctions de la
Douma. Ce fut une des séances les plus violentes. Dès (jue
le général parut è la tribune il fut immédiatement bué, les
vociférations éclatèrent; on le traita de bourreau, d'assassin,
et il dut s'en aller sous les clameurs décbaînées des mem-
bres de la Douma. Le fossé allait sans cesse s'élargissant
entre la Douma et le Gouvernement Dans les sphères de la
Cour,c'est-à-dire dans la coterie toute-puissante qui entou-
rait l'empereur, on était do plus en plus furieux contre la
Douma et, alors qu'en France et en Angleterre, on s'atten-
dait à la formation d'un ministère K D,à Saint-Pétersbourg
on ne cherchait que le moyen d étrangler la Douma. Il
faut bien savoir, en effet, que l'empereur, cet autocrate
qu'on représente toujours comme capabU; par sa seule vo-
lonté de changer les destinées de la Russie, cet empereur
n'est ni libre ni maître même de lui-même. L'empereur en
effet, et c'est là la conception ultime des hauts courtisans et
hauts foiiL'tionn lires (|ui l'entourent, est sa/.ré tant qu'il
48 LA RÉVOLUTION RUSSE ET LA DOUMA
sert leur» privilèges et tant qu'il défend leur intérêts
mais le jour où il paraîtrait que soit par faiblesse ou par
bienveillance excessives, il serait moins capable de défen-
dre ces intérêts et de soutenir ces privilèges, ce jour-là,
l'histoire le montre, l'empereur n'est ni sacré, ni intangible,
et on n'a qu'à se reporter un peu dans le p.issé, on n'a qu'à ,
suivre la liste des empereurs pour voir cjue, assez souvent,
lorsqu'il est entré en conflit avec eux, ce n'est pas lui qui
eût le dernier mot ; on l'a fait disparaître d'une façon
extrêmement rapide. Paul l'^pour avoir voulu prussianiser
les officiers russes qui l'entouraient, pour avoir voulu leur
imposer le pas de parade et les uniformes prussiens,toutes ;
sortes d'imaginations folles qui sortaient de son cerveau,fut ]
purement et simplement assassiné par eux. J'ai entendu 1
même de mes propres oreilles, ce printemps, dans un salon ]
de Saint-Pétersbourg, une dame, une très grande dame de !
la cour, dire : « Si l'empereur continue à être ainsi, aussi j
faible qu'il est, nous n'aurons qu'une chose à faire, c'est de
l'assassiner. » Ce sont des paroles <jue j'ai, le jour même,
exactement transcrites. Par conséquent, l'empereurn'esl
pas maître comme on le croit pnriout. En France, on es-
comptait la formation de ce ministère ; mais en Russie,nul
absolument dans les cercles inihients ne pensait à cela, les
hauts fonctionnaires ne voulaient absolument rien concé-
der à la Douma. Il ne mancjuaitque l'occasicn, on la cher-
chait. On le vit bien quand la Douma décida de voter son
projet agraire. Le Gouvernement en présence de ce projet
fit connaître le sien à lui, qui était un refus pur et simple
d'admettre les prétentions du parti K D. D'après le projet
du Gouvernement, les paysans devaient se contenter des
quelques terres que donnerait la Couronne. Lo conflit élut
donc absolu entre les doux théories. Les membres de la
Douma résolurent alors de porter cela à la connaissance
du pays afin de le faire juge et de montrer aux paysans de
LA RÉVOLUTION RUSSE ET LA DOUMA 49
quel côté étaient leurs aixiis réels, leurs vrais défenseurs.
Lorsque cette décision fut prise, le Gouvernement de M.
Gorenikine vit là immédiatement le prétexte qu'il voulait ;
il prétendit que la Douma sortait de ses attributions et
qu'elle violait les lois fondamentales. La dissolution fut
prononcée aussitôt. La Douma dissouteja question se po-
sait pour les députés K D et les députés travaillistes de sa-
voir si Ton résisterait . Vous savez que la Douma se
réunit le surlendemain à Viborg en Finlande. Cette réu-
nion fut assez critiquée et elle fut imposée aux députés
par leurs chefs, car beaucoup voulaient se réunir à
Saint-Pétersbourg au risque de se faire emprisonner. A
la majorité, ils décidèrent de recommander aux paysans,
non pas la résistance active, mais une résistance passive,
c'est-ô-dire deux mesures : le refus de payer l'impôt
et le refus d'envoyer des recrues. La première mesure,
le refus de paiement de l'impôt ne met absolument le
Gouvernement russe dans aucun embarras ; l'impôt est
absolument différent de ce qu'il est chez nous. Le Gouver-
nement russe ne vitguère que de ses impôts indirects du mo-
nopole de l'alcool qui lui rapporte plus de 400 millions de
roubles, c'est-à-dire plus d'un milliard de francs. Il est
donc alimenté par l'ivrognerie publique, de sorte que, lors-
qu'on refuse de payer l'impôt direct, cela n'atteint pas du
tout le Gouvernement. La deuxième mesure, recommandée
par la Douma, si elle était exécutée, mettrait le Gouverne-
ment dans un grand embarras. Mais tout fait croire qu'elle
ne le sera pas; le paysan envoie la majeure partie des recrues
et il est facile de faire marcher les paysans, extrêmement dis-
persés,disséminés, ne pouvant guère entrer en contact avec
les autres et organiser une résistance vraiment efficace.
Donc, ce à quoi nous assistons, c'est à un temps d'arrêt
bien marqué. On croit pouvoir s'en rendre compte, il y a
un léger mouvement de réaction et,pour le peuple français,
60 LA RÉVOLUTION RUSSE ET LA DOUMA
toujours amoureux des choses rapides, toujours accouluri^^
à juger la révolution des autres par l'analogie de la sienne
pour ce peuple qui a été façonné en quelque sorte parcer
taines règles, qui désire que tout marche comme nn^
représentation classique, avec les règles des trois unités,
où le spectateur à 8 h. 12 prend sa place el à 11 li. 12 re-
gagne son chez lui après la pièce jouée; pour ce peiq^K? la
révolution russe paraît extrêmement étraniie, d»Vevante
môme. Tantôt il s'imagine que tout va se produire, éob ter,
les cho.ses en prennent l'apparence et, hrus<jiiemiMU, il y a
un temps d'arrêt. Il finit par ne plus rien comprendre et même
par s'en désintéresser complètement. Il faut bien savoir qu'î
le Russe est placé dans dos conditions tout à fait différentes.
Les transformations de ce pays doivent être îihsolument
différentes de celles qui se sont produites chez nous. Tout
ce qu'on peut dire, on se gardant des pronostics très dange-
reux,c'est que les choses ne peuvent pas rester en Russie tel-
les qu'ellosétaient.LaRussio,depuisun an, a chnngéénormé-
ment et tout fait prévoir qu'olle évoluera encore davantage.
Tout cocjui, dans le pays, a quelque valeur intellectuelle el
morale : professeurs, avocats, étudiants, la plus grande
partie de la noblesse et quelques paysans qui sont éveillés
à la vie consciente, tous ces gens-là veulent une transfor-
mation dans le régime, abject d'ailleurs, de leur pays. Cette
transformation, malgré los soubresauts, et certains temps
d'arrêt, il est cerlain(|u'ils rohtiendront.La vieille et sainte
Russie autocratique est en train de mourir, elle meurt sims
doute d'une façon lente elle a la vie dure, elle ^e défend coni-
me une béte aux abois, mais elle meurt, et il "n'y a aucune
force au monde (jui soit cai)able de la ressusciter.
Raymond Rr-<:oiiA
liES PÊCHEf^IES
de la
Côte Occidentale d'AMqae
(1)
Mesdames, Messieurs,
Comme vient de vous le dire M. le président, je devais
'i^jà Tannée dernière venir in'entretenir avec vous de cette
ritrstioo qui m'intéresse, je dirai même me passionne :
«die des pêcheries de la Côte occidentale d'Afrique. Si je
naipu, à cette époque, tenir ma promesse, c'est parce que
jai été brusquement rappelé en Afrique occidentale y ar un
fM)Iogramiiie du Gouverneur général. Je devais dons ce
nuuveau voyage m'occuperde régler, d'une façon plus pré-
cise, la question des installations dans la presqu'île du Cap
Hlanc. Je vais vous en reparler tout à l'heure.
Je dois donc remercier la Société de Géographie Com-
nurciale du Havre d'avoir bien voulu me permettre de me
rnltraper cette année, de payer ma dette de l'année dernière
t'ide vous exposer très brièvement l'étatactuel delà cjuestion
''f's pêcheries de la Côte occidentale d'Afriijue ; mais, comme
\I. le président vient égalemeulde vous le dire, et comme je
'"lui ai promis, je me garderai bien d'entrer ici dans lesdétails
l'Tliniquesque je réserve pour d'autres milieux. Nous allons
l'Hrcourir ensemble, si vous le voulez bien, quelciues- uns des
['«ys que j'ai visités, en grande partie en mer, et en partie
. 1 Cnafercac«s faite le 18 novembre 19)5, devant la Société de Géographie
<- >nnmerclale du Havre.
52 LES PÊCHERIES DE LA CÔTE OCCIDENTALE d'aFRIQUE
sur terre. Je vous parlerai aussi de leurs habitants et de leurs
mœurs. Nous étudierons les ressources de ces pays,très fai-
bles sur terre, beaucoup plus cousidérablesen mer.Nousver-
rons ensuite à dégager de l'ensemble de cette exposition que
l'avenir semble réservé à l'exploitation méthodique et ralioa-
nelle des pêcheries de la Côte occidentale d'Afrique.
Mais avant de vous parler du pays, il faut que je vuus
dise où il se trouve et que nous fassions un peu de géogra-
phie.
Le cap Blanc, qui va nous servir de point de départ, est
situé environ à moitié route de Dakar aux îles Canaries.
Je n'ai pas de carte pour vous montrer l'ensemble ; j'ai
grossièrement et rapidement dessiné une partie de la côte
qui va, tout spécialement, nous intéresser ce soir; mais,
pour fixer les idées, rappelez-vous simplement que du cap *.
Blanc aux ilos Canaries, à I^as Palmas,.si vous voulez.il y a .
environ 800 kilomètres en ligne droite, à peu près la distance
qui sépnre le cap Blanc de Dakar, et cette cote, qui forme [
la limite occidentale de la Mauritanie saharienne, égalée i
peu près la longueur des côtes françaises comprises entra :
le cap Finistère et l'embouchure de la Bidassoa. ^
Le cap Blanc est l'extrémité d'une presqu'île qui va |
rejoindre dans 1(^ nord le continent, la côte saharienne, et
qui se termine, à sa partie inférieure méridionale, presque i
en pointe. Kn elTet. l'extrémité du cap Blanc n'a environ
que 500 mètres de large. Cette presqu'île est en grande ;
partie rocheuse, elle est formée surtout par des grès et les ■
falaises qui la bordent du côté du large, sont relativement ^
abruptes, il en est de môme, du reste, de celles qui viennent '
border, à l'Est de la presqu'île, le rivage de la baie du ,
Lévrier. La partie (|ui s'étend du cap Blanc à celte petite
baie que vous voyez ici et qui va devenir intéressante, 1»
l)aie (le Cansndo, estuni<iucment formée de falaises dont les
plus élevées n'ant environ que 30 mètres de haut, et cellesquî
LES PÊCHERIES DE LA COTE OCCIDENTALE d'aFRIQT'E 53
f
sont vers la pointe de Cansado n'ont que 10 à 12 mètres.
C'Sl une baie inorveilleiiso avec des fonds permettant
r.'iccàs dos plus grands bateaux; puis, la côte s'abaisse de
p!usenpius, elle présente une seconde baie, la baie de
rEtuiie, et enfin, à la partie terminale triangulaire, la baie
dei'Archimède.
TiMjtes ces baies sont contenues dans un golfe beaucoup
: plus considérable qui a environ 40 kilomètres de large sur
45 kilomètres de profondeur, et qui constitue la baie du
Lévrier.
i' Si nous suivons le rivage oriental de la baie du Lévrier,
nous remarquons qu'il est uniquement formé par des sables,
et ces sables sont d'une aridité extrême. Aussi loin que la
y Tue s'étend, jusqu'à 50 et 60 kilomètres de la côte, on n'aper-
f çoit absolument rien qu'une plaine sablonneuse avec quel*
[ ([ues dunes un peu élevées et où poussent de rares ajoncs,
' quelques tamarins rabougris, et, de temps en temps, une
graminée que Ton rencontre par ci par là, disséminée dans
laplaine. En somme l'aridité la plus absolue et je dirai
même la plus effrayante. Cette plaine se termine à la partie
méridionale par le cap d'Arguin.Là se trouve une baie qui,
iu point de vue historique, est beaucoup plus connue que
lecap Blanc, c'est la baie d'Arguin. Vous savez que l'île de
ce nom a été disputée tour à tour par les Portugais, les
Hollandais, les Anglais, les Français, etc., et que finale-
ment elle est notre propriété d'une façon absolument indis-
cutable
L'Ile d'Arguin contient deux citernes qui furent autrefois
édifiées par les Hollandais et qui aujourd'hui contiennent,
lu moins l'une, encore de l'eau douce. Autrefois cette île
d'Arguin était complètement séparée du continent et^coninie
les Maures n'ont pas de bateaux, la dernière installation,
qui remonte à 1882, avait été faite précisément dans le but
de mettre les industriels à l'abri des Maures pillards. Au"
5i LES PÊCHEniES DE LA CÔTE OCCIDENTALE d' AFRIQUE
jourd'hui il ne pourrait plus en être ainsi. Elle a été aban-
donnée au point de vue de l'exphûtation commerciale c^l
reprise par les Maures, qui s'y sont installés en niaitre:s-
L'ile est entourée de sables et aujourd'hui dans certaines
parties, elle communique, à marée basse, directement avec
le continent. Les tribus de pêcliours maures se sont fixées
sur file, à cause de la citerne qui leur est extrêmement uti
le dans un pays où l'eau douce est toujours rare et, par
conséquent, précieuse.
Au Sud, on trouve un nouveau groupe d'îles au nombre
de trois ou quatre qui sont.aujourd hui, comme Tile d'Ar-
guin, en communication directe avec le continent à marée
basse. Toute la partie terrestre correspondante forme une
région parsemée de collines orientées, en général, de Test
à l'ouest où l'on trouve de très abondants pâturages, con
trairementàcequenousavonsvu dansla région du Souehel-
el-Abiod.
La vaste baie comprise entre le cap Sainte-Anne et le
cap Mirik est fermée du côté de l'ouest par ce qu'on appelle
le banc d'Arguin.
Qu'est-ce que le banc d'Arguin, en réalité ? Le banc
d'Arguin est un haut fond de sable sur lequel aucun navi-
gateur prudent ne doit s'engager, et où sont relevés des
fonds extrêmement variables et fort dangereux. Tout
dernièrement encore, un chalutier est venu talonner Taccore
du banc dans sa partie septentrionale. Ce banc d'Arguin,
vous le savez, est célèbre par le naufrage de la Méduse,
On a beaucoup parlé de lui au sujet des pêcheries, et je me
suis toujours élevé contre l'assimilation fausse qu'on a
voulu faire entre le banc d'Arguin et les bancs de Terre-
Neave. Il n'y a, en effet, entre les deux aucune espèce
d'assimilation.
Sur le banc de Terre-Neuve, vous le savez tous, ici plus
qu'ailleurs, on pêche effectivement un grand nombre de
LES PKCUKRIES DK LA CÔTE OCCIDENTALE 1) AFRIQUE 55
pûsso/Ks. Sur lo banc d'Ar^uin, on ne pêche pas du tout
p:»ur la bonne raison qu'aucun bateau ne s'y risque Les
Canariens eux-niêracs, avec leurs petits bateaux de pèche,
les iam-hes, ne viennent sur le bancd'Arguin que d'une
\ fa«>»n oxlivnionient rare, et quand ils y viennent c'e-t uni-
qiiemont puur pécher des poissons de surfaceje poisson de
f'»n;1 Y faisant d«'îfaul. Entre le banc d'Arguin et le banc de
Terre Neuve, il n'y a donc aucune espèce d'assimilation à
faire. Sur ces derniers, où la profondeur est suffisante,
l'on pêche un grand nombre de poissons, et sur le banc
d'AriTuin on n'en pêche pas du tout. Toutes les captures sont
! (dites, non pas sur le bancd'Arguin, mais au nord, à l'ouest
et au sud ouest. Ces régions sont extrêmement poisson-
neuses et il est curieux de voir, dans ce pays, l'aridité ef-
friuante du sol contraster ainsi dune façon aussi considé-
rubleavec la fertilitédeseaux. Si nousrevenons maintenant
f à la côte que nous avons abandonnée au cap Mirik, nous
trouverons jusqu'à Nouakchott, une ligne presque droite,
encore mal connue de la façon précise que réclament les
marins, mais suffisamment pour pouvoir dire que cette côte
esta peu près droite et qu'elle ne présente aucune espèce de
port véritable ; le seul port qu'on rencontre, à partir de la
baie du Lévrier et en allant vers le Sud, est celui de Dakar.
Maintenant que je vous ai dit un mot de la côte, voyon^^
ce que sont les habitants. Le pays, qui est ainsi limité à
l'Ouest, porte le nom de Mauritanie, du nom primitif de
«Maurétanie » ce qui veut dire « pays habité par les
Maures ».Ses frontières sont très indécises au Xord, excepté
dans la région du cap Blanc, où la limite septentrionale est
le Rio lie Oro, possession espagnole. A l'Kst la frontière
est encore indécise entre la Mauritanie et la province
de l'Afrique occidentale française, que l'on appelle le
Haut-Sénég.d et Niger. Ënân, au Sud» la Mauritanie
est très nettement délimitée par lo fleuve Sénégali
56 LES PÈCHEHIES DE LA COTE OCCIDENTALE d'aFRI 01 E i
Les Maures sont de race blanche,et c'est la ce qui fait iiu'il
est diUicile d'y pénétrer.
Il existait autrefois au nord du fleuve Sénégal, def
tribus autochtones qu'on appelait Zénagas, d'où le nom d9
Sénégal. Les Berbères, venus du nord, ont refoulé vers le
sud sur lesbordsdu fleuve Sénégal, ces autochtones et, peu à
peu, se sont mélangés à eux ; comme ils ont fait souventdesi
incursions au sud du fleuve, ils en ont ramené chaque fois des
captifs noirs. Il s'est produit ;^^e qui est un fait courant entre:
les conquérants et les conquis, des mélanges de races qui
ont donné lieu à des castes particulières dont je vais maio-
tenant vous parler. Ce sont d'abord les guerriers. Lesguer .
riers représentent la caste noble, qui se croirait désho-
norée par le travail. Le guerrier ne connaît que son fusil,
et c'est du reste son seul instrument de travail ; c'est lui qui
a conquis le pays,et c'est lui, par conséquent, qui commande
en maître ; lesautres, d'une façon générale, ne sont que ses
tributaires ou ses vassaux et, parmi ces tributaires, ce
sont les anciens possesseurs du pays, les Zénagas, précisé-
ment, qui ont été soumis par les Berbères et qui sont au-
jourd'hui entièrement sous leur domination.
Les tributaires ou Zénagas, paient une redevance annuelle
aux guerriers, sous le fallacieux prétexte de se faire défendre
par eux. Or tous ceux qui ont un peu voyagé dansées
régions, savent que la première façon de défendre consiste
pour les guerriers à piller, de sorte que de temps en temps,
ils viennent faire une razzia parmi les tributaires. La troi-
sième caste, est celle des marabouts. C'est une classe très
importante, surtout pour nous. En effet, les marabouts
sont un peu tout, sauf guerriers. Ils sont d'abord prêtres
et je vous prie de croire qu'il ne se font pas faute d*user de
leur influence et du fanatisme des Maures pour les exciter
et entretenir leur haine contre les blancs,contreles Europe*
ens, contre les In&dèlesiMais ila ne sont pas seulement pr^
LES PÈCHEHIES bK LA COTE OCCIDENTALE U*AFHlgUE 57
1res, pasteurs desâines;ils sont aussi pasteurs de troupeaux.
C'est qu'en etïel, les marabouts sont queK[uefois fort riches ;
il n'est pas rare de leur voir posséJer de mille à deux mille,
même huit à dix mille moutons. Or, pour les marabouts
et les Maures en général, la fortune est représentée par le
nombre de bétesde leur troupeau. Us sont aussi médecins,
ce sont eux qui président aux mariages ; ils ont également
la réputation de sorcellerie, fabriquent les gris-gris qui ont
une importance capitale dans la vie des Maures, je dirai
même des mahométans, d'une façon générale. Le gris-gris
est tout simplement une sorte d'amulette qui est enfermée
dans un sac plus ou moins propre et qui est représentée par
un morceau de papier ou de parchemin où sont écrits quel-
ques versets du Coran en caractères arabes. Le gris-gris
est un talisman précieux pour les combattants ; c'est qu'en
efiet, il y a des gris-gris pour les balles, pour le couteau,
pour les maladies. Le guerrier va au combat sans crainte,
il se croit invulnérable. S'il meurt, c'est que le gris-gris
était mauvais et l'on s'en prend au marabout. Il y a des
marabouts qui ont une grande réputation et qui vendent
leurs gris-gris fort cher, les Maures et les Noirs sont véri-
tablement exploités par les marabouts qui leur font payer
jusqu'à 50 ou 100 francs un morceau de corde ou de queue
de vache. Ces gris-gris prennent une importance capitale
aux yeux de ceux qui les achètent.
Le type maure de race pure n'est pas précisément sédui-
•ant. Il a la barbe et les cheveux en broussailles, la lèvre
etla môchoire supérieures, en général, un peu saillantes,
les membres très grêles mais assez fortement musclés ;dans
tous les cas, on ne croirait pas que dans un corps aussi
grôle puissent résider tant d'agilité et de force. Ils sont ex-
Irômement adroits, ils sont vêtus uniquement d'une guinée,
c'est-à-dire d'un morceau d'étoiïe bleue assez long pour les
entourer complètement et former même parfois une sorte
58 LKS PKCllKRIES DE LA CÔTE OCCIDENTALE d'aFR1C>L-E
de lurbnn par dessus la t«H»».Mais ces h(>iinii»'s très maii^
adorent les femmes grasses, et il arrive |ae l'idé il «Je
beauté féminine pour un Maure, c'est précisément reiiiboi
point exagéré d(î la femme. Il y a des tribus entières '/i
sont cbargées de préparer les jeunes (illes au n)ariaprf
Pour cela on les enferme dans une ca^e et on praticpiesu
elles une sorte de gavage d'aliments lactés (jui resseniM<
un peu à ce (jue dans certaines contn'ios du Midi de la ïvMKi
on fait subir aux oies, par exemple.
lilUes acquièrent ainsi, au bout d'un certain temps, un
embonpoint respectable qui les rend bonnes pour leniaria^'e
Elles sonf d'autant plus vite cboisies qu'elles sont luieuN
arrivées à ce point particulier d'obésité. Les femmes sont
conjme les liommes, recouvertes d'une simple guinéequi
fait aussi le tour de la tête et dont elles se couvrent imnié
diatement le visage lorsqu'elles aperçoivent un chrétien,
un blanc d'une façon générale. J ai vu, cbez les Maures,
de très jolies femmes, assez rarement cependant; mais il
faudrait pour en être plus certain commencer pas leur faire
prendre un bain. Le teint, je crois, pourrait être blanc chez
quelques-unes s'il n'y avait pas sur la ligure et tout le corps
une épaisse coucbe de crasse mélangée à celte couleur bleue
qui déteint de la guinée. Aussi appelle-t-on les bonimeset
les femmes, principalement les guerriers,les «hommes bleus»
parce qu'ils ne se lavent pas souvent, je crois même jamais.
La guinée déteint donc sur eux et elle est d'autant plus
appréciée qu'elle déteint davantage.
Après les marabouts, viennent les captifs. Ici je io'i^
faire remarquer qu'il ne faut p.is confondre et prenb'w
le mot de captif dans le sens précis où nous le pre'
nons en Europe et chez les peuples civilisés. Cliez le-"
Maures, il y a deux sortes de captifs, les captifs de case et
les captifs de traite. Lo captif de case, fait pour ainsi Ji»*^
partie de la famille, il est élevé, il vit avec le maîlrei il ^^
peut pa$ ôtre vendu et il n'est soumis qu'à des travaux
LES PÈCHEIllKS DE LA CÔTE OCCIDENTALE d'aKUIOL'E 59
extrême m ont légers: s'il a dos onf;uits, ils sont élevés avec
ceux (lu maître, il n'y a [)our ainsi dire aucune espèce de
dilïérence.
Les captifs de traite, au contraire, rentrent plutôt dans la
'It^tinition (fue nous en donnons. Ce sont ceux (jui ont été
faits prisonniers au moment des razzias, des guerres ou qui
ont été aciietés. Mais ces captifs de traite sont très rarement
do puce maure. Ils sont presipie tous des types de race
uoire, surtout les femmes. Les captifs de traite peuvent
être vendus pas leur maître ; ce sont eux (jui le servent,
et a qui sont dévolus les plus durs travaux, qui consistent
surtout à faire de l'eau, du bois, à plier les tentes, à cliar-
g'îr les chameaux, etc. Car il faut vous dire que le
peuple Maure est formé de trihus éminemment nomades,
sauf celles (jui habitent <|uelques viiit^s assez importantes
du centre do la Mauritanie où l'on trouve véritablement des
constructions stables, qui sont faites en général en bois et
en houe. Partout ailleurs dans cet imnKinse territoire aussi
grand que la France, ils vivent à l'état nomade, (lu'ilssoient
pasteurs ou guerriers. Ils s'abritent sous des tentes, géné-
ralement enguinée. quehiuefois en peaux de bêtes, en cuir,
bien entendu non ta!in<'>, ou d'autres foisen poil dechameau.
Celles en poil de chameau sont beaucoup plus solides et
plusélanches que les âulies, au soleil comme à la pluie.
Les Maures sont pour leurs corréligionnaires et en général
pour ceux de leur race, extrêmemnt hospitaliers ; ils le sont
teaucoup moins pour nous, pour ceux de race blanche;
mais cependant, quand ils reçoivent, ils font de leur mieux,
et je puis vous raconter l'histoire de notre passage sous la
tente d'un chef maure.
C'était aux environs de Nouakchott, premier poste
établi en Mauritanie sur la côte de l'Atlantique» Le
Maure qui nou3 recevait, était le chef d'un village
8ilué près de Nouakchott, et composé de quelques guerriers
GO LKS PÊCHERIES DE L\ CÔTE OCCIDENTALE d' AFRIQUE
quelques marabouts et un certain nombre de pécheurs
II nous invita un jour à prendre le thé sous sa tente ,
nous nous rendîmes à .s«)n campement, car il ne fau^
pas refuser l'invitation d'un Maure quand on veu(
vivre en bons termes avec lui. Nous nous dirigeâmes donc
vers sa tente à deux heures de l'après-midi, et par iO envi-
ron de chaleur. En arrivant, nous nous apercilmes qu'il avait
fait de grands frais ; il avait étalé sur le sable un tapis
d'Orient qui avait pu être beau puis, tout autour, desselles
de chameau, des caisses à biscuits, des mallesornées de clous
dorés, enfin tout ce qu'il avait pour que nous puissions
nous asseoir. Les Maures s'asseyent pir terre. Lx plus belle
place, une malle superbe, était réservée au chef de la mis
sion. Devant chacun de nous on avait placé des soucoupes
en porcelaine remplies de dattes excellentes, de ces dattes
renommées de l'Adrar. Elles nous parurent exquises mais
un peu trop saupoudrées de sable. Pendant ce temps nous
palabrions ensemble, nous lui disions que nous étions très
heureux de son excellente réception, et lui faisions part de
nos projets et le Ghérif nous disait combien il serait heureux
de nous voir rester près de lui. Le thé s'infusait dans une
théière et on nous le servait; il y avait 40 degrés dehors et
nous étoutiions littéralement sous la tente. Nous avions
autour de nous 60 à 70 Maures au moins, et je ne sais ce
qui avait attiré les mouches à l'intérieur, mais ïl en était
entré des raillions et nous étions tous occupés à les chasser
vigoureusement avec nos mouchoirs, tout en admirant
l'impassibilité de nos hôtes qui portaient autour des yeux-
aux commissures des lèvres, partout enfin où il y avait un
peude muqueuse à nujdescentaines de mouches. Aucun d'eux
ne bougeait. Vous devez facilement comprendre combiei^
il nous tardait d'avoir pris le thé et d'avoir mangé quelques
dattes pour aller respirer dehors et surtout nous débarrasser
LES PÊCHERIES DE LA CÔTE OCCIDENTALE D AFRIQUE 61
des terribles diptères qui nous torturaient depuis plus d*une
demi -heure !!!
Telle fut la réception du chérif . . .
Je vous ai parlé du poste de Nouakchott qui a été le
premier installé sur ces côtes par le regretté Coppolani,
alors commissaire du Gouvernement en Mauritanie,et qui,
vous le savez, périt il y a bientôt deux ans d'une façon si
tragique à Tidjikja. C'est dans les environs de Nouakchott,
en pleine brousse, que j'ai vu à l'œuvre, pour la première
fois, nos administrateurs et nos ofïiciers . Eh ! bien, puisque
l'occasion s'en présente, permettez-moi de vous dire qu'on
ne connaît pas assez en France le rare mérite de nos ad-
ministrateurs et de nos ofïiciers coloniaux qui, dans un
pays comme celui où il nous a été donné de vivre pendant
quelque temps, où le péril est sans cesse renaissant, et où
l'ennemi est d'autant plus dangereux qu'il reste presque
toujours insaisissable, s'en vont portant toujours plus avant
et tou ours plus haut, je puis dire avec honneur, le drapeau
de la France. Si l'on relève quelquefois parmi eux quelque
défaillance, il ne faut pas que les erreurs, même les fautes
de quelques-uns rejaillissent sur l'ensemble. Jepuis afifirmer
que nous devons garder à notre corps colonial notre estime
la plus profonde, car seuls ceux qui ont vu nos officiers à
l'œuvre peuvent avoir le droit de parler.
Maintenant que je vous ai dit un mot rapide du pays et
de ses habitants, il me reste à vous parler de ses ressources
sur terre et sur mer. Nous aurons vite énuméré les pre-
miers, car une fois que nous aurons parlé des troupeaux
qui sont très intéressants évidemment puisqu'ils sont très
nombreux ; quand nous aurons dit que l'on peut trouver
dans cette région des dattes excellentes, comme celles dont
je vous parlais tout à 1 heure, des plumes d'autruche, un
peu de poudre d'or,et puis peut-être quelque chose que nous
62 LES PÊCHERIES DE LA CÔTE OCCIDENTALE D*AFRIQUE
soupçonnons, mais dont nous ne connaissons par laquan
tité, je veux parler des nitrates, nous aurons alors signale
croyons nous, tout ce qu'on peut espérer tirer de ce pays ari-
de et désert. Il n'en est pas de même des c(Mesf|ui le baignent .
Il y a véritablement une e.\|)loitati()n intense à réaliser, car
la ricbesse <i»\s eaux est extrême. Du reste ce que je vous
dis \i\ n'(»st pas une cbose nouvelle ; il y a longtemps, il y a
des siècles, que ces eaux sont exploitées industriellement,
à la fois [)ar les Noirs au sud, aux environs de Saint-Louis
et de Dakar, par les Maures sur les rivages de la Mauritanie
et au ca|> Blanc, et enfin parles Canariens sur toute la côte
saharienne comprise entre le cap Juby, qui se trouve à peu
près sur le parallèle des Canaries, et la pointe dn cap
Blanc. Je vais vous dire un mot des dilTérents procédés de
pêche employés i)ar les indigènes.
Voyons d'abord au Sud, chez les Noirs. Il existe à Saint
Louis du S(''n(''gal un faubourg placé immédiatement en
bordure de la mer (jui s'a[)pelle Ciuet-N*l)ar. c'est son nom
indigciie. (]e faubourg est exclusivement habité par les
Noirs de race Ouolof. Ils sont audacieux marins et excel-
lents [Ȑcb(;iirs ; ce sont eux qui, actuellement, fournissent
tout(^ la capilalc du Sénégal et une partie même des villes
(jui sont reliées parle cbcminde fer de Saint- Louis à Dakar.
Leui's moyens de pêche sont relativement rudimenlaires,
cependant ils c)nt des pirogues cjue je vous montrerai tout
à l'heure ; ces pirogues sont très étroites, ce sontdes bar-
ques à fond absolument plat, construites spécialement ou
vue de franchir ce qu'on api)elle la « barre )). Cette barre
consiste en ceci : la côte étant absolument plate, lorsque le
vent soulTle d'une façon normale, et surtout lorsque règne
les vents d'ouest, la mer grossit brusquement et-forme alors
une forte lame (|ui se gonfle de plus en plus h la partie
supérieure et vient s'écraser sur le fond, de façon à former
LES PÊCHERIES DE LA CÔTE OCCIDENTALE D* AFRIQUE 63
une sorte de rouleau parfois énorme et que Ton retrouve
sur une grande partie de la côte. Tous ceux qui ont tra-
w^rsé la « barre » savent exactenîent à quoi s'en tenir ;
j'avoue que pour ma part j'ai été stmvent fort ennuyé, sur-
t*jut(]uand il y avait un \n)u de mor etde vent d'ouest, parce
ijuo, eba(|iio fuis, lu pirogue se remplissait. On prend un
lé.mT bain, et lorsque ce n'est pas un bain complet, on doit
»'tr€ content . . Je me rappelle que le cbef piroguier h qu^
j^* m'en plaignais, lui disant ({u'il ne nous faisait jamais
tr .vorser la barre sans nous faire njouiller, me répondit un
jotir « Tu n'as pas en(!t)re été chaviré avec la pirogue,
Ojppolani Ta été plusieurs fois lui, par conséquent tu n'as
pas à te plaindre » .
Les pêcheurs de (luet N'Dar ont deux sortes de pirogues,
|es unes assez petites, pour fjôcher le long du rivage, les
autres beaucoup plus grandes, ou pirogues de mer avec
lesquelles ils vont très loin. Ils sont très habiles à les ma-
nœuvrer.Ils pèchent à une certaine distance de la côte avec
fies lignes, c'est à-dire avec des coi'des assez fortes à l'ex-
trémité desquelles ils attachent un gros caillou qui sert de
plomb et deux ou trois linme^ons selon les poissons qu'ils
se proposent de pécher. Ils possèdent aussi quelquefois, un
iiiet assez semblable A ce (lue nous appelons une c( senne »'
C'est une sorte de filet (jwe l'on pose en arc de cercle et
avec lequel on ramène à terre le poisson qui y a été (en-
fermé. C'est ainsi qu'ils arrivent k pêcher une quantité de
laissons à peu jjrès sulllsante pour alimenter le marché de
Saint-Louis. Ceux de Dakar i)êchent à peu près de la même
•façon, msis utilisent en outre, un engin spécial, un sac en
filet qu'ils laissent tomber.au fond avec un caillou; ils le
laissent couler au fond de l'eau largement ouvert, et ils ont
une ficelle qui fait le tour de la partie phériphérique du sac,
puis un appôt au milieu qui est fixé a la ligne qu'ils tien-
nent à la main. Ils sentent à la ligne quand le poisson mord.
64 LES PÊCHERIES DE LA CÔTE OCCIDENTALE D* AFRIQUE
tirent sur la tîcelle qui ferme le sac et prennent le pois-
son. Ils arrivent à en prendre ainsi une certaine quantité et
ils sont parfois très adroits à ce genre d'exercice.
La préparation est excessivement simple pour les Noirs,
elle consiste à ouvrir le poisson du côté ventral et à lui enle-
ver tout l'intérieur, de façon à en faire un poisson plat. Ils
le mettent ensuite au soleil, le font sécher et le mangent
ainsi ou bien mélangé avec le couscous. Ils le font encore
bouillir avec du riz ou du mil, et lorsqu'il est un peu avarié
cela ne leur fait pas peur, l'odeur donne un goût particulier
au couscous ou au riz, qui est généralement fade, et c'est
extrêmement apprécié.
Pour les Maures, la pèche est encore bien plus rudimen-
taire. Ces indigènes, en effet, ne possèdent pas de bateaux,
et ils pèchent quelquefois avec des sortes de lignes à la main
comme celles dont je vous parlais tout à l'heure pour les
Noirs ; mais plus souvent à l'aide d'un filet à mailles res-
semblant un peu à la senne des Noirs mais dont ils se
servent d'une façon tout à fait différente. Au lieu de prendre
le filet par un bout, de le traîner au large et de le ramener
à terre avec le poisson enfermé, ils placent leur filet sur une
barre de bois qui a à peu près deux mètres de long. L'hom-
me est généralement nu et il attend ; lorsque le banc de
mulets est signalé, il se met à l'eau, quelquefois jusqu'au
cou et il porte devant lui le filet qui pend de chaque côté,
sur le bAton, puis il le ferme avec la main et les mulets se
prennent dans les mailles. Quand son filet est garni, il
revient tranquillement à terre. Au lieu de prendre trois ou
quatre tonnes de poisson, il en prend 50 ou (X) kilos, cela .
lui suffit. Il prépare le mulet exactement comme les Noirs,
en le faisant sécher au soleil. Les Maures pèchent pour eux
d'abord, pour leur nourriture, puis quand ils ont trop de
poissons, il les font sécher et les logent dans des sacs spé-
ciaux fabriqués avec une plante textile de la région.
LES PÊCHERIES DE LA CÔTE OCCIDENTALE DAFRIQUE 65
les femmes sont chargées de remporter au loin sur le pas-
sage des caravanes. Ils échangent le poisson contre des
pièces de guinée, du riz, du mil, etc. C'est la pèche qui
constitue à peu près leur seul moyen d'existence.
Les Canariens ne s'aventurent jamais au sud, au delà du
cap Blanc. Lorsque vous parlez ô un Canarien du banc
dArguin, il ne sait pas ce que vous voulez dire. Leur
géographie ne dépasse pas cette pointe du cap Blanc et c'est
tnéme assez rarement qu'ils pénètrent dans la baie du
Lévrier où cependant ils ont le droit de pèche, d'après le
Ifaité de Orio du 27 juin 1900.
Les Canariens peuvent donc pécher sur toute la côte
comprise entre le parallèle des Canaries et le cap Blanc,
soit environ sur 800 kilomètres. Leurs procédés dépêche,
«ns être évidemment aussi perfectionnés que ceux de nos
pécheurs européens, sont beaucoup plus développés et
beaucoup mieux compris que ceux des Noirs et des Maures.
Ils ont en effet, d'excellents bateaux, de deux espèces. Les
uns d'un tonnage variant de 40 à 50 et même 60 tonnes,
sont des goélettes, de très jolies petites goélettes, qui vien-
nent de Las Palmas en trois ou quatre jours. Sur ces ba-
teaux, qui sont montés par un équipage de 20 à 26 et 27
hommes, on trouve parfois des enfants de 7 à 10 ans. Ils
ont d'autres barques beaucoup plus petites qui ressemblent
un peu à nos chaloupes de pêche de la Manche et de l'Océan
et qu'on apï)elle « lanches » . Ce sont d'excellents petits
bateaux dont ils se servent pour augmenter la production
de la goélette et surtout pour capturer le poisson de surface
qui est employé ô amorcer les lignes de fond. La goélette
part de Las Palmas, avec deux lanches ô son bord; aussitôt
fu 'elle arrive sur les lieux de pêche, aux environs du cap
Wanc, elle met ses deux lanches ô Teau et ces barques ne
)nt plus hissées à bord jusqu^au moment du départ. Les
nches ont chacune un patron avec trois ou quatre hommes,
66 LES péCHERlES DE LA CÔTE OCCIDENTALE DAFniQrE
elles partent de leur côté et vont pécher un poisson de sur^
face qui est généralement assez voisin de notre maquere^nu.!
Ils capturent ce poisson avec des hameçons sans crochet et
la pèche qu'ils font est extrêmement curieuse. I/hameron,
se monte sur un fil de laiton qui est lui-mônio fixé à iiixé
tige de bois ; cet hameçon à une forme spéciale que je vousi
montrerai tout à l'heure. Le poisson croit qu'il voit un aj»
pôt et se précipite sur l'hameçon ; alors le pêcheur le ferre
d'un coup brusque et le jette dans la lanche. Il se fait qut^I-
quefois des pêches très considérables de ce*poisson de surface
Quand les pôcheursen ont une quantité sulïisante ils rentrent
à la goélette. Les lanches partent chacune de leur côté pour
se livrer à cette pèche et se retrouvent, en général le soir,
un peu au nord du cap Blanc, dans la baie de l'Ouest.
Je ne veux pas insister ici sur les diverses espèces de
poissons capturésdont je vous montrerai des photographies
tout à l'heure, ce sont d(3s formes auxquelleson n'est guère
habitué dans la Manche. Ils sont tués à coups de maillet
aussitôt capturés et ouverts par la face dorsale ; on enlève
les intestins et on les vide d'une façon complète, ensuite
on les sale sommairement dans la cale des bateaux. Lors-
que la goélette est pleine, ou à peu près, ce qui demande
quelquefois un mois et demi ou deux mois, elle rentrée son
port d'attache qui est soit Ténériiïe,soit la Grande Canarie,
soit La/a rette, etc. Ce sont les trois ports qui fournisent îe
plus grand nombre de goélettes allant pêcher aux environs
du cap Blanc. Lorsqu'on assiste au débarquementd'uiie «le
ces goélettes canariennes, on est souvent incommodé par
l'odeur qui s'en dégage. C'est qu'en etTel, la façon dont les
Canariens préparent le poisson estextrômementdéfectueuse.
Ils dépensent le moins de sel possible et, dans ces condi-
tions, comme ils lavent à peine le poisson et qu'ils ne prcn
nent aucune espèce de précaution, il arrive que celui-ci e>t
sinon pourri, du moins suflîsamment décomposé pour
LES PÊCHERIES DE LA CÔTE OCCIDENTALE d' AFRIQUE 67
exaler une odeur tout à fait cnractéristique.Les autorités
espagnoles, qui cependant ne sont pas très difficiles, font
quelquefois jeter toute une cargaison à la mer. Ce poisson
se vend, niônie légèrement faisandé, à Las Palraas, où on
peut le voir sur le marché. Il est ensuite répandu dans les
caiijpa;>nes, et la pêclie,dansces conditions, est tellement
rémunératrice que l'on considère (jue le propriétaire de la
goélette a entièren>ent amorti son capital, c'est-à-dire a
payé sa goélette, dans trois ou quatre ans
Depuis quel(|ues années, 4 ou 5 ans au plus, les Canariens
et surtout quelques armateurs de Las Palmas se sont
avisés d'introduire sur le marché du poisson vivant. Pour
cela ils emploient un appareil tout à fait spécial, une
nasse particulière qui a à peu près Im. 50 de diamètre ;
ils mouillent cette nasse le long de leur goélette, à une
profondeur variable suivant la nature du fond, en général
à Im. ou 1 m. 50 environ de cehii ci.Le poisson qui pénètre
dans la nasse ne peut plus en sortir, et au bout d'une heure
ou deux on relève la nasse qui ordinairement, est pleine
(le poissons. Ils ont fait construire des goélettes dont toute
la partie centrale est transformée en un vivier en commu-
nication directe avec l'eau de mer ; mais dans le vivier du
bord le poisson flotterait à la surface, parce que venant
d'une profondeur de 45, 50, p-^rfois môme 60 mètres, c'est-
à-dire par quatre ou cinq atmosphères de pression, dès
qu'il est amené à la surface leur vessie natatoire sedilateet
gonfle l'abdomen. Le poisson surnage alors comme une
outre,ce qui l'empêche de s'enfoncer. Les pêcheurs ont alors
trouvé un moyen ingénieux de tourner la difficulté, ils fa-
briquent un petit instrument que les médecins appelleraient
un Iroquart et qu'ils nomnitMit la u pica » ; c'est en réa-
lité un troquart un peu gros. Il est formé d'un tube de cui-
vre taillé en biseau à l'une de ses extrémités bien aiguisée
et emmanché de l'autre dans un morceau de bois, dé façon
68 LE9 PÊCHERIES DE LA CÔTE OCCIDENTALE D* AFRIQUE
6 ce qu'on puisse le tenir à la main. Le tube est ouvert auX
deux extrémités et chaque fois qu'un poisson a été pris, le5
enfants le prennent sur le pont et lui perforent la paroi
abdominale afin de mettre la vessie natatoire en commu-
nication directe avec l'extérieur; la pression redevient alors
normale et le poisson peut s'enfoncer dans l'eau. C'est une
espèce d'opération chirurgicale qu'ils pratiquent ainsi. Les
Canariens apportent à Las Palmas non seulement du pois
son vivant, mais aussi des langoustes, car il faut vous dire
qu'il y a en certains points de la côte des langoustes en
quantités considérable. Ces langoustes sont toutsimplemenl
péchées à la ligue, cela paraît assez bizarre, c'est cependant
la vérité. La poche à la langouste se fait de la façon suivante:
Les pêcheurs attachent à l'extrémité d'une ligne un poisson
où plutôt un demi-poisson dans lequel ils ont pratiqué des
trous avec un couteau ; ce poisson doit dégager une odeur
particulière pour mieux attirer les langoustes. Celles ci
viennent s'accrocher au poisson, ce que Ton sent très bien
à la main; alors, les pécheurs soulèvent petit à petit le pois-
son et les langoustes qui y sont accrochées et ramènent le
tout à la surface. Ils en prennent chaque fois jusqu'à i ou
5, parfois môme 8 ou 10. Ces langoustes sont mises dans le
vivier du bord, et c'est ainsi (ju'à Las Palmas on peut se
procurer dans la saison, c'est-à dire du mois de mai au
mois de juillet, des langoustes vivantes autant qu'on en a
besoin et à des prix relativement très modérés. Les pé
cheurs Canariens qui n'ont pas de vivier ne font pas grand
cas de la langouste, car il ne leur est pas possible de la
transporter, et comme ils n'apprécient pas beaucoup 'a chair
de ce crustocé.ils s'en servent pour amorcer les lignes des-
tinées k la pêche des squales, des petits requins. Ils sont
beaucoup plus friands des requins que de la langouste,
parce que, après avoir dépouillé ces poissons de leur peau,
ils coupent la chair en lanières, la font sécher sur les goe-
/
LES PÊCHERIES DE LA CÔTE OCCIDENTALE D*AFRIQUK 69
kliesei s'en servent pour leur nourriture pFirticulière. Les
petites langoustes sa vendent en général de 0 fr. 80 à un
franc, cest-à-dire une peseta, à Las Palmas. Vous voyez
donc que la pèche est pratiquée dans ces régions, avec une
certaine intensité par les Canariens qui viennent sur la
côte, jusqu'au cap Blanc, depuis des siècles, et je dois dire
que l'on ne voit pas sans quelque naéfiance, notre installa-
tion dans la presqu'île. On a peur peut être que nos chalu-
tiers ne fassent du tort aux pêcheurs Canariens ; cela se
pourrait fort bien. Il y a en effet, beaucoup à faire par
les procédés modernes de pêche dans ces régions et
cette pêche moderne doit être pratiquée à l'aide d'engins
perfectionnés et de grands chalutiers à vapeur, à perche ou à
plateaux. Les chalutiers à plateaux, serviront à capturer
ce que l'on pourrait appeler du poisson volant ; celui*ci
lrdnché,salé et séché constituera une sorte de morue. Quant
aux chalutiers à perche qui raclent le fond plus fortement,
ils serviront à capturer une quantité considérable de pois*
sons fins, je veux parler en particulier des soles. Il nous
est arrivé de prendre avec un petit chalut de 10 mètres, plus
de 503 soles en une heure et d'un seul coup de chalut* Il y
ea avait qui atteignaient 0"™50 ou 0'"52 de long sur 20 à 23
centimètres delarge. Vous voyez quel intérêtcette pêche peut
présenter, non seulement au point de vue des conserves^
mais aussi au point de vue de l'alimentation en poisson frais
car je ne désespère pas de voir,avant bien longtempsiles so
les mauritaniennes fraîches snr le marché français, comme
ooy a vu des langoustes vivantes du cap Blanc.
La pêche moderne,dans la région du banc d'Argain,dolt
donc porter par conséquent sur le poisson volant, plus spé-
cialement. On devra préparer ces poissons par le salage et
le séchage et en faire un article genre morue qui trouvera
des débouchés considérables en Espagne, en Portugal^
peut-être môme en France, et surtout en Afrique, sur la
70 LES PÊCHERIES DE LA COTE OCCIDENTALE d'aFRIQUE
côte occidentale, en très grande (|iiantit<'». Puis viendra le
poisson frais qui sera surtout représenté par des soles et
des mulets (jui se rencontrent par hanes exlrêmemeul
considérables. Ils nous est arrivé, avec une senne de
55 mètres, de prendre jusqu'à i tonnes der mulets dMns
une après-midi, et nous en avons per lu plus de la
moitié. Il y a encore les laiv^ousles vivantes, et je suis
heureux de dire ici (jue c'est à un llavra'is que nous
devons d'avoir connu les langoustes vivantes sur le
marché français. Il y a aussi les conserves (jue l'on pour
rait obtenir, soit avec les filets de sole, soit avec le poisson
migrateur, comme le thon el la sardine qui sont très abon-
dants. Enfin les déchets, car je crois (jue dansTexploitation
des pêcheries de cette région, il ne faudra rien laisser per-
dre, les déchets dis-je, pourront être utilisés pour la fabri-
cation d'un guino riche dé î) à 10 % d'azote et de 15 à 16^
d'acide phosphorique ; en somme un guano qui pourra se
vendre de 100 à 120 francs la tonne. La question delà
boette est aussi très intéressante, ainsi que celle de la colle,
de l'huile, de l'huile de foie, etc., mais je passe !.
Ma première préoccupation après avoir montré comment
il faudrait s'y prendre pour obtenir les résultats dont je
viens de signaler les principaux, a été de demander au
Gouverneur général de l'Afrique occidentale française,
M. Roume, dont la bienveillante activité pour ces pêche-
ries ne s'est jamais démentie, d'aménager la presqu'île de
façon à ce qu'il soit possible aux industriels et aux pé^
cheurs de s'y installer.Tout ce qu'il sera nécessaire de faire
M. Roume le fera, à la conlition que les capitaux et le
industriels nous suivent ; j'ai été heureusement étonné d
voir, dans des affaires un peu lointaines, les capitaux sui
vre aussi rapidement qu'ils l'on fait; l'Administration a e
efifet déjà reçu plusieurs demandes de concession pour de
sociétés d'exploitation et d'alimentation, car il fallait assi
LES PÊCHERIES DK LA CÔTE OCCIDENTALE D AFRIQUE 71
rer aussi aux nouveaux arrivants le gîte et la nourriture.
C'était une condition essentielle pour mènera bien le déve-
loppement rapide de notre jeune colonie.
Jusqu'ici il n'était pas possible de s'installer dans la près*
qj'iîe. Ona construit une citerne qui renferme aujourd'hui
2.5<J0 mètres d'eau douce; un phare qui aura une portée de
35 milles est à l'étude et sera situé à la pointe du cap Blanc.
Il va un poste militaire. Enfin on a fait déjà à peu près
tuul ce qu'il fallait,on fera beaucoup mieux encore suivant
le nombre et l'importance des sociétés, pour la sécurité
des navigateurs et des industriels. Il ne reste plus mainte-
nant qu'à s'installer et à marcher.
Mais l'aménagement de la presqu'île du Cpp Blanc et la
mise en valeur des pêcheries de cette région ne représente
en somme,qu'une partie du programme que j'ai été chargé
de réaliser en Afrique occidentale.
isi vous étudiez d'une façon un peu approfondie les statis-
tiques qui ont trait à l'Afrique occidentale française, vous
verrez que ce pays. dont les côtes sont abondamment pour-
vues de toutes espèces de poissons, est tributaire de la
France et de l'étranger pour des sommes considérables
pour tous les articles de poisson sec et de poisson de
conserves. Ces produits étrangers nous viennent surtout de
l'Angleterre et de l'Allemagne. Mais je crois que dans un
avenir prochain, le jour où les pêcheries du cap Blanc se-
runlen pleine activité et que sur tout le territoire de cette
vaste colonie, non seulement sur les côtes de l'Atlantique
mais encore dans les fleuves qui l'arrosent, des pêcheries
seront organisées méthodiquement.Jecroisdis-je, qu'à par-
tir de ce momentjl'Afrique occidentale ne sera plus un paya
d'importation , mais deviendra, au contraire et au premier
chef, un pays d'exportation. Ce qui le prouve, c'est que
cerlainespartiesde notrebellecolonie ont déjà une tendance
è exporter beaucoup. Le Dahomey, par exemple qui, il y
72 LES PÊCHERIES DE LA CÔTE OCCIDENTALE DAFRIQUE
a huit ans, exportait seulement pour une centaine de mille
francs de poisson sec, le seul que les indigènes sachent
préparer, emportait, en 1904, p *ur près de 700.000 francs
de poisson. Vous voyez, par conséquent ce que nous avons
è faire, pour organiser, non seulement les pêcheries du cap
Blanc, qui sont celles-là des pêcheries métropolitaines, au
plus haut point intéressantes, puisqu'elles permettront,je l'es-
père, d'utiliser en partie les connaissances et l'activité de tous
ceux de nos marins que la perte de Terre-Neuve laisse sans
travail chaque année ; mais encore à constituer dans cette
vaste colonie de nombreux centres de production indigène.
Je puis sans fausse modestie, vous affirmer que je me suis
consacré de toutes mes forces à cette œuvre considérable et
j'espère la meneràbien si comme jusqu'ici, Kappui et la con-
fiance du Gouvernement de la Républ ique et du Gouverne-
ment général de l'Afrique occidentale française, ne me font
pas défaut. Je poursuivrai sans faiblesse, quoi qu'on dise et
quoi qu'on fasse, l'œuvre qui m'a été confiée et je suis con-
vaincu qu'elle donnera des résultats précieux, non seulement
pour la métropole, mais aussi et surtout pour notre belle
colonie africaine.
A. Gruvel
Directeur de VOffice des Pècherlea de V Afrique Occidentale Françaiae.
It'Ét^UPTION DE liR MOHTAGNE PEItÉE
à la
MARTINIQUE »
Mesdames, Messieurs,
Le 9 mai 1902, on apprenait, avec une poignante émotion
mêlée de stupeur et d'incrédulité, tant cette nouvelle était
invraisemblable, ia destruction de la villedeSaint-Pierreàla
Martinique et la mort de 35.000 personnes à la suite d'une
éruption de la Montagne Pelée. Parmi les victimes on si
gnalait le gouverneur de la colonie, M. Mouttet, le colonel
d'artillerie Gerbault et plusieurs officiers de l'armée colo-
niale. Ce chif!re,un peu exagéré,doit être ramené à 28.000,
mais une pareille catastrophe, unique dans les annales du
vulcanisme, reste effrayante, et l'émotion qu'elle provoqua
dans le monde entier n'est pas encore oubliée.
Le 26 mai, l'Académie des Sciences, sur la demande du
Ministre des Colonies, désignait une mission chargée de
rechercher les causes de ce cataclysme et les moyens d'en
éviter le retour.J'eus l'honneur défaire partie, comme géo-
logue, de cette mission dirigée par M. Lacroix, l'éminent
professeur au Muséum, aujourd'hui membre de l'Institut,
et qui comprenait en outre M. HoUet de l'Isle, ingénieur
en chef du service hydrographique de la marine, chargé de
relever les modifications subies par la côte. Nous rentrions
en France le 17 août, après avoir, sur l'ordre du Ministre,
visité du 8 au 11 juillet la soufrière de la Guadeloupe qui
inspirait des inquiétudes injustifiées.
\X\ Conlereaee £iile dpTaal la Société de Géographie Commerciale du
74 l'éruption de la montagne PELKE a la MARTINIQUE
Le 30 aoiH. uno nouvello éruption (jui faisait encor3
1.500 virtiines, obli>;ea M. \v. Ministre à denuHuler à M. La
croix de repartir pour installur un service d'observations du
volcan. Il fut accompagné par Madame Lacroix qui s'était
montrée si vaillante et si courageuse pendant la première
mission. 11 organisa un observatoire au Morne des Cadets
à 9 kilomètres au sud du volcan, et un postée» Assier, à
l'est, pendant que le capitaine Ferrier installait la télégra-
phie sans fil entre la Martinique et la Guadeloupe. xMon
état de santé, gravement compromis par ma première mis-
sion ne m'avait pas permis de partir avec NL Lacroix, mais
le 26 février 1903, je m'embarquais à Bordeaux pour aller
le remplacer comme chef de la mission scientiliijue. J'ai sé-
journé ensuite dans la colonie jusqu'au mois de juin 1^05
après avoir organisé, sur la demande du gouverneur et par
raisons d'économie, un service de surveillance plus réduit,
qui continue à m'adresser chaque mois le relevé détaillé
des observations du volcan.
Le détail des faits relatifs aux éruptions de la montagne
Pelée justju'au mois de décembre 190i a fait l'objet de la
part de M. Lacroix d'un magistral travail qui ne compte
pas moins de 650 pages in-4« avec 30 planches. C'est vous
dire que je ne pourrai qu'ellleurer un côté de l'histoire de
ces éruptions. J'ai pensé que celui qui vous intéresserait le
plus serait la description des éruptions toutes spéciales de
la montagntî Pelée et plus particulièrement celle de l'érup-
tion si néfaste du 8 mai. Les documents recueillis au cours
de mes deux missions aux Antilles, pour la plupait encoie
inédits, sont fort nombreux. J'ai rapporté notamment plus
de mille photographies prises avec les excellents appareils
de la maison Gaumont ; la vue de quelques-unes serapl'JS
profitable que de longues explications.
Le temps me manque pour vous parler de la MartiniquCi
de sa géographie, de ses habitants, de ses cultures, desoD
l'éruption de la montagmk pelék a la MARTIÎ^IQUE 75
climat. Comme vous le savez, c'est une île tnVs accidentée de
7-3 kilomètres environ de longueur sur 130 à iO kilomètres
delargeur,appartenantà l'archipel dos i*etitos Antilles, entre
la mer des Antilles et rAtlantîijuo, près du Venezuela,
dans la zone tropicale. L'île est presque entièrement volca-
nique, elle provient d'éruptions infiniment plus violentes
que réruption actuelle ; les éruptions se sont produites au
Sud d'abord et se sont ensuite graduellement déplacées
vers le Nord. Les centres éruptifs sont fort nombreux ; j'ai
pu, en relevant la carte géologique de l'île que je me propo-
se de publier prochainement, en reconnaître 17 principaux,
parmi lesquels je vous citerai ceux du Diamant, de Oéve-
cœur et du Morne Caraïbe au Sud, du Vauclin à l'Est, du
Carbet au Centre, et enfin le plus récent de tous, la n'onta-
gne Pelée au Nord.
La montagne i*elée forme un massif assez régulier dont
le point culminant est le Morne La Croix qui avait, avant
les dernières éruptions, une altitude de 1.350 mètres. Près
du sommet, à l'Est, un petit plateau était occupé par le lac
des Palmistes, but de promenade de nombreux visiteurs.
Des vallées profondes, parfois entaillées en véritables ca-
nons,la rivière des Pères, la rivière Sèche, la rivière Blanche
la rivière du Prêcheur, celles de Grand' Rivière, de Basse
Pointe, la" Capot à l'Est, drainent ce massif.
Saint- Pierre se trouve au S.O. du volcan, au bord de la
mer, près de la rivière Roxelane, en face d'une échancrure
aboutissant à une profonde cavité en entonnoir à bords
presque verticaux de plus de 300 mètres de hauteur, limitée
au Nord par l'arête du Petit Bonhomme, a l'Est par le
Morne La Croix, au Sud par la Petite Savane. C'est cet
eatonnoir, l'Etang Sec, ancien cratère d'explosion ou Cal-
deira, qui est le cratère actuel.
Au mois de juin 1902, à notre arrivée à la Martinique,
toute la partie N. 0. de l'ile du cratère, jusqu'à l'îlot de la
76 l'éruption de la montagne pelée a la MARTINIQUE
Perle et du Garbet, apparaissait, pour ainsi dire comme un
paysage de cauchemar. Nulle trace de végétation. De l'épais
linceul de cendre grise qui recouvrait le sol, profondément
raviné, émergeaient, surtout vers Saint-Pierre, des ruines
lamentables d'arbres ou de murailles. Dans Saint-Pierre,
c'était pire encore, les amas de maçonnerie, les débris de
meubles, d'arbres étaient jonchés de cadavres parfois dissi-
mulés sous une mince couche de cendre, et qu'il fallait
enjamber lorsqu'on les voyait. Tout cela sous un soleil de
plomb, au milieu d'une odeur écœurante et d'innombrables
essaims de mouches, dans une atmosphère chargée de
cendres. C'était un spectacle angoissant, inoubliable, telle-
ment poignant que nous ne songions pas à rompre le lourd
silence qui étreignait cet enfer de dévastation.
Des fumerolles épaisses, de puissantes colonnes de vapeurs
se dégageaient de nombreux orifices entre la mer et le
sommet de la montagne, dans la région de la rivière Blan-
che et de la rivière Sèche. Parfois de petites éruptions
semblaient se produire à ces fumerolles qui s'élevaient
alors à plusieurs centaines de mètres, en provoquant de
fréquents éboulements de terrain.
On ne voyait rien du cratère obstinément caché dans les
nuages ; mais parfois, des volutes cuivrées à contours très
nets, se déplaçant rapidement,apparaissaient au-dessus de
nuages atmosphériques. Des points lumineux fixes, souvent
très vifs, des traînées de feu, des grondements souterrains
des pluies de cendres attestaient cependant Tactivité du
volcan.
Au retour de notre première mission, malgré trois ascen*
sions dans le brouillard, si nous avions constaté la position
du cratère, la disposition à peu près verticale de ses parois,
l'abondant dégagement de gaz sulfureuj^ et chlorhydrique
qui s'en échappaient avec un bouillonnement intense, nous
n'avions pa3 vu 1q fond du cratère^ nous ea ôtigna réduits
l'éruption de la montagne pelée a la MARTINIQUE 77
h des hypothèses sur la nature et le détail des éruptions,
confirmées pour la plupart. Les observations de M. Lacroix
et les miennes permettent de combler cette lacune.
A son arrivée à la Martinique, en octobre 1902, la mon-
tagne, enfin découverte, permit à M. Lacroix de voir le
fond de TEtang Sec. Il s'y était formé un gigantesque obé-
lisque de lave solidifiée, un dôme qui allait sans cesse se
modifiant, et dont M. Lacroix suivit pendant si* mois
l'évolution avec une attention passionnée. J'ai aussi étudié
avec soin les variations de ce dôme, surtout la marche de
son ascension, car après six mois d'observations, j'avais pu
me convaincre qu'il se comportait comme une sorte de flot-
teur à maximum se soulevant avec la montée de lave, et
restant ensuite en place. Des ascensions du dôme, de 10 û
20 mètres dans une journée, annonçaient sûrement l'im-
minence d'une éruption. Cette observation, avec d'autres
du même genre, m'a été particulièrement utile dans la
prévision des éruptions.
L'existence du dôme a singulièrement modifié l'aspectde
la montagne -Pelée. Au commencement de 1903, son im-
mense masse souvent incandescente, avec son panache de
vapeurs, attirait les regards des navigateurs à plus de 60
milles ; on l'apercevait déjà nettement par le travers de
Roseau en face de la Dominique. Je l'ai même vue par
temps exceptionnellement clair de la Soufrière de la Gua-
deloupe. Son aspect était plus imposant encore lorsque,
faisant l'ascension par l'Est, Vive, Savane Monand, Mor-
ne Balai, on arrivait au bord du plateau des Palmistes.
Cette gigantesque aiguille de 500 mètres de diamètre qui
se dressait d'un seul jet jusqu'à une altitude de 1 .500 mètres,
en mars, jusqu'à 1.630 mètres en mai 1903, dépassant de
400 mètres le sommet de la montagne, était vraiment im-
pressionnante. La face orientale, convexe, lisse, striée,
contrastait avec la face occidentale,irrégulière, craquelée,
78 l'éruption de la montagne pelée a la MARTINIQUE
en voie continuelle de démolition. Depuis le 31 mai 1903,
où l'aiguille perdit 100 mètres pendant une éruption, Tas-
cension de la masse n'a plus compensé les pertes par ébou-
lement, et le dôme présente depuis 190 1 la forme d'une
masse coniiiue d'éboulis surmontée par des dykes de lave
compacte dont la hauteur reste voisine de 1.150 mètres.
Les éboulis du dôme ont graduellement remblayé Tiin-
mense caldeira de l'J^tang Sec. Au début de l'éruption, le
fond de celte cuvette se trouvait vers 900 mètres, des mu-
railles à peu près verticales atteignant près de 400 mètres
de hauteur à l'Kst, versleM(^rne La Croix, le séparaient du
reste de la montagne.
Au Nord, vers le Petit Bonhomme et la rivière du Prê-
cheur, les éboulements ont non seulement fait disparaître
la rainure qui existait entre le dôme et les lianes de la cu-
vette, mais ils ont recouvert les bords, de .sorte que dans
tout ce quadrant N,les éboulis ont oblitéré le cratère. Dans
la partie orientale, le fond de la rainure n'est pas à plus de
30 mètres du plateau des P<ilmist(»s. I^e moment n'est pas
loin, l'activité persistant, où lecratère oura complètement dis-
paru et où il ne subsistera de l'appareil volcanique si curi<*ux
qui s'était formé et quicaractérise les cumulovolcans, que le
sommet du dôme émergeant du talus d'éboulis.
Null(î part dans le critère on n'aperçoit de crevasses béan
tes avec lave bouillonnante comme on pourrait le sup-
poser. L'arrivée de la lave se produit dans la masse du
dôme par des fentes nombreuses, généralement étroites,
jalonnées par des vapeurs. Pendant la nuit,on voit ces fentes
s'illuminer, devenir rouges ou même rouge-vif, puis s'as-
sombrir graduellement.
Souvent des Ilots de cendres incandescentes avec des
blocs de lave d'un rouge plus éclatant. bc préci|)ifenten cas-
cades lumineuses au vS.O. sur les flancs du talus d'éboulis.
D'autres fois, l'aiguille devient toute entière incandescente
l'éruption de la montagne pelée a la MARTINIQUE 79
avecdws zébrures d'un blanc éblouissant, des cascades de
feu jaillissant t;t ruissellent sur les flancs; mais ce merveil-
leux si)iH'ta<*hî est vite voilé par d'épaisses vapeurs, parfois
silluniuiesd'éi'lînrset accompagnées de sourds grondements.
Mais alors, ce n'est plus le processus régulier, tranquille
qui av.iit permis l'édification de l'aiguille, par la montée
ieiito d'une lave visqueuse, très peu lluide (connue sous
lenom d'Andésite) (fui à t700*^ restait pâteuse, incapable
do couler comme un liijuide etse solidifiait sur place. C'était
au r(Mitraire un phénomène destructif, violent, faisant sau-
ter fKirfois une partie considérable du dôme, une véritable
expiusion, en nudité, une éruption.
CVst là, tMi eiïet, la caractéristitjue des éruptions de la
lU'jiiliigne Peî<?e. Ce sont de formidables explosions dont
If'splus fortes ex[)losionsdedynamite,Lagoubran ou autres,
Ufiiousdonnentqu'u no idée bien alïaiblie.Oue penser,enefTet
'lune explosion capable de projeter un bloc de 200 mètres
cubes, pesa lit 520 tonnes, à 6 kilomètres du cratère, qui, à 10
kilomètres de son orij^ine conserve encore une pression
daij inoins 20() kgs par mètre carnî, et une vitesse de dé-
pî'H't.vnent de '^0 mètres à la seconde !
J" n'ai assisté à au(!un grand |^iroxysme,mais en revan-
che, j'ai i:»bs»'rvé Souvent de très près, [»lus de oO fortes
•éruptions arrivant parfois à 8 kilomètres du cratère.
Tne de ces éruptions était [irécédée de quehiucs phé-
n'unènes précursfMirs : ascension plus rapide île l'aiguille,
'l'>i^;«iî<jnient île vapeurs plus iilx.uidantes au cratère, points
l'iiiiineux [)lus vifs|»endant la nuit projections verticales fré-
'J'i'Mitos lie vapeurs tvM ni Tîcs de roux [)ar la ciîndre.formation
'1 ui: panache île vH[)eui's continu, [>arfois très lUevé etcourbé
^K'uost par l'alizé ; ••lèvati(.>n de la tempi'^ralure'les fum..ro-
It's (],; \i\ llivière Hl.iuclie ; grundements plus fréquents.
h'«'']U|)lion débute par des grondements sourds souter-
•"î^ins, suivis de grondements plus éclatants, précipités, ac-
80 l'éruption de la montagne pelée a la MARTINIQUE
compagnant rémission d'un nuage rouge ou cuivré, s(
déplaçant rapidement et atteignant en quelques secondes
d'énormes dimensions.
Ce nuage éruptif désigné par M. Lacroix par le nom de
nuée ardente, pour rappeler la température élevée, et non
son état d'ignition, ou plus fréquemment nuage dense à
cause de son poids et de son allure, est formé de circonvo-
lutions très distinctes, roulant les unes su^* les autres.
L'émission du nuage a généralement lieu ô la séparation
des talus deboulis et du dôme, par une crevasse ou un
point incandescent pendant la nuit, mais quelquefois aussi,
par un point quelconque de l'aiguille. Dès sa sortie, le nuage
dense se précipite sur les pentes du talus d'éboulisdeia
haute vallée de la rivière Blanche, avec une vitesse moyenne
de 120 à 150 kilomètres (les quatre premiers kilomètres sont
généralement franchis en moins de deux minutes) son al-
lure se ralentit un peu dès qu'il atteint la partie élargie de la
vallée, et arrive à la mer après un parcours de 7 kilomètres
en quatre ou sept minutes. Ce déplacement horizontal du
nuage est accompagné d'un mouvement ascensionnel très
marqué, la pointe du nuage reste toujours sur le sol, mais
en arrière les volutes se dilatent et en quelques minutes
atteignent 3.000 et 4.000 mètres de hauteur.
C'est un spectacle saisissant que celui de cette énorme
masse se développant avec une rapidité effrayante sur 10
ou 15 kilomètres de longueur et 3.000 ou 4.000 mètres de
hauteur, avec ses volutes cuivrées, mobiles, parfois sillon-
nées d'éclairs.
Les nuages denses sont formés en partie par de la vapeur
d'eau, avec de faibles quantités do gaz chlorhydrique et
sulfureux, tenant en suspension des cendres et quelques
lapilli de la grosseur d'une noisette ou d'un œuf de pigeoi
qui tombent en pluie fine après l'éruption. Le parcours di
nuage reste sillonné par une traînée paraissant neigeuse d
L ÉRUPTION DE LA MONTAGNE PELÉE A LA MARTINIQUE 81
cendre blanclie, devenant vite d'un blanc rosé, qui tranche
sur la couleur plus sombre des cendres anciennes. La tem-
pérature de ces nuées ardentes est assez élevée et doit être
d'au moins lOOO^ au voisinage (in cratère. Celle des cendres
se conserve au.ssi très longtemps. Le 13 Juillet 1902, des
thermomètres gradués jusrju'^ 2r)0'\ cassaient à bloc dans
la cendre de Térufition du 9, et l'un des matelots créoles du
J^^'ffroy, qui m'apportait un thermomètre à échelle plus
étendue, fut fortement brûlé en traversant cette cendre
avec les jambes nues et dut entrer à l'hôpital (brûlures du
second degré). L'eau de mer touchée par un nuage dense
est encore, à 100 mètres du rivage deux heures après le
passage de l'éruption, à i2" au lieu de 27.
La force de ces nuées, môme des nuées moyennes, est
suffisante pour emporter des blocs de plusieurs milliers de
kilogrammes ,^ur un parcours de plusieurs kilomètres et de
les jeter à la mer comme je l'ai constaté parfois.
Il est certain que de pareilles nuées en pleine marche,
anéantissent tous les (*îtres vivants qui se trouvent sur leur
passage : leur force balistique, leur température, les cen-
dres qui obstruent rapidement les voies respiratoires, sont
autant d'agents mortels. Deux fois, en août et en septembre
1903, j'ai été surpris par des éruptions dans la rivière
Blanche, où j'allais régulièrement prendre la température
des fumerolles, surtout pendant les périodes de grande
activité. Fort heureusement les nuages se sont arrêtés entre
2rX) ou 300 mètres avant de m'atteindre. Je me suis trouvé
enveloppé par le nuage une ou deux minutes après qu'il
eut perdu sa vitesse et je n'eus pas à souffrir de sa force
mécanique ; mais lu température intolérable de fournaise,
la suffocation provoquée par les cendres et la sensation gé-
nérale de brûlure, beaucou[) plus que l'existence de gaz
sulfureux et chlorhydrique, cependant perceptibles, m'ont
convaincu que la vie ne pouvait se prolonger plus de dix à
6
82 l'ÂRUPTION DB la MONTAONB pelée a la MARTINIQUE
quinze minutes, même dans ces conditions. La mort serait
foudroyante si Ton était touché'par le nuage encore en voie
d'expansion.
Ces nuages denses se sont reproduits très nombreux de-
puis le début des éruptions. Pendant la période août-sep-
tembre 1903, il s*en est déversé plus de deux cents sur la
rivière Blanche pour la plupart. Quelques-uns, le 17 sep-
tembre 1903 notamment, se sont épanchés sur le versant
Est et sont descendus jusqu'à l'altitude de 700 mètres vers
des cases que j'avais fait évacuer, non sans peine, l'avant
veille.
Quelle est l'origine de ces nuages ? Ils résultent comme
je vous l'ai dit, de véritables explosions, comparables à
celles de gigantesques fougasses ou mines souterraines.
L'agent explosif n'est autre que la vapeur d'eau qui au-
dessus de 800® possède la même force explosive que la dy-
namite. Or, les températures dans le magma ne sont pas
inférieures à 1700 ou 1800®. Lorsque les amas de vapeur
d'eau formant d'énormes soufflures dans la masse de lave
fondue, arrivent à une tension suffisante par suite de 1>
fusion de plusieurs de ces bulles en une seule, fusion qui
est accompagnée de grondements précurseurs de l'éruption,
ils se détendent avec une force suffisante pour briser et
pulvériser un point de la carapace du dôme, se propagent
au dehors avec la vitesse que nous avons vue, entraînant de
la cendre (ou lave porphyrisée), et lançant, comme autant
de projectiles, les blocs arrachés à la masse de lave ou aux
parois de la cheminée. Les petites éruptions n'entraînent
généralement que des lapilli assez petits ou des fragments
de cheminée, tandis que les amas de lave projetés è l'état
pàleux, sous forme de bombes n'apparaissent que lors d'é-
ruptions graves.
L'importance de l'éruption dépend uniquement de la
masse de la vapeur d'eau qui se détend. D'après l'examen
l'ÉRL'PTION de la montagne pelée a la MARTINIQUE 83
des faits et les récits des ^témoins oculaires, il suffit d'exa-
gérer rintensîté des nuages denses et de leurs effets pour
conceToir les paroxysmes.
Le nuage dense sillonné de nombreux éclairs, est beau-
coup plus volumineux et s*étale d'avantage, recouvrant à
10 kilomètres du cratère un secteur de 5 à 10 kilomètres
au Heu d'avoir une largeur moyenne de 1 kilomètre. La
force de projection, beaucoup plus forte, est capable de
lancer les cendres et les lapilli dans la région des vents
contre-alizés qui les disséminent ensuite sur de vastes sur-
faces : les cendi^s de Téruption du 8 mai sont tombées sur
toutes les Petites Antilles, sur la côte du Venezuela et jus-
qu'à Panama, à plus de 1.000 kilomètres. •
Les détonations qui précèdent et accompagnent rémis-
sion du nuage dense, se progagent à d'énormes distances.
Celles du 8 mai ont été entendues jusque dans l'intérieur
du Venezuela et, fait curieux, ce^ détonations ne sont
jamais rapportées à leur origine : le 8 mai, les habitants de
Fort-de-P'rance les attribuaient à des tirs de guerre d'une
flotte dans le Sud de la Martinique.
Des blocs parfois très volumineux sont arrachés à la
masse de lave, projetés en Tair, où ils se refroidissent brus-
quement et acquièrent une croûte fendillée, craquelée, et
retombent autour du cratère en se brisant et en faisant des
trous comparables à ceux de véritables obus. En juin et
juillet 1902, la partie au Sud du cratère, était ainsi criblée,
jusqu'à près de 2 kilomètres d'innombrables trous occupés
par les bombes souvent brisées qui parfois môme semblaient
avoir explosé; le terrain avait subi un bombardement
effrayant. Des blocs de plusieurs centaines de mètres cubes,
sont arrachés aux parois de la cheminée ou au dôme et
entraînés jusqu'à 7 et 8 kilomètres. Les effets destruc-
teurs sont aussi, cela se conçoit, incomparablement plus
paissants.
84 l'éruption de la montagne pelée a la MARTINIQUE
D*dprès ce qui a été dit sur les nuages denses, il nous est
possible maintenant d'aborder Tétude de l'éruption du 8 mai
et de comprendre l'effrayante catastrophe de Saint-Pierre,
(A suivre) Jean Giraud
.W«i/re de Conférences à VUniversité de Clermont-Ferrané
lia poirmation d'un Liaé
dans le déseitt da Colot^eado
Tout au fond du golfe de Californie, sur la frontière du
Mexique, se trouve le désert du Colorado, limité sur trois
côtés par de la montagne, et à TEst par la rivière du Colo-
rado qui descend se jeter dans ce golfe. Ce désert, qui eât,
pour la plus grande partie, en contrebas du niveau de la
mer, a à peu près la superficie d'un département français*
Jusqu'à une époque récente, il était digne de son nom,
aride et inhabité. Dans un coin, toutefois, l'homme s'était
établi, attiré non par les beautés du site, mais par le sel.
La mer a autrefois possédé le désert du Colorado, et à
Salton Sink (le Creux de Salton),le point le plus en contre-
bas de la mer et qui doit être celui où les eaux salées ont le
plus longtemps persisté, il y avait un dépôt de sel considé-
rable, le résidu de l'évaporation. Salton Sink était un lac
de sel solide, contenant des milliers et des milliers de
tonnes de Tindispensable élément. On ne pouvait laisser
inexploitée cette saline : une compagnie s'attela à la
besogne, employant un nombre considérable d'ouvriers, et
faisant d'excellentes affaires; Texploitation était très aisée «
Ainsi naquit une ville, appelée Salton.
Une autie se développa tout au fond du désert, grâce aU
chemin de fer Southern Pacific qui passe par là : d'impdjr '
tants ateliers de cette compagnie furent le noyau autour
duquel se développa Indio qui, par surcrotttest devenu une
station sanitaire. Indio a une population asse2 nombrease^v
Quelques autres localités de moindre importance sont ré'
parties tout autour du désert, au pied de la montagaei A .
86 LA FORMATION d'uN LAC DANS LE DÉSERT DU COLORADO
des niveaux variant de 4 mètres 60 à 79 mètres au-dessous
du niveau de la mer.
Il y a cinq ans environ, sous Tinfluence du mouvement
considérable qui s'est fait aux Etats-Unis, depuis dix ou
quinze ans, en faveur de l'irrigation, laquelle a d'ailleurs
fait des merveilles et considérablement accru la richesse
nationale, quelques personnes qui savaient que rien n'est
plus fertile qu'un désert quand on réussit à l'arroser, s'avi-
sèrent de transformer le désert du Colorado en un jardin
maraîcber. Ce fut facile. Un canal fut établi qui, de Yuma,
où, à un niveau supérieur,il s'ouvrait dans la rivière Coiorado,
conduisit les eaux de celle-ci jusqu'au milieu du désert.
Celui-ci ne demandait qu'à travailler, depuis le temps qu'il
ne faisait rien, et sa fécondité fut telle que bien vite une
ville naquit. C'était Impérial, — les démocraties affection-
nent les noms fastueux, — située au beau milieu du désert.
Entourée en un clin d'œil d'une nuée de fermes, la cité
nouvelle fut très prospère : en quatre ans, elle se trouvait à
la tête de 10,000 habitants.
Il se peut fort bien que dans quatre ans elle n'en compte
plus un seul et soit rentrée dans le néant.
Et voici pourquoi. Quand on établit le canal, qui en réa*
lité était pour la plus grande partie le lit desséché d'une
rivière qui ne pouvait plus tenir ses engagements, on fit
trois prises d'eau ; le canal était à son origine presque
parallèle à la rivière Colorado. Mais on négligea de pour-
voir ces prises d'eaU d'écluses permettant de modérer ou
de supprimer temporairement l'irrigation.
On devine ce qui se passa. Le flot de la rivière rongea les
rives : les prises s'élargirent de jour en jour, d'autant plus
aisément que le sol est très meuble, formé de terres d'allu*
Tien. Quelques crues accélérèrent la marche des choseSi
et maintenant toute Teau du Colorado s^engouflre dans
lei trois prises du canal d'irrigation ; plus une goutte oi
LA FORMATION d'uN LAC DANS LE DÉSERT DU COLORADO 87
s^écoule par la partie inférieure du lit de la rivière, qui est
totalement à sec. Toute la rivière se déverse dans le désert
sans qu*on puisse Ten empêcher.
La première conséquence de cette affaire a été de noyer
Salton. L*eau va invinciblement au plus bas, comme cha-
cun sait Elle a suivi les pentes tout naturellement, et a été
faire i%ite au sel tout d'abord. Uancien fond de lac salé est
m le venu lac, et a 8l)sorbé l'eau avec enthousiasme. Les
sauniers voient cela de mauvais œil,comme bien on pense;
mais qu'y faire ? Rien, rien que reculer. Chaque jour l'eau
montait» et chaque jour aussi la ville de Salton reculait.
Maintenant toute la population a émigré, ne se sentant pas
pousser les nageoires requises ; la saline est dissoute dans
Teau de rivière, et la ville entière git sous plusieurs mètres
d'eau. La rivière qui fit naître Impérial a fait périr Salton.
Mais ce n'est que le commencement. La séance continue.
La rivière continue À se répandre tout entière dans le désert.
Chaque jour Salton Sea s'étend et devient plus profonde.Le
paysage change chaque jour. Les Ilots qui émergeaient
eocore disparaissent après s'être progressivement réduits.
Les terres, les cultures, les fermes, tout cela plonge à son
tour. La dépression se remplit peu à peu, et ceci inquiète
fort les habitants d'Impérial, et aussi des localités situées
sur le pourtour du désert. Car les cotes d'altitude sont là
pour indiquer Tordre des uoyades, et il est évident que si
Ton ne se rend pas maître de la rivière, tout ce qui se trou«
ve au-dessous du niveau de la mer sera, dans un temps
donné, forcément noyé. Âfiaire de temps. Telles localités
disparaîtront dans deux ou trois ans ; telles autres dans
dix ans ou plus, Impérial, qui a noyé Salton sera noyée à
son tour. Le chemin de fer n^est pas moins mécontent. Sur
un trajet assez long, il a fallu abandonner la voie qni
maintenant est sous Teau, et en construire une autre, plus
baot placée { maie il faudra reooœxneQcer*
88 LA FOriMATION n'UN lac: dans LK DKSKIIT DU COLORADO
Devantco iK';ril pu])lic,(la ^ riiirroyablo iinpéritiede ceux
qui çnlreprirent (i*arrosor lo désert, on a pourtant pris le
parti d'agir. On a (essayé ilarrùtcr renvaliissement des eaux.
Mais ce s(»ra cIdso dilïii-ilo. f/iiuprév.)y;ince, l'i-rnor.nice
(jui ont présidé h l'oiTeur initiale ont wté telles, qu'il s«M'.t à
peu près impossible (U* corriger celle ci.
Le lac avait Gi kilomètres de longueur et 16 de luigdur
à la fin de 1^)05. Dès lo mois de m-us lî)!}."), en avait essayé
d'établir une barrière en travers di»s [)rises d'eau. Nbiis la
rivière, ayant {)ris goût au vagabondage», refusa de rélnlé
grer son lit et brisa l'obstacle. Pendant les «juatre inuis(]ui
suivirent, on riMiouvela quatre fois la tentative, bv^m* un
égal insuccès. I^a sixième fut [«lus sérieusement nu-née.
On comprenait qu'il fallait des travaux plus solides. IKux
cents ouvriers furent employés nuit et ]onc à construire un
barrage. Celui ci paraissait devoir donner salisfaction,inais
la crue de novembre 1905 la mit en pièces.
En janvier 11X)<), le cbemin de fer Soutbern Pacifie mit
la main à la pâte ri s'entendit avec des entrepreneurs pour
une nouvelle tentative. Toute l'année dernière on a travail-
lé d'arraclie-pied, et au mois de novembre, la compagnie
avait dépensé 7 millions et demi et pensait avoir atteint son
but, tout en prévoyant de nouveaux travaux pour consoli-
der les berges de la rivière au voisinage du canal et erapé-
cber l'eau de se frayer une nouvelle route lui permettant de
continuer à rem[)lir le creux de Salton.
Mais en décembre tout espoir a été enlevé. G ne crue s'est
produite le 7 décembre, et la rivière est revenue à son
pécbé. La situation est aussi mauvaise que par le passé;
plus mauvaise même, car les bruches s'élargissent. U
chemin de fer se déclare impuissant et appelle le gouver
nemenl à son secours.
bi Ton ne réussit pas à se rendre maître du fleuve, un
mer intérieure se formera) ayaiitles dimensions du grac
U FOKMATION d'uS LAC DANS LK DKSKRr DU COLORADO 89
IncSaléde rUtali,(ît toiito la vallé:> îriinpérial périra comme
le reste du Jésert. Le lac s'étendra peu à peu, devenant de
plus en plu pro.'ond aussi ; il atteindra non seulement le
niveau de la mer, mais un niveau supérieur. La dépression
deSallon est entourée au Su l-l\st par une frange déterres
plus hautes dont l'altiludo, au point le plus bas, est de
1) mètres au-dessus du. niveau de la mer. Une fois remplie
jusqu'à ce niveau, elle aura atteint son maximum : l'eau
s'écoulera par-dessus la frange et ira retrouver la rivière
Colorado, et par là se jeter dans le golfe de Californie. La
rivière, en somme, se sera écartée de son cours pour aller
furuier latéralement un lac(|ue le sel du creux de Salton
fera lac salé, mais qui se dessalera fatalement avec le temps
au profit de la mer.
Ce ne sera pas .sans avoir occasionnelle grandes pertes.
ÎSalton n'est plus ; le chemin de fer h beaucoup soutïert ;
Impérial et beaucoup de localités seront submergées.
Nombre de gisements d'intérêt conunercial seront perdus:
desgisements de nitrate, sulfate ou carbonate de soude;
des gisements déminerais rares, des sources de pétrole et
d'asphalte, des bancs de soufre, des mines de pierres pré-
cieuses. Les minerais d'or, d'argent et de cuivre des mon-
tagnes environnantes resteront accessibles sans doute, mais
le reste aura disparu.
Voilà, du moins, ce qui aura lieu si Ton ne réussit pas à
contraindre la rivière : au total, l'engloutissement de dix
villes, et d'un territoire très fertile, grand comme un de nos
tlépartements, et riche en ressources minérales.
On n'a devant soi que peu de temps pour agir. Il faut
avoir réussi avant six mois. Chaque jour rend la tâche plus
malaisée, à cause de l'élargissement progressif, inévitable,
des brèches.
Nous saurons donc avant peu si, au fond du golfe de
Californie, il faudra désormais aur les cartes dessiner ug
90 LA FORMATION D*UN LAC DANS LE DÉSERT DU COLORADO
vaste lac, ou s*il faudra continuer à représenter de la terre
ferme.
En tout cas, Taventure est intéressante. Car oq sait
maintenant qu'elle a eu de nombreuses devancières. Il est
souvent arrivé aux Etats-Unis et en France, et un peu par-
tout,que des rivières aient changé de cour.«(,quedes rivières
se soient frayé dès routes nouvelles en creusant et détrui-
sant leurs bords,en se faisant un lit nouveau. C'était uo
phénomène d'occurrence très fréquente dans la vallée du
Mississipi avant la civilisation, lesquels et les travaux d'art.
Chez nous, le fait est rare maintenant. Les rivières elles-
mômes,dans notre vieuxpays,sont devenues traditionalistes.
Et surtout on les surveille et on les contraint au respect de
l'usage.
Mais autrefois,elles ont vagabondé, Môme en comparant
les cartes d'il y a deux ou trois siècles aux cartes actuelles,
on constate des différences appréciables dans le cours des
rivières et leurs rapports entre elles.
Mais l'afEaire de Californie n'a guère de chances de se
produire chez nous. Le service de l'hydraulique agricole;
et d'autres encore, ne permettraient pas d'agir en France
avec la désinvolture et l'impéritie qui ont été possibles aux
Etats-tJnis. Les pays vieux ont leurs inconvénients et leurs
défauts : ils ont leurs qualités et leurs avantages aussi (1)
(Le Temps.) Henry db Variony
(1) Le Président Booeerelt Tient d'adresser au Oongrès un mesMge ipèetal aa njet àt
Balton Sea. Après avoir mis en relief la c criminelle négligence » de la compagnie d'iiri'
gation» il implore le seoottis du chemin de fer Soathem Paoiflo et diwnand^ 10 miUiflO*
pour les travaux- Quant à la compagnie d'irrigation, tUe len déoluée dédiiw. CTeKl*
I qu'on puisse faire.
ACTES DE LA SOCIÉTÉ
ProcèH'verbal de la Séance du Comité du 26 Mai 1905.
Prèsidenoe de M. H. BLOT-LErsvBE, président.
Uctore est faite du procès- verbal dd la précédente réanion^ qui est
*<ioptéiaDs modification.
M. le Président Rappelle rînvitation faite par la Société Havraise
d'Etadee diTerses, pour assister au Congrès des Sociétés Normandes
<lQise tiendra en notre ville du 15 au 18 juillet.
Les noms des membres désignés pour représenter la Société devront
être adressés dans le plus bref délai pt)8sible. M. Blot-Lefevre, Loi-
*eaQ et Favier donnent leur adhésion .
Oommunicatiun est ensuite donnée d'une nouvelle circulaire du
CoDgrès National des Sociétés Franç&iaed de Géographie qui se tiendra
^ Saiot-Ëtienne du 6 au 11 Août. Aucun membre ne s'étant offert pour
■^présenter la Société à ce Congrès, il est décidé qu'appel sera fait
auprès de la Société de Géographie Commerciale de Paris, pour nous
^ire représenter au 26* Congrès.
M. le Président donne lecture du règlement pour le Concourt an-
liuel de Géographie, lequel est maintenu sans moditication.
Il est ensuite procédé à la désignation des membres devant faire,
pirtie des Commissions de choix et de classement. Sont désignés :
1* Pour la Commission de choix : MM. Loiseau, Favi«r et Carton.
2» Pour la Commission de classement: MM.GuitiOD,Guérin,Schmitt,
Fritz, Jacquemin et Hubert.
M. Favier ayant fait observer que certains membres de la Société,
parfois très désireux de consulter les guides Joanne,ne trouvent mal-
beureosement pas satisfaction à la Bibliothèque, il est décidé qu'achat
•ers £ait au fur et à metore et suivant les ressources disponiblesi
dM difEérenti |pidM dtt provinoet de l^xw^ et dt l'Alféri».
92 ACTES DE LA SOCIÉTÉ
La parole est ensuite <lunnéeà M. Guittou qui communique la tra-
duction «run article fore iiitcieasant d'un journal russe sur les Uniates.
Donnant ensuite lecture d'un passage tiré d'un ouvrage de M. A.
Leroy-Boaulieu « L'ernpire des Tzard », M. Guitton s'attache à faire
observer la corrélation qui existe entre cet ouvrage publié en ISSti et
l'article récent lu journal russe. Cotte question des Uniates qui eut
un sujet de luttes et de discordes pour la Russie, n'a subi aucan chan-
gement depuis 18 ans.
M. le Président remercie M. Guitton pour Tintéressinte communi-
cation qu'il a bien voulu faire.
La séance est levée à 10 heures.
Réunion du Comité du 25 Octobre 1905.
Présidence de M • H. BLOT-LKrEvtiB, président
La séance est ouverte à 8 heures 45. Le procès-vdrbal d^ la séance
précédente est lu et adopté sans observations.
M. le Président donne lecture de la corrcspondiince : M. le géné^^^
Ârchinard nous annonce un don de livres et «le cartes.Notre délé^^^
au Congrès de Saint- Etienne nous rend compte de sa xnîœioQ.
Puis il est procédé à la présentation des nouveaux membres :
MM. Cappelle (Joseph), préseuié par MM. Fritz et Boivin
Speizer (J.J.) » Uauser et Ëngelbach.
Amphoux (Etienne) » » »
Mlles Boila (Pauhne) » Mlles Kirdohbaum et Brûlé
Marie (Antoinette) « » t
Guedeney (Marie) • » t
Sauvage (Marthe) » w t
Fiedon (Léoutine) » • et Vigoaroc^*
Blanchard ;Berthe) v t t
M. Guitton donne lecture de son rapport sur le concours annuel c^ ^
Géographie : s'il enregistre avec plaisir les résultats satisfaisants d^^
compositions des jeunes fiUesi il a le regret de sigualor la fsibltd^^^
d^ioelles desgarfoasi
ACTES DE LA SOCIÉTÉ 93
M. le Président dénué connaisMTkce des projets de coDféreDces à
Tétude, avec MM. Funck BraDtano, D^" Charcot^ A. Gruvel, Pierre
Leroy -Beaulieu.
En remplacement de M. Boitiér père, décédé, le Comité ï Tunani
mité nomme M. Boitier fils, avocat, trésorier de la Société.
M. Favier donne communication d'une lettre d'un de ses amis
rendant dans la province de Son-la (Tonkin) contenant des détails
fort curieux sur les mœurs des peuplades de cette région.
La séance est levée à 9 heures 45.
i
BIBLIOGRAPHIE
Dictionnaire manuel-illustré de (Mographie, par
ÂLBERi Demangeon. (Bibliothèque de Dictionnaires-tna-
nuela-illusiréa. Librairie Armand Colin, rue de Mézîè-
res, 5, Paris.) Un volume in-18 Jésus de 860 pages, relié
toile, tr. rouges. 6 fr.
Ce livre, vraiment original, d'une science sûre et au courant des
acquisilions les plus récentes, est cependant d^une lecture nisée : il est
indispensable à quiconque veut connaître c La Terre et THomme ».
— Af. Demangeon, chargé de Cours à l'Université de Lille, s'est ad-
joint comme collaboratenrs des géologues et des géographes d^aoe
compétence éprouvée.
L'originalité du. livre est de donner, outre la nomenclature des
« noms de lieux » que doit donner tout dictionnaire de géographie, un
choix de «noms de choses», de définitions, de renseignements relatifs
aux différentes branches de la géographie.
On trouvera dans ce livre les notions élémentaires et les définitions
simples dont Tinte! ligence devient indispensable à tout esprit cultivé.
Ces notions et ces définitions concernent aussi bien la géographie na-
turelle que la géographie économique et humaine, que Tbistoire de
la géographie ; l'atmosphère ; les mers ; le relief d<rs contiiien's ; la
géologie ; les roches ; la végétation ; les animaux domestiques ; les
peuples et les races ; les populations ; les cultures ; l«« industries ; le
commerce ; les géographes ; les explorateurs ; la cartographie.
C'est une véritable encyclopédie géographique, et il n'en a point
encore été publié, ànn prix aussi modique^ d'aussi complète et d'aussi
riche en renseignements d'une réelle valeur scientifique et pratique.
L'ouvrage contient 860 pages et est illustré de cartes et de nom-
breuses figures.
Onïïages m i la llolpe le la SoMI!
Voyage en France — 43* »éri: Bégion pariaenne, II, Bst, La
Brie, pur AuDOOiM-DnxAziT,Pari8,1906, 1 ▼<&. m-12, avec 23 cartea
on croquis.
Voyage en France — 44* série. Région parisienne, III, Sud,
Oatinais français et Hante- Beance, par Ardouin-Dumâzbt, Paris,
1906, 1 vol in- 12, avec 19 cartes on croquis.
Auveigne et CentrelcoUection desguides Jeanne), par PanlJoANKB,
Parie, 1904. 1 vol in-16,avec 12 cartes et 13 plans.
La Champagne et l'Ardenne (collection des guides Joanne\ par
Paul JoANNK, Piiris, 1906, 1 vol. in-16. avec 6 cartes et 10 plans.
Bourgogne, Morvan, Jura et Lyonnais (collection des guides
Joanne), par Paul Joanne, Paris, 1902, 1 vol. in-16, avec 12 cartes
et 19 plans.
Nord-Est de la France, de Paris aux Ardennes.aux Vosges et au
Rhône, manuel du voyageur, par K. BiEDBKER, Paris, 1903, 1 vol.
in-16, avec 12 cartes et 21 plans.
Vosges — Alsace — Forêt-Noire (collection d«>s guides Jeanne)»
par Pau) Joanm g, Paris, 1905,1 vol. in-16, avec 63 cartes et Uplans.
La Densité de la Population dn Département du Nord au
XIX* siècle, par Raoul BLANCHARD.docteurès-lettres. Lille, 1906^
1 broch. in-8. avec 53 cartes on graphiques dans le texte. (Envoi
de la Société de Géographie de Lille.)
Voyage aux Pyrénées, par H. Tainb, Paris, 1878, 1 vol. in-16.
orné de nombreuses gravures.
Florence (Les villes d*art célèbres!, par Emile Oebhakt. de l' Acadé-
mie française, Paris, 1906, 1 vol. in-4. orné de 176 gravures.
La Roumanie contemporaine, par André Bbllbssobt, Parip,
1905, 1 vol. in-16.
Troii mois au Kouang-8i. Souvenirs d'un officier cd mission^ Paris i
1906, 1 vol in-16. avec 1 6 photographies hors texte.
Deux années an Setchoaen. Le Fur- West chinois, récit de voya-
ge, étude géographique, sociale et économique, par le docteur A.
F. Lkobndrb, médecin-major de K* classe des troupes coloniales,
directeur de T Ecole de Médecine impériale de Tchcntou (Setchouen).
Paris, 1905, 1 vol. iu-16, accompagné d'une cnrte et de gravures.
Hinterland MoX, par Paul Pattâ, avec une introduction de M. le
générai F. Canonqe et nue lettre préface de M. le colonel Adam de
YiLLiBRSyParis, 1906, 1vol. in-16, avec unecarte et 26 illustrations.
96 OUVRAGES REÇUS A LA SOCIÉTÉ.
Le Siam et les Siamois, par le (^ommandanl h). Lunkt de La ion-
QUiÈRE. Paris, UlO'î, 1 vol. în-lG
Exploratioiis au Maroc — Dans le Bled ee Siba. ^liasioD de
Segonzac, pur Louh CiENTH,, docteur «fs-^cience», lueiiibre de la
Miesion. Parin, 1906, 1 vol. in 4, avec 22!> tigares dans le lexte.
L'Envers des Etats-Unis par George M')keau. Paris, 190ft, 1 vol.
in-16.
Le Canada. Les deux racop, problèmes po1iti<|ues contemporains,
par André SiEOFBrED. Paris, 1906, 1 vol. iu-I6
L'Argentine au XX« siècle, par Albert \f ahtixez, ancien sous»
secrétaire d'Etat aux Finances, cl Maurice Lewandowski, docteur
en droit, avec une introduction de Charles Pellicorim, ancien pré-
sident de la R»^publique Argentine. Taris, 1906, I vol. in-16, avec
. 2 cartes .
Le Chili de nos jours. Son commerce, sa production, ses ressourcos,
(Annuaire national, 2e année, 1905/06), Paris, 1906, 1 vol. in 8.
De l'Amazone au Pacifique, par la Pampaet les Andes. par Gaston
Donnet, Paris, 1906, 1 vol. in-16, orné do 28 photogravores.
Vues d'Amérique, ou la Nouvelle Jouvence, par Paul Apam. Paris,
1906, 1 vol. in-12.
Les grandes Cultures du Vende, leur hiatoire. leur exploitation,
leurs difIf'Tent4,U8açes. Le ri/, la vigne, le froment, le cacao, le
café, le thé, le (luiuquiiia, le tabac» le sucn», le maïs. Ouvrs»gepu
blié sous la direction de M. le D Vnu Somerkn Brani», avec la
collaboration des plus émioents spécialistes de «livers pnys, traduit
dn hollandais par F. RoDE.Puris,PJ06,l vol.in-4,orné de nombreuste
gravures eu noir hors texte et dans le texte, et de gravureseu couleurs
Hors texte.
Cultures du Midi de la France, de l'Algérie et la Tunisie,
pur Ch. Rivière et H.Lecq, introduction par le D»" P.KfeNARD. Paris,
1906. 1 vol in-12, avec figures intercalét-s dans le texte.
La Concurrence des Colonies à la Métropole, par Louis Ca-
Rio et Ch. HâuisMANBET, préface par M. Paul De au r&jaud, mem-
bre de l'Institut, député. Paris, 1906, 1 vol. in-16.
Compte rendu des travaux de la Chambre de Commerce de Lyon,
année 1905. Lyon, 1906. 1 vol. in-8, avec graphiques. (Envoi de
M. le Président de la Chambre de Commerce de Lyon.)
Compterehdu des travaux de la Chambre de Commerce du Havre;
année 1905. Extnit des Procès Verbaux, Lettres, Mémoires, Le
Havre, 1906, l vol. in-8, «cc< un pagné d'une Hovue statistique Je la
Navigation, du Commerce et d« l'industrie.iEnvoi deM.le Frôt>iJcDt
de la Chambre de Commerce.)
i
SOCIETE
DE
GÉOGRAPHIE COMMERCIALE
IDTJ II.A.VR.B
BULLETIN
XXIII« Année. - 3" et 4i' Trimestpe» i 906
HAVRE
AU SIÈGE DE LA SOCIÉTÉ
131, BUE DE PARIS, 131
1907
SOMMAIRK
L'Éruption de la Montagne Pele'c à la Martinique, II (tin), par
M. J. GiRAiP 97
L'Espagne lé^^cnda ire. pittoresque et anecdotique. pirM. El. li»ZK 111
L'Emigration et la Colonisation Italiennes, I, par M. UizzKTi'j
RlZZA»!»0 160
Correspondance du Congo, p:ir M. A Lk Bi{EP.>n 169
Actes de la Socitftc 175
Ouvrages reçus à îa Bibliothèque Az la Société 183
RÉUNIONS
Les Réunions du Comité ont lieu le 4"»"^ mercredi de chaque moif
excepté pendant les mois d'août et septembre.
Tous les membres de la Société peuvent y assister.
BIBLIOTHÈQUE
La Bibliothèque de la Société est OUVel*te tOUS lOS SOirS,
excepte les dimanches, jours fériés et demi-fériés, de 6 h. 1 1 à 7 h. 1. 1
et de 8 h. 1 2 à 10 h.
Toutes îcs communications et tous les renseignements doivent être
adressés au Secrétaire général. *
li
SOCIÉTÉ
I>B
GEOGRAPHIE COMMERCIALE
It'ÉRUPTIOH DE IiR MOIlTAGHE PELÉE
à la
MARTINIQUE^
La Montagne Pelée était un volcan que tout le monde à
la Martinique croyait éteint. Il avait cependant donné des
marques d'activité, assez faibles «l'ailleurs en 17î>2 (.'l en
1851, des fumerolles s'étaient élevéc^s de l'Etany Soc et un
peu de cendre avait élé projetée au voisinage iminMiat du
cratère.
De nouvelles fumerolles se montraient en 18îX) dans
FEtang Sec : en 1900, la végétation y était détruite sur une
assez grande étendue ; mais les observateurs placés sur le
Morne La Croix avaient supposé ipie c'était là le résultat
d'un încçndic accidentel.
(Il Vuir le BulIcUn du 2' trimrstre 190n.
WQCMÉTÈ DE ÔÉOGRAPHIB. — 8' et 4' trimcstrcs 1906
•/
98 L^ÉRUPTION DE LA MONTAGNE PELÉE A LA MARTINIQUE
En février 1902, l'odeur sulfhydrique venant de la mon-
tagne, incommode les habitants des hauteurs du Prêcheur.
Le 24 avril, une colonne noire de vapeurs et de cendres
s*élève de l'Etang Sec jusqu'à 600 mètres de hauteur ; le
25, des cendres fines commencent à tomber au Prêcheur,
le 28, on entend de forts grondements. La cendre tombe
maintenant en abondance entre Sainte- Philomène et le
Prêcheur ; le 2 mai elle tombe sur Saint-Pierre. L'obscu-
rité est presque complète au Prèclieur. Dans la nuit du
4 au 5 mai, de violt^ntcs détonations se font au cratère dont
le panache de vapeurs est sillonné d'éclairs. Le 5 mai t»
midi 45, une véritable larine ou coulée boueuse formée par
la masse de cendre délayée dans l'eau de l'Etang Sec qui
se vide brusquement, se précipite dans la vallée de la
Rivière Blanche, recouvrant l'usine Guérin et faisant les
25 premières victimes. Le 7 mai, des crues se produisent
dans toutes les rivières du Nord ; la cendre, très abon-
dante, provoque la lupture des arbres à Grand'Rivière et
Macouba. Dans la nuit du 7 au 8, une grande crueboueuse
emporte une partie des villages du Prêcheur, de la Grand'
Rivière et de Basse Pointe. Un lamentable exode de la
population du Nord avait commencé ; quelques-uns s'en-
fuirent à la Dominique ; mais la plupart, 2.000 ou 3.000
personnes, vinrent se réfugier à Saint-Pierre, espérant
résister au danger par la force du nombre...
Le jeudi 8 mai, jour de l'Ascension, après un violent
orage sur Ui montagne, le ciel dès le lever du soleil était
remarquablement clair, un panache très régulier s'élevait
du cratère. On se dirigeait vers les églises, c'était le jour
de première communion, lorsqu'à huit heures deux minutes,
(heure du crible), se précipita le terrifiant nuage qui, en
quelques instants, anéantit Saint-Pierre. En moins d'une
minute, toutes les maisons étaient renversées, rasées,Ies ar-
bres arrachés, tous les habitants de Saint-Pierre (sauf deux)
l'éruption de la montagne pelée a la MARTINIQUE 99
étaient foudroyés. L'incendie s'allumait en de nombreux
points, consommant cette œuvre effroyable de destruction .
Les bateaux dans la rade,au nombre d'une vingtaine,étaient
démâtés, incendiés^. coulés ; la plupart de leurs équipages
disparaissaient en même temps. Un seul bateau en fer, le
Roddam qui avait déjà appareil lé, put arriver à Sainte-Lucie
avec 25 survivants, tous profondément brûlés et 26 cada-
vres. Lorsque le croiseur Suchet, commandant Le Bris,
arriva à 3 heures devant Saint-Pierre, il recueillit quelques
matelots brûlés et accrochés à des épaves ; mais il put se
convaincre qu'il ne restait pas uneseule personne vivante à
Saint Pierre; ses 28,000 habitants ou réfugiés avaient péri-
L enquête minutieuse à laquelle nous nous sommes livrés,
dès notre arrivée, auprès des rares survivants de Saint-
Pierre ne nous a rien appris. Des deux survivants de la
ville de Saint-Pierre, l'un Cilparis, un prisonnier, était en-
fermé dans un cachot voûté, à solide porte en fer tournée
3u S. O. 11 a entendu un grand bruit, puis il a été brûlé et
a attendu au milieu d'un silence complet que des sauveteurs
arrivassent quatre jours après et le délivrent.
C'est là tout ce qu'il sait. L'autre, Compère, est un cor-
donnier ^qui habitait sur le boulevard qui va aux plantations
de Saint-James et à Fort-de-France; sa maison était abritée
par des rochers très élevés ; il fut brûlé, mais survécut
cependant. Lui aussi entendit un bruit (( infernal )) fait du
renversement de toutes les maisons, et aussitôt une obscu-
rité profonde s'établit. En se sauvant, grièvement brûlé,
par la route de la Trace ou de Fort-de-France, il vit de
nombreux cadavres enlacés, et pas une seule personne
vivante. L'embrasement des ruines de Saint-Pierre lui
parut général. Le second capitaine d'une goélette sur rade,
Marie- Sainte, qui regardait du côté du volcan au mo-
ment de la catastrophe, a vu la montagne s'ouvrir du haut
en bas, un nuage noir sortir par cette longue crevasse, se
100 l'éruption de la montagne pelée a la MARTINIQUE
précipiter sur Sainl-P!erre et, en moins d'une nainute, il
avait dépassé la ville qui était rasée et flambait.
Je croîs inutile de m*étendre davantage sur ces témoi-
gnages.L'affirmation de Tofficier de ]di Marie- Sainte croyani
que la montngne s'était ouverte pour vomir un nuage des-
tructeur sur Saint-Pierre, s'explique aisément d'après ce que
vous savez déjà sur les nuages denses. Une éruption paroxys
maie s'était produite, et le nuage franchissant en moins de
deux minutes les 8 kilomètres qui séparaient le cratère de
Saint- Pierre, passaitcomme une trombe sur la malheureuse
ville qu*il anéantissait et poursuivait sa course dévastatrice
jusqu'à la pointe du Carbet où il s'arrêtait.
Nous avons pu établir que l'œuvre de destruction n*avait
pas demandé une minute, probablement une trentaine de
secondes. Et cependant l'anéantissement était complet.
Le quartier du vieux fort situé au Nord de la Roxelane
était complètement rasé et il était devenu un plateau uni,
couvert de cendres,où Ton n'apercevait,en juin,aucune trace
de'constructions. Toutes les maisons de Saint- Pierre étaient
renversées ou rasées ; les murs faisant face au cratère
étaient coupés au ras du sol ; les murs orientés dans la di-
rection dH volc'in étaient parfois conservés sur plusieurs
mètres de hauteur ; les arbres étaient renversés, brisés ou
déracinés et couchés du côté opposé au volcan. Le phare
do la place Berlin, tour circulaire construite en excellents
matériaux de un mètre d'épaisseur, était rasé ; une lourde
statue en fonte de la Vierge, située près du fort Sainte
Marthe, avait été enlevée de son piédestal, entraînée et
précipitée contre le sol, ô près de 10 mètres de sa base.
Tout le monde s'est demandé avec angoisse si la mort
avait été longue à venir pour les infortunés habitants de
Saint- Pierre. On peut affirmer qu'elle a été foudroyante. La
pression énorme qui suffisait à renverser les édifices les
plus solides et les mieux construits, n'était elle pas capable
l'éruption de la montagne pelée a la MARTINIQUE 101
à elle seale d'anéantir des organismes aussi fragiles que les
Dùtres ? La température élevée, les cendres, TeSondrement
général des maisons,les débris de toute nature transformés
en projectiles, auraient d'ailleurs achevé rapidement cette
œuvre effroyable de destruction. Mais la position des cada-
vres souvent dans des poses naturelles excluent toute idée
de frayeur. ou de souffrance, la quantité de corps trouvés
dans l'attitude assise, indiquent une mort instantanée» par
ignition. Les brûlures des cadavres découverts étaient su-
perficielles, les habits avaient disparu, les cheveux brûlés,
la peau un peu roussie et recouverte d'un enduit noirâtre
fait de cendre boueuse, qui empêchait de reconnaître la
race du cadavre. Dans les maisons incendiées^au contraire,
les cadavres étaient calcinés, mais on peut affirmer que ces
brûlures sont arrivées />o«^ mortem,
11 n eu a pas été de même malheureusement dans la zone
périphérique, bordant l'aire de destruction totale occupée
par Saint' Pierre. Là, les phénomènes avaient une intensité
beaucoup moindre, beaucoup de maisons et d'arbres sont
restés debout, mais, près de la zone centrale^ tous les êtres
vivants ont péri, après une agonie cruelle^ des suites de
leurs brûlures tant extérieures qu'intérieures; les voies res-
piratoires et les premières voies digestives étaient en
effet détruites par la vapeur d'eau et la cendre chaude du
nuage. Témoin, Landes, le prof^sseu^ d'histoire naturelle,
si estimé du lycée de Saint- Pierre, qui fut trouvé dans le
bassin de sa maison aux Trois-Ponts, à 2 kilomètres de
Saint-Pierre, sur la route du Morne-Rouge, à trois heures
du soir, toute la chair à vif et qui mourut dès qu'on lui eut
donné une gorgée d'eau. Le malheureux, sur le point de
^ourir^ demandait l'explication de ce qui s'était passé. Un
P®« plus loin encore de la zone centrale, le nombre des
^orts est resté élevé,mais beaucoup de gens ont été soignés
«tg^ris^
102 l'ÉKUPTION de la MONTAGN'K rÈLÉE A LA MARTINIQUE
La zo;ie de destruction totale dans laquelle tous les êtres
vivants ont été tués, tous les objets en saillie renversés,
s'étend autour du cratère sur un rayon de 2 kilomètres 500,
puis sur une longueur d'environ 15 kiloniètres dans un sec
teur d'environ 70" d'ouverture, allant de la rivière Lamarre
à la grande anse du Garbet. Les éruptions du 16 et du 20
ont eu sensiblement la mAme extension, les autres n'ont
pas atteint Saint-Pierre.
Pourquoi l'existence de ce secteur si tristement privilé-
gié ? La topographie de l'Etang Sec suffit à l'expliquer.
Lorsque l'explosion du 8 mai se produisit, une partie des
vapeurs et des cendres projetées verticalement forma un
immense nuage noir sillonné d'éclairs et qui jeta la panique
dans toute l'île, bien qu'il fut inoffensif. Le Morne La Croix
sauta presque tout entier ; il perdit 120 mètres de hauteur.
Une autre partie des vapeurs, la plus importante, constitua
un énorme nuage dense qui tendit à se répandre dans toutes
les directions autour du cratère, mais la muraille verticale
de 300 mètres do hauteur des parois Nord- Est et Sud de
TEtangSecbrisèrent la force expansive du nuage qui n'alla
pas au-delà de 2 ou 3 kilomètres. Dans la partie Sud-Ouest,
Téchancrure, correspondant à la haute vallée de la rivière
Blanche, laissa passer toute l'éruption qui fut concentrée
en quelque sorte dans ce secteur. Lors de l'éruption du 30
août 1902, aussi violente que celle du 8 mai,le point d'émer-
gence des éruptions s'était surélevé et l'éruption s'étendit
sur un rayon de 4 à 5 kilomètres,détruisant le Morne-Roug6
et l'Ajoupa Bouillon qui n'avait pas encore été atteiQt,m8is
n'arriva pas jusqu'à Saint-Pierre.
D'après la forme actuelle du cratère, des éruptions sem^
blables atteindraient probablement les localités de Bass<
Pointe, Macouba, Grand'Riviôrd, habitées par 10.003 par
sonnes environ.
L'île entière reçut de la cendre lors de Téruptioa du 8 mt
L tfiCPTIO-V DE LA MONTAGNK PFXÉE A LA MARTINIQUE lÔ!î
et des éruptions ultérieures, mais n'eut pas trop à en souf-
frir, sauf cependant le village du Prêcheur, en partie détruit
par l'inondation du 8 mai et dont les dernières maisons
furent ensovelies sous les cendres accumulées par Talizé.
Grand'Rivière et Basse Pointe ont aussi gravement
[ souffert des inondations de mai 1902; toutes les maisons
I voisines du torrent ont été emportées à Grand' Rivière,
une barre plus dangereuse encore s'est établie Les effets
ont été plus accusés à Basse Pointe, beaucoup de maisons
ont été emportées. Un brise lames récemment achevé, est
aujourd*liui à sec.
Les inondations dans cette région du nord se sont pro^
duites au moment des éruptions : la cendre accumulée for*
mait en certains points des barrages qui étaient emportés, à
un moment donné, avec une violence dont nous avons eu de
tristes exemples en France. Les inondations persistent en-
core par suite du déboisement total de la montagne par
les éruptions, et se reproduiront aussi longtemps que
la végétation et les forêts n'auront pas tapissé les pentes.
On s'est demandé si toutes les précautions avaient bien
été prises pour éviter une pareille catastrophe. Une commis*
«ion locale avait été nommée dans les premiers jours de
mai, et ses avis ont contribué à rassurer la population et ô
la maintenir à Saint-Pierre. Peut-on l'incriminer ? Non,
parce qu'elle a agi de bonne foi, d'abord, la mort de la plu-»
part de ses membres le prouve assez, et, ensuite, parce que
,ft cette époque, il était impossible de prévoir une pareille
destruction. Les catastrophes provoquées par les volcanâ
étaient exclusivement attribuées aux projections de blocs,
aux chutes de cendres, aux coulées de lave et aux coulées
boueuses. Saint-Pierre était trop éloigné du volcan (le cen*
tre de la ville était à 9 kilomètres à vol d'oiseau du cratère)
pour redouter les projections. Il était trop éloigné des val-
lées de la rivière Blanche et de la rivière Sèche, dépendant
lOi L ÉWUPTION DE LA MONTAGNE PELLE A LA MARTINIQUE
de la Montagne Pelée, pour souffrir des coulées de lave.Lî
chute des cendres était en somme assez bénigne, si elle
était désagréable et incommode, elle ne présentait pas en-
core un caractère de danger pour la ville. Son épaisseur \
était au maximum de 10 centimètres au moment de la estas- 1
trophe, et si la chute s'était aggravée, ont aurait eu tout le :
temps, comme à Ilerculanum et Pompéi, d'évacuer la ville.
On neconnaissaitpas les nuéesardentes ou nuages denses,
M. Fouqué les avait bien signalées, dans un article de revue,
d'après une tradition conservée aux Açores ; mais elles
étaient ignorées de la plupart des géologues. Il a fallu les
observations de la mission scientifique française, surtout
celles de M. Lacroix pendant l'hiver 1902, pour les faire
entrer dans la science.
Peut-on espérer que l'expérience si cruelle du passé pro-
fitera à l'avenir pour la M^artinique? Je crois pouvoir, pour
le présent, vous répondre alïîrmativement.J'ai pu distinguer
en effet, pendant mon long séjour à la Montagne Pelée, un
certain nombre de phases différentes d'activité caractérisées
chacune par des phénomènes très apparents. Ces phases
sont assez nettes pour que M. Bonhoure, l'éminent gouver-
neur actuel, ait pu le 13 juin 1905, malgré une activité assez
forte, s'opposer à l'évacuation du nord de l'île qui lui était
demandée, en se basant sur l'échelle des phénomènes vol-
caniques que je lui avais laissée 15 jours avant, au moment
de mon départ. Les phénomènes précurseurs des fortes
éruptions n'apparaissaient pas encore. Mais s'ils survenaient
il faudrait obtenir l'évacuation effective de la zone dange-
reuse du Nord et du N. E.par les 10.000 personnes environ
3ui s'y sontréinstallées. L'e.xpérience m'a montré qu'il était
très difficile de décider les habitants à quitter leur case ; il
faut pour cela posséder sur eux une autorité réelle, autorité
faite de science vulcanologique reconnue, d'estime et aussi
^ ÉRCPTION DE LA MONTAGNE PELÉE A LA MARTLXIQUE 105
d'uD vague respect pour le gri-gri ou le « Quimboi », que
celui qui surveille le volcan doit certainement posséder.
Mais en dehors de l'évacuation difficile à obtenir^ou d'une
fuite précipitée et le plus souvent inutile au moment d'un
paroxysme, il y a un moyen d'éviter de nouvelles héca-
tombes humaines. J'ai constaté en effet que les éruptions ou
leur agent actif, les nuages denses, n'afïouillaient pas, qu'ils
rasaient exclusivement tout ce qui était en saillie sur le
sol. Des caves bien closes, permettraient certainement à
ceux qui s'y réfugieraient à temps, de braver une éruption.
A la Martinique, il n'existe pas de caves, mais chaque
habitation possédait autrefo's un abri bien clos, peu en
saillie, que l'on appelait (( case à vent » car il servait d'abri
pendant les cyclones, si fréquents dans cette région.
Les rares cases à vent de la zone dévastée ont été retrou-
vées intactes; au Parnasse, près de Saint-Pierre, on a mê-
me trouvé une poule vivante, deux jours après la catastro-
phe, couvant tranquillement ses œufs alors que tout avait
pénaux environs.
J'ai insisté par tous les moyens en mon pouvoir pour
["* <|ue chaque maison de la zone dangereuse soit pourvue
I d'one case à volcan, simple tranchée couverte et fermée,
i Ces cases h volcan en qui j'ai une confiance absolue, ne sont
I pas aussi répandues que je l'aurais désiré, elles sont cepen-
dant le seul moyen de rendre cette région du nord habita-
ble sans danger pour les personnes.
Pour apprécier les phénomènes volcaniques, il faut de
toute nécessité, les observer d'une manière continue, c'est
ce but que remplit l'observatoire créé par M. Lacroix au
! Morne des Cadets, que j'ai dû faire reconstruire totale-
ment après le cyclone du 8 août 1903 qui l'avait complète^
ment rasé.
Cet observatoire a été dirigé pendant deux ans^avec une
intoUigance et un dévouement c|ui n'ont pas encore reçu leur
106 L*ÉRUPTI0N DE LA MONTAGNE PELÉE A LA MAltTlNlQUE
récompense, par le capitaine d'artillerie coloniale Perney
Le service de surveillance, depuis mon départ de la Marti-
nique,a été confié à M.Guinoiseau qui, pendant deux ans, a
dirigé le poste d'Assier et qui m'envoie chaque mois le dé
tail des observations relatives au volcan.
L'observatoire est pourvu de sismographes très sensibles
qui enregistrent fréquemment des tremblements de terre.
Il faut espérer qu'ils en auront rarement à enregistrer
de semblables à celui du 16 Février dernier, qui a causé des
dégAts sérieux à la colonie, surtout à Fort-de-France.
Les journaux ont annoncé à ce moment une recrudes-
cence de l'activité du volcan ; cette recrudescence a été insi
gnifiante, il n'y a môme pas eu de nuages denses,niaison8
exagéré par suite de la croyance erronée en une corrélation
entre les tremblements de terre et les éruptions volcaniques.
Ces deux phénomènes sont sans doute liés à une même
cause initiale, l'instabilité de Técorce terrestre. La Terre
se refroidit et par suite se contracte, diminue de volume.
L'écorce superficielle doit se plisser pour rester appliquée
contre le noyau interne, peut-être liquide, mais les plisse-
ments n'affectent que certaines zones, d'autres s'effondrent
en masse Sur les bords de ces fosses d'effondrement app8"
raissent des volcans. De plus ces zones faibles, par suitedes
tassements qu'elles subissent fréquemment, sont des régions
à tremblements de terre. Le tremblement de terre est géné-
ralement le contre-coup superficiel d'un tassement dans l8
profondeur. Uae de ces fosses d'effondrement estconstituéc
par la mer des Antilles qui, à une époque géologique rela
tivement récente, n'existait pas, elle était un continent
Cette région a subi un effondrement de 4.000 mètres,ausî
ses bords soi)t-ils jalonnés par des volcans et affectés i
tremblements de terre. Il en estdemôme pour la côte oriei
taie du Pacifique. C'est à cette situation tristement privil
L ÉRUPTION DE LA MOXTAGxNK PELKE A LA MARTINIQUE lO?
giéeque San Francisco et, il y a quohiues jours, Kingstown
à la Jamaïque, doivent leur destruction.
Depuis le mois de juin 1905 le volcan est beaucoup plus
calme et il ne manifeste son activité que par un faible dé-
gagement de vapeurs ; la végétation envahit ses pentes.
Un service de surveillance beaucoup plus sommaire
(un homme monte chaque semaine prendre les températures)
a été organisé à la Guadeloupe où un volcan, La Soufrière,
identique àcelui de la Martinique, émet des fumerolles d'une
manière continue. De nouvelles fumerolles en voie décrois-
sance situées au Sud du dôme de la Soufrière, au col de
de l'Echelle, indiquent sans doute l'emplacement du cratère
delà prochaine éruption, qui, il faut l'espérer, est encore
bien éloignée, mais qui anéantirait, comme Ta été Saint-
Pierre, le Camp-Jacob, résidence fort agréable du Gouver-
neur, Gourbeyre, Basse-Terre la capitale de l'Ile.
A Saint-Vincent, la Soufrière a eu des éruptions, aux
ménaes époques que celles de la montagne Pelée et absolu-
ment semblables. Les phénomènes de dévastation y sont
identiques. Lecratère est plus profond, plus grand (GOOmètres
de profondeur et 1 kilomètre de diamètre) et plus impres-
sionnant que celui de la Martinique. H ne s'y est pas formé
dedôme.S'il n'y a pas eu autant de victimes à Saint-Vincent
qu'à la Martinique, c'est que la capitale, Kingstown, se
trouve dans le Sud et qu'il n'existait autour du cratère que
des localités peu importantes.
Je ne vous parlerai pas des nombreux volcans de l'Amé-
rique Centrale (Santa-Maria au Guatemala, Izalco au
Salvador, CoHma au Mexique), qui étaient en éruption en
même temps que la Montagne Pelée, entourant la mer des
Antilles d'un cercle de feu. Je ne les ai pas explorés mais,
d'après les faits publiés, les phénomènes ont été les mêmes
dans tous ces volcans andésitiques ; les nuages denses ont
existé partout et partout ont fait des victimes.
108 l'éruption de la montagne PELKE a la MARTINIQUE
Les éruptions des Antilles avaient fait naître des inquié-
tudes au sujet des volcans si pittoresques et si nombreux du
Massif Central dont beaucoup, le Puy-de-Dôme, le Puy
Chopine, le Mont-Dore, le Canta^, le Puy Griou et tant
d'autres, ressemblent d'une manière si parfaite à la Monta-
gne Pelée. Je crois que nos volcans sont éteints, tandis que
ceux des Antilles, en dehors des périodes paroxysmales,
persistent à l'état d'activité ralentie, de solfatares,tels ceux
delà Guadeloupe, delà Dominique, de Sainte Lucie. Le
repos de nos volcans est déjà bien ancien et il pourra assu-
rément cesser, mais à une époque que rien encore ne nous
permet de prévoir. Nos descendants — rien ne fait en effet
supposer que nous pourrons assister à ces spectacles inou-
bliables — seront d'ailleurs prévenus par de nombreux
phénomènes : élévation de température et modifications
des sources thermales, grondements, apparitions de fume
roUes, etc., qui les mettront en garde.
Bien que cette causerie soit déjà trop longue et que je
risque de lasser votre patience, je ne peux abandonner le
sujet sans vous indiquer en quelques mots la place qu'oc-
cupent les éruptions de la Montagne Pelée dans l'ensem-
ble des manifestations volcaniques. Il y a quelques mois
encore, bien que l'on pressentit la vérité, on considérait les
dernières éruptions de la Montagne Pelée comme des
exceptions. M. Lacroix, à la suite d'une mission qui lui a
permis de suivre toute l'éruption du Vésuve en 1906, vien*
de préciser, dans un mémoire fondamental et qui restera
classique, la série des paroxysmes volcaniques. Il démon-
tre clairement que la caractéristique des éruptions n'est pas
fournie parla composition chimique du magma, mais seule*
ment par l'état de viscosité de la lave au moment des
paroxysmes.
Lorsque le magma est très fluide et s'écoule commô^il
liquide parfait^ il ne se produit aucune explosion violente «
l'éruption de la montagne pelée a la MARTINIQUE 109
c'est le type Hawaïen fourni par les volcans de l'archipel
d'Hawaï (Mauna-Loa et Kilauea).
Avec une lave un peu moins fluide, il se produit des
explosions qui projettent des parties de magma fondu retom-
bant sous formes de « bombes » ovoïdes, arrondies ; c'est le
type « Strombolien » tiré du mode d'activité normale du
Slromboli et qui a été si fréquemment réalisé eu Auvergne.
L'éruption actuelle du Mauna-Loa semble appartenir par
exception, à ce type Strombolien.
Si le magma est très visqueux au moment de l'éruption,
soit»par suite de refroidissement superficiel de la lave, soit
par suite de sa viscosité, des fragments de lave anguleux,
souvent consolidés, sont projetés par de violentes explosions
qui entraînent en môme temps de la lave pulvérisée à l'état
de cendre.C'est le type « vulcanien» tiré de l'éruption de Vul-
cano en 1888-1889. Ce mode n'olïre le plus souvent qu'une
période paroxysmale très courte ; dès que la carapace
superficielle délave a été projetée, la lave plus fluide s'écou-
le et l'éruption se termine assez vite. C'est le cas du Vésuve
en 1906.
Mais si la lave est particulièrement visqueuse, la vapeur
d'eau éprouve toujours la même ditïïculté à s'échapper, la
lave ne s*écoule pas, se consolide au fur et à mesure dans
lecratère. L'éruption, très longue, est une suite de violen-
tes explosions entraînant à chaque fois de telles quantités
délave pulvérisée à l'état de cendre, que l'émulsion de va-
peur d'eau et de cendre, excessivement lourde, ne s'élève
plus verticalement mais se déplace hori/ontulement avec la
vitesse effrayante des nuages denses. C'est là le type si
meurtrier des éruptions de la Montagne Peice qui semble
avoir été la règle pour les éruptions anciennes de ce volcan
alors qu'on n'en connaissait pas d'exemple historique
ailleurs.
J'ai laissé de côté, faute de temps, bien des questions
110 l'éruption de la montagne pelée a la MARTINIQUE
intéressantes, j'ai dû me borner à mettre en relief le
caractères si spéciaux des éruptions de la Montagne Pelée
îl faudrait un véritable cours pour épuiser le sujet.
Il ne serait pas moins intéressant de montrer avec quelle
rapidité, grâce au concours de tous et au crédit que beau-
coup d'entre vous sans doute ont bien voulu lui faire, la
Martinique s'est relevée de cette catastrophe. Si le deuil res-
te au cœur des nombreuses familles éprouvées, la confiance
est revenue, avec raison, je crois ; la végétation renaît jus
que sur les pentes du volcan et la vie a repris son cours
normal dans cette colonie si féconde.
Vous me permettrez de vous remercier de l'attention
soutenue que vous avez bien voulu m'accorder et de témoi-
gner à la Société de Géographie Commerciale du Havre,
à son éminent président M. Dupont, à son actif secrétaire
général M. Loiseau, toute ma reconnaissance pour Thon
neur qu'elle m'a fait en me chargeant de cette conférence.
Votre présence en aussi grand nombre dans cette salle
pour écouter un sujet qui depuis longtemps n'est plus d'ac-
tualité, montre combien vivace est le souvenir de l'elTroya
ble. tragédie de Saint Pierre, quelle profonde et douloureuse
pitié elle éveilla en vous. Mais elle montre aussi que le
magnifique élan de solidarité qui entraîna l'I'nivers entier
au secours des malheureuses victimes de la Montagne
Pelée, se renouvellerait dans des circonstances semblables,
et c'est une constatation réconfortante que cettecoalition des
forces généreuses de l'humanité contre les forces brutales
de la nature.
Jean Giraud
Maître de Conférences a VVniversHê de Clennont-Fernnd
liégendaife. Pittoresque et Aneedotique (1)
Mesdames, Messieurs,
N'e vous semble-t il pas,par ces temps que nous traversons,
qu'il ferait bon de se rendre dans le Midi? Nous allons donc,
si vous le voulez bien, faire un voyage dans le Sud. Nous
allons descendre vers le soleil, nous allons vagabonder dans
la lunQÎère et Tazur. Nous allons^ durant quelques instants,
lâcher d'oublier le brouillard, les pluies, la boue et le froid.
Nous allons admirerce pays merveilleux, cette terre d'épopée
qui s'appelle T Espagne.
Je voudrais vous rendre amoureux, tous, de cette contrée
magnifique qui satisfait à la fois Tintelligence, l'imagination,
l'esprit et le cœur.Je voudrais qu'en sortant d'ici, votre déci-
sion fût prise et que vous déclariez tous : c'est là que je ferai
mon prochain voyage.
Il n*est point très facile, je le sais, de visiter l'Espagne.
Il est bon, pour se lancer de l'autre côté des Pyrénées, de
n'èlre pas pressé, les communications y sont d'une lenteur
désolante. On conte qu'un jour, sur une ligne d'Andalousie,
deux amis causaient, l'un était accoudé à la portière d'un
wagon, l'autre, à pied, accompagnait le train en marchant
au bord de la voie. Après quelques minutes de conversation,
le piéton souleva son chapeau et dit: « Je vous demande
I .1} Conférence faite le 14 Décembre 1906 devant la Société de Géogra-
I phie Commerciale du ^avre.
112 l'espagne légendaire, pittoresque et anecdotiquç
pardon ; mais je suis un peu pressé ; vous ra*excuserez 3
je passe devant. » Et accélérant légèrement le pas, il laissa
le convoi derrière lui. . . Il y a là sans doute, quelque exa-
gération, mais pas si grande que l'on pourrait le croire.
Le confortable aussi, en dehors des grandes villes, est
parfois sommaire, les matelas ressemblent à des planches
en cœur de chêne, et les draps apparaissent souvent assez
semblables à des mouchoirs de poche. Il se peut aussi que
la nourriture occasionne quelques souiïrances aux palais
délicats. Sa base principale est Thuile rance. Et ceux qui
se refuseraient d'y goûter devront se résigner à sentir son
odeur pénétrante qui se glisse partout et dont ilsnesau-
raient,môme au prix de mille peines, protéger leurs narines
délicates.
On se consolera en mangeant tous les jours de mer-
veilleuses oranges, toutes fraîches cueillies, juteuses et par-
fumées et qui semblent vous faire passer dans la gorge un
rayon du soleil qui les a mûries.
Et puis, les voyageurs sérieux, ceux qui ne reculent pas
devant une peine lorsqu'elle doit leur procurer un plaisir*
feront fi de ces vétilles, les joies qu'ils ressentiront leur en-
lèveront le souci de ces quelques ennuis-
En somme, pour visiter l'Espagne, il faut avoir un esto-
mac solide, de bonnes jambes, un caractère aimable et
conciliant, quelque sens pratique, une patience éprouvée,
et un peu de cette philosophie qui se console d*un mal en
se félicitant qu'il n'ait pas été pire-
Ce sont là des qualités que vous avez tous. Nous allons
donc partir en examinant tout d'abord sur la carte le trajet
que nous allons parcourir.
Après quelques instants d'arrêt à Biarritz et Fontarabie
qui sont pour la plupart d'entre vous de vieilles connais-
sances, nous filons directement sur Burgos. dans la vieille
Castille, pour descendre ensuite sur Madrid, la seule capi-
L*E8PAGKE LÉGENDAIRE, PITTORESQUE ET ANECDOTIQUE 113
taie qui marque à peu près le centre exact du pays qu'elle
dirige. Puis nous visiterons Tolède, l'ancienne et glorieuse
capitale, Cordoue, la ville fleurie, Séville, la ville joyeuse,et
Cadix, la ville blanche. Nous suivrons la côte pour atteindre
Tarifa, pointe extrême de TEspagne, et ensuite, Algésiras.
Là, nous nous embarquerons pour Tanger,une petite pointe
au Maroc devenant nécessaire lorsqu'on passe si près de
l'Afrique. De Tanger, nous viendrons débarquer à Gibraltar,
le rocher anglais, pour remonter sur Ronda, une merveille
de petite ville pittoresque, et redescendre sur Malaga que
tous connaissent pour avoir vu son nom, au moins sur une
bouteille. De là, nous nous dirigerons sur Grenade, la perle
de la péninsule, la ville admirable qu'un poète afïirme être
un morceau du ciel tombé sur la terre* Nous continuerons
ensuite sur Lorca et Murcie,la ville alanguissante et molle.
Suivant toujours le littoral, nous passerons à Elche, célèbre
par ses palmiers orgueilleux, à Alicante, voluptueusement
étendue sur les bords d'une mer bleue, à Valence, la patrie
des oranges, et à Sagonte, la ville antique qu'Annibal dé-
truisit autrefois. Puis nous rentrerons dans les terres pour
arriver à Sarragosse, la ville héroïque, qui sera notre
dernière étape.
Tout le monde connait Biarritz, la mer et les rochers. Ro-
chers magnifiques,rochers pittoresques, mais qu'il faut mieux
voir Tété. En passant au printemps^ on assiste aux répara-
tions, on constate qu'un ciment habilement appliqué est né-
cessaire pour réparer les dégâts causés par les caresses un
peu brutales des vagues. Et cela enlève quelques illusions,
c'est cependant une des choses les plus nécessaires À la vie.
Arrivons à Fontarabie.Cette curieuse petite ville avec ses
vieilles portes fortifiées, ses rues étroites et ses maisons
aDciennes,nous donnedéjà une idée très nette de l'Espagne
où nous allons entrer.
Sa grande rue, avec ses toits en saillie nous apporte
8
114 L*E8PAGNE LÉGENDAIRE, PITTORESQUE ET ANECDOTIQUB
comme un avant-goût de ce que nous verrons à Tolède e
à Séville.Sans nous attarder, nous descendrons sur Burgos'
La ville du Cîd. Nous voici sur la promenade de V Espolon
encore privée de ses feuilles, car Burgos est une des villes
les plus froides d'Espagne.
Au bout de TEspolon se trouve Tare de Sainte-Marie, et
juste en face, le pont sur l'Armanzon. L'architecture de
cette porte est curieuse. Parmi les six statues, on remarque
celle de Charles-Quint et surtout celle du Cid, le grand gé-
néral qui fournit à Corneille une si belle tragédie. Maïs si
le Cid était un grand général, il faut reconnaître qu'il avait
parfois, pour se procurer de Targent, des moyens singuliers.
Il eut un jour besoin de deux mille pièces d'or. Le but était
louable, il s'agissait de lever des troupes pour combattre les
Maures. Or, le Cid avait des idées larges; il pensait volontiers
qu'à une époque troublée, alors qu'il s'agissait de découdre
quelques infidèles, il fallait voir la fin et non pas les moyens.
C'est pourquoi il mit dans un grand coffre de fer,de nombreu-
ses ferrailles et de lourds cailloux. Puis, muni de ce coffre,
que portaient avec peine quatre vigoureux serviteurs, il se
rendit chez un usurier et lui affirma qu'il contenait des
bijoux précieux et de la vaisselle d'or. Et l'usurier, d'une
naïveté qu'on rencontrerait difficilement de nos jours, avan
ça deux mille pièces d'or sur un gage qui en valait bien
deux... Ce coffre fameux a été conservé. On peut le
contempler dans la salle du chapitre de la cathédrale ; la
relique est curieuse, bien que peut-être un peu inattendue,
car en somme, ce coffre a servi à voler. L'ironie des choses
se manifeste parfois. . .
Voici le monument du Cid. La maison du noble Espagnol
s'élevait à cette place. Chimène habita cette maison et y fut
souvent délaissée. La vaillante fille qui s'offrit, suivant
Corneille, au duelliste heureux qu'elle aimait, s'aperçut bien
vite que le mariage d'amour n'est pas toujours la forteresse
L*EBPAGNE LÉGENDAIRE, PITTORESQUE ET ANECDOTIQUE 116
lu vrai bonheur. Elle n'eut que des joies fugitives et mou-
rut très pauvre, dans une simple maisonnette. Son mari^ le
rélèbre Campeador, eut une fin plus pittoresque et dénuée
le banalité. Il trouva moyen, en efïet,de gagner une bataille
après sa mort. Le fait doit être unique dans l'histoire et
mérite d'être conté. Le Cid, épuisé depuis longtemps, s'étei-
gnit un soir dans sa tente, la veille d'un grand combat*
Annoncer cette mort, c'était préparer la défaite; aussi son
écuyer la dissimula avec soin. Bien plus, le lendemain, au
moment où l'action s'engageait, il habilla le cadavre de
l'armure la plus étincelnnte et lui mit dans la main sa plus
lourde épée. Puis il le campa, solidement attaché, sur le
plus fougueux destrier. Et le Cid, mort depuis quinze heures,
chargea les infidèles à la tête de ses troupes. Le cadavre fut
d'une témérité folle. Il montra un mépris absolu du danger.
On ne voyait que lui dans les plus épaisses mêlées et il
semblait insensible, comme vous le pensez bien, aux plus
terribles estocades. Epouvantés, les ennemis s'enfuirent,
laissant sur le terrain des milliers de morts et vingt-deux
deleurschefs.EtvoilàcommentleCid Campeador remporta,
quinze heures après avoir cessé de vivre, la plus belle vic-
toire de son existence.
Voici maintenant la maison du Cordon, aujourd'hui la
capitainerie générale, autrefois le somptueux palais du
connétable Velasco. Les armes du connétable sont enfer-
mées dans le cordon de Saint-P>an(;ois et cela donne à la
porte un aspect original et singulier.
Nous allons maintenant à la cathédrale que l'on aper(:oit
out BU bout d'une rue, avec une de ses tours si prodigieu-
lement sculptées.
Voici l'entrée principale de ce monument merveilleux, iin-
ressionnant, que Philippe II déclarait une création des an-
esel non uneœuvredes hommes. C'est peut-être, commeox
rieur, la plusbelle cathédrale deTEspagncOn éprouve, en la
116l*E8pagnk légendaihe, pittoresqce et anecdotique
contemplant, un sentiment profond et curieux d'impossible
réalisé.Et comme nous admirions, éblouis parlant degran-
deur, un mendiant s'approcha, et nous dit : «Senores, donnez
une petite aumône, « mi limosiaila » pour payer la joie que
vous avez à voir la belle église. ))La formule était ingénieuse,
le pauvre eut une pièce blanche.
L'ensemble est une véritable dentelle. Pour décrire cette
chose inouïe, il faut se reporter à Théophile Gautier :
(( Une foule innombrable de statues de saints, d'archan-
ges, de rois, de moines, anime toute cette architecture,
et cette population de pierre est si nombreuse, si pressée, si
fourmillante, qu'elle dépasse a coup sur le chitïre de la popu-
lation en chair et en os qui occupe la ville. . »
El l'intérieur de cet admirable chef-d'œuvre ne le cède
en rien à l'extérieur, (c C'est, dit Théophile Gautier, un
gouiïre de sculptures, d'arabesques, de statues, de colon-
nettes, de nervures, de lancettes, de pendentifs, à vousdonnef^
le vertige. On regarderait pendant deux ans, qu'on n'auraili
pas encore tout vu. C'est touffu comme un chou, fenêtre
comme une truelle à poisson; c'est gigantesque comme une
pyramide et délicat comme une boucle d'oreille de femme*
Et l'on ne peut comprendre qu'un semblable filigrane puisse
se soutenir dans l'air depuis des siècles. . . »
La chartreuse de Miraflores est tout auprès de Burgos.
Devant un retable superbe, se trouve les deux plus riches
tombeaux de marbre qui se puissent voir en Espagne. H^'
abritent Jean II et Isabelle de Portugal, sa seconde femme.]
Nous iirrivons à Madrid. Nous voici sur la place d'Orient,
devant le palais royal. Cette place fut faite par Joseph Bo-
naparte, alors qu'il était roi d'Espagne.Ce prince appréciai!
le grand air. Le palais lui sembla étouffé par les maisons
trop proches. Le remède fut énergique et prompt. Quelques-
centaines de nuK'ons furent appelés el,sur lesordres du roii
ils abattirent une église, cinq cents maisons et six couvents.
L ESPAGNE LÉGENDAIRE, PITTORESQUE ET ANKCDOTIQUE 117
La place d*Orient était créée. C'est sur la place d^honaeur
du palais que la parade a lieu chaque matin à 10 heures.
L.e roi y assiste souvent du haut d'une terrasse. Le palais
royal est grandiose. Il date de 1738, et il coûta la modeste
somme de soixante-quinze millions.
Comme nous sortions du palais, nous rencontrâmes jus-
tement le jeune roi. Déjà, nous Tavions vu la veille, jour
de Pôques, en grand costume de gala, se rendant à loflice
dans la chapelle du palais. Il est sympathique ce jeune roi.
Sa fierté d'Espagnol est souriante et bonne. Nous le voyons
ici conduisant sa mère et sa sœur vers le parc du palais.
Alphonse XIII, parait-il, conduit remarquablement bien,
d'une main très souple et très ferme. Il faut lui souhaiter
de diriger avec la même aisance le char plus lourd de l'Etat.
La place Mayor avec la statue de Philippe III, grimpé
sur un cheval à croupe volumineuse, est complètement fer*
mée. On y accède par quatre entrées couvertes que surmon-
tent des maisons. Elle servait autrefois à tous les usages.
Cinquante mille personnes pouvaient s'entasser aux balcons
qui l'entourent. On y vit des tournois, des exécutions, des
courses de taureaux, des autodafés et des béatifications de
saints. Le 30 juin 1680, on y brûla soixante-dix hérétiques
et durant douze heures, le roi Charles II, la reine et toute
la cour assistèrent à ce charmant spectacle.
Le pont de Tolède est un superbe pont tçut en granitsculpté.
Dessous passe le Manzanarès, une rivière singulière dont
loriginalité consiste à ignorer ce que c*est que Teau. Elle
ne contient que du sable remarquablement sec, ce qui fit
dire à un voyageur facétieux « que les Espagnols qui dé*
pensent tant d'argent pour construire des ponts,feraient bien
den garder un peu pour construire des rivièresn.Et Alexan-
dre Dumas, comme on lui apportait un verre d'eau, un
jour qu'il avait très soif, déclara s (f Non, porte2^1e plutôt au
Manzanarès, il an a bien plus besoin qua moi» ))
118 LKSPAGNE LÉCJENDAIR!:, PITTORESQUE ET ANECDOTIOCE
Il est bon d'ajouter, pour être impartial, que certains
Espagnols alTirment que le Manzanarès est un fleuve ma-
gnifique et puissant. Seuleraent,par une bizarrerie dont on
rencontre peu d'exemples, Teau coule en dessous. El alors
on a construit un pont pour le cas, toujours attendu, où l'eau,
revenant à des habitudes moins spéciales, se mettrait à cou-
ler en dessus.
Un jour cependant, jour célèbre dans les fastes du Man-
zanarès, un homme s'y noya. C'était un ivrogne- Il voulut,
chose habituelle et facile, traverser la rivière ; mais comme
il y avait ce jour-là, une très forte crue, il se trouva qu'il
eut de l'eau jusqu'à la cheville.Epouvanté,il voulut se mettre ,
à la nage ; une congestion le prit comme il barbottait dans |
le sable, et il mourut là, sur le ventre, dans les cinq cen- '
timètres d'eau où sa figure s'enfonçait.
Nous allons nous rendre maintenant au spectacle natio-
nal de l'Espagne. Nous allons voir ce spectacle sanglant qui
révolte les ômes sensibles et épouvante les être timorés*
Nous allons assister à une course de taureaux. Sur le che-
min de rarène,nous trouvons la banque d'Espagne, immense
bâtiment récemment terminé.
Puis on arrive à la fontaine de Cybèle, taillée dans un
seul bloc de pierre. Les Français, lors de roccupation,
voulurent l'emporter, et pour y parvenir, ils la scièrent en
trois. Les morceaux furent encore trop lourds et ils durent
y renoncer.
Nous voici devant les arènes, le jour de PâqueSiOÙ a lieu
la première course de la saison. On commence à y arrîter.
Des gardes à cheval assurent le service d'ordre. Tout un
monde de marchands d'eau,de vendeurs d'orangeSjdedistri*
buteurs de programmes, de mendiants, sont déjà là. Le
concert de cris est assourdissant. Le temps est magnifique,
le soleil radieux, les affaires seront bonnes*
Nous sommes entrés ddns la plaza^ et d'une fenôlro da
L ESPAGNE LEGENDAIRE, PitTORESQUË ET ANECDOTIQUE ll9
premier, nous assistoos à l*arrîvée du public qui se presse
déplus en plus. Il faut avoir assisté au Grand-Prix de Paris
pour se faire une idée de Tanimation prodigieuse de la rou-
le. De brillants équipages, desimpies fiacres, des omnibus,
d'immenses chars à bancs, des tramways, se pressent, se
bousculent et s*accrochent. Tout ce qui peut rouler à
Madrid, parcourt ce jour-là le chemin des arènes. C'est
un défilé à la fois brillant etjaraentable, luxueux et misé-
rable. La manola à la jupe voyante, à la mantille blanche,
y cétoie la pauvre fille en chôle, qui n*a pas mangé pour
avoir un billet.
On ne peut concevoir la frénésie des Espagnols pour les
courses de taureaux, ils engagent leurs matelas pour avoir
Vargent nécessaire. Et sous la porte d'entrée, toujours le
flot se précipite, houIeux,compact,perpétuel. On se deman-
de où tout cela tiendra . Mais il faut se souvenir que les
arènes immenses contiennent douze mille spectateurs. Pas
une place ne restera libre, pas un coin ne demeurera Idoc-
cupé.
Tout le monde est placé. La course commence et les
quadrilles font leur entrée. En avant, les matadors et les
capeadors, puis les picadors à cheval, et enfin les garçons
de service^ surnommés (( singes savants ». Après avoir vu
l'ensemble de la quadrille, nous allons examiner le détail.
Derrière Talguezil qui vient demander au président la
clef du toril, marchent les trois plus célèbres toreros espa*
gnols : Fuentes, Bombita et Algabeno. Ces virtuoses de
Varitauromachique,touchentdecinq à six mille francs par
course. Ils battent, comme émoluments,les records des plus
'ameux ténors. Leurs costumes sont éclatants, tout en soie
de couleur vive, rouge, verte, jaune, bleue, que recouvrent
d'épaisses broderies d*or.
Les picadors, montés sur de maigres haridelles, ontleurâ
jambes gainées de bois, de forts étriers leur protègent les.
120 LESPAGNE LÉGENDAIRE, PITTORESQUE ET ANECDOTIQLE
pieds et un cliapeau large et très dur met leur tête à l'abri
des chocs lropviolents,lorsque le taureau les renverse. Jeter
son chapeau au moment d'attaquer le taureau est, pour le
picador, un véritable Irait de courage. Sur le front des che-
vaux, on peut apercevoir le bandeau qui leur cachera les
yeux pour les empêcher de fuir à l'approche du taureau.
Ces pauvres bêtes se laisseront ainsi plus facilement éven
trer et leurs cadavres, toutes les tripes au venl,seront avant
peu étendus sur le soh
La course est commencée ; le taureau est lâché dans
Tarëne. Ahuri par le soleil» le bruit, les cris, il a tout d'a-
bord des mouvements désordonnés et furieux, il bondit
comme un fou. Il ne sait où courir devant toutes ces capes
rouges qui s'agitent près de lui. Au hasard, il se précipite ;
mais l'homme a sauté de côté, et derrière l'étoffe qui glisse
sur ses cornes, le taureau ne trouve que le vide. Son enne-
mil léger, s*est prestement dérobé.
Et le taureau se venge en déchirant la capa de ses sabots
et de ses cornes. Quelquefois, agile comme un cheval de
course» il saute la barrière ; mais il tombe dans un couloir
étroit où il ne peut se retourner et qui le ramène, par des
portes habilement disposées,de nouveau dansTarène-J'aivu
un taureau sauter sept fois la barrière. On cite le cas d'un
autre qui bondit avec une telle force qu'il passa la barrière^le
Couloir^ la seconde enceinte, pour venir tomber sur les
genoux des spectateurs assis au premier rang. Je vous laisse
â penser ce que fut la panique.
Nousarrivonsaux picadors.Un cheval vient d'ôtre grave*
ment blessé. Affolé, il s'est enfui dans Tarène où il s* abat à
bout de forces.
Voici Tattaque du taureau. Le cheval a déjà la corne à
demi«enfoncée dans le ventre. La dpuleur le fait cabrer.Le
picador soulevé sur sa selle e3saie,daDS uq violent effort de
t^epousser son agresseur avec sa lance. Effort bien inutile,
L ESPAGNE LÉGENDAIRE, ÏMTTORESQUE ET AMEÎGDÔriQÙE 1^1
cor cette lance^qui ne doit pas blesser grièvement le taureau,
est terminée par une boule à laquelle est fixée une pointe
d'un centimètre environ. Le cavalier a donc pour mainte-
nir le taureau la seule force de son poignet. C'est peu, aussi
la chute est proche.Le cheval, ouvert comme un fruit mûr,
va s'abattre, les pattes embarrassées dans ses entrailles.
Déjà tous se précipitent, les uns pour relever le cadavre,
les autres pour entraîner le taureau, l'éloigner derrière leur
cdpa déployée, d'autres enfin, pour achever le cheval d*uu
coup de poignard sur la nuque.
Une situation critique, c*est quand le taureau et Thomme
se touchent . Peu de craintes à avoir,car la souplesse de Fun
aura sans doute raison de la force brutale de l'autre. Il y a
assez souvent des accidents, mais généralement les blessu-
res reçulîs sont peu graves. S'il y a dans toute l'Espagne,
où un millier de courses, qui coûtent la vie à 6.000 taureaux
environ, ont lieu chaque année,un ou deuxhommesde tués
c'est tout. Un plus grand nombre de jockeys trouvent cer-
tainement la mort sur nos champs de course de France.
Le taureau, saignant sous les banderilles qui lui déchi-
rent le garrot, épuisé par la lutte qui est près de finiri
s accule à la'barrière.
L'heure a sonné : le taureau va mourir, le matador, son
épée d'une main, sa muleta de l'autre, s'avance à sa ren«
contre.
Les voici face à face, le taureau Tœil fixé sur le chifion
rouge qui s'agite devant lui, l'homme demi-plié, l'épée
droite, tout prêt à bondir en avant, car il faut que son
bras passant entre les cornes, vienne enfoncer l'épée entre
les deux épaules. Le moment est solennel, pas un mot ne se
dit dans l'immense arène. Un peu en arrière se tient un ca-
péador, tout prêt À intervenir en cas d'accident ou de chute«
L'homme s'est détendu. L^épée s'enfonce entre les ban*
(Urilles accrochées au garrot, Êllo va disparaître jusqu'à la
122 L* ESPAGNE LÉGENDAIRE, PITTORESQUE ET ANEGDOTIQÛF
garde, le torero se trouve entre les cornes du taureau. Que
l'animal relève la tête et l'homme est perdu, le ventre
ouvert comme un cheval. Mais il connaît le danger, son
bras s*est détendu comme un zigzag d'éclair, et lorsque le
taureau blessé à mort, se redresse violemment, le matador
n'est plus là. Tranquille à deuxpas,et un poing sur la hao
che, il regarde, souriant, son ennemi mourir. Il faut enten-
dre alors les acclamations. Elles roulent immenses comme
un bruit de tonnerre. Douze mille personnes, debout, hur-
lent et applaudissent. C'est un spectacle prodigieux. Il faut
ajouter que ces acclamations peuvent,en quelques minutes,
se changer en protestations peut-être plus violentes,
plus bruyantes encore. La foule ne pardonne rien, le
favori porté aux nues^devient dans le quart d'heure qui suit,
pour un coup d'épée mal donné,celui qu'on insulte et qu'oD
foule aux pieds.Jamais, en aucun cas, la roche TarpéieDoe
ne fut si près du Capitole. Et cette mobilité extrême de la
foule, n'est pas le côté le moins curieux de ce spectacle
singulier.
La course est finie. Trois mules clinquantes, harnachées
de rouge et de vert et toutes sonnantes de grelots, entraî-
nent les cadavres. Un peu de sable sur le sang et un autre
taureau parait. Une nouvelle course commence. Pour juger
les courses de taureaux, il faut en avoir vu, non pas une,
mais dix, afin de se libérer de Témotion inévitable des pre
miers jours. On y trouve alors un spectacle incomparable
et captivant. Pendant les deux ans que j*ai vécu en Espagoei
j*y ai assisté presque chaque dimanche, et celai je
vous le jure, ne m'a pas rendu sanguinaire ni cruel ; l6i
cœurs, malgré le sang répandu, gardent toute leur sensibi'
lité.
Un jour, un torero tua d*ua coup de sa banderille un
pigeon fatigué qui s'était posé sur la barrière de rarèae« le
public faillit le lyncher, et de formidables huéea Tempe*
l'espagne légendaire, pittoresque et anecdotique 123
chèrent, ce jour-lè,de prendre pari à la course. Il ne faut
point chercher à analyser la psychologie des courses de
taureaux, il faut se contenter de savourer les réelles beau-
tés qu'elles renferment.
Nous arrivons à Tolède, l'ancienne capitale, aujourd'hui
bien déchue,niais qui garde,plantée sur ses rochers abrupts
qu'un fleuve entoure de trois côtés, un air impressionnant
de grandeur et de majesté. En arrivant de la gare, on ac-
cède à Tolède par le pont d'Âlcantara qui enjambe le Tage
de deux arches inégales que surmontent deux tours créne-
lées.
Un long chemin à flanc de coteau mène à la ville, dont
l'origine fabuleuse se perd dans un lointain magnifique de
batailles et d'aventures. Tolède fut une cité guerrière, et
encore aujourd'hui, presque morte, on sent que peu de
chose lui rendrait sa vigueur et sa force.Tolède a un peu la
beauté d'un superbe tombeau ; elle séduit les yeux, elle
captive l'imagination ; mais elle rend triste.
Les principales curiosités sont la perte du Soleil, vieille
de huit cents ans, dont les courbes élégantes et les fines
colonnettes laissent deviner toute la délicatesse de cet art
mauresque, que nous verrons s'épanouira Gordoue, à Séville
et à Grenade.
La porte des Lions, la plus belt» et la plus célèbre de la
cathédrale.
Non loin de la cathédrale, se trouve la superbe porte de
lancien hôpital Sainte-Croix ; aujourd'hui une école mili-*
taire.
Le cloître de Saint-Jean des Rois, que des réparationâ
récentes laissent d'une blancheur trop éclatante, mais qui
garde, avec ses fleurs et sa verdure, un charme délicieux*
Le long du mur extérieur de l'église des fers sont suspendus^
ce sont les entraves qui attachaient les mains des chrétiens
captifs à TAlhambra, lorsque Ferdinand et Isabelle recoo-'
l24 L ESPAGNE LÉGENDAIRE, PITTORESQUE ET ANECDOTICîl*'E
quirenl Grenade. Par d'étonnantes petites ruelles, si à pi-
que les maisons semblent se cramponner les unes aux au
très, pour ne pas rouler sur la pente, nous arrivons à la
porte Del Cambron qui ouvre sur une campagne désolée,
où de pauvres unes pelés portent, d'une démarche souffre
teuse et dolente, un bât qui les écrase.
Suivant les remparts extérieurs, nous arrivons à la por-
te Visagra, que surmonte l'aigle de Charles Quint. Près de
cette porte, se trouvait jadis la tour d'Hercule ; une porte
de fer la fermait. Le roi Rodrigue, il y a douze siècles,
voulut la faire ouvrir, croyant trouver là un trésor. Il ne
trouva qu'une inscription. Ces paroles étaient gravés sur
le mur : « Roi, tu as ouvert pour ton malheur ». Rodrigue
eut peur ; mais la cupidité domina la peur et il entra. Dans
un coffre rouillé, il trouva des étendards aux formes singu-
lières,brodés d'étranges dessins où se voyaient des hommes
noirs. Rodrigue sortit tremblant. Alors un aigle gigantes-
que descendit du ciel ; il tenait dans ses serres une torche
enflammée qu'il laissa tomber sur la tour, et il ne resta que
quelques pierres calcinées.
Peu de temps après, les Maures pénétraient dans TEspa
gne qu'ils allaient conquérir.
Le pont Saint-Martin. Ce fut près de ce pont que Rodri-
gue trouva la cause qui fit se réaliser la prédiction de la
tour. Cette cause était fort jolie. Elle s'appelait Florinde et
était fille du comte Julien, un des plus puissants seigneurs
du royaume. Ce jour-là, Florinde, sur les bords du Tage
s'amusait avec ses suivantes et faisait un concours. IlsV
gissait de savoir qui avait la plus jolie jambe. Un ruban de
soie servait à prendre les mesures, et de toutes les jambeSf
la jambe de Florinde se trouva la plus fine et la plus élé
gante* Or, il advint qu'un hasard permit à Rodrigue,caché
près de là| d'assister au concours. Et ramourisubitemeoti
Ontra dans son cœur^ car le coup de foudre fut de tous les
L*ESPAGNE LÉGENDAIRE, PITTORESQtE ET ANECDOTIQUE 125
temps. Il fît venir Florinde et lui déclara sa flamme avec
passion ; la fille du comte Julien, flattée, ne sut pas résister
au désir de son roi qui était, du reste, un fort joli roi, elle
devint la favorite, et cela fut cause de Tenvahissement de
l'Espagne par les Maures. Nous verrons un peu plus loin
pourquri.
Un ravin grandiose, escarpé, sauvage, entoure Tolède.
II semble que Teau du Tage, si remarquable pour tremper
les armes, brûle et dessèche tout ce qu'elle touche.
X©us quittons Tolède pour arriver à Cordoue, étendue
toute blanche sur les bords du Guadalquivir. Cordoue,com-
me Tolède, est une ville déchue. Elle n'est plus, comme a
dit Gautier, qu'un squelette calciné et blanchi. Et cepen-
dant, elle n'est pas triste. Pour l'étranger qui passe, rien
n'est triste en Andalousie. Il y a trop de soleil, trop de lu-
mière et de fleurs.
Le monument le plus célèbre de Cordoue est la mosquée.
A l'extérieur, on dirait une forteresse, mais d'allure si
complètement orientale, qu'on s'étonne de ne pas voir quel-
que Arabe allongé sur les pierres et dormant au soleil.
L'intérieur de la mosquée est quelque chose d'unique au
monde- Il semble, lorsqu'on pénètre dans cet intérieur un
peu sombre, avec la perspective infinie de centaines de co-
lonnes en marbre rare, aux couleurs variées, qu'on entre
dans un rêve. On reste un moment ébloui etcomme écrasé.
Tous ces arcs rouges, blancs qui se mêlent et se superpo-
sent, déroulent la raison et aussi l'imagination. Et lorsqu'on
peut réfléchir, on s'aper(;oit que ces colonnes sont hautes
de quatre mètres à peine, que ces arcs sont étroits, que la
voùle n'est pas à plus de sept mètres au dessus de la tète. Et
cependant le charme est prodigieux ; l'élégance, l'harmonie
séduisent l'œil, l'enchantent au point de Tempécher de
saisir une erreur ou de voir un défaut. Qu'était ce avant le
seizième siècle, où des chanoines impitoyables, que Charles
126 L*ESPAGNE LÉGENDAIRE, PITTORESQUE ET ANECDOTIQUB
Quint blâma sévèrement, saccagèrent le milieu de cette
forêt de marbre pour y élever un chœur gothique, très
beau sans doute, mais que la colère de le voir là empêche
d*admirer.
A côté de la mosquée se trouve une grande cour toute
remplie d'orangers qui embaument. Une fontaine vient y
mettre Tattrait de son eau fraîche et pure.
Des jeunes filles y passent, des fleurs dans les cheveux,
la démarche souple et gracieuse, la cruche appuyée sur la
hanche que fait saillir le buste incliné de côte. Et pecdant
que la cruche se remplit, au murmure de l'eau courante,de
doux propos s'échangent, sous l'œil bienveillant et quelque
peu mélancolique de commères qui se souviennent de leur
jeunesse.
Comme à Tolède, les rues de Cordoue sont étroites, si
étroites qu'un cavalier a peine à y passer.
Parfois, cependant, dans un joli square tout fleuri, de
vieilles portes conservées par miracle, viennent mettre la
beauté de leur souvenir et l'élégance de leurs sculptures.
Nous voici sur l'emplacement de l'ancien Alcazar.Il n'en
reste rien que le bassin délicieux, tout enguirlandé de ro-
ses, de géraniums et d'œillels. Sur cette place, s'élevait au-
trefois un palais merveilleux, soutenu par quatre vieilles
colonnes de marbre précieux. La sultane, au milieu dô
trésors fabuleux, se trouvait entourée par des lions décris
tal aux yeux de rubis, qui jetaient des parfums enivrauls
dans des vasques de porphyre et de jaspe Et en nous
retirant sous les arceaux demi-ruinés d'une vieille rue
déserte, nous songions, silencieux, au temps qui avait vu
ces splendeurs perdues.
Nous allons maintenant arriver à Séville. Sévilledont
le seul nom éveille des idées de gaîté et de joie et met dans
l'imagination, des bruits de castagnettes et des visions de
danses voluptueuses. Réputation qui n'est point usurpée.
L*E8PAGNE LÉGENDAIRE, PITTORESQUE ET ANECDOTIQUE 127
Séville est joyeuse ; Séville est animée, remuante et tapa-
geuse. Jour et nuit elle est en fête, Séville, en quelque sor-
te, est le casino de KEsp&gne. Mais un casino rempli d'ad-
mirables choses et où abondent les plus superbes chefs-
d'œuvre. Séville n'a qu'un but : plaire et amuser.Elleveut
qu on parle de ses jours, pour ses jardins^ ses monuments,
ses taureaux et son luxe ; elle veut aussi qu'on parle de
ses nuits, pour son animation, ses plaisirs,ses danses et ses
fêtes.Sé^ ille tout entière a le caractère dés femmes qui l'ha-
bitent. Elle est coquette, séduisante et veut être admirée.
II en fut ainsi de tout temps. Au xiv® siècle, Pierre le
Cruel, son roi, l'adorait. Seul la nuit, il courait les rues
comme un étudiant, touchant de la guitare, sous le balcon
des belles,et se battant comme un reître avec des inconnus.
Une nuit, il tua son adversaire ; on sut que c'était lui l'as-
sassin. Alors Pierre le Cruel donna un bel exemple de
justice. En grande pompe, il se jugea lui même et sans
hésiter, se condamna à mort. Puis sur la place de la ville,
il se lit exécuter. . en elTigie. Et tous ses sujets trouvèrent
la plaisanterie adorable,
Il eut des aventures plus tragiques. Il se mit un jour en
tète de séduire Maria Coronel, la plus honnête femme de
Séville, qui n'avait pour lui que dédain et mépris. Il la me-
naça, si elle résistait, de faire pendre son mari. Maria ne
céda pas, mais devenue veuve par ce crime, elle se retira
dans un cloître. Pierre le Cruel que la passion aveuglait, l'y
poursuivit : alors Maria Coronel, sublime, se plongea la
figure dons une jarre d'huile bouillante, afin de détruire à
jamais sa beauté. Pierre I<^' s'enfuit épouvanté, et pour ra-
cheter son odieuse conduite, il fonda un hôpital où Maria
Coronel mourut religieuse.
El lorsque aujourd'hui encore'on croise les Andalouses,
avec leurs jupes voyantes et leurs mantilles blanches, on
cesse presque de blâmer Pierre le Cruel. Les femmes de
128 L*ESPAGNE LÉOENDAIRE, PITTORESQUE ET ANBCDOTiQUff
Séville, agréables par l'harmonie de leur démarche, la sou-
plesse de leur taille, la pureté de leurs lignes et la séduction
de leur sourire, sont irrésistibles pour les yeux. Et il faut
voir le regard que jettent ces admirables yeux. Ecoutez
Théophile Gautier : « L'Andalouse, dit-il, abaisse lentement
ses paupières, puis elle les relève subitement, vous décoche
un regard d'un éclat insoutenable, fait un tour de prunelles
et baisse de nouveau les cils. . . Il est bon d'ajouter qu'une
femme Andalouse regarde avec ces yeux passionnés une
charrette qui passe, ou un chien qui court après sa queue. »
Quant aux Andalous, ce sont les Marseillais de l'Espagne.
Dites-leur ce que vous voudrez, ils ont toujours fait plus
fort. Contez-leur une anecdote, ils vous en conteront dix
infiniment plus amusantes. Nul ne s'entend plus qu'eux à
jeter do la poudre aux yeux. A les en croire, ils sont tous
millionnaires, l'argent pour eux est une chose qui n'a pas
de valeur. Mais ils restent au lit pendant que Ton blanchit
leur unique chemise, et lorsqu'ils reviennent du marché,
où ils ont acheté quelques centimes de légumes ou de riz,
ils laissent sortir avec ostentation, d'un paquet qui semble
fort lourd, les pattes énormes d'une dinde ou d'une oie que
l'on peut croire magnifique. A la vérité, l'Ole ou la dinde
se compose de chiffons, et les pattes si cômplaisammenl
étalées, ne sont que des pattes séchées d'une oie ou d'une
dinde qui exista jadis.
Nous irons tout d'abord visiter l'Alcazar. Nous retrou-
verons là l'enchantement de la mosquée de Cordoue, avec
quelque chose de plus souriant, de plus prenant encore.
Entrons dans le patio de Las Doncellas. C'est dans ce
patio que se payait le fameux impôt des Cent Vierges que
Séville devait au sultan de Cordoue, son suzerain. On a®^
nait là les plus belles jeunes filles de la ville; l'envoyé do
sultan en choisissait cent qui allaient peupler le harem i^
son maître.
l'eSPAGNE LéGENDAIRB, PITTORESQUE ET A2>(ECD0TlQUfi 129
On pénètre de ce patio dans la salle des ambassadeurs,
si finement ouvragée que les murs semblent une guipure de
stuc. Les arcs, les colonnes, les chapiteaux sont des mer-
veilles d'harmonie et de grôce. C'est dans cette salle qu*eiit
lieu le mariage de Charles-Quint avec Isabelle de Portugal.
C'est là aussi que Pierre le Cruel reçut Abou-Sahid, le sul-
tan de Grenade, et ses quarante compagnons. Il les reçut
magnifiquement, les traita de façon royale, puis à la fin du
repas, comme ils avaient perdu leurs forces et que leurs
jambes étaient molles, il les fit tranquillement jeter dans
de profondes oubliettes. Il recueillit ainsi de très riches
bijoux, parmi lesquels un énorme rubis qui fut donné à
Marie Stuart, appartint ensuite à Elisabeth d'Angleterre,
et se trouve aujourd'hui dans les vitrines de la Tour de
Londres.
Tout à côté se trouve le patio de Las Munecas. Pierre le
Cruel y fit tuer son frère. Délicat dans sa cruauté, il sut
donner à ce frère détesté, la joie très relative de mourir
dans un joli cadre.
Les jardins de l'Alcazar, que doivent connaître ceux qui
virent jouer La Favorite^ ont été restaurés dans le goût
français : fontaines de rocailles, amours, petits temples,
bordures de buis et plates bandes de fleurs. Dans ces jar-
dins se trouvent les bains où Maria Padilla,la belle favorite
de Pierre le Cruel, se baignait devant toute la cour. Et pour
plaire à leur roi, pour rendre aussi, disoient ils, hommage
à la beauté, les courtisans avaient coutume de boire Teau
du bain. Or,il advint qu'un jour,un courtisan refusa. Et com-
me Pierre le Cruel, le sourcil froncé, le fixait d'un mauvais
regard, il dit : « Sire, je me refuse à goûter la sauce, de
peur que l'envie me prenne de manger la perdrix. »
Dans les allées, Pierre le Cruel avait fait dissimuler des
jets d'eau clandestins. L'orifice invisible était à fleur de sol.
Le roi conduisait dans les allées des femmes en grande
130 l'espagne légendaire, pittoresque et anecdotique
toilette, et lorsqu'il les voyait bien placées, se promenant ^
avec tranquillité, il faisait soudain jaillir Teau.Je vous lais- i
se à penser la fuite au milieu des jupes retroussées. Elle \
souverain s'amusait comme un roi.
Passant du profane au sacré, nous voici devant la cathé-
drale. Un admirable monument. A Tangle se dresse la ^
Gif aida, la splendide Giralda, la vieille tour mauresque À
d'une si superbe beauté. Elle jette sur l'immense monu- ^
ment, qu'elle domine, toute la poésie de l'Orient. On l'aper-
çoit de partout et, en face du soleil ardent qui l'éclairé,
jaunie parla patine du temps, dans l'atmosphère radieuse-
ment pure du ciel d'Andalousie, elle semble une tour d'or.
Que les Sévillanais la soignent, la surveillent, la préservent.
Si jamais la Giralda s'écroulait, Séville perdrait son auréole.
La cathédrale est une des plus impressionnantes d'Espa-
gne. Parlant des cathédrales espagnoles, un proverbe dit :
(( Burgos la superbe, Tolède la riclie, Léon la belle,Oviedo
la sacrée, et Séville la grande.» Et, eneiïet, la cathédrale
de Séville est immense. Le chapitre en décida la construc-
tion en 1501, et un chanoine dit : « Faisons une œuvre telle
que la prospérité nous croit fous. » Et le chapitre fit une |
œuvre colossale. L'extérieur en est magnifique, l'intérieur
en est saisissant. Aucune église au monde ne produit sans
doute une sensation plus profondément mystique. Il semble
sous ces voiUes majestueuses, dans le clair-obscur de ces
nefs écrasantes, (jue l'îhne est rafraîchie et puriliée. On se
sent envahi par une émotion délicieu.so qui dilate le ctrur
et l'inonde d'une paix infinie ; l'heure que j'ai passée là
comptera parmi celles qui restent et dont on se souvient
toujours.
La tour de l'Or est sur les bords du Guadalquivir.Elle fut
remplie, dit la légende, des trésors que Ghrisloplie Colomb
rai)porta d'Américiue. Tout près de celte tour, une autre
légende place un fait merveilleux. Don Miguel de Marana,
L*ESPAGKE LÉGENDAIRE, PITTORESQUE ET ANECDOTIQUE 13l
)D ancêtre de don Juan, dont il avait les succès et le cynis^
ne, prétendait n^avoir peur de rien. Et le diable, agacé de
;elte suffisance, fit le pari, un jour, de Tépouvanter. L'oc-
casion se présenta bientôt. Un après-midi que don Miguel se
)ronienait sur les bords du Guadalquivir,son cigare s'étei-
s;nit. Plaisamment, il demanda du feu à un autre prome-
neur, qu'il apercevait de l'autre côté du fleuve. Et soudain
le bras de ce promeneur s'allongea, traversa le fleuve, at-
teignit l'autre rive et approcha des lèvres de don Miguel un
cigare enflammé. Alors, ce dernier, sans même une marque
d etonneraent, alluma son cigare, remercia poliment, et
^rtit avec insouciance et tranquillité. Le diable avait per
du son pari.
Mais un peu plus tard cependant, don Miguel eut peur.
Passant dans la rue, il rencontra un enterrement. Il vou-
lai savoir qui on enterrait. Et il apprit, non sans une sur-
prise assez compréhensible, que c'était lui-même. Gouail-
leur, il exigea qu'on ouvrit le cercueil. Et il se reconnut,
verdâtre et décomposé, les doigts crispés, le visage grima-
Cantet atroce. Alors, il tomba à genoux, frappa du front le
pavé et fonda un couvent où il mourut en odeur de sain-
teté.
Une des plus jolies choses de Séville est le patio de la
maison de Pilate. On prétend que cette maison fut. cons-
truite sur le modèle de la maison de Pilate,où le Christ fut
amené.
Cela prouve que Pilate avait une maison fort belle. Tou-
tes ces arcades élégantes,cette dentelle de marbre etdestuc,
ces larges dalles aux dessins réguliers, cette fontaine élé-
iîmicqui apporte là le murmure joyeux de sa cascade d'eau
cluire, font un ensemble charmant. Ce palais fut célèbre
âiors qu'il appartenait au duc d'Alcala.ll fut le rendez- vous
»le tout ce que l'Espagne comptait d'hommes célèbres. Cer-
Tânlès y fréquenta.
132 l'BSPAOKB LâûBNDAmS, PITTORE80UE ET AKECDOTIQUB
Et comme je tirais quelques clichés de ce patio superbe
j*invitai gentiment la concierge,une pauvre vieille ratatiné
comme un morceau de cuir brûlé,à se placer près d'une co
lonne.La bonne femme eut un mot exquis: « Non,nionsieur
me dit-elle, je suis trop vieille et trop laide pour poserai
milieu de si jolies choses.»
Nous allons maintenant nous rendre à la foire de Séville
cette «foire célèbre dans le monde comme Test en Russie 1
foire de Nijni- Novgorod. La circulation y est telle qu'um
passerelle a dû être construite pour permettre aux piéton
de traverser les routes.
Durant les trois jours de la foire tous les ateliers sont fer
mes, toutes les usines chôment, tous les campagnard
abandonnent leurs champs pour refluer vers la ville.
Et les voilures ne se comptent plus. Il y en a de superbes
attelées de quatre chevaux, il y en a des modestes, traînée
par une simple mule. Mais toutes sont là, sesuivantau pai
rempliesde gens souriants et joyeux de vivrcTouteTEspagn
riche et qui s*amuse ne saurait manquer cette fête national
Car la foire de Séville est une foire de luxe, aux coulu
mes singulières et spéciales. Tout le long d'une large ave
nue bordée d'arbres, des centaines de petites cases de foi
meéIégante,décorées de draperies et de tentures sedresseni
Elles sont louées par les plus grandes familles, les piu
riches, les plus considérées, qui viennent s'installer là, e
plein air, exposées aux regards de tous. Des plantes verte:
des fleurs, quelques jolis meubles, un piano, font de ce
petites cases de véritables salons.
Dans la journée on reste là,tranquille,on reçoit,OD pren
des glaces, on cause, et surtout on se laisse admirer. Cei
en somme le seul but de la foire. Gomme autrefois, e
Grèce, la belle Phryné se montrait au peuple, sans voilei
un certain jour de l'année, les grandes familles de Sévilh
de façon plus convenable toutefois, exposent devant 1
L*ESPAGNE LÉGENDAIRE, PITTORESQUE ET ANECDOTIQUK 133
peuple, leurs femmes et leurs filles, dans leurs plus somp-
tueuses toilettes.
Le coup d'œîl est charmant. Et on se promène là, dans
une atmosphère d*allégresse et de joie> qui atteint son apo-
gée le soir. Alors on danse partout. Cest un roulement
ininterrompu de castagnettes, un grincement perpétuel de
guitareSyUD égrènement continu de notes de piano. Pas une
case où quelques jeunes filles, quelques jeunes femmes,
n'exécutent avec une grâce infinie,les mouvements onduleux
et savants des danses andalouses. Et la foule, heureuse,
contemple toutes ces femmes riches qui dansent pour elle,
devant elle, accueillant d*un sourire les applaudissements
et les cris, et qui demain chasseront Tinsolent qui oserait
3* arrêter devant leurfenôtre. Jusqu'à deux heures, dans
la nuit tiède et pure, sous la lueur éclatante et dorée de gi«
raDdoUes sans fin, d'innombrables guirlandes de lampes
électriques, de milliers de lanternes aux couleurs variées,
c'est un délire, une fôte prodigieuse où une ville entière ne
fait que rire, chanter, danser. Nous eussions dû quitter
Séville sur cette apothéos3.
Mais il nous sembla impossible de quitter la ville sans
voir la manufacture de tabacs. Le souvenir de Carmen nous
bantait. Et nous eutrâmes,tout frétillants, dans l'immense
b&timent.
L'atroce désillusion. Cette manufacture est à peine pro*
pve» Une odeur acre vous contracte la gorge. Dans les
steliers, de vieilles femmes flétries travaillent^ De pauvres
obères fanées^ eux vêtements misérables, roulent des ciga*
rettes auprès de leur enfant couché sur les feuilles de ta<-
bac. Lorsqu'on passe près d'elles, elles tendent la main et
vous implorent d*une voix geignarde. A grand'peine, de ci
^^ là) on découvre une fille un peu plus fraîche,qui permet
H'œil de se donner quelque agrément. La sortie est plus
Itttedlable enooroi oo croirait l'exoda dos hospitalisés do
JSIl'eSPAGNE I.K(îKXDAinE, PITTORESQUE ET ANECDOTIOtÉ^
quohiue asile de nuit. Des soldats sont là, l'œil funèhriîi
atlondant it;ur payse dont raltrail, j'ima^'iue, consiste sur'
tout dans le tabac qu'elle fournit.
Il faut voir Cadix pour connaître l'Kspagne. Nulle par'
la lumière n'est plus éblouissante, le ciel plus pur, le soleî
plus radieux. Cadix, toute entière entourée d'eau, reliée au
continent par un isthme étroit et long, a été comparée, tanl
sa blancheur est éclatante, à une branche de mai fleurie, è
une corbeille de lis, à un rameau chargé de c.olornbes,à ur
plateau d'argent posé sur Tocéan. Et Cadix en effet esttou
cela, car Cadix est une ville blanche, toute blanche, tola
lement blanche. Aucune maison n'a de toit, les terrassa
sont blanches et les belvédères blancs. Les façades peintes,
vernies ou passées à la chaux, sont blanches. Vue de haul
par un soleil vif, cette ville éblouit. Il faudrait, pour lare
garder, prendre un lorgnon noir.
Cadix à l'élégance de sa blancheur, elle est propre com-
me un sou neuf. Les rues qui la traversent, très droites,
semblent d'une longueur infinie. A chaque extrémité, ea
effet, elles ouvrent sur le vide, et laissent apercevoir l'hori-
zon. On dirait qu'elles conduisent au ciel.
Seule la cathédrale, plus riche qu'élégante, tranche de
son dôme jaune sur la blancheur générale. Elle trouble
fâcheusement le coup d'oeil immaculé. Elle est comme une
fausse note dans cette symphonie en blanc,ouplutôt,comme
le ciel radieux y fait bien sa partie, dans cette symphonie
en blanc et m bleu que l'Océan accompagne sourdement
de la voix puissante de ses grandes lames vertes. .
Le marché lui-même à Cadix a des allures élégantes pi
est pavé de larges mosaïques aux desssins réguliers qu'au*
cun détritus ne salit.
Et la colonnade qui Tentoure a bien plus les allures d'un
péristyle d'église, que d'arcades où lennatin leb iégumei
furent vendus.
l'eSPAGNK LÉGENHAinE, PITTOI^ESQUE ET ANECDOTIQUE 135
Lf\ ville entière est entourée de hauts remparts de gra-
nit, remparts souvent insuflisants, et dont les lames attei-
gnent parfois le faîte.
Sur une longueur de cinq mille mètres, ces remparts se
prolongent, dans une ligne capricieusement brisée, où la
houle vient s'écraser, bruyante, pour retomber en flots
pressés, tout frangés d'écume blanche.
Elégante dans ses rues, Cadix est aussi coquette dans
ses places. Des statues les décorent et aussi des bassins^du
feuillage, des corbeilles de fleurs. Il semble qu'un petit coin
de Hollande tout pimpant, tout reluisant, a dérivé du Nord
pour venir s'échouer sur cette pointe du Sud.
Et quand nous avons quitté Cadix, passant une dernière
fois devant la porte Isabelle II, nous avons salué d'un adieu
ému, la jolie ville blanche, devenue bientôt un point dans
le lointain, un point blanc qui retenait encore nos yeux et
nous laissait l'imagination éblouie et l'âme ensoleillée.
Nous ne quittions point Cadix en chemin de fer,il n*y ea
a point tout le long de la côte. C'est une automobile qui nous
emmena» Une automobile confortable, à la vérité, et dont
la pesanteur était une garantie de solidité. Sa lenteur était
admirable et tout à fait rassurante. Uri bon escargot Un peu
entraîné Teùl battue en valsant.
Cette lenteur, du reste, n'empêcha pas les pannes. Dans
ces chemins d'Espagne, montants, sablonneux, malaisés,
six forts chevaux ne traîneraient point un coche. Quarante
chevaux-vapeur nous remorquaient, et cependant, nous
voici embourbés.
Philosophiquement, les voyageurs sont descendus; l'ha-
bitude, cette seconde nature, en avait fait des gens d'une
patience inépuisable et d'une indifférence superbe. Partis
à six heures, nous arrivions à l'auberge où se trouvait le
déjeuner^ vers les cinq heures du soir» On nous servit des
choses innommablesides ragoûts prodigieux, mais qui nous
136 L ESPAGNE LÉGENDAIIIE, PITTORESQUE ET ANECDOTIQIE
parurent délicieux. Le Spartiate avait raison, avec de l'ap-
pétit, le brouet noir de Lacédémone est un régal des dieux.
Nous entrions enfin, à la nuit tombante, dans la pelile
ville de Tarifa qu'habitait le comte Julien, le père de Flo
rinde dont nous avons parlé à Tolède, et qui devint la favo-
rite du roi Rodrigue. Pour se venger, le comte Julien ou-
vrit sa ville aux Maures. Et les Maures envahirent l'Espa-
gne. Le roi Rodrigue accourut ; il était trop tard, son armée
fut écrasée dans un combat terrible qui dura huit jours.
Errant dans la campagne, il fut recueilli par un pauvre
ermite. Et le saint homme, dit la légende, lui ordonna,
pour expier ses fautes, de se coucher dans un cercueil en
compagnie de vipères. Il y vécut trois jours sans être mor-
du ; le ciel eut pitié de lui ; le quatrième jour au matin, une
vipère le mordit, et le roi mourut pardonné.
Ce ne fut qu'à dix heures du soir que nous arrivâmes à
Âlgésiras, où nous devions le lendemain matin nous em-
barquer pour Tanger. Nous avions mis seize heures pour
parcourir un peu moins de cent vingt kilomètres, soit la
superbe moyenne de sept kilomètres à l'heure. Un record.
Le lendemain, après deux heures et demie de traversée,
nous étions à Tanger. Aucun port dans la ville ; des ba^
ques se détachent de la rive pour venir nous chercher.
La mer est calme. Le débarquement a lieu sans incidents,
6 peine quelques valises déchirées par des Arabes trop zé-
léSj à la recherche d'un pourboire.
Et nous montons en ville par la rue des Chrétiens. D'un
seul coup, nous changeons de monde, de civilisation; le
contraste est saisissant dans sa brutalité.
Près de notre hôtel se trouve un minaret. Dès le lende-
main matin, au soleil levant, nous fîmes connaissance avec
le muezzin. D'une voix terriblement criarde, il nous éveil-
la en sursaut. Avec des glapissements d'animal égorgé, il
invoquât Allah dans un tapage extrême. II s^inclinait il
l'espagne légendaire, pittoresque et ANECDOTIQUE 137
bas qu'il disparaissait derrière la balustrade, pour reparaî-
tre soudain comme un boDhomme à ressort, en poussant
des cris de plus en plus aigus. Et je ne doute point que sa
voix, traversant tout Téther et Timmensité des espaces où
gravitent les astres, ne soit arrivée très nette au pied du
trône où Allah doit siéger.
Nous rencontrons un marchand de tapis, il est lô étendu
dans son coin. Il attend la fortune en dormant. Un coup
de vent a renversé ses nattes. Que lui importe, pourquoi se
presser, pourquoi se donner quelque mal? Nul n'est maître
de sa destinée.
Les rues de Tanger sont d'une malpropreté magnifique.
Elles perdraient à devenir propres toutcequi fait leur cachet.
Mais les bazars abondent et vous attirent avec toute leur
pacotille, leur camelote que le marchand veut vendre au
poids de Tor et que Ton obtient pour une pièce d'argent.
Nous prenons la rue qui mène au harem dont on aperçoit
la porte à gauche. II était vide, mais nous ne pûmes entrer,
le regard môme d'un roumi ne devant pas souiller le lieu
où les femmes du sultan habitent.
On voit tout au fond, le palais royal, bien modeste. A
droite le trésor si parfaitement vide, hélas! que les troupes
non payées refusaient de marcher.
Nous parcourons une autre rue, très orientale celle-Iô,
sans une seule fenêtre, afin d*empêcherméme l'échange de
deux coups d'œil.
Le marché, dans une situation magnifique, est vraiment
pittoresque et mouvementé. Mais combien peu appétissantes
sont les choses qu*on y vend I
Le charmeur de serpents a toujours sa place dans un
coin du marché. Nous nous offrîmes, moyennant quelque
menue monnaie, une représentation. Tout d'abord, un petit
Bir de flûte, pour flatter le reptile. Puis le serpent est mis k
Tair. Uq amoUFi ce serpenti une l)ôte ravissapta d'un ]oU
138l'eSPAGNE LÉGENDAIRK, PITTORF.SQL'E ET ANECDOTIQLE
vert clair p.irseiiié de points rouges. On dirait qu'il a des
rubis enchâssés dans la peau.
Ses mouvements sont harmonieux et souples. Il s'enroule
autour du cou de son maître et soudain, empoigne solide-
ment de ses crocs la langue (jue son maître a tirée.
Le sang coule, et le charmeur annonce que le venin déposé
sur sa langue est si violent, qu'il suffit à faire llamber la
paille qu'il va approcher de sa bouche. On sourit, mais la
preuve est vite faite. L'Anihe se pose un bouchon de paille
sur les lèvres, souille. . . et le bouchon fume et prend feu.
Je n'ai pas cherché à com|)rendre.
Nous nous arrêtons devant une boutique à considérer le
marchand. Ce qu'il y a d'admirable dans l'Arabe c'est l'iD-
croyable harmonie de ses attitudes, l'étonnante noblesse
de ses gestes et de sa démarche. Il s'enveloppe de son
burnous avec un art prodigieux. Sarah Bernhardl elle-
même, reine de l'altitude et princesse du geste, comme Ta dit
poétiquement Rostand, prendrait là d'excellentes leçons.
Deux jours plus tard, par les rues abruptes et sinueuses, .
dont la fin semble toujours proche et que des détours brus-
ques prolongent indéfiniment, nous revenions sur la plage,
où une barque nous reconduisait au paquebot.
Quelques heures après avoir quitté Tanger, nous débar-
quions à Gibraltar, rocher impressionnant qui s'allonge sur
quatre kilomètres, semblable, comme Ta dit Gautier, à un
sphinx de granit, énorme, démesuré, gigantesque. Aucun
chemin de fer n'y amène. Il faut y arriver d'Algésiras par
bateau. Les Anglais veulent rester là isolés, complète-
ment chez eux, dans une forteresse inexpugnable, hérissée
de canons, qui les rend, avec Malte, les maîtres de laMédi'
terranée.
La ville, petite et banale, est accrochée à la montagiid
qu'elle escalade jusqu'à une hauteur de cent mètres. Les
habitants s'appellent eu^-mèroes, plaisamment, deslétardi
^e rochçr.
L^ESPAGNE LÉGKNDAIRE, PITtOREâQL'E ET ANECDOTIQUE 139
La moitié des rues sont des escaliers. Partout on ne voit
quo soldats et casernes. Le soir, comme df^ns les villes en
état de siège, le couvre-feu sonne, et plus personne dès
lors ne peut mettre le pied dehors.
Mais si la ville est triste, elle possède sur le flanc du
rjcher, qui regarde la baie, un parc ningnitlque. Ce parc
est élevé; on Tatteint par des allées nombreuses d'où on a
sur le port de merveilleuses échappées. Le mouvement de
ce port isolé est inouï. Plus de cinq mille vapeurs y relâchent
chaque année. Gela prouve l'excellence de sa situation et
avec quel discernement les Anglais surent en comprendre
l'importance stratégique.
Au travers des pins, des arbres et des arbustes verts, les
points de vue abondent. Mais tout y parle guerre. Dans le
port, de lourds cuirassés stationnent,et partout, à fleur d'eau,
les batteries rasantes laissent voir la gueule de leurs
canons. Scellées dans le roc, d'énormes grilles de fer héris-
sées de piquerons et de pointes de lances, entourent plu-
sieurs fois le rocher. Toutes les pentes autrefois herbeuses
ont été cimentées^afin que pas une goutte d'eau ne soit per-
due pour les immenses citernes creusées un peu partout.
Pas un coin, pas un renfoncement, qui ne soit garni
de pièces d'artillerie. Gibraltar qui supporta, en 1779, un
siège de quatre années sans se rendre, est aujourd'hui plus
imprenable que jamais.
Nous nous rendons à la pointe extrême d'Europe. Nous
étions là, à la chute du jour. Devant nous, dans l'atmosphère
d'une pureté extrême, la côte d'Afrique se dressait. Sur
Teau très calme, les rayons obliques du soleil couchant
venaient ricocher au travers de petites vagues. Des navires
passaient rapides,laissant derrière eux un long sillage blanc.
Dans un ciel très bleu, des mouettes, des goélands, des hi-
rondelles de mer planaient avec de petits cris. Et nous avons
pai»sé là) tout au bout d*un continent, les yeux fixéS| par
140 L ESPAGNE LÉGENDAinE, PITTORESQUE ET ANECDOTIQUE
dessus le détroit, sur une autre partie du monde, quelques-
unes de ces minutes supérieures où Thomme, poussière
impalpable dans la Nature splendide et formidable, se sent
cependant plus grand qu'elle, puisqu'il en comprend la
beauté.
En quittant Gibraltar, nous nous arrêterons à Ronda,
petite ville qu'on ne visite guère et qui cependant, est une
des plus curieuses de l'Espagne. Percbée sur des rochers
immenses, coupée en deux par une gorge profonde que tra-
verse un pont magnifîque,elle est pour le touriste un sujet
d'étonnement.On y place de terribles légendes :deux nobles
habitants de Ronda, les frères Calvajol, furent accusés par
Philippe IV, d'avoir assassiné Bernadès, son favori. Les
deux frères protestèrent hautement contre cette infôme ac-
cusation. Philippe IV ne voulut rien entendre, il fit placer
les deux frères dans une cage de fer, et ordonna que cette
xage fût précipitée dans l'abime. Alors, après une dernière
protestation d'innocence, les deux frères, d'une voix qui ne
tremblait pas, citèrent le roi, à trente jours, devant le tri*
bunal de Dieu. Et la cage disparut dans le vide. Vous pouvez
juger de la chute. Un mois plus tard, jour pour jour, PW'
lippe IV mourait. Malheureusement, les renseignements
font défaut sur ce qui se passa devant le tribunal de Dieu»
Nous allons remonter vers la ville. Tout le long de l8
gorge, une série de moulins se superposent, accrochés I^
comme des nids. Ils semblent une poignée de petits jouetB
de Nuremberg, qu'une main d'enfant aurait jetés là ^^
hasard. Un peu partout s'ouvrent des grottes, des anfrac*
tuosités. On conte que dans Tune d'elles, un grand pécheuf
qui avait beaucoup à se faire pardonner, vînt établir ^^
retraite, renonçant au monde, è ses pompes et à ses œuvres»
Dans toute Tardeur d'un repentir sincèrejil voulut B^itùfOSBt
une pénitence inédite et terrible. Il réfléchit longuement! c'
décréta (}ue,jusqu'à la fin de ses jours, il ne mangerait pi"'
l'espaone légendaire, pittohesque et anecdotique 141
quedes noix. Puis il craigoit encore dépêcher par une gour-
mandise haïssable,et il décida.pour ne point manger plus
que le nécessaire, qu'il casserait ses noix en se les frappant
sur la tète. Et malgré le régime, peut être môme à cause de
lui, le saint ermite vécut jusqu'à un âge avancé. S'il vous
prenait idée d'essayer sa métliode, elle est simple et facile
à suivre.
Le pont de Ronda est vieux d'un siècle et demi et sa
hauteur est décent mètres. Il franchit une gorge de 70 mètres
de large. L'architecte qui le construisit, don José de Alge-
guela, n'eut point la joie de le voir achevé. Fôcheusement
distrait, il recula un jour assez mal à propos et se laissa
choir dans le vide. Cela lui permit de jeter rapidement un
dernier coup d'œil sur son œuvre. M^is ses impressions
demeurèrent secrètes, car ceux qui vinrent le recueillir, ne
trouvèrent devant eux, au fond du ravin, qu'un peu de
bouillie rouge.
Il y a encore à Ronda quelques autres ponts qui ne man-
quent pas non plus de pittorescpie. L'été, dans ces gorges,
il règne toujours une fraîcheur délicieuse. Aussi Ronda
est-elle célèbre pour la salubrité de son climat. Les hommes
de 80 ans, dit un proverbe, n'y sont encore que des poussins.
Il paraît qu'un riche Aiiglais^ pris de la nostalgie de ces
gorges superbes, loua une des maisons (\n\ bordent ces
gorges pour les avoir continuellement sous les yeux. Il les
contemplait tout le jour ; le soleil levant le trouvait à son
poste, le soleil couchant l'y éclairait encore. Kt peu à peu,
le vertige des rochers, l'atlraction du goulTre troublèrent
une cervelle déjà un peu faible, et un jour l'Anglais devint
fou. Il voulut épouser l'abime et s'y lan<;a d'un bond en lui
criant sa passion. Les noces furent sanglantes, et il fallut
un drap pour recueillir les restes du pauvre insensé.
Cette contrée accidentée était autiefois infestée de
brigands. Ces brigands, il faut le dire, étaient relativement
142 L*ESPAGNE LÉGENDAIRE, PITTORESQUE ET ANECDOTIQUE
de bons brigands. Ils étaient en effet, charitables et dévots.
Sans doute ils tuaient les riches, c'était leur métier ; mais
sur le butin, ils ne manquaient jamais de réserver la part
des pauvres, non plus qu'une certaine somme destinée à
faire dire des messes pour le repos de l'âme des gens qu'ils
avaient tués. On cite même un chef qui gardait un prêtre
prisonnier, afin que ses victimes ne mourussent point pri-
vées des secours de la religion. Un capitaine habile s'en-
richissait en dix ans. Il obtenait alors facilement sa grôce,
devenait un citoyen excellent, et mourait titulaire de charges
publiques, entouré de l'estime générale. Aujourd'hui, il n'y
8 plus de brigands , mais il reste des contrebandiers. Ce
sont les premiers de rp]spagne et Ronda est fière de ses fils.
De Ronda, nous allons à Malaga. Le paseo de la Ala-
meda est la plus belle promenade de la ville. C'est là que,
chaque soir, les élégantes viennent se faire admirer, car
Malaga, comme Séville, est célèbre parla beauté de ses
femmes. Mais cette beauté dilïère un peu. Alors que les
Sévillanaises posent pour la taille et les yeux, les Malagaises
se déclarent sans rivales pour l'attache du cou et la finesse
delà cheville et du pied. Aussi savent-elles se retrousser avec
un art très parisien et ne mancjuent-elles point de porter des
corsages ouverts qui laissent le cou dégagé. Et tous ces
petits pieds minuscules et cambrés qui trottinent, comme
aussi toutes ces jolies têtes si harmonieusement attachées
à do belles épaules, sont un si agréable spectacle qu'on ne
sait plus du tout, ne pouvant voir tout ensemble, si l'un
doit tenir les yeux levés ou baissés.
Nous sommes montés sur le Gibralfaro, une vieille
ruine phénicienne : ancienne forteresse dont l'ascension est
assez rude, l'ne vue magnifique récompense le promeneur
courageux.
A quelques kilomètres de Malaga, se trouve une proprié-
té singulière; une résidence exquise qui a quelque chose
L*ESPAGNK LÉGENDAIRE. PITTORESQUE ETANECDOTIQUE 143
d'une villeenchanlée. C'est la villa de la Conception. Le parc
dessiné avec un art magnifique, ne contient que des plantes
inconnues, une luxuriante végétation des tropiques qui, au
milieu des sources, des cascades, des ruisseaux, lui donne
un aspect surprenant.
L'étonnement est si vif qu'on se surprend à se demander
si toutes ces plantes bizarres, tous ces feuillages aux cou-
leurs-violentes et diverses, toutes ces tleurs aux formes nou-
velles et aux teintes inattendues, tous ces arbres singuliers,
aux troncs éclatants de blancheur ou annelés comme le
corps d'un serpent, ne sont pas factices et truqués. Si la
ville de Malaga n'offre rien de très particulier, le jardin de
la Conception vaut à lui seul le voyage-
Nous allons maintenant arriver à Grenade. Grenade, le
point culminant d'un voyage en Kspagne, Grenade, dont
je voudrais, avant de vous en montrer les beautés, vous di-
re quelques mots rapides.
Jadis les Maures avaient fait de Grenade une chose mer-
veilleuse et unique. Dans la splendeur d'une végétation
magnifique, ils avaient élevé des palais fabuleux, d'une
richesse de rêve, réunissant toutes les pierres les plus rares,
les arbres les plus précieux, les parfunjs les plus pénétrants,
éblouissants et enivrants. Al Hamar, le fondateur de cette
ville féerique,avait trouvé, dit-on, en creusant la terre, d'in-
calculables trésors. Ils ne lui suffirent pas, et il fallut l'aide
des génies envoyés par Mahomet, pour mener à bien l'œuvre
surhumaine. La ville, disent les chroniques, semblait un
morceau de ciel tombé sur la terre. Les poètes la déclaraient
encore plus belle quele ciel, affirmant que le paradis s'ache-
vait au point où les élus cessaient d'apercevoir Grenade.
Aujourd'hui, Grenade est déchue, (îrenade est pauvre,
Grenade, suivant une belle expression, n'est plus qu'une
ruine vivante. Mais qu'importe? Pour le voyageur, cette
misère, cette décadence, doivent être une cause de joie.
144 L*ESPAGNE LÉGENDAIRE, PITTORESQUE ET ANECDOTIQUE
Toutes les cités qui ont eu une superbe histoire,qui ont vu,
jadis, des siècles merveilleux, des époques magiques de
richesse, d'opulence et de prospérité, qui ont affirmé leur
grandeur, leur puissance et leur gloire en des monuments
magnifiques, restent aujourd'hui plus belles, plus remplies
de charme, plus prenantes en un mot, sous l'aspect désolé
de leur pauvreté, que sous l'aspect brillant de la prospérité.
Bruges, la ville morte est, comme Grenade, un ex&mple
fameux.
L'imagination, que gène le mouvement des villes riches,
reste, dans une cité pauvre, plus libre de vagabonder et
surtout de reconstituer. Car il ne faut pas oublier que le
grand charme du voyage ne consiste pas seulement à regar-
der, mais aussi à se souvenir.
Et c'est pourquoi Grenade, l'admirable Grenade, avec ses
ruelles mal pavées, où les voitures ne peuvent circuler, ses
pauvres ônes poussiéreux et résignés qui passent avec len-
teur suivis de leur conducteur indolent, ses boutiques som
bres, sans portes,où les filles du peuple, la chevelure toujours
égayée d'une touffe de roses ou d'œillels, viennent mettre
l'éclat de leur sourire et de leurs yeux, ses vendeurs d'eau
aux cris stridents et monotones,qui marchent d'un pas lent,
leur panier de verres à la main, courbés sous le poids du petit
tonneau qui charge leurs épaules, ses gitanes effrontées, au
teint brun, aux haillons éclatants, qui vous poursuivent,
vous harcèlent pour lire dans la main ou vendre très cher,
quelque objet sans valeur, Grenade a une allure, un carac-
tère, un charme qui empoigne et qui ravit.
Les voyageurs, en général, y demeurent deux jours. C'est
partir au moment où il faudrait rester. C'est peu à peu que
Grenade vous prend et vous séduit. Après trois semaines
de séjour, je l'ai quittée très triste, presque le cœur gros.
Et c'est pourquoi, adorant cette vieille ville, je cherche à la
faire aimer^ car elle mérite tous les hommages •
L*ESPAGNE LÉGENDAIRE, PITTORESQUE ET ANECDOTIQUE 145
GreDade est dominée par la masse imposante de sa cathé-
drale, aux styles mélangés. Tout au loin, sur la limite de
l'horizon, se trouve une montagne escarpée que l'on appelle
encore le rocher des amoureux. La légende est curieuse :
Ibrahim, le célèbre pacha d'Archidona, une petite ville pro-
che de Grenade, avait une lllle admirablement belle. Il voulut,
comme il arrive toujours dans les légendes et dans la réalité,
la marier à un homme riche et puissant qu'elle ne pouvait
souffrir. La jeune fille qui, sans prendre l'avis de personne,
avait disposé de son cœur, s'enfuit avec ie bel officier qu'elle
aimait. Le pacha écumantmit toute la cavalerie à ses trous-
ses, si bien que les pauvres amoureux qui étaient montés
sur le môme cheval, afin de pouvoir s'embrasser plus sou-
vent, furent cernés sur le haut d'une montagne où un pré-
cipice profond leur coupait la retraite. Ibrahim s'approcha,
menaçant le ravisseur des plus cruels supplices. Alors, la
jeune fille, enlacée à son fiancé, vint se mettre debout sur
la pointe du rocher, tout au bord de l'abîme et elle dit :
«Choisis,père, entre ta fille morte ou épouse de celui qu'elle
aime.» Ibrahim s'approcha sans répondre, et de nouveau la
jeune fille dit : « Père, si tu me touches sans promettre,
il est trop tard, n Ibrahim ne crut pas à la menace,il conti-
nua d'avancer, et quand il ne fut plus qu'à un pas, les deux
amoureux, sans un geste, se laiv^sèrent aller en arrière.
Ibrahim bondit. Il ne put saisir qu'un morceau d'étofïe, et
sa fille, sous ses yeux, s'écrasa au fond du ravin.
A l'abri de la cathédrale, adossée à de hautes murailles,
une jolie construction s élève, c'est l'ancienne Bourse, au-
jourd'hui désaffectée.
L'ancienne Université mauresque fut fondée par You-
souf I«f. Ferdinand et Isabelle y établirent leur palais. Stu-
pidement réparé au xviu^ siècle, le monument reste encore
curieux. Il u'est plus aujourd'hui, après avoir abrité des
savants et dcjs rois,que le magasin' d'un marchand de drap.
10
146 L*ESPAGNE LÉGENDAIRE, PITTORESQUE ET ANECDOTIQUE
Grenade, pauvre d'argent, est riche de fleurs. Elles sont
le luxe qui reste à la ville déchue, luxe dont les plus misé-
rables peuvent faire un abus. Et dans les ruelles étroites et
sombres, leiïrs couleurs vives viennent égayer toutes les
fenêtres, même les lucarnes des plus atroces taudis.
Dans une auberge, une petite auberge délicieuse de frai
cheur, je me rendais fréquemment. J'avais là une vieille
amie, âgée de huit ans, dont je m'étais fait adorer en lui
donnant une pièce d'un franc, une Semeuse toute neuve
qu'elle portait au cou, comme une médaille, et surtout en
lui laissant boire quelques gorgées de la limonade d'orange
que je prenais presque chaque jour. La petite était gour-
mande .comme une chatte et fùtée comme une souris. Elle
aimait, en buvant, à me conter de longues histoires. Il s'a-
gissait toujours de beaux cavaliers qui faisaient des mar-
melades d'Arabes pour délivrer de belles princesses qu'ils
épousaient. « VA si j'étais prisonnière, moi, me dit elle un
jour, prisonnière très, très loin, à Atarfe, par exemple, —
Atarfe est à trois kilomètres — viendriez-vous me délivrer?
«Moi, sans tarder, avec une grande lance et un beau cheval.
Bien sûr ? — Bien sûr !» — «Et vous m'épouseriez ?»— « Je
crois bien, tout de suite.» Et la petite était ravie. Lorsque
je partis, quelques larmes coulèrent dans la limonade qu'elle j
buvait. Puis elle dit à sa mère : « Maman, j'ai un roal dans j
ma tirelire — le real vaut cinq sous —tu me préviendras
quand j'aurai un douro, j'irai voir le sefior en France». I
Or, le douro vaut cinq francs. C'est peu, aussi ma petite 1
amie ne vieht pas, et j'ai très peur qu'elle m'ait oublié.
Nous voici devant l'Alhambra qui sort de la verdure,qui
émerge au-dessus des arbres magnifiques qui entourent la
colline où il est construit. Tout à fait dans le lointain,s'8pe^
çoit la crête où Boabdil s'arrêta après sa capitulation pour
regarder une dernière fois Gpenade, et pleurer. Et c'est
alors que la sultane Ayescha, sa mère, lui jeta l'apostrophe
l'espagne légendaire, pittoresque et anecdotique 147
célèbre : «Va, pleure comme une femme, la ville que tu
n as pas su défendre en homme !^) -Cette crête s'appelle
encore aujourd'hui « le Soupir du Maure ».
Après avoir vu TAlhambra, en face, nous irons le visiter.
Voici rentrée du parc, la porte des Grenades que surmon-
tent les armes de Charles-Quint.
Xous pénétrons dans le parc ; une futaie d'ormes immen-
ses se présente, dont les frondaisons sont toujours agitées
par le vent, alors qu'au-dessous le calme et la fraîcheur ré-
gnent perpétuellement.
Suivant les allées montantes du parc, nous arrivons à la
fontaine de Charles Quint, d'un joli style Renaissance, et
dont le marbre blanc, sous les rayons du soleil à travers le
feuillage, produit le plus curieux effet. Les trois tètes qui
laissent couler l'eau représentent les trois fleuves de la ré-
gion : Le Darro, le Génil et le Beiro.
A rentrée de l'AIhambra la monumentale porte judiciaire
est d'un etïet superbe et imposant
Xous sommes entrés et nous avons devant nous la pointe
extrême de l'Alcazaba, c'est-à dire la forteresse de l'Alham-
l'ra. avec la tour du guet qui domine toute la plaine. Vous
pensez si du haut de cette tour la vue est étendue et belle.
J'y montais souvent.
La cloche qui surmonte la tour, pèse 12,000 kilos. Le
2 Janvier 1492, elle fut mise en branle et sonna 2i heures,
sans arrêt, pour fêter l'entrée des rois catholiques à Gre-
na<h'. Aujourd'hui encore à la même date, la cloche sonne
tout le jour. Ce sont les jeunes filles qui viennent la faire
résonner; elles y mettent toute leur ardeur, toute leur force,
car il est sans exemple que celle qui a le mieux sonné, n'ait
pas trouvé un mari dans l'année.
Admirable est la forteresse dans son cadre de* feuillage
et de fleurs, une forteresse embaumée. Désirant un jour
cueillir quelques fleurs, je demandai l'autorisation à un
148 L'ESPAGNE LÉGENDAIRE, PITTORESQUE ET ANECDOTIQUE
jardinier qui passait. C'était un pauvre bonhomme très pla-
cide et très calme. Il m'autorisa avec ces paroles effroya-
bles : (( Cueillez, Monsieur, une fleur de cueillie, dix de re-
poussées ; ces fleurs là ont pour fumier un sang d'homme,
c'est le meilleur des engrais.» J'étais fl^é d'horreur. Le
bonhomme s'aperçut de mon ahurissement et continua en
riant : « Oh ! Monsieur, ce n'est pas maintenant, c'est jadis
sous les Maures, cjuand on se battait tous les jours, que le
sang à coulé ici ; mais il en reste encore (jucliiue chose.')
Ces paroles me rassurèrent et j'acceptai les fleurs que le
bonhomme en parlant^vait cueillies pour moi.
Cette citadelle était imprenable, aussi Ferdinand et Isa
belle la Catholique, ne cherchèrent-ils point à la prendre
d'assaut ; ils parvinrent ày entrer en lalTa niant par un siège
qui dura neuf mois. Mt il élait grand temps (jue le siège pril
fin, car la reine Isabelle, ainsi que toutes les dames delà
cour, avaient fait le vœu — le fait est historique — de ne pas
clianger de chemise jusqu'à la prise de la ville. Aussilùlle
siège terminé, toutes les chemises vivement enlevées, furent
suspendues en grande pompe, comme des bannières, à la
voOte d'une chapelle. Mlles avaient pris naturellement une
teinte douteuse, jaunâtre, assez semblable à la robedecer
tains chevaux. Kt c'est pourquoi, aujourd'hui, lorsqu'un che
val a l'honneur de rappeler par sa couleur la nuance delà
chemise portée neuf mois par la reine Isabelle, on l'ap]
un cheval isahelle.
Le palais de Charles-Quint, d'une très belle Uenai^s.lnl•e.;
est d'un aspect imposant, mais on voudrait le voir à inilte,
lieues de là, car Charles-Quint fit détruire une parlie de^
l'Alhambra pour élever ce palais qui ne fut jamais liTiflin'^
Au bas dori î)iliers, so trouvent de superbes has-reliei
sculptés en plein marbre, mais cjui perdent au milieu
cetli* ville arabe une grande partie de leur atlrail.
Nous voici près de l'Alhambra dont je liens, avant d^'
l'espagnk légendaire, pittoresque et anecdotique 149
Irer, à vous faire remarquer l'extérieur. Il est terne, banal,
insignifiant. Les Maures ne s*occupaient pas du dehors, ils
ne voyaient que l'intérieur, pour lequel ils réservaient tout
leur art.
En effet, le spectacle change dès l'entrée. Tout de suite,
roeil est séduit et l'Orient se révèle avec son charme séduc-
teur.
Entrons dans la fameuse cour des Lions dont la renommée
universelle est si justement méritée. Il ne faut pas toutefois
venir chercher là un spectacle imposant et grandiose. Il ne
faut pas croire non plus qu'on va trouver dans cette cour
Féblouissement brutal qui stupéfie et déconcerte. La pre-
mière impression est presque décevante.
On a simplement la sensation d'une jolie chose, mais su-
perficielle et factice. II faut y venir et y revenir à celte jolie
chose. Il faut laisser l'œil se perdre dans une multitude
infinie de détails, plus admirables les uns que les autres.
Les architectes latins cherchent dans leurs monuments, à
provoquer une impression grandiose ; les architectes ara-
bes, moins ambitieux, cherchent à faire naître une impres-
sion voluptueuse et leur but est toujours atteint.
Il faut plusieurs visites, pour sentir l'incomparable charme
et l'extraordinaire harmonie de la cour des Lions. Je ne
crois pas qu'il existe au monde quelque chose qui puisse
donner une impression plus vive de grôce, d'élégance, de
distinction, de légèreté, de délicatesse et de goût. C'est
exquis. Les aspects en sont d'une variété infinie, chaque
pas, en déplaçant l'angle du regard semble dévoiler de
nouvelles merveilles.
Tout cela est changeant comme ces soies qui prennent
tous les tons, passent p «r toutes les nuances, suivant qu'on
les re^cirde suus un JDur ditlur.jfit.L'Alii.'inbra, la c^ur -Iv-
Lions surtout, a quelque chose d'un kaléidoscope; les corn-
binaisoDS eo sont infinies. Lorsque^ fermant les yeux, oa
150l'E9PAGNE légendaire, pittoresque et ANECDOTIQIÎE
cherche à se souvenir, chaque évocation présente un point
de vue qui n'e3t jamais le même.
La salie des Deux Sœurs possède une voûte de stalacti-
tes, composée de cinq mille alvéoles toutes dilTérenles les
unes des autres, a Cela ressemble, dit Gautier, à ces grap-
pes de globules savonneux que les enfants souillent au
moyen d'une paille, ou plutôt cela semble le produit d'une
certaine cristallisation fantastique etfortuite. L'imagination
déroutée renonce à concevoir comment cela put^élrefail. »
La fontaine des Lions lorsqu'on la détaille est fort ordi-
naire. Les lions, avec leur mulUe ridicule, sont grotesques
et fort mal sculptés. Mais, sans qu'on puisse comprendre
pourquoi, cette fontaine se trouve si bien à sa place qu'elle
fait, dans reusem])le, le plus joli effet. A gauche se irouve
la salle des Abencérages où Boabdil fit massacrer trente
des plus nobles membres de celte royale faïuille. Le sang
qui coula sur le marbre y laissa des traces que l'on montre
encore.
Le boudoir de la sultane est magnifiquement situé au-
dessus de la vallée. Ce devait être un délice de bouder dans
un pareil lieu.
En sortant de l'Alhambra, nous allons diriger nos pas
vers le palais du Généralilïe.
Sur le chemin se rencontre une petite mosquée fort co-
quette. Le concierge, pénétré de son rôle, m'assura qu il
la trouvait si jolie, sa petite mosquée, qu'il regrettait de
n'être point mahométan pour pouvoir y invoquer Allah.
Nous arrivons au Généralilïe par une longue avenue de
cyprès d'un assez curieux effet.
Et nous voici dans la cour d'entrée. Le Généraliffe était
la résidence d'été des rois maures. Aussi, plus que partout
y rencontre-t-on de l'eau et des fleurs. Ce ne sont quecas*
cades, bassins, ruisseaux de l'effet le plus délicieux.
Le Généralise est à peu près complètement ruiné. M^*
L ESPAGNE LÉGENDAIRE, PITTORESQUE ET ANECDOTIQUE 151
il reste les jardins. Et c'est un enchantement de les parcou-
rir. Nous entrons dans une autre cour où le bâtiment est
entièrement couvert de rosiers grimpants, tout remplis de
fleurs à Tépoque où je m'y trouvais. L'endroit était char-
mant. Je m'y rendais assez souvent et y rencontrais, im-
manquablement un Anglais, morne, renfrogné, silencieux.
Au bout d'une quinzaine, environ, je crus remarquer que
mon Anglais changeait. Il devenait souriant et gai. Un
jour, en excellent français,il me dit : « Ces roses, monsieur,
ces admirables et innombrables roses m'ont sauvé la vie.
J'avais le spleen, je voulais mourir, elles ont mis la joie
dans mes yeux et l'ont fait,de là,descendre dans mon cœur.
C'est calomnier la terre que de s'y ennuyer, elle produit de
trop jolieschoses. Je suis guéri, la vie m'apparaît agréable
et chartnante, c'est le miracle des roses. »
Dans les jardins se dresse le cyprès de la Sultane. C'est
sous ce cyprès, vieux de 600 ans, que la sultane Daraxa,
femme de Boabdil, venait échanger de doux propos avec
l'Abencérage Hamet, qu'elle aimait. Le lieu de rendez-vous
à vrai dire, était assez mal choisi, car le cyprès ne cachait
pas grand chose. Aussi Boabdil, un soir, surprit les amou-
reux, et jamais plus, depuis ce soir-là, personne n'entendit
parler de la sultane Daraxa ni de l'Abencérage Hamet.
Boabdil s'était vengé.
Dans ce jardin béni, les escaliers eux-mêmes grimpent
à Tombre deâ aibres, égayés par des ruisselets d'eau claire
qui coulent de chaque côté, sur la crôte creusée des murs
qui les bordent.
Parvenus tout à fait au sommet, voici, devant nous l'Ai*
hambra et Grenade. C'était là qu'aimait à venir rêver le
puissant sultan Abdul-Melech. Dix guerriers ne pouvaient
soulever sa lance haute de cent coudées, et lui !a manœu-
vrait légèrement avec dix chrétiens embrochés tout aubout«
Une vieille sorcière lui prédit un jour qu*il tuerait lui«môm9
152 l'eSPAGNE légendaire, pittoresque et ANECDOTIQrE
ses cinq fils qui étaient son orgueil et sa joie. II appela
la vieille, fille de chienne, hibou de malheur et la iii jeter
dans un puits. Aussitôt de grandes flammes s'élevèrent et
l'eau se mil à bouillir. A quelques jours de là un fou vint
rôder tout autour du palais. Sa folie était douce, il répétait
sans cesse : « Ne fais pas au\ autres ce (jue tu ne voudrais
pas qu'on te fît.» Le sultan le chassa. Il revint, marmottant
toujours son éternel refrain. Abdul-Melech, furieux, vou-
lut le faire tuer. Ses soldats refusèrent de toucher à un fou,
alors, le sultan confectionna lui-même un pain empoisonné
et le remit au fou qui partit avec un regard singulier. Ce
jour-là, les cinq fils du sultan chassaient dans la montagne.
Une biche les avaient entraînés, il était tard et ils avaient
faim. Le fou passa près d'eux et leur vendit son pain. Le
lendemain Abdul-Melecli trouva dans la montagne ses fils
empoisonnés. Auprès d'eux le fou accroupi ricanait : « Xe
fait pas aux autres ce que tu ne voudrais pas qu'on te fU.w
Alors dit la légende, le désespoir du père fut atroce, et
il serra sa pauvre tête si violemment entre ses poings
fermés qu'il la fit éclater comme une citrouille entre deux
meules.
En redescendant vers la ville nous trouvons le cimetière.
Ces cimetières espagnols ne ressemblent aucunement aux
cimetières français. Les cases creusées dans les murs abri-
tent chacune un cercueil. De grandes échelles doubles
servent pour les y monter. L'expression être enterré, n'est
là-bas qu'une figure, les morts se trouvant au-dessus des
vivants. On ne repose plus à six pieds sous terre, mais de
trois à quinze pieds en l'air.
On peut descendre de l'Alhambra par un autre chemin,
la côte du Petit Roi, côte pittoresque et sauvage où les
points de vue abondent. On rencontre la tour de TEaUi
ancien réservoir du palais, avec l'aqueduc qui ralimenlail»
On voit également la tour des Infantes et la tour de la
L ESPAGNE LÉGENDAIHK, PITTOHESQVE ET ANECDOTIQUE 153
Gaplive,d*oû la belle Espagnole, Isabelle de Solis, longtemps
prisonnière, sortit pour devenir la favorite du sultan et em-
brasser la religion de Mahomet.
Nous descendons do plus en plus et en nous retournant
nous apercevons au-dessus de nous l'épaisse tour deCoina-
rèsavec, à gauche, le boudoir de la Sultane.
Et nous allons aller maintenant visiter le quartier des
gitanes. Je vous présente ici leur roi, un vieil ami à moi,
la plus jolie fripouille que la terre ait jamais portée. . . Ce
monarque de comédie a surtout comme fonction de mendier.
Mais il a de multiples cordes à son arc. Il sert de guide, il
tond les chiens, il procure des chevaux, des ânes, des pho-
tographies, des antiquités, et m^îme beaucoup d'autres
choses, moyennant une honnête commission. Il organise
des bals de gitanes où l'on paie fort cher pour entrer et où
son amitié me valut de pénétrer pour rien. Jl est vrai que
cette amitié n*était point désintéressée. En effet, je lui payais
à boire, et ce roi était une éponge faite homme. De plus, il
m'avait pris,sans que je sache pourquoi, pour un imprésario
cherchant une troupe de danseuses à exhiber en France,
61 il espérait faire partie de l'expédition. Je me gardai avec
: soin de le détromper. Cela me valut de voir danser devant
[ moi, avec toute la fougue qu'elles y pouvaient mettre, les
plus jolies gitanes de Grenade. Ce n'est pas là, comme
vous le concevez, un des moins bons souvenirs de mon
voyage.
Les gitanes, presque toujours misérables, vivent sur une
colline aride, dans des caves creusées au milieu des aloès
61 des cactus. Ces caves, où habite toute une population,
«Ont de simples taudis. Quelques-unes cependant sont
propres, bien tenues et garnies surtout d'une batterie de
cuisine étincelante. Tout le luxe des gitanes est là. Leur
/ortuDe se mesure au nombre de leurs casseroles ; casse*
Toles en cuivroi brillantes comme des miroirs et dans les
154 l'espagne légendaire, pittoresque et anecdotiocc
quelles ils se gardent bien de faire cuire quelque chose, de
peur de les salir.
Les femmes, chez les gitanes, n*ont pas d'autre profes-
sion que mendier. Elles vous harcèlent par troupes et c'est
par douzaines que les mains se tendent devant les touristes.
Si quelque voyageur peu patient les rudoie légèrement, alors
c'est un concert de cris, de huées, d'insultes, qui obligent
promptement le malheureux à battre en retraite. «Queles
couleuvres t'étouffent, que les baisers de tes enfants le fas-
sent mal comme une nîorsûre, que les chiens te dévorent,
que les corbeaux t'arrachent les yeux, que les crapauds le
bavent sur le cœur. » Tels sont les souhaits les plus doux
que vous envoient ces sorcières en fureur. Par contre,si vous
leur abandonnez votre main avec une légère aumône, elles
vous prédisent un avenir superbe qui est, du reste, toujours
le même :(e Tu trouveras un trésor et toutes les femmesl'ai-
meront. » L'une d'elles,à qui j'avais donné cinq sonSfin^affir*
ma que j'épouserais une reine. Je me demande qui ello
m'eût fait épouser pour vingt sous.
Quittant le quartier des gitanes, nous rentrons en ville
par la rue de Darro qui côtoie la rivière de façon pitto*
resque.
Nous voici sur la place du Genil, devant la diligence qui
nous mènera à 70 kilomètres de là, prendre le chemin de fer
de Murcie qui ne vient point encore jusqu'à Grenade. L«
diligence espagnole est un reste de TinquisitioD, un vieil
instrument de torture qui subsiste encore de nos jours. On
y est secoué, cahoté, ballotté de la plus horrible façon. La
plupart du temps, il est vrai, on marche à un train d'escar-
got. Mais tout à coup, les mules font feu des quatres pieds.
Elles partent comme le vent, caracolent, pétaradent, bon*
dissent comme des chamois, cela toujours dans les endroiti
dangereux, dans les tournants brusques oC^la lourde voUu'
re, trimballant sur ses deux rouesi vient raser le précipid
L ESPAGNE LÉGENDAIUE, PITTORESQUE ET ANECDOTIQUE 155
qu'elle surplombe dosa masse penchée. Notre conducteur
avait un moyen spécial d'exciter ses bêtes sans se préoccu-
per du postillon. Il leur jetait sur les oreilles des cailloux
dont il avait bourré ses poches. Alors, les mules, agacées,
s'emballaient. Loin de les arrêter, il les excitait dans un
tapage d'enfer,hurlant, vociférant, tapant des pieds, claquant
son fouet et les menagant, si elles s'arrêtaient, de se tailler
un bonnet dans leur peau. Quel voya^^e ! J'avais à côté de
moi un bon curé, qui me déclara, un peu pâle, avoir fait
sept fois son acte de contrition. Il aurait pu, sans exagéra-
tion, achever la douzaine.
Mais nous nous sommes longuement ai'rêtés à Grenade,
nous allons continuer rapidement notre voyage en passant
à Lorca, où de vieux palais ont encore de très curieuses
portes.
Pour arriver à Murcie, nous prendrons place dans une
tartane, le fiacre de l'endroit, singulière voiture, sans siège,
que le cocher conduit assis sur le brancard.
Le portail de la cathédrale est vraiment d'un bel effet,
dansson style baroque du dix-huitième siècle. Les Murciens
ensont très fiers. Les Murciens, en Espagne, ont mauvaise
réputation :ca sont, paraît-il, d'incorrigibles paresseux.
Xon contents de dormir la nuit, ils font deux siestes par
jour, accompagnées do cinq repas et, nouveaux Titus, ils
trouvent qu'ils n'ont pas perdu leur journée.
Xous arrivons maintenant dans Tune des petites villes
les plus curieuses d'Espagne. Elche, célèbre par ses
palmiers.
Le pont du chemin do fer passe, suivant l'habitude defl
ponts espagnols, sur une rivière sans eau. L:i station du
chemin de fer semble la station d'une ville algérienne.
Elche ressemble absolument à une ville d'Afrique. Une
chaleur affreuse, une poussière aveuglante et dos ravins oix
Jes pierres semblent calcinées par le soleil.
156 L* ESPAGNE LÉGENDAIRE, PITTORESQUE ET ANËCDOTIQUE
Le3 maisons d'EIche viennent ajouter à l'illusion d'une
ville africaine. Elles sont basses, blanches, avec de ci de
là un palmier qui se dresse au-dessus des terrasses.
Si on se rend dans la forêt, le spectacle est un peu dérou-
tant pour de pauvres gens du Nord comme nous,qui avons
l'habitude de voir des palmiers dans des salons ou des serres
et qui ne manquons jamais, dans notre admiration, d'adres-
ser de chauds compliments à la maîtresse de maison qui en
possède un de trois mètres.
A Elche, il y en a 120.000 qui ont de 25 à 35 mètres. Ces
palmiers donnent lieu à deux sortes de commerce. D'abord
les dattes, ensuite la vente des palmes pour le dimanche
des Rameaux. Toute la tête de l'arbre qui doit produire les
palmes est entourée de paille comme une salade qu'on veut
faire blanchir et, en effet, les palmes sortent immaculées de
leur gaine et sont expédiées jusqu'en Italie. On en vend, à
50 centimes l'une, plus de 120.000 par an.
Nous quitlons Elche après un dernier coup d'œil à cette
ville singulière, que beaucoup de touristes négligent, bien
à fort, car elle reste un des souvenirs les plus vivaces d*un
voyage en Espagne.
Dirigeons-nous vers Alicante. La vue du port, très ani-
mé, et du ctiôiteau fort de Sainte- Barbe, est remarquable.
L'Hôtel de Ville est un monument d'une belle venue. On
fait à Alicante un commerce important de vins. Cela n'em-
pôche pas les Alicantais de poser pour la sobriété. Cepen-
dant, déclare un diction, avec le vin bu par an habitant,on
peut faire tourner un moulin.
La promenade des Martyrs est ombragée de merveilleux
palmiersi Tout près de là, dans une petite église, se trouve
la statue de saint Bari,un aimable saint,quoles jeunes filles
ont en adoration, car il procure des maris. Quand une jeune
fille vient le consulter, tantôt il garde les yeux baissés, ce
^ui est mauvais signe ; tantôt il les lève et pose son regard
l'espagne légendaire, pittoresque et anecdotique 157
sur celle qui prie. Dans ce cas c'est l'arrivée sûre, dans
Tannée, du mari désiré. Le saint ne s'est jamais trompé.
Nous arrivons maintenant à Valence. Valence par un clair
soleil, produit un bel elTet. Toutes ses églises sont surmon-
tées Je dômes bleus aux arêtes d'or. Tous ces dômes bril-
lent, reluisent et donnent au panorama un cachet tout
particulier.
La Bourse de la soie est un superbe monument gothique
où avait lieu au xv- siècle un important marché de soieries.
A l'intérieur, dans une salle très belle, se trouve une ins-
cription (jui promet le ciel aux marchands qui ne voleront
jnmais. C'est rendre le paradis d'un accès vraiment bien
dilîicile.
La porte de Gerranos formait l'entrrîe principale do
VaVnce, (jui s'intitule encore sur ses armes, en l'honneur
do son passé, « la très noble, très antirpie, très loyale, très
insigne, très magnifique, très illustre, très siJvante, très
Couronnée, très intrépide et jamais assez. cél«'brée cité de
Valence. )) La litanie manijue de modestie.
L'extraordinaire portail du palais du marquis de Dos
Agiias est entièrementen marbre ri d'un aspect absolument
fiiiUastijjue.» Les Valenciens,dit un proverbe», sont tellement
distriiils, ([ue la folie [U'end leur trie qirui.l elle a besoin de
ifrelots.)) C'est sans doute à une dislracti.)n d'un sculpteur
d^; fr<^nie, ijuij l'on doit celte n-iivre tumultueuse et sans
'-'-sui'o, mais remplie d'un admirable takuit.
^•■•,u'"nte est un«^ ville célèbre par le sièi^n^ (jii't;Ilr soutint
'"iilre Annibal. et au<|uel on compare souvent h» siège de
^'«rai;usse en 18()8. Cette ville possède encore une citadelle
ïni««in'li«|ue. aujourd'hui désîilïeclée et dont un concierge a
la i,'«ird«\ Ce concierge est un tyf)e, et même un type un peu
(un. Il me ie«;ul avec la noblesse (l'un roi (|ui donne au/lience
à un ambassadeur. Puis il prit les clefs et m'en ouvrit la
158 L*ESPAr,NE LÉGENDAIRE, PITTORESQUE ET ANECDOTIQUE
porte en disant, avec un geste à la Mounet-Sully : « Passe,
étranger, je t'accorde la permission d'entrer. »
« C'est beau, étranger, celte vue, cette plaine, cette raer
dans le lointain. Elle est à moi cette vue. Sans ma permission
tu n'aurais pu la voir. Je suis puissant commele gouverneur
qui habitait là autrefois! » Et lors(iue je partis, ce prodigieux
portier, brandissant m.c>n pourlioirc d'un geste magnanime.
clama : « Adieu, étranger, va, retourne en ton [)ays, et si
un ami veut visiter Sagonte, dis-lui qu'à moins d'être muni
d'un ordre écrit du roi, il n'entrera ici que si moi, le niailre.
je le veux. »
Nous arrivons au terme de notre voyage, à Saragosse.
Entrons dans 1 église de Sainte-Madeleine dont lesacristain.
pratique, s'est installé une basse-cour dans le clocher. Le
premier étage abrite de nombreuses poules, le second est
envahi par tout un peuple de canards. Le troisième estcon
verti en un claplier modèle où des douzaines de lapins
bondissent et cabriolent. Enfin, dans un petit coin au dessus
des voûtes, deux chèvres et un mouton sont installés. Celte
église, dans ses superslructuros ressemble à une arche de
Noé.
Du haut du clocher, la vue est fort belle. En avant, laça
thédrale, un peu plus loin. Notre Dame del Pilar, avec ses
nombreuses coupoles, et plus loin encore, l'Ebre qui vient
baigner la ville.
On comprend, en voyant les ruelles si étroites, lesdilh-
cultés inouïes du siège de 1808 oii GD.OOO habitants sur
100.000 périrent en défendant héroïquement leur cilt^-
L'A ragonnais, d'un courage à toute épreuve, c'est le lirelo»
d'Espagne. Il est entêté comme une mule et a la tête si dure
qu'il s'en sert, dit-on, pour enfoncer des clous. On prétend
(jue lorsqu'un enfant vient au monde, on lui frappe la lél^
avec une grcsse assiette de faïence. Si l'assiette se hi'is<^'
L ESPAGNE LÉGENDAIRE, PITTORESQUE ET ANECDOTIQUE 159
J'enfant fera un bon Aragonnais. Si c'est la tête qui casse,
petit malheur, Tenfant n'était pas digne de vivre.
La basilique de Notre-Dame del Pilar (N.-D. du Pilier)
est célèbre en Espagne comme Lourdes l'est en France. Un
jour que saint Jacques se promenait dans la campagne, la
Vierge lui apparut environnée d'anges. Elle lui remit une
statue d'elle-même qui reposait .sur un pilier scuplté, soutenu
par deux chérubins. Ce sont celte statue et ce pilier qui sont
conservés dans l'église.
Etienne Roze.
li'Etnii^pation
et la
Colonisation Italiennes^^^
MESSIEURS,
Je remercie M. le Président de ses paroles bienveillantes
et la Société de Géographie commerciale du Havre de :
l'honneur qu'elle a bien voulu me faire en m'invitanlà
faire cette conférence ; le seul regret que j'ai en ce moment
d'avoir accepté provient de ma crainte de ne pouvoir manier
correctement la langue fran(:aise, cette langue claire, souple,
harmonieuses fermée à lÏMjuivoque. Jùi tout cas, Messieurs,
je sais que vous êtes venus, non pas pour entendre un
orateur, mais une personne qui a beaucoup voyagé dansles
régions sur lesciueilos votre Président vient d'appeler, par
son excellent discours de présentation, votre attention, et
(|ui, par conséquent, pourra vous donner des idées Ir^
exactes sur des localités qui n'ont peut-être î»as encore été
visitées |)ar aucun Français.
Il y a bientôt cin(|uante ans, dans Vllistoire deVKnxif^'
tion au A7A'"' airrle, couronnée par l'Académie des science»
morales et politiques, un illustre Français, Jules Duvau
s'exprimait ainsi : « La France pour rentrer dans sa voie
(( historique et y acconiplir sa destinée, doit d'abord perfi*
« ses préjugés sur l'émigration ; où l'opinion publique voJ
(l! Conft'reiu'e f;nl(' devant la Sociélé de Géographie CommcrcfjJf
Havre, le 12 ncccm)>ie 1906.
l'émigration et la colonisation italiennes 161
«un affaiblissement, il faut lui montrer la meilleure mar-
« que de- la virilité. Je serais heureux si mon livre contri-
c< buait un peu à ce redressement en présentant sous son
« vrai jour ce grand phénomène social ; une épreuve des
(1 corps et des âmes, dure sans doute dans ses premières
« plisses, mais saine et fortifiante ; une plantation profitable
(( même aux branches dont les fruits mûrs se détachent
(( pour devenir ailleurs des semences fécondes.
(( L'émigration suivie de colonisation est le déversoir des
(( populations surabondantes, la mission des caractères en-
(f treprenants, le refuge des situations déclassées, Tasile des
« vaincus et des opprimés, une leçon aux mauvais gouver-
« nemenls, un remède aux misères des pauvres comme à
« l'ennui et à l'oisiveté des riches, le fondement de la puis-
« sance maritime des Étals, un instrument des échanges
« internationaux, le germe des cités, des nations et des
u royaumes. Des émigrants qui d'un continent à l'autre
« transportent les flambeaux de la civilisation, la science
« doit dire comme Lucrèce disait des coureurs se passant
« de main en main des torches enflammées : Et vUœ lam^
« pada iradunt. »
Et M. Duval, insistant sur le service que rendent ces in- •
trépides messagers de travail et de paix, concluait en disant:
«Que chaque peuple, que chaque génération se seule la
« noble ambition d'enrôler dans l'armée industrielle de
« l'humanité des légions d'éclaireurs, des pionniers et des
« solda' ts ; la grandeur durable de la France est à ce prix. »
Mais aujourd'hui, après presque cinquante ans, si nous
voulons rechercher ce que les données que nous avons sur
l'émigration d'hier et d'aujourd'hui peuvent nous faire pres-
sentir, avec quelque certitude, des nations de demain, non
seulement il serait difficile de pouvoir faire un tel éloge do
l'émigration et de la colonisation, mais il serait aussi quelque
peu téméraire d'affirmer, d'après l'expérience de ces der-
162 l'émigration et la colonisation italiennes
nièrcs années, qu'un rôle prépondérant sera réservé à rémi-
gration européenne dans la mise en valeur des terres du
globe non encore peuplées.
Peut être aujourd'hui faut-il rabattre beaucoup, non seu-
lement de l'enthousiasme qui inspirait en 1862 Jules Duval,
mais aussi de cet optimisme enthousiaste qui inspirait, par
exemple, il y a dix ans encore, Novicow dans son beau
livre sur L* Avenir de la race blanche.
Ce point de. vue moins optimiste est partagé aussi par
M. R. Gonnard qui, dans un livre tout récent sur VEmi-
grailon européenne auXJX^ siècle, fait à ce sujet les obser
valions suivantes :
« Le xix^' siècle a été, c'est bien là une de ses plus sûres
caractéristiques, un siècle d'émigration et de colonisation
européennes, d'accaparement et d'occupation hôtive parles
blancs de tout ce qui est resté de terres disponibles dans le '
monde. Dans la dernière partie du siècle surtout, les prin-
cipales puissances ont rivalisé d'ardeur pour se tailler un
domaine colonial aussi large que possible. Il y avait comme
le pressentiment d'une occasion à saisir, d'une heure à uli
liser qui, une fois passée, ne se retrouverait plus. Auxix'
siècle les grandes nations blanches se sont trouvées dans
les meilleures conditions pour coloniser. Elles avaient une
population croissant rapidement, beaucoup de capitaux dis-
ponibles, une bonne situation budgétaire, un outillage
parfait, des armées très fortes. Elles se croyaient pour ainsi
dire en étal de conquérir et de soumettre le monde entier.
Cette période magnifique pour l'hégémonie européenne
va de l'expédition franco-anglaise en Chine à la guerre
russo japonaise. Dans ces dernières années a commencé
à sonner le premier glas de cette liégémonie. Les Italiens
ont été battus en Abyssinie ; l'une des plus grandes nations
de l'Europe, la Russie, a eu une campagne désastreuse
contre les Japonais en Extrême-Orient ; TEspagnea perdo
l'émigration et la colonisation italiennes 163
toutes ses possessions américaines et asiatiques dans sa
guerre avec les Etats-Unis. Voilà pourquoi aujourd'hui
les conclusions assez optimistes de Novicow sur l'avenir de
la race blanche peuvent être mises en doute. Le monde
jaune s'est réveillé et révolté. Il a réussi à démontrer sa
supériorité à rp]urope et le monde noir nous réserve peut-
être d'autres surprises. »
Dons ces conditions il y a lieu de se demander avec M.
Gonnard, quel pourra être l'avenir de la race blanche ?
Reslera-t elle cantonnée en Europe et dans une partie de
l'Amérique qu'elle a déjà colonisée ou étendra-t-elle son
occupation effective sur d'autres parties du monde? Saura-
t elle, avant la race jaune devenue mobile, émigrante et
conquérante,avaul la race sémite et la race noire, reprenant
peul-ôtre un jour l'offensive, asseoir de nouvelles nations
issues d'elle dans les régions non peuplées des quatre au-
tres parties du monde? En effet, pour coloniser il ne suffit
pas de teindre en rouge, en vert ou en jaune les régions
inconnues des vieux atlas. Quand il s'agit d'une colonisa-
tion il faut occuper effectivement, c'est à dire peupler et cela
est d'une extrême importance parce que, le jour oQ les races
considérées jusqu'ici comme inférieures déborderont de
leurs confins naturels et qu'elles se trouveront en présence
des autres peuples, si ces pays, qui à présent sont repré-
sentés comme occupés par les Européens, sont effective-
ment colonisés, ils présenteront à l'invasion une résistance
bien plus forte que s'ils continuent à être simplement tracés
sûr les cartes comme possessions européennes.
11 y a des nations qui ne pourraient pas coloniser sérieu-
sement parce qu'elles n'ont pas d'émigrants ; c'est le cas de
la France. Son expansion se réalise par les manifestations
littéraires, artistiques et scientifiques de son génie ; à cet
égard elle peut rivaliser avec n'importe quelle nation, mais
au point de vue de la colonisation avec des émigrants fran-
164 l'émigration et la colonisation italiennes
çaîs, son rôle ne peut être que bien médiocre. L'Angleterre
a colonisé avec le plus grand succès parce qu'elle trouvait
dans la nation l'élément émigrant mais, depuis quelques
années, l'émigration anglaise est en diminution. L'Allema-
gne, il y a trente ans, avait presque autant d'émigration que
l'Italie ; c'est la nation qui en donnait peut-être le plus
grand contingent. A cetleépoque elle n'avait pasde colonies;
à présent qu'elle en a, et quelques-unes même qui se prêtent
assez bien à la colonisation, il n'y a presque plus d'énii-
granls allemands parce que les débouchés de lagricullure,
de l'industrie et du commerce dans la confédération même
donnent emploi à l'intérieui^ aux bras qui, il y a trente ans,
devaient émigrer en quête d'occupation. C'est donc à pré-
sent une nation qui a des colonies et qui manque d'émi-
grants. Quant à Tltalie elle se trouve dans la même condi
tion que l'Allemagne à cette époque ; elle a très peu de
colonies et des masses énormes d'émigrants. Mais est-on
sûr que l'Italie pourra disposer longtemps encore de ses
contingents d'émigrants ? Ce doute est bien naturel, si Ton
considère que l'Angleterre et l'Allemagne, qui ont joué au !
XIX® siècle dans le peuplement des pays neufs un rôle de
premier plan, tendent à ne plus figurer qu'au second ou au
troisième rang, le premier étant conquis par l'Italie et les
pays slaves. Pour coloniser effectivement et non seulement
politiquement, il faut, je le répète, établir des hommes dans
le pays que l'on veut coloniser, mettre en valeur ces terres
qui n'avaient pas d'habitants ni de produits, les rendre fer-
tiles ; il faut donner à ces colons les moyens de vivre et de
vivre mieux qu'en Europe, autrement ils n'auront pas à* se
réjouir du déplacement. M. Viviani, dernièrement, à la
Chambre des Députés, à propos du conflit qui existe depuis
le commencement du monde entre la misère et la propriété,
prononçait les paroles s'iivantes :
« La liberté de penser, de parler, d'écrire, n'est pas tout.
l'émigration et la colonisation italiennes 165
ff Le travailleur réclame aussi la liberté sociale. La liberté
» est pour l'homme le pouvoir d*agir, de vivre^ Où réside
K la liberté sociale? Elle réside dans la propriété. Il y a des
I millions d'hommes qui tendent la main pour saisir quel-
R ques-unes des joies de la propriété. »
D'autre part je me souviens d'un ministre italien des Fi-
nances, du parti conservateur, M.Luigi Luzzattî, qui expri-
mait, lui aussi, dans un discours à la Chambre des Députés
de son pays, la conviction qu'il faudrait créer en Italie le
plus grand nombre possible de petits propriétaires pour
réaliser cette sécurité sociale dont parlait plus tard M.
Viviani. Tout le monde sait qu'il n'est pas facile de trans-
former d'emblée dans notre vieille Europe des millions de
prolétaires en millions de petits propriétaires. Je ne dirai
^pas que ce soit à jamais une chimère mais, certes, ce pro-
blème ne pourra pas être résolu tout de suite ; aussi notre
pensée se porte-t elle spontanément vers les régions non
peuplées ou mal peuplées des quatre autres parties du mon-
de pour tôcher d'y réaliser,par le moyen d'une colonisation
rationnelle, le rêve de tant de philanthropes. On établit dans
l'Amérique du Sud un certain nombre de ces prolétaires de
race latine auxquels on ne peut accorder en Europe aucune
parcelle de propriété ; on étudia s'il serait possible et quelle
serait la manière la plus pratique de les transformer en
petits propriétaires dans ces régions actuellement inoccu*
pées et voua savez qu'il y aurait là de larges parts à faire.
C'est dans les terres du Brésil surtout qu'on a établi
comme petits propriétaires, des centaines, des milliers do
prolétaires des campagnes italiennes* Je me suis trouvé
au Brésil dans une situation qui me mettait en contact
immédiat avec ces petits colonisateurs ; j*ai pu étudier le
fonctionnement de la colonisation sud-américaine et je suis
kmécae de vous donner sur ce sujet une opinion impartiale
et dépourvue de préjugés, inspiré que je suis par le désir
Ififl l/ÉMIGUATlON ET LA COLONISATION ITALIENNES
d'apporter mon tribut d'idées et d'expérience à cette que»*
tion qui se lie étroitement à la question sociale dont se
préoccupent les hommes d'Etat de la vieille Europe.
J'ai été longtemps au Brésil, j'ai beaucoup vu, j'ai voyajé
dans l'intérieur en traversant à cheval des régions oc<:tt
pées entièrement par des colons italiens petits propriè-
taires ; à première vue, c'est la réalisation du rêve dei
philanthropes puisqu'on les a établis non comme ouvriers
mais comme petits propriétaires. Les colons italiens petilî
propriétaires au Brésil sont au nombre d'environ 50Û.OÛO;
il y a à l'étranger au moins A millions d'Italiens don
1.700.000 dans l'Amérique du Sud, et chaque annét
l'Italie donne à l'émigration un contingent toujours crois-
sant et qui, en 1905, a dépassé 750.000 personnes. La moi-
tié de ces Italiens sont en émigration provisoire en Europe,
et l'autre moitié va dans l'Amérique du Nord ou du Sud,
depuis quelque temps surtout dans l'Amérique du Nord;
une bonne part de ces émigrants revient en Italie, la moitié
environ. L'Italie, comme on voit, perd peu de sa population
par suite du phénomène émigratoire. On peut ajouter que
cette émigration contribue au soulagement de la crise so-
ciale en provoquant dans la péninsule une légère augmen-
tation des salaires. Les familles italiennes établies au Brésil
en qualité de colons petits propriétaires comptent à peu
près, comme j'ai dit, environ 500.000 individus et je ne
m'occuperai que de ceux-ci, autant pour me tenir dans les
termes d'une causerie que parce que le temps me manque-
rait pour tracer même les premières lignes du tableau com-
plet de l'émigration italienne au Brésil, enfin parce quec<
sont les colons italiens petits propriétaires que j'ai étudiés <
mon aise.
Il ne fautpas confondre Témigrant italien qui va àréirai
g[er pour travailler, s*employant comme terrassier, comn
l'émigration et l\ colonisation italiennes 167
nioissouneur ou comme artisan, avec celui qui y va pour
fonder une colonie.
J'aborde, comme on voit, le vrai sujet de ma conférence
c'est à-dire l'œuvre de colonisation, ses avantages et ses
défauts, ses possibilités et ses impossibilités.
Quant aux avantages je m'en tirerai avec très peu de
mots; les avantages d'une colonisation bien réussie sont
incontestables. L'Italie a une forte natalité, la densité de sa
population est remarquable. L'Amérique a un grand nom-
bre de terres non peuplées qui attendent d'être mises en
valeur par le travail de l'homme ; trouver le moyen d'éta-
blir l'excédant de la population italienne, les prolétaires de
i agriculture surtout, sur ces terres non peuplées en les
transformant en petits propriétrûres par le don gratuit de
ces terres que l'absence do travail et de production laisse
aujourd'hui désertes, stériles, sans aucune valeur écono-
mique, ce serait résoudre vraiment un grand problème
social.
Malheureusement l'exécution de ce plan magnifique qui
convient à l'Europe et qui forme en môme temps le rôve des
gouvernements de l'Amérique du Sud, lesquels compren-
nent que la grandeur de leurs Républiques est subordonnée
au peuplement du pays et que ce peuplement, pour corres-
pondre à leurs désirs, ne peut se faire que par des gens de
race latine, cette exécution présente, il est bon de le répé-
ter, en pratique bien des difficultés.
La première difiSculté pour la fondation dans l'Amérique
du Sud de colonies italiennes destinées à s'enraciner sur le
soi de la nouvelle patrie provient des lois sur la natu-
ralisation dans ces républiques. Les fils d'un Italien ou
d'un étranger, par ce fait qu'ils sont nés dans l'Amé-
rique du Sud, deviennentfpar suite des lois sur la nationa-
ité du pays où ils sont nés. Américains, et c'est là une diffi*
lullé initiale qu*il est difficile de supprimer! Leâ tia lions de
168 l'émigration et la colonisation italiennes
l'Europe ont tenté sans succès de faire changer ces lois qui
s'appliquent également dans les trois parties de l'Améiique
du Sud. Je crois que, jusqu'à un certain point, les Améri-
cains ont raison de résister, parce que si, par exemple,
dans la contrée où j'habitais, l'Ktatde Espiritu Sanlodu
Brésil, où, sur une population de 200.000 habitants, il y a
de 30 à 50.000 Italiens, si on laissait ces derniers rester
Italiens, en peu de temps leur nombre dépasserait celui de
la population indigène.
Il y a dans les colonies italiennes agricojes du Brésil des
familles où, par suite de celte loi, le père est resté Italien
tandis que ses enfants sont Brésiliens, et cela arrive, non
seulement au Brésil, maiâ aussi dans l'Argentine où la
colonie italienne est très nombreuse e en général dans
toute l'Amérique du Sud.
Quand les colons de ces régions intérieures meurent, on
ne sait jamais s'ils sont Italiens ou Brésiliens, soit parce
que ces paysans transportés là-bas ne connaissent pas les
dispositions légales italiennes et brésiliennes sur la natura-
lisation, soit parce que dans les petits villages très éloignés
des centres de population, il n'y a, pour ainsi dire, pas de
registres de l'état-civil.
(A suivre) Rizzetto Rizzardo.
CORRESPONDANCE DU CONGO ^»'
Cher Monsieur Fritz,
J'aurais voulu vous donner plus lot un petit aperçu sur
ma vie de colonial au Congo. Mon séjour permanent, à
Brazzaville, ne m'a pas permis jusqu'ici d'étudier les mœurs
de rindigène chez lui, dans la (( brousse )). Les quelques
observations que j'ai pu faire se bornent donc à la région
de Brazzaville, dans la colonie du Moyen-Congo, ô la ville
en particulier, à son aspect et à ses habitants.
Située dans le pays bacongo, les Bacongos y dominent
naturellement. D'une race dégénérée et atrophiée par les
maladies, telles que maladie du sommeil, tuberculose, mala-
dies de peau, etc., ces indigènes sont de petite taille et de
tempérament faible. Peu travailleurs, je dirai même pares-
seux, ils s'adonneraient volontiers au sommeil tout le jour,
se livrant le soir et une bonne partie de la nuit au c tam-
tam », danse burlesque au son du « n'sambi », musique du
pays. Les Bacongos, de môme que les Balalis, qui leur res-
semblent presque en tous points, présentent cette caracté*
ristique qu'ils ne portent pas de tatouages, contrairement
à presque toutes les autres races du Congo. Depuis le
développement de Brazzaville, on a essayé de secouer cette
torpeur et on emploie lesBacongos au portage des matériaux
de construction^ faute d'autres moyens de communication*
Les indigènes semblent d'ailleurs prendre goût à ces tra-
vaux qui leur donnent, en môme temps qu'une charpente
(Il Lettfe d'uo ancien élëre «to TEcole supérieure de Commerce du Uftvre, à ion pro«
(MeWi
170 CORRESPONDANCE DU CONGO
mieux musclée, un salaire avec lequel ils peuvent se pro-
curer peu à peu dans les factoreries les objets les plus indis-
pensables à la vie et à l'iiygiène. Peu intelligents et pas
«débrouillards», ils n'ont pas jusqu'alors tenté d'apprendre
quelque métier, ce qui pourtant les mettrait dans une cer-
taine aisance, vu le prix élevé des salaires. Mais les conseils
qu'on leur prodigue chaque jour les laissent indifïérents.
Profitant de cette inaction, presque toutes les races du
Congo sont représentées à Brazzaville: Gabonais, Pahouins
(ceux-ci toutefois en petit nombre), Loangos, Bangalas,
Batékés, Balalis, Bondjios y sont mélangés. Les races indi-
gènes de nos colonies plus avancées en civilisation et des
colonies étrangères s'y rencontrent aussi en assez grand
nombre : Sénégalais, Dahoméens, Akras (venus de la Côte
d'Or et de la Nigeria anglaise), Kassai et Basongos de
l'Etat Indépendant. Chacune de ces différentes races se
voue à un métier et l'exerce presque exclusivement à tout
autre. Les Sénégalais, plus civilisés et par suite plus clair-
voyants, font le commerce du caoutchouc, de l'ivoire, de la
bijouterie (bagues et bracelets), des perles, etc. Presque
tous les ouvriers employés par l'Administration comme
menuisiers, charpentiers, plafonneurs, serruriers, maçons,
etc., sont recrutés parmi eux. Se croyant et se sentant
supérieurs aux indigènes du pays, les Sénégalais en pro-
fitent trop souvent dans la brousse pour leur inspirer de ia
crainte et commettre des exactions qui sont préjudiciables
à Tapprovisionnement du marché de Brazzaville.
Les Dahoméens, de grande taille et bien musclés, font
ici concurrence aux Batékés dans la vente des produits de
la pêche. Les Akras sont maçons, plafonneurs, peintres,
etc. ; les Loangos, tailleurs et cuisiniers. Ces diverses races
étrangères et indigène ne portent pas de tatouagesi II a'en
est pas de môme des Batékés, Bangalas, Boudjios qui
portent des tatouages nombreux et particuliers pour cbaquQ
peufladOé
CORRESPONDANCE DU CONGO l7l
Les Batékés, de moyeane taille, sont pécheurs et chas-
seurs, pêcheurs surtout ; leurs frôles pirogues sillonnent
nombreuses le fleuve Congo, matin et soir ; aussi approvi-
sionnent-ils presque exclusivement notre marché. De plus,
ils sont industrieux et les femmes confectionnent plats,
gargoulettes, pots, etc., en terre cuite.
Les Bangalas, généralement, sont de belle taille et por
lent des tatouages nombreux et variés sur tout le corps,
principalement les femmes ; on ne les rencontre guère que
comme boys et porteurs, comme les Bacongos et les Balalis.
Je n'insiste pas davantage sur ces races diverses qu'un
nouveau débarqué ne peut deviner, mais qu'au bout d'un
certain temps et d'habitude, il reconnaît parfaitement. Que
vous dire des femmes ? On les rencontre Je jour, munies de
la musique bacongo, se promenant de leur village au mar-
ché et réciproquement, s'interpellent de loin et, détail
curieux, sans se retourner. De même, lorqu'elles suivent
leur mari, elles tiennent la conversation à quatre ou cinq
mètres derrière, car la coutume chez les noirs est de mar-
cher, non pas de front, mais à la suite les uns des autres,
coutume que je m'explique comme provenant de la séculaire
habitude de marcher dans les sentiers étroits de la brousse.
La dénomination de « mari )) est d'ailleurs impropre, car
les femmes s'achètent aux rois et chefs indigènes ; le prix
est très variable, mais pour les plus jolies femmes ou repu*
tées comme telles, deux cents francs est un maximum. Mais
je m'arrête, car je sens que je me laisse entraîner loin de
la question dont je veux vous entretenir, de Brazzaville.
Donc,uD mot (car je ne veux pas abuser de votre indulgence
à mon égard) sur la ville, si on peut ainsi appeler la faible
agglomération de 3.000 habitants environ, qui constitue la
population de la capitale de nos possessions du Congo.
Très étendue, la ville se divise en trois quartiers princi-*
paux ; Id Plateau ou (juertier administratif ; h Plainet
172 CORRESPONDANCE DU CONGO
quartier commerçant et centre de la navigation fluviale ; l^
Tchad, quartier militaire. En plein développement, la ville -
depuis une année, a subi beaucoup d'améliorations :addue ^
tion d'eau, constructions nouvelles, rues tracées, débrous^ —
sèment, etc. Le quartier administratif est situé sur ui^
plateau (de là sa dénomination) dominant d'environ cin —
quante mètres le fleuve aux eaux jaunâtres, toujours char
gées d'une grande quantité de sable. Perdus au milieu de
manguiers, palmiers,avocaliers, citronniers et flamboyants,
de ci de là, apparaissent quelques toits en tôle ou en paille,
ceux-là éblouissants par le soleil, ceux-ci presque noirs de
cuisson. Tirées au cordeau et bordées de véty ver, do citron-
nelle ou d'ananas, les rues sont bien proportionnées et il ne
manque qu'une suite d'habitations formant la haie de cha-
que côté pour qu'elles représentent nos rues de France. . .
Quelques places et squares en ébauche, bien répartis ; bref,
tout ce qu'il faut pour prévoir dans un certain avenir une
ville bien proportionnée. Malheureusement, les efforts in-
cessants pour la réalisation de cette tâche ne sont pas tou-
jours couronnés de succès. C'est ainsi que les rues, entre-
tenues du mieux possible, sont détériorées et défoncées dans
Tespace d'une heure par le passage d'une tornade furieuse,
et sont changées en torrents impétueux dont le lit atteiDt,eD
certains endroits,jusqu'à 1 m. 50 et 2 mètres de profondeur.
La nature sablonneuse du terrain eu rend difficile l'entre-
tien et c'est ainsi que, peu à peu, le Plateau descend dans le
lit du fleuve.
Une autre question importante : comment vit-on à Braz-
zaville ? Malgré les encouragements de toutes sortes prodi-
gués aux indigènes, la vie y est très chère. L'absence de
bétail en est la raison principale : quelques cabris (petites
chèvres du pays) seuls constituent l'élevage et encore en
faible quantité. Afin d'avoir du lait pour les malades, l'Ad-
ministration a fait descendre des régions du Tchad quelque^
CORRESPONDANCE DU CONGO 173
(êtes de bétail ; c'est le seul troupeau de Brazzaville et des
environs et le nombre ne s'en accroît pas.
Les poules et œufs sont recherchés de tous côtés et sou-
vent il est diflScile de s'en procurer,la population croissante
de la ville les fait plus rares de jour en jour. Les jeunes
poulets, gros comme le poing, sont arrêtés dans leur crois-
sa nce et vendus à des prix très élevés. Les chiffres d'ailleurs
ont leur éloquence et quelques prix des matières premières
** Talimentation vous fixeront à ce sujet :
Pain (pesant de 300 à 350 grammes. , . 0 fr. 50
Vin très ordinaire le litre 2 fr. —
Poulet 2 fr. — , 2 fr. 50 et 3 fr. —
Canard 10 fr. —
Cabri variant de 15 à 60 fr. —
Ces prix exorbitants seraient encore assez facilement
supportés si l'abondance régnait, mais il n'en est pas ainsi,
^-est une ou deux fois par mois et sans régularité, que les
chefs de terre déposent quelques provisions sur le marché.
Aussi est-il inutile de vous dire qu'à l'arrivée d'une de ces
caravanes, la nouvelle s'en répand comme une traînée de
poudre et (|ue tout Brazzaville se retrouve autour do l'en-
ceinte, criant et discutant les prix : malheureusement il n'y
en a pas pour tous, et souvent plus d'un chef de popotte
s'en retourne bredouille.
Faute de restaurant, nous avons, en effet, le système de
'fl «popotte ». C'est la réunion do trois, quatre ou cinq
Européens, prenant ensemble tous les repas en faisant cui-
sine commune. A tour de rôle, chacun devient pour un
^ois, (( chef de popotte », sa tâche consiste à indiquer
3IJ cuisinier noir le nienu (peu varié, hélas !) do chaque
rtpas. Bref, à lui incombent tous les soucis de la ménagère,
l'approvisionnement de la popotte, avec, en plus, la vigi-
lance sur les boîtes de graisse et de beurre que la main trop
174 CORRESPONDANCE DU CONGO
lourde du cuisinier peu scrupuleux épuise d*uD seul coup
après quelques jours de modération. Le soir, un orchestre
de moustiques agrémente le repas de son bourdonnement
zézayant et d'une note très aiguë, mais aussi trop souvent
distrait Tappétit par ses piqûres réitérées...
Mais j*8buse 1 je termine donc ce bavardage, heureux
s'il a pu vous faire vivre quelques instants notrfe vie de
colonial, sans en supporter les inconvénients, mais vous
assurant que le climat du Congo n'est pas ce que l'on croit
généralement en France. J'insiste sur ce point afin de dé-
tromper l'opinion publique, opinion défavorable à notre
colonie qui. pourtant, devrait être et sera certainement un
jour, une de nos plus riches et de nos plus saines dépen-
dances de la Métropole.
E. Le Breton
Adjoint des Affairtt Indigènes
ACTES DE LA SOCIÉTÉ
Procès-verbal de l'Assemblée générale du 13 février 1906,
Présidence de M. H. Blot-Lbfevre, président.
Le procès- verbal de l'assemblée générale précédente est lu et adopté.
La parole «<t donnée à M.René Boîtier, trésorier, pour la lecture des
comptes définitifs de Texercice 1905. Ces comptes sont approuvés par
l'Assemblée. Il resfiort de cet exposé que les recettes et les dépenses
sVquîIibrent à quelques francs près.
M. le Président expose le projet de budget pour 1906 ; sauf quelques
chun^eineotfl innignifiants, ce budget est établi sur les mêmes bases
que les budgets précédents. L'Assemblée l'adopte à l'unanimité.
L'ordre du jour appelle le remplacement des membres sortants du
Comité, série C.
Les dix membres sortants sont :'MM. F. Basset.E. Bunge, A.Chan-
cerel, Dr Engelbacb, G. F^ngelbacb, E. Favier,F. Pelard, V.Schmitt,
E. Laneuville, G. Odinet.
II y a, en outre, à procéder au remplacement de quatre membres
Ho Comité.
Les dix membres sortante sont réélus à l'unanimité.
Sont ensuite nommés niembresdu Comité : MM. J. Hubert, J. Barre,
n. Boitier, L. Monnallier.
M. le Secrétaire général donne lecture de son rapport sur la situa-
tion et les travaux do la Soi-iété. Il insiste sur le succès des confé-
rences et appelle l'attention des membres sur l'intérêt de la Biblio-
tbè<}ue qui permet aux Sociétaires de se tenir au courant des événe-
ments géographiquen.
Iji parole est ensuite donnée ti M. Georges Dufour, ancien médecin
priacipal de la Marine et membre de la Société, qui a bieu voulu ré-
pondre à l'appel de ses amis du Bureau pour nous faire une confé-
rence sur Bizerte.
Un long séjour à Bizerte a donné à notre distingué conférencier,
pir un constant contact avec U popuktion, aus3Îb:3a indij'me
1
176
ACTES DE LA SOCIÉTÉ
qu'européenne, uue connaiesance approfondie de la régioD. Aufl
a-t-il pu, avec une grande compétence, servie par un fin talei
oratoire, mettre en lumière les diverses transformations de notl
nouveau port de guerre sur la Méditerrannëe.
De suggestives projections sur Técran, illustrèrent cette charmaidl
conférence.
La séance fut levée à 10 heures 1/2.
Procès-verbal de la Séance du Comité du 13 Février 1906.
Présidence de M. H. Blot- Lefevre, président
A l'issue deTAsBemblée générale, ure séance du Comité a lieu.
L'ordre du jour comporte la présentation de nouveouz membres :
MM. Lucien Gosse présenté par MM. Fritz et Cappelle
le colonel Lebeau
le pasteur Granier
Jean Engelbach
Jean Bœswillwald
Hetzlen
Mlle Ciceron
MVf.Delahaye
Ginouvier
MnjeChevalicr de Coninck
MM. Ernest Monvcrt
F. R< binson
Amiral Dupuis
A. Tranchet
Henri Vullia
Victor Frémont
G. Barthélémy
Ed Aubourg
Juk'S Gel in eau
André de la Porte
A. Gros
Tlearn Walter
Loraitre tils
L. Fédron
Blot-Lefevre et FlavîgDV
Mundîer et Matthey
G Engelbach et D'Engelbach
M»n« Bœswillwald et M. Ch. Meura
M M. Fa vie r et Mcnscourt
Balard d'Herlinville et Narcy
A . Bellenger et Ambaud
MUeBelugou et M. E. Favier
M M. G. Engelbach et J. de Coninck
Meckenstock et Boivin
Li:cy et Blot-Lefevre
A. Martin et Guitton
Cliaiicerel et Pinczon
Guitton et Danvers
Loi seau et J, Kablé
Bredaz et F. Basset
Guitton et P. Dupuis
Colchen et Ramelot
Meckenstock et Boivin
Guitlonct F. Vanîer
Blot Lefevre et R. Pesle
Guitton et Blot-Lefevre
Meura et Boivin
ACTES DE LA SOCIÉTÉ , 177
MM. F. Fûuvel présenté par MM. Monguillon et Boivîn,
Gaston Corojrer » v »
Te»*Bier * Lef èvro et Favîer
£. Ilanielin » Cbardot et Ilaumont
D^ Borel » D' Vigne et D^ Potel
(j. Dubois » Meckenstock ot Boivin
F. Fuhrmann » » »
G.Goliier » Guitton et Boivin
Capitaine Bâtard » Le^niset Ik>ivin
irilalluin » Blot-Lefev:e et Meura
L'aiiniission de ces nouveaux int-nibrea^ mine aux voix est adoptée
âriiuaniinité.
La séance est levée à 11 beures.
Proccs-revlal do la Séance du Comité du mercredi 2 mail906
Présidence de M. L. GuittuN, vice-prc^ident.
L*orc]re du jour appelle IVlcction du Bureau pour l'année 1906. De
n les membres du Bureau, seul M. llaussinann, vire-président eor-
,nt, n'est pas rééligible .
M. Guitton prend la présidence provisoire. Il tient tout d'abord à
;priiiier h\é regrets de la Soci<'to de la i»crto qu'elle vient de faire en
personne de M. Blot-Lefevre. 11 rappelle en 4Uel<[ue8paroleH émues
souvenir de M. B'ot-Lefevn;.ram'nité d' son caractère, lecbarmo
8»8 relations et le dévouement qu'il n'a cessé do prodiguer à la
iété {tendant tout le cours île sa i»rôsideMce. Son souvenir restera
Il jours fber à tous ceux (jui l'ont approebé et connu et le vide causé
T sa mort sera bien diilioilu à combler.
L aîfsemblée enti«''re s'associe à l'expression de ces sentiments.
Il est ensuite procédé à l'éljction du bureui. Par déférence pour
tui^ni jire «le notre regretté présiilen^ il est d'vidé que le fauteuil
l.i présidenrf restera provisoirement vacant et qu'il ne sera procédé
plus tard à l'élection de son successeur.
Sont nommés :
I"' vice-président : M. li. Guitton
2* vice- président : M. K. Favier
Sc-rétaire général : M. P. Loiseau
B*i.Tétairei les sM-ioes : MM. U. PeileetJ. Hubert
Bibiiotlijcairo : M. Cb. Meura,
Tré«>.>rier : M. Hené Buitiur
178 ACTES DE LA SOClÉTli
Lectara est donnée de la Correspondance.
La section stéphanoise de la Société de Géographie commerciale da
Paris transmet la liste des vœux adoptés par le Congrès des Société!
Françaises de Géographie, tenu à Saint- Etienne du 6 au 10 Août 1905.
Elle attire spécialement Tattention sur les vœux n^ 1 et 10.
Vœu Uo 1 — Que les Sociétés françaises de Géographie, les Société*
assimilées redoublent d efforts, pour faciliter aux jeunes Français lei
voyages à Tétranger et aux colonies, soit en créaut des bourses de
voyages, soit en obtenant des conditions spéciales des compagnies de
transport, soit en organisant chaque année une caravane delà jeuuesN
en Algérie et en Tunisie.
Vœu nolO — lo Que la géographie commerciale soit enseignée du»
façon suivie et bien comprise dans toutes nos écoles normales, sopé-
rieures et primaires .
2o Qu'il soit créé dans toutes les villes où il existe des écoles prati-
ques de commerce et d*industrie, une section de commerce extériear
préparant les jeunes gens à faire de bons voyageurs de coonnerce. ,
3 Que dans les villes industrielles et commerciales où il n'existe
pas de ces écoles, les conseils municipaux, les chambres de ood'
merce, les associations de voyageurs de commerce s'entendent pour
combler cette lacune.
La Société est invitée à assister au 2« Congrès des Sociétés nor-
mandes scientitiques, littéraires et artistiques qui se tiendra à Lisieax
du 22 au 24 juillet prochain.
La Société de Géographie et d'Études Coloniales de Marseille in-
forme qu'elle organise un Congrès de l'Alliance Française etdesBo-
ciétés de Géographie ([ui se réunira à Marseille en septembre à l'oc-
casion do lexposition coloniale, sous la présidence de Monsieur i-
Charles-Roux, ancien dt'puté/présidcnt de l'Union Coloniale et dels
Compagnie Générale Transatlantique, commissaire-général de l'ex-
position, et invite la Société a se faire représenter à ce Congrès.
Le Comité décide que connaissance sera donnée de cette invitâ\iott
et des facilités accordées par les compagnies de transport, psr la wi«
des journaux, à tous les membres de la Société.
Sont présentés à l'admission :
MM. Louis Remy présenté par MM. Guitton et A. Martin
Georges Billet » Schmitt et Meura
Ilasselmann » MM.Blot-Lefevre et Fritz
J. Fauvel » Moxiflooart et Guitton
ACTES DE LA SOUÉTÊ 1?9
L ordre du joar appelle rorganisation da concoars annuel de géo-
graphie institué par la Société. M. le président doane lecture du rè-
glement de ce concours auquel il n*est apporté aucune modification .
Sur la proposition dti sQ^rétaire général, le Comité décide que le
coDcoard aura lieu cette année dans la seconde quinzaine du mois de
juin.
Sont nommés membroi de U conmission du choix des questions :
MM. Favier, Ménager et Loiseau.
Sont nommés membres de la commission de classement :
MM. Hubert, Schmitt, Gaériu, Barre, Fritz.
Suppléants, MM. Doublet et Jacquemin.
M. Guitton donne lecture de plusieurs extraits d'une intéressante
étude pnbliée d;uis les < Questions diplomatiques et coloniales» snries
Nouvelles Hébrides. L'auteur de cet article rappelle que de tout temps
les Nouvelles Hébrides ont £ait Tobjet des visées de F Australie, et
c*est ce qui a compliqué le débat entre la France et l'Angleterre. La
latte d intluence s'est poursuivie pendant de longues années, lutte
tout économique, et c'estgrâce à la ténacité et à landace de M. Heg.
gioson que les intérêts français ne furent pas irrémédiablement com-
promis, La convention de Paris du 16 novembre 1887 organisa uH
goavernement en commun destiné à maintenir f ordre,mais aussi at*
ténue que possible, si bien que les juristes se sont demandés s'il y
avait même l un condominium.Désormais c'était une commision na*
vale, composée d'officiers des de ix marines anglaise et française, qui
devait veiller à la sécurité des personnes et des biens. Ce régime pro-
visoire de surveillance collective ne fut à vrai dire, qu'un régime de
paralysie. Un tel régime ne pouvait être durable.
La nouvelle convention qui vient d'être signée, en mars 1906, res«
pecte les juridictions nationales, c'est-à-dire que ce sont des juges
français qui jugeront les Français, des juges anglais qui jugeront
les Anglais. Ce qu'elle crée, oe sont des juridictions mixtes non*
vellee,an tribunal mixte aura droit de justice pénale sur les indigènes
en matière civile, les litiges fonciers seront réglés par un tribunal
composé de trois juges, l'un français, l'autre anglais, le troisième
nommé par une puissance amie.
L'administration reste dans le « statu quo, » et ce sont toujours
les commissaires délégués français et anglais à Franceville (Port*
Yila) qui resteront chargés de Tétat-civiU
Quant aux autres services publics, Iqb colons devront y pourvoit
par hnx propre initiative.
180 ACTES DE LA SOCIÉTÉ
Personne ne demandint la parole et l'ordre du j >urétiutTpaw: la
péance est levée à 10 h 1/4.
Procès-verbal de la Séance du Comité du 4 juillet JM
ProHidence de M. Guitton, vice-prûsident.
Lecture est donnée du procès-verbal do la précHlonte r^'unionqui
est adopté sans niodilicatiou.
Il eat ensuite donué connaissance de la cornî «poiidance co:npre-
nant : 1" Une lettre de M. lu Maire d'i Havre, par laquelle il (ait don ,
à la Soci Hé do plusieurs niL'diilles à décerner aux lauréilfi du con-
cours de géographie.
2" Lettre de M'' Lavaissièr© informant la Société 411 elle peut dèî
maintenant s'attribuer les volumes provenant du legs faitpiir iM. J*
Delatnalle.
Sont présentés comme nouveaux membres :
MM. Camille Martin présenté par MM. Monguilloaet Leseoi.
L. Croix 7> Loiseau et Favier
André Blot-Lefevre j» ' Guitton et Loiseau
Association Fédérativo
des Capitaines au Long-Cours, » Quittou et Favier
A. Le Tiec » Caill et Barre.
Il sera statué en fin de séance sur leur admission.
La parole est ensuite donnée à M. Laurent Toutain pour développa
cette question si intéressante pour notre ville : Tautonomie du port à^
Havre
M. Laurent Toutain montre de façon saisissante l'infériorité diî|*
laquelle se trouve le IIavre,coniparé aux ports étrangers. Lluiposflw^' ]
lité, à l'heure actuolle,de posséder des niviresiie grandes diinenfioûi
pouvant lutter avec l'étranger, par le seul fait de ne p is po8séd'*ruQ*
cale sèche de dimensions h>uilisantcs.
IS'éteridant sur tous les graves inconvénients pouvant résulter w
cette infériorité, il montre l'urgence qu'il y aurait de faire du Ua^i^
un port autonome.
En rjU4, le 1'' Vœu fut émis par le Conseil Municipal du Hivre
Bur la proposition de M. Godet.
Un rapport très documente fut présenté par M. Maurice Tacoriet
devant la Chambre de Commerce le 27 octobre 1905, enfin le 10
ACTES 'de la société 181
Novembre de^la même année, celle ci à BOn tour a éoiiâ le vœu que la
question soit mise à Té Code par le F<i rie ment.
Jli'orateur continue en passant successivement en rovu3 le.-} difterenttis
organiS'itions des ports étrangers : Liverpjol, Londres, South \mptoQ,
Anvers, Hambourg, Gênes, qui tous ont una administration indépen-
d^nti et qui, pir ce fuit, prennBut de j >ar en jour un o-ssor considé-
rable.
M. Toutain tennine en disant l'urg^nca qu*il y aurait pour la France
d3 s'oocapQr de cette question vitale et est heureux dd la présen-
ter à II So'nété de Géogra;jhie atin de faciliter si mirchc en avant.
M. Guitton atinooi de tous, remercie Toruteur de ses intérosiantea
coinmunications et d'^clare quj la Sj:ijtj est prèle àail^r pir tous
ses moyjns,rueavre si iot^ressinte qui vient d'être djreloppée devant
elle.
M. Toutain meta la disposition des membres présents la brochure
dont il est Fauteur, résum an t et com mentant le rapport de M. Taconet.
La séance est levée à 10 h. 1/4.
Procès-verbal de la Séance du Comité du 17 Octobre 1906
Présidence de M. L. Guitton, vice-président.
Le procjs-yerbal de la précédente réunion est lu et adopté sans mo-
dification.
Sont présentés comme nouveaux membres :
MM. fiodereaa présenté par MM. Guitton et Flum.
Pottier 9 Guitton et Bergerault.
Cap" de Tugny, t Favier et le L*^-C' Flavigny
Il sera statué en lin de séance sur leur admission .
M. Blanche, vice-consul de France à Glasgow, est nommé membre
correspondant de la Société.
Il est ensuite question de la réimpression du citalojue de la Ulblio'
thèque, imprimé eu 1897. Depuis cett') époque, par suite de plusieurs
dons et des acquisitions courantes, co caialogue est dev^ouu très in-
complet et nécessiterait une complète réimpression. La dépense pour
Tédition du catalogue devant être d'environ LOOO francs, plusieurs
piembres font observer que cette lourde charge poar notre budget^
182 ACTES DE LA SOCIÉTÉ
n'est pas en rapport avec le service qu'elle peut rendre à nu nombre
limité de membres qui, d'ailleurs^ pauvent consulter à la Bibliothèque
le catalogue des fiches, tenu au jour le jour. Il est décidé que n'of-
frant pas un caractère urgent cette question serait reportée.
Lecture est ensuite donnée d'une proposition de la Société Mutuelle
de Prévoyance des Employés de Commerce du Havre tendant à
l'organisation d'un cours de géographie et à la création de b3ur8es
ponr le séjoar à Té tranger. Après discussion, il est décidé que la So-
ciété ne pouvant contribuer pécuniairement à ces projets, apportera
à la Société des Employés do Commerce son appui moral et mettra
à sa disposition les divers documents et les ouvrages do la bibliothèque.
M. Quitton prend ensuite la parole pour rendre compte de la mis-
sion dont il fut chargé, de représenter la Société au 27*' Congrès des
Sociétés françaises de Géographie à Dunkerque. M. Guitton donne
lecture des principaux discours prouoncéSjénuuière les questions ini*>
4 l'étude et les vœux qui y furent émis. Il termine en montrant Tex-
tension que prend de jour en jour le port maritime de Duukerque et
donne d'intéreasanls renseignements sur les travaux projetés p^^
Tagrandissement de ce port.
La séance est levée à 10 heures.
Oiiïïages rp i la lliolp le la Sodttl!
X«e Pays de Caux, étude géograpLiqae.par Georges Lkcaupektirr,
licencié ès-lettres, préface de M. Vidal La Blachk, Rouen, 1906^
1 broch. in-4, 44 pp. avec 6 cartes dans le texte.
If ancy (Les villes d'art célèbres), par André Hallats, Paris, 1906,
1 vol. în-4, orné de 118 gravures.
Le Gouffî^e et la Rivière souterraine de Padirac (Xjot), par
E. A. Martel, Paris, 1906, 1 vol. in-8, avec 38 gravures et
12 coupes ou plans, dont un en couleurs.
La Découverte du Vieux Monde' par un Étudiant de Ghicagoi
par Vabbé Félix Klein, professeur à Tlnslitut catholique de Paris.
Paris, 1906, 1 vol. in-16.
lies Vosges, Livret-guide édité par le Syndicat d'initiative des
Vosges et de Nancy. Villes d*eaux, stations de cure d*air. Nancy,
1906, 1 broch. in-16, avec de nombreuses gravures dans le texte et
cartes hors texte. (Envoi du Syndicat d'Initiative.)
I«a Flandre, Etude géographique de la Plaine flamande en France
Belgique et Hollande par Raoul Blanchard, docteur ès-lettres.
Paris, 1906, 1 vol. in-8, illustré de 76 figures, 48 photographies
dans le texte et hors texte, et 2 cartes hors texte.
Irlande et Cavernes Anglaises, par E.A. Martel, Paris, 1897,
1 vol. in-8, avec 121 gravures, 18 plans et coupes et 3 planches
hors texte.
Milan, (Les villes d*art célèbres), par Pierre GAUTHiBZ^Paris, 1906,
1 vol. in-4, orné de 109 gravures.
Pompéi (Les villes d'nrt célèbres), par H' Tuedenat, Paris, 1Ç06,
2 vol. in-4, ToMB I, Ilistoiie, Vie privée, 123 gravurts. Tome II,
Vie publique, 77 gravures.
Asie Mineure et Syrie, Sites et monuments, par Eug Gallois,
chargé de mission . Paris, 1907, 1 vol. ia-8.
La Perse en automobile, à travers la Russie et le Caucase, par
Glande Anet. Paris, 1906, 1 vol. in-4, orné de nombreuses illus-
trations hors texte
La Chine novatrice et guerrière, par le capitaine d'OLLONME.
Paris, 1906, 1 vol. in-16.
Paix Japonaise. Le Japon et la paix do TExtrême- Orient. Le
Japon et la Chine. Japonais et Américains. La lutte pour le
Pacifique. Le paysage japonais. Routes japonaises. L'inkyo, par
Loui» AuBERT, Paris, 1906, 1 vol. in-16.
Vers les Steppes et les Oasis, Algérie, lunisie, par René Fage
préface de Jules Claeetib. Paris,1903,l vol. in-16, avec gravures.
184 OUVRAGES BEÇUS A LA SOCIÉTÉ
La Tunisie industrielle, commerciale et pittoresque , par
Ph. Le Duc et Jh. Buonfils, anciens voyageurs de commerce.
Versailles, 1906, 1 brocb. in-8, 47 pp. avec une carte et un plan
(Don de M. le Président de la Chambre de Commerce du Havre.)
Taoger, par Allcrt Cousin, Paris, 1C02, 1 vol. in- 12 crné de 48
photogravures.
Un Crépuscule de Plslam, Maroc^ par André Cbevrillom, Paris,
1906, 1vol. in- 16.
Le Périple d'Afrique, du Cap au Zambîze et à rOcéan Indien, par
Henri Cohdier, professeur à TEcole des langues orientales. Paris,
1907, 1 vol. in-8, orné de gravures d apns les photographies de
l'auteur.
Chili et Bolivie, étude c'conomiqiie tt minière, par Ferdinand
Gautier, ingénieur civil de» Mines. PariF, 1906. 1 vol. in 8.
A Travers la Banquise, du Spitzberg au Cap Philippe (mai-août
1905), par le duc d'Orléans. Paris, 1907,1 vol. gr.in-8 accompagné
d'un portrait en héliogravure, de 10 planches en couleurs et de
profils de côtes, de 400 gravures en noir dans le texte et hors texte
et de 2 cartes.
«Le Français» au Pôle Sud, Jcurnal de l'expédition antarctique
française, 1903-1905, par J. B. Charcot, chef de Texpéditiou, pré-
face par Taniiral FouKWitR. Ouvrage suivi d'un exposé de quelmies-
una des travaux scifntifiques par les membres de l'état-major :
MM. Matiia, lU:y. Pi.eneau, TuRgrET, Gourdon, CHARC0T,Pari8.
1907, 1 vol. gr. in-8, contenant 300 illubtrations et une carte hors
texte.
L'Emigratîcn européenne au XIX^ siècle. Angleterre, Alle-
magne, Italie, Autriche-Hongrie. Russie, par K. Gonnard, pm-
fesseur à la Faculté de Droit de TUniversité de Lyon. Paris, 1906,
1 vol. in-18.
Les Lois organiques des Golooies, documents officiels, précé-
dés de notices historiques. Bruxelles, 1906, 3 vol. in-8, publiés par
l'Institut Colonial International (Envoi de l'Institut)
Recueil consulaire du Royaume de Belgique, contenant les
rapports commerciaux aIch pgcnts belges à Ictranger, tomes 126 à
133, annc'es 1904, 1905 et n.06,8 vol. in-8.
Le Havre port autonome, rapport à la Chambre de Commerce,
présenté par M. Maurice Taconet, au nom delà Commission de
l'Autonomie des Ports (séances des 27 octobre et 10 novembrel905,
Havre, 1905, 1 vol. in-4, 170 pp. (Don de M. le Président de la
Chambre de Commerce.)
Le Havre port autonome, Etude du rapport de M. Maurice
TACONEr, adopte par la Chambre de Commerce, le 27 octobre
1905, par M, Laurent Toutain, docteur en droit, courtier juré d'As-
surances, près la Bourse du Iluvro Ilavre,l900, 1 broch. in-4, 13pp.
(Don de l'Auteur.)
SKVILLK.
;iUALi» i i:r 1. V ('athj: »is vi i .
•J*.\\(iKH. Ki: M\H'in':.
rWCrKli. - r.- • - *
SOCIETE
DE
lÉOGRAPHIK COMMERCIALE
IDTJ HA.'VR.B
BULLKTIX
XXI V* Aiiiu*€S - I Triimsslit 1 lUI 7
IIAVÎil.
AU SIKGK I)!' I.\ s(u:ini
SOMMAIRE
Liste Générale des Membres de la Société r ï
L'Emigration et la Colonisation Italiennes (Hn), par M. Si^szARDO
RiZZETTO / lftr>
La nouvelle Carte de France au 5o,ooo*' «304
Actes de la Société 212
Ouvrages reçus à la Bibliothèque de la Société 2i5
RÉUNIONS
' Les Réunions du Comité ont lieu le ^^'^ mercredi de chaque mois
excepté pendant les mois d'août et septembre.
Tous les membres de la Société peuvent y assister»
BIBLIOTHÈQUE
La Bibliothèque de la Société est oÛvertO tOUS lOS SOirS
excepté les dimanches, jours fériés et demi-fériés, de 6 h. i/a à 7 h. i/i
et de 8 h. 1 ^2 à soh.
Toutes les communications et tous les renseignements doivent ctre
adressés au Secrétaire général.
LISTE GÉNÉRALE -S^ff
DES
IMBRES DE LA SOCIÉTÉ
Présidents d'honneur.
, Le Ministre de la Marine.
Le Ministre des Colonies.
SlEOFRiBD (Jules) (0 ^) (Q A), «lépiité du Havre.
Le Préfet de la Seine-Inférieure.
Le Sons-Préfet du Havre.
Le Chef de la Marine.
Le Maire du Havre.
Le Préaident de la Chambre de commerce du Havre.
Le Président du Tribunal de commerce du Havre.
Membres d'honneur.
Le Général Archinard (0 *), commandant en rhoî l'armée
coloniale, nie Brémontier, î>, Paris.
■{* Batol (Docteur) (0 H^), gouverneur honoraire «les Colunios
DUFUIS (J.), explorateur.
Y De Maht, député do k Kéunion. ancien Ministre.
Harvand (Docteur) (0 ^). commissaire j^énéral ilii Gcuivinu-
tnent françnis à Hué (Annam).
-f Lenmirb (G.) ^ (y I) conservateur du Muséum d'iiisloire
naturelle et d'ethnographie du Havre.
LRVASSKrR (E.) (O *), membre de ITnHtitnt, professeur au
Collège de France, 20, rue Monsieur-le-Princ»', Paris.
Lourd ELET (E.j a^, vice-pré»ident de la Soeiété dt- rrt;M»;;riipliio
commerciale de Paris, 09, boulevard de Magenta, à Paris.
NftiR (Docteur) ^, médecin de la Marine, explorateur en
Cocbînnhine.
wocMÈrà Di oAoeRAPHix.— i" trm. 1907. T
4>. /
n LISTE GÉNERÀLB DES MEMBRES
MM. QuKviLLON (F.) {0 *) (Q A), général de brigade, gouvemcor
de la place de Mcubeuge (Nord».
-f Savorqnan de Brazza (C ^), commissaire général honor&ire
du Congo français.
Wiener (Ch.) ^^ chargé d'affaires de France près du Gouver-
nement de Bolivie.
Président honoraire.
M. Couvert (Joannès) i^^ négociant, président de la Clianibrc de
commerce du Havre.
Vice -président honoraire.
M. Beoqué (L.) ^ $, lieutenant de vaisseau en retraite, àNeuiliy-
Bur-Seine.
Membres correspondants.
MM. Bf.ANtHR, \nce-con8ul do France, à Glasgow.
Catat (le Docteur), à Contrexéville (Vosges) .
CiiARDOT (Arsène), à Valparaiso.
David de Floris, 57, rue Fondary, à Paris.
Dkbise<|(<, vice-président honoraire de la Société de géographie
de Lyon.
De Saint- Qurntix *, trésorier des Invalides, à Marseille.
Franconie (Joseph), attaché à la Banque de France, me Blanche, |
74, à Paris.
Gautier (A) î^, capitaine d'infanterie de marine en retraite,
à La FhVhe (Sarthe). i
Klett (Carlos Lix) {Q A) >^y Corimil générai de la République '
Argentine, à Rio-dc- Janeiro (Brésil).
Lk Barrois D'ÛRGKVAii, vice -président de la Société de géogra-
phie commerciale, 31 , rue de Tocqueville, à Paris.
Le Brkton (E.) adjoint des Affaires indigènes, à Brazzaville
(Congo français).
Lkvy (Victor), Conseiller du Commerce extérie^ir de h Franco,
TeiijfaltstrasFe, 8, à Vienne (Autriche)
ScnRADEK (ï'^.l, directeur des travaux cartographiques de la
maison Hachette et C'», boulevard Se -Germain, 79, à Paris.
Siegfried (André), boulevard St-Qermain, 226, à Paris.
Vidal, professeur d hydrographie, à Bastia (Cors 3).
Wauters (A.-J.)^ directeur du « Mouvement gôographifiue »,
13, rue Brédorode, à Bruxelles.
MEMBRES DONATEURS HI
MembreB donateurs.
MM. f Vattier, professeur d*hydrographie.
Le kabquis de Hoitdetot, maire de St-Laurent-de-Brèvedent
LoiSEAU (Paul), négociant.
f Le baron Arthur de Rothschild H^, banquier, à Paris.
Le comte Mosselman, capitaine an long cours.
f Delamallb (Jacques), propriétaire, à Paris.
Vesik (Joseph), capitaine au long cours, à Paris.
La Compagnie générale Transatlantique.
WoEMS JossE et C»«, armateurs.
Mekieb (Henri), industriel, à Paris.
Couvert (Joannés) ^, négociant, président de la Chambre de
commerce du Havre.
GoiTTON (Louis), (O A), agent commercial.
t DuBOSC (E.) (0 ^] ►îi (C ^), industriel.
La Compagnie des Chargeurs Réunis.
-f Blot-Lefevrg (H.), négociant, trésorier de la Chambre de
commerce du Havre.
La Compagnie des Docks- Entrepôts.
Dupoirr (E.) directeur des Docks-Entrepôts.
Bureau.
MM. Dupont (E), directeur des Docks-Entrepôls, président.
Faviee (E.) (1} I), professeur au Lycée, vice-président
Du pour (Georges) ^y docteur médecin, vice-président,
LoiSEAU (Paul) négociant, secrétaire général,
Hubert (Jacques) secrétaire des séances,
Vaxier (Ferd.), négociant, secrétaire des séances.
Boîtier (René), avocat, trésorier.
Meura (Ch.), courtier, bibliothécaire.
Comité.
MM. Barre (Jules) (|| A) (0 ^), lieutenant de Port.
Basset (Frank) (Q A), avocat.
Boîtier (René), avocat
Bunoe (Ernst), agent de maisons étrangères.
Carton (Albert)^ assureur.
IV LISTE GENERALE DES MEMBRES
MM. CnANCBRF.L (H), agent principal des Chari^^eurs-Réunifl.
CorvERT (Joonnès) ^, négociant, président de la Chanjb-
commerce.
Dany ( A.) {Q I), négociant.
DjtCH AILLE (Stephen) (Q A), directeur des Signaux €>•
Saavetiige.
Doublet (G.), négociant.
Ddfoiîr (G.) ift, docteur- médecin.
Dupont (E), directeur dos Docks-Entrep^»t8.
Enoelbach (P.), docteur-médecin.
Engelbach (G.), négociant.
Favier (E.) {i} I), professeur au Lycée.
Fritz (J.), professeur d*allemand.
Gartner (L.-E.) négociant.
GuÉRiN (Désiré), receveur de TEnregistrement, en retraite.
GuiLLOT (Denis), avocat, conseiller général.
GuiTTON (Louis), (Q A), agent commercial.
Harou (E.), courtier d'assurances. •
HAUS8MANN (.1.) (0 #J, fcceveur des Finances.
Hubert (Jacques)
Jacquemin (Ch.) (0 ►î«), négociant.
Krause (Albert), négociant.
Laneuville (E.), courtier.
LoisKAU (Paul), négociant.
Mkura (Ch.), courtier.
Monsaluer (L .), assureur
MosscouRT (E.). {%}A), professeur au Lycée.
Oihnet (G.) (^ A), négociant.
Pelaud (Frédéric), courtier.
Pesle (Robert). îiégociant.
Pu ON (E ) (0 ^), secrétaire général des Docks-Entrepôt?.
Presouez (E.), avoué.
Plum (P.) assuH'ur.
Haoul-Duval (Edmond), négociant.
HnciiE (J.), photographe. ,
Scumitt (Victor), assureur. ;
V.iNiER (Ferd.), négociant. i
MEMBRES TITULAIRES
MM.
1305. AcsEB (F.)^ propriétaire, conseiller général, rue Michelet, 5.
1032. Alexandre (N.) g, négociant, boulevard de Strasbourg, 125.
542. Altmbtkr (Henri), courtier, rue du Chillou, 34.
. 524. Ambaud (Charles), négociant, rue du Chillou, 36.
576. Ahbaud (Louis), négociant, rue du Chilien, 36.
792. AMBAUD(É:mle)^ entrepreneur, rue Emile -Renouf, 55.
317. Amobl (Raoul) ^ ^, armateur, conseiller général, maire
de Gonf revilIe-l'Orcher, boulevard de Strasbourg, 103.
13C8. Anoahharb (Albert), directeur des Docks du canal de Tan-
carviUe, rue de Mexico, 63.
2050. Amphoux (Etienne), employé de commerce, rue de la Bourse, 5.
1261. Arcuinard (Frédéric), négociant, boulevard de Strasbourg^
201 M.
1134. AROBLuâs (Louis), capitaine au long cours, rue Madame<La->
fayette, 6.
1159. Artznbb (G.)t de la maison Latham & C", rue Victor-
Hugo, 145.
249. AssBLiN (Georges), courtier, boulevard de Strasbourg^ 142.
267. AssELiM (Fernand), courtier, boulevard de Strasbourg, 142.
2072* Association fédérativs dbs Capitaines au Long-Cours et
OrFinBRS DB LA Marime mabcuande DE FRANCE (section du
Havre), rue de Paris, 105.
372. AUBBBT (Gabriel), maison £ug. Grosos, place de THÔtel-de-
YUlo, 26.
2018. AUBOUEG (Eklouard;, fondé de pouvoirs, rue Mare, 26.
1600» AUBET (F.), commerçant, rue de Parla, 93.
266. AUGBB (Honoré) ^, armateur, place Carnot, 1.
1338, AuQBB (Paul), rentier^ rue Jules- Lecesne, 25.
Vt LISTE GÉNÉRALE DES MEliBRlSS
1832. Au&iONT (P.), commis principal des Doiianes.bureaa de laSortie.
1358. Avril (F.)^ négociaDt, rue Dubocage-de-Bléville, 4.
1549. Badoureau (F.), uégociunt, rue Du bocage-de -Blé ville, 1.
2087. Baillod (Paul), sous-direcleur du Crédit Lyonnais, rue
J.-B.-Eyriès, 26.
2082. Baillv (Edouard), proviseur du Lycée, rue Ancelot, 2.
1200. Balard d'HbrlinvillE; docteur-médecin, boulevard de Slw-
bourg, 55.
963. Barkal (Georges), négociant, rue de la Tour, 127, à Pirii.
1949. Barre (Jules) (Q A), (O. ^), ancien capitaine de port aux
Colonies, lieuteuant de port, rue de la Mailleraye, 5^
559. Bar RI É (A.), banquier, rue de la Paix, 7.
2047. Bartuélbmy (G.) commerçant, rue de la Bourse, 8.
1203. Barthblmé (Georges)^ courtier, rue Toustain, 3.
1700. Baethold ^Edm.), négociant, rue de la Bourse, 3.
1393. Basset (Frank) (^ A), avocat, rue Fontenelte, 13.
1553. Basset (A.), négociant, de la maison J.-M. Currie et C'S nu •
Pleuvry, 2.
1069. Batalha, rentier, boulevard de Strasbourg, 124.
2063. Bâtard (A.) ^y Capitaine d'artillerie, rue Joeeph-Morleot, 1«
1977. Bâte (Clifford-A.), maison^V«A.^Derode, rue de la Bonne, 28'
1445. Baucue ^Gktston), négociant, rue du Havre, 52, àSanm
1519. Bauer (Léon), marchand-tailleur, rue de la Maillenye, 112.
1474. Baut, rentier, rue de St-Quentin, 64.
1814. Baysselamoe (0 ^), ingénieur en chef de la C^* GMnl*
Transatlantique, place de l'Hôtel-de-Ville, 24.
11. Beoqué (L.) i)i( (0 ^), lieutenant de vaisseau en retraits, toê
de rUôtel-de- Ville, 11, à Neuilly -sur-Seine (Seine).
631 . Beqouen-Demeaux (Max), directeur d^assurances^pl. Oumot,6.
1288 . BEUO(J£N-D£MEAOX(Robert), directeurd'assurancee, pl.Caniot,6.
* 1399. Beqouen (André), avocat, rue Naode, 30.
383. Bellemger-Rozat, commerçant, place du Vieux-Marché, 10«
1691. Bellenqer (André), commerçant, rue d^Etretat, 110.
2088. Belot ^, directeur de la manufacture dea Tabacs, medi
Grand-Croissant, 27.
1544, Beluqou (M^^* L.), prof esseuri me du Gabon, 21.
634. Bénard (G.), bronzes d'art, pUce de PHOtel-de-Ville, 18.
373. Bérard (Henri), courtier maritime hoDoraire, bonleTard îns*
çois-I", 38.
14. Berqeeault (C), négociant, rue Doubeti 16.
1594. Bbrizbeitu (A.), négociantj rue du Champ-do-Foire| 16i
MBMBhBS TITULAIRES VÏl
1585. Bkrnard (G.), ingénieur aux Forges et Cbantiera de la Médi-
terranée, boulevard de Strasbourg, 132.
IS^l, Bkrniibim, étudiant, ruede iWis, 143.
1339. Bkrtrand (Julien), nc^uciunl, rue d'Ap èâ-Mannevillette, 16.
570. BiLL\RD (Emile), courtier maritime, Grand-Quai, 67.
2JÔ6. Billet (George»), directeur de la Brasserie de l'Ouest, rue de
lu Brasserie, 19.
38d. BiNET (Ernest), rentier, rue Aufray 19.
2028, Blanchard (Mlle Berthe), section normale de TEcole pratique
d'^ Commerce et d'Industrie, rue J.B. Eyri^s, 16.
637. Blbcu (Henâ), propriétaire, rue des Protestants, 3.
2071. Blot-Lefbvrk (André), négociant, place t^aint- Joseph, 5.
2074. Boderbau (Gaston), avocat, rue Jules- Lecesne, 4ô.
22. BcEâWiLWALD (Mme Auguste}, rentière, rue Jule3-L3CMne, 16.
2035. Bœswillwald (Jean), courtier, rue Caligny, 2.
1888. Boîtier (R<)né), avocat, rue Doubct, 12.
23. Boiviii (L.) [if A), employé de commerce, rue de Paris, 131.
1706. BooB (A.;, pharmacien, rue de Paris, 137.
2059. Borkl (le D jeteur), directeur de la 2''^'^ circonscription sani'*
taire maritime, rue Aug-Noruiand, 16.
1946. BossiBRK (Bené; négociant, rue des Orphelines, 2.
1998. Bjubttb (W.-K.), ingénieur, route de la Uève^ 22, à Salate^
Adresse.
3j2. Boularo (Iteaé), imprimeur, rue du Canon, 30.
518. Boullangbr (Ed.), négociant, rue de la Ripublique, 13^ à
San vie.
1487. BooRDiONON (A.), place Gambetta, 15.
1937. BoiTBDON (Georges), de la uiaisou Guillerault et C'«, pUoe
Jules* Ferry, 8.
25. BouBQCiN (H.), négociant, rue des Gobelius, 63.
6J0. BoUTXLBOX (L.),agent principal de la Société Navale de TOueeti
quai d'Orléaus, 45.
1820. Bbboaz(A.) jj^, entrepreneur de camiounige, cours delà Ré-
publique, 115.
419. Bbenag (Docteur), pharmacien, rue de Paris, ùO»
880. Bbiand (M<Be) j( , propriétaire, rue du Havre, à Saiote- Adresse.
648. BRUJ7D (Auguste), capitaine au long-cours avec brevet supé-
rieur, rue Clément-Marical 11.
1541. Bbiant (E.), courtier, rue de lu Bourse, 19,
91. BmclU (S.) ^, négociant, vice^prosideat de la Chambre du
commerce, ruo de la Bgarse, 29.
V]1I LISTE ÛÉNéRÀLB DES MBMÈR^
364. Bricakd (H.) ^ (CJ^) if, directeur des Forges et Cliantien
do lu Méditerranée, membre de la Chambre de Coinroeroi^
boulevard de Strasbourg, 45.
1502. HuiÈRK (M™*), reotièrc, rue Jules-Lecesne, 2.
423. Brindkau (Louis) ^, député, boulevard de Strasbourg, 63.
G04. Briquet (Paul), directeur de» magasins publics, me Caaimff- '
Delavigne, 42.
32. Brcxkt (Alfred), négociant, de la maison Vve A. Tkioie,
rue de la Bourse, 23.
1910. Brinschyio *^, docteur-médecin, rue Séry, 24.
1788. Brovvnk ( W«» F.), négociant, de la maison Dafay, Gigtndet
& C»«, rue Jules-Lecesne, 50.
1557. BucAiLLB (Henri), rentier, boulevard François-I«', 60.
418. BUN<JE (Ernst), agent déniaisons étrangères, boulevard <!•
Strasbourg, 124.
2002. BuKNiER, de la maison Kronheimer et C*<>, route de la HèT8i
lG,ii Sain te- Adresse.
949. BuscH (Louis), négociant, rue du Champ -de-Foire, 12.
1796. Caill (Ch.) (0 *), chef du pilotage de la Seine, rao deb
Ferme, 16.
1010. Gaillard (Georges), ingénieur civil, rue de Prony, 20.
2010. Caillatte, négociant, de la maison Frédéric Jung et (?•, bou-
levard de Strasbourg, 130.
1690. Caron (J.), rue du Lycée, 95.
2077. Carox (Jules), employé de commerce, rue de la Cavée-Vert*i
43, à Sanvic.
2086. Cahon (Ernest), de la maison Emile Segard, me Géair^
Ourscl, 111, à Sanvic.
1749. Garrel (l'abbé), professeur à TExternat Saint-Joseph, ro^
Victor-Uugo, 32.
1835. Garrère (G.) ^, docteur-médecin, rue de Paris, 123.
1106. Garton (Albert) assureur, rue de la Halle, 20.
1251 « Carubtte (E.) entrepreneur de transporta, cours de laR^F^'
blique, 36.
1919. Gaeabianca (André) ^, administrateur en chef de rinfenp-
tion maritime, Arsenal de la Marine.
907. Gaspar (Gharles) négociant-armatear,quat 0a8imir-DelaTi|>*f
16.
1247. Gastbl( Jules) du Grédit Havrais, boulevard de Straiboargi^*
1614. Gattbaux (Gustave), de la maiaim Lehoocq à Cbeileti t^
de la Mer, d, à Ste-Adreaee,
Membres TituLAtnES lit
1780. Cavanagh (W.), négociant, rue Edouard -La rue, 14.
1829. Cavanaqh (Raoul), commerçant, boulevard de Strasbourg, 96.
675. CuALOi (Gustave), banquier, rue des Pénitents, 53.
1588. Chamard (Léon), caissier, rue Louis-Philippe, 18.
491. Chancbkel (A.), agent principal de la C*« des Cliargeurs-
Réunis, rue Jules-Lecesne, 30.
13(19. Chardot (Daniel), vérificateur des Douanes, boulevard Fran-
çois-!•', 61.
2089. Chariot (Pierre), assureur, rue de Mexico, 3.
1621. Charrut (H.), négociant, de la maison Loiseau et Barrai, rue
du Chilon, 34.
884. Chbqarat (H.), négociant, rue Foutenelle, 34.
40. Chbrfjls (Charles) ((| A), adjoint au Maire du Havre,
conseiller d^arrondisscment^ rue Just-Viel, 32.
2040. Chevalier de Coninck (M"**'),rentière,rue Auguste- Dollfus,l7.
2037. CicÉRON (M"« Célestine), propriétaire, rue Tliieulcnt, 10, à
Ste- Adresse.
1944. Clbquer (Edouard), officier de marine en retraite, nie Thier8,65.
331. Clerc (L.) (Q A ), pharmacien-chimiste, rue de Berry, 57.
1764. Clerc (Léon), négociant, au château d^flarfleur (Seine-Infé-
rieure) .
17S3. Clochette (Georges), courtier, palais de la Bourse, escalier D.
1285. Clolooe (Alphonse), négociant, impasse Dagobert, 10.
1265. CoLCHEN (Ch.), courtier, rue Jules-Lecesne, 32.
798. Collet (H.), négociant, rue Jules-Lecesne, 4.
332. Commauohe (J.), constructeur-mécanicien, rue de Mexico, 36.
2016. CoQUELiN (Ch.), rue du Rocher, 17, Paris.
304. CoRBLKT (E.), armateur, rue Edouard- Larue, 1.
2056. COROTER (Gaston), instituteur, rue de Berry.
1692. CoTELLE (J.-M.), négociant, de la maison D. Levillain et Co-
telle, rue Jules-Lecesne, 47.
1843. CorrARD (Alfred) j(, négociant, membre de la Chambre de
Commerce, roe du Lycée, 30.
45. CoTT (A.) (Q A), ancien chef d'institution, place de THÔteU
de- Ville, 27.
789. CouLOH (Ch.) ]£( )£<, négociant, conseiller municipal, juge
EQ Tribunal de Commerce, rue de la Paix, 6.
1952. Courant (Maurice), artiste peintre, Clos de TAbbaye, à Poissy.
(Seine-et-Oise)
1953. Courant (L.), négociant, rue Bellevae, 6.
1956, COURTIH (Arthur), percepteur, rue de Saint Quentin^ 67t
X LtStE GéNÉRALE D£8 MEMfiflEfl
47. Cousin (Arthur), inaipon Albert Quesnel & C*«, impasse Di*
gobert, 8.
1883. CoUBJN (Henri) {Q A), agent commercial,nie des Ormeaui.ll.
48 . Couvert (Joannès) ^, négociant, président de la Chambre de
commerce, rue de la Bourse, 31 bis.
49. Couvert (Camille), négociant, rue Jules- Lccesne, 58.
374. CoviLLE (A«), ingénieur des Forges et Chantiers de la Médi-
terranée, rue St- Michel, 9.
51 . Cremer (Marius), négociant, consul de Grèce, rue Doabet, 16.
2070. Croix (L.) opticien, rue de Paris, 16.
1113. Daliqault (F.), entrepreneur de menuiserie, rue Dicqoe-
mare, 21.
1277. Daniel (Joseph), capitaine au long cour8,rue Erne6t-ReDan,46.
1301. Danon (J.), négociant, rue de la Bourse, 35.
807. Danvers (Paul), négociant, rue du Lycée, 81.
1392. Dant(A.) ((I I), négociant, rue du Charap-de-Fuire, 1.
1143. Dr Burnay (le Comte Henri), de la maison Henri de Bumj
& 0*f négociants-armateurs à Lisbonne (Portugal).
569. Decuaillb (Stéphen) (Q A), capitaine au long cours, directeur
des Signaux et du Sauvetage, rue Benjamin-NormaDd.
1898. Deouaux (Albert), juge au Tribunal civil, rue delà Bourse, li
1123. De CoNiNCK (James) [Q I.) jj^, courtier, r. delà Boune,39.
1080. DÉQENÉTAis (L ), courtier, rue de la Bourse, 33.
1091. Degeuser (A.), courtier, boulevard de Strasbourg, 56.
1792. Degeuser (René), courtier, rue Faure, 1.
1255. De Goer de Hervé (Georges), négociant, rue lliiébaut, 7.
1594. Degoy (G.), courtier, place Carnot, 8.
759. De Grandmaison (H.), avocat, rue de Mexico, 45.
1959. De Heyder (Ch.), courtier, rue Victor-Hugo, 136.
426* De Houdetot (le marquis), maire de Saint- Laurent •<*"*
Brè vedont (Seine-Inférieure).
597. Dblaohaxal, ingénieur en chef hon3rairo de la Chambre^*
commerce du Havre, 52, route de Brie, à Broooy (S.-etO»)
1822. Delacroix (E»), rentier, rue Casimir-Delavigne, 6.
1546 i Delamare (L.), courtier, rue de la Bourse, 29.
1369. Delarochb (M°^ liaoul), propriétaire, rue Félix^Faure, 5II*
2012* De la Serna (BufinoC), consul de la République Argeotio0»
boulevard de Strasbourg, 183«
1521. De Léséleuc (Henri) » assureur, place Julet-Ferry^8.
(7. Deluommb (£d,}, industriel) rue Joseph-Péner, 48-50.
N
MEMBRES tlTtLAIRKS Xt
1892. Del Pozo (Ch.\ négociant, rue Racine, 43.
1941. Demanob (A.), négociant, jage an Tribunal de commerce
d*Alger, rue Arago, 8, à Alger.
1524. De MoNTrLEDRY (Lucien), juge suppléant an Tribunal civil,
conseiller municipal, me de Montivilliers, 78.
730. De Momtalembert (le Comte), propriétaire^ au chftteau de Mé-
nilles (Eure).
1747^ Dennis (Etienne), négociant, rue de la Bourse, 19.
341. De QDEEHOENT(J.)i)i(, négociant, vice-président de la Chambre
de commerce, maire de Sainte- Adresse, rue Lemaistre, 29.
1806. Dero (L.), ingénieur, rue de Toumeville, 101.
1529. Derondb (E.), docteur-médecin^ rue d'Épréménil, 4.
58. Desobamps (Médéric) ^ (1^ A), propriétaire à la Rive, Men-
ti viUiers (Seine-Inférieure).
1751 . Deshates (Éd.), courtier, palais de la Bourse, escalier D.
1958. DETOURNAT (André), assureur, rue Massieu de Clerval, 10.
2076. De Tuqmt, capitoihe au 129« Régiment d*lnfanterie, rue de
Tourne ville, 75,
1841 . De Vigan (J.), secrétaire de la Chambre de commerce, palais
de la Bourse.
1598. Deville, docteur-médecin, rue Thiers, 28.
2064. D*Halluin (A.) négociant^ rue de la Bourse, 33.
898. DoHBEE, (M»« L.), libraire, place de THôtel-de- Ville, 10.
1371 . Doublet (Georges), négociant,membre de la Chambre de com-
merce, juge au Tribunal de Commerce, rue de la Bourse, 3.
83. DoURT(V.), avoué honoraire, juge au Tribunal civil, rue Fré-
déric-Sauvage, 15.
2015. DouTRELAUT (Arthur), de la miison Vve A. Derode, boulevard
de Strasbourg, 42.
683. Dot (Auguste), courtier, rue Félix -Faure, 23.
589. Deouaux (Emile), négociant, boulevard de Strasbourg, 130.
1900. Dubois (E.), directeur de la Société Générale, place Camot, 2.
2060. Dubois \Ferd.), ingénieur, rue du Docteur-Cousture, 27.
509. DuoBESNE (B.), constructeur - mécanicien, rue de Neus-
trie, 40.
1837. DucEOCQ ^f ingénieur en chef des Fonts et Chaussées, rue
Caligny, 9.
282. DufoUB (G.) *, 'docteur-médecin, rue' Félix-Fanre. 2,
2019 i DuMESNiL (Jules), caissier, rue Thiers^ 30.
1499, DuuoNT (Alf.), courtier, rue du Champ-de-Foire^ 79.
70. OùMOUOSEL (Aug.), courtier, rue de la Ferme^ 38, à SanfiCé
Xtl LtStE GENERALE DES MBMBltES
581. DuPAQUiEB (André), négociant, rue de la Bourse, 59 lis.
1376. DuPASQUiER (Herraann), négociant, membre delà Chambre de
commerce, conseiller nmnicipui, rue Casimir-Périer, 13.
1954. Du Pasquiee (E.), docteur-médecin, rue Jules -Ancel, 10.
1623. DuPLAT (Achille) (O I), commissaire du Gouvernement anx
Docks- Entrepôts, pavillon des Docks, quai de Marseille.
2004 . DuPLAT (Eug.), agent commercial, conseiller municipal, rue de
la Bourse, 39.
701 . Dupont (Emile), directeur de la C'« des Docks-Entrepôts,
quai de Marseille.
299. Dupuis (Pierre), négociant, rue de la Bourse, 51.
2043. Dupuis (le contre amiral), rue du Havre, 57, à Ste- Adresse.
685. DuEAND-ViKL (Louis) j(, de la maison Tliieulent frères, rue
Guy de-Maupasâant, 10,
1504. Durand- ViEL (Jacques), courtier, rue de la Bourse, 28.
73. DuRET (Alfred) (C»î*) (0 *), négociant, 15, rue GusUve-Flao-
bert.
2097. Ddval (Jean-Raoul), étudiant en droit, place de rHotel-de-
Ville, 23.
1565. Egloff (L.), courtier, rue de Tourneville, 116.
953. Eloy (Fernand), courtier, palais de la Bourse, escalier (i^.
78. Enoelbach (G.), de la maison Les Neveux de J.-G. Sclunidt,
rue St-Michel, 15.
1072. Enoelbach (P.), docteur-médecin, rue Naude, 26.
2034. Enoelbach (Jean), étudiant, rue St- Michel, 15.
1935. Enqelbrecht (Maurice), courtier, rue de la Bourse, 29.
2014. Ernis (A.), dvL Bulletin de Correspondance, 6, rue FélixF*ttre.
1354. EsBRAN (Gustave), négociant, trésorier de la Chambre de com-
merce, quai d'Orléans, 59.
1793. EsTiQNARD (C)., chef de bureau & la Compagnie générJ»
Transatlantique, place de TBôtel-de- Ville, 28.
1980. Fabre (G.), notaire, place de l'Hôtel-de-Ville, 20.
660» Farcis (A.), courtier maritime, Grand-Quai, 67.
1963. Facvel (M"»» L.), rue Victor-Hugo, 165.
1383. Favieb (E.) i^ I), professeur au Lycée, rue J.-B. Eyriést^^'
1697. Fbhr (S.) (C >J<), négociant, rue Faure, 8.
1525. FÉRâ (Ernest), agent commercial, quai Casimir- Delà vigooi '*'
1548. Fërnbbrg (G.), agent de change, boulevard de Strosbourj,'!^^'
1774. Février (M«»«), rentière, rue Félix-Fauro, 61.
1816. Fjévet (J.)| négociant, quai d'Orléaiif| 25
N
' MEMBRES TITULAIRES Xfll
369. FiscEBR (Joseph), représentant général de la C»? G** Trans-
atlantique poor rÂutriche-Hongriej Hegelgasse, 13, Vienne
{Autriche).
1156. Fischer (Éniile), de la maison H. Gcnestal et fils, rue de la
Ferme, 21.
1403. Flavignt (0 ^)^ lieutenant-colonel, commandant le 22« régi
ment territorial d'Infanterie, rue Jules- Ancel, 35.
1534. Follim (H.), de la maison Worms & C^«, boulevard de Stras
bourg, 65.
393. FossAT (E.) i, courtier, rue de la Bourse, 32.
1924. Fossat (A.), courtier, rue de la Bourse, 32.
2103. Fosse (Gustave), employé de commerce, rue Gambetta, 96, à
Snnvic.
1961. FouiLLEUL (B. P.), négociant, de la maison J. P. Simmonds
& C»% rue Fléchicr, 9.
1830. FRANQrs (Paul), boulevard Françoi8-l«% 98.
2027. Frkdon (M"« Léonti ne), section normale de TEcole pratique
de Commerce et d'Industrie, rue J.-B.-Eyriès*, 16.
2046. Frémont (Victor), de la maison Worms & C'*, rue des
Ormenux, 'J.
1551 . Fritz (J.), professeur d'allemand, rue Frédéric-Bel langer, 56.
1831 . FULGEKCB (L ), représentant de commerce, rue du Lycée, 16bis.
1787. Gaillard (Louis ), négociant, rue Franklin, 36.
2(ïll . Galilée (Henry), courtier, palais de la Bourse, escalier D.
856. Garaud (Jules), négociant, rue Jules- Lecesne, 58.
1438. Garnier, vérificateur des Douanes, rue de la Gafle,2.
376. Gartner (L.-E.K do la maison J. Dupasquicr & C'*, rue
Saînt-Micliel, 19.
1697. Gatin (P.), courtier, rue de la Bourse. 38.
1890. Gattiker (P.), nôgociant, rue Toustain, 13.
1666. Gein (M""») impisse Honel.
2049. Gelineau (Jules), commerçant, rue de Normandie, 307.
28. GiNESTAL (Henri) ^ (^^ A), négociant, conseiller général,
rue de la Bourse, 44.
1405. GéKESTAL (Maurice), négociant, juge suppléant au Tribunal de
commerce, rue de la Bourse, 44.
288. Genin (fc\), négociant, boulevard de Strasbourg, 65.
2083. Giannett(A.), commissaire de la Chambre de commerce de
Montréal, 4857 Sherbrooke street, Montréal (Canada).
1619. GiBLAiN (P), assureur, quai d'Orléans, 37.
XIV LISTE GéNÉRALB DES MEMBRES
1480. Godard (Henri), propriétaire, boulevard Maritime, 48.
2102. GoPEMBNT (Kug.), courtier, rue de la Bourse, 19.
1804. Godet (R.), directeur des « Corderies de la Seine », adjoiut an
maire du Havre, boulevard Maritime, 76.
2062. GoHiER (G.), directeur de la Société des Brouettiers du Grand-
Corps, rue de Metz, 33.
2007. GoRSE (le Docteur) médecin delà Santé, Grand-Quai, 65
2031 . Gosse (Lucien) , étudiant, rue de Metz, 31 .
1116. GossELiN (Emile), notaire, rue d*Ingonville, 31.
1579. Grandcamp (Léon), employé de commerce, rue Gambettâ,60,
à Sanvic.
2032. Granier (le pasteur A.), rue Jules Janin 10.
1885. Grégoire (Henri), courtier, place Jules-Ferry, 8.
1702. Griner (Ad ), docteur-médecin, place de rHôtel-de-Ville, 23.
666. Gripois (E.), rentier, rue Saint-Rocb, 5.
2051. Gros ^A.), bandagiste, rue du Champ-de Foire, 67.
98. Grosos (Eug.) (0 *) (C >ï<) (0 ►ÎO ^. négociant-armateor,
consul de Turquie et d'Autriche- Hongrie, place de l'Hôtel-
d.î-Vi!le, 26.
2025. GUEDENKY (M"« Marie), section normale de TEcole Pratique de
Commerce et d'Industrie, rue du Lycée, 71.
61 1 . GuÉRiN (Désiré), receveur de T Enregistrement, en retraite, rae
Racine, 9.
1961. Guerrier (Fernand), pilote, rue Marie-Thérèse, 15.
1810. GuiFFART (Armand), ingénieur des Ponts et Chaussées, boule-
vard François- 1«', 141.
2099. Guillard (Paul), avocat, rue Gustave-Flaubert, 102.
1199. GuiLLEMBiTE (Eugène), commissaire-priseur, ruedoFécaiiip, •*•
1812. GuiLLERADLT (0.), négociant, rue de Tourne ville, 85.
853. GuiLLOT (Denis), avocat, conseiller général, boulevard de
Strasbourg, 148.
97. GuiTTON (Louis) (^f A), agent commercial, do la maison Ferd.
Schneider, rue du Havre, 36, à Ste -Adresse.
1717. HAAG(Otto), négociant, rue Cochet, 8.
1509. Harert (Gaston), de la maison Eugène Doublet, me Frto
klin, 15. ;
2058. Hamelin (E.), commis des Douanes, bureau de la Sortie, q^*^
Lamblardie .
868. Hamon (J.-B.), capitaine au long cours, impasse Haugael, ^•
262. Harou (E ), courtier d'assurances, rue de la Bourse, 24.
2057. H\ssEr,M\NN, notaire, rue de la Paix, 5.
1208. Hauser (Georges), négociant, rue de Tourneville, 83.
MBMBRB8 TITULAIRES XV
]923. Haussuàkn (J.) (0 ^), receveur des Finaoces, rae Jules-
ADcel,12.
1936. Hauzeur iGeorges), de la maîsoD Mason et C^^^rue du Havre,
94, à Ste- Adresse.
1457. Hayk ( W«), négooiant, rue Cochet, 5, à San vie.
2052. Hbarn Waltkr, consul général de la Grande-Bretagne, rue
£d.'Larne, 5.
1712. HUBERT (Jules), chef de service des Engins de levage de la
Chambre de Commerce, rue Jules-Lecesne, 105.
875. Hb»et (E.), directeur du Bulletin de Correspondance, palais
de la Bourse, rue Scudéry.
850. Hess (G.>, négociant, rue du Champ de- Foire, 7 bis.
2036. Hktzlen, professeur au Lycée, rue Ed. -Corbière, 7.
562. Hochet (G.), employé de commerce, rue Franklin, 31.
105. HoFMANN (H.), professeur d'allemand, rue de la PaiX| 1.
2005. Hubert (Jacques), rue du Rocher, 47.
1748. HuMEAU (le docteur), rue de Toul, 8.
1624. HuTTKR (J.-J), entrepreneur, rue du Havre, 46. Ste-Adresse.
1448. Jacqobmin (Charles) (0 ^) assureur, consul du Monténégro, rue
Victor-Hugo, 67.
407. Jacqdey (Louis), ingénieur à la Chambre de commerce, boule-
vard de Strasbourg, 179.
1805. Jahein (Jules), négociant, conseiller d'arrondissement, membre
de la Chambre de commerce, place de THôtel- de- Ville, 25.
1713. Jandin jeune, pharmacien, rue de Fécamp, 13.
2018. JobbéDuval, négociant, passHge Marie- Berthe, 7.
391. JoLY (A.), propriétrire, boulevard de Strasbourg. 2.
911. Jung (Frédéric), négociant, rue Félix-Fanre, 34.
1157. Kabi.ê (Jacques), courtier, rue Victor-Hugo, 151.
1896. Kablô (M™« Charles), propriétaire, rue S'-Michel, 6.
1359. Kaiser (Rodolphe), courtier, rue de la Bourse, 23.
1954. Kerz iFerd.), intéressé de coinmerce,nie Frédérîck-Lemaître,27.
1927. KiRSCHBAUM (M"») (M I), Directrice de l'école pratique de
Commerce et d'Industrie pour les jeunes filles, rue du Lycée
130.
1027. KoLLBRUNTMER (W.). courtier, palais de la Bourse, escalier D.
978. Kraus (Edouard), pharmacien, place de l'Hôtel-de- Ville, 9.
122. Krausr (Albert), négociant, de la maison Th" Dreclcenridge
& C'*», rue de Bapauine, 19.
1899. Kronhkimer (Charles), négociant, consul du Salvador, rue
Saint-Martin, 2.
XVI LISTE céNÉnALE DES MEMBRES
929. Lapaurie (G.), courtier, jnge au Tribnual de commerce, mè
de Montivilliers, 98.
2079. Laisné (Cliarlee), percepteur, boulev.ird Fraiiçois-I*', 94.
1947. Lamy (Paul), négociant, rue Joinville, 42.
356. Lamottb (Edgard), négociant, membre de la Chambre de com-
merce, boulevard de Strasbourg, 134.
1273. Lanctuit (André), négociant, rue de Saint-Quentin, 11.
671. Landrieu (Charles), commerçant, rue de Paris, 98.
1318. Lanel (Ch.), rentier, rue Auguste-Dolfus, 4.
857. Laneuville (E.), courtier, Bourse, escalier D.
1108. Langlois (F.), propriétaire, quai d'Orléans, 9.
465. Langstakf (W.), négociant- armateur, consul du Japon^Grand-
Quai, 67.
• 1926. Lanqstaff (A.), négociant, de la maison Maeon et O**, rue de la
Bourse, 26.
1470. Larde (Charles), courtier, rue de la Bourse, 38.
128. Latham (Edmond) ii^, négociant, président honoraire de la
Chambre de commerce, me Victor-Hugo, 145.
1573. Latham (Charles^, négociant, rue Victor-Hugo, 145
2017. Latham (Robert), négociant, delà maison Frédéric Jung&C'S
boulevard de Strasbourg, 130.
1558. Laude (Louis), directeur de la Caisse de Liquidation, rue Co-
chet, 4.
1094. Laude (Richard), négociant, rue de Paris, 116.
1401. Laukr (Henii), de la maison lïayn, Roman & C'", route de
lu Hève, 14. !\ Sainte -A dresse.
1230. Lavoite fils, do la maison Wornis et O^, boulevard de Stras-
bourg, 138.
1314. Lebuîre (Gaston), assureur, boulevard de Strasbourg, 92-
790. Leblond (Albert) i^k >î<, négocia nt,ad joint au maire du Havre,
membre de la Chambre de commerce, vice-consul du Veoe-
zuela, rue Anfray, 19.
C81 Le Bourgeois (Georges) ^ ;C ^), conseiller général, maire de
Rogcrville (Seine-Inférieure).
367. Lk Bris (F.), négociant, rue du Lycée, 56.
1289. Le Clerc (Georges), rentier, place de THuel-de-Ville, 1.
133. Lecomte (P.) (C *ï<) négociant, de la maison Joannès Couvert,
consul du Guatemala, rue des Péuitents, 19.
2092. Le Coniac (Ednnond), à la Commercial Cable Company, rue
du Champ-de-Foire, 84.
j
MBMBRES TITULAIRES XVII
1683. Lbooq (Édonard), négociant, ruedu Cbamp-de-Foire, 2.
1999. LioouBTOis ilionis), ancien notaire, rue Qustave-Flaubert,
91.
1571. Lbdoux (Paul), négociant, rae Victor-Hugo, 157.
1741. Lbfkbvbe (Frédéric), courtier, palais de la Bourse,
escalier Â.
2006. LiFKBVBE (Georges), courtier, rue delà Bourse, 38.
2095. Lefibvbb challe (Heniy), négociant, rue de Berry, 12.
1990. Le Gad, docteur-médecin, rue Thîers^ 40.
845. Le GoFr (Louis), négociant, boulevard de Strasbourg, 32.
1707. Lboofpil (Victor), agent de change, boulevard de Stras-
bourg, 75.
1241. Le Gbamd (R.), graveur, rue de la Bourse, 6.
1535. Leqbos (J.), relieur, rue de la Comédie, 3.
1955. Le Gubbnet ^, percepteur, boulevard de Strasbourg, 55.
525. Le Guen (Hippolyte), capitaine-visiteur, rce du Docteur-
Cousture, 21 Ins.
1895. LÉouiLLON (Charles), négociant, rue J.-B. Ëyrtés, 72.
462. Lblaumier (L.), achitecte, rue du Champ-de-Foire, 17.
979. Lbleu (A«) (Q a,), négociant, me Racine, 45.
1564. Lemiebbe (Adrien), représentant de commerce, rue du Champ-
de-Foire, 55.
1074. Leehaedt, docteur-médecin, boulevard de Strasbourg, 60.
1785. Lemtz (Hermann), négociant, de la maison Metz et C*«, nie
Jules- Lecesne, 32.
550. Lepbebtbe (R.), commerçant, rue de Paris, 67.
141 . Lepeieob (A.) (A Q), directeur de la C** Normande de navi-
gation à vapeur, boulevard de Strasbourg, 67.
2053. Lbbaitbe fils, entrepreneur decamionage^ rue du Lycée, 31.
1608. Lebat (Lucien), courtier, place de l'IIôtel-de- Ville, 23.
1798. Lebat (Albert), directeur des Docks du Pont-Rouge, rue
Marceau, 2.
1204. Lebch (Henri) , négociant, de la maison Les Neveux de
J.-G. Schmidt, rue de la Bourse, 5.
1790. Lesaoe (Gastave), industriel, me des Ormeaux, 22.
956. Lbsbux {^f A), professeur à l'École primaire supérieure de
garçons, rue Dicquemare, 1.
1233. Letelleb (Léon), courtier, place Jules-Ferry, 9.
1073. Le Tiec (A.) ^, commandant de port, boul. de Strasbourg, 10'3,
1122. Le TouBHEnR (Victor), négociant, rue Franklin, 19.
SOOOfcri DM GéOGBAPHIK. II
XVIII LISTE GÉNÉHALE DBS MEMBRES
1266. LKVÊQua (Delphîn). rentier, rue de Normandie, 1.
1819. Levesqctk (Paul), négociant, quai d'Orléans, 69.
1082. UvY (LuHen), courtier d'assurances, juge au Tribunal de
Commerce, palais de la Bourse, escalier F.
1976. LÉVT. marchand tailleur, rue de Paris, 129.
843. Lièvre (Daniel), commissaire principal des Troupes coloniales,
18, rue Ernest- Renan, à Paris.
1962. LooRK. c.'ipitaine au long cours, agent de la C*^' des Cbargeurn-
Réunis à Saigon (Cochinchine).
153. LoisEAU (Paul), négociant, boulevard François-I»', 86.
812, LoiSEAU (Georges), avoué, à Bourg (Ain).
1710. LoisEL (Achille), chancelier du consulat de Belgique, me de
l'Atlas, 14.
1967. LoTz (Rodolphe), représentant de commerce^ boulevard Fran-
çois-I«', 70.
155. Louer (Jacques) ^, rentier, boulevard François-I*»", 92.
1729. liUCE (J.), employé de commerce, allée Pigny, 6.
' 382. LucY (A.), ingénieur aux Forges et Chantiers de la Mcditer-
! ranée, rue Saint-Michel, 28.
1436. LuTHY, négociant, boulevard de Strasbourg, 130.
. 1431. Macleod (John), boulevard FrançoiK-I", 1.
j 1778. Macleod (M"»*'), propriétaire, boulevard Maritime, 102.
• 1542. Madelaine (Eug.), courtier, rue Anfray, 11.
I 688. Maillart (Th.) (Q A), entrepreneur, maire de la Ville du Ha-
» vre, rue Victor- Hugo, 135.
\ 2101. M A joux (Georges), de la maison Worms et C'*, impasse Blanche.
180. Mallkt (M*"''), rentière, rue de l'Orangerie, 37.
t 728. Mal!.on (G.' >{i,sous directeur de la C>^ Havraise Péninsulaire
de Navigation à vapeur, place de l'Hôtel-de-Ville, 26.
• 12U. Mancheron (Renô), courtier, rue Victor-Hugo, 151.
571. Marande (Léonce), négociant, quai d'Orléans, 45.
1('20. Marande (Charles- Auguste), négociant, administrateur de la
Conjpagnie Cotonniére, rue Saint-Roch, 13.
1303. Maraki^e (Victol-), courtier, maison Ch. Colchen, rue Jules-
Lecesne, 32.
401. Marcel, négociant-armuteur, place Jules-Ferry, 8.
1716. Maréchal tllenri), courti-.ir. place do l'Hôtel-de- Ville, 19.
1784. Marie (Louis), courtier, rue Gustave-Flaubert, 11.
2024. Marie (M^'*^^ Antoinette j, section normale à l'Ecole pratique
de Commerce et d'Iiidnstriî, rue du Lycée, -71.
ICti . Martin (Alberto <ld la maison Gust. Ksbran, quai d'Orléans, 59.
MEMBRES TITULAIRES XIX
.1232. Martin (Robert), greffier du Tribunal do commerce. Palais de
Justice.
2069. Martin (Camille), employé de commerce, rue des Viviers, 10.
2100, Martin, (Qiarles), secrétaire à la Direction des Docks-Entre-
pt^ts, quai de Marseille, 12.
2009. Masquelier (Aug.), négociant, membre de la Chambre de
commerce, rue Jeanne-Hachette, 2.
1948. Massoni ^, administrateur en chef de la marine, chef de
rinscription Maritime, arsenal de la Marine.
1743. Matthry (G.), négociant, rue Anfray, 8.
1433. MAURER(GeorgeM), négociant, consul du Paraguay, boulevard
François-Io»", 84. .
1Î91. Maze (Georges), négociant, rue delà Bourse, 19.
1848. Mazb fils (Georges), rue de la Bourse, 19.
12.Ô1 . Mazé (Fernand). propriétaire, rue Jules-Masurier, 17.
1188. Meckknstook (L.), agent commercial, rue de la Bourse, 17.
172. Ménager (Edouard), courtier, rue Géricault, 3.
1152. Ménier (Henril, industriel, rue de Cliâteaudun, 56, à Paris.
1773. Mercier (Christian), courtier, rue Bossuet, 1.
1471. Mériot (G.), agent de la Société commerciale d affrètements
et de commission, boulevard de Strasbourg, 119.
1437. Metz (F.), négociant, rue Jules-Lecesne, 32.
1811. Metz (Valentin), négociant, de la miison Napp & C", rue do
St-Quentin, 59.
173. Meura iCh.), courtier, rue Scudéry, 5.
^17. Mkybr (Edm.), assureur, rue du Lieutenant-Evclin, 8.
957. Meyer (Léon) (<| T), courtier, rue do la Bourse, 31 bis.
1786. Meyer (Raoul), courtier, rue de la Bourse, 31 bis.
834. Michel (Gustave), négociât, place Jules-Ferry, 5.
IWl. Michelin, directeur du Crédit Lyonnais, quai d'Orléans, 25.
1507. Mionot (Flenri), rueGuilleniurd, 33.
1528. Mignot (Gaston), négociant, consul du Nicaragua, rue de la
Bourse. 35.
'38. Mille (Lucien), négociant, rue de Bnpaume, 7.
1775, Moch (Ernest), négociant, de la maismOppenheimcr frères,
boulevard de Strasbourg, 146.
1109. Mongin (Edouard», industriel, avenue Philippe- Auguste, 40, à
Paris.
I<îl7. MoNOUiLLON (A.) (Q A), professeur à lÉcole primaire supé-
rieure de garçons, rue Dicquemare, 1 .
727. MoN'SALLiBR (L), ussur^îir, rue da la Bourse, 31 bis.
XX LISTE GÉNénALB DES MEMBRES
1857. MoKSOODRT (Emile) (Q A), professeur au Lycée, rue de*
Mexico, 27.
S041 . MoMVERT (Ernest), maison Mason et C*«, rue de la Bourse, 26.
664.. MOREAD (A.), propriétaire du Grand hôtd de Normandie, rue
de Paris, 106.
1638. MoRGAND (P.) [^ A.), négociant, juge auTribunal de commerce,
place de l'Hôtel-de-Ville, 24.
409. MossELLMANN (le comte), capitaine au long-cours.
1696. MonoEL (M"*) ^ (^ A), directrice de l'École pn'maire supé-
rieure de filles, rue Joinville, 15.
1608. Mulot ((justave), de la maison Gustave Michel fils, place
Jules-Ferry, 5.
177. Mdndler (H.) (Q A), négociant, rue François-Millet, 24.
647. MuRAT (Joseph), employé de commerce, rue Fontenelle, 15.
1824. Napp Uean), négociant, vice-consul de la République Argentine,
rue de Saint-Quentin, 59.
1606. Narcy \Ph.), notaire, boulevard de Strasbourg 90
1291. Noël (J.), courtier, rue Anfray, 8.
1987. NoLSErrB (Emile), ingénieur, directeur des établissements
Schneider, boulevard d'Harfleur, 33. [
1985. Normand (Mlle Emilie), rentière, boulevard Françoi«-I»^ 27. i
1057. NoRTZ (Ê.), négociant, rue Fontenelle, 29.
1031. Odinet (Georges) (^ A) (0 «î*), négociant, juge suppléant au
Tribunal de commerce, boulevard Françoi8-I«i',97.
2098. Olier (André), négociant, conrado la République, 42.
1960. Paon (Alph.), directeur de la G'® havraise des Magasins Gé-
néraux, rue Marceau, 48.
1939. Paris (Edgard), 2« commis h la direction des Douanes, rua
Augustin-Normand, 104.
2054. Pedron (L.), négociant, rue de Bapaurac, 16.
744. Pelard (Frédéric), courtier, rue de la Bourse, 28
1827. Prllissier (^ A), professeur au Lycée, rue des Gobelins, 38.
204. Perquer (F.) >î<, négociant-armateur, nie Félix-Faure, 42.
1041 . Perquer (Paul), courtier.membrede la Chambre de commert'e,
place Jules- Ferry, 8.
1481. Pesle (René), agent commercial, quai d'Orléans, 37.
1794. Pesle (Robert), négociant, rue d*Épréménil, 66.
1933. Pesle (Alfred), courtier, mode la Bourse, 34.
1809 Petet (Victor), chef de la gare maritime, cours de
République, 70.
MEMBRES TITULAIRES ^Xt
873. Petit (Gaillaume), négociant, président du Tribunal de com-
merce, membre de la Chambre de commerce, maire de Blé-
ville, rue^Doubet, 4.
1455. Petit (Emile), courtier, rue de la Bourse, 32.
10*jO. Pézkril (L.), avocut, conseiller d'arrondissement, boulevard
de Strasbourg, 91.
1498. Pfister (Gustave), négociant, rue Félix-Santallier, 17.
2078. l'FiSTKR (Rodolphe), courtier, rue Picpua, 12.
2080. Pfister (Emile), courtier, rue de la Bourse, 19.
464. Philbert (Jules), banquier, rue de la Paix, 7.
Ii6. Philbert (H.), courtier, rue Jules- Janin, 8.
1844. Philippe (Aug.) négociant, rue de la Ferme, 25.
1496. PiGAULT (Pascal), courtier, maison J. Durand- Viel, rue da la
Bourse, 28.
18-2. PiiiON (E.) (0 lîi), secrétaire général des Docks -Entrepôts,
quai de Marseille.
1931. PiMCZON, ingénieur en chef des Chargeurs'Béunis, boulevard
François-I«S 3.
1823. PiWEAU (Henri), rentier, rue de Toumoville, 63.
1264. PiFBREAU (Lucien)^ arbitre de commerce, rue Jules^Lecesne,
43.
1699. Plicbon (Gabton), négociant, me de la Gaffe, 6.
959. Plum (Paul), assureur, place de l'Hôtel-de- Ville, 11.
475. PoiDEViN (P.), rue de la Comédie, 35.
1974. PoiDViN (Jules), professeur à l'École piimaire supérieure de
garçons, rue de Paris, 70.
2096. PoLLET (Henri), négociant, place de TUôtel-de- Ville, 17.
742. PoLSTTi (H.)| de la maison Metz et C>«, rue Julos-Lecefloe,
32.
2076. PoTTiBB (André*, caissier, rue J.-B.-Eyriès, 12.
203. Poulet (Edgard), caissier, rue du Perrey, 162.
1391. PouPEL (Emm.), architecte, rue des Pénitents, 11.
1845. Prektout \G.) (iUl*^)» régisseur de biens^ rue Ancetot, 5.
435. Pbesguez (E.), avoué, rue Jules^Lecesne, 28.
1296. Probst, agent commercial, maison P. Perquer, place Jules*
Ferry, 8.
808. PkOcopb (E.). négociant, rue Ffédérîck.Leraaîtfe, 28.
882. PusiEELLi (Jacques), négociant, rue Victor-Hugo, 188.
799, QuBSNBL (Charles), négociant^ place de l'HôteNde-Villô, 8i
938. QuoisT (Qeorges-D.), imprimeur, rue du GhilIoU| Ui
XXII LISTE GENEKALE DES MEMBRES
1995. Raisin (E.), au conBulut du Brésil, rue Saint-Roch, 3.
853. Ramijert, principal clerc de M« Bach, notaire, place de
l'Hôtel-dc-Villo, 24.
414. Ramelot (Eugèue) (^ I.), repr«^sentant de commerce, mem-
bre de la Chambre de commerce, rue des Pénitents, 34.
648. Ragdl-Duval (Edmond), négociant, consul de Costa- Rica,
rue Félix-Faure, 49.
840. Régnier (Ernest)^ administrateur-délégué du Crédit HavraiM, \
boulevard de Strasbourg, 79.
1575. Reibeb (C), courtier, rue de la Bourse, 17.
1153. Rbinhaht (Gustave),négociant, consul général de Perse, pilaii
de la Bourse, escalier B .
20G5. Rem Y (Louis), négociant, boulevard François-Ie^, 114.
281. Renout (V.) ^, ingénieur des Ponts et Chaussées, en retrai-
te, boulevard François-l«', 69.
940. RiciiER (Emile), négociant, juge suppléant au Tribunal de com-
merce, rue de la Ualle, 22.
1451. RicUER (F.), de la maison Devot&C'«, r. de Saînt-Quentio,7.
1196. RiHAL (Narcisse), négociant, boulevard de Strasbourg, 162.
1802. RiHAL (Gustave), négociant, rue Gustave-Flaubert, 6.
1984. RiNCHEVAL ^, directeur des Douanes, rue de la Gaffe, 2.
208. RiSPAL (Auguste) ^, sénateur, membre de la Chambre de
commerce, boulevard de Strasbourg, 25.
1776. Riss (Alphonse), de la maison Lefebvre et Chardin, boolevard
de Strasbourg, 58.
2084. RizzARDO RizzETTO (0»^) >^, consul d'Italiei rue Daboc«ge-
de-Bléville, 2.
1609. RoBiLLARD (Emile), représentant de commerce, rue des Fsrmei,
à S*«- A dresse.
1970. RoBiNSON (Georges), agent demiisons éfrangères, rue Anf]«y,i
2042. Robi:h80N (V.), ingénieur, rue de St-Quentin, 21,
209. RocuE (J.), photographe, place Gambetta, 18.
358. Rœdeker (Jules) #, négociant, conseiller général, membre de
la Chambre de commerce, rue Oasimir-Périer 6.
1742. Rœdeker (Léon), négociant, rue Félix-Faure, 31.
629. Roger (0 ^), ingénieur, chaussée des Etats-Unis, 15.
642. Roger (Jules) ►$<, docteur- médecin, boulevard Françoif-I*»
118.
1709, RoNûT (Emile), directeur de la Commercial CaMc ()/, bcnlt*
vurd de Strasbourg, 112.
kEMDRES TITULAIRES XXIIt
404. Rose i{i, secrétaire du Comité des assurances maritimes,
palais de la Bourse, escalier B.
j d2S . RocQET- Marseille [if Â), fonde de pouvoirs de lu Recette des
FiDances, passage Lecroisey, 9.
1903. RoussBLiN (Léon), régisseur de biens, rue Géricault, 15.
1387. RuAULT, reutier, rue d'Épréménil, 39.
1*238. RuD (J.), négociant, boulevard de Strasbourg, 118.
1222. RuFENACHT (JuIcs), agent commercial, palais de la Bourse,
Escalier D
1223. RuFEKAGHT (Ëdouard),conrtier,palais de la Bourse, rue Dupleiz,
1059. Sabathier (P.), ingénieur ci vil, inspecteur du bureau Veritas,
rue PicpuB, 2.
981. 8AUQUBT(Femand), négociant, membre de la Chambre de
commerce, consul des Pays-Bas, rue Victor-Hugo, 134.
2026. Sauvage (M^^* Martlie), section normale à T Ecole pratique de
Commerce et d*Industrie, rue Joseph-Clerc, 1
2090. Sauvage (Q I)f professeur au Lycée, rue Joseph-Clerc, l.
1539 . Savarin A.^ négociant, place Carnot, 4.
1934. Savary (A.), arbitre de commerce, rue de Normandie, 66.
1133. ScBARTTNBR (W.), Courtier, rue de la Bourse, 29.
1258. ScuLAGDENHAUFXM (F.), courtier, rue Géricault, 4.
1704. SciiLiBNGER (Arthur), négociant, rue Jules- Lecesne, 46.
259. ScHMiTT (Victor), assureur, rue du Chilou, 1.
864. ScHMiTZ (Alfred), négociant, place Carnot, 4.
1284. Schneider (Ferd.) représentant de maisons étrangères, rue do
la Bourse, 21.
1620. ScHBOOBB (Edouard), courtier, rue de la Bourse, 21.
1906. Seeliqbr (Ed.), agent commercial, rue de la Bourse, 28.
811. SBiONEURfi (Ernest), négociant, rue Augustin- !^ormand^ 2.
1449. Bânégart (A.), courtier^ rue Victor-Hugo, 138.
1341. Sbn5 (Olivier), négociant, administrateur de la Compagnie
Cotonnière, palais de la Bourse, escalier E.
1613. Senn (Maurice), courtier, rue de la Bourse, 23.
663. Siebbr (H,-A.), propriétaire, rue S'-Honoré, 362, à Paris.
220. SiEQFEiBD (Jules) (0#) (Q A), député du Havre, rue Félii*
Faure, 22.
6B3. Siegfried (Ernest), négociant^ rue Félix*Fauto, 50.
1601» Siegfried (Jules) fils, industriel, boulevard de Strasbourg, 83i
226. SiBURin (H.), négociant, rue Jules^Lecesne^ 58.
15&9» »Sigax;d7 (P.) 4^, ingénieur en chef des Forgea et Chantier!
dQ la Méditerranée, boulevard de Strasbourg, K,
XXtV LISTE G^NiRALB DES MBMBRBS
1986. SiGAUDY (Mlles), rentières, place de T Hôtel -de- Ville, 29.
1972. Simon, doctear-médecin, boulevard de Strasbourg, 148.
1352. Six, négociant, rue Trigauville, 39.
1884. Smebling (F.), négociant, vice-consul de Suède, qusi d'Or-
léans, 59.
1265. Société des anciens élèves do T École supérieure de Commerce.
boulevard François-I»', 58.
1618. Société d'Éducation populaire, rue Dicquemare, 1.
1920. Société de l'Enseignement scientifique par l'Aspect, rue do
Canon, 26.
1265. SocLET (J.), ingénieur, directeur de la C'« Qï« françaiw dei
Tramways, rue Michel- Yvon, 7.
2085. SouiLHAC (Marie- Louise), section normale à TEcoIe pratjqoe
de Commerce et d'Industrie, rue du Lycée, 71 .
1174. Souque (Albert), avoué, place Camot, 6.
2029. Speiseb (J.-J.), employé de commerce, rue de la Bourse, 5.
387. Stempowski, représentant de comnierce, me Jules-Lecdsoe, 58.
229. Taconet (Maurice), courtier maritime, membre de la Chifl-
bre de commerce, Grand-Quai, 67.
632. Taconet (Pierre), assureur, quai d'Orléans, 37.
1120. Taconet (Robert), assureur, quai d'Orléans, 51 bis.
1815. Talbot, professeur^ impasse Massieu-de-Clerval.
2090. Tejedor (Manuel), consul de Cuba, rue Fontenelle, 26.
2057. Tessier, professeur à FËcole professionnelle de Montivillii^
(Seine-Inférieure).
2013. Teurtkrib (ë.j. négociant, rue St-Boch, 27.
1777. TuiBODMEBT (Andié), courtier maritime, rae de Fécanip,29«
1374. Thieullbnt (Henri), négociant, juge suppléant an Tribo»
de commerce, rue Thiers, 125.
713. TiiiLLABD (Henri), greffier en chef du Tribunal cÎ7Îl,boolanri
François-I»'', 141.
638. Thomas (Charles), négociant, rue Bernardin -de-St- Pierre, 5*
1699. TuoHAS (A.), électricien, boulevard de Strasbourg, 67.
1317 . TuoN (Valentin), employé de commerce, maisoa Napp et O^i
rue de Saint- Quentin, 59.
2081 . Tisserand, capitaine au 129* Régiment d' Infanterie, bonliw
de Strasbourg, 30.
1684. Toussaint (M.), avocat, rue Qustave-Caiavan, SL
10%. Toutain (Laurent), courtier d'avorancM, membitdt *
Chambre de commerce, palais do la BoarWi otoalitr F»
BtBMBRBS ïiTULÂlRÉd MV
2044. Tbanchbt (Albert), sous-iagénietir aux Chargeurs-Béanis^rae
Jules- Lecesne, 7ô.
2IO3. Pbaoiujin (Eroesi), négociant, boulevard db Strasbourg
6b.
348. Tbouvat (Q.), commerçant, rue Viotor-Uago, 1 49.
232. ToBBOT (A.) [Q I), courtier, place Julee-Ferry, 9.
233. TuBPiN (Georges), négociant, rue Franklin, 23.
2033. Vallb (René)^ administrateur de la Filature etXissage de Qra-.
▼ille, membre de h Chambre de commerce, rue Demidoff, 42.
2045. Valun (Henri) employé de commerce, cours delà République,
24.
246. Van dbb Vbldb (P.) négociant, palais de la Bourse
escalier C.
1846. Vanieb (Ferd.) négociant, rue des Ormeaux, 10.
1916. Vanieb (Jules), négociant, rue du Champ-de-Foire, 34.
1235. Vabnibb (Louid), négociant, rue Caligny» 1.
1825. Vassia (E.) pfi, vice-consul d^Italie, rue Lemaistre, 6.
1763. Vatinbl (Qiarles), comptable, rue de Normandie, 134.
1450. Vbbqbk, chef mécanicien, place Gambetta, 18.
1443. Vbspbeowbnn (Hermann) ifi >S< »{«, négociant, consul de Bel-
gique, de rEtit indépendant du Congo et de Libéria, bou-
levard de Strasbourg, 124.
532. ViziN (Joseph) .capitaine au long cours, rue desPetits-Ohamps,
31, à Paris.
1979. Vidal (Edmond), courtier, rue Victor-Hugo, 136.
1960. ViBiBA DA SiLVA (Joao) »{(, consul général des États-Onis du
Brésil, rue de la Bourse, 30.
1612. ViaNÉ, docteur- médecin, à la Compagnie Générale Transatlan*
tique, boulevard de Strasbourg, 146.
1925. VlOLBTTB, adininistrateur de Sociétés, boulevard de Stra8«
bourg, 124.
2093. ViOLLET(Eug.) docteur en droit, rue Thiers, 90.
240. ViOLLETTE (M""*), rentière, rue de la Ferme, 17.
1715. Waloh (Gilbert), avocat, rue du Champ-de-Foire, 57.
1754. Wannbb (Emile), consul de la Confédératiou Suisse, rue
Guiilemard, 84.
1988. Wblteb (Jean), ingénieur, rue St-Boch, 7,
1886. WiSPTUALBN (Maurice), négociant, place Carnot, 10»
243* WiMDBSHBiM (Ë.)| négojiiut, rue des Brindes, 12.
WsiO. WiNNABBT (Louis), inspecteur sédentaire de9 Doaanesi ro« dt
te Qb&i a,
XXVt LISTE GBNénALB l)ES MEMBÀES
615. WiNNiNc; (JaincB), agent de la €•• Cunard, quai d'Orléans, 23.
1313. WnTORSKi (Louis), courtier, ruo Flédiior, 1.
1782. Ysnel-Franque (G.), courti«jr maritime, boulevard Fran-
VoiB-I•^ 106.
789. YsNBL (M.), négociant, rue DoulHrt, 17.
886. ZiEGLEE (A.), de la maison Dufay, Gigandet et C*', rue Julw-
Lecesne, 50.
1750. ZiKQLER (Arnold), employé de comUiCrce, rue des Pénitenti,3.
PUPILLES XXVli
-AURÉATS DU CONCOURS DE GÉOGRAPHIE
Pupilles de la Société
M. GoÉROUT (Marcel), boulevard Amiral-Mouchez, 114.
Brandala (Lucien), rue Beauvallet, 17.
Vaillant (Etienne), rue Jacquea-Qruchet, 6.
Lkrat (fiobert), rue Marceau, 2.
Bigot (M.), 4 TËcole communale de filles (Oenlre), Gravillo-
Sainte-Honorine.
'■" Michel (Jeanne), pansage Henri -Vigor, k Sanvic.
Amiaro (Hélène), rue Duguay-Trouin, 23.
Relve (Germaine), rue du Champ-de-foire, 67.
Pigeon (Madeleine), passage de la rue Verte, 2.
Dupont (Renée)^ rue Piedfort, 6.
Tranchet (Hélène), rue Jules- Lecesne, 76.
DuBUC (Alice), cours îSainte-Croix, ù Montivillieri.
DÉHARE (Suzanne), rue £rnest-Rcnan, 56.
SOCIÉTÉS, REVUES, JOURNAUX, ETC.
Avec lesquels la Société fait l'échange des Publications
FRANCE ET COLONIES FRANÇAISES
Paris. — Société de géographie. Société de géographie coramercial*'
Société de topographie. Association philotechniquc. Société d'éco-
nomie politique. Société des études coloniales et maritimes. Société
d'encouragement pour le commerce français d*ezportation. Alliao<*
française. Société française de colonisation. Cliambre syndicale drt
négociants-commissionnaires et du commerce extérieur. Union colo-
niale française. Comité de l'Afrique française. Comité de l'A»!*
française. Comité dé Madagascar. Institut géographique. Société
nationale d'agriculture. Union française delà jeunesse. Aseotiition
générale des étudiants. Union amicale des anciens élèves de l'&o-
le supérieure de coirmierce. Chambre de commerce. Bibliotbèqad
nationale. Ministères de la Guerre, de la Marine, de rintérieari
du Commerce et de l'Indusrie, du Travail et de la Prévoyance
sociale, des Travaux publics, des Affaires Étrangères, de rinstrac"
tion publique et des Beaux-Arts, des Colonies. — Revue mariUtf^^i
Moniteur o/ficiel du commerce^ Feuille de renseignements de l'ol*
fice Colonial ^Bulletin de renseignements coloniaux, Paris^Canad^^
Le Moniteur des Colonies et des Pays de protectorat, BuUeiinàê
l'O/lice de renseignements généraux et décolonisation du povv^i
nement général de l'Algérie, Les questions diplomatiques et colii'
niâtes, L'Action coloniale* Revue forestière de France (Paris),
Départements. — Sociétés de Géographie de Bordeaux, Boulogne*
Bur-Mer, Bouïg, Bourges, Brest, Dijon, Douai, Dunkerque, UoBj
Lille, Lorient, Lyon, Marseille, Montpe]lier,Nancy, Nantes, FoilienT
Bochefoit, Bouen, Saint>Kaeaire) Toulouse et Tours. La FrasM
colonisatrice (Rouen). Société bafraise d'Étudea diverses. Société
S0CIBTB8, RBYUES, JOURNAUX, BTC. XXIX
Idéologique de Normandie (Havre). Sociétés industriellee d'Amiens,
£lbeuf, Rouen et Eeîms. Association des anciens élèves de
l'École supérieure de commet ce et de tissage de Lyon. Cercle
d*études des employés de bureau havrais. Chambres de commerce
du Havre, Bordeaux, Marseille, Nantes, Lyon. Musée commercial
de Rouen. Les Missions catholiques (Lyon). La Loire navigable
(Nantes).
Colonies Françaises. — Sociétés de géographie d'Alger, Oran,
Tunis. Direction de TAgriculture et du Commerce de la Ré-
gence de Tunis. Bulletin économique de i Indo-Chine (Saigon).
Société des Études Indo-Chinoises de Saigon. Cliambre de com-
merce de Saigon. Journal officiel du Congo français (Libre-
ville'. Journal officiel des Possessions du Congo français ei
dqMtndances du Moyen- Congo (Brazzaville). Journal o/ficiel de
Madagascar et dépendances. Supplément Commercial et Agri-
cole (Tainatave et Côte Est). Bulletin économique de Madagascar,
Journal officitl des Établissements français de l'Océanie(Fnpeeto),
EUROPP]
Allemagne. — Sociétés de gcoprraphie de Berlin, Brème, Greifs-
wald, Hanovre, Haiiiboiirg, léiia, 11 alle-siir-Saale, Leipzig, Munich,
Dresde, Ktenigsberg, CaMHcl, Luln'ck, Stuttgard, Stettin, Franc-
fort sur-le-Meiii, Metz. Musée colonial allemand, (Berlin). — Deuts-
che Kolonial Zeituny (Berlin).
Autriche-Hongrie. — Sociétés de géographie de Vienne, de Buda-
pest, Muséum d'Histoire naturelle (Vienne). Die Wdtwirtschaft
(Vienne).
Belgique. — Sociétés de géographie de Bruxelles et d'Anvers,
Cercle des anciens étudiants de l'Institut supérieur de commer-
ce d'Anvers. Chambre de commerce d'Anvers. Institut colonial
international (Bruxelles). Fédération pour la défense des In-
térêts belges k l'étranger (Bruxelles). Le mouvement géogra-
phique (Bruxelles). Missions en Chine et au Congo (Bruxelles).
Sspagne. — Société de géographie de Madrid.
XXX SOCIETES, REVUES, JOURNAUX, ETC.
nés Britanniques. - Sociétés de géo^aphie de Londres, Liveqwl.
Manchester, Newcastle-Pur-Tine. Edimbourg. Institut iinpéri»!
(Londres).
Italie. — Sociétés de géogrupliie de Rome, Milan, Naples et Flo-
rence.
Norvège. — Société do géographie de Christiania.
Pays-Bas. — Société de géographie d'Amsterdam.
Portugal. — Société de géogra|)liie d»* Uslumne, AsiSfuriationoum-
merciale de l'orto.
Roumanie. — Société de géographie de Bucarest.
Russie. — Sociétcs de géographie de Saint- l*étershourg, A'ilna.
Orembourg, Moscou, Ilelsingfors, t'iub alpin de Crimée ((î«io^!«.i.
Suède — Société de géographie de Stockhohu. Société des touii^-
tes suédois (Stockholm). Institution géologique de rUnivtreité
d'Upsala.
Suisse. — Sociétés de géographie de Berne, St-Gall, NeuihâM.
Genève, llérisau, Aarau. ^\)ciét»'' des anciens élèves de TEcolt' sii|«'-
rieure de commerce de Genève.
ASIE
Caucase — &')ciété de géogniphie de Tiflis.
Sibérie. — Société de géographie dlrkoutsk.
Inde. — Société de géogr.iphie de Calcutta.
Indo-Chine. — Société de géograj)hie de Singajjore.
Japon. — Société de géogr.iphie du Tokio. Société allemande tl'lii**
toire naturelle & d anthro])ologie de Tokio.
AFRIQUK
Egypte. — Sœiété de géographie du Caire.
1
SOCIETES, REVUES, JOURNAUX, ETC XXXI
AMERIQUE
Canada. — Sociétés de géographie de Winnîpeg, Québec et Ot*awa.
cltats-Unis. — Sociétés de géographie de New-York et de San-
Francisco. Topeka (Kansas). Département de l'Agriculture (Was-
f l'in^n). Smitlisonian Institution (Washington) Piloi Charl of ihe
I ^OTlh atlantic Océan ^Washington^
I ^«xique. — Socictô »cientifniuc a Antonio-Alzate » à Mexico.
Chambre de conmierce française de Mexico. Observatoires astrono-
miqui^ de Tacubaya et de Mexico.
Salvador. — Observatoire astronomique et mctoorologique de San
Salvador.
^osta-Rica. — Institut physico-géographique national (San José).
Brésil. — Soc^iétés de géographie de Riode-Janeiro et de Bahia.
Uruguay. — Qiainbrc de commerce française de Montevideo. —
Anales del Deparlemenio de Ganaderia y AgricuUura de la Repu-
blica O.dcl Uruguay (Montevideo).
I^érOu — Société de géographie de Lima. Chambre de commerce
française de Lima.
Chili. — Société scientifique allemande de Santiago.
^pablique Argentine. — Chambre de commerce française de
Bi'^Q; 18- Aires. Sociétés de géographie de Buenos- Aires et de
Cordi'ba. Société scientifi<iue argentine de Buenos-Aires. Direction
générale de Statistique municipale de la ville de Buenos-Aires.
Dépirtement national de statiatipie, à Buenos-Aires. Doletin de
AgricuHuray Ganaderia (Buenos-Aires).
OCÉAN lE
Australie. — Sociétés de géographie de Sydney, Adélaïde, Bris-
Wne, Melbourne.
'ava. - Société des iciences et des arts de Batavia. Société Indo-
Xterlandaise d'agriculture et d'industrie de Batavia.
ABONNEMENTS
Revue des Deux Mondes, bi-mensuelle.
Revue de Paris, bi-mensuelle.
Le Correspondant, revue bi-mensuelle.
Revue Politique et Littéraire (Revue bleue), hebdomadaire.
Revue Française et de l'Etranger, mensuellQ.
Le Tour du Monde, journal des Voyages et des Voyageurs,
hebdomadaire.
L'Economiste Français, journal hebdomadaire.
Annales de Géographie, paraissant tous les deux mois.
Mitteilungen, revue mensuelle.
La Nature, revue des sciences et de leurs applications
aux arts et à l'industrie, journal hebdomadaire illustré.
La Dépêche Coloniale illustrée, bimensuelle.
La Dépèche Coloniale, journal quotidien.
Imprimerie G.-D. QUOIST, 11, rue du ChUou. — HAVRE,
SOCIÉTÉ
UE
GEOGRAPHIE COMMERCIALE
li'Etnigpation
et la
Colonisation Italiennes^^'
(Suite)
Une autre difficulté est celle provenant de la répartition
des lots de terrain. Nous avons en France et en Italie une
civilisation très ancienne et malgré cela il y a encore chez
nous et chez vous des questions de limites entre voisins, et
pour ce qui a trait au rapport de la terre, quand on achète
une ferme, on n*est pas toujours fixé sur sa puissance de
production ; on fait quelquefois de mauvaises spéculations.
Les incertitudes sur la qualité des terres sont infiniment
plus grandes en Amérique, parce que là les terres sont
vierges ou presque ; s'il s'agit, par exemple, de distribuer
20.000 lots de terrain à 20.000 familles de colons, il est bien
difficile, dans la forêt vierge, de délimiter les lots de terre de
(h Voir le Bullettn des S* et 4* trimestres 1906.
soa^TÉ DE GÉOGRAPHIE. — 1" trimcstre 1907 13
i86 l'émigration et tA COLONISATION ITALIENNES
manière qu'ils soient égaux entre eux, étant donnés la na-
ture njontagneuse du terrain et les bois vierges qui recou-
vrentlesoL 11 y a toujours des différences considérables
entre un morceau de terrain et un autre. C'est seulement
après la mise en culture et par la pratique qu'on en recon-
naît la différence, de sorte qu'il est presque impossible
d'établir une colonisation parfaite par la distribution aux
colons des lots de ces terres vierges.
Une autre difficulté technique c'est celle du cadastre. En
Italie, après tant de^sîècles de civilisation, nous sommes en
train de faire un cadastre qui coûtera beaucoiip de millions
pour mieux déterminer les limites des terrains et leurs qua-
lités, et cependant leur culture remonte aux temps les plus
anciens. Dans rAmérique du Sud tout manque, -parfoi-^i
même une carte topographique ; pour établir un cadastre,
il faut commencer par avoir une carte géographique très
exacte ; la position des principales localités du pays doit y
être désignée avec une précision parfaite par des calculs
astronomiques ; dans ces conditions un cadastre est très
coûteux à faire.
Tous les pays américains dont je parle ou bien en man-
quent ou bien en ont de très imparfaits. Les conditions finan-
cières de ces Etats ne leur permettraient pas, d'ailleurs,
la dépense d'un cadastre parfait et complet. Les gouverne-
ments eux mêmes ne savent pas bien quels terrains leur
appartiennent et seraient très embarassésd'en marquer les
limites. Au Brésil au temps de la domination coloniale et
sous le règne des empereurs, don Pedro 1^*", don Pedro II,
il suffisait qu'un fazendeiro allât chez le curé(vicario) et lui
dit : « Je prends possession de la terre qui s'étend de tel à
tel point », le prêtre devait prendre note dans ses registres
de celte déclaration et lui en délivrait un certificat. Ce cer-
tificat, aujourd'hui, a une grande valeur juridique
bien qu'il soit impossible de démontrer mathématiquement
l'émigration et la colonisation italiennes 187
et géométriquement quelles sont les limites de la propriété
inoccupée à laquelle la déclaration du fazendeiro se réfé-
rait ; en effet les points indiqués dans le certilicat ne figu-
rant dans aucune carte topographique, ni de ces temps éloi-
gnés ni des plus modernes, il serait impossible à présent
de contrôler où se trouvaient les terrains dont il s'agit. La
plupart des grandes propriétés territoriales n'ont d'autres
origines que ces déclarations des curés. Sans cartes topo-
graphiques, géographiques et cadastrales, on rencontrera
toujours de grandes complications pour placer des millions
d'P^uropéens dans l'Aniérique du Sud comme colons pro-
priétaires ; il y aurait bien de la place pour tout le monde,
mais ainsi (jue j'ai dit, on ne pourrait jamais attribuer aux
colons de grandes étendues de terrains sans soulever des
difficultés, car les premiers occupants des temps passés
réclameraient les terres comme leur appartenant. Pour être
absolument en dehors de toute contestation, pour avoir l'as-
surance complète (|u'il n'y aura pas de questions litigieu-
ses devant les tribunaux, par suite de la distribution des
terres, qu'il n'y aura pas d'orages politiques dans les parle-
ments sud-américains, lesquels s'émeuvent facilement
quand on assigne de grandes étendues de terrains à la colo-
nisation étrangère, il faut aller tout à fait dans l'intérieur,
loin par conséquent des centres des populations. Mais dans
l'intérieur il n'y a pas de voies de communication, ni de
débouchés pour les produits ; en outre, dans ces régions
presque inconnues, l'empire do la loi peut dilTicilement pré-
valoir. Du reste une bonne p<irtie de l'intérieur est occupée
par une population indigène plus ou moins sauvage : or le
voisinage de ces aborigènes est dangereux pour les colons.
Il faudrait établir des chemins de fer ; mais, comment y
parvenir dans des pays complètement déserts. 11 faut du
charbon, des rails, des wagons et, pour toutes ces choses,
il faut de l'argent.
188 l'émigration et l-\ colonisation italiennes
Dans l'intérieur, il y a rarement des chaussées, des gran-
des routes, seulement des sentiers à mulets sur lesquelson
transporte lt?s marchandises. Une colonisation ne peut bien
se faire que tout près d'un chemin de fer pour expédier les
produits, des marchés pour les vendre et tout près des villes
pour pouvoir proliter des ])ienfaits de la civilisation néces-
saires au colon européen.
Le général Hoca, qui présidait aux destinées de la Répu-
blicfue Argentine, avait compris que la colonisation ne pou-
vait se faire qu'à proximité des agglomérations, des villes,
aussi avait- il proposé que la colonisation se fit dans un
pourtour de 500 kilomètres de la ville de Buenos-Aires il
jugeait que les autres parties du pays étaient trop éloifc'nées
et que la colonisation n'aurait eu, par consécjuent, aucune
chance de réussite; mais ce j)rojet a rencontré toutes les
difficultés dont je viens de vous entretenir, car ces terrains,
dans un périmètre de 500 kilomètres de Eiuenos-Aires, sont
plus ou njoins accaparés par les Argentins ou autres, possé-
dant de ces anciens titres de proi)riélé. I.'ne autre drflicullé
pour la colonisation des points éloignés de la côte est celle
de rai)provisionnement. yuand vous mettez des émigranls
dans une colonie, s'ils sont perdus dans l'intérieur des ter-
res, au milieu de la forêt vierge, loin des marchés, ils se
trouviMit aux prises avec un commerçant qui, en sa quali'.éJe
marchand de toutes sortes de denrées et de capitalisl»*. est
en niême temps fournisseur du colon et acheteur de la den-
rée que celui-ci produit. Alors il arrive que tout ce que pro-
duit le pauvre cc>lon est vendu presque pour rien à ce coiniiicr-
(:ant, et tout ce dont le colon a besoin, il le paie trois ou quatrt
fois plus cher (jue cela ne vaut. Aux réclamaleurs le com-
merrjnit répond toujours iiuc* pour faire venir la marclian-
tlise il lui faut payer de grands frais de transport. Il fait valoir
le niènn; argument pour le café (lu'il achète au colon : « lUa^t \
l'envoyer à la côte, dit il. à dos de mulet, par des routcsdé- ;
l'émigration et la colonisation italiennes 189
sastreuseset il fautquej'entretienne un nombre considérable
de mulets qui doiventtransporter toutes les marchandises.»
Ces pays nouveaux ont un besoin énorme de capitaux ;
c'est une espèce de soif d'argent. Dans ces pays aux terres
incultes, avec cet engrais admirable qu'est le capital on
pourrait avoir d'extraordinaires résultats; mais les capitaux
manquent et quand les Sud-Américains sont obligés d'em
prunter à l'Europe celle-ci demande des intérêts usuraires
en raison du risque. Dans l'intérieur la moyenne de l'intérêt
est de 12 ^/o capitalisable tous les trois mois. A Buenos-Aires
et à Rio-de-Janeiro on peut aller dans la bonne société et
avouer sans honte qu'on prête son argent à 12 %» l'intérêt
de 12 Vo est en effet normal. Pendant la première année
d'installation dans les lots des terrains vierges le rende-
ment, évidemment, est nul ; il faut absolument aider les
colons pendant deux ou trois ans. Il y a bien les commer-
çants qui font des avances. Imaginez un colon avec une
famille nombreuse qui doit vivre à crédit pendant deux ou
trois ans,payant la marchandise deux ou trois foisplusque
sa valeur et des intérêts de 12 Vo ; il finit par s'endetter de
façon telle que j^en ai connus qui, après trenie ans, étaient
incapables de payer leurs créanciers à cause des dettes con-
tractées pendant les premières années. Et encore faut-il
payer la terre au gouvernement. Il n'y a que dans les gran-
des villes où, grâce à la concurrence et aux communica-
tions faciles, le prolétaire peut vivre avec plus d'aisance; la
concurrence manque dans les régions intérieures du Brésil;
les colons sont tellement épars dans l'intérieur de ces vas*
tes étendues qu'il est impossible qu'ils aient à leur portée
deux ou troiscommerçants; ils n'enont généralement qu'un
qui achète tous les produits du colon et lui vend tout ce dont
celui-ci a besoin. A la fin de Tannée en mettant d'un côté
Tactif et de l'autre le passif, il arrive presque toujours que
le pauvre colon se présentant pour demander son compte^
190 l'ÉMIGUATION et la COLOXISVnON ITALIENNES
le commerçant lui dit : (( Mais vous êtes débiteur de troisou
quatre cent fuilrcis. » La plupart du temps, par suite de ce
défaut dYMjuilibre économique, le colon se trouve réduite
une espèce d'esclava*^e. C'est une des saites inévitables du
système économique de ces régions, produit par le manque
de voies de communication. Je n'accuse personne; c'est, je
le répète, la conséquence même du système.
Malheureusement ces inconvénients ne peuvent pas être
diminués par l'action ])ienfaisante des municipalités en
raison de la façon dont elles sont organisées actuellemenL
Les municipalités ne peuvent être autrement à cause du
peu de densité de l-i population. Une seule de ces muni-
cipalités que j'ai visitées a, par exemple, la même étendue
que trois ou quatre départements français et il y en a
dans l'intérieur qui s'étendent sur une surface égale à
huit ou dix départements. Il n'y a pas, dans ces colonies,
diiïérentes classes sociales comme chez nous en Europe où
les campagnes ne sont pas dépourvues de richesses, où il y
a des rentiers, des petits propriétaires et des salariés, où il
y a, enfin, toutes sortes de marchands, débitants et bouti-
quiers.Là vous ne trouverez que des colons et des commer-
çants, exploités et exploiteurs, ces derniers étant presque
toujours les chefs des municipalités. Celles-ci n'ont presque
pas de revenus. Je pourrais citer des municipalités aussi
étendues que la Normandie et dont le revenu suffit à peine
pour payer un employé. Tout ce que le colon peut obtenir
d'elles après de grands efforts c'est,par exemple, qu'on mette
ensemble quelques madriers pour former un pont et pouvoir
ainsi traverser les ruisseaux qui abondent dans le pays.
Dans ces conditions, il est impossible de maintenir des mé-
decins aux frais de la commune et le colon meurt sans les
secours de la science. Comme seule ressource il y a les noirs
qui ont appoité de l'Afrique la science des herbes médicina-
les ; j'ai connu des noirs soignant des colons et des colons
qui faisaient fonction de dentistes et de chirurgi6a<).
LKMIGRATION ET LA COLONISATION ITALIENNES 191
Pour les prêtres, c'est la môme chose. Dans l'intérieur
du Brésil, les colons ont conservé le sentiment religieux
très vif qu'ils ont apporté do l'Europe. J'ai assisté àdes spec-
tacles émouvants^; j'ai vu des cortèges, des processions qui
n'en finissaient plus, avec un crucifix en tète, et c'était pour
obtenir de Dieu la cessation de la pluie ou de la sécheresse,
surtout de la sécheresse qui est un des grands fléaux tropi-
caux. Dans le Spirito-Santo, j'ai vu beaucoup de petites
églises édifiées par les colons mais la plupart n'ont pas de
pasteur. Kn Europe, les prêtres pour vivre ont presque tou-
jours des fondations -nombreuses et riches ; mais dans ces
colonies de nouvelle création, il n'y en a pas. Les colons,
avec leur grand esprit d'économie et d'abnégation, ont pu
construire des églises, mais ils n'ont pas les moyens de
payer les prêtres régulièrement; d'autre part ceux-ci font ce
qu'ils peuvent, mais ils ont des paroisses si immenses qu'ils
ne peuvent toujours exercer leur ministère sacré quand
cela est nécessaire.
Pour les écoles et les instituteurs c'est la môme chose.
Les municipalités ne peuvent entretenir ni maintenir des
écoles ; quelquefois les colons s'arrangent entre eux pour
payer un instituteur, ou bien le colon qui sait lire et écrire
s'improvise instituteur,raais cela ne suffit pas. Dans ces der-
nières années, le gouvernement local, à cause de la crise du
café, a été obligé de supprimer un grand nombre d*écoleâ
dans Tiatérieur par raison d'économie.
Nous parlerons à présent des fonctions des gouvernements
locaux. Le Brésil, à Tinstar des Etals Unis du Nord, est une
confédération composée de 20 Etats Brésiliens presque cora*
plètement indépendants quanta Tadministration intérieure;
le gouvernement fédéral de Rio ne s^occupe que de la guer-
re,de la marine et des relations extérieures. Il y a cependant
dans chaque Etat, un magistrat qui s'occupe de la répres-
sion des délita qui sont du ressort des tribunaux fédéraux j
l92 l'émigration et la. colonisation italiennes
mais, pour le reste, c'est une autonomie presque complète
avec un parlement indépendant. Chaque Etat, à Texceptioa
des plus petits, a un Sénat et une Chambre de députés. Les
revenus de diflérents Etats composant la République da
Brésil n'ont rien à voir avec ceux du gouvernement fédéral
provenant en grande partie des droits sur rimportation dei
marchandises de l'étranger. Ces marchandises sont taxées
à l'entrée par le gouvernement fédéral tandis que les droits
d'exportation appartiennent aux finances des différents
Etats. Dans l'Etat de Spirito-Santo, à cause de la crise da
café, on a vu d'une année à l'autre les revenus de cetKlat
baisser de 5.000 à 3.000 contos, presque delà moitié. Ont ■
dû faire des économies dans toutes les branches de l'admi-
nistration, dans la police, dans la magistrature et on a sap- ,
primé des écoles, ainsi que nous venons de le dire. Ce n'est
pas comme en France, en Italie et en général partout en
Europe où les gouvernements peuvent compter chaque an-
née sur une quantité do recettes de douanes, d'impôts fon-
ciers, de contributions directes, de taxes personnelles, etc.
qui ne varient pas trop ; ils peuvent ainsi équilibrer sans
trop de difficultés leur budget en cas de déficit dans uoô
branche de la gestion financière. Mais, au Brésil,la financfl ;
des différents Etats repose sur le seuldr oit d'exportation et
sur un seul article presque exclusivement. Dans le Para
c'est sur le caoutchouc à San-Paolo, à Rio-de-Janeiro, à
Spirito-Santo c'est sur le café seulement. Au Brésil, d'une
année à l'autre, il peut y avoir une baisse considérable sur
la production ou sur les prix et alors les revenus publicSi
c'est-à-dire les sommes perçues à l'exportation, se trouvent i
diminuées tout à coup. Il n'y a presque pas de remède^
cet état de choses et ceux qui sont sur les lieux le recon-
naissent. La diminution du prix du café et par conséquent
du rendement de la taxe d'exportation qui a été un désas'
tre pour les finances de l'Espirito-Santo ne Ta pas moins
l'émigration f.t la colonisation italiknnes 193
été pour les colons qui, par exemple, vendaient, il y a dix
ans, 15 kilos de café pour 18 ou 20 francs et qui à présent
n'en obtiennent le plus souvent que 4 ou 5 francs et moins
encore dans les points très éloignés. C'est celte baisse du
café qui a produit la misère des colons en les mettant dans
Vimpossibilité de payer leurs dettes J'écrivais de Victoria
à ce propos : a Les colons italiens qui cultivent le café dans
« l'intérieur le vendent aux commerçants du lieu à raison
« do 3-000 rets par arroba, c'est-à-dire H fr. 50 les 15 kilos;
« en certaines localités éloignées même à 2,000 re/.s par
« 15 kilos ; un colon italien de Sao Matteo m'affirmait qu'il
« vendait un sac de café non décortiqué aux commerçants
« de la localité pour 1.500 m.s-, c'est-à-dire pour moins de
« 2 francs ; à Victoria, la capitale de Tlilspirito-Santo Var-
« roba (15 kilos) de café coûte en moyenne de 4.200 à 4.500
H rew, de 5 francs à 5 fr. 50 ; le sac de café de 60 kilos.
fl coûte à Victoria 20.000 veis (25 francs). On a peine à com-
« prendre que le sac de café puisse valoir en Italie do 250
lï à 300 francs et le kilo de café de 3 à 4 francs, d'autant plus
« que le transport du Brésil en Italie d'un sac de café ne
« coûte, je crois, que 2 fr. 50. Le droit d'entrée en Italie
« pour le café, quoique élevé, n'expli(iue cependant pas une
« pareille différence de prix. Knlre les colons italiens qui
« cultivent le café au Brésil et l'ouvrier italien qui l'achète
« dans la péninsule il est évident qu'il y a une suite trop
« nombreuse d'intermédiaires aux(juelson paie redevance,
« ce qui fait que les colons italiens cultivateurs de café vi-
« vent dans la misère tandis que la jouissance du consom-
« mateur pauvre en Italie en est diminuée. »
Le même phénomène inexplicable d'augmentation colos-
sale des prix se produit pour les marchandises italiennes
qui sont vendues aux colons italiens dans l'intérieur de cet
Etat. Je ne puis ici reproduire les listes de prix des mar-
chandises de première nécessité qui se rendent aux colons
lui L ÉMKÎRATION ET LA COLONISATION ITALIENNES
dans l'inlérieur, je prends comme exemple un seul article,
le vin commun. Trois (juarts de litre de vin qui cliez nous
coûteraient 20 uu iW centimes, sont vendus là-bas 2.QÙ) reis
(2 fr. r>0).J yai bien réiléclii sans puuvoirme rendre compte
de cette ditïérence. Le café (|ue les colons produisent et
qui est le seul produit qu'ils puissent vendre n'est pas rému-
nérateur et les objets, les marchandises de première néces-
sité qu'ils achètent sont extrêmement chers. Dans ces condi-
tions on conjprend facilement quelles sont présentemeutel
quelles seront à l'avenir leurs conditions économiques.
Vous voyez combien sont grandes les diiïicultés de la co-
lonisation, même pour obtenir de si faibles résultats qui ne
sont satisfaisants pour personne. Ces gouvernements ont
dû dépenser un argent fou pour ces colonies, car la colo-
nisation, pour la faire sérieusement, coûte beaucoup. Les
gouvernements de l'Amérique du Sud n'ont et peut-èlie
n'auront jamais les excédents de budget nécessaires pour
faire de la colonisation sur une vaste échelle.Si j'en avais le
temps je pourrais vous parler des nombreux essais de coloni-
sation faits dans l'intérieur des dilTérentes républiques Sud-
Américaines et qui ont échoué complètement; j'affirme
que la plupart de ces tentatives de colonisation n'abou-
tissent pas à cause de riusuiïisance des moyens qu'on peut
employer.
Quand il s'agit d'Européens, est-il possible de les trans-
porter tout-à coup dans les forêts vierges et de leur dire
tout simplement: tirez-vous d'affaire? est-il possible, jemô
le demande, de dire cela à des paysans de France et d'ItaliOi
de les mettre en présence de la forêt vierge et de leur dire:
d'ici à une année vous vivrez par vos propres moyens ! H
faut commencer par déboiser, il faut une orientation du
nouveau pays qui demande beaucoup de temps, même pour
des gens qui ont étudié. Comment des paysans pourraient-
ils,dans un laps de temps si court, surmootei' les premières
l'émigration et la colonisation italiennes 195
et plus graves diflicultés de la colonisation? On prétend que
dès Itf première récolte,ils vivent de la terre qu'on leurdonne.
Mais, pour déboiser simplement le pays, c'est 'une opéra-
tion si difficile et si dangereuse que la plupart du temps ils
doivent avoir recours^aux indigènes? Gomment pourraient-
ils, en une année, se créer leur petite maison et obtenir de
la terre (qu'on ne leur donae pas môme gratuitement), les
moyens d'en tirer leur subsistance ? Il faut non seulement
leur faire cadeau delà terre, mais les maintenir aux frais
du gouvernement tout au moins cinq années, ouvrir des
voies de communication et pourvoir à ce que les transports
soient très bon marché. Il faut avoir soin qu'ils ne soient
pasdépouillés par la rapacité des commerçants delà localité
ni réduits à la misère par l'usure écrasante, faire en sorte
qu'ils ne ressentent pas cette impression effrayante de la
solitude, de l'inconnu, qui s'empare des familles isolées dans
la forêt vierge. Pour fonder une colonie durable il faudrait y
mettre au moins 10.000 personnes de la même nationalité
et de la môme région pour écarter les dangers d'une fuite
immédiate ; le secret de la réussite relative de ces colonies
dont je vous parle, c'est qu'elles se composent toutes de
paysans de la région Vénitienne. Les Italiens et les Alle-
mands ont été presque le seul élément colonisateur de l'Amé-
rique du Sud et s'ils ne se sont pas évadés dès la première
année, c'est qu'ils se sont'trouvés comme en famille; comme
les colons ne peuvent pourvoir dans les premières années
de leur établissement à aucun des services publics, c'est
l'Etat qui doit non seulement créer et entretenir les gran-
des routes mais aussi élever les églises, instituer le service
médipal ; enfin il serait nécessaire, pour la période de fon-
dation tout au moins, qu'il y eût des commerçants presque
fonctionnaires de l'Etat, si je puis m'expriraer ainsi, vendant
les marchandises à des prix honnêtes à ces pauvres colons,
]1 faudr&it augmenter le nombre des autorités et des gar-
lî.)6 l'émigration ep la colonisation italiennes
1
diens de la silreté publique non en raison de la densiléde
la popululi«^n mais en raison de la nécessité d'une tutelle
énergique dont le l)Osr>in se fait sentir dans ces sociétés
naissantes pour empêcher les abus des plus forts ; faire
des lois sur les terres pour éviter les empiétements et la
spoliation des propriétés acquises par le travail ; il serait
surtout de toute nécessite d'exécuter, dès le commencement,
cette grande opération du cadastre général pour distinguer
les terres libres appartenant à l'Etat de celles qui sont aux
particuliers et en mên'ie temps délimiter les propriétés des
particuliers entre elles.
Si on réunit toutes ces conditions, la colonisation [>eulse
faire ; elle peut durer, résister comme ont résisté les colo-
nies dont je vous parlais tout à riieuro; mais, pour obtenir
ces résultats, il faut dépenser non seulement des millions
mais des milliards, d autant plus que toute la côte du Brésil,
par exemple, n'est pas très saine et qu'il serait par consé-
quent nécessaire de coloniser à l'intérieur où il y a des hauts
plateaux, jouissant d'un climat plus favorable. Pour que les
marchandises fussent à bon marché sur ces hauts plateaux,
des chemins de fer seraient indispensables, mais à cause
du manque de population et de produits ils ne pourraient
donner pendant longtemps aucun intérêt aux actionnaires.
Pour ces raisons je pense (pie l'idée (que des utopistes ca-
ressent) de faire de la colonisation une spéculation com-
merciale est une grande erreur; la colonisation nepeutétre
(ju'une (ïi'uvre olïicielle de l'Ktat ; il ne suflit pas qu'elle ail
lieu en terrains fertiles, sains, pas trop monlagneuxel riches
en eau, mais il est indispensable que les gouvernements
(jui veulent l'entreprendre soient assez riches pour pouvoir
dire : « nous dépensons lar(jenient à présent pour obtenir iti
résultats qui se feront peut et re attendre plusieurs années iU
ne vois nulle part d'où pourrait venir tout cet argent néces-
saire à la colonisation. Ni les Etats Sud-Âméricains ni \^
l'émigration et la colonisation italiennes 197
Etats européens ne pourraient grever leur budget des dé-
penses relatives. En Europe les pays les plus riches en sont
Hux expédients financiers ; les dépenses militaires des gran
des puissances de noire continent absorbent, chaque année,
cinq milliards ; ces puisî-ances ne pourraient donc pas aider
les gouvernements Sud-Américains dans leur œuvre de
colonisation. D'autre part les notions de l'Amérique du Sud
non plus ne disposent pas de capitaux pour coloniser en
grand, les trois quarts des capitaux employés dans ces con-
trées sont ou français, ou allemands, ou anglais. Le budget
des Etats de l'Amérique du Sud n'est constitué, ainsi que j'ai
expliqué ailleurs, que de deux éléments : les droits d'impor-
tation et ceux d'exportation qui sont tous les deux variables
suivant la production et la consommation, et ne sont ja-
mais les mômes trois i.nnées de suite. Si la récolte est mau-
vaise, le luxé diminue et il y a par conséquent diminution
dans le total des taxes d'importation et d'exportation. Pre-
nons par exemple l'Etat d'Espirito-Santo ! Ainsi cjue j'ai eu
l'honneur de vous le dire il a passé par une crise telle que le
budget de l'Etat est tombé en [)eu d'années de 5.000 à 3-000
contas. La grande quantité de café produit par suite de l'in-
troduction de centaines, de milliers de colons italiens et la
hausse des prix n'ont pas duré longtemps.Aprôs une période
de prospérité éphémère pour les Etats brésiliens, produc-
teurs de café, il ne restait que la production énorme de café
et sa mévente à des prix misôrables.
Un changement dans les prix du café ne peut dériver
que d'une forte réduction dans la production et ce résultat
peut s'obtenir seulement quand les prix du café seront des-
cendus si bas que les cultivateurs ne pourront plus le tra-
vailler avec profit ; il paraît que ce prix oxlièmement bas
n'a pas été encore atteint ; c'est la raison pourquoi, malgré
la baisse, les récoltes ont augmenté, tandis que la spécula-
tion, en s'efforçant de maintenir les prix, encourage les
198 l'émigration et la colonisation italiennes
fazendeiros à pousser leur culture et agit, par conséquent,
contre leurs propres intérêts. La spéculation qui se propose
de faire monter artificiellement les prix n\jugmente jamais
la consommation d'un seul sac de café mais elle stimule
malheureusement la production.
Pouréviter les inconvénients de la surproduction, dilTê
rents moyens ont été proposés, tels ijue l'abandon ou ladf^s
truction d'une partie des plantations, l'interdiction denou-
velles plantations, la transformation du café en engrais, l'or-
ganisation d'un syndicat national ou étranger pour régler
les prix, un monopole d'Etat et enfin le système de se croiser
les bras et de laisser la production s'amoindrir par l'effet de
la ruine de l'agriculture. Peut être la force môme des choses
amènera-t elle une solution ; seuls, les grands producteurs
résisteront, mais ce sera l'effondrement de tout un granti
patrimoine de travail et de richesse.
Que la prospérité des Etats producteurs de café n'ait été
qu'éphémère et transitoire, cela résulte de nombreux témoi-
gnages officiels.
Le directeur des douanes d'Espirito-Santo écrivait au
gouvernement fédéral de Rio de-Janeiro : a Les recettes
« douanières de la période 189i à 18î)7 finirent par persuader
(( qu'une nouvelle ère de prospérité était commencée pour
« cet Etat et cette prévision optimiste était confirmée parles
(' remarquables transactions commerciales et par l'anima-
(( tion que l'on remarquait dans toutes les classes sociales;
« attirées par cette apparente prospérité quelques maisons
(( d'importation vinrent s'établir ici, provoquant, comme
a conséquence, une augmentation considérable des recettes
« douanières ainsi qu'il appert du tableau comparatif sui
« vaut :
1892 Rois 219.724.547
1893 » 594,558.980
189i » 1.504.836.659
">
l'émigration et la colonisation italiennls 199
1895 Reis 1 .233.750.416
1896 )) 1.536.886.385
1897 » 1 .025.784.892
1898 » 542.007.?>59
1899 » 289.368.208
1900 » 328 079.553
1901 » 312.345.971 .
1ÎX)2.... )) 317.384.067
(( Malheureusement cette augmentation a été tout-à-fait
(( éphémère et transitoire et a eu pour cause principale la
(< cote élevée du café qui est le produit de culture et d'expor-
« tation presque unique dans cet Etat et dont la valeur en
K cette période a atteint avec de petites variations les prix
« de 22 à 23 milreis par 15 kilos tandis qu'à présent elle ne
« dépasse pas 4.300 à 4.800 reis.Kn vertu de cette réduction
(( de prix le mouvement monétaire cessa et la crise du café
('eut pour conséquence l'atrophie du commerce et de ses
« transactions et enfin la disparition de beaucoup de mai-
« sons d'importation. Voici les raisons de l'augmentation et
« de -la diminution des importations et par suite aussi des
« recettes douanières. »
Comme la plupart des colons italiens au Brésil dans les
Ktats de San-Paolo, Rio-de-Janeiro, Minas-Geraes et
Kspirito-Santo s'adonnent exclusivement à la culture du
café parce que le terrain ne se prête bien qu'à celte culture,
ils ne peuvent espérer une amélioration de leur condition
que d'une hausse du café ou d'une diminution de la pro-
duction. Mais l'une est aussi dillicile que l'autre. Quand
j'étais au Brésil j'ai pu concevoir un instant la pensée (ju'il
serait possible d'améliorer leur situation en supprimant
une partie au moins des intermédiaires qui gagnent sur le
commerce du café ; j'avais sous les yeux les colons italiens
de TEspirito-Santo qui, ainsi que je l'ai déjà démontré,
vendaient dans Tintérieur, aux commerçants, à 25 ou 35
200 l'émighationet la colonisation italiennes
centimes le kilo de café, ce même café que je retrouvais en
Italie vendu de 2 fr. TjO à i fr. le kilo.
Il est vrai qu'il y a les frais, droits d'exportation au
Brésil et d'iniporlation en Europe, assurance, IranscKU'l,
magasinage; mais il parait, toutefois, incontestable que,
dans le commerce du café,parsuite des conditions spéciales
où U se développe, il y a une quantité excessive d'interirié-
diaires et c'est surtout leur trop grand nombre qui réduit
les bénéfices du [)auvre colon. Tous ces marchands gros et
petits de l'intérieur et ces grandes maisons d'exportation
de Rio-de Janeiro, de Santos et de rKspirito-Sanlo qui
achètent les cafés pour les revendre en gros aux gros négo-
ciants de l'Europe le renchérissent et leur bénéfice, ajouté
aux droits d'exportation au Brésil et d'importation si élevés
en France et en Italie, explique le prix très élevé du café
dans ces deux pays.
Tous les hommes d'Etat brésiliens se sont préoccupés de
la crise du café et ils en ont dierché la solution sans y
réussir ; mes études et mon expérience m'ont conduit moi-
même A la conclusion que c'est une question très diflicile
à résoudre, si diilicile qu'un avait été jusqu'à proposer de
détruire les stocks de café ou d'employur les réserves de
café comme engrais. Il est d'autant plus diflicile derégulari-
serles prix du café (jue c'est un produit qui pousse seulement
dans les pays où il n'existe pas de statistique exacte et que
par conséquent la prévision des récoltes est très incertaine.
On ne sait jamais au E'résil combien de sacs de café on
aura à la fin de la récolte dans l'Etat de San-Paolo, à Rio-
de Janeiro, b N'ictoria, capitale de ri"iSpirito-Sanlo,à Belle-
llorizonte, la capitale de Minas Geraes, autre Etal brésilien
producteur de café. Il y a lieu encore d'observer (ju'au Brésil
les producteurs de café doivent malheureusement compter,
non seulement avec les crises qui sont la cooséquence de
l'excès de production, mais aussi avec celles motivées par
l'émigration et la colonisation italiennes 203
colons italiens du Brésil, producteurs de cafés et autres
pées coloniales, cela a été par suite de l'intérêt que je
e à ces colons italiens, si bons et laborieux, au milieu
|uols j'ai vécu plus de deux années et aussi dans un
ivenient de sympathie pour cetti; /ujrande et belle ville
iniorriale du Havre donl le mnrché de café est un des
iî imi ortants du monde.
R I Z/hTTO R IZZAIIDO
UNOMLLE CARTE DE' FRANCE AD 50.
PUBLICATION DES NKUF PIlKMlèHES FEUILLES
Le Service Géographique de rAnuée vient de faire
paraître les premières feuilles de la nouvelle Carie de
France au oO.OOO". Ces feuilles, au nombre de 9, constituent
un groupement qui donne les environs de Paris, avec la
ville au centre !1).
Il a semblé opportun d'appeler à nouveau (2) rallention
de nos lecteurs sur cette carte, qui par sa précision, sa
parfaite lisibilité, et par l'abondance extrême des rensei-
gnements de toute sorte (ju'elle contient, laisse bien loin
derrière elle ses devancières, même la carte d'Etat-Major
au 80.000'\ Kile a été, en effet, conçue et est exécutée de
manière à répondre li la fois aux besoins des grandes Admi-
nistrations de l'Mtat, à ceux des entreprises particulières et
à ceux du public.
L'idée d'une carie do France à grande échelle n'est pas
nouvelle. Kn elïet, dès 1817, quand on se préoccupa de
remplacer la carte de Cassini, devenue insuflisanle, el
lorsque la Commission, institué(î par Ordonnance Royale
du M juillet 1817, se réunit, sous la présidence de Laplace, .
pour étudier le pr*»jel de la nouvelle carte, pour en lîxerles ;
il) 1» .iill<- wii-l.i. /'•<nf"i.-i : \xii-ll, Vtruàlhi; — xsu-lô, Ran^'wlM'," j
\\\U\A, f.'lJf-Ailuiu : -- \\\u-n. /''iris: — XXllI-15, 'VW**!/; - ixiv-13. /*«•• |
uiitrtin-n-(,nil. : — .\.\iv-l 1. Lo niti : — xxiv-l.'>. Itrit-ConUe-linbert. — nwquo ïeuîBe ^
\iOT\k\, iiai.î- 11- (ulii it f'TJi iir droii -lu v.&'\rv, la «l.ito : 3 «HK» [-= iikus lîM^ti]. Ta f«î*- j
1 fr. •;<'.
L^) Voir Pnul Vil:il .!.• lu ri'.).-|i»». /,,< rarl" lU Fmnc* ait SOXMiO* tAM/è'ihs dr VcV*
p'ii'-. Mil, r.VM, ],. r:;-.:-'»: inr/.nci.t .!»• la f.-iiilh" «le l'I-ile-A.iaui. pi. llh ; Einm. *
M.ii;.'» ri.-, /.n i.'x-i.h'» r'n'f ./- r.nhc^ an ii'fJMKf. jnthli^f pgr le Scrricf tit'fyirafMqat i'
l'Arm f I /'-//,. Mv. ['«II"., p. l'iJti-ju ; «.-art» n'priroiitaut l'état «ravauivmout •U- ir.n*'
fcur le tt-rraln, pi. V;.
/
LA NOUVELLE CARTE DE FRANCE AU 50.000' 205
byses et le mode d'exécution, elle adopta tout d'abord le
principe d'une carte à grande échelle, dérivant de levés au
10.000,^1 appropriée ^ tous les services publics. Le 100.000-,
]ui avait été, en premier lieu, adopté comme échelle de
publication, fut bientôt rejeté, à cause de son insuflisance,
et ou lui préféra, à l'unanimité, le 50.000', cette échelle
permettant seule de « représenter sans confusion tous les
objets utiles aux services publics et particuliers ». Néan-
moins, par la suite, tant pour diminuer l'importance des
frais d'exécution que pour abréger le temps exigé par la
gravure, on fut amené à abandonner cette échelle et à lui
substituer celle du 80.000", « suflisante pour les besoins de
l'armée ». Cette décision donna à la carte nouvelle un
caractère exclusivement militaire, et c'est là le point de
départ de toutes les criti(jues qu'ont pu lui adresser ceux
qui cherchent à voir en elle autre chose qu'une carte mili-
taire, et qui voudraient y trouver des détails incompatibles
avec son échelle.
Depuis cette époque, près d'un siècle s'est écoulé, et les
besoins d'une carte à grande échelle n'ont fait que se mul-
tiplier et devenir de plus en plus impérieux. En outre^ la
France, après avoir devancé les autres nations dans la
confection et l'emploi des cartes topographiques, s'est vu à
son tour distancer peu à peu par ces mêmes nations qui,
ûujourd'hui, possèdent toutes ou presque toutes des cartes
6 grande échelle de leurs territoires. C'est pourquoi la
Commission Centrale des Travaux Géographiques, réunie
^n 1897 pour élaborer le projet d'une nouvelle carie de
France destinée à remplacer le 80.000-, comprit qu'il fallait
*vant tout créer une carte en rapport avec les progrès de la
«cience, et capable de donner satisl'actiun ù tous les services
I publics et aux particuliers. Eile adi)'il s^jas discussion le
|j»incipe d'une carte au 50.000' en couicurs, dérivée de
levés de précisiou ft grande échelle ^10.000" pour les payi
âOfî LA NOUVELLE CARTE I)K FRANCE AL' 50.000^
de plaine ou moyennement accidentés, 20.000' pour les
régions montagneuses). Ces levés devaient s'appuyer sur
les repères du nivellement général et sur la triangulation
existante.
Elle adopta pour la carte une projection du système dit
polyédrique, ou polycentrique, avec les éléments qui résul-
tent de l'aplatissement de Clarke, et en se ba.<?ant surle
calcul des coordonnées fondamentales du Panthéon, qui
viennent d'être déterminées à nouveau par le Service
Géographique.
Dans la projection polyédrique, on admet que la surface
du globe se confond très sensiblement avec celle d'un
polyèdre à facettes quadrangulaires planes, déterminées
par les intersections entre eux de plans tangents au sphé-
roïde, le point de contact étant au centre de chaque facette.
Chaque feuille représente une de ces facettes, et si celles ci
sont alignées dans le sens des méridiens et dans le sens des
parallèles, les intersections des plans se produisent suivant
des plans méridiens et suivant des plans parallèles, d'où il
résulte que les feuilles sont limitées par des fractions de
méridiens et de parallèles.
Ce système de projection, déjà employé en France pour
les levés des Plans directeurs et pour la carte du Ministère
de l'Intérieur, employé aussi par quelques autres États
d'Europe, d'Asie et d'Amérique, a l'avantage de limiter
autant que possible les déformations; il permet de s étendra
dans tous les sens ; il ne comporte que des calculs relativo*
ment faciles, et son emploi est des plus commodes. Soii
principal inconvénient est de donner des feuilles ayant ud6
forme trapézoïdale et des dimensions différentes, selon l^
rang qu'elles cccupent dans le sens des méridiens; de pl^
(théoriquement du moins;, la cartd ne peut s'assembler ([^
sur une surface spbôrique; mais pratiquement! ai M
Inutiles sont de dimensions restreinte^i on peut grftca 8«
LA NOUVELLE CARTE DE FRANCE AU 50.000 207
jeu du papier, en assembler un très grand nombre sur une
surface plane. La coupure des feuilles de la nouvelle carte
de France a été fixée à 20 minutes centésimales en latitude,
et iO minutes centésimales en longitude, le méridien initial
étant celui de Paris et passant par le milieu d'une feuille.
La hauteur des feuilles est constante ; leur largeur varie
suivant la latitude. La différence totale de largeur entre les
feuilles du Nord et celles du Sud est d'environ 9 cm. Afin
de remédier au léger inconvénient qui résulte de l'inégalité
des feuilles, on a enfermé chaque trapèze dans un cadre
extérieur rectangulaire ayant des dimensions constantes ;
42 cm. X 60 cm. (2 cm. de plus que le plus grand trapèze).
Celte disposition a l'avantage de permettre de faire, à l'oc-
casion, déborder le dessin hors de son cadre naturel, dans
les limites du cadre extérieur, pour représenter certains
détails importants appartenant normalement aux feuilles
voisines.
Chaque feuille est désignée par deux numéros, celui de
la bande verticale et celui de la bande horizontale dont elle
fait partie dans le tableau d'assemblage (chiffres romains
dans le premier cas, chiffres arabes dans l'autre). De plus,
elle porte le nom de la localité la plus importante qu'elle
renferme.
La carte est imprimée en 8 couleurs, savoir : le noir pour
les voies de communication, chemins de fer, limites admi-
nistratives, écritures (sauf celles qui se rapportent à Thy*
drographie) ; le bleu pour les eaux ; le rouge pour les lieux
habités ; le vert pour les bois, prés, jardins ; le violet pour
les vignes ; le bistre pour lés courbes de niveau ; le bistre
et le gris bleuté pour Testompagd^ destiné à faire ressortir
les formes du terrain. Cet estompage comporte à la fois
l'application des conventions de la lumière zénithale et de
la lumière oblique, la teinte bistre étant attribuée & la
lug^ière zénithale, et le gris bleuté & la lumière obliquai
208 LA NOUVELLE CAHTE DE FRANCE AU 50.000
Les courbes de niveau sont à Téquidistance de 10 m., avtx;
courbes maîtresses de 50 m. en 50 m., et courbes interca
laires en traits interrompus lorsque cela est nécessaire
pour faire ressortir des accidents de terrain compris enlre
deux courbes consécutives.
Indépendamment du type normal et complet, la carie
comporte divers types qui l'approprient à des services diffé
rents. Elle peut ôtre ainsi carte muette, carte orographique,
hydrographique, routière, forestière, etc., selon que Ion ne
tire qu'une, deux ou i)]usieurs couleurs intéressant spécia-
lement chaque service. Kn outre, on a admis que les minu-
tes des levés de précision au 10.000*^ et au 20.000^ pourraient
être reproduites à leur échelle originale, en liéliogravure,
et tirées en noir, pour être délivrées aux services publics,
aux communes, aux entreprises particulières qui en
feraient la demande.
La carte est héliogravée sur zinc. Le premier travail est
une réduction photographique au 40.000- des levés, réduc-
tion au moyen de laquelle on exécute, à la même échelle,
un dessin complet de la planimétrie, en noir. On réduit par
la photographie ce dessin à Téchelle du 50.000^. Le négatif
sert à donner autant de clichés positifs qu'il y a de couleurs.
Chacun de ces positifs est l'objet de grattages qui ne laissent
subsister que les traits à imprimer avec une môme couleur,
puis à l'aide des divers clichés ainsi modifiés, on exécute
autant de planches d'héliogravure. On conçoit que par ce
procédé le repérage des couleurs se fasse d'une façon irré-
prochable, puisque toutes les planches dérivent d*un seul et
môme cliché négatif.
La gravure n'intervient que pour quelques retouches
indispensables et certains détails qui exigent une grande
finesse, tels que : échelles cadres, sables, rochers, etc.
Lo modelé du terrain est dessiné au piaceau sur unQ
LA NOUVELLE CARTE DE FRANCE AU 50.(XX>> 209
épreuve des courbes tirée en bleu clair ; puis ce lavis est
photographié au travers d*une tram<i et héliogravé.
Les chiffres de population, pour toutes les communes,
sont indiqués par un nombre imprimé en rouge (sauf pour
la feuille de Paris, où la grande quantité de détails rouges
a obligé à les imprimer en noir).
La question des signes conventionnels a fait l'objet d'une
étude très minutieuse et très approfondie. On a dû les mul-
tiplier, afin de donner satisfaction à tous les Services
Publics : ceux-ci comptaient tous, en effet, des représen-
tants parmi les membres de la Commission Centrale des
Travaux Géographiques, et ils purent ainsi réclamer, chacun
pour Son compte, l'insertion dans la carte de tout ce qui les
intéressait spécialement. Tous les signes adoptés sont très
clairs et tcès expressifs : malgré leur extrême multiplicité,
ils ne nuisent pas à la lisibilité de la carte. Ils n'apparaissent
pas au premier coup d'œil, à cause de leur finesse, mais on
les découvre sans peine avec un peu d'attention, pourvu
que Ton ait, au préalable, consulté le tableau des signes
conventionnels, lequel forme une feuille à part, de la dimen-
sion des autres feuilles. C'est ainsi qu'on peut distinguer,
par exemple, dans les villes et villages, les églises, les
mairies, les gendarmeries, les hôpitaux, les lavoirs, les
abreuvoirs, les puits, etc.; dans les gares, les halles aux
marchandises, les prises d'eau, les dépôts de locomotives,
les quais, etc.; sur les côtes et dans les ports, les phares
avec leurs différents feux : fixes, à occultation, à éclats;
les bateaux-feux balises, bouées, etc., etc. Tous les établis-
sements industriels sont représentés avec un signe diffé-
rent, selon qu'ils sont mus par Teau par la vapeur, par
Télectricité ; les exploitations minières ont également une
grande quantité de signes qui indiquent immédiatement
leur nature. Cette clarté et cette grande lisibilité ont été
difficiles à obteDir, mais c'est précisément grftce à rdbQa<<
210 LA NOUVELLE CAHTE DE FRANCE AU 50.000'
(lance et à la curiosité de tous ces détails que la carie esl
appelée à avoir un grand succès dans le public. Elle est
autant statistique que topograpliique,etc'eslen celasurtoal
que consiste le progrès réalisé sur ses devancières.
Le nombre total des feuilles sera d'environ 1.100.
Après les neuf feuilles actuellement livrées au public, le
Service Géographique doit publier successivement, à des
époques qu'on ne peut fixer, même approximativement, un
groupe de feuilles dans la région de Nancy, un autre dans
les environs de Lyon, un troisième vers Nice, un quatrième
vers Perpignan, puis vers Marseille, etc. Le choix de ces
divers groupements résulte de l'état d'avancement des levés
sur le terrain. Ceux-ci avaient été, dans le principe, exécu-
tés aux environs des places fortes pour des besoins exelusi-
vement militaires, et ce n'est que récemment qu'on a songé
à les utiliser pour la nouvelle carte. 11 a donc fallu les
développer pour les adapter à leur nouvel usage ; les pl'W
anciens ont da être revisés et mis à jour.
■Jusqu'ici, les travaux relatifs à la nouvelle carte n'ont
avancé que fort lentement, parce que l'on n*a pas pu encore
obtenir des Chambres un crédit spécial en rapport avec
l'importance de l'œuvre à réaliser. 11 faut dire, en elîet,que
d'après les prévisions de la sous-commission chargée des
études préliminaires, il faudrait une somme d'environ 25
millions, répartie sur une période de trente an», pour mener
à bien cette vaste entreprise. La situation iinancière dtt
pays n'a pas, jusqu'ici, permis de faire un pareil sacritice,
surtout en faveur d'une carte dont on ne pouvait pas encort
présenter de spécimens, et, par conséquent, trop peu connue.
Tout ce qui a été fait jusqu'ici ne l'a été qu'avec les res-
sources du Service Géographique qui avait, en outre, à
assurer sa marche normale. Mais on a tenu à donner à ta
carte un commencement d'exécution, car on espérait vaincrt
Ie9 dernières hésitations dgs Chambres, eo lançant dans U
r.A NOTVFXLE CARtK DE FRANCE AU 50.000* 211
circulation un certain nombre de feuilles et en déterminant
un mouvement d'opinion en faveur de leurcontinuation.il
est à souhaiter que le Parlement, maintenant qu*il peut se
rendre compte de hi valeur exceptionnelle qu'aura la Carte
de France au 50.009', se d»'»cide enfin h voter la loi qui
affectera à son achèvement une somme suffisante pour per-
niettre de donner satisfaction aussi rapidement que possible
à l'attente générale.
{Annales de Géographie).
ACTES DE LA SOCIÉTÉ
Procès verbal de rAssenihlêe Générale
du je Décembre 1906
Prôsitlence do M. L. Quitton, vicc-préhident.
Lecture est donnée du procès- verbal de la dernière assemblée géné-
rale qui est adopté sans observations.
Avant de procéder au vote pour le renouvellement des membres
sortants du Comilé, M. le Président consulte rassemblée sur le mode
qui sera employé : scrutin secret, on vote à mains levées; personne
ne demandant le scrutin secret, il est décidé de voter à maios IcTtes.
Sont réélus membres du Comité :
MM. René Hoitier, Joannès Couvert, S. Decbaille, Georgrt
Doublet, Denis Guilloti Ë. Harou, Charles Jacqucrain, Albert
Eranse, Paul Loiseau.
MM. E. Dupont et F. Vanier sont élus pour compléter le Comil*.
M. le Trésorier donne communication du projet de budget pour
1907. Ce projet diffère peu du précédent et si en détail quelquei
crédits ont été moditiés, l'ensemble reste le même que Pan dernier.
Les recettes et les dépenses s'équilibrent à 8,866 fr:inc8.
Ce projet de budget est adopté.
M. le Président donne alors la parole à M. Rizzardo Uiszetto,
Consul d'Italie^ après l'avoir vivement remercié d'avoir favorable-
ment répondu à l'appel de notre Société.
M. Rizzardo Rizzetto remercie M. le Président de son aimable
accueil et s'excuse — excuse superflue — de ne point manier la
langue française aussi habilement qu'il le désirerait pour se fiira
bien comprendre.
Sa causerie, dont nous sommes heureux d'offrir un compte-readu
sténographié aux lecteurs de notre Bulletin, est intéressante commi
toutes les choses vccues. Sociologue autant qu'économiste, M. Rizzardo
Rizzetto a rapporté d»is observations personnelles, pleines d' iperçtti
nouveaux, de son long séjour au milieu des colons italiens nu Br^
A l'émotion qui fait trembler na voix, on sent avec quel cœur il i
cherché à surmonter les innombrables difiîoultés qui assaillent k
colon dans ce pays.
ACTES DE LA SOCIÉTÉ 213
L'attention soutenue et les applaudisHements rcpét<^8 de l'assemblée
rnoigntnt j\ Torateur de l'intérêt puissant qu'il a su mettre dans
u eiposé.
l r.e série de projections compléta foit heureusement cette conté-
nt-e.
La séance est levée à 10 lieures 1/4.
Séance du Comité du 12 Décembre 1906
A 1 issue de TAsatuihlée générale, le Comité tient une France pour
lûiuer sur radmission des nunibres nouveaux dont 1«.b noms suivent:
IM. Jules C'aron, présenté par'MM. A'oura et Savaiin.
Hodolplie Ffister, » Meura et G. liister.
('liHrles Laiisné, » Esliguanl et Odinet.
Emile Tlister, » Meuni et G. Ffinter.
Ge(»rges Tisserand. » 1 je ut. -Colonel Fluvigny et
< upit.iiiie de Tuguy.
Edouanl Bailly, » Guitton et Fuvicr.
Giannett, » Bjipset et Loiseau.
Rizzardo Ri/.zetto, » Vassia et Loiseau.
lie M.-I.. Souilbac, » Mlles Kirsclil>autn et Marie.
M. Ernest Caron, » MM. Mt^ura et Hoivin.
Paul Daillod, » 0. Senn et (îuiiton.
Ces nouveaux membres sont admis,
Lasifance est levée à 10 heures -lô.
Procès-cerbal de la Séance du Comiié du U Janricr 1907
M. Monsallier prend la présidence et l'on procède à l'élection du
ro.iu qui donne les résultats stiivants :
MM. E. Dupont, piésident.
E. Favier, vice- préaident.
D'' G. Dufour, vicc-président.
I*. Loiseau, secrétaire fréneral.
J. Hubcit, secrétaire dt?9 Héances.
F. Vanitr, seerét^die des sé-mces.
Cil. Meura, bibliothécaire
Kenô Boîtier, trésorier.
âl4 ACTES DE LA SOCIÉTÉ
Le Bureau ainsi compoeé, M. Monsallier cède la présdence i
M. E. Dupont qui remercie le Comité de la marque de confiance qu'il
vient de lui donner et Tassure de son entier dévouement.
. Le procès-verbal de la précédente réunion est lu et adopté saoi
modification.
M. le Secrétaire Général donne lecture de la correspondance :
Lettre de M. Lévy, correspondant A Vienne, qui s'est chargé de
représenter la Société au cinquantenaire de la Société de Géograpliw
de Vienne.
Lettre de h\ Direction de l'Enseignement Supérieur de rinstruct'wB
publique de Bruxelles qui, fondant un service d'etbnographi<*i sertit
beurcuse de connaître les travaux produits par la Société.
Des remerciements sont adressés à Mme Chevalier de C^ninck H
M. J. de Coninck qui ont offert k la Société différents oovraget de
géogmpbie et de voyages, delà période 1830/1840, remarquables |»f
leurs illustrations et de nombreuses cartes ; à M. Georges Maurer,
consul du Paraguay, qui a également offert à la Société ua ouvrftgt
fort intéressant sur le Paraguay avec de nombreuses gravures et iB*
carte de ce pays.
La parole est ensuite donnée à M. Guitton, qui communique dt |
très intéressants détails sur Anvers et les travaux actuellement ^
cours d'exécution et en projets pour en faire un port des plus impôt'
tants.
M. le Président remercie M. Guitton doses intéressantes cominu*
nicatioDS.
Ont été admis comme nouveaux membres :
MM. Belot, présenté par MM. Guitton et Loîseau.
Pierre Chariot, » Badoureau et Hubert,
La séance est levée à 10 heures 1/4.
OQïïaps reçQS Si la Blothèp de la Société
Voyage en France, 45» série. Hégion parÎHionne; IV, Sud-Ouest:
Versailles et lo Hurepoix.p«r Ardcuix-Dcmazet. Paris, 1907, l vol.
in- 12, avec cartes ou croquis.
Voyage en France, 46« série. Région parisienne ; V, Nord-Ouest:
La b'eine de Paris à la mer, pHrisis et Vexin françiis, par Akdouin-
DuMAZKT. Paris, 1907, 1 vol. in-12, avec 17 cartes ou croquis.
(Dca de l'Auteur.)
Annuaire statistique de la France, 1905, 25« volume, ])ubli(>
par le Ministère du Travail et do la Prévoyance sociale. Paris,! 906,
1 vol. in-8. (Don de M. le Ministre du Travail.)
Padoue et Vérone (Les Villes d'Art célèbres), par Koger Pkykk.
PHris, 1907, l vol. in-4, illustré de 128 gravures.
L'Europe et la Question d'Autriche au seuil du xx* siècle, par
André Chéraï^ame. Paris, 1906, 1 vol. in-8, accompagné de 6 cartes
en noir, de 8 en couleurs et de 4 fac siniilés de dociimcuts.
Aux Indes et au Népal, par li D"" Kuht Boeck. traduit par Fran-
çois Ricard. Paris, 1^07, 1 vol. in-8, illustré de 58 gravures liors
texte, d'après les photographies do l'auteur.
Lt Région du Guir-Zousfana, par le Lient* Poikmkuu, du l*""
Hégiment Etranger. Paris, 1906, 1 broch. in-8, 101 pp. aveu 33
figures dans le texte et une carte. (Don du Comité du Maroc.)
Oajda, historique, organiH;»tion, commerce. Rapport du Capitaine
Manoin, chef de la Section frontière de la Mission militaire fran-
çaise au Maroc. Paris, 1906, 1 broih. in-8, 64 pp. avec 6 cartes ou
gravures. (Don du Comité du Maroc.)
Notes sur Mogador. Documents de la Mission maritinie française
du Commandant Dyé, par M.E. PoiŒfîuiN, ingénieur. Paris, 1905,
l broch. in-8, 51 pp. avec 4 gravures. (Don du Comité du Maroc.)
Ijes Associations agricoles au Maroc, par E. Vaffikk-Poi.lkt.
Paris, 1906, 1 broch. in-8, 28 pp. (Don du Comité du Maroc.)
Les conditions d'existence à Tanger. Paris, 19U6, 1 btoch.
io-8, 15 pp. (Don du Comité du Mar(»c.)
La Mission Buchet (N. O. du Maroc). Rapport somuiaire d'en-
Heinbîe (Extrait du Bulletin du Comité de rAfri([ue françjiise) Paris,
11*06, 1 broch. in-8, 24i»p. (Dun du Comité du Maroc.)
Les Ghefferies indigènes de TEtat Indépendant du Congo et la
H«?organi8ation du Congo français. Rapport présenté au Congrôs
colonial de Paris, par M. Y. -M. Goulet, examinateur de l'Institut
couimercial de Paris. Tours, 1906, 1 broch. in-8, 15 pp. (Don de
l'Auteur.)
2in OUVRAGES REÇUS A LA SOCIÉTÉ
Question Congolaisr. La Gi« du Kasai à ses Actionnainii:
n'ponse à bps «1« Irnc.tenrK. lîruxt^llop, 1ÎM)(», I vol. in 8, omé dt
nombniitifs giaviin-a et "J e.irt*"s. (Pui «le la Cie du KaHai.)
New- York coni-iio jo Tui vn, texte et flessiiis i>îtr Charles HuARD.
l'îiris, 190*), 1 vol. in-S, orné de 140 ilhihtrntinim hors texte et dant
lo tPXtO.
Du Mexique au Canada, journal ilo route eu AuioiiquCy par A.
MAri-Roiii. P.'iris, 11)07, i vul. in-ii*.
A travers l'Amérique du Sud. pr.J. I)Ef.EiîED;»UE. Paria, 1907,
l volume iu-lt», îivec 3 cirli/î* cl 17 illuBlrations liors teste.
Le Paraguay décrit et illustré. Ktudo sur ]o )^roj;rès économviiM
ilu p-iys, }jîir lî. von ri'^oiiiÇK-TKKUENFKLn, conKul prénônil du Part-
giuN- pour le roy.iuino clo Saxi\ I3iux«?lk'8, lî^UG, 1 vol. in-8,arec2
cijitus et lî) gravures, ^l)^m di> M. Georges Slaurer, contnl di
Pjir.i;:unv.)
Nouvelle notice sur les Iles Kerguelen, poHt»0R8ion françaiiB,'
p.ir Kuiiô-K. HnsMKKK. Paris, i'JOG, 1 broch. in-S, avec cartes tt
|:ravui'«s. [\Kn\ J(r l*Autenr.)
Anthologie coloniale, p'nr ftiirc aiu.cr nos Colonies. Morcean-
rlii»i>is <|«'S Kcrivaiiis Iranrii.-^piir Marius-Ary Lkiu.ond. Paris, 1907|
1 vol. in-l'î, jivn- ÎH) ;^iavuri>.
La Prospérité des Ports français, |ar Kcni'-K. ^t;^^S)ÈRE,ouvnga
(ouronin- pir la Sucit-iir IJa^nise li'Ktudes diverfea. Havre, 19û6i
1 hroc'h. iri-5^, 1 IS pp. avit- z^»,*, gravures hors texte. I Don dePAuteur)
Etude 8UV l'Elevage du Mouton oaiîs 1« uKinvle, par René-E.
l'..sMi:i:K. Paris, \\H}\, 1 luorli. iu-H. (Doinle l'Auteur.)
Mes Chasses dans les cinq Parties du Monde, p:ir Paul Nic<
MKi K,trailiiit <](.' i*alK•ll1au^l par L. lliM>TAN',iigri>gu il«; rUuiversifé.
J*.iris, 11M)7, 1 vi»I. in-S, n/nô «lu» 808 gravures d-mt 33 hors texte
«Tapies K's jli'itngrîipliios d»' l'Aulriir.
Nouvelle carte de France au ôO.OOO^dirivf c de levé* au 10.000*,
• t au i^(^i.H)U'', ln;lio;^ravëi? ut gravée Kur ^finc, en S couleurs: ti^^uré
<iii t*-ri:i]ii i [1 niurlii» K.'li'vé par un 4'»tonipage, 1) feuilles puruei:
I\''iillts wn 1:î, l'nnt'isM : — x\m-14, Versaillea ; XXI1-1&,
lîanila.uii;.-!. \\'ii-i;>. l/ls!»'- Adam. — X-Xm-J-I-, Paiis. — XMll-15,
<i»rin'il. — \\iv-i;j. Dunimartin-en-Gor-Ie. — xxiv-14, Lagny —
XMV-1.'.. Iîii(.--('(»ni1«.-lîol»irl.
Plan du port de Dunkerque « t rK'S Travaux d'extension projetef.
1 iViiill..' au 10. «'(.M!-, 10'.»f». iDon dtî M. Lonia Guitton.)
Atlas Universel de Géographie, pjir Vivien de St-Mabtix il
i-nmz SiMiîAhi.K,
f.uilh* 77 - lùal-î-Iiiis (Piôyion du X.-E.) au 3.000.000",
«;.i - Al-.'ri. -Tunisie au 2 . ."-OO . UOO^.
Plans de Mogador, Mazagan-Azemmour et Maxagaa«
iroJH pi. nu l'.-v. s m j'.J.i.'» par la Mifjsion hydrographique du Maroc.
■' Mî'^-it:' p ir lo L\)niih- du .Mnnu'.j
HAVHE
AU SIÈGE DE tA SOCfÉTÈ
I3lt «PC »& rAiiis, \'M
I«r7
SOMMAIRE
Un Voyage au Congo français, 1. par le R. P. Henri Tkiixks . 217
Le Chejnîn de fer de Konia-Bagdad, pnr Ferd. Vamibr 235
La Race néo-latine et l'Algérie en 1907, I, par A dk PouvonaviLLE 250
Le Cocotier et le Coprah 259
Rapport du Secrétaire général sur les Travaux de l'année Ï906. . . 261
Comptes définitifs de l'année 1906 , 269
Actes de la Société , . . 270
Ouvrages, Cartes et Plans offerts à la Société par M"^'^ Chevalier
de Coninck et M. James de Coninck 27.3
Bibliographie 277
Ouvrages reçus à la Bibliothèque de la Société 2T^.^
RÉUNIONS \ m
Les Réunions du Comité ont lieu le 4'"^ mercredi de chaqiie mois
excepté pendant les mois d'août et septembre.
Tous les membres de la Société peuvent y assister.
BIBLIOTHÈQUE
La Bibliothèque de la Société est OUVerte tOUS ICS] SOirS
excepté les dimanches, jours fériés et demi-fériés» de 6 h. »/% « / h. i/a
et de 8 h. i ^2 à loh.
Toutes les communications et tous les renseignements doîveiit cwc
adressés au Secrétaire général.
SOCIETE
DE
GÉOGRAPHIE COMMERCIALE
A/o. -2.
Un Voyage au Congo Français
(1)
Mesdames, Messieurs,
Voulez-vous me permettre, sans rien ajouter aux paroles
•le M. le Président, d'entrer immédiatement dans le vif du
sujet qui, par hasard, prend ce soir peut-être une actualité
toute particulière.
Beaucoup d'entre vous, ce matin, en lisant les journaux,
ont vu que par accident — un de ces accidents qui se repro
diiispnt do lemiis i\ autre, do façon presque périodique —
quatre Tualheureux Kuropéens, agents de factoreries, avaient
été pris et mangés par les indigènes. Ce sont do ces acci-
dents qui arrivent quelquefois. On se plaint que les vic-
times n'aient pas réclamé la protection du Gouvernement,
qu'elles aient un peu pressuré les indigènes, c'est vrai;
mais cependant le résultat final n'en est pas moins désgs-
I ,1; Conférence foile devant la Société de Géographie O)mmerciole du
Havre, le 14 FéTrier 11N)7.
ftociiri DE oioGRAPHiE. — 2-« trimestre 1907 15
\
218 tN VOYAGE AU CONGO FRANÇAIS
Ireux au poînt de vue de noire colonisation. Je crois pou-
voir vous démontrer que dans ce Congo français dont on
parle, il y aurait encore beaucoup à faire, et qu'il y aurait
place pour bien des bonnes volontés.
C'est donc au milieu de ces peuplades anthropophages,
comme vous venez de le voir, que je vais vous introduire.
Pénétrant dans le Congo français, nous allons tout à
l'heure commencer notre voyage par les côtes, examiner
rapidement les populations, puis les divers moyens de
transport et les moyens de pénétration. Nous nous dirige-
rons alors vers l'intérieur avec les pirogues et avec les po^
teurs; de temps en temps, je vous esquisserai quelquet
traits de mœurs. Nous regarderons ensemble la nature, II:
faune et la flore, puis nous entrerons dans les villages dtf
l'intérieur. Alors, si le temps le permet, car si mes projec-.
tiens sont nombreuses, mon programme est également trè«
vaste, nous observerons les populations, les mœurs de cet
populations et peut être encore à la fin de celte longue cau-
serie, je vous dirai un mot du fétichisme; mais cela jenf
vous le promets pas.
Je ne veux nullement faire de l'éloquence, ni soulever
aucun sentiment, patriotique ou autre, ce que je veux esl
beaucoup plus simple : causer avec vous en ann. J'esprr^
que ce sera le nom que vous pourrez me donner à la tin de
cette causerie amicale, de celte conversation. Kn reiiar*
daut les images, nous causerons ensemble et si vous 1«
voulez bien nous allons immédiatement commencer.
Dans une ville comme le Havre, je ne vais pas ra'orrêtef
h vous présenter dos baUîaux. Jetons un simple regard sut
ceux qui parcourent tous nos fleuves : baleaux à fond plat,
bateaux à quilles; ces derniers n'allaient guère sur Feao^
car s'ils s'avan<;aient trop loin, ils rencontraient le sable^
s'arrêtaient et y restaient. On est revenu aux baleaui à
fond plat qui sont d'un usage général sur les fleuves.
UN VOYAGÇ AU CONGO FRANÇArS 219
Lorsque le soir arrive, le long des rivières, les bateaux
s'arrêtent, c'est absolument indispensable. Immédiatement
lequipage du bateau descend sur les rives du fleuve et
coupe tout le bois nécessaire pour le chauffage. Le lende-
main matin on reprend la marche.
En arrivant à la côte, quelquefois, lorsque le bateau est
à l'ancre, les hommes des pirogues s*amusent à jeter des
lignes dans l'eau, de façon à pouvoir prendre des requins
qui pullulent littéralement. Quand on va au bain, il faut
faire extrêmement attention. Vous savez que souvent on a
reproché aux blancs de se faire entourer par des noirs afin
d'effrayer les requins, précaution jugée cruelle, mais à peu
près nécessaire, car on en rencontre des quantités phéno-
ménales.
On tend de plus en plus à remplacer les matelots français
par des matelots noirs. C'est ainsi qu'à bord de tous nos
pn(juebots on se sert des noirs pour débarquer, pour aller
chercher les passagers, les lettres ou les paquets quel-
conques.
Les indigènes sur toutes nos rives se servent d'une petite
pirogue très légère, construite un peu comme nos péris-
soires, mnis qui a un aspect particulier. On n'a pas tout à
fait la place de s'asseoir dedans. Les deux jnmbes ne pou-
vant pas tenir, on les met de cha(|ue côté. C'est avec les
fit'ux jambos, un peu comme le cavalier, qu'on dirige sa
monture, seulement celle ci est un peu plus rétive que
notre cheval. Nous nous habituons, cependant tous, Euro-
péens, â naviguer ainsi, mais en commençant,c'est un peu-
rumnie à bicyclette, on ramasse des pelles. On se sert de
pirogues pour débarquer les marchandises. Sur tous les
fleuves, dans le Ilaut-Congo, les indigènes se servent de
pirogues spéciales, plus compliquées, à double balancier,
qu'on avait déjà signalées comme employées par les indi-
I 220 ex VOYAOE AC OOMGO FRAXÇAIS
I
gènes des lies de l'Océanie. Elles sont très ingénienses et
le cbavirage est rendu absolument impossible.
Four aborder, il faut affronter un phénomène tout parti-
culier, le phénomène de la barre, dont vous avez déjà
entendu parler, avec ses trois vagues successives, qui vous
font souvent chavirer. Un autre accident qui peut arriver
quelquefois^ c*est d*ètre happé par un crocodile. On ren-
contre le crocodile de tous les côtés. Il a des avantages.
Comme vous le savez, en Amérique, on se sert de sa peau
pour faire des souliers, mais au Congo on n*a pas songé è
Tutiliser de cette manière. Les noirs le mangent, peau et
viande, c'est plus simple. La peau n'est pas bonne, je puis
vous le dire, j'en ai goûté parfois au moment des disettes;
mais la queue a un parfum spécial qui peut être agréable
pour les dames : elle sent le musc.
En débarquant à Libreville, on peut arriver au palais du
gouverneur parchemin de fer. Il y a un Decauville ! Il est
bon À signaler, il a 120 mètres de long, c'est déjà quelque
chose ! C'est le premier chemin de fer du Congo français.
Le gouverneur, M. Gentil, réunit les fonds nécessaires
pour nous créer une nouvelle ligne, jusqu'ici il n'y a que
celle-là. Il y a quelques vingt ans, on avait apporté un
chemin de fer Decauville avec ses rails. On s'en est servi
immédiatement à un usage tout particulier. Les ouragans
avaient grossi les eaux de la rivière et on ne savait com-
ment les arrêter, alors on employa les rails pour faire des
fascines. C'était une utilisation de chemin de fer peu
banale.
Nous voici sur la première route du Congo français. Il y
en a peu, il faut la signaler. Quelques ponts existent sur les
ruisseaux qui se trouvent des deux côtés de la route. H"^
commencent à s'effriter, quelques-uns sont presque tom
bés; on parle de les raccommoder. Cela se fera !
Tout le commerce de l'intérieur, toutes les choses qui
bN VOYAtJE AU CONGO FRANÇAti? 22i
arrivent un peu de tous les côtés, les marchandises di-
verses, caoutchouc, araclndes, tout le bois de l'intérieur,
l'ivoire, tout se concentre dans les factoreries, où les noirs
affluent pour échanger leurs marchandises. Celles que mal-
heureusement ils préfèrent à toutes les autres, ce sont les
eaux de-vie, Teau-de vie allemande surtout; il en vient un
peu de tous les côtés, eau de-vie frauçaise, eau -de-vie
anglaise; maïs le résultat est absolument le même : empoi-
sonner le noir et détruire sa race. Ce n'est pas étonnant au
prix où sont les eaux-de-vie des factoreries. On arrive
à vendre le litre d'alcool un franc. Il a dû subir par consé-
quent quelques petites manipulations. On y a ajouté de
l'eau, de l'acide sulfurique pas mal, on y a fait infuser du
tabac pour lui donner de la couleur et du montant, du
piment et encore autre chose. La conclusion est très simple,
le noir en meurt, le blanc aussi, bien souvent.
Le long de la côte, les indigènes s'en vont portant des
paquets sur la tête, les femmes ayant, grâce à cette habi-
tude de porter toujours leurs fardeaux ainsi, une allure
beaucoup plus belle que celle de certaines femmes qu'on
peut rencontrer dans beaucoup de nos villes.
Je vais vous présenter au hasard quelques marchands et
quelques scènes que j'ai prises avec mon détective.
Un marchand de coroso qui débite ses petites tran*
ches de fruits à qui veut les acheter. Ici les vieilles s'en
mêlent. Les jeunes filles sont là sur le bord du chemin,
joignant leur propre grâce aux beaux fruits qu'elles pré*
sentent, des mangues* qu'elles apportent et qu'elles ven-
dent; c'est un fruit des plus estimés.
Pendant que les jeunes sont lô, vendant, travaillant,
offrant leurs produits divers, celles qui sont beaucoup plus
riches se tiennent tranquillement, regardant, passant le
temps en causant. Encore vêtues à la mode d'autrefois,
avec le bonnet de jadis» ayant des anneaux, des bracelets
222 VN VOYAGE Al- a)NGO FRANÇAIS
aux mnins, aux pieds, car on ne se contente pus Jeu
mettre aux mains, (le sont d'énormes bracelets d'ivoire.
Voici encore une jeune fille. Elle se trouvait !à le jour où
je passais près du grand latanier que vous voyez. Klle était
très étonnée de me voir, cela l'amusait, elle .souriait de son
beau sourire, montrant ses dents blanches, et je la photo-
graphiai.
La race qui délile n)aintenant représente le type des
femmes qui sont lieaucoup plus remarquables ijue celles de
l'intérieur, par leur façon d(^ se soigner et souvent auîîsi
par leurs formes sculpturales. Ce type n'offre pas d'aulre
intérêt que celui de passer assez rapidement sous vos yeux.
Tantôt, c'est la femme à la porte de sa case ou un musi-
cien a^'ec un théorbe à sei>t cordes qui joue un air d'autre-
fois, plus ou moins mélancolique. S'il ne charme pas les
autres, il se charme lui-même. C'est déjà beau pour uo
musicien, cela n'arrive pas toujours. Devenant un peu pîus
vieilles et plus civilisées, ces dames adoptent, de façon
presque définitive, nos costumes européens d'anlan. Ce
n*est pas à la mode d'aujourd'hui, peut-être pas à celle
d'hier; mais enfin i! faut le temps aux modes pour arriver.
Puis sur le bord du chemin, en voilà une autre, une femme
qui vend quelques œufs que l'on peut se procurer là-bas à
trois pour dix sous. C'est un prix presque établi. Aux pas-
sants elle fait des offres de service, et suivant l'usage de ^
tous les vendeurs, si l'on achète, elle vous remercie, si l'on ,
n'achète pas, elle ne vous dit pas précisément merci.
Cette femme que je vous présente. est une des dernière»
de.scendantes du roi Denis, qui, en 1843, céda son pays*
la France; elle est venue dans nos Missions et c*est le type
le plus parfait de sa race* Les femmes qui appartiennent
aux familles véritablement pnncières du pays restent habi-
tuellement à la porte de leur case. Lorsqu'elles sont en-
semble oos daniçs s'habillent, comme vous le voyez. Celtfi
UN VOYAGK AU CONGO FR.\NÇAIS 223
race presque toute entière est civilisée. Vivant ensemble,
passent leur journée à causer, elles n'ont pas grand chose
à faire, et elles préfèrent se livrer à un plaisir goûté dans
d'autres endroits qu'au Congo, c'est à-dire à des conversa-
tions qui durent des journées entières. Arrivées à un cer-
tain âge, peu à peu, lorsque des ans l'irréparable outrage
les a atteintes, les charmes printaniers que vous avez pu
admirer se sont successivement envolés, il ne leirr reste pas
grand chose, seulement la douce mélancolie de la vieillesse
et le charme tout particulier que vous voyez.
Nous avons vu les habitants, un mot maintenant de leurs
cases. En voici une, les gens au milieu, occupés tous à des
travaux diiïérents. La case est en bambou, bien faite, de
façon à ce que l'air circule admirablement, une large
vérandah, quelques fenêtres, un lit, parfois une chaise
longue, une table boiteuse.
Dans les villages, le soir et même bien souvent dans la
journée, pour se réjouir, que faire de mieux que de danser,
d'esquisser un pas de danse. Ces messieurs et ces dames se
livrent à leur plaisir favori. On danse le matin, on danse à
midi, on danse le soir, la nuit aussi.
Pour administrer une grande partie du Congo, on a dû
avoir recours aux milices indigènes. Près de Libreville, on
a bâti des casernes, modestes encore et un peu élémen-
taires cependant, c'est le Génie qui s'en est chargé.
Là, c'est la case du commandant. Nous allons voir la
case des soldats, qui offre comme vous le voyez, une archi-
tecture quelque peu rudimentaire. Les soldats sont à la
porte. Quand une case est trop sale, c'est bien simple, on y
met le feu et elle est nettoyée tout de suite, le feu purifie
tout. On la rebâtit en un ou deux jours. Il est facile d'être
propriétaire et locataire là-bas. Les soldats miliciens séné-
galais sont connus un peu partout, c'est grâce à eux que
pous pouvons tenir un peu cette coloniet
224 L'N VOYAGE AU CONGO FRAXÇAIr^
Aprôs avoir salué la force arinén, nous revenons au
palais du gouverneur, bâti ô grands frais, avec des briques,
de la pierre, de la cliaux, matériaux importés de la métro-
pole. C'est une des rares maisons confortables qu'on peut
trouver à Libreville. Les maisons des fonctionnaires sonl
plus simples, comme il convient d'ailleurs; on ne peut pas
se loger comme le grand cbcf !
Ici, la maison du directeur de l'iiuprinierie. Klle est cou-
verte en simple paille, c'est plus frais en été, et bâtie h
claire-voie.
Revenons vers la Mission, aux petits enfants qui vont à
l'école. Ce sont de petits écoliers ricbes, iils de maho-
métans qui viennent des villes de la côte, car à Libreville
toutes les races se mêlent, sont confondues. Ils viennent
vers nous pour pénétrer les mystères de l'alphabet. Nous
exigeons qu'ils soient vêtus de la tôte aux pieds. Les voilà
qui se dirigent vers la mission Sainte-Marie de Librevilleet
nous allons nous y rendre également.
Voici les bâtiments de Sainte-Marie de Libreville qui
passent devant vos yeux. Ils ont été construits il y a quel-
ques années avec des matériaux pris tous dans le pays. Ce
sont des pierres travaillées avec Taide de nos enfants, sans
le secours d'aucun ouvrier européen (nous les moralisons
par le travail). Nous apprenons toutes sortes de métiers,
comme il faut bien le faire» hélas, de temps en temps. Non
seulement avec nos enfants nous faisons les tailleurs, les
menuisiers, mais une quantité d*âutres choses que j'avais
oublié d'apprendre étant jeune. Nous faisons môme nos
cultures. Vous pouvez voir ces longues allées de mangues
qui se prolongent pendant des kilomètres et qui servent
aux repas de nos enfants ainsi que d'abri contre la chaleur,
ebri qui est bien nécessaire dans ces pays équatorlaux.
Voici maintenant une petite fille qui s'en va vers l'école
des sœurs. C'est une des petites monitrices qui va diriger
CN VOYAGE Ai; CONGO FîWNÇ'VIS 225
la danse avec le tambour de basque qu'elle porte sous son
bras.
Ayant vu la maison des p^res. nous arrivons vers la
maison des sœurs, beaucoup plus confortable. Môme en
pays sauvage, nous savons soigner les dames. Nous leur
avons bôti la maison que vous voyez lA. Devant il y a un
champ d'ananas.
Après avoir vu la Mission de la côte, nous allons com-
mencer notre voyage vers l'intérieur avec nos moyens
d'exploration. Il y a quelque temps, on pouvait voyager
h cheval, on avait introduit, surtout dans le sud, quelques
chevaux, d'abord cinq ou six, c'était l'cruvre d'un négo-
ciant. On en avait déjà introduit avant lui, mais ils résis-
taient mal h la mouche tsé-tsé qui décime tous ces pauvres
animaux et qui en avait interdit l'entrée. V^oyant que ce
négociant réussissait, le Gouvernement a demandé ô ache-
ter les chevaux pour monter la cavalerie du nord; mais à
partir du moment où les chevaux sont devenus budget!
Yores, ce fut leur mort.
Pour voyager, voici une roule. Il ne faut pas s'attendre
à en trouver comme celles d'Europe. D'abord, quand il y a
une rivière, si l'eau ne monte pas plus haut que le genou,
les noirs l'adoptent invariablement comme grande route.
Ils n'ont pas besoin de couper les branches avec un sabre
et c'est plus rafraîchissant aussi. On s'avance ainsi le long
de la rivière. On peut marcher de cette façon, les noirs sui-
vent ou précèdent, portant chacun leur paquet.
Dans la partie inférieure de notre colonie, dans le Congo
sud, on a pu dompter et dresser quelques bœufs. Ce sont
des animaux lents, comme ceux des rois francs dont parle
Boileau. L'animal va doucement, un peu comme il veut,
beaucoup comme on ne veut pas, et s'il arrive qu'il ren-
contre ou sent un de ses congénères, il a un attrait invin-
cible pour Taller retrouver et une répugnance très marquée
22(5 IN VOYAGE Al CON(^0 IHANÇAIS
pour son cnvdlier. Il s'en débarrasse, se sauve et le laisse
dans une situation très désavantageuse. Alors pour parera
cet inconvénient, un de nos Pores, constructeur émérite,
avait imaginé d'ajuster à son tricycle ou à sa bicyctetle,
une voile, (^est un procédé que je vous recommande. De
quelque côté (jue vient tourner le vent, on y tourne son
aile, on ne pédale pas du tout. C'est un moyen infaillible
que je recommande à tout novice pour ramasser des pelles;
mais cela n'a pas beaucoup d'importance, car on ne se fait
pas grand mal en tombant sur le sable et on est quitte pour
recommencer. Puis quand on est passé maître, ce qui
arrive, avec un vent alizé on va extrêmement vite. On a
une sensation de vitesse qui vaut presque celle de l'auto-
mobile.
Pour aller dans l'intérieur, on ne peut pas songer à
s'ehcombrer d'une foule d'impedimenta, à emporter des
viandes de conserve ou de la farine en boîtes. Il est plus
simple de s'babituer à la nourriture du pays, la farine
de bananes ou encore la farine de manioc. En France, on
la mange sous forme de tapioca, mais au Congo ce n'est
pas la môme cho.se. La farine de manioc est pétrie parles
noirs avec leurs mains et réduite en une espèce de gâteau
que l'on met dans l'eau pour en extraire l'acide cyanhy-
drique. Cela constitue des bâtons de manioc, c'est la nour-
riture des blancs et des indigènes. Ces derniers ne s'en
plaignent pas; les blancs n'y étant pas habitués dès l'en*
fance s'en plaignent, mais avec une certaine habitude, OQ
arrive à la supporter. Pour ma pari, je m'en suis félicité
beaucoup vers la dixième année. Cela promet à ceux qui
voudront se fixer au Congo.
Nous n'avons pris notre pirogue, je vous l'ai dit tout
à l'heure, que pour aller dans l'intérieur. Pour aller en
pirogue, la question est bien simple^ on va d*abord dans
une forél couper un arbre^ de façon à se faire une embar*
UN VOYACit AL <:ONi.O I UVNÇAIS 227
Htion soi-même. Ces pirogues sont à fuiid plat, très légô-
es, on peut les porter, leur faire franchir dos rapides. La
urogue ordinaire de voyage, celle que je prenais habituel-
eniont et qu'on prend quand on veut faire d'assez longs
voyages, a ordinairement de 12 à 15 rameurs. Il faut faire
:rès attention, car ces pirogues sont peu stables, elles ont
de 14 k 15 mètres de long sur iM) à 70 centimètres de large.
On (lie très vile- Dans les commencements, quand les
blancs viennent avec nous, ils restent au fond comme des
paquets, les noirs leur recommandant de ne pas bouger.
Puis on arrive à se mettre à l'arrière, à pouvoir causer,
remuer. Il m'est arrivé dans mes voyages d'être accompa-
gné par (juelques dames, soit des femmes d'explorateurs ou
de fonctionnaires, soit de nos sd'urs. Elles se mettaient au
fond et avaient soin de ne pas trop se retourner; c'était
quelquefois difficile. Les noirs étaient contents d'avoir une
de ces dames avec eux, cela leur servait beaucoup. Vous ne
sauriez jamais pourquoi, c'est assez difUcile à deviner. C'est
^ueces pirogues, très peu au-dessus de l'eau, embarquent
énormément, et alors il faut toujours (ju'un des enfants ait
à la main une espèce d'écope pour enlever l'eau et la rejeter
dans le fleuve. « Quand tu as une dame avec toi, me disait
un des noirs, c'est elle qui prend toute l'eau dans ses robes,
c est tout avantage. »
Dans cette équipe que l'on se forme ainsi, on a soin
d'avoir toujours les mômes hommes, de faf:on à pouvoir se
fier â eux.
Il y avait deux petits enfants qui m'accompagnaient tou-
jours, Félix et Charles. Pendant une dizaine d'années, ils
m'ont suivi dans toutes les explorations que j'ai faites.
Le grand, Charles, me servait de cuisinier, lîin fait de cui-
îine, il n'en savait pas long, car tout ce qu'il savait c'est
noi qui le lui avais appris, et je ne sais pas grand chose. Il
lavait surtout manger ce cjue je lui laissais. Félix était
22R VN VOYAGE Al CONCO FflAXÇAI^
mieux. C'est un petit indigène que j'avais pris dans son vil-
lage, il était remarquablement intelligent. Lorsque je le
pris, il y a une di/.aine d'ann6(»s, il ne parlait absolument
que sa langue. Vne fois arrivé à la mission, «juandilsut
les quatre premières langues indigènes, il apprit le fran
çais, puis l'anglais, pour s'amuser. Il apprit aussi l'alle-
mand afin de pouvoir servir d'interprète. Comme nous
avions beaucoup d'Rlspagnols, il apprit l'espagnol. Il com-
prenait le portugais et il apprit également quelques mots
d'italien. Il a 10 ans \/2 et parle quatorze langues, c'est
déjA gentil !
I^ long du fleuve, on rencontre quelques cases d'indi
gènes; presque partout, ceux-ci, afin d'échapper à l'impôt
qui pressure ceux qui sont sur les bords, se sont réfugiés
d'ans l'intérieur. Ils reviennent au moment de la saison de
la chasse ou de la pêche, c'est-à-dire lorsque les eaux sont
basses; ils prennent une quantité de poissons qu'ils mettent
avec eux dans les petites cases élevées près de la rivière.
C'est également dans ces cases que nous trouvons un asile
pour nous loger quand nous allons dans l'intérieur. Elle»
ne sont pas très grandes, 2 mètres de long sur 1 m'. 50 de
large.
On invite le propriétaire à passer dans la case à côté;
il vous cède sa case, contenant et contenu- Le contenu est
considérable, non pas en meubles, mais comme c'est géné-
ralement là que l'on met le poisson, il y a une quantité d ha-
bitants, comme d'ailleurs dans tous les villages noirs qu?
nous rencontrons. Nous leur avons fait, nous autres, on^
quantité de cadeaux, sans parler des marchandises et des
maladies, nous leur avons apporté les rats, le vulgaire rsl
gris et le rat noir aussi par dessus le marché. Cela ne leur
a pas fait plaisir, à nous non plus. Lorsque le soir, quani
on dort, on sent un petit grignotement au bout des doigts
des mains, ou sur la figure, quatre petites pattes qui ^
UN VOYAGE AU CONGO FRANÇAIS 22î)
promènent, cela vous donne une impression de froid tout à
fait désagréable. C'est de ces cases qu'on peut assister,
le soir, à des couchers de soleil splendides.
Parfois, au lieu de s'arrêter dans un village, on s'arrête
sur un banc de sable, sur les bords de la rivière; le spec-
tacle et la poésie sont peut-être pius grands, mais le confor-
table l'est un peu moins. On installe sa tente, quand on en
a, pour s*abriter de la rosée, on passe ia soirée à causer
avec ses rameurs en regardant le lleuve qui s'en va vers la
mer, et le lendemain on reprend sa roule. Quelquefois les
canots ne peuvent pas franchir les rapides par eux-mêmes.
On fait alors appel aux gens du village voisin, qui se jettent
tous dans l'eau, joyeusement, débarquent toutes les mar-
chandises, et vont les transporter de l'autre côté. On conti-
nue alors sa marche. Lorsqu'on fuit des voyages dans l'in-
térieur, il faut s'attendre h ces péripéties et répéter ce
manège quelquefois six fois par jour. Il faut faire pa.sser les
bagages de l'autre côté et recommencer, c'est quel(|uefois
un peu ennuyeux. C'est que ces rapides ne peuvent pas se
franchir très aisément, il y a un rapide devant la niission
^ue j'ai fondée, un petit rapide que je descendais deux fois
par jour; je remontais par le sentier, uniquement pour le
plaisir de le* redescendre. C'est une sensation de vitesse
th's agréable. Mais il faut faire attention, car il y a des
rochers au milieu et t|uand ia pirt^gue arrive dessus, elle
tourne et ceux qui sont dedans aussi ; mais (luand on est un
peu exercé, c'est tn'S amusant do descendre avec cette
rapidité. Tous ces rapides sont très variés. Ce lleuve est
excessivement resserré, pris île chaque côté entre des
murailles tapissées Je toutes surtt's du i»lantes, il se préci-
pite avec une rapidité inconcevable.
Quand ia rivière n'est plus navigable, il faut bien la lais-
ser et prendre la route de terre. On confie la pirogue à un
■hef de village, puis on cornmcnfe son chemin. Ces chc-
230 t'N VOYAGE AU CONGO FRANÇAIâ
mins de terre sont ordinairement défendus, parce que les
indigènes d'une tribu qui ne sont pas en bon accord avec
une autre tribu nainienl pas à montrer où il faut passer, et
la route n'est pas précisément faciie. Nous avons quitté la
rivière pour prendre la route de terre que vous voyezlàoù
les enfants i-omniencent à monter et qui va de l'autre cMé.
Il faut monter au milieu de ces racines de palétuviers qui
ol)struent le cbemin pendant plusieurs kilomètres. C'est un
passage.tiue j'ai eu du mal à francliir. Lorsque noiis avons
amené les sœurs blanches dans notre dernière missior,
j'en avais pris avec moi, et [>our franchir ces quatre kilt-
mètres, nous avons mis deux jours. Mlles avaient oublié
d'apprendre la gymnastique étant jeunes; c'est une bonne
chose qu'on apprend maintenant aux jeunes filles. Nors
nous sommes résolus quand on a vu qu'on n'avançait pas à
envelopper chaiiue sœur dans une couverture; on les atta-
chait pi.r les pieds, par \e>: maitis et on les portait comme
des paquets, parfois les pieds en l'air, peu importait, k
promets aux dames qui voudront venir me voir l'anm^e
prochaine d'user du même procédé, à moins qu'elle.'^ "^
soient très fortes en gymnastique.
Lorsqu'une rivière est torrentueuse et très profonde, on
la traverse d'une fart)n bien simple. Les indigènes coujx'nl
un arbre et le font ton)ber en travers. Malheureusement,
c'est un pont très l)ranlant, pas très large, puis cela niyn
que absolument de garde-fou ; c'est un ensemble lîe circon-
stances c|ui prédisposent à t()ml)er. Les noirs passent avec
les plus grandes précautions, et quand ce sont les blancs
qui passent, ils passent comme ils peuvent. Il vaut mieux
trouver des ponts de lianes qui ont quelquefois 80 mèlre^^
de long et i|ui sont construits avec un certain art parles
indigènes qui arrivent ainsi à jeter ces immenses ponts ie
lianes d'une rive à une autre. Lorsque le vent souflle, on
est balancé avec le pont, cela vous donne Tillusion du ber-
UN VOVAGË AU CONGO FRANÇAIS 231
•eau qui, dans notre enfance, était balancé par notre
naman ; mais le charme n'est pas le mémo et on n'est pas
balancé aussi doucemenl.
Quand on arrive dans un village de l'intérieur, il faut,
pour avoir des guides, s'adresser aux indigènes, et je n'ai
jamais rencontré de dillicultés bien sérieuses avec eux. Si
on est (idèle à ses promesses ou si on ne les tient pas, la
réputation est vite faite : on est un bon blanc ou un mau-
vais blanc. Mais si on est un mauvais blanc, on ne trouve
pas de guides. On s'adresse donc aux gens et on palabre
pendant longtemps. Il faut surtout avoir recours à des
guides connaissant bien les tribus de Tinlérieur.
l'ne fois muni de guides et de porteurs, on va à travers
d».'s chemins frayés, soit à la liacho, soit au coi^teau. Nos
hommes s'en vont ainsi, en longues théories, suivant que
Ion a cinq, six, huit ou dix hommes, tout dépend de ce que
Ion a à porter. Ils s'en vont chantant doucement, se sui-
vant l'un l'autre et marchant des journées entières. On
part en général le matin vers six heures, on s'arrête un peu
^ midi, puis on recommence à marcher jusqu'à vers trois
lieiires. La charge moyenne d'un homme est de 30 kilos,
«veccola il peut marcher dix heures [>ar jour.Lorsijuedans
U'Jvjllageon a un nombre insullisant d'hommes, on recrute
«Jes femmes comme porteuses. Mlles sont bonnes pour bien
<ies raisons. Tne des premières, c'est qu'un porteur porte
•^ kilos, alors qu'une porteuse en porte (îO, c'est un avan-
li'fs'c. De plus, en arrivant au village, tandis t\uo les hommes
'^♦- font plus rien, la femme part, va clu.'rcher de l'eau, des
^'VfJîs, allume le frn, nettoie la marmite, pns souvent, fait
^'uire le repas du soir, et s'occupe encore à une ijuantité
d autres choses. Quand vient le moment de la paie, les
hommes réclament toujours, les femmes jîimais. Dans le
ConfTo lîord, les femmes sont faciles <*» conduire, beaucoup
plus que les hommes.
232 UN VOYAGE AU CONGO TRANÇAIS
Ordinairemenl. dans un village, il faut s'adresser au
chef. Celui-ci, dont je tous présente le portrait, est un des
chefs qui venaient avec moi comme chefs de porteurs, un
brave d'ailleurs qui m'égayait, écartant les obstacles, ra-
contant toutes sortes d'histoires sur les traditions, un excel-
lent homme d'un physique avantageux. Il avait presque
toujours, dans ses voyages, sa femme qui était fidèle et qui
l'aimait bien, c'est une grande qualité. Elle marchait tout
près de nous, le soir elle me faisait la cuisine, bref, tout à-
fait une brave femme, je n'ai pas dit une jolie femme.
Dans les forêts, la vue de la flore est quelquefois très
belle. Voici un dracoena presque pareil à ceux que vous
connaissez. Une belle plante que nous cultivons en France
dans des pots et qui atteint quelquefois 2 m. 50 chez nous.
On ^'extasie alors, on la fait admirer à ses voisins. Là-bas
pour trouver beau un dracoena, il faut qu'il ait 30 mètres
avec des grappes de fleurs de 2 m. 50, qui sentent bon, et
lorsqu*on en a autour de sa case, on les fait admirer.
Quand on peut rencontrer des singes pour le repas du
soir, c'est bon et bien préférable à une boite de corned-beef,
lequel depuis les récentes histoires d'Amérique a une répu-
tation avariée ; mieux vaut avoir affaire à un singe, même
ô une mère singe avec ses petits. Le petit est plus tendre
que la mère, ce n'est pas peu dire. Le soir venu, si l'on a
eu la chance d'en abattre une, on la donne à ses hommes,
mais on a eu soin de garder les bons morceaux pour soi,
c'est à dire les petits. On les fait rôtir dans leur peau, c'est
délicieux. 11 faut considérer beaucoup l'âge dans les ani-
maux, les vieux sont toujours un peu coriaces, les jeunes
le sont moins.
En arrivant dans la montagne, le spectacle change étran-
gement. Je vais vous en montrer quelques échantillons. On
peut trouver de vastes troupeaux d'éléphants comme ceux-
ci. C'est un dessin d'après nature, car toutes les fois que je
h y^ VQYAOE AU CONGO FRANÇAIS 233
P Use suis trouvé en face â*un éléphant, j'ai plutôt pris mon
; 'iwil que mon appareil photographique. L'éléphant n'est
pas méchant, mais quand on l'attaque il se défend, c'est
naturel. On l'attaqué «toujours, il a le malheur de porter
deux défenses d'ivoire d'une valeur considérable, et aussi
comme on a toujours sa troupe à nourrir on est content de
lui donner de la viande. Quand on veut tuer Téléphant, la
façon la plus simple est de se mettre tout près, et dès que
l*8Dimal est signalé, qu'il arrive à quatre ou cinq mètres,
OD lui tire une balle dans l'œil. On tâche de ne pas le man-
quer, car lorsqu'on le manque, il ne vous manque pas. J'ai
eu le regret de perdre un de mes compagnons de cette
manière. C'était un Anglais, la cartouche de son Re-
naington n'a pu partir, le mécanisme s'étant faussé, et l'élé-
phant lui a enfoncé ses défenses dans la poitrine. J'étais
derrière et je ne pouvais pas tirer. Dans l'intérieur on fait
de grandes chasses à l'éléphant. Les noirs de plusieurs
villages se réunissent et font de grandes tueries. Ils arrivent
à avoir ainsi une grande cjuanlité de défenses qu'ils vont
porter dans les factoreries. Elles ont un prix considérable:
une défense pesant 35 kilos vaut 700 francs. Les éléphants
vivent en troupeaux. Dès qu'ils sont signalés, ils sont
entourés par des lianes et des arbres tenant ensemble, de
feçonà déterminer une premièreenceinte.enceinte quelque-
fois excessivement grande qui a 2 à 3 lieues carrées. Les
éléphants sont là au milieu et ils ne s'en doutent pas du
tout. La barrière se resserre de plus en plus, les arbres sont
attachés de plus en plus près; le troupeau lin il par être
cerné dans un petit espace. C'est un pays tout entier qui
lenloure. On monte dans les arbres, on donne l'eau empoi-
sonnée aux éléphants et tous les animaux succombent les
Qns après les autres, c'est une tuerie, tout le monde y vient;
on a de la viande, on en fait sécher, on en mange, on en
garde,
10
234 UN VOYAGE AU CONGO FRANÇAIS
Les deux plus belles défenses, sinon les plus belles qu'on
puisse voir et que j'aie pu trouver jusqu'ici, ont été trans-
portées à Zanzibar, et de là en France au musée de Lyon.
Ce sont des défenses de 2 m. 10 et qui pèsent près de 90kil.
chacune. L'animal qui les portait devait avoir une belle
taille.
Revenons dans la forêt. On rencontre quelquefois des
spectacles d'une beauté comparable à ceux qu'on peutvoiren
Suisse ou dans les Pyrénées. Voici, par exemple, une chule
de 700 mètres de haut ; c'est un des plus l>eaux speciacles
que j'aie jamais vus. J'ai photographié cette chute de loin,
au milieu des rochers ; malheureusement, il n'y a point de
comparaison. Lorsque nous l'avons prise, les indigènes
eux-mêmes l'admiraient à cause d'un arc en-ciel qui étail
au milieu de ses eaux ; c'était magnifique.
(A suivre) Henri Trilles
ItE CHEMIN DE m DE KO^IRhBAGDAI)''
Bagdad ! Ces deux syllabes orientales évoquent tout un
passé de puissance et de gloire, celui de l'antique Califat,
de ses armées et de ses marchands, de ses palais et de ses
mosquées, de ses richesses et de ses plaisirs. Cet empire
fastueux, ruiné définitivement, après une lente décadence,
par l'invasion mongole de Tamerlan, n'est plus aujour-
d'hui qu'un souvenir historique et la cité poétique d'IIa-
roun al Raschid, devenue le simple chef-lieu d'un vilayet
turc, végète sans espoir dans un pays désolé.
Depuis quelques années, cependant, on parle beaucoup
de Bagdad, son nom revient sans cesse sous la plume des
géograplies,dans les discours des diplomates; il s'étale dans
les grandes revues et dans les graves journaux II ne s'agit
plus, maintenant, de ressusciter le passé, de lire dans les
ruines l'histoire des civilisations mortes ; il s'agit d'un pro-
blème utilitaire et moderne, d'un long et coûteux rail à
établir du Bosphore au golfe Persique, de Scutari au Ghatt-
el Arab, pour réunir par la voie la plus directe et la plus
rapide l'Europe à la Perse et aux Indes. Le chemin de fer
de Bagdad, tirant son nom du centre principal qu'il doit
desservir, est actuellement à l'ordre du jour ; la question a
fait déjà couler des flots d'encre, il est permis d'espérer que,
pour l'instant du moins, elle ne risque pas de fausser le
concert des peuples, cependant, de son fait, l'Asie Mineure
est devenue un des points sensibles de la politique interna-
tionale et les problèmes diplomatiques, économiques et
.1 Communication faite &r^ Comité de la Société le 15 Ifai 1907.
236 LE CHEMIN PE FER DE HONIA-BAGDAO
financiers qu'elle soulève sont de ceux qui s'imposent à
l'attention.
L'Asie Mineure, depuis la plus haute antiquité, a tou-
jours été un lieu de transit, et de transit intense, non seule-
ment pour les marchandises et pour les hommes, mais aus-
si pour les idées philosophiques, artistiques et même
religieuses. Elle est en effet, par sa situation géographique,
un véritable bras tendu entre l'Asie et l'Europe : à quoi
bon, d'ailleurs, citer tous les mouvements de peuples dont
elle fut le théâtre !
A vrai dire,depuîsla destruction violente ou la décadence
progressive des grands empires qui firent sa gloire, no-
tamment de ceux qui occupèrent les vallées de TEuphrate
et du Tigre, ces migrations ont singulièrement pr^rdu de
leur intensité.
L'Asie Mineure actuelle est, comparativement à sa vaste
superficie, très peu habitée : la population ne réside que
sur les bcrJs de la Méditerranée, de l'Archipel et de la Mer
Noire. De l'isthme de Suez au Caucase, la cùle asiatique
est bordée à une distance assez rapprochée et presque sans
solution de continuité par des montagnes d'inégale hauteur.
Entre elles et la mer, la population est dense ; au delà, ce
sont des terres peu habitées, comme le plateau d'Anatolie,
ou môme absolument désertes comme le Badiet es Cham
dont les solitudes pierreuses s'étendent à l'infini dans Tar-
rière pays de Syrie. En sorte que l'on peut comparer l'Asie
Mineure à une étroite bande, à un isthme peuplé épousant
la forme de la côte depuis l'Egypte jusqu'à la Transcauca-
sie, isthme baigné d'un ccMé par les flots de la mer et limi-
té de l'autre par les dunes du désert. L'accès du pays se
fait, du côté de la mer, par des ports dénommés Echelles,
du côté des sables par des lieux d'accès dénommés Bazars,
et à chaque port de mer, à chaque Echelle correspond un
port du désert, Un Bazar. C'est ainsi qu'à Jaffa, échelle.
LE CHKMIN DK I-ER DE KONIA-BAGDAD 237
correspond Jérusalem, bazar ; à Beyrouth, Damas ; à
Antioche et à Laodicée, Alep ; à Alexandrette, Kaisarieh ; à
Adalia, Konia ; à Smyrne, Aïdin ; à Moudania, Brousse ;
à Trébizonde, Sivas.
Aussi les premières voies ferrées créées en Turquie d'Asie
furent-elles des voiesdintérèt local ou tout au moins régio-
nal, destinées à unir chaque échelle au bazar qui lui cor-
respond. Cest ainsi que Ton eut le Jaifa-Jérusalem, le
le Beyrouth- Damas,leMersina-Adana, le Smyrne-Aïdin, le
Smyrne-Cassaba.le Moudania-Brousse.Les marchandises
apportées de Mésopotamie ou d^Arménie par de longues et
indolentes caravanes, débarquent dans les bazars, se char-
gent dans les wagons des compagnies de chemins de fer et
se rendent dans les ports de la côte où elles trouvent les
navires anglais ou français^allemands ou aulrichiens,grecs
ou italiens qui les distribueront en Europe.
Ces petites lignes ne mènent pas loin. La plus longue^
Smyrne-Kassaba-Assioum-Karahissar a 320 milles, «^
Mersîna*Adana, 40 milles. — Moudania-Brousse n'a pas
25 milles. Ce sont, répétons-le, des lignes strictement
régionales*
L'Asie Mineure étant, par sa constitution géographique^
le chemin le plus court d'Europe en Asie, il devait inévita-*
blement venir à Tesprit des ingénieurs d'y établir un de ces
grands railways transcontinentaux à la contruction des*
quels les peuples modernes s'attachent à Tenvi^tant pour la
mise en valeur de leurs possessions que pour l'écoulement
de leurs produits métallurgiques,tant pour la rémunération
de leurs capitaux que pour l'expansion de leur puissance
mondiale. Effectivement l'idée première du petit transa*
statique, du transmésopotamien, remonte à l'époque môme
où la nouvelle industrie des chemins de fer entra dans le
domaine delà pratique.
Avant la percée deTlsthme de Suez et avant les projet!
238 LE CHEMIN DE FER DE KON4A-IIAGDAD
grandioses de rail direct entre le Hospliore et le golfe Persi-
que, le transit Europe-Indes suivait généralement la rout*^
de rOronte,qui de fait, était de beaucoup la plus pratique-
Téchelle d^Antioche et le bazar d'Alep ouvraient la voie,
qui gagnait ensuite les fleuves dont les lentes caravanes
suivaient pas à pas le cours.
Dès 1830, tout au début de l'applicalion de la vapeur aux
transports, l'anglais Che.sney conçut le projet de mo-
derniser la route de l'Oronte. 11 voulait créer un port
à Suediah, l'ancienne Seleucie, Antioche s'ensablant de
plus en plus dans le sable des alluvions. De là, le rail,
courant entre la côte et TEuphrate, via Alep, eût atteint
le fleuve dont on devait améliorer la navigabilité jusqu'au
Chatt el-Arab.
Cinquante ans durant, le gouvernement britannique ca-
ressa ce projet, qui abrégeait la route des Indes et augmen-
tait son prestige auprès de la Porte. Ce fut môme pour gar-
der jalousement le contrôle du bas Oronte que les Anglais
s'installèrent à Chypre, dont la pointe orientale vise Sue-
diah.Mais lorsque, grâce à une défaillance de notre politique
étrangère, le Canal de Suez, nominalement international,
fut devenu en réalité un pertuis anglais, ils se désintéres-
sèrent peu à peu de la route de l'Oronte et leur politique
semble avoir à son tour été singulièrement en défaut, car
abandonner un tracé que la nature même des lieux indi-
quait aux ingénieurs, c'était tenter les puissances rivales,
c'était leur laisser le champ libre. L'Allemagne ne manqua
pas une si belle occasion : de suite elle entra en jeu.
Depuis très longtemps l'Allemagne s'emploie de son
mieux à s'installer, ou tout au moins à exercer une influ-
ence de plus en plus efficace en Turquie. Sans doute les
rapports germano turcs n'ont pas toujours été aussi cor-
diaux qu'ils le sont aujourd'hui ; néanmoins on voit très
bieiii dans le passé, se dessiner les premiers projets de
LE CHEMIN HE FEU DE KONIA-BAGDAD 239
main-mise allemande sur la politique du Sultan : laTurquie
a été la première étape de la fameuse marche vers l'Orient,
drang nach Osten qui devint à la fin du xix*^ siècle une
des idées fixes de l'empereur et de ses conseillers.
Dès Tannée 1871, l'ingénieur allemand von Pressel avait
conçu le dessein audacieux de relier, non plus le golfe
d'AIexandretleet TOronte à Bagdad Bassorali, mais Scutari
même au golfe Persique. Ses plans, très bien conçus, éta-
blissaient ainsi le parcours : on longeait d'abord le golfe
d'Ismid, on montait assez aisément jusqu'à Eski-Chehir
puis on atteignait Angora, de là Sivas, le haut Euphrate,
puis Kharpout, Diarbekir et Mossoul, d'où l'on gagnait
sans peine le golfe Persique. Ce trajet, dans sa partie sep-
tentrionale, épouse étape par étape la route des caravanes
arméniennes dans leurs courses vers Smyrne; il suit d'ail-
leurs en totalité la voie télégraphique actuelle, et présente
le grand avantage d'être le plus court et le moins coûteux;
c'est celui que Ton dénomme tracé du Nord. Sans retard les
Turcs se mirent à l'œuvre, car ce projet, bien qu'il fût d'ori
gine allemande, devait être exécuté par le gouvernement
Ottoman.
D'Haïdar- Pacha, faubourg sud-est de Scutari, à Ismld,
92 kilomètres de rarls furent vite posés. On était en terrain
plat, les travaux d'art pouvaient être aisément évités, dans
ces conditions la célérité pétait de rigueur. Mais dès qu'il
s'agit de quitter la côte basse pour gravir les pentes assez
rudes qui accèdent à Eski-Cheir, les Turcs s'arrêtèrent
essoufflés 2 leur politique intérieure et extérieure plus que
jamais agitée, leurs embarras financiers, les rivalités ar*
dentés des puissances européennes s'opposèrent à toute nou^
velle marche en avant: Ismid fut provisoirement le terminus
de la voie qui rêvait d'aboutir au Chatt-el-Arab,et môme eo
1880 le gouvernement, peu apte à créer et à gérer par lui-
même des lignes de chemins de fer^céda le tronçon Ha'idartf
2 k) Lk ru km in de fer de koni a-bac; ha li
Ismid à une compagnie anglaise. Kn l>^S8,après que TAnijîo
lerre,salisfai le d'avoir obtenu le conlrùle du canal de Sue/,
eut abandonné imprudemment le projet Suediah Bagdad,
l'Allemagne entra hardiment en jeu et posa un pie.l solide*
sur le sol de l'Asie Mineure. C'est cette année-là, en effet,
que discrètement couvertes du nom d*un certain M.KaulIa,
la Deutsche- Bank et la W'uritenibergische-VereinHank
rachetèrent le petit tronçon Haîdar-Pacha Ismld. Le con-
sortium obtenait en outre la licence de pousser la voi3 jus-
qu'à Angora, moyennant une garantie kilométrique de
15.000 fr. Kt enfin promesse était faite pour l'avenir de la
concession d'un nouveau tronçon s'amorçant à Angora et
se déroulant par Sivas jusqu'au golfe Persique.
Les Allemands se mirent vite à l'œuvre. En 1889, les
premiers coups de pioche furent donnés. Kn 1891, la voie
était construite sur un parcours de 300 kilomètres. En
1893, elle atteignait Angora. Mais alors, pour éviter l'oppo-
sition de la Russie, qui fronçait le sourcil en voyant la voie
nouvelle contourner d'assez près le rivage sud de la Mer
Noire et constituer comme une sorte de chemin de ronde,
facilitant singulièrement la mobilisation turque en cas de
complications arméniennes et menaçant par suite ses posses-
sions nouvelles de TranscaucasiCjOn s'arrêta là. La Société
ottomane des chemins de fer d*Anatolie, émanation directe
de la Deutsche-Bank et de la WurttembergischeVerein'
Bank obtint, en remplacement de la concession Angora*
Sivas, une concession nouvelle déterminant par Kaisarieh
le passage de la voie ferrée. Puis> sous le prétexte diploma-
tique que ce tracé était trop dispendieux, mais en réalité*
toujours par égard aux réclamations russes, Ton modifia à
nouveau la direction du rail ; revenant en arriôre,d'ADgora
à Eski Cheïr, la société obtint la concession de la voie à
établir entre Eski-Cheïr et Konia, en passant par Affioun*
Karaischar . Cq fut la dernière étape de la Société des che«
LK CHEMIN DE FEU DE KONIAHAGDAl) 2 II
mîns de fer d'Anatolie ; les travaux rapidement poussés.
furent terminés en 1896.
I^e réseau de la Société aUeniande (Jen chemins de fer
d'Anatolie, dont nous venons de suivre pas à pas la consti-
tution, comprend, en définitive, trois sections :
1*^ Haïdar-Pdcha-lsmid longueur 91 kil.
2^ Ismid-Angora » 485 »
3'* Eski-Cheïr-Afïioun-Karaïschar-Konia » Ui »
en totalité 1.020 kilomètres de rail établi à assez bon
compte dans la partie occidentale de l'Asie Mineure.
En 1903, une Société, en apparence distincte, mais en
réalité se confondant avec celle des chemins de fer d'Ana-
tolie, obtint, après de multiples et longs pourparlers, la
concession du réseau définitif Konia-Eregli-Adana-Mossoul
Bagdad-Bassorah, réseau qui, en raison de sa situation
géographique et par opposition au trajet par Sivas, prit le
le nom du tracé du Sud, Les Allemands, dès que la con-
cession fut définitivement accordée, triomphèrent bruyam-
ment ; l'empereur Guillaume expédia à son ami le Sultan
un de ces télégrammes enfiammés dont sa plume est coutu-
mière,la presse d'Outre-Rhin, pendant plusieurs semaines,
exulta sans trêve. C'était en effet un grand triomphe pour la
diplomatie germanique ; l'ambitieuse course vers l'Orient,
drang nach Osten^ faisait un gigantesque progrès, l'impé-
rialisme d'Outre-Rhin sentait son orgueil satisfait. .
Dans leur vibrant enthousiasme, oubliant cette prudence
qui^ en diplomatie surtout, est la mère de la sûreté, les
Allemands n^hésitèrent pas à dénommer leur ligne du
titre quelque peu incendiaire, dans un pays où tant de
puissances se jalousent étroitement, de Deutsche Bagdad
Bahn, ligne allemande de Bagdad.
Il serait trop long de citer ici, article par article, toutes
les clauses de cette mémorable convention ; il est néan
moins nécessaire d'en résumer les principales*
LE CHEMIN DE FEU DE IvOM A -BAGDAD 2il{
OÙ il rachèterait les lignes. Droit de la Société de rester
fermière des dites lignes si le gouvernement ne les exploi-
tait pas lui-même.
Art. XXIII. — Privilège pour la Société de construire et
d'exploiter les trois ports qu'il pourrait lui convenir de
créer à Bagdad, à Bassoiah et sur le golfe Persique ; délai
de huit ans laissé à la Société pour se prononcer à cet
égard.
Art. XXV. — Monopole de l'usage des cours d'eau où la
Société, pour l'obtention de la force électri(iue, aura le
droit de profiter des chutes naturelles et d'en créer par des
barrages.
Art. XXXIII. — Privilège pour la Société d'exploiter le
service maritime entre le port de Gonstantinople et celui
d'Ilaîdar-Pach», si le ministre de la marine n'améliore pas
ce même service qu'il a détenu jusqu'ici.
Art. XXXV. — Garantie kilométrique nette de 12.000 fr.,
le gouvernement acceptant à sa charge 4.500 fr. par kilo-
mètre pour frais d'exploitation, ce qui équivaut à une ga-
rantie kilométrique de 16.500 fr.
Art. XXXVII. — Avantages pécuniaires assurés à la Société
pour la circulation des trains rapides sur la ligne princi-
pale du réseau.
Art. xxxviii. — Concession assurée, avec la garantie
kilométrique de 16.500 fr.,d'embranchements surDiarbekir
et Kharpout.
La convention une fois signée, la concession une fois
accordée, on se mit û l'oeuvre et, en quelques mois, le rail,
partant de Konia, fut poussé jusqu'à Eregli et à Bourgourlou.
Cette première section, longue de 200 kilomètres, en terrain
favorable,se développa sans difficultés» Mais à Bourgourlou
nous laissons le plateau, élevé d'environ 1.000 mètres, sur
lequel l'établissement de la voie fut si aisé ; nous sommes
au pied du Taurus, gigantesque massif de 3*500 mètres
.itt L1-: CIIKMIN m-. FKH DK KOSI A-BAGDAl)
d'altitude en son pf>int centr<)l, et co massif, il le faut (raû-
t'Iiir.On lïViùi soiiiço m emprunter ledéfilédeGû^ck Bogahi,
les fameuses pjrte.s de Cilirie, route classique des inva-
sions, suivi 3 p'\r Alexandre et par les Croisés, située à
l'altitude très nïodérée de 1.160 métrés. Par malheur, une
diniculté terrible s'opposait à l'emploi de cet expédient:
le versant sud est du Taurus tombant presque à pic, jamais
un chemin de fer n'et'it pu s-aventurerdans les rampes ver-
tigineuses que la nature impose de ce côté de la chaîne, el,à
moins de multiplier les tunnels hélicoïdaux que le Gothard
a rendus célèbres, on ne pouvait rien tenter par là. On dot
recourir au seul moyen pratique, remonter la chaîne le long
du versant nord-est, faire décrire à la ligne une vaste
courbe, percer un long tunnel en arc de cercle de dix à
douze kilomètres de longueur débouchant dans la vallée
du Korkun, qui descend elle-même en pente douce jusquà
Adana. l)'Adann,le rail aura à franchir le massif duGjaouf
Dagh, de hauteur respectable. Cette section de la ligne, de
Hourgourlou à Adana, et d'Adana à Killis, avec le double
passage du Taurus, coûtera très cher. (Juant au restedelJ
voie, que nous n'aurions pas le temps d'étudier en détail
il nous sullira d'en dire qu'il ne soulève pas de difficultés
techniques exceptionnelles : de Killis au Chatt-el-Arab 1^
rail suit un tracé peu accidenté, et môme en pleine Méso-
potamie, les traverses pourront être directement posées sur
un terrain plat et très favorable.
Les plans sont prêts pour le passage du Taurus; on n'at-
tend plus que l'argent. La question argent est en eflel
question capitale en pareille matière etles énormes sommes
(ju'il faut trouver — on parle de 700 à 800 millions au bas
mot pour l'achèvement de la ligne — exigent de multiples
eii tentes et de longs pourparlers. La voie sur toute sa lon-
gueur (2.300 kilom. de Kônia au terminus), sera à écarte'
ment normal de 1 m. 44, ce qui nécessite des courbes d*?
LE CHEMIN DE FER DE HONIA-BAODAD 24S
grand rayon et une construction beaucoup plus solide que
celle de la voie étroite dont certains eussent voulu qu'on se
contentât. Déjà, pour la section d'Eregli-Konia,des banques
françaises avaient fourni, à titre privé, 30 ^/o du capital
requis. Or, nous l'avons vu, cette section fut d'un établis-
sement aisé, tandis que la traversée des deux massifs du
Taurus exigera des sommes énormes. A qui s'adresser ?
Pas à l'Allemagne, pauvre d'argent : seules les nations
riches, France et Angleterre, sont en mesure d'avancer les
fonds utiles.
En 1903, deux conventions furent projetées. La première
attribuait à l'Angleterre, à la France et à l'Allemagne 25 V«»
à la Compagnie d'Anatolie 10 ^/o, et à d'autres moindres
nations 15 ^/o du capital à souscrire. Les groupes français
et allemand devaient fournir chacun huit directeurs, les
groupes secondaires trois, la Compagnie d'Anatolie trois.
Mais la Grande-Bretagne s'opposa formellement à cette
convention qu'elle considérait comme favorisant les seuls
intérêts allemands et on étudia un autre projet. Les Fmn-
çais apportaient cette fois, 40 "/o, les Allemands, 40 Vo,
les autres groupes 20 V» du capital ; Allemands et Fran-
çais figuraient en nombre égal dans le conseil d'ad-
ministration, dont la présidence était attribuée à un
Allemand et le secrétariat général à un Français. Le
matériel devait être acheté, moitié en France, moitié en
Allemagne. Le projet fut soutenu, sous le ministère Combes,
par M. Rouvier, qui à titre d'unificateur de la Dette Otto
iuane,se faisait volontiers l'avocat des ambitions turques et
combattu pyr NLDelcassé et ses autres collègues du minis-
tère, au nom des intérêts de Pélersbourg et de Londres.
Il échoua, en définitive, la souscription publique ne fut
pas ouverte et la question financière est restée en suspens.
11 y a quelques semaines, le Sultan essaya d'obtenir de la
Commission ie la Petle, une surtaxe de 3 % applicable à
246 LE CHEMIN DE FER DE KONIA-BAGDAD
d^autres services qu'à ceux du bugdet macédonien et desti*
née en réalité à la garantie kilométrique de la Bagdad'
J5a/m. L'Angleterre s*y opposa énergiquement. La France
était favorable à la nouvelle combinaison, et on en conclut
qu'à titre privé, certaines banques françaises seraient dis-
posées à faire de larges avances. Lavenir seul nous appren*
dra la solution réellement adoptée, mais d'ores et déjà Ton
peut dédaror qu'il serait regrettable que, malgré les répu-
gnances ollicielles de notre gouvernement, la finance
parisienne soutint de ses capitaux une entreprise très peu
rémunératrice et (jui n'a d'intérêt immédiat que pour U
Turquie et pour l'Allemagne.
L'entreprise sera très peu rémunératrice: il suffît, pour
s'en rendre compte, d'examiner, même sommairement, l^s
quatre éléments de recettes escomptés.
1» Transport de In malle des Indes. — Il est certain que
les express roulant sur la voie de Bagdad abrégeraient
singulièrement la roule de Londres à Bombay. On prévoit,
de ce chef, une économie de quatre iours, soit un tiers du
temps actuellement rtMjuis pour le transport du courrier.
Mais à (jui fera-ton croire que l'Angleterre, qui a déjà
déilaigné le raccourci Buda Pest-Uskub-Salonique pour
éviter l'iiisécurilé de la région macédonienne, lancera
volontiers le précieux convoi dans le désert où les Kurdes
pillctrds exercent impunément leurs ravages et où des
bandits olïiciels tels qu'Abrahim l^acha détroussent jus-
qu'aux fonctionnaires du Sultan ?
2" Marc/iandlses en transit — Il est évident qu'à par'
certaines denré»\s très délicates, exigeant un transport
rapide, la plus grande [)artie des marchandises continuera
d'ulili.sor la voie de Suez : qu'importe un gain de quelques
heures ou de (juelques jours dans le transport de colis q'^i
LE CBEKIN DE FER DE KONIA-BAODAD 247
à leur arrivée seront pour la plupart emmagasinés des se-
maines et des mois entiers ?
3«* Marchandises indigènes. — Le trafic à naître sur le
parcours de la voie sera pendant de longues années mini-
me. La ligne de Bagdad traverse dans la plus grande partie
de son trajet des solitudes désertiques où il n'y a rien à char-
ger. 11 est vrai que les Allemands escomptent avec enthou-
siasme la rénovation de la Mésopotamie grâce aux colonies
que les travaux du railway introduiront forcément et sème-
ront le long du Tigre et de l'Euphrate. Chacun sait que,
dans l'antiquité, la Mésopotamie fut une terre bénie, d'une
fertilité légendaire, comparable à celle de l'Egypte actuelle;
les canaux d'irrigation, œuvre des ingénieurs chaldéens,
portant loin dans les plaines les eaux des deux grands
fleuves, faisaient de tout le pays un admirable jardin. Après
six mille ans de prospérité incomparable, l'invasion mon-
gole survint: les forêts, régulatrices des eauxjurent anéan-
ties, le débit, jusqu'alors à peu près régulier, de l'Euphrate
et du Tigre, devint sujet à des crues formidables qui em-
portèrent digues et canaux; faute d'irrigation le pays devint
stérile et là où, pendant de longs siècles, avaient vécu des
populations riches et nombreuses, s'étendit la nudité aride
du désert. Peut-on ressusciter cette prospérité passée ? On le
pense, on l'espère, bien que certains hochent la tête, faisant
observer que le climat semble avoir changé. En tout cas, la
condition nécessaire de toute rénovation est, en Mésopo-
tamie, le reboisement. Or, il n'est i)8S besoin d'insister sur
ce point, le reboisement n'est pas l'œuvre d'un jour. Dans
combien d'années, dans combien de lustres, dans combien
de siècles, allais je dire, les forêts toufïues dresseront-elles
à nouveau vers le ciel leurs cimes orgueilleuses?
Quoi qu'on en dise, d'ici longtemps, le désert restera désert
elle trafic régional de la Bagdad Bahn sera très médiocre.
2i8 LE CHEMIN DE FER DE KONIA-BAGDAQ
¥ Voyageurs* — Chacun sait que le transport des voyi-j
geurs est, en général, d'un maigre rapport pour les compa-
gnies de chemin de fer, et la ligne de Bagdad, tout l'indiqu*,
ne fera pas exception à cette règle économique. Uneobsc^,
vation, d'ailleurs, s'impose ici. On parait se figurer, daoi
certains n)ilieux, que la majeure partie des voyageurs qm
transitent par Suez, emprunteront avec enthousiasme la
nouvelle voie, pour éviter le passage pénible de la Mer
Rouge et pour gagner du temps. Or, il suflit de jeterie»
yeux sur les statistiques pour être édifié sur ce point. En
1901, derniôre année dont j'ai pu trouver la statistique, 1«
canal de Suez vit passer 270.221 voyageurs sur lesqucl»
41.601 émigrants et pèlerins, 130.514 militaires et seulement
92.046 civils. Kn supposant que tous les derniers aban-
donnent unanimement la voie de Suez, il est certain queni
les émigranls, ni les pèlerins, ni les hommes de IroupJ
'n'emprunteront la roule onéreuse de Bagdad; la circula-
tion humaine y sera certainement peu intense.
Très peu rémunératrice pour les capitaux qui s'y engage-
ront, la Bofidiul Bahu, du moins à ses débuts, n'aura
guère qu'une inllu(MK'e politique et stratégique, au profil»
la Turquie el de l'Allemagne. Elle sera précieuse pourlai
Turquie qui, refoulée de plus en plus par la poussée euro- 1
péenne vers l'Asie Mineure, y gagnera une grande facilité de 1
mobilisation ; elle le sera non moins pour l'Allemagne dont
elle rehaussera encore le prestige aux yeux des populations
musulmanes et à locjnelle elle déterminera à travers l'Asie
Mineure une vatUe sphèie d'inlluence.
Aussi \{\ Russie et l'Angleterre n'ont-elles cessé de s op
poser de tout(*s leurs forces k cette main-mise de l'Alie-
mngne sur le monde musulman ; la Russie dans l'interôlde
ses possessions de Transcoucasie, pour lesquelles une aru»ee
turquj aisément mobilisable constituera un danger pe^
manent, l'Angleterre mécontente de voir la voiedeSuei
LE CHEMIN DE FER DE KONïABAGDAD 2(9
concurrencée par le nouveau rail et redoutant d'ôlre gênée
vers r Egypte par une Turquie revivifiée. Son opposition
s'est notamment manifestée du côté du golfe Persique où
la voie de Bagdad doit nécessairement déboucher. Le port
magnifique de Koweit, terminus iogiijue de ce long rail-
\^'ay, est sous son contrôle rigoureux et on peut compter
qu'elle le gardera jalousement; partout où la ligne avait in-
térêt à aboutir, elle a pris les devants; aussi les Allelnands
ont ils dû, bon gré, mal gré, se contenter^à titre provisoire,
du point défavorable de Khor-Abdallah.
La France, sans être aussi directement visée que la
Russie et l'Angleterre par les projets de l'Allemagne en Asie
Mineure, a néanmoins une situation importante, bien
qu'amoindrie, à sauvegarder, notamment en Syrie, et l'éta-
blissement du long railway qui, par une fofce d'at-
traction inévitable, absorberait ou tenterait d'absorber peu
à peu les lignes secondaires, dont certaines, cQmme Jaffa-
Jérusaiem, sont nôtres et dont d'autres nous intéressent,
qui, en tous cas drainerait inévitablement en faveur de
l'Allemagne toute influence politique en ces régions, l'éta-
blissement de la ligne projetée serait un coup funeste
porté à nos intérêts.
Dans ces conditions, est-ce à nous de fournir les capi-
taux nécessaires ô rachèvementdel'entrepriscet ne devons-
nous pas lais.ser les Allemands à eux-mêmes, plutôt que
de collaborer financièrement à une œuvre peu productive
et qui semble ne devoir profiter qu'à la puissance de
Constantinople et aux intérêts de Berlin ?
Fkrd. Vanieii
n
lia t^aee fléo-Iiatine
et
VRigérie en 1907
a)
Mesdames, Messieurs,
Il ne faut absolument vous en prendre qu'à vous-mêmes
si, après être venu ici l'année dernière, je reviens si rapide-
ment parmi vous. Vous m'aviez fait un accueil si sym-
pathique que je n'ai pas eu de cesse de venir l'éprouvera
nouveau, je vous en fais à l'avance toutes mes excuses. Je
tâcherai d'être dans cette occasion le moins aride et, si je
peux, le plus intéressant possible.
L'année dernière, en vous parlant de l'Indo Chine, je
vous entretenais d'un pays que j'ai habité pendant huit ans.
Cette année, en vous parlant, non pas de l'Algérie, sujet
très répandu, mais d'une question spéciale, je vous parleiai
d'un pays que j'ai habité pendant trois ans et denn, comme
simple soldat d'abord, ensuite comme ofïicier à la Légion
étrangère. J'agiterai devant vous une question qui, à l'épo-
que où j'ai habité l'Algérie, dans le Sud-Oranais, notam-
ment, était seulement embryonnaire et qui aujourd'hui se
pose avec une singulière acuité.
Avant de commencer, je voudrais cependant vous persua-
der d'une ch(;se, je sais que cela me sera très difficile,
c'est que quelquefois dans les bureaux de ministères on
travaille.
L'année dernière, je vous ai dit quel était le moyen un
Il Confcrence faite (iovanl la SociéU' de (iiographic Commerciale <lu
Havre, le 1" Mars 19()7.
LA RACE NÉO-LATINE ET L*ALOÉRrK EN 1907 251
peu empirique mais cependant très pratique, que Ton allait
îssayer d'employer pour sauvegarder l'Indo-Chine, avec le
Qioins de frais possible. Eh ! bien, en continuant, si vous
e voulez bien, pendant trois minutes, la causerie commen-
cée avec vous Tan née dernière, je puis vous dire que, malgré
lue le budget de l'Indo Chine se boucle par un déficit,
nous sommes cependant arrivés, en ce qui concerne cette
[*uIonie, à de bons résultats au point de vue défensif, sans
i\ue ces résultats aient coûté quoi que ce soit à l'Etat. Ils
ne sont dûs en réalité qu'aux efforts et à l'invention des
particuliers.
Nous avons depuis l'année dernière transporté en Indo-
Chine une certaine quantité de torpilleurs, de contre-torpil-
leurs et de sous-marins qui sont sortis de la flotte métropo-
litaine et qui ont été immédiatement remplacés par des
unités de nouvelle fabrication, et nous allons y ajouter
tout prochainement ce petit canot automobile dont je vous
avais parlé assez rapidement et qui est une invention tout
à fait typique d'un ingénieur de la Marine. Je vous avais
dit que, à cause de l'impossibilité où nous étions de sacri-
fier beaucoup d'argent pour l'Indo Chine, on avait cherché
et fini par trouver un petit bateau coûtant excessivement
peu d'argent et ayant une force défensive très considérable.
L'inventeur est, comme je vous l'ai déjà dit. M- le comte
Récoppé, ingénieur en chef de la Marine.
Ce projet n'a pas subi le sort que subissent en général
les projets qui sont confiés aux bureaux des ministères, il
est bien entré dans les cartons, mais il en est sorti. Pas
plus tard que demain, en quittant le Havre, je passerai à
Houen, aux Chantiers de la Seine, où j'aurai le plaisir de
monter pour la première fois sur le premier Récoppé dont
le moteur, qui sort do la maison Cazos, a été construit il y
quelques jours et a été adapté seulement avant-hier à la
^'^'pie du bateay. Ce canot dont jo vous parlais fera demain
252 LA lUCZ 5£0-UkTCCC ET LALGiME ES I9(fl
ses premiers essais sur la Seîne. Cesl tous dire qu'en
rés^flité, ooo ^olemeot on lraTd:!!ep«frr<»îs dans les minis-
tères, mais qae parfois au^si. !«rs coofcrenciers fbol autre
chose qoe de parler et que les choses auxquelles ils foDt
allusion deTieonent parfois et heureusement la réalité.
J'aborde maioteuaDt le sujet de ma conférence d'aujour-
d'hui.
On vous a certainement parlé de l'Algérie sous mille
formes et sous mille faces; il y a cependant une question
qui, j en suis sûr à l'avance, n'a pas été abordée par les
conférenciers qui vous ont parlé de ce pays ; elle n*a pas
été traitée parce qu'elle est ingrate et très abrupte. Si je
l'aborde, vis-à-vis de vous aujourd'hui, ce n'est pas du tout
comme le disait tout à l'heure M. le Président, que j*aie
confiance dans l'originalité de ma parole, mais dans votre
indulgence, et je la réclame tout entière.
Vous savez qu'il ne s'agit pas seulement de conquérir
des colonies et d'y planter son drapeau ; ii ne suffit pas de
dire : je possède tel pays, je vais y dépenser tant d'argent
et ces dépenses, par un choc en retour naturel, n.e
vaudront tel budget de receltes. Ce n'est pas vrai. En réa
litH, un pays et une colonie surtout ne sont riches que par
.suite de deux éléments de fécondité qui se tiennent l'un et
l'autre et qui sont les suivants.
Une colonie, une possession, n'est pas riche seulement
par la valeur de sonsoI.Je ne parlerai pas du sous-sol, parce
que, en réalité, lorsqu'on conquiert une' colonie, il est très
difficile de savoir ce qu'il y a dessus, et par conséquent
dessous, à plus forte raison ; on va toujours au hasard.
Une colonie n'est pas riche .seulement par la valeur de son
sol, le sol ne vaut qu'&utant qu'il est peuplé et un sol
n'est peuplé qu'autant qu'il peut nourrir ceux qui l'habitent,
c'osl-è dire autant qu'il y ade l'eau. Ce sont là des principes
& la fois de sociologie et d'économie générale. Je n'ai pas
La hack nko iatine et l algérïe en 1907 25*^
du tout l'intention de vous les démontrer, il faut que vous
m*en fassiez créance et que vous les acceptiez comme des
axionxes.
Quand on conquiert une colonie qui n*est pas assez peu-
plée, parce qu'elle n'est pas assez fertile, parce qu'elle n'a
pas assez d'eau, que cette eau vienne du ciel ou de la terre,
on cherche à lui donner un système d'irrigation et de
drainage suffisant pour que le sol soit assez fertile
pour nourrir une grande quantité de population. C'est ce
qu'ont essayé en Algérie tous les peuples qui l'ont possédée.
Les Romains qui ont été nos ancêtres en colonisation et
qui ont possédé l'Algérie y ont fait des travaux d'irrigation
très considérables, très intéressants, dont on retrouve des
traces innombrables dans le Sahel, le Tell et toutes les
parties occupées par eux. Mais ce( ar(iâC0 des Romains
n'a pas été suffisant pour y amener et surtout y retenir une
grande quantité de population. Aujourd'hui, par la force
des choses, par la mauvaise éducation du dernier Bey
d'Alger, nous sommes devenus les successeurs volontaires
des Romains, et nous avons immédiatement continué la
tAche hydrographique qu'ils avaient entreprise ; nous nous
y sommes donné beaucoup de mal, beaucoup plus de mal
que nous n'aurions dû nous en donner dans un pays mieux
préparé à l'avance. Malgré tout, peut-être, nous ne sommes
pas arrivés au résultat définitif que nous aurions désiré*
Alger, que beaucoup d'entre vous connaissent, est une
ville superbe; enchâssée dans un luxe un peu criard que
lui apportent les hivernages anglo-saxons ; mais quand on
prend une voiture à Alger et qu'on se promène à une
dizaine de kilomètres dans l'intérieur, au sud ou à l'est
d'Alger, on est tout étonné, à part certaines vallées qui
sont remplies de vignes, de trouver un Sahel qui est tout
triste. Il en est de même de la grande vallée du Ghelif, qui
I-^ •-'-r: .: : :. -.r Tr^i-: -« r".: -r" -ir *j?e de-la s -
X- . y a ^.^ r. *. :— : .rs ir>:i -.^îinuels, des c. :>
i.e r.-r* 'i-;. .- .:: i jr.rr r.Tlr^re -j^i nVst pds occuf■'
*..^ .r, j.jf dtr^ '^^1. . i-^. en Kài-y ie. dis >, il y a un certain
f, .:.>hr»; '\*: ce.Mr-rs a^'r:c.:.-r> i^us ies«]ue!s on a fait de>
l'::.t^î:-.rr5 «i- co.-i.-*at::n '\i\ c ictpas n-ussi. Vous savt;
q je .or-Hiu on abar*-i:nr.e \t Te.I e! le Saheî on entre dan>
i<f Tfr^lon de i'Alfa o*j î. n'y a pas d'eau, où îî n'y en a
• j jî/jai^ eu et O'i il n y en aura jamais, oi rèirne en maître
le nîjl/ie. N'^'Ja n*av«.»i,s d'*nc pas fait tout ce qu'il faiiail
faire, et cependant toutes ies necessités,nécessités logiques,
nécessités politiques et 'mêmes nécessités sentimentales,
veulent que nous ayons en Algérie une situation, que nous
ayons dans l'Afrique du Nord une série d'installations,
d'établissements, desquels nous ne pouvons pas nous désin-
téresser. I
La question se pose aujourd'hui, avec une acuité singu-
lière que vous verrez tout à Theure, de faire de l'Algérie
et de la Tunisie, et en général du nord de TAfrique fran-
çaise, un pays irrigué, un pays peuplé qui seul peut faire
de cette partie de l'Afrique un pays fertile, un pays riche
et par lui-même prospère. Comme l'ont fait les Romains*
avec des ingénieurs, avec des constructions, avec de l'ar-
gent, il est relativement facile de retenir Teau qui tombe
du ciel, ou de trouver dans les couches sablonneuses, à
certaines profondeurs que les ingénieurs connaissent bien,
des puits artésiens et de faire jaillir l'eau du sol. On peut
donc dans un pays où il n*y a pas d'eau en anaener ; maisi
Oi avec des constructions, ni avec de Targenti ni avec des
LA HACK NÉO-LATINE KT l'aLGKIUE KN lî'OT 25.")
ingt^nieurson ne metlra des hoiniues où il n'y en a pas. Il
îîuit donc, pour que nous fassions de l'Algérie ce qu'elle
doit être, (jue nous lui donnions ce qui lui manque, c'est-
à-dire l'élénïent humain, ie peuple, la population, je dirai
même la race I Nous ne l'avons pas, il nous la faut. Où
allons-nous la trouver ? C'est ce^cjne je vais tâcher de vous
expliquer.
Il y a trois manières de faire foisonner la population
dans un pays qui n'en a pas assez. On peut d'ahord essayer
d'augmenter la population aborigène, on peut ensuite déter-
miner des courants d'émigration de la population métropo-
litaine, on peut enfin encourager et utiliser le courant
d'émigration des nations étrangères.
Voyons quel est le moyen que nous pourrions employer
en Algérie. Nous avons en Algérie des races aborigènes.
Eh 1 bien, la statistique très ardue du Journal Officiel, de
laquelle je vous ferai grâce, indique de la façon la plus
péremptoire que, depuis que nous y sommes, la population
indigène est restée stationnaire. La population indigène se
compose de l'élément berbère qui est resté absolument sta-
tionnaire depuis que nous habitons l'Algérie. Klle comprend
aussil'élément kabyle. Cet élément, dans une certaine pro-
portion, a augmenté et celte augmentation de la population
kabyle correspoi\d d'une façon très nette à l'augmentation
même insensible de la richesse du pays, c'est-à-dire au
plus ou moins grand nombre de têtes de moutons qu'il y a
dans la Kabylie. Je ne veux pas dire qu'ù une tête do mou-
ton correspond une tète de Kabyle, mais quand il y a plus
de moutons, il y a plus de Kabyles, quelques années après
bien entendu. Reste ensuite la troisième race de l'Algérie :
la race arabe. Elle diminue d'une façon notable. Les
Arabes, qui sont la race conquérante, ont fait de l'Algérie,
suivant le principe de Mahomet, leur chose et leur proie.
CI est une grande leçon pour nous que de constater quu
lorsqu'une race vient dans un pays et se sort de ce pays
comme d'un instrument pour dominer ou pour vaincre,
non pas comme d'un coopérateur, elle en meurt. L'Arabe
n'a pas épousé la terre qu'il a conquise, il l'a toujours
dominée, il l'a pressurée, cl sa seule raison d'être par con-
séquent était qu'il était le maître. Or, depuis 1830, l'Arabe
n'est plus le maître ; par le fait même qu'il a perdu c^lte
qualité de dominateur de l'Algérie, il a perdu sa seule rai-
son d'être, pour le bien général de l'Algérie, pour le regret
aeulement des peintres et des esthètes. La race arabe dimi-
nue et nous pouvons prévoir le jour où il n'y en auraplos
que divers spécimens qui deviendront aussi rares que le*i
speciujens des Peaux-Rouges en Amérique. Donc ce n'est
pas avec l'élément aborigène que nous ferons de la popula-
tion dans le nord de l'Afrique. Ferons-nous de la popula-
tion dans le nord de l'Afrique avec l'émigration française?
Eh ! bien, non, et- loin est peut-être le moment où nous
aurons à regretter d'habiter le plus charmant, le plus doux
et le plus beau pays du monde. Le Français ne quitte pal
la France, le Français est trop bien chez lui, le Français
trouve en France ce qu'il n'a trouvé et ne trouvera nulle
part ailleurs, et par conséquent, si un jour, poussé parla
médiocrité de son sort individuel, le Français s'expatrie
dans un pays lointain, c'est dans le seul but d'y ramasser
un peu d'aisance, d'y faire fortune. Il garde toujours der* 1
rière la tête l'idée de venir vivre et mourir où .^on père a
vécu et est mort. C'est un fait contre lequel aucun raison-
nement ne peut prévaloir; nous ne pouvons pas fairedu
Français un peuple migrateur* Le Français n*émigre qa«
sous une pression extérieure, pour des raisons locales,pour
des raisons géographiciues ou pour des raisons historiques
Deux exemples :
La seule province française qui donne des émigraDtSi
c'est la Bretagne. Pourquoi? Parce que* comme je voui
t.A RACE NÉO-LATLVE ET L ALOélUE EN 1907 257
ie disais tout à l'heure, le peuple qui est à son aise et bleu
chez lui, ne s*en va pas. Or, le Breton occupe la terre la
plus déshéritée de France, c'est snns doute pour cela
qu'il est peut-être le plus patriote. La Bretagne a une popu-
lation considérable, le Breton émigré facilement ; mais où
émigre-t-il ? Quand il émigré, il commence par émigrer à
Paris.
Le 6' arrondissement de Paris est plein de Bretons, et
quand on se promène rue de Rennes, sur vingt femmes, il
y en a dix-huit qui ont la coiffe. Je dois vous dire que la
colonisation parisienne bretonne ne donne pas d'excellents
résultats. Aussi, il y a à Paris un comité de Bretons qui
s'est donné pour but (et il réussit assez bien) de renvoyer
en Bretagne ces Bretons déracinés. Ce n'est donc pas sur
cette émigration toute spéciale que nous devons compter.
Les autres Bretons quiémigrent, et cela ne surprendra que
ceux qui n'en ont pasentendu parler,émigrent,maissans es*
poir de retour, au Canada. Il y a une très forte colonie
bretonne au Canada. Le Breton qui est catholique intran-
sigeant s'en va dans une colonie de la protestante Angle-
terre. Pourquoi ? Parce qu'on leur a dit qu'il y a au Canada
beaucoup plus de liberté que dans les colonies françaises,
parce qu'on leur a dit aussi, et ceci est vrai, que ies compa-
gnies de navigation qui ne sont pas françaises, font aux
Bretons de grands avantages quant il émigrent au Canada
et quand le Breton s'en va, il préfère partir pour rien au
Canada que d'être transporté dans un territoire français
en payant. Nous avons essayé, il y a quelques années^ de
remonter ce courant d'émigration et nous avons saisi l'oc-
casion qui se présentait, occasion très malheureuse^ dont
vous avez entendu parler, au moment où la sardine a fait
défaut en Bretagne, dans la baie de Douarnenez. On a pro-
posé aux Bretons, pécheurs de sardines» d'aller pêcher des
sardioea en Tunisie, h QQ sais pas s'ils tenaient essentiel*
'Z't^ : \ H\vK NLO L\TINE LT L ALÔEBIE EX iW7
îfrn.-enl à pécher d--s -jr ]!î.'r> l-ret-nnes. mais eu loul Cd-.
cel ♦r-j-^i n>i pi> r»-;>'*I. Mn '.-'jr avait offert *!•• grand-
?ivdrita;:e7.. -jh leur aviit f.'-jrai d*^^ engins de pèche, d»r^
ÏpHi'sHiix, et rt ceux qui Tt^n aient avec leur fanaille on don-
n?jil un ciTlain n'jmb*'^e d*h»:-c tares de terre ; mais rien n y
a fait- Ils ont fait une demi -sa i>on, soit trois mois, et i.^
ont déclaré qu'ils étaient pris de la nostalgie du paysetsont
repartis .v»it p<jur la Bretaçne, soit pour le Canada
Nous avions fait beaucoup dVfîorls, le gouvernement
avait dépensé pas mal d'argent pour arriver à ces résultats,
constatés à ia fois par nous et par le préfet du Finistère.
Kn réalité il serait beaucoup plus commode de faire venirie
poisson tunisien en Bretagne que de faire aller les pécheurs
bretons en Tunisie. . .C'est ainsi que se termine le rapport
du préfet du Finistère. Nous ne pouvons donc pascompler
sur cette émigration locale.
(A Huicre) Albert de Pocvourville
LE COCOra ET LE COFRÂI
Le cocotier est un palmier dont le tronc élancé atteint de
20 à 25 mètres de hauteur et se termine par un panache de
feuilles toujours vertes de 4 à 5 mètres de longueur.Chaque
année, les feuilles les plus âgées tombent, en laissant une
cicatrice assez profonde pour servir de point d'appui aux
indigènes lorsqu'ils escaladent le tronc. C'est l'arbre par
excellence des tropiques et des pays chauds. Il en borde
les plages, car il a une prédilection marquée pour les sols
sâumàtres. Son utilité est surprenante. Le bois, dans cer-
tains pays, sert à la construction des cases. Les feuilles en
forment les parois ; les indigènes en confectionnent égale-
ment des paniers légers et coquets. Le cœur, sous le nom
de chou palmiste, forme un mets recherché. L'eau que
contient le fruit, appelé vulgairement lait de coco, sert de
boisson rafraîchissante. Le noyau du fruit peut être trans-
formé en ustensile de ménage.
Mais la vrai richesse du cocotier est dans l'amande de
son fruit, qui donne le coprah, et dans la bourre extérieure
de la noix, qui est utilisée pour la confection de cordages
et de âls très résistants à l'humidité.
Placé dans de bonnes conditions, le cocotier commence
à fleurir vers la cinquième année et à fructifier vers la sep*
tième. Le délai moyen d'attente est de sept à huit ans. Le
cocotier n'entre cependant en plein rapport que vers Tôge
de douze ans et n'atteint son plein développement que vers
vingt-cinq ou trente ans. La production dure de quatre-
vingts à cent ans.
Il faut de dix mois à un an pour que la maturité d'un fruit
soit complète^
260 LE COCOTIER ET LE COPRAH
La floraison a lieu presque toute Tannée, la cueillette est
donc continuelle. L'on procède généralement au ramas
sage des fruits tombés. L^ chute des fruits est régulière,
les cocos mûrs tombant d'eux-mêmes. On estime à quatre-
vingts noix la production annuelle d*un arbre.
L^ fabrication du coprah est très simple : on fend d'un
coup de hache le fruit tout entier et on fait sécher Tamande
au soleil, soit en suspendant les fruits à une corde ou à un
fil de fer, soit en les étendant sur le sol, Tamande en l'air,
si le temps est sec. L'amande en se rétractant, se sépare de
la coque au bout de deux ou trois jours. On achève la des-
sication en replaçant, pendant plusieurs jours, ces moitiés
d'amandes enfilées à une petite corde.
L'exposition au soleil est avantageusement remplacée
par la dessication au four ou dans des étuves appropriées.
Combien faut-il de noix pour obtenir 1 kilog. de coprah?
Les avis sont très partagés : les uns admettent que cinq
noix donnent 1 kil. de coprah bien sec ; d'autres estiment
à dix le nombre de fruits nécessaires. Si le planteur a suivi
. le conseil de ne planter que des variétés à gros fruits, il
peut sans déception, compter sur une moyenne de sept noix
pour un kilog. de coprah, soit sept mille pour une tonne.
Le coprah est généralementexpédié à Marseille ou Uam*
bourg ; on en extrait environ 65 Vo d'une huile solide au-
dessous de 26 degrés, ce qui lui fait donner souvent le nom
de beurre de coco. Cette huile sert à la fabrication du savon
. blanc. Ce produit purifié est vendu pour la consommation
sous le, nom de végétaline ; il peut remplacer le beurre
de vache. Enfin » l'amande, réduite à l'état de farine, est
employée pour la pâtisserie.
(Revue de Madagascar)
RAPPORT DU SECRÉTAIRE GÉNÉRAL
Sup les Travaux de Tannée 1906.
Présenté à l'Assemblée générale du 17 Avril 1907.
Messieurs et Chers Collègues,
Vous avez bien voulu me replacer au poste de Secrétaire
Général que j'occupais lors de la création de notre Société.
MoD premier devoir est de vous remercier de cette nouvelle
preuve de votre confiance. En me voyant au milieu de
vous, dans les mêmes fonctions, chargé de vous faire le
rapport annuel sur nos travaux, j'ai presque Tillusion d'un
retour véritable en arrière. Mais il n'en est rien, hélas, et
quand je jette les yeux autour de moi, j'aperçois les vides
causés par la mort dans nos rangs L'année 1906 a été
particulièrement douloureuse pour nous et nous avons eu
à déplorer la perte de notre bon et excellent président,
Monsieur Henri Blot-Lefevre qui nous a été enlevé d'une
façon si inattendue et si prématurée. Sur sa tombe, dans
notre bulletin, on a dit les regrets que sa mort a suscités
parmi nous, on a rappelé son dévouement, son aménité, son
caractère si bon, si serviable. Je tiens à rendre ici un nou-
vel hommage ému à sa mémoire qui nous restera toujours
chère. Ces mêmes qualités, nous sommes assurés de les trou-
ver chez -notre nouveau président. Monsieur E. Dupont, et je
me fais votre interprète en le remerciant d'avoir bien voulu
accepter le poste que nous lui avons offert et nous apporter
son précieux concours.
Notre trésorier vous présentera tout ô l'heure les comp-
tes du dernier exercice. Comme vous le verrez, notre bud-
RAPPORT DU SECRÉTAIRE GÉNÉRAL 263
d*étudier les mesures les plus propres à augmenter nos re-
cettes. Il y a certainement quelque chose à faire dans ce
sens et ce point a été peut-être un peu trop négligé jusqu'ici.
La création d'une commission permettraif de concentrer
tous les efforts maintenant dispersés et de poursuivre avec
application et méthode l'œuvre si importante de notre re-
crutement. Notre société, nous sommes heureux de le cons-
tater, a rencontré dans notre ville un accueil des plus favo-
rables, et il n est pas douteux que si nous voulons nous y
employer tous sérieusement, nous pourrons arriver sinon à
reconquérir le chiffre de 900 membres que nous avons at-
teint et même dépassé autrefois, toutau moins à augmenter
notablement le nombre de nos sociétaires. Nos charges ac-
tuelles sont très lourdes, ne l'oubliez pas. Notre loyer est
très élevé, notre bibliothèque, notre "bulletin, nos conféren-
ces, nous coûtent très cher ; ce n'est pas par des réductions
que nous devons chercher à couvrir tous ces frais, mais
bien par une augmentation de nos recettes. Nous devons
être tous d'accord là-dessus. Notre budget de dépenses tel
qu'il se présente actuellement est à peu prèsimcompressible.
Hnfîn comme je vous le disais tout à l'heure, nous ne
devons pas reculer ni même nous contenter de rester sta-
tionnaires, nous devons avancer toujours. La cotisation
que nous demandons à nos sociétaires estdes plus modestes,
un franc par mois ; passez-moi l'expression, on leur en donne
pour leur argent. Si on pouvait faire ressortir à tous ceux
qui l'ignorent les avantages que leur oiïre notre société, en
retour d'une cotisation aussi modérée, il est probable que
beaucoup viendraient à nous avec empressement. Il ne s'a-
git que de le vouloir et de s'en occuper sérieusement. Ce
que faisait autrefois l'un de nos membres les plus dévoués,
le regretté M. Le Jolis, qui nous a rendu tant de services,
quelques personnes de bonne volonté sauraient le faire aussi
sans doute, si elles voulaient bien assumer cette tAche.
26 i RAPPORT DU SECRÉTAIRE: GÉNÉRAL
Il me parait indispensable d'agir, si nous voulons, non seu-
lement conserver à noire Société Timporlanee qu'elle a su
prendre, mais étendre son action et développer son activité.
Je me suis étendu bien longuement peut-être sur cette
question de notre recrutement, mais c'est que je la considè»
comme des plus importantes et (ju'il me paraît que loulei
les autres en dépendent.
Passons maintenant aux diverses formes par lesqueile»
s'est exercée notre activité pendant Tannée qui vient de sé-
coulor. Prenons d'abord notre bulletin. Par suite de ce^
laines circonstances, la publication l'année dernière en i
été assez irrégulière, mais le retard va être rattrapé etdio
peu la publication de notre fascicule reprendra son cours
régulier. \'otre secrétaire général a cette publication dans
ses attributions et. je dois vous l'avouer, elle ne constilM
pas une de ses moindres préoccupations par suite delà diffi*
culte que nous éprouvons à trouver ce qu'en terme d im-
primerie on appelle de la « copie ». Le compte-rendu de
nos conférences et les travaux que nous devons à certains
de nos collègues dévoués forment le fond de notre bulletin.
D'ailleurs, si on parcourt les bulletin.s des sociétés de gë*^^
graphie de province, on s'aperçoit qu'il en va de même,
sauf quelques exceptions. Il n'y a guère que les sociétésd»?
Paris (jui soient assurées d'une « copie » abondante et
variée, et cela se comprend facilement.
QueUjUPs-uns de nos collègues, en présence de la difficulté
que nous trouvons à assurer la publication de notre bul
letin et de la dépense qu'elle nécessite, ont suggéré l'idée
de le supprimer ou de s'entendre avec la Société de Géo-
graphie commerciale de Paris. Je ne suis pas de cet avis.
J'estime (jue nous ne devons pas supprimer notre bulletin,
qui est un lien entre nos membres, dans lequel ils trouvent
le cumpte-rendu de nos travaux et de nos séances en même
temps qu'il nous sert pour les échanges avec les sociétés de
HAPPORT DU SECRÉTAIRE GÉNÉRAL 266
géographie du monde entier. Il me semble que, placés dans
un grand port comme le nôtre, nous devons et pouvons
donner un grand intérêt et une certaine originalité à notre
bulletin et aspirer à faire mieux à cet égard que la plupart
des autres sociétés. Grôce aux efforts persévérants de M.Le
Jolis, dont je vous rappelais tout à l'heure le souvenir, nous
avions pu nous assurer autrefois le concours des capitaines
au long cours qui nous apportaient des travaux intéres-
sants et originaux. L'Association des capitaines au long
cours et officiers de la marine marchande a bien voulu se
faire inscrire au nombre de nos membres et nous donner
ainsi un tnmoignoge de sa sympathie. Ne pourrions-nous
pas trouver chez elle un concours plus actif et ne serait-il
pas possible d'intéresser plus directement les capitaines au
long coursa nos études et à nos travaux? Il n'y a pas à se dis-
simuler que,par suitedes modifications profondes apportées
dans les conditions de la navigation moderne qui laissent
si peu de loisirs aux officiers de la marine marchande, il
est bien difficile de leur demander de travailler pour nous.
Toutefois la question est à étudier de plus près. Si nos res-
sources étaient plus importantes, ne pourrions-nous pas
obtenir de ces officiers des travaux et des communications
sur des sujets (jue nous leur indiquerions et leur décerner
des encouragements et des récompenses.
Xe pourrions- nous pas aussi chercher à nous créer dans
nos colonies et dans les pays plus directement en relations
avec notre port des correspondants qui nous adresseraient
des renseignements. Au besoin on pourrait récompenser ou
rémunérer ces communications. Il n'en faudrait pas beau-
coup pour donner à notre bulletin plus d'intérêt et assurer
sa publication régulière et la dépense ne serait pas très
forte. Il y a un effort à faire de ce côté.
Nos conférences restent toujours des plus suivies et il est
regrettable que notre budget ne nous permette pas d'en
26H RAPPORT DU BECRÉTAIRE GÉNÉRAL
augmenter le nombre,car elles constituent un des meilleurs
moyens à notre disposition pour intéresser le public à noire
œuvre et notre meilleure forme de publicité. Malheureuse-
ment ces conférences coûtent très cher. Chacune d'elles
revient à 300 francs, quelquefois à plus et vous devez
comprendre que nous ne puissions pas en donner plus
de six ou sept par hiver.La location de la salle absorbée elle
seule la moitié de cette somme. En province, nous sommes
naturellement moins bien placés que les sociétés de Paris
qui n'ont ni indemnité ni frais de déplacement à allouera
leurs conférenciers. Nous sommes à cet égard dans un état
d'infériorité évidente et inévitable.
En dehors de nos grandes conférences publiques, nous
avons pu organiser dans notre local un certain nombre d6
causeries faites par quelques-uns de nos collègues. Citons
entre autres, les communications si intéressantes de notre
vice-président, M. Georges Dufour, sur Bizerte, de M.
Rizzardo Rizzetto, consul d'Italie, sur rémigralion ita-
lienne, de MM.Toulain, Guitton,Fdvi(Br, etc. Soyons recon-
naissants à nos collègues du concours qu'ils veulent bien
nous apporter et souhaitons que leur exemple soit imité.
Notre bibliothèque est toujours des plus fréquentées et
le nombre des lecteurs va croissant chaque année. Elle s'est
augmentée l'an dernier de divers dons et legs, entre autres
des livres qui nous ont été légués par un de nos merebres
donateurs, M. Jacques Dolamalle, et de ceux offerts par
Madahie Chevalier de Coninck, M. James de Coninck et
M. le général Archinard. Aussi avons-nous dû ajouter de
nouveaux rayons. Les crédits affectés à l'entretien de notre
bibliothèque et à la reliure paraissent suffisants et de ce
c6lé nous ne voyons pas de desideratum à formuler. Cepen-
dant il serait à souhaiter que le catalogue de notre bib'io-
tè(|uc pût être refondu, mais cela nécessiterait une dépt:nse
trop forte pour notre budget actuel. Je profite de roccasion
RAPPORT DU SECRÉTAIRE GéN^RAL 267
pour attirer l'attention de tous nos collègues sur notre biblio»
thèque dont l'importance grandit tous les jours, les facili-
tés qu'elle leur offre pour l'élude, la quantité et la valeur
des documents qu'elle contient. Combien d'entre eux igno-
rent les richesses que nous possédons et qui sont mises si
libéralement à leur disposition. Tout à l'heure je vous di-
sais que notre Société en donne à ses membres pour leur
argent. Si on considère la masse de documents, les
revues, les périodiques, qu'ils peuvent consulter tous les
soirs à notre bibliothèque, la faculté qu'ils ont de les empor-
ter à domicile, le local que nous mettons à leur disposition,
on reconnaîtra que je n'exagère pas, et que la minime coti-
sation qui leur est demandée est amplement compensée par
les avantages que nous mettons à leur portée.
Notre concours de géographie institué dès la fondation
delà Société a eu lieu comme les années précédentes. Vous
savez que les concurrents qui se présentent sont divisés en
liuisgroupes.Ilme faut constatera nouveau que le3® groupe,
celui des jeunes gens de 16 à 20 ans, ne donne plus de résul-
tats par suite du défaut de concurrents. Dans ces condi-
tions je crois qu'il y a lieu d'en venir à la suppression de ce
groupe.
\:n de nos collègues du bureau a suggéré l'idée de
fnire, à l'imitation de plusieurs autres sociétés de géogra-
phie, une géographie, sinon de notre département, tout au
moins de l'arrondissement du Havre, à l'aide de monogra-
phies de chaque commune. On pourrait faire appel pour
cela aux instituteurs et les encourager'ô dresser ces mono-
graphies. A vous de voir si le crédit devenu libre par la.
•suppression du 3*- groupe ne pourrait pas être affecté à l'at-
ti'ibiition d'un prix au meilleur mémoire ou à la meilleure
monographie sur une commune de l'arrondissement qui
Mousserait présenté.
Je termine cette revue rapide de nos travaux. Vous voyez
268 RAPPORT DU SECRÉTAIUE GÉNÉRAL
que notre société continue ô remplir le programme q
s'est imposé à ses débuts. De cet exposé cependant il r»
qu'elle est contrainte pour le moment, de pnr IVxi
de son budget, à limiter son champ d'action. Ortes
avons fait déjà beaucoup, frrnce ù une sti^c? <irîniinist:
de nos finances, avec les faibles moyens dont nnus d
sons, mais il reste encore beaucoup à faire cependaut-l
nous devons à nous mêmes de faire plus encore. Iinj><>
nous donc le devoir de développer notre prograini:.
donner à notre activité de nouveaux buis, et tâchons,
les atteindre, de nou.s créer les ressources indispeiisal
00 ^
00 ce
O .r;
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ACTES DE LA SOCIÉTÉ
Procèa- verbal de la Séance du Comité du 21 fvcrù'r î907.
PréBidcnce de M. E. DuroNT, président.
Lo procès-verbal de la précédento réunion est lu et adopté 91*
luodific.ttions.
M. le Secrétaire Général donne lecture de la correspondance :
Lettre du Comité du Maroc qui adresse à la Société un exemplair
des récents rapports et études, ainsi que les planB hydrographil'J**
d^s ports, publiés par ce Comité.
Trois ouvrages sont olïorts à la Société par M. René Bossière :
Nouvelle notice sur les Iles Kerguolen.
Etude sur l'élevage du mouton dans le monde.
La prospérité des ports français.
Sont présentés comme nouveaux membres :
MM. Manuel Tejedor, présenté par MM. Ruôno de la Seraa et
J.Napp.
Sauvage » E. Favier et Mlle Sauvag«.
E. Le Coniac » L. Guitton et Ferd.Vanicr.
E. Viollet p E. Favier et E Monacoart.
René Valle » E. Dupont et Ch. Meuri.
H. Lefièvre j> L. Guitton et F. .Schoeidtf.
H. Follet » L. Guitton et F. Schneider.
J.-R. Duval » Ferd. Vanier et R. Feile.
Il sera statué en fin de séance sur leur admission.
Le compte- rendu des comptes de l'année 1906, qui est enwi»
donné, présente les chifEres suivants :
Dépenses Fr. 8.903 80
Recettes f 8.840 6j
Soit un déficit de . . . Fr. 63 1^ \
M. le Président donne la parole à M. Favier qui communiqiie^
très curieux et intéressants détails sur la naiuanoe d*UA noavesa Itf
diusa le Colorado.
ACTES DE LA SOCIÉTÉ 271
^es ili'tails, extraits d'un article publié dins le journal L'i Temps par
deVarigny, ont été vivement appréciés et M. le Président remercie
Favier ponr son intéressante lecture.
La séance est levée à 10 heures.
Assemblée Générale du 17 Aoril^l907.
Présidence de M. E. Dupont, président.
La séance est ouv^erte à 9 heures. Le procès -verbal de l'Assemblée
^nérale précédente est lu et adopté suns modifications.
M. P. Loiseau, secrétaire général, donne lecture de son rapport
SUT h fiituitiou morale de la Société Après un hommage ému à la
mémoire de M. BIot-Lefevre et de vifs remerciements à M, £. Dupont,
i|ui a bien voulu assumer la charge de Président, M. Loiseau fait
remarquer que le budget de la Société s'équilibre tout juste. Pour
remédier à ce danger, il serait très urgent de recruter de nouveaux
adhérents — on en compte actuellement 600 environ — et, à cet effet,
dénommer une (-ommission de propagande et de recrutement. Des
charges très lourdes pèsent sur le budget : bibliothèque, bulletin,
conférences, etc. La publication du bulletin, ces derniers temps, a
été irrégulière, il y aurait lieu d'étudier les moyens de le remplir de
^n intéressante. Après d'utiles considérations au sujet des Confé-
i^ncee, des Causeries mensuelles, de la Bibliothè(iue et du Concours,
M. Loiseau termine en invitant les sociétaires à développer nos res-
iourcesafin de pouvoir étendre notre champ d'action.
M. R. Boitier, trésorier, donne ensuite lecture de son rapport sur le
>iidget, exercice 1906. Les recettes ont été de 8,840 £r. 65, les de-
nses se sont élevées à 8,9u3 f r. 80, soit un déhcit de 63 fr. 15, lequel
tera largement couvert par la f ubion en un seul de doux des derniers
)oIletinB.
M. le Président remercie les membres du Bureau de leur concours
)t ipécialemeut MM. Loiseau et Boitier pour leurs instructifs rapports.
La parole est donnée ensuite à M. Guitton qui a eu ramabilitô do
induire du russe en français, à notre intention, un article du journal
VovoM Wremia où Tauteur, d'un ton original et très humoristiquOi
itiribae U crise agraire qui désole TEmpire à un manque d'utilisatioa
Itionnel de IVngrais humain.
2/2 ACniii DE I,A ïrOCIKTM
Cette lecture, très goûtée de l'assiatance, tloiiue liuu à un écliau;
d'observations entre MM. Loiseuu, Preschez, Rizzirdo-RizzL'it» <
M. Guitton.
Après quelques mots de reiiiircieinents de M. le Président
M. Guitton, la séunco est levôe à 10 1». 1/4.
Séance (ht Cotnitc (hi 17 Ami 1907
A rissuo de rAt^seinblée générale, une séancfî «lu Coinit" est ouvert*?
gous la prcsidcnce de M. E. Dupont, président.
Sont proHentés coniino membres de I:i Société :
MM. André Olier, présenté par MM. rjnittou et Ferd. Vanicr.
P. Guillard, » Dupont et Frescliez.
Cl). Martin, » Dupont et Guitton.
G. Majoux, * Guitton et FoUin.
Ces nou\ea»x sociétaires Eont admis à TuDaDiroité.
La séance est levée à 10 b. 1/2.
OUVRAGES. CARTES ET PLANS
oflerts ;\ lu SocJété par
M"" CHEVALIER DE CO.\l.\CK ET M. JAMES DE CO\I.\CK
Vosgien - Dictionnaire géographique universel des cinq
parties du Uonde. i'aris, itiô6, 1 vol. in H, contenant *J carted
gravées sur acier.
Dictionnaire géographiqtue et statistique, rc lige sur ua plan
entièrement nouveau, par Aduikn uuihkut, Paris, 1860, l vol.
gr. in-8.
Mon second voyage autour du Monde, l'iir M"^ Iga Pfisifkeb,
ouvrage traduit de l'allemaud, lurii, 18:)7, 1 vol. in 12, avec une
carte.
Voyages dans les deux Océans, Atlantique et Pacitique, 1844-
184/, par Eugène Delesskrt, If aria 1848, i vol. gr. in-8, illuf^tré
de nombreuses gravures; avec 1 plan et i carte.
Voyage pittoresque en Hollande et Belgique, par Edmond
Tbxier, Paris, 18ô7, i vol. grand in-8, orne d'illustrations de
ROUABGUES FRÈRES.
Le Simplon et l'Italie septentrionale, promenadts et péleri-
nagt:9. Paris, sans^date, 1 vol. gr. in-8, orné de nombreuses gra-
vares sur cuivre.
Le Danabe illustré, vues d'après nature dessinées par Bartlett,
gravées par plusieurs artistes anglais. Eiiitiou frauçèiise. Paris, I8ô0|
i vol. in-4, orné de 52 gravures sur cuivre.
Une année de voyage dans TArabie centrale (1862-1863).
par VV™ CiiFFiUD i^aLvjuave, ouvfjge traduit de 1 anglais, Paris,
186U, 2 vol. iti-8, ornes d'un portrait, avec 1 carte et 4 plans.
L'Inde pittoresque — Madras, texte par A. Urbain, Paris, 1840,
L vol. iu-6, couieuant 22 gravures, d'après les des-ins originaux de
Daniell.
L'Inde pittoresque — Calcutta, texte par A. Urbain, Parie,
1840, [vol. ia b, orné de 22 gravures, d'apiès les dessins originaux
de Daniell.
t>i% anfl de voyages dans la Chine et l'Indo-Ghinei par J.
TuoidbON, ouviage traduit de l'anglais, Paris, 18?7^ 1 vol. in-8|
orné de 128 gravures sur bois*
274 Ol'VHAGES, CARTES ET PLANS OFFERTS A LA SOCIÉTÉ
L'Empire Chinois. Mœurs, coûtâmes, architecture, îudnstrie, etc.,
depuis les temps les plus reculés jusqu^à nos jours, par CLÉM&N^r
Pkllé. Londres. 1845, 1 vol. in-4 (4"" volume) orné de 32 gra-
vures sur cuivre, d'après les dessins de Thomas Allom.
Mongolie et Pays des Tangoutes, par N. Erjévalbki, ouvrage
traduit du russe, Paris, 1880, 1 vol. in-8, avec 42 gravures sur bois
et 4 cartes.
4-
L'Eté à Paris, par Jules Janin, Paris, Cnrmer, 1840, 1 vol. in-8,
illustré de nombreuses gravures dans le texte et hors texte.
Fastes de Versailles, depuis son origine jusqu'à nos jours, par
H. FouKTOUL. Paris, 183^, 1 vol. gr. in-8, orné de 42 gravures.
Guide du voyageur au Mont Saint-BAichel et au Mont Tom-
belaine, Avranches, 1856, 1 brochure iu-8, orné de 3 gravures
hors texte.
Vichy et ses environs, guide du baigneur, par Louis Pikssk.
Paris, 1803, 1 vol. in-12, avec 1 carte^ 1 plan et 27 vignettes.
La Belgique et la Hollande, par A.-J. du Pays (guide Diamant)
Puiis, ia67, l vol. iu-lti, avec 2 cartes et 13 plans.
Quinze jours sur les bords da Rhin, guide pratique et illustré,
extrait du guide des bords du Rhin, de A. de CoNiT, Paris, 1867,
1 vol. in-16, avec gravures dans le texte, panorama du Rhin en
2 feuilles.
Montreux (L'Europe illustrée), par Alfred Ceresole, Zurich, 1865,
1 brochure in-1 6, avec 25 illustrations et 2 cartes.
L'Europe en 1887, par Sir Charlks Dilke, Paris, 1887, 1 voL
in-8.
Politique extérieure et coloniale, par Gabriel Charmes, Paria,
1885, 1 vol. in-8.
Histoire générale de l'Italie, de 1846 à 1850, par Diego Soria^
professeur de droit public eu Italie, Paris, 1889, 2 vol. in>8.
Galerie des Femmes de Shakespeare, collection de 45 portraits
gravés par les preuiiers artistes de Londres, enrichie de notes criti-
ques et littéraires. Paris, 1860, 1 vol. gr. in-8.
CEuvrei complètes de Buffon^ avec les extraits de Dadbsnton et
la classitication de CcviER, Paris, 1838, 6 vol. in-S. Les gravures
sont reliées en un 7* volume.
OUVRAGES, CAHTES ET PLANS OFFERTS A LA SOCIÉTÉ 275
ga.z^te:s et pz^a.xts
4 leailles de la Carte de France au 80.000", gravées sur cuivre :
feuilles .de Brest, Erovins, Fontainebleau et Lorient.
10 feuilles de la Carte de France au 320 000^, gravées sur cuivre :
feuilles de Dunkerque, Cherbourg. Méziéres, Brest, Lorient,
Strasbourg, Nantes, Bjurges, Ciermont et Bord-^aux.
Carte routière de la France, donnant les routes royales ctdôpar-
temontale^ les clieann^ de fei* et les canaux. Pam, ÏHi\i, 1 feuille
en noir.
Carte générale des principales voies de communication
de la France. Paris, 1832, I feuille en couleurs, roctiiiée et com-
plétée en 1849.
Carte des Chemins de fer de la France et des pays limitrophes.
Paris, 1862, une f<'uille en couleurs.
Carte du département du Calvados et d'une partie des dépar-
temeutH limitrophes, au 200 000*. i'aris. 18.')6,1 feuille en couleurs.
Carte routière de l'Arrondisse oient du Havre, publiée par le
Service vicinal, au 80.000*'. Paris^ 1858, 1 feuille eu noir.
Plan de la Ville de Bordeaux, au 20.000", revu et corrigé en
1857.
Plan du Port et de la Ville de Brest, au 4.000*, avec une légende
historique. Brest, 1855.
Carte-guide du voyageur à Fontainebleau, visite du palais et
de la forêt. Fontainebleau, 1854, 1 carte au 25.000*.
Plan topographique de l'agglomération lyonnaise, au 10.000*,
Lyon, 1858, 1 feuille en couleurs.
Plan de Nimes ai^ 10 000*. 1880, 1 feuille en couleurs.
Plan de la Ville de Toulon et de ses environs, 1 feuille en
couleurs.
Mapa de los caminos reaies y transversales de Espana y
de Portugal. 1 feuille en couleurs. 1867.
Ccute des Etats de l'Italie, avec les régions circonvoisines. Paris^
1859, 1 feuille en couleurs.
Carte routière de la Suisse, diaprés Relier. 1851, I feuille en
couleurs.
Carte physique et politique de TEurope centrale, comprenant
l'Allemagne, rÂutriche, la Prusse et une partie des Btats lîmi-
trophos, indiquant les chemins de fer, les routes et les canaux, au
958.000*. Paris, 1866. 1 feuille en couleurs.
Qarte générale de TAllemagnei comprenant l'ensemble des Etati
de r£<arope centrale. Parlé, 18d8, 1 feuille en couleurs.
27(l OUVRAGES, CARTKS ET PLANS OFFERTS A LA SOCIÉTÉ
Carte do la Navigation intérieure de l' Allemagne, de la
Suisse et de Hauto-Icsdie. 18()0, 1 feuille en couleurs.
Carte administrative et coinm3rciale de la Belgique,
Bruxelles, 1857, i feuille eu c jiileuru.
Plan of London and 'Westminster with the Borough o£ South-
wark. Londres, 1833, 1 feuille en couleurs.
Crosses New plan of London. Londres, 18<3i, I feuille en couleurs.
London and its environs, Londres, 185i, 1 feuille en couleurs.
Map ol India, from the inost récent authorities. Londres, 18()9,
l feuille en couleurs.
Uap of India, exibiug its présent i)olitical divisions, with a supplé-
ment coutaining ihe Birman Empire. Londres, 18tî'), 1 feuille en
couleurs.
Map of the United States of America, the Brilish Pi(;Finc&<,
Mexico, the West Indies and Central America, with part of Netr
Grenada and Venezuela. New- York, 18ô5, 1 feuille en couleurs.
BIBLIOGRAPHIE
Dictionnaire - manuel- illustré de Géographie,
par Albkht Demangeon (Bibliothèque des Dictiormaircs-
Manueh illiistres. Libnûrie Armand Colin, rue de Mé-
zières, 5, Paris). Un volume in-18 jésus de 860 pafjea,
relié toile, Ir. rouges. 6 fr.
Ce livre, vraiuient original, d'une science fûre et au courant des
acquisitions les plus récentes, est cependant d'une lecture aisée : il
est indispensable à quiconque veut ( onnaître la « Terre et rHouimé ».
— M. Deinangcon, chargé de Cours à T Université de Lille, s'est
adjoint comme collaborateurs des géologues cl des géographes d'une
compétence éprouvée.
L'originalité du livre est de donner, outre la nomenclature des
noms de îievx que doit donner tout dictionnaire de géographie, un
clioix de noms de choses, du délinitions, de renseignements relatifs
aux différentes branches de la géographie.
(>n trouvera dans ce livre les notions élémentaires et lesdôfiuitions
►impies dont Pintelligencé devient indispensable à tout esprit cultive.
Ces notions et ces délinitions concernent aussi bien la géographie natu-
reUe que la géographie économique et Immaîne, que rijist(>iro d<' la
géographie ; l'atmosphère ; les mers : lu relief d-js continents ; hi
géologie, les roches ; k végétation ; les animaux domestiques ; les
peuples et les races ; les populations ; les cultures ; les industries ; le
commerce : les géographes ; les explorateurs ; la cartogi-aphie.
C'est une véritable encyclopédie géographifiiic, et il n'en a point
encore été publié, à un prix aussi modique, H'augs! complMe et d'aussi
riche en renseignements d'une réelle valeur scientifique et pratique.
L'ouvrage contient 8G0 pages et cet illut^tré de cartes et de nom-
breuses figures.
278 BIBLIOGRAPHIE
QDESTIOl DEOMÂTIQIS ET COLONIALES
Revue de politique extérieure
Paraissant Je i"^^ et le 16 de chaque mois.
ABONNEMENT ANNUEL : 15 fr.
T{édacUon et Jfdministtahon : 19, Rue Cassette, Paris
Sommaire nr X* 252.
Asmxf. (jiAiMEix. Le nwuvniicnt catholique et le décret du Saint-Offia.
Bknk Henhy. la Hongrie, ht Croatie et les nationaUfès,
P. CiJEMiN DiroNihS. l.e cvwtnercc des fo/oin>^ françaises en Ï9(M?.
Chroniques de la quinzaine. — Les ap'aires du Maroi'. — Uenseignematt
politiques. — lienseignewents économiques. — dominations officieilts. -
Biblitujraphie. - Livres et litwues. |
Cartes et gravures. Hongrie. Carte physique et carte des nationalités. i
COiTÊ DE L'ASIE FRANÇAISE
19, rue Cassette, Paris
Sommaire du Bulletin de Juillet 1ÎK)7 :
L'Abdication de Tempereur de eorée. par R. C.
Le Régime représentatif au Tonit in. par Edouard Pagen.
Accords asiatiques.
Asie Française t La prise de. jtossessivn des provinces sifiwoises — '^'"J^
tion fintincière de V Indo-Chine. - Insuffisance du numéraire argfni f*
Cochiiu'hine. — Main-duruvrc javanaise au Tonkin.
Chine i I^es étrangers et les chemins de fer. — Mouvement contre lop''^'^^
— Douanes impériales à Dalinj. — Ktats-Vnis et Cindemnitè chinont'
Mouveniriits insurrectinnuels — Impurtatittn du blé.
Japon I Les relations avec les Hiats-rnis - Métallurgie américaine et Jtjf^^
— \aviyation japonaise — In cntfirunt japonais pour les chemins tie jet
Miindchouric. — Commerce étranger au Japon.
Asie russe t le dédoulUnicnt du Iransf^ibéricn. - Chemin de f^^''?[
chinois. — Société comnurcialc russo-japonaise.^ Communications pO^[^
en Sibérie. -- Le naphtc. — Hichvs^ie du sol en Mandclunirie. — Irrig^"'*
au Turkcsian.
Turquie: Le nouveau goiivirncur du Liban. — SHv.aiinn en Ariufnf "
Le Sultan et l \cmcn .
Perse : L'action allemande. - Situation intérieure.
Usie anglaise : Commerce de l'Inde en iy(Mi-iyt)7. — Commerce de Hoot
koug eu UMJ't .
Laos siamois Vidlée </«■ /// s,- Moun : le monlhon Sakhm Facini^ *•
(Korat) et le monthou han Oui oui, par I uiiet de la Jrnquitre.
Nominations officielles. Bibliographie.
Cartes t Laos siamois. Croquis etntujraphique du Laos.
Envoi sur dciiuinde d'un iiuiiu'id ^picinicn gintu't.
Dnwap rep i la Blottipe le la SoW
Voyage en France, 47« série. Région parisienne ; VI, Ouest:
l'Yveline et le Mantois, par Ardouin-Dumazet. Paris, 1907, l vol.
in- 12, avec !%*> cartes ou croquis.
De la Loire aux Pyrénées, itinéraire général de la France, par
Paul JoANNE. Paris, 1904, 1 vol. in- 16, avec 56 cartes et 23 plans.
Les Falaises de la Manche, pnr Jules Girard, membre de la
Société de Géographie. Paris, 1907, 1 vol. in-4, orné de nombreuses
gravures.
Le Port de Rotterdam, par H. A. van Yssklsteyn, ingénieur,
sous-directeur des travaux de la ville de Rt>tterdain, 2* édition. Rot-
terdam, 1904, 1 vol in-4, accompagné de 55 gravures dans le texte
et 8 planches en noir et f n couleur hors texte, (Dou de M. le Prési-
dent de la Chambre de conimerce de Rotterdam.)
Prague 'Les Villes d'Art célèbres), par Louis L^ger, membre do
l'institut. Parie, 1907, 1 vol. in-4, illustré de 111 gravures.
Palerme et Syracuse (Los Villes d'Art célèbres), j)nr Ch. Dieht,,
correspondant de l'Institut. Paris, 1907, 1 vol. in 4, orné de 129
gravures.
Londres et la Vie à Londres (Les Capitales modernes), par F. de
BKRNBARin'. paris, 1907, 1 vol. in-8, illustré de 109 photogra-
phies.
Berlin comme je l'ai vu, texte et dessins par Ch. Huard. Paris,
1907, 1 vol. in-8, orné de 115 illustrations hors texte et dans le
texte.
La Bulgarie d'hier et de demain, par L. de Laukay. Paris,
1907, 1 vol. in 16, contenant 26 illustrations d'après les photogra-
phies de l'auteur et une carte.
La Russie agricole devant la crise agraire, pnr Alexis Ykr-
MELOFF, membre du Conseil de l'Empire, ancien ministre de l'Agri-
culture et des Doin aines de Russie. Paris, 1907, 1 vol. in- 16.
L'Allemagne moderne, son évolution, par Henri Lkiitenrkr-
GER, maître de conférences à la Sorbonne. Paris, 1C07, 1 vol. in-12.
Le Guatemala économique, parCh. H. SiEruAN, consul de Gua-
temala à Paris, renseignements pratiques et utiles à l'usage des
industriels, tran.'^porteurs, capitalistes, employés, banquiers, com-
merçants, agriculieurs, travailleurs, etc. Paris, 1907, 1 vol. in- 18.
Notice historique sur la Guyane Française, publiée à Tocca-
siou de l'Exposition coloniale do Marnoille (mai-nov. 1906), par
Henri IîichaRd, président honoraire de la Chambre d'agriculture de
Cayenne. Paris, 1906, 1 bioch.in-8, 16 pp. (Dou de M le Ccmmis-
saire de l'Exposition coloniale de Marseille. )
280 OUVRAGES REÇUS A LA SOCIÉTÉ
Costa-tlica. Excursion por Araerica, par Jo^é de Seoarra et Joaqnin
Jlm.ia. San-J(»Hé de Costa liicn, lî'07, 1 vol. in-16, avec gravure».
(Don de M. Edin. R'ioul-Duva^)
Dictionnaire -Manuel illustré de Géographie, par Albert De-
MANOEON ll^;l)lio:h>(jiie dt^s rHctiônnaireH-niamiels iilu8trési Pari?»
19U7, 1 V(>1. in-lH Jésus, ^^^.0 pp. avec caries et figures. (Don de
M. Armaid Colin, éditeur )
Les principales puissances du Monde, par P. Camena d'Aï.-
MEJDA, proffKeeur de p'o^raplne à 1 UuiverKité de Bordeaux (cours
de géographie à 1 usage de l'enBu^neuieut Fecondairei. Paris, 1107.
1 vol. iri-lH.
Atlas universel de Géographie moderne, par Richard ANOhÉK
6® édition revue tt angrijenti-e. Edition jnhilaire par A. S(X>BEL,
Leipzi*(, 1ÎU)7, I vd. in-folio coutenant 13y cartes générales et
161 cartes de dttail iinprinj(V8 en couleurs. Texte des carteia en alle-
luaud, avec lubie des matières, abiéviations et explibation des luiiiis
géo^raphi<]ue8 en fran^'aia et un index alphabétique complet des
noms.
Atlas universel de Géographie, îiarVivircx î>k SAiNT-MARTiKet
F. ScuRAiiKu. n" 51, At*ie en 10 feuilles au 5.000.000* : feuille vi,
Perse, Afghanistan.
Carte de France au 200.000^ publiée par le Service géogra-
phique de l'Armée, ptavure Bur zinc en 6 couleuis, avec couibef^
de nive.iu relevée^ au crayon litho^iraphique :
Feuille 5 bis, Aix-la-Chapelle ;
» b ter, Coblentz ;
* 1 1 bis, Mayence ;
» 19, Saverue ;
V 28, Strasbourg.
Carte touiiste de France au 400.000«,en 1 o fouilles en CDiiJenr?,
dressée avec le coneoiirs «lu TurijiNu-CiA H DE I'hance :
Li.'uille ), ('ii«*rboiirg ; f uille '2, Lille ; feudie 3, Bruxelles;
)' 4. Kennes ; » 5. Paiis ; » ô. Nancy :
» 1 1 , Clermout ; » 14, Toulouse ; » 15, Marseille.
Carte du Maroc au 500.000», en 10 feuille**, publiée par le Ser-
vie»' géo^raplii«|iie de rAnnée, héliogravure sur zinc en 3 couleurs,
terraiu en courbes fi«^ur,ilive8 :
Feuille 1, Tanner ; f'.ui.'le 4, Fez.
Catalogue des cm j les, plans et iiutres ouvrages publiés par le Ser-
vice géogr.jphique «le rAnnée. 1" j invier 1907. Paris, 1907, 1 brocb.
in -H, H'.i pp. avec PJ tableaux d ussemhl.ige di'H principales cartes
du Catalogue.
Carte topographique du Grand-Duché du Luxembourg,
uu 50.000'*, levée et publiée par .1. H anskn :
Feuille 11, Luxembourg, en oouleurs ;
» 14, Bettembourg, en noir.
HAVRE
AU SIÈGE DC LA SOCtf>T(>
lai, RDB ne r*pia, 19)
SOMMAIRE
Aventures des Marins Dieppoîs, par M Alfred Mot*mn'
Un Voyage au Congo français (fin), par It? K. P. IIi%nki Tîiii'.L-
La Race néo-latine et TAlgërie en 1907 (fin), par A. M5 PoUVy.'
VII.I.E
Rapport sur le Congrès de Dunkerque, 1906, I, par M. L. GriTT<
Bibliographie
Ouvrages reçus à la Bibliothèque de la Société
Table des matières des années 1906-1907
RÉUNIONS
Les Réunions du Comité ont lieu le 4'"" mercredi de chaque
excepte pendant les mois d'août et septembre.
Tous les membres de la Société peuvent y assister.
BIBLIOTHEQUE
La Bibliothèque
excepté les dimanci
de 8 h. I ''2 à 10 1
ouverte tous les fi
:mi-fériés, de 6 h. 1 .a à ;
Toutes les comn
• dressés au Sécréta
les renseignements doivcr
/ o ^1
SOCIÉTÉ V.S4
DE ^«>' 3-^
GÉOGRAPHIE COMMERCIALE
Aventures des Marins Dieppois
Historique des découvertes maritimes, des
exploits militaires, des travaux scientifiques,
des sauvetages dus aux navigateurs de
Dieppe.
Toutes les grandes villes maritimes ont eu leur époque
glorieuse dont elles aiment à se rappeler les fastes.
Tyr, Athènes, Alexandrie, Carthage, furent dans l'anti-
quité des ports de mer considérables, dont les navires por-
taient la pr« spérité sur toutes les côtes du monde méditer-
ranéen. Plus tard, au Moyen ôge, Venise et Gênes prirent
à leur tour le premier rang. Puis ce furent Lisbonne et
Cadix dont les flottes allaient conquérir de nouveaux mon-
des. De nos jours rien n'égale la richesse commerciale des
grands centres comme Londres, Hambourg ou New York.
Et la France, quelle cité prospère peut-elle opposer à ces
reines de l'Océan ? Elle possède aujourd'hui des ports de la
soaÊTé OE GÉOQiUPUiB. — 3- çt 4** Irlmeslrcs t907 W
282 AVENTURES DES MARINS DIEPPOIS
plus grande importance, comme Marseille, Le Havi
Bordeaux. Elle a vu autrefois Jean Bart illustrer Dunk(
Surcouf immortaliser Saint-Môlo.
Une ville d'une renommée moins populaire,méritea
et peut-être encore davantage qu'on connaisse et
admire sa destinée. C'est Dieppe,notre port de la c6t(
mande, dont l'histoire à travers les siècles va nous
raître émaillée d'aventures de toutes sortes, héroîqu
surprenantes, touchantes ou grandioses, qui, par
variété, intéresseront de plus en plus le lecteur.
AVENTURES DES MARINS DIEPPOIS 283
I. LES ORIGINES DE LA VILLE.
Avant-propos. Fondation de Dieppe. Premiers périls.
Actuellement Dieppe n'est pas ce qu'on peut appeler une
grande ville. Avec ses vingt et quelques mille habitants
elle ne figure que parmi les cités de second ordre.
Son histoire à travers les siècles p*est que plus curieuse,
car on est étonné d apprendre que les habitants d'une seule
localité aient pu jouer un rôle important d'une manière si
continue.
D'autres ports de mer doivent lëclat de leur histoire à
leur situation géographique qui en a fait des centres com-
merciaux ou militaires considérables. Dieppe, elle, ne doit
sa renommée et sa prospérité qu'au courage personnel de
ses propres habitants, hommes d'action d'une audace témé-
raire et presque toujours heureuse.
Si vous vous rendez, l'été, en villégiature sur la belle
plage de Dieppe, vous ne pensez qu'aux sites admirables et
reposants que vous êtes venus contempler à votre aise. En
voyant l'entrain des pécheurs, la tranquillité régulière du
port, vous ne songez guère que ces gens aux allures vul-
gaires, au visage bronzé, aux habits pauvres, aux mœurs
simples, au parler rude, sont en réalité, lorsque viennent les
moments difficiles, des marins que le monde entier nous
envie, des aventuriers d'une audace stupéfiante, des cœurs
de patriotes héroïques parfois jusqu'au sublime.
C'est grôcc aux vaillants de leur trempe que la marine
française peut se glorifier d'avoir été au-dessus des mari-
nes espagnole, hollcuulaise et même anglaise, la première
du monde.
284 AVENTURES DES MARINS DIEPPOIS
Sans vouloir raconter toute Thistoire maritime de la
France, contentons-nous de parcourir Thistorique de cette
cité dieppoise qui a passé par tant de splendeurs et de
crises. Commençons par dire quelques mots de ses origines.
Au début de l'histoire de France, Dieppe n'existait pas
encore. Lorsque les Normands venus des contrées polaires,
ravagèrent notre pays, et qu'il fallut leur donner, pour les
apaiser, une province où ils s'installèrent en maîtres, c'est
sur les rivages de leur nouveau domaine, à rembouchure
du petit fleuve nommé rArques,qu'il fondèrent en 1080 une
ville à laquelle, dit on, ils donnèrent d'abord le nom de
Bertheville. Peu après, comme la plage était basse (en fla-
mand et en anglais deep), le nom se modifia en celui de
Deep, puis Dieppe.
Dieppe ne joua pas tout d'abord un grand rôle. Les Nor-
mands conquirent l'Angleterre, le sud de l'Italie, mais
Dieppe resta étrangère à ces expéditions guerrières. Ou y
construisit un fort, mais ce fort n'eut pas longue durée. Le
roi d'Angleterre Richard Cœur de Lion y fut en effet as-
siégé par son rival le roi de France Philippe- Auguste.
Richard parvint à se sauver, mais Dieppe fut prise et dé-
truite.
Voilà certes un mauvais commencement. Mais ne crai
gnez rien ! Dieppe ne tarde jamais à se relever de ses ruines.
Des remparts sont construits, lui permettant de résistera
une nouvelle attaque (1).
Jusqu'ici les Dieppois n'ont guère été au^ prises sur mer
qu'avec les tempêtes. Cependant cette habitude de vaincre
le danger,cette énergie à combattre les éléments yont bien-
tôt trouver un autre champ d'action dans les expéditions
guerrières et les voyages de découvertes.
a) Cf. IfniicàteUr dé DUppe, Dicpp«, 1824, In-8.
AVENTURES DES MARINS DIEPPOIS 285
II. LEvS DIEPPOIS DÉCOUVRENT LES COTES
D'AFRIQUE.
Premières découvertes et colonies en Sénégal et en Guinée.
Preuves de ces découvertes. Béthencourt con<iulert les
Canaries. Bracquemont amiral de Gastille. Décadence
des colonies africaines.
Les Portugais regardent comme la plus grande gloire de
leur nation d'avoir, disent-ils, les premiers longé les côtes
alors inconnues de l'Afrique occidentale, doublé le cap
Vert en 146 i et le cap des Palmes vingt ans après.
On sait aujourd'hui d'une manière certaine qu'ils ont été
devancés dans ces premières grandes découvertes par les
Dieppois, non pas de quelques années, mais de plus d'un
siècle I
En 1339, trois navires partirent de Dieppe, s'élancèrent
dans les mers du sud, longèrent les rivages brûlants et
inhospitaliers de l'Afrique, abordèrent en Guinée, et revin-
rent chargés d'or et de marchandises. Cela se passait sous
le règne de Philippe VI de Valois, â une époque où personne
ea Europe ne pensait à la possibilité de fonder des colonies
en territoire sauvage.
En 1364, deux autres navires partent, échangent leurs
produits contre des cuirs, de l'ivoire, de l'ambre gris, de
la poudre d*or, que les indigènes apportent en abondance.
Ils doublent le cap Vert et le cap des Palmes. Sur les côtes
de Guinée ils remarquent deux villages où ils sont reçus
avec des démonstrations d'amitié. Us les nomment l'un
Petit-Dieppe à l'embouchure du Rio-Sestos, l'autre Grand-
Se'ïtre, ou Paris, sur la côte de M iligiiette.
En 1381, trois autres bateaux l La Vierye^ Le Saint»
286 AVENTURES DES MAlllNS DIEPPOIS
Nicolas et V Espér'anceAoublenl le cap des Trois Pointes
traliquent sur la Côte de l'Or, à L:i Mine, ou Elnùna
Enliij en 1383, trois autres vaisseaux dieppois, chargêi'
de matériaux de construction, d'outils, de seaiences, anij
veni a la Gùto de r()i',au c jniptoir à Lu Mino (El Mina),
y laissent, à demeure cette fois, une partie do leurs éqn^
pages. Tous les deux ans un voyag.î mettait en rap|
Dieppe avec La Mine.
Voilà donc une véritable petite colonie fondée, et a
dans un pays absolument ignoré du reste du monde,
dans un temps où aucune puissance, aucune ville eui
péenne ne possédait de colonie hors de l'Europe !
Pendant d'heureuses années, nos rusés Dieppois proft
tèrent seuls de leur découverte car il était de mode elp*
sible à cette époque de tenir caché le lieu de provenanoi
lointaine des produits exotiques, afin d'éviter la conca^
rence.
Tandis que les Génois ou les Vénitiens s'enrichissaieDlà
apporter en Europe les produits de l'Inde, de l'Arabie
du Zanguebar, et pour cela empruntaient le concours dfli
caravanes arabes, les Dieppois faisaient mieux encore. li*
rapportaient les mêmes produits des côtes de Guinée, con-
nues d'eux seuls et bien plus facilemeut à leur port*
directe, lis pouvaient donc vendre la poudre d'or, le point,
les épices, l'ivoire, moins cher que tous leurs concurrents.
C'est de celte époque que date l'industrie particulière*
Dieppe de la sculpture d'ivoire, industrie très lucrali»*
autrefois, et dont elle garde encore aujourd'hui ppesqûah
monopole.
On pourrait être tenté de douter de ces découvertes*
précoces, et les Portugais surtout les ont traitées de fable».
Aujourd'hui tous les historiens qui ont étudié la questii»
considôreat comme certains les faits que nous venons*
raconter.
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ËTABUSSEMENTa blEPPOlS EN GuiS^B
AVENTURKS DES MARINS DIEPPOlâ 280
Les anciens chroniqueurs de Dieppe ont relaté ces expé-
ditions et d'autres chroniqueurs ou historiens les ont eux-
mêmes transcrites en copiant textuellement les premiers. Les
archives de Dieppe devaient contenir des preuves encore
plus probantes, mais eh'es ont été brûlées lors de l'incendie
de Dieppe en 1694. Asseline, Croisé, Guibert, Abreu de
Galindo, le savant portugais Barros, le voyageur arabe
Ibn Kaidoun confirmèrent ces dires.
En plus de ces chroniqueurs, dont Estancelin a synthé-
tisé le travail, nous avons, comme nouveaux arguments,
les récits des voyageurs qui ont visité la Guinée plus tard,
alors que les établissements dieppois étaient abandonnés.
Parmi eux, le savant voyageur hollandais Dapper avoue
que les indigènes Taccueillaient en lui criant: (( Malaguette!
Malaguette tout plein à terre ! » Or, tous ces mots sont
français et malaguette est un vieux mot français qui signi-
fiait poivre. On donne môme encore à cette côte indifférem-
ment le nom de côte du Poivre ou de côte de Malaguette.
Cela montre bien que les Français passèrent et commer-
cèrent autrefois dans ces régions. Dapper a vu, gravés sur
une batterie de La Mine, qu'on appelait encore la batterie
française, les deux premiers chiffres d'une date 1300 dont
les deux derniers étaient effacés ; or, les Portugais n'arri-
vèrent-là qu'après 1400. Il a vu les armes de France dans
la chapelle du fort de La Mine.
Le capitaine français d'Elbée les a reconnues un peu plus
lardi dans un château (1671). Villaut de Bellefonds, dans
son voyage aux côtes de Guinée, donnaencore plus de poids
à ces preuves multiples.
Une autre série de preuves se trouve sur les cartes por-
tugaises du xvi® siècle et hollandaises du xvii^ Les noms
des villages ci-dessus, ainsi que celui de la Baie de France,
sont inscrits en français: Petit-Dieppe, Grand-Sestre, Petit-
2îiO AVKNTtHES DES MAHINS DIEPPOIS
Sestre, etc., alors que ceux des autres localités sont portu-
gaises (1).
Plus près de nos jours, au xvir' siècle, les indigènes
jouaient sur leur tambour une vieille marche française
qu'ils avaient retenue depuis ce temps (2) !
On parlait déjà vaguement, en Europe, d'un archipel peu
fréquenté situé à Touest des côtes d'Afrique. Très vaste,
bien situé, fertile, populeux, il avait été surnommé par les
anciens l'archipel des îles Fortunées. Les Numides, les
l'hocéens, les Carthaginois, les Arabes, le Génois Malocello
(1291), les Portugais y avaient abordé, dit-on, sans songer
à s'en rendre maîtres à cause de leur éloignement. Ils
avaient remarqué un peuple de race particulière, dont les
mœurs se rapprochaient de certaines coutumes asiati-
ques (3;.
Un gentilhomme dieppois, Jean de Béthencourt, qui
possédait un château aux environs de la ville, résolut de se
tailler un royaume dans ces îles lointaines, de convertir au
christianisme les habitants et d'éveiller leur activité com-
merciale.
Jean de Béthencourt équipa à ses frais une flotte, prenant
ses concitoyens comme matelots, se rendit à La Rochelld
puis à Cadix en Kspagne, et en 1402, il débarqua dans une
lie des Fortunées qu'on appela depuis archipel des Canaries.
Lancerote, où il aborda avec son équipage, bien qu'aussi
étendue que l'île de Rhodes, n'était cependant que la qua-
trième en grandeur de l'archipel qu'il se proposait de sou-
mettre.
Il vit là un peuple sauvage» les Guanches qui, par quel*
ques rudiments de civilisation et par leur soin d*embaunier
(1) Cf. Hue. Noé PttUti ColonUi. Paris, 1884.
(2) De ^rohaU, cf. ViUaut de BeUOoocU et Barbot dAUa VSUfoirt dfi t^féotf ii
l'abbé a-éfsott, tome UI, In-i, Fari«, 17i7.
^1) Ânuê <i0 Qéographiê d9 18M.
AVEXTL'RËS DES MARINS DIKPPOIS 291
les morls, semblaient provenirde quelque colonie africaine.
Les Guanches, à l'approche des navires se sauvèrent dans
les montagnes et laissèrent les Français débarquer.
Malheureusement Bétliencourt revint en Espagne pour
y chercher des provisions, des renforts, et pour placer les
îles sous la suzeraineté du roi de Gastille. Pendant son
absence, ses lieutenants se brouillèrent entre eux, maltrai-
tèrent la population et compromirent la conquête (1).
A son retour, Bétliencourt convertit au catholicisme
Maxorata, roi de l'île de Fornatura, conquit celles de
Pdliiia, de llierro. Enfin, malgré bien des vicissitudes et
des luttes sanglantes, il en arriva à se faire tellement appré-
cier par les indigènes que ceux-ci ne voulurent pas le laisser
rétourner en France et s'accrochèrent à son navire en
pleuran^t.
Il revint cependant dans son château, laissant sa sei-
gneurie et royaume à son neveu Maciot, et la domination
spirituelle à Tévéque Albert des Maisons qu'il avait prié le
pape d'y envoyer.
Il mourut en 1425 (2).
Nous venons de voir les Dieppois en relation avec la
Gastille. Les deux flottes étaient depuis longtemps en rap-
ports amicaux. Ainsi, en 1386, un Dieppois, Bracquemont,
était parvenu au titre d'amiral de Gastille*
Notons aussi que ces îles Canaries colonisées par Béthen-
court, virent relâcher chez elles, en li92, la floltille castil-
lane de Christophe Colomb qui partit de là pour découvrir
rAmérique.
Nous verrons plus tard, De GhAstre jouer un rôle glo-
rieux dans Tarchipel voisin, celui des Açores*
Les guerres continuelles qui ensanglantèrent la France
»fc III ■! . — . ■ I I II .
(1) Cf. Butoirs de îaprtmière découtertt des CanarUs, Boatier, Ptais, 1630, dans If
tfaUé d« Saifigation de Berceront
(s; Oti la B/99m dé OiofraphU de 1886, et Hœfor^ VUnicen : ZI« dt r^frlqae<
292 AVKNniu.s des makins dieppois
au xiV s'n''cle, les liillos ci viK's qui divis^^enl noire pays,
appauvrirent tellomont les plus riches cités commerçantes
que Dieppe, elle-même, préoccupée de sa propre défense,
délaissa de plus en plus ses comptoirs africains. Lorsqaeli
paix rétablit le calme, il était trop tard pjur renouer les
anciennes relations. Un autre pays avait déjà pris notre
place.
N'ayant plus d'ennemis à combattre, les Portugais, bien
situés en plein océan, songèrent à leur tour à se créer un
empire. Ils s'établirent d'abord sur tous les rivages de
TAfrique, puis nu Brésil, dans l'Inde et jusqu'en Océanie.
lis ne se firent pas faute d(î combattre énergiquementles
armateurs dieppois (|ui avaient persévéré dans leurs entre-
prises, pour les forcer i\ abandonner ce commerce lucralK.
En 1486, ils altatiuenl un vaisseau dieppois à Accraell*
coulent. En li91, ils en coulent un autre aucapCorse,
toujours en temps de paix, mais les mœurs de l'époqM
toléraient ces actes de brigandage.
Les Portugais, puis les Hollandais devenus les miitre*
des cotes d'Afriijue, ne tardèrent pas à se faire maudire des
indigènes, pour lesijuels ils se montraient très cruels.
Aussi, plus tard, lorsque les nègres virent revenir les Fran*
çais,ils semblèrent se rappeler les anciennes traditions, caf
ils les accueillirent coinine des libérateurs (1).
On cite, par exeni[)le, ce fait qui met en évidence lei'
manière de procé.ler. Pour prendre La Mine, qui n'élail
qu'un simple entrepôt commercial, les Portugais persQS-
dèrent aux indigèmvs <jiie les Dieppois les exploitaient et
qu'eux leur donneraiu:it les mêmes marchandises à plu*
bas prix. Les sauvages, avec leur esprit naïf et versati'f-
prirent donc fait (ît c lu^o p.)ur les nouveaux venus ; ilsî^*
aidèrent à prendre L« Mine, et à massacrer les Dieppois-
(l) CL Ua'fcr, l'C'nivtrs, tJuiiKci
AVENTURES DES MARINS DIEPPOIS 293
Une fois maîtres de la ville, les Portugais la fortifièrent. De
* église ils firent une citadille, des magasins une caserne et
naturellement, ils profitèrent de la force de leur position
pour maltraiter les nègres, les accabler d'impôts et les
vendre en esclavage- Il n'y a donc rien d'étonnant à ce que
des vieillards centenaires regrettassent encore à haute
voix, devant l'explorateur Braven, en 1617, l'époque heu-
reuse où les Dieppois vivaient en bons camarades avec leurs
ancêtres (1).
La colonisation dieppoise ea Guinée porta ses fruits,
malgré tous ces revers. En effet, Richelieu, toujours atten
tif à l'extension de notre commerce, donna à trois compa-
gnies, dont une dieppoise, le privilège du commerce sur les
entes d'Afrique, et s'y fit admettre comme membre associé
(1635).
La compagnie exploita la région, mais, mal dirigée par
la suite, craignant de mauvaises affaires, elle vendit ses
privilèges à la compagnie des Indes Occidentales, la même
année que la société dieppoise de Madagascar vendit ses
droits à la compagnie des Indes Orientales (IGGi). Les éta-
blissements français, grôce à l'habile administration d'An-
dré Brue, prospérèrent alors, principalement au Sénégal,
jusqu'à ce que ces droits de premiers occupants aient donné
aux Français le prétexte de conquérir la Sénégambie, le
Dahomey, le Fouta-Djallon, l'Assinie qui forment actuelle-
ment les débouchés d'une immense colonie ouest-africaine.
.1 Cf. Tluodore lie Ury, CoUcctùm de /'c/iYi Voiutfjts, jippciulice.
:£4 A^XVTVBEâ DES MARINS DlEPPOlS
III. LES DIEPrOîs PENDANT LA GUERRE DE
CENT ANS.
Débats marîtiines de la guerre de Cent ans. DéUTraiice de
La Rochelle. Prise et délîTrance de Dieppe,
La rivalité entre TADgleterre et la France dont nous
avons vu pâtir Dieipe, se réveilla plus ardente que jamais
au début de cette Iwlte néfaste qu'on a flétri sous le nom de
gu'^rre de Cent ans.
Cette guerre eau s^»^. comme on le sait, par les prétentions
du roi d'Angleterre 'l'iiéril^r du trône de France, fut loin de
commencer par le désastre de Crécy. Les Anglais, ayant
réuni une flotte déjà puissante,vinrent incendier Boulogne.
En représailles une flotte française alla piller Southampton,
et rapporta un riche butin à Dieppe (1339).
Il est vrai que pendant que les Fr3nçais étaient occupés
sur les côtes des Anglais, ceux-ci en profilèrent pour incen-
dier une partie de Dieppe et ne furent repoussés que par
une vigoureuse sortie.
L*année suivante eut lieu la première grande bataille
navale qu*nit livrée notre pays. La flotte française fut atta-
quée à l'Ecluse, près des côtes de Flandre par une flotte
anglaise bien supérieure en nombre, mieux placée et mieux
commandée. Notre marine y fut presque entièrement
anéantie.0r,d'apr6s d'anciens documents, on voit que Dieppe
avait à elle seule fourni plus du dixième du contingent :
28 bûtiments portant chacun une moyenne de cent hommes.
Un seul p(jrt en uvait fourni davantage : celui de Leure,
aujourd'hui disparu. Ce fait montre éloquemment la grande
importance qu'avait Dieppe relativement aux autres ports
AVENTURES DES MARINS DlEPPOIS 295
de mer, à celte époque, bien qu'elle n'en soit encore qu'au
début de sa période glorieuse.
Les Dieppois durant le combat montrèrent l'exemple
d'un courage désespéré. Le soir, le bâtiment dieppois Le
Jacques resta seul à continuer la lutte et à résister à cinq
bâtiments anglais. Quand les ennemis s'en rendirent maî-
tres et y pénétrèrent, Le Jacques ne possédait plus un seul
défenseur survivant à son bord !
Lors^îue Charles V entreprit de chasser les Anglais et y
réussit un instant, il fît appel au dévouement des Dieppois.
Ceux-ci ne se firent pas faute d'entreprendre une expédi
lion contre leurs ennemis naturels, car l'État n'avait pas
encore de flotte présentable. En 1370, une flotte part de leur
port, traverse la Manche et brûle le port de Portsmouth.
Puis, apprenant que La Rochelle est bloquée par une flotte
anglaise, elle se dirige de ce côté et délivre la ville (1371).
Sans négliger, comme l'on voit, ses devoirs patriotiques,
à une époque où chaque localité ne songeait guère qu'à sa
propre défense, Dieppe travaille en môme temps à s'enri-
chir par le commerce et elle y réussit au-delà de ses espé-
rances .
Une période de revers survint ensuite. Dieppe eut
fort à souffrir de la guerre de Cent ans ; les Anglais se
vengaient sur une ville à leur portée et peu fortifiée, des
échecs qu'ils éprouvaient parfois. Ils s'en emparèrent en
1420 et en restèrent quinze années les maîtres, après les-
quelles une révolte les en chassa.
Les Anglais rassemblent aussitôt une forte armée et la
confient à Talbot, pour reprendre la ville. Celle-ci résiste
héroïquement mais elle va succomber lorsqu'un secours
imprévu vient la délivrer. Le fils de Charles VI ï, le dau-
phin Louis, demande à son père de faire ses premières
armes en défendant Dieppe. Il accourt avec une forte armée,
et comme ses généraux hésitant à attaquer la bastille
296 AVENTURES DES MARINS DIEPP0I8
occupée par les Anglais, il prend lui-même une échelle,
pose, et monte seul à Tassaut. L'armée, entraînée par
exemple, escalade la muraille ; le fort est pris et les Angli
doivent se rendre ou s'esquiver en toute hôte (1442).
L'année suivante on comprit la nécessité de fortifier am
position si importante, on construisit un nouveau châleai'
fort, qui existe encore h l'ouest de la vil le. Trois batteries 11
canons, des mortiers disposés sur les remparts et lesjetéfli
firent de la ville une véritable place forte (1).
(1) Ciuérin, flùloin- nuin'fimf' th- In France, V\\v\fi. 1881, in- 18
AVENTURES DES MARINS DIEPPOIS 297
IV. COUSIN DÉCOUVRE L'AMÉRIQUE.
"Voyages de Cousin, Preuves de sa découverte probable.
Nous avons suivi nos hardis navigateurs sur les rivages
de l'Afrique où leur audace précoce se riait d'une naviga-
tion menacée de dangers continuels et imprévus. Quelques-
uns s'écartaient parfois de la côte dans l'espérance de trou-
ver vers l'Ouest un archipel nouveau. La boussole dont ils
se servaient depuis peu leur donnait une assurance dont
ils voulaient profiler.
Il existait alors à Dieppe une école d'hydrographie où un
savant professeur, que l'on reconnaît comme le fondateur
de cette science, Descalier excellent astronome et mathé
maticien, enseignait à des élèves empressés à s'instruire de
ses idées.
Parmi ceux-ci se trouvait un jeune capitaine nommé
Cousin,que nous allons voir appelée faire la plus grande dé-
couvertequ'on puisse signaler dans l'histoire de l'humanité.
Cousin s'était déjà distingué dans une lutte avec les
Anglais. Ceux ci, fiers des progrès de leur marine, s'empa-
raient continuellement des vaisseaux français dans la
Manche et les gardaient prisonniers en pleine paix. Le roi
n'osant pas intervenir, les armateurs dieppois se consul-
tèrent et un beau jour tombèrent sur tous les bâtiments
anglais qu'ils aperçurent. Ils les emmenèrent dans leur
port et ne les rendirent qu'après avoir fait promettre aux
Anglais de respecter dorénavant notre pavillon. Cousin,
dans cette affaire, s'était distingué par la prise d'un vais-
seau ennemi.
IJ entendit avec étonnement Descalier professer que, la
terre étant ronde, il serait possible de retrouver la conti-
20
298 AVENTUBES DES MARINS DIEPPOIS
nent en traversant l'océan Atlantique et en naviguant vers
l'Ouest.
Cousin entreprit donc, sur les conseils de Descalier, de
longer les côtes d'Afrique, puis de naviguer hardiment vers
rOccident.
En 1488,c'est-à-direquatre ans avant Christophe Colomb.
Cousin part de Dieppe avec un gros navire, descend vers
le Sud, puis porté sans doute par le courant équatorial. il
arrive dans une terre absolument inconnue.
C'était l'Amérique, dont plusieurs esprits avancés pré-
voyaient la découverte, l'Amérique à laquelle, plusieurs
siècles auparavant, d'autres Normands avaient déjà touché
vers le Nord par leurs explorations du Groenland.
Le trajet d'un continent à l'autre avait duré deux mois.
Cousin descendit à terre à l'embouchure d'un fleuve, le
Maragnoii d'alors, c'est-à-dire l'Amazone. Il n'avait puère
de vivres lui permettant de s'attarder en terre étran^'êre.
et d'ailleurs son plan était de revenir à Dieppe par l'Afrique.
Après diverses pérégrinations, il se serait vu porter pr
les courants et la tempête, au Sud de l'Afrique, au cap de
Bonne Espérance et, longeant les rives du continent noir,
il serait revenu en France faire le récit de ses étranges
découvertes.
Dans un second voyage il aurait, dit-on, doublé le cap
de Bonne -Espérance (1491) et touché aux Indes.
Cousin aurait fini ses jours dans un Age avancé, profes-
seur d'hydrographie, en remplacement de Prescot. succes-
seur de Descalier. Il aurait eu lui-même comme continua
teurs Guérard et Gaudron.
Ses découvertes furent- d'abord tenues presque secrètes
par raison commerciale, pour éviter la concurrence, ai-
mônie que celles des côtes de Guinée.
Le voyage de Cousin serait un des événements les plus
curieu.x de l'histoire. Lorsque les Génois ont fêlé le
AVENTURES DES MARINS DIfiPPOlS 299
quatrième centenaire de Christophe Colomb, des fêtes ont
eu lieu aussi à Dieppe en Tlionneur de Cousin et de ses
hardis compagnons. Dès le seizième siècle, au moment où
r Espagne tirait vanité de la découverte de TAmérique, les
Dieppois protestaient déjà et affirmaient la priorité de
leurs découvertes (1).
Depuis, de nombreuses discussions se sont élevées à ce
sujet, mais pas aussi nombreuses que Timportance de la
question le mériterait. On se reporte principalement à un
ouvrage intitulé ; Mémoires chronologiques pour servir à
l'histoire de Dieppe et de la navigation française, par
Desmarquets (2). Ce livre a été composé sur des manuscrits
que la Révolution a détruits, et qui étaient eux-mêmes
copiés sur les documents qui existaient dans les archives
de Dieppe, brûlées en 1694. Il est inscrit à la Bibliothèque
nationale (3) et donne dans une introduction les écrits
qui ont servi de base principale à cet important problème
historique, ceux de Guibert, d*Estancelin, de Dablon, de
Gouëe, d'Asselme, etc. (Voir aussi les ouvrages cités à pro-
pos de la Guinée.)
La tradition locale, ces écrits de seconde main mais qui
n'avaient aucune raison sérieuse d'être dénaturés, la possi-
bilité de l'événement puisque le môme fait est arrivé à
Colomb, puis à Cabrai quelques années plus tard, seraient
des arguments presque probants. Il s'en ajoute un autre
digne de remarque.
Cousin a eu comme second, dans son équipage,un étran-
ger nommé Vincent- Yanès Pinçon.Celui-ci se fit remarquer
en route par son insubordination ; il avait voulu faire révol-
ter les matelots. A son retour h Dieppe, Cousin-fit son rap-
11) t>&m Y Histoire *» monde de La Poptnière en 16?2, par exemple.
2' Paria, 1785, 2 Tolumoi in- 12.
3; K- 2882 L 7 K.
300 AVENTURES DBS MARINS DIBPP0I9
port, Pinçon fut destitué par le Conseil de vilU», et il
retira à l'étranger.
Or lorsque, quelques années après, Colomb chercbit:
partout des protecteurs pour équiper une flotte, le sd
appui effectif qu'il trouva fut auprès des trois frères Pinzoï:
de Palos. Ceux-ci, à son appel, lui sacrifièrent leur fortune,
montèrent dans sa flottille, furent les commandants de deux
de ses trois caravelles et, dans les occasions difliciles,étaienl
toujours appelés en conseil, exhortant à se diriger versie
Sud pour retrouver le courant équatorial, preniint sureoï
d'attirmer l'heureux résultat du voyage et se narguant Jes
ordres de (llolonib, qu'ils quittaient et accostaient à leor
gré(l).
Cette coïncidence permet de croire que l'un des frèrts
Pinzon (|ui se nommait précisément aussi Vincent, était
celui qui avait fait le premier voyage, quatre ans aupara-
vant, avec Cousin.
Snns insister davantage sur ces discussions nous retien-
drons dcnc comme très probable la découverte de l'Amé-
rique par les Dieppois, et cet heureux et remarquable évé-
nement n'est qu'un des nonjbreux hauts faits dont nous
allons voir s'enrichir leur histoire.
.1- « f. .Iul.^> V.n:-, /..» ./,<■' iTrr'r ,/# la ffr/f.
AVENTURFS DES MARINS DIEPPOIS 301
V. LA FORTUNE DES ANGO.
Ango efVean III de Portugal. Premier établissement -à
Terre-Neuve. Voyages de Parmentier et de Gronnevillei
Victoire navale de Calais.
A Tépoque de François I*^*", les armateurs dieppois, fai-
sant un commerce très actif dans l'ancien et môme le nou-
veau continent, étaient renommés par toute l'Europe pour
leur richesse et leur puissance.
L*histoire de la célèbre famille Ango est restée typique
Ango s'était enrichi daus le commerce des produits exo-
tiques. C'est ainsi que le capitaine Aubert chargé par lui
d'explorer les côtes de l'Amérique du Nord, découvrit l'île
de Terrre-Neuve.
Son fils, Jean Ango, décupla sa fortune par d'heureuses
expéditions. Il entretenait dans les mers indiennes des flottes
de plus de vingt navires. Il n'était pas prudent, en effet»
de s'aventurer dans ces parages, car les Portugais, jaloux
de notre prospérité, s'emparaient en pleine paix de nos
bâtiments, les pillaient, et massacraient l'équipage.
Ângo résolut d'en finir avec ces insupportables bravades»
Un jour, apprenant la perte d'un de ses vaisseaux, il arme
précipitamment une flotte de dix gros navires, la remplit
de soldats mercenaires, et leur ordonne d'aller bloquer le
port de Lisbonne.
Grand fut l'émoi du roi de Portugal, Jean III, cependant
dans tout l'éclat de sa puissance, lorsqu'il apprend qu'une
flotte ennemie vient bloquer sa propre capitale, incendier
les villages à l'embouchure du Tage,s'emparer des navires
qui tentent de forcer le passage I
Il envoie aussitôt des ambassadeurs au roi de France
302 AVENTURES DES MARINS DIEPPOIS
François l^*, qu*il croyait rinstigateur de cette attaque.po>::
lui demaDder quelles raisons Ty avaient poussé.
François 1^' n'était sans doute pas fâché de voir puni:
les attentats portugais par cette mortification. Il répondit
dit-on, aux envoyés que cette affaire ne le regardait pas t-:
qu'ils eussent à s'entendre avec Ango.
La paix se fit, Ango retira sa flotte à la promesse que le^
Portugais respecteraient désormais les vaisseaux français.
François I*' vint lui-même visiter Dieppe. Ango se char
gea à lui seul des frais énormes causés par cette réception.
Il logea lui-môme le roi dans son ravissant château de boi>
et fut faity en récompense, capitaine-gouverneur de la vjlit
(1532).
Tant de succès enorgueillirent Ango. Il s'était vu, lui
simple bourgeois, imposer la paix à un puissant. monarque,
il avait hébergé son prince et en avait reçu des lettres de
noblesse. Dès ce jour on le vit mener une vie ridiculemeol
fastueuse et arrogante. Il mécontenta tous ses administrés,
ses amis, ses associés, si bien qu'après la mort de Fran
çois I®', ceux-ci s'unirent contre lui et lui intentèrent de
nombreux procès.
Ango perdit ainsi presque toute sa fortune.Le château de
Varengeville qu'il avait fait construire à grands frais fut
vendu. Lui qui avait autrefois prêté de l'argent et des vais-
seaux au roi de France, se vit réduit presque à la misère,
n*osait plus sortir du ch&teau et mourut retiré dans ses
emplois de gouverneur. Il fut enterré dans l'église Saint-
Jacques en 1551.
Nous avons vu le premier Ango envoyer une expédition
dans l'Amérique, récemment découverte par les Dieppois,
auxquels avaient succédé les Espagnols, les Portugais et
les Anglais.
(1) Volf 1« dlMriptlon df ifi 0hAI«tti duu i Friiun, La fUk tt Itpvrt et Di^,
PmIii t9»i«
AVENTUaE3 DES MARINA DIEPPOIS 3 0
11 voulait que la France prît part une des premières à
la colonisation du nouveau continent. Le capitaine Auber*
avait pour mission d'explorer les pays qu'il rencontrerait,
d'y fonder un établissement et de recueillir des* renseigne-
ments sur ses ressources commerciales.
Aubert partit sur La Pensée ayant pour second Varassen.
n arriva dans l'Amérique du Nord, explora Tembouchure
du fleuve Saint-Laurent sur les bords duquel nous allion*
peu après fonder la colonie du Canada et aperçut la grande
lie de Terre-Neuve (1).
Cette île avait été vue quelques années auparavant par
les Anglais avec Sébastien Cabot, mais ceux-ci n'y avaient
pas débarqué. Aubert y descendit, séjourna dans l'île,
recueillit des documents sur ses productions, particulière-
aient dans la partie sud que les Anglais n'avaient pas co*
toyé.Il revint à Dieppe et son rapport fut défavorable à tout
projet d'entreprise commerciale. C'est cependant aujour-
d'hui, le seul point de l'Amérique du Nord oU les Français
possèdent une colonie, et ces comptoirs de Saint- Pierre et
Miquelon sont justement fréquentés surtout par les mate'
lots dieppois qui s'y livrent à la pêche à la morue.
Aubert rapporta de ces pays un sauvage qui fut exhibé à
Paris en 1508,qui passionna la curiosité des Parisiens parce
que ce fut le premier Américain qu'on amena dans cettd
ville.
Un autre navigateur mérite aussi d'attirer notre atten-
tion, c'est Parmentier, qui entreprit ses voyages sous les
auspices d'Ango, avec deux navires prêtés par le riche
armateur et qui, à son retour, lui dédia l'ouvrage où il rend
compte de ses aventures.
Les voyages de Jean Parmeutier sont les premiers que
les Français aient faits daus l'océan Indien. Lors de son
' ■ ' ■ * n ■ ■ ^ Il I I
(i; Of. R9fui '/e gécçraphUf ]B67|
804 AVENTURES DES MARINS DIEPPOIS
second voyage, il partit de Dieppe avec deux vaisseaux,
La Pensée Qi Le Sacre (1527) longea rAfriqae,déoouvritl»
îles solitaires de la Trinité et prit terre à Madagascar.
Les indigènes de l'île, d'abord satisfaits des cadeaux quoi
leur faisait, se fâchèrent subitement sans motif et raass»-'
crèrent trois matelots. Il fallut cependant débarquer devi^
force pour renouveler la provision d'eau douce à unesource
voisine. On leva l'ancre, mais le scorbut se mit dans l'équi-
page et il se passa peu de jours sans qu'on eût à jeter uo
cadavre à la mer.
Après avoir touché rinde,Parmentier aborda à Sumalri,
lut reçu avec les termes d'une vive sympathie par unpoi
et par les indigènes du pays, échangea ses marchandises
pour une grande quantité de poivre, de gingembre, de
cannelle et d'autres épices, loua dans l'île une maison qu'il
fortifia.
Mais Parmentier mourut lui-même de la fièvre. Il avait
49 ans. Son navire qui avait touché la Chine (1528) rentra
à Dieppe, rapportant d'amples provisions, les cahiers du
capitaine et l'indication de roules commerciales où les
Dieppois vont trouver les éléments d'une nouvelle fortune
(1529; (1;.
Ce fut aussi Ango qui défraya le voyage de Pauhnier de
Gonneville qui a touché le Brésil, un peu après Cabrai
(1504), de Denys d'Hontleur qui a visité ce pays deux an*
plus tard alors que Cabrai n'y était resté que le temps de
s'approvisionner (2).
Sous François ^'^ la France dut, comme on le sait, 86
défendre éperdùment contre l'empereur Charles -Quint qui
possédait une grande partie de l'Europe et de rA.nériqaô
et qui prétendait à la monarchie universelle. La lutte S9
(1) Voir 8oa jourual oomplet daas BUnoelin ; Richtre\ei iur la foya/ti fC U» *^
ttrtet det navigateun normand*, Fufia 188S.
(9) Cf. Uiobaad. Bioçrogfhit fénéraU,
AVENTURES DES MARINS DIEPPOIS î^05
prolongea sous Henri 11, fils de François 1^-'", qui demanda
aux Dieppois de faire quelque chose pour la défense de leur
piitrie. Ceux-ci y consentirent à condition que tous les ca-
pitaines de bâtiments seraient Dieppois, condition imposée
par la simple prudence, car les Dieppois comptaient sur la
vaillance et sur 1 expérience des chefs qu'ils avaient vus à
l'œuvre.
Une flotte de dix-neuf petits bâtiments sortit du port et
croisa dans le détroit du Pas-de-Calais où devait passer une
flotte hollandaise de vingt-quatre énormes hourques, plus
fortes et d*un effectif supérieur. Les Hollandais furent tout
étonnés de voir que les embarcations françaises loin de
s'esquiver, s'étaient disposées au combat et fondaient sur
eux h toute vitesse.
Le combat dura toute la journée. Ce fut un des plus achar-
nés, des plus furieux qu'on ait vus sur mer. L'abordage,
l'incendie, la mitraille se confondaient. Le commandant
français d'Kspineville tomba mort l'un des premiers.
Le lendemain, Dieppe vit revenir sa flotte, épuisée, en
loques, ayant perdu la plupart de ses défenseurs, mais com-
plètement victorieuse et ramenant captives cinq grandes
hourques avec plus de quatre cents prisonniers (1555).
Henri II écrivit une lettre chaleureuse de remerciements
aux Dieppois. Quelques mois après cet événement, Charles-
Quint demandait la paix puis abdiquait et démembrait son
empire (1>.
(l) Oaérin. BUtvirt maritime de la France»
306 AVENTURES DES MARINS DIEPP0I8
VI. ETABLISSEMENTS EN AMERIQUE ET A
MADAGASCAR,
Aventures de kibaut en Florlda. Aymar de Ghastre.
Legrand, premier flibustier. D'Ernambuc à Saint-CliriB-
tophe» colonise la Martinique. Prise de la Guadeloupe.
Première colonisation à Madagascar.
La guerre étrangère terminée, le champ resta libre aux
luttes religieuses qui vinrent encore décimer noire pays
déjà si éprouvé. Dieppe fut une des premières cités à se
déclarer pour la réforme religieuse.
Sur le conseil de Coligny, elle tenta de former sur la cùle
d'Amérique, une colonie protestante. Jean deRibaut, natif
de Dieppe, partit de^cette ville en 1562 avec deux navires
et.aborda en Floride.
Le nouvel établissement, privé de secours, de munitions
et de vivres, ne put résister à l'hostilité des indigènes et du
climat. Elle était à la merci de qui voulait Tattaquer. Un
jour, les colons virent apparaître une Hotte espagnole et,
comme on était en paix avec 1 Espagne, ils accueillirent
avec enthousiasme leurs libérateurs, tout en se tenant sur
leurs gardes pour éviter un coup de main.
L'amiral espagnol Mendoza encouragea les Français à
quitter leur fort, disant qu'il ne leur donnerait des appro-
visionnements que s'ils se rendaient sans armes près de
lui. Dès qu'il eut les 800 Français à sa discrétion, ii en fit
égorger une partie et pendit les autres à des arbres, avec
cette inscription: a pendus non comme Français mais comme
hérétiques ». Ribaut fut écorché vif et sa peau fut envoyée
comme trophée à Madrid.
AVENTURES DES iMARINS DIEPPOIS 307
L^ roi le France Charles IX apprit avec satisfaction cette
^nfàme violation du droit desgons. Gei)endant un tel crime
*^e pouvait rester impuni. Une expédition dieppoise n'obtint
ûucun résultat. Ce fut un gentilhomme gascon nommé De
^^ourges qui dépensa toute sa fortune à équiper secrètement
^ï*ois navires, traversa l'océan, assaillit les Espagnols con-
fianls,dans le fort qu'ils venaient d'occuper et les lit pendre
^ leur tour avec cette inscription : « pondus non comme
Espagnols ou catholiques mais comme ccumeurs de mer
et assassins » (1).
Revenu en France, De Gourges, ruiné, dut se cacher
pour échapper aux recherches de Charles IX (2).
Comme les guerres étrangères, les guerres de religion ne
furentpas favorables à la pros^ierité de Dieppe. Sans entrer
dans Thistoire locale et intérieure de la ville nous noterons
que le parti protestant y fut de beaucoup prépondérant,
que Henri IV vint y demeurer, qu'il livra tout près de là le
combat d'Arqués et qu'il y reçut les secours de l'Angleterre.
A ce moment le gouverneur de Dieppe était Aymar
deChastre. Il eut un rôle assez marquant dans l'histoire
maritime.
Lorsque le Portugal fut conquis par l'Espagne, les habi-
tants des îles Açores, sur la côte d'Africjue, reaisèrent de
passer sous la domination espagnole et restèrent fidèles au
Portugal.
Une forte armée espagnole fut envoyée pour soumettre
ces iles.
Les habitants soutenus par une garnison portugaise
s'armèrent pour la défense. Comme nous étions en
guerre avec l'Espagne, Aymar de Chastre vint avec une
troupe dieppoise leur prêter mainfortu. Les Dieppois se
(1; CLHUtoire dt la Souvelle France, par Carlcvolx et Lo^carbot. PnrU| 10l7,iii-lSt
()) Cf. 1/HUtoin notobU de la Floride, LauUoimiére, Paris, 158B. Cf. BM^ifê dt
l§ wmrint dt Gnèrin ou otUt dt Trotuwt.
308 AVENTURES DES MARINS DIEPPOIS
battirent en braves, mais les Portugais ne surent pas 1»
aider, et, devant les forces nombreuses des Espagnols, pcn-
s(3renl à capituler. De Gliastre ne l'entendit pas ainsi el
pour stimuler leur coura^çeil décida (ju'il combaflrailpiulùl
avec ses seules forces que de se rendre.
Les l*ortugais, non seulement seîrenlirent mais,pourse
faire bien venir par leurs vainqueurs, ils s'unirent ensuit»
à eux pour accabler la petite troupe dieppoise,qui fuloW
gée de se rendre (1).
Revenu à Dieppe, Aymar de Gliastre fut nommé vice-r
du Canada français (1602). Il' fit prospérer notre nouTeLf
colonie, y appela ses concitoyens, envoya son lieutenant
Ghamplain fonder la ville de Québec qui acquit une impo^
tance croissante.
Voici donc encore une fois, après Cousin, Aubertel
Gonneville, nos infatigables Dieppois, en rapport avec
l'Amérique.
Nous allons voir que le Nouveau Monde va devenir L*
théâtre de nouveaux exploits non moins extraordinaires.
Vers le début du règne de Louis XIII, de hardis pirates,
la plupart d'origine dieppoise, s'installèrent dans ie?
Antilles et vécurent là de vols et de pillage, saisissant
tous les prétextes pour capturer les vaisseaux chargés d'or
ou de marchandises, et s'enrichir ainsi des dépouilles de
leurs ennemis. Leur audace était telle, qu'au dire de
Voltaire elle aurait suffi, s'ils avaient été unis, à fonder un
grand empire.
Les Espagnols, les Anglais, étaient littéralement terro-
risés par ces flibustiers, ces frères de la Côte comme ils ««
dénommaient. Ne connaissant aucun danger,se jouanldela
mort, ne se plaisant que ^ans les équipées invraisemblables,
ils prenaient à quelques centaines de grandes villes forli*
(1) Cr. H.^-r, f/rn{pert,Mesi\cYAfrinvv..
AVENTtRES DES MARINS DIEPPOIS 309
fiées, des flottes nombreuses, et troublaient rAmérique
entière. Au début la flibuste était légitime, ne s*attaquant
qu'aux Espagnols avec qui nous étions en guerre.
I^ premier en date de ces corsaires fut un nommé Pierre
Legrand. Il réalisa tout son avoir et partit de Dieppe avec
une misérable embarcation de quatre canons et de vingt-
huit hommes. II rencontrj un gros galion espagnol monté
par deux cents hommes avec soixante-quinze canons.
Les Espagnols s'amusent de la rencontre et envoient
quelques boulets au vaisseau flibustier pour lui faire signe
de se rendre. Les Français approchent à toutes voiles.
Déjà les voilà qui montent à i'abordage. Legrand coule son
bateau pour empêcher ses hommes de fuir. Une moitié des
agresseurs saute sur les poudres, menaçant de faire sauter
le navire. Les autres entrent dans la chambre du capitaine
occupé à jouer aux cartes, et, le pistolet sous la gorge, le
somment de se rendre.
Les Espagnols surpris mettent bas les armes. Ils sont
déposes dans une île voisine et Legrand revient à Dieppe
sur son galion, pour finir ses jours dans la riehesse (1).
Un tel exemple ne resta pus stérile. Il se forma dans la
ville sept compagnies différentes de flibuste.
Parmi les Dieppois qui acquirent quelque renom dans
ces combats singuliers citons Dupré, Bontants, Langlois,
Sevault (dit Vera Cruz) et surtout d'Ernambuc.
Vandroques Die! D'Ernanibuc partit de Dieppe avec une
brigantine de huit canons. Arrivé en pleine mer il a d'abord
à se défendre contre un vaisseau espagnol de trente-cinq
canons. Il débarque ensuite à File Saint-Christophe, en fait
une colonie française.
Par un hasard extraoi (linaire,lecapitaineangIaisWerner
débarque en même temps sur la rive opposée de la petite île
(\) Tbooflaet. ffUtoire d^t Cvr»airex,
I
310 AVENTURES DES MARINS DIRPPOîS
et fait le même jour les cérémonies de la prise de possession
au nom de l'Angleterre. Les deux troupes ne lardent pas
à se rencontrer. ElUîs se partagent le terrain à l'amiabie
et se jurent une alliance perpétuelle. Le traité de Ryswick
reconnut quelque tenips après l'île entière aux Anglais.
D'Ernan.buc fut plus heureux en prenant possession de
l'île Saint Vincent et de la Martinique, dont il soumit le3
indigènes et où il fonda le fort de Saint-l*ierre (1635).
Il mourut l'année suivante. A cette occasion Richelieu
écrivit à Louis XIII cjue la France venait de perdre l'un des
hommes les plus utiles de sn m.-u'ine.
A la même épofjue les capitaines Aline et Duplessis,
avec deux vaisseaux dont les équipages étaient exclusive-
ment dieppois, prirent possession de la Guadeloupe, après
une lutte acharnée avec les sauvages caraïbes qui étaient
seuls à l'occuper.
Pendant de nombreuses années, la (( pêche aux Espa-
gnols », comme disniont les flibustiers normands, fut des
plus frucUiieuses.
Mais il vint bientôt se joindre aux premiers corsaires,
des pillards sans aveu, rebut de tous les pays, qui tirent de
de l'île de la Tortue, aux Antilles, un véritable repaire de
bandits. Louis XIV fut obligé d'uspr de diplomatie, puis
d'envoyer plusifHirs oxp^Hli tiens contre eux pour se défaire
de soi disant auxiliaires dont la cruauté la plus cynique
devenait conipromettonte pour l'honneur de l'humanité.
N'y a-l-il pas lieu d'être étonné de voir quelle part pré-
pondérante ont pris les l)it7>pois à la formation de notre
empire colonial sur les points b\s plus éloignés du globe, aa
Sénégal, en Guinée, aux Antilles, au Canada et à Mada-
gascar, A une époque cù ni l'opinion publique ni lesgouver-
ments n(^ pressentaient en^'ore la nécessité et l'importance
des questions coloniales.
Nous avons déj^^ vu Madagascar explorée par Parmentier'
AVENTURES DES MARINS DIVPPOIS 311
Elle le fut aussi par son concitoyen LeTellier qui, en 1619,
reieva les côtes de l'île. Une seconde expédition fut dirigée
par François Gauche, de Dieppe, en 1638. A cette époque
lile était encore divisée en noicbreux états sur lesquels
Tinfluence des Hovas était presque nulle.
Aussi le capitaine Ricault, de Dieppe, songea-t-il à s'éta-
blir résolument sur les côtes de cette île, aux immenses
terres vierges et fertiles, au climat fort supportable, parmi
une population moins cruelle que celle des rivages voisins
du continent africain. Ricault fît part de son projet à Riche-
lieu. Le grand ministre comprit aisément la justesse de ces
vues ; il confia au garde des sceaux Marillac le soin d'ex-
poser le plan d'une colonisation effective devant l'assemblée
des Notables de Paris (1626J. Ricault obtint le monopole
du commerce pour dix années.
Il expédia à Madagascar un simple navire commandé
par le capitaineCaquetoû se trouvaient Pronis elFoucquem-
bourg, agents de la nouvelle Société de l'Orient ; ces deux
derniers débarquèrent dans l'Ile avec douze colons seule-
ment, ne craignant pas de vivre isolés, si loin des secours
de la mère-patrie, à une époque où un tel voyage était à lui
seul une difficulté périlleuse.
La population au milieu de laquelle débarquaient les
nouveaux venus formait le petit royaume de Garcanoffi,
gouverné par le roi Andian Ramach. On y distinguait trois
variétés de race d'origine blanche et quatre variétés de
race noire.
Voici ce que le roi racontait de la manière dont l'île se
peupla autrefois d'une race relativement blanche. Au temps
de Mahomet, vivait en Arabie un autre prophète nommé
Ramini. Cet homme, qui se prétendait envoyé du ciel sur
la terre, se rendit auprès de Mahomet qui le reçut avec
courtoisie. Il devint chef du pays de Mangaroro. A sa mort
312 AVENTURES DES MARINS DIEPPOIS
son fils Rahouround lui succéda et eut à son tour deia|
descendants, Rahadzi et llacoube.
Rahadzi, désireux de voir du pays, réunit ses fîdHei
et fit placer en terre des bananes, recommandautquesi,
au bout de dix ans, on ne le voit pas revenir et quoi
trouve alors les bananes pourries, on prenne comme roi soi
frère Racoube. Dix ans se passèrent sans qu'on reçut di
nouvelles du voyageur ni de la Hotte nombreuse qui raccom-
pagnait. On déterra les bananes qui étaient pourries et Ri-
coube fut proclamé successeur de son frère. Quelques joart
après celte cérémonie, on apprit que le roi Rahadzi venait
de débarquer non loin de Mangaroro. Racoube, étonnée!
effrayé, craignant d'avoir à combattre son frère etd'^
considéré comme un usurpateur, équipa à la bâte untai*"
seau, y monta avec trois cents de ses fidèles et cingla vert
le Sud. Il débarqua à Madagascar,qui était alors gouveniél
par un roi unique, Azonringhets, et épousa sa fille.
A la mort d' Azonringhets, ses fds se partagèrent rile,qo«
bientôt s'elïrita en plusieurs royames.
Vu de ces royaumes, celui de Carcanofli, fut gouverna
par les descendants de Racoube ; les compagnons déco
dernier forn)èrent le noyau de la race blanche sémitiqW
dite des Roandrians qui forma une caste aristocraliqa*-
x\udian Ramach se disait descendant direct de ce légendairt
Racoube (1).
Pronis s'établit donc dans la baie d'Antongil, fondai!
ville de Sninte-Luce, puis celle de Fort-Dauphin, plus ai
Sud. Il s'occupa de nouer de bonnes relations avec le roi
indigène, lui faisant force cadeaux, ce qui niécontenti
beaucoup de ses subordonnés.
Quoi no fut pas son étonnement de rencontrer sur c^tl*
(l) Fl:iojart.///i^o/re Je la granic ilc de Sf-il%ja<car, V^ p.irti? P^rî^, IWI- L ""^ *
OA.
AVENTURES DES MARINS DIBPP0I9 313
terre lointaine sept de ses concitoyens ; c*était ce qui restait
de l'équipage du navire dieppois de Goubert, qui avait coulé
dans ces parages.
Les colons étaient encore peu nombreux pour faire œu-
vre durable. Fort heureusement, un autre nBYÎre^Le Royal,
partit de Dieppe en 1644 et déposa à Fort-Dauphin quatre'
vingt-dix passagers, avec quantité de bœufs et de riz.
Le capitaine L'Ormeil revint en France, rapportant une
ample provision d'ébène, de cuirs, de cire.Foucquembourg,
ie second agent de la compagnie revint avec lui etse dirigea
vers Paris pour rendre compte de ses travaux; il fut assas-
siné en route par un officier qui croyait trouver sur lui des
pierreries venant de l'Orient, mais qui fut pris, peu après
reconnu coupable et condamné à mort.
Pendant ce temps, Pronis, à la tête d'une petite colonie
travailleuse, put installer d'autres comptoirs, fonder trois
nouveaux marchés. Malheureusement il mécontenta déplus
en plus ces auxiliaires, par des avances trop avantageuses
qu'il faisait aux indigènes. Les Français se révoltèrent
ouvertement et mirent leur chef aux fers.
Au bout d'un an d'emprisonnement, Pronis fut enfin
libéré, par l'arrivée du navire Le Saint-Laurent, parti de
Dieppe sous la direction du capitaine Le Bourg. Celui-ci
rétablit Pronis dans ses droits, punit les principaux cou-
pables et débarqua quarante-trois nouveaux colons (1).
Flacourt remplaça quelque temps Pronis comme com-
mandant de Tile et, grôceà une administration énergique,
répondant aux attaques des indigènes par de hardies expé-
ditions à l'intérieur, il conquit trois cents villages à notre
influence et occupa l'île de la Réunion (1652).
Après lui, Pronis revint au pouvoir, plus impopulaire
{]) Cf. Flacourt. 2' partit'.
314 AVENTURES DES MARINS DIEPP0I8
I
que jamais. Les indigènes, profitant de ces désordres
vinrent brrtier Fort-Dauphin et l'influence française lui
menacée (1).
La Socié'o do l'Orient, lasse de ces luttes inféi"ndes,
céda ses droits à In Compagnie des Indes Orientalis, qui.
grâce à la protection de Golbcrt, continua l'œuvi- roni*
mencée (inG4). La même année, l'île de Madagr-.'.tr fut
réunie à la couronne et considérée toute entière comiiie une
colonie française (2).
Ainsi les Dieppois avaient nettement indiqué la voieè
suivre. Ils avaient attiré l'attention de la France sur celte
île admirablement propice à la colonisation et sur i:i«]uelle
notre influence, toujours depuis eux maintenue eu prin-
cipe, est actuellement omnipotente.
il) Cf. riolot. Sfadag<ucar H U% Jlntas, PorU. 1H95.
(ï; et. Lanier. L'Afrif/uf. Paris. 1886.
AVENTURES DES MARINS DIEPP0I8 315
VII. DUQUESNE
Hostilité des Dieppois et des Hollandais. Duquesne.
Batailles de Stromboli et d'Agosta. Bombardement d'Alger
et de Gènes. Incendie de Dieppe.
Nous sommes arrivés au siècle de Louis XIV, célèbre
pour le nombre d'hommes illustres qui s*y révélèrent.
Dieppe va-t-elle, maintenant que ses colonies sont perdues,
perdre toute sa gloire et rester en arrière désormais ?
Nullement, et les hommes remarquables auxquels elle
va donner le jour vont encore être des marins.
Cependant il nous est facile de rappeler en passant les
noms d'autres célébrités de cette époque : tout le monde a
entendu parler du physicien Salomon de Caus qui fut des
premiers à construire une sorte de machine à vapeur. Voici
encore les jurisconsultes Ilouard et Groulard, le grand,
physiologiste Pecquet qui découvrit les vaisseaux lympha-
tiques dont le rôle est primordial dans l'organisme, l'érudit
Le Nourri, le chroniqueur Asseline, Despréaux qui fut
membre de l'Académie des inscriptions et belles-lettres,
Bruzen de la Martinière qui fut un des plus savants géo-
graphes de son temps, etc.
Nous avions plus que jamais besoin, alors, de grands
hommes et de toutes les ressources de la nation pour nous
leni'r au niveau des progrès des autres peuples. Les Anglais
étaient de plus en plus menaçants. Les Hollandais avaient
pris la première place parmi les nations maritimes et
supplantaient partout les Portugais, aussi bien en Afrique
qu'en Océanie.
En conquérant sur les Portugais les îles de la Sonde, les .
Hollandais furent surpris d'y rencontrer des concurrents
816 AVENTURES DES MARINS DIBPPOIS
dans la personne des commerçants dieppois qui veni
journellement y chercher des épices. Ils complotèrent d'
traver ce commerce par un coup de force,bien qu'ils fui
en temps de paix avec la France.
En 1613, trois navires dieppois revenaient des Moluqi
chargés d'épices et de divers produits exotiques.Ilsam^
déjà franchi le cap des Aiguilles et comptaient rentrer
siblement en France lorsqu'ils virent fondre sureuxcii
navires de guerre hollandais, armés de toutes pièces.
Dieppois surpris se défendirent vaillamment. Un de teun
vaisseaux fut brûlé, un autre pris, mais le troisième parvist
à s'échapper et à regagner Dieppe où ii répandit le récit (b
cette inqualifiable agression.
Les Hollandais rendirent leurs prisonniers en averlissai
que même réception serait faite à tout vaisseau françaisquî
voguerait vers l'Océanie.
Les Dieppois indignés, mais ne pouvant lu l ter contre '•
plus forte puissance maritime de l'époque, en appel^reotl
au gouvernement fran(;ais, qui fît la sourde oreille, loolj
occupé des affaires intérieures. Les Dieppois atlendireol
une meilleure occasion et ils vont trouver eux-mêmes leur
vengeur.
En IGIO, il naissait, en effet, à Dieppe, un homme dont!
la célébrité allait dépasser celle de tous ses concitoyens el'
qui allait donner plus d'occupation à nos adversaires^
qu'aucun de ses devanciers. C'était Abraham Duquesne.
Son p^re, ancien pilote devenu chef d'escadre, presstQ-
tant ses heureuses dispositions, lui avait fait donner une
éducation soignée. Duquesne ia perfectionna plus lard
lui-même, car il sentait le prix de la science à une épo^que-
ce|)endontoù les meilleurs marins n'avaient pour eux qu«
la bravoure personnelle et une simple intuition instinctive
des cnoses de la mer. Il fut bientôt réputé comme Thomm*
de mer le plus savant de l'Europe.
AVENTURES DES MARINS DIEPPOIS
31^
A dix-huit ans il commande déjà un bâtiment. A vingt-
sept ans il apprend que son père vient d'être tué dans un
combat contre les Espagnols, et jure de consacrer son
existence à le venger. Sous les ordres du chevalier Paul,
il reçoit trois graves blessures et à trente-sept ans est
nommé chef d'escadre.
Il n'obtenait ce grade que grâce à son njérite personnel.
Malgré les recommandations du grand Colbert qui voyait
en lui Tespérance de notre marine, il fut toujours dédaigné
par Louis XIV parce que son caractère indépendant ne lui
permettait pas de s'abaisser au rôle de courtisan, et que
son protestantisme indignait le roi. Il eut comme supérieurs
des gens qui, loin de le valoir,étaient indignes d'occuper un
poste quelconque, des favoris incapables, parents du roi ou
de ses concubines : Vivonne, un goinfre ; Beaufort, un
étourdi ; d'Ëstrée, un âne. D'Estrée jalousait tellement
Duquesne qu'il ne lui demandait jamais son avis dans les
conseils ou qu'il le traitait publiquement de fou ou de
lâche. C'était ce même d'Estrée, fils de la belle Gabrielle,
qui prenafl plaisir â naviguer de côté et d'autres pour forcer
tous les capitaines de la flotte à le suivre aveuglément sans
daigner les prévenir des changements de direction et qui
un beau jour alla donner ainsi contre des rochers où la
moitié des vaisseaux et de leurs équipages fut à jamais
perdue. Pour le consoler, Louis XIV lui accorda le titre
de vice-roi de la Louisiane,
Cependant le moment allait venir où le mérite et Tintri*
gue allaient se trouver aux prises. Toute l'Europe, indignée
des prétentions ambitieuses de Louis XIV, se coalise contre
lui : Allemagne, Autriche, Espagne, Lorraine, Hollande.
La France est envahie. Turenne et Condé ne sont plus lài
D'Estrée est le commandant suprême de notre marine.
Le grand amiral hollandais Ruyter rassemble une flotte
de vingt vaisseaux et entre dans la Méditerranée pour
318 AVENTURES DES MARINS DIEPPOIS
anéantir notre marine et brûler ensuite nos ports. Ruytur
est renommé comme le plus grand homme de mer de
Tépoque. Il a livré quinze combats aux peuples les plus
puissants et en est toujours sorti vainqueur, acquerrant le
surnom d'invincible.
L'Europe frissonna à l'approche de Ruyter, sentant qu'un
grand événement allait s'accomplir. Colbert pressentit une
catastrophe. Il alla trouver le roi, lui peignit la triste situa-
tion. « Il n'y a qu'un homme qui puisse nous en tirer, dit-il,
c'est Duquesne. »
Après bien des hésitations, le roi donne à Duquesne le
commandement de la flotte, mais sans y attacher le titre
d'amiral qui y était toujours compris. Dès lors un enthou-
siasme indescriptible fait place à la stupeur. L'espérance
renait, de vieux olBciers accourent offrir leur épée à un
chef aussi consommé. La flotte, de vingt navires, sort de
Toulon, prête à un combat suprême.
La rencontre a lieu, le 5 janvier 1676, au nord de la
Sicile, près du rocher de Stromboli. Trois jours entiers, les
deux adversaires s'observent et cherchent une position.
Enfin un vaisseau français perd patience et vole sur l'en-
Demi. Tous les autres le suivent. Valbelle, qui monte
Le Pompeux, s'accoste avec La Concorde de Ruyter, et se
voit cerné, puis criblé de boulets. Duquesne sur Le Saint'-
Esprit, vient le délivrer et se trouve face à face avec son
redoutable adversaire. Les deux vaisseaux tonnent comme
l'orage, se couvrent de boulets, la mort fauche sans relâche
sans qu'aucun veuille renoncer à la lutte. Enfin à la fin du
jour, l'habileté de nos pointeurs l'emporte. L'invincible
Ruyter recule, pour la première fois de sa vie, et sa flulle
disparait au large.
Sur les autres points, le carnage était aussi sanglant :
de Preuilly coule uu vaisseau hollandais ; Tourville,moDlé
sur L^ Spectre, arrête avec son seul b&timent) neuf galèrea
AVENTUREE DKS MARINS DIEPPOIS 319
espagnoles qui voDaient au secours de Ruyter et leur fait
rebrousser chemin.
Le 22 avril suivant, Ruyter, qui brûlait de prendre sa
revanche, se trouva prêt pour un second combat. Il avait
fait ivparer ses vaisseaux et porté sa flotte à trente bôti-
Uients. Duquesne en avait fait autant et les deux rivaux se
rencontrent encore à force égale en vue d'Agosta, à l'est de
la Sicile. Dès qu'il s'aperçoivent ils fondent l'un sur l'autre
©t le combat commence.
L'avant-garde française, attaquée avec furie, est sur le
point de céder. Ruyter se croit déjà vainqueur. Mais
I^uquesne paraît. Il vole droit sur La Concorde de Ruyter
déjà aliaiblie par les assauts d'Almeiras, de Valbelle, de
Tcurvjile et de Preuilly. Après une lutte homérique, tout-à-
^oup, ie silence se fait à bord du vaisseau amiral hollandais
iiéujâlé, troué, il disparait, d'abord lentement, puis à toute
Vitesse, donnant le signal de la retraite. On apprit ensuite
9ue Huyter avait re^u un boulet de canon qui l'avait blessé
■ ^orle ement.Les Hollandais vaincus, la Hutte française se
lrou\î« maîtresse de la Méditerranée.
Luu «^ XIV profita des victoires de Duquesne pour porter
^n coup fatal à la puissance des Algériens.
Aigt:r étaitdepuis des siècles ie repairede véritables ban*
dits qui infestaient les rivages de la Méditerranée de leurs
ï>illage> et de leurs meurtres. Ils naviguaient en corsaires,
prenaiont tous les bôtiments de commerce qu'ils rencon-
traient etemmenaient les passagers captifs dans leur ville .
Ces malheureux étaient astreints sous les coups aux tra-
'^aux les plus rebutants et se mouraient de privations.
Aucune entreprise n'avait pu réussir contre ces pirates :
ï-e puissant empereur Charles-Quint, maître de la moitié
de r Amérique et deTEurope était débarqué lui-môme avec
plus de vingt mille soldats d'élite en Algérie et il avait dtX
gagner ses vaisseaux en toute hAte,
320 AVENTURES DES MARINS DIEPPOIS
Il n'en fut pas (Je même avec Duquesne. Dès qu'il eut
reçu l'ordrede prendre Alger,il bloqua la ville avecsallolte
puis la couvrit de bombes et de boulets, si bien dirigés que
les principaux édifices s'écroulèrent, que l'incendie éclata
dans les autres et que le dey envoya des ambassadeurs
négocier la paix (1683).
Duquesne exigea que les prisonniers chrétiens de toutes
nations fussent relâchés, ce qui fut fait, puis il obligea le
dey à signer un traité par lequel il promettait de respecter
dorénavant tout navire portant le pavillon français.
Ce fait d'armes eut un grand retentissement. Les Barba-
resques apprirent à respecter le prestige de la France et
jusqu'à l'occupation définitive de l'Algérie, les navires et
les citoyens français jouirent.sauf de rares exceptions^d'une
considération particulière.
Tunis et Tripoli, qui étaient aussi fautives qu'Alger
eurent le même sort l'année suivante.
Malheureusement l'orgueil de Louis XIV, enflé perces
succès maritimes et par des victoires éclatantes sur le conti-
nent ne soutïrit plus de bornes.
Une des villes les plus commerçantes du monde, Gènes,
concurrente de nos ports français,excitait la jalousie du roi.
Il prit pour prétexte que les Génois avaient vendu autrefois
des armes aux Algériens et qu'ils étaiept occupés à coqs-
truire quatre vaisseaux destinés à être vendus à ces pirates
pour déclarer la guerre à la petite république génoise.
Duquesne reçut l'ordrede la bombarder. Sous les attaques
de la flotte française s'écroulèrent les palais de marbre et
les somptueux édifices de Gènes la Superbe.
Le doge n'obtint la cessation des hostilités que lorsqu'il
promit de venir à Versailles s'humilier devant le roi. U
constitution lui interdisait cependant de sortir de ses état8
(1684).
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AVENTURES DES MAHINS DIEPPOIS \V2i
On raconte que lorsqu'on demanda au Doge ce qui l'ôton-
nait le plus à Versailles, il répondit malicieusement : «C'est
de m'y voir. »
Duquesne, vieux et fatigué d'une vie si laborieuse, vint
aussi à Versailles peu après, mais il fut reçu froidement par
le roi qui lui tenait rigueur de son caractère indépendant.
AtTaibli et dépité il donna sa démission et se retira dans sa
famille, où il mourut à 78 ans. Il laissait la réputation du
plus habile homme de mer de son siècle.
Les frères cadets de Duquesne marchèrent sur ses traces
et devinrent capitaines de vaisseau. Ses fils aussi furent
d'excellents marins (1).
Cependant l'orgueil du roi alluma une nouvelle coalition.
Les Anglais, animés depuis longtemps contre Dieppe d'une
haine farouche, résolurent de tirer sur elle vengeance du
bombardement de Gênes. Le 12 juillet 1694, l'amiral lord
Berkeley se présente devant la malheureuse cité, si mal
défendue par sa position et qui n'était soutenue par aucune
flotte. Onze cents bombes y furent lancées, qui eurent vite
fait d'incendier toutes les maisons, et de tuer des milliers
de personnes. Les Anglais ne se retirèrent que lorsqu'ils ne
virent plus dans l'ancienne cité des Cousin et des Ango
qu'un monceau de débris et de cendres.
Louis XIV résolut de réparer cette ruine épouvantable.
Il fit tracer par l'ingénieur De Ventabren le plan d'une ville
plus régulière et plus moderne, aux rues larges et droites,
aux maisons de briques et de pierres.
Quelques années après le bombardement, Dieppe s'était
encore une fois relevée de ses ruines et attendait une pros^-
périté nouvelle.
(l) Cf* Pietlonnaire Laronne, ârtldct DaqoMiit.
3â2 AVENTURES DES MARINS DIEPPOIS
VIII. LES SAUVETEURS
De Clieux implante le calé aux Antilles. Héroïsme de
Vauonielain. Les Bouzard gardiens du port. Le Sauve-
teur Lacroix. Commerce. — Conclusions.
Malgré leur ardeur maritime, les Dieppois n'ont jamais
tenu à ce qu'on fit de leur ville un centre commercial
d'une importance officielle. Ils se sont opposés aux travaux
d'aménagement des bassins et se sont presque révoltés
lorsqu^on a voulu défendre leur place par des fortifications
plus modernes. Ils préféraient rester pêcheurs et redou-
taient l'ingérence administrative qui pouvait gêner leur
initiative indépendante et jalouse.
A peine la ville remise du bombardement, le commerce
continua à y prospérer. Cependant, l'industrie de la sculp-
ture sur ivoire, qui avait fort contribué à sa fortune au
Moyen âge, se vit ruinée par la mode des magots importés
de la Chine (1).
Ce fut encore un capitaine dieppois» De Clieux, d'une
ancienne famille anoblie au xvv siècle pour les services
qu'elle avait rendus à la cité, qui eut l'honneur d'implanter
aux Antilles le premier plant de caféier.
De Clieux était gouverneur de la Martinique. Dans un
Voyage en France, il eut l'occasion de demander au direc-
teur du Jardin des Plantes de Paris, Laurent de Jussieu,
trois petits caféiers, arbustes originaires de l'Arabie et dont
les échantillons étaient excessivement rares en Europe.
Il s'embarqua à Dieppe avec ses trois arbres minuscules,
*■ m
(1) et. OiffP*j M envirwi et tti habitanttf par JAim«. FurU. la-felio*
AVENTURES DES MARINS DIEPPOIS 323
et durant la traversée, l'eau potable vint à manquer sur le
navire. Deux arbustes périrent de sécheresse et ie troisième
allait avoir le même sort, lorsque les matelots étonnés
virent leur capitaine partager avec lui sa paît de la pré-
cieuse boisson et arroser tous les jours la jeune plante avec
le peu d'eau qu'on avait réservé pour lui même.
Celte sollicitude touchante no fut pas perdue. L'arbuste
fut planté à la Martinique, grandit, fructiiia, et devint le
père des caféiers de toutes les Antilles (1720).
A la fin du règne de Louis XV, les désastres de la guerre
de Sept Ans donnèrent à Vauquclaiu, autre enfant de
Dieppe, l'occasion de se signaler. De famille obscure, il^ se
voit, tout jeune, par ses mérites évidents, confier une
frégate, malgré la jalousie des marias de naissance qu'une
telle innovation scandalise. Vauquelain part de Dieppe sur
la frégate L'Aréthutte, de trente canons, ce qui était peu
pour l'époque et jure à ses concitoyens de la leur ramener
intacte ou de mourir en la défendant. Il se trouve bloqué
avec l'escadre française dans le port de Pittsbourg, en
«
Amérique. L'escadre ne peut tarder à être prise par la
puissante flotte anglaise qui l'assiège et va se rendre.
Vauquelain obtient de tenter une sortie. Il manœuvre si
adroitement qu'il passe au milieu des Anglais surpris,
gagne la pleine mer, vainement poursuivi, et ramène à
Dieppe sa frégate.
Le hardi corsaire apprend que notre colonie du Canada,
peuplée en grande partie de ses concitoyens, est attaquée
par des forces anglaises de beaucoup supérieures, et que
le roi de France commet la coupable imprudence de ne
pas y envoyer de secours. Il ne laissera pas, lui, cette
vieille colonie nous échapper sans tenter de lui venir en
aide. Il vole avec LAréthuse, sur les rivages menacés^
remonte le cours du Saint-Laurent pour porter secours
aux Français assiégés dans Québec ; mais apprenant la
324 AyENTURES DES MARINS DIEPPOIS
reddition de cette ville, il veut regagner la mer, lorsqu'i
se voit cerné par toute la flotte ennemie. Loin de se rendre,
il se défend en désespéré. Ne pouvant sauver son bâtiment,
il fait descendre ses soldats dans les canots de sauvetage,
met le feu à sa frégate et y attend, seul, la mort. Les
Anglais, admirant son courage, montent sur son vaisseau
enflammé et lui sauvent la vie (1763).
Chargé d'une mission difficile dans l'Inde, il s'en acquitte
avec succès et à son retour en France se voit calomnié par
la jalousie des officiers nobles, envieux de ses exploits, de
sa jeunesse et de sa nomination au grade de lieutenant de
vaisseau. Il fut emprisonné huit mois et n'en sort que pour
tomber assassiné, un soir, sous les coups d'un inconnu.
Avec lui se termine la liste des guerriers remarquables
de Dieppe. Par contre, des héros, plus modestes, obscurs,
mais non moins admirables, vont prolonger les généreuses
traditions de la vieille cité normande.
Après un bombardement inutile des Anglais, en 1803,
Napoléon 1®' fit de vastes projets sur l'aménagement du
port de Dieppe, qu'il laissa à ses successeurs le soin de
mettre à exécution, pour en faire du moins un port de
commerce confortable.
La pêche dans les mers polaires et sur les bancs de
Terre-Neuve, à laquelle se livrèrent avec ardeur les Diep
pois, donna à l'un d'eux, Noël de la Morinière, l'idée
d'étudier cette industrie qui le passionnait. Il fit d'abord
sur les côtes de France, des études hydrographiques,
écrivit de nombreux livres très estimés sur les pèches, leur
histoire, leurs procédés, devint membre correspondant de
TAcadémie des Sciences, inspecteur général des poches
maritimes. Il visita les côtes du Nord de l'Europe pour
86 renseigner sur les lieux mômes et, malgré une maladie
aigud voulut s'embarquer pour la Norvège« Il mourut à
AVENTURES DES MARINS DIEPPOIS 325
Drontheim en 1822, laissant la réputation d'un théoricien
accompli dans son genre spécial d'érudition.
L'existence si pénible et si précaire de ces pécheurs qui,
montés sur de frêles esquifs, s'en vont au loin braver la
tempête pour rapporter une cargaison de poissons abon-
dante, niais peu rémunératrice, méritait bien d'intéresser
de nombreux savants.
Cette vie de dangers communs éveille dans l'àme un
esprit de solidarité et d'abnégation qui se dévoile parfois
par des dévouements sublimes.
C'est ainsi que les sauveteurs de Dieppe ont acquis un
renom de vaillance justement mérité.
Au début du XI x^' siècle, on citait avec admiration la
famille des Bouzard, gardiens depuis près d'un siècle, de
père en fils, do la jetée de TOuest, à l'entrée du port. L'un
d'eux avait sauvé la vie à de nombreux pêcheurs qui
avaient vu leur embarcation se briser près du chenal.
Louis XVI le fit venir à la cour pour le complimenter et
les courtisans l'avaient surnommé « le brave homme » à
cause de son air jovial et simple. Il re(,ul une récompense
du roi.
Son fils fut décoré de la Légion d'honneur par Napo-
léon I®', qui lui fît construire, à l'entrée du port, une mai-
son sur laquelle il fit inscrire : (( Récompense nationale à
J.-A. Bouzard pour ses services maritimes.» Il avait sauvé
onze personnes. Son fils reçut la même décoration (1).
Leurs exploits ont cependant été de beaucoup dépassés
par leur concitoyen, David-Pierre Lacroix.
Lacroix naquit à Dieppe et devint bientôt habile à manier
les plus frêles embarcations. Dès qu'un orage grondait on
le voyait accourir sur la côte, prêt à risquer sa vie pour
sauver celle des naufragés.
(DCf.VItet et Priwrd.
326 AVENTUBE8 DES MAHINS DIEPPOÎB
Le Saint-Charles, de Calais, avec ses six hommes d^équi-
page, Le Saint-Jean, de Boulogne, avec ses quinze, La
Catherine, avec ses quatorze, Le Jean-Marie, avec ses
vingt-cinq, se seraient engloutis si Lacroix ne leur avait
porté, à travers les vagues courroucées, une amarre qui les
ramena au port.
En 18il, le brick anglais Le Ver, est entraîné sur les
brisants à l'ouest de la plage. Lacroix s'élance, sauve les
huit hommes d'équipage, et, la jambe à demi-brisée, revient
à la nage chercher le capitaine. Quelques minutes après le
bateau était mis en pièces.
En 184i, toute une flottille de plus de quarante bâtiments
est amarrée dans le port, prôto à partir pour les pêcheries
de Terre-Neuve. Tout à coup le feu éclate à bord de Tun
d'eux, L'Active, L'équipage se sauve à la hâte. Le feu
menjice d'anéantir toute la flottille. Lacroix arrive, entre,
par un sabord où son corps pouvait à peine passer, dans le
bateau en feu et, à travers les flammes et la fumée, travaille
paisiblement à étouffer l'incendie, préservant des centaines
de personnes de la plus afTnuse misère.
(Déjà en 1G49, semblable désastre était arrivé et un vais-
seau de quatre cents passagers avait brûlé entièrement
dans le port, causant la mort do plus des trois quarts de
ceux qui le montaient.)
La croix de la Légion d'honneur qui fut remise au sau-
veteur devant les troupes en armes, donna à ses conci-
toyens l'occasion de témoigner par leurs chaleureuses
acclamations leur reconnaissance à cet homme de cœur (1;.
Une autre cérémonie restera gravée dans les traditions
des Dieppois: c'est l'inauguration de la statue de Duquesne,
due ô Dantnn, qui fut érigée sur une place de l'héroïque
cité en 18ii(2.).
O) Cf. Lectures pour tous. ParU, mai lan : Im Léjinn dhonnevr.
(2) Cf. Inauffuration de la tiatw de Duqutmt. Dieppe, 1844.
AVENTURES DES MARINS DIEPPOIS 327
Enfin, dernièrement, en 1899, le naufrage de UAngers,
vint mettre de nouveau à Tépreuve l'endurance de nos
marins. Ce navire, par une nuit de tempête, vint se briser
sur le musoir ; quatre hommes disparurent soudain, les
treize autres se hissèrent sur le musoir et attendirent du
secours ; l'un d'eux mourut de froid dans la nuit. Au lever
du jour un cèble, jeté de la côte, atteignit le musoir ; ce fut
le mousse que Ton porta d'abord à terre ; puis, par respect
pour le mort, le cadavre de leur camarade fut ensuite passé.
Après une heure de pénibles eflorts, tous les passagers
étaient recueilliset le capitaine Fournier put quitter l'étroite
plate-forme (1).
# *
Les chemins de fer qui unissent la ville à Paris, dont elle
est le port de mer le plus proche, ont ravivé le commerce
local : c'est Dieppe qui fournit la plus grande partie de la
marée à la capitale. Son parc aux huîtres est aussi très
estimé (2).
De nombreux baigneurs s'y rendent en été, et remarquent
avec intérêt le grand bassin Duquesne, les six phares, le
musée de peinture, l'école d'hydrographie, l'hôpital, la vieille
église Saint-Jacques dans laquelle on voit encore des pein-
tures et des sculptures qui rappcllertt les anciennes relations
avec l'Amérique, son vieux château sur une falaise domi-
nant la ville à rOuest.
Actuellement Dieppe,avec sos 22.000 habitants,y compris
la population de pêcheurs du PoUet, a un commerce annuel
(l) Cf. L'UlttStraUon, jauviir 1899.
(9) Beclofl et Joanne.
328 AVENTURES DES MARINS DIEPP0I9
d'un demi-million de tonnes. Elle peut donc être placée la
neuvième, c'est-à-dire au second rang d'importance parmi
les ports français, au niveau de Calais, de Boulogne, de la
Rochelle et de Bayonne. Un service de bateaux Tunità
Newhawen, sur la côte anglaise, si longtemps ennemie,
aujourd'hui en relations continuelles et amicales avec elle.
Si nous résumons maintenant, par les quelques types
que nous avons pris comme exemples, les faits dus à Tacti
vite dieppoise,nous la verrons s'exercer par les exploits les
plus variés. Aucun port français ne peut se vanter d'avoir
surpassé Dieppe pour les entreprises collectives exigeant
de sa population entière un tempérament d'initiative et de
persévérance. Les Vénitiens et les Génois eux-mêmes, plus
puissants militairement, n'ont pas joué un rôle si original
et si varié dans l'histoire de la marine
Rappelons d'abord les explorateurs : les uns fondant
les premières colonies européennes en Afrique, d'autres
découvrant très probablement l'Amérique, Béthencourt
et Aubert marchant sur leurs traces, Parmentier, Le Tel liei\
Ricanet, Amar de Chastre, La Morinière, etc.
Parmi les exploits militaires rappelons-nous les sacs de
Southampton et de Plymouth, la délivrance de la Rochelle,
la bataille de l'Ecluse, le blocus de Lisbonne, la victoire
de Calais, les expéditions d'Ernambuc, les prouesses des
premiers flibustiers, les victoires éclatantes de Duquesne,
l'hén/ïsme du corsaire Vauquelain.
Les malheurs de cette cité, les sièges, les famines, les épi-
démies, les incendies, les bombardements qu'elle eut à
supporter, les infortunes des compagnons de Ribauld, les
travaux pénibles des pêcheurs de Terre Neuve, la male-
cha nce des naufragés que le courage des sauveteurs comme
Bouzard ou Lacroix ne suffit pas toujours è tirer de la
misère ou de la mort, peuvent attirer sur cette population
laborieuse la sympathie de tous les Français
AVENTURES DES MARINS DIEPPOIS 329
Ions que les Dieppois futurs s'inspirent de ces
, et les continuent par des exploits maritinnesdu
ïre ou d'un genre nouveau, que les circonstances
très feront naître plus tard.
rs liardis pécheurs, toujours excellents marins,
ous encore leur nom surgir dans une entreprise
•ie et imprévue? Ils ont de qui tenir, et l'avenir
Alfred Moulin
Un Voyage au Congo Français
{Suite etjin)
(1.
La montagne est beaucoup plus intéressante que il
plaine. Quelquefois, on peut aussi photographier un pei
ruisseau, une rivière qui saute d'un rocher en gerbes bouil-
lonnantes et qui va former un grand lleuve, comme celuiol
tout à rheure je vous promenais. C'est dans la nionlagm
qu'on trouve la panthère d'Afrique qui est impropremrf
appelée tigre. La panthère a des habitudes dangereaseï
pour nous. La position qu'elle affectionne surtout esld'»^
sur un arbre, penché au-dessus d'une rivière ; elle s'y glis*
facilement, se tapit sur une branche etattond qu'une fin^
passe, portant des hommes sans défiance. Rapidenieoli
elle allonge sa patte, cueille un individu et s'en va, saiU
qu'on ait eu le temps de tirer un coup de fusil. L'animal'
un goût prononcé pour la chair humaine. Dans la dernièn
Mission que j'ai fondée, il y avait ainsi une panthère q*
ravageait absolument le village. Deux ou trois fois ptf
semaine, quand elle avait faim, elle venait s'y promener.!/»
indigènes en avaient très peur, n'ayant que leurs fusils*
pierre, et ils fermaient leurs cases ; mais la panthère sao-j
tait sur le toit fait de feuilles, le toit s'effondraît,elleenlevailj
une femme, puis se sauvait. Quand je suis arrivé, odib*|
supplié de me mettre à l'atTilt. J'ai eu la chance de la lutf*
On acompte qu'elle avait mangé trente-sopt personnes datf
(1; Voir le Bulletin du 2 trimestre 1007.
UN VOYAGE AU CONGO FRANÇAIS 331
le village. Après cela, je pouvais être populaire, comme
vous le voyez I
Il y a une trentaine d'années, on avait signalé l'existence
d'un gorille dans cette région, mais on n'y croyait pas mal-
heureusement,maintenant on est bien obligé de l'admettre.
Ce cliché, qui est très mal fait, vous montre un des rares
gorilles que j'aie rencontrés. C'était une belle béte. J'étais
allé à la chasse avec un nos enfants et quand le gorille est
apparu, j'ai pu le tuer d'un seul coup au cœur. Voyez la
tête, on peut faire la comparaison avec la taille de l'enfant;
il avait 2m. 10 de haut. C'est un des animaux qui de tous
temps ont été et sont le plus redoutés des noirs, parce qu'ils
se promènent sans faire grand bruit et en plein jour dans
les sentiers très fréquentés. Quand ils rencontrent une
femme, ils la prennent et ils l'emportent. Quand ils ont
un bâton à la main et qu'ils rencontrent une bande d'indi-
gènes, ils sautent dessus et assomment le plus de monde
qu'ils peuvent. Ce sont des animaux excessivement forts.
Avec leurs deux pattes ou leurs deux mains, comme vous
voudrez, ils tordent facilement le canon d'un fusil.On attri-
bue au gorille des pouvoirs surnaturels, les indigènes croient
que ce sont les mânes des ancêtres qui habitent dans leur
corps, et qu'il est sacrilège de les tuer. On rencontre éga-
lement dans la forêt une tribu qu'on a déjà signalée : les
Pygmées autochtones d'Afrique. Leur hutte dans la forêt
est excessivement simple. Dans plusieurs de mes voyages,
j'ai eu le plaisir de circuler parmi ces pygmées avec un
chef. Je suis allé dans son village pour apprendre la langue,
j'ai pu pénétrer dans les habitations ; c'est assez intéressant.
La case du pygmée est excessivement simple. Il ne se préoc-
cupe pas de construire, c'est l'homme de la forêt.
Lorsqu'il veut se loger, il coupe quelques branchages et
les entremêle. Il ne se livre à aucune culture,il vit des fruits
de la forêt, d'un peu de chasse, de rapines, de vols, c*est
332 UN VOYAGE AU CONGO FRANÇAIS
toui. 11 n'a aucune croyance, rien ne rembarrasse, pas plus
son vêtement que le reste. Les objets qui lui servent sont
peu nombreux. Lorsque nous avons voulu faire une collec-
tion, nous avons pu, avec le lit, les ustensiles, les armes, les
choses de toilette, réunir cinquante-sept objets, tout com-
pris.C'est avec cela qu'il vit, heureux, content et fier. Il diffère
complètement du noir, c'est un type tout particulier ; l'angle
facial n'est pas du tout le même que chez le nègre. Ce qui
frappe au premier abord, ce sont les bras qui sont démesu-
rément longs et l'exiguïté de la taille qui dépasse rarement
1 m. 20, quelquefois 1 m. 30. La couleur des pygmées n'est
pas noire, quand ils sont bien débarbouillés, ils sont plutôt
rouges, et leurs cheveux ne sont pas du tout plantés comme
ceux des noirs. Quand on vit avec eux dans leurs villages
on assiste à des spectacles très curieux ; ils vivent d'une
façon absolument simple.
Au bout d'un certain temps, quand ils sont las d'habiter
dans un endroit, ils laissent leurs cases qui ne leur ont pas
coûté bien cher et vont ailleurs pour chasser de nouveau
ou pêcher à leur guise. Ils sont chasseurs et pécheurs
remarquables.
Ils se servent de leurs armes avec une habileté extraor-
dinaire. Il m'est arrivé plusieurs fois, lorsque je voulais les
mettre è l'épreuve, d»* leur monlrer,à 50 mètres de l'endroit
où nous étions, un poteau qui soutenait une case. Ils lan-
çaient leur grande lance, presijue sans avoir l'air d'y toucher
et elle s'enfonçait dans le poteau. Dans leurs chasses aux
animaux, ils sont.incroyal>ies. Je leur demandais comment
ils s'y prenaient pour attraper si souvent des antilopes :
« Quand l'animal est occupé à brouter, il n'y a qu'à se glis
ser sous son ventre et à le tuer », me répondaient-ils. La
question ne me paraissait pas si simple pour ma part, car
les antilopes ne se laissent guère approcher. Cependant il
est certain que ces pygmées en rapportaient. « Tu n'es pas
UN VOYAGE AU CONGO FRANÇAIS 333
3issez habile », nio disaient-ils, et l'un d'eux me proposa
l'expérience suivante. J'avais un couteau de fabrication
anglaise qui coupait les lianes d'une façon admirable et
(ju'il désirait beaucoup. De mon côté, j'avais envied'une de
ses lances que j'ai rapportée « Si tu veux, nous allons faire
Texpérience suivante : Tu' crois, lorsque je dis que pour
attraper une antilope je me glisse sous le ventre, que c'est
pour me vanter. Eh bien ! faisons un pari. Tu vas te mettre
au milieu d'une clairière — elle pouvait avoir tout au plus
un rayon de 25 mètres autour de moi — je viendrai et j'es-
saierai de te surprendre comme si tu étais une antilope. »—
« Oui, mais tu ne me donneras pas un coup de couteau » . —
« Je ne te donnerai pas un coup de couteau, je te poserai
simplement la main sur l'épaule. » — Nous allons voir, mais
combien le feras-tu de fois ?» — « Si tu veux, je le ferai
trois fois sans que tu aies pu me voir.»— aSije te vois tu me
donneras ta lance.» Il acquiesça de bon coeur. — (( Oui, mais
si je gagne tu me donneras ton couteau.» — Immédiatement
chacun se disposa Je me mis dans la clairière, le pygmée de
son côté disparut dans la foret. Je n'entendis plus de bruit.
A a bout d'une demi-heure, comme je me tournais, regardant
è droite et à gauche, il me posa la main sur l'épaule en me
disant : « Cela fait bien une fois. » — Quand on est pris de
cette façon, on se demande comment cela a pu se faire.Je me
mis à regarder et cette fois,du mieux que je pus. Au bout de
sept ou huit minutes, il me posa les mains sur les épaules. Je
sentais mon prestige d'homme blanc qui s'en allait, c*était
ennuyeux. Je regardai mieux encore que leâ deux premières
fois, mais malgré tout je fus e«core âurpris.
Continuons notre promenade.
Les indigènes sont des chasseurs trèâ habîleâ* Avec Une
simple feuille, en ne pinçant le nez, il.'* iaiitent le cri des
antilopes qui viennent près d'eux et alors il leur est facile
de les tuer»
33i UN VOYAGE AL CONGO FRANÇAIS
C'est dans la forôt que nous avons rencontré l'okapi q«
nous avons tué, sans nous douter du renom qu'il allailaw
C'est, dit-on l'ancêtre du cheval ou de l'àne.
Quelquefois, au lieu d'avoir une antilope à manger on i
recours à des dîners plus modestes. Quand j'ai pris ces cli-
chés, nous marchions depuis troiis jours. Les noirs qui nous
conduisaient, nous avaient dit qu'il fallait seulement un jour
de marche, on n'avait donc emporté des vivres que pour on
jour. Le premier jour on avait tout mangé, le second jour,
jusqu'au soir, on a serré un ou deux crans de sa ceinture
C'est une façon économique de dîner, mais qui a bien des
désavantages. Enfin, on est arrivé sur un vol de sauterelles
et on en a pris une certaine quantité ; les noirs disaienlque
c'était très bon à manger, mais pour moi ce mets ne vaul
pas cher.
Nous arrivons maintenant à l'entrée d'un village. 11 y»
assez longtemps que je vous promène au milieu des bêles,
voyons un peu les gens.
Quand on arrive près des grands villages de l'intérieur,
la première chose à faire, c'est d'arrêter sa caravane d«
façon à pouvoir causer avec les gens du village et à neptf
s'avancer à l'improviste. Avec deux de mes hommes i«
m'avançais afin de parler avec les habitants du village. U
plupart des villages sont en guerre. La sentinelle est eu
avant, elle se tient à l'entrée du chemin derrière sod boa-
cher, toute prête à vous lancer ses flèches ou sa sagaie qû
sont toujours empoisonnées à la strychnine. Derrière, trois
ou quatre hommes sont prêts à s'élancer en cas d*attaqu6.
Pendant ce temps, les femmes, les enfants et les impéit-
menta quelconques se sont retirés un peu en arrière, <i6
façon à pouvoir se sauver en emportant tout ce qu'ils peU'
vent 8*il arrive la moindre chose. Les chefs de guerre sont
en avant pour voir qui vient. Tous ces préparatifs durent
Un temps assez long. Les chefs prennent toujours dans cai
UN VOYAGE AU CONGO FRANÇAIS 335
circonstances le grand bariolage, la grande tenue de guerre.
On n*est plus sur le sentier de paix comme dit Fenimore
Cooper. Le village est absolument désert. Il est environné
de piquets formant une palissade et qui sont fortement reliés
les uns aux autres pour que nul ne puisse pénétrer. A cer-
tains endroits se trouve une porte par laquelle on pénètre
dans rintérieur du village. La porte est assez étroite et il na
faut pas avoir les épaules trop larges pour passer. Elle est
munie de gros battants qui sont relevés pendant la nuit de
façon à ce que celui qui se risquerait à entrer sans montrer
patte blanche reçoive 50 ou 100 kilos sur la tête. C'est une
surprise désagréable.
Dans l'intérieur du village,les chefs sont là qui reçoivent
les étrangers qui en valent la peine, alors on commence à
s'expliquer et on est amis. Cela ne se passe pas ainsi pour
le premier venu .
Près des cases des chefs, il y a trois ou quatre rangées
d'arbres tout particuliers. Lorsque les villages de l'intérieur
se font la guerre,le résultat est toujours à peu près le môme,
il y a des vaincfueurs et des vaincus. Les vaincus, hommes i
femmes et enfants sont partagés. Les enfants entrent dans
une famille, chacune prend trois ou quatre enfants ; les
femmes sont également partagées, elles rencontrent tout de
suite un nouveau foyer, un nouveau mari, c'est la chose la
plus simple du monde. En ce qui concerne les hommes, ce
n'est pas tout à fait la môme chose. On les accroche à une
belle perche qui est là, on fait du feu dessous, et on les
mange,cuits, rôtis,tout comme ceux dont vous avez appris
la mort ce matin par les journaux. Lorsque les crânes sont
bien arrangés, bien blanchis, le chef les pend à Tarbre le
plus rapproché de sa case ; quand c'est un chef un peu puis-
8ant,on peut voir parfois deux cents crônes suspendus à ses
arbres*
Ces bomioM si fèrocestquatid oo a fait C0Q&aiisanc9 avM
H3(j rx VOYAGE AU CONGO FRANÇAIS
oux deviennent vos amis. Lliabitutle de manger la chwtj
humaine ne provient pas du manque de viande, cesl
presque toujours un phénomène de guerre ou un faitrilori,
quelquefois un sacrifice religieux, bien souvent aussiw
acte de vengeance.
Lorsqu'on a pénétré dans la première enceinte, on passe
devant le chef, il vous fait une réception solennelle. Si Ion
veut conquérir son amitié, on lui offre même de petits
cadeaux suivant l'usage, puis on passe par une cérémonie
d'initiation, une sorte d'interrogatoire. Un fétiche partica-
lier, un couteau est pendu au-dessus de vous, vous passez
dessous et un sorcier vous pose certaines questions.il vow
demande ce que vous venez faire. Le couteau qui est là joM
un grand rôle. Si vous n'êtes pas considéré, il peut armer
qu'il tombe, et dans ce cas, c'est très dangereux, car la iWe
tombe aussi. Lorsqu'on veut faire partie de la tribu, une des
conditions essentielles, c'est de passer par la cérémonie qui
vous fait frère de sang. Le dernier acte seul de cette céré-
monie est intéressant pour vous. Lorsqu'on a su ce que vobs
vouliez, on vous met face à face avec le chef. L'un prend
une poule par les pattes, l'autre par les ailes et on tire.Plw
on tire, plus la bote crie et à un certain moment, les pattes
viennent d'un côté et les ailes de l'autre ; on dépose alors
le tout dans une feuille de bananier puis le chef vous fait
une légère incision au bras gauche. On prend alors un
morceau de la poule,on le frotte dans son sang et on le pré-
sente à l'autre en disant ces belles paroles : a Prends,m8nge
et bois, car à partir de ce moment tu es mon frère » . Lô
chef fait de même et dit : « Tu es mon frère car tu as bu
mon sang,à partir de ce moment tu es le frère d'un puissant
chef». Ce qui donne toutes sortes de prérogatives.
J'ai voulu vous promener au milieu du pays, vous mon-
trer un peu quelles sont les difflcuUés de pénétration au
milieu du Congo, Ce n'est pas toujours très facilet comin^
TN VOYAGE AU CONGO FRANÇAIS ^^37
VOUS ayez pu ie voir, de s'avancer dans l'intérieur. On vous
a dit BU commencement (jue nous faisions ipuvre de pion-
niers et de civilisateurs c'est un peu vrai, et s'il m'est donné
un peu plus tard, comme je l'espère, de revenir parmi
vous, nous pénétrerons dans la vie du peuple surtout. Je
vous montrerai comment, en nous enfonçant au milieu de
ces gens, nous avons toujours cherché à conquérir notre
place au soleil, c'est dans notre rôle. Nous avons cherché à
faire de ces gens des chrétiens ; mais nous ne nous atta-
chons pas seulement à une question de doctrine, nous cher-
chons à les relever par l'enseignement et par le travail. C'est
ainsi qu'en attirant beaucoup de monde dans nos écoles,
nous essayons dans toute la mesure de notre possible, et
nous y réussissons un peu, nous essayons, dis-je, de faire
la France de l'avenir. Avec vous, je n'ai voulu faire aucune
éloquence, j*ai voulu simplement vous montrer que tous,
tant que nous sommes: missionnaires de toutes sortes,
pionniers, négociants, colonisateurs ou fonctionnaires, ce
que nous voyons avant tout et au-dessus de tout, au milieu
de ces peuples dont je vous ai entretenu ce soir, dans ce
magnifique Congo oii nous avons planté notre drapeau,
c'est la France de Tavenir I
Henri Trilles
ha l^ace |^éo-Iiatîne
et
r Algérie en 1907 ''
(Suite et fin)
Nous avons eu aussi, par suite de circonstances excep-
tionnelles, une émigration française en Algérie : c'est l'énii-
gration alsacienne lorraine qui a suivi la guerre tle ISO.
On ne peut pas con)pter non plus sur cette émigration.non
pas que les résultats n'aient pas été bons, mais elle n*a été
que temporaire et une émigration n'est valable qu autant
qu'elle provoque un courant continu. Les Alsaciens-Lo^
rains qui ont été en Algérie ont en général réussi là-bas
parce que c'étaient des agriculteurs. Us y ont transporté
leurs habitudes de travail, leur science des travaux agri-
coles, et jusqu'aux noms des villes perdues. J'ai retrouvé
en Algérie, en Kabylie, les noms de Golmar, Strasbourg,
Mulhouse, qui rappelaient à ces braves gens le pays que
nous n'avons pas su leur garder. Mais la quantité fait
défaut à cette émigration si la qualité en est merveilleuse.
Aujourd'hui elle a cessé, et s'il y a encore quelques Alsa*
ciens-Lorrains qui restent en Algérie, ils proviennent ex-
clusivement de libérés de la Légion étrangère qui ont Uni
leur service et qui considèrent désormais l'Algérie comfflfl
leur unique patrie car, vous savez qu'à la Légion étrangère
il y a un tiers de petits bonshommes aux yeux bleus etaui
cheveux blonds qui déclarent qu'ils ont dix-huit ans lors-
U) Voir If BuUetin du 2* trimeitre 1907.
L,\ RACE NKO LATINE ET i/aLGÉRIE EN lî)07 33J)
^** ils passent la frontière allemandj, mais (pii, en réalité,
^ en ont que quinze ou seize et que nous prenons tout de
''^ôme, parce que nous savons que, cachant leur état-civil,
^© qu'ils viennent chercher chez nous, c'est la patrie qu'ils
*^*ont plus ailleurs.
Quand ils ont passé cinq, dix ou (|uin/e ans, (c'est un
régiment où l'on rengage beaucoup) ù la Légion étrangère,
*l se trouve qu'au moment de leur libération ils n'ont plus
^n réalité d'autre patrie ipie celle où ils ont fait leur temps
deservice, et ils restent en Algérie. Il est assez curieux de
"^Oirau fond des villages de l'Oranie, au milieu de ces po-
pulations à sang très chaud, à lèvres très rouges, à che-
veux noirs comme les corbeaux, les cheveux blonds et les
yeux bleus des Alsaciens-Lorrains ; mais, je le rappelle, si
*Cà qualité est merveilleuse, la quantité est inlinie, et, tout
en réservant cette (jualité, nous devons faire appela d'au-
tres sources d'émigration pour créer la population algé-
'■îenne.
Cette population viendra donc d'un courant d'émigration
Rue je vous ai indi^pié tout-à-l'heure, des nations euro-
péennes autres que la France. Quelles seront ces autres
Valions ? Un courant d'émigration ne se crée pas comme
^n courant d'induction électrique, il y a des sources et il
fcutles endiguer et les utiliser ; maison ne les crée pas de
V)ules pièces, pas plus qu'on ne supprime de toutes pièces
encourant d'émigration.
Des individus émigrent mais un peuple n'émigre pas ;
^n peuple est nomade mais n'émigre pas. Les individus
émigrent fatalement et forcément vers une unité qui leur
pessemble.Quand jadis les Français émigraient, où allaient-
ils ? Ils allaient dans l'Amérique du Sud ; et actuellement,
les Allemands, où vont-ils ? Les Allemands vont aux Etats-
Unis. Ne pouvant pas avoir de colonies, ils s'en vont dans
l69 colonies anglo-saxonnes. Il ne leur viendra jamais à
3i0 I.A HACE NKO-LATINE KT l'aLGKKIE EN 1907
l'iU'o d'uIUîr dans l(»s colonies latines; ou djns lesoloniw
li\>|»icale.s,el jo dis ceci avoo intention. Je n'ai i»:»s leJroit^
fair<; dt? ijojitique ici et je n'en fais pas, cependant, ilmesl
l)ien permis de tircn* une conclusion polititjue de co prin-
cipe elhnoi^raphique ; les individus «jui sonl du Nc»rd, qai
appartiennent à une race du Nord, qu'ils soient Slaves on
Cierniains, n"iri)nt jamais dans les colonies tropicales, da
les coloni(.*s d'essence latine ou africaine, et par conscqueul
il ne faut i).»s craindre que par un subterfuge hislorique.oa
par la volonté temporaire d'un seui homme, les paysqai
dépendent d une inlluence latine ou française toinbenl
jamais ethn()graplii(|uement cl, par conséquent, au point de
vue domination, pas davantage, sous rinfluence d'une db-
tion qui ne serait ni française ni latine.
Je n'insiste pas davantage, je pense que vous avez touslrès
bien compris. Xous ne nous adresserons donc pas (mêraesi
nous nous y adressions nous n'y réussirions pas.) pour peu-
pler l'Algérie, ni h nos amis les Anglais, ni aux Allemands.ni
aux Hus.ses, ni aux Slaves ; nous nous adresserons aux
gens (]ui peuvent retrouver sur le sol algérien un peu des
hérédités ethniques et sociales, à nos frères consanguins
de rivspngne et de l'Italie. Kt, en vérité, avant que nous
nous adressions a (mix, avant que nous songionsqu'on pour-
rait un jour s'adresser à eux, cette émigration, par la force
des clioses, avait commencé. Vous vous rappelez qu'autre-
fois, quand on t<'nait d'excellents raisonnements, des rai-
sonnements parfaits, quand on se partageait les continents,
l'Amérique devait devenir espagnole, l'Algérie devait deve-
nir française, la Tunisie devait devenir italienne. Sur quelles
raisons, sur (jucls sentiments l'idée populaire avait-elle
établi cette concordance? Uniquement sur cel instinct
ethnique qui fait que les peuples vontoù ils sont allirés.rar
le fait de son manque d'élasticité, l'Espagne n'a pas eu les
Aniériqucs ; par lefait de certaines circonstances, pari«
LA RACE NÉO-LATINE ET l'aLGÉRIP: EN 1907 îitl
'ait d'un rêve ôthiopien qui s'rst terminé en cauchemar,
iMlelio n'a pas cîu la Tunisie, il y a des chances rju'elle
retrouve le rèv(» perdu du côU'i tri[»«.»lilain. 11 sr» trouve que
'û France est la seule nation latine qui ail i>u recueillir l'hé-
rilagedu sani; latin, je ne dirai |)as du san^ gaulois. (^»!a
n'a pas oni[)êché les peuples hitins qui ne? sont pas frdr.;;\is
de prendre part ethnogr:q)hi(iuenienl à l;i con«piête fran-
çaise.
L'Kspa/Lçnol qui est (on peut le tlire sans hh.'sser personne)
an butte dans son pays à uneadministratic.ni trop routinière,
^rès tracassièie. émigré ilans rOr.mie (jui ust en face de lui.
L'Italien, surtout celui du sud, h^ Sicilien, cpii est h l'étroit
chez lui et ^ tpii l'on dfMuande une somme d'impôts au-des-
sus de ses forces mais (jui est néc^ssMire h son i)ays, émi-
Kre en Tunisie. Xchjs v«dlà donc en face de deux éléments:
l'Kspapnol d'un cûté, l'Italien d«* l'autre, (^est avec ces
éléments (pie se consliliiera, mèim* si nous ne le vouh.>ns
Pas, la race qui constituera l'Afrlipiedu \«>rd. Il y a d(\s
^ens «lui émettent des craintes à c«î sujet, qui ont dit. et je
* iii entendu, (|ue si on laisse I émi>:rarhjn envahir comme
Cela r.Algérie.rt )riinie deviendra une proviiKM' espai^niole,et
*f^ Tunisie une ])rovince italienne, (l'est inc.:»ntf»slab!e. Mais
**î nous, l*Yan«;ais, sommes incnpMMes d'tmvoyer dans nos
provinces algériennes, tunisiennes, et ï)1us tard marocaines,
l'élément français d'origine en (piantité sullisante, et si,
d'autre part, nous nous 0]q)t>S')ns adminislrativement à
l'endosmose inévitable espagnoii» el itidii-nne. culte end» «s-
niose se fera malgré nous, elle se constiluerji contre nuus.
et c'est ce qu'il ne faut [^■ts. N(»us avons sous la main ces
éléments en question. ri'!s[icignol d'um^ part, l'ilalien de
l'autre. (Jue font-ils? Ah ! s'ils fjn'saieni comme fout he.'iu-
coup de Kranrais, s'ils vi'iiMicMil en AlgiM'ii; et en 'J'unisie
en disant : chez n()Us n«.'i:s n'avons [«ms I<.' sou et n«.)us mou-
rons do faim, et en fac, chez, la bonn»,» sceur latine, il
342 LA RACE NÉO-LATINE ET L ALGÉRIE EN 1907
y a de quoi manger, il y a de quoi économiser, allons!
quand nous aurons rempli nos poches, nous rentrerons»
Espagne ou en Italie, Ce raisonnement est celui que»
fait l'émigrant franrais, c'est celui (pie se fait le ChiDO»
qui émigré en Indo-Chine. Je ne suis pas partisan du tort
de ces émigrations là. Ce ne sont pas des colons ces geos-
là, ce sont des ventouses.
Mais ]*Ivspagnol,mais le Si<-.ilien qui émigré ne se faitf*
du tout ce raisonnement. Non seulement, il ne se lefai
mais il n^ pourrait passe le faire, parce que l'Algérie etli
Tunisie nourrissent leur homme mais ne renri<:hissenl|«s
on ne thesauri.se pas iMn-ore en Algérie et en TunisielE*"
pagnol en ()r;»nie, le Sicilien en Tunisie auront vécub^*'
coup mieux (ju'ils Tauraicnt fait chez eux pendant lOaaîi
15 ans ou 20 ans, ils auront clé ])lus satisfaits, mais ii»
voulaient retourner cho/ eux, ils y retourneraient saoâi*
sou et mourraient do. fuim comme auparavant. Par conà^
quent, ils n.'stciit chez n(Kis, et de plus, ils trou veiildao*
notre Algérie et dans nnire Tunisie un hien-«' Ire, une ai-
sance,une iargcur d'idées, une satisfaction j<»urnaliere qui'*
ne renconli'tMit pas dans îcur pays d'urigine ; ils y trou^eut
également celtt; jnlniini>lration lih-îale que le gouverne-
ment de la Héî)ul»li(juc fran<;aise a instituée specialeUieD»
pour ses colonies.
Il est certain qu'ils n'ont pas du tout envie d'ahandonntr
ces avantages qu'ils ne tr.Hisj)orleraient i)as avec eux à^^^ 1
leur ancienne patrie, en Mspjtgne ou en Italie. Ilssunloîi
réalité, des colons de fond, c'est à-dire que lorsque 11 laii^n
a (juitté son lljdie, rj\spagnol son Kspagne, ils [.H»uvenl
rester au fond du co-ur Italien ou Rspagnol, c'est atîair^
entendue, et je les en félicite ; mais sur notre sol aliréri'.-"
ils agissent, ils vivront, ils font fructifier le sol coinine If
feraient des Fntuçais d'origiîie, et c'est par conséquent
une excellente aci|uisition. Je ne suis donc pas du tout
LA RACE NÉO-LATINE ET L ALGÉRIE EN 1907 343
d*avis, et je dois dire, on ne peut pas être du tout d*avis de
mettre un frein à l'émigration espagnole ou italienne en
Algérie. Mais il faut l'élever, l'éduquer, l'endiguer et la
maîtriser pour, de ses éléments, non pas adversaires,
mais hétérogènes, faire un tout bien homogène, bien mas-
sif et bien compact ; car que ferions-nous d'éléments
divisés si nous laissions les Espagnols rester Espagnols,
les Italiens rester Italiens, ils ne seraient que des auxi-
liaires occasionnels, et ce n'est pas cela que nous voulons. Il
faut que, sinon tout de suite, du moins dans deux ou trois
générations, ces Espagnols et ces Italiens deviennent nous-
mêmes. Et, entendons-nous tout de suite. Si l'on s'est
tellement opposé à l'émigration italienne et espagnole en
Algérie, c'est qu'on disait: Ces gens ne deviendront jamais
des Français. Certainement non, ils ne deviendront jamais
des Français, il n'est pas du tout nécessaire, el il est impos-
sible qu'iis deviennent dos Français.C'est là-dessus qu'était
Je malentendu, et c'est là-dessus qu'il fallait des éclaircis-
sements et qu'actuellement on se trouve d'accord. Que
ferons-nous de ces Espagnols et de ces Italiens? Essaierons-
nous d'en faire des P'rançais ? Pas du tout. Quand ils
arrivent en Algérie, ils vivent sous nos lois, nous leur
donnons le bénéfice du statut social français, au besoin
sous certaines réglementations, nous leur donnons même la
naturalisation et je dois dire entre nous que ceux qui ré-
clament la naturalisation, ce n'est pas tant pour la gloire de
devenir citoyens français que pour jouir de certains avan-
tages qui sont attachés à nos lois : droits civiques, et sur-
tout pour être électeurs et avoir un député qui les protège.
Mais nous ne devons pas faire des Français avec ces gens-
là ; la race que nous devons amalgamer là-bas ne doit pas
être un morceau de la race française, elle ne peut pas l'être
parce qu'il n'y a pas assez de Fronçais d'origine habitant
l'Algérie, el parce que surtout il est absolument impossible
54 1 LA RACE NÉO-LATINE ET l'aLOÉRIE EN 1907
de donner la qualité de Français à des gens, quelles que
soient leurs qualités personnelles, qui n'aient pas habité
pendant longtemps la métropole. On ne fait pas un Fran-
çais avec un acte de naturalisation. Vous la connaissez
tous la manière de faire un Français, c'est d'avoir un petit
garçon ou une petite fille en France, de lui faire habiter et
aimer la France; il n'y a pas deux manières, il n'y a que
celle-là. L'étranger, qui sera venu en France, son fils même,
pourra nous aimer, servir dans notre armée, rendre tous
les services que nous rendent les Français, mais entre lui
et nous, quelles que soient l'amitié, l'affection qu'il pourra
a voir pour nous, il y aura toujours quelque chose qui fera que
nous dirons: celui-ci n'est pas de ma famille. Il ne faut pas
essayer de faire entrer de force dans notre famille des gens
qui y seraient dépaysés ; à côté de nous, ils nous rendront
bien plus de services que si nous les faisions entrer chez
nous contre leur gré. Cette race qui ne sera pas la race fran-
çaise sera-t-elle, comme on le dit, cette race faite avec les an-
ciens éléments latins, sera-t elle néo-latine? Non plus ! elle
ne sera pas la race néo-latine. Je sais que c'est un joli rêve et
vous avez lu sans doute le livre de mon ami, le commandant
D riant : L'Invffsion Jaune, où il dit que, la France ayant
été conquise par les Chinois et les Japonais, les Français
créent en Algérie une nouvelle France. Son livre est très
beau et très intéressant à lire, mais je crois que cela n'arri-
vera jamais. Pour que celte roce soit vraiment néo-latine,
il faudrait qu'elle fut mélangée de Français, d'Espagnols et
d'Italiens, parce que nous sommes les héritiers des Romains.
Je veux bien (ju'elle soit ainsi composée, bien que cepen-
dant, malgré tout ce (jue nous faisons, il y ait et doit tou-
jours y avoir un fort appoint de sang franc, de ce sang
franc qui a fait de la (Jaulo latine la France française, cela
ne doit pas s'oublier, de ce sang franc qui sera pouiMes
vieux peuples renaissants l'élément de jeunesse et de( vi-
LA RACE NÉO-LATINE ET l'aLGÉRIE EN 1907 3i5
gueur. Ce sanfç franc est véritablement dans le précipité
nouveau le réactif (jui donne à la race future l'action et
Ténergie. Mais ce ne sera pas des néo-latins, ce ne sera pas
la race néo latine, parce que, pour être Latin, il faut habiter
riuirope. Rappelez vous vos souvenirs d'histoire : Les
Romains d'Afrique avaient fini par n'être plus des Romains,
les Italiens, les Espagnols, les Français, qui habitent et
qui habiteront le nord de l'Afrique, au bout de dix ou
quinze générations, ne seront plus des Latins, parce qu'ils
auront perdu en passant du nord au sud la qualité indis-
pensable de la latinité qui est l'habitat de l'Europe. Ils au-
ront pris de ce climat africain, des conditions de vie
africaine, des types, des caractéristiques qui font qu'en
réalité à mesure qu'ils prendront ces caractéristiques toutes
spéciales, ils perdront leurs caractéristiques latines. Donc
la race qui habitera cette Algérie, et à qui nous devons pro-
curer tous les moyens de se développer, sera, appelons la
ainsi si vous le voulez bien, la race algérienne.
Cette race algérienne sera bien latine par son hérédité
mentale, française par son sang, mais elle sera africaine par
ses habitudes, par ses moyens et .ses conditions d'existence.
Comment pense-t on que l'on puisse aider un courant
d'émigration à se perpétuer dans un certain sens et à don-
ner les résultats que nous sommes obligés d'attendre de lui?
Nous le pouvons en facilitant à ces gens l'accession de la
terre française, nous le pouvons en augmentant matérielle-
ment les conditions d'existence, les conditions de bien-être
qu'ils peuvent demander.
Nous pouvons surtout, et on l'a déjà fait, en Algérie,
leur donner une autonomie sagement dosée, en leur lais
sant la responsabilité de leur présent et de leur avenir, res-
ponsabilité que leur donne l'intérêt de leur propre existence
nationale. C'est dans ce sens que l'on va aujourd'hui en
Algérie, dansée sens que nous devons perpétuer nos efforts,
23
k
346 LA RACE NÉO-LATINE ET L ALGÉRIE EN 1907
et croyez bien que ce n'est pas pour l'amour d'une
expérience que nous faisons cela. Il y a derrière les choses'
actuelles que nous voyons de très grandes inconnues. Get!l|
race algérienne que nous devons créer, parce que si nott
ne la créons pas, elle se créera contre nous, cette racealgé-'
Tienne doit être, elle qui sera toute jeune, lorsque laracii
française sera trop vieille, la dépositaire de tout notre héri-
tage intellectuel, elle doit être riiérilièrc de la France ;elte,
doit être même un des éléments vitaux de l'entité français
dans l'avenir. Car, lorsqu'on possède si près de soi une
colonie, comme l'Algérie pour nous, on peut dire qu'en réa-
lité le mot colonie n'est plus qu'un mot qui un jourdevieD-
dra vain, et nous devons nous apprêter à voir passer fratr
nellement de l'autre côté de la Méditerranée un morceau
considérable de nos dtistins et de nos espér/^nces. Eh bien»
nous ne donnerons jamais trop de soins à une race qui F****
être appelée à .•■upporter un tel héritage et à recueillir une
telle dette. C'est pour cela que malgré que ce soit un catieaD
qui nous a dépossédé un peu, nous devons accueillir le ^estf
del'hommequi a donnée l'Algérie son autonomie financière
(je continue à ne pas faire do politique) et je serais heureuï
que cet homme d'Etat, (jui a donné à l'Algérie cett'.» nutc-
nomie, cette indépendance et cette lil)erté financit'rc. pro
fitàt de son actuel passage au ministère des finances [»our
faire h la PYance le même cadeau.
Lorsque nous aurons donné à cette race les moyens de^^
développer de la sorte, nous n'aurons plus co gros soncm
problème algérien que nous avons étudié afijourd'hui.iK'U*
n'aurons plus surtout, et c'est par là que je vais tinir cet
exposé si aride, le souci politique extérieur de savoirqui.^
nos frontières do l'Ouest de l'Algérie, doininera sur ces
territoires si mal connus du Maroc. Le jour où nl>us;^»^'ï**
pour nous cette expansion ethnique à laquelle persoiv.,^»»
amjis rjsisté ot nj résistera jimais, la question n3 scpo*
LA RACE NÉO-LATINE ET L*ALGÉRIE EN 1907 347
sera plus, elle sera résolue d'une façon extrêmement simple.
Le Maroc y prendra l'élément civilisé qui seul sera capable
de le peupler, et nous espérons vivement que cet élément
sera fourni par la France, et s'appellera la race algérienne.
Eh Lien ! ce pays sera et commence à être habité par cette
race, nous avons vu que malgré tous nos efforts, elle est
née, car en somme, ce n'est pas du tout sorti du cerveau
des gens habitant le pavillon de Flore ; elle est née sans que
nous ayons pensé à elle ; et parce qu'elle a fait beaucoup de
bruit à sa naissance, nous en sommes venus à l'utiliser le
plus possible. Nous avons vu en 1901, dans Alger le trouble
de sa i)etite enfance, il ne faut pas lui en vouloir, tous les
petits enfants font leurs dents. Elle a fait les siennes avec
les troubles antisémites de 1901. Aujourd'hui, elle commence
à s'assagir, elle est arrivée à peu près à l'ôge de raison, on
lui a enlevé ses lisières, elle a une autonomie financière, et
le moment est proche, je crois, où nous pourrons saluer
en elle une enfant indépendante, mais toujours soumise et
respectueuse, de la maison française.
C'est dans le pays que cette race commence à habiter, et
elle le peuplera de la façon que je viens de vous décrire.
Les Français sont conviés à s'y rendre en 1908 et à assister
aune série de fêles dont les Algériens se feront les cice-
ri)nes,et dont je me fais aujourd'hui le trompette bénévole.
La ville d'Alger, qui comme vous le savez, est un lieu
d'hivernage fort agréable et où les Anglais sont venus
lorscjii'ils ont été chassés de Nice par le tremblement de
terre, (ils sont maintenant en train de déinénag(;r pour aller
au (^lire), est une ville en pleine exubérance de croissance.
KII(î îi fnit, d(*s sa première jeunesse, éclfiter le réseau de
s<'s fortifications ; elle désire recevoir le mieux du monde
los Français métropolitains qui lui feront l'honneur de la
visili^r. Je UH voys donne pas les détails définitifs de toutes
les fêtes qui auront lieu, parce que toutes les choses qui
34â LA RACE NÉO-LATINE ET L ALGÉRIE EN 1907
se disent à Tavance n'ont plus de valeur, attendu qu'ell
sont toujours changées au dernier moment ; inaiseniiD,
y aura des attractions pour les curieux, des congirs po
les savants, des excursions pour les voyageurs, trois cal
gories de Français qui sont nombreux à la Société deiii
graphie et qui trouveront de quoi se satisfaire.
Pour terminer, je vais faire passer quelques i)rL)je«'li'>
de coins de l'Algérie où nos amis d'Alger ont rinUuli
de conduire en 1908, aux conditions les meillcuits. d
seulement de sympathie, mais encore de finances. toutes
personnes qui traverseront la Méditerranée à cotte ép-1'J
Albert de Pouvouhville
I\..A.FFOI^T
sur le
CONGRÈS DE DUNKERQUE, 1906 d)
En offrant l*hospitalité au Congrès national des Sociétés
de Géographie, la Société de Diinkerque avait une excel-
lente occasion de célébrer sonXXV® anniversaire; en môme
temps cette solennité donnait satisfaction au désir bien
naturel qu'éprouvaient les Dunkerquois de faire connaître
les progrès considérables accomplis dans leur port. Aussi
les subsides avaient-ils afflué de toute part (16^000 francs au
total) et le Président pouvait dire dans son discours d'ou-
verture :
« Je n'étonnerai personne en disant que ce Congrès est
surtout l'œuvre de la Ville de Dunkerque et de la Chambre
de Commerce.
a Toutes deux admirablement unies dans une grande
idée de patriotisme, dont le souci constant et éclairé de faire
mieux connaître les immenses efforts dont notre port est le
grandiose résultat, toutes deux ont étendu sur nous leur
aile protectrice.
a D'autres concours sont venus à nous. Le Ministre de
rinstructionPublique nous a adressé^et nous lui en sommes
reconnaissants, un très généreux subside. Le Syndicat
des Courtiers maritimes, la Compagnie du Chemin de fer du
Nord, le Syndicat des transitaires, la Chambre de concilia^*
*■ ■ ♦■ - Il r -- -i - - ■ - -I f r- - --
(1) Présenté par Mouëieur touis (yuitiOQ, ticë-j^réiidénti dèièfué pw lA fiooièM 4i
350 IIAPPOIIT SUR LE CONGRES DE DLNKERQL E 1906
lion, le Comité maritime et colonial nous ont puissamment
aidés et je les remercie affectueusement. »
Dans leur désir d'attirer l'attention des congressistes .sur
les questions locales, de montrer à leurs hôtes ce qu'il y a
de plus intéressant dans la ville et même dans la région, nos
amis les Dunkerquois avaient largement pris sur les trois
jours assignés au Congrès ; si vous en défalquez une mati-
née absorbée par la visite du port,ifne autre par la visite du
sanatorium de Zuydcote, une journée entière passée à l'ex-
position de Tourcoing, vous voyez qu'il ne restait plus grand
temps pour les travaux géographiques. Le programme a été
bouleversé ; une seule question a pu être sérieusement étu-
diée : celle du relèvement de la marine marchande, quelques
autres ont été effleurées, mais la plus grande partie ne seront
conaues que par l'impression au compte-rendu officiel du
Congrès, ainsi que les communications.
M. Cloarec, Président de la Ligue Maritime, section de
Paris,a parié sur le relèvement de la Marine marchande en
ces termes ;
(( Notre marine marchande, après avoir occupé le
deuxième rang parmi toutes celles du globe, est mainte-
nant tombée au sixième. Il y a, il est vrai, une crise géné-
rale, un abaissement du taux des frets parce que le tonnage
disponible dans le monde dépasse la quantité du fret, mais
les conséquences de cette crise sont particulièrement mena-
çantes pour nous, car si le taux de frôtn'est plus rémunéra*
teur c'est la nation moins bien armée pour la lutte qui doit
être vaincue.
« Ce n'est pas que nos armateurs soient moins intelli-
gents, moins compéteots que leurs concurrents étrangers.
On peut, à la vérité,leur reprocher d'être trop administratifs
et de se laisser devancer bien souvent ; cela ne justifierait
o«pendaot pas la grande différence. d'avec nos voisins. La
grande question est la question du taux de fret, or la situa*
RAPPORT SUR LE CONGRÈS DE DUNKERQUE'1906 351
tioa générale économique de notre pays ne permet pas de
Concessions. L'industriel aussi bien que le commerçant
"^ont au bon marché du frôt,au port le mieux outillé, or il est
^Uconstestable que les ports français sont moins bien outillés
^Ueles ports étrangers, sous tel rapport ou sous tel autre,
^oyez : Marseille souffre de l'insufiisance de bassins,ce qui
^l>ligeles navires à se mettre arquai par l'arrière et a déchar-
S^r sur allèges, le Havre manque également de place à quai,
plusieurs de ses bassins étant inutilisables. Faute de cale
^e radoub suffisamment longue la C»<^ Gi° Transatlantique
* dû réduire la dimension de ses navires. Les radiers des
Cluses du Havre sont en outre, trop élevés. Dunkerque n'a
(as de port en eau profonde. Nantes n'a pas suffisamment
de profondeur. Pour améliorer tout cela il faut des capitaux
énormes, or les efforts ont été disséminés lorsque, sous le
ministère Freycinet,il y a une vingtaine d'années, on entre-
prit un peu partout des travaux d'amélioration. Ces amé-
liorations ont été reconnues insuffisantes dès le principe et
cependant nos grands ports continuent à souffrir de cette
insuffisance. Gela tient à ce que chez nous, c'est TEtat qui
décide tout.
(( Les ports feraient bien eux-mêmes, mais leur initiative
est paralysée. U faut souvent un nombre d'années considé-
rable pour obtenir une décision, qui dépend de cinq, six et
môme sept ministères différents. L'orateur s^appuie sur la
remarquable étude de M. Maurice Taconet. Les travaux
d'amélioration à Dieppe et à Newhaven furent décidés en
môme temps : 1883, mais tandis que Newhaven avait ter-
miné au bout de dix ans, à Dieppe la procédure ne com*
mença qu*en 188SL et les travaux ne commencèrent qu'en
1903. Le remède à cet état de choses est de donner à nos
ports de commerce une certaine autonomie, plus ou moins
éteDdue,etde centraliser les questions relatives à la marine
marchande en un seul ministère ou, ^ la rigueur) en une
352 RAPPORT SUR LE CON(iRKS DE DUNKERQUE 1906
commission formée de délM<ru(;.s des diiTérenls niinislôres. |
(( Le régime protectionniste a certainement <Hé fructueux |
pour nos exportations, mais les formalités de douane rendent 1
très lentes et très dilïiciles les opérations dans nos p*>rts.
M. Gloarec pense qu'un remède y serait apport»* parlai
création de ports francs, dont le nombre serait toutefois
limité à trois ou quatre, étant bien entendu que le projet de
ports francs exclut dans ceux-ci l'établissement d'industries
qui pourraient faire concurrence aux établissements indus-
triels de l'intérieur. Ce qui conviendrait le mieux serait le
genre de port franc conjme à (îùnes ou à Triesle où l'ailiiii
nistration du port est confiée à un groupement compose de
délégations des dilïérents corps de la ville : municipalité,
chambre de commerce, syndicats, etc.
- (( Une autre question est celle de la circulation intérieure.
Le système et le fonctionnement de nos lignes de cheiniDS
de fer et de nos canaux sont inférieurs à ceux de l'étranger.
Tous nos chemins de fer convergent vers Paris alors que
les points en dehors de la ligne de Paris n'ont entre eux
que des communications lentes et difîîciles, dont le coût est
augmenté par les transbordements. Nos compagnies il:
chemins de fer opèrent avec une désespérante lenteur tandis
qu'en Angleterre la marchandise est expédiée avec une ra-
pidité extrême. Il y a aussi à. déplorer la multiplicité des
tarifs. En Allemagne, non seulement les tarifs sont simpli-
fiés mais encore ils sont combinés avec le taux de fret des
lignes de bateaux à vapeur, ce qui permet à l'industriel d'é-
tablir ses offres pour l'exportation avec facilité et certitude.
(( Enfin il est profondément regrettable que nos compa-
gnies de chemins de fer persistent à ne voir dans la naviga-
tion fluviale qu'une rivale et une concurrente alors que
Texpérience faite à l'étranger a depuis longtemps démonta
que la navigation fluviale est pour les chemins de fer ud(
pido et une dlliéc. »
HAPPORT SUR LE CONGRÈS DE DUNKERQUE 190G 353
M. Cloarec énumère les charges qui pèsent sur notre
marine marchande et la parahysent dans sa lutte contre les
marines étrangères : obligation de rapatrier les marins si le
navire désarme dans un port étranger ; — frais d'hospita-
lisation du matelot malade pendant quatre mois, même si
sa maladie est le résultat de la débauche ; - interdiction
d'avoir plus d'un quart de l'équipage en matelots de natio-
nalité étrangère pour les voyages au long cours ; — inter-
diction de tous matelots autres que français pour le cabo-
tage.
Dans ces conditions notre marine marchande ne peut pas
lutter si elle n'est pas aidée par des primes. La prime est un
mal nécessaire. L'Allemagne, dont la marine n'a pas les
charges qui pèsent sur la nôtre, n'en donne pas moins des
primes pour aider au développement de sa marine mar-
chande mais elle les donne d'une manière déguisée. L'Etat
allemand ne divulgue pas son système mais nous savons
que ces primes sont prises sur les tarifs communs, les che-
mins de fer étant la propriété de l'Etat.
Pour étudier ces questions, pour agir sur l'opinion et in-
tervenir auprès des pouvoirs publics, pour rechercher les
remèdes à un état de choses qui nous conduirait prompte-
ment à la ruine complète de notre marine marchande, le
groupement est nécessaire ;— ce groupement c'est la Ligue
Maritime en faveur de laquelle M. Cloarec prie le Congrès
de faire la plus active propagande.
M, Morael, armateur à Dunkerque, parle également sur
le relèvement de la marine marchande.il critique le manque
de cohésion qui existe dans nos moyens de communica-
tion pour amener le fret au port d'exportation. Dunkerque
reçoit ô peine un cinquième du tonnage qui devrait lui
venir de toute la région en arrière. Toutes les matières
lourdes,mineraiS) fers,macbines, filent sur Anyers,attirée8
par dea tarifs meilleur marché que par nqs lignes copver*
354 RAPPORT SUR LE CONGRÈS DE DUNKERQUE 1906
geanl sur Dunkerfjue.Le remède à cet état de choses serait
ie canal du Nord-Est, qui relierait Dunkerque avec Calais,
Hazebrouck, Lille, Valenciennes, recueillerait à Charlevilie
le trafic des Ardennes et de la vallée de la Meuse, desser-
virait le bassin de Nancy, les Vosges françaises et le Haut-
Rhin.
M. Morael parlant à son tour des charges qui pèsent sur
l'armement constate que, tant qu'existeront ces charges, il
n*y aura qu'un remède : les primes. Encore faut-il quelles
soient accordeesjudicieusement.il y a deux intérêts enjeu:
l'intérêt de l'armateur, dont il faut alléger les charges que
nous avons déjà énumérées, et l'intérêt du constructeur
sur lequel pè.se la cherté en France tant des matières pre-
mières que de la main-d'œuvre. Il faut ménager ces intérêts
contradictoires, or, toutes les lois relatives aux primes ont
été maladroites.
L'orateur les passe en revue :
Loi de 1881 : Fr. 1.50 par tonne et par 1.000 milles pâ^
courus par vapeur de construction française ; — demipriin«
pour ceux construits à l'étranger.
Cette loi n'encourageant pas suffisamment la construc-
tion française on fit la Loi de 1893 : Fr. 1.70 pour voiliers.
Fr. l.iO pour vapeur, par tonne brute et par 1.000 milice
parcourus. Rien pour les vapeurs ou voiliers coDStruiti
à l'étranger. Prime payable seulement pendant les dii
années qui suivent la construction du navire.
Cette loi avait d'abord le défaut de trop pousser à la cons-
truction des voiliers et nous aurions fini par ne plusavoif
que des navires à voiles ; en outre, elle portait en elle d
germe morbide qu*à l'expiration des dix années la cessatiot
de la prime forçait l'armateur à revendre son aarire i\
l'étranger.
On fit alorg, la loi d$ 1902 : Fr. 1,70 pour vapeur* j*
RAPPORT SUR LE CONGRKS DE DUNKERQUE 1906 355
qu'à 3.000 tonnes de jauge et Fr. 1 .70 pour voiliers, mais
seulement jusqu'à 600 tonnes de jauge.
Ensuite diminution de 10 fr, par 100 tonnes et sans que
la prime puisse s'appliquera plus de 1.000 tonnes par navire.
Conséquence : impossibilité de faire construire un seul
grand voilier. F]n outre, comme le crédit voté limitait la
construction à 500.000 tonnes, on s'empressait de faire sa
déclaration de construction pour revendre son tour d'ins-
cription.
La Ligue Maritime obtint la révision de cette loi et l'on
fit celle de 1906 ;
Grosse prime, uniquement à la construction de 172 fr.
par tonne de jauge brute pour les vapeurs construits en
France.
A la navigation, prime de compensation d'armement :
pour les vapeurs, 4 centimes par tonne de jauge brute et
par 1.000 milles parcourus jusqu'à 3.000 tonnes de jauge
brute, ensuite 3 centimes de 3.000 à 6.000 tonnes da jauge
brute et 2 centimes à partir de 6.000 tonnes :
Pour les voiliers, 3 centimes par tonne de jauge jusqu'à
500 tonnes, 2 centimes de 501 à 1.000 tonnes, et 1 centime à
partir de 1.001 tonnes.
L*OFateur dit que la prime de compensation donnée par
la loi de 1906 est insu£Qsante et que personne ne voudra
faire construire sous cette loi-là. Il déplore que, pour les
navires construits sous ia loi de 1893 la cessation de la
prime à Texpiration des dix années mette l'armateur
dans l'obligation de revendre son navire aux étrangers.
Il est vrai que les voiliers construits avant novembre 1901
ont obtenUjde par la loi de 1906,une prolongation de prime
de F. 0,03 par tonne et par jour pendant trois ans, mais o*est
insufBsant ; les autres construits après cette date, D*ont
pas de prolongation de prime. M. Morael demande que U
I
li5G HXPPORT Sl.ll Lt: CONGHl^S DE DUNKliKQUE 10(X>
compensiMtion soit jiccordcHî à tout navire pendant tout le
temps où il conservera ses qualités nautiques.
M. P.Colleniiony Secrétaire (iénéral de la Société de Géo-
graphie de Nancy, présente un travail sur les Ro\aim%
entre Dimkei^que et V liait e par i Eni de la France, ce travail
vient à l'appui des observations présentées par M. Moraei,
et conclut églement au prompt creusement du canal du
Noi'd-Kst.
A la suite de cette intéressante discussion, le Congrès?,
adopté les vœux suivants :
VCKUX PHKSENTKS PAR M. GlOAREC
V(j'u N'^ I. Que le régime administratif de nc^s ports soit
modifié dans le scmîs de l'attribution à un organisme k»cal
de l'administration totale ou partielle du port, c'est-à dire
dans le sens de l'autonomie.
Vœu A^" 2. Que les diiïérents services maritimes aujour-
d'hui répartis entre sept ministères différents, soient cen-
tralisés par la création d'une conimission permanente
interministérielle ou par la réunion*des différents services
en une direction générale de la Marine marchande.
Vœu N^ 3 Que le projet de loi sur les ports francs,
déposé par lo gouvernement en 1903, rapporté par M.CbaJ-
met et déposé à nouveau le 16 juin 1906, soit proniptemect
soumis aux délibérations du Parlement.
Vœu A^« 4, Que le Gouvernement s'efforce de développer
les voies intérieures de circulation, notamment les canaux,
de combiner les moyens de transport soit à Tinlérieur, suit
avec les lignes de navigation de manière ô faciliter la cir-
culation des marchandises vers les ports ou vice-versô.
Vœux présentés par M. Morael
Vœu N^ S, Qu'il soit procédé aussi vite que possible aa
Creusement du canal du N0Pd-Est«
RAPPORT SUR LE CONGRÈS DE DUNKLRQUE 1906 357
Vœu N^ 8' Que les dispositions de l'article 8 de la loi de
1901 aujourd'hui appliquées aux seuls voiliers francisés
avant le l^*" janvier 1JX)1, le soient également à tous les
navires, vapeurs ou voiliers, pendant le temps où il conser-
veront leurs (jualités nautiques.
Faute de tonqjs U»s autres (juestions ont été écourtées ;
nous les |)asserons brièvement en revue.
M. (incnol, de Toulouse, a la [)arole sur la question du
rehoisernent. La foret est la gardienne des sources ; si la
pluie tonjbe sur un sol iléboisé elle n y est pas retenue, de
là des inondations, des déplacements'de terre, une diminu-
tion des crues, un débit irrégulier des eaux, dont il devient
impossible d'utiliser les forces. M. Guénot démontre la
nécessité que l'Etat ait la haute main sur le domaine fores-
tier, les con)nnmes sont incapjibles d'administrer leurs
forêts. La mentalité des paysans est particulière sur ce
sujet. Le pélre considère la montagne comme son bien et
n'admet pas de règlenimlation. H faut s'elïorcer de chan-
ger cette mentalité et de faire aimer les arbres. M. Guénot
indique ce (jui se fait à T(.)ulouse dans cet ordre d'idées^
une plantation d'arbres est l'occasion d'une solennité, le
général en chef, le préfet plantent un arbre. Il y a une
Société des Amis des Arbres.
M. Geo. Majoiij\ Secrétaire général de la Société do
Géographie de Dunkerque parle sur le même sujet à propos
lies JJtfîics. G'est surtout de Uunkerque vers l'Est qu'elles
sont d'une aridité désespérante. Le vent les déplace. On a
essayé de planter des sajiins, mais les lapins les détruisent
dès la sortie de terre. Et cependant ces dunes ont été boi-
sées jusqu'au xvn' siècle. M. Majoux préconise pour la
fixation des dunes une plante que I'cmi nomme /'o//a^, c'est
un jonc à racin(?s puissantes.
Le résultat de ces intéressantes discussions est l'adop-
tion des vœux suivants :
360 RAPPORT PUR LE CONGHFS DE DUNKERQUE 1906
L'action fronçniso peut s'exercer pnr dilïérenls moyea
que M. Territa- énunirre : TMclion politu[ue, ranitîîioraiicï
du régime ccnsulinre, rur^tiiiisalion île la police, iM''^«
tion de services médicaux el de dispensaires.
Au point de vue politique il faut agir avec une grand)
prudence si \\m ne veut [>hs èlre brutalement contrarié ps
une puissance (juelcunqut^.au contraire ra('ti<.»nê(*onomifHi
et maritime peut s'exercer sans [léril puisque leMari»*^^
ouvert à la libre concurrence des nations européennes.
{. l sfiirr»'. '
BIBLIOGRAPHIE
L'Année Cartographique. — Supplément annuel k
toutes les publications de Géographie et de Cartographie,
dressé et rédigé sous la direction de F. Seliracler,
Directeur des travaux cartographiques de la librairie
Hachette et G»^
Dix-septième année, contenant les modifications géo-
graphiques et politiques de 1906. — Trois cartes tirées en
couleurs, avec texte explicatif au dos. Prix : 3 fr.
I. — Asie, par D. Aîtoff et Ch. Bonnesseur. — Itinéraire du major
C, D. Bruce de Leh à Pékin, 1906. — Traité franco-siamois (23 mart 1907) :
la nouveUc fronUére entre Siam et Cambodge. — Régions de la Perte,
explorées par A. F. Stahl, 1895-1906. — Chine occidentale : itinéraires de
MM de Marsay et de Las Cases, 1906.
II. — Affriatte» par M. Chesneau. — Sahara central, d'après les plat
récents travaux. - Les Frontières nord et nord-est de la Nigeria (convention
franco-anglaise du 29 mai 1906 et accord anglo-allemand du 16 juillet 1906;.
— Régions entre Kanem et Borgou, d'après les explorations du capitaine
Mangin : 1904-1906.— Mauritanie et Ferlo, d'après les travaux des capUalnea
Gérard et Vallier. ~ Congo et Bahr-el-Ghazal (levés du commandant
Lemaire, 19(«2-1905 ; Uinëralres du capitaine Roulet en 1900). — Frontière
tureo-égyptienne (accord du 1" octobre 1906).
III. Amérique, par V. Huot. — Rio Pilcomayo du rio Paraguay au
22» parallèle, par G. Lnnge. — Traversée du passage du Nord-Ouest^ par le
capitaine Amundsen (1903-1906) ; Expédition vers le pôle du commandant
Peary (1905-1906). — Réseau hydrographique du versant oriental des Andes
péruviennes, d'après les plus récentes exploiaUons. — Labrador oriental,
d'après le« levés de M-* Léonidas Hubbnrd, 1906. ~ Les Nouveaux Etats de
la Colombie. 1906.
U
I
362 BIBLIOGRAPHIE
Olobus-Earte, Mappemonde en fuseauT à échelle ont-
forme, avec un tableau statistisque des Etats autonoiM
et des colonies allemandes, publiée parle capitaine i«
SiPMAN. — Une feuille en couleurs au 74.000.000. -
Berlin, 1907, chez Dietrich Reimer(Ernst Vohsen).
Le capitaine Siptnan publie chez Dietrich Beimer (Ernst Vchaes),
BerlÎD S. W.48, une nouvelle carte du monde, appel<^ « Globus-Kirtei.
Cette carte montre chaque pays dans sa proportion exacte et diai
•a situation entre TEquateur et les pôles, deux |X)intR sur levqnelifl
existe beaucoup d'idées fausses. La surface terrestre est divisée»
six bandes fusiformes ; cliaque partie présente néanmoins un certiii
ensemble et toute la carte donne une image claire de la surface totak
de la terre.
Cette carte a une grandeur d environ 70 centimètres sur 55c«tî-
mètres ; elle est en huit couleurs avec divisions politiques. Le» pi*
mportantes voies de communication sont indiquées, en partant <ie h
Manche, de 100 en 100 milles avec, en regard, les kilomètres et 11
différence du temps. On a évité de charger cetto carte de noms moi»
importants de sorte que le dessin et l'écriture des choses esseotielki
tombent mieux sous les yeux. Elle est d'autant plus pratique pour
les écoles qu'elle dispense les élèves de Tel ude détaillée des p^0Je^
tiens tout en donunnt une iniage exacte de la surface terrestre qui •
fixe plus facilement dans la mémoire que les anciennes cartes.
Un tableau statistique permet (et ceci est tout nouveau) de compi-
rer les différents Etats de la terre et les colonies allemandes en «
qui concerne leur superficie, population, armée de terre et de mffi
finances, commerce et transport. Malgré les «ombreuses données tni
complètes dont Texactitode est garantie par les Fourcea indiquées, «
tableau reste très clair. En indiquant pour chaque pays la part q*
prend l'Allomagne dans Timportation et Texportation, on a une ito
de l'échange des marchandises de Tempire allemand avec tous lei
les pays du monde. Il est à remarquer qu'il y a, en ontre,des îndii*"
tiens sommaires sur la différence des monnaies, sur les dépeM«H* |
leB dettes de chaque pays.
La difficulté de se faire une i^ée exacte de notre surface terre^tr»
réside d'une part dans la forme spbérique de la terre et ddotrsptft
BIBLIOGRAPHIE * 863
dans l'i ni possibilité de représenter cette sarfaœ sphériqae entiers-^
ment et exactement sur une surface plane. Sur le globe, les méridieps
et les parallèles se coupent sous des angles droits ; si on conserre ces
derniers sur la carte, la forme et les contours des continents sont
exacts, mais aux dépens des proportions et des dimensions ; et vice«
versa, si on veut conserver ces dernières, il se produit une défigura-
tion des contours et de la forme. La défectuosité des proportions et
(ItR diuiensloDS est très accentuée sur les curtcs d^iprès la projection
de Gerhard Kremer(Mercator), et, c'ett à l'emploi de cette carte qu'il
faut rara*-ntr en première ligne les opinions et id(?es erronées qui
existent sur la superficie^ la division et les distances de certaines par-
ties du monde. Cette projection, employée d'abord pour les cartes
marines, s'est, peu à peu, implantée pour les cartes des continents,
parce qu'elle donnait un ensemble synoptique très clair. Mais cette
clarté a été obtenue au détriment de l'exactitude : car l'emploi d'une
échelle grandisiiante au fur et à oàesuré qu'on s'approche des pôles
nous induit en erreur et nôas incite à tirer de fausses conclusions dès
que nous comparons deux contrées situées dans des latidùdes diffé-
rentes. Ainsi, le Cameroun, qui est prenque aussi grand que l'Allema-
gne, paraît avoir à peine un tiers do la superficie de ce pnys: et
Mtidiigascar qui. À peu de chose près, a la même grandeur que la
presqu'île Scandinave, semble en avoir à peine un cinquième.
Un autre inconvénient est l'impoesibilité de représenter les contrées
polaires sur une même carte avec les autres pays ; par suite on s'ima-
gine les continents beaucoup plus également répartis sur les deux
hémisphère s nord et eud que c'est en réalité le cas D'autre part,sur
les planisphères, la carte est très défigurée vers les bords, et, par con-
séquent, les distances sont peu conformes à. l'échelle. En outre, la
division de la terre en deux moitiés, entre lesquelles tout rapport
manque, et le tracé courbe des parallèles nous permettent difficile-
ment de nous rendre un compte exact do lu situation ou de la latitude
d'un endroit.
l.e Globe terrestre qui, grâce à sa forme sphériqne, permet se<il
une repioduction vrain.cnt fidèle de la surface terrestre a, cependant,
cet inconvénient que, à moins de le toivner ou de changer de place,
on ne peut voir qu'environ un douzième de la surface de la terre en sa
position exacte. Il est donc impossible de comparer immédifttetnçBt
iOi klBUÔOHAPfilK
entre ellee lee différentes parties da monde k canse de l'image oliai-
géante dn globe en le tournant on changeant de place.
La nouTelle carte (Globaskarte) dn capitaine Sipman qni représente
la snrface terrestre en six lanières fusiformes, donne tontes les
parties de la terre en une échelle uniforme ; la distance d*ini point
quelconque de l*équateur et des pôles est immédiatement visible, et.
pour comparer la superficie et la situation de deux pays ou la lon^iecr
des voies de transport ou des lignes de navî/ration, la tâche devient
très facile. La défignration des bords est bien moins grande car c^
cartes reproduisent une étendue moins gcaode que les planisphères
Mais ces six cartes qui ne se touchent qu*â Téquateur ont le grand
inconvénient de séparer les grandes masses continentales en diver^et
parties de sorte que l'ensemble des continents se perd d*nne faç< c
pénible. Pour obvier quelque peu à ce désavantage et donner, m aî^-
leur morcellement, un certain ensemble à ces six fuseaux, Tautenr i
ajouté h chaque carte divisionnaire deux cartes complém entai reft 'iir-
de chaque côté) qui grandissent avec les intervalles, laissés entre \^ i
cartes prin'^îpales, c'est-à-dire, vers les pôles ; k partirdu 80* degré tl?
latitude, on a pu développer la surface terrestre dans toute son éten-
due. Il est vrai que ces cartes complémentaires présentent, à cause <i«
leur position latérale À la carte principale, une certaine défiguratior.
qui, cependant, n*atténue que la forme ; la superficie et If s distanrei
est-ouest en sont exactes. Ainsi, la earte c Groeland — Amérique d*:
Sud » montre les côtes de la partie nord de P Atlantique et lescbemics
maritimes entre l'Europe et l'Amérique dans Tensemble, tandis que
Ton peut voir la forme exacte delà côte ouest de TEurop^e sur la earte
c Europe — Afrique ». De même, sur la carte « Asie », tout le con-
tinent se présente dans l'ensemble, tandis que la conformation de^es
côtes orientales se voit sur la carte « Extrême-Orient — Australie. ».
Le méridien moyen de chaque carte est droit, conforme à VéchcD^
et coupe réquateur ainsi que les parallèles sous un angle droit : les
autres méridiens forment, sur la carte, des lignes courbes et sont
donc un peu plus longs que leur grandeur réelle. La défignration qui
en est la conséquence n'est que très faible sur les cartes principale :
mais elle augmente sur les cartes complémentaires, progreesiveneot
vers les bords^ce qui, au premier aboTd,donne une image assez bizarre:
mais on s'y fait assez rapidemen t . i
filBLlOGHAPHlfi f 865
i cartes d'après la projection de Mercator TAsie et l'Amériqae
, par exemple, paraissent beaacoap trop larges, et FAmé-
Sud trop allougée, tandis que snrles planisphères,1a Norvège
i'dland se trouvent d^ns une position presque horizontale. Si
pare ces parties du monde sur les anciennes cartes et sur la
jMrte de Sipinan, on trouvera certaineraont que cette der-
. [>liis près de la véritô que les autres. Somme toute, vu le
prix de la carte (1 mark), il est difficile de faire mienx.
J. Fritz
Professeur d l'Ecole Supérieure de Commerce du Havre
AVENTURES DES MARINS DIEPPOIS 3:Jl
On raconte que lorsqu'on demanda au Doge ce qui Téton-
nait le plus à Versailles, il répondit malicieusemenl : (( G*est
de m'y voir. »
Duquesne, vieux et fatigué d'une vie si laborieuse, vint
aussi à Versailles peu après, mais il fut reçu froidement par
le roi qui lui tenait rigueur de son caractère indépendant.
Affaibli et dépité il donna sa démission et se retira dans sa
famille, oii il mourut à 78 ans. Il laissait la réputation du
plus habile homme de mer de son siècle.
Les frères cadets de Duquesne marchèrent sur ses traces
et devinrent capitaines de vaisseau. Ses fils aussi furent
d'excellents marins (1).
Cependant Torgueil du roi alluma une nouvelle coalition.
Les Anglais, animés depuis longtemps contre Dieppe d'une
haine farouche, résolurent de tirer sur elle ven^jeance du
bombardement de Gènes. Le 12 juillet 1694, l'amiral lord
Berkeley se présente devant la malheureuse cité, si mal
défendue par sa position et qui n'était soutenue par aucune
flotte. Onze cents bombes y furent lancées, qui eurent vite
fait d'incendier toutes les maisons, et de tuer des milliers
de personnes. Les Anglais ne se retirèrent que lorsqu'ils ne
virent plus dans l'ancienne cité des Cousin et des Ango
qu'un monceau de débris et de cendres.
Louis XIV résolut de réparer cette ruine épouvantable.
Il fit tracer par l'ingénieur De Ventabren le plan d'une ville
plus régulière et plus moderne, aux rues larges et droites,
aux maisons de briques et de pierres.
Quelques années après le bombardement, Dieppe s'était
encore une fois relevée de ses ruines et attendait une pros^-
périté nouvelle.
(U Cf* Diftlounalre Laroiuie, irtidti DnqoMiiei
CRÉATION
d un Centre de Colons Normands
EN ALGÉRIE
Le Gouvernement général de l'Algérie vient d'informer
officiellement rOlïice de renseignements gratuits de la
France Colonisatrice que huit concessions gratuites étaient
réservées, au village de \Valdeck- Rousseau, à des familles
d'origine normande et présentées par la Société la France
Colonisatrice. M. le Gouverneur général de TAlgérie en
annonçant cette décision écrit, à propos de ce centre >
(( La part restreinte faite au peuplement par voie d'allri-
« bution gratuite ne m'a pas permis d'en disposer d'un plus
(( grand nombre au profit des familles ayant le patronage
(( de la Société.
(( Les résultats de la vente à bureau ouvert de la majeure
(( partie des concessions do Waldeck-Rousseau ont été
« des plus satisfaisants et, par suite, celles qui sont oc-
(( troyées dans ce contre constituent des dons de valeur. »
C'est donc un centre de premier ordre qui est réservé
aux Normands.
On peut se faire inscrire ou demander des renseigne-
ments à l'Office de renseignements gratuits de la Franct
Colonisatrice i 1, place Verdrel, Rouen.
AVENTURES DES MARINS DIBPPOIS 323
et durant la traversée, l'eau potable vint à manquer sur le
navire. Deux arbustes périrent de sécheresse et le troisième
allait avoir le même sort, lorsque les matelots étonnés
virent leur capitaine partager avec lui sa part de la pré-
cieuse boisson et arroser tous les jours la jeune plante avec
le peu d'eau qu'on avait réservé pour lui même.
Celte sollicitude touchante ne fut pas perdue. L'arbuste
fut planté à la Martinique, grandit, fructilia, et devint le
père des caféiers de toutes les Antilles (1720).
A la fin du règne de Louis XV, les désastres de la guerre
de Sept Ans donnèrent à Vauquolain, autre enfant de
Dieppe, loccasion de se signaler. De famille obscure, il se
voit, tout jeune, par ses mérites évidents, confier une
frégate, malgré la jalousie des marias de naissance qu'une
telle innovation scandalise. Vauquelain part de Dieppe sur
la frégate L'Aréihuae, de trente canons, ce qui était peu
pour l'époque et jure à ses concitoyens de la leur ramener
intacte ou de mourir en la défendant, il se trouve bloqué
avec l'escadre française dans le port de Pittsbourg, en
Amérique. L'escadre ne peut tarder à être prise par la
puissante flotte anglaise qui l'assiège et va se rendre.
Vauquelain obtient de tenter une sortie. Il manœuvre si
adroitement qu'il passe au milieu des Anglais surpris,
gagne la pleine mer, vainement poursuivi, et ramène à
Dieppe sa frégate.
Le hardi corsaire apprend que notre colonie du Canada»
peuplée en grande partie de ses concitoyens, est attaquée
par des forces anglaises de beaucoup supérieures, et que
le roi de PYance commet la coupable imprudence de ne
pas y envoyer de secours. Il ne laissera pas, lui, cette
vieille colonie nous échapper sans tenter de lui venir en
aide. Il vole avec LArétkuse, sur les rivages menacés,
remonte le cours du Saint-Laurent pour porter secours
(iux Français assiégés dans Québec ; mais apprenant la
324 AyENTURES DES MARINS DIEPPOlS
reddition de cette ville, il veut regagner la mer, lorsqu'i
se voit cerné par toute là flotte ennemie. Loin de se rendre,
il se défend en désespéré. Ne pouvant sauver son bâtiment,
il fait descendre ses soldats dans les canots de sauvetage,
met le feu à sa frégate et y attend, seul, la mort. I^s
Anglais, admirant son courage, montent sur son vaisseau
enflammé et lui sauvent la vie (1763).
Chargé d'une mission difficile dans l'Inde, il s'en acquitte
avec succès et à son retour en France se voit calomnié par
la jalousie des officiers nobles, envieux de ses exploits, de
sa jeunesse et de sa nomination au grade de lieutenant de
vaisseau. Il fut emprisonné huit mois et n'en sort que pour
tomber assassiné, un soir, sous les coups d'un inconnu.
Avec lui se termine la liste des guerriers remarquables
de Dieppe. Par contre, des héros, plus modestes, obscurs,
mais non moins admirables, vont prolonger les généreuses
traditions de la vieille cité normande.
Après un bombardement inutile des Anglais, en 1803,
Napoléon 1<?' fit de vastes projets sur l'aménagement du
port de Dieppe, qu'il laissa à ses successeurs le soin de
mettre à exécution, pour en faire du moins un port de
commerce confortable.
La pêche dans les mers polaires et sur les bancs de
Terre-Neuve, à laquelle se livrèrent avec ardeur les Diep
pois, donna à l'un d'eux, Noël de la Morinière, l'idée
d'étudier cette industrie qui le passionnait. Il fit d'abord
sur les côtes de France, des études hydrographiques,
écrivit de nombreux livres très estimés sur les pèches, leur
histoire, leurs procédés, devint membre correspondant de
l'Académie des Sciences, inspecteur général des poches
maritimes. Il visita les côtes du Nord de l'Europe pour
se renseigner sur les lieux mômes et, malgré une maladie
Bigud voulut s embarquer pour la Norvège. Il mourut h
OrVUAGF.S UKÇ.LS A LA SOniliTK 371
L'Expansion coloniale du Congo français, par FcrnaDd Rouget,
commissiire-adjdiiitdiH.'on;!;:*» à l'Kx position coloniale de Marseille,
introduction pir M. Emile Gkntil. cominissiiro général du G'iu-
verucment au Congo français. Paris, lîMlG, 1 vol. in-8, avec HH
gravures, 12 cartes et croiuis et une cane d'chstMnhle.
Vers Athènes et Jérusalem. Journal ilo Vfiyiî^o cri (tnVe et on
Syrie, par Gustave IjAUUOUMKT, mouibro do llnstitut. l'aris 1S'J8,
1 vol. in-8.
A travers la Perse orientale, par lo Maj«)r Svk!:s. I*ari8, 11)07,
1 vol, in-lG, avec 50 gravures.
L'Ile de Cuba, Santiago, Puerto- Principe, Matauzis, f.a Havane,
par Hippolyte PiRo^v. Paris, IHXl»^ 1 vol.in-18, orné do no:nl)reu8i«
gravure*? sur bois.
Le Brésil, par Paul Uenki.k. Paris, 11H)7, 1 bmch. 7<î pp., ornée de
nombreuses gravures. (Don do M. Jmi') N'iciri da îSilva, consul
générai des Etats-Unis du l^résil.)
Un Missionnaire chez les Sauvages de PAraguaya, au Bré-
sil. - Le P. Gil Vilanova, des Frères prêcheurs, par le U.
P. Etienne-Marie Gallais, dvs Fn-rej* prèciieurs. Toulouse, 1901,
1 vol. inlG, oiuù d'un portrait et de 'A gravures avec une carte et
un plan hors texte. (Don de M"*' Charles de Malruain.)
Le Cuivre. Sa production et son commerce aux Etats-Unis.
son marché en 1907, par Andié-E. Sayous, bccroiaire général de
la Fédération dus Industriels et Commerçants franç.iis. Paris. 1907,
1 broc. in-8, 58 pp.
L'Aurore Aastrale. — La Société australienne. — Le Socialisme
en Australie. — La Constitution australienne et son fonctionnement.
— La valeur et la situation matérielles do l'Australie. — L'Aus-'
tralîe vue du dehors, par Biart d'Aunet. Paris, 1907, 1 vol.in-18.
Autour du Kunde, par les Boursiers de Voyage de T Université de
Paris. (Fondation Albert Kahn.) Paris, 1904, 1 vol. in-d.
Le Traité Franco-Siamois du 23 mars 1907, par Joseph
JouBBRT, vice-président de la Société des EtiKles Coloniales et
Maritimes* Paris, 1907, 1 broch. in-8, 24 pp. (Don de lAuteur.)
Xoavement commercial, industriel et maritime de la place
d'Anvers. Hupport sur l'exercice 1906, publié par la Chambre de
commerce d'Anvers, 1907, 1 vol, in-8. (Don do M. le Président de
la Chambre de commerce d'Anvers.)
MouTement général maritime et commercial de la Gochiii*
chine française, pendant Tannée 1905, Statistiques, impor-
tations et exportations, publiées par la Chambre de commerce de
Saigon, 1907^ 1 toL in-4. (Don de M. 1q Président de la Chambre
d9 commerce da Saigon.)
Ii72 OUVRAGES REÇUS A LA SOCIÉTÉ
La Question de la Valorisation du Café au Brésil, p^^ ^-
Ferreiua Uamos, ingénieur, conwnisHiiro gént-nil du Goiivem*-
ment do l'Etat de Saint- Paul pour le Nord de l'Europe. Gonfér«înoe
faite nu (Vr^lo d'Etu<les colonides d'An vois, le 2';) janvier V,^^'.
Anvers, 11)07, 1 voLin-S, contenant Ct'6 gravures, 2 caMes et M dia-
grammes. (Don de l'Auteur.)
Brazil " Magazine ", Ueviio mensuelle d*art et d'actualités, puMite
en deux textes, portugais et t'ruuçais, ornée de nombieii.-t'»' iiii»^-
traiions. Numéros de février à juin et août VM)!. i.DondeM.F.
Ferreira Haraos )
Le Courrier de l'Etat de Saint-Paul, édité à Anvers par 1*
Comniinsiiire général de Saint-Paul (Brésil), puldicntion niensaelle
illustrée. Numéros parus de février à septembre l'.H)7. lEuvoi de
M. F. Ferreira Kauios.)
Carte de l'Inde ecclésiastique, au 4.4<X) 000*, une feuille eo
couleurs, éditée par *' Les Missions Catholiques ". Lvon, jiuvitf
1907.
Railway Map ol the Dominion of Canada, une feuille en coif
leurs au G.336.0()U^, publiée par le*' Department of Interior\
Ottowa, 1907.
TABLE DES MATIÈRES
ANNÉES 1906-1907
EUROPE
La Frontière Lorraine, par M. Akix^uin-Duaiazet .... 5
La Révolution Russe et la Douma, par M. PiAYMond
Kecouly 'S.\
L'Espagne légendaire, pittoresque et anecdotique,
par M. KiiRNNK lî- /j-: 111
ASIE
Le Cheminde ferdeKonia-Bagdad, par M. Feum.
Vanier 235
374 TABBE DES MATIÈRES
AFRIQUE
La Fabrication des Chapeaux à Tamatave
Les Pêcheries de la Côte Occidentale ^d'Afrique,
pai iM. A. GiiL'VKf 51
Correspondance du Cocgo, par M. A. Lk î^reton .. îft*
Un voyage au Congo Français, par le R. P. IIevri
Trili.ks 217. 3»)
I a Face Néo-latine di l'Algérie en 1907, par A. db
POUVOUHVILLF , '2:A\ '^^
AMKUIQUK
L'Eruption do la Montagne Pelée à la Martinique,
par M. .T. (îinAri» 7:'., '.'7
La Formation d'un lac dans le désert du Colorado»
par M. Hknici dk VAi.MiNY f^'»
L'Emigration et la Colonisation Italiennesau Brésil,
par M . HizzETTo RizzAHPO ir»n, 1k.
GKXKKALITKS
Henri Blot-Lefevre 1
La nouvelle carte de France au 50. 000« jw4
Le Cocotier et le Coprah i.\v.'
Aventures des Marins Dieppois, par M. ALn:t;i>
Mon.iN ■>!
Rapport sur le Congrès de Dun^erque 190Ô ;U'.«
AVENTURES DES MARINS DIEPPOIS 329
Souhaitons que les Dieppois futurs s'inspirent de ces
traditions, et les continuent par des exploits maritimesdu
même genre ou d'un genre nouveau, que les circonstances
ou le progrès feront naître plus tard.
Toujours hardis pêcheurs, toujours excellents marins,
verrons-nous encore leur nom surgir dans une entreprise
audacieuse et imprévue? Ils ont de qui tenir, et l'avenir
est grand.
Alfred Moulin
k'Z
;!'
SOCIETE
DB
•GRAPHIE COMMERCIALE
3DXJ H-A-TmE
- — - -aie ■
BUllLiETIfl
ANNÉES 1908-1909
• -# « .
-5»
if
Il
If'
UN VOYAGE AU CONGO FR.VNÇAI9 333
assez habile », rn^ disaient-ils, et l'un d'eux me proposa
Texpérience suivante. J'avais un couteau de fabrication
anglaise qui coupait les lianes d'une façon admirable et
qu'il désirdit beaucoup. De mon côté, j'avais envied'unç de
ses lances que j'ai rapportée « Si tu veux, nous allons faire
rexpérienc(3 suivante : Tu* crois, lorsque je dis que pour
attraper une antilope je me glisse sous le ventre, que c'est
pour me vanter. Eh bien ! faisons un pari. Tu vas te mettre
au milieu d'une clairière — elle pouvait avoir tout au plus
un rayon de 25 mètres autour de moi — je viendrai et j'es-
saierai de te surprendre comme si tu étais une antilope. ))—
« Oui, mais tu ne me donneras pas un coup de couteau » . —
« Je ne te donnerai pas un coup de couteau, je te poserai
simplement la main sur l'épaule. » — Nous allons voir, mais
combien le feras-tu de fois ?» — « Si tu veux, je le ferai
trois fois sans que tu aies pu me voir.»— aSije te vois tu me
donneras ta lance.» Il acquiesça de bon cœur.— « Oui, mais
si je gagne tu me donneras ton couteau. » — Immédiatement
chacun se disposa Je me mis dans la clairière, le pygmée de
son côté disparut dans la forùt.Je n'entendis plus de bruit.
Au bout d'une demi-heure, comme je me tournais, regardant
ô droite et à gauche, il me posa la main sur l'épaule en me
disant : « Cela fait bien une fois. » — Quand on est pris de
cette façon, on se demande comment cela a pu se faire.Je me
mis à regarder et cette fois.du n.ieux que je pus. Au bout de
sept ou huit minutes, il me posa les mains sur les épaules. Je
sentais mon prestige d'homme blanc qui s'en allait^ c*était
ennuyeux. Je regardai mieux encore que les deux premières
fois, mais malgré tout je fus e^icore âurprls.
Continuons notre promenade.
Les indigènes sont des chasseurs très habileâ. Avec Und
simple feuille, en se pinçant le tiez, iU imitent le cri des
antilopes qui viennent près d'eux et alors il leur est facile
do les tuer.
334 UN VOYAGE AL CONGO FRANÇAIS
Cest dans la forêt que nous avons rencontré Tokapi que
nous avons tué,sans nous douter du renom qu'il allait avoir.
C'est, dit-on Tancétre du cheval ou de l'âne.
Quelquefois, au lieu d^avoir une antilope à manger on a
recours à des dîners plus modestes. Quand j'ai pris ces cli-
chés, nous marchions depuis troi^ jours. Les noirs qui nous
conduisaient,nous avaient dit qu'il fallait seulement un jour
de marche,on n'avait donc emporté des vivres que pour un
jour. Le premier jour on avait tout mangé, le second jour,
jusqu'au soir, on a serré un ou deux crans de sa ceinture.
C'est une façon économique de dîner, mais qui a bien des
désavantages. Enfin, on est arrivé sur un vol de sauterelles
et on en a pris une certaine quantité ; les noirs disaient que
c'était très bon à manger, mais pour moi ce mets ne vaut
pas cher.
Nous arrivons maintenant à l'entrée d'un village. Il y a
assez longtemps que je vous promène au milieu des bêtes,
voyons un peu les gens.
Quand on arrive près des grands villages de l'intérieur,
la première chose à faire, c'est d'arrêter sa caravane de
façon à pouvoir causer avec les gens du village et à ne pas
s'avancer à l'improviste. Avec deux de mes hommes je
m'avançais afin de parler avec les habitants du village. La
plupart des villages sont en guerre. La sentinelle est en
avant, elle se tient à l'entrée du chemin derrière son bou-
clier, toute prête à vous lancer ses flèches ou sa sagaie qui
sont toujours empoisonnées à la strychnine. Derrière, trois
ou quatre hommes sont prêts à s'élancer en cas d'attaque.
Pendant ce temps, les femmes, les enfants et les impédi*
tnenta quelconques se sont retirés un peu en arrièrei de
façon à pouvoir se sauver en emportant tout ce qu'ils peu*
vent s'il arrive la moindre chose. Les chefs de guerre sont
en avant pour voir qui vient« Tous ces préparatifs durent
Un t^mps assez long. Les chefs prennent toujours dans cet
Soeiété
de
XX Y" ANNKK
1^' Trimestre 1908
Géographie
Commerciale
da Havpe
BUltliETirl
haVre
131. kci: i>r I'Mms. loi
'itiii l-N VOYAGE AU CONGO FRANÇAIS
oux deviennent vos amis. L'habilude de manger ia chair
humaine ne provient pas du manque de TÎande, cest
presque toujours un phénomène de guerre ou un fait rituei.
quelquefois un sacrifice religieux, bien souvent aussi on
acte de vengeance.
Lorsqu'on a pénétré dans la première enceinte, on passe
devant le chef, il vous fait une réception solennelle. Si Ton
veut conquérir son amitié, on lui oflfre même de petits
cadeaux suivant Tusage, puis on passe par une cérémonie
d'initiation, une sorte d'interrogatoire. Un fétiche particu-
lier, un couteau est pendu au-dessus de vous, vous passez
dessous et un sorcier vous pose certainesquestions.il vous
demande ce que vous venez faire.Le couteau qui est là joue
un grand rôle. Si vous n'êtes pas considéré, il peut arriver
qu'il tombe, et dans ce cas, c'est très dangereux, car la tète
tombe au'ssi. Lorsqu'on veut faire partie de la tribu,une des
conditions essentielles, c'est de passer par la cérémonie qui
vous fait frère de sang. Le dernier acte seul de cette céré-
monie est intéressant pour vous. Lorsqu'on a su ce que vous
vouliez, on vous met face à face avec le chef. L'un prend
une poule par les pattes, l'autre par les ailes et on tire. Plus
on tire, plus la bote crie et à un certain moment, les pattes
viennent d'un côté et les ailes de l'autre ; on dépose alors
le tout dans une feuille de bananier puis le chef vous fait
une légère incision au bras gauche. On prend alors un
morceau de la poule,on le frotte dans son sang et on le pré*
sente à l'autre en disant ces belles paroles : ((Prends, mange
et bois, car à partir de ce moment tu es mon frère » . Le
chef fait de môme et dit : (( Tu es mon frère car tu as bu
mon sangtà partir de ce moment tu es le frère d'un puissant
chef))* Ce qui donne toutes sortes de prérogatives^
J'ai voulu vous promener au milieu du pays, vous mon-
trer un peu quelles sont les difficultés de pénétration au
milieu du Congo» Ce n^est pas toujours très facile) comme
CN VOYAGE AU CONGO FRANÇAIS H37
VOUS ayez pu ie voir, de s'avancer dans l'intérieur. On vous
a dit au conmieacement que nous faisions œuvre de pion-
niers et de civilisateurs c'est un peu vrai, et s'il m'est donné
un peu plus tard, comme je l'espère, de revenir parmi
vous, nous pénétrerons dans la vie du peuple surtout. Je
vous montrerai comment, en nous enfonçant au milieu de
ces gens, nous avons toujours cherché à conquérir notre
place au soleil, c'est dans notre rôle. Nous avons cherché à
faire de ces gens des chrétiens ; mais nous ne nous atta-
chons pas seulement à une question de doctrine,nous cher-
chons à les relever par l'enseignement et par le travail. C'est
ainsi qu'en attirant beaucoup de monde dans nos écoles,
nous essayons dans toute la mesure de notre possible, et
nous y réussissons un peu, nous essayons, dis-je, de faire
la France de l'avenir. Avec vous, je n'ai voulu faire aucune
éloquence, j'ai voulu simplement vous montrer que tous,
tant que nous sommes : missionnaires de toutes sortes,
pionniers, négociants, colonisateurs ou fonctionnaires, ce
que nous voyons avant tout et au-dessus de tout, au milieu
de ces peuples dont je vous ai entretenu ce soir, dans ce
magnifique Congo où nous avons planté notre drapeau,
c'est la France de l'avenir !
Henri Trilles
Lia l^aee Hco-liatine
et
r Algérie en 1907 '
Nous avons eu au<«*i, j»ir suite de circonstances excep-
tionneiie.s, une émîL'ralion française en Algérie : c'esll émi-
gration aisarienne .«'rraine qui a suivi la guerre de 1870.
On ne ficut p;<s coni[>k'r non plus sur cette émigration.non
pus que les résultats n'aient pas été bons, mais elle n'a été
que temp^jraire et une émigration n'est valable qu*autant
qu elle provoque un courant continu. Les Alsaciens-Lor-
rains qui ont été en Algérie ont en général réussi là-bas
parce que c'étaient d^s agriculteurs. Ils y ont transporté
leurs habitudes de travail, leur science des travaux agri-
coles, et jusqu'aux noms des villes perdues. J*ai retrouvé
en Algérie, en Kabylie, les noms de Colmar, Strasbourg,
Mulhouse, qui rappelaient à ces braves gens le pays que
nou9 n'avons pas su leur garder. Mais la quantité fait
défaut à cette émigration si la qualité en est merveilleuse.
Aujourd'hui elle a cessé, et s'il y a encore quelques Alsa^*
ciens-Lorrains qui restent en Algérie, ils proviennent ex*
clusivement de libérés de la Légion étrangère qui ont fini
leur service et qui considèrent désormais l'Algérie comme
leur unique patrie car, vous savez qu'à la Légion étrangère
il y a un tiers de petits bonshommes aux yeux bleus etaux
cheveux blonds qui déclarent qu'ils ont dix-huit ans lors-
(1) VQlr U BttUtUn da a* trimestre 1907. ^
LA RACE NÉO-LATINE ET l'aLGÉRIE EN 190*? 339
qu*ils passent la frontière allemande, mais qui, en réalité,
Ti*en ont que quinze ou seize et que nous prenons tout de
iTiénne, parce que nous savons que, cachant leur état-civil,
ce qu'ils viennent chercher chez nous, c'est la patrie qu'ils
n'ont plus ailleurs .
Quand ils ont passé cinq, dix ou quinze ans, (c'est un
régiment où l'on rengage beaucoup) à la Légion étrangère,
il se trouve qu'au moment de leur libération ils n'ont plus
en réalité d'autre patrie* qiie celle où ils ont fait leur temps
de service, et ils restent en Algérie. Il est assez curieux de
voir au fond des villages de TOranie, au milieu de ces po-
pulations à sang très chaud, à lèvres très rouges, à che-
veux noirs comme les corbeaux, les cheveux blonds et les
yeux bleus des Alsaciens- Lorrains ; mais, je le rappelle, si
la qualité est merveilleuse, la quantité est intime, et, tout
en réservant cette qualité, nous devons faire appela d'au-
tres sources d'émigration pour créer la population algé-
rienne.
Cette population viendra donc d'un courant d'émigration
que je vous ai indiqué tout-à-l'heure, des nations euro-
péennes autres que la France. Quelles seront ces autres
nations ? Un courant d'émigration ne se crée pas comme
un courant d'induction électrique, il y a des sources et il
faut les endiguer et les utiliser ; mais on ne les crée pas de
toutes pièces, pas plus qu'on ne supprime de toutes pièces
un courant d'émigration.
Des individus émigrent mais un peuple n'émigre pas ;
un peuple est nomade mais n'émigre pas. Les individus
émigrent fatalement et forcément vers une unité qui leur
ressemble.Quand jadis les Français émigraient, où allaient-
ils ? Ils allaient dans l'Amérique du Sud ; et actuellement,
les Allemands, où vont-ils ? Les Allemands vont aux Etats-
Unis. Ne pouvant pas avoir de colonies, ils s'en vont dans
lea colonies anglo-saxonnes. Il ne leur viendra jamais ft
4 CHEIKH-SAID
de lui avouer au dessert, inter poculaj la revanche qnil
avait mission de prendre. L'Anglais donne tout bas q&
ordre à son officier d'ordonnance et félicite tout haut
notre bon diplomate qui se rengorge. La soirée se pro-
longe fort avant dans la nuit ; le marin diplomate re-
gagne enfin son bord et appareille. A Taube, il arri?c
devant Périm : le pavillon anglais y flottait depuis quel-
ques heures et le navire que venait d'y expédier le gou-
verneur d'Aden n'avait pas encore éteint ses feux. (!)
Chassés de Périm, nous errons pendant plusieurs
années à la recherche d'un autre point à occuper, mais
sans nous fixer nulle part. Dès 1856 notre consul à Aden,
Henri Lambert, se voue à cette œuvi*e ingrate de donner
à la France un territoire à l'entrée de la Mer Rouge. Ses
vues s*arrétent sur Obock dont il obtient la cession en
1859. Les conditions sont arrêtées, il part d'Aden sur un
boutre arabe pour aller signer le traité définitif; à peine
au large, il est assassiné. L'or anglais trouvé plus laitl
entre les mains des coupables montrerait sufiisamment
doii partait le coup, si ces coupables eux-mêmes n'en
avaient pas fait l'aveu. Le commandant Fleuriot de
L'Angle, qui fut chargé de faire Tenquéte à ce sujet (i),
reprit l'œuvre de I^mbert et signa en 1862 le traité qui
nous donnait Obock, pendant qu'un autre bon Franvais.
le commandant Russel, se faisait céder Amphila, Disse,
Oude, Arkiko, Adulis et les territoires de l'intérieur
jusqu'à Keren et au llamazen, c'est-à-dire tout le pays
qui devait, en 1883-84, nous être enlevé par l'Italie à
l'instigation de l'Angleterre. Le commandant Russel
(1) P. BoN.NKTAiN. — L Extrême-Orient.
(2) Denis dr Hivoyrb. — 1^8 Français à Obock.
L. Simonin. — Voyages de H, Lambert,
TOUR DU MONDE 186*. — 2°*e sefuestrc.
LA RACE NÉO-LATINE ET l'aLGÉRIE EN 1907 *Ml
fait d*un rêve éthiopien qui s'est terminé en cauchemar,
rjtalie n'a pus ou la Tunisie, il y a des chances qu'elle
retrouve le rêve perdu du côté tripolilain. Il se trouve que
la France est la seule nation latine qui ait pu recueillir l'hé-
ritage dn sani;' latin, je ne dirai pas du sang gaulois. Cela
n'a pas empèfiié les peuples latins qui ne sont pas fran(;ais
de prendre part ethnographiquement à la conquête fran-
çaise.
L'Espagnol qui est (on peut le dire sans blesser personne)
en butte dans son pays à une administration trop routinière,
très Iracassière. émigré dans l'Oranie ([ui est en face de lui.
L'Italien, surtout celui du sud, le Sicilien, qui est à l'étroit
chez lui et à qui l'on demande une somme d'impôts au-des-
sus de ses forces mais qui est nécessaire à son pays, émi-
gré en Tunisie. Nous voilà donc en face do deux éléments :
l'Kspagnol d'un côté, l'Italien de l'autre. C'est avec ces
éléments que se constituera, môme si nous ne le vouluns
pas, la race qui constituera l'Afrique du Xord. Il y a des
gens qui émettent des craintes à ce sujet, (jui ont dit, et je
l'ai entendu, que si on laisse 1 émi.uration envahir comme
cela l'Algérie, l'Oranie deviendra une province espagnole, et
la Tunisie une province italienne. C'est incontestable. Mais
si nous. Français, sommes incapables d'envoyer dans nos
provinces algériennes, tunisiennes, et plus tard marocaines,
Télément français d'origine en quantité suffisante, et si,
d'autre part, nous nous opposons adminislrativement à
l'endosmose inévitable espagnole et italienne, cette endos-
mose se fera malgré nous, elle se constituera contre nous.
et c'est ce qu'il ne faut pas. Nous avons sous la main ces
éléments en cpicstion. l'I'lspagnol d'une i)art, l'Italien de
l'autre. Que font-ils? Ah ! s'ils faisaient comme font beau-
coup de Français, s'ils venaient en Algérie et en Tunisie
en disant : chc/ nous n(njs n'avons pas le sou et nous mou-
rons do faim, et en face, chez la bonne sœur latine, il
S42 LA RACE NÉO-LATINE ET L ALOéRIE ES 1907
y a de quoi manger, il y a de quoi économiser, allons-y ;
quand nous aurons rempli nos poches, nous rentrerons en
Espagne ou en Italie. Ce raisonnement est celui que se
fait Témigrant français, c'est celui que se fait le Chinois
qui émigré en Indo-Chine. Je ne suis pas partisan du tout
de ces émigrations là. Ce ne sont pas des colons ces gens-
là, ce sont des ventouses-
Mais r Espagnol, mais le Sicilien qui émigré ne se fait pas
du tout ce raisonnement. Non seulement, il ne se le fait pas ;
mais il na pourrait passe le faire, parce que l'Algérie et la
Tunisie nourrissent leur homme mais ne l'enrichissent pas ;
on ne thésaurise pas encore en Algérie et en Tunisie. L'Es-
pagnol en Ornnie, le Sicilien en Tunisie auront vécu beau-
coup mieux qu'ils l'auraient fait chez eux pendant 10 ans,
15 ans ou 20 ans, ils auront été plus satisfaits, mais s'ils
voulaient retourner chez eux, ils y retourneraient sans le
sou et mourraient de faim comme auparavant. Par consé-
quent, ils resteiit chez nous, et de plus, ils trouvent dans
notre Algérie et dans notre Tunisie un bien-être, une ai-
sance,une largeur d'idées, une satisfaction journalière qu'ils
ne rencontrent pas dans leur pays dV>rigine ; ils y trouvent
également cette administration librrale que le gouverne-
ment de la République française a instituée spécialement
pour ses colonies.
Il est certain qu'ils n'ont pas du tout envie d'abandonner
ces avantages qu'ils ne transporteraient pas avec eux dans
leur ancienne patrie, en Espagne ou en Italie. Ils sont en
réalité, des colons de fond, c'est à-dire que lorsque l'Italien
a quitté son Italie, l'Kspagnol son Espagne, ils peuvent
rester au fond du cœur Italien ou Espagnol, c'est affaire
entendue, et je les en félicite ; mais sur notre sol algérien
ils agissent, ils vivent, ils font fructifier le sol comme le
feraient des Français d'origine, et c'est par conséquent
une excellente acquisition. Je ne suis donc pas du tout
LA RACE NÉO-LATINE ET L ALGÉRIE EN 1907 343
d*avis, et je dois dire, on ne peut pas être du tout d'avis de
mettre un frein à l'émigration espagnole ou italienne en
Algérie. Mais il faut l'élever, l'éduquer, l'endiguer et la
maîtriser pour, de ses éléments, non pas adversaires,
mais hétérogènes, faire un tout bien homogène, bien mas-
sif et bien compact ; car que ferions-nous d'éléments
divisés si nous laissions les Espagnols rester Espagnols,
les Italiens rester Italiens, ils ne seraient que des auxi-
liaires occasionnels, et ce n'est pas cela que nous voulons. Il
faut que, sinon tout de suite, du moins dans deux ou trois
générations, ces Espagnols et ces Italiens deviennent nous-
mêmes. Et, entendons-nous tout de suite. Si l'on s'est
tellement opposé à l'émigration italienne et espagnole en
Algérie, c'est qu'on disait; Ces gens ne deviendront jamais
des Français. Certainement non, ils ne deviendront jamais
des Français, il n'est pas du tout nécessaire, et il est impos-
sible qu'ils deviennent des Français. C'est là-dessus qu'était
le malentendu, et c'est là-dessus qu'il fallait des éclaircis-
sements et qu'actuellement on se trouve d'accord. Que
ferons-nous de ces Espagnols et de ces Italiens? Essaierons-
nous d'en faire des Français ? Pas du tout. Quand ils
arrivent en Algérie, ils vivent sous nos lois, nous leur
donnons le bénéfice du statut social français, au besoin
sous certaines réglementations, nous leur donnons même la
naturalisation et je dois dire entre nous que ceux qui ré-
clament la naturalisation, ce n'est pas tant pour la gloire de
devenir citoyens français que pour jouir de certains avan-
tages qui sont attachés à nos lois : droits civiques, et sur-
tout pour être électeurs et avoir un député qui les protège.
Mais nous ne devons pas faire des Français avec ces gens-
là ; la race que nous devons amalgamer là-bas ne doit pas
être un morceau de la race française, elle ne peut pas l'être
parce qu'il n'y a pas assez de Français d'origine habitant
l'Algérie, et parce que surtout il est absolument impossible
8 CHEIKH-SAÎD
Je reviens à Gheikh-Saîd. Après avoir si eopie1ls^
ment renseigné nos diplomates, le gouverneur d'Aden.
n*osant pas occuper lui-môme cette terre qu'il saYak
française et désirant cependant nous mettre dans Tim'
possibilité de revenir plus tard sur la décision qu il nous
avait fait prendre, fit envoyer de Moka un détachenie&t
de 250 fantassins et 50 artilleurs qui y plantèrent l'éten-
dard du Sultan devant la maison élevée par nous et
1870. Une caserne fut construite et un télégraphe installé
qui mit en communication Périm et Aden. Notre ambas-
sadeur à Constantinople protesta, mais ne sut pas se
faire écouter. En 1894 et dans les années qui suivirent,
le Sultan a encore augmenté cette garnison et Ta dotée,
dit-on, d'une dizaine de canons ; les conquêtes illégitimes
exigent toujours un surcroit de précautions. En 1900, un
journaliste français, M. Hugues Le Roux, voulut descen-
dre sur ce territoire, quavec raison nous considérons
toujours comme nôtre, et fut éconduit par nos voleurs
comme un intrus. Si un jour, mieux éclairés, nous vou-
lons remettre la main sur notre bien nous nous heurte-
rons au fait accompli.
Ainsi donc, voilà un domaine qui est notre pix)priëlê
incontestable et un Français n'y peut pas mettre le pied.
On voit ici d'une façon saisissante la différence profonde
qui existe entre les procédés de la politique anglaise et
ceux de la diplomatie française. Ia».s Anglais imposent
leur volonté et font prévaloir leur intérêt par ce seul fait
que c'est leur intérêt ; et nous, nous ne faisons même ps
respecter nos droits. En 1872, dans ces mêmes parages,
la Turquie envoie une expédition vers I^hedj pour réta-
blir la sécurité dans le pays. I^s Anglais l'arrêtent et lui
enjoignent de retirer ses troupes. I^ Turquie obéit et
cependant elle est chez elle ; mais l'Angleterre ne voulait
pas la laisser faii^ acte de puissance dans cette région
GHEIKH-SAID 9
qu'elle se réseryait d'occuper plus tard comme hinterland
d'Aden. En 1901 c'est elle-même qui, tenace dans ses
idées, se charge de faire la police sur les territoires turcs
avoisinant sa colonie ; en janvier 1904, une colonne
anglaise pousse même, par derrière notre Cheikh-Saïd,
jusqu'à Zaédié, à quelques heures de Moka, en plein
Yémen. La Turquie laisse faire ... et elle occupe Cheikh-
Saîd. Pourquoi cette diflérence? Parce que les Anglais,
depuis les hommes d'Etat qui les gouvernent jusqu'au
plus humble de leurs fonctionnaires, ont une haute idée
de la patrie; parce qu'ils ne perdent jamais de vue le but
vers lequel marche la plus grande Bretagne et sont tous
convaincus qu'en ajoutiint à son domaine un nouveau
coin de terre, si petit soit-il, ils contribuent à sa prospé-
rité future. ¥ai France, au contraire, nos diplomates vont
trop souvent sans but et saiis conviction, faisant des
traités comme un écolier fait un pensum, pour s'en
débarrasser. C'est ainsi que nous reconnaissons à l'An-
gleterre la Nigeria qui ne lui appartient pas, que nous
lui abandonnons Boussa, la clé maritime de notre Sou-
dan, que nous donnons à l'Allemagne l'Adamaoua, à la
Hollande et au Brésil plus de la moitié de la Guyane,
au Congo indépendant la meilleure partie de notre
Oubanghi, à l'Espagne le rio Monni, au moment même
où elle distribuait ses autres colonies à qui voulait les
prendre. L'histoire de nos traités do délimitation dans
ces dernières années est pleine de ces abandons. A l'am-
bition nationale, si l'on veut à l'égoïsme national des
auti*es peuples, nous n'opposons trop souvent que des
ambitions personnelles et des égoïsmes privés. Toute
notre faiblesse vient de là.
Nous n'avons pas, je le sais, formellement renoncé
à nos droits sur Cheikh-Sald, mais nous les laissons
périmer, comme ceux que nous avions sur l'Erythrée,
10 cheikh-saId
bien que le Parlement les ait de nouveau aflirmés en
décembre 1896 et en mars 1897.
Le 11 mars 1897, à la suite d'iju article de la ReQoe
Française annonçant prématurément Toccupation de
Cheikh-Saîd par T Angleterre, M. Deloncle écrivait dans
le Soleil :
« Pour compléter le démenti opposé par l'Agence
» Reuter elle-même à l'affirmation d'après laquelle les
op Anglais auraient occupé et fortifié notre Cheikh-Sald.
:» je me propose de présenter très prochainement à la
9 Chambre une motion tendant à la réoccupation immé-
» diate par la France de cet établissement créé par nous
» en 1869, qui nous a servi de station de charbon en 1870
» et dont nul ne saurait aujourd'hui nous contester la
» possession sans provoquer notre patriotisme et porter
j> atteinte à nos plus précieux intérêts dans la Mer
» Rouge, rOcéan Indien et lès Mers de Chine. Je ne
V pense pas que le Gouvernement hésite un seul instant
3 à accepter la motion que j'aurai l'honneur de présenter.
» Des considérations, sur lesquelles je n'ai pas à insister
» ici, lui font un devoir sacré de la réoccupation de
» Cheikh-Saïd. »
On ne peut pas mieux dire. Malheureusement une
fois encore le Gouvernement répondit par de belles paro-
les et non par des actes. Nous nous contentons volontiers
de mots pourvu qu'ils soient sonores. Le vote du Parle-
ment affirmant nos droits imprescriptibles sur Cheikh-
Saïd n empêche pas ces droits de se prescrire tout dou-
cement au profit de la Turquie qui les passera peut-être
à une puissance ennemie. L'Allemagne, qu'on ne roublie
pas, a des intérêts considérables en Chine, où eUe se
pose volontiers en champion de l'Europe contre le péril
Jaune et surtout en Mésopotamie qu'elle considère
GHEIKH-SAÎD 11
comme une réserve à son expansion. £n moins dm quinze
ans, son commerce a pris sur le marché Chinois une
place telle, que l'Angleterre elle-même doit se sentir me-
nacée. (1) Elle occupe aujourd'hui le deuxième rang à
Changha!, et le premier à Tientsin et à Canton. Toute
puissante à Constantinople, elle cherche, pour garantir
la situation qu'elle a acquise, à se créer sur la route
d'Extrême-Orient une chaîne de points d'appui. Elle a
déjà fait des tentatives en 1901 pour établir un dépôt de
charbon dans la Mer Rouge sur Tiie Kouma, de l'archi-
pel des Farsan ; elle ne s'en tiendra certainement pas à
cette première tentative, d'autant plus qu'elle a reconnu
que nie Kouma n'avait qu'une faible valeur militaire.
I^ chemin de fer de Constantinople k Bagdad est
déjà à moitié construit et quand il aura son point d'abou-
tissement sur le golfe Persique, T Allemagne sera fatale-
ment amenée à garantir à ses flottes de guerre et de
commerce une route libre vers Koweit ou le Chat-el-
Arab. L'Empire surpeuplé est impuissant, avec ses seules
ressources, à se nourrir et à alimenter son industrie. Où
ira-t-il chercher le blé qui manque k sa subsistance, le
coton, la laine et le pétrole qui font défaut à ses usines?
En Mésopotamie, ce pays qui fut autrefois le grenier du
monde antique et qui sera demain celui de l'Empire. Par
où passeront toutes les richesses cju il tirera de ce sol
inépuisable? Par la Mer Rouge. Cheikh-Saïd est menacé !
C'est une opinion courante en Allemagne que la guerre
(1) Le mouvement maritime de l'Allemagne était en 1890 de
5 Vo du mouvement total de la Chine ; en llKX'J, de 10 '/,. En 19a3,
TAngleterre occupait le premier rang avec 54 o/, ; TAllemagne le
deuxième avec 16 •/. ; puis venaient la Chine avec 13 •/. et le Japon
avec 11 •/•• La part de l'Allemagne sur le commerce total était à
Changhaî, de M V. > à Tientsin, de (K)'/. ; à Canton, de plus de
eoo/o-
HiUmUitt
T^.J^:E>:E>OTK.'T
sur le
CONGRÈS DE DUNKERQUE, 1906 a)
En offrant Thospitalité au Congrès national des Sociétés
de Géographie, la Société de Dùnkerque avait une excel*
lente occasion de célébrer sonXXV® anniversaire; en même
temps cette solennité donnait satisfaction au désir bien
naturel qu'éprouvaient les Dunkerquois de faire connaître
les progrès considérables accomplis dans leur port. Aussi
les subsides avaient-ils afflué de toute part (16^000 francs au
total) et le Président pouvait dire dans son discours d'ou-
verture :
« Je n'étonnerai personne en disant que ce Congrès est
surtout l'œuvre de la Ville de Dùnkerque et de la Chambre
de Commerce.
(( Toutes deux admirablement unies dans une grande
idée de patriotisme,dont le souci constant et éclairé de faire
mieux connaître les immenses efforts dont notre port est le
grandiose résultat, toutes deux ont étendu sur nous leur
aile protectrice.
(( D'autres concours sont venus à nous. Le Ministre de
rinstructionPublique nous a adressé^et nous lui en sommes
reconnaissants, un très généreux subside. Le Syndicat
des Courtiers maritimes, la Compagnie du Chemin de fer du
Nord, le Syndicat des transitaires, la Chambre de concilia^
■ I I I ■ i.A^ m 1 <■■■ ■ lÉiin I ■ II— I ii»i.pi I I II P».i I I A
(1) Pré5>euté par Housieur toais GuUtoQ« Vlce-pi^ident, délègue p«r U SooiHé d<
i4 CHEIKH-SAÎD
de demain entre elle et TAngleterre et dont la France
sera Totage, éclatera au moment où il s*agira de terminer
la dernière section de la ligne de Bagdad et de mener le
rail jusqu'au golfe Persique. En vue de ce jour prochain^
rien ne lui coûtera pour asseoir et consolider sa puis-
sance en Asie mineure. Cheikh-Saîd est menacé ! Caçeanï
consules.
Je suis passé à diverses reprises devant Cheikh-Saîd,
mais, pour en apprécier la valeur, il n'était pas hesoin
de l'avoir vu : il suffisait de constater l'acharnement ave^
lequel les Anglais, lorsqu'ils étaient nos adversaires,
ont toujours essayé de nous en détourner.
Depuis longtemps, on vient de le voir, l'Angleterre
s'empare sans bruit de tous les points qui peuvent loi
assurer la possession exclusive de la Mer Rouge : elle
prend Aden en 1839; Périm en 1859; Kamaran, Zeilah,
Socotora en 1876 ; SouaJ^im et la côte Egyptienne en 1883.
En attendant qu'elle puisse s'en emparer elle-même, elle
faisait occuper nos possessions de l'Erythrée par son
alliée, alors notre ennemie, l'Italie ; par la Turquie, notre
propriété de Cheikh-Saîd, et tout récemment, en 1905,
elle se faisait céder par une convention de délimitation
toute la partie méridionale de ce territoire (1), réalisant
ainsi avec une clairvoyante obstination, qui ne se démen-
0) « Les Anglais, jadis assez éloignés de Cheikh-Saîd partem\
s^en rapprochent sans cesse, leur occupation faisant la taebe
d'huile autour d'Aden. D'après la nouvelle délimitation anglo-
turque, le tracé arrive jusqu'au pied de Cheikh-Saîd, du côte df
l'Océan Indien, de telle sorte que si une nation européenne s'éta-
blissait maintenant à Cheikh-Saîd, elle ne pourrait plus réaliser
e projet de faire un port par dragage. »
RBVUB FRANÇAISB. — Jauvicr 1906.
Il est inutile de faire remarquer que cette convention portant
sur des territoires qui n'appartiennent à aucun des deux contrac-
tants, mais bien à une tierce puissance, est nulle de plein droit
CIlÈlklI-SAlD 15
tait pas un instant, son rêve de faire de la Mer Ronge
un lac britannique. La France a les moyens de réaliser
ce rêve à son profit, d'annihiler Périm, de rendre impuis-
sant l'accaparement du canal de Suez par l'Angleterre,
de fermer à l'Allemagne la porte de l'Indo-Chine, de se
la garder ouverte contre le Japon et elle hésiterait !
L'île de Périm est située dans la partie la plus resser-
rée du détroit de Bab-el-Mandeb, à un mille et demi de
la côte d'Arabie, à onze milles du littoral africain et
encore, sur ces onze milles, n'y en a-t-il que sept de navi-
gables du côté même de l'île. Sa situation semble donc
des plus favorables. Mais la France en possède une pri-
vilégiée puisque, en face, les deux rives du détroit lui
appartiennent, avec les djeziret Seba qui bordent la
grande passe. Sur le continent africain, notre territoire
s'étend du raz Doumeirah a Djibouti, embrassant ainsi
tout le golfe de Tadjoura. Sur la rive asiatique, le terri-
toire de Cheikh-Saïd comprend le cap Bal-cl-Mandeb et
le pays voisin dans un rayon de 45 kilomètres. Il serait
bien étonnant que nous ne puissions pas trouver, sur
l'un ou l'autre de ces deux territoires, les éléments d'une
station à la fois commerciale et militaire capable de
contrebalancer les positions de l'Angleterre ou de toute
autre nation qui viendrait s'établir dans notre voisinage.
Cette station, c'est Cheikh-Saïd.
(A Suii^re).
sur le
CONGRÈS DE DUNKERQUE, 1906 <*'
(Suite et fin)
Pour le délégué de la Société de Géographie Com-
merciale du Haçre, l'intérêt principal du congrès devait
nécessairement résider dans la visite du port. Elle eut
lieu conformément au programme, dès le premier jour des
débats, après une réception à la Chambre de Commei'ce
donnée dans cette môme salle des fêtes qui avait reçu la
visite de Félix Faurc en 1897 et celle d'Emile Loubet,
d'abord en 1901, lorsqu'il y reçut le tsar Nicolas II accom-
pagné de la tsarine, ensuite en 1902 à son retour de Russie.
Cette salle, d'aspect un peu sévère, n'a comme décoration,
en dehors de ses très beaux caissons, que les immenses
toiles d'Hugo d'Alési, représentant le port de Dunkerque
sous Louis XIV et le même en 1900. On peut, en compa-
rant ces deux tableaux, se rendre compte du développe-
ment considérable qu'a pris le port, mais il eût été inté-
ressant d'avoir également sous les yeux une représenta-
tion du port en 1879 car c'est surtout depuis cette époque
qu'ont été réalisés les plus grands progrès, sous l'impul-
sion de M. Jean-Baptiste ïrystram, père du président
actuel de la Chambre de Commerce et qui a été, lors do
notre réception, le véritable héros de la journée.
4) Présenté par M. Louis GuiUon, vice-président, déléf^i^' par
la Société de Géographie Commerciale du Havre.
RAPPORT SIR LF. CONGRES DE DUXKERQUE 1906 355
qu'à 3.000 tonnes de jauge et Fr. 1 .70 pour voiliers, mais
seulement ]ns{\u h 600 tonnes de jauge.
Ensuite diminution de 10 fr, pnr 100 tonnes et sans que
la prime puisse s'ap[)liquer à plus de 1 .000 tonnes par navire.
Conséquence : impossibilité de faire construire un seul
grand voilier. En outre, comme le crédit voté limitait la
construction à 500.000 tonnes, on s'empressait de faire sa
déclaration de construction pour revendre son tour d'ins-
cription.
La Ligue Maritime obtint la révision de cette loi et l'on
fit celle de 1906 ;
Grosse prime, uniquement à la construction de 172 fr.
par tonne de jauge brute pour les vapeurs construits en
France.
A la navigation, prime de compensation d'armement :
pour les vapeurs, 4 centimes par tonne de jauge brute et
par 1.000 milles parcourus jusqu'à 3.000 tonnes de jauge
brute, ensuite 3 centimes de 3.000 à 6.000 tonnes de jauge
brute et 2 centimes à partir de 6.000 tonnes :
Pour les voiliers, 3 centimes par tonne de jauge jusqu'à
500 tonnes, 2 centimes de 501 à 1.000 tonnes, et 1 centime à
partir de 1.001 tonnes.
L'orateur dit que la prime de compensation donnée par
la loi de 1906 est insuffisante et que personne ne voudra
faire construire sous cette loi-là. Il déplore que, pour les
navires construits sous ia loi de 1893 la cessation de la
prime à l'expiration des dix années mette l'armateur
dans l'obligation de revendre son navire aux étrangers.
Il est vrai que les voiliers construits avant novembre 1901
ont obtenu,de par la loi de 1906,une prolongation de prime
de F. 0,03 par tonne et par jour pendant trois ans, mais c'est
insu£EisaDt ; les autres construits après cette date, n^ont
pas de proIoDgation de prime. M. Morael demande que la
îioG RAPPORT SUR LE GONGRKS DE DUNKERQUE 1906
compensation soit accordée à tout navire pendant tout le
temps où il conservera ses qualités nautiques.
M. P.Collesson, Secrétaire Général de la Société de Géo-
graphie de Nancy, présente un travail sur les Relation
entre Dvnkerqueet l'Italie par VEst de la France ; ce travail
vient à l'appui des observations présentées par M. Moraei,
et conclut églement au prompt creusement du canal du
Nord-P]st.
A la suite de cette intéressante discussion, le Congrès a
adopté les vœux suivants :
Vœux présentés par M . Gloarec
Vœu N^ 1. Que le régime administratif de nos ports soil
modifié dans le sons de l'attribution à un organisme local
de l'administration totale ou partielle du port, c'est-à dire
dans le sens de l'autonomie.
Vœu N^ 2. Que les différents services maritimes aujour-
d'hui répartis entre sept ministères différents, soient cen
tralisés par la création d'une commission permanente
interministérielle ou par la réunion^des différents services
en une direction générale de la Marine marchande.
Vœu N^ 3. Que le projet de loi sur les ports francs,
déposé par le gouvernement en 1903,rapporté par M.Chau-
met et déposé à nouveau le 16 juin 1906, soit promptement
soumis aux délibérations du Parlement.
Vœu N° 4. Que le Gouvernement s'efforce de développer
les voies intérieures de circulation, notamment les canaux,
de combiner les moyens de transport soit à l'intérieur, soit
avec les lignes de navigation de manière ô faciliter la cir-
culation des marchandises Vers les ports ou vice- verso.
Vœux présentés par M , Morael
Vœu A^o S, Qu'il soit procédé aussi vite que possible au
Creusement du canal du Nord-Est^
RAPPORT SUR LE CONGRÈS DE DUNKLRQUE 1906 357
Vœu N^ 8. Que les dispositions de Tarlicle 8 de la loi de
1901 aujourd'hui appliquées aux seuls voiliers francisés
avant le 1^' janvier 11X)1, le soient également à tous les
navires, vapeurs ou voiliers, pendant ie temps où il conser-
veront leurs qualités nautiques.
Faute de temps los autres questions ont été écourtées ;
nous les passerons brièvement en revue.
M. Guenot, de Toulouse, a la parole sur la question du
reboisement. La forêt est la gardienne des sources ; si la
pluie tombe sur un sol déboisé elle n'y est pas retenue, de
là des inondations, des déplacemenls'de terre, une diminu-
tion des crues, un débit irrégulier des eaux, dont il devient
impossible d'utiliser les forces. M. Guénot démontre la
nécessité que l'Etat ait la haute main sur le domaine fores-
tier, les communes sont incapables d'administrer leurs
forêts. La mentalité des paysans est particulière sur ce
sujet. Le pâtre considère la montagne comme son bien et
n'admet pas de réglementation. Il faut s'efforcer de chan-
ger cette mentalité et de faire aimer les arbres. M. Guénot
indique ce qui se fait à Toulouse dans cet ordre d'idées,
une plantation d'arbres est l'occasion d'une solennité, le
général en chef, le préfet plantent un arbre. Il y a une
Société des Amis des Arbres.
M. Geo. Majouœy Secrétaire général de la Société de
Géographie de Dunkerque parle sur le môme sujet à propos
des Dunes. C'est surtout de Dunkerque vers l'Est qu'elles
sont d'une aridité désespérante. Le vent les déplace. On a
essayé de planter des sa[)ins, mais les lapins les détruisent
dès la sortie de terre. Et cependant ces dunes ont été boi-
sées jusqu'au xvn" siècle. M. Majoux préconise pour la
fixation des dunes une plante que l'on nomme Voyat, c'est
un jonc à racines puissantes.
Le résultat de ces intéressantes discussions est l'adop-
tion des vœux suivants :
SÉO RAPPORT SUR I-K CONGRES DE DUNKKRQUR IC^ott
» Le mouvement des marchandises a suivi sensibl^
ment la même progression et, en 11)05, près de 3 millions
de tonnes ont passé sur nos quais, dont 1.843.000 tonnes
à rimportation, 639,000 tonnes à rexportation et 503.000
tonnes représentant le mouvement du cabotage.
» Les marchandises qui nous fournissent les plus
importants tonnages à l'importation sont :
» Les laines, les céréales, le riz, les arachides, les
graines oléagineuses, les bois, le coton, le lin, le chan-
vre, le jute, les tourteaux, les vins, les phosphates, les
pyrites, la houille, les minerais de fer, de plomb, de zinc.
le manganèse, le nitrate, etc.
)> Quant à nos exportations, elles se composent prin-
cipalement ;
» De farines, de sons, de malt, de fourrages, de bois.
de vins, d'alcools, de sucres, d'ardoises, de phosphates,
de ciment, de houille, de fers, d'aciers, de machines, de
métaux travaillés, de bouteilles et de verrerie, de fils, lie
tissus, etc.
» Notre trafic est particulièrement actif avec nos
colonies. Il s'est élevé à 359.000 tonnes, en 1905, dont
171.000 à l'importation et 188.000 à l'exportation. Noos
avons échangé 145.000 tonnes de marchandises avec
l'Indo-Chine. 96.000 avec l'Algérie, 71.000 avec la Tunisie
et 47.000 avec les diverses autres colonies.
La Pêche
» Le port de Dunkerque possède une industrie sécu-
laire que je dois au moins vous signaler :
» C'est celle de la pèche à la morue. Quoique bien
souvent éprouvée par des sinisti'es, cette pêche a conservé
une réelle importance. Chaque année, au début «in
printemps, nos pêcheurs, au nombre de plus d'un millier?
aA^PPORT SUE LE CONGRÈS DE DUNKERQUE 1906 359
à rîDsufiBsance de la protection française, comme au man-
que d*ententeet d'unité des grands organismes économiques
(canaux et chemins de fer) qui ont mission d'amener le
fret dans les ports.
Comme remède à la situation il propose en dernière ana-
^'se, un droit sur les navires étrangers qui fréquentent nos
ports .
La deuxième conférence (mercredi 1®^ août) a été faite
par M. Auguste Terrier, secrétaire général du Comité du
Maroc, sur V Œuvre Française au Maroc.
M. Auguste Terrier a parlé du Maroc en homme qui a
vu le pays, en explorateur qui s'est formé une opinion sur
place, qui a beaucoup vu et retenu, malheureusement sa
voix ne s'entend pas au-delà des trois premiers rangs.
L'orateur estime que la France doit avoir une politique
plus active et surtout plus soutenue au Maroc, pays qui est
le complément nécessaire de notre domaine colonial de
l'Afrique du Nord.
Le Maroc peut donner un aliment sérieux au commerce
international. Ses exportations de troupeaux, de cire, de
cuir travaillé, de pois chiches, de laines et peaux (dont une
quantité notable vient déjà dans le département du Nord),
de lapis, d'œufs, de babouches, sont susceptibles d'un
grand développement.
L'intérêt vrai est dans la partie occidentale du Maroc,
dont le conférencier expose la situation géographique. Il
fait l'historique des troubles actuels ; l'Allemagne en a pro-
fité pour tâcher de s'implanter dans l'Afrique du Nord et de
contrebalancer l'influence française et l'influence espa-
gnole.
Heureusement la convention d'Algésiras a remis partiel-
lement les choses en place et reconnu à la France des droits
dont l'exercice peut encore élre profitable.
360 RAPPORT SUR LE CONGRÈS DE DUNKERQUE 1906
L'action française peut s'exercer par différents moyens
que M. Terrier énumrre : l'action politique, ramelioralicn
du régime consulaire, l'organisation de la police, la créa
tion de services médicaux et de dispensaires.
Au point de vue politique il faut agir avec une grande
prudence si l'on ne veut pas être brutalement contrarié par
une puissance quelconque, au contraire l'action économique
et maritime peut s'exercer sans péril puisque le;;Maroc est
ouvert à la libre concurrence des nations européennes.
(.4 iittirre. >
BIBLIOGRAPHIE
Li' Année Cartographique. — Supplément annuel à
toutes les publications de Géographie et de Cartographie,
dressé et rédigé sous la direction de F*. Sclirader,
Directeur des travaux cartographiques de la librairie
Hachette et G*«.
Dix-septième année, contenant les modifications géo-
graphiques et politiques de 1906. — Trois cartes tirées en
couleurs, avec texte explicatif au dos. Prix : 3 fr.
I. — Asie, par D. Aïtopp et Cm. Bonnesseuix . — Itinéraire du major
C. D, Bruce de Leh d Pékin, 1906. — Traité franco-siamois (23 mart 1007) :
la nouveUe frontière entre Siam et Cambodge. — Régions de la Perse,
explorées par A. F. Stahl, 1895-1906. — C7ii/ie occidentale : itinéraires de
MM de Marsay et de Ldis Cases, 1906.
II. — Afrique, par M. Chesmeau. » Sahara central, d'après les plat
récents travaux. - Les Frontières nord et nord-est de la Nigeria (conTention
franco-anglaise du 29 mai 1906 et accord aDglo-allemand du 16 juillet 1906;.
— Régions entre Kanem et Borgou, d'après les explorations du carl^^'no
Mangtn : 1904-1906.— Mauritanie et Ferlo, d'après les travaux des capUainei
Gérard et Vallier. ~ Co/190 et Sahr-el-Ghazal (levés du commandant
Lemalre, 19(>2-190S ; itinéraires du capitiiine Boulet en IVOO). — Frontière
turco-égyptienne (accord du 1" octobre 1906).
III. Amérique, par V. Huot. ~ Rio Pilcomayo du rlo Paraguay au
22* parallèle, par O. Lnngc. — Traversée du passage du Nord-Ouest^ par le
capitaine Amundsen (1903-1906) ; Expédition vers le pôle du commandant
Peary (1905-1906). ~ Réseau hydrographique du versant oriental des Andes
péruviennes, d'après les plus récentes exploiatlons. — Labrador oriental,
d'après le« levés de M"* Léonidas Hubbard, 1906. — Les Nouveaux Etats de
la Colombie. 1906.
U
24 RAPPORT SUR LE CONGRES DE DUNKERQUE I906
res de pêche islandais, lesquels partent vers fin Février,
pour revenir fin Août. Le bassin de la Marine avait été
conçu par le Maréchal de Vauban, achevé en 1686; cesl
là que Jean Bart préparait ses armements pour faire h
course. Il ne reste de cette époque qu'un seul vestige,
c'est la tour du phare appelée le Leugknaer (en flamand,
« le trompeur »), au fond du port d'échouage qui formait
à cette époque Tavant-port.
Le nouveau port, autrement dit le bassin de Freyci-
net, se compose de 4 darses, dont les dimensions se ré-
duisent à mesure qu on s'avance vers le Nord, le fond de
ces darses se heurtant aux fortifications qui entourent
Dunkerque et dont le fossé est en même temps un canal
de dérivation pour les eaux des terres basses, appelée
Moères, c'est-à-dire marais en flamand. C'est pour allon-
ger les darses n**' 3 et 4, que l'on démolit les fortifications
de ce côté. Elles ne seront pas reconstruites plus loin,
mais le côté Ouest de la ville sera protégé par un fossé
défensif, avec deux ouvrages aux exti'émités. Ce fosse
sera reporté au-delà des limites prévues, pour contenir
les vastes agrandissements que projettent les Dunker-
quois, c'est-à-dire les 6 autres darses dont parlait M.
Trystram et qui porteront alors de 9 kilomètres, longueur
actuelle, à 21 kilomètres la longueur des quais.
Je sortirais de ma compétence. Messieurs, si j'es-
sayais d'entrer dans des détails techniques sur l'outillage
du port de Dunkerque. Nous avons visité la machinerie
de l'outillage hydraulique, outillage concédé à la Cham-
bre de Commerce, on nous a fait visiter aussi V Entrepôt
des Laines y édifice qui mesure 120 mètres de long, sur
40 mètres de large et qui peut contenir 17.000 balles de
laine, type Plata. Les manutentions s'y exécutent au
moyen de monte-charges électriques. Une salle de ventes .
publiques et une salle d-exposition ont été aménagées
BIBLIOGRAPHIE ' 863
dans ri m possibilité de représenter cette snrface sphériqne entiërOf
ment et exactement snr une snrface plane. Sur le globe, les méridiens
et ?es parallèles se conpent sous des angles droits ; si on conserve ces
derniers sur la carte, la forme et les contours des continents sont
exacts, mais aux dépens des proportions et des dimensions ; et vice-
versa, si on veut coneerver ces dernière*», il se produit une défigura*
tion des contours et de la forme . La défectuosité des proportions et
des dimensions est très accentuée sur les cartes d'après la projection
de Gerhard Kremer(Mercator), et,c'ett à Temploi de cette carte qu'il
faut ram*-n€T en première ligne les opinions et idées erronées qui
existent sur la superficie^ la diyisiou et les distances de certaines par-
ties du monde. Cette projection, employée d abord pour les cartes
marines, aVst, peu à peu, implantée pour les cartes des continents,
parce qu'elle donnait un ensemble synoptique très clair. Mais cette
clarté a été obtenue au détriment de IVxactitude : car l'emploi d'une
échelle grandisfante an fur et à mesuré qu'on s'approche des pôles
nous induit en erreur et nous incite à tirer de fausses conclusions dès
que nous comparons deux contrées situées dans des latidùdes diffé-
rentes. Ainsi, le Cameroun, qui est presque aussi grand que l'Allema-
gne, paraît avoir à peine un tiers de la superficie de ce pays : et
Miidngascar qui. à peu de chose près, a la même grandeur que la
piesqu'île Scandinave, semble en avoir à peine un cinquième.
Un autre inconvénient est l'impossibilité de représenter les contrées
polaires sur une même carte avec les autres pays ; par suite on s'ima-
gine les continents beaucoup plus également répartis sur les deux
hémisphèns nord et sud que c'est en réalité le cas D'autre part,sur
les planisphères, la carte est très défigurée vers les bords, et, par con-
séquent, les distances sont peu conformes à l'échelle. En outre, la
division de la terre en deux moitiés, fnlre lesquelles tout rapport
manque, et le tracé courbe des parallèles nous permettent difficile-
ment de nous rendre un compte exact do lu situation ou de la latitude
d'un endroit.
Le Globe terrestre qui, grAce à sa forme sphériqne, permet seul
une repioductîon vrainient fidèle de la fcurface terrestre a, cependant,
cet inconvénient que, à moins de le toiu-ner ou de changer de place,
on ne peut voir qu'environ un douzième de la surf ace de la terre en sa
position exacte. Il est donc impossible de comparer immédiatetnest
26 RAPPORT SUR LE CONGRÈS DE DUNKERQUE igoT)
les commères se querellaient en bon flamand. En dehon
des villes, le flamand se parle dans les arrondissements
de Dunkerque et de Hazebrouck ; c'est comme vous le
savez, un dialecte bas-allemand, étroitement ap[)arenté
au hollandais. Ce i)ays flamand offre trois caractères bien
distincts. D'abord, le long des rivages, les Dunes, qui
forment une bande ayant de 500 à 1.000 mètres de pro-
fondeur, ensuite la Plaine maritime, s'en fonçant à une
vingtaine de kilomètres dans les terres, enfln le pays
boisé (houtland).
lues Dunes, monticules de sable que les vents, de
tempête déplacent, protègent la plaine contre la mer;
elles ont un peu d'herbe dans leurs fonds, on y Xrouxt
des sources d'eau potable, aussi quelques pauvres gens t
habitent sur la lisière.
La plaine maritime est un sol uniformément plat
qui lors des marées très hautes serait submergé si les
Dunes n étaient pas là. Aussi l'existence de l'homme sur
ce morceau de terre est-elle une lutte perpétuelle ; il 1 «
conquis en l'asséchant, en creusant partout des fossés
(en flamand watergands), qui se réunissent en canauï
conduisant leau de ces marais à la mer, où on laisse si*
déverser l'eau en ouvrant les vannes à marée basse, les
refermant ensuite dès que la mer va monter. Pour l'en-
tretien de ces canaux, les habitants s*étaient formés en
associations (wateringiies) nom que portent encore les
commissions spéciales chargées de l'administration de ce
drainage.
La plaine maritime est extrêmement fertile ; la végt^
tation y est très forte et exige des sarclages fréquents.
Le blé, Torge, les fourrages, les fèves et le lin y réusis-
sent à merveille mais, depuis 50 ans, la betterave et la
chicorée ont remplacé peu à peu le lin et les fèves,
cultures délicates et aléatoires. De là sont nées quelques
RAPPORT SUR LE CONGRES DE DUNKERQUE I906 27
indastrîes agricoles : les tourailles de chicorées sont
nombreuses de Loon à Ghyvelde ; des distilleries sont
établies aux Moêres, à Steene, à Goppenaxfort ; une
sucrerie à La Bistade. (1)
Celte richesse que la Plaine doit à la fertilité de son
sol, éclate dans toutes les manifestations de la vie. Les ani-
maux qui habitent cette terre nourricière sont aussi floris-
sants que les végétaux : magnifique bétail des pâtures de
Biernc et de Coudekerque, énormes chevaux de la race
de Bourbourg. L'homme lui-même paraît plus prospère,
mieux portant, plus grand et plus robuste que l'habitant
du plateau boisé (Houtland), qui occupe le sud de Tar-
rondissenient de Dunkerque, le canton de Wormhands,
la plus grande partie de celui de Hondschoot et quelques
communes dans les cantons de Berqucs et de Bourbourg.
Ce plateau, qui s'élève de 20 à 50 mètres au-dessus de la
plaine maritime, est certainement moins favorisé sous
le rapport de la nature du sol. Mais le labeur patient et
l'habileté du paysan flamand (mt vaincu tout obstacle.
Lii culture est savante et intensive, les céréales y tien-
nent la plus grande place, l'importance des pâtures s'y
fait sans cesse plus considérable ; les progrès de l'élevage
obligent les cultivateurs à en augmenter le nombre, à en
améliorer la valeur, à les doubler par la culture de piau-
les fourragères, dont l'étendue s'accroît chaque jour.
C'est là, d'ailleurs, dans tout l'arrondissement de
Dunkerque, ce qui étonne le plus le voyageur : cette
lutte de Vhomme contre la nature^ dont les résultats ont
été si remarquables. Le pays n'oflre pas au touriste
l'imprévu dans le pittoresque, ni le charme dans la sau-
vagerie ; ses horizons sont calmes, son attrait reste dis-
(1) Guide Uluatré de DunkerquCy Malo-les-Bains et les environs.
— Prix : 1 fp. 50. — Minet-Trusca, éditeur, à Dunkerque.
28 RAPPORT SUR LE CONGRES DE DUNKERQUE I906
cret. Mais le spectacle de l'œuvre accomplie par les
possesseurs de cette terre ne manque pas de grandeur.
Du sol InsuiTisant du Houtland, le Flamand a fait une si
fertile glèbe, que le terme de c grasse Flandre » est passé
dans Tusage. D'une plaine inondée, tout en marais et en
lagunes, il a tiré les magnifiques campagnes de Bonr-
bourg et de Berques, dont une attention soutenue et des
soins continuels peuvent seuls assui'er Texistence. Dune
côte vaseuse bordées de dunes infertiles, il a fait ane
région peuplée et prospère et, enfoncés dans les boaes de
Testran, les bassins du troisième port de France. Le plus
admirable des deux, dans T arrondissement de Dun-
kerque, ce n'est pas la nature, c'est l'homme. (I)
L. GUITTON.
(i) Comme conclusion, le rapporteur n'a pas cru poaroir
mieux faire que d'emprunter textuellement cette page au volume
déjà cité : Guide illustré de Dunkerque. — Minkt-Trksca, cdikar.
feiBLIOGRAPHia 867
COmÉ 1 L'AMQIIE FRÂHÇAIiiE
21 f Rue Cassette - Paris
SOMMAIRB DU N* 11 - NOTEMBRE 1907
Imtk. Mission Moll — Im délimitalion orientai* du Cameroun.
Le» Affaires dn Maroc. - La situation à lu frontière orano- marocaine»
" L*apparition de la carte géologique du Sénégal .
nig^rio. — Noutpelles des frontières et confinx de V Algérie.
Afrique Occidentale Française. — J.e réseau télégraphique et télépho'
nique. — la jonction Agadez-Gao.
Maroc. — les éoénemtnts de Cisabianca — /.a };ituation à Merrakech. —
A Rabat 'et autour de Ralxit. — l^'S incidents de Mogador. — L'Ambassade
espagnole d Rabat.
Libéria. — la mission du président Barclay en Europe.
Bthiopie. -- La situation en Ethipie,
Possessions lirltannlques» — u chemin de fer de Sierra^ Leone. — An
situation de la Gold Coast. — le chemin de fer de lu Gold Coast»
Possessions allemandes. -- la politique indigène et la colonisation du
Sud-^Ouest,
La anostloit d*Btttiopls«
Praii^ls et AnglAls en Boyptéi
•arts t la mission Moll.
Envoi d\in numéro spécimen sur demande
30 OUVRAGES REÇUS A LA SOCIETE
La Grande ne de Madagascar. Les régions et les mœnrs. Les fêta.
La po^-sic. L'art. Les croyances. La civilisation du bœuf et du riz. Les
ressources naturelles, par Mariu»-Ary Leblond. Paris, 1908. 1 vol, \n>.
orné tle 80 gravures avec une carte.
Rapport fait nu nom de la Commission des Douanes^ charge d'exani-
ner le projet de loi portant approbat ion de la convention de commerce
entre la France et le Canada, signée à Paris le 19 Septembre 1907, ptr
M. Jules Siegfried, député. Parie, 1908, 1 brocb. in-4, 31 pp. [Don de
l'auteur).
Guide du Colon. Provinc^e de Québec, 1907, 1 voL in-8. publié 8c«.<
la direction de l'Honorable Adélard TUHOEON, ministre des Terres et
Forêts.
Les Etats-Unis puissance mondiale, par Arcbibald Cary Cooumt
ti-ailuction de lic)bert-L. Cru. préface par Anatole Leroy-Beauliec
Paris 1908, 1 vol. in-18.
Les Richesses de rAmérique centrale. Guatemala, Honduras. Sal-
vador, Nicaragua, Costa-Rica, par Désiré Pector, consul géoéral en
France du Honduras et du Nicaragua, préface de M. K. L£Vass£CR.
de l'Institut. Paris, 1908, 1 vol. in-8, avec une carte.
.Mémorial Annnal de! Consulado gênerai de la Republica Argentiim es
los Estados Uuidos del Bmzil, corresiKimliente al ejeitîicio «le ISÛ^l
publié dans le "Boletiri del Ministerio «le Rclaciones exteriores"(D««itfe
M. Carlos Lix Klett, consul général de la République A i-genti ni; à Ko-
<le-Janeiro).
Le Pérou économique, par Paul Wâlle. Paris, 1908, 1 voL iu-S, arec
16 gravures et 1 carte.
Le partafs^e de TOcéanic, par Henri Russier, dcx^teur es lettre», li«n-
cié en «Iroit. Paris, 11)05. 1 vol. in-8, orné «le nombreuses gi-avares.
Programme de l'Kipédition Française an Pôle Sud (Mission
Charcot) sous la haute Initiative de l'Académie des Sciences. Paris.
1ÎK)7, 1 brooh. iii-8. 12 pp. (Don de M. J. Charcot).
Pourquoi Taut-ll aller dans TAntarctique?. par J.-B. Charcot. ParÎN
1907, l bro.'h. in-8, 10 pp. (don de l'auteur).
Lecture et emploi tle la Carte d*Gtat-MaJor, par P. GbésilU»
capitaine d'Artillerie. Paris, 1907, 1 vol. in-16, avec figures et cartes «lan*
le texte «.'t hors texte.
Consrè<« colonial Français de 190*3. Rapport contenant les a>nf(*
reiices de M. de St-Germain, sénateur, de M. le Commamlaut MoU-
de M. E. LevAsSEUR et de M. le L' Colonel Bernard, etc.. etc. Pan;^
1908, 1 vol. in-8. (Don de M. H. de Pourvourville, secrétaire péu^Tsl
«les Congiès coloniaux Français).
Institut colonial International. Compte-rendu de la Session tenue à
Bnixelles, les 17,- 18 et 19 Juin 1907. Paris, 1907, 1 vol. in-8.
Les diflërcnts systèmes d'irrigation, tome IlL — Espagne, doci>^
monts officiels précéilos de notices historiques, Bruxelles 190S. 1 ^"'•
in-8, publié par l'Institut colonial international.
Onwap reçus i la BMolpe le la Mt\i
pendant le 2*" semestre 1907
Voyage en France, 48« série. Les Provinces perdues. I. Haute-
Alsace, par Ardouix-Dumazet. Paris, 1907, 1 vol. in-12, avec 22
cartes ou croquis.
Voyage en France, 49» série. Les Provinces perdues. IL BasHe-
Alsace, par Audouin-Ddma:<et. Paris, 1907, 1 vol in-12, avec 28
cartes ou croquis.
Nouveaux Zigzags en France, par Henri Boland. Paris, 1907,
1 vol. in-16, orné de 61 gravures.
Le Pays de Gauz. — A travers le Pays de Caux. — Boucles de la
Seine maritime. — Le Havre. — Le Palais de Justice de Rouen. —
Dieppe et Parraateur Jean Angot. — Fécamp. 1907, 1 album ia-4,
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La Basse-Bretagne, étude de géographie humaine, par Camille
Vallaux, docteur es-lettres, professeur de géographie à TEcoIe
Navale. Paris, 1907, l vol. in-8, ayec 6 planches hors texte et 9
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Saint*Nazaire, son port, son commerce. Notice publiée par la
Société de Géographie commerciale de Saint-Nazaire, 1907, 1 bioch.
in-4, 76 pp. avec plans, cartes et gravures. (Don de la Société de
Géographie commerciale de Saint-Nazaire.)
Dijon et Beaune (Les Villes d'Art célèbres), par A. KLEiKCLAUSZt
professeur & la Faculté des Lettres de Lyon. Paris, 1907, 1 vol.
m-é, orné de 119 gravures,
Le Dauphinéy par Qaston Donnbt, Paris, 1901, 1 vol. in-4) aveo
illastrations d'après nature, vues photographiques exécutées par
M* £ng« CuABPENAY, dessins originaux d'artistes dauphinois.
Crftiioble et Vienne (Les Villes d'Art célèbres), par Marcel BbT«
MOMD. Paris, 1907. 1 vol. in-4, orné de 118 gravures.
L« Lot) Padirac, Bocamadoar, Lacave, par A» Vibé (Guide duToa«
liste, da Naturaliste et de l'Archéologue, publié sous la direction
de M. BouLB). Paris, 1907| 1 vol. in-16» aveo 87 dessins et photo««
graphies, 3 cartes et 3 plans en couleurs.
Llyrdt*gulde ttltuitré. publié par le Syndicat d'inidaUvo da Tott-
lotm «tdo laHaute^Garoane, rrintempi 1906, 1 brooh in-S. ooa-
tiaant de nombreuin illuitr^tioni et 1 cartti
ââ BiBLlOGRAPItIfi
gUESTIONS DIPLOMATIIUES k COieNIALES
Reçue de politique extérieure
PARAISSANT LE 1" ET LE 16 DB CHAQUE MOIS
ABONNEMENT ANNUEL : 15 fr.
Rédaction et Administration : 19, Ene Cassette, Paris
Sommaire du N" 267 (i»' Avril 1908)
Robert Metnadier. — Les partis (TExtrime^gaucke et la Monarchit n
Italie,
Ernest Lbmokon. — V augmentation de la flotte Allemande.
Pierre Ma. — Les droits de douane dans les colonies anglaises,
V** E. DE GuiCHEN. — Une page d'histoire canadienne.
Chroniques db la (quinzaine. — Les affaires du Maroc. — Renseigne-
ments politiques. — Renseignements économiques. — Nominations 9Jfr
ci elles. — Bibliographie. — Livres et Revues,
Cartes et Gravures. — Casablanca et la région des Chaoala.
BKVOI sur demande d'uN NUMÉRO SpiciMBH GRATUIT
COMITÉ DE L'AFRigUE FRANÇAISE
21, Rue Cassette, Paris
Sommaire du N<» 3 (Mars 1908)
Les afTalres du Maroc. — Le Chemin de fer d'Ethiopie, — VEtuiti*
Tchad. — La mission Louis Gentil au Maroc.
Algérie. — Le commerce de V Algérie en igoy -7 Aux frontières de TAlièf^*-
Quinée Française. — L* inauguration de la deuxième section du ckemt'
de fer et du monument Ballay.
Dahomey. — La mort du roi Tofa. — Le Chemin de fer,
Maroc. — Dans le Chaouia, — V insurrection de Fei[. — Le Uerot n
Parlement français, — La mission de M, Regnault et le général Lj^^
— L'Espagne au Ma roc ^ etc., etc.
NUMÉRO gratuit ENVOTÉ SDR DBMANDB
OrVHAGES REÇ.CS A LA SOCIÉTÉ 371
LXzpanaion coloniale du Congo français, par Fcrnaod Rouget,
comilibslire-adjoifitdii Oongr» à l'tixpositioii coloniale de Marseille.
Introduction pu* M. Emile Gkntil, commissiiro général du (î«iu-
veroement au Congo français. Paria, IDOG, 1 vol. in-8, avec 88
gravures, 12 cartes et cro|ui9 et une carte d'ehsemble.
Vers Athènes et Jérusalem. Journal de v(>y,i«^c en Grôce et on
Syrie, par Gustave liA.RUOUMKT, membre de l'Institut. Paris 18i)8,
1 vol. in-S.
A travers la Perse orientale, par le Major Sykks. Paris, 1907,
1 vol. in-lG, avec 50 gravures.
r.'Ile de Cuba, Santiago, Puerto- I*rincipe, Matanzos, La Havane,
parHippolyte Piron. Paris, IH8Î>, 1 vol.in-18, orné de norabreust's
gravure:^ sur bois.
Le Brésil, par Paul Henrix. Paris, 1907, I broch. 7G pp., ornée de
nombreuses gravures. (Don de M. Jodo Vieira da ^ilva, consul
général des Ëtats-Unisdu Brésil.)
Un Missionnaire chez les Sauvages de PAraguaya, au Bré-
sil. - Le P. Gil Vilanova, des Frères prêcheurs, par le U.
F. Ëtienne-Marie Gallajs, des Frères prêcneurs. Toulouse, 1901,
1 vol. in- 16, orné d'un portrait et de 3 gravures avec une carte et
un plan hors texte. (Don de M"» Charles de Malmain.)
Le Cuivre. Sa production et son conunerçe aux Etats-Unis.
son marché en 1907, par Ândré-E. Sayous, secrélaire général de
la Fédération des Industriels et Commerçants français. Paris. 1907,
1 broo.in-8, 58 pp.
L'Aurore Aastrale. ^- La Société australienne. -^ Le Socialisme
en Australie. — La Constitution australienne et son fonctionnement.
— La valeur et la situation matérielles de l'Australie. — L'Aus-'
tralie vue du dehors, par Biart dAuj^bt. Paris, 1907, I vol.in-18.
Autour du Munds, par les Boursiers de Voyage de TUniversité de
Paris. (Fondation Albert Kahn.) Paris, 1904, 1 vol. in-d.
Ls Traité Franco- Siamois du 23 mars 1907, par Joseph
JouBERT, vice-président de la Société des Etudes Coloniales et
Maritimes* Paris, 1907, 1 broch. in-8, 24 pp. (Don de T Auteur.)
Mouvement commercial, industriel et maritime de la plaoe
d'Anvers. Happort sur l'exercice 1906, publié par la Chambre de
commerce d An vers, 1907, 1 vol, iQ-8. (Don de M. le Président de
la Chambre de commerce d'Anvers.)
Mouvement général maritime et oommeroial de la COchixl'
Chine française, pendant l'année 1906, Statistiques, impor-
tations et exportations, publiées par la Chambre de commerce de
Saigon, 1907 « 1 vol. in-4. (Don de M. 1q Président de la Chambra
d^commerQe do Saigon.)
It LISTE OÉNÉRALR DES MEMBRES
MM. t SàvoBQNAN db BbàZZA (C iff], commissaire général hononir?
du Congo français.
WiENBR (Ch.) iHî, chargé d'afEaires de France près du Goufffoe-
ment de Bolivie.
Préstdent honoraire :
M. CouvEBt (Joannès) iiff^ négociant, président de la Chambre de
Commerce du Havre.
Vice-président honoraire :
M . Bbcquâ (L.) H^ ^, lieutenant de vaisseau en retraite, À Neoillj-
sur- Seine.
Memhres correspondants :
MM. Blakohb, vice-consul de France, à Glasgow.
Boiteux (le Docteur Jos^ Arthur), secrétaire de la Sodét*? «le (k»
graphie de Ri(Mle-Janeiro.
Catat (le Docteur), à Contréxeviile (Vosges).
Dbbisb iNs, vice-président honoraire de la Société de Oéognp^i^
de Lyon.
Dk Saint-Quentin 'jf^, trésorier des Invalides, à Marseille.
Fbanconib (Joseph), attaché à la Banque de France, 74, me
Blanche, à Paris.
Gautibb (â.) i^f capitaine d*infanterie de marine en retraite, i
La Flèche (Sarthe).
Elbtt (Carlos Lix) (U A) •{<, consul général de la Bépobliq^
Argentine, à Rio-de- Janeiro (Brésil).
Lb Babbois d'Obobval, vice -président de la Société de Géogra-
phie commerciale, 31, rue de Tocqneville, à Paris.
Lb Bbbton (B.), adjoint des Affaires indigènes, à Bram^iH^
(Congo français).
Lbvy (Victor), conseiller du Commerce extérieur de la tnoff
Teinfaltstrasse, 8, à Vienne (Autriche).
SoHBADBB (F.), directeur des travaux cartographiques de U mùif»
Hachette et C*«, boulevard Saint-Germain, 79, à Paris.
SiBGFBiBD (André), (Uxitcur es lettres, 226, boulevard Ssint-Otf-
main, à Paris.
Vidal, professeur d'hydrographie, à Bastia (Corse).
WAUTBB8 (A.-J.), directeur du a Mouvement géographique », ^
Bréderode, 13, à Bruxelles.
iilMBRBS DONATBURS lit
Membres donatenrs :
. f Vattibb, profesaear d'hydrographie.
I.B MARQUIS DB HouoBTOT, mairc de St-Laurent-.lc-Brèvedent.
LoiSBAU (Paul), négociant.
t Le baron Arthar DE Rothschild if^ banquier, à Paris.
I^ comte MosSBLM AN, capitaine au long-cours.
7 Delamallb (Jacques), propriétaire, à Pans.
Vesin (Joseph), capitaine au long-cours, à Pariai.
La Compagnie Générale Transatlantique.
WoRMS J088B et Ci*, armateurs.
Mbnibb (Henri), industriel, à Paris.
COUVBRT (Joannès) ijf^^ négociant, président de la Chambre de
Commerce du Havre.
GuiTTON (Louis) (O A), agent commercial.
t Cqbosc (B.) (O ^) ^ (C >}<), industriel.
La Compagnie des Chargeurs Réunis.
7 BXjOT-Lkfeybb (H.), négociant, trésorier de la Chambre de
Commerce du Havre.
La Compagnie des Docks-Entrepôts.
Dupont (E.) directeur des Docks-Entrepôts.
Bureau :
. Dupont (E.), directeur des Docks-Entrepôts, président.
Du POUR (Georges) * (U A) »i«» docteur-médecin, vioe^préAdent,
Guitton (Louis) (<| A), agent commercial, rive-préndent.
Loi SEAU (Paul), négociant, êfcrétairt-général,
Hubert (Jacques), fondé de pouvoirs, teerétaire de» téanees.
Vanibr (Ferd.), négociant, teerétaire des iiameet.
Boîtier (René), avocat, tréenrier,
Meuba (Ch.), courtier, bibliothéeaire.
Gomltô :
. Barre (Jules) (U A) (O •{<), lieutenant de port.
Basset (Frank) (U A), avocat.
Boîtier (René), avocat
Bunqb (Emst), agent de maisons étrangères.
Carton (Albert), assureur,
Chanoebbl (H.), agent principal des Chargeurs Réunis.
tV LISTE oàNÂRALB DBS MSIlBRfiâ
MM. Couvert (Joannès) *, négociant, président de la Chambre tk
Commerce.
Dany (A.) (O I), secrétaire-archiviste de la C»« des Coortien
assermentés
Dbohaille (Stephen) (0 A), directeur des Signaax et t
Sauvetage.
Doublet (G.), négociant.
DUFOUB (Q.) i||( (U A) if^f docteur-médecin.
Dupont (E.), directeur des Docks-Bntrepôts.
Enoblbach (P.), docteur-médecin.
Bnoelbach (G.)y négociant
Favixb (£.) (U I)» professeur au Lycée.
Fbitz (J.) ((I A), professeur d*allemand.
Gabtneb (L.-E.), négociant.
GuÉBiN (Désiré), receveur de l'Enregistrement, en retraite.
GuiLLOT (Denis), avocat.
GuiTTON (Louis) ((I A), agent commercial.
Habou (B.), courtier d'assurances.
Haussmann (J.) (G {jf(), receveur des Finances
* Hubert (Jacques), fondé de pouvoirs.
Jaoquemin (Ch.) (G *{(), négociant.
Kbaubb (Albert), négociant.
Laneuville (E.), courtier.
LoiBEAU (Paul), négociant.
Meuba (Ch.), courtier.
MONBALLIEB (L.), assureur.
MONBCOUBT (E.) (d A), professeur au Lycée.
Odinet (G.) (U A), négociant.
PelAbd (Frédéric), courtier.
Pesle (Robert), négociant
Pilon (E.) (O >{«), secrétaire général des Docks-Bntrepôts.
Pbesohez (E.), avoué.
Plum (P.), assureur.
Baoul-Duval (Edmond), négociant.
BOOHE (J.), photographe.
Sohmitt (Victor), assureur.
Vanieb (Ferd.), négociant
TABLE DES MATIÈRES 375
ACTES DE LA SOCIÉTÉ
Hdste générale des Membres de la Société I
Bibliographie 94, 277, 3C1
Ouvrages reçua à la Bibliothèque de la Société 31, 95,
183, 215, 279. 369
Ouvrages cartes et plans, offerts à la Société par
M"« CUKVALIKR DE CONINCK et M. JaMBS DE CoNlKCK . 273
B apport du secrétaire sui* les travaux de Tannée
1906 261
Comptes définitifs de l'année 1906 269
Procès-verbaux des séances du Comité . . .93, 175, 212, 270
UAVRK - Iinpilnicrie Nouvel)*», G.-D. QUOIST, 11, rue du ( hillon
VI LISIR GÊNER ALR DBS MEMBRES
2082 Bailly (Edouard), proviseur du Lycée, rue Anoelot, 2.
1200 Balard d'IIerlinville, docteur-raéilecin, boulcfard de si
bourg, 55.
1949 Barre (Jules) (U A) (O «ï»), ancien capitaine de port »ux Co^^
nieB, lieutenant de port, me de la Mailleraye, 52.
659 Barrié (A ), banquier, rue de la Paix, 7.
2047 Barthélémy (G.), commerçant, me de la Bourse, 8.
1203 Barthelmâ (Georges), courtier, me Toustain, 3.
1700 Baethold (Edm.), négociant, me de la Bourse, 3.
1393 Babskt (Frank) (O A), avocat, rue Fontencllc, 13.
1553 Basset (A.), négociant, de la maison J.-M Cnrrie & C« coorf
de la Confédération Suisse, rue Plcuvry, 2.
2063 Bâtard (A.) ifft capitaine d*Artillerie, me Saint- Michel, 43.
1977 Bâte (Clifort-A.), maison V'* A. Derode, me de la Bonne, 23.
1445 Bauchb (Gaston), négociant, me du Havre, 62, à Sanvio.
1519 Bauer (Léon), marchand-tailleur, me de la Mailleraye. 112.
1474 Balt, rentier, me de Saint-Quentin, 64.
1814 Baysselanoe (Q !Hj), ingénieur en chef de la O GénénleTntf-
atlantique, place de THÔtel-de-A? ille, 24.
11 BECQui (L.) 4» (0 «il), lieutenant de vaisseau en retraite, ne de
rHôtel-de-Ville, U, k Nenillysur- Seine (Seine).
631 Begouen-Demeaux (Max), directeur d^assnrances, place Gamot^C
1288 Beqouek-DemeAux (Robert), directeur d'assurances, boolenrd
de Strasbourg, 148.
1399 Bbgouen (Aodré), avocat, rue Naude, 30.
2132 Bellanger ^, commandant en retraite, à Harfleur.
383 Bellemgbr-Rozay, commerçant, place du Vieux-Marché, 10.
1691 Bellenger (André), commerçant, me d*Etretat, 110.
684 BÂNARD (G.), bronzes d*art^ place de THôtel-de-Ville, 18.
373 BÉRARD (Henri), courtier maritime honoraire, boulevard Fno*
çois-I", 38.
14 Berger AULT (C), négociant, me Doubet, 16.
1594 Berizbeitia (A.), négociant, rue du Ghamp-dc-Foire, 16.
1586 Bernard (G.), ingénieur aux Forges et Chinticrs de U Médi-
terranée, boulevard de Strasbourg, 132.
1857 Bernheim, étudiant, me de Paris, 143.
1339 Bertrand (Julien), négociant, rue de Phalsbour^, 8.
570 Billard (Emile) courtier maritime, Grand-Quai, 67.
2066 Billet (Georges), directeur de la Brasserie de l'Oueet, rae de U
Brasserie, 19.
386 Binet (Ernest), rentier, rae Anfray, 19.
r r
SOCIETE
DE
GÉOGRAPHIE COMMERCIALE
3DTJ KC-A-^^R-E
--- - - 3»C
BUlillETlH
ANNEES 1908-1909
VIII LISTE GBNiBÂLE DBS MEMBRES
1910 Bbunbohvio iNï, docteor-médecin, rae Béry, 24.
1788 Bbowne (W» F.), négociant, de lu maison Dofay, Oiguidet arO,
rne Joles-Lecesne, 50.
1567 Buo AILLE (Henri), rentier, bonleYard François-I», 60.
418 BuNOE (Bniflt), agent de maisons étrangères, boulevard de Stai
bourg, 124.
2002 BUBNIBB, de la maison Kronheimer et O, route de la Hév«,K.
à Sainte-Adresse.
949 BuBOH (Louis), négociant, rue du Obamp-de-Foire, 12.
1796 Caill (Ch.) (0 4»), cbef du pilotage de la Seine, rue de la Ferme, U
1010 CAiLLABD (Georges), ingénieur civil, rue de Prony, 20.
2010 CAiLLATTB, négociant, de la maison Frédéric Jung et O, bos-
levard de Strasbourg, 130.
2114 Caboopino (Jérôme), professeur au Lycée, boul. de Strasbourg, tf
1690 Gabon (J.), rue du Lycée, 95.
2077 Gabon (Jules), maison A. Savarin et C^«, place Camot, 4.
2086 Gabon (Ernest), de la maison Emile Segard, cours de la Bépc-
blique, 13.
1749 GArbel (l'abbé), professeur à TExteinat Saint-Joseph, ne
Victor-Hugo, 82.
2116 Gabpbntibb (Ulysse), instituteur-adjoint, à TBoole oommonak
de Sainte-Adresse.
1835 GabbÂbb (G.) *i«. docteur-médecin, rue de Paris, 123.
1105 Gabton (Albert), assureur, rue de la Halle, 20.
1251 Gabuette (E.), entrepreneur de transports, cours de liBépQ-
blique, 36.
907 Gaspab (Ch.), négociant-armateur, quai Gasimir-DelaTigne, 16.
1247 Gastel (Jules), du Grédit Havrais, boulevard de Strasbourg, 79.
1614 Gatteaux (Gustave), de la maison Joseph à Henry Charlet,r«
de la Mer. 9, à Sainte-Adresse.
2139 Cauvin (G.), commerçant, rue Victor-Hugo, 149.
1780 Gayanagh (W.), négociant, rue Edouard-Larue, 14.
1829 Gavanagh (Baoul), commerçant, boulevard de Strasbourg, 96.
675 Ghalot (Gustave), banquier, rue des Pénitents, 53.
1588 GhAmabd (Léon), caissier, rue Louis-Philippe, 18.
491 Ghancebel (A.), agent principal de la C* des Chargeorf-
Réunis, rue Jules-Lecesne, 80.
1309 Ghabdot (Daniel), vérificateur des Douanes, boulevard Kim-
çois-I", 61.
2089 Ghariot (Pierre), assureur, rue de Mexico, 8.
884 Gheoabat (H.), négociant, rue Fontenelle, 34.
MEMBRES TITULAIRES IX
40 CHKBF1L8 (Charles) (4| A), adjoint au Maire du Havre, rue Just-
Viel, 82.
2040 Chevalibb de Cominok (M"«), rentière, me Auguste-Dolfus, 17.
2037 Cic^ON (MU« Célestine), propriétaire, rue Thieulent, 10, à
Sainte-Adresse.
1944 Clboueb (Edouard), officier de marine en retraite, rue Thiers, 65.
331 Clbbc (L.) (41 A), pharmacien-chimiste, rue de Berry, 57.
1764 Olebc (Léon), négociant, au château dVHartieur (Seine- Inf>^).
1753 Clochette (Georges), courtier, palais de la Bourse, escalier D.
1285 Clolooe (Alphonse), négociant, impasse Dagobert, 10.
1265 COLCUBN (Ch.), courtier, rue Jules-Lecesne, 32.
798 Collet (H.), négociant, rue Jules-Lecesne, 4.
332 COMMAUCHB (J.), constructeur-mécanicien, rue de Mexico, 36.
2016 Coquelin (Ch.), affaires indigènes, à Ouesso (Congo français).
2120 COBBEAU (A.), receveur des Postes et Télégraphes en retraite,
me Mogador, 26.
304 COBBLBT (B.), armateur, rue Edouard-Larue, 1.
2056 COBOYEB (Gaston), instituteur, Ecole rue de Berry.
1692 COTBLLE (J.-M.), négociant, de la maison D. Tjevillain et Concile,
rue Jules-Lecesne, 47.
1843 COTTABD (Alfred) j|, négociant, membre de la Chambre de Com-
merce, rue du Lycée, 30.
45 COTT (A.) (O A), propriétaire, place de l'Hôtel-dc- Ville, 27.
789 COULON (Ch.) i^{ igt, négociant, conseiller municipal, juge au
Tribunal de Commerce, rue de la Paix, (î.
1952 Courant (Maurice), artiste peintre, Clos de l'Abbaye, à Poissy
(8eine-et-0ise).
1953 Courant (L.), négociant, rue Bellevuc, 6.
47 Cousin (Arthur), maison Albert Quesncl et C»«, imp. Dagobert, 8.
1883 Cousin (Henri) (<> A), a^'ont commercial, rue des Ormeaux, 11.
48 Couvert (Joannès) ^, négociant, président de la Chambre de
Commerce, rue de la Bourse, àl bis,
49 Couvert (Camille), négociant, rue Jules-Lecesne, 58.
374 Co VILLE (A.), ingénieur en chef des Forges et Chantiers de la
Méditerranée, rue Saint-Michel, 9.
51 Cbeueb (Marins), négociant, consul de Grèce, rue Doubet. 16.
2070 Croix (L.), opticien, rue de Paris, 15.
1113 DAiiiGAULT (F.), entrepreneur de menuiserie, rue Dicquemare, 25.
1277 Daniel (Joseph), capitaine au long-cours, rue Ernest-Renan, 46.
2127 DANILOW (N.) (C »{•) (G >{*), consul de Russie, rue des Pénitents, 18.
1301 Danon (J.), négociant, place Carnot, 5.
X LISTE GÉNéRALB DBS MEMBRES
1392 Dânt (â.) (1(1 1)« secrétaire-archiviste de la O des Coortien
assermentés, rue Angustin-Normand, 6
1143 D£ BuRNÂY (le comte Henri), de la maison Henri de Bamay etO**
négociants-armateurs, à Lisbonne (Portugal).
569 Dechaillë (Stephen) (O A), capitaine au long-cours, directcor
des Signaux et du Bauvitage, rue Benjamin-Normand.
1898 Dbguaux (Albert), juge au Tribunal Civil, rue de la Bourse, 1
1123 De Ooningk (James) (O I) i, courtier, rue de la Bourse, 39.
1080 DÉOENÉTAis (L.), coartier, rue de la Bourse, 33.
1091 Deobubkb (A.), courtier, boulevard de Strasbourg, 56. i
1792 Deobubeb (René), courtier, rue Faure, 1. |
1255 Db Gobb db Hbbyé (Georges), négociant, rue Thiébaut, 7.
1594 Dkooy (G.), courtier, place Carnot, 5. |
759 Db Grandmaison (H.), avocat, rue de Mexico, 45.
J969 De Heydeb (Ch.), courtier, rue Victor-Hugo, 136.
426 De Houdetot (le marquis), m'^ire de i:>aint-LaureQt-de-BrèredeDt
(Seine-Inférieure).
597 Delàchânal, ingénieur en chef honoraire de la Chambre de
Commerce du Havre, 52, route de Brie, à Brunoy (S.-et-O.i
1546 Delamabe (L.), courtier, rue de la Bourse, 29.
1369 Delaboche (M"« Raoul), propriétaire, rue Félix-Faure, 53.
2012 De la Sehna (Rufino-C), consul de la République Argentine.
boulevard François-I*', 38.
1521 De LésÉLEUO (Henri), assureur, place Jules-Ferry, 8.
r-7 Deliiommb (Ed.), industriel, rue Joseph-Périer, 48-60.
1892 Del Pozo (Ch.), négociant, rue Racine, 43.
2105 De Malmain (M"« Charles), propriétaire, rue des Marches, ô.
1941 Démange (A.), négociant, juge au Tribunal de Commerce d'Alger.
rue Arago, 8, à Alger.
1524 De Montfleurt (Lucien), juge suppléant au Tribunal Cinl.
conseiller municipal, rue de Montivilliers, 78.
730 De Montalembebt (le comte), propriétaire, au châteaa *ie
Ménilles (Eure).
1747 Dennis (Etienne), négociant^ rue de la Bourse, 19.
341 De Qubrhoent (J.) îHj, négociant, vice-président de la Chambre
de Commerce, maire de Sainte-Adresse, rue Lemaistre, 29.
1806 Dero (L.), ingénieur, rue de Tourneville, 101.
2107 Debome (Edmond), imprimeur, boulevard de Strasbourg, 114.
1529 Débonde (E.). docteur-médecin, rue d*Epréménil, 4.
58 Deschamps (Médéric) if: ((| A), propriétaire à la Rive, à Mon-
tivilliers (Seine-Inférieure).
MEMBRES TITULAIRES XI
1751 DK8HAYËS (Kd.), courtier, palais de la Koui'se, escalier D.
2104 Dbthieb (Ch.), négociant, rue JuleB-Lecesne, 114.
1958 Detodbnay (André), assureur, rue Massieu-de-Clerval, 10.
2076 DE TUGNY, capitaine au 129'"« Régiment d*Infantcrie, rue de
Tourneville, 75.
1841 De Vigam (J.), secrétaire de la Chambre de Commerce, palais
de la Bourse.
1598 Deville, docteur-médecin, rue Thiers, 28.
2064 D'Hallutn (A.), négociant, rue de la Bourse, 33.
898 Doubbe (M** L.), libraire, place de l'Hôtel-de-Ville, 10.
1371 Doublet (Georges), négociant, membre de la Chambre de Com-
merce, juge au Tribunal de Commerce, rue de la Bourse, 3.
83 DoUBT (V.), aroué honoraire, juge au Tribunal Civil, rue Fré-
déric-Sauvage, 15.
2015 DOUTBELAUT (A.), dc la maison V^« A. Dcrode, boul. Maritime, 1.Î4
683 DOY (Auguste), courtier, place de rH6tcl-de-Ville, 21.
589 Dbocaux (Emile), négociant, boulevard de Strasbourg, 130.
2125 DUBAIL (A.), intéressé de commerce, boulevard François-I", 70.
1900 Dubois (E.), directeur de la Société Générale, place Carnot, 2.
2060 Dubois (Perd.), ingénieur, rue du Docteur-Cousture, 27.
609 Duchbsne (B.), constructeur-mécanicien, rue de Neustrie, 40.
1837 Ducbocq (Tb ) ^ ingénieur en chef des Ponts et Chaussées, rue
Caligny, 9.
282 DUFOUR (G.) ^ (O A) Hh, docteur-médecin, rue Félix- Faure, 2.
2019 Du M ESN IL (Jules), agent de change, rue Gustave- Flaubert, 36.
1 499 DUMONT (Alf .) courtier, rue du Champ-de-Foire, 79.
70 DUMOUCHEL (Aug.), courtier, rue de la Ferme, 38, à Sanvic.
581 DrPAQUiEB (André), nétcociant, rue de la Bourse, 59 bU,
1376 DUPASQUIEB (Hermann), négociant, membre de la Chambre de
Commerce, conseiller municipal, rue Julos-Lcccsne.
1954 Du Pasquiee (E.), docteur-médecin, rue Jules- Ancel, 10.
2145 Du Paty de Clam, lieutenant au 129™® Iî<5gfment d'Infanterie,
rue Victor-Hugo, 50.
1623 DUPLAT (Achille) (O 1), commis&airc du Gouvernement aux Docks-
Entrepôts, pavillon des Docks, quai de Marseille.
2004 DupLAT (Bug.), agent commerçai, conseiller municipal, rue
de la Bourse, 39.
701 Dupont (Emile), directeur de la C»' des Docks-Entrepôts, quai
de Marseille.
299 DUPUIS (Pierre), négociant, rue de la Bourse, 51.
2043 DÙPU1S (le contre-amiral), rue du Havre, 67, à Sainte- Adresse.
XII LISTE GÉNÉRALS DSS IISMBRES
686 DuBAND-ViEL (Louis) {, de la maison Tbiealent frères, m
Qny-de-llaapassant, 10.
1604 Durand- ViEL (Jaoqaes), courtier, me de la Boorse, 28.
73 DUBRT (Alfred) (C Hh) (O ;gt), négociant, rue Gustave-Flaubot, Il
2097 DUVAL (Jean-Raoul), (itudiant en droit, place de THÔtel-de-Ville^S.
1686 BOLOFF (L.), courtier, rue de Toumeville, 116.
963 Elot (Femand), courtier, palais de la Bourse, escalier G.
78 ENaELBACH (G.), de la maison Les Neveux de J.-G. Schmidt m
Saint-Michel, 16.
1072 ËNOELBAOH (P.), docteur-médccin, rue Naude, 26.
2034 EnoblbAgh (Jean), étudiant, rue Saint-Michel, 15.
1936 Enoelbrecht (Maurice), courtier, me de la Bourse, 29.
2014 Ebnis (A.), du Bulletin de Correêpondance, rue Félix-Faore, 5.
1354 EsBBAN (Gustaye), négociant, trésorier dé la Chambre de Oqbi-
merce, quai d'Orléans, 69.
1793 ESTIQNABD (C), chef de bureau à la C*« Générale Tranatlu*
tique, place de l'Hôtel-de-Ville, 28.
1980 F ABBE (G.), notaire, place de THôtel-de- Ville. 20.
660 Fabcis (A.), courtier maritime, Grand-Quai, 67.
1383 Faviek (E.) (O I), professeur au Lycée, me J.-B.-Eyriès, 54
1697 Fehb (S.) (C >ï<), négociant, rue Faure, 8.
1525 FAbé (Ernest), agent commercial, quai Casimir-Delarigue, 27.
1518 Febnbebo (G.), agent de change, boulevard de b'trasbourg, 9'.
2143 Feuchèbe (le Colonel) ^, commandant le 129* EU^îriment «l'Iufa»-
terie, quai d'Orléans, 57.
1774 Fevbibb (M"»-), rentière, me JFélix-Faure, 61.
1816 FiÉVET (J.), négociant, quai d'Orléans, 25.
369 FiscUEB (J.), représentant de la C* Générale Transit lantiqoc
IV, FaToritenplatz, 5. Vienne (Autriche).
1156 FiscHEB (Emile), de la maison H. Génestal et fils, rue de
la Ferme, 21.
1403 Flàvignt (0 ^), lieutenant-oolonel, commandant le 22* t^
ment territorial d'Infanterie, rue Jules-Ancel, 36.
393 FoBSAT (E.) i, courtier, me de la Bourse, 32.
1924 FossAT (A.), courtier, rue de la Bourse, 32.
2103 Fosse (Gustave), employé de commerce, me Gambetta,96, àSantic
1951 Fouillbcjl (B.-P.), négociant, de la maison J.-P. SimmondsetO*.
rue Fléchier, 9.
1830 Fbanque (Paul), boulevard François-I*% 98.
2027 F BEDON (MU* LéoDtine), professeur à PEcole pratique de Com-
merce et d'Industrie, me des Ecoles, 1, à Sainte-AâreoBè.
6.L
'^^^'^^ SOCIÉTÉ v-a^
DE VVO' \
GEOGRAPHIE COMMERCIALE
alEIKH-SAlP
A rextrémité Sud-Ouest de F Arabie, au seuîl du
monde oriental, et dominant le détroit de Bab-cl-Mandeb,
est une position commerciale et militaire sans rivale,
Cheikh-Saîd, qui commande la porte de notre colonie
d'Indo-Chine. Cette position appartient à la France ; mais
la France Ta toujours négligée, empêchée d'en tirer parti
et par sa propre insouciance et par les jalousies de ses
voisins.
Il semble cependant qu'un peuple qui a à défendre
contre les convoitises étrangères un vaste et riche do-
maine devrait s'assurer vers ce domaine une route libre
en tout temps pour lui-même et qu'il puisse à volonté
fermer à ses ennemis. Nous avons failli, par l'occupation
de Cheikh-Saîd, devenir les maîtres absolus de cette
porte de la Mer Rouge ; nous nous sommes contentés de
perdre l'autre, celle de Suez.
L'Angleterre, qui avait elle aussi à assurer sa route
de rinde et qui, de plus, s'était toujours montrée systé-
matiquement hostile à toute entreprise coloniale de la
France, nous a constamment empêchés, par une opposi-
tion sourde, d'occuper Cheikh-Saïd. Mais aujourd'hui,
BOCIVri DS oiOGHAPHIB. — l*' TBIM. 1906. 1.
^iV LISTE GéNÂRALB DKS MKMBRBé
2051 Gros (A.), bandagiste, me du Ghamp-dc- Poire, 67.
98 GR0S08 (Bug.) (O *) (C>i<) (0 ^) 4», négociant-armatear, consal
de Turquie et d'Autriche-Hongrie, place de 1* Hôtel-de- Ville, 16.
611 GuÉRiN (Désiré), recev(;nr de rEni-egistrement, en retraite, roe
Racine, 9.
1810 Guiffârt (Armand), ingénieur des Ponts et Chaasséefi, boole
vard François-I", 141.
2099 GuiLLARD (Paul), avocat, rue Gustave-Flaubert, 102.
1199 G( ILLBMBTTE (Eugène), commissaire-prisear, me de Fécamp, i
1812 GuiLLERAULT (0.), négociant, rue de Tourneville, 86.
863 GuiLLOT (Denis), avocat, boalevard de Strasbourg, 148.
2124 GuiLLOT (Maurice), docteur-médecin, rue Joinville, 26.
97 GuiTTON (Louis) (j|| A), agent commercial, de la maisoii Feid.
Schneider, rue du Havre, 86, à Sainte- Adresse.
1717 Haao (Otto), négociant, rue Cochet, 8.
1509 Habert (Gaston), de la maison Eugène Doublet, rue FrankUD, 15
868 Hamon (J.-B.), capitaine expert, impasse des Ormeaux, 4.
262 Harou (E.), courtier d'assurances, rue de la Bourse, 24.
2067 HA8SBLMANN, notaire, rue de la Paix, 5.
1208 Ha USER (Georges), négociant, rue de Tourneville, 83.
1923 HAUSf^MANN (J.) (0 ^), receveur des Finances, rue Jules-Anoel, 12
1936 HAuzbub (Georges), de la maison Mason et 0**, rue du Havre. H
à Sainte- Adresse.
1457 Hatn (W«), négociant, rue Cochet, 5, à San vie
1712 Hébert (Jules), chef de pervice des Engins de levage de U
Chambre de Commerce, rue du Lieutenant-Evelin, 1.
875 Hehet {E.\ ditecienr du BuUtftin de Corretpomdanee, palaiide
la Bourse, rue Scudéry.
850 Hess (G.), négociant, rue du Champ-de-Foire, 7 W*.
2036 Hbtzlbn, professeur au Lycée, rue Bd.-Corbière, 7.
562 Hochet (G.), employé de commerce, rue Franklin, SI.
105 HoFMANN (H.) (d A), professeur d'allemand, rue de la Paix, 1.
2005 Hubert (Jacques), fondé de pouvoirs, rue du Bocher, 47.
174 S Humeau (le Docteur), rue de Toul, 8.
1624 Hutteb (J.-J.)) entrepreneur, rue du Harre, 46, à Ste-Adrene.
1448 JACQUBMIN (Charles) (O >{*), assureur, consul de Monténégro, n»
Victor-Hugo, 67.
407 Jacquey (Louis), ingénieur de la Chambre de Commerce, boule-
vard de Strasbourg, 179.
2126 Jallaobas (Ed.), négociant, cours de la République, 18.
AtEMBRES TITULAIRES XV
1805 Jamein (Jules) (Il À), négociant, membre de la Chambre de
Commerce, boulevard de Strasbourg, 73.
1713 Jandin jeune, pharmacieû, rue de Fécamp, 13.
2018 JOBBÉ-DUVAL, négociant, rue du Chillou, 1 bis.
2116 JOBIK (Paul), négociant, rue Victor-Hugo, 144.
391 JOLY (A.), propriétaire, boulevard de Strasbourg, 2.
911 Jung (Frédéric), négociant, rue Félix-Faure, 34.
1167 KABLé (Jacques), courtier, rue Victor-Hugo, 151.
1896 Kablè (M'a* Charles), propriétaire, rue Saint-Michel, 6.
1369 Kaiser (Rodolphe), courtier, rue de la Bourse, 23.
1954 Kebz (Ferd.), intéressé de commerce, rue Frédérick-Lemaltre, 27.
1927 KiBSCHBAUM (Mii«) (Il I), directrice de TEcole pratique de
Commerce et d'Industrie pour les jeunes filles, rue du Lycée. 130
1027 EoLLBBUNNSE (W.), couitier, palais de la Bourse, escalier D.
122 Krause (Albert), négociant, de la maison Th" Breckenridge et O;
boulevard François-I", 117.
1899 Kbonheimer (Ch.;, négociant, consul du Salvador, rue Si- Martin, 2.
2112 Ebugeb (Baph.), négociant, rue des PCcheurs, 6, à Ste-Adresse.
929 Lafaurie (G.), courtier, juge au Tribunal de Commerce, rue de
MontiviUieis, 98.
2079 Laisné (Charles), percepteur, boulevard François-l", 94.
1947 Lamy (Paul), négociant, rue Joinville, 42.
356 Lamottb (Edgard), négociant, boulevard de Strasbourg, 134.
1273 Lanctuit (André), négociant, rue de Saint-Quentin, 11.
671 Làndbieu (Charles), commerçant, rue de Paris, 98.
1318 Lakel (Ch.), rentier, rue Augustc-Dolfui», 4.
857 Laneuvillb (E.), courtier, palais de la Bourse, escalier D.
1108 Lanolois (F.), propriétaire, quai d'Orléans, 9.
2119 Lanolois (Lucien), employé de commerce, rue Joseph-Clerc, 1,
465 Lanostaff (W.), négociant-armateur, consul du Japon, Grand-
Quai, 67.
1926 Lanostaff (A.), négociant, rue de la Bourse, 26.
2137 Laporte (Pierre), secrctaire-iuljoint de la Chambre de Commerce,
Palais de la Bourse.
1470 Larue (Charles), courtier, rue de la Bourse, 38.
128 Lathaic (Edmond) i^ , négociant, président honoraire de la
Chambre de Commerce, rue Victor-II»igo, 14*).
1573 LAtham (Charles), négociant, rue Victor-Hcgo, 145.
2017 Latham (Robert), négociant, de la maison Frédéric Jung et C»%
boulevard de Strasbourg, 130. ' •
1558 Laude (L.), directeur de la Caisse de Liquidation, rue Cochet, 4.
XVl LISTE GéNBRALB DES MEMBRES
1491 Laueb (Henri), de la maison Hayn, Roman et C^« route de Ii
Hève, 14, à Sainte- Adresse.
1230 Lavottb fils, de la maison Wormf et C**, boni, de Strasboai^, 138
2133 Le Babbieb (Eug.) (Q X) ^j chef da Senrice Colonial plicede
THôtel-de- Ville, 27.
1314 Lebigbe (Gaston), assureur, boulevard de Strasbourg, 92.
790 Lbblond (Albert) ^ ^, négociant, adjoint au Maire du Harn,
membre de la Chambre de Commerce, vice-consul du Venowel»,
rue Anfray, 19.
367 Le Bbis (F.), négociant, rue du Lycée, 56.
1289 Le Clebo (Georges), rentier, place de rHôtel-de- Ville, 1.
133 Leoomte (P.) (C >{(), négociant, de la maison Joannès ConTert.
consul du Guatemala, rue des Pénitents, 19.
2092 Le Coniac (Bdmond), à la Commercial Cable Company, ne dn
Champ-de-Foire, 84.
1683 Lecoq (Edouard], négociant, rue du Ohamp-de-Foire, 2.
1999 Lecoubtois (Louis), notaire honoraire, me Gustave-Flaubert, 91.
1671 Lbdoux (Paul), négociant, rue Victor-Hugo, 167.
1741 Lefebvbe (Frédéric), courtier, palais de la Bourse, escalier A.
2006 Lefebvbe (Georges), courtier, rue de la Bourse, 38.
2095 Lefieybe-challe (Henry), négociant, rue de Berry, 12.
1990 Le g ad, docteur-médecin, rue Thiers, 40.
1241 Le Gband (R.), graveur, rue de la Bourse, 6.
1535 Legbos (J.), relieur, rue de la Comédie, 3.
1966 Le Guebney ^Ki, percepteur, boulevard de Strasbourg, 66.
526 Le Guen (H.), capitaine- visiteur, rue du Docteur-Cousture, 21.
1896 LÉOxnLLON (Charles), négociant, rue J.-B. Eyriès, 72.
462 Lelaumibr (L.), architecte, rue du Champ-de-Foire, 17.
979 Leleu (A.) (d A), négociant, rue Racine, 46.
1684 Lemiebre (Adrien), négociant, rue du Champ-de-Foire, 66.
1074 Lenhabdt, docteur-médecin, boulevard de Strasbourg, 60.
2117 Le NouËne (E.), docteur-médecin, boulevard François-l*', 87.
1786 Lentz (Hermann), négociant, de la maison Metz et C*«, roc
Jules-Lecesne, 32.
560 Lepbestre (R.), commerçant, me de Paris, 67.
141 Lbpeincb (A.) «I A), directeur de la C*« Normande de Navigation
à vapeur, boulevard de Strasbourg, 67.
2063 Lbbaitbe fils, entrepreneur de camionnage, me du Lycée, 81.
1603 Lbrat (Lucien), courtier, route de la Héve, 7, à Sainte-Adrecpse.
1798 Lebat (Albert), direct** des Docks du Pont-Bouge, me Harceaa. '2.
1904 Lbboh (Henri), négociant, me de la Bourse, 6.
GHEIKH-SAÎD 5
avait signé le 29 décembre 1869, avec le roi de Tigré, un
traité \mv lequel la France acquérait la plus grande imr-
tie de ces territoires ; Amphila nous était cédé par l'Abys-
sinîe en 1860; Ëdd, vendu le 12 septembre 1840 à la
Compagnie Nanto-bordelaisc, nous était rétrocédé par
elle en 1858. Nous avions donc des traités parfaitement
en règle, mais nous n'avions pas fait acte de possession ;
qu'on ne l'oublie pas pour Cheikh-Saïd.
Comme on le voit, les gouvernements qui se sont
succédés en France, de 1840 à 1862, soucieux de protéger
nos intérêts à l'extérieur, n'ont jamais perdu de vue l'im-
portance qu'avait pour notre avenir colonial la posses-
sion d'un solide point d'appui dans la Mer Rouge.
Cheikh-Saïd est venu compléter un ensemble de posses-
sions qui, si nous les avions gardées, nous auraient
assuré la souveraineté sur la plus grande route commer-
ciale du monde.
C'est en Octobre 1868 que deux de nos compatriotes,
Mas, représentant à Aden d'une maison marseillaise, et
Poilay, moyennant 50.000 fr., acquirent en toute propriété
du chef Ali Thabet Dourem la baie de Cheikh-Saïd et le
pays environnant jusqu'à 45 kilomètres dans l'intérieur,
soit une superficie de 165.000 hectares. Le marché fut
conclu par devant notre consul à Aden et en présence de
six témoins indigènes. Ces six témoins, cheickhs des tri-
bus voisines, certifièrent la réalité des droits du vendeur
et l'indépendance vis-à-vis de la Porte, aussi bien que de
toute autre puissance, de la tribu des Akhemi-ed-Dourem,
dont Ali Thabet était le chef. En 1863, du reste, à la suite
du naufrage d'un navire anglais, le gouverneur de Moka
avait eu l'occasion de déclarer que la souveraineté de la
XVIIl LISTE GÉNÉRALB DBS IfSMBRKS
1303 Mabande (V.), courtier, maison Ch. Ck>lchen, rae Jale»-Leoeffle,8
401 Marcel, négociant-armateur, place Jules-Ferry, 8.
1716 Maréchal (Henri), courtier, place de THôtel-de-Ville, 19.
1784 Marie (Louis), courtier, rue Gustave-Flaubert, 11.
166 Martin (Albert), de la maison Gust. Bsbran, quai d*Qrléaiu,fi^
1232 Martin (Robert), greffier du Tribunal de Commerce, Pib»
de Justice.
2069 Martin (Camille), employé de commerce, rue des ViTiers, 10.
2100 Martin (Charles), secrétaire à la Direction dea Docks-Entrepêts.
quai de Marseille, 12.
2009 Mabquelier (Aug), négociant, membre de la Chambre de Oc»
merce, rue Jeanne-Hachette, 2.
1948 MA880NI ^, administrateur en chef de la Marine, chefderis^
cription Maritime, arsenal de la Marine.
1743 Matthey (Q.), négociant, rue Anfray, 8.
1433 Maurer (Georges), négociant, consul du Paraguay, booleraid
François-I«', 84.
1191 Maze (Georges), négociant, rue de la Bourse, 19.
1848 Maze fils (Georges), rue de la Bourse, 19.
1251 Mazé (Fernand), propiiétaire, rue Jules-Masurier, 17.
1188 Meckenstogk (L.), agent commercial, rue de la Bourse, H.
1152 MÉNIER (Henri), industriel, rue de Ghâteaudun, 56, à Paris.
1773 Mercier (Christian), courtier, rue Joiuville, 38.
1471 MÉRIOT (G.), agent de la Société commerciale d'AflErètementset
de Commission, boulevard de Strasbourg, 119.
1437 Metz (F.), négociant, rue Jules-Lecesne, 32.
1811 Metz (Valentin), négociant, de la maison Napp et 0% nie<i«
Saint-Quentin, 59.
173 MeurA (Ch.), courtier, rue Scudéry, 5.
817 Meyer (Bdm.), assureur, rue du Lieutenant-Evelin, 8.
957 Meyer (Léon) ^ (O I), courtier, conseiller général, rue de b
Bourse, 31 hU,
1786 Meyer (Raoul), courtier, rue de la Bourse, 31 bU,
834 Michel (Gustave), négociant, place Jules-Ferry, 6.
1901 Michelin, directeur du Crédit Lyonnais, quai d'Orléans, 25.
1507 MiGNOT (Henri), rue Guillemard, 33.
1628 MiGNOT (G.), négociant, consul du Nicaragua, rue de la Bourse, 35
2140 MiGNOT ET C^«, négociants, rue de la Bourse, 35.
738 Mille (Lucien), négociant, rue de Bapaume, 7.
1775 MocH (Ernest), négociant, de la maison Oppenheimer tt^f^
boulevard de Strasbourg, 146.
CHEIKH-SAID 7
hostilités d'un territoire qui nous avait été si utile, fut
une faute grave. Depuis 1871, nous n'avons fait aucune
nouvelle tentative d'occupation. En 1885, cependant, le
gouvernement français, cherchant peutrêtre un moyen
d* enterrer à tout jamais cette affaire qui risquait de le
faire considérer comme unamical par nos voisins, char-
gea un capitaine de frégate et un ingénieur hydrographe
de faire une enquête sur la valeur militaire et maritime
de Cheikh-Saîd. Je crains que, comme pour Périm, ils
n'aient trouvé auprès d'un obligeant gouverneur anglais
tous les renseignements qu'ils étaient venus chercher
contre rétablissement projeté : leur rapport conclut à
l'impossibilité d'utiliser dans un but stratégique les posi-
tions de Cheikh-Saîd. La question fut enterrée.
Je me rappelle avoir vu étudier d'une façon aussi
approfondie une autre question du même genre. £n pré-
vision du percement de l'isthme américain, le gouverne-
ment français, bien inspiré une fois par hasard, songea à
s'assurer à la sortie un dépôt de charbon et jeta les yeux
sur nie des Cocos. Le Duquesne reçut l'ordre d'aller
étudier la question sur place : il fit, en effet, le tour de
l'Ile et mouilla quelques heures dans la baie Chatham,
mais ces quelques heures furent très fructueuses : dans
un rapport en date du 2 février 1889, rapport assurément
plus long que son séjour dans cette lie déserte, l'amiral
conclut que le pays était non seulement inutilisable
comme dépôt de charbon, mais absolument incultivable
et malsain. Que de profondes observations en si peu de
temps ! Il n'est pas besoin de dire que notre pavillon ne
flotte pas sur l'île des Cocos et n'y flottera jamais. (1)
(4) Voir : Une île déserte du Pacifique,
RBYVB DB oâoGRAFHU. — Mai, julxi, Juillet i8dd.
XX LISTB GéNÉRALB DBS MEMBRES
1809 Petet (V.), chef de la gare maritime, cours de la fiépablique,?!
873 Petit (Guillaume), négociant, président du Tribunal de Comme»
membre de la Chambre de Commerce, maire de Bléville, ne
Doubet, 4.
1455 Petit (Emile), courtier, rue Jules- Lecesne, 48.
1090 PÉZERIL (L.), avocat, conseiller d'arrondissement, boolefard de
Strasbourg, 91.
1498 Pfisteb (Gustave), négociant, rue Félix- 3antallier, 17.
2078 Pfisteb (Rodolphe), courtier, rue Picpus, 12.
2080 Pfibter (Emile), courtier, rue de la Bourse, 19.
464 Philbebt (Jules), banquier, rue de la Paix, 7.
985 Philbebt (H.), courtier, rue Jules-Janin, 8.
1844 Philippe (Aug.), négociant, rue de la Ferme, 25.
2146 Philippe (Francis), négociant, boulevard de Strasbourg, 5.
1496 PiQAULT (Pascal), courtier, maison J. Durand-Viel, rue de !»
Bourse, 28.
1842 Pilon (E.) (O «ï»), secrétaire général des Docks-Bntrepôti, qoi
de Marseille.
1931 PiNCZON, ingénieur en chef des Chargeurs Réunis, bouleTsrf
François-I", 139.
J823 Pineau (Henri), rentier, rue de Tourne vil le, 63.
1254 PiPEBEAU (Lucien), arbitre de commerce, rue Jules-Lccesne. 43.
1699 Plichon (Gaston), rue de la Gaffe, 6.
969 Plum (Paul), assureur, place de l'Hôtel-de-Ville, 11.
475 PoiDEViN (P.), maison Joannès Gnivert, rue Frédéric- Lemaitrc, 30.
1974 PoiD VIN (Jules), professeur à l'Ecole primaire supérieure de ga^
çons, rue de Paris, 70.
742 Poletti (H.), de la maison Metz et C»% rue Jules-Lecesne, 32.
203 Poulet (Edgard), caissier, rue du Perrey, 162.
1391 PouPEL (Emm.), architecte, rue des Pénitents, 11.
2141 Pourchet, juge de paix, boulevard de Strasbourg, 43.
1845 Pbentout (G.) (O A), régisseur de biens, rue Ancelot, 5.
435 rBESGHEZ (B.), avoué, rue Jules-Lecesne, 28.
1296 Pbobst, agent commercial, maison P. Parquer, place Jules-Ferry, ^.
882 PusiNELLi (Jacques), négociant, rue Victor-Hugo, 188.
799 QuESNEL (Charles), négociant, place de PHôtel-de- Ville, 3.
1995 RAISIN (E.), auxiliaire au consulat du Brésil, rue Saint-Roch, 3
853 Kambert, ancien clerc de notaire, rue J.-B.-Eyriès, 61.
414 Ramelot (Eugène) (O I), négociant, membre de la Chambre de
Commerce, rue Jnles-Lecesne, 32.
GHBIKH-SAID ^
qu'elle se réserrait d'occuper plus tard comme hinterland
d'Aden. En 1901 c'est elle-même qui, tenace dans ses
idées, se charge de faire la police sur les territoires turcs
avoisinant sa colonie ; en janvier 1904, une colonne
anglaise pousse même, par derrière notre Cheikh-Saïd,
jusqu'à Zaédié, à quelques heures de Moka, en plein
Yt^men. La Turquie laisse faire. . . et elle occupe Cheikh-
Saîd. Pourquoi cette diflérence ? Parce que les Anglais,
depuis les hommes d'Etat qui les gouvernent jusqu'au
plus humble de leurs fonctionnaires, ont une haute idée
de la patrie ; parce qu'ils ne perdent jamais de vue le but
vers lequel marche la plus grande Bretagne et sont tous
convaincus qu'en ajoutant à son domaine un nouveau
coin de terre, si petit soit-il, ils contribuent à sa prospé-
rité future. ¥ai France, au contraire, nos diplomates vont
trop souvent sans but et sans conviction, faisant des
traités comme un écolier fait un pensum, pour s'en
débarrasser. C'est ainsi que nous reconnaissons à l'An-
gleterre la Nigeria qui ne lui appartient pas, que nous
lui abandonnons Boussa, la clé maritime de notre Sou-
dan, que nous donnons à l'Allemagne l'Adamaoua, à la
Hollande et au Brésil plus de la moitié de la Guyane,
au Congo indépendant la meilleure partie de notre
Oubanghi, à TEspagne le rio Mouni, au moment même
où elle distribuait ses autres colonies à qui voulait les
prendre. L'histoire de nos traites de délimitation dans
ces dernières années est pleine de ces abandons. A l'am-
bition nationale, si l'on veut à l'égoïsme national des
autres peuples, nous n'opposons trop souvent que des
ambitions personnelles et des égoïsmes privés. Toute
notre faiblesse vient de là.
Nous n'avons pas, je le sais, formellement renoncé
à nos droits sur Cheikh-Saîd, mais nous les laissons
périmer, comme ceux que nous avions sur l'Erythrée,
XXII LISTE GÉNÉRALE DBS MBMBRSS
981 Sauquet (Fernand), négociant, membre de la Chambre de 0»
merce, consul des Pays-Bas, rue Victor-Hugo, 134.
2026 Sauvage (M"* Marthe), professeur, rue Joseph-Clerc, 1.
2090 Sauvage (il) I), professeur au Lycée, rue Joseph-Clerc, I.
1539 Savarin (A.), négociant, place Carnot, 4.
1934 Savary (A.), arbitre de commerce, rue de Normantiie, 65.
1133 ScHARTTNER (W.), courtier, rue de la Bourse, 29.
1258 Sghlagdenuaufen (F.), courtier, rue Géricault, 4.
1704 SCHLIENGER (Arthur), négociant, rue Jules-Leccsne, 46.
269 ikîHMiTT (Victor), assureur, rue du Chillou, 1.
864 SCHMITZ (Alfred), négociant, place Carnot, 4.
1284 Schneider (Ferd), représentant de maisons étrangères m de
la Bourse, 21.
1620 Schroder (Edouard), courtier, rue de la Bourse, 21.
1906 Seeliger (Ed.), agent commercial, rue de la Bourse, 28.
811 Seigneuré (Ernest), négociant, rue Âugnstîn-Normand, 2.
1449 SÉNÉCART (A.), courtier, rue Victor-Hugo, 138.
1341 Senn (Olivier), négociant, rue Félix-Faure, 48.
1613 Senn (Maurice), couitier, rue de la Bourse, 23.
663 SiEBER (H.-A.), propriétaire, rue Saint- Honoré, 352, à Paris.
220 Siegfried (Jules) (G *) (O A), député du Havre, rue F.-Kaure,2
633 Siegfried (Ernest), négociant, rue Félix-Faure, 60.
1601 Siegfried (Jules) fils, industriel, boulevard de Strasbourg, 83.
226 SiEURiN (H.), négociant, rue Jules-I^ccsne, 58.
1559 SiGAUDY (P.) iHï, ingénieur en chef des Forges et Chantierë de li
Méditerranée, boulevard de Strasbourg, 53.
1986 SiGAUDY (Mil-), rentières, place de THôtel-de- Ville, 29.
1972 Simon (G.), docteur-médecin, rue Joinville, 22.
1352 Six (H.), négociant, rue Trigauville, 51.
1884 Smerlino (F.), négociant, vice-consul de Suède, quai d'Grléans, Ji^.
1265 Société des Anciens Elèves de l'Ecole supérieure de Commerce,
boulevard François-I*', 5**.
1618 Société d'Education populaire, rue Dicquemare, 1.
1920 Société de l'Enseignement scientifique par l'Aspect, rue do
Canon, '26,
1265 SOCLET (J.), ingénieur, directeur de la C* G»* Française àt
Tramways, rue Michel- Yvon, 7.
2085 SouiLHÀO (M"' Marie-Louise), section normale à l'Ecole prstiqce
de Commerce et d'Industrie, rue du Lycée, 71.
1174 Souque (Albert), avoué, place Carnot, 6.
2029 Speiber (J.-J.)i employé de commerce, rue de U Bourse, 5.
CHEIKH-9AÎD 11
comme une réserve à son expansion. En moins de quinze
ans, son commerce a pris str le marché Chinois une
place telle, que TAngleterre elle-même doit se sentir me-
nacée. (1) Elle occupe aujourd'hui le deuxième rang à
Changha!, et le premier à Tientsin et à Canton. Toute
puissante à Constantinople, elle cherche, pour garantir
la situation qu'elle a acquise, à se créer sur la route
d'Extrême-Orient une chaîne de points d'appui. Elle a
déjà fait des tentatives en 1901 pour établir un déjiôt de
charbon dans la Mer Rouge sur File Kouma, de l'archi-
pel des Farsan ; elle ne s*en tiendra certainement pas à
cette première tentative, d'autant plus qu'elle a reconnu
que l'Ile Kouma n'avait qu'une faible valeur militaire.
Le chemin de fer de Constantinople à Bagdad est
déjà à moitié construit et quand il aura sim point d'abou-
tissement sur le golfe Persique, l'Allemagne sera fatale-
ment amenée à garantir à ses flottes de guerre et de
commerce une route libre vers Koweit ou le Chat-el-
Arab. L'Empire surpeuplé est impuissant, avec ses seules
ressources, à se nourrir et à alimenter son industrie. Où
ira-t-il chercher le blé qui manque à sa subsistance, le
coton, la laine et le pétrole qui font défaut à ses usines ?
En Mésopotamie, ce pays qui fut autrefois le grenier du
monde antique et qui sera demain celui de l'Empire. Par
où passeront toutes les richesses qu'il tirera de ce sol
inépuisable ? Par la Mer Rouge. Cheikh-Saïd est menacé !
C'est une opinion courante en Allemagne que la guerre
(1) Le mouvement maritime de TAllemagne était en 189() de
5 Vo du mouvement total de la Chine ; en 190.'i, de 16 '/o. En 1903,
TAngletcpre occupait le premier rang avec 5i »/, ; TAllemagne le
deuxième avec 16 •/. ; puis venaient la Chine avec 13 •/. et le Japon
avec il •/•• l^a part de FAUemagne sur le commerce total était à
Changhal, de M */• ; à Tientsin, de 60 '/. ; à Canton, de plus de
60*/-
XXIV LISTE GÉNÉRALE DBS MEMBRES
H50 Yebqer; chef mécanicien, place Gambetta, 18.
1443 Tebspreeuwek (Hennan) »{« ^ ^ négociant, consul de Bel-
gique, de l'Etat indépendant du Congo et de Libéria, bodeTar>i
de Strasbourg, 124.
632 YÉZIK (Joseph), capitaine an long-courp, rue des Petits-Champe, 31,
à Paris.
1979 Vidal (Bldmond), courtier, rue Victor-Hugo, 136.
1960 ViEiRA DA SlLVA (JoEo) •{(, consul général des Btats-IlDis do
Brésil, rue de la Bourse, 30.
1612 ViGVÉ (le Docteur), médecin de la Santé, rue Molière, 6.
1925 Violette, administrateur de Sociétés, boulev. de Strasbourg, 124.
2093 Viollet (Bug.), docteur en droit, rue «lu Pcrrey, 156.
2110 Voisin (Edmond), industriel, rue Victor-Hugo, 114.
2130 Wagner (Jean;, rue Thiers, 41.
1716 Walch (Gilbert), avocat, rue du Champ-de-Foire, 57.
1764 Wanner (Mm« K.), propriétaire, rue Guillemard, 84.
1988 Welter (Jean), ingénieur, rue Snint-Roch, 7.
1886 Wespthalbn (Maurice), négociant, place Camot, 10.
243 Windrsheim (ë.), négociant, rue des Brindes, 12,
616 WiNNiNG (James), agent de la C'» Cunard, quai d'Orléann, 25.
1313 Wittorski (Louis), courtier, rue Fléchier, 1.
1782 Ysnel-Franque (G.), courtier maritime, boul. François-I*', 1'^-
789 Ybnel (M.), négociant, rue Doubet, 17.
886 ZiEGLER (A.), de la maison Dufay, Gigandet et C»«, rue Jules-
Lecesne, 50.
1760 ZiEGLER (Arnold), employé de commerce, rue des Pénitentf, 3.
4 Cy, CA^Hà S^ïJ^^^^
. Péri M ^-^^^-'^^^^
vu
Océan Î ndien
Coffc u ' Adcn.
isrn
SOCIÉTÉS, REVUES, JOURNAUX, Etc.
▲veo lesquels la SoolAté fait l'échange des PublloatloBB
FRANGE ET COLONIES FRANÇAISES
Paris. — Société de Géographie. Société de Géographie Commerciale.
Société de Topographie. Association Philotechnique. Société d'Kco-
nomie Politique. Société des Etudes Coloniales et Maritirnef^ Société
d'Encouragement pour le Commerce Français d'Exportation. Alliance
Française. Société Française de Colonisation. Chambre Syndicale des
Négociants-Commissionnaires et du Commerce Extérieur. Union Co-
loniale Française. Comité de l'Afrique Française. Comité de I'Ahc
Française. 'Comité de Madagascar. Institut Géographique. Société
Nationale d'Agriculture. Union Française de la Jeunesse. Association
Générale des Etudiants. Union Amicale des Anciens Elèves de TEcole
Supérieure du Commerce. Chambre de Commerce. Bibliothèque
Nationale. Ministères de la Guerre, de la Marine, de l'Intérieur,
du Commerce et de l'Indastrie, du Travail et de la Prévoyance
Sociale, des Travaux Publics, des Affaires Etrangères, de Tlnstnic-
tion Publique et des Beaux-Arts, des Colonies. — Ifevue Maritime,
Moniteur Officiel du Commerce^ Bulletin de V Office Colonial (Minis-
tère des Colonies), Paris- Canada^ Le Moniteur des Colonies et if'
Pays de Protectorat y Bulletin de V Office de Benseiçnomentt 6é*è'
raum et de Colonisation du Gouvernement Oénèral de VAl$ériey Le
Questions Diplomatiques et f-olonialeSj V Action Coloniale, Le Cri
des Colonies (Paris).
Départements. — Sociétés de Géographie de Bordeaux, Boulogn^
sur-Mer, Bourg, Bourges, Brest, Dijon, Douai, Dunkerque, Lac^
«
Lille, Lorient, Lyon, Marseille, Montpellier, Nancy, Nantes, Poitiers,
Rochefort, Rouen, Saint-Nasaire, Toulouse et Tours. La France
Colonisatrice (Rouen). Société Havraise d'Etades Divenes, Société
SOGlAriS, BBYUBSy JOURNAUX, ETC. XXVIl
Géologique de Kormaociie (Havre). Sociétés iDdostrielles d*Amieiiit
Elbeuf , Bouen et Beima. Association des AncienB Elèves de l'Ecole
Supérieure de Commerce et Tissage de Lycn. Cercle d'Etudes des
Employés de Bureau Havrais. Chambres de Commerce du Havre,
Bordeaux, Marteille, Nantes, Lyon. Musée Commercial de Rouen.
LcM Mission* Catholiques (Lyon). La Loire Navigable (Nantes).
ColonieB Françaises. — Sociétés de Géographie d'Alger, Oran, Tunis.
Direction de l'Agriculture et du Commerce de la Bégenoe de
Tunis. BnlUtin Economique de Vlndo' Chine (Saigon). Société des
Etudes Indo-Chinoises de Saigon. Chambre de Commerce de Saigon.
JoutmI Officiel du Congo Français (Libreville). Journal Officiel des
Possessions du Congo français et Dépendances du Moyen- Congo
(Brazzaville). Journal Officiel de Madagascar «t Dépendances, Sup-
plément Commercial et Agricole (Tamatave et C'ôte Est). BuUetin
Economique de Madagascar. Journal Officiel des Etablissements
lançais de TOcéanie (Papeete).
EUROPE
Allemagne — Sociétés de Géographie de Berlin, Brème, Greifswald,
Hanovre, Hambourg, léna, Halle-sur-Saale, Leipzig, Munich, Dresde,
Kœnigsberg^ Cassel, Lubeck, Stuttgard, Stettin, Francfort-sur-le-
Mein, Metz, Musée Colonial Allemand (Berlin). — Deutsche Eolonial
Zeitung (BerUn). — Afrikanische Nachrichten (Berlin).
Aatriohe^Hongnrle. — Sociétés de Géographie de Vienne, de Buda-
pest, Muséum d'Histoire Naturelle (Vienne). Die Weltwirtschtift
(Vienne).
Belgique. — Sociétés de Géographie de Bruxelles et d'Anvers. Cercle
des Anciens Etudiants de l'Institut Supérieur de Commerce d'Anvers.
Chambre de Commerce d'Anvers. Institut Colonial International
(Bruxelles). Fédération pour la Défense des Intérêts Belges à l'Etran-
ger (Bruxelles). Le Mouvunent Géographique (Bruxelles). Missions
en Chine f au Congo et aux Philippines (Bruxelles).
Espagne. — Société de Géographie do Madrid.
XXVIII SOCIBTBS, REVUES, JOURNAUX, BTC.
Iles Britanniques. — Sociétés de Géographie de Londres, Târerpool.
Manchester, Newcastle-sur-Tine. Ëdimboorg. Institat Impérial
(Londres).
Italie. ~ Sociétés de Géographie de Rome, Milan, Naplcs et Florence .
Norwèffe. — Société de Géographie de Christiania.
Pays-Bas. — Société de Géographie d'Amsterdam.
Portugal. — Société de Géographie de Lisbonne, Association Com-
merciale de Porto.
Roumanie. •— Société de Géographie de Bucarest.
Russie. — Sociétés de Géographie de Saint-Pétersbourg, Vilna, Orem-
bourgs Moscou, Helsingfors, Club Alpin de Crimée (Odessa).
Suède. — Société de Géographie de Stockholm. Société des Touristes
Suédois (Stockholm). Institution Géologique de l'Uniyersité d'UpsaU.
Suisse. — Sociétés de Géographie de Berne, Saint-Gall, Neuchâtd,
Genève, Hérisau, Aarau. Société des Anciens Elèves de TScole Supé-
rieure de Commerce de Genève.
ASIE
Oanoase. — Société de Géographie de Tiflis.
Sibérie. — Société de Géographie dlrkoutsk.
Inde. — Société de Géographie de Calcutta.
Indo-Chine. — Société de Géographie de Singapore.
Japon. — Société de Géographie de Tokio. Société Allemande d'Histoire
Naturelle et d'Anthropologie de Tokio.
AFRIQUE
Egypte. — Société de Géographie da Caiie.
SOClèrÊS, RBVUBS, JOURNAUX, KtÙ. tXlt
AMÉRIQUE
Casada. — Sociétés de Géographie <1e Winnipeg, Qaébec et Ottara.
Etats-Unis. — Sociétés de Géographie de New ï'ork et de San-
Francisco. Topeka (Kansas). Département de rAgriculture (WashiDg-
ton). SmithBonian iQBtitntion (Washington) PiUrt Chart of the north
Atîamtie Océan (Washington).
Mexique. — Société Scientifique « Antonio-Alzate j> à Mexico. Oham-
hre de Commerce Française de Mexico. Observatoires Astronomiques
de Tacul)a7a et de Mexico.
Salvador. — Obitervatoire Astronomique et Météorologique de San-
Salvador.
Ck>8ta-Rioa. — Institut Physico-Géographique National (San José).
BrésiL ~ Sociétés de Géographie de Kio-de- Janeiro et de Bahia,
Umcrnay* ~~ Chambre de Commerce Française de Montevideo. —
Anales dél Departemento de itanaderia y Agrieidtnra de la BepU'
bliea O. del Urug'uay (Montevideo).
Pérou. — Société de Géographie de Lima. Chambre de Commerce
Française de Lima.
Cbili. — Société Scientifique Allemande de Santiago.
République Argentine. — Chambre de Commerce Française de
Buenos-Airep. Sociétés de Géographie de Buenos- Aires et de Cordoba.
Société Scientifique Argentine de Bucnoet-Aires. Direction Générale
de Statistique Municipale de la ville de Buenos- Aires. Département
National de Statistique, à Buenos-Aircs. Boletin de AgrienUura y
Oanaderia (Bueuos-Aires).
OCÉANIE
Australie. — Sociétés de Géographie de Sydney, Adélaïde. Btisbane,
Melbourne.
«lava. — Société des Sciences et des Arts de Batavia. Société Indo-
Kéerlandaisc d'Agriculture et d'Indus*rie de Batavia.
ABONNEMENTS
i
Revue des Deux-Mondes, bi- mensuelle.
Revue de Paris, bi-mensuelle.
Le Correspondant^ revue bi-mensuelle.
Revtte Politique et Littéraire (Revue bleue), hebdomadaire.
Revue Française et de V Etranger, mensuelle.
Le Tour du Monde, journal des Voyages et des Voyageai-
hebdomadaire.
L'Economiste Français, journal hebdomadaire.
Annales de Oéographie, paraissant tous les deux mois.
Mitteilungen, revue mensuelle.
La Nature, revue des sciences et de leurs application» aux
arts et à l'industrie, journal hebdomadaire illustré.
La DèpMie Coloniale Illustrée, bi-mensueUe.
La Dépêche Coloniale, journal quotidien,
Imprimerie Auo. GODBFROT k FbAbb, 21, Quai d*0rléaii8 - HATtS
in
•■
. 1
Soeiété
XXV" ANNEE
2"" Ti-imesli-e 1908
de
v.as
Géographie
Commerciale
da Havre
BUltltETlH
haVre
-A.XJ SIÊO-E IDE LA. SOCIÉTÉ
131, uiK ni: rvuis, lîU
1ÎI08
SOMMAIRE
Cheikh-SaYd (lin), par 1). Ijèvhe '^
Français et Allemands sur le Bosphore, par A. ]>l'h\mi.. i^
Dans la Sangha, par (1. < ). >'
Actes de la Société l"'
Ouvrages reçus à la Bibliothèque de la Société •'«
Centre de Colons Normands en Algérie ^^
Les Réunions du C^oni' -^di de chi.;.i'
mois, excepté pendant les .
Tous les membres de la Socic
I.:i HiiMioîli.'iillL' de !;i Société est ouverte tOUS leb
c\CL';Mé ki> d::î;anc!ic-. ,(»iir< fériés cl demi-fériés, de (» h.
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!:. ! :: ^1 de > 1k i r
7 •.'/ .' r-' •:• : .:.'.' f:s ./ / .v.v Lw rcuscignemcnts doivent î'irc
RAPPORT SUR LE CONGRES DE DUNKERQUE I906 21
partent pour les mers brumeuses d'Islande, d'où ils ne
reviennent qu'en Septembre, rapportant 2 à 3.000 tonnes
de morues salées. La pêche côtière du poisson frais et
principalement celle du hareng et du maquereau sont éga-
lement très actives.
» Messieurs, les chiffres que j'ai cités tout à l'heure,
montrent que Je port de Duukerque est surtout un port
d'importation. Nous importons en moyenne trois fois
plus de marchandises que nous n'en exportons. Cepen-
dant, nos exportations progressent rapidement, malgré la
convention de Bruxelles qui, en supprimant les primes
alloués aux sucres expédiés h l'étranger, a considérable-
ment réduit cette partie de notre trafic.
Les Services réguliers
» Toutefois, en développant d'autres branches de
notre exportation, nous sommes parvenus aujourd'hui à
combler, et au-delà, ce gros déficit et ce résultat a pu être
obtenu grâce au développement de nos services réguliers
qui nous mettent en relations avec la Russie, les pays de
la Baltique et de la mer du Nord, avec l'Angleterre, l'Es-
pagne, l'Algérie, la Tunisie et l'Italie, avec la colonie
occidentale d'Afrique, le Brésil, la République Argen-
tine et l'Uruguay, l'Indo-Chine, la Chine et le Japon.
9 A ces lignes déjà si nombreuses viendront sûre-
ment s'en ajouter de nouvelles, dès que la construction
de nouveaux quais aura permis d'accueillir les demandes
qui nous sont présentées pour la désignation des places
fixes à leur affecter.
» Si le port de Dunkerque doit une large part de sa
prospérité à ses bassins profonds et à son outillage mo-
derne, d'autres causes concourent encore à son dévelop-
pement commercial.
34 CHEIKH-SAÎD
nant de l'Eika, a 270 mètres. Lé Mankhali occidental a une
hauteur moyenne de 65 mètres ; mais dans sa partie mé-
ridionale il atteint 91 mètres sur le bord même de la mer,
au promontoire qui ferme vers Test la petite baie àt
Cheikh-Malou ; c'est la partie la plus rapprochée de
Périm et celle qui domine le détroit lui-même,
La roche y est volcanique et contient des gisements
de pouzzolane, dont il existe même une carrière dans la
partie nord. Cette pouzzolane pourrait être utilisée daos
les travaux de construction du port.
Notre territoire se trouve donc à cheval sur la Mer
Rouge et le golfe d'Aden et c'est là ce qui fait l'excel-
lence de sa position : les vents d'est du golfe d'Aden, en
pénétrant dans le détroit de Bab-el-Mandeb, tendent à y
devenir des vents de sud et laissent ainsi, dans le nord-
nord-ouest de la pointe, une zone assez étendue parjd-
tement abritée de la mer. (1) Tout le long de la pUge.
jusqu'à une distance de deux kilomètres du rivage, on
trouve pendant la mousson du sud, qui ne dure pas moins
de huit mois dans ces parages et qui est de beaucoup 1*
plus mauvaise, d'excellents mouillages par des fonds de
5 à 13 mètres. Tous les caboteurs indigènes qui entrent
dans la Mer Rouge ou en sortent pendant cette période
de l'année, font escale à Gheikh-Saïd où ils ont l'avan-
tage de trouver du bois et de l'eau en abondanee, ^^
même temps qu'un abri bien supérieur à Adcn, dont la
rade est mauvaise en mousson de sud-ouest, et le i^ort
intérieur accessible seulement à haute mer. Ce fait seul
suffirait à prouver qu'on y peut créer un établissement
commercial. Un simple coup d'œil sur la carte montre
qu'il est sur la route directe des na villes ; pour aller t
(1) Instructions nautiques.
CHEIKH-SAÏD 35
Périiîi le détour est, il est vrai, insignifiant, mais pour
Aden il est déjà de 30 milles ; pour Obock, de 60 ; pour
Djibouti, de 75. Obock a été sagement abandonné ;
Djibouti, position indéfendable, n'est pas et ne peut pas
être autre chose qu'un port aliyssin : les navires pour y aller
se détournent de 5 à 7 heures de leur route directe ; le
charbon y est cher ; la main-d'œuvre rare et peu exercée
y fait perdre pour le ravitaillement un temps considé-
rable.
Peut-on, à ce simple point de vue, ti'ouver une posi-
tion plus merveilleuse que celle de Gheikh-Saïd, où tous
les navires pourraient venir s'approvisionner de charbon
et de vit^res sans dévier en rien de leur route ; tous étant
obligés de passer à l'entrée de son i)ort y relâcheraient.
L'arrière pays d'Aden, comme celui d'Obock, est
dépourvu de toute ressource. Périm a un excellent port,
un peu étroit, mais c'est un rocher stérile et sans eau. A
Aden, conime à Périm, les Anglais sont obligés de s'ap-
provisionner à l'extérieur sur la côte Çomalie ; ils
sont à la merci d'une tempête ou d'un coup de main heu-
reux. Leur couper la route serait les alTamer. Aussi
cherchent-ils à Aden à réduire de plus en plus le nombre
des bouches à nourrir, ne reculant pas* pour expulser
la population, devant les mesures les plus vexatoires,
comme celle qui a transporte le marché indigène dans le
désert de Cheikh-Othman. L'occupation de Gheikh-Saïd
et son installation amèneraient aussitôt chez nous tous les
commerçants chassés d'Aden et nous no serions pas,
comme nos voisins, embarrassés pour les nourrir .:
Cheikh-Saîd, en elfet, touche à la partie la plus riche
du Yemen ; l'arrière pays non seulement fournirait les
vivres indispensables, mais encore mettrait à notre dis-
position une population sobre, travailleuse et sans fana-
tisme. Dans la région de Moka, qui est bien cultivée, on
36 CHEtKH-SAÎD
trouverait même les éléments d'un commerce local asseï
important : bestiaux, grains, légumes, café.
Par son voisinage des pays producteurs, Cheikb-
Saïd se trouve donc très heureusement placé. Mieux
situé que ses deux concurrents, Aden et Hodeîdah, il ne
tarderait pas à les supplanter et à attirer à lui toutes les
caravanes de l'Arabie heureuse (Yemen), dont il serait le
marché le plus proche et le plus facilement accessible.
Grâce à sa proximité de la côte africaine, Cheikh-Said
reste en communication constante avec elle en toute saison
par les boutres arabes, tandis qu'Aden en est privé pen-
dant une grande partie de l'année. La colonie aurait donc
pour se ravitailler non seulement le Yemen, que le cb^
min de fer de La Mecque prolongé mettra un jour eo
communication rapide avec elle, mais aussi l'Abyssinie
par Djibouti et la voie du Harrar.
Si ce commerce local n'avait pas pour effet d'assurer
la vie journalière de Cheikh-Saïd et de sa garnison, j'es-
timerais du reste qu'on pourrait n'en pas tirer allument
car si important qu'il soit il sera toujours infime comparé
à l'immense mouvement de charbon, de vivi^es et d'ar
gent occasionné par le passage des milliers de navires
qui, traversant la Mer Rouge, s'y approvisionneraient
En 1901, 3.61)9 navires; en 4902,3.708; en 1903, 3.7W
navires ont passé le canal et leur nombre va toujours
croissant.
Le port d'Aden importe annuellement IGO.OOO tonnes
de charbon qu'il achète 30 francs la tonne et revend
35 francs. Cheikh-Saïd, mieux placé, peut prétendre à
une large part de ces transactions. Aden est actuellement
le grand entrepôt de toute cette région de l'Océan Indien,
du sud de l'Arabie, de la côte des Çomalis et de l'Abys-
sinie. Djibouti lui enlèvera peu à peu la clientèle de
l'Abyssinie ; Cheikh-Saïd celle de l'Arabie et de la Coma*
I
RAPPORT SUR LE CONGRISS DE DUNKERQUE I906 25
dans ce bâtiment. La toiture est en terrasse, couvertare
en carton volcanique, recouvert de gravier, comme nos
hangars de la Chambre de Commerce. Du haut de la
terrasse nous voyons admirablement Tensemble du port :
les 2 vastes entrepôts réels des sucres et les hangars des
grandes lignes de bateaux à vapeur : Chai'geurs-Réunis,
Messageries Maritimes, Compagnie A.-D. Bordes, Zuid
Amerika Lyn, etc. ; on en construit de nouveaux ; sur
les quais de nombreuses grues hydrauliques comme au
Havre.
Dunkerque (40.000 habitants), centre d'une aglomé-
ration de 70.000 âmes, n'est pas une belle ville, la rue
principale est tortueuse, les rues adjacentes sont peu
animées. Je laisse au guide Conty ou au Baedeker, le
soin de vous renseigner sur les curiosités de la ville,
mais il est de mon devoir de vous dire un mot de THôtel-
de-Yille, où, d'abord, la municipalité a ofTert une récep-
tion aux congressistes et où, le jour de la clôture, la
Société de Géographie de Dunkerque leur a oflert un
banquet.
L'Hôtel-de- Ville de Dunkerque, entièrement cons-
truit en briques et en pierre, dans le style de la Renais-
sance flamande, est un des plus beaux monuments de
la France du Nord. Au centre s'élève un imposant beffroi,
comme on le voit communément aux édifices communaux
du littoral de la mer du Nord, jusqu'à Hambourg ; avec
les six pignons de ses façades, avec les toits pointus de
ses échauguettes et son campanile ajouré sur son im-
mense beffroi, THôtel-de- Ville dessine une silhouette
merveilleusement détachée.
Dans la ville même, dans les rues, les magasins, les
promenades, dans les tramways, je n'ai entendu parler
que français, mais la population maritime parle flamand ;
je suis allé au Minck (marché au poisson), la criée finie,
26 RAPPORT SUR LE CONGRES DE DUNKERQUE I90G
les commères se querellaient en bon flamand. En dehors
des villes, le flamand se parle dans les arrondissements
de Dunkerque et de Hazebrouck ; c'est comme vons le
savez, un dialecte ba&-allemand, étroitement apparenté
au hollandais. Ce pays flamand oflre trois caractères bien
distincts. D*abord, le long des rivages, les Dunes, qui
forment une bande ayant de 500 à 1.000 mètres de pro-
fondeur, ensuite la Plaine maritime, s'enfonçant à une
vingtaine de kilomètres dans les terres, enfln le pays
boisé (houtland).
Les Dunes, monticules de sable que les vents, de
tempête déplacent, protègent la plaine contre la mer;
elles ont un peu d*herbe dans leurs fonds, on y trouve
des sources d'eau potable, aussi quelques pauvres gens v
habitent sur la lisière.
La plaine maritime est un sol uniformément plat,
qui lors des marées très hautes serait submergé si les
Dunes n étaient pas là. Aussi Texistence de Thomme sur
ce morceau de terre est-elle une lutte perpétuelle ; il l'a
conquis en lasséchant, en creusant partout des fossés
(en flamand watergands), qui se réunissent en canaux
conduisant Icau de ces marais à la mer, où on laisse .^e
déverser Teau en ouvrant les vannes à marée basse, les
refermant ensuite dès que la mer va monter. Pour 1 en-
tretien de ces canaux, les habitants s'étaient formés en
associations (wateringiies) nom que portent encore les
commissions spéciales chargées de l'administration de ce
drainage.
La plaine maritime est extrêmement fertile ; la végé-
tation y est très forte et exige des sarclages fréquents.
Le blé, Torge, les fourrages, les fèves et le lin y réusisr
sent à merveille mais, depuis 50 ans, la betterave et la
chicorée ont remplacé peu à peu le lin et les fèves,
cultures délicates et aléatoires. De là sont nées quelques
CHEIKH-SAÏD 39
::xient encore et avec pins de chances de succès, le faire
^hez nous.
Combien avons-nous semé d'argent dans les sables
i'Obock avant de les abandonner, pour toujours sans
doute^ à leur stérilité ? De quels amers regrets nous
devrions être attristés en pensant que ces mêmes sommes
utilement employées à Cheikh-Saïd nous auraient donné
la clé de la Mer Rouge I Mais nous ne savons rien vou-
loir et quand nous voudrons un jour, peut-être sçra-t-il
trop tard.
Un établissement maritime. et commercial unique au
monde pourrait être créé dans la lagune de Cheikh-Saïd.
Le fond sablonneux en serait facilement dragué ; on y
creuserait ainsi une rade intérieure de 150 hectares au
moins, dont l'entrée serait protégée contre Tenvahisse-
ment des sables par une double jetée. On a même pro-
posé, mais ne demandons pas ti*op, de creuser dans le
sable un canal de 2 kilomètres rétablissant l'ancien dé-
troit, si détroit il y avait, pour ouvrir à ce bassin, une
porte sur l'Océan Indien.
Ce sont là des travaux considérables sans doute, mais
loin d'être improductifs. Ils ne larderaient pas à faire de
Cheikh-Saïd l'entrepôt de toute la région et le plus riche
satellite du canal de Suez, dont il serait l'avant-garde
vers l'Extrême-Orient.
Il ne faut pas oublier que cet Extrême-Orient est le
plus riche marché du monde, que la côte orientale d'Afri-
que, Madagascar, la Mésopotamie, l'Inde, Tlndo-Chine,
la Chine, l'Insulinde et le Japon sont bien loin d'avoir
atteint tout le développement dont ils sont susceptibles.
Ces pays sont ouverts d'hier k peine à notre civilisation
et nul ne peut dire à quels chiffres formidables atteindra
demain leur commerce. C'est plus de la moitié de l'huma-
nité, songeons-y bien, qui vit de l'autre côté de Cheikh-
I
I
z
X
as
O
O
.Q
CD
s
s
Outrages reçus à la Bibliotlitiiue de la Secltté
l^»- Trimestre 1908
La France à vol d'oiseaa, par OiK^sime Rkclus. Paris, 1906, 2 vol. iii-16.
La Ba8««-^ormandlp. Etude de g<?ographie r<?gioiiale, par Raoul de
FÉLICE, professeur asrrégé d'histoire et de «géographie au Lycée de
Chartres, docteur es lettres. Paris, 1907, 1 voU in-8, contenant 88 flg. et
cartes dans le texte et hors texte.
Poitiers et Aoij^oaléiiie, Saiut-Chayin, Chauvigny, (Les Villes d'Art
célèbres), par Henri Labbé de la Mauviniàbe, Paris, 1908, 1 vol.
in-4, orné de 113 gravures.
Annuaire statistique de la France, 26* volume, 1906. Publié par le
Ministère du Travail et de la Prévoyance Sociale. Paris, 1907, 1 vol. gr.
in-8, (Dou de M. le Ministre du Travail et de la Prévoyance Sociale).
Essai d^nne priycho'osle de l'Angleterre contemporaine. Les
crises politiques. Protectionnisme et radicalisme, par Jacques Babdoux.
Paris, 1907, 1 vol. in-S.
L'Ile inconnue, par Pierre de Coulevâin. Paris 190 , 1 vol. in-18.
Des Monts de Bohème an Golfe Perslqiie. Le suffrage universel en
Autriche. La crise hongroise. Les Etats You«<o-Slave et la Macédoine.
L'Asie turque et Ifl chemin de fer de Bag(Iad, par René Henry, pré-
face de M. AnatT>le Leboy-Beaulieu, de l'Institut .«Paris, 1908, 1 vol.
in-16, accompagné de cartes et schémas.
Au Japon. Choses vues, par Clive Holland, traduit de l'anglais par
Luoné-Philipon. Paris 1908, 1 vol. in-4, orné de nombreuses photo-
gravures.
Le Japon Inconnu. Esquisses psychologiques par Lafcadio Hearm,
professeur à l'Université impériale de Tokyo, traduit de l'anglais par
M— L. Raynal. Paris 1895, 1 vol. in-16.
Comment visiter l'Egypte, guide illustré établi par un groupe de fonc-
tionnaires des Chemins de fer de l'Etat Egyptien. Paris, 1908, 1 vol.
in-16, orné de 41 illustrations en couleurs de A.-O. Lamplouoh.
Comment on devient Colon (Tunisie), par Charles GÉNIAUX. Paris,
1908, 1 vol. in-12, illustré de 22 gravures.
Une Française au xMaroc, par Mathilde de Zeys. Paris 1908, 1 vol.
in-16, illustré de 50 gravures tirées ùors texte d'après des photographies.
Les Frontières de la Côte d'Ivoire, de la Côte d'Or et du
Soudan, par M. Delaposse, a<lministrateur des Colonies. Paris, 1908,
1 vol. in-8, avec 94 figures dans le texte d'après les photographies de
l'auteur et une carte hors texte.
Le ttabon, ce qu'il a été, ce qu'il est, ce qu'il doit être, par Ch. NOUF-
FLABD, secrétaire général tics Colonies (Conférences faites à l'Office
Colonial, les 28 Nov. et 5 Dec. 1907). Paris, 1908, 1 broch. in-8, 55 pp.
(Envoi de l'Office Colonial).
42 CHEIKH-SAÏD
contre Tlndo-Chine française. N'oublions pas qu en 1885
nous occupions ces deux positions stratégiques, que nous
aurions pu les garder sans difficulté et éviter ainsi que
dans Ta venir on s'en servit contre nous. Ne devons-noas
pas regretter amèrement aujourd'hui de les avoir aban-
données, car il y va peut-être du salut de Tune de nos
plus belles colonies ? En pi^enant Quang-tcheou-Ouan, en
1896, au lieu de l'Ile d'Haînan, nous avons commis la
même faute et les conséquences de cette faute seront
peut-être irréparables. Ne la renouvelons pas, au moins,
à Gheikh-Saïd !
En 1870, pendant la guerre franco-allemande, nos
navires chassés des ports anglais, qui leur refusaient le
combustible nécessaire pour rallier la France, ont trouve
un refuge où ? A Cheikh-Saïd, qu'on déclare aujourd'hui
inutilisable ! Sous la pression des événements, nous
avons fait ce que nous eussions dû faire plus tôt ; nous y
avons créé un dépôt de charbon, mais malheureusement
nous l'avons abandonné à la fin des hostilités. Ce point
nous a été, sans garnison, sans forts pour le défendre,
indispensable pendant la guerre la plus désasti^euse que
nous ayons eu à supporter. Comment pourrait-il, une fois
outillé et fortifié, nous être inutile dans une autre guerre,
victorieuse ou non ? On va me dire que l'humanité, tour-
nant le dos à la barbarie, marche à grands pas vers un
âge d'or où les guerres ne seront plus possibles. Je Te.^-
père, mais, en attendant, le meilleur moyen d'assurer la
paix est, comme l'a dit de tout temps la sagesse des
nations, d'être prêt pour la guerre.
En 1884, lors des afi*aires de Chine, bien qu'il n'y
eût pas état de guerre, les Anglais nous i*çfusèi*ent encore
CHEIKH-SAÏD 43
du charbon. Au lieu de s'installer de nouveau à Cheikh-
Sa!d, on préféra aller à Oboek où Ton dépensa des som-
mes énormes à essayer d'animer un établissement qui
n'était pas né viable. Obock, depuis, a été abandonné
pour Djibouti. Djibouti a un avenir brillant, mais bien
défini, comme port de TAbyssinie. Qu'il n'aspire pas plus
haut : il est en dehors de la route directe des navires,
indéfendable et trop loin du détroit pour avoir une
valeur stratégique sérieuse. Le seul point stratégique est
Cheikh-Saïd qui, à une position commerciale q^ique,
joint une situation politique et militaire exceptionnelle.
L'opinion anglaise colportée en France par nos
enquêteurs, est que de Périm on ])oui*rait détruire tout
établissement créé sur l'autre rive du détroit. Le point
culminant de l'île a une hauteur de 6r3 mètres ; or, d'après
nos voisins, la ville française devrait se développer sur
la plage qui s'étend en face, du cap Bab-el-Mandeb au
cap Cheikh-Saïd, jusqu'aux hauteurs, et se trouverait par
suite sous le feu des canons anglais. Nous avons vu
qu'il n'en est rien. La ville ne se développerait nullement
en face de Périm, mais soit au nord du cap Cheikh-Saïd
devant la région des calmes, si on eu veut faire un point
exclusivement commercial, soit sur les bords de la lagune
transformée en port intérieur. Or, entre l'un et l'autre de
ces i)oints et Périm, s'élève le massif du Mankhali occi-
dental qui Riieint Justement devant Vtle anglaise la hau-
teur de gi mètres j écrasant ainsi de ses feux le plus
haut sommet de Périm.
I^ cap Bab-el-Mandeb, le promontoire le plus pro-
che des forts anglais, est une île reliée au continent à
marée basse, île des Huîtres ou du Pilote, dont le som-
met n'a que 17 mètres. Mais le premier contrefort de la
montagne, à 160 mètres plus loin, atteint déjà 61 mètres;
il dépasse 90 immédiatement après. Quant au massif de
44 CHEIKH-SAÎD
TEika, il sarplombe les positions anglaises ; et le centre
de la rade de Péri m, défendue seulement de ce côté par
des collines de 50 à 60 mètres, n'est qu'à 5 milles (8 kilo-
mètres) du Coin de Mire qui a 270 mètres. L'artillerie
moderne peut encore avoir à cette distance des effets
utiles.
Pour quelqu'un qui a vu Cheikh-Saîd autrement
qu'avec des lunettes anglaises, il est inadmissible qu on
puisse discuter encore sur la prééminence de Tune ou ('e
l'autre position. 11 suflit d'avoir franchi le détroit pendant
le jour pour se rendre compte que Gheikh-Saîd écrase
Périm. Si l'on songe que, de l'autre côté, les Seba elle
littoral nous appartiennent, on comprendra Tachame-
ment que les Anglais ont mis jadis à olTrir du Champagne
aux ofliciers que nous avons envoyés en mission là-bas.
Nous ne pouvons véritablement pas leur reprocher cet
acharnement et exiger qu'ils soient aussi Français que
nous. Mais, de leur côté, ils ne peuvent pas trouver mau-
vais que nous suivions l'exemple qu'ils nous donn»*nt.
Défendons donc nos intérêts avec la même ténacité, la
même clairvoyance. Soyons Français comme ils sont
Anglais.
Cheikh-Saïd n'est pas, du reste, une arme défensive
dirigée uniquement contre l'Angleterre ; elle l'est certai-
nement moins contre elle aujourd'hui que contre d'autres
puissances. Il faut donc, pour apprécier sa valeur, l'en-
visager non seulement par rapport à Périm, mais aussi
par rapport à toute flotte ennemie tentant de franchir le
détroit. Or, à ce point de vue, il est hors de discussion
que Cheikh-Sa'id nous assure la libre circulation dans la
Mer Rouge et la ferme à double tour à qui nous voulons
l'interdire.
De tout temps les navigateurs ont compris l'impor-
tance exceptionnelle de ce point, sauf, malheureusement,
CfiElKH-SAÎD 48
ceux qui y furent chargés par nous d'une mission of&-
cielie. On y retrouve des ruines qui remontent à la plus
haute antiquité égyptienne. Au viii*' siècle, les Khalifes
arabes s'y installèrent. Bien des siècles après, un précur-
seur, La Bourdonnais, frax)pé des avantages de cette
position, y fonda un campement de la Compagnie des
Indes. Cette installation précaire disparut bientôt et les
tribus voisines ne tardèrent pas à en reprendre posses-
sion. La tentative est cependant intéressante à noter, car
elle émane d'un de ces hommes clairvoyants qui ont
voulu nous donner l'empire des Indes. Depuis que nous
avons acquis des droits sur Cheikh-Saïd, nos marins
l'ont visité à diverses reprises. Je ne peux que citer les
commandants Alquier, Bouchey, Lespès qui tous ont
conclu à son importance stratégique et économique.
Cheikh-Saïd est la vraie clé de la Mer Rouge. Si réel-
lement nous reculons devant les dépenses qu'entraînerait
son installation, je maintiens que nous devons quand
même y faire acte d'occu[)ation, afin de préserver nos
droits pendant qu'il en est temps encore. Nous nous féli-
citerons plus tard d'avoir eu cette prévoyance aujour-
d'hui. Il y a une question de dignité nationale à ne pas
laisser des Turcs semi-barbares s'installer sans vergogne
sur notre propriété. Les y laisser serait une faiblesse
coupable.
L'occupation de Cheikh-Saïd n'annoncerait nulle-
ment des intentions belli([ueuses de notre part. Cheikh-
Saïd est avant tout un point d'ap[)ui défensif. Le meilleur
moyen d'assurer la paix est d'être prêt à la guerre.
Cheikh-Saïd la rendrait difficile, impossible môme dans
certains cas, à nos rivaux.
tt LISTB GÉNÉRALE DES MEIffiRfeS
MM. t SAVOBGNAN DB BbAzza (C ^)^ commisgaire général honoraire
du Congo français.
WlENBB (Oh.) 4^, chargé d'affaires de France près da Goaveme-
ment de Bolirie.
Préstdent honoraire :
M. CouvBBt (Joannès) iN», négociant, président de la Chambre de
Commerce du Havre.
Vioe-président honoraire :
M . Bboqué (L.) 4i ^, lieutenant de vaisseau en retraite, à Neoilly-
8ur-8eine.
Membres correspondants :
MM. Blakchb, vice-oonsnl de France, à Glasgow.
Boiteux (le Docteur José-Arthur), secrétaire de la Société de Qéiv
graphie de Rio-<le-Jaiieiix).
GATAT (le Docteur), à Contréxeville (Vosges).
Dbbisb iN^, vice-président honoraire de la Société de Géographie
de Lyon.
Dk 8aint-Q(J£NTIK ^, trésorier des Invalides, à Marseille.
Fbakconie (Joseph), attaché à la Banque de France, 74, rue
Blanche, à Paris.
Gautibb (A.) 4», capitaine d'infanterie de marine en retraite, à
La Flèche (Sarthe).
Klbtt (Carlos Liz) (U A) ^, consul général de la République
Argentine, à Rio-de- Janeiro (Brésil).
Le Babbois d'Obgbval, yice-président de la Société de Oéogrm-
phie commerciale, 31, rue de Tocqueville, à Paris.
Lb Bbbton (B.), adjoint des Affaires indigènes, ù Brazsaville.
(Congo français).
Lbvt (Victor), conseiller du Commerce extérieur de la Fnmoe*
Teinfaltstrasse, 8, à Vienne (Autriche).
SOHBADEB (F.), directeur des travaux cartographiques de la maison
Hachette et C*«, boulevard Saint-Germain, 79, à Paris.
SiBGFBIBD (André), dr)ct<;iir es lettres, 226, boulevard Saint-Oer-
msin, à Paris.
Vidal, professeur d*b7drographie, à Bastla (Corse).
WAUTEBS (A.-J.), directeur du a Mouvement géographique », rue
Bréderode, 13, à Bruxelles.
C:itEIKlt-SAÏD 4?
Orient et l'Océan Indien deviennent pour notre flotte,
comme en 1870, une véritable souricière où elle est à la
merci des escadres ennemies.
Il ne suffit pas de semer, il faut encore récolter.
L'effigie de nos médailles sera-t-elle toujours l'image de
la vaine politique coloniale de la France, éternelle
semeuse qui jette aux quatre vents de la terre son sang
et son or, sans jamais songer à assurer sa récolte ?
D. LièvRE
Sons-Intendant Militaire des Troupes Coloniales
en Retraite,
IV LISTE GéNÉRALB DBS MBUBUBS
MM. Couvert (Joannès) e^, négociant, président de la Chambre de
Commerce.
Dany (A.) (tt I), secrétaire-archiviste de la C*« des Coartiera
assermentés
Dbghaillb (Stephen) (jQ A), directeur des Signaux et da
Sauvetage.
Doublet (G.), négociant.
DUPOUB (G.) 4» (U A) 4», docteur-médecin.
Dupont (E.)t directeur des Docks-Entrepôts.
Engblbaoh (P.), docteur-médecin.
Enoelbaoh (G.), négociant
Favi^b (B.) (U I), professeur au Lycée.
Fbitz (J.) (O A), professeur d'allemand.
Gabtnbr (L.-B.), négociant.
GuÉBiN (Désiré), receveur de TEnregistrement, en retraite.
GuiLLOT (Denis), avocat.
GuiTTON (Louis) «I A), agent commerciaL
Habou (B.), courtier d'assurances.
^ Haussmann (J.) (G jRî), receveur des Finances
Hubbet (Jacques), fondé de pouvoirs.
Jagquemin (Ch.) (0 lï.), négociant.
Kbaubb (Albert), négociant.
Lanbuyillb (E.), courtier.
LoiBBAU (Paul), négociant.
Mbuba (Ch.), courtier.
Monballieb (L.), assureur.
Monbcoubt (E.) (Il A), professeur au Lycée.
Odiitet (G.) (U A), négociant.
PELAjtt) (Frédéric), courtier.
Peslb (Bobert), négociant
Pilon (B.) (G Hf«), secrétaire général des Docks-Entrepôts.
Pbbsohbz (E.), avoué.
Plum (P.), assureur.
Baoul-Duval (Edmond), négociant.
BOOHE (J.), photographe.
SOHMITT (Victor), assureur.
Yanieb (Ferd.), négociant.
FRANÇAIS ET ALLEMANDS SUR LE BOSPHORE 49
— en projections — le train à la gare de TEst, puis, nous
irons visiter tous les quartiers de Constantinople et les
jolies rives du Bosphore.
En Avril dernier, avec des documents provenant de
personnages autorisés et bien renseignés, je fis à THôtel
des Sociétés Savantes, à Paris, une conférence sur la
Turquie où je n'étais jamais allé. Cette conférence me
valut de la part de certains journaux allemands, Thonneur
d'attaques violentes et passionnées ; j avais, comme on
dit, mis le doigt sur la plaie, c'est-à-dire sur l'envahisse-
ment continuel, progressif, méthodique de la Turquie,
par l'Empire allemand. Ils disaient, entre autres, que
j'avais des étoiles dans le cerveau, que le chemin de fer
de Bagdad n'existait pas, que la banque allemande
n'avait jamais été construite, que la navigation (vous que
cela intéresse particulièrement. Messieurs), était un
vain mot.
Je résolus de voir si ce que j'avais dit était exact, et,
je suis allé, à diverses reprises, passer quelques mois en
Turquie.
Eh bien ! j'ai vu ; j'ai photographié la banque alle-
mande, j'ai photographié les navires allemands que j'ai
rencontrés (on ne voit que cela); j'ai fait près de 1200 kilo-
mètres sur le chemin de fer de Bagdad, et il est de mon
devoir, comme Conseiller du Commerce Extérieur et
comme patriote, de vous crier : casse-cou !
Pour aller à Constantinople, il y a plusieurs modes
de locomotion : l'Orient-Express, qui part de la gare de
l'Est trois fois par semaine : lundi, mercredi, vendredi,
et qui passe par l'Allemagne, l'Autriche, la Serbie, la
Bulgarie. On peut aussi passer par la Roumanie, et, de
Constanza, par vapeur, aller à Constantinople. Mais,
4.
50 FRANÇAIS ET ALLEMANDS SUR LE BOSPHORE
Mesdames, si vous avez le mal de mer, je ne voos
conseille pas de prendre ce moyen de locomotion; on
navigue toujours la nuit, et, en général, la mer Noire est
démontée.
On peut encore prendre le chemin de fer du P.L.M.
via Brindisi et ensuite par bateau à vapeur arriver
à Constantinople, par les Dardanelles et la mer de Ma^
mara. Mais comme il y a huit ou dix jours de traversée,
j'ai préféré faire mon dernier voyage par TAutriche,
la Bulgarie ; bref, la ligne du Centre.
La Turquie d'Europe comprend 7 villayets ; la lur-
quie d'Asie en comprend 9. La population est de 7 à S
millions d'habitants et Ton évalue à 1 million celle de
Constantinople.
On rencontre dans cette population toutes les races
du Levant : des Grecs, . des Albanais, des Bulgares, des
Juifs, des Circassiens, etc.
Les voies de communication en Turquie d*Euro[)e.
représentent à peu près 2.000 kilomètres, absolument
mal entretenus ; on en trouve à peine 2 ou 3.000 kilo-
mètres en Turquie d'Asie.
Messieurs, vous connaissez tous les Capitulations qui
font que nous jouissons à Constantinople de ce que Ton
pourrait appeler ; l'immunité parlementaire. Personne,
dans Tadministration ottomane, n'a de droits sur un
citoyen français. C'est ainsi que Tun de nous commettant
une mauvaise action, ne pourrait être inquiété que par
l'Ambassade de France.
Au point de vue commercial. Messieurs, ces Capitu-
lations faites à une époque où il fallait montrer patte
blanche de père en fils, pour aller s'établir aux Echelles
du Levant^ ont consacré votre honnêteté . coarnierciale^
MKMBRBS TITULAIHES VII
2028 Blamchaiid (M"* Berthe), professeur 4 l'Ecole pratique de
Gommeroe et d'Indmtrie, rae des Ecoles, 1, à Sain te- Adresse.
637 Blbcu (René), propriétaire, rae des Protestaots, 3.
2071 Blot-Lefeyrb (André), négociant, place Saint-Joseph, 6.
2074 BODBBEÀU (Gaston), avocat., nie Jales-Iiccesne, 45.
22 BcEBWiLWALD (M™* Auguste), rentière, rue de Mexico, 1.
2035 Bœbwilwald (Jean), courtier, me Guligny, 12 hiê.
1888 BoiTiBB (René), avocat, rue Donbet, 12.
23 BoiviN (L.) (O A.), employé de commerce, me de Paris, 131.
1706 BooB (A.), pharmacien, rae de Paris, 137.
2059 BoBBL (le Docteur), directeur de la 2"« circonscription sanitaire
maritime, boulerard François-T*', 36.
1946 BossiiRB (René), négociant, rae des Orphelines, 2.
1998 BouvTTB (W.-E.)i ingénieur, route de la Hève, 22, à Ste-Adresse.
302 BOFLARD (René), imprimeur, rae du Ganon^ 30.
2108 Bouquet (M^** Suzanne), section normale de T Ecole pratique
de Commerce et d'Industrie, rue du Lycée, 71.
1937 Boubdoh (Georges), de la maison Guillcrault et G*", place Jules-
Ferry, 8.
25 BOUBQUIN (H.), négociant, rue des Gobelins, 63.
2138 Boubst (René), avoué, rue de Mexico, 50.
820 Bouteleux (L.), agent principal de la Société Navale de TOuest,
quai d'Orléans, 45.
1820 Rrl'daz (A.), fi. entrepreneur de camionnage, cours de la Répu-
blique, 115.
419 Bbbmâg (Docteur), pharmacien, rue de Paris, 66.
380 Bbiand (M-«) i, propriétaire, rae du Havre, à Sainte- Adresse .
648 BbiâND (Auguste), capitaine au long-cours avec brevet supé-
rieur, rue Clément-Marical, 11.
lôn Bbiant (B.), courtier, rue Michel- Y von, 5.
31 Bbicka. (E.). i^y négociant, vice-président de la Chambre de
Commerce, rue de la Bourse, 29.
364 Bbicâbd (H.) e)f( (G *i<) ^t directeur des Forges et Chantiers de
la Méditerranée, membre de la Chambre de Commerce^ boule-
vard de Strasbourg, 45.
156'i BBiisE (M"«), rentière, rue Jules-Lccesne, 2.
4?3 Brihdbau (Louis) 4i, député, boulevai-d de Strasbourg, 63.
2136 Bru NE L (Michel) (O '^)» professeur de sténographie, rue Scu-
déry, 3.
32 Brunbt (Alfred), négociant, de la maison Y'* A. Derode, rue de
la Bourse, 28.
I
K2 FRANÇAIS ET ALLEMANDS SUR LE BOSPHORE
Les causes de notre déchéance sont multiples (j'y
reviendrai tout à Theure), mais je vous demande la pe^
mission de vous en indiquer les grandes lignes :
l^ Nos mœurs qui nous font craindre de nous expa-
trier (je ne dis pas cela pour les Havrais, que Ton ren-
contre partout dans TUnivers) ;
2° Notre système d'enseignement ;
3° L'absence de i^enseignements précis ;
4** Le manque de point de direction pour l'emploi de
nos capitaux :
S** Notre amour du luxe et du grand bien-êti'e.
Enfin, nous devrions nous contenter d'avoir de l'es-
prit, sans en faire au détriment du voisin, cause ainfl,
de blessures morales, inguérissables.
Pour apprécier le démembrement de notre empire
commercial, M. Martineau a bien voulu me donner des
chilfres et des indications que voici :
L'Allemagne, nous a pris les étoiles pour robes et
ameublements, les produits chimiques, les nouveauté^,
la quincaillerie, la parfumerie, la passementerie, la gan-
terie, et, j'ajouterai, les armes et les canons, quelle
fournit à rarniéc turque.
L'Autriche, nous a pris la papeterie, la draperie.
la verrerie, les faïences, les huiles d'olives et le suere.
La Belgique, nous a pris les « pointes de Paris » î
la cristallerie, les armes de chasse, les tissus divtM*s, le*
fers et le matériel des tramways.
L'Italie, nous a pris les cuirs, les flanelles, le café.
et elle partage avec l'Allemagne, les tissus et nou-
veautés ; je ne dois pas oublier les soieries.
I-.a Suisse, nous a pris les soieries, les broderies,
les tissus imprimés. La « Toile de Vichy » est fournie |>ar
la Suisse I
MBMBRIS TITULAIRES IX
40 CBK&niiB (Charles) (O A), «djoiiit au Maire du Havre, me Just-
Yiel, 32.
9040 Ghsyalur ds Gohinok (M"«), rentière, rue Auguste-DolfuB, 17.
2087 CioisoN (M^ Céleetine), propriétaire, rue Thieuleni, 10, à
Bainte-AdreBse.
1944 Clkousb (BdooardX officier de marine en retraite, me Thiera, 65.
331 Clsbc (L.) (O A), pharmacien-chimiste, me de Beny, 67.
1764 Clbbo (Léon), négociant, an château d'Harfleur (Seine-Inf^).
1753 Clochettb (Georges), courtier, palais de la Bourse, escalier D.
1285 Glolooe (Alphonse), négociant, impasse Dagobert, 10.
1266 GoLCHBK (Ch.), courtier, me Jules-Lecesne, 32.
798 Collet (H.)t négociant, me Jules-Lecesne, 4.
332 CoMMAUCHB (J.), constracteur-mécaniden, rue de Mexico, 36.
2016 GOQUKLIN (Ch.), affaires indigènes, à Ouesso (Congo français).
2120 COBBEAU (A.), receveur des Postes et Télégraphes en retraite,
rue Mogador, 26.
304 COBBLBT (B.), armateur, me Edouard- Larue, 1.
2066 COBOTEB (Gaston), instituteur, Kcole rue de Berry.
1692 GOTBLLB (J.-M.), négociant, de la maison D. lievillain et Co^ello,
me Jules-Lecesne, 47.
1843 GoTTABD (Alfred) j(, négociant, membre de la Chambre de Com-
merce, me du Lycée, 30.
45 GOTT (A.) (d A), propriétaire, place de THôtel-de-YiUe, 27.
789 CoULON (Ch.) ^{ :^% négociant, conseiller municipal, juge au
Tribunal de Commerce, me de la Paix, 6.
1952 Cousant (Maurice), artiste peintre, Clos de l'Abbaye, à Poissy
(Beine-et-Oise).
1953 GouBANT (L.), négociant, rue Belle vue, 6.
47 Cousin (Arthur), maison Albert Quesncl et C^«, imp. Dagobert, 8.
1883 COUBIN (Henri) (4| A), a^^ent commercial, rue des Ormeaux, 11.
48 CouTEBT (Joannès) ^, négociant, président de la Chambre de
Commerce, me de la Bourse, 31 bit,
49 COUVEBT (Camille), négociant, me Jules-Lecesne, 68.
374 GoviLLE (A.), ingénieur en chef des Forges et Chantiers de la
Méditerranée, me Saint-Michel, 9.
51 CfiBMBB (Marius), négociant, consul de Grèce, me Doubet, 16.
2070 Gboix (L.), opticien, rue de Paris, 15.
1113 Dalioault (F.), entrepreneur de menuiserie, rue Dicquemarc, 25.
1277 Danibl (Joseph), capitaine au long-cours, me Rrnest-Renan, 46.
2127 DANILOW (K.) (G HH) (O ^), consul de Russie, rue des Pénitents, 18.
1301 Danon (J.), négociant, place Camot, 5.
54 FRANÇAIS ET ALLEMANDS SUR LE BCUSPHORE
La navigation, non plus, n a pas été négligée par
nos rivaux, et ceci vous intéresse tout particulièrement
C'est en 1880, que les Allemands tentèrent le premier
essai de Hambourg ; bientôt les sociétés maritimes sur-
girent comme par enchantement d année en année (1884
à 1897) et l'audace des navigateurs d'Outre-Rhin va jus-
qu'à créer des services maritimes allemands entre deux
ports turcs. Ils réussissent. Il serait pénible, ma foi, pour
eux, que tant d'eflbrts ne fussent pas couronnés de succès!
C'est ainsi que j'ai voyage à Moudania et à Brousse dans
un tramway de même origine, et je ne parle pas du che-
min de fer d'Anatolie vers Bagdad, qui est entre les
mains des Allemands, vous le savez.
Je passe à notre pays maintenant, et je vais vous
parler de notre navigation dans le Levant.
J'ose à peine vous dire la place que nous occupions
en 1880 et celle que nous occupons maintenant :
(1880) Angleterre 3 . 961 . 000 tonnes
France 500.000 »
Allemagne 453.000 »
Espagne 384.000 *
(1897) Angleterre 6.363 000 »
Allemagne 889.000 «
France 499.000
Espagne 464.CK)0 »
Les statistiques de ces dernières années sont encore
plus effrayantes.
Comme pourcentage, T Allemagne a donc augmenta
de 95 %, l'Anglelerre de 60 %, l'Espagne de 47 %, la
France est en diminution de ijioo^ %.
S'il y a parmi vous, Messieurs, des parlementaire*
ou des économistes, je les laisse juges des chiffres qac
j'ai l'honneur de vous soumettre. A qui la faute? Je n>i
MVMBRBS TITULAIRES XI
17Ô1 D£8UAYE8 {Ed.)i courtier, palaia de la Boune, eicalier D.
2104 Dbthieb (Cb.), négociant, rue Juletf-Lecesne, 114.
1958 DETOURNAT (André), aasoreor» rue Massiea-de-Clcryal, 10.
2076 D« TuGNT, capitaine au 129'*« Régiment d*Infanterie, rue de
TonrnevilJe, 76.
1841 Dk Vioan (J.), secrétaire de ia Chambre de Commerce, palaia
de la Bourse.
1598 DSYILUE, dootenr-médecin, rue Thiers, 28.
2064 D*Halluin (A.), négociant, rue de la Bourse, 33.
898 DOMBBE (H-* L.), libraire, place de THÔtel-de-Ville, 10.
1371 DouBLVT (Georges;, négociant, membre de la Chambre de Com-
merce, juge au Tribunal de Commerce, rue de la Bourse, S.
83 DOUBT (Y.), aroné honoraire, juge an Tribunal Civil, rue Fré-
déric^Sauvage, 15.
2016 DOUTBELAUT (A.), dc la maison Y^* A. Derode, boul. Maritime, 154
683 Dot (Auguste), courtier, place de THÔtel-de-Yllle, 21.
589 Dbouauz (Kmile), négociant, boale?ai-d de Strasbourg, 130.
2125 Dubail (A.), intéressé de commerce, boulevard François-I», 70.
1900 Dubois (B.), directeur de la Société Générale, place Camot, 2.
2060 DuBOiB (Perd.), ingénieur, rue du Docteur-Cousture, 27.
609 DucHBBKE (B.), constructeur-mécanicien, rue de Neastrie, 40.
1837 DcCBOOQ (Th ) ^ ingénieur en chef des Ponts et Chaussées, rue
Caligny. 9.
282 DUFOUB (G.) iRF (O A) *{«. docteur-médecin, rue Félix-Faure, 2.
2019 DUMESNIL (Jules), agent de change, rue Gustave- Flaubert, 36.
1499 DUMONT (AU.) courtier, rue du Champ-de-Foire, 79.
70 DuMorcHEL (Aug.), courtier, rue de la Ferme, 38, & Banvic.
681 DUPAQUIEB (André), négociant, rue de la Bourse, 59 bit»
1376 DUPASQUIEB (Hermann), négociant, membre de la Chambre de
Commerce, conseiller municipal, rue Jules-Lecesne.
1954 Du Pasquieb (E.), docteur-médecin, rue Jules-Aucel, 10.
2146 Du Patt de Clam, lieutenant au 129°>« Régiment d' Infanterie,
rue Yictor-Hugo, 50.
1623 Duplat (Achille) (O I)r commisbaire du Gouvernement aux Docks-
Entrepôts, pavillon dcn Docks, quai dc Marseille.
2004 Duplat (Bug.), agent commercial, conseiller municipal, rue
de la Bourse, 39.
701 Dupoht (Emile), directeur de la C" des Docks-Entrepôts, quai
de Marseille.
299 DUPUIB (Pierre), négociant, me de la Bourse, 51.
2043 DÛPU]B (le contre-amiral), rue du Havre, 67, à Sainte* Adresse.
56 FRANÇAIS ET ALLEMANDS SUR LE BOSPHORE
maintenir leur réputation aui>rès de la clientèle minorité,
qui peut leur faire espérer encore un chiffre respectable
d'affaires.
Quant aux maisons françaises dont le matériel peut
produire des marchandises inférieures, à un prix très
bas, elles ne devraient pas hésiter à entrer en lutte de
bon marché avec les produits étrangers, en indiquant que
les leurs gont bien d'origine française, et pour cela,
leur donner Tallure, le coloris, Textérieur, en un mot,
tout ce que notre goût, notre art français, peut imaginer :
mais, non pas, comme je Tai vu, sous prétexte de bon
marché, copier les produits anglais ou allemands, qui no
sont d'ailleurs eux-mêmes qu'une mauvaise copie des
nôtres, de notre fabrication nationale ! {Applaudit^-
sements).
Nous aurions donc ainsi, des chances de reconquérir
notre client<'le majorité qui passe, petit à petit, chez 1rs
Allemands, dont on ne doit pas cependant méconnaître
l'unité de vue, Ténergie, la ténacité, la force de volonté
et qui, grâce à l'activité de leur Ambassade, ont obtenu
des succès sans précédents, que j'ai bien été obligé de
constater.
Voulez- vous me permettre de faire une petite paren-
thèse pour vous dire la façon dont on est reçu à l'ambas-
sade de France à Constantinople et à l'ambassade d'Allf-
magne à Paris?
Voici. Avant de partir en Turquie, je suis allé à l'am-
bassade d'Allemagne à Paris; je me suis présenté comme
commis-voyageur j)our les vins, demardant à entrer en
relations avec des maisons allemandes. Je me suis adressé
à l'huissier, j'ai lait passer ma carte, et deux minutes
après, j'étais auprès du Consul, un homme charmant,
(enchanté de voir un Français), qui m'a donné 47 adresses.
Il m'a dit : écrivez à mes compatriotes, Monsieur, et dites-
lÉBMeaKS TtTULAtlUtô Xllt
2046 FbAmoht (Victor)» de la nuûBon Wonns et O», rae des Ormeanz, 2.
1561 Fritz (J.) ((| A), prolessenr d'allemand, rne Fréd.-Bellanfer, 66.
1831 FuiiOXNOB (L.), représentant de commerce, rae du Lycée, IBh'u,
1787 Gaillard (Louis), négociant, rue Franklin, 36.
2011 Galîléb (Henry), courtier, palais de la Bourse, escalier D.
866 Gabaud (Jules), négociant, rue Jules-Lecesne, 68.
1438 Gabvieb, vérificateur des Douanes, rue de la Gaffe, 2.
376 Gabtnbb (L.-E.), de la maison J. Dupasquier et C^, rue
Saint-Michel, 19.
2134 Gaston (Marias), fondé de pouYoîrs de la maison H. Lefièvre, rue
du Champ-de-Foire, 5.
1597 Gatin (P.), courtier, rue de la Bourse, 38.
1890 Gatticbb (P.), négociant, rue Toustain, 13.
2135 Gattikeb, pharmacien, rue Thiers, 40.
1665 Gein (M-*), rue Foubert, 21 (impasse Houel).
2049 Gelinbau (Jules), commerçant, rue de Normandie, 307.
28 GÂMESTAL (Henri) ^ (f| A), négociant, conseiller général, rue
de la Bourse, 44.
1405 QÉNS8TAL (Maurice), négociant, juge suppléant au Tribunal de
Commerce, rue de la Bourse, 44.
2109 GbkevièvefDuhamel (Alfred), employé de commerce, place
Saint-Joseph, 1.
288 Gbnin (F.), négociant, boulevard de Strasbourg, 65.
1619 Giblain (P.), assureur, quai d'Orléans, 37.
1480 GODABD (Henri), propriétaire, boulevard Maritime, 48.
2102 GODXMBNT (Eug.), Courtier, rue de la Bourse, 19.
1804 GODBT (R.), directeur des <i Corderies de la Seine x>, adjoint au
maire du Havre, boulevard Maritime, 76.
2062 GOHIBB (G.), directeur de la a Société des Brouettiers do Grand-
Corps », rue de Metz, 33.
2007 GoBfiE (le Docteur), médecin à la C^<» des Chargenrs-Réunis.
1116 G08SXLUr (Emile), notaire, rue d'ingou ville, 31.
1579 Gbakoamp (Léon), employé de commerce, me Gambetta, 60,
à Sanvia
2032 Gbanibb (le Pasteur A.), me Jules-Janin, 10.
2113 Gbaviàbks (Baymond), étudiant, boulevard François-P', 116.
1885 GBâooiBB (Henri), courtier, place Jules-Ferry, 8.
2144 Gbekieb^Lkhabohand (A.), ingénieur-constructeur, rue Michel-
Yvon, 31.
1702 Gbineb (Ad.), docteur-médecin, place de rHôtel-de-Ville, 23.
666 Gbipoib (B.), rentier, me Saint-Boch, 5.
58 FRANÇAIS ET ALLEMANDS SUR LE BOSPHORE
J*insistai ... Il me dit alors que je ne pourrais assister à
cette cérémonie que si j'avais un chapeau haut de forme.
— Je suis voyageur répondis-je et je n'ai apporté ni
habit, ni chapeau haut de forme ; nous ne sommes plus
à l'époque où il fallait des habits de cour, et je nai
pas d'habit de cour ! — C'est comme cela, me dit-il, sor
un ton qui ne permettait pas de réplique, si vous n avex
pas de chapeau haut de forme, vous ne serez pas reçu!
(J'étais très embarrassé). Il ajouta : Vous n'avez qu'à aller
en louer un à Péra (Péra est le quartier aristocratique
de Constantinople, comme ici votre grande avenue).
Voyant que je n'allais pas obtenir la permission
d'assister à la prière du sultan, je lui promis de chercher
un chapeau haut de forme ! Je n'ai rien cherché, et, je
me suis présente le Vendredi avec le colonel Chanzy,
qui, comme moi était en chapeau rond.
Les anglais et les allemands étaient en cyclistes(nm)
c'est vous dire combien ces procédés d'une autre époque
deviennent enfantins.
Il faut que nous le disions bien haut partout, ce*
messieurs des ambassades et des consulats s'occupent un
peu trop d'eux et non pas de nous, voyageurs et néfco-
ciants ! (applaudissements).
Je vous avoue que dan? ma poche, j'avais toutes le>
lettres nécessaires pour me faire ouvrir toutes les portes;
mais je voulais avoir la satisfaction de me rendre compte
comment nos voyageurs, sans recommandation, seraient
reçus à Constantinople. Par conséquent, je vous en prie.
Messieurs, si vous envoyez vos agents là-bas, munissez-
les de lettres de recommandations, sans cela ils ne feront
rien, et... faites-leur emporter un chapeau haut de forme,
pour faire plaisir au chargé d'affaires. . . !
Je reviens aux allemands. Leurs voyageurs parcou-
rent en tous sens les contrées nouvelles, présentent sans
FRANÇAIS ET ALLEMANDS SUH LE BOSPHORE 59
cesse de nouveaux échantillons, prenant des notes sé-
rieuses sur les besoins, les goûts, les prix, les conditions
économiques du pays visité. Partout, ils étudient les
étofles, les tissus, les dessins; ils achètent des modèles
qu'ils envoient en Allemagne où ils sont copiés immé-
diatement et envoyés en étolFes similaires. J'aurais voulu
vous apporter des échantillons d'ctofTes présentés i>ar
certaines maisons allemandes. Ces ctolTes sont vendues
de la façon suivante : (montrant une feuille de papier)
supposez un morceau d'étoffe de cette épaisseur, l'échan-
tillon est plié de cette façon, les côtés 1 et 2 rabattus, ce
qui fait 4 épaisseurs qui sont reliées de telle sorte, que
le bon client turc qui touche cette étoffe, formant 4 épais-
seurs, (que ce soit du draj), de la flanelle ou de l'indienne),
croit faire une bonne affaire.
J'ai en ma possession de ces échantillons; ils sont
pressés au moyen d'un fer chaud, et très serré.
L'indigène, le Turc, la clientèle de ces régions achète
l'étoffe présentée de cette façon, et tout naturellement
quand elle arrive, elle n'a plus qu'une épaisseur. C'est
une tricherie, et si, concurremment, vous envoyez vos
employés avec un échantillon similaire, mais, plié loya-
lement, tout naturellement, vous aurez le dessous.
Ces étoffes, renvoyées en Allemagne, copiées et pré-
sentées par les voyageurs allemands, sont vendues meil-
leur marché, et, avec le métrage et la largeur usités dans
le pays.
Je ne dois pas non i)lus oublier de vous indiquer la
grande régularité des maisons allemandes dans leurs
livraisons et aussi la facilité de crédit qu'elles accordent.
Je ne sais pas où ils trouvent de l'argent, mais ils font
jusqu'à 9 mois de crédit.
Ils ont l'habitude de livrer leurs produits franco-bord
Beyrouth, Constanlinople, Smyrne, Alexandrie, etc., alors
GO FINANÇAIS ET ALLEMANDS SUR LE BOSPHORE
que nous, nous nous entêtons à vcndi*e nos marchandises,
prises en magasin. Les maisons allemandes livrent et
facturent en piastres turques, et non en francs, en lires,
en marks ou en livres, cela pour éviter une comptabilité
assommante à Tacheteur exotique.
Il est exact, Messieurs, que si Ton vous envoyait des
factures en marks — pour ceux qui ne connaissent pas
l'allemand — vous seriez embarrassés pour traduire en
francs le total de la facture que vous devriez payer. Les
Allemands, les Italiens, les Américains factui'ent comme
je l'ai dit pour les Turcs, et je ne devais pas passer cela
sous silence.
On rencontre rarement un représentant de commerce
ou un voyageur français dans le pays ; on trouve des
jeunes gens qui passent, restant deux jours dans une ville.
excursionnant, mais ne séjournant pas. On ne peut i»as.
en vérité, étudier un pays en 48 heures, ni en 36 heui*e<,
encore moins en 24. J'ai vu un représentant français res-
ter 24 heures à Brousse ! alors que les représentants alle-
mands, italiens, américains même, restaient beaucoup
plus longtemps. Us étudient, envoient des modèles, vont
dans les environs et reviennent chercher la réponse:
cela demande trois semaines ou un mois.
J'ai eu l'honneur de faire une conférence à St-Quentin.
l'année dernière, je m'y suis trouvé avec un gros indus-
triel, à qui je demandais s'il voulait faire des affaiits
avec la Turquie. Jamais de la vie, m'a-t-il dit, cela luc
casserait la tête l C'est un peu la même réponse que jai
entendue dans bien des villes. Ce gros industriel est
cependant un des plus importants fournisseurs de la
Turquie... par Hambourg! Il envoie là ses marchandises,
elles y sont démarquées, détiquetées, si j'ose m'exprimer
ainsi, réétiquetées et de là, envoyées... à Constantinople
et en Asie-Mineure.
iTRANÇAId BT ALLKMANDS SUR LE BOdPlîORE 61
Ëh bien ! je ne comprends pas cette façon de faii*e.
Cet industriel n*est pas le seul, hélas !
D*aatres dé nos compatriotes m*ont dit : on a fait
quelques pertes d*argent en Turquie, qui nous ont refroi-
dis joliment.
Il est évident que si on a une mauvaise clientèle, on
arrive à perdre de l'argent.
Voici, à ce sujet, ce que m*a dit un honorable et dis-
tingué Français, établi depuis longtemps à Galata :'
Quand trois citoyens français viennent me trouver pour
me demander des renseignements sur M. X... habitant
Constantinople et que je leur dis : ce monsieur est mau-
vais au point de vue paiement ; eh bien ! ces trois Fran-
çais luttent entre eux pour le fournir quand même, de
sorte que. au point de vue ailaires, ils arrivent à un
chiffre d'affaires ; mais non pas à un chiftVe de paiement,
d'où pertes !
Chaque fois que je dis à un de nos compatriotes, ajouta-
t-il, n*allezpas dans cette maison, c'est dangereux, il y val
Il y a là, Messieurs, une mentalité qui nous est par-
ticulière et qu'il faudrait absolument corriger.
Je vais à présent, Messieurs, vous donner un exem-
ple de la lutte commerciale entre la France et TÂlle-
niagne. Il s'agit de plusieurs millions.
A mon dernier voyage à Constantinople, je pensais
voir le commencement de la construction du pont de
Karakeuîl, pont qui se trouve entre Stamboul, quartier
turc, et Galata, quartier commercial. Ce pont sert à
franchir c La Corne d'Or ». Il est large comme le pont
Alexandre III, à Paris, et 3 à 4 fois plus long.
Il devait être construit par une des plus grosses
maisons françaises métallurgiques (je ne puis pas dire le
nom). Ëh bien ! Messieurs, ce n'est pas cette maison qui
62 PRAKÇAld ET ALLEMANDS SUR LB BOSPHORE
le construira ! Les Allemands ont d'abord fait mettre des
hâtons dans les roues, et, bien que le contrat fût signé,
le marché subit un moment d'arrêt; finalement, il fut
rompu, pour être repris par le gouvernement allemand
qui va assurer cette construction gigantesque.
Je sais bien quen échange, on nous a donné la
construction d'une douzaine de torpilleui's de hauter nier,
que cette commande est peut-être supérieure de 3 ou 4
millions, à la construction du pont ; mais quelle réclame
pour les Allemands ! Qui a fait ce pont, ces piles, ce
garde-fou, ces trottoirs ? Toujours les Allemands, et je
suis persuadé, que lorsque ces fameux torpilleurs, seront
amarrés au quai ou aux piles de ce pont, on dira que ce
sont les Allemands qui les ont construits et fournis.
N'est-ce pas la fatalité !
Enfin, tout récemment, l'Allemagne vient de rem-
porter une victoire éclatante en obtenant la concession de
l'irrigation et de la canalisation du lac de Bey-Chéjr. Ils
vont encore dépenser 10.000.000 de marks lancés par la
« Lander Bank » de Berlin. Ce terrain est énorme et
formera une véritable Limagne asiatique. L'étude de ce
projet remonte à quelque dix ans. Personne ne s'en occu-
pait plus ; tout d'un coup. . .fini. . .signé. Et. . .à l'œuvre!
Nous n'avons pas la foi en France, nous ne voulons
pas lutter, c'est un reproche que je me permets de vous
faire amicalement; les Allemands sont partout, sinon les
plus forts, du moins les plus malins, tant mieux pour
eux. Ils agissent. Nous, nous regardons !
Ainsi, sans aller bien loin, regardez sur les grands
boule vards (vous êtes tous Havrais, mais un peu Parisiens)
avez-vous vu autre chose qu'une enseigne étrangère?
des enseignes en anglais, en allemand partout, rarement
en français. Et moi, le premier, je dois ici me confesser,
j'ai acheté des chaussures anglaises, dans un magasin
FRANÇAIS ET ALLEMANDS StJR LE BOSPHORE 63
anglais^ servie par un personnel anglais, et, quelle n'a
pas été ma stupéiaction, quand il y a quelques jours, j*ai
appris, que ces chaussures anglaises^ étaient fabriquées
...à Limoges (rires). Depuis ce temps, je me demande si
elles sont d'aussi bonne qualité, que lorsque je les croyais
fournies par une fabrique anglaise ! N'est-ce pas typique ?
{applaudissements j rires).
Messieurs je sais que la semaine dernière on vous
a, ici même, longuement et éioquemment parlé du chemin
de fer de Bagdad. Je n'y reviendrai pas ce soir, je vous
dispenserai de cette corvée ! Mais il est cependant néces-
saire de vous dire quelque chose, en trois mots. La
question du chemin de fer de Bagdad est mal posée en
France, non pas ici, dans ce milieu de savants et d*in-
dustriels ; mais dans le peuple.
Dans une conférence que je faisais, il y a quelques
mois, devant des Allemands, je leur ai dit : ou nous
traduisons mal vos journaux, ou vos journaux disent des
choses qui ne sont pas exactes. En eftet, dans le gros
public, j'ai fait des conférences à Paris, dans le faubourg
Saint- Antoine, àBelleville, à Montmartre, etc., et d'après
les questions qui m'ont été posées, j'ai constaté que ces
gens-là croient, d'après les traductions des journaux, que
le gouvernement allemand est en instance de concession
du chemin de fer de Bagdad et que cette concession dépend
du gouvernement français ; que le gouvernement français
ne s'en occupant pas, de là fut décidée la visite de l'em-
pereur d'Allemagne au Maroc, pour nous y créer des
difficultés.
Ce n'est pas cela du tout ; les Allemands ont parfai-
tement la concession du chemin de fer de Bagdad ; mais
ils ont besoin de 480 millions pour le flnir et ils veulent
faire passer les titres allemands — par l'Angleterre
peut-être — sur le marché français.
64 FRANÇAIS ET ALLEMANDS SUR LE BOSPHORE
Comment les avons-nous accueillis? tous le savez
tous aussi bien que moi. De là, peut-être, cette visite de
Tempereur d'Allemagne au Maroc.
Si les Allemands veulent 480 millions, je ne demande
pas mieux que notre pays les leur prête, cela ne me gênera
personnellement pas beaucoup ; mais il y a des conditions
à débattre, desquelles nous pourrions profiter. C'est une
alla ire, dans toute l'acception du mot, qui dérive de
Tollre et de la demande.
Voilà exactement ce qu'est la question du chemin de
fer de Bagdad. Il y a là-bas un travail formidable, pour
lequel il faut, en effet, cette somme fabuleuse de 480 mil-
lions.
Messieurs, fen ai fini. T aperçois des Jeunes yens
qui me font signe que les projections seraient moins
abstraites et je çaisj^ arriver; mais je voudrais dirt
deux mots de T Alliance française, car y c^est en partie, à
TAlliance française, que nous devons de trouver partout
en Orient, des gens qui parlent le français. Cette
Œuvre formidable a plusieurs buts :
/° Celui de faire connaître et aimer notre langue
par les indigènes ;
2"" De prolonger au-delà des mers, la race française
dont la langue devrait être <r V espéranto mondial » ;
3" Dêtre aVec les amis de la France, quelle que soit
leur race, leur nationalité et leur culte.
Messieurs, ilj^ a à Paris, boulevard Si-Germain,
au Siège de /'Alliance française, des cours oà ton
apprend le français, et ilj- a eu, cette année, 84 y élèçes,
de toutes les nationalités possibles. J'y ai vu des Aille-
mands, des Américains, des Argentins, des Brésiliens,
des Uruguayens, et même un Persan. Les deux pris
d'honneur ont été remportés par deux jeunes fiU^^
russes, c'est logique/
FRANÇAIS ET ALLEMANDS SUR LE BOSt^HORE 65
Je vais maintenant, Mesdames, venir à vous, ce
sera la deuxième partie de cette causerie.
11 ne faut pas confondre les Musulmans et les Otto-
mans. C'est une petite erreur qui se glisse facilement
dans la conversation. Dans les Ottomans, il n'y a pas
seulement que des Turcs à religion musulmane, il y a
aussi des Turcs à religicm catholique ou autres qui habi-
tent la Syrie ou ailleurs et qui sont Ottomans. Souvent
même, les Français confondent la race turque avec la
race grecque, la race juive, la race arménienne, la race
Cretoise. Il suffit que nous rencontrions un étranger por-
tant un fez, pour nous dire : cet homme est un Turc !
Le Grec est adroit et très habile négociant; le Juif ,
essentiellement commerçant, se confine dans le commerce
de détail et les métiers modestes; ï Arménien tient la tête
du commerce : banquier, courtier, changeur, etc. ; le
Syrien est de relations didiciles et ses discussions deman-
dent beaucoup de patience ; mais en se créant quelques
liens avec lui et en le tenant, on aiTive à faire quelques
aflaires. Ce (ju'il faut remarquer, c'est la tendance que
les Allemands ont à prendre cellt* clientèle syrienne, ([ui
lut la notre I
I^ Turc est de taille moyenne dans la classe aisée,
et, dans le peuple, on trouve de véritables colosses ;
l'expression a fort connue un Turc d n'est pas un vain
mot, vous le verrez tout à Theure en projections. 11 est
bon, loyal, franc, juste, et, il est de mes amis, dont le
Président de la Chambre de Commerce Française de
Constantinople, M. Giraud, établi depuis 39 ans en Tur-
quie, qui n'ont jamais eu de relations commerciales avec
les Turcs, que sur parole. Un Turc à qui vous voulez faire
signer un papier ou un contrat se froissera, se méfiera :
parole donnée, parole d'honneur ! Je parle du véritable
66 FRANÇAIS ET ALLEMANDS SUR LE BOSPHORE
Turc. Il est nécessaire que nous sachions cela en Franc*»
j'ai ti'op entendu dire le contraire.
La brutalité et la trahison sont des exceptions.
S'il n'est pas vindicatif sous l'injure, il n'en souffre
pas moins ; son hospitalité est proverbiale, quelle que soit
la situation de fortune de celui qu'il reçoit.
On trouve dans la haute société ottomane des hom-
mes d'une intelligence remarquable, intelligence que
nous qualifions quelquefois de lente. Messieurs, parce
qu'elle est raisonnée.
Ceux-ci parlent français d'une façon parfaite et ik
montrent des connaissances en littératui*e française, qui
feraient parmi nous bien des envieux. Leur conversation
est agréable, mais leurs salons (selamlik) sont tristes,
c'est comme chez nous un dîner d'hommes, cela manque
de femmes ! les femmes turques ne paraissant jamais
nulle part.
Le Turc est flâneur, badaud, et combien en ai-je vus
sur le pont de Kara-Keuïl, le soir à 6 heures, à la même
place où je les avais rencontrés plusieurs heures aupa-
ravant.
Mesdames, ceci est pour vous. La femme turque ne
sort qu'entre le lever et le coucher du soleil. Elle ne sort
que voilée, on ne voit jamais la figure d'une femme
turque. Ici, où vous êtes toutes jolies. Mesdames, vous
devriez toutes montrer votre figure et cependant vous
mettez une voilette, alors qu'on ne vous force pas à en
porter {Rires),
Le voile que portent les Ottomanes pour cacher leurs
traits, vient du commencement de leur religion. La loi de
Moïse a défendu aux femmes de montrer leur chevelure;
mais elle n'a défendu de montrer que leur chevelure. U
loi sacrée dit, que la couverture de la tête suffît ; mais
BIBMBRB5 TITULAIRES XXIII
387 Stempowski, représentant de commerce, me Jales-Lecesne, 58.
229 Taconet (Maurice), courtier maritime, membre de la Chambre de
Commerce, Grand-Quai, 67.
632 Tacohet (Pierre), assureur, quai d'Otlôans, 87.
1120 Taconet (Robert), assureur, quai d'Oiléans, 51 bU,
2127 Taillemas-Murez (M»«), propriétaire, rue Thiers, 43.
1815 Talbot, professeur, impasse Massicu-de Clerval, 4.
20îK) Tejedor (Manuel), consul de Cuba, rce Fontenelle, 26.
2057 .TE88IER, professeur à TEcole professionnelle de Montivilliers
(Beine-Iuférieure).
2013 Teuetebie (B.), négociant, rue Sainte Uoch, 27.
1777 Thiboumery (André), courtier maritime, rue de Kécamp, 29.
1374 Thieullent (fienri), négociant, juge suppléant au Tribunal de
Commerce, rue Thier», 125.
2128 Thieullent (Emile\ négociant, rue J.-B.-Eyrics, 22.
713 Thillak-> (Henri), greffier en chef du Tribunnl Civil, boulevard
François- 1»'. 141.
638 Thomas (Charles), négociant, rue Bernardin- le- Saint-Pierre, 6.
1699 Thomas (A.), électricien, boulevard de Strasbourg, 57.
1317 Thok (Valentin), employé de comm^^rce, maison Napp et 0\
rue de Saint-Quentin, 69.
2081 Tisseranp, capitaine au 129* Régiment d'Infanterie, boulevard
de Strasbourg, 30.
1684 Toussaint (M), avocat, rue Gustave-Cazavan, 31.
1086 Toutain (Laurent), courtier d'assurances, membre de la Chambre
de Commerce, quai (1*1 rléans, 49.
2044 Te^ncbet (Albert), sous-ingénieur aux Chargeurs-Béunis, rue
Jules- Lecesne, 75.
2003 Travmann (Ernest), négociant, boulevard de Strasbourg, 55.
348 Trouvât (G.), commerçant, rue Victor-Hugo, 149.
232 Turbot (A.) (O I), courtier, place Jules-Ferry, 9.
233 TURPIN (Georges), négociant, rue Franklin, 23.
2093 Valle (René), administrateur de la Filature et Tissage de Gra-
ville, membre de la Chambre de Commerce, rue Demidoff, 42.
2045 Vallin (Henri), rentier, cours de la République, 24.
246 Van der Yelde (P.), négociant, palais de la Bourse, escalier C.
1846 Va NIER (Ferd.), négociant, rue des Ormeaux, 10.
1916 Va»ier (Jules), négociant^ rue du Champ-de- Foire, 34.
1235 Vabnier (Louis), négociant, rue Caligny, 1.
1825 VAssiA (E.) *{«, vice-consul d'Italie, me Lemaistre, 6.
1763 Vatinel (Charles), courtier, rue de Normandie, 134.
XXIV LISTB CiNÉRALK DBS MEMBRES
1450 Yebgeb, chef mécanicien, place Gambetta, 18.
1443 Tebspreeuwen (Hennan) 4« ^^ HK négociant, consul de Bel-
gique, de l'Etat indépendant da Congo et de lâbeiia, booleTaid
de Strasbourg, 124.
632 VÉSIK (Joseph), capitaine au long-courp, rue des Petits-Champs, 31,
à Paris.
1979 Vidal (Edmond), courtier, rue Victor-Hugo, 136.
1960 ViEiRA DA SlLYA (Joao) il, consul général des Etats-Unis du
Brésil, rue de la Bourse, 30.
1612 ViGVÉ (le Docteur), médecin de la Santé, rue Molière, 6.
1925 YiOLETTE, administrateur de Sociétés, bonlev. de Strasbourg, 124.
2093 ViOLLET (Bug.), docteur en droit, rue du Peircy, 166.
2110 Voisin (Edmond), industriel, rue Victor-Hugo, 114.
2130 Wagner (Jean;, rue ThierB, 41.
1715 Walch (Gilbert), avocat, rue du Champ-de-Foire, 57.
1754 Wanner (9d»< E.), propriétaire, rue Ouillemard, 84.
1988 Welter (Jean), ingénieur, rue Snint-Roch, 7.
1886 Wespthalen (Maurice), négociant, place Carnot, 10.
243 WiNDESHEiM (E.), négociant, rue des Brindes, 12,
615 WiKNiNO (James), agent de la C^ Cunard, quai d'Orléans, 23.
1313 WiTTORBKi (Louis), courtier, rue Fléchier, 1.
1782 Ysnel-Franqub (G.), courtier maritime, boul. François-I*, 106.
789 ÏSNEL (M.), négociant, rue Doubet, 17.
886 ZlEOLER (A.), de la maison Dufay, Gigandet et C^, rue Jules-
Lecesne, 50.
1750 ZiEOLER (Arnold), employé de commerce, rue des Pénitents, 3.
PUPILLKS XXV
LAURÉATS DU CONCOURS DE GÉOGRAPHIK
Pupilles de la Société
MM. Bbandala (Lucien), rue BeauTallct, 17.
Yaillàkt (Etienne}, rue Jacqnes-Gruchet, 6.
Lebat (Robert), me Marceau, 2.
Bigot (M.), à TEcole communale de filles (Centre', Grarille*
Sainte-Honorine.
Matgé (Henri), me Joeeph-Morlent, 66.
Matoé (Robert), rue Joseph-Moi lent, 66.
M'i" Michel (Jeanne), passage Henrl-Vigor, à Sanvic.
Amiabd (Hélène), rue Duguay-Trouin, 23.
Beine (Qermaine), me du Ghamp-de-Foire, 67.
Pigeon (Madeleine), passage de la rue Verte, 2.
Dupont (Benée), rue Piedfort, 6.
Tranchbt (Hélène), me Jules-Lecesne, 75.
DuBUC (Alice), cours Sainte-Groiz, à MontiTilliers.
DiMABE (Suzanne), rue Bmest-Renan, 66.
Deloidybe (Henriette), rue Percanyille, 25.
CoBBAZ (Baymonde), rue de Normandie, 83.
70 FRANÇAIS ET ALLEMANDS SUR LE BOSPHORE
devient légion à Constantinoplc, en inéme temps que
Télévation de Téducation morale, est préconisée par les
Turcs Libéraux que nous connaissons, et qui donnent
Tcxemple.
Cette première partie du siècle verra la monogamie
turque revenir par atavisme ; elle déchirera déliniliTe-
ment le i'oile, (qui s'amincit de plus en plus), des nit^res
de famille, des charmantes femmes turques qui ont nom:
« Rose du matin », « Trouble divin », « Source de vie *.
Le ménage turc ne demande qu'à imiter le ménai^e
occidental ; ainsi, disparaîtra le « harem » que nous ne
connaissons, en Europe, que sous le côté féerique tl
romanesque ! {yi^s applaudissements).
J'ai fini, Messieurs, et si, parfois, au coui's de cette
causerie, j*ai critiqué avec passion, je Ta voue ; je l'ai fait.
sûrement, avec franchise et sincérité, dans le double bul
de vous renseigner et de chercher avec vous, à améHoivr
nos relations commerciales et industrielles avec la Turquie.
(]ela est d'autant nécessaire, que jamais nouiî ne
nous sommes tant occupés des questions d'exportation,
conséquence de notre extension coloniale.
Ce qui nous manque? c'est, je crois, Tunité, la ct>or-
dination de tous nos efforts individuels et collectifs.
Ce qui nous manque ? c'est la direction ; c'est, [)eut-
être, un homme indéi>endant, — ministi'c, diplomate,
industriel ou négociant, — ayant comme le grand Colhcrt,
assez de liberté et assez d'autorité, pour mener à bien.
celte grandi^ tache : la Uenaissance de notre coniiiiern*
et de notre influence en Turquie, qui pourrait être TaMnri'
nationale du xx'* siècle.
Kt, sans vouloir faire de politique, ne sacrifie-t-on
pas à la politique, la nécessité urgente et les intérêts
sacrés du développement de notre Commerce mondial.
SOGIÉTéS, RKVUBS, JOURNAUX, BTG. XXVIl
Géologique de Normandie (Havre). Sociétés Indugirielles d^AmienS}
Blbeuf , Boaen et Beima. Association des Anciens Elèves de l'Ecole
Supérieure de Commerce et Tissage de Lyon. Cercle d^Etudes des
Employés de Bureau Ilavrais. Chambres de Commerce du Havre,
Bordeaux, Marecille, Nantes, Lyon. Musée Commercial de Bouen.
Lct Missiont Catholiqnet (Lyon). La Loire Navigable (Nantes).
Ck>lonle8 FrançaiseB. — Sociétés de Géographie d* Alger, Oran, Tunis.
Direction de TAgriculture et du Commerce de la Bégence de
Tunis. Bulletin Heanomique de Vlndo- Chine (Saigon). Société des
Etudes Indo-Chinoises de Saigon. Chambre de Commerce de Saigon.
JourjuU Officiel du Congo Françaùt (Libreville). Journal Officiel dee
PoteesHims du Congo êrançaiê et Dépendances du Moyen- Congo
(Brazzaville). Journal Officiel de Madagatear tt Dépendances. Sup-
plément Commercial et Agricole (Tamatave et Côte Est). Bulletin
Economûjue de Madagascar, Journal Officiel de» EtahlietementM
Français de l'Océanie (Papeete).
EUROPE
Allemagne — Sociétés de Géographie de Berlin, Brème, Greifswald,
Hanovre, Hambourg, léna, Halle-snr-Saale, Leipzig, Munich, Dresde,
Kœnigsberg, Cassel, Lubeck, Stuttgard, Stettin, Prancfort-sur-le-
Mein, Metz, Musée Colonial Allemand (Berlin). — Deutsche JColonial
Zèitung (Berb'n).— A/rihanische Nachrichten (Berlin).
Antziolie- Hongrie*. — Sociétés de Géographie de Vienne, de Buda-
pest, Muséum d'H'stoire Naturelle (Vienne). Die Weltwirtsckaft
(Vienne).
Belgique. — Sociétés de Géographie de Bruxelles et d'Anvers. Cercle
des Anciens Etudiants de l'Institut Supérieur de Commerce d'Anvers.
Chambre de Commerce d'Anvers. Institut Colonial International
(Bruxelles). B'édération pour la Défense des Intérêts Belges à l'Etran-
ger (Bruxelles). Le Mouvnnent Géographique (Bruxelles). Missions
en Chine, au Congo et aux Philippines (Bruxelles).
Espagne. — Société de Géographie do Madrid.
Dans la Sangha
Mœuirs et Coatutnes
I^ Sangha, comme affluent de droite du Congo, fait
partie de cet énorme et riche réseau fluvial, qui draine
vers Brazzaville, centre de l'activité commerciale de la
Colonie, une si importante partie du continent africain.
Grossie de la Kadei et de la N'Goko, la Sangha, depuis
les rapides de Djoumbe, traverse la grande foi'ét, coulant
sur un lit d*argile rouge, recevant les eaux d'un gran«l
nombre de rivières herbeuses et marécageuses, cacliées
sous une riche végétation équatoriale, qui rend lente et
diflicile, la pénétration du pays.
Un climat chaud et humide rend cette région tK's
malsaine.
La Sangha est très riche en produits naturels de
toutes sortes, ivoire, caoutchouc. Le mais, la banane,
Tigname, le manioc, y sont cultivés par les indigène?,
qui élèvent également la chèvre et le chien pour leur
nourriture ; néanmoins, la région est peu habitée. Elle
comprend des populations sauvages et méfiantes, canni-
bales et fétichistes.
Les premières reconnaissances, sur la rivière, datent
de 1890, ChoUet monte jusqu'à la N'Goko, que Fourneau
explore jusqu'au 5"'* degré de latitude. En 1891, Gaillard
fonde le poste d'Ouesso et remonte jusqu'à Bania.
Ces premiers explorateurs, guidés par des indigènes
de Bonga, village situé au confluent de la Sangha et du
SOCIÉTÉ, RBVUBS, JOURNAUX, EtC. HiXîX
AMÉRIQUE
Gaaada. — Sociétés de Géographie de Winnipeg, Qaébec et Ottava.
£tatS-nnis. ~ Sociétés de Géographie de New York et de San-
Francisco. Topeka (Kansas). Département de l'Agricnltare (Washing-
ton). Smithsonian Institation (Washington) PUat Chart of the narth
Atkmtie Oeean (Washington).
Mexique. — Société Scientifique « Antonio-Alsate ]> à Mexico. Oham-
hre de Commerce Française de Mexico. Observatoires Astronomiques
de Tacubaya et de Mexico.
Salvador. — Observatoire Astronomique et Météorologique de San-
Salvador.
Ck>8ta-Rioa. — Institut Physico-Géographique National (San José).
BréaiL — Sociétés de Géographie de Kio-de- Janeiro et de Bahia,
Unigiiay. — Chambre de Commerce Française de Montevideo. —
Analeê del Departemento de Itanaderia y Agrie^iltnra de la Repu-
hîiea O. del Uruguay (Montevideo).
Péron. — Société de Géographie de Lima. Chambre de Commerce
Française de Lima.
Chili. — Société Scientifique Allemande de Santiago.
Répnbliqne Argentine. — Chambre de Commerce Française de
Buenos-Airep. Sociétés de Géographie de Buenos- Aires et de Cordoba.
Société Scientifique Argentine de Buenos- Aires. Direction Générale
de Statistique Municipale de la ville de Buenos-Aires. Département
National de Statistique, à Buenos-Aircs. Boletin de Agricultura y
Ganaderia (Bueuos-Aires).
OCÉANIE
Anatralie. ^ Sociétés de Géographie de Sydney, Adélaïde. Btisbane,
Melbourne.
Java. — Société des Sciences et des Arts de Batavia. Société Indo-
Néerlandaise d'Agriculture et d'Industrie de Batavia.
74 DANS LA SANG HA
Les Boumoali croient donc à Texistence d*un Dieu,
< Bembo », qui a le corps d'un homme, dont la femme
« Andi I» est albinos. Il habiterait sur une haute montagne,
qui touche le ciel et se trouve, parait-il bien loin, près
des sources du Bourobo ? uflluent de la N'Goko.
Ce Dieu est représenté par eux, sous Faspect d'un
homme grossièrement sculpté à plein bois ; ces statues
sont généralement peintes aux couleurs rouges, noires
et blanches.
it Bembo et Ândi avaient une fille c Dielo » et un fils
» « Djoumaka i>, qu'ils envoyèrent sur la terre pour faire
» un village et des plantations. Mais ils eurent entre
» eux, malgré la défense de leur père, des rapports dont
» naquit* * Boumoali i>. Devenu grand, Boumoali, eut
» de sa mère, un fils V Lino » qui, suivant lexemple de
» son aîné, eut deux garçons, c Gouamboko et Issolo. »
x> Néanmoins, Djoumaka n'était pas jaloux de ses fils
» parce qu'il avait en vue l'accroissement de sa race:
» il autorisa même « Boussieli », fils d*Issolo. à le
» remplacer près de Dielo. De cette union, naquirent
» « Boumama d, un garçon, et une fille c Mamo ».
» Par la suite, vinrent encore « Mokaka, Boquiha.
» Ossyeba, M'Boko », etc., dont les tribus existent
» encore.
» Le Dieu « Bembo » s'adoucit ce[)endant et apprit
» aux fils de ses enfants à fabriquer des sagaies et àe^
» « manjos », sorte de g^and couteau de fer qui sert de
» monnaie ; puis il leur envoya deux « Babinga » pour
» chasser l'éléphant.
» C'était le frère et la sœur ; ils eurent entre eux des
» rapports, que Bembo ne voulait plus tolérer entre
» parents et ils furent chassés du village, condamnés à
» vivre dans la forêt. »
En fait, les Babinga demeurent dans de petites huttes
76 DANS LA SANGHA
Enfin, ils admettent que la mort ne fait pas dispa-
raître totalement l'individu et que son ombre, lui sur-
vivant, va rejoindre « Bembo » ; mais comme jamais
aucune ombre n'est revenue, disait un chef, on ne sait
pas ce qui se passe entre Bembo et les ombres. »
La Famille, base de toute organisation sociale,
mérite un examen approfondi, par le caractère spécial
qu'elle revêt. Nous la classerons dans Tordre suivant :
la formation de la famille ;
le père de famille ;
la femme ;
les enfants ;
les esclaves :
pour tout réunir ensuite, en groupement, au village.
Ainsi que la majeure partie des indigènes Africains,
le Boumoali est polygame, le nombre des épouses étant
en eflet, un signe extérieur de la richesse individuelle.
Le prix d'une femme libre, car la femme est toujours
achetée, est de 200 midjokos (sorte de bracelet en cuiviv).
plus un cabri, une enclume et un marteau, 5 sagaies,
5 colliers de perles.
La femme est recherchée pour sa beauté (beau
bassin, beau visage), et pour ses qualités de ménagère.
L'homme qui a remarqué une jeune fille, s'entend
avec le père, il lui fait de légers cadeaux, lui expose ses
mérites, surtout, fait ressortir la quantité de marchandises
qu*il possède. La jeune fille n'est naturellement pas
consultée.
Lorsque tout le monde est d'accord, la jeune fille est
emmenée dans la case de son fiancé, qui lui répand de
riiuile sui* le corps, puis il part à la pêche, pendant que
bANS LA 9ANGHA 11
les vieilles femmes viennent voir la jeune épousée, lui
donnent des conseils et préparent des aliments qu'elle
l)orte à ses parents.
Le père fait quelques cadeaux, poulets, pagnes, etc.
Un grand festin a lieu ensuite, mais sans danses ni chants.
Si la femme est dans les conditions d'âge voulue (le
vingtième sang), et généralement Ton attend cette épo-
que, le mari use de ses droits dès le premier soir, mais,
c'est cinq jours après seulement qu'il paie la dot.
La femme doit être vierge ; si le mari s'aperçoit
qu'elle a été déflorée, il a le droit de la frapper violem-
ment, pour lui faire avouer le nom de son amant, qui
est condamné à payer 50 midjokos et 2 colliers de perles.
Le mari ne répudie pas la femme, mais il a droit à des
dommages et intérêts pour « avoir été ti'ompé sur la
marchandise ».
Les adultères sont fréquents, la femme trompant
souvent son mari avec son consentement, dans un but
d'intérêt. Dans les cas d'adultère, Taniant encourt inva-
riablement la peine d'amende, dont la quotité est à ûxer,
suivant « la valeur de la femme. »
L'enlèvement est également pratiqué d'une manière
courante, généralement provoqué par les femmes ; ces
différends se traitent à l'amiable depuis notre arrivée,
autrefois ils étaient la raison déterminante de guerres ;
il est des Hélènes en tous pays.
D'ailleurs peu ou pas d'affection, la femme est avant
tout une esclave à tout faire, son maître y tient tout
autant que nos paysans à leur bétail. C'est une machine
à faire des enfants et du gros travail.
Actuellement, tous les conflits entre indigènes ont
une origine unique, la femme, soit qu'elle se refuse au
travail, soit qu'elle manifeste des velléités d'indépen-
dance, etc.
78 DANS LA SANGHA
lie Pèpe de pamille
Peut-on appeler ainsi le propriétaire indiscuté de
tant de choses, à qui appartiennent, meubles et immeubles,
plantations et disons-le aussi, hommes et femm<*s. C'est
surtout un chef de famille, de case, qui dispose à son
gré des biens et des personnes. Il lui est loisible de
frapper les membres de sa famille ; les salaires acquis,
lorsqu'il les fait travailler, lui reviennent, il ne leur en
laisse qu'une bien faible partie. Néanmoins, le respect
lui est dévolu en raison directe de son intelligence et d»'
sa générosité.
Suivant leur importance, il juge les diflerents sur-
venus entre les siens ou les porte au conseil des anciens.
Les habitations se composent de la « case jf, construc-
truction d'environ 20 mètres de long, sur 7 à 8 de lai^e.
et haute de 3,50 au milieu, de 1,50 sur les côtés, les parois
sont en écorce d'arbre, la toiture en paille de bambou.
Proprement tenues à Tintérieur, elles présentent, sur
trois faces, des alcôves, contenant chacune un lit en terre
avec un tronc d'arbre pour oreiller; en outre, une petite
case, qui sert à la fois de magasin et de chambre à cou-
cher au chef de famille. Les poteaux sont grossièrement
sculptés et peints.
Il existe aussi des cases, dites « cases à palabres •
« Banza » en langue indigène, dont trois côtés sont gamis
de lits de repos, parallèles aux parois.
A moins d'émigration, le chef de famille n'abandonne
jamais sa ca.sc. Mais, femmes, enfants, esclaves peuvent
le faire, abandonnent au maître tout ce qu'ils possèdent.
Il paraît donc bien évident, que femmes et enfants n'ont
que la jouissance d'un certain nombre d'objets, et le père
qui permet à son fils de disposer de marchandises pour
DANS LA âANGHA 79
se marier, ne le fait que parce que sa famille s*aug-
mente.
Le chef de famille décédé est remplacé par son frère
ou par son fils, toutefois un esclave intelligent qui a su
gagner la confiance du maître, peut de son vivant le
remplacer et môme lui succéder, après son décès, s'il n'a
pas laissé de frère ou de fille capable de succéder.
Les trésors du chef de famille sont cachés en des
endroits connus de lui seul, de sa femme préférée et de
son meilleur fils.
Lta pemme
La polygamie étant de règle, il n'est pas surprenant
de trouver plusieurs femmes au foyer, toutefois elles n'y
sont pas sur le pied d'absolue égalité.
Généralement la première épousée est aussi la pré-
férée, chose facile à comprendre si Ton admet que la
plus longue cohabitation l'a davantage fait apprécier du
chef de famille ; il est donc naturel qu'elle soit initiée au
secret des caches et jouisse d'une autorité sur les autres
épouses et les enfants, tout au moins, en ce qui touche
aux travaux domestiques...
La femme est, par nature et éducation, assez soumise,
toutefois, si elle accepte facilement l'introduction d'une
nouvelle épouse, il ne saurait en être de même des
maîtresses, il n'est pas rare, alors, qu'elle demande la
séparation ; il est vrai d'ajouter que le père s'y oppose
presque toujours ayant, dans ce cas, la dot à restituer.
Les femmes travaillent aux plantations et font géné-
ralement toutes les besognes pénibles, préparent les
aliments pour les hommes, s'occupent des enfants.
80 DANS LA SA^^OHÀ
Dans la case commune, une stalle est réservée à
chaque femme, l'accès du logement spécial au chef de
famille ne leur est autorisé que sur son invitation, et
suivant son choix ; néanmoins les femmes ont le loisir de
demander un tour de faveur, ce qui, généralement, dis|H)se
bien le maître pour celle qui a eu cette marque d atta-
chement à son égard.
Au moment des indispositions mensuelles, la femioe
doit reposer sur une simple natte à terre ; il lui est interdit
d'avoir aucun rapprochement et elle doit se tenir soi-
gneusement couverte d'un grand pagne.
Ainsi qu'il est de coutume chez tous les peuples
noirs, dès l'accouchement et jusqu'à ce que Tenfant soit
élevé, la femme n'a plus aucun rapport de sexe avec
aucun homme.
L'accouchement se fait dans les plantations, la femme
est soutenue sous les aisselles, cependant que les matro-
nes qui président h l'accomplissement de l'acte, lui font
des pressions sur les flancs pour accéléi*er roi>ératioii.
Les avortemenls et les infanticides sont sévèrement n'pi'i-
més et Tétranger qui a eu des rapports avec une feiiiim*
pendant sa grossesse, est condamné à payer une forte
amende, s'il y a avortement. Cette coutume est facile à
eompren<lie, les enfants constituant une richesse dont
s'accroît la famille.
Les femmes allaitent pendant un an et demi ou deux
ans.
Iles Enfants
La naissance d'un enfant, suivant le sexe, donne
libre cours à des coutumes assez curieuses : c'est ainsi
que la naissance d'une fille doit passer inaperçue, qne
DANS hk SANQHA 81
celle d'un garçon, donne aux femmes le droit de raillerie
et d'insulte à Tégard des hommes pendant toute la jour-
née, que celle de deux jumeaux donne lieu à de grandes
réjouissances.
L'enfant reçoit un nom, soit celui d'un grand person-
nage, soit celui d'un événement impressionnant. Pomo,
€ grand serpent », fut ainsi appelé parce que, le jour
de sa naissance, un boa s'était introduit dans la case de
son père.
Les surnoms sont très usités : « bendo » le chasseur,
« kouli • le bossu, « moké » le petit, etr.
Il est à remarquer que sur trois enfants, deux appar-
tiennent au sexe faible.
Entre enfants de môme mère, il y a prééminence de
l'alné, qui arrive rapidenuuit, s'il est fils du chef de
famille, à considérer les fenmies de son père et de ses
oncles comme les siennes et à s'ériger en petit tyran, les
femmes n'ayant pas le droit de correction sur les enfants
mâles.
Les enfants ne sont point, comme chez nous, l'objet
de soins constants et méticuleux, il s'en faut de beaucoup ;
à califourchon sur le dos de leur mère, tant qu'ils ne
sont pas susceptibles de marcher, ils sont soutenus dans
cette position au moyen d'un morceau d'étoffe ou d'une
peau qui les enveloppe et s'attache sur la poitrine de la
mère, qui vaque ainsi à ses occupations journalières,
sans autrement se soucier du « paquet » qu elle porte sur
le dos ; Ton peut voir les bébés dormir en celte étrange
situation ou suivre d'un œil curieux les mouvements de
leur mère.
Dès qu'ils sont susceptibles de marcher, ils absorbent
t beaucoup moins la mère », et trottent à leur gré, à
condition, toutefois, qu'ils ne gênent pas les grandes
personnes.
82 DANS LA SANQHA
Les garçons observent beaucoup les actes des hom-
mes de la famille assis dans les coins de case, écoutent
sagement les palabres ou s*exercent à chasser et à
pêcher ; iU sont tranquilles et farouches, ne rient pas et
pleurent fort peu.
Les fillettes, dès leur plus tendre enfance, secondent
leur mère en tous les travaux domestiques.
Les affections de famille sont fort rares, cela ne veut
pas dire qu*elles n^existent point, mais c'est un sentiment
qui, en raison môme des coutumes locales et de Tédaca*
tion de la race, ne peut évidemment pas être développé
au même point que chez les peuples du Bas-Chan, par
exemple.
Les enfants savent tous respecter les vieillards.
Ils se marient jeunes, il n'y a donc pas à proprement
parler d'adolescence, la fille étant considéi*ée feimne
après le vingtième sang, et le garçon se mariant tiTS jeune
également.
Quelques mois après son mariage, le garçon est ci^
concis ; de ce jour seulement, il est considéré homme et
peut prendre part aux palabres, aller à la gueri*e, etc.
Le fils ne peut avoir de rapports avec sa mère ou ses
sœurs, mais il peut s'unir aux autres femmes de son père
qui ne s'en offense pas, considérant simplement lïntérét
qu'il y a d'accroître sa famille.
DANS LA SANGHA 83
lies Esclaves
Si notre présence a mis fin au commerce « en gros »,
elle n'a pu empt^cher le trafic clandestin, sur une assez
vaste échelle d'ailleurs, en des pays où nous n'avons
même pas le prestige de la force, dans lesquels, je regrette
de le dire, la sécurité matérielle des Européens n'est
même pas assurée, il est difficile de poursuivre à outrance
les marchands d'esclaves ; « d'empêcher certains indi-
vidus de changer de maîtres », poureuiployer le charmant
euphémisme de l'un de nos administrateurs.
L'esclavage d'ailleurs, n'a rien de pénible, il est loin
de ressembler, même à ce que l'imagination peut évoquer
de plus doux. L'homme peut, en elFet, devenir proprié-
taire et s'il est assez riche, acheter sa liberté à son
maître, il est le pore de son enfant; s'il a une fille désirée
par un homme libre, il est alTranchi par le fait de cette
union, son mariage avec une femme libre raffranchit
également ; enfm, il n'est pas rare de voir un esclave
gagner la confiance du maître, au [)oint de se voir investir
d'une partie de son autorité ou même devenir chef, les
coutumes ne s'y opposant en rien ; il faut admettre que
dans ces pays les places sont accessibles à tous, les indi-
gènes nous donnant ici comme en maints autres lieux un
bel exemple de démocratie.
La diflérence entre l'homme libre et l'esclave est
dilTicile à saisir, leur existence étant la même, ce n'est
qu'à l'occasion des palabres qu'il est possible de les
reconnaître, l'esclave ne pouvant s'asseoir sur les lits de
repos ni prendre la parole.
L'esclave a une valeur variable, suivant son âge
approximatif, sa force et son sexe.
Nous ne nous occuperons pas spécialement de la
38 CUEIKH-SAÎD
guerre, un point d'appui pour la flotte anglaise. Aden et
Périm finiraient par s'approvisionner à Cheikh-Said.
C'est de la concurrence, mais cette concurrence est loyale.
Que faudraitril donc pour faire de Cheikh-Saîd un
grand port h charbon, un vaste entrepôt commercial ? Il
faudrait ou construire des appontemcnts sur le rivage
dans la région des calmes ; ou, ce qui vaudrait mieux,
approfondir la lagune sablonneuse ; et nos gouvernements
ont reculé devant la dépense, heureux de trouver celle
excuse à leur complaisance envers l'Angleterre. Ils ont
volontairement fermé les yeux sur sa merveilleuse posi-
tion maritime et militaire. Il n'était pas besoin d'y envo-
yer une mission, payée fort cher, pour aboutir à celte
conclusion enfantine qu'il faudrait y entreprendre des
travaux coûteux. En aucun pays, même dans l'Arabie
heureuse, on ne fait rien sans argent. Si nous dépensions
à Cheikh-Saïd la dixième partie seulement des millions
que les Anglais ont entassés sur les crêtes d'Aden,
nous en ferions une forteresse imprenable et le plus
grand port de la route d'Extrême-Orient. Prenons donc
modèle sur l'Angleterre : elle a à Aden une position à
tous les points de vue moins favorisée que la nôtre à
Cheikh-Saïd et cependant elle n'hésite pas à sacrifier des
millions pour en tirer parti. Je ne parle pas seulement
de ses fortifications formidables, de ses routes, de son
chemin de fer destiné à drainer le commerce du Yenien :
mais aussi de sa Société du Port (Aden port trust), qui a
entrepris la construction, dans la baie intérieure, d'un
bassin de 1.400 mètres de longueur sur 450 mètres de
largeur, avec 8 à 9 mètres de profondeur. Ce que les
Anglais vont faire chez eux, nous pouvons plus facile-
CHEIKH-SAÎD 39
ment encore et avec pins de chances de succès, le faire
chez nous.
Combien avons-nous semé d*ai^ent dans les sables
d^Obock avant de les abandonner, pour toujours sans
doute, à leur stérilité ? De quels amers regrets nous
devrions être attristés en pensant que ces mêmes sommes
utilement employées à Cheikh-Saïd nous auraient donné
la clé de la Mer Rouge I Mais nous ne savons rien vou-
loir et quand nous voudrons un jour, peut-être sera-t-il
trop tard.
Un établissement maritime. et commercial unique au
inonde pourrait être créé dans la lagune de Cheikh-Saïd.
Le fond sablonneux en serait facilement dragué ; on y
creuserait ainsi une rade intérieure de 150 hectares au
moins, dont l'entrée serait protégée contre l'envahisse-
ment des sables par une double jetée. On a même pro-
X^osé, mais ne demandons pas trop, de creuser dans le
sable un canal de 2 kilomètres rétablissant Tancien dé-
troit, si détroit il y avait, pour ouvrir à ce bassin, une
porte sur l'Océan Indien.
Ce sont là des travaux considérables sans doute, mais
loin d'être improductifs. Ils ne tarderaient pas à faire de
Cheikh-Said l'entrepôt de toute la région et le plus riche
satellite du canal de Suez, dont il serait Tavant-garde
vers l'Extrême-Orient.
Il ne faut pas oublier que cet Extrême-Orient est le
plus riche marché du monde, que la côte orientale d'Afri-
que, Madagascar, la Mésopotamie, l'Inde, l'Indo-Chine,
la Chine, l'Insulinde et le Japon sont bien loin d'avoir
atteint tout le développement dont ils sont susceptibles.
Ces pays sont ouverts d'hier à peine à notre civilisation
et nul ne peut dire à quels chiffres formidables atteindra
demain leur commerce. C'est plus de la moitié de l'huma-
nité, songeons-y bien, qui vit de l'autre côté de Cheikh-
DANS LA SANGHA
lia Cifeoneision
Quelques mois après son mariage, souvent plusieurs
années, l'homme est circoncis, c'est pour lui la consécra-
tion du commencement de son existence d'activité dans la
communauté, il pourra dès lors prendre part aux pala-
bres, etc.
Cette cérémonie donne lieu à une danse appelée
0 Yango d qui lui a laissé son nom.
La fête de la circoncision dure tiH)is jours, les deux
premiers constituant une sorte de retraite, puisque le
patient, après s'être soumis à l'examen des anciens, est
enfermé dans une case ou il lui est donné à boire et «i
manger, notamment un fruit « Kabo », destiné à lui
donner le courage de subir l'opération.
Le premier jour est appelé à faire les préparatifs de
la fête, à réunir des vivres et des marchandises.
Le second jour, les hommes divisés en deux groupes,
les circoncis et les non circoncis, se livrent à des danses
et à des chants au cours desquels ils insultent les femmes
de telle façon que leurs expressions ne peuvent être
traduites... Le futur circoncis est revêtu d'un lourd
vêtement en feuilles de palmier et la partie à opérer est
recouverte d'un mélange d'herbes hachées, destiné à
attendrir les chairs.
Le troisième jour est celui des femmes qui habillées
de feuilles, menant grand bruit, se livrent i\ des danses
'et à des contorsions encore [)lus obscènes que celles îles
hommes. Cependant, le patient est conduit en un endroit
où les femmes n'ont pas accès, pour y subir Topération.
Il est étendu sur un lit fait de trois troncs d'arbres,
une peau d'antilope jetée sur ses yeux, maintenu par
deux hommes qui lui saisissent les bras.
DANS LA SANGHA 87
Les hommes présents hurlent en brandissant leurs
couteaux, cependant qu'un vieillard, s'approchant du
patient, enlève le pansement, fait constater aux assis-
tants que rhomme est dans les conditions requises pour
être circoncis, marque à la peinture rouge, la place ou
devra frapper le couteau des opérateurs. Ces derniers,
Tun coupant de haut en bas, Tautre de bas en haut, pro-
cèdent avec une remarquable rapidité, la blessure est
recouverte de cendre pour arrêter Thémorragie.
Un mois de repos bien mérite succède à l'opération,
pendant lequel, vêtu d'un jupon en écorce d'arbre, le
malade fait chaque jour, plusieurs fois le tour du village,
sa dexti'e armée d'un couteau.
La constatation de celte coutume ne conduit-elle pas
à admettre que sous un climat analogue, les hommes à
quelque race qu'ils appartiennent se sentent soumis aux
mêmes lois d'hygiène, et recourent aux mêmes procédés ;
n'y aurait-il pas lieu de voir en ce fait la manifestation
<le la volonté d'un homme qui a su s'imposer et ne pour-
rait-on comparer le dieu « Bembo » à Jésus, le Messie ou
il Mahomet, le Prophète ?
lies punétrailles
Un décès vient-il à se produire? Les femmes se
t^éunissent dans la case du défunt, ferment sa bouche, le
i*ecouvrent d'étoffes, puis se mettent à pleurer en jetant
lies cris ; le lendemain le cadavre est conduit en terre,
accompagné de tous les parents et amis.
Au fond d'une grande fosse, sont disposées des écor-
ees d'arbre, sur lesquelles sont déposées les marchandises
du défunt; si c'est un homme, avant de le recouvrir
88 DANS LA 8ANGHA
d'autres marchandises, il lui est mis un couteau dans la
main droite, pour lui permettre de se défendre, en cas
de mauvaise rencontre, puis tous les assistants projettent
la terre dans la fosse, en la poussant du coude.
Sur la tombe sont placés des instruments de ménage.
Quelques jours après la mort d'un chef, a lieu onc
série de danses assez curieuses. Dans l'une d'ellef, un
homme bizarrement accoutré de peaux de panthère, de
plumes de perroquet, les bras et les jambes garnis de
grelots, pénètre dans une case en feuillage construite
spécialement, interpelle les femmes du défunt ; celles-ci
et toutes les autres femmes du village se cachent dan?
les cases, un compère donne la réplique, tous les hommes
accompagnent de chants et de tam-tam : lorsque le pseudo
défunt se présente près des cases où se sont réfugiées les
femmes, celles-ci frappent contre les parois pour le fain*
fuir. Cette fête qui détermine l'ouverture de la succession,
dure toute la nuit.
Quelques jours plus tard, une femme prétend avoir
rencontré le défunt et affirme qu'il lui aurait parlé ; cette
femme est vêtue d'une crinoline en feuilles, tient un bou-
clier à la main et est peinte en blanc, les autres femme?
raccompagnent de danses et de chants.
Les frais sont tous supportés par la famille et l'héri-
tier ne peut entrer en possession qu'après paiement.
La tradition séculaire, veut qu'aucune mort ne s<»it
naturelle, il est admis que quelqu'un s'est livre à des
pratiques dans le but de supprimer le défunt.
Autrefois, partant de ce principe, les parents mâle?
du défunt partaient en guerre et tuaient le premier
homme qu'ils rencontraient sur leur route ; dans leur
simplicité ils le considéraient comme étant le coupable
et, obéissant à leurs instincts, ils dévoraient en un grand
banquet cette victime expiatoire. Depuis notre arrivée
CHEIKII-SAÎD 43
dix charbon. Au lieu de s*installer de nouveau à Cheikh-
Saïd, on préféra aller à Obock où l'on dépensa des som-
mes énormes à essayer d'animer un établissement qui
n^était pas né viable. Obock, depuis, a été abandonné
pour Djibouti. Djibouti a un avenir brillant, mais bien
défini, comme port de TAbyssinie. Qu'il n'aspire pas plus
liaut : il est en dehors de la route directe des navires,
indéfendable et trop loin du détroit pour avoir une
valeur stratégique sérieuse. Le seul point stratégique est
Cheikh-Saïd qui, à une position commerciale ij^ique,
joint une situation politique et militaire exceptionnelle.
L'opinion anglaise colportée en France par nos
enquêteurs, est que de Périm on pourrait détruire tout
établissement créé sur l'autre rive du détroit. Le point
culminant de l'île a une hauteur de 60 mctres ; or, d'après
nos voisins, la ville française devrait se développer sur
la plage qui s'étend en face, du cap Bab-el-Mandeb au
cap Cheikh-Saïd, jusqu'aux hauteurs, et se trouverait par
suite sous le feu des canons anglais. Nous avons vu
qu'il n'en est rien. La ville ne se développerait nullement
en face de Périm, mais soit au nord du cap Cheikh-Saïd
devant la région des calmes, si on en veut faire un point
exclusivement commercial, soit sur les bords de la lagune
transformée en port intérieur. Or, entre l'un et l'autre de
ces points et Périm, s'élève le massif du Mankhali occi-
dental qui Siiiciiit Justemcnf devant Vtle anglaise la hau-
teur de gi mètres^ écrasant ainsi de ses feux le plus
haut sommet de Périm.
Ije cap Bab-el-Mandeb, le promontoire le plus pro-
che des forts anglais, est une île reliée au continent à
marée basse, île des Huîtres ou du Pilote, dont le som-
met n'a que 17 mètres. Mais le premier contrefort de la
montagne, à 160 mètres plus loin, atteint déjà 61 mètres ;
il dépasse 90 immédiatement après. Quant au massif de
ACTES DE LA SOCIETE
Procès-Verbal de la Séance du Comité du 15 Mni i907
Présidence de M. E. Dupokt, Président.
lia séance est ouverte à 9 heures, sons la présidence de M. E. I)u{)fat.
Le procès-verbal de la précédente séance est lu et a<iopté.
M. Loiscau, Secrétaire général, <lonne lecture de la correépondance.
savoir :
10 Lettre de M. René Boîtier, Trés*)rier, sVxcusnnt de ne ix>uTr.ir
assister à la réunion de ce soir ;
2* De Bonlcaux, invitations aux divers Congiès auxquels douniTa
lieu l'Exposition Maritime, eutre autres au SS"»* Congrès national de*
Sociétés françaises do Géogi^aphie ;
3<» Du Comité Diipleix, envoi du programme d'un voyasjc qu'il n^_•a•
nise jusqu'à Tombouctou et d'un voyage d'Etudes aux Etats-Unis t-
au Canada.
M. le Président serait heureux qu'un membre de la Sociétr sî M;'le
au C<mjrrès de Bordeaux : M. Favier se fait inscrire.
Alwrdant la question du Concours de Géographie, M. Loiseau j>n**
j:>ose et fait adopter la suppression du 3"« groupe, garçons de 16 à 20 nns,
vu l'insuffisance habituelle de concurrents.
11 est procédé ensuite à la nomination des membres des Coramissi":!*
du Concours. Sont élus :
!• Membres de la Commission du choix des questions : MM. Oirt'^D.
Favier, Loiseau ;
2° Membres du Jury : MM. Barre, Fritz, Meura, Schmitt, Vanior. -
Membres suppléants : MM. Boitier, Guitton, Ménager.
M. Lebrcton, Administi-ateur des affaires indigènes, à Bmizavill..
est admis, sur la présentation «le M. Fritz, comme membre corresponflaii*
M. Fenl. Vanicr lit une communication sur le Chemin de fer ^^
Konia- Bagdad.
La s<'ance e^t levée à 10 h. 1/2.
CttEI&H-SAlD 45
ceux qni y furent chargés par nous d*une mission offi-
cielle. On y retrouve des ruines qui remontent à la plus
haute antiquité égyptienne. Au viii" siècle, les Khalifes
arabes s'y installèrent. Bien des siècles après, un précur-
seur, La Bourdonnais, frappé des avantages de cette
position, y fonda un campement de la Compagnie des
Indes. Cette installation précaire disparut bientôt et les
tribus voisines ne tardèrent pas à en reprendre posses-
sion. La tentative est cependant intéressante à noter, car
elle émane d*un de ces hommes clairvoyants qui ont
voulu nous donner Tempire des Indes. Depuis que nous
avons acquis des droits sur Cheikh-Saïd, nos marins
l'ont visité à diverses reprises. Je ne peux que citer les
commandants Alquier, Bouchey, Lespès qui tous ont
conclu à son importance stratégique et économique.
Cheikh-Sa!d est la vraie clé de la Mer Rouge. Si réel-
lement nous reculons devant les dépenses qu'entraînerait
son installation, je maintiens que nous devons quand
môme y faire acte d'occupation, afin de préserver nos
droits pendant qu'il en est temps encore. Nous nous féli-
citerons plus tard d'avoir eu celte prévoyance aujour-
d'hui. 11 y a une question de dignité nationale à ne pas
laisser des Turcs semi-barbares s'installer sans vergogne
sur notre propriété. Les y laisser serait une faiblesse
coupable.
L'occupation de Cheikh-Saïd n'annoncerait nulle-
ment des intentions belliqueuses de notre part. Cheikh-
Saïd est avant tout un point d'appui défcnsif. Le meilleur
moyen d'assurer la paix est d'être prêt à la guerre.
Cheikh-Saïd la rendrait difficile, impossible même dans
certains cas, à nos rivaux.
9t
ACÏtiS Dfe LA SOGlftpÉ
M. le Ck)n8ul da Brésil remercie M. Guitton d*aToir, en termes s
heureux, parlé de son pays. Il donne ensuite quelques renseignements
complémentaires sur les divers sujets précédemment traités.
Après quelques mots de remerciement à M. Guitton et à M. le Cousu
du Brésil, M. le Président annonce pour le 16 Novembre une oonférena
de M. J. Hess sur le Maroc et une de M. A. Durand sur la Turquie pom
le 13 Décembre.
La séance est levée à 10 h. 1/4.
Procès-Verbal de la Séance du Comité du iS Janvier £908
Présidence de M. B. Dupont, Président.
La séance est ouverte à 8 h. 3/4, sous la présidence de M. Dupont.
Après lecture et adoption du procès-verbal, M. P. Loisean, Secré-
taire général, donne communication d*uDe lettre de M. le Docteur Charo^t.
sollicitant le concours financier de la Société pour Texpédition qu'il »?
propose de foire au Pôle Sud. M. Loiseau a répondu que le budgtut deU
Société ne permettait pas de souscrire.
Sont présentas pour faire partie de la S^ ciété
MM. U. Carpentier,
présenté
par MM.
D' Le Nouëne
»
M»" S. Bouquet
M"-
MM. L. Langlois
MM.
A. Corbeau
B. Bebour
Bach
D' Guillot
A. Dubail
£. Jallageas
N. Danilow
M»« Taillemas-Murer
M^. E. ThieulIoDt
L. Ribard
Guitton et Boivin.
V. Schmitt et D' Dofour.
Kirscbbaum et Souilhac.
Favier et Sauvage.
E. Dupont et D' Dufour.
Boivin et Poidvin.
Danon et Guitton.
D» Dufour et F. Vanier.
Lefièvre et Frit».
Bricka et Krause.
Guitton et B. Dupont.
F. Vanier et Le Coniac.
Guitton et H. ThieuUent.
D' Dufour et Loiseau.
M. Bené Boitier, Trésorier, dépose le projet de budget de l^-
seMiblement comparable à celui de 1907. Il se balance, en reeettee e<
dépenses, à 8.646 francs. — Adopté.
CHEIKâ-SAlD 47
Orient et TOcéan Indien deviennent pour notre flotte,
comme en 1870, une véritable souricière où elle est à la
merci des escadres ennemies.
Il ne suffit pas de semer, il faut encore récolter.
L'eflQgie de nos médailles sera-t-elle toujours l'image de
la vaine politique coloniale de la France, éternelle
semeuse qui jette aux quatre vents de la terre son sang
et son or, sans jamais songer à assurer sa récolle ?
D. Lièvre
Sous-Intendant Militaire des Troupes Coloniales
en Retraite.
Ouvrages reçus à la Bibliothèque de la Secitti
2»« Trimestre 1908
Le Port du Havre, son état actuel — Le nouveau Projet, jar Loais
BRINDELA.U, ancien Maire du îlavre. Député <le la Seine-Inférieure.
Le Havre, 1907, 1 broch. in-4, 90 pp., ornée de 22 grav., 5 plans tt
1 panorama dans le texte et hors texte.
Pyrénées (collection des guides Joanne), par Paul Joaxxe. Pari*
11K)7, 1 vol. in-16, contenant 15 cartes, 17 plans, 6 vues à vol d'inseau
et 8 panoramas hors texte.
La Vie des grandes capitales. Etudes com{)aratives sur LoïKin'»-
Paris-Berlin, i)ar Gaston Cadoux, chef de service à la Préfecture de h
Beine. Paris, 1908, 1 vol. in-10.
Londres comme Je I*ai vu, texte et dessins de Ch. HuARD. Pâr.%
1908, 1 vol. in-8.
L*Rspa(çne et le Portufçal illustrés, par P. JousSKT. Paris, K^-
1 vol. in-l, conttîiiaiit 10 cartes et plans en oulcurs, 11 cartes et pi;.'*
en noir, 19 planches h<»rs texte, 772 ropri>ductions photir;iraphi«| »!'•>.
Voyage en Portugal, par 0. de Beauregaud et L. de FoiCHiEii
PariM, 190s. 1 vol. in-l(>, illustré de 45 jj^r.v. et 1 carte tirées horiJ f'-'i^»-
La .Suisse an \.V' bioclc. Etude économique et sociale, par Pierv
Clek(;et. Paris. 190s, 1 vol. in-18, avec 6 cartes et p-.iphifpies.
La Suisse, étude ^^é-oi^^raphique, démoirraj^hique, politique, étvoiu^mi'i^'^
et liis(ori(iuc. Paris, 1908, 1 vol. in-4, illustré de vi^niette-s l'I^n^ '■*^
diaj^ranimcs dans le texte (en cours de publication).
Lettres sur TAIgérie, 1907-1908, par le général DoxoP. Paris. 1!^^
1 vol. in-8.
Sahara Algérien, par E. F. Gautier, chargé de cours à l'Ecole s"!""
rieurc des Lettres d'Al.t,'cr. Paris, 1908, 1 vol. in-8, avec 66 fig. et cartes
dans le texte et hors texte dont 2 cartes en couleurs et 96 phototypt**
hors texte..
Les Oasis Sahariennes, Gourara, Touat, Tidikelt, par A. G. P. Mabtis
officier interprète de 2« clas«». Tome I. Alger, 1908. 1 vol. in-î'. *^
12 grav. et 1 carte.
OUVRAGES REÇUS A LA SOCIETE 98
Tanlfi et Kairooan (Les Villes d'Art colèbrcA), par Henri Saladin.
Paris, 1908, 1 vol. iii-8, orné de 110 gravures.
Ao Japon, promenades aux sanctuaires de TArt, par (laston MiOEON,
conservateur au Musée du Louvre. Paris, 1908, 1 vol. in-16, illustré do
68 grav. tirées hoi*s texte, repro<luites d'après des photographies, et
d'une carte dans le texte.
Voyage au Thibet par la Mongolie. De Pékin aux Indes, par le Comte
de Lesdain. Paris, 1908, 1 vol. in-18, avec 27 grav., 2 portraits et
2 cartes.
La Colombie Britanniqae. Etude sur la colonisation au Canada, par
Albert Mbtin, professeur à l'Ecole des Hautes Etudes Commerciales.
Paris, 1908, 1 vol. in-8, avec 20 cailes et cartons cl 33 phototypies
hors texte.
Aax ECatH-Unifi. Los Champs. Los AfTaires. Les Liées. })ar le Vicomte
G. d'Avenp:l. Paris, 1908, l vol. in-18.
IVoteH sur les ElatM-Unis. La Sixnété. La Politique. La Diplomatie,
par André Taudieu. Paris. 1908, l vol. in-12.
Le Problème de l'Argent et l'Etalon d'or au Mexique, par Eug.
ViOLLET, tlocteur en tlroit. Paris. 1908, 1 vol. in-8 (Don tle l'Auteur).
Compte rendu des Travaux do la ('hambre <lc C^)mmorcc du Havre,
année 1907. Havre, 1908. 1 vol. in-8. (Don do M. lo Pi'ésid(?nt de la
Chambre do Commerce du llavrr).
Compte rendu de la Sfî^ Session do rAsso<'iation fitinç:iiso pour l'avan-
ccmeiit des Sciences. Reims, 1907, Notes et dcK'uments. Paris, lîKW,
1 vol. in-8, avec grav. v.i carios dans 1(; t(îXto et hors textes
Chambre de Commerce» Trancaisc de Montevideo, 2îî^ Anni%-er-
Haire, 18^2-1907, Montevideo, 1907, 1 vol. in-8, avec gravures, cartes
et plans hors texte et gi-avures «lans le texte. (Don de M. le Prési»lent
de la Chambre de Ojmmerce trançaise de Montevideo).
Carte de l'Amérique du Sud eccléfilastique, au 9.000.000^ 1 feuille
en couleurs, publiée par le Journal ce Les Missions Catholiques >.
Lyon, 1908.
Atlas géographique, économique et hlHtorlqne de la 8niiise.
Paris, 1908, 1 vol. in-8, com[)renant 43 cartes (en cours de publication).
Centre de Colons Normands en Aliérie
Nous avons annoncé, il y a quelques mois, que le
Gouvernement général de T Algérie avait réservé, dans
le village en création de Waldeck-Rousseau (dépai*tenient
d'Oran), huit concessions gratuites de cinquante hecUr»
à des familles d'Agriculteurs normands i>résentées par
la Société la France Colonisatrice de Rouen.
Ce.\U\ Société a revu beaucoup plus de demandes
qu*il n'y avait de concessions disponibles, aussi, devant
ce succès, va-t-(»lle engager des pourparlers avec le Gou-
vernement général de l'Algérie pour que de nouvelles
concessions soit réservées à des Normands, soit à Wal-
deck-Rousseau, soit dans le village voisin de Hardy.
On peut se procurer gratuitement tous renseigne-
ments sur la colonisation en Algérie en s*adressaut à la
France Colonisatrice, 1, Place Verdrel, Rouen.
Imprimerie Aug. GODEFROY Si Frère. 2J, Qiuii (rOrléans — HaVBS
Sooictc
4ypv/%»x^v^ 3»* Triiiiostir 1008
de
Géographie
Commerciale
du Havre
fiuiiiiETin
HAVKi:;
i:;:
SOMMAIRE
Paquebots Transatlantiques et Ports Français, I, par
Louis HniNDEAU î»7
Des Paysages du Lot aux IVionuments de Toulouse, par
Jean Fourgous i2.'»
Bibliographie 155
Ouvrages reçus à la Bibliothèque de la Société i-19
I^£îXJIS^IOITS
Les Réunions du Comité ont lieu le 4""^ mercredi de chaque
mois, excepté pendant les mois d*août et septembre.
Tous les membres de la Société peuvent y assister.
BIBLIOTKÈQXJE
La Bibliothcque de la Société est ouverte tOUS leS SOirS
excepté les dimanches, jours fériés et demi-fériés, de 6 h. i.
à 7 h. 1 2 et de 8 h. i 2 à n> h.
Touirs /'S ofN//uun\'ii//nfis .7 /.'//5 /rs renseignements doivent it^
*iiire.<s*'.s au Secrétaire cn'f.'crj/.
SOCIÉTÉ -^f
DE
GEOGRAPHIE COMMERCIALE
r>xj H-A^-V-RE
><>f^>.
PAQUEBOTS TRANSATLANTIQUES
ET PORTS FRANÇAIS (*>
Mesdames, Messieurs,
Je remercie tros vivement M. Dupont, Président de
la Société de Géographie Commerciale du Haçre, de ses
aimables paroles. Je n'ai d'autre mérite en Tespèce que
celui d'avoir été appelé, depuis 1898, à examiner tout spé-
cialement la question des services transatlantiques entre
I^ Havre et New-York. A cette époque, nous eûmes à
soutenir une lutte très vive contre les représentants du
port de Brest. Cette lutte, nous pûmes l'aflronter grâce
aux renseignements qui, à côté de nos recherches per-
sonnelles, nous lurent fournis par des capitaines au
long-cours et par la Chambre de Commerce du Havre.
(1) Conférence faite devant la Société de Géographie Commer-
ciale du Havre, le 15 Mai 1UU8.
mwàci DM aAoaBAFHm — s»* trim. 1908. 1«
98 PAQUEBOTS TRANSATLANTIQUES ET PORTS FRANÇAIS
Mais il était évident dès celte époque que les BresUtis,
qui n'ont jamais désarmé, ne se résignei'aient pas à leur
défaite et saisiraient la prochaine occasion, cVst-à-dire le
renouvellement des conventions postales en 19H,poDr
tenter de prendre leur revanche.
Nous avions à cette époque comme principal adTe^
saire M. Pichon, alors député, aujourd'hui sénateur di
Finistère. M. Pichon est actuellement le membre le plus
agissant du Comité Brest-Transatlantique qui déploie «
ce moment une si grande ardeur en vue de lechéance
que je vous signalais, dans une propagande incessante.
Nous avons pensé qu'il était indispensable, en présenef
de cette attitude belliqueuse, de ne reculer devant ancuD
effort pour déjouer la tactique de nos adversaires. Il m*
semblé que ces ellbrts étaient d'autant plus nécessaires.
qu'en 1898, sur un amendement d'ajournement présenta
devant la Chambre, nous n'avions recueilli que 30 voix
de majorité. Il est vrai — comme cela se passe toujours -
que la majorité s'est accrue considérablement ensuite.
mais cela nous avait fait légèrement frissonner, etjai
estimé depuis cette époque qu'il convenait de rassembler
les faits, documents et arguments qui pourraient ultérieu-
rement servir de base à notre défense. Depuis, j'ai p<?n=^
également qu'il fallait, pour présenter au Parlement àcî
raisons précises et décisives, nous renseigner dans le?
ports étrangers transatlantiques et aussi nous livrt^r a
une étude complète et minutieuse de la situation et àt
l'état des ports français qui prétendent nous ravir la hp^
de New-York. J'avais en effet constaté, au moment de 1*
discussion de 1898, que ce qui faisait en grande partie U
faiblesse de nos adversaires, c'est qu'ils parlaient J^
port du Havre sans le connaître, qu'ils avaient comfflï-*
de nombreuses erreurs : les renseignements dont nous
nous étions entourés nous avaient permis de les signai*''
PAQUEBOTS TRANSATLANTIQUES ET PORTS FRANÇAIS 99
et d'éviter, en ce qui concerne les autres ports, d*encourir
les mêmes reproches.
A Brest, et aussi, si je suis bien renseigné, à Cher-
bourg et à Saint-Nazaire, on s'est quelque peu agité à
l'occasion du projet concernant l'agrandissement du port
du Havre. Vous savez que ce projet a été déposé au mois
de décembre dernier par M. Barthou, mais il en était
question depuis un certain nombre de mois.
Nos adversaires n'avaient pas manqué de suivre pas
à pas toutes les étapes de la question : votes de la Cham-
bre de Commerce, du Conseil Municipal, du Conseil
Général et semblaient disi>oscs k faire oi)position au vote
de ce projet. C'est dans ces conditions que la Société de
Géographie Commerciale de Paris me pria, au mois de
Janvier, de faire une conférence sur le port du Havre et
la grande navigation. J'acceptai avec empressement : j'y
trouvai une occasion de faire justice des erreurs et des
légendes que, depuis trop d'années, on a accumulées
dans la presse ou ailleurs, autour du port du Havre.
Dans cette conférence, je m'attachai principalement
à faire valoir d'une façon générale l'importance considé-
rable du Havre au point de vue maritime et commercial,
l'importance de sou marché et aussi l'excellence de sa
situation au point de vue des relations transatlantiques
avec rAuiérique du Word. J'indiquai enfin les améliora-
tions qui résulteront de l'achèvement du programme de
1893 et de l'exécution du nouveau projet.
Je n'ai pas l'intention de vous faire une conférence
identique. Il y a, dans un pareil sujet, énormément de
choses qu'il est inutile de dire devant des Havrais. Je
n'ai pas à vous faire visiter notre propre port, à faire
passer sous vos yeux les évolutions des grands navires
dans notre avant-port et les bassins. Tout cela était indis-
pensable à montrer dans d'autres milieux, mais pas ici.
56 FRANÇAIS ET ALLEMANDS SUR LE BOSPHORE
maintenir leur réputation aux)rès de la clientèle minorité,
qui peut leur faire espérer encore un chiffre respectable
d'affaires.
Quant aux maisons françaises dont le matériel peut
produire des marchandises inférieui*es, à un prix très
bas, elles ne devraient pas hésiter à entrer en lutte de
bon marché avec les produits étrangers, en indiquant que
les leurs 3ont bien d'origine française, et pour cela,
leur donner Ta Hure, le coloris, Textérieur, en un mot,
tout ce que notre goût, notre art français, peut imaginer ;
mais, non pas, comme je Tai vu, sous prétexte de bon
marché, copier les produits anglais ou allemands, qui ne
sont d'ailleurs eux-mêmes qu'une mauvaise copie des
nôtres, de notre fabrication nationale ! (Applaudis-
sements).
Nous aurions donc ainsi, des chances de reconquérir
notre clientèle majorité qui passe, petit à petit, chez les
Allemands, dont on ne doit pas cependant méconnaître
l'unité de vue, l'énergie, la ténacité, la force de volonté
et qui, grâce à l'activité de leur Ambassade, ont obtenu
des succès sans précédents, que j'ai bien été obligé de
constater.
Voulez-vous me permettre de faire une petite paren-
thèse pour vous dire la façon dont on est reçu h l'ambas-
sade de France à Constantinople et à l'ambassade d'Alle-
magne à Paris ?
Voici. Avant de partir en Turquie, je suis allé à l'am-
bassade d'Allemagne à Paris; je me suis présenté comme
commis-voyageur pour les vins, demardant à entrer en
relations avec des maisons allemandes. Je me suis adressé
à l'huissier, j'ai tait passer ma carte, et deux minutes
après, j'étais auprès du Consul, un homme charmant,
(enchanté de voir un Français), qui m'a donné 47 adresses.
Il m'a dit : écrivez à mes compatiûotes, Monsieur, et dites-
\
FHANÇAIS ET ALLEMANDS SUR LE BOSPHORE 37
leur bien, que vous êtes envoyé de la part du Consul en
résidence à Paris.
J'allais me retirer, quand il fit appeler un jeune
secrétaire, qui me remit 47 timbres-poste allemands, pour
mettre dans chacune de mes lettres, afin d avoir la certi-
tude de réponses. Je crois, Messieurs, que Ton pourrait
donner cette indication au quai d'Orsay, et ce ne serait
peut-être pas téméraire !
Voulez-vous que nous passions à Tambassade de
France à Constantînople ? Ce n'est pas la même chose.
J'ai trouvé un huissier grincheux, qui m'a mal reçu
et m*a dit qu'on trouvait le secrétaire le matin à partir de
9 heures. Je suis revenu le lendemain à 9 heures, on m'a
dit qu'il viendrait à midi seulement, car il était allé au
bal la veille et il était fatigué. Très méccmtent, j'y suis
retourné le lendemain à 10 heures. J'ai attendu au moins
3 4 d'heure. J'étais tout seul, et si nous avions été toute
la salle, nous y serions encore ! (Rires, applaudisse-
ments).
J'ai fini par être reçu, mais dès que j'ai parlé d'af-
faires, on m'a renvoyé au président de la Chambre de
Commerce, à l'aimable et distingué M. Giraud, près
duquel on est toujours sûr de trouver d'excellents ren-
seignements.
Mais tout en étant Président de la Chambre de
Commerce, il est aussi négociant, et il a «l'autres choses
à faire que de s'occuper des intérêts de tout le monde.
J'ai ensuite demandé au chargé d'affaires de l'am-
bassade de vouloir bien me faciliter d'assister à la prière
du sultan. Aller à Constantinople et ne pas voir le « Se-
lamlik », c'est venir à Paris, sans voir la tour Eiffel.
J'insistai donc pour voir le « Selamiik u. Ce haut fonc-
tionnaire parut très contrarié d'une prétention pareille.
Monsieur, c'est inutile, me dit-il, vous êtes ici de passage...
58 FRANÇAIS ET ALLEMANDS SUR LE BOSPHORE
J'insistai. . . Il me dit alors qae je ne pourrais assister à
cette cérémonie que si j'avais un chapeau haut de forme.
— Je suis voyageur répondis-je et je n'ai apporté ni
habit, ni chapeau haut de forme ; nous ne sommes plus
à l'époque où il fallait des habits de cour, et je n'ai
pas d'habit de cour ! — C'est comme cela, me dit-il, sur
un ton qui ne permettait pas de réplique, si vous n*avez
pas de chapeau haut de forme, vous ne serez pas reçu !
(J'étais très embarrassé). Il ajouta : Vous n'avez qu'à aller
en louer un à Péra (Péra est le quartier aristocratique
de Constantinople, comme ici votre grande avenue).
Voyant que je n'allais pas obtenir la permission
d'assister à la prière du sultan, je lui promis de chercher
un chapeau haut de forme ! Je n'ai rien cherché, et, je
me suis présenté le Vendredi avec le colonel Chanzy,
qui, comme moi était en chapeau rond.
Les anglais et les allemands étaient en cyclistes frims)
c'est vous dire combien ces procédés d'une autre époque
deviennent enfantins.
Il faut que nous le disions bien haut partout, ces
messieurs des ambassades et des consulats s occupent un
peu trop d'eux et non pas de nous, voyageurs et négo-
ciants! (applaudissements).
Je vous avoue que dans ma poche, j'avais toutes les
lettres nécessaires pour me faire ouvrir toutes les portes ;
mais je voulais avoir la satisfaction de me rendre compte
comment nos voyageurs*, sans recommandation, seraient
reçus à Constantinople. Par conséquent, je vous en prie,
Messieurs, si vous envoyez vos agents là-bas, munissez-
les de lettres de recommandations, sans cela ils ne feront
rien, et. . . faites-leur emporter un chapeau haut de forme,
pour faire plaisir au chargé d'affaires. . . !
Je reviens aux allemands. Leurs voyageurs parcou-
rent en tous sens les contrées nouvelles, présentent sans
FRANÇAIS ET ALLEMANDS SUR LE BOSPHORE DU
cesse de nouveaux échantillons, prenant des notes sé-
rieuses sur les besoins, les goûts, les prix, les conditions
économiques du pays visité. Partout, ils étudient les
étofles, les tissus, les dessins ; ils achètent des modèles
qu'ils envoient en Allemagne où ils sont copiés immé-
diatement et envoyés en étolTes similaires. J'aurais voulu
vous apporter des échantillons d'étoflcs présentés par
certaines maisons allemandes. Ces étoffes sont vendues
de la façon suivante : (montrant une feuille de papier)
supposez un morceau d'étolfe de cette épaisseur, l'échan-
tillon est i)lié de cette façon, les côtés 1 et 3 rabattus, ce
qui fait 4 épaisseurs qui sont reliées de telle sorte, que
le bon client turc qui touche cette étoffe, formant 4 épais-
seurs, (que ce soit du drap, de la flanelle ou de l'indienne),
croit faire une bonne afiaire.
J'ai en ma possession de ces échantillons ; ils sont
pressés au moyen d'un fer chaud, et très serré.
L'indigène, le Turc, la clientèle de ces régions achète
l étoffe présentée de cette façon, et tout naturellement
quand elle arrive, elle n'a plus qu'une épaisseur. C'est
une tricherie, et si, concurremment, vous envoyez vos
employés avec un échantillon similaire, mais, plié loya-
lement, tout naturellement, vous aurez le dessous.
Ces étofles, renvoyées en Allemagne, copiées et pré-
sentées par les voyageurs allemands, sont vendues meil-
leur marché, et, avec le métrage et la largeur usités dans
le pays.
Je ne dois pas non plus oublier de vous indiquer la
grande régularité des maisons allemandes dans leurs
livraisons et aussi la facilité de crédit qu'elles accordent.
Je ne sais pas où ils trouvent de l'argent, mais ils font
jusqu'à 9 mois de crédit.
Ils ont l'habitude de livrer leurs produits franco-bord
Beyrouth, Constantinople, Smyrne, Alexandrie, etc., alors
104 PAQUEBOTS TRANSATLANTIQUES ET PORTS FRANÇAIS
jours qui suivirent la Révolution de 1830, quand Dumont-
d'Urville fut envoyé à la recherche d un navire pouvant
transporter Charles X en Angleterre, il vint au Havre et
s'adressa à des consignataires de navires américains ; ce
sont deux navires de ce type : le Charles-Carrol et le
Great'Britain, qui conduisirent de Cherbourg à Ports-
mouth le vieux roi et sa suite. Ces navires eurent pour
successeurs ceux du type « clipper », mais avant de vous
en présenter un spécimen je vais vous montrer un vété-
ran de TAtlantique dont la présence sur ce tableau n est
peut-être pas déplacée, bien qu'il n'ait pas été attaché
effectivement à la navigation du port du Havre.
Ce navire est le Savannah, qui avait été construit à
New-York en 1818 pour ôtre mis en service sur Le Havre.
Mais des industriels ingénieux pensèrent qu'il fallait
tenter sur l'Océan ce qui avait été essayé pour de petites
distances, sur les fleuves et sur les bras de mer, et Ton
décida à transformer ce voilier en navire à vapeur. On
installa une machine au milieu, on le munit de tambours
et de roues, on passa un arbre de couche sur le pont et
l'on y planta une cheminée. Il partit de New-York en
1819 pour Liverpool et fit sa traversée partie à la voOe et
partie à la vapeur. On dit même que le capitaine, crai-
gnant de manquer de charbon, abusa de la voile. Il mit
17 ou 18 jours pour atteindre Liverpool. Son arrivée en
Europe produisit une sensation extraordinaire. Il ne se
contenta pas d'aborder à Liverpool : son capitaine, qui
ne connaissait guère d'obstacle, voulut pousser jusqu'à
Cronstadt, sachant l'empereur de Russie très passionné
pour les choses de la mer. L'armateur américain et le
capitaine espéraient qu'il leur offrirait un riche cadeau :
peut-être leur fit-il éprouver quelque déception lorsqu'il
leur fit don d'une énorme chaîne de fer d'un poids
formidable...
IfRANÇAIâ ET ALLEMANDS SUR LE BOSPHORE 61
Eh bien ! je ne comprends pas cette façon de faire.
Cet industriel n*est pas le seul, hélas !
D'autres dé nos compatriotes m'ont dit : on a fait
quelques pertes d'argent en Turquie, qui nous ont refroi-
dis joliment.
Il est évident que si on a une mauvaise clientèle, on
arrive à perdre de l'argent.
Voici, à ce sujet, ce que m'a dit un honorable et dis-
tingué Français, établi depuis longtemps à Galata :
Quand trois citoyens français viennent me trouver pour
me demander des renseignements sur M. X... habitant
Constantinople et que je leur dis : ce monsieur est mau-
vais au point de vue paiement ; eh bien I ces trois Fran-
çais luttent entre eux pour le fournir quand même, de
sorte que, au point de vue aifaires, ils arrivent à un
chiffre d'affaires ; mais non pas à un chiflre de paiement,
d'où pertes !
Chaque fois que je dis à un de nos compatriotes, ajouta-
t-il, n'allez pas dans cette maison, c'est dangereux, il y va!
Il y a là. Messieurs, une mentalité qui nous est par-
ticulière et qu'il faudrait absolument corriger.
Je vais à présent, Messieurs, vous donner un exem-
ple de la lutte commerciale entre la France et TAlle-
magne. Il s'agit de plusieurs millions.
A mon dernier voyage à Constantinople, je pensais
voir le commencement de la construction du pont de
Karakeuil, pont qui se trouve entre Stamboul, quartier
turc, et Galata, quartier commercial. Ce pont sert à
franchir « La Corne d'Or ». Il est large comme le pont
Alexandre III, à Paris, et 3 à 4 fois plus long.
11 devait être construit par une des plus grosses
maisons françaises métallurgiques (je ne puis pas dire le
nom). Ëh bien ! Messieurs, ce n'est pas cette maison qui
62 FRANÇAlë ET ALLEMANDS SUR LE BOSPHORE
le construira ! Les Allemands ont d'abord fait mettre des
bâtons dans les roues, et, bien que le contrat fût signé,
le marché subit un moment d'arrêt ; finalement, il fut
rompu, pour être repris par le gouvernement allemand
qui va assurer cette construction gigantesque.
Je sais bien qu'en échange, on nous a donné la
construction d'une douzaine de torpilleurs de hauter mer,
que cette commande est peut-être supérieure de 3 ou 4
millions, à la construction du pont ; mais quelle réclame
pour les Allemands ! Qui a fait ce pont, ces piles, ce
garde-fou, ces trottoirs? Toujours les Allemands, et je
suis persuadé, que lorsque ces fameux torpilleurs, seront
amarrés au quai ou aux piles de ce pont, on dira que ce
sont les Allemands qui les ont construits et fournis.
N'est-ce pas la fatalité !
Enfin, tout récemment, TAllemagne vient de rem-
porter une victoire éclatante en obtenant la concession de
rirrigation et de la canalisation du lac de Bey-Chéir. Ils
vont encore dépenser 10.000.000 de marks lancés par la
a Lander Bank » de Berlin. Ce terrain est énorme et
formera une véritable Limagne asiatique. L'étude de ce
projet remonte à quelque dix ans. Personne ne s'en occu-
pait plus ; tout d'un coup. . .fini. . .signé. Et. . .à l'œuvre!
Nous n'avons pas la foi en France, nous ne voulons
pas lutter, c'est un reproche que je me permets de vous
faire amicalement; les Allemands sont partout, sinon les
plus forts, du moins les plus malins, tant mieux pour
eux. Ils agissent. Nous, nous regardons I
Ainsi, sans aller bien loin, regardez sur les grands
boulevards (vous êtes tous Havrais, mais un peu Parisiens)
avez- vous vu autre chose qu'une enseigne étrangère ?
des enseignes en anglais, en allemand partout, rarement
en français. Et moi, le premier, je dois ici me confesser,
j'ai acheté des chaussures anglaises, dans un magasin
FRANÇAIS ItT ALLEMANDS SUR LE BOSPHORE 63
anglais^ servie par un personnel anglais, et, quelle n'a
pas été ma stupéraction, quand il y a quelques jours, j*ai
appris, que ces chaussures anglaises, étaient fabriquées
...à Limoges (rires). Depuis ce temps, je me demande si
elles sont d*aussi bonne qualité, que lorsque je les croyais
fournies par une fabrique anglaise ! N'est-ce pas typique ?
(applaudissements, rires).
Messieurs, je sais que la semaine dernière on vous
a, ici même, longuement et éloquemment parlé du chemin
de fer de Bagdad. Je n'y reviendrai pas ce soir, je vous
dispenserai de cette corvée ! Mais il est cependant néces-
saire de vous dire quelque chose, en trois mots. La
question du chemin de fer de Bagdad est mal posée en
France, non pas ici, dans ce milieu de savants et d'in-
dustriels ; mais dans le peuple.
Dans une conférence que je faisais, il y a quelques
mois, devant des Allemands, je leur ai dit : ou nous
traduisons mal vos journaux, ou vos journaux disent des
choses qui ne sont pas exactes. En effet, dans le gros
public, j'ai fait des conférences à Paris, dans le faubourg
Saint-Antoine, àBelleville, à Montmartre, etc., et d'après
les questions qui m'ont été posées, j*ai constaté que ces
gens-là croient, d'après les traductions des journaux, que
le gouvernement allemand est en instance de concession
du chemin de fer de Bagdad et que cette concession dépend
du gouvernement français ; que le gouvernement français
ne s'en occupant pas, de là fut décidée la visite de l'em-
pereur d'Allemagne au Maroc, pour nous y créer des
difficultés.
Ce n'est pas cela du tout ; les Allemands ont parfai-
tement la concession du chemin de fer de Bagdad ; mais
ils ont besoin de 480 millions pour le finir et ils veulent
faire passer les titres allemands — par l'Angleterre
peut-être — sur le marché français.
64 FRANÇAIS ET ALLEMANDS SUR LE BOSPHORE
Comment les avons-nous accueillis? vous le savez
tous aussi bien que moi. De là, peut-être, cette visite de
Tempereur d* Allemagne au Maroc.
Si les Allemands veulent 480 millions, je ne demande
pas mieux que notre pays les leur prête, cela ne me gênera
personnellement pas beaucoup ; mais il y a des conditions
à débattre, desquelles nous pourrions profiter. C'est une
alla ire, dans toute Tacception du mot, qui dérive de
roflre et de la demande.
Voilà exactement ce qu'est la question du chemin de
fer de Bagdad. Il y a là-bas un travail formidable, pour
lequel il faut, en effet, cette somme fabuleuse de 480 mil-
lions.
Messieurs, fen ai fini. JT aperçois des Jeunes yens
qui me font signe que les projections seraient moins
abstraites et je vaisj" arriçer; mais je coudrais dire
deux mots de ^Alliance française, car, c'est en partie, à
TAlliance française, que nous devons de trouver partout
en Orient, des gens qui parlent le français. Cette
Œuvre formidable a plusieurs buts :
/° Celui de faire connaître et aimer notre langue
par les indigènes ;
2^ De prolonger au-delà des mers, la race française
dont la langue devrait être <r Vesperanto mondial d ;
3" D'être aVec les amis de la France, quelle que soit
leur race, leur nationalité et leur culte.
Messieurs, ily a à Paris, boulevard St-Germain,
au Siège de Z'AUiance française, des cours oà Von
apprend le français, et ilj' a eu, cette année, 84 y élèves,
de toutes les nationalités possibles. J'y ai vu des Alle-
mands, des Américains, des Argentins, des Brésiliens,
des Uruguayens, et même un Persan. Les deux prix
d'honneur ont été remportés par deux jeunes fiU^s
russes, c'est logique!
PAQUEBOTS TRANSATLANTIQUES ET PORTS FRANÇAIS 409
plus souvent au milieu d'écueils, une petite porte, c'es^
à-dire le goulet par où il pourra pénétrer dans son port
de destination.
Si vous voulez me permettre, je prendrai à cet égard
une comparaison un peu vulgaire. Je fais abstraction des
fonds et des écueils en ce moment. Je suppose que vous
vous trouviez sur une place très vaste et que vous soyez
subitement surpris par un de ces brouillards, où Ton n'y
voit pas à deux mètres devant soi. Si vous cherchez à
pénétrer dans une rue très large, il vous sera relative-
ment facile de ne pas manquer le passage. Mais au lieu
de cela, si étant sur cette même place vous vous efforcez de
trouver la porte d'une des maisons que vous présumez en
face de vous, il est certain que vous aurez beaucoup plus
de mal pour réussir et que vous aurez môme toutes les
chances pour la manquer.
L'examen des cartes marines, au point de vue des
profondeurs et de la nature des fonds, et la lecture des
Instructions ^ Nautiques sont tout aussi convaincants.
Lorsqu'on arrive à environ 40 milles de la côte d'Irlande,
les fonds s'élèvent brusquement. Ils passent de 300 à 250
et 200 mètres, puis l'on pénètre dans une ligne de fonds
de 150 mètres. On arrive ainsi à la ligne de fonds de
100 mètres. Bien qu'elle soit beaucoup plus sinueuse, la
nature des fonds peut donner des indications qui se pré-
cisent aux approches des Sorlingues. Les Instructions
Nautiques concluent ainsi pour l'atterrissage en Manche
par temps brumeux : « La comparaison des résultats ainsi
obtenus avec les indications de la carte, combinés avec
les renseignements de l'estime fournira aux navigateurs
tous les éléments voulus pour coimaitre leur position avec
une précision suffisante. » Du reste, un officier très dis-
tingué, M. Lendormy-Trudelle, qui, pendant longtemps,
commanda successivement plusieurs paquebots trans-
110 PAQUEBOTS TRANSATLANTIQtJE» fiT FORTS FRANÇAIS
atlantiques entre Le Havre et New-Yorfc, actoeil
pilote-major de notre port, a fait, sur la navigation
Le Havre et New-York, par temps de brume, des tra
excessivement intéressants. Dans une brochure demei
célèbre, il a indiqué notamment les moyens d arriver,
depuis l'ouvert de la Manche jusqu au Havre, avec k
sonde, par les brouillards les plus opaques.
D ailleurs les atterrages en baie de Seine fadiitol
singulièrement la tâche des navigateurs. Si nous jeloWi
en eflet, un regard sur les Instructions Nautiques^ noas
y lisons cette simple phrase : « Les fonds sont trèsréfi
liers en baie de Seine et donnent d'excellentes indicatiooi
pour le voisinage de la terre quand on navigue en tcmpi
de brume. » Les fonds vont en effet en décroissant di
large vers le rivage ; on trouve des fonds de 80, 60,40.31
et 2»^ mètres, et l'on arrive ainsi en rade du Havre, (A
l'on j)eut à basse mer, dans les marées de vive eau où 11
mer découvi'e le plus, jeter l'ancre dans des fonds qri
varient de 12 à IG mètres.
Les cartes du littoral Nord-Ouest de la France et tk
la baie de Seine, avec leurs cotes de profondenrs, (fli
passent en ce moment sous vos yeux, vous permettait
d'ailleurs de vérifier l'exactitude de ce que j'avance rt
d'établir rapidement des comparaisons entre les atterra-
ges de la Manche et de la baie de Seine et ceux des ^^
français du littoral Nord-Ouest de l'Océan. *
Je vous rappelais, il y a un instant, que leporl<i»
Havre avait été choisi, en 1860, comme tête de ligne «1«
service transatlantique actuel entre la France et Xe^
York. De nombreuses candidatures s'étaient alors mis<*
sur les rangs ; je vais vous parler tout d'abord d'un pori
celui de Saint-Nazaire, qui n'entra pas à cet égard, à cette
époque, en lutte d'une façon très ardente, mais qui W
choisi alors comme tête de ligne du service des Antill^
PAQUEBOTS TRANSATLANTIQUES Et t>OBTS FBANÇAÎS 111
Depuis, le port de Saint-Nazaire ayant vu s'achever ses
travaux d'amélioration, parait avoir certaines velléités
pour réclamer, en 1911, le déplacement à son profit du
port d'attache des paquebots sur New-York. Aussi
bien, si je me réfère aux prospectus adressés à la
Société de Géographie Commerciale du Havre, en vue du
Congrès colonial qui doit s'ouvrir le l*"' Juin, à Paris, j'y
lis ce qui suit : « Brest et Saint-Nazaire, ports transatlan-
tiques. 7>
Quelles peuvent être les causes des revendications
possibles de Saint-Nazaire ? Les voici, suivant toute pro-
babilité : la distance du Havre à New-York est de 3,130
milles ; la distance de Saint-Nazaire à New-York est de
3,0G3 milles, par conséquent, il y a une différence en
faveur de Saint-Nazaire de C7 milles. Les représentants
de Saint-Nazaire ne sont pas médiocrements fiers de cette
différence. Toutefois il faut par le calcul et en prenant
pour base une certaine vitesse, rechercher ce qu'en défi-
nitive, comme temps, celte différence représente. Nous ne
sommes plus, en effet, à l'époque où les paquebots ne
filaient que 11 à 12 nœuds. Plus la vitesse des paqubots
augmente, plus la situation du Havre vis-à-vis de ses
rivaux ou rivaux possibles de l'Atlantique s'améliore : en
effet, la différence de temps se trouve ainsi raccourcie. J'ai
pris pour base le chiffre de 24 nœuds à l'heure et voici
pourquoi. Il paraît représenter celui de la vitesse moyenne
des deux nouveaux paquebots de la Compagnie Cunard :
Lusitania et Maiiritania, Il est possible et même pro-
bable que le nouveau paquebot La-France, de la Compa-
gnie Générale Transatlantique, sera doté d'une vitesse
approchant de ce chiffre. C'est d'ailleurs sur cette base, et
même parfois sur celle de 30 nœuds, que nos adversaires
les plus ardents, les Brestois, ont coutume d'établir leurs
prévisions. Prenons donc pour base 24 nœuds. Nous nous
68 FRANÇAIS ET ALLEMAPfDS SUR LE ROSPHORfi
ses femmes ; il ne doit y avoir aucune différence entre les
meubles, les tapis, les tentures de l'appartement de
celles-ci, s'il y a quatre femmes. Elles doivent avoir
quatre toilettes semblables, mômes bijoux ; pas de pré-
férence pour aucune des quatre ; il doit les aimer, les
soigner également. Il doit pourvoir à leur nourriture,
celles-ci ne faisant rien et n'étant pas tenues de gagner
leur vie par un travail quelconque. De nos jours, l'en-
tretien d'une femme étant dispendieux en Turquie (c'est
comme ici !), il est difficile d'en avoir deux, trois et
même quatre. (Rires),
Le Coran donne droit à la femme, si le mari ne
pourvoit pas à ses dépenses, d'avoir recours aux tribu-
naux, et, régulièrement le mari est condamné. Dans ces
conditions, le musulman qui ne se sent pas la force de faire
preuve de justice, et, qui ne peut se garantir de pécher,
doit se contenter d'une seule femme.
Le respect dû à la femme turque par son mari, est
égal au respect dû au Coran ; ainsi, il est d'usage dans
un voyage dangereux et lointain, de ne pas emmener sa
femme ou de ne pas emporter son Coran, si Ton ne se
croit pas assez puissant pour défendre Tune et l'autre.
(Applaudissements).
Je suis forcément amené à vous parler du « Selamlik t
et du « harem » ; je suis dans le vif de la question.
L'introduction de plusieurs femmes au foyer familial,
à une époque éloignée, amena une organisation inté-
rieure nouvelle, que voici : la maison fut divisée en deux
parties : le « selamlik » et le « harem ».
Qu'est-ce que le « Selamlik » ? C'est la partie de la
maison réservée aux hommes et aux visites masculines.
Qu'est-ce que le « Harem » ? Et non pas : qu'est-ce
qu'un harem ?
PAQUEBOTS TRxVNSVTLANTIQUES ET PORTS FRANÇAIS 113
au Havre d'un navire ainsi installe^, on n'a pins à
accomplir pour gagner Paris qu'un 1res <'ourt trajet,
en quelcpu* sorte un(* simple promenade. Au contraire,
si Ton aborde à l'un des ports de l'Atlantique, il faut,
après avoir subi les fatigues de l'Océan, recommencer
un véritable voyage, se transporter dans un wagon
plus ou moins bien installé, où Ton n'a pas toutes les
commodités du confort, où l'on n'est pas seul, où Ton
est obligé avec des voyageurs nombreux, de séjourner,
suivant les ports, entre 6 heures et 10 h. 1/2. L'hésitation
est d'autant moins possible, que le court trajet à elïectuer
en Manche est presque toujours assez bénin comparative-
ment à la navigation dans l'Océan et qu'on n'y court pas
plus de risques que dans un train rapide.
Passons à la description du port et des abords de
Saint-Nazaire. Sa créali )n a été ordonnée sous Louis-
Philippe, en vue de remédier, pour les navires de forte
calaison, à l'insufllsance du port de Nantes. Il fut terminé
en 1865 et l'Empire, qui revendiqua comme une gloire
son inauguration, fut porté à le faire valoir en y instal-
lant le service postal sur les Antilles. Désirant rester sur
la défensive et n'étant animé d'aucun esprit de conquête,
je ne rechercherai si ces services ne seraient pas, au
point de vue du trafic ou des voyageurs, mieux à leur
place au Havre, mais je constate simplement la diderence
qui existe entre le trafic de Saint-Nazaire et le trafic du
Havre. Je prends les chilfres de 1900, le tableau général
de la navigation n'ayant pas encore été publié pour 1907.
Le mouvement total s'est élevé en 190G à 2.235.933 ton-
neaux à Saint-Nazaire, et au Havre, à 8.387.667 tonneaux,
soit une différence de 6.151.714 tonneaux en faveur du
Havre.
Si nous considérons les lignes régulières, nous
voyons qu'à Saint-Nazaire il y a (juatre lignes long-cours
114 PAQUEBOTS TRANSATLANTIQUES ET POUTS FRANÇAIS
OU grand cabotage, plus cinq compagnies qui fréquentent
assez régulièrement ce port. Nous avons au Havre 74 li-
gnes dont 41 pour le long-cours. Je relève siuiplement
ces chiffres pour vous montrer qu elle peut être la difle-
rence de force contributive entre les deux ports, quand il
s'agit d'entreprendre des travaux considérables que né-
cessite, à certaines époques,' dans un port tête de ligne,
le fonctionnement d'un grand service transatfan tique. Eh
bien, il est certain que Saint-Nazaire ne pourrait jamais
produire, au point de vue financier, Fimniense erroi-t qoi
vient d'être fait au IlaAre. C'est pour cette raison que le
port de Saint-Nazaire, bien amélioré d'ailleurs, a dû
cependant se restreindre à cet égard, et se borner aux
sacrifices exigés par ses éléments d'activité actuels.
Passons à l'examen des abords de Saint-Nazaii*c. Sa
configuration est nettement indiquée sur la carte marine
qui vient d'apparaître sur l'écran. Voici le CIroisic ; dans
le prolongement du Croisic se trouve Belle-Ile sur laquelle
se fait l'attcrrisage des navires venant de l'Ouest et da
Nord Ouest. D'après les Instructions Nautiques, U
brume et le tom[)s bouchés sont très fréquents à rembou-
chure de la Loire.
Or, à une certaine distance du Croisic, se trouve un
plateau qui s'étend de 3 milles du Nord au Sud, et qui
s'appelle le plateau du Four. 11 est d'ailleurs prolongé
par une chaîne de rochers. Ce plateau a une mauvaise
réputation ; il n'y a pas bien longtemps, c'est sur son
accore que s'est perdu un steamer des Messageries Mari-
times.
Dilférents feux, figurant sur la carte, vous indiquent
la position d'écueils. Voici le phare de la ^ Banchc », 1**
phare du « Grand Charpentier >, le phare du « Pilier».
D'autres plateaux ou écueils, comme ceux de la Laffl*
barde, du Chatelier, des Jardinets sont indiqués par des
FRANÇAIS ET ALLEMANDS SUR LE BOSPHORE 71
oabliant parfois que c'est là, le problème capital qu'il
importe de résoudre sans retard, si nous voulons trans-
mettre à nos petits-neveux, le glorieux héritage commer-
cial, que nous ont légué les Colbert, les Dupleix, et tant
d'autres illustres devanciers ? (çifs applaudissements).
Alfred Durand
Conseiller du Commerce extérieur.
.%
Depuis cette conférence, les Allemands ont constitué
le capital nécessaire pour la continuation de leur Che-
min de fer de Bagdad.
L'Iradé les autorisant à commencer les travaux vient
d'être signé ; les travailleurs sont recrutés ; incessam-
ment les constructions vont commencer.
D'Erégli, la ligne ferrée suivra la direction Est, jus-
qu'à Mossoul, en passant par Adana, Tel-Alech et Tel-
Halif. De Tel-Alech, un embranchement allant vers le
Sud, par Alep, rapprochera les distances entre Constan-
tinople, Médine et la Mecque, dont la voie ferrée (extrême
Sud) sera achevée dans deux ans.
Paris -Constantinople- Jérusalem -La Mecque, sera le
voyage de noces de nos petits-neveux !!!
A. D.
Dans la Sangha
Moauirs et Coutumes
La Sangha, comme affluent de droite du Congo, fait
partie de cet énorme et riche réseau fluvial, qui draine
vers Brazzaville, centre de l'activité commerciale de la
Colonie, une si importante partie du continent africain.
Grossie de la Kadei et de la N'Goko, la Sangha, depuis
les rapides de Djoumbe, traverse la grande forêt, coulant
sur un lit d'argile rouge, recevant les eaux d'un grand
nombre de rivières herbeuses et marécageuses, cachées
sous une riche végétation équatoriale, qui rend lente et
diflicile, la pénétration du pays.
Un climat chaud et humide rend cette région très
malsaine.
La Sangha est très riche en produits naturels de
toutes sortes, ivoire, caoutchouc. Le maïs, la banane,
l'igname, le manioc, y sont cultivés par les indigènes,
qui élèvent également la chèvre et le chien pour leur
nourriture ; néanmoins, la région est peu habitée. Elle
comprend des populations sauvages et méfiantes, canni-
bales et fétichistes.
Les premières reconnaissances, sur la rivière, datent
de 1890, Chollet monte jusqu'à la N'Goko, que Fourneau
explore jusqu'au B™' degré de latitude. En 1891, Gaillard
fonde le poste d'Ouesso et remonte jusqu'à Bania.
Ces premiers explorateurs, guidés par des indigènes
de Bonga, village situé au confluent de la Sangha et du
DAN8 LA 3AN0HA 73
Congo, conservèrent les noms donnés par ces derniers à
la riyière et aux riverains « Sangha » et « Sangha-Sangha »>.
En langue Boumoali, Sangha signifie « ile », Sangha-
Sangha pourrait donc se traduire par habitant des iles,
si l'on tient compte de cette explication des vieillards,
suivant laquelle, aux temps qui précédaient notre occu-
pation, les indigènes se réfugiaient fréquemment sur les
iies, pour échapper aux poursuites des tribus de Tin-
térieur.
Actuellement la Sangha est habitée par une foule de
tribus, dont Torigine, pour la plupart, semble commune,
dérivée probablement de la grande famille M'Fan,
(Pahouin) avec laquelle ils ont de grandes ressemblances
de mœurs et de coutumes.
Sous le nom de Boumoali, nous réunirons, dans cette
étude, les Missanga des environs d'Ouesso, dont le voi-
sinage de la rivière a fait des pécheurs (à la nasse et au
filet) et des navigateurs habiles, les M Tomos de la Ndaki
réputés pour leur férocité, les Linos, Issolos et autres
peuplades de la Sangha et de la N'Goko.
Nous peindrons les Boumoali, surtout d'après eux-
mêmes, suivant leurs récits et leurs légendes ; parfois
paraîtront-ils puérils, mais de leur simplicité se dégage
un charme, un intérêt, qui fait mieux comprendre Tâme
noire.
Suivant les indigènes, Boumoali, serait le père non
seulement de leur race, mais encore de plusieurs autres
tribus voisines, qui interviendront parfois au cours de
cette relation.
Religion. — Leur croyance à Texistence d'un Dieu
est le centre autour duquel évolue leur système social,
elle n'exclue pas toutefois celle aux esprits terrestres,
« N'Domous » et aux esprits supérieurs « Djambis i», non
plus que les pratiques d'empoisonnement.
118 PAQUEBOTS TRANSATLANTIQUES ET PORTS FRANÇAIS
rade de Cherbourg, elle est vaste, bien abritée, sûre,
profonde et peut être considérée comme une rade d'escale
idéale. Les paquebots transatlantiques y pénètrent à toute
heure par la large passe de l'ouest, vont mouiller et
quelquefois seulement stopper derrière la digue. Les pas-
sagers leur sont amenés par des steamers auxiliaires et
après un séjour de 20 à 30 minutes, ils gagnent le large
par la môme voie.
Cherbourg a, dans ces dernières années, renourclé
ses tentatives en vue d'obtenir l'escale des paquebots
attachés au port du Havre et même d'être substitaé an
Havre comme tête de ligne. Il avait été mis en appétit en
1892, pendant le choléra du Havre. A cette époque, tes
paquebots momentanément éloignés du Havre péné-
traient dans l'Arsenal, s'amarraient dans le bassin Napo-
léon et y fîûsaient toutes leurs opérations. Naturellemcnl,
la préfecture maritime se mettait en quatre pour leur
donner toutes les facilités possibles dans l'espoir de les
garder définitivement. Si le bassin en question était suffi-
sant pour des i)aqucbots du type Champagne^ Bretagne,
il ne pourrait pas être fréquenté d'une façon pratique par
(les steamers tels que La-Savoie, La-Lorraine ^ La-Pro-
vence et La-France. Il faudrait donc trouver autre chose.
A (Cherbourg, on a mis sur pied plusieurs projets. Il en
est un dont Texécution vient d'être ordonnée, mais il n^
concerne que le port de guerre. Il consiste à construire,
près du Hommet, une grande rade abri, ressemblant à
celle de Brest. En effet, la rade de Cherbourg est très
agitée par certains vents : on a vu parfois les vagues
sauter au-dessus de la statue équestre de Napoléon et
même parfois entrer dans l'église de la Trinité située ai
fond de la rade. Toutefois, ce nouveau port devant être
rrservé aux navires de gucriv, on a ébauche divers pro-
jets d'extension du port de Commerce qui ne peut reet-
PAQUEBOTS TRANSATLANTIQUES ET PORTS FRANÇAIS H9
voir actuellement que des navires de faible tonnage. Le
plus connu — il n'est pas officiel — est le suivant : un
vaste terre-plein, situé au Nord-Ouest du port de Com-
merce servirait d'appui h un quai de 500 mètres destiné
aux transatlantiques ; on allongerait la jetée Ouest afin de
protéger du côté de l'Est, et enfin, les digues qui conti-
nueront beaucoup plus au Nord, le nouveau port de
guerre, l'abriteraient de la grosso mer venant de ce côté.
Or, il est absolument impossible d'assurer le fonc-
tionnement d'un grand service transatlantique avec un
seul quai de 500 mètres. Vous n'avez qu'à voir ce qui se
passe ici. Il faut non seulement recevoir à quai les paque-
bots en service, mais les paquebots en réserve ou en
réparation. Je crois que le révc de la (Chambre de Com-
merce de Cherbourg, au point de vue du port d'attache,
est absolument chimérique. Il paraît encore plus irréa-
lisable dans de pareilles conditions lorsqu'on envisage ce
qui se prépare dans celui des ports anglais ayant, au
point de vue transatlantique, des relations constantes
avec ^Cherbourg. En vue de donner de plus grandes faci-
lités aux paquebots de la « While Star » et d'attirer [)lus
tard ceux de la « Gunard », on va y construire un nou-
veau bassin pouvant recevoir à quai quatre paquebots
de 250 mètres au moins. Il faut ajouter aussi ([ue le port
de Southampton possède des aménagements extrénuMuent
bien conditionnés pour l'accostage de paquebots moins
longs. Comment dès lore supi)oser que le quai de TiOO
mètres projeté à Cherbourg pourrait sullire à la fois au
service des paquebots français et aux escales des paque-
bots étrangers ?
Examinons maintenant la situation de (.herbourg par
rapport à New-York et à Paris. La distance entre* Le
Havre et New- York est de 3.130 milles et la distance
entre Cherbourg et New-York ost de 3.066 milles. La
120 PAQUEBOTS TRANSATLANTIQUES ET PORTS FRANÇAIS
différence est de 64 milles. Nous nous trouvons à peu
près dans les mêmes conditions, à ce point de vue, que
dans la comparaison que nous faisions précédemment
avec le port de Saint-Nazairc. Si nous prenons toujours
le chiffre de 24 nœuds de vitesse pour base, nous trouvons
que la différence sur le trajet maritime est de 2 h. 36
en faveur de Cherbourg ; mais si nous examinons le trajet
en chemin de fer, nous voyons que Cherbourg est à
371 kilomètres de Paris et Le Havre à 228 kilomètres, Ja
différence en faveur du Havre est donc de 143 kilomètres.
Or la durée du trajet actuel entre Cherbourg et Paris est
de 5 h. 30, la durée entre Le Havre et Paris est de 2 h. 45.
H y a donc, à ce dernier point de vue, une différence en
faveur du Havre de 2 h. 45. Or cette différence terrestre
de 2 h. 45 en faveur du Havre n'est compensée que p.ir la
différence maritime de 2 h. 36 en faveur de Cherbourg,
par conséquent, il y a un avantage de quelques minutes
en faveur du Havre. Donc, point d'intérêt au dépla-
cement !
On me répondra peut-être : « comment se fait-il alors
que tous les paquebots étrangers aillent à Cherbourg?
C est évidemment qu'ils trouvent que ce port est préft^
rable à tous les autres ! Or la Compagnie Générale Trans-
atlantique française se plaint de leur concurrence. Ne
devrait-elle pas y transporter à son tour son service ou
tout au moins y faire escale, pour lutter à armes égales
avec ses rivales ? »
A première vue l'argument a sa force, mais il la perd
tout à fait quand on examine comment les choses se
passent. Il y a une différence complète entre la situation
des paquebots venant du Nord de l'Europe, de la côte
anglaise et celle des paqm^bots qui partent de la cote
française. Voici i)ouiquoi : les paquebots venant de la
mer du Nord et de la côte anglaise, peuvent sans dcrou-
PAQUEBOTS THAXSATLAXTIQUES ET PORTS FRANÇAIS 121
tement aucun passer en rade de Cherbourg, en eflectuant
la fHîlite opération que je vous ai indiquée tout à l'heure.
Pas de perle de temps, séjour de 20 minutes, et quelque-
fois même pas obligation de mouiller, un simple stoppage.
Il ne faut pas perdre de vue, d'ailleurs, qu'une autre
raison à éloigné du Havre, depuis quelques années, les
paquebots rapides des compagnies étrangères qui y tou-
chaient auparavant, c'est rinsuflîsance de ses aménage-
ments. Or cette raison va disparaître bientôt, lorsque
notre quai d'escale sera livré à la navigation et lorsque
le creusement de notre nouvel avant-port a une cote
sudisamment basse sera achevé. Il est [U'ésumable que
Le Havre bénéficiera alors de nombreuses escales qui lui
échappent aujourd'hui.
Quant à la situation des paquebots iran(;ais, elle est
toute différente, soit (ju'on se place dans l'hypothèse
d'une escale, soit qu'on envisage celle du port tôle de
ligne. Nous avons vu, d'après les calculs de distance et
de temps, que (Cherbourg ne présente aucun avantage
sur Le Havre. C'est ce qui a permis à M. Charles Roux
de constater, dans son rapport de 18î)8 sur les Services
Maritimes Postaux, que la pratique du port du Havre et
la touchée à Cherbourg s'excluent réciproquement dans
les services étrangers transatlantiques. Par suite, Tescale
à Cherbourg des paquebots français ayant Le Havre
comme port d'attache n'aurait d'autre effet que de leur
imposer un supplément de droits de navigation et de
pilotage.
Quant à la question du port d'attache ou tête de
ligne des paquebots français, il saute aux yeux qu'elle
diffère essentiellement de celle de l'escale des paquebots
l'trangors. Le jïort d'attache ou tète dv ligne d'un grand
5><îrvice transatlantique ne peut, en effet, se borner à leur
offrir un simi)le mouillage. Il leur faut des installations
122 PAQUEBOTS TRANSATI.ANTIQUES ET PORTS FRANÇAIS
très complètes, très coûteuses, qui existent déjà en partie
au Havre, qui s'y trouveront très perfectionnées d'ici peu
et qui ne laisseront plus rien a désii»cr loi'squc les tra-
vaux du programme de 1907 seront exécutés. Constatons
en passant que d'ores et déjà les paquebots français,
actuellement en service sur New-York, partent toujours
directement du quai et ne sont obligés de débarquer, à
Tarrivce, leurs passagers en rade qu'environ une fois sur
trois. A Cheibourg, ?e transbordement s'effectue dans
tous les cas et, si je suis bien informe, suscite des plaintes
assez vives de la part des voyageurs.
Louis Brindeau
Député
Ancien Maire du Havre.
(A siiiçre).
DES PAYSAGES DU LOT
niix ]>J[oiiiiiiioiit$$ de HCouloii^o
Voyage pittoresque et archéologique ^^^
Mesdames, Messieurs,
Perinettez-nioi tout d'abord de m'acquitter d'un
devoir, on remerciant votre président de l'aimable invi-
tation qu'il a bien Voulu m'adresser. Je l'ai acceptée avec
grand plaisir, car je n'ignorais pas de réputation la
Société de Géographie du Havre, et n'étais pas sans avoir
entendu parler du tharmant et sympathique auditoire
que l'on rencontre toujours ici : je suis heureux de faire,
aujourd'hui, connaissance avec l'une et avec l'autre.
Je viens vous projmser un voyage sur la route des
Pyrénées, entre le conlîn méridional de notre Massif
Central et Toulouse. Nous rc^ncontrerons dans ce pays
bien dcs^ curiosités archéologiques, des vieux manoirs
brillamment restaurés, des castels en ruine et d'antiques
villes aux inestimables joyaux. Toutes ces reliques du
passé sont réunies, vous le verrez, dans les plus délicieux
écrins de la nature et, chemin faisant, nous ferons aussi
connaissance avec deux merveilles souterraines : les
grottes de Lacave et la rivière de Padirac. C'est même par
(I) Coiifcrcnee faite devant la Société de (léograpliie Commer-
ciale du Havre, le •iO Mars 190S.
124 DES PAYSAGES DU LOT AUX MONUMENTS DE TOULOUSE
CCS deux merveilles, situées dans la région du Haut-
Quercy qui occupe actuellement le Nord du département
du I.ot, que ^ous commencerons notre voyage. La pre-
mière, de découverte encore récente, vous séduira sur-
tout par Télégance de ses détails, et quant à la seconde,
que Ton rencontre au fond d'un gouffre et que beaucoup
d'enti'e vous ont sûrement visitée, elle a pour elle des
impressions inoubliables et de fantastiques galeries.
Ces deux merveilles sont toutes de nuit et de sépul-
crale solitude. A côté, il est une autre, aussi féerique,
mais toute vivante et toute élancée vers le ciel, Kocania*
dour : c'est un village superbement accroché sous un
roc et qui est, depuis longtemps, le but d'un pèlerinage
fameux.
Après avoir vu Padirac, Lacave, Rocamadour, nona
verrons Cabors. Tous les i\ges de l'histoire y ont laissé
quelques traces, depuis les vieux murs romains jasqa*cii
monument moderne élevé sur une place à la mémoire de .
Gambetta. Puis, dans la vallée du Lot, nous irons yisiter
un autre village fort pittoresque quia nom Saint-Girq^.
la-Popie ; ses environs ont tant de charmes qa*il senSL
trop long de tous vous les dire.
Knfm, dans une course rapide, nous descendroQfij
jusqu'à Toulouse qui est à juste titre, dans notre Midi» lij^j
ville d'art la plus ai)préciée et où nous aurions poar no
retenir, bien plus de clioses que nous n'en verrons cei
Tel est le programme de notre voyage ; si
voulez bien, mettons-nous en route.
Du llavrr, nous allons naturellement à Paris et là,
nous prcnoi s à lu gan» du (^uai d'Orsay, sur le chemin
de fer d'Orléans, la grande ligne de Toulouse. Après
avoir laissé à Orléans le chemin des châteaux de Tou-
DANS LA SANQHA 81
celle d*un garçon, donne aux femmes le droit de raillerie
et d*insulte à Tégard des hommes pendant toute la jour-
née, que celle de deux jumeaux donne lieu à de grandes
réjouissances.
L'enfant reçoit un nom, soit celui d*un grand person-
nage, soit celui d'un événement impressionnant. Pomo,
« grand serpent », fut ainsi appelé parce que, le jour
de sa naissance, un boa s'était introduit dans la case de
son père.
Les surnoms sont très usités : c bendo » le chasseur,
« kouli :» le bossu, « moké » le petit, etc.
Il est à remarquer que sur trois enfants, deux appar-
tiennent au sexe faible.
Kntre enfants de même mère, il y a prééminence de
i'alné, qui arrive rapidement, s'il est fils du chef de
famille, à considérer les femmes de son père et de ses
oncles comme les siennes et à s'ériger en petit tyran, les
femmes n'ayant pas le droit de correction sur les enfants
mâles.
Les enfants ne sont point, comme chez nous, l'objet
de soins constants et méticuleux, il s'en faut de beaucoup ;
à califourchon sur le dos de leur mère, tant qu'ils ne
sont pas susceptibles de marcher, ils sont soutenus dans
cette position au moyen d'un morceau d'étoffe ou d'une
peau qui les enveloppe et s'attache sur la poitrine de la
mère, qui vaque ainsi à ses occupations journalières,
sans autrement se soucier du « paquet i qu'elle porte sur
le dos ; l'on peut voir les bébés dormir en cette étrange
situation ou suivre d'un œil curieux les mouvements de
leur mère.
Dès qu'ils sont susceptibles de marcher, ils absorbent
f beaucoup moins la mère >^, et trottent à leur gré, à
condition^ toutefois, qu'ils ne gênent pas les grandes
personnes.
126 DES PAYSAGES DU LOT AUX MONUMENTS DK TOULOUSE
av.iit explorée au fond d'un goufîre. On y pénètre par un
tunnel artificiel long de 200 mètres, et au bout de ce
tunnel, on gravit un petit escalier qui vous conduit dans
une salle circulaire dont Timmense voûte est ornée de
remarquables pendentifs ; un entassement de rochers loi
a fait donner le nom de salle du Petit Chaos. Une série
de galeries, à peu près perpendiculaires à ce tunnel, se
dirigent ensuite les unes vers la droite, les autres vers la
gauche.
Dans les galeries de gauche, qui s'étendent sur
300 mètres, nous rencontrons tout d'abord la salle de
Danse qui est vraiment fantastique par ses milliei*s de
petites colonnettes et où la stalagmite a pris des formes
de cascades.
Un passage encombré de fines draperies blanches
comme la neige, nous conduit ensuite près des Trois
Parques : ce sont trois grosses colonnes finement den-
telées par la nature et majestueusement assises sur une
énorme base.
Puis, nous arrivons à la salle des Lustres qui s orne
à profusion de stalactites groupées en forme de lampa-
daires, constellant h souhait un grandiose plafond, l^a
variation des coloris, rouge, jaune, etc., donne à cette
salle un charme tout à fait magique.
Plus loin, dans un décor de roches vives, c'est un
palmier que l'on peut contempler. Dans une salle toute
voisine se Noit un éléphant qui, tout tranquillement,
semble brouter des frondaisons d'albâtre. Bref, de tous
côtés, c'est une série d'images diverses que Tonl du
visiteur séduit se plaît à identifier.
De la salle de l'Eléphant, nous revenons sur nos pas
vers le Petit Chaos et dans les galeries de droite, lon-
gues de 200 à 300 mètres, nous l'cncontrons bient(>t la
salle du Grand Dôme, d'une hauteui* de 40 mèti^es, et près
DES PAYSAGES DU LOT AUX MONUMENTS DE TOULOUSE 127
de ce grand dôme, la colonne aux pattes d*araignée d'une
liligrannée joliesse, très intéressante et très jolie ; nous
arrivons enlin au lac qui est un des joyaux de Lacave
par les gracieux ornements de ses parois et de sa voûte.
I^ visite des grottes s'arrête là, et il ne reste plus pour
revoir le jour qu'à revenir sur ses pas : personne ne s'en
plaint.
De Lacave, nous quittons les bords de la Dordogne
et nous montons maintenant sur les sommets du Causse,
un vaste plateau parfois désert, mais le plus souvent
couvert de chênes, qui est un prolongement méridional
du Massif Central de l'Auvergne.
Au détour d'un chemin, Rocamadour s'offre subite-
ment à nos yeux dans une large et profonde déchirure du
plateau, plus escarpée sur la droite et moins aride sur l'au-
trt5 bord ; au fond du tableau, en face de soi, on a le Causse
qui continue à perte de vue ; dans le fond, un ruban de prai-
ries où court l'Alzou et dont le vert exquis donne dans le
paysage un peu blanc une note fraîche et reposante ;
enfin, sur la droite, des sanctuaires accrochés aux rocs et
plus bas, des habitations ; tout au sommet, couronnant le
tout, un château découpant sur le ciel sa tour et ses remparts
Aussi souvent que l'on aille à Rocamadour, on
éprouve chaque fois un saisissement profond et qui
semble nouveau. On est toujours très impressionné par
ces sanctuaires placés sous les rochers qui surplombent
et qui forment avec le village en bas, et le château au
sommet, une sorte de pyramide à trois étages. L'on a
devant tout cela la sensation de choses qui ne seraient
pas en place et il semble que ces chapelles et ces habita-
tions, manquant d'une base solide, sont prêtes absolu-
ment à s'écrouler dans le vide.
84 DANS LA SANOHA
femme esclave, son sort ne diflTérant pas de celni de la
femme libre, toutes deux étant des êtres inférieurs qae
Ton évite de frapper, car elles sont utiles et c agréables
au besoin. »
lia Famille
Elle est donc constituée par le groupement autour du
chef des différents éléments que nous venons d*exaniiner.
Chacun a une besogne bien définie : les hommes faisant
la guerre, le commerce, se livrant à la chasse et à la
pêche ; les femmes accomplissant les durs travaux, tous
travaillant dans l'intérêt commun, l'accroissement de la
famille et la grandeur de son chef ; vivant, suivant leur
sexe, sur le pied de la presque parfaite égalité.
Les cas de séparation sont excessivement rares, la
famille s^accrolt donc constamment, si des circonstances
extérieures, telles la guerre et ses conséquences, ne vien-
nent Tamoindrir ou l'anéantir.
Ile Village
Le souci de la conservation a naturellement conduit
au groupement de village par la réunion de plusieurs
familles pour mieux résister aux assauts des voisins.
Le chef de village est généralement un homme qui
offre des garanties de capacité, surtout comme guerrier ;
il doit être agréé par les chefs de famille et les hommes
libres, c'est généralement le frère ou le fils du chef pré-
cédent. Il reçoit une sorte d'investiture.
Son autorité est d'ailleurs purement nominale, chaque
t)ES PAYSAGES DU LOT AUX MONlJMENtS DE TOULOUSE 120
mariées. Si le cœur vous en ('it, Mesdemoiselles, allez à
Roeamadoar !
Près de Tépée de Roland, se trouve le petit chemin
creusé dans le roc que je vous ai signalé tout à Theure
lorsque nous étions de Tautre côté du vallon et qui
eonduit au Refuge. De là, on a le village à ses pieds,
puis TAlzou, et tout à fait au fond du tableau, sur le
sommet du Causse, le petit hameau de THospitalet d'où
nous avons découvert tout à Theurc llocamadour, en
arrivant de Lacave : c'est encore un autre aspect.
Rocamadour
Anciens appartements de VEvêque de Tulle
(Tne prise du Chemin du Refogo)
A côté, un petit escalier conduit à la chapelle Saint*
Michel qui est le plus ancien des édifices actuels de
Rocamadour et dont Tabside, qui fait saillie à l'extérieur,
contient de curieuses peintures du xu"^* siècle.
Nous voilà ensuite devant la porte de la Chapelle
Miraculeuse, complètement réédifiée au siècle dernier
dans le style du xvi~*. A droite, dans un creux de la
DANS LA SANGHA
Lia Cif eoneision
Quelques mois après son mariage, souvent plusieurs
années, l'homme est circoncis, c'est pour lui la consécra-
tion du conmiencement de son existence d'activité dans la
communauté, il pourra dès lors prendre part aux pala-
bres, etc.
Cette cérémonie donne lieu à une danse appelée
« Yango D qui lui a laissé son nom.
La fête de la circoncision dure trois jours, les deux
premiers constituant une sorte de retraite, puisque le
patient, après s'être soumis à l'examen des anciens, est
enfermé dans une case ou il lui est donné à boire et à
manger, notamment un fruit « Kabo », destiné à lui
donner le courage de subir l'opération.
Le premier jour est appelé à faire les préparatifs de
la fête, à réunir des vivres et des marchandises.
Le second jour, les hommes divisés en deux groupes,
les circoncis et les non circoncis, se livrent à des danses
et à des chants au cours desquels ils insultent les femmes
de telle façon que leurs expressions ne peuvent être
traduites... Le futur circoncis est revêtu d'un lourd
vêtement en feuilles de palmier et la partie à opérer est
recouverte d'un mélange d'herbes hachées, destiné à
attendrir les chairs.
Le troisième jour est celui des femmes qui habillées
de feuilles, menant grand bruit, se livrent à des danses
'et à des contorsions encore plus obscènes que celles des
hommes. Cependant, le patient est conduit en un endroit
où les femmes n'ont pas accès, pour y subir l'opération.
Il est étendu sur un lit fait de trois troncs d'arbres,
une peau d'antilope jetée sur ses yeux, maintenu par
deux hommes qui lui saisissent les bras.
DANS LA SAN6HA 87
Les hommes présents hm*lent en brandissant leurs
couteaux, cependant qu'un vieillard, s'approchant du
patient, enlève le pansement, fait constater aux assis-
tants que rhomme est dans les conditions requises pour
être circoncis, marque à la peinture rouge, la place ou
devra frapper le couteau des opérateurs. Ces derniers,
Tun coupant de haut en bas, Tautre de bas en haut, pro-
cèdent avec une remarquable rapidité, la blessure est
recouverte de cendre pour arrêter Thémorragie.
Un mois de repos bien mérité succède à l'opération ,
pendant lequel, vêtu d'un jupon en écorce d'arbre, le
malade fait chaque jour, plusieurs fois le tour du village,
sa dextre armée d'un couteau.
La constatation de cette coutume ne conduit-elle pas
à admettre que sous un climat analogue, les hommes à
quelque race qu'ils appartiennent se sentent soumis aux
mômes lois d*hygiène, et recourent aux mômes procédés i
n*y aurait-il pas lieu de voir en ce fait la manifestation
de la volonté d*un homme qui a su s'imposer et ne pour-
rait-on comparer le dieu <r Bembo » à Jésus, le Messie ou
à Mahomet, le Prophète ?
lies Funérailles
Un décès vient-il à se produire? Les femmes se
réunissent dans la case du défunt, ferment sa bouche, le
recouvrent d'étoffes, puis se mettent à pleurer en jetant
des cris ; le lendemain le cadavre est conduit en terre,
accompagné de tous les parents et amis.
Au fond d'une grande fosse, sont disposées des écor-
ces d'arbre, sur lesquelles sont déposées les marchandises
du défunt; si c'est un homme, avant de le recouvrir
132 DES PAYSAGES DU LOT AUX MONUMENTS DE TOULOUSE
sont à vous; si vous ne pouvez le franchir ou (iavanre
vous avouez vaincu, eh bien ! je h»s garde. Gi vou*
va-l-il ? » Saint Pierre réllt'ehit encon» quelcjuc peu, puis
finalement, il accepta. — <r A hi jçrâcc de Dieu, tlit-il!
Marché conclu. »
Sur ce, le diable frappa du pied et il frappa si fort,
si fort, que la terre s'enfonça jusque dans ses entrailles.
Immédiatement tous les diablotins de gambader au-des-
sus de Tabîme, et Satan de rire sous cape. Il ne rit pas
longtemps. — « Saute au nom du Père », dit Saint Pierre
à sa mule, et la bonne bête sauta si bien que ses qoatrp
pieds vinrent se poser sur Pautre bord. Vaincu, le diable
s'enfuit, disparaissant dans le gouffre et laissant les Caus-
setiers à Saint Pierre qui les porta en Paradis où ils priè-
rent depuis pour leurs frères restés sur terre. Et voilà
comment fut crée le gouffre de Padirac et voilà pourquoi
il n'y a plus dans le pays que de braves gens !
On vous montre encore là-bas la trace qu*ont laissée
les pieds de la nmle. Malheureusement, on vous les dési-
gne à cinq endroits différents... Après tout. Saint Pierre,
il est vrai, a pu sauter plusieurs fois, tout comme le*
diablotins !
En réalité, voici Phistoire après la légende, le
gouffre s'est formé, à ime époque encore inconnue, p^
Paffaissement subit des voûtes d'une vaste caverne, fl
avant 1889 on n'avait guère pris garde à son existence. A
cette époque, un savant et courageux spéléologue.
M. Martel, eut l'idée de descendre au fond du gouffre, H
par une grotte que le puits contenait à l'un de ses angles,
pénétra dans une rivière souterraine dont PexisleJKt
était jusqu'à ce jour inconnue. Depuis 4889, d'autres
explorations faites par MM. Martel, Viré, Gaupillat, de
Launay, donnèrent à Padirac la célébrité que méritaieirt
ses merveilles, et en 1898, après la constitution d'^
DES PAYSAGES DU LOT AUX MONUMENTS DE TOULOUSE 133
Société Anonyme et de difficiles travaux, le gouffre et la
rivière souterraine étaient rendus accessibles au public.
Commençons maintenant notre visite.
Padirac : (iraiid Escalier du Gouffre
La descente dans le gouilre s'en*ectue d'abord par un
puits artiûciel profond de 14 niùtres, pourvu d'un escalier
en fer et débouchant dans une petite grotte latérale au
^rand gouffre. Cette grolto s'ouvre elle-même sur une
^ande corniche naturelle qu'on a transformé en com-
mode et spacieuse tcîrrasse et où est installé un res-
taurant.
Au bout de cette terrasse, dans le gouffre même, est
un grand escalier de fer, haut de 37 mètres, qui conduit
ACTES DE LA SOCIÉTÉ
Procès- Verbal de la Séame du Comité du 15 Mai 1907
Présidence de M. Ë. Dupont, Préiddeiit.
La séance est on verte à 9 heures, sons la présidence de M. E. Dapont.
Le procès-verbal de la précédente séance est lu et a<:lopté.
M. Loiseau, Secrétaire général, donne lecture de la correspondance,
savoir :
1° Lettre de M. René l^oitier, Trésorier, s'excusaut de ne |x)avoir
assister à la réunion de ce soir ;
2* De Bordeaux, invitations aux divers Congrès auxquels donnera
lieu l'Exposition Maritime, entre autres au 28"« Congrès national des
Sociétés françaises do Géojri'apliie ;
3° Du Comité Duplt^ix, envoi du programme d'un voyage qu'il orga-
nise jusqu'à Tombouctou et d'un voyage d^Etudes aux Etats-Unis et
au Canada.
M. le Pi'ésident serait heureux qu'un membre de la Société S3 ren<le
au Congrès de Bordeaux : M. Favicr se fait inscrire.
Abordant la question du Concours de Géographie, M. Loiseau pro-
pose et fait adopter la suppression du 3"« groupe, garçons de 16 à 20 ans,
vu l'insuffisance habituelle de concurrents.
Il est procédé ensuite à la nomination des membres des Commissions
du Concours. Sont élus :
1** Membres de la Commission du choix des questions : MM. Cartoo,
Favier, Loiseau ;
2° Membres du Jury : MM. Barre, Fritz, Meura, Schmitt, Vanier. -
Membres suppléants : MM. Boitier, Guitton, Ménager.
M. Lebreton, Administrateur des affaires indigènes, à Brazzaville,
est admis, sur la présentation de M. Fritz, comme membre correspondant.
M. Ferd. Vanier lit une communication sur le Chemin de fer de
Konia-Bagdad.
La séance e«<t levée à 10 h. 1/2.
ACTES DE LA SOCIETE 91
Procès-Verbal de la Séance du Comité du 24 Octobre 1907
I*ré8iilence de M. B. Dupont, PrésiMent.
Le pnii'è8-verl)al tio la «Uîriiière w'ance est lu et adopté.
M. le Secrétaire péiiéral donne lecture de la corres|)ondance :
Lettre de M. le Maire remettant au nom <le la Ville du Havre, pour
le ConcourK, 3 m(klaillefl de vermeil et 2 d'ar*<ent ;
Lettre de M. le ComraiHsaire ffAnéml de l'Etat de Bao-Paulo, à
Anvers, remettant deux exemplaires d'un ouvrage sur la Valorisation du
Café au Brésil ;
Lettre de M. le Vice-Consul de Suède offrant, au nom du Tourinjj-
Club Suédois, un album sur la Suècle Pittorew^iue ;
Letttre de M. le Consul du Brésil, au Havre, ««ffi-ant une brochure
sur le Brésil.
Sont présentés comme nouveaux mend)res de la Soi-iété :
MM. Eug. Godement, présenté par MM. Meura et Briant.
Gust. Fosse
»
E. Caron et G. Gatteaux
Ch. Dethier
D
Hauzeur et Meura.
M'i«
Charles de Malmain
»
Chancerel et Boivin.
MM
. E. Level
»
(iuitton et Schneider.
Edm. Deromc
»
F. Vanier et R. Pesle.
R. Olny
n
Favier et Pcllissier.
Geneviève-Duhamel
»
Monjîuillon et Quitton.
Edm. Voisin
i>
E. Dupont et Ch. Martin
Ralph Kmfrcr
J>
Monvert et Hauzeur.
R. Gravière
»
Fritz et Boivin.
J. Carcopino
D
Favier et Pel lissier.
P. Jobin
»
J. Caron et Guitton.
Il sera statué eur leur admission dans une s<:ance supplémentaire.
M. L. Guitton donne, j^rAcn à de larircs extraits, très heureusement
choisis, un compte rendu intéressant de l'ouvrap-e de M. Paid Hcnrix'sur
le Brésil.
Amélioration sanitaire de Rio-<le-Janeiro. — Al>)lition de l'escla-
vajre. — Détails sur la Constitution, la population, l'immigration, les
facilités de naturalisîition, la colonisation allemande, les cultures du Café,
du caoutchouc, du sucre, sur les finance?, le change et sa fixation, sur la
valorisation du café, tels sont les principaux ptints sur lesquels
M. Guitton retient l'attention de son auditoire.
92
ACT1È6 Dfi LA SOGliré
M. le Consul da Brésil remercie M. Guitton d'avoir» en termes si
heureux, parlé de son pays. H donne ensuite quelques renseignements
complémentaires sur les divers sujets précédemment traités.
Après quelques mot« de remerciement à M. Guitton et à M. le Consul
du Brésil, M. le Président annonce pour le 15 Novembre une conférence
de M. J. Hess sur le Maroc et une de M. A. Durand sur la Turquie pour
le 13 Décembre.
La séance est levée à 10 h. 1/4.
Procès-Verbal de la Séance du Comité du iS Janvier 1908
Présidence de M. E. Dupont, Président.
La séance est ouverte à 8 h. 3/4, sous la présidence de M. Dupont.
Après lecture et adoption du procès-verbal, M. P. Loiseau, Secré-
taire général, donne communication d'une lettre de M. le Docteur Charoot^
sollicitant le concours financier de la Société pour Texpédition qu'il se
propose de faire au Pôle Sud. M. Loiseau a répondu que le budget de U
Société ne permettait pas de souscrire.
Sont présentés pour faire partie de la S< ciété :
MM. U. Carpentier,
présenté
par MM.
D' Le Nouëne
»
Ml'- H. Bouquet
M"*»
MM. L. Langlois
MM.
A. Corbeau
B. Bebour
Bach
D' Guillot
A. Dubail
£. Jallageas
N. Danilow
M«« Taillemas-Murer
M^. E. Thieullent
L. Bibard
Guitton et Boivin.
V. Schmitt et D' Dafour.
Kirschbaum et Souilhac.
Favier et Sauvage.
E. Dupont et D^ Dufour.
Boivin et Poidvin.
Danon et Guitton.
D' Dufour et F. Vanier.
Lefièvre et Frits.
Bricka et Krause.
Guitton et B. Dupont.
F. Vanier et Le Coniac.
Guitton et H. Thieullent.
D' Dufour et Loiseau.
M. Bené Boitier, Trésorier, dépose le projet de budget de 1908,
seMiblement comparable à celui de 1907. U se balance, en recettes et
dépenses, à 8.646 francs. — Adopté.
DES PAYSAGES DU LOT AUX MONUMENTS DE TOULOUSE 137
ligne de chemin de fer, ou remonter vers Beaalieu qui,
sur les bords de la Dordogne, a une très belle église
romane ; mais Cahors nous appelle, et j'ai hâte de vous y
conduire.
■•«w
Dans les Gorges de In (]ère
Cette ville de Cahors compte actuellement 14.000 ha-
bitants et, dominée par une ceinture de collines qui en
font presque tout le tour, elle s'étage en amphithéâtre dans
une presqu*île formée par le Lot. Sa principale curiosité,
dont elle se fait gloire est, sans contredit, le pont
Valentré. Sous tous ses aspects il est pittoresque à ravir,
et avec ses trois tours à mâchicoulis, c'est un type très
précieux de l'architecture du Moyen-Age, malgré quel-
ques lantaisies de restauration de Viollet-lc-Duc.
138 DES PAYSAGES DU LOT AUX MONUMENTS DE TOULOUSE
Sa construction date du xiv"'" siccle. Il fiit, en eflel
commencé en 4308, mais les chroniqueurs nous appren-
nent qu'il n elait pas achevé avant un demi-siècle, peut-
ôtrc plus, et quant à son histoire à cette époque, on Of
dit guère qu'une légende. C'est encore un tour du diable
et le voici :
Celait en Tan de grAce 1300 et quelque, je ne cherche
point à préciser. Quelques mois aui>aravant, les consuls
de la bonne ville, pressés ])ar la population, avaient
promis ftn^te récompense à qui terminerait ce pont
depuis trop longtemps attendu. Un brave maiti*c maçon,
pauvre d^argent mais riche d^espérance, Tavait promis
pour les prochaines vendanges, solidement fait et bien
garni de tours crénelées. L*architccte dirigeait Fort bien ses
ouvriers, paralt-il, mais quoi qu'il fit, les travaux n'avan-
çaient guère ; et pourtiint, septembre approchait, les
raisins étaient pi*esque mûrs, et dans lattente du vin
nouveau, tout le monde riait et chantait, sauf notre
maître maçon.
Le pauvre homme, qui aimait à tenir parole, était
presque au désespoir, et, sans trop savoir ce qu'il faisait
un beau matin, sous une inspiration quon peut assuré-
ment qualifier de diah()]i([ue, il résolut d'appeler à son
aide Satan dont il avait entendu parler comme d'un
grand bâtisseur de châteaux et de fortei'esses, voire
même de ponts. Il obtint de lui un rendez-vous sur le
sommet d'Angély et exposa son aflaire. Le diable
promit d'exécuter les ordres, mais en retour, par un
contrat bien en forme, — car le diable avait fait son
droit dans une des meilleures universités, et savait cpi'tMi
ne donne rien sans exiger quelque chose en échange, —
l'architecte dût lui engager s<m Ame.
Dès lors, les constructions avancèrent avec uue in-
croyable rapidité. L'homme ordonnait, donnait lesdimen-
DES PAYSAGES DU LOT AUX MONUMENTS DE TOULOUSE 139
sions, Tépaisseur des murs, la hauteur des piles, et le dia-
ble allait et venait, remuant comme des plumes et accu-
m,ulant sur les chantiers les blocs calcaires des bords du
lx>i et les grès des environs de Figeac.
Si notre maître maçon neût été un rusé, il eût
vu son âme bien en péril : il la sauva par un expé-
dient. Satan, vous le savez, avait promis de tout faire.
€ Tiens, lui dit notre homme comme les travaux s'ache-
vaient, prends ce crible et va-t-en aux sources du Lot
chercher Tcau nécessaire aux maçons. » Satan comprit
bien qu'il était joué. Il tenta cependant Taventure ; mais
malgré la rapidité de son vol, il ne put transporter une
seule goutte d'eau. Il prit la fuite en acceptant sa défaite;
mais à quelques jours de là, il voulut se venger. Un soir,
en effet, où Tarchitectc déjà couvert de gloire, félicité
par les consuls, porté aux nues par la population, venait
admirer son pont, seul et à loisir, subitement, sans
cause apparente, Tangle d'une tour s'écorna. Vite il le fit
réparer. Le lendemain, nouvelle écornure, seconde répa-
ration. Et le fait se renouvelait chaque jour, tandis que
le diable, perché sur les rochers d'Angély — vous avez
reconnu qu'il était le coupable — narguait son ancien
associé. Le pauvre homme mourut de chagrin. — Dieu
eût son âme, car il s'était repenti, — et après lui, Satan
lassa bientôt les ouvriers. De nos jours seulement, les
pierres furent solidement fixées : on a sculpté sur l'une
d'elles un petit diable faisant des efforts pour l'arracher,
et depuis ce temps-là, Satan a peur de sa propre image
et reste tranquille.
Des bords du Lot, nous allons maintenant visiter quel-
ques coins curieux de la vieille ville. Il y aurait beaucoup
à faire si nous voulions tout voir et nous rencontrerions
dans une promenade complète tant de souvenirs du Moyen-
Age et de la Renaissance, que j'hésite pour en choisir quel-
140 DES PAYSAGES DU LOT AUX MONUMENTS DE TOULOUSE
qucs uns et vous les faire connaître. Là, dans les quartiers
des Badernes, les rues ont conservé leur aspect de jadis;
elles sont étroites, i)avées de ^ros cailloux et les maisons,
aux façades diverses, cachent souvent dans leur cour des
détails fort amusants. Très curieuses sont notamment la
rue Nationale, celle du Cheval Blanc, celle de TUniver
site, la dernière surtout fort jolie, sous la vive lumière qui
tombe d'en haut, contrastant avec Tobscurité des arceaux;
son nom rappelle le souvenir d'une institution dont les
bâtiments étaient voisins et qui brilla d'un vif éclat du
XIV""' siècle à 1751, attirant des étudiants nombreux sous
les maîtres les plus réputés, au nombre desquels on place
notamment le grand jurisconsulte Toulousain Cujas.
Tout près, se trouve l'admirable et riche fenêtre du
logis de Cardailhac, aux ornements variés, d^une conser-
vation tout à fait parfaite ; puis, dans la me, qui t
nom genlil de Donzelle, un buste du comniencemcnidii
^jyiiie j;ît\(.ie^ une tète de femme, souriante et couronnée.
A quelques [)as delà rue Donzelle, nous allons par b
rue S^'^-Ursule rejoindre la place Henri IV, et nous sommes
là devant la demeure des Roaldès, où le roi de Navarre
aurait, dit-on, séjourné a[)rès la prise de Cahors en 18W.
Avec sa façade, il faut admirer aussi, à rintérieup, ue
belle cheminée, deux belles portes placées côte k oÂte^
dans un (»scalier en spirales séparées par de gracieax
fleurons, et enfin, dans une cour, une gracieuse fenêtre,
fort jolie à voir d'une galerie en bois située en face.
Non loin encore, le cloître de la cathédrale, construit
de 1VJ4 à irîOl), nous oflre ses fines dentelles de pierre du
plus pur gothique flamboyant. 11 convient d'y remai-quer
dans une niche une Vierge du début du xvi'"* siècle.
enq)reinte à la fois de ce naturel et de ce sentiment
idéal et pur qui persiste au milieu des apports du rca-
DES PAYSAGES DU LOT AUX MONUMENTS DE TOULOUSE 141
lisiiic flamand el bourguignon à cette époque de la
sculpture française.
Quant à la cathédrale, sur laquelle il y aurait beau-
coup h dire, elle contraste un peu par son austérité avec
la grâce du cloître. Elle compte une seule nef et deux
coupoles romano-byzantines, qui en font le principal
caractère. Sa façade est massive, sans grand ornement;
par contre, on doit admirer sur le côté nord, un ])ortail
du xii"* siècle, d'une sculpture tout a fait parfaite.
Cahohs : Vue de VEst
De la cathédrale, nous passons aux quais, et nous
voilà devant une pittoresque perspective de tours et de
jardins en terrasses, qui sont comme une vision du
Moyen-Age. En passant par Saint-Barthélémy, la tour du
Pape Jean XXII, le CliAteau du roi, aujourd'hui occupé par
la prison, elle va suivant le fleuve, jusqu'au collège Pélegry .
142 DES PAYSAGES DU LOT AUX MONUMENTS DE TOULOUSE
Les bûtimcnts de cette dernière institution occupaient
dans le quartier un lai»ge emplacement et si Ton veut en
avoir une idée, on peut prendre, à cùté des quais, la rue
du Four-Sainte-Catlierine. On ne regrette pas d*ailleurs
la promenade, car c'est un des coins les plus curieux du
vieux Cahors, dont les brusques contours aux décors
changeants offrent, à Tabri d'anciennes murailles, les
plus pittoresques détails.
On aboutit ainsi à la rue du Château-du-Roi qui
conduit à celle des Soubirous et au quartier de la BaiTC.
11 y a là divers monuments : Tancienne porte des Thermes,
un arc gallo-romain, d'antiques remparts malheureuse-
ment bien mutilés, et une Barbacanne du xv« siècle.
Notre visite à Cahors ainsi terminée, noua poursui-
vons notre programme et nous nous rendons à Saint-Grq-
la-Popie. Le voyage est des plus agréables et si nous
n'étions un peu pressés, il serait charmant de suivre à
loisir les méandres du Lot. Nous verrions ArcambaU
puis Saint-Géry, Pasturac, tous dans une agréable situa-
tion ; plus loin le Défilé des Anglais nous offrirait sa
route en encorbellement, et après quelques instants
d'obscurité sous le tunnel de Coudoulous, long de
300 mètres, qui donne passage à la route, nous aurions la
surprise de Saint-Cirq-la-Popie.
Le villii'^i» est perché sur un rocher à pic qui domine
le Lot et, pour mieux contempler son séduisant paysajçe,
je vous i)ro poserai d'y arriver en bateau. Ou suit d'abord
de hautes falaises grises qui portent au loin sur leurs
bords une église du xv™' siècle ; puis, après un détour,
le décor change et, sans être moins impi'essionnant,
laisse apparaître, dans un cadre plus vert, un coin de
village s'étageant en ampliitlié&tre. Nous débarquons el
DES PAYSAGES DU LOT AUX MONUMENTS DE TOULOUSE 143
teignons rapidement l'entrée de la bourgade, qui est
rt ancienne et eût d'ailleurs jadis une certaine impor-
iice dans la région. Une vieille porte y donne accès et
intiques masures conservent a la cité, comme à ccr^
ins coins de Cahors, un air de Moyen- Age : les unes
S4i?«T-CiKQ-LA-PoiMK /Viic prisc en barque sur le Lot/
nt des plus modestes, d'autres témoignent encore par
clques restes qu elles furent jadis le logis d'un bon
ui^eois, peut-être d'un seigneur ; mais toutes rendent
Moresque une rue fort en pente et pavée de gros
Uloux.
98 PAQUEBOTS TRANSATLANTIQUES ET PORTS FRANÇAIS
Mais il était évident dès cette époque que l«s Brestois.
qui n*ont jamais désarmé, ne se résigneraient pas à lenr
défaite et saisiraient la prochaine occasion, c*est-à-dit*e le
renouvellement des conventions postales en 1911, pour
tenter de prendre leur revanche.
Nous avions à cette époque comme principal adver-
saire M. Pichon, alors député, aujourd'hui sénateur du
Finistère. M. Pichon est actuellement le membre le plus
agissant du Comité Brest-Transatlantique qui déploie en
ce moment une si grande ardeur en vue de Téchéance
que je vous signalais, dans une propagande incessante.
Nous avons pensé qu'il était indispensable, en présence
de celte attitude belliqueuse, de ne reculer devant aucun
effort pour déjouer la tactique de nos adversaires. Il m'a
semblé que ces efforts étaient d'autant plus nécessaii-es.
qu'en 1898, sur un amendement d'ajournement présenté
devant la Chambre, nous n'avions recueilli que 30 voix
de majorité. Il est vrai — comme cela se passe toujours —
que la majorité s'est accrue considérablement ensuite,
mais cela nous avait fait légèrement frissonner, et j'ai
estimé depuis cette époque qu'il convenait de rassembler
les faits, documents et arguments qui pourraient ultérieu-
rement servir de base à notre défense. Depuis, j'ai pensé
également qu'il fallait, pour présenter au Parlement des
raisons précises et décisives, nous renseigner dans les
ports étrangers transatlantiques et aussi nous livrer à
une étude complète et minutieuse de la situation et de
l'état des ports français qui prétendent nous ravir la lign^"
de New-York. J'avais en effet constaté, au moment de la
discussion de 1898, que ce qui faisait en grande partie la
faiblesse de nos advereaires, c'est qu'ils parlaient du
port du Havre sans le connaître, qu'ils avaient commis
de nombreuses erreurs : les renseignements dont nous
nous étions entourés nous avaient permis de les signaler
l^AQtJEBOTS TRANSATLANTIQUES BT PORTS FRANÇAIS 99
et d'éviter, en ce qui concerne les autres ports, d'encourir
les mômes reproches.
A Brest, et aussi, si je suis bien renseigné, à Cher-
bourg et à Saint-Nazaire, on s*est quelque peu agité à
Toccasion du projet concernant Tagrandissement du port
du Havre. Vous savez que ce projet a été déposé au mois
de décembre dernier par M. Barthou, mais il en était
question depuis un certain nombre de mois.
Nos adversaires n'avaient pas manqué de suivre pas
à pas toutes les étapes de la question : votes de la Cham-
bre de Commerce, du Conseil Municipal, du Conseil
Général et semblaient disposés à faire opposition au vote
de ce projet. C'est dans ces conditions que la Société de
Géographie Commerciale de Paris me pria, au mois de
Janvier, de faire une conférence sur le port du Havre et
la grande navigation. J'acceptai avec empressement : j'y
trouvai une occasion de faire justice des erreurs et des
légendes que, depuis trop d'années, on a accumulées
dans la presse ou ailleurs, autour du port du Havre.
Dans cette conférence, je m'attachai principalement
à faire valoir d'une façon générale Timportance considé-
rable du Havre au point de vue maritime et commercial,
l'importance de son marché et aussi l'excellence de sa
situation au point de vue des relations transatlantiques
avec l'Amérique du IMord. J'indiquai enfin les améliora-
tions qui résulteront de l'achèvement du programme de
1895 et de l'exécution du nouveau projet.
Je n'ai pas l'intention de vous faire une conférence
identique. Il y a, dans un pareil sujet, énormément de
choses qu'il est inutile de dire devant des Havrais. Je
n'ai pas à vous faire visiter notre propre port, a faire
passer sous vos yeux les évolutions des grands navires
dans notre avant-port et les bassins. Tout cela était indis-
pensable à montrer dans d'autres milieux, mais pas ici.
146 DES PAYSAGES DU LOT AUX MONUMENTS DE TOULOUSE
craniour où les poètes locaux célébraient avec ;»rt la
grâce et Tesprit de noble et gente dame Marguerite et
Cardaillac.
Pour pénétrer à l'intérieur du manoir, il faut passer
tout d'abord par une porte surmontée de créneaux : on se
trouve alors dans un jardin qui possède sur Tun deé cùtih
Tancien temple protestant, du xv'"* siècle. Pais on passf
sous une autre porte, aux fines arabesques, près du corpa
de garde, et Ton arrive ainsi aux bâtimentë eux-inémes.
sur une terrasse ayant vue sur le Lot. Sur une façade de
cette terrasse se trouve une très belle galerie j qui reimil
deux corps de logis et donne accès aux divers ap}»a^
tements.
Ces appartements ont en général conservé l^iiSj
vieux plafonds à poutrelles et leurs vastes ctiemïnle^
mais ce qui en fait avant tout l'intérêt, c'est leur ridi
collection de tapisseries du xvi"*' siècle, dont sept pièw
sont entièrement tendues. Dans une chambre, ou m
trouvent aussi deux vieux fauteuils des iiuciens seigneoff
de Gourdon, se voit toute l'histoire de Moïse : UBi'
chambre à côté contient en six tableaux rixistoire |l
Joseph ; ailleurs, ce sont des chasses h Fours, au ce4
au lièvre. Mais les tapisseries les plus Intért^ssaDles IM
certainement celles du grand salon ; le pîtis grioJ
panneau a 5 m. 50 de long et 4 m. 50 d& haut et quésA
aux scènes, elles forment tout un roman de chevalerie
C'est d'abord une châtelaine qui part {mur la cli^ssc?
suivie par les seigneurs des environs ; puis en forél, 1*
poursuite furieuse du sanglier et lorsque lanLual est ton
le seigneur qui oflrc galamment à la dame la hure de ^
victime ; l'histoire se termine par le châtiment d ue coO'
pable qui avait ensuite ravi le présent.
PAQUEBOTS TRANSATLANTIQUES ET PORTS FRANÇAIS 101
Je me bornerai ce soir à indiquer que ce service fut
créé en 1783, qu'il partit d'abord de PortrLouis, puis de
Lorient, et ensuite du Havre. On avait en effet reconnu que
le port de la Manche était plus apte que tous les autres à
servir de point d'attache à un pareil service. Toutefois,
par suite de circonstances spéciales — on avait traité
avec des armateurs dans des conditions trop onéreuses
pour TËtat — ce service ne fonctionna pas longtemps.
Un nombre considérable d'années s'écoula avant que
l'on pût assister, non pas à la renaissance d'un service
français, mais à l'établissement d'un service sous pavillon
étranger entre la France et les Etats-Unis. Il n'est pas
nécessaire d'insister longtemps sur les causes de ces
interruptions : ce sont les longues guerres maritimes qui
se sont succédé pendant les périodes de la Révolution et
du premier Empire ; c'est aussi à la fin de cette dernière,
la guerre qui éclata en 1812 entre l'Angleterre et les Etats-
Unis, guerre tellement sérieuse qu'elle amena la prise de
la Nouvelle-Orléans par les Anglais, et qui ne permit pas.
au pavillon Américain de prendre plus tôt, au point de
vue transocéanien, l'importance qui lui était réservée.
Lorsque survint la paix de 1818, des correspondances
encore irrégulières mais assez fréquentes, s'établirent
entre la France et les Etats-Unis sous pavillon étoile.
C'est sur Le Havre que les Américains ont jeté leur
dévolu et leurs navires ne tardent point à détenir le
record de cette navigation. C'est en 1822 qu'est créée la
première ligne régulière sous pavillon américain entre
les Etats-Unis et la France. Bientôt, dans les années qui
suivent, ces lignes se multiplient, et Ton arrive à en
compter près d'une demi-douzaine. Toutes ces lignes
aboutissent au Havre. Dans l'intervalle les Américains,
excités par l'exemple des Anglais, qui en 1808 avaient
fait partir de la baie de Cork et de Bristol les deux
148 DES PAYSAGES DU LOT AXJX MONUMENTS DE TOULOUSE
Sidoine Apollinaire et Ausone ont chanté à Tenvi les
beautés et elle fournissait à Athènes et à Rome même des
orateurs qui étonnaient les habitués du Forum par leur lan-
gage élégant et fleuri. Si vous ajoutez à cela une riche florai-
son d'églises et de monuments de toutes sortes, de tous sty-
les, roman, gothique ou renaissance, vous aurez une idée
de la ville qu*anime de plus une bonne gaieté méridionale.
La ville moderne possède de très beaux boulevards,
de magnifiques jardins publics, ornés d'œuvres d'art.
Mais à tout seigneur tout honneur ; nous devons d abord
une visite au Capitole, qui n'est autre que le palais mu-
nicipal. C'est un monumental édifice dont la principale
façade, de style ionique, fut édifiée en 1750. La dmite est
occupée par le Grand-Théâtre et la gauche, par les se^
vices de la Mairie.
Devant est une grande place qu'il faut surtout voir
lors du marché ; elle est aloi*s d'un aspect fort amusaot,
car les étalages de fruits, de légumes et d'objets divers
s'abritent sous d'immenses parapluies qui disi>araissent
comme par enchantement sous le coup de midi.
A l'intérieur de ce Capitole, il y a à voir une ravis-
.sante cour avec porte de la Renaissance, surmontée de
la statue de Henri IV, puis la magnifique salle dite des
Illustres, ornée par les maîtres toulousains.
Lorsqu'on a vu tout cela, on sort sur un joli square,
près d'un donjon du xv°' t^iècle où sont les archives
municipales, et l'on arrive à la rue Alsace-Ixirraine.
la principale de la ville. C'est là que se concentre toite
l'animation ; les grands magasins s'y trouvent réunis ti
le soir, de 8 à 7 heures, c'est le rendez- vous des flanears.
La rue Alsace-Lorraine conduit de plus au Musée,
qui, dans un cadre charmant, occupe en partie l'anciefl
couvent des Augustins. Le cloître, en particulier, est
délicieux avec ses gracieuses ogives trilobées et ses
PAQUEBOTS TRANSATL.VNTIQUKS ET PUHT» KRAXÇM» 103
roues, mises en service par le gouvernement français,
sont obligées de quitter la ligne de New- York, nous
voyons le steamer américain UnitedStafes^ qui avait été
construit en vue d'un service entre Liverpool et New-York,
faire au Havre son premier voyage et y établir des
départs réguliers. Il est suivi de vapeurs de différentes
lignes, de « The Océan Steam Shi}) C*" », de la c Steam
Navigation C », de la « North Atlantic » et de la ligne
« Vanderbilt ». Ce sont des navires dont les noms sont
restés populaires au Havre, par exemple : le Franklin^
le Hamboldt, le Nashçille, le Fulton, VArago, le Van^
derbiltj VAdriatic,
Bientôt la France voit qu*elic ne peut pas rester plus
longtemps en retard et c est entre 1860 et 1864 qu est
fondée la Compagnie Générale Transatlantique dont le
premier départ a lieu du Havre, en Juin 1864, avec le
paquebot le Washington. Mais les Allemands et les
Anglais trouvant qu'il y a encore quelque chose à fait*e au
Havre, n'hésitent pas à y établir de nombreuses escales,
et c*<'st ainsi qu en 1869, on voit entrer dans le port du
Havre des paquebots de la « Hamburg America », de la
« North German Lloyd », et ceux de plusieurs lignes bri-
tanniques. Depuis, en 1873, en 1882, en 1898, à chaque
modification ou renouvellement des contrats postaux,
c'est au Havre qu'a été maintenue la tétc de ligne du
service postal sur New- York.
Tel est le rapide historique de la navigation trans-
atlantique entre Le Havre et New-Y'ork depuis 1783
jusqu'à nos jours. Je vais vous demander maintenant la
permission de le compléter en vous présentant des témoins.
Le navire que vous voyez sortir du bassin de la
Barre (1823) est un des premiers des voiliers ayant appar-
tenu aux lignes régulières fondées en 1822. Ces navires
avaient une telle réputation que sept ans après, dans les
150 DES PAYSAGES DU LOT AUX MONUMENTS DE TOULOUSE
domine un clocher octogonal et que complète à ravir une
série d'absidioles groupées autour du chœur et sur les
bords du transept. Cette abside comptait autrefois on
chemin de ronde à ouvertures extérîeures qui ajoutait
à la beauté légère du chevet, et qui était couvert en bri-
ques rouges dont les tons chauds se mariaient harmo-
nieusement avec les vieilles murailles de TédiOce. Mal-
heureusement, Violet-le-Duc a bouché les fenêtres du
chemin de ronde, et il a remplacé la toiture de briques
rouges par de lourdes dalles calcaires qui ne sont pas dn
tout dans le caractère général.
Quant à Tinté rieur de Saint-Sernin, il comporte cinq
nefs voûtées, dont la principale est d'une hauteur de
21 m. On y remarque de magnifiques stalles de la Renais-
sance, de curieuses fresques, une magniûque grille en fer
forgé, un Christ byzantin du xii"« siècle et enfin une
crypte où sont rassemblés, avec la plus précieuse collec-
tion de reliques, des souvenirs divers et de nombreux
objets d'art. Entre ces derniers, il y a lieu de retenir
un reliquaire en émail de Limoges, du xni°* siècle, dont
le sujet est tout à fait toulousain : c'est la translation des
reliques de la vraie croix de Palestine à Saint-Semin.
Sur un des bas-côtés du coflret. Sainte Hélène guidée par
un ange, découvre la vraie croix ; puis on voit Tenvoyé
de Sainl-Sernin s embarquer pour passer la mer, et il
arrive enfin devant Tabbaye pour remettre au clergé les
reliques rapportées de Terre Sainte.
Après Saint-Sernin, la plus curieuse des églises de
Toulouse, nous pourrions en voir plusieurs autres et, |iar
exemple, la cathédrale Saint-Etienne, dont la nef et le
chœur sont dans un axe différent et n'ont été réunis an
xv"*ou au XVI"'" siècle que par des artifices de construc-
tion ; on y remarque d'intéressantes verrières, un fort
beau retable représentant le martyre de Saint-Etienne,
DES PAYSAGES DU LOT AUX MONUMENTS DE TOULOUSE 151
au grand autel, et une magnifique collection de tapisse-
ries. Je vous mentionnerai également Téglise des Jacobins,
aujourd'hui chapelle du Lycée, qui est Tun des chefs-
d'œuvres du style gothique Toulousain ; l'intérieur, qui
comporte une simple abside à pans coupés, offre aussi
une nef d*une exti'ôme originalité divisée en deux parties
par une rangée de légères colonnes d'une extrême hau-
teur soutenant une voûle des plus élégantes.
Mais malheureusement le temps passe et nous avons
encore à visiter quelques vieux hôtels. Ces beaux logis
du temps jadis sont dus, vous vous en doutez, à une aris-
tocratie locale fort éprise de luxe et d'art. Ils datent tous
de la plus belle époque toulousaine, d'une Renaissance
particulièrement brillante qui eut ses artistes locaux
hors de pair et, à travers l'inspiration italienne, sut néan-
moins demeurer originale, indépendante et créatrice.
C'est là leur principal intérêt et ils sont si nombreux que
nulle part ailleurs peut-être en France, sinon dans des
villes comme Rouen ou Bourges, et pour des époques
parfois un peu différentes il est vrai, on ne peut trouver
réunies autant d'œuvres aussi charmantes et d'un goût
aussi pur.
Au hasard d'une promenade, voici par exemple,
rhôtel Lasborde, qui fut construit au xvi'"* siècle pour un
célèbre avocat, Accurse Maynier. Les fenêtres surtout sont
inté tressantes par des cariatides admirables d'expression :
les personnages sont si «vivants qu'ils semblent causer
entre eux, discuter ou regarder les passants.
Dans un autre quartier est l'hôtel Bernuy, occupé
aujourd'hui par le Lycée. Ce Bernuy était un marchand
espagnol qui s'enrichit dans le commerce du pastel et fit
une fortune si colossale qu'il servit de caution à Fran-
çois P' prisonnier à Madrid. Son logis compte une fort
jolie cour à arcades qui est une merveille de bon goût avec
162 DES PAYSAGES DU LOT AUX MONUMENTS DE TOULOUSE
ses galeries à balustrades, et possède encore sur la rue
une porte très élégante.
Comme autre porte curieuse, je vous signalerai celle
de Thôtel de Felzins, qui date de 1566. Elle donne accès,
elle aussi, sur une ravissante cour, et dams les apparte-
ments du logis se voit une cheminée attribuée à Jean
Goujon.
Tout à côté de cette demeure, voici un autre
hôtel, commencé en 1538, avec une façade de grand ca-
ractère, ayant cela de particulier à Toulouse qu'elle n'est
point en briques : le logis a reçu pour cette raison le nom
d'Hôtel de Pierre, et outre sa façade qui date de 1612, on y
remarque une cour de très belle ordonnance, d*unc orne-
mentation à la fois sobre et élégante qui a en poar auteor
le plus célèbre des architectes toulousains. Bachelier.
Pour terminer, voici le joyau, l'hôtel d'Assezat. le plos
beau et le mieux conservé de Toulouse, et en même temps
une des merveilles de la France monumentale, une de celles
peut-être qui exprime le mieux le génie clair et harmonienx
de notre race. 11 aurait eu Bachelier pour premier archi-
tecte d après certains, et il fut commencé en 1555 pour le
riche bourgeois dont il porte le nom, puis terminé sous
Henri IV. La partie supérieure et le couronnement de
l'escalier ne datent, en effet, que de la fin du xvi"»* siècle.
La cour avec ses admirables [lortes, notamment celle
(le l'escalier qui est encadrée par deux charmantes colon,
nettes à torsades, est la partie la plus remarquable. Il J
règne dans tout l'ensemble un air d'harmonie et de dis-
tinction qui frappe tout de suite le visiteur et le séduit
avec une élégance sans recherche et un heureux mélange
de pierres et de briques. On y observe par ailleurs «ne
habile superposition des trois ordres antiques, ionique,
toscan, corinthien, faite à l'imitation du Louvre ; enfin,
une ravissante lanterne d'une grâce toute italienne, doà
DES PAYSAGES DU LOT AUX MONUMENTS DE TOULOUSE 183
J'en domine le panoranm de la ville et où il fait bon
monter le soir pour jouir du coucher du soleil sur la ravis-
sante vallée de la Garonne : vers le Nord, on a devant soi,
dans le fouilHs des rues, une série inoubliable de clochers
et de tourelles, tout roses sous le jour qui s'en va, évo-
quant dans le souvenir la vie des temps passés et les
richesses d*antan ; du côté opposé, c'est une autre multi-
plicité de tableaux dont le détail est plein de charmes
avec le fleuve bordant les quais ou de verts ramiers, les
coteaux de Pech David ou de Lard en ne, puis, vei*s le
Sud, comme une admirable toile de fond, la chaîne des
Pyrénées s'estompant en bleu dans le lointain.
Cet hôtel d'Assezat a été légué en ^8Î)6 par un riche
banquier, M. Ozenne, aux Sociétés Savantes de Toulouse.
Telle est en eftct, aujourd'hui, la destinée du vieux palais :
après avoir servi pendant longtemps de magasin à un
épicier, il sert aujourd'hui d'asile aux lettres et aux
sciences. Là, six associations ont pignon sur rue, et certes,
elles le méritent, car toutes sont bien vivantes et plusieurs
fort anciennes. Tout en haut, 1rs archéologues voisinent
avec les médecins ; au prcMuier étage, est l'Académie des
Sciences, Inscriptions etlJelles-lettres; au rez-de-chaussée,
l'Académie de Législation et la Société de Géographie,
mais comme méritant une place à part, il convient de
nommer l'Académie des Jeux Floraux qui tous les ans.
au renouveau de Mai, distribue aux poètes des fleurs d'or
et d'argent. Fondée en Tan de grâce 1322 par sept gentils
troubadours épris de beauté et de gai savoir, elle a
pour Muse certaine dame Clémence Isaure, qui aurait
vécu au xv"™^ siècle, mais qui, entre nous et d'après
certains. . . n'aurait jamais existé.
154 DES PAYSAGES DU LOT AUX MONUMENTS DE TOULOUSE
C'est sur cette fiction moyennâgeusc de dame Clé-
mence qae nous terminerons notre voyage, et s*il m est
permis d'y ajouter quelques mots, laissez-moi souhaiter
seulement que vous emportiez de tous les paysages que
nous avons vus ce soir, et qui valent assurément tous
ceux que Ton va chercher en Suisse ou à Tétranger, un
bon souvenir. Permettez-moi de vous dire combien je
serais heureux si les projections que je vous ai montrées
donnaient à quelques-uns d'entre-vous Tidée d'un voyage
dans le Quercy ou le pays de Toulouse qui, comme votre
belle Normandie, sont de ces régions de France que Ton
aime bien vite. Et si vous allez notamment à Saint-Qrq-
la-Popie, vous en reviendrez, j'en suis sûr, aussi ravis que
la demoiselle de Leipzig.
Jean FOURGOUS.
BIBLIOGRAPHIE
Le Problème de l'Argent et l'Etalon d'Or au
Mexique, par Eugène Viollet, Docteur en Droit,
1 vol. in-8, Paris, V. Girard et E. Brière, 1907.
Pour rétablir la circulation normale dans un pays à monnaie avariée,
monnaie de |>apicr ou argent déprécié, il faut beaucoup de choses et,
toat d'abord, connaître les lois de la circulation monétaire. C'est ce que
M. Eugène Yiollet fait ressortir dans le volume oi-dcssus, en s'inspirant
des principes de l'économie classique
Dans une première partie, après des considérations générales sur la
monnaie, etc, l'auteur nous montre les effets de la dépréciation et de
rinstabilité (le la piastre sur l'ensemble de l'économie du Mexique. Voici
un extrait de la conclusion de cette première pai-tie :
c Le rapide progrès réalisé par la République Mexicaine dans toutes
« les branches de l'activité, a été dû à a'autres causes (jue l'élévation
« progressive du change. La paix publique a été la principale. Nulle
« part la baisse de la piastre n'a joué un rôle décisif dans le développe-
« ment du Mexique : pas plus dans l'agriculture que dans l'industrie,
c pa8 plus dans le commerce extérieur que dans l'industrie minière. Son
c effet le plus clair a été de faire régner partout l'incertitude, d'apporter
« le trouble dans les affaires privées et dans les finances publiques. »
Ainsi donc se trouve démontrée, une fois de plus, par des faits, la
fausseté de la théorie des protectionnistes et des inflationnistes, suivant
laquelle les changes dépréciés profitent aux pays qui les subissent.
La seconde partie est consacrée aux mesures qui ont été adoptées
pour stabiliser la piastre mexicaine, à la réforme monétaire proprement
dite, mesures qui ont consisté à stabiliser la circulation par la suppression
de la frapiHi libre et la prohibition de la réimiwrfation des piastres
fournies par les producteurs mexicains à l'Extrûme-Orient.
On ne s'arrêta pas à l'adoption effective de l'étalon or ; il eut fallu,
pour cela, démonéti«er la piastre, ce qui aurait présenté de gros inconvé-
ni(*nts. La valeur de la piastre argent fut tout simplement fixée par
rapport à l'or et une réserve d'<;r constituée.
Par la loi du 25 Mars 1005. la nouvelle valeur légale de la piastre
fut fixée à 0 LT. 75 d'or fin, soit 2 fcs 583, ce qui correspond à la cote
de 29 pence 1 once 8tan<lard à Londres. Par suite de la hausse de l'ar-
Kent à partir de 1906, au-dessus du courts de 29 pence, jusqu'à 82 pence,
la valeur métallique de la piastre vint à <lépasser sa valeur légale, ce
qui fit émigrer les piastres mexicaines contre des importations d'or. L'or
entra dans la circulation, mais survienne une nouvelle dépréciation de
l'argent, le Mexique sera-t-il capable de retenir l'or qu'il a accumulé ?
C'est la question que se pose l'auteur en finissant, s&ns y répondre autre-
ment que par des considérations sur la balance des comptes d'un pays
aui ne nous paraissent pas bien décisives. L'ouvrage date de 1907 ;
depuis l'argent a considérablement baissé et ne cote plus que 24 pence
l'once standard. Nous serions bien surpris si l'or accumulé par le Mexique
n'avait pas repris le chemin de l'étranger.
Le livre cfe M. Eugène Viollet est très méthodiquement conçu et
ses qualités de clarté et de précision en rendent la lecture à la fois
agréable et aisée. C'est une étude consciencieuse et on ne peut que
remercier et féliciter l'auteur d'avoir ainsi attiré l'attention sur une
question qui touche de si près un pays appelé au plus brillant avenir,
et dont il faut suivre le développement avec la plus grande attention.
156 BIBLIOGRAPHIE
COMITÉ DE L'ASIE FRANÇAISE
ig. Rue Cassette, Paris
Bulletin de Sbptembsb 1908
Les finances de l'Indo-Chlne, par Jules Décamps.
L.e Japon en 1908 : situation économique et financière, par J.
Franconib.
De Damas à Médlne : le chemin de fer du Hedjaz, par H.
Marchand.
La Révolution à Constantinople. - Détails rétrospectifs, par F. A.
La dernière Exploration de 8ven Hedin au Tibet.
Variétés. — Un épisode au Fonkin en 18^3, par Maurice Du m a t.
Asie Française. — - T^ départ de M. Klobukotoski. — Les élection
municipales en Indo-Chine. — Les chemins de fer itdo-cAinois — Sup-
pression de Vécole Pavie. - Le recrutement des militaires indigènes e»
Cochinchine. ^ A la frontière sino-tonkinoise. — Sun- Yat-Sen. le ckef
du parti réformiste.
8iam. — Organisation de la juridiction criminelle au Siam en ce qm
concerne les sujets et protégés français cTorigine asiatique.
Chine. — Le protectorat des musulmans en Chine. — Une Constitution
en Chine. — Les travaux d'amélioration du Wang-pu. — La lutte contre
la morphine et contre V opium.
Japon. — La marine japonaise,
Asie Russe. — Les possessions russes en Extrême-Orient. — Les nati'^'
nalités au Turkestan.
Turquie. — La situation intérieure.
Perse. — A la frontière turco-persane. — La guerre civile à Tabri\.
Asie Anglaise. — Vagitation dans Vlnde ; le procès Tilak.
Nominations offlcielles.
Bibliographie.
CARTES. — Chemin de fer du Hedjaz : de Damas à Médine (croqais).
Croquis de la région de Dong-ké (1893).
BNVOI SUR DBMANDB p'UN MUMiRO SPiciMBH GRATUIT
PAQUBBOTS TRANSATlANtîQUfiS Kt PORTS FRANÇAIS Hl
Depuis, le port de Saint-Nazaire ayant vu s'achever ses
travaux d'amélioration, parait avoir certaines velléités
pour réclamer, en 1911, le déplacement à son profit du
port d'attache des paquebots sur New-York. Aussi
bien, si je me réfère aux prospectus adressés à la
Société de Géographie Commerciale du Havre, en vue du
Congrès colonial qui doit s'ouvrir le 1*' Juin, à Paris, j'y
lis ce qui suit : « Brest et Saint-Nazaire, ports transatlan-
tiques. »
Quelles peuvent être les causes des revendications
possibles de Saint-Nazaire ? Les voici, suivant toute pro-
babilité : la distance du Havre à New- York est de 3,130
milles ; la distance de Saint-Nazaire à New- York est de
3,063 milles, par conséquent, il y a une différence en
faveur de Saint-Nazaire de 67 milles. Les représentants
de Saint-Nazaire ne sont pas médiocrcments fiers de cette
différence. Toutefois il faut par le calcul et en prenant
pour base une certaine vitesse, rechercher ce qu'en défi-
nitive, comme temps, cette différence représente. Nous ne
sommes plus, en effet, à l'époque où les paquebots ne
filaient que 11 à 12 nœuds. Plus la vitesse des paqubots
augmente, plus la situation du Havre vis-à-vis de ses
rivaux ou rivaux possibles de l'Atlantique s'améliore : en
effet, la différence de temps se trouve ainsi raccourcie. J'ai
pris pour base le chiffre de 24 nœuds à l'heure et voici
pourquoi. Il paraît représenter celui de la vitesse moyenne
des deux nouveaux paquebots de la Compagnie Cunard :
Lusiiania et Mauritania. Il est possible et même pro-
bable que le nouveau paquebot La-France, de la Compa-
gnie Générale Transatlantique, sera doté d'une vitesse
approchant de ce chiffre. C'est d'ailleurs sur cette base, et
même parfois sur celle de 30 nœuds, que nos adversaires
les plus ardents, les Brestois, ont coutume d'établir. leurs
prévisions. Prenons donc pour base 24 nœuds. Nous nous
168 ftlÉLlOOkA^Ht£
gUESTIONS DIPLOMATIQUES & COLOillALES
Reçue de politique extérieure
PARAISSANT LE i*' ET LE 16 DE CHAQUE MOIS
SOMMAIRB DU N" 379 (l** OcTOBRI I908)
Ed. Patih. — VUruguay^ sa situation iconomiqut #/ sei relatioiu tm
la France,
O.-G. DB Hasbth Cz. — Le différend entre la Hollande et te Vene^udâ.
H.-R. Satart. — Les Franco^Amiricains de la Nouvel te^ Angleterre.
£. B. — Les Japonais aux Etats-Unis,
CRRONIQ.UBS DB LA Quinzaine. — Les affaires du Maroc. — Renseigu-
ments politiques. — Renseignements économiques. — Nominations of^
cielles. — Bibliographie. — Livres et Revues.
Cartes bt Graturbs. — Le Venezuela et Vile de Curaçao.
Rédaction et Administration : 19, &ue Caasette, FftriB
ABONNEMENT ANNUEL : 16 fr.
BNVOI SUR DBMANDB D*UN NUMÉRO SPÉCIMBN GRATUIT
Onvraoes reçus à la Bibliotlièqus de la Seolété
3«« Trimestre 1908
Notes puur servir à Thistoire des communes du canton de • Goderville
avant 1789, par A. Lechevalier, instituteur. Goderville, 1908, 1 vol.
iD-8. 192 pp. s
Fontainebleau (Les villes d'art célèbres) par Louis Dimieb, Pftris,
1908, 1 vol. in-4, avec 109 gravures.
Blols, Chamborcl et lea CbAteanz da Blésols (Les villes d*art
célèbres) par Femand Boubbon, ancien archiviste du Loir-et-Cher,
Paris, 1908, 1 vol. in-4, orné de 101 gravures.
Cévennes (collection des guides Joannc) par Paul Jouanne, Paris 1906,
1 vol. in-16, contenant 9 cartes et 12 plans.
Etode sur la Vallée Lorraine de la Mease, par J. YlDAL DE LA
Blache, capitaine breveté au 20* bataillon de chasseurs à pied, docteur
de l'Université «le Paris. Paris, 1908, 1 vol. in-8, avec 13 %. dans le
texte et 8 cartes et plans hors texte.
L'Avenir économique de nos Colonies, l*^*" volume, Indo-Chine,
Afri(iue Occidentale, Congo, Madagascar, conclusions, par Kug. Juxo,
ancien vice-résident de France au Tonkin. Paris, 1908, 1 vol. in-lfi.
A travers TAngleterre industrielle et commerciale, notes de
voyajre. — Birmingham. Etablissements de l*imlico et de Woolwich à
Loniires, Redditch, Shcffield, Burton-on-Trent, Les n Potteries » Man-
chester, Liverpool, Edimbourg, Glasgow, Les Trossachs, par Edouard
DETS.S. Paris, 1899, 1 vol. in-18, avec cartes et gravures.
Le* Lois de Population et leur application à la Belgique, par B.
Caudeklier, ingénieur, Paris, 1900, 1 vol. in-8.
L'Allemagne religieuse. Le protestantisme)-' par Qeorges GoTAU,
Paris, 1898, 1 vol. in-16 (Don de M. Ferd. Vanier).
En Allemagne. — De Hambourg aux .Marches de Pologne» par
Jules HURET, Paris. 1908, 1 vol. in-12.
Munich (Les villes d'art célèbres), par Jean Chantavoine, Paris, 1908,
1 vol. in-4, avec 134 gravures.
Cologne (I-,es villes d'art célèbres) par Louis BEAU, Paris, 1908, 1 vol,
in-4, orné de 127 gravures.
Colonies allemandes, imi)ériales et spontanées. Etudes d*économie
coloniale, par Henri Hauser, Paris, 1900, 1 vol. in-8, avec cartes.
La Russie Industrielle, étude sur l'exposition de Nijni-Novgorod,
par Maurice VbbstrAete, consul de France. Paris 1897, 1 vol. iii-8.
OUVUAGKR REÇUS \ LA SOCIETE IM
Promenade en ItoHHle, iiar Eu;;. GaltX)IS. Lille 18%, 1 l»rnch. în4t.
r»2 pp., onu^e de phot<)irmphiej et croquîH de l'auteur.
Un Hfjour daoH rile «le C;e>l:io, [oït Jules Lkcleugq. Pan^ 1900.
1 vol. i 11-18, unir de K» «rniv. hors texte et 1 carte.
L'Afriqoo Occidentale FranraiMe. Aetinn politique, action écono-
mique, action sociale, par Creor^^cH Dkhermb. Paris, 1!K)6. l vol. in-8.
MiHSion Scientifique au Dahomey, par Henry HuBKUT. administn-
teur-:ul joint des dloniea, Parie, 1008, 1 vol. i»-8, avec 86 fig. cartfeset
dia<.'rammes, 40 repHnlurtiruis phr>tograi)hiquos et carte géologique M
1.2r)(U>0()' par l'auteur.
Itelfçlque et Con^o, brodiun* publiée par l.i ti FCtlération pour la dé-
fense des intt'riîts belu'os à l'étranger i», don de M. FI. V'ekspbeecwlx.
(VMisultle Belgique «a do TKtut indépendant du Congo, Rriixelli!S, I9U8,
1 brorh. in-Kî, 110 pp.
Cannda*H lerlile .\orllilan(i, par K.-J. Ohaubers, Ottawa. I9lC,
1 vol. in-S, urin' de gravuTL's et afx^ompagné de cartes en oiuleurs. (Ood
dr riioiinrabîe Frank Olivkr, ministre (le rintérieur, Ottawa).
I.e llrt^HlI. ses richesses naturelles, ses intlustries. l" volume: Intro-
duction, Industrie extra<-tivc. Uio-tle-Janeiro. 1ÎHJ8, 1 vol. iii-8, a?BC
uiaphitiues hors texte.
Muluhrilé du Ur^Hil, 1 brocb. in-16. Parin. 1008.
Kludc Kur le .Matt^, s«.'s pnipri«''ti's nutritivcj. hy^siéniques et fnrtififliire^
par Manri«Mî Ku.\N(;i'(i|;t, Taris, 19(W, l bnM-h. in-16, H2 pp.
I.e .lialé, aiialysi; cliiiii^iue, l brueb. in-IC, 8 i>p.
KasoH r€^;7l4*mciitali*«*s pnur 1<» service de Pe»q»lcment du foI national
du Fîn'sil. Paris, lOUS, I bnM-h. iii-liî, 03 pp.
(!art«^ économique du ItréNli, 1 feuille en couleurs au 7.fKNi.(<V»'.
<'art«> des VoIcn do coininunicallondu llréMll, I fcuilltu-n oouk-ors.
au 7.tM;().(XKr.
Carte du llréHlI. ])ar U. Hauskumann, 1 feuille en couleuif^ M
lo.(KX».OtK)-.
('oll«>ctioii (le r-artcs postales ileiliiïi'reiits Etats du Bn'sil. Dons dv M.ï^
Ma<ialhaks. attachi- à la Missiim de ProïKi^nde dn Bn'-Hil au Harrt.
l^eA iJx|iloralionH NouH-niarines. Hydrographie, a))partMls de s<*n*
ihiim. le sol sf)Us-mariii. la vie «lans les pnifiuideui-s de la mer, les eaux.
le> mers aneienîu s, piir Jules (îiHARD, P.iris, 1K74, 1 vol. in-8, atec
11.") lig. dans le te.xie. (Don de M. P. I/usenu).
rhamlire de roinmerce «lu Havre, n'-sumé des travaux. 1907, Ktni
st:iti>tiiji.i- de la N'Mvij/atinn, du Ct»nimeroe et de l'Industrie. 1^ Han«.
inns. 1 \m1. iii-H. (|)(in d»- M. ]o. Président delà Chambre de Conimerty^.
C'on^rèM natiniial «li-s .S>ri«'trs françaises <le CT<?ogmpbic, xxvii* siffiôn.
Durikerque. lOoti. Compte-rendu des travaux «lu CH»nvrè«. Dunkerqutf.
ltK)7, 1 v.d. in-S.
Soeiété
de
XXV' ANNKK
4°" ïriinestre 1908
Géographie
Commepciale
du Ha^t»«
BULkltETIfl
haVre
I*U. m r. i»i iwisiN, lui
Paquebots Transatlantiques et Ports Français (tin;, par
Louis Bhixdeau ICI
De Marseiiie à Nouméa, I, ])ar Daniel LiÈviis 1^
Forêt et Savanes CongoiaiseSi I, par le Commandant Moix M
Actes de ia Société iiO
Ouvrages reçus à la Bibliotlièque de la Société il^
Les Réunions du Comité ont lieu le 4^"'* mercredi de chaque
mois, excepté pendant les mois d'août et septembre.
Tous les membres de la Société peuvent y assister.
La Hibliothcque de la Société est ouverte tOUS les SOirS,
excepte les dinianclies, jours fériés et demi-fériés, de 6 h î/t
a 7 h. 12 et de 8 h. 12 à 10 h. I
Tontry. li's :ivnii(iniî:atiofis ci ions les renseignements doivctii ci\
iiihcsi>i F au Sec rr faire fraierai.
PAQUEBOTS TRANSATLANTIQUES ET PORTS FRANÇAIS 117
ne pourrait recevoir. Mais cet avantage sera éphémère et
à l*époque où nous serons en possession de notre forme
projetée de 300 mètres de long et de 35 mètres de large,
les dimensions des nouveaux paquebots dépasseront
celles de la cale de radoub de Saint-Nazaire.
Nous allons passer maintenant à uii autre port, celui
de Cherbourg. Le port de Cherbourg, lorsqu'il fut ques-
tion d'établir le premier service transatlantique sur
New- York, en 1860, ne s'était pas mis positivement sur
les rangs. Il comprenait qu'il était trop mal outillé pour
être tête de ligne ; mais il avait élevé la prétention de
devenir port d'escale. Il obtint gain de (;ause malgré les
efforts de M. Ancel, alors député du Havre. Mais on ne
tarda pas à reconnaître que cette escale n'était pas justi-
fiée, que Cherbourg était véritablement trop près du
Havre pour qu'une escale pût y être utile. Et c'est alors
que le port de Brest lui fut substitué pour la touchée des
paquebots de la ligne de New-York. Depuis cette époque,
la rade de Cherbourg a pris une importance énorme comme
point d'escale : nous voyons, en effet, que la plupart des
paquebots venant du Nord de l'Europe ou de la côte an-
glaise viennent y prendre ou y déposer des passagers.
Nous avons vu aussi avec quelque tristesse les navires de
la c Norddeutscher Lloyd » et de la c Hamburg America
Linie », qui faisaient autrefois escale au Havre, pratiquer
aujourd'hui la touchée à Cherbourg. Avant de commenter
ce fait, parcourons rapidement les abords et la rade de
Cherbourg.
En ce qui concerne l'atterrissage, je n'ai que peu de
chose à dire. Cherbourg jouit des avantages généraux
qu'offre celui de la Manche. En ce qui le concerne spé-
cialement, les Instructions Nautiques se bornent à
signaler les précautions qu'il faut prendre, en temps de
brume, pour éviter les roches des Casquets. Quant à la
162 PAQUEBOTS TRANSATLANTIQUES ET PORTS FRANijilS
été écrites par un ancien capitaine au long-cours qui
avait longtemps fréquenté le port du Havre ; mais il éUil
Breton, et une lois retourné dans son pays, ses ardeurs
contre Le Havre n'en furent que plus vives. On voyait
alors se manifester Tétat d'esprit qu'on voyait surgir il y
a encore peu de temps. C'est que Brest n'a pas seulement
IfL prétention de nous enlever les [)aquebots français,
mais aussi la prétention d'être le port transatlantique
universel. Il y a à Brest une certaine école qui prétend
que le port de Brest doit tout détrôner, mémo au point
de vue commercial : la pointe du Finistère ne sembl^
t-elle point une main tendue du continent Européen vers
l'Amérique ?
Dans le factum en question, Liverpool était traité
« d'embryon de port » ; Southampton, 4 de misérable
petit hameau, condamné à disparaître à jamais » ; les
ports de la Mer du Nord, « exposés à tous les risques,
continuellement enveloppés de brouillard, en butte à
toutes les intempéries », étaient condamnés au même sort
que les ports anglais ; Cherbourg, « l'auberge de la
Manche, à deux encablures du Havre, ne pourrait con-
venir ni aux passagers, ni aux marchandises. »
Enfm, voici le bouquet : a Nous avons été impi-
toyables pour Le Havre, cette masse de pierres et de
chaux hydraulique. Nous n'appartenons pas à la race
féline et nous ne nous attiichons pas aux lieux que nous
avons longtemps fréquentés. »
Voila le ton auquel étaient montés les Brestois à
cette époque. Je reconnais que depuis quelque temps ce
ton a baissé. En effet, le Comité ce Brest-Transatlantique ».
formé des éléments les plus actifs de ce port, était [wirti
en guerre à propos du projet de 1907 et avait décidé de
fomenter devant le Parlement une opposition formidable.
Toutefois, il fut calmé par des hommes très avisés et
PAQUEBOTS TRANSATLANTIQUES ET PORTS FRANÇAIS 119
voir actuellement que des navires de faible tonnage. Le
plus connu — il n'est pas officiel — est le suivant : un
vaste terre-plein, situé au Nord-Ouest du port de Com-
merce servirait d'appui à un quai de 500 mètres destiné
aux transatlantiques ; on allongerait la jetée Ouest afin de
protéger du côté de l'Est, et enfin, les digues qui conti-
nueront beaucoup plus au Nord, le nouveau port de
guerre, l'abriteraient de la grosse mer venant de ce côté.
Or, il est absolument impossible d'assurer le fonc-
tionnement d'un grand service transatlantique avec un
seul quai de 500 mètres. Vous n'avez qu'à voir ce qui se
passe ici. Il faut non seulement recevoir à quai les paque-
bots en service, mais les paquebots en réserve ou en
réparation. Je crois que le rêve de la Chambre de Com-
merce de Cherbourg, au point de vue du port d'attache,
est absolument chimérique. Il paraît encore plus irréa-
lisable dans de pareilles conditions lorsqu'on envisage ce
qui se prépare dans celui des ports anglais ayant, au
point de vue transatlantique, des relations constantes
avec ^Cherbourg. En vue de donner de plus grandes faci-
lités aux paquebots de la « While Star » et d'attirer plus
tard ceux de la « Cunard », on va y construire un nou-
veau bassin pouvant recevoir à quai quatre paquebots
de 250 mètres au moins. Il faut ajouter aussi que le port
de Southampton possède des aménagements extrt^mement
bien conditionnés pour l'accostage de paquebots moins
longs. Comment dès lore supposer que le quai de 500
mètres projeté à Cherbourg pourrait sulfire à la fois au
service des paquebots français et aux escales des paque-
bots étrangers ?
Examinons maintenant la situation de Cherbourg par
rapport à New-York et à Paris. La distance entre' Le
Havre et New- York est de 3.130 milles et la distance
entre Cherbourg et New-York ost de 3.066 milles. La
164 PAQUEBOTS TRANSATLANTIQUES ET PORTS FRANÇAIS
conséquent, 176 milles en faveur de Brest ! En calculant
sur la base de 24 nœuds, si chère aux Breslt>is, cela
représente 7 h. 18 au détriment du Havre ! Mais celte
victoire se transforme en défaite lorsqu'on envisage la
contre-partie, c'est-à-dire la durée du trajet terrestre.
Tout d'abord, la distance est de
Brest à Paris 624 kilomètres
Havre à Paris 228 »
Différence en faveur du Havre. 396 kilomètres
Qu'est-ce que cela représente de durée ? Consultons
VIndicateur des Chemins de Fer :
Brest-Paris (par le train le plus rapide). ... 10 h. 30
Havre-Paris » » ... * 2 h. 45
Différence en faveur du Havre 7 h. 45
Si vous en défalquez la différence de 7 h. 18 pour le
trajet maritime, vous trouvez une différence de 27 mi-
nutes en faveur du Havre ! Mais cela ne fait pas l'alfairc
des Brestois, ils viennent vous dire : « Permettez, noire
train rapide marche comme une tortue, et avec les loco-
motives que la G'« de l'Ouest va mettre en service, nous
allons gagner un temps colossal ! d On a successivement
parlé de faire le trajet de Brest à Paris en 9 heures,
en 8 heures, puis en 7 h. 1/2. Je me permettrai de vous
faire remarquer, et les personnes qui ont eu la mauvaise
fortune de faire ce trajet de Brest à Paris, ne me démen-
tiront pas, que la vitesse actuellement obtenue entre
Paris et Rennes est déjà considérable et que, d'autre
part, entre Rennes et Brest, il est difficile d'obtenir une
allure très accélérée à cause de la configuration de la
voie, des rampes rapides et nombreuses que l'on ri^n-
contre. De telle sorte qu'il serait peut-être plus sage
PAQUEBOTS TRANSATLANTIQUES ET PORTS FRANÇAIS 165
d'adinetirc que ron pourrait gagner au maximum 1 h. 1/2
sur le trajet de Brest à Paris, en supprimant certains
arrêts et en augmentant la vitesse. Sur cette base, l'infé-
riorité de Brest, au point de vue du trajet terrestre, ne
serait plus que de 6 h. 15. Mais son avantage, en ce qui
concerne la traversée maritime n'étant que de 7 h. 18, on
gagnerait simplement 1 heure sur le trajet total Paris-
New- York.
Mais cet avantage, d'ailleurs insignifiant, ne serait
qu'apparent et il n'existe que si l'on ne tient pas compte
de certaines diflîcultés naturelles. Jetez les yeux sur la
carte des abords de Brest. Vous voyez qu'au large du
Goulet s'étend la mer d'Iroise, bordée d'écueils disposés
en éventail. Au nord, ce sont les îles d'Ouessant, de
Molène, d'autres îlots, puis des chaînes de récifs triste-
ment célèbres, comme les Pierres Noires et les Pierres
Vertes. Au sud, c'est d'abord le plateau de Tevennec
puis, en amont, l'île et la chaussée de Sein.
Les Instructions Nautiques consacrent quatre cha-
pitres aux difHcultés et dangers auxquels sont exposés
les navires dans ces parages, par les brumes ou temps
bouchés si fréquents sur cette côte. Après avoir préco-
nisé, pour les navires venant de l'Ouest, l'atterrissage
sur Ouessant, elles ajoutent :
« L'Iroise est traversée par des courants atteignant
4 ou 5 nœuds dans les grandes marées. Ces courants
perlent en travers sur tous les dangers et occasionnent
chaque année des sinistres. Aussi est-il toujours délicat
d'atterrir sur Ouessant avec un horizon de moins de
3 milles et il est prudent, en ce cas, de ne s'en approcher
qu'avec jusant et à petite vitesse, afin de pouvoir amortir
rapidement Terre du bâtiment. »
Vous voyez d'ici la situation <run paquebot trans-
atlantique cherchant sa route dans ces parages, au milieu
t86 PAQUEBOTS TRANSATLANTIQUES ET PORTS FRANÇAIS
île la brame ! Les rapports ^es capitaines Dncliesiie, j
Danré, Snrmont, Lemarié, etc , qui commandèrent, de!
1S65 à 1874, pendant Tescale de Brest, les paquebols ;
Washington^ Europe^ Lafayette, Napoléon-lII (plis
tard VlUe-du-Ha^re)^ Amérique sont, à ce point de vie,
d'uÉfe lecture particulièrement instructive. Cette situatioo
est d'autant plus périlleuse, qu*afu lar^e de Brest, soit
d'après les Instructions Nautiques^ soit diaprés les caiies,
la sonde ne peut donner d'indications sûres. En effet,
lorsqu'on dépasse les fonds de 200 mètres, on constate
fréquemment des relèvements et des abaissements brus-
ques et incohérents, la sonde accusant parfois de gruMki
profondeurs aux appi*oches de certains récifs. Les échan-
tillons du sol sous-marin ramenés par la sonde ne dot-
nent, eulc aussi, que de très vagues indications.
On trouve d'ailleurs de très redoutables écueils dans
le goulet lui-môme : par exemple le plateau des Filieltes,
composé d'aiguilles de roche et la Roche Mengan, tous
deux tristement célèbres.
En dehors de ces dangers, il y a une autre difficnité
que voici. Vous pensez bien, qu'en temps de brume s^
tout, on ne peut pas se guider sans pilote. Or, les Ins-
tructions Nautiques disent que dans \e^ grandes marées,
on ne peut trouver de pilote qu'au moment de Tétalc.
Comment, d'autre part, en embarquer un par gi^os tcmpj,
étant donné que la mer acquiert alors dans ces pan^
une agitation inouïe, ou par les brumes intenses, au mlliet
de tant de dangers ? Les navires sont exposés à ne pts
trouver de pilote et c'est ce qui menaçait autrefois d'arri-
ver aux paquebots lorsqu'ils faisaient escale à Brest. Ofl
avait alors eu recours au procédé suivant : le paqoebot
avait à son bord un pilote de Brest en permanence. H y
remplissait en pleine mer les fonctions de second maître.
Or, pour qu'un pilote puisse utilement guider unntvirt
PAQUEBOTS TRANSATLANTIQUES ET PORTS FRANÇAIS 167
dans de pareils passages, il est nécessaire qu'il n'ait pas
été éloigné depuis longtemps de sa base d'opérations. Or,
lorsque le paquebot revenait de New-York, si le pilote
avait quitté Brest depuis trois semaines environ et arri-
vait à proximité de la côte bretonne, il était souvent,
en temps de brouillard, plus embarrassé que le capitaine.
Voici, à ce sujet, une anecdote qui m'a été contée par
un de nos concitoyens, M. Marest, actuellement guetteur
au Sémaphore, qui faisait partie de l'équipage du Péreire,
en 1873, pendant la dernière traversée de ce navire entre
New- York et Brest. Le capitaine Dan ré pensait ne plus
être très éloigné de la terre, et la brume étant assez forte,
jl fit appeler le pilote et lui dit : « Nous approchons,
commencez votre service. » — « Oh ! répondit l'autre,
c'est trop tôt, nous sommes encore loin ! » Quelques mi-
nutes après, le Péreire talonnait et brisait une partie de
sa quille sur la chaussée de Sein ! Le capitaine Danré
entra dans une telle colère, qu'il faillit jeter le pilote par
dessus bord î
Remarquez qu'à cette éi)oque, il s'agissait de trans-
atlantiques marchant à 12 nœuds, qui avaient un tirant
d'eau de 7 m. 50, et qu'on n'avait pas à cette époque cette
fièvre de la vitesse dont on est aujourd'hui possédé. Il
est vrai que depuis on a réalisé certaines améliorations.
On a amélioré noti])lement le système d'éclairage : par
temps clair, c'est une véritable illumination, mais par
temps de brume c'est, suivant l'intensité de celle-ci, invi-
sible ou confus. On a alors proposé de baliser les abords
de Brest, à l'aide de bouées qui seraient mouillées avec
des chaînes par 80 mètres de fond au moins. Certains
officiers de la marine de guerre, qui ont été appelés à
fournir des rapports sur cette question au ('oinité Bres-
tois ont déclaré que la chose n'était peut-être pas impos-
sible, mais qu'il faudrait, pour la réaliser, « toute la
168 PAQUEBOTS TRANSATLANTIQUES ET PORTS FRANÇAIS
science des ingénieurs. » En effet, mouiller des bouées
par 80 ou 100 mètres de fond, les faire tenir, c'est un pro-
blème difficile à résoudre. D'ailleurs, ce balisage ne
serait peut-être pas sans danger. Pour supporter par les
plus gros temps le poids d'ime chaîne d*une centaine de
mètres, ces bouées devraient avoir d'énormes dimensions.
Ne constitueraient-elles pas, par un temps de brume, une
longue chaîne d'écueils flottants ? Le Comité Brestois
préconise un autre moyen : l'emploi des cloches souv
marines. Il prétend que ces cloches, installées sur certains
points, avertiraient infailliblement les navires de l'ap-
proche des dangers et qu'ils ne courraient plus aucun
risque. Il est certain que les cloches sous-marincs sont
des engins précieux et ont atteint, dans ces derniers
temps, un remarquable degré de perfectionnement. Il en
existe une aux abords de New-York et une a été mise en
essai en rade du Havre. Il est incontestable que leur
emploi pourrait, dans une certaine mesure, faciliter
l'accès de Brest en temps de brume. Toutefois, il ne
faudrait rien exagérer, la multiplicité des écueils dans
ces parages exige des indications précises et sans cesse
renouvelées en temps de brume. D'autre part, i)our
reconnaître le point d'où vient le son, le navigateur est
obligé, lorsqu'il l'entend latéralement, de changer la
route de son navire et de le faire évoluer jusqu'au moment
oii le son peut être entendu dans les deux récepteurs de
l'appareil. Evolutions difliciles et périlleuses dans de
pareils passages, au milieu de courants aussi violents !
Je vous indiquais tout à l'heure que dans ces jMirages
la sonde ne donnait pas des indications très sûi*es, par
suite de l'irrégularité et de la nature des fonds. Or. les
Brestois reconnaissent que l'utilisation des cloches sous-
marines devrait être accompagnée de sondages ré|>élés. et
ils prétendent faire arriver aussi des paquebots à Brest
PAQUEBOTS TRANSATLANTIQUES ET PORTS FRANÇAIS 169
sans les exposer à des retards appréciables. Remarquons
que les sondages doivent commencer très au large et
qu*on ne saurait songer à les pratiquer sans réduire au
moins de moitié Tallure d'un paquebot à grande vitesse.
C'est ainsi que les paquebots qui voudraient fréquenter
le port de Brest, seraient mis trop souvent dans l'alter-
native suivante : ou s'exposer, en cas de brouillard, aux
plus grands dangers, ou bien, soit stopper, soit pour
chercher leur route, diminuer leur vitesse dans des
proportions telles que le fameux bénéfice escompté sur
la traversée maritime serait fortement compromis, si
même il n'était pas transformée en pertes. On peut, à ce
sujet, citer des faits bien précis. En Juin 1905, l'escadre du
Nord avait quitté Glierboui*g dans la belle saison pour ga-
gner Brest. En approchant d'Ouessant, elle fut prise parla
brume, une brume tellement intense qu'elle fut obligée,
en naviguant d'ailleurs dans les conditions les plus diffi-
ciles, de rester 10 heures au large avant de pouvoir entrer
dans le port. Si je vous indique cette époque de l'année,
c'est qu'on a tenté de séduire la Compagnie Transatlan-
tique en lui demandant d'organiser tout au moins des
départs de Brest pendant la belle saison.
Il est aussi un autre fait qui s'est passé également au
mois de Juin et qui est aujourd'hui un peu oublié. Il a
cependant marqué bien tristement dans les annales mari-
times : c'est le naufrage du Drummond-Castle, Il s'est
produit le 5 Juin 1896. Les circonstances en ont été
publiées dans les journaux et le rapport officiel anglais
que j'ai lu, indique comment la catastrophe s'est produite.
C'était le soir, par une petite pluie fine et serrée qui
masquait les feux. Ee Drummond-Castle croyait laisser
Ouessant à tribord. Or, coumie l'indique la carte que
voici, carte publiée à l'époque par Y Illustration, il fut,
sans s'en apercevoir, porté à l'Est par le courant' tra-
170 PAQUEBOTS TRANSATLANTIQUES ET PORTS FRANÇAIS
versier et entraîné sur les Pierres Vertes, où il se i>erdit
corps et biens. Ce navire venait du Sud : mais supposez
un navire venant de TOuest, le môme courant le pi*endra
complètement en travers et le danger qu'il courra sera
encore plus grand. M. Banaré, chef du Service hydrogra-
phique de la Marine, a d'ailleurs déclaré, dans une note
publiée en 1898, que les abords de Brest sont particuliè-
rement redoutables pour les navires venant de TOuest.
Je dois ajouter que dans la marine militaire, où Ton
trouve de chauds partisans de Brest-Transatlantique, on
se montre d'une prudence extrême lorsqu'il s'agit dVn-
trer à Bi'est ou d'en sortir. Un navire de guerre n'est
jamais pressé, mais un transatlantique, c'est autre chose!
On dit au capitaine : vous avez pour devoir d'arriver
vite, d'arriver à l'heure et en même temps d'assurer la
sécurité de votre navire, débrouillez- vous ! Pour un
paquebot transatlantique un retard de 10 heures, comme
celui que je signalais plus haut, c'est désastreux et si
cela se reproduit souvent, c'est la mort de la ligne !
Je me trouvais à Brest l'année dernière au mois de
Juin. On faisait les essais du cuirassé Démocratie. Ce
jour-là, je m'étais rendu à Ouessant. Il ne faisait pas très
mauvais au déjîart, mais au retour le vent soufflait avec
force et une petite pluie fine commençait à troubler la
vue. J'appris que la Démocratie, qui était sortie pour
faire ses essais, s'était empressée de rentrer aussitôt a6n
de ne pas être exposée à passer la nuit dehors.
Maintenant, franchissons le goulet. Nous y rencon-
trons les écueils que je vous ai signalés tout à l'heure,
écueils où se sont perdus ou avariés un certain nombre
de navires de guerre.
Nous voici dans la rade de Brest. Elle est splendide
et l'on comprend facilement la passion que les Brestois
ont pour clic. C'est un immense lac maritime, entouré
PAQUEBOTS TRANSATLANTIQUES ET PORTS FRANÇAIS 171
d'un cirque de hautes collines rocheuses. On y trouve de
grandes profondeurs d'eau et il est certain que les plus
grands navires du monde peuvent, au point de vue du
mouillage et des évolutions, y trouver toutes leurs aises.
Toutefois, à cause de son immense étendue, cette
rade était sujette, par mauvais temps, à une assez forte
agitation ; aussi a-t-on décidé, il y a quelques années, d'y
constitner une rade-abri en avant du port militaire actuel
constitué par l'embouchure, très profonde, de la rivière
de Pemfeld, rivière serpentant dans une vallée latérale.
Cette rade-abri a pour but de donner toute sécurité
aux navires mouillés et des quais, construits contre le
rivage, vont la transformer en une véritable annexe du
port maritime.
Il faut pénétrer dans cette rade-abri pour gagner
rentrée principale du i)ort de commerce. Cette rade-
abri a deux entrées, Tune à l'Ouest, l'autre au Sud.
Mais la pratique de la première nécessitant la traversée
complète de la rade-abri, dont le mouillage est réservé
aux navires de guerre, le Comité Brestois reconnaît que
les transatlantiques devront y pénétrer par la passe du
Sud. L'examen de la carte montre que pour pénétrer
ensuite dans le port de commerce, ils seront obligés
d'effectuer, à angle droit, un changement de route très
délicat. Le port de commerce est situé à l'Est de la rade-
abri. C'est un port de marée. On y trouve moyennement
6 mètres, et dans quelques endroits 7 m. 50 dans les plus
basses mer. Par conséquent, il faudrait y constituer un
port transatlantique de toutes pièces. Actuellement, nos
plus petits paquebots transatlantiques ne pourraient y .
effectuer leurs opérations ; ils seraient sûrs d'y échouer
dans ces marées.
C'est pourquoi les partisans de Brest-Transatlantique
opt conçu l'idée d'y faire construire un nouveau quai.
172 PAQUEBOTS TRANSATLxVNTIQUES ET PORTS FRANÇAIS
Mais auparavant — et c'est là leur grande pensée — ils
ont patiemment commencé, avec de petits crédits, la
construction d'une forme de radoub actuellement en voie
d'achèvement. C'est la plus longue de celles existant en
France. Elle a 225 mètres de long. Mais, il y a un mal-
heur : on a oublié de lui donner une largeur propo^
tionnée à cette longueur, si bien qu'elle n'a dans sa partie
la plus étroite que 25 mètres ! Y faire pénétrer un paque-
bot de 23 mètres de large, comme La-France, sera déjà
un problème des plus épineux. Mais que dire des paque-
bots qui seront construits incessamment, paquebots dont
les dimensions se rapprocheront sensiblement de celles
des nouveaux Cunarders, qui mesurent 239 mètres de
long et 27 mètres de large ?
Actuellement, les représentants de Brest demandent
au Gouvernement de participer à l'établissement d'un
quai transatlantique de 420 mètres de long. La Chambre
de Commerce et le département du Finistère vont offrir
une contribution de moitié — ce qui est la participation
réglementaire. — Dans ces conditions, il est possible
qu'ils obtiennent la construction de ce quai. 11 serait à la
fois, de notre part, maladroit et mesquin d'y faire oppo-
sition, d'autant que les Brestois ne font pas d'obstruction
contre nos travaux. Mais il est permis défaire remarquer
que les Brestois se font des illusions. 11 est bien certain
qu'avec ce quai de 420 mètres, les Brestois ne pourront
jamais assurer comme port tôte de ligne, le service d'une
grande compagnie transatlantique. I^ compagnie fran-
çaise est déjà fort à l'étroit au Havre, avec les 600 mètres
de quai dont elle dispose dans le bassin de l'Eure pour
le service de New-York, en y comprenant ses steamers
de réserve.
En résumé, Brest n'a pour lui que sa rade et les
quelques milles qui en font, théoriquement, le port le
PAQUEBOTS TRANSATLANTIQUES ET PORTS FRANÇAIS 173
plus rapproché de New-York ; mais cela est compensé,
et au-delà, par les diilîcultés de Tatterrage, par les insuf-
fisances absolues de son port de commerce, par son
éloignement de Paris.
Parlerai-je de Timportance de son trafic? Elle est
représentée, en 1906, par 238.000 tonneaux à l'entrée et
147.000 à la sortie pour les navires chargés. Ce résultat
très médiocre, est dû à Téloignemeut des sources du fret.
Or le fret joue encore, même pour les paquebots à
grande vitesse, un rôle qui n'est point insignifiant et qui
se traduit, au bout de Tannée, par des recettes qui sont
loin d'être négligeables.
Enfin, la modicité du tonnage de Brest fait ressortir
combien est limitée sa force contributive en matière de
travaux publics.
Nous arrivons maintenant au port du Havre.
En ce qui concerne ce port, je ne m'étendrai ni sur
l'atterrissage en Manche, ni sur l'atterrissage en baie de
Seine ; ma tache est, à cet égard, singulièrement sim-
plifiée, puisque j'ai eu à vous en parler abondamment
dans les comparaisons que j'ai établies avec les abords
des autres ports.
Je veux simplement faire ressortir ici les résultats
qu'on obtiendra, au point de vue de la navigation trans-
atlantique à grande vitesse, lorsque notre progi*amme de
1895 sera exécuté, et aussi lorsque les travaux qui sont
compris dans le programme de 1900 seront achevés. Il
n'est pas besoin de se livrer à des recherches historiques
bien longues pour faire ressortir combien était indispen-
sable l'amélioration de notre port extérieur. Cette néces-
sité était reconnue dès 1879 et servait de base à un pre-
mier projet, qui fut déposé en 1884, et qui demandait la
création d'une nouvelle entrée orientée au Nord-Ouest et
174 PAQUEBOTS TRANSATLAIfTIQUES ET PORTS FRANÇAIS
bordée de deux jetées, la construction d'un nouvel avairt-
port, d'un bassin de mi-marée, d'un bassin à flot qai
devait occuper une partie de l'emplacement désigné pour
rétablissement du bassin de marée prévu au programme
de 1907 ; enfin de plusieurs formes de radoub. En outre,
un abri aurait été établi dans la rade. Ce projet n'eut pas
la bonne fortune de rencontrer l'adhésion de la commis-
sion de la Chambre, qui fit remarquer qu'il fallait faire
un tout des travaux de la Basse-Seine et des travaux du
Havre, et conclut au renvoi du projet au Gouvernement.
C'est ainsi qu'en 1887, M. de Hérédia, ministre des
Travaux Publics, présenta un autre projet qui consistait
à constituer, dans la baie de Sainte-Adresse, un nouvel
avant-port, sorte de rade fermée, partant du bout du
boulevard Maritime et s'étendant jusqu'à l'ancien avanl-
port. Il y avait une entrée au Nord-Ouest, mais on
laissait subsister, à l'autre bout, l'ancienne passe du Sud-
Ouest. Elle était divisée en deux parties par une traverse.
La pîii'lie Nord devait servir de rade-abri ou de niouil'
lage. Knfin, on devait creuser un bassin de mi-marée
pour établir une communication plus facile avec les bas-
sins intérieurs. Ce projet fut voté à la Chambœ des
Députés, mais il échoua devant le Sénat qui était alors de
très mauvaise humeur. Il était encore sous le coup des
dépenses occasionnées par le grand programme Freycinet
On avait dispersé l'argent sur une quantité de points et
les travaux en cours absorbaient des sommes si considé-
rables qu'on avait été obligé, soit de renoncer à achever
certains travaux d'entre eux, soit à en entreprendre
d'autres.
Le Sénat, après une discussion fort vive, renvoya le
projet au Gouvernement en lui demandant de présenter
autre chose. La dépense prévue (73 millions), lui sem-
blait trop élevée. C'est alors qu'on fut obligé de mettre
DES PAYSAGES DU LOT AUX MONUMENTS DE TOULOUSE 133
Société Anonyme et de diflicîles travaux, le gouffre et la
rivière souterraine étaient rendus accessibles au public.
Commençons maintenant notre visite.
Padirac : (irand Escalier du Gouffre
La descente dans le gouffre s'effectue d'abord par un
puits artificiel profond de 14 mùtres, pourvu d'un escalier
en fer et débouchant dans une petite grotte latérale au
grand gouffre. Celte grotte s'ouvre elle-même sur une
grande corniche nu lu relie qu'on a transformé en com-
mode et spacieuse terrasse et où est installé un res-
taurant.
Au bout de cette terrasse, dans le gouil're même, est
un grand escalier de fer, haut de 37 mètres, qui conduit
176 PAQUEBOTS TRANSATLANTIQUES ET PORTS FRANÇAIS
seuil est à 4 m. 50 au-dessous du zéro des cartes ; sa
largeur est de 30 mètres. Il permettra, suivant la nature
des marées, l'entrée au bassin de TEure, pendant 12 ou
13 heures, des paquebots La-Proçence et La-France. Sa
mise en service sera également un grand bienfait pour
la grande navigation au long-cours en général. Elle lui
évitera des pertes de temps considérable en permettant
presque toujours aux navires calant 8 mètres d'entrer
dans les bassins pendant les 2/3 de la marée.
Quant au quai de marée, long de 500 mètres et large
de 75 mètres, il est destiné à Taccostage des paquebots
d'escale ou de ceux auxquels l'état de la marée ne per-
mettra pas l'entrée immédiate du bassin. On s'était borné,
à l'origine, à prévoir l'établissement à son pied d'une
souille creusée à 7 mètres au-dessous du zéro des caries,
c'est-à-dire d'une fosse de mouillage correspondant au
tirant d'eau des paquebots en service il y a 15 ans. Mais
on a bien vite reconnu que ce serait tout à fait insuilisant
et l'on a décidé de l'approfondir à 9 mètres au-dessous du
zéro et, étant donnée la nature du fond, on pourra même
porter cette profondeur et celle de Tavant-port jusqu'à
12 mètres sous zéro.
Ici, une remarque générale s'impose. Au début, on
n'avait prévu pour ravant-i)ort et la passe extérieure
qu un approfondissement à ( — 4,50) au-dessous du zéro
des cartes. Depuis on s'est mis à l'œuvre pour porter
cette profondeur à la cote ( — 0). On a décidé ensuite, en
principe, qu'elle serait plus tard portée k ( — 9). Cette
dernière cote permettrait aux paquebots d'un tirant d'eau
un peu supérieur, l'entrée, la sortie et l'utilisation du
quai d'escale à toute beure pendant les marées de morte-
eau et les marées moyennes, et pendant 20 heures par
jour pendant les marées de vive-eau. Encore cette der-
nière petite lacune pourrait-elle se trouver comblée en
PAQUEBOTS TRANSATLANTIQUES ET PORTS FRANÇAIS 177
organisant, ce qui est facile, les départs à une heure fixe
ne coïncidant jamais avec les basses mers de vive-eau.
Kh bien ! il est absolument indispensable que le
quai d'escale soit livré dans le plus bref délai à la navi-
gation et que, parallèlement, Tapprofondissement de
ravant-[)ort soit réalisé de façon à assurer à ce quai son
maximum d'utilisation. Je ne veux émettre ici de cri-
tiques contre personne, mais il me sera bien permis de
constater que si ces améliorations avaient été réalisées
plus tôt et plus vite, notre port n'eût pas été en butte à la
campagne de dénigrement systématique entreprise depuis
dix ans par nos rivaux. Aussi l'intérêt du Havre com-
mande-t-il impérieusement que, sans tergiversation, la
profondeur de notre passe extérieure et de notre avant-
port soit portée à 9 mètres au-dessous du zéro. Une nou-
velle drague, actuellement en construction, permettra,
dans quelques mois, de creuser jusqu'à 16 mètres au-
dessous du plan d'eau. C'est alors qu'il faudra marcher
de l'avant, sans se laisser arrêter par aucune considéra-
tion linancière. L'avenir du |)ort du Havre est à ce prix
et, en cas de difflculté, notre Chambre de Commerce
n'hésitera pas, nous en sommes convaincus, à présenter
une combinaison permettant d'y parvenir. Les sacrifices
seront d'ailleurs compensés par d'importantes recettes,
car je sais, de bonne source, que plusieurs grandes
Compagnies de navigation sont tout disposées, si on
leur en doime ainsi la possibilité, à faire toucher leurs
paquebots au Havre.
Quoiqu'il en soit nous serons, dès l'année prochaine,
en possession d'un quai transatlantique plus long et plus
vaste que celui qui n'est encore, à Brest, qu'à l'état
d'avant-projet.
Passons au port intérieur.
Je n'ai pas à examiner en ce moment les bassins au
13.
136 DES PAYSAGES DU LOT AUX MONUMENTS DE TOULOUSE
confortables pour rayonner dans des environs fort pitto-
resques, où abondent les cariosités.
G*est par exemple le château de Gastelnau-Bretenoux*
qui émerge d'un fouillis d'arbres et se dresse fièrement
sur des hauteurs, au confluent de la Bave et de la Dordo-
gne. Ce château féodal, habilement restauré et habité par
un artiste de grand talent, M. Mouliérat, ancien ténor de
rOpéra-Comique, couvre une superficie de 3.700 mètres
carrés.
Tout à côté, le château de Montai, édifié en 1534, par
la famille dont il porte Je nom, contenait des merveilles
malheureusement détruites par un inqualifiable vanda-
lisme. C'était aussi à l'une des fenêtres de ce vieux ma-
noir, au sommet d'une tourelle, qu'en compagnie de sa
confidente et d'un petit i)age, une délicieuse et aimable
châtelaine ayant nom Rose de Montai, s'accoudait jadis
pour guetter la visite d'un seigneur aimé, Guilhem de
Castelnau, son voisin. De là, elle découvrait toute la
plaine ; sur la route poussiéreuse, elle le voyait venir et
s'il montait au château, vite elle courait joyeuse à sa
rencontre ; s'il passait seulement sous ses fenêtres, elle
répondait à son salut par un geste gracieux que suivait
la chanson qu'il aimait. C'était là le bon temps ! Mais à
partir de certain jour hélas, le jeune homme fut moins
empressé près de sa Belle et quelque temps après, au
retour d'une expédition lointaine, il épousait Blanche
de Saint-Laurent. Rose, dont le cœur était resté fidèle, vit
de sa même fenêtre et sur la même route passer le cortège
nuptial. Plus d'espoir ! s*écria-t-clle, et elle se précipita
dans le vide... Fort heureusement, l'histoire nous apprend
qu'il n'en fut rien !
Dans la même région, nous pourrions continuer un
peu vers la route du Cantal, vers la sauvage gorge de la
Cèrc, si étroite qu'elle laisse juste passage à une
DES PAYSAGES DU LOT AUX MONUMENTS DE TOULOUSE 137
ligne de chemin de fer, ou remonter vers Beaulieu qui,
sur les bords de la Dordogne, a une très belle église
romane ; mais Cahors nous appelle, et j'ai hâte de vous y
conduire.
*'i
Dans les Gorges de la Cèrc
Cette ville de Cahors compte actuellement 14.000 ha-
bitants et, dominée par une ceinture de collines qui en
font presque tout le tour, elle s*étage en amphithéâtre dans
une presqu'île formée par le Lot. Sa principale curiosité,
dont elle se fait gloire est, sans contredit, le pont
Valentré. Sous tous ses aspects il est pittoresque à ravir,
et avec ses trois tours à mâchicoulis, c'est un type très
précieux de l'architecture du Moyen-Age, malgré quel-
ques lantaisies de restauration de YioUet-le-Duc.
138 DES PAYSAGES DU LOT AUX MONUMENTS DE TOULOUSE
Sa co<nsti*uction dute du x(v""' sirclc. Il filt, en ellet,
commencé en 1308, mais Les chroniqueurs nous aj^ren^
nent qull n'était pas achevé avant un demi-«îécle{ peut-
être plus, et quant à son liistoire à cette époqae; on oe
dit guère quune légende. C'est encore un tour du diable
et le voici :
C'était en Tan de grâce 1300 et quelque, je ne cherche
point à préciser. Quelques mois auparavant, les consuls
de la bonne ville, pressés par la population, avaient
l)romis forte récompense à qui terminerait ce jiont
depuis trop longtemps attendu. Un brave nuUtre maçon,
pauvre d'argent mais riche d'espérance, l'avait promis
pour les prochaines vendanges, solidement lait et bien
garni de tours crénelées. L'architecte dirigeait fort bien ses
ouvriers, paraît-il, mais quoi qu'il fit, les travaux n'avan-
çaient gui»re ; et pourtiint, septembre approchait, les
raisins étaient presque mûrs, et dans l'attente du vin
nouveau, tout le monde riait et chantait, sauf notre
maître maçon.
Le pauvre homme, qui aimait à tenir parole, était
presque au désespoir, et, sans trop savoir ce qu'il faisait,
un beau matin, sous une inspiration qu'on peut assuré-
ment qualifier de diabolique, il résolut d'appeler à son
aide Satan dont il avait entendu parler comme d'un
grand bâtisseur de châteaux et de fortei'esses, voire
même de ponts. Il obtint de lui un rendez-vous sur le
sommet d'Ângély et exposa son affaire. Le diable
promit d'exécuter les ordres, mais en retour, par un
contrat bien en forme, — car le diable avait fait son
droit dans une des meilleures universités, et savait qu'on
ne donne rien sans exiger quelque chose en échange^ —
l'architecte dut lui engager son âme.
Dès lors, les constructions avancèrent avec une in-
croyable rapidité. L'homme ordonnait, donnait les dimen-
DES î»AYSAGES DU LOT AUX MOmJMENTS DE TOULOUSE iS9
sions, Tépaisseur des murs, la haateur des piles, ot le dia^
ble allait et venait, remuant comme des plumes et accu^
mulant sur les chantiers les blocs calcaires des bords du
Ix>t et les grès des environs de Figeac.
Si notre maître maçon n eût été un rusé, il eût
vu son âme bien en péril : il la sauva par un expé*-
dient. Satan, vous le savez, avait promis de tout faire.
€ Tiens,, lui dit notre homme comme les travaux s^ache-
valent, prends ce crible et va-t-en aux sources du Lot
chercher Tcau nécessaire aux maçons. » Satan comprit
bien qu'il était joué. Il tenta cependant Faventure ; mais
malgré la rapidité de son vol, il ne put transposer une
seule goutte d'eau. Il prit la fuite en acceptant sa défaite;
mais à quelques jours de là, il voulut se venger. Un soir,
en effet, oii Tarchitecte déjà couvert de gloire, félicité
par les consuls, porté aux nues par la population, venait
admirer son pont, seul et à loisir, subitement, sans
cause apparente, Taiigle d'une tour s'écorna. Vite il le fit
réparer. Le lendemain, nouvelle écornure, seconde répa-
ration. Et le fait se renouvelait chaque jour, tandis que
le diable, perché sur les rochers d'Angély — vous avez
reconnu qu'il était le coupable — narguait son ancien
associé. Le pauvre homme mourut de chagrin. — Dieu
eût son âme, car il s'était repenti, - et après lui, Satan
lassa bientôt les ouvriers. De nos jours seulement, les
pierres furent solidement fixées : on a sculpté sur l'une
d'elles un petit diable faisant des efforts pour l'arracher,
et depuis ce temps-là, Satan a peur de sa jiropre image
et reste tranquille.
Des bords du Lot, nous allons maintenant visiter quel-
ques coins curieux de la vieille ville. Il y aurait beaucoup
à faire si nous voulions tout voir et nous rencontrerions
dans une promenade complète tant de souvenirs du Moyen-
Age et de la Renaissance, que j'hésite pour en choisir quel-
182 PAQUEBOTS TRANSATLANTIQUES ET PORTS FRANÇAIS
le Comité local de cette Ligue qui est, en quelque sorte,
le fondateur du Comité Brest-Transatlantique.
Sans doute, il ne faut pas pousser les choses au noir.
Mais il importe d*être prévoyant et vigilant. D*aillean
un pareil Comité ne pourrait-il pas prendre, au sujet de
nos intérêts maritimes en général, d'heureuses initiatives
et apporter un concours très efficace à nos assemblées
locales et aux fonctionnaires de TEtat.
Telle est la proposition sur laquelle j'ap^ielle en der-
nier lieu votre attention et je terminerai par ces mots :
c Les Brestois ont le diable au corps, tâchons de
l'avoir aussi I » (Applaudissements.)
Louis Brindeau
Député
Ancien Maire du Haçre.
DE MARSEILLE h MMU
Les routes pour se rendre de France en Nouvelle-
Calédonie ont varié suivant les épociues : autrefois on
passait par les caps. Ce temps de navigation barbare n'est
plus qu un lointain mauvais rôve déjà oublié. Depuis que
les Messageries Maritimes desservent cette ligne, on
emprunte la voie plus civilisée du Canal de Suez. Mais,
comme la ligne n'est pas par elle-même suflisamment
rémunératrice, on a, à diverses reprises, cherché à y gref-
fer quelques relâches supplémentaires. On coupa d'abord
directement à travers l'Océan Indien, par Mahé des
Seycliv lies et King (irorge's Sound; puis King George's
Sound fut abandonné pour Fremantle, et les Seychelles
cédèrent la place à Bombay et à Colombo ; une relâche
nouvelle, celle d'Aden, est venue s'ajouter à l'itinéraire.
Le voyage s'en trouve sensiblement allongé, au moins
pour les marchandises venant de France, et plus d'une a
depuis longtemps perdu sa fraîcheur première quand elle
arrive à Nouméa. Les correspondances empruntent entre
Marseille et Colombo la ligne d'Indo-Chine qui abrège
leur voyage de quelques jours .
De Marseille à Nouméa, les paquebots des Messageries
Maritimes ne s'arrêtent qu'en territoires anglais ; aussi la
[Compagnie, soucieuse de ses intérêts, réserve-t-elle à nos
iroisins ses faveurs et ses amabilités.
Le premier port de relâche est Port-Saïd.
184 DE MARSEILLE A NOUMEA
PORT-SAÏD
Les paquebots mouillent en général, à Port-Saïd,
devant le quai François-Joseph, à l'entrée de la rue Eugénie,
qui est la plus grande artère de la ville. Pour vingt-cinq
centimes un pointu vous 'conduit à terre. C'est plus que ne
valent pour le simple touri&te, la ville et toutes les curio-
sités qu'elle renferme. Les rues sont droites et larges,
mais on y enfonce dans le sable. Nulle part d'autre cou-
leur locale que la saleté. Les dattes d'Arabie que Ton vend
au marché ne sont elles-mêmes que des noyaux revêtus de
poils de chameau.
On ne visite à Port-Saïd que les marchands de ciga-
rettes, de photographies, de timbres-postes, de casques
coloniaux et les cafés-concerts. Dans chacun de ces café*
une quinzaine de blondes Allemandes raclent du violon
sur une estrade et à tout entrant servent aussitôt, d'api*è?
sa tête, son air national. C'est une façon d'écouler de la
mauvaise bière et de la faire payer plus cher que de la
bonne. Tout café est muni d'une roulette où personne ne
gagne.
Il n'y a rien à voir dans les baraques en bois de
Port-Said ; pas un monument, pas une maison. La façade
de la ville sur la mer semble cependant vouloir se dégager
un peu de la banalité des autres quartiers : la plage a été
nivelée et les maisons qui l'avoisinnent ont assez bon
aspect. Une statue de Lessops, œuvre du sculpteur Fré-
miet, a été érigée en 1899 sur la jetée, près du phare qui
éclaire l'entrée du Canal.
Le quartier indigène est situé au bout de la grande
rue. On s'y rendait autrefois à bourriquot, ce qui ne man-
quait pas de couleur locale, et les européens n'avaient pas
DE MARSEILTE A NOUMEA 185
à craindre de déchoir en enfourchant la selle de bois, car
le prophète Mahomet n'avait pas d*autre monture. Aujour^
d'hui on y va en tramway ; c'est plus civilisé peut-être,
mais à coup sûr moins pittoresque . Ce quartier indigène
n'est qu'un amas de baraques émergeant, par blocs plus
ou moins réguliers, des tas d'ordures où voltigent des
nuées de mouches. Deux mosquées. Tune en bois, l'autre
en pierre, sont assez insignifiantes pour qu'on ne s'y arrête
pas. La ville finit brusquement dans le sable, entre le lac
Menzaleh et la mer. Les cimetières bordent le rivage du
lac. Ici la terre est si basse que les tombeaux sont cons-
truits à la surface au lieu d'être creusés dans le sol où ils
serait aussitôt envahis par Teau salée.
Quelles que soient sa laideur et sa saleté, Port-Saïd
renferme cependant pour nous un triste enseignement : à
mon premier passage, en 1885, toutes les enseignes des
magasins étaient en français et partout on ne parlait que
le français. Vingt ans après, l'anglais avait tout envahi et,
dans les magasins, dans les rues, sur les quais, on n'en-
dait que le dur parler britannique. Dans vingt nouvelles
années, pas un indigène no comprendra [Jus notre langue.
L'Egypte a été véritablement française ; elle ne l'est
plus.
En France, bien qu'on ait souvent prétendu le con-
traire, l'idée colonisatrici», ou, pour mieux dire, le culte
éclairé de la grandeur nationale, est Tépanage d'une élite
[)eu nombreuse, et cette élite n'a malheureusement eu
que très rarement la direction de notre politique extérieure.
Un fait le montre d'une façon indiscutable : récem-
ment, au moment même ou débutait l'affaire du Maroc, à
riieure suprême où, pour la dernière fois sans doute allait
se décider l'avenir de l;i France, nous avons vu arriver
au pouvoir un des hommes sur qui pèse le plus lourdement
la responsabilité de la plus grosse faute que nous ayons
186 DE MARSEILLE A XOUMEA
commise en aucun temps de notre histoire, l'abandon de
l'Egypte.
Nous rejetons volontiers sur la jalousie anglaise la
responsabilité de nos désastres coloniaux. Si nous vou-
lions réfléchir cependant, nous verrions que l'Angleterre
n'a fait partout que profiter de nos propres fautes ; nous
ne saurions raisonnablement le lui reprocher. Les véri-
tables ennemis de notre grandeur nationale ont toujours
été de ce côté-ci de la Manche et non de l'autre : la Pom-
padour nous a fait perdre Tlnde et le Canada, deux con-
tinents : l'Asie et l'Amérique ; le socialisme nous a fait
perdre l'Afrique, avec l'Egypte et le Maroc.
CANAL
Les voyageurs considèrent généralement comme laid
le pays entre Port-Saïd et Suez et n'auraient pas assez de
cailloux à lui jeter s'ils en pouvaient trouver sur les rives
du canal. Certainement le pays est monotone, mais cette
monotonie a sa grandeur. Aussi loin que la vue peut
s'étendre, on n'aperçoit qu'une immense plaine de sable
doré. A l'horizon le ciel, jauni par les tourbillons de
poussière, se confond avec la terre. Par endroits celte
plaine se couvre de bosses de sable à l'abri desquelles
poussent quelques bouquets de roseaux et de maigres
tamaris au feuillage grisâtre. On longe des lacs, des
marais dans lesquels des milliers de flamants forment
des nuages roses ; et tout cet horizon surchaufle, ondu-
lant comme une houle transparente, prend suivant les
heures les teintes les plus variées, du rouge le plus
ardent au violet le plus tendre.
A la gare d'El Kantara, des caravanes rangées sur
les rives attendent que nous soyons passés pour repren-
DE MARSEILLE A NOUMEA 187
dre leur route monotone dans le désert. Les chameaux
restent indifférents, le cou allongé dans le sable; les
gamins, nus sous leur grande blouse bleue, nous suivent
en courant sur la berge pour ramasser les biscuits et les
sous qu'on leur jette.
ISMAILIA
Ismaîlia est la plus verte des trois villes du Canal ;
mais, en revanche, elle CvSt la moins mouvementée ; ville
déshéritée qui n'a pour elle ni cette foule sale qui fait
oublier, à Port-Saïd, ses maisons de bois sans caractère,
ni ces rues pittoresques qui font pardonner à Suez la
saleté de ses habitants. Ses nies sont désertes ; l'herbe
y pousserait si Therbe pouvait pousser dans ce sable
brûlant. Quelques arbres dans l'avenue du port et sur la
route de Thôpital suffisent cependant à lui donner de loin
cette apparence de verdure qui étonne sous ce ciel rouge
et repose le regard au sortir des murailles ardentes
d'El Guisr. Dans cette ville endormie pas un concert, pas
un bruit. Au débarcadère deux ou trois bourriquots
attendent les clients, pressés sous un arbre poussiéreux
dont ils se partagent fraternellement les lambeaux
d'ombre.
Le meilleur parti à prendre quand on est à Ismaîlia
serait celui de s'en aller ; mais hors de la ville, il n'y a
rien, que la fournaise de sable.
D'Ismallia à Suez, par le train, on longe le canal
d eau douce tout couvert de roseaux ; au-delà, de chaque
côté, miroite la plaine ardente.
Par le Canal, l'aspect est le même, moins la ligne
verdoyante de roseaux. Au sortir du lac Timsah, on
laisse à droite, près de Toussoum, la mosquée blanche
188 DE MARSEILLE A NOUMEA
du Cheikh-Ennedeck, puis, après les I^cs Amers, on
s'engage entre les murailles de sable dont on ne sortira
qu'à Port-Tewfick.
SUEZ
Suez n'est pas sur le canal. C'est Port-Tewfick qui
salue les navires à leur sortie. Quatre ou cinq maisons
alignées sur un quai planté d'arbres et c'est tout. Suei
est un peu plus loin dans les sables.
Bien que quelques bouts de rues se soient un peu
européanisés, Suez est supérieur comme pittoresque à
Ismaïlia et à Port-Saïd. Ismaîlia, brûlée par le soleil, est
restée rabougrie comme les arbustes de ses jardins. Portr
Saïd, cité cosmopolite, n'est d'aucun temps, ni d'aucun
pays. Suez est restée ville arabe avec ses rues étroites où
errent des ombres de chiens galeux, ses maisons aux
toits plats que dominent des minarets pointus, ses bouti-
ques basses où bourdonnent des nuées de mouches, sa
population multicolore, ses costumes bigarrés qu'uni-
formise la saleté, ses cafés où. les jours de fêtes, quelque
jeune artiste initie les clients aux mystérieuses beautés
de la danse du ventre. Les spectateurs enivrés applau-
dissent avec Irénésie, pendant que, haletante, elle fait le
tour de la salle leur tendant son front ruisselant de sueur
où chacun colle une mince piécette d'argent ou d'or.
De loin en loin, vous rencontrez des jeunes filles au
visage religieusement voilé, suivant les reconmiandations
du Coran, a L'éclat de leurs yeux est pareil à celui d'une
source d'eau vive parmi les sables. j> Si la rue eat déserte
et si vous ne craignez pas les désillusions, glissez-leur
deux sous dans la main : elles soulèveront leur voile et
vous montreront ce visage que l'œil même d'un fiancé
DE MARSEILLE A NOUMEA 189
n*aurait pas eu le droit d'entrevoir. L'arabe a horreur du
chrétien, mais il a Tesprit ouvert et ne refuse jamais de
se rendre à des arguments bien présentés. El hanidou
lillah rebb elhalmine.
MER ROUGE
Le golfe de Suez où Ton débouche en sortant du
Canal est un étroit couloir entre les falaises stériles et
ravinées du djebel Attaka et la presqu'île du Sinaï. Nulle
part on ne voit la moindre végétation ; seuls, de loin en
loin, les mâts d'un navire échoué donnent l'illusion
d'arbres dépouillés de leurs branches. Partout des ro-
chers, des Ilots, des îles brûlées comme Jubal et Shadwan.
L'atmosphère est calme et d'un rose transparent ; mais le
moindre vent qui passe sur ces rivages de poussières
cifritées y ramasse une brume opaque et ardente. Le cap
Mohamed qui termine au sud la presqu'île du Sinaï nous
annonce la Mer Rouge. L'horizon s'élargit, la terre dis-
paraît parfois. A chaque instant on croise un navire, on
aperçoit une île ; et chacun se précipite sur le pont pour
les lorgner, comme si jamais on n'avait vu de rochers ou
contemplé un bateau. Beaucoup de ces îles sont des vol-
cans et, sous ce ciel brûlant, ils semblent éteints d'hier.
Ce sont d'abord les croupes bizarrement bariolées de
djebel Taïr, puis le groupe tourmenté des Zebayer, avec
la jupe rose plissée du Tas de foin, les stries régulières
de Rugget, le bloc de la Table, les falaises bouillonnées
de la Selle, les cônes sombres de la Grande Zebayer ;
puis djebel Zugur, plus haute, avec quelques traces de
végétation ; Périm enfin, île basse, s'élevant derrière sa
plage blanche en pentes douces, toute grise, brûlée, sté-
rile ; sur un des sommets, un phare entouré de quelques
190 DE MARSEILLE A NOUMEA
maisons. Par dessus, on aperçoit Cheikh-Saîd qui écrase
de sa masse Tile anglaise.
A peine a-t-on dépassé Périm, en prenant la grande
passe, qu'on se heurte aux Djeziret Seba, possession
française, comme Tindique le drapeau tricolore en zinc
qui se tient rigide au sommet. Ce ne sont que des rochers
stériles. En face, le continent nous appartient également;
c'est le territoire d'Obock.
OBOCK
La ligne d'Australie ne passe pas à Obock ; aucune
ligne même n'y passe aujourd'hui ; elles se sont partagées
entre les escales mieux placées de Djibouti et d'Aden.
Les notes qui vont suivre s'appliquent donc à un passé
peu lointain encore mais qui ne revivra sans doute plus.
Obock a vécu.
Par suite de nos reculs successifs devant l'envahisse-
ment italien, la côte française ne commence aujourd'hui
qu'au raz Doumeirah. Généralement les navires se diri-
geant vers la Grande passe ne se rapprochent de terre
qu'en vue des tables basaltiques du raz Djarn et des îles
Seba. Peu après on double le raz Bir, aux falaises basses,
couvertes d'arbustes grisâtres et sur l'extrémité duquel
on a construit un phare. C'est l'entrée du Golfe de
Tadjoura et on ne tarde pas à mouiller devant Obock.
La rade est petite, un peu trop ouverte au Sud et à
l'Est, mais bien abritée des autres côtés. Un appontement
en fer permet de débarquer assez commodément. Cet
appontement conduit à une tranchée creusée dans le
corail et, par là, à la Ville administrative. Il est inutile
d'y aller, il n'y a rien à y voir qui vaille la peine d*élre
vu. Les services administratifs sont enfermés dans de
o
o
<
192 DE MARSEILLE A NOUMEA
petites cages en bois et le « palais » du Gouvernear
ressemble à une grande guérite ; autour des maisons
sont dessinés des jardins où les allées sont en sable fin
et où la végétation est représentée par de gros galets
arrondis.
Le quartier commerçant et indigène est situé à
droite sur mie petite éminence entre la rade et le vallon
des Chasseurs. Obock n'a guère qu'une rue et quelle
rue ! Des maisons basses blanchies à la chaux, mab
enfumées et grasses du contact incessant des indigènes;
une seule, celle du cadi, a un étage. Des groupes d'hom-
mes demi-nus sont paresseusement accroupis contre les
murs à côté de leurs lances ; les anneaux qu'ils portent au
bras indiquent, parait-il, le nombre des meurtres dont ils
s'enorgueillissent. De jolies petites chèvres au poil ras
cherchent vainement leur nourriture dans le sable: des
femmes causent sur le seuil des portes, leurs cheveux
roux réunis en Hnes tresses comme ceux des momies
égyptiennes. Leur nez est écrasé, mais la nature, aima
inatet\ leur a donné de grosses lèvres pour consoler leur
amour-propre de cette infériorité humiliante. Il est rare
d'en trouver de jolies : à vingt ans elles sont grand'mères
et leur visage est ridé comme une pomme cuite. Parfois
cependant on rc^ncontro une jeune fille au teint bi^onié.
vêtue d'une longue jupe blanche. Klle n'a pas la cheve^
lure rousse et les fines tresses des Danakils ; ses cheveux
légèrement Irisés sur le front s'enroulent en un chignon
sur la nuque. Vous êtes en présence d'une race suj^é-
rieure, presque civilisée. Elle vous dira avec une point*
d'orgueil : « Moi, catholique abyssine > et elle vous mon-
trera un petit crucifix qu'elle porte sur la poitrine.
Les Abyssines ont beaucoup de qualités, mais ne les
pienez jamais comme cuisinières : elles mettent du
beurre dans leurs cheveux.
DES PAYSAGES DU LOT AUX MONUMENTS DE TOULOUSE 151
au grand autel, et une magnifique collection de tapisse-
ries. Je vous mentionnerai également Téglise des Jacobins,
aujourd'hui chapelle du Lycée, qui est lun des chefs-
d'œuvres du style gothique Toulousain ; l'intérieur, qui
comporte une simple abside à pans coupés, offre aussi
une nef d'une exti'ôme originalité divisée en deux parties
par une rangée de légères colonnes d'une extrême hau-
teur soutenant une voûte des plus élégantes.
Mais malheureusement le temps passe et nous avons
encore à visiter quelques vieux hôtels. Ces beaux logis
du temps jadis sont dus, vous vous en doutez, à une aris-
tocratie locale fort éprise de luxe et d'art. Ils datent tous
de la plus belle époque toulousaine, d'une Renaissance
particulièrement brillante qui eut ses artistes locaux
hors de pair et, à travers l'inspiration italienne, sut néan-
moins demeurer originale, indépendante et créatrice.
C'est là leur principal intérêt et ils sont si nombreux que
nulle part ailleurs peut-être en France, sinon dans des
villes comme Rouen ou Bourges, et pour des époques
parfois un peu diiférentes il est vrai, on ne peut trouver
réunies autant d'œuvres aussi charmantes et d'un goût
aussi pur.
Au hasard d'une promenade, voici par exemple,
l'hôtel Lasborde, qui fut construit au xvi"" siècle pour un
célèbre avocat, Accurse Maynier. Les fenêtres surtout sont
intéressantes par des cariatides admirables d'expression :
les personnages sont si .vivants qu'ils semblent causer
entre eux, discuter ou regarder les passants.
Dans un autre quartier est l'hôtel Bernuy, occupé
aujourd'hui par le Lycée. Ce Bernuy était un marchand
espagnol qui s'enrichit dans le commerce du pastel et fit
une fortune si colossale qu'il servit de caution à Fran-
çois I"' prisonnier à Madrid. Son logis compte une fort
jolie cour à arcades qui est une merveille de bon goût avec
194 DE MARSEILLE A NOUMEA
prospérité comme port abyssin, que nous menacions de
ruiner son avenir en laissant, pendant de longs mois,
dans l'incertitude la situation des chemins de fer Ethio-
piens. Djibouti n'avait cependant de raison d'être que
par ces chemins de fer. Le fait que les Anglais et les
Italiens ont cherché à obtenir de nous que nous en fas-
sions une voie internationale, au lieu d'une voie fran-
çaise, montre bien toute leur importance économique. On
s'extasie avec juste raison devant un bébé qui partage
son gâteau avec un ami ; mais une nation qui veut Tiîiv
n'a pas le droit de montrer le môme dcsintéressemeri:
on ne fait pas de largesses avec son avenir. Nous avoiB
eu tous les frais de l'entreprise, nous en avons coum les
risques, il n'est que juste que nous en gardions les béné-
fices. Il est curieux de constater ici, une fois de plus,
comme nous trouvons facilement des amis pour croquer
les marrons que nous avons pris la peine de tirer do
feu. C'est l'histoire de l'Egypte, du Niger maritime, de
tous les pays de valeur où nous avons passé par le
monde. Nous avons -eu, en Abyssinie, la chance exln-
ordinaire de mettre la main sur une voie commerciale de
premier ordre ; nous avons eu l'initiative et la persévé-
rance, plus extraordinaires encore chez nous, dci*
mettre en exploitation ; nous avons obtenu que la cpt^
tion fut délinitivement réglée à notre profit et qu'naf
Compagnie française fut autorisée à pousser ses rails
jusqu'à Addis-Ababa. Veillons à ce qu'elle reste française,
défendons là contre les entreprises étrangères. C^
assez, c'est trop d'avoir laissé l'Angleterre, contraire-
ment à nos conventions avec TAbyssinie, obtenir dellf
l'autorisation de construire, dans l'arrière pays de Zeilah.
une voie qui peut à la ibis ruiner la nôtre et annihiler
Djibouti.
ObocK une fois abandonné^ on a parlé de faire de
OE MARSEILLE A NOUMEA 195
Djibouti non seulement le port Je TAbyssinic, ce qui est
en eli'et son rôle, mais un point d'appui pour la Flotte,
ce qui m'a toujours paru un excellent moyen de jeter
follement de l'argent à Teau. Djibouti n'est pas défen-
dable. On a songé alors aux fournaises de Gubbet-
Kharab, au fond du golfe de Tadjoura ; on a même aspiré
à en faire un nouveau Bizerte. Il ne manque, hélas ! à ce
nouveau Bizerte que de Teau, des vivres, un climat sup-
portable et... des fonds où les navires puissent mouiller.
Il y a cependant des chances pour qu'on aille noyer l'or
des contribuables dans les abîmes de cette inutile médi-
terranée et renouveler là rexpcricnce faite à Obock, au
lieu de retourner à Cheikh-Saïd.
Les limites de notre territoire ont beaucoup varié
suivant les époques. A partir de 1840 et pendant un demi
siècle, elles s'élargissent, gagnant progressivement le
nord jusqu'à Massouah, le sud jusqu'à Dongarita et
Bulhar, l'intérieur jusqu'au pays des Issahs et des Gado-
boursi sous les murs du Harrar. Kn 1883, nos frontières
du nord battirent brusquement en retraite, devant les
Italiens, jusqu'au raz Doumeirah ; depuis 1890, elles se
retirèrent du sud devant les Anglais jusqu'aux portes
mêmes de Djibouti ; enfin de l'intérieur elles reculèrent
progressivement vers la mer jusqu'à s'en tenir aujour-
d'hui à 90 kilomètres environ. Espérons qu'elles ne rétro-
graderont pas davantage, pendant que les limites anglai-
ses et italiennes empiètent sur les autres faces de l'Abys-
sinie.
ADEN
Aden est le port de dispersion de toutes les lignes
de vapeurs qui, partant de l'Europe, se dirigent vers le
golfe Persique, l'Inde, l'Extrême-Orient, l'Océanie, la
154 DBS PAYSAGES DU LOT AUX MONUMENT^ DE TOULOUSE
C'est sar cette fiction moyennâgeuse de dame Clé-
mence que noas terminerons notre voyage, et s*il m*est
permis d'y ajouter quelques mots, laissez-moi souhaiter
seulement que vous emportiez de tous les paysages que
nous avons vus ce soir, et qui valent assurément tous
ceux que Ton va chercher en Suisse ou à Tétranger^ un
bon souvenir. Permettez-moi de vous dire combien je
serais heureux si les projections que je vous ai montrées
donnaient à quelques-uns d*entre-vous Tidée d'un voyage
dans le Quercy ou le pays de Toulouse qui, comme votre
belle Normandie, sont de ces régions de France que Ton
aime bien vite. Et si vous allez notamment à Saint-Cirq-
la-Popie, vous en reviendrez, j*en suis sûr, aussi ravis que
la demoiselle de Leipzig.
Jean FOURGOUS.
DE MARSEILLE A NOUMÉA 197
Une fois en voilure, vous avez les gamins qui cou-
rent dans le sillage, en piaillant : « Baksish pour man-
ger! » La mendicité varie peu ses formules. Un petit
drôle cependant me prend par mon côté sensible :
« Moi parler français, M'sieu, donner baksish ! » A celui-
là, je donne deux sous pour Teneourager à continuer ses
études.
Steamei^point n'est qu'une vaste place semi-circulaire
qui s'ouvre devant le débarcadère, bordée d'Ijôtels et de
magasins assez misérables. Aucune apparence anglaise,
du reste, en dehors du monde oiliciel et des fournisseurs
de charbon. Le commerce est entre les mains des Parsis ;
les hôtels et quelques magasins sont français, juifs, ita-
liens ou grecs
Pendant le jour tout est mort, mais le soir, la place
offre un spectacle inoubliable : toute la population indi-
gène, fuyant la chaleur concentrée des maisons, apporte
son couchage et s'installe au grand air pour y passer la
nuit. Bientôt, d'un bout à l'autre, les ronflements vont
leur train et, de toutes parts sous le ciel étoile :
« Ce ne sont (|iie parfums et concerts infinis. »
Les buts de promenade n'abondent pas à Steamer-
point, Il n'y en a qu'un : aller à Aden par Main gâte et
revenir par les tunnels. En attendant que le chemin de
fer de Dhalaa soit construit, on fait cette promenade en
voiture. Après avoir longé la mer pendant quelque temps
jusqu'au delà du village de Mahala, la route franchit par
une profonde et étroite tranchée un col peu élevé, fortifié
comme toutes les crêtes voisines ; c'est Main gâte. De
l'autre côté elle descend dans un vaste cirque au fond
duquel rôtit la ville indigène, toute blanche avec ses mai-
sons basses qui resplendissent sous le soleil. Il est im-
possible de se figurer pays plus désolé : tout autoui*
198 DE MARSEILLE A NOUMEA
s'élèvent des montagnes rouges crevassées, contournées,
bouillonnées comme une coulée de scories encoi'e brû-
lantes. Sur ces murailles ardentes et inaccessibles, pas un
grain de terre, pas une trace de végétation. Derrièi^e la
ville, dans un ravin à l'entrée de ces montagnes i*ouges
qui l'étreignent dans un cercle de feu, se trouvent les
fameuses citernes, dites de Moïse, construites en réalité
par les Perses au vi"** siècle avant Jésus-Cbrist. Treize
de ces citernes, d'une capacité totale de 33 millions de
litres, ont été réparées par les Anglais en 1836. On peut
les visiter comme une curiosité, mais il ne faut pas s'at-
tendre à y trouver de Teau ; l'eau est à Aden une chose
trop précieuse pour qu'on la jette dans ces fournaises
ardentes. Leur contenance est soigneusement indiquée
par une inscription, mais elles ne contiennent jamais
rien, pas même de feuilles mortes tombées du jardin
public qui les précède, car dans ce « jardin », il ne
pousse que des « Défence de ciieiller les plantations. »
Cherchez, et si à l'ombre d'un de ces écriteaux vous trou-
vez une herbe, n'y touchez pas : un gardien en uniforme,
sa matraque à la main, la protège et chaque matin lui
apporte dans un pot la goutte de rosée qui la fait vivre.
Saluez-la, mais n'y touchez pas, elle a coûté des millions.
Le Temple du feu, les Tours du silence, la Mosquée
de Chcikh-Hydros, rien de tout cela ne vaut la peine
d'être vu. La ville renferme ses 18.000 habitants dans des
maisons basses, misérables et malpropres. On considère
quelquefois le vaste cirque dans le fond duquel elle est
bâtie comme un ancien cratère et cette opinion a même
reçu une sorte de consécration ofUcielle puisque les mon-
tagnes voisines en portent le nom. Je doute cei>endant
que c'en soit un, bien que l'origine plutonienne de toute
la presqu'île ne soit pas douteuse.
On revient à Steamer-point par les tunnels. Le pre-
' BIBLIOGRAPHIE '18?
COMITÉ DE L'AFRigUE FRIIN(AISE
OROtANE du COMITE DU MAROC
21 y Rue Cassette, Paris
SOMIIAIBB DU No 9 (SeFTBMBBB I908)
L'Europe et Moulay Hafid.
^Motre «otion en Maurétanie.
La reprise de l'Etat indépendant du Congo par la Belgique.
Algérie. — Le tremblement de terre de Constantine. — La crise viticole
et les vins algériens. — Le commerce de V Algérie. — Sur les confins de
V Algérie. — La défaite de la harka.
Afrique Oooidentale française. — Le commerce du Sénégal et du
Haut-Sénégal et Niger en i^oj.
Guinée française. — Le commerce en i^oj.
Maroc. — Moulay Hafid. — Le déplacement de la Cour et la défaite
d*Abd~el-Aj[is. — Chronique de Tanger et du Maroc. — La défaite
d'Abd-el'A^is et PEurope.
Possessions allemandes. — Le commerce de V Afrique allemande. ->
Le voyage du Ministre des Colonies.
Possessions britanniques. — La pénétration dans fEst de la Nigeria.
Chronique de l'armée coloniale.
Renseignements divers. — Bibliographie.
Renseignements coloniaux. (Supplément n^ 9). — Les algériens à
Oujda. — La géographie physique du Dahomey. — Reconnaissance du
bassin supérieur de Vlghar^rhar et visite du Sud du Ahaggar et de
VAhnet.
NUMiRO GRATUIT ENVOYA SUR DEMANDE
gUESTIOIS DIPLOMATIIUES & GOLOMIALES
Reçue de politique extérieure
PARAISSANT LE 1" ET LE 16 DE CHAQUE MOIS
SOMMAIRB DU N" S79 (l» OcTOBRl I908)
Ed. Patbw. — VUruguay^ sa situation économique et sei relations avec
la France,
O.-G. Di Hasbth Gz. — I« différend entre la Hollande et le Venezuela.
H.-R. Satart. — Les Franco'Américains de la Nouvelle^ Angleterre,
£. B. — Les Japonais aux Etats-Unis,
GBEONiauBs DB LA QuiHZAiNB. — Les affaires du Maroc. — Renseigne-
ments politiques, — Renseignements économiques. — Nominations offi-
cielles. — Bibliographie. — Livres et Revues.
Cabtbs bt Gravorbs. — Le Venezuela et Vile de Curaçao.
Rédaction et Administration : 19, Rae Cassette, Paris
ABONNEMENT ANNUEL : 45 fr.
BMVOI SUR DEMAMDB d'uM MUmAro SPÉCIIIBM GRATUIT
FORÊT 8 SavailES COHBOLilISES
(i)
Mesdames, Messieurs,
Je n'ai d'autre prétention, ce soir, que de vous mon-
trer une série de projections. Je sais par avance que les
photographies vous intéresseront bien davantage et vous
donneront un aperçu beaucoup plus exact des pays tra-
versés que toutes les descriptions que je pourrais en faire.
Au surplus, les nombreux palabres que j'ai tenus
dans la forêt équatoriale ou dans la savane congolaise ne
m'ont nullement préparé à me présenter devant l'assem-
blée d'élite qui me fait l'honneur de m'écouter aujourd'hui.
A un auditoire aussi éclairé, aussi instruit des choses
coloniales et sachant les voir sous leur véritable jour,
j'aurais voulu pouvoir exposer à grands traits, mais avec
précision et en donnant à chacune sa valeur, les raisons
de notre expansion dans l'hinterland congolais, niontrer
l'avenir des régions que nous venons de traverser, le
mode d'exploitation qui leur convient, parler des cultures
et des productions auxquelles ell(»s se prêtent, et traiter
enfin de l'emploi de cet autre organe très important, et à
tous les points de vue intéressant de la richesse d'une
colonie, je veux dire de sa population.
Mes collaborateurs, à l'énergie, à l'activité et au
savoir desquels je me plais à rendre un hommage juste
et bien mérité, se sont en effet appliqués à des travaux de
tout ordre, de façon à inventorier pour ainsi dire les
(1) Conférence faite devant la Sociclc de Géog^raphie Commer-
ciale da Havre, le i8 Décembre 1908.
202 FORKT KT SAVANES CONGOLAISES
régions visitées ; et, k côté de la portée technique des
opérations géodésiques, à côté des recherches scienti-
fiques concernant hi géologie, la minéralogie, le climat,
les productions, la faune et la flore des territoires par-
courus, ils se sont adonnés plus spécialement à l'étude
des questions économiques et techniques qui s'y ratta-
chent. Et si je tiens à mentionner plus spécialement ces
deux objets de leurs ti^avaux, c'est qu'en matière colo-
niale, ils nous ont paru de toute première importance.
Nous savons tous le rôle important de nos colonies pour
notre industrie et notre commerce français. Et ce dont
nous avons aussi la sincère conviction, c'est que nous ne
serions plus Français, nous renoncerions à notre passé
magnifique de gloire et de générosité, nous abandonne-
rions notre belle œuvre civilisatrice que nous avons pro-
menée avec le drapeau de Lafayette à travers le monde,
si nous ne nous intéressions pas aux peuples qui sont
encore dans la barbarie ou dans l'enfance, si nous dédai-
gnions d'étudier leur histoire, leurs origines, leurs
mœurs, leurs coutumes, leurs mentalités et par suite les
moyens, en les connaissant mieux, de les élever plus
rapidement et plus sûrement vers nous, et d'ouvrir enfin
leurs yeux endormis aux lumières de la civilisation.
J'aurais donc été heureux et fier, je l'avoue, de vous
exposer les résultats des travaux de mes zélés compa-
gnons de voyage. Mais, outre que ce serait là une tâche
trop grande pour un exposé de quelques quarts d'heui*e,
je dois confesser que nous n'avons pas encore eu le temps
de tirer des conclusions absolument fermes de ces études
et des documents raj)portés.
Néanmoins, en vous donnant quelques explications
Sur les photographies que vous allez voir, je vais essayer
de vous montrer l'aspect général des régions que nous
avons vues ou reconnues, et de vous tracer pour ainsi
, XXV-' ANNÉE
SOOictC 4m. Trimestre 1908
de
Géographie
Commerciale
BUltliETIfl
« haVre
nj A.-CJ SIÈŒE I3E L^ SOCIÉTÉ
-1 131, BUE DE PARIS, 131
i
<W 1909
t
204 FORÊT ET SAVANES CONGOLAISES
sentants de la France furent M. Haussmann et le lieute-
nant-colonel Monteil.
En l'absence de données géographiques précises sur
des régions pour la plupart inconnues, ce protocole
adopta comme frontières des lignes géométriques idéales,
tracées le plus souvent suivant des parallèles ou des mé-
ridiens géographique». C'étaient des lignes droites et des
arcs de cercle qui ne tenaient aucun compte des divisions
historiques, politiques, ethniques, voire même géogra-
phiques des territoires qu'ils traversaient.
Aussi, ce protocole de 1894 prévoyait que le partage
ainsi opéré était sujet à des révisions successives, à me-
sure que les données géographiques que Ton posséderait
seraient plus nombreuses et plus précises, et permet-
traient de substituer, aux limites arbitraires primitive-
ment fixées, des frontières correspondant à la configu-
ration naturelle du pays et satisfaisant mieux les intérêts,
non seulement des deux puissances contractantes, mais
aussi — et ce n'est que justice — ceux des populations
indigènes dont on dispose sans les consulter.
Ce sont donc ces données géographiques, ces préci-
sions que nous sommes allés chercher au Congo. >?ai^.
grâce à la solide composition de la mission, j*ai pu
étendre la zone de nos recherches et de nos travaux bien
an delà de la bande de territoire à travers laquelle doit
se mouvoir la ligne fi»ontière. A côté de l'œuvre de déli-
mitation, nous avons fait de l'exploration . C'est de celle-
ci seulement que je veux vous entretenir.
Depuis la Sangha jusqu'au Tchad, la frontière, ayant
une direction générale sud-nord, traverse des régions
dont l'aspect, la population, le climat changent progres-
sivement à mesure qu'on s'éloigne de l'Equateur. Elle
part des pays couverts par l'épaisse végétation de la
forêt équatoriale et lavés par des pluies presque conti-
FORÊT ET SAVANES CONGOLAISES 5^8
nuelles, pour aboutir sur les confins du désert, dans des
zones sablonneuses hérissées d'une végétation épineuse et
rabougrie, où le régime des pluies est peu abondant, et
que traversent seuls des fleuves alimentés par des sour-
ces méridionales et lointaines. Elle visite dès l'abord des
peuplades' primitives, anthropophages et indépendantes,
pour s'arrêter au milieu de populations musulmanes,
déjà quelque peu civilisées et policées. Elle franchit, à de
hautes altitudes, des terrains montagneux d'où les eaux
s'échappent en cascades ou en torrents creusés dans des
lits de roc, et retombe ensuite dans une vaste région sans
relief, peu élevée au-dessus de la mer, où les eaux s'éta-
lent dans de vastes marais, où les fleuves ont des cours
indécis et sont appauvris par de nombreuses déri-
vations.
Nous allons parcourir successivement, mais très
rapidement, ces différentes régions. Nous prendrons le
moyen de locomotion de Tavcnir, d'un lointain avenir.
En une heure, j'espère vous faire parcourir 2.000 et quel-
ques kilomètres, et, pour avoir moins chaud, nous voya-
gerons de nuit.
A Brazzaville, chef-lieu du Congo français, nous em-
barquerons sur un petit vapeur de la Compagnie des
Messageries fluviales, vapeur de 30 tonneaux, qui, en
12 ou 14 jours, nous amènera h Nola, chef-lieu de la
région administrative de la haute Sangha. Ceci est encore
possible en novembre, mais ne l'est plus un mois plus
tard, au moment de la baisse des eaux dans la Sangha.
Nous sommes ici au point de départ de nos travaux,
en pleine forêt équatoriale, a travers laquelle la Sangha
serpente majestueusement entre des rives inondées et
monotones.
Les habitants des quelques villages qui s'accrochent
aux lambeaux de terre émergés sont les Ngoundi et les
206 FORÊT ET SAVANES CONGOILAI^BS
Pandés. Ces gens sont soumis et reconnaissent l'autorité
de Taduiinistration française.
Mais à l'ouest, entre la Sangha et la frontière alle-
mande, s'étend une région qui, lors de notre arrivée,
était encore inexplorée, peuplée de tribus guerrières non
soumises et hostiles, et qui avaient toujours annoncé
qu elles s'opposeraient à l'arrivée des Européens chez
elles.
A force de pourparlers difficiles à entamer, grâce
également à Taudace et à la fermeté des ofïiciers qui me
secondaient, j'obtins, au bout d'un mois, la soumission
des deux principales tribus : les autres suivirent le mou-
vement. Tous ces gens étaient surtout déûauts. Lorsque
le lieutenant Georges, mon envoyé auprès de Likapota,
l'un des deux principaux chefs de Mbiémou, se présenta
sur le territoire de sa tribu, il n'avait avec lui que cinq
tirailleurs indigènes d'escorte. Il trouva, pendant toute
une étape, tous les villages complètement évacués, et
lorsqu'il arriva à la résidence du chef, tous les guerriers
de la tribu, au nombre de 500 environ, y étaient rassem-
blés, en armes, la plupart munis de fusils à pierre ou à
piston, dont le chien étiiit relevé et prêt à partir. Toute
cette horde était silencieuse, rangée sur deux lignes de
chaque côté de l'unique et droite rue du village. A U
première tentative du lieutenant pour entrer en conver
sation, personne ne répondit. Prenant son parti daller
lui-même jusqu'au chef, qu'il supposait placé à l'autre
extrémité de la rue, il laissa ses cinq tirailleurs en arrière,
et seul, sans armes à Id main, il marcha entre cette haie
de sauvages qui, étonnés, le regardaient sans bouger.
Le lendemain, le lieutenant me ramenait tous les
chefs et notables de la tribu et des tribus voisines, qui
venaient se soumettre dans un palabre solennel.
Tout ce pays du Mbiémou est couA'ert de l'épais
FORÊT ET SAVANES CONGOLAISES 207
manteau presque impénétrable de la grande forêt, où les
sentiers mal Iracés disparaissent sous Tenchevêtrement
des lianes, grimpent au flanc des collines abruptes pour,
à chaque instant, redescendre glissants dans des rivières
torrentueuses ou dans des ravins vaseux. Pas de grosses
agglomération»dliabitants, mais des hameaux disséminés,
cachés au fond des vallées, dans de minuscules clairières,
et presque inaccessibles à qui ne connaît pas tous les
délours (le la mystérieuse forêt. Une race âpre et rude y
vit sous de primitifs abris. Ce sont des hommes bien
découplés, aptes ii la guerre d'embuscade, habiles à se
glisser parmi les fourrés les plus denses, à escalader les
abatis naturels formés en travers des chemins par la
chute des vieux arbres géants et le lacis de lianes qu'ils
supportaient. Et à côté de cette race forte, une autre
race, presque de pygmées, plus agih» encore, celle des
Bahingas, nains exercés à la chasse, tueurs d'éléphants,
se glissant sous le pas de l'énorme bête pour lui crever
l'abdomen d'un coup de sagaie, et le suivant des jours
entiers jusqu'à ce qu'il meure ; grimpant aux sommets
des arbres, où ils font quelquefois leurs nids — je veux
dire leurs demeures — ayant l'adresse et l'instinct des
singes, s'abritant dans les fourrés, vivant sous des abris
de fortune, nomades, ils sont les gnomes de la forêt,
toujours là et toujours invisibles. Ils chassent pour le
compte des autres habitants de la forêt, dont ils sont en
quelque sorte les clients, mais ils ne manquent jamais de
viande, et ne tuent pas les gorilles, dont ils se prétendent
les proches parents.
Dans celte forêt, fouillis inextricable de grands
arbres, d'arbustes, de plantes et de lianes de toutes
sortes, rarement traversé par les rayons du soleil, et
sous lequel régnent une demi-obscurité et une humidité à
peu près perpétuelles, vivent surtout des éléphants en
Ï08 FORÊT KT SVVANE» GOl^GOLAfSES
assez grand nombre, des gorilles aux mâchoires et aux
mains puissantes, et des sangliers et antilopes de jïetite
race. Les essences caoutchoutifères sont abondantes. On
y rencontre en particulier le « Fortunea elasiica », ou Ireh.
Nul doute que cette région, nouvellement ouverte à
notre commerce ne soit pour lui la source d'une proû-
table exploitation. J'ai récemment appris d*ailleui*$ qn une
factorerie de la Société de TE. K. S. y avait été installée
peu après notre passage.
Au sortir de la forêt, nous atteignons le pays Baya,
la région de la brousse et de la savane. La brousse, c'est
le steppe herbeux, avec par ci par là un arbre rabougri
et tordu, au tronc et aux branches noircis par Tincendie
annuel. Les herbes y atteignent deux, trois et quatre
mètres de hauteur, et couvrent à perte de vue les vallon-
nements du terrain. Dans la savane, les hautes herbes
recouvrent aussi le sol de leur uniforme manteau, mais
les arbres deviennent plus grands et plus nombreux
Presque régulièrement espacés, ils donnent au pays
l'aspect d'un immense verger. Le pays est très irrigué.
Non seulement de nombreux ruisseaux, mais de laides et
belles rivières lo sillonnent. Au creux des vallées, d'étroi-
tes bandes de forêts ombragent les rives des cours d'eao,
et, pour l'observateur placé sur un sommet, marquent
d'un trait sombre sur le fond plus clair des herbes les
larges courbes que décrivent les thalwegs.
A mesure qu'on monte vers le nord, le terrain
s'élève pour atteindre parfois des altitudes de 1.000 à
1 500 mètres. Les vallées deviennent plus profondes et
plus encaissées, les collines font place à des montagnes
rocheuses, et l'on se trouve dans une véritable petite
Suisse africaine, sans névés ni glaciers, mais avec des
i
FORÊT ET SAVANES CONGOLAISES
siU»s admirables : pays de torrents et de cascades écu-
mant entre des murailles de granit, d'amoncellements
rocheux surplombant des pentes abruptes et tapissées
d'herbes courtes qui feraient d'excellents pâturages. Les
indigènes, sommairement vt^lus de peaux, armés d'arcs
et de sagaies, nous regardent passer du haut des crêtes
où une crainte injustifiée les a fait se réfugier, et se lan-
cent des a[)pels incessants à l'aide de sons rauques tirés à
plein souffle d'une corne d'antilope.
Et nous arrivons ainsi au nœud orographique qui se
trouve à la tête des bassins côtiers du Kameroun, du
bassin de la Sangha, de l'Ouaben et du Logone, massif
dont les monts Dé sont le promontoire oriental. Région
des plus intéressantes : partout des montagnes rocheu-
ses, tourmentées, offrant à l'œil surpris des amoncel-
lements de blocs de granit juchés bizarrement les uns
sur les autres, à position d'équilibre conmic s'ils étaient
prêts, au moindre choc, à rouler et dégringoler en
effroyables avalanches ; les uns en forme de boules sur
d'immenses dalles horizontales ; d'autres d'allures diver-
ses, au dos arrondi et resseuïblant à des monstres accrou-
pis sur ces tas de pierres géantes; d'autres encore sus-
pendus au flanc des pentes et ne paraissant rester en
place que par prodige. Et, dans ce chaos rocheux, des
trous, des fissures donnent accès, par de longs dédales
où Ton glisse, où on se laisse tomber pour avancer, où
l'on rampe et où l'on grimpe, à des refuges obscurs et
humides, connus des seuls habitants, où ceux-ci cachent
des approvisionnements et se réfugient à la moindre
alerte. C'est qu'ils ont été souvent menacés par les chas-
seurs d'esclaves venus de l'Adamaoua. Leurs huttes sont
construites aux flancs des massifs ou des pitons isolés ;
leai*s plantations sont dans la plaine au bas des pentes.
Au premier signal, tout le monde, hommes, femmes,
^
210 FORÊT ET SAVANES CONGOLAISES
moutons et cabris, gagne, pôle-mêle les i*etrailes souter-
raines ; et, posté derrière des blocs de pierre, à chacune
des nombreuses fissures de la masse rocheuse, un homme
armé de flèches et de sagaies guettera, pour le frapper
au passage, le pillard qui osera s'aventurer jusque sur
les pentes où les fugitifs ont trouvé leur salut.
J'ai comparé avec raison ces amoncellements de rots
à des tas de pierres géants. Entre leurs interstices pous-
sent des arbres contournés, là où les eaux n'ont pas en-
core entraîné toute la terre. Quelquefois, sous Taction
des agents atmosphériques ou dés acides humiques, de
nouvelles fissures se produisent et déterminent de nou-
veaux éboulements qui entraînent souvent la mort de
nombreux individus.
Le iiays, relativement peuplé jusqu'à hauteur de la
vallée de l'Ouaben, le devient moins entre TOuaben et
la vallée du Logone. Les habitants appartiennent encore
à la race Baya, mais s'en écartent déjà par quelques pai^
ticularités du langage, des mœurs, des traits, des tatoua-
ges. Ils sont plus sauvages et uioins doux que les Bayas
du sud.
L'orateur continue sa conférence en illustrant ^
nombreuses, nouvelles et remarquables projections un
discours dont l'intérêt ne se ralentit pas un instant, et
dont nous donnons ici un résumé :
Tout d'abord, comme je tiens à ce que ceux qui ont
été à la peine soient à l'honneur, je vous présente deux
des soldats indigènes de notre escorte. Ils appartiennent
à cette magnifique race de soldats que nous a tlonnés le
Soudan, et qui^ ont été les merveilleux auxiliaires de
notre œuvre de domination et de colonisation en Afrique
occidentale et en Afrique centrale, au Congo, à Mada-
(
FORÊT ET SAVANBS CONGOLAISES 211
gascar. Notre escorte se composait de 27 braves de ce
genre. Morcelés en plusieurs détachements, ils nous ont
servis avec le zèle, le dévouement et rattachement le
plus complet ; et, lorsque nous nous sommes séparés
d'eux, à Léré, nous fûmes profondément émus de les voir
venir, les larmes aux yeux, nous presser les mains.
I^ village ngoundi de Nola fut le point de départ de
nos travaux. Les huttes basses et rectangulaires, alignées
sur la rive de la Sangha, sont construites en écorce de
ficus et couvertes d'une toiture faite de feuilles. C'est
l'habitation des peuples de la forêt, qui les protège contre
le vent et les ouragans.
Les femmes ngoundis ont les dents, à la mode du
pays, taillées en pointe. Les bracelets qu'elles portent
aux bras et aux chevilles sont faits de fil de laiton en-
roulé. Les colliers sont composés de perles, de verro-
terie et de dents de chien. Le laiton et les perles sont
importés par les factoreries.
Les Ngoundis habitent les bords de la rivière. Ils
sont forts, guerriers et anthropophages. A côté d'eux
vivent les Pandés, petits, simples et doux, non anthropo-
phages, population tranquille de pêcheurs.
Avant notre arrivée dans le pays, les Pandés étaient
la proie des tribus anthropophages de l'intérieur, qui les
appelaient : « La petite viande de la rivière. »
Les femmes ngoundis sont vêtues d'un petit tablier
de cuir par derrière. Elles en ont auUmt sur le devant.
I^s plus élégantes sont coiffées d'une peau de singe. Elles
dansent en rond, face au centre du cercle, en agitant
vigoureusement les épaules et les bras. Au milieu d'elles,
deux musiciens jouent du balafou, dont les caisses de
résonance sont faites de calebasses allongées.
En amont de Nola, à Bania, la rivière est barrée par
des rapides. Nos bagages étaient transportés en pirogues.
212 FORÊT ET SAVANES CONGOLAISES
(^iiainl il s'agit de leur faire franchir par voie de terre
les 7 kilomètres qui nous séparaient du bief supérieur,
des femmes, désireuses de gagner quelques perles, vin-
rent se. présenter en grand nombre poui' transportei* nos
bagages, et protestaient contre un arrêté récent du Com-
missaire général qui interdisait le portage par les fem-
mes. Elles alléguaient qu'elles étaient habituées à des
travaux plus pénibles, et voulaient à toute force gagner
de quoi satisfaire leur coquetterie. Nous en avons profita
pour les photographier de face et de dos.
Là, nous quittons la rivière et pénétrons dans la
forêt du Mbiémou. Nos porteurs déposent leurs charges
dans l'avenue d'un village où nous allons cam[)er. Beau-
coup de bananiers, qui fournissent, avec le maïs et le
manioc, la base de la nourriture des indigènes.
Les indigènes du Mbiémou viennent se soumettre.
Venus en armes de tous les points de la forêt, ils assis-
tent à un palabre de soumission, dans une toute petite
clairière bordée d'arbres géants. Ils écoulent dans le plus
grand recueillement la parole du chef blanc, qui leur
trace à grands traits les nouvelles obligations qu'ils
acceptent.
En avant d'eux se tient leur chef, Ngobaco, n'ayant
pour tout vêtement qu'un feutre provenant de quelqrif
factorerie des territoires voisins. Sa femme favorite l'a
accompagné, et humblement lui a lavé les pieds avant
qu'il prenne place sur la natte qui avait été dis[)osceà
son intention. A sa droite est accroupi son conseiller
intime. Il dira tout à l'heure dans un langage imagé qu'il
sera désormais soumis comme une poule, docile comme
un cabri, fidèle comme un chien...
Au sortir de la forêt, nous entrons dans le i)ays de
la brousse et de la savane. Les hautes herbes forment la
dominante de la végétation.
FORÊT ET SAVANES CONGOLAISES 213
Les villages sont en général étendus sur le dos
arrondi des collines.
Les cours d'eau sont presque tous dans de profonds
ravins et coulent en torrents.
Actuellement, grâce aux forêts qui les bordent, ces
ravins sont comblés peu à peu par les dépôts amenés tous
les ans et arrêtés par les racines enchevêtrées des lianes
et des arbres. En beaucoup de points, les terres bordant
les cours d'eau, non tiissées, forment des marais.
Quelques-uns de ces cours d'eau sont très larges.
Tels le Mambéré, le Kadeï. la Nana, les deux Boum])é.
I^ caractéristique de toutes ces rivières est qu'à quelques
kilomètres de leur source, elles sont déjà très profondes
et très larges. Leur débit d'eau, qui est énorme pendant
la saison des pluies, est minime en saison sèche.
On les traverse, soit avec une petite pirogue, ce qui
est très long, soit sur des ponts de fortune. Parmi ceux-ci,
il faut citer les ponts de lianes, faits de lianes qui des-
cendent des arbres de la rive, et savanunent tressées en
un filel qui forme un pont suspendu et très remuant.
Le pays est très accidenté, et Ton rencontre partout
de nombreux aflleurements de roches, grès rouges, grès
micacés, grès quartzeux, quelques granits gris et de
nombreux minerais de fer.
De nombreuses roches, placées comme en équi-
libre instable, surplombent parfois des amoncellements
pierreux.
Les sommets et les lianes des montagnes sont, depuis
le 3" N, complètement dépourvus de forêts. Les eaux des
pluies ont entraîné l'humus dans les fonds où se trouvent
les cours d'eau. C'est là ([u'on trouve des forêts, grâce à
rénorme quantité de terre végétale apportée, et c'est dans
ces forêts qu'on trouve les arbres et les lianes à caout-
chpuc en abondance. C'est également s.m* les bords de
214 FORÊT ET SAVANES CONGOLAISES
ces cours d'eau qu'il est permis d'espérer qu'on pourra
cultiver avec succès et en abondance le cx>ton. Nous
avons, en effet, trouvé du coton dans la région, poussant
vigoureusement, quoique non soigné. Les graines y
avaient été apportées - par des Haoussas venus du Nord.
Et nous-mêmes, avec des graines qui nous avaient éle
remises par l'Association cotonnière coloniale, avons fait
des expériences qui nous permettent de bien augurer des
tentatives qui ne manqueront pas d'être faites ultérieu-
rement.
Chaque année, vers la fin de la saison sèche, les
Bayas mettent le feu aux herbes des savanes pour leurs
grandes chasses et pour tuer les insectes et les tiques.
C'est ainsi qu'ils chassent l'éléphant, l'attendant à
des passages obligés. Ils en tuent chaque année un grand
nombre. Ils tuent aussi les rats, les belettes et tous les
petits animaux. Le Baya, très friand de viande, mange
celle de n'importe quel animal, fût-il très faisandé.
Après l'incendie, il ne reste qu'un paysage d'hiver.
Les arbres sont sans feuilles mais noircis, et une sorte de
neige noire, faite de cendre, couvre uniformément le sol.
La race Baya qui habite ce pays est une des plus
nombreuses du Congo français.
Le Baya est plutôt petit, bien musclé, agile. Il a les
attaches fines, les mains et les pieds petits. Il a la démar-
che souple, élégante. C'est un montagnard, uu coureur,
un chasseur. Il adore la savane et ses grandes herbes,
dans lesquelles il se glisse comme un serpent, et où il se
sait invulnérable et insaisissable.
Armé de ses trois sagaies qu'il manie avec adresse,
son couteau à la ceinture, sans autre costume qu'un mo^
ceau d'étoffe serré entre les jambes, le Baya court tout le
jour à travers la brousse, suivant les étroits chemins ou
les pistes d'animaux, toujours attentif, l'oreille au gneU
FORÊT ET SAVANES CONGOLAISES 215
voyant tout avec ses yeux d'aigle, distinguant le gibier
au milieu des herbes à des distances inouïes, rampant
jusqu'à portée de sagaie et se détendant comme un res-
•sort pour rarement manquer son but.
A mesure qu'on va vers le nord, dans la direction
de l'Âdamaoua, on constate chez les Bayas Tinflucnce
musulmane des Haoussas et des Foulbés. Les chefs por-
tent des vêtements, des burnous ou des bonbons flottants,
des pantalons bou fiants, des bonnets piqués, des turbans
peints à l'indigo.
Les femmes portent des pagnes. La population subit
l'influence des peuplades plus civilisées du nord-ouest.
L'anthropophagie disparaît. Les cultures augmentent, et
aussi le goût du hixe et de rapj)arat. Mais cela ne va pas
sans inconvénient, car les hommes vendront leurs fem-
mes pour acheter un sabre avec baudrier à glands, et
leur flls pour avoir un cheval.
Les chefs construisent les murs de leurs habitations
à la mode du Soudan, en pisé et très élevés, cherchant à
imitei- ainsi les murs du ta te du chef Ngaoundéré, lequel
n'a fait d'ailleurs qu'imiter les murs des grandes villes
du Centre africain : Kouo, Zuider, Katiéno, Hadeidje, etc.
Toutes ces villes ont, en effet, des ceintures d'épaisses
murailles de pisé. Celles de Kouo, qui ont 24 kilomètres
de tour, ont 12 mètres d'épaisseur à la base et 10 à 15
mètres de hauteur.
Comme tous les peuples de pays découvert, les
Bayas ont adopté la case ronde à toit conique, qui résiste
mieux au vent et est plus facile à rendre imperméable
aux pluies que les cases à surfaces planes.
Le costume national de la femme Baya se compose
d'une ceinture de perles, à laquelle on suspend derrière
et devant un bouquet de feuilles d'arbre que le bois voi-
sin fournit à nouveau généreusement chaque matin.
216 FORÊT ET SAVANES CONGOLAISES
Les femmes bayas sont toujours en train de rectifier
la position de leurs feuilles ; elles sont obligées de les
retenir quand elles se baissent pour entrer dans une case
ou de les plier quand elles veulent s'asseoir. C'est [wnr
elles une occupation ou un tracas continuels. C'est le re-
troussis de la jupe en Europe. Cela donne une contenance.
La femme baya travaille continuellement. Elle tra-
vaille aux plantations sous la protection de son mari, cpii
l'accompagne avec ses armes. Elle prépare la nourriture,
fabrique la poterie, la vannerie, tous les ustensiles de
ménage, s'occupe des enfants.
Elle accepte facilement d'autres femmes de son luari,
car toutes travaillent ensemble et s'entr'aident sans ja-
lousie ni rivalité.
Du reste, la jalousie n'existe pas au pays baya. In
homme tient à sa femme, car il l'a i>ayée, et c'est one
valeur et une force dans son ménage ; mais les infidélités
le touchent peu. Si on lui prend sa femme, il cherche à
la reprendre comme nous essaierions de repi»endrc un
cheval volé, mais il ne s'occupe pas de ce qui a pu se
pasiser pendant l'absence. Il faut d'ailleurs croire que les
infidélités sont fréquentes.
Il est un adage baya qui dit ceci :
« Quand tu as tué du gibier, prends ta part avant
que les oiseaux de proie prennent la leur. Quand tu as
pris femme, fais de même et devance tes voisins. »
Il y a aussi certains rythmes et certains chanta
connus, de signification convenue, que la femme emploie
pour prévenir son complice quand celui-ci, venant an
rendez-vous convenu, risque d'y rencontrer le mari qu'on
n'a encore pu éloigner...
Sur la rive gauche de la Nana, on trouve des femmes
portant dans la lèvre supérieure une rondelle de bois de
la grosseur d'une pièee de deux francs.
FORÊT ET SAVANES CONGOLAISES 217
La déformation de la bouche la fait ressembler de
profil à un bec d'oiseau. Nous retrouverons cette coutume
plus accentuée encore chez les Lakas.
La femme baya est bonne mère, aime ses enfants et
ne les quitte pas pendant leur bas âge. Elles portent leur
enfant à cheval sur la hanche. Souvent, elles se font «n
baudrier en peau pour le soutenir et le fixer contre elles,
de manière à avoir les mains libres pour travailler. Elles
allaitent Tenfant très longtemps, même quand il court et
qu'il mange.
Etant petits, les enfants ont tous un gros ventre. Cela
viendrlait, paraît-il, aussi souvent de Tinflammation de
la rate et du paludisme que de maladies d'intestins occa-
sionnées par la mauvaise nourriture.
Le Baya est très industrieux. Une de ses principales
industries est celle du fer, dont on trouve abondamment
le minerai dans le pays, et principalement dans la région
de Gaza. Il traite ce minerai dans des hauts fourneaux,
qui rappellent assez les forges catalanes.
Avec des forges toutes rudimentaires. il fabrique lui-
même ses couteaux, ses armes et ses outils.
Son outil favori est une hachette qu'il ne quitte pas
et dont il se sert constamment pour abattre les arbres et
tailler le bois dont il a besoin.
L'herminette est aussi un outil de sa fabrication. 11
l'utilise pour tailler des calebasses à plein bois, des plats
en bois, des mortiers à manioc, des tam-tam.
L'art de la [)oterie est réservé aux femmes, qui
obtiennent de très jolies jarres. Elles se servent d'ai*gile
mélangée de sable fin, et elles construisent à la main tous
les objets, même les grjindes jarres de plus d'un mètre
de hauteur. Les marmites, qui ont été garnies de dessins
avant la cuisson, sont, après la cuisson, polies avec un
galet et noircies avec du graphite que l'onitrouve dans le
218 KORÊT ET SAVANES CONGOLAISES
pays. Ces jarres servent à contenir les provisions (grains
et farines de manioc), et sont rangées et saperposées à
l'intérieur des huttes.
La femme baya est experte dans l'art de la vannerie.
Parmi les ouvrages qu elle fabrique sont des claies
en forme de panier, qui lui servent à prendre le poisson
dans les endroits herbeux des rivières.
Les principaux instruments de musique des Bayas
sont le tam-tam ou tambour et la cloche double, sur
laquelle on frappe à Taide d'un marteau fait d'une boule
de caoutchouc emmanchée au bout d'un bâton.
Jamais un chef ne sort sans ses tambours, dont le
nombre est un signe de sa puissance.
Les Bayas jouent également d'un instrument original,
espèce de harpe dont le son est presque semblable à celui
de la guitare. Il se compose d'une nervure de palmier,
bois dont on détache des bandes étroites d'éeorce qui
seront les cordes. Ces cordes ne sont détachées qu'au mi-
lieu, passent à différentes hauteurs sur les crans dun
chevalet et restent attachées au bois aux deux bouts.
Comme caisse résonnante, une calebasse coupée en
deux est fixée du côté opposé au chevalet. La harpe a
quatre cordes.
Pour en jouer, on le tient horizontalement, la cale-
basse appuyée contre la poitrine, et on joue des deux
mains.
Les Bayas n'ont pas le culte des morts. Néanmoins,
ils célèbrent les funérailles des défunts avec un certain
faste. La cérémonie consiste spécialement en danses et
festins. C'est de cette façon que ces primitifs manifestent
leurs joies comme leurs peines.
Pour les obsèques du chef d'un gros village, les
femmes, peintes en blanc, avec du manioc ou du kaohn
dans le cortège qui s'agite, sont les veuves du défunt. En
FORÊT ET SAVANES CONGOLAISES 219
toute autre circonstance, plusieurs d'entre elles seraient
déjà égorgées, découpées et mises au feu dans la marmite.
Mais j ai défendu que la coutume soit observée, et j'ai
donné deux bœufs en échange pour le festin des funé-
railles — ce qui n'a, par parenthèse; attiré personne. —
Ceci n'empêchera pas que, huit jours après mon départ,
le festin sera consommé quand même.
Ces anthropophages préfèrent donc la chair humaine
à toute autre nourriture. Néanmoins, ils élèvent des chè-
vres et des brebis. Ils n'ont pas de gros bétail, bien que
les bœufs pussent parfaitement vivre chez eux. Ils ont de
superbes terrains de pâtui'ages ; mais ils ont encore peur
des razzias de leurs voisins. Il est à présumer que cette
crainte ne tardera pas à disparaître.
Ils élèvent aussi des chiens, soit pour la chasse, soit
pour les manger. Nous voyons ici deux femmes bayas
allaiter deux pauvres petits chiens dont la mère a été
dévorée par l'hyène . Elles ne veulent pas perdre le béné-
fice qu'elles attendaient des jeunes chiens devenus grands,
c'est-à-dire bons pour chasser ou bons à manger.
(Commandant Moll.
(A suiçre).
ACTES DE LA SOCIÉTÉ
Procès-Verbai de l'Assemblée Générale du 8 Mai 1908
Présidence d(f M, E. Dupont, Président
La séance est ouverte à 8 heures 3/4-
Après lecture et adoption du procès-verbal de la dernière
Assemblée générale, M. Boîtier, trésorier, présente son Tfl^pport
sur Texercice 1907, lequel se solde par un boni de IHy fr. 45. C>
rapport est approuvé à Tunanimité.
Il est ensuite procédé à l'élection de la série sortante des
Membres du Comité. Les Membres sortants sont réélus, savoir :
MM. Fritz, Guitton, Haussmann, Meura, Monsallier, Monscoort.
R. Pesle et Preschez.
MM. René Bossière, Pierre Chariot et Aug. Marande sont élus
pour compléter le Comité.
M. Loiseau, Secrétaire général, présente son rapport sur la
situation de la Société. Entre autres points, il signale que le bail
de colle-ci, prenant un à Pâques iiH)9, la question du local à choisir
va devenir pressante. M. Loiseau désirerait que Ton reprenne
l'idée de la construction, au Havre, d'un hôtel des Sociétés savantes.
M. Loiseau, après un vif éloge de l'activité de M. le Président
dans la recherche des conférenciers, annonce que le BullHin
ces derniers temps irrégulier, va reprendre son cours de publica-
tion normale. La bibliothèque est de plus en plus fréquculêe. Le
concours a produit les résultats accoutumés. Quant au recruli-
ment des Membres, question vitale pour la Société, le bureau s'en
est mainte fois préoccupé et, malgré les diflicultés croissantes, a
pu recueillir de nouvelles adhésions. ^
M. le Président annonce que M. Louis Brindeau, député, don-
nera prochainement, sous les auspices de la Société, une confé
renée où il traitera des Ports transatlantiques français.
M. Ferd. Vanier lit quelques extraits d'une très intéressante
et très pittoresque communication de M. D. Lièvre intitulée « Ik
Marseille à Nouméa ».
(^e travail attrayant tant par l'agrément du style que par les
aperçus originaux dont l'auteur l'a émaillé paraîtra in-exleaso
dans le Bulletin.
La séance est levée à 10 heures.
ÀctfaS DE LA soci^ré
m
A Tissue de TAssemblée générale, séance da Comité,
statuer sur radiiii>sion de :
pour
MM. Jean Wagner, présenté par
MM.
Favier et Langlois.
K. AUeaume
»
»
G. Doublet et Guittou.
iV Bellengcr
i>
»
Dupont et Bellenger-Rosay
E. Le Barrier
»
»
Dupont et Loiseau.
M. Gaston
»
»
LeUèvre et Guitton.
Gattiker
»
»
Guitton et P. Gattiker.
M. Brunel
»
»
Guitton et Boivin.
P. Laporte
»
»
De Vigan et Dupont.
René Boursy
»
»
Dui>ont et Preschez.
C. Cauvin
1»
x>
Dupont et Trouva y.
Miguot et C'«
»
»
Dupont et C. Couvert.
Pourchet
»
»
Sauvage et Favier.
M. Ronssin
»
»
Meura et Clochette.
Colonel Feuchère
»
»
Dupont et C«i Flavigny.
Grenier-Leuiarcliand »
»
F. Vanier et R. Pesle.
Du Paty de Clam
»
»
Dupont et Cap"' de Tugny.
F.Thilii.pe
i>
»
Dupont cl H. Philippe.
L. Eude
»
»
Derome et D"^ Deronde.
G. Nicolet
»
»
Altmeyer et Meura.
Von Haeflen
»
»
Guitton et Schneider.
G. Gouze
i>
»
D»^ Dufour et F. Vanier.
Duteil
»
»
Olicr et Derome.
Schinidt
»
»
D' Dufour et F. Vanier.
Ils sont admis à runanimité.
Procès- Verbal de la Séance du Comité du 12 Juin 1908
Présidence de M. E. Dupont, Président
La séance est ouverte à 9 heures 3/4.
Il est procédé à la nomination :
1° De la Commission du choix des questions pour le prochain
Concours de géographie. Sont élus : MM. Carton, Favier et
Loiseau.
if* De la Commission d'examen. Sont élus : MM. Boîtier,
Chariot, Fritz, Guitton, Meura, Ferd. Vanier et Schmitt.
Est proposé comme nouveau membre :
M. G. Bourcy, présenté par MM. Ferd. Vanier etE. LeConiac.
Il sera statué sur son admission dans une séance supplé-
mentaire.
ACTES DE LA SOCIETE
La parole est ensuite donnée à M. Robert Pesle qui, récem-
ment revenu d'un séjour de quelques semaines en Amérique^ a
bien voulu nous communiquer ses impressions de vojage en
s'attachant surtout aux poiuts qui offrent un intérêt d*actaalité
pratique.
M. Pesle nous entretient ainsi du régime des hôtels, de l'orga-
nisation des chemins de fer, du mode de transport des bagages,
des tramways, du métropolitain ; de New-York, des rues, du numé-
rotage des maisons, de l'organisation des ports, des ministères.
Il insiste sur l'esprit de libre et hardie initiative qui caractérise
les Rtats-Lnis, et se manifeste particulièrement par la création
d'hôpitaux, d'écoles, de bibliothèques. M. Pesle nous expose eu-
suite l'excellente organisation des heures de travail ; puis, après
d*intéressants détails sur les Bourses et la question nègre, il ter-
mine par un historique substantiel et concis de la dernière crise
américaine.
Après quelques mots de remerciements de M. le Président,
M. G. Bourcy, présenté au début de la séance est, dans une séance
supplémentaire, admis comme membre de la Société.
La séance est levée à 10 h. 1/2.
Ouvrages reçus à la Bibliothàque do la Société
4™« Trimestre 1908
Le Berrv, contribution à l'étude géographique d'une région fran-
çaise, par Antoine Vacher, charge d'un cours de Géographie à
l'Université de Rennes. Paris, 1908, 1 vol. in-S, avec 4S lig. et
cartes dans le texte, 'M photogravures et ï planches de cartes et
profils hors texte.
La Loire (collection des Guides Joanne), par Paul Joannk. Paris,
1ÎM)S, 1 vol. in-iO, avec 'ri cartes et li plans.
L'OrléniiH A tciute Vi»peur. — Le réseau du Chemin de fer de Paris
à Orléans de ls;W à 11K)H, par Henry IIaoukt. Paris, 1ÎK)8, 1 vol.
in-8, orné de nombreuses gravures."
La Honi^rie nu X\' Kiècle. Etude économique et sociale, par
René (îonnaru, professeur d'économie politique à l'Université
de Lyon. Paris, liKW, 1 vol. in-l«.
îiÂle, Korne «-t 4«encve. (Les Villes d'Art célèbres), par Antoine
Saintk-Marik-Pkriux. Paris, li»Oy, l vol. in-V, orné de 115 grav.
La Perse d'anjoiircrhui. Iran-Mésopotamie, j)ar Eugène Aubin.
Paris, 190X, l vol. in-lS, avec une carte en couleurs hors texte.
Autour «le l'Afghanistan »aux frontières interdites), par le Com-
mandant DK Bouii.lank dk Lacostk, préface de M. Georges
LF.Y(ii:Fs. Paris, IWOS, 1 vol. in-S, contenant liO illustrations
tirées hors texte, gravées d'après les photographies de l'auteur
et r» caries.
M«*H Croi»<ièreM daiiH la lier de Behring, nouvelles chasses et
nouveaux voyages, par Paul Nikdihck. Paris, iOOS, i vol. in-i,
avec 132 gravures et une carte.
Plus près du Pôle, par R -E. Pkary, connnandant de la marine
de jguerre des Etats-Unis. Paris, lîHM), 1 vol. în-i, orné de 28 grav.
tirées hors texte et d'une carte.
Lm tiêcuuverte des Grande» Soarees do Centre de l*Arrique. —
Rivières de vie, Rivières de mort, Nana, Ouam, Penndé, par le
Commandant Lknfant, préface de M. Bouqukt de la Grye.
Paris, llHjl», l vol. in-8, contenant 115 illustrations et une carte
en couleurs.
Le ilnvc-^nzeri et les Hautes Cimes de l'Afrique centrale, voyage
(rex[)loralion et premières ascensions des plus hautes cimes
de la chalne.neigeuse située entre les grands lacs écj^uatoriaux et
l'Africpie centrale, par S. A. R. le Prince Louis- Amédee dk Savoir,
duc des Abruzzes. Relation du D"" Filippo de Filippi, illustrée
par Vittorio Sella, membre de l'expédition, traduite par Alfred
Poi/.AL. Paris, 1W09. 1 vol. in-S, avec IH) illustrations dans le
texte, iV planch(!S, ."» panoranuis en phototypie et 5 cartes hors
texte.
TroiH années de chasse au Mo7.an[ibi<|ue, par Guillaume Vassb.
Paris, IWOU, 1 vol. in-iO, illustré de 55 gravures tirées hors texte
et une carte.
224 OUVRAGES REÇUS A LA SOCIETE
CmiAda et CainailCen**, par le D*^ Adrien L<»iit, prdfrsseiir h It
Faculté de Médecine de Montréol. Paris, IÎM><, i vol. in-^
SAlnt-Domin^ae (lt>*29-17Kl)). La Société et la Vie créole sons Faii-
cien Régime, par Pierre uk Vais^ikrr. Paris, 4iHK>, i vol. in-H.
avec i',\ gravures et une carte.
Les ParadiH de !*<% nitrique ventrale. — Les Antilles, Panania.
Costn-Hicu. le Mexique, par Maurice dr Walkffk. Paris, liWJ,
i vol. in-ii.
8oA-Paalo da Brésil, notes d*un colon français, par Louis Gasa-
HONA. Paris, liHH», I vol. in-H, avec gravures.
France- ilré«*ll, revue mensuelle de pr<»pagande industrielle et
commerciale. N^ de Septembre-Octobre IwS. L Etat de SaA-Panio.
Paris, i'.KIH. 1 broch. in-V, ornée de nombreuses illustrations.
;Don de M. F. llamos, Anvers).
L*Arfrencine moderne, {>ar W.-H. Kokhkl, traduit par MM.Swilu
et Ci. Fkuilloy. Paris, I1M»8. 1 vol. in-8, avec iS photogravures
hors texte.
Traité de liéïkloffie, ]mr Emile IIauo, professeur à la Faculté des
Sciences de rUniversilé de Paris. Tome I. Les phénomènes géo-
logiques. Pari.s, liH)7, l vol. in-«. avec 195 Ug. et cartes et 71
planches de reproductions photographiques hors texte.
Traité de <;éoficrii|»iiie |ih>NU|ae. Climat, Hydrographie. Relief da
Sol, Hioccograpiii»', par Hmm. i>k Martonnk, profeiiseur de
(iéopraphie à ri'niversité de Lyon. Paris, IIHHJ, 1 vol. in-K. tLa
I""' livr. est en vente).
Régions naturelles et noms de Payn, étude sur la Hégion pari-
sienne, par L. (rALLoiSj professeur-adjoint à la Faculté ui*s Letlref
de ri'niversité de Pans. Paris, iîHW, i vol. in-**, avec ^ plauchrt
hors U'xle.
Manuel de l'Arbre. — I/Arbre, la Forêt et les PAturages de mon-
tagnes. Pour renseignement sylvo-pastoral dans les Ecoles, pnr
K. (IvnooT, inspecteur des Faux et Forêts. Paris, lit07, i vol. iii-i.
édité par le Toiiring-CJub de France, orné de IS gravures.
Manuel de ri<:au, suite et complément du Manuel de r.l rfrre. ptiur
servir à renseignement sylvo-pastoral dans les Ecoles, J»r
Onésinnî Hw.i.rs. Paris, lî»Os, l vol. in-i. publié par le T«mring-
Club de France, illustré de VO gravures.
Antiuair«> île raliiti et dépendances pour iîHÏS. Papeete, i9<.is, 1 vol.
in-S. (Don de .M. le (Vouverneur des Ftablis.sements français dr
rOcéanie).
Keeueil cronHuiaire «lu llo.vaiimc» de Belgique. Tomes \\\\ et 135i
année iDOii. Hruxelles, llMid. i. vol. in-H.
CongrèH nationni de» 8neiétés rrancnises de Géographie, ^
session. Bordeaux. Juillet-Août 11H)7. Compte rendu des Travaux
<lu ('ongrès. Hordeaux, IIMKS, i vol. in-8, avec cartes, vues rt
dessins dans le texte et hors texte.
Dt'-'.
186 DE MARSEILLE A NOUMÉA
commine en aucun temps de notre histoire, Fabandon de
l'Egypte.
Nous rejetons volontiers sur la jalousie anglaise la
responsabilité de nos désastres coloniaux. Si nous vou-
lions réfléchir cependant, nous verrions que l'Angleterre
n*a iait partout que profiter de nos propres fautes ; nous
ne saurions raisonnablement le lui reprocher. Les véri-
tables ennemis de notre grandeur nationale ont toujours
été de ce côté-ci de la Manche et non de l'autre : la Pom-
padour nous a fait perdre Tlnde et le Canada, deux con-
tinents : l'Asie et l'Amérique ; le socialisme nous a fait
perdre l'Afrique, avec l'Egypte et le Maroc.
CANAL
Les voyageurs considèrent généralement comme laid
le pays entre Port-Said et Suez et n'auraient pas assez de
cailloux à lui jeter s'ils en pouvaient trouver sur les rives
du canal. Certainement le pays est monotone, mais cette
monotonie a sa grandeur. Aussi loin que la vue peut
s'étendre, on n'aperçoit qu'une immense plaine de sable
doré. A l'horizon le ciel, jauni par les tourbillons de
poussière, se confond avec la terre. Par endroits cette
plaine se couvre de bosses de sable à l'abri desquelles
poussent quelques bouquets de roseaux et de maigres
tamaris au feuillage grisâtre. On longe des lacs, des
marais dans lesquels des milliers de flamants forment
des nuages roses ; et tout cet horizon surchauffé, ondu-
lant comme une houle transparente, prend suivant les
heures les teintes les plus variées, du rouge le plus
ardent au violet le plus tendre.
A la gare d'El Kantara, des caravanes rangées sur
les rives attendent que nous soyons passés pour repren-
DE MARSEILLE A NOUMEA 187
dre leur route monotone dans le désert. Les chameaux
restent indifférents, le cou allongé dans le sable; les
gamins, nus sous leur grande blouse bleue» nous suivent
en courant sur la berge pour ramasser les biscuits et les
sous qu'on leur jette.
ISMAILIA
Ismaîlia est 1§ plus verte des trois villes du Canal ;
mais, en revanche, elle est la moins mouvementée ; ville
déshéritée qui n'a pour elle ni cette foule sale qui fait
oublier, à Port-Saïd, ses maisons de bois sans caractère,
ni ces rues pittoresques qui font pardonner à Suez la
saleté de ses habitants. Ses nies sont désertes ; Therbe
y pousserait si Therbe pouvait pousser dans ce sable
brûlant. Quelques arbres dans l'avenue du port et sur la
route de l'hôpital suffisent cependant à lui donner de loin
cette apparence de verdure qui étonne sous ce ciel rouge
et repose le regard au sortir des murailles ardentes
d'El Guisr. Dans cette ville endormie pas un concert, pas
un bruit. Au débarcadère deux ou trois bourriquots
attendent les clients, pressés sous un arbre poussiéreux
dont ils se partagent fraternellement les lambeaux
d'ombre.
Le meilleur parti à prendre quand on est à Ismaîlia
serait celui de s'en aller ; mais hors de la ville, il n'y a
rien, que la fournaise de sable.
D'ismaîlia à Suez, i>ar le train, on longe le canal
d'eau douce tout couvert de roseaux ; au-delà, de chaque
côté, miroite la plaine ardente.
Par le Canal, l'aspect est le même, moins la ligne
verdoyante de roseaux. Au sortir du lac Timsah, on
laisse à droite, près de Toussoum, la mosquée blanche
188 DE MARSEILLE A NOUMEA
du Cheikh-Ennedeck, puis, après les I^cs Amers, on
s'engage entre les murailles de sable dont on ne sortira
qu'à Port-Tewfick.
SUEZ
Suez n'est pas sur ie canal. C'est Port-Tewfick qui
salue les navires à leur sortie. Quatre ou cinq maisons
alignées sur un quai planté d'arbres et c'est tout. Suez
est un peu plus loin dans les sables.
Bien que quelques bouts de rues se soient un peu
européanisés, Suez est supérieur comme pittoresque à
Ismailia et à Port-Saïd. Ismailia, brûlée par le soleil, est
restée rabougrie comme les arbustes de ses jardins. Portr
Saîd, cité cosmopolite, n'est d'aucun temps, ni d'aucun
pays. Suez est restée ville arabe avec ses rues étroites où
errent des ombres de chiens galeux, ses maisons aux
toits plats que dominent des minarets pointus, ses bouti-
ques basses où bourdonnent des nuées de mouches, sa
population multicolore, ses costumes bigarrés qu'uni-
formise la saleté, ses cafés où. les jours de fêtes, quelque
jeune artiste initie les clients aux mystérieuses beautés
de la danse du ventre. Les spectateurs enivrés applau-
dissent avec trénésie, pendant que, haletante, elle fait le
tour de la salle leur tendant son front ruisselant de sueur
où chacun colle une mince piécette d'ai^ent ou d'or.
De loin en loin, vous rencontrez des jeunes filles au
visage religieusement voilé, suivant les recommandations
du Coran. « L'éclat de leurs yeux est pareil à celui d'une
source d'eau vive parmi les sables, p Si la rue est déserte
et si vous ne craignez pas les désillusions, glia^ezJeur
deux sous dans la main : elles soulèveront leur voile et
vous montreront ce visage que l'œil même d'un iiaiicé
DE MARSEILLE A NOUMEA 189
n*aai*ait pas eu le droit d'entrevoir. L*arabe a horreur du
chrétien, mais il a Tesprit ouvert et ne refuse jamais de
se rendre à des arguments bien présentés. El hamdou
lillah rebb elhalmine.
MER ROUGE
Le golfe de Suez où Ton débouche en sortant du
Canal est un étroit couloir entre les falaises stériles et
ravinées du djebel Attaka et la presqu'île du Sinaî. Nulle
part on ne voit la moindre végétation ; seuls, de loin en
loin, les mâts d'un navire échoué donnent l'illusion
d'arbres dépouillés de leurs branches. Partout des ro-
chers, des Ilots, des Iles brûlées comme Jubal et Shadwan.
L'atmosphère est calme et d'un rose transparent ; mais le
moindre vent qui passe sur ces rivages de poussières
elTritées y ramasse une brume opaque et ardente. I^ cap
Mohamed qui termine au sud la presqu'île du Sinaî nous
annonce la Mer Rouge.- L'horizon s'élargit, la terre dis-
paraît parfois. A chaque instant on croise un navire, on
aperçoit une île ; et chacun se précipite sur le pont pour
les lorgner, comme si jamais on n'avait vu de rochers ou
contemplé un bateau. Beaucoup de ces îles sont des vol-
cans et, sous ce ciel brûlant, ils semblent éteints d'hier.
Ce sont d'abord les croupes bizarrement bariolées de
djebel Taïr, puis le groupe tourmenté des Zebayer, avec
la jupe rose pUssée du Tas de foin, les stries régulières
de Rugget, le bloc de la Table, les falaises bouiilonnées
de la Selle, les cônes sombres de la Grande Zebayer ;
puis djebel Zugur, plus haute, avec quelques traces de
végétation ; Périm enûn, île basse, s'élevant derrière sa
plage blanche en pentes douces, toute grise, brûlée, sté-
rile ; sur un des sommets, un phare entouré de quelques
IdO DE MARSEILLE A NOUMEA
maisons. Par dessus, on aperçoit Cheikh-Saîd qui écrase
de sa masse Tile anglaise.
A peine a-t-on dépassé Périm, en prenant la grande
passe, qu'on se heurte aux Djeziret Seba, possession
française, comme l'indique le drapeau tricolore en zinc
qui se tient rigide au sommet. Ce ne sont que des rochers
stériles. En face, le continent nous appartient également;
c'est le territoire d'Obock.
OBOGK
La ligne d'Australie ne passe pas à Obock ; aucune
ligne même n'y passe aujourd'hui ; elles se sont partagées
entre les escales mieux placées de Djibouti et d'Aden.
Les notes qui vont suivre s'appliquent donc à un passé
peu lointain encore mais qui ne revivra sans doute plus.
Obock a vécu.
Par suite de nos reculs successifs devant l'envahisse-
ment italien, la côte française ne commence aujourd'hui
qu'au raz Doumeirah. Généralement les navires se diri-
geant vers la Grande passe ne se rapprochent de terre
qu'en vue des tables basaltiques du raz Djarn et des lies
Seba. Peu après on double le raz Bir, aux falaises basses,
couvertes d'arbustes grisâtres et sur l'extrémité duquel
on a construit un phare. C'est l'entrée du Golfe de
Tadjoura et on ne tarde pas à mouiller devant Obock.
La rade est petite, un peu trop ouverte au Sud et à
l'Est, mais bien abritée des autres côtés. Un appontement
en fer permet de débarquer assez commodément. Cet
appontement conduit à une tranchée creusée dans le
corail et, par là, à la Ville administrative. Il est inutile
d'y aller, il n'y a rien à y voir qui vaille la peine d'être
vu. Les services administratifs sont enfermés dans de
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192 DE MARSEILLE A NOUMEA
petites cages en bois et le <c palais » du Gouverneur
ressemble à une grande guérite ; autour des maisons
sont dessinés des jardins où les allées sont en sable fin
et où la végétation est représentée par de gros galets
arrondis.
Le quartier commerçant et indigène est situé à
droite sur une petite éminence entre la rade et le vallon
des Chasseurs. Obock n'a guère qu'une rue et quelle
rue ! Des maisons basses blanchies à la chaux, mais
enfumées et grasses du contact incessant des indigènes ;
une seule, celle du cadi, a un étage. Des groupes d*hom-
mes demi-nus sont paresseusement accroupis contre les
murs à côté de leurs lances ; les anneaux qu'ils portent au
bras indiquent, paralt-il, le nombre des meurtres dont ils
s'enorgueillissent. De jolies petites chèvres au poil ras
cherchent vainement leur nourriture dans le sable ; des
femmes causent sur le seuil des portes, leurs cheveux
roux réunis en fines tresses comme ceux des momies
égyptiennes. Leur nez est écrasé, mais la nature, aima
mater, leur a donné de grosses lèvres pour consoler leur
amour-propre de cette infériorité humiliante. Il est rare
d'en trouver de jolies : à vingt ans elles sont grand'mères
et leur visage est ridé comme une pomme cuite. Parfois
cependant on roneontre une jeune fille au teint bronzé,
vêtue d'une longue jupe blanche. Elle n'a pas la cheve-
lure rousse et les fines tresses des Danakils ; ses cheveux
légèrement Irisés sur le front s'enroulent en im chignon
sur la nuque. Vous êtes en présence d'une race 8Ui)é-
rieure, presque civilisée. Elle vous dira avec une pointe
d'orgueil : « Moi, catholique abyssine » et elle vous mon-
trera un petit crucifix qu'elle porte sur la poitrine.
Les Abyssines ont beaucoup de qualités, mais ne les
prenez jamais comme cuisinières : elles mettent du
beurre dans leurs cheveux.
DIS X.AR^îLtE A :«OUWRA 193
Toute cette population habite soit les petites maisons
de la grande me, soit les huttes basses en bois tordu,
branchages^ herbes sèches et vieux sacs de farine qui
constituent les « faubourgs ». Des cordes maintiennent ce
ramassis de matériaux étranges et la précaution n'est pas
inutile, car le vent y souOle quelquefois avec violence.
Le Khamsin^ fournaise en marche qui descend du Nord,
a[>porte parfois jusqve dans la rade un épais brouillard
de sable.
Les environs de la ville sont totalement dépourvus
de pittoresque : ils se composent d'un plateau corallien
très uni, au sol spongieux, coupé de quelques profonds
ravins aux parois abruptes. C'est dans le plus vaste de
ces ravins, sur les bords d'une rivière sans eau, encom-
brée de broussailles épineuses d'un gris terne que brou-
tent çà et là de mélancoliques chameaux, qu'on avait
installé les coûteux et célèbres jardins d'Obock. Le
moindre légume y i*evenait à son poids d'or ; mais, à
chaque carotte qu'on en retirait, on pouvait dire, en la
montrant de loin aux terres stériles d'Aden : « Ils n'en
ont point en Angleteri'e ! »
Il pleut quelquefois à Obock,. mais les eaux des
pluies se perdent immédiatement dans le sous-sol coral-
lien sans avoir eu le temps d'en fertiliser la surface, et
c'est pour cette raison que la stérilité du pays est irré-
médiable.
Obock est un des exemples les plus parfaits du
manque de suite dans les idées qui a trop souvent, sinon
toujours, caractérisé notre politique coloniale. Au lieu
de rester à Cheikh-Saïd, position sans égale où nous
étions installés, nous sommes venus nous établir à
Oboek et, après y avoir dépensé des millions sans aucun
résultat, nous l'avons abandonné pour nous transporter
en face, à Djibouti. A peine Djibouti était-il en voie de
194 DE MARSEILLE A NOUMEA
prospérité comme port abyssin, que nous menacions de
ruiner son avenir en laissant, pendant de longs mois,
dans Tincertitude la situation des chemins de fer Etliio-
piens. Djibouti n avait cependant de raison d'être que
par ces chemins de fer. Le fait que les Anglais et les
Italiens ont cherché à obtenir de nous que nous en fas-
sions une voie internationale, au lieu d^une voie fran-
çaise, montre bien toute leur importance économique. On
s'extasie avec juste raison devant un bcbc qui partage
son gâteau avec un ami ; mais une nation qui veut vivre
n'a pas le droit de montrer le même désintéi*essement :
on ne fait pas de largesses avec son avenir. Nous avons
eu tous les frais de Tentreprise, nous en avons couru les
risques, il n'est que juste que nous en gardions les béné-
fices. Il est curieux de constater ici, une fois de plus,
comme nous trouvons facilement des amis pour croquer
les marrons que nous avons pris la peine de tirer du
feu. C'est l'histoire de l'Egypte, du Niger maritime, de
tous les pays de valeur où nous avons passé par le
monde. Nous avons -eu, en Abyssinie, la chance extra-
ordinaire de mettre la main sur une voie commerciale de
premier ordre ; nous avons eu l'initiative et la persévé-
rance, plus extraordinaires encore chez 'nous, de la
mettre en exploitation ; nous avons obtenu que la ques-
tion fut définitivement réglée à notre profit et qu'une
Compagnie française fut autorisée à pousser ses rails
jusqu'à Addis-Ababa. Veillons à ce qu'elle reste française,
défendons là contre les entreprises étrangères. C'est
assez, c'est trop d'avoir laissé l'Angleterre, contraire-
ment à nos conventions avec TAbyssinie, obtenir d'elle
l'autorisation de construire, dans l'arrière pays de Zeilah.
une voie qui peut à la fois ruiner la nôtre et annihiler
Djibouti.
ObocK une fois abandonné, on a parlé de faire de
DE MARSEILLE A NOUMEA 195
Djibouti non seulement le port de TAbyssinie, ce qui est
en eilet son rôle, mais un point d'appui ])our la Flotte,
ce qui m'a toujours paru un excellent moyen de jeter
follement de largent à Teau. Djibouti n'est pas défen-
dable. On a songé alors aux fournaises de Gubbet-
Kharab, au fond du golfe <le Tadjoura ; on a même aspiré
à en faire un nouveau Bizerte. Il ne manque, hélas ! à ce
nouveau Bizerte que de l'eau, des vivres, un climat sup-
portable et... des fonds où les navires puissent mouiller.
Il y a cependant des chances pour qu'on aille noyer l'or
des contribuables dans les abîmes de cette inutile nicdi-
teri*anée et renouveler là l'expérience faite à Obock, au
lieu de retourner à Cheikh-Saïd.
I>es limites de notre territoire ont beaucoup varié
suivant les époques. A partir de 1840 et pendant un demi
siècle, elles s'élargissent, gagnant progressivement le
nord jusqu'à Massouah, le sud jusqu'à Dongarita et
Bulhar, l'intérieur jusqu'au pays des Issahs et des Gado-
boursi sous les murs du Harrar. En 1883, nos frontières
du nord battirent brusquement en retraite, devant les
Italiens, jusqu'au raz Doumeirah ; depuis 189Ù, elles se
retirèrent du sud devant les Anglais jusqu'aux portes
mômes de Djibouti ; enfin de l'intérieur elles reculèrent
progressivement vers la mer jusqu'à s'en tenir aujour-
d'hui à 90 kilomètres environ. Espérons qu'elles ne rétro-
graderont pas davantage, pendant que les limites anglai-
ses et italiennes empiètent sur les autres faces de TAbys-
sinie.
ADEN
Aden est le port de dispersion de toutes les lignes
de vapeurs qui, partant de l'Europe, se dirigent vers le
golfe Persique, l'Inde, l'Extrême-Orient, l'Océanie, la
196 DE MARSEILLE A NOUMEA
côte orientale d'Afrique. C'est comme Colombo, un foyer
d'où rayonne dans toutes les directions le mouvement
commercial de TOccident.
A peine êtes-vous mouillé en rade devant Steamer-
point qu'une flottille de pirogues amène autour du bord
des bandes de petits négrillons qui vous assourdissent
de leur cri : « A la mer, ho ho ! » Ce n'est pas un cri de
guerre comme on pourrait le croire, mais un simple
appel de fonds. Ces gamins sont des nageurs étonnants :
on leur lance des sous qu'ils vont chercher à une grande
profondeur, écartant d'une ruade les requins au milieu
desquels ils évoluent. Pour une pièce blanche ils passent
sous le navire. Après une lutte sous-marine que révèlent
les tourbillons, le vainqueur rapporte le butin dans sa
bouche, seul porte-monnaie que lui permette l'exiguité
de ses vêtements. Le métier est quelquefois dangereux :
les requins, ennuyés du tapage qu'on vient faire chez
eux, s'avisent parfois d'y faire la police. Malheur alors
au petit mendiant qui leur tombe sous la dent : bracelets,
grisgris préservateurs, tout y passe, et un ou deux
membres avec.
Au débarcadère, les changeurs s'abattent sur le pau-
vre voyageur et lui oflrent de la monnaie anglaise, ou,
pour parler plus exactement, quinze francs pour un louis.
A Steamer-point on retrouve la civilisation un peu
oubliée à Obock : les tramways ne roulent pas encore
dans ses rues poussiéreuses, mais il y a des voitures, des
chevaux, des ânes et des chameaux ; c'est plus qu'il n'en
faut pour se promener. Rien ne rebute les cochers et les
conducteurs : ils s'attachent à vos pas, formant derrière
vous un long cortège. Vous refusez leurs services, ils
n'en ont cure et, patients, vous suivront toute une jour-
née, sûrs que le moment viendra où la lassitude vous
jettera dans leurs bras.
DE MARSEILLE A NOUMEA 197
Une fois en voilure, vous avez les gamins qui eou-
rent dans le sillage, en piaillant : « Baksish pour man-
ger! » La mendicité varie peu ses formules. Un petit
drôle cependant me prend par mon côté sensible :
(c Moi parler français, M*sieu, donner baksish ! » Â celui-
là, je donne deux sous pour l'encourager à continuer ses
études.
Steamei'-point n'est qu'une vaste place semi-circulaire
qui s'ouvre devant le débarcadère, bordée d'hôtels et de
magasins assez misérables. Aucune apparence anglaise,
du reste, en dehors du monde offîciel et des fournisseurs
de charbon. Le commerce est entre les mains des Parsis ;
les hôtels et quelques magasins sont français, juifs, ita-
liens ou grecs
Pendant le jour tout est mort, mais le soir, la place
offre un spectacle inoubliable : toute la population indi-
gène, fuyant la chaleur concentrée des maisons, apporte
son couchage et s'installe au grand air pour y passer la
nuit. Bientôt, d'un bout à l'autre, les ronflements vont
leur train et, de toutes parts sous le ciel étoile :
€ Ce ne sont que parfums el concerls infinis. »
Les buts de promenade n abondent pas à Steamer-
point, 11 n'y en a qu'un : aller à Aden par Main gâte et
revenir par les tunnels. En attendant que le chemin de
fer de Dhalaa soit construit, on fait cette promenade en
voiture. Après avoir longé la mer pendant quelque temps
jusqu'au delà du village de Mahala, la route franchit par
une profonde et étroite tranchée un col peu élevé, fortifié
comme toutes les crôtcs voisines ; c'est Main gâte. De
l'autre côté elle descend dans un vaste cirque au fond
duquel rôtit la ville indigène, toute blanche avec ses mai-
sons basses qui resplendissent sous le soleil. Il est im-
possible de se figurer pays plus désolé : tout autour
198 DE MARSEILLE A NOUMEA
S élèvent des montagnes rouges crevassées, contournées,
bouillonnées comme une coulée de scories encore brû-
lantes. Sur ces murailles ardentes et inaccessibles, pas un
grain de terre, pas une trace de végétation. Derrière la
ville, dans un ravin à l'entrée de ces montagnes rouges
qui rétreignent dans un cercle de feu, se trouvent les
fameuses citernes, dites de Moïse, construites en réalité
par les Perses au vi""* siècle avant Jésus-Christ. Treize
de ces citernes, d'une capacité totale de 33 millions de
litres, ont été réparées par les Anglais en 1836. On peut
les visiter comme une curiosité, mais il ne faut pas s'at-
tendre à y trouver de Teau : l'eau est à Aden une chose
trop précieuse pour qu'on la jette dans ces fournaises
ardentes. Leur contenance est soigneusement indiquée
par une inscription, mais elles ne contiennent jamais
rien, pas même de feuilles mortes tombées du jardin
public qui les précède, car dans ce « jardin i>, il ne
pousse que des « Défence de cueiller les plantations. »
Cherchez, et si à l'ombre d'un de ces écriteaux vous trou-
vez une herbe, n'y touchez pas : un gardien en uniforme,
sa matraque à la main, la protège et chaque matin lui
apporte dans un pot la goutte de rosée qui la fait vivre.
Saluez-la, mais n'y touchez pas, elle a coûté des millions.
Le Temple du feu, les Tours du silence, la Mosquée
de Cheikh-Hydros, rien de tout cela ne vaut la peine
d'être vu. La ville renferme ses 18.000 habitants dans des
maisons basses, misérables et malpropres. On considère
quelquefois le vaste cirque dans le fond duquel elle est
bâtie comme un ancien cratère et cette opinion a même
reçu une sorte de consécration officielle puisque les mon-
tagnes voisines en portent le nom. Je doute cependant
que c'en soit un, bien que l'origine plutonienne de toute
la presqu'île ne soit pas douteuse.
On revient à Steamer-point par les tunnels. Le pre-
DE MARSEILLE A NOUMEA 199
niier, le plus long, est éclairé par des réverbères, mais il
est si étroit qu'a chaque instant les voilures sont obligées
de se ranger contre les parois pour laisser passer des
chameaux qui paraissent tout honteux de traîner des
charrettes. Quel bon moment on passe sous ces tunnels
et comme on apprécie leur (raicheur après un séjour
dans Tétuve d'Aden ! A la sortie, des embrasures atten-
dent les canons qui doivent, en cas d'attaque, balayer le
couloir. Après le deuxième tunnel on descend vers une
muraille dégradée qui ferme l'isthme et derrière laquelle
s'abritent des citernes et des casernes encadrant une
grande place entourée d'arbres verts. Ces arbres sont la
seule végétation du pays. On rejoint là les bords de la
rade ; d'un côté, un escalier sans lin monte au fort de
Munsoori qui couronne le sommet de la montagne ; de
l'autre, sur la plage, une afïiche annonce qu'il est interdit
de se baigner. Quand la pudeur sera bannie du reste de
la terre, on pourra venir la chercher à Aden.
Bien qu'un des principaux points de relâche de la
route d'Kxtréme-Orient, Steamer-point est encore assez
mal outillé, les premiers efforts des Anglais s'étant tout
d'abord portés sur les fortifications. Une société cepen-
dant s'est formée il y a quelques quinze ans pour la
création, dans le fond de la baie, d'un vaste bassin où
les grands paquebots trouveront, en même temps qu'an
abri sûr, toutes les facilités qui leur manquent actuelle-
ment pour leur ravitaillement. Mais ce bassin est loin
d'être ouvert à la navigation, puisqu'il n'est pas encore
sorti du carton des ingénieurs. On comprend du reste
l'hésitation des Anglais à se lancer dans cette voie : ils
savent mieux que nous que la position commerciale
tl'Aden est de beaucoup inférieure à celle de notre Gheikh-
Saïd et ils se rendent bien compte que le jour où Cheikh-
Saîd sortira de Toubli où on Fa volontairement laissé,
200 DE MARSEILLE .A NOUMEA
Aden aura vécu comme station commerciale et ne sera
plus pour eux qu'un point d'appui militaire. Le port
d'Aden est trop en dehors de la route directe des paque-
bots pour que son avenir commercial ne puisse être
menacé à un moment donné. Il s'est développé, si on
peut dire, contre nature, parce que les Anglais ne possé-
daient pas mieux dans ces parages, et il doit s'attendre à
être obligé de céder la place à tout autre port de relâche
mieux situé, comme Cheikh-Sald. Mais au point de vue
militaire, il conservera toute son importance : la rade,
assez médiocre il est vrai, peut être améliorée ; elle est
défendue du côté de la mer par les batteries de Morbat
et de Tarshyne et du côté de terre par celle de Munsoori.
qui en font une place forte, non seulement imprenable
pour les indigènes, mais redoutable pour des flottes ou
des troupes européennes. Une garnison de i.lOO hommes
y gaiHle une réserve de 50.000 tonnes de charbon pour la
flotte de guerre.
Les Anglais viennent d'entreprendre la construction
d'une voie ferrée qui reliera Steamer-point à Dhalaa, à
l'extrémité nord de leur territoire. Cette ligne n'est,
dans leur pensée, que l'amorce d'une grande voie de
pénétration vers le Yemen et le centre de l'Arabie. Elle
est destinée non seulement à drainer au profit d'Aden
tout le commerce de la région si riche de Sanaa, ce que
nous pourrions faire bien plus facilement à Cheikh-Sa!d,
mais encore à faire pénétrer leur influence dans ces pays
qu'ils convoitent et dont ils espèrent bien s'emparer un
joui\
D. LlÈVUE
Sous-Intendant Militaire des Troupes Coloniales,
en retraite
(A suiçre)
FORÊT 8 SnVSHES COHBOLillSES
(i)
Mesdames, Messieurs,
Je n'ai d'autre prétention, ce soir, que de vous mon-
trer une série de projections. Je sais par avance que les
photographies vous intéresseront bien davantage et vous
donneront un aperçu beaucoup plus exact des X)ays tra-
versés que toutes les descriptions que je pourrais en faire.
Au surplus, les nombreux palabres que j*ai tenus
dans la forêt équatoriale ou dans la savane congolaise ne
m'ont nullement préparé à me présenter devant l'assem-
blée d'élite qui me fait l'honneur de m'écouter aujourd'hui.
A un auditoire aussi éclairé, aussi instruit des choses
coloniales et sachant les voir sous leur véritable jour,
j'aurais voulu pouvoir exposer à grands traits, mais avec
précision et en donnant a chacune sa valeur, les raisons
de notre expansion dans l'hinterland congolais, montrer
l'avenir des régions que nous venons de traverser, le
mode d'exploitation qui leur convient, parler des cultures
et des productions auxquelles elles se prêtent, et traiter
enfin de l'emploi de cet autre organe très important, et à
tous les points de vue intéressant de la richesse d'une
colonie, je veux dire de sa population.
Mes collaborateurs, à l'énergie, à l'activité et au
savoir desquels je me plais à rendre un hommage juste
et bien mérité, se sont en effet appliqués à des travaux de
tout ordre, de façon à inventorier pour ainsi dire les
(4) Conlérence faite devant la Société de Géographie Commer-
ciale 4a Hanrjw, le 18 Décembre 1908,
202 FORÊT KT SAVANES CONGOLAISES
régions visitées ; et, a côté de la portée technique des
opérations géodésiques, à côté des recherches scienti-
fiques concernant la géologie, la minéralogie, le climat,
les productions, la faune et la flore des territoires par-
courus, ils se sont adonnes plus spécialement à 1 étude
des questions économiques et techniques qui s'y ratta-
chent. Et si je tiens à mentionner plus spécialement ces
deux objets de leurs travaux, c'est qu'en matière colo-
niale, ils nous ont paru de toute première importance.
Nous savons tous le rôle important de nos colonies ])our
notre industrie et notre commerce français. Et ce dont
nous avons aussi la sincère conviction, c'est que nous ne
serions plus Français, nous renoncerions à notre passé
magniOque de gloire et de générosité, nous abandonne-
rions notre belle œuvre civilisatrice que nous avons pro-
menée avec le drapeau de Lafayette à travers le monde,
si nous ne nous intéressions pas aux peuples qui sont
encore dans la barbarie ou dans l'enfance, si nous dédai-
gnions d'étudier leur histoire, leurs origines, leurs
mœurs, leurs coutumes, leurs mentalités et par suite les
moyens, en les connaissant mieux, de les élever plus
rapidement et plus sûrement vers nous, et d'ouvrir enfin
leurs yeux endormis aux lumières de la civilisation.
J'aurais donc été heureux et fier, je l'avoue, de vous
exposer les résultats des travaux de mes zélés compa-
gnons de voyage. Mais, outre que ce serait là une tâche
trop grande pour un exposé de quelques quarts d'heui'c,
je dois confesser que nous n'avons pas encore eu le temps
de tirer des conclusions absolument fermes de ces études
et des documents rapportés.
Néanmoins, en vous donnant quelques explications
§ur les photographies que vous allez voir, je vais essayer
de vous montrer Taspect général des régions que nous
avons vues ou reconnues, et de vous tracer pour ainsi
fORÊT ET SAVANES CONGOLAISES 203
dire le cadre dans lequel j'aurai peut-être un jour Tocca-
sion de monti*er les résultats complets de notre voyage.
Auparavant, permettez-moi de vous dire en quelques
mots l'objet de ce voyage, c'est-à-dire les origines de
cette question de délimitation de frontière entre le Congo
français et le Kameroun allemand, qui était le véritable
but de ma mission.
En 1885, une i)remière convention avait fait adopter,
comme limite des sphères d'influence de la France et de
TAUemagne, le parallèle dit de Campo, qui suit à peu
près le ir de latitude nord, et cela jusqu'au 15" E. de
Greenwich. Mais cette convention ne disait rien de la
limite orientale du Kameroun au nord de ce parallèle.
De 1890 à 1893, diflerentes missions françaises et
allemandes partirent à la reconnaissance des territoires
de rhinterland. Parmi les missions allemandes, nous cite-
rons celles du capitaine Morgen, du D** Zintgraff, du
baron de Gravenreuth, de M. Ramsay, du lieutenant von
Stettcn. Toutes eurent peu de succès, et aucune d'elles
n'atteignit le véritable but qu'elles se proposaient.
Durant la même période, les missions françaises
étaient plus heureuses, et. sans pouvoir toutefois recon-
naître tous les immenses territoires qui devaient faire
partie du domaine de la France, n'en parcouraient pas
moins des itinéraires très développés, qui réunissaient le
bassin du Bénoué à celui du Congo. Leurs chefs, déjà
bien connus de vous, les Chollet, Foureau, Brazza, M izon,
Maistre, Pouel. étaient d'ailleurs de sûrs garants de leurs
succès.
Quoi qu'il en soit, les progrès vers l'hinterland, tant
des Français que des Allemands, amenaient la nécessité
d'un nouveau protocole, (|ui posât du sud au nord une
limite entre les sphères d'influence des deux puissances.
Ce fut l'œuvre de la convention de 1894, où les repré-
204 FORÊT KT SAVANES CONGOLAISES
sentants de la France furent M. Haussmann et le lieate-
nant-colonel Monteil.
En Tabsence de données géographiques précises sur
des régions pour la plupart inconnues, ce protocole
adopta comme frontières des lignes géométriques idéales,
tracées le plus souvent suivant des parallèles ou des mé-
ridiens géographiques. C'étaient des lignes droites et des
arcs de cercle qui ne tenaient aucun compte des divisions
historiques, politiques, ethniques, voire même géogra-
phiques des territoires qu'ils traversaient.
Aussi, ce protocole de 1894 prévoyait que le partage
ainsi opéré était sujet à des révisions successives, à me-
sure que les données géographiques que Ton posséderait
seraient plus nombreuses et plus précises, et permet-
traient de substituer, aux limites arbitraires primitive-
ment fixées, des frontières correspondant à la configu-
ration naturelle du pays et satisfaisant mieux les intérêts,
non seulement des deux puissances contractantes, mais
aussi — et ce n'est que justice — ceux des populations
indigènes dont on dispose sans les consulter.
Ce sont donc ces données géographiques, ces préci-
sions que nous sommes allés chercher au Congo. Mais,
grâce à la solide composition de la mission, j'ai pu
étendre la zone de nos recherches et de nos travaux bien .
au delà de la bande de territoii*e à travers laquelle doit
se mouvoir la ligne frontière. A côté de l'œuvre de déli-
mitation, nous avons fait de l'exploration. C'est de celle-
ci seulement que je veux vous entretenir.
Depuis la Sangha jusqu'au Tchad, la frontière, ayant
une direction générale sud-nord, traverse des régions
dont l'aspect, la population, le climat changent progres-
sivement à mesure qu'on s'éloigne de l'Equateur. Elle
part des pays couverts par l'épaisse végétation de la
forêt équatoriale et lavés par des pluies presque conti-
FORÂT ET SAVANES CONGOLAISES 208
nuclles, pour aboutir sur les confins du désert, dans des
zones sablonneuses hérissées d'une végétation épineuse et
rabougrie, où le régime des pluies est peu abondant, et
que traversent seuls des fleuves alimentés par des sour-
ces méridionales et lointaines. Elle visite dès l'abord des
peuplades' primitives, anthropophages et indépendantes,
pour s'arrêter au milieu de populations musulmanes,
déjà quelque peu civilisées et policées. Elle franchit, à de
hautes altitudes, des terrains montagneux d'où les eaux
s'échappent en cascades ou en torrents creusés dans des
lits de roc, et retombe ensuite dans une vaste région sans
relief, peu élevée au-dessus de la mer, où les eaux s'éta-
lent dans de vastes marais, où les fleuves ont des cours
indécis et sont appauvris par de nombreuses déri-
vations.
Nous allons parcourir successivement, mais très
rapidement, ces diflérentes régions. Nous prendrons le
moyen de locomotion de l'avenir, d'un lointain avenir.
En une heure, j'espère vous faire parcourir 2.000 et quel-
ques kilomètres, et, pour avoir moins chaud, nous voya-
gerons de nuit.
A Brazzaville, chef-lieu du Congo français, nous em-
barquerons sur un petit vapeur de la Compagnie des
Messageries fluviales, vapeur de 30 tonneaux, qui, en
12 ou 14 jours, nous amènera à Nola, chef-lieu de la
région administrative de la haute Sangha. Ceci est encore
possible en novembre, mais ne Test plus un mois plus
tard, au moment de la baisse des eaux dans la Sangha.
Nous sommes ici au point de départ de nos travaux,
en pleine forêt équatoriale, à travers laquelle la Sangha
serpente majestueusement entre des rives inondées et
monotones.
Les habitants des quelques villages qui s'accrochent
aux lambeaux de terre émergés sont les Ngoundi et les
206 FORÊT KT SAVANES CONGOE»AlS1SS
Pûiidés. Ces gens sont soumis et reconnaissent Tautorité
de radministration française.
Mais à Fouest, entre la Sangha et la frontière alle-
mande, s étend nne région qui, lors de notice annvée,
était encore inexplorée, peuplée de tribus guerrières non
soumises et hostiles, et qui avaient toujours annoncé
qu'elles s'opposeraient à larrivée des Européens chez
elles.
A force de pourparlers difficiles à entamer, grâce
également à Taudace et à la fermeté des officiers qui me
secondaient, j'obtins, au bout d'un mois, la soumission
des deux principales tribus : les autres suivirent le mou-
vement. Tous ces gens étaient surtout défiants. Lorsque
le lieutenant Georges, mon envoyé auprès de Likapota,
l'un des deux principaux chefs de Mbiémou, se présenta
sur le territoire de sa tribu, il n'avait avec lui que cinq
tirailleurs indigènes d'escorte. Il trouva, pendant toute
une étape, tous les villages complètement év^icués, et
lorsqu'il arriva à la résidence du chef, tous les guerriers
de la tribu, au nombre de 500 environ, y étaient rassem-
blés, en armes, la plupart munis de fusils à pierre ou à
piston, dont le chien était relevé et prêt à partir. Toute
cette horde était silencieuse, rangée sur deux lignes de
chaque côté de Tunique et droite rue du village. A la
première tentative du lieutenant pour entrer en conver-
sation, personne ne répondit. Prenant son parti d'aller
lui-même jusqu'au chef, qu'il supposait placé à l'auti'e
extrémité de la rue, il laissa ses cinq tirailleurs en arrière,
et seul, sans armes à laC main, il marcha entre cette haie
de sauvages qui, étonnés, le regardaient sans bouger.
Le lendemain, le lieutenant me ramenait tous les
chefs et notables de la tribu et des tribus voisines, qui
venaient se soumettre dans un palabre solennel.
Tout ce pays du Mbiémou est couvert de l'épais
FORÊT ET SAVANES CONGOLAISES 207
manteau presque impénétrable de la grande forêt, où les
sentiers mal Iracés disparaissent sous renchevôtrement
des lianes, grimpent au flanc des collines abruptes pour,
à chaque instant, redescendre glissants dans des rivières
torrentueuses ou dans des ravins vaseux. Pas de grosses
aggiomération»d'habitants, mais des hameaux disséminés,
cachés au fond des vallées, dans de minuscules clairières,
et presque inaccessibles à qui ne connaît pas tous les
détours de la mystérieuse forêt. Une race âpre et rude y
vit sous de primitifs abris. Ce sont des hommes bien
découplés, aptes à la guerre d'embuscade, habiles à se
glisser parmi les fourrés les plus denses, à escalader les
abatis naturels formés en travers des chemins par la
chute des vieux arbres géants et le lacis de lianes qu ils
supportaient. Et à côté de cette race forte, une autre
race, presque de pygmées, plus agile encore, celle des
Bahingas, nains exercés à la chasse, tueurs d'éléphants,
se glissant sous le pas de Ténorme béte pour lui crever
l'abdomen d'un coup de sagaie, et le suivant des jours
entiers jusqu'à ce qu'il meure ; grimpant aux sommets
des arbres, où ils font quelquefois leurs nids — je veux
dire leurs demeures — ayant l'adresse et l'instinct des
singes, s'abritant dans les fourrés, vivant sous des abris
de fortune, nomades, ils sont les gnomes de la forêt,
toujours là et toujours invisibles. Ils chassent pour le
compte des autres habitants de la forêt, dont ils sont en
quelque sorte les clients, mais ils ne manquent jamais de
viande, et ne tuent pas les gorilles, dont ils se prétendent
les proches parents.
Dans cette forêt, fouillis inextricable de grands
arbres, d'arbustes, de plantes et de lianes de toutes
sortes, rarement traversé j)ar les rayons du soleil, et
soùs lequel régnent une demi-obscurité et une humidité à
peu près perpétuelles, vivent surtout des éléphants en
208 FORÂT KT SVVANES GONGOLAUnSS
assez grand nombre, des gorilles aux mâchoires et i
mains paissantes, et des sangliers et antilopes de iietite
race. Les essences eaoutchontifères sont abondantes. On
7 rencontre en particulier le « Fortunea elastica >», ou Ireh.
Nul doute que cette région, nouvellement ouverte à
notre commerce ne soit pour lui la source d une profi-
table exploitation. J*ai récemment appris d*aillcurs qu'une
factorerie de la Société de TE. K. S. y avait été installée
peu après noti^ passage.
Au sortir de la forêt, nous atteignons le pays Baya,
la région de la bix>usse et de la savane. La brousse, c'est
le steppe herbeux, avec par ci par là un arbre rabougri
et tordu, au tronc et aux branches noircis par Tincendie
annuel. Les herbes y atteignent deux, trois et quatre
mètres de hauteur, et couvrent à perte de vue les vallon-
nements du terrain. Dans la savane, les hautes herbes
recouvrent aussi le sol de leur uniforme manteau, mais
les arbres deviennent plus grands et plus nombreux.
Presque régulièrement espacés, ils dounent au pays
l'aspect d'un immense verger. Le pays est très irrigué.
Non seulement de nombreux ruisseaux, mais de laides et
belles rivières lo sillonnent. Au creux des vallées, d'étroi-
tes bandes de forêts ombragent les rives des cours d'eau,
et, pour l'observateur placé sur un sommet, marquent
d'un trait sombre sur le fond plus clair des herbes les
larges courbes que décrivent les thalwegs.
A mesure qu'on monte vers le nord, le terrain
s'élève pour atteindre parfois des altitudes de ^.000 à
1 500 mètres. Les vallées deviennent plus profondes et
plus encaissées , les collines font place à des montagnes
rocheuses, et Ton se trouve dans une véritable petite
Suisse africaine, sans névés ni glaciers, mais avec des
FORÊT ET SAVANES CONGOLAISES S8(J9
sites admirables : pays de torrents et de cascades écu-
mant entre des murailles de granit, d'amoncellements
rocheux surplombant des pentes abruptes et tapissées
d'herbes courtes qui feraient d excellents pâturages. Les
indigènes, sommairement vt^lus de peaux, armés d'arcs
et de sagaies, nous regardent passer du haut des crêtes
où une crainte injustifiée les a fait se réfugier, et se lan-
cent des appels incessants à Taide de sons rauques tirés à
plein souflle d'une corne d'antilope.
Et nous arrivons ainsi au nœud orographique qui se
trouve à la tête des bassins côtiers du Kameroun, du
bassin de la Sangha, de TOuaben et du Logone, massif
dont les monts Dé sont le promontoire oriental. Région
des plus intéressantes : partout des montagnes rocheu-
ses, tourmentées, offrant à l'œil surpris des amoncel-
lements de blocs de granit juchés bizarrement les uns
sur les autres, à position d'équilibre comme s'ils étaient
prêts, au moindre choc, à rouler et dégringoler en
effroyables avalanches ; les uns en forme de boules sur
d'immenses dalles horizontales ; d'autres d'allures diver-
ses, au dos arrondi et ressemblant à des monstres accrou-
pis sur ces tas de pierres géantes; d'autres encore sus-
pendus au flanc des pentes et ne paraissant rester en
place que par prodige. VA, dans ce chaos rocheux, des
trous, des fissures donnent accès, par de longs dédales
où l'on glisse, où on se laisse tomber pour avancer, où
l'on rampe et où l'on grimpe, à des refuges obscurs et
humides, connus des seuls habitants, où ceux-ci cachent
des approvisionnements et se réfugient à la moindre
alerte. C'est qu'ils ont été souvent menacés par les chas-
seurs d'esclaves venus de l'Adamaoua. Leurs huttes sont
construites aux flancs des massifs ou des pitons isolés ;
leurs plantations sont dans la plaine au bas des pentes.
Au premier signal, tout le monde, hommes, femmes,
210 FORÊT ET SAVANES CONGOLAISES
moutons et cabris, gagne, pêle-mêle les retraites souter-
raines ; et, posté derrière des blocs de pierre, à chacune
des nombreuses fissures de la masse rocheuse, un homme
armé de flèches et de sagaies guettera, pour le frapper
au passage, le pillard qui osera s'aventurer jusque sur
les pentes où les fugitifs ont trouvé leur salut.
J'ai comparé avec raison ces amoncellements de rocs
à des tas de pierres géants. Entre leurs interstices pous-
sent des arbres contournés, là où les eaux n'ont pas en-
core entraîné toute la terre. Quelquefois, sous l'action
des agents atmosphériques ou dés acides humiques, de
nouvelles fissures se produisent et déterminent de nou-
veaux éboulements qui entraînent souvent la mort de
nombreux individus.
Le [Jiays, relativement peuplé jusqu'à hauteur de la
vallée de l'Ouaben, le devient moins entre l'Ouaben et
la vallée du Logone. Les habitants appartiennent encore
à la race Baya, mais s'en écartent déjà par quelques par-
ticularités du langage, des mœurs, des traits, des tatoua-
ges. Ils sont plus sauvages et moins doux que les Bayas
du sud.
L*orateur continue sa conférence en illustrant de
nombreuses, nouvelles et remarquables projections un
discours dont l'intérêt ne se ralentit pas un instant, et
dont nous donnons ici un résumé :
Tout d'abord, comme je tiens à ce que ceux qui ont
été à la peine soient à l'honneur, je vous présente deux
des soldats indigènes de notre escorte. Ils appartiennent
à cette magnifique race de soldats que nous a donnés le
Soudan, et qui^ ont été les merveilleux auxiliaires de
notre œuvre de domination et de colonisation en Afrique
occidentale et en Afrique centrale, au Congo, à Mada-
FORÂT ET SAVANES CONGOLAISES 211
gascar. Notre escorte se composait de 27 braves de ce
genre. Morcelés en plusieurs détachements, ils nous ont
servis avec le zèle, le dévouement et rattachement le
plus complet ; et, lorsque nous nous sommes séparés
d'eux, à Léré, nous fûmes profondément émus de les voir
venir, les larmes aux yeux, nous presser les mains.
Le village ngoundi de Nola fut le point de départ de
nos travaux. Les huttes basses et rectangulaires, alignées
sur la rive de la Sangha, sont construites en écorce de
ficus et couvertes d'une toiture faite de feuilles. C'est
l'habitation des peuples de la forêt, qui les protège contre
le vent et les ouragans.
Les femmes ngoundis ont les dents, à la mode du
pays, taillées en pointe. Les bracelets qu'elles portent
aux bras et aux chevilles sont faits de fil de laiton en-
roulé. Les colliers sont composés de perles, de verro-
terie et de dents de chien. Le laiton et les perles sont
importés par les factoreries.
Les Ngoundis habitent les bords de la rivière. Ils
sont forts, guerriers et anthropophages. A côté d'eux
vivent les Pandés, petits, simples et doux, non anthropo-
phages, population tranquille de pêcheurs.
Avant notice arrivée dans le pays, les Pandés étaient
la proie des tribus anthropophages de l'intérieur, qui les
appelaient : <* La petite viande de la rivière. »
Les femmes ngoundis sont vêtues d'un petit tablier
de cuir par derrière. Elles en ont autant sur le devant.
Les plus élégantes sont coiffées d'une peau de singe. Elles
dansent en rond, face au centre du cercle, en agitant
vigoureusement les épaules et les bras. Au milieu d'elles,
deux musiciens jouent du balafou, dont les caisses de
résonance sont faites de calebasses allongées.
En amont de Nola, à Bania, la rivière est barrée par
des rapides. Nos bagages étaient transportés en pirogues.
212 FORÊT ET SAVANES CONGOLAISES
Quand il s'agit de leur faire franchir par voie de terre
les 7 kilomètres qui nous séparaient du bief supérieur,
des femmes, désireuses de gagner quelques perles, vin-
rent se [)résenter en grand nombre pour transporter nos
bagages, et i)rotestaient contre un arrêté récent du Com-
missaire général qui interdisait le portage par les fem-
mes. Elles alléguaient qu'elles étaient habituées à des
travaux plus pénibles, et voulaient à toute force gagner
de quoi satisfaire leur coquetterie. Nous en avons profilé
pour les photographier de face et de dos.
La, nous quittons la rivière et pénétrons dans la
forêt du Mbiémou. Nos porteurs déposent leurs charges
dans l'avenue d'un village où nous allons camper. Beau-
coup de bananiers, qui fournissent, avec le maïs et le
manioc, la base de la nourriture des indigènes.
Les indigènes du Mbiémou viennent se soumettre.
Venus en armes de tous les points de la forêt, ils assis-
tent à un palabre de soumission, dans une toute petite
clairière bordée d'arbres géants. Ils écoutent dans le plus
grand recueillement la parole du chef blanc, qui leur
trace à grands traits les nouvelles obligations qu'ils
acceptent.
En avant d'eux se tient leur chef, Ngobaco, n'ayant
pour tout vêtement qu'un feutre provenant de quelque
factorerie des territoires voisins. Sa femme favorite Ta
accompagné, et humblement lui a lavé les pieds avant
qu'il prenne place sur la natte qui avait été disposée à
son intention. A sa droite est accroupi son conseiller
intimé. Il dira tout à l'heure dans un langage imagé qu'il
sera désormais soumis comme une poule, docile comme
un cabri, fidèle comme un chien...
Au sortir de la forêt, nous entrons dans le pays de
la brousse et de la savane. Les hautes herbes forment la
dominante de la végétation.
FORÊT ET SAVANTES CONGO J.A1SES 243
Les villages sont en général étendus sur le dos
arrondi des collines.
Les cours d^eau sont presque tous dans de profonds
ravins et coulent en torrents.
Actuellement, grâce aux forêts qui les bordent, ces
ravins sont comblés peu à peu par les dépôts amenés tous
les ans et arrêtés par les racines enchevêtrées des lianes
et des arbres. En beaucoup de points, les terres bordant
les cours d'eau, non tassées, forjment des marais.
Quelques-uns de ces cours d'eau sont très larges.
Tels le Mambéré, le Kadeï. la Nana, les deux Boumbé.
La caractéristique de toutes ces rivières est qu'à quelques
kilomètres de leur source, elles sont déjà très profondes
et très larges. Leur débit d'eau, qui est énorme pendant
la saison des pluies, est minime en saison sèche.
On les traverse, soit avec une petite pirogue, ce qui
est très long, soit sur des ponts de fortune. Parmi ceux-ci,
il faut citer les ponts de lianes, faits de lianes qui des-
cendent des arbres de la rive, et savamment tressées en
un filel qui forme un pont suspendu et très remuant.
Le pays est très accidenté, et Ton rencontre partout
de nombreux affleurements de roches, grès rouges, grès
micacés, grès quartzeux, quelques granits gris et de
noipbreux minerais de fer.
De nombreuses roches, placées comme en équi-
libre instable, surplombent parfois des amoncellements
pierreux.
Les sommets et les flancs des montagnes sont, depuis
le 5" N, complètement dépourvus de forêts. Les eaux des
pluies ont entraîné l'humus dans les fonds où se trouvent
les cours d'eau. C'est là qu'on trouve des forêts, grâce à
l'énorme quantité de terre végétale api>ortée, et c'est dans
ces forêts qu'on tx*ouve les arbres et les lianes à caout-
chpuc en abondance. C'est cgalQAient s.i^r les bords de
214 FORÊT ET SAVANES CONGOLAISES
ces cours d'eau qu'il est permis d'espérer qu'on pourra
cultiver avec succès et en abondance le coton. Nous
avons, en effet, trouvé du coton dans la région, poussant
vigoureusement, quoique non soigné. Les graines y
avaient été apportées ^ par des Haoussas venus du Nord.
Et nous-mêmes, avec des graines qui nous avaient été
remises par l'Association cotonnière coloniale, avons fait
des expériences qui nous permettent de bien augurer des
tentatives qui ne manqueront pas d'être faites ultérieu-
rement.
Chaque année, vers la fin de la saison sèche, les
Bayas mettent le feu aux herbes des savanes pour leurs
grandes chasses et pour tuer les insectes et les tiques.
C'est ainsi qu'ils chassent l'éléphant, l'attendant à
des passages obligés. Ils en tuent chaque année un grand
nombre. Ils tuent aussi les rats, les belettes et tous les
petits animaux. Le Baya, très friand de viande, mange
celle de n'importe quel animal, fût-il très faisandé.
Après l'incendie, il ne reste qu'un paysage d'hiver.
Les arbres sont sans feuilles mais noircis, et une sorte de
neige noire, faite de cendre, couvre uniformément le sol.
La race Baya qui habite ce pays est une des plus
nombreuses du Congo français.
Le Baya est plutôt petit, bien musclé, agile. Il a les
attaches unes, les mains et les pieds petits. Il a la démar-
che souple, élégante. C'est un montagnard, uu coureur,
un chasseur. Il adore la savane et ses grandes herbes,
dans lesquelles il se glisse comme un serpent, et où il se
sait invulnérable et insaisissable.
Armé de ses trois sagaies qu'il manie avec adresse,
son couteau à la ceinture, sans autre costume qu'un mor-
ceau d'étoffe serré entre les jambes, le Baya court tout le
jour à travers la brousse, suivant les étroits chemins ou
les pistes d animaux, toujours attentif, l'oreille au guet.
FORÊT ET SAVANE» CONGOLAISES 315
voyant tout avec ses yeux d'aigle, distinguant le gibier
au milieu des herbes à des distances inouïes, rampant
jusqu'à portée de sagaie et se détendant comme un res-
'sort pour rarement manquer son but.
A mesure qu'on va vers le nord, dans la direction
de TAdamaoua, on constate chez les Bayas Tinfluence
musulmane des Haoussas et des Foulbés. Les chefs por-
tent des vêtements, des burnous ou des bonbons flottants,
des pantalons bouflants, des bonnets piqués, des turbans
peints à Tindigo.
Les femmes portent des pagnes. La population subit
Tinfluence des peuplades plus civilisées du nord-ouest.
L'anthropophagie disparaît. Les cultures augmentent, et
aussi le goût du luxe et de Tapparat. Mais cela ne va pas
sans inconvénient, car les hommes vendront leurs fem-
mes pour acheter un sabre avec baudrier à glands, et
leur fils pour avoir un cheval.
Les chefs construisent les murs de leurs habitations
à la mode du Soudan, en pisé et très élevés, cherchant à
imiter ainsi les murs du ta te du chef Ngaoundéré, lequel
n'a fait d'ailleurs qu imiter les murs des grandes villes
du Centre africain : Kouo, Zuider, Katiéno, Hadeidje, etc.
Toutes ces villes ont, en effet, des ceintures d'épaisses
murailles de pisé. Celles de Kouo, qui ont 24 kilomètres
de tour, ont 12 mètres d'épaisseur à la base et 10 à 15
mètres de hauteur.
Comme tous les peuples de pays découvert, les
Bayas ont adopté la case ronde à toit conique, qui résiste
mieux au vent et est plus facile à rendre imperméable
aux pluies que les cases à surfaces planes.
Le costume national de la femme Baya se compose
d'une ceinture de perles, à laquelle on suspend derrière
et devant un bouquet de feuilles d'arbre que le bois voi-
sin fournit à nouveau généreusement chaque matin.
216 FORÊT ET SAVANES CONGOLAISES
Le55 femmes bayas sont toujours en train de rectifier
la position de leurs feuilles ; elles sont obligées de les
retenir quand elles se baissent pour entrer dans une case
ou de les plier quand elles veulent s'asseoir. C'est pour
elles une occupation ou un tracas continuels. C'est le re-
troussis de la jupe en Europe. Cela donne une contenance.
La femme baya travaille continuellement. Elle tra-
vaille aux plantations sous la protection de son mari, qui
l'accompagne avec ses armes. Elle prépare la nourriture,
fabrique la poterie, la vannerie, tous les ustensiles de
ménage, s'occupe des enfants.
Elle accepte facilement d'autres femmes do son mari,
car toutes travaillent ensemble et s'entr'aident sans ja-
lousie ni rivalité.
Du reste, la jalousie n'existe pas au pays baya. Un
homme tient à sa femme, car il l'a payée, et c'est une
valeur et une force dans son ménage ; mais les infidélités
le touchent peu. Si on lui prend sa femme, il cherche à
la reprendre comme nous essaierions de reprendre un
cheval volé, mais il ne s'occupe pas de ce qui a pu se
passer pendant l'absence. Il faut d'ailleurs croire que les
infidélités sont fréquentes.
Il est un adage baya qui dit ceci :
€ Quand tu as tué dû gibier, prends ta part avant
que les oiseaux de proie prennent la leur. Quand tu as
pris femme, fais de même et devance tes voisins. »
Il y a aussi certains rythmes et certains chants
connus, de signification convenue, que la femme emploie
pour prévenir son complice quand celui^'Ci, venant au
rendez-vous convenu, risque d'y rencontrer le mari qu'on
n'a encore pu éloigner...
Sur la rive gauche de la Nana, on trouve des femmes
portant dans la lèvre supérieure une rondelle de bois de
la groidseur d'une pièce de deux francs.
FORÊT ET SAVANES CONGOLAISES 247
La déformation de la bouche la fait ressembler de
profil à un bec d'oiseau. Nous retrouverons cette coutume
plus accentuée encore chez les Lakas.
La femme baya est bonne mère, aime ses enfants et
ne les quitte pas pendant leur bas âge. Elles portent leur
enfant à cheval sur la hanche. Souvent, elles se font «n
baudrier en peau pour le soutenir et le fixer contre elles,
de manière à avoir les mains libres pour travailler. Elles
allaitent Tenfant très longtemps, même quand il court et
qu'il mange.
Etant petits, les enfants ont tous un gros ventre. Cela
viendrlEiit, paraît-il, aussi souvent de Tinfiammation de
la rate et du paludisme que de maladies d'intestins occa-
sionnées par la mauvaise nourriture.
Le Baya est très industrieux. Une de ses principales
industries est celle du fer, dont on trouve abondamment
le minerai dans le pays, et principalement dans la région
de Gaza. Il traite ce minerai dans des hauts fourneaux,
qui rappellent assez les forges catalanes.
Avec des forges toutes rudinientaires, il fabrique lui-
même ses couteaux, ses armes et ses outils.
Son outil favori est une hachette qu'il ne quitte pas
et dont il se sert constamment pour abattre les arbres et
tailler le bois dont il a besoin.
L'herminette est aussi un outil de sa fabrication. 11
l'utilise pour tailler des calebasses à plein bois, dos plats
en bois, des mortiers à manioc, des tam-tam.
L'art de la poterie est réservé aux femmes, qui
obtiennent de très jolies jarres. Elles se servent d'ai^ile
mélangée de sable fin, et elles construisent h la main tous
les objets, même les grandes jarres déplus d'un mètre
de hauteur. Les marmites, qui ont été garnies de dessins
avant la cuisson, sont, après la cuisson, polios avec un
■galet et noircies avec du graphite que Ton* trouve dans le
218 FORÊT ET SAVANES CONGOLAISES
pays. Ces jarres servent à contenir les provisions (grains
et farines de manioc), et sont rangées et superposées à
l'intérieur des huttes.
La femme baya est experte dans Tart de la vannerie.
Parmi les ouvrages (|u elle fabrique sont des claies
en forme de panier, qui lui servent à prendre le poisson
dans les endroits herbeux des rivières.
Les principaux instruments de musique des Bayas
sont le tam-tam ou tambour et la cloche double, sur
laquelle on frappe à Taide d'un marteau fait d'une boule
de caoutchouc emmanchée au bout d'un bâton.
Jamais un chef ne sort sans ses tambours, dont le
nombre est un signe de sa puissance.
Les Bayas jouent également d'un instrument original,
espèce de harpe dont le son est presque semblable à celui
de la guitare. Il se compose d'une nervure de palmier^
bois dont on détache des bandes étroites d'écorce qui
seront les cordes. Ces cordes ne sont détachées qu'au mi-
lieu, passent à différentes hauteurs sur les crans d'un
chevalet et restent attachées au bois aux deux bouts.
Comme caisse résonnante, une calebasse coupée en
deux est fixée du côté opposé au chevalet. La harpe a
quatre cordes.
Pour en jouer, on le tient horizontalement, la cale-
basse appuyée contre la poitrine, et on joue des deux
mains.
Les Bayas n'ont pas le culte des morts. Néanmoins,
ils célèbrent les funérailles des défunts avec un certain
faste. La cérémonie consiste spécialement en danses et
festins. C'est de cette façon que ces primitifs manifestent
leurs joies comme leurs peines.
Pour les obsèques du chef d'un gros village, les
femmes, peintes en blanc, avec du manioc ou du kaolin
dans le cortège qui s'agite, sont les veuves du défunt. En
FORÊT ET SAVANES CONGOLAISES 219
toute autre circonstance, plusieurs d'entre elles seraient
déjà égorgées, découpées et mises au feu dans la marmite.
Mais j*ai défendu que la coutume soit observée, et j*ai
donné deux bœufs en échange pour le festin des funé-
railles — ce qui n a, par parenthèse; attiré personne. —
Gecî n*empéchera pas que, huit jours après mon départ,
le festin sera consommé quand même.
Ces anthropophages préfèrent donc la chair humaine
à toute autre nourriture. Néanmoins, ils élèvent des chè-
vres et des brebis. Us n*ont pas de gros bétail, bien que
les bœufs pussent parfaitement vivre chez eux. Ils ont de
superbes terrains de pâturages ; mais ils ont encore peur
des razzias de leurs voisins. Il est à présumer que cette
crainte ne tardera pas à disparaître.
Ils élèvent aussi des chiens, soit pour hi chasse, soit
pour les manger. Nous voyons ici deux femmes bayas
allaiter deux pauvres petits chiens dont la mère a été
dévorée par Thyène. Elles ne veulent pas perdre le béné-
Oce qu'elles attendaient des jeunes chiens devenus grands,
c'est-à-dire bons pour chasser ou bons à manger.
Commandant Moll.
(A suwre).
ACTES DE LA SOCIÉTÉ
Procès-VerbcU de V Assemblée Générale du 8 Mai 1908
Présidence dtr M, E. Dupont, Président .
La séance est ouverte à 8 heures 3/4.
• Après lecture et adoption du procès-verbal de la dernière
Assemblée générale, M. Boitier, trésorier, présente son rapport
sur Texercice 19U7, lequel se solde par un boni de 189 fr. 45. Ce
rapport est approuvé à Tunanimité.
Il est ensuite procédé à Télection de la série sortante des
Membres du Comité. Les Membres sortants sont réélus, savoir :
MM. Fritz, Guitton, Haussmann, Meura, MonsalUer, Monscourt,
R. Pesle et Preschez.
MM. René Bossière, Pierre Chariot et Au^. Maraude sont élus
pour compléter le Comité.
M. Loiseau, Secrétaire général, présente son rapport sur la
situation de la Société. Entre autres points, il signale que le bail
de celle-ci, prenant un à Pâques 1909, la question du local à choisir
va devenir pressante. M. Loiseau désirerait que Ton reprenne
l'idée de la construction, au Havre, d'un hôtel des Sociétés savantes.
M. Loiseau, après un vif éloge de l'activité de M. le Président
dans la recherche des conférenciers, annonce que le Bulletin
ces derniers temps irrégulier, va reprendre son cours de publica-
tion normale. La bibliothèque est de plus en plus fréquentée. Le
concours a produit les résultats accoutumés. Quant au recrute-
ment des Membres, question vitale pour la Société, le bureau s*en
est mainte fois préoccupé et, malgré les difficultés croissantes, a
pu recueillir de nouvelles adhésions. ^
M. le Président annonce que M. Louis Brindeau, député, don-
nera prochainement, sous les auspices de la Société, une confé
renée où il traitera des Ports transatlantiques français.
M. Ferd. Yanier lit quelques extraits d'une très intéressante
et très pittoresque communication de M. D. Lièvre intitulée « De
Marseille à Nouméa ».
Ce travail attrayant tant par l'agrément du style que par les
aperçus originaux dont l'auteur l'a émaillé paraîtra in-extenso
dans le Bulletin.
La séance est levée à 10 heures.
Actfas DB LA soci^ré
fil
MM. Jean Wagner, présenté par MM.
A Tissue de TAssemblée générale, séance da Comité, pour
statuer sur radnii.-.sion de :
Favier et Langlois.
G. Doublet et Guittou.
Dupont et Bellenger^Rosay
Dupont et Loiseau.
Lefièvre et Guitton.
Guitton et P. Gattiker.
Guitton et Boivin.
De Vigan et Dupont.
Dupont et Preschez.
Dupont et Trouvay.
Dupont et C. Couvert.
Sauvage et Favier.
Meura et Clochette.
Dupont et C*^ Flavigny.
F. Vanier et R. Pesle.
Dupont et Cap" de Tugny.
Dupont et U. Philippe.
Derome et D' Deronde.
Altmeyer et Meura.
Guitton et Schneider.
D' Dufour et F. Vanier.
Olier et Derome.
D' Dufour et F. Vanier.
Ë. AUeaume
C* Bellenger
Ë. Le Barrier
M. Gaston
Gattiker
M. Brunel
P. Laporte
René Boursy
C. Cauvin
Mignot et C'«
Pourchet
M. Ronssin
Colonel Feuchère
Grenier-Leniarchand »
Du Paty de Clam »
»
»
»
F.Thilippe
L. Eude
G. Nieolet
Von Haeften
G. Gouze
Duteil
Schmidt
»
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9
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»
»
»
»
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Ils sont admis à Tunanimité.
Procès-Verbal de la Séance du Comité da i2 Juin i908
Présidence de M. E. Dupont, Président
La séance est ouverte à 9 heures 3/4.
Il est procédé à la nomination :
i^ De la Commission du choix des questions pour le prochain
Concours de géographie. Sont élus : MM. Carton, Favier et
Loiseau.
^ De la Commission d'examen. Sont élus : MM. Boitier,
Chariot, Fritz, Guitton, Meura, Ferd. Vanier et Schmitt.
Est proposé comme nouveau membre :
M. G. Bourcy, présenté par MM. Ferd. Vanier et E. LeConiac.
Il sera statué sur son admission dans une séance supplé-
mentaire.
222 ACTES DE LA soGiéré
La parole est ensuite donnée à M. Robert Pesle qui, récem-
ment revenu d'un séj<mr de quelques semaines en Amérique, a
bien voulu nous communiquer ses impressions de voyage en
s'attachant surtout aux points qtd ofrrent un intérêt d'actaalité
pratique.
M. Pesle nous entretient ainsi du régime des h6tels, de Torga-
nisation des chemins de fer, du mode de transport des bagages,
des tramways, du métropolitain ; de New-York, des rues, du numé-
rotage des maisons, de Torganisation des ports, des ministères.
Il insiste sur l'esprit de libre et hardie initiative qui caractérise
les Etats-Lmis, et se manifeste particulièrement par la création
d'hôpitaux, d'écoles, de bibliothèques. M. Pesle nous expose en-
suite l'excellente organisation des heures de travail ; puis, après
d'intéressants détails sur les Bourses et la question nègre, il ter-
mine par un historique substantiel et concis de la dernière crise
américaine.
Après quelques mots de remerciements de M. le Président,
M. G. Bourcy, présenté au début de la séance est, dans une séance
supplémentaire, admis comme membre de la Société.
La séance est levée à 10 h. i/î.
Ouvrages reçus à la Bibliothèque de ia Seciéti
4m« Trimestre 1908
Le Berry, contribution à l'étude géographique d'une région fran-
çaise, par Antoine Vachrr, charge d un cours de Géographie à
l'Université de Rennes. Paris, i908, 1 vol. in-8, avec 48 lig. et
cartes dans le texte, 32 photogravures et 4 planches de cartes et
profils hors texte.
Lft Loire (collection des Guides Joanne), par Paul Joannr. Paris,
1908, 1 vol. in-10, avec 4i cartes et 12 plans.
L'OrléniiH à tfiote v^tpeur. — Le réseau du Chemin de fer de Paris
à Orléans de 1838 à 1908, par Henry Haoukt. Paris, 1908, 1 vol.
in-8, orné de nombreuses gravures.
La flofi#crio no X\* Hiècle. Etude économique et sociale, par
René Gonnard, professeur d'économie politique à l'Université
de Lyon. Paris, 1908, 1 vol. in-i8.
ilAley Berne ft «ic^nève. (Les Villes d'Art célèbres), par Antoine
Saintb-Marik-Pkrrin. Paris, 1909, 1 vol. in-4, orné' de H5 grav.
La Perse iraojoard'hai. Iran-Mésopotamie, par Eugène Aubin.
Paris, 1908, 1 vol. in-18, avec une carte en couleurs hors texte.
Autour de l'Afghanistan (aux frontières interdites), nar le Com-
mandant DK BouiLLANB DK Lacoste, préfacc de M. Georges
Lrygurs. Paris, 1908, 1 vol. in-8, contenant lî20 illustrations
tirées hors texte, gravées d'après les photographies de l'auteur
et 5 cartes.
Mes Croisières dans la .lier de Beliring, nouvelles chasses et
nouveaux voyages, par Paul Nibdibgk. Paris, 1908, 1 vol. in-4,
avec 132 gravures et une carte.
Plus près du Pôle, par R-E. Pbary, commandant de la marine
de guerre des Etats-Unis. Paris, 1909, 1 vol. ln-4, orné de 28 grav.
tirées hors texte et d'une carte.
L» uécooverte des Grandes Honrces du Centre de l'Afrique. —
Rivières de vie. Rivières de mort, Nana, Ouam, Penndé, par le
Commandant Lb.vpant, préfacc de M. Bouqukt db la Gryb.
Paris, 1909, 1 vol. in-8, contenant 115 illustrations et une carte
en couleurs.
Le Ruwenzori et les Hautes Cimes de l'Afrique centrale, voyage
d'exploration et premières ascensions des plus hautes cimes
de la chalne.neigeuse située entre les grands lacs éc^uatoriaux et
l'Afrique centrale, par S. A. R. le Prince Louis- Amédee db Savoie,
duc des Abruzzes. Relation du D' Filippo de Filippi, illustrée
Par Vittorio Sella, membre de l'expédition, traduite par Alfred
oizAL. Paris, 1909. i vol. in-8, avec IHO illustrations dans le
texte, 2'» planches, 5 panoramas en phototypie et 5 cartes hors
texte.
Trois années de chasse au Mozambicine, par Guillaume Vassb.
Paris, 1909, 1 vol. in-i6, illustré de 55 gravures tirées hors texte
et une carte.